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m^** Mil, Hos
M. 84
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BBLIOÏHEBK YAN '8 RÏÏKS KWEEKSCHOOL
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MILITAIRE GENEESKUNDIGEN.
VERSCHEIDENHEDEN.
MENGELiNGEN. GENEES -HEELKUNDIGE , ENZ.
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oCa- -^&fr^t-ce.
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ïuaiin O&^ 'ïßá. Aefhn^.-£«<?**-..
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ψ Ο LIT Ι Q U Έ
DU MEDECIN
MACHIAVEL.
ou
LE CHEMIN
DE LA FORTUNE OUVERT
AUX MEDECINS.
-Ouvrage réduit en Forme de Confeils,
par le Dodeur Tum-Mo-Ham , & tra- duit fur l'Original Chinois, par un nouveau Maître es Arts de S. Cosme. Première Partie. ^ui contient les Portraits des plus célèbres Médecins de PEKIN. :Dii,quibus Imperium cft animarum urnbrsque
^filentes
E&SfegpT, & Phlegeton, loca nofte filentia latè,; Sit mîji^fas audita loqui : fît numine veftro * ' ^n^treStis akâ terra & Caîigine merfas. sàc-eKcuriuiolâ fub noéle per umbram && |
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"" î^irÉL,. vu. JEneid.
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a Ά'ήχ τ b*r ό a m%
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Chez les Ffem-β ERNARD.
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A MONSEIGNEUR
DE LANGLADE»
V ICO M Τ Ε
DE CHAYL A >
'BARON DE MONTOROUX
&: Chambon, Chevalier desOrdres du
•Roi ,Direéteiu--Général de la Cavalerie
''& DragonSjGonverneur deVille-Fran-
> che en Rouffîllon, Lieutenant-Général
des Armées du Roi, Commandant de
la Ville & CMteau de Gand, &çs
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ONSEIGNEUR,
On ne louerait jamais le vrai mérite, s^U
'falloit attendre qu'il y confentît. Ne craignez* 'pas cependant que je vienne vous ennuyer , fencenfoir à la main. Je ne vous parlerait ■MONSEIGNEUR -, ni du courage de et
' Guerrier, qui,par le plus heureux combat,? e$ ouvert les pertes d'une Ville$ou dépendaient
•les heureufes fuites de cette Campagne, ni de ces traits de générofité & de bienfaifance ? |
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dont vous m'avez* comblé, avec.tant Vautres.
C'efi le fort de Votre Sang de blanchir au Service des Rois, & d'aimer à faire le bien. Je fupprimerai même , fi vous voulez, , MONSEIGNEUR,pour mieux vous faire ma cour, la jufle comparaifon 3 qu'on pour- rait faire de Vous, avec un célèbre Philofo- phe, 0" un des plus grands Généraux de Ρ Antiquité ,_ Suçrate , & Alcibiade, quoi- que , de Γ aveu de tous ceux qui fe connoiffent en mérite, vous réunifiiez, la fagcjfe de l'un , la valeur de l'autre , & l'efprh de tous les . deux... Mais, MONSEIGNEUR, en defirant
dans l'Ouvrage, que fai ΐhonneur de Fous offrir, une piaifanterie plus fine & plus déli- cate , plus d'art dans les Portraits, plus de légèreté & d'agrémens d^ns leflyle , pourriez,- vous ne pas agréer la feule reconnoiffance qui fait en mon pouvoir, comme un aveu des fentîmens d'un Philofophe , moins touché de Votre Grandeur s que des qualités auffi ai- mables , qu'ejfentielles, & de Votre Cœur & de Votre Efprit. J'ai l'honneur d'être avec le plus tendre & le plus re/peclueux œttachemem, MONSEIGNEUR,
Voue très-humble & très--
oWifliuît Seryiceur, &ς* |
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R. Aflrkc, curieux L'ittératêur,-
& Compilateur laborieux", a, voulu fçavoir ce que les Chi- \nois penfoient de la Vérole , & moi (fans me comparer à un Ecrivain qui écrit avec légèreté& frécî-fion , & qui a toute la frofondenr que fnppofe l'uni- verfalité de fes connoifiances ) j'ai defiré, il y a long-tems ,-connoître leur Méde- cine , leurs Médecins, & l'idée qu'en avoient les Sçavans & les Beaux-Efprits de ce' vàfte Empire. C'eft pourquoi dès Ma plus tendre jeunefTe , je m'enibarquai en qualité de Maître es Arts, dans ua vaifTeàu de la Compagnie des Indes-, qui alloi't à Me-a-co. J'y ai demeuré vingt ans. Quelque difficile que foit la langue Chinoise, je l'ai apprife enfin. J'ai voyagé dans ce grand Royaume , j'ai recherché la familiarité des Sçavans, parmi lefquels je n'en ai trouvé que deux vraiment dignes de ce titre ( car lej Grands Hommes ne font communs qu'en France ) dont l'un eft nommé J3ak,~Ko- Kurb,Sc l'autre Fum-Ho-Ham, C?eft à Ai
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vf AT A NT - PR Ο Ρ OS..
ce dernier, qui eft premier Médecin de· l'Empereur Kein-long ( ι ) aujourd'hui i régnant, que je dois la découverte d'un Manufcrit encore plus précieux , s'il eft poffible, que celui qui a été envoyé par les RR. PP. Miffionnairesde la Société: de Je fus, au fameux Cryfilogug. dont j'ai; parlé: Non que cet Archîatre, prétehda Chirurgien dans l'Ouvrage ,,foit l'Au- teur de ce Manufcrit ; il le tient, comme il me Ta raconté lui-même, de (es An-, cetres, qui dans tous les tems ont eu. des Médecins dans leur famille , & qui: ont foigneufement fait pafTer ce tréfor de génération en génération. J'ai d'a- bord éré tenté, à l'exemple de ce Gmnd Perfonnage_ (2.) , de faire graver fur l'airain l'original Chinois, te^que j'ai le bonheur de le poiTéder> mais latraduc-' tion que je me propofois de publier en- fuite , eut trop perdu à la comparaifon. C'eft cette traduction , ce fruit mûr de quinze années d'un travail afïîdu , que je donneenfin au Public. J'ai été touché de la milére , où les Lettres font aujour- d'hui en France, & j'ai voulu enrichir |
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{ 1 ) C'eft-à-dire, bienfait dit Ciel
{ι ) Afin |
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ΑΥΑΝΫ -PROPOS. vij
m pauvre Patrie de cette excellente pro-
dudion. Quel Legs comparable aux œu- vres d'unauffi fin & auffi judicieux Cri » tique que Fum-Hô-Ham ! Ariftatque des Médecins , honnête - homme , comme Linacre même , il ne paroît occupe qu a faire diftinguer la Chatlatenene , de la vraie Médecine , comme on iepare l y- vraie du bon grain. Aux dépens de la propre fortune qui dépendoit de 1 amitié de fes Confrères, il en a demafqueles rûfes & l'artifice, &, comme il le dit lui-même , il n'a voulu être vraiment Médecin , que pour être meilleur Ci- toyen. Quelle reconnoiilance ne lui de- vons-nous pas ? J'avois d'abord traduit cet Auteur,
avec la dernière exâditude , dans le def- fein de conferver toutes les beautés d'un Ecrivain qui a mérité le furnom de Grand. Mr. de Mentfour , qui , quoi- qu'en dife un ( ι ) Jefuite qui a paflé trente ans dans le Palais Impénal, fçut parfaitement la langue Chinoise, qu'il a |
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tiij AV'ANT-FROPCTS".
apprife, comme Adam apprit la Philofc*
phie , Montfour , dis-je, cet homme ad-r mirable, qui a fait une Grammaire dans une-langue (la plus difficile de toutes) , dans^ laquelle il n'a jamais eu de Maître ·, • ni lu de livres, & plniîeurs autres autÏÏ habiles ProfeiTeurs paroiiToient aflez con^ tens de la fidélité de ma Copie. Mais quelques gens d'efprit & de goût que j'ai heureufêment confultés , avant que de rien donner alaPreiTe , m'ont fait fends que la mode du lîecle ne meferoit pas favorable, & que Pékin, Mé-a-co , C#m ion , Confucîus , Aventius, Bak-Ko-burg & tant d'autres noms, inconnus de Villes & de Sçavans , refroidiroient un ftyls plein de feu , anéantiroient une infinité depetkes chofes qui intéreflent toujours, quand on eft familier avec leurs idées, Se en un mot mettroient le dégoût & l'en- nui , à la place de milleagrémens. Voilà les raifons qui m'ont engagé
à faire palier les mers à-mon ChinoisV e'eft-à-dire , à tranfporter la fcéne en France, dans la Capitale, & dans les plus . fameufes Univerfités , à habiller, pour ainfi dire, à la Françoife, le Manuicrit, Se enfin à le traduire &. même.quelque-' ibis à le commenter plus librement en- core , que Fum-Ho-Ham n'açcufe avoir. |
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AYANT-PROPOS.- m
tiffiàitit- lai-.même le Célèbre Mdchia- Ici fe préfénte la plus curieufe des
Anecdotes Littéraires. Tout* ce que dit le fçavant Docteur de Pékin ,-'fa inedeftie même , qu'il femble avoir pouffée à i'e:o- ces , pour faire rougir nos Auteurs ds leur impertinente vanité, rien ne peut m'en impofer. Je dois cette juftice au grand Eum-Ho^-Hàm , qu'il n'y a ni Bourgs s ai Villages à la Chine, où il ne paiTe pour être le véritable Auteur de cet Ouvrage , que , pour certaines raifons 3 qui ont été la bouifoule de fa. conduite x il a cru pouvoir attribuer ànin nom fup- pofé ; de forte que je ne doute nullement que Alachiavel, qui 'a, vu un nom fem» blable au fien, à la tête d'un livre qui «kvoit rilluftrer ,. n'ait volé Fum-Ho"- Harn qui vivoit ,4n effet l'an du Soleil ΐοοοοοοααοοοοοοοο. avant JMachia·*-- vel. Mais pour* dire ici en paiiant,cequ»
j'ai toujours penfé de ce Politique ,β dangereux hors du labyrinthe de la Mé- decine , dont les détours lui ont été peu- connus j je le regarde comme un grand fripon , de même que tous fes Commen- tateurs. Je n'excepte que Kàlentinus, qui §& bien le plus-honnête Se le plus:foc |
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*■ Λ VA NT -PROPOS. ·
homme qui ait écrit. fripons, jd le repété. Pourquoi fe font- ils avifé dlêtre Auteur/> Seroit-ce donc peu de chofe que d'ên/e un grand Prince, un grand Miniftreyiit n'y auroit-il au- cune vanitm tirerjn'un rang , où le ha- zard nous élevé yNon,l'efprit feul Sc- ies talens dolven/ réellement diftinguer les hommes ; ^Corneille étoit au-deiFiis du ' Cardinal * * *Wui pour des fommes im- menfes auroit J&ouiu avoir fon génie & même achetei/iVs ouvrages & fa réputa- tion. Cornj?ien\de Fermiers-Généraux' (j'entendsceux àViui l'éducation a appris à penfer y vendraient leur place pour quelques /grains dV celle de Voltaire ! Mais en/courant apVès la vraie gloire , qui a fa/fource dans le génie , on tombe fouventA pour vouloirVtrop s*élever, Se le Maîjfre fé foumet à lès Sujets, qui le jugent/ & qui font à fonVmr fes Souve- i Les François, peuple volage & plein
de lui-même , méprifent volontiers les ; uns, auffi légèrement qu'ils prodîguenc aux autres Teftime qu'ils ont principa- lement pour eux-mêmes. Je veux leur apprendre ici le cas qu'ils doivent faire dlÈcrivains auffi refpe&ables que les Chî~ - |
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AVANT-PROPOS.^ _ χ|
jtotfl, moins encore par leur Antiquité,,.
que par leur SageiTe. Mais à ne conful- ter que leur préjugés pour la Nation An- gloife, j'aime à penfer qu'ils en auroient de plus favorables encore pour les Chi-- noïs, s'ils pouvoient les connoître avec·, la même facilité. On chérit, on admire aujourd'hui nos voifms , parce qu'ils, font féparés de nous par un petit rui&an. Gette admiration eft la maladie Epide- mique de nos plus Beaux-Efprits. S'ils.■■ voyageoient à la. Chiner fi les bons Ou- vrages de cet Empire leur étoient con- nus , quelle, eftime, quelle vénération■-._ îi'auroient^ils pas pour des Ecrivains fé·* - parés de nous par l'immenfité des mers ? ; Avant lé commencement, de ce fiécle3.,
on n'avoit jamais imaginé que le génie Anglois fiit , je·, ne dis pas préférable , , mais comparable ■- aux. bons Efprits de : France.. Pourquoi donc ne feprendroit-'■- on pas quelque/jour de Unième préven-. lion , de la .^eme. fureur de-gaût pour : les Chinois, dès qu'une fois j'aurai fait ; fentir tout leur mérite à ma folle Nation 1 · Pburquoi une petite perruque,.: que porte- ïoient les amateurs des grands Hommes de la Chine , ne deviendroit-elle pas auflî I comme l'Etiquette: de ces Sectateurs, &,,.: la marque de leur admiration fie de leurs·; |
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uj! AVANT-PROPOS.
nouveaux hommages ? Souvenez-yôui
de cette Prophétie ·, à peine 'aurai-je les: yeux fermés à la lumière, qu'elle s'ac- complira: \ "tiOuryû-" que Dieu me laiÎÎe encore quelques années , -pour achever ma traduction des· deux vol. in-fal. de' Βαίζ-Κο-Biirg, qui contiennent la Criti- que de tous les Ecriraiiis François, de- puis là fondation de là Monarchie. J'au- rai fans doute allez :vêcù, β après avoir' montré tout le zélé des Chinois pour lesJ Citoyens rnâlades, je démontre en mou-·" rârit , l'extrême différence qu'il γ a 3 entre les génies de trois grandes Na-' rions , & qu'en un mot la beauté & la' foiidité , qui fe foutiennent &*s'embellif-' ferit'tour-à tour ,t font la trempe & le rare caractère dé l'efprir des Beâux-Efprirs de" Mkin principalement , ( car en Chiite, - comme en France , il -n'y a dé beaux gé- nies ï que ceux qui ont été élevés dans la ; Capitale, ailleurs l'efprit reiTemble à ces ' plantes femées dans un mauvais terreih * · elles n'y croilFent point, ou elles y dége-- ffdrent, à moins qu'elles ne foient extrê- mement'cultivées, y? Voila la Nature des plus exceilens-τ
Efprits que je connoiiTë. J'ai déjà infinité' se que je penfe du génie de mes Patrie-' fï^-En-générai il eft léger,. fuperneiei % |
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AVANT-PROPOS. χ%
incertain , mignard ,/.& .vain ; l'amour propre feul paroît prefque toujours être la régie de leurs>jugemens, θέ.de leurs décifions Tel quLéleve JOpe, au-deflus / de Voltaire, Sakefpmer au-deiïus de Cor- /* nulle, Newton au-deilùs ,de Defearies, a plus de vanité, cent fois , que celui~qui içachant, apprétier pfeilofopjbiquement le génie .en.'· foi-même, décide avec vérité que les Angiois ne font point compara- bles aux François. Qu'eftce enfin que le génie Angiois , puifque la rapidité de ma plume me .conduit i lVscarqnw , }{$ΰβ rn'écarrer de mon.fuje'tî.Ce.n'eft , à mon jvis, qu'une irnpétuoiîté féroce," comme :Ie Poète .des François a peint le courage -de Jeurs foldats, il ne rçconnoît aucun -frein; an contraire pliis il çft.grand ,& vafte , plus il fecoue le joug des régies., .plus .ii.fexnble dédaigner de s'afiTervir an goût & à l'ordre ; s'il s'élève ici, c'fft pour retomber là, rien de foutenu, rien de fi conttamment beau , ^ue chez nos -bons Efprits, En un nsot îe génie An- giois fait des -JEntoufîaftes & non des •Ecrivainsfages·, la vérité eft bientôteon- fondue avec l'erreur ,_par les reiîbrts peu .ftiefurés de leur imagination : toujours .tomme en délire, elle ne connaît ni la mfon3 qui doit toujours .conduire ί'φ |
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t&r A V A Ν Τ - Ρ R'O Ρ OS.
prit & préfider à un Ouvrage, ni les bût> < Bes qui lui font prefcrites.
Après cela lequel des deux fuffrages
fflattera le plus la Nation Chmoife ? Au
• .quel mépris fera-f*elle le plus fenlible? ■ Il faut croire que tout hommage la nat*-
ïîera. Les Médecins de VEurope, qui for-
ment une Société éclairée, lurtout chez l'Etranger , fe contentent bien le plus fouvent de l'eftime & de l'admiration du vulgaire. Combien peu de Docteurs dans ■Paris recherchent les feuls éloges qui puiffent flatter l'amour propre, ceux des vrais Sçavans l Pourquoi donc à la Chine feroit-on plus délicat, ou plus difficile qu'en France? Il eft vraifemblable que nos hommages , quoique aiTez vils com- munément , pourroient fatisfaire l'ambi- tion & la vanité d'un peuple , qui ne pa- iroît pas à beaucoup près, en avoir autant que nous & nos voifins. Je dois avertir que j'ai quelquefois mis*
du mien , dans l'Ouvrage de Fum-He- Ham-, non qu'il fût néceiTaire de faire diftinguer mon ciprit d'un génie aufli ifupérieur, mais afin qu'on fçache que
j'ai adouci les peintures , qui m'ont paru trop chargées , & que j'ai rapproché les traits les plus fatyriques des mœurs 8c des ufages des Médecins François. Tant |
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AVANT-PROPOS. :%tr
de friponneries , tant de vices, & même de crimes odieux ne pouvoient leur con- venir. Quoiqu'ils ayent prefque tous fort peu de feience , & que tout leur mé- rite coniîfte dans Inhabileté de, leur Char- iatenerie, ou à plaire aux Dames par de petits remèdes auffi innocens , qu'agréa- bles, _&c par de jolies chofis qui les amu- fent, nous devons croire pieufement que leur éducation doit les garantir de tous ces écueils de la probité , qu'on trouve à chaque pas dans notre ancien Auteur,, . & qui font trembler la vertu la plus af- : furée. Mais cependant fi l'on imaginoit que
mes propres adouciiTemens me tràhiiîènt, :iî j'apprends que l'on fe croit défigné par- ticulièrement par un Traducteur , efpéce de Copifte qui n'a eu que des vues géné- rales , tandis que l'Auteur feul eft coupa- ble ; alors je ferai dans une féconde édi- tion , ce que je n'ai pas fait dans celle-ci, c'eft-à-dire, que je nommerai ceux auf- quels je n'avois feulement paspenfé, & ;i'on peut compter que je tiendrai parole. Sera-ce ma faute à moi, fi des Médecins 3ui doivent être diferets pat état,, ceiTent
e l'être à leur dépens ,& fi, aveugles fur leurs propres intérêts, par des plair»- :les,aaffi injuftes, quincoufidérées, ils |
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ι*η AT Α Ν Τ -Ρ R -Ο Ρ Ο S.
apprennent au Public qu'ils reiTemblent parfaitement aux Doéteurs dévoilés , & fi rigoureufement châtiés par le Régnier & le Molière des Chinois ? Se rai-je cou- pable des plaifanteries & des railleries, aufquelles leur propre indifcrétion les mettra inévitablement en butte , parce qu'ils auront apprêté à rire à des gens, que les ridicules de la Faculté , quoique groffierement expofés par un comique peu digne de fon Auteur, n'y avoient déjà que trop difpofés. Nous ne devons cet Ouvrage, dans la
fperfeétion où il eil aujourd'hui, qu'aux plaintes faites fur les idées générales que Fum-Ho-Ham avoir publiées, pour la re- forme de la Médecine de fon Pays. A mefure que quelqu'un élevoit la voix, ou paroiubit vivement piqué, il mettoit un carton à fon livre, & nommait les ■mafques. J'imiterai certainement mon Auteur,
Se comme il n'eft pas poffible que les dis- cours & les plaintes ne me reviennent, c'eft alors qu'on aura lieu de pouifer des cris, que tous les Echos de la Faculté feront retentir fur ceux de Saint Corne, qui eu riront. Non-feulement chaque -perfonnage fera défigné par tous fes noms, hc toutes fes qualités, mais par fa figure. |
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AVANT-PROPOS, xvij
 chaque Portrait, il y aura une Eilampe qui repréfentera le Dooteur dont je par- lerai. Bacouill fera le premier peint & gravé d'après Nature , refirénsfaclem ca- cantis, comme je le dis, & jamais Suetonë- n'aura fi bien faifila reifembi'aRce de l'Ém* fereur Vefyafien. Enfin je donnerai la clef ' de tout l'Ouvrage. Les Charlatans dé tous les climats fe
reÏÏèmblent , les mêmes profeffions ont les mêmes intrigues & les mêmes riïfes„ - 11 ne feroit donc pas fnrprenarit qu'il y eiit de grands Médecins a là Chine , qui fuiTent des: ef£>eces; de Somndfnbules, com- me Philantrope ; des Charlatans qui veh- dfrTent de l'eau deFongere , dé l'eiTencë* devenus, ou des tifannés Antivenèrién- nés , comme F^erminofus ', Sigogné Àlon* · gin, &c. des Médecins, qui fiiTent des Comédies & des Romans, comme Éfope" Se 'la Rofè : d'autres qui blâmant la fai- gllée j ne vantailent que' lesflniples", poiir " duper ceux qui le font *» tels que les frè- res Tournefd ; quelques-uns ', qui poUt ' oublier ceux qui les oublient,. paifaifènt tous les jours quinze heures au lie-·, tels que Rufus ; qu'il y en eût d'ignofans qui parle jeu, comme BàcouîU', par une belle femme , comme Erofîatre /ou en faifant la cour à des- valets, comme Jwqmlh , Β
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xviij AVANT-PROPOS,
&c. s'introduiiîiTent dans celle des Rois
& des Empereurs. Un Sçayant Médecin deLeuvaln (\)>
connu par quelques Ouvrages qui lui ont fait Honneur , vous dira qu Angel balança par ion ignorance le fçavoir du célèbre Commentateur Latin des Aphortfmss de' Boerhaave{i ), Et ¥Ardn-Angel des Fran- çois , Bacouill, plus heureux encore qui-; gnorant, ne Fa-t-il pas emporté fur les plus redoutables Rivaux 5 Tant il eft vrai que le vice & l'impéritie peuvent être ; par tout également favorifés, & qu'en un mot les mauvais Médecins font de tous : les Pays 1 Et par. conféquent,je le-répète, il ne feroit point du tout étonnant que , quelques-unsdes nôtres y (parmi lefqueis la médiocrité ne fe fait gueres deilrer 3 fy ce n'eft en Cbarlatenerie ) fe trouvaf». fent peints dans cet Ouvragé y comme ces auditeurs, qui fe'reconnoiiTent de bonne foi dans les portraits que font nos Prédicateurs,· quoique .ce foit par ha-. zard, ou par une certaine uniformité né- ceifaire de la nature & des états, fans que- j'aie peut-être l'honneur dé connoître. ceux qui fe croiront les plus maltraités. |
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{ιJ Mr. %/», ( i ) FMSvfhterh
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AVANT-PROPOS, xix
Au refte , quoiqu'il en foit, que ces Médecins de nom n'ajoutent pas à leurs défauts & à leurs ridicules la vanité de croire , que c'eft d'eux-mêmes, de leurs mœurs, (qui font toujours facrées pour moi , mais non toujours pour Fum-Ho- Ham ) de leur conduite , & enfin as leurs Ouvrages , qu'on a voulu parler & faire l'hiftoire : autrement je leur protefte, qu'au moindre murmure que j'entendrai, & leurs noms , qui joiiuToient d'une heu> rettfe obfcurité ,& leurs plates figures, qu'on n'avoit jamais coniiderées , feront honteûfement confacrées à la poftérité , dans un livre qui ne peut certainement périr. « En effet c'eft d'un Ouvrage, tel que
celui-ci, & non d'un mauvais Traité des Fièvres malignes, qu'on peut dire , exegi J\4onumentum areperennius ( ι ). Fum-Ho- Hkm a approfondi un fujet abfolument neuf ,'& qui n'avoit pas même été effleu- ré par qui que ce foit y un fujet utile pour la reforme de la Médecine , pour la perfedion ' des Médecins , & la fureté des malades. Une fage & fine politique s que la probité accompagne toujours, |
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( i0 Efigt-ajihe dé Chirac. Quelle vanité l
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xx AVANT-PROPOS.
comme fi elle eut été faite , pour fervir ' d'Antidote à celle de Machiavel, eft la baze de fon Ouvrage ; enfin les agrémens· du ftyle font peut-être inimitables dans - l'original , mais quelque yerfé que je ■■ fois dans la langue Chinoife, j'aurai fans' doute mal rendu les plus grandes finef- fes, & les -principales beautés de Fum- Ho-Ham. La Médecine eft fans contredit la pins -
utile & la plus néceiTaire de toutes les Sciences ( 2 ). Les Médecins font même - les feuls Philofophes qui foient utiles à · la République & fervent l'Etat. Tous les i autres font des hommes oififs, qui fe> contentent d'admirer la nature , les bras r eroifés, fans pouvoir- lui porter le moin- dre fecours. s Les Abeilles vont- chercher* le fuc des plantes, elles le portent dans- des Ruches quelles ont- elles-mêmes- merveillelifement conftruites. Pour qûL· travaillent - elles ? pour· les Frélons,i Les Philofophes font ces Frelons ·, le Commerçant , î'e> Militaire , l'Ouvrier ç. le Médee-in , voilà les Abeilles , dont la diligence eft plus mal récompenfée , que · la parerTe* Se l'inutilité de.ces dangereux* |
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(ï.)Mùlk^necsffmM. Boerh. JnfiyMefU -,
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'AVANT-PROPOS; pfc
lafeéres. A quoi fert un Auremm, va*.
Chef lu, un Zinba & tant d'autres frivoles- Diitequeurs de Puces ï A confidét er , à · admirer les ruches que d'autres bâtifFent - & entretiennent,- Le monde «nier livré aux vaines dis-
putes des Philofophes , ne fë eohferye. que par les Médecins.; La vie des Ci- toyens leur a été confiée dans tous* les! ■tems par l'ordre des Rois, & les Arrêts·* «des Parlemens : il étoit donc-aufîi îndif-· penfablement néceiTaire de fçavoir à quoi. s'en tenir fur la Médecine & fur les Mé-·- decins, que fur les marques , qui diftin-- gment eiTentielleHient la bonne monnoye», de la faufte, ; On croira -peut-être que Fum-Hc~~
Ήατη eft un être imaginaire - forgé par le Parti Chirurgical, pour allumer le feu de. la guerre, aux quatre coins de la Fa- culté. On- répandra, je le fens bien ·,. des·. foiipçons fus.· la certitude la plus évidente de l'exiftence de- mon Chinois, pour noir- cir le Traducteur , peut-être parce qu'il · eft François, & qui pis eft, parce qu'ort- ie croira Médecin, faux-*frere incligne >- qui, à force de révéler le Secret de i'E- gtife , ne peut manquer de ruiner-à-là "fia* là Sacrifiiez On-dira que je né fuis qu'um .Calomniateur j ua-fatyriepe plus effréné». |
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xxïj ; A VA NT"-PR Ο PO S.
que tous les Anciens & les Moderne! »
tin mauvais Gitoyen, d'autant plus dan- gereux , que j'affeéte pour couvrir ma mé- chanceté & mieux diftiller mon fiel, le - zélé le moins fufpect & le moins hypo- crite , &c« .Car quelles bornes ont les : relTotirces de l'amour propre irrité ; Mais pourquoi le Ά Hardoùin n'elfc-
il pas vivant, pour impofer filence à ces > vains difeoureurs. ; Je fuis perfuadé que lui-même, qui a ofé douter de la réalité ■ des œuvres de St. Âuguftin, & de plu- fieurs autres Pères de l'Eglife , lui qui a ■ fi bien commente Pline, fans l'entendre, , & qui a cru que cet Auteur était fort an- cien , parce qu'il l'avoit honore d'un Com- mentaire , oui je fuis convaincu que ce fçayant Jefuite, fi peu crédule cependant» eût. avoué avec fa bonne foi ordinaire s qu?on trouve dans Ftem-Ho-Ham des tra- ces.de l'Antiquité la plus, reculée. Maii pourquoi évoquer les ombres &£
faire fortir les morts de leurs tombeaux î Nous avons des Auteurs vivans , gens · d'efprit, quoique d'efprit incertain , qui ι fans fortir de leur Cabinet, & fans avoir été-plus inftruit que Montfour .font plus au fait de FHiitoire de la Chine, que le P. du Halde , le P. Pafennin , &c tant ^'autres Jefuites qui ont été cinquante |
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A TA NT- Ρ R 0 PO S. xÊif .··;
'ansdans le Palais de l'Empereur. Je.parlek
d'un ; Littérateur célèbre ,- devant qui ; j'aime à voir muet, cegrand Bavard Chry-v fotpgut.-Ç^tÇc Ketfre. Je le prie de lire at- tentivement cet Ouvrage, & je n'en veux..::, appeller qu'à fa décifion. Je. fuis fûrqvt'ii .. comptera certainement-Beaucoup plus lur h un Ecrivain,, de la Trempe & d'un Cà- ra&ér.e aufll: fortement marqué » que F.:s que fur toutes les frivoles Relations de nos eommerçans Millionnaires,. Un auflfc :: fin connoiiTeur en ftyle '-., devinera fans peine l'ancienneté de celui-ci, malgré le· déguifement d'une traduotion. L'homme dont : je parle , eft un des plus refpetfca-" blés perfonnages de la ' République des- - Lettres ; nouveau Pafqmer,-il a fait.pen-~ danx vingt ans les plus utiles & curieufes recherches fur d'origine des Bordels (ι). |
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( ι ).Ce mot Se plnfieurs autres qu'on a pris
la liberté d'employer·, pourront -Méfier la plupart des Leâeurs, ou plutôt leurs préjugés. On ne refpette point des delicateiîes auffi puériles dan* les: autres langues. Le! Latin dit Frafiihdum ,. fçottum , coïre, mucus ,fs>ees alvinst, &c. Autre- fois on n'eut pas ofé traiter en François des Par- ties de la génération , de la manière dont fe fa:* l'enfant j le mot de Veiole que nos Dames pro- noncent aujourd'hui fans fcrupule } étoit isdé- «ent & ©dieux. Oii écrivoiteH Latin ; on parjoit |
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aiv- AVANT-PROPOS.-'·
Enfin fi l'on imagine que c'eft fous le· -
nom fabuleux de FI que j'ai voulu infî- nuer la politique de M-œchiavtl , que'· ceux qui l'ignoren-t apprennent qu'elle fe réduit à trente-pentes-prbpofitions, qui- ne démafqcie-nt pas plus 'l'artifice-& les» - rufes de-s M édeeins Charlatans habiles ',■% que les plaifanteries Se les confultatiohs « *■ qu'un Médecin de-peu-d'efpck-& dégoût- fourniiToit à Aioliere. Il n'y a qu'à comparer F. avec Αί>·; la -
Gharlatenerie; de celui-ci eft fi grolîîere ,·■_. qu'il n'y a pas de'fage-femnie qui ne la· faifiife facilement, tandis -que celui-là eft'·'·· admirable par l'étendue -, la fineiïê-, la- profondeur des vues, & -l'univcrfal-ké de ' les eonnoiiTânces ,· tant Phyfiques, que Morales. Je prétends encore moins devoir être- '
acéirfé , d'avoir fait avec acharnement la pliisarFrèufe des Satyres/pour nuire à un '*■■ Corps refpeotable , & que je -refpe&e'" peut-être plus que perfonne. Je me croi-; rois digne du· plus grand mépris, fi je' |
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pat longues Periphrafes ; mais aujourd'hui le'
voile d'une prétendue pudeur eft' levé.· jtflmc même qui dic^.qu'il a écrit en Latin, par de'cence deMork Vener. a fait traduire , quoique raauffa-r dément,.foh livre,.,par vanité. ■ n'étois
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AVANT - Ρ R Ο Ρ Ο S. :χχν
-frétois pénétré d'admiration & derecon-
•noiiTance peur les Ecrits utiles & lumi- -neux, qui font fortis il*y a long-tems de -quelques plumes célèbres parmi les Mé- decins de Paris. JEn un mot, comme je l'ai déjà dit, je regarde la Médecine s comme la plus belle & la plus utile des Sciences, j'honore les vrais Médecins , 8c je penfe qu'on ne fçauroit trop payer» v Soutenir, & encouragerleurs talens. Mais en tefpeotant les talens & les
'mœurs, le bien public m'a donné la force d'attaquer les défauts de l'efprît, unique- ment encore parce qu'ils influent fur la perte d'une infinité de Citoyens , & que c'étoit peut-être le feul. moyen de les cor- riger. Au refle nulle calomnie dans tout ce que je donne , fait de;F.foitde moi- même ·, & fans le caractère de vérité Se de candeur, que femblent par-tout refpi- ter les Ecrits du Docteur Chinois, il ne m'auroit jamais compte au nombre.de fes •Apôtres. Mais , croira-t-on encore objecter,
la medifance, félon F. même , eft l'élé- ment de fon efprir, ou l'aliment de fon Ouvrage. Soit ; mais fi la vérité feule y règne , fi la médifanee n'eft qu'un mafque odieux , qu'on a voulu donner «ux vérités qu'on avoit lieu de craindre » C
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xxvj A VA NT- PR Ο Ρ Ο S.
fi le plus grand intérêt des hommes ,! à" qui tout refpeéfc humain doit céder , fait tomber ce mafque impofteur, fi enfin un Médecin, même φ tenu par principe de Religion , d'expofer, d'afficher le bri- gandage de Tes propres Confrères, com- me l'a penfé & exécuté ( Fans fuccès ) le pieux &..zélé Mr. -Mecquet , alors , je vous le demande , à vous qui me defap- prouvez, de quelle force feront toutes vos raifons , Se les argumens dont on voudroit fans doute pouvoir fe fervir , pour folliciter lafupprefiion de l'Ouvrage le plus utile qui ait paru depuis la décou- verte de l'Imprimerie. LaiiTons donc aboyer les Médecins.
On n'a rien à craindre, ni à fe reprocher, quand on a pour foi la juftice } la vérité, & l'amour de l'ordre. Je défie la Faculté en corps de me convaincre d'avoir avan- cé aucune fanifeté , ou calomnie. Pour prouver contre elle-même tout ce que j'ai dit depuis la première , jufqu'à la dernière fcéne xle cette Tragi-Comidie , je n'en veux appel 1er qu'au témoignage intérieur de la confeienee des perfonnes, quelles qu'elles foient , qui connoùTent les Hommes dont je parle, ( pour les pénétrer, il n'y a qu'à les fuivre au lit de leurs vi&imes ) &, ce qui eft encore plus |
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Ά V ΑΝΤ -Ρ R ΟΡΟ S. xxvif
..généreux , je prends pour juge ia confi- dence3 même des Médecins, s'ils en ont autant qu'on leur en a fuppofée dans cet Ouvrage.
Qu'il me fbit permis d'ajouter ici une
dernière réflexion , qui "finira cette lon- .gue Préface. Madame la Marquife *'** difoit à Mr. * * * qui venôit de publier un Ouvrage hardi fur une matière des plus délicates; »M. je trouve votre Livre » fort bon, mais il vous fera grand tort. « Cette Dame ne fongeoit pas qu'elle par- loit à un Auteur» Je fens que mes amis pourront me faire
aufli juftement les mêmes reproches 5 mais j'avertis que je n'y ferai fenfible , qu'au- tant qu'ils feront accompagnés de lame- tne circotiftance , fi je l'ai méritée. Ce qu'il y a de certain , & ce que je
puis protefter avec candeur , c'eft que le séle feul de F. m'en a infpiré pour le bien public. N'ayant pas l'honneur d'ê- tre Médecin , eft-ilfurprenant que je plaide pour la vie des hommes ,-ôc que : j'aie pour elle un refpeét /devant qui toute autre confédération s'évanouit. Une caufe de cette importance demanderoit ia force d'Hercule ,& j'ai peut être la foiblefife de "Terfite. Mais fi les parties du grand Avocat m'ont manqué , du moins |
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xxviij AVANT-PROPOS.
ne me refufera-r-on pas celles du bon
Citoyen. Ο vous , qui pouvez devenir malades,
coniiderez que ne pouvant prévenir les miféres attachées à l'humanité, j'ai fait tous mes efforts pour vous garantir des Médecins. Si donc ces ennemis de notre Société m'attaquent en corps d'armée, que peut faire un Maître es Arts, féal contre tant de Docteurs furieux ; Vous qui voyez le courage d'Aigle qu'il m'a fallu oppofer ( contre ma propre fortune ) à des abus & à des préjugés prefque aulfi anciens que le monde , prenez un peu , cher Lecteur, les intérêts d'un homme qui s'eft volontairement facrifié pour dé- fendre les vôtres. Vous, jeunes Etudians, que j'ai voulu
inftruire & former , il y auroit trop d'in- gratitude à m'abandonnera la colère de la Faculté : Et vous enfin Médecins ( ι ) dont j'ai dévoilé l'ignorance , la Charla- tanerie , & le Brigandage , peu connu de ceux-mêmes qui l'ont voulu faire con- noître, que votre amour propre irrité .,----r---—----------------------:----------------------
,(i.) Eft-il néceffaire de répéter , que c'eft
toujours des mauvais Médecins , que je parle , & que je fuis pénétré de refpeft pour l'Art-& î pour les·Hommes qui y excellent,} |
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A V AN T-PROPOS, ώ!
ne vous empêche pas de rendre juftice à qui vous la rend. Croyez que ma langue ne s'eft dénouée que pour la vérité , que je ne parle de vous, que comme l'Hif- ïoire , & qu'enfin (je vous le jure ) pour dire du bien de vous, je n'attends que i'occafion de vous en voir faire. |
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•m
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e $
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xxx Difcoun de Fâm-Mà-Bdm t,
mu& mm* <mm &% &* ^is©
DISCOURS D Ε
FUM-HO-HAM,
A L'EMPEREUR
KEINLONG
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A Votre NaiiTance, Vous fïïFes an-
noncé à vos Sujets , comme un Bienfait du Ciel, ils ont tremblé pour les jours de Votre Majefté, dans fon Enfance ·, mais dans un âge plus mûr , dès qu'on Vous a connu , on Vous a nommé l'Amour du peuple j Keih-hng^ le Bien-aimé , dans un tems, où Vous alliez difparoître à nos yeux, tems où la Critique s'arme contre les Rois mêmes Se les Empereurs. |
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aTErnpereur Rein-hng, *XXJ
Durant leur vie , ces Potentats exer-
cent un pouvoir defpotique, mais après
Tribunal de leurs Sujets , qui ne diient
du bien, que des Princes, qui en ont faltEhl Comment, SIRE, refuferoit-
o„ ces hommages à V. M. ? Vous -ez reçu du Tim ( ι ) un cceur , tel qu «ne
làdonne pas à la plupart des Grands de vos Enfans , & de bonté pour vos Sujets,
un coeur plein d'humanité U de douceur, fenfible aux charmes de l'amitie & capa- Ue d'aimer. U a éclairé votre efprit des plus pures lumières. Les intrigues lour- des àï la Cour ne font, à vos yeux.que. desjeuxdelavanité&delafoibl^, dont vous connoiffez tous les détours ambitieux, &c dont vous riez ieei-ette- ment, comme des miféres humaines. f Envaitî lé'plus artificieux manège
s'efforce-t-il de vous maiquer les nom- mes , vous voyez leur cceur fur leur viia- ge, vous pénétrez dans leurs yeux le fond de leur am€, tandis que votre prudence êe votre diferétion vous rendentvous- < ι ) Le Dieu des Chinois
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xxxïj JDîfcours dé Vum-Hà-Hkmi
même impénétrable aux regards les plus» perçans. Aufli infeniîble aux faux bril- îans de refprit, qu'à la flatterie &■ à l'a- dulation , la raifon feule vous frappe, comme la véritérégie & éclaire tous vos. jugemens. * Depuis la mort lente de ce Menàdrin
prudent, mais trop pacifique , avec quel·* îe admiration ne vous voit-on pas tenir iès Rênes de votre Empire 1 Vos peuples applaudiflant au choix que vous avez faic de vous-même , pour premier Miniftre , fe trouvent d'autant plus heureux , que c'eft par vous feul qu'ils pouvoient le de- venir. Ils s'habituent iî facilement à n'en: point voir d'autres , que , file choix leur, eut été permis, Kcin4ong en eût été l'uni- que objet. Ils voyent avec plaiiîr que le. zélé & l'ardeur de Votre Majefté a dé- concerté pour jamais la folle ambition, de ces foibles génies 8c de ces cœurs cor- rompus, qui briguoient une place émi- nente, plutôt pour leur propre bonheur,, que pour celui des Citoyens, une place prefque au-deffus des forces de l'huma- nité , une place où le vice a été tant de fbis, je ne dis pas impuni , mais cou^ ronné , une place enfin , où l'on ne de- vroit faire monter que la fageiTe & ia vertu, de dont par conféquent eft in4it |
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'λ ÎEmpereurKein-hfigt χ^χιίψ
gne , quiconque remue un parti , pour* s y élever. L'exemple du- paiTé les faifoit' îrembler pour l'avenir. · Un Empereur tel que vous , SIREjr
qui aime fes Sujets, autant qu'il en eft adoré , doit les gouverner lui-même , if n'a qu'à vouloir , & ils font heureux* Qui a moins befoin de fecours étrangers ï Qui peut mieux tout voir , tout foutenir,- tout conduire par lui-même , qu'un Prin- ce de la plus haute Sagefife , pour qui* Minerve & tous les Dieux femblent avoir5 épuifé leurs bienfaits 1 Une face auffi digne de l'Empire ', fa-
ciès /mperio âigna , comme parloien't nos '· Anciens, infpire néceiTairemenT l'eftime; & le refpeér à ceux mêmes qui font faits »- non pour ramper dans lesCours desRois,-, mais pour juger les Rois & les Bmpe-- reurs. Je parle de ces hommes fe ν ères s, que la pompe & la grandeur ne peut* éblouir , de ces organes hardis de la vé-- rité, qui devroient être les feulsCourti-- fans des Princes ι ces Philofophes , qui" ne donnent d'Eloges aux Souverains »- qu'autant qu'ils les trouvent dignes de l'être. Vous n'avez rien à redouter de> leur févérité 5 vos difcours ont gravé dansr' ces cœurs ( dont le feul hommage doit âatte* les grands )_, la vénération |
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Xxxïv B$0tirs de Fum-Ho-Bdm 1
que votre Perfonne infpire : & pour c-êtte fois enfin ce n'eft point la flatterie , qui a trouvé Y homme, qu'on cherche de- puis iî long-tems. L'élégance, la netteté, la- précifion,.
la profondeur font connoître la folidité de votre génie , dans vos converfations les plus indifférentes. Roi quand il faut être Roi, quel plaifir de quitter quelque- fois le Sceptre & le Diadème , pour mieux fentir le prix de l'humanité ! Vous dépofez en fecret le faite incommode de la Royauté , pour être homme, pour vivre familièrement avec ces Seigneurs aimables Se valeureux, à qui Mars & l'Amour accordent tour à tour, à votre exemple, leur confiance & leurs faveurs. Ils trouvent dans leur Prince un particu- lier aimable, plein d'attentions & d'é- gards , un Maître rempli de douceur, qui, en fe communiquant, ne perd ja- mais rien de fa dignité : Quelques-uns γ trouvent un ami auffi fincere, auffi vrai, que puifïànt, & dont la Cour eft l'azile des malheureux qui ont de la vertu. A cette douceur fi féduifante , & à la-
quelle on rend d'autant plus, qirellefem- We ne rien exiger , vous joignez , SIRE , de l'aveu de vos propres ennemis, une Sfalear $c: un.,courage.·» que la-fierté, 1%. |
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a't"Empereur Keïn-Ung. _ sœsr
dureté , &C quelquefois même la férocité accompagnent, dans la plupart des hom- mes, &c que: réglé chez vous l'humanité. Un caractère aufli compatiiFant que le vôtre, gémit plus fur les calamités que traîne après foi le char des plus brillantes viftoires, que vos propres triomphes ne. vous enorgueiLluTént. Quand les Tartares, liés avec les Js*
ponois, ont menacé les Frontières de: votre Empire 5 on vous a vu, à la tête de vos Armées, donner l'exemple à vos Gé- néraux!, & à votre Fils Hoam-ty , pour qu'il le donnât lui-même à toutes vos troupes; Intrépide dans les hazards, aufli peu ému que dans une paix profonde, on vous- a vu braver le fer & lé feu--,, infpirer à vos foldats une ardeur , que votre préfence &■ votre fermeté feule, ©nt foutenuë , & enfin , femblabîé à ce Dieu, dont parle Homère , qui par fes feuis regards pouvoic décider dii fort des Combats, on vous a vu. ramener la victoire dans des Bataillons , qui furent d'abord ébranlés, malgré l'admirable dif- pofition de ce fier Chourchu-la , qui s. (fans l'art magique de ce grand Négro- mancien, que Votre Majefté fit voler à- fon fecours, de l'extrémité des Indes , & a qui nous, devons la confervation du |
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Bdfvj ïftfcours de Fum-Ho-fiaM 1
plus grand de vos Généraux , ) n'auroÎè eu qu'une vîé '( ι ) trop peu proportion- née aux fervices qu'il peut rendre à vos· Etats.
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.( ι ) Chou-chtt-L· eft peut-être le plus grand
General , qui ait jamais paru à la Chine ; il doit tous fes brillans fuccès à ce qu'il appelle fes Rê- veries , c'eft-à-dire à d'excellens principes de guerre , qu'on trouvera un jour-dans fes Mémoi- res. Son courage efl: encore au-deiîus de fes " lumières. Il éton Hydropique , lorfqu'il partit de' Pékin , pour faire la dernière Campagne , a laquelle nous devons la paix. Après la première' ÎenBion , il prit les Villes les:-plus fortes de'la» Tàrtarie ; après la féconde > H gagna la terrible Bataille de Te-noifim , fous les remparts d'une Vïlle qu'il aifiégeoit On demande comment le plus gra id des Guerriers1 ofe fe mettre à la tête d'une Armée, ét'préfider aux plus grands in- ·· teiêts d'un Etat "■ dans un tems , où ï'ame plus au corps, qu'à eîle-même , femble devoir être, fans vigueur: ou comment l'Empereur confie' fdn Royaume' à un Héros expirant. Ces deux problêmes ne font pas difficiles à réibudre. Ce1 sjai lui reftoit d'ame, fnffifoit au Héros, & à fon Maître", qui eu çonn'oiiToit le prix , comme on en va juger par le plus beau trait. L'Empereur fît'venir auprès de la Perfonne*
de fon Général·; un Médecin' qui n'était encore Célèbre que parmi les Sçavans, en difant au malade , je ferai S... mon Médecin confultant ,'. s'il· vous guérit. Le Médecin a fauve le fauveur dé la Chine,. jugez fi un tel Empereur a tenu & jgroles* |
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α Ρ Empereur Kehr-long. - xxxvîj
La vi&oire , SIR Ε, n'a pas plus ai- «eré votre ame , que le danger. Plus occupé du malheur [des vaincus, que de 4a gloire dont vous étiez couvert , cet événement -qui auroit enflé des cœuré moins grands que le vôtre , n'a fait sermer en vous que des fentimens de înodération v.le. partage des. vrais Héros. Après des adions qui vous ont placé À. coté des plus grands,Empereurs , revenu dans le fein de votre Empire, comme dans le fein de votre Famille , vous .avez mis la difeorde aux.fers, & l'olive -de la paioc, ,que .vous, venez de faire éclo- •re , augmente .fa rage , en comblant nos .deiirs. -1 rV©us ramenez les Arts en triomphe
avec les plaifirs »..les Sciences renaiifent par vos bienfaits ; vous avez appris du haut du Trône aux autres hommes , à" .rendre à l'efprit sê£ aux talens le tribut .qui leur eft dû , & que l'efprit feul eft digne de leur rendre. Le génie Chinois vous doit toutes les conquêtes; qu'il a fai- tes. Il a .porté. la : lumière dans des Re- celons ténébreufes , qui fembloient de- voir être l'éternel, féjour de l'ignorance. (Nous connoitTons enfin le Monde & la •.Nature j Par ces Argonwtti .nouveaux} |
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xxxviij jDlfcBurs de Fum-Ho-Ham *
.que votre libéralité raiTemble de toutes parts,5& envoyé mefurer les parties du .monde les plus oppofées. Après tant de vertus , comment les
vœux que vos peuples font au Ciel pour
Votre Majefté, pourroient-ils être tout-
.-à-fait défîntérefles ï Comment leur bon-
ilteur ne feroit-il pas inféparablement lié
au vôtre:?
Mais , SIRE, parmi tous ceux qui
bénifiènt votre Nom , feroit-il permis au moindre & au plus zélé de vos Sujets , d'élever fa voix jufqu'au Trône de Votre Majefté ? Vous avez vaincu l'injuilice par la force de vos Armes, vous avez forcé au ïilence l'intrigue,la calomnie, :& l'efprit de parti, qu'animoit le fana- îifme, monftre , qui s'eft fait voir dans tous les tems plus à craindre pour les Rois mêmes , que la liberté de penfer des Philofophes de tous les fiécles. Un. autre monftre bien différent , & non moins redoutable , vous réfte à dompter, . c'eft un hydre dont vous feul pouvez . couper à la fois toutes les têtes renaif- fantes, je veux dire le Brigandage de L· Médecine,, Brigandage qui défoie vos Etats. Ceux à qui vous avez confié la vie de vos Sujets, font,, pourJta plupart, |
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m tEmpereur Rein-long. - xxxi*
ces Hommes Mercenaires , des igno- rans , des Charlatans , fans foi , fans probité ; ils regardent la vie , comme des îeuilles d'arbres, ou comme la pouffiere emportée par les vents. L'Automne ne voit pas tomber en plus grand nombre -ces feuilles deiTéehées ·, que vos Sujets ne fontdétruits par la hardiéiTe & la té- mérité de-tous ceux qui ofent exercer la plus étendue, la plus utile, & la plus dif- ficile de toutes les profeifions, fans étude &c fans-lumiere. Ce font, SIRE , ces hommes, pré-
tendus Médecins, fléau plus terrible que toutes les maladies, que j'entreprends de dévoiler dans cetOuvrage à Votre Ma- jefté, avec les moyens faciles de remédier à de funeftes abus , qui en deshonorant le plus beau des Arts, & ceux qui y excel- lent, dépeuplent & ravagent votre Em- pire. Je n'en aceufe aucun de ceux qui font vivans, j'ai pris chez les morts les peintures que j'ofe offrir aux yeux d'un, Prince éclairé. Mais s'il fe trouve par ha- sard quelques Médecins qui leur reflem- blent, qu'ils fe corrigent, ou indignes des bienfaits de Votre Majefté, ils mériteront d'être chafTés de votre Capitale , comme ils le furent autrefois decêlle d'Italie· |
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• il Difc. de F-H-H. h l'Ëmp. Kein-hng,
Vous le fçavez, SIR Ε, c'eil l'amour
?propre qrTenfé qui a donné le.Nom de JM.ediCa.nce aux vérités Critiques ; mais «elles n'en font pas moins des vérités, δε χη eft-il de plus importantes , que celles ,qui ont pour objet la confervation des Xicoyeiis 5 Je neiiiis que leur Interprète, l'amour du vrai, l'amour feul de la Pa- irie m'anime & va parler par ma bouche: Xes cœurs dignes d'être vos Sujets , c'eft- ià-dire, les cçeurs droits m'applaudiront fans doute, & l'on connoîtra les cœucs faux & corrompus, à la manière dont ils •fe trouveront blefies. |
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LE
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t y15 te t "iS. ^t-i)S. ^ς. ^v ς. ^ς ς<*
LE CHEMIN-
de LA FORTUNE
OUVERT
A'UX MEDECINS-
CH'A PITRE I? .
T-ableau Général de la MéAecîm s
& -des Médecins. ■ · Ous voulez donc abiolument>; '
mon Fils, prendre le parti de" * la Médecine. Îous les incon-·' véniens j'toLis lès éciieiÎs que* je vous ai fait voir;', les" défagrémens 3.: les peines , la diificuîté de réuifif , la' facilité de tomber , après les plus brillaris* fuccès , enfin tout ce que je vous'ai dit* i>c répété tant de fois , pour vous empê- ièer- de vous ' embarquer fur une mê£: |
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orageufé, connue de peu de pilotes, δε
pour cette raifon fi fameufe en naufrage, sien ne peut vous détourner, d'une pro- feiEon difficile , à laquelle vous n'êtes peut-être appelle , que par l'appas du.-.. gain. La rapidité avec laquelle certaines gens font des fortunes confidérables,. fans rien fçavoir, ( fi ce n'eft duper le public ) vous féduit & vous attire., 8c : enfin il eft décidé que vous ferez Mé- decin , c'eft-à-dire l'Homme du Public & la victime, de l'ingratitude & de la ja- ioufie. Ah '.mon Fils, au nom de la plus tendre amitié , fouffrez: que je faife en- core un dernier effort 5 plus pour vous- même , que contre vous., en expofant à : vos yeux, ou plutôt vous rappellant tou- tes les peines qu'il vous faudra efliiyer & tous les périls que vous allez courir. Après. quoi je ne vous retiens plus. Je vous donnerai, mon Fils, la politi-■■-
que du Médecin par le célèbre M***. . traduite avec là plus grande liberté. J'y fonderai la mienne , telle qu'elle eft née de mes propres obfervations, de t'ufage du monde , & de la familiarité même , que les Médecins ont daigné m'accorder autrefois avec eux. Vous verrez que ce. grand politique n'a pas tout dit, que Molière n'a faifi que les ridicules grof» |
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iîëîs"des Médecins, & qu'enfin Telema-
que n'eut jamais fi gïand befoin de Men- tor dans la dangereufe lue de Ça- lipfo.
Il faut d'abord vous faire connoître en
général l'Art & les Aràftes , & enfuite tous les chemins infiniment divers,. qui pourront vous mener à la fortune. Regardez-vous, mon Fils, comme un
voyageur qui va s'établir dans des pays, inconnus /vous trouverez plus de diffé- rence dans l'efprit & les mœurs de tons vos Confrères, que dans les régions les plus éloignées , les unes des autres. Le peuple avec lequel vous allez vivre, les Médecins, fe haïiTent entr'eux , autant qu'ils nous déteftent nous-mêmes ; ce font des efpéces de commerçans, qui vont tous à la fource ( ou plutôt à la chaifc ) de l'or & de l?argent, mais qui marchent par des détours différens , qui eonfultént tous les vents , qui croyent tous porter en échange des marehand.ifes précieufes, quelque viles qu'elles foienr, & qui, avant que de les mettre en vente, femblables à ces marchandes habiles qui connoiffent tout l'avantage des faux jours de leur magazin, apprennent l'art de fé- duire , ou plutôt de tromper. Ils com- mencent par lâcher dans le public des |
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(4). .
Colporteurs mâles & principalement fe-' ! melies, qui les vantent, comme ils font entr'eux. Perfan loue Gacon , par la même raifon que les autres fe déchi- rent. Dans ce Négoce , il y a bien d'autres ■
circonftances particulières. La Médecine : eft une marchandife dont tout le monde: a befoin, dont les hérétiques mêmes en cet art ne fe pafTent point, & que per~ fonne ne connoît, de forte que celui qui. la débite, qui fçait là mettre en fon jour, : celui-là feul en fait le prix. Ainfileton' hardi, décifif, impofant , la fraude , la- préfomption, le myftére·, la charlataneriei Se toutes les iniquités qui la fuivent3,, font la b'aze de ce 'commerce. Ceux qui vendent-de mauvaifes mar-
chandifes , font bientôt abandonnés, les- faux monnoyeurs- font pendus. Mais la Médecine éprouve un fort tont-à-faic différent.' Le clinquant, le fimilor s'y· confond avec l'or véritable : c'eft un métal que peu de gens fonten érat d'exa-* miner au creufet, & ce qu'il y a de plus faux, pourvu qu'il foit merveilleux en apparence·, eft toujours ce qui a le plus de charmes pour le Public, parce qu'il ne juge de ce qu'il acheté, que par le fripon qui lui vend; Enfince n'eftprek |
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"que jamais fur la foi des connoifieurs '
qu'on choifit le Marchand, c'eft fur la foi'' du Public, qui ne e-onnok pas plus le» Kîatchand, que lànfarcbândife. - Voilà en général , mon Fils·, le né·· ·
gore , ou l'art que vous allez embraifer ,~> ôt le caraétére de ceux qui le-profe-iTent» s Vous fentez qu'un caractère auffi équivo- que , aufli perfide, exige beaucoup de-" ménagement & de foupleiîe. Vous voyez" que la Médecine eft cent fois plus diffi- cile qu'Hippocrate ne l'a dit, & que les honnêtes Médecins de fon tems ne k lui-· auront peut-être fait croire»» Ces difficultés vous déconcerteront &'
"vous effrayeront fans doute. Pour peu qu'on ait de délicateiîè & de fentimens d?honneur, le rrfoyér» de paiTer impuné- ment fur tant d'épines1. Mais cependant' comme vous me paroiiTez fi obftiné dans votre deifein , que c'eiï une vocation dé- cidée , je ne veux pas tout-à-fait vous dé- courager. An-contraire je veux vous prou- ver qu'il eft facile de réuffir dans cette carrière ,. qirelqu'immenfe & périlkufe ' qu'elle foir, Se que la rofe de laMéde-- cine, qui eft l'argent, peut fe cueillir , · fans que les mains les plus délicates en foient bleifees , pourvu qu'elles-foient adroites. Je n'ai pour cela qu'à vous pro»-. |
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p©fer l'exemple d'un grand nombre de' "
Médecins qui fe font élevés fans talens.; Permettez-moi de vous en tracer le por- trait, pour vous faire voir que tous les défauts & tous les vices feront autant de degrés qui vous feront monter au.pre- mier rang, fi vous êtes heureux, mmmmmmmmmmmmi
CHAPITRE II.
Portrait de SAC Ο UILL·
Ultimi primL BAcomWz le corps fait en Ζ, il réffem»-
ble à ce vilain Empereur Romain y <|ui félon Suétone ,'referelmtfaciem encan* thi II cft tout barbouillé de morue, de pi- tuite & de tabac, ce qui rend fâ figure de fittge encore plus dégoûtante & mauflfade, Repréfentez-vous fa tête comme un pot déterre creux, fur le haut duquel eft plantée de travers une vafte perruque *# F.° que Bacouill porte fort reculée en arrière , même devant les Dames qui ont tout le tems de confîdërer la beauté de fon crâne. Ce grave peribnnage ne rit pas plus qu'un animal, il daigne feule-, ment quelquefois fourire,mais d'un fou-; |
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ïîs auffi perfide, que niais & lardomen 3
qui laifle plus qu'entrevoir deux râteliers pourris de dents mal propres &. cariées 3 qui heureufemenr manquent par devant, îl eft fi iot qu'il ne fe croit pas même un Ignorant. Pour en juger 5 il ne faut qu'un coup d'ceil fur fa phyfionoroie ·, avec ces traits-là hv nature n'a jamais donné aucu- ne forte d'efprit. Bacouill ne fçait rien j il ignore très-parfaitement le Latin, & en- core plus parfaitement la Médecine. C'effc pourquoi les Facultés les plus Borgnes y comme celles de Rheims, de Caën , de Bourges, de Doiiay , dé Pont-AmoiiiTon, &t, n'ont point été aiTez ,eomplaifantes pour lui donner un bonnet, que tant d'au- îres achètent pour deux Louis & quelques phrafes de mauvais Latin. Bacouill n'eft que Bachelier de Cahors. Ses Lettres, à force de crédit, font venues par la pofte$ il étoit à Verfailles le jour qu'il auroit dû être à Cahors y par la datte de fon parche- min. C'eft ce qui a été très-bien prouvé par les diligentes recherches de Jonquille. Où ce prétendu Médecin a-t'il donc pris» fes grades 5 Au jeu. Il a joué d'abord avec les fervantes & les laquais, enfuire avec des gens plus diftingués, c'eft-à-dire, avec les femmes & valets de chambre , Si enfin avec les MaîîreSj les §eigneurs3 & les pre>- |
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ftueres Dames de la Cour. Un MiafeK
qui fe connoît trop en mérite , pour lui - en trouver d'aucune efpece, dit que ce "■' demi Do&eur ne traite· jamais que ceux - avec lefqueisiljatvë'. Bacouil'l cependant, l'heureux Bacouill a été par-là porté de ' main en main, comme un jeu de cartes , ■■ jufqu'au i.= rang ; & fi le plus grand mal- heur qui puiiTe-menacer la France , arri- voit, on li'roit un jour dans l'es Faites de - 1*: Médecine Françoifc , qu'un homme·* fans figure-j fans vigueur, fans talens qui puiffent le faire aimer des femmes, fans efpri'r,, fans aucune forte d'éducation , en > * Ufi-m ot fans autre fèience que celle du jeu,J. eft parvenu àitnc place, qui, grâce aux > ' intrigues de Cour", ne prouve rien pour le mérite , mais pour· laquelle il n'eft ja~· ' mais d'aiTêz excellent Médecin. Un Ba--' " couïU feroit devenu XAfchîater des Fran-* çois. Domine fafaum fac Régent. Mus en; laifant des voeux pouf le père, qui ne- etembléroit pour le fils, fi un tel Méde- cin' pouvait a voit la confiance d'un Prin- ce auffi -éclairé, un Médecin qui tremble plus que 'JënqMlle-w&.mz', à la moindre nouvelle de-la-marche des ennemis , dont Ja tête tourna de-frayeur à la première décharge de laMoufqueterie de la Batail- le de Fontenoi, qui-trouvant un petit cheval
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.cheval fans feîle, le monte à poil, & s'en-
fuit au grand galop , fi troublé , qu'il pen- fa fe jetter dansTEfcaut, & fema l'allar- me dans tout le quartier du Roi, qu'il comptoit vite abandonner, pour fe ren- dre à Lille. Un tel poltron , même avec -du fçavoir , feroit dans le befoin d'un grand fecours à fon Prince 1 Envifageons Bvacouill, comme Prati-
cien. On ne peut aimer ce qu'on ne con- noît pas, c'eft pourquoi notre Doéteur dit qu'il n'aime pas les remèdes, qu'ils vont d'un côté, Se la nature de l'autre, qu'ils 4ie fe rencontrent jamais, que d'ailleurs avant que d'arriver au lieu de leur defti- nation, ils ont perdu leur première vertu, fernblables à ces vents qui après avoir tra- ' verfé la Méditerranée, onr changé, leur -fechereife en humidité. Voilà les raifons folides pour iefquelles Bacouili n'ordon- ne prefque jamais rien ; efclave d'une ignorance invincible, il croit l'être delà nature, & quoiqu'il n'ait rien dit, en af- firmant que les remèdes ruinent le tem- pérament , il a perfuadé ceux qui l'écou- tent : car il veut être écouté, même lors- qu'il parle Médecine-; & à ce fujet vous allez voir qu'un jour fa vanité lui coûta cher. Vous dormez, difoit-il au ronfleur ambulant de la Faculté, dans une conful- E
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ration chez M.e la Duchefle de V. Non,.,
Mr., reprit Philantrope, j'ai trop de ref- ped pour Madame, la Duchefie , & trop d'envie de ioulager fes maux ·, mais o'eft vous qui avez dormi dans tout ce que vous avez fait, & qui dormez encore dans tout ce que vous dites. Quelle fou- droyante réponfe,'. ■ Mais voici une bien plus rorte attaque.
Bacouill n'aime pas plus les Médecins,que les remèdes. Il ieroit à fouhaiter , diioit- il en bonne compagnie , avec fon ron de capucin » & fon petit air plat, doucement décifif, qu'il n'y &<c point de Médecins <kns le monde, la plupart ne gavent rien, & le fçavoir des autres pourroit être mis dans une page. Il en jugeoit par le fien propre. Un Philofophe iévere qui ne par- donne rien & dit avec force les plus du- res vérités,releva vivement la propofirion du petit Hérétique. Permettez-moi, dit- il Mr., de vous faire conn.oître les confé- quences de ce que vous venez d'avancer. Cela ne peut partir que d'un fond djor- aueil trop choquant. Car , ou vous êtes un homme extraordinaire , ou vous êtes un des Médecins que vous méprifez. Or que vous foyez un1 homme rare , un de ces génies qui femblenr avoir épuifé tous les Êienfaits de la Nature , c'eft ce que vos |
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iConverFations ordinaires, ΓιήίΗηθ: que
wous montrez, & l'aveu même de l'igno- rance des gens qui vraifemblablement ont autant de mérite que vous, & peut-être ■■davantage, ne permettront jamais aux connoiûeurs de penfer. Vous partagez donc le mépris dont vous 'honorée vos Confrères. Je dis plus, ajouta ΓΑι-giimen- tateur, ou vous avez de la confcience & -de la religion , ou vous n'en avez pas. Si -vous n'avez ni confcience, ni religion , il faut vous chaiTer de la Société , comme mn homme indigne de la confiance de qui •sque ce foie, dans aucun genre. Et iî vous «n avez, vous ne devez point, penfant, •comme vous faites de la Médecine & des Médecins, abufer de la crédulité du Pu- iblic , aifément dupe d'un homme en pla- ce ; ii vous êtes honnête homme, vous ;devez ceffèr de tromper , 8c même de- .tromper tous ceux qui vous envoyeront chercher : vous êtes même obligé en conf- cience de remercier la Cour ( que peut- être vous ne ferez que prévenir ) &c abdiquer une place que vous n'êtes pas en état de remplir. Parcanféquent, fi loin de vous retirer, vous mettez tout en œu- vre pour que la protection, ou plutôt la plus aveugle prévention vous y foutien- ne j vous êtes un miférable qui: n'avez pas |
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le moindre fentiment de Religion, d'hon-
neur , ni d'humanité, & tant que je vous verrai dans le rang que vous occupez , je vous regarderai avec raifon, comme le plus malhonnête Ôc le plus méprifable des hommes. Ce Pbilofophe connoiffbit à fond quelle doit être la Religion du Mé- decin , matière que nous expoferons dans la dernière partie de cet Ouvrage. Ce fécond point de la Politique de Ba-
eouilt, comme vous voyez , n'a pas tant réiifli que le premier. C'eft qu'il vaut mieux dire du mal des remèdes , que beaucoup de malades haïiTent , que des Gens, à qui on connoît du mérite & des talens. En n'ordonnant rien^ou feule- ment quelques bagatelles , un lavement d'eau de rivière, un amande , une prife de Thériaque , ou de petit lait, on flatte les perfonnes dont on adopte les préjugés, mais en calomniant un Corps refpeclable, on démafque fa propre ignorance , & il ν a trop à perdre à ces comparaifons. ' La Gazette eft-la dernière baze de La politique de Bacouill, il lit exa&ement toutes fortes de nouvelles pour les débi- ter enfuite. N'ayant ni lettres, ni latinité, de quel autre côté eût-il pu fe tourner ? Il décide fur les éyenemens de la guerre &C delà paix» mais il s'épargne toujours la |
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peine de répondre à toutes les difficultés,
en difant feulement non ,,avec fon ton or- dinaire. Ce mérite a des charmes aux yeux des Nouvelliftes. Que voudriez - vous qu'ils fiiTent d'un Médecin qui' ne fçau- roit pas que Bruxelles fera pris dans peu de jours ? M, * * * a donc raifon d'avoir fait fentir combien la politique eft nécef- faire au Médecin. Que peut fçavoir un homme qui ne lit pas même la Gazette 5 Mais s'il ofe la méprifer, le moyen de fe fier à un efprit petit-maître, qui dédaigne ce qu'il y a de plus folide, & ce qui fait la fcience de tous les Honnêtes gens 1 Je ne fçai fi celle de Bacouill lui a procuré beaucoup de pratique , mais je fçai que dans le Palais de fon Prince ce grand po- litique eft peu refpeété. Il prenoit tous les jours un fauteuil dans le Caveau , félon le rapport de Mr. Β ... on fut bleifé de cette affectation , & pour l'en punir, voici le tour de Page qu'on lui joua. A la place du fauteuil, on mit une chaife percée avec un baquet plein d'eau par deflous,on cou- vrit adroitement le trou d'un tapis, qui n'empêcha pas le vilain C. de Bacouill de tomber dans l'eau, devant bonne compa- gnie , qui en rit encore de fouvenir. Les grands hommes ne font pas feuta
■iinguUers. Baeouill qui eft des plus petits, E5
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oublie quelquefois fonfyftême de ne rieffi
faire aux malades, il tombe même dans uiv £ grand excès contraire, qu'il preférit dé- faire des faignées de demie en demie heu- re, jnfqu'à ee qu'il revienne.. Mais le moyen de fe fouvenir, en jouant gros jeu au piquet, de ce qu'on a promis 1 & eft-ii étonnant qu'un Médecin de tapis verd , dont la partie dure plus long-tems qu'il ne croyoit, Se moins qu'il ne voudroit * trouve fon. malade mort, épuifé par l'e- xécution de l'ordonnance 1 Voulez-vous que je vous dévoile toute
fon impudence. Il a fait faire par un Me- àhkfire & par le Coufin d'un Caffetier , un libelle fur la maladie de Metz. C'eft- 11 qu'il ofe affirmer qu'un a penfé tuer le*.* * Medicaftre expofe le traitement des Médecins, comme s'il y avoit préiidé, tandis qu'il ne fut appelle qu'à l'extré- mité , & ne fut d'aucun fecours qu'à lui- même , dans cette fatale conjoncture , 8c il fait dire à Bacouill, qui arriva encore plus tard que Medicaftre, que la fièvre maligne de Metz étoit faétice, c'eft-à-dir re l'ouvrage des Médecins. Je ne fuis pas furpris qu'on donne de
l'efprit à Bacouill j il en donne lui-même & veut apprétier le mérite. Il dit que Qualifnafus ( ce génie qui d'un regaré |
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peut l'écrafer) eft bon fur te papier & ne
vaut rien fur le cuir, il eft naturel à l'a- mour propre de chercher à fe vanger du niépris. Quel infecté ne pique pas, quand on l'irrite Y- Je viens de peindre un guériiTeur que
tous les habiles gens qu'il· méprife, regar- dent comme l'excrément de la Médecine. J'en demande pardon au Lecteur, ce por- trait eft par trop dégoûtant, mais il eft d'après nature. Vous fenrez1 que je n'ai garde de confondre un Bacouill avec au- cun de fes Confrères, quoique j'employe le même pinceau à peindre les défauts > les ridicules & les vices de tous. Qu'il n'ait donc pas la vanité de chercher quel- que motif de confolation dans les cotn- paraifons que ion amour propre pourroit faire , ni enfin de fe confondre avec au* eun des Médecins dont je vais parler. CHAPITRE. III.
Périrait de J Ο Ν£J/ IL LE.
VOus nommerai-je cette jaunhTe
brune triftement ambulante » cet ennuyeux Hippocondriaque, qui reifent soujaufs cous les maux dont les autres fç E4
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Vont plaindre à lui, qui fait bailler ïa fan-
té & endort fes malades fans opium î C'eft le Médecin Jonquille. Stàahl fup- pîéoit à l'opium par fa poudre tempéran- te , ou plutôt il croyoit dans fa préven- tion chymique y fuppléer. Jonquille, l'heureux Jonquille, qui s'amufe en m'en- nuyant, n'a befoin ni de l'un , ni de l'au- tre , il n'a qu'à eonter quelques capucina- des , il conte auffi. bien que le Grand-pere à'ΑπΜπζ,α,ί ; de plus la fcene de toutes ces biftokes eft toujours à Montpellier, où l'on croit être, où- Ton voit tout ce qui fe paife, par la forcede l'imagination du conteur de Jonquille. Il arriva de cette Ville en 17 5 6. plein
de lui-même & fous une faillie apparence de douceur & de modeftie , ne manquant jamais la fréquente occafîon de fe rendre juftice, & de vanter partout fon iuccès. Vous fçaurez qu'il n'avoit jamais exercé îa Médecine avant le fyftême de Law, parce.qu'il ne l'aimoit pas , ôc que nou- veau Crifpin , fon Père l'avoit fait Mé- decin , malgré lui, de forte qu'il n'eifc pas fur prenant qu'il . fût entièrement ignoré avant αι. il fut même long-tems fouverainement méprifé de fes Con- frères , mais bientôt ils furent la dupe <îu mépris donc ils prétendoient l'acca* |
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bler. Ce mépris même & les reiïoutces
dont il avoit befoin, & que la fortune lui fit envifager dans la pratique, lui fer- virent d'aiguillon.Il perça, & fut bientôt introduit partout à Montpellier , &, fi on l'en croit,-il y fit toute la Médecine, répara en peu de tems les pertes immenfes qu'il avoit faites au jeu dans ia jeuneiïe. Mais pour ne pas blefïer la jaloufie de fes Confrères, furpris de lafoudaineté defon. mérite & de fa vogue, & en même-tems pour fe donner l'air d'un homme à bonne fortune, il faifoit la nuit fes viiîtes, 6C fumoit & buvoit tout le jour. Quelle fa- talité a pu faire échouer un politique auf- C- rafiné l Les Médecins , fuivant leut pieux ufage d'abaiifer toujours ceux d'en- tr'eux qui s'élèvent, alloient répandant de maifons en maifons , que le Docteur Jonquille ne devoir fa réputation ( & ils avoient l'indignité de le prouver ) qu'à trois ou quatre Banquiers Huguenots qui lui attiroient une infinité de Coniulta- tions de l'Etranger. Mais à quoi fert la baiTe jaloufie, ii ce n'eft à deshonorer les mauvais cœurs qu'elle a corrompus; Tout ce que les Médecins de Montpellier ont tenté contre le fortuné Jonquille , a fervt à fon avancement, loin de lui nuire. Il fut d'aiTez bonne heure appelle à, la Cour, |
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le féjonr du vrai mérite, 8c véritablement
un Prince de l'art, tel que Jonquille, n'é- toit pas fait pour croupir dans une Pro- vince. On eut foin , avant de le mander, de le décorer du titre de ProfeiTèur en Médecine, qui --étroit dû à Fî^es & à Ru* fus. Un pareil titre eft le Cordon de St. Michel, un for à talens en a les épaules îiaverfées j un arracheur dé dents le folli- cite ·, le moyen par conféquent de refufer à un grand Perfonnage lès mêmes hon- neurs , & qu'un Médecin du premier or^ dre vînt àVerfailles auffi nud que l'amour, Si peut-être auffi croté que dans l'oraifen de Mr. S. Julien. Jonquille arrive donc & la Cour, avec l'illuftracion convenable. A fon arrivée, Mr. lé Duc dé G.f**' l'homme du monde qui a le plus aimé fort Maître , tombe malade d'un abcès aa poulmon , que le malheureux Jimquille prit pour un abcès au fôye. Mais quel eft» jfe Médecin qui ne fë trompe-point ? Le grand Hippocrate prit une future du crâne pouf une fra£fcùre & ordonna le trépan. Rien ne prouve mieux Tinjuftice des
grands qui veulent qu'on devine, tandis- que le Publie ne voit rien Se pardonne tout, que le tort confidérable que cette-' légère avanturc a fait à JénquiL· > à l'àjy- |
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Biée, fans livres, fans malades, il ne lçaic
où traîner fon pauvre corps: à charge L· lui-même, comment ne le feroir-il pas à fes bons" amis de Cour ? Eft-il plus em- ployé à Verfailles ? Hélas 1 Non. Il a beau. fe vanter-, cela ne prend point. Confolez^vous-, mon cher Jonquille,,
tel brille à Montpellier , qui s'éclipfe à, Paris.. Jettez les yeux fur .Lethargus, le: plus refpectable des Médecins par la pro- bité , la douceur , 8c cette bonté d'ame. tranquille que rien n'atteint, que rien n'émeut. Chancelier de l'Univerfité de- Montpellier , où il a profeifé 40..ans lâs Médecine, où la confiance du Public,, due à une belle & grande répréfentations & la plus haute confidération ,.fondée, fur quelque mérite,, marchoienr, pour ainfi dire, à fa.fuite , que Lui eft-il refté de tous ces honneurs .-as la Cour 1 Ce qui; ordinairement y fait naufrage , la réputa- tion d'honnête homme, que faime & ef- time de tout mon cœur , mais qu'à pareil, prix , quelque cas qu'on doive faire de la; probité, je ne voudrais pas remplacer, L'honneur eft une chimère , je le veux 3 tuais elle tient -un grand rang dans le monde, & s'en paifer, c'eft être trop Phi- lofophe , c'eft en tenir un bien petit. En- fin , mon pauvre Dodeur, iifez. les par- |
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traits de D'duillet, de Éufur, de U'ryÇoh*·-
gué, après cela ii vous êtes encore mélan- colique & de mauvaife humeur contre Finjuftice du1 fort, ce n'eft pas ma faute , prenez-vous-en à l'excès d'un amour pro- pre que vous vous- déguifez peut-être à vous-même, MdhMMàM'-MMMîMMhM
CHAPITRE IV.
Portrait d'EROS /AT RE.
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Our faire connoître Erofiatre , je n'ai
qu'à parler de fon aimable Fils. On |
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fçait qu'il a dégénéré de fon Père , com-
me le Papillon dégénère de la Chenille , ou comme un Oranger greffé fur un po- mier fauvage. Je fçai de lui des traits du cœur le plus noble & le plus grand, mais pour ne vous donner que l'idée de fon efprit, il joint la juiteiTe à l'agrément, 8C k meilleure philofophie à l'harmonie des plus beaux vers. Le Pereeft encore moins obligé de reifembler au Fils, que le Fils •au'Pére. C'eft pourquoi le patelin & dou- cereux Erofiatre a,peu d'efprit, peu d'é^- rudition, & nulles profondes connoiffan- ses. dans fon art. Le moyen, difoit Ji*- |
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lien , qu'il eût été bon Médecin1, vous
fcavez qu'il eft: né d'un Hollandois qui vint s'établir à Paris, & fut le plus célè- bre empirique qui ait paru le fiécle paffé fur ce grand Théâtre des Charlatans & des Impofteurs. Ce Médecin Hollandois n'a rien fait imprimer .qu'un Traité des maladies les plus fréquentes ,4ont le pru- dent Erofiatre auroit bien voulu ^retirée des mains du Public tous les exemplaires, pour en faire le facrifice au feu ; c'eft l'ou- vrage d'une iage-femme , d'un faifeur de Bandages, ou, pour mieux dire, d'un Marchand d'.y pecacuanha. Cette racine du Brefil, fort connue aujourd'hui ,!& fort employée par la .plupart des Médecins dans toutes les dyifenteries , de quelque nature qu'eliesfoientjétoit inconnue dans le dernier fiécle.. îjn Apotiquaire de Paris la connoiffoit feul, feul.il poiTedoit cette merveilleufe racine, dont un Etranger lui avoit vanté.la vertu fpécifique dans la roaladiefouvantfunefte dont je viens de parler. Il étoit ami du Médecin Hollan- dois , il lui fit confidence de fon fecret, dont il ne fçavoit pas faire ufage. 11 ima- gina que les épreuves en -feroient faites avec plus de jugement.par un Docteur , & enfin il lui donna tout ce qu'il avoit, & enfuite il en fit venir de plus grandes |
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provifions. Le Médecin Holkndois fie
maints eiïais, plufieurs réiiiTirent,non feu- lement parmi les Bourgeois, mais parmi /les gens de qualité : tous furent féduits par la nouveauté d'un bon remède , qui cependant ne devoir pas toujours être ad- ministré avec le difeernement néceiTaire^ par un homme borné & ignorant en Mé- decine; de forte qu'enfin il ne Fut plus permis de mourir delà dyiTenterie fans la nouvelle racine : & c'eft ainfi que ce for- tuné mortel gagna fix millions, que fa •fille, feeur d'Erofiatre, n'eut pas de peine à dépenfer par fon goût pour le faite Se le plaifir, auquel fe prêtoit en tout l'ami- tié d'un Père qui en étoit idolâtre. Il faut bien effectivement qu'Erofiatre n'ait hé- rité que d'un médiocre patrimoine, puif- qu'au lieu de s'élever à la Robe , ou à la Finance, il a daigné defeendre à unepro- -feffion qui a peu de relief en France. Vous connoiifez ce Courtifan d'Efculape , il n'a pas la tête beaucoup plus grolfe qu'u- ne pomme de renette , dont on a pompé J'air, tout le corps eft auiîi petit & grêlé, & fon efprit eft proportionnellement an- guflié. Mais Tadreife & le manège fup- pléent ordinairement à ce qui manque aux Médecins. Mr. Anodin , fon Maître & Auteur d'un .Squelette An atomique qu'il |
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-lui a dédié, a eu la charité de lui faire les
mémoires qui l'ont fait entrer à l'Acadé- mie. Ainfi le Maître aété le valet, leGroffe du Difcipie. C'eft dommage que le pauvre Anodin n'ait pas eu aflfez de génie ^pouc ofer fe jetter dans les ténèbres de l'Oeco- nomk animale, Erofiatre n'eût pas été 1« i'eul à s'admirer dans fon ouvrage , qui ne contient gueres que ce qu'on peut appel- ler une feience de DemoifçUe},& qui pour cette raifon fe laiiTel peine apper-ce- voir entre Boerhaave.& Quefnay. Nous penfons la même chofe des Obfer-valions farja petite F"éralç., qui auroient pu faire honneur à leur Auteur ,li le fameux Ana-'4 romifte dont je parle eût été praticien. Au ■ refte il y a trois chofes qu'il faut remar- quer , ou plutôt admirer dans ce Traité,, c'eft, ;i°. l'utilité des divifions & des fub- divifions de la petite vérole,, & l'atten- tion Se l'exaiâitude de l'Auteur a diftin- guer jufqu'à la cohérence, de Xzconfluence, en quo'i il a éclipfé & laîiïe fort loin der- rière lui l'excellent Sydenham, i°. Le danger de couper les boutons du vifage·, > î°. La néceflîté des apofêmes;aigres , des jus d'herbes , des opiates, &c. mais fça- ctiez que dans quelque mal que ce foit, Erofiatre n'oublie jamais de preferire une épiâtes, la fuite des bouillons médica- |
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tnenteux, & quelle opiate ! Elle Feroic
honneur à Avicenncs , à Altmcafis & aux plus grands_/on»»/i/?e* des Arabes.Ua malade qui aime les remèdes, ou plutôt fon Apotiquaire, eftbien heureux d'avoit" affaire à un Médecin fi-fécond en recettes, perfuadé que rien n'eft plus analogue à la îimple nature que le fafte de l'art , & la majefté d'une formule parfaitement pei- gnée & bien étoffée. Quelles rcffources en effet rrouve-t'on dans ces Médecins aufli économes de médicamens , que de la Îanté de leurs malades ? Quelques minces que foient les petits
Ecrits d'Erofiatre , il les regarde comme un père tendre qui n'a que des yeux de cpmplaifance pour fes plus ridicules en- fans. Plein d'orgueil , il remercie fon mérite extraordinaire , de la haute répu- tation à laquelle il vola rapidement an fortir des écoles , commefi une vogue fi foudaine, fi précoce , fi peu méritée , ne faifoit pas néceffairement avorter tout jeune Médecin qui a le malheur de fé- duire trop vite le Public. Oui ,-Erofiatpe a dû s'attendre à n'être jamais qu'un avor- ton de la Faculté·, les connoiffeurs l'a- voient prédit Ôc voyent aujourd'hui avec douleur leur prédiction trop confirmée. Vous délirez maintenant fçavoir quel-
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le adrefle } quelle induftrie a pu fafciin.
les yeux de prefque toute la Cour, & comment concilier le bonheur & la for- tune avec fi peu de taiens. Rien de plus facile à expliquer , & fi vous aviez plus d'ufape du monde, vous imagineriez tout fans peine, & me difpenferiez des détails. Erofiatre a toujours aimé le fafte & la dépenfe ; il a toujours attiré beaucoup; de monde chez lui, par ambition , ou pour fe faire de puiffans amis , qui l'euf-Γ lent élevé à une place dont l'a banni uit prudent Cardinal. Sa politique l'a donc conduit vainement à abforber la plus grande partie du patrimoine de fon fils, qui ne fera pas, à beaucoup près, aufli' confidérable , qu'il devroit l'être, j'ai dit que ce Médecin étoit Patelin & douce- reux ·, il mérite en effet le premier titre glus que l'Avocat c[\.û porte ce nom , ÔC fa douceur , eft un compofé fade de miel & de baffes flatteries. Vrai Courtifari d'Antichambre , il auroit des reproches à fe faire , s'il avoit manqué de parole aux femmes d'une Ducheffe , & s'il pafToit une matinée , fans aller prendre avec el- les le Caffé à la crème. C'eftlà qu'il fau- drait voir comme il jafe , veut amufer , cherche à plaire, & fait adroitement fa petite Cour préliminaire , en attendant F
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qu'on l'introduife au petit jour. Âlof s dis-
cret , comme un Abbé, fur la pointe dis pied , il entr'ouvre à peine le rideau » parle bas , & n'élevé une voix attentive, qu'à mefure que les pavots de Morphée s'évaporent. Delà il fe tranfporte ailleurs, êc fuivant la qualité des femmes qu'il rencontre , ou qu'il vifite , ou c'eft un petit fouris fin , qui a plus d'efprit que lui, ou d'humbles & profondes révéren- ces ·, tantôt même , on ofe baifer la main, à qui on fait un petit compliment , & le baifér paroît n'avoir pas été pris fans quelque pîaifir ·, tantôt , & toujours d'un air tendrement profterné, ee font les plus féduifans ôc les plus gentils petits propos : » Vous ne m'aimez point, Mî- » dame, je le vois bien, je ne le fçaisque «trop, je m'en apperçois depuis long- ue tems ; j'en fuis fâché , cela eft défefpe- jjrant. Comment bon Dieu l moi qui » vous àî toujours tant aimée , moi qui rfoutiendrois que vous ères la plus belle » femme de la Cour , s'il γ avoit fur cela „»la moindre eonteftation , fi tous les 3> cœurs ne rendoient pas à vos charmes »le même hommage que le mien ,&c. « INFeft-ce pas là un vrai Médecin de Cour t & pourquoi faut-il qu'un aufiî gentil petit bon-homme faiTe le malade » & aille |
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ie mettre an, lit , lorfqu'il voit qu'une
perionne de considération eft menacée 4'un finiftre événement ? Mais telle eft £a politique> en ce cas on eft réduit à fe contenter de, fon premier garçon.,,, que le Bourgeois appelle ordinairement en fa place y dès le commencement d'une :* maladie. ■ Je finis par deux traits de l'a Châtia-:
iânerie èHErofiatre.'■ Piufieurs Médecins ■-étrangers: ont vanté le thermomètre & s'en font fervis eux-mêmes dans la pra-; tique, pour mefurer la chaleur des fiè- vres , ce qmdiÇpenferoit detâter le pouls»-.; fila commodité du tact n'étoit préférable à l'inftrument Leplus portatif. Erofuzws·' cependant fait ufage du thermofeope - mercuràel de Fahrenheit, & il regarde avec une bonne loupe non-feulement les yeux-, là langue, Si le creux de l'eftomac,,, tan cul fiftuleux, gangrené> &c., Voila le premier trait , & voici le fécond. .Appelle avec fon gros Coufih Deeem 3 il lui fit appliquer pofténeurement la main fur l'omoplate d'une jeune Dame qui «toit fujette à d'énormes palpitations de çceur ; de fon coté , qu'il avoir habile- ment choiir, ilprenoit leteton gauche 5 <lu'il preifoit avec force, en recomman?- idant à l'épais Coufin d'appuyer en même |
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tcms. Pouffez , Coufin , dît-il, y êtes^
vous ? Oui, j'y fuis, je pouiTe , répond le Coufin. Eh bien , reprit gravement Erofiatre , que dites-vcmsi-quê' fentez- vous ? Dico , repartît le for Goufin,- aie» que je ne fens tien.. Il faut avouer qu'il y a des malades bien (impies., Scdes Méde^ cins.qui font de grands originaux. CHAP IT RE V.
De la ROSE,
VOus connoiiTez ce Médecin , ow
plutôt ce Sçavant; il a commenté un Roman qui portefon nom, il travaille àun Gloflaire fur notreancien langage > il a raiïèmblé un nombre infini d'Ouvra- ges qui forment une dès plus curieufes Bi- bliothèques de Paris.Les livres de Médeci- ne en occupent la plus petite partie , c'eft la feience a laquelle il s'eft le moins appli- qué. Il à toujours été fort curieux des eonnoiiTances tout-à-fait étrangères à fon Art, & principalement des Editions les plus rares & les plus belles. Il fçait le Grec , le Latin , l'Anglois, & mérite d'ailleurs le titre d'Homme Sçavant. Son |
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fçavoîr lui a ouvert toutes les portes, Se
s'il eût voulu, il eut été aufli employé que Philamrope. Mais il a préféré fon Cabinet au Public qu'il a dédaigné. Il n'a refervé fa. Médecine que pour fes amis, qui plus mal traités vraifemblable- ment par un Littérateur , que par un Pra- ticien -, ont bien de la bonté de croire lui avoir obligation de la préférence. Ce nouveau Ducange auroir dû au contraire ne pas abufer de leur trop grande crédu- lité. Pourquoi l'amour-propre rend-il l^mitiéfi peu fcrupuleufe ?. CHAPITRE VI.
De CHRYSOLOGUE.
« Grammaticus , RKetor , Geometra , Vl&ot l
» Aleptes,
» Augur , Scenobates'-, Medicus, Magus .orrmia » novit.
VOiei encore un Sçavant, mais fub-
alterne. Géomètre , c'eft-à-dire mauvais Géomètre , Etimologifte , Anti- quaire , Théologien , & Théologien Mo- linifte , pour plaire aux Jefuites dont il eft Médecin, &. à un Cardinal dont il |
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- · (>>" ...
s'eft prudemment fait un appui ; Jiirif-
eonfulte , Politique „ Hiftorien , Natu- ralifte , Médecin, au fait d'un grand nombre de Langues, il a travaillé fur le langage Celtique , & il paroît audéfef- poir de ne pas fçavoir lé Chinois, aufll- bien que Pmrmont. Iifçait tout jufqu'aux chemins des Romains dans le Langue- doc , il a tout étudié , tout appris 3,exeepi té fon métier, comm'è difoit Mr.: Chiraci Mais cet homme, qui eft ront &, n'eft lien 3 en a impofé par l'uni verfâlité d'un fçavoi'F neceifairement fuperfieiel. En écrivant l'Hiftoire de la Vérole , il a fait croire à des Lecteurs peu éclairé , qu'il n'ignoroir pas le traitement de cetre ma- ladie. Il y a même des gens de Lettres qui ont imprimé que depuis un demi iîé- cle, le génie Anglois n'avoir rien pro- duit en Médecine qui fut comparable au Traité de"Màrbh Ve'mreu. Mais ces Au- teurs, à ce que je vois, font peu verfés dans l'Hiftoire dé cet Art. S'ils çounoif- foient feulement les œuvres de Freina, s'ils étoient anffi en état de comparer FEcrivain Anglois , au François, qu'ils font ignorans hors de leur petite Sphère» ils fentiroient qu'il n'y a pas actuelle- ment en France, deux génies capables d'être mis en parallèle avec celui-là, & de' |
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continuer fa belle ëc inftru&lve Hiffoire
de la Médecine. Si la tète de Chryfihgue eft remplie
d'opinions 3 comme fes Ouvrages , qui en font impitoyablement hériffés , les connoiffeurs apper^oivént facilement que fes yeux n'ont rien vu, & qu'il n'a pas plus le caractère d'an vrai Praticien, que d'un bon Ecrivain. Ses Ecrits font en effet fi diffus & fi méthodiquement en- nuyeux , qu'on ne peut les lire qu'à cent reprifes, St qu'à force de courage : Si quel cas peut-on faire d'un Médecin, qui ayant préféré toute autre étude à celle de la Médecine , n'en parle & n'en peut parler qu'hiftoriquement } & par conjectures, eu par pure fpéculation t & quelle fpéculation encore que celle d'un fermentateur, toujours imbu de ces fri- voles hypothèfes, qui n'ont pas permis à ce Profeffeur de traiter aucune matière fans les plus grands écarts , ni de faiiïr les nouveaux principes & la feule manière de Philofopher du Grand Boerhaave, le reformateur de l'Art. Chryfologue parle donc des maladie*
"vénériennes & autres, comme des fonc- tions du cerveau qu'il paraît n'avoir ja- mais diiféqué. Ecoutez , c'eft ici un ef- fort de fon génie, & une de ces admira- |
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Mes productions bien sûres de pafler à la*
poftérité, pour la faire rire. » Le cerveau,- » dit-il, eft compofé de cellules ; au mi- » lieu de chaque cellule s'élève une co* » lomne (comme celle quieftdans le re- » fecloire de Saint Martin Deschamps, ÔC » qui lui en aura peut-être fourni l'idée ) »Les nerfs aboutiifent aux parois de ces- «cellules, & enfin c'eft-là que font por- tés les efprics, dont le jet va heurter » contre la colomne & fe réfléchit diver- » fement, comme les rayons de lumière, • qui. tombent fur la furface des corps
»folides. «■ Voilà en peu de mots tout le fond de
la Théfe que foutint Ckrjfiohgue -, lorf- que la Faculté chanta la palinodie, en faveur des fecours qu'il lui porta contre Saint Gême , &. l'adopta genéreufement for fes vieux jours. Elle écouta cet ingé- nieux fyftême, geule béante , & oreilles dreflees, & dans l'admiration , dont elle étoit pénétrée, elle ne put s'empêcher de s'écrier : dignus tandem, dignus efl intram in noflro DoElo corpore.- • Pour comprendre ce que je viens de
dire , il faut fçavoir, qu'après avoir vai* nement follicité une place à l'Académie des Sciences, dans laquelle tout Sçavant fuperficiel ne peut entrer, Chryfilogue fe préfenta
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'(iV)
-préfenta A la falubre Faculté , qui Fho-
-nora du même refus. Mais tout s'oublie^
& les opinions des hommes changent ν avec leurs intérêts. Un motif qui, dans
-une Académie bien policée, fuifit pour
rayer un membre du tableau , la haine de -.Chryfologue contre les Chirurgiens , -a
depuis peu fait revenir fur fon compte les Médecins de Paris ; & ceux-là même, >qui le déteftoient le plus., fe font em~
prefles de lui ouvrir une porte, qui lui .avoir.été autrefois trop durement fer-
mée , pour que fa vanité ne dédaignât •pas d!y refrapper. Boudin, ce Ghymifte
par héritage, ce Facultatifte par goût,, -me difok , », voilà le dernier Médecin
»que nous recevrons gratis , il ne vaut » pas chaque membre en particulier, mais » il les furpafle tous par fon érudition , & » tous les fiécles ne produifent pas un pa- »reil génie«<. Sans lui nous étions per- dus,, comme il abattu les Chirurgiens % pkttes coutures l *& les douz^e Lettres s répondis-je en fouriant ? •Voilà l'Hiftoire de Chryfolome , ce
Gaulier de la Littérature , ce fçavant Ba,- •vard φύ écrit & qui dit ce qu'il fçait, & ce qu'il ne fçait pas ; ce DiiTertateuc ■lourd, encore plus fatiguant, qu'infati- gable. Quiconque a une feule fois effrayé G
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fa converfation dans une maifon , s'in-
forme du Portier , fi ce Pédantefque ty- ran de la Société n'y feroit pas, avant que d'y retourner. En effet je ne connois pas dans tout Paris,un.feul homme d'ef- prit & de goût , tel que les célèbres Eriatoul & Montrou , qui , lorfqu'on parle de ce Médecin , ne s'écrie , en le- vant les épaules, bon Dieu 1 l'infuppor- table homme ! Le premier de ces deux génies trouve qu'il a été peint ^uRiganû dans un Livre dangereux , dont il ne s'eft répandu qu'un petit nombre d'exemplai- res dans Paris. S'il connohToit toute la ■hardieife & la préfomption que la nature, ou le climat femble avoir données en pro- pre aux Médecins de Montpellier , au premier coup d'œil il devineroit de quelle Faculté nous vient originairement Chrf flogue. Cet Ecrivain fe croit le Régent de tous fes Confrères, parce qu'il a foiierte deux cens Charlatans dans fes Ecrits. Efprit partial, fuperficiel, comme l'Abbé des Fontaines, avec beaucoup moins d'à* grémens& d'adreffe, il fe croit l'Ariftar- que de la Médecine, de voit Boerhaave même loin derrière lui. Critique Cec, greffier , impoli , il a jugé fevéremerrf tous les Auteurs Afhrodifiaques ; il étoit jufte qu'à fon tour il fut^jugé par les .mêmes loi*. |
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(■3 5)
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CHAPITRE VU
De LÏGNUM.
IL tfeft plus queftion de Lignum^ c*efe
-wl homme mort, il vit aujourd'hui en Province. Sa tête tournée par la mort φ laPrinceCe de ■*** l'a fait retourner à St. Lo, dans le cabaret de fon père. Cette bonne PrinceiTe, à laquelle il don- nait de la fanté , tant qu'il pouvoit, ea reconnoiCance Xpi donnoit des habits qu'elle n'avoit peut-être pas portés en robe durant fîx remaines. Il paroiilôic tous lés jours à la Faculté, avec un velour d'une nouvelle couleur ; il n'y venoit jamais que dans un équipage lefte & bril- lant. Parfumé , comme Douillet, fleuri ■comme un petit-maîtrejmouche au front, comme un Duc , diamant au doigt, rien .ne lui manquoit:; ce Faquin portoir mê- me quelquefois des talons rouges, H avoit toujours quelque jolie boëte pleine de petites friandifes, qu'il offroit à fes malades avec toutes les grâces imagina- bles. Ce Médecin étoit une erpéce de bei
G*
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efprit ·, je ne fçai Γι ceux qui l'ont vu fa-
milièrement , s'en fontapperçus ; maisil eft certain qu'il a mis la Chirurgie & la Médecine en vers & en Mufique. .Voilà les Maîtres qu'il faudrait à ces jeunes Etudians , que les fpec/fcacles 8c les œuvres de Voltaire■·, vrai poifon pour un jeune Médecin, éloignent trop d'une profef- ίϊοη, dont les avenues font fort-défagréa- bles. Auiïi Flunauld propofoit-il LÎgnum à ceux , qui parmi fes Difciples, ne pou- Voieiitfourfrir que la Médecine fut écrite enprofe, & fans efprit. Cependant ce Docteur Lettré, qui eut
mis Hlppocrate en Madrigaux , s'eft ab- bàiiTé jufqu'à dicter une Chirurgie eri ■proie , Ouvrage coufn de pièces rapport tées, comme l'habit d'Arlequin, que la Faculté a trop admiré pour ne pas le dic- ter un jour à nos garçons barbiers. -Je ne parle point de l'c'Cpnt de Ligmtp, on en peut juger par foη goût pour les vers , .mais il faudroit lire fes bulletins, pour en fentir tout le mérite; Il écrit & parle comme la Forefi, ou plutôt on croit crt-, tendre la Taupe de Tan-z.ai. |
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('37 }Λ
GHA PITRE VIIL
PESO Ρ Ε-
•t 7 Ous connoïflez la rifible figure
V XEfopt; il a fait une efpéce de pe- tite fortune,qu'il doit àfpn efpnt,.& à autre chofe , qui a été fort du· goût de deux femmes de condition , quil ayoït époufées avant le mariage. Elles etoient belles, & lui fort laid; cet heureux con- traire eft caufe qu'il s'eft joiié lm-meme dans fon triomphe de hffrit fur la beauté , comme Deflouctes dans le Philofipbe ma- rié. Faire des Comédies 1 Quelle voca- tion plus heureufê pour la Médecine 1. Π a auffi fait quelques légères Eicarmou- ches contre nous, & feu notre ami 1 Ab- bé des F. en qui Arnould perd conhde- rablement. Mais jamais il n'a étudie , ni férieufemerit exercé la Médecine ·, c eft encore un Médecin d'amis, comme la triftement: éprouvé ce pauvre Marquis de Lomaria , dont il a cependant tire 500 liv.de rente. Il pratique auffi dans les couliifes, & dans les loges , tant des Actrices, que des Francs-Maçons. Il G 5 ,
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vifite les unes , fans nous faire tort, 8c
harangue les autres , fans nous faire plai- fir. Ce font cependant de très-beau dif- cours», des Pièces d'éloquence·,, dignes du Mercure. Mais les vénérables Frères » qui lui ont dédié un prétendu Secret, font auifi difficiles en matière d'efprit, qu'en matière de difcrétion. Si vous êtes mauvais Médecin, mon
Fils, faites-vous Franc-Maçon ; un jour chef de loge, comme le vénérable Frère: Êfipe , vous fentirez tout l'appui que donnent les Cordons-bleus de l'Ordre. Il C'A: même bon de s'attacher à quelque Se&e ; Molinifte , ou Janfenifte , il faut être quelque chofe dans ce monde ; les Jefuites , ou la boëte à Perette , voilà les fecours néceiTaircs à un Avocat fans cau- fes, Se à un Médecin fans malades. Cela fi'eft-il pas vrai, grand Chryfilogfte ? CHAPITRE IX.
De FERMINOSUS.
JE vous ai fait voir cette Eftampe ori-
ginale , qui repréfentoit un Médecin de la Faculté, avec une hotte fur le dos,. |
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■(39) ,/„■-«
non pleine de bougies, de Thé, de Cafte
& de Chocolat, comme celles dont bien
des Auteurs & des Charlatans payoient réloge mercenaire d'un Ecrivain pério- dique dont j'ai parlé , mai* toute rem- plie de bouteilles d'eau de fongereile Médecin paroît appuyé fur' une Bouti- que , criant a la fraîche, qui veut boire ; c'eft Ffomimfiis-, à qui l'imagination de Hunaud fit cette galanterie , en rçcon- noiiTance de certains traits piquans, lan- cés dans le Journal des Sçavans, duquel autrefois ce Marchand de tifanne fut honteufement chaifé. Cet homme en effet étoit enragé, & vouloir encore mor- dre , lors même qu'il n'avoir plus dç dents. Père deshonoré de YOrtopedie , fans un jeune Médecin de St.Malo , il n'eut jamais fait la table de la proéminence de la M'eâectne far la Chirurgie'. C 'eft cet Ecrivain courbé , dont la lame pleine de feu, a èû bien delà peine à ufer le four- reau, qui avec une herbe qui ne s'élève - pas plus haut que fon diftillateur , & le fyftême des vers hcureufement imaginé , comme caufe générale de toutes les ma- ladies , a vécu long-tems dans l'aifance , a laiiTé. quelque bien , & a marié fa fille Vermineufe & feue fa Bibliothèque , à l'il- tiftre nom des Denyfim. G 4
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....... (4?)
J'ai dofmé à ce prétendu Médecin le
nom de Vermlntux, à caufe de fon eau vermifuge » & je permets fort à Chryfologue Si aux autres Etimologiftes de la Faculté, dé foutenir qu'on ne l'a* ainlrnommé » que parce qu'il étoit la vermine des éco^· lès. Je ne coniîdére point Kerminofus, comme Anatomifte, fon mérite en cette partie me meneroit rrop loin, c'étoit un génie pénétrant & qui a fait avec un fuc- cès, applaudi de tous fes Confrères, una Hypothèfe des plus= fubtiles fur l'air, qui, félon cet Auteur, entre par le nerf optique dans le cerveau. «h *■· ^S «s· +& Φ * Λ· ^· Φ *t· λ> ^* ^· jpi ^m Jj· *t- Jf. Jf. Jb· ^».
CHAPITRE X.
De BARNABÂ,
VOus connoiiTez Barnabe Se fa lour-
de minerve. Il ά fait une grande fortune , non par la tête , qui eft trop vuide d'efprit & de connoiiTances , fur- tout anatomiques, ( car telle a été dans tous les tems fon horreur naturelle pour les cadavres, qu'il n'a jamais pu prendre fur lui d'en approcher ) mais par la partie contraire. Les femmes qui en ont appa- |
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t**7 „ ,
fensment été contentes, l'ont proclame.
Médecin , & grand Médecin , elles en ont fait le bœuf à la mode. C'eft le fuc- ceflcur de Philantrope, &c l'on drefleraun jour à l'un & à l'autre les mêmes· hon- neurs qu'à l'Empereur Julien. Pour vous apprendre à vous tirer d'af-
faire dans les conjonctures les plus déli- cates , & vous prouver en même tems l'adreife & l'inftinâ: de ce Praticien, ou plutôt de ce Routinier, je vais vous ex- pofer fa politique , lorfqu'il eft forcé do l'employer par la dignité & le rang des perfonnes qu'il traite. A-t-il lieu de crain- dre un funefte événement, qu'il auroil. pu prévenir , il envoyé, quoiqu'un peu tard, chercher lccoaiplaifant Mhilantrcjr» qui approuve tout à Paris , comme à Metz. Le Public a bonne opinion d'une faignée à la jugulaire, dans les cas défef- rés , ou elle eft inutile von l'ordonne", & le malade en périt plus vire. G'eft un malheur , mais il étoit fans remède , les; deux premiers Médecins de Paris n'ont; pu l'écarter. D'ailleurs"-on a la reflTource de l'ouverture du corps , qui fert aux» Médecins, fi ce n'eft pas à la Médecine ; il fuffit même d'examiner le cerveau , depuis que la Nature a révélé à \'Empe~ *eur Julien que le fiége des maladies in» |
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ί42}
flàramatoires" & malignes, eft toujdufr
dans ce vifcere. La moindre rougeur eonftare la foreur indomptable du mal, Se trànquilife ceux qui s'en font chargés ; & fi par hazârd le cerveau eft bien confti- tué, il a tort, il mérite toujours d'être aceufé dans un Procès Verbal ; Se fi le Chirurgien-, quoique Gafcon , ne veut pas figner contre la vérité , un vieux Médecin doit lui dire : «Vous faites » l'enfant : eh ! mon pauvre ami , vous » êtes honnête-homme , & Chirurgien , «qu'allez-vous faire dans cette galère ? CHAPITRE XL
De Ε APTE S ME.
JE ne parle point de ce Baptême que
Chryfilogue traite poliment de Char- latan & de malhonnête-homme, mais de cet Aiiti-Rhafés , qui abfolument con- traire aux idées de la Forefl, de Julien , & a'Hécquetos , imprima il y a quinze ans, qu'il avoir l'art de guérir parfaite- ment toutes les petites Véroles fans fai- gnée. La Faculté lança de juftes Anathê- snes contre cette dangereufe doctrine-j. |
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«J
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(4?)' . ;;
ïe livre· de Baptême fut brûlé dans les
Ecoles, & l'Auteur même fut contraint d'aller demander pardon ,·& de fe retrac- ter publiquement, tant de bouche, que par écrit. Depuis ce tems il a fait paroî- ire pluiîeurs volumes de ConfultationS pitoyables , mais qui > quoique plus mau- vaifes, n'en impoferoient pas moins a ceux qu'il a voulu féduire , car fans dou- te il ne s'eft pas flatté du fuffrage des Connoifleurs* A quoi fert en erîet ce iurTrage , lorfque fans tant de peine , on peut s'aifurer la confiance du Public ? Baptême en eft content, fon nom n'étoit pas fait pour lui furvivre, & quelle chi- mère de courir après la poftérité qu'on ne rencontre jamais 1 Un événement fort fingulier a préparé les voyes de fa for- tune ·γ le canal, non des femmes, ( ce qui ne feroit pas extraordinaire, il fait le* Médecins , comme les beaux - efprits ) ïttais de la fienne· même , l'a fervi aufîi fidèlement , qu'elle lui a été fidèle. Il eut l'adreiTe de bien enfiler le chemin des- ovaires ; Madame fe trouva grofle d'un enfant que Madame l'AbbeiTe de Chelîès Voulut bien nommer avec Mr. d'Argou- ges. Ainfi c'eft par le Sacrement de Bap- tême que celui-ci eft parvenu. Pour faire juger de fon mérite > ou de
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fon manège, je ne rapporterai qu'un ieuP
trait de fa pratique. Il fut appelle chez' un malade qui avoir les jambes enflées.1 On chercha dans une ' AiTemblée de' Dodeurs graves, cette confolation ordi- naire dont parle lé délicat Pétrone. Tous* lèsMédecins prononcèrent unanimement qu'il falloit purger Moniteur : mais ' Bap* tente qui defîroit fort s'en emparer, dir qu'il n'étoit point de cet avis, parce qu'il? craignoit que l'action du purgatif ne1 fbmpît les vâifïeaux lymphatiques des· jambes»- Auffî- tôt le malade, qui depuis: quinze jours Vetbit à peine remué dans fon lit, levé là tête, &c d'un air inquiet ,.· parlant aux Confultans, Meffieurs , dit- il , je ne veux rien rifquer , 8c j'opine comme Mr. B.-qui fé faiiît eh effet dé mon hydropique, dont il tira habilement" plus de vingt-cinq Louis. CeMédecin: tient aujourd'hui le haut du pavé. Quel plus heureïix modèle à fuivre 1 & s'il eft1 quelquefois* vrai dé dire qu'une Comédie vaut un Sermon pour les mceurs> quelle leçon g quel flambeau, qu'une pareille Hiftoire, pour éclairer la conduite d'une tête de Médecin bien faite , ou bien or-' gtaûïéeT: |
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''t45 )
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.CHAPITRE XII,
De Mr. 4NQI>IN:
MR. Anodin eft une petite machine
dévote ,,qu'un rien fcandalife , à qui une mouche fait peur ,&. qui s'en- flamme de la moindre bluete j il n'a ja- mais prononcé par fcrupule , ni écrit ces mots,,matrjce , verge grandes lévrjs ,ρή.~ ctUgei fa modeftie leur fubitkue les noms à'uterns , de pénis , a'hymen, de grandes ailes, comme.fi la Vulve étoit un Mou- Tin. -.On a déjà remarqué qu'il étoit fa- "ché de. trouver le nom des parties de la génération dans les livres de l'art,, & que peutrêtre il -voudroit pouvoir retrancher ces parties des corps animés , tant il fem- ble'reprocher à la Nature d'avoir pris une voyehonteufe pour perpétuer je monde. Sans être Ciniqùe , comme Diogéne, il c.ft difficile de ne pas citer ici avec l'Au- teur dont je parle, ces paiTages de Juvenai §c de Molière : Maxima Atbetur puera rêver evt'ia.
»Vous êtes bien feniible à la tentation ,' f£t la.çhair fur y.osfens fais grande inipreflian. |
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·( 4<î )
Tout eft fournis à la Phyfique & doit l'être aux regards des Phyficiens. Les
vues d'utilité., qui fuivent les recherches des grands hommes tiennent leur cœur ea fureté,&la plus importante action de l'hu- manité n'a rien qui doive faire rougir un être , qui tient fans doute de la divinité, parles grands plaifirs qu'elle a voulu con- ïacrer à cette opération de la Nature , &C dont fans doute elle a fait dépendre la vivacité du fentiment , plus ou moins •exquis des nerfs dans les divers tempé- rament. Mais revenons à M. Anodin, & fuivons-le dans (es vifites de l'Hôtel- Dieu. Comme il avoit obfervé tant de fi pe-
tits nerfs , tant de fibres fi fines Si fi dé- liées, il avoit peine à concevoir qu'on pût vivre , fur-tour en Ce fervant des Médecins ; il étoit au défefpoir d'être employé dans ces grands Hôpitaux, où la vie de tant de Sujets eft confiée au pre- mier venu, ou â des gens qui la regardent comme la boue de leurs fouliers. Ce que je vais dire n'efl: point un conte \,Anodin craignoit l'effet des plus doux remèdes, toujours tremblant pour les fuites , après avoir ordonné deux onces de manne, il alloit fur le champ fe mettre à genoux devant l'Autel de.la Vierge, pour la prier |
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,v ^47)
■gue.-çe médicament ne rompît pas le fia tuîu des fibres, pu ne produifk point de iuperpurgation. La fçience anatomique feule ne fait
jamais qu'un pauvre Médecin, qui fait ..lever les épaules aux femmelettes , & à toutes gardçs-malades ·, elle ne peut être dans-la pratique qu'une fonree d'erreur, ou de. crainte ^lorfqu'onn'eft pas plus JPraticien, qriAnadin. Comme ce petit bon-homme eft le
tâteur, ou plutôt le tâtonnetir de la Fa- culré , le célèbre déferteur de notre Aca- démie, le fit venir un jour chez la belle Ducheiïe de R... après <ju'il eut palpé tout à fon aife la région abdominale , il prononça en bégayant qae les vaiiTeaux du colon étaient engorgés. Unefelle fit cefTer promptement tout l'engorgement,, •ce n'était qu'un Etron. Voici quelle eft à Paris la réputation
d'un homme il veneré chez l'Etranger, lorfque Anadin, dit-on, a fait ôter les jarretières , le col, le ceinturon , débou- tonner l'habit , la vefte s & la culotte (car tout ce qui prefle , nuit : ) fait, dé- lacer, les femmes, tout eft dit, tous les obftacles de la circulation font levés. Si cependant, je le fuppofe, il manque en- core quelque chofe au parfait équilibre |
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des liqueurs, ou à régalite de leur cours,
en ce cas, il confeille le remède doux & agréable dont il porte le nom. Ce ■Quaker ne confeille la faignée que, com- te TmrmÇol, dans un preffant befoin. Mais fi l'on aime mieux être faigné, que purgé , le complaifant Anodin y confent , -parce ψιο c'eft toujours bien fait de dif- férer un remède qui en loi n'éft pas in- différent. Refufe-t-on l'un & l'autre con- feil î le bénin, ou plutôt le Benêt y con- -fent encore , pourvu que l'on veuille bien prendre fon petit clyftére dulcifiant. Mais, Monfieur , dit le- patient,; j'ai des hémorrlioïdes,, & d'ailleurs, je n'aime •point la cérémonie de ces fortes d'in- jections. Eh Ifarblen, dit Mr. Anodin, à -moitié fâché, prenez donc de la rifanne de chien-dent, & de l'eau de poulet. Je finis par ce dernier trait. Ce Mé-
decin fut appelle chez la femme d'un Perruquier·, il fe mit à rê-ver , après avoir tâté le pouls, enfuite il partit, le Mari court après Anodin,. qu'il crut fol ; mon cher ami, lui dit-il, je nefuis pas de ces Médecins , qui décident fur le champ, je vais réfléchir chez moi aux fecours qui conviennent à cette pauvre femme , elle eft bien mal, & il faut qu'avant mon retour elle ait reçu tous fes-Sacremens- |
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te Mari revient trois heures aptes ', cela ι
ne va- pas fi vite , dit l'Anatomifte fa- meux, je n'ai pas-encore exactement cal- culé combien de1 fais- le fang a dû paiTer par le cœur dans une heure. Enfin toute là combinaifon étant finie sil Ce détermina hardiment à tirer un coup de cblièr, je veux dire à ordonner demie once de manne, avec demi' gros de criftal mine- rai·, il eut: foin en même teras de recom- mander expreiTément qu'on vint l'avertir, en cas que la malade fut-trop évacuée. CHAPITRE XI IL
De PHÏLANTROPE.
Y)" HiUnirope dans,· fpn jeune âge étoit
JL plus beau que l'amour , qui lui avoik prodigué-fes plus grands bienfaits,xom- ttie on va voir. Mr. le Maréchal de. * * * * le fit, il y
a pins'd'un demifiécle , .Médecin en,Chef de l'Armée d'Italie , &'îe mena à faillite. Il entra- dans la chambre de Pkilamrope , Un matin- qu'il dormoir, & apperceyant p^r hazard combien les couvertures étoiént élevées dans un certain endroit} H
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curieux de voir lacaufe d'unphénomene
qui lui fembloit prodigieux , il appelle - fes aides de Camp , & après avoir quel- que terris admiré : «Morbleu , dit-il, » voilà un B... qui ne fera jamais Méde- » cin de Madame la Maréchale. « Philamrope arrive à Paris avec des ta-·
lens qui ne furent pas long-rems cachés. Ils furent prônés par le Maréchal & au- tres puhTans amis qu'il s'étoit faits. D'ailleurs il fçavoit parfaitement le La,- tin & le Grec , & c'eft à la faveur de tous ces talens, joints à un efprit nerveux & capable de raifonner avec force, qu'il eft: devenu le Caron dé ces bords. Il y a plus; de foixante ans qu'il tare le pouls des pauvres humains, il voit, à tout prix }, une infinité de malades , il ne femble pas permis de vivre, ou du moins de mourir, hors de fes mains ,iE faut que chez lui paiTe &c paye là vie de chaque particulier.·. Telle eft là maladie Epidemique qui ra- vage aujourd'hui tout Paris. Philantrope eft un Routinier d'EfcuIape,
qui fuit les voyes frayées'par fesAncê-· très, comme un cheval deMetTager fuit lacloche ; fans jamais s'écarter dugrand chemin. Avec Baptême &. Tournefol, il eft plus avare de fang que~ van' Hèlmont', avec la For φ il en rougifloit la Seine.. |
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(Ρ)
rÀmi de tout le monde, approuvant tout,
ne dédaignant l'amitié de perfonne, brufque par nature ,& complaifant par politique , il n'a jamais eu d ^rejyfte- mc que celui du moment, ou du Méde- cin préfenf, bu même du malade. Sans. Théorie, fans aucunes eonnoiflances des parties de fon Art,ignorantla_ Botani- que , l'Anatorriie , la Chymie ,1a Phar- maceutique , la Chirurgie, une routine' aveugle , ou dit moins borgne , miiqaCG- du beau nom d'expérience qu'il ne van- îera , je crois, plus devant tes gens, tels· que Qualifrafits-, avec un inihncl plus- fur , quoique plus borné que celui de- l'Empereur Julien , l'a élève au comble de la réputation dans Park,-& il a trouve- dans le feirt de l'empiriime , tous le* tré- ioisàe Flums. Ceux qui jugent de fon mente par ce
qu'en difent tcûs ceux qui font incapa- bles d'en juger, prétendent que c'eft un grand Praticien , un fécond Julien' : comme fila célébrité de ce dernier n'of- froit pas le meme problème à refoudre, puifqu'il a toujours été livré à des préju- gés hypotetiques plus dangereux cent fois que le hazard Se la routine , comme m le dira. Mais nousvqùe l'approbation du Vulgaire ne féduit pas·, nous jugerons H s
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Philantrope par fes œuvres, comme JwL
lien même. Mais qu'eft-ce que les œuvres d'un Médecin qui a eu la prudence de ne point écrire ? Sont-ce tous les malades qu'il a guéris' La nature· en guérit les ~ dans les Hôpitaux , malgré la mauvaife· conduite des malades ,& l'infidèle exé- cution des ordonnances. Qil'on ne nous allègue donc point les prérendus mira- cles , qu'opère un Médecin, qui a aiTez peu de confeience pour voir cent malades par jour. Toute guérifon eiVéquivoque , a moins qu'on ne l'ait furement prédite , ce qui arrive rarement, à caufe de &n-> certitude des prognofti'cs. Les converfa- rions fur l'Art, auiu approfondies qu'elles peuvent l'être , les Confultations' de bouche & par écrit, là pénétration dès vues, la folidité & l'excellence descon- feils 9 voila lés oeuvres d'un Médecin qui n'a point fait de livres: Achetez à pré^ fent, mon Fils, le Recueil dés Confultâ- iions , àelh Forefli, dé Julien , & de Philantrope , S£ vous jugerez facilement trois hommes célèbres à là'ibis. Si ces fortes d'écrits donnent une idée peu avantageufe.de la Science de Fhîlantrope, iï les Médecins'de Province en font peo de cas, fi les Sçavans· qui ont confiilté avec ce Médecin, le regardent comme le |
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ftls*amé de la fortune, d'avoir monté att-
plus haut de la roue, fans échelle, il n'y'i- pas lieu d'augurer plus favorablement des autres œuvres du Médecin,ni de le croire urr homme fi fupérieuf, au'lit des mala- des. Que dis^je, y a-t'il aucune apparence qu'un telDoéteur ne foit pas auifi médio- cre, qu'il a été-heureuxι? Je iens tout le poids que les Se&ateurs
<L· Ρhilantrope donnent à fa prétendue >ex- périence, mais je ferai voir ailleurs ce' que c'eft que l'expérience d'un feul hom- me, tel que celui-ci, qui, dédaignant la ie&ure des Anciens & des Modernes, ne s'entretient que dans la lucrative habitu- de de voir des malades.* depuis qu'il eft entré dans Paris, & par conféquent dans l'ignorance de fon art. Mais je ne veux point troubler ici les préparations , que la reconnoiiTance duPublic crédule fait pour l'apothéofe dé Pbilantrope, qu'on place d'avance à là droite à® l'Empereur Julien* auprès de qui fume encore une pauvre îâmpe prête à s'éteindre. Nous permet- tons même qu'on encenfe , fi l'on veut 5 non feulement Bacouill, mais cet ancien arracheur de poireaux & de Cors es picdss qui, grâce à un beau Cardinal, jouit du Meilleur Ganonicat de toute la Médecine, & auquel· la reconnoiifance trop gêné- |
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reufe d'un Bel efprit, qui a le ccear ex*
eellent , a prodigué des Eloges Poe- tiques. CHAPITRE XIV-
25« 5%e de la FOR Ε ST.
C'Eft ici un des fùrprenàns Phénomè-
nes de la Médecine. Lorfqae le Mé- decin dont je parle, ofa fe préfenrer à la Faculté, il étoit porteur de 6000. livres & de ι 2 années de pratique ; cependant on délibéra fix fois fi on le recevroir. En-: fin la fcéne fut heureufement dénouée , par le crédit de la Forefi, qui le produifit, parce qu'il ne pouvoir lui faire ombrage, comme on le dira plus loin. Ce mauvais Singe, préfenté par un tel Mécène, ne fe crut ni· un-for, ni un ignorant. Sa politi- que fut de parler beaucoup, & quelques fors ont cru qu'il parloir bien. Il s'eft en- fin érigé en Colporteur de nouvelles , il eft en commerce avec ceux qui aiment à en répandre. On l'attend tous les matins en certains lieux, où il eft écouté avec roure l'avidité des Nouvelliftes. Au fond, ce n'eft qu'un Bavard, peut-être auflî jjrand que la Forefi} avec cette différence |
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que Γαη-eft le plus plat, le plus mauffâde,
& l'autre le plus joli & le plus aimable du inonde, tes femmes, qui vouloient qu'on fçût dans Paris leur maladie j& les remèdes qu'elles prenôient,: préféraient'donc avec raiion la Forefl à Rihoë. Madame *'* * qui vouloit fe faire faigner au pied, & que la nouvelle s'en répandit, les envoya cher- cher-Si je connonTois , difoit-elle , de plus grands bavards,.je les euiïe confulté. «^«$^§£*=·»> °.mm*
CHAPITRE XV-
De RU MU S, ^"
i-'Tila licèit pateant, tu tamen ufque nega. |
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R
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Ufus après avoir fait fes études à
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Montpellier, fut employé en 1755.
en qualité de petit Médecin fubalterne <fans l'Armée d'Italie, de laquelle il fut congédié pour caufe d'ignorance , comme termina fus fut chaffé du Journal des Sça~ "bans pour fa méchanceré.Voici le îzit.Ru- fits fut chargé d'examiner les médicamens des Hôpitaux ambulans■■,. & il les trouva· trop mauvais, ou trop mal choiiis , pour lu'on en fît ufage.. Quelque teras après,· |
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otfliii fit accroire qu'on en avbit fait ver-
nît d'autres de Marfeille , & ort lui pré- féntales mêmes-,qui ii'avoicnt changé que"' d'enveloppes, ou de caiiTés. Il approuva ,- il donna mille éloges aux drogues qu'il■■> avoir coodariinées^aù feu. Chaile de l'Armée pour cette'faifon ">·>
il vint à Paris fans un fol j-mangeant à la■■'■ Gargote à S. fols par repas, avec des ha- bits de velours,8& de droguer de foye s< levés à crédit fur le futur revenu des ca- davres. - Le premier habit de Rufm fut décidé
gâté, pu mal-fait. Il lé porta cependant deux mois, & dit enfuite au Tailleur, qu'il vouloir que fon habit lui fat payé. Rufm avoit déjà affez d'amis pour s'oppo- fer à.la Juftice , il fit aifigner cet ouvrier, qui fut condamné, fuivant Tufage. Rufm fat à fon tour affigné par fort
Tailleur & par fon laquais. L'un le plat-- da pour la façon de deux autres 'habitsψ qu'il lui devoit, ( ce: qu'il nia par fer- ment en plein Ghâtëlet \} l'autre, pour le payementde fes gages, & de ce qu'il avok débourfé tant aux "FoiToyeurs , (qui dé-· rerroient le Pape, pour le vendre ) qu'aux Gargotiers. L'honnête Si rare Procureur de Rufm , à qui St. Jean for porter fes plaintes, l'empêcha, par principe de conf cience»
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(57) - .,,·.·
cience., de faire des nouveaux frais, dont il feroit «ncore la dupe-, par la facilité de Rnfus à lever la main devant le Crucifix s -comme devant un morceau de bois. Tant il eit vrai qu'on n'eft pas pltïs fur d'être honnête homme, lorfqu'on n'eft pas ri- che , même avec de l'éducation, que de ne fe pas jetter par la fenêtre dans un ac·* ■ces de manie 1 Telle eft la probité de Rufiis^ voici la
reconnoiiTance dont fon grand cœur eft capable. Mr. Sept, mon iiluitre Confrère, lui avoir galamment prêté ι oooo. livres, parce que la femme d'un Libraire, à la- · quelle il fervoit plus que de Médecin , Se qui l'avoir fait-recevoir à fes dépens dans ia Faculté de Paris, ne pouvoir plus lui fournir , àT'infçû de fon Mari'■, tout l'ar- gent dont a befôin un Médecin qui veut s'établir en cette Ville, fans autre reifour- ce que celle dufcalpel & des cours parti* culiers, ou plutôt des cours folttaires. Que •fit Rufmt Vous fçavez que la nature en- vers lui moins mère, que marâtre, lui a -donné là figure d'un homme faux , perfi- -de, & même plus fourbe que Sinon ; il en -a parfaitement foutenu le caractère. Il n'a payé que d'ingratitude les bienfaits les plus généreux _, & ce vice ordinaire des -mauvais: cœurs & des âmes baiTes', de I
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H8)
combien d'indignes propos ne i'a-t'il pas
.alTaifQiiné.'.î ». Le pauvre garçon, difoit-ii « au premier, venu, ;vient de donner plu- « fieurs Mémoires à l'Académie , mais il sa enibraffe tant de chofes , qu'à la fin il » ne dira rien qui vaille ; & entre nous ^ » ajoûtoit-il, je ne connois rien de fi fu- se perficiel, de fi adroit & de fi rufé ? » pour faire quelque chofe de rien. Il a »» une phyfionomie d'une gravité douce *> & fine, qui feroir honneur à un homme » de condition ; la,prudence & la politi- >» que &c i'ufage du monde.& les belles-Let- » très , fi rares dans un Chirurgien, ac- ?» compagnent & ornent tous fes difcoursj » il a été aufli galant que Madame jbeau- » coup d'Auteurs qu'il admet familière? » ment à fa table , font fes amis , & tra- » vaillent pour lui. Sans cela comment » un homme fi employé dans fon art, §C Λ fidigne de l'être, pqurroit-il publier » tant,de différens petits écrits fur des y» matières qui lui font abfoiumenr étran- « gères ΐ Je n'apprens rien de nouveau à mon
Confrère ·, le fond de ces difcpurs lui eft parvenu, il a rougi de l'amitié qu'il lui avoit prodiguée , l'indignation & le mé- pris ont pris fUr le champ fa place. Confplez-vous, Μί· > h fuffràge du
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(59).
iPiibiic vous vangeroit, fi le mépris domr ibiftts honore les jeunes Auteurs , ÔC fur
tout les Traducteurs , &c même les vrais
génies, ne faifoit votre Eloge*
Vous avez νίι par une petite lettre qui
a paru contre le fyftême de -ce Médecin fur la voix, & qui, au jugement de l'Ab- bé des Fontaines, réduit pour toujours l'Auteur à exercer une vertu rare, qui eu la patience, vous avez vu, dis-j e , que Rufm ne fçait pas le François, & que fes écoliers ont tort d'être furpris que dans fes leçons il donne tous les jours, comme on dit des,/o/^«iàRonfard. Mais ce n'eft pas tout ·, Dieu fçait quelles fottifes il fait dire tous les jours au grand Boerhaave, ■qu'il n'entend pas& qu'il a la fureur d'ex- pliquer, pour gagner de l'argent 1 Ses éco- liers s'en font apperçûssen confrontant fes difcours avec l'Interprète François, qu'en conféquence il a trouvé pitoyable, ne rendant jamais le fens de cet Auteur , 6c qu'il a défendu à fes Difciples d'acheter, Rufm ne fçait de Phyfioîogie que ce
qu'il y a de plus commun , que ce qui court, pour ainfi dire , les rués j cepen- dant il n'eilime pas les remarques Françoï- fes d'/&i/?£>\C'efl:,dit-il, (comme Vermino- fus le difoit de YOeconomk animale de Qua·* tifnafm) c'eft ν Boerhaave mis en pièces * li
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»-ce font fes propres leçons habillées à la
»Françoife. Ne pouvant prouver lui-tnê- me ce qu'il avançqit, il trouva chez U Forefl dont il étoit le complaifant, & aux démarches duquel il doit ion rang Aca- démique , il trouva, dis-je , le Comment tateur de Boerhaave & le pria inftamment, de concert avec la Forefl, qui avqit fes raifons pour s'y joindre, de faire un pa- rallèle qui démontrât clairement toute la friponnerie de la belle Phyiîologie.dont je parle, & qui ne reftemble prefque en rien,(fi ce n'eft par rapport au fond) avec celle de Haller, comme les Sçavans peuvent en juger. Rufus eft bien plus ignorant en prati-
que 5j qu'en ceconomie du corps ; Ja rou*· tine même lui manque, faute d'habitude de-voir des malades. Cela ne l'empêche pas d'être nommé examinateur des faits, des Obfervations de Adédecine pratique ; il lit quelques pages du manufcrit qui lui eft confié, 8f dit enfuite à tous les Méder cins qu'il rencontre, qu'il ne peut don- ner fpn approbation à une pratique auiîî déteftable. Ces bruits viennent aux oreil- les de l'Auteur qui demande au médiocre Auatomifte , depuis quand il eft devenu Juge des Praticiens. Alors fans fe décon- certer > Rttfm nie le plus humblement, |
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qifil ait tenivde pareils difcours , & après
ihille excufes, lui protefte qu'il eft rem- pli de confidération pour fes talens. On peut voir dans la petite Préface de ce Journal, le cas que l'Auteur fait du juge- ment d'un Rufus. Mais toutes ces petites jaloufies vont
bientôt s'éclipfer à la vue'de Hunauld, du vivant duquel Rufus avoir la préiomp- tion d'expliquer les œuvres Claffiques de Boerhœave. Il alloit entendre ce Scavant Homme au Jardin du Roi, & même quel- quefois dans fes leçons particulières, il lui témoignoit l'eftiroe & le dévouement le plus parfait, en un mot on peut dire qu'il lui faifoit une efpece de petite Cour, de peur d'être écrafé par un aUfli redou- table ennemi ; cependant jamais le dé- mon de l'envie , au teint pâle & blafé , n'a fi pleinement poiîedé une ame vile & mercenaire , jamais on n'a fi cordialement haï, fi fincerement foubaité la mort d'un Rival. Il payoit des Efpions pour fçavoir Ce qui fe paiToit, ce qui fe difoit dans les Cours particuliers de Hunaulâ ; il le char- geoit de mille ridicules dans les fiens , & employoit les moyens les plus honteux pour lui enlever quelques-uns de fesDif- ciples, fous prétexte du moindre prix , toujours trop cher, quand la marchan- |
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iïCe ne vaut rien : enfin faris refpedT: pour
les mœurs les plus douces, pour les ta- kns, marqués au coin, du vrai génie , Hunauld n'étoits félon Rufus, qu'un pe- tit Anatomifte , un libertin fi livré aux femmes & à tous les plaifirs, qu'il ne pou- Voit vivre long-temSi Cette mort fatale à l'honneur de la Fa-
culté , eft arrivée au gré des defirs de Ru- fus, dont les indignes difconrs faifoient àflez l'aveu ; de iorte que, tandis que l'Anatomie en deuil ne pouvoit plus tenir fon Scalpel, (fi l'on me permet de la per- fonifier ) tandis que les gens de lettres Si de goût pleuroient aVec elles , l'heureux Rnfus jouiiToit tacitement d'un plaifir , qui, tout cruel qu'il étoit, remplifibit fon cœur, & le mettoit au comble de fes vœux. Qu'eût-il véritablement fait dans Paris fans ce favorable, ou plutôt funefte événement; Les Boerhaave, les Albinm, ■les Chefelden, les Margagni, les Hoffman, &c. n'adreifbient qu'à Hunauld tous ceux <jui vouloient acquérir les plus fubtiles & profondes connoiiTances de l'Anato- mie & du méehanifme des corps animés. Mais depuis ce tcms, Rufus a payé fes dettes , & ne va plus à la Gargote , ni à pied, & Bertin n'a encore caifé qu'une "roiie de fon caroflc. Cependant Rnfus ne |
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fçait pas ttiânier le Scalpel', & certaine-
ment il n'auroit pas ofé démontrer toutes lès parties déliées du dedans de l'oreille > en préfence de gens qui auroient affiité> comme un dés Tourne fols, à cette démons- tration faite par la dextérité même chez Hunauld. AxmiRufki n'a-t'il pas pris pouf fon prévôt de falle un gros Boucher, tel que Mertrtid, qui a guéri Mî. Ory par Un remède que ion Maître lui avoit ap- pris, & qui a voulu entrer à l'Académie à la faveur d'un mémoire fondé fur ο &c qu'il ne put jamais lire dans la fçavante AiTemblée 3 ila habilement choiiî un jeu- ne Chirurgien ; meilleur Ahatomirte que lut, & fans lequel il: eût été obligé de plier boutique , pour parler vulgairement. Jugez-en par ce trait. Un jour il le pria de lui faire voir\è mufcleantérieur, de l'o- fcille~,qMi je crois , a été décrit pstSan- Urini, & qui, félon cet Obfervateur4 prend naiifante de XÂpophjfe Zygomaû- que, & va fe terminer au devant de la Conque. L'habile Chirurgien répondit que ce mufcle ne fe trouvoit que dans Samo<· rini; il eut beau dire& faire , Rufus s'obf- tina tellement, que pour fe délivrer d'un ignorant importun , on s'avifa de lui cou- per en fon abfence une très-petitjrpor- tion du mufcle Crotaphite, & on t'attacha 1 4
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. C>4)
enfùife auXjpafties défignées, avec aittknf d'arc, que Rufns même en employa pour ajufter des rubans dans cette glotte, qui en conféquence de ce frauduleux artifice, fit un bruit dont toute l'Académie fut pé- trifiée. Moyennant quoi le fripon fat trompé à fon tour. " Vous'êtes furpris, mon cher fils, que
tant de gens vraiment doctes ayent été prisa un piège aufli groflier. Mais fans le célèbre déferteur de leur corps, ils croiroient peut-être encore que toutes les maladies viennent des vers du fang , & qu'il y a une liqueur qui par d'autres dnU mdcuks qu'elle contient, peut détruire ceux-là;,; & conféquemment toutes les caufes de nos maux. Un Charlatan , fans fçavoir un mot
d'optique, avoit Catoptriquement trompé tout Paris. De-même fans ie jeune Auteur de la Lettre critique & pleine de fel 6c d'agrémens, dont j'ai parlé, ou plutôt fans les expériences Anatomiques faites par lui fous les yeux de Hunauld,<\w. huit jours avant la maladie dont il eit mort > me dit qu'il vangeroit l'illuftre Dodart, & démafqueroit le fourbe qui vouloir s'élever fur ies débris, Rufus eût pafle pour un efpric pénétrant, jufqu'à ce que le tems, qui met le prix aux découvertes^ |
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(β)
eût anéanti les chimères & les friponne-
ries de notre Ânatomifte. Plus Charlatan que Gaddesden, plus fourbe qu'Uramus » ( ι ) il ne connok que l'ambition & l'in- térêt. Voilà les dieux, Médecins, auf- quels il vous facrifieroit tous. Fanum ha- bet in Cornu, longe fuge, &c. Il ne faut.pas plus de mérite, ni de de-
hors plus fpécieux que les fiens , pour ert împoier au Public, & même pour ufurpec un empire dangereux fur des efprns fai- bles & crédules, faciles à féduire par de vains titres & une autorité frivole. Quoi- que je ne me fente certainement dans le cœur aucune envie de nuire, j'ai donc dû empêcher de mon mieux que Rufus ne nuife lui-même, en le peignant de cou- leurs aulïi vives que vrayes. J'ajoute qu'il |
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( ι ) Uranitis éfoit un fourbe adroit qui fçavoif
mafquer tous fes vices , fous l'apparence de la vertu. Ce Médecin de Syrie qui vivoit au Xe iîé- cle , trouva le fecret de paffer pour le plus grand Philofophe de Perfe , fans fçavoir un mot de Philofophie. La vanité , la préfomption , l'impu- dence , faifoient fon caractère & tout fon mérite,, de forte qu'il ne pouvoit tromper des gens éclai- rés qui voioient qu'il manquoit effentiellement de génie & de vraies connoiffances, dit Mr. Freind. Je croyois le parallèle plus parfait qu'il ft'eft ; Rendons juitice à Rufus , il l'emporte fur Vrmwf. |
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ïi'eft comparable à aucun des Fameux'Aria-
tomiftes des deux corps ennemis, c'eft le Bœcomilde l'Ànatomie. J'ai tout dit par ce dernier trait, &faùrois peut-être mieux- fait de ne pas entrer dans tous les'petits détails mi férables qui compôfent ce por- trait. Les petites chofes ont bèfoind erre relevées par la dignité & la manière no- ble de les traiter. Mais qui a le pinceau de Mr. Le Sageï Qui peut fe ptoitituer avec décence î ^CHAPITRE. XVI.
De Mr. DOUILLET. C"Eft ici le vrai Douillet du PhlluntriP·
pé. On le levé, on l'habille , on le parfume , on le deshabille, on le couche. Son pot de chambre eft d'argent, ou de la plus belle porcelaine du Japon. Il n'eft'■ point dans tout Paris des perruques d'un plus beau blonde ni de plus belles den- telles. Ce Médecin a l'air d'un Seigneur dans fon appartement, & d'un Sçavanc dans fa Bibliothèque, qui eff fuperbe , &- jamais dérangée. C'eft-là qu'il a fait fon' Kaité Latin de la petite Vérole , avorton |
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tticontttt , mort en naiiTant. C'eft-là que
depuis dix ans il travaille à laiffer à fit-- Patrie un nouveau & précieux Legs de toute fa pratique de Médecine , que je lui confeillerois d'abandonner pour l'hon- neur de fa mémoire. Quand on n'a pas les plus- profondes connoiffanees d'un artv: il faut ébloiiir les autres de fa routine t, mais il y a trop d'amour propre à être foi- même affez aveugle, pour croire donner d'excellentes choies. Mr. Douillet ne s'eft jamais occupé de fa profeffion, tant Théo- rique , que Pratique, que parce qu'elle- remplit certains momens de la vie, dont le vuide eft affreux. Il n'a jamais, dans- fes plus grands jours dé fblitude, écrit, ni lu plus d'une heure de fuite , de peur d'échaufferfon fâng 3 δέ de priver fa bile: de fa douceur balfamique. Plus partifan· d'une vie douce Si tranquille , & d'une volupté commode , que de la turbulence " de la pratique de la Médecine & de l'a- mour , il ne voudroit pas fe baiffer pour" ramaffer un malade , ni le plaifir. Il faut faut, comme parloir la Foreft, qu'il foit follicité & tiré par la manche. Il eft vrai* qu'il avoir autrefois la peine de defeendre de chez lui, pour monter enfuite dans l'appartement voifm de fa MaîtreiTe ·, mais ees plaifirs étoient bien fatiguans,- il a fait· |
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faire une porte de communication qui le§
a rendus plus faciles. On n'eft dans la vie que pour fe procurer fes aifes & fes corrf- modités. C'eft à la faveur de ce paitage 3 que Mr. Douillet a confénti de paiiér tous les jours cinq ou fix heures, fur ie Sopha de foir Amante , riche Italienne. Voilà le théarre de fes plaifirs > δε la malade chez qui le Médecin étoit allé, toutes les fois qu'on le demandoir, où il ne tarderoit pas. C'eft-là que tant d'appas & qui coû- toient fi peu, étoient prodigués au for- tuné Douillet. C'eft-là que Boihtm femble avoir pris ion incomparable portrait de la molieiTc. Douillet, l'heureux Douillet l'y repréfentoit au naturel avec tous les char- mes de la volupté qui la fuit C'eft dans les bras de l'objet de tous fes defîrs, qu'il vcrfoit ces larmes délicieufes, mêlées de routes les douceurs de l'amour. Un Epicurien peut être un homme de
beaucoup de mérite & de talens, s'il fçait' partager fon tems entre l'étude & le plai- fir. Mais un homme fans génie, fans ef- prit, ennemi du travail par tempéramenr, ne peut devenir un aigle en quelque art que ce foit. Ainfi. la médiocrité de notre petit Docteur n'aura rien qui furprenne ; il n'a jamais cherché le Public avec plus d'empreiTement qu'il n'ena été defïré ,.&: |
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cependant il a fait fortune dans le feinde
la plus douce tranquillité. D'où vient tant de bonheur fi peu mérité ; Eft-ce de la éifcrétion que tout -Médecin doit avoir, êc que la prud'homie de-celui-ci a affiché au .plus -haut point, de.forte que l'hon- neur des plus grandes familles lui a été confié-fans crainte, ainiî que les maux ks plus .honteux ? £ft-ce des grandes maifons aufquelles il ..s'eft attaché ,de bonne heure ? Je le crois, & cela feul prouveroir que c'eft toujours -bien fait à un Médecin de s'appuyer de la protection d'un Miniftre , dlun Cardinal, ou d'un Prince ,,fi le un Politique.Chryfdogue ne confirmok cette véritépar la fageiTe de iâ conduite. En effet Douillet ne-pouvant £e diffimuler fon peu de mérite, a paru ne pas fe foucier d'être fort répandu dans Pans,& d'amour propre fe confole en effet facilement du peu d'hommages qu'on lui rend ,.iorfqued'indoience&îa pareife fontfes attributs favoris..C'eft pourquoi Douillet s'eft borné à traiter un-petit nom- bre de Seigneurs,, Sa.fortune qui eft de plus de 50000. livres de rente viagère (car un tel homme ne vit que pour ïui, il eft fon. parent, fon ami, & même fa' MâîtreiTe à Jui-rnême,) fans compter des |
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■effets confidérables, a commence pat Mr. le Maréchal de * * '*■ qui l'emmena avec. lui à la gue£re,3&lui fit donner une pen- fion de plus de mille écus, par le Régi- .jnent dont il était Colonel. Ce Médecin garda iong - teros cette penfion. Neveu, d'un homme qui avec peu de fçavoir •.croit devenu le Philamrope de fon Uni- verfité, il fe xrut de bonne heure un : grand Praticien. Il n'avoir cependant tout fon mérite qu'en fpécieux dehors de gra- vité & de furfifance. Mais cela fuffit pour fe bien peindre dans l'imagination d'un homme férieux , qui fouvent ne penfe point lui-même 5 mais qui veut qu'un Médecin ait l'air de réfléchir: & l'on ver- ra dans la fuite , lorfque je parlerai des J&téâeeini Dornefliques, que ce qui feroit le chef-d'œuvre d'un homme d'efprit, je veux dire de plaire à toute une grande maifon, n'eft qu'un jeu qui ne coûte rien à un homme myftérieux , qui cache fesi fottifes & fon ignorance fous le voile de la gravité. Une des plus belles femmes qui ayent paru à la Cour , Madame la DucheiTe de * * * auroit volontiers déifié ce mince enfant d'Efculape. Quelle péné- tration , difoit-elîe i il voit mon mal de poitrine comme au travers du meilleur |
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J
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■(ι\)
tteicrofcope, il connoîr le point mathéma-
-tique , où mes douleurs & mes tubercules .ont pris leur origine. Mr. le D.uc de *** étoit fortement
^petuiadé qu'il lui avoir fait cracher un abcès par un trou tait au diafragme. Si ce Médecin qui fans efprit avoir trouvé l'art de féduire à fa manière j eût dit ace. valeureux Seigneur, Mr. votre fanté dé- pend d'une, très-lente maftication,, vous ne pouvés mieux faire que dédire unΡ a* -ter &-.xmAve* entre chaque morceau que -.Vous' avalerez,, ce Duc qui n'avoir peut- être jamais fait de Prières qu'au Dieu Mars., eût tous les jours religieufernent firononcé celles-là. Il étoit dans cette il-.
uitre famille trop juftçment défolée., ce que Sigogne eft à Mr. le Marquis de Batifremom. Un Douillet l'a dit, Sigogne ΐα dît, étoit un MUum d'une auffi grande autorité que celle a'Ariflote avant Def< cartes. Mais, mon cher fils, ce qui doit Vous confoler, fi quelque jour, attaché par: ttiaiheurà une grande maifon, avec beau- coup d'efprit & de fçavoir, vous trouver a peine un petit vuide favorable , dans des cœurs exaébement remplis de préven- tion , c'eft que tandis que chaque famille prône & élevé fon Médecin 3 au-deiTus |
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(7θ
de tous'les autres, (comme chaque Régi-
ment fait fon Chirurgien ) à deux pas de- là , dans l'Hôtel voihn , on ne eroir feu- lement pas ce grand Saint capable de gué- rir la gale, on le mal de Job, tel que l'imagine le P. Calmet. Vers l'âge de foixante ans, Douillet
renonça à la pratique, & afficha en quel- que forte qu'il ne feroit plus la Médeci- ne , qu'en faveur de fes amis. Cette po- litique n'eft pas mauvaife , an n'en eil que plus defiré , moins importuné, δζ mieux payé. Έ,ίΙ-ce là ce qui s'appelle un heureux caractère, parfaitement foutenu depuis la première , jufqu'à la dernière fcéne ? Je vous fouhaite , mon fils , à cet âge une aulli belle retraite. Je dois ajou- ter au refte que -Douillet eifc un honnête homme, qui a toujours autant aimé a ' obliger, qu'à amaifer de l'argent ; mais un jeune Médecin qui lui a fait en mou- rant une banqueroute confîdétable , l'a un peu corrigé. Les vieux Médecins font quelquefois trop bons > £i les jeunes fon$ rrop fins, |
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CHAPITRE
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CHAPITRE XVII.
De ÎEmprmr JULIEN.
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H
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XJnauld qui connoiiToit particuliè-
rement cet Archlatre ( ι ), & par la |
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protection duquel il alloit être Préfident
d'une Académie de Médecins, ( ι ) fans la mort trop prompte de Julien y Hunaulâ m'a dit que cet Empereur avoit tant de vanité & d'orgueil, que , il fon Cocher fut venu lui dire ,. Monfieur, vous êtes le plus grand Médecin du monde , il ne doutoit pas qu'il ne lui eut répondu *, mon ami, puifque tu t'y connois fi bien , il faut que tu fois toi-même un grand Médecin. Voilà le fond du caractère de Julien ;
en voici les fuites. Il parloir peu par or- gueil »· (& auffi mal qu'il écrivoit, con> |
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( ι ) Premier Médecin»·
( ι ) Si julien fut mort un mois pîus tard , cet-
te Académie eut été établie malgré li Faculté qui ftntoit combien cet Etabliffenïent étoit préjudi- ciable à l'ignorance de cèuXjde fes. membres ,qai damaient pu y entrer. K.
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me on le verra dans la fuite ) fée, dur i brufque , il n'avoir ni la complaifance de fkïlantrope, ni le manège de la Forefl. Telle ^toit fa rigueur mifautropique, qu'il nioit quelquefois le fentiment mê- me qu'aceufoient les malades , & que peut-être ils avoient réellement. La confiance inébranlable avec laquelle il fuivoit le plan qu'il avoir une fois formé, les encourageoit , plus qu'elle ne fait Honneur à l'Empereur Julien , aux yeux de ceux qui connoiiTent le fondement d'une telle conduite. Elle ne fuppofe point ici lajufiejfe du coup d'œil fi vantée par fon Panégyrifte, mais plutôt un gé- nie fyftemarique , duquel partoit cette ftinefte fermeté, génie dont la nature eft de ne jamais perdre de vûë le principe qu'il a une fois forgé. Or un tel génie , fi l'on veut qu'il excelle ,eft-ce dans l'Art de guérir, ou de tromper les autres 6>C foi-même philosophiquement ? Quiconque ignorant la vraie manière.
de Philofopher, ne peut réfifter à la dé- mangeaifon de bâtir des Hypothéfes, fait néceiTairement la Médecine , en con- féquence de ce qu'il a imaginé, & s'il eft suffi rempli d'amour propre que Julianus de Cbiriacis, ou Chiriacus de Julianis, quels ravages un Médecin CcJébre xt« |
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çlok-il pas faire durant foixante ans de
pratique 1 Certes plus un tel génie a d'é- tendue' & de fagacité , plus il eft dange- reux ', parce qu'il tire une foule de confé- quences qui peuvent être juftes , mais qui pèchent toutes par leur premier prin- cipe trop gratuitement fuppofé ; &c'eft aihfi que le Public doit craindre jufqu'à l'efprit des Médecins aufqucls il donne ia confiance. - Mais, mon cher Enfant s râiTurez-vous ·, il n'y a plus rien à crain- dre de la dodtrine Chiraciemje , j'en ai trouvé l'Antidote , & à caufe des bruians '" hbmmages qu'on lui rend, j'en doublerai l la doze, Je prouverai que Julien n'étoit · qu'un mauvais Philofophe.,. pauvre d'ex- périences phyfiqueSj riche en faits ima- ginaires , en rêves qu'il prenoit pour des réalités, parce que , comme Dufaut » il n'avoit pas befoin de dormir /pour rêver. On verra », qu'outre le Çartéfianiime 3 qui avoir été fon premier lait ^philofo- phique , Aliment Qû'ftl a aimé jufqu'à la mort, il a toujours adopté & chéri, au- tant que Chnfpïogiiemèrne , les plus fauf- fcs & les plus ridicules Hypothèfes de ces mauvais Ghymiftes qui ont précédé le Grand BotrhdAve. ,,8c qu'enfin Julien n'a pas plus connu le vrai chsmin de la : Médecine , que de la PrnTofophiè , êc |
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. (7θ
que d'ailleurs il avoir fort peu d'efpriî hors de fa Sphère , & même lorfqu'if croyoit briller le plus par, la gentilleiTe & la légèreté , comme dans la difpute avec Victtffem.. Mais il n'eft pas le tems de s'étendre
fur toutes ces chofes ; fi la Forefl vivoit % il s'irnpatienteroit de ne voir point arriver fon portrait. Le voici. CHAPITRE XVIIL
Z>e Z^ FOREST.
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Ais quel eiï ce Médecin, qui fait
entrer fon; Caroife avec tant de |
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bruit"» jufqu'au fond des Cours , qu'on·
foiï tient ,' lorfqu'ïl defcend ., & qu'orr porte en quelque manière jufqu'au grand efcalier > C'eft la Forefl. Lès beaux che- vaux ! & avec quel, art le Cocher les fait piafer, & tourner plufîeurs fois par ordre du Maître; le bruit qu'ils font, annonce ce brillant perfonnage, & ne l'empêche' pas de s'arrêter à deux pas, pour parler d'affaires férieufes avec un de fes Confrè- res", ou du moins pour en paroître occu- pé;, Mais: voilà une femme de chambre |
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tjuipaiïè ,.il s'interrompt pour aller âtr- devant d'elle , & lui demander des nou-
vellesde fa belle famé. Que de jolies cho- fes il lui dit? avec quel air riant, il la fuit à perte de vûë. Il revient enfin, Se reprend le fil de fa converfation par l'u- fage des fouris d'amitié , & l'utilité des at- tentions , des politefïes, & même des ré- vérences. Faifons toujours , dit-il , un bon accueil aux femmes de chambre -, elles nous le rendront bien a la toilette ' de leurs Maîtreiies. Il faut Çemer les petits foins, & accorder la petite oye à tout le monde, on en recueille tôt ou tard le fruit. Il faut vous peindre de vives couleurs
ce laForefl , ainii francifé dans une Co- médie de Boîjfy , qui, fi je ne me trompe, dans un autre Pièce,.a changé le nom d'Efope, en celui de la Joie , Médecin qui vient yvre fur le Théâtre , comme celui-ci Peft quelquefois dans les coulhTes. Il a déjà été peint ailleurs fous le nom de Jean de Gaddesden, parce qu'en effet il reiTemble beaucoup à ce grand Charla- tan du XIII. fiécle , comme Erofiatre l'a été fous le nom de Bajle, aiatant que j'en puis juger. Il faut vous faire voir que la Eorefi efl un autre homme que Gaddesden, & que fi Julien a favorifé la cuifine mo- |
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demé jufqu'à fe faire tin plaifir· flatteur ■'
d'immortalifer fon nom par celui des Ragoûts , la, Forefi a autant furpaiié le. Cuifinier François en pharmacie , que F'.' & tous les Singes de Séneque , ou plutôt: de Pline le jeune, en bel eipriu La Forefi étoit le vrai Médecin de *
l'imagination , & du goût, ou plutôt du Palais > pour ôter toute équivoque , Aiedicus ad Palatum, comme porte le titre d'un livre fort rare. Si Gaddesden ' ne prefcrivoit aiix gens de qualité, & principalement aux Dames, que les re- mèdes les plus précieux, les plus agréa- bles,- & tout ce qu'il y avoit de plus rare Se de plus recherché , dont il doubloit toujours la doze pour les perfonnes ri- ches , il cet empirique pour faire fa cour , femble donner dans les préjugés les plus à la mode, la Forefi donnait des coiifeils auiîi iînguliers, & qui ne plaifoient pas moins. L'un ordonnoit* pour la paralyiie des peaux de Renard, dont il enfeignoic la préparation; le Coucou pour ΓΕρίΙερίΐε} le Sflca'Nard pour rHydropiiie ; lefang de Belette, la fiente de Pigeon , & ce qu'il préfère à tout dans les cas défefperés , l'attouchement des mains Royales , pour les Ecroiielles; un ceinturon de peau de Veau marin, dont la boucle fut faite a'os |
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de Baleine, pour la Colique 5 \zfang "Drai gon pour le Cancer , enfin, ( car je pafle· fur bien des confeils habilement fuperfti- tieux, ) s'il enveloppe tout le corps, dans la petite Vérole, d'un drap rouge , s'il veut que les rideauxdu lit, des fenêtres, & tout l'ameublement foit rouge, affir- mant fon grand Dieu, que c'eft le vrai fecret de n'erre jamais marqué·, l'autre confeilloit lespeaux divines pour la Para- lyfie ; le fachet d'Arnould pour l'Apople- xie, à ceux qui y avoient foi fur les re- lations publiques, ou fur le Témoignage payé de l'Abbé des Fontaines ; de la foie cramoifie, ou du pourpre dans un œuf j pour la petite Vérole, ( fi quelque fem- melette prônait cette vieille pratique connue de Gaddesdeny) ce qu'il accor- doit volontiers, pourvu qu'on lui permit la faignée du pied. On rrouve dans fes Coufukations imprimées , le remède dit frère Julien Auguflin , qu'il préfère à tout, & comme une dernière reflburce, dans l'Hydropifie. Il ordonnoit Icfang de Bouquetin pour la Pleurefie ; le nid άΊτοη- delle autour du col , dans l'Efquinancie , la décotiion de poux , dans la jauniiïe ·, il n'a jamais preferit de quinquina en écor- ce, depuis la découverte commode de Mr. de la Garaye.; il eut fait venir de |
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(ίο):
Sennes Se dé Bordeaux les frères Lucts* Moines empiriques qui y font en réputa- tion 5: il eut envoyé aux eaux de Barecres, pour la pierre , fur la foi d'un de fes compatriotes, qu'il· regardoit comme uiï Vifionnaire ; aux eaux de Baths, plutôt qu'à- Aix-la-Chapelle , pour la féconda- tion : & comme Gaddesden fe fut mis à la tête des Inoculateurs , félon le juge- ment de Freina,, la- Fereft ffi vo- lontiers changé avec le goût des François, fi le plus bel efprit du fiécle , trop par- tifan des Anglois , qui ont eux-mêmes abjuré leur fyitême , eut pût enhardir fa Nation, qui route folle qu'elle eib., ne l'a pas été aiTez pour l'en croire. Mais le zèle du bon Citoyen excufe aifément un homme iiluftre qui ne fçait pas la Médecine. Les talens de IkForefi ne fe bornent
pas-là. Il encourageo.it les enfmsà boire le remède de .Maàemoïfdle Stephens, non- feulement en leur donnant beaucoup de hon-bons, mais en leur faifant faire cette- finguliere prière ·,»Μοη Dieu qui avez «tant fué dans le Jardin des Olives , pour «boire le Calice,je fuis fur que vous; «n'auriez jamais avalé cette déteftable' »boiiTon. « A d'autres il avoiioit fran- chement qu'il falloir toujours enfin tail- |
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. ^1 > ,,
1er ceux quiavoient déjà été crucifiés 'par
Mtette liqueur. Une jeune fille le conFulte fur;Fa grande maigreurs il -faut, difoir- il, recevoir la tranFpiration d'une per- sonne faine & vigoureuFe, d'un Fexe dif- férent du vôtre *, c'eft ainfi , ajoutoit-ii, •en faifant alluiïon à "Sydenham , qu'om •applique fur le ventre dans la -Colique.., des chiens , ou des chats ouverts vivans. Une autre avoir eu un iriftant de foi- 'MefiTe qu'il falloit cacher, dent elle vou- loit promptement arrêter les fuites , oa le poifon l'eut vangéede la perte de fou honneur vcorifolcz-vous , ma chère en- fant, difoit-il, en la prenant par-deCou-s le menton, tenez, uFez de cette recette-, elle a rendu plus d'un Fervice eiTenciel au ■beau Fexe, Gaddesden apprenok aux Dames la
manière de Faire des eaux de fenteur , des pomades four le teint, le lait Virginal pour •les rouiTeurs, &c. La Tor-eft pouûToit plus loin Fes do&es recherches, il Fçavoit l'art de peindre les Fourcils , les cils , de changer la couleur des cheveux, & enfin, ce qui efl: le plus grand objetde la galan-< terie, d'anguftier le Diamètre de ces pat- !ties qui effarouchent les petits amours, ie moyen de n'être pas le Médecin SC de l'Amant & de la MaîtreiFe , quand ©n cherche aufll efficacement à augmenter leurs plaiFirs \ L |
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■La Forefiétôit le Médecin des Datues»
non-feulement pour la raifon que je viens de dire , mais parce qu'il s'étudioit à faire paiTer en Médecine tout l'ait de la cui- iîne moderne. Chez lui, les gens riches li'avoient à eiTuyer aucun de ces dégoûts, faits pour le petit bourgeois & pour les pauvres. Ses bonTons étoient agréables, & même quelquefois délicieufes , fes purgatifs étoient au citron & à la fleur d'orange ; jamais le Seigneur Jupiter n'a fi bien doré là pilule. S'il eut été Médecin du Roi , il eut inventé une Médecine Royale. C'eft ainfi que laForefl pouiToit à l'excès des foins, trop négligez par fes Confrères. La Charlatanerie de fon babil répon-
doit à tout cela ; » Madame , vous vous » ennuyez du lait, votre goût eft ufépour » tous les laits ( & en cela votre eflomac efi » et accord avec votre goût, ) un fuc aufli » doux, aufli fade , n'eft pas digne de le » réveiller , mais plutôt de l'endormir en » quelque forte, à force de l'émouiTer. «D'ailleurs vous êtes β bileufe , que je ne »fuis pas furpris d'appercçvoir deux ou «trois grumeaux lattes dans vos Selhf »doré($· Eh bien , Madame , avez-vouS y> raifon, il faut le quitter, nous y re- ι «viendrons toujours , quand la nature » nous fera figne qu'elle le veut bierit E*" |
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'«Payons la petite pointe d'opium, dî-
» vine drogue qui nous a été envoyée du » Ciel pour l'Antidote de l'agacement »des nerfs, & la confolation des vifceres «irrités. L'opium vous échaufFe-t-il „ » même dans le Diacode ï 11 faut fe rabat- » tre fur une autre efpéce de fyrop natu- »rel , c'eft le miel de Narbonne que » Madame de Sévign'e a bien raifon de »confeiller à fa fille, au lieu defucre, »> dans fon Caffe , & qui eft en effet un » autre petit Confilateur à fa maniere,&c. « Car c'en eft aflez pour faire connoître J'adreiTe avec laquelle cet empirique va- rioit tous les peBoraux & les Antiphty'fi* ques, & qu'il n'eil pas furprenant que les Poitrinaires allarmés par fa mort., n'ayenc pas cru lui furv'vre iix mois. Le même manège étoit tout auffi ha-
bilement employé, pour prévenir l'en- nuyeufe uniformité de tousles autres gen- res de médicamens, qu'il changeoit auflî légèrement, que fès converfations. Géo- froi vous dira qu'il remuoit toute fa bou- tique pour le moindre mal, & que peu de Médecins ont la même reiTource en pharmacie. Moyennant quoi il entrete- noit un long commerce avec ces fem- rues Vaporeûfes, Hjfleriques , Se avec ces hommes mélancoliques, ou Hippocondria* ques, que.Molière appelle de bonnes vaches à lait, L a |
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Des malades qui l'étoientiî peu , η V
voient pas befoin d'un plus fçavant Mé- decin , & ils n'atiroient pas trouvé la même gentilleiTe, ni les mêmes agrémens d'une; imagination badine , dans l'efprk le plus obliireqmment dîflillé de toute la Faculté. La maladie yenoit-elle à aug- menter coniidérablernent > Un difeur de bons mots , fouveat. méchans ( ι ), ne fiiffifoit plus, on lui aiïocioit fon Con- frère XcSomnambule * à qui, par déférence pour fon expérience & fon ignorance , il laiifoic juger les procès, & ne faifoit jamais le Phjfiologue > lui qui avec tout le monde avoir la-fureur de vouloir tout ex>- pliquer. J'avois deiTein de parler -dubel efpxit
de la Forefl, mais cela me meneroit trop loin , & je le réferve pour une plus favo- rable occaiion. J'ai encore àpeindre Γ Au- teur , l'Homme , & le Médecin galant. Le premier article fera court. Le principal ouvrage de ce Juif de
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( ι ) En voici un. Dans la maladie de M. î<5
D * * *. qui étoit une Parotide , un grand Prince lui demanda ce que c'étoir que mon Confrère Sale ; ·■■ Mon.fejgneur , répondit la,Forefl , c'eft " un Chirurgien , qui, parce qu'i a parfaitement « attrapé quelques-unes de mes plus afFreufr* » grimaces, fe croit auffi grand Médecin , qae> % pnttfôa. |
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(S-5 )
face Portugaife, eft fon Trakéfur les diffé- rentes fortes de Saignées , Sec. Pîufieurs Médecins & Chirurgiens-connus, Payant mis en poudre, l'Auteur*, ( qui ne devoir pis plus compromettre fa réputation -, qu'un homme riche ne'doit expofer fa vie , l'épée à la main ) fongea fériéufe- ment à réparer fon honneur cruellement flétri. C'eft pourquoi il engagea Berlin & Clairaut, deux hommes excelléns dans leur Sphère , à prouver , l'un par l'Ana- îo'mie, l'autre par la Géométrie , la vérité de fa doctrine fur la révulfioh & la déri- vation , & de quelques mefure's mal pa- ies fur certains"vâiiTeaux. Mais malgré tant de travaux, dont |'ai quelquefois été témoin j & le coup d'ceil de la Forefl fur les réfultats des épreuves, le louan- geur ' B* **. convient qu'on n'a rien trouvé à la mort' de ce frivole Ecrivain , que des morceaux découfus qu'on n'a pu raiTembler. Je'né parle point de fesO^- fefvations fur 'la petite Vérole, on ne les trouve plus que chez l'Épicier , où elles font compagnie à celles à'Erofiatre ,& B***. a beau les faire réimprimer, il ne les tirera pas de l'éternel oubli·, où eft condamné tout livre , qui n'apprend rien de nouveau aux Sçavans. Je dois à pi Us forte raifon fdjfer ΐ éponge , fui van t le langage, de Julien p fur les Cortfûltations L3
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4e ta Forefi, qu'il n'a regardées fans dou-
te lui-même, que comme des ouvrages lucratifs -, ou des friponneries Médicales5 qui ne font pas faites pour duper ceux qui fe portent bien. Voilà l'Auteur , 8c voici l'Homme.
On jugera de fa vanité par ce trait. Mr. de la M* * *. qui étoit allez fimple pour croire qu'on l'aimoit beaucoup , parce qu'on le lui témoignoit d'une manière démonftrative , s'avifa de dédier à la Forefl fa Traduction des Inflitutions de Boerhaave , dans l'efpérance de s'en faire un appui 5 il eut la politeiTe de lui lire fa dédicace , avant qu'elle fut portée chez l'imprimeur. Que faifoit la Foreft, tan- dis qu'on lui calfoit, pour ainfi dire , les dents, à coups d'encenfoir l II méditoit de plus grands éloges ; mais comme il n'oia pas faire lui-même fon Panégyri- que , en préfence d'un homme qui s'en étoit chargé, il lui donna le tems de s'en retourner chez lui, où quelques heures après Mr.de la M***, trouva ce billet de la main de la Forefi. » Vous avez ou- » blié , Monfieur, que le Roi vient de » me faire l'honneur de me donner ma » nobleife, & que Mr. Boerhaave a fait " réimprimer lui-même à Leyde mon » Traité des Saignées. Complétez donc , » je vous prie, mes qualités par le titre |
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*> d'Ecuyer, 8c ne me privez pas du fuf-
sjfrage le plus flatteur. Au refte, Mon- îiiieur, on ne peut avoir plus d'efprit » que vous en avez>& l'on verra bien m que c'eft votre pinceau, & non celui de a la vérité, qui a fait mon portrait dans »> Votre jolie Dédicace. « C'eft ainfi que la Forefl pour être flatté,
étoit lui-même le plus vil des flatteurs. Homme vain, il ne donnoit point d'Elo- ges , on peut dire qu'il les prêtoit, à con- dition qu'on les lui rendrait au centuple : Homme faux, jufqu'au fond du cœur, oh étoit toujours la dupe de toutes fes plus fortes proteftations, & furtout les gens de mérite , qu'il voyoit d'un œil jaloux dans un avenir , qui étoit pour lui tranfparent s ainfi il étoit jufte qu'ils fuflent les pre- miers trompés. Ce pauvre Hunauld connoiiFoit tous
les vifages de ce cœur perfide j il me di- foit quelquefois , κ la Forefi vient de » m'accabler d'amitiés & de carreiTes, je » le crains d'autant plus dans les maifons » où l'on dira du bien de moi. « Heureux qui, comme Riboë, ne pouvoit être que ion petit Copifte, ou fon mauvais Singe, & dont le contraire avantageux devoit fervir d'ombre & de luftre au brillant de fon efprit ! Le diftributeur de la racine du Bréfil étoit caufe de la Fortune de la L 4
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Ρ* τ.
'Fbrefl, mais celui-ci écoit trop fin potrr
ièrvir d'habiles gens, qui auroient pu 1© fupplanter , comme: il avoit cherché à nuire lui-même à ion propre Mécène 3- qu'il traitait de Charlatan. La plupart des Médecins reifemblent à: celui-ci; jeunes Docteurs ne comptez point fur Les vieux > à moins que vous n'ayez l'avantage d'être fots ( car férieufement c'eii eft un). Tant d'adreife, de rufes, & de manège»,
étoient les fûrs garans de la fortune d'un aufli habile empirique. Auffi avoit-il gagné de grands biens, avant la mort da fa femme j- mais comme la chrétienne, aimoit à vanger les maris , que le fien avoit coeufiés & qu'elle n'étoit pas faite , pour ne pas payer tous les frais de la ga- lanterie , elle ruina le Docteur par fa, prodigalité , & le laiifa prefque fans un, fol. Dom cocuage n'étoit pas un être , à : foire peur à un homme de l'éducation j., & du caractère de la Forefi. Sans être* Philofophe, il avoit du moins cette Phi-- lofophie commode, que donne l'ufage du monde , & qui rend heureux dans le Sacrement, tout Epoux raifonnable. Mais tout ce que lui cotitoient les plaifirs de Madame , lui mettoit le poignard dans le fein. Dans fort défefpoir , il s'abandonna aux réflexions les plus améres, lorfque cette MaîtreiTe qui le ruinoit, fans être. |
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îà nennevvint à mourir. Ce feulevene*
ment pouvoit le confoler de n'avoir pu faccéderàMr. Chirac, nralgré les iooooo* îiv. promifes à k Princeffè de***, Se qui, comme le douaire de fa femme, étoient: fondées fur les brouillards de la Seine. »Je ne fois plus, difoit-il, ( ι ) «Médecin du Roi, mais ma femme efr «.■morte, c'eut été trop de bonheur à la· »fois. «. FinifTons par le portrait du Médecin ■
Galant, il l'a été jufqu'à l'indécence &< l'impureté. Ambroife Paré, ce fameux Chirurgien-
de plufieurs Rois, s'érend beaucoup fur la manière de. faire une petite Créature de- Dieu. A quoi fervent tant de difeodrs & rant d'art, ou-il ne faut que faire fentit- îa nature? Tous, les Ecrivains qui, corn-- me Venete·:, ont embelli le Tableau ds* l'Amour Conjugal, & ont tout mis en/ œuvre pour attirer les Célibataires au fep— tiéme Sacrement, pat l'attrait du plaiiîr >. tous ces voluptueux font inutiles ici.. D'un feul gefte , d'un feul mot, la Ferefti enfeignoit tout , Théorie & Pratique, aux filles * comme aux femmes. Il difoic- aux femmes froides , avec Madame, de:
/
■h----------------'-----------------:--------—·------'--------------_ (ι ) Π en reçut les compîîmens durant tioss.·
purs.. |
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('9θ>,
Sivlgne, dont il copioit toujours les phra» fts précieuf ;s", on ridicules ; » mais vrai- »:m;nt5 Madame,, il faut que vous ayez "'un temt 'rament de citrouilles fricaifées M dans de !a Neige ; cela ne peut fe con- "'cevoir, quoi, comment ? A votre âge, " belle, &' biehfaire comme vous êtes, OTefr-il poflîbleque vous ignoriez encore «tout cela, & que votre petit doigt ne "vous ait jamais rien dit? Tenez, grand® ssinnoceote , laiifrz-tnoi vous montrer', «Pc'eft-la l'endroit fenfible , & le fiégeda f»;plàifii il ne demande que lé plus petit »ffecqurs 'icur favorifer les vœux & les «"efforts sans cela inutiles, d'un mari 3» charnu ,t qui vous adore. Pétrie par les » mains di l'amour, dans iefiéçle galant »"où nous vivons, comment encore une «fois vos fens font-ils fi engourdis.,fi «muets à la voix du defir , qui fe fait.en- » tendre dans les plus jeunes filles , dès » qu'elles font nubiles? pourquoi vos nerfs s>font-ils fi tardifs à reifentir les plaifirs «que vous m'infpirez à moi-même , com- » Me à tous ceux qui vous voyént ? « » Combien de bonnes fortunes m'ont
i» valu ces petites fcénes de l'amour-Me-· »decin , « ajoutoit ce vilain Juif, en fai- fant des grimaces .qui ne dévoient pas donner enyie aux femmes, de lui en voir faire d'autres l II les nonimoit, avec toute |
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lUndifcrétion d'un petit-maître, fansref-
"pecY> ni pour rang, ni pour dignités , δζ fe vantoit des faveurs mêmes 3 qu'il n'a- voit pas demandées. Telle étoit fa con- verfation favorite, que l'amour propre n'abrège pas pour l'ordinaire* Mais avec certains dehors, jufqu'à.
quel point un vifage tourné au férieux , & un efprit adroit & infinuant ne peut-il pas en impofer ! La Forefi n'avoit befoiri que de fa propre confiance , pour tirer parti, ou plutôt pour abufer de fa profef- jfîon. «Une femme aimable , lui difoit- » elle, mon Dieu, Monfieur, je ne fçais » ce que je fens dans le bas ventre , au » fond de la partie même , mais ce font » des mouvemens fin'guliers, de ma matri- s> ce fans doute , car alors il me monte » quelque chofe, je deviens rouge, trem- »blante, je fuis dans des états... La ma- » trice , répondoit-il, eft une efpéce d'a- »nimal fort fingulier , qui fe remue'dans »5 le Célibat, & encore plus dans le veu- » vage ; il exprimeTesdeiîrs& fes befoins ,»> par certains mouvemens qu'on fent » mieux, qu'on ne peut les définir ; tel eft » fon langage , muet d'abord, il fe fait » entendre peu à peu, & la matrice parle »> enfin à haute voix , fi on ne lui répond » rien. En tout cela , Madame, ce ne font » que fes propres droits, que la Nature |
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^-revendiqué > 8c vous vous reniiez Vous-
» même, en ne lui,,accordant rien. » Cette autre parle de démangéaifdns, de
petits boutons extérieurs* de fleurs blan- ches , qui l'écorcheric, qui l'empêchent de marcher,&donnent une efpéce de chaude- piiTé qui exige beaucoup pour fa guérifon, puifqu'il faut que là femme fê paiTe de ion mari. Vous devinez le réfuifat de toutes ces consultations. Toute femme, qui ac- cufoit ces petits Secrets de Nature , étok fur le champ expofée aux regards avides du Docteur impur &Iafcif.Difcours pleins de molleiîe & de vûlnpté,exâmencurieux, tact 'libertinjtrhatbiiillemens impudiques, il ne faifôit-aucunes grâces dans !e tête à tête; fa gravité les lui eût reprochées ;à l'abri de ce myftére ^ on trouve tons les jours en Médecine des ' fentiers couverts', qui conduifeht aux plus grandes faveurs. La Forefi prétendoit que tout cela n'é- toït que de petites privautés de l'art, par îefquellës on ne pouvoir déplaire aux femmes feniîbles, mais qu'il falloir affài- fo'nner le "maniement de propos bien af- fortis-, de complimens , de politeiTes<, pour tout- ce qn?on rottchoit. » Il .ne-faut »pas dire/raeontoit-41 un jour cher lui«, »je m'orienteYen mettant le"doigt *ea «■certain endroit* ) comme ce vieux Paik- p-kia Mri Fagûn, mais -il. faut dire,. j'en |
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ȉi bien vu , mais je n'en ai jamais vu"de
>5Îî petit. Si ce n'eit que le ventre que «vous tâtez, ajoutG;itril, fquvenez-vous »de ne jamais...le trouver moi;.,cela m'eft » une fois indifcretement arrivé , l'amant »étoit caché dans la ruelle , je fus remer- » cié le lendemain , la femme de chambre »>me fit connoître mes, torts .,.&.depuis ce ψ tems je me ;fuis.corrigé ; je n'ai jamais » dit ,ie ventre efi mol, mais toujours, Je ni/entre efi fatisfaifanu C'eft qu'il ,eft en 4) effet s pourfuiyoit,ce .coquin,, de Méde- »cin s de la politetTe d'un homme par qui s une jolie femme fe fait„patiner, défaire » l'éloge de tout ce -qu'il; touche., ou ,du ■* moins un petitxompliment à la manière »dn pays ,, comme ÇanSius Romanus , cet » Ex-Chirurgien ehafle du Port - Louis , « aujourd'hui Médecin empirique à Van- » nés , qui d'un feul coup de filet prit les j» tétons -de -trois, dévotes s fpus prétexte f» de chercher le fiége de,ia douleur ; eJU .« les le laiflèrent faire tout ,,à;fon aife,, «parce qu'il difoit fans cefTe, morbleu *> qu'ils font dufs > je n'en ai jamais vu de » cette fermeté. Tel eft l'abus queia Forefi, Se tant d'au-
tres Médecins impudiques, font de leur Îirofeflion, en .fe.fei.vaDt.indignem.ent de a..{implicite des malades, qui croyent . |iéceiXai.res ? <àe$ attouchement donc le |
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plus fouvent on peut fe difpenfer -, & mê- me on le doit, fur - tout lorfqu'on eft jeune , fi ce n'eft dans le befoin. Le beau fexe eft refpe&able , on doit lui épargner jufqu'à la moindre inquiétude. Voilà le portrait de cet homme fuper~
ficiel par rapport au vrai fçavoir , pro- fondément verfé dans Tcmpirifme , bel efprit précieux & ridicule , comme on le fera voir, cœur faux, & dont enfin le ca- ractère forme un parfait contrafte avec celui de Julien,. Us ont cependant joué l'un & l'autre un grand rôle dans Paris a & la raifon en eft fimple. L'art de plaire ou plutôt ce don de l'heureufe Nature 't féduit les efprits, comme l'orgueil & tout ce qui leur en impofe. Le peuple veut être trompé , & les Médecins réufîîiTent à le fatisfaire pleinement par les moyens les plus oppofés. Je ne icai fi quelques-uns de ces por-
traits , feront trouvés dignes d'être un jour inférés dans la continuation de l'Hif taire de la Médecine , non qu'on prétende qu'ils puiftent fe comparer avec ceux qui ont été tracés par des Hiftoriens du mé- rite de Freind, ni fervir à autre chofe qu'à faire voir quel protée eft l'empirif- me, & fur quelle fertilité de moyens dif- férens , font fondés fes fucr.ès dans tous les fiécles : mais il eft certain que la |
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V.Oilà > mon cher Fils, les heureux
originaux que je voulois vous faire xonnpîcre , & dont tous les fiécles nous fournilTent des Copies, Vous me demanr- dez fi vous réuflirez , en fuivant ces mo- dèles. Hélas! qu'en fçai-je 2 Peut-être qu'oui, peut-être que non. La voye du fçavoir & de la probité vous paroît plus convenable & plus digne d'un homme bien élevé. Vous penfez jufte, mon Fils,» & de tels fentimens font honneur au , cœur & à l'eiprir. Mais ce n'eft pas la rou- te la plus fûre , elle en a perdu cent, pour un ou deux j qu'elle a menés au port. Tout ce que vous courent vos voyages 8C vos çtudes, fie rentrera peut-être jamais |
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•par des moyens fi (impies & fi fages. Quel «arti prendre ? Encore une fois, mois Enfant^ je l'ignore, s l'embarras eft bien ^rand. EiTayons de diffiper tant d'incertitude,
•même au hazard de l'augmenter. Pour y réiiffîr, il faut que vous connoifliez le tronc de la Médecine.., avec toutes fes ■tranches, foit propres,, foir étrangères. Ces branches ont quelquefois conduit à la réputation & à>la fortune. Voyons donc quelle utilité , quelles
«reiTources vous pourriez trouver , non feulement dans l'Anatomic , dans la Bo- tanique , dans la Pharmacie, dans la Chi- »rurgie , -dans la Ghymie , mais dans la Géométrie , dans la Phyfique, dans la Littérature & dans le bel efprit. Après -quoi-je vous ferai connoître les Hommes -dansvies Médecins, dans les Malades* &c. Après la permiffion.., ou plutôt l'ex- eufe que j'ai demandée aux Médecins en forme d'Epigraphe , au frontifpice de es Livres je puis dire avec Jtevenal: , .... ... .·.'» . Qutdijuid
Bifftunt Mediatnofiri FerragolibelL·
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Fin deL· première Partie.
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