-ocr page 1-
m
m^** Mil, Hos
M. 84
BBLIOÏHEBK YAN '8 RÏÏKS KWEEKSCHOOL
MILITAIRE GENEESKUNDIGEN.
VERSCHEIDENHEDEN.
MENGELiNGEN.
GENEES -HEELKUNDIGE , ENZ.
-ocr page 2-
de,
oCa- -^&fr^t-ce.
s
-ocr page 3-
ïuaiin O&^ 'ïßá. Aefhn^.-£«<?**-..
-ocr page 4-
ψ Ο LIT Ι Q U Έ
DU MEDECIN
MACHIAVEL.
ou
LE CHEMIN
DE LA FORTUNE
OUVERT
AUX MEDECINS.
-Ouvrage réduit en Forme de Confeils,
par le Dodeur Tum-Mo-Ham , & tra-
duit fur l'Original Chinois, par un
nouveau Maître es Arts de S. Cosme.
Première Partie.
^ui contient les Portraits des plus célèbres
Médecins de PEKIN.
:Dii,quibus Imperium cft animarum urnbrsque
^filentes
E&SfegpT, & Phlegeton, loca nofte filentia latè,;
Sit mîji^fas audita loqui : fît numine veftro * '
^n^treStis akâ terra & Caîigine merfas.
sàc-eKcuriuiolâ fub noéle per umbram &&
"" î^irÉL,. vu. JEneid.
a Ά'ήχ τ b*r ό a m%
Chez les Ffem-β ERNARD.
-ocr page 5-
A MONSEIGNEUR
DE LANGLADE»
V ICO M Τ Ε
DE CHAYL A >
'BARON DE MONTOROUX
&: Chambon, Chevalier desOrdres du
•Roi ,Direéteiu--Général de la Cavalerie
''& DragonSjGonverneur deVille-Fran-
> che en Rouffîllon, Lieutenant-Général
des Armées du Roi, Commandant de
la Ville & CMteau de Gand, &çs
ONSEIGNEUR,
On ne louerait jamais le vrai mérite, s^U
'falloit attendre qu'il y confentît. Ne craignez*
'pas cependant que je vienne vous ennuyer
,
fencenfoir à la main. Je ne vous parlerait
■MONSEIGNEUR -, ni du courage de et
' Guerrier, qui,par le plus heureux combat,? e$
ouvert les pertes d'une Ville$ou dépendaient
•les heureufes fuites de cette Campagne, ni de
ces traits de générofité & de bienfaifance ?
-ocr page 6-
dont vous m'avez* comblé, avec.tant Vautres.
C'efi le fort de Votre Sang de blanchir au
Service des Rois, & d'aimer à faire le bien.
Je fupprimerai même , fi vous voulez, ,
MONSEIGNEUR,pour mieux vous faire
ma cour, la jufle comparaifon 3 qu'on pour-
rait faire de Vous, avec un célèbre Philofo-
phe, 0" un des plus grands Généraux de
Ρ Antiquité ,_ Suçrate , & Alcibiade, quoi-
que , de Γ aveu de tous ceux qui fe connoiffent
en mérite, vous réunifiiez, la fagcjfe de l'un
,
la valeur de l'autre , & l'efprh de tous les
. deux...
Mais, MONSEIGNEUR, en defirant
dans l'Ouvrage, que fai ΐhonneur de Fous
offrir, une piaifanterie plus fine & plus déli-
cate
, plus d'art dans les Portraits, plus de
légèreté & d'agrémens d^ns leflyle , pourriez,-
vous ne pas agréer la feule reconnoiffance qui
fait en mon pouvoir, comme un aveu des
fentîmens d'un Philofophe , moins touché de
Votre Grandeur s que des qualités auffi ai-
mables , qu'ejfentielles, & de Votre Cœur
& de Votre Efprit. J'ai l'honneur d'être
avec le plus tendre & le plus re/peclueux
œttachemem,
MONSEIGNEUR,
Voue très-humble & très--
oWifliuît Seryiceur, &ς*
-ocr page 7-
R. Aflrkc, curieux L'ittératêur,-
& Compilateur laborieux", a,
voulu fçavoir ce que les Chi-
\nois penfoient de la Vérole ,
& moi (fans me comparer à un Ecrivain
qui écrit avec légèreté& frécî-fion , & qui
a toute la frofondenr que fnppofe l'uni-
verfalité de fes connoifiances ) j'ai defiré,
il y a long-tems ,-connoître leur Méde-
cine , leurs Médecins, & l'idée qu'en
avoient les Sçavans & les Beaux-Efprits
de ce' vàfte Empire. C'eft pourquoi dès
Ma plus tendre jeunefTe , je m'enibarquai
en qualité de Maître es Arts, dans ua
vaifTeàu de la Compagnie des Indes-,
qui alloi't à Me-a-co. J'y ai demeuré
vingt ans. Quelque difficile que foit la
langue Chinoise, je l'ai apprife enfin. J'ai
voyagé dans ce grand Royaume , j'ai
recherché la familiarité des Sçavans,
parmi lefquels je n'en ai trouvé que deux
vraiment dignes de ce titre ( car lej
Grands Hommes ne font communs qu'en
France ) dont l'un eft nommé J3ak,~Ko-
Kurb,Sc
l'autre Fum-Ho-Ham, C?eft à
Ai
-ocr page 8-
vf AT A NT - PR Ο Ρ OS..
ce dernier, qui eft premier Médecin de·
l'Empereur Kein-long ( ι ) aujourd'hui i
régnant, que je dois la découverte d'un
Manufcrit encore plus précieux , s'il eft
poffible, que celui qui a été envoyé par
les RR. PP. Miffionnairesde la Société:
de Je fus,
au fameux Cryfilogug. dont j'ai;
parlé: Non que cet Archîatre, prétehda
Chirurgien dans l'Ouvrage ,,foit l'Au-
teur de ce Manufcrit ; il le tient, comme
il me Ta raconté lui-même, de (es An-,
cetres, qui dans tous les tems ont eu.
des Médecins dans leur famille , & qui:
ont foigneufement fait pafTer ce tréfor
de génération en génération. J'ai d'a-
bord éré tenté, à l'exemple de ce Gmnd
Perfonnage_ (2.) , de faire graver fur
l'airain l'original Chinois, te^que j'ai le
bonheur de le poiTéder> mais latraduc-'
tion que je me propofois de publier en-
fuite , eut trop perdu à la comparaifon.
C'eft cette traduction , ce fruit mûr de
quinze années d'un travail afïîdu , que
je donneenfin au Public. J'ai été touché
de la milére , où les Lettres font aujour-
d'hui en France, & j'ai voulu enrichir
{ 1 ) C'eft-à-dire, bienfait dit Ciel
{ι ) Afin
-ocr page 9-
ΑΥΑΝΫ -PROPOS. vij
m pauvre Patrie de cette excellente pro-
dudion. Quel Legs comparable aux œu-
vres d'unauffi fin & auffi judicieux Cri »
tique que Fum-Hô-Ham ! Ariftatque des
Médecins , honnête - homme , comme
Linacre même , il ne paroît occupe qu a
faire diftinguer la Chatlatenene , de la
vraie Médecine , comme on iepare l y-
vraie du bon grain. Aux dépens de la
propre fortune qui dépendoit de 1 amitié
de fes Confrères, il en a demafqueles
rûfes & l'artifice, &, comme il le dit
lui-même , il n'a voulu être vraiment
Médecin , que pour être meilleur Ci-
toyen. Quelle reconnoiilance ne lui de-
vons-nous pas ?
J'avois d'abord traduit cet Auteur,
avec la dernière exâditude , dans le def-
fein de conferver toutes les beautés d'un
Ecrivain qui a mérité le furnom de
Grand. Mr. de Mentfour , qui , quoi-
qu'en dife un ( ι ) Jefuite qui a paflé
trente ans dans le Palais Impénal, fçut
parfaitement la langue Chinoise, qu'il a
-ocr page 10-
tiij AV'ANT-FROPCTS".
apprife, comme Adam apprit la Philofc*
phie , Montfour , dis-je, cet homme ad-r
mirable, qui a fait une Grammaire dans
une-langue (la plus difficile de toutes) ,
dans^ laquelle il n'a jamais eu de Maître ·,
• ni lu de livres, & plniîeurs autres autÏÏ
habiles ProfeiTeurs paroiiToient aflez con^
tens de la fidélité de ma Copie. Mais
quelques gens d'efprit & de goût que j'ai
heureufêment confultés , avant que de
rien donner alaPreiTe , m'ont fait fends
que la mode du lîecle ne meferoit pas
favorable, & que Pékin, Mé-a-co , C#m
ion , Confucîus , Aventius, Bak-Ko-burg
& tant d'autres noms, inconnus de Villes
& de Sçavans , refroidiroient un ftyls
plein de feu , anéantiroient une infinité
depetkes chofes qui intéreflent toujours,
quand on eft familier avec leurs idées, Se
en un mot mettroient le dégoût & l'en-
nui , à la place de milleagrémens.
Voilà les raifons qui m'ont engagé
à faire palier les mers à-mon ChinoisV
e'eft-à-dire , à tranfporter la fcéne en
France, dans la Capitale, & dans les plus .
fameufes Univerfités , à habiller, pour
ainfi dire, à la Françoife, le Manuicrit,
Se enfin à le traduire &. même.quelque-'
ibis à le commenter plus librement en-
core , que Fum-Ho-Ham n'açcufe avoir.
-ocr page 11-
AYANT-PROPOS.- m
tiffiàitit- lai-.même le Célèbre Mdchia-
Ici fe préfénte la plus curieufe des
Anecdotes Littéraires. Tout* ce que dit
le fçavant Docteur de Pékin ,-'fa inedeftie
même , qu'il femble avoir pouffée à i'e:o-
ces , pour faire rougir nos Auteurs ds
leur impertinente vanité, rien ne peut
m'en impofer. Je dois cette juftice au
grand Eum-Ho^-Hàm , qu'il n'y a ni
Bourgs s ai Villages à la Chine, où il ne
paiTe pour être le véritable Auteur de cet
Ouvrage , que , pour certaines raifons 3
qui ont été la bouifoule de fa. conduite x
il a cru pouvoir attribuer ànin nom fup-
pofé ; de forte que je ne doute nullement
que Alachiavel, qui 'a, vu un nom fem»
blable au fien, à la tête d'un livre qui
«kvoit rilluftrer ,. n'ait volé Fum-Ho"-
Harn
qui vivoit ,4n effet l'an du Soleil
ΐοοοοοοααοοοοοοοο. avant JMachia·*--
vel.
Mais pour* dire ici en paiiant,cequ»
j'ai toujours penfé de ce Politique ,β
dangereux hors du labyrinthe de la Mé-
decine , dont les détours lui ont été peu-
connus j je le regarde comme un grand
fripon , de même que tous fes Commen-
tateurs. Je n'excepte que Kàlentinus, qui
§& bien le plus-honnête Se le plus:foc
-ocr page 12-
*■ Λ VA NT -PROPOS. ·
homme qui ait écrit. Quelflao tufpciiH'"
blés que foiént les autres , ce font des
fripons, jd le repété. Pourquoi fe font-
ils avifé dlêtre Auteur/> Seroit-ce donc
peu de chofe que d'ên/e un grand Prince,
un grand Miniftreyiit n'y auroit-il au-
cune vanitm tirerjn'un rang , où le ha-
zard nous élevé yNon,l'efprit feul Sc-
ies talens dolven/ réellement diftinguer
les hommes ; ^Corneille étoit au-deiFiis du '
Cardinal * * *Wui pour des fommes im-
menfes auroit J&ouiu avoir fon génie &
même achetei/iVs ouvrages & fa réputa-
tion. Cornj?ien\de Fermiers-Généraux'
(j'entendsceux àViui l'éducation a appris
à penfer y vendraient leur place pour
quelques /grains dV celle de Voltaire !
Mais en/courant apVès la vraie gloire ,
qui a fa/fource dans le génie , on tombe
fouventA pour vouloirVtrop s*élever, Se
le
Maîjfre fé foumet à lès Sujets, qui le
jugent/ & qui font à fonVmr fes Souve-
iJinA/MjL· je m'écarte , revenons
Les François, peuple volage & plein
de lui-même , méprifent volontiers les ;
uns, auffi légèrement qu'ils prodîguenc
aux autres Teftime qu'ils ont principa-
lement pour eux-mêmes. Je veux leur
apprendre ici le cas qu'ils doivent faire
dlÈcrivains auffi refpe&ables que les Chî~ -
-ocr page 13-
AVANT-PROPOS.^ _ χ|
jtotfl, moins encore par leur Antiquité,,.
que par leur SageiTe. Mais à ne conful-
ter que leur préjugés pour la Nation An-
gloife, j'aime à penfer qu'ils en auroient
de plus favorables encore pour les Chi--
noïs, s'ils pouvoient les connoître avec·,
la même facilité. On chérit, on admire
aujourd'hui nos voifms , parce qu'ils,
font féparés de nous par un petit rui&an.
Gette admiration eft la maladie Epide-
mique de nos plus Beaux-Efprits. S'ils.■■
voyageoient à la. Chiner fi les bons Ou-
vrages de cet Empire leur étoient con-
nus , quelle, eftime, quelle vénération■-._
îi'auroient^ils pas pour des Ecrivains fé·* -
parés de nous par l'immenfité des mers ? ;
Avant lé commencement, de ce fiécle3.,
on n'avoit jamais imaginé que le génie
Anglois fiit , je·, ne dis pas préférable , ,
mais comparable ■- aux. bons Efprits de :
France.. Pourquoi donc ne feprendroit-'■-
on pas quelque/jour de Unième préven-.
lion , de la .^eme. fureur de-gaût pour :
les Chinois, dès qu'une fois j'aurai fait ;
fentir tout leur mérite à ma folle Nation 1 ·
Pburquoi une petite perruque,.: que porte-
ïoient les amateurs des grands Hommes
de la Chine , ne deviendroit-elle pas auflî I
comme l'Etiquette: de ces Sectateurs, &,,.:
la marque de leur admiration fie de leurs·;
-ocr page 14-
uj! AVANT-PROPOS.
nouveaux hommages ? Souvenez-yôui
de cette Prophétie ·, à peine 'aurai-je les:
yeux fermés à la lumière, qu'elle s'ac-
complira: \ "tiOuryû-" que Dieu me laiÎÎe
encore quelques années , -pour achever
ma traduction des· deux vol. in-fal. de'
Βαίζ-Κο-Biirg, qui contiennent la Criti-
que de tous les Ecriraiiis François, de-
puis là fondation de là Monarchie. J'au-
rai fans doute allez :vêcù, β après avoir'
montré tout le zélé des Chinois pour lesJ
Citoyens rnâlades, je démontre en mou-·"
rârit , l'extrême différence qu'il γ a 3
entre les génies de trois grandes Na-'
rions , & qu'en un mot la beauté & la'
foiidité , qui fe foutiennent &*s'embellif-'
ferit'tour-à tour ,t font la trempe & le rare
caractère dé l'efprir des Beâux-Efprirs de"
Mkin
principalement , ( car en Chiite, -
comme en France , il -n'y a dé beaux gé-
nies ï que ceux qui ont été élevés dans la ;
Capitale, ailleurs l'efprit reiTemble à ces '
plantes femées dans un mauvais terreih * ·
elles n'y croilFent point, ou elles y dége--
ffdrent, à moins qu'elles ne foient extrê-
mement'cultivées, y?
Voila la Nature des plus exceilens-τ
Efprits que je connoiiTë. J'ai déjà infinité'
se que je penfe du génie de mes Patrie-'
fï^-En-générai il eft léger,. fuperneiei %
-
-ocr page 15-
AVANT-PROPOS. χ%
incertain , mignard ,/.& .vain ; l'amour
propre feul paroît prefque toujours être
la régie de leurs>jugemens, θέ.de leurs
décifions Tel quLéleve JOpe, au-deflus /
de Voltaire, Sakefpmer au-deiïus de Cor- /*
nulle, Newton
au-deilùs ,de Defearies, a
plus de vanité, cent fois , que celui~qui
içachant, apprétier pfeilofopjbiquement le
génie .en.'· foi-même, décide avec vérité
que les Angiois ne font point compara-
bles aux François. Qu'eftce enfin que le
génie Angiois , puifque la rapidité de ma
plume me .conduit i lVscarqnw , }{$ΰβ
rn'écarrer de mon.fuje'tî.Ce.n'eft , à mon
jvis, qu'une irnpétuoiîté féroce," comme
:Ie Poète .des François a peint le courage
-de Jeurs foldats, il ne rçconnoît aucun
-frein; an contraire pliis il çft.grand ,&
vafte , plus il fecoue le joug des régies.,
.plus .ii.fexnble dédaigner de s'afiTervir an
goût & à l'ordre ; s'il s'élève ici, c'fft
pour retomber là, rien de foutenu, rien
de fi conttamment beau , ^ue chez nos
-bons Efprits, En un nsot îe génie An-
giois fait des -JEntoufîaftes & non des
•Ecrivainsfages·, la vérité eft bientôteon-
fondue avec l'erreur ,_par les reiîbrts peu
.ftiefurés de leur imagination : toujours
.tomme en délire, elle ne connaît ni la
mfon3 qui doit toujours .conduire ί'φ
-ocr page 16-
t&r A V A Ν Τ - Ρ R'O Ρ OS.
prit & préfider à un Ouvrage, ni les bût>
< Bes qui lui font prefcrites.
Après cela lequel des deux fuffrages
fflattera le plus la Nation Chmoife ? Au
• .quel mépris fera-f*elle le plus fenlible?
■ Il faut croire que tout hommage la nat*-
ïîera. Les Médecins de VEurope, qui for-
ment une Société éclairée, lurtout chez
l'Etranger , fe contentent bien le plus
fouvent de l'eftime & de l'admiration du
vulgaire. Combien peu de Docteurs dans
■Paris recherchent les feuls éloges qui
puiffent flatter l'amour propre, ceux des
vrais Sçavans l Pourquoi donc à la Chine
feroit-on plus délicat, ou plus difficile
qu'en France? Il eft vraifemblable que
nos hommages , quoique aiTez vils com-
munément , pourroient fatisfaire l'ambi-
tion & la vanité d'un peuple , qui ne pa-
iroît pas à beaucoup près, en avoir autant
que nous & nos voifins.
Je dois avertir que j'ai quelquefois mis*
du mien , dans l'Ouvrage de Fum-He-
Ham-,
non qu'il fût néceiTaire de faire
diftinguer mon ciprit d'un génie aufli
ifupérieur, mais afin qu'on fçache que
j'ai adouci les peintures , qui m'ont paru
trop chargées , & que j'ai rapproché les
traits les plus fatyriques des mœurs 8c
des ufages des Médecins François. Tant
-ocr page 17-
AVANT-PROPOS. :%tr
de friponneries , tant de vices, & même
de crimes odieux ne pouvoient leur con-
venir. Quoiqu'ils ayent prefque tous
fort peu de feience , & que tout leur mé-
rite coniîfte dans Inhabileté de, leur Char-
iatenerie, ou à plaire aux Dames par de
petits remèdes auffi innocens , qu'agréa-
bles, _&c par de jolies chofis qui les amu-
fent, nous devons croire pieufement que
leur éducation doit les garantir de tous
ces écueils de la probité , qu'on trouve
à chaque pas dans notre ancien Auteur,,
. & qui font trembler la vertu la plus af-
: furée.
Mais cependant fi l'on imaginoit que
mes propres adouciiTemens me tràhiiîènt,
:iî j'apprends que l'on fe croit défigné par-
ticulièrement par un Traducteur , efpéce
de Copifte qui n'a eu que des vues géné-
rales , tandis que l'Auteur feul eft coupa-
ble ; alors je ferai dans une féconde édi-
tion , ce que je n'ai pas fait dans celle-ci,
c'eft-à-dire, que je nommerai ceux auf-
quels je n'avois feulement paspenfé, &
;i'on peut compter que je tiendrai parole.
Sera-ce ma faute à moi, fi des Médecins
3ui doivent être diferets pat état,, ceiTent
e l'être à leur dépens ,& fi, aveugles
fur leurs propres intérêts, par des plair»-
:les,aaffi injuftes, quincoufidérées, ils
-ocr page 18-
ι*η AT Α Ν Τ -Ρ R -Ο Ρ Ο S.
apprennent au Public qu'ils reiTemblent
parfaitement aux Doéteurs dévoilés , &
fi rigoureufement châtiés par le Régnier
& le Molière des Chinois ? Se rai-je cou-
pable des plaifanteries & des railleries,
aufquelles leur propre indifcrétion les
mettra inévitablement en butte , parce
qu'ils auront apprêté à rire à des gens,
que les ridicules de la Faculté , quoique
groffierement expofés par un comique peu
digne de fon Auteur, n'y avoient déjà
que trop difpofés.
Nous ne devons cet Ouvrage, dans la
fperfeétion où il eil aujourd'hui, qu'aux
plaintes faites fur les idées générales que
Fum-Ho-Ham avoir publiées, pour la re-
forme de la Médecine de fon Pays. A
mefure que quelqu'un élevoit la voix,
ou paroiubit vivement piqué, il mettoit
un carton à fon livre, & nommait les
■mafques.
J'imiterai certainement mon Auteur,
Se comme il n'eft pas poffible que les dis-
cours & les plaintes ne me reviennent,
c'eft alors qu'on aura lieu de pouifer des
cris, que tous les Echos de la Faculté
feront retentir fur ceux de Saint Corne,
qui eu riront. Non-feulement chaque
-perfonnage fera défigné par tous fes noms,
hc toutes fes qualités, mais par fa figure.
-ocr page 19-
AVANT-PROPOS, xvij
 chaque Portrait, il y aura une Eilampe
qui repréfentera le Dooteur dont je par-
lerai. Bacouill fera le premier peint &
gravé d'après Nature , refirénsfaclem ca-
cantis,
comme je le dis, & jamais Suetonë-
n'aura fi bien faifila reifembi'aRce de l'Ém*
fereur Vefyafien.
Enfin je donnerai la clef '
de tout l'Ouvrage.
Les Charlatans dé tous les climats fe
reÏÏèmblent , les mêmes profeffions ont
les mêmes intrigues & les mêmes riïfes„ -
11 ne feroit donc pas fnrprenarit qu'il y
eiit de grands Médecins a là Chine , qui
fuiTent des: ef£>eces; de Somndfnbules, com-
me Philantrope ; des Charlatans qui veh-
dfrTent de l'eau deFongere , dé l'eiTencë*
devenus, ou des tifannés Antivenèrién-
nés , comme F^erminofus ', Sigogné Àlon* ·
gin,
&c. des Médecins, qui fiiTent des
Comédies & des Romans, comme Éfope"
Se
'la Rofè : d'autres qui blâmant la fai-
gllée j ne vantailent que' lesflniples", poiir "
duper ceux qui le font *» tels que les frè-
res Tournefd ; quelques-uns ', qui poUt '
oublier ceux qui les oublient,. paifaifènt
tous les jours quinze heures au lie-·, tels
que Rufus ; qu'il y en eût d'ignofans qui
parle jeu, comme BàcouîU', par une belle
femme , comme Erofîatre /ou en faifant
la cour à des- valets, comme Jwqmlh ,
Β
-ocr page 20-
xviij AVANT-PROPOS,
&c. s'introduiiîiTent dans celle des Rois
& des Empereurs.
Un Sçayant Médecin deLeuvaln (\)>
connu par quelques Ouvrages qui lui ont
fait Honneur , vous dira qu Angel balança
par ion ignorance le fçavoir du célèbre
Commentateur Latin des Aphortfmss de'
Boerhaave{i
), Et ¥Ardn-Angel des Fran-
çois , Bacouill, plus heureux encore qui-;
gnorant, ne Fa-t-il pas emporté fur les
plus redoutables Rivaux 5 Tant il eft vrai
que le vice & l'impéritie peuvent être ;
par tout également favorifés, & qu'en un
mot les mauvais Médecins font de tous :
les Pays 1 Et par. conféquent,je le-répète,
il ne feroit point du tout étonnant que ,
quelques-unsdes nôtres y (parmi lefqueis
la médiocrité ne fe fait gueres deilrer 3
fy ce n'eft en Cbarlatenerie ) fe trouvaf».
fent peints dans cet Ouvragé y comme
ces auditeurs, qui fe'reconnoiiTent de
bonne foi dans les portraits que font nos
Prédicateurs,· quoique .ce foit par ha-.
zard, ou par une certaine uniformité né-
ceifaire de la nature & des états, fans que-
j'aie peut-être l'honneur dé connoître.
ceux qui fe croiront les plus maltraités.
{ιJ Mr. %/»,           ( i ) FMSvfhterh
-ocr page 21-
AVANT-PROPOS, xix
Au refte , quoiqu'il en foit, que ces
Médecins de nom n'ajoutent pas à leurs
défauts & à leurs ridicules la vanité de
croire , que c'eft d'eux-mêmes, de leurs
mœurs, (qui font toujours facrées pour
moi , mais non toujours pour Fum-Ho-
Ham )
de leur conduite , & enfin as
leurs Ouvrages , qu'on a voulu parler &
faire l'hiftoire : autrement je leur protefte,
qu'au moindre murmure que j'entendrai,
& leurs noms , qui joiiuToient d'une heu>
rettfe obfcurité ,& leurs plates figures,
qu'on n'avoit jamais coniiderées , feront
honteûfement confacrées à la poftérité ,
dans un livre qui ne peut certainement
périr. «
En effet c'eft d'un Ouvrage, tel que
celui-ci, & non d'un mauvais Traité des
Fièvres malignes
, qu'on peut dire , exegi
J\4onumentum areperennius
( ι ). Fum-Ho-
Hkm
a approfondi un fujet abfolument
neuf ,'& qui n'avoit pas même été effleu-
ré par qui que ce foit y un fujet utile
pour la reforme de la Médecine , pour la
perfedion ' des Médecins , & la fureté
des malades. Une fage & fine politique s
que la probité accompagne toujours,
( i0 Efigt-ajihe dé Chirac. Quelle vanité l
-ocr page 22-
xx AVANT-PROPOS.
comme fi elle eut été faite , pour fervir '
d'Antidote à celle de Machiavel, eft la
baze de fon Ouvrage ; enfin les agrémens·
du ftyle font peut-être inimitables dans -
l'original , mais quelque yerfé que je ■■
fois dans la langue Chinoife, j'aurai fans'
doute mal rendu les plus grandes finef-
fes, & les -principales beautés de Fum-
Ho-Ham.
La Médecine eft fans contredit la pins -
utile & la plus néceiTaire de toutes les
Sciences ( 2 ). Les Médecins font même -
les feuls Philofophes qui foient utiles à ·
la République & fervent l'Etat. Tous les i
autres font des hommes oififs, qui fe>
contentent d'admirer la nature , les bras r
eroifés, fans pouvoir- lui porter le moin-
dre fecours. s Les Abeilles vont- chercher*
le fuc des plantes, elles le portent dans-
des Ruches quelles ont- elles-mêmes-
merveillelifement conftruites. Pour qûL·
travaillent - elles ? pour· les Frélons,i
Les Philofophes font ces Frelons ·, le
Commerçant , î'e> Militaire , l'Ouvrier ç.
le Médee-in , voilà les Abeilles , dont la
diligence eft plus mal récompenfée , que ·
la parerTe* Se l'inutilité de.ces dangereux*
(ï.)Mùlk^necsffmM. Boerh. JnfiyMefU -,
-ocr page 23-
'AVANT-PROPOS; pfc
lafeéres. A quoi fert un Auremm, va*.
Chef lu
, un Zinba & tant d'autres frivoles-
Diitequeurs de Puces ï A confidét er , à ·
admirer les ruches que d'autres bâtifFent -
& entretiennent,-
Le monde «nier livré aux vaines dis-
putes des Philofophes , ne fë eohferye.
que par les Médecins.; La vie des Ci-
toyens leur a été confiée dans tous* les!
■tems par l'ordre des Rois, & les Arrêts·*
«des Parlemens : il étoit donc-aufîi îndif-·
penfablement néceiTaire de fçavoir à quoi.
s'en tenir fur la Médecine & fur les Mé-·-
decins, que fur les marques , qui diftin--
gment eiTentielleHient la bonne monnoye»,
de la faufte, ;
On croira -peut-être que Fum-Hc~~
Ήατη
eft un être imaginaire - forgé par le
Parti Chirurgical, pour allumer le feu
de. la guerre, aux quatre coins de la Fa-
culté. On- répandra, je le fens bien ·,. des·.
foiipçons fus.· la certitude la plus évidente
de l'exiftence de- mon Chinois, pour noir-
cir le Traducteur , peut-être parce qu'il ·
eft François, & qui pis eft, parce qu'ort-
ie croira Médecin, faux-*frere incligne >-
qui, à force de révéler le Secret de i'E-
gtife ,
ne peut manquer de ruiner-à-là "fia*
là Sacrifiiez On-dira que je né fuis qu'um
.Calomniateur j ua-fatyriepe plus effréné».
-ocr page 24-
xxïj ; A VA NT"-PR Ο PO S.
que tous les Anciens & les Moderne! »
tin mauvais Gitoyen, d'autant plus dan-
gereux , que j'affeéte pour couvrir ma mé-
chanceté & mieux diftiller mon fiel, le -
zélé le moins fufpect & le moins hypo-
crite , &c« .Car quelles bornes ont les :
relTotirces de l'amour propre irrité ;
Mais pourquoi le Ά Hardoùin n'elfc-
il pas vivant, pour impofer filence à ces >
vains difeoureurs. ; Je fuis perfuadé que
lui-même, qui a ofé douter de la réalité ■
des œuvres de St. Âuguftin, & de plu-
fieurs autres Pères de l'Eglife , lui qui a ■
fi bien commente Pline, fans l'entendre, ,
& qui a cru que cet Auteur était fort an-
cien , parce qu'il l'avoit honore d'un Com-
mentaire , oui je fuis convaincu que ce
fçayant Jefuite, fi peu crédule cependant»
eût. avoué avec fa bonne foi ordinaire s
qu?on trouve dans Ftem-Ho-Ham des tra-
ces.de l'Antiquité la plus, reculée.
Maii pourquoi évoquer les ombres
faire fortir les morts de leurs tombeaux î
Nous avons des Auteurs vivans , gens ·
d'efprit, quoique d'efprit incertain , qui ι
fans fortir de leur Cabinet, & fans avoir
été-plus inftruit que Montfour .font plus
au fait de FHiitoire de la Chine, que le
P. du Halde , le P. Pafennin , &c tant
^'autres Jefuites qui ont été cinquante
-ocr page 25-
A TA NT- Ρ R 0 PO S. xÊif .··;
'ansdans le Palais de l'Empereur. Je.parlek
d'un ; Littérateur célèbre ,- devant qui ;
j'aime à voir muet, cegrand Bavard Chry-v
fotpgut.-Ç^tÇc Ketfre.
Je le prie de lire at-
tentivement cet Ouvrage, & je n'en veux..::,
appeller qu'à fa décifion. Je. fuis fûrqvt'ii ..
comptera certainement-Beaucoup plus lur h
un Ecrivain,, de la Trempe & d'un Cà-
ra&ér.e aufll: fortement marqué » que F.:s
que fur toutes les frivoles Relations de
nos eommerçans Millionnaires,. Un auflfc ::
fin connoiiTeur en ftyle '-., devinera fans
peine l'ancienneté de celui-ci, malgré le·
déguifement d'une traduotion. L'homme
dont : je parle , eft un des plus refpetfca-"
blés perfonnages de la ' République des- -
Lettres ; nouveau Pafqmer,-il a fait.pen-~
danx vingt ans les plus utiles & curieufes
recherches fur d'origine des Bordels (ι).
( ι ).Ce mot Se plnfieurs autres qu'on a pris
la liberté d'employer·, pourront -Méfier la plupart
des Leâeurs, ou plutôt leurs préjugés. On ne
refpette point des delicateiîes auffi puériles dan*
les: autres langues. Le! Latin dit Frafiihdum ,.
fçottum , coïre, mucus ,fs>ees alvinst, &c. Autre-
fois on n'eut pas ofé traiter en François des Par-
ties de la génération , de la manière dont fe fa:*
l'enfant j le mot de Veiole que nos Dames pro-
noncent aujourd'hui fans fcrupule } étoit isdé-
«ent & ©dieux. Oii écrivoiteH Latin ; on parjoit
-ocr page 26-
aiv- AVANT-PROPOS.-'·
Enfin fi l'on imagine que c'eft fous le· -
nom fabuleux de FI que j'ai voulu infî-
nuer la politique de M-œchiavtl , que'·
ceux qui l'ignoren-t apprennent qu'elle fe
réduit à trente-pentes-prbpofitions, qui-
ne démafqcie-nt pas plus 'l'artifice-& les» -
rufes de-s M édeeins Charlatans habiles ',■%
que les plaifanteries Se les confultatiohs « *■
qu'un Médecin de-peu-d'efpck-& dégoût-
fourniiToit à Aioliere.
Il n'y a qu'à comparer F. avec Αί>·; la -
Gharlatenerie; de celui-ci eft fi grolîîere ,·■_.
qu'il n'y a pas de'fage-femnie qui ne la·
faifiife facilement, tandis -que celui-là eft'·'··
admirable par l'étendue -, la fineiïê-, la-
profondeur des vues, & -l'univcrfal-ké de '
les eonnoiiTânces ,· tant Phyfiques, que
Morales.
Je prétends encore moins devoir être- '
acéirfé , d'avoir fait avec acharnement la
pliisarFrèufe des Satyres/pour nuire à un '*■■
Corps refpeotable , & que je -refpe&e'"
peut-être plus que perfonne. Je me croi-;
rois digne du· plus grand mépris, fi je'
pat longues Periphrafes ; mais aujourd'hui le'
voile d'une prétendue pudeur eft' levé.· jtflmc
même qui dic^.qu'il a écrit en Latin, par de'cence
deMork Vener. a fait traduire , quoique raauffa-r
dément,.foh livre,.,par vanité. ■
n'étois
-ocr page 27-
AVANT - Ρ R Ο Ρ Ο S. :χχν
-frétois pénétré d'admiration & derecon-
•noiiTance peur les Ecrits utiles & lumi-
-neux, qui font fortis il*y a long-tems de
-quelques plumes célèbres parmi les Mé-
decins de Paris. JEn un mot, comme je
l'ai déjà dit, je regarde la Médecine s
comme la plus belle & la plus utile des
Sciences, j'honore les vrais Médecins , 8c
je penfe qu'on ne fçauroit trop payer» v
Soutenir, & encouragerleurs talens.
Mais en tefpeotant les talens & les
'mœurs, le bien public m'a donné la force
d'attaquer les défauts de l'efprît, unique-
ment encore parce qu'ils influent fur la
perte d'une infinité de Citoyens , & que
c'étoit peut-être le feul. moyen de les cor-
riger. Au refle nulle calomnie dans tout
ce que je donne , fait de;F.foitde moi-
même ·, & fans le caractère de vérité Se
de candeur, que femblent par-tout refpi-
ter les Ecrits du Docteur Chinois, il ne
m'auroit jamais compte au nombre.de fes
•Apôtres.
Mais , croira-t-on encore objecter,
la medifance, félon F. même , eft l'élé-
ment de fon efprir, ou l'aliment de fon
Ouvrage. Soit ; mais fi la vérité feule
y règne , fi la médifanee n'eft qu'un
mafque odieux , qu'on a voulu donner
«ux vérités qu'on avoit lieu de craindre »
C
-ocr page 28-
xxvj A VA NT- PR Ο Ρ Ο S.
fi le plus grand intérêt des hommes ,! à"
qui tout refpeéfc humain doit céder , fait
tomber ce mafque impofteur, fi enfin un
Médecin, même φ tenu par principe de
Religion , d'expofer, d'afficher le bri-
gandage de Tes propres Confrères, com-
me l'a penfé & exécuté ( Fans fuccès ) le
pieux &..zélé Mr. -Mecquet , alors , je
vous le demande , à vous qui me defap-
prouvez, de quelle force feront toutes
vos raifons , Se les argumens dont on
voudroit fans doute pouvoir fe fervir ,
pour folliciter lafupprefiion de l'Ouvrage
le plus utile qui ait paru depuis la décou-
verte de l'Imprimerie.
LaiiTons donc aboyer les Médecins.
On n'a rien à craindre, ni à fe reprocher,
quand on a pour foi la juftice } la vérité,
& l'amour de l'ordre. Je défie la Faculté
en corps de me convaincre d'avoir avan-
cé aucune fanifeté , ou calomnie. Pour
prouver contre elle-même tout ce que
j'ai dit depuis la première , jufqu'à la
dernière fcéne xle cette Tragi-Comidie ,
je n'en veux appel 1er qu'au témoignage
intérieur de la confeienee des perfonnes,
quelles qu'elles foient , qui connoùTent
les Hommes dont je parle, ( pour les
pénétrer, il n'y a qu'à les fuivre au lit de
leurs vi&imes ) &, ce qui eft encore plus
-ocr page 29-
Ά V ΑΝΤ -Ρ R ΟΡΟ S. xxvif
..généreux , je prends pour juge ia confi-
dence3 même des Médecins, s'ils en ont
autant qu'on leur en a fuppofée dans cet
Ouvrage.
Qu'il me fbit permis d'ajouter ici une
dernière réflexion , qui "finira cette lon-
.gue Préface. Madame la Marquife *'**
difoit à Mr. * * * qui venôit de publier
un Ouvrage hardi fur une matière des
plus délicates; »M. je trouve votre Livre
» fort bon, mais il vous fera grand tort. «
Cette Dame ne fongeoit pas qu'elle par-
loit à un Auteur»
Je fens que mes amis pourront me faire
aufli juftement les mêmes reproches 5 mais
j'avertis que je n'y ferai fenfible , qu'au-
tant qu'ils feront accompagnés de lame-
tne circotiftance , fi je l'ai méritée.
Ce qu'il y a de certain , & ce que je
puis protefter avec candeur , c'eft que le
séle feul de F. m'en a infpiré pour le
bien public. N'ayant pas l'honneur d'ê-
tre Médecin , eft-ilfurprenant que je
plaide pour la vie des hommes ,-ôc que
: j'aie pour elle un refpeét /devant qui
toute autre confédération s'évanouit. Une
caufe de cette importance demanderoit
ia force d'Hercule ,& j'ai peut être la
foiblefife de "Terfite. Mais fi les parties du
grand Avocat m'ont manqué , du moins
-ocr page 30-
xxviij AVANT-PROPOS.
ne me refufera-r-on pas celles du bon
Citoyen.
Ο vous , qui pouvez devenir malades,
coniiderez que ne pouvant prévenir les
miféres attachées à l'humanité, j'ai fait
tous mes efforts pour vous garantir des
Médecins. Si donc ces ennemis de notre
Société m'attaquent en corps d'armée,
que peut faire un Maître es Arts, féal
contre tant de Docteurs furieux ; Vous
qui voyez le courage d'Aigle qu'il m'a
fallu oppofer ( contre ma propre fortune )
à des abus & à des préjugés prefque aulfi
anciens que le monde , prenez un peu ,
cher Lecteur, les intérêts d'un homme
qui s'eft volontairement facrifié pour dé-
fendre les vôtres.
Vous, jeunes Etudians, que j'ai voulu
inftruire & former , il y auroit trop d'in-
gratitude à m'abandonnera la colère de
la Faculté : Et vous enfin Médecins ( ι )
dont j'ai dévoilé l'ignorance , la Charla-
tanerie , & le Brigandage , peu connu de
ceux-mêmes qui l'ont voulu faire con-
noître, que votre amour propre irrité
.,----r---—----------------------:----------------------
,(i.) Eft-il néceffaire de répéter , que c'eft
toujours des mauvais Médecins , que je parle ,
& que je fuis pénétré de refpeft pour l'Art-&
î pour les·Hommes qui y excellent,}
-ocr page 31-
A V AN T-PROPOS, ώ!
ne vous empêche pas de rendre juftice à
qui vous la rend. Croyez que ma langue
ne s'eft dénouée que pour la vérité , que
je ne parle de vous, que comme l'Hif-
ïoire , & qu'enfin (je vous le jure ) pour
dire du bien de vous, je n'attends que
i'occafion de vous en voir faire.
•m
e $
-ocr page 32-
xxx Difcoun de Fâm-Mà-Bdm t,
mu& mm* <mm &% &* ^is©
DISCOURS
D Ε
FUM-HO-HAM,
A L'EMPEREUR
KEINLONG
A Votre NaiiTance, Vous fïïFes an-
noncé à vos Sujets , comme un Bienfait
du Ciel,
ils ont tremblé pour les jours de
Votre Majefté, dans fon Enfance ·, mais
dans un âge plus mûr , dès qu'on Vous a
connu , on Vous a nommé l'Amour du
peuple j Keih-hng^ le Bien-aimé , dans un
tems, où Vous alliez difparoître à nos
yeux, tems où la Critique s'arme contre
les Rois mêmes Se les Empereurs.
-ocr page 33-
aTErnpereur Rein-hng, *XXJ
Durant leur vie , ces Potentats exer-
cent un pouvoir defpotique, mais après
Tribunal de leurs Sujets , qui ne diient
du bien, que des Princes, qui en ont
faltEhl Comment, SIRE, refuferoit-
o„ ces hommages à V. M. ? Vous -ez
reçu du Tim ( ι ) un cceur , tel qu «ne
làdonne pas à la plupart des Grands de
vos Enfans , & de bonté pour vos Sujets,
un coeur plein d'humanité U de douceur,
fenfible aux charmes de l'amitie & capa-
Ue d'aimer. U a éclairé votre efprit des
plus pures lumières. Les intrigues lour-
des àï la Cour ne font, à vos yeux.que.
desjeuxdelavanité&delafoibl^,
dont vous connoiffez tous les détours
ambitieux, &c dont vous riez ieei-ette-
ment, comme des miféres humaines. f
Envaitî lé'plus artificieux manège
s'efforce-t-il de vous maiquer les nom-
mes , vous voyez leur cceur fur leur viia-
ge, vous pénétrez dans leurs yeux le fond
de leur am€, tandis que votre prudence
êe votre diferétion vous rendentvous-
< ι ) Le Dieu des Chinois
-ocr page 34-
xxxïj JDîfcours dé Vum-Hà-Hkmi
même impénétrable aux regards les plus»
perçans. Aufli infeniîble aux faux bril-
îans de refprit, qu'à la flatterie &■ à l'a-
dulation , la raifon feule vous frappe,
comme la véritérégie & éclaire tous vos.
jugemens.
* Depuis la mort lente de ce Menàdrin
prudent, mais trop pacifique , avec quel·*
îe admiration ne vous voit-on pas tenir
iès Rênes de votre Empire 1 Vos peuples
applaudiflant au choix que vous avez faic
de vous-même , pour premier Miniftre ,
fe trouvent d'autant plus heureux , que
c'eft par vous feul qu'ils pouvoient le de-
venir. Ils s'habituent iî facilement à n'en:
point voir d'autres , que , file choix leur,
eut été permis, Kcin4ong en eût été l'uni-
que objet. Ils voyent avec plaiiîr que le.
zélé & l'ardeur de Votre Majefté a dé-
concerté pour jamais la folle ambition,
de ces foibles génies 8c de ces cœurs cor-
rompus, qui briguoient une place émi-
nente, plutôt pour leur propre bonheur,,
que pour celui des Citoyens, une place
prefque au-deffus des forces de l'huma-
nité , une place où le vice a été tant de
fbis, je ne dis pas impuni , mais cou^
ronné , une place enfin , où l'on ne de-
vroit faire monter que la fageiTe & ia
vertu, de dont par conféquent eft in4it
-ocr page 35-
'λ ÎEmpereurKein-hfigt χ^χιίψ
gne , quiconque remue un parti , pour*
s y élever. L'exemple du- paiTé les faifoit'
îrembler pour l'avenir. ·
Un Empereur tel que vous , SIREjr
qui aime fes Sujets, autant qu'il en eft
adoré , doit les gouverner lui-même , if
n'a qu'à vouloir , & ils font heureux*
Qui a moins befoin de fecours étrangers ï
Qui peut mieux tout voir , tout foutenir,-
tout conduire par lui-même , qu'un Prin-
ce de la plus haute Sagefife , pour qui*
Minerve & tous les Dieux femblent avoir5
épuifé leurs bienfaits 1
Une face auffi digne de l'Empire ', fa-
ciès /mperio âigna
, comme parloien't nos
Anciens, infpire néceiTairemenT l'eftime;
& le refpeér à ceux mêmes qui font faits »-
non pour ramper dans lesCours desRois,-,
mais pour juger les Rois & les Bmpe--
reurs. Je parle de ces hommes fe ν ères s,
que la pompe & la grandeur ne peut*
éblouir , de ces organes hardis de la vé--
rité, qui devroient être les feulsCourti--
fans des Princes ι ces Philofophes , qui"
ne donnent d'Eloges aux Souverains »-
qu'autant qu'ils les trouvent dignes de
l'être. Vous n'avez rien à redouter de>
leur févérité 5 vos difcours ont gravé dansr'
ces cœurs ( dont le feul hommage doit
âatte* les grands )_, la vénération
-ocr page 36-
Xxxïv B$0tirs de Fum-Ho-Bdm 1
que votre Perfonne infpire : & pour
c-êtte fois enfin ce n'eft point la flatterie ,
qui a trouvé Y homme, qu'on cherche de-
puis iî long-tems.
L'élégance, la netteté, la- précifion,.
la profondeur font connoître la folidité
de votre génie , dans vos converfations
les plus indifférentes. Roi quand il faut
être Roi, quel plaifir de quitter quelque-
fois le Sceptre & le Diadème , pour
mieux fentir le prix de l'humanité ! Vous
dépofez en fecret le faite incommode
de la Royauté , pour être homme, pour
vivre familièrement avec ces Seigneurs
aimables Se valeureux, à qui Mars &
l'Amour accordent tour à tour, à votre
exemple, leur confiance & leurs faveurs.
Ils trouvent dans leur Prince un particu-
lier aimable, plein d'attentions & d'é-
gards , un Maître rempli de douceur,
qui, en fe communiquant, ne perd ja-
mais rien de fa dignité : Quelques-uns γ
trouvent un ami auffi fincere, auffi vrai,
que puifïànt, & dont la Cour eft l'azile
des malheureux qui ont de la vertu.
A cette douceur fi féduifante , & à la-
quelle on rend d'autant plus, qirellefem-
We ne rien exiger , vous joignez , SIRE ,
de l'aveu de vos propres ennemis, une
Sfalear $c: un.,courage.·» que la-fierté, 1%.
-ocr page 37-
a't"Empereur Keïn-Ung. _ sœsr
dureté , &C quelquefois même la férocité
accompagnent, dans la plupart des hom-
mes, &c que: réglé chez vous l'humanité.
Un caractère aufli compatiiFant que le
vôtre, gémit plus fur les calamités que
traîne après foi le char des plus brillantes
viftoires, que vos propres triomphes ne.
vous enorgueiLluTént.
Quand les Tartares, liés avec les Js*
ponois, ont menacé les Frontières de:
votre Empire 5 on vous a vu, à la tête de
vos Armées, donner l'exemple à vos Gé-
néraux!, & à votre Fils Hoam-ty , pour
qu'il le donnât lui-même à toutes vos
troupes; Intrépide dans les hazards, aufli
peu ému que dans une paix profonde,
on vous- a vu braver le fer & lé feu--,,
infpirer à vos foldats une ardeur , que
votre préfence &■ votre fermeté feule,
©nt foutenuë , & enfin , femblabîé à ce
Dieu, dont parle Homère , qui par fes
feuis regards pouvoic décider dii fort
des Combats, on vous a vu. ramener la
victoire dans des Bataillons , qui furent
d'abord ébranlés, malgré l'admirable dif-
pofition de ce fier Chourchu-la , qui s.
(fans l'art magique de ce grand Négro-
mancien,
que Votre Majefté fit voler à-
fon fecours, de l'extrémité des Indes , &
a qui nous, devons la confervation du
-ocr page 38-
Bdfvj ïftfcours de Fum-Ho-fiaM 1
plus grand de vos Généraux , ) n'auroÎè
eu qu'une vîé '( ι ) trop peu proportion-
née aux fervices qu'il peut rendre à vos·
Etats.
.( ι ) Chou-chtt-L· eft peut-être le plus grand
General , qui ait jamais paru à la Chine ; il doit
tous fes brillans fuccès à ce qu'il appelle fes Rê-
veries
, c'eft-à-dire à d'excellens principes de
guerre , qu'on trouvera un jour-dans fes Mémoi-
res. Son courage efl: encore au-deiîus de fes "
lumières. Il éton Hydropique , lorfqu'il partit
de' Pékin , pour faire la dernière Campagne , a
laquelle nous devons la paix. Après la première'
ÎenBion , il prit les Villes les:-plus fortes de'la»
Tàrtarie ; après la féconde > H gagna la terrible
Bataille de Te-noifim , fous les remparts d'une
Vïlle qu'il aifiégeoit On demande comment le
plus gra id des Guerriers1 ofe fe mettre à la tête
d'une Armée, ét'préfider aux plus grands in- ··
teiêts d'un Etat "■ dans un tems , où ï'ame plus
au corps, qu'à eîle-même , femble devoir être,
fans vigueur: ou comment l'Empereur confie'
fdn Royaume' à un Héros expirant. Ces deux
problêmes ne font pas difficiles à réibudre. Ce1
sjai lui reftoit d'ame, fnffifoit au Héros, & à fon
Maître", qui eu çonn'oiiToit le prix , comme on
en va juger par le plus beau trait.
L'Empereur fît'venir auprès de la Perfonne*
de fon Général·; un Médecin' qui n'était encore
Célèbre que parmi les Sçavans, en difant au
malade , je ferai S... mon Médecin confultant ,'.
s'il· vous guérit. Le Médecin a fauve le fauveur
dé la Chine,. jugez fi un tel Empereur a tenu &
jgroles*
-ocr page 39-
α Ρ Empereur Kehr-long. - xxxvîj
La vi&oire , SIR Ε, n'a pas plus ai-
«eré votre ame , que le danger. Plus
occupé du malheur [des vaincus, que de
4a gloire dont vous étiez couvert , cet
événement -qui auroit enflé des cœuré
moins grands que le vôtre , n'a fait
sermer en vous que des fentimens de
înodération v.le. partage des. vrais Héros.
Après des adions qui vous ont placé À.
coté des plus grands,Empereurs , revenu
dans le fein de votre Empire, comme
dans le fein de votre Famille , vous
.avez mis la difeorde aux.fers, & l'olive
-de la paioc, ,que .vous, venez de faire éclo-
•re , augmente .fa rage , en comblant nos
.deiirs.
-1 rV©us ramenez les Arts en triomphe
avec les plaifirs »..les Sciences renaiifent
par vos bienfaits ; vous avez appris du
haut du Trône aux autres hommes , à"
.rendre à l'efprit sê£ aux talens le tribut
.qui leur eft dû , & que l'efprit feul eft
digne de leur rendre. Le génie Chinois
vous doit toutes les conquêtes; qu'il a fai-
tes. Il a .porté. la : lumière dans des Re-
celons ténébreufes , qui fembloient de-
voir être l'éternel, féjour de l'ignorance.
(Nous connoitTons enfin le Monde & la
•.Nature j Par ces Argonwtti .nouveaux}
-ocr page 40-
xxxviij jDlfcBurs de Fum-Ho-Ham *
.que votre libéralité raiTemble de toutes
parts,5& envoyé mefurer les parties du
.monde les plus oppofées.
Après tant de vertus , comment les
vœux que vos peuples font au Ciel pour
Votre Majefté, pourroient-ils être tout-
.-à-fait défîntérefles ï Comment leur bon-
ilteur ne feroit-il pas inféparablement lié
au vôtre:?
Mais , SIRE, parmi tous ceux qui
bénifiènt votre Nom , feroit-il permis au
moindre & au plus zélé de vos Sujets ,
d'élever fa voix jufqu'au Trône de Votre
Majefté ? Vous avez vaincu l'injuilice
par la force de vos Armes, vous avez
forcé au ïilence l'intrigue,la calomnie,
:& l'efprit de parti, qu'animoit le fana-
îifme, monftre , qui s'eft fait voir dans
tous les tems plus à craindre pour les
Rois mêmes , que la liberté de penfer
des Philofophes de tous les fiécles. Un.
autre monftre bien différent , & non
moins redoutable , vous réfte à dompter,
. c'eft un hydre dont vous feul pouvez
. couper à la fois toutes les têtes renaif-
fantes, je veux dire le Brigandage de L·
Médecine
,, Brigandage qui défoie vos
Etats. Ceux à qui vous avez confié la
vie de vos Sujets, font,, pourJta plupart,
-ocr page 41-
m tEmpereur Rein-long. - xxxi*
ces Hommes Mercenaires , des igno-
rans , des Charlatans , fans foi , fans
probité ; ils regardent la vie , comme des
îeuilles d'arbres, ou comme la pouffiere
emportée par les vents. L'Automne ne
voit pas tomber en plus grand nombre
-ces feuilles deiTéehées ·, que vos Sujets
ne fontdétruits par la hardiéiTe & la té-
mérité de-tous ceux qui ofent exercer la
plus étendue, la plus utile, & la plus dif-
ficile de toutes les profeifions, fans étude
&c fans-lumiere.
Ce font, SIRE , ces hommes, pré-
tendus Médecins, fléau plus terrible que
toutes les maladies, que j'entreprends de
dévoiler dans cetOuvrage à Votre Ma-
jefté, avec les moyens faciles de remédier
à de funeftes abus , qui en deshonorant le
plus beau des Arts, & ceux qui y excel-
lent, dépeuplent & ravagent votre Em-
pire. Je n'en aceufe aucun de ceux qui
font vivans, j'ai pris chez les morts les
peintures que j'ofe offrir aux yeux d'un,
Prince éclairé. Mais s'il fe trouve par ha-
sard quelques Médecins qui leur reflem-
blent, qu'ils fe corrigent, ou indignes des
bienfaits de Votre Majefté, ils mériteront
d'être chafTés de votre Capitale , comme
ils le furent autrefois decêlle d'Italie·
-ocr page 42-
• il Difc. de F-H-H. h l'Ëmp. Kein-hng,
Vous le fçavez, SIR Ε, c'eil l'amour
?propre qrTenfé qui a donné le.Nom de
JM.ediCa.nce aux vérités Critiques ; mais
«elles n'en font pas moins des vérités, δε
χη eft-il de plus importantes , que celles
,qui ont pour objet la confervation des
Xicoyeiis 5 Je neiiiis que leur Interprète,
l'amour du vrai, l'amour feul de la Pa-
irie m'anime & va parler par ma bouche:
Xes cœurs dignes d'être vos Sujets , c'eft-
ià-dire, les cçeurs droits m'applaudiront
fans doute, & l'on connoîtra les cœucs
faux & corrompus, à la manière dont ils
•fe trouveront blefies.
LE
-ocr page 43-
t y15 te t "iS. ^t-i)S. ^ς. ^v ς. ^ς ς<*
LE CHEMIN-
de LA
FORTUNE
OUVERT
A'UX MEDECINS-
CH'A PITRE I? .
T-ableau Général de la MéAecîm s
& -des Médecins. ■ ·
Ous voulez donc abiolument>; '
mon Fils, prendre le parti de"
* la Médecine. Îous les incon-·'
véniens j'toLis lès éciieiÎs que*
je vous ai fait voir;', les" défagrémens 3.:
les peines , la diificuîté de réuifif , la'
facilité de tomber , après les plus brillaris*
fuccès , enfin tout ce que je vous'ai dit*
i>c répété tant de fois , pour vous empê-
ièer- de vous ' embarquer fur une mê£:
-ocr page 44-
orageufé, connue de peu de pilotes, δε
pour cette raifon fi fameufe en naufrage,
sien ne peut vous détourner, d'une pro-
feiEon difficile , à laquelle vous n'êtes
peut-être appelle , que par l'appas du.-..
gain. La rapidité avec laquelle certaines
gens font des fortunes confidérables,.
fans rien fçavoir, ( fi ce n'eft duper le
public ) vous féduit & vous attire., 8c :
enfin il eft décidé que vous ferez Mé-
decin , c'eft-à-dire l'Homme du Public
& la victime, de l'ingratitude & de la ja-
ioufie. Ah '.mon Fils, au nom de la plus
tendre amitié , fouffrez: que je faife en-
core un dernier effort 5 plus pour vous-
même , que contre vous., en expofant à :
vos yeux, ou plutôt vous rappellant tou-
tes les peines qu'il vous faudra efliiyer &
tous les périls que vous allez courir. Après.
quoi je ne vous retiens plus.
Je vous donnerai, mon Fils, la politi-■■-
que du Médecin par le célèbre M***. .
traduite avec là plus grande liberté. J'y
fonderai la mienne , telle qu'elle eft née
de mes propres obfervations, de t'ufage
du monde , & de la familiarité même ,
que les Médecins ont daigné m'accorder
autrefois avec eux. Vous verrez que ce.
grand politique n'a pas tout dit, que
Molière n'a faifi que les ridicules grof»
-ocr page 45-
iîëîs"des Médecins, & qu'enfin Telema-
que n'eut jamais fi gïand befoin de Men-
tor dans la dangereufe lue de Ça-
lipfo.
Il faut d'abord vous faire connoître en
général l'Art & les Aràftes , & enfuite
tous les chemins infiniment divers,. qui
pourront vous mener à la fortune.
Regardez-vous, mon Fils, comme un
voyageur qui va s'établir dans des pays,
inconnus /vous trouverez plus de diffé-
rence dans l'efprit & les mœurs de tons
vos Confrères, que dans les régions les
plus éloignées , les unes des autres. Le
peuple avec lequel vous allez vivre, les
Médecins, fe haïiTent entr'eux , autant
qu'ils nous déteftent nous-mêmes ; ce
font des efpéces de commerçans, qui
vont tous à la fource ( ou plutôt à la
chaifc ) de l'or & de l?argent, mais qui
marchent par des détours différens , qui
eonfultént tous les vents , qui croyent
tous porter en échange des marehand.ifes
précieufes, quelque viles qu'elles foienr,
& qui, avant que de les mettre en vente,
femblables à ces marchandes habiles qui
connoiffent tout l'avantage des faux jours
de leur magazin, apprennent l'art de fé-
duire , ou plutôt de tromper. Ils com-
mencent par lâcher dans le public des
-ocr page 46-
(4). .
Colporteurs mâles & principalement fe-' !
melies, qui les vantent, comme ils font
entr'eux. Perfan loue Gacon , par la
même raifon que les autres fe déchi-
rent.
Dans ce Négoce , il y a bien d'autres ■
circonftances particulières. La Médecine :
eft une marchandife dont tout le monde:
a befoin, dont les hérétiques mêmes en
cet art ne fe pafTent point, & que per~
fonne ne connoît, de forte que celui qui.
la débite, qui fçait là mettre en fon jour, :
celui-là feul en fait le prix. Ainfileton'
hardi, décifif, impofant , la fraude , la-
préfomption, le myftére·, la charlataneriei
Se toutes les iniquités qui la fuivent3,,
font la b'aze de ce 'commerce.
Ceux qui vendent-de mauvaifes mar-
chandifes , font bientôt abandonnés, les-
faux monnoyeurs- font pendus. Mais la
Médecine éprouve un fort tont-à-faic
différent.' Le clinquant, le fimilor s'y·
confond avec l'or véritable : c'eft un
métal que peu de gens fonten érat d'exa-*
miner au creufet, & ce qu'il y a de plus
faux, pourvu qu'il foit merveilleux en
apparence·, eft toujours ce qui a le plus
de charmes pour le Public, parce qu'il
ne juge de ce qu'il acheté, que par le
fripon qui lui vend; Enfince n'eftprek
-ocr page 47-
"que jamais fur la foi des connoifieurs '
qu'on choifit le Marchand, c'eft fur la foi''
du Public, qui ne e-onnok pas plus le»
Kîatchand, que lànfarcbândife. -
Voilà en général , mon Fils·, le né·· ·
gore , ou l'art que vous allez embraifer ,~>
ôt le caraétére de ceux qui le-profe-iTent» s
Vous fentez qu'un caractère auffi équivo-
que , aufli perfide, exige beaucoup de-"
ménagement & de foupleiîe. Vous voyez"
que la Médecine eft cent fois plus diffi-
cile qu'Hippocrate ne l'a dit, & que les
honnêtes Médecins de fon tems ne k lui-·
auront peut-être fait croire»»
Ces difficultés vous déconcerteront &'
"vous effrayeront fans doute. Pour peu
qu'on ait de délicateiîè & de fentimens
d?honneur, le rrfoyér» de paiTer impuné-
ment fur tant d'épines1. Mais cependant'
comme vous me paroiiTez fi obftiné dans
votre deifein , que c'eiï une vocation dé-
cidée , je ne veux pas tout-à-fait vous dé-
courager. An-contraire je veux vous prou-
ver qu'il eft facile de réuffir dans cette
carrière ,. qirelqu'immenfe & périlkufe '
qu'elle foir, Se que la rofe de laMéde--
cine, qui eft l'argent, peut fe cueillir , ·
fans que les mains les plus délicates en
foient bleifees , pourvu qu'elles-foient
adroites. Je n'ai pour cela qu'à vous pro»-.
-ocr page 48-
p©fer l'exemple d'un grand nombre de' "
Médecins qui fe font élevés fans talens.;
Permettez-moi de vous en tracer le por-
trait, pour vous faire voir que tous les
défauts & tous les vices feront autant
de degrés qui vous feront monter au.pre-
mier rang, fi vous êtes heureux,
mmmmmmmmmmmmi
CHAPITRE II.
Portrait de SAC Ο UILL·
Ultimi primL
BAcomWz le corps fait en Ζ, il réffem»-
ble à ce vilain Empereur Romain y
<|ui félon Suétone ,'referelmtfaciem encan*
thi
II cft tout barbouillé de morue, de pi-
tuite & de tabac, ce qui rend fâ figure de
fittge encore plus dégoûtante & mauflfade,
Repréfentez-vous fa tête comme un pot
déterre creux, fur le haut duquel eft
plantée de travers une vafte perruque *#
F.° que Bacouill porte fort reculée en
arrière , même devant les Dames qui ont
tout le tems de confîdërer la beauté de
fon crâne. Ce grave peribnnage ne rit
pas plus qu'un animal, il daigne feule-,
ment quelquefois fourire,mais d'un fou-;
-ocr page 49-
^"';. Γ
ïîs auffi perfide, que niais & lardomen 3
qui laifle plus qu'entrevoir deux râteliers
pourris de dents mal propres &. cariées 3
qui heureufemenr manquent par devant,
îl eft fi iot qu'il ne fe croit pas même un
Ignorant. Pour en juger 5 il ne faut qu'un
coup d'ceil fur fa phyfionoroie ·, avec ces
traits-là hv nature n'a jamais donné aucu-
ne forte d'efprit. Bacouill ne fçait rien j il
ignore très-parfaitement le Latin, & en-
core plus parfaitement la Médecine. C'effc
pourquoi les Facultés les plus Borgnes y
comme celles de Rheims, de Caën , de
Bourges, de Doiiay , dé Pont-AmoiiiTon,
&t, n'ont point été aiTez ,eomplaifantes
pour lui donner un bonnet, que tant d'au-
îres achètent pour deux Louis & quelques
phrafes de mauvais Latin. Bacouill n'eft
que Bachelier de Cahors. Ses Lettres, à
force de crédit, font venues par la pofte$
il étoit à Verfailles le jour qu'il auroit dû
être à Cahors y par la datte de fon parche-
min. C'eft ce qui a été très-bien prouvé
par les diligentes recherches de Jonquille.
Où ce prétendu Médecin a-t'il donc pris»
fes grades 5 Au jeu. Il a joué d'abord avec
les fervantes & les laquais, enfuire avec
des gens plus diftingués, c'eft-à-dire, avec
les femmes & valets de chambre , Si enfin
avec les MaîîreSj les §eigneurs3 & les pre>-
-ocr page 50-
ftueres Dames de la Cour. Un MiafeK
qui fe connoît trop en mérite , pour lui -
en trouver d'aucune efpece, dit que ce "■'
demi Do&eur ne traite· jamais que ceux -
avec lefqueisiljatvë'. Bacouil'l cependant,
l'heureux Bacouill a été par-là porté de '
main en main, comme un jeu de cartes , ■■
jufqu'au i.= rang ; & fi le plus grand mal-
heur qui puiiTe-menacer la France , arri-
voit, on li'roit un jour dans l'es Faites de -
1*: Médecine Françoifc , qu'un homme·*
fans figure-j fans vigueur, fans talens qui
puiffent le faire aimer des femmes, fans
efpri'r,, fans aucune forte d'éducation , en > *
Ufi-m ot fans autre fèience que celle du jeu,J.
eft parvenu àitnc place, qui, grâce aux > '
intrigues de Cour", ne prouve rien pour
le mérite , mais pour· laquelle il n'eft ja~· '
mais d'aiTêz excellent Médecin. Un Ba--' "
couïU feroit devenu XAfchîater des Fran-*
çois. Domine fafaum fac Régent. Mus en;
laifant des voeux pouf le père, qui ne-
etembléroit pour le fils, fi un tel Méde-
cin' pouvait a voit la confiance d'un Prin-
ce auffi -éclairé, un Médecin qui tremble
plus que 'JënqMlle-w&.mz', à la moindre
nouvelle de-la-marche des ennemis , dont
Ja tête tourna de-frayeur à la première
décharge de laMoufqueterie de la Batail-
le de Fontenoi, qui-trouvant un petit
cheval
■MH
-ocr page 51-
.cheval fans feîle, le monte à poil, & s'en-
fuit au grand galop , fi troublé , qu'il pen-
fa fe jetter dansTEfcaut, & fema l'allar-
me dans tout le quartier du Roi, qu'il
comptoit vite abandonner, pour fe ren-
dre à Lille. Un tel poltron , même avec
-du fçavoir , feroit dans le befoin d'un
grand fecours à fon Prince 1
Envifageons Bvacouill, comme Prati-
cien. On ne peut aimer ce qu'on ne con-
noît pas, c'eft pourquoi notre Doéteur dit
qu'il n'aime pas les remèdes, qu'ils vont
d'un côté, Se la nature de l'autre, qu'ils
4ie fe rencontrent jamais, que d'ailleurs
avant que d'arriver au lieu de leur defti-
nation, ils ont perdu leur première vertu,
fernblables à ces vents qui après avoir tra-
' verfé la Méditerranée, onr changé, leur
-fechereife en humidité. Voilà les raifons
folides pour iefquelles Bacouili n'ordon-
ne prefque jamais rien ; efclave d'une
ignorance invincible, il croit l'être delà
nature, & quoiqu'il n'ait rien dit, en af-
firmant que les remèdes ruinent le tem-
pérament , il a perfuadé ceux qui l'écou-
tent : car il veut être écouté, même lors-
qu'il parle Médecine-; & à ce fujet vous
allez voir qu'un jour fa vanité lui coûta
cher. Vous dormez, difoit-il au ronfleur
ambulant de la Faculté, dans une conful-
E
-ocr page 52-
(ΙΟ)
ration chez M.e la Duchefle de V. Non,.,
Mr., reprit Philantrope, j'ai trop de ref-
ped pour Madame, la Duchefie , & trop
d'envie de ioulager fes maux ·, mais o'eft
vous qui avez dormi dans tout ce que
vous avez fait, & qui dormez encore
dans tout ce que vous dites. Quelle fou-
droyante réponfe,'.
         
Mais voici une bien plus rorte attaque.
Bacouill n'aime pas plus les Médecins,que
les remèdes. Il ieroit à fouhaiter , diioit-
il en bonne compagnie , avec fon ron de
capucin » & fon petit air plat, doucement
décifif, qu'il n'y &<c point de Médecins
<kns le monde, la plupart ne gavent rien,
& le fçavoir des autres pourroit être mis
dans une page. Il en jugeoit par le fien
propre. Un Philofophe iévere qui ne par-
donne rien & dit avec force les plus du-
res vérités,releva vivement la propofirion
du petit Hérétique. Permettez-moi, dit-
il Mr., de vous faire conn.oître les confé-
quences de ce que vous venez d'avancer.
Cela ne peut partir que d'un fond djor-
aueil trop choquant. Car , ou vous êtes
un homme extraordinaire , ou vous êtes
un des Médecins que vous méprifez. Or
que vous foyez un1 homme rare , un de ces
génies qui femblenr avoir épuifé tous les
Êienfaits de la Nature , c'eft ce que vos
-ocr page 53-
iConverFations ordinaires, ΓιήίΗηθ: que
wous montrez, & l'aveu même de l'igno-
rance des gens qui vraifemblablement ont
autant de mérite que vous, & peut-être
■■davantage, ne permettront jamais aux
connoiûeurs de penfer. Vous partagez
donc le mépris dont vous 'honorée vos
Confrères. Je dis plus, ajouta ΓΑι-giimen-
tateur, ou vous avez de la confcience &
-de la religion , ou vous n'en avez pas. Si
-vous n'avez ni confcience, ni religion , il
faut vous chaiTer de la Société , comme
mn homme indigne de la confiance de qui
•sque ce foie, dans aucun genre. Et iî vous
«n avez, vous ne devez point, penfant,
•comme vous faites de la Médecine & des
Médecins, abufer de la crédulité du Pu-
iblic , aifément dupe d'un homme en pla-
ce ; ii vous êtes honnête homme, vous
;devez ceffèr de tromper , 8c même de-
.tromper tous ceux qui vous envoyeront
chercher : vous êtes même obligé en conf-
cience de remercier la Cour ( que peut-
être vous ne ferez que prévenir ) &c
abdiquer une place que vous n'êtes pas en
état de remplir. Parcanféquent, fi loin
de vous retirer, vous mettez tout en œu-
vre pour que la protection, ou plutôt la
plus aveugle prévention vous y foutien-
ne j vous êtes un miférable qui: n'avez pas
-ocr page 54-
le moindre fentiment de Religion, d'hon-
neur , ni d'humanité, & tant que je vous
verrai dans le rang que vous occupez , je
vous regarderai avec raifon, comme le
plus malhonnête Ôc le plus méprifable des
hommes. Ce Pbilofophe connoiffbit à
fond quelle doit être la Religion du Mé-
decin , matière que nous expoferons dans
la dernière partie de cet Ouvrage.
Ce fécond point de la Politique de Ba-
eouilt, comme vous voyez , n'a pas tant
réiifli que le premier. C'eft qu'il vaut
mieux dire du mal des remèdes , que
beaucoup de malades haïiTent , que des
Gens, à qui on connoît du mérite & des
talens. En n'ordonnant rien^ou feule-
ment quelques bagatelles , un lavement
d'eau de rivière, un amande , une prife
de Thériaque , ou de petit lait, on flatte
les perfonnes dont on adopte les préjugés,
mais en calomniant un Corps refpeclable,
on démafque fa propre ignorance , & il
ν a trop à perdre à ces comparaifons.
' La Gazette eft-la dernière baze de La
politique de Bacouill, il lit exa&ement
toutes fortes de nouvelles pour les débi-
ter enfuite. N'ayant ni lettres, ni latinité,
de quel autre côté eût-il pu fe tourner ? Il
décide fur les éyenemens de la guerre &C
delà paix» mais il s'épargne toujours la
-ocr page 55-
peine de répondre à toutes les difficultés,
en difant feulement non ,,avec fon ton or-
dinaire. Ce mérite a des charmes aux yeux
des Nouvelliftes. Que voudriez - vous
qu'ils fiiTent d'un Médecin qui' ne fçau-
roit pas que Bruxelles fera pris dans peu
de jours ? M, * * * a donc raifon d'avoir
fait fentir combien la politique eft nécef-
faire au Médecin. Que peut fçavoir un
homme qui ne lit pas même la Gazette 5
Mais s'il ofe la méprifer, le moyen de fe
fier à un efprit petit-maître, qui dédaigne
ce qu'il y a de plus folide, & ce qui fait
la fcience de tous les Honnêtes gens 1 Je
ne fçai fi celle de Bacouill lui a procuré
beaucoup de pratique , mais je fçai que
dans le Palais de fon Prince ce grand po-
litique eft peu refpeété. Il prenoit tous les
jours un fauteuil dans le Caveau , félon le
rapport de Mr. Β ... on fut bleifé de cette
affectation , & pour l'en punir, voici le
tour de Page qu'on lui joua. A la place
du fauteuil, on mit une chaife percée avec
un baquet plein d'eau par deflous,on cou-
vrit adroitement le trou d'un tapis, qui
n'empêcha pas le vilain C. de Bacouill de
tomber dans l'eau, devant bonne compa-
gnie , qui en rit encore de fouvenir.
Les grands hommes ne font pas feuta
■iinguUers. Baeouill qui eft des plus petits,
E5
-ocr page 56-
oublie quelquefois fonfyftême de ne rieffi
faire aux malades, il tombe même dans uiv
£ grand excès contraire, qu'il preférit dé-
faire des faignées de demie en demie heu-
re, jnfqu'à ee qu'il revienne.. Mais le
moyen de fe fouvenir, en jouant gros jeu
au piquet, de ce qu'on a promis 1 & eft-ii
étonnant qu'un Médecin de tapis verd ,
dont la partie dure plus long-tems qu'il
ne croyoit, Se moins qu'il ne voudroit *
trouve fon. malade mort, épuifé par l'e-
xécution de l'ordonnance 1
Voulez-vous que je vous dévoile toute
fon impudence. Il a fait faire par un Me-
àhkfire
& par le Coufin d'un Caffetier ,
un libelle fur la maladie de Metz. C'eft-
11 qu'il ofe affirmer qu'un a penfé tuer
le*.* * Medicaftre expofe le traitement
des Médecins, comme s'il y avoit préiidé,
tandis qu'il ne fut appelle qu'à l'extré-
mité , & ne fut d'aucun fecours qu'à lui-
même , dans cette fatale conjoncture , 8c
il fait dire à Bacouill, qui arriva encore
plus tard que Medicaftre, que la fièvre
maligne de Metz étoit faétice, c'eft-à-dir
re l'ouvrage des Médecins.
Je ne fuis pas furpris qu'on donne de
l'efprit à Bacouill j il en donne lui-même
& veut apprétier le mérite. Il dit que
Qualifnafus ( ce génie qui d'un regaré
-ocr page 57-
peut l'écrafer) eft bon fur te papier & ne
vaut rien fur le cuir, il eft naturel à l'a-
mour propre de chercher à fe vanger du
niépris. Quel infecté ne pique pas, quand
on l'irrite Y-
Je viens de peindre un guériiTeur que
tous les habiles gens qu'il· méprife, regar-
dent comme l'excrément de la Médecine.
J'en demande pardon au Lecteur, ce por-
trait eft par trop dégoûtant, mais il eft
d'après nature. Vous fenrez1 que je n'ai
garde de confondre un Bacouill avec au-
cun de fes Confrères, quoique j'employe
le même pinceau à peindre les défauts >
les ridicules & les vices de tous. Qu'il
n'ait donc pas la vanité de chercher quel-
que motif de confolation dans les cotn-
paraifons que ion amour propre pourroit
faire , ni enfin de fe confondre avec au*
eun des Médecins dont je vais parler.
CHAPITRE. III.
Périrait de J Ο Ν£J/ IL LE.
VOus nommerai-je cette jaunhTe
brune triftement ambulante » cet
ennuyeux Hippocondriaque, qui reifent
soujaufs cous les maux dont les autres fç
E4
-ocr page 58-
Vont plaindre à lui, qui fait bailler ïa fan-
té & endort fes malades fans opium î
C'eft le Médecin Jonquille. Stàahl fup-
pîéoit à l'opium par fa poudre tempéran-
te , ou plutôt il croyoit dans fa préven-
tion chymique y fuppléer. Jonquille,
l'heureux Jonquille, qui s'amufe en m'en-
nuyant, n'a befoin ni de l'un , ni de l'au-
tre , il n'a qu'à eonter quelques capucina-
des , il conte auffi. bien que le Grand-pere
à'ΑπΜπζ,α,ί ; de plus la fcene de toutes ces
biftokes eft toujours à Montpellier, où
l'on croit être, où- Ton voit tout ce qui fe
paife, par la forcede l'imagination du
conteur de Jonquille.
Il arriva de cette Ville en 17 5 6. plein
de lui-même & fous une faillie apparence
de douceur & de modeftie , ne manquant
jamais la fréquente occafîon de fe rendre
juftice, & de vanter partout fon iuccès.
Vous fçaurez qu'il n'avoit jamais exercé
îa Médecine avant le fyftême de Law,
parce.qu'il ne l'aimoit pas , ôc que nou-
veau Crifpin , fon Père l'avoit fait Mé-
decin , malgré lui, de forte qu'il n'eifc
pas fur prenant qu'il . fût entièrement
ignoré avant αι. il fut même long-tems
fouverainement méprifé de fes Con-
frères , mais bientôt ils furent la dupe
<îu mépris donc ils prétendoient l'acca*
J
SH^
-ocr page 59-
(η) , ^
bler. Ce mépris même & les reiïoutces
dont il avoit befoin, & que la fortune
lui fit envifager dans la pratique, lui fer-
virent d'aiguillon.Il perça, & fut bientôt
introduit partout à Montpellier , &, fi
on l'en croit,-il y fit toute la Médecine,
répara en peu de tems les pertes immenfes
qu'il avoit faites au jeu dans ia jeuneiïe.
Mais pour ne pas blefïer la jaloufie de fes
Confrères, furpris de lafoudaineté defon.
mérite & de fa vogue, & en même-tems
pour fe donner l'air d'un homme à bonne
fortune, il faifoit la nuit fes viiîtes, 6C
fumoit & buvoit tout le jour. Quelle fa-
talité a pu faire échouer un politique auf-
C- rafiné l Les Médecins , fuivant leut
pieux ufage d'abaiifer toujours ceux d'en-
tr'eux qui s'élèvent, alloient répandant
de maifons en maifons , que le Docteur
Jonquille ne devoir fa réputation ( & ils
avoient l'indignité de le prouver ) qu'à
trois ou quatre Banquiers Huguenots qui
lui attiroient une infinité de Coniulta-
tions de l'Etranger. Mais à quoi fert la
baiTe jaloufie, ii ce n'eft à deshonorer les
mauvais cœurs qu'elle a corrompus; Tout
ce que les Médecins de Montpellier ont
tenté contre le fortuné Jonquille , a fervt
à fon avancement, loin de lui nuire. Il
fut d'aiTez bonne heure appelle à, la Cour,
-ocr page 60-
le féjonr du vrai mérite, 8c véritablement
un Prince de l'art, tel que Jonquille, n'é-
toit pas fait pour croupir dans une Pro-
vince. On eut foin , avant de le mander,
de le décorer du titre de ProfeiTèur en
Médecine, qui --étroit dû à Fî^es & à Ru*
fus.
Un pareil titre eft le Cordon de St.
Michel, un for à talens en a les épaules
îiaverfées j un arracheur dé dents le folli-
cite ·, le moyen par conféquent de refufer
à un grand Perfonnage lès mêmes hon-
neurs , & qu'un Médecin du premier or^
dre vînt àVerfailles auffi nud que l'amour,
Si peut-être auffi croté que dans l'oraifen
de Mr. S. Julien. Jonquille
arrive donc &
la Cour, avec l'illuftracion convenable.
A fon arrivée, Mr. lé Duc dé G.f**'
l'homme du monde qui a le plus aimé fort
Maître , tombe malade d'un abcès aa
poulmon , que le malheureux Jimquille
prit pour un abcès au fôye. Mais quel eft»
jfe Médecin qui ne fë trompe-point ? Le
grand Hippocrate prit une future du
crâne pouf une fra£fcùre & ordonna le
trépan.
Rien ne prouve mieux Tinjuftice des
grands qui veulent qu'on devine, tandis-
que le Publie ne voit rien Se pardonne
tout, que le tort confidérable que cette-'
légère avanturc a fait à JénquiL· > à l'àjy-
-ocr page 61-
Biée, fans livres, fans malades, il ne lçaic
où traîner fon pauvre corps: à charge
lui-même, comment ne le feroir-il pas
à fes bons" amis de Cour ? Eft-il plus em-
ployé à Verfailles ? Hélas 1 Non. Il a beau.
fe vanter-, cela ne prend point.
Confolez^vous-, mon cher Jonquille,,
tel brille à Montpellier , qui s'éclipfe à,
Paris.. Jettez les yeux fur .Lethargus, le:
plus refpectable des Médecins par la pro-
bité , la douceur , 8c cette bonté d'ame.
tranquille que rien n'atteint, que rien
n'émeut. Chancelier de l'Univerfité de-
Montpellier , où il a profeifé 40..ans lâs
Médecine, où la confiance du Public,,
due à une belle & grande répréfentations
& la plus haute confidération ,.fondée,
fur quelque mérite,, marchoienr, pour
ainfi dire, à fa.fuite , que Lui eft-il refté
de tous ces honneurs .-as la Cour 1 Ce qui;
ordinairement y fait naufrage , la réputa-
tion d'honnête homme, que faime & ef-
time de tout mon cœur , mais qu'à pareil,
prix , quelque cas qu'on doive faire de la;
probité, je ne voudrais pas remplacer,
L'honneur eft une chimère , je le veux 3
tuais elle tient -un grand rang dans le
monde, & s'en paifer, c'eft être trop Phi-
lofophe , c'eft en tenir un bien petit. En-
fin , mon pauvre Dodeur, iifez. les par-
-ocr page 62-
traits de D'duillet, de Éufur, de U'ryÇoh*·-
gué,
après cela ii vous êtes encore mélan-
colique & de mauvaife humeur contre
Finjuftice du1 fort, ce n'eft pas ma faute ,
prenez-vous-en à l'excès d'un amour pro-
pre que vous vous- déguifez peut-être à
vous-même,
MdhMMàM'-MMMîMMhM
CHAPITRE IV.
Portrait d'EROS /AT RE.
i
Our faire connoître Erofiatre , je n'ai
qu'à parler de fon aimable Fils. On
fçait qu'il a dégénéré de fon Père , com-
me le Papillon dégénère de la Chenille ,
ou comme un Oranger greffé fur un po-
mier fauvage. Je fçai de lui des traits du
cœur le plus noble & le plus grand, mais
pour ne vous donner que l'idée de fon
efprit, il joint la juiteiTe à l'agrément, 8C
k meilleure philofophie à l'harmonie des
plus beaux vers. Le Pereeft encore moins
obligé de reifembler au Fils, que le Fils
•au'Pére. C'eft pourquoi le patelin & dou-
cereux Erofiatre a,peu d'efprit, peu d'é^-
rudition, & nulles profondes connoiffan-
ses. dans fon art. Le moyen, difoit Ji*-
-ocr page 63-
lien , qu'il eût été bon Médecin1, vous
fcavez qu'il eft: né d'un Hollandois qui
vint s'établir à Paris, & fut le plus célè-
bre empirique qui ait paru le fiécle paffé
fur ce grand Théâtre des Charlatans &
des Impofteurs. Ce Médecin Hollandois
n'a rien fait imprimer .qu'un Traité des
maladies les plus fréquentes
,4ont le pru-
dent Erofiatre auroit bien voulu ^retirée
des mains du Public tous les exemplaires,
pour en faire le facrifice au feu ; c'eft l'ou-
vrage d'une iage-femme , d'un faifeur de
Bandages, ou, pour mieux dire, d'un
Marchand d'.y pecacuanha. Cette racine du
Brefil, fort connue aujourd'hui ,!& fort
employée par la .plupart des Médecins
dans toutes les dyifenteries , de quelque
nature qu'eliesfoientjétoit inconnue dans
le dernier fiécle.. îjn Apotiquaire de Paris
la connoiffoit feul, feul.il poiTedoit cette
merveilleufe racine, dont un Etranger lui
avoit vanté.la vertu fpécifique dans la
roaladiefouvantfunefte dont je viens de
parler. Il étoit ami du Médecin Hollan-
dois , il lui fit confidence de fon fecret,
dont il ne fçavoit pas faire ufage. 11 ima-
gina que les épreuves en -feroient faites
avec plus de jugement.par un Docteur ,
& enfin il lui donna tout ce qu'il avoit,
& enfuite il en fit venir de plus grandes
-ocr page 64-
provifions. Le Médecin Holkndois fie
maints eiïais, plufieurs réiiiTirent,non feu-
lement parmi les Bourgeois, mais parmi
/les gens de qualité : tous furent féduits
par la nouveauté d'un bon remède , qui
cependant ne devoir pas toujours être ad-
ministré avec le difeernement néceiTaire^
par un homme borné & ignorant en Mé-
decine; de forte qu'enfin il ne Fut plus
permis de mourir delà dyiTenterie fans la
nouvelle racine : & c'eft ainfi que ce for-
tuné mortel gagna fix millions, que fa
•fille, feeur d'Erofiatre, n'eut pas de peine
à dépenfer par fon goût pour le faite Se
le plaifir, auquel fe prêtoit en tout l'ami-
tié d'un Père qui en étoit idolâtre. Il faut
bien effectivement qu'Erofiatre n'ait hé-
rité que d'un médiocre patrimoine, puif-
qu'au lieu de s'élever à la Robe , ou à la
Finance, il a daigné defeendre à unepro-
-feffion qui a peu de relief en France. Vous
connoiifez ce Courtifan d'Efculape , il
n'a pas la tête beaucoup plus grolfe qu'u-
ne pomme de renette , dont on a pompé
J'air, tout le corps eft auiîi petit & grêlé,
& fon efprit eft proportionnellement an-
guflié.
Mais Tadreife & le manège fup-
pléent ordinairement à ce qui manque
aux Médecins. Mr. Anodin , fon Maître
& Auteur d'un .Squelette An atomique qu'il
-ocr page 65-
-lui a dédié, a eu la charité de lui faire les
mémoires qui l'ont fait entrer à l'Acadé-
mie. Ainfi le Maître aété le valet, leGroffe
du Difcipie. C'eft dommage que le pauvre
Anodin n'ait pas eu aflfez de génie ^pouc
ofer fe jetter dans les ténèbres de l'Oeco-
nomk animale,
Erofiatre n'eût pas été 1«
i'eul à s'admirer dans fon ouvrage , qui ne
contient gueres que ce qu'on peut appel-
ler une feience de DemoifçUe},& qui
pour cette raifon fe laiiTel peine apper-ce-
voir entre Boerhaave.& Quefnay. Nous
penfons la même chofe des Obfer-valions
farja petite F"éralç.,
qui auroient pu faire
honneur à leur Auteur ,li le fameux Ana-'4
romifte dont je parle eût été praticien. Au
■ refte il y a trois chofes qu'il faut remar-
quer , ou plutôt admirer dans ce Traité,,
c'eft, ;i°. l'utilité des divifions & des fub-
divifions de la petite vérole,, & l'atten-
tion Se l'exaiâitude de l'Auteur a diftin-
guer jufqu'à la cohérence, de Xzconfluence,
en quo'i il a éclipfé & laîiïe fort loin der-
rière lui l'excellent Sydenham, i°. Le
danger de couper les boutons du vifage·, >
î°. La néceflîté des apofêmes;aigres , des
jus d'herbes , des opiates, &c. mais fça-
ctiez que dans quelque mal que ce foit,
Erofiatre n'oublie jamais de preferire une
épiâtes, la fuite des bouillons médica-
-ocr page 66-
tnenteux, & quelle opiate ! Elle Feroic
honneur à Avicenncs , à Altmcafis &
aux plus grands_/on»»/i/?e* des Arabes.Ua
malade qui aime les remèdes, ou plutôt
fon Apotiquaire, eftbien heureux d'avoit"
affaire à un Médecin fi-fécond en recettes,
perfuadé que rien n'eft plus analogue à la
îimple nature que le fafte de l'art , & la
majefté d'une formule parfaitement pei-
gnée & bien étoffée. Quelles rcffources
en effet rrouve-t'on dans ces Médecins
aufli économes de médicamens , que de la
Îanté de leurs malades ?
Quelques minces que foient les petits
Ecrits d'Erofiatre , il les regarde comme
un père tendre qui n'a que des yeux de
cpmplaifance pour fes plus ridicules en-
fans. Plein d'orgueil , il remercie fon
mérite extraordinaire , de la haute répu-
tation à laquelle il vola rapidement an
fortir des écoles , commefi une vogue fi
foudaine, fi précoce , fi peu méritée , ne
faifoit pas néceffairement avorter tout
jeune Médecin qui a le malheur de fé-
duire trop vite le Public. Oui ,-Erofiatpe
a dû s'attendre à n'être jamais qu'un avor-
ton de la Faculté·, les connoiffeurs l'a-
voient prédit Ôc voyent aujourd'hui avec
douleur leur prédiction trop confirmée.
Vous délirez maintenant fçavoir quel-
le
-ocr page 67-
le adrefle } quelle induftrie a pu fafciin.
les yeux de prefque toute la Cour, &
comment concilier le bonheur & la for-
tune avec fi peu de taiens. Rien de plus
facile à expliquer , & fi vous aviez plus
d'ufape du monde, vous imagineriez tout
fans peine, & me difpenferiez des détails.
Erofiatre a toujours aimé le fafte & la
dépenfe ; il a toujours attiré beaucoup;
de monde chez lui, par ambition , ou
pour fe faire de puiffans amis , qui l'euf-Γ
lent élevé à une place dont l'a banni uit
prudent Cardinal. Sa politique l'a donc
conduit vainement à abforber la plus
grande partie du patrimoine de fon fils,
qui ne fera pas, à beaucoup près, aufli'
confidérable , qu'il devroit l'être, j'ai dit
que ce Médecin étoit Patelin & douce-
reux ·, il mérite en effet le premier titre
glus que l'Avocat c[\.û porte ce nom , ÔC
fa douceur , eft un compofé fade de miel
& de baffes flatteries. Vrai Courtifari
d'Antichambre , il auroit des reproches
à fe faire , s'il avoit manqué de parole
aux femmes d'une Ducheffe , & s'il pafToit
une matinée , fans aller prendre avec el-
les le Caffé à la crème. C'eftlà qu'il fau-
drait voir comme il jafe , veut amufer ,
cherche à plaire, & fait adroitement fa
petite Cour préliminaire , en attendant
F
-ocr page 68-
qu'on l'introduife au petit jour. Âlof s dis-
cret , comme un Abbé, fur la pointe dis
pied , il entr'ouvre à peine le rideau »
parle bas , & n'élevé une voix attentive,
qu'à mefure que les pavots de Morphée
s'évaporent. Delà il fe tranfporte ailleurs,
êc fuivant la qualité des femmes qu'il
rencontre , ou qu'il vifite , ou c'eft un
petit fouris fin , qui a plus d'efprit que
lui, ou d'humbles & profondes révéren-
ces ·, tantôt même , on ofe baifer la main,
à qui on fait un petit compliment , &
le baifér paroît n'avoir pas été pris fans
quelque pîaifir ·, tantôt , & toujours d'un
air tendrement profterné, ee font les
plus féduifans ôc les plus gentils petits
propos : » Vous ne m'aimez point, Mî-
» dame, je le vois bien, je ne le fçaisque
«trop, je m'en apperçois depuis long-
ue tems ; j'en fuis fâché , cela eft défefpe-
jjrant. Comment bon Dieu l moi qui
» vous àî toujours tant aimée , moi qui
rfoutiendrois que vous ères la plus belle
» femme de la Cour , s'il γ avoit fur cela
„»la moindre eonteftation , fi tous les
3> cœurs ne rendoient pas à vos charmes
»le même hommage que le mien ,&c. «
INFeft-ce pas là un vrai Médecin de Cour t
& pourquoi faut-il qu'un aufiî gentil
petit bon-homme faiTe le malade » & aille
-ocr page 69-
ie mettre an, lit , lorfqu'il voit qu'une
perionne de considération eft menacée
4'un finiftre événement ? Mais telle eft
£a politique> en ce cas on eft réduit à
fe contenter de, fon premier garçon.,,,
que le Bourgeois appelle ordinairement
en fa place y dès le commencement d'une :*
maladie. ■
Je finis par deux traits de l'a Châtia-:
iânerie èHErofiatre.'■ Piufieurs Médecins
■-étrangers: ont vanté le thermomètre &
s'en font fervis eux-mêmes dans la pra-;
tique, pour mefurer la chaleur des fiè-
vres , ce qmdiÇpenferoit detâter le pouls»-.;
fila commodité du tact n'étoit préférable
à l'inftrument Leplus portatif. Erofuzws·'
cependant fait ufage du thermofeope -
mercuràel de Fahrenheit, & il regarde
avec une bonne loupe non-feulement les
yeux-, là langue, Si le creux de l'eftomac,,,
tan cul fiftuleux, gangrené> &c., Voila
le premier trait , & voici le fécond.
.Appelle avec fon gros Coufih Deeem 3 il
lui fit appliquer pofténeurement la main
fur l'omoplate d'une jeune Dame qui
«toit fujette à d'énormes palpitations de
çceur ; de fon coté , qu'il avoir habile-
ment choiir, ilprenoit leteton gauche 5
<lu'il preifoit avec force, en recomman?-
idant à l'épais Coufin d'appuyer en même
-ocr page 70-
tcms. Pouffez , Coufin , dît-il, y êtes^
vous ? Oui, j'y fuis, je pouiTe , répond le
Coufin. Eh bien , reprit gravement
Erofiatre , que dites-vcmsi-quê' fentez-
vous ? Dico , repartît le for Goufin,- aie»
que je ne fens tien.. Il faut avouer qu'il y
a des malades bien (impies., Scdes Méde^
cins.qui font de grands originaux.
CHAP IT RE V.
De la ROSE,
VOus connoiiTez ce Médecin , ow
plutôt ce Sçavant; il a commenté
un Roman qui portefon nom, il travaille
àun Gloflaire fur notreancien langage >
il a raiïèmblé un nombre infini d'Ouvra-
ges qui forment une dès plus curieufes Bi-
bliothèques de Paris.Les livres de Médeci-
ne en occupent la plus petite partie , c'eft
la feience a laquelle il s'eft le moins appli-
qué. Il à toujours été fort curieux des
eonnoiiTances tout-à-fait étrangères à fon
Art, & principalement des Editions les
plus rares & les plus belles. Il fçait le
Grec , le Latin , l'Anglois, & mérite
d'ailleurs le titre d'Homme Sçavant. Son
-ocr page 71-
fçavoîr lui a ouvert toutes les portes, Se
s'il eût voulu, il eut été aufli employé
que Philamrope. Mais il a préféré fon
Cabinet au Public qu'il a dédaigné. Il
n'a refervé fa. Médecine que pour fes
amis, qui plus mal traités vraifemblable-
ment par un Littérateur , que par un Pra-
ticien -, ont bien de la bonté de croire lui
avoir obligation de la préférence. Ce
nouveau Ducange auroir dû au contraire
ne pas abufer de leur trop grande crédu-
lité. Pourquoi l'amour-propre rend-il
l^mitiéfi peu fcrupuleufe ?.
CHAPITRE VI.
De CHRYSOLOGUE.
« Grammaticus , RKetor , Geometra , Vl&ot l
» Aleptes,
» Augur , Scenobates'-, Medicus, Magus .orrmia
» novit.
VOiei encore un Sçavant, mais fub-
alterne. Géomètre , c'eft-à-dire
mauvais Géomètre , Etimologifte , Anti-
quaire , Théologien , & Théologien Mo-
linifte , pour plaire aux Jefuites dont il
eft Médecin, &. à un Cardinal dont il
-ocr page 72-
- ·                (>>" ...
s'eft prudemment fait un appui ; Jiirif-
eonfulte , Politique „ Hiftorien , Natu-
ralifte , Médecin, au fait d'un grand
nombre de Langues, il a travaillé fur le
langage Celtique , & il paroît audéfef-
poir de ne pas fçavoir lé Chinois, aufll-
bien que Pmrmont. Iifçait tout jufqu'aux
chemins des Romains dans le Langue-
doc , il a tout étudié , tout appris 3,exeepi
té fon métier, comm'è difoit Mr.: Chiraci
Mais cet homme, qui eft ront &, n'eft
lien 3 en a impofé par l'uni verfâlité d'un
fçavoi'F neceifairement fuperfieiel. En
écrivant l'Hiftoire de la Vérole , il a fait
croire à des Lecteurs peu éclairé , qu'il
n'ignoroir pas le traitement de cetre ma-
ladie. Il y a même des gens de Lettres
qui ont imprimé que depuis un demi iîé-
cle, le génie Anglois n'avoir rien pro-
duit en Médecine qui fut comparable au
Traité de"Màrbh Ve'mreu. Mais ces Au-
teurs, à ce que je vois, font peu verfés
dans l'Hiftoire dé cet Art. S'ils çounoif-
foient feulement les œuvres de Freina,
s'ils étoient anffi en état de comparer
FEcrivain Anglois , au François, qu'ils
font ignorans hors de leur petite Sphère»
ils fentiroient qu'il n'y a pas actuelle-
ment en France, deux génies capables
d'être mis en parallèle avec celui-là, & de'
-ocr page 73-
continuer fa belle ëc inftru&lve Hiffoire
de la Médecine.
Si la tète de Chryfihgue eft remplie
d'opinions 3 comme fes Ouvrages , qui
en font impitoyablement hériffés , les
connoiffeurs apper^oivént facilement que
fes yeux n'ont rien vu, & qu'il n'a pas
plus le caractère d'an vrai Praticien, que
d'un bon Ecrivain. Ses Ecrits font en
effet fi diffus & fi méthodiquement en-
nuyeux , qu'on ne peut les lire qu'à cent
reprifes, St qu'à force de courage : Si
quel cas peut-on faire d'un Médecin,
qui ayant préféré toute autre étude à
celle de la Médecine , n'en parle & n'en
peut parler qu'hiftoriquement } & par
conjectures, eu par pure fpéculation t &
quelle fpéculation encore que celle d'un
fermentateur, toujours imbu de ces fri-
voles hypothèfes, qui n'ont pas permis à
ce Profeffeur de traiter aucune matière
fans les plus grands écarts , ni de faiiïr les
nouveaux principes & la feule manière
de Philofopher du Grand Boerhaave, le
reformateur de l'Art.
Chryfologue parle donc des maladie*
"vénériennes & autres, comme des fonc-
tions du cerveau qu'il paraît n'avoir ja-
mais diiféqué. Ecoutez , c'eft ici un ef-
fort de fon génie, & une de ces admira-
-ocr page 74-
Mes productions bien sûres de pafler à la*
poftérité, pour la faire rire. » Le cerveau,-
» dit-il, eft compofé de cellules ; au mi-
» lieu de chaque cellule s'élève une co*
» lomne (comme celle quieftdans le re-
» fecloire de Saint Martin Deschamps, ÔC
» qui lui en aura peut-être fourni l'idée )
»Les nerfs aboutiifent aux parois de ces-
«cellules, & enfin c'eft-là que font por-
tés les efprics, dont le jet va heurter
» contre la colomne & fe réfléchit diver-
» fement, comme les rayons de lumière,
• qui. tombent fur la furface des corps
»folides. «■
Voilà en peu de mots tout le fond de
la Théfe que foutint Ckrjfiohgue -, lorf-
que la Faculté chanta la palinodie, en
faveur des fecours qu'il lui porta contre
Saint Gême , &. l'adopta genéreufement
for fes vieux jours. Elle écouta cet ingé-
nieux fyftême, geule béante , & oreilles
dreflees, & dans l'admiration , dont elle
étoit pénétrée, elle ne put s'empêcher de
s'écrier : dignus tandem, dignus efl intram
in noflro DoElo corpore.-
•    Pour comprendre ce que je viens de
dire , il faut fçavoir, qu'après avoir vai*
nement follicité une place à l'Académie
des Sciences, dans laquelle tout Sçavant
fuperficiel ne peut entrer, Chryfilogue fe
préfenta
-ocr page 75-
'(iV)
-préfenta A la falubre Faculté , qui Fho-
-nora du même refus. Mais tout s'oublie^
& les opinions des hommes changent
ν avec leurs intérêts. Un motif qui, dans
-une Académie bien policée, fuifit pour
rayer un membre du tableau , la haine de
-.Chryfologue contre les Chirurgiens , -a
depuis peu fait revenir fur fon compte
les Médecins de Paris ; & ceux-là même,
>qui le déteftoient le plus., fe font em~
prefles de lui ouvrir une porte, qui lui
.avoir.été autrefois trop durement fer-
mée , pour que fa vanité ne dédaignât
•pas d!y refrapper. Boudin, ce Ghymifte
par héritage, ce Facultatifte par goût,,
-me difok , », voilà le dernier Médecin
»que nous recevrons gratis , il ne vaut
» pas chaque membre en particulier, mais
» il les furpafle tous par fon érudition , &
» tous les fiécles ne produifent pas un pa-
»reil génie«<. Sans lui nous étions per-
dus,, comme il abattu les Chirurgiens %
pkttes coutures l *& les douz^e Lettres s
répondis-je en fouriant ?
•Voilà l'Hiftoire de Chryfolome , ce
Gaulier de la Littérature , ce fçavant Ba,-
•vard φύ
écrit & qui dit ce qu'il fçait,
& ce qu'il ne fçait pas ; ce DiiTertateuc
■lourd, encore plus fatiguant, qu'infati-
gable. Quiconque a une feule fois effrayé
G
-ocr page 76-
fa converfation dans une maifon , s'in-
forme du Portier , fi ce Pédantefque ty-
ran de la Société n'y feroit pas, avant
que d'y retourner. En effet je ne connois
pas dans tout Paris,un.feul homme d'ef-
prit & de goût , tel que les célèbres
Eriatoul & Montrou , qui , lorfqu'on
parle de ce Médecin , ne s'écrie , en le-
vant les épaules, bon Dieu 1 l'infuppor-
table homme ! Le premier de ces deux
génies trouve qu'il a été peint ^uRiganû
dans un Livre dangereux , dont il ne s'eft
répandu qu'un petit nombre d'exemplai-
res dans Paris. S'il connohToit toute la
■hardieife & la préfomption que la nature,
ou le climat femble avoir données en pro-
pre aux Médecins de Montpellier , au
premier coup d'œil il devineroit de quelle
Faculté nous vient originairement Chrf
flogue.
Cet Ecrivain fe croit le Régent de
tous fes Confrères, parce qu'il a foiierte
deux cens Charlatans dans fes Ecrits.
Efprit partial, fuperficiel, comme l'Abbé
des Fontaines, avec beaucoup moins d'à*
grémens& d'adreffe, il fe croit l'Ariftar-
que de la Médecine, de voit Boerhaave
même loin derrière lui. Critique Cec,
greffier , impoli , il a jugé fevéremerrf
tous les Auteurs Afhrodifiaques ; il étoit
jufte qu'à fon tour il fut^jugé par les
.mêmes loi*.
-ocr page 77-
(■3 5)
CHAPITRE VU
De LÏGNUM.
IL tfeft plus queftion de Lignum^ c*efe
-wl homme mort, il vit aujourd'hui
en Province. Sa tête tournée par la mort
φ laPrinceCe de ■*** l'a fait retourner
à St. Lo, dans le cabaret de fon père.
Cette bonne PrinceiTe, à laquelle il don-
nait de la fanté , tant qu'il pouvoit, ea
reconnoiCance Xpi donnoit des habits
qu'elle n'avoit peut-être pas portés en
robe durant fîx remaines. Il paroiilôic
tous lés jours à la Faculté, avec un velour
d'une nouvelle couleur ; il n'y venoit
jamais que dans un équipage lefte & bril-
lant. Parfumé , comme Douillet, fleuri
■comme un petit-maîtrejmouche au front,
comme un Duc , diamant au doigt, rien
.ne lui manquoit:; ce Faquin portoir mê-
me quelquefois des talons rouges, H
avoit toujours quelque jolie boëte pleine
de petites friandifes, qu'il offroit à fes
malades avec toutes les grâces imagina-
bles.
Ce Médecin étoit une erpéce de bei
G*
-ocr page 78-
efprit ·, je ne fçai Γι ceux qui l'ont vu fa-
milièrement , s'en fontapperçus ; maisil
eft certain qu'il a mis la Chirurgie & la
Médecine en vers & en Mufique. .Voilà
les Maîtres qu'il faudrait à ces jeunes
Etudians , que les fpec/fcacles 8c les œuvres
de Voltaire■·, vrai poifon pour un jeune
Médecin, éloignent trop d'une profef-
ίϊοη, dont les avenues font fort-défagréa-
bles. Auiïi Flunauld propofoit-il LÎgnum
à ceux , qui parmi fes Difciples, ne pou-
Voieiitfourfrir que la Médecine fut écrite
enprofe, & fans efprit.
Cependant ce Docteur Lettré, qui eut
mis Hlppocrate en Madrigaux , s'eft ab-
bàiiTé jufqu'à dicter une Chirurgie eri
■proie , Ouvrage coufn de pièces rapport
tées, comme l'habit d'Arlequin, que la
Faculté a trop admiré pour ne pas le dic-
ter un jour à nos garçons barbiers. -Je ne
parle point de l'c'Cpnt de Ligmtp, on en
peut juger par foη goût pour les vers ,
.mais il faudroit lire fes bulletins, pour
en fentir tout le mérite; Il écrit & parle
comme la Forefi, ou plutôt on croit crt-,
tendre la Taupe de Tan-z.ai.
-ocr page 79-
('37 }Λ
GHA PITRE VIIL
PESO Ρ Ε-
•t 7 Ous connoïflez la rifible figure
V XEfopt; il a fait une efpéce de pe-
tite fortune,qu'il doit àfpn efpnt,.&
à autre chofe , qui a été fort du· goût de
deux femmes de condition , quil ayoït
époufées avant le mariage. Elles etoient
belles, & lui fort laid; cet heureux con-
traire eft caufe qu'il s'eft joiié lm-meme
dans fon triomphe de hffrit fur la beauté ,
comme Deflouctes dans le Philofipbe ma-
rié.
Faire des Comédies 1 Quelle voca-
tion plus heureufê pour la Médecine 1.
Π a auffi fait quelques légères Eicarmou-
ches contre nous, & feu notre ami 1 Ab-
bé des F. en qui Arnould perd conhde-
rablement. Mais jamais il n'a étudie , ni
férieufemerit exercé la Médecine ·, c eft
encore un Médecin d'amis, comme la
triftement: éprouvé ce pauvre Marquis
de Lomaria , dont il a cependant tire
500 liv.de rente. Il pratique auffi dans
les couliifes, & dans les loges , tant des
Actrices, que des Francs-Maçons. Il
G 5 ,
-ocr page 80-
vifite les unes , fans nous faire tort, 8c
harangue les autres , fans nous faire plai-
fir. Ce font cependant de très-beau dif-
cours», des Pièces d'éloquence·,, dignes du
Mercure. Mais les vénérables Frères »
qui lui ont dédié un prétendu Secret, font
auifi difficiles en matière d'efprit, qu'en
matière de difcrétion.
Si vous êtes mauvais Médecin, mon
Fils, faites-vous Franc-Maçon ; un jour
chef de loge, comme le vénérable Frère:
Êfipe , vous fentirez tout l'appui que
donnent les Cordons-bleus de l'Ordre.
Il C'A: même bon de s'attacher à quelque
Se&e ; Molinifte , ou Janfenifte , il faut
être quelque chofe dans ce monde ; les
Jefuites , ou la boëte à Perette , voilà les
fecours néceiTaircs à un Avocat fans cau-
fes, Se à un Médecin fans malades. Cela
fi'eft-il pas vrai, grand Chryfilogfte ?
CHAPITRE IX.
De FERMINOSUS.
JE vous ai fait voir cette Eftampe ori-
ginale , qui repréfentoit un Médecin
de la Faculté, avec une hotte fur le dos,.
-ocr page 81-
■(39)             ,/„■-«
non pleine de bougies, de Thé, de Cafte
& de Chocolat, comme celles dont bien
des Auteurs & des Charlatans payoient
réloge mercenaire d'un Ecrivain pério-
dique dont j'ai parlé , mai* toute rem-
plie de bouteilles d'eau de fongereile
Médecin paroît appuyé fur' une Bouti-
que , criant a la fraîche, qui veut boire ;
c'eft Ffomimfiis-, à qui l'imagination de
Hunaud fit cette galanterie , en rçcon-
noiiTance de certains traits piquans, lan-
cés dans le Journal des Sçavans, duquel
autrefois ce Marchand de tifanne fut
honteufement chaifé. Cet homme en
effet étoit enragé, & vouloir encore mor-
dre , lors même qu'il n'avoir plus dç
dents. Père deshonoré de YOrtopedie ,
fans un jeune Médecin de St.Malo , il
n'eut jamais fait la table de la proéminence
de la M'eâectne far la Chirurgie'.
C 'eft cet
Ecrivain courbé , dont la lame pleine de
feu, a èû bien delà peine à ufer le four-
reau, qui avec une herbe qui ne s'élève -
pas plus haut que fon diftillateur , & le
fyftême des vers hcureufement imaginé ,
comme caufe générale de toutes les ma-
ladies , a vécu long-tems dans l'aifance ,
a laiiTé. quelque bien , & a marié fa fille
Vermineufe & feue fa Bibliothèque , à l'il-
tiftre nom des Denyfim.
G 4
-ocr page 82-
....... (4?)
J'ai dofmé à ce prétendu Médecin le
nom de Vermlntux, à caufe de fon eau
vermifuge » & je permets fort à Chryfologue
Si
aux autres Etimologiftes de la Faculté,
dé foutenir qu'on ne l'a* ainlrnommé »
que parce qu'il étoit la vermine des éco^·
lès. Je ne coniîdére point Kerminofus,
comme Anatomifte, fon mérite en cette
partie me meneroit rrop loin, c'étoit un
génie pénétrant & qui a fait avec un fuc-
cès, applaudi de tous fes Confrères, una
Hypothèfe des plus= fubtiles fur l'air,
qui, félon cet Auteur, entre par le nerf
optique dans le cerveau.
«h *■· ^S «s· +& Φ * Λ· Φ *t· λ> ^* jpi ^m Jj· *t- Jf. Jf. Jb· ^».
CHAPITRE X.
De BARNABÂ,
VOus connoiiTez Barnabe Se fa lour-
de minerve. Il ά fait une grande
fortune , non par la tête , qui eft trop
vuide d'efprit & de connoiiTances , fur-
tout anatomiques, ( car telle a été dans
tous les tems fon horreur naturelle pour
les cadavres, qu'il n'a jamais pu prendre
fur lui d'en approcher ) mais par la partie
contraire. Les femmes qui en ont appa-
-ocr page 83-
t**7           „ ,
fensment été contentes, l'ont proclame.
Médecin , & grand Médecin , elles en
ont fait le bœuf à la mode. C'eft le fuc-
ceflcur de Philantrope, &c l'on drefleraun
jour à l'un & à l'autre les mêmes· hon-
neurs qu'à l'Empereur Julien.
Pour vous apprendre à vous tirer d'af-
faire dans les conjonctures les plus déli-
cates , & vous prouver en même tems
l'adreife & l'inftinâ: de ce Praticien, ou
plutôt de ce Routinier, je vais vous ex-
pofer fa politique , lorfqu'il eft forcé do
l'employer par la dignité & le rang des
perfonnes qu'il traite. A-t-il lieu de crain-
dre un funefte événement, qu'il auroil.
pu prévenir , il envoyé, quoiqu'un peu
tard, chercher lccoaiplaifant Mhilantrcjr»
qui approuve tout à Paris , comme à
Metz. Le Public a bonne opinion d'une
faignée à la jugulaire, dans les cas défef-
rés , ou elle eft inutile von l'ordonne",
& le malade en périt plus vire. G'eft un
malheur , mais il étoit fans remède , les;
deux premiers Médecins de Paris n'ont;
pu l'écarter. D'ailleurs"-on a la reflTource
de l'ouverture du corps , qui fert aux»
Médecins, fi ce n'eft pas à la Médecine ;
il fuffit même d'examiner le cerveau ,
depuis que la Nature a révélé à \'Empe~
*eur Julien
que le fiége des maladies in»
-ocr page 84-
ί42}
flàramatoires" & malignes, eft toujdufr
dans ce vifcere. La moindre rougeur
eonftare la foreur indomptable du mal,
Se trànquilife ceux qui s'en font chargés ;
& fi par hazârd le cerveau eft bien confti-
tué, il a tort, il mérite toujours d'être
aceufé dans un Procès Verbal ; Se fi le
Chirurgien-, quoique Gafcon , ne veut
pas figner contre la vérité , un vieux
Médecin doit lui dire : «Vous faites
» l'enfant : eh ! mon pauvre ami , vous
» êtes honnête-homme , & Chirurgien ,
«qu'allez-vous faire dans cette galère ?
CHAPITRE XL
De Ε APTE S ME.
JE ne parle point de ce Baptême que
Chryfilogue traite poliment de Char-
latan & de malhonnête-homme, mais de
cet Aiiti-Rhafés , qui abfolument con-
traire aux idées de la Forefl, de Julien ,
& a'Hécquetos , imprima il y a quinze
ans, qu'il avoir l'art de guérir parfaite-
ment toutes les petites Véroles fans fai-
gnée. La Faculté lança de juftes Anathê-
snes contre cette dangereufe doctrine-j.
«J
-ocr page 85-
(4?)' . ;;
ïe livre· de Baptême fut brûlé dans les
Ecoles, & l'Auteur même fut contraint
d'aller demander pardon ,·& de fe retrac-
ter publiquement, tant de bouche, que
par écrit. Depuis ce tems il a fait paroî-
ire pluiîeurs volumes de ConfultationS
pitoyables , mais qui > quoique plus mau-
vaifes, n'en impoferoient pas moins a
ceux qu'il a voulu féduire , car fans dou-
te il ne s'eft pas flatté du fuffrage des
Connoifleurs* A quoi fert en erîet ce
iurTrage , lorfque fans tant de peine , on
peut s'aifurer la confiance du Public ?
Baptême en eft content, fon nom n'étoit
pas fait pour lui furvivre, & quelle chi-
mère de courir après la poftérité qu'on
ne rencontre jamais 1 Un événement fort
fingulier a préparé les voyes de fa for-
tune ·γ le canal, non des femmes, ( ce qui
ne feroit pas extraordinaire, il fait le*
Médecins , comme les beaux - efprits )
ïttais de la fienne· même , l'a fervi aufîi
fidèlement , qu'elle lui a été fidèle. Il
eut l'adreiTe de bien enfiler le chemin des-
ovaires ; Madame fe trouva grofle d'un
enfant que Madame l'AbbeiTe de Chelîès
Voulut bien nommer avec Mr. d'Argou-
ges. Ainfi c'eft par le Sacrement de Bap-
tême que celui-ci eft parvenu.
Pour faire juger de fon mérite > ou de
-ocr page 86-
fon manège, je ne rapporterai qu'un ieuP
trait de fa pratique. Il fut appelle chez'
un malade qui avoir les jambes enflées.1
On chercha dans une ' AiTemblée de'
Dodeurs graves, cette confolation ordi-
naire dont parle lé délicat Pétrone. Tous*
lèsMédecins prononcèrent unanimement
qu'il falloit purger Moniteur : mais ' Bap*
tente
qui defîroit fort s'en emparer, dir
qu'il n'étoit point de cet avis, parce qu'il?
craignoit que l'action du purgatif ne1
fbmpît les vâifïeaux lymphatiques des·
jambes»- Auffî- tôt le malade, qui depuis:
quinze jours Vetbit à peine remué dans
fon lit, levé là tête, &c d'un air inquiet ,.·
parlant aux Confultans, Meffieurs , dit-
il , je ne veux rien rifquer , 8c j'opine
comme Mr. B.-qui fé faiiît eh effet dé
mon hydropique, dont il tira habilement"
plus de vingt-cinq Louis. CeMédecin:
tient aujourd'hui le haut du pavé. Quel
plus heureïix modèle à fuivre 1 & s'il eft1
quelquefois* vrai dé dire qu'une Comédie
vaut un Sermon pour les mceurs> quelle
leçon g quel flambeau, qu'une pareille
Hiftoire, pour éclairer la conduite d'une
tête de Médecin bien faite , ou bien or-'
gtaûïéeT:
-ocr page 87-
''t45 )
.CHAPITRE XII,
De Mr. 4NQI>IN:
MR. Anodin eft une petite machine
dévote ,,qu'un rien fcandalife , à
qui une mouche fait peur ,&. qui s'en-
flamme de la moindre bluete j il n'a ja-
mais prononcé par fcrupule , ni écrit ces
mots,,matrjce , verge grandes lévrjs ,ρή.~
ctUgei
fa modeftie leur fubitkue les noms
à'uterns , de pénis , a'hymen, de grandes
ailes,
comme.fi la Vulve étoit un Mou-
Tin. -.On a déjà remarqué qu'il étoit fa-
"ché de. trouver le nom des parties de la
génération dans les livres de l'art,, & que
peutrêtre il -voudroit pouvoir retrancher
ces parties des corps animés , tant il fem-
ble'reprocher à la Nature d'avoir pris une
voyehonteufe pour perpétuer je monde.
Sans être Ciniqùe , comme Diogéne, il
c.ft difficile de ne pas citer ici avec l'Au-
teur dont je parle, ces paiTages de Juvenai
§c
de Molière :
Maxima Atbetur puera rêver evt'ia.
»Vous êtes bien feniible à la tentation ,'
f£t la.çhair fur y.osfens fais grande inipreflian.
-ocr page 88-
·( 4<î )
Tout eft fournis à la Phyfique & doit
l'être aux regards des Phyficiens. Les
vues d'utilité., qui fuivent les recherches
des grands hommes tiennent leur cœur ea
fureté,&la plus importante action de l'hu-
manité n'a rien qui doive faire rougir un
être , qui tient fans doute de la divinité,
parles grands plaifirs qu'elle a voulu con-
ïacrer à cette opération de la Nature , &C
dont fans doute elle a fait dépendre la
vivacité du fentiment , plus ou moins
•exquis des nerfs dans les divers tempé-
rament. Mais revenons à M. Anodin,
& fuivons-le dans (es vifites de l'Hôtel-
Dieu.
Comme il avoit obfervé tant de fi pe-
tits nerfs , tant de fibres fi fines Si fi dé-
liées, il avoit peine à concevoir qu'on
pût vivre , fur-tour en Ce fervant des
Médecins ; il étoit au défefpoir d'être
employé dans ces grands Hôpitaux, où
la vie de tant de Sujets eft confiée au pre-
mier venu, ou â des gens qui la regardent
comme la boue de leurs fouliers. Ce que
je vais dire n'efl: point un conte \,Anodin
craignoit l'effet des plus doux remèdes,
toujours tremblant pour les fuites , après
avoir ordonné deux onces de manne, il
alloit fur le champ fe mettre à genoux
devant l'Autel de.la Vierge, pour la prier
-ocr page 89-
,v ^47)
■gue.-çe médicament ne rompît pas le fia
tuîu des fibres, pu ne produifk point de
iuperpurgation.
La fçience anatomique feule ne fait
jamais qu'un pauvre Médecin, qui fait
..lever les épaules aux femmelettes , & à
toutes gardçs-malades ·, elle ne peut être
dans-la pratique qu'une fonree d'erreur,
ou de. crainte ^lorfqu'onn'eft pas plus
JPraticien, qriAnadin.
Comme ce petit bon-homme eft le
tâteur, ou plutôt le tâtonnetir de la Fa-
culré , le célèbre déferteur de notre Aca-
démie, le fit venir un jour chez la belle
Ducheiïe de R... après <ju'il eut palpé
tout à fon aife la région abdominale , il
prononça en bégayant qae les vaiiTeaux
du colon étaient engorgés. Unefelle fit
cefTer promptement tout l'engorgement,,
•ce n'était qu'un Etron.
Voici quelle eft à Paris la réputation
d'un homme il veneré chez l'Etranger,
lorfque Anadin, dit-on, a fait ôter les
jarretières , le col, le ceinturon , débou-
tonner l'habit , la vefte s & la culotte
(car tout ce qui prefle , nuit : ) fait, dé-
lacer, les femmes, tout eft dit, tous les
obftacles de la circulation font levés. Si
cependant, je le fuppofe, il manque en-
core quelque chofe au parfait équilibre
-ocr page 90-
des liqueurs, ou à régalite de leur cours,
en ce cas, il confeille le remède doux
& agréable dont il porte le nom. Ce
■Quaker ne confeille la faignée que, com-
te TmrmÇol, dans un preffant befoin.
Mais fi l'on aime mieux être faigné, que
purgé , le complaifant Anodin y confent ,
-parce ψιο c'eft toujours bien fait de dif-
férer un remède qui en loi n'éft pas in-
différent. Refufe-t-on l'un & l'autre con-
feil î le bénin, ou plutôt le Benêt y con-
-fent encore , pourvu que l'on veuille
bien prendre fon petit clyftére dulcifiant.
Mais, Monfieur , dit le- patient,; j'ai des
hémorrlioïdes,, & d'ailleurs, je n'aime
•point la cérémonie de ces fortes d'in-
jections. Eh Ifarblen, dit Mr. Anodin, à
-moitié fâché, prenez donc de la rifanne
de chien-dent, & de l'eau de poulet.
Je finis par ce dernier trait. Ce Mé-
decin fut appelle chez la femme d'un
Perruquier·, il fe mit à rê-ver , après avoir
tâté le pouls, enfuite il partit, le Mari
court après Anodin,. qu'il crut fol ; mon
cher ami, lui dit-il, je nefuis pas de ces
Médecins , qui décident fur le champ,
je vais réfléchir chez moi aux fecours
qui conviennent à cette pauvre femme ,
elle eft bien mal, & il faut qu'avant mon
retour elle ait reçu tous fes-Sacremens-
-ocr page 91-
te Mari revient trois heures aptes ', cela ι
ne va- pas fi vite , dit l'Anatomifte fa-
meux, je n'ai pas-encore exactement cal-
culé combien de1 fais- le fang a dû paiTer
par le cœur dans une heure. Enfin toute
là combinaifon étant finie sil Ce détermina
hardiment à tirer un coup de cblièr,
je veux dire à ordonner demie once de
manne, avec demi' gros de criftal mine-
rai·, il eut: foin en même teras de recom-
mander expreiTément qu'on vint l'avertir,
en cas que la malade fut-trop évacuée.
CHAPITRE XI IL
De PHÏLANTROPE.
Y)" HiUnirope dans,· fpn jeune âge étoit
JL plus beau que l'amour , qui lui avoik
prodigué-fes plus grands bienfaits,xom-
ttie on va voir.
Mr. le Maréchal de. * * * * le fit, il y
a pins'd'un demifiécle , .Médecin en,Chef
de l'Armée d'Italie , &'îe mena à faillite.
Il entra- dans la chambre de Pkilamrope ,
Un matin- qu'il dormoir, & apperceyant
p^r hazard combien les couvertures
étoiént élevées dans un certain endroit}
H
-ocr page 92-
curieux de voir lacaufe d'unphénomene
qui lui fembloit prodigieux , il appelle -
fes aides de Camp , & après avoir quel-
que terris admiré : «Morbleu , dit-il,
» voilà un B... qui ne fera jamais Méde-
» cin de Madame la Maréchale. «
Philamrope arrive à Paris avec des ta-·
lens qui ne furent pas long-rems cachés.
Ils furent prônés par le Maréchal & au-
tres puhTans amis qu'il s'étoit faits.
D'ailleurs il fçavoit parfaitement le La,-
tin & le Grec , & c'eft à la faveur de tous
ces talens, joints à un efprit nerveux &
capable de raifonner avec force, qu'il eft:
devenu le Caron dé ces bords. Il y a plus;
de foixante ans qu'il tare le pouls des
pauvres humains, il voit, à tout prix },
une infinité de malades , il ne femble pas
permis de vivre, ou du moins de mourir,
hors de fes mains ,iE faut que chez lui
paiTe &c paye là vie de chaque particulier.·.
Telle eft là maladie Epidemique qui ra-
vage aujourd'hui tout Paris.
Philantrope eft un Routinier d'EfcuIape,
qui fuit les voyes frayées'par fesAncê-·
très, comme un cheval deMetTager fuit
lacloche ; fans jamais s'écarter dugrand
chemin. Avec Baptême &. Tournefol, il
eft plus avare de fang que~ van' Hèlmont',
avec la For φ il en rougifloit la Seine..
-ocr page 93-
(Ρ)
rÀmi de tout le monde, approuvant tout,
ne dédaignant l'amitié de perfonne,
brufque par nature ,& complaifant par
politique , il n'a jamais eu d ^rejyfte-
mc que celui du moment, ou du Méde-
cin préfenf, bu même du malade. Sans.
Théorie, fans aucunes eonnoiflances des
parties de fon Art,ignorantla_ Botani-
que , l'Anatorriie , la Chymie ,1a Phar-
maceutique , la Chirurgie, une routine'
aveugle , ou dit moins borgne , miiqaCG-
du beau nom d'expérience qu'il ne van-
îera , je crois, plus devant tes gens, tels·
que Qualifrafits-, avec un inihncl plus-
fur , quoique plus borné que celui de-
l'Empereur Julien , l'a élève au comble
de la réputation dans Park,-& il a trouve-
dans le feirt de l'empiriime , tous le* tré-
ioisàe Flums.
Ceux qui jugent de fon mente par ce
qu'en difent tcûs ceux qui font incapa-
bles d'en juger, prétendent que c'eft un
grand Praticien , un fécond Julien' :
comme fila célébrité de ce dernier n'of-
froit pas le meme problème à refoudre,
puifqu'il a toujours été livré à des préju-
gés hypotetiques plus dangereux cent
fois que le hazard Se la routine , comme
m le dira. Mais nousvqùe l'approbation
du Vulgaire ne féduit pas·, nous jugerons
H s
-ocr page 94-
Philantrope par fes œuvres, comme JwL
lien
même. Mais qu'eft-ce que les œuvres
d'un Médecin qui a eu la prudence de ne
point écrire ? Sont-ce tous les malades
qu'il a guéris' La nature· en guérit les ~
dans les Hôpitaux , malgré la mauvaife·
conduite des malades ,& l'infidèle exé-
cution des ordonnances. Qil'on ne nous
allègue donc point les prérendus mira-
cles , qu'opère un Médecin, qui a aiTez
peu de confeience pour voir cent malades
par jour. Toute guérifon eiVéquivoque ,
a moins qu'on ne l'ait furement prédite ,
ce qui arrive rarement, à caufe de &n->
certitude des prognofti'cs. Les converfa-
rions fur l'Art, auiu approfondies qu'elles
peuvent l'être , les Confultations' de
bouche & par écrit, là pénétration dès
vues, la folidité & l'excellence descon-
feils 9 voila lés oeuvres d'un Médecin qui
n'a point fait de livres: Achetez à pré^
fent, mon Fils, le Recueil dés Confultâ-
iions , àelh Forefli, Julien , & de
Philantrope , vous jugerez facilement
trois hommes célèbres à là'ibis. Si ces
fortes d'écrits donnent une idée peu
avantageufe.de la Science de Fhîlantrope,
les Médecins'de Province en font peo
de cas, fi les Sçavans· qui ont confiilté
avec ce Médecin, le regardent comme le
-ocr page 95-
ftls*amé de la fortune, d'avoir monté att-
plus haut de la roue, fans échelle, il n'y'i-
pas lieu d'augurer plus favorablement des
autres œuvres du Médecin,ni de le croire
urr homme fi fupérieuf, au'lit des mala-
des. Que dis^je, y a-t'il aucune apparence
qu'un telDoéteur ne foit pas auifi médio-
cre, qu'il a été-heureuxι?
Je iens tout le poids que les Se&ateurs
<L· Ρhilantrope donnent à fa prétendue >ex-
périence, mais je ferai voir ailleurs ce'
que c'eft que l'expérience d'un feul hom-
me, tel que celui-ci, qui, dédaignant la
ie&ure des Anciens & des Modernes, ne
s'entretient que dans la lucrative habitu-
de de voir des malades.* depuis qu'il eft
entré dans Paris, & par conféquent dans
l'ignorance de fon art. Mais je ne veux
point troubler ici les préparations , que la
reconnoiiTance duPublic crédule fait pour
l'apothéofe dé Pbilantrope, qu'on place
d'avance à là droite à® l'Empereur Julien*
auprès de qui fume encore une pauvre
îâmpe prête à s'éteindre. Nous permet-
tons même qu'on encenfe , fi l'on veut 5
non feulement Bacouill, mais cet ancien
arracheur de poireaux & de Cors es picdss
qui, grâce à un beau Cardinal, jouit du
Meilleur Ganonicat de toute la Médecine,
& auquel· la reconnoiifance trop gêné-
-ocr page 96-
reufe d'un Bel efprit, qui a le ccear ex*
eellent , a prodigué des Eloges Poe-
tiques.
CHAPITRE XIV-
25« 5%e de la FOR Ε ST.
C'Eft ici un des fùrprenàns Phénomè-
nes de la Médecine. Lorfqae le Mé-
decin dont je parle, ofa fe préfenrer à la
Faculté, il étoit porteur de 6000. livres
& de ι 2 années de pratique ; cependant
on délibéra fix fois fi on le recevroir. En-:
fin la fcéne fut heureufement dénouée ,
par le crédit de la Forefi, qui le produifit,
parce qu'il ne pouvoir lui faire ombrage,
comme on le dira plus loin. Ce mauvais
Singe, préfenté par un tel Mécène, ne fe
crut ni· un-for, ni un ignorant. Sa politi-
que fut de parler beaucoup, & quelques
fors ont cru qu'il parloir bien. Il s'eft en-
fin érigé en Colporteur de nouvelles , il
eft en commerce avec ceux qui aiment à
en répandre. On l'attend tous les matins
en certains lieux, où il eft écouté avec
roure l'avidité des Nouvelliftes. Au fond,
ce n'eft qu'un Bavard, peut-être auflî
jjrand que la Forefi} avec cette différence
-ocr page 97-
que Γαη-eft le plus plat, le plus mauffâde,
& l'autre le plus joli & le plus aimable du
inonde, tes femmes, qui vouloient qu'on
fçût dans Paris leur maladie j& les remèdes
qu'elles prenôient,: préféraient'donc avec
raiion la Forefl à Rihoë. Madame *'* * qui
vouloit fe faire faigner au pied, & que la
nouvelle s'en répandit, les envoya cher-
cher-Si je connonTois , difoit-elle , de
plus grands bavards,.je les euiïe confulté.
«^«$^§£*=·»> °.mm*
CHAPITRE XV-
De RU MU S, ^"
i-'Tila licèit pateant, tu tamen ufque nega.
R
Ufus après avoir fait fes études à
Montpellier, fut employé en 1755.
en qualité de petit Médecin fubalterne
<fans l'Armée d'Italie, de laquelle il fut
congédié pour caufe d'ignorance , comme
termina fus fut chaffé du Journal des Sça~
"bans
pour fa méchanceré.Voici le îzit.Ru-
fits
fut chargé d'examiner les médicamens
des Hôpitaux ambulans■■,. & il les trouva·
trop mauvais, ou trop mal choiiis , pour
lu'on en fît ufage.. Quelque teras après,·
-ocr page 98-
otfliii fit accroire qu'on en avbit fait ver-
nît d'autres de Marfeille , & ort lui pré-
féntales mêmes-,qui ii'avoicnt changé que"'
d'enveloppes, ou de caiiTés. Il approuva ,-
il donna mille éloges aux drogues qu'il■■>
avoir coodariinées^aù feu.
Chaile de l'Armée pour cette'faifon ">·>
il vint à Paris fans un fol j-mangeant à la■■'■
Gargote à S. fols par repas, avec des ha-
bits de velours,8& de droguer de foye s<
levés à crédit fur le futur revenu des ca-
davres. -
Le premier habit de Rufm fut décidé
gâté, pu mal-fait. Il lé porta cependant
deux mois, & dit enfuite au Tailleur,
qu'il vouloir que fon habit lui fat payé.
Rufm avoit déjà affez d'amis pour s'oppo-
fer à.la Juftice , il fit aifigner cet ouvrier,
qui fut condamné, fuivant Tufage.
Rufm fat à fon tour affigné par fort
Tailleur & par fon laquais. L'un le plat--
da pour la façon de deux autres 'habitsψ
qu'il lui devoit, ( ce: qu'il nia par fer-
ment en plein Ghâtëlet \} l'autre, pour le
payementde fes gages, & de ce qu'il avok
débourfé tant aux "FoiToyeurs , (qui dé-·
rerroient le Pape, pour le vendre ) qu'aux
Gargotiers. L'honnête Si rare Procureur
de Rufm , à qui St. Jean for porter fes
plaintes, l'empêcha, par principe de conf
cience»
-ocr page 99-
(57) - .,,·.·
cience., de faire des nouveaux frais, dont
il feroit «ncore la dupe-, par la facilité de
Rnfus à lever la main devant le Crucifix s
-comme devant un morceau de bois. Tant
il eit vrai qu'on n'eft pas pltïs fur d'être
honnête homme, lorfqu'on n'eft pas ri-
che , même avec de l'éducation, que de
ne fe pas jetter par la fenêtre dans un ac·*
■ces de manie 1
Telle eft la probité de Rufiis^ voici la
reconnoiiTance dont fon grand cœur eft
capable. Mr. Sept, mon iiluitre Confrère,
lui avoir galamment prêté ι oooo. livres,
parce que la femme d'un Libraire, à la- ·
quelle il fervoit plus que de Médecin , Se
qui l'avoir fait-recevoir à fes dépens dans
ia Faculté de Paris, ne pouvoir plus lui
fournir , àT'infçû de fon Mari'■, tout l'ar-
gent dont a befôin un Médecin qui veut
s'établir en cette Ville, fans autre reifour-
ce que celle dufcalpel & des cours parti*
culiers,
ou plutôt des cours folttaires. Que
•fit Rufmt Vous fçavez que la nature en-
vers lui moins mère, que marâtre, lui a
-donné là figure d'un homme faux , perfi-
-de, & même plus fourbe que Sinon ; il en
-a parfaitement foutenu le caractère. Il n'a
payé que d'ingratitude les bienfaits les
plus généreux _, & ce vice ordinaire des
-mauvais: cœurs & des âmes baiTes', de
I
-ocr page 100-
H8)
combien d'indignes propos ne i'a-t'il pas
.alTaifQiiné.'.î ». Le pauvre garçon, difoit-ii
« au premier, venu, ;vient de donner plu-
« fieurs Mémoires à l'Académie , mais il
sa enibraffe tant de chofes , qu'à la fin il
» ne dira rien qui vaille ; & entre nous ^
» ajoûtoit-il, je ne connois rien de fi fu-
se perficiel, de fi adroit & de fi rufé ?
» pour faire quelque chofe de rien. Il a
»» une phyfionomie d'une gravité douce
*> & fine, qui feroir honneur à un homme
» de condition ; la,prudence & la politi-
>» que &c i'ufage du monde.& les belles-Let-
» très , fi rares dans un Chirurgien, ac-
?» compagnent & ornent tous fes difcoursj
» il a été aufli galant que Madame jbeau-
» coup d'Auteurs qu'il admet familière?
» ment à fa table , font fes amis , & tra-
» vaillent pour lui. Sans cela comment
» un homme fi employé dans fon art, §C
Λ
fidigne de l'être, pqurroit-il publier
» tant,de différens petits écrits fur des
matières qui lui font abfoiumenr étran-
« gères ΐ
Je n'apprens rien de nouveau à mon
Confrère ·, le fond de ces difcpurs lui eft
parvenu, il a rougi de l'amitié qu'il lui
avoit prodiguée , l'indignation & le mé-
pris ont pris fUr le champ fa place.
Confplez-vous, Μί· > h fuffràge du
-ocr page 101-
(59).
iPiibiic vous vangeroit, fi le mépris domr
ibiftts honore les jeunes Auteurs , ÔC fur
tout les Traducteurs , &c même les vrais
génies, ne faifoit votre Eloge*
Vous avez νίι par une petite lettre qui
a paru contre le fyftême de -ce Médecin
fur la voix, & qui, au jugement de l'Ab-
bé des Fontaines, réduit pour toujours
l'Auteur à exercer une vertu rare, qui eu
la patience, vous avez vu, dis-j e , que
Rufm ne fçait pas le François, & que fes
écoliers ont tort d'être furpris que dans
fes leçons il donne tous les jours, comme
on dit des,/o/^«iàRonfard. Mais ce n'eft
pas tout ·, Dieu fçait quelles fottifes il fait
dire tous les jours au grand Boerhaave,
■qu'il n'entend pas& qu'il a la fureur d'ex-
pliquer, pour gagner de l'argent 1 Ses éco-
liers s'en font apperçûssen confrontant fes
difcours avec l'Interprète François, qu'en
conféquence il a trouvé pitoyable, ne
rendant jamais le fens de cet Auteur , 6c
qu'il a défendu à fes Difciples d'acheter,
Rufm ne fçait de Phyfioîogie que ce
qu'il y a de plus commun , que ce qui
court, pour ainfi dire , les rués j cepen-
dant il n'eilime pas les remarques Françoï-
fes d'/&i/?£>\C'efl:,dit-il, (comme Vermino-
fus
le difoit de YOeconomk animale de Qua·*
tifnafm)
c'eft ν Boerhaave mis en pièces *
li
-ocr page 102-
»-ce font fes propres leçons habillées à la
»Françoife. Ne pouvant prouver lui-tnê-
me ce qu'il avançqit, il trouva chez U
Forefl
dont il étoit le complaifant, & aux
démarches duquel il doit ion rang Aca-
démique , il trouva, dis-je , le Comment
tateur de Boerhaave & le pria inftamment,
de concert avec la Forefl, qui avqit fes
raifons pour s'y joindre, de faire un pa-
rallèle qui démontrât clairement toute la
friponnerie de la belle Phyiîologie.dont je
parle, & qui ne reftemble prefque en
rien,(fi ce n'eft par rapport au fond)
avec celle de Haller, comme les Sçavans
peuvent en juger.
Rufus eft bien plus ignorant en prati-
que 5j qu'en ceconomie du corps ; Ja rou*·
tine même lui manque, faute d'habitude
de-voir des malades. Cela ne l'empêche
pas d'être nommé examinateur des faits,
des Obfervations de Adédecine pratique ; il
lit quelques pages du manufcrit qui lui
eft confié, 8f dit enfuite à tous les Méder
cins qu'il rencontre, qu'il ne peut don-
ner fpn approbation à une pratique auiîî
déteftable. Ces bruits viennent aux oreil-
les de l'Auteur qui demande au médiocre
Auatomifte , depuis quand il eft devenu
Juge des Praticiens. Alors fans fe décon-
certer > Rttfm nie le plus humblement,
-ocr page 103-
qifil ait tenivde pareils difcours , & après
ihille excufes, lui protefte qu'il eft rem-
pli de confidération pour fes talens. On
peut voir dans la petite Préface de ce
Journal, le cas que l'Auteur fait du juge-
ment d'un Rufus.
Mais toutes ces petites jaloufies vont
bientôt s'éclipfer à la vue'de Hunauld,
du vivant duquel Rufus avoir la préiomp-
tion d'expliquer les œuvres Claffiques de
Boerhœave. Il alloit entendre ce Scavant
Homme au Jardin du Roi, & même quel-
quefois dans fes leçons particulières, il
lui témoignoit l'eftiroe & le dévouement
le plus parfait, en un mot on peut dire
qu'il lui faifoit une efpece de petite Cour,
de peur d'être écrafé par un aUfli redou-
table ennemi ; cependant jamais le dé-
mon de l'envie , au teint pâle & blafé ,
n'a fi pleinement poiîedé une ame vile &
mercenaire , jamais on n'a fi cordialement
haï, fi fincerement foubaité la mort d'un
Rival. Il payoit des Efpions pour fçavoir
Ce qui fe paiToit, ce qui fe difoit dans les
Cours particuliers de Hunaulâ ; il le char-
geoit de mille ridicules dans les fiens , &
employoit les moyens les plus honteux
pour lui enlever quelques-uns de fesDif-
ciples, fous prétexte du moindre prix ,
toujours trop cher, quand la marchan-
-ocr page 104-
iïCe ne vaut rien : enfin faris refpedT: pour
les mœurs les plus douces, pour les ta-
kns, marqués au coin, du vrai génie ,
Hunauld n'étoits félon Rufus, qu'un pe-
tit Anatomifte , un libertin fi livré aux
femmes & à tous les plaifirs, qu'il ne pou-
Voit vivre long-temSi
Cette mort fatale à l'honneur de la Fa-
culté , eft arrivée au gré des defirs de Ru-
fus
, dont les indignes difconrs faifoient
àflez l'aveu ; de iorte que, tandis que
l'Anatomie en deuil ne pouvoit plus tenir
fon Scalpel, (fi l'on me permet de la per-
fonifier ) tandis que les gens de lettres Si
de goût pleuroient aVec elles , l'heureux
Rnfus jouiiToit tacitement d'un plaifir ,
qui, tout cruel qu'il étoit, remplifibit
fon cœur, & le mettoit au comble de fes
vœux. Qu'eût-il véritablement fait dans
Paris fans ce favorable, ou plutôt funefte
événement; Les Boerhaave, les Albinm,
■les Chefelden, les Margagni, les Hoffman,
&c. n'adreifbient qu'à Hunauld tous ceux
<jui vouloient acquérir les plus fubtiles
& profondes connoiiTances de l'Anato-
mie & du méehanifme des corps animés.
Mais depuis ce tcms, Rufus a payé fes
dettes , & ne va plus à la Gargote , ni à
pied, & Bertin n'a encore caifé qu'une
"roiie de fon caroflc. Cependant Rnfus ne
-ocr page 105-
fçait pas ttiânier le Scalpel', & certaine-
ment il n'auroit pas ofé démontrer toutes
lès parties déliées du dedans de l'oreille >
en préfence de gens qui auroient affiité>
comme un dés Tourne fols, à cette démons-
tration faite par la dextérité même chez
Hunauld. AxmiRufki n'a-t'il pas pris pouf
fon prévôt de falle un gros Boucher, tel
que Mertrtid, qui a guéri Mî. Ory par
Un remède que ion Maître lui avoit ap-
pris, & qui a voulu entrer à l'Académie
à la faveur d'un mémoire fondé fur ο &c
qu'il ne put jamais lire dans la fçavante
AiTemblée 3 ila habilement choiiî un jeu-
ne Chirurgien ; meilleur Ahatomirte que
lut, & fans lequel il: eût été obligé de
plier boutique , pour parler vulgairement.
Jugez-en par ce trait. Un jour il le pria
de lui faire voir\è mufcleantérieur, de l'o-
fcille~,qMi
je crois , a été décrit pstSan-
Urini
, & qui, félon cet Obfervateur4
prend naiifante de XÂpophjfe Zygomaû-
que,
& va fe terminer au devant de la
Conque. L'habile Chirurgien répondit que
ce mufcle ne fe trouvoit que dans Samo<·
rini;
il eut beau dire& faire , Rufus s'obf-
tina tellement, que pour fe délivrer d'un
ignorant importun , on s'avifa de lui cou-
per en fon abfence une très-petitjrpor-
tion du mufcle Crotaphite, & on t'attacha
1 4
-ocr page 106-
. C>4)
enfùife auXjpafties défignées, avec aittknf
d'arc, que Rufns même en employa pour
ajufter des rubans dans cette glotte, qui
en conféquence de ce frauduleux artifice,
fit un bruit dont toute l'Académie fut pé-
trifiée. Moyennant quoi le fripon fat
trompé à fon tour.
                              "
Vous'êtes furpris, mon cher fils, que
tant de gens vraiment doctes ayent été
prisa un piège aufli groflier. Mais fans
le célèbre déferteur de leur corps, ils
croiroient peut-être encore que toutes les
maladies viennent des vers du fang , &
qu'il y a une liqueur qui par d'autres dnU
mdcuks
qu'elle contient, peut détruire
ceux-là;,; & conféquemment toutes les
caufes de nos maux.
Un Charlatan , fans fçavoir un mot
d'optique, avoit Catoptriquement trompé
tout Paris. De-même fans ie jeune Auteur
de la Lettre critique & pleine de fel 6c
d'agrémens, dont j'ai parlé, ou plutôt
fans les expériences Anatomiques faites
par lui fous les yeux de Hunauld,<\w. huit
jours avant la maladie dont il eit mort >
me dit qu'il vangeroit l'illuftre Dodart,
& démafqueroit le fourbe qui vouloir
s'élever fur ies débris, Rufus eût pafle
pour un efpric pénétrant, jufqu'à ce que
le tems, qui met le prix aux découvertes^
-ocr page 107-
(β)
eût anéanti les chimères & les friponne-
ries de notre Ânatomifte. Plus Charlatan
que Gaddesden, plus fourbe qu'Uramus »
( ι ) il ne connok que l'ambition & l'in-
térêt. Voilà les dieux, Médecins, auf-
quels il vous facrifieroit tous. Fanum ha-
bet in Cornu, longe fuge
, &c.
Il ne faut.pas plus de mérite, ni de de-
hors plus fpécieux que les fiens , pour ert
împoier au Public, & même pour ufurpec
un empire dangereux fur des efprns fai-
bles & crédules, faciles à féduire par de
vains titres & une autorité frivole. Quoi-
que je ne me fente certainement dans le
cœur aucune envie de nuire, j'ai donc dû
empêcher de mon mieux que Rufus ne
nuife lui-même, en le peignant de cou-
leurs aulïi vives que vrayes. J'ajoute qu'il
( ι ) Uranitis éfoit un fourbe adroit qui fçavoif
mafquer tous fes vices , fous l'apparence de la
vertu. Ce Médecin de Syrie qui vivoit au Xe iîé-
cle , trouva le fecret de paffer pour le plus grand
Philofophe de Perfe , fans fçavoir un mot de
Philofophie. La vanité , la préfomption , l'impu-
dence , faifoient fon caractère & tout fon mérite,,
de forte qu'il ne pouvoit tromper des gens éclai-
rés qui voioient qu'il manquoit effentiellement
de génie & de vraies connoiffances, dit Mr.
Freind. Je croyois le parallèle plus parfait qu'il
ft'eft ; Rendons juitice à Rufus , il l'emporte fur
Vrmwf.
-ocr page 108-
ïi'eft comparable à aucun des Fameux'Aria-
tomiftes des deux corps ennemis, c'eft le
Bœcomilde l'Ànatomie. J'ai tout dit par
ce dernier trait, &faùrois peut-être mieux-
fait de ne pas entrer dans tous les'petits
détails mi férables qui compôfent ce por-
trait. Les petites chofes ont bèfoind erre
relevées par la dignité & la manière no-
ble de les traiter. Mais qui a le pinceau
de Mr. Le Sageï Qui peut fe ptoitituer
avec décence î
^CHAPITRE. XVI.
De Mr. DOUILLET.
C"Eft ici le vrai Douillet du PhlluntriP·
pé.
On le levé, on l'habille , on le
parfume , on le deshabille, on le couche.
Son pot de chambre eft d'argent, ou de
la plus belle porcelaine du Japon. Il n'eft'■
point dans tout Paris des perruques d'un
plus beau blonde ni de plus belles den-
telles. Ce Médecin a l'air d'un Seigneur
dans fon appartement, & d'un Sçavanc
dans fa Bibliothèque, qui eff fuperbe , &-
jamais dérangée. C'eft-là qu'il a fait fon'
Kaité Latin de la petite Vérole , avorton
-ocr page 109-
tticontttt , mort en naiiTant. C'eft-là que
depuis dix ans il travaille à laiffer à fit--
Patrie
un nouveau & précieux Legs de
toute fa pratique de Médecine , que je lui
confeillerois d'abandonner pour l'hon-
neur de fa mémoire. Quand on n'a pas
les plus- profondes connoiffanees d'un artv:
il faut ébloiiir les autres de fa routine t,
mais il y a trop d'amour propre à être foi-
même affez aveugle, pour croire donner
d'excellentes choies. Mr. Douillet ne s'eft
jamais occupé de fa profeffion, tant Théo-
rique , que Pratique, que parce qu'elle-
remplit certains momens de la vie, dont
le vuide eft affreux. Il n'a jamais, dans-
fes plus grands jours dé fblitude, écrit,
ni lu plus d'une heure de fuite , de peur
d'échaufferfon fâng 3 δέ de priver fa bile:
de fa douceur balfamique. Plus partifan·
d'une vie douce Si tranquille , & d'une
volupté commode , que de la turbulence "
de la pratique de la Médecine & de l'a-
mour , il ne voudroit pas fe baiffer pour"
ramaffer un malade , ni le plaifir. Il faut
faut, comme parloir la Foreft, qu'il foit
follicité & tiré par la manche. Il eft vrai*
qu'il avoir autrefois la peine de defeendre
de chez lui, pour monter enfuite dans
l'appartement voifm de fa MaîtreiTe ·, mais
ees plaifirs étoient bien fatiguans,- il a fait·
-ocr page 110-
faire une porte de communication qui le§
a rendus plus faciles. On n'eft dans la vie
que pour fe procurer fes aifes & fes corrf-
modités. C'eft à la faveur de ce paitage 3
que Mr. Douillet a confénti de paiiér tous
les jours cinq ou fix heures, fur ie Sopha
de foir Amante , riche Italienne. Voilà le
théarre de fes plaifirs > δε la malade chez
qui le Médecin étoit allé, toutes les fois
qu'on le demandoir, où il ne tarderoit
pas. C'eft-là que tant d'appas & qui coû-
toient fi peu, étoient prodigués au for-
tuné Douillet. C'eft-là que Boihtm femble
avoir pris ion incomparable portrait de la
molieiTc. Douillet, l'heureux Douillet l'y
repréfentoit au naturel avec tous les char-
mes de la volupté qui la fuit C'eft dans
les bras de l'objet de tous fes defîrs, qu'il
vcrfoit ces larmes délicieufes, mêlées de
routes les douceurs de l'amour.
Un Epicurien peut être un homme de
beaucoup de mérite & de talens, s'il fçait'
partager fon tems entre l'étude & le plai-
fir. Mais un homme fans génie, fans ef-
prit, ennemi du travail par tempéramenr,
ne peut devenir un aigle en quelque art
que ce foit. Ainfi. la médiocrité de notre
petit Docteur n'aura rien qui furprenne ;
il n'a jamais cherché le Public avec plus
d'empreiTement qu'il n'ena été defïré ,.&:
-ocr page 111-
cependant il a fait fortune dans le feinde
la plus douce tranquillité. D'où vient tant
de bonheur fi peu mérité ; Eft-ce de la
éifcrétion que tout -Médecin doit avoir,
êc que la prud'homie de-celui-ci a affiché
au .plus -haut point, de.forte que l'hon-
neur des plus grandes familles lui a été
confié-fans crainte, ainiî que les maux
ks plus .honteux ? £ft-ce des grandes
maifons aufquelles il ..s'eft attaché ,de
bonne heure ? Je le crois, & cela feul
prouveroir que c'eft toujours -bien fait à
un Médecin de s'appuyer de la protection
d'un Miniftre , dlun Cardinal, ou d'un
Prince ,,fi le un Politique.Chryfdogue ne
confirmok cette véritépar la fageiTe de
iâ conduite. En effet Douillet ne-pouvant
£e
diffimuler fon peu de mérite, a paru
ne pas fe foucier d'être fort répandu dans
Pans,& d'amour propre fe confole en
effet facilement du peu d'hommages qu'on
lui rend ,.iorfqued'indoience&îa pareife
fontfes attributs favoris..C'eft pourquoi
Douillet s'eft borné à traiter un-petit nom-
bre de Seigneurs,, Sa.fortune qui eft de
plus de 50000. livres de rente viagère
(car un tel homme ne vit que pour ïui,
il eft fon. parent, fon ami, & même fa'
MâîtreiTe à Jui-rnême,) fans compter des
-ocr page 112-
(70)
■effets confidérables, a commence pat Mr.
le Maréchal de * * '*■ qui l'emmena avec.
lui à la gue£re,3&lui fit donner une pen-
fion de plus de mille écus, par le Régi-
.jnent dont il était Colonel. Ce Médecin
garda iong - teros cette penfion. Neveu,
d'un homme qui avec peu de fçavoir
•.croit devenu le Philamrope de fon Uni-
verfité, il fe xrut de bonne heure un
: grand Praticien. Il n'avoir cependant tout
fon mérite qu'en fpécieux dehors de gra-
vité & de furfifance. Mais cela fuffit pour
fe bien peindre dans l'imagination d'un
homme férieux , qui fouvent ne penfe
point lui-même 5 mais qui veut qu'un
Médecin ait l'air de réfléchir: & l'on ver-
ra dans la fuite , lorfque je parlerai des
J&téâeeini Dornefliques, que ce qui feroit
le chef-d'œuvre d'un homme d'efprit,
je veux dire de plaire à toute une grande
maifon, n'eft qu'un jeu qui ne coûte rien
à un homme myftérieux , qui cache fesi
fottifes & fon ignorance fous le voile de
la gravité. Une des plus belles femmes
qui ayent paru à la Cour , Madame la
DucheiTe de * * * auroit volontiers déifié
ce mince enfant d'Efculape. Quelle péné-
tration , difoit-elîe i il voit mon mal de
poitrine comme au travers du meilleur
J
-ocr page 113-
■(ι\)
tteicrofcope, il connoîr le point mathéma-
-tique , où mes douleurs & mes tubercules
.ont pris leur origine.
Mr. le D.uc de *** étoit fortement
^petuiadé qu'il lui avoir fait cracher un
abcès par un trou tait au diafragme. Si
ce Médecin qui fans efprit avoir trouvé
l'art de féduire à fa manière j eût dit ace.
valeureux Seigneur, Mr. votre fanté dé-
pend d'une, très-lente maftication,, vous
ne pouvés mieux faire que dédire unΡ a*
-ter
&-.xmAve* entre chaque morceau que
-.Vous' avalerez,, ce Duc qui n'avoir peut-
être jamais fait de Prières qu'au Dieu
Mars., eût tous les jours religieufernent
firononcé celles-là. Il étoit dans cette il-.
uitre famille trop juftçment défolée., ce
que Sigogne eft à Mr. le Marquis de
Batifremom. Un Douillet l'a dit, Sigogne
ΐα dît
, étoit un MUum d'une auffi grande
autorité que celle a'Ariflote avant Def<
cartes.
Mais, mon cher fils, ce qui doit
Vous confoler, fi quelque jour, attaché par:
ttiaiheurà une grande maifon, avec beau-
coup d'efprit & de fçavoir, vous trouver
a peine un petit vuide favorable , dans
des cœurs exaébement remplis de préven-
tion , c'eft que tandis que chaque famille
prône & élevé fon Médecin 3 au-deiTus
-ocr page 114-
(7θ
de tous'les autres, (comme chaque Régi-
ment fait fon Chirurgien ) à deux pas de-
là , dans l'Hôtel voihn , on ne eroir feu-
lement pas ce grand Saint capable de gué-
rir la gale, on le mal de Job, tel que
l'imagine le P. Calmet.
Vers l'âge de foixante ans, Douillet
renonça à la pratique, & afficha en quel-
que forte qu'il ne feroit plus la Médeci-
ne , qu'en faveur de fes amis. Cette po-
litique n'eft pas mauvaife , an n'en eil
que plus defiré , moins importuné, δζ
mieux payé. Έ,ίΙ-ce là ce qui s'appelle un
heureux caractère, parfaitement foutenu
depuis la première , jufqu'à la dernière
fcéne ? Je vous fouhaite , mon fils , à cet
âge une aulli belle retraite. Je dois ajou-
ter au refte que -Douillet eifc un honnête
homme, qui a toujours autant aimé a
' obliger, qu'à amaifer de l'argent ; mais
un jeune Médecin qui lui a fait en mou-
rant une banqueroute confîdétable , l'a
un peu corrigé. Les vieux Médecins font
quelquefois trop bons > £i les jeunes fon$
rrop fins,
CHAPITRE
-ocr page 115-
(73)
CHAPITRE XVII.
De ÎEmprmr JULIEN.
H
XJnauld qui connoiiToit particuliè-
rement cet Archlatre ( ι ), & par la
protection duquel il alloit être Préfident
d'une Académie de Médecins, ( ι ) fans
la mort trop prompte de Julien y Hunaulâ
m'a dit que cet Empereur avoit tant de
vanité & d'orgueil, que , il fon Cocher
fut venu lui dire ,. Monfieur, vous êtes
le plus grand Médecin du monde , il ne
doutoit pas qu'il ne lui eut répondu *,
mon ami, puifque tu t'y connois fi bien ,
il faut que tu fois toi-même un grand
Médecin.
Voilà le fond du caractère de Julien ;
en voici les fuites. Il parloir peu par or-
gueil »· (& auffi mal qu'il écrivoit, con>
( ι ) Premier Médecin»·
( ι ) Si julien fut mort un mois pîus tard , cet-
te Académie eut été établie malgré li Faculté qui
ftntoit combien cet Etabliffenïent étoit préjudi-
ciable à l'ignorance de cèuXjde fes. membres ,qai
damaient pu y entrer.
K.
-ocr page 116-
(U)
me on le verra dans la fuite ) fée, dur i
brufque , il n'avoir ni la complaifance de
fkïlantrope, ni le manège de la Forefl.
Telle ^toit fa rigueur mifautropique,
qu'il nioit quelquefois le fentiment mê-
me qu'aceufoient les malades , & que
peut-être ils avoient réellement. La
confiance inébranlable avec laquelle il
fuivoit le plan qu'il avoir une fois formé,
les encourageoit , plus qu'elle ne fait
Honneur à l'Empereur Julien , aux yeux
de ceux qui connoiiTent le fondement
d'une telle conduite. Elle ne fuppofe
point ici lajufiejfe du coup d'œil fi vantée
par fon Panégyrifte, mais plutôt un gé-
nie fyftemarique , duquel partoit cette
ftinefte fermeté, génie dont la nature eft
de ne jamais perdre de vûë le principe
qu'il a une fois forgé. Or un tel génie ,
fi l'on veut qu'il excelle ,eft-ce dans l'Art
de guérir, ou de tromper les autres 6>C
foi-même philosophiquement ?
Quiconque ignorant la vraie manière.
de Philofopher, ne peut réfifter à la dé-
mangeaifon de bâtir des Hypothéfes,
fait néceiTairement la Médecine , en con-
féquence de ce qu'il a imaginé, & s'il eft
suffi rempli d'amour propre que Julianus
de Cbiriacis
, ou Chiriacus de Julianis,
quels ravages un Médecin CcJébre xt«
-ocr page 117-
çlok-il pas faire durant foixante ans de
pratique 1 Certes plus un tel génie a d'é-
tendue' & de fagacité , plus il eft dange-
reux ', parce qu'il tire une foule de confé-
quences qui peuvent être juftes , mais
qui pèchent toutes par leur premier prin-
cipe trop gratuitement fuppofé ; &c'eft
aihfi que le Public doit craindre jufqu'à
l'efprit des Médecins aufqucls il donne
ia confiance. - Mais, mon cher Enfant s
râiTurez-vous ·, il n'y a plus rien à crain-
dre de la dodtrine Chiraciemje , j'en ai
trouvé l'Antidote , & à caufe des bruians '"
hbmmages qu'on lui rend, j'en doublerai l
la doze, Je prouverai que Julien n'étoit ·
qu'un mauvais Philofophe.,. pauvre d'ex-
périences phyfiqueSj riche en faits ima-
ginaires , en rêves qu'il prenoit pour des
réalités, parce que , comme Dufaut » il
n'avoit pas befoin de dormir /pour rêver.
On verra », qu'outre le Çartéfianiime 3
qui avoir été fon premier lait ^philofo-
phique , Aliment Qû'ftl a aimé jufqu'à la
mort, il a toujours adopté & chéri, au-
tant que Chnfpïogiiemèrne , les plus fauf-
fcs & les plus ridicules Hypothèfes de
ces mauvais Ghymiftes qui ont précédé
le Grand BotrhdAve. ,,8c qu'enfin Julien
n'a pas plus connu le vrai chsmin de la :
Médecine , que de la PrnTofophiè , êc
-ocr page 118-
. (7θ
que d'ailleurs il avoir fort peu d'efpriî
hors de fa Sphère , & même lorfqu'if
croyoit briller le plus par, la gentilleiTe
& la légèreté , comme dans la difpute
avec Victtffem..
Mais il n'eft pas le tems de s'étendre
fur toutes ces chofes ; fi la Forefl vivoit %
il s'irnpatienteroit de ne voir point arriver
fon portrait. Le voici.
CHAPITRE XVIIL
Z>e Z^ FOREST.
M
Ais quel eiï ce Médecin, qui fait
entrer fon; Caroife avec tant de
bruit"» jufqu'au fond des Cours , qu'on·
foiï tient ,' lorfqu'ïl defcend ., & qu'orr
porte en quelque manière jufqu'au grand
efcalier > C'eft la Forefl. Lès beaux che-
vaux ! & avec quel, art le Cocher les fait
piafer, & tourner plufîeurs fois par ordre
du Maître; le bruit qu'ils font, annonce
ce brillant perfonnage, & ne l'empêche'
pas de s'arrêter à deux pas, pour parler
d'affaires férieufes avec un de fes Confrè-
res", ou du moins pour en paroître occu-
pé;, Mais: voilà une femme de chambre
-ocr page 119-
(77)
tjuipaiïè ,.il s'interrompt pour aller âtr-
devant d'elle , & lui demander des nou-
vellesde fa belle famé. Que de jolies cho-
fes il lui dit? avec quel air riant, il la
fuit à perte de vûë. Il revient enfin, Se
reprend le fil de fa converfation par l'u-
fage des fouris d'amitié , & l'utilité des at-
tentions , des politefïes, & même des ré-
vérences. Faifons toujours , dit-il , un
bon accueil aux femmes de chambre -,
elles nous le rendront bien a la toilette '
de leurs Maîtreiies. Il faut Çemer les petits
foins,
& accorder la petite oye à tout le
monde, on en recueille tôt ou tard le
fruit.
Il faut vous peindre de vives couleurs
ce laForefl , ainii francifé dans une Co-
médie de Boîjfy , qui, fi je ne me trompe,
dans un autre Pièce,.a changé le nom
d'Efope, en celui de la Joie , Médecin
qui vient yvre fur le Théâtre , comme
celui-ci Peft quelquefois dans les coulhTes.
Il a déjà été peint ailleurs fous le nom
de Jean de Gaddesden, parce qu'en effet
il reiTemble beaucoup à ce grand Charla-
tan du XIII. fiécle , comme Erofiatre l'a
été fous le nom de Bajle, aiatant que j'en
puis juger. Il faut vous faire voir que la
Eorefi
efl un autre homme que Gaddesden,
&
que fi Julien a favorifé la cuifine mo-
-ocr page 120-
demé jufqu'à fe faire tin plaifir· flatteur ■'
d'immortalifer fon nom par celui des
Ragoûts , la, Forefi a autant furpaiié le.
Cuifinier François en pharmacie , que F'.'
& tous les Singes de Séneque , ou plutôt:
de Pline le jeune, en bel eipriu
La Forefi étoit le vrai Médecin de *
l'imagination , & du goût, ou plutôt du
Palais > pour ôter toute équivoque ,
Aiedicus ad Palatum, comme porte le
titre d'un livre fort rare. Si Gaddesden '
ne prefcrivoit aiix gens de qualité, &
principalement aux Dames, que les re-
mèdes les plus précieux, les plus agréa-
bles,- & tout ce qu'il y avoit de plus rare
Se de plus recherché , dont il doubloit
toujours la doze pour les perfonnes ri-
ches , il cet empirique pour faire fa cour ,
femble donner dans les préjugés les plus
à la mode, la Forefi donnait des coiifeils
auiîi iînguliers, & qui ne plaifoient pas
moins. L'un ordonnoit* pour la paralyiie
des peaux de Renard, dont il enfeignoic
la préparation; le Coucou pour ΓΕρίΙερίΐε}
le Sflca'Nard pour rHydropiiie ; lefang
de Belette
, la fiente de Pigeon , & ce qu'il
préfère à tout dans les cas défefperés ,
l'attouchement des mains Royales , pour
les Ecroiielles; un ceinturon de peau de
Veau marin,
dont la boucle fut faite a'os
-ocr page 121-
(79)
de Baleine, pour la Colique 5 \zfang "Drai
gon
pour le Cancer , enfin, ( car je pafle·
fur bien des confeils habilement fuperfti-
tieux, ) s'il enveloppe tout le corps, dans
la petite Vérole, d'un drap rouge , s'il
veut que les rideauxdu lit, des fenêtres,
& tout l'ameublement foit rouge, affir-
mant fon grand Dieu, que c'eft le vrai
fecret de n'erre jamais marqué·, l'autre
confeilloit lespeaux divines pour la Para-
lyfie ; le fachet d'Arnould pour l'Apople-
xie, à ceux qui y avoient foi fur les re-
lations publiques, ou fur le Témoignage
payé de l'Abbé des Fontaines ; de la foie
cramoifie,
ou du pourpre dans un œuf j
pour la petite Vérole, ( fi quelque fem-
melette prônait cette vieille pratique
connue de Gaddesdeny) ce qu'il accor-
doit volontiers, pourvu qu'on lui permit
la faignée du pied. On rrouve dans fes
Coufukations imprimées , le remède dit
frère Julien Auguflin ,
qu'il préfère à
tout, & comme une dernière reflburce,
dans l'Hydropifie. Il ordonnoit Icfang de
Bouquetin
pour la Pleurefie ; le nid άΊτοη-
delle
autour du col , dans l'Efquinancie ,
la décotiion de poux , dans la jauniiïe ·, il
n'a jamais preferit de quinquina en écor-
ce, depuis la découverte commode de
Mr. de la Garaye.; il eut fait venir de
-ocr page 122-
(ίο):
Sennes Se
Bordeaux les frères Lucts*
Moines empiriques qui y font en réputa-
tion 5: il eut envoyé aux eaux de Barecres,
pour la pierre , fur la foi d'un de fes
compatriotes, qu'il· regardoit comme uiï
Vifionnaire ; aux eaux de Baths, plutôt
qu'à- Aix-la-Chapelle , pour la féconda-
tion : & comme Gaddesden fe fut mis à
la tête des Inoculateurs , félon le juge-
ment de Freina,, la- Fereft
           ffi vo-
lontiers changé avec le goût des François,
fi le plus bel efprit du fiécle , trop par-
tifan des Anglois , qui ont eux-mêmes
abjuré leur fyitême , eut pût enhardir fa
Nation, qui route folle qu'elle eib., ne
l'a pas été aiTez pour l'en croire. Mais
le zèle du bon Citoyen excufe aifément
un homme iiluftre qui ne fçait pas la
Médecine.
Les talens de IkForefi ne fe bornent
pas-là. Il encourageo.it les enfmsà boire
le remède de .Maàemoïfdle Stephens, non-
feulement
en leur donnant beaucoup de
hon-bons, mais en leur faifant faire cette-
finguliere prière ·,»Μοη Dieu qui avez
«tant fué dans le Jardin des Olives , pour
«boire le Calice,je fuis fur que vous;
«n'auriez jamais avalé cette déteftable'
»boiiTon. « A d'autres il avoiioit fran-
chement qu'il falloir toujours enfin tail-
-ocr page 123-
. ^1 > ,,
1er ceux quiavoient déjà été crucifiés 'par
Mtette liqueur. Une jeune fille le conFulte
fur;Fa grande maigreurs il -faut, difoir-
il, recevoir la tranFpiration d'une per-
sonne faine & vigoureuFe, d'un Fexe dif-
férent du vôtre *, c'eft ainfi , ajoutoit-ii,
•en faifant alluiïon à "Sydenham , qu'om
•applique fur le ventre dans la -Colique..,
des chiens , ou des chats ouverts vivans.
Une autre avoir eu un iriftant de foi-
'MefiTe qu'il falloit cacher, dent elle vou-
loit promptement arrêter les fuites , oa
le poifon l'eut vangéede la perte de fou
honneur vcorifolcz-vous , ma chère en-
fant, difoit-il, en la prenant par-deCou-s
le menton, tenez, uFez de cette recette-,
elle a rendu plus d'un Fervice eiTenciel au
■beau Fexe,
Gaddesden apprenok aux Dames la
manière de Faire des eaux de fenteur , des
pomades four le teint, le lait Virginal pour
•les rouiTeurs, &c. La Tor-eft pouûToit plus
loin Fes do&es recherches, il Fçavoit l'art
de peindre les Fourcils , les cils , de
changer la couleur des cheveux, & enfin,
ce qui efl: le plus grand objetde la galan-<
terie, d'anguftier le Diamètre de ces pat-
!ties qui effarouchent les petits amours,
ie moyen de n'être pas le Médecin SC
de l'Amant & de la MaîtreiFe , quand ©n
cherche aufll efficacement à augmenter
leurs plaiFirs \
                         L
-ocr page 124-
■La Forefiétôit le Médecin des Datues»
non-feulement pour la raifon que je viens
de dire , mais parce qu'il s'étudioit à faire
paiTer en Médecine tout l'ait de la cui-
iîne moderne. Chez lui, les gens riches
li'avoient à eiTuyer aucun de ces dégoûts,
faits pour le petit bourgeois & pour les
pauvres. Ses bonTons étoient agréables,
& même quelquefois délicieufes , fes
purgatifs étoient au citron & à la fleur
d'orange ; jamais le Seigneur Jupiter n'a fi
bien doré là pilule. S'il eut été Médecin
du Roi , il eut inventé une Médecine
Royale. C'eft ainfi que laForefl pouiToit
à l'excès des foins, trop négligez par fes
Confrères.
La Charlatanerie de fon babil répon-
doit à tout cela ; » Madame , vous vous
» ennuyez du lait, votre goût eft ufépour
» tous les laits ( & en cela votre eflomac efi
» et accord avec votre goût, ) un fuc aufli
» doux, aufli fade , n'eft pas digne de le
» réveiller , mais plutôt de l'endormir en
» quelque forte, à force de l'émouiTer.
«D'ailleurs vous êtes β bileufe , que je ne
»fuis pas furpris d'appercçvoir deux ou
«trois grumeaux lattes dans vos Selhf
»doré($·
Eh bien , Madame , avez-vouS
y> raifon, il faut le quitter, nous y re- ι
«viendrons toujours , quand la nature
» nous fera figne qu'elle le veut bierit E*"
-ocr page 125-
'«Payons la petite pointe d'opium, dî-
» vine drogue qui nous a été envoyée du
» Ciel pour l'Antidote de l'agacement
»des nerfs, & la confolation des vifceres
«irrités. L'opium vous échaufFe-t-il „
» même dans le Diacode ï 11 faut fe rabat-
» tre fur une autre efpéce de fyrop natu-
»rel , c'eft le miel de Narbonne que
» Madame de Sévign'e a bien raifon de
»confeiller à fa fille, au lieu defucre,
»> dans fon Caffe , & qui eft en effet un
» autre petit Confilateur à fa maniere,&c. «
Car c'en eft aflez pour faire connoître
J'adreiTe avec laquelle cet empirique va-
rioit tous les peBoraux & les Antiphty'fi*
ques
, & qu'il n'eil pas furprenant que les
Poitrinaires allarmés par fa mort., n'ayenc
pas cru lui furv'vre iix mois.
Le même manège étoit tout auffi ha-
bilement employé, pour prévenir l'en-
nuyeufe uniformité de tousles autres gen-
res de médicamens, qu'il changeoit auflî
légèrement, que fès converfations. Géo-
froi
vous dira qu'il remuoit toute fa bou-
tique pour le moindre mal, & que peu
de Médecins ont la même reiTource en
pharmacie. Moyennant quoi il entrete-
noit un long commerce avec ces fem-
rues Vaporeûfes, Hjfleriques , Se avec ces
hommes mélancoliques, ou Hippocondria*
ques,
que.Molière appelle de bonnes vaches
à lait,                                  L a
-ocr page 126-
Des malades qui l'étoientiî peu , η V
voient pas befoin d'un plus fçavant Mé-
decin , & ils n'atiroient pas trouvé la
même gentilleiTe, ni les mêmes agrémens
d'une; imagination badine , dans l'efprk
le plus obliireqmment dîflillé de toute la
Faculté. La maladie yenoit-elle à aug-
menter coniidérablernent > Un difeur de
bons mots , fouveat. méchans ( ι ), ne
fiiffifoit plus, on lui aiïocioit fon Con-
frère XcSomnambule * à qui, par déférence
pour fon expérience & fon ignorance ,
il laiifoic juger les procès, & ne faifoit
jamais le Phjfiologue > lui qui avec tout le
monde avoir la-fureur de vouloir tout ex>-
pliquer.
J'avois deiTein de parler -dubel efpxit
de la Forefl, mais cela me meneroit trop
loin , & je le réferve pour une plus favo-
rable occaiion. J'ai encore àpeindre Γ Au-
teur , l'Homme , & le Médecin galant.
Le premier article fera court.
Le principal ouvrage de ce Juif de
( ι ) En voici un. Dans la maladie de M. î<5
D * * *. qui étoit une Parotide , un grand Prince
lui demanda ce que c'étoir que mon Confrère
Sale ; ·■■ Mon.fejgneur , répondit la,Forefl , c'eft
" un Chirurgien , qui, parce qu'i a parfaitement
« attrapé quelques-unes de mes plus afFreufr*
» grimaces, fe croit auffi grand Médecin , qae>
% pnttfôa.
-ocr page 127-
(S-5 )
face Portugaife, eft fon Trakéfur les diffé-
rentes fortes de Saignées ,
Sec. Pîufieurs
Médecins & Chirurgiens-connus, Payant
mis en poudre, l'Auteur*, ( qui ne devoir
pis plus compromettre fa réputation -,
qu'un homme riche ne'doit expofer fa
vie , l'épée à la main ) fongea fériéufe-
ment à réparer fon honneur cruellement
flétri. C'eft pourquoi il engagea Berlin
& Clairaut, deux hommes excelléns dans
leur Sphère , à prouver , l'un par l'Ana-
îo'mie, l'autre par la Géométrie , la vérité
de fa doctrine fur la révulfioh & la déri-
vation ,
& de quelques mefure's mal pa-
ies fur certains"vâiiTeaux. Mais malgré
tant de travaux, dont |'ai quelquefois
été témoin j & le coup d'ceil de la Forefl
fur les réfultats des épreuves, le louan-
geur ' B* **. convient qu'on n'a rien
trouvé à la mort' de ce frivole Ecrivain ,
que des morceaux découfus qu'on n'a pu
raiTembler. Je'né parle point de fesO^-
fefvations fur 'la petite Vérole, on ne les
trouve plus que chez l'Épicier , où elles
font compagnie à celles à'Erofiatre ,&
B***. a beau les faire réimprimer, il ne
les tirera pas de l'éternel oubli·, où eft
condamné tout livre , qui n'apprend rien
de nouveau aux Sçavans. Je dois à pi Us
forte raifon fdjfer ΐ éponge , fui van t le
langage, de Julien p fur les Cortfûltations
L3
-ocr page 128-
4e ta Forefi, qu'il n'a regardées fans dou-
te lui-même, que comme des ouvrages
lucratifs -, ou des friponneries Médicales5
qui ne font pas faites pour duper ceux
qui fe portent bien.
Voilà l'Auteur , 8c voici l'Homme.
On jugera de fa vanité par ce trait. Mr.
de la M* * *. qui étoit allez fimple pour
croire qu'on l'aimoit beaucoup , parce
qu'on le lui témoignoit d'une manière
démonftrative , s'avifa de dédier à la
Forefl
fa Traduction des Inflitutions de
Boerhaave ,
dans l'efpérance de s'en faire
un appui 5 il eut la politeiTe de lui lire
fa dédicace , avant qu'elle fut portée chez
l'imprimeur. Que faifoit la Foreft, tan-
dis qu'on lui calfoit, pour ainfi dire , les
dents, à coups d'encenfoir l II méditoit
de plus grands éloges ; mais comme il
n'oia pas faire lui-même fon Panégyri-
que , en préfence d'un homme qui s'en
étoit chargé, il lui donna le tems de s'en
retourner chez lui, où quelques heures
après Mr.de la M***, trouva ce billet
de la main de la Forefi. » Vous avez ou-
» blié , Monfieur, que le Roi vient de
» me faire l'honneur de me donner ma
» nobleife, & que Mr. Boerhaave a fait
" réimprimer lui-même à Leyde mon
» Traité des Saignées. Complétez donc ,
» je vous prie, mes qualités par le titre
-ocr page 129-
*> d'Ecuyer, 8c ne me privez pas du fuf-
sjfrage le plus flatteur. Au refte, Mon-
îiiieur, on ne peut avoir plus d'efprit
» que vous en avez>& l'on verra bien
m que c'eft votre pinceau, & non celui de
a la vérité, qui a fait mon portrait dans
»> Votre jolie Dédicace. «
C'eft ainfi que la Forefl pour être flatté,
étoit lui-même le plus vil des flatteurs.
Homme vain, il ne donnoit point d'Elo-
ges , on peut dire qu'il les prêtoit, à con-
dition qu'on les lui rendrait au centuple :
Homme faux, jufqu'au fond du cœur,
oh étoit toujours la dupe de toutes fes plus
fortes proteftations, & furtout les gens de
mérite , qu'il voyoit d'un œil jaloux dans
un avenir , qui étoit pour lui tranfparent s
ainfi il étoit jufte qu'ils fuflent les pre-
miers trompés.
Ce pauvre Hunauld connoiiFoit tous
les vifages de ce cœur perfide j il me di-
foit quelquefois , κ la Forefi vient de
» m'accabler d'amitiés & de carreiTes, je
» le crains d'autant plus dans les maifons
» où l'on dira du bien de moi. « Heureux
qui, comme Riboë, ne pouvoit être que
ion petit Copifte, ou fon mauvais Singe,
& dont le contraire avantageux devoit
fervir d'ombre & de luftre au brillant de
fon efprit ! Le diftributeur de la racine
du Bréfil étoit caufe de la Fortune de la
L 4
-ocr page 130-
Ρ* τ.
'Fbrefl, mais celui-ci écoit trop fin potrr
ièrvir d'habiles gens, qui auroient pu 1©
fupplanter , comme: il avoit cherché à
nuire lui-même à ion propre Mécène 3-
qu'il traitait de Charlatan. La plupart des
Médecins reifemblent à: celui-ci; jeunes
Docteurs ne comptez point fur Les vieux >
à moins que vous n'ayez l'avantage d'être
fots ( car férieufement c'eii eft un).
Tant d'adreife, de rufes, & de manège»,
étoient les fûrs garans de la fortune d'un
aufli habile empirique. Auffi avoit-il
gagné de grands biens, avant la mort da
fa femme j- mais comme la chrétienne,
aimoit à vanger les maris , que le fien
avoit coeufiés & qu'elle n'étoit pas faite ,
pour ne pas payer tous les frais de la ga-
lanterie , elle ruina le Docteur par fa,
prodigalité , & le laiifa prefque fans un,
fol. Dom cocuage n'étoit pas un être , à :
foire peur à un homme de l'éducation j.,
& du caractère de la Forefi. Sans être*
Philofophe, il avoit du moins cette Phi--
lofophie commode, que donne l'ufage
du monde , & qui rend heureux dans le
Sacrement, tout Epoux raifonnable. Mais
tout ce que lui cotitoient les plaifirs de
Madame , lui mettoit le poignard dans le
fein. Dans fort défefpoir , il s'abandonna
aux réflexions les plus améres, lorfque
cette MaîtreiTe qui le ruinoit, fans être.
-ocr page 131-
îà nennevvint à mourir. Ce feulevene*
ment pouvoit le confoler de n'avoir pu
faccéderàMr. Chirac, nralgré les iooooo*
îiv. promifes à k Princeffè de***, Se
qui, comme le douaire de fa femme,
étoient: fondées fur les brouillards de la
Seine.
»Je ne fois plus, difoit-il, ( ι )
«Médecin du Roi, mais ma femme efr
«.■morte, c'eut été trop de bonheur à la·
»fois. «.
FinifTons par le portrait du Médecin ■
Galant, il l'a été jufqu'à l'indécence &<
l'impureté.
Ambroife Paré, ce fameux Chirurgien-
de plufieurs Rois, s'érend beaucoup fur
la manière de. faire une petite Créature de-
Dieu.
A quoi fervent tant de difeodrs &
rant d'art, ou-il ne faut que faire fentit-
îa nature? Tous, les Ecrivains qui, corn--
me Venete·:, ont embelli le Tableau ds*
l'Amour Conjugal,
& ont tout mis en/
œuvre pour attirer les Célibataires au fep—
tiéme Sacrement, pat l'attrait du plaiiîr >.
tous ces voluptueux font inutiles ici..
D'un feul gefte , d'un feul mot, la Ferefti
enfeignoit tout , Théorie & Pratique,
aux filles * comme aux femmes. Il difoic-
aux femmes froides , avec Madame, de:
/
■h----------------'-----------------:--------—·------'--------------_
) Π en reçut les compîîmens durant tioss.·
purs..
-ocr page 132-
('9θ>,
Sivlgne, dont il copioit toujours les phra»
fts précieuf ;s", on ridicules ; » mais vrai-
»:m;nt5 Madame,, il faut que vous ayez
"'un temt 'rament de citrouilles fricaifées
M dans de !a Neige ; cela ne peut fe con-
"'cevoir, quoi, comment ? A votre âge,
" belle, &' biehfaire comme vous êtes,
OTefr-il poflîbleque vous ignoriez encore
«tout cela, & que votre petit doigt ne
"vous ait jamais rien dit? Tenez, grand®
ssinnoceote , laiifrz-tnoi vous montrer',
«Pc'eft-la l'endroit fenfible , & le fiégeda
f»;plàifii il ne demande que lé plus petit
»ffecqurs 'icur favorifer les vœux & les
«"efforts sans cela inutiles, d'un mari
3» charnu ,t qui vous adore. Pétrie par les
» mains di l'amour, dans iefiéçle galant
»"où nous vivons, comment encore une
«fois vos fens font-ils fi engourdis.,fi
«muets à la voix du defir , qui fe fait.en-
» tendre dans les plus jeunes filles , dès
» qu'elles font nubiles? pourquoi vos nerfs
s>font-ils fi tardifs à reifentir les plaifirs
«que vous m'infpirez à moi-même , com-
» Me à tous ceux qui vous voyént ? «
» Combien de bonnes fortunes m'ont
i» valu ces petites fcénes de l'amour-Me-·
»decin , « ajoutoit ce vilain Juif, en fai-
fant des grimaces .qui ne dévoient pas
donner enyie aux femmes, de lui en voir
faire d'autres l II les nonimoit, avec toute
-ocr page 133-
lUndifcrétion d'un petit-maître, fansref-
"pecY> ni pour rang, ni pour dignités , δζ
fe vantoit des faveurs mêmes 3 qu'il n'a-
voit pas demandées. Telle étoit fa con-
verfation favorite, que l'amour propre
n'abrège pas pour l'ordinaire*
Mais avec certains dehors, jufqu'à.
quel point un vifage tourné au férieux ,
& un efprit adroit & infinuant ne peut-il
pas en impofer ! La Forefi n'avoit befoiri
que de fa propre confiance , pour tirer
parti, ou plutôt pour abufer de fa profef-
jfîon. «Une femme aimable , lui difoit-
» elle, mon Dieu, Monfieur, je ne fçais
» ce que je fens dans le bas ventre , au
» fond de la partie même , mais ce font
» des mouvemens fin'guliers, de ma matri-
s> ce fans doute , car alors il me monte
» quelque chofe, je deviens rouge, trem-
»blante, je fuis dans des états... La ma-
» trice , répondoit-il, eft une efpéce d'a-
»nimal fort fingulier , qui fe remue'dans
»5 le Célibat, & encore plus dans le veu-
» vage ; il exprimeTesdeiîrs& fes befoins
,»> par certains mouvemens qu'on fent
» mieux, qu'on ne peut les définir ; tel eft
» fon langage , muet d'abord, il fe fait
» entendre peu à peu, & la matrice parle
»> enfin à haute voix , fi on ne lui répond
» rien. En tout cela , Madame, ce ne font
» que fes propres droits, que la Nature
-ocr page 134-
^-revendiqué > 8c vous vous reniiez Vous-
» même, en ne lui,,accordant rien. »
Cette autre parle de démangéaifdns, de
petits boutons extérieurs* de fleurs blan-
ches , qui l'écorcheric, qui l'empêchent de
marcher,&donnent une efpéce de chaude-
piiTé qui exige beaucoup pour fa guérifon,
puifqu'il faut que là femme fê paiTe de ion
mari. Vous devinez le réfuifat de toutes
ces consultations. Toute femme, qui ac-
cufoit ces petits Secrets de Nature , étok
fur le champ expofée aux regards avides
du Docteur impur &Iafcif.Difcours pleins
de molleiîe & de vûlnpté,exâmencurieux,
tact 'libertinjtrhatbiiillemens impudiques,
il ne faifôit-aucunes grâces dans !e tête à
tête; fa gravité les lui eût reprochées ;à
l'abri de ce myftére ^ on trouve tons les
jours en Médecine des ' fentiers couverts',
qui conduifeht aux plus grandes faveurs.
La Forefi prétendoit que tout cela n'é-
toït que de petites privautés de l'art, par
îefquellës on ne pouvoir déplaire aux
femmes feniîbles, mais qu'il falloir affài-
fo'nner le "maniement de propos bien af-
fortis-, de complimens , de politeiTes<,
pour tout- ce qn?on rottchoit. » Il .ne-faut
»pas dire/raeontoit-41 un jour cher lui«,
»je m'orienteYen mettant le"doigt *ea
«■certain endroit* ) comme ce vieux Paik-
p-kia Mri Fagûn, mais -il. faut dire,. j'en
-ocr page 135-
ȉi bien vu , mais je n'en ai jamais vu"de
>5Îî petit. Si ce n'eit que le ventre que
«vous tâtez, ajoutG;itril, fquvenez-vous
»de ne jamais...le trouver moi;.,cela m'eft
» une fois indifcretement arrivé , l'amant
»étoit caché dans la ruelle , je fus remer-
» cié le lendemain , la femme de chambre
»>me fit connoître mes, torts .,.&.depuis ce
ψ tems je me ;fuis.corrigé ; je n'ai jamais
» dit ,ie ventre efi mol, mais toujours, Je
ni/entre efi fatisfaifanu C'eft qu'il ,eft en
4) effet s pourfuiyoit,ce .coquin,, de Méde-
»cin s de la politetTe d'un homme par qui
s une jolie femme fe fait„patiner, défaire
» l'éloge de tout ce -qu'il; touche., ou ,du
■* moins un petitxompliment à la manière
»dn pays ,, comme ÇanSius Romanus , cet
» Ex-Chirurgien ehafle du Port - Louis ,
« aujourd'hui Médecin empirique à Van-
» nés , qui d'un feul coup de filet prit les
tétons -de -trois, dévotes s fpus prétexte
de chercher le fiége de,ia douleur ; eJU
.« les le laiflèrent faire tout ,,à;fon aife,,
«parce qu'il difoit fans cefTe, morbleu
*> qu'ils font dufs > je n'en ai jamais vu de
» cette fermeté.
Tel eft l'abus queia Forefi, Se tant d'au-
tres Médecins impudiques, font de leur
Îirofeflion, en .fe.fei.vaDt.indignem.ent de
a..{implicite des malades, qui croyent
. |iéceiXai.res ? <àe$ attouchement donc le
-ocr page 136-
(-94
plus fouvent on peut fe difpenfer -, & mê-
me on le doit, fur - tout lorfqu'on eft
jeune , fi ce n'eft dans le befoin. Le beau
fexe eft refpe&able , on doit lui épargner
jufqu'à la moindre inquiétude.
Voilà le portrait de cet homme fuper~
ficiel par rapport au vrai fçavoir , pro-
fondément verfé dans Tcmpirifme , bel
efprit précieux & ridicule , comme on le
fera voir, cœur faux, & dont enfin le ca-
ractère forme un parfait contrafte avec
celui de Julien,. Us ont cependant joué
l'un & l'autre un grand rôle dans Paris a
& la raifon en eft fimple. L'art de plaire
ou plutôt ce don de l'heureufe Nature 't
féduit les efprits, comme l'orgueil & tout
ce qui leur en impofe. Le peuple veut
être trompé , & les Médecins réufîîiTent
à le fatisfaire pleinement par les moyens
les plus oppofés.
Je ne icai fi quelques-uns de ces por-
traits , feront trouvés dignes d'être un
jour inférés dans la continuation de l'Hif
taire de la Médecine
, non qu'on prétende
qu'ils puiftent fe comparer avec ceux qui
ont été tracés par des Hiftoriens du mé-
rite de Freind, ni fervir à autre chofe
qu'à faire voir quel protée eft l'empirif-
me, & fur quelle fertilité de moyens dif-
férens , font fondés fes fucr.ès dans
tous les fiécles : mais il eft certain que la
-ocr page 137-
V.Oilà > mon cher Fils, les heureux
originaux que je voulois vous faire
xonnpîcre , & dont tous les fiécles nous
fournilTent des Copies, Vous me demanr-
dez fi vous réuflirez , en fuivant ces mo-
dèles. Hélas! qu'en fçai-je 2 Peut-être
qu'oui, peut-être que non. La voye du
fçavoir & de la probité vous paroît plus
convenable & plus digne d'un homme
bien élevé. Vous penfez jufte, mon Fils,»
& de tels fentimens font honneur au ,
cœur & à l'eiprir. Mais ce n'eft pas la rou-
te la plus fûre , elle en a perdu cent, pour
un ou deux j qu'elle a menés au port.
Tout ce que vous courent vos voyages 8C
vos çtudes, fie rentrera peut-être jamais
-ocr page 138-
; ; 6
(9<5)
•par des moyens fi (impies & fi fages. Quel
«arti prendre ? Encore une fois, mois
Enfant^ je l'ignore, s l'embarras eft bien
^rand.
EiTayons de diffiper tant d'incertitude,
•même au hazard de l'augmenter. Pour y
réiiffîr, il faut que vous connoifliez le
tronc de la Médecine.., avec toutes fes
■tranches, foit propres,, foir étrangères.
Ces branches ont quelquefois conduit à
la réputation & à>la fortune.
Voyons donc quelle utilité , quelles
«reiTources vous pourriez trouver , non
feulement dans l'Anatomic , dans la Bo-
tanique , dans la Pharmacie, dans la Chi-
»rurgie , -dans la Ghymie , mais dans la
Géométrie , dans la Phyfique, dans la
Littérature & dans le bel efprit. Après
-quoi-je vous ferai connoître les Hommes
-dansvies Médecins, dans les Malades*
&c. Après la permiffion.., ou plutôt l'ex-
eufe que j'ai demandée aux Médecins en
forme d'Epigraphe , au frontifpice de es
Livres je puis dire avec Jtevenal:
, .... ... .·.'» . Qutdijuid
Bifftunt Mediatnofiri FerragolibelL·
Fin deL· première Partie.