TRAITÉ
De la
PEINTURE,
ër de la
Par
M». RICHAR'DSON, Père & Fi/s:
Divise' en
TROIS TOMES.
à AMSTERDAM,
Chez HerjIM^wbrf. 17*8-
PRÉLIMINAIRE
SUR LE
Tome 111;
-ocr page 4-Gïo. B attista Ar mbnini.qui a converfé avec les
Peintres les plus fameux, peu après la mort de Raphaël, par-
lant de la Beauté, à ans fon Traité De' uerï Precetti délia Pittura
(pag. 67 ) s exprime de la mamèrefuivante. -- iotrovo
da più [agît huomini, la Bellezza non dovere effere altro in
ogni ce [à, che una convenevole v hene ordinata Correfpondenza
er Vroportione di m'tfare, jra le parti verfo di Je, fra le parti
g? il tutto, V quelle di modo infieme compofie , che in ejje non
ft poffi vedere ne defiderare perfettione che fia maggiore. Hor
dunque je cofi e , quai maggior goffezza fi pub imaginare che
quella , di cotnporre una Figura di membra di natura di ver/a,
le auali fono belliffime à riguardarfi da /e ciafcuna, per ejfere dal
buono lolte, ma pofie infieme pot fi veggtno effere fpiacevoli e?
noiofe, & queflo non e per altro , fe non perche fono membra di
più figure belle, non di quefia una, ■■
DISCOURS
SUR LE
Des Peintres, Sculpteurs & Poètes,
à l'ocalion du Livre de
m". rich ardson. 1
E s Beautés des Statues An-
tiques , des Peintures ex-
quifes & des Deffeins fa-
meux des grands Maîtres fournit
fent aux Curieux une matière fr
riche & fi abondante qu'elle fem-
ble être inépuifable. Les Auteurs
qui en ont écrit, jufqu'à-prefent3
nous en ont dit de fort belles cho-
ies; mais, comme on fent bien,
qu'ils n'ont pas dit tout ce qu'on
a z pou-
1 Intitulé, An Account of fome of the Statues, Vas-reliefs
JJrawsngs, and Piàlures in Italy , &e. with Remarks, bf
MK.KieiUR.pson ffen. andjun.) London.
pouvoît dire , fur ce fujet , ce
qu'ils ont donné de beau n'empê-
che pas qu'on ne fou h ai te d'en a-
prendre quelque chofe de plus.
Ainfi , je ne doute aucunement,
que tous les Curieux & les Connois-
feurs de l'Art, qui liront ce Traité
de Mrs. R te h a r d s o n , Père &
Fils, n'en foient fort fatisfaits. Ils y
trouveront un ample détail de ce
que le Fils a vu déplus remar-
quable , dans Ion Voïage , avec
les Oblèrvations judicieules de l'un
& de l'autre , fur les plus belles
Pièces d'Italie , ce grand Théâtre
de l'Arc. Le Lecteur ne doit point
apréliender ici de fe perdre dans
un pompeux étalage de louanges
flateules, qui ne fervent d'ordinai-
re qu'à faire naître des Idées con.-
fufes & une vaine admiration, fans
donner une connoilfaoce exaéfce du
caractère des Maîtres, fans faire
difeerner leur fort d'avec leur foible,
Se fans en marquer Je Beau & le
fur le Beau Idéal. v
Défe&ueux. Ce qui m'a le plus
charmé de l'Ouvrage dont je viens
de parler, & dont je rends grâces
aux Auteurs, ceft qu'on y trouve
des jugemens au-deffus du commue,
des jugemens folides & fublimes,
accompagnés d'une Critique def-
interreffée , qui n'épargne ni les
plus belles Antiques, ni les Pein-
tres les plus renommés , ni même
le grand Raphaël, ce véritable
Prince des Peintres, qu'on regarde
communément, en Italie, comme
un Artifte qu'on ne fauroit ataquer,
fans une préfomption inluporta-
ble.
Comme les Auteurs les plus con-
fidérables, qui traitent de la Par-
tie Sublime & Idéale de l'Art de la
Peinture , le font ordinairement
fous les noms de Beau , Bien-pro-
portionné , Naturel , Sublime &
d'un Grand Goût, termes qui, à
mon avis, pouroient être encore
mieux éclaircis, qu'ils ne l'ont
a 3 été
vi Difcours, Préliminaire
été (*),je me fuis déterminé,à l'oca-
fion de ce Livre de Mrs. Richard-
son , de donner au Public ce Di-
scours fur le Beau Idéal, pour voir
fi je pourois rendre quelque fervice
à l'Art, & faciliter l'intelligence
es meilleurs Auteurs.
Tout idéal n'eft proprement
qu'une judicieufe élection & une
ingénieufe reprefentation des Ob-
jets, de forte que chaque chofe foit
excellente en fon efpèce, & telle-
ment choifie de toute la ISlature,
qu'elle puiife atirer les yeux j &
captiver l'atention des Connois-
fèurs $ le tout néanmoins par-tout
diférent , félon l'exigence du cas
Se du fujet. Cette idéalité s'étend
fur
{*) Ceci ne regarde pas les deux autres Volumes, que
Mr. Richard s on le Père a donnés fur la Peinture ; car
je ne les ai vus que prefque deux années après que j'ai eu
compofé ce Difcours. Alors,j'ai trouvépltafieurschofesen
quoi nous fommes d'accord ; ce qui poura, en quelque forte,
plaider pour la juilelfe des Réflexions nouvelles de deux
diférentes perfonnes , qui n'avoient jamais eu enfemble
aucune correfpondance; M rs. Rich ah dson n'ont vu auffi ce
Difcours que depuis qu'il a été imprime, • 172,7
-ocr page 9-fur le Beau Idéal. vu
for toutes les principales Parties
de l'Art, comme fur le diférent
choix de l'Ordonnance , du Clair-
Obfcur, du Coloris, des Drape-
ries , des Attitudes , & des Carac-
tères des Perfonnages , & même
fur les fujets des charmans Payfa-
ges, des belles Fleurs & des Fruits
exquis; de manière qu'il règne, dans
chaque Compofition , une Harmo-
nie particulière & une certaine U-
nité du Tout, de même que dans
une bonne Pièce de Mufique te
Ton fur lequel elle eft compofée.
Mais , comme les principales Ré-
flexions des Auteurs regardent 1'/-
dêal des Perfonnages de la Fable,
ou de l'Hiftoire facrée , ou pro-
fane , ou de l'Allégorie , & que i
quand on a compris la plus dificile
partie d'une chofe, on en com-
prend facilement la plus facile,
nous nous atacherons ici à l'Idéal,
par raport à ces Perfonnages j &
fur-tout à une des plus fubtimes
a 4 Par-
Parties de PIdéal , qu'on voit fi
admirablement bien exécutée dans
les plus belles Statues Antiques, &
dans les principaux Ouvrages de
raphaël.
Cette Partie fubiime dont je fais
un fi grand cas, & dont j'ai com-
mencé de parler , eft un véritable
Je ne fat quoi, pour bien des gens,
Se la Partie la plus interreffante du
Beau Idéal y pour tous les Con-
noilfeurs. Je la nommerai une
Harmonieuse Propriété':
C'eft une touchante Unité, ou une
Convenance pathétique, non feu-
lement de chaque Membre, par
raport à fon Corps , mais mêmes
de chaque Partie, par raport au
Membre dont elle eft Partie. C'eft
&u(fi une Variété infinie des Par-
ties , quoique conformes , par
raport à chaque fujet diférent ;
de même que toute l'Attitude
& tout l'ajuftement des Draperies
de chaque Figure doit répon-
fur le Beau Idéal. ix
dre au fujet choifi 3 en un mot,
c'eft un vrai De'corum, ou une
Bienfëance des Idées, tant pour le
Vifage & pour la Taille, que pour
les Attitudes. C'eft;, à mon avis,
ce que doit fe propofer un grand
Génie qui afpire à exceller dans
1*Idéal, 8c ce qui a fait la princi-
pale étude des plus fameux Artiftcs.
C'eft en cette Partie que les grands
Maîtres ne peuvent être imités que
par eux-mêmes, ou par ceux qui
font avancés dans VIdéal, & qui
font aufli favans qu'eux dans les
Loix de la Nature Pittorefque 8c
Poétique, quoiqu' inférieurs, pour
l'efprit d'Invention.
Pour mieux faire comprendre la
diférence qu'il y a entre le Beau
Commun 8c le Beau Idéal, dont il
s'agit ici, il ne fera pas inutile que
nous confidérions l'Homme de tous
côtés , puis qu'il eft le principal
fujet du Beau Idéal.
Confidérons donc l'Homme, en
a 5 pre-
x Difcours Préliminaire
premier lieu, comme un Etre cor-
porel, uni avec une Amefenfîtive,
agitée par les Sens, & fujette aux
imaginations, qui eft ce qu'il a de
commun avec les autres Animaux;
mais de plus, en-tant qu'Homme,
comme un Etre doué d'une Ame
raifonnable , qui peut fixer fon a -
tention fur certains objets, qui peut
la relâcher, ou l'en détourner ; qui
peut envifager fes defirs & fes dif-
pofîtions qui peut juger des difé-
rens Etres , de leurs mouvemens
& de leurs accidens, tant intérieurs
qu'extérieurs ; qui peut examiner
la véritable conftitution des cho-
fes , & méditer fur leurs caufes, fur
leurs éfets, & fur leurs conféquen-
ces qui peut comprendre ce que
c'eft que l'ordre des chofes ; qui peut
connoître la variété & la combinai-
fon des Nombres ; qui peut diftin-
gtier le Genre de fes Efpèces ; & qui
peut enfin,difcerner l'Utile de l'Inu-
tile > & le Beau du Défe&ueux.
j Mais
fur le Beau Jdêal. xi •
Mais en fait de Peinture, on
peut envifager l'Homme fous trois
points de vue diférens, par raport
à ce qu'il a de général & de par-
ticulier. Premièrement, par ra-
port à ce que l'Homme a de par-
ticulier, on peut le regarder com-
me un Portrait dans cefens-là,
il doit avoir quelque chofe en quoi
il difére de tous les autres Hom-
mes , & qui le faffe reconnoître.
Pour bien exécuter cette Partie de
l'Art, ce n'eft pas aifez qu'un
Peintre ait l'habileté de la main ;
il faut encore qu'il ait l'œil bon Se
atentif. Secondement, on peut
confidérer l'Homme, comme aïant
quelque chofe de général & quel-
que chofe auffi de particulier. Par
exemple , tous ceux d'une Nation
ont entre eux une certaine relfem-
blance, qui les fait diférer de ceux
d'une autre Nation. Ici, la bonté
de la vue & toute l'atention d'un
Peintre ne fufifent pas mais il faut
xii Difcours Préliminaire
avoir de plus une grande vivacité
d'Imagination, 8c du difcernement,
puifque cela participe de ¥ldéal.
Enfin, on peut confidérer l'Hom-
me par raport à ce qu'il a de pu-
rement général, en-tant que tout
le Genre- Humain fe reiïemble.
Cette partie de l'Art demande dans
un Peintre, outre la force d'Ima-
gination & l'adreffe de l'Imitation,
un génie excellent 8c un jugement
capable de lui faire découvrir un
certain Commun entre tous les
Hommes ; 8c de lui faire trouver
par-là les Loix générales de toute
la Nature, tant pour la Forme ou
la Taille , que pour la diférence
des Offemens, des Mufcles , 8c
celle de la Peau, l'une plus fine 8c
plus délicate, l'autre plus ruftique
Se plus groflière : car tout cela doit
être diférent, félon la diférence du
fujet qu'on aura choifi, foit qu'on
le prenne de la Fable, dePHiftoi-
re, ou de quelque Symbole, Mais
fur le Beau Idéal. xm
c'eft ce qu'il faut principalement
obferver, quand il s'agit de repre.
fen ter des Perfonnages dont le
grand Air & la Phyfitmomie fpiri-
tuelle les puiffe faire paffer ppur
des Perfonnages capables de figu-
rer fur le grand Théâtre du Mon-
de , & defquels on puiffe dire à
bon droit, qu'ils font faits à pein-
dre. Ce fera alors un Idéal com-
plet 5 Se c'eft ce que je nomme la
Nature Pittorefque Se Poétique 5
puifque cela ne peut s'aquérir par
la fimple Imitation d'un Modèle, ou.
d'un Portrait , mais feulement par
la force des Idées les plus juftes, Se
des Imaginations les plus rectifiées.
La Peinture & la Sculpture nous
reprefentent deux fortes de Per-
fonnages. Premièrement,ces deux
Arts s'atachent à des Portraits, foie
d'après Nature , foit d'après les
Statues, les Médailles, ou les Pier-
res gravées : & dans ce cas, il eft
à remarquer,que tout portrait,quel-
que
xiv Difcours Préliminaire
que naturel qu'il puiffe être , n'eft
plus qu'une partie fimple de la
Nature générale. Ou bien ils fe
propofent des Perfonnages à choix;
êc alors, la liberté n'étant limitée
par aucun Portrait connu , il ne
s'agit que de chercher des repre-
fentations qui puilfent fatisfaire
au Cara&ère du lujet clioifi.
imitation A l'égard des Portraits, il fem-
imple. iii
ble d'abord, que tout ce qu'on y
peut fouhaiter fe réduife à une fim-
ple & exaéte imitation du Modèle,
dans toutes fes circonftances ; &
qu'un Peintre doive pafifer pour ha-
bile-homme, quand il fait s'en a-
quiter en Maître ; comme on en
voit des exemples dans les Por-
traits de Rembrant, dans fon
meilleur tems, qui font naturels d'u-
ne Imitation fimple. Cependant,
il y a eu encore de plus grands
Maîtres, qui, fans s'écarter de la
relfemblance, ni altérer le vérita-
ble cara<5tère qui diftingue une
fur le Beau Idéal. xv
perfonne de l'autre, ont fïi y ajou-
ter quelque choix d'efprit, & don-
ner des Portraits naturels d'une
Imitation Idéale. C'eft ainfi que, imitation
dans les Portraits de Y a n D y k, :déak•
outre la grâce du Coloris, on re-
marque ordinairement , une con-
fiante Gentille(fe, accompagnée de
certaines autres particularités, qui,
toutes agréables qu'elles ioient etl
elles-mêmes, ne biffent pas quel-
quefois , par le trop d'abondance,
d'afoiblir tant foit peu le grand
Gout. On trouve ordinairement,
dans les Portraits du Titien,
une certaine Majefté , & une cer-
taine Gravité Efpagmle : dans ceux
d'A.nnibal Car a che, beau-
coup de vigueur , & une Nature
floriffante , jointe à une Gravité
modefle : dans ceux de R a p h a e l,
un Air de Dignité , de NoblefTe
& d'Êfprit : enfin , on remarque
communément , dans les Bulles
Antiques3 une Gravité mâle, ac-
compagnée d'une certaine force
d'rfprit : & ce font ces Additions
ingénieufes & Idéales qui immor-
talisent les Maîtres, qui éternifent
les Portraits, qui les rendent dignes
d'être regardés avec admiration j &
par où ils méritent une place con-
Îîdérable dans les Cabinets des Cu-
rieux. Pour aquérir ces qualités
Favorables, je ferois d'avis, qu'on,
mît le Modèle qu'on veut tirer à
quelque diftance de foi j c'eft-à-
dire, affez loin pour perdre de vue
les petites rides & d'autres minu-
ties femblables , de forte qu'on ne
pût voir que le Général du vifage:
je voudrois cependant, qu'on en
fut alfez près , pour pouvoir dif-
tinguer tout ce qui fait reconnoître
la perfonne d'un peu loin. De cet-
te manière, onconfervera toujours
quelque Général ou Idéal d'un
grand Goût ; & fi l'on veut y a-
jouter quelques particularités , on
le peut faire $ mais, ou il faut les
em-
-ocr page 19-fur le Beau ldéak xvn
emprunter de ce qu'il y a de plus
gracieux, dans le Modèle j ou,fï
l'on n'y trouve rien de pareil, il
faut en fubftituer & Idéales , & le
faire avec tant de délicateffe, qu'el-
les ne détruifent point la reftem-
blance.
Quant aux autres Perfonnages,-
qui apartiennerit à quelque Com-
pagnie, à l'Hiftoire , à la Fable,
ou à quelque Symbole , on peut
divifer les Maîtres les plus célèbres
en trois Claffes. On peut placer
dans la première les Peintres, qui
fe font fimplement atachés à imi-
ter ou à portraiter des Modèles
communs. On peut ranger dans
Inféconde ceux, qui y ont ajouté
quelque beauté d'efprit.- Enfin, on
peut mettre dans la troifième ceux,
fe font par-tout atachés à Vldéalj
aicnt travaillé purement
d'Idée , ou de Mémoire , foit qu'ils
Je loient quelquefois fervis de Mo-
dèles , pour aider à leur étude, &
xviii Difcours Préliminaire
pour enrichir leurs penfées puîs-
qu'en éfet, un Efprit Idéal regarde
toute la Nature , toute l'Antiqui-
té , & tout Ouvrage d'autrui, com-
me fon Ecole, quoiqu'il n'en mette
les leçons en pratique , qu'après
avoir conlulté la Raifon.
' Naturel Qm D O U W , M E T Z U & quel-
Imple & //ii • v
commun, ques autres ont ete de la premiere
Clalïe. Quoiqu'ils ne fe foient a-
tachés qu'à des Sujets bas, il les ont
admirablement bien exécutés : &
ils ont luivi, avec une grande ex-
a&itude, leurs Modèles communs,
tant pour leClair-obfcur & le Co-
loris, que pour la Taille, l'Atti-
tude & les Paffions ; le tout à un
degré qui répondît à leur choix ,
qui n'étoit qu'un Naturel commun,
jQmple naïf, fans aucune Beauté
idéale.
m£e"eI trouve Peintres de difé-
rens degrés dans la fécondé Clalfe,
dont les plus avancés pouroient
prétendre une place dans la troi-
fième j
fur le Beau Idéal. tm
fième ; parce que leur Choix efl: un
certain Général, qui tient plus du
Beau Idéal, que du Naturel bas
& commun. Tous ceux de cette
Claffe, depuis le degré le plus bas
jufqu'au plus haut, ont cela de
commun, que chacun d'eux nous
reprefente une efpèce de Naturel
mixte, & une certaine forte de Peu-
ple de leur choix.
Albert Durer, Lucas de ooûtte
t r, 1, > .
L e y D e n, & d'autres, font voir,
dans leurs bifarreries , une Imagi-
nation vive, & une Richelfed'ef-
prit; mais ils nous reprefentent
d'ordinaire un Peuple Gothique,
d'un goût même au-deffous de la
Populace.
• t» _ -r Gotit nri
Quoique Rembra^t paioii-peuau_des.
fe avoir emprunté fes Idées d'unf°^e<
Peuple tout-à-fait vil & bas, tant
P°ur le Draperies, que pour le Vi-
& pour la Taille ; cependant,
à la faveur d'une Lumière favam-
ment unie, pour la faire mieux é-
b z dater,
sx Difcours Préliminaire
dater, il donne ordinairement à
fon. Peuple naïf, des Humeurs &
des Pallions expreffives, accompa-
gnées d'une Attitude aifée & fans
afedation j mais tout cela n'a pref-
que jamais rien du noble,
d?©?au" kes Tableaux de R u b e n s nous
médiocre, ofrent un Peuple d'un plus grand
goût, que n'eft le Peuple ordinaire
de R e m b r a n t, & même un peu
\ au-delfus du commun. C'eft un Peu-
ple hardi , robufte, vigoureux : il eft
vrai,qu'ordinairement fon Ouvrage
fent le ruftiquej que fes Contours
font trop ondoïans, & qu'il poulie
le caradère de fes Paffions jufqu'à
l'extravagance mais malgré tout
cela,il fait voir un efprit original.
Il eft admirable dans fon Coloris:
on trouve de la Grandeur dans fes
fuperbes Ordonnances , dans fes
riches Draperies & dans fes Inven-
tions Poétises ■ mais cette Gran-
deur eft fur-tout admirable, dans
fadiftribution agréable & majef-
tueule
-ocr page 23-fur ïe Beau Idéal xxï
tueufe des Lumières & des Om-
bres. Le fameux van Dyck,
fon Elève, marche glorieufemenE
fur les traces de fon illuftre Maître;
& s'il lui cède , pour l'efpïit d'In-
tention , en récompenfe, il n'a
pas tant de Rufticité. Ceux de
l'Ecole de Venife, for-tout le grand
Titien & Paul Veronese,
qui font, du moins, auffi eftimés ,
pour le Coloris , que ceux de l'E-
cole de Brabant, quoique,félon moi,
ils ne foient pas à comparer à Ru-
bens , pour la maj eftueufe difperfion
de la Lumière, nous reprefentent
un Peuple mieux fait, d'un plus
grand goût, & plus propre pour
les Emplois relevés,- mais, avec
tout cela , leur Attitude n'eft pas
exemte d'une afeétation théatrale^
& leurs vifages fententle Portrait.
forte qu'il leur manque beau-
coup de Y Idéal, qui auroit dû leur
! fournir des Airs qui répondirent:
au Caractère de leurs Sujets.
b | Quoi-
-ocr page 24-xxii Difcours Préliminaire
■utild'un Quoique Cortone., Cyrus
deux, F e r r u s, & quelques autres de leur
mais com- _ , . A T l« r
mm Ecole, aient plus heureulement a-
trapé un certain degré à'Idéal, pris
avec choix du Naturel commun &
des Antiques: quoiqu'il nous don-
nent un Peuple gracieux, qui atire
les yeux, qui n'a rien de bas 8c
que l'on trouve,dans leurs Ouvrages,
une grande riçheffe d'Ordonnance^
cependant, faute d'une étude foli-
de, leurs Figures n'ont pas aifez de
vigueur & d'efprit ; 8c elles font fu-
jettes à devenir infipides, par la
frop grande reffemblance qu'on re-
marque , tant dans les Airs, que
dans la Taille. Ces Figures fem-
blent toutes fouvent être Frères 8c
Sœurs j 8c c'eft par-là, qu'elles ne
peuvent fatisfaire , quand il s'agit
de marquer la diférence des Per-
sonnes, lur-tout de celles d'un grand
caractère.
î^/d'in On trouve un plus grand gou£
plw de folide, pour VÏdéal, aans
fur le Beau Idéal, xxiii
les Ouvrages d'Annibal Ga-
rache, & de ceux de fon Ecole ;
on s'aperçoit aifément, qu'ils ont
mieux étudié l'Antique, & les
Ouvrages de R a p h a e l.
On peut placer dans le même
rang l'A n tique Romain, de-
puis le tems de Cefar, jufqu'à ce-
lui ÙAntonm ; quoique cet Anti-
que n'ait commencé à paroître,
qu'après une grande décadence de
l'Art, durant l'efpace de trois Siè-
cles. Si on compare au meilleur
Grec, l'Antique Romain, ce der-
nier doit être regardé, par raport
àl> autre, comme la Lune , par
raport au Soleil, dont elle emprun-
te toute fa Lumière.
M i c h e l-A n g e , qui vivoit du «m^jj
tems de Raphaël, & qui s'eft ren-& terrible»
du fi fameux, tant par fa Sculpture,
que par fa grande Manière de Def-
fein , dont on admire le gr%nd
goût, fur-tout pour le Gigantes-
que Se pour le Terrible , ne nous
b 4 donne
3£xiv Dlfcours Préliminaire
donne qu'un Peuple de Géants»
tïéaid'un D'un autre côté, le célèbre Par-
deuxt dé- mes an > dont les Deffeins font fi
gagéf^"eftimés, qu'ils paffent ordinaire-
ment pour mériter le premier
rang, après ceux de Raphaël,
nous y reprefente un Peuple 11 dé-
licat & fi gracieux , que ces avan-
tages couvrent fes négligences, &
l'excufent, quand il lui arrive de
tomber ; parce qu'il ne tombe
qu'en Maître, &que la GentilleJJe
& lai Bonne-grâce l'accompagnent
même jufque dans fa chute. Il
faut pourtant convenir , qu'il ne
fatisfait pas toujours à l'exaétejuf-
teffe ,& à l'harmonieufe Variété de
chaque Partie , par raport au Mem-r
fc>re dont elle fait Partie , ni de
chaque perfonne, par raport à fon
Caractère. Mais, dans l'Ecole de
Raphaël , outre la Grâce, on trou-
ve 8c- plus de Sience 8c plus de So-
lidité ; quoiqu'en cela même, fes
Pifeipips y à mon avis 3 foient beau-*
far le Beau Idéal. xxv
coup inférieurs à leur Maître, qui,
par fon efprit original & fublime,
a mérité le nom de l"Inimitable.
On peut mettre en Queftion, fi^Sn
les autres Idéalifies dont j'ai parlée-haut
& principalement ceux du grand
goût, parce qu'ils ont beaucoup
plus de l'Idéal, que du Populaire
ou du Portrait , méritoi.ent d'être
placés dans la fécondé,ou dans la
troisième Claffe ? J'en conviens 5 &
c'eft ce que j'ai déjà dit. Mais ce
doute n'a aucun lieu, par raport au
grand Raphaël , pris dans fon
meilleur tems , & aux plus belles
Antiques G r e qu e s, faites vers
le Siècle & Alexandre le Grand, &
qui font les Chefs & prefque les
uniques de la troifième Clalfe. En
éfep 3 on trouve dans les meilleurs
Ouvrages de cet llluftre Moderne,
de même que dans ces admirables
Sculptures Antiques, un Idéal dans
un très-haut de^ré, avec un difcer-
pement juile des diférens cara&ères
b ? des
sxvi Dlfcours Vrélmtnare
des Perfonnages , une Harmonie
& un raport admirable des Parties à
leurs Membres ; au-lieu qu'il fem-
ble , que les autres Idéalises ont
emprunté, pour la plupart, tout ce
qu'ils ont de plus beau, des Statues
Antiques, ou de Raphaël d'Urbm.
Dans la Partie fublime de Y Idéal,
on ne cherche que des reprefenta-
tions de Perfonnages dignes d'un tel
j-ang par leur grand Air, & ca-
pables de figurer fur le Théâtre du
Monde , tant pour la Fable , que
pour l'Hiftoire Sacrée & Profane,
Se même pour des Perfonnages Ce-
îeftes. Mais tout cela doit avoir
deférens degrés de Majefté , de
Gravité, d'Efprit, d'Agilité Se de
Nobleffe, lelon que le demande
chaque Caradère particulier : &
c'eft ce qu'on trouve admirable-
ment bien exécuté, dans ces belles
dm'tques, comme aufli dans les
Ouvrages de Raphaël , fùr-tout ,
dans fes dpotres.
Quant aux belles Antiques, quel- mm des
1 u • n r 11 ^ • r 1 belles An-
le Majelte , quelle Gravite, danstiques g»*..
l'Air noble d'un Jup'm / Qu'y a-t-g^
il qui puiffe mieux nous reprefen-?'^
ter la Vertu celefte de la Nature
régnante! Quelle Sublimité, quel-
le Grâce, quelle Grandeur, quelle
Gentillejfe, dans le vifage d'un
Apollon (*) , qu'y a-t-il qui con-gw^«;
vienne mieux au Symbole de l'Elé-
ment du Monde le plus vif & le
plus mobile , à la Lumière poul-
ies yeux du Corps & de l'Ame, à
à un Oracle d'Efprit, pour tous les
Beaux Arts ! Quelle virile Agilité,
quelle robufte GentUleffe, dans une
Diane ; que ces caraétères nous
peignent bien une Déeffe de la
Chaffe , une Sœur à'Apollon, une
autre Lumière pour la Nuit téne-
breufe , un Symbole des vagues &
variables empreffemens de la Na-
ture! QueUe charmante Nobleffe,
(*) Dans la Mvtfcrt du Vaùcm
-ocr page 30-xxviii Difcours Préliminaire
quelle Beauté, quelle Grâce, quel-
le GenttlleJJe, quel Embonpoint
Dedans la ùéejfe de VAmour (*)♦
qu'y a-t-il qui convienne mieux au
Symbole du Secret de la Nature,
j à la faveur de quelques at-
traitSjfaitconferverlesGénerations,
& immortaliièr,pour ainfi dire, ce
qui eft mortel! Quelle Force,
quelle Promtitude , plus que Hu-
maines , quelle Nobleffe & quelle
Grandeur d'Efprit dans un Hercu-
le ( f ) ; qu'y a- t-il qui puiffe mieux
cara£térifer un Dieu, & Héros
des Héros , un Fils naturel de Ju-
pin , un Dormeur de Monftres,
celui qui a choifi la voie des Ver-
tus Humaines , un Symbole du
Triomfe magnanime fur nos Defirs
pernicieux & fur nos Paffions dé-
réglées ! Quelle Fermeté , quelle
•Agilité , quelle Soupleffe dans un
Gla.
S Ti u ^er.us de Médicis, dans le Tribunal de "Florence
i Rm^enuie Iar*éf'> plutôt, 11 Tcrfa diBelvjek-,
fur le Beau Idéal. xxîx
Gladiateur ( * ) ! Quelle Rufticité
agréable , quelle Joie fimple &
naïve , dans un Faune danfant ( f ), D'un
/ . , , , , »e danfaitf,
un veritable Symbole de la Simpli-
cité, de la Tranquilité , & de la
Gaieté de la Vie Ruftique ! Quel-
les favantes Leçons des Loix gé-
nérales de la Nature difperiée,
quelle Beauté pour les yeux de
l'Entendement, dans un Syle-D'un s^
ne y malgré fa Laideur corporelle!"''
Un front de Chien ou de Cochon
gourmand , un nez écrafé & re-
trouvé , des Lèvres épaifles & a-
vancées , comme toujours prêtes
& accoutumées à engloutir laBoii-
fon : tout nous peint ici, d'une ma-
nière parlante, la Brutalité del'I-
vreffe. On peut faire les mêmes
obfervations, fur le refte de Dieux,
des Déefles, de leurs Subalternes
Demi-Dieux & Nimfes,& de tout
ce
(*) Dans la Villa Borçhêfe.
(t) Dans le Tribunal de Flsrencei
(t) 1» Hertis Ludovifianis.
xxx Difcours "Préliminaire
ce qui apartient à la Chronique
Fabuleufe. Tout y doit être mar-
qué d'une diférence fi exacte, qu'il
n'y ait, dans la tête d'une Diane, ni
nez, ni bouche, ni yeux, ni front,
en un mot, aucune partie qui puif-
fe convenir à la tête d'une Vénus.
Puifque, fuivant chaque Cara&ère,
les Loix de la Nature détermi-
nent diféremment la conforma- ®
tion des Olfemens , la force ou la
délicateffe des Mufcles, & la finef-
fe ou la groffiereté de la Peau.
Nous avons, parmi les Statuai-
res Modernes, Baccio Bandinelli,
qui fait voir, par fes Delfeins, qu'il
a mieux entendu , que Michel-
Ange, la diférence des Tailles, &
la diverfité de leurs Membres.
Mais il y en a encore un autre qui
s'eft mieux aquité de cette Partie
de l'Art:je veux parler du fameux
François de Qjjesnoy, con-
LeB«4#nu, fous le nom de Fiamingo. Il
riamingt. l'a emporté fur tous les autres, tant
An-
-ocr page 33-Antiques que Modernes, pour ce
qui regarde les Enfans ; & le peu
qu'il a fait d'a.utres Sujets n'eft pas
moins eftimé,que ce que nous avons
de plus beau dans l'Antique. C'eft
ce que confirme Bellori, qui dit de
la Sufanne de cet habile Maître,
(*) qu'elle eft , pour le moins,
égale aux plus belles Antiques ; &
*que le Stile en eft tout-à-fait noble
& délicat. Ce célèbre Fiamingo
eft par-tout Idéal ; & l'on trouve
dans les Ouvrages une Harmonie
charmante, & une variété de par-
ties T qui furpaffe tout ce qu'on en
peut atendre. C'eft ce que je pou-
rois faire voir , dans deux belles?™* Tg
Têtes de marbre que j'ai de hii,^^'
& dont Mr. Riciïardson parle dans
ce Traité. L'une eft fort véné-
rable : puifqu'elle reprefente un
gra«d Philoi "ophe, tel qu'un Pla-
ton; elle a le Crâne chauve, elle
xxxn Difcours Vrêïimmairè
montre une férieufe méditation, 8ô
une pénétration d'efprit, propre
pour ies penfées les plus fublimes;
le tout vigoureux , 8c en même
tems , d'une extrême délicateffe.
Le Crâne, le Front, le Nez, la
Bouche , le Menton , les Joues,
tout en eft Large & Quarré, 8c
d'une même conformation ; les
éminences des Os font d'un goût
exquis. La Peau qui couvre les
Os 8c les Mufcles eft auffi très-fine;,
8c par-tout û variée de plis , que
ceux du Cou & du Front femblent
capables de céder au toucher : &
le Cartilage des Oreilles n'en eft
pas moins admirable dans leurs ten-
dreffes & dans toutes leurs diftinc-
tions. L'autre Tête ne reprefente
pas mai un Poëte,comme Sophocle,
ou plutôt, un Général, & en mê-
me tems un favant Philofophe ,
d'une humeur douce 8c afable, tel
que Xenophon. Quoique cette Piè-
ce ne manque pas de Gravité, de
No-
-ocr page 35-fur le Beau Idéali xxxm
ÎSJoblefTe & d'Efprit, elle a pour-
tant le Front, le Nez, les Joues,
la Bouche, & tout le vifage moins
quarré & plus étroit : il va plus en
pointe, & eft par-tout plus mince.
Outre cela, cette Tête excède
moins le Portrait commun ; el-
le a la Peau & le Cartilage des O-
o
reilles moins délicats & plus épaisj
& de même que l'autre, elle con-
ferve auffi par-tout la même Har-
monie, dans fon Caradère. Le
Poil de la Barbe de l'une & de
l'autre eft d'un tour fort leger &
fort ingénieux. Enfin, ces deux
Têtes diférent jufques dans les
moindres particularités & il n'y
a pas une partie de l'une qui puifle
être tranfportée à l'autre , fans
troubler l'Harmonie Idéale.
Pour ce qui eft de Raphaël, J^e ma
dans fon meilleur tems, c'eft deRa?m,
lui qu'on peut dire avec raifon,
que ç'a été un grand Maître. Il
eft grand dans fes riches Ordon-
Tom. ///. c fiances s
-ocr page 36-xxxiv DiJ cours "Préliminaire
nances, & l'on ne trouve chez lui
nend'inutil: ileftfimple, varié,
noble Se incomparable dans les
Plis de les Draperies ; il eft grand
dans fes Attitudes ailées , mais
élegantes, & naïves, fans qu'il y
entre rien qui fente l'afedation
théatrale : il eft grand lur-tout,
Se plus qu'aucun autre, dans fon
Goût , & dans fon Expreffion fi-
ne & noble des Pafïions , fans a-
voir rien d'outré : Enfin, on peut
dire de lui, qu'il a excellé dans les
plus excellentes Parties de l'Art.
Mais, à mon avis,ce qui l'a le plus é-
levé au-delfus des autres, c'eft l'Har-
monie , & la Propriété fublime de
fes Airs de Têtes , & cette varié-
té incomparable de leurs parties,
dont nous venons de parler. C'eft
en cela qu'il l'a tellement emporté,
que non feulement il y a plus fou-
vent réùfu que tous les autres en-
femble , niais beaucoup plus heu-
reusement qu'aucun d'eux. Quoi-
que
que Haphael (dans les premiè-
res années de Tes progrès ) fe foit,
fans doute, fort ataché à étudier les
Belles Antiques , pour lors con-
nues (*); néanmoins , il ne s'eft
pas arrêté-là , quand il s'eft pre«
fente des objets, qui demandoient
une Idée nouvelle. Alors, ce
grand Génie prit fon eflfor, & fran-
chit les bornes d'une Imitation fer-
vile. Car, pour l'Hiftoire Sacrée,
& principalement pour les Perfon-
nages du Nouveau Teftament , il
s'eft ouvert un chemin d'autant
plus glorieux, qu'il n'en eft rede-
vable qu'à la force de fon Efprit,
& qu'il l'a porté auffi loin, que la
fameufe Antiquité , pour ne pas
dire , qu'il l'a biffée derrière lui.
En éfet, les Belles Antiques four-
niffent à notre Idée diverfes fortes
de Beautés, pour les Sujets Fabiu
c x leux;
(*) La fameufe Statue d'Hercule de Farnefe n'a été
trouvée qu'environ vingt ans après la mort de Raphaël-,
& le fameux Gladiateur de Borvhefe encore envirdn tren-
te ans plus tard. *
xxxvi D'tfcours Préliminaire
leux,-mais ce font des Beautés plus
capables de charmer les yeux du
Corps, que ceux de l'Efprit. Les
Antiques donnent à leurs Dieux &
à leurs Héros des Airs graves &
fublimes, mais en même tems, ce
font des Airs fuperbes, & qui font
plus propres à infpirer un refpeét
mondain & contraint, qu'une hum-
ble vénération. L'Hiftoire du
Nouveau Teftament demande tou-
te autre chofe. Elle veut bien des
Beautés • comme , par exemple,
la Rcprefentation de la Sainte Vier-
ge 8cc j mais des Beautés qui, quel-
que touchantes qu'elles foient, nous
fa lient voir, en même tems, une
iï vénérable Modeftie, que l'union
charmante de ces deux aimables
qualités ne puiffent produire qu'une
profonde vénération , capable d'é-
toufer dans le cœur tout defir char-
nel, que la Beauté feule ne man-
queroit pas d'y faire naître. Elle
veut, des Airs graves & fublimes ,
non
-ocr page 39-fur le Beau Idéal, xxxvn
non pas des Airs empruntés des
Perfonnages de la Cour, de la no-
ble Education des Grands de la
Terre , ni de la Sageffe afeétée
des Philofophes mondains , mais
des Airs qui conviennent à l'£x-
tra&ion populaire de fimples Pé-
cheurs, qui ne font vénerables que
par une Modeftie fincère, que par
Un Zèle tout Divin , foute nu par
des Vertus Spirituelles & Miracu--
leufes. Quelle Noblefte , quelle
Sublimité , quel degré d "Idéalité !
Î1 ne fufit pas ici de pofféder toutes
les Loix de la Nature générale,
comme dans les grands Sujets des
Fables : il faut, outre cela , favoir
unir des chofes qui femblent in-
compatibles , qui femblent même
fe détruire. Quelque dificile que
cela foit y c'eft pourtant ce que
Raphaël, ce merveilleux Gé-
nie a exécuté d'une manière tout-
à-fait fublime, dans les plus beaux
de fes derniers Ouvrages. Il a
c j donné
xxxvin Difcours Préliminaire
donné à fes Apôtres des Airs con-
venables & d'un grand Goût: non
feulement chaque Vifage fait voir,
dans toutes fes parties , une Harmo-
nie charmante, mais de plus, les
Airs en font fi diférens entre eux,
<& même fi diférens de ceux
que nous fournit l'Antiquité, qu'il
mérite à jufte titre d'être régardé
comme un véritable 8c parfait E-
•iprit Original. Il femble en éfet,
que la Nature lui ait prodigué tou-
te fa Grâce & toute fa Solidité, &
qu'elle ait pris plaifir à le combler
de toutes fes Richeffes : honneur
d'autant plus eftimable , que je
doute qu'on puiffe en dire autant
non feulement avec certitude,
mais même avec vraifemblance,
d'aucun Artifte de l'Antiquité. Ne-
mo multum fi profectfje put et, eut
Raphaël non valdé placet.
Qbje&x», Mais quelcun me dira peut-être,
ne parlez-vous pas un peu trop en
pançgyriile? J'avoue,que c'eft une
pen-
-ocr page 41-fur le Beau Idéal, xxxix
penfée qui peut venir dans l'efprit
de ceux qui n'ont jamais vu de
Tableaux Originaux,ou de Deffeins
d'étude de Raphaël. Ainfi, j e
conviens, qu'une telle perfonne
pouroit à bon droit me faire l'Ob-
je&ïon fuivante. Pour moi, j'ai
vu,j'ai eu le plaifir de contempler
avec atention les plus fameufes
Eftampes de ce grand Maître: j'ai eu
la fatisfaétion de confidérer àloifir
celles de M a r c-A ntoiue, qui
•paffent communément pour être
contournées de la main de Ra-
phaël même, Mais, s'il m'eft
permis de dire ce que j'en penfe,
moins la plupart de ces Eftam-
pes me paroiffent fi défedueufes,
que je ne puis m'empêclier de foup-
çonner, avec quelques autres Con~
noiffeurs , que ce qu'on publie de
ces Contours n'eft qu'une fi&ion.
De plus, fouventvu, dans des
Cabinets de Curieux,des Deffeins,
qui paffoient pour être de Ra-
c a p h a e l-
-ocr page 42-xl Difcours Vréïtmmatre
phael, dont quelques-uns entre
autres étoient d'un fi grand Carac-
tère, pour le Maniment, qu'on ne
peut douter qu'ils ne foient Origi-
naux ; mais , autant que je puis
m'en fouvenir , je n'y ai pas re-
marqué cette fingulière êc fi diffé-
rente Harmonie des parties de cha-
que Vifage ; & je n'y trouve pas
non plus les charmantes Beautés
des plus belles Antiques. D'ail-
leurs, j'admire le grand Raphaël
pour fa noble Simplicité : je fuis
enchanté de la NobleiTe , de la
Variété & du grand Goût , qui
régnent dans toutes fes belles Piè-
ces & cette admiration Jointe aux
Eloges d'une confiante Renommée
de deux-cens ans, me fait préfumer,
que , dans les Ouvrages de ce Di-
vin Artifte , qui font en Italie, je
pourois encore trouver quelque
chofe de plus, que tout ce que j'en
ai déjà vu, Enfin , je pourois enco-
re fortifier l'Objection, par un nou-
veau
fur le Beau îdéaL xli
veau fujet de doute , fur ce que
vous avancez de Raphaël, la-
voir, que j'ai remarqué, que le fa-
meux B Ellor i, qui, fans contredit,
avoit vu plus d'une fois ces Peintu-
res Originales, ne fait aucune men-
tion de cette Harmonie des par-
ties du Vifage, fi fingulière & fi va-
riée, quand, dans Ion Traité des
'Tableaux de Raphaël, au f/'attcariy
il fait lamagnifique Délcriptionde
fes deux fameufes Ordonnances,
l'une de la Théologie, & l'autre de
la Philofoph'ie , qu'on voit toutes
deux en Eftampe, de G. Man-
touan; la première connue ibus
le nom impropre de Difpute du
Sacrement, & la dernière fous ce-
lui de l'Ecole d'Athènes.
Venons à l'Objection, qui, avec J}^ à
tous fes Incidens , ne peut venir
Suede la part d'un Curieux, qui ait
des Lumières au- deifus du commun.
Pour y répondre, je dis en .premier
lieu, que je fuis fi éloigné de vou-
c 5 loir
xlii Difcours "Préliminaire
loir faire le Panégyrifte, qu'au-
lieu de donner de l'encens aux
grands Maîtres, j'aurois beaucoup
plus de difpofition à critiquer leurs
Ouvrages j non pas dans la vue de
diminuer leur Réputation, ii jufte-
ment établie ; mais plutôt dans le
delfein d'y donner un nouveau luf-
tre. En éfet, il n'y a que les gens
du premier ordre qui méritent d'ê-
tre critiqués : & il feroit de fort
mauvaife grâce de chercher à cri-
tiquer, que pour l'avancement de
l'Art, pour inftruire, & pour pré-
venir les inconveniens,dans lefquels
peuvent facilement tomber les Imi-
tateurs , qui n'ont pas toute l'ex-
périence néceifaire. Unejudicieufe
critique peut les empêcher de fe
laiifer entraîner au torrent d'une
prévention dangereufe , qui leur
pouroit faire croire , que tout ce
qui vient de leurs Héros eft de la
même valeur,- & qui par-là, leur
feroit naturellement plutôt imiter
ce
-ocr page 45-fur îe Beau Idéal xun
ce qu'ils ont de défe&ueux, que ce
qu'ils ont de bon ; parce que l'un
eft plus facile à atraper que l'au-
tre.
En fécond lieu, je dis, que les
Incidens mêmes de l'Obje&ion
m'accordent affez , que l'Harmo-
nie , dont il s'agit, eft d'une telle
nature, qu'on ne doit pas la cher-
cher dans les petites Figures des
Eftampes défeétueufes, ni dans les
Defteins ordinaires, qui ne font que
d.es Ebauches légères de l'Inven-
tion , ou qui ne font faits que pour
l'Ordonnance.
Troifièmement,la Raifon nous a-
Prend,que ce n'eft pas non plus dans
premiers Ouvrages de Raphaël ,
^its avant fon arrivée à Rome,qu'on
d°it s'atendre de trouver cette admi-
rable Harmonie, & cette charmante
Variété des Parties. Où faut-il donc
les chercher ? C'eft dans fes fameux
Tableaux, & fur-tout, dans fes Hif-
toires du Nouveau Teftament.
___ /i
-ocr page 46-£aTphaei qu'il fe montre Original,
furies"" ^r°us tr°uverez encore dans
Cartons fes Cartons ou Morceaux d'Etude.
les Têtes r t r i r ■ r
desprinci-lur leiquels , luivant la coutume,
Formages" ^ defïïnoit exactement en grand
bkîuXTa'les Têtes principales de fa Pièce,
avant que de les peindre : car ces
Cartons, comme les fruits les plus
mûrs de fon Efprit & de fon Etu-
de, n'étoient pas expofés au dan-
ger de perdre leur premier feu, de
s'énerver, ou de dégénerer en un
Efpritd'Imitation, comme l'étoieat
les Tableaux, lors qu'il y tranfpor-
ta ou copia , pour ainfî dire , ces
Cartons, ou bien que là-deffus, il
les fit exécuter par fes Elèves.
En quatrième lieu, pour ce qui
regarde le filence de Bellori,
je dis, que ce peut être Téfet de
quelque négligence. Il n'a fait
auffi aucune mention de la Sim-
plicité & de la Nobleffe des Attitu-
des naturelles de Raphaël, ni
de la belle & variable difpofition
fur le Beau Idéal, xlv
des Plis de fes Draperies, que l'on,
peut pourtant voir même dans les
tftampes. Me feroit-il pas ridicu-
le de douter de cette admirable di-
fpoiition des Plis, parce que Bel-
lori n'en parle point ! 11 fe peut
faire encore,qu'il n'en a rien dit,
parce qu'il ne l'a pas pu difcerner
affez diftin&ement , d'autant plus
que ces Tableaux , fuivant le té-
moignage de Mr. RlCHardson
font d'un Coloris noirci, & même
dans un Apartement obfcur. Bel- efampes
i 1 i i,n de trois ou
lori ne parle pas non plus de l Har-quatreTê-
i i -rr • / / 1 ■ 1 i tes de la
mome & de la Variété admirablesB*taiiu<u
des parties de quelques Têtes,quand ^onJlantm
il fait la Défcription de la fameu-
fe Bataille de Conjlant'm contre Ma-
xence , peinte après la mort de
Raphaël, par J u l e-K o m a i n
&Jean Franc, Pen ni, d'après
quelque Deflein & quelques Car-
tons de leur illuftre Maître. Ce-
pendant, quoique ies Eftampes
foient toujours défe&ueufes, on ne
laiffe
-ocr page 48-xlvï Dtfcours Préliminaire
laiffe pas de trouver une Erudition
fùblime de VIdéal, Se de la Diffé-
rence des parties dans les quatre
Têtes, fur deux feuilles , chaque
Tête d'environ quatre doigts de
hauteur, gravées par G.Audran.
L'une efl la Tête de Max en-
ce ; deux autres font les Têtes
tranchées de deux Capitaines, &
que l'on montre à Constantin,
comme une marque de la Défaite
de l'Ennemi ; & la quatrième , fur
la même feuille que la Tête de
de M a x e n c e , efl celle d'un Sol-
dat couverte d'un cafque, & que je
croi apartenir à un autre Tableau.
Tous ces Vifag;es ne fe relïemblent
1 1 t»
en aucune de leurs parties : la Bou-
che , le Nez, les Yeux, les Joues,
la Peau , les rides du Front , les
Cheveux, tout y efl diférent. On
voit dans la Tête couronnée de Ma-
x e n c e , la rage d'un homme qui fe
va no'ier,avec tous fes grands def-
feins : on y découvre un Air no-
ble.
fur le Beau Idéal. xlviï
ble,un Air de grand Prince ; mais
on y aperçoit en même tems un
Air farouche & furieux , un Air
inhumain & impitoïable, qui con-
vient parfaitement bien à un Ti-
tan & à un cruel Perfécuteur.
Chacune des deux Têtes tranchées
reprefente un Air affez noble, poul-
ie rang d'un Capitaine , fur-tout
celle qui a les Sourcils épais &
pendans, qui femble apartenir à un
Général; la Gaieté qui règne en-
core fur fon Vifage y a iailféécrit,
que la Mort l'a furpris, & qu'il a
été vaincu , lorfqu'il ne penfoit
qu'à vaincre. La quatrième, qui
n'eft que celle d'un fimple Soldat,
eft de la même forte que celle des
Soldats qui font fur la Colonne
de Tra] an. c'eft ce qu'on peut
voir dans ces deux Eftampes j quoi-
que , dans celle de cette même
Bataille, gravée par P. A QP i l a ,
on ne trouve ces trois Têtes que
fort laides & fort mal-faites.
ÏU-
-ocr page 50-Raphaël n'avoit environ que
vingt cinq ans, quand il fit fon
Tableau de la Théologie, dans le
Vatican; mais alors il étoit déj a plus
avancé qu'aucun autre dans l'Idéal.
carton du C'eft ce qu'il me feroit facile de
Père Eter- 1 . a , r
nei, par prouver , par quelques I etes del-
Kapbaèl, f- , 1 \ \ ™
dans fon linees en grand , d après ce l a-
Jetai.bleau & principalement par le
lo&,e' Carton original de la Tête du Père
Eternel, donnant fa bénédi&ion
dans ce Tableau. Car , quoique
ce Deftein, de crayon noir, n'ait
été fait que comme une Ebauche
d'étude en grand , pour trouver
une Idée convenable à un Objet
fi fublime, cependant, il a fu y fai-
re entrer une idée très-noble, très-
grave, pleine de Sagefle, d'Equi-
té , de Juftice & de Sévérité, & en-
core plus de Bonté, & de Grâce ;
le tout plus qu'Humain, & le tout
pourtant,fous une Forme Humain ej
au lieu que , dans l'Eftampe de
G. Mantouan, on ne trouve
qu'une
-ocr page 51-fur le Beau Idéal. xlix,
Qu'une idée baffe, fombre, laide,
bloquante, & afreufe.
Mais je pourois faire voir cette carton de
admirable I iarmonie, & cette char- X^dTu-J
liante V arié; é des Parties, exécutée
^ plus haut degré d'excellence,^;;^ ™
dans deux Têtes & quatre Mains. W*-
\ x 1 1 1i tres> P0Ur
tl" peu-près de grandeur naturelle , fon tv
gij'rr f . . t bleau de la
uellmees par Raphaël , peu derra»tfigu-
tems avant la mort j elles font faîtes ra',on'
d'une très-grande manière , au
crayon noir, & très-finies. Cha-
cune des Têtes eft accompagnée
de fes deux Mains, le tout enfem-
ble far un grand Carton, que j'ai
etl pendant quelques années dans
ma Collection, & dont je vai fai-
re la Défcription, en l'honneur de
Cet inimitable Artifte. Ces deux
Tctes font celles des deux Apôtres,
placées dans le milieu de la partie
inférieure du fameux Tableau,
connu fous le nom de laTrawfigu-
ration, daBs l'Eglife de San Pierre
m Montono à fcome* Suivant le
lome ///. d té_
L Difcours Préliminaire
témoignage de Mr. Richard-
son, les Contours de ce Tableau
font plus élegans & les Airs des
Têtes plus fublimes & plus expref-
fifs , que ceux d'aucune autre Piè-
ce de Raphaël à Rome. Tout
le Sujet de cette partie inférieure
du Tableau rouie lûr l'Etonnement
& fur la Confternation de quelques
Apôtres. Quoiqu'ils euffent aupa-
ravant chaffc les Démons, au nom
de Je fus- Cbrifi, ils ne pouvoient,
guérir un Enfant Démoniaque ,
qu'on leur avoit prefenté, pendant
que leur Divin Maître, Notre Sau-
veur , étoit fur le Mont Thabor,
avec les trois autres Apôtres, Sr.
Pierre , S1. Jaques, 8c S1. Jean.
Le plus jeune de deux de ces Apô-
tres deffinés fur le Carton, repre-
fente un jeune-homme de vingt à
vingt cinq ans , fans barbe , très
bien-fait & vigoureux, que je fîipofe
être S1. Thomas : fon Attitude mar-
que également fa furprife & fon
ar-
-ocr page 53-fur le Beau Idéal. ti
ardeur j il avance la tête avec une
zèle extrême , il a les yeux fixés
fur l'Enfant poffédé , 8c on lit fur
fon vifage , qu'il ne peut prefque
croire ce qu'il voit;mais en même
tems, pour exprimer fon humilia-
tion , il a ces deux jeunes mains
jointes fur fa poitrine retirée, d'un
Air noble & très-humble. Toutes
les parties de la Tête 8c des Mains
font d'une même conformation, 8c
d'une même vigueur , tant pour
les offemens , que pour la peau:
elles ont un Air original 5 8c allez
convenable pour un Apôtre , 8c
pourtant un Air entièrement difé-
rent de l'Antique. L'autre Apôtre,
qui paroît être un homme d'en-
viron foixante ans, 8c que je nom-
merai si4 Mathieu i fait voir un
Air fage & pofé : il a la tête un
peu élevée auffi-bien que les mains,
qu'il tourne en dehors $ il femble
parler aux autres , 8c réfléchir fur
la Vertu fuprème d'en haut j on
d z le'
lu Difcours Préliminaire
le trouve par-tout humble & pieux,
niais trifte & étonné; & l'on croi-
roit, qu'il leur tient ce langage.
G'efl en vain, mes Frères, que nous
prêfumerions de la Vertu Miracu-
leufe , qui nous accompagnoit, lorf-
que notre Maître nous eut envolés
par la Judée. Que fommes nous que
dimpuiffantes Créatures ! Rien, rien
de nom-mêmes: ce n'efl que d'en haut,
ce rlefi que de Dieu, ou de fon Fils
bien-aimé, notre Divin Maître , que
nous devons atendre un Pouvoir ir-
réfijïible fur cette forte de Démons.
Comme les penfées de ce S1. Ma-
thieu font & plus pofées & plus
fublîmes, que celles du Sr. Thomas,
auffi Raphaël a emploie, pour
le reprefcnter, l'Idée d'un homme
avancé en âge, pofé, doux, & fage ;
il eft vigoureux, mais en même tems
d'une grande délicateffe d'os ; &
il a fur-tout une peau très-fine, ce
que l'on remarque dans fes plis.
Les deux Mains, auffi bien que la
"Tête
-ocr page 55-fur le Beau Idéal. liii
Tête & la Barbe , font de la mê-
me nature , & le tout enfemble
eft auffi entièrement diférent de
l'Antique; & cependant, il repré-
senté le plus noble & en même
tems le plus humble Vieillard qu'on
puiffe s'imaginer , fans qu'il y en-
tre rien qui fente l'Orgueil , ou la
Préfomtion, d'ailleurs fi ordinaire à
la Nobleffe.
Je pourois ajouter ici quelque
détail des autres Delfeins ; mais je
croi , que ceci fufit pour fatisfaire
une perfonne qui feroit capable de
former l'Obje&ion à laquelle je
viens de répondre. Il fe pouroit fai-
re auffi , qu'il y ait quelques per-
fonnes, qui ne s'en contenteroient
pas , quand même elles verroient
les Pièces dont je parle ; car le Ciel
distribue diféremment fes Dons &
fes Talens ; 8c pour toutes les cho-
fes qui apartiennent à l'Efprit &
au grand Goût, il y a des yeux qui
ne peuvent voir, & des oreilles qui
d 3 n'en-
liv Difcours Préliminaire
n'entendent point. Tout ce que
j'ai à leur répondre, c'eft ceci : que
l'on fupofe , que j'élève trop le
mérite de Raphaël, Se que je
le regarde avec des yeux trop pré-
venus , cependant il n'en eft pas
moins vrai , qu'il feroit à fouhai-
tev, que lui, ou quelque autre eût
ateint ce haut degré d'excellence,
Se que tout habile Artifte devroit
s'éforcer d'aquérir cette rare per-
fection de 1 Idéal. C'eft auffi ce
que j'ai voulu avancer par ce Di~
fcours,où j e n'ai emprunté l'exemple
des Ouvrages de ces grands Maî-
tres , que pour mettre ce point
important dans un plus beau jour.
^Decequi Après les réflexions que nous
plus a-être venons de faire fur VIdéal, fur la
danTL mutuelle Harmonie & fur la char-
peffems. mante Variété des Parties, je croi,
qu'il n'y a point d'Amateur de cet-
te fublime Partie de l'Art, ou du
u^oins, de véritable Connoiffeur,
qui n'eftime beaucoup plus une
feule
-ocr page 57-fur le Beau Idéal. lv
feule Tête d'Etude , d'an grand
Coût, & d'une Idée relevée,delfi-
née par un habile Maître,où bril-
le cette excellente Harmonie des
Parties, fuivant l'exigence du Ca-
ractère • qui ne la mette , dis-je,
beaucoup au-deffus d'une grande
Ordonnance du même Maître,quel-
que admirable qu'elle foit réputée
d'ailleurs, fi l'on n'y trouve pas ces
qualités effentielles. Et cela, avec
d'autant plus de raifon, que la beau-
té d'une Ordonnance, en-tant que
telle , peut fe trouver même dans
une Eftampe de peu de prix.
Te ne puis finir ce Difcours, fans D'une Pro-
dire quelque chofe d'une P r o p o r- g™* gé-
t ion Ide'ale & générale, très-
facile , conforme aux Loix de la^nede
Nature, & qui peut s'accommoder
aux diférentes Tailles , tant des
Hommes ordinaires , que des plus
belles Antiques. Ce n'eft pas que je
veuille infinuër , qu'un grand Maî-
tre ne puiffe entreprendre de rien
d 4 pein-
LVI Dl/cours Préliminaire
faire } fans avoir toujours le
Compas à la main: je fuis perfiia-
dé au contraire , qu'il n'a befoin
que de fes yeux expérimentés, pour
y réuffir. Mais cela n'empêche
pas que cette connoiffance ne puiife
être d'une grande utilité, tant pour
ceux qui s'exercent eux-mêmes, que
pour ceux qui inftruilent les autres.
Elle pourra même fervir pour é-
claircir le fond de Y Idéal, & pour
déterminer plus facilement la di-
férence des Tailles, qui ne peuvent
être belles, qu'autant qu'elles font
bien proportionnées. Cependant,
je n'ai vu aucun Auteur, qui en ait
parlé d'une manière latisfaifante :
& toutes les règles qu'on adonnées
Jufqu'à prefent fur cet article, font,
autant que je le puis favoir, ou
dificiles à mettre en ufage, ou im-
praticables i elles ne peuvent pas
même s'apliquer aux Loix généra-
is des diférentes Statures de l'An-
tl(ïue & de la Nature.
Quant à la Hauteur de toute
forte de Perfonnes en général,
tant d'uu Sexe , que de l'autre,
nous partagerons les Tailles en
trois principales fortes. La Pre-
mière eft la Taille élevée où haute
Ê? fine , que les Italiens apèlent
Suelta ; la Seconde, la Taille médio-
cre j & la troifième, la Taille courte
ou baffe. Chacune de ces Tailles
peut être très-belle & très-bien
proportionnée. Prenons-en toutes
les Mefures , autant que cela eft
poflible , fur des parties du corps
bien diftinguées. On voit que ,
pour toutes ces Tailles, la Nature
& la Belle Antiquité divife ordi-
nairement la Hauteur de tout Hom-
me bien-fait , & qui a pris toute
fa croiftance , en deux moitiés é-
gales : la moitié fupérieure com-
prend la Tête, le Cou & le Tronc,
jufqu'aux Cuiffes ou aux Par-
ties naturelles ; & la moitié infé-
rieure les Cuilfes, les Jambes, &
d 5 les
lviii Difcours Préliminaire
les Piés. De plus , le Tronc de
tout Corps, depuis l'extrémité in-
férieure de la Gorge jufqu'aux Par-
ties naturelles, eft compofé de trois
Parties égales : la fupérieure eft
pour la Poitrine, depuis la Gorge
jufqu'à la foifette du Cœur celle
du milieu , qui s'étend depuis-là
jufqu'au Nombril , pour les Fem-
mes , & qui finit un peu plus haut,
dans le pli du Corps , pour les
Hommes ; 8c enfin , celle d'au-
deffous, ou le Bas du Ventre, fait
la dernière partie égale. La Tête
jointe au Cou, jufqu'à la partie la
plus baffe de la Gorge , répond à
la hauteur de la moitié du Tronc
du Corps, c'eft-à-dire, qu'elle é-
gale une & demie de fes parties ;
& ainfi , la moitié fupérieure de
l'Homme fait quatre de ces parties
égales, 8c une demie. La Cuilfe,
jufqu'à milieu du Jaret, ou de la
jointure du Genou, répond à deux
de ces trois parties du Tronc. De
fur le Beau Idéal. lxîx
même la Jambe , jufqu'à l'endroit
le plus menu, un peu au-deffus de
la cheville , eft égale à la Cuilfe ;
je veux dire, qu'elle fait auffi deux
des mêmes Parties, Se de-là, juf-
qu'à la Plante du Pie, une autre de-
mie j ce qui fait encore une fois
quatre Parties égales Se une demie
de plus, pour la moitié inférieure
de l'Homme. De forte quelc Beau
Idéal, de même que la Nature,
partage toute la Hauteur d'un Hom-
me bien-fait en neuf Parties égales,
qu'on peut nommer des Modules.
La longueur des Pies eft ordinaire-
ment la moitié de la hauteur de la
Jambe, depuis le milieu du Genou,
jufqu'à la plante du Pié ; c'eft-à-
dire, un Module & un quart. Le
Bl"as pendant fait la jointure de la
Main" horifontale aux Parties na-
turelles ou au commencement de
Tout cela couvient également à
tout Homme bien-fait, foit de la
-ocr page 62-lx Difcours Préliminaire
Taille courte, de la médiocre, ou
bien de la haute ou élevée. Mais
ces trois Tailles diférent pourtant
en cette circohftance , qui eft que
la Nature donne ordinairement aux
plus courtes la Tête plus grande
& le Cou plus court,à proportion
de fa Taille ; 8c au contraire, aux
plus hautes la Tête plus petite &
le Cou plus long. De manière
qu'on peut compter pour la Tête
de la Taille courte un Module &
un quart, & pour le Cou l'autre
quart , pour la Tête de la Taille
médiocre un Module 8c un huitiè-
me 8c pour le Cou les trois autres
huitièmes ; & pour la Tête de la
Taille haute ou élevée un Module,
8c pour le Cou un demi-Module.
« Ainfî, la Taille courte fera de fept
* Têtes 8c un cinquième ; la Taille
'' médiocre de huit Têtes j 8c la Tail-
''le haute de neuf Têtes.
C'eft par ce Calcul, qu'on trou-
ve la diférence exacte de toutes
fur le Beau Idéal lxi
les Têtes , juftement dans la Pro-
portion Harmonieufe des Interval-
les des Tons de la Mufi que -, favoir,
la Tête gentille de la Taille élevée,
à la Tête commune de la Taille
médiocre , comme Huit à Neuf
( 8 à 9 ), de même que l'Intervale
du Ton Majeur ; & la Tête de la
Taille médiocre à la Tête grolfe
de la Taille courte, comme Neuf
à Dix (9 à 10), de même que
l'Intervale dn Ton Mineur ; & en-
fin, la Tête de la Taille élevée, à
la Tête de la Taille courte, com-
me Huit à Dix,ou Quatre à Cinq
(4 à 5), de même que l'Intervale
d'une Tierce Majeure. De plus,
le Cou de la Taille élevée eft à
celui de la médiocre, comme Qua-
tre à Trois ( 4 à 3 ), qui eft l'In-
tervale d'une Quarte ; & le Cou
de la Taille médiocre à celui de la
Taille courte , comme Trois à
Deux (3 à 2), Intervale d'une Quin-
te j & le Cou de la Taille élevée à
ce-
-ocr page 64-Lxir Difcours Préliminaire
celui de la courte , comme Deux
à Un ( z à i ) , Intetvale d'une
Gétave. Voilà comment tout le
Fondement de la Mufique, & tout
ce qu'elle a de merveilleux s s'ac-
corde admirablement avec ces
Convenances & ces Proportions du
Beau Idéal. G ! quelle admirable
Harmonie , quels Airs charmans
chante fans ceffe toute la Belle
Nature, à la Louange de fon Di-
vin Auteur! Mais quitons ces Con-
templations pathétiques, puis qu'el-
les ne iont pas à la portée de tout
le monde, 8c qu'elles ne font mê-
me intelligibles que pour fort peu
de perfonnes. La Hauteur d'une
Tête, prife de front, fe divifeor-
dinairement en quatre Nez, ou en
quatre Quartiers, de forte que la
ligne horifontale qui fépare les deux
moitiés palïe par les Prunelles des
Yeux , 8c par le commencement
de la racine du Nez -, 8c que la hau-
teur delà Face, prife d'un Quartier'
au-
-ocr page 65-fur le Beau Idêah lxîïi
au-delfus de la racine du Nez juf-
qu'au bas du Menton,foit de trois
Quartiers ou de trois Nez. D'ail-
leurs, en élargilfant ou en étrecif-
font un peu les parties de la Face,
c'eft-à-dire, la diftance des Yeux ,
leurs largeurs , & la largeur du
Nez , de la Bouche , & du Men-
ton , fans changer l'Ovale de la
Tête, on peut ou grolïir, ou rendre
plus délicates toutes ces parties,
félon que le requiert la diférence
de chaque Taille. Mais, quand on
veut agrandir la Face, ou la faire
paroître encore plus robufte & plus
gigantefqne, il ne faut que hauifer
cette liane horifontale au-delfus
de la moitié de l'Ovale, en élar-
gilfant auffi les mêmes parties
de la Face ; comme , pour l'a-
foiblir, & pour la rendre plus min-
ce ou mefquine , il ne faut qu'a-
baiffer cette ligne horifontale,
& la placer au-deffous de la moitié
de l'Ovale , en étreciftant en me-
me,
-ocr page 66-me tems les dites parties de là
Face.
Quant à la Largeur des parties
du Corps Humain,en général, on
doit obferver.>que l'Homme difére
de la Femme prefque par-tout: de
forte que les Proportions de l'un 8c
de l'autre demanderaient un détail
particulier. Mais on ne doit pas
s'atendre, que je donne iciuncal-^
cul des juftes Mefures & des Nom-
bres des Largeurs de chaque Mem-
bre diférent, 8c cela pour toute
forte de Tailles, tant des Hommes
que des Femmes , & tant de face
ou par devant, que de profiloude
côté. Cela nous meneroit trop loin,
8c demanderait, pour le moins,
l'étendue d'un nouveau Difcours;
outre que , par raport aux divers
Contraires, on ne pouroit fe palfer
de Figures, pour y marquer exac-
tement les endroits, 8c pour don-
ner les juftes manières de mefurer.
1 out ee que je me propofeici, c'eft
d'in-
-ocr page 67-fur le Beau Idéal lxv
^indiquer, en premier lieu,quel-
que Modèle , dont chacun poura
le fervir pour mefurer les Largeurs
à la manière. En fécond lieu, je
tâcherai d'établir une Métode fa-
cile & univerfelle, par laquelle on
puiffe apliquer toutes ces Mefures,
non feulement aux trois diférentes
fortes de Tailles dont nous avons
parlé , & que l'on peut confidé-
rer comme des Statures Simples,
mais aufli à toute autre forte de
Tailles, que je nommerai des Sta-
tures Mixtes. Car, à l'égard de
ces trois principales Tailles, dont
nous avons fait mention, il faut
encore obferver , premièrement,
que la Belle Nature, de même que
le Beau Idéal, donne ordinaire-
ment à l'Homme court une Lar-
geur folide & forte . à un Homme
de la Taille élevée une Largeur
gentille & délicate } & à ceux de
la Taille médiocre, auffi une Lar-
geur médiocre , & que l'on peut
Tome III. g nom-
lxvi Difcours Préliminaire
nommer Taille ou Stature Simple,
& non Compo/ée, toute celle qui fe
trouve dans ce cas commun, foit
qu'elle foit courte, médiocre, ou
élevée. En fécond lieu , je dis,
que, quand chacune de ces trois
Tailles fimples fera , dans fon ef-
pèce, au fuprême degré de Beauté
alors cette Taille élevée convien-
dra particulièrement à la NobleP
fe , à l'Agilité , à la Délicateffe
& à la Màjefté la Taille .cour-
te à un Homme de Travail & de
Fatigue ; & la Taille médiocre
fera accompagnée d'un Air pofé,
qui aura quelque chofe du Grave.
Mais , quand il s'agit de repré-
senter diférens Caractères , com-
mf celui de la Noble fie , de la
Divinj^ç & de l'Agilité, conjoin-
tement avec celui d'une extrême
Force & ^e ia pius grande Fati-
gue , le tout dans la même per-
fonne, Comme cela doit fe rencon-
trer dans un Htrwle, alors j'apèle
cette
-ocr page 69-fur le Beau Idéal. lxvii
cette forte de Taille une Stature
Mixte Idéale.
Sur ce pié-là , pour toutes les
Tailles Simples d'une perfonne, il
ne faut que mefurer & marquer les
Largeurs d'une feule , mais bien-
faite. On peut, par exemple,
prendre , pour les Hommes, la
Statue de l'Apollon du Bekedere, ou
celle du fameux Gladiateur Grec
de Borghçfe- l'une & l'autre étant
d'une Taille fine & élevée. On
peut de même choifir , pour les
Femmes, la Venus de Médicis ; elle
eft Noble, Gracieufe & Délicate,
quoique Potelée, n'aïant pas trop
d'Embonpoint ; car il faut remar-
quer, en paffant, que tout ce qui
eft gras, jufqu'à paroître enflé ou
mollalfe , & qui excède ce qu'il
en faut pOUr adoucir les Contours
des Mufcles, n'eft en ufage, ni dans
le Beau Idéal, ni dans VAntique
du meilleur goût. Toutes ces Lar-
geurs d'une Taille Simple doivent
ï-xviii Difcours Préliminaire
fe régler fur la quatrième partie de
la Hauteur de fa Tête ; ce fera
leur commune Mefure, qui, en ce
cas, peu£ être apelée un Nez ou un
Quartier de Tête. Quand , par
exempie, on trouve le Cou de Y A"
P°tton} pris par devant , large de
2îi Quartiers de la hauteur de fa
^ete, ou de deux Nez & un Quart;
le Cou pris de côté, de Quartiers,
ou de deux Nez & demi j le milieu
du Corps , pris de côté, de quatre
Quartiers , ou une Tête, f& par
devant, de fix Quartiers, ou une
Tête 8c demie ; ou quand on trou-
ve la Poitrine par devant avec les
Bras pendans, large de Dix Quar-
ts, ou de deux Têtes & demie;
•1lC Gras des Jambes , par devant
& de côté , large de deux Quar-
tlers Se demi ; & ainfi du refte:
alors toutes ces Mefures & ces Pro-
portions peuvent fervir pour les
autres Tailles Simples , chacune
Par raport à fa propre Tête ; puii-
fur le Beau Idéal, lxix
que la Belle Nature donne ordi-
nairement aux Membres de tout
Corps de la Taille Simple plus de
Largeur, à proportion qu'elle eft
plus courte, & auffi la Tête plus
grande à proportion. De forte
que la Tête d'un Module & un
quart, qui eft celle de la Tail-
le courte, donnera toutes les Lar-
geurs de fon Corps , à propor-
tion de celles de la Taille élevée,
comme de Cinq à Quatre ( j à 4 ) ;
& à proportion de celles de la
Taille médiocre , comme de Dix
à Neuf (10 à 9) ; & de même,
pour le refte, on aura toutes Lar-
geurs refpectives des diférentes
Tailles Simples , dans la même
Proportion, & la même Harmonie
de la Mufique , que les Hauteurs
mutuelles de leurs Têtes.
Mais , p0Ur les Tailles Mixtes,
il faut agrandir ou diminuer toutes
ces Largeurs, prifes à proportion
de ce que demande chaque Carac-
lxx Difcours Préliminaire
tère diférent Ainfi, un Hercule,
comme un Dieu & un grand Héros,
demande, à mon avis, un Air Noble
& Majeftuetix ; 8c, par conféquent,
pour fa Hauteur, la Taille élevée,
avec une Téte nonLourde,mais No-
ble^ d'Un Module; comme aufli,par
raport à fa Vigueur, la Tête un peu
plus large, & la Face un peu plus a-
grandie,que celle de la SimpleTaille
élevée d'un Apollon. De plus, fa For-
ce extrême demande aulfi une extrê-
me Largeur 8c Epaiffeur des Parties
Alufcnleufes, comme fa Noblelfe &
fon Agilité une médiocre Gentillef-
fe des Jointures de la Main, du Ge-
nou, du Bas de la Jambe,des Chevil-
les des Piés, & généralement de tou-
tes les Largeurs des Parties, qui fe
terminent par quelque 'Oflement.
De cette manière,fa Nobleffe, j ointe
à fa Force, fe trouvera par-tout ac-
compagnée d'une Fermeté fufifan-
tc5& elle fe trouvera exemte de toute
f oiUeiTe 3 & dç toute Groflièreté»
fur le Beau Idéal- lxxi
On peut ainfi, pour reprefenter un
Hercule, groffir toutes les mefures
des Largeurs d'une Taille Simple &
élevée, comme eft celle d'un Apol-
lon^n élargiffant les Parties Mufcu-
leufes de Quatre à Cinq (4 à les
Jointures avec les autres Parties dé-
terminées par les Os, de Huit à N euf
(8 à 9 ) j & par ce moïen, chaque
Membre d'un Hercule deviendra
très-fort, Se très-noble en même
tems,& diférerade toute autre Tail-
le, comme auffi de tout autre Carac-
tère. Par le même expédient, on
peut auffi ajouter une médiocre Lar-
geur à une Taille élevée, pour lui
concilier un Air Pofé, Noble, Grave
& Majeftueux, tel qui convient à un
Jtipm, avec le même ménagement
& la même prudence, par raport à la
diférence des Parties M.ufculeufes,
& des Jointures j & cela, bien exécu-
té,rendra tous les Membres d'un Ju-
pn entièrement diférent de ceux
de toute autre Taille,
lxxii Difcours Préliminaire
Comme je m'imagine,que tout
ce que j'ai dit jufqu'à-prefent fufira
aux perfonnes qui ont du Goût, du
du Génie, & de la Pénétration, je
finis, pour ne me pas rendre en-
nuïeux. Quant aux chofes que j'ai
avancées, fur la matière en queftion,
qu'on les examine à la rigueur,qu'on
les critique , qu'on en rejette ce
qu'on y trouvera de défectueux : j'y
confens, d'autant plus volontiers,
que,quand j'ai entrepris ceDifcours,
je n'ai eu d'autre vue, que de cher-?
cher à contribuer, en quelque chô^
fe, à l'avancement de l'Art.
* ~dr/>fterdam
î>An '7M5--
L. H. ten Kate^
D Ef-
-ocr page 75-de pluieurs des
STATUES, TABLEAUX,
DESSEINS &c.
qui fe trouvent en
ITALIE,
PAR
<Père & Fils.
i
' 5
-ocr page 76- -ocr page 77-& $ M..%», », M..»,.f. S A .f. & $
* * ***#»##'*»*. if *
® ^ ^ # ® ® « ^ • # ^ « -è' V -4' ®
PAR
LE PERE,
age% Chare Pale y , cervici imponere nofîra %
Ipfe fubibo humeris, /«^«r ifie gravabit.
Virgil. Eneïd.II.vf,709&i0,
j Uoique je fois né avec l'a-
i mour pour les Arts de
__j D effet» j & que cet amour
ait toujours augmenté , à me fur e-
que j'avançois en âge : cependant,
les engagemens que f ai eus àlamai-
fon ont été dune telle nature, qu'ils
ne m'ont pets permis de voir les Cu-
rtofîtes qu'on trouve dans les Pays
étrangers. Mais, quand f ai eu un
Fils, en qui j'ai remarqué du génie
de la capaçité , je lui ai fourni
tout
-ocr page 78-P R E F A C E.
tout ce qui a dépendu de moi ; &
cela , joint à fa propre induflrie,
ïa mis en état de m'être un autre
Moi-même, // avoit du loifir , il
pojfédoit les Langues, tant ancien-
nes que modernes, les plus efiimées ;
& il feji aquis une connoiffance fu-
fifante des Auteurs Claffiques, g?
particulièrement de ceux qui ont du
raport à l'Hiftoire, àlaPoëfte, à la
Peinture, êf « /a Sculpture. Il avoit
vu, connoifjoit fort bien tout ce
qu'il y a de curieux dans notre Pays,
fur-tout les meilleures Collerions
de Tableaux & de Deffeins qui y
fmt< Il avoit la fanté, /» tempé-
rance , ^ grand defir de m'obliger
en tout ce qu'il faifoit, fêf un plai-
fir particulier à le faire, &f d'au-
îyes qualités avec lefquelles il ala
voïager , premièrement en Hollan-
de M Flandres, 1716. ^
environ deux ans après, féconde
fois en Hollande. I720. i/
PaJa en Italie , par la route de
PREFACE.
France, & revint par celle d'K 11e-
magne. Maïs il ne vid pas Na-
ples ni Venife, quelques autres
Filles, qui auraient mérité d'être
vues • parce qu'il fut preffé de re-
tourner dans fa Patrie, à l'ocafion
de l'horrible Pefte de Marfeille, qui
mit la terreur dans toutes les Parties
de /'Europe.
Il eft vrai , qu'il ne s'eft arrêté
long-tems nule part , pas même en
Italie j cependant fil y a reftê ajfez,
pour faire les Remarques nêce(fair es.
il favoit déjà , avant que de fortir
du logis, où étoient les Curiofitês,
quelquefois même mieux que les Ha-
bit ans du lieu, ou que ceux qui dé-
voient le favoir auffi-bien que lui ;
de forte qu'il neperdoit point de tems
à les aler chercher, &f il n'a laiffé
échaper aucune ocafion de voir tout
ce qui méritait quelque atention.
On reprocha , un jour , à Ciro
Ferri , qu'il avoit demandé une
fomme exorbitante d'un Tableau ,
P R E' F A C E.
qu'on difoit qu'il avait fait en trois
jours: Vous vous trompez, dit-il,
j'y ai emploie cinquante ans. line
faut pas tant confidèrer le tems qu'on
emploie à exécuter une chofe , que
celui qui eft neceffaire pour en faire
le plan > encore ce tems-là neft-il
pas le même pour toutes f ortes de gé-
nies. C'eft. avec beaucoup de raifon
que les Moraltftes difent , qu'un
Homme peut mourir jeune à quatre-
vingts ans , & vieux à quarante,
félon le dijérent ufage qu'il fait du
tems. Tel peut avoir été long-tems
en Italie , qui n'y a demeuré que
quelques mois, ou peut en être fortt
trop tôt, quand il y auroit paffé la
la moitié d'un Siècle.
Pendant que mon Fils a été en
volage , H ma toujours envoie un
détail des Qbfervations qu'il faifoit
fur les Pièces les plus remarquables,
& il a raporté un grand nombre de
Notes. ly abord qu'il fat de retour,
je me mis à recueillir de toutes fes
Re-
-ocr page 81-P R E' F A C E.
Remarques, avec ce qu'il médit de
bouche, pendant quil en avoit enco-
re la mémoire récente, ce que je trou-
vai qui pouvoit fervir a mon dejfein;
&je commençai a en faire un détail
dans les formes, en y ajoutant un bon
nombre d Observations de mon cru,
quoique f ai été obligé de faire par 1er
mon Fils par-tout. Ceft auffi ce que
J ù fait dans cette Edition Françoifê,
ou il a encore plus de part, que dans
notre premier e Edition Angloile ; &
cela, par raport a la quantité confidé-
rable des Additions qui y ont été fai-
tes.
Outre que le Public n avoit pas
encore un Ouvrage tel que celui-ci, je
fàvois que cela rendrait complet ce
que j ai commencé, & que f aï pour-
fuivi dans mes premiers Volumes fur
la Peinture, quon ne pouvait
pas dire être finis, fans y ajouter
quelque chofe de cette nature.
Il eft étonnant, que, quoique lita-
lie Joit continuellement fréquentée par
les
-ocr page 82-P R E' F A C E.
les Artifies, & par les autres Voici-
geurs, quelle foit particulièrement
remarquable par fes Peintures & par
fes Ouvrages de Sculpture , & qtiil
y ait même plufieurs Auteurs qui ont
fait une Défcription très-circonflan-
ciée de ce Pays-la, a certains égards,
quil ne s en foit pourtant trouvé au-
'cun , parmi ce grand nombre , qui
ait, pour ainfi dire , parlé de ces
Raretés, dune manier e fort propre a
infiruire, ou a faire plaifir. AJjurer,
qtiil y a un Livre intitulé /'Iliade
ci H. o m e r e , & un autre les Odes
/Horace; qu'ils font beaux dans
leur genre -, qtiils font admirables,
ou tout ce qu'il vous plaira , ce'rieft
pas dire grand* chofe : cependant, ce fi
d-peu-pres a quoi fe réduit tout ce
qùon a dit jufqiid-prefent des Ta-
bleaux & des Statues ; ou fi l'Ecri-
vain en a parléplusparticulieremènt,
il les a YCprefentés, tels qtiil croit
qu'ils dévoient être, plutôt que de les
décrire tels qu'ils font éfeftivement ;
mais
-ocr page 83-P R E' F A C E.
k plus/ouvert comme s'ils et oie ni
fans défauts. Pour nous, nous avons
tenu une toute autre route : nous a-
•vous premièrement tâché de mener
nos Leâeurs fur les lieux > ceft-a-
dire , de leur faire voir , aujjî fou-
vent que nous lavons jugé a-propos,
pour ne nous point vendre enmiieux *
en quel état eft chaque chofe ; & fi elle
efl fixée a quelque endroit, dans quel
jour elle fe trouve , é° fi on la voit
bien, ou non. Nous en faifons, après*
la Defcription, avec toute texaBitu-
de pojftble ; & eyfuite nous les ren-
volons a lEftampe , ou au Dejfein,
fi nous favons qu'ily en ait ; & comme
lon trouvera quen ces ocafions nous
avons cité plus fréquemment les Mor-
ceaux de ma propre Collection, que ceux
qui fe trouvent dans d autres Recueils,
la raifon de cela ejî uniquement que
nous en avions la mémoire plus fournie
que de ceux quiapar tiennent a d'autres
Perfonnes : après cela nous donnons
IHiftoire de la Piècey enfin,nom
Tome Ilf f fat*
faifons des Remarques ,fur les beautés
à' Jur les défauts qui s'y rencontrent'■>
fur-tout par raport a ce qu'il y a de
plus ejfentief quoique le plus fouvent
ce foit ce qu'il y a de moins confidéré Je
veux dire, la Penfée du Maître. Si
nous avons fait nos Remarques, ou nos
Critiques avec franchife, nous efpérons
que les raifons, que nous en donnons
quelquefois fuftifieront notre conduite-,
& que, dans les endroits, ou nous n'en
d léguons point, on voudra bien s'en r ap-
porter a nous, fi l'on trouve que par-
tout , ou nous nous donnons cette pei-
ne, nous raifonnons affezjufte.
Ce n'eft pas que nous na'ions, au-
tant que perfonne, de la vénération,
& de l'afeâion, pour ces noms fa-
meux , dont nous parlons quelquefois
un peu librement : mais, en même
tems, nous f avons qu'il n'eft rien de
parfait au Monde , & même que le
peu de chofe qui aproche de la per-
Jeflion , en efl encore affez éloigné,
JUr-tout dans les Arts qui font com-
fofés de plufieurs branches ; de for-
te qu'il eft glorieux à un Homme ,
après plufieurs annees d'étude &
d'aplication , d'exceller dans une
feule, même dune manière qui ne
foit pas fans quelques défauts.
Raphaël a été un grand-
Homme ; & un extrêmement grand-
Homme mais ce n'eft que rare-
ment qu'il a été , tel qu'il étoit
lorsqu'il étoit le plus grand ; encore
riétoit-il alors qu'un Homme ; r a-
phael avoit même des Imper-
fections : on peut donc les remar-
quer , & les faire remarquer aux
autres» Si ce que l'on dit ici de
Raphaël raifonnable, combien
le fera-î-il d'avantage , par raport
à tous les Hommes qui ont jamais
été !
O-efi ainfi yqu'au-lieu d'étaler des
éloges outrés S? trompeurs, nous
avons parlé, avec toute la fincèrité
pojjible, des Ouvrages que nous avons
deffem de faire** voir. Nous les
f 2, avons
avons expofés à la vue, tels qu'ih
nous paroiffent à nous-mêmes. Nous
avons fait des Commentaires, non
pas fur un feul Po'ème, ou fur un
feulOuvrage, quel qu'il puiffe être}
mais fur plufieurs des plus fameux,
qui aient jamais paru dans le
Monde,
Une Pièce %de Peinture, de Sculp-
ture , ## di? Deffein, être
expofée à la vue d'un Homme, fans
qu'il la voie -, c'eft-à-dire, fans qu'il
y comprenne plus , s'il jettoit
les yeux fur un Livre qui feroit
écrit en une Langue qu'il n'enten-
drait pas. Nous avons tâché de
faire voir les plus belles ProduBions
de deux Arts très-utiles y êf en mê-
me tems des plus nobles, des plus
aimables , dont Joit capable la Na-
ture Humaine & cela, d'une ma-
nière qui n'a jamais été publiée au-
paravant} quelques obfervations que
certains ConnoifJeurs pmfjent avoir
faites pour leur ufage particulier.
P R E' F A C E.
Si nous ne nous en fommes pas auffi-
bien aquités que nous le devions,
nous prions le Lecleur de vouloir
bien nous excufer : nous l'avons fait
le mieux qu'il nous a été pojfible ;
mais fi, au- contraire, nous <y avons
réiïffi, nous fommes difpenjês de
leur en faire nos excufes, nous
aurons le contentement d'avoir obli-
gé le Public, un des plus grands
plaifir s, dont un honnête homme
pu'ijfe être fufceptible.
Notre première intention a été >
fur-tout, ^ /tf/f? ainfi voir les
Ouvrages les plus fameux, en fait
de Peinture & de Sculpture ; cepen-
dant, a^j î/0*
donner} ^ ^éW , quelque
Idée de ce qu'on peut voir y dans les
diférens endroits, «m» Fils a ete,
Êf ^««s diférentes ColleÏÏions
qu'il a vues 5 les Pays étran-
gers. Mais 3 les Catalogues
ne font pas de notre goût,
%ue ces Jortes de chofes font très-
^ fouvent
fouvent fujètes à changer de place,
Èf que d'ailleurs on en trouve par-
tout , dans les principales Villes
r/'italie, de très-complets, Ê? qui
comprennent toutes les Curiofîtes qui
y font • cela nous a engagés à abré-
ger cette partie de notre deffein:
auffi, en récompenfe, nous en avons
d'nné une Idée plus générale, plus
concife, & en même tems plus éten-
due i & c'efi ce qui a fait VIntro-
duction de l'Ouvrage entier.
VILLES ET LIEUX. |
Milan.
COuvent des Dominicains. 33
Bibliotèque de S. Ambrotje. 37
Tableaux qui apartierment a
l'Académie? ' 39
Plaisance.
Eglife de S, Sixte des Bénédiélins. 41
Bologone.
Palais Bonfigltoti.
Eglife de S. Charles Catinari. ibid
6 ^..L.iKiH
ibid.
ibid.
3^3
ibid.
3:4
4? 3
479
48f
■ço(S
ibid.
— de S. Grégoire
Palais Spada.
Mafchera d'Oro.
St. Mann
Marc é de Nerva.
Eglife de S. Paul décolé.
Vatican.
Galerie de la Bible,
bibliotèque.
Chapeile de Sixtt IV.
— Paulina.
Eelvedere.
Palais de l'Ambaffadeur à'Angle-
terre. $2Z
Eglife di Sapitnztt. Ç2.3
Palais Chigi. ibid.
Vilia Cafali. 52,7
Eglife de la Trinité du Mont. 518
— S. Laurent. 530
Tombeau d'Ovide. 531
Defieins du Chev. Luttt. 531
Temple de la Sibile Ttburtine. 5 34
Couvent à Grotta Ter^ata. 53j
— ~Mg JJ V ..V... 4X
Eglife de S. Jean del Mente. 43
Académie du Deffein. 47
Palais Magnani. ibid,
Couvent de S. Michel du Bois 53
L'Eglife du Couvent. .
Les Chartreux.
Eglife de 8. George. 6(
—■ de S. Grégoire. 6<
des Capucins. 7e
florence.
Le Dôme. 7
Galerie du Grand Duc. 7'
Tribune. 97
Galerie des Portraits des Peintres.
108
Chambre de Madame. 109
Apartement des Tableaux. 112.
Desseins du Grand-Duc. 1 r4
Palais de Pit/i. 118
Jardin de bobolï. ï35
Sacriftie de S. Laurent. ï?6
Eglife de Ste Croix.
—1 de l'Anonciation. 141
Palais Poggto à Cajano. 145
Scalzo 14'
rome.
Eglife de S. Augufii»>,
ibid.
537
î48
ÎSÏ
560
$63
566
567
Egli-
Palais <ie la Caprarola.
- ~j Eglife de S Pierre.
165 — S. Pierre aux Liens.
ibid. j Villa Borghefe.
184 Eglife de S Romuald.
202 Palais de Partifilto.
211 — Lodomfio.
252 - Palavicini.
255 Eglife des Capucins,
f 4
de la Madonna délia Pace.rs;-]
Piaz.z.a Kavona, 163
Eglife de Ste Jgrùs.
Le Capitole.
Le petit Farnefe.
Jardin de Medtcis,
Palais Farnéfe.
Jardin Farnefe.
Palais G'tujlinmi.
VILLES 'ET LIEUX.
Palais Picchini. 260
- Barberim. 261
Egliftde S.Marc des Vénitiens. 195
— de S. Jean de Latran. 196
-— de Ste Croix de Jérufalem.
298
— In Nome di Maria.
Villa Mattei.
Palais Mattei.
— Borghefe.
— du Chevalier del P0&X.0
- Cotonna
199
ibid.
304
ibid.
311
3*7
T A B b E l
villes et lieux. "Viila Aldobrandini, 577 Eglife de Madonnadel Popolo.^M — S. lfidore. 596 Monte Cavallo. 597 Thermes de Titus. 600 Colonne de Trajan. 603- Colonne d'Amonm (AurV.e.)6os ^''fe de S. André , délia Valle.641 Pillais de l'Académie. 649 h v u E S. FIN delà |
VILLES ET LIEUX. Eglife de S. Jean. 66(3 — S. Antoine Abbé. 661 Eglife de la Madonna délia Step M o D E' N E. M A N T O U E. Y e R O N E. 69a 696 6g7 |
TABLE II,
MAITRES ET LEURS OUVRAGES. TRiomfe de Cupidon. 51 * Batême de Je'sus-Christ. 60 Phanoirie de Ptfe. 39 S.t««re»f}avec d'autres Saints .113 'Madone dans les nues. 117 ^adonna àel Sàcco. 141 Çaiffance de la Vierge. 143 Un1 bim-t que y conduit ap Portrait de x d> ès Ra. aîjdre' orgagna. ' André' d«, pjfa |
MAITRES ET LEURS Deffeins d'après la Coupole de S. Romuald. A n ù r e' S a nsovi no. B a c cio Bandinellj. BATISTA DEL CAVAGLIEKE. Figures de Marbre pour le Tom? Batiste Naldini. raithazar peruzzi.1 B A r o ç c 1 o. |
t a bleu;
Enée qui porte Anchife. BEGAREltj if, , b e r n 1 n. ^etede fa Maîtreffe; Bufte. 93 Jîhnllnr. Vr ! 7 214 4i *3 162 274 282 __________1 idv-v- i^m Apollon & Daphné, St, Fil? de ce Sculpteur, St, Enée qui porte Anchife, St. Carlo del Cane. Carlo Cignani. Carlo Maratti- Salutation. Adoration des Mages. Madonne de la Conception,votez. Addenda pour Pag. 594 Carache (.Annibal.) Christ mort. Galerie ïqrnefe. Cabinet Vurmfe. 148 Peut Ange qui tient un Clou de Vénus & Cupidon. |
MA ITRES ET LEURS OUVRA G ES Galatée. ibid. Carache, (Louis.) Je'su s-Christ couronné d'é- C a v. del CaIKO. Cavedone. Ciro Ferri. Cor r e g g 1 0. Mariage de Jo/ef & de Marie, Madonne qui alaite , Defiein.42, Ripofo, Defiein. ibid. Leda. 284 Danaé. 284 lo. ibid. Mercure ; qui enfeigne Cupidon à Cupidon qui ratiffe fon Arc. ibid. Madonne & St. Jo/ef. ibid. Magdelaine. ibid. Sainte Cécile. 306 Coupole du Dôme de Parme. 657 f S Autel |
:maîtres et leurs,
ouvrages.
40
282
30s
'MAITRES LEURS Autel qu'il devoit peindre,Des.662 Figures en terre cuite. 675 Madonne, S. George, &c. 683 Magdeleine. 689 Daniel DA VotlERlU. 150 Defcente de la Croix. 5x8 Devife de Farnefe. 137 Portrait de Grégoire XV, &c. 563 Coupole de S. André délia Valle. 64 r Dominico Grillandaio, Madonne & l'enfant Je'sus, iiz fhtà. Ï09 Rapt de Ganimede. in Miffel. 298 Le Dante. 481 Don DI R G o v EI a S Q_u E z. D O N A 1E L'L Dosso da Fbrh4sa F e d e G a l l i c i a. Flaminïus Vacca. |
MAITRES ET LEURS Fra. Baktolomeo. S. Marc. ibid. Madonne de la Miféricorde. 657 Fra. Giovanni da Fisole. i 12. Francisco Penni. François de Quesnoy. S. André, Statue. 540 Ste Su/anne, Statue. 541 Cupidàn, de Marbre. 542 Têies de Philofjphes de Marbre, ib. Francia Biggio. «50 Zaccarie avec le jeune St. Jean. ibid. Georgeone. Martin Luther, &c. 133 Soldat & Jeune homme. 561 George Vasari. Je'sus-Chf.ist qui fe fait voir aux i 40 Giovanni S c e r a n o. Giov. Bat. del Monte. 107 538 63 de Raphaël. — d'a^tès le Titien. '— d'après le Corrége. — d'après A. Del Sarto. — d'après Paul VéroveJe. G 1 o t t o. T A B L E IL |
MAITRES ET LEURS S. Augufiin. 15t Mort de Didors. ^ 319 Ecorchement de S. Bartelémi. 32.2 GUGLIELMO DELIA POR.ÏA, par lui. ta 15 L Abondance, & la Charité, Stat. 143 G u 1 » E- La Turbantine. S. Michel qui combat le Démon 567 Aurore. 633 S. André conduit au Martire. 643 Hercule Ferrata. JACOPO S ANSOVINO. JEAN D'UDINB, Ie'hôme de Sekmonetta. i n c o n n u. Adam & Eve; en Marbre. 13Ç Jule-Ro main. Palais du T. 691 60 163 283 *74 479 188 |
MAITRES ET LEURS Coupole de S.André delta Valle.641 L a v i n i a Fontana. Celui de ion Père. ibid. L f. o m a r d de Vinci. Livte de Mécaniques,Defieins. 37 38 Portrait de la Duçhefie de Milan.^g Le même Sujet. 113 Magdelaine. 134 Leda. 309 Lorenzo Ghieerti. Piedeftal. 8t. Lorenzetto. Jonas, Statue. ibid. luca della Robbia. Luca Salterelli. st. lu c. M ar cellinl. Bufte de Galilee Galilei. X11 Maccarino Marcellus Mantguan. M a s s a r 1. M e l c h i o r C a f f a. Groupe de Marbre. 152 Mich. Angf.lo Buonàruoti. j Une Femme, Statue non finie. 87 Tô. |
• MAITRE S £1 LEURS Tête de Pan, Marbre. 94 Madonne. 105 Portrait d'une Dame. U? Modèle pour réparer le Torfe. 1 iS petit Farnefe. }6 Christ mort, de Marbre. 257 Chapèle de Sixte IV. 482. Converfion de S. Paul. 506 Mich. Angelo Caravaggio. _ Parmesan. L Ecole i" Ai h eue s, Deffein d'a- Decolation de S. Pierre 8c de S. 56* 659 66 4 696 ibid. Paul, , clair-obfcur. ■Madonne. Lucrèce. Eglife de U steecata. PaulFarinati. Veronese, Pei-i1Gr,no Tibaldi, Adoration des Berges. 305 Anonciation. 141 Pietrq cor ton a. Pietro Paolq Olivier Pietro PErijgin0. Madonne, 8rc. Hiftoires en Mignature. ^g-, PlERTNODEL V a g a. |
MAITRES ET LEURS PlNTURICCBIO. Bibliotèque de Sienne. 654 Polidore, Jeunes Garçons. 157 POLLAIOLO. S, SébajTten. 141 Po a d en0Ne, Poussin, Bachus & Ariadne. ibid. Rebecca & le Mcffager. ibid. Copie duMariage Aldolrandini.^16 Pefte. 317 Primaticio. Le Père Rjmeiii, Raphaël d'Urbin. Je'sus-Chrisi, qui lave ies Ecole à'Athenes, Carton. 41 ibid. Pais mes Brebis, Deflein. ibid. Ste Cécile. 43 S, 'Jean. 103 Portrait de Jule II» m- T A B L E . I î: |
T A B L E I I.
MAITRES ET LEURS
OUVRAGES.
$6i
r o b e n s.
Galerie du Luxembourg. 11
Portrait de fa Femme. 146
Sandro Botticelli.
Adoration des Mages. Sj
Schisone,
Madonne. 6 66
Se bastien del Piombo.
Tableau d'Autel. 594
Flagellation. 631
Sirani (G 10. Andr.)
Cène de J e'sus-Christ avec
• le Pharifien. 65
Sirani ^Elisabeth.)
Le Batême dans le Jourdain.
S 0 d 0 m a.
Vuica'tn dans fa forge. 19;
Hifloires d'Alexandre le Grand.194
Grotesque. 196
Sofonisbe Angusciola.
Son Portrait. 666
Timothe'e d'Urbin.
Profètes & Sibiles. 160
Titien.
Portraits de Charles V. & de Phi-
lipe II. 133
Vénus couchée. 265
Portrait de Sixte IV. &c. 283
Portrait du Cardinal Borgia, &de:
Machiavel. 307
Vénus couchée. 309
Portrait de Paul III. & c. 663
Magdelaine d'après le Corrége. 667
Van Dyck.
Portrait du Cardinal Rentivoglio.i^t
Visçenzo de' Rossr.
Profètes; en demi-Reliefs, de Mar-
bre. 161
Zuccaro (Federico.)
Coupole du Dôme de Florence. 71
Zucckro (Tsddeo.)
Actions d'Alexandre Farnefe. 243
Peintures du Capraroie. <35
I33I
de la féconde Table.
T A-
MAI TRES ET LEURS
OUVRAGES.
Madonne, &c.
Madonne délia Pefcîa.
Portrait de Léon X,
Portrait d'un Cardinal.
Une Sainte Famiile.
Le Profète H lait.
Protètes 8c Sihiks.
Galerie de l'fyché.
Portrait de fa Maîtreffe.
G ne Sainte Famille.
Même Sujet.
Théologie.
Ecole d'Athènes.
Parnaffe (ou Philofophie.)
Jurifprudence.
Béltodore.
Miracle de Bolfenna.
-Attila.
Délivrance de S. Pierre.
J uftification de Léon IV
Couronnement J~
lit
114
n8
133
134
*53
158
184
261
289
297
337
350
360
37S
583
38 S
35°
394
400
nneraent de Cbarlemagne.
403
405
409
416
au. ibid.
423
•ein, fait pour ce Tableau. 4x8
Incendio del Borgo.
Port d'Oflie.
Harangue de Conflantin.
Deffein pour ce Table"'
Bataille de Conftant'tn.
Deflein , fait pour ce T
Batême de Confiant'"-.
Donation de Confia»"»-
Cartons à'Hamptoncour.
Bible.
Pattie inférieure de la Transfigu-
ration, Carton. lbld'
■Barthol 8c Baldus > Portrait. 560
Chapèle Cfcigi. 594
Deux Têtes delà Transfiguration,
Carton. 627
63 '
610
6,4
667
674
430
434
5441
«449
473
477
Biblioth-
èque de Sienne
Rembrandt.
^"ratt d'un Homme
F i N
80 77 297 275 94 — ___ 2<Î8 -Antonia, Bufte. 89 Antoninus Bufte. 80 Haut-Relief. — Bufte. — avec un Faune, Groupe. 94 — le bras doit fur la tête, Stat. 2 i o — afiis fut un tronc d'arbre & — qui joue de la Lire, Stat. 243 — ( deux Statues d') 2(5° — petit. 300 — qui va ecorcher Marfyas. 526 Hachas, apuié fur un faune. 79 — en Bro-.i te ., iur un Figre' 81 — apuïé furuntroncd'arbre.ic8 — Aétion de XAntinous du —. debout, jzj A N T l ÇLU £ S. ADrien, Bufte.- Antinoùs, Statue. |
A N T I §Llf E S. — fur un Autel. 282 —----2,-1 207 250 278 77 277 Captifs, Statues. - — de Farnefe. --petit. Caftor & Pollux, Statues, Capitole. 166 --Bulles. Chimère. — petite. — Statue. — Bulle. — mourante, St. Bronze, iro — -—■ Colos. 206 — Mère de Ptolomée. 253 ChafledeSanglier,Bas-Rel. 651 171 Clitie. Clodius Albinus, Bufte. — Roftrale de Duilitts. — de Trajan. — de M. Aurele (Anton n.) 605 175 87 81 88 vircà Comrr.ode, Bufte. Didiui y*lianus, Bufte. |
T A B LE II.
A N T 1 §LU E S.
Lacceon, Groupe fameux.
Leiia, Statue.
---petite.
184 W'v'e » de Maitei, Statue.
*79
EfclIZ ' • tatue- 88 ! Lion déchire un Cheval. 10S
dun ^ s'artache une épine ! — (le fameux) du Capitale. 175
Eurib T' r 180! Lions, Egiptiens. i^î
Ji7 'Louve qui alaite Romulus & Ré-
Csnfulares. i-Jg
Butte,
258
mus.
; Luteurs, Groupe.
103
__ pUtuc 26c ! Madonne peinte par S. Luc. 299
qui porte un Bouc, Statue. 281 ; Marc ^»rele, Statue Equeitre. 167
qui dance, Statue. 102
l«»»es (quatre), Statues.
Fau/lme & Gladiateur. 8„
Mr., petiteStat. enBronze. r
Flore de Farnefe, (lafaffleufe
Canymede, Statue
Souverain Pont. St. 303
--Trioinfant.enBas-Reiief.
169
Marché de Nerva. 323
Marjorio, Statue Coloflale. 171
Mar/yas, Statue, du Grand-Duc.8i
J214
2
2IO
80
94
209
250
258
260
218
528
697
17
Gladiateur, Statue.
Horgheft
J^citle> en Bronze, Capitole.'179
petit.
' 'jeune) Bufte
tarntf, (le fameux.)
— autre.
Pitti.
de Médicis.
Mars & Venus, Groupe.
80
212
21; ! Matrone Sabine, Statue,
524 | Méléagre .Stat.Pierre rouge.
554 | — —
— Picchini.
Mercure, Statue.
i59
303
213
ibid.
ait
209
aïo
310
^ ueiamre , Groupe. 211
Hermaphrodite, du Giand-L>UC. "7
■- de Borghere 224
174
Horner e. Bufte, de Farnefe. 2.19
Idoles Egiptiennes. 171
Jule-céiar, Buile eu Bronze. 77
— Statue. 277
177
304
^Pie du Farnefe.
~ fe) Copies.
Heros Aventin
«iw», Bufte Statue-
Statue,
3«fiter, Tête Coloffaie.
—; &: la Terre, Bas-Rel.
Minerve, Terme Coloflal.
— V fameufe ) de Giufîiniani.258
— Statue. 525
— (Terme de) ou Hermathene.i-jz
Mithridate, Tête , Bas-Relief. 178
Modèle en terre cuite, pour la
Trimalcio, Bas-Relief. 47
Une Tête de Femme, 29S
Morphée endormi, Statue. Ol
Wofaïque, Enlèvement d'Europe.
' 272
Moule de la Vénus de Médias. 116
Myrmllon mourant de Lodovipo.
563
NarciJJe, Statue. 90
Nerva, Bufte, 88
<f2.7: Nile, Statue. <?u Capitole.
ibid.' - —- du BelveSere. 507
2.5S] Nkbé avec fes Enfans, Stat. 202
Ou-
^ N T 1 E S,
Oircèatachéeau Taureau, Grou-
509
89
<14
$222,
"99
261
Pe.
-n ■ • • 244
■iJomttten tout jeune , Bufte is8
— Tête Coloflale.
T A B
I I I.
A X T 1 ÇL.U E S. en Bronze. 84 othon, Bufle. 77 — Bufte. 88 — Vénus. 275 — Platon enfant. ibid. — Rome Triomfante. ibid. — Mariage Aldobrandini. 577 — Coriolan. 600 •- Clélie. 601 Perfée & Andromède, Bas-Rel. 562 Philofophe, Statue. Pies (Deux) & une Main lofiale. pompée.---- Poppée {Sabine.') ptolomée, Bulle. _ Statue. Pyrrhus, Bufte. — Vaciens. Home Thiomfante, Stat. Colof- Sailuftc, Bufte» 242 Sapho, Bufte. 174 Satire , qm enfeigne un Jeune — Couché, Stat. . 274 — — Galerie de Farnefe. —- dans le bain,WJi« Bcrghefe. 548 90 '73 2J2 28l |
A N T I GLU E s: Sibile-(Vieille) Stat. 174 — Statue. 525 Temple de la Sibile Tiburtine. 534 - — du Belvedere. $<37 Torfe d'Hercule, dit de Michel- Ange. 5 22 Torfes ( Deux ) d'Apollon. 248 Vafe, Sacrifice d'Jphigénie Bas-Rel. 207 Vénus alîife qui fe tire une épine — Uranie. ibid. ?22J —1- baiflée, avec un Cupidon. 242 — de Médicis (la fameufe.) 97 ------223 — de sallufle, Stat. 518 — fortant du Bain, Stat. 520 — Tête ( petite. ) ^75 — de Sepiitntt's Sévétus qui re- — du Trtmalchie. 6fl, Callipygis. |
F 1 N. de 1a troifième Table,
-ocr page 99-De Divers Fameux
BUSTES, BAS-RELIEFS, Scc,
Qui fe trouvent en ITALIE;
Avec des Remarques.
Tar M». RICHARDSON,Tère& "Fils,
Traduite de l'Anglois:
Revue, Corrigée, confulêrabkment augmentée, dans
celte Traductionpar les Auteurs.
Où l'on a ajouté
XJn Difcours Préliminaire fur le
beau idéal,
Des Peintres, Sculpteurs, & Poètes.
Par L. H. x e n K A T E.
-ocr page 100-Sed quoniam Exempta illa Veterum Tiffo-
rum phantafîâ tantàm & fro cujufque captâ
magïs atit minus ajfequi pojjumus , vellem
equiâem eâdem diligent iajimilem quandoque
TraEtatum excudi pofîe de cPiBuris It-alorum,
quorum Exemplaria Jïve Trototypa adhùc
hodiè publicè jprojiant, & digitô pojfunt mon-
Jtrari & dicier Hac Junt.
Lettre de P. P. Rubens à Fran-
çois J un ius, à l'ocafion de fon
Livre de Tiffurd Veterum.
t) E S
B A S-R E L I E F S>
qui fe trouvent en
ITALIE,
ANGLETERRE étoïtâutre- jKTR(
fois peu confidérable en Ta-11011-
îleaux^en Defleins,ouen Anti-
ques , & elle n'eft devenue fa-
naeufe, à cet égard, que depuis Char-
LEs I. qui en lit,d'abord au commence-
ment de fon Règne, une Colleftion vérita-
blement Roïaie,qu'il conferva & aima tou-
jours chèrement julqu au dernier mo-
ment de fa vie. La plupart des Pièces
Tome III. A qui
ïo des Statues, Tableaux,
întroduc- qui la compofoient furent difperfées
t.on. pr^s fa moit dans les Pays étrangers;
cependant, on en a recouvré quelques-
unes. Les Cartons de Raphaël apar-
tenoient à ce Prince ; quoiqu'on ne fâ-
che pas fi c'eft de fon tems , ou fi c'eft
avant lui, qu'ils ont été aportés en An-
gleterre. On dit, que Cromwell les
lit acheter , dans la vente qu'on fit des
Tableaux du Roi, ne voulant pas foufrir
qu'ils fortifient du Roïaume.
La Coileftion de Mylord Arundel
fut aportée ici au commencement du
même Règne. Les Infcriptions d'A-
r u n d e l font très-connues parmi les fa-
vans , & eftimées comme le plus grand
tréfor de cette efpèce qu'il y ait au
Monde. Parmi ces Pièces, il y a quel-
ques Buftes & quelques Bas-Reliefs;
mais il s'en trouve très-peu qu'on puifte
eftimer, par raport à l'Ouvrage. Je ne
puis m5empêcher de remarquer, quoi-
que la chofe ne foit pas directement de
mon fujet, que dans quelques-unes de
ces Infcriptions, faites fur des Marbres
entourés de Moulures, comme à l'ordi-
naire , on a fi peu ménagé le terrain,
pour les y faire toutes entrer , qu'on a
été obligé de faire desCara&ères fur ces
foulures,mais fi négligemment,qu'au-
lieu d'être parallèles aux lignes a ils les
croifent du haut en bas.
et Desseins, en Italie. 2,1
r /-es Infcriptions, qu'on conferve avec introdà
loin à Oxford, ne font pas plus de la"°N"
moitié de celles qui étoient dans le Jar-
din du Palais de ce Seigneur ; parce que
les autres ont été difperfées de côté &
d'autre, du tems des Guerres Civiles.
Une bonne partie des Infcriptions Grè-
fyues ont été tranfportées ici de Smyrne>
ou Mr. P iere s Ries avoit achetées.
Mais, malheureusement pour ce fameux
Antiquaire, les Turcs les arrêtèrent *
même après en avoir été payés, & mirent
ion Agent en prifon -, de forte qu'on ne
put les tirer de cet endroit, jufqu'à ce que
Mylord Arundel les eut achetées une
leconde fois,avec plufieurs autres. Elles
arrivèrent en Angleterre, l'an 1617 (*)•
Ces Pièces de Marbre l'ont demeurées
tort long-tems dans la Cour du Théâtre,
a Oxford ; mais elles font aujourd'hui à
couvert, & à i*abri des injures de l'air,
qui chez nous ett fort rude.
Parmi le grand nombre des Statues &
J*es Bas-Reliefs, qui étoient dans le Pa-
& dans le Jardin de ce Seigneur, il
y en a plufteurs qui font perdus, ou en-
tièrement ruinés.
On dit même , qu'il y en a quelques-
uns qui font enfévelis fous la Rue qu'on
A2. a
«, gasstndi, dans la Vie de Pierêskp
& le Docteur ?iiBBu,?> dans b Préface de fon Livre
intitule : Marmara Oxonienfia
-ocr page 104-ïo des Statues, Tableaux,
tÎon.°dl'c"a lur ce terrain, ou dans la Tamife*
dont ils ornoient il noblement & fi a-
gréablement les bords. Il y avoit un bon
nombre de Pièces, mais fort endomma-
gées, qu'on dit avoir fait partie de cette
Colleétion , qui font demeurées long-
tems dans le Jardin d'un Cabaret, fitué
de l'autre côté de la Rivière ; mais on
en difpofa l'année paflee, fans qu'on
fâche ce qu'elles font devenues. Quoi-
qu'il en foit, elles ne font pas tou-
tes perdues : il y a encore des débris
ineftimablesde cette partie de la Collec-
tion de Mylord Arundel , qui apar-
tiennent à prefent à Mylord Pont-
fract, & qu'il conferve dans une ma-
gnifique Maifon de Campagne , proche
de Torcefter,dans le Comté de Northamp-
ton. Il eft vrai, que la plupart même de
ces débris ont été aufli fort endomma-
gés , par un fâcheux accident dont m'a
fait l'hiftoire une perfonne qui demeu-
rait en ce tems-là proche de l'endroit,
& qui fut priée , de la part de ceux qui
en étoient les maîtres alors, de les ven-
dre ; car cet accident eft arrivé avant
qu'ils apartinfent à l'illultre Famille qui
les pofïède aujourd'hui.
Il y avoit une certaine Femme qu'on
apeloit ordinairement, Mère R i c k a-
fort fameufe par le trafic infâme
qu elle faifoit ,de tenir des Filles-de-joie
dans
-ocr page 105-et Desseins, en Italie. 2,1
dans une maifon qu'elle avoit, toute i**
Joignante à celle qui apartenoit autrefois T1°
« Mylord Arundel. Cette Femme,
pour avoir l'avantage de vendre elle-
même le vin aux perfonnes qui fréquen-
toient fa maifon,. y fit ereufer une cave.
On avoit mis toutes ces Statues les unes
iur les autres,dans une petite cour, qui
etoit au-deflus d'une voûte fouterraine ;
? comme il n'y avoit qu'une muraille
fort bafle qui féparoit cette cour de l'en-
oroit qu'on creufoit, & que d'ailleurs,
^e Palais n'étoit pas alors habité,les Ou-
vriers, pour s'épargner la peine de por-
ter dehors la terre qu'ils tiroient, fe
contentèrent de la jetter par-deflus la
muraille , de forte que ce poids joint à
celui des Statues fit enfoncer la voûte,
engloutit tout ce quilafurchargeoit.
J; n Pjjt facilement s'imaginer le dégât
horrible, qu'un tel accident caufa à ces
Pièces de Sculpture. Par bonheur, il
V en eut deux des plus belles qui n'en
ioufrirent pas beaucoup ; je veux dire,
celles de Ctceron & de C. Ma-
R1Us > toutes deux plus grandes que le
naturel, & d'un goût excellent.
Pierres prétieufes gravées de cet-
te Colleftion ont eu un fort plus heureux
que les Statues ; elles font encore tou-
tes bien confervées , entre les mains
d'une Dame de Qualité ; & elles font
A 3 ex"
ïo des Statues, Tableaux,
excellentes & en grand nombre. C'eft
entre celles-là que fe trouve cette fameu-
fe Sardoine, qui reprefente les Noces de
Cupidon ® de TJyché, de la main de
Ïryphon, Graveur Ancien. On pré-
tend , que cette Pièce eft la plus belle
qu'il y ait au Monde dans ce genre, & du
Goût Grec le plus fublime (*) : nous
l'avons confidérée , mon Pere & moi,
avec beaucoup d'atention ; de même que
lès autres Bijoux de cette admirable Col-
lefliop. Onnousadit,que Louis XIV.
en avoit fait ofrir quatre mille Livres
Sterling, mais inutilement; parce que la
perfonne qui les a , poffède des richef-
fes immenfes.
Les Tableaux & les Defteins fe font
difperfés peu à peu ; & le refte de ceux-
ci fe vendirent à l'encan,l'an 17x0. avec
d'autres Curiofités. II y a peu de bon-
nes Colle&ions en Angleterre , où l'on
ne trouve un nombre confidérable des
Pièces qui compofoient celle de Mylord
A ru n del. Les Defteins étoient co-
lés fur des cartons , & fur le revers
étoient aufti colées des Eftampes,
parmi lefquelles il s'en trouvoit de fort
rares, de Marc-Antoine. N'eft-ce
pas-là une Economie bien étrange ?
o/p) v0ïez Pierres Antiques, gravées par PicaRï
ra- Sïosck, pag, 95. fig.70.
et Desseins, en Italie. 2,1
Sous le même Règne, les deux Frères
Laniers aportèrént en Angleterre
plufieurs beaux Deffeins,dont il y a en-
core aujourd'hui un bon nombre dans
nos Collerions ; & qui font connus par
la grande Etoile à huit pointes , ou par
la petite Etoile à cinq pointes, marquées
au-deffous. Les premiers étoient ceux
qui apartenaient au Frère aîné ; & à
côté de l'Etoile, on voïoit le nom du
Maître, écrit de fa main, avec deuxchi-
fres,qui marquoient le prix qu'il lesefti-
moit. Le fécond de ces chifres étoit
toujours i, \ ou 4. dont le nombre 1.
fignifioit un Chelin, le nombre z. un
Pièce de Trente fous, le nombre 3- un
Ecu, le nombre 4. une Livre Sterling, &
le premier chifre , qu'il y mettoit de-
vant , en dénotoit la quantité : par exem-
ple , 2,> i, fignifioit deux Chelins; 1, z,
une Pièce de Trente foûs ; 3» 3» trois
Ecus ; 3 > 4> trois Livres Sterling, &
*o, 4> dix Livres Sterling. Nicolas,
qui étoit fon nom,étoit auffiColle&eur
Pour le Roi.
A peu près dans ce tems-là , le Duc
de Buciungham fit acheter & venir
îa Collection entière de Tableaux &
d'Antiques de Rubens, pour la fom-
me de cent mille Florins. Et il ne faut
pas douter , que des exemples de cette
nature n'aient produit plufieurs autres
A 4 Cu-
ïo des Statues, Tableaux,
introdvo- Curieux, & n'ait donné le goût de faire
T'0N' des Colleftions.
Le Chevalier Lely avoit, fous le
Règne de Charles II. une très-belle
Colleftion, de plus de fix mille fix-cens
Morceaux , qui confiftoient en près de
trois mille Defleins, & lerefteen Eltam-
pes , tous marqués par P, L, Les Defleins
furent vendus après fa mort, l'an 1688.
pour la fomme d'environ Z3G0. Livres
Sterling, & les Eftampes, pour celle de
700. Livres. Il eft vrai, que cette Col-
leftion étoit fur-tout compofée des dé-
bris de celles de Mylord Arundel,
& des L a n i e r s ; comme nous voïons,
dans toutes les nôtres, plufieurs Pièces de
celles qui apartenoient à ce Chevalier.
Mais il nous eft venu de tems en tems
de nouveaux fuplémens de Defleins, de
Tableaux, & d'Antiques, fouvent très-
capitaux, & quelquefois des Colledions
entières, fur-tout depuis la Révolution %
<& en particulier, fous le glorieux Règne
du Roi George. Il nous en vient en-
core d'autres ; & nous efpérons , que
cela continuera, jufqu'à ce que les Sour-
ces, d'où iis coulent,foient épuifées en-
tièrement ; comme elles font déjà fort
bafles, pour ce qui regarde tout ce qui
peut fe tranfporter, ou qui n'eft pas en-
tre les mains de gens que l'argent ne fau-
ïoit tenter , ni engager à fe défaire de
et Desseins, en Italie. 2,1
ces amufemens, auffi délicieux qu'hono-^opé-
rables à leurs Familles. On pouroit don-TI° "
ner une ample relation d'un grand nom-
bre de belles Colledions, qui font en An-
gleterre ; tnais nous n'entreprendrons
pas de le faire. Nous nous contenterons
de dire en général que, fi l'Italie eft le
principal Apartement de la grande Col-
leftion du Monde , 1'^Angleterre efl: le
Cabinet des Defteins ; car nous en pof-
ledons plus qu'aucune autre Nation , &
peut-être autant que tout le refte du
Monde enfemble. C'eft aufîi le Cabiner,
où fe trouvent les meilleures Pièces de
Peinture qui exiftent à-prefent; & félon
les aparences , les plus excellentes qui
aient jamais été faites ; je veux dire les
Cartons de Raphaël, comme je croi
l'avoir fufifamment démontré , dans le
parallèle que j'en fais avec les Tableaux
de ce Maître, qui font au Vatican. Pour
ce qui eft des Buftes , des Médailles &
des Pierres gravées, outre les Collec-
tions que j'ai déjà nommées, celles du
de DevonshirE) & du Comte
de PembROKe font particulièrement
fameufes, à cet égard,
La FRANCE poffède quelques belles
Statues antiques, qui fe trouvent dans
la Colleftion Roïale. Les Pierres gravées
de cette Auguite Colle&ion font très-
ïo des Statues, Tableaux,
i^troduc- célèbres & fort connues, de même que
les Pièces de Peinture ; c eit pourquoi
je me difpenferai d'en donner ici un nou-
veau détail. Mais je ne puis paflèr fous
filence le fameux Tableau de la Sainte
Famille-, de Raphaël, qui en fait le
principal Ornement, & qui le feroit dans
toute autre, à la confidérer comme une
fimple Pièce de Peinture; à moins qu'on
n'en excepte celle de la Transfiguration.
Je n'ai pas eu le bonheur de la voir, mal-
gré l'envie que j'en avois ; parce que le
Duc d'ANTiN qui en avoit la clef fut
abfent, pendant tout le féjour que je fis
à Taris. On dit , que ce Tableau eft
parfaitement bien confervé , très-fini &
d'une grande force. J'aurois pu facile-
ment croire ces deux dernières circonf-
tances, quand même on ne me les auroit
pas affurées ; non-feulement par raport à
]a connoiffance que j'ai des Peintures de
Cabinet de Raphaël, mais fur-tout,
à caule d'une belle Copie que mon Père
en a , de la même grandeur, & qui femble
être de la main de quelcun de l'Ecole de
ce Maître,même de fon vivant, ou peu
de tems après fa mort. L'Eftampe fi
connue qu'en a faite Edelinck fe ra-
porte fi parfaitement à cette Copie,
qu'elles fe donnent du crédit mutuelle-
meQt. Elles font fufifamment voir, qu'il
fe trouve, dans l'Original, une Dignité
et Desseins, en Italie. 2,1
évidente & convenable au Cara&ère de
Raphaël; mais non pas la plus excel-
lente qu'on remarque en ce Maître:fon
Contour n'eft pas non plus à comparer
à l'Antique ; & fa Compofition n'eft pas
fi bonne, que celle du Çarton qu'en a le
Duc de M on ta gue> où l'on trouve
un agréable repos , caufé par une plus
grande diilance qui s'y rencontre, entre
les Figures principales & les Anges,que
dans le Tableau.
Le Roi a auffi une Collection de Def-
feins ; mais qui n'ell,ni copieufe ,ni des
mieux choifies.
Il y a, en France, plufieurs Grands Ou-
vrages des Maîtres qu'elle a produits,
pendant le Règne précédent ; mais il y
a fort peu d'Ouvrages de cette nature,
des Maîtres étrangers. Celui de Pri-
M A t i c i o, à Fontainebleau, eft prefque
ruiné ; cependant, on y remarque enco-
re la délicatefle de ce Maître : mais tout
ce qu'on peut juger du Coloris, par ce
qui en refte, c'eft qu'il étoit noirâtre &
d'un rouge de brique.
. Ce n'eft pas fans raifon, que la Gale-
rie du Luxembourg eft fort eftimée; auffi
Rubens y a travaillé, dans le tems
qu'il étoit dans toute fa vigueur , & y a
emploïé environ deux ans. Mais les
François mêmes avouent, qu'il y a plu-
fieurs Tableaux , qui ne font pas entiè-
rement
ïo des Statues, Tableaux,
rement de lui, & qu'il n'a fait que les
retoucher : il y a même des Nuds, fur-
tout ceux des trois Grâces, qui ont été
couverts depuis. Comme le Sujet de
ces Tableaux eft l'Hiftoire de Marie
de Medicis, cette Reine fe plaifoit à
demeurer fouvent des heures entières
auprès du Peintre , pour le voir travail-
ler. Le Coloris de cet Ouvrage, en
général, n'a pas cette beauté que je
croïois trouver en Rubens: peut-être
î'a-t-il eue autrefois; mais, comme la
pluie y a pénétré dans quelques endroits,
elle n'a pas manqué d'y caufer du dom-
mage, Au refte , dans le tems que j'é-
tois à Taris, le tout avoit bien befoin
d'être nettoie & rafraîchi.
On trouve, dans cet Ouvrage, la plus
grande partie du Caraftère de R u b e n s;
fur-tout fa Peinture en Hiftoire & en
Portrait , fa fa vante Manière de penfer,
riche Invention : il eft même cer-
p'ÎMu'à quelques égards, il a porté la
•Peinrure en Hiftoire, aufti loin qu'il eft
poijibie )par l'ufage judicieux qu'il a fait
oe hgures allégoriques,qui enrichiffent
de beaucoup l'Ouvrage , & lui donnent
un air bien plus agréable qu'il n'auroit
eu, avec les feuls Habits à la Françoije
borné tems~là> à quoi le Maître étoic
La France eft redevable au feu Duc
-ocr page 113-et Desseins, en Italie. 2,1
Régent, d'une Magnifique Colleflioûx^j}»»»*
de Tableaux, à laquelle il fit encore, peu "
de tems avant fa mort, une addition très-
confidérable ; favoir, de tous les Ta-
bleaux qui avoient apartenu à la Reine
Christine de Suede, dont nous par-
lerons plus amplement dans la fuite , au
Palais du Duc de Bracciano à Ro-
™e. Il y en a plufieurs du Correge,
du Titien, de Paul Veronese,
la plupart de leurs meilleurs Ouvra-
ges: de forte que cette Colleftion la dé-
dommage de la perte qu'elle a faite de
celles de Richelieu & de Maza-
, & d'une infinité d'autres excel-
lens Tableaux, qui depuis quelques an-
nées ont été difperfés , dont plufieurs
iont forris du Roïaume, & ont été fur-
tout tranfportés en Angleterre.
Monfieur Crozat, outre fes Ta-
bleaux, fes Pierres gravées & fes Statues
Antiques, qUi font d'un goût excellent,
a une des plus belles Collections de Def-
His qu'on puiffe voir, tant par le grand
n°mbre , que par le bon choix des Piè-
Çes qui la compofent ; parmi lefquelles
J1 Y en a plufieurs qui font très-capita-
J5S- La Bataille de Constantin,
faite par Raphael, l'eft à un très-
haut degré, & elle a tout ce qu'on peut
fouhaiter, dans un Deflein ; mais bous en
parlerons plus amplement,lorfque nous
ïo des Statues, Tableaux,
- ferons la Défcription du Tableau, je
croi, qu'en France, outre cette Collec-
tion de Deffeins, & celle du Roi * il n'y
en a point de fort confidérable.
La PLAINDRE a un bon nombre de
Tableaux; non-feulement de Rubens
& de Van Dyck, & de quelques au-
tres Maîtres qu'elle a produits, mais aufli
des meilleurs Peintres Italiens.
La HOLLAN<DE a perdu plufieurs
Deffeins excellens , depuis le tems que
j'y ai été ; & en particulier * ceux de
Mr. Vander Schelling à'Amfter-
dam, dont il eft venu un bon nombre
en Angleterre , & dont auffi un grand
nombre a été acheté pour Mr. C r o z a t
de Taris ; mais fur-tout * la Colle&ion
parfaitement belle & bien choilie du
grand s Connoifleur Mr. Flinck de
Rotterdam , qui après fa mort a été a-
joutée toute entiere à celle du Duc de
Devonshire, qui étoit déjà aupara-
vant une des mieux choifies de XEu-
rope.
Quoiqu'il en foit j il y a encore
d'autres belles Colleftions de Deffeins, en
Hollande, Particulièrement celle de
Mr. Ten Kate ÏÏAmJîerdam. J'aurai
ocafion de parler plus amplement dans
la fuite de fes Têtes admirables, que
Ra-
-ocr page 115-et Desseins, en Italie,
Raphaël a faites pour la Transfigura-1*'*™™0''
tion, & de les autres Deileins.
J'ai ouï dire,que Mr. Six, Bourgue-
Maître à'Amfterdam, a une belle Collec-
tion de Deffèim ; mais je ne faurois dire
ce qu'il en eft éfe&ivement, car, quelque
envie que j'ai eue de les voir , & quel-
ques foins que je me fois donné pouf
cela, je n'ai pu fatisfaire ma curiofité.
On fait aflez, qu'en ESPAGNE, il y
a plufieurs belles Pièces de Peinture :
on a même donné un détail de celles de
XEfcurial, dans la Uefcripcion del Real
Monafterio de S. Lorenzo del E [cariai:
imprimée à Madrid, l'an 1681. 11 y en
a auffi de très-belles au Buen-Retiro,
entre Madrid & VEfcurial\on y trouve
même quelques Deffeins enchallés dans
des quadres & couverts de glaces. Il y
en a un, entre autres, de la Bataille de
Constantin , qu'on dit être de Ra-
phaël. On trouve, à Madrid, autant de
bonnes Pièces de Peinture , je veux di-
re de celles qui fe peuvent tranfporter,
j^'en aucun autre endroit de Y Europe y
ians même en excepter Rome, ou quel-
que autre Ville quecefoit. Il y a encore
plufieurs Colleftions, outre celle du Roi,
qui a une Jo du Coreg e pareille à cel-
le du feu £)uc Régent de France ; à cela
près que l'une a un Cerf, que l'autre n'a
point.
-ocr page 116-ïo des Statues, Tableaux,
point. On y trouve auffi quelques bon-*
nés Antiques.
En ALLEMAGNE, la Colleftion de
l'Empereur, à Vienne, eft compofée de
quelques Tableaux excellens. On pré-
tend même , qu'on y voit l'Original du
Cupidon qui ratijfe fon Arc, peint par
le Correge. Le Duc Régent avoit ce-
lui qui apartenoit autrefois à la Reine de
Suede, & depuis au Duc Bracciano,
& qui a toujours paflé en Italie, pour
être l'Original. Ils peuvent l'être tous
deux; car on dit, que celui de l'Empe^
reur eft très-excellent. Mais on ne fait
voir cette Colleâion que très-rarement»
& avec beaucoup de peine. D'ailleurs,
elle eft fi peu en ordre , qu'il y a pîufieurs
Tableaux couchés les uns fur les autres,
fans être pendus ; du moins la chofe é-
toit telle , dans le tems que les perfon-
nes qui me l'ont racontée étoient dans
cette Capitale.
Il y a environ dix ans, que l'Empereur
fit acheter la Colledion de XAlmirante
de Caftille, pour la fomme d'environ dou-
ze mille Livres Sterl. L'Almirante s'é-
toit trouvé engagé dans les Troubles de
ce tems là; & en mourant, il laifta fa
Colle<3ion,que fa Famille avoit amaflee
depuis long-tems , aux Jéfuites de Lis-
bonne , qui l'expofèrent en vente. Parmi
et Desseins, en Italie* 17
les Pièces qui la compofoient, il y avoit Introd"-'-
m 1 i* • i m tioh.
vingt Tableaux capitaux du I itien,
& un grand nombre d'autres des plus fa^-
meux Maîtres.
Le Prince Euge'ne s'eft fait une fort-
bonne Colle&ion. Celle du Prince de
Lichtenstein paffè communément
pour une des meilleures de XEurope ; auffi.
eft-ce une Collection de Famille , qui a
coûté beaucoup de tems & d'argent, pour
la rendre auffi belle qu'elle eft aujour-
d'hui.
je ne prétens pas faire ici un Détail
entier & exaft; auffi,ne fuis-je pas allez
bien informé de ce qui regarde XAlle-
magne & XEfp-agne, pour pouvoir le fai-
re. je dirai feulement, que je tiens de
bonne part ce que j'en ai apris ; & que je
le communique aux Curieux , perfuadé
que cela poura leur en donner un Idée
plus nette,que celle qu'on en a ordinai-
rement. Ceux qui voudront voïager,
& voir ces fortes de Pièces curieufes ,
Pour s'ocuper quelquefois, ou pour leur
^ivertiflèment, trouveront leur compte
\ en faire de plus exaftes recherches,
^pendant, comme dans tous les Pays
'' y a plufieurs chofes ^ que l'on nous
donne pour excellentes, & qui ont obte-
nu uij n0m, parmi les Etrangers , mais
qui en éfet font fort peu confidérables,
Tome UL B . auffi
1
-ocr page 118-ïo des Statues, Tableaux,
-auffi ne faut-il pas douter , qu'il n'y ait
quantité de beaux Tableaux, & d'autres
Curiofités, & même des Collerions
excellentes,dojit nous n'entendons point
parler. II y en a encore quelques-unes,
dont le mérite n'eit pas connu de ceux
mêmes qui les poffèdent. Cette Ré-
flexion poura encore ajouter quelque
chofe à l'Idée générale , que j'ai tâché
de donner.
Je ne ferai plus que toucher , en paf-
fent, les trois Villes d "Italie que je n'ai
pas vues, & qui font li fameufes en Ta-
bleaux ; j'entens Naples, Vinife, & Gènes.
Il n'y en a pas une des trois qui le foit en
Antiques, bien loin de-là : ni même en
Tableaux , dans un degré égal à plu-
fleurs de celles que j'ai vues,& dont j'ai
parlé plus particulièrement, par raport
aux plus excellens Ouvrages qu'y ont fait
les plus grands Maîtres du Monde. Je
voudrois cependant, avoir vu les Mor-
ceaux admirables du TiTiEN,de Tin-
ioret & de Paul Veronese, qui
font à Venife ; ceux de Salvator
Rosa, , à Naples; & la grande
quantité de ceux que Van Dyck a
faits à Gènes; & qui font à ce qu'on dit,
d'une Manière un peu diférente de celle
des Ouvrages qui font fortis de fa main,
dans les autres endroits où il a travaillé.
En
-ocr page 119-et Desseins, en Italie. 2,1
Eti un mot, je ferois bien-aife de voir,introbuc-
ou d'avoir vu tout ce qu'il y a d'excellent
dans le Monde ; mais il y a des bornes à
toute choie.
Après nous être déterminés à donner
ce Détail, tel qu'il eit, de ce qui fe
trouve des Ouvrages de Peinture & de
Sculpture hors de l'Italie, mon Père a
cru qu'on efpéreroit ,ou du moins qu'on
ne feroit pas fâché de trouver ici quel-
ques particularités,touchant les Maîtres
en deçà des Monts ; dont quelques-uns
fe font rendus fi habiles, que leurs Ou-
vrages méritent d'avoir place dans les
Meilleures Collerions du Monde. Voici
donc ce qu'il en a écrit.
Il y a des chofes d'une telle nature,
que ce feroit perdre fon tems que d'en
vouloir rechercher la caufe ; mais il eli
certain que , s'il y a des Génies Perfo
**els, il y en a aulfi qui font Nationaux.
^'Italie a été le Pays de la Peinture, de
Ja Sculpture , & de la Mufique ; mais
pas à l'exclufion des autres Parties
l'Europe ; car elles ont produit des
,Ler^°nnes qui ont excellé dans ces Arts,
• f9Ui, à certains égards, n'ont pas éré
intérieurs aux meilleurs Maîtres d'Italie.
Je ne veux pas faire l'énumeration de
tous ceux qui fe font distingués, en
deçà des Monts, dans les Arts de mon
B z fujet.
ïo des Statues, Tableaux,
"fujet. Je me contenterai de nommer
cinq Peintres , très-confidérables, &
dont les Caraftères font fi diférens les-
uns des autres, qu'il comprennent tous
ceux des Maîtres en général, de quel-
que Nation qu'ils foient.
JEAN VAN ETCK étoit Flamand;
c'elt lui qui inventa, il y a plus de trois-
cens ans , la Peinture en huile ; de forte
que c'eft à lui que nous fommes redeva-
bles d'une bonne partie de la beauté &
de l'excellence, même des Tableaux Ita-
liens , & fur-tout de ceux de l'Ecole
de Lombardie. Par raport à la durée
de cette efpèce de Peinture, c'eft enco-
re à ce Maître que nous avons, & que
notre Poftérité aura après nous l'obliga-
tion de Fexiftence & de la confervation
de pîufieurs Ouvrages excellens. Le
Duc de DEVONSHiREaun Tableau de
lui, fort bien confervé,& d'un ftile aufli
pur, que celui des Florentins de ce tems-
là; mais beaucoup moins Gothique, que
celui d'A lbert Durer, qui n'eft venu
qu'environ cent ans après lui.
Les autres dont je veux parler font,
Rembrandt, le Poussin, Van
Dyck, & Rubens, qui florifloient
tous quatre, vers le milieu du Siècle
pafle.
On a pas été toujours d'accord, fi
l'Imitation exafre de la Nature commune
eft
-ocr page 121-et Desseins, en Italie. 2,1
eft la Perfection de la Peinture , ou s'il introdvc-
faut la relever ; c'eft-à-dire, fi la Ample"0*"
Narration Hiftorique eft meilleure, que
la Poétique. L'une & l'autre peut être
excellente ; mais , fi cette derniere inf-
truit autant que l'autre,elle plaît davan-
tage, quoique la Vérité pure ne manque
pas auffi de charmes. Les quatre Pein-
tres que je viens de nommer ont été par-
tagés fur cette Queftion ; & auffi leurs
Ouvrages font excellens, dans leurs difé-
rens genres.
REMBRANT>T a été un vrai Génie,
s'il en fut jamais un : il n'avoit pas été
gâté, mais feulement altéré, par l'éduca-
tion qu'il avoit reçue. Il étoit fi éloigné
d'embellir la Nature, ou d'imiter en cela
l'Antique , qu'il femble qu'il fe foit pi-
qué de prendre une route opofée. Il a
ordinairement, dans la manière de vêtir
fes Figures, quelque chofé de plus G0-
thiqae , que les Goths mêmes. Il n'en-
tendoit pas bien le Nud ; c'eft pourquoi
l'a toujours évité, ou du moins, il ne
1 â entrepris que très-rarement. Il pou-
cependant, deffiner avec exa&itude
, ^égance : il avoit une intelligence de
Ja Co^pQ^tion & (ju Clair-Obfcur, fi
non fupérieure , du moins égale à celle
de qui que ce fût. & jj peignoit avec
beaucoup de force & de vigueur. Il
^îvoit la Nature, ou, s'il étoit poffible,
B 3 il
ïo des Statues, Tableaux,
iNTROBtrC- il la furpaUoit dans l'Expreffion ; non-
feulement dans les Sujets ordinaires,
mais même dans les plus relevés & les
plus fublimes qu'il traitoit quelquefois,
par raport aux Habits,& à tous les autres
égards , avec une certaine Grâce, dont
Raphaël, le Correge, ou le Gui-
de n'auroit pas eu honte ; & cela par
quelques traits de plume : car je parle
ici de fes DefTeins, dont j'ai un nombre
fufifant , pour pouvoir bien prouver ce
que j'avance.
Le TOVSSINa toujours étudié fi fort
l'Antique, qu'il femble qu'elle lui ait te-
nu lieu de Nature , de forte qu'on pou-
roit s'imaginer quelquefois, qu'il avoit
oublié qu'il peignoit des Figures vivan-
tes, & de la Chair animée ; ou qu'il re-
gardoit plutôt la Nature comme Réflé-
chie , dans les Ouvrages des Anciens &
de Raphaël, que dans fon véritable
jour. Dans fes Draperies, il fuivoit Ra-
phaël; ou même il s'écartoit plus que
lui de l'Antique , en furchargeant quel-
quefois fes Figures d'Habits. Ces deux
grands Hommes ont bien vu, que les
raifons qui empêchoient les Sculpteurs,
de faire de grands plis & des Draperies
volantes, ne font rien aux Peintres, qui
peuvent s'en fervir avec fuccès dans leur
Art : mais que cela feroit un mauvais éfet
fur le Bronze & fur le Marbre ; & auffi
que
-ocr page 123-et Desseins, en Italie. 2,1
que les Couleurs, par leur beauté & par INTRODWC-
leur variété , récompenfent abondam-
ment de la perte qu'on fait, en s'éloi-
gnant un peu plus du Nud , que n'ont
fait les Sculpteurs anciens, qui s'y font
atachés, pour ainfi dire, uniquement.
Le Poussin eftapeléle Raphaël
François ;& cela, fans profaner ce grand
nom. 11 lui reflemble éfedivement,mais
de la même manière que Nestor dit,
dans Home're , que les Héros de fon
tems reffembloient aux Demi-Dieux,
leurs Ancêtres. D'ailleurs, comme il
n'a jamais peint qu'en huile , & des Ta-
bleaux de Cabinet, ordinairement avec
des Figures d'environ deuxpiésde haut,
il n'étoit pas propre pour les grands Ou-
vrages ; mais, en échange, fes Ouvrages
étoient finis & correéls.
Après tout, peut-être qu'on ne tom-
bera pas d'acord, que le Poussin foit
Un Maître de deçà des Monts ; parce
que,quoiqu'il le foit en qualité d'Hom-
me, il ne l'elt pas en qualité de Peintre,
^ant prefque toujours demeuré à Rome.
l'on ne veut pas l'admettre dans ce
pngj par raport à cette circonltance, fa
* atrie nous en fournit un autre qui ne
lui eft
pas de beaucoup inférieur, ou plu-
tôt qui ne peft. nj à lui ni à qui que ce
loit, à certains égards que je pourois
léguer, fondé fur des preuves fufifantes;
B 4 je
-ocr page 124-ïo des Statues, Tableaux,
-je veux dire Sebastien Bourdon,
Pour Le Brun, c'étoit à la vérité un
grand Homme , mais non pas un R a-
p à e l.
VAN "DTK a travaillé en Hiftoire ;
mais il eft certain, qu'il a été infpiré par
fon bon Génie, lorfqu'il s'eft apliqué aux
Portraits, en quoi il a parfaitement réufti 5
en partie , par raport au Siècle où il vi-
voit, & en partie , par raport au Pays
où il a pafle un efpace confidérable de
fa courte vie. De fon tems, le Portrait
le plus fincère & le plusreflemblant pak
foit pour le meilleur: d'ailleurs, nous a-
vions eu en Angleterre très-peu de bons
Peintres, de quelque efpèce que ce fût.
Van Dyck avoit à la vérité de l'agré-
ment dans fes Idées ; mais, malgré cela,
elles tenoient toujours du Flamand: &
fi le goût du Public avoit été tel qu'il a
été par la fuite, & qu'il eft encore-à~
prefent, Van Dyck n'auroit pu être
alors , & ne feroit pas aujourd'hui un
aufti grand Homme qu'il a été , & qu'il
eft encore actuellement, Car il auroic
été obligé d'abandonner ce fincère ata-
çhçment à la Nature , qui cependant é-
toit fon fort : il auroit été contraint de
faire des Femmes de fes Hommes, &
& de fes Femmes de jeunes Filles, ou
des Coquettes ; autrement on n'auroit
pas fait de lui l'efiime qu'on en faifait;
et Desseins, en Italie. 2,1
cependant, il n'y auroit pas fi bien réuffi,!rNI™°DUC*
qu'il l'a fait, dans ce que fon génie lui
ditfoit. La Mode decetems-là,& celle
des Hommes en particulier, mais fur-tout
autour du vifage , lui étoit pareillement
d'un très-grand avantage. Pour les ex-
cellentes qualités qu'il pofledoit, comme
Peintre , il y a peu de perfonnes qui en
puifl'ent juger ; & s'il ne nous avoit pas
été tranfmis, fous ce grand Caradère
qu'il avoit alors, on ne l'auroit pas généra-
lement reconnu pour tel qu'il eft,quoique
fes Portraits reprefentent des perfonnes
pour qui nous ne nous intèreflons que
très-peu , ou point du tout. Mais, fé-
lon le goût d'aujourd'hui , encore qu'il
fût plus jufte dans plufieurs cas, ces fortes
de reprefentations de nos Amis , ou de
nos Parens, ne nous auroient pas plu ;
car fon Coloris étoit fouvent languiilànt
& froid , quoiqu'il fût le Difciple de
R ubens: fon Deflein n'eft pas toujours
correél, il eft rarement beau, ou du moins,
il n'eft pas remarquable à cet égard ; car,
quoiqu'il ait étudié pendant quelque tems
en Italie y on ne voit pas la moindre tein-
ture de l'Antique , dans fes Ouvrages.
Ses Attitudes font quelquefois gênées,
fes Mains le font ordinairement; & je
iuis très-perfuadé, que bien loin de fh-
ter j il a tiré plufieurs de fes Perfonna-
ges, avec moins de grâce & de beauté,
B 5 qu'ils
ïo des Statues, Tableaux,
™N0m7C* qu'i's n'en avoient éfeâivement ; ou d.ut
moins, qu'il ne choiliiloit pas les mo-
mens qui leur étoient les plus avanta-
geux. Mais , d'un autre côté , il atra-
poit une certaine Nature qui étonne ,
dans fes Airs , dans fes Attitudes, dans
fon Coloris , dans fes Draperies , &
dans tout ce qu'il faifoit ; & cela,
avec un pinceau auffi délicat, auffi lé-
ger , & auffi convenable qu'on en ait
jamais vu. Il imitoit la Nature à un tel
degré , que je ne croi pas qu'il y ait ja-
mais eu un Peintre qui l'ait furpaffé, ni
peut-être égalé en cela. Et, comme
c'efc-là le grand but de la Peinture-en-
Portrait , & qu'il eft reconnu pour tel
par tout le monde , pourvu qu'on n'ait
pas le goût dépravé , ou qu'un intérêt
particulier ne nous empêche d'en juger
fans prévention , comme il arrive lorf-
que le Tableau nous reprefente nous-
mêmes , ou quelque perîbnne qui nous
eft chère, Van Dyck. peut, avec rai-
fon , palier pour le plus grand Maître
qu'il y ait jamais eu , dans ce genre de
Peinture ; mais non pas 11 grand, qu'il
ne nous refte quelque efpérance de le
voir furpaffé.
jRVBENS, comparé avec Van Dyck,
eft comme l'Océan, à l'égard d'une Ri-
vière extrêmement large & agitée. L'un
& l'autre donne du plaifir ; mais, dans
et Desseins, en Italie. 2,1
l'un, ce plaifir eft mêlé de frayeur & d'é-™^6*
tonnetnent, & dans l'autre,de familiari-
té & d'amour. Van Dyck n'étoit pas
non plus renfermé dans des bornes fort-
étroites ; c'étok une Rivière, mais telle
qu'eft la Thamife , le Rhein , ou le Da-
nube. IL peignoit non-feulement des
Portraits, mais aufli des Hiftoires , des
Payfages , des Batailles , des Animaux,
&c, & tout cela admirablement bien:
mais Rubens étoit plus univerfel ; non-
feulement il peignoit d'autres chofes,
pour acompagner fes Figures, foit dans
fes Portraits,ou dans fes Hiftoires,mais
même des Tableaux entiers d'autres Su-
jets. Ses Payfages étoient beaux , &
remplis d'une variété extraordinaire,
de tous les incidens de la Nature. J'ai
de lui une Fête champêtre de Payfans
yvres,qui eft un Defiein de près de cent
Figures , plus excellent dans fon genre,
que tout ce que j'ai jamais vu d'Osta-
de, de Teniers, ou de Brouwer.
Ses Portraits ont de la vigueur & de la
force ; mais je doute fort, & j'oferois
même nier, qu'ils aient été en général
aufti refiemblans que ceux de Van
Dyck. J'ai quatre Defteins de fa der-
nière Femme, qui étoit fort belle, tous
aftez refiemblans pour faire voir qu'ils
fo&t faits d'après la même perfonne;
mais non pas en un degré à pouvoir per-
ïo des Statues, Tableaux,
- fuader,que chacun, en particulier, ait pu
reflembler exactement à la Dame qui
étoit tirée ; & cette inégalité ne vient
pas de quelque diférence confidérable
dans l'âge , ni dans l'attitude: au relie,
il étoit autant éloigné de la flaterie, que
Van Dyck. La Dame , dont je viens
de parler , avoit les joues un peu retré-
cies par en bas ; ce qui lui rendoit le
menton pointu , & tant foit peu relevé.
Il n'a pas manqué d'exprimer fufifam-
ment ce Défaut, dans les Defleins dont
je parle , excepté dans un feul : &
il en a fait de même, dans tous les Por-
traits que j'ai vus de cette Dame. J'ai
auffi un Deflein de fa première Fem-
me : le Vifage eft un des plus des-
agréables que j'aie jamais vus ; & je fuis
fûr,qu'il l'elt plus qu'il n'étoitnéceflaire
pour la faire reflembler , quelque laide
qu'elle fût éfeftivement. Les fortes
teintes jaunes & rouges de la Carnation,
qui font un fi bon éfet dans fes grands
Tableaux , & que nous admirons même
dans fes Portraits, lors que nous les re-
gardons fans nous intéreflèr pour les per-
fonnes qu'ils reprefentent, feroient vues
d'un autre œil en le peignant tels aujour-
d'hui. Loin de les admirer, on ne pou-
roit les foufrir: on les regarderoit com-
me des diformités, & comme un manque
de fraîcheur & de délicateflè, qui fans
con-
-ocr page 129-et Desseins, en Italie. 2,1
contredit fait partie de la beauté , fur- ;
tout de celle du Sexe.
Son Deffein étoit plus grand , mais
auffi peu correft , & auffi éloigné du
meilleur goût Italien & de l'Antique,
que celui de fon Difciple ; quoi-qu'il
femble qu'il ait tâché d'atraper ce qu'il
trouvoit dans l'un & dans l'autre, par la
quantité de Defleins qu'il a faits d'après
eux, & par ce qu'il a retouché plufieurs
Copies, & même quelques Deffeins O-
riginaux des plus grands Maîtres. Aulîi
n'a-t-il pas rejetté l'Antique,pour fuivre
la Nature , par jugement & par choix ;
car, quand on parle d'étudier l'Antique,
il n'y a perfonne , même des plus zélés
partifans des Anciens, qui entende que
les Peintres ne doivent pas examiner en
quoi leur Art difére de celui de la Sculp-
ture , & ne fe pas fervir des avantages
qu'ils tirent des Couleurs : qu'ils ne doi-
vent éviter la fèchereile des plis dans les
Draperies,fupofé même que ces grands
Sculpteurs anciens s'en foient fervis a-
vec prudence ; & avoir foin de ne
pas imiter la pierre , au-lieu de la chair.
Mais fi, de l'autre côté, ils jugent à-propos
de ne pas tâcher de relever la Nature,
eomme les Anciens Sculpteurs l'ont fait,
& s'il veulent absolument s'atacher à la
Nature, il faut du moins qu'ils confidé-
rent, qUe la belle Nature n'ell pas moins
ïo des Statues, Tableaux,
^TRonuc Nature , que celle qui n'eft point belle.
La Nature n'eft point renfermée dans les
bornes des Proportions & des Fermes *
Flamandes ; moins encore dans les plus
mauvaifes d'entre elles ; & encore bien
moins dans celles qui font chargées, com-
me Rubens les a faites, en pîufieurs
occafions.
Je me fuis fouvent étonné de*ce qui
pouvoir être la caufe du goût desagréa-
ble, où Rubens étoit entré. Il a été
longtems parmi les Morceaux les plus
excellens de l'Italie : il a toujours con-
verfé avec des gens de la plus haute
Qualité, & par conféquent,Ies plus po-
lis; d'ailleurs, il l'étoit lui-même à tous
égards: il penfoit fagement, favamment,
& noblement. Il avoit l'Invention fi ri-
che & fi abondante , qu'il en furchar-
geoit fouvent fes Tableaux; ce qui joint
à fes autres impétuofités , fait qu'on ne
peut confidérer fes Ouvrages avec aifan-
ce & en repos. Mais ce desagrément
eft bien tempéré par la parfaite connoif-
fance qu'il avoit de la Compofition , &
du Clair-Qbfcur. Chez lui, tout eft ani-
mé ; il femble même qu'il fe foit éfor-
cé , autant que les Anciens & les meil-
leurs Maîtres Modernes, à relever &
embellir la Nature: mais, de quelque
manière que la chofe foit arrivée , c'é-
tait dans un mauvais goût de ce qui eft
véri-
-ocr page 131-KWr
et Desseins, en Italie. 31
véritablement Grand & Beau. Il a une introduc-
Grandeur, mais qui eft groffière qui"0""
ne laifl'e pas d'être diforme : fon Stile
eft au-delà, mais non pas au-deflus de la
Nature. Et comme c'eft-là le vrai ca-
radère de fon Stile, en général, il ne l'eft
pas moins dans fes Exprefîions ; aufli eft-
il bien rare de trouver, dans fes Perfon-
nages , des Paffions ou des Sentimens no-
bles, ni un grand caradère de Sagefle,
ou de Dévotion, ou enfin quelque cho-
fe d'aimable & de délicat.
Il a mieux réuffi à relever la Nature,
par le moïen de fon Coloris : ce n'eft pas
à dire, que les Couleurs puiflent atein-
dre à laNature,dans fes meilleurs momens?
mais j'entends, qu'il a toujours choifi ces
momens favorables. Il a reprefenté les
chofes comme fi elles étoient expofées
au Soleil, ou , dans fes rayons vigou-
reufement réfléchis. On ne voit, dans
fes Ouvrages,aucun Tems pluvieux,ou
couvert, aucune Chambre, aucune Ca-
verne fombre & mélancolique, à moins
que le Sujet ne le demande néceflfaire-
ment. Tout y eft éclatant, fort,& gai;
& l'on peut dire , qu'il eft alé auffi loin
que les Couleurs aient jamais été, ou
qu'il a fait peut-être tout ce qu'elles font
capables de faire, fans le fecours duTems.
Il refte cependant,dans fa Manière, une
certaine Férocité, qui eft une efpèce de
Beauté,
-ocr page 132-32- fi e s Statues, Tableaux*
iistRooLC. Beauté , qui éblouît autant qu'elle fe*
jouit. Je le fais voir de fon plus beau ccm
té ; car fouvent il eft outré , & traduit
en ridicule ce qu'il polfédoit de plus ex-
cellent. J'avoue pourtant,qu'il y a bien
des Pièces qui patient pour être de luij
& qu'il n'a fait que retoucher, ou peut-
être qu'il n'a jamais vues.
C'eft ainfi, que ce grand Homme (car
après tout, il l'étoit éfeétivement : ) nous
fait fouvenir de ce que certains Théolo-
giens ont dit des Vertus des Païens, en
les apelant Splendida Teccata , c'eft-à-
dire des léchés pompeux. Je confens
qu'il foit un Socrate, un Aristi-
de, un Caton, ou ce qu'il vous plai-
ra ; mais afturément c'étoit un ePaïeni
en fait de Peinture. Il avoit d'excellen-
tes qualités ; mais il lui manquoit la plus
effentielle ; je veux dire une Idée belle
& pure de la Nature, tant à l'égard du
Corps, qu'à l'égard de l'Efprit.
Pour raiTembler ce que je viens de
dire,le Génie de Van Dyck eft mon-
té fur un Cour fier Anglois .celui de Ru-
b e N s fur un Etalon Flamand , les An-
ciens fur cPegafe, qui porte en croupe
R a p h a b l, <& encore le P o u s s i n der-
rière lui; pour celui de Rembrandt,
c'eft un véritable Coureur (*).
(*) Valet de pîé en équipage bizarre , & qui acconï^
pagne les Garrottes de perfonnes de Qualité.
et Desseins, en Italie. 35*
Ou pour donner les véritables caradè- introdu».
res de ces quatre Maîtres de deçà lesTI0N'
Monts,fans me fervir d'allégorie,Rem-
b r a n d t , & Van Dvck ont copié la
Nature (impie ou commune, de plus près,
que n'a jamais fait aucun autre Peintre:
Le Poussin a fuivi l'Antique, dans la
toute de Raphaël , mieux qu'aucun
autre Maître n'a fait depuis le tems de ce
Prince de l'Art ; & Rubenss fait com-
me les Chimiftes qui ne pouvant parve-
nir au grand Elixir , ne laiffent pas de
produire en fa place quelque chofe de
très-excellent:il n'a ni copié fidèlement,
ni embelli la Nature ; mais il péchoit li
glorieufement, que j'aimerois mieux être
Rubens,que Rembrandt, le Pou-
sin, ou Van Dyck: à la vérité, il y
a quelque chofe de défedueux dans fes
Ouvrages; mais en même tems , tout y
elt magnifique & éclatant.
MILAN.
Dans le Couvent des Domini-
cains»
ON voit dans le Réfedoire , au-à milan.
ç deffus d'une porte fort haute, levf'Jn"ridt
fameux Tableau de la Cène, peint en
huile fur la muraille, par Léonard
Tome III, C de
40 des Statues, Table aux,
a milan, de Vinci. Les Figures en font auffi
grandes que le naturel, mais extrême-
ment ruinées; & tous les Apôtres, qui fe
trouvent à la droite du Sauveur, font
entièrement éfacés : le Christ & les
Figures qui font à fa gauche, font enco-
re allez vifibles , à cela près, que les
Couleurs en font tout-à-fait ternies; il
y a des endroits où il ne refte que la fim-
ple muraille. La fécondé Figure après
Je Christ, je veux dire,l'Apôtre qui
croife les bras fur fa poitrine , efi celui
qui s'ell le mieux confervé ; & l'on y
remarque une Expreffion merveilleufe,
& beaucoup plus forte, que dans aucun
des Defl'eins que j'en ai vus. Armenini
quia écrit environ l'an ijBo. raporte,
que ce Tableau étoit déjà gâté à moitié
de fon tems (*).
Vasari (t) afitire, que lorfque ce
Peintre travailloit à fon Tableau , il ne
fe prefibit pas beaucoup, parce qu'il tâ-
choit d'embellir de plus en plus fes Idées,
à l'égard des Paffions, afin de pouvoir
mieux'exprimer le foupçon que les Apô-
tres avoient les uns des autres,dans une
conjoncture aufli extraordinaire, que
celle où ils fe rencontroient, & la crain-
te que chacun d'eux avoit en particulier,
que
( * ) G. B. Armenini, Veri Precetti délia Pittura. Ra-
voir, a, 1587- 4. Pa%. 172.
(f) vite de' Pittori, ikc, Fiormca 1568. in 4. Part. III.
Vol. I. Pag. 6.
et Desseins, en Italie. 35*
que ce foupçon ne tombât fur lui. Maisà mil*»«
le Prieur du Couvent, ennuie de ce re-
tardement, & s'imaginant que, pour fai-
re un Tableau,il n'y avoit qu'à peindre,
ce Prieur, dis-je , l'inquiétoit extrême-
ment, & le preffoit fans ceffe de finir fa
Pièce. Léonard de Vinci, pour
s'en vanger , avoit une envie extrême
de peindre fon vifage, pour reprefenter
le Judas ; mais, comme c'étoit un hom-
me de confidération , & d'ailleurs un
Ecléfiaftique , il n'ofa le faire , fans en
avoir obtenu auparavant lapermiffiondu
Duc , que ce Prieur n'avoit pas moins
importuné , par fes fréquentes folicita-
tions , pour le porter à faire mettre la
dernière main au Tableau. Léonard
qui avoit les bonnes grâces du Duc ,
comme il a eu celles de tous les Princes
qu'il avoit l'honneur de fervir , par un
éfet des belles qualités qu'on luitrouvoit,
l'alTura qu'il ne travailloit jamais plus que
quand il n'avoit pas fon pinceau à la main ;
qu'il avoit fini tous les Apôtres; qu'il é-
toit fort content de leurs Airs, & des
Expreflions qu'il leur avoit données ;
Mais qu'il ne pouvoit trouver d'Image
attez vive , pour exprimer celui , qui
^près avoir reçu tant de bienfaits de fon
^ivin vlaï rc , a eu lame allez noire,
Pour fe ré foudre à le trahir. Il ajouta,
SU'il avoit conçu une idée fi afreufe du
C x vifage
40 des Statues, Table aux,
â Milan, vifage de cet étourdi de Prieur, qui l'a-
voit fi fort tourmenté,qu'elle éfaçoit de
fon imagination tous les autres traits les
plus hideux; de forte qu'il lui étoit im-
poffible d'achever le Tableau , fi Son
Altelî'e ne lui permettait d'y peindre le
vifage de ce Moine,.-- Oh ! de tout mon
cœur , répondit le Duc ; il faut finir la
'Pièce , le Prieur le veut, & ilma fouvent
fait des plaintes, de ce quelle nefl pas en-
core achevée (*). Mon Père a le Defiein
Original de cette Tête,fait par L e o n a r d
de Vinci, avec la main gauche, com-
me ces fameufes Pièces, qui fe trouvent
dans la Bibliotèque de S. Ambroife. Cet-
te Tête reprefente une Idée fi complète,
pour un Judas , que je ne fuis pas fur-
pris , que ce Peintre ait eu une fi gran-
de demangeaifon de la peindre.
Ce qu'on débite de la Tête du
Christ, qu'on prétend que le Peintre
a laiffée imparfaite, pour n'avoir pu exé-
cuter dignement l'Idée qu'il en avoit con-
çue, eft tout-à-fait faux ; puis qu'il eft
certain, que la partie qu'on en voit enco-
re eft très-finie , félon fa Manière ordi-
naire. On y a cloué fi bas les Armes de
l'Empereur , qu'elles touchent prefque
les cheveux du Christ , & couvrent
une bonne partie du Tableau (f).
Dans
(*) Vasari, Part. III. Vol. I. Pag. 6.
(t) On voituneliftampe d'après ce Tableau, gravée par
S o v ï m a n, fur le Deflfein de P. P. Ru sens,en deuxfeuillcs.
et Desseins, en Italie. 35*
1 Milan*
\"Deffeins qui apartiennent à Tt^Academie
de ^Peinture.
Le fameux Livre de Mécanique de
Léonard de Vinci. Les Deffeins
de ce Livre font colés fur de grand pa-
pier Impérial. 11 contient 399. feuilles,
& 175*0. Defteins, tous indubitablement
Originaux,faits de la main gauche,avec
des Remarques, & des Explications,
écrites auffi de fa main gauche, & à re-
bours ; mais qu'on peut facilement lire,
par le moïen d'un miroir, qu'on y garde
exprès pour cela. Le Caradère en eft
tout-à-fait le même que celui de l'Ecri-
lUre , qui fe trouve au bas du Deffein
d'une Hiftoire que mon Père a du mê-
me Maître. J'ai vu d'autres feuilles dé-
tachées , avec des Notes fur la Peinture,
& quelques Lettres de Léonard de
Vinci, il je ne me trompe, dans la Bi-
bliotèque de S. Michel du Bois, à Bolo-
gne. Mylord A ru n del a fait bien
des démarches , pour tâcher de faire a-
voir au Roi Jaques I. ce Livre de
^Mécanique ; & il en a ofert jufqu'à trois
^ille Piftoles, dans le tems qu'il étoit
e^core entre les mains d'un particulier.
C 3 C'eft
-ocr page 138-40 des Statues, Table aux,
à milan. C'eft de quoi on n'oublie pas d'entrete-
nir les Curieux,en leur montrant le Li-
vre ; outre qu'on a eu foin d'en impri-
mer une Relation particulière.
mlm• On y trouve un autre Livte, du même
Maître, qui confifte fur-tout en Têtes ,
chargées d'une façon grotefque , que les
Italiens apèlent Caricature , au nombre
d'environ deux cens. Il y a pourtant, en-
tre ces Têtes, un fort beau Deflein du
Portrait d'ABxus Gouffier, Sei-
gneur de Boijfî, Grand-Maître de Fran-
ce , Favori de Fraçois i. & qui fait
une figure confidérable dans l'Hiftoire
de France. Mon Père en a aufli un, qui
eft excellent. Cav. Lutti de Rome en
avoir deux du même Homme ; mais ils
font tous pris dans une vue diférente.
11 y a, ouvre cela , cinq autres Livres
de Defleins, de diféi entes Mains; mais là
plupart de Léonard de Vinci, &
de fon Ecole. 11 s'en trouve pourtant
de R a phael,de JuLE-RoMAiN,de
Michel-An g e,d'A ndre'del Sar-
to,dn Parmesan,&du Correge;
mais très-peu de fort confidérables, fi ce
n'eft un du Parmesan, de neuf Figu-
res, dont je fai pas l'Hiftoire ; & deux
du Correge; fa voir, un Mariage de
Joseph & de Marie, & une très-
belle Etude, pour la fameufe Notte qui
eft à Modène. 11 y en a une autre admi-
rable,
et Desseins, en Italie. 35*
rable,dans la belle Collection de Mylord à M,LAN-
Comte de P e m b r o k e : & mon Père
en a une troifième,très-capitale & très-
bien confervée. On y trouve encore
un Defiein de Blaise Bolcnois,
& deux de Batiste Franco. Ce
font deux excellens Maîtres du bon tems;
mais qu'on ne reconnoît prefque plus en
Italie : ils font auffi fort rares en Hol-
lande , & en Flandres ; mais nous en a-
vons pîufieurs en Angleterre, & il y en
a de très-beaux en France, dans le ma-
gnifique Recueil de Monfieur Crozat,
à Paris.
Tableaux qui apartiennent à r Académie,
& qui font dans la Chambre, proche
de la Bibliotèque.
La Tiuchefe de Milan, de Profil ; c'eft Vi%mrd d'
un très-beau Portrait, peint par Léo-
Nar de Vinci.
Six beaux Tableaux de Breugel. b"u
Pîufieurs Tableaux de Lovino.
^On Canon de Pife , très- excellent , dd
dandré del oarto.
On trouve de la beauté dansle Tout-en fem-
ble des Tableaux d'Hittoire de ce Maî-
tre, & l'on remarque une efpèce de Grâ-
ce dans fes Figures ; cependant, comme
il ne leur donne pas une Expreffion ex-
cellente , & qu'ils font dans un goût
C 4 tout-
40 des Statues, Table aux,
a milan, tout-à-fait Moderne , particulièrement
dans les Draperies, il feroit à fouhaiter,
qu'il fe fût plus apliqué à peindre des
Portraits, à quoi la Nature fembloit l'a-
voir deftiné.
m L'Enfant 'Prodigue avec fin Père, du
Cav. del Cairo, d'un bon goût.
Le fameux Tableau de Je'sus Christ
qui lave les fiés à fes Dïfciples : on dit
qu'il a été commencé par Ferin del
Vaga, & fini par Raphaël. Les Fi-
gures en font la moitié aufti grandes que
le naturel. La Pièce elt alfez bonne;
mais je doute fort, qu'elle foit de Ra-
phaël. Au-refte, je ne l'ai vue que de
fort haut.
w. Barroccit. Une Vierge qui adore Jéfus-ChriJl, de
F. Barroccio, très-excellente.
^indn Mm- Un Tableau Capital, d'A ndre'Man-
Uinn.
tegna.
fidesGaiu- Un CP or trait où eft écrit: F ides Gal~
licia, Virgo pudiciffima, JEt. 18. O pus hoc
Frat. Pauli Morigii Simulacrum An. 71.
grati animi ergb afin xi t, An. 15 y 6.
très-naturel, & admirablement bien exé-
cuté. Cette Fede Gallicia étoit une.
Artifte de cette Ville , qui excelloit en
Peinture: on y trouve de fes Ouvrages,
dans quelques Eglifes , & dans des Ca-
binets particuliers.
GUrpm. Giorgion qui chante avec d'autres Mu-
ficiens: peint par lui-même.
Un
-ocr page 141-et Desseins, en Italie. 35*
Un Dejfein de Carlo del C ane,^ mit»,
dans un quadre, & couvert d'une glace,cfZUi'1
avec un Chien au bas, comme ce Maî-
tre le met , dit-on , dans tous fes Ta-
bleaux : il eft d'un allez bon goût. Car-
lo T o r r e , dans fon 5Por trait de Mi-
lan , parle fouvent de ce Maître.
'Dans la Chambre voifine.
Toutes les meilleures Statues antiques,
jettées en mou'e.
Le Carton pour r Ecole d'Athènes,
defliné en crayon noir, par Raphaël.
Je croi, que c'eft le véritable ; mais il é-
toit fi éloigné de moi, que je n'ai pu
m'afturer de la vérité: cependant il me
femble,que je n'ai jamais rien vu de plus
beau. Il paroît être allez bien confervé.
A côté de ce Carton,il y en a un au- p.
tre,dè Pierre Peruguin, d'un grand
goût, & nullement roide.
Il y a , dans cette Bibliotèque , un
grand nombre de beaux Livres: & elle
paffe pour une des plus confidérables
d'Italie^ quoiqu'il n'y ait pas long-tems
qu'elle eft établie; mais, comme elle n'eft
point de mon Sujet, & que je ne traite
ici que des Ouvrages de l'Art, je n'en
parlerai pas davantage.
C 5 PL Aï-
-ocr page 142-40 des Statues, Table aux,
T% de S. Sixte, apartenan-
JL/ te aux Bénédiiïins , on voit une
Madonne, avec S. Sixte, Barbe, &c.
C'eft un Tableau fort confidérable , &
d'une Manière excellente , peint par
Raphaël.
IL y a ici environ une cinquantaine de
Defteins, la plupart Capitaux,enchaf-
fés dans des cfuadres , & couverts de
glaces. Entre autres,MajJ'acre des In-
nocens, ^sRapHael, e'quiiié légère-
ment de crayon noir, & enfuite fini. Un
1Jats mes Brebis du même, eiquifté en
crayon rouge,précisément de la Maniè-
re du beau Batême que mon Père a.
Une Bacchante, avec deux autres Figu-
res détachées, aufti en crayon rouge ;
mais plus finie & déterminée, comme
l'Etude qu'a mon Père du Zoroaftre : &
quelques autres Figures de l'Ecole d'A-
thènes. 11 y en a aufti quelques-uns du
Cor re g e., qui font très-rares, & très-
beaux ; comme une Madonne qui alaite,
un S. Jean , un beau Ripofo, &c. Une
belle
-ocr page 143-et Desseins, en Italie. 35*
belle Copie d'après l'Ecole d'Athènes deà BOLOGNS-
Raphaël, deffinée par le Parme-
san ; elle eft touchée légèrement à la
plume, & lavée: & encore quelques au-
tres Morceaux Originaux du Parme-
san. 11 ya, entre autres, un beau Deffein
de Batiste F r a n c o : c'eft une gran-
de Frife,qui reprefente Valerte qui arri-
ve au Camp de Coriolan ; on l'atribue à
Po^ydore; mais il eft certain, qu'elle
eft faite d'après lui , par le Maître que
je viens de nommer, & qu'on ne con-
noît prefque plus en Italie : cependant,
il ne laide pas d'être merveilleux. On
y trouve auffi de très-excellens Defleins
des Caraches, du Guide,tant
Têtes, qu'Hiftoires.
Il y a encore, dans ce Palais, plufieurs
beaux Tableaux des Caraches, &
autre autres des Portraits; mais qui font
faits d'une Manière obfcure,& peu pro-
pre pour la Peinture en-Portrait.
Dans r Eglife de S. Jean del
Monte
Chapelle des Bentivogli.
Le Tableau de la fâmeufe S. Ce elle,
peint par Raphaël ; les Figures font
de grandeur naturelle:il eft encore dans
l'endroit où il a été placé dès le com-
40 des Statues, Table aux,
ibologne, mencement ,fans en avoir jamais été ôté.
Le quadre en eft vieux, uni & doré; &
il paroît être celui qu'il a eu d'abord. 11
eft fort bien confervé, excepté une Li-
gne d'environ un demi-pié de largeur,
au travers du Tableau, vis-à- vis des Cier-
ges qu'on y alume devant, durant le Ser-
vice , où les Couleurs font tout-à-fait
brûlées. Hors ce tems-là, il eft toujours
renfermé comme dans une boëte. Ce
Tableau n'eft pas de la dernière Manière
de ce Maître , puis qu'il le fit plufieurs
années avant fa mort : ainlî la Manière
en eft un peu dure, & fèche ; & le Ton
du Coloris tire fur le brun. Ce n'eft pas,
à proprement parler, une Hiftoire^mais
ce font plutôt les Figures de trois Saints
& deux Saintes, dont les plus proches
delà vue font Ste. Cecile, S. Paul &
Ste. Marie Magdelaine. Celle qui
donne le nom au Tableau eft au milieu :
elle eft toute ravie & regarde en haut
vers un Chœur d'Anges, qui jouent de
divers Inftrumens ; & elle eft tellement
tranfportée de cette harmonie célefte,
qu'elle jette à terre tous ces Inftrumens
mondains, avec fon Orgue inutile. Dans
les deux efpaces, qui fe trouvent entre
ces trois Saints, font placés S.Jean &
S.Augustin, 11 y a de l'aparence que
ces cinq Saints, ou Saintes, ont été les
Patrons de la Perfonne qui a fait faire
et Desseins, en Italie. 35*
le Tableau, & qu'elle avoit pour eux une àBoi-oosî,
vénération particulière. Les Attitudes de
même que les Airs font très-belles ,
conviennent à chacune des Figures ;
mais, félon moi, celle de la Scc. C e c i l e
eft la moindre. Elles font toutes à la vé-
rité un peu fèches,& elles ne font point
deffinées avec toute l'élegance poflible;
cependant, tout cela s'adoucit à une cer-
taine diftance,& les Couleurs paroiflènt
alors aflez fraîches & agréables, de for-
te qu'en général, ce Tableau a un cer-
tain je ne Jai quoi , qui, à mon avis, le
met en parallèle avec tous les autres de ce
Maître,fans en excepter même celui de
la 7r an s figuration.
Cette Ordonnance n'eft pas tout-à-fait
la même que dans l'Eftampe, que Mare-
Antoine en a gravée; & même il me
femble qu'elle n'eft pas fi bonne : on n'y
trouve pas tant de cette noble fimplici-
té , on y voit bien plus dlnftrumens de
Mufique aux pies de la Sainte, & mêmes
les Attitudes de toutes les Figures font
tant foit peu variées} comme on peut le
remarquer , en comparant l'Eftampe de
M a r c-A n t o i n e , faite fur un Deflein,
telle que le font prefque toutes celles qu'il
a gravées, avec celle que Jule Bona-
zoNe a faite fur le Tableau même (*).
(*) Le Comte M a t v « s i a a raporté quelques particu-
iarités hiftoriques fur ce Tableau , dans fon Livre intitulé
Felfiaa
-ocr page 146-40 des Statues, Table aux,
à Bologne. On trouve vis-à-vis de ce Tableau ce-
t>.mi»win. lui dl1 Roja'me de D o m i n iqui n : c'eft
une Pièce fort gaie, claire, & d'un Co-
loris éclatant.
11 n'eft pas facile de deviner quel ra-
port il y a de la partie inférieure de ce
Tableau , à la partie fupérieure, qui eft
une Hiftoire belle & nette de la Dévo-
tion que S .'Dominique a inliituée , en
l'honneur des quinze Miftères de la
Vierge Marie. L'Ordonnance de cet-
te partie inférieure a toujours embarafîé
les Connoillèurs. Albane lui-même,
d'ailleurs grand admirateur de D-omini-
Qjjin ,-avoue qu'il ne fait ce que cela
veut dire: & même, lorfque cette Piè-
ce, qui a été peinte à Rome, fut envoïée
à Bologne, la Famille, pour qui elle étoit
deftinée , fut obligée d'envoïer dire au
Maître de lui en donner l'explication
par une Lettre. Domini q_u i n ,
dans la réponfe qu'il fait, dit Amplement,
qu'il tâchera de fe recueillir pour cela;
& il ne l'a cependant jamais fait (f).
Au refte, comme on en a une Efiampe,
; je me m'étendrai pas à faire la dé-
feription de cette partie inférieure.
Aca-
Tdfina Pittrice del Conte C. C. Mal vasia. Bologna,
An. 1678. tn 4. Part. i. pag. 44. & feq.
(t) Voïeç Velfina pittrice■. Part. IV. pag. 310. feq.
Voïei suffi le lentiment Bïllori fur ce Sujet,
dans fon Livre intitulé : vite du' Pittori, Scultori, s£c.
Roma, TÀ72. in 4 pag, 3i0.
Gravée par Girard Aodkan.
-ocr page 147-et Desseins, en Italie. 35*
à Bologne,"
Deux Chambres peintes par Pelle-w.
Crin Tibaldi, fort aprochant du
Goût de Michel-Ange: le Coloris
n'en elt pas confidérable , ni la Manière
agréable : malgré cela , cet Ouvrage efl:
fort eftimé des gens du lieu.
T>ans une autre Chambre.
Un Bas-Relief antique , de terre cui-
te , qui eft un Modèle pour le Trimal-
chïo , fuporté par un Faune , mais dont
les jambes font rompues.
Une Friie autour de la Sale : elle ne
frape pas extrêmement, dès la première
vUe ; mais, lorfqu'on l'examine plus aten-
tivçÎTÎent ,-on y découvre bien des beau-
tes- Le Sujet reprefente les Affïons de
Romuius ; & les trois Caraches y
°nt travaillé de concert.
Celui où Romuhs bat les Bergers de
Numïtor eft d'Augustin: le Raviffe- C"athc-
Went des Sabïnes eft û'Annibal ; &
Romulus qui forte Spolia opima , ou les Ur'uhe-
'ghrieujes & riches dépouilles du Rot
A c r o n^ pour les dédier à Jupiter Fé-
rétrien, eltde Louïs Carache. Je
nom-
-ocr page 148-40 des Statues, Table aux,
à Bologne, nomme ici les Pièces de ces trois difé-
rens Maîtres, afin que ceux qui fe trou-
vent fur les lieux , en puiffent comparer
enfemble les Manières diférentes. Lorf-
que cet Ouvrage eut été expofé à la vue
du Public,& que tout le Monde ydon-
noit fon aplaudilfement , Prospero
Font an a, qui avoit été Maître des
Caraches, eut la génerofité de déplo-
rer fon fort, fur ce qu'il étoit trop âgé,
pour ofer entreprendre de changer là
Manière , & d'imiter celle de fes Difci-
ples. C'eft ce que nous aprend M a l-
vasia (*) ; & il ajoute,que decestrois
Morceaux, le premier qui eft d'Au-
g us tin, eft celui qui étoit le plus efti-
mé alors, comme il l'eft encore aujour-
d'hui ; ce qui caufa de la jaloufie à An-
nibal,& lui donna ocafion de changer
fa première Manière, en celle qui le fait
tant admirer à prefent, comme étant
plus méditée, & mieux finie ; au-lieu
qu'auparavant, il fe piquoit plus de prom-
titude, & de facilité, que d'autre chofe.
Cet Ouvrage eft remarquable , fur-tout
par la riche lie de fes Ornemens, & par la
variété d'Invention (f). Mais, comme
les Ombres en font, pour la plupart, deve-
nues noires, & que,par-là, ces Tableaux
ont perdu leur Air riant, auffi-bien que
l'Har-
(*) Part. III. pag. 397.
(j) Eftampes ea fon* gravées par Chat t 1
10K«
et Desseins, en Italie. 35*
l'Harmonie, qu'ils avoient dans le com- àBOLOGïîi,,
tnencement, cela fait que tout l'Ouvra-
ge enfemble ne frape pas , dès la pre-
mière vue. C'eft auffi fouvent la raifon
qui fait, que les meilleurs Morceaux ne
plaifent pas ; quoiqu'on ait coutume d'en
atribuer la caufe à un manque de goût.
Quelque excellente qu'une Pièce foit
d'ailleurs, fi le premier coup d'œil n'en
pas agréable , il nous choque la vue,
J1 nous ôte l'envie de l'examiner de
plus près, & fait ainfi palTer légère-
ment fur des Beautés qu'on auroit goû-
tées , fi l'on y avoit fait atention. Il
en eft de cela, comme d'un Homme qui
a l'abord agréable: cela, lui Jert de Lettre
de recommandation ; au-lieu que fouvent
une Perfonne d'un mérite réel & relevé
s'amufe, toute fa vie, à déplorer le peu
de difcernement des gens , quoique cela
Ue lui arrive éfeèfivement, que parce que
la Nature lui a refufé cet Air agréable &
Prévenant. Ainfi , un Ouvrage de la na-
ture de celui que je viens de citer, loin
d'être un Ornement, blefTe les yeux,
nialgré toutes les Beautés intérieures
qu'il peut avoir. Une Frife autour d'une
Sale , des Ouvrages à Frefque , fur un
Plat-fond , > fe font ordinairement
pour plaire aux Perfonnes, qu'on ne doit
pas fupofer être d'humeur à y vouloir
faire des réflexions abftraites. Comme
Tome III. D ces
50 dés Statues, Tableaux,
àBoLocNE.ces Chambres apartiennent à des Perfon-
ne de Qualité,& qu'elles font deftinées
à y recevoir des vifites de gens du mê-
me rang, qui rarement veulent fe gêner
à chercher des Beautés , qu'il n'eit per-
mis de découvrir , qu'à ceux qui s'en
font fait une étude particulière toute leur
vie ; la principale qualité requife , félon
moi, dans les Ouvrages de cette nature,
elt de fraper d'abord la vue, & de don-
ner , par leur Coloris,& par leur Com-
pofition agréable , un certain je ne fai
quoi, qui naturellement doit plaire à tout
le monde. S'ils ont, avec cela , d'au-
tres qualités plus folides de l'Art, ils en
feront d'autant plus eftimés des Connoif-
feurs.
Tan î errafé par Cupidon. La penfée
ur«che. en kejje } g^ ejje exprjme j comme
par une fimple Devife, l'Allégorie en-
tière de Cupidon & Tfyché , peinte par
Raphaël, dans le Palais du petit Far-
nefe à Rome , où il a voulu faire enten-
dre, que l'Amour triomfe de tout, en
reprefentant de petits Cupidons,qui por-
tent, comme des trofées, les Armes de
chaque Dieu en particulier. Ici, on les
voit tous réunis dans le Dieu Pan, qui
fîgnifie l'Univers (*). C'eft-làunedeces
Inventionsheureuies d'Augustin C a-
r a che,
(*) Augustin Carache a auffi gravé une Ef-
tampe de ce Sujet, où l'on voit eette Devife : omni*
■vincit Amor.
et Desseins, en Italie. 35*
k a che, qui entroit dans toutes les beau- IBotosM,
tés de la Fable Antique. C'eft auffi à la
connoiflànce qu'il en avoit , que nous
devons la plus grande partie des délices
de la Galerie de Farnefe à Rome: car,
pour Annibal & Louis, ils l'en-
tendoient fort peu tous deux.
Un autre Maître,quifediftinguefort,
par raport à fon Invention agréable,en-
jouée , & capable de réveiller l'Imagina-
tion, c'eft Albane; & il n'y a jamais
mieux réuffi, que dans un Tableau de ce
Palais, d'un Cupidon qui baifefa Mèrey
& qui lui montre, comme en triomfe,
le Rapt de Troferpïne , qu'on voit dans
le Lointain,pendant que plufieurs petits
Amours danfent , & le réjouïllent de la
Conquête glorieufe que leur Maître a
faite, fur un Dieu auffi férieux, & auffi
difcret que Pluton. Cette Peinture,
[ans parler de fon Invention Poétique,
belle & pleine de Grâce , eft, à mon
avis, la plus riante, & la plus judicieufe
M^e j'aie jamais vue de ce Maître. Les
figures de Ve'nus & de Cupidon
dans l'Air,fans être portées par des
Nuées, ni par quelque autre chofe que
ce foit ; mais, comme elles font fort lé-
gères , & délicates, elles font fur le Ciel
D z
-ocr page 152-fi des Statues, Tableaux,
âiîoLocHE un éfet agréable. Le Payfage eft uni &
beau. Les petits Amours font auffi bien
coloriés par-tout, que s'ils étoient peints
par le Correge,&ils font avec le fond
une Harmonie excellente ; quoiqu'il ar-
rive ordinairement à Albane d'être
un peu dur & roide, dans cette ren-
contre. Ce Tableau efl; petit & en rond.
Pour ce qui efl de fes grands Ouvrages
d'Hiftoire , ou de Sujets Religieux , il
n'y excelloit pas (i bien, que dans fes pe-
tits Tableaux de Sujets gais, & galans.
Cependant, il ne put jamais foufrir qu'on
le lui dît, quoiqu'on le fît, parce que
c'étoit l'opinion générale des Connoif-
feurs de fon tems, comme elle left auffi
de ceux d'aujourd'hui. Ce manque de
jugement, ou quelque autre raifon que
ce puiffe être, à préférer, du moins en
aparence,les plus mauvais Ouvrages aux
meilleurs, eft un inconvénient, où font
fouvent tombés les plus grands Hommes.
Je ne citerai, pour exemple, que Mil-
ton, & le Tasse.
On trouve encore, dans ce Palais, quel-
ques autres Tableaux très-Capitaux,tant
en huile, qu'à Frefque, & de tous les
C a r a che s ; mais, comme ceuxqui ont
écrit leurs Vies (1) , en ont déjà fait la
défcription,& que je n'ai rien à ajouter
à
1 Le Comte Maivasia, G. P. BEtt0Rl'
G. Baglioni & d'autres.
et Desseins, en Italie. 35*
Meurs Obfervations, je veux , à monàBtU(K>1Il<»
ordinaire, les palier fous filence , de-
ïïiême que tous les autres, lorfque j'au-
rai les mêmes raifons, oudumoinsd'auffi
Donnes, pour le faire; parce que,corn-
ue je l'ai déjà dit, ce n'eft pas un Ca-
talogue que je me fuis propofé de faire
ici.
Comme, dans les Palais Magnant &
Sampieri , on a l'avantage de comparer
enfemble les Manières diférentes des
Jrois Caraches, dans de diférens
Tableaux Capitaux, & des meilleurs de
leur façon; & que, dans le Palais Far-
nefe à Rome , dont nous parlerons dans
'a fuite , on trouve un grand Ouvrage
u'A n n 1 b a l feul ; de-même l'on en voit,
^ans ce Couvent, un autre confidérable
^e Louis feu!, fans fes deux Coulins,
Parce quelorfqu'il y travailloit, Augus-
tin étoit déjà mort, & Annibal é-
ÎQit ocupé à peindre la Galerie Farnefe.
_ Ce grand Ouvrage confifte en plufieurs cM-
Tableaux, qui reprefentent Les Actions durMhc'
pleine S.Benoît, Fondateur de l'Or»
tire (*),
I. Le Diable avoit laifle faire S. B e-
D 3 NOÎT»
) On voit des Eftampes de l'Ouvrage entier, gra-
par Giacopo Giovannini,
5'4 des Statues, Tableaux,
asoloonenoît, & fes Moines , jufqu'à ce qu'ils
eurent prefque achevé de bâtir leur Cou-
vent; mais, lors qu'il vit qu'ils étoient fur
le point d'y mettre la dernière main , il
perdit entièrement patience ; & aïant ré-
folu de les empêcher de palier plus avant,
il s'affit fur la pierre qu'ils avoient def-
fein de pofer au haut de la muraille. Il
n'y eut aucun d'eux qui le vît ; & cinq
Ouvriers emploïèrent toute leur force a
remuer cette pierre, avec des perches &
des leviers, fans pouvoir en venir à bout,
jufqu'à ce qu'un Enfant qui étoit proche
l'eut aperçu: alors, le Saint comprit de
quelle manière il devoit s'y prendre, pour
fe débarafîer de cet Ennemi.
Cette penfée, de faire entrer un Enfant
innocent, pour découvrir la malice du
Démon , lorfqu'elle échapoit à la con-
noilfance d'un fx grand nombre de gens,
& du Saint lui-même, eft aufîi nouvelle
qu'elle eft heureufe: elle eft toute entiè?
re du Peintre, parce que h Légende rien
dit rien,
II. Si Louis Car a che, dans ce
Tableau, a fait voir une grande force d'ef-
prit , & la parfaite connoiftance qu'il a-
voit du Corps Humain, il n'a pas moins
montré, dans celui des Femmes, qui vien-
nent tenter le Saint, & [es Moines,
étoit capable de donner une grande va~
riété d'Mions, auffi belles que
et Desseins, en Italie. 35*
La Légende porte,qu'elles étoient fept,àBùLoaNE'
comme elles font aufli dans le Tableau ;
qu'un Prêtre Florentin, qui portoit en-
vie à S. Ben oît, les avoit envoïées dans
le Jardin du Couvent, pour tenter ce
Saint & fes Moines ;& que, pour y réuf-
fir mieux, elles étoient toutes nues,
quoique le Peintre les ait habillées fort
judicieufement. Cependant, s'il m'efl
permis de critiquer un Morceau fi ex-
cellent , il me femble qu'il n'a pas fait
voir un jugement égal dansl'Expreffion;
car les Femmes ne paroifTent point cha-
grines, d'avoir manqué leur coup. Des
trois Figures qui font fur le devant, il
y en a une qui eft couchée fur l'herbe,
apuïée fur un coude , regardant avec
beaucoup d'indiférence les Moines qui
s'enfuient, & qui font prefque hors de
vue : & une autre met une Guirlande
de fleurs fur la tête de la troifième. 11
y en a trois, à quelque diftance de-là,
qui femblent fuivre les Moines en dan-
sant , & fe tenant toutes par la main,&
qui font un Groupe très-agréable. La
^ptième danfe auffi , & avec les mains
^levées au-deffus de la tête , elle joue
^unlnftrumentjdont fe fervent les Bac-
chantes,
III. Mais, fice Tableau délicieux a
Quelque défaut, celui de la Folle efl tout
qu'on peut voir de plus engageant ,
D 4 &
40 des Statues, Table aux,
ibologne. & de plus infirmant : il n'y eut jamais
d'Exprelfion qui flatât davantage l'Ima-
gination. 11 elt impoilible de ne fe pas I
intèrelïer pour une Créature fi jeune, &
fi douce , qui n'elt capable de faire au-
cune réflexion , & qui, par fon ris in-
nocent, fait voir qu'elle ne relient pas le
malheur, "dont elle va être délivrée,par
ce S. Abbé. Ainli, en la regardant, loin
de refleurir la moindre inquiétude, par-
ce qu'on voit qu'elle ne ioufre pas , la
beauté & l'innocence qu'on lui remar-
querait naître de l'inclination pour elle.
Il y a encore quatre Tableaux, de
Louis Car a che ; favoir , celui du
ePo(fédé \ celui des Moines, qui éteignent
le feu ; celui du Roi Toïila, qui fe
jette aux piés du Saint ; & celui du Til-
lage du Couvent. Outre les Ouvrages
de ce Maître, il y en a encore plufieurs,
qui font de fes Difciples ; mais ces der-
niers font la plupart fi ruinés, qu'il elt
preique impoffible d'en pouvoir difcer-
ner le Sujet. Il y a pourtant, celui des
Religieufès, quifort eut de leurs Tombeaux,
qui elt encore aflèz vifible, fait par Lu-
c i o M a s s a r i, & qui, par raport aux
Expreffions vives, aux Allions honnê-
tes, à une certaine Délicateife, & à une
Beauté naturelle , qu'on remarque dans
ces Figures Féminines,fait un des Mor-
ceaux considérables de ce Lieu ; &
t
et Desseins, en Italie. 35*
peut dire que le foible Coloris, que ce à Bologne-
Peintre avoit le malheur de donner à fes
Ouvrages, fait ici un bon éfet, pour ex-
primer ce Je ne fai quoi, qui tient du
Fantôme, & qui convient au Sujet. Les
mains, & les piés, qui font dans ce Ta-
bleau , font d'un Caraéière fi excellent,
& fi précieux , que je ne croi prefque
pas, qu'on en puiiîe trouver ailleurs de
pareils, de l'Ecole des Caraches.
Pour faire entrer le Leéteur dans toute
la conduite de ce Tableau, j'en raporte-
rai l'Hiftoire , comme elle eft contenue
dans la Légende dorée, d'où l'a tirée
M a s s a r ï.
„ 11 y avoit, près de fon Couvent,
„ deux Religieuses , qui étoient d'une
„ naiflanceilluftre: mais, comme par leur
„ babil continuel, & par la licence qu'el-
„ les donnoient à leur langue , elles in-
„ commodoïent extrêmement celui qui
„ les gouvernait, ce Directeur s'en plai-
„ gnit à S. Benoît. Ce Saint leur en-
„ voïa dire de garder le filence , & de
„ mieux gouverner leur langue, qu'elles
„ ne faifoient ; qu'autrement,il pronon-
„ ceroit anatême contre elles. Les Re-
>, ligieufes n'en firent ni plus ni moins,
» pour cela; mais , peu de tems après,
>» elles moururent, & elles furent enter-
s> rées dans l'Eglife. 11 arriva un jour ,
» que,quand le Doïen,endifantla MeJfe,
D f „ pro-
82, des Statues, Tableaux»
jboiogne.,, prononça ces paroles, que ceux qui é-
,, toient anatematifés, eujjent à fortir de
„ r Eglife, la Nourice qui avoit élevé
„ ces deux Religieufes,& qui aloittous
„ les jours à l'Ofrande, pour le repos de
„ leurs ames,les vit fortir du Sépulcre,
„ & enfuite de l'Eglife, dans le tems mê-
„ me que le Doïen chantoit ces paroles.
„ Quand S. Benoît eut été informé de
„ cet Evénement, il ofrit lui-même pour
,y elles, & il leur donna l'Abfolution : &
„ après cela,le Doïen eut beau pronon-
cer les mêmes paroles, ces Religieu-
„ fes ne fortirent plus de leur lieu, com-
„ me la Nourice les avoit vues aupara-
•„ vant
Un autre Saint a pris une route moins
férieufe , pour remedier à ce mal. R a-
belaïs parle de cette Hiftoire,dans le
fixième Chapitre du premier Livre de
fon Gargantua : „ Mefmement, dit-il>
„ que le Diable à la Mejfe de S. M a r-
î, tin, efcripvant le caquet de deux Gua-
„ loifes, à belles dents alongea bien fon
„ parchemin". Sur cela le Commentateur
Pierre Gros net, dans fon Recueil
des mots dorez de C a t o n , & d'autres
Disions moraux t raport ce Conte, en ces
termes:
„ Ko-
-ocr page 159-et Desseins, en Italie. 35*
Notez, en TEglife de Dieu,
„ Femmes enfernble caquetaient \ \
„ Le Diable y étoit en ung lieu,
„ Efcripvant ce quelles difoient.
„ Son Rolet plein de -point en point
„ Tire aux dents pour le faire croijîre:
,, La prinfe efcappe & ne tient point,
„ Aupi Hier s'efl heurte la te fie
On ajoute , que S. Martin, dans
le tems qu'il fe tourna vers le Peuple,
pour dire , Dominus vobifcum , vit
• cela, & fe mit à rire , ce qui fuprit tel-
lement les Auditeurs, qu'ils prirent oca-
fion , après la Mejfe, de lui en demander
la raifon ; que le Saint leur déclara favi-
fion , & que c'eft de-là qu'on a fu cette
Hifloire.
Parmi ces Tableaux , il y en a un au- uvu^,
tre de C a v e d o n e , aflèz confidérable,
plutôt par raport à un petit Groupe,qui
eft à l'un des coins, où l'on voit S. Benoît
à l'agonie, entouré des Moines de fon
Couvent, que par raport au Sujet princi-
pal , qui eli V Ame du Saint, enlevée aux
deux , par des Anges. Ce Groupe eft
compofé de cinq petites Figures , peut-
être , les mieux difpofées de toutes celles
des autres Groupes, qui fe trouvent dans
les Ouvrages de ce Couvent ; outre que
l'&xpreflion de ce bon Vieillard eft fort
touchante. On le voit rendre fon Ame
in-
-ocr page 160-82, des Statues, Tableaux»
^Bologne, innocente, au milieu de fon pauvre Trou-
peau , dont les Membres afligés expri-
ment, par des A étions diférentes, & en
même tems avec une fainte réfignation,
la douleur qu'ils rellentent,& la défola-
tion où ils font,de la perte de leur Père
commun.
Mais, de tous les Tableaux de ce grand
Ouvrage, fans en excepter ceux de
Louis C a r a c h e , il n'y en a point
Guide, qui égale celui du Guide, fon Difci-
ple , où il a reprefenté les Gens de la
Campagne, qui portent au Saint, dans le
Defert, chacun fon petit prefent. Onl'a-
pèle ordinairement la Turbantine, à caufe
de la Figure d'une très-belle & jeune
Fille, qui eft dans le milieu du Tableau,
avec un Turban autour de la tête : elle
tient dans les mains un panier plein
d'oeufs, pour en faire prefent à l'Abbé.
Cette aimable Figure, & celle d'une au-
tre Fille, qui met la main fur fon épau-
le, & qui repofe la tête fur fon cou, a-
vec une négligence molle , & badine,
font fort bien contraftées , par un gros
Payfan,qui tire après lui une Brebis qu'il
a envie d'ofrir au Saint. Il eft placé de
manière , que fes mains rudes & robuf-
tes fe trouvent juftement opofées à celle
de la Turbantine, qui l'a petite & déli-
cate, & qui la tient étendue fur fes oeufs,
de peur qu'ils ne viennent à rouler hors
et Desseins, en Italie. 35*
du panier. Le vifage de ce jeune Hom- aBoLoe-is,
me eft aufli contrafté par celui d'un
Vieillard de la Campagne,qui apuïe fur
un bâton , prefente ce jeune Homme ,
& fa Brebis rétive , au Saint, qui, de
fon côté, femble accepter avec beaucoup
de joie & demodeftiel'ofre & l'intention
de ces bonnes-gens.Quoique cette Figure
toute Divine du Saint fe trouve dans un
coin du Tableau,vis-à-vis de la Turban-
tin e , & opofée à un Groupe fort beau,
& fort éclatant, qui eft précifément au-
deflous d'elle, & qui reprefente une jeu-
ne Femme , qui tient un Enfant fur un
bras, & de l'autre fait avancer un jeune
Garçon, qui va ofrir une afliette de pom-
mes, cependant la grandeur feule qu'on
remarque à fon air & à fon vifage, & la
majefté humble de fon port , ne permet
pas à cette Figure de perdre le rang
qu'elle doit tenir. Mais quelle vénéra-
tion ne doit-on pas avoir pour l'Innocen-
ce & pour la Sainteté d'une Vie , telle
qu'on doit fe reprefenter celle d'un Hom-
me , qui a infpiré des fentimens de re-
fpeft, d'amour, & de reconnoiflance,
pour lui, à ces pauvres gens! Par mal-
heur , ce précieux Tableau tombe en
ruine, par la faute du Maître même qui
l'a fait; car, après en avoir rétabli plu-
sieurs endroits, d'où s'étoient détachées
des écailles, ou qui avoient déjà été en-
82, des Statues, Tableaux»
ifiotoGNï .dommages de quelque autre manière qué
ce fût, de fon tems, comme il paroït,
J>ar ce qu'on a écrit au bas, il a couvert
a Pièce entiere d'un Vernis , qui a fait
fendre miférabîement les premières Cou-
leurs.
La plupart des autres Peintures de
Massari, de Brizio,v^t, font en-
tièrement ruinées. Pour les Tableaux
de Louis C a r a c h e , ils fe font en-
core allez bien confervés, à cela près,
qu'ils font égratignés par-tout, qu'on a
arraché les yeux à plufieurs Figures,& que
le Peuple a eu la malice , ou la fotife ^
d'écrire leurs Noms par-tout, fans en é-
pargner même les Vifages.
je ne faurois, à cette ocafion, palfer
fous filence une remarque, que je n'ai
pu faire que dans la fuite, & après avoir
vu d'autres endroits de l'Italie. C'elt
que, comme les Moines, en général, s'en-
tendent très-peu en Peinture , ils négli-
gent extrêmement ces fortes d'Ouvrages;
les Tableaux, que l'on trouve dans les
Monaftères, font la plupart miférabîe-
ment délabrés. Je ne puis m'empêcher
auffi de raporter un autre trait de Gothi-
cijme:c'çiï. qu'il n'y a rien de fi commun
en Italie, que de voir un beau Tableau
de la Bien-heureufe Vierge, découpé,
pour mettre une brillante Couronne de
clinquant fur fa tête , quoiqu'il y en ^
et Desseins, en Italie. 35*
déjà une de peinte ; & tout cela , afiniBotoenà.
d'atirer les yeux du Peuple ignorant. J'ai
même vu le Tableau d'un Dieu le
Pere, & d'un Christ, qui couron-
noient la Vierge, à qui l'on avoit coupé
la moitié des bras, pour faire place à une
vafte Couronne de cette nature.
Dans r Eglife du Couvent.
T)es En fans qui foutiennent des Car- chariu eh
teaux, peints par Charles Cig nani.
Le Coloris en eft éclatant, & le Stile
noble.
Chez, les Chartreux, hors de la
Ville.
Saint Brun à genoux , & la Vierge en a^m».
haut, pur le Guer cin. Ce Tableau eft
fort beau.
Un Christ couronné d'épines , &f™»car*,
fouetté, de Louis Carache.
Sur le grand Autel, la fameufe Com-
1 r> «v ' ••» \ Carachs,
*nunion de o. Jérôme , par Augustin
Carache. On en voit une Eftampe (*).
Les Figures font plus grandes que le na-
turel ; le Coloris, qnoi.qu'obfcur, en eft
bon, & la Pièce,en général,a beaucoup
de force. Je ne faurois m'empêcher de
parler ici d'une penfée qui m'a fait plai-
fir,
(i*) Gravée par François Perriek.
-ocr page 164-82, des Statues, Tableaux»
i. fir, non-feulement parce qu'elle eft bon-
ne , mais auffi parce qu'elle n'eft pas fi
fenfible , que les autres circonftance^,
efïèntielles à l'Hiftoire. C'eft un IVloine
placé derrière les autres Figures, & qui
écrit les dernières paroles du Saint ago-
nifant. Cela exprime parfaitement bien
le refpeéf qu'on avoit pour lui ,auffi-bien
que la dignité de la chofe. On avoit auffi
fait faire à Annibal Car a che un
DefTein pour cet Ouvrage mais on pré-
féra celui d'AuGUSTiN, comme plus
riche, & mieux embelli. Cependant,
quand le Tableau fut fini.il arriva à cet-
te Pièce, que l'on regarde aujourd'hui,
& , à jufte titre, comme une des meil-
leures qui foient forties des mains des
Caraches, il arriva , dis-je , que le
Couvent la refufa,& que perfonne n'en
fit aucun cas. Annibal lui-même
confeilla à Augustin de s'en tenir plu-
tôt à fon Burin, que d'entreprendre de
donner à fes Ouvrages les Couleurs qui
n'étoient pas fon fait. Que de jaloufie
d'un côté, & de l'autre que d'ignorance,
de la part de gens qui ne jugent jamais
de rien, par eux-mêmes, foit qu'ils n'o-
fent le faire , ou parce qu'ils font trop
parefîeux! Mais cette erreur ne dura pas
long-tems: les Moines reçurent la Pièce
en queftion; & le Peuple,changeant de
fentiment, lui donna autant d'éloge*
et Desseins, en Italie. 35*
(qu'il en avoit parlé mal auparavant; m^oam
Je m'étendrai davantage j fur ce Ta-
bleau , lorfque j'en ferai le parallèle avec
celui que Dominiq_uin a fait du mê-
me Sujet, pour la Compagnie de S. Jé-
rôme de la Charité, à Rome.
Aux deux côtés,vis-à-vis l'un de l'au-
tre, il y a deux Tableaux,dont Kun elt,
Le Batême dans le Jourdain, fait par
Elisabeth Siràni: Èt l'autre elt
la Cène de J e s u s-C h r i s t avec le Tha-
rifien , de la main de fon Pèrè , G i o.
A n d. S i r a n l La Manière en elt for-
te, la Teinte tire fur le brun, & lès Maf-
fes font divifées en de trop petites par-
ties, fans aucune liaifon : on y Voit ce-
pendant quelques bons Airs, & de bon-
nes Attitudes. Celui du Père elt le meil-
leur des deux. /
'Dans une des Chapelles.
S. Jean prêchant dans le T>efert, par f'f'
louis Carache. 11 fit cette Pièce,
^médiâtement après qu'AucusTiN
fini le Tableau de la Communion de
k. Jérôme ; & ce fut par une efpèce de
jaloufie qu'il conçut, des grands éloges
t3u on donnoit à ce -dernier, fur l'Ouvra-
ge qu'il venoit de faire. Auffi l'a-t-il
fait d'une Manière toute Opofée ; car au-
Heu que le Tableau d'AuGusuN ell
Tome 111, E très-
82, des Statues, Tableaux»
âEotooNE. très-fini , celui de Louis eft fait fort
cavalièrement, fans peine, & au hazard;
mais hazard qui ne pouvoit point errer,
parce qu'il femble être l'Ouvrage d'une
perfonne infpirée.
Gejfî & ai- Un beau Tableau de la Réfurrecîion,
commencé par G us si, & achevé par
Àlbane.
jAiuiuk Le Batême de J e's u s-C h r i s t , avec
le Père Eternel en haut , environné
d'Anges ; peint par Albane. Ce Ta-
bleau eft fameux : cependant il eft fort
noir , auffi n'eft-il pas dans un bon jour.
Au-refte,je ne croi pas, que les grandes
Pièces de ce Maître foient fes meilleurs
Ouvrages.
Lmucau' L'Anonciationde Louis Carache:
che' c'eft une Pièce excellente , quoiqu'ob-
fcure , comme le font prefque tous les
Tableaux des Carache s. C'eft un
malheur , dont on fe plaignoit déjà de
leur tems, ou peu après; car Scanel-
li (1) raporte, que le Guide remar-
quant que les Tableaux des Caraches
tout frais peints avoient déjà changé,
& étoient devenus noirs, de forte que»
par cet accidentels perdoient beaucoup
de leur beauté, il réfolut de prévenir»
r par
1 Dans fon Livre intitulé , Mteroetfmo délia P}""--*
'Cc/ina} 16J7J» 4, Pag. 114, xij. "
et Desseins, en Italie. 35*
par des Couleurs claires & vives, les in- àBotos^
convéniens qui pouroient arriver, par la
longueur du tems. C'eft lui qui a intro-
duit la Manière moderne & claire : mais,
quoiqu'elle eût fon mérite dans les Ou-
vrages de ce Peintre,auffi-bien que dans
quelques-uns de Guercin, & en-
fuite dans ceux de Charles Marat-
T1, elle ne laifte pas devoir été aufli l'o-
rigine de cette Manière fade & languif-
fante , où les Italiens font tombés au-
jourd'hui. Ce n'eft pourtant pas la faute
de ces grands Hommes, qui ont intro-
duit, ou fuivi cette belle Manière. Ce
malheur eft arrivé plutôt par hazard, &
parce que Charles Maratti à
lurvécu à fon plus beau Stile. La gran-
de réputation qu'il s'étoit aquife , par
Ce moïen-là , avoit éblouï tout le
Monde , & fur-tout fes Difciples, qui,
après s'être atachés pendant une longue
fuite d'années à ce Beau, qui étoit eri
lui véritablement excellent & précieux,
fe font fait une loi de le fuivre , même
dans le Mauvais , où il a continué en-
core long-tems, & où il les a enfin laiffés.
ha Vierge avec l'Enfant, quitn petit
" • "Jean embraffe , avec beaucoup de ten-
f^ejffe,& une S".Catherine d'Annibal jmibti
^rache. Ce Tableau eft très-excel-
lent
Une belle Nativité à frefque , par
E- s C HARf
82, des Statues, Tableaux»
'atlît'c h a r l es c 1gn a n t , d'une Manière
p7J.s noble & hardie , & d'un Coloris clair,
tel qu'eft, en général , celui de tous les
Tableaux de ce Maître.
Batême de J e's u s-C h r i s t , avec
Dieu le Pere en haut, environné d An-
ges , d'A n n i b a l Carache. C'eft un
de fes premiers Ouvrages, où il a été
aftifté de Louis Carache. LaCom-
pofition en eft belle & le Coloris allez
bon.
iMih eau- rjjn $ George , & le Dragon , avec
S. Michel, qui Je jette fur les Anges re-
belles , & Dieu le Pere en haut dans
les Nues, peint par Louis Carache.
Cette Pièce eft très-excellente; mais el-
le eft fur-tout remarquable par une At-
titude aufli noble & auffi agréable qu'on
ppiffe fe l'imaginer,de la jeunePrinceffe
habillée de blanc, qui s'en fuit toute épou-
vantée. On voit pourtant,dans ce Ta-
bleau, deux Sujets diférens ; mais ména-
gés de manière, que l'un eft fubordonné
à l'autre. Celui ae S. George en eft le
principal : la Dame , dont je viens de
parler, & qui en fait partie , eft placée
fur le devant du Tableau, & elle s'atire
d'abord l'atention. Elle s'en fuit, com-
me je l'ai déjà dit, elle eft éfrayée, &
et Desseins, en Italie. 35*
prefente le dos aux Speélateurs; mais fa à boi^g^
tête tournée par-deftus l'épaule, fait voir
Un très-beau Profil,avec uneExpreffion
ftierveilleufe. Les Figures font pour le
moins auffi grandes que le naturel; &
elles compofent, par conféquent, un
fort grand Tableau.
II y a pîufieurs grands Exemples de
deux Aéiions diférentes, dans un Ta-
bleau ; comme font celles du Rapt des
Sabine s, & de leur Médiation, qui n'eft
arrivée que long-tems après l'autre ; &
qui font cependant reprefentées toutes
deux, dans un même Tableau du Par-
mesan, dans le Palais Bonfiglioli de
Çette Ville. J'ai vu pîufieurs parties de
l'Hiftoire de XEnfant 'Prodigue , repre-
||ntées dans un feul Tableau , par le
* itien,& de l'Hiftoire Aejofephdans
Unqiutre,par André oelSarto:mê-
la fameufe Transfiguration, faite par
Raphaël; comme aufti la Délivrance
de S. Pierre, peinte par ce grand Mai-
Jte,font de cette nature. Mais je ne me
J.°Uviens pas d'en avoir vu aucun , qui
fi remarquable , par la licence que
donnée le Maître,en cette rencon-
J5e > que celui de Louis Carache.
bL1Pofé qu'il y ait des raifons particuliè-
*es Suî autorifent cette liberté, de rom-
Pre l'Unité de Tems & d'Adion , mal-
cela , il n'y en a point qui puifte la
E 3 juftifier
82, des Statues, Tableaux»
f|Mo»E.jtijlifier en général ; car il eft certain
qu'elle choque l'Efprit, de même que le
Langage de deux perfonnes qui vous par-
lent à la fois de deux chofes diférentes.
Elle partage l'atention , & elle dérobe
une bonne partie du plaifir qu'on doit
reflentir, en contemplant un Tableau ; &
cela, par une confufion d'Idées qu'elle
fait naître néceflairement.
I?««•«». Le S. Guillaume, de GuePvCin, ex-
trêmement fort , & bien colorié , pour
ce qui eft des Jours ; car pour les Om-
bres , elles font devenues noires, ou ,
peut-être, elles l'étoient déjà dès le com-
mencement. C'eft un fort grand Ta-
bleau: mon Père a le Deflein de fa par-
tie fupérieure , où font une Madonne,
<3es Anges,
Il y a, dans la Sacriftie qui eft derrière
le Grand-Autel, un Crucifix du Gui-
de, qui eft, peut-être, un des plus ex-
cellens Tableaux qu'on puifle voir. Le
Çorps duCHRiSTaun tour tout-à-fait
exquis, & l'Expreflion de la Face eft
celle d'un Dieu qui veut foufrir. Ce
Peintre , après avoir reprefenté dans te
Mère une extrême douleur, &ungrana
abatement, a encore fu très-bien expri-
mer la Paflîon du Difcipîe bien-aimé. H
et Desseins, en Italie. 35*
a les yeux fixés fur fon Maître agonifant; àBoioc»»;
& par cette Attitude feule,il paroîtêtre
moins afligé que ne l'eft la Vierge, dont
la douleur eft trop grande pour pouvoir
foufrir la vue d'un tel Speâacle. Mon
Père a un Deffein de cette Figure de
S .Jean, fait par Augustin Cara-
che ,& fur lequel le Guide, peut-
être, a fait celui-ci. Une choie merveil-
leufe, que je remarque dans tout le Ta-
bleau , eft fa Teinte , en général, qui
infpire une certaine horreur, & une fo-
lemnité, qui, au premier coup d'œil,
difpofe l'Efprit à recevoir tous les fenti-
mens qu'un Objet comme celui-là doit
nous donner,
ce.
CEtte Eglife eft une fois & demi auffi
grande que celle de S. Taul à Lon-
dres , à ce que m'a affuré Galile'e,
Architecte du Grand-Duc , & qui a la
ftiefure de l'une & de l'autre. Sa Cou-
pole, bâtie par Philip e di SerBru-
Keleschi, eft,dans fon efpèce ,1e plus
admirable Chef-d'Oeuvre , que l'Art ait
jamais produit. Elle eft peinte par Fre'-m«™z«-
. * rr t-s \ i t-v r cm'°'.
o eric /, u c c a r o : mon Pere a le D2I-
fein de trois des huit Divifions, dont elle
E 4 eft
fi des Statues, Tableaux,
KLOBr.n.eft compofée. La penfée en eft belle,
& elle lui a été communiquée, à ce qu'on
dit, par D. Vicent- Borghini, qui
étoit Prieur des Innocens , grand Ama-
teur des Arts, & un des plus Savans
Hommes de fon tems. Il étoit Député
du Grand-Duc , dans l'Académie de la
Peinture ; & on lui confia le foin des
Obfèques que cette Académie fit en
l'honneur dé Michel-Ange (1). On
voit, au haut de chaque Divifion, des An-
ges, avec quelques Inflrumens delaPaf-
lion, & un Ciel en éloignement, auffi-
bien que proche de l'œil, où font aflis
$es Saints , qui fe font rendus recom-
jpandables, par de certaines Vertus.
Au deflus de leurs têtes font des Anges,
qui tiennent djes Livres ouverts, qu'on
peut fupofer être les Annales dé leurs
bonnes Oeuvres ; 8ç au-deftous d'eux,
on découvre trois Figures, qui reprefen*
tent les diférentes Vertus ; & encore
plus bas , c'eft-à-dire , à la bafe de la
Coupole, on voit les Damnés qui font
tourmentés,fuivant les diférens Crimes,
qu'ils ont commis; & ces Vices font re-
prefentés diféremment, par quelque
Bête , ou par quelque Monftre. II y a
pareillement , au-deflus de leurs têtes,
un Livre ouvert, mais tenu par des
Dia-
1 Voïez ces Obfèques imprimées à Florence, Par le?
ÇjowTi» l'an 1^40 • L
et Desseins, en Italie. 35*
Diables, qui font leurs Acufateurs. Oft1
voit encore autour du Cercle de la Lan-
terne , plufieurs autres Figures , qui
font de la main de George Vasarf.g.r«f*rk
La Coupole eft un peu obfcure , & fa
Peinture peu touchante. Le Chœur,
dont la forme eft oftogone , eft litué
directement au-deffous de la Coupole.
Elle eft de Marbre blanc, & ornée tout
autour de Figures d'Apôtres en Bas-
Reliefs , faites par les vieux Maîtres de
Florence , comme par Jacopo 8an-
s o v 1 n o, par Giovanni d e l l' Opé-
ra, par Baccio Bandinelli. Les
Sculptures font toutes d'une feule Figu-
re , & la plupart d'une main diférente.
Au haut du Choeur eft le Grand-Autel ;
& au-deflus, Dieu le Pe're,quittent
le Christ mort, de Marbre, plus grand
que le naturel, & fait par B ac c 10 &«««
Bandinelli; & derrière cet Autel,iinMi'
on voit les Statues de Marbre d'Adam&
d'Eve, du même Sculpteur, où la Femme
eft plus grande que le Mari. U y a en-
core, dans cette Eglife, plufieurs autres
Pièces de Sculpture & de Peinture ; mais
je me fuis particulièrement ataché au
!'Portrait de Dante , peint par A n d r t' 'Aniré Or£«i
O r g a g n a : il lit, en fe promenant dans5"1'
les Prés , qui font à côté de fa Maifon ;
'on voit la Ville de Florence en éloi-
gnement. La Pièce eft parfaitement
E S biçn
82, des Statues, Tableaux»
»t-Lonwr- bien confervée,& le Coloris en eft très-
vif. Je croi, que c'eft-là le Portrait le plus
autentique qu'on ait de ce Poète : fon
Vifage reffemble parfaitement à celui du
Dçffein que mon Père en a.
Le Batijlère, qui eft vis-à-vis du Dô-
me, étoit autrefois un Temple de Mars-,
& c'eft le feul qui eft refté des Anciens
à Florence : il eft aujourd'hui dédié à
S. Jean Batijle. C'eft-là que font les fa-
'zertxz.o Ghi- meufes Portes de LorenzoGhiber-
ti, dont parloit Michel-Ange,avec
tant d'éloge, qu'il n'héûtoit point à dire,
qu'elles mériteroient d'être les "Portes du
Paradis (*). Mais il ne faut entendre cela
que de deux ; car l'Eglife, qui eft de forme
octogone, atros Entrées ; & la troifième
■yMrii, Porte eft d'ANDREr de Pise: elle
eft auffi plus ancienne que les deux au-
tres. Elles font toutes trois de Bronze,
fort grandes, & en fi Haut-relief, qu'il
y a quelques-unes des principales Figu-
res qui lecompofent,quifontà-peu-près
rondes :1e Bronze en eft devenu prefque
noir, excepté dans les endroits, où il a
été froté par hazard, & fur-tout en bas,
ou les habits des PafTans touchent conti-
nuellement. La Porte d'A n d r e'eft dans
le Stile Gothique de fon tems; mais pour
les deux autres, de Lorenzo, elles
font d'un goût beaucoup meilleur qu'on
n'au-
(*) Voïcz Va sari, Part. III. Vol. II. pag. 779'
-ocr page 175-et Desseins, en Italie. 35*
n'auroit dû l'efpérer d'un Ouvrage fait a flores?
cent ans avant Raphel. 11 y a un peuGE>
du Goût Gothique dans les Draperies ;
mais le Nud a une beauté & une excel-
lence, qui aproche de l'Antique, & qui,
à tous égards, ne cède pas de beaucoup
à celui de Michel-Ange: on peut
même dire à bon droit, que le Stile en
eft plus pur, & plus agréable que le fien.
Il y a une de ces Portes qui eft partagée
en vingt quarrés, qui renferment chacun
un Trait de l'Hiftoire de notre Sauveur,
avec des Ornemens, & des Bordures
tout-autour ; & au bas, les quatre Evan-
géliftes, avec les quatre Doéieurs de
l'Eglife. L'autre, & celle qui a été fai-
te la dernière, eft divifée en dix quarrés,
qui contiennent chacun quatre Hiftoires
de l'Ancien Teftament ; mais qui ont du
raport les unes aux autres. Les Bordu-
res de cette Porte font plus remplies de
Figures & d'Ornemens, & par confé-
quent, plus riches, que celles de la pre-
mière. Pour en être plus amplement
inftruit, on n'a qu'à lire Vas a ri, dans
la Vie de ce Lorenzo (1),& fur-tout
Bocchi (f) qui, à mon fens, dit avec
beaucoup de raifon : E di vero , quefîe
due Porte di Lorenzo, fe fi vedejfero di
1 Part. II. pag. 277. & fuiv.'
(t) Bocchi & Cinelli, BelkziaàUa Cittbd}
Fkenze, in Firenze 1677. 8. pag, 31.
82, des Statues, Tableaux»
flcrek -rado, e non ad ogni or a', corne aviene r
egli non hà dubbio, che non fojfero a ra-
gione trà le pi à pregiate Maraviglie del
Mondo annoverate. C'eft-à-dire : Si on
ne pouvoit voir ces Tort es que rarement,
& non pas à toute heure, comme cela ar-
rive, elles fer oient, fans doute, mife s au
nombre des Merveilles du Monde les plus
ejïimées. Ces Portes ont été faites à
l'imitation de celle qu'on voit au Dôme
de Tife, faite par Bon a nno Pis a no,
dont l'Ouvrage eft pourtant extrêmement
rude, & dans le Goût Gothique. Auiïi
eft-elle très-ancienne , puis qu'elle a été
faite l'an 1180. comme il paroît par l'In-
fcription , qui eft le même tems que
Bonanno fit la fameufe Tour qui pan-
che.
Cette Galerie a été bâtie,avec(laTri-
bune , il y a cent cinquante ans , par
Bernard Buontalenti, au raport
de Baldinucci (*). C'à été le feu
Grand-Duc CômeIIJ. qui a fait apor-
ter , de fa Villa du Mont Tincio, près
de Rome, la Venus de Medicis, & X Ai-
guifeur qui les a fait placer dans cet-
te Tribune, avec les deux autres Venus,
les
(*) Dans la Vie de Buontalenti. DecmpaU
> délia Parte 11. del.Suob 4.
et Desseins, en Italie. 35*
les Luteurs, & le Faune qui danfe. Les à
Statues, qui font dans cette Galerie,ontCE'
été placées dans l'ordre où elles font
aujourd'hui, par le même B u on ta-
lé nti, dès qu'il l'a eu achevée.
[Jule Céjar, Bufte en Bronze.
J Agrippa.
< Séné que : le nez en eft rompu. •
{Ciceron,,
{Othon : le nez en eft rompu. Les
Bulles & les Portraits de cet Empereur
font rares ; & ceux qu'on en a ne font
•pas bons , non plus que celui-ci ; aïant
tous été faits dans les Provinces.
Un Bacchus (*) que M1 c h e l-A n g e uiéd-^t
a fait, à l'imitation de ce beau Bacchus
Antique, qui eft tout proche. On dit,
qu'il avoit fait une Figure , & qu'après
en avoir rompu un morceau , il avoit
fait enterrer le relie,afin de la faire paf-
fer pour une Antique, quand elle vien*
droit à être déterrée ; ce qu'il fut exé-
cuter d'une manière , à faire croire que
c'étoit un coup du hazard. Il le fit,pour
convaincre le monde du préjugé qu'on
avoit, en faveur des Anciens, & pour
faire voir fo*n mérite. C'eft une Hiftoi-
re, qui peut bien être véritable, en gé-
néral ; mais qui ne l'eft point, dans toutes
les
. (* ) On voit des Eftampes de ce Bacchus, en trois vues
diférentes, dans le Livre des Statues de Bisîchop.N^î»
53 & 54.
7§ des statues, Tableaux?
Floren- les circonftances qu'on y a ajoutées. Icî
& prefque par-tout,on aplique cette pe-
tite Hiftoire à ce Bacchus. Il eft bien
vrai, que le Bras en a été cafte ; & c'eft
ce qui peut avoir donné ocafion à Bois-
SARDde la fixer ici; puis qu'il eft le pre-
mier , que je fâche , qui l'a fait : mais
c'étoit un Cupidon, à ce que difent
George Vasari (*) & Ascagne
Condivi (f) tous deux intimes Amis,
& Difciples de Michel-Ange. Au
refte,le même CoNDivi,dans fon Li-
vre de la Vie de Michel-Ange,qu'il
a fait imprimer, & publié, du vivant de
ce Maître, où il le prend même à té-
moin , de la vérité de ce qu'il alègue ,
dit auffi,que C Borgia fit prefent de
ce Cupdon au Duc de Mantoue ; & l'on
ne fait ce qu'il eft devenu depuis. Bois-
sard ( + ) ajoute encore une circonftan-
ce , qui n'eft pas plus véritable que les
autres. Il dit , que Michel-Ange
s'eft fervi de cet artifice , pour confon-
dre la malice de Raphaël, & l'envie
qu'il portoit à fa réputation naiffante.
Mais il eft aifé de juftifier Raphaël,
parce que la réputation de Michel-
Ange étoit déjà établie, long tems
avant que Raphaël fût entré en con-
currence
(M Part. III.. Vol. II. pâg. 721.
et ftsCANio Condivi , Vît a Ai MichelaK-
6E 10 B u o m a k. o TI, Rotna 1553, ?» 4,
(|) lepoyaphia, pag. 35.
-ocr page 179-et Desseins, en Italie. 35*
currence avec lui. D'ailleurs, lorfque a flou*
Mi che l-A n g e fit ce Bacchus, il n'avoitGE*
encore que vingt quatre ans ; Raphaël
n'en avoit alors que quinze ; & par confè-
rent ,il n'avoit pas encore été à Rome, où
Boissard dit, que la chofe efl: arrivée.
Mais enfin, fupofé que Boissard ait pris
Une Statue pour une autre, le Cupidon ne
peut pas plus exciter la malice de Rapha-
ël, que le Bacchus ; parce que c'eft un Prê-
tent que César Borgia emoioit^Man-
toue. Or il eft à remarquer, que ce Ce'sar
Borgia avoit été tué l'an 15-07. deux ou
trois ans avant que Raphaël alât à Rome.
Le Bacchus Antique tient une Coupe L«
de la main gauche , & eft apuïé fur unmTX^»
jeune Faune, qui eft à genoux, & qui a
la tête prefque tournée en arrière,pour
le regarder en face. Raphaël a trouvé
ce Faune fi admirable, qu'il en a fait
fervir le Vifage,pour un jeune S. Jean,
dans une Sainte Famille , que j'ai vue
Quelque part ; mais je ne me fouviens
Pas où. Mon Père a le Defiein Original
S^e ce Maître en a fait, en crayon noir,
^ de fa grande Manière. Je ne croi pas
« v ait un plus beau Groupe, dans
toUte ja Galerie ; & le Bacchus a tout
1 Air éféminé , & toute la Mollefle qui
conviennent à fon Caradère (*).
(*) L'Eftaifpe s'en trouve dans les statues de B * s-7
HO p, JS°. 6, - " -----
des Stâtues, Tableaux*
a Florin- Un Adrien, en Bufte.
GE- Un Gladiateur , une fois plus grand
que le naturel ; fait d'une pierre noire*
lemblable à une pierre-de-touche.
Un Antinous , en Bufte , merveilleu-
fement bienfait; mais qui n'a plus de nez.
Un Antoninus Tius, en Bufte. .
Vénus & Mars , qu'on apèle ordinai-
rement Faujiine 8i le Gladiateur.
Une Chimère: c'eft un Lion qui a un
Bouc qui lui fort du dos, & un Serpent
qui lui fert de queue. Ses Jambes de
derrière ont quelque chofe qui reflemble
aux aîlerons d'un Serpent; mais il y a une
partie de la queue qui eft rompue. Elle
répond à la Defcription qu'en fait Ho-
me're, & qu'AusoNius a traduite ainfi*
en Latin •:
Trima Léo ,fiojlrema Draco , média ipfà
Chimœra.
G'eft-à-dir ç.\Le devant rejfemble àunLiotti
le derrière à un T>ragon, & le milieu ejt U
Chimère même. On la voit reprefentée de-
même,fur plufieurs Médailles de Corinthet
tant de M. A u r e l e, que d'aut res. V oïe£
Vaillant, fur les Colonies Romaines-
Elle eft deffinée aufli, de la même ma'
nière , dans les Peintures Antiques d^
Manufcrit de Virgile du Vatican, »
l'endroit où ce Poëte parle de la Chiw'
ref & des autres Monftres da l'Enfer.
et Desseins, en Italie. 35*
On a trouvé ce rare Morceau proche
a drezzo , l'an 15-48. du tems de C ô- °E'
I- qui le fit mettre dans fa Chambre,
CÇ que m'a alfuré Mr. Bianchi, qui
le foin de faire voir ces Curiofi-
pupidon & Tfyché : très-excellens, à
près que les jambes & les cuilfes en
°nt trop courtes.
Bacchus fur un Tigre : c'eft une
l 'gure très-conlidérable,en Bronze ba-
-11 ; mais il lui manque les piés : elle eft
|ut un cPiêdeflal Magnifique , fait par
Laurent Ghiberti, enrichi de Bas-
Reliefs , auffi beaux que l'eft la Statue '
^ême. Il eft vrai, qu'ils ne font pas fi
Relevés que ceux des Portes de S. Jean-,
^is ils font d'un meilleur goût, & ils ne
Cedent en rien à aucune Antique. On
,°it, d'un côté, le Triomfe d^yîriadne, de
e l'autre,^» Sacrifice qu'on fait à Bac-
^ Sur le devant, on trouve cette In-
ription :
llT POTUI, HUC VENI, DELPHIS
ET FRATRE RELICTO.
p,
. ' e>t-à-dire ; Etourdi par la fumée du vin,
fin s "oenu ici, comme j'ai pu, après a~
fJir quitè Delfes & mon Frère. (Apollon
dup*elVedere)
ile Vers femble avoir le même objet
Urne ///. F que
82, des Statues, Tableaux»
k floren- que ces deux de Luc a in , où il parle
CE- du Tarnajfe, au-pié duquel étoic T)el-
fes (*).
Mens Bromio, Phœboque facer, cm,
Numine mixto,
DelphicaThebanae referunt Trieterica
Bacchœ.
C'eft-à-dire : Cette Montagne ejî confa-
crée à Bacchus & à Apollon , & cef'
fous ces doubles Âufpices, que les Bacchan-
tes Thébainesjy célèbrent les Fêtes T>el-
fiques, tous les trois ans.
Les Ornemens qui font àl'entourfont
de Pampres: les coins font garnis de tê-
tes de Beliers & de Tigres.
xÀntigites, Un Ganimède , auquel on a ajouté la
tête. Cette Figure eft aufli belle , que
la Vénus de Medicis ; & elle femble être
de chair.
Apollon avec le Trepié, fur lequel eft
un Grifon en Bas-Relief: il a fa Lyre à
la main (f).
Marfyas, avec un Air de tête furpre-
nant ; mais fes bras paroifTent trop courts:
les piés font,fendus de vieillefîe prefque
de part en part. La Figure , de la ma-
nière qu'elle eft pendue, paroît extrême-
ment pefante , & fort naturelle, & l'on
voi£
(*) Pharfalf h. v. % 73, 74.
(f) L'Eftampe s en trouve parmi les Statues -
et Desseins, en Italie. 35*
Joit,qu'il foufre une douleur exceffive,*
^epuis la plante despiésjufqu'aufommetc
^e la tête.
Alexandre le Grand à l'agonie , en
^Ufte , trois fois auffi grand que lê na-
turel ; d'un Stile Grec , grand & vafte.
nez ne defcend pas du front en droi-
ligne , comme cela arrive à la plupart
Têtes Grèques , & fur-tout à celle
d'Alexandre : le haut en elt enflé, & il
a la bouche entr' ouverte. On le voit
Paflerjfans marquer la moindre douleur,
eXcepté celle qu'expriment cette enflu-
re , & le petit tournement de fes yeux,
Tui en même tems répandent de la Gran-
deur fur le Tout, il elt d'un beau Mar-
bre jaunâtre.
Un Orateur Tofcan ,d'un grand goût,
& d'une belle Expreflion d'énergie. Le
^ras qui elt étendu , & qui eft prefque
} découvert, eft aifé & bien deffiné :
j j y
J autre eft pendant & envélopé dans la
draperie; il porte un anneau à un doigt
^e cette main. Il n'a point d'yeux, mais
Utilement les orbites, où l'on en avoit
^is aparemment d'argent, comme on le
v°it fouvent fur le Bronze Antique : il
Mes Sandales aux piés. Il eft fait d'un
bronze vuide, endommagé par derrière;
npn pas qu'il foit brifé ; mais il eft ufé &
*&té de pure vieilleffe. Efeéïivement,
Gette Pièce eft fort ancienne : le Stile,
F % quoi-
82, des Statues, Tableaux»
\ flores-quoique grand, en eft rude, & fort di-
CE* férent de celui des Romains, des Grecs t
des Egiptiens, ou de quelque autre Na-
tion que ce foit: il eft feul dans fon efpè-
ce , aufii-bien que l'Habit , qui eft un
véritable Hetrufque , comme lafture
Montfaucon, qui en a donné une
Eftampe, Tom. III. Pl. XXXIX. il y a
même,fur la frange de l'Habit,des Ca-
radères Tojcans.
Dans mie petite Chambre, que Fon trouve
en fortant de la Galerie.
On voit,parmi une infinité de Lares,
d'Idoles, de Lampes, &c. un Orphée en
Bronze, qui joue du Violon. Cette Sta-
tue n'a pas tout-à-fait un pié de hauteur :
elle a , au-lieu d'archet, un inftruroent
grand , épais , & brut. Bianchi m'a
alTuré que c'eft , fans conteftation, une
Pièce de l'Antiquité : elle femble être
dans le goût Hetrujque. Au-refte,fielle
eft autentique, comme je croi qu'il n'en
faut pas douter , elle eft extrêmement
curieufe, par raport à l'inftrument, qul
eft le feul de cette efpèce , que je
fbuvienne d'avoir vu , ou dont j'aie e11'
tendu parler, dans aucune Antique.
et Desseins, en Italie.
<■>. à Flores
^ans une autre petite Chambre, apelée leCE-
Cabinet de Madame.
TABLEAUX.
P I? Adoration des Mages, de S a n d r o sw» *«/»■-
Qtticelli. Les Anges,& plufieurs"!u'
autres chofes, en font rehauflés dor.
La Mort de la Vierge, de P o l l a i o- *»««»'»•
, meilleure que l'autre , peinte de la
même manière,avec de l'or.
La Circoncifion , la Vierge , & deux
«■titres Femmes,de DomenicoGril-c^mltl
1andaio. Les Airs & les Attitudes
font nobles & naïves.
On peut, par ces trois Morceaux, ju-
fainement de la bonne Manière Flo-
7.ej*tine ancienne , parce qu'elles font de
meilleure , & qu'elles font parfaite-
ment bien confervées ; & en même tems
parquer le changement qu'y ont apor-
^ > en très-peu de tems , Raphaël
? Michel-Ange; puifque ces trois
Maîtres, dont on vient de parler font
morts
après la naiifance de Raphaël»
T>ans une autre Chambre.
> Adoration des Mages,dePHiLiPEpuup»
^ïppi. Les Expreffions en font allez
j,°nnes; mais les Figures, en général,
roides, & mefquines.
F 3 Le
-ocr page 186-82, des Statues, Tableaux»
à ïLonrN- , Le m4me Sujet,peint par Léonard
c*lMc{PE V in c i. Ce Tableau eft excellent i
' mais malheureulement, il eft relié impar-
fait; foit que Léonard n'ait pas eu le
tems de le finir, ou qu'il s'en foit ennuïé,
ce qui lui arrivoit fort fouvent. Il y a
pourtant, deux ou trois Figures au milieu,
qui font très-finies.
Le Tortrait de Tordenone , peint par
lui-même. 11 eft pareil à celui qu'a le
Chevalier Hammer, & où eit écrit
deflus, Dom. Beccafumi. 11 y en
a un autre très-bon à Taris , dans les
Apartemens du feu Duc Régent ; & en-
core un autre, mais qui n'eft pas fi bon,
à Dujfeldorp , chez l'Ele&eur Talatin.
Mais ce ne peut être le Portrait de Por-
d e n o n e , comme on l'apèle à Florence,
s'il eft vrai que Vas ari nous en ait don-
né un véritable , parmi ceux qui font
dans fon Livre ; car celui-là eft tout-à;
fait diférent de cette Peinture: & ce qui
fait que je ne doute point que VasaR1
n'ait raifon , c'eft que mon Père a un
Deffein de ce Portrait ; mais pris dans
une autre vue , où eft écrit au bas , en
vieux Cara<ftères,que c'étoit le Portrait
de Tordenone, fait par lui-même,& l'°,n
remarque clairement, qu'il eft fait d'après
le même Homme que celui de V a s a-
'Dans
-ocr page 187-et Desseins, en Italie. 35*
Dans la Galerie, du côté ofofé. ce.lore
Le Laocoon, avec fes deux En fan s, de Baccio Bâti"
Marbre; copié d'après l'Antique qui eftrf,w&
^ Rome, par Baccio Bandinelli.
La partie de derrière y eft finie quoi-
qu'elle ne le foit pas dans l'Original, qui a
été fait pour mettre dans une Niche , ou
contre la muraille. On dit à Florence,
Su'il eft aufti bon , que celui de Rome :
refte, s'il ne l'eft pas tout-à-fait,j'ofe
dire , pour juftifier ceux qui difent qu'il
''eft, qu'il en aproche beaucoup.
Une Femme, qui neft point finie, de Michel-Ange
Michel-Ange: elle paroît taillée fui-
vant la Manière hardie de ce Maître,
teUe qu'on la trouve décrite par Blai-
re de Vigenere, dans fes Notes fur le
a llistrate (*)• On en a fait fau-
fer de grands éclats, à coups de cifeau:
i! y a même des endroits, où on l'a fi
,rt enfoncé , fur-tout dans un des ta-
^Sjqu'on auroit été obligé de le réparer,
p la Statue avoit été finie. J'ai vu plu»
^eurs exemples de cette nature ; & un
I e ceux, dont je me fouviens, eft dans
a Cour d'une Mai fon, à côté du Dôme.
Confiant in, en Bufle, Antique: le nez
avoit été détaché , mais on l'y a re-
mis. J
F 4 Cara-
(*) Pag. §55. Edit. de Paris, 1637. Fol.
-ocr page 188-82, des Statues, Tableaux»
i ïloren- Caracalla. Ce Bulle eft pareil à celui
de Farnefe; & il elt remarquable, que
tous les Buttes que l'on voit de cet Em-
pereur , quoi qu'indubitablement Anti-
ques, font tous dans la même Attitude;
mais le nez de celui-ci elt plus long,que
ceux des autres.
Clodius Albin fa , d'un Albâtre Anti-
que, & extrêmement rare.
Tertinax Didius Juhanus, & IDïdid
Clara, que cDidius Juhus eut de Mail-
lia Scantilla , auffi en Bultes : les deux
derniers font fort rares, & peut-être
uniques.
Nerva , en Bufte , plus grand que le
naturel: extrêmement rare.
Tyomitïen, tout jeune: mais il n'elt pas
bon.
Endymion, qui tourne la tête en arriè-
re , & qui Jemble regarder la Lune, &
en même tems retient fon Chien ; mais il
n'elt pas d'un bon goût.
Berenice de Titus , avec un Diadème,
££ fes cheveux en boucles , à la manière
des Rois d'Egipte : fon Air & fes Traits
font d'une beauté achevée. On fait auffi
voir une Médaille d'or, avec la Face de
Titus, & fur le revers, celle de Bereni-
ce.
Le Bufte d'Othon , avec une petite
perruque ronde , auffi courte par der-
rière que par devant ? telle qu'elle efî
et Desseins, en Italie. 35*
dans fa Médaille : il eft très-rare , & »
peut-être l'unique.
Lafameufe Leda, extrêmement belle
& délicate , dans la même Attitude que
la Vénus de Médias ; excepté qu'on y a
ajouté le Cigne, mais qui reflèmble plu-
tôt à une Oie.
G animé de, prefque vis-à-vis: c'eft une
des meilleures Figures qu'on puifle voir;
(*) mais fon Aigle eft aufli mauvais que
le Cigne de Leda. 11 n'y a que le Corps
& les Jambes de G animé de, qui foient
Antiques, de Marbre T arien : tout le
refte a été ajouté. Ce qui eft Antique a
le même caractère de délicatefle, que la
Vénus.
Antonio., Femme de Dru/us, & Mère
de Claude, en Bufte extrêmement rare.
Un Sanglier, d'un goût Grec fur pre-
nant : on en a fait un de Bronze, jette
en moule, qui fait l'ornement d'une fort-
belle Fontaine de la Ville.
Annibal,comme on l'apèlscommuné-
ment, parce qu'il a l'Air Cartaginois. Il
eft d'un Stile'qui n'eft ni entièrement
Qrec, ni tout-à-fait Romain, cependant
très-exquis & très-fpirituel.
La Victoire fans ailes. Il eft rare de
la voir ainfi dépeinte. Elle prefente,
comme à l'ordinaire, une Couronne de
Laurier, de la main droite, & elle tient
F y une
(*) Dans les Statues dt Pbrrie», N°. 59.
-ocr page 190-82, des Statues, Tableaux»
- une Palme de l'autre main. M o n t f a u-
con raporte,d'après Pausanias, que
les Athenïens l'avoient faite fans ailes,
afin qu'elle demeurât chez eux , fans
pouvoir plus s'envoler. C'étoit fort bien
penfé, pour ce Peuple fage. La Figure
efl: très-belle, & Bise hop en a gravé
deux Planches (1).
Tlautille , en Bufte, avec un Air fort
jeune , beau & naturel; ce qui fe trou-
ve rarement dans l'Antique , qui efl en
général plus maniéré.
Vn Thilo/ophe : c'eft une très-belle
Figure, une fois plus grande que le na-
turel. Il a une main fous fon menton,
& il tient une feuille de papier: fa Dra-
perie eft fimple , & en plis larges : il a
l'air penfif, & il reilemble à un H o m e r e:
fa Pofture a quelque chofe de grand, fans
afeftation ; & il eft fait dans le goût Grec.
Narcijfe, qui s'agenouille & fe baiffe,
avec un Air merveilleufement amoureux,
tenant la main droite levée, & marquant
l'étonnement où il eft de fa Beauté i aufti
a-t-il raifon, car cette Figure eft une des
plus belles que j'aie vues de ma vie. Elle
tient fort du Caraftère de la Vénus de
Meâicis ; & elle eft faite de Marbre Ta-
ri en. 11 femble, qu'O v i d e ait eu cette
Figure en vue, dans la Défcription qu'il
a faite de ce jeune Homme.
Ad-
1 Voïez 38 & 39. de fes Statues.
-ocr page 191-et DesseinSj en Italie. 91
Adplnpet ipfefibï : vultuque inmotus eodem ^oreh.;
Haret,ut è Tario format um marmorefi-
gnum
Speciat humipofitusgemmuw, fua lumïna,
fîdus,
Et d'ignos Baccho,digno$ & Apolline crines;
Impubefquegênaseburnea colla,deeu[que
C'eft-à-dire : Il eft fi étonné de fe voir fi
beau, qiïaiant toujours les yeux fixés fur
fa Figure , il en devient auffi immobile
qu'une Statue faite de Marbre Parien :
couché à terre , il fe plaît à contempler
des yeux qui brillent comme deux Aftresy
une chevelure qui feroit digne d'être por-
tée par Bacchus, ou par Apollon, un
menton fans barbe , un cou d'ivoire , ©
une bouche dune beauté ravijfante.
Venus affiffe, & qui fe tire une épine du
pié: elle elt fort belle, mais fans délica-
telfe.
Venus Uranie ': elle a une Draperie
exquife.
Brutus, en Bu fie, fait par Michel- mm-^,
Ange: quoiqu'il ne foit pas fini , il a
l'Air noble, en regardant par delfus l'é-
paule gauche. On y voit cette Infcrip-
^on, faite par le Cardinal Bembo.
Dum
-ocr page 192-82, des Statues, Tableaux»
a floren- 2}um Brutî effigiem Sculptor de MarmorS
ducit ,
In mentem S celer i s venit, & abftinuit.
- 4t
C'eft-à-dire : Dans le tems que le Sculp-
teur taïlloit fur le Marbre la Statue de
Brut us, il fe fouvint du Crime, dont cet
Ingrat s'étoit rendu coupable , & cela
l'engagea à abandonner l'Ouvrage.
Untijue. Morphée endormi: c'eit un jeune Gar-
çon, fait d'une pierre de touche , qui a
beaucoup d'éclat. Le Vifage eft ce qu'il
y a de meilleur : mais il n'y a dans le tout
rien de fort excellent, fi ce n'eft qu'il
s'y trouve une grande Manière généra-
le.
Monfieur Addison, dans les Re-
marques qu'il a faites fur divers Endroits
êC Italie, a pris ocafion de parler de cette
Figure, & dit entre autres chofes,
„ qu'il y a aparence que les Anciens ,
„ pour reprefenter le Dieu du Sommeil,
« ont choifi la Figure d'un jeune Gar-
„ çon , contre l'ufage de tous nos Def-
„ finateurs Modernes, parce que c'eft
„ dans cet âge-là que le Repos eft le
„ moins interrompu, par les foins & les
„ foucis qui le troublent dans tous lfi,s
autres. Statius , dans fa fameufe
» Invocation du Sommeil, s'adreffe à lui;
,, reprefente aufti fous la même Figu-
« re.
y»
-ocr page 193-et Desseins, en Italie. 12.3
Qrimine quô merui, juvenis placidiffi- *
me Divûm,
» Quôve errore mifer, donis ut folus ege-
rem,
„ Somne ,tuis? tac et omnepecus, volucref
que, fer a que, &c.
Silv. Lib. V.
t, Dis-moi, que fai-jefait,jeune Divinité,
5» Ghiel crime ai-je commis contre ta Ma-
„ Tour être fourde aux cris d'un pauvre
mifer able ?
,, A7? refufespas le Repos agréable,
„ 6)ue ta douceur acorde à tous les Ani-
maux ,
j, Dans Vétat où je fuis, acablê de mes
maux.
,, Je n'ai jamais vu de Figure Antique
„ qui reprefentât le Sommeil, qui ne fût
,, de Marbre noir, ce qui, en aparence
„ a quelque raport à la Nuit, comme au
tems le plus propre pour le Repos ".
Une belle Tête de Goflanza Bonarelli,
Maitreffe de Bernin, qui l'a faite , à
ce qu'on m'a dit , dans cette Ville-là ;
^ais Baldinvcci raporte , dans la
^ie de Bernin (*), qu'elle étoit la
Femme d'un de fes Difciples qu'il ché-
riffoit,
(*) baldinucci, Vita del Cav. b e r n J n o. îs~
rtnaa, i68z. in 4. pag.16.
96 des Stat u es, Tableaux,
^floren- rifToit, & dont il retouchoit ordinaire-
ment les Ouvrages: au-refte, ces deux
diférentes Relations ne le détruifent
point l'une l'autre.
Antique). Vénus, qui follicite Mars à demeurer
auprès d'elle , d'une belle Expreflion.
Mars s'excufe avec les mains, dans le
tems que fon vifage fe rend aux empref-
femens de Vénus , qui lui pafte la main
gauche par deftus l'épaule, & lui met
l'autre fur la poitrine. Ce Groupe &
celui d'un
Apollon avec un Faune , qui efl vis-à-
vis de l'autre, font auffi beaux qu'on en
puifte trouver.
Antinous : les cheveux qui lui pendent
fur le front, jufqu'à un demi travers de
doigt des yeux, qui n'ont point de pru-
nelle , font faits à la Romaine, qui étoit
Une Manière plus petite que la Grèque.
Un autre, avec un regard fixe, mais
fans délieatefîe.
Une Tête de Tan, dans le Goût Grec,
& du plus grand Stile, avec une certai-
ne Expreffion merveilleufe.
Michel Ange II y en a une autre , dans le Cabinet
qu'on apcîe Lo Studiolo , qui a été co-
piée de cette Antique «, par Michel-
Ange, lorfqu'il n'avoit encore que dix-
huit ans,comme on le peut voir parl'In-
fcription qui efl derrière ; & qui marque
aufli, que c'eft le premier Ouvrage que
ce
-ocr page 195-et Desseins, en Italie. 12.3
ce Maître ait jamais fait fur le Marbre. *
Quoiqu'il en foit, je croi que cette Piè-"-
ce ne cède en rien auxMafques qui font
dans la Chapelle de S. Laurent, quoi-
que c'elle-ci foit un de fes Ouvrages les
plus eftimés. George vasari,dans
la Vie de Michel-Ange, fait un récit
bien circonftancié de toutes les particu-
larités de cette Tête, & donne, par-là,
^ne vive Idée de ce bon vieux Lau-
rent de Medicis, qui étoit le Père
de la Virtu (*) moderne.
C'eft à lui qu'on doit la plus grande
partie des Statues,qui compofentlaCol-
leftion de cette Galerie. Il avoit même
établi une Ecole de Peinture & de Scul-
pture , dans fon Jardin , où toutes ces
Statues étoient, environ cinquante ans
avant que fa Famille fe fût rendue Mai-
trelle de la Ville. C'eft dans ce Jardin,
& fur ces Modèles, que s'eft formée
1 fccole de Florence, & particulièrement
M1 c h e l-a n g e. Ce Mécène acord oit
des Penftons à tous les jeunes Etudians,
félon leur mérite , afin qu'ils ne penfaf-
fent à autre choie qu'à leurs Etudes : &
ceux enquijiremarquoit un génie diftin-
S^é , il les faifoit manger à fa table ; ce
qui arriva à Michel-Ange, fur ce
qu'il
(*) Les Italiens expriment,par le mot de finît, tout
Artî"1 COncerne la Connoiffance & l'Amour des beaux
96 des Stat u es, Tableaux,
à floren-qu'il avoit bien réuffi à faire la Tête de
Sï' Tan, dont je viens de parler. Ces Sta-
tues furent toutes vendues, & difperfées,
à un encan qu'on en fit, deux ans après
la mort de Laurent. Ce fut l'an 1494»
dans le tems que fon Fils Pierre fut
chafle de la Ville ; mais en l'an iyiz. la
Famille étant rentrée dans fa PolTefîîon,
on les rendit prefque toutes.
Le même malheur arriva auffi à ce
grand amas de Livres manufcrits, que
ce Laurent de Medicis avoit re-
cueilli, par le moïen de Jean L asca-
ris , de cette illultre Famille qui avoit
donné des Empereurs a Confiant inoplei
& qui s'étoit refugiée en Italie , après
la ruine de l'EmpireKOrient. Laurent
l'avoit envoïé vers B ajazet II. chargé „
d'une Lettre qu'il devoir prefenter de fa
part à ce Sultan , qui avoit une grande
paffion pour les belles Lettres, & qui ef-
timoit fort la Perfonne de Lauren*-
11 donna à L ascaris un Sauf-conduit
par toute la Grèce, & par-tout où ilpou-
roit aprendre, qu'il y avoit encore de ces
Bibliotèques & de vieux Manufcrits. ;
de forte que par ce moïen.là cet En^°'ie
raporta en Europe , dans deux difér.ens
voïages qu'il fit,une quantité prodigielî~
fe d'Auteurs Grecs,qu'on avoit cruper-
dus.
Ce Trefor fut diffipé, comme je viens
-ocr page 197-et Desseins, en Italie. 12.3
de le dire , mais on le recouvra prefque à florin
tout, comme on avoit fait les Statues, CE>
après que la Maifon de Medicis fe fut
rétablie à Florence : & il fait à prefent
la meilleure partie de la riche Biblio-
tèque de S. L aurent, en* cette Vil-
le; quoique la Reine Catherine de
Medicis, en venant en France, pour
epoufer HenriII. y en aporta quanti-
té, qui font à prefent dans la Bibliotè-
que du Roi, à Taris (*).
Dans la Tribune.
La Venus de Medicis, d'un Marbre
clair & blanc ; mais qui, par la fuite du
tems, eft devenu un peu jaunâtre , ce-
pendant d'une fort belle couleur. Je
l'ai vue à toutes les heures du jour , &
jlans tous les accidens qu'elle reçoit de
'a Lumière : lorfque le Soleil donne def-
flls, elle eft prefque tranfparente : fes
Neveux font devenus bruns , parce
Qu'ils ont été dorés autrefois, comme
S-ela étoit fort commun chez les Anciens.
■\'s avoient même introduit la mode de
d°rer les plus belles Statues, par-tout ;
^ cette mode a duré quelque tems,
Tome III. G com-
Joyius Eloq.VA?,ii.iAs Anecdot
-ocr page 198-96 des Stat u es, Tableaux,
à floren-comme il paroît par Ciceron,Sene-
ce" que , le Philofophe , La Tête eft
un peu trop petite, à proportion du
Corps , & fur- tout des Hanches & des
Cuiftës : les Doigts font extrêmement
longs & tout unis,fans qu'il y ait aucune
marque de jointure , fi ce n'eft au petit
Doigt de la Main droite. Elle eft fur un
Piédeftal moderne , de la hauteur d'en*
viron la ceinture d'un Homme ; mais,
comme elle pariche un peu en avant, il
eft à préfumer, qu'elle avoit été faite pour
être placée à une plus grande hauteur,
quoiqu'elle foit plus petite qu'une Fem-
me ordinaire. J'avoue,qu'avant que j'eufTe
vu cette Statue, j'en avois conçu une
mauvaife opinion, fur les défauts que
j'avois remarqués dans celles qu'on en a
jettées en moule. Il eft vrai, qu'elle en
a quelques-uns ; mais elle a en même
tems les chairs fi molles, & fi naturelles,
qu'on dit oit qu'elles doivent ceder au
toucher. Elle eft d'une telle beauté,
d'une telle délicatefle,& d'une fi grande
légèreté, que les deux autres Vénus pla-
cées à chaque côté d'elle paroiffent groi-
fières : le Faune même femble lourd,
quoiqu'il faute de deffus fa bafe. APres
avoir été plus de dix heures entières,
dans cette Galerie , à examiner la beau-
té des Statues qui y font, & y avoir
trouvé continuellement quelque ch°ie
et Desseins, en Italie. 12.3
de nouveau , qui exciroit l'admiration ; à Florf.n-
il me fut impoffible de détourner ma vue,CE'
trois minutes confécutives, de cette Sta-
tue , pendant tout le tems que je fus
dans la Chambre où elle eft (1). Cette
Pièce admirable a eu le malheur d'être
brifée en pîufieurs endroits ; mais on a
eu foin de la bien racommoder, de forte
que les fraftures font imperceptibles, à
moins qu'on ne les examine de fort près.
Les deux Cuiffes,les deux Jambes,pré-
cifément au-deffous des Genoux, & au-
defius du Cou du Pié,ont été rompues,
aufti bien que le milieu de la Jambe
droite : les deux Bras en ont été déta-
chés, juftement au-deffous des Aiflelles.
Monfieur Bian c h 1, Garde-Cabinet du
Grand-Duc, m'a dit que cette Statue
étoit parfaitement bienconfervée,avant
qu'elle fût tranfportée de Rome, & que
le malheur d'être rompue en pîufieurs
endroits , comme je viens de le dire,
lui arriva dans le chemin de Rome à
Florence. Ce tranfport fe fit dans le
lems du Pape Innocent XL au raport
3e Maffei (f> La Statue eft faite,
a en juger par l'Infcription qui fe trouve
G z fur
1 On voit cfesEftatnpes de cette Statue, en diféren-
tes vues, dans pebrier, N°. 81,82, 83- Dans Bis-
schop. n°. 47. 48, 49, 50. & dans le Recueil des Statues
de R oss 1. xxvii.
(t) Dans fes Remarques fur cette Statue , dans le Rt-
eutil de Ros si. pag. 28.
96 des Stat u es, Tableaux,
* floren-fur fa bafe,par Cleome'ne,Fiis d'A f
cz' pollodore, Athénien. C'eft une
chofe étrange, qu'il n'y ait pas eu un feul
Ancien qui ait fait mention de l'Auteur
d'une Statue de cette conféquence,non
plus que de Glyco, qui a fait le Her-
cule Farnefe, ou d'A g a s i a s , Auteur
du Gladiateur de la Ville Borghefe ; pas
même Pline, qui prétend ne paffer
fous filence aucun Auteur , ni aucun
Ouvrage confidérable, foit à Rome, ou
par-tout ailleurs. Il eft cependant cer-
tain, que cette Statue a été fort eftimée
des Anciens, puifqu'ils nous en ont laifle
un nombre infini de Copies. Au-refte,
cela nous pouroit faire croire , qu'elle
n'a été faite qu'après que cet Auteur foi-
gneux a eu écrit ; quoique ce ne foit pas
le rems où l'on place le Siècle du bon
goût : aufli ce bon tems n'a-t-il pu fe
foutenir, & il eft peu après tombé dans
le Gothicifme. U faut pourtant, que X An-
tinous du Belvedere n'ait été fait que
Jong-tems après ; c'eft-à-dire , fous le
Règne d'aorien ; & Pline eft mort
fous l'Empire de Vespasien: outre
que le Siècle qui a produit cette FiguJ.e
n'étoit pas indigne de la Vénus de
cis , ni de toute autre Statue , qui fu""
fifte aujourd'hui. Aufli y a-t-il unegran"
de quantité de ces Statues & Buftes
à!Antinous , qui font la plupart d'une
et Desseins, en Italie. 12.3
extrême beauté:ce qui fait voir,qu'il y à flore*.
ayoit dans ces tems-là un grand nombre CE'
d'excellens Maîtres. D'ailleurs,il y a les
Colonnes de Trajan & d'Aurèle , les
"as-Reliefs qui font fur les degrés du
apitoie , la petite Figure de T)ace cap-
*'W,fous la Statue de Rome triomfante,
rçu'on a mife depuis peu dans le même
C'apitoie, & une infinité de Figures,qui,
Par leurs circonstances, prouvent qu'elles
font de ce tems-là, & qui font d'un goût
à ne le ceder à aucun Ouvrage , quel
Su'il foit. Ainfi, que peut-on penfer,finon
Sue, dans cette dernière Scène, pour
aùifi dire , de l'Art, & du bon Goût,
tous ces grands Hommes paroilfent en-
semble, comme font les principaux Ac-
teurs, fur la fin d'une Comédie?
.De chaque côté de la Vénus de Medi-
Cls,il y en a une autre:elle a,à fa droi-
te> .
^énus viéîorieufe, prefque une fois
plus grande que Vénus de Medicis , qui
en paroît plus petite. C'eft une
]gUre fort agréable ; elle tient la Pom-
de la main droite : le Bras & la Main
saches y font ajoutés , & Modernes.
,, ette Figure a quelque Draperie. De
la°tre côté eft
^énus Dranie, qui , excepté la déli-
t ne en r*en ^ f^nus de
Medicis. De cette Statue il n'y a que
G 3 le
96 des Stat u es, Tableaux,
à floren- le Corps avec une partie des Cuiflès &
Gdes Bras d'Antique ; tout le refte y a été
ajouté,par Hercule Ferrata (1).
Un Faune qui danfe : il eft d'un Mar-
bre d'une rès-belle Couleur ; mais il a
changé en deux ou trois endroits, fur-
tout dans le Vifage ; tk cela eft arrivé
pendant qu'on travailloit à faire des mou-
les lur cet e Statue:-auffi, c'eft par cet-
te raifon, qu'on ne permet plus à qui que
ce foit de mouler aucune desStaruesqui
fe trouvent ici. Cette Figure eft,à mon
avis, à les prendre toutes enfemble , la
meilleure qui foit dans la Tribune, &,
comme je l'ai déjà dit , elle eft légère,
& paroît fauter de deflus fon Piédeftaî.
Quoiqu'elle n'éclate pas comme font les
autres, parce qu'elle n'eft pas polie, elle
ne laifte pas de paroître fort unie au tou-
cher. M a ff ei (t) dit, qu'on prétend
que la Tête, & les Bras font de Michel-
Ange, & que du tems de ce Maître,
onatribuoitlaFigureàPraxite'le (:[).
LAiguifeur (§): la Tête fur-tout en
eft bonne, & fa Chevelure eft la plus belle
qu'on puifle voir , courte , négligée &
rude ; mais dans un. grand goût. Cette
1 * Voïez les Notes de Mafpei , fur la Venus àc
Médicis, dans le Recueil des Statues de R o s s i. pag. 29-
et Desseins, en Italie. 12.3
excellente Figure a beaucoup d'éclat, & à florek-
elle eft prefque blanche. S a n d r a r t en CE"
raconte une Hiftoire également étrange
& ridicule.
Les Luteurs (*): l'air des Têtes en
eft beau & ardent. Ce Groupe brille ex-
trêmement; mais lorfqu'on tire tous les
rideaux, excepté celui d'une feule fenê-
tre,il fait un éfet mejs'eilleux. Maffei
ne fait rien de ce qui concerne ce Grou-
pe ; mais Flaminius Vacca (f)
allure, qu'il fut trouvé de fon tems, hors
de la Porte S. Jean à Rome.
La Figure qui fuit eft la Vémis Viffo-
rieufe , dont nous avons déjà parlé : &
elles forment toutes un cercle autour de
la Tribune.
TABLEAUX.
On y trouve auffi de beaux Tableaux,
^ entre autres,
Le S. Jean de Raphaël , pareil à
ee^Ui qui eft à Taris , chez le Duc Rè-
gent. J'ai eu le plaifir de confidérer de
fort près celui de Florence ; mais je n'ai
Pas eu le même avantage, à l'égard de
| autre. C'eft une feule Figure , d'une
beauté furprenante , nue , affife dans le
G 4 De-
, Dans les Statues de Perrier. N°. 35 8c 36. 8c
■«ans celles de Bisschop. N°. i8, 19, zo, zi, ix. èz
^ossi. xxix.
(t) Dans r itinéraire de Monifaccon, pag. 139.
96 des Stat u es, Tableaux,
à flomm- Defert, & qui étend la Main droite: on
C!t' voit le Vifage de Face. Le Coloris en
eft beaucoup plus brun, que de celui qui
eft chez le Régent -, mais on ne fait lequel
eft l'Original ; car chacun vante le lien.
Comme je ne les ai pas vus de près tous
les deux, je ne puis en porter un jugement
décifif: & peut-être que je nel'auroispas
ofé faire,quand j'aurois eu cet avantage.
Us peuvent même être tous deux Origi-
naux.
jecomge. Une Madonne du Correge, auffi-
bien cbnfervée que fi elle venoit d'être
peinte : elle eft à genoux, & adore le
petit J e s u s, qui eft couché à terre : fes
Mains font un peu écartées ; & elle a le
Vifage prefque de Profil: fi la Figure é-
toit droite,elle auroit environ deuxpiés
de haut. J'en ai vu plufieurs Copies.
Cette Pièce a de grandes beautés ; mais
avec cela, elle a auffi de grands défauts,
comme cela fe trouve dans îa plupart des
Ouvrages de cet aimable Maître. La
Draperie eft certainement peinte d'Idée:
elle ne fait pas bien paroître les membres,
& les plis n'en font pas beaux : une par-
tie palfe au-deftus de la Tête de la Vier-
ge , & defcend de-là jufqu'à terre ; &
c'eft fur ce bout que l'Enfant eft couché,
de façon qu'elle ne fauroit fe lever , ni
même fe remuer facilement, fans le cul-
buter. Mais quelle Beauté, bon Die° ■
et Desseins, en Italie. 12.3
quelle Tendrefle! qu'elle Penfée! quelle
Expreffion !
Le 'Portrait de Jule II. extrêmement
bien exécuté par Raphaël: le Coloris
en eft brun. Le Duc de Devonshire
a un très-beau Deftèin de cette Tête,
fait par le même Maître.
Une Madonne de Michel-Ange:le
Coloris en eft extraordinairement écla-
tant , les réflexions en font fortes, &
d'une manière tout-à-fait contraire à celle
que j'ai vue des autres Tableaux de cet
Auteur. Les Malles des Couleurs font
fans union ; & il femble qu'on les y ait
mifes par hazard , comme la plupart de
celles d'andri del Sarto ; mais
encore moins unies. La Carnation en
eft aflèz claire ; mais elle n'eft ni tranf-
parente , ni moëlleufe, comme celle
cî'Andre'del Sarto, que, félon moi,
il avoit envie d'imiter, en cette ocafion ;
parce que Michel-Ange avoit beau-
coup d'égard pour ce Peintre , comme
on le peut voir, dans pîufieurs autres
rencontres ; & fur-tout par ce qu'il en
«lit un jour à Raphaël, au raport
de Bocchi (Bellezze di Fiorenze,
Pag. 461. ) „ Ce merveilleux Peintre fut
" toujours fort eftimé de Michel-
" Ange, qui ne cefloit de le louer,
» comme il le méritoit éfedivement.
» Un jour même, qu'il difcouroit avec
G 5 „ Ra-
96 des Stat u es, Tableaux,
-j, Raphaël du mérite de quelques
„ grands Hommes de la Profeftion , il
„ ofa bien lui dire en face : Il y a, à Flo-
„ rence, un gaillard, parlant d'A n d r e'
,, del Sarto, à qui fi l'on avoit donné
,, à faire de grands Ouvrages , comme
„ ceux que vous avez eus, Tardi, il vous
„ feroit bien Jitèr " / Ce Tableau ell par-
faicernent bien confervé. Il eft en rond,
& il fait face à la porte qui eft derrière
la Vénus de Medicis. A voir la Défcrip-
tion que Bocchi en fait (*), on di-
roit que c'eft plutôt un Tableau de Ra-
phaël que de Michel-Ange, qu'il
décrit, tant il a peu obfervé le véritable
Caraélère du Maître. Mais il raporte
que, comme il en vouloit avoir foixante
& dix écus , & qu'on ne lui en envoïa
que quarante , il en rehauffa le prix juf-
qu'à cent ; & que, lorfqu'on lui eut envoie
les foixante & dix , il demanda le dou-
ble de ce qu'il avoit demandé d'abord, &
qu'on le lui donna.
Un Repofoir, qui fait le tour de la Tri-
bune j chargé de petites Figures.
Un Lion,qui déchire un ChevalAn-
tique , faite de Marbre. U a bien plus
de déliçateffe que ce fameux qui eft dans
le Capitole à Rome , qui eft à la vérité
mer-
•(*)Pag.i7î.
-ocr page 207-et Desseins, en Italie. 12.3
merveilleux; mais il eft plutôt vafte,quei flo*i«.
délicat: il eft auffi beaucoup plus grand"'
que le naturel-, & il a fort le goût des
Ouvrages de Monte Cavallo ; au-lieu que
celui-ci eft d'une certaine Manière pré-
cieufe, & de la dernière pureté de goût.
Une Vénus, dans la même Attide que
celle de Medicis (*): elle eft allez bon-
ne; mais elle i'eft beaucoup moins,que
celle qui y eft tout joignant.
On y trouve auffi un grand nombre
d'Ouvrages en Mignature , par Fra. c.n.dei
G1 o. B a t t. del 'Monte Sinario, qui eft Umt'
un Couvent, fitué environ à cinq Miles
de Florence : entre autres les Copies en
Mignature d'après les Tableaux du C o r-
rege, & du S. Jean de Raphaël,
dont nous avons déjà parlé. Il a auffi
copié l'Adoration des Bergers du Titien,
le S. Laurent, & d'autres Saints d'ân-
dre del Sarto, tous deux dans les
Apartemens du Grand-Prince. Les Mi-
gnatures de ce Moine font plus belles,plus
correétes,& mieux coloriées,que celles
de T)on J ule CL0vi0,quiapartiennent
Grand-Duc. il y a environ cinquante
ans qu'il travailloit, & toujours d'après
|es Tableaux des autres Maîtres : il n'a
Jamais rien fait de fa propre Invention ;
mais il imitoit les diférentes Manières,
parfaitement bien.
(*) Voïezles Statues de Bisschop. N°. 8i.
-ocr page 208-96 des Stat u es, Tableaux,
à rtorem- _ „ .
ce. Galerie des Peintres.
le Titien. Elle efl: toute remplie de Portraits»
sïnJjL tous faits par eux mêmes, du haut juf-
ST^-qu'en-bas , autant qu'elle en peut tenir.
iion.sofha Ceuxdu Titien,cI'Andre' dfl Sar-
^.Vto, de JuLE-RoMAiN,de Polido-
fml. rej QlORGIONide sophonisbe
Anguisciola, font fort beaux.
Celui de Raphaël eft un des moin-
dres de toute la Clafte des bons Maîtres;
mais il étoit alors fort jeune, & il ne
paroît pas avoir plus de dix-huit ans.
Ceux Rubens &de VanDyck,
del' ""font beaux , de même que celui du
Guide,"dont mon Père a le Deffein
Original. Au-refte, il eft certain qu'une
fi prodigieufe quantité de Têtes , au
nombre de près de deux-cens, toutes
placées par hazard , fans aucun ordre
que celui qu'elles ont, de l'efpace qui leur
eft laiffé par les Tableaux qui les envi-
ronnent, fait un très-mauvais éfet. Elle
choque la vue : on ne fait à quoi s'arrê-
ter, & l'on fent la même forte d'inquié-
tude , que fi on entendoit autant de di-
férentes Pièces de Mufique en même
tems.
<Dans
-ocr page 209-et Desseins, en Italie. 12.3
à Floren
ans la Chambre de la Granâ-Trincejfec *•
Douairière ; autrement, la Chambre
de Madame.
La Tietà, d'après le Marbre de
Miche l-A n g e: le Maître y a lui-même
écrit ces paroles : Julius Clovius Macedo
faciebat, comme il l'a fait fur la plupart
de
fes Ouvrages. Cette Pièce n'eft pas
à comparer aux Mignatures qu'on lui a-
tribue , de la Vie du Duc d'URBiN,
dans le Vatican, à Rome, & encore
^oins à celles du beau Mijfel qui eft à
"Parme. Elle eft dure & platte , & le
Coloris en eft fade. Elle eft compofée
de cinq Figures.
Une Sainte Famille ; du même Mai- u
mimt
tre,& entièrement du mêmeCaraftère,
c°mme auffi
Deux Crucifix , dont l'un a un grand umsm,,
^mbre de petites Figures en éloignè-
rent , & l'autre a au pié une Magdelai-
ney qui embraflê la Croix ; & c'eft-làtout
ce lui en fait la diférence, car d'ailleurs
S>e font les mêmes. Ils ont tous deux un
^ayfage a{fe2 fjnj, mais roide & peiné.
. Un Portrait de Femme , d'une Main
Inconnu,
^connue. Elle reffemble à la Maitrefle
6 r a p h a e l.
Tortrait deDanten huile,delà
Pjeriïe grandeur, & de la même reflem-
tence que le Deflein en Profil que mon
Père
-ocr page 210-96 des Stat u es, Tableaux,
a fi.orish-Père a de ce Poète ; mais l'Attitude en
eft diférente. Il eft de la manière qu'on
prend ordinairement les Portraits, c'eft-
à-dire, entre profil & de front.
\a»xiintu Une petite Cléopatre agonifante ; de
Bronze, dans le goût Egiptien : la Ma-
nière en eft groflière ; mais l'Expreflion
en eft belle.
Flore ; la même que celle du Palais
Farnefe ; de Bronze , Antique , toute
entière & bien confervée. Elle eft plus
petite que le Modèle que mon Père a,
d'après cette Figure. Elle panche, pour
ainfi dire , en arrière , au-lieu que la
grande, qui eft à Rome,femble pancher
en avant.
Une petite Chimère, femblable à celle
qui eft dans la Galerie, que nous avons
déjà décrite : elle eft aufli Antique, &
bien confervée.
Fra Giovtn- Une Mignature , d'après un Tableau
de Paul Veronbse, qui eft dans
l'Apartement du Grand-Prince , faite
par Fra. Giovanni. Elle n'a pas
fautes que nous venons de remarquer en
celles de T)on JuleClovio. C'eftfne
Madonne, & une Ste. Catherine, qui eîl
font le Sujet.
et Desseins, en Italie. 12.3
Dans le Tajfage qui conduit de la, Galerte
au Balais.
Le Bujîe , avec une Main de Galileo
Galilei, d'un très-grand goût, & dans
celui de Michel-Ange, fait par
Charles Marcellini:U n'elt pasMart,uk,\
tout-à-fait fini, non plus que fes autres
Ouvrages, qu'il avoit la coutume de ne
terminer jamais; parce que,tant que fon
argent duroit, il ne vouloit point tra-
vailler. Il eft mort l'an 1713.
D» S. Jean, Figure entière, faite par
UonatellO; mais plus leche, que n'eft d,muiu,
le Bufte en Marbre de la même Main, &
du même Sujet, que mon Père a : au-
refte, l'Air en particulier s'en reffemble
extrêmement, avec la même poitrine
P'atte: la prunelle des yeux eft marquée
uans^ cette Figure.
C'étoit un excellent Maître; & il a
^onné,dans cette Ville & ailleurs, beau-
coup de beaux Ouvrages : mais la meil-
Jj*re Figure qu'il ait jamais faite, c'eft fon
«ccone , qui eft fur la façade du Cam-
*anUe y tout proche du Dôme (*).
VApar-
Voïez Vasari ; dans fa Vie, & Bocchx St
pag. 4j.
96 des Stat u es, Tableaux,
f e.l*°REK U Apartement des Tableaux des anciens
Maîtres, dont la plupart, pour ne
pas dire tous, ont été faits pour
la Famille.
Gh fa Fi foie, Deux Tableaux du Bien-heureux Gio
da Fisole, donc l'un eft le Mariage
de Jofef p de Marie ; & l'autre, la Vier-
fe morte , tous deux aftez beaux. Les
labits & les Ornemens en font enrichis
d'une bonne quantité d'or, ils font du
même goût , que les Deffeins que nous
avons vus, & que nous avons de ce
Maître.
Smira Boit}- L'Adoration des Mages, de S a n d r o
Botticelli, d'une Manière fort apro-
chante de deux autres Tableaux, faits
par André' Mantegna, & qui font
auffi ici. Il y a des Anges très-gracieux»
& qui reffemblent fort à la première Ma-
nière de Raphaël.
Dm. Grii- Un Tableau en rond, de Dominique
uni*». G rIl l a n d ai o : il reprefente la Vier-
ge à genoux, devant l'Enfant Jésus
couché à terre : il a le doigt à la bouche»
& un Ange à fon côté. Les anciens
Peintres de ce tems-là étoient fort ente «
tés de cette Aftion , pour l'Enfant Di-
vin; j'en ai vu plufieurs preuves, dans di-
vers Auteurs.
Le "Portrait de Julien de Medicis»
Duc de Nemours,à demi-corps, fait par
ge or'
-ocr page 213-et Desseins, en Italie. 12.3
Stable à celui du T itten,ou deGioR-
Oion. 11 a un bonnet fur la tête , les
deux mains l'une fur l'autre, & celle de
deftus tient une Lettre. Cette Pièce,
auffi-bien que celle de J es us-Christ
Pù porte la Croix, dansTEglifede Santa
Croce, fait voir que V a s a r i étoit quel-
quefois un grand Homme.
Dans la Chambre voijîne.
Le T or trait d'une Dame , fort bien
peint par M1 c he l-A n g e : le Coloris mm-^w
en eft aftez clair; il n'eft point dur, &
^'a pas la moindre extravagance ; ce qui
fe trouve rarement dans les Portraits de
Ce Maître , & ce qui eft d'autant plus
e*traordinaire,que la Dame même n'eft
pas belle.
jeorgeVasari. Le Stile en ref-à
à Florëh-
c e.
George Vaferi
Vne Adoration des Mages 5 de Le 0 - Léonard
J?ard de Vinci; elle n'eft point finie.
Yn voit en éloignement des Chevaux &
des Cavaliers,dont mon Père a lesEtu*
des, dans pîufieurs petits Defteins, &
dans un autre, le Crâne d'un Cheval,
auffi grand que le naturel , qui eft ici
peint de même que celui du Defiein, à
cela près , qu'il y eft en huile , comme
tout le Tableau en général. Il y a apa-
*ence que ç'a été une faillie du Peintre,
& qu'il avoit envie de le couvrir de chair
&
Tome III. H
-ocr page 214-96 des Stat u es, Tableaux,
a floren- & de peau ; puifqu'un Crâne nud ne
cs" pouvok convenir ici. Ce Deffein eft le
plus beau que j'aie vu de ce Maître: il
eft fini comme la Mignature, mais d'un
très-grand Stile ; & imite fi bien la dure-
té de l'os d'un Cheval, qu'on s'y mépren-
drait , quoiqu'il foit defliné feulement
avec du crayon noir & blanc. La Tête
d'une de ces Figures, qui font auffi gran-
des que le naturel, eft celle d'Artus de
Goufier , Grand-Chambelan de France,
dont mon Père a pareillement un fort
beau Deffein Original, de ce Maître.
LES DESSEINS du Grand-Duc.
Dans une Chambre qui joint à la Galerie.
Ce n'eft pas une ancienne Collection
de Famille , mais elle a été faite depuis
peu par le Cardinal Leopold de
Medicis , qui fit auffi celle des Por-
traits des Peintres ; & ce fut Philippe
Baldinucci, Auteur du Livre inti-
tulé Notizie dei Trofeffbri del DifegnO
&c, qui l'aida de fes foins pour l'amaf-
fer , comme il le témoigne en plufieurs
endroits de ce Livre.
Cette Colledion confifte dans urt
grand nombre de Livres, dans lesquels
il y a de très-beaux Defleins de Ra;
phael & d'autres, avec une quantité
de ceux des vieux Maîtres de l'Ecole de
Flo-
-ocr page 215-et Desseins, en Italie. 12.3
Florence. Il s'y en trouve auffi une très-à
grande quantité des Maîtres modernes,CE*
& peu confidérables ; encore ceux du
"on tems, font-ils pour la plupart des Ef-
Suifles & des premières Penfées : enfin,
cette Goliedion de Defleins n'elt point
telle qu'on devroit l'atendre de cette
f amille ; & ne répond nullement aux
Statues, aux Tableaux,& aux Médailles
Welle poflède.
Il n'y a rien qui foit plus capable de
tromper , que les Copies qu'on a tirées
des Ouvragés connus des Maîtres, & de
k a p h a e l en particulier ; puifque, dans
Ceux de ce dernier,on remarque certai-
nes beautés, qui quoique copiées, ne laif-
fent pas de briller, & d'éblouir les yeux;
& cela plus ou moins, à proportion de
l'habileté des Copiftes. On trouve,dans
ces Copies, les Penfées , les Attitudes â
les Airs , & les Expreffions de R A-
phael, dans un certain degré? de for-
te que fouvent il n'eft pas facile de déter-
miner, fi ce degré eft aflezconfidérable,
Pour que ces Pièces foient du Maître,
C'eft la raifon pourquoi un Connoiffeut*
doit être fur fes gardes , pour ne fe point
Gifler tromper, par ce faux brillant. Il
faut qu'il examine la chofe avec abftrac-
tion de ces qualités , & qu'il n'en confi-
dére que le Maniment feul. Auroit-il
trouvé qu'il fût de Raphaël, s'il avoit
H % ignoré
96 des Stat u es, Tableaux,
a hloren-ignoré que ce Maître en a fait la Peintu-
re? Auroit-il trouvé, que ce Maniment
elt de la Manière que Raphaël avoit,
dans le tems qu'il a fait cette Peinture,
fupofé que ce tems foit connu? En un
mot, y voit-il ce qu'il eft impoflible à
un Copifte d'atraper ? Je veux dire cette
Liberté, cet Efprit, cette véritable Beau-
té , & cette Excellence qui auroit re-
commandé la Pièce , fans penfer même
à Raphaël: qu'il s'en tienne à cela
uniquement, & non à quelque autre
circonftance que ce foit, qui puiffe con-
venir, dans un certain degré,à une Co-
pie, aufli-bien qu'à un Original; & qui,
par conféquent,ne prouve point que ce
foit ce dernier.
On peut également errer de l'autre
côté, & être trop fcrupuleux dans cette
rencontre. Un Deffein peut bien être
Original, quoiqu'il n'ait pas tout ce qu'on
en pouroit atendre , en fupofant que le
Maître l'ait fait dans fon meilleur tems ;
car il n'y aperfonnequi foit toujours dif-
pofé de la même manière. Ainfi, il fauc
tâcher d'éviter ces deux extrémités, ou
tombent fouvent les Connoijfeurs.
umiqua. H y a encore, dans la même Chambre,
plufieurs Fragmens d'antiques ; entre
autres, un Moule ancien de la Vénus de
Médicïs.
Dans
-ocr page 217-et Desseins, en Italie. 12.3
ans la Chambre proche de la Galerie. csfL0REN
La Terre environnée de l'Air & de la.
Wer , en fort Haut-Relief ; elle a huit
P'és de longueur, & quatre de hauteur:
eft du plus grand Stile Gm'j&bien
jr°nfervée. La Terre a deux Enfans fur
ies genoux, & des Simboles autour d'elle.
La Mer eftaflife fur unPoifton ; & XAir
eft exprimé par......Bianchi ne
l'a pU dire ; au-refte l'opinion com-
mune eft que c'en eft-là le Sujet.
Une Bacchanale, en Bas-Relief, fort
"elle, mais un peu ufée.
Dans nn Cabinet.
Le Hermaphrodite :il eft pareil à celui Ant i qui,
qui fe trouve dans le Palais de Borghefc,
** il eft aufli grand que le naturel.
Le Rapt de Ganimède , d'après M1-
cHel-Ange , par Don Jule Clo-
(*). Il eft du même Cara&ère que '
les autres Ouvrages de ce fameux Pein-
te en Mignature , qui fe trouvent dans
1 Apartement de Madame.
, La fameufe Tête d'Euripide, en Mar- \Antiqt
Çye Bifaltin, plus grande que le naturel.
Les Têtes à Euripide font affez commu-
nes. Fulvius Ursinus a donné
H 3 celle
Voïez Geo&sb V a s a r i , Part. III. Vol. 2.
a853. & Bor6 hini , dans la Vie de Mic hel
96 des Stat u es, Tableaux,
à flqren-celle du Palais Farnefe , & Bellob.1
eE> en a donné d'autres. Celle-ci eft la plus
belle de toutes celles que j'ai vues (*)•
Michel- ^ingi Un Modèle de Miche l- A n g e,& qu u
fit, à ce que l'on prétend, pour rétablir
le Torfo du Belvedere, qui étoit de
toutes les Antiques fon Morceau favori;
de forte qu'on peut juger , combien il
doit être beau. Ce Modèle eft de Cire.
FrANCESCHINO VoLATERRANOl'a
eu autrefois de V a s a ri ; mais quand
il fut fort avancé en âge, il en fit prefent
au Grand-Duc, afin de le conferverpour
jamais, dans fa Colleéîion : au-refte, la
Figure eft aflife, & femble rêver. Elle
a un coude fur le genou, & pofe la main
de l'autre bra's fur fon giron. Mon Père
a un très-beau Deflein de Miçhel-
A n g e , pour cette Figure : il eft de la
même grandeur de celui-ci, & avec peu
de diférence : il eft fait avec une plume
de rofeau , dont ce Maître fe fervoit
fouvent, aufli-bien que ëacçio Ban-
dinelli. J'en ai vu pareillement de
Raphaël.
Machiavel (t) raporte, que „ce
„ p**
(*) Voïez les Notes de Faber , fur les Images <jes
Hommes Illuftres de Fulvius Ursinus; Si celleî
de Bellori, fur fes Têtes des Poëtej, e?ï,
(t j Hijler. Fior, Lit- VU.
et Desseins, en Italie. 12.3
*» Palais a été bâti environ l'an 1460. par J
» Meffire L uc PiTTi , qui dans ce
» tems-là s'étoit,pour ainfi dire, rendu
» Maître de la République ; parce que
"Côme le Grand , de la Maifon de
» Me'dicis, furnommé le Tère de la
» "Patrie, & dont j'ai parlé un peu plus
'» haut, étoit trop vieux, pour s'y pou-
J> voir opofer. Toutes les Perfonnes de
* Qualité firent des Prefens à Mr. Pit-
" t 1, pour bâtir ce Palais, qui, fans
" comparaifon, étoit beaucoup plus ma-
J> gnifique, qu'aucun autre Edifice, qui
5> ait été auparavant dans la Ville ; & le
5> menu Peuple , qui n'étoit pas en état
s> d'y contribuer de fa bourfe , y don-
>> noit fon travail : les Criminels même
" de toute efpèce , jufqu'aux Alfaffins,
Js étoient à l'abri de toutepourfuite, pen-
V dant qu'ils travailloient à cet Edifice",
jyiais ce qui le ruina , lui & fa Famille,
mt ce qu'il y mit du fien , outre les fe-
*r°Urs qu'il reçut. Ajoutez à cela l'envie
Grands & la jaloufie du Peuple,qui,
pUs un Etat libre,comme étoit alors le
, quoiqu'il tomba , quelque tems
aPrès, entre les mains des Me'dicis ,
^Sarclent toujours de mauvais oeil un
^articufier qui s'élève fi fort au-delTus
des autres. C'a été uniquement pourne
P^mt caufer de jaloufie, que Côme de
Me'dicis ne voulut pas exécuter le
H 4 Plan
96 des Stat u es, Tableaux,
à Floren- Plan d'un Palais qu'il avoit ordonné de
faire à B r un elle se h i, qui étoit aufti
l'Architecte-de ■celui de Pitti. C'eft
par cette fage conduite que fa Famille,
quelques années après , fe rendit Mai-
trelie abfolue , non-feulement du Palais
de Pitti,où elle réfide ordinairement;
lisais auffi de toute la Ville en général.
Il y aau haut du Portique , à main
gauche , un Monument de ce Meffire
Luc Pitti. C'eft la Figure d'une Mu»
le qui lui avoit fervi à ce Bâtiment, faite
de Marbre noir, en Bas-Relief, avec ce
Diftique au-deffous :
LeElteam, Lapides, & Marmora, Ligna >
Columnàs
Vexit, conduxit, traxit & ifîa tulit.
C'eft-à-dire : Cette Mule a tiré la Cha-
rette ; elle a porté les Pierres & le Mar-
bre , & a trainé la Charpente & les Co-
lonnes.
Peine (*•) raporte un femblable
) Exemple de gratitude, de la part des A-
théniens , à l'égard d'un Mulet ; avec
cette diférence , qu'elle étoit réelle &
profitable à cet Animal, au-lieu que l'ê-
tre ne confiftoit qu'en une gloire inutile.
Mulum oBopnta annis vixijfe , KÂthe-
nienfmm monumentis apparet ; & gavip '■>
{*) Bijlor. m. Lib. VIN. Cap. 44-
-ocr page 221-et Desseins, en Italie. 12.3
nanique cum templum in arce facerent, * florrm»
quod dereliBus Jeneéîâ , fcandentia ju-CE"
Ment a comitatu nifuque exhortarétur, de-
eretum fecere, ne frumentarïi negotiato-
res ab incerniculis eum arcerent. C'eft-
à-dire: Les Athéniens nous ontlaifiépar
écrit, quil y a eu un Mulet qui a vécu
quatre-vingt s-ans, & qu'ils ont eu le plai-
fir de voir cette pauvre bête , toute aca-
blée qu'elle étoit de vieille fié, encourager
les autres , par fon exemple , & avec le
peu de forces qui lui refioit, à monter au
Château, dans le tems qu'on y bâtijfoit un
Temple ; de forte que, par reconnoiffance,
ils publièrent un Edit ,par lequel il étoit
défendu aux Marchands de grain de l'em-
pêcher d'aprocher de leurs cribles.
On a placé au-deflus de cette Mule, .Antique.
dans une Niche, un Hercule Antique,
femblable à celui de Farnefe , extrême-
ment bien exécuté. Mais j'en parlerai
encore en traitant du Palais Farnefe.
Il y a quatre ou cinq Plat-fonds dans pmc,»,**.
les Chambres de parade de ce Palais, qui
ont été peints par P. da Cortona.
T A B L, E A U X dans ce Talais.
Une Madonne à demi-corps , avec le
Christ, & S. Jean, en rond, & une
g]ace par-deflus, peinte par Raphaël.
k Air de la Vierge eft parfaitement beau :
H 5" le
96 des Stat u es, Tableaux,
Florin- le Christ l'eft auffi ; mais il n'eft pas
3E' de ce Caraftère fublime qu'on le voit
dans quelques autres Ouvrages de ce
Maître , & tel qu'il doit être par-tout
ailleurs. Il a cependant, un certain re-
gard févère & dédaigneux, qui lui don'
ne cette efpèce de Dignité qu'il peut
recevoir d'un tel Air. Le Clair-obfcur
y eft exécuté avec beaucoup de juge-
ment, & le Coloris qui règne fur toute
la Pièce eft admirable; particulièrement
le bras du Christ, qui eft au jour,eft
peint avec une grande variété de Teintes,
& avec beaucoup de délicatefle. On voit
cependant, qu'une des mains delà Vier-
ge , & le pié que l'Enfant avance, ont
quelque chofe de gêné , pour ne pas di-
re qu'ils font mal deftinés. Au-refte,
cette Pièce eft très-finie , & hachée en
plufieurs endroits des Ombres, comme
il l'a fait dans nos Cartons de Hampton-
âour. Les Cheveux du Christ lui
tombent poil à poil fur le front, où
l'on en voit une petite quantité, pour
ainfi dire, colés enfemble , comme s'il
étoit en fueur. Le tout eft bien confervé»
à cela près que le contour des jambes du
Christ, & quelques autres endroits
paroiffent blancs à une certaine diftanÇe»
parce que le Coloris en eft terni, par les
fentes qui s'y font faites. On voit un grand
nombre de Copies d'après ce Tableau»
et Desseins, en Italie. 12.3
Les M adonne s, & les Saintes Familles* fmrsh*
fie font pas proprement des Tableaux68*"
Hiftoriques ; mais on peut lesconfidérer
comme les Caraftères qui fe trouvent
dans les Ecrivains. Ce ne font pas des
Eaits particuliers, mais la Défcription
des Perfonnages les plus confidérables
de cette Hiftoire. Ce font des efpèces
de Portraits, à cela près que, comme
on ne peut avoir les Originaux, on leur
donne des Vilàges fupoles, faits de fa-
çon, qu'ils expriment le Caraftère qu'on
leur atribue. C!eft aulfi ce qu'on obfer-
ve, à l'égard des Aftions qu'on leur don-
ne,& aux Expreffions qui y répondent,
de la même manière qu'on le fait dans
les véritables Portraits.
Pharaon, qui donne la Chaîne d'Or d xAnité del
Jojef \ d'A n d r e d e l S a r t o. On a
copié ces deux Tableaux , dans la pre-
mière Chambre , qui eft garnie de gran-
des & belles ^Pièces de Teinture , faites
Par le Bourguignon, & par Sal-î«»w».
vator Rosa,
2-Wr la Chambre voifine, qui eft l'Apar-
tement du G r a n d-P rince.
S. Laurent, S. Dominique, & quatre
autres Saints, avec le T ère Eternel
dans le Ciel, feints far André' del -4"drs'm
Mylord Pembrokb enaun^'"'
96 des Stat u es, Tableaux,
i Floren- Defiein, Le Coloris en eft fort clair ?
CE' le Defiein en eft très-bon ; les Airs font
agréables, & les Couleurs des Draperies
très-bien choifies ; de manière que l'un
fert à relever l'autre , quoique félon la
Manière ordinaire de del Sarto,qui
étoit de fe fervir de Couleurs entières
& éclatantes, comme le rouge, le jau-
ne, le bleu, & le verd, & de les placer
les unes à côté des autres, fans aucune
Teinte moïenne : les plis en font aufli
fort durs.
Bocchi a fait une ampleDéfcription
de ce Tableau , comme d'une Pièce
d'Autel,qui devoit être dans l'Eglife de
S. Jacopo trà FoJJî ( 1 ), où fans doute
elle étoit alors, & d'où elle a été trans-
portée ici.
Pour le dire en paflant, ceux qui con-
fultent les Livres ne doivent pas fe fier
à ce qu'ils y trouvent , pour ce qui re-
garde les places des Tableaux , qui fe
peuvent iranfporter d'un lieu à un autre.
La Madonna délia Tefcïa, peinte par
R a p h a e l » & ainfi apelée, parce qu'el-
le étoit autrefois dans une Eglife de cet
endroit-là. Le Duc de D e v o n s h i r e
en a le Deflein, qui eft capital & très-
excellent. La Vierge eft aflîfe , acom-
pagnée, à chaque côté, de deux Saints
qui
1 Bocchi & Cinelii, Belle&ze de Tirent »
pag. 195.
-ocr page 225-et Desseins, En Italie. ï%S
qui font debout, d'autant d'Anges au-à
defTus d'elle , & de deux petits Angesc
au-deffous. Ce Tableau , qui eft peint
fur une fort grande planche , eft très-
fini , fans être roide , quoiqu'il ait été
{ait avant que ce grand Homme eût été
à Rome, cependant lorfqu'il étoit fur
le point d'y aîer ; & c'eft , au raport de
Vasari C * ), la raifon pourquoi il l'a
laifle imparfait : les Clefs de S. Pierre,
peut-être, quelques autres petites
chofes de cette Peinture ne font point
finies. Le Coloris en eft extrêmement
beau & brillant, le fond tranfparent &
fort, fans être trop obfcur , cependant
fufifamment, pour faire paroître les Fi-
gures avec beaucoup de force. La Tein-
te générale du Tableau eft une efpèce
àe Brun jaunâtre , extrêmement agréa-
ble; & l'on voit, fur le tout, un Air de
dignité qui naît de cette Teinte grave,
^es Vifages, des Attitudes, des Flabits,
& des Ornemens, tous aufli nobles que
^énerables, & qui reçoivent un furcroît
beauté , par le Stile Poétique de la
J^ièce, c'eft-à-dire,par les Anges & par
j? Caradère qu'on donne aux Saints qui
, pour ainfi dire, leur Cour à la
^]gure principale. Bianchi m'a dit,
<3.U on s'étoit fervi de cette planche pré-
Cleufe, pour faire un Echafaud à G e o r-
ge
<*) Part. III. Vol. I, pag. 6'p.
a
-ocr page 226-96 des Stat u es, Tableaux,
a ploren- ge V a s a r i , qui a beaucoup peint dans
ce Palais, & qui, par bonheur , s'en é*
tant aperçu , en fit prefent au Grand-
Duc , pour qui il travailloit alors. Quoi-
qu'il en foit, il y a aparence qu'on n'a
pas été long-tems fans la découvrir , à
en juger par le peu qu'elle a foufert;
puis qu'il n'y a que les deux Anges qui
font au bas, qui aient été retouchés.
U Afcenjion de J e s u s-C h r i s t , par
tr» bartth- p r a Bartolomeo, d'un grand Sti-
le & bien coloriée ; mais non pas tout-
à-fait fi bien que le S. Marc, qui eft à
côté d'elle, & dont nous parlerons dans
un moment. Elle a le même degré de
Grâce & de Grandeur , par raport au
Deffein;la même beauté,la même dou-
ceur , & le même ton de Coloris, que
la Madonna delta Vefcïa , qui eft vis-à-
vis ; & ces deux Pièces fe reflemblent fi
fort, & pour la Manière & pour la tail-
le , qu'on diroit qu'elles ont été faites
pour s'acompagner l'une l'autre,
Dans une autre Chambre,
u mime. S. Marc, une feule Figure plus grande
que le naturel; du même Maître, & d'un
Stile auffi grand, que celui de^f
PHAEL. Son Coloris eft auffi précifé-
ment dans le goût de celui de la Madon-
na délia Tefcia, mais d'une Manière de
et Desseins, en Italie. 12.3
peindre plus vigoureufe, plus moëlleufe,à FL0RS»-
& plus délicate. 11 femble auffi, que Fra"4
Bartolomeo furpalîbit en ce tems-
là Raphaël; & il étoit efeétivement
Ion Maître , pour le Coloris : il lui ref-
fembloit parfaitement pour le goût,
comme on le peut voir pas fes Tableaux
$ par fes Defîeins ; & Fon ne fait juf-
qu'où ce grand génie auroit été, fi la
fortune ne s'étoit déterminée en faveur
de ce dernier, en l'emploïant à des Ou-
vrages plus relevés, & d'un plus grand
éclat. Quoiqu'il en foit, fes Ouvrages
font autant eftimés qu'ils font rares : &
ce Tableau , quoique d'une feule Figu-
re , a coûté , à ce que m'a dit Bian-
c.hi, au feu Grand-Prince, 1 zoo. Livres
Sterling.
Une Madonne dans les Nues, avec des
Saints au défions,d'andre' del Sar-Sm'%
^o : il y a deux de ces Saints à genoux,
Sui font à-peu-près les mêmes que ceux
Su'il a emploies dans le Tableau de S.
Laurent, & du S. Dominique , dont
n°Us avons parlé, ils font de la mê-
Manière & de la même taille.
Une Madonne , & S. Sébaftien , &c,
Peints par Fra Bar.tolomeo , duf^j^*
*fiême Stile que le dernier que j'aidécrit
«e ce Maître.
Deux des plus excellens Tableaux
da^dre del Sarto, qui font tous ^«mm
1 , San»,
deux
-ocr page 228-96 des Stat u es, Tableaux,
à florin- deux des Madonnes dans les Nues, avec
plufieurs Figures en bas, habillées, dans
les deux, à-peu-près de la même maniè-
re. Ils font d'une extrême vivacité , &
d'une grande beauté , qui naiffent des
Couleurs éclatantes de leurs Draperies»
comme nous venons de le remarquer.
Ils font tous deux bien confervés ; de
même que tous les Ouvrages de ce Pein-
tre , qui fe trouvent dans l'Apartement
du Grand-Duc.
Dans une autre Chambre.
TABLEAUX.
xaphai'!. Le Tortrait de Léon X. avec deux Car-
dinaux, peint par Raphaël. On pou-
roit prendre ce Portrait pour le plus ex-
cellent du Monde, s'il n'étoit pas préci-
fément à côté de celui de Van Dyck»
Cette Dignité, qui fe fait remarquer dans
tous les Ouvrages de Raphaël, les
Airs nobles & les Attitudes admirables
qu'il leur donnoit,ne fauroientmanquer
de faire un excellent Portrait. Il eft vrai»
que je ne ferois pas tout-à-fait content
d'une Pièce qui n'auroit que ce Carac-
tère ; mais, pour arriver au comble de
mes fouhaits, je voudrois être tiré par
Raphaël, par le Guide, & par Van
D y c k ; ou plutôt, s'il fe pouvoit, par
quelcun en qui fuflènt réunies toutes es
bell
èt Desseins, en Italie* ixy
yes qualités de ces trois Maîtres:car, à fioùtm
ce.
que ce foit que l'on tire, on en voit
non-feulement le Vifage , mais auffi le
Caractère de l'Efprit, mêlé cependant
avec celui de l'Efprit du Peintre. C'eft
Ce qui fait que quand on en vifage un Por-
îrait, quelque reiTemblance qu'on f
trouve, elle y eft plus ou moins, à pro-
portion de ce qu'elle participe du Carac-
he du Peintre , qui diférera félon le
lems de fa vie, où il aura fait le Portrait,
^ à d'autres égards.
Mon Père a deux Defleins j qui font
J.°us deux le Portrait de la même Per-
inne, dans la même Attitude; & il faut
^éceffairement qu'ils foient faits environ
dans le même tems, à trois ou quatre ans
l?rès, comme on pouroit le prouver, s'il
^oit néceffaire. L'un eft de R u b e n s»
7e l'autre d'ANNiBAL Carache: on
^ trouve les deux extrémités dans lef-
pelles les Peintres peuvent tomber. Ce-
111 d'ANNiBAL fait voir i'Efprit d'un
Pand Maître : il eft très-bien deffiné ;
es traits en font prononcés avec beau-
/^P de hardieffe , & affurément d'une
l anière afTez vigoureufe. Ru b en s a
-ait le lien plus jeune que l'autre, peut-
~ dans l'intention de le rendre plus a-
peable ; mais, loin d'y réiïffir, il en eft in-
d* b6" P°urtant dire, en faveur
qe Rubens, qu'il étoit de dix-fept ans
-ocr page 230-96 des Stat u es, Tableaux,
s Fi.oREN.pius jeune qu'ANNiBAL , & qu'il quita
Rome, où je croi que ces deux Defleins
ont été faits, dès l'âge d'environ trente
ans,un ou deux ans avant la mort d'AN-
nibal.
Le Roi Charles I. avoit envie de
fe faire tirer en Marbre par le Chevalier'
Bernin ; pour cet éfet, il lui envoïa
fon Portrait, fait par V an Dyck, de
trois manières, fur la même toile; c'eft-
à-dire en face, & en profil des deux cô-
tés. 11 ne faut pas douter, que VaN
Dyck ne fe foit éforcé à relever fon
Stile, dans cette rencontre : j'ai vu la
Pièce , dans le Palais Bernïni à Rome.
C'eft fur ce Portrait que ce Chevalier a
fait le merveilleux Bufte qui fut brûle
avec le Palais de White-Hall, peu de
tems après la Révolution. Mon Père a
pourtant un très-beau Jet du Vifage,qui
eft à l'égard de ces trois Têtes, & de
tous les Portraits que Van Dyck a
faits de ce Prince , dont nous avons un
bon nombre de très-excellens , en An-
gleterre , comme un Poème Héroïque,
à l'égard d'une fitnple Hiftoire ; fi ce
n'eft que ce Poeme n'a rien de fabuleux:
chaque trait eft jufte & véritable ; niais
le tout eft merveilleufement bien relevé.
Mon Père a auffi un Portrait d'iNNO-
centX. fait par André' S a c chi: «
en a un Bufte modelé en Argile, Par
Ber-
-ocr page 231-et Desseins, en Italie. 12.3
^ernin , & un Defiein fait en Pafteh
Par Antoine Cricolini, d'aprèsc
Tableau qui eft dans le Palais de Tam-
Mi à Rome t peint par Don Diego
Jelasqjjez. J'ai vu d'autres Portraits
du même Pape, faits par ce Maître.
Cette Sainteté a été auffi remarquable
P°Ur le Caraâère du Vifage, qui n'étoic
Pas fort beau, que pour l'a fa ire de Don*>
^Olympia. Tous ces Portraits,quoi-»
Su'on y reconnoiffe affez la même Per-
inne , font pourtant très-diférens les
^s des autres : mais celui de Bernin
eft infiniment plus noble & plus agréable
*îUe tous les autres ; & je ne doute point,
Bl'il n'ait été tout au moins auffirefîèm-
?lant, parce qu'on y reconnoît plus la
Nature, & une Nature mieux choifie. Il
Paroît, que les autres , en s'éforçant de
'Uivre la Nature trop fervilement, font
tombés au-defious d'elle,comme cela ar-
^ve ordinairement. Il n'y a aucun de ces
^rniers qui ne foit laid ; mais celui de
^ e r n 1 n l'efi le moins, & outre cela, il a
de l'efprit : les autres au-contraire, avec le
Peu d'efprit qu'on y remarque, ont,fur-
î,0lit celui de Sacchi , une efpèce de
ltuPidité ; & celui de V e l a s qu e z té-
joigne de la rage , quoique d'ailleurs ils
l0lent tous admirablement bien exécutés.
, LeQarâinalRentïvoglïoià& Van Dyck.; v
même 3 dont Morin a parfaitement
I % bieo
96 des Stat u es, Tableaux,
-bien gravé la Tête: je n'ai jamais rien vo
defemblable à ce Portrait. Après l'avoir
examiné deux heures de fuite ; je ne pus
m'empêcher d'y retourner vingt fois?
pour m'en raffaffier. Il eft affîs dans un
fauteuil, avec un coude apuïé fur un des
bras, & fa main, la plus belle & la plus
gracieufe du monde , tombe négligem-
ment fur fes genoux , tout près de l'au-
tre qui tient une Lettre, & qui eft éga-
lement bien peinte, mais qui a moins de
vigueur, pour ne pas interrompre l'har-
monie. Le Vifage a une force qui fur®
pafle tout ce que j'ai vu d'ailleurs, acop;
pagnée d'une fageffe & d'une folidité
égale à celle de Raphaël, excepte
une certaine Grandeur qui acompagne
toujours cet Homme Divin ; mais il a
beaucoup plus de délicateffe. Il eft vrai,
que la diférence des Sujets ne contribue
pas peu à l'avantage que remporte V a n
Dyck, dans cette recontre. Son Co-
loris imite parfaitement la Chair & le
Sang, par fon éclat & par fa tranfparen-
ce, au-lieu que celui de Raphaël eft
d'une Teinte brune & opaque, du moins
en comparaifon de l'autre. Sa Pourpre
eft fort riche & fort claire ; mais elle ne
laiffe pas de donner du relief au Vifage»
tant elle eft bien ménagée. Le Tableau
eft enrichi de plufieurs chofes qui (ont
fur la table , & qui font l'union de la
et Desseins, en Italie. 12.3
du Cardinal avec la Carnation, &^flore^.
°rment enfemble l'harmonie la plus a-"'
Stable qu'on puiffe s'imaginer.
,. Une belle Tête d'un Cardinal, en Ha- nifham.
*t de Francijcain , à cela près qu'il elt
etu (je r0Uge t & fans Coqueluchon ;
Pçmt par Raphaël : il eft ceint d'u-
Corde.
Martin Luther qui touche un ClaveJJln%
->a Femme ejl à fin côté, & Bucer derriè-
ffjui- peint par le Giorgion. Le
c ^ge de ce Do&eur, fur-tout, a beau-
coup de force , il eft également bien
v affiné & colorié, je ne connois pas les
j ifages ; mais c'eft-là ce qu'on m'en a
Au-refte, ce Bucer étoit, dans
tems-là , grand admirateur de L u-
^er, quoique par la fuite il s'atacha à
in gle; enfin, il paffa en Angleterre,
a. H eft mort". C'etoit un Homme d'ef-
v1^; fort confidéré, en fon tems, tant
e "Eglife Romaine, que de l'Eglife Ré-
wrmée ; & il a beaucoup écrit,
p Charles V. & Thilipe II. deux beaux
i °^traits, Figures entières ; peints par
Titien.
le mèmù
•> ^luit autres Bortraits à demi-corps,
, JJ même Maître, tous de fa meilleure
t autre à demi-corps , excellent & ^luuu
. ut-à-fait naturel, d'un Homme qui
J lnt les mains ; peint par Rembrandt.
I 3 Ce
-ocr page 234-ï34 DES Statues, Tableaux,
k FtoREM-Ce Tableau eft à main droite, comme ce-
lui de Léon X. eft à gauche d'une porte,
au deflus de laquelle eft le CardinalBen-
tivoglio, de Van Dyck.
Ce For rait, fait par Rembrandt»
eft d'un tel mérite, qu'on peut dire ,
qu'ils s'acotnpagnent tous trois parfaite"
ment bien.
Dans une autre Chambre.
Une Sainte Famille, & S". Catherine*
Wm. de Raphaël: la Sîe. Elijabeth efHa
même Figure que la Sibile, dans l'Eglife
délia Pace à Rome, que Bisschop a
gravée, & qu'il atribue à Michel-
Ange : elle pofe les deux mains fur la
Chaife où elle eft aflife , & elle avance
le Vifage de profil : elle a la Tête & les
Epaules couvertes d'un linge blanc. Le
petit S .Jean eft afiis à terre, & montre
le Christ avec le doigt. Ce Tableau
eft placé dans un endroit obfcur.
La Vierge,le Christ & le S. Jean,
\A.dti s Mo. (I'Andre' del Sarto. Ce Tableau
eft un des meilleurs Morceaux de ce
Maître.
TMen. 'Plufieurs Hiftoires fort belles,du Ti-
Vi^Tien <k de Palm a, le Vieux.
Dans une autre Chambre.
4énid, Ste.MarieMagdelaine,de LeqnaRP
-ocr page 235-et Desseins, en Italie. 12.3
Vinci. C'eft une demi-Figure fort |E?L0REîi-
belle,& moins dure qu'aucune de cellesCE"
j'ai vues de ce Maître.
/ Deux petites Madonnes , bien exécu-
tees, par Annibal Carache; cou-fmtk
Vertes de glaces.
_ L'Hiftoire entière de Jofef, dans un
Tableau , peinte par André' del<a.msm*.
^arto. Toutes les Aftions de la Vie
e Jofef fe trouvent dans pîufieurs Grou-
pes, tous aufli forts l'un que l'autre : on
Pput s'imaginer quel plaifant éfet cela doit
'aire. C'eft le pareil de celui où Tha-
ràon donne la Chaine d'or à Jofef, par
raport à la Manière & à la Grandeur.
L'Ange qui falue la Vierge, avec une u mimt.
gloire éclatante entre deux,\>zx le même
Maître. C'eft un Tableau admirable.
Les Mu fes qui danfent ,ïux: un Champ
uor. La Pièce femble être de Poli- l'clidare.
d0re.
Dans le
. Adam & Eve en Marbre, d'une Main Intmm.
gconnue ; admirables, par raport à la
Penfée : Eve panche la tête fur fes deux
mains, qu'elle apuie fur l'épaule RAdam^
SN eft debout, les jambes croifées, &
Sui regarde à terre , d'un air mélancoli-
que.
i 4 Dans
-ocr page 236-96 des Stat u es, Tableaux,
à Flores- Dans la nouvelle
C'eft-là qu'eft le plus grand Trefor des
Mié.'i-A^ Ouvrages de Michel-Ange, qui foit
dans un feul endroit. Toute l'Architec-
ture eft de lui; elle eft inventée & exé-
cutée avec des Ornemens,qui prouvent
autant la richefte & la fécondité de l'I-
magination de ce Maître , que l'Edifice
fait voir la grandeur & la fublimité de fes
Idées. Il n'y a perfonne qui n'ait ouï
parler de fes fept Statues de Marbre,
tant elles font renommées, quoiqu'il n'y
en ait pas une de finie , fi ce n'eft celle
de Laurent de Médicis, Père de Léon X-
& celle de Julien, Père de Cle'ment VU»
qui a fait bâtir cette Chapelle, & qui en
à fait faire les Figures , en mémoire de
fon Père & de fon Oncle (*). Les au-
tres Figures font une Madonne , & le
femàivifé en quatre Figures, qui font le
Jour, la Nuit, le Matin, & le Soir (f ). 11 fe
peut, que Miche l-A n g e ait eu defiein
de reprefenter le Tems, par où ces Hé"
ros ont pafi'é pour arriver à l'immortali-
té , don? ils font aujourd'hui en pollu-
tion. Ces Figures font parfaitement bien
dif-
(*) On voit les Eftampes de cette Sépulture > gravées
par Co r ne i il e Cor t , en 4. Feuilles.
(t) Les Efiampes de trois de ces quatre Figures fë
trouvent dans le Livre dis fyffëns de Bl sscbop t
p?. 2.3. m,
-ocr page 237-et Desseins, en Italie. 12.3
difpofées, deux à deux,fur chaque Mo-à ïlor^.
nument. Il a voulu reprefenter la Vie CB"
Active , par la Statue de Julien, & la
Vie Contemplative, par celle de Laurent;
pour défigner , par-là , leur Caraftère
en particulier. Des quatre Figures qui
font fur ces Monumens, celle de la Nuit
a toujours paiTé pour la plus excellente.
Vas ari dit, qu'il y a eu plufieurs Sa-
vans & Gens d'efprit qui ont compofé
des Poefies Latines & Italiennes far cet-
te belle Figure ; &, entre autres, un In-
connu a dit ce qui fuit,
La Notte che tu vedi in fi dolci atti.
Dormir, ju da un Angelo ficolpita
In quefto fiajfo : e per che dorme hà vit a,
Defiala, fie nol credi, e par 1er atti.
Là-deflus,M 1 che l-A n g e lui répond,
pour la Nuit, en ces beaux Vers :
Qrato mi è il fionno, e più Peffer di fiajfo,
M entre che il danno, e la vergogna dura,
l^on veder, non fientir, mi ègram ventura:
^ero non mi defiar ; deh ! parla bajfo.
Cette Figure de la Nuit eft acompa-
gnée de toutes les marques qu'on lui
donne ordinairement, ce que n'ont pas
jes trois autres. C'eft auffi , fur quoi
Raphaël Borghini a euraifonde
I s cri-
96 des Stat u es, Tableaux,
,-critiquer, dans fon Ripofo (*) ,où il dit-"
Si l'on n'avoit pas déjà fu le dejfein de
Michel-Ange, on ne l'aurait jamais
deviné. Cette négligence eft un exem-
ple des fautes qui fe commettent par la
rapidité & l'entoufiafme d'un Génie fu-
blime , qui l'empêche de faire atention
à de petites chofes, à quoi un Efprit plus
borné n'auroit pas manqué. Car, com-
me dit L on gin, dans le Chapitre, où
il examine lequel eft préférable , le Su-
blime avec des fautes, ou le Médiocre
régulier & fans aucune faute : Le Subli-
me reffemble à un Fonds de Richejfes im-
menfes% celui qui en eft pojfeffeur ne fau-
roit prendre garde à tout, & il eft obligé
de négliger les bagatelles. On pouroit
apliquer à ces Figures nm-finies, ce
qu'ovide dit, des Pierres qui furent
changées en Corps vivans,dans la Fable
de !Deucalion & de Tyrrha.
•-In bis quadam modo cœpta fub ipfum
Nafcendi fpatium , quadam imperfeEta
fui [que
Trunca vident membrisJS eôdem in cor fore
fœpè
Altéra pars vivit, rudis eft fars alterfl
tellus.
C'eft-à-dire : „ Ils voient, que les uns ne
„ font
(*) Pag
-ocr page 239-et Desseins, en Italie. 12.3
», font encore qu'ébauchés, dans l'inf- ® ^«-o*»»-
» tant même qui les fait naître ; d'autres
» un peu plus avancés, cependant enco-
,, re imparfaits & fans membres ; & d'au-
,, très encore , dont une partie elt déjà
» animée, au-lieu que le refte n'eft que
,, pure terre ". 11 eft à remarquer, que,
lorfque M ichel-Ange , commença
ces Figures, il y avoit, au raport d'As-
cagne Condivi (*), quinze ans qu'il
n'avoit touché le Cifeau.
Chapelle de Cavalcanti.
La belle Annonciation t de Don a- DmiUu«,
tello (f).
A côté, deux b igures d'A n d r e' C a s- ^„ire- Cafitt
t a g n a , qui répondent au Caraftèredes*"-
Defteins que mon Père a de ce Maître.
Chapelle de Buonarotti,
Jesus-Christ qui porte la Croix, amgtVariti
Peint par George Vasari; infini-
ment meilleur que tout ce que j'ai vu de
ce Maître , excepté le Portrait du Duc
de Nemours, dont nous avons déjà
Parlé. Ce Tableau eft bien colorié , &
l'Escpreftion en eft belle.
Le
<*> Dans fa Vie de Mi chel-Ange BuOMASOTTJ»
30.
Ct) Voiez Cineiii, pag. 31(5;
-ocr page 240-96 des Stat u es, Tableaux,
iftomn- Le fameuxTombeau de Michel-AngEi
avec fon Bufte au-deffus, & en bas, les
Statues de la Beinture, de la Sculpture,
& de l* /Irchiteélure. La Beinture eft la
meilleure Figure : elle eft de la main de
ÈMita ù-Battista Lorenzo,dettoBattis-
rer'~°' ta del C a valiere, parce qu'il étoit
Difciple du Chevalier Baccio Ban-
d i n e l l i. L'arrangement des Cheveux
en eft plus beau , que de la Vénus de
Me'dicis ; & fon Air égale la meilleure
Antique. Cette Figure a encore cet a-
vantage,que la trifteiïe qu'on lui remar-
que, lui donne une Exprellion excellen-
te. La Sculpture eft au milieu ; mais
elle n'eft pas fi bonne que les autres Fi-
gures. La Tête de Michel. Ange eft auffi
de Battista Lorenzo,
Chapelle di Lodovico di VerazzanQ.
bm.xmm. Le Christ mort, peint par Bat-
tista Naldini: il eft fort bien exé-
cuté ; & fur-tout , l'Expreffion de la
Vierge.
Chapelle de Guidaci.
Jesus-Christ, qui fe fait voir à fts
Apôtres , après fa Réfttrrecîion , de
e»r. va/*;. George Vasari; de forte que l!°n
trouve, dans cette Eglife, le meilleur &
le plus mauvais Morceau de ce Maître*
et Desseins, en Italie. 12.3
V Eglife de V ^Annonciation. adL0Rk"
Chapelle de Pucci.
Au-deffus de l'Autel, le S. Sébaftien 3
de Pollajolo: toutes les Figures enf^K
reftèmblent à des taches ; la Manière en
elt dure ,& l'Idée eft la même que celle
de fes Defteins.
Cette Eglife a trois portes de front :
celle qui eft à droite eft la porte de cette
Chapelle, & celle qui eft à gauche con-
duit à un vafte Couvent. En entrant par
cette dernière , le Tableau qui fe pre-
fente le premier à la vue eft
La Madonna del Sacco , d'A n d r "ti £>l
del Sarto. C'eft le meilleur Morceau
de tous les Ouvrages de ce Maître:il ne
fe peut rien imaginer qui frape davanta-
ge , rien qui ait plus de vivacité , de
Grâce & de Beauté. La Pièce eft fort
bien confervée.
C'eft-là que le Grand-Duc va faire fa
^rière , une fois par jour. Comme cet
Adroit eft extrêmement riche , il eft
Ordinairement fermé à la clef. C'eft-
que l'on trouve le Tableau miracu-
leux de t Annonciation, atribué à Pier -Wû»/.
Cavallini,Difcipiede Giotto.
96 des Stat u es, Tableaux,
a florem-C'étoit un homme fort dévot: quand il
eut fini cet Ouvrage, à la réferve du Vi-
fage de la Vierge , & pendant qu'il tra-
vailloit à chercher une Idée convenable
au Caraftère d'un tel Sujet, il s'endor-
mit , & aïant trouvé, à fon réveil, qu'il
étoit achevé, il s'écria, Miracle! Mira-
cle ! Le Peuple vint en foule , pour
le voir , & crut qu'il avoit été fait par
un Ange ; ce qui fut confirmé par plu-
fleurs Miracles, que ce Tableau fit, &
qu'il fait encore aujourd'hui. Voilà ce
qu'on en débite fur le Lieu, & qu'on pré-
tend favoir par Tradition ; quoique, ni
Vasari, ni Cinelli, niaucunautre
Ecrivain, que je connoifîe, n'en fafîe la
moindre mention. Ce qu'il y a de vrai,
c'eft que, quoique le Stile en foit Gothi-
que , la Penfée eft fi belle , que je m'é-
tonne que d'autres Peintres ne l'aient pas
fuivie, en traitant ce Sujet. La Vier-
ge tombe évanouie, à l'aparition de l'An-
ge: la Nouvelle qu'il aporte, l'Air de fa
tête , & l'Attitude de fon corps l'expri-
ment admirablement bien.
Il finit, ou du moins je ne P entendis plus
Car,malgré de la Chair les éfort sfuperflus,
Un SuprêmeTouvoir s'empara de mon ame,
Et foudain Péchait fa d'une Divineflame -
Alors >ne pouvantplus en empêcher le cour s,
Je me laijfe emporter an fublime âifco#rS
et Desseins, en Italie. 12.3
2)' un Angélique Objet, dont Vaugujle pre- à florsw-
fence Qh"
Sùjifîant mes efprits^môte la connoiffance,
Milton.
Dans la Bajfe-Çour.
On voit ici des Ouvrages à Frejque de
plufieurs Maîtres ; mais ils font fi en-
dommagés, qu'â-peine en peut-on diftin-
guer les Figures. Les principaux font
d'ANDREDEL S a r t o ; mais ils n'ontunirê44
Pas eu un meilleur fort que les autres.Sar">!kc*
La Naiffance de la Vierge eft pleine de
Grâce , autant qu'on en peut juger par
ce qui en refte. Pour ce qui eft du Co-
loris , on n'en peut rien dire , non plus
Hue de celui de fes autres Pièces qui font
ici & en général de tout ce qu'il a
tait à Frefque, fi l'on en excepte Ma-
çonna del Sacco , qui eft extrêmement
Agréable , & bien confervée. Il y a, à
c^té du Lit, deux Femmes; dont l'une
Çtf'e pour être fa propre Femme. Le
tableau confifte en plufieurs Figures,
l'on trouve amplement décrites dans
(*), & dans Vasari (f).
Mon Père en a le Deffein entier & très-
» qui quoiqu'un peu endommagé,
le tems, mais encore plus gâté par
VT) Part, m. Vol. I. pag. iî3;
-ocr page 244-96 des Stat u es, Tableaux,
à ftoren-la main de Rubens,eft pourtant enco-
re en état de pouvoir donner une Idée
plus jufte de ce que l'Ouvrage étoit au-
fois, que le Tableau même, tel qu'il eft
aujourd'hui.
^,'dei Li Adoration des Mages, qui eft à cô-
té du Tableau précédent, me plaît beau-
coup moins que cette Naijfance, ou que
quelque autre Morceau que je me fou-
vienne d'avoir vu de ce Maître ; parce
que les Airs, & la Difpofition du Tout,
font faits avec moins de Grâce & de ju-
gement.
Cinelli fait mention de deux au-
tres Tableaux, qui devroient être ici;
mais, comme je ne me fouviens point
de les avoir vus,je m'imagine,qu'il font
du nombre de ceux qui font éfacés entiè-
rement , ou du moins qui le font à un
point , qu'on n'en fauroit diftinguer les
Hiftoires. L'un eft S. Thilipe qui gué-
rit un Lépreux ,. & l'autre eft une Hif-
toire de certains Profanes, qui ont été
châtiés par la Foudre : Cinelli les a
parfaitement bien décrits (*). Il yaapa-
rence, que les Defteins de Zuccaro»
dont quelques-uns font entre les mains
5e mon Père, quireprefententpîufieurs
Figures, dans des Attitudes à exprimer
la Terreur que leur a caufée quelque ac-
cident de cette nature, & que Mr. La-
nieR*
(*) Pag- 419 & 410- ,
-ocr page 245-et Desseins, en Italie. 12.3
^iEH, qUi recueiiloit des Defleins pour *
Ie Roi, Charles I. prétend avoit été c
«aits d'après Luc a Signorelli dâ
!^0RTONA,fuivant ce qu'il y a écrit de
* Propre maintiennent plutôt après ce
* ableau, étant tout-à-fait du goût d'A n-
n'aïant rien de celui de Luc a;
tout ce que j'ai vu de ce dernier efl:
d«ns le goût ancien & fec , que Z u c-
n'auroit eu garde de copier. Au
^fte, ce S. Thilipe s'apeloit Ben ozzo,
5e.a été le Fondateur de l'Ordre des Ser*
^Ves, à qui cette Eglife apartient,
Dans le Talais nommé
p Au-deflus de la Porte qui Conduit au
| alais , il y a une Frife longue & étroi-
«faite à l'Antique,d'une certainecom-
j fition qui reffemble à la Porcelaine :
es Figures en font blanches j & très-
ç Clientes, fur un fond bleu. Ilfautt]ue
et Ouvrage ait été fait par un des Frè-
Luc, Octavien , ou Augus^^
Della Robia, qui i au raport d<fo
»e Vasari (*), avoient inventé cet
a jj 5Clui a été enféveliavec eux. On voit
j o%e> au-defl'us d'une Porte de la Cour
n£efoeJere, les Armes d'iNNOCENT VI IL
lome m. K avee
pau.ll.pag, 1(54, & luiti
-ocr page 246-96 des Stat u es, Tableaux,
^aoMN.avec un jeune Garçon de chaque côté
pour Suports (1),faites par les mêmes
Maîtres,& de la mêmeManière.On trouve
encore d'autres Ouvrages de cette nature,
dans plufieurs Eglifes de Florence.
Dans une Chambre de ce Talais.
rmtt Le "Portrait en petit de Lavinia Fon-
tana , fait par elle-même : il eft égale-
ment bien colorié, & bien deflîné,avec
beaucoup de fimplicité: elle a l'Air beau
& aimable ; & l'on voit ces mots écrits
au-delfus:
Lavinia Fontana de' Tapi,xi
(fie) Faciebat. MDLXXVII1.
(emme. A côté de ce Tableau , il y en a un
autre pareil,qui femble être le Tortrait
de fin cPère' Ils font tous deux parfai-
tement bien peints.
Un Christ mort, avec d'autres F1<~
\A"hiM u'gures'Par AnnibalCarache. C'ei*
une petite Pièce couverte d'une glace-'
mon Père a une Etude pour le C h r r s
Figure d'Académie.
Le "Portrait dune des Femmes de ^
bens, peint par lui-même: la Tête a >a
même reffemblance que celle que mon
Père a , en petit. La Figure aU,
grande
1 Voïez Pinaroli , Tom.I. pag.
delle Cofe put memorabiU di Roma , di GiacoM
karou, Milancfè, Roma 1700. dnoï VoluW'i
-ocr page 247-et Desseins, en Italie. 12.3
grande que le naturel : elle tient un Livre a nuca^
dans les mains , & elle eil habillée deCE%
*°ie noire. C'eft un Portrait jufqu'aux
Senoux, parfaitement beau & bien fini.
Une petite Madonne , d'annibal ^fJilCi°
? ara che. 11 femble, que la main delà
Vierge va brifer le haut de la Cuifle du
h r 1 s t , q ui eft debout : d'ailleurs, le
pût en eft exquis, & les Couleurs en
{°nt admirables.
^ La Tête d'un jeune Homme , faite au
^aftel, par le Corre'ge. C'eft préci-
^trient la mêmeManière ,que celle d'une •
§rande de S. Jean, que mon Père a.
On trouve,dans cette Chambre, des
tableaux de pîufieurs Maîtres diférens,
tQus excellemment bons ; mais ils font
trop grand nombre pour être ici ra-
P°rtés féparément:d'ailleurs,je ne m'a-
*ache pas à décrire tout ce que je puis
Jvoir vu , comme je l'ai déjà dit ci-de-
tous les Etrangers qui vont voir
A'°rence , il y en a peu qui aient vu cet
ÏJr®ge d'ANure'del Sarto,quoi-
34ait toujours été fort eftlmé, & qu'il
?1C un des principaux de la Ville. U eft
dans une petite Cour d'un Monaftère peu
K 2i connu a
Anirî 4à
96 des Stat u es, Tableaux,
ï fc-oren. connu, & fi peu fréquenté , que j'ai e.u
beaucoup de peine à le découvrir,
que j'en aie été informé auparavant.
font les Hijloires de la Vie de S. Jean
Batijie, peintes à Frefque, en
Obfcur ; & quoiqu'elles foient fort en-
dommagées aujourd'hui , il en refte ce-
pendant encore afTez , pour faire admi-
rer le Goût fin & l'Expreffion heureuse
de ce grand Maître. Comme les f'0'
reHtins ont toujours fait beaucoup de cas
de cet Ouvrage, & qu'ils s'en font tou-
jours fait honneur, c'eft par cette raif°n
que leurs anciens Ecrivains en fontrem'
plis, & fur-tout Bocchi, qui en don-
ne une Défcription bien circonftanciee»
dans les Bellezze di Firenze (1): mais
c'eft un Livre qu'il faut lire avec précau-
tion , comme ceux de tous les autres
Auteurs Italiens, lors qu'ils traitent
chofes qui leur apartiennent ; car toutes
les parties de cet Ouvrage ne font paS
d'un mérite égal. Les quatre FigureS
qui font à chaque côté des deux Porte„s
ne font pas excellentes. Le S. Jean cPre"
chant eft très-bon ; comme l'eft auffi Par"
ticulièrement un Groupe d'AuditeU,rs"
Cependant, la Femme qui tient
fous le menton, ni celle qui les iu
les genoux, ne me plaifent pas. H-
des Tableaux les mieux confervés. ^
fiate*
-ocr page 249-et Desseins, en Italie. 12.3
paterne de J esus-Christ, avec les
deux Anges à genoux , n'eft pas un des
pilleurs Morceaux. Dans un autre
* ableau , la Femme qui aporte la Tê-
j-e de S. Jean dans un plat, eft très-
be[le, de même qu'une autre fort âgée,
jM tient les mains fous le menton, dans
J? même Pièce ; mais le Vifage de cette
dernière eft fort endommagé. Dans la
«htation des S"s. Marie & Elifabet, le
/°/e/qui porte un paquet dehardesfous
e bras eft excellent ; comme auffi la Fi-
|Ure d'une Servante qui monte l'Efcalier.
Naiffance de S. Jean & fa Décolla-
tl°n font extrêmement ruinées; de même
^Ue les Vifages de ceux qui fe trouvent
qatis le Tableau,où Hérodias danfe, ex-
j^pté le fien, qui n'eft pas des meilleurs,
^ais le Batême du B eu pie dans le Jour-
7'n eft un des plus excellens Morceaux,
av ^es mieux confervés. L'Homme qui
elçs Epaules couvertes d'un linge eft
Relient, & bien confervé ; mais la
^aperie de S. Jean eft fort mauvaife,
1 ^ans le Goût (I'Albert Durer,
n0nMes Eftampes ont fi fort plu à An,
fe^t>bEL sarto,qu'il en a prisdiver-
cpS r ' dans plufieurs parties de
et Ouvrage , & avec fuccès ; car Al-
|ERt avoit l'Invention extrêmement ri-
jle ; mais le Stile & le Goût Gothique
les Draperies, quoique d'aiileursbien
K 3 Plif-
-ocr page 250-96 des Stat u es, Tableaux,
Ç »w>M*-pliflees, avoit corrompu dans ce teïps-là'
pîufieurs excellens Maîtres Italiens, fans
en excepter même le divin Raphel»
qui dans certains Sujets de fon dernier
tems, n'a pas été exèmt de ce défaut.
Mon Père a les Defteins Originaux,
faits par Andre'del Sarto , d'une
grande partie de cet Ouvrage, tant de ce
qui en refte, qne de ce qui eft éfacé.
Il y a ici deux Tableaux,qui ne font
pas û'Andre' del Sarto, mais de
TrtocUBfr F r a n c i a B i g g i o. L'un eft la rencon-
tre que Jesus-Christ fait de S. Jean-
& l'autre ellZaccarie, qui donne fabérf-
diclion au jeune S. Jean.
àr0me, ROME
qui eft petite,ancienne, & obfcure.
Cinquième Chapelle.
Su. Hélène, qui trouve la Croix ; paf
Daniel da Volterra. Cet[g
(jhape]ie eft fi fombre , qu'à-peine -el]
peut-on diftinguer les Figures , qui Ve
font déjà que trop obfcures d'elles-n^'
mes : au-refte, ce qu'on en voit ne pat'01'
pas bon.
Sixih
-ocr page 251-et Desseins, en Italie. 12.3
Sixième; Chapelle. 5
Auguflin, pour la Pièce d'Autel ;
Peint par le Guercin, dans une Ma-
niCre obfcure & fort defagréable ; outre
S^'a, il n'eft pas bien conièrvé. La Ste.
Y etronelle de S. 'Pierre, la Didon de
P^de , & quelques autres Tableaux de
Ce Maître , font dans fa Manière obfcu-
» qui eft celle que les Italiens eftiment
cplus. Pour moi, j'aime mieux la Ma-
cère claire de ce Peintre : non-feulemenc
ï^rcp que l'autre eft desagréable , mais
parce qu'elle n'eft point naturelle;
il eft impoftible, qu'en même tems les
<|°urs puiflent être fi clairs, & les Om-
°res fi noires & fi obfcures. Si l'on ne de-
mande que de la force, le Guide l'a
fufifamment à tous fes Tableaux,
\ar>s emploïer le noir, comme on le voit
X Aurore de R o s p i c l i o s i dans la
^agdelaine de Barberini, &c.
Je ne dis point, que le Coloris d'un Qa-
rage ne doit pas varier, fuivant le Sujet:
^contraire , "s'il s'agit d'une Hiftoire
.ragîque, trifte, ou grave, il feroit mal-
a"Propos d'y emploïer un Coloris clair,
riant ; quelque agréable qu'il puif-
Qe ^tre à la vue, il ne feroit , dans ce cas,
choquer le bon fens. La Lumière,
les Objets reprefentés reçoivent ,
leUt-elle d'une ouverture étroite,d'une
K 4 peti-
ï5"4 °es Statues, Tableaux,
ipetite fenêtre , de la fente d'une antre,
&e, d'un flambeau , ou de quelque au-
tre lumière artificielle : s'agit-il de re-
prefenter la Nuit, ou le Crépufcule, le
Matin , ou le Soir , ou bien un Tems
pluvieux, rempli de nuées, ou un Ora-
ge? Ce font-là toutes circonftances »
que le Peintre doit obferver ; mais en
même tems, il faut qu'il évite la Maniè-
re noire, dure , & tranchante, où font
tombés le Guercin,1c Caravage,
& quelques autres. Les Teintes mêmes
les plus fombres doivent avoir une cer-
taine tranfparence, & maturité , non-feu-
lement parce qu'elles plaifent davantage
par-là, mais auffi parce qu'elles aprochent
plus du naturel. Au-refte , lorfque le
Peintre n'eft pas borné par fon Sujet,ce
qui lui eft le plus avantageux , c'eft de
reprefenter un Air férein & découvert»
ou une Chambre bien égayée , par
fayons & les réflexions du Soleil.
Chapelle de Pamfili.
S. Thomas de Villa Nova , qui doVnf
Faumône à une Femme, en Marbre,
MfiMtr par Meichior Caffa,Maltais. La
g£ 'MaI' Draperie de la Femme eft tout-à-feït
Moderne , & elle eft de foie ; mais les
plis en font grands , & font paroïtre fu-
pfamment le Mud , fans aier à l'excès,
nul
-ocr page 253-et Desseins, en Italie. 12.3
^ui étoit fi ordinaire aux Anciens; du4B.0H-;î
rooins, il paroît tel à la délicatefie du
fems où nous vivons, Ses cheveux font
difpofés agréablement, pour égayer le
*our de fa tête , qui eft aifé , & fans a-
fe&ation,auffi-bien que la beauté de fon
cou ; ce qui ne contribue pas peu à ré-
pandre une nouvelle Grâce fur le tout.
même tems qu'elle étend la main
droite , pour recevoir l'aumône , elle
terre avec la gauche un Enfant contre
elle.
Comme ce Groupe a été fini par
Hercule F errata, je ne fa u roi s
juger de la part qu'a eue à l'honneur de
cet Ouvrage , celui qui l'a commencé,
JUfqu'à ce que j'aie vu d'autres Morceaux
de ce Maître. Quoiqu'il en foit,le Def-
iein efl: de lui, & il efl également noble
& délicat.
On voit, au-deffus de la principale Por-
te , S. Auguftin, environné £ Anges. C'eft:
un fort grand Tableau , & bien confer-
VÇ; mais il eft fi haut, que , quoi qu'il
f°it dans un grand jour, on n'en fauroit
juger exaétement: au-refte , il m'a paru
extrêmement bon.
Il y a , fur un des Pilaftres qui par ta-t^w?;.
Sent l'Ile, à gauche de la Nef de la Cha-
pelle , le fameux Trofète Efàie , peint
Par. R a p h a e l , & affez bien confervé ;
fnais il n'eft point du tout dans un bon
K s jour:
ï5"4 °es Statues, Tableaux,
H.eME.jour ; car, quand on y veut jetter la vue,
on eft ébloui de la lumière qui entre par
pîufieurs fenêtres, & dont on ne fauroit
fe garantir ; cependant, malgré ce des-
avantage , le Tableau paroît être excel-
lent, & bien exécuté, le Coloris hardi,
& le Contour grand & noble : en un
mot,fon mérite ne dément en rien l'ef-
time que l'on en fait. Le genou fur-
tout eft fi bien exécuté , qu'il femble
juftifier l'Eloge qu'en a fait Michel-
Ange. En voici l'Hiftoire, autant que
je m'en puis fouvenir: Il y avoit un Hom-
me qui fit Vœu , fous de certaines con-
ditions, de donner à cette Eglife un Ta-
bleau , fait par un des plus habiles Maî-
tres. La Providence lui acorda tout ce
qu'il défiroit, & cet Homme , de fon
côté , voulut s'aquiter de fa promeffe ;
mais au meilleur marché qu'il put. Pour
cet éfet , il s'adrefta véritablement à
Raphaël, mais feulement parce qu'il
étoit encore un jeune Homme alors, &
qu'il ne faifoit que d'entrer en réputa-
tion ; de forte qu'il le crut plus facile
qu'un autre Maître, dont le crédit étoic
déjà établi. Quand la Pièce fut achevée,
R a p h a e l en demanda à ce bon Hom~
me plus qu'il ne s'étoit atendu de don-
ner; ce qui caufa quelque difpute entre
eux. Pour terminer le diférend, le
Dévot propofa de s'en tenir à la déci-
et Desseins, en Italie. 745:'
fion qu'en donneroit Michel-Ange^
& a p h a e l y confentit , & Michel-
Ange, après avoir regardé le Tableau
quelque tems avec admiration , loin
de méprifer la Pièce, comme cet honnê-
te Homme l'avoir efpéré , dit , que le
Genou feul vâloit l'argent ; de forte que
Haphael reçut ce qu'il demandoit.
Cette Figure elt grand naturel, &
peinte en huile. On en a une Eltampe,
SuifertdeTitreàla Bible de Raphaël,-
Par C h a p r 0 n. Son quadre eft vieux
& fort ordinaire ; & aparemment le mê-
me qu'il a eu dès le commencement.
Ce Tableau, au raport de Vasa-
Rt (*), avoit été fini avant que Ra-
phaël eût vu les Ouvrages de Mi-
chel-Ange ; mais il arriva peu après
^u'il les vid,par lemoïende Braman-
t e , Architecte du Pape , qui avoit les
Clefs de la Chapelle de Sixte , pendant
labfence de Michel-Ange, qui étoit
alé faire un tour à Florence : & après
cela, Raphaël fit quelques change-
^ens à fa Pièce , & la mit dans l'état,
% nous la voïons aujourd'hui. Ce fut-
jà qu'on remarqua pour la première fois,
^nbien il étoit avantageux à Raphaël
g avoir vu les Ouvrages de Michel-
4 n c e. Raphaël "lui-même ne peut
s empêcher d'avouer cet avantage, fi l'on
en
f*) porte iii. volt i, fg- 7£
-ocr page 256-IjTû' des Statues, Tableaux,
u.^, en doit croire ce que dit Benoît Va r~
CHi,dans l'Oraifon funèbre qu'il fit de ce
grand Peintre, Sculpteur, & Architëâe
Florentin,où il afifure,que Raphaël re-
mercioit Dieu, d'avoir fufcité un Hom-
me tel que Michel-Ange. Cela eft
confirmé par Ascagne CoNDivi,qui
raporte,que R a p h a e l , tout concurrent
qu'il étoit de ce Maître , a dit pîufieurs
fois , qu'il avoit des grâces à rendre à
Dieu, de ce qu'il l'avoit fait naître dans
le tems de Michel-Ange (1). Bel-
lori (f) combat, comme je le dis ail-
leurs, le récit qu'en fait G. Vasari:
il nie, que Raphaël ait tiré aucun a-
vantage d'avoir vu la Chapelle en quef-
tion. Al b a ni dit, que », fi ce
,, Peintre a vu la Chapelle de M i c h e l-
3, Ange, s'il l'a examinée , & fi c'eft
3, avec ce fecours-là qu'il a fu donner
„ plus de Grandeur à fa Manière, dans
„ le Tableau à'Efaïe , &c, Michel'
„ Ange de fon côté, en voïant les Ou-
„ vrages de Raphaële apris à adou-
„ cer & polir la fienne,qui, quoiqu'eX-
„ ceftivement grande , étoit cependant
„ trop févère , & trop horrible ". Je
ne fai s'il a adouci fa Manière, ou nonî
mais, que ne devoit-elle pas être,fi eke
étoit
1 Vita di Michael-Angelo, pag. 41.
(f) Imagini di Raphaeile &c. pag. 8 6./(%•
(i) Idfina Pittrice, Parte IV. pag. 153.
et Desseins, en Italie. 157:'
étoit auparavant plus horrible , qu'elle*
ne l'eft à prefent ? On voit au-deffous de
ce Tableau une
^ Statue âe S". Anne, faite par Andre'^ Sitn~
Sansovino; & dans une Niche , onJ
trouve à droite, en entrant par la gran-
de Porte,
Une Madonne , taillée par Jaquesstm
Sansovino. Ces deux Statues font'""***
faites dans une grande Manière, mais un
peu roide, & mal imaginée.
Quelques jeunes Garçons, qui tiennent
une Tablette, peints à Prefque, par
Lidore. Il ne font pas mal coloriés;
fur-tout le Deffein en eft parfaitement
beau.
Le mur d'un des côtés de la Chapelle
paroît avoir été peint auffi à Frefque,
Par Polidore;mais il en refte fi peu,
à caufe que la plus grande partie du plâ-
tre en eft tombée , qu'il eft impoflïble
d'en bien juger.
C'eft une autre Eglife, petite, ancienne
^ obfcure ; mais en même tems fort pro-
pre , quoique les Portes n'en foient pas
plus grandes que celles d'une Chambre
0rdinaire. On trouve, dans la premiè-
Chapelle, à main droite au-deffus de
ï Arcade qui eft au-dehors, les fameux
IjTû' des Statues, Tableaux,
2 rome. Trofètes, & les Si biles de Raphaël?
en quatre Divilions, deux de chaque
côté de l'Arcade:les deux d'en-haut re-
prefentent chacune deux Trofètes, de
ceux qui ont profétifé la Naiflance de
Notre Seigneur. Ces Profètes tiennent
des Tablettes, où doivent être écrites
leurs Proféties (*): & les deux Divi-
sons d'en-bas reprefentent les Sibiles »
qu'on prétend avoir auffi prédit fa ve-
nue. Toutes ces Figures font acompa-
gnées de quelques Anges. Une des Si-
biles s'apuie fur les deux mains ; & en
alongeant le cou, elle contemple , avec
atention , une belle jeune Femme , qui
doit reprefenter la Vierge, Mère de ce-
lui qui faifoit l'Objet du defir de toutes les
Nations. Bisschop a gravé cette Si-
bile, d'après une Copie deffinée par
F. S al vi ati, qu'il a prife pour être
faite d'après Miche l-A n g e (f). Mon
Père a le Deflein Original de cette par-
tie entière, fait avec une plume d'argent»
fur du papier préparé, & mieux confer-
vé que le Tableau même.
C'elt un Sujet allez ordinaire,dansleS
Eglifes, parce que c'elt une preuve
l'Incarnation future de J e s u s-C h r. * s r»
qui devoit naître, comme ces Perfonnes
l'a-
(*) On voit une Eftampe de ces Profètes, gravée Par
(t) Oans fon Livre de De/feins, N°. a]
-ocr page 259-et Desseins, en Italie. 749:'
i avoient prédit. On joint ordinairement,
dans ces fortes d'ocafions, l'Autorité des
Sibiles à celle des Prof êtes , par défé-
rence pour certains Pères qui ont bâti
là-deflus, &
qui en ont cité les Profè-
res ; quoiqu'on ne les regarde plus au-
jourd'hui, que comme des Proféties fu-
Pofées.
Ces admirables Pièces de Peinture font
toutes à Frefque , mais fort endomma-
gées , fur-tout celles qui font au haut,
<Ju côté le plus éloigné de la Porte de
l'Ëglife,où il y a, en quelques endroits, des
Morceaux entiers de plâtre qui fe font
écaillés. On voit pourtant la grandeur
du Stile,de même que l'Ordonnance en
général; mais, pour les Airs de Têtes,
Contours, &c, ils font prefque tous
Placés. Au-refte, à en juger par ce qu'il
eft demeuré, & par les Defteins que
fous en avons, fans avoir le moindre
Préjugé pour le Cara&ère fupérieur de
"aphael, qui a fait cet Ouvrage, on
fauroit douter qu'il n'ait été admira-
y as a ri dit même ( * ), qu'il paffoit
de fon tems , pour le meilleur que Ra-
P^ael aiC jamais fait, & qu'il en avoir
^obligation à la vue des Peintures de
^chel-Ange , comme nous venons
ue le dire du Profète, dans S. Auguftïn»
Efec-
<*) Iii, Vol 1,^.73,
»
-ocr page 260-IjTû' des Statues, Tableaux,
SfteME. Efeâivement, on y remarque une bon-
ne partie du Stile de ce vafte Génie. C'eft
auffi ce que mon Père & moi avons ob-
fervé , dans le DeiTein qu'il a d'un des
Trofètes, d'abord à la première vue ; &
même avant que de favoir ce que V a-
s a r i en avoit dit. Mais je doute, que
cet Auteur ait raifon de dire , que cet
Ouvrage AelaTaix a été fait après celui
de S. Auguftin ; parce qu'on remarque
une certaine fèchereffe , & une roideur
aflez vifible, tant dans les Deffeins,que
dans les Tableaux des Trofètes & des
Si biles, qui ne fe rencontre pas dans celui
du Trofète Efaïe, & dont ce Maître fe
défaifoit régulièrement de jour en jour,
à mefure qu'il avançoit vers fa maturité,
jufqu'à ce qu'il eut ateint ce degré d'ex-
cellence, où il eft parvenu.
Tmctbu Les Trofètes & les Sïbilesàt Timo-
ieyrbi», t h e'e d'U rbin font à l'opofite des au-
tres,auffi au-deffus d'une Arcade, à-peu-
près dans la même forme , & dans là
même fituation, & confervés également
mal : ce qu'on en voit encore eft ex-
cellent.
Si Raphaël a eu autant de mérite
qu'aucun autre Homme en ait jamais eïb
il y avoit, dans ce tems-là, d'autres Maî-
tres qui étoient excellens auffi, quoiqu'il
en ait lui feul toute la gloire : tels lont
Garofalo, Fra BartolomïsO»
et Desseins, en Italie. 161:'
^ fur-tout ce Timothe'e, dont à-peine a koms.}
^ a ouï parler. Il faut qu'il ait été doué
r autres qualités, qui ont fait pancher la
-alance de fon côté , & qui l'ont fait
^trer dans les bonnes grâces des per-
sonnes, à qui il devoit fon avancement.
xUelque grand qu'eut pu être fonméri-
'e»en qualité de Peintre, il n'auroit été
P°Ur lui qu'un foible foutien, fans le fe-
c°t»rs de quelque Patron, qui eût agi a-
chaleur pour fon avantage , comme
en avoit éfeéîivement.
f Les Trofètes en demi-Reliefs qui
lottt au-delïus de l'Arcade d'une Cha-
ule qui elt à côté de celle de R a p h a e l,
de V incenzo de'Rossi, da
leJole , Difciple de Bacc i o Bandi-
^lli, auffi-bien que les deux Sépul-
?res qui font au-dedans de cette Chapel-
P « & tous ces Ouvrages font du goût
fon Maître, tant par raport aux Airs
e Têtes, que par raport aux A étions;
ne cèdent-ils prefque pas aux meil-
^s de ce grand Sculpteur. Flami-
Va ce a allure, que tous ces Pro-
t?s, & les autres Ouvrages de Sculp-
>U,!e> qui font dans cette Chapelle, ont
faits par Rossi, de ces Chapitaux
noriîjçg des Colonnes & autres Mar-
ies anciens, qu'on trouva dans ce tems-
'fur le Tarpéïên (*). SiBAceioa
Tome ///. L fait
■*) Voie? Yjtinemrt di MoNïf A0Con,pag.i7i,
Vinante del
IjTû' des Statues, Tableaux,
à rome. fajt quelque Morceau qui égale celui-ci,
c'elt,fans doute,la Bafe d'une StatueE-
quellre de CômlI. qui eft fur la Place,
devant l'Eglile de S. Laurent à Floren-
ce.
11 y a quantité de belles chofes, dans
cette petite Eglife ; mais je ne prétends
pas en donner une Lifte. Je dirai pour-
Ymtl"Ua' tant> y a un très-beau Tableau de
Charles Maratti, dont le SujeE
eft la Salutation de la Vierge & S". El1"
fibéth. Mon Père a deux Deileins de
la Tête de la Vierge , qui eft de prott1'
& de la dernière délicateile, dans le Ta*
bleau, comme dans les Defteins (*)•
Au-deftus de l'Arcade de la Chapel'e
voifine, fe trouve le fameux Tableau de
la Vierge qui ua au Temple , par Ba^'
thazar Peruzzi. On y voit ulî
Vieillard qui fait des aumônes , & Ul1
autre Homme qui vient dedefcendrede
cheval. C'eft une grande Pièce aV^c
pîufieurs Figures,confervée commecej'
le de Raphaël, ou un peu mieux ;
ce qui en refte eft extrêmement hoî7j
Mon Père en a tout le Deftein Original:.
eft excellent, mais mal coniervé. Mofllel"
gneur le Duc de D e v o n s h t r e en a UIÎ
très-Capital, d'Annibal C a r a c h b '
d'après ce Tableau entier, & il eft
faitement bien coniervé & très-magn1*1""
que.
1 L'Eftampeen eft gravée, par Du F*oS*
-ocr page 263-et Desseins, en Italie. 163:'
Il a autrefois fait partie delà fa-aR«Msï
*geufe Colleâion de M1. Flinck de
Rotterdam, qui a été ajoutée à celle du
Uuc.
La Pièce d'Autel de la Chapelle qui Ser'-
toiiche à celle du Crucifix eft la Nati-"
^tté, avec les Bergers, par Gir. d a
j E R. m o n e t t a. C'eft un Tableau no-
ble> &afiez bien colorié: les Airs en font
extrèmement bons ; & le tout n'eft pas
^al confervé.
. La Coupole d'une Chapelle , qui eft nm»^
vis-à-vis de celle de Raphaël, eft
P^nte par Balthazar Peruzzi,
^ petits quarrés, qui reprefentent des
J^iftoires du Vieux Teftament. Cet
^nvrage a été excellent , comme on le
Peut encore voir , par ce qui en refte;
^ais il eft miférablement ruiné.
p'eft dans cette Place qu'eft la Fon- s.™.
aine de Bernin, qui confifte en un
afte Rocher percé de part en part, de
panière qu'il lemble former quatre par-
les diférentes,qui fe réunifient en haut,
ou placé ùn ObélifqueEgiptien. Vers
a bafe de chacune des quatre parties du
pocher, eft affife une Figure CololTale,
rePrefente un des quatre principaux
L % Heu-
IjTû' des Statues, Tableaux,
à^o'MB. Fleuves (*), avec de grands Poiflons*
un Lion , & un Cheval marin , qui pa-
roi fient fortir du milieu qui eft creuX»
Au-deffus de ce Rocher, qui a 27 piés
de haut, eft pofé, fur un Piédeflal de
près de 17. piés , l'Obélifque d'environ
60. piés, & au-defî'us, une Croix avec
d'autres Ornemens ; de forte que l'Ou-
vrage entier, depuis le haut jufqu'en-bas>
a près de 110. piés de hauteur. Com-
me Baldinucci, dans la Vie de
B e r n 1 n ( f ), fait un récit fort curieuX
de cet Ouvrage furprenant, j'y renvoie
le Lefteur. Mon Père a un Modèle de
la Fontaine,fait par C am île RoscO-
ni. Cette Place efl inondée delà hau-
teur d'environ deux piés d'eau, plus oU
moins,félon qu'on le fouhaite. Tous les
Dimanche s au foir, pendant les deuX
Mois les plus chauds de l'Année, les Co-
chers conduifent leurs Caroffes autour de
la Fontaine. Le bruit que l'eau fait par
le patrouillement des piés des chevaux»
joint à celui qui vient de la quantité
prodigieufe qui en fort de ce vafte Ro-
cher , & qui tombe par cafcades d'une
hauteur extraordinaire , & fe brife fuf
les diférentes parties de la Fontaine, de
manière qu'elle forme une efpèce dero-
fée tout à l'entour ; & outre cela, leS
Echos
(*) Rossi, Stat, xcyii. xcviîl, ic. c.
-ocr page 265-et Desseins, en Italie. 165:'
^°hos des Palais & des Eglifes qui or- à
fent cette Placeront un éfet tout-à-fait
Merveilleux.
•y La Coupole en eft peinte par Ciro ^F"».
i eHri;& elle reprefente plufieurs bel-
Adions d'Anges, & de Saints : elle
coloriée d'une Manière extrêmement
|aie & claire ; mais elle eft chargée de
Vgures, fans avoir la moindre harmonie
qtl Clair-Obfcur, de forte que le Tout-
e^remble fait un éfet desagréable, corn-
ue cela arrive à tous les Tableaux , &
l^r-tout aux grands Ouvrages, dont les
^incipales Mafles de Jour & d'Ombre
î!e font pas foigneufement confervées (*).
, On monte à la grande Place , qui eft
^evant le Capitole , par des degrés peu
î/°fonds, mais d'une longueur & d'une
iargeur extraordinaire , & environnés
v fraluftrades. Au pié de ces degrés,
?a côté, eft placé, fur un Piédes-
• 5 un Lion à un Marbre /Egipre, qui
Jette 4e peau par ia gueule, dans un Baf-
. \ d'où elle fe répand par plufieurs
luiffeaux dans un autre quieftau-deiious.
L 3 On
(*) Les Eftampes en font gravées par N. D or i g n i.
-ocr page 266-IjTû' des Statues, Tableaux,
â rome, On voit, fur de beaux Piédeftaux, ^u
haut de ces degrés, Cajlor & Pollux»
qui tiennent leurs Chevaux. Ces Sta-
tues font antiques, d'un grand Stile,
mais nullement élégant. De-là, on paffe
à la grande Place, au milieu de laquelle
on trouve la fameufe Statue Equejtre de
Marc-ylurèle. On entre dans le CapitoUi
par un double Efcalier, fait par M i c h e t-
Ange, fous le Pontificat de PaulIU-
Cet Efcalier double, qui efl rangé de
chaque côté contre le Bâtiment,fe réu-
nit en haut, dans fon centre,& conduit
aux Loges du fécond étage. Au milieu
des deux Efcalier s, & au haut de la Cour»
il y a dans une Niche, une Rome triorn-
fante (* ), & une Fontaine environnée
d'un demi-cercle deBaluftrade,avec une
Rivière à chaque côté , dont l'une re-
prefente le Ni le (f), & l'autre le Tibre ($)'
Les Bâtimens,avec des Portiques ache-
vés depuis peu, forment les deux autres
côtés de cette Cour. L'Edifice princi-
pal a une efpèce de Clocher au milieu *
& fur le haut, règne tout-au-tour une
luftrade ornée de Statues. Le côté delà
Cour, par-où l'on entre , efl ouvert ;
il n'y a qu'une Baluftrade qui commence
au haut de l'Efcalier, & qui s'étend des
deux côtés. Sur des Piédeftaux qui
a cha-
(*) Perrier Stat. N°. sj.
(|) Idem. N°. 97,
(i) ldtm. ÎN°. 96.
et Desseins, en Italie. 167:'
^ chàque côté, on voit immédiatement a-uo
Pres les Statues de Caftor & de Tollux,
nous avons parlé , les Trofées de
yirius, comme on les a apelés pendant
°ng-tems , mais qui font de Trajan, à
9ue prétend Bellori, contre l'o-
Pmion de F ab retti,qui foutient tou-
J^rs qu'ils font de Marins (*). Au bout
la Baluftrade , à main droite , i! y a
fe Colonne Miliaire, telle que les An-
c*ens Romains les plaçoient au bout de
Qaque Mile, même jufqu'à unediftance
iQrt éloignée de Rome ; de forte que,
Pour déiTgner une place qui étoit à une,
^ax, trois Miles, ou davantage,de-là,
lls avoient coutume de dire : frimo, fe-
pndo , tertio , &c , ab Vrbe Lapide.
( °Ur répondre à cette Colonne, il y en
autre au côté opofé , avec une
A11 le, où étoient autrefois renfermées les
fivdres de Trajan , comme on l'aprend
une Infcription moderne,infipide &
;ettée, qui elt fur la Colonne. Comme
•vs Statues, ces Colonnes, & ces Tro-
cs fe répondent l'un à l'autre récipro-
/°ement , fur chaque Baluftrade , cela
aitun éfet merveilleux.
e Marc-Aurèle à Cheval (f) eft
L 4 beau-
■fnù fur cette Difpute, le Père Montfaucov,
me
père F~X?1'1- Vol"1V- Liv.VI. Chap.z. le Révérend
d0„,.„ne f.^cide de rien làdeiTus : il révoque même en
Its fiaient de l'un ou de l'autre. Il en a donné
Efta
(t) R
mpes.
stat.XIV. P es.hier Stat. N». 11, il,
-ocr page 268-IjTû' des Statues, Tableaux,
uoms, beaucoup plus grand que le naturel. C'eft
une Statue furprenante : elle eft de Bron-
ze , & elle avoit été dorée autrefois,
comme on en voit encore quelques vef-
tiges : elle eft bien confervée. On la
trouva du tems de Sixte IV. l'an 1475" •
dans un petit endroit fouterrain, proche
de Jean de Latran-, & elle fut d'abord
érigée devant cette Eglife : mais PaulIII.
la fit ôter de-là , l'an 15-38. & la fit pla-
cer où eile eft aujourd'hui. SandrarT
dit,quelorfque Totila fe fut rendu maî-
tre de la Ville de Rome, il fut fi charmé
de cette Statue, que, fans fe foucier de
toutes les autres,il choifit celle-ci, pour
la faire embarquer dans Je Port d'Oftiei
mais que Belisaire la reprit & la fit
mettre dans la Place de S. Jean de La-
tran ; cependant, il n'alègue aucun Au-
teur, félon fa coutume, pour confirmer
ce qu'il avance. Vasari (1) & Do-
nate (f) difent qu'elle y a été mife p*1'
Sixte IV. fans faire aucune mention àc
B e'l i s a i r e. C'eft la feule qui refte des
vingt quatre Statues Equeftres dorées»
qui faifoient, dit-on, partie des Ornemens
de. l'Ancienne Rome (£). ërizz° "
donné un Médaillon de' Marc-Aurèk,
qu'il fupofe avoir été frapé , à l'ocaiio^
1 Parte III. Vol. I. pn^. 7p..
(f) De Vrbe Roma. Cap. 4. S. 9." CM.
( + ) Voïez les Notes de Maffei fur le Livre o6^'
tup de Rosjj, 14,
et Desseins, en Italie. 759:'
de la première éreftion de cette Statue,a kom;
qui îa reprefente fur le revers. L'Ab-
bé de Boze(*) dit,que Pierre de
C o r t o n e , toutes les fois qu'il pafioit
dans la Cour du Capitale, avoit coutume
d'apeler ce Cheval, & de lui dire : A-
Vances donc : Ne fais-tu pas que tu es
vivant? Montfaucon (f) cite F l a-
Minius Vacca, par raport à pîufieurs
particularités,qui concernent cette Sta-
tue.
Elle a été pofée, par Michel-Ange,
fur un haut Piédeftal qui lui donne beau-
coup de relief ; mais elle paroîtroit en-
core davantage, fi la Rome Triomfante,
& les autres Figures qui font derrière,
& qu'on voit en même tems, ne faifoient
pas Je même mauvais éfet que,dans une
Pièce de Peinture, un Fond trop mar-
qué, & chargé; parce que ces diférens
objets partagent & troublent la vue.
Il efl; à remarquer, que la bride du Che-
val eft faite à-peu-près de la même façon
Sue celles qui font en ufage aujourd'hui.
On en voit encore de femblables, dans
Bas-Relief de cet Empereur triom-
iant des Alemans ; qu'on trouve lorf-
Won veut paiïer aux Apartemens, par
ies grands Efcaliers, à main gauche.
p (*) Dans fes Réflexions fur la Po'êjie & fur la Peinture
voie* fon Ittneratrs.
IjTû' des Statues, Tableaux,
à BLour,
Dans la Cour, du même côté.
Deux Rois prifonniers inconnus. Ce
font des, Coloiles de Bafalte: le Stile en
eft noble & grand , & ils font parfaite-
ment bien confervés , favoir ce qui en
refte; car ils n'ont plus de mains, & l'un
des deux a la tête abatue ; mais comme
elle n'eft pas perdue , on peut la lui re-
mettre facilement.
Ces deux Figures, avec deux des Ido-
les Egiptiennes du Paragrafe fuivant,
ont été placées dans le tems que jétois
à Rome, aux deux côtés d'une Rome
Triomfante, (diférente de celle dont j'ai
déjà parlé) qu'on a mife dans un beau
Portique, fait exprès pour cela, par les
ordres de C l e'm e n t XI. Comme
.Montfaucon (*) nous en a donné
l'Eftampe entière, avec des Remarques;
je n'ajourerai rien à cela , finon que
î'Expreftion du Vitage de la Figure
qui eft fur le Piédeftalde la RomeTrioni'
fante , délignée pour la Province àf
la Dace qui pleure fur fa Captivité >
eft extrêmement belle & fort toucha0'
te. Comment efi-il arrivé que la V1^"
le fi peuplée eft gifante folitaire ? §}fe
celle qui étoit grande entre les ff"
fions eft devenue comme Veuve ? X'fi
J celle
C*) Dans fon Subliment. Toœ. I. pag. 185.
-ocr page 271-et Desseins, en Italie. 171:'
celle qui étoit Dame entre les Provinces*
a été rendue tributaire ? Elle ne ce fie de
pleurer de nuit, & les larmes font fur
fes joues. Vous tous, Pajfans , cela ne
vous touche-t-il point ? Contemplez- &
vo'iez , s'il y a douleur comme ma dou-
leur (*).
Quatre Idoles Egiptiennes. Ce font
des Femmes apuïées contre des Obélis-
ques qui font tous pleins de Hiérogliphes.
L'une eft de Marbre noir , & les autres
d'une pierre mêlée de rouge & de gris.
Il n'y a pas long.tems qu'on les a trou-
vées dans les Jardins de Verofpi, qui font
une partie de ceux qui apartenoient au-
trefois à Saluste, & d'où l'on a dé-
terré une grande quantité des plus belles
Antiques.
Un Coloffe de Confiant in , d'un mau-
vais goût , tel qu'il étoit dans ce tems-
tà, & fort endommagé.
Marforio: c'eft une Figure Coloftale,
Sui reprefente une Rivière (f). Elle eft
aftez bien confervée ; & îa tête fur-tout
d'un grand goût,
Un Cercueil antique, long de ftx piés,
deux piés de largeur , & rempli de
"auts-Reliefs ; mais le travail en eft
Mauvais , & très-endommagé. On dit
^Ue c'eft celui d'Alexandre Sévère, &
de
Rament. Chap. I. i, 2, Ii^
vu Rossi, Stat. xxvi. Pbrrie%,Stat, N°.
IjTû' des Statues, Tableaux,
Uome, de Julie Mammée, fa Mère: on en peut
voir les Eltampes, dans le Livre des
Anciens Sépulcres de Pierre Santa
Bartoli (1); comme auffi dans les An-
tiquités de Montfaucon (y). Ce
dernier croit, que ce font des Jeux funè-
bres , qui en font le Sujet , & qui ont
quelque raport à l'Hiftoire d'ALEXAN-
dre Se'vere. C'eft fans aucune raifon
qu'on l'apèle communément le Rapt des
Sabines : au-refte, ce qui a donné lieu à
cela, c'eft que Flaminius Vacca,(|)
de qui nous avons apris la première dé-
couverte qu'on a faite de cette belle An-
tique, la nomme de même;& Fabret-
ti qui le cite , dans fes Aqueducs (.§)
ne relève pas ce qu'il en dit ; de forte
que cette erreur a fubfifté , comme cela
arrive à plufieurs autres, pendant fort
long-tems, quoiqu'elles ne foient fon-
dées que fur l'autorité de celui qui a été
le premier à la débiter.
Un Terme de Minerve. C'eft un Co-
îofte d'un fort grand Stile, avec un fort
bel Air de tête.
On avoit donné ordre , du tems âe
Cle'ment VIII. de bâtir cette Cour
le Modèle de celle que Michel-An^®
a faite , fous Paul III. mais je ne
(t Tom. V. Pl. 91.
> Montfaucon, Diar. 138,
(S) Pag. 58.
-ocr page 273-et Desseins, en Italie. 763:'
pas la raifon pourquoi on abandonna cet*R©»**
Ouvrage, d'abord après qu'on en eut jet-
té les fondemens. On ne s'en fert à-
prefent que comme d'un en t repos, pour
y garder les Antiques , dont j'ai parlé,
julqu'à ce qu'on leur ait delliné d'autres
endroits ; mais , en atendant, on les y
trouve placées confufément & fans or-
dre,
A l'Entrée qui conduit à t Efcalier.
Un Tié Colojfaffur un Tiède fiai rond,,
avec un Sacrifice en Bas-Relief , fort bien
exécuté. On voit au-deffus ces mots é-
crits contre la muraille:
§hto Te de nunc utar dubia efl fententia
nobis.
OviD.
Dans une Chambre.
Le Héros Aventin (*) , s'il en faut
Croire l'Infcription moderne qui eft au-
^eiîous : il eft debout, & tient des porn-
os de la main gauche , & de la droite
^elque chofe de cafté, qui doit être, à
5n juger par ce qui en reite, un bout de
Jv*%ue , ou un morceau d'Arc. Il eft
£°Uvert d'une peau de Lion ; il a l'Air
0rt jeune , & il eft court & gras, mais
d'un
(*) Rossï, Stat, xixa
-ocr page 274-IjTû' des Statues, Tableaux,
âîLosio. d'un très-noble Stile. Les Savansnefoflt
pas d'acord fur le Sujet de cette Statue.
Mont faucon en a fait un Chapitre
particulier (1).
Plufieurs Têtes fur des PiédeftauX
quarrés ; dans la Manière des Hermès,
femblables à quelques-unes de Fulvius
Ursinus.
Trois de Tlaton.
Sapho.
Socrate.
Diogène.
\_Akibiade , dont l'Air eft agréable,
& qui eft fait dans un beau goût Grec.
Hieron,q\xi a l'Air d'une jeune Femme:
il a le nez emporté ; cependant, c'eft la
meilleure de toutes ces Têtes, quoiqu'el-
le pouroit être encore meilleure , car
elle n'eft pas dans le plus grand goût
Grec. Fulvius Ursinus (f) adon-
né une Hteron, & Canini ($) une
autre, qui fe relfemblent beaucoup, tou-
tes deux jeunes,mais de diférentes Mé-
dailles.
Une vieille Sibile , qui contemple
Ajîres : elle a une Aftion capricieule &
parfaitement bien exécutée.
Sabine Toppée, avec la même
que celle qui eft dans le Jardin de Far~
■nefe, fur le Mont Talatin , dont nous
par-
1 Voïez,fon Suplément. Tom. I. Liv. IV. Chap-1'
(t) Imagines lllufirium. N°. 69. Edit. fabrï.
(t) Iconografia. N°, 37.
et Desseins, en Italie, 2.05»
Paierons dans la fuite ; à cela près que à ko
celle-ci a le bras droit apuïé fur le dos
d'une chaife, & l'autre eft pofé fur fes
genoux: fa tête panche aufli un peu en
Prière,pour regarder en haut:au-relie,
ces deux excellentes Statues font d'une
^ême grandeur.
Dans la Cour, à main droite.
Une Tête colojfale de Domit'tsn , eîi
Marbre.
Une autre, de Commode, en Bronze.
Les Tiés & une Main d'un Colojfepro*
âigieux d'Apollon.
Un Lion qui déchire un Cheval (*):
niais le Cheval a été fort mutilé , par la
fuite du tems, jufqu'à perdre la Tête &
jes Jambes.
Rome Triomfante : c'eft une Figure
^olollale affife , qui n'eft pas de la meil-
leure Manière ; mais elle eft fur un Pié-
^eftal chargé d'une Femme qui -pleure,
d'un goût incomparable : c'eft la
^ême que celle , dont j'ai parlé un peu
v^s haut, Se qui eft placée dans un Por-
Î!Sue, fait par les ordres de Cle-
^Nt XI.
De
àujus artificium Michaei-Angélus miraculé
m Hfa«ead Cxks Undibitsextolltrtfuevit. Boissa&o.
IjTû' des Statues, Tableaux,
De Vautre côté du Captole.
Dans pîufieurs Chambres.
Une Tête de Lucms Junius Brutus, en
Bronze : les yeux font d'une certaine
compofition antique , qui imite la cou-
leur naturelle. Ces fortes de Caprices
étoient fort communs parmi les Ancien??
fur-tout dans les Ouvrages de Bronze»
même dans ceux du meilleur goût. On
y voit ordinairement desorbitescreufes»
où fe mettoient les yeux , mais qu'on a
volés à pîufieurs de ces Ouvrages, par-
ce qu'ils étoient le plus fouvent d'argent;
& par- tout où ils font reliés , ils font
un éfet fort desagréable. On trouve
quelquefois une Tête de Bronze , avec
des Lèvres garnies d'argent ; & je me
fouviens,que Pausanias, en quelque
'endroit, parle de certaines Statues, où
les Maîtres, même du meilleur Siècle,
avoient mis leurs noms, d'une manière
très-vifible , fur les Jambes, & fur les
Cuiffes. C'eft ce que les Sculpteurs
Tofcans ont prefque toujours fait : ils a-
voient même coutume d'y mettre des
Infcriptions entières , comme il paroi"
par quantité de leurs Statues, qui f°nt
dans Montfaucon, & dans d'autres
Auteurs ; mais fur-tout dans les. Eflarn""
pes qui ont été ajoutées, avec les favan-
et Desseins, en Italie. 767:'
fes Remarques du Sénateur Bu on a-à
à la belle Edition qui a été fai-
e en dernier lieu , à Florence, delT E-
t*.Ur'ia Regia de Dempster, par l'or-
pe & aux dépens de Moniteur Coke,
^hevalier du Bain, fur le Manufcrit O-
^S'Oal de l'Auteur, que ce Seigneur pof-
^ de. On voïoit auffi fort fouvent des
j Utiles de Marbre , faites par les meil-
eUrs Maîtres , & qui avoient été do-
fee.S; ce qui devoir abfolumentéfacerla
"eauté & la force du Contour, d'autant
Plus que ia dorure des Anciens étoit in-
timent plus épaiife , & plus chargée
Jî.lle la nôtre. Pline (*) parle en par-
lculier d'un Janus de Praxitele,
de S copas, dont la dorure étoit fi
l'aifle, qu'on ne pouvoit pas lire le nom
"i1' étoit écrit delfus. Au-refte, cette
: ete du vieux B rut us elt la feule que
| me fouviens d'avoir vue de lui. Cequi
Accroire, qu'elle elt de lui , c'eft une
gedaille, qu'on fupofe que M arc us
l le Conjuré a fait fraper , d'à-
rd après la mort de Cl'sar , ave&
ecte ïetede fon Ancêtre, pour juftifier
par-là l'action qu'il venoit de faire (f).
m. M Ali-
Nat. Lib. xxxv. Cap. j.
j, Mi, ^fei les Notes de F a è e r , for cette Médaille, de
<ÎUe r °n de F u l v i u s Ursinus, où il fupofe,
^Pe ftte '^te pouvoit apartenir à la Statue que Piutar-
éCtjt av°irété dédiée au Capitole, & fur laquelle étoient
Su"; es, ces Paroles, Vtiriam viveres, pour rafraîchir fur es
JCC la mémoire de fon Détendant,
IjTû' des Statues, Tableaux,
à rome. Au-deflus d'une Porte,en Bas-Relief,
la Tête de Mitbridate, Roi du 'Pont ; de
beaucoup plus grande que le naturel, &
faite dans le grand goût Grec.
Les Fajii conjulares, placés ici des
l'an 15149. *ur une efpèce de Façade
d'un Edifice antique de quatre Pilaitres-
Voici ce que Suétone en dit (*)j
Verrius Fïaccus Faftos à fe ordinatos &
marmoreo parieti incifos in inferiore Fo(-
farte publicarat. C'eft-à-dire : V ep-'
r î u s Flaccus avoit fait aficher
fond de la Place publique les Faftes Cofl'
fulaires, qu il avoit lui-même mis en of'
dre , & les avoit fait tailler , fttr tiîle
Façade de Marbre , au bas de la CoUf•
Et Achile Statius dit, fur ce P^"
fage : Quorum put ant ur ejfe fragmentai
qu£ hodieque vifuntur Romœ in Caprf0'
lio , mitro impreffa , crut a è Fori ipftiS
ruinis. C'e fi-à-dire ; On croit que ce
l'on voit encore aujourd'hui à Rome*
dans le Capitole, fur le mur d'une ChaM'
bre, n'eft autre chofe que des fragfftt,lS
de ces Fa fies, qu'on a retirés desrui
de la Place publique ( f ).
Dans une autre Chambre.
Une Tête d'Apollon, qui efl une de s
(t) Voïexle Commentaire qu'O nu phre p an vi -
a fait fur ces Ouvrages de Marbre.
om e,
et Desseins, en Italie. 179
fameufes de toutes celles qui font à» r
^onje. Le Nez en eft encore plus épais,
, plus quarré que celui de la Vénus de
™édicis, qui ne l'eft déjà que trop,
p Scipion t Africain, chauve. C'eft un
prefent d'ÏNNOCENT XI. au Sénat & au
ei|ple Romain.
Dans une autre Chambre.
Hercule, en Bronze, Antique (*);
V^s grand que le naturel. On y voit
^ncore quelques reftes de dorure: il tient
Pommes de la main gauche , & fa '
Influe de la droite; mais, à mon avis,
façon allez bizare,quoique la Sta-
foit"d'ailleurs bien exécutée. Les
Auteurs font partagés fur l'en droit, où
vje a été trouvée. Voïez là-deflus
'^rlianus, (i) & NARDIN ( 4 ).
: Ciceron, en habit de Conful. On y a a-
•^té le Cicer, ou pois chiche.
Statue, apelêe Virgile, mais qui
eit fans Tête.
Dans une autre Chambre.
La très-ancienne Louve quialaite Ro-
Hlus & Rémiis , en Bronze. La plus
jv^ttde partie de la Jambe gauche de der-
lere a été fondue par la Foudre ;
„ M z Ci-
L' R'0ssi. stat. xx.
rU l0P!'£rai>hia. pag. 30. Ed. Roma 1534.
■ ■' Rm<* Arnica, pag, 171, 414.
IjTû' des Statues, Tableaux,
î Rome. Ciceron dit, que cela eft arrivé de fon
tems (*).
' L'Eficlave qui s'arrache une épine
fié et), & à côt é, un Miniftre des Sacri'
fie es, apelé Camile (:):), comme il paroît
par l'infcription (§). Ces deux Statues
lbnt en Bronze; & la dernière fur-tout
efl aufli belle qu'aucune autre, qu'on pui'"
fe trouver à Rome. 11 y en a deux au-
tres femblables, toutes deux antiques'
l'une au Palais Far ne fie, & l'autre à Ver*
failles. Celle-ci eft fur un Piédeftal de
Marbre à trois faces, enrichies chacune
d'une Bacchante, du meilleur goût Grec-
La Figure qui fe tire l'épine du pié s'a'
pèle le Berger Martius, à ce que dit
l'infcription qui eft au-deflbus» Cette
Statue n'eft point du tout du meilIeUf
goût antique , fans être cependant de
cette Manière qui aprochoit du Goth1',
que-, mais je croi plutôt, qu'elle a été
faite avant que les Romains fuflent p"1''
venus à leur plus excellent Stile; & eHe
efl, à l'égard des Statues de ce terns-%
ce que font celles de DonatellO»
l'égard de celles de Michel-Angê'
aufli y a-t-il une diférence extrême,p°at
ne parler que des Modernes, entre
genre
(*) Voïez Peu sci Lexicon Antiqultatum-Mle^'
J.upa.
if) Rossi, Stat. xxui. P e r r i e r » Stat.41.
(■t) Rossi, Stat. xxiv. ,, „
(§) Voïez Montfaucon, Suplem. T«n>.U. p. m
-ocr page 281-et Desseins, en Italie. 181:'
genre du mauvais des Figures qui ont à
été faites avant que l'Art fût arrivé à fa
Perfection , & dans le tems qu'il s'en a-
Prochoit, & entre le mauvais de celles
ont été faites depuis cette perfedion,
dans le tems que l'Art déclinoit. Car,
^'Joique les premières foient roides, &
^me quelquefois eltropiées, elles n'ont
P°int cette infipidité, où l'on elt tombé
ies dernières. Mon Père a unDef-
eitl du Camile,fait par Raphaël, en
J1 pierre rouge ; & fur le revers du mê-
papier, un autre Deffein fait à la plu-
d'après XEfclave,par le même Mai-
On voit,au bas de rEfcalier,/'^»f/V«-
Colonne Roftrale, faite de Marbre r'Pa-
f'e,1i érigée en l honneur de Duiiius. Un
'aîïieux Antiquaire de cette Ville médit,
rijour que je la regardai avec lui, qu'il
r°ïoit qu'elle avoit été rétablie par
r uguste; parce que, difoit-il, Tite
2 v e alfure,qu'elle avoit été endomma-
ge par la Foudre. II ajout a encore, que les
& ]es Chevaux Marins, qu'on
°ïoi t fur les proues de Navires qui y fonr,
giflent être d'un goût meilleur, qu'on
^ doit l'atendredes Romains
c'elt-à-dire, de l'an de la Ville 494.
u .Sui m'a auffi paru vrai-femblable.
pour ce qu'il aléguoit de Tite
Ive» j'ai trouvé par laîuite, qu'ils'elt
M 3 troin-
IjTû' des Statues, Tableaux,
a b.ome. trompé ; car ce n'eft pas de cette Co-
lonne , mais d'une autre qui étoit dans
le Capitole, que cet Auteur parle: Noc-
turna tempejiate Columna Roflrata in C'a-
pitolio tôt a ad imumfulmine difcuffa eft (1) •
C'eft-à-dire ; il arriva que dans une nuit
orageuje ■ la Colonne qui étoit au Capito-
le fut entièrement fracaffée par la Fou-
dre : au-lieu que celle-ci étoit dans la
Place du Marché , comme il paroît p1'.
Finfcription qui elt fur la Baie , & qul
après avoir fait lenumération des Ex-
ploits de Duiltus,finit ainfi,envieu*
Langage,tel qu'on leparloit en ce tems-là;
Ob as ce res, s. p. q^ r. colomn a^
in foro poseivit.
Cette Colonne y elt demeurée encoi'e
îong-tems après la mort de T i t e L i v é '
puilque Pline (f) en parle, com®e
d'une chofe qui y étoit de fon tetfis:
Célébrât io antiquior Columnarum,
C. Maenio --- : item C. Duilio , ff
primas navalem triumphum egit de P°f
nis, quœ eft etiàm mine in Foro. C'eft'^
dire : La c ont urne d'ériger des Colonne* e{
plus ancienne, comme il paroît par .
qu'on a drejfée à C. M m ni us ; &
leurs ; à C. D u i l i u s, qui a triomfe L
premier , par Mer , des Cartaginois > .y
1 Becad. 5. Lib. ii. Cap. zo.
L.ib. xxxiv. Cap. j. ,
et Desseins, en Italie. 183:'
fa Colonne eft encore aujourd'hui dans la à R 0 M E-
'Placé publique. Ajoutez à cela, que la
oafe de cette Colonne a été trouvée,
l'an ijôo. dans cette Place même , pro-
che de l'Arc de Septimius, & tranfportée
aU Capitole , par les ordres du Cardinal
Alexandre Farnese. Pour ce qui
eft du Goût des Romains de ce tems-ià;
s ils ne l'a voient pas eux-mêmes, les Grecs
^ poflédoient dans un très-haut degré :
& ne faut pas douter que les Romains
fe ferviffent dç leur travail, puiiqu'il
V avoit déjà quatre ans que Vale-
*ius M aximus Messala (*) avoit
^aincu Hieron, Roi de Sicile, &
^it faire un grand Tableau , qui re-
Prefenfoit la Bataille , où il remporta la
iétoire , pour l'expofer , à Rome , à
^ vue du Peuple ; & qu'on fait, que la
ycile étoit pleine de Grecs quifaifoient,
^ans ce tems-là , profeflion des beaux
j^rts. C'eft-îà la plus ancienne de toutes
les Infcriptions Romaines, qui fubliftent
ai)jourd'hui.
j 4 côté de cette Colonne , on voit,
^atis une Niche, la Statue de Ce far Au-
&uiïe (f) érigée après la Bataille d Ac-
tjum s comme le prouve une Proue de
Navire qui efl: à fes piés, & qu'on a tou-
M 4 jours
m D1tn- xxxv-
m; Rossijsm,, No.xvî. &c Perrier, Stat.N*. jo.
-ocr page 284-IjTû' des Statues, Tableaux,
à rohÇ. jours mjfe fur fa Médaille, depuis cette
Viéïoire.
La Tête Colojfaîe de Domitien, qui eft
dans la grande Cour,eft d'un très-grand
goût; mais grofîier & peu élégant. Elle
eft fur un Piédeftal, enrichi d'une Figure
en Bas-Relief, qui reprefente une Pro-
vince ; mais on ne fait pas laquelle ce
doit être. On voïoit autrefois, dans le
'Panthéon y les Statues de tous les Dieux*
chacune fur un Piédeftal, avec autant
de Figures en Bas-Relief, qui reprefen-
toient des Provinces ; & celle-ci en étoiî
une, dont le goût eft Grec.
Ce Palais n'eft plus habité , & la plu?
grande partie de l'Edifice tombe en rui"
ne: il eft ii peu fréquenté, que laCouf
qui y conduit eft toute couverte d'herbe-
On me dit même, lorfque j'y fus, qu'il
y avoit environ deux ans que perfonoe
ne l'avoit été voir ; de forte qu'on eut
beaucoup de peine à en pouvoir trouver
les clefs,& que j'avois lieud'apréhendc1'
d'être obligé de fortir de quoique
j'y fois demeuré quelques mois, fans a-
voir eu le plaifir de le voir non pluS'
C'eft pourtant là,qu'eit lafameufeGale-
rie de PJyché, qui eft un des célèbres
Ouvrages de Raphaël. Cette
et Desseins, en Italie. 185:'
rie eft de plain pié, & donne fur le Jar- a
din. Elle eft petire , mais fort claire,
quoique d'un Portique, que c'étoit au-
trefois, on en ait fait une Chambre,de-
puis quelques années , par les fenêtres
qu'on y a ajoutées, pour empêcher que
les Peintures ne fe gâtaflent entièrement,
comme onl'aprend par ce que Bell o-
*U raporte, du rétabliftèment de ces fa»
Heufes Peintures, par Charles Ma-
ratti (*) ; & comme les Figures en
jont peintes fur un Fond de Ciel très-
bleu , cela leur a donné un certain Air
de gaieté , qui allurément réjouïftoit
dans le commencement : au-refte, elles
Jont à Frefque,un peu plus grandes que
le naturel.
Ces Tableaux font peints dans des ef-
Pèces de Lunettes , formées en demi-
cercle, au-dedans d'une grande Arcade
^ui fe termine en pointe , & dans des
triangles entre deux. Les demi-cercles
4'un côté de la Galerie font formés par
(a partie fupérieure des fenêtres, & cel-
de l'autre côté y répondent. Il y a
SUatre Triangles & cinq Lunettes, à cha-
SUe côté de la Galerie, & un autre Trian-
gle & deux Lunettes à chaque bout, &
^ans le Plat-fond font peintes pîufieurs
Pitiés de la Fable de Tfyché, telle que
Raphaël l'a raportée ; c'eft-à-dire ,
M s que,
(* ) BefcrizzMe delk Imagm&c. pag. 8 l.
-ocr page 286-IjTû' des Statues, Tableaux,
a rome. qUe } p0ur ne ja pas faire fl longue que
celle d'ApuLEius, quieneltl'Auteur,
il n'en a pris que les principales circonl-
tances. On voit, dans les Lunettes,
de petits Amours, qui portent les dépouil-
les des Dieux; & il y en a, dans la pre-
mière, feulement un, qui touche avec le
doigt la pointe d'une flèche , pour faire
vo'r combien celles de XAmour font ai-
giies ; & dans la dernière , il y a auffi
un petit Amour, qui tient avec des bri-
des un Lion, & un Cheval Marin, pour
faire entendre,qu'il domine fur les Ha-
bitans de la Terre & des Eaux ; de for-
te qu'on trouve une efpèce de Morale
dans toute la Fable.
Les douze Tableaux, je veux dire, les
dix qui font dans les Triangles, & les
deux du Plat-fond, reprefentent ( i) Vé-
nus > qui montre fur la Terre Tfyché, q u'on
ne voit pas, mais qu'on fupofe y être,
& qui commande à fon Fils Cupidon de
la rendre milérable , en la bleriant d'un
coup de flèche, pour fe vanger de cette
Mortelle, qui avoit atiré à elle les Ado-
rateurs de Vénus. Cupidon, au-lieu d'o-
béir à fa Mère , devient amoureux de
Tfyché ; ce qu'il exprime parfaitement
bien, (z.) en la f ai f ant remarquer au#
Grâces, quoiqu'elle ne foit pas non plus
dans ce Tableau , & qu'on doive la lu-
pofer-être fur la Terre. (3 ) Vénus irri-
et Desseins, en Italie. 187:'
te'e de ce manque d obéiffance , s'adreffe iuo m c,
Junon & à Gérés , qui toutes deux ex-
cufent Cup i don, & tâchent d'apaifer cet-
îe Mère , qui fe voïant rebutée par les
Réelles, ( 4 ) monte Jur fin Char , pour
a 1er plaindre à Jupiter, ( 5 ) cr qu'elle
fait effectivement. ( 6 ) Jupiter envoie
Mercure, /w^r convoquer les Dieux.
En même tems, (7) Tfyché cherche
^enus, avec la particule, renfermée dans
^ne petite fiole , qu'elle avoit reçue de
?roferpine, & qui devoit augmenter
'a Beauté ; & après l'avoir rencontrée,
( 8 ) elle lui en fait prefent. Cupidon
s'enfuit vers Jupiter, ( 9 ) qui le reçoit
Kracieufement. (10) Mercure amène
B fiché. (11) Les Dieux affemblés en
Confieil, & enfuite (n) dans un Ban-
quet , qui fe fait à l'ocafion du Ma-
riage de Cupidon & de Tfyché, qui y
admife au nombre des Divinités,
& reçoit l'Immortalité. Ce font les
deux derniers de ces Tableaux,qui font
Plat-fond, & qui contiennent quanti-
té de Figures ; au-îieu que tous les au-
îres n'en ont qu'une ou deux , ou trois
r°ur au plus, à la réferve d'un feul, qui
er> a quatre. Les Arcades, les Trian-
es, & les Lunettes font formés par des
ettons de Feuillage , peints par Gio-g,<u
v A N NI D a U D i n e ; & ils font des ef-
P£ces de quadres,pour entourer les Ta-
bleaux.
IjTû' des Statues, Tableaux,
Jromb. bleaux. Bellori (1) a fait plufieurs
belles Remarques fur cet Ouvrage , &
le Chevalier Dorigny en a fait des
Eltampes ( f }.
Augustin Chigi, qui avoit donne
le nom à ce Palais , faifoit travailler
Raphaël à cet Ouvrage,dans leternS
qu'il étoit engagé à plufieurs autres,
dont quelques-uns étoient même plus
confidérables que celui-là. Mais, com-
me il s'imaginoit,que ce Maîtredemeu-
roit trop long te.n, à le finir , & que
fes fréquentes absences n'étoient qu'un
éfet de fes Galanteries, on dit qu'il lui
permit de faire venir fa Maitrefieau Pa-
lais , afin qu'il ne perdît pas de tems à
courir après elle 11 fe peut,que cet
expédient ait avancé l'Ouvrage, & qu'il
en ait été plutôt fini ; mais il eft à préfu-
mer, qu'il n'en a pas été mieux fait.
Si l'Hiftoire que je viens de raporter
eft véritable, on aura de la peine à croire
ce qu'on en dit ordinairement, favoir»
qu'excepté deux ou trois Figures, tout
le refte a été peint par Jule-RomaiN»
& par Jean François Penni, fur
les Deffeins de R a p h a p l. Cependant,
comme il y a beaucoup d'aparence q°e
la
1 Defcrizz.ii'ne délie Imagini da Rapha elle çyc. P'^
feq.
(t) F- Perrier en a auffi gravé des Eftampesi»aDS
les Ornemens.
(t) Voïez Va sa ri, Parte III. Vol.l. p. 82.
-ocr page 289-et Desseins, en Italie. 189:'
ta chofe eft ainfi, à en juger par l'Ouvra-à
ge même , cela fait que la vérité de ce
Lonte eft douteufe.
Il eft certain, que l'Ordonnance eft de
Kaphael, & que le tout a été peine
Par lui-même,ou bien par fes Difcipies:
niais , comme ce Morceau dépériffoit
beaucoup, il a été retouché ; il y a mê-
me des endroits qui ont été entièrement
repeints, par Charles Maratti,
Sui , tout excellent Maître qu'il étoit,
loin de rétablir l'Ouvrage de Raphaël,
ruiné parla longueur du tems, l'a plus
gâté que le tems n'avoit fait, ou n'auroit
pu faire. Peut-être ce que Maratti
a fait n'eft plus à-prefent de même qu'il
a été , mais que les Couleurs en font
ternies, ou changées, de quelque ma-
nière que ce foit ; ou bien il s'eft
trompé dans fon jugement ; ou il a man-
qué dans l'exécution ; mais il eft certain
Hue l'Ouvrage entier , tel qu'il eft au-
jourd'hui , ne répond point du tout à
\'Idée qu'on s'en doit former par avance,
^rlenomde Raphaël, fur la haute
^nommée de l'Ouvrage , & même fur
Eftampes qu'on en a ; & l'on eft fâ-
ché d'y trouver tout le contraire : car le
^eux Coloris de brique , épais , & pe-
ant que I on y voit, des Figures qui fe
tr°Uvent placées fur le bleu vif & écla-
tant qu'on y a repeint nouvellement, &
IjTû' des Statues, Tableaux,
3 rome. qui fait le fond de toutes les Figures en
général, tant des grands que des petits
Tableaux, & avec cela, l'éclat éblouillant
de ce qui a été retouché ou repeint fur
les Figures mêmes, qui ne reftemble pas
mal aux rehauflèmens de blanc, dans un
Defiein neuf; tout cela, dis-je, pris en-
femble fait un éfet qui choque extrême-
ment la vue. Je n'entens pas , par-là ,
que, quand on en examine les diférentes
parties féparément, fans faire atention
à la confulion qui naît du manque de
Compofition & d'Harmonie , fur-tout
dans le Banquet & dans le Confeil des
Dieux , on n'y trouve pas une grande
quantité de Beautés particulières, de
Penfées fines , de belles Attitudes, de
beaux Contours, & un grand Stile de
Peinture ; mais je dois dire aulli, qu'à cet
égard même , fi l'on trouve dans cette
Galerie bien des Objets qui pîaifent, on
y en voit beaucoup d'autres, qui font
désagréables.
Venus , tirée par Je s deux Colombes »
eft, à mon avis, la meilleure Figure de
tout l'Ouvrage , tant par raport au Del-
fein , que par raport au Coloris. Mais
dans le Banquet des Tiieux, où elle datt"
fe, elle a le Vifage court,fort rouge
fans aucune beauté. Le Mercure, qui eft
feul, & qui fe trouve au bout de la
lerie, vis-à-vis de l'entrée , eft une r1'
gure
-ocr page 291-et Desseins, en Italie. 191:'
gure très-belle, & noblement exécutée; à rc-ss,
& il a une agilité merveilleufe. Bello-
ri remarque, que les trois Dieux Frè-
res, Jupiter, Tint on, & Neptune ont
entre eux une reffemblance fraternelle,
^ais d'une certaine Manière qui en mar-
que diftinftement les diférens Caraèfè-
fes. Le dos de l'une des Grâces , que
l'on dit être peintes de la main propre
Raphaël, eft excellent ; mais le
Vifage de celle du milieu eft fort laid.
Le Cupidon, qui femble leur montrer
tfyché, eft une Figure tout-à-fait d'une
couleur de brique,qui réjaillit tellement
*Ur les Grâces qui lui font contiguës,
Wil reflèmbîe à un charbon ardent,
dont la lueur réfléchit fur les Objets qui
[°nt à Tentour. Si Raphaël aeudef-
[èih de faire fentir cela,comme une Al-
^goiie , c'eft plutôt une beauté, qu'un
^faut. Peut-être que ç'a été Ion inten-
*lon , & qu'il a pris cette Penfée de
Moschus, ancien Poëre Grec, qui,
ptis fon Amour Fugitif, où il raporte
a,Défcription que Venus fait de fon Fils,
If> entre autres chofes:
fMV 8*Àivncç, 7rvpt cf iizthoçl
^ ett-à-dire : il ri a pas la peau blanche,
mats n pa COÎileur de feu.
Lette excufe poura fembler d'abord
trop
-ocr page 292-IjTû' des Statues, Tableaux,
a RoM8.t;r0p partiale , & trop recherchée ; fUI>
tout parce qu'il y a , dans cet Ouvrage >
plufieurs autres exemples de la même
faute , par raport au Coloris : mais elle
ne le paroîtra pas tant, pour peu que
l'on fafle détention, qu'à la referve de s
rares talens que ce Maître poiïedoit de
fon propre fond , il recevoit encore le
fecours de tous les Savans qui fe trou-
voient à Rome de fon tems. Quoiqu'il
en foit, j'ai cru devoir en dire deux mots»
fans vouloir pourtant trop infilter là-"
delîùs.
Je pourois ajouter d'autres particula-
rités, qui regardent les beautés & les dé-
fauts de cet Ouvrage ; mais, pour ne ms
pas rendre ennuïeux, je me contenterai
de remarquer, que les deux grands Ta-
bleaux du Plat-fond font faits, pour re-
prefenter des TapilTeries, où font tra-
vaillées ces Hiftoires, & qui paroiffent
atachées contre la Voûte ; aparemment
pour excufer le racourciftement,que les
Figures qui font dans les Nues au-detf^
de l'œil doivent néceftairement avoir.
eft allez incertain, fi c'eft par choix
Raphaël les a évités , & parce qu
a cru qu'ils feroient un mauvais ér'ef»
excepté dans le feul point de
d'où on les doit regarder; ou ^
parce qu'il s'eft défié de fon adretfe a y
réùlfir, ou qu'il ne fe foucioit pas
et Desseins, en Italie. 193:'
todier une Manière , alors peu connue, à romé;
°u Par quelque autre raifon qu'il ait pu
avoir pour cela. Quoiqu'il en foit , il efl:
pertain,que la plupart de ces Figures de
lat-fond ne font point diférentes de fes
%res Peintures. Telles font, en parti-
culier celles qu'on voit dans la Galerie
S1 Vatican , & qu'on apèle la Bible de
hphael. Annibal Carache en
a fait de même dans la Galerie de Far-
nJfe. Le Correge, au-contraire, s'eft
i'Sûalé par fa Manière de racourcir fes
p Figures, qu'on voit di fotto in fè.
^le-Romain l'a auffi pratiquée, de *
^ême que tous les Maîtres modernes en
j^néral. Raphaël n'en auroit pas été
^°ins capable que les autres, s'il avoit
1 QUlu s'y apliquer, comme il paroît par
j5s Mofaiques qui font dans l'Eglife de
Madonna del Topolo , pour lefquelles
' aVoit fait les Defteins.
aHs une Chambre haute, M-deffus de la
Cheminée.
^ukain dans fa Forge. Le Tableau
r^I^n d'agréable ; les Couleurs en pa-
■j. .,eHt ternies, & il eft à-prefent d'une
reftnte. ' brune , & rouge. Au-
f0 ' il y a un jeune garçon qui a l'Air
§fr5 "eau : & comme on voit un grand
l'e qui règne fur le tout, on dit qu'il
Iom? III. N eft
194 DES Statues, Tableaux*
e.eft de Raphaël, ou de Jule-R°"
main ; mais nous en parlerons dans
moment.
Vis-à-vis de la fenêtre. Alexandre
biller far des Cupidons.
D'un côté, la Tente de Darius. ■ .
De l'autre, une Bataille , où l'on ^,
Alexandre monté fur un grand Che^
blanc. ,
Excepté un certain Air général
l'Ecole Romaine , les Peintures de ce^
Chambre font bien le plus exécrable^"
vrage que l'Art ait produit, dans cet A&
d'or. Il n'y a pas un feul bon Air
Tête , pas une bonne Attitude ,
Membre bien deffiné,ni aucune Peu1
qui le falîe remarquer par fa beauté.
La plupart de ces petits Livres c 1
Défcriptions de Rome,qu'on y vend^
Etrangers, atribuent les Tableau-* ^
cette Chambre à Jean Batiste
tano, & à Rinaldo, tous y
Peintres Mantouans, d'une granderePNl
tation. Mais Raphaël borgh n,
(*), de même que V as ari (t)'C]eUr
me je l'ai trouvé depuis, allure qUÉL
véritable Auteur a étéSooOM a\".
„ .tre , dit-il, qui devoit plus à la
1 Dans fon Ripofo. pag. 485.
(7) Parte III, Vol. U.fag, 530.
et Desseins, en Italie. 195:'
'» ture qu'à l'Art le peu de mérite qu'ih rom».
s> avoit. Ce fut Augustin Chigi,
J> Marchand auffi riche que magnifique,
5> qui le mena à Rome, & qui le fit tra-
>> vailler dans fa Maifon fituée de l'autre
" côté du Tibre, où il peignit, dans
J) Une Chambre , Alexandre le Grand,
51 fe prépare à s'aler coucher dans le
" Ht de Roxane: on voit plufieurs Figu-
5i res, & plufieurs Amours qui le des-
'' habillent, & qui répandent des fleurs
î! fur le lit. Au-deffus de la Cheminée *
pfit un Vulcain qui forge des flèches ".
eft arrivé avant que Raphaël
^t fait aucun Ouvrage dans ce Palais,
^is qu'alors ce Maîrre venoit d'arri-
à Rome, où il commença à travailler
le Vatican. En comparant ces Pein-
es de Sodoma, avec celles de Ra-
11()ael au Vatican , on peut voir corn-
^°Qibien le Pape J u l e II. a eu raifon
^faire abatte'les Ouvrages qu'il avoit
peindre dans les Chambres de ce Pa-
ri5 > la plupart par ce S o d o ma , pour
aire place à ceux de Raphaël : aufli
faut-il pas douter , que ce Pape fa-
jvnt n'ait reffenti une joie toute particu-
rlere> d'avoir enfin trouvé un Sujet auflî
~apable que Raphaël,pour bien exé-
^Uter fes grands projets. Néanmoins ce
8rand Maître a laiffé, par modefti.e, quel-
les Morceaux de fon Prédéceiîeur,
N % comme
IjTû' des Statues, Tableaux,
a rome. comme l'Ouvrage de Grotefque qui
au-tour des quatre ronds du Plat-fond»
dans la Chambre où eft peinte XJLcoti
d'Athènes.
Ces petits Livres, dont j'ai parlé
peu plus haut, font fort fujets à caution;
Rosxni , dans celui qu'il a fait, & qui
eft un des meilleurs qu'on ait, dit, q°e
les Tableaux de cet Ignorant (titre
dont Vasari (1) le qualifie fouvent»
lorfqu'il parle de ce qu'il avoit fait dans
le Vatican ) font de j u l e-R o m a i n , &
que la Forge de Vulcain eft de
p h a e l.
lucien (f) fait la Defcription d'uf'
Tableau du Mariage d'Alexandre & Tr
Roxane , dont le Maître gagna le pi'I}*
deftiné pour la Peinture , dans les Jeu*
Olimpiqttes, Elle vaut bien la peine
qu'on la Iife ; quand ce ne feroit qae
pour fe confoler du peu de fatisfa<5îi°fl
qu'on a eu à voir cette mauvaife Peint1?'
re. 11 eft impoffible, que le Tableau
furpafte en beauté la Défcription t\ueccl
Auteur en fait.
Dans une autre Chambre baffe, à cote ^
la Galerie.
La Galatée , peinte par R a p 0 a e Jj
elle eft allez bien confervée ,
1 Parte iïi. Vol. ii. pag, 530.
(f) In Hérodote.
et Desseins, en Italie. 197:'
J16. répond point à l'Idée que je m'en é-*
.j* formée. Le Vifage de Galate'e n'elt
oeau,ni parfaitement biendeffiné. Sa
^raperie , qui autrefois étoit rouge , &
eft volante , outre qu'elle eft d'une
0rttîe desagréable,eft à-prefent fi noire,
^H'e paroît extrêmement pefante ; elle
f même fi taillante contre le fond, qu'il
p^ble qu'elle y foit enchaffée , comme
•! o'étoit une Pièce de Marqueterie; mais
, n'y a point de doute, que cela ne vienne
ce que la Couleur a changé. Au-
, ^fte, le Coloris en général eftdesagréa-
,e3 par raport à fa Teinte , qui eft d'un
■ain rouge noirâtre (*).
Tous les Ouvrages de ce Palais font
pUits à Frefque, à la réferve d'uneTê-
J^Sui n'eft qu'efquiffee avec du Crayon
A°Ir > ou avec du Charbon, par M1 c e e l-
^^e , fur un coin de la muraille qui
hJ5 Pas peinte, dans la Chambre dont j'ai
içr!é en dernier lieu. C'eft la Tête d'un
ejpe Faune , qu'on voit di fotto in fu:
q e eft au-moins une fois auffi grande
ç ^ le naturel, & extrêmement bien
t^ec:titée. Je puis dire pourtant, que
rrean ^ère a une Tête de cegrand Hom-
p*^ aufti belle, quoique moins grande,
j.Q!"Ce qu'elle ne l'eft que comme lenatu-
5 aufti eft-elle plus finie. On peut ju-
N 3 ger
t,
^ en ^ en a une ^amPe gravée par Goltzius;
c°re une autre par Dokigni.
IjTû' des Statues, Tableaux,
a rom*. ger de la haute eftime qu'on avoit pour
les Deffeins de ce Maître, même de Ton
vivant, par le fragment d'une Lettre
que lui a écrite le célèbre PierR?
Aretïn, & que je raporterai ici d'au-
tant plus volontiers", qu'elle contient ufl
éloge curieux de fon jugement dernier {
il elt conçu en ces termes: M à fe V. S. ?
riverita, mercè del Tublico grido ,fin àt
quegli chi ignorano h miracoli del vofir°
intelletto Divino -perche non fi dee cre-
dere che vi reverifica io che fon quafi cd"
pace del fito ingegno fiât aie ? e , per effeï
cosi fiâtto , nel veder il venerando e trc
tnendo vofiro Dï del Giudizio ,mi bagntl
tutti gli occhi con Vacque deW ajfettione ->
hor penfifii di che forte me havrebbon con-
cio lagrime, nel veder l'opra uficita de II*1
fua mano facrofanta ; che fie cio foffe,
tra lo fcorgere gli fipiriti délia vit a natu-^
raie ne' fenfati çolorideiï Arte, rendef?!
grazie à Dio , che mi hà dato in dono il
nafcere al vofiro tempo, U quai cofiatettg0.
vanto fimile al ?nio effere nei çjorm d*
Carlo Augusto. M à perche ,Sign0'
re, non r mimer ate voi la tant a divoZ10'
ne di me, che inch 'mo le celefli qualité y
voi , con una reliquia di quelle carte che
vi fon meno care ? Certo che appre*^6*
due fignï di carbone in un fioglio > f1^ c-
quant e coppe e catene mi prefento
quefio Trencipe e quelle. Di Vene"3»
Aprile, 1544. " Çeit-
et Desseins, en Italie. 199:'
Ceft-à~dire : Mais , fi les éloges queà
Jous donne le Public, vous atirent le re-
Jpefî de ceux mêmes qui ne connoijfent
toutes les merveilles de votre Efprit
a.ngélique , pourquoi ne rendra-t-on pas
Office aux fientimens de vénération que
J ai pour vous, moi qui connais affez fe-
ndue de votre heureux Génie ? Et fi,
ax>cc ces difpofîtions, j ai étéfi touché, en
^ffiant votre refpeEtable © terrible Jour
^Jugement, queJen verfai un torrent
e larmes-, imaginez-vous, je vous prie,
en quel état je me fer ois trouvé, fi j'avois
^ r Ouvrage que votre Main divine vient
e produire. Si j'avois eu ce bonheur,
°utre le plaifir de découvrir les Efprits
J, la Vie naturelle, dans les Couleurs ju-
lpieufes & animées de l'Art, je remer-
Clerois Dieu , de m'avoir fait naître de
°tre tems ; bonheur dont je me glorifie
a^ant, que de vivre fous le Règne de
jJ1 Arles Auguste- Mais,pourquoi,
ff^fieur, ne récompenfez-vous point
°*pmage refpeciueux que je rends à vos
Qualités, par quelque refie de ces
efjelns , dont vous faites le moins de
J*s- Un feul papier avec quelques traits
charbon feroit pour moi un prefent,
fefiimerois infiniment plus que toutes
fJ fi-°upes & les Chaînes qui m'ont jamais
prefentées ^ par quelque Prince que
e Mfe être. De Venife, Avril, 1544.
N 4 On
-ocr page 300-IjTû' des Statues, Tableaux,
s ro^e, On dit, que cette Tête eft la caufe
qu'on n'a pas peint le côté de la Cham-
bre où elle eft, parce qu'alors on auroit
été obligé de l'éfacer.
Comme j'ai eu ocafion de parler
d'A u g u s t i n C h i g i, ce Mécène des
Arts, & grand Patron de Ivaphael,
& que je ferai obligé de le faire enco-
re, je croi qu'il ne iera pas hors de pro-
pos d'inférer ici une petite Note,fur fon
fujet, que j'ai prife de Mr. Bayle; &
qui fera voir aufîi la raifon pourquoi
ce Palais s'apèle aujourd'hui le petit Far-
nefe. Il étoit d'une Famille noble de
Sterne: il fut Intendant des Finances de
Jule H. & il étoit fi avant dans les bon-
nes grâces de ce Pape , qu'il l'adopta
dans fa Famille , quoiqu'il ne lui fit pas
beaucoup d'honneur par-là , s'il eft vrai
que ce Pontife n'a été originairement
qu'un pauvre Batelier. Il y a plufieurs
Écrivains de ce tems-là,qui lui ont donné
le Caractère d'Homme intègre & desin-
tèreflé ; mais, pour prouver ce qu'ils avan-
cent, ils ne raportent pas l'hiftoire qu'en
fait un autre Auteur: la voici. Alanaif-
fance d'un Fils, il invita L éon X. Suc-
ceffeur de J ule , avec tous les Cardi-
naux & les Miniftres Etrangers, à un
fuper'oe Feftin, où il y eut plufieurs fer-
vices diférens, & tous en vailîelle d'ar-
gent ; & à mefure qu'on les levoit, on
et Desseins, en Italie, 2.05»
jettoit la vaifïelle & le refie des viandes^ b-ome;
dans le Tibre , qui coule au pié de ce
Palais, où fe faifoit la Fête , qui fut fi
magnifique , que le dernier fervice n'é-
toit compofé que d'un grand nombre de
langues de Perroquet , aprêtées de cent
manières diférentes. La beauté de ce
Palais, & fa fituation avantageufe a été
fur le point de eaufer la ruine de toute
la Famille , quelques années après : car
Paul 111. de Farnefe fit bâtir le fuper-
be Palais qui porte fon nom ; mais , com-
me il ne contentoit pas fon ambition ,
quoique ce fût le plus beau & le plus ma-
gnifique de tous ceux qui étoient à Ro-
me, il fe faifit encore de celui deC%i,
d'où il fit fortir toute la Famille , qu'il
bannit même de la Ville, fans qu'elle lui
eût donné aucun fujet de la traiter ii
cruellement , & fans que Sa Sainteté fe
mît en peine d'aléguer aucune l'ai fon de
cette injuftice. Il fit donc faire une com-
munication entre ces deux Palais, de
forte que des deux il n'en fit qu'un.
Mais, peu de tems après, je veux dire,
l'an 1655-. Fabio CHiGi,qui étoit de
cette Famille, ocupa la Chaire Pontifica-
le , fous le nom (I'Alexandre VIF.
& la Famine Chigi fe rétablit ; mais
ce Palais eft relié aux Farnefes (*).
(*) Voïez Baïle, à l'Article chigl
-ocr page 302-IjTû' des Statues, Tableaux,
Rome. <-7- » \ r ' J ' 1
.Antique». La Niobé de Marbre, avec fes Enfans
qui font tués , ou qui vont l'être à coups
de flèches , par Apollon & T)iane (*).
J'en examinai feul coures les diférentes
parties, pendant plufieurs heures de fuite.
Les Figures font placées fur un tas de
pierres, qui reflembîe à un Rocher,
grand, environ, comme une Chambre
ordinaire, & d'une forme un peu circu-
laire, mais fans être groupées en aucune
manière ; elles font difpofées tout-au-
tour, par trois, & il y en a trois au mi-
lieu ; & ainfi font quinze en tout, en y
comprenant le Cheval. Cette difpofition
peu judicieufe choque la vue , au pre-
mier coup d'œil. Llles ne font pas tou-
tes d'un même goût : la Niobé & la Fille
qu'elle couvre font divinement bien exé-
cutées ; de même que celle qui relève
avec la main fa Draperie fur l'épaule-
La Tête d'une des autres Filles ne l'eft
pas moins, non plus que la Figure en-
tière d'un des Fils qui eft mort , & qui
eft
1 On voit une Eftampe, dans les Statues de Per-
rier , N°. 87. de tous ces Figures enfemble; mais il les
a difpofées d'une autre manière qu'elles ne font à-prefent :
auffi y a-t-il joint, de fon invention , \'Apollon & la Diane
en l'Air. On en trouve encore des Eftampes de quelques
Figures féparément, dans Pekrier, Stat. N°. 33,34»
<7. 58, 19,60. dans Rossi, Stat, xxxii. xxxin. dans
Bis se ho p , Stat. N°. 6, 7, 33.
et Desseins, en Italie. 793:'
eft la feule qui foit d'un beau Marbre a
'Parien. 11 y a un Vieillard qui paroît
d'abord n'avoir aucun raport avec les
autres Figures, fi ce n'eft qu'il femble
s'éfrayer de quelque Evénement qui ar-
rive d'en-haut, & dont la crainte eft
parfaitement bien exprimée. En l'exa-
minant de plus près, je trouvai que fa
Tête , qui paroît Romaine , fi elle n'eft
pas Moderne, dans toutes les particula-
rités , a aufli la prunelle des yeux mar-
quée ; ce qui ne fe trouve dans au-
cune des autres Figures, En parlant du
Fils mort, j'aurois dû ajouter,que c'eft,
félon mo,,?a meilleure de toutes ces Fi-
gures , <k que , par raport à l'Attitude,
au Contour, & à tous les autres égards,
elle ne cède en rien a aucune de celles
qui font à Rome. Elle n'a été rétablie
nulle part,comme les autres l'ont été: il
eft vrai, qu'elle n'a plus de doigt à la
main droite & au pié gauche, & que la
moitié de la jambe droite , & le nez en
font abatus ; mais ce qui refte du vifage
a l'Air parfaitement beau ; & l'on voir,
dans plufieurs endroits de cette Figure,
les traces du crayon rouge & du com-
pas , qu'on y a faites, pour en prendre
les dimenlions. Toutes celles dont les
mains & les piés n'étoient pas joints à la
Draperie, au Rocher, ou à quelque au-
tre chofe qui les foutint, les ont perdus.
IjTû' des Statues, Tableaux,
uiome. Elles font toutes de grandeur naturelle,
pour ne pas dire plus grandes, excepté
la Niobéy qui l'eft beaucoup plus. L'Air
de Tête de Niobé ,en particulier, eft fort
beau, & celui des autres, en général, ré-
pond aux Figures ; & par conféquent, il
eft plus ou moins beau, à proportion de
ce qu'elles font bien exécutées. Celles
que j'ai nommées font fort belles, & les
autres font médiocres. La circonftance
de cette Mère infortunée, qui couvre
la dernière de fes Filles, pour la garan-
tir , eft admirablement bien décrite par
Ovide (*).
Ultima reftabat, quam totô corporc mater
Totd vefie tegens, tinam minimamque re~
lin que :
De multis minimam poj'co, clamavit, &
unam.
C'eft-à-dire: line reftoit plus qu'une Fille
à cette Mère défilée : elle la couvre toute
entière de Ja robe , & Juplie les Divini-
tés de vouloir bien la lui laijfier : je ne
vous demande , dit-elle , que celle-ci -,
pour me conjoler des autres.
Le Sculpteur s!eft ataché, avec foin,
à diftinguer la Figure principale du relie.
U ne s'elt pas contenté de l'avoir faite
plus grande que fes Enfans ; il l'a encore
placée dans un endroit plus élevé.
Le
(*) Metam. Lib. 6.
-ocr page 305-et Desseins, en Italie. 205:'
Le Laocoon eft un autre exemple re-à rom*;
marquable d'une Diftin&ion de cette na-
ture , en faveur de la principale Figure
du Groupe.
Pline (*) dit, que les Curieux de
fon tems n'ont pu décider, fi ce Groupe
de Niobé & de fes Enfans étoit de Pra-
xitele, ou s'il étoit de Scopas;
mais la plupart des autres Auteurs, qui
en parlent, n'héfitent pas à l'atribuer
au premier (f). On peut juger, par-là,
du Stile du Sculpteur , qui avoit la plus
grande réputation de tous ceux de l'An-
tiquité. Je croi cependant, que tout
le monde conviendra , qu'il fe trouve
d'autres Statues plus parfaites, qu'aucune
de celles , dont je viens de parler ; té-
moin, celles du Laocoon,du Gladiateur,
de l'Hercule de Farnefe, & de la Vénus
de Meâicis ; toutes faites par des Maî-
tres , qui ne font connus, que par ces
feuls Ouvrages. Ajout ex-y Y Antinoiis,
qui eft aufti bon,pour ne pas dire meil-
leur, que les autres; il a cependant été
fait par une Main inconnue, & dans un
tems où Pline fe plaint du mauvais
goût, où l'on étoit tombé , & regrète
les Siècles de la belle Antiquité ; comme
on le peut voir dans plufieurs endroits
de fon Hiftoire Naturelle. Il paroît auffi,
par
(*) Hifl. Nat. Lib. xxxv. Cap. 5.
(|) Voïez juNivs , de Pithtra veterum , Catal,m
Pr axitel.
IjTû' des Statues, Tableaux,
àrome. par c6 que cet Auteur dit, des Têtes
& Homère (*), qu'elles n'ont été faites,
tout au plutôt , que peu de tems avant
lui;cependant, de quelle beauté, & de
quel bon goût ne lbnt-elles pas!
On a trouvé toutes les Figures de la
Niobé, avec les Luteurs qui font dans la
Tribune du Grand-Duc à Florence ,
dont j'ai parlé en fon lieu , en creufant
hors de la Porte de S. Jean , long-tems
après la mort de Raphaël, demême
que la plupart des autres Antiques re-
marquables ; de forte que l'ocafion que
ce Maître avoit, pour faire fon Ftudelur
ces Morceaux étoit bien peu de chofe,
en comparaifon de celle que nous avons
aujourd'hui.
Cleopatre mourante. Cette Figure m'a
frapé plus qu'aucune autre,de celles qui
font dans le Jardin : elle eft trois fois
auffi grande que le naturel ; fa Tête eft
du plus grand Stile Grec,tk l'on ne peut
la comparer qu'à XAlexandre monrant,
dans la Galerie du Grand-Duc. L'Fx-
prefîion en eft touchante ; on voit clai-
rement , qu'elle eft à l'extrémité, mais
fans faire aucune grimace, & fans qu'on
remarque le moindre changement fur fon
vifage , fi ce n'eft que la paupière d'un
œil en eft plus abaiffée que celle de l'autre*
& que le menton paroît retiré. Je grim-
pai
(*) Lib, xxxv. Cap, r.
-ocr page 307-et Desseins, en Italie. 107
pai fur un débris de la muraille de l'an-a row
Ç^enne Rome , pour monter fur cette
figure , afin d'en examiner les traits de
plus près, comme j'avois fait auparavant
ceux de la Niobé, par le moïen d'un
pareil expédient.
Le beau Vafe , avec rHiJîoire du Sa-
Crifice d" Iphigénie (*).
Deux Captifs, dans des Niches, aux
^eux côtés des degrés , qui font à l'en-
tée du jardin : le Vifage & les Mains
'Qflt de Marbre, & leurs Habits de Gra-
tte Oriental.
Dans la Galerie dît Jardin.
Apollon apuié fur un tronc d'arbre : il
p couvert d'une Draperie , il croife les
jambes, & femble jouer de la Lyre ,
«qu'il n'y en ait point. L'Air de Tê-
eft d'une beauté excellente ; les
^eUibres , & le tour du Corps font de
\ ^êtne délicatefle que XAntinous du
fédère; & il a un Cigne à fes piés.
r, " y a,dans cette Galerie,deux autres
J«fues dHApollon, toutes deux Antiques,
refiemblent fort à celle-ci: tout ce
£U!,etl fait la diférence efi , qu'elles re-
gardent en haut, & que l'autre panche
J1 Peu la tête, & qu'elle eft incompara-
ement mieux exécutée.
) -Admiranda fym. Antiq. N°. 18. & 19.
II
-ocr page 308-IjTû' des Statues, Tableaux,
II faut néceffairement qu'il y ait ^
quelque Statue fort célèbre, parmi les
Anciens, dans cette Attitude,à en juger
par le nombre infini de Figures qu'on
voit dans la même Attitude , de mêtfle
que dans celle de la Vénus de Médicï
de XAntinous, & de quelques autres»
dont nous pouvons avoir les véritable®
Brototipes de quelques-unes ; & pouf
les autres, les meilleures Copies que Ie
hazard nous en a fait trouver, nous tien*
nent lieu d'Originaux , & pafient pour
les véritables. Mais, comme je le dira1
ailleurs,quand il y a une grande quanti'
té des mêmes Figures, il elt raifonnable
de croire, que nous n'avons pas eu le bon-
heur de rencontrer l'unique Brototipe»
parce que les aparences font contre nous-
'Une Figure, dans la même Attitude»
& avec la même Draperie, que celle
à'Antinous ; à cela près qu'elle a un C^'
que fur la Tête.
Bacchus ,qui apuieun Bras fur le trO^
d'un arbre, & tient line Coupe à la mat'1'
Il elt exquis , & il a le tour général
Corps très-aimable.
Apollon apuïéfur fa Lyre, & un S^'
pent qui monte fur un tronc d'arbre»,^
"la Lyre elt pofée:il dt parfaitement bie
exécuté.
11 y a un Portique qui fait face alva,'
din,& qui s'apèle le Bortiquedes
et Desseins, en Italie, 2.05»
à caufe qu'on y en trouve deux, dont a
''un eft antique,au moins la moitié; par-
ce qu'il étoit autrefois en Relief fur un
Monument antique, d'où on l'a pris; &
jj a été arondi par Gio. Scerano,
Sculpteur de Fie foie, & l'autre a été fait
Par F l a m IN1 u s V a c c A, pour acom-
Pagner le premier ; mais il eft infiniment
Meilleur que fon camarade.
Une Figure admirable, quireprefente
une Matrone Sabine (*). Il y en a en-
core cinq autres, mais qui font beaucoup
m°ins belles que celle-ci.
Dans la, Chambre qui fait face au Jardin
---cj IJVVI, iz/iycj^wg VM,jcwnc ui/wwc.
^e Baron de Spanheim croit, que
c eft Silène, qui enfeigne le jeune Bacchus,
*nt à caufe des pampres qu'il a fur la
> que parce que Bacchus étoit fon
ciple (t). La jeune Figure avoit le
nez ja jèvre emportés, & l'autre le
nez & ie menton ; mais on les leur a re-
plis. Quelque fameux que foit ce Grou-
pe > il ne me plajr jit pas beaucoup ; &
31 elt certain, qusHes jambes du Satire font
îres-mal-faites.
Une petite Copie antique de F Hercule
e fLarnefe n'eft pas fort bonne : elle
Tome m O efl
" Lf v15 S CPH 0p » Slat* 43*
Jl'l!1" Spanheim , Preuves des Remâïcpee f»?
^mmmiî immm^h " '
-ocr page 310-210 des Statues, Tableaux,
â rome. eft du nombre des petites Statues
font fur des piliers.
Dans la Chambre voifine.
Marfyas ataché à un Arbre, four
écorché (1). Je le trouve au ffi excellé
que celui du même Sujet, qui eft
la Galerie du Grand-Duc , & dontj'aJ
parlé en fon lieu. La jambe droite,
pié gauche , une partie du même br^1
& le nez y ont été nouvellement ajo^
tés: les mains font antiques, & admi^'
blement bien faites : la Tête panchée fu
la poitrine, de même que tout le Corp?'
eft aufii bien exécutée qu'aucune AOtJ'
que qu'il y ait à Rome.
Vn Apollon : il a le bras droit éle*'e
au-deffus de la tête ; & le gauche qu'0?
y a ajouté, mais fort groffièrement, ^
apuïé fur un tronc (f): les piés en Wp
aufii ajoutés. La Tête eft fort bien
cutée ; mais le tour général du Corp^'
aifé & dégagé , de même que le g0^
des Membres, & leurs Contraires, fofi
tout-à-fait exquis. .
Une belle Copie antique de l'HerCW
Farnefe, aufti grande que le naturel-'0^
y a ajouté le bras & la main qui tiefl£le
pommes.
Apol;
1 Rossi , Stat. xxxi. PERRIER, «Mx
Bisschop, Stat. N». çj.
(t) Rossi, Stat, xxxix.
éî Desseins, en Italie, iii
Apollon a (fis fur un tronc à'arbre , Çg * Um
Wi joue de la Flûte ; il a les jambes
croifées. Le Corps & les Jambes font
piques, & d'un goût exquis ; mais la
1 ete , les Bras, & la Flûte , qui font
Modernes, font déteftablesl
Y a deux Globes, dans la première de
Cfr? deux Chambres » & une Table de
v,1.eces raportées, dans la dernière. Les
'gures qui font fur le Globe célefte, &
celles qUi fe trouvent fur la Table , paf-
ont pour être de Michel-Ange.
belles de ce Globe font belles véritable-
ment , & elles peuvent bien être de
bEBASTIEN DELPioMBo;maisilelt
Ce«ain, qu'elles ne font pasde Michel*
? Nc'E. Pour ce qui eft de celles qui
*ont fur ia Table , ce font des Figures
M^i font entre des Colonnes, & qui font
couvertes de Criftal de roche, mais peu
confidérables, & deftinées par quelque
Main d'un rang inférieur.
ce fameux Edifice qui eft ifolé,&quî
orme un quarré parfait, apartient au
Duc de Parme. U a été bâti, ou plutôt
achevé , par Michel-Ange, qui a
cmploïé, pour l'embellir, des matériaux
& desornempw„
eft la Corm-
O %
J oesornemëns, qu'il avoit tirés du Co
Xe ; & dont le principal
haut de la Façade
ii2 des Statues , TableauXj
itoME. Ce n'eft pas-là le feul decesbeau^/1
bris de l'Antiquité , qu'on a défigtf?*'
pour orner la Rome moderne , & ^
tour les Palais des Neveux. Je
ne bien pourtant à l'Eglife de S. cPtl' '
re , d'avoir éré caufe de ce que ^
n'avons plus la Tiramide deScipion^^
fricain (*): quand on envifage la
gnificence de cet Edifice , on ne peU
rien regretter.
Jam nihilô fuperi querimur : fcelera
nefafqne,
Hâc mercedeplacent. _ j
L U CAIN, '
Mais , pour le Palais Farnefe , tj?^
beau & tout magnifique qu'il eft,il11 ? "
fpire que de la douleur & du dé^1 '
îorfqu'on fe fouvient, que fes plus beâ?e
Grnemens font le prix du plus fuper^
Edifice que T Antiquité même ait
: ternie». En entrant par la grande Porte
Palais, on rencontre d'abord une/3*"
Cour, environnée d'un beau P°rt;lclUnI
au-deiTous duquel, & entre les Co
ne s, il y a fix grandes Statues antiqu *
deux à'Hercule , vis-à-vis de la '
& deux autres, c'eft-à-dire , une y0^
& un Gladiateur, à chaque côté de
Cour, à droit & à gauche.
1 On l'ôta.avec plufieurs autres reffesde|#oti<lU~l
pour ouvrir le paffage à cette Eglife.
bt Desseins, en Italie. 2-13
eflV6'^ Hercules qui eft à gauche,àhom*,-.
]e fameux Hercule Farnefe, dont tout
monde a entendu parler ( * ). [e croi,
de6 Cette Figure eft trois fois auiïi gran-
ge S^e je naturei : ene eft d'un Marbre
bhn'e* * beau ' & a forC
je c j mais il a un peu changé de cou-
fe nr'Par ta faite du tems ; ce qui ne laif-
eft fS ^tre avantageux. La Statue
les • confervée, à cela près que
q y ont été ajoutés , par Frère
jjs 'Llaume della Porta; maisdelff^r[m>
av lQnt fi excellens, & s'unifient fi bien
paeye refte de la Figure , qu'on n'eft
tiqS ^é ^e voir q11''18 ne ^ont Pas
p^on ne l'a pas été même autrefois;
!ltîUe peu de tems après, lorfqu'on
airr^ les véritables piés antiques , on
c I mieux laiffer ceux qui y (ont ; &
^ a> Par le confeil de Michel-Ange
c U°,nArroti. Le Maître qui a fait
J celèbre Ouvrage eft G l y c o n Athe-
> comme il paroît par l'infcription ;
paais c'eft là tout ce qu'on fait de lui,
Sue les Anciens n'en ont point
. ^ autre Hercule eft dans la même At—*»»»?*«,
Pi'erv ' ^ ta même grandeur que le
Ce & il n'y a aucune diférence,fi
eft par raport à la bonté ; mais à
O 3 cet
Perrier,
-ocr page 314-iï4 des Statues, Table
î1Mm®. cet égard, il efl: de beaucoup inféré
U y a pourtant des perfonnes à
qui prétendent qu'ils font tous deux"
même Maître ; parce qu'on y voit, je1Çr<V
le même nom, & que, comme il n'^ a
pas content du premier qu'il a fait, a
voulu en donner un fécond , où 11 '
mieux réuffi. Mais il efl certain , clu
celui-ci eft une Copie , moins belle f1^
core que celles du Jardin de Médicis
Rome , & du Palais Pitti à Flore***1
dont je parle ailleurs.
Ces deux Hercules ont été trouvés^
femble, fous les ruines des Bains de ^
raçaila, du tems du Pape Paul III- g
la Maifon Farnefe , environ vingt ^
après la mort de Raphaël.
Proche du premier Hercule , f°uSn^
Portique , à main gauche, en entfi%e
dans la Cour, eft la célèbre Floff6
Farnefe (*). Elle eft , fi je m'en
viens bien , aufti grande que XHeriï,*
mais elle eft beaucoup moins conferv ^
puifqu'il n'y a , pour ainfi dire ,
Corps d'Antique : tout le refte, c'e je
dire , le bras droit, & prefque to^ •
bras gauche,la moitié de la jambe fa
te, avecune partie de la gauche» a c£[
bien que la tête,ont été ajoutés»Par j?,
excellent Maître qui a réparé ïBerCl1 je'
6v. B ss "
stat,
( *) R o s s t , Stat. 11. P £ r & IE R i
s ç h'op, Stat. 40,41, 4z,
bt Desseins, en Italie. 2-13
je veux dire Guillaume della Por-irom bj 4
Ta- Au-refte, cette belle Figure eft re- Gu;iu»m
commatidable par fa Draperie, qui eft la*"'Perî*'
exquife Je toutes celles qui nous
gîtent de l'Antiquité. Malgré fa gran-
deur énorme, elle eft aufti légère & auffi
j 'Çate, que le pouroit être une Figure
^eltinée par le Parmesan. On peut
^ pareillement , que XHercule, tout
r°bufte, & tout charnu qu'il eft, ne pa-
lou t0Ut Pe^an!: ' ^ n a rien
Mon Père a un beau Modèle en terre
de la Flore , d ans l'état où elle é-
[0,t > avant qu'on lui eût remis les Mem-
qui lui manquoient: il eft d'un pié
? demi de hauteur ; mais le goût en eft:
1 eXquis, qu'on ne peut rien s'imaginer
U-delà.
^Les autres Statues, c"eft-à-dire , la
kre qui eft vis-à-vis, & qui répond à
atltre,& les deux Gladiateurs qui s'en-
Je-répondent auffi, ne font pas fort con-
jy^bles.
'y a, entre les Colonnes, proche de
, .Copie de XHercule , fupofé que ce
A ^ne Copie , un grand Cercueil de
arore ouvragé, dont le couvercle ejl
orné © entremêlé de Feuillages & d'^P
finaux. Qn importa en cet endroit, du
tems de p AUL m. après l'avoir tiré du
monument de Cécile, Fille de Métellus
O 4 Créu
ii2 des Statues , TableauXj
• Crétic-us , & Femme de Crajfus ,
les Richefles & la Magnificence futen
la caufe qu'il le fit ériger, non pas p0j?g
lui, ni pour fa Famille , mais pour e11.
feule , comme l'infcription en fait
Ce Monument , qui efl: fur la Voie *
fienne, s'apèle aujourd'hui CapodiBo
Le Maufolée de la Famille de cette
cile efl: aufli fur le même Chemin ,
à une plus grande diftance de la ViHeî
& c'eft-là que fut inhumé le Cofg
d'Ame us, Ami de Ciceron , ^
Fils adoptif de METELLUs,fon Onàe'
On peut lire, en paflant, la belle Epi^
que ce célèbre Orateur lui écrit, à 1'°'
cafion de la mort de cet Oncle , &
commence par ces mots : Cicero S. D-
CœcUio g). F. Tomponiano K_Attico. *
femble , que , par le contrafle du no&
tout court de Ciceron, & des Ti<
pompeux qu'il donne à Atticus > 1
veuille le railler, de ce qu'il a accepté r
nom de Famille d'un Homme qui s'ét°l
tellement fait haïr de tout le Peup'e
Romainy par fon ufure,& par fes ex^j"'
fions, qui étoient les moïens dont il
toit fervi,pour aquérir les Biensimme°'
fes qu'il pofiedoit, qu'après fa mort?'°f
«raina fon Corps par les Rues de la/
le , & qu'on lui fit mille autres incité? *
îés, quoiqu'il fût d'ailleurs d'une ^
|;Ius anciennes, & des plus illuftres.^
Desseins, en Italie, xi;
rn,1^es deRome. Lucullus avoit gé-àrom
nereufement refufé cette Adoption , &
Richefes. Ce Monument, qui n'a été
érigé que pour une Perfonne particuliè-
re» eft fi fpacieux & fi fort, qu'il a fou-
^ent fervi de retraite,pendant les Guér-
is Civiles,qui font arrivées en Italie, à
^rentes reprifes.
Dans la Galerie.
En y entrant, on rencontre d'abord,
^ haut de l'Efcalier, deux Rois Daciens
^aptifs ( * ) ; un à chaque côté, au de-
hors de la Porte ; mais il y a quelques
afinées qu'ils foufrirent beaucoup, de la
Part des Domeftiques d'un Ambaftàdeur
de France,à qui le Duc de Parme avoit
la civilité de lui ofrir ce Palais magni-
fique, pour fa Réfidence. Ces Infolens
°nt entièrement noirci les Statues avec
*eUrs flambeaux alumés, qu'ils frotoient
deftus.
Jecroi,avec Fl a mini us Vacca,
^e le Maître qui a fait ces deux Figu-
es , eft le même que celui qui a fait la
,otpnne de Trajan ; ou plutôt, un de ceux
^ y ont travaillé. Cet Auteur ajoute
Une Conjecture, qui paroît raifonnableà
O s Mont-
H y aune Eftampe de l'un de ces deux Rois cap-
51» » dans Rossi» Stat, lvi. & bissckop, Stat. 75,
î-32- des Statues, Tableaux»
à&oME. Montfaucon (*) qui eft, que Cef
deux Statues ont autrefois fait partie
Ornemens de quatre Arcs, qu'il fupofe à'
■voir été aux quatre coins de la Place de
Trajan , dont la Colonne faifoit le ceti'
tre\ & que la plupart des Bas-Reliefs >
de même que les Rois Captifs fans tête j
qui font à prefent fur l'Arc de Conftan-
tin, ne font que les dépouilles de ces mê-
mes quatre Arcs, qu'on démolit pour faire
honneur à ce Prince.
En entrant dans la Galerie , on voit
d'abord ces fameufes Peintures en Fref-
que.d'annibal Car a che. J'en par-
lerai, après avoir conlidéré quelques An-
tiques qui y font encore, aufti bien que
dans les autres Apartemens.
Vn Mercure : c 'eft précifément la mê-
me Figure que XAntinous du Belvedere,
à cela près qu'elle a des Ailes aux pies»
& un Caducée à la main Ct). Elle eft
parfaitement belle & bien confervée. Je
pourois croire, qu'elle a été d'abord def'
iinée pour un Antinous, de même qu'une
fécondé Statue, qui eft dans cette Gale-
rie , & plufieurs autres encore ,qui repré-
sentent Mercure. On trouve fouvent*
qu'Antinous porte les marques de Met"
(*) Voïez Y Itinéraire de Montfaucoh , pag-
«— z6i. , 1
(f) On en voit l'Eftampe, dans la Galkria IWele*
gravée par P. AqjJii a,
et Desseins, en îïalïe. 219
cure y fur des Médailles, particulière-a
fur celles que les Bithyniens , fes
^ompatriotes, ont faitfraper à fa mémoi-
"ï,e (*). On peut voir , fur cela , une
Médaille que je citerai d'ERizzo,lorf-
je parlerai des Chevaux qui font fur
le Mont Cavallo.
La Tête de Senèque : dans toutes celles
S^e j'ai vues de ce grand Homme, il elt
reprefenté avec un Air févère,& farou-
che , & même avec la Mine d'un Mifé-
rable : il a les cheveux non-feulement
Négligés, mais même mal-propres, tout
riche, & tout grand Courtifan qu'il ait
été.
La fameufe Tête d'Homère , faite de
Marbre T arien. U a eu le nez emporté 3
*ïiais on le lui a parfaitement bien remis.
Cette excellente Pièce eft d'un Stile
Cm-, le plus parfait ; mais je ne iai quel-
le autorité on a, pour dire, que c'eft la
ï'êted'Homère: il y a,au-contraire,une
forte raifon pour croire, que ce n'eft
Pas fa véritable reflèmblance , puis qu'il
certain que, du tems de Pline, on
n'avoit
( *) Voïez. Spanheim , Differt. vii. De ufu & pr&fl*
&c. Inde fadum etiam •vïdem , dit-il , quoi jam crudité
tnonutt Triftanus, ut Mercurii habita cum Talaribus, aui
<~*duceo depitfm fit ifle Divus ( Antinous) ,ex aliquotmm-
Ctviutn forum Bithynienfium. On trouve à la page
547. Tom. L ia Médaille de T r i s t a n , fur laquelle cet
V^eur a fait plufieurs Obfervations curieufes, au fujet
nàte r>es Voïei auffi les Médaillons du Sé-
f^eut buo^aboxta»
-ocr page 320-î-32- des Statues, Tableaux»
à r.ome. n'avoit rien decePoëte, qui nefûtd'fo1"
vention. Comme le Paflage eft fort
court, je le raporterai ici: Non eftprœ~
tereundum & novitium inventum ; Jîqui-
dem non folùm ex aura, argentove , aut
certè ex are in Bibliothecis dicantur illh
quorum immort aies anima in locis iifdeffî
loquuntur ; quin imo etiàm qui non funt,
finguntur , pariuntque defideria non tra-
diti vultûs, Jicut in Homero evenit (1).
C'eft-à-dire : Je ne dois pas paffer fous
fdence une chofe qui efl entrée depuis peu,
dans f efprit de nos Curieux. C'eft qu'on
place dans les Bibliotèques les reprefen-
tations faites en Or & en Argent, ou dti
moins en Bronze, de ces grands Hommes,
dont les efprits immortelsfemblentparler
dans ces endroits-là, par le moi en de
leurs Ouvrages. On ne fe contente pas
même, démettre les Images de ceux dont
les traits font venus jufqu'à nous ; mais
' on en invente encore, pour reprefentef
ceux dont il ne nous re[le pas la moindre
connoiffance , pour nous faire regretter
davantage cette perte, comme cela eft ar-
rivé à l'égard /Home're. Le P^re
harduin (f) cite une fort belle Dé-
fcription d'une Statue de Bronze de çP
Poète, traduite par Grotius , d'une
pigramme Grèque; mais, comme elle eft
1 Edit. d'HARDUiN. Tom.II. Liv.xxx*- CaP'*>
pag. 260,
(î) Ibid,
-ocr page 321-et Desseins, en Italie. ajtf
îort ample, je medifpenfe de l'inférer a r0m®,
ici.
Hercule, avec une quenouille, & Dé-
janire, couverte d'une peau de Lion. Ce
foflt deux Figures d'environ deux piés
de hauteur. Hercule fait des fouris afec-
& contrefait un Air éféminé , tant
fon Vifage , que dans fon Aftion;
aiMieu que Déjanire le regarde fière-
ment. Cette Invention elt auffi belle,
^Ue l'Expreflion en eft fpirituelle.
Un Apollon, apuïé fur fa Lyre, avec
la main droite par deffus la tête, en Pier-
re noire (*): c'eft la plusbelleStatuequî
foit dans cette Galerie. Il y en a, à
Rome, beaucoup d'autres, dans la même
Attitude ; & , autant que je m'en puis
îouvenir, une à Florence , dans les Jar-
dins Boboli du Palais Titti; mais, de
ÎQUtes celles-là , il n'y en a pas une qui
foit fi bien exécutée que celie-ci. La
Meilleure des autres eft le Torfe, dans les
^rdins de Mécène à Rome ; mais ce
^'eft qu'un Torfe.
Un Bacchus , d'un bon goût, & te»
Mercure dans rAftion de l'Antinous ,ex-
îraordinairement bien exécutés.
Une Tête de Veflale , avec une Dra-
perie déliée qui la ferre tout-au-tour,
^u%ies fous le menton. Elle paroît une
Fille
,, en voit l'Eftampe de P. A cmj 11 a , dans la
gdferçi Fartuji, -------- ~
î-32- des Statues, Tableaux»
à rohe. Fille de feize à dix-fept ans , & elle 3
l'Air le plus innocent & le plus gracieux
de toutes celles que j'ai vues à Rome, à
Florence, ou ailleurs. J'en fus li frapé»
qu'elle me retint fort long tems à l'exa-
miner, fans penfer même aux Tableaux
de Carache. Ï1 n'y a que la Lïvie de
Mattei, ou autrement Fauftine, la jeune,
que je fâche,qui foit à comparer à cette
Veftale. La Livie efl une Figure entiè-
re, qui reprefente une Matrone , avec
le plus grand Air de jeuneffe qu'on ait
jamais eu à vingt quatre ans ; cependant»
également vénérable &majeftueux, mal-
gré la grande douceur & le bon naturel
qui brille fur fon Vifage. Quoiqu'elle
foit affez habillée , pour une Matrone»
elle ne laiiïè pas de faire voir une taille
la mieux faite, & la tournure des mem-
bres la plus délicate & la plus aifée du
monde. Elle a la Tête couverte de la
même Draperie , qui fert à tout le refte
du Corps ; & elle la relève avec la Main
fur fa Poitrine , qui, fans cela, auroic
été trop découverte :cette Main efl auffr
couverte de la Draperie ; mais elle paroî1"
à travers, avec toute la grâce imaginé
ble. Cette Aêlion de la Main a encore
ce bon éfet, qu'elle éloigne du Corps .
Draperie qui tomboit en avant ; ce cl1]1
empêche qu'on ne voie trop de
Dans cette Statue , tout infpire le Rf^
et Desseins, en Italie. 2,2,3
au-lieu que, dans la Veftale, on dé-àRoM3si
pP^re une certaine Innocence de jeune
0 , j & une Beauté touchante & plus
amilière. Au-refte,ce font toutes deux
ues Portraits. La Vénus de Médicis, en
^Ualité de Statue , eft d'un Caraftère
p111, à-fait diférent de celui de Livie.
^ qui charme le plus , dans la Vénus,
r Une certaine Simmétrie, une Iégére-
ie> unedélicatefle , une douceur dans
,e tout, qu'il eft impoftible d'exprimer,
.tnême que ce Contrafte enchanteur
nous touche , fans favoir pourquoi.
Ailleurs, la Tête n'en eft pas à compa-
à celle de Livie , non plus qu'à pla-
ins autres, tant Anciennes que Mo-
ines ; & en particulier, à une qui eft
rat>s FEglife de S. "Pierre, fur le Tom-
^u de Paul III. de la Maifon de
^arnefe , & qui fait une des Vertus qui
J 'Ont reprefentées, de la main de G u 1 l-
]/uM-e della Porta,dont j'ai par-
1 Plus haut, au fujet de l'Hercule ,8c àQ
* Flore de Farnefe. Je croi même, que
les parties de la Vénus, à les con-
0 féparément,font moins parfaites
jiUe Plufieurs, qu'on trouve, par-ci,par-
J ?. dans diverfes autres Statues ; quoi-
1! ^ en ait pas une qui renferme au-
ant de" beautés enfemble,que cetteacU
«irable Pièce de Sculpture. C'eft ainfi
la Vénus Qallipgis de Farnefe fur-
paffe
-ocr page 324-2,2,4 DES Statues, Tableaux»
» ko un. pafle de beaucoup celle-ci, & toutes-Ie®
autres Statues du Monde , par raport à
fa partie poftérieure,qui elt entièrement
découverte ; mais fa Tête eft de beau-
coup inférieure à celle de la Vénus
Mèdicis , comme fa Draperie l'eft aull1
à celles qui fe trouvent en d'autres Sta-
tues. Il y a pîufieurs de ces. Morceau^
comme Y Hermaphrodite Borghefe , qul
ont de plus belles Mains, & les Jambes
mieux faites,que cette Vénus-, mais elle
les furpafte tous, par raport aux Poignets»
& aux Jointures des piés, & de tous IeS
autres Membres. Il y a une autre VénUs'
qui fe trouve placée juftement à côté
celle-là, & qui eft affurément fans défa^»
à l'égard de pîufieurs de fes parties ; mais,
on y remarque une efpèce de roideur
fur le tout ; elle ne porte pas la Tête
avec grâce ; & la tournure du
n'en eft pas fi agréable ; qui font p
tant des chofes qui frapent d'abord &
c'eft ce qui fait qu'on ne la regarde pas»
fur-tout en prefence de l'autre. Je ne dou-
te pas, que la couleur de la VénusàQ
dicis n'atire la vue, plus qu'on ne fe 1
ffiagine; & il eft fûr, que la T>aph^ dc
B e r n in , dans la Villa Borghefe > ffa~
peroit encore plus qu'elle ne fait à Pre"
fent,fi elle avoit reçu la même couleur
par la fuite du tems ; car il eft certain»
que, par raport au nombre & à la qu*-
et Desseins, en Italie. ajtf
de fes Beautés, elle ne cède en rien a rohI
c.aucune autre Statue d'Italie, tant An-
enne que Moderne. Elle a encore cet
q^ntage, qu'outre l'Air & la Taille
b]ee a ' d'une jeune Dame ia plus aima-
p ' elle eft contraftée par les mêmes
rv^tés, d'un jeune Homme, qui eft A-
de ùn ' v*ent J°in(^re- Ce
j J^r a le regard craintif & égaré, les
p ^res entr' ouvertes ; & après toute la
r 'ne qU'ii a prife,pour l'ateindre, il ne
, "touche qu'en tremblant,& en retirant
j n Peu le Bras ; ce qui marque la Pallioft
P'us forte, acompagnée du plus grand
Bernin n'a pas jugé à propos
iuivre les proportions de la Vénus i
• j^ans la Taille de la "Daphné, qui eft plus
aute & plus mince, & qui n'a pas cette
^'Jarrure de Hanches,qui rend la Vénus
^ reîi3arquab)e : mais cette diférence dé-
en quelque façon, de leurs Atti-
res. L'une eft debout & un peu pan-
v ce qui lui fait paroîfre les Han-
k* 2s Plus larges ; au-lieu que l'autre, pour
ei\courir,doit avoir là Taille plus dé-
én^r ' par conséquent j être moins
Q, . s en cet endroit. Après tout
,iuotque ia <Daphné ait les Beautés dont
cen'eQi ^ parler, & beaucoup d'autres*
Pendant je n'ai jamais douté de la re-
ouver toujours dans la même place,,
1 oiqu'elie foit reprefentée , comme fi
lofne m p ellgi
içz des Statues, Table aux»
ï rome. elle couroit ; au-lieu qu'il me fembl^
à tout moment, que la Vénus aloit de"
fcendre de fon Piédeftal en bas.
Ce qui m'a engagé à cette digreflip^j
& à faire le parallèle des Statues, e e
que j'ai dit, que la Tête de la jeune VeJ
taie, eft une chofe des plus engageant^
que j'aie vues en Italie , & qu'il u 1,
rien qui lui puiffe être comparé, <îue,>a
Livie de Mattei ; & la raifon qui me1 __
fait avancer eft, que la Modeftie & l'*?'
nocence de l'une, & la Vertu vénérât»1
de l'autre me paroiftent préférables ^
Beautés, aux Proportions, aux Atti[ '
des gracieufes, à la Délicateffe, au
dre de la Chair , & à l'Animation
me, ou à quelque autre qualité °s
puiffe trouver dans la Peinture, ou
la Sculpture. g
^Annibal C&- La Galerie Farnefe eft allez conflu"
tach'' fous ce nom, ou par celui de la Gaieft^
de Carache. Elle a été peinte
cifément au commencement du
paffe, & il ne paroît pas qu'elle ait f° ^
fert la moindre chofe , par le tems »
par quelque accident que ce foit ;
que pourtant elle ait été tant foit P^
endommagée , fuivant ce qu'eu
Bellori (*); & comme on I?
juger, par les réparations qu'on y ^
1 Dans fou Livre des Tabltaux de Rap'iae "
pag. 81.
et Desseins, en Italie. ajtf
Cette Galerie a environ foixante rom*„
,lncl.piés & demi de longueur j & près
ce v'lngt & demi de largeur. Les deux
^îes lont divifés, par des Pilaftres, en
0 P1 e^paces, dont les trois plus grands
t L P^Us de fix pies & demi, & les qua-
p^j Petits un peu plus de cinq piés. Ces
n; , tes fervent de foutien à une Cor-
j , furmontée d'une Frife qui a plus
j ^ dix piés de hauteur , & qui règne
^'at-au-tour de la Galerie. Les fenêtres
du côté de la Chambre opofé à la
[ : elles fe trouvent entre les Pi-
j ies} au-deflbus de la Corniche & de
3 ^rife ; & comme ces fenêtres font fpa-
jIepfes,& les vitres fort grandes,la Ga-
er,e eft très-claire.
. Au côté opofé aux fenêtres, il y a $
ntre les Pilaftres, des Niches garnies
Statues Antiques, dont quelques-unes
J11- > au-defîus d'elles, deux petits Ta-
l'un fur l'autre, avec desQuadres
(?erInts, & des Ornemens qui s'étendent
j Wà la Corniche. Au-deffus des au-
jres.' il y a des Buftes de Marbre s avec
Jeunes Garçons, des Feftons, ou de
pliables Embelliffemens de Peinture.
je<es pièces font difpofées de façon s que
]PJ , le aux fe trouvent dans les efpaces
les i étroirs' & les Buftesdans
defT targes ; excepté feulement au-
~iJus de la°porte qui eft au milieu , où
p % l'ora
r
22.8 ces Statues, Tablea^»
l'on voit un Tableau d'une grandeura '
fez confidérable, au-lieu de Garçons
de Feftons : c'eft une Vierge qui
brajfe une Licorne ; ce qui eft la Devj
de "la Maifon de Farnefe ; & là eft YT
cée , au-delfus de ce Tableau , une d
ces Têtes qui font dans des Niches. ,
y a un petit vuide entre le dernier Pi'a^
tre , & les coins de la Chambre : ile
rempli d'une petite aparence d'un autr
Pilaitre, avec la Valeur, & la Modéré
tion d'un côté,& la Jufiice & la
té de l'autre, peintes dans des Ovales?3'
compagnées d'Armoiries & d'Ornei^eI1^
Grotefques. Entre les fenêtres, on a F3^
cé des Statues dans des Niches, ®e'
vant lefquelles , de même que deVa°
celles qui fe trouvent vis-à-vis , il T,
des Bulles fur des Piédeftaux , rang?
aux deux côtés de la Galerie. J'ai àfl
parlé de ceux d'entre eux qui font Ie
plus remarquables.
Au Plat-fond , il y a trois Tablea0*'
dont l'un a plus de vingt trois piés d
longueur, & la moitié autant de hauteu^
il reprefente le Trïomfe de Bacch»s
Ariadne, acompagnés de Silène t ^
Satires, & de Faunes. 11 eft entre a
autres Oftogones, dans l'un defqtff jeS
peint Taris, qui reçoit la Tomme n
mains de Mercure, & d'ans l'autre >
qui donne la Laine à Diane. Ils ont au- ^
ët Desseins, en Italie. 2,2,9
{Ji j
de Ç & hauteur » & P*us à
Hie r* largeur:i!s fbtit,com-
ral autres Tableaux , en géné-
p §arnis de Ouadres, & d'Ornemens,
7ts> enrichis, & rehauffés d'Or,
eft tf e des ^eux 'a Galerie
cjJPartagée par des Pilaftres peints, pré-
av ^ent au-deffus des réels, dont nous
ici ns déjà parlé; ce qui fait, qu'il fe trouve
. pareillement trois grands efpaces, &
tiU* petits.Les premiers font remplis de
^ , 'eaux, peints en Couleurs naturelles,
pç-es derniers font garnis de Médaillons,
Çt) ^ d'une Teinte verdâtre ; & pour
le r-peiî(lre la difpofition plus agréable ,
o^^bleau qui eft au milieu eft plus grand
fiir 1 s autres » ^ il déborde tellement
Cou Pilaftre , de chaque côté , qu'il
0n e une partie du Médaillon voifin.
v0- comprendra mieux la chofe, en
le Plan que j'en ai levé, quoique je
av^ Pas donné la peine de le faire
dinf e3faditude, pas raport aux véritables
néc2}fions, Parce clue -ïe ne Fai Pas iu§é
llaire; cependant, il en aproche.
à Rom*,
le côté opofé à la fenêtre , les
fléaux, & ies Médaillons font (1) Ga~
P 3 latéç-
-ocr page 330-î-32- des Statues, Tableaux»
Rome, latée acompagnée de Tritons , de NitftfeS'
& d'Amours. (z) Jupiter & JunO11 »
entre les Médaillons d'Apollon qui écoï-
che Marfyas , & de Bore as qui empoiïe
Crythie (3 ) Diane & Endymion, entfe
ceux d'Euridice , qui eft reportée a^
Enfers , & d'Europe montée fur le 'Tau-
reau. Le grand Tableau de l'autre cô-
té de la Galerie reprefente Aurore &
Céphale fur un Char , traîné par deU?
Chevaux: le vieux Tithon eft endormi»
& Cupidon s'envole en l'air, avec un P3'
nier plein de Rofes. Cette Pièce &
Peinture eft entre celle de Vénus
chife, & celle & Hercule & lole , qu!
ont auffi de chaque côté leurs Médaillon^
le premier eft acoropagné de celui
Cupidon qui fe rend maître duDieuT^1*
& de celui de Salmacis qui embrajfeHfr:
maphrodite ; l'autre a Syrinx pourfufo16
de Tan, & changée en Rofeau,
dre à la nâge , conduit vers Héro , îar
Cupidon.
A chaque bout de la Galerie , il Y*
trois Tableaux de diférentes formes ^
grandeurs ;& ils font placés l'un fur
tre. Celui du milieu eft fur la Frife
me ; & , comme les autres grands *
bleaux de la Frife des côtés, dont n.0^
avons déjà parlé , il couvre une Part£
des Médaillons, qui font à fes côtés»
qui ont les mêmes Ornemens que
J tres«
et Desseins, en Italie. ajtf
très: ce Tableau monte pourtant plus*
haut que la Frife. Celui qui eft au-
deflus, & qui a trois piés de haut, eft
moins large que celui du milieu ide forte
qu'il refte , à chaque côté , un petit ef-
Pa?e > qui eft rempli par deux Satires,
font aftis fur le Quadre même du
Jahleau le plus large , & s'élèvent aux
«eux côtés de celui qui l'eft le moins.
Les Satires,avec tout le petit Tableau,
<5 la partie du grand qui furpaffé la Fri-
font peints fur le tournant de la
v'oute,qui commence depuis le haut de
cette Frife , & va fe terminer en Arca-
de jufqu'au Plat-fond, qui eft véritable-
ment plat.
.Le plus bas de ces trois Tableaux rem-
plit toute la largeur du bout de la Gale-
je. Il eft fuporté par trois Efc laves nuàs
^ aftis,un à chaque bout, & le troifiè-
î^e au milieu: ils font peints d'une cou-
de Bronze qui tire fur le verd. Le
kujet de l'un de ces Tableaux d'en-bas
^erfée & Andromède ; & celui de
!autre eft le Combat de Ter fée Çg de
PhineaSt L'un des deux du milieu re-
Vrefente Toliphème qui pue de la Mu-
J£te, Galatée ; & l'autre le même
°liphènie, avec le morceau de Rocher
p'** eft fur le point de jetter à Acis.
dans les deux plus petits, pla-
cés enhaut, c'eft , d'un côté , le Rapt _
P 4 de
î-32- des Statues, Tableaux»
I M Mi.de G anime de ; & de i'autr Hyacinthe &
Apollon.
Ces Tableaux & ces Médaillons fonc
acompagnés fort magnifiquement. On
a placé fur les faux Pilaftres, excepté
ceux que les grands Tableaux couvrent
en partie, des Thermes de couleur de pie1"'
re, qui paroiffent foutenir le Plat-fond-
Au-deffus des Médaillons, il y a deux E^
fans , un de chaque côté , qui defcefl-
dent environ jufqu'au milieu , où com-
mencent les Figures dejeunes Hommes
auffi juftement devant la bafe de chaque
Therme. ' Ces jeunes Hommes, de mê-
me que les Garçons font peints de leurs
couleurs naturelles, & font enfeinble
une efpèce de cercle , pour aflortir ce-
lui des Médaillons. De plus, il y a des
Figures dejeunes Hommes debout, q11*
n'ont que la Tête envelopée , ou cou-
verte de Draperie , & qui repofent ^
côté du petit Tableau,proche du grand
qui eft placé au milieu , & elle font,
aufîi bien que les Thermes , de coulem'
de pierre. Le tout efl enrichi de Qy3'
dres qui environnent les Tableaux» ^
Fêlions, de Mafques, &c.
A chaque coin de la Chambre , Wf a
deux jeunes Garçons qui font peints
dans leurs couleurs naturelles, fur
efpèce de Baluflrade, tout proche de a
bafe des Frifes. Ils font difpofés de telle
1 fltë*
-ocr page 333-et Desseins, en Italie. ajtf
manière, que l'un eft au côté, & l'autre»
au bout de la Chambre , les Bras entre-
lacés des Thermes qui pa lient au-deftus
de leurs Xêtes ; & ils expriment l'inten-
tion de l'Ouvrage entier. Il y en adeux?
a l'un de ces coins , qui lutent enfem-
'ej& qui reprefentent XAmour Divin,
tâche de remporter la viffioire fur la
\°lupté, la Raifon fur la Pafiion ; & au-
deffus d'eux , une Couronne de Laurier
rayonnce, pour faire voir la récompenfe
due à la Vertu qui l'emporte. Dans un
autre coin, c'eft le même Amour Divin,
qui veut arracher à Jon Adverfaire la
Torche d'Impureté, pour ïéteindre. Au
^'oifième , c'eft encore XAmour Divin
enlève la Palme à la Conçupijcence.
Ënfin au quatrième,/h1 deux jeune s Car-
Çons fe tiennent par la main & vont fe
bai fer, pour faire voir que les deux for-
tes d'Amours ne font pas incompatibles.
Après cette explication , on découvre
Îaciîement la raifon pourquoi on a fait
choix des diférentes Hiftoires & Allé-
gories qui font ici reprefentées. La
■bacchanale du Plat-fond eft la plus gran-
de Pièce , & celle qui paroît le plus de
toutes, pour nous faire entendre, que
Intempérance eft le fondement & la
lource de tout Vice. Mais ce feroit me
*"endre ennuïeux, que de vouloir m'éten-
davantage fur ces explications. Ceux
P 5 m
î-32- des Statues, Tableaux»
u'omz, qui font difpofés à s'amufer à de telle8
matières , peuvent le faire à loifir , en
fuivant ce que leur diéiera leur jugement
& leur imagination. On a des EftampeS
de toute la Galerie (*); & d'ailleurs,
Bellori en fait une ample Défcrip*
tion , dans la Vie d'annibal Cara-
che (t).
La Peinture eft à Frefque, & je croi,
la p!\us parfaite du Monde, dans fon ef-
pèce. On n'y étoit pas fi habile du tems
de Raphaël, & l'on s'y eft beaucoup
perfectionné depuis. La Coupole de
S. André délia Valle , faite par L a n'
franc, eft à la vérité un Chef-d'œu-
vre , par raport à fon éloignement pro-
digieux ; mais, dans cette Galerie, on voit
toutes les beautés du Frefque , réunies
à tous les avantages de la Peinture en
Huile.
En éfet,untelCaraéière ne fe trouve
que chez Annibal Carache, qui
pofiedoit lui feul les diférentes qualités
excellentes qui fe rencontrent féparé;
ment dans pîufieurs autres Maîtres qui
l'ont précédé. C'eft aufti par l'étude de
leurs diférens Ouvrages, qu'il s'eft fof
mé un Stile de Peinture véritablement
excellent, tant par raport à la Penfée j
que par raport à l'Exécution, comme on
peut
(*) Gravées par Pierre Aquila , & encore
d'autres.
(t) Vite de P'tttori, &c, pag. 44. & fuiv.
-ocr page 335-et Desseins, en Italie. 2,2,3
peut ie voir dans cette Galerie , plutôt * romE?
que par-tout ailleurs ; parce que c'elt
l'Ouvrage le plus confidérable , que ce
grand Homme ait jamais fait. On y
trouve une Manière de penfer abondan-
te, riche,folide, & judicieule ; des Ex-
Pfeffions aufli fortes que juftes ; un Co-
loris qui tient le milieu entre la gravité
de celui de Raphaël , & la gaieté de
* celui du G u 1 d e , & qui aproche de ce-
lui du Correge, dont cet excellent
Maître avoit fait fon étude particulière :
on y trouve les nobles Attitudes & les
beaux Contours de l'Antique, & de
l'Ecole Romaine, mais un peuraprochée
de la Nature commune, cependant dans
Une Manière fort grande & très-coulante:
on y trouve un Stile, & une façon d'ha-
biller les Figures, qui s'écarte plus de
l'Antique, que celle de Raphaël, &
Sui tient plus de ce que nous trouvons
dans Charles Maratti, '& dans
les autres Maîtres Modernes , mais en
même tems excellente. En un mot, on
V trouve tout ce.....j'ai penfé dire,
Won peut fouhaiter, en fait tout ce
de Peinture.
Mais j'ofe afliirer, qu'il eft dificile de
conceVoir qu'on puifle voir plus de bel-
:es chofes enfemble; quoique féparément
31 foit poflible de trouver dans un Ou-
vrage plus de Dignité, dans un autre
î-32- des Statues, Tableaux»
iRoMit. plus de Beauté, dans un autre encore une
FxprelTion plus forte , &c , cependant»
elle ne le fera pas de beaucoup , à bien
confidérer le Sujet.
Les Tableaux de cette Galerie font
des Hiftoires fabuleufes, allégoriques,
& poétiques, & outre cela, extrêmement
gaies & agréables ; mais qui ne laiffent
pas de nous aprendre des Vérités Mora*
les , & de nous fournir des Inftruétions
Théologiques. La Peinture répond à
cette façon d'écrire poétique ; les véri-
tés en font claires,mais elles font agréa-
bles & acommodées au goût, par leurs
diférens Ornemens. Le Peintre fupofe,
que les Fables qu'il nous reprefente,ave®
leur Sens Moral, font fufifamment con-
nues: ce font-là fes Vérités toutes nues?
il les a embellies d'une variété admirable
d'acompagnemens riches, nobles, &
bien-imaginés. La Gaieté & l'Agrément
des Hiftoires les peut foufrir ; mais ils
auroient été exceffifs, file Carache
avoit traité fon Sujet, autrement que
d'une façon poétique. Si ce Maître, au-
lieu de ces Hifloires , avoit dû peindre»
pas exemple , les Sujets des Cartons de
Hamptoncour , il lui auroit falu faire de
grands Tableaux, nullement embaratfés
de beaucoup de Figures Académiques,
quoique de couleur de pierre , comme
auffi de Mafques, de Satires & de Gro-
tefqueSs
-ocr page 337-fet Desseins, en Italie.
tefques ; mais, dans le cas prefent , il » romïi
^certain,qu'il a parfaitement bien penfé,
^ qu'il a traité fon Sujet dans un Stile
convenable. Cette Galerie étoit defti-
*jee pour un endroit de Magnificence &
e Divertiffement, & en même tems
P0.^ édifier ; mais avec cela, ce ne de-
c°it être qu'un Poeme , & non pas un
ertrion.
r Quoique la plus grande partie de cet
^rage foit peinte par Annibal mê-
il y a cependant des Morceaux qui
lont de fon Frère Augustin, comme Cti
g Qalatée & /' Aurore. La cDevife de
farnefe,qui efl: au-defilusdeîaporte, efl:
Do mini qu in, comme on peut ai- Dmimpw
jéinent le remarquer; car, quelque beî-
le.qu'elle foit, elle eft foible, en compa-
raifon du refte : il y a même aparence
Sue ces deux Maîtres, & peut-être en-
core d'autres, ont eu part fur-tout aux
^rnemens de cet Ouvrage. Louis C a-
rache y travailla quelques jours ; &
Pendant ce tems-là , il peignit une des
jlgures qui femblent fïiporter le Mêdail-
du Syrinx. On ne voit jamais aucun
Deffeiti de cette Galerie , quoiqu'il loin
certain ^u'Annibal en a deftiné tou-
tes les FigUres d'après Nature, & qu'il en
a fait pîufieurs études diférentes, outre
ceux qu'il modéloit en Argile. La rai-
ton de cela eft, qu'ils font tombés prefq ue
î-32- des Statues, Tableaux»
s rome. tous entre les mains d'un feul particulier;
puis qu'Angeloni en avoit jufqu'à
fix-cens, comme il Je dit lui-même,dans
fon Iftorïa Augufta, & qu'il y avoit pour
une feule Figure plus de vingt études di-
férentes , par exemple d'Hercule, à cë
que nous en aflure le Chanoine Vic-
toria, dans fes Obfervatipns fur Fel-
Jîna Tittrïce (1). Aujourd'hui, tous ces
Deffeins font dans la Colledion du Car-
dinal * * * * à Rome. Cependant,mon
Père a , par bonheur , un grand Deflein
en crayon noir, de la Femme qui eft au
milieu de la Bacchanalequijoued'ufl
Infiniment d'airain , avec les bras au-
deflus de la tête. C'eft un des meilleurs
Morceaux que j'aie jamais vus d'ANNf-
bal , & nous avons vu deux ou trois
Defleins moins confidérables de cet Ou-
vrage, faits par le même Maître.
Ce grand Ouvrage avoit été d'abord
ofert à Louis Carache, comtne n
paroît par la Lettre originale,que lui en
écrivit le Cardinal Edouard Farnefei
& qui étoit entre les mains du Com^
M a l v a s i a , comme il l'allure, dans
Vie des Caraches (f), où il rapo*^
aufli beaucoup de particularités,
concernent cette fameufe Galerie » .
quoi il n'eft pas trop favorable auwf^1
et Desseins, en Italie. 2,2,3
^Annibal; auffi difére-t-il extrême-j
ment du récit queBELLORi (*) avoit fait
auParavant de cet Ouvrage. Ils peuvent
avoir raifon tous deux, à certains égards;
ce qu'il y a d'affûté, c'eft que l'un
','autre tâche de recommander le mieux
^il peut celui qu'il favorife. Mal-
asia s'eft ataché à Louis, parce
M avoit travaillé fur-tout à Bologne,
atrie de cet Ecrivain ,& qu'il avoit,par
^nféquent, beaucoup plus d'ocafionsde
j^ù'e la Défcription de fes Ouvrages,
^ellori, au-contraire, à pris le parti
.A n n 1 b a l , parce qu'il a fait fon prin-
c*Pal Ouvrage à Rome, qui eft le Théa-
tre de fon Eloquence. Mais il femble,
Wil y a dans le fimple récit de Mal-
,vasia , fondé fur des Lettres origina-
,es, & fur les témoignages de plufieurs
jJerfonnes vivantes, plus de vrai-fem-
h'ance, que dans toute la Rétorique de
^ellori.
, ANNiBALya emploïé les huit meil-
!eUres années de fa vie. Il auroit eu fu-
]et de croire , que cet Ouvrage devoit
lettre , non-feulement au. delfus de
1 mdigence } mais même au-deffus des
revers de la Fortune : cependant, il en
Arriva tout autrement, & ce fut même la
CaUfe de fa perte. L'Hiftoire en eft af-
fez
^ fuir1)3115 Ia Yia d'A n n i e a t Carache, pag. 44.'
-ocr page 340-î-32- des Statues, Tableaux»
à &0M®. fez connue, pour que je me difpenfe d®
la raporter ici.
On voit encore aujourd'hui, uneLet'
tre datée de Rome le 15. Juillet 1609'
que Monfeigneur Agucchi écrivoitàU11
de fes Amis, au moment même qu'A11'
nibal venoit d'expirer,& qui elt con-
çue en ces termes :
„ Je ne fai par où commencer ma Let-
„ tre: je viens devoir, en ce moment»
„ Signor Annibal Carache paflef
„ de cette vie à une autre ; & je ne doU-
„ te point que ce ne foit au Ciel. Corn-
„ me la vie lui étoit devenue onéreufe*
„ & qu'il ne fe trouvoit bien nulle part»
„ il prit en dernier lieu le parti d'alef
„ chercher la mort à Naples; mais, ne
„ l'y aïant pu trouver, il eft revenu dans
„ cette maudite Saifon, où le changement
„ d'Air eft ordinairement fatal, pour
„ l'afronter à Rome. Il y avoit quelque*
„ jours qu'il étoit de retour, mais af;
„i lieu de fe ménager, il s'eft abandonné
„ à toutes fortes de desordres ; ce qul
„ l'obligea, il y a fix jours, de femettre
„ au lit ? & il vient de mourir, au momenc
„ même que je vous écris, deux heUfeS
„ après le Soleil couché " (*).
C'eft ainfi qu'annibal Caracvhe
mourut de chagrin, comme fon frer?
Augustin avoit fait, fept ans avant lu'-
K Le nf
1 Feljtna Piitrice, Part. III. pag. 44$.'
-ocr page 341-i
Eï Desseins, en Italie. 2.4Ï
yeur Coufin Louis en fit de même,*R<SM*
trlx ^s après Annibal, pour s'être
^"otnpé , par raport à la diftance d'un
nd Ouvrage qu'il avoir peint, dans le
ne: en éfet,après qu'on eut
m atu les échafauts, fa Peinture parue
ttitrueufe d'en-bas (*).
"Dans la première Chambre.
fe Callipygis ( f ). Tout îeNud qui
^°it en cette Antique eft pour le moins
j;1!1 beau, que celui de la Vénus de Mé-
Va ls j & la Draperie qu'elle relève de-
p nt elle eft fort bonne ; mais le bout qui
en-bas eft en lignes droites & fans
^ ention : la Tête eft Moderne & fort
Un iVa^e' Comme j'avois vu auparavant
ant cette bel'6 Figure , avec les
de qui font à l'Académie Françoife,
je"s ^atues Antiques les plus excellentes*
hçCOî\fidérâi alors toutes les diférentés
autés de celle-ci, avec celles dè queU
fonS aut;res Figures de Femmes qui y
(car on a l'avantage de voir quan-
dan Ie '3e^es cho^s en même tems, &
Vai r même endroit ) ; mais je la trou-
va J.uPérieure à toutes, par raport aux
Far£es qui font nues.
2W* me v«ir une Tête,qu'on difoit
etre
«î plfin4 pitt*"> l'art. III, pag. 41^
M' 5!««i, Sttt.vti
î-32- des Statues, Tableaux»
jr»me, être celle de Byzas, Fondateur de Cofi'
jlantinople. Ces fortes de Tradition®'
quelque abfurdes qu'elles (oient, font ar
fez ordinaires à ceux qui ontlaconan?1.'
fion de faire voir ces Curiofités ;
qu'ils les aient reçues d'ailleurs, ou
fe trompent eux-mêmes , & qu'ils c0lî'
fondent les chofes par leur ignorai'
Quoiqu'il en foit, c'eft la Tête de cVar.
te : j'en ai vu plufieurs de ce Poëte '
comme dans le Dôme de Florence, df ^
la Colleftion du Grand-Duc , chez
leéteur Balatin à Duffeldorp , dafls
Deffein de mon Père, &c. Je recon*111
d'abord, que c'étoit ce grand HonU11
& les Curieux , qui la connoiffoiefl^
avouèrent que j'avois raifon. Elle
cependant pas été faite du tems d
Dante : l'Ouvrage en eft meille^1" t
plus moderne ; & elle eft excellern0^11'
bien exécutée. g
Vénus baïfiée , & Cupidon qui ^ ,uS
avec elle. C'eft une Pièce une fois P..
grande que le naturel,& très-belle
de Tête en eft fort bon.
Dans la fécondé Chambre.
Une Tête de Salujle ïHijlorien »,
bien faite : il eft vrai que le nom n Y,orj
point ; mais il fe trouve fur la foflte 9U
en a à Duffeldorp. ^
-ocr page 343-et Desseins, en Italie. ajtf
à Rome.
Chambre feinte par Tadde'e z>u~
zuccaro,
^ C'eft l'Hiftoire des Actions d'Alexan-
J"e farnefe ; mais elle n'eft pas à com-
pter à l'Ouvrage de Caprarole, ni à
e,(]Ues autres Ouvrages de ce Maître.
p^îbal Car a che auroit peint une
d i^bre entière de ce Sujet, fi la gran-
r-e^tude qu'il avoit faite, pour la Gale-
j & le peu de reconnoiflance qu'il
r°tiva , ne lui avoient pas dérangé la
Dans la Sale.
^n Groupe de Figures coloflales, qui
.Ptefente Alexandre Far ne Je, couronné
p? la Vittoire , & les Tays-Bas à fes
en Parle beaucoup: je ne trouve pas'mê-
?e.» Su'il foit fait mention nulle part de
^Maître.
IJeux figures de Marbre couchées,
uont pune reprefente l'Abondance, & ,
autre u Charité, toutes deux fort bien
„aites> par Guillaume della Por- ,
T ^ 1 dclU Port».
Apollon : il eft aprochant, ou à-peu-
même que cet autre fameux, qui
" dans le Jardin de Médicis , avec les
Q. ^ jam-
{. f, taillé par Simon Machelli;&»^
il n'eft pas des meilleurs, quoiqu'oncheU"
î-32- des Statues, Tableaux»
jambes croifées. Ici, il joue de la
mais quelque excellent qu'il foit, il11 e
pas à comparer à l'autre.
Sous un Apantis en bas.
Amphion & Zethus qui, par
gfV
d'Antiope , atachent T)ircé , avec îl
groffe corde , aux cornes d'un TaUVe ^
fauvage (*). Toutes ces Figures .
placées fur un Rocher; & elles font P
grandes que le naturel ; auffi font-®'6'
faites de la grande Manière Grèqul '
fans s'aracher aux minuties. En unif0^
tout ce Groupe eft grand & vafte ; ^^
on y remarque quelquefois du fec » •
fur-tout, peu de délicatefle. Les AD
maux font d'un goût médiocre , & 1°
trouve bien de la pauvrete dans lacord '
On apèle ordinairement ce Groupe
Taureau Farnefe.
Cette corde, qui eft atachée aux c° ^
nés du Taureau eft d'une longueur
lidérable ; & quoique détachée de5
très parties du Marbre , elle a li
échapé aux injures du tems,& auX aCu s
dens qui arrivent ordinairement à c
fortes d'Ouvrages , qu'elle eft
toute entière. ^
Ce Groupe pafte pour être le plusgran^
de tous ceux des Statues Antiques» <1
foient taillés d'une feule pierre
1>J0 Iq0>
(*) Rossi, Stat. xlviii. Perrier, Stat.r* •
-ocr page 345-et Desseins, en Italie. ajtf
de ceux dont 011 a la connoiffan- à
jjluycar celui de la Niobé eft compofé de
be le^rs Figures détachées. Il eft d'un
au Marbe blanc» de la hauteur depius
piés ; & le Rocher, qui en fait
çje f e> a environ dix piés & deux pouces
t3cr °n§Ueur & de largeur, pris dans fes
r^^^ites ; car i! n'elt pas d'une forme
jç^père. Je n'en ai pas pris moi-même
Cp *'tnenfions; mais il me femble, que
v^Uon m'en a dit eft jufle. C'eft l'Ou-
d'Ap0LL0Nius , & de Tau-
tr;sCus d t Rhodes: on croit, qu'il fut
ï an'porté à Rome du tems d'A ogus-
£& que c'eft le même que celui qui
L 0,t devant la Maifon d'AsiNius Pol-
(*). i a été trouvé dans lesTher-
CàfS Caracalla , du tems du Pontifia
je 3e Paul ML qui le fit mettre dans
! a'ais Farnefe. Mais, comme il avoit
e hnfé,le Cardinal Neveu, donna or-
e de le réparer ; ce qu'on fit, fans
Q 3 qu'il
r*\ „
3'Au 'roeux Hiftorien & Orateur , fous le Regne
C4l °"stb : il fut Oonful , avec C n. D o m i t i u s
des Statues, Table aux»
à roms. qu'il fût néceftaire d'y ajouter rien de
nouveau , parce qu'on n'avoit pas per^u
la moindre partie de cet Ouvrage. Mi-
chel-Ange étoit d'avis qu'on le l'éta-
blît, pour en orner une Fontaine, com-
me il croïoit qu'il avoit fait autrefois.
On peut lire là-delTus Vas a ri (*)»
quoiqu'il fe foit trompé , par raport au
Sujet de ce Groupe.
Voici comment Hygin raconte lefair»
qui eft le Sujet de ceGroupe(t):
,, tiope , Fille de Niffée fut ravie pf
„ Epaphus, & par cette raifon, répudie^
„ de fon Mari Lycus ; après quoi Jupi-
ter coucha avec elle. Dircé, que
Lycus avoit époufée , après ce divor-
„ ce , remarquant qu'Antiope étoit en-
„ ceinte, crut que Lycus avoit un com-
„ merce fecret avec elle ; de forte qu'elle
„ la fit garotter,& enfermer dans un lieu
33
33
„ obfcur. Mais Jupiter l'en fit fortir
„ fur la fin de fon terme ; & comme el-
„ le vouloit s'enfuir fur le Mont Cytbj'
„ ron , elle acoucha en chemin de
„ thus & àAmphion : & il y eut
„ Bergers qui prirent foin de leur
„ cation. Lorfqu'ils furent en âge' f
„ qu'on leur eut raconté l'Hiftoh"e,
„ leur Mère, pour la vanger,ils
( *) Par. III. Vel. II. pag. 75-?.
(j) Dans fes tables, Chap. VII.
et Desseins, en Italie. 2,2,3
55 rfent T)'trcé aux cornes d'un Taureau à Rome,
» lauvage : & elle périt ainfi miférable-
» ment ".
Peut voir > dans les Eftampes, la
niere en général , dont le Sculpteur
conte l'Hiftoire, autant que l'Attitude
tenH figures la peut faire en-
a • re : mais, pour les Expreffions, & les
f■ rs de Têtes, qui font admirables, il
j Voir ce Groupe merveilleux. Les
jj Px Frères font voir fur leur Vifage un
c °le Couroux,&un défir deVangean-
e«' la Crainte & la Trifteffe de Dircè
& aUffi exprimée d'une manière forte
Juchante.
, Une Statue Equeftre de Ce far Augufte,
e Marbre ( * ), dans la même Aétion
celle de Marc-Aurèle. Il tient des
j^tties de la main gauche , au-lieu de
J^e : fa Chlamide elt boutonnée, corn-
ai? celle de cet autre Romain , & les
j] en font d'une très-belle Invention:
p a l'Air d'un jeune .Homme , & il n'eft
Ifi grand que la moitié du naturel,
fo Bufte d Antinous, très-beau, deux
ls aUfîi grand que le naturel. Il y en
autre,à-peu-près femblable àcelui-
a
ci
1- rwrés du Palais Giuf-
^ > au haut des Degrcs au
îlniani. . CmH1p(: & de
n On trouve autant de de
Suites d'Antinous , que de La Y em
(*) Rosji, Stat. U"»
-ocr page 348-des Statues, Table aux»
irome, Médicis, & par-tout la même reflet?--
blance , & les Cheveux difpofés de »
même manière ; je veux dire, qu'il5 lul
couvrent le front prefque jufqu'auxf0"1"
cils. Ï1 y a aparence, que les Nobles R0"
mains gardoient chez eux un Antin^Sy
pour faire par-là leur Cour à Adri6n'
& que c'eft ce qui a caufé le grand nû®'
bre qu'on en a aujourd'hui. Us ont toUs
l'Air mélancolique ; & c'eft en cela, co10'
me en un Naturel, moins hiliorique 9ue
très-exaéî, qu'ils diférent des MercP&
& des Apollons, outre les Marques par'
ticulières à ces Divinités ; car d aillent
ils ont tous les mêmes proportions. ^
Deux excellons Torfe s , dont l'un
çoloflal, & l'autre beaucoup plus gran^
que le naturel. Us font auffi du plus paP
fait Stile Grec, & bien confervés. ^
a aparence , qu'ils font & Apollon, ?.e
Mercure , ou à! Antinous ; du moins >1
font de la même proportion qu'eux.
Plufieurs petites Têtes de Dieux V0*
mejliques, apelés Lares, placées fur des
Tablettes, qui font le tour de la
bre.
Dans le Cabinet,
^iu a r- peint par A n n, i b a l-C a r r a c H
Il y a un Rond au Plat-fond , ou l'o®
Ypit Hercule, qui délibère fur le
ftfîsks*
et Desseins, en Italie. 2,2,3
|u H doit prendre, ou de la Vertu, ou du\
1 tce\ & où l'un & l'aqtre tâche de l'en-
§ager dans fon parti. Il eft encore dans
des Ovales, aux deux bouts du Plat-
?ncl 5 dans l'un, il foutient le Globe , &
dans l'autre , il fe repofe. Au-deffus de
a Pprte,on voit Circé, qui donnelaCott-
V * ^liffe-, dont mon Père a le Deffein;
dans un autre Tableau , vis-à-vis de
^lui-là, ce T rince eft lié au Mât de fon
^avire. Au côté qui fait face à la'fe-
utre , font les deux Frères Catanéens
fai emportent leur Tère © leur Mère,
£°Ur les dérober à la mort, dont les
Menace la fureur du Mont Etna ; corn-
ue auffi le Tableau de Ter fée avec Me'-
-Ne. Toutes ces Pièces de Peinture
jont à Frefque, excepté le Rond du Plat-
qui eft en Huile , fur un canevas
Sui y eft ataché. Les Figures des deux
^vales ont environ quatre piés de hau-
les autres n'en ont pas trois éfec-r
; non-feulement parce que la Cham-
re eft petite , mais aufîi parce qu'il n'y
â Pas un Tableau qui defcende plus bas
celui qui eft au-deffus de la porte?
on a cependant mis au-deflous d'autres
*Tleces de Peinture , mais qui font peu
^e chofe. Celles d'ANNiBAL même
re plaifent pas beaucoup , quelque bel-
es qu'en foient les penfées, comme on
B£Ut le voir par les Eftampes qu'on en
içz des Statues, Table aux»
âRowa. fuite n'eft cependant pas complète, n
plus que toutes les autres que j'ai vues»
à Rome , ou ailleurs; c'eft-à-dire, qu'il
n'y a point de Galba, j'entends en Bufte»
comme on me l'a aftiiré ; car pour des
Statues, il s'en trouve, & j'en ai vu.
Sur le Mont Palatin (*).
On découvre de ce Jardin l'Arc de
Janus, le Temple de la 'Paix, la Place
apeléeles Rojlres, le Temple de RomU'
lus, le Marché aux Boeufs,&c. Ce Jar-
din eft fur les Ruines du Palais d'A^-
gu/le.
Untiqncsi Là, on voit la Statue de Poppée, FeW
me de Néron , que ce Prince rua d'u°
coup de pié , dans le tems qu'elle étoit
enceinte. Elle eft affile fur fa chaife»
avec un Air mélancolique, & panchée
en arrière: elle a les mains étendues
les genoux ; dans l'une elle tient le pou-
ce de l'autre ; & elle porte les jambes
peu en avant. Son Air de Tête mêla"'
colique eft exquis ; & il eft certain, que
cette Statue eft une des plus belles de
toutes celles qu'on voit à Rome-, fur-tout
^ par
(*} Ce Jardin n'eft pas contigu au Palais : il eft
un autre Quartier de la Ville ; & il apartient à la Faml '
Farnefe.
et Desseins, en Italie. ajtf
par raport à l'Expreffion, qui nefauroit*
être p!Uv touchante.
Dans une des Chambres du Palais de
de ce Jardin, je ne me fouviens pas dans
laquelle , il y a une Cléopatre , Mère de
'Ptolomée , & Fille de Marc-Antoine &
de Cléopatre, Reine d'Egipte: elle s'a-
P^loit auffi Selène, c'eft-à-dire ,1a Lune,
*:0rï>me on donnoit à fon Frère le nom
re Soleil : fa Figure eft debout & três-
h'en faite. On trouve, dans le Couvent
Oes Chartreux, une Tête en Bronze de
Ce Btolomée , qui fut mis à mort par les
°i"dres de Caligula,parce qu'étant entré
dans l'Amphithéâtre avec un Habit ma-
stique, il s'atira les regards de tout le
Peupje , au préjudice de ce Prince. 11
*eprefente un jeune Homme fort beau ;
le travail en eft d'un très-bon goût:
11 a fur la tête un Diadème , avec des
tr°Us, où, félon toute aparence , on a-
v°it mis des joïaux, de l'or, ou quelque
autre chofe de cette nature : fes yeux
font d'argent, & ils ont au milieu deux
jacinthes, au-lieu de prunelles ; & il a
*es lèvres faites de deux plaques d'or.
J? ne lai comment des Maîtres, qui don-
nent de fi beaux Airs à leurs Figures,
P0livoient tomber dans ces abfurdités;
^Pendant,elles n'étoient pas fort extraor-
dinaire*, parmi les Anciens, fur-tout par
raPort aux yeux , même dans les meil-
leurs
des Statues, Table aux»
s r e m b. fuite n'eft cependant pas complète, n°n
plus que toutes les aurres que j'ai vues»
à Rome , ou ailleurs; c'eft-à-dire, qui1
n'y a point de Galba,j'entends en Bulle»
comme on me l'a afluré ; car pour des
Statues, il s'en trouve, & j'en ai vu.
Sur le Mont Palatin (1).
On découvre de ce Jardin l'Arc de
Janus, le Temple de la 'Paix, la Place
apelée les Roftres, le Temple de RomU'
lus, le Marché aux Boeufs,&c. Ce Jar-
din eft fur les Ruines du Palais d JM'
gufte.
u»t!i»,si Là, on voit la Statue de Poppêe, Fert'
me de Néron , que ce Prince rua d'up
coup de pié , dans le tems qu'elle étoit
enceinte. Elle eft aflife fur fa chaife»
avec un Air mélancolique, & pancliée
en arrière: elle a les mains étendues fur
les genoux ; dans l'une elle tient le pou-
ce de l'autre; & elle porte les jambes un
peu en avant. Son Air de Tête mélaO*
colique eft exquis; & il eft certain,que
cette Statue eft une des plus belles ^
toutes celles qu'on voit à Rome, fur-tcaC
par
1 Ce Jardin n'eft pas contigu au Palais : il eft
un aurre Quartier de la Ville ; & il apartient à la Faml "
farnefe.
et Desseins, en Italie. ajtf
Par raport à l'Expreffion, qui ne fauroit » rom^
être plu-, touchante.
I^ans une des Chambres du Palais de
de ce Jardin, je ne me fouviens pas dans
Quelle , il y a une Cléopatre , Mère de
-\tolompe , & Fille de Marc-Antoine &
e Cléopatre, Reine YEgipte : elle s'a-
£e,°it auffi Selène, c'eft-à-dire, la Lune,
,0fT>tï!e on donnoit à fon Frère le nom
5\e Soleil : fa Figure eft debout & très-
faite. On trouve, dans le Couvent
es Chartreux, une Tête en Bronze de
Ce Ttolomée , qui fut mis à mort par les
^rdres de Caligula,parce qu'étant entré
dans l'Amphithéâtre avec un Habit ma-
stique, il s'atira les regards de tout le
eupie , au préjudice de ce Prince. Il
^Prefente un jeune Homme fort beau ;
•j travail en eft d'un très-bon goût:
J1 a fur la tête un Diadème , avec des
r°Us, où, félon toute aparence , on a-
V°it mis des joiaux, de l'or, ou quelque
JUtre chofe de cette nature : fes yeux
d'argent, & ils ont au milieu deux
j^inthes, au-lieu de prunelles ; & il a
,es lèvres faites de deux plaques d'or.
,ne lai comment des Maîtres,quidon-
50,ent de fi beaux Airs à leurs Figures,
Pouvoient tomber dans ces abfurdités;
^Pendant ,elles n'étoient pas fort extraor-
""naires parmi les Anciens, fur-tout par
raPort aux yeux, même dans les meil-
leurs
des Statues, Table aux»
leurs Siècles de l'Art. Et afin que Ie
tout fût uniforme , les Pères du Cou-
vent lui ont mis un Colier au tour
cou, avec des joïaux, & une MédaiUe
d'or du même Ptolomée.
Cela me donne ocafion de remarquy
ici, qu'il n'eft pas fort extraordinaire ee
voir des Statues , en partie de Bronzf'
comme la Tête , les Mains, & les Pi£?'
& le refte de Marbre. On a quelque^
mis des joïaux aux oreilles des Statuej '
c'eft aufli ce qu'on dit de la Vénus ef
Médicis, & d'une autre Statue de Vén^fi
qu'alexandre Se'vere fit orner
la même manière. On a fouvent choliî
la couleur du Marbre , comme la pluS
propre à exprimer le Cara&ère des rf£
fonnes, qu'on vouloit reprefenter : c'e,
aufti par la même raifon , qu'on a
le Bronze avec le Fer (1).
On fit, l'An 1721. une grande décou'
verte , en creufant dans un certain
droit de ce Jardin : on y trouva les Bfn!
&Augufte, encore tout entiers. C'éto1
un Edifice de la dernière magnificence'
& d'une Architeéture très-excellente 1
étoit fort bien confervé , & orné d'^Jj
grande quantité de riche Marbre, ^
1 Voïez les Remarques de m affei , fur
de Méduis; & la Préface qu'il a faite au Livre de s' Lf
de Rossi; & celles du Sénateur BuonaroI11'
Médaillon» antiques.
et Desseins, en Italie. ajtf
^orphire , de Serpentine, & de G kilo*
nique. jj y avoic même des Chambres
raient peintes d'une manière digne
5lècîe de ce Prince. Mais tout cela
f" detruit aujourd'hui ; & l'on m'a af-
p re 5 qu'on en tranfporta les matériaux,
P ndant la Vacation du Siège de Rome%
i?Preslamortde Clement XI. Mont»
r»AtJC°N, dans le troifième Volume de fois
1élément, nous a donné la Façade de
t es Bains, avec les Peintures, en qua-
~ ? £ftampes , qui font le Sujet du prê-
ter Chapitre de fon feptième Livre.^
v ^utre que cet Edifice eft un des plus
ailes Palais de Rome, on y trouve ua
bï?s grand nombre & Antiques , & de
leces de Peinture, qu'en aucun autre;
, ni les unes, ni les autres ne font
{J8 toutes du meilleur choix ; & il y a
V,ufieurs Antiques, qui font du Bas-
Cependant,celles qui ne font
excellentes, par raport au travail,
Peuvent, malgré cela , être , avec rai-
a fort eftimées d'un Antiquaire. Oa
tu x gfands Volumes in Folio des Sta-
ges, (jes gufles, & des Bas-Reliefs de
e Palais (* ), dont la rareté, & les au-
tres
(*) Sous le titre de calUm Gmfiim»».
-ocr page 356-des Statues, Tableau*»
âitoME. très chofes, qui les rendent eftimabl^
en relèvent de beaucoup le prix,
Au1
• refte ,j'ai marqué celles qui m'ont lepîuS
touché.
Dans la Cour.
vintiqms. Un très-beau Bas-Relief Jqui re préfet
te une Hiftoire inconnue : ce font
gens qui, dans le rems qu'ils adorent 1®
Dieu Terme, font furpris par des
lins (*). Suivant une Copie que P0'.
lidore en a faite, dans un Deflein »l!
faut, ou que cet Ouvrage ait été bieil
confervé, jufqu'à ce tems-là, ou quec.e
Maître ait fupofé , de fon Idée, les Vl-
fages; & même quelques autres partieS?
car, pour le prefent, il n'y a pas un âe
ces Vifages qui foit entier; & la Piècea
beaucoup foufert par-tout. Montf a0^.
con (f) croit bien, que ce Bas-Rel*e
reprefente quelque trait d'Hiftoire
ticulier ; mais, dans l'incertitude
eft, il n'ofe parler plus positivement, &
il fe contente de dire , que c'eft une ir-
ruption que des Scélérats font fur de*
gens endormis.
Dans les Chambres hautes.
Apollon , avec la peau de
qu'il vient d'éêorcher. Il la tient
/'ht-
1 Voïez Y Admirant*, N». «a.
(f) Tom. IV. Pl. xj.
fet Desseins, en Italie.
jhifonnée , & jettée négligemment fur uoflii
lon bras ; de manière cependant qu'on
v°u la peau du Vifage,qui marque tou-
te la peine j & toutes les douleurs qu'il
foufertes C'eft une belle Invention
du b
n
ne laiffe pas de faire voir tout ce
'' devoit y avoir de plus excellent, &
dificile , dans celle de Marfyas.
•J?Utez à cela,que ce Vifage du Satire,
^ '-Uiarque de la douleur , ferc encore
j..!,e'ever la beauté du Dieu. On en voit
lampe, dans les Volumes dont j'ai
ki Martire de S. Pierre : c'eft un Ta-
^ eaU fait l'An 1637. par Lue Salte-^^A
"•Ei-Li, Génois : il efl d'une grande Ma- '*
llere, & d'un beau Coloris,
js c's Têtes d'une jeune Femme , d'un
. leiUard, & d'un jeune Garçon-, peints
Cqrre'ge ou le Parmesan, &
ï^ je m'imagine avoir été faites pour le Par""f"n'
I agleau d'une Madonne. La Main de
p sHeUime paroît décider, que c'eft dix
ar^esan. C'eft une Peinture à Fref-
- > fur ime pièce de muraille.
ur une Table, dans une autre Chambre
. ,;n Christ mort, entre les bras de Ni- mîm-m^
od^ne, ou de Jofef d'Arimathée : il eft de
fe- ^pteur , qui * quoiquil n'ait def-
poll reprefenter que la Figure d'A-
des Statues, Tableau*»
a Rome. Marbre en petit, mais merveilleufetflen£
bien travaillé, par Michel-Ange*
Dans la Galerie.
umiqm. Une Tête co lofa le de Jupiter, d U tD^*
leur Stile Grec.
Silène, avec fon Broc. Mon Père eîl
le De lie in en deux vues diférentes > ?â
Jule-Romain. ,g
Capronie couchée, auffi grande q°eAû
naturel. Cette Figure elt, à l'égard
Stile , une des plus belles que j'aie '
Btnin. La Statue du Fils de Bernin, fort bi£
exécutée, par fon Père,
Umique,. Dne jfoe de Faune : c'elt une des tf>Êl
leures que j'aie vues auffi.
Un Méléagre, qui elt bien la meil'ea'
re Statue de toute la Galerie.
Une Minerve : cette Figure elt
bout ; elle a le Cafque, & les autres
ques ordinaires ; & elle elt plus gr3°'^
que le naturel. On prétend, que c'e ..
principale Pièce de la Galerie ; &qu. j3
a coûté foixante mille écus,y comprl^eS
Tête , qui n'a été trouvée qu'après^
autres parties, & qui en a coûté elle :f?
fept mille. Je ne puis pourtant pas d11 '
que cette Statue me charme, autant q
quelques autres de cette Galerie; Pra L
qu'il me femble,qu'elle a quelque choie
roide, & qu'elle n'a pas l'Air dégage
£* Desseins* en Italie. 2.j9
'Dans une autre Chambre* i
M adonne s de Raphaël, x^h.
dg p P^mière Manière, comme auffi
Qu l Pe'ruguin. Il y en a
* FpUes-unes de ce premier Maître,
nié ,coloriées d'une excellente Ma-
c'elt-à-dire , qu'elles font fortes,
c!aires en même tems.
Dans une autre Chambre.
Herculey de Bronze, en petit : i! eft "tmiquti
%fCellenc- Qn l'a trouvé dans les Ther-
^Agrîppine.
^ Mercure, auffi de Bronze, de la mê-
n ? hauteur , & merveiileufement bien
>par F r a n ç o 1 s d e Q u e n o 1, dit
^umingo.
p e Portrait de Jule II. peint par R a-
celui pour lequel a été fait
4 n e'n trouve dans le Cabinet
toir^Uc de DeVonshire ; mais il é-
^ 1 dans un lieu ft reculé, & dans un fi
C0>S jour , que je n'en ai pu juger
]ÇpTltîle ii faut, non plus que de toutes
je au.tres Curiolités de ce Palais, que
pan vues qu'à la hâte , & que je n'ai
]> • ocafion de revoir, comme je me
jsen°ls. Propofé ; de forte que tout ce que
]a j1 dis ne fe doit prendre, ni au pié de
ru e^re , ni être enviiàgé comme une
*hole pofitive.
R % cDan*
-ocr page 360-î-32- des Statues, Tableaux»
Dans la Sale des Domefiques.
Deux excellentes Statues, à'^poll^
ou d'Antinous, qui ont les jambes ci"01
fées.
Au haut de fEfcalier, avant que d,e0er
dans la Sale.
Le fameux Haut- Relief d^malt^'
qui mûrit Jupiter (1). Les Figures£
font prefque auffi grandes quelenai^'2'
Il n'y a rien à remarquer, dans
Palais, que le fameux Méléagre (I ,
Bien des gens l'ont pris pour Ado^ '
mais je ne voi pas pourquoi ce jeU
Homme, qui a été tué par un Sang'1^'
devroit porter , comme en triomfe > ^
Hure de cet Animal ? Cette Statu? ^
fi excellente, qu'elle peut aler de P'r>
avec X Antinous & X Apollon ; cepen<^
elle aproche plus du Caradère de ce
nier, qui eft plus robufte que
Le Marbre en eft extrêmement
tranfparent. L'Air du Vifage en Et^
culier eft fort touchant:il n'a ni la ,,Ml
té, ou la Mine réfrognée de XJfr 's
ni l'Aparence mélancolique qui r j^ns
a s.0 m e,
(f) Ro s si, Stat. cxu. Pshkie v.,st*t- IN
-ocr page 361-et Desseins, en Italie. ajtf
daiîl t0Utes les Statues> Bulles, ou Mé.».i«u
ts que j'ai vus & Antinous.
apart enant au T rince de Paleftrine.
7)
p J Lion, d'un goût excellent, tranf-
ici d'un Maufolée qui étoit près
çj qui a été détruit aparemment
Pg(tems d'urbain VIII. de la même
fl^'le. p. Santa Bartoli a don-
av Ur)e Eftampe du Monument entier,
fç-ec le Lion qu'il a prife d'un Def-
Sue P. de Cortone en avoit
> avant qu'il fût détruit.
Dans une autre Chambre.
r
je ^ Tête & les Mains d'une Dame, par je Tit.n ;
ïtien. Les Mains font mal defli- e ""
je es> mais la Tête eft parfaitement bel-
^ " 'Air en eft beau , la Manière gran-
l & le Coloris clair & tranfparent.
jut ! tuhre(fe de raphael ' peinte par
fj . romain: c'elt la Copie d un O-
^g'nal qui fe voit aufli (Jans ce Palais,
dont je parlerai inceflammenr, fait par
rnAr>HAEL même. Le Coloris en eft
Tau'ais> & le Defiein en eft dur. Ce
o b'eau apartenoit autrefois à la Reine
HrïstiKe de Suéde.
î-32- des Statues, Tableaux»
uoue. Le T or trait de Dante : il eft de ^
même grandeur,& il a la mêmerefieffi-
blance,que le Deiiein que mon Père
a: il eft de profil, & il a le même Bofl*
net , à cela près qu'il eft couronné de
Laurier, & que le Vifage eft tourné de
l'autre côté. 11 eft très-bien deflîné, &
bien colorié,
Dans une antre Chambre encore.
Plufieurs Deffeins de la Coupole d*
CoRRE'GE,enchaftés dans des quadres»
& couverts de glaces ; mais ce ne lfnt
tous que des Copies. Plufieurs autres
Defleins, suffi copiés, ou peu confidé"
rabies.
Dans une autre Chambre.
Le Tortrait Original de la Maitreft
de Raphaël, peint par lui-même. 11 e/
beaucoup moins dur & mieux Golorie»
que n'eft H Copie de Jule Roma"!'
mais malgré cela,j'ofe dire qu'il ne
pas d'être allez defagréable; parce
lui a donné un teint brun & obfcur >
l'air fort trifte : les yeux & les che^eu:<
font d'un noir de Maure , & les trf ^
du Vifage en font groftiers. Ce
pourtant pas ce qu'on trouve dans la Ve"
fçription véritablement Italienne »
et Desseins, en Italie. i"jt' -
^jt l'Auteur du Livre qui a pour titre, à j
^des Barberini (*) en ces termes:
"fimus occurrit nobis Raphaël, infpi-
c}endamque offert nobilijjimam tabulant,
quâ dimidiatam pulcherrima fœmhue
JjSuram depinxit, lineamentis atque co-
tam artificiofè anïmatam, ut pro-
Jetto dixeris è tabula profilire, non modb
Vtventem, fed blandè exanïmantem in-
c®utè eam ïntuentes, cuï plané nee Cam-
Paipen illam, &c. C'eft-à-dire: Le pre-
~"ll(-'r qUe n0us rencontrons ejî Raphaël,
lui 0 rre à notre vue un excellent Tableau,
fi'y ' •
® ^l a tiré une très-belle *Dame yjufqii à
ceinture : il l'a animée d'un Coloris &
e Traits fi artificieufement mis en œuvre,
(ille non-feulement on diroit qu'elle eft en
, quelle va for tir de fa place ; mais
ai{ffi elle trouble agréablement ceux qui
°nt la témérité de la regarder ; de forte
Campafpe même , &c. Il eft vrft,
cet Auteur n'a pas tant en vue de
une Défcription exafte , qu'une
j^clamation fleurie ; mais il le fait le
fouvent avec très-peu de jugement,
e.n Prônant jufqu'à l'excès des chofes de
p!etî > au-lieu qu'il paffe fous filence des
autés réelles, dont ce Palais efl rempli.
" y a , dans les Apartemens de cet
j',ci!fice, quelques Enfans, faits par le
^ en Détrempe, fous des glaces,
R 4 . coiïi-
î-32- des Statues, Tableaux»
âK.0ME. comme il y en a dans d'autres Palais.
font d'un très-beau Coloris, mûr &
chaud ; au-lieu que la plupart des Ou-
vrages enHuile qu'on y trouve,de ce Maî-
tres, panchent plutôt du côté du froid'
On trouve encore ici, dans un Tlat-
fond, la plus belle Compofition que
p.4*corto»e.P. de Cortone ait jamais faite , ou,
peut-être , la plus riche & la plus abon-
dante qu'on ait jamais vue. Le Coloris
en eft extrêmement beau , clair, & é~
datant, & malgré le grand nombre de
Figures dont la Pièce eft compofée,el-
les ne font pourtant pas les unes fur les
autres. Ce font les Vertus héroïques
d'Urbain VIII. qui en font le Sujet, &
le tout elt fait à l'honneur de la VlaifoU
Barbcrïni, d'où fortoit ce grand Pape-
On en peut voir la Défcription & les
Eltampes, dans le Livre que nous venons
de citer.
U y a encore un Tlat-fond, à Frefque»
'tfnir'SMchi a \ n o r f/ S a c c h u & qui reprefente ^
Sageffe Divine de ce Pape (*). C'en
un des Ouvrages les plus atiransque j'a',6
jamais vus. Le Coloris en eft, de
même que dans les autres Morceaux Lfs
cet Auteur ,plus languilïant que celui a'J
Cortone; mais il ne lailîe pas d,êt,e
extrêmement délicat & agréable. N A"
( *) SapienYta Dtvina hujus Poutificis ,font les terme?
l'Auteur du Livre intitulé, JE de s Barberï"^1
et Desseins, en Italie. 2,2,3
ïalis en a fait une Eftampe ; & l'oniB-OM^
en trouve la Défcription dans le même
■Livre.
'Vne Vénus, du Titien, toute nue,e7vt,v*-
& couchée : dans l'éloignement, on voit
des Filles qui tirent des Habits d'unCo-
*,re. C'eft un des principaux Tableaux
"e ce Palais. Mon Père en a le Delfein
®riginal du Titien, fait fur du papier
n'eu , en crayon noir , & rehaullé de
nlanc; il elt grand, & auffi beau qu'on
puiffe voir de ce Maître,
Dans une autre Chambre.
S. André Corfmo en prières, acompagnéle Guide
de trois Anges , dont deux tiennent la
Crolfe, & le troifième la Mitre , peint
Parle Guide. C'eft un Tableau fort
clair & fort gai: & le Coloris, fur-tout
celui des Anges, en elt merveilleux.
Dne Vieille Femme , ajjije à terre,
9ui a une quenouille entre les genoux f '"'
Sui font auffi élevés que fa bouche , &
Scelle tient embraiïes des deux mains.
Je croi, qu'elle a été faite pour reprefen-
ter Une des T arques. C'eft une Peinture
-Optique à Frefque, détachée d'une mu-
raille , & fendue en plufieurs endroits ;
niais bien confervée d'ailleurs. Elle eft
r°rt dans le Goût de Miche l-A n g e ;
cependant , félon moi, elle eft encore
R 5 plus
î-32- des Statues, Tableaux»
i Rom e. plus dans celui de R a p h a e l. Au-refte,
on ne peut rien voir de plus beau.
Teinture ^in- . A côté de cette Antique , il y en a
"iHe' une autre de la même grandeur , ronde
comme l'eft la première, & couverte
d'une glace. Elle reprefente de jeunes
Garçons, & aproche du Goût du Cor-
r e'g e.
Dans une autre Chambre.
le PtHjfm. Germanïcus au Lit de la Mort , du
Poussin. Les Couleurs en font devenues
fi noires, que le bras à'Agripptne > qui elt
tout nud,elt prefque uni avec fon fond;
& l'on peut juger du relie en général,
qui elt aufli changé à proportion. Le Ta-
bleau a les mêmes défauts, qu'on trou-
ve dans les diférentes Copies que j'en ai
vues, & dans les Eftampes qu'on en a
faites (1). Ce qui me perfuadoit avec
raifon, avant que d'avoir vu ce Morceau,
qu'il faloit qu'ils fuflent éfeftivement dans
l'Original,c'elt qu'il y a une des Figures
les plus proches de la vue, vers le centre
du Tableau, qui non-feulement manque
de beauté ; mais même, qui n'a pas une
véritable Forme humaine, fous une ani-
pie Draperie rouge ; & que l'Anatoro'e
eft mal obfervée, dans les jarrets du Sol-
dat qui eft au bout, du côté gauche-
La
1 Gravée par Cha ïe au ,8c d'autres.
-ocr page 367-et Desseins, en Italie. 2,2,3
»a Pièce ne laifle pas cependant d'être *
Voici, en abrégé, l'Hiiloire que Ta-
Cîte nous en fait (*).
Néron Claudius Dm fus Germanicus,
.''sadoptif de Tibère, & marié à Agrip-
Pine, Petite-Fille à'Augujîe, fe trouvant
Malade d'un poifon qu'il louçonnoit qu'on
l1-i avoit donné,parla ainfi à ceux de fes
^fnis qui fe trouvoient alors au-tour de
lit : Quand même je mourrois dune
"'r'Ort naturelle , j aurais raïfon d'acufier
les Dieux d'injuflice, de ni enlever , à
*ftes Tarens , à mes Enfans , & à ma
Patrie, dans la fleur de mon âge. Mais
comme je ne meurs avant le tems, quepar
la trahifon de Pifon, & de Plancine, U
dernière prière que j'ai à vous faire, c'eft
d'informer mon 'Père © mon Frère de
toutes les cruautés, & de toutes perfidies,
dont on a ufé à mon égard, pour porter
dans mon fein une mort, aujji abominable.
Hue celle qui va terminer mes jours. Non-
Fnlenient ceux qui fondoient leurs efpé-
r<lnces fur ma fortune , ou qui m étoient
attiés par le fang , mais même ceux qui
°Ht porté envie à ma gloire , déploreront
fort : un fort d'autant plus digne de
COnipaJfion, qu'après avoir afronté les pé-
? qui acompagnent les armes , fans
clu aucun m'ait touché, il me faille périr
par
(*) <4nnal. Lib. II,
-ocr page 368-î-32- des Statues, Tableaux»
a Rome, par les mains infâmes d'une malheurevfi
Femme. Faites-en vos plaintes au Sénat
implorez le fecours des Loix , pour me
vanger. La véritable amitié ne confifte^
pas à verjer des pleurs inutiles , mais a
fe rejfouvenïr de ceux qu'on a aimés ,pctt"
dant leur vie, & à exécuter leur derniè-
re volonté. Ainfi, laijfez aux Etrangers
le foin de me pleurer ; maïs pour vous, ait
cas que vous mdiez moins aimé pour ma
fortune, que pour moi-même, prenez ce-
lui de vanger ma mort. Faites reffiave-
nir le Peuple Romain, que mon Epoufe eft
la Petite-Fille i'Augufte , & lui mon-
trez les fix Enfans que j'ai eus d'elle-
Les préjugés Jeront en faveur des Acu-
fateurs ; &, en cas que les Acufés ali-
gnent , pour fe difculper , quelque ordre
fecret de la Cour , on ne les en croira
point, & ils feront obligés de fubir lapei-
ne 'que mérite leur perfidie. Ses An>'s
prirent la main de cetiilufire Agonifan1'»
en la lui ferrant, ils jurèrent, qu'ils pe1""
droient plutôt la vie que de ne pas tirer
vangeanee de fes Aflaffins. Après cela,
Germanicus s'adrefîà à fa Femme, & la
conjura, par lefouvenir de leur Mariage,
par leurs Enfans communs, de fe. dé-
pouiller de fa fierté , & de céder pouf
lors à la rigueur de la Fortune; maisfar~
tout, lorsqu'elle feroit de retour à Rome,
de ne point irriter , par une vaine ému-
lation»
et Desseins, en Italie. 2,2,3
îation, des gens dont le pouvoir fe trou-à r.6m*.
"veroit de beaucoup fupérieur au fien, &
j^ndroit tous fes éforts inutiles. Après
Jui avoit dit cela tout haut, il lui parla
encore à l'oreille ; on croit, que c'eft
avis qu'il lui donna, de fe défier de la
.Mérité de Tibère : & un moment après,
^ Courut.
Le Peintre a choifi le moment , où
^ermanicus prie fes Amis d'engager le
Peuple à avoir pitié de fon fort, & à
Ranger fa mort, en lui faifant voir fa
Petnme Agrippine & fes Enfans. Les
fentimens de ceux , à qui ce Prince a.
dreffe fon difcours , font parfaitement
bien exprimés; de même que l'aflidion
de fa Femme : quoique cette derniè-
re ne la faffe fentir , que dans l'Atti-
tude, parce qu'elle fe couvre le Vifage,
°n ne laiffe pas d'y remarquer une trif-
teffe noble, & excefiive, mais fans em-
portement. Ses trois Enfans, qui font
J\rér0fi , Dru/us , & Caligula , dont les
deux premiers moururent par les ordres
^ Tibère, & le troifième parvint à l'Em-
P're , rendent l'Exprefîion du Tableau
P'us touchante, parce qu'ils font tous
encore fort jeunes; & ils enrichiflènt en
*nême tems la Pièce d'une variété agréa-
ble.
Au-refte, on voit ici un exemple,en-
tre une infinité d'autres,de la néceftité,
î-32- des Statues, Tableaux»
à romï. ou fe trouve celui qui regarde le Ta-
bleau, de lavoir parfaitement l'Hiftoire?
autrement il fe trouvera en défaut, &
il n'y poura rien connoître. Mais cela
une fois pofé , le Peintre peut porter fes
Idées plus loin que nelepeut l'Hiftorien.
Car, comme Germanicus, en montrant
fa Femme Agrippine & les petits En-
fans , fait paroître fur fon Vifage plutôt
un Air de Triftefte que d'Indignation,
un homme, qui ne felouviendra pas bien
de l'Hiftoire, s'imaginera fans doute?
qu'il ies recommande à fes Amis, & qu'il
les prie d'en avoir foin après fa mort:
& outre qu'on peut facilement s'y trom-
per, c'eft une Penfée baffe , ordinaire»
& qui fait du tort au Tableau. Au-lieU
que file Poussin avoit donné un au-
tre Air à Germanicus , & qu'il eût bien
exprimé l'indignation de ce Prince,dans
le tems qu'il fongeoit à tirer vangeance
de fes Aflaflins, il auroit évité cette
Penfée baffe; & il auroit, peut-être»
fait naître dans l'efprit du Speftateur quel-
que choie de plus relevé. Cependant»
fi l'on ne favoit pas déjà l'Hiftoire»
la Pièce feroit obfcure,elle manquerez
de force; &, félon toutes les aparenc^»
elle feroit défectueufe. Ou bien, fi
Maître avoit choifi le moment, où les
Amis de Germanicus lui jurent de vanger
fa mort ; ou lorsqu'il parle à l'oreille*
et Desseins, en Italie. i"jt' -
Agrippine , l'Ouvrage n'auroit été ni fi à &ome,
Roble, ni fi touchant: même dans l'un,
Principale perfonne fe trouverait dans
1 ina$ion ; & l'un & l'autre feroit égale-
Hl^ut peu intelligible, li l'on nefavoit pas
hiftoire d'ailleurs.
r H a choifi non-feulement le tems, où
Jfrmanicus montre fa Famille à fes A-
î»is, comme un objet qui doit les porter
3 ta vangeance ; mais auffi le moment,
il finit fon difcours, & où les autres
fe préparent à répondre , comme il pa-
îoît par les Actions de quelques-uns
d'eux ; A étions qui font telles, qu'ils
^tablent parler auffi: du moins, c'elt ce
Su'il faut fupofer ; autrement les-uns &
fes autres parleraient & répondraient
tous à la fois, comme on ferait difpofé
a le croire, en voïant le Tableau, fi l'on
faifoit grâce au Maître. C'elt un dé-
faut commun , que de reprefenter trop
de perfonnes qui parlent en même tems:
at>furdité qu'on auroit pu éviter, fans que
fe Tableau en fût moins animé ; & cela,
^ ne donnant que les Airs & les Attitu-
des qUi conviennent à des perfonnes qui
ec°utent ce qu'un feul dit.
petit Ange qui pleure, (s qui tient MmM c»-
^ * Clou de la Croix, peint pas Anniba l™'4*"
,V ak ache: il eit allez desagréable; il a
trop ordinaire, peu angélique , &
« reiïemble trop à un Enfant du commun.
î-32- des Statues, Tableaux»
â rome. La Converfation de Marthe & de
Léonard de âelaïne , par Léonard de VinC'-
vinci' ce font des demi-Figures , du meilleuf
goût qu'on puifle voir de ce Maître.
Tolyphème & Galatée, à Fr'efque ,pat'
umibai u- a n n i b a l c a r a c h e , com me ceu^
rachc' qui font dans la Galerie de Farnefe;
très-tinis, environ d'un pié, ou d'un pi^
& demi en quarré , avec une glace p^1"
defîus.
Mofaique an- Vue Mofaique Antique,qui reprefent?
l'Enlèvement d'Europe. Les Figures qu*
font fur le bord de fa Mer femblent s'en-
fuir de peur. Le Deflein en eft excel-
lent , quoique négligemment exécute-
On dit, que c'eft un Morceau du Pave-
ment du Temple delà Fortune à Tréneft.M
mais j'en doute, à en juger parles Ella en*
pes qu'on en a publiées, avec des remar-
ques de Montfaucon:; parce que c?
Pavement n'a aucun raport à ce Sujet. ^
Ce Temple de la Fortune à Trénefl?
étoit un des plus grands qui aientjam^s
été bâtis par les Anciens,qui les faifoie°c
ordinairement fort petits ; & ce qu'il 1
a de plus furprenant ,1a plupart n'avoir
point d'autre jour que celui qu'ils \'ec€'
voient par la porte; de forte qu'à pe'.11
on pouvait difeerner , & encore ^
confidérer & admirer les nobles #
cellentes Statues, dont ils étoient
c'elt auffi ce qu'on avoit fait, àl'ég^'
Et Desseins, en Italie^ 173
Panthéon,qui etoit particulièrement re-â
P^rquabîe par la beauté & par le nom-
des Chefs-d'œuvre de l'Art qui y é-
*oient renfermés ; car il y a aparence, que
Cf que depuis que les Cnretiens l'ont
changé en Eglife , qu'on a fait i'ouver-
fure qui eft au-delfus du Dôme, par-où
J4eJ°Ur y entre, comme le dit Spon,
<fns la Défcription qu'il fait du Temple
Minerve à Athènes (*). Ce Temple
de la Fortune me fait fouvenir d'un bon
que dit un jour un Ancien , au fu-
des grandes richeffes , que la Super-
^ion de ces tems-là y avoit amaflées:
n avoit jamais vu U Fortune plus
fortunée qu'à Prénefte (f).
, La fameufe Magdelaine du Guide: 1ccu'®>
p'ett bien la plus excellente de toutes cel-
es. qui font à Rome , dans fa Manière
|?aie , & en même tems extrêmement
>°rte», & admirablement bien coloriée,
grande Draperie eft d'un pâle rouge
laque , qui étoit la Couleur favorite
f ce Peintre. La Figure eft beaucoup
plus graîl(ie que le naturel , & belle à
£?us égards. Elle n'a rien d'obfcur : les
ymbres en font tranfparentes & pleines
de réflexions. Le Ciel & l'Arrière-fond
Tome m. S font
Dans fes Voiles, Tom. II. pag. 8g.
„ vT) Carneadem Clitomachus ftribhdktre folitum , nuf-
P*m Ie fortunatiorem quàm Praenefte vidijft Fortunarn»
V ie b r 6, de Divioadont Lib. II. Cap. 41.
des Statues, Table aux»
a Rome, font unis. Il y a auffi deux petits Atèf
un peu plus éloignés, mais biencolorieS'
Dans une autre Chambre.
eUrla Ma- Les douze Apôtres debout, par Ctî^'
les Maratti. Mon Père a le
d'une ou de deux de ces Figures.
'«Antiques. Une Statue Antique fans bras , tf°'
fois auffi grande que le naturel. Sa Vïâ"
perie eft auffi belle que celle de la F^6''""
de Farnefe ; & l'on peut dire en gé^'
ral, qu'elle eft excellente, & fur-tout
Tête.
Une Vénus endormie , parfaite!11^-
belle : c'eft une Statue de Marbre, ^
grande que le naturel, couchée fur
efpèce de lit , faite à-peu-près dans 1
même Idée,qu'un excellent Modèle^ ?
mon Père a de M i c h e l-A n g e , otf
moins qu'on lui atribue : quoiqu'il en f°J *
il y a aparence, que celui qui l'a fiùte '
pris fon Idée fur cette Figure.
Dans la Chambre voifine.
\Antiques'. Adonis ble[fé & mourant : il exp'1!
parfaitement bien ; & cette A&ion e
fort bien exécutée. &
Vn Satire couché, fait de Marbre
bien exécuté. Mon Père en a un^gra
DelTein de Rubens, très-fini
1 Bisschop, Stat. N». 57 & 58.
-ocr page 375-et Desseins, en Italie. ajtf
T)ans la Chambre prochaine. i rom t»
Peinture antique t reprefentant p"**'
ttne Y1, auffi grande que le naturel':"*"''
pn trouvée dans les Jardins de Salufie.
p h a r les Maratti y a ajouté trois
Y^idons. C'eft un excellent Frefque,
jyT morceau de muraille, bien peint,
colorié & également bien confervé.
,9ne Tête à'Antinous, auffi bonne que ^m.
'c du Belvedere.
Jpne petite Tête antique de Virgile.
Un Platon ; jeune Garçon endormi a- Peinture
f£> pîufieurs Abeilles autour de lui. C'eft
lr'e Peinture Antique à Frefque , où il
^ a trois Nimphes, qui aprochent beau-
°UP de la Manière du Corre'ge, &
jj^ Cupidon , qui tient de celle du Gui-
r s; Pour le Coloris en général , il eft
jj°r^aprochant de celui du C o r r e'g e , &
1 ^ bien confervé.
^ne Rome Triomfante. C'eft encore
e Peinture Antique, mais moins bon-"''"'
jr^e l'autre (*). La Chausse (f)
^ fur cette Pièce, une Diilertation
1Jnfipide & pédantefque , que celle
Sue Sp0N r^) afaite fur une autre Pein-
re Antique du même Sujet, qu'on a
*r°Uvée proche du Colifée.
S 2 Dans
f*\ vj. !
^edesn eZ en I'Eftampe , dans Montfaucon ,
(i^ fTagaiensde Bellori fur l'ancienne Roms.
Œ »and Cabinet Romain, Artic. V.
u Rect>erchei curieufes, Diffeitation XIII. pag. 19s,
î-32- des Statues, Tableaux»
à E. o
Dans la Chambre qui fuit.
Quatre Triomfes Romains , en C)
Obicur, détachés d'une muraille. ^
Figures en font plus grandes que le
turel, & parfaitement bien conféré'
Au-deffusdes Montées,dans /f-rMezani*1^'
\Anius^ Des Deffeins d'après la Coupole ^
ei'- Corre'ge, faits par Andre'SacC
garnis de quadres & couverts de glacc^
Mon Père a un jeune Garçon de la &
me efpèce. ^ ^
Mkhei-.Ange U y a encore, dans ce Palais, un
<«rav*già. b|eau de MiCHEL^AnGB carava
gio,excellent par raport à l'Ëxpreft1^ '
II reprefente un jeune Homme qui perd r
argent, en jouant contre des Filous'-
remarque aux uns tant de friponnerie
de rufe , & à l'autre une fi e
fimplicité, acompagnée de crainte,
ce n'eft pas fans rai l'on, que cette
pafle pour un Ouvrage achevé,
autrefois du TrinceDon LivioOdef^0^1,
îPremier Apartement d'en-b^s-
-4ntiqUep, Cléopatre endormie, non pas rn<?ur3g]]e
comme celle du Jardin de Médicis: ^
MX.
et Desseins, en Italie. 2,2,3
^ft de Marbe T arien , deux fois auffi à b.<
grande que le naturel ; & faite dans le
^out Qrec } avec un Âir de Tête tout-
noble.
, . * Èœuf\§ une Vache Antiques , ad-
;olrabIement bien exécutés ; & faits pour
^Prefenter ceux dont fe fervit Romulus,
marquer le tour des murailles de
r ^n Statue de Jule-Céfar, en Habit
Jacerdotal & voilé.
Dans une autre Chambre.
, Apollon, avec les Mufes (* ) ; mais iî
,y en a pas une qui foit fort remarqua-
Ve ; auffi ne font-elles par toutes Anti-
Dans une autre Chambre,
Clitie. Cette Fille aimoit le Soleil;
"^is , comme elle s'en vit abandonnée
une autre, elle a toujours fixé,de-
P.^'s ce tems-l;\, fa vue fur cet Altre; &
® a été enfin métamorfofée en Tour-
ne'ol. Voici la Défcription qu'Ovide
a îaite de cette Statue.
At Clytïen--------
j ■—. —- .—. .—1 non amplius AuBor
UCts adït : Vçnerifque moàumJibifecit in
illâ.
V ) Rossi, CXl — CÎK.
-ocr page 378-2,78 des Statues, Tableaux,
%b.ome. Tabuit ex illô dementer amoribus uf&i
Nympharum impatiens, & fub Jove nûCt?
die que
Se dit humô nuda, midis incompta capUlfs?
Ter que novem luces exfers undaque cib*"
que,
Rare merôfachrym'ifquefuisjejuniapd^it-
Nec fe movit humô. Tantùrnfpeciabat eUff'
tis
Or a Dei\ vultufquefuos fletfebat ad illu
C'eft-à-dire : Mais VAuteur de la lu"
mière ne voit plus Clitie ; & comme elle
trouve qii il lui retranche ainfi fes carejJeSf
f amour qu'elle a pour lui, & qui vajufq11 a
la fureur,la fait fècher de chagrin. Les af'
très Nimfes lui font odieufes ; elle les
pour s'a 1er coucher à terre toute nue, & t°îl'
" - - - - -
rein, fans avoir d autre s afomens que la r°"
fee qui tombe du Ciel, & les larmes qiùcGU'
lent fur fes joues, fi ce n'eft qu'elle ù
vue fur le Vifage du Dieu dansfacout'j6 ■>
le fuit des yeux , à mefure qu'il ayf'1 "
Pans îa Statue,elle eft à-demi aftife»0
acroupie, & regarde en haut, à trave
une main qu'elle tient d'une cer^,
manière,qu'il femble qu'elle veut
Rendre de l'éclat des rayons du Sol •
Caftor m Tollux, apuiés l'un c°»fT
î autre ; dont l'un tient une Torche
1
-ocr page 379-et Desseins, en Italie. 2,2,3
chée vers terre (*): Leda eft auprès àR
mais fort petite , & elle tient un
à la main. Le Père M o n t f a u-
c°n croit, que ces deux Figures peu-
vent être des Génies , ou des. Lares ;
» comme il n'aporte aucune raifon,
,1 P°Ur apuïer fon opinion ,ni pour com-
aatJe celle qui a cours, il me femble,
eft raifonnable de s'en tenir à la der-
lere ; d'autant plus que la Femme tient
? Oeuf à la main , à quoi cet Auteur
a pas pris garde. D'ailleurs, l'Hiftoi-
îe de ces deux Frères, la plus connue ,
P°rte, qu'ils s'aimoient fi fort,qu'après
^e l'un fut tué , l'autre , qui étoit im-
mortel , pria Jupiter, fon Père, d'acor-
c5er à fon Frère l'avantage de partager
aVçc lui l'Immortalité ; & que, comme fa
.erïiande lui fut acordée,ils convinrent de
p^'re & de mourir tour-à-tour (f),
. 'eft pourquoi, je m'imagine, que c'eft
p1 l'un des Frères qui va mourir pour
a'atre, comme il paroît par le Flambeau
u renverfe ; ce qui étoit fouvent la
marque , dont les Anciens fe fervoient,
défigner h Mort. Cela fupofé, le
vUJet de ce Groupe eft exprimé par ce
de Virgile (J).
S 4 Si
gra - ce ^ont *es m^mes g.ue ceux "î118 Perrieb. a
un»p ' &^'ilapèleles Détins, N>. 37. On en voit aufli
-Mampe, dans le LivredesSMf.de Rossi, N». iii.
ç, tî) Cette Hiftoire efl: divinement bien décrite par,
1 nd arE, dans la dixième Ode de fes îiimïa^uei.
î-32- des Statues, Tableaux»
Si Fratrem Pol 1 ux alterna morte redeWit>,
. Au-refie,j'ai de la peine à croire, qu"'
y ait de plus belles Figures que celles d0
ces deux Frères,ni de plusmauvaieq110
celle de Leda. On remarque encore
même inégalité d'ouvrage,dans d'autr^
belles Statues. La Vénus de Média*>
par exemple, a un Poiff'on à côté d'ellf»
avec des Enfans à cheval dellus ; mai5
tout cela d'un travail exécrable. On trou-
ve encore la même chofe , dans le beau
Commode du Belvedere, qui tient un pe"
rit Garçon , à tous égards au-de-là àô
tout ce qu'on peut s'imaginer de pluS
miférable. C'elt ainfi que , dans les
Médailles Grèques des Rois Syriens , &
des Ttolomées, dont les Vifages font du
plus excellent ouvrage Grec, les Revers
femblent être faits par des Aprentifs.
Une Vfnus ; dans la même Attitude
que celle de Médicïs, couverte d'une
fine Draperie , depuis la poitrine ,
qu'au-delîbus du genou droit, mais qu1
ne delcend pas tout-à-fait fi bas fur ^
gauche. Cette Draperie elt auffi exqu'-
fe que celle de la Flore ; & je croi, que
la Figure même n'elt pas de beaucoup
inférieufe à celle qui eil à Florence ,p°uV
yie pas dire, qu'elle elt auffi bonne, \
prendre de tousles côtés: du moins, c'elt
la meilleure Copie de toutes celles q,ue
• " ' • - • ■ j'en
-ocr page 381-et Desseins, en Italie. 2,2,3
j'en ai vues ; fupofé qu'on doive l'apeler 1 r»ke,
^feftivement Copie. Elle elt beaucoup
P|us grande que celle de Médïcïs, &
^'un beau Marbre doux & jaunâtre, mais
rempli de taches, qui ne font cependant
Pas naturelles, & qui ne font que l'éfet
^tems, ou de quelques accidens. J'ai
d'autres Vénus dans cette Attitude,
^ couvertes de la même manière. 11 y
a , tout au moins, une dans les Jar-
dins d 'Aldobrandini.
Trois grands Buftes excellons , d'Ale-,
xandre, d!Antinous, & de Tyrrhus.
Dans une autre Chambre.
Le fameux Faune, qui forte un Bouc
fur le dos: dvun travail Grec (*).
La Statue d'un des Ttolomees , Rois
YEgipte.
^ Deux Vénus -, l'une qui fort du Bain,
^ l'autre qui eft debout, dans une Atti-
tude très-belle, toutes deux dans le Goût *
^*rec, & excellentes.
Un Senèque ajfis, fait en petit : il a le
^ême Caradère de Tête , que le Bulle
la Galerie de Farnefe. Cette Statue
aufli fort belle.
Le Bufte de la Reine Chrtftine de Sue-
excellemment bien taillé,par Ber-
S s NINï
(*) Rossi, Stat. cxxii.
-ocr page 382-î-32- des Statues, Tableaux»
IS.OMB. NIN; mais elle n'a ni l'Air agréable, ni
le Vifage beau : cependant il eft à préfu-
mer , que ce Portrait eft un peu flaté-
Dans la petite Galerie.
Idntiquts. Un Bufte i"Alexandre , une fois plfS
grand que le naturel: il eft de Bronze,
<& d'un Goût Grec.
Un Autel rond, avec une Bacchanale,
du meilleur Stile Grec (*): il eft fort
grand , & il eft apuïé fur un fer qui le
tourne.
Dans la Sale, au-deffus des Montées.
Uh'%m»in. Les Amours de Jupiter, en cinq beau£
grands Cartons coloriées, par Julê-
RoMAiNile travail en eft extrêmement
beau, l'harmonie bonne , & la teinte
gréable.
Dans une autre Chambre.
'cb4,iei m». Une grande Bacchanale , peinte par
Charles M aratt i: c'eft, par raport
au Dellein ,au Coloris, &à l'Harmonie»
un des meilleurs Morceaux de tous ce,
que j'ai vus de ce Maître.
t*r»cû. Enée qui porte Anchife , peint
Baroccio : ce Tableau eft fx 11131
conditionné , qu'il eft devenu prefq0^
entièrement noir , à la réferve de quel"
4U
C*J 11 fe trouve dans l'Admiranda , N°.44i4Î'-
-ocr page 383-et Desseins, en Italie. 2,2,3
ques petits endroits de la Carnation,quià
ont encore de l'éclat ; de forte qu'il eft
impoflible de bien juger de ce qu'il a été.
Le Tape Sixte IV. avec quatre autres Ie ritU<
Figures, toutes très-finies, peintes d'une
panière très-unie , mais très-naturelles
^bien executées, par lé Titien.
La Femme furprife en Adultère , du le
^êtne Maître, mais d'une Manière roi-
rude, & qui tient de celle de Bel-
ti no : fort endommagée. Le Pro-
fil de la Femme eft fort bon ; & fes Che-
veux font finis avec la pointe du pinceau.
Vénus qui badine avec Cupidon, fur un
lit de repos, par Annibal Carache. ^"f1 ^
Le Coloris en eft fort beau , l'Attitude™'*
agréable, & dans le Goût de l'Antique.
Mercure qui en feigne Cupidon à lire-,
Vénus à côté, parle Titien: cette le
Pièce eft pareille àceiledu Corre'ge,
qui eft dans la même Colleftion, à cela
Près que la Vénus eft diférente, fur-tout
en ce qu'elle n'a point d'ailes, comme
CeHedu Corre'ge ena; &quifontalfez
c°îrimunes dans l'Antique. C'eftla meil-
leur toutes les Figures que j'ai jamais
v.ués de ce Maître , & la mieux colo-
riee, de même que tout le Tableau en
général.
S. Bonaventure ,un Cardinal en Habit lc
e Francifcain, avec un Ange debout à fes
$lés- C'eft un Portrait fait par le Guide,
î-32- des Statues, Tableaux»
pRomb. (3ans ça p]us grancje Manière, & du mei^
leur Coloris de ce Peintre.
" - * La Vat'ë jpeintes par le C o a R e'g E.
Ces deux Tableaux font chacun d'envi-
ron cinq piés de hauteur, un peu plus
en largeur.
mime- L'io du même Maître, de près de ûi
piés de haut, & la moitié auffi large.
le mime. Mercure qui en feigne Cupidon à lire >
auffi du Corre'ge, de la même hauteur
que celle à'io, mais environ d'un piépius
large.
!cCupidon qui ratijfe fon Arc, encore du
même Peintre.
Ces Tableaux font parfaitement bien
confervés. Je ne raporterai pas combien
de Figures ils contiennent chacun en
particulier; parce que cela eft afl'ez con-
nu par les Eftampes (*), ou par les Co-
pies; fupofé que l'on n'ait pas eu ocafion
d'en voir les Originaux. L'Air de Tête
d'/o eft également bien imaginé & bien
exprimé : c'eft une Idée que je n'ai ja-
mais vue , dans aucune autre Pièce de
Peinture: on y remarque une extafe ex-
trême , mais ce n'eft abfoîument poinc
une extafe de Dévotion. Mon Père en
a un Deflein fait,à ce que nouscroïons»
parle Guide. Les deux Cupidons 9ul
* a com-
(*) La Banaè, h leda, & J '/o, font gravées P31'.?.^
Ç H A N G F. ; & le Mercure qui en feigne Cupidon, par "
SOL D DE J OD E.
et Desseins, en Italie. 2,2,3
âcompagnent Danaé font un éfet mer-à b.om«»«
Veilleux ; & ils reprefentent un beau trait
% Morale. Ils tiennent entre eux une
pierre-de-touche, fur laquelle l'un éprou-
Ve Une pièce d'or de Jupiter, & l'autre
Ut3e flèche , qu'il faut lupofer avoir été
lrempée dans le même métal.
Mercure qui enfeigne Cupidon à lire,
eft une de ces jolies Imaginations du C o r~
He'ge.
Une Colombe,un Arc,des Flèches aiguifées
Jadis de Cupidon ocupoient les penfées ;
Jujqiià ce que. Vénus pria le Roi des deux
Ti'envoler à fon Fils le Meffager des
Dieux.
Tour quoi donc T envoi er ? Tour ïenfeignêr
à lire.
Le Langage des yeux auroit dû lui fufire.
Ce Langage, en un mot, qui ne fauroit
mentir
tous faux fentimens r auroit pu garan-
tir.
û'iais Vénus bien inflruite, & par les Défi
tinées,
~P? ce qu enfanteroit la fuite des années,
qu Amour devenant un jour intèrejfé,
\}Hl faudrait favoir plus que fin A-bé-cé.
Mercure, donc, deficend du fié jour Olim-
pique,
aù-rendre à ce Dieu l'Art de TArit-
métique.
Mais
-ocr page 386-î-32- des Statues, Tableaux»
a Rome. Maisprens bien garde à toi,petit fot, jpati'
vre gueux ;
Car l'Art que l'on faprend, eft un Art dan-
gereux.
Cet Art, Jans contredit, détruira ta pitif
fance,
Et r Amour ri aura plus qu'une fauffeapa-
rence.
Sandrart (1) parle d'un fameux
Tableau du Corre'ge, fur le même
Sujet, & du même nombre de Figures,
qu'il dit avoir vuauPa!aisde/F£i^?-/W/>
îorfqu'il fut en Angleterre , fous le Rè-
gne de Charles I. &ilyaaparence,
que ç'a été le même.
Le Cupidon qui ratifie fon Arc n'eft
pas un Enfant ; c'eft un jeune Homme-'
mais au bas du Tableau, il y a une, ou
deux Têtes dç jeunes Garçons, qui onr
un certain petit Air fripon, extrêmement
agréable & engageant.
Jeune T3ieu,que fais. tulTuprends bien de
la peine ;
Mais, malheur eufement, c'eft une peine
•vaine.
Lafaute ne vientpas de l'Arc de Cupidon?
Il te la faut chercher dans le cœur de O3-"
mon.
Alors
1 Voïez fa Vie, à la fin de fon Académie, PaS- 3<
-ocr page 387-et Desseins, en Italie. 2.87
Alors d'un air moqueur, afeElant de fou-* b.°ms»
vlire\ • ,
ratijfant toujours , i/ commence à me
dire.
rfrIque tu te voïois dans lafleur de tes ans,
À u Pavois pas pour moi les mêmes fenti-
ffens.
lais dès que Von n'eft plus dans la belle
j, jeune (fe,
°ut ce que l' Amour fait nous déplaît &
Vous blejfe.
Vasari (*), dans la Vie du P a r-
^Esan , fait la Défcription d'un Ta-
bleau de ce Maître, fort fembiable à ce-
lui-ci.
Quand je dis, que l'on connoît allez
Tableaux, par les Eftampes, & par
es Copies qu'on en a faites; je veux di-
re j autant qu'il eft poffible de les con-
noître , par ces fortes de moïens ; car il
certain,qu'on ne fauroit jamais con-
J:eVoir la beauté de ces Chefs-Oeuvre,
voir les Originaux. Ils font écla-
Î^Sj clairs, moeleux, délicats: enfin,
*s °nt toutes lesperfeélions que peuvent
«onner ]es Couleurs, & peut-être quel-
le chofe de plus, qu'il n'eft poffible à
Art de faire , fans apeler le tems à foti
^eeours ; fupofé même que le Correge
reuufcitàt, ou qu'il en vînt un fécond.
^ p*rt> III. Vol. I, faS. 235,;
-ocr page 388-î-32- des Statues, Tableaux»
à Rome. De quelque beauté qu'enfoient toutgS
îes parties en général, celle de la Cari$"
tion l'emporte encore fur le refte, quoi"
qu'environnée de Couleurs claires.
Dandè, fur-tout, eft plus éclatante
le linge qui fe trouve auprès d'elle, quoi"
qu'il foit auffi clair & tranfparent qu'ofl
le pouroit jamais peindre.
Tous ces Tableaux merveilleux font
peints félon la Manière ordinaire du
Corre'ge , avec un corps fufifant de
Couleurs, mais bien*travaillés , & très-
finis , fans qu'il paroifte la moindre tou-
che rude du pinceau. Quoiqu'une teiH"
te, ou un trait fe perde doucement dans
un autre , quoique les îinéamens , les
parties, & les contours fe noient, d'un^
manière imperceptible, dans tout ce
leur fert de fond, ils font cependant bie0
déterminés & difîinéfs , fans être , c&
qu'on apèle, cotonnés. On dit, qu'il f
en a quelques-uns qui font peints fur uHe
ïmprimure dorée. Monfieur le Che^'
lier L u t t i, fameux Peintre du Grand-
Duc à Rome, & habile Connoifle111 \
m'alîura qu'il avoit remarqué cela ^
extrémités qui aboutifîent fous les bords
desquadres; & bien des gens prétende*11-®
qu'on le peut encore voir dans d'autre^
parties, je n'ai pas vu ces Ouvrages h°r.5
de leurs quadres, pour en pouvoir ^'
miner les extrémités ; mais j'avoue, qu 0
et Desseins, en Italie. 2,2,3
^perçoit en pîufieurs endroits,une efpè-a rsmjh
teinte jaunâtre,quireflemble aftez
^lque chofe de cette nature,
jj p le Peintre s'eft fervi d'un tel fond,
ç aut que ç'ait été pour conferver les
je°uleurSs ou pour en relever l'éclat, en
s, ^ndant tranfparentes, de manière
donne, aux Ombres fur-tout, un
^ain feu & une certaine Maturité,
1 ejles n'auroient pas eu d'ailleurs ; com-
^ e il n'y a point de doute, qu'un tel fond
j?e Produite cet éfet. Mais, pour ce qui
3&rde la confervation des Couleurs, je
11 en fuis pas fi afturé. Je puis dire pour-
J^que ces Morceaux confervent un
j:ltlt frais , & qu'ils ont cette Pureté
\élique , que les Curieux & les plus
Tands Maîtres ont toujours reconnue
atîs le Corre'ge , qui l'avoit afîuré-
^ etlt aportée du Ciel, puifqu'ici-bas, il
j ^oïoit point d'Objets qui puffentlaJui
l^.pirer : aufli l'y a-t-il remportée avec
fuis obligé d'avouè'r,que ces Pein*
q res font plus engageantes de beaucoup^
<Le. celles de Raphaël, qui font à
_ quoiqu'il y en ait une, qui, félon
v 01> eft des meilleures que j'aie jamais
^esde ce Maître ; & c'eft la plus fit-
qu'Ufe toutes ces Pièces de Cabinet
Lut1 à R°me- C'eft une Vierge de-
j tenant par la main Je'sus-Christ,
Tome jjj x ««M
î-32- des Statues, Tableaux»
à Rome. auJJi debout, de même que S. Jean qW ^
baife: Sainte Elijabeth eft à côté. M°n
Père a un Deffein de Raphaël fur ^
même Sujet, dont les Figures, & lenf/.
Attitudes font tellement femblables, 1
n'y a aucune dificulté de croire , qu'il a
été fait pour ce Tableau même , do111
les Figures font petites ; puifque la Vief'
ge n'a, tout au plus , que deux piés
hauteur. Ce Morceau eft peint à la M3'
nière de ce tems-là,je veux dire, d'n?e
façon nette & très-finie ; & il eft alieZ
bien colorié, pour paroître beau en pf£'
fence de plufieurs des principales PiècsS
du Corre'ge. Jecroi, qu'il y en a 1111
pareil à Florence ,0u quelque autreparrî
qu'on opofe à celui-ci, & qu'on prête11
être le véritable Original.
je con^t. Outre ces Ouvrages du C o r r e'g e
nous venons de raporter,il y en a enc°'
re quelques autres du même Maîtfe'
parmi lefquels eft un Bortrait de Cél
Borgia,z\>e\é ordinairement le Duc vf
lent in, Bâtard d'A lexandre vi. j
voue, que je ne fus jamais fi furpris,0
lorfqu'en entrant dans la Chambre , V
jettai la vue delîus je m'en fentis jA[
coeur tout ému. La Nature y paf0le
dans un fi haut degré ; il y a queWL
chofe de fi particulier , dans le to^r , s
la bouche , & dans le mouvement d -
yeux; & en même tems, quelque
-ocr page 391-et Desseins, en Italie. 2,2,3
e fi spirituel, dans fon Air, que de mai Rome.
le; Je ne pourai éfacer ce regard de ma
cljemoire. C'eft un Homme pâle, min-
e,' & d'un âge raflïs, mais d'un Tem-
fei^ent, & d'un Air un peu éféminé :
. * ableau entier eft d'une Couleur
|ale & éclatante ; & il a un peu plus de
piés & demi de hauteur,& à-peu-
autant de largeur.
j. Le Muletier , du même Maître : on 12
çVsu'il a été fait pour une enfeignede
> abaret, quoiqu'il foit du meilleur Stile
p1 Çorre'ge. Il étoit pendu dans un
^aoinet, vis-à-vis de la Sainte Famille
e Raphaël, dont nous venons de.
jpler. U a deux piés & un quart de
a^teur, & trois piés de largeur.
i Une Madonne, avec S. Jofef, encore
de ]ui> J J J
-AJoli me tangere , avec un Payfage, le r»e».-f,
r^fi du C o r r eg e. C'eft un Tableau
^a§tiifique, haut de trois à quatre piés,
^ peu plus large (*).
Uz*e Magdelaine de huit, à neuf pou- Se rnîml
os. ^e hauteur, encore de cet aimable
Cintre.
fuKr A l> H A E L extr^mement grand &
rejr me ; & avec cela, il a une Grâce, qui
semble à celle des meilleurs des An-
eris- Mais, ni lui, ni aucun autre Maî-
T i tre
J "y en auac Eftampe , gravée par Dw Cha*-
-ocr page 392-î-32- des Statues, Tableaux»
a Rome, tre qui a jamais été, ne furprend aUtant
que le Corre'ge; fans qu'il ait jX»11^
tant une Grandeur fi élevée, &quoiqul
tombe toujours dans des IncorreètionS'
A quoi donc atribuer cet éfet ? Le haUt
Finiment qui étoit fort du Goût de ce
tems-là, pour les Tableaux de Cabine['
comme font ceux dont je parle, & où Ie
Corrige excelloit, ne contribue en ri?0'
ou du moins très-peu , à cette farprir'
que nous donnent les Tableaux. 11 \ a
eu des Maîtres plus Modernes, & mf>ioS
confidérables, qui ont pratiqué ,
Manière plus noble en fait de Peintu1"6''
& qui, fupofé que les autres Parries f
répondiflènt , aurait fait un meilleur e'
fet que celui-là, fi on avoit vu leurs
vrages à une jufte diftance , telle qu'ort
la deftine ordinairement aux Tablez-
La netteté même du travail n'eft pas f°rC
confidérable , en comparaifon des fu"
très qualités, qui font une bonne V'^ce
de Peinture.
Le Coloris a,peut-être, quelque p*1,
à la production de cet éfet furpren*? ^
mais ce qui y contribue le plus, ce.''
une Grâce que le Corre'ge polfe^0
& qu'il devoit uniquement à la Nature'
Elle ne reftembloit ni à celle de l'Anti(lae'
ni à celle du Parmesan, du
de Raphaël, ou de quelque aUtr
Maître que ce foit : c'étoit une G^^
Et Desseins, en Italie, ^çs
H&e le Corre'ge avoit en propre ,
etoit véritablement angélique. Mous
p0l°ns fouvent les beautés principales de
.x1phael, dans la meilleure Antique;
v ais nous les y voïons prefque aufli ibu-
lit ^ ^rPaflees ; & pour fes autres qua-
> on les trouve dans un degré plus
Q^'Hent qu'il ne les poflédoit , dans les
a Uvrages du Corr e'ge,& de quelques
fo ^aîfres- D'ailleurs, il manquoit
ç.-^ent dans Y Harmonie, qui cependant
vune Partie d'une extrême conféquen-
Qe à un Peintre:au-lieu que le Corre-
eE l'obfervoît li bien, qu'elle expofoit
ç11 Plein jour la délicatefîè de fon Pin-
çfaiï, la beauté de fon Coloris , & les
t Urines de fa Grâce. C'efl encore cet-
g,.9race particulière , cette Grâce an-
jv'SUe, qui eft véritablement originale
'ui, & qu'on ne trouve nulle part,
^ e dans fes Ouvrages : c'eft elle qui nous
JrPrend & qui nous étonne, d'autant
feUs qu'elle eft acompagnée de défauts
Q^blables à ceux qu'on trouve dans les
Otages des Peintres de la plus baffe
Annibal Carache, dans une Lct-
t S^'il écrit à Louis C arache,da-
du i8. Avril 1580. à Tarme , où il
^av°it jamais été auparavant, dit, dans
es Fumiers tranfports de la paffion qu'il
Voit p0Ur ce Peintre enchanteur, à l'o-
T 3 cafion
î-32- des Statues, Tableaux»
cafion de fon Tableau de h Madonne, qui
eft acompagnée de S. Jérôme, de S!e.
Magdelaine , &c , Pièce d'Autel de ce
Maître , dans l'Eglife de S. Antoine,
Abbé: Je vous jure , que je ne voudrois
pas donner La moindre de toutes ces Figu-
res , pour le Tableau entier de la Stc, Ce-
cile de R a p h a e l ( 1 ). çPar exemple ,
la Magdelaine, qui repofe fa tête,avec tant
de Grâce, Jur le fié du jeune Oh ris t ,
n eft-elle pas infiniment plus belle que
celle qui eft dans le Tableau de Ra-
phaël ? S.Jérôme, ce vénérable Vieillard,
na-t.il pas l'Air plus tendre & plus
grand, que le S. Paul, que je regardois
comme un Miracle , & qui me paroît au-
jourd'hui une Figure de bois , tant il ejl
dtir & tranchant ff).? J'aurai ocafion de
parler de ce Tableau, dans la fuite.
Il y a encore,dans ce Palais, plufieurs
autres Morceaux excellens, comme dou-
ze Tableaux du Titien , tant en Hif-
toires qu'en Portraits, & autant d'Hifloi*
res de Paul Veronese ; tous de
meilleure Manière de ces deux Maître?»
& fi bien confervés, qu'il femble qu'ils^
font que fortir de leurs mains.
d'autres Palais, on ne trouve, parmiun
grand nombre d'Ouvrages médiocres *
que quelques Morceaux excellens :
1 Ce Tableau eft dans l'Eglife de S-5W,à
( j) Içlfina Pittri», Part. III. pag. 36$,
-ocr page 395-et Desseins, en Italie. 2,2,3
lieu que dans celui-ci,ils font tous d'une à r0 me.
beauté achevée. Ici, je préféré les Ta-
bleaux aux Delfeins, & le C o r r e'g e à
Raphaël; mais ce n'elt pas à dire,
que je n'aimaffe mieux être Raph aël
que le G o r r e'g e.
Le Duc Régent de France a fait ache-
ter , en dernier lieu, les principaux Ta-
bleaux de ce Palais ; comme ceux du
Corre'ge, les douze que je viens de
nommer de Paul' Veronese;& gé-
néralement tous ceux qui étoient dans
la Collection de la feu Reine C hristi-
ne de Suède, & les a fait tranfporter à
<paris, fans qu'aucun ait foufert le moin-
dre dommage, ni qu'il leur foit arrivé le
moindre accident, fur la route. Le
Mercure Galant, en a donné les particu-
larités ; mais il n'a pas parlé de leurs di-
menfions,que je n'ai pas prifesnon plus.
Pour celles que j'ai mifes ici,je les ai re-
çues d'une perfonne à l'autorité de qui
je puis m'en raporter, quand il s'agiroit
même de la bonté des Tableaux ; mais
je ne dois pas compromettre fon Nom,
dans une chofe de fi peu d'importance.
*
L'Adoration des Mages, de Charles
M a r a t t i: c'elt un Tableau fameux (*).
T 4 La
(*) l'Eflampe en eft gravée par n. d o rig n i.
-ocr page 396-î-32- des Statues, Tableaux»
^ 8-qmb. La Vierge eft debout & tient l'Enfant
entre fes bras ; & l'un des Mages eft à
genoux devant eux. C'eft une fort pe-
tite Pièce, peinte en huile, & qui a l'Air
d'une de celles du Guide.
On trouve , dans la Sacriftie, le Ta-
bleau de /'Anonciation , peint en huile,
Mkbii-^n&'-8z le plus délicat que Michel-Ange
ait fait. La Vierge eft debout; &, com-
me elle femble tomber en arrière, à la vue
de l'Ange, elle rencontre une efpèce
d'Autel,'"qui lui fert d'apui; & elle élève
en même tems les mains. On voit, au-
delius, la Colombe environnée d'une
Gloire jaune & éclatante, &quidefcend
fur elle. Le Coloris de cette Pièce eft
allez bon ; & elle eft bien confervée;
Vas a ri dit, que ce Tableau a été
jiurtd de peint par Marcel de Mantoue, quoi-
Mantouc i r r 1 /1 \
que delhne par Michel-Ange (
M'chel-^lnge. Dans la Chambre au-dedans de la Sa-
criftie, il y a un Crucifix du même Maî-
tre , avec de^ petits Anges au-deftbuS
de chaque bras du Christ; &jufte~
ment au deftus , à chaque coré, il y a une
certaine tache de lumière , d'une cou-
leur bizarre, pour reprefenter l'j£clipie
du Soleil & de la Lune : il y en a mê&e
- encore
1 Part. III. Vol. II. pag. 8jj.
-ocr page 397-et Desseins, en Italie. 297
encore une autre au-deflus de la Tête du à Rome.
C h r 1 s t. C'eft la Pièce la plus régu-
lière qu'on puifle s'imaginer , auffi fait-
elle un très-mauvais éfet. Au-refte, je
ne croi pas , que cet Ouvrage foit de
Michel-Ange, quoiqu'on me l'ait af-
^ré ; parce que je n'y trouve pas fa Ma-
cère, outre que le Deflein n'eft pas allez
bon pour lui& que le Coloris eft meil-
leur que le lien. C'eft un Tableau à
huile, qui n'eft pas fort grand.
Dans une autre Chambre , au-dedans T^phau
de la Sacriftie, on trouve une Madonne,
Jésus-Christ, & le petit S. Jean :
c'eft un Carton, en crayon noir, de la
fécondé Manière de Raphaël, auffi
grand que le naturel: la Vierge eft à de-
mi-corps.
Tout proche de-là , eft le Batiftère
de Confiant in, ancien Edifice decetems-
là. Dans la Coupole , il y a plufieurs
Hiftoires de la Vierge, toutes peintes
par André' Sacchi , & qui font lesMSuM.
meilleurs de fes Ouvrages. Elles font
en huile, fur des toiles; & comme elles
commencent à fe gâter , par l'humidité
du lieu , on doit les en ôter. Pour ce
9ui regarde le Batijïère, on peut con-
sulter leLexicon Antïquitatumde Pitx-
5 c u s , fur le mot Baptifterium.
T s
1
-ocr page 398-î-32- des Statues, Tableaux»
La demi-Coupole de la Tribune eft pein-
te par PiNTURiccHio : elle eft fore
bien confervée , & les Couleurs en font
très-belles. Elle reprefente l'Invention
de la S". Croix, par S". Hélène. Cette
lainte Impératrice élève les mains jointes,
à la vue de l'Homme mort qui retourne
à la vie, par l'atouchement de la Croix,
qui étoit la marque à laquelle on devoit
reconnoître la véritable, & la diftinguer
des deux autres, qui furent trouvées en
même tems. De l'autre côté, on voit un
Vieillard ravi en admiration.
M arc-An to in e Sabbatinu un
Livre in douze de Mignatures de Don
J u l e-C l o v 1 o ; du moins, c'eft la même
Main que celle des Mignatures du fa-
meux Manufcrit de Dante, qui eft
dans le Vatican ; mais félon moi, elles
paroiftent trop modernes , pour être de
Don Jule-Clovio, aufti bien que
celles de ce Livre.
11 a encore un autre fort beau Livre
de Mignatures, dans le Goût de Pin-
turicchio, ou de Peruguin.
Une Tête de Femme, plus grande que
le naturel: c'eft un Modèle Antique,
en Terre cuite ; & il eft du meilleur
Goût.
Dans
-ocr page 399-Et Desseins, en Italie, ^çs
/ Dans l Eghfe apelee,
Au-deffus de l'Autel, une Madonne,
qu'on dit avoir été peinte par S. Luc. s.
Son quadre eft de feuillage d'argent, gar-
ni de Diamans, dont quelques-uns font
fort grands, & d'autres pierres précieu-
fes. Ce quadre a un éclat merveilleux;
mais la Peinture eft noire, rude, & fans
goût , quoiqu'elle foit prefque entière-
ment éfacée. On ne l'expofe à la vue
que très-rarement: je l'ai pourtant vue,
à la Fête de cette E,glife. Charles
Maratti difoit un jour,que s'il avoit
vécu du tems de S. Luc , il lui auroit
confeillé de s'apliquer au Tayfage, parce
Siu'il ne paroît pas qu'il ait eu le génie
Pour YH^oire.
Liyie Augufte (*), l'une des plus bel-
les Statues, & des plus atirantes qui
J°ient à Rome. Son Air de tête eft par-
lement bon , & fa Draperie eft ex-
Suife. Cette Statue a une Grâce & une
dignité infinie: elle eft debout, & aune
fnain couverte de Draperie , fans pour-
tant que cela empêche qu'on ne la voie.
Elle a, pour Piédeftal, un Chapiteau de
Co-
(*) Voie?ci-devant, pag.222,.
-ocr page 400-î-32- des Statues, Tableaux»
ar»me. Colonne Antique , pofée fur un Autel,
orné de Bas-Reliefs.
Elle a à l'un de fes côtés une Femme
en petit, auffi debout: fon Air eft char-
mant, & fa Draperie admi rable. De l'au-
tre côté, c'eft.
Vn petit Apollon.
Le Bufte d'un Silène, capricieux,mais
excellent. 11 a la Tête enfoncée dans les
épaules, & la Bouche ouverte, comme
s'il.aloit étoufer, à force de boire. C'eft
une Pièce exquiïe ,dans fon genre ; & je
ne pus m'empêcher d'éclater de rire, au
premier coup d'œil que ie portai defTus.
Ciceron : 1c Nez , les Lèvres , & le
Menton font Modernes, & peut-être
auffi beaux que l'étoient les Antiques
mêmes; mais, comme la reflèmblance
doit beaucoup dépendre de ces parties,
je ne voi pas qu'on puiiïe fe fier à ce
Tableau , pour nous donner une jufte
Idée de ce grand Homme. Il pafte ce-
pendant, pour le plus autentique de fes
Portraits (*).
Ï1 nous refte,malheureufement,de ce
Philofophe , & fameux Défenfeur de la
Liberté de fa Patrie, un petit Trait qui
ne lui fait pas beaucoup d'honneur,mê-
me à l'égard de ces deux qualités. C'e^
dans
(*) Voïez là Médaille de cet Orateur, avec les
marques de Tristan, dans fes Commentaires > parmi
celles de Julia Mammxa,
et Desseins, en Italie. 2,2,3
clans une Lettre qu'il écrivit à fon à
Ami A t tic us (*) , du tems du pre-
mier Triumvirat, où il croïoit, qu'il
^'y avoit que Caton & lui , qui réfif-
^fient au Torrent, qui aloit rompre les
p'gUes des Loix de la République ;
"alfage qui fait tort à la réputation de ce
grand-Homme. Après avoir déploré le
^[érable état, où fe trou voit alors fa
c^ère Patrie, il dit : Et quoniam Ne-
(f) proficïjcitur , cuinam Augura-
tUs deferatur , qnô quidèm unô ego ab
lftïs capï poffiim , vide levitatem meam.
9'eft-à-dire : Et puifque Népos s'en va
a Jon Gouvernement ) pour qui fera la.
Place £ Augure de fon Frère ? Ceft h.
Fui endroit y pâr-oà ceux qui gouvernent
a pr ejent pour oient me gagner. Je vous
*voue mafoiblejfe. Caton lui-même n'é-
lit pas tout-à-fait incorruptible : il elt
^faique, ni l'Argent, ni les Honneurs,
les Emplois,ni une Maîtrefîe,ni plu-
^rs autres chofes, dont on fait ordi-
^u'ement grand cas n'auroient pu l'é~
un^er; ma*s ^ ne pouvoir tenir contre
p 2 Alliance, ou un intérêt de Famille.
faL^OUE en raconte un Exemple, dans
\l,e : „ Lorfque C a t On, dit-il, eut
" e'e,choifi Tribun, & qu'il eut remar-
" T^e, que l'Eleétion des Conluls étoit
„ de-
n '"JTsubs Nepos,
-ocr page 402-î-32- des Statues, Tableaux»
uomi, „ devenue mercénaire, il déclama vi-
„ vement contre cette corruption , où
„ le Peuple étoit malheureufementtom-
„ bé ; &, fur la fin de fon Difcours, iî
„ protefla publiquement,qu'il acuferoit
„ tous ceux qui achèteraient les Sufra-
„ ges. Malgré cela , il en excepta Si-
„ lanus, par raport à leur Alliance ;
„ &, comme ce dernier avoit époufé
„ Servilie, Sœur de Caton, ce
„ Tribun ne prit point connoiffance de
„ fa conduite , au-lieu qu'il acufa Lu-
„ cius Mur^ëna,Collègue de Sila-
„ nus, d'avoir brigué fa Charge ".
O Liberté!ô Vertu!ô ma chère Patrie!
Caton d'ADissoN.
Dans un Deffein que mon Père a de
R u b e n s, il y a une Penfée, qui devroit
aler de pair avec les réflexions, qu'il eft
naturel de faire, à l'ocafion de pareilles
Foibleffes.dans ces grands Hommes. Un
Ange intercède, avec la Bien-heureufe
Vierge , en faveur d'un Evêque mort,
& tient une Balance , dont l'un des cô-
tés l'emporte fur l'autre. Les Hommes
les plus intègres, ne laiffent pas de don-
ner quelque poids au mauvais Baflin,
comme les plus fcélerats font quelquefois
o certaines petites courfes,dans le chemin
de la Vertu.
et Desseins j en Italie. 303
, Peu* beaux Mafques Antiques , COm- 5 Rome
d'écaillés de Petoncle ; faits de
Marbre.
La Tête & la Toitrine â tin jeune Her-
^/e>avec une pièce de Lion fur la Poi-
Il a l'Air parfaitement beau.
peux Statues d'Antinous ; pareilles à
du Belvedere : on trouve , que la
I? ete de l'une eft plus belle que celle de
. ;autre. Au-refte, elles font toutes deux
ntières, mais celle du Belvedere
116 l'eft pas.
One Statue colojfale de Tlotine, Fem-
tne d'Adrien : la Tête en eft excellente.
ùfarc-t_Aurèle, en qualité de Souve-
rain Pontife.
t, L'Amitié, fous la Figure d'une belle
. etr>tne, nue, & qui tient la main fur fa
P°ltrine, qui eft ouverte, par une efpè-
p, d'incifion , qui exprime la Sincérité.
^ eft une Statue moderne , plus grande
tà e le naturel ; faite par Pierre-w^
Olivieri, & dont Virgi-0/,w'-
0ïlJs Ursinus fit prefent à Ciria-
vUt; > comme il paroi t par l'infcription.
^X*nius Vrjinus Cyriaco Matthaio,
gAmicifia Monum:
atuers Illujlrius me ipja Amicitia non
$°tuit% M. D. c. v.
Il
y a, vis-à-vis, une Statue de Vénus,le »><""<*
de
-ocr page 404-î-32- des Statues, Tableaux»
à Rome, de la même Main, & de la même taille*
Elle elt très-belle, à la réferve del*
Draperie, qui en eft exécrable; elle s'e-
carre des deux côtés, comme des ailes»
fans qu'on y remarque la moindre Inveiv"
tion.
Un Aigle Antique , apelé 1 \_Aigle de
Mattei. Mon Père a trois diférens Def-
feins de la Tête de cet Animal,faitspar
J u l e-R o m a i n.
Au dehors de la Maifon , il y a pK*'
Heurs Statues, placées contre la muraille
L'une eft Jule-Céfar, qui facrifie, en f°n
Habit, confulaire: c'eft une des plus bel"
les Pièces qu'on puifte voir.
"Une Tête colojfale d'Alexandre le Grandi
apelée Y Alexandre de Mattei.
dans la Ville.
La grande Cour eft pleine de Bas"
Reliefs Antiques, qui font le tour de
muraille.
Pierre Fit H- One Madonne, S. François, S-Jt
rôme, de Pierre Pe'ruguin; au.xî
grands que le naturel Mon Pèt'e * f®
Tête de la Madonne : c'eft un Pellei»
fait à la plume,qu'on atribue à R a p «
Et Desseins, en Italie, ^çs
jusqu'il étoit encore jeune ; & il n'y a» &o&*{
:0lnt de dificulté à croire qu'il eft éfec-
:.1Ve^ent de lui, & qu'il l'a deffiné d'a-
;,tes ce Tableau , comme mon Père a
jpdques autres exemples de cette nature,;
grand éclat de Raphaël, & de
jj Sues autres Maîtres aéfacéunebon-
ç Partie du mérite des vieux Peintres.
e i Tableau de P e r u g u i n n'eft , ni
e> ni fec, non plus que plufieurs au-
*de fes meilleurs Ouvrages. De rnê-
ce> Pinturicchio a fait des Mor-
aux admirables.
p L'Adoration des Bergers : le Defteiîî
ju eft fort extravagant ; & on l'atribue à
q c h e l-â n g e ; mais je croi plutôt,
l1'! eft de Pelegrin Tibaldi deri'
•On/, • r ■ r i ■ balai.
°gne } qui etoit Ion grand imitateur;
fêtant plus que mon Père a un Def-
q'lî d'une des Figures de ce Tableau,
g a toujours atribué à ce Peintre. Son
ftjllt aproche véritablement de celui de
q ichel-Ange ; ce qui fait que les
v a ^ a c h e s, au raport du Comte M a l-
Sia (*) l'apeloient notre Michel-
i} Çe réformé : mais le Bolonais eft
' £lfeftement di fini ci du Florentin.
B „ 71 ee qui porte Anchife , de F r e d e- m
tarr 13 a roc ci, & le meme que 1 rLl-
<^Pe d'AuGUSTiN Carache. Il y
^ III V ara
ïeiJ»»<? Pittrice, Parte II.pag. 193,
-ocr page 406-î-32- des Statues, Tableaux»
i a.o«a, a un autre Tableau du même Sujet
le Palais SOdefcalchi du Duc de BrAc"
ci a no. Les Figures en font aufli
des que le naturel : & celui-ci paro^
être Original ; au-lieu que l'autre
ruiné , qu'on ne fait quel jugement £lî
; faire.
Dans unè autre Chambre.
te c.rr& Une S". Cecile du C o rr e'g e : elle
fameufe , par raport au Maître qui 'a
faite ; mais plus curieufe qu'excellente'
elle efl extrêmement dure, & la Drape*
rie en eft précifément dans le g0^,
(I'Andre Mantegna; cependant»1
n'y a aucun doute,qu'elle ne foit de cé
lui à qui on l'atribue. Ce Tableau eit
dans la première Manière du Corre'^'
lorfqu'il fortit de l'Ecole de Manteg**'
Il reprefente le moment de la Vie
cette Sainte,où il entre un jeune H0.0?'
me qui vient pour la ravir , mais qui13
regarde avec étonnement, à la vue
Anges qui tiennent une Couronne *ux'
deflus de fa Tête. L'on y remarque
certain éclat de Lumière , qui preny\
fource des Anges, & qui fe répand lul.
tout le Tableau , d'une façon qui
particulière au Correge; outre ffî
les Airs, tout roides qu'ils font, neJal£
fent pas d'avoir quelque chofe du Gou
de ce Maître. ^
et Desseins, en Italie. 2,2,3
^ ~n Saint que Pcn conduit au Martire, \ PvOM gj
p.înt par André' del Sarto. La dd
ieee entière n'a que deax piés de hau-
r\Ur5 fur un pié & demi de largeur.
fii1 etl découvre , dans le lointain, plu-
q autres qui font fur la Croix , ou
fuir*1 a mourir Par quelques autres
nj ■ .s* un Tableau excellent ;
pf;s il a été fort gâté par la nielle. Mon
j£ere en a le Defiein original très-excel-
* en pierre rouge.
^ Cardinal Borgia & Machiavel:!e Thien >
p Un Tableau qu'on dit être de Ra-»^
mais je croi plutôt,qu'il eft du
^ 1tien. Ce font des demi-Figures de-
, & aufti grandes que le naturel.
P^hiavel regarde fixement le Cardinal
nJace.
fameux Crucifix,fait par Michel-
r-, fi l'on en veut croire le Conte
!cule qui s'en débite , fur le modèle
rj n Porte-faix, que ce Maître fit rnou-
, pour profiter de fon agonie, &
à ce!udier les circonftances. 11 eft pareil
^ ^e S. Jean de Latran ; excepté
y a dans celui-ci S. Jean & la Vier-
leu'^^ ne ^ont Pas ^ans celui-là. D'ail-
& -1 s 5 celui-ci eft plus petit que l'autre ;
de J I"6 ^l§ures n'ont qu'un pié
ju-°ng; encore ne font-elles pas bonnet
*Ué ^ l! y a fi peu d'aparence qu'on ait
Un Homme exprès, pour rendre les
Y s
î-32- des Statues, Tableaux»
à romi-. Expreffions de ce Tableau plus fortes®
plus juiles , qu'il n'y a prefque p°'nt
d^'Expreilion , ni fur le Vifage , ni
Corps; & ce n elt qu'une Figureinfipi^e
& ordinaire. La Vierge & le S. y**
ne font pas meilleurs, que le refte de
Pièce : l'Attitude & l'Expreffion
impropres dans l'une, & bafies danS
l'autre. Ce Tableau eft peint d'une M3'
nière très-finie, félon la coutume de ce
Maître , & en général de tous ceux
fon tems , dans les Pièces de Cabinet»
& fur-tout dans les petites , telle qu'e^
celle-ci. C'eft dommage que ce gran^
Homme fe foit mêlé de faire des Ouvra-
ges de Dévotion , où il doit entrer
Caractères modeltes & aimables. l\a*
voit,dans fon tempérament unecerf^5
férocité , qui le rendoit incapable
traiter ces fortes d'Ouvrages avec fucces!
quoiqu'à d'autres égards,& dans ce
convenoit mieux à fon génie , il n'y 31
jamais eu perfonne qui l'ait pu égaler-;
le Titien, Maître d'Ecok dit TlTIEN. C ^
ainfi qu'on apèle ce Tableau, qui u!j
des plus fameux qu'il y ait à Ro^e- .,"
elt à demi-Corps,aflis dans un fauteun»
apuïé fur le dos, & tient les deux P01'
gnets l'un fur l'autre. C'eft une
fxqui(e,par raport à la force, à l'efp»V
la beauté & à toutes les parties eT]
lierai ; & elle eft fort bien confervé^
n
-ocr page 409-et Desseins, en Italie. 2,2,3
Un Modèle en Couleurs,en huile fur * R-08^
toile, du Corre'ge, d'une Tête uumie.
e ^ieil/ard qui fe trouve dans la Cou-
pole de Tarme : elle eit de profil & re-
grde en haut. Mon Père en a le Def-
en crayon noir , de la même gran-
Aflî.r>& précifément dans dans la même
Clîude, & du même Air.
î)
ans la Chambre où le T rince fe repofe
après dîner.
h La Leda de Léonard de V1N c 1,
J^eîile à celle qu'a Mylord Pembro-
t E: elle elt moèleufe, bien deflinée,&
e*-finie.
r\fa Vénus toute nue & couchée , du lc Ti,im'
p.jt 1 e n : dans l'éloignement on voit des
J'jP's qui tirent des Habits d'un Cofre.
dû^t f°r!: belle & inconteftablement
p Mtien. J'ai déjà parlé d'une autre
" Cl^e, dans le Palais Barber in L
T)ans la Chambre des Deffeins.
refait parade, à la vérité, des Def-
p0ns Sui font dans cette Chambre ; 8c
f0ni détend, qu'ils ont coûté une grande
atrih^ d'argent. Il y en a plufieurs qu'on
à R ue ^ jcle-RoMAiN,&unoudeux
^ aîHael, qui font dans des qua,
' & fous des glaces ; mais il eit cer-
V 3 tain 3
î-32- des Statues, Tableaux»
i Rome, tain , que ce ne font tous que des Co-
pies , au jugement même des Conno»-
feurs de Rome,
iùr'Tableau,où Vénus remplit le Carf
quois de Cupidon , des flèches que Vu
cain vient de lui aporter : il y a enc£>re
pîufieurs autres Cuptdons. Augustin
Venitien en a fait une Eftampe , &
prétend que c'eft d'après Raphaë^'
qu'il l'a gravée, & cela paroît même Pa,r
le Goût, Mon Père a pourtant un V&*
fein fort beau de ce même Sujet, &
la grandeur de I'Eftampe,qui paroît bien
être Original ; mais il n'eft pas de R A'
p h a e l» On a commencé de faire à
Tableau une efpèce d'Ornement ,
le Stile de Don j ule-Clovio , iflâtë
on ne l'a pas continué tout alentour.
Dans F Jpart ement de la Trinceft'
le Titien, Le Titien avec Ja Maitrejfe ; de
Mam.de ce Peintre. Ce font les mêmes
que ceux de l'Ëfiampe qui eft dans la
Galerie de Leopold.
Dans le Jardin.
um^ms. %Jn Ras-Relief de cinq Figures,
l'une eft aftiie fur un Rocher, & joue de
la Flûte.
Deux Statues Antiques, parfaite»^
-ocr page 411-et Desseins, en Italie. 2,2,3
Y Hercule de Farnefe, plus pe-i rom*.
'!tes que ce dernier, mais auffi grandes
^le naturel.
-.fne Copie Antique de la Vénus de
Médkis,
$ ^tre Seigneur , qui donne les Clefs àle v<>"$»'■>
^ fierre, peint parle Poussin. Ce
t. abteau eft plein d'Expreffion & d'Ac-
o°n > mais en même tems mal colorié,
1 ^al peint : le Coloris en refîemble à
Qe la terre blanchâtre (*).
r, Le 'Payfage , ou l'Homme s enfuit du ie
ùerPent-, delà même Main.
, Bacchus & Ariadne : Bacchus eft de- le mirât,
fur fon Char , & regarde fort ten-
prement Ariadne, qui eft couchée. Le
îa°r S-SIN a coP^ Figure Antique de
V^opatre mourante , pour faire fon
;riadne. C'eft un Tableau noble, bien
01°rié, & d'un bon Clair-Obfcur.
A\-becca qui donne de l'eau au Me{fager\ le mime«
finement bien exécutée (t). Mon Pè-
Pl,en a un Deffein efquiffe , & un autre
- ^ni d'une des Servantes.
beau Tayfage, dans lequel on voit 1 e »><?«««
ne *emme aJJïfe^Q menton fur la main,
çH .1, ^ Eftampe en eft gravée par Pesne 8c pas?
Eftampe en eft gravée par R o g s. s e t e t.
ft'i, des Statues, Tablea^»
SE.OMÏ, & le coude apuïé fur le genou; un £nt
fant endormi, & une autre Femme,qui
montre quelque chofe avec le doigt-
, ïe mime. Un autre encore, ou Von porte (Phociof
pour renfével'tr. Mon Père a unDeflelt*
original de ce Groupe. Ce Tableau
extrêmement bien peint & bien colorié
mais le Lointain en eft trop dur.
Comme les Payfages font une imitation
• de la Nature champêtre , il peut y en
voir d'autant de fortes, qu'il y a d'H1*"
rences de cette efpèce de Nature, ^
peut reprefenter la Scène dans tout Pays>
dans tout Age, avec , ou fans Figuré j
mais s'il yen a, comme cela fe pratiq0,6
ordinairement , elles doivent convenu
au Sujet du Payfage, & fer vie à l'animé
& à l'enrichir,avec cette précaution pouf'
tant , qu'elles ne tiennent pas un rang
trop confidérable ; car alors, le Tablea'J
change de nom , & au-lieu d'être nn
Payfage , il devient une Hiftoire , nne
Pièce de Bataille, &c, ou du moin^'
c'eft un Ouvrage équivoque. Cettefaï*-6
de Peinture eft , par raport à l'Art "
peindre , ce qu'une Paftorale eft en
de Poëfie : & , de tous les Peintres erj
Payfages, Claude Lorain eft c£j'J
qui a les Idées les plus belles, les FiU
agréables, les plus champêtres,
paroiftènt être de notre Siècle. Le i ^
ïïen & Nicolas Poussif ontJ?;
* ■ * hll-
1
-ocr page 413-et Desseins, en Italie. 2,2,3
^leplus relevé ; & les Payfages de ce»«
dernier font ordinairement Antiques,
~°tnme on le voit par fes Edifices, & par
Figures. Les Figures de G as par
j. °Ussin font aufli Antiques; d'ailleurs,
Pièces font un mélange du Goût de
, 'colas Poussin, & de Claude
^j°Rain. Pour ce qui eft de S al va-
Ros a , i! a préféré à toute autre
panière celle de reprefenter une efpèce
^ Nature fauvage & feroce , avec un
«tile également noble & grand. Rubens
a reprefenté la Nature, telle qu'on la voit
Ordinairement : il ne laillè pourtant pas
«e l'enrichir, & de l'éveiller, pour ainli
^re, par certains Accidens, comme font
des Vents , des Eclairs , l'Arc-en-Ciel,
3(1 • Tous ces Maîtres font excellens dans
leUrs diférens genres; maisilmefembie,
Sue le Poussin s'eft quelquefois trom-
pe > par raport aux Figures qu'il a fait
entrer dans fes Payfages, comme on le
v°it à l'égard de deux de celles que j'ai
*?°trimées , qui font l'Homme qui s'en-
Jjit du Serpent, & les Funerailles de
hoc ion. L'un eft un Accident, & l'au-
Une Hiftoire; mais, ni dans l'un, ni
' ans l'autre , la Scène ne s'acorde point
cV?c les Auteurs : parce que ces deux
nujets font graves, terribles, & Solen-
ts > & que les Payfages au-contraire
111 air gai & riant. Cela fait naître
V s dans
î-32- des Statues, Tableaux»
Hbmï- dans l'efprit des fentiraens tout-à-fait
opofés les uns aux autres. Il eft impoffi"
ble d'être touché du plaifir que donne
naturellement lareprefentation d'un beau
Pays, lorfqu'on voit en même tems des
Objets qui fufcitent des penfées toutes
contraires à cela ; & la gaieté , ou la
beauté du Payfage interrompt les réfle-
xions férieufes qu'on peut faire fur des
Objets qui doivent exciter la pitié.
D'ailleurs,les Figures font tropconfidé-
rables pour des Payfages, comme ces
Payfages le font trop , de l'autre côté,
fi on les en vifage comme des Tableaux
hiftoriques. Il faut donc , que ce foit
ou les Figures feules , ou le Payfage en
particulier, qui falfent la principale par-
tie de la Pièce: car il en eft , d'un Ou-
vrage de Peinture, comme d'un Etat
Politique; lorfque deux Puiffances ég1:
les font leurs éforts pour regner à l'env*
l'une de l'autre, il eftimpoffible qu'elle5
n'y caufent une infinité de troubles^
de
confufions, & de defordres.
On a un Recueil de huit grandes jp"
tampes des Payfages du Pouffin (*)*
parmi lefquelles fe trouvent les deux
dont j'ai parlé ; & où il eft dit , que les
Tableaux font dans la Galerie du Loti"
vre. Il n'eft pas fort extraordinaire qu'un
Mai-
-ocr page 415-et Desseins, en Italie. 2,2,3
Maître ait fait plus d'une fois le même à
Ouvrage ; & le Poussin peut avoir
^Pété ceux, dont il s'agit, comme il a
tait de quelques autres encore.
Les fept Sacremens , auffi duPous-ie
J}*»: l'on y remarque une grande varié-
e> par raport à la Manière. Les uns,
premier coup d'oeil, on fort l'air de
Copies, & d'autres font beaucoup mieux
Peints. Il n'y en a pas un qui foit bien
c°Jorié , quoiqu'en général ils le foient
^ieux les uns que les autres ; & il n'y a
Point de doute, qu'ils nefuftent durs &
Cruds dès le commencement : ils font
^Us travaillés, d'une Manière aflez
Peinée. Mais ce qui les dédommage
tous ces Défauts, c'eft la Penfée
, & TExprefiion admirable , qui
font remarquer par-tout ; & à cet é-
Sard , je croi qu'ils font meilleurs que
eeux qu'a le Duc Régent de France,
^ que , par conféquent, ils leur font
Préférables,malgré le desavantage qu'ils
Pouroient avoir d'ailleurs, fi on les met-
r°it en parallèle les uns avec les autres.
~ Le Batême n'eft pas d'un bon Clair-
^bfcur ; mais il eft remarquable, par ra-
î^rt aux Expreflions de Surprife & de
dévotion, à la vue de la Colombe.
La Communion, ou le dernier Souper,
excellentes Aftïons, & d'excellens
lrs de Têtes j mais il reftemble plus à
î-32- des Statues, Tableaux»
une Copie qu'aucun autre,quoiqu'il Fort
indubitablement Original. Pour ce q"1
regarde la coutume des Anciens de fe cou*
cher à table,de la manière qu'on le voit
dans ce Tableau, lifez un beau Difcours de
Philipe Baldinucci, dans fa Vie
de Santo di Tito, Vol. 111. pag. u6.
& dans la Vie de Louis CigolI»
Vol. IV. pag. 24.
Le Sacrement du Mariage, &
Celui de XExtrême Onttion font re-
marquables , fur-tout par raport à la beau-
té des Airs.
Celui de la Confirmation eft le mieux
peint de tous : le Pinceau en eft hardi,
& fon Coloris furpafte celui de tous les
autres (*).
On trouve ici une Copie de la Peintu-
re Antique que l'on nomme, Le Nozze
Aldobrândinï, aufti faite par le Pous-
sin ; mais elle eft mal coloriée , & les
Airs n'y font pas bien obfervés.
Dne autre Copie de La J oc on de de Léo-
nard de V inci, que le Roi de/r^
ce a: elle eft allez médiocre,quoiqu'elle
paiïe à Rome pour un Original. J'en ai
vu encore une autre à Bruxelles.
le
C*) Il y a des Eftampes de ces fept Tableaux, gavées
par Cbaiuioni
et Desseins, en Italie. 2,2,3
La Galerie eft, par raport à la Struc-
^Ure , à la netteté , aux Colonnes anti-
^es, ]a pîus magnifique , & la plus fa-
rne"fe de toutes celles de Rome.
%)ne <pefte , peinte par le Poussin, le^jr».
arge d'environ trois piés, & un peu
lllQins haute : elle eft très-bien peinte &
*rfs-bien coloriée. Mon Père a un Def-
e'n original & fini du Groupe principal.
r Plufieurs autres Tableaux de bons
Maîtres, comme de Claude Lo- cw*l,.
hain, de Gaspar Poussin, &c. z^fz
VEglife de S.Charles Catinari.
Le premier Autel qu'on trouve à main
droite , & qui apartient au Marquis
s t a G u t 1, eft orné del'Anon dation,
raite par Lanfranc. Mon Père en a
S. Grégoire le Gr and en prières, peint
Anibal Carrache. Le Duc de <■*•
evonshire en a le Deiiein, très-capital.
Dans la Galerie.
La Salutation de S". Marie & de S",
^kfabetb , d'Andre' d e i» Sarto. ^nm
C'eft
-ocr page 418-î-32- des Statues, Tableaux»
i xome. C'eft une Efquifte finie, & le même Def-
fein que celle qui eft peinte dans le Scal%°
à Florence ; fi ce n'eft que celle-ci eft en
Couleurs, & de la longueur d'environ
trois piés.
l' Cui*>- Le T or trait du Cardinal Bernardin?
Spada, de toute fa hauteur, & afiis,fait
par le Guide. Le Clair-Obfcur y etf
en perfeftion : la lumière fur le Vifage
fait la partie principale,& de-là defcend
par degrés, & fe répand doucement par-
tout , de manière que tout y eft gai &
illuminé , mais avec de fi juftes grada-
tions, que la Piècé entière conferve tou-
te fon Harmonie, & toute fa force. Le
Vifage a un fort grand relief, quoiqu'il
fe trouve fur le fond clair d'un rideau
de couleur de laque, qui étoit la couleur
favorite de ce Maître. La Carnation etf
mûre, & le Coloris en eft clair & tranf-
parent. Il a la tête couverte d'une Calote
rouge de Cardinal, & l'on ne lui voit
point de cheveux. Sa Draperie, parfai-
tement bien peinte , eft d'un Satin cra-
rcoifi, qui eft ordinairement ce que leS
Cardinaux portent en Eté , & fon R o-
chet fait admirablement bien paroître
foie par-deiFous. Ce Cardinal eft
devant une table: d'une main il tient u^
plume , & laifle tomber l'autre fur
genoux. Il détourne le vifage de fott
écriture, & il a peu'd'ombre. On parl£
et Desseins, en Italie. 2,2,3
beaucoup de ce Tableau, & ce n'eft pas à rome,
îaRs raifon affurément.
Mort de Diâon du Goercin:g»»**
ei'e eft tombée par terre & î epée lui
J^®2 à travers du corps, de la longueur
J) une aune;quoique l'Expreffionenfoit
,Uq peu féroce & outrée , elle ne laif-
4; pas d'être fort touchante. C'eft uni
*'apleau plus grand que le naturel;
dans une Manière forte & noire ,
^0lîltne font la plupart de ceux de ce Maî-
lre , & fur-tout fa :Petronelle , qui eft
S. <p.ièrre. 11 y a , dans cet Ouvrage,
^n Homme habillé comme un des Suif,
fa de la Garde du Pape. Ce Tableau
!*'eft pas l'Original, quoiqu'il paffe pour
e< dans tous les Livres qui en parlent ,
. qu'il foit apelé par excellence U
■Uidon $pa£a son Original, de
^eme qvje celui d'une Pièce du Gui-
Su'on voit dans cette même Gale-
rie , vis-à-vis de celle du Guercin,
a été porté en France: de forte que
pes deux Tableaux ne font que des
^°pies ; mais elles ont été retouchées
pr les Maîtres mêmes , pour le Cardi-
nal Bernardino Spaâa , qui étoit leur
^iOtefteur. Le Tableau original fut
xpofé trois jours confécutifs en pu-
lc » avant que d'être envoie à la Rei-
de France , pour qui il avoit été
aic' Le Guide', au raport du Comte
M A L-
-ocr page 420-'3des Statues,Tableaux»
à Rojtf. M a l v a s i a ( * ) l'alla voir, & il en
li charmé,qu'il courut d'abord chezl^î»
& dit à fes Difciples, „ Vite, vite, qul~
,, tez vos Ouvrages, & allez aprendre
„ comment on ménage les Couleurs ' •
isinl iques. La Statue de "Pompée , une fois pl^
grande que le naturel (f) ; d'une main11
tient un Globe,& il étend laurre,coffl'
me s'il faifoït une harangue. C'eft une
Pièce excellente, & la feule qu'il y ait à
Rome de ce grand Homme. Elle a été
trouvée, du tems de J u l e 111. enfévelif
de telle manière, que le cou fe trouvotf
fous un mur rnitoïen ; ce qui fit que
Maîtres de l'une & de l'autre Maifon Ie
difpucèrent à qui auroit cette Statue ï
celui qui étoic du côté de la tête y pr^~
tendoit , parce que c'eft la principale pat'
tîedu corps ; & l'autre foutenoit auffi"
qu'elle lui apartenoit, parce que la plus
grande partie étoit fur fon terrein. E0'
fin,après avoir été long-tems en procès»
pour ce beau refte de l'Antiquité,
convinrent tous deux de référer la chofe»
& l'on jugea, que la Statue feroit coupée »
& que chacun en auroit fa part ; c'e^
â-dire , que l'un garderoit la tête , ^
l'autre le refte du corps. Mais ce
ment ne fut pas plutôt parvenu auxoreu-
les du Cardinal Capo di Ferro, arand a-
mateu*
(*) Tom. II. pag. 368.
(t) Rossi, Stat, cxxyîï.
et Desseins, en Italie. 2,2,3
(jcateUr des Ouvrages de l'Art ? qu'il fit part au Pape à Roms».
ter]oa£e cette hiftoire: & fa Sainteté s'e'tant fait apor-
Pou 7 tue en queftîon, etl P^fent au Cardinal,
da^r Je récompenfer de fa peine , après avoir abon-
qtti7Çt indemnifé les deux parties. Ce Prélat, à
plg e Palais, dont je parle, apartenoit alors, la fit
l'endroit où elle eft encore aujourd'hui,
dan? , ntiqtiaïre m'a alïuré , qu'elle a été trouvée
*UinP 'Tiême endroit où avoient été autrefois les
bea( s de la Cour de Pompée ; de forte qu'il y a
ce]le P de vrai-femblance , que c'eft la même que
rapo ^Près de laquelle Ce's ar fut poignardé , au
en ^ PtuiARQUE, & d'autres Auteurs qui
°nt Parlé.
La Maifon apele'e
la Ma/cher a d'Oro,
& celle de Belloni, fameux Banquier.
tj^n trouve , fur le dehors des murailles de ces Polidore,
pi * Maifons , qui font vis-à-vis l'une de l'autre,
Pei^rs Hiftoires à Frefque , & en Clair-Obfcur,
V Par P o l 1D o R e ; le Rapt des Sabine s ( * )
<lu eî bien confervé, à cela près que la partie
vQit atfr touchoit la fenêtre eft abatue. On y
9*i 1 ies fameufes Frïtês des Enfaxs de Niobé,
b<aT\tUh ' « conPs de fièch" par APollon- & Par
^ak 11 ' il y a auffi la Frife de Mtums Scavola -
Cil î £,le eft entièrement dépérie ; on l'a replâtrée
DeflV 1 ^'endroits, que je ne faurois dire , fi U!1
cette i1 'que mon père a ce je£ 'a été fait P0«
Pofé H, 'nture. Au-refte , ce Defïein qui eft com-
ttès-p Une grande quantité de Figures , & qui eft
e*cei! confervé eft , par raport au goût, le plus
^ère 1 que J'aie encore Vu de ce ce Maître. Mon
a auffi deux diférens Deffeins de Polido-
eHCQr P°ur des parties du Rapt des Sabines. 11 y a
ï'eu vîUne Frife de Caton qui s'arrache les entrailles.
yj0rd s o me r s avoit un beau Deffein de la
fiylI[I- X Ma-
J-U Gave enEftatnpe, par Giiusï»^®1'
^pes. T z 1 u s > & Gaii-isimii1 0Dt Mit des
î-32- des Statues, Tableaux»
% r.eîie.
Dans le Dôme.
Guèrein. UEcorchement de S, Bartelemi, du GuerCIÎ*'
c'eft un des meilleurs Morceaux de ce Maître'
Dans le
unir-"- On trouve un grand Bas-relief, excellent,
fort endommagé, des Ouvrages de Minerve ('
San Taolo décollait) aile trè Fontâ^'
Cet"
le Guide. S.Pierre, avec la Tête baiflee, du GuiDE- ^
te Figure eft fur-tout remarquable , par raPortcif
tour que lui a donné le Maître , & aux aUtreSjaflS
confiances naturelles à un Corps qui fe trouve a*
une Attitude auffi peu aifée que celle-là. Ces p* j
ticularite's , jointes à l'obfcurité du Tableau 5
donnent une belle Expreffion. C'eft une Pièce
le Guide a faite, lorfqu'il étoit encore jeune»
qu'il difputoit l'honneur & la prééminence à ^
r a v a g g i o , qui en étoit tellement en poffe"'^,
que le Guide fut fur le point de quiter
ceau , pour faire négoce de Tableaux & àc V ^
feins j où l'on pouvoit dans ce tems-là fa'r
profit très confidérable , non-feulement à
înais auffi en France, en Hollande , & en AngMeïïC 1
(*) Voïez V^Admiratidd, depuis No. 3Î. iufqu'à 4I1
aient. 1
(î) Pittr. Tom. II. 21.
Fin de U première partti
du Tom troi/ième,
De Divers Fameux
Qui fe trouvent en ITALIE;
Avec des Remarques.
îPar M». RIChJrT> SON, Tère& Fils.
Traduite de l'Anglois:
Revue j Corrigée, confidérablement augmentée, dans
cette Traduction , par les Auteurs.
' Seconde Partie.
-ocr page 424-D£ DIVERS FAMEUX
BUSTES, BAS-RELIEFS, &c.
qui Je trouvent en
ITALIE.
à ROME,
fjUaod je fus arrivé à Rome , je me a koh^.
TX lrT°Tuv,ai au comble de mesfouhaits,
î-32- des Statues, Tableaux»
» par raport à ce que j'avois à voir dans ce
Monde. Le Vatican eft à l'égard d?
Rome, ce que Rome eft à l'égard durei-
te du Monde, C'eft-là que font les pj^
fameux , & le plus grand nombre ue
Ouvrages de Raphaël; & l'on PoU~
roit avec juftice l'apeler l'Atelier de
Maître. On le fit venir à Rome , P0^
travailler dans ce Palais. C'eft paf'L
qu'il commença , & où il fut ocupé p'
qu'à la mort. Mais ce n'eft pas à àtie>
qu'il n'ait fait d'autres Ouvrages detet»5
en tems.
Les Apartemens, qu'on apèle les L0'^
ges de Raphaël, font quatre Chatnbr<:
contiguës, dont la première eft la
de Conftantin , & la dernière eft cet A'
parlement connu fous le nom de ChaM'
bre de la Signature. On les trouve décH"
tes par V a s a r i (1), par F e'libien (f)'
& par quelques autres Auteurs ; mais i
n'y en a point qui en falle une DéfcnP'
tion qui foit fi bien circonftanciée,
celle de B e l l o r i ( Je luis à^
1 P<rte III. Vol.I. pag, <5p, fcq,
(f) Dans la Vie de Raphaël.
* %
(f) Blferi-Mone delle ima<<ini depinte du RaF a F1"
d a U&BIKO, nel Vciiua.no, &c.
Desseins, en Italie. 3x5-
la'?t Plus fûr qu'elle eft très-exa&e, que à
confronté le Livre avec les chofes
le^es dont il parle, à mefure que je
l voïois. forte que cela m'épargna
Qu Prendre quantité de Mémoires
lej'aurois été obligé de prendre, fans
: :jecours. C'eft donc avec l'aide de cet
ces f ' ^^ Je ferai la Défcription de
iatjieux Ouvrages, en fuivant h plan
-fe ie me fuis propofé, dans ce Traité.
^ Vatican eft un Palais d'une vafte
Q ,^due , mais fort irrégulier , en ce
j]11 Une partie eft fort ancienne ; & que
/Utre a été rebâtie, ou réparée dans les
jjerniers Siècles. On y voit encore une
10t*ne partie des Ameublement qui y é-
^nt du tems de Jule II. & de Léon X.
•même que des Pièces de Peinture de
piques Maîtres Anciens, & de Ra-
trp EL ^ême, ou de fes Ecoliers; ou-
do C^Ux ^ui font dans les Chambres,
ie viens de parler.
h Ta e le grand Efcalier, apelé la Se a-
txZfPtà * par ou l'on y monte , on
les Une ' briques, dont
Pe, pgrés font fi aifés, qu'un cheval
2 monter, pour ainfi dire, au ga'iop.
^ ? t^Partemens font au troifième étage,
Vert meme hauteur que la Galerie ou-
qu> e> où font les Ouvrages de Peinture
iinr■3pèle la Bible de RapHAEL»
*** le parlerai dans leur range
X 3
-ocr page 427-'3des Statues,Tableaux»
IH.OM*. Il y a plus de douze ans, que le (*)
pe a changé de réfidence ; & ^ j*
pas d'aparence que les Evêques de ts° ^
Veuillent faire dorénavant leur d®1*1^
re dans ce Palais , parce qu'il n'eft » ue
fi commode, ni dans un li bon air, °>:
celui de Monte Cavallo,ox\ le Souver?'
Pontife fe tient aujourd'hui. Je fus
pris de voir, que les Peintres & leS/1
mateurs de l'Art avoient, à l'imitatlty
du Pape , abandonné cet endroit. 4y
ai été , peut-être plus de vingt ^
& je m'y fuis toujours arrêté a11 >
long-tems , fans y rencontrer j3® e
perfonne , que le Domeftique qu1 ^
faifoit entrer dans les Apartemens î
ce n'eft qu'un jour, j'y trouvai un Pel *
tre , qui étoit ocupé à faire une Ve ^
mauvaife Copie de la Bataille de Confié"
tin. .
Les Chambres en font bien proport*0
nées,& leurs Plat-fonds font d'une '
ne hauteur. La Sale de Constaî,tu-
eft non-feulement la plus grande 10 %
tes, & fon Plat-fond aufli plus ha»1 \ s
proportion ; mais elle eft aufli la r t
clasre , parce que les trois autres 1
obfcures , & toutes trois à-peu-Ff /
pour ne pas dire précisément, de 1» f '
me grandeur. Les fenêtres avancent^
(*,) Ceci a été écrit avant la mort de ÇitW
-ocr page 428-et Desseins, en Italie. 2,2,3
jHors, avec {3es bancs tout autour ; de»*.»»*
iamere qU'eues femblent, former au-
de petits Apartemens. Elles font
lit ' Par Croifées en Pe"
{ es Par îles, épaîiîes commme des pou-
femki ^ Sarnies c1e lofanges de verre,
tem es ^ ce^es fen^rres vieux
^- Le Plat-fond de la Chambre de la
Rature , & celui de la Chambre qui lui
1 c0ntiguë, font divifés en ronds & en
Huarrés, par de femblabies poutres, qui
récent fi fort, que les Peintures qui
;0lït dans ces ronds & dans ces quarrés,
?e s'y voient que, comme du fond d'une
°°ëte.
. Les Tableaux que l'on voit dans ces
Partemens ne font pas tous de RA-
La Chambre delà Signature a-
it été commencée par d'autres Maî-
ori,mais abatit ces Ouvrages Par les
p,ares du Pape , excepté une partie du
c^-fond,que RAPHAËL conferva. La
p Ie CONSTANTIN n'a été peintequa-
ï^es la mort de ce Maître , par JULE-
& par JEAN FRANÇOIS
fç-^ï, quoiqu'avec le fecours des Def-
ç^que leur iîluftre Maître avoit faits.
h ' 1(^nt ces deux Peintres, avec P OLI-
q P E R i N DEL VAGA, & quel-
les autresDifciples de RAPHAËL,qui
Obr !nt les Petltes Hiftoires en Clair-
leur qui régnent en façon de Frife
X 4 tout
bes Statues, TableaUXj
i tout autour de ces Chambres, au-deff°uS
des grands Tableaux, de-même que !e"rs
Ornemens ; & il eit allez vrai-feffiblaty
qu'ils ont eu quelque part aux gian'l
Tableaux qui ont été finis avant la
de leur Maître , quoique tous les Ve1'
feins, & toutes les Compofitions en gé^
ral, foient de Raphaël même. , 3
Raphaël ne fut pas plutôt arrivé *
Morne,qu'il fut emploie,dans cesCha?"
bres. Je n'ai pu favoir en qu'elle anne£
ce fut ; mais, comme on trouve (*) un,
des lettres qu'il a écrite de cette V"'
le, datée de 1508, & qu'il mourut»4
ijxo , il paroît, qu'il a été , au Moï\
douze ans à faire ces Ouvrages : il ^
pourtant fait pîufieurs autres,tant d'^1.
chitefture, que de Peinture,pendantc
tems-là. ^
La Chambre de la Signature par
l'on a commencé a été finie l'an
comme il eft marqué au-deffous $
nêtre : la fécondé efl; datée de c\e.
1514. la troifième de 15-17. & la
Constantin, qui, comme n011?, ..
vons dit, n'a point été peinte par
phael, a été achevée en 1514. ^
On trouve,aux cotés des trois
bres, les grands Tableaux, garnis^ce
(*) Felfma Pittrke. part. n. pag,4;. Rap»aEI ' '
voit alors que vin^-cinq ans. • • • '
et Desseins j en Italie. 303
e|pèce de quadres ou d'ornemens an-iro
Rlens, qui étoient à la mode en ce tems-
a ? & qui tiennent un peu du goût Go-
fbique. Ils s'étendent depuis environ la
«auteur d'un grand homme jufqu'au Plat-
Jond ; & le relie jufqu'à terre eft divifé
Par des Cariatides, peintes d'une couleur
g^nâtre. Dans deux de ces Chambres,
p dans celle où font les Hiftoires des
ljapes Léon I. III. & IV, fe trouvent
Peintes de la même manière, dans ces
e[paces,les Statues des Bienfaiteurs de
^'Eglife ; entre lefquelles il y a de peti-
tes Hiftoires, comme des Bas-Reliefs on
des Frifes peints en Clair Obfcur, fur un
fond jaunâtre ; & qui reftemblent à des
JJefteins rehauffés fur du papier coloré,
jcela près qu'ils font plus grands; &les
^gures, autant que je m'en puis fouve-
îllrT> font d'environ deux piés (*).
^ f^s grands Tableaux qui font dans la
^ale de Constantin ne descendent pas II
■ s » que ceux des autres Chambres ; car
rn ne Pus 7 aEeindre, qu'après avoir
jrpnté plufieurs marches d'une machine
exprès pour s'y afleoir, & pour ob-
^rver commodément les parties de ces
' Orages, qui d'ailleurs feroient trop
MOlgnés de la vue, pour les pouvoir di»
X 5- fcerner
Par^ 0n en voi? des Eftampes, gravées par P. San ta
-ocr page 431-î-32- des Statues, Tableaux»
i rom*. fcerner. Dans cette Chambre , il y *
un efpace entre les grands Tableaux #
les Frifes, ou autres Ornemens qui f°n£
au-delîbus.
Ces principales Pièces de Peinturé
dans ces diférentes Chambres, ne font p&s
de la même forme , ni de la même di'
menfion ; elles font plus grandes les unes
que les autres, & elles font toutes, exep"
té celles de la Sale de Constantin , e»
demi-cercles , ou aprochant ; dont plu-
fieurs font peints au-deflus & à côté des
fenêtres, qui par conféquent, s'élèvent
plus ou moins dans les Tableaux.
Les diférentes difpofitions de ces Ou-
vrages en rendent l'avantage de les voif
également diférent : il y en a qui font
dans un bon jour ; mais ce n'eft que dans
la Sale de Constantin , parce que les
trois autres Chambres font fi fombres,
que ies extrémités des Tableaux qu'on
y voit le mieux,font plusobfcurciesque
le milieu; & pour ce qui eft des autres»
îorfqu'on les veut regarder, ou les fene-
Fiêtres éblouïfient la vue , à quoi il eft
ïmpoflible de remedier toujours, &par-
tout , ou ils font dans des lieux fi ob-
fcurs , qu'il faut de néceflité qu'on les
ait peints à la chandèle.
Le Coloris en général en eft noirâtre &
defagréable ; foit qu'il ait été tel dès le
çdmmencement,ou qu'il doive ce chan-
g ement
-ocr page 432-Et Desseins, en Italie, ^çs
|aIïlent à «ne longue fuite d'années ; il1
indépendant certain, qu'il y a quelque
perence à faire ; parce qu'ils font meil-
^ aSréables leS Uns <lueîesau~
pne autre circonftance remarquable,
empêche que ces Ouvrages fameux
c,e Paroiflent avec tout leur avantage ,
elt » en général, le manque d'Harmonie,
0!Heulement dans les Tableaux mêmes,
aufli dans les Chambres entières,
ce qu'elles font furchargées, & que
^s petits Morceaux embaralfent les
grands , qui auroient mieux paru , s'ils
avoient été feuls,& s'ils avoient été ren-
fermés dans des quadres, qui euifent
jervi à borner la vue, plutôt qu'à la dif-
lr£ure & à l'atirer ailleurs,
o Tout ces Ouvrages font à Frefque *
en donnant quelque chofe à cette for-
e ue Peinture, & à la diférence du tems,
°u ils ont été faits, ceux qui n'ont vu
^e les Tableaux de ce Maître,qui font
»fiiamptoncour , fe peuvent former une
a (fez jufte du mérite de ceux du
atîcan, qui ont été faits avant fa mort.
On y trouve cette grandeur de Stile,
belles Attitudes, & ces nobles Airs.
Têtes,1e même Pinceau,& le même
*.°loris ; à cela près que ceux-ci ne font
111 gais, ni fi agréables. Cela vient en
rame du Coloris même du Frefque, & en
par^
-ocr page 433-î-32- des Statues, Tableaux»
% ko me. partie des circonftances que je viens de-ra-
porter ; je veux dire, du manque d'Haf"
monie , & de la difpofition desavanta-
geufe des Tableaux, de l'obfcurité des
Chambres, & de la manière Gothique &
ancienne , dont elles font conftruites »
& qui eft d'autant plus fenfible, que ce
Palais n'eft plus habité , & qu'il eft mê-
me peu fréquenté. Cette folitude, jointe
aux autres raifons, répand fur le tout
un certain air mélancolique; mais prin-
cipalement, dans les Chambres qui ont
été peintes par Raphaël même; &
qui, comme je l'ai déjà dit, n'ont pas »
à beaucoup près , tout le jour qu'elles
devroient avoir.
Pour ce qui eft de la confervation de
ces Ouvrages , ils n'ont foufert d'autre
dommage, que celui que le tems y a caufé;
& il a même été fi bien réparé, qu'il eft
impofîible de s'en apercevoir , à moins
qu'on y regarde avec atention.
C'eft la Chambre de la Signature qui a;
été peinte la première. L'intention géne7
raie des Tableaux de cette Chambre,el*
de faire voir les forces de l'Efprit hu-
main , qui eft capable , avec le fecours
de Dieu, foit ordinaire, ou extraordi-
naire , d'ateindre aux Siences les p1"5
fublimes, comme à la Théologie , à &
Philofophie , morale & naturelle ,
Droit Civil, & à la Po.ëfie, qui font re-.
et Desseins, en Italie. 2,2,3
Çefentées dans les quatre principales a
";èces, auxquelles les petites ont du ra-
P°tt, & dont elles facilitent l'intelligen-
ce.
, Il n'y a point de doute, que non-feu-
^ent on n'ait donné la Penfée générale
Raphaël, mais aufli qu'on ne l'ait
JîjJé à la conduire , tant dans cette
chambre, que dans tous les autres Qu-
Vfages du Vatican. Si l'on confidère
^ëme, le tems, le lieu, & le fujet, il
eft très-vrai-iemblable, que ce Maître fui-
Voit plus la dire&ion d'autrui , que les
autres Peintres n'ont coutume de le fai-
re ; & plus qu'il n'en auroit eu befoin
dans la plupart des autres cas. Il elt vrai,
Su'il ne le faifoit pas par contrainte; car
^ elt lui-même qui avoit demandé qu'on.
îe dirigeât, li-non en tout, du moins en
fartie,dans fon travail. Raphaël,dès
îa Plus tendre jeuneffe , s'étoit ataché
avec beaucoup duplication à la Peinture,
de f0rte qu'il ne s'étoit point donné le
néceffaire pour amaffer un fond de
pâture auffi étendu qu'il lefaloit, pour
traiter des Sujets tels que font ceux
r°r>t il s'agit. J'ai un Ami, qui a vu
p o ai e , entre les mains du Chevalier
il y a environ vingt-cinq ans,
Lettre originale de Raphaël à
Arioste, dont le contenu conlîftoic
Iui demander fon fecours pour le Ta-
bleau
î-32- des Statues, Tableaux»
a Rome, bleau de la Théologie , par raport aUS
Caraftères des personnes qu'il devoit y
faire entrer, par raport à leurs Pays» ^
aux autres circonftances qui les regar~
doient, afin de les reprefenter chacun,
en particulier le mieux qu'il lui fer01
pofiible , & de la manière qu'elles àe*
voient l'être éfeétivement.
Mais, quelque grands Hommes qUÊ;
puilfent avoir été ceux qui ont aide
Raphaël, pour l'Invention de ces
meux Ouvrages, comme ils l'étoient éfec*
îivement, puifque ç'a été le Cardin^
Bembo , le Comte Baltazar cj"
stiglione, Ange Politien, &
Pape même, Le o n X. &c, celui qui les
a pu exécuter de la manière qu'ils le font»
a du être , pour le moins, aufti gran^
Homme qu'eux. Il faut fe fouvenir &
obferver que , dans les Remarques
j'ai pris la liberté de faire fur ces famca'
fes Pièces de Peinture, je m'atache fur"
tout à la Manière de penfer qui s'y
contre. 11 y a plufieurs cas, où l'on ne
fait pas bien jufqu'où s'étend celle de
Raphaël, ni de qui eft celle qui s y
trouve ; de forte que dans ces ocafi?0
on ne fait non plus, à qui l'on aplaudit»
ni qui l'on improuve. Mais, fi l'on com-
pare, dans ces Ouvrages,la partie
peut raisonnablement lui atribuer ,
ce dont on auroit tort de le rendre ^/
et Desseins, en Italie. 2,2,3
je croi qu'on trouvera , qu'il *
Jprite plus de gloire ,& moins de blâme,
ceux qui lui ont fervi de guides,
^e n'eft pas toujours l'Homme qui ré-
P°nd à l'Idée ordinairement atachée au
de Raphaël que je cenfure,
rtcÎUe je critique les Ouvrages de ce
&rand Maître. Les Connoiflèurs font
Jets, pour la plupart, à ne pas faire af-
y? d'atention aux diférens tems de la
des Maîtres , dans lefquels ils ont
alt leurs Ouvrages ;& ils neconfidèrent
Pas afîez quel font les genres d'Ovrages,
où
ces Maîtres ont le mieux réiiffi. On
i*, par exemple , une Idée relevée de
.Michel-Ange; mais, il ne faut pas
®regarder, dès l'âge, de vingt ans, fur le
Jp®e pié qu'il étoit à cinquante : on
Oit l'envifager lorfqu'il a le Pinceau à
p.^ain, autrement que quand il tient le
J^ueau. Nous ne devons pas toujours le
,egarder fous la haute Idée quefesmeil-
jPUrs Ouvrages nous donnent de lui, ni
/P'iquer à tout ce qu'il a fait. Dans ces
j]terentes vues, il eft autant de diférens
^°uimes ; & l'on peut ataquer Michel-
C,i4(?E-' *ans toucher au grand Maître.
/ eit ain£ qUe j quand j'ai parlé de la Ga-
fp;s qui eft dans le petit Farnefe (*),
J avois dit, que cette Figure eft trop
■ p pe"
-ocr page 437-§36 des Statues, Tablèap-x»
g-Rome, petite pour le lieu où elle eft , j'aurois à
la vérité critiqué Raphaël , mais al-
furément, un Raphaël tout diféreDÊ
de ce qu'il étoit, lorfqu'il a peint les Car-
tons , tant ce peu d'années d'intercalé
avoit caufé de changement en lui. J'«u"
rois d'ailieurs été apuïé, dans ma critiqué
par Michel-Ange, qui difoit la mê-
me choie que moi ; plût à Dieu feule-
ment que je puflè m'exprimer de la ma-
nière qu'il le fit. Ce Maître ala voir Ie
Tableau , dès qu'il fut expofé à la vue
du Public ; &, fans rien dire, il ne W
que deftiner fur la muraille cette belle
Tête de Faune, d'une taille beaucoup
plus grande que les Figures de R*'
p h a e l. L'autre comprit fi bien cQ
langage, qu'il ceflade travailler aux Ou-
vrages qu'il avoit commencés, dans c£i
endroit-là.
Je n'ai apris cette Hiftoire qu'après a;
voir mis par écrit les Remarques quej'at
faites fur ce fujet; & ce que j'ai ditalof5
étoit la feule raifon que je fûfle qui e}f
pu faire laifter vuide le relte de la murait
de cette Chambre : mais, comme
dernière raifon me paroît la plus plaufih]e '
j'ai trouvé à propos de l'inférer ici.
& l'autre cependant, rendent juftice 9
Raphaël, & enes font éclater la
deftie de ce grand Homme. Au refte*
foit qu'il ait informé le Public de 1 qg
Et Desseins, en Italie, ^çs
Jp Ces raifons, ou des deux enfemble , a
^ut-être que l'une & l'autre eft la caufe
jjj® cette muraille eft ainfi demeurée
taie aJouter enc°re une chofe, par
çe t aux Remarques que j'ai faites fur
ftie jsa^eaux : Je veux dire, que, com-
j>e: Raphaël avoit befoin , pour les
qUp?r.e> du fecours de gens plus favans
jl e ll^,j'en ai auffi befoin,pour les exa-
j'Her. C'eft ce qui fait que je n'en
0îlne que quelques traits,dont d'autres
r6rfonnes plus habiles que moi pouront
e iervir , au cas qu'ils les trouvent de
jjMque utilité , pour faire un examen
exad de ces fameux Ouvrages.
}1 ^°ur ce qui eft de favoir par où R a-
.^ael a commencé ces Ouvrages, les
Jlleurs font partagés là-deifus. V asari ,
J après lui, Felibien, de Piles &
iaelqUes autres foutiennent, que c'eft
le Tableau qu'on apèle l'Ecole d'A-
à pes: mais j'aime mieux m'en raporter
j>aj Ë l l o r 1, ou pour parler plus jufte,
îjt-i.rîle mieux en croire à mes yeux , &
q e> Sue Raphaël a commencé ces
^Jr.ages par celui qui reprefente la
çjjc?'l°S*e ; car on y remarque une grande
de Stile, & de Manière de
l°rs qu'on le compare avec 1'
p.* d'Athènes j & avec toutes les autres
X^s. Les Gloires & les Ornemens
*ome Ut y y font
î-32- des Statues, Tableaux»
âRoJl£. y font rehaufles d'or , félon la toutume
des vieux Maîtres de ce tems-là.
trouve auffi, dans la Difpofition des ï1'
gures, une certaine Régularité & u11
Koideur , qui tient du Goût Gothiqut'>
& qui s'y fait fentir plus que dans aiicU»
autre de ces Tableaux: d'ailleurs, le t°f
y eft d'un Stile inférieur à ce que ce M*1'
tre a fait dans la fuite.
La Penfée générale de ce Tablf
comme celle des autres grandes PiècC'
de Peinture qui font dans la môme Cha°j'
bre, eft de reprefenter le Chef de
Sience, avec un bon nombre de feslj0'
felfeurs les plus confidérables. Ce '{r
bleau a cet avantage fur les autres
peut dire que c'eft un Sifteme (local)
la Religion Chrétienne. C'eft non-l"eU,'
lement par cette raifon,mais aufli
que fes principales Figures furpaif
Animent toutes les autres en dignité, $[
que le Sujet en eft plus fublime , qu'
auroit pu être la Pièce la plus excelle^
de toutes celles qui font dans le ^
can , fi ce Maître n'y avoit travaillé <7U"
quand il fit les Cartons qui font à Hf]
/ton-Cour ; ou même s'il en avoit dife^
encore plus long-tems l'exécution.
refte, c'eft un Morceau magnifique-
Le Tere Eternel^ eft reprefenté coW
me celui qui préfide..Ce n'eft pas
à-fait une demi-Figure , placée en ** a
et Desseins, en Italie. 2,2,3
ç1 haut de l'Arc qui eft au-deftus du a rosi»?
ç;HRrst, & qui eft orné de plulieurs
^erubins , tous difpofés fort régulière-
trg11^ & formés les uns comme les au-
' J! tient un Globe de la main gau-
de la droite il donne la bénédic-
•uti- La Lïeutenance ou la Sitbâéléga-
Pe» Paroit clairement ; & l'on
de h V°'r ' tlu'^ l'exerce ^vec beaucoup
fe (j*°Uceur- Avec les bras ouverts , il
rî'^We être prêt à recevoir les prières du
<- eflre-Humain : mais la troiiième Per-
0îl1e de la Trinité ne frape pas la vue,
°1ime on auroit dû l'atendre, ni d'une
Janiére qui exprime l'égalité : fes rayons
i______- i . . • 1
Jtne fe bornent à former un petit rond
^t0Ur d'elle ; quoique Raphaël ait
u,ne belle ocafion de pouvoir exprimer
"IM-I lor,„„' •_________/__!.. p T? r-,
(j 'es opérations facrées du S. Èfprit,
del'tt ?°eur des Pères & des Doéteurs
<j §life,qui font de chaque coté,au-
Jlious de lui. Malgré cela , il paroît
l'çf c.ette Penfée ne lui eft pas venue dans
C(lapru; car les quatre Evangiles,deux à
j^.Jlue côté , reprefentés par autant de
etlclesj tenus par de petits Anges, font
H'0jJre plus près de lui, cependant ils
Uçj! ^Ucune part aux rayons qui éma-
Wté S' tel qu'il eft ici repre-
te f len-heureufe Vierge eft à la droi-
Jesus-Christ , & témoigne,
Y z par
35"o des Statues, Tableaux,
a rome, par fa pofture de fupliante, qu'elle
le Seigneur, & que c'eft à lui qu'el'e
drefle entièrement. Il femble Par'f0g
que la Médiation lui apartient , c0ifl^
la Subdélégation à fon Fils. MalS, ,,,
tous les Ordres ,il n'y a prefque Pell°ea
ne qui femble avoir aucun égard à " g
le Père ; & ces Ordres font au n
de trois. Le premier elt celui des
ges, rangés de côté & d'autre de la P1;,
tie fupérieure du Tableau, & dont
ques-uns montrent en-bas jE'sus-Ctfj:1*
avec le doigt, pour répondre , ce 'e l
ble, au Texte Sacré (*) : Dans leffL
les chofes les t_Anges défirent de regf
jufques au fond. Le fécond elt celu' ,,
Saints qui font dans les Nues, aufTi'^1 [
que les Anges, & qui font pareille113^
placés aux deux côtés du Groupe g
Jésus-Christ, de la Vierge ,
Jean & du S. Efprit. Cet Ordre oçuF^
environ le milieu du Tableau , & l] ^
difpofé de manière qu'il y a toujours ^
Saint du Vieux Teftament &unduN°^
veau , qui fe fuccèdent alternative^^
Enfin , le troifième Ordre elt comP^
de fimples Hommes, rangés aux d
côtés de l'Euchariitie, &' placés JJ* j
degrés mêmes qui conduisent à ' ^
où elle eft pofée. Q$
et Desseins, en Italie. 932*
a en eft pourtant pas par hazard, qu'on
ce T ! Peu d'égard à Dieu le Père,dans
Chrea- u ; Parce °lue » dans Ie Siftème
çh^îen, la Subdélégation de Je'sus-
Ce pr~lsT le met en droit d'ocuper la pla-
conf'nciPale > pendant fa continuation,
£t °rn?énient à ce que dit l'Apôtre (*):
niis fTes ![a fin fera , quand il aura re-
çûtes ^u*aume à Dieu le Tère : @ quand
alors c'J0/es lUl auront été ajfujetties ;
celui ^ "Même fera affujetti à
qUe c£Ul lui a affujetti toutes chofe s, afin
teu f0lt ÎQUt en fous
Saintes £angs de Figures, d'Anges, de
çés e ^'Hommes font tous trois pla-
ies ' n°n-leulement parce que
CQuirr tS/ont Plus liauts que ie milieu,
bas ans les deux d'en-haut, ou plus
TableCOmme celui eft à Ia bafe du
me unaU- manière que ce dernier for-
font £ ve[uable Arc, & les deux autres
les pvfeS' s renverfés ; mais parce que
que le mi;és font Plus Près de Ia vue»
par endroits où ces rangs font brifés,
Par '4 ro,is Perfonnes de la Trinité, &
aU-deff °Ù eft PHoftie, qui font tous
" °Us 1 un rlp l'anrr(=> fnr imp liixne
"w-aeiious Uun de l'autre fur une ligne
Perpendiculaire précisément au milieu
du Tableau; dè forte que ces trois rangs
iQnt autant de denii-cercles,placéshon-
(*) I. c.rlnt. XV. 24; 2.3,
-ocr page 443-&
341 des Statues, Tableaux,
î;».ome. xontalemenc, vus en perfpeftive »
coupés au milieu par une ligne perpe '
diculaire. hs
S. Jean Batiste eft à la
du Fils de Dieu ; & ainii , il eft pjf^
avec prefque auiant d'avantagé qu£ ,jj
Bien-heureufe Vierge. Mais enfin > ^
avoit falu,qu'il régnât une exade
larité par-tout dans ce Tableau ( c'Àl'
Vierge, le Christ & ce Saint f0lir
baie d'un triangle,qu'ils forment aVeC ^
Pere , aparemment pour faire aluii^
la Trinité) au moins, onauroitdup1^ ,
c d , ,, „ a q t r . * h . ^rsï1?/
v ^ ■ T* 1
rer S. Pierre à S. Jean BatIs ^
cependant, cet Apôtre fe trouve î"tCli(r
tour au bout du Tableau , dans le
iuui au uwui uu xauicau , uan;, ^ f[r
des Saints du Vieux & du Nouveau u
ment, & eft placé tout proche d'A v ^w-'
& A d a m à cote de S. j i. a n l'Evang2: e
te, &c ; comme b. Hall eft à l'aU
bout à côi é d'A b r a h a m , avec
feule diférence, que S. Pierre
neur de la droite; mais il eft, cornue •J^
viens de le dire, aufti éloigné, qul}
eft pofîîble, du Groupe principal S01
dans le centre. , ^t
Il eft vrai, que le Sauveur a Par.'^'ajl'
avantageufement de S.Jean, quj
leurs étoit Ion proche parent1 m*
gré cela, il eft certain, que pCe
maine ne lui donne pas la préfe1^
fur S. Pierre. Les raifons é<
Et Desseins, en Italie. 343
^ é
p^Suées peuvent avoir ainfi déterminé fa * Rome,
2d'autant plus qu'il fert à relever le
m ra^^re de J es u s-C h r 1 s t , en le
parant au doigt, comme pour dire:
J!lcj ^Agneau de T)ieu, qui ôte les péchés
' fônde C).
dea Doflrine delà Trinité,
Çv carnation, & de la Médiation, elt
(j'^n.ée dans ce Tableau,comme celle
^ ^rucifiment de notre Seigneur y elt
fon Par plaies^qui paroilîent fur
* Ce
dont la Glorification préfu-
Pof "°rps
la Refurreélion ; & les Saints qui
fur les Nues lignifient un Etatàve-
Pour rendre le Siltême parfait, il
ré P^us Ru'à vo'r la Prefence
tr-e"e dans l'Euchariltie , félon la Doc-
tjene des Catholiques Romains qui fou-
exnrîent la Tranfiubftantiation : elle elt
lei'l j^e par l'Holtie, qui efl dans un So-
jd'or, pofé fur l'Autel.
p0r^e Plus bas rang de Figures elt com-
nese ^e Théologiens & d'autres perfon-
eiî' ; fes quatre'Pères de l'Eglife Latine,
deu ^ principaux, & font placés
tresXra chaque côté de l'Autel ; les au-
Séc v * Ecléfialtiques & quelques
conr S' en ^iverfes Attitudes ; les uns
Uns ?^ent ' autres difeourent, les
dlftent, les autres écrivent. Il v en
19.
-ocr page 445-35"o des Statues, Tableaux,
*>a deux ou trois, qui adorent l'Hotfie'
& il y a une figure de côté & d'autre f°rC
diltinguée, qui lémble indiquer îlnf^'
libilité de C Eglife Romaine ; puis-qu'e'^
renvoient toutes les perfonnes à quiel^
parlent, aux Pères & auxEvêquesde l'^'"
glife, comme à leurs leuîs Guides dansce
Myftère, de même que dans tous les autres
Dante eit placé parmiceux.de ce
plus bas étage; & Bellori dit,
ce Poète eit mis au rang des Théo}0'
giens , parce que dans fon Poème , i' a
fait la Défcription de l'Enfer,du Purga-
toire & du Ciel. Mais fi c'étoit-là la v6"
ritable raifon pourquoi le Peintre £
fait cet honneur, Don Queved0.
bien malheureux que fes Vifions n'aiel?(.
pas été écrites de ce tems-là; car il aut'^
jpu prétendre au même droit. Jecroip^
tôt,que,comme il y a plufieurs Figure^
de Laïques, & d'Ecléfialtiques, Qa
n'ont point de nom , ni de cara<3er
particulier , aulTi-bien que d'autres ^
' ■ ■ ïlu'
en ont, Raphaël a mis parmi leS jr
très le vifage de Dante, comme _
Auteur favori: car d'ailleurs, fans çel.
fupofition , il feroit impoffible de jt>lt
fier la conduite du Peintre dans ce£
ocafion. j e
je fouhaiterois de pouvoir réf°ud
auffi facilement une autre objett*
qu'on peut former, contre cette 11 ^
et Desseins, en Italie. 345*
T>einrure,par raport au Ménagement» Rom»j
e 'a Lumière. La Sainte Trinité y eft
ïept'efentée par les trois Perfonnes, cha-
cune féparément ; & chacune y eft en-
tonnée de fa Gloire particulière ; mais
?"es n'en reçoivent point de Lumière el-
>es mêmes , ni n'en communiquent au-
cune aux autres Figures de la Pièce,pas
^êrne à celles qui en font les plus pro-
bes. Elles ont toutes part à une Lu-
mière de Jour générale, fans avoir aucun
Hgard à la Splendeur qui vient de ces
^rfonnes Sacrées.
On ne peut qu'être choqué de voir
^ne Figure qui eft proche d'une autre tou-
*e environnée de Gloire , ombragée du
c°té même de la Figure en Gloire ; outre
Urie grande quantité d'autres tout autour,
^i ne reçoivent pas la moindre reflexion
^es rayons de cette Lueur. Il y a éfeèïive-
trois Figures qui font environnées
e Çes rayons de Lumiere, & l'on pouroit
^r°ire,que,fi cette Lumière avoit été raite
façon qu'elle eût eu fon éfet naturel,
j e n'auroit caufé que de la confuiion
ans ie Tableau; & le mal auroit été plus
qu'il ne l'eft , dans l'état où les
^fes font à prefent. Si le cas étoic
v et~Pvement ainfi , on pouroit dire a-.
,ec jullice , que le Peinrre a eu raifoa
e faire ce qu'il a fait ; & l'on devroit
F utôt le regarder comme une Beauté,que
Y y comme
35"o des Statues, Tableaux,
Uome. comme un Défaut. Mais je croi, qu'avec
beaucoup moins de liberté que le Mai"
tre n'en a pris dans cet Ouvrage, on au-
roit pu, & avec le même avantage, répan-
dre fur toutes les Figures une Lumière
qui feroit émanée de l'endroit d'où elle
devoit fortir naturellement. J'ofe même
dire, qu'en ce cas-là, elle auroit fait un
meilleur éfet, qu'elle ne produit en
l'état où efl la Pièce ; outre qu'elle au-
roit ajouté un nouveau degré de dignité,
à ces reprefentarions. Comme les trois
Perfonnes de la Trinité font toutes con-
tigues, elles auroient pu ne former qu'une
Lumière réunie. Si ces Figures avoient
été peintes avec de legères Ombres, &
que leur Gloire commune fe fût répan-
due des deux côtés & en bas, en dimi-
nuant infenliblemenr , à proportion de
l'éloignement des objets qu'elle auroit
éclairés, & à mefure qu'ils fe feraient a-
prochés des extrémités du Tableau, el-
les auroient fait un éfet d'autant plus a-
gréable , que les Figures fubordonnées
forment un demi-cercle,& font placées
de la manière que nous l'avons dit. A'
lors, cette Lumière non feulement je
feroit répandue jufqu'aux extrémités
la Pièce ; mais auffi toutes les Figul"eJ
qui forment ces demi-cercles >& quif°n
derrière la ligne perpendiculaire ,
dans le milieu , auroient à la vérité ete
et Desseins, en Italie. 347*
en pleine Lumière, mais cette Lumièreimmi,
feroit afoibîie à proportion de la difé-
rente diftance des objets ; ce qui auroit
■foit une admirable Perfpedive aerienne.
Cela auroit aufîi détaché les principales
figures de tout le refte , & auroit pro-
duit une belle fubordination, & en mê-
^e tems une Harmonie excellente fur
Je tout. On comprendra mieux ce que
•Ie viens de dire , en l'examinant con-
jointement avec l'Eftampe qu'on en a fai-
te.
Malgré tout ce que j'ai pris la liber-
té de dire , touchant la Lumiere de ce
Tableau, je ne laifle pas d'avouer que,
comme les rayons qui viennent des Per-
sonnes Sacrées, qu'on reprefente dans la
' einture , peuvent être confiderés, ou
comme Naturels,on comme Symboliques,
Peintre a la liberté de choifir celui
des deux partis , qu'il croit le plus avan- .
îageux à fon Tableau ; c'eft auffi parcet-
raiion, qu'on a choifi l'un & l'autre,en
Plufieurs rencontres. Mais, comme on
Je trouvera toujours l'Imagination un peu
choquée, de voir reprefenter une Lumi-
fans fes éfets naturels, c'eft un
parti qu'il femble qu'onne fauroit choifir,
^oins qu'il n'y ait quelque avantage
anifefte pour le Tableau ; mais, dans Iq
asprefent, je trouve , que c'eft le con-
tre, comme je viens de le dire.
Ce
-ocr page 449-35"o des Statues, Tableaux,
a^oME, Ce Tableau s'apèle ordinairement la
Dijpute du Sacrement, quoi qu'il n'y
ait pas la moindre aparence de Contro-
•verfe : les Adions mêmes & les ocupa-
tions des Théologiens & des autres Per-
fonnes ne fupofent rien de pareil.
La Doftrine de la Trefence réelle eft
d'une nature extrêmement fublime & re-
levée ; c'eft le plus haut période où foient
jamais montés les Hommes, en matière
de Religion ; de forte qu'il ne faut pas
s'étonner, fi Raphaël a pris un foin
tout particulier pour reprefenter tant de
gens fort intèrefles dans ce Miftère. Au-
lieu qu'il feroit abfurde de croire , que
le Peintre , de fon propre mouvement s
ou par la .direction de quelque autre,
eût voulu fupofer le Cas, comme fufcep-
tible de difpute, ou qu'il eût eu defiein
de faire foupçonner , que quelcun des
Perfonnages qu'on y voit, eût-douté de
la vérité de cette Doétrine. Vasari
l'a pourtant cru de même , lorfqu'il dit
er la Storiafivede nelle
cere loro una certa curiofità, & un affan-
no nel voler trovare il certa di quel che
fianno in dubbio; outre que ceux qui s'y
opofoient dans ce tems-là étoient trop peU
confidérables , pour que la Cour de RoMe
en prît connoifiance , d'une manière
écîa-
-ocr page 450-et Desseins, en Italie. 349*
éclatante. Car ce Tableau fut fait quel- 1
^es années avant que la Réformation
eût été commencée par Luther, qui
5e Parut que fousle Pontificat de Léon X.
Succeffeur de Jule II. fous qui cet
Ouvrage fut achevé.
Difons donc , que ce n'a pas été fin-
ition de Raphaël de reprefenter
"ans ce Tableau une Difpute ; & que ce
n a été que dans la fuite, 81 feulement
J°rfque cette Controverfe a fait beaucoup
de bruit, qu'on lui a donné ce nom, fans
faire atention aux circonftances du tems,
où le Maître y travailloit. C'eft V a s a-
ri qui a donné lieu à cette erreur, en
fupofant une Difpute ; & s comme le
Sacrement s'y trouve , il a cru que c'eft
Ce qui en faifoit le fujet.
Le but de cette Pièce de Peinture eft
de reprefenter les principaux Articles,
f; ^s grands Miftères de la Religion ; &
5 exciter, par cemoïen-là, desfentimens
de, Piété & de Dévotion: c'eft auffi ce
cïu'elle fait, par des Reprefentations é-
galement claires, nobles, & vives , &
Par des Expreflions auffi juftes que for-
; le tout acompagné de cette Grâce,
y.; de cette excellence de Stile particu-
llere à Raphaël, mais feulement dans
le degré dont j'ai déjà parlé.
Le fécond Tableau, par raport à fadi-
ë^tté, & s'il en faut croire V a s a r i , le
pre-
-ocr page 451-35"o des Statues, Tableaux,
» premier qui a été fait, c'eft celui qu'on
apèle l'Ecole d'Athènes, C'eft véritable-
ment une Pièce magnifique ; mais cette
magnificence eft purement humaine,aU'
lieu que celle de la précédente eft d'une
nature plus fublime. Vasari, (*JacrU
comprendre la penfée de RaphaE^'
mais quelque évidente , qu'elle lui ait
paru,il s'eft encore trompé groflièrement;
il s'eft imaginé, que ce Tableau reprefen-
te le raport qu'ont la Philofophie & l'A»-
trologie avec la Théologie ; il y a fupo-
fé des Ëvangéliftes , des Anges & d'au-
tres Objets, dont il étale une pompeufe
Defcription , avec des louanges généra-
les , félon fa manière ordinaire. Tho-
mas si n, qui a retouché la Planche que
George Mantouan en a faite, a
donné aufli une Relation formelle de ce
Tableau, enfupofantquec'étoitS. PacI"
qui difputoit avec les Epicuriens & avec
les Stoïciens : aufli a-t-il environné de
Gloires la tête de Platon & celle
d'ARisTOTE, qu'il a pris pour des A-
pôtres. C'eft de fon chef qu'il les y a ajou-
tées ; car il eft certain, qu'elles n'étoienc
point fur la Planche du Mantoua*:
aufli n'y en a-t-il point la moindre traç®
dans le Tableau de R aphael, dont
Sujet n'eft autre chofe que la Thilofo^
! (*) Part. III. Vol. I. pag, 69.
-ocr page 452-et Desseins, en Italie. 351*
Morale & Naturelle , reprelènîée par à b.gme,
'es Chefs de cette Sience avec leurs Di-
ic'ples , dans des Attitudes & des oeu-
vrions qui expriment leurs diférens ca-
,, Ce Peintre nous a donné les vérita-
les Portraits de ces grands Hommes,
autant qu'ils font parvenus jufqu'à nous,
P*r Je moïen des Médailles, des Pierres
gavées , des Statues, ou des Bulles
pHtiques ; & pour ceux où ces fecours
onti manqué,il les a faits d'Invention,
ou bien il leur a donné les Vifages de
certaines perfonnes qui vivoient alors,
comme à Archimede celui de Bra-
dante fon Protecteur & fon Ami, &
Ceux des Ducs d'urbin & de man-
que à des Difciples. On prétend auf-
qu'il s'y efl introduit lui-même;
^ais avec tant de modeftie, qu'à-peine
Sr°ît-il , tout-à-fait à l'extrémité du
tableau.
j^aphael étoit l'Homme du Monde
Cp propre pour cet Ouvrage ; en
rf Won avoit à y reprefenter une Af-
pj^^ée de Perfonnages qui ont fait le
[■ju,s d'honneur à notre Efpèce, en qua-
. e d'Etres raifonnabîes ; car il n'y a eu
^erionne de fon tems,ni dans aucun au_
e depuis la décadence des Arts , tels
v16 les Anciens les polTédoient, qui
Pu , exprimer cette Dignité , cette
Sa-
-ocr page 453-35"o des Statues, Tableaux,
I&oii*. SageiTe, & cette Solidité qu'ilafnl&H*
auffi elt-il certain, qu'il fehfoït auffi JulT
te qu'aucun d'eux, dans les Matières qui
n'étoient point au-deflus de fa P°rt^e'
Mais, comme il n'étoit pas Homiue ;
Lettres., s'il faifoit des fautes dans ceueS
qui paffoient fes lumières,il faut les if1"
puter à ceux dont il fuivoit la dire$i°n'
ou qui devoient lui prêter leur fecours.
Il y a , tout proche de la bafe du Ta*
bleau, un pavement, d'où s élèvent
tre marches, fur lefquelles on voit un
fuperbe é difice à trois Arcades, j'une
derrière l'autre, comme autant de Scènes.
Au-deflbus de l'Arcade qui efl la plus pro-
che de la vue, fe trouvent Platon &
Aristotk debout , dans le milieu du
Tableau, & leurs Difciples à côté d'eux»
& tout près du premier, Socrate qul
s'entretient avec Alcibiade, & d'à*'
très Perfonnes qui les écoutent. Sur 'a
fécondé marche, vers le côté gauche du
Tableau, eft affis D i o g en e d'une ma-
nière très vifible; & tout joignant il Y ®
une autre Figure, qui monte de cette mar-
che à la troifième , comme pour
trouver les Perfonnes qui font en-haur>
& une autre qUi en defcend. Sur le Pa*
vementenbas, du côté droit, paroît P
THAGoaE avec fes Difciples , qui
menr enfemble un Groupe qui s'éten
jufqu'au milieu du Tableau. De l'auCl
et Desseins, en Italie. 944*
p^i il y a un autre Groupe, mais plus à
£lt> compofé d'AacHiMEDE, de
astre, & d'un autre Savant j
^ 11 <Jh 1M gA(5 e , avec fon compas, forme
^ e figure fur une tablette qui elt à terre 5
astre tient un Globeterreltre*
^1 autre un Globe célefte ; ils font auffi
^Pagnés de leurs Difciples.
s Statues & Apollon & de Minerve i
cc les Bas-reliefs qu'on voit à l'Edifi-
a 5 Contribuent beaucoup à éclaircir &
q e^pliquer le Sujet de l'Ouvrage, en ce
pelles ont du raport avec la Philofophié
Morale, les Arts, & les Siences.
j Comme, de tous les fentimens des Phi-
t°>ophes Païens,ceux de Platon ont
cuJ°urs été regardés comme les plus
c, formes à la Religion Chrétienne,
l ' aulfi pour cette raifon, qu'il ocupe
Première place dans ce Tableau. A-,
éIST°iE y tient la fécondé, parce qu'il
°ic alors , en plus grande réputation
les autres, comme il la été auffi pen-
§ Qnt quelques fiècles. Le Caraftère dé
pr Jt^ate y elt excellemment bien re~
]er nté:il elt noblement ocupe à râpe-'
Uri beau Jeune-homme de fes débau-
la y ' & à
le conduire dans le l'entier d#e
tir 5 & c'eft avee beaucoup de juf-
^ qu'il y elt placé fi vifiblement. P y-
"agore elt auffi dans l'endroit qui lui
paJ3lentavec toute la dignité conve-
III. Z mbïe,
354 DES Statues, Tableaux»
t&oME. nabie> Comme Diogene
eft fort con-
nu, aufli il efl>il en pleine vue ; & c ^
pour cet éfet,que Raphaël l'a p^
fur les montées, avec un Habillement ^
un Air véritablement Cynique. L^s ^
fciples (I'Archimede expriment, P
leurs regards, & par leur contenant'
les merveilles & les démonftrations
Matématiques , dont ils font aufli
nés, qu'ils paroiflènt convaincus de g.
certitude. La Doâxine miftérieu'e '^
furprenante de Pythagore p
l'Air extrêmement penfifde ceux qui j,
coûtent: Socrate même, dans ^
Attitude, exprime fa manière ordinal1
de raifonner , en ce qu'il tient le Pr
mier doigt de la main gauche entre 1
mê,me doigt & le pouce de la droite; ^
il femble qu'il dife: Vous m'acordezM
ceci & cela? Platon, en montrant 1
Ciel avec le doigt , fait voir égalent
foncaraftère. Ilfemble, que RapH^J
a voulu faire allulion à l'Hiftoire de
Mort d'A r chime(de , par l'A«Itoje
qu'il lui a donnée ; car tout le
fait, qu'il fut tué par un Soldat q*1.
furprit, dans le tems qu'il fe courbo*^
pour tracer certain plan fur la pou11,^
re; ce qui l'ocupoit fi fort, qu'il n<? s ^
percevoit pas que la Ville étoit
fe peut auffi,que ce Maître n'ait Penlr e
autre chofe qu'à faire un Contrafte en -
r
Desseins, en Italie. 3?$
CpS ^gures; mais,comme la circonftan-uo^
ça^ui regarde ce fameux Matématicien
j- ^ connue, qu'on ne peut le nommer
ca.n? 'e la rapeler d'abord , on pouroit
r°îre avec raifon, que Raphàel y a
Uegard.
^ AJe même auffi , par les deux Figures
• nt nous avons parlé un peu plus haut,
djre} cejje ^ defCend des Thilo-
Pptes vers les Matématiciens , & celle
ç^1 Oionte des Matématiciens vers les
pilofophes , Raphaël a voulu affil-
ient indiquer l'étroite liaifon qu'il y a
^tre ces deux Siences, & qui fait que,
un fond de Matématiques, on ne
j^roit exceller dans la Philofophie , au
pour ce qui regarde la Philofophie
f0atUrelle ; car c'eft de ce côté-là, que
^placées ces deux Figures.
t On voit, à l'un des côtés du Tableau,
c,1^-à-fait fur le bord, au haut des mar-
s> un Vieillard qui arrive avec l'aide
j£>ton , & à l'autre bout, en-bas,
infant qu'un Homme tient entre fes
tofS ' P°Ur entendre qu'on ne fau-
ar>C eCre troP vieux troP jeune pour
prendre.
quelles font les beautés de ce
bel n ; peut-être même qu'il y en a
aucoUp d'autres j fans parler de celles
Jér 1 comprifes dans le caratf ère gé-
ral qu'on a donné de ces Ouvrages,
Z 2 &
35"o des Statues, Tableaux,
i Rome. & qui, comme tout le monde fait, ^
vent fe trouver dans tout ce qui eu __
ti des mains de Raphaël. Je f°u
terois de finir ici mes obfervations,
de les pouriuivre de la même
c'eità-dire,en continuant de louer
vrage;mais il faut,que je difeaulfi 1U ■
que chofe de l'autre côté. Il eft
que ce n'eft pas une chofe de grande
féquence, que les Livres foient t°u '
excepté un feul, d'une forme modèrei •
mais cela ne laiftè pas d'être une
parce que le Anciens n'avoient que
Rouleaux.
Il ne faut pas non plus,regarder co»'
me une faute qu'aient faite RapHA® '
ou ceux qui lui fervoient de Gui*^"'
d'avoir reprefenté Zoroastre
me Roi, parce que c'étoit l'opinion
nerale de ce tems-là. Je ne dis
non plus,de ce qu'il tient un Globe lC
reftre : c'eft une efpèce de liberté 9 j]
le Maître s'eft donnée; mais, comîne
s'agit d'un Homme d'une Sience u°lVLs
felle, & du Reftaurateur de la Sefle ^
Magiens , qui étoit fon principal
tère , il n'y a point de mal à le faire e t
trer fur la Scène , comme reprefenÇ
ces deux grandes Branches de l'Erudit1".
l'Aftronomie & la Géographie. Je ûnQ\t
ici en paftant, que Raphaël a
d'abord deftiné la Figure qui trer«t ^
et Desseins, en Italie. 948*
^lobe célefte, à reprefenter Zorqas-iromis
puifque, dans un Delfein d'Etude
^onPère a de ce Maître pour cette
^]§Ure, avec quelques autres, on re^.
quelques touches qu'il lui adon-
roes autour de la tête en façon de Cou-
[>le116 rayounée ; quoique dans le Ta-
nt^11 » il fe foit déterminé pour un bon-
Cç je trouve le plus à redire dans
^ VUvrage, c'eft qu'il n'eft fait aucune
* "-fttion des Epicuriens, ni des Stoïciens,
Pelque confidérables que fufîênt ces
Seéîes, en fait de Philofophie. D'en-
atis
Soc rate, Diogene, Py-
^ncipales, qui font Platon, A ris
* Of ^ — • ~
Jron foixante Figures, qui fe trouvent
p^s ce Tableau , il n'y en a que fept
„, gore, zoroastre & archi-
p0i 0 E ; OU li l'on veut, Alcibiade
quv.ra faire la huitième, par raport à ce
h 11 contribue à exprimer la Philofophie
de!îrale > qui eft la plus confidérable des
les Anches qui compofent le tout :
piesautres ne font toutes que des Difci-,
tiCu]i & elles n'ont aucun caradère par-
r0jt ler- C'eft pourquoi .Raphaël au-
ces tr°uver place pour reprefenter
aVatTeilx fameufes Seftes,avec tout leur
ce a§e ^ il auroit pu leur rendre jufti-
îjwen faifant voir quelle étoit véritabîe-
nt la Dodrine d'EpicuR£>,
il
-ocr page 459-35"o des Statues, Tableaux,
bien elle étoit belle, à certains ég^sJ
aufii bien que ce qu'il y avoit de vi* "
ment excellent, dans celle des Q»
Il auroit pu reprefenter ce premier »0 ^
pas fous une idée de Gourmandijf
d'Ivrognerie ; mais fous l'image d n
Tempérance qui lui faifoit prendre _
véritable plaifir aux racines & à Ie. ^
fraiche, dont il fe nouriffoit:& f%
diquer les Stoïciens, Caton auroit^
«ne Figure merveilleufe, s'il avoit été r
prefenté tel que Luc a in le dépe.in. '
dans le tems que Labié nus le f0'1^ _
à demander à l'Oracle de Jupiter A
mon, quel feroit le fort delàRépubhq13^
C'eft la fameufe Réponie de ce céleb'
Stoïcien, que M1, de S. EvrïM0/,
préfère à tout ce qu'on trouve dans H0'
mere & dans Virgile.
——- Ille Deoplains, &c.
Quelque belle que foit cette
elle eft trop longue pour l'inférer îcl- s
^ Je ne fouhaiterois plus qu'un feu' âU\e\
Çaraftère ; mais c'eft celui fans
une Peinture qui doit reprefenter la* ,
Iofophie ne lauroit être complète, Qu.ft
q'ues autres beautés qu'elle puilfe aV0^,
Je ne demande pas celui qui PK°< 0ic
toujours les Folies des Hommes; c
un pauvre Fou ; ni Celui qui éclatoît
rire fur ces Folies, quoiqu'il eût un P^
Rom e.
et Desseins, en Italie. 950*
fijs raifon que l'autre, mais il nelaif- â
Pas d'être Fou auffi. Celui que je
jj^ancle , c'eft Aristippe ; c'eft-là
véritable Philofophe. On pouroit le
^Prefenter habillé en partie de Robes
Vea8tifiques,& en partie de Haillons,a-
teCiUn Vifage gai & riant, & avec tou-
foit ^race <îue Raphaël même au-
ja pPu lui donner ; puis qu'il paffoit de
fe xr°lpérité à l'Adverfité , des Richef-
p . ^ Pauvreté , avec une égalité d'Ef-
j] qui le rend oit toujours heureux.
Pourfuivoit ce qu'il avoit entrepris ,
peparé également au bon & au mauvais
^ces. 11 jouïfloit de toutes chofes &
0lites chofes lui convenoient.
Arijtippm decuit color & fiatits
® res.
Hor. II. Ep» 17. 2,3.
„ Je ne prétens, pourtant pas, après
> que ni ce Philofophe , ni aucun
rçi] n'ait eu befoin d'une Gaieté natu-
heu 5 P°ur Pouvoir arriver à cet Etat
t{weuX, ni que, fans ce fondement-là,
y k Philofophie du Monde nepuiftè-
'ever un Homme.
aeAPrès la Théologie, dont le but eft
S0 n°Us inftruire dans laconnoiflancedii
Lf-V-rain Bien, & de pourvoir à notre
IcȎ, non-feulement dans cette vie,
41S aufli pendant les Siècles éternels ;
Z 4 après
-ocr page 461-35"o des Statues, Tableaux,
a «.ome. après la 'Philofophie , qui nous en&ê^
à régler nos Paffions , & qui donne f
nouvelles lumières à notre Efprit» & P
ce moîen-là contribue à notre Bonne j
dans l'état où nous fommes : apteS..%
deux Siences, dis-je , vient la
dont la fin efl; d'enchérir fur cette r e 1
cité, de joindre le Plaifir àl'Inftrutf^
de nous remplir l'Efprit des Images 1-
plus nobles & les plus belles, & de
élever au-deflus du Commun des Hoîl;g
mes ; de même que les deux autres» r
veux, dire la Théologie Se la Thilofif
nous diftinguent des Brutes. i
C'eft ce qu'elle fait par une Hbf £
d'Invention bien ménagée , par , ,5
tion de fes Penfées, & par un Stile plljj
fleuri que ne le demande la Profe. '
faut regarder comme véritables tou^"
lés Images que la Théologie nous fo°r'
•nit, foit qu'elles nou,s paroiffent tell2 »
ou non. Celles de l'Hiftoire doiy^
être vraies & vrai-femblables ; ,
Poëfie , avec une aparence de V
élève autant notre imagination au*4e* t
d'elle-même, que fes Expreflions doive
être plus Muficales que celles du L^ê
ge ordinaire; mais d'une manière S
l'Art foit caché fous le Naturel.
comme on doit éviter ici les façons a
parler trop afeftées , il ne faut pas
les penfées fentent plus Médiation g»
et Desseins, en Italie. 361*
jes paroles : c'eft-à-dire, que quoiqu'elles à^x^
*0lent hardies, elles ne doivent pas être
eXtravagantes.
Malgré fa profondeur ic'eft une eau tran-
fparente,
<<?', quoi quaffez tranquile n'eft pas une
peau dormante.
Elle eftforte en fon cours ,fans for tir de fon
D e n h a m.
Ce Tableau , de-même que plufieurs
autres, qui font dans ces Apartemens,
n'a pas une belle forme : il elt recourbé
en haut,il entoure une fenêtre, en-haut
& aux deux côtés ; & par conséquent,
n'elt pas placé avec avantage , par ra-
P°rt au jour,qui au-lieu de donner def-
lus > frape la vue qui s'en trouve éblouie
Par vin Ciel éclatant, dans le tems qu'el-
le devroit être en repos.
Apollon eft alfis directement au
milieu , fur le Tarnaffe ; & à fes piés
c,0llle la Source facrée, fous des Lauriers:
\ y a âulfi des Lauriers à chaque côté
Tableau. Ce Dieu elt entre deux
V^fes pareillement affifes ; & les autres
lot" debout derrière lui ; trois à fa droi-
le & quatre à fa gauche. Les Poetes
pli fient le refte du Tableau ; les-uns
ftecôté & d'autre d'Ap0LL0N & des
% 5 Mufes,
35"o des Statues, Tableaux,
* Mufes, fur la même ligne, & les autres
en defcendant vers la bafe du Tableau ;
les uns à la hauteur de la fenêtre, & l£
autres au-deffous. ,
Comme le Sujet de cette Pièce/j
Peinture eft diférent des autres qul .
trouvent dans la même Chambré , c£%
produit une belle variété & un contra^
agréable. Le Tableau de la Théolo&te
a fes Figures, dans le Ciel, fur lesNues>
& fur la Terre , comme font Dieu , le
Pere & le Fils, des Anges, des Saints»
des Hommes, Celui de la Th'M0'
phie a un fuperbe Edifice, pour la Scène
de fes Figures, qui font graves com®e
les autres,mais moins dignes de refpe<f'
& moins fublimes. Celui' de la Toëft
eft orné d'une Montagne , d'une Fon-
taine , & d'Arbres : il eft peuplé d'une
taufte Divinité, & d'autres Etres imag»:
naires , comme aufti des Poètes, à
lis font redevables de leur exiftence. ?
II feroit pourtant à fouhaiter , qu'ofl
eût plus fait d'atention à cette diférelî~
çe, qu'on n'a fait dans ce Sujet, & clue
tout y eût eu un Air clair,gai ,& agréa-
ble; au-lieu que, dans l'état où eft ce[te
Pièce de Peinture, la teinte de la Cou-
leur en général, & les Figures ne s y
diftinguent pas de celles des autres t a"
bleaux : j'oie même dire , qu'elles ont
moins de cet Air gai, & que, Par c0ïl~
^ féquenf*
-ocr page 464-et Desseins, en Italie. 363*
%Uent, elles font moins agréables;
ne convient point du tout au Carac-
tere de la Poëfie.
Comme , dans le Tableau de la Tbi-
°fiphie,\e Sujet n'en eft reprefenté que
d ^ne manière imparfaite , il en eft de
^êtïie de la "Poefie , dans celui-ci. On
V trouve à la vérité des Figures, qui fi-
S^fient les Poètes Epiques & les Liri-
^Ues ; mais on n'a pas eu le moindre é-
&a'"d aux Taftorales ; & ce qui eft en-
c°re plus remarquable, il n'y en a point
^Ui reprefentent les Poëtes Dramatiques,
ou du moins, ce qui ne vaut guère
lïîieux , on ne les y reconnoît pas. On
a donné des noms à plufieurs des Figu-
es , comme fi elles reprefentoient tels
** tels Poëtes ; mais on n'a jamais pré-
tendu, que je fâche, qu'EscHiLE,So-
phocle, Menandre , Aristo-
Ph/Ane, & quelques autres encore,qui
J^moient beaucoup mieux d'avoir place
rans cette Pièce, que plufieurs de ceux
I 9ui l'on déféré cet honneur, foient de
e Nombre. Il eft vrai que , comme ce
font la plupart que des conjectures,
J} Peut s'être mépris ; & l'on pouroit
,que Raphaël a eu deftein de re-
Prefenter, par quelques-unes de ces Fi-
§Ures, d'autres Perfonnes que celles
on leur atribue les noms : cepen-
^arit > comme il ne leur a point donné
de
-ocr page 465-35"o des Statues, Tableaux,
de Caractères particuliers, pour les de-
figner , le Tableau dit fimplement qu11
y a eu un Homere , un VirginË'
Si tels autres que l'on convient d'y re'
connoître ; comme auffi quelques autre
Poètes, dont on ne peut dire ,quiilsfonj*
ni quel eit le genre de leur Poèiie. C'eft
dire feulement, que la Poëfieeft Epi^
Liriqite, &c. Or quiconque entrepren-
droit de nous faire concevoir , par de®
paroles, ce que c'eft que la Poëfie , &
n'avanceroit autre chofe que ce que nous
yenons de dire, parleroit très-négligem-
ment , & avec bien peu de juftefle ; &
l'on ne fauroit s'empêcher d'avouer, qu.e
ce feroit donner une Idée très-confule
de la chofe , quelque choifis que fuften£
les termes , & quelque relevée que pût
être l'expreffion , dont on fe ferviroit
pour cela.
Ceux même qui font connus ne fonfc
pas toujours bien caraétérifés. Saph°
eft marquée par fon nom ; mais on au-
roit pu la défigner d'une manière pluS
avanfageufe au Tableau , fans avoir re*
cours à cet expédient. Le Peintre aU-
roit pu lui donner l'Expreffion d'uoe
Amante , que le mépris avec lequel f°n
cher Phaon l'abandonna,a jettéedans
îe defefpoir ; au lieu que la Figure qul
la reprelente a l'Air tout-à-fait tranq^'
&, pour tout Caradère , elle n'a <3ue
et Desseins, en Italie. 956*
nom, & l'Inftrument qu'elle tient en-
tre les mains.
On connoît les autres, parce que ce
l0îit des Portraits ; ou bien on les diftin-
j?Ue par des circonftances particulières»
Vn connoît, par exemple , Homère,
ce qu'il chante fes Vers immortels,
cornrne auffi à un jeune Homme, qui les
efrit, à mefure qu'ils fortent de fa bou-
c,je> félon l'Hiftoire qui porte, qu'on en
a ^it le recueil que nous en avons à-
Prefent, de pîufieurs morceaux détachés,
Won avoit écrits de cette manière , &
9u étant difperfés en divers endroits,
on les avoit raffemblés en un Livre. On
connoît d'abord Virgile, parce qu'il
ÎJontre Apollon à Dante; & le
i^intre a eu égard à ces Vers, où
a m x e , au commencement de fon Poë-
me> parle ainfi à ce Poète:
11 Tu fa iQ m;0 Maefîro, el mio autore
Sl Tu fèi fiolo coluï, da eut io toi fi
s> £0 bello fille, che mhàfatto honore.
? aufti Virgile qui eft fon guide,
pans tout fon premier Chant de l'Enfer,
-e même Poète lui dit :
» Tu me jggUi} & lo faro tua Guida.
0 R A c E Paroît écouter, & en même
^ admirer Pindare. Ce qui a
35"o des Statues, Tableaux,
E. donné ocafion à cette Idée , c'eft,
doute , la belle Ode qu'il a compoiee '
la louange de ce Poète.
Horace ne fe diftingue , que P^
raport à l'atention qu'il a pour
re,quoiqu'on eût pu le reprefenter a li-
ne autre manière,& mieux qu'il nel'e^'
par des Colombes qui paruflent s'emp1"^'
fer à le vouloir couvrir de feuilles y
Laurier & deMirte (*). Pindare»^
fon côté, n'eft connu que par les égaïds
que les autres ont pour lui, & non
aucune des particularités que demando1
fon Caraftère. C'eft une Figure qui aU-
roit mieux reprefenté une perfonne qul
eût eu moins de force & de feu que lui'
Or puifqu'il eft fort connu, que les An-
ciens l'ont diftingué des autres Poëtes
Lirïques, par le nom du Cigne Thebaifh
il femble que la reprefentation de cet a-
nimal, à côté de lui, auroit fait un très-
bel éfet, d'autant plus qu'il n'y a rien q111
fafte tant de plaifir, que de fe rapelerceS
particularités des grands Hommes.
H o m e'r e eft fort expofé à la vue »
comme il doit l'être éfeftivement, &
d'une manière à faire reftouvenir de ce
que Moniteur Addisson a dit de lu1»
qu'il femble regarder du haut en bas le
refte des Hommes, comme une efpèc^
qui
{*) Voïez OâdV, Liv.lH
-ocr page 468-et Desseins, en Italie. 367*
G'Ul eft au-defîbus de lui. Mais Virgi-* f<-°meî
Le ne fe prefente pas avec l'Air que de-
mande le rang qu'il tient parmi les Poë-
es,: il paroît même, qu'il ne fert prefque
à expliquer l'Hiftoire de Dante,
ins qu'il y ait rien à faire de fon chef;
ç i\ eft à-peu-près fur le même pié, à
y1 égard , que la Figure qui écrit les
0!frs qu'HoMERE chante. Ilfemble,
Virgile auroit dû tenir le rang
P°Ur le moins le plus proche (I'Home're,
par raport à fa modeftie naturelle ; &
^ir-tout parce qu'il avoit ordonné, par
ïeftament, que fon Enéide fût brûlée;
Jorome auffi parce que le Caradère de
es Ecrits eft la Grâce, & qu'il eft d'ail-
J^rs imitateur (I'Homere. On l'au-
pu diftinguer avec beaucoup de juf-
> en le faifant avancer , pour ainfi .
malgré lui, & en le faifant regarder
°n jliuftre Maître ; ce qui auroit enco-
je ajouté à la dignité de ce Poëte, d'ail-
u^s habillé décemment, pour exprimer
Laraélère que j'ai atribué à fes Ecrits;
r^qu'on fâche bien, que fa manière or-
(jenaire de s'habiller avoit quelque chofe
Vf .ruftique. Apollon même,qui de-
ieftt abfolument avoir l'Air noble & ma-
fo eux' reprefenté fous une Figure
rt ordinaire, & dont l'ocupation n'eft
i des plus fublimes: il joue du Violon,
11 fenable fe laifîer emporter à fa douce
35"o des Statues, Tableaux,
harmonie ; mais il n'y a pas un Poète
y fafTe beaucoup détention , fi ce n
Virgile qui paroît dire à Da1* jg
de l'écouter. Bellori raporte* qUle. g
Peintre a mis cet Inftrument entre
main (I'Apollon, quelque ineonn
qu'il fût des Anciens, pour faire honneU
à un Joueur de Violon, qui étoit i°r
eftimé en ce tems-là. Mais, fupofé ^
c'en fût-là la raifon,je doute qu'elle loi
fufifante , pour fervir d'excufe , à un
incongruité de cette nature. ,
Il eft vrai, que l'endroit qu'ocupe
pollon eft celui qui lui convient ^
mieux: je veux dire, le milieu du
bleau,qui eft la place la plus honorable*
& la plus expofée à la vue; mais^offlfl^
il eft aftis , cette polture ne le difting^
pas fi bien des Mufes, qu'il i'auroit pa
être, s'il avoit été debout, & dans ufle
Attitude, telle qu'eft celle où il eft re'
prefenté dans quelques Statues antiq^
D'ailleurs , les Poètes , au-lieu d'obier-
ver une jufte diftance entre eux , & .
pollon avec les Mufes, font par^,
de ce Groupe, qui cependant auroit au
être diftmgué,& féparé des autres
res.
Outre que les omiftîons que j'ai
quées font que cette Pièce n'eft qu'un,^
Hiftoire imparfaite de la Poefie, elles w
rendent même de beaucoup moins belJg
&
Et Desseins, en Italie. 369
moins riche qu'elle n'auroit pu l'être* b-0^
de cette variété , & de cette
p^eté que lui auroient donné les diver-
s marques caraétériltiques des Poëtes
^ rticuliers, comme je l'ai déjà obfervé
n Partie.
^Un convient,que l'EflampedeMarc-
fajtT0lNE n'a même, peut-être s été
Tafi quelques années après que ce
. bJeau fut peint ; mais il eft moins cer-
j fi elle a été faite fur quelque Def-
1 ^ antérieur, ouft Raphaël a vou-
j1? changer fa Penfée , après que le Ta-
^au a été fait. BuLORieft pour la
^eniière de ces deux opinions. Il y a
Partant, dans le Tableau , des fautes
w ne fe trouvent point dans l'Eftampe;
faV- au;lieu de Violon , Apollon a
jj ,Mte à la main ; & le Groupe , dont
p ait partie, eft détaché de celui des
^ oetes. Cette Eftampe eft aflurément
ton Pièce excellente , & elle mérite
n0 e l'eltime qu'on a pour elle, par ra-
titudaUx Airs charmans & aux belles At-
d?n 1 qu'on y trouve, aufli-bien que
Vojs le Tableau. Malgré cela, loin d'a-
déf COrrigé, dans l'Eftampe, les autres
q. auts que j'ai pris la liberté de remar-
cor' dans la Peinture, la To'èjie y eft en-
e Uioins bien reprefentée, parce qu'il
l/ a Pas tant de Poëtes que dans leTa-
ï & Ceux qu'on en a retranchés
35"o des Statues, Tableaux,
font des meilleures & des plus confié'
rabîes Figures de l'Ouvrage du Peintre1
Mais on y a ajouté de jeunes Garçofi
qui volent dans l'Air,& qui tiennent o -
chaque main des Couronnes Lauriej"'
aparemment pour exprimer la bonté
panchant (I'Apollon à récompen>ej
les Poètes qui viendroient dans la fu'te'
car ceux qui fe trouvent dans l'Etfamp2
en font déjà tous pourvus.
Je ne faurois pafler fous filence ufle
preuve du peu d'exaftitude de VaS^
ri, & de fon Stile hiperbolique 11
m'empêcher de marquer avec comb^1'
de précaution on doit lire fes Ecrits,
même que ceux de la plupart des A11'
teurs Italiens en général, qui ont trai^
ces fortes de Sujets. Il diten faifant ?
Défcription de ce Tableau , qu'on
en l'Air un nombre infini de petits G^'
çons, &c. Voici ies termes : Ne lia
ciata d un que di verfio Belvedere dovf e
il Monte Tarnafo , e il Fonte di Elri0'
na, f'ece intorno à quel Monte una fieltjf
ombrofifjima di Lauri ; né quali fi conofî1
fer U loro verdezza quafi il trentol^
delle fogLigper l'aure dolcijfime ; e neW
art a una infinit à di Amori ignudiconWj.
lijfime arie divifo , che colgonorarht «f
Lauro , e Jîe fanno ghIrlande , ? q*eli
Jpargono, e gettano per il Monte
B
Desseins, en Italie. 37s
ocage ombrageux & agréable , fe ré-a a-01***
en éfet à trois petites toufes d'ar-
res> une à chaque côté ,& la troifième
u milieu,détachées l'une de l'autre par
diftance conlidérable ; & il n'y a pas
q^parçon en l'Air, dans le Tableau
décrit, quoiqu'à la vérité il y en ait
P? l'Eflampe, mais feulement cinq.
c Entre les autres diférences ,il y a en*
tr recelle-ci, que dans l'Eflampe on ne
°Uve pas le Portrait de Raphaël;
j^'lieu que dans le Tableau il eft avec
Homère, Virgile, & Dante,qui
un Groupe avec les Mufes qui font
^'adroite d'Ap0LL0N.
^ Dans l'Explication qu'on a mifeaubas
■ ® l'Eflampe d'AouiLA , on prétend
Raphaël avoit raifon de s'y pla-
| r > à caufe de l'afinité qu'il y a entre
foefie & iâ "Peinture. C'eft un Droit
on auroit peine à foutenir.
a .ellori dit, que ce Peintre avoit
§f',0lt de fe faire un des Aéteurs de cette
da?16» Parce clu'iI a travail3é en Poéfîej
île • le tems ^ ^ ^toit encore f°rc Jeu"
fer' -011 ' Pour qu^ter ma P»'ofe , & me
e du Stile Poétique de cet Auteur,
R ** °tuî degnamente è collocato in Tar-
j ove ddprimi anni gujib Vacque del
dJfe foocrenc, è f à dalle Grazie , è
fe Mufe nutrito: mais je ne trouve pas
i01îis de dificulté dans cette raison.
des Statues, Tableaux»
A
De quelque nature que puifle être ^
que Raphaël a écrit, loit ^
été imprimé, ou qu'il foit encore en i ^
nufcrit, on n'en connoit que très-pf j
chofe. Tout ce que j'en ai jamalS ; -
dire confifte en un Sonnet & en 01 ■
Lettres , dont deux font tout ce q^ J
connois qui ait été publié de lui, 1 u
tre par Bellori (f): cette dermier^
qui fe trouve aufli dans un Reçues .
Lettres imprimé à Venife , & dont 1
déjà parlé, eft fans date ; mais il , a
par une de celles qui ne fe trouvent qu
Manufcrit , qui fait la troifième
cinq , & dont je donnerai un Extr* , s
îa fin des Remarques que je fais fur '
Ouvrages de ce Maître , dans les
temens dont je parle, qu'il l'a écrite jjn'
ron l'an if 14. La quatrième eft ceHf j
dont j'ai déjà parlé ci-devant , &
adrefloit à Arioste. Monfleur àe
le s, dans fes Couver fat ions fur la™e
ture (J), fait mention d'une c>nq Sl
me, qu'il écrivit à Pierre AreîiJ
dans laquelle il fe plaignoit de n'avoir P
encore allez confulté la Nature, en »»
furant qu'il travail loit à fe défais u
Marbre. Voici le Sonnet: cQn
' C*) Mftaa Pittrme , part< jj, pag.
(t) Defcrizxione dede lmagtni définit <t* R*rî
&c. pag. igo.
($) C0nvers.ll pig. 161;
â ROME.
et Desseins, en Italie. 373*
nf enfier dolce erimembrare , e . . . ,â t'<)!*K
j quello afaltojna piu gravo el danno
ïfl partir, cio" io refiai, como quel cano
mar perfo laflella fel uer odo.
° ltngua di parlar difogli el nodo.
çflr ■> di quefto inufitato ingano.
hainor mi fece per mio gravo afano ;
171(1 lui pin ne ringratio, e Içi ne lodo.
Se fier a che locafo, un foie
aVeuafallo, e laltro fur fe in locho
ati piu dafar fati che parole
maio refiai pur vinto ai mio granfocho
^he mi tormenta che doue Ion foie
àefiar di parlar piu riman fiocho.
bau î?ut ™arcluer) que ce n'eft que l'é-
ce d 6 bonnet > & non Pas une Piè-
j, ,e Poëfie qui foit finie. Raphaël
écrit fur un Deftein , qui étoit une
^ emière Penfée pour deux ou trois Fi-
--faites à la plume; &ilfemble5que
(jjr Vers ont été produits , pour ainft
■à la ' ai? mênie tems qu'il avoit la plume
l'Itn ^^ Pour deffiner,& lorfqu'ilavoit
ij °agination remplie de l'accident dont
ïrparIe- Le Deftein eft inconteftable-
Co,, Paginai ; & il fe trouve dans la
fatn 11011 de Monfieur Bruce. Il ne
0 uj.Pas douter non plus, que le Sonnet
* lc>it de ce Peintre : car,outre ce que
As 3 j®
374 DES Statues, tableaux,
g Rome. je v-iens fe dire , & fans parler des cor-
rections que je vais raporter, le caratf
re & l'ortografe s'acordent avec le Pe
qu'il nous relie de lui. Q
Le dernier mot de la première iig
eft déchiré:ceux de Seflera dans la neie
vième & de fati dans la onzième
ont été mis, avec la même plume» ?
place de fiera & àzpatto-M ponftuati0^
& l'ortografe font précifément les
mes que dans l'Original, dont on Ve ^
imputer le manque d'exaftitudeaqu'il Pf c6
y avoir, en partie à ce que cette P1 ^
a été écrite à la hâte , & en partie a
manière de ce tems-là. Mais, coVCi p
par cette raifon , elle étoit un peu
obfcure,pour en comprendre lefenS>j z
profité Je l'affiftancede Monfieurl'A^
Rolli, qui la lit ainfi:
Un f en fier dolce e Rimembrare, e
di qiïeW Àffalto, m à pin provo il ^f^o
del partir, cb' io refiai corne quel ch #
in mar perfo laftella, fe il ver °a°'
Gr hiigm di parlar difciogli il nodQt
ûdirdi quefto inufitato Inganno..
Cite Amor mifeceper mio graveaj] ffa
rnà lui piii ne ringrazio, eLeine A
Vorâ fefta era , che Foccafo un S°[e
aveva fatto , e faltro jorfe in l°c°
mo più da far Fatti, che Taroie- j.
et Besseins, en Italie. 375
k
10 r eft ai pur vinto al mio gr an foc 0
che mi forment a : chè âove l'Vom fuok
àefiar di parlar ; più riman fioco.
a, dans cet Apartement, un autre
^oleau vis-à-vis du Tarnaffe, de la
jj^Qie forme , & pareillement au-deflus
une fenêtre. A la partie fupérieure,
découvre la Trudence , la Tempérant
jj" ' ^ la Valeur , reprefentées, comme
j/aUt, fous les Figures qui fervent or-
1 Virement à lesdéfigaer,de même que
a Jujîice fur le Plat-fond. Ces Vertus,
^oique néceflaires à tout Homme pri-
vé ; quoiqu'elles foient le Boulevard le
pis ailuré contre l'Injuftice , elles font
fur-tout pour faire voir, qu'elles doi-
vent être les qualités des bons Légifla-
^ & des Magiftrats, Au côté droit
H , a^leau, fe trouve le Pape G r e'g o x-
{/; qui donne les Décrétâtes, & fa
ea^diftion à un Avocat Confiftorial qui
a genouxs& acompagné dequçlques
ph Perfonnes qui font debout. Ra-
de a donné à ce Pontife le vifage
0. oui étoit alors fon Protec-
teur.
- qui
& il eft environné de trois Cardi-
tra;f ' Parmi lefquels on voit les Por-
p Ir,s de Jean de Méàicis, qui devint
fuite Léon X. ^Antoine del
qui ^ ' d'ALBXANDRE FaRNESE,
çnfuite porta le nom de Paul III.
A a 4 Am
ï romji,
376 »es Statues, Tableaux»
Au côté gauche du Tableau fe trou^
l'Empereur Justin ien qui renie t
Corps de Droit à Trebonius^"1 .
à genoux, & acompagné de quelQ
Hommes en habit d'Avocat. r£
Les Artiftes favent parfaitement la Pf
que d'autres perfonnes ont à leurs y
vrages; cependant leurs contempoi/^1'
& ceux qui viennent après eux, ne lai^
pas de les examiner & de glofer
comme s'ils étoient entièrement ^eUue
Il y a toutes les aparençes du monde > 3
ç'a été le cas de Raphaël , fur-t0
dans cette rencontre. ^
Les Théologiens, les Philofophes ^
les Poètes ont tous contribué à l'inftrU^
tion du Genre Humain , dans la c°
noiffance des chofes Divines, MoraleS'
& Naturelles; & ils ont, pour cela,e^
ploie les diférens moïens du Sublime, â
Solemnel, du Grave, ou du Réjouïn31 '
Mais tout cela ne fufit pas;l'Art de/ v
«verner , ou celui de faire des f
manquoit, & c'étoit lui qui devoir p
feftiopner le tout. La première Par.eS
de cette Sience confifte à réduire
Hommes d'un naturel farouche & 1
vage , & à les former en Sociétés cW
bles d'être gouvernées : l'autre co?» r
à inventer & à établir des Loix, q«! KeS
Cent s'acommoder le mieux aux di^r
jgirçanftances du Tems, des d£fcU%.
r •
et Desseins, en Italie. 377
V^eux , & des Perfonnes, & à donner a rom»,
la force à ces Loix, par le moïen des
^éconapenfes & des Peines convenables.
S'eft-là la grande Sience , fans laquelle
autres fervent peu à notre Bonheur.
V^ft par cette raifon qu'elle doit nécef-
la,rement trouver place ici. Elle eft di-
de cette place , & digne de la main
Raphaël : la Connoiftance des
, la Jurifprudence , ou même les
compilateurs de Loix font autant au-
delfous de cette Sience, qu'E ustatius
cftau-deftous d'H o mer e, ou que Dio-
genne Laerce eft au-deflbus des Phi-
lofophes.
Je ne fai pas, à la vérité, fiR aph ael,
fes Diredeurs ont eu la penfée de
porter nos vues au-delà de cette Sience
^férieure de la Jurifprudence : s'ils ne
?.nt Pas eue , ils ont parfaitement bien
mais , du moins, on a manqué
eiî ce qui eft manifeltement l'Intention
|enérale des Peintures de cette Cham-
re: ce Tableau eft fort diférent des au-
j es > & leur eft fort inférieur , puifque
,ans les autres on fait honneur aux Chefs
fee Flaque Sience, & non à ceux qui ont
Ulement connu leurs Dogmes. Mais il
pu certain, que Raphaël a porté fes
, etȎes plus loin. U faut que Justi-
ce n & Grégoire IX. aient dû re-
TOenter tous les grands Légiflateurs
A a 5 Civils
35"o des Statues, Tableaux,
e. Civils & Ecléfiaftiques : on a voulu en
agir de la lorte,aparemment commepar
abrégé, à caiife du peu de place qu'on a
eu , parce que la fenêtre ocupe plus de
ce Tableau que d'aucun autre. Apfes
tout, je ne puis m'empêcher de croire
que, fi les Figures allégoriques des trois
Vertus Cardinales, qui font au haut du
Tableau , avoient été placées dans le
Plat-fond , avec la quatrième qui y eft»
& fi les Hiftoires qui font peintes ici>&
qui introduifent quantité de Caraftères
inférieurs avoient été retranchées , °n
auroit trouvé de la place,quoique,peuf'
être , pas autant qu'on auroit fouhaite»
pour Moïse, Confucius, RoM"*
lus, Numa, Solon, Licurgue»
&c. De cette manière , ils auroient eu
leur droit aufîi-bien que les Chefs àes
autres Siences;& Justinien & Gré-
goire auroient pu auffi trouver leu*
place , comme Légiflateurs , quoique
d'une claffe inférieure. Si ce TableaU
avoit été ménagé de la forte , non feu-
lement ces grands Hommes auroient fart
une autre Figure , que les Docteurs en
Droit, Civil & Canon, les plus célèbres
fî'auroient pu fajrc . mais les représen-
tations de tels Perfonnages auroienj-
mieux convenu avec celles du refte of
Peintures , & auroient aufti rempli le
Catalogue de ces Hommes illuftres, qu;
et Desseins, en Italie. 379*
PRt été, non pas l'Oprobre, les Pertur-a &0MEïJ
SteUrs, ni les Deftrufteurs, mais les
^Waiteurs & la Gloire du Genre-Hu-
main. par ce moïen-là, cette Chambre
*Uroit été une Affemblée de tous les Hé-
qui méritent d'être toujours chers au
ponde ; & par-là , elle auroit rempli
çj Prit de ces excellentes Idées que leur
?geiîe, leur Bonté, & leurs autres .Di-
Jries qualités ont fournies; & cela,avec
aiitant de Profit que de Plaifir.
Je ne doute pas qu'il ne fe trouve des
Sens àî'erte, qui critiqueront à la rigueur
la liberté avec laquelle je parle de ces cé-
lèbres Ouvrages: mais qu'on fe donne la
Peine d'examiner, fi, lorfque je m'opofe à
Raphaël, ou à ceux lous la direction
cle)qui il travailloit, de quelque qualité
^'ils fulî'ent ,je n'ai pas un apui fufilant,
?latlt la Raifon de mon côté, pour com-
°atre tout le Monde en général, fupofé
^il fût d'un fentiment contraire au mien,
j de quoi chacun pourajuger, quand
^eme il n'auroit jamais vu les Tableaux,
AUand même il ne s'entendroit point en
uvrages de Peinture,fupofé feulement
la reprefentation que jefaisdeceux-
p.]°ît jufte ; & pour cela, j'en apèle aux
Rampes qu'on en a faites à Rome, en
emier lieu, parce qu'elles font auffi bon-
nes que les Tableaux, pour prouver les
Particularités dont il s'agit, autant qu'il
n'y
-ocr page 481-3%o des Statues, Tableaux» •
n'y a rien à redire à leur autorité. Qu'fn
remarque auffi que , comme j'ai dit da-
bord en entrant dans ces Apartemens»
que j'en pouvois critiquer les Ouvrages»
fans toucher à Raphaël, j'en puis fal"
re de-même , fans m'opofer à l'opin*011
générale , pour ce qui en regarde l'ex-
cellence. Ce qu'on y a tant admiré,ce
font les Airs gracieux & nobles, les bel-
les Attitudes, le grand Stile de Peind-
re & de Deffein, &, en quelques endroits
le Coloris, le Ménagement artificieux dn
Clair-Obfcur, & d'autres particularités
cette nature,dont je ne parle plus qu'eD
pafiant, & que j'admire, pour la plupart»
autant que perfonne. Mais, pour la Ma'
nière de penfer, quelque confidérable qne
foit cette circonftance,ony a moins raîf
d'atention que la chofe ne le demandoit;&
c'eft principalement ce qui fait l'objet de
mes Réflexions. Pour ce qui eft des autre5
parties, il fufit, à ce que je croi ,d'en don-
ner une Idée générale, comme j'ai fait: car,
outre que ce feroit me rendre ennuïeuf'
que de trop particularifer là-delfus, il n ?
auroit que très-peu de gens qui enpu^nt
lirer quelque avantage, qui même ne fe'
■roit pas fort confidérable. ,
Si mes Obfervations font juftes, il elt
certain que ces Pièces font d'excellent
Tableaux de Figures humaines, quf'
qu'elles ne le foieqt pas entant qu'e11^
et Desseins, en Italie. 381*
!.ePrefentent la Thîlofophie, la Toêfie ,&c. à
[ y a des parties qui font admirablement
"elles ; mais ce n'eft plus la même chofe,
°rs qu'on veut les mettre enfemble.
f ne faut pas s'étonner de voir de ces
j°rtes d'inégalités, dans les Ouvrages
Hommes : les plus fameux mêmes y
été fujets ; car, comme il eft très-
,are que nos Talens montent à un haut
?egré d'excellence, ceux qui ontîebon-
uetir d'en pofléder de cette efpèce,n'en
Poffèdent qu'un petit nombre , comme
Arbre qui monte fort haut, mais qui
^a que peu de branches aufommet. Cet
Homme eft regardé, avec juftice, corn-
ue un grand Homme , même comme
Ju Prodige à certains égards, au-lieu
j^e dans d'autres vues, il n'eft que mé-
gère ; d'autant plus encore qu'on voit
•l116 les plus grands ne jugent pas tou-
jours bien de leur fort ; ce qui fait, qu'en-
Q ,.un nombre conlidérable d'Ouvrages
JjJ^k font, on trouve qu'il y en a quel-
00 S Urîs d'excellens, d'autres qui font
laii?' Vautres médiocres, & qu'on ne
jjj e Pas d'en trouver quelquefois de
j>auvais. En un mot, les plus grands
c 0lîlmes font, en une infinité de ren-
des, fur le même pié que le refte.
p, Yans les quatre ronds, qui font au
des ï?°nd de cerre Chambre, on a Peint
figures qui reprefentent lesSiences,
dont
-ocr page 483-382, des Statues, Tableaux,
dont les Tableaux,qui font fur les côt&>
traitent plus amplement. Elles font ~
compagnées, dans les angles,de PfJ1^.
Peintures, & dans les efpaces, qui
entre ces ronds & ces angles, de plus p
tites encore, dont les unes font des H i"01"
res, & les autres des Allégories, qui°n
auffi du raport aux Sujets principaux.
On a obfervé la même chofe dans je*
Frifes, en Clair-Obfcur, qui font entre le*
Cariatides, au-deffous des grands Ouvra'
ges qui garniflent les côtés de la Chamb^
& qui font toutes de Polidore ®
d'autres Difciples de Raphaël^"1 le
ont faites fur les Deffeins de ce
Maître-
L'intention qu'on a eue en général»
dans les Tableaux qui font dans
cette
Chambre , a été de faire honneur à ^
Nature Humaine: mais, pour ce qui®"
des autres Apartemens, tout ce qu'on /
a eu en vue fe termine à faire comP
ment à la Dignité Papale en généraj* ^
en particulier aux Papes , fous les
tificats de qui ces Ouvrages ont été faIt '
Dans la Chambre qui fuit celle de
Signature, font peints XHéliodore, & '
Miracle de Bolfenna. Ces deux
bleaux furent faits dans le tems
Jule II ocupoit la Chaire ; & 1 '
bleau à'Attila, & celui de la Délivré"
de S. Pierre , le furent du teins ^
â r o m e.
et Desseins, en Italie. 383
M Tableau qu'on apèle XHélioâore
J'elt qu'un compliment délicat qu'on a
ait au Pape d'alors,qui fe glorifioit d'a-
chaffé, par fes armes, les Ennemis
du Patrimoine de S. Pierre. On
peut dire à jufte titre,que c'ett une Pie.
Ce qui reprefente plutôt l'Affion de j u-
11- dans cette ocafion, que celle à'Hé-
"odore chalfé du Temple. Le Langage
Qe ce Tableau relïemble à celui de l'O-
non pas au Récitatif, mais à un
------------ a w ...«[-iv . v111v.1 lui- uau]
<Jes bornes très-étroites, en comparaifon
Jjes amplifications admirables qu'on lui a
pnées. En un mot, tout ce que cette
lece reprefente ne conliile , qu'en ce
fl Je Saint Père chalîa de l'Etat Eclé-
'aitique fes Ennemis facriléges, de la
. eme manière que les Anges de Dieu
gèrent Béliodore hors d u Temple, qu'il
°it eu l'infolence de vouloir piller, du
p1118 du Souverain Sacrificateur O n i a s ,
fe très-faint.
te i.Ds ce fens-là, cette Pièce excellen-
aUr Plus fujette à une Objeftion qu'on
ou>0ir Pu former : c'ett que, dans le tems
i on voit le Souverain Sacrificateur O-
As> qui fait fa prière devant l'Autel,
Su'un Cavalier & deux jeunes Hom-
envoies miraculeufement de Dieu,
384 des Statues, Tableaux-,
iRoME, chaftent Héliodore, comme l'Hiftoire .
eft parfaitement bien décrite dans le L-1'
vre des Macabées (1); tout-à-coup
voit entrer lePapeaffis fur fa Chaife, 9
des Hommes, en Habits modernes, p°r"
tent fur les épaules. 11 eft vrai ,
cela prefente à la vue un mélange d'Idée^
extrêmement diférentes, de chofes» ^
de perfonnes, qui n'auroient pu être en
même tems; mais, par l'explication ^
j'ai donnée à cette Pièce, au-lieu
donner matière à cette Objeétion, ce}lr
circonftance y ajoute un nouveau relie1.
Pour faire honneur au Pape,on nepot^
voit imaginer d'autre Tableau, ni
prefenter d'Aftion particulière de cet £>'
vêque Souverain , ou de Viétoire reU1'
portée par fon Armée , fût-elle peinte
par une Main , s'il étoit poffible,
habile que celle de Raphaël,qui
faite d'une manière fi fenfible , e
même tems fi délicate , que cette PieC
le fait.
L'Architeaure de ce Tableau a un*
régularité de Scène, pareille à celle d
Y Ecole d'Athènes ; mais le Sujet en e
admirablement bien reprefenté, fur-t°u
en ce qu'au-lieu de placer les deux J^-
nes Hommes à chaque côté d'tffyT
dore , pour le fouetter, comme
t fcï Desseins, en Italie.' 38^
le rapor te , Raphaël a embelli à
j endroit, en évitant de mettre ces
^ ^ FigUres d'une manière régulière ,
de rPUe côté de ce facri'éSe ^unenû
ttie 1 ce q-ui marcIue le Sranci
t-u nt de cet Homme , en fait de Pein-
du6:ces ^gures angéliques fontfufpen-
ontS eîî ^ fahs ailes, elles
w M mouvement rapide vers celui
jj elles avoient ordre de punir; c'eft-là
.^e Penfée véritablement fublime. L.'At-
fUde du Pape , & fon Air de tête ré-
sident parfaitement au fens que j'ai
Jjtiné à ce Tableau, en ce qu'il a là
^nefière, hardie, & menaçante.
v Lès .Femmes. & les Enfans., qu'on
LJ dans ce Tableâu î n'y font pas feu-
Su a C P0ur rernP^r Scène de Amples
Jouteurs ; on les y a mis conformé*.
}> ent à l'Hiftoire, qui aflure que c'étoit
é rgent des Veuves & des Orfelins qui
Placé en lieu de fureté ,. dans le
v^P'e , que ce Sacrilège venoit enle-
vé ; Mais Raphaël a encore fu fai-
plae C°Ur au ^aPe ' Patron ' en le^
êtr d'une manière qu'ils paroiffent
f ,Qus fa Prôtedion. .. ,
di
La pîèce qui fuit eft celle du Miracle
ns le Diocèfe d'Orviete,
Y1 e de Tofcane. Elle eft peinte au-
^«us, & auX deux côtés d'une des fe-
«êtres de cet Aparte.ment ; de lorte
Tome III. Bb
40z des Statues, Tableaux,
àROME.qu'eiie eft, à-peu-prés, de la même &
me que celles qui font au-deflus de F
reilles fenêtres, dans les autres CD»
bres, dont j'ai déjà décrit quelques-
L'Hiftoire porte, qu'environ Tari 1 ^
fous le Pontificat d'Un bain Iv',,fls
eut un Prêtre qui célébra laMeft*ù g*
l'Eglife de S". Chriftine de Bolfén* >
qu'après avoir confacré l'Hoflic,^ J.
il doutoit de la Tranfubftdntiatio»it à
du fang fortir de l'Oublie qu'il tèn°
la main : & c'eft en mémoire de ce ^
racle, qu'on a établi la Fête annuelle
Corps de Christ. ^ ^
On voit, précifémênt au-deft^ ^
milieu de la fenêtre » un Autel, & ' j
l'un de fes côtés,le Prêtre incrédule4
oficie, & qui eft convaincu par leM,r /
cle qui vient d'arriver: il eft acomp3$.5?
de ceuxqui l'aftiftent ,& desSpe<3ateU jj
qui font en partie auffi au-delfus de ^
fenêtre , & en partie à l'un des
L'autre eft ocupé par Jule If ^
noux, les mains jointes, les
apuïés fur une efpèce de table, ^ ulî
nient ornée , & les genoux pofés ' çe.
tabouret mis-là exprès : il eft relig1;;1 g
ment atentif au Sacrifice de la ^f^-
derrière lui font deux Cardinaux » .
tant de Prélats, dans les mêmes A»
des de dévotion,avec plufieurs
du S, Siège, qui font tous des P
et Desseins, en Italie. 387*
ja°Us cés derniers fonfén-bas ; & toute
^.Partie fupérieure du Tableau , der-
te(le Autel, & les Figures , eft parfais
îe?ent bien ornee de Ciel & d' rchi-
? & il y a des degrés qui defcen-
h,/des deux côtés de la fenêtre , de-
.P haut. .
jC<wA P H A E L ^erv* 5 en cette ren"
, de la plus grande liberté qu'oïl
fca iîf acorder à un Peintre ; je ne parle
[j s de ce qu'au-lieu d'UuBAiN IV. &c,
{J a introduit les Portraits de J u le II.
p ^ Protedeur i & de quelques autres
,et fonnages de fon tems ; car c'eft une
lHs, comme nous l'avons déjà remar-
Ç Plus d'une fois, qui peut fe foufrir
tJ ^ent ; mais de ce qu'il y a fait en»
^ le Pape j quoique l'Hiftoire , du
tjjn c^lîe qu'en fait Platine, qui eft
^He'd "'en dife rien. Au-reftei
aur °nr»e une dignité au Tableau , qui
Cfété trop fimple , s'il avoit repre-
cwef l'Hiftoire toute nue. D'ailleurs ;
Vçnt.. lre honneur aux gens qui s'y trou-
îui d,v«on-feuiement en ce qu'ils ont ce-
^Ulïi aV°'r P-ace dans cette Pièce , mais
ù pJj.1} ?e que cela les fait connoître à
de r>-1 > fous un Caraftète de Foi &
y a un Auteur François ationime.;
Wafu'°n croit être l'Abbé de Boze,
a îait un Livre intitulé , Réflexions
B b a Critfa
35"o des Statues, Tableaux,
s romb. CritlqUes fur lajp0efie & fur ^^fïti
rÉ'.-lorfqu'il vient à parler deceTa^1 ^
à Pocafion du Coloris de
(car, pour le dire en paffànt, ^
que c'efl le mieux colorié de t?uî ^
qui font clans ces Apartemens) ilte
que , avec beaucoup de jugement, ^
diférentes & les juftes Expreïfions(5u ^
y trouve, les Mouvemens du Prêtre» L
fes AfMans, & des Oficiers du P«P,eL à
tout cela, d'une manière conve°aD
chacun d'eux,fuivant fon Caraftèfe V^
ticulier : mais j'ofe prendre la libef!c uf a
dire , qu'il me femble que cet
pouflé fes Réflexions un peu trop Ky
par raport au Pape , îorfqu'il dit ( >
„ Je le regarde bien le Miracle a ^
atention, mais il n'en paroît pas^»,j
„ coup ému. Le Peintre fupofe» 4
„ étoit trop perfuadé de la Trefencc r pfl5
„ /£?, pour être furpris des Evènef
„ les plus miraculeux qui puffent
,, fur une Holtie confacrée. On
„ roit caraftérifer le Chef vifible^f ^
» glife , introduit dans un feniblab'^
„ venement, par une
yi noble, & plus convenable ".
Je ne croi pas,que ç'ait ftéjà^
fee de Raphaël : car il eu ce». 0[t
que la même Expreffion , q"1 â e0&
ç*) Part. II. pag. 4<\
-ocr page 490-et Besseins, en Italie. 389
>> au pape à une Mejfe ordinaire^
^yUr°it pas eu le même éfet, dans un
]e ^ment auffi extraordinaire , qu'ell-
l'eii ,Irac!e en queffion ; outre qu'en pa->
c0QCas>une grande émotionn'eltpasin-
l'^P^ible avec leCaraftère du Chef de
bille, je croirais plutôt, que lorfque
il jgPHael réfolut d'iqférer cePortrair,
Vid d'après Nature , tel qu'il le
Uje ' 'ans intention d'y donner les fenti-
,s que ce Pape auroit pu avoir , s'il
v0| !c Vu le Miracle s foit qu'il n'ait pas
^ U|U fe donner la peine d'inventer des
ne ,reffions clui lui convinfent, ou qu'il
qJes ait pas cru néceflaires, ou-bien
M'- n'7 ait Pas fait alfez d'atention.
juitç 5 foit que j'Expreffion du Pape foit
fy'êtr' non, il eit certain que celle du
tiQnle eft admirable,fuivant la Défcrip-
tettn^Ue VASARI en Voici fes
neres : Ne Lia te fia ïnfwcata di rojfo la
fuet°^na egli haveva nel vederfer la
j^l lQCreditlità fatto liquefar l'Hoflia m
chi 0rP°vale, e che fpaventato ne gli oc-
fitoi <^fy0r di fe fmarrito nel cofpetto di
Jîcoti pt0r*> pare perfona irrejoluta, e
H tre neir attitudine de lie mani, qiiafi
fitnir, Hto 3 e fpavento che fi fuole in
\oit Cafl havere (*) C'ett-à-dire : On
5 a La rougeur qui lui couvre le vifa-
Bb 3 ge%
III. Vol. I, pag. 74. '
-ocr page 491-35"o des Statues, Tableaux,
àfoME. geja honte qu'il a de ce que fon incy
lité a été la caufe que ÏHoftie s'eftJ°n >h
fur le Cor for al: il a les yeux éfouvcV^ ^
& toute l'afl mblée le voit confus ; 1 u
fait que dire ni que faire , & l'Atti ^
même de fes mains fait connoître
blement & Vépouvante dont OU eP
dans des cas femblables. ^
Attila, Roi des Huns, après ^
cruellement ravagé une bonne partIÉ'
Y Italie y le mit en chemin, pour Ie of
dre à Rome , du tems de l'EmF a,
V ALENTiNiENj&de Léon le" 0jt
apelé autrement S. Léon, qui en e
alors Evêque,, environ le milieu du ^
quième Siècle. Ce Prince malheu1 ^
y étant invité par un fonge , pouî P
ter la Marche de ce Roi Barbare » ^
voïa le Pape avec une luite d'Eclé*1^
ques à fa rencontre , afin que, par ^
Air vénérable de Sainteté, par
res qu'il adrefleroit à Dieu , ou Pareîpi
éloquence , il pût obtenir de
ce que cet Empereur abatu ne P0L\rè'
efpérer de fes Armes. Ils fe à
çent ; & pendant que le Pape Par)itj0fl
A x x i l A, ce Roi fut frapé de l'A Pf\ * r
de deux Cavaliers, qui, félon
Ke/ étoient S.Pierre, & S. ¥
& qui l'épée nue à la main, i»eDf| ^fa-
ce Barbare de le faire mourir , s u
foit d'obéir au Pontife : il e» *ut r -ls
eï Besse-ins, Italie. 391
prif 't j qu'il abandonna fon entre- à rom#.
'p > & fe retira dans la T minorité.
e«e Hiftoire fait le Sujet du Tableau
vjAfttde l'autre côté de la Chambre,
iTa~vis de celui d'heliodore ; &
bje p^ael l'y raconte admirablement
Ï1 a reprefenté en l'air les deux
aVectres qui menacent le Roi, non pas
Co Ut*e mine furieufe, mais avec beau-
]'0> P de dignité & d'autorité, affurésde
^ e'iffànce du Barbare. Ils ne font pas
b c^eval, comme l'Hiftoire le raporte ;
jhrce que de femblables Figuras auroient
^chargé, & trop embarafté le Tableau,
« ^oins qu'elles n'euffent été en petit ;
a,ors elles n'auroient pas eu cette no-
^Parence qu'elles ont à-prefent. Com-
la j-Ln'y a eu que le Roi qui les ait vues,
ConA ^^ étoit d'exprimer cette cir-
l'a f - ce dans le Tableau, Raphaël
^ tait en fupofant l'Aftionsdans le mo,
Pat-v même qu'AxTiLA vid cette A-
, dont il fut d'abord frapé , &
pref Wucun autre de ceux qui étoient
terïJns j eût obfervé ce Roi affez long-?
der 5 Pour avoir la curiofité de regar-
t0Us^ en-haut, comme ils auroient
^arn natureîlement, s'ils avoient re-
ét0î??»é, clUe la confufion, où il fe trouvoit,
d'v v • et de quelque chofe qu'il venoit
Ue fe°flr : il y en a même pîufieurs qui
*°nt pas feulement aperçus de ce
B b 4 pre-
39% des Statues, tableau
a^oMs. premier defordre. Le Saint, &
qui Facompagnent font voir beaucoup
tranquilité & de fermeté d'efprit, ù' •
l'alïurance où ils font d'un heureux
ces. Il y a, dans ce Tableau, plu1' ^
Portraits, & en particulier , celui
Léon X. Pape d'alors, y eft mjs ''VgS
place de celui de S. Léon , un de
PrédécelTeurs ; & au-lieu des Hat)
qu'on portoit au tems de cet Evène®e g
les gens de là Cour de Rome en opt
modernes. je5
Pour exprimer le Sacagement qu
Barbares faifoient fur leur toute,°n ^
des Embrafemens dans le lointaini, _
même côté où ils font, & d'où lls r
roi dent venir. e
Bellqrï a, fur çe Tableau ,
penfée to.ut-à-fait ingénieufe : il s'i^
gine que, quoiqu'il n'y ait eu quf jt
Roi qui ait vu l'Aparition , l'air en Ç ^
agité, & que les Chevaux s'en
Mais on ne fauroit prouver , par j3 1
ce même , que ç'ait été rintenti°r^u?£
Raphaël; car, quoique les Dfap^^
Semblent voltiger, cela pouvoit vepi ■
mouvement de ceux qui les Vor[01~.les
D'ailleurs , on ne voit point d
éfets du vent, puifque les pluooes ès
mes qui font fur les Cafques tout V»
de-là n'en font point agitées : leS~ ^
vaux des deux Sarmatss, qui fon z^vânt
Desseins, en Italie, 395
dp
ne paroiftent pas épouvantés : ceux uomi.
j!es autres, & fur-tout celui du Roi,font
.0rt tranquiles. li eft vrai, qu'il y a une
*Jrtlf des Troupes qui défile, comme fi
lie s'enfuioit 5 ce que Raphaël a in»
t;enieufement fait, pour marquer ia re-
dite ^'Attila; mais cela, encore
16 fois, ne prouve rien en faveur de la
fok? de Bellori, quoiqu'il fût à
0traiter qu'il eût rencontré jufte.
j- « y a une Eftampe de cette Hiftoire,
4atls nom du Graveur ; mais je croi,
Sp'eile a été faite furquelqué Deffein an-
térieur: car, quoique ce foit à-peu-près
la même, il y a cependant quelque difé-
3-ence , du côté où font le Pape & ceux
JN l'acompagnent ; & je la remarque
r-tout,pour faire voir combien laPen-
^ du Tableau eft meilleure que n'étoic
. e du Deftein. Comme, dans ce der-
le Pape eft encore fort éloigné,
p fait que les Figures font petites, &
Parconséquent, elles paroiflent moins
?«dérables que ne le demande la part
leu- ont dans cette Hiftoire. D'ail-
Tj rs>les Figures qui font du côté d'Ai-
Vq.lA » & qui compofent fon Armée,
,ou du moins femblent voir auffi
Parition; ce qui éface une circonftan-
" j^entielle de l'Hiftoire.
iran?e reile à faire îe détail de 1,autre
0 ^ Ouvrage qui eft dans cet Aparté*
394 des Statues, tableau?»
9 Rome, ment, u reprefente l'Hiftoire de la ^
livrait ce de S. Pierre, qui avoir e
mis en prifon, pour faire allulîon à ce\
Àe Léon X. Dans le tems qu'il eto
Cardinal Légat, il fut fait prifonnier
la Bataille de Rave me ; mais jl écnaP.,
par la fuite ; & un an après, à pare *
jour, il fut fait Souverain Pontife.
Comme cette Pièce eft fameufe » Pf.
raport à la fingularité & à la variété f^
les Lumières, je m'étendrai fur cette ci
confiance , autant que la nature de
chofe le demandera ; & par cette raif° *
je ferai la Description de ce Tablea^ '
avec le plus d'exaèïitude qu'il me 1er
poflible, ,
Il eft au-deffus d'une fenêtre 5 & » ^
même que les autres qui fe trouvent da°s
de pareils endroits dans ces Aparteme^
d'une forme irrégulière, comme n
l'avons déjà dit ci-devant. Qn voit,aur
deftus de cette fenêtre , la Prifon ,
paroît ne confifter qu'en une Chaïub.1"^'
dont les murailles font d'une ép*&e
extraordinaire , & fuivent la ligne Pe*'
pendiculaire de la fenêtre jufqu'au hau >
où elles forment une Voûte,tout Pr°%
de la grande Arcade de l'extrémité û '
Tableau. On voit dedans, au trfe\
d'une Grille de bares de fer qui s'eten
d'un côté à l'autre , & du haut en- t>a '
Les murailles dont je viens de parler ijj^
et Besseins, en Italie. 986
Poféesfur une demi-douzaine de mai-*
j es 5 qu'on ne voit cependant qu'aux
côtés de la fenêtre , parce qu'elle
e!eve un peu au-deflus de ces degrés.
ï.*1 y a, dans ce Tableau, deux Adions
Rentes, & diftinaes l'une de l'autre.
jrati? l'une, S. Pierre efl dans la Pri-
aflis & prefque couché à terre, &
0 y a deux Soldats debout, l'un à la tête
1 1 autre aux pips : l'Ange paroît l'éveil-
}er> & l'inviter à fortir. On voit au-de-
4l°rs quatre autres Soldats , fur les mar-
ges à gauche , en regardant la Pièce;
<lont deux voient l'Aparition qui arrive
^ans la Prifon, & en font éfrayés; l'un
■ e ces deux éveille le troifième ; & le
^atrième dort encore. De l'autre cô-
6 > au-deftous des montées, 011 il y a
s^ore deux Soldats endormis, on voit
j.'Pierre échapé de la Prifon, avec
qui le conduit.
h Quoique cette fécondé Aftion ne foit
Rs la plus viiible, elle ne laiflè pas d'être,
moi , la plus belle. L'Ange &
e^P^tre y ont une Grâce & une Dignité
j- ettie ; ce qu'ils n'ont pas dans la Pri-
^erhk ^ fur-tPut: Pierre , qui ref-
I °le trop à un Criminel ordinaire.
''J a, à la vérité, quatre Lumières, dans
s A ableau: les deux premieres émanent
^s deux Anges qui y font: la troifième
Lune qui eft à gauche ; & la qua-
trième
35"o des Statues, Tableaux,
îrième d'un Flambeau qu'un des Soldai
du même côté tient à la main; mais elles
ne fe font pas fentir toutes à la fois, dans
tous les endroits de la Pièce. L'A$ion
principale, dans la Prifon , ne reçoit d£
Lumière que de l'Ange , non plus que
la fécondé : ni l'une ni l'autre ne peu!:
tirer aucun avantage de la Lune , ni d11
Flambeau , & elles ne fauroient fe com-
muniquer l'une à l'autre , parce que
muraille fe trouve entre deux. Les Sol-
dats,du moins quelques-uns,pouroient i'e"
cevoir de la Lumiere des quatre endroit^
quoiqu'à la vérité , comme la Lune n'â
que quatre ou cinq jours, & qu'avec ce-
la elle eft couverte de nuages, elle n'en
fauroit donner que fort peu , quelque
>art que ce foit.
Je ne déterminerai point fi toutes ces
Lumières avec leurs réflexions, fontpla'
cées comme il faut,fi elles font d'une fore?
telle qu'elles la demandent,fi les teintes en
font juftes, & fi elles ont toutes la variété
qui doit rendre la Pièce agréable. Mai5'
en les fupofant telles qu'elles doivent être»
d'autant plus qu'on a, pour juftifier cette
fupofition, le jugement de Raphae^»
& une aprobation générale , il eft
conteftable que cette Pièce noélurne , à
la confidérer Simplement dans ce fens»
eft la plus belle qu'il y aic au Monde. I*
eft vrai, que dans la fameufe Native
et Desseins, en Italie. 397*
9 or r e'c e , la Lumière qui émane du à
Petit Enfant , eft d'un éclat merveilleu-
,e> & fe répand admirablement bien. H
£ut avouer auffi, qu'il y a eu plu-
particulièrement
ç^brandt, qui ont porté le Ména-
gent des jours, également beau & fur-
frenant, auffi loin qu'il étoit poffible à
A-rt |e faire. mais je ne me fouviens
d'avoir jamais vu , qu'entre une li
grande variété de ces Jours,le principal
a"e un éfet auffi étonant, que dans cet-
te Pièce. C'eit fur-tout à l'unité dejour
Environné d'obfcurité , que les Maîtres
^ue je viens de nommer, doivent leur
Réputation à cet égard. Ici , tout eft
tNuit; & tout eft éclairé; cependant avec
at)t de fubordination , que l'un ne fait
de tort à l'autre ; & loin qu'ils
a°quent en aucune façon la vue , on
*eut confidérer le tout-enlèmble, corn-
ue aqflj chaque partie féparément, non-
flrulement à l'aife, mais même avec plai-
Po? ^Aphael n'avoit fait cela , que
n. r Montrer fon adreffe à bien ména-
Sj , Clair-Ôbfcur ; fi ce n'avoit été
jj Un jeu d'efprit, en fait de Peinture»
bje^oit été beaucoup moins confidéra-
k : mais ici, il contribue à relever de
^coup l'Expreftion : cet éclat de Lu-
ere> qui, émanant de l'Ange, fe faits
l'en-
-ocr page 499-39% des Statues, TabLeaUS?
s romï. fcntir dans le Centre du Tableau, jo!'n;
à l'Horreur de la Prifon,frape vivetnen
l'Imagination. , La Grille , à travers if-
quelle on voit les Figures, y eft plaCe ,
avec beaucoup de jugement: elle donne?
au preihief coup d'oeil t l'idée d'un
Geolé | & comme lès lignes obfcuf<f
brifent^eh tant de petites part ies, la
mière qui eft en dedans, elles caUfeof'
par-là,un brillant,& un certain ébl^11'
femeiit, qu'aucud autre expédient n'au*
roit pu produire» Quoique l'Ange ,
l'Apôtre hors de Prifort rompent l'un1^
de l'Aftion, il ne feroit cependant paS
fouhaiter que ce défaut ne fût pas dafl
le Tableau: il l'enrichit au-contrairè, ^
il prefenté à la vue uft des meilleufJ
Morceau^ dû Mondé, compofé dedet$
Figures exquifcs,qui y font mifes,p<>^
âinfi dire j dans un coin de réferve.
les produifent encore cet avantage, qu e^
les relèvent i en quelque façon, l'e*Prle
de l'abatement où il fe trouvoit i à la vU
de l'état miférable de l'Apôtre dan*,1^
fers: elles nous le reprefentërtt, oùi0fI
doit îe fouhaiter; c'eft-à-dire, en Ijg^
té, fous la conduite ,& fous la protëch°
de fon célefte Condudeur. _ e
Je n'ai plus rien à remarquer fur
Tableau, fi ce n'eft que Rapsa.6^
peint l'Ange, comme ces Etres lumi^eu ,
doivent l'être. Les paroles de Bel ^J^r
fct Desseins, en Italie. 399Ï
fi énergiques îà-deffus , & k Dé- j roSI,-
yiption qU'ij en fait eft fi belle , que je
4e fens incapable d'en pouvoir donner
nc pareille ; c'eft pourquoi je me con-
£?terai de copier fes propres paroles:
A.ngenco Spirito , in lucida vsfie di
dT%a 5 fiintillante dà ogni canto , irra-
U Trigione, rifulge, e trafpare in
rf c°mfioJfo di aria, e di luce ifenzâ
°rtal pezk
^ans le Plat-fond de cette Chambre,
toi ont été faits par des Peintres qui y
foient travaillé avant fon arrivée, Ra-
>el a peint quatre autres Hiftoires
^ l'Ecriture Sainte , qui ont du raport;
|rands Ouvrages qui font fur les cô-
l'H ' Cet Apartement. Aa-deftus de
y e'lï0d0re , Dieu qui aparoît à
pr 0 isE, dans le Buifon ardent, & lut
deR^et Délivrance de fon Peuple. Au-
' de I'Attila, c'eft N o e' fauve
J\f3féluge. Au-deflTus du Miracle" de la
i voit le Sacrifice d'A b r a h a m;
îoiî
Ççg 1 P»-1UICS l-UUUUC auirtim ut. i XV-
6c pif ^apiflerie, atachées au Plat-fond
2)pV °nge de J a c o b eft au-deflus de la
toire \ance de S- PlE*RE- Ces Hif-
Cpc jS peintes comme autant de Piè-
le r
— e o (
'Vf
Sf
le
'î'abfeS ne cèdent en rien aux autres
à len?Ux de cette Chambre, par raport
4°0 DES S t A r u K s, Tablêau«3
IromS Les quatre grands Tableaux de ii
Chambre voi.Une font , la Jupficatiotj
de Léon III. Le Couronnement M
C h a r l e-M a.g n e , par. le même Pape'
l'Incendie di Borgo, ou l'Extinction
raculeufe d'un Incendie arrivé à RoM*
fous L EO n IV. & la Victoire que ce "Pon-
tife remporta fur les Sara&uis, au P0^
d'Ojlie. , , ......
L'Hiltoire du premier de ces Tableau*
porte, que, comme Le'on, qui étolC
tm très-fàint Pontife, avoit été malicieU'
lëment acufé de certains crimes, par
EnnemisCharle-Magne, qui ^
trouvoit alors à Rome , dit aux Prélat»
& aux autres Ecléfialtiques, de lui fa'1"2
Je détail de la Vie & des Mœurs duP*'
pe ; mais ils refufèrent de le faire , W
ce qu'ils foutenoient, que le Chef &
l'Ëglife n'étoit,refponfable de fes action*'
qu'à Dieu feuï , bien loin d'en rendfe
compte à un Laïque. Malgré cela'
Le'on voulut bien,de fon propre m0^
vement j fe purger par ferment * & %
juftifier en prélence du Roi, qui riét°\l
pas encore Empereur, & de toute l'A*'
femblée :cet. Evénement eft de l'an
. La véritable pierre-de-touche , PoU
juger de la bonté d'un Tableau , par ,f*J
port à l'Invention, & à la Penfée, cf
de voir s'il donne une meilleure Idée a
l'Biltoire,que fi on la lifoit dans un^K
et Desseins, en Italie. 401*
feei?r- J'avoue, que, fi j'avois lu cette à b
Juitoire avant que d'avoir vu la Peintu-
» )l'Idée que j'en aurois eue auroit eu
,,e l'avantage , par raport à certaines
^rticularités ; mais il eft certain, qu'elle
eu du pire à l'égard du principal,
7m Parties les plus eftentielles. Le
1Te]le, la Piété , l'Innocence , & l'Hu-
b]iUé ^ ce Pape,la Dignité dei'Affem-
Ce;e? & les éfets que produifent toutes
b circonftances fur l'efprit du Peuple,
'Ont pas allez bien exprimés dans le
aoleau , pour m'en donner une Idée
Plus relevée en le regardant : quoiqu'à
£ vérité j'en puiiïe tirer de l'avantage, à
S autres égards ; car , comme il eft de
^phael j il ne laifte pas d'avoir fes
e^autés particulières. Si le Roi avoit
a , dans cette rencontre , quelque
^Utorité Juridique , fur le Siège de Ro-
J » il n'eft pas' probable qu'on en eût
]uu.îu peindre l'Hiftoire au Vatican.
J*?s» il n'y eft admis qu'en qualité deTé-
de°f1- ' aPrès la Proteftation qu'on vient
en *aire contre un femblable Pouvoir, &
qu Ur du Droit qu'ont les Ecléfiafti-
d de n'être obligés à rendre compte
J eUfs Aftions qu'à Dieu feul, & les
PuVUx autres » tans qu'aucun Laïque
cet les Y contraindre. C'eft aufti dans
fan VUe» qu'eit fai£ le Tableau; car,
n«L cette fupofition , le Roi Y feroit
III Ce trop
4*4 des Statues, Tableaux,1
trop peu de Figure ; & ce feroit une
faute impardonnable que Raphaël a
roit commife. 11 eit vrai, que ce
a fur les épaules une Marque de Du*1 n
tion , qui paroît être le Golier de
que Ordre , & qui relïemble a0ez à G
lui de la Toifon d'Or. Il y a un ■jeu£
Homme qui porte fa Couronne, Pe<£
dant que lui-même étend la main vers
Pape, qui eft à quelques pas de lui» ^
une petite éminence: mais tout cela e
acompagné de fi peu de Majefté,
BELLORi,dans la Défcription qu'il
de ce Tableau, ne prend pas garde 9 ^
c'eft le Roi, quoiqu'il falîè atention »
Couronne. Au-relle, il eft certain»
le Peintre a eu en vue de reprefenter c
Prince , dans cette Pièce de Peintar^
& je le prouve , non-feulement par^
que je viens de dire ; mais aufli par ^
Laïques qui y font, & qui n'auro*6 '
pu y être ii l'on en avoit exclu ChaR^ .
Magne, qui ne s'y trouve PoUÎ!£i,
qu'en qualité de Speftateu»& de A
moin , & non pas comme Juge. a„
Ce Tableau eft au-delfus d'une
tre, & de la même forme que les a0" r,
qui font dans de pareils endroits, ûl
que nous Jes avons déjà décrits. ie
Pour celui qui fait, il eft diférent a
tous les autres, parce qu'il n'eft q.u ^
partie au-deftus d'une fenêtre , qu*
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
un des côtés, & qui, par confé-î
MUent, rena Ce Tableau fort irrégulier.
n il a pour Sujet le Couronnement de
V,^arle-Magne, comme Empereur
ç 0ccidant. 11 fait, dans cette Pièce *
^core moins de figure,que danslapré-
c^ente;&toute la Magnificence eftdu
du Pape, Le S. Père eft fur un
^1-otie, revêtu de fes Habits Pontificaux,
cj ,^ironné de Prélats, & d'autres E-
jue"aftiquês avec leurs Chapes & leurs
Utres ; au-lieu que l'Empereur eft fur
p11 genou , & le Pape affis lui met la
Couronne Impériale fur la tête ; en même
J>s on aporte des Vafes de grand prix,
^ d'autres riches Prefens. Ce Prince
j?a pour fa fuite qu'un petit nombre de
piques, parmi lefquels il s'en trouve
.1 qui a une Couronne Roïale,aparem-
^etit pour reprefenter un de fes Fils, à
Pape, quelque tems auparavant
Jf conféré le même Honneur.
çJ^ûier, Roi de Lombardie, jaloux
Ponv^;^ nnp l'K.clife s'arroo-pnit-
fol °Uv°ir que l'Eglife s'arrogeoit, ré-
de î l'humilier, comme quelques-uns
j les Ancêtres l'avoient déjà projetté.
jjf ^ape demanda du fecours à C h a r l e-
& a g n e, qui défit entièrement Didier,
Ty ï?ar-là mit fin à cette Monarchie.
7,ailleurs, comme l'Eglife avoit beiom
apui auffi fort que l'étoit celui de
^pereur,, & que , péut,être , elle
Ce % voulait
ï rome,
"404 des Statues, Tableau»
vouloir qu'on la regardât comme ai^
Droit de conférer les Honneurs, & 6 ^
difpofer des Roïaumes,le Pape couron-
na ce Prince Empereur. „ Celn'-
„ pourtant , au raport de quelques-0
„ des Annaliftes de ce tems-là , ne * '
5, chercha pas cet Honneur ; il ne 1
roit pas même accepté , fi le P*Pe n
„ l'avoit furpris. En éfet, ce Titre_'
„ bien loin de lui donner quelque avaj5'
„ tage, lui faifoit tenir,de l'ÉIeftion
„ Pape & des Romains , ce qu'il n^
3> noit que de Dieu & de fon Epée ( / *
C'étoit-là une Hiftoire fort propre (
raconter dans un lieu comme celui-»*}.'
mais Vasari s'eft malheureufetn^
trompé, par raport à cette Hiftoire»t
à la précédente , en ce qu'il les atri^
à François!. Roi de France,pW0..
qu'à un Prince qui vivoit fept-cens
avant lui. Il y a aparence , que ce 1
l'a fait tomber dans cette erreur, ce 1°
les Portraits de pîufieurs Perfonnes .
diffinftion , contemporaines à ce ^
qu'on a inférés dans ces Ouvrages._ ^ s
c'eft-là une chofe fi ordinaire , ^ettQg
auffi-bien que dans ces Apartemens»^
je la raporte plutôt, comme faifant pa
tie de la Défcription des Pièces, Q'
pour excufer cet Auteur, qui, qu0l^rt
' (*) Voïez Mezbrai, vie de
J»
3»
fo
Er Desseins, en Italie. 40^
laifT e^mable à plufieurs égards , ne
çn pas d en impofer quelquefois. Il
j. Pourtant vrai, que la variété extraor-
nSire > & le nombre infini des chofes
raconte lui pouront fervir d'une juf-
j^cufe, s'il fe trompe quelquefois.
nJr|'Hiftoire du troilième Tableau dit,
j0rp arriva, à Rome, un Incendie, qui,
SU'il aprocha du Vatican, fut éteint
^ yne façon miraculeufe , par le Pape
o E 0 m }y en fajfant ]e ligne de la Croix
^n donnant fa Bénédiélion.
Raphaël a choifi l'inftant, où l'Ac-
principale, c'efi-à-dire , celle du
Mpe, fut faite. Il efi vrai,que la fuite
JJJÏi heureufe que furprenante , ne pa-
]ej£,Pas ; & l'on ne fauroit la favoir par
Cq 1 ableau même. Quoique ce loit-là,
C| J^e je viens de ledireJ'Adlionprin-
Fi ' S- Le'on faffe la principale
0;'§Ure * & qu'après cela le feu foit la
to CQnfiance la plus eflentielle de l'Hif-
f0rre ? cependant, comme le Pape eft
par' ' oi§né' Figure & le Groupe qui
lais-0-11 avec * une Guêtres du Pa-
ne ' peuvent être que très-petits:on
l'jQV0lt même , qu'une petite partie de
aUvCjndie , quoiqu'il y en ait un.peu
deux côtés du Tableau. Mais Ra-
ConrjL> Pour rendre la Figure du Saint
cé "^érable, a fort judicieufement pla-
' lur le devant , & dans l'efpace mi-
Cc 3 toïen,
i ROM E.
406 DES Statues, Tableaux,
â rome, toïen , pîufieurs autres perfonnes,
avec un grand fonds de foi & de
tion, s'adreftent à lui pour implorer io
fecours dans cette extrémité : & ^ "
fère fe fait mieux remarquer par l'ern J
ras du Peuple , qui eft diverfement
admirablement bien exprimé , que
les fiâmes mêmes. Raphaël a fulVle?
en cela , le grand exemple des
qui ne rempïiiToient leurs Ouvrages^0
le moins qu'il étoit poflible , de cho\.
inanimées, & qui racontoient leurs H1
toires par des Figures humaines, par-t°.
où la chofe le pouvoit permettre, ,
que, pour cet éfet, ils fe donnai,*
fouvent des libertés, même contre.
Nature ; comme celle de faire fortir P'0'
fieurs perfonnes d'une maifon, tropPe*
tite pour contenir une feule decesFté13'
res; & autres chofes femblables, quULs
premier coup d'œil, paroiffent être ".
abfurdités. C'eft aufti la véritable ^
fon , comme je l'ai déjà dit ailleurs ^ ^
celle qui doit fufire , pour réponse
à l'Objefiion que tout le monde fai[
tre la Barque du Carton de la Téche* '
raculêufe , qui eft à Hamptoncour• a
Une autre Règle que Rapba^î
obfervéê dans ce Tableau , c'eft q°u r
fuprimé une bonne partie de PHorre
qu'il auroit pu lui donner. Son bon ^
tard ne fe plaifoit pas à reprefenter^,
Desseins, en Italie. 407-
Oh"
à i>iets qui pourvoient faire trop de peineà Rome,
jç iimagination, il n'a fait voir, comme
k'ai déjà dit, qu'une petite partie de
tencendie : il a choifi, à la vérité , le
0 015 Que le monde prend fon repos ; car
roi;oit \e Peuple tout éfrayé , & il pa-
Uj . avoir été interrompu dans fon fom-
UiH uns courent çà & là, à moitié
tUa:S.' & les autres le font entièrement;
cl s fait alors déjà grand jour , & la
f0> :e n'arrive que le matin, après que le
v eil eft levé. Il auroit eu , s'il avoit
j>j^lu , une belle ocafion de dépeindre
Horreur , dans toute fon étendue : il
>oit pu choifir l'obfcurité de la Nuit,
h représenter , à quelque diitance , le
<j>çPe environné de fumée & de fiâmes,
la 11 feroit émanée toute la lumière Ce-
du un éfet merveilleux,&ren-
^ le Pableau fort diféreut de tous les
Hj rès» quji fe trouvent dans ces Aparté-
\ cette variété étoit d'autant
néceflaire , que le nombre de ces
jfeide Peinture eft confidérable.
fi c vrai, qu'il difére des autres; &
cj^.^e diférence ne va pas auffi loin
du h aUr°it pu aler, ce n'eft qu'un éfet
fatisf°n Naturel du Peintre ; & il seiï
H'y tait en le reprefentant ainfi. L'on
p{r .^Uve pas toute l'Horreur, dont un
ÏW UJet auroit Pa donner l'Idée ; ce--
ant> on ne laiffe pas d'y voir une
C c 4 grande
408 des Statues, Tableaux,
grande variété de Corps humains,d'H^
mes, de Femmes , d'Enfans, de V
lards, de jeunes Hommes, de Gens r
bulles, & de Gens délicats, dan* ^
Attitudes extrêmement diférentes,1 ^
chés & ocupés diverfement ; & tout c
la ne laifte pas de donner une Idée co»
plète du haut degré deMifère où 1'°°^
trou voit, & par conféquent, de la gra
deur, & de l'importance du Miracle-
Une autre circonftance merveille0
ment bien emploïée par Raphae1'
que je ne dois pas palier fous filen ^
quoique d'autres l'aient remarquée
moi, c'eft que, pour exprimer la
deur de l'Incendie , il a fait voir q02,^
vent étoit fort violent alors , pat
grandes agitations des cheveux Qç-
chàfle en l'air,& parla Draperie des"
gures , qui voltige de côté & |
du moins de quelques-unes ; car il
avouer, qu'on n'a pas eu égard à cela y ^
toute la Pièce. D'ailleurs, elle a_enc ^
cet avantage, qu'elle anime mie°x,e.
Tableau ; & l'on n'y voit que m0^,
ment & qu'emprelfement de tonte P ^
foit que cela vienne de cette caufe-13'
de quelque autre que ce foit. iaDs
De tous les Ouvrages qui font
cet Apartement , il ne nous relie \ ^
qu'à parler de celui qui reprefente^
V iftoire navale, que le Pape s. L e o * ^
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
j2jJporta fur les Sarazins , au PortàtoMB»
d Ofiie.
, On Peintre d'une Invention moins
«eureufe que Raphaël auroit pu,
trouver, qu'il devoir y avoir dans ce
1 ableau une Flote & un Port de Mer ;
°lent lui amener les Prifonniers qu'il a-
, °lent faits fur fes Ennemis : quoique
Pe.rlbnne n'eût pu fi bien l'exécuter que
Mais , pour diftinguer encore da-
vantage cette Pièce, de ce qu'on en au-
roit pu faire à la façon ordinaire, il fa-
Joit une Penfée plus recherchée: il con-
Jenoit auffi d'exprimer le Caradère du
*5jpe , célèbre par fa Piété , & par fa
^lémence, de-même que la grandeur &
importance de la Viêloire, de manière
cela touchât fortement le Spefta-
:?Ur) & qu'il lui infpirât les mêmes fen-
lrUens que lui feroit naître la ledure d'u-
?? Hiftoire bien écrite-, ou d'un Poème
p!en compofé fur ce fujet. On voit le
Pleux Pontife,qui élève les mains & les
re I Vers le Cie3 5 adore Dieu 3 & lui
tj nd grâces de fa Bonté , dont il vient
^ Ui faire fentir un éfet merveilleux,
'e délivrant, lui & fon Peuple, de la
J_ruauté & de la barbarie de fes Enne-
jufqu'ici tout va bien. La Clémen-
de ce Pape ne fe fait pas apercevoir,
C c 5" à moins
4*4 des Statues, Tableaux,1
\Aoue. à moins qu'on ne l'infère de fa Pieteï
car on lui amène desPrifonniers nudscf
abarus, fans qu'il en prenne aucune con-
noillance, parce qu'il paroît atentif uni-
quement à fa prière : les Sarazins ne
femblent pas non plus avoir été des En-
nemis fort redoutables. Si les PaffionS
diaboliques, qui, dans ces fortes de eir-
eonftances naiiïent naturellement dans
l'efprit des Sauvages & des Barbares ; 11
cette Malice invincible,cette Haine itU'
placable, cette Cruauté naturelle, cette
Rage, & cette Fureur de fe vanger,
voient été exprimées, elles auroient
donné un nouveau luftre à la Victoire?
& elles auroient fait un beau Contrafte
avec les Airs, foit de Dévotion, ou de
Triomfe, qu'ont les Chrétiens. Je croi»
que les Pallions queje viens de nommer»
& qui naturellement devroient fe trou-
ver dans ces Barbares, ne font pas pro-
noncées comme elles devroient l'être»
mais cela vient encore de ce que R A*
phael étoit lui-même incapable
fentir de pareilles; & il étoit plus proPre
à exprimer celles qui leur font opofée5'
Comme, dans une Hiftoire, ou dans
un Poëme, la beauté du Langage, l'ar'
rondiflèment des Périodes, & la caden-
ce harmonieufe des Vers ne fufifent paS*
fi les Caractères n'en font pas juftes»
propres, 6c bien prononcés, pour met-
, £t Desseins, en Italie. 411
*re aujour, avec tout fon avantage, l'E-a
x.enement dont il s'agit ; de-même , en
ait de Peinture , la grandeur du Stile,
^ beauté du Coloris, l'exaftitude da
VelJein, & les traits libres, hardis, ou
l, lcats du Pinceau , ne font pas capa-
les de fupléer au défaut d'une qualité
j,u u eflbntieile à un bon Tableau , que
fé ' excellence & la juftefte de la Pen-
.e- 11 peut être bon , par raport à ces
^Confiances moins importantes ; mais,
j^l ne l'eft pas par raport à fa qualité ef~
^ntielle , c'eft parce que fon véritable
Caraéîère général eft de ne l'être pas.
Si un Ecrivain avoit dit, qu'une poi-
&»ée de Gueux vagabonds, & à demi-
^°rts, avoient ravagé XItalie-, que pour
délivrer , le Pape leur avoit opofé
Armée nombreufe, & compofée de
* roupes bien difciplinées ; & qu'après
,es avoir défaits, il rendoit des AClions
^.grâces à Dieu fur Ja Viftoire qu'il a-
q0lt remportée; une telle Narration,
fe^ue relevé qu'en fût le Langage,ne
pJ0^ Sue très-peu d'impreftion fur l'ef-
q du Leéîeur : il n'y trouveroit rie»
^ méritât d'être raconté : il ne pouroit
e ln?aginer, que la dévotion du Pape ait
u beaucoup de ferveur pour une telle
"caùon : le tout lui paroitroit très-lan*
q, i, nt î où , fi d'ailleurs il favoit déjà,
y a d'autres circonftances plus ef-
des Statues, Tableaux, ^
àîioME. fentielJes qui apar tiennent à cette Hift01"
re, ou bien que l'afaire en queftiona
été beaucoup plus confidérable qu
n'eft reprefentée , il auroit raifon de
blâmer de critiquer cet Auteur>
quelques bonnes qualités qu'il puiilè avO*
à d'autres égards.
Je ne dis pas, que tout cela foit pi'éClr
fément le cas du Tableau du Fape ®
Oft 'te. Ceux qui le verront par lafuil
pouront fe donner la peine d'examiné '
jufqu'à quel point il y a du raport.
11 y a beaucoup d'aparence , que
dates qui font dans ces Chambres,
quent les diférens tems, où l'on en
achevé les Tableaux; &, comme il.rv
en a qu'une dans celle dont il s'agit ic1»
& qui eft de l'An 1517. on peut fuppfe1'»
que c'eft dans ce tems-là que la Cham-
bre a été finie. Mais, pour ce qui re-
garde la Sale de Constantin, quo1*
que Raphaël ne foit mort que l'a
1*2.0. il n'a fait que la préparer , PoU
la peindre en huile ; & il n'y a qu'°n
ou deux Figures, parmi les OrnemÇnS '
qui foient de fa main , & qui fublifte^
encore. Il fut ocupé à peindre, Pf"~
dant cet efpace de tems , le petit rj»;
nefe, & à faire les Cartons pour des * '
pilleries, dont ceux qui font en Ang1 '
terre font partie, & quelques autres Pe-
tits Ouvrages, fans oublier la
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
ratïç>n} ^ jes Deffeins pour la Sale de a rom^
°Nstantin; de forte qu'on ne fit
S^e très-peu de chofe dans cette Cham-
re > jufqu'à quelques années après la
mQrt de Raphaël. Léon X. mou-
ïUt l'An & eut pour Succeiîèur
■^drien VI. ennemi déclaré des beaux
^ Voici ce qu'en dit ingenûment
^.Asari: rie di Titture, b S culture, ne
! ahra cofia buona fi d'tlettava (*). Je
î:1I;erai, à l'Article du Laocoon, un Paf-
lage de P. J o v 1 u s , qui fera voir que
.M s a ri n'avoit pas tort. 11 efi vrai, que
Pontificat a été de courte durée, &
Su'il n'a pofîédé cette éminente Dignité
^e quelques mois, après quoi Cle'-
J'snt VIL de la Maifoo de Médias,
Ui a fuccédé, & a fait continuer ces Qu-
.lages dans le Vatican ; de forte qu'ils
u^ent heureufement achevés avant l'Em-
Pnfonnernent de ce Pape, le Sacagement
, e Ronie , & la Pefie qui fuivit peu de
^ après.
P. à, Jule-Romain fuccéda à Ra-
, & fuivit , pour la plupart, les
q.^eins que fon Maître avoit faits,quoi-
p ■ Rangeât entièrement le genre de
te pttlreï parce qu'il voulut rendre cet-
b .Chambre uniforme aux autres, en la
mgnant à Frefque. 11 eut pour aide,
Part, m. Vol. I. pag. 3z6,
-ocr page 515-4*4 des Statues, Tableaux,1
ârome. dans œt Ouvrage, Jean-F,rANÇoiS
P e n ni, qui avoit été d'un fi grand Re-
cours à Raphaël, qu'on le notn1*1®11"
ordinairement, il Fat tore di Rafae^0 >
lorfqu'il travailloit fous lui, avec Jv,lE'
R o m a i n , & plufieurs autres qui étoient
dans leurs diférentes Manières, les piuS
grands Hommes qu'il y ait jamais eQf
tant ce Maître étoit heureux , non-feU'
lement en lui-même , mais aufii en te5
Aftiftans.
On ne fait pas bien, fi Jule-RoMA11"
a eu un autre Maître , par qui il -pût
voir été inftruit, ni ce qui lui eft arrive»
avant qu'il travaillât fous Raph***'
mais il eft certain, qu'il a été le DifciPJe
bien-aimé de ce grand Homme, cotn^e
il le méritoit éfeèfivement, quoique f°p
Stile fût allez diférent de celui de f°n
Condu&eur: il étoit Antique, mais o
pas fi épuré , ni fi élégant que celui àe
Raphael;& l'on peut fi facilement *
difcerner, que , quoiqu'on ne connou1
de ce dernier que deux Delfeins ®
grands Tableaux de la Sale de Cons-
tantin, qui font celui de la HarM1ie\
& celui de la Bataille , on eft
convaincu, qUe RAPH a el en 3 ■
de-même,pour les autres Tableaux
font dans fon véritable Stile ;&les cMJ'
gemens que Jule-Romain y a *air
font très-vifibles. ^
, £t Desseins, en Italie. 415
, La diférence qu'il y avoit dans lesSti-à
les de ces deux grands Hommes ne con-
"uoit pas tant dans leur diférente Ma-
H^re de comprendre, ou d'imiter l'An-
\1(lue, qUe dans leurs Airs de Têtes, &
a.ns leur façon de concevoir & de dé-
^.r,ire une Hiftoire. Ra phaël avoit le
|?enie excellent, pour les Sujets les plus
I^Uïies de la Religion : au-lieu que
I^e-Romain étoit plus-propre pour
es Fiftions poétiques:c'eft aufli parcet-
e raifon, qu'il a merveilleufement bien
réufli dans le Palais de T; de forte que
Quoiqu'il fût très-capable, pendant qu'il
^oit fous la direction & la conduite de
Raphaël j il devint tout un autre
ijoîïîme , lorfqu'il voulut monter fur le
uar , & prendre lui-même les rênes
PQllr le conduire. C'eft-là une circonf-
ance dont il faudra fe fou venir , dans
.?Ut ce que je prendrai la liberté de cri-
,.lcluer, de la Chambre où nous alonsen-
trer,
£ Je ne fai quelles Hiftoires, ou quels
Q^!'ivains ont fuivi les Directeurs de ces
aj] Vr3ges ; peut-être ne s'y font-ils pas
n>uJettis: du moins, il eft certain qu'ils
Q n.r pas pris Ëuse'be pour guide,
^oiqu'j! fût Evêque>& qu'il déclare de
j*len écrire que ce qu'il favoit de lui-
*etIîe , ou bien que l'Empereur C ons-
a%in lui avoit raconté ; comme l'é-
toit
-ocr page 517-4i6 des Statues, Tableaux,
à «.ome. toit particulièrement l'Aparition que^
Prince vid dans l'Air , & le Songe qu11
fit enfuite. Quoiqu'il en foit, Jes *a'
bleaux qu'on voit ici,font ce qu'onn0^.
a voulu donner pour la vérité du lai •
c'efi fur quoi je ne difputerai pas, m01
defiein n'étant que d'examiner , en ce
Pièces , ce qui regarde les quaUce
du Peintre , je veux dire de J ule-^0'
main, qui préfide à-prefent.
Les Su jets des quatre grands Table^
de cette Chambre font juftement ceuj>
qu'on fe feroit imaginé qu'on auroit o
choifir pour une pareille ocafion , P,^
qu'ils font autant de Triomfes pour 1
glife : ils reprefentent la Vijion célep d
premier Empereur Chretien ; la fameU<e
Bataille qu'il gagna fur le Païen
xence , en conféquence de cette
fion ; le Batême de cet Empereur j &
Donation qu'il fit de Rome au Pape.
Le Defiein du premier, fait par
p h a e l , fubfifie encore , & il eft ^
confervé, il eft fur une demi-feuiHe ù
papier pâle, fait à la plume, lavé & r '
haufié : il avoit été vendu cent
Sterl. dans la Vente du Recueil du C»"
valier Lely, à Monfieur de B
s te i n de la Haie ; & enfuite, dans
Vente du Cabinet de Defteins de ce dé-
nier , il a été acheté par Montiez
F l i n c k de Rotterdam, après la ^
Desseins, en Italie. 417
KPUel > fa belle Colledion a confidéra
~à Rom*
veiîient augmenté celle du Duc de De-
fa°ns,hi re,quelque magnifique qu'elle
l^éja auparavant,
j- "ans lç Tableau, C
onstantin eft
dar tribune,d'où il harangue fes Sol-
' S ' la Croix paroît dans les Nues illu-
Àn'1ees ' Portée Par trois petits
Y & on y lit les fameufes paroles, e n
j tïiî n ik a , qui en partent. Qnvoit
ns le Lointain , à l'autre bout du Ta-
oeau, la Ville de Rome, comme auffi des
i$dats qui s'avancent^avec un air gai,vers
. Empereur, il y a tout-à-fait fur le de-
M un Nain mal-bâti, &qui, avec les
J^x mains, fe met un Casque fur la
; & à l'autre bout j devant la Tri-
u 116 , il y a deux jeunes Hommes de-
~ Ut,dont l'un tient le Gafque del'Em-ï
| i & l'autre pofe le pié fur un au-
j gafque,& tient une Epée nue,dont
^.Pointe eft à terre ; ce qui lignifie,
ja Viéloire qui avoit été promife.
jeunes Hommes, le Nain, ce qui
litp s 'es Nues,& quelques autres pe-
dan- Pan'cu'arités ne 1e trouvent point
s je Deflein ; & les Soldats qui font
]a 's' Eloignement, qui fe réjouïîTerir à
je du Prodige,& qui marchent vers
de rVant ' Y font prefque aufli proche'
1 œil, qUe les Figures principales :
» dans le Tableau , ils fe trouvent
*ome 111 t Dd fok
4*4 des Statues, Tableaux,1
llE, fort reculés, pour faire place à ce maU"
dit Nain. .
Pline le Vieux raporte (1),
fous l'Empire d'AucusTE , il y
une Dame Romaine qui avoit unEfdaV.^
tout-à-fait remarquable par fa difot^1'
té , & qu'à un Repas magnifique qu'el,
donna un jour, on le fit entrer tout nt><*
dans la Chambre,pour divertir la Com-
pagnie ; mais que la raillerie fe terfl5"1'
à l'avantage de ce miférable ; car cet1
Dame, qui étoit Veuve , eut telleme-n*
pitié de lui , qu'elle l'époufa, & lef ^
dit, par ce moïen-là , maître d'e'1^
même , & d'un Bien très-confidérah'^
C'eft une chofe étrange , que la dif<V
mité toute nue ait pu fervir de divefU *
fement à une Compagnie de gens poli5 ^
mais cela eft encore plus excufable, ^
d'introduire une Figure comme celle à ^
Nain , dans un Tableau qui repretepi"
une Hiftoire d'une aufii grande dig^l6J
& d'une auffi grande importance
î'eft celle-ci. Cette Figure eft
feulement ridicule , mais même fcan fg
leufe ^ en ce qu'elle a quelque choîe ûv
lubrique.
j'avoue,que ja Colonne de TraJ;^
a quelque chofe qui pouvoit en Pal ,.
juftifier cette licence , fupofé q«e
1 Bijî, m t, Lib, xxxiv. Cap. 3.
-ocr page 520-Desseins, en Italie. 419-
q^s î? Par quelque autorité, quelle a Rom^
^elle fût. L'Empereur y harangue de-
que dans ce Tableau ; & l'on voit
«.(leurs de fes Auditeurs qui fe retour-
vif > pour envifager un Homme qui
f0.nt de tomber par accident de deflus
jJ^De (*): mais un défaut ne fauroit
je 7a.ls en juftifier un autre. Après tout s
ja ~Uîs fort perfuadé, que ce n'eft pas tant
eir, iUte dè Jule, que de ceux qui l'ont
p, Ploïé , comme cela arrive fouvent.
Un Nain qui faifoït les délices du
p^dinal HippoLiTEdeMédicis,Cou-
^ du Pape. Ce Cardinal avoit encore
pé le fameux Poète B e r n i d'en faire
jeetage , ce qu'il fit à la vérité ? mais il
^commence, eii l'affurant que s'il n'y
pa^Pas' c'eft nesy **&*# 9ue
c,rforce ; qitil ne r entreprend pas par
g que le Sujet lui déplaît. Il ne
*}1e pourtant pas d'en faire une Défcrip-
drôle, & qui a tant de raport
la Figure de Jule, pour l'Attitude
^ Pour l'Habillement , auffi-bien que
à c r Perfonne , qu'il femble que l'un
tiacF^ ^'autre : on yce vafté
rPrJe> eette groffe Lance, ce Saut Mo*
&c. (f)- » la Fig«re de'
Ddx Jvlh
II, jL °Jez Colonna Trajdna, par P. Sauta Bar îc-
Çardj Cy',tol° àd B e r m i , in Iode di G r a a s s ô3 «f
' • Ipouto di Médius.
4*4 des Statues, Tableaux,1
J u l e eft un Chef-d'œuvre de Bur|^
que; mais c eft juftementpur cela, ^
elle n'eft -point du tout en ja place. _ -
Les deux jeunes Hommes qu* e
i/Tî Cuv la A (=• iront-, fr\nf cxr\ lp III'' .
du Nain , que je ne puis m'emp£C,V
d'apeler ainfi , quoiqu'elle foit eXJ?e
lemment bien exécutée. Ils embaran^
l'endroit où eft l'Empereur,au-lieuqu .
y auroit dû avoir un repos, pour le 'aI g
mieux paroître , & pour empêcher '•].
la vue ne fût détournée de l'Objet plU
ci pal : c'eft à quoi R a p h a e l a fait ^
tion , dans le Deftein ; & c'eft auu1 ■
qu'on trouve ordinairement dans l'A0
que. .
Quand même je n'aurois jamais '
Deffein , j'aurois été fûr , que ces d^
Figures ne font pas de Raphaël •'
les font évidemment de j u l e-R o m a *
à en juger par leurs Habits, qui
chent fort du Gothique : ils font éca i'leJ
non pas à la manière des Anciens».1^ v
ils reffemblent à des Lambrequins " A
moitiés faits à la Moderne, ^
Il eft: vrai que, du tems de C o n s T A, ^
tin , les Romains a voient déjà qu'te
beauté & la/implicite des Habits de Ie
Ancêtres : tout tendoit alors au BarD
rifme, qui eft venu peu après, &
înfeffé ces parties du Monde ; 01
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
y^ais trouvé nule part, que cette Mo-à
cje ?llare ait été en ufage de ce tems-là ;
H o°rte une inven^on de j u l e-
<}es Al a in, qui, quoique d'ailleurs il eût
fUiv lies admirables, & qu'il s'atachât à
bçrre ''Antique, ne laiflbit pas de tom-
bje Quelquefois dans un goût desagréa-
éo-a" , ' efl certain, qu'il auroit dû avoir
j'ofe u tems qu'il reprefentoit ; mais
b0, afirmer, qu'il s'eft plus éloigné du
jj^' Antique qu'il n'étoit néceflaire : il
pr pas atrapé le tems Antique qu'il re-
}j e|entoit,& il a fait tort à fon Tableau,
f^ft furprenant qu'il ne fe foit pas règle
v r ce qu'il ne devoit jamais perdre de
ÏAe> je veux dire , fur l'Arc de Cons-
^ vrai » que, parmi les
jjç Reliefs qui y font, il s'en trouve d'u-
lé <5 ate antérieure,& dont onadépouil-
cj .l aiJtres endroits, pour orner celui-
de' ^ais il y en a aufli qui ont été faits
au pe.tems-ïà , & qui auroient pu fervir
o,e'ntre de guides allures.
\léde!1 ce qu'aUToient pu faire aufli les
Ï^q aiHes, dont V a s a r i dit,que J u le-
^ eÎAlN étoit Amateur &Connoifleur,
fc * quoi il avoit emploie de grofles
^îé'v S" av°ir » dis-je, confulté ces
0«e. & les autres Antiquités de ces
lTaK, 1 » nous verrions aujourd'hui ce
C0îfau un peu diférent de ce qu'il eft.
Tan tin n'auroit ni la Barbe, ni
Dd 3 une
4*4 des Statues, Tableaux,1
î ».oME.une Couronne rayonnée : on ny
roic ni ces Bouquets de plumes >
plufieurs autres particularités , 0 a&a
l'Habillement » dont nous avons
parlé. ie
Mais on peut dire hardiment >
] v Tu e-R o m a i n n'y a fait aucune
xion , lorfqu'il a mis des Croix ful, s
bon nombre des Etendards qui font d*
ce Tableau ; ou il a eu , peut-être■ > n
tention de les y faire croître d'une ia9flt
miraculeufe , comme celle qui Fa,.
alors dans le Ciel. On pouroit fuPoi ,£S
qu'il y a eu dans la fuite des Croixf°r ^
Etendards , comme dans le tems d
Bataille, quoiqu'il n'y en ait aucune d r
de Constantin,pas même ç,
qu'il y eft reprefenté triomfant, ni [y^
qu'après avoir vaincu Max en ce,
fait voir au Peuple (*)} au-contr^^J
dans cette dernière Aflion, il eft r£^,ui
fenté debout, entre deux Figures i
paroiflent des Divinités Païennes. e
Qu'il me foit permis de faire etlC^
une ou deux obfervations, au desav g
tage de ce Tableau. Le Groupe H ^
Constantin vient de harangner» ^
qui eft le plus proche de la vue.Voîli:
compofé fur-tout de Guidons, qul *
aftueliemçnt en marche pour aV3rvefS;
(J ) Voies les EJlamfrs de Barxoiî, 47°
-ocr page 524-■Et Desseins, en Italie,! 4x1
1ers lui : on ne fait pour quel fujet;
cette Attitude fait paroître quatre
u cinq jambes étendues en dehors,
forment autant de lignes parallèles,
ont l'éfet eft d'autant plus désagréable,
pelles font prefque fur le devant du
u a°leau, & par conséquent, très-vifibles.
le n ^ue^clue choie d'aprochant, dans
n Raphaël, mais il la
jj **agé avec beaucoup plus de jugement,
e'i vrai qu'on n'y trouve pas la Croix
vnJ'Air ; & cela vient de ce qu'il n'y a-
!°if pas aftez d'efpace fur le papier, pour
V mettre; mais il ne fauroit pas oubliée
^ns le Tableau ; peut-être même, qu'elle
J auroit paru avec plus de dignité qu'elle
t'ait à-prefent ; & pour ce qui eft de
J^endard du 'Dragon , s'il l'y avoit fait
q,ÎFer, il y auroit été d'une manière
'ail auroit moins atiré la vue. En un
le Tableau eft fort diférent du
m ; & toutes les fautes confidéra-
npes>queje viensde remarquer,ne vien,
que des changemens que Jule-
0îlî ain y a faits , & de ce qu'il y a
tQ.^é- On peut dire la même chofe de
Qu' f-S *es autres q11'011 Y trouve ; &
^ elles font plus de tort à la belle In-
belîî^11 deRAPIïAEL'qu'elles nel'em-
« La Bataille remplit, dans cette Cham^
• e>îe côté qui eft vis-à-vis des fenêtres.
Dd 4 C'eft
-ocr page 525-4*4 des Statues, Tableaux,1
juom*. C'eft un Tableau qui a plus àe trente
quatre piés de largeur;il en a quinze
hauteur ; & il y a environ autant de d
tance depuis fa bafe jufqu'au plane» '
Le Coloris en eft noir & dur ; &
cela , comme il n'y a point de grand rJ
Maffes de Jour & d'Ombre, lel°u;
enfemble eft desagréabje & co.m
Bellqri dit , que le Poussin catlj
fidéra cela comme une beauté, dans cetr^
rencontre; & il eft certain, que ces
tes de qualités ne contribuent pas peU
exprimer la confulîon & le tintama ÎT
d'une Bataille , & à faire naître uney
pèce de trouble dans l'efprit du Spetta£
teur, qui ne doit pas demeurer tranq^'
le,lorfqu'il eft ocupé fur un Sujet de ce-'
te nature. Mais , favoir fi ce trouW6
doit venir du manque d'Harmonie , °a
s'il doit être Amplement l'éfet des Inc1^
dens & des Exprefîions qui fe trouve^
dans le Tableau,c'eft une chofe qui^e
rite bien qu'on l'examine. f .
Sans parler d'une infinité de b \e5
Attitudes, tant des Hommes quer^.
Chevaux, le Sujet particulier de ce y/
bleau y eft admirablement bien expt"101, '
C'eft une Vidoire qui a été remp°rt JJ
par l'aftiftance du Ciel : le Vainqueur el
Chretien,fon Ennemi ne l'eft pas; &
dernier eft noie dans la Rivière:.1®,
cela, d:s-je , y eft reprefenté fort jaa
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
f^ufement, & avec toute la beauté pofli- à
,!e- On ne voit point reprefenté, dans
e 1 ableau , le Pont qui fe rompit, foie
accident, comme quelques Hilto,
Q!ens le difent, ou, félon d'autres,parce
v16, Maxence l'avoit fait conftruire
J*1!), dans la vue de perdre , par ce
j|°ïen,l'Empereur Constantin,fou
«J?nerni. On voit bien ce Tiran dans le
s> e> maison ne fauroit diftinguer s'il
^ eft jetté , pour éviter de tomber en-
*re les mains du Vainqueur,ou s'il y eft
tombé du haut du Pont. Au-refte , la
£rainte & l'extrémité , où il fe trouve 3
|°nt admirablement bien dépeintes, non-
^ulement par l'Air de la tête , qui ex-
Prmîe auffi fon manque de Piété & de
g eItu9& par fon Attitude entière,mais
j par les éforts qu'il fait pour gagner
rivage , quoiqu'on puiffe remarquer
avance directement vers un dan-
°er>en voulant en éviter un autre, par-
f® Su'il tâche de fe fauver du côté où
t s Ennemis en foule l'atendent pour le
faiT* ^ette ^eu1'e Figure reprefente par-?
j^-p^ent bien le Caractère d'un Impie,
de a^atu» confondu,abandonné
Jr„ ljieu & des Hommes,qui relient lui-
ruetfLe fon état déP3orab3e > &
jf le point de fa ruine entière. On re-
ttarcÎUe,au-contraire,dans Constan-
N s un Caractère tout opofé à celui--
là:
Dd 5
-ocr page 527-4*4 des Statues, Tableaux,1
là; & qui n'eft pas moins bien expritnf*
fur-tout par trois Anges qui voltigent» "
deffus de lui, & qui combatent en iy "
veur : il ne manque rien non plus a
Air & à fon Attitude , ni à tout ce c1"
fe trouve autour de lui, pour rendre pa *
fait un Caraftère aufîi aimable que j
fien. Pour faire voir , que c'étoit un
Guerre civile , on n'a pas cru qu'il fa*1
de faire les Habits & les Armes unii°^
mes; mais on voit un Père qui emp01 ^
fon Fils, qui vient d'être tué dans le 0>f'
bat ; & il exprime des fentimens d
mour paternel, qu'il eft impoffible à t°
autre qu'à un Pére de bien fentir, & û
concevoir comme il faut. Cet incidej1
arrive fur le devant du Tableau, & il ^
aufti vitible qu'il eft bien imaginé.
C'eft une Pièce de Peinture,qui,të0
contredit, l'emporte fur tous les autrc'
Ouvrages de cette efpèce qui font.
Monde. Lorfque je l'examine, j'ai Pltl.
de tous ces petits Peintres dç Bata'f»eS*
& je ne faurois penfer qu'aux Comba
d'HoME'RE. r xi
Mais on y trouve ce qui arrive ijL
fouvent dans le Sublime ; c'eft qu'un &
prit qui fe laiffe emporter à des 1 reS
levées , pafte facilement fur des en°
moins importantes. M a xe nc e eft
la Rivière ; & de quelque manière ^ ,
y foit entré, il eft certain, que ce n f
% s il s.
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
avec une violence extrême; ainfi l'eau à ro
°ev?it être fort agitée. Cette circonftan-
bien exprimée auroit fait un éfet mer-
Jeilleux, & elle auroit rendu complet le
defordre naturel du Sujet; mais tout eft
^Qîe & tranquile autour de lui ; & l'on
T voit fur l'eau que quelques petites on-
&s î femblables à une brife qui fuit le
Jurant, dans une foirée d'Eté. C'eft
. lle chofe aflurément étonnante ,&i'on
Peut la confidérer, que comme une
c.lrConftance qui diminue un peu le mé-
rite de la Pièce, toute excellente qu'elle
Bellori paroît être en doute , fi
tes Ouvrages ont été inventés par R a-
Juael, ou s'ils font entièrement de
| P L e-R o m a i n ; il cite V as ari,auffî-
len pour apuïer, que pour réfuter cette
^eftion : il parle,en même tems, en fa-
re.Ur de la première opinion, d'un Def-
*ein de la Bataille, de la main de Ra-
„Hael, qu'il dit qu'Anpre' Sacchî
g-vuj lorfqu'il étoit à Bologne ; mais il
fl°ute s que les DeiTeias de • R a p h ae l,
P°fé qu'il en ait fait, pour ces Ouvra-
çj > n'étoient que des Efquifles ; & il
•n°nne de grandes louanges à Jule-
de ce que , fur de fi folles
p.^es,il a pu produire d'auffiexcellentes
Jjepes de Peinture, que le font celles-ci.
1Vi!Us ces Tableaux font d'eux-mêmes fu-
fifans
-ocr page 529-4*4 des Statues, Tableaux,1
&ome. fifans pour réfoudre la queftion. RA1
phael y brille par-tout ; & outre cela?
il eft certain , qu'il y a, de deux de ces
Ouvrages , des Deffeins qui font au"1"
bien finis, que ces fortes de Morcea^
le font ordinairement. Nous avons déjà
fait la Défcription de celui de la Har#n*
gue ; & celui de la Bataille, qui eft
de la même manière, a environ dix-hui£:
pouces de long , & fe trouve à-prefenC
à Taris, dans la célèbre Colleétion cle
Monfieur Crozat, garni d'un quad' e
& d'une glace. 11 étoit autrefois à Bol0'
gne, dans celle du Comte M a l v a s i a»
comme il le dit lui-même (*), & que
ce Deffein en faifoit le principal Orne"
ment ; & je le croi , parce que l'ai VU»
C'eft aufii le même qu'a vu Andr/
S a c c h i , comme nous venons de le di-
re.
Ce Morceau fait voir ,non-feulemetff>
que le Tableau entier,fi l'on en excepte
de petites particularités, comme font leS
Armes & les Ornemens, qui entrent ra"
rement dans un Deflèin , eft de B-T
phael; mais aufii que ce Peintre avoit
envie d'en rendre le nombre desFigureS
beaucoup plus confidérable , & la Co&*
pofition mieux entendue.
L'Arrière-fond du Tableau eft â'lfe'r
1 Feljiaa Pittrice, Part. III, pag.
-ocr page 530-■Et Desseins, en Italie,! 4x1
ïeùt de celui du Defiein , ou il y a en pet-à R-0®**.
'Peftive une enchainure de Montagnes,
au pié desquelles on voit", dans diférens
^droits 5 des Pelotons de Troupes, com-
Pofés des deux Armées, qui Te bâtent,
qui s'étendent jufques fur ie de-
ant , où eft le fort du Combat : cela
P^plifie le Sujet, & lui donne plus de.
^andeur & de Majefté. Raphaël
auffi fait, à gauche, une autre grande
Perfpeéïive de Pays, qui va fe terminer
ai1 pié des Montagnes. jule-Romain
? retranché toutes les circonftances que
Je viens de nommer ; &, pour avoir vou-
^ conferver feulement la principale ligne
le devant du Tableau, il a donné lieu
J un reproche qu'on lui a fait, d'avoir
r°p imité le défaut des Bas-reliefs anti-
2Ues, dont les Sujets font tous fur la
^jfie ligne.
j! a fuprimé non-feulement ces parties
^'°!gnées, mais même pîufieurs Figures
çjî °ches de la vue, entre autres trois Sol-
&ts> qui tâchent de fe fauver àlanâge,
e dont l'un tient un Etendard. Il y a
il r°re pîufieurs autres omifîions, dont
eroït trop ennuïeux de raporter les
J frilcularités. Ainfi , J u l e-R o m a 1 n
p uPrimé une bonne partie de ce que
aj ApHael avoit defliné , fans y avoir
J°uté du fien une feule Figure, & fans
0lr rien changé aux Attitudes.
4*4 des Statues, Tableaux,1
E« Le Batême de Constantin cofl"
tribue beaucoup à produire une varie1®
admirable dans ces Ouvrages , & il ^
un très-beau Contrafte avec celui
viens de décrire. Là, on voit un gra?
Empereur environné de fes Troupes vio
torieufes, & monté au faîte de la Gl°lfe
de ce Monde : ici, avec un Air d'Hu-
milité , il s'enrôle , en qualité de fimP'.'r
Soldat, fous l'Etendard de la Croix ; 31
eit à genoux, &, avec un regard afable>
il reçoit, des mains d'un Prêtre,le fign
de la Régénération. t
L'Empereur n'eft couvert que du11
petit linge ; il a defcendu quatre mar-
ches , & efl fur un genou dans un endroit
qui paroît defliné à y avoir de l'eau :
Pape, en Habits Pontificaux, le batif^'
il y a un Diacre qui a un pié fur le tel"
rein où efl: C o n s t a n t i n ; le Pape de-
meure fur les montées ; & il fe tfou?
un Page de l'Empereur avec une EPf ^
& un Cafque, le même que dans le 'i
bleau de la Harangue, dont nous
déjà parlé ; aufii elt-il habillé de la
manière. 11 y a, outre cela, une Ftë '
re, à chaque bout de la Pièce , dans 13
endroit fort vifible ; l'une avec une e"
pèce d'Habit à la Romaine , avec u»
Couronne rayonnée, l'autre habill^
la Moderne: il y a aparence.que ce>0£^
des Portraits. Le reiïe du TabIeaUern-
-ocr page 532-et Desseins* en Italie, 43s
pl^PU d'Ecléfiaftiques qui affilient à laà 1
V^rémonie, de Speftateurs, & d'un
billard, qui mène deux Enfans nud s,
^me pour être batifés. Le fond du
s ableau reprefente le Batijïère de C o n-
t.TANX1N , qUe lui-même avoit fait bâ-
& dont nous avons déjà parlé ail»
pouroit demander , s'il ne devoit
j>is y avoir de l'eau dans le Bain , où
^mpereur elt defcendu , & qui efl le
^êrne qu'on voit encore aujourd'hui ,
J? Batiftère de l'Eglife de S. Jean de
■wtran ; & fi, dans cette ocafion, on a
ei1 raifon d'introduire d'autres Perfonnes,
Pour être badiees ; mais ce font des
filions, dont je laiffe la folution à ceux
j!^ font mieux verfés , que moi, dans
j.rj.'^oire Ecléfiaftique. Efeftivement,
r hiftoire de toute cette Tranfaéfion eft
jjortée fi diféremment ,par divers Au-
^Urs> & elle eft fi obfcure, que, com-
rne ne peut pas faire beaucoup de re-
CfftrTaes fur la conduite du Tableau , à
.egard, il fera aufli dificile de favoir
JUUe ce qU'on-a voulu dire, par cer-
Par<eS qu'on y trouve ; fur-touc,
çj ces deux Figures qui font aux
poUx côtés. On fait, que ce font des
eftpaitsî & Vasari affure, que l'un
jV ^'Avallïeiuno , qui gouverna le
Pe Clément VII. & que l'autre
eft
-ocr page 533-4*4 des Statues, Tableaux,1
àrome. eft Vespucë , auffi grand Favori dé
ce Pontife. Il eft fort ordinaire de
des Portraits de Perfonnes privées,
les Peintures hiftoriques: il y en a qua^
tité d'exemples dans ces Ouvrages
c'eft dommage qu'on s'en foit fervt 1
fouvent, qu'il s font tort à la Pièce. P°ui
n'aler pas plus loin , les deux dont o»
parle y font plantés dans la même régu'
larité que les Piliers dans l'Archite#uren
auffi l'Habit moderne de l'une fait ^
mauvais éfet. Les grands Hommes
ce malheur, que leurs Ouvrages lbufrÊ^
fouvent des Caprices & des Folies »
ceux qui les font travailler. Mon P£1 ^
a un excellent Deflein, qui prouve clair2'
ment ce que j'avance. C'eft un Map'
cre des Innocens , fait par T i n t o r £
Ï1 eft, dis-je, excellent, par raport à1*
part qu'y a eu le Peintre ; mais on 1 ^
fait entrer une Famille entière de P*'1
traits, qui y eft fourée,fans y avoir rie
à faire: ce qui, par conféquent, nepc,1 "
faire que pitié, comme on le voit. MaI '
pour revenir à nos deux Figures , la gr.3
de queftion eft de favoir , quels Perms
nages elles doivent reprefenter, du tel.l'a
de ce Batême ; & fur-tout celle q"1
la Couronne rayonnée; car il eft JU '
qu'on a voulu reprefenter quelcunpa^'
Pour moi, j'avoue,que je ne fai qu'en**
en partie parce que l'Hiftoire n'eyj.e,
cla-
Desseins, en Italie. 433
Jlre> comme je viens de le dire , elle»
11 jïiême fort obfcure, par raport à
Pfefque toutes les circonftances ccnfidé-
Qpes ; & en partie auffi , à caufe des
j.bJeôions que l'on fait contre toutes les
étions qu'on auroit pu d'ailleurs eroi-
p, ratfonnables. On pouroit, par exem-
s'imaginer que celui-ci étoit Cri-
f0rE ' quoiqu'on ne fe fervît plus de ces
c tes de Couronnes , en ce tems-là,
^^nie on le voit par les Médailles,^;
j ^ on auroit pu négliger cela. Au
il paroît que Crispe pouvoit mé-
riter ici une place „ non-feulement par-
^ qu'il étoit Fils de cet Empereur, &
11 Fils bien-aimé ; mais encore parce
çTe Ça été un Martir de la Vertu. Mais,
® l'autre côté , fa Mort a été une fi
J an<3e tache fur la Vie de Constan-
JN»que vrai-femblablement onn'auroit
Sarde de le placer ici, à caufe de ce-
f0' ^our ce qui elt de la fupofition que
l'infcription qu'on lit au-delfous
des l^fampe de F. Aqjjila , qu'un
^fans,que le Vieillard amène,peut
f0 , ^Rispe,elle me paroît fans aucun
î'ob i?ent ' même fans avoir égard à
Qu *°n clue -Ie v*ens ^e propofer.
^ratld je me fuis imaginé, que cette Fi-
Anv j reprefenter Licine, grand
ah de Constantin, durant quelques
"ees > & fon Beau-Frère , je me fuis
lof»e III. Ee d'abord
4*4 des Statues, Tableaux,1
«rome. d'abord fouvenu ,que fon Caraftère *\
çfans la fuite trop peu agréable à 1 ^ '
fe, pour qu'on le fît entrer ici. Je >*n%
ces réflexions à d'autres qui feront ni'e
informés,que je ne le fuis, de l'Hdt0
de ces tems-là.
l'Hiftoire du Trefentque C o n s t a ^
tin fait de la Ville de Rome au P#Pe £.e
peinte au-deftus de la Cheminée , en ^
les deux fenêtres de cette Sale, &
vis de la Bataille. Quoique cette ^
nation foit une efpèce de Patente ?
faveur du Siège de Rome , elle eftn
feulement fondée plurôt furlaTradi^ *
que fur l'Hiftoire ; mais auffi la narrati f
qu'on en fait eft fi peu apuïée par auc
ne autorité , qu'elle a donné lieu;j ..
raillerie, du tems même qu'on travail'0
à cet Ouvrage. Jule H. demanda0^
jour à un Ambaftadeur de Venife >
Droit la Seigneurie avoit fur la M„
driatique; ce dernier lui répondit-'
tre Sainteté poura le trouver fur
vers de la Donation que ConstAnT s>
Vous
a faite de la Ville de Rome. A R,1.
te, dans le Chant (*) tour remp'1 a
beautés, où il fait monter
la Lune, pour en rapor ter l'Efprit d H
lando, qu'il fupofe s'y être eîlV°Y^nt
vec tout ce qui fe perdoit ici , °u a~
(,*) Cant. xxxiv. Dd Vuriofo. St. 8a,
-ocr page 536-Desseins, en Italie. 435-
p'J,.faifoit un mauvais ufage ■(*), dit,a».o«ii
q, \u Pafla à côté d'un grand tas de Fleurs,
ç autrefois, c'eft-à-dire, du tems des
lorfqu'on pouvoit faire acroire
do nc*e ces f°rtes de rêveries, répan-
^ leUt une odeur tout-à.fait agréable;
p ls lui aujourd'hui exhalent une infu-
d'a e puanteur : c'eft-là, dit le Guide
jA sïolfe, la 'Donation que C o n s-
nTjn à faite à Silvestre.
p, i>ari fiori ad un gr an monte paffa
<Jfebbe già buono odore, horpuzza fortes,
?£'efto era il Dono (fe pero dir lice )
Coftantino al buon Silveltro fece.
.^Malgré cela, Le'onX. fit publier
jjj6. Bule, par laquelle il excommu-
^ 0lt tous ceux qui oferoient entrepren-
0ue de critiquer ce Poëme d'A r 10 s te,
£en empêcher la vente (f ).
Quoiqu'il en foit, comme il avoit été
le p , ^ peindre cette Tranfaclion, dans
par du Vatican , & de lui donner,
ç; Cernoïen-là , une Sanction, dans le
rité e même de l'Ortodoxie,dela Vé-
1 ^ de la Sainteté , on auroit dû
dllj^Iîdrej qUe ceux qUj aVoient la con-
ue d'une Hiftoire de cette importan-
(*) iu Ee a , ces
^oit ^r1L T » m a non-feulement fort bien imite cet en-
ds' même il l'a embelli, dans fon troifieB» Livre»
voïez Baïï.E; pag.
436 DES Statues,Tableaux,
aitoME. ce, & qui étoit auffi embrouillée
nous venons de le voir , fe feroient ^
moins atachés en la reprefentant, ^
relever, & à lui donner toute la dign
poffible. ' ;q
Or , l'Hiftoire eft raportée con^i
vai le dire. Le Pape eft aftis dans une^
glife magnifique , fur une Chaife aVpr
cée de quatre marches au-deffus du Yj.
vement, & fous un Dais : l'Empereu^ ^
fur un genou pofé fur la marche
immédiatement au-defl'ous du Pape >3 jj
une main fur la poitrine ; & de l'aUtre'ja
ofre une petite Image ,qui reprefente :
Ville de Rome, que reçoit le 'Pafh • j
donne en même tems l'a Bénédiâ^1'
Constantin. 11 y a, derrière ce f1
ce, deux Figures à genoux,qui reflf,^
blent à des Ecléfiaftiques ; & derri
elles, deux autres Hommes en
féculiers, qui font aparemment des ^
ciers de la Ville. On y voit au»1
Vieillard en habit tout-à-fait GotM' ^
avec un Chapelet à la main, & une y1 ^
fur la poitrine: on dit, que c'eftle^ra
Maître de l'Ordre de S. G e or g e » a
ftitué par C o n s t a n t i n. Ce P'10.. #
quelques Halebardiers proche de luj'js
le Pape n'a, pour toute fuite , que Cy
ou quatre Ecléfiaftiques. Les autres *
gures font la plupart des gens ordmai
des Hommes,des Femmes,des Enr* ^
!
-ocr page 538-Desseins, ën Italie. 437
Sn rvVre boiteux,un petit Garçon fur*
cUIVhien, &, dans un lieu fort re-
au h ' °n VO!t * Par un trou ^évé
fcù Us de l'Autel, une troupe de Mu-
qui paroiiTent être au-dehors de
lu», & trop éloignés pour que leur
G que puiffe donner du plaifir , ou
gtjjeer de l'incommodité à la Campa*
re)2n auroit dû s'atendre à voir l'Empe-
affîs fur fon Trône , environné de
b teS les marques qui acoœpagnent la
°ïauté j& le Pape à genoux recevoir
c çc foumiffion,le prefent des mains de
^Prince ; je veux dire, fans confidérer
'ieu où ce Sujet eft peint. Ou, fi d'un
Dr^CÔtP. If) Piptp. Â> 1q rinnrpn,- r!f>
coté, la Piété & la Douceur de
fa jJJPereur le portoit à fe dépouiller de
jw Majefté, en prefence du Vicaire de
ceu u S-C h r 1 s t , je ne vois pas pourquoi
Hifl avoient la conduite de cette
Tr lTQ > auroient dû reprefenter une
là an{aftion aufli importante que ceile-
vUe aVec Peu de magnificence, & à la
la p ^ peu de monde , fi ce n'eft de
djc ?Pulace , & de quelques Figures ri~
avilit' °u qui ne lignifient rien;ce qui
tem ^l^oire, & le Tableau en même
p
vajrpe ^ rend la chofe encore plusmau-
ljs>e> c'eft qUe, parmi les Habillemens,
n trouve de Modernes & de Goth.fi
Ee 3 <ïues*
4*4 des Statues, Tableaux,1
i Rome, que s , comme font fur-tout ceuX'£g
Vieillard dont je viens de parler, &
Gardes de C o n s t a n t i n. Du te©s o
cet Empereur , on n'avoit pas enc .
fait de grands changemens à l'Habit
litaire: il étoit à-peu-près le mê®f Ç'L
avoit été dans les Siècles précède»/
Mais, au-lieu de Lambeaux à la R(10\e,
ne-, on ne voit ici que des Ba^'/jL
chauffes découpés ; & le relie de l'*1^
billement dans le même goût.
vrai,que la Robe de Constant^
faite comme étoit l'Habit civil qu'on P ^
toit de fon tems ; & la Mitre , 9ue,0ji
Pape a fur la tête,fait conjefturer q»1 •
a eu en vue de rapeler l'Hilloire 4 £
porte , que l'Empereur lui fit preïei,^
d'un Diadème de grand prix; mais
refufa de le porter , & qu'il fe conte1? s
d'Une Mitre" toute limple , comme P1
convenable à fon Caraftère.
L'Enfant & le Chien, non-feu!enj^t
avilillent le Sujet, mais auffi ils 1 ^
tout-à-fait mal placés ; car ils don
d'abord dans la vue , & ils femble^ y,
être que pour remplir un vuide, quloUr
vroit s'y trouver néceflairement, P,oe
fervir de repos, & pour guider U
à' la principale & feule Aftionquela1
ce reprefente.
j'ai achevé de parcourir tous les P1^
cipaui Tableaux de ces fameux APalnS>
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
?etls » en m'atachant fur-tout à l'inven-à rome,
ÎOn qui fe trouve dans chacun d'eux en
Sart'culier ; parce qu'avant que d'entrer
.a,ns le détail de ces Ouvrages, j'avois
|-eJa parlé , en général s de l'Expref-
> de la Compofition , du Deilein,
^ Coloris, du Genre de Peinture,
jjj d«s Qualités effentielles à un Ta-
„ au, qui font la Grâce & la Grandeur;
t ^e j'ai auffi fait des Pièces de Pein-
^ r® plus petites, foit Hiftoires, ou Or-
J^ens , & dont j'ai dit que le nombre
^ très -confidérable. J'aurois craint d'en-
pïer le Lefteur , fi je m'étois arrêté à
e$ examiner toutes en particulier, ou à
^ faire feulement une énumeration
f<y?e ' excellentes qu'elles
e ou du moins, je me ferois fort
^ta'ié moi même. Au-refte , ce que
^ ai dit peut fervir à fe former une Idée
erS,es riches Apartemens.
y A°ut ce que j'ai à ajouter, c'eft qu'on
J>[x0uve enfemble le plus grand nombre
dc VraSes du premier Peintre du Mon-
qu>' ^ais qui ne répondent pas tous à ce
r£Deri Publie la Renommée., ni à la haute
j^'J^ation de celui dont ils portent le
tjon y vo*c ^ A p H A EL' r"a's
te î-^as d'une manière à donner une juf-
de fon mérite. Je ne penfe pas
f«iii1? ' Y ait un feul Tableau, un
U1 Valais, ou une feule Colktfioo, où
Ee 4 l'on
4*4 des Statues, Tableaux,1
àRewE. l'on puifle le voir entièrement ; mai s
croi, qu'à Hamptoncour on peut fe f01'"
mer de ce Peintre , une Idée plus rele-
vée, plus jufte , & plus parfaite , qu'aU
Vatican , ou quelque autre part que cQ
foit.
Outre ces deux Palais, qui fe dila-
tent la prééminence , par raport au*
Ouvrages de Raphaël, les feuls en"
droits où l'on en trouve une cetf^f
quantité , ou du moins qu'on rega'ds
comme tels, font (i. ) la Galerie du V£
tic an, où eft peint ce qu'on apèle la
ble de Raphaël, (x..) le petit Fartiefi »
où l'on voit 1 Hiftoire deCupidon de TjT
chéy avec le'Tableau de laGalatée-, & (3-J
l'Eglife de laTace, où font les SibileS &
les Trofêtes. Le premier de ces Ouv'fa'
gesabien été deftiné par Rapha^1"
mais ce n'eit pas lui qui l'a peint :
le fécond, il n'a pas fait grand' chofe;
tout eft même aujourd'hui entière*1^?,
repeint, & couvert, & l'on voit peu
chofe de la vieille Peinture : pour, \\
troilième il eft dans un fort mi
état ; & quand meme il auroit été aul»'
bien confervé que le font les OuvrageJ
des Apartemens du Vatican , ou ceu*
de Hamptoncour, il n'auroit pu ap'"°chf(1
de ces derniers, à caufe del'inégalitf dJJ
Sujet,& fur-tout,du nombre des P'ece
de Peinture, p
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
Ilya encore deux Tableaux féparés romi. «
dans l'un defquels, ou peut-être dans
tous les deux, on pouroit s'imaginer de
prouver le plus haut degré du mérite de
a P h a e l ; je veux dire, dans la Sainte
ha*nïile, qui fait le plus bel Ornement
la Colledion Roïale de France , &
?afls celui de la Transfiguration de San
letro in Montorio , à Rome. Ils font
t0us deux en huile , très-finis, & d'une
§rande force i il eit vrai, que ce font des
avantages qu'ils ont fur les autres Ou,
Vrages"de Raphaël, dont j'ai parlé ;
^ais ces avantages ne font pas les quali-
tés caraélériftiques de ce Maître. Ce
eft pas en cela qu'il s'eft aquis la répu-
tation de grand Homme ; car il y en a
d'autres qui l'ont de beaucoup fur-
Paffé,dans le Ménagement desCouleurs
huile » dans le Finiment, & dans la
, 0rce, qualités d'ailleurs peuconfidéra-
les dans un Tableau,lorfqu'on les corn-
ue à celles par où il s'eft diilingué, & qui
5ules rendent l'Art de la Peinture digne
pe notre eftime & de notre admiration.
°Ur ce qui eft de la Penfée , de l'Ex-
Preflion,'de la Grâce, & de la Dignité,
Tn'y a rien, à mon avis, dans ces deux
* ableaux , pas même dans le meilleur,
"uand i] feroit encore dans tout fon luf-,
ÂQ » qui furpafle ce qu'on voit dans les
Ouvrages qui font-aHamponcour. Auffi
4*4 des Statues, Tableaux,1
irohb. ne eroi-je pas, qu'on puiffe s'imaginer de
trouver, dans l'un de ces Tableaux, oU
dans les deux enfemble , autant de va-
riété, ni par conséquent, d'y voir H^
phael dans toute Ion étendue ,
parfaitement que dans cette Colleftion'
Mais , pour faire le parai!c e des
bîeaux du Vatican, & de Hamptoncotf'
il faut d'abord conffdérer, que des fel2,e
Pièces capitales du Vatican , il en faut
retrancher les quatre qui font dans la
le de Constantin; parce qu'el>e
n'ont été peintes, ni par Raphael> n
fous fa direction , & qu'on ne lait Pa.
même au juile ce qu'il en a defiiné. /
ne faut point parler non plus des petits
Tableaux, ni des Ornemens .; PâX'cf
qu'ils ont été la plupart exécutés, &
quelques- uns même deffinés par d'autres
Mains, que par celle de ce Maître»
D'ailleurs, comme ils ne font qU(eU
Clair-Obfcur , on ne peut pas les apeje*
proprement des Tableaux , mais fec,e'
ment une efpèce de Deffeins ; &
même qui font véritablement de R j'
phael font trop peu conlidérables»
nombre en eft auffi trop petit, pour e.»
de quelque poids , lorfqu'on les conJ£
dére auprès des grands Ouvrages. 1'
relie donc,que douze Tableaux à com-
parer aux fept qui font à Ramftoncov*^
entre ceux-là même, il n'y en a ff .£
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
^it qui foient proprement des Hiftoi-à
_es> les autres n'étant que desReprefen-
^tions de Siences.
,On pouroit s'imaginer,que celui qui
ijLa point vu l'un & l'autre de ces deux
j rfcl°rs de Raphaël,ne fauroit juger
>ecïuel l'emporte. Mais je ne fuis point
ae cet avis; & je prétends montrer par
j^at*ce , que celui même qui n'a vu ni
11 ni l'autre le peut faire, & cela enco-
d'une manière allez certaine. Je ne
pas pourtant, qu'il le puifle faire, par
raport aux degrés d'avantage que l'un
Peut avoir fur l'autre,avec la même cer-
titude. On peut voir, par les Eftampes,
Jes Sujets & la Manière de les traiter,
^fîï-bien que par les Tableaux mêmes;
J1 peut voir auffi , par leur moïen , la
jtwpofition, & YExprejfion, ou pour le
?°ins,debien près. Pour les autres Par-
les> qui font de moindre conféquence,
vn Peut s'en informer à ceux qui les ont
Us> & fe conduire par la vrai-femblan-
& ce font-là des preuves qui nous
^sfont, dans des matières de plusgran-
jttiportance.
l^lpxUand même on auroit vu les Ta-
D e.a°x, on n'y gagneroit pas beaucoup,
^Lllqu'il eft impoffible de les voir de la
Jière qu'il faudroit,pour en faire une
eftimation, des uns par raport aux
tres ; puifque la grande diftance des
4*4 des Statues, Tableaux,1
s Rome. Jieux où ils fe trouvent fait qu'on ne
fauroit les comparer que par mémoire.
Venons donc au Parallèle. Pour par"
venir à le faire, j'obferverai,
r.) Que Xefpèce de Teinture dont on
a fait les Cartons eft préférable à celle
du Frefque.
x.) Que les Sujets font plusacotnmo-
dés au Maître.
3.) Que les Formes des Tableaux du
Vatican leur font du tort.
4,) Que lesî*laces où ils fe trouvent»
& même leurs Ornemens, leur en f0Iî£
aufîi.
$■•) Que ceux & Hamptoncour ont été
faits dans le meilleur tems de R a p H a E L.
6, ) Qu'ils font tous de fa propre main;
ce que ne font pas les autres.
- Or tout cela rend fort vrai-femblable*
que ces derniers l'emportent, dans touteS
les Parties de la Peinture.
Je prétends enfuite prouver,
Que les Sujets des Cartons font en eu#-
rnêmes infiniment au-deffus de ceux du
Vatican.
Qu'ils font mieux traités de beaucoup;
& que la Compofition & VExpreffion en
font meilleures.
C'eft ce qui eft très-certain; & cef
fufira pour décider la grande Queftion de
la Préférence.
Et, comme il paroîtra fort probable»
-ocr page 546-■Et Desseins, en Italie,! 4x1
Wls font auffi meilleurs, par raport auxï
ai]tres Parties inférieures de la Peinture,
fera perfuadé, non-feulement que les
Sortons remportent fur les Tableaux dii
atïcan, mais qu'ils le font encore dans
très-haut degré,
t, *•) Par raport à Y efpèce de Teinture,
uavantage demeure du côté des Cartons,
Parce qu'ils font en Détrempe , au-lieu
Ju.e les autres Ouvrages font à Frefque,
eft une forte de Peinture plus difici-
Ie à ménager , & plus pénible ; & l'on
'ait, que les Maîtres de ce tems-là ne font
Parvenus, en aucune manière , à cette
excellence , dans cette efpèce de Pein-
dre , qu'on a aquife cent ans après. lî
.^tnble même,que Raphaël trouvoit
qu'il réiiftiroit mieux dans quelque autre
lanière de Peinture, que dans le Fref-
<&. que c'eft pour cela, qu'il fe dé-
pr^iiia à peindre en huile la Sale de
V?nstantin, & que même il avoit
eJa mis la main à l'œuvre.
t * ) Les Sujets des Cartons font beaù-
p0l3P plus acommodès au Génie de Ra-
^ h 4 y l , parce qu'ils n'ont pas demandé
paUcoup de Literature, qu'ils font du
Sublime,du côté de la Religion,
. Qu'ils fourniftent matière à une Ima-
f^ùon Noble, Délicate & Vive, telle
iU a été la fienne, s'il en fut jamais.
La Forme bifare & irrégialière f
de
-ocr page 547-4*4 des Statues, Tableaux,1
à rome, de plufieurs des Tableaux du Vatican*
leur fait encore du tort. Raphaël a
été contraint de fe fervir d'Expédiens >
de difpofer de fes Figures, d'en retran-
cher certaines choies , & d'y en inférer
d'autres, non pas fimplement par choix*
mais parce que c'étoit ce qu'il pouvoir
faire de mieux, dans cette rencontre.
4.) Il faut encore confidérer , q^'
quand un Tableau efl; tellement atache*
qu'il efl impoffible de l'ôter de l'endroit
où il efl: peint, comme à la Muraille.'
ou au Plat-fond, il n'eft plus que tel qui*
y paroît, quelque excellent qu'il pni»0
être en lui-même. S'il eft inféparabJede
ce qui lui caufe du préjudice, on ne doit
le regarder que comme tel qu'il eft dans,
cette circonftance, quelque bon qu'il ait
pu être fans cela. L'air trifte d u Vatican »
l'obfcurité des Chambres, & la pqfition
tout-à-fait defavantageufe de quelques-
uns des Tableaux, dont nous avons déjà
parlé ci-devant, diminuent de beaucoup
l'excellence des Ouvrages de ce Palais-
Le grand nombre même de petites Piè-
ces & d'Ornemens, dont les grands &
principaux Tableaux font entourés , ne
contribue pas peu à leur faire du tort,
parce qu'ils embarafîent en quelque fa-
çon la vue , & empêchent qu'on ne les
examine avec toute l'atention qu'on y
doit aporter; au-lieu qu'à Hamptonco
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
^ Voit tout le contraire: tout y efl: riant; »
lotis les Tableaux font d'une belle For-
?e.5 ils font placés dans un grand JoUr.
^ ils ne font environnés d'Ornemens,
^'autant qu'ils leur font avantageux.
Une autre circonftance favorable
^ Cartons,c'eft le tems dans lequel ils
été faits. On fait, qu'ils ont été les
ern}ers Ouvrages de Raphaël; au-
ueiî qu'il a travaillé aux principaux de
CeuX.qui font dans le Vatican , d'abord
aPrès fon arrivée à Rome, dans un tems,
OÙ. quoiqu'il fût déjà Raphaël, il
^etoit pas encore ce Raphaël qu'il
^ été dans la fuite. Le dernier même
jKil a fait a été achevé trois ans avant
* mort ; & à confidérer avec quelle ra-
Mité il faifoit des progrès dans l'Art,
•e doit être une Remarque fort efîen-
rlel,e > pour le cas dont il s'agit ; non-
liment en ce qu'elle rend plus pro-
que les Tableaux à'Hampton-
font meilleurs en général, mais
I,s le font par raport à ces Parties
'a Peinture, dont nous ne faurions
pesS *n^ru*re ' Par m 01611 des Eftarn-
p 6-) Les Cartons font tous peints par
^.JpHAEL même (*); au-lieu que fes
ilciples ont beaucoup travaillé aux Ou-
vrages
"Vasari, Vie de Raphaei» paS- 83»
-ocr page 549-des Statues, Tableaux?
* vrages du Vatican (*). Il avoit même
perdu , par-là , quelque chofe de la re"
putation qu'il s'étoit aquife, fur-tout dan
la Fable de Tfyché du Palais de
qui étoit preique toute peinte pat ,
Difciples (t)- C'eft pour cela, qu'il a^
réfolu de faire voir ce qu'il pouvoit
re , quand il travailîoit tout feul ; Cb
qu'il fit dans la Transfiguration, &
les Cartons. Si un Maître fait tout n
fa propre main , la Pièce en fera
ïeure ; non-feulement par raport aù M
niment, au Coloris, au Defteini, '
& cela, à proportion de ce qu'il w *
paflè fes Difciples en ces Parties f
l'Art ; mais la Manière de traiter f?»
Sujet fera encore meilleure. Un Dilc1'
pie eft ataché à l'Ëfquifte qu'on lui fo^'
nit ; le Maître va toujours fon train*
changeant & perfectionnant, lelon qn'^j
travaillant il lui vient des Penfées qu
n'avoit pas eues auparavant,& qu'il na -
roit jamais eues fans cette aplication ;
bien il les auroit eues trop tard P°
pouvoir s'en fervir. r.
Jufqu'ici la probabilité eft fort en*' "
veur des Cartons : voïons à-prefen1•
qu'ils font en éfet, en compararfon ù
Ouvrages du Vatican. ^es
(*) Vasarï, PaŒm, vié de R aphaBI
ho, de Pékin, Polidore, Fattore, c '
(t) VasaRJj Vit de Raphaël, pag- 86>
-ocr page 550-■Et Desseins, en Italie,! 4x1
^Uatre principaux de ces derniers, a
C l0nt dans la Chambre dè la Siènà-
j ne font point Hiftoriques : ce
ta?C dément des Reprefentations d'au-
au t de Sciences ; & fupofé qu'ils n'aient
to»1311 défaut > & qu'au-contraire, ils aient
Ca_les les beautés dont leurs Sujets font
ge ri * ont cePendant lé defavan-
ce & n'^tre Pas fufceptibles de cette for-
cette énergie de Penfée & d'Ex-
trou ve
;s qui fc
es huit autres font à la vérité Hiftori-
n'en font pas li rele vés que ceux des
fixons, Raphaël ne pouvoit y dé-
q °per à plein fes rares Talens, & fes
yu%és particulières, comme il l'a fait
5? les Cartons.
^ °us avons vu quels font les Sujets
t s tableaux du Vatican: ceux desGzr-
p^font (1.) S.Pierre apeîé à l'A-
cu! °lat, dans le tems de la Pêche mira-
j0 e|de. ( x, ) Notre Sauveur qui confie
r Y%Iife à fes foins ; Tais mes Brebis.
PrefTi
tel) n qu'on trouve dans des Hiftoires,
} !e!> que celles qui font àHamptoncour.
^ s huit autres font à la vérité Hiftori-
P^S; mais, en général, comme les Su-
même Apotre qui guérit un
îl0[5ltT>e boiteux,à la Porte du Temple,
àr ^ée la Belle : Je ri ai ni argent ni
Ar 171 ris ce que j ai je vous le donne ; àu,
VoT de Jéfus-Chrift le Nazarien, levez,
ta! t ® niarchez. (4.) Ananias qui
r|,be & rend l'efprit,après que S. P1e r-
'Mê III Ff M
-ocr page 551-4Jo des Statues,Tableaux»
2rome, re l'a cenfuré , de ce qu'il a menti^
S. Efprit ; autre Aftion de ce gt'anaf
pôtre (f.) E lima s l'Enchanteuy ^
pé d'aveuglement, parce qu'il reu\ w
S. Paul, & qu'il cherchoit par-là a j
tourner le Proconful , de la F01- ^ ru$-
S. Paul qui déchire fes Vêtemen^• *
ce que le Peuple de Lyftre veut facflh j,
lui & à B a r n a b e', comme à
nités; & en dernier lieu, cetApôtrf ^
Gentils prêchant à Athènes : a fë
vous honorez, fans le connoître, c eJ
lui que je vous anonce. . X
Le Sujet d'une Pièce eft une circ ^
tance bien eflentielle, quand on a à c ^
fidérer fa valeur générale. Il fe P, jt
faire, qu'une certaine ReprefentatioH g
auffi-bien exécutée, à tous égards,
1a nature du Sujet le puifle demgP^
mais, fupofé que tout cela le foit a
de-même dans un Sujet de plus g^ jg
importance, alors il eft impoffi^ .
trouver cette Manière de Penfer.n de
te Expreflion , dans un Sujet qui £''\' 0e
lui-même bas ou peu confidérable » f %
comme dans un autre qui eft grf
magnifique ; ni en celui qui eft
& qui ne nous touche point, c°^ts>
dans un autre qui nous regarde de p
& qui nous touche vivement. ies
C'eft-là , pourtant, une des gr?o ae
diférences entre ces deux Reçue;n^
Desseins, en Italie. 1042-
Ra
pr i hael , dont on fait le parallèle à à
|wen!:- Ceux du Vatican font des Re-
(J'u^tations générales de Siences ou
jiltoires , qui ne font pas en elles-
Pou iGs d'une fort grande conféquence
chc-r ni°Us- Ceux à'Hamptoncour tou-
de fort près tout bon Chretien;
liers »e que ce font des Sujets particu-
font 7- très-fublimes de la Religion , ils
tçjj 1 P*lus magnifiques & des plus
l'im ns ^ Pufilent fe prefenter à
^ agination d'un grand Peintre ; &
cçaphael a été juitement , de tous
dont nous avons quelque connoif-
(j^e, le feul qui s'eft trouvé capable
V0}Jes exécuter de la manière qu'on les
auffiavou^r' que ce qu'on vient
l0n reud très-probable, que les Car-
gjJl ^Hamptoncour l'emportent, à l'é-
k p As Parties moins elfentiellès de
le Leinture ; fur-tout fi l'on confidére
^•^s où ils ont été faits , & la main
ai^ foient qu'égaux à ces égards,
re n a-t-on jamais prétendu le contrai-
re je fâche ; pour moi , qui les ai
%s ^confidérés les uns & les autres,je
be?ll res-perfuadé, qu'ils l'emportent de
ïoip>p : quand même, dis-je, ils ne fe-
Jf .qu'égaux en ces Parties, il faut
ilî0lns que tout le monde convienne,
Ff 2/ que"
4Sz des Statues, Tableaux,
t fû"
que les Sujets des Cartons font PlUS„
blimes ; & que la Manière p0d
p h a e l a prife, en les traitant y
parfaitement à la Dignité des 5 J g5
Mon Père a fait, par ocafion, is,
Remarques fur ces nobles Pei°tu
dans fa The'orie delà PeiNT1'.^
fi on les compare avec celles qu'on v
de faire , fur les Tableaux du r»-
on fera convaincu de l'avantage 1u
les Cartons à cet égard. / 'es
Quelque bien traitées & exéc^ h
qu'euftentpuêtre les Peintures de
notre efprit n'en feroit pas touché o ^
ftruit de la manière qu'il l'eft de celle5';,
puis qu'elles nous rempliflènt des Ie. ^
mens de la Religion la plus fublimeq1^
jamais été révelée à l'Homme, ou4u u£
ait jamais prétendu réveler. On PL.
dire , à l'égard de la plupart de c£Srrb\e
vrages de Rome, qu'il auroit été P° uo*
de concevoir une meilleure Idée^esCnftv,
fes qu'ils reprefentent, qu'en les v°îlurS
au-lieu que les Cartons racontent
Hiftoires de manière que,quoique e
qui les ont écrites fuflent infpirés,^jjjg
nous les aïons lues & confidérées iV'QaS
& mille fois dans les Livres facrés»/Lg5
nous retirons desTableaux avec des V*
plus claires,plus fortes, & plus rejeté
de ces fublimes Aftions, que celles H^
nous en avions eues auparavant ; ^
Pas
Desseins, en Italie. 45-3
D- .Sue cela vienne d'aucun défaut des i
f0 ,ns Ecrivains, mais parce qu'ils ne
I t que des Ecrivains ,& parce qu'il eft
Poffible aux Paroles de nous commu-
ï>iner des Idées telles que celles que le
ceau peut nous fournir.
traiî fi les SuJets > & la Manière de les
jçs font de beaucoup meilleurs dans
p-a^.artons, que dans les Tableaux du
fav tCapi, cela feul fufit pour décider en
rQ:eUr des premiers,quand même ils fe-
fj. ^t inférieurs, par raport aux Parties
Q 0l1s considérables de la Peinture. Mais
trouve, que celles-ci font encore
fleures, l'avantage fera aufli dans un
haut degré, je croi, qu'il me fera
i'^is de dire après cela , que l'un &
Hjj tre de ces Points eft prouvé ; le pre-
hç„r avec certitude , & le fécond avec
il s=Uc°uP de probabilité ; & cela étant,
à />erduit qu'on voit mieux Raphaël
fes **J>toncour qu'au Vatican. Là font
les pilleurs Ouvrages,& par confequent,
cju-] eilleures Pièces de Peinture qu'il
je ^ ait à-prefent au Monde.
Cou lat bien, que j'ai à Combatre beau-
férZ d'inconvéniens, en donnant la pré-
c<wCe de la manière que je fais ; p
je v; Pourtant fort fur les preuves que
W de P^duire: qu'on les examine
W?artialité- Pour les Préjugés, ils
* ^Us contre moi, cela eft fûr : quel,
Ff 3 ques»
4*4 des Statues, Tableaux,1
ques-uns des Tableaux dont je
en Italie , & y font en poffeffion d u^
grande Réputation, depuis plus de ae ^ ^
cens ans ; les autres font en Anfrle
où ils ;ont demeurés enfevelis dans ,
fcurité , &» pour ainfî dire , dans -
bli, jufqu'après la Révolution. Qu0l:'js,
ces circonftances ne foient d'aucun PA°* 1
par raport au mérite de la chofe ^
elles ne lailîèront pas d'avoir beau^- j
d'alcendant fur la plupart de ceU^s'
veulent fe mêler de juger. Que ces g
là fe donnent la peine de fe figurer
un moment, ces mêmes Cartons > a e
les autres qui ont été faits pour le j,
éfet, comme cela paroît par les *
feries qu'on en voit encore à Rome'A ^
fe figurent, dis-je , ces Cartons j,
dans cette Ville , & même dans 9 ^
ques-uns des principaux Apartemen^,
Vatican, ne les auroient-ils pas con'
rés, comme les derniers, &. coinnjC
meilleurs Ouvrages de Raphaël^ j
roient-ils pas été célèbres & fan^,^
proportion ? Auffi , fans parler de ^
dence qui naît de leur excellence]0 £
fèqûe , de l'aveu de tout le monde ^
(des Italiens mêmes, avec qui if f35 j on
entretenu fur cette matière, ]'at-neries
particulière qu'on a pour les Tapi1ij.
qu'on en a faites, efl encore une eip
de démonftration de ce quej'avanc ^
-ocr page 556-■Et Desseins, en Italie,! 4x1
J?" qu'on s'atende , on non, à trou- iro»^
lo lct une Relation plus ample des Car-
^ » dont j'ai eu ocafion de parler tant
jjj bll£, en m'écartant un peu du fil de
e^Difcours,pour en donner une,auffi
<w
oi.Ç - -- , - ------
Q^Uleufe, pour les lier & les faire tenir
ç 1 eHes font apliquées. Les Couleurs font,
^ général, gaies & riantes, couchées dans
^es endroits, en manière de fond, ton-
j? unies, & enfuite hachées avec le
j^eeau, dans les Jours & dans les Om-
& dans d'autres , fur-tout dans la
]y, Ration, elles font fort travaillées. Le
arùtïient en eil hardi, & tout-à-fait
OiiT'6 ^ élégant. Il y a bien des endroits
|e le Contour a été piqué à defiein de
^^Poncer ; on a renforcé le papier par
lUtl'e qu'on a apliqué fur le revers; mais
fe ' V a colé fi négligemment, que cela
lt tort aux Peintures , faute d'être
î^a-es » fi on avoit à les voir de près ;
<je ,s> comme elles font allez éloignées
cetAvUe, pour rendre ce défaut imper-
' ce]a n'eft Pas de grande confé.
L. n.Ce- On les a encore renforcés en
Tnier lieu d'un Canevas ; & I'0*1 a ré-
Ff 4 paré
" qu'il me fera poffible de le faire.
,s font peints en Détrempe , c'eft à-
Sue les Couleurs en font détrempées
ja 1 sde l'eau, mêlée avec de la cole,de
opmme , ou quelque autre matière
i B.0
4j5 des Statues, Tableaux»
M*.paré avec le crayon quelques petits eP.=
droits qui avoient été tant Toit p ^
endommagés. Ils font pendus dans
Galerie, que le Roi GuillaU^5_
la Reine Marie ont fait bâtir
tOHcour'es.près pour cela. Cette Gai^ .
fait un côté d'un magnifique Edifice, H
renferme une grande Place c0U\,lti
d'herbe, avec un Baffin & un Jet"ilr„
au milieu ;& elle eft au-deflus d'un P ^
tique qui entoure la Place. La Cua
bre eft bien lambriflee , les Table^
font garnis de bons quadres, mais ,
font Amples, & qui n'arrêtent pas la ^
& ne la détournent pas de defl'us
vrages mêmes ; ce qui n'eft que
commun. Il y a un Carton à
bout de la Galerie; un autre , qui
plus petit de tous, au-deflus de la
minée, jiiflement au milieu ; & des ^
autres il y en a deux à chaque côté de ,
lui-ci. Ils font tous de la même haute ^
mais ils diférent en largeur , com&Ç ^
peut lé voir par les Eftampes , 4ul je$
inarquent aufli les dimenfions , V.3* res
quelles on peut juger , que les F'tp^f
font plus grandes que le naturel. Y sSl
mieux cônferver ces excellens OuVf?* ^
on a la précaution depuis quelque* ^
nées, pendant l'Hiver, & toutes les
qu'il fait un tems humide de faire du
dans cëtte Galerie, pour empêcher^liî;
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
'lUmiclité & les frimatsnelesendomma-a ko
p.ntî & on les a couverts de rideaux de
oie verte , qu'on ne tire que quand on
es veut faire voir.
r Ces Tableaux admirables ont été en
c,ajnbeaux jufqu'après la Révolution ;
ç eft-à-dire,qu'ils ont été divifés chacun
J1 quatre ou cinq morceaux , coupés
jeerPendiculairement, aparemment par
jS. ^apiffiers mêmes, dont les Patrons
Rivent être ménagés de façon , qu'en
5S étendant fous la chaîne , ils les puif-
eUt voir à travers, pour apliquer leurs
j^Vettes. On confervoit ces Lambeaux
gns une méchante caille, comme mon
^ère fe fouvient de les y avoir vus ; &
lui dit , que , quand on les faifoic
ce qui arrivoit fort rarement, on
^ettoit ces morceaux enfemble, dans la
pe des Feftins à JVhitehall. Mais on ne
J*11 pas combien ces Ouvrages ont de-
; eUré dans cet état , ni quand on les a
j:Portés en Angleterre , malgré ce qu'on
q, tur le frontifpice des Eftampes du
jj.evalier Dorigny, & les diférentes
l'es es qu'on en a ^ites, fur lefquel-
re,,°n ne peut faire aucun fond. Au-
le L» il efl certain qu'ils étoient parmi
o ,1 abiçaux du Roi C h a rl es l Iorf,
p .°n en fit la vente après la mort de ce
v mce ; comme on le voit par l'Inventai-
• en a été fait, & dont mon Père a la
Ff y Copie
ME.
4*4 des Statues, Tableaux,1
à roms. Copie, qui contient environquinze-cens
Pièces de Peinture , & qui marque le*
Apartemens où elles étoient. Les '
tons fe trouvoient parmi plufieurs Ouvra-
ges du Titien, &de J ule-Ro^a,1^
avec quelques autres moins
confinera"
bles, dans certaines Chambres, &
des Cabinets de ÎVhitehall. Mais, s H»
ont apartenu long-tems à ce grand A01**
teur de la Peinture, s'il les a eus quelq0
tems avant fes malheurs, il eft furpre"
nant qu'on ne les ait jamais mis en ordr '
ni en état d'être vus; ou s'ils y orlt et.»
il ne l'eft pas moins qu'on ne nous en ^
pas informés. Peacham, qui, eni} ^
autres Traités, en a fait un fur la Petf^
ture, & qui paroît avoir eu une parfalt^
connoiffance de la Collection de Myl°r
Arundel, & de toutes les curiofit^
de cette efpèce, qui fe trouvoient al^
en Angleterre, ne fait nulle mention "
ces Cartons; ni Sandrart,quoiq.^
fût ici environ dans ce tems-là,non P1
qu'aucun des autres Ecrivains d'aiof '
que je connoifie. On a de vieilles C *
pies & de vieilles Tapifleries d'après c
Ouvrages ; mais on ne fait , ni en
tems, ni où elles ont été faites. ^
On dit, que,quand on vendit les a .
bleaux de ce Roi infortuné, C h a r l e s '
Cromwell donna ordre d'acheter .
Cartons ; & c'eft ainfi qu'ils nous 0ÏX\
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
confervés. L ouïs XIV. fit un jour pro-aRoME«
à Charles II. par fon Ambaf-
^deur Barillon, de les lui vendre ;
, ce Prince l'auroit fait, s'il n'en avoit
fté diffuadé par le Grand-Treforier d'a-
Prs> qui étoit le Comte de Danby,
, fut dans la fuite fait Duc de L e e d s:
ce que mon Père a apris de la
même de ce Seigneur.
, ^es TapilTeries ont été faites en Flan-
fes ; & il elt très-probable, que les Gar-
ons ne font jamais retournés en Italie.
^ous en avons fept ; mais il y en avoit
eHcore cinq autres, comme il paroît par
'e nombre des TapilTeries qui font à
Rome. Il eft certain , qu'on aporta ici
ueFlandres, il y a quarante oucinquan-
® ans, plufieurs Parties de ces cinq der-
Jjlers ; cependant , ils font aufti enfevelis
ans l'obfcurité, à la réferve de quel-
les Fragmens. On aporta encore de FIol-
ande, il°y a quelques années, un Mor-
J'eau confidérable du Majfacre des In-
***** ; mais, comme il a été tout cou-
ert de Couleurs en huile , & cela en-
>°re miférablement, il eft impoffible
e juger s'il a été autrefois Original
Copie : j'ai cependant des raifons
|Çu.r croire , que c'étoit une Copie.
fleurs, il n'en eft fait mention nulle
Part.
y a environ dix ou douze ans que
-ocr page 561-4*4 des Statues, Tableaux,1
à Rome, mon Père eut le bonheur de rencontrer
une partie confidérable desFragmensen
queltion,au nombre d'environ cinqua"'
te Morceaux, qui confiftent en Têtes ôd
en d'autres Parties de diférentes Figur.eS'
en Mains, en Piés, en pièces de Draperie,
&c. Dans trois ou quatre de ces Frag-
mens, on voit le Deftein de RaphaîJ'
en Crayon noir, fans avoir été peint,de
forte qu'ils n'ont pas été finis ; & il y eïl
a un, dont la Couleur eft tombée en par'
tie , & où l'on peut voir , qu'en y me['
tant les Couleurs, on n'a pas fuivi e*fc'
tement les traits du Crayon, mais queI?
peignant, on a ajouté ou retranche
dans quelques endroits : on voit encore
ïe même changement dans un autre ,
je Crayon paroît fous la Couleur.
On allure , comme nous l'avons déjà
dit,que les Cartons font tous de Iamai°
de Raphaël; & je ne doute point
cela ne foit vrai , en général , au moi"
par raport aux Figures : il eft pourtan
aftez probable, qu'il s'eft fervi delan*11^
de quelque autre, par raport au Payfage' "
l'Architefture, aux Animaux,^. Pe
fera, peut-être, pas néceflaite de dire»
qu'il y a des inégalités dans les Figu^
mêmes, puifque tout le monde fait quc
cela ne peut être autrement, fur-t°u
dans de fi grands Ouvrages. ,
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
ces Morceaux lui dit, que la raifon 1 rom^
Pourquoi on les avoit partagés en tant de
Petites parties, étoit afin d'en rendre la
divifion plus aifée , parce qu'on devoit
les partager entre pîufieurs enfans. Il y en
font des parties du Majfacre des
yWocens , d'autres de 3a Nativité, de
1 Adoration des Mages, Sic ; mais de tous
CeUx-là,non plus que de quelques autres
^ue nous avons vus de cette efpèce , ii
j^l impoiïible, de quelque manière qu'on
'es àftèmble, de rien faire de fignificatif,
de forte qu'il faut qu'ils demeurent fé-
Parés les uns des autres. 11 s'en trouve,
Parmi ce nombre, pîufieurs qui font bien
eonfervés ; entre lefquels il y a quantité
de Têtes,dont quelques-unes ne cèdent
Pas aux meilleures de celles qui font dans
es fept Cartons entiers ; & c'eft pour
Ce[a , que mon Père les a garnis de ma-
gnifiques quadres , & de glaces ; & les
ailtres font gardés avec beaucoup de foin.
^n ne fait ce que font devenus les
!?tres débris des meilleurs Ouvrages du
P'Us grand Maître qu'il y ait jamais eu,
0n,fait de Peinture; & il y aparence,
°n ne trouve plus aucun Carton en-
cr> ailleurs qu'à Hamptoncour , ni au-
jUn nombre confidérable de Fragmens
: at1s un même endroit, outre ceux dont
j ^ens de parler.
Après voir ainfi difcouru des Ouvrages
des Statues, Tableaux?
âiUuE. de Raphaël, je prends de-là ocafion
d'inférer ici quelques particularités qui
regardent ce grand Homme, foit parce
qu'elles n'ont pas encore été rendues pu-
bliques, ou qu'elles ne font que très-peu
connues.
Monfieur Ho w ard,Gentil-hotfUne
célèbre par fa connoiffance des beau*
Arts,& par d'autres belles qualités, ma
fait le plaifir de me communiquer une
Lettre, qu'il a copiée lui-même fur ïy
riginal, qui étoit alors entre les m»11^
du Cardinal Albani , qui elt devenu
Pape depuis, & qui en même tems en
donna auffi une Copie à Chab-l.es
Maratti. Cette Lettre a été écnte
par Raphaël à un de fes Oncles,
pelé Simone diBattistadiCxa^'
la, â'Vrbm ; & ce Cardinal en faifojc
tant de cas, qu'il difoit qu'il l'eftimort
autant que celles qu'il recevoit des pl^s
grands Princes. Certains engageme11^
où fe trouve Monfieur HowarD' '
cet égard , m'ont empêché de ren^ré-
publique cette Lettre , dans toute
étendue; cependant, il m'a permis à e
donner ici un Extrait.
Outre les civilités ordinaires, IeS,.fné
cufes qu'il fait à fon Oncle de ce qu h JS
lui a pas écrit, & les reproches d'à®*1
qu'il lui fait auffi fur fon filence , le ^
jet de la Lettre traite d'un Mariage q11 ^
■Et Desseins, en Italie,! 4x1
^ avoit propofé , & des circonftances a Rome.'
°U il fe trouvoit d'ailleurs.
H remercie Dieu de cequ'il eft encore
garçon ; & il croit avoir plus de raifon
fQ refufer les ofres qu'on lui a faites, que
Oncle n'en a de lui confeiller de fe
parier. Mais il continue, & dit, que,
COtfcme (*) Santa Maria in Por-
lui avoit ofert une de fes Parentes,
41 'pi avoit promis de l'époufer, avec l'a-
rment de cet Oncle à qui il écrit, &
u>tîn autre qui étoit Prêtre. Il parle en-
cQre d'autres propofitions de cette natu-
qui étoient alors fur le tapis.
. Pour ce qui regarde l'autre branche de
a Lettre, Raphaël dit, que le Bien perfo-
qu'il a à Rome monte à (f) trois-mille
^cats d'or : qu'il a outre cela cin-
quante
A^P, Le Cardinal Bibiena , grand Proteâeur &
fe '.clc Raphaël, dont voici une preuve très-cuneu-
Èg d'un Pafîage d'une Lettre du fameux Cardinal
ï E 0. écrite au même Santa Maria in P o r-
<w° > où, après l'avoir folicité d'une manière aflez gra-
Statue > de vouloir bien lui faire prefent d'une certaine
lesexC' qu'il nomme U Venerina marmorea, & où, après
vi pc^fes qu'il lui en fait, il ajoute : Se per aventura io
voi ^ n quefla mia. richiefla troppo ardito; Rafaëllo , che
amate , dice, che me ne ifcufera ejfo con
vol : '
che i0 c.°nfortato, che io ad ogni modo vi facc 'ta la richiefla
lUefa Stimo che voi non -vorrete fare alvoflro Rafaëllo
Cettr»^0^- Afpetto buona rifpofia da V. S. !"ette
dans datée de Kome, lez5. Avril iji6- & fe trouve
9 Vetf^r Recueil des Lettres da Card. Bemb°> lmPnmé
(tïttîV"0"
ll> «fc. Llv. io; Sh, sterl.
M- L. 7. Sh. 6. Den.
-ocr page 565-4*4 des Statues, Tableaux,1
i Rome, quante Ecus d'or par an, en qualité d'Ar-
chitede de S. Tierre , & une Penfioti
annuelle de (a) trois-cens Ducats d'or,
fans parier de ce qu'il gagnoit d'ailleurs>
par les Ouvrages qu'il faifoit : & qu'il vient
de commencer une autre (b) Chambre»
pour le (c) Pape , dont il aura (d)
douze-cens Ducats d'or. Il ajoute : &
che, Cari/)m0. Zio , vifo honore à vûi, {
à tutti li Tarent i , e alla Tatria , **
nonrejla che fempre non vi habbia in
zo al chore, e quando vi fento nominare?
che non mi para di feniirnominare un M10
Tatre.
11 dit encore, qu'il ocupe la Place de
Bramante, que l'Egliië de S. <Pier*
re coûtera plus d'un (e) Million d'or»
que le Pape a deftiné à cet Ouvrage plu,j
de (/) foixante mille Ducats par an, &
que c'eft tout ce qui fait l'objet des
(a) 86. L. Sh. v
{b) La Chambre qui eft après celle de la Si^*'
été finie l'an 1514. de forte qu'il y a aparance q°e5
dont il parle ici, eft celle qui fuit, & où eft l'IM"""
Borgo, &c.
(O Lb'on X.
34S- L.
(e) 187500. L.
(/) 17150. L. . j
NB. Pour réduire la Monnoie Rcwawi de cetera*» j
î;valeur qu elle a aujourd'hui chez nous ,je me <a,s é de
du fecours de Monfieur Hatms, & de ^utorL de-
Varchi , dans fon Hiftoire de Florence , iWnflraci
puis peu. Tout le monde fait, combien ces
étoient confiderables du tems de R a p h a e 1 > 3
médiocres qu'elles nous paroiiïent aujourd'hui.
Et Desseins, en Italie. 475-
îc
7es de ce Pontife; qu'il lui a donné pour
ç/de Fra Giocondo, homme fort
^Périmenté, & qui, comme il a plus de
^atre-vingts ans, ne peut pas fe pro-
^ ettî'e de vivre encore fort long- tems ;
jçe '°rte qu'il tâchera d'atraper de lui
Secrets qu'il a dans T Architecture,
de fe perfectionner dans cet Art;
les » clue ^aPe venir tous
lonJ°Urs au Palais»°ù iIs s'entretient fort
jptems avec eux fur cet Edifice.
^ finit par des Salutations ; & un peu
P^ravant, il dit : Vi prego voi voliate
«ndare al Duc a y e alla Duchejfa, e dir le
che fo lo haveranno charo à fentire,
c e un loro Ser". li farei honore , e rac-
ndatemi à loro Signoria.
ï ~ tte Lettre eft datée du 1. Juillet
4- & lignée
^lv0ftro Rafaël y Tittore in Roma.
ra§tnentum Epiftolae Cœlii Calcagnini
ad Jac. Zieglerum.
prf^ Fabius Rhavennas fenex Stoïcae
ris U1atls j quem virum non facile dixe-
Qlit p Waniorne fît an doBior-- Hune
rlfiç\ ® quafi e ducat vir prœdives © Ton-
si
nii
nis J,ratijfmusRaphaël Urbinas
genïma bonitatis, fed admirable ta-
far)} rnagnis ex ce Hit v ir tut ibus,
fe 'RiBorum omnium princep, feu in
* Ht G g tM
4*4 des Statues, Tableaux,1
theoricen, praxin infpieias.
te Bus vero tant a induflriœ, ut ea tn
niât ac perficiat, folertiffm* .
fierï poffe defperârunt. cPrœterrmtt° ?
truvium , quem Me non enarrat f0l,u l
fed certijfîmis rationibusautdefendit, a *
accufat, tàm lepidè ut omnis livor
ab accufat ione. Nùnc vero opus f
bile, ac Tofleritati incredibile exeqjllt
(nec mihi nùnc de Bafdicâ Vaticanâ,
jus architeffura prœfeétus eft, verkaJ ^
cienda puto ) fed ipfam plané VrbeW
antiquam faciem & amplitudinem acjj^
metriam inflauratam magnâ parte .
dît. Nam & montibus altijfinns &J ' ^
damentis profundijfimis excavatis,
ad Scriptorum veterum defcriptionefP>
rationem revocatd, ita Leone m <pûr" [
ita omnes Çhtirites in admirationeffl
xit y ut qrnfi cœlitùs demiffum Nut»efi' L
£ternam Drbem in priftmam Majefté ^
reparandam omnes homines fufi'f'1 f
<jhiare tantum abeft ut criftas er'tgdtf r^
tnultb magis fe omnibus obvium, y { ^
tniliarem ultro reddat, nullius a0nÛgic
tionem , aut colloquium refugiens. ^
Fabium quafiprœceptorem & patre^
Ut acfovet, ad hune omnia refert,
jus confilio acquïefcit. n m
C'elt-à-dire: Fabius de Ravenne eP>
Vieillard dune probité Stoïque : 0 ,.vil
toit de la peine à dire s il efl c g
Et Desseins, en Italie. 475-
^pltts afable qu'il n'eft /avant ——. //4
e'n entretenu par Raphaël ^'Urbin, qui
J un yeune-homme très-riche, fort con-
du Tape,
d'une extrême bonté, mais
£r_-tout d'un ejprit admirable. On voit
y lier en lui de grandes Vertus : il eft4
cpls. contefîation le premier de tous les
qi/fltres ' tant Par raPort à U Théorie
J a la Trafique. C'eft un Architecte
s, génieux , qu'on lui voit inventer &
£tre ce que les efprits les plus fubtïh
Aboient jamais ofé efpérer, ni cru pojjî-
Sans parler de Vitruve , que non-
^kment il cite, mais auffi qu'il défend\
£ qu'il condamne , fondé fur de très-
rai(ms > mais en galant-homme t
<v. ^une manière à faire voir, que l'en-,
ele n'a aucune part à ce qu'il en dit ; il
, aéîuellement ocupé à un Ouvrage fi
fiable ,
que la Toftérité aura de la,
filUe à le croire ; je ne veux pas dire le
aaja*s duVatican , dont îArchitecture
d té commife à fes foins , mais je farte
*„ a V.ille
entière , à laquelle il a déjà,
t f1 la plus grande partie defonpremier
ty, • » de fa Grandeur, © de fa Symmé-:
a e' Il a percé de hautes Montagnes, il
e^eufe des fondemens d'une profondeur
ccJaordinaire : il a conduit l'entreprife
la nfLmanière fi conforme au Calculé à
q^~fefcription dès anciens Ecrivainss
1 rempli d'admiration te Tape
G g htioÉ
468 des Statues, Tableaux?
Le'on S? tous les Romains, qui nePeU'
vent s'empêcher de le regarder comme u
Divinité envoiée du Ciel, pour redonner
la Ville fon ancienne Majeftè , & là rend j£
immortelle. Et bien loin d'en
concevoir*
moindre orgueil, il eft afable, prévenant ^
toujours prêt à ecouter avec plaifir
& les raifonnemens de tout le monde. V
quel ejt le jeune-homme qui chérit Fa
& qui a foin de lui comme de fon ^ ^
ou de fon Tere, il le c on fuite en toid >
il déféré toujours à fes confeils.
Voici une Epitafe que je vais ajout j
& quoique la Penfée n'en foit pas ju>■ j
non plus que dans celle que le Cardi
Bembo a faite,& qui eft affez connl'
elle a cependant des beautés qui di-
ront bien recevoir du Public. AU'11'
fuis-je fort furpris devoir, que la
part des Gens de Lettres, & même ^
très-favans perfonnages , lors qu'ils 0
eu occafion de parler de la Peinture ,
de la Sculpture , ont toujours
l'Imitation exaffe de la Nature
ne , comme le plus haut période de
n-bles Arts. Si le principal Car
de Raphaël avoit été tel quece
cri vains le fupofent,PilafimpleImlta;,un
de la Nature étoit le grand but a
Peintre , on verroit d'autres noms r ^
plir la lifte des grands Hommes ; ic
qu'on ne regarde prelque pas, ocup ^
Et Desseins, en Italie. 475-
Place de Raphaël, qui fe trouve à b. 0 m
j)lf alors envelopé dans la foule des
Entres médiocres.
k
ApHAELis Urbinatis, Tiftorh
eximii, Tumulus.
S;, Ipfe loquitur.
Naturam manus eft imitât a{uideri
§ °(fet ut ipfa meas ejfe imitât a manus.
meis tabulis ipfa eft delufa, fuumque
ff,redidit effe, me œ quoi fuit Artis opus^
lraris,dubitafque:audiiô momine credes.
Raphaël, hei mî, quid loquor ? immh
fUl■
tamen bis dittis, quiâopus fuit adâere
nomen ?
pf^herutrum poterat cuilibet ejfe fatis.
atn me a auditô eft notiffima nomine
virtus,
* praftare vicem nominis ipfa pot eft.
M. Ant. Muretus.
y a encore quelques beaux Vers du
cç^6 Baltazar Castiglione,
IpJ^ftre.Ami de Raphaël, 011 il le
tUre lur fa forte reprefentation de laNa-
iem c'eft la Comtelîè Hipolite,
Un. m,e de ce Comte qui parle , dans
de ^es-belle Lettre qu'il lui fait écrire
ko^antoue- Ce Seigneur étoit alorsà
i fa f,> auprès de la Perfonne de L b'o n X.
* * emme fe plaint de fa longue sbfence,
Gg 3 de
-ocr page 571-4*4 des Statues, Tableaux,1
5 M E, de la manière la plus galante, & la P1lUSxf"'
dre qu'on puiffe s'imaginer. Voici les V er
qui regardent Raphaël.
Sola tuos vultus referons, Raphaëlis f
Tiff a manu, curas allevat ufque nu**'
Huic ego delicias facio,arrideoque,j0C0JT
Alloquor; & tanquàm reddere ver
<L^(fenfu, nutuque mihi fiepè illavta^
l^icerevelle ahquid, & tua verba M
jfgnofcit,balbôque patrem puer ore f^11
Hoc folor, longos decïpioque dies.
Ce même Comte parle encore
^e Raphaël en termes très-avant
geux; & il y a, ce me femble, quelque en j
fe de fort délicat dans le compliment qu g
lui fait : c'eft fur la fin de fon premier IÀ**
du Court if an, où ce Comte examiné !
quel eft l'Art le plus noble , la
ture ou la Sculpture. 11 fe déclare
faveur de la Peinture ; & il en ^
pour raifon, que, fi elle eft moins du _
ble, elle l'eft pourtant affez,& qnÊ Pee.
dant qu'elle dure elle plaît davan^.
Sur cela , fon Antagonifte lui rép°"
Credo io veramente che voi parli^e cp0
tra quelle che havete ne IF animo ,
tutto fat e in grazia del voflro Raffle fa
e forfe ancorparvi, che Peccelle^a ca
voi conofsete in lui délia Tittura » J .
Et Desseins, en Italie. 475-
t^nto Juprema , che la Marmorarïa non i rom*;
y»a aggïungere à quelgrado ; mà confia
erate, che que fia laude è d'un Artifice,
\n°n deiï Arte. C'eft-à-dire : Je croi
®Ut de bon, que vous parlez autrement
Çe ^ous ne penfez , & que tout ce que
c?Us en faites n'eft qu'en faveur de votre
Raphaël : f eut-être même vous fem-
jf't-H , que ce que vous lui connoiffez
/XkUence en Teinture eft à un fi haut
que la Sculpture ne peut jamais y
afe}ndre ; mais confidérez , que ceft-là
Jpre ïéloge d'un Artifte , & non pas de
fsirt. Celui même qui prend le parti
la Sculpture contre la Peinture avoue,
AUe Raphaël lui auroit fait perdre fa
g, auîe, quoique les Arts l'euflent fait ga-
^ Ce Comte C asti gli o ne lui
p a\t aufti une belle Ëpitafe , qui roule
q 1ticulierement fur le même Sujet;que
tr4LcAGNiNus raporte, dans la Let-
ave .Sue je viens de citer, que Raphaël
5 0lt rétabli la Ville de Rome dans fon
ti-n'erine MaJeflé ; mais » c°mme on la
VUUveàla fin de fa Vie,
par George
îcjAsari, je me difpenfe de la raporter
tout ce clue Pu trouver de
ce quable, dans les Auteurs, touchant
^ grand Homme ; ce qui me furprend
de jîant Plus q^ de fon tems la Cour
Koniç étoit fort abondante en grands
Gg 4 Gré-*
-ocr page 573-4*4 des Statues, Tableaux,1
Génies, & qui en même tems étoi^
tous Amis familiers de Raphaël-
fin, toutes les circonftances prouvent ci
rement, que R a p h a e l , par fon m61 t
perfonel, n'étoit par moins eXcei'Ç^
Homme, qu'il étoit excellent Peintre ;
le bel Eloge que fait de lui VaSA1 '
en cette première qualité (*),vaut b> .
la peiiie d'être lu, quoi que pour ce.^oC
le regarde comme Peintre, il fe Iieje
généralement plus réfervé, en vue de ^
mettre au-deflous de Michel-A^*?
qui étoit Maître & Ami intime de vc-;
sari. Ce qu'il dit donc revient à ce ^
que fa manière d'agir donnoit exemp'
& montroit comment on doit vivre a
les grands Hommes, avec les médi°c'
& avec les petits ; qu'à l'imitation
bon Naturel,toute haine & toute en^> '
défaut d'ailleurs fi commun parmi s
Artiftes, étoit comme bannie d'entre
Difciples,& d'entre les Peintres qui
vailloient fous fa direction ; qu'il
feignoit tous avec un amour & une ùr
ceur de Père; qu'il ne laiffoit jam^P uj
fer aucune ocafion de faire plaifir a ^
que ce fût; qu'il ne vivoit point en ^ à
tre , mais en Prince , aimé &
caufe de fa Vertu & de fa Politeffe ; ^
fin, qu'il mourut regretté de tout le ,
Et Desseins, en Italie. 475-
de ; que le Pape même fut tellement a-à
^ig^ de fa mort, qu'il en pleura amère-
ment.
¥)ans une Galerie ouverte du Vatican,
Sont les Peintures fi connues, fous le
îl05lî de la Bible ^Raphaël:elle font n^kai;
Pentes à Frefque fur le Plat-fond ; les
j^gUres ont environ deux piés de haut ;
^ la longueur des Tableaux qui eft de
j'X piés , en comptant les Grotefques &
les autres Ornemens qui font alentour,
fait la largeur du Plat-fond. Ils font fort
bien coniervés, & ont l'air gai & agréa-
ble : ils ont cet avantage fur ceux des
Chambres, d'être dans un meilleur jour,
jr-es Defteins font indubitablement de
p H AEL ; mais ils ont tous été exé-
Cu^és par fes Difciples, fi ce n'eft Y Eve
^ a été peinte par lui-même, à ce que
le monde dit. II eft certain,que
e Figure eft extraordinairement belle:
tient que fon Contour ne cède en rien
J Ceux de l'Antique ; & elle pafte pour
des Figures les mieux peintes de
^e. Il y a pourtant des Connoifteurs,
* même de fort habiles Connoifteurs,
lUl trouvent que fon Contour n'eft pas
oui-à-fait féminin. Mon Père a deux
^ s Cartons faits pour cet Ouvrage, celui
^Mort de Goliath , & le Renverfe-
Gg s ®ent
474 des Statues, Tableaux,
a rom*. ment des Murs de Jérico;Ym & l'autre
font de Perin del V aga, qui les a
aparemment fairs fur quelques Deffeins
légers que fon Maître lui avoit donnés.
Salvator Rosa a critiqué Ra-
phaël, fur ce qu'il a donné à A^
une bêche de fer:
E corne compatir, fcufar potiamo
1.'n Raphaël Tittor raro ed efatto ?
Fardi Ferro una zappa in man ^'Adatn°-
Sat. 3„ la Titturfl*
On a auffi critiqué le Tableau , o{l
Bath-Scébah fe baigne à la vue de toute
r Armée de "David. On trouve quelque-
fois des exemples de ces fortes de fotl-
fes : un entre autres, qui me vient dans
l'efprit, eft une Ettampe fort travail!^
par Marc-Antoine, où l'on voiÇ
Adam & Eve , & le Serpent qui eftff
l'Arbre, & dansl'éloignement, une ViUe
déjà toute bâtie.
Tout le long de la Galerie, il y a <*es
portes qui conduifent aux Apartetnens ;
& au-deffus de ces portes font écrits des
noms de Papes, & l'on y voit plufieUS
fois ceux de JULE n. de Leok X- <*
de Cle'ment VII. Entre chaque P°r£
& au Plat-fond,il y a des Grotefque{
de petites Figures; qUj, par raport a &
beauté & à la richeffe de ri»venti°n*
Et Desseins, en Italie. 475-
Jurpaffent tout ce que nous avons de**-0"*;
1 Antique ; les uns font peints, & les au-
tres font en Stuc : ils ont été faits la plu-
Part par Jean da Udine, & les
£es par Perin del V aga. Mais l'un"//^f
** l'autre , au raport de Bellori, a
travaillé fur des Deffeins que Raphaël
*eUr en avoit donnés (*). Il y a encore Pcmd,iy*i*
dans la Sale Roïale , d'autres Ouvrages
en Stuc , de Perin, qui font auffi
eXcellens ; mais les Pièces de Peinture
9Ui s'y trouvent ne font pas affez confi-
dérables , pour les montrer avec autant
d'oftentation qu'on le fait.
C'eft environ dans le tems que ces
Ouvrages ont été faits, que les Modèr-
es ont commencé à connoître les Gro-
îefques ; car , en creufant dans les Rui-
nes des Thermes de Tit e,& en y cher-
puant des Statues & d'autres Pièces de
Antiquité , on enfonça certaines Gro-
qu'on trouva toutes peintes de ces
0l'tes de caprices , qui dès-lors furent
aPelés Grotefques ; mais il n'y en a point
Jj!1* foient à comparer à ceux dont je
Iens de parler.
^iTRuvE(f) dit, que c'eft de fon
^s, c'eft-à-dire, fous le Règne d'Ay-
^u s t e , qu'ils furent inventés; mais ils
1 Vi[ B a r t o 11 en a fait les Eflaropes>
\J) Lib. VII. C. c,
' ....... 1- ■ "1
-ocr page 577-4*4 des Statues, Tableaux,1
ir.0me. font beaucoup plus anciens: car on en
voit, quoiqu'à la vérité d'un goût dife-
rent, dans le Ruines de Terfepolis^pe-
lée aujourd'hui Tchïlminar , de-même
que dans celles des plus anciennes ViHeS
d'Egipte (1)■ V ix au v e ajoute, que
les Gens de Qualité y prenoient tant
de
plaifir , & qu'ils devinrent fi fort à
Mode , que perfonne ne vouloit avoir
d'Hifioires peintes chez lui. 11 parle ;de
ce Caprice général avec beaucoup d'in-
dignation , & non fans fujet ; puifqu'o"
voioit des Chambres entières qui n'e-
toient remplies que de ces fortes d'abfur-
dités, comme il les apèle , de demi-F*'
gures d'Hommes & d'Animaux qui for-
toient de quelques Fleurs, de Perfonnes
afiifes fur des feuilles , contournées en
façon de Volutes, & fuportées par des
queues menues & déliées , & d'autres
caprices de cette nature, qui font de vé-
ritables contradiftions à nos fens.
lorfqu'il n'y en a pas plus que dans cette
Galerie , ils font fort agréables, & fel*'
vent à divertir en quelque manière l'^1-
prit,des Sujets férieux,auxquels ils fer-
vent d'Ornemens. Mr. Perault,da^s
les Remarques qu'il a faites fur cet en-
droit de V itruve, parle d'une abfuf;
dite
1 Voïez le Père Lucas,le Chevalier Ch*RdïK'
Si Corneiiib le br«h>
Et Desseins, en Italie. 475-
Jté d'une autre efpèce , qui fe trouve\romk
dans un Tableau de Breugel , qui a
Peint A lex andre le Grand, avec une
barbe blanche.
-^Wx la Chambre de velours, où le Tape
donnait ordinairement Audiences
fOne Madonne , peinte à Frefque, & V*7'.
a^n)irablement bien exécutée par Ra-
Jhael. C'eft le feul Tableau qu'il y ait
^ans cette Chambre.
'Dans une autre Chambre.
Le Carton de la partie inférieure de la le mEme;
transfiguration en Crayon noir,
Par Raphaël. 11 a été tracé, comme
marques vifibles qui y font en font
Mon Père a un très-beau Carton
^Raphaël, d'un Je'sus-Christ,
J^fant tout nud , qui eft aftis, avec le
ponde & une Croix deftus. On y voit
grande Main, auffi merveilleufe-
^ etit bien deffinée , & qui paroît être
^e"e de S. François qui le foutient. Ce
^U Carton eft fait dans la même Ma-
Ie''e que celui de la Transfiguration.
. 1 7 a encore dans cette Chambre deuxDominilulnl
Vttres Cartons, à-peu-près de la même^"
.panière; l'un eft de Dominiouin,^
ytre de Charles Maratti.
^a Voûte du Maître-Autel de l'Eglife
-ocr page 579-4*4 des Statues, Tableaux,1
a Rome, jes saints Apôtres, fur la Place de ce
nom, avoit été peinte par Melozz0
da F o r l i : il y avoit un Ciel avec Dieu
le Père , environné d'Anges, & les A-
pôtres au-deflous. Lorfqu'on répara
l'Eglife, cet Ouvrage fut à la. vérité dé-
moli ; mais on en conferva une bonne
partie. Celle où fe trouve Dieu avec leS
Anges eft placée au haut de lEfcalier*
par-où l'on monte aux Apartemens de
Monte Cavallo ; & les Têtes de plufieurs
Apôtres ont été tranfportées au
dans les Chambres qui font au-de-là de
celles de Raphaël. Mon Père a Ie
DeiTein original d'une partie des Figues
de cette Voûte.
Le Chevalier Lutti, très-fameu^
Peintre, & grandConnoifteur dzRo0e\
& qui a fait de grandes recherches fuf
diverfes particularités, touchant les Pei°*
très les plus célèbres, fur-tout pour
qui regarde le Divin Correge, 0 *
afluré , qu'il a vu cette Voûte avant
qu'elle fût démolie, & qu'il y avoit Pllî'
fleurs Apôtres que le Corre'ge ^01
copiés exactement,& fans y faireauc^1
changement, dans fa Coupole dé
ce qui fert à confirmer laconjefture,quf
ce grand Homme a été véritablement *
Rome , pour y étudier. Mais les cu-
rieux atendent bien des découvertes,
touchant ce Maîtrede la Vie qu'en
-ocr page 580-Et Desseins, en Italie. 475-
^crite Monfieur L o u 1 s-Antoine* r.ome,;
■^avid, à Rome , & des Recherches
d'un illuftre Connoiifeur François, fi
Pourtant on le peut engager à mettre au
J°Ur les favantes Remarques qu'il a faites ■
îtlr ce fujet, & dont il m'a fait l'honneur
p me montrer le Manufcrit. On peut
i1.1"6! en atendant, ce qu'en dit le Père
URLANDi,dans fon Abecedario, Edit. %.(*).
Dans la Bibliotèque du Vatican.
Dn Ofice , avec diverfes Hifioires de Maîn îacou!
la Vierge, en Mignatnre , fait avant le nw%
^ms de R a p h a e l ; mais on ne fait par
H^i. Charles Maratti a particu-
*lerement admiré & étudié foigneufe-
pent les Airs de la Vierge , à caufe de
ei»r fimplicité , & de leur beauté divi-
î?e> qui furpaflè toutes les autres, mê-
? ? celles de Raphaël , à ce que di-
ce Maître, l'Ouvrage elt auffi fort
à l'égard des autres parties ; quoi-
le travail ne laiffe pas d'être dur &
c' félon la Manière de ces tems-là.
fie Virgile, très-ancien Manufcrit iilu- fii^-m
Dans l'Hiftoired'oaphe'e & d'E u-
^ ûice , ia foule des Figures qui font
4îls Caverne a été retouchée, par une
V°ïez Vasari, dans la Vie de Ben o z z o,
iib, j 0oLl & SÇAHNBlil , MicrwM&lM Pimm
' î?! le.
4*4 des Statues, Tableaux,1
i romk. pjume beaucoup plus moderne, que n'eft
la Pièce.
La Peinture où Scylla eft couchée au
milieu de la Mer, fous une Grote, n elt
qu'un Fragment, parce qu'il y en a p'Hs
de la moitié de déchiré. Dans celle ou
A s c a g n e eft endormi devant le Tefl1'
pie, & où Venus eft affife avec Çv'
pidon , on voit au-deftus de ces Figu"
res, les noms de Cytherea, Cupido-,
P. Santa Bartoli s'eft donnée*
plus de liberté, que dans fes autres Ou-
vrages. A voir les Eftampes qu'il a 1*1'
tes d'après les Peintures de ce fameux
nufcrit, on pouroit s'imaginer qu£j. ,
font du meilleur Stile Antique , aU-lie"
qu'elles font toutes dans le Goût Goth1*
que, & dans plufieurs endroits tellemeI?i:
éfacées, qu'il a été le plus fouvent obli-
gé de deviner l'Attitude des Figures A
généralement tous les plis des Draper1
font de fon Invention. Le Coloris 1
ces Peintures eft dégoûtant, & le "
fein en eft groffier & négligé.
Voici le Titre : Virgilii Fraff»****'
qua 1°. Jo. Jovianï Tontani K,lîP
pofteà Tet. Èembi Gard., deindè ^
Dr fini. Vid. ejujd. Fulvii Lib.
rum. Fol. 15. n
On dit, que ce Manufcrit a enVl!,a,
mille quatre-cens ans. Il s'y trouve V
fieurs fautes, comme dans la £r01^clo5
. «t Desseins, en Italie. 482
|clogue, FORMONSUM , pourài..«
°rrnofum , &c. Il eft écrit en Lettres
CaPitales, environ de la même grandeur
ce mot.
H y a , dans cette partie de la Bihlio-
y Sue, deux Livres qui étoient aux Ducs
j^hbin. L'un traite de la Vie de
r«nc. Maria di Montrefeltro délia Ro-
^ 1111. D. d'Urbino : l'autre eft de
jïr°nirno Mutio Giuftinopolitano, de' fatti
Red. di Montifeltro 2). d'Vrbmo. Il
, dans chacun de ces Livres , trois
"ijtoires en Mignature , de :Don J u l e é/®°n 7»»
^ l o v 1 o , fort bien deffinées, & d'un '
lrès-beau Coloris, mais d'une teinte un
jîeu trop gaie , & qui n'a pas toute la
nï>plicité qu'elle devrait avoir. On dit,
Jfe le Père R a m e l l 1 ( * ) les a toutes
.^touchées. Il eft certain, qu'elles.font
^ Coloris tout diférent, & d'une au-
p Manière, que celles qui font enchaf-
é,es dans des quadres & couvertes de
IJaces à Florence, dans le Cabinet de
q >At)ame, & dans la petite Etude; &
p^Ue autre qui eft à "Parme , dans le
r,a^net qui eft à côté de la Galerie, qui
J point été retouchées.
Bt lS ces deux Livres des Ducs d'CJ r-
il' leurs Portraits font fouvent répé-
té 111. H h tés
îlaio Padre D™ Felice Ramelu , "f l»nj[666;
Me N g~tetîls demeuré à Rem, au femcç <»« « • C i s-
* XI, • -yS-" ■ îS il ' S
-ocr page 583-4*4 des Statues, Tableaux,1
a rome, tés , & toujours avec la même reflern-
blance, & avec la même beauté dans &
Airs. . /x
Levante du Duc dVrbin, qul ^
un des plus beaux Manufcrits, pollr fl
Caraélère, que j'aie jamais vus : il
parchemin, grand in Folio, & remp1
d'une infinité de Mignatures, faites]p*
diférentes Mains, & toutes fort
exécutées. Il y en a pîufieurs de
Jule Clovio, ou du moins,
me Maître qui a fait celles des deux v *
Mais il y en a d'autres qui m'ont p
davantage > & particulièrement
p/mïpsre-qu'on atribue à Pierre Pe'ruc^J
comme il eft fort probable qu'elles ioj
de lui, fupofé qu'il ait travaillé en
gnature. Elles font d'un goût excellé '
& qui aproche fort de celui de ££
p h a e l ; & elles reffemblent parîf ^
ment aux meilleurs Morceaux de PeB"
GIN' Ae 'ôS
Il y a , dans cette Bibliotèque ,
ou trois Mifels , qu'on dit être de -gft
don juk Jule Clovio ; mais
qui paroifie11 L
t,ni" diférens des autres que j'ai rencon^
ailleurs, de ce Maître.
Chapelle de Sixte.
/"il**"
Cette Chapelle a été bâtie par
dresde SixïeIV, qUi paryint aUtigcat
Et Desseins, en Italie. 475-
ÏJcat l'an 1474- la même année queàR0Msi
pïchel-ànge naquit. Elle eft fort
pacieufe ; mais plus en longueur & en
«auteur qu'elle ne l'eft en largeur. Ce
11 que très-rarement qu'on y oficie ;
pais lorfque cela arrive , le Pape , les
^ardinaux , & toute le Cour de Rome
^Paroiflènt en grande magnificence; &
1 ici qu'on expofe alors les Tapiftèries
pe Raphaël , qu'on a faites fur les
^ai'tons à'Hamponcour, & fur les cinq
^res qui font péris , à la réferve de
^elques Fragmens Confidérables, corn-
ue je l'ai dit ci-devant. Le Plat-fond!
véritablement plat au milieu, mais il
^rtne une efpèce de Voûte vers les cô-
Cette partie plate & fupérieure du
^t-fond , de la longueur d'environ la
J?°«ié de la Chapelle eft peinte,& con-
çut neuf Hiftoires du Vieux Tejiament;
S fur celle qui forme la Voûte,font les
a r°fêtes & les Sibile s, &c. de M1 c h El-
^e; Ouvrages dont les Ecrivains de
4 îems-là ont parlé avec tant d'éloge.
|jais>de toutes les Peintures de ce grand
Va^me , il n'y en a point qui foit tant
Uté que fon Jugement dernier. Corn-
ue cette Pièce eft au-deftus de l'Autel,
r.. Par conféquent, au haut bout delà
çi, aPelle , vis-à-vis de la grande porte,
rrape la vue d'abord en y entrant,
Ue remplit toute cette partie , & tient
H h 2, depuis
4*4 des Statues, Tableaux,1
13.0me. depuis le haut jufqu'à environ la hauteur
d'un homme, du pavé, de forte queu
eft extrêmement grande : elle eft encot
allez bien confervée , de-même que |e
"Profètes & les Sibiles. Mais , p°ur
qui eft des Hiftoires qui remplirent
partie fupérieure du Plat-fond , coW0
ce font de petites Figures, qu'elles f°n
fort élevées , & que d'ailleurs elle5,n
reçoivent pas beaucoup de jour, je
ai pu juger à quelque égard que ceJ° i
tous ces Ouvrages font peints àfr 1
que* wet-
Âux côtés & au bout inférieur de -
te Chapelle, il y a des Peintures de vie
Maîtres antérieurs à MicheL"Ang
mais elles font fort gâtées.
Cet endroit, en général, a un ^
mélancolique, qui vient de ce gue J
déjà obfervé, de même que du Colo^
qui eft par-tout noir & defagréable. ^
devoit peindre la Chute des AngeS
prouvés , à l'autre bout de la CW^
opofé au Jugement dernier : au''1 V .
chel-Ange en a-t-il fait le Peiie
mais il n'a pas exécuté cet Ouvrage- ^
Le Plat-fond a été peint par °rpape
Jule L'. environ l'an i^iz. Ce r
avoit réfolu que Michel-An6.®/^
fa Tombe:félon le Plan qui en av01'0'U
drefle, & à en juger par les Figar^s
en avoit déjà faites, qui font le ^^ifè,
Et Desseins, en Italie. 475-
f^'/e, & deux Femmes, pour reprefen- à ko me;
Ier autant de Vertus, ç'auroit été un
1es plus magnifiques Morceaux du Mon-
e> en fait de Sculpture. Mais Bra-
^ntb, au raport de V asari, voïant
ombien le Pape aimoit Michel-Ange,
pcaufe de cet Ouvrage , & qui étant
^ent de Raphaël avoit beaucoup
eUyie de l'infinuer dans les bonnes gra-
es ce Pontife , trouva le moïen de
j^Uader à fa Sainteté, que c etoit, en
JjUe'que manière, hâter fa mort que de
31 re travailler à (a Sépulture pendant fa
^e, & qu'il valoir mieux faire peindre à
^Îichel-Ange la Chapelle que fon
J^Ucle Sixte IV. avoit bâtie, efpérant
v^-là de mettre Michel-Ange au
,efefpoîr , & de le perdre dans i'efprit
• 11 Pape , pui(qu'alors il n'avoit encore
•T^ais peint à'Frefque. Il fe trompa
Partant dans fon atente , puifque Mi-
,hel-Ange s'aquit par-là beaucoup de
ePutation. Il eft vrai, qu'il fit tout ce
•p il put pour parer ce coup ; cependant,
t- ne laiffa pas d'achever cet Ouvrage en-
jGr en vingt mois, fans avoir été aidé
^ 'îui que ce fût, pas même'pour broïer
~ .Préparer fes Couleurs. Il reçut trois
j^111? Ducats pour fa peine. Mais, corn-
oKr1^ ^av°it entrepris malgré lui, il fut
ro hgé de le laiffer moins parfait qu'il n'au-
11 bien voulu ; il ne put même ni le
. H h 3 re-
-ocr page 587-4*4 des Statues, Tableaux,1
SR.OMz. retoucher , ni lui donner plus de viva-
cité , par des rehauftèmens d'or & d
couleur bleue , comme il l'auroit voul
faire; car le Pape, qui étoit du Tempe-
rament le plus promt & le plus impat1^
du Monde , le contraignit d'abatre I e,'
chafaut, & de îailfer l'Ouvrage dans 1e"
tat où il eft. Quelque tems après 5 c
Pontife, comme il arrive ordinairem^
• aux perfonnes de fon humeur, aur°^
bien voulu que Michel-Ange ^
retouché cette Peinture ; mais il,6
l'adreflè de s'en éviter la peine & 1£l
baras. .
Vasari, & AscagneCond^I
difent, que Michel-Ange seto
fi fort acoutumé à regarder en haU[>
en travaillant fur ce Plat-fond,
pendant quelque tems après il ne p
voit voir lorfqu'il regardoit en-bas ;
manière que, s'il avoit à lire une Leftl ■!
ou quelque autre petitCaraéïère,il el°
pbligé de le tenir au-deffus de fa ^te'ae
Le jugement dernier n'a été fait
plufieurs années après. Cleme.ni ; '
l'avoit ordonné ; on fit même les je
tons, & l'on prépara le Mur p°u* à
Frefque ; mais, comme ce Pape
mourir , on ne commença à le PfrlDr0ti
que fous le Pontificat de Paul h1- rt
Succefteur , l'an iy34. & l'Ouvrage *
achevé l'an 15-41. H eft vrai,que le
Et Desseins, en Italie. 475-
ire n'y travailla pas tout ce tems-là, par- à
Ce qu'il s'ocupoit à des Ouvrages de Scul-
PtUre , fon Art favori , toutes les fois
Wil en pouvoir trouver l'ocafion.
Yasa ri (*) raporte une chofe qui
arrjva à Michel-Ange, dans le tems
faifoit ce Tableau , & qui nous
p°nne une vive Idée du Caradère du
s ?rfonnage, & nous peut encore conduire
1 Ijuger , en quelque manière , du Ta-
Jeaumême. Il dit, que, pendant que
^Ichel-Ange travaiiloit à cet Ou-
Vrage, il tomba de l'échafaut d'une hau-
[eur confidérable, & fe blefïa fort la jam-
il ajoute , qu'il en eut une douleur
lui le porta à une telle rage, qu'il ne
J'°ulut pas foufrir que perfonne le gué-
lt- .11 y avoit pourtant un certain B a c-
c'° Rontini, Médecin de Florence,
?Pncieux auffi-bien que lui, qui l'aimoit
°rt.» & qui aïant pitié de fon état, ala
n jour fraper à fa porte ; mais, comme
près quelque tems perfonne ne venoit
,Ul ouvrir, il réfolut d'entrer par un en-
df°it caché qu'il favoit, & ainfi paffant
r Uî)e Chambre à l'autre , il trouva en-
fon Homme tout dévoré de bile &
defefpoir.
qu'Aretin fe défiât de la Ma-
lere de penfer de Michel-Ange,
Hh 4 ou
(*)Patt. III, pag. 707,
-ocr page 589-ï Romé;
des Statues, Tableaux»
ou qu'il eût envie d'introduire la fienne?
ou feulement pour faire paroître fon u
efprit, il lui écri-vit une longue Lettr
remplie de complimens extravagans ; d*
laquelle il fait adroitement entrer la. D
fcription du Jugement dernier de
çon, fous prétexte que c'étoit ainfi
s'imaginoit que devoit être le Table^
Ses penfées font fort poétiques ; il Y
a même quelques-unes dont Mich®^
Ange auroit pu tirer avantage. _
fa réponfe fut, que l'Ouvrage étoit dej
trop avancé, pour en changer la Man1
re : au relie , il lui écrit en des terIï1,-
fort civils, & acompagnés de conîpi'
mens qui ne cèdent en rien à ceux d A'
retïn. Cette Réponfe elt datée d
Rome, le 20. de Novembre , l'an i^V
& la Lettre d'A retïn l'elt de Ve«t(e'
le 15-. de Septembre de la même
L'une & l'autre fe trouve dans les
ifwd'ARETIN (*). f
La Penfée de cet Ouvrage, après too »
c'elt pas de Michel-Ange'; càr an,
sari avoue lui-même,qu'il l'a emp1 e
tée d'un Tableau du même Sujet, ^ ^
Luc a Signorelli da Cor1" r.
avoit fait dans le Dôme à'Orviète,^
qu'il dît: 5,Dans l'Eglife Catédraled"J.
3, vie te, a pelée de la Madonna,
Ç*) Liv. I. pag.*79- & jij; Edit.i.
-ocr page 590-Et Desseins, en Italie. 475-
" (parlant de Luca Signorellî) àkom»;
" la Chapelle qu'a voit commencée long-
ÏJ tems auparavant Fra Giovanni
» ûa Fies ole. Il y a peint toutes les
» Hiftoires de la fin du Monde, avec
» des Inventions également étranges &
" capricieufes, d'Anges, de Diables, de
» Ruines, de Trembîemens-de-terre,
3> ^'Incendies, de Miracles de l'Ante-
" Chrifl, & de plufieurs autres chofes
'» de cette nature,fans parler desNuds^
s> des RacourcifTemens, & d'une irfini-
3> té de belles Figures, qui reprefentent
'> quelle fera la Terreur de ce grand
h jour ". C'eft l'Ouvrage qu'il dit, que
•Nichel-Ange a imité & copié (*).
Je n'ai pas vu celui à'Orviète-, mais ceux
S^i l'ont vu difent, qu'il efl fort peu di-
rent de celui-ci.
, 11 y a, dans le Plat-fond , une infinité
f igures dans une fi grande confufion,
^ il eft diftribué en de fi petites parties,
je n'entreprendrai pas d'en faire la
i^fcription : auffi ne trouve-t-on aucune
.ftampe de cette partie plate & fupé-
J^Ure du Plat-fond ; mais des fept Tro-
Jetes & des cinq Sibiles,qui fe trouvent
côtés fur le tournant de la Voûte.
Vn voit,en Eftampe, trois des Trofètes
** autant de Sibile s , avec les Figures
H h 5- qui
Vasarî, Part, II. pag.
-ocr page 591-4*4 des Statues, Tableaux,1
4Rom«. qui leur fervent d'acompagnemens (f).
Il y en a une du Jugement, qui eft tres-
grande {b)\ il y en a aufli de petites {c>
que l'on peut confulter.V a s a r i & Cj?.N"
divi les ont décrites, dans les V*e^
qu'ils ont données de Michel-An g®»
mais il faut les lire avec précaution» '
caufe de leur partialité , comme étant les
intimes Amis, & même à caufe de leU
négligence ; particulièrement Vasa&J»
qui a dit, que le Christ eft anlS'
&c(d). ,
Ces Ouvrages, en général, ont eu "
fort grands aplaudiftemens, foit dans ^
tems qu'ils ont été faits, ou après; c0Ï%
me on le peut voir dans V a s a R i £
dans Condivi. Il y a, dans le rla1-'
fond, une chofe fur-tout qu'A lba^^
prône d'une manière outrée : il afture'
que, dans un des Tableaux, je veux di^'
dans celui de la Création d'Adam & d'^0,^
l'Idée que Michel-Ange a expri^^
du Père Eternel, porté par les Chœ0^
des Anges , eft fi fublime , qu'elle ia
paroître baftès & ordinaires les Pein ^
res des autres Maîtres , quelque fa®21
qu'ils aient pu être {e), qu
(a) Gravéespar George Masiouak,®6'^''
JCS
(b) Auffide g. Mamtbdau, en n. feaS&
(c) Gravéespar Martin Rota, se û autrcsî
u) Va sa ri, Part. iii. pag. 747
(O Telfina Pïttrict, Part, iv. pag. i53r
-ocr page 592-Et Desseins, en Italie. 475-
On n'a pourtant pas manqué de les à
cUtiquer ; fur-tout le Jugement. Le mê-
^Albane dit,entre autres Critiques
9u'il y a faites,que plufieurs des Figures
Jmklent n'y avoir rien à faire : Si l'on
^nandoit à une de ces Figures , ajoute-
ce qu'elle fait-là ? Elle répondrait,
n'en fait rien, mais qu'elle le fau-
fi c'étoit Raphaël qui l'y eût
f feée (*). Le'onard de Vinci a
°'atné Michel Ange (t) d'y avoir
;epèté les mêmes Membres & les mê-
^es parties , en des Figures différentes ;
^ d'avoir fait les Contours auili violens,
^ marqués avec la même force , dans
es Femmes que dans les Hommes, dans
fes Jeunes que dans les Vieillards. Il
emble même, que le Maître étoit con-
a'ncu que, dans cette Pièce de Pein-
Ure} il y avoit des chofes trop hardies;
comme il l'examinoit un jour, avec
P Homme de Qualité , il s'écria (J):
Qrnbien va produire de fous cet Ouvrage
\UJïai fait? C'efl-à-dlre,par leur mau-
Imitation ; comme cela arrive pref-
q toujours, quand il paroît un grand
enie • on voit mille perfonnes qui fe
. udent ridicules par leurs fades Imita-
i0ns, dans le deffein de lui reffembler.
(4) ~Felfixa Pittrice, Part. IV, pag. 253?
f.C Yroïez Armenini, pag. 99.
W Ibid. pag> 66.
4*4 des Statues, Tableaux,1
i r o m e. Q -tmitatores, fervum pecus, ut mihi Jœfe
Bilem, fapè jocum vejlrimovere twnultus-
Horat.
Roland Friar n'a auffi nulement
été favorable au Jugement (*). Ilyavoit
des personnes qui préferoient les Peintu-
res du Plat-fond , même du vivant de
Michel-Ange, & dans le tems qf
ce Maître étoit Je plus admiré (f)*
Ç'a été alîurément parce que les abfur~
dités du Jugement font plus remarqua-
bles, que celles du Plat fond. je W
tonne prefque de ce que quelque P*Pe
dévot n'a pas fait démolir cette Pièce
entière. Gre'goireXV. en avoit l'in"
tention, pour la faire repeindre par bO'
renzo Sabbatini ) ; cependant»
fes Prédécefleursen avoient déjà fait cou-
vrir quelques Nudités des plus choqua1*'
tes. Après tout ceci, j'ajouterai quei"
ques Remarques de ma façon.
Comme Michel-Ange avoit
Génie valle & un Flprit,qui par rsp°rt:
à fa grandeur , ne le cédoit à perfonne»
& que d'ailleurs,il s'étoit aquis unep?r~
faite connoiffance du Corps Ho&*w\
r pour
-ocr page 594-Et Desseins, en Italie. 475-
P°Ur ce qui eft des Contours, de l'Ana-à
tomie, & de l'Oftéologie, au moins par ra-
Portàce tems-là, fi ces belles qualités a-
^oient été bien ménagées, il auroit pu être
^eftivement aufli grand Peintre qu'on le
jroïoit. Mais, comme il étoit réfervé,
[puibre , mélancolique , & qu'il avoit
[humeur farouche , fa Manière de pen-
ler tenoit de fon Tempérament: fes Fi-
bres , & fes Compofitions, quelque
exceîlentes qu'elles fuftent dans leur gen-
re , étoient d'une nature capricieufe &
defagréable. Dante étoit un Poète à-
Peu-près de la même trempe : c'étoit
l'Auteur favori de Miche l-A n g e , ce
^ui n'a pas peu contribué , félon moi,
^x Idées que fe formoit cet Artifte,
dans tout ce qu'il faifoit. Le Tableau
^êrne du Jugement eft une preuve re-
marquable de fon atachément à ce Poe,
> non-feulement par raport au Caron
^ aux Ames damnées qu'il bat avec fa
^me, ce qu'il a copié de ce Poète,
yec toutes les circonftances, comme
^sari & Condivi l'ont obfervé;
j is aufli par raport à une autre circonf-
J*n?e , qui femble convenir ici encore
5loius que le Caron; c'eft qu'il introduit
0 que les Anciens ont cru êtreju-
F Enfers,& qui femble préfider ici
, Ur les Ames damnées, & leur affignér
eurs lieux, à mefure qu'elles forcent de
la
-ocr page 595-4*4 des Statues, Tableaux,1
a rome. la Barque de Car on. Quelle incongru1*
té ! mais ce n'eit pas tout ; Dante a;
voit une Penfée auffi fantafque & *u11
éloignée de l'Antique qu'aucune con-
ception Gothique, qui foit jamais entre
dans l'efprit d'un Poète. Il fupoféM1'
nos. avec une queue, dont il fe ceint i
corps, & à laquelle il fait faire aat?ne
de tours que le Criminel doit defcenm
des profondeurs qu'il s'eit imaginé y aV01
en Enfer.
Stavi Minos orribilmente e ringhia
Cingefi con la coda tante volte ^
gjhtantunque gradi vuol che giù fia tneJJ '
Michel-Ange l'a imité en cela;
n'elt qu'au-lieu de queue,comme lapJlV
part des Diables en ont, il a donné
Minos, pour le diftinguer, un gros ^
pent q ui l'entortille en manière de
Peut-on voir rien de plus puérile,
l'Idée où font tombés ces deux graIÎ
Hommes 1
Les Ecrivains de ce tems-là aflur^'
que le Vifage de cette Figure a été en
prunté de celui du Maître des Cérem
nies à la Cour de Rome : c'étoit
Homme de Qualité, apelé MeiU.^
Blaise Casena, mais qui avoit i
té Michel-Ange , en faifanc ente
dre au Pape, que ce Tableau conven^
Et Desseins, en Italie. 475-
j5jeux à une Maifon de débauche,qu a une à *.<>«*.
Chapelle. Ce Gentil-homme fe plaignit
* fa Sainteté de l'injure que Michel,
lui avoit faite , de le placer en
tjnfer,& la fuplia de l'obliger à l'éfacer;
îiiais le Pape, au-lieu de lui acorder ce
J^'il lui demandoit, fe contenta de lui
Soigner combien il étoit fenlibleàfon
palheur, & de l'uiîurer, que, fi le Peintre
ayoit mis dans le Purgatoire , il auroit
e^ploïé tout fon crédit pour l'en réti-
fs; mais que,comme il étoit en Enfer,
l] U'y avoit pas moïen de l'en faire for-
tir.
Ce qu'on a dit du Génie & du Tem-
pérament de M1 c h e l-A n g e nous doit
ervir en confidérant fes Ouvrages, puis
^on en rencontre les éfets par-tout.
commencer par le TUt-fond, qu'il
pfait le premier , quoi que le même
Varaftère d'efprit fe fafle remarquer
jjjns l'un & dans l'autre Ouvrage; ce-
{Jndant, comme ce Caradère étoit
^ Us acommodé à celui-ci, qu'au Juge-
^cnt, Miche l-A n g e y a mieux réiiffi,
' ^on avis, que dans ce dernier. Ce
jjg l'on doit entendre particulièrement
raport aux Trofètcs & aux Sibilef ;
pour les Hiftoires, comme je l'ai
diCj on ne peut pas bien les voir, à
ha, qu'elles font fort petites, pour la
auteur où elles font ; ce qui eft pourtant
4*4 des Statues, Tableaux,1
iRomh. un grand défaut dans l'Ordonnance gé-
nérale de l'Ouvrage ; comme l'eft aulu >
par raport aux Trofètes & aux Sïbw\'■>
la grande quantité de Figures qui nf J
font que par ornement,mais quieneî^
fe confondent avec les Figures principe
les.
La grandeur d'Efprit, & l'Hut?eur
hardie, févere, mélancolique, &
de Michel-Ange, étoit naturel}^
ment dilpofée à bien reprefenter
toufiafme des Trofètes Juifs, & des Sw/'
les, avec les Caractères graves, har. '
intrépides & fombres,qui leur conyielJ
nent ; & c'eft à caufe de cela , qu'il J
très-bien réufti : mais il n'en eft Pas .
même du Jtigement dernier. Il eft
que fon Caractère général eft le Sole^'
nel & le Terrible j mais aufti doit-i' y
entrer du Sublime & du Délicat, aV'e
la Joie & la Gaieté convenable. , ç
Je voudrois bien pouvoir parler, d j
manière plus politive, des Hiftoires <\
font au haut du Plat-fond , puifq11'11 2
en a point d'Eftampe,que je fâche
comme je viens de le dire , il ®
impoftible de les bien diftinguer. ^ e
Père a un Deffein fait à la plume d u^
bonne Main, de cet Ouvrage en^j^f-
ce n'eft qu'il n'y a que trois de ces r*
toires : on a laifle vuides les places
autres. Il fe peut, que ce qu'A L0 £ re-
Et Desseins, en Italie. 475-
rremarqué du Dieu le Tère , dans la a
Ration à'Adam , foit vrai : auffi eft-ii
.l!r>que Michel-Ange a eu desidées
^magnifiques, pour une Figure fimple;
pais As c a g n e C o n d 1 v 1 raporte une
qu'il a eue dans le Tableau, où
ieu crée les Luminaires Céleftes , qui
t-e Paroît afièz puérile; c'elt qu'un pe-
c, ^nge a peur de la Lune, & qu'ilcher-
pUn azile auprès du Créateur,
j- ."our venir à-prefent au Jugement ,
?lt que Michel-Ange fe foit fervi
es Penfées de Dante, ou de celles
trouva dans le Jugement dernier
?,0rviète, ou de quelque autre part;ou
jtlen que ce foient fes propres Idées,
ejt toujours fûr , que fon Génie natu-
Ie portoit à choifir celles dont on voit
J s'elt fervi. Or c'étoit un Génie
j *travagant : il poffédoit de beaux Ta-
> mais il lui manquoit une Solidité
t JJPrit, auffi-bien qu'une certaine Poli-
ri ;îe de jugement, pour les bien con-
fé < c'eil °lue viennent les di-
bl^tes opinions qu'on a eues deceTa-
fyj au- 11 elt certain, qu'il n'y a pas au
Çn°nde une telle quantité de Figures nues
çpl^ble, dans une fi grande variété
çeUfitudes, ni fi bien deffinées qu'ici,
non n'ont confidéré que cela, &
qu,n Pas l'endroit où elles font, & ce
1 £1Jes doivent reprefenter , n'ont pas
lowe in, li épar-
4*4 des Statues, Tableaux,1
E.épargné leurs louanges ; comme, aU'
contraire, ceux qui ont confidéré c0®'
bien elles y font mal placées, fans coutu-
me , & même d'une manière abfurde>
quelques-Qualités qu'elles aient puavo»
d'ailleurs , à les prendre féparémen »
n'ont pas ménagé non plus leurs cemu'
res. Les uns & les autres ont eu ratfoîl '
dans leurs diférentes vues ; car , eD \
mot, ce feroit une Pièce excellente d
Figures Humaines,pour une Acadéffj*
de Defiein ; mais non pas pour rePlg,
fenter le Jugement dernier. A ce[ .
gard, elle eft même monftrueufe, in"
cente, & infuportable. T
Qu'il y ait éfeftivement de telles 10
propriétés , de telles Indécences, & .
ces Abfurdités, c'eft de quoi les
& les autres conviennent, àceque£
croi. j'en ai déjà cité quelques-unes»
ceux qui ont écrit fur ce fujet en ^
remarqué d'autres , comme celle d
voir négligé abfolument ce que l'Ëcr.1 et-
re Sainte nous a apris qui doit arrl
dans ce Jour terrible ; que ce grand Jub
eft debout, & fans barbe; qu'on n e
marque une jufte émotion en Pr? L-
aucune des Perfonnes qu'on y a ™]l ]eS,
trer ; que les Anges, n'aïant point d ai
ne n'y distinguent point facilement, ~
La Bien-heureufe Vierge paroît q
colée à fon Fils, & en Va"ie d lui?
Et Desseins, en Italie. 475-
comme pour fe garantir de fa colè-
re : M'entre point en jugement avec,
p a*s> quand on fait réflexion, que cette
, eur ne s'étend fur perfonne que fur el-
e> qui en avoit Je moins de fujet, on
Perd toute la beauté qui auroit pu être
cette Penfée ; & l'on ne fauroit a-
Pî'ouver qu'elle foit fi proche de Notre
^eigneur, & dans une iémblable Attitu-
puifqu'il efl vifible,que cela fait tort
Dignité de fon Caractère déjuge,
.. H s'y trouve pourtant des endroits, où
a mieux rencontré. Les Inftrumens
^ la Paftion font fort diftingués en deux
groupes, au haut du Tableau. Ce font
i^s Trofées de la Viftoire que Je'sus-
S r is t a remportée fur la Mort & fur
,%fer ; & ils fervent encore à confondre
|Uavantage les Damnés. L'Expreflion de
a Joie & de l'Alégreffe des Elus auroit
ncore fait un bel éfet: auffi en voit-on
l^'gue chofe , mais bien peu ; & les
Prits, même les Bienheureux , fem-
cjent la plupart être ataqués de la rate
Michel-Ange. Il me paroît,
JJe les deux Livres que les Anges tien-
ouverts, & tournés vers chaque
Va-fe > veulent dire la bonne & la mau-
fe £ Confcience , qui doivent combler
enlflus de joie , & les Réprouvés de
fcr s 10n ; & ils fonc une juft^catl,on de
Sentence qu'on prononce. D'avoir
Ii ^ re«;
4*4 des Statues, Tableaux,1
I&om*.: reprefenté Notre Seigneur difant,^^
maudits, &c, plutôt que dans une Ac-
tion quiconviendroit mieux à fon Carac-
tère de Miféricorde & d'Amour , ceI
eft excufable , à caufe de l'Idée qu'on a
de l'horreur de ce Jour.
Enfin, il y a de belles Penfées dans ce
Tableau ; quoiqu'à prendre tout enfe1®'
ble, je trouve que Michel-An g® n
pas tant confidéré qu'il avoit à pei?d'
le Jugement dernier,que l'ocafion ^ ^
rable qu'il avoit de faire parade de
connoilfance qu'il avoit du Corps &
main, & de fon Art à le reprefenter.
Par raport à l'Expreffion, il faut aun1
avoir égard au Caradère de M ic H.E
Ange, qui n'étoit point du tout aifljT
ble;mais aufti n'avoit-il aucunefoibleu^
ni petiteffe, au-contraire toutes fes qua'
lités ont été fortes & grandes, & cné01^
quelquefois terribles & monftrueufes- -
a été une îLtoile dans la Peinture i^
c'étoit une Comète. Ainfi, quoiqu.11 ^
été peu propre pour les Sujets déhc>®
il y en a d'autres quiconvenoientpar' ,
tement à fon Génie. Il nous a don d
des Damnés & des Efprits malins »
Idées qu'on ne fauroit trouver aiue
je n'ai jamais vu d'aucun Maître une J>
prefentation du Diable, Prince des»J
bles,qui me fatisfît. Voici comme Jy
TON la décrit: AuJJi ne Mut Join*
1 r0h«i
ET Desseins, en Italie, for
^°ins qu'un Archange perdu , & l'excès
p? Gloire obfcurci ; mais jamais aucun
peintre n'a été jufqu'à dire cela; & l'on
F en a pas même eu befoin dans ce Ta-
leau, puifqu'on ne l'y a pas foit entrer:
^ i'auroit pourtant pu faire , à mon a-
au-lieu des fotifes de Caron & de
,&c. Mais,pour le Peuple de ce
J°ïaume de Ténèbres, & les Minières
ce maudit Monarque , Michel-
les a décrits à merveille. Mon
en a quelques preuves fur du pa-
PIer,de fa main ; & pour ce qui regarde
cette forte d'Lxpreftion, elle y eit ami-
rément excellente.
La Compofition de ce Tableau n'eft
Pas meilleure, que fa Manière de penfer :
p^'y a pa&la moindre Harmonie; & le
oloris de'cette Peinture, de même que
e toutes les autres que Michel-Ange
^ites dans cette Chapelle, eft noir &
ijj^'ne ; de forte que le Tout-enfemble
3 fort defagréable. On n'y voit pas non
£ Us ce Pinceau noble & hardi qu'on
P^roit s'imaginer d'y rencontrer , lorf-
Ju°n ne fe fouviendroit pas que ce n'eft
dans la Peinture que ce Maître ex-
/''ojt le plu's. Les Contours & les Airs
® fêtes ne font point à comparer à ce
3Ï?? trouve dans fes Defteins. La Tête
u Caron , & une de fes Jambes , que
10t* Père a en Crayon noir, font infini-
li 3 ment
4*4 des Statues, Tableaux,1
ment au-deflus de ce qu'on trouve dans
le Tableau. On peut dire la même cho-
fe de quelques autres Deifeins que mon
Père a auffi, d'une partie de ces deu^
Ouvrages ; comme il en a pareilleme0
d'autres du même Maître , où il y a e
général plus de beauté, que dans toute*
les Pièces de Peinture que j'ai vues de
fa façon. Et il eft certain, que, dans ieS
Deffeins de M i c h e l-A n g e , on le v01
en qualité de Peintre , avec beaucoup
plus d'avantage,que dans la Chapelle"
Sixte, ou que par-tout ailleurs. i „ ^
Les anciens Maîtres des Ecoles de
me & de Florence péchoicnt générale-
ment dans le Coloris & dans la Cornp0'
fition ; & ils n'avoient pas, à manier
leurs Couleurs , la même facilité qu'^'
voient ceux de Ven'tfe & de Sologne, f
qu'ont la plupart des Peintres modern^
De-là vient ,* que l'Idée qu'on peut 1
former des Pièces de Peinture de c ^
premiers Maîtres , fur ce qu'on trou
dans leurs Deifeins , ou fur ce qu'on ^
dans les Auteurs qui en parlent , ne [
pond jamais à cette atente, lorfqu _
vient à voir leurs Ouvrages de PeintU.
les plus fameux. Le mauvais r;s
ou, peur adoucir le terme , le &
médiocre , & le défaut d'Harmonie : _
des Contraires convenables des Couieu^
diminuent allurément la beauté du
â r 0 m e.
Et Desseins, en Italie. 475-
quelque parfait qu'il puifle être ; à r omis,
Jais elle foufre encore bien davantage
p l'embaras où le ménagement des Cou-
'eurs jette néceflairement ceux qui n'ont
P?s une parfaite dextérité pour s'en fer-.
Jfir ; de forte que la choie en quoi le
^aître excelle fe perd , pour faire pla-
S® à une autre qu'il n'entend pas fi bien.
J eft par cette raifon qu'un Tableau ,
Par exemple, de M1 c h e r - A n g e, n'eft
Pas-l'Ouvrage d'un grand Maître, quoi-
qu'un Deilèin de fa façon le foit ; parce
Wil n'excelloit pas en ce qui diltingue
*ttîe Pièce de Peinture d'un Deiîein.
Au-refte, il eft certain, que ce grand
Homme méritoit toute la réputation
Hu'il avoit : on ne faifoit que lui rendre
•l'aftice, par raport au degré d'eiiime
^U'on avoit pour fes Ouvrages; mais on fe
j.r°iïipoit dans l'aplication qu'on en fai-
U y a eu des Maîtres qui ont ef-
ayé de fortir du Stile roide & petit,
d'un refte de Gothicifme ; mais
che l-A n g e a vigoureufement fran-
él \ le pas, & femblable à un éclair, i! a
• J°uï tout le Monde,par fa grandeMa-
; de forte qu'on ne doit pas être
rPns de ce qu'il s'eft tant fait admi-
..er : il a été le L u t h e r de la Réfor-
jjp rI0& de la Peinture. Je fuis même
Vriuadé, que c'eft en partie à M1 c h el-
que nous fommes redevables de
li 4 voir
4*4 des Statues, Tableaux,1
à b-ome. voir notre grand Raphaël te! qu !'
eft: ce dernier étoit capable de tirer a~
vantage de cette grandeur de Stile, qu°r
que le premier n'ait pu adoucir fa férocl~
té , par les aimables qualités qu'il auroj
dû remarquer en ce Génie doux , del1'
cat,& fort, en même tems. Ce qu'il y
a de certain, c'eft que la Peinture,co&'
rae je l'ai déjà dit, n'étoit pas fon A1
favori,mais qu'il avoit plus d'inclination
pour la Sculpture ; & que l'exa^'iu<; 0
du Deftein,& la grandeur du Conto^
qu'il poffédoit en perfection , font un ^
bonne partie de l'excellence d'une
tue , confidérée en elle-même ; rnais^
y a à envifager dans un Tableau , lu*'
tout lorfqu'il eft grand , beaucoup d'à*1'
très circonftances, qui n'étoient pas li
bien fon fait.
La grande réputation , que ces
vrages de la Chapelle de Sixte eUTenc
d'abord, & qu'ils confervèrent pefid^
pîufieurs années, étoit fut-tout un
de celle que Miche l-A n g e s'élollijs
quife , par d'autres Arts ; quoique uj
louanges extravagantes des Auteurs Q
ont écrit fa Vie , & qui étoient de
Amis & de fa Faction , en fait de Y^
ture,y aient beaucoup contribué- . A}q
malgré la cabale & la partialité manfte
de ces Ecrivains, R A p h a e l n'a pas
de fe foutenir par fon mérite, & de
Et Desseins, en Italie. 475-
Porter fur tous ceux qui s'opofoieut à fa a pm.
réputation : il a élevé une nombreufe
École , & la Poilérité a décidé claire-
ment en fa faveur, pour ce qui regarde
la Peinture ; quoique , par raport à Ja
Sculpture, Miche l-A n g e tienne tou-
jours fon rang. Supofons deux Hom-
mes également doués des perfections,
^ des beautés du Corps & de l'Efprit,
aJec cette diférence pourtant, que l'un
vertueux , & que l'autre fie l'eft pas.
^eîui-là eit Raphaël, & celui-ci eit
Miche l-A n g e ; car , la Grâce & la
Manière de penfer jufte elt Ja Vertu,
en fait de Peinture. Ces Qualités ne font
Pas moins nécelïaires pour couronner le
Caraétère d'un Peintre parfait, que la
v ertu l'elt pour achever celui d'un Hom-
Ce n'elt pas que Miche l-A n g e
au eu moins de feu & de grandeur d'Ef-
Pr't que Raphaël ; mais le Naturel
Jélancolique, bifare, & même furieux
f,e l'un,- & la Solidité, & la Politelîede
autre , ont fait prendre une diférente
|x°ute aux mêmes Qualités; & c'eft de-
Qa .Proprement, que vient la diférence
MU on remarque entre leurs Manières de
la ner » com®e Poutres. Par raport à
r Merature, ni l'un ni l'autre n'a eu
«Jet de fe louer ; mais Ja docilité & Ja
r^ceur de Raphaël l'a rendu p]us
Pabie de recevoir les fecours des Sa-
li s vans,
4*4 des Statues, Tableaux,1
à rom a vans ; comme cela les engageoit auffi 11
les lui ofrir. C'elt cette Grâce, cette
Politeflë & cette Douceur qu'on remar-
que dans tous fes Ouvrages, de même
qu'on trouve le Caraéière de M i c h »
Ange dans tous les fiens.
Capella Taitlina,
^ Il y a, d'un côt&'la Converfion
S, Paul , & de l'autre le Martire
Mdd-^wS. Pierre , peints à Frefque par
che l-A n g e. Ce font les derniers Ou-
vrages en Peinture de ce Maître : illeS
fit à l'âge de foixante & quinze ans,en-
viron l'an 15-49. Us font à peu-près du
même Caradère que le Jugement, fi
n'eft qu'ils tiennent encore plus de cette
/Singularité de goût qu'on remarque ea
Michel-Ange. Je ne fai, fi l'on e11
a fait une Efiampe ; mais il y en a une
de la Converfion de S. P aul. Mon
a un Delïëin fait à la plume, par
chel-Ange, pour quelques-unes de
Figures du Martire, & un autre e»
Crayon noir.
Cour du Belvedére, autrement >
des Statues.
Unupe,. Il y a, tout autour de cette Cour, des
Statues Antiques renfermées
Et Desseins, en Italie. 475-
P°rres, comme dans des Cabinets .-celles
dU Tibre (a) & du Ni le (b) font au
j^îieu; & à deux des coins, il y a des
^rnes fépulcrales. 11 y a déjà fort long-
es , qu'on a aporté le Nile à'Egipte à
Pline {c) dit, qu'il étoit, du
de Vespasien*, dans le Temple
p l* 'Paix , mais qu'on l'en ôta par la
-,Uue : dans la Défcription qu'il en fait,
} ?-ffure qu'il eft d'un Marbre à'Egipte
°rt dur, de couleur de fer, &c (d).
Ces deux Statues font coniidérable-
^ent plus grandes que le naturel ; mais
e'les ne font pas d'un bon goût. Les
j^ftes des Enfans qui font fur le Nile
;°nt un mauvais éfet, & ils font d'un
^ès-mauvais goût; comme il arrive fou-
ent que les Ouvrages, qu'on ajoute,
®rne aux plus belles Statues, font mile-
fab!
la
Hessi, Stat.6. Perrier, Stat, 92.
( Uh
a (J voïez la belle Défcription que Phiiostrate
P. tre de cette Figure, ou d'une icmbiable , que le
tivYR,DoulN c»te, à l'endroit de Pu ne; c'eft
'des images, Image V.
es & d'une Main étrangère ; comme
i3l r-»-. ~~ — —.....- kj
p. fête de Sanglier dans le Méléagre
lcchini , le Daufin , & les jeunes Gar-
dans la Vénus de Medicis, les Ani-
dans le Toro Farnefe , & l'Enfant
Pe le beau Commode de cette même Cour
eîlt fur le bras.
ApoU
(t>{ Siat-6- Perrier, Stat. 92.
(c) v" ,°ssi> Stat-~1- pépier, Stat. 93, 94>9î-'
r xxxvi. C. 7.
4*4 des Statues, Tableaux,1
rome. ^Apollon T y thien (*). Le Vifage ea
efl; encore en fon entier. La Jambe droite
a été brifée en morceaux; & , comme on
ne les a pas tous retrouvés, on a mal rai-
femblé ceux qu'on a pu recouvrer, ^
l'on a fupléé avec du mortier a ceux qu*
manquent. La Jambe gauche eft
dommagée depuis le genou jufqu'au p1É;'
& on l'a réparée avec le même expe~
dient ; aufli paroît-elle rude & rab°'
teufe, & il ne refte plus qu'un feul doig
à la main droite. Il vient de décoche
une flèche fur le Tython, & il a l'Air
tout de la Tête , tout-à-fait grand, ter'
rible, & beau en même tems. M0
Père a un Deflein incomparable de cett
Tête, du Guide, auffi grand que 1 U'
riginal.
Sandrart dit (f), que la plu f1'1
des Curieux ont cru, que c'étoit le mên^
xyHpollon qui autrefois donnoit fes Dff*
cles dans le Temple de Delfes ; &
dès qu'il eut ceflé , Auguste Ie
tranfporter à Rome. Je croi, qu.'°.ncet
doit pas ajouter beaucoup de foi a t
Ecrivain fur cette matière ; & d'aUt*n,
moins qu'il raconte dans ce même
droit une Hiftoire très-ridicule ,
Femme Grèque qui acoucha d'un
(*) Rossi, Stat. 2. perrier, stat. 3°' 3I*
schqp . Stat. 4, j.
L ( |J Dans fa Topografie.
Et Desseins, en Italie. 475-
î^frodite en regardant cette Figure: car *
Ueftà remarquer.,qu'il apèle czi Apollon
^ermafrodite , comme il fait prefque
toujours les Statues de ce Dieu , auffi-
que Boissard ; ce que l'on peut
v°ir en parcourant fa Topografie. Âu-
rffte, il n'y a aucun Auteur , que je fa-
cVe» qui nous ait apris d'où l'on a déter-
îe cette admirable Statue.
rÇe Laocoon (*) : il eft placé dans une
^ÎPèce de niche , fur un Piédeftal d'en-
^on de la hauteur d'un homme , mais
auez éloigné de la muraille, pour en pou_
voir faire le tour, & il eft beaucoup plus
|fand que le naturel,fait d'un très-beau
Marbre blanc , de forte qu'il fait plailir
j1 voir , même avant que d'en examiner
e fravail, qui eft le plus exquis qu'on
£uifle s'imaginer , & extrêmement fini
J1 devant, mais non pas dans fa partie
Poftérieure ; parce qu'il a été fait, à ce
JfJ'il paroît , pour être mis , comme il
*> contre une muraille.
> Cependant, ce Groupe, compofé du
g a°coon & de fes deux Fils, avec les
jwrPens qui s'entortillent autour de leurs
libres,a perdu une partie de fabeau-
br ' Car principale Figure n'a plus de
as droit, & l'on en a fubftitué un de
terre
•{• t5 »i* perrish?^-1- b««.cho,;
-ocr page 611-4*4 des Statues, Tableaux,1
î Rome, terre cuite à la place ; mais comme il
rude , peu fini, mal travaillé , &
cela d'une couleur defagréable, il ne peJf
que bleffer en quelque façon la vue. u
voit, derrière le Piédeftal, un Bras
Michel-Ange avoit commencé p°u
le Laocoon, mais qu'il laifta imparfait » Pa
modeftie,
Ce Groupe ineftimable a été fait P ,
Agesandre, Polidore,
n o d o r e , Rhodiens , la -quatre-vj11^
huitième 01impiade,l'an 314. de la^nS
dation de Rome, & environ quatre-^2
ans avant la NaiiTance de Je'sus-Chb-1^'
Pline (*) nous alfure , qu'
d'un feul bloc de Marbre ; cependant'
on a trouvé depuis, qu'il y en a deu^'
& même davantage , fi-bien joints
femble , qu'il eft dificile d'en voir la ^
paration : on dit, que c'eft Mich®1',
Ange qui a fait cette découvert'
j'en parlerai plus poiitivementà l'Art'S/
de la Peinture ancienne de la N°ce ir
dobrandine. Ce fut Fe'lix,
Romain, qui le trouva fous le P°nnI1reS
de Jule il. environ l'an 1506. dans ^
Terres, fous les Ruines des Tbefi*
Tite. Le Chevalier Maffei
dans les fa vantes Explications <iu cd
faites des Statues de Rossi?
Et Desseins, en Italie. 475-
proupe n'a été trouvé que du tems de*
j^e'on X. Succeflèur de jule; mais il
e trompe, comme on pouroit le prou-
Ver par un Pafl'age de l'Evêque P. | o-
yxus , dans la \ ie d'A d rien VI. Or-
na?nenta injîgnis Tiffurœ & Statuarum
Prïfcœ Artis nequaquam magni fecit, adeo
ut Vianesio Bononieniium Legato
cPryimendante Statuam Laocoontis, quam
Belvederii Vereâarus J u l i u s ingen-
y prêt 10 coemptam ad loci dignitatem col-
°c'ârat, averfis fiatim oculis, tanquam
^pia gentis Jïmulacra , vituperaverat.
C'eft-à-dire : Il faifoit fi peu de cas de
\ Art excellent de la "Peinture , & de la
Sculpture, qu'après que jule eut ache-
î pour une Jomme t-rès-confidérable, la.
Jfitae du Laocoon , à la Jolicitation de
p 1A n e s i u s Légat de Bologne, & qu'il
eut fait placer dans les Jardins du Bel-
cdere pour lui rendre l'honneur quelle
^éi'itoit, ce Tontife (*) lors que fes
feitx rencontrèrent par bazar d cette Sta-
pe > détourna d'abord la vue de dejfus ,
ltr marquer l'averfion qu'il avoit pour
images des Ta'iens. Mais, ce qui met
ycWe hors de tout doute, ce font les
£ Crs qu'hercule StrOZZA de
ke R ^ A r a fit fur ce Groupe même, dans
^ms qu'on le déterra; auffi fut-il rué
Pâr
1 ' Savoir, AbMek V£
-ocr page 613-4*4 des Statues, Tableaux,1
a rom e. par un Rival,fous le Pontificat de JulE^-
cinq ans avant que Le'on X. parvînt a
être Pape.
Non temerè antetulït Statuts prifca °',ri"
nibus atas
/Etatum triplici Laocoonta MâttU-
En gcminus natispatrem implicat angUlS '
& mus
S ibilat &fiavit, filet que gémit que HlSP
Si labor hoc au fus mortali excuâere firr°7
Mirum tàm longô non fienuiffe fitu-
S in dédit hoc Pallas, quid adhuc PhrygaS
angitf J ulo ?
Trafiàe, fa fine ulli lœdere, Roma, tuos-
U y eut, en ce tems-là, quantité d'au1
très Poètes qui firent des Vers à la loua^'
ge de ce fameux Groupe , d'abord qu'0IÎ
l'eut déterré, comme cela paroît par nne
Lettre curieufe que Ce'sar Tri^1^
ci, Frère du Cardinal de ce nom, écrJ'
vit à fon Frère P0MP0NE,dans le
me tems (*). J'en ai vu quelques-"^
de cette efpèce, mais la plus belle û
toutes efl celle du Cardinal Sado^1'
Il efl vrai qu'elle efl trop longue
voir place ici, mais elle vaut bien la
ne de la lire, puifqu'elle en fait£°fption
1 Cette Lettre fe trouve dans le R"»1'1 *
q.uardGucius,6{ roule toute fur le
-ocr page 614-et Desseins, en Italie. 513
option très-circonftanciée, & qui eft, 1 Ro m si
a quelques égards, plus belle que l'Ou-
Vfage même ; je veux dire , quand il
Çarîe des deux Fils,qui dans le Groupe,
'e\°n moi, n'aprochent pas à beaucoup
près du Laocoon. Au-refte, il y a quel-
les Paffages de la Lettre de Trivul-
que j'aurai ocafion de citer à I'Artï-
e de la Noce Aldobranâine, au fujet de
e Groupe. Je dirai feulement ici, qu'elle
aprend que le Citoïen Romain , à
|lli ce Groupe étoit , refufa 600. Ecus
le Cardinal de S. Pierre aux
' ï e n s lui en ofrit;ce qui étoit un fom-
exorbitante en ce tems-là.
r,pe quelque endroit qu'aient tiré cette
j^ftoire les grands Hommes, qui ont
p 't là-defîus cette Pièce furprenante de
t. rt 5 ou qui que ce foit qui l'ait inven-
eeîOn voit qu'elle eft de beaucoup plus
J^ienne que Virgile, qui eft le pre»
t ler qui nous l'a racontée (*). Maf»
t Ei dit, dans les Remarques qu'il a fai-
c s fUr ce Groupe, que le récit que V1 r-
^ L \ fait de cette Avanture efl fi exact,
q Su'il s'acorde fi parfaitement avec cet
foUv.rage,qu'il femble qu'il l'a vu,& que
tin ltltenti°n étoit d'en faire laDéfcrip-
g Il eft vrai, qu'on y trouve une très-
^rande conformité. dans la plupart des
1 orne III. Kk cir-
^ ) *<£neïd. Lib. II. f. 199 ■—224.
1
-ocr page 615-4*4 des Statues, Tableaux,1
circonftances ; mais il y en a une eften-
tielle, où l'on remarque une très-grand
diférence : c'eft que le Poète fait faire A
Laocoon des cris éfroïables:
Clamores fîmulhorr endos ad Jïdera tolM'
Au-lieu que les Sculpteurs ont fixé ^
point de tems à celui où il fe trouve def
fort épuifé de forces, & prêt à fucoîlT
ber fous le poids de fon afliftion. U 3 t
bouche entr' ouverte , & lève les yeU^
vers le Ciel, comme pour implorer
pitié & le fecours des Dieux , quoiq?11
paroiffe en même tems acablé de delf '
poir. Cela donne lieu à une belle
prefîion,non-leulement plus noble,ma
aufîi plus convenable à fon Caraftère
cerdotal,que n'auroit fait cette émot/^
violente qui auroit paru fur fon Vu^
ge, ft les Sculpteurs avoient pris le jÇ
me point de tems que Virgile.
grands Artiftes ont embelli cet in»an »
autant qu'il étoit pofîible à l'Art fJjjp.
faire ,de même que l'avantage que 1 ^
toire fournit d'une grande variété d ^
titudes , & d'un beau Contrafte ,
par les diférens âges des Figures,
le mélange des Serpens avec les Cor^
Humains. Tout cela , fant doUX'irï-
donné lieu au choix que ces grands ri
mes ont fait de cet Evénement, F
Et Desseins, en Italie.
Si c'eft-là véritablement le point dévouai
du Groupe, comme il me le fern-
& que même il doit l'être, fuivant
que je viens d'obferver, il fe peut fai-
e, Sue Virgile même s'y foit trom-
j » car il y a toute aparence qu'il a vou-
cu copier ce beau Groupe ; mais auffi
bette émotion violente ne nous choque
£a.s dans la Poëfie , comme elle auroit
vait > fi elle avoit été reprefentée à nos
y UX avec toutes fes circonftances.
Jgniàs irritant animos demijfa fer aurem$
j^àm qua funt oculis fubjeEla fidelibus,
j vS quœ
H or at. Art. Toet.
I^is on peut dire auffi, que Virgile
çf s'eft point trompé & qu'il a voulu
Ranger l'Expreffion ; parce que celle
trouvoit fur le Marbre ne l'acom-
°^oit pas dans fon fujet.
q ^omme les Sculpteurs n'ont eu afaire
de ce feul Accident qui elt arrivé à
, ils n'avoient qu'à choifir les
p,rc°nftances qui leur fourniflbient la
Jj Us belle Expreflion, & qui touchoient
On ,ntage le Speétateur. C'eft ce qu'ils
te * f3it bien mieux que s'ils nous l'avoient
^efenté enragé, comme Virgile
ait > puifqu'alors on n'auroit plus l'i-
Kk a mage
4*4 des Statues, Tableaux,1
à Rome, mage de ja Vertu, qui elt celle qui nous
touche le plus vivement, quand nous w
voïons foufrir : la Rage nous auroit e-
frayés. Or c'eft juftement cette Frayeur
dont Virgile avoit befoin ; c'eft
je, la Frayeur & l'Horreur que cet Ac:
cident jette dans l'efprit des Troïens ,<\f
les difpofe à fe hâter de faire entrer ^
Cheval de bois dans la Ville. La P*0,
pour Laocoon auroit eu tout un autre e'
fet. Les Troïens ne le regardent è-Pre'
fent que comme un Impie que les Dieu*
panifient, pour avoir tâché de les de*
tourner de recevoir ce fatal Donâs
Minerve:
Tum verb tremefaâfa novus per peB°r*
cunEtis
Inflnuat pavor : & Jcclns expendiffe
rentem
Laocoontaferunt ; facrurn qui cufpïder°"
bur
Lee fer it, tergo fceleratam intorfrlî
haflam.
Ducendnm adfedes fimulacrum,—-0'
C'eft donc Y Horreur que les poïM?
ont conçue contre Laocoon , qui ét9*
néceflaire à Virgile,pour laconduj^
de fon Poème ; & cela le mène à
Et Desseins, en Italie. 475-
j^éfcription patétique de la Deftruftion *
0e la Patrie de fon Héros. Auffi Vir.
?*le n'avoit garde de divifer l'atention
ï* la dernière Nuit, pour une grande
j'i'le entière , par la Peinture d'un petit
Malheur d'un Particulier.
C'étoit Pafaire des Sculpteurs de nous
rrêter uniquement fur le malheur de
?°coon ; au-lieu que Virgile a dû
ecelTairement nous empêcher d'y faire
r°P détention. C'eft encore pour cet-
raifon, qu'il s'eft plus éforcé à dépein-
te les Serpens (ce qu'il a fait par les
Wus beaux & les plus magnifiques Vers
Won ait jamais vus ) qu'a décrire la Fi-
§ure de Laocoon.
c Je finirai mes Obfervations fur le Lao-
, par remarquer la nécelîité qu'il y
. SUelquefois dehazarder desimproprié-
es. vifibles. Si les gens de ce tems-là a-
,0lent penfé comme ceux d'aujourd'hui,
es mauvais Critiques n'auroient pas man-
de triomfer de ces Artiftes, fur ce
J^'ls ont reprefenté un Prêtre tout nud,
ç ement dans le tems qu'il va facrifier.
j> epepdant , il eft facile de voir , que ft
j» 11 s'étoit arrêté à un inconvénient que
dJîn''a pas manqué de prévoir, au-lieu
f Pièce la plus belle qu'il y ait Monde,
" fait de Sculpture , nous n'en aurions
SU'une très-ordinaire,ou plutôt nous
aurions eu aucune.
Kk 3
4*4 des Statues, Tableaux,1
Venus & Cupidon (1), & fur la Bafe*
venerifelici sacrum salusîia
belpidus d. d.
es
Cette Infcription fait croire , que
Groupe a apartenu au Temple de [
qui étoit bâti dans les Jardins de ^
tus te, & qui a été trouvé enlevel
tout entier fous le terrain de GabRjï;i>'
Père de Flaminius Vacca, cofj'£
me il en fait lui-même un récit égale01?
curieux & exaft , dans fes Manuiei'1 '
que le Père Monte aucon (f) rfie
dus publics. Mais ce dernier obje^ '
que le mot de S a l u s t i a , qui fe tro *
ve dans l'Infcription pouvoit être le tiO
d'une Femme, qui, avec Helpipu,s'
dédioit cette Statue , comme il le
dans fa Préface. Ce Révérend Pèl's
croit, que le Pilier d'Albâtre qui eft
la Bibliotèque du Vatican , eft un .
ceux qui apartenoient à ce Temple
ne laiftoit pas d'être un très-bel fcdiUc '
tout petit qu'il étoit. , în
&&OME.
Antinous le. Bras droit & ^ L
rauche en ont été emportés ; la ^u"
gauche en ont été emportés
droite eft rompue par le milieu, ac""'
me que les deux Piés & la Jambe
1 Perkier, stat. 86.
(f) Diar. Ital. pag. Ul.
( t) rossi, Stat. 3. P e r r i e r , stat' î3'
se hop, Stat. 12) 13, 14, ij.
Et Desseins, en Italie. 475-
che au-deffous du Genou ; mais on les aà R0MB''
fous fort bien remis. Il fut trouvé dans
*es Thermes d'A d rien, fous le Pontifia
catde Le'on X. félon Nardini(*).
^andrart dit, que ce ne fut que l'an
ÎS60. (f). Ce même Ecrivain nous a-
Prend une belle particularité de Mi-
P^el-Ange, au fujet des Statues qui
°ut dans cette Cour. II dit, qu'il avoit
£°Ur elles une fi forte paflion,qu'il con-
% jufqu'à la fin , que quoiqu'acablé
vieillelfe , & même devenu aveugle,
s'y faifoit conduire , & ne fe laifoit
Point de les tâter par-tout, les unes après
ks autres, pendant un fort long.tems,
^ ne les quitoit point qu'il ne les eût em-
^affées, & baifées fort tendrement. Il
^ a aparence , que S an dr art a apris
^ette particularité par tradition, dans le
[eUîs qu'il étoit à Rome ; car d'ailleurs,
Ecrivains de la Vie de Michel-
ne difent point, qu'il foit jamais
Ueyenu aveugle (t).
Une belle Vrne jépulcrak. Il y a en
^°ïen Relief, fur le devant, une Ma-
r°Ue qui prefente un Enfant,& quiim-
PjSre le fecours de l'Empereur , qui eft
fur fon Trône: à la bafe,unEfclave
caché à tous les coins , un autre qu'on
Kk 4 amène
>, ' Romaantica, Lib.III. C. io.
>V Icônes in a n t i n 0 o.
Prxf. icm. Cap. ult.ad fin.
4*4 des Statues, Tableaux,1
i sum*, am^ne devant ce Prince, qui eftcouron;
né par la Viftoire , & un troifième qul
eft à genoux. Elle a été trouvée dan?
le 4Septizonïum de Septimius Sev.e~
rus, & elle eft à-prefent dans un coin
de la Cour. MoNTFA'ucoNen adonne
I'Eftampe, d'après celle de 1'.
da (*); il conjeâure , que cet E^P.^
reur eft Sept. Se'vere , qui
l'hommage des Tarthes ; & il en ale^oe
les raifons : mais il ne dit point i ^
cette Pièce ait été trouvée dans le
tizonium. On peut ajouter à la Co?J
ture de cet Auteur , qu'il y a plu!1^nt;
tuiv ut L ziuivui , vju u y a, * ^r
Figures dans ce moïen Relief, qui
à-peu-près les mêmes que d'autres q
expriment la même chofe dans l'Arc »
Se'vere. Mon Père a un Deftein
ce moïen Relief, par Battis^
Franco. ja
Au-deffus, dans une niche contre ^
muraille , eft la Statue d'un Fleuve
Bronze , qui verfe de l'eau dans ce
Urne, & ainfi fait une efpèce de Font
ne ; mais comme l'eau coule continu
lement, elle a donné une couleur ve
aux Figures,& les a couvertes de Wou
fe.
Vénus qui fort du Bain (f)-
(*)suppl. 4. PI.18. g bjs;
(t) Rossi. sut. 4. Perrier i Stat.
se hop, Stat. 46.
et Desseins, en Italie, çh
Pfécifément la même Aétion que celle à u.oM£i
la fameufe Vénus Gnidienne de P r a-
^itele , qui nous a été confervée fur
le revers d'un Médaillon de C a r a c a l-
l.a & de Plautille, dans la Collec-
ll°n du Roi de France ; mais il faut que
Cette Statue foit une Copie, quoique
^-excellente , parce qu'on fait quel'O-
r!§inal a péri, dans un Incendie qui ar-
riva à Confiant inople ( * ). L u c i e n ( f )
etl a fait une belle Défcription, fur la Sta-
tue même , qu'il a vue à Gnïdos. On
Peut voir, dans le Catalogue de J uni u s,
ftir Praxitèle,les grands éloges que
^s Anciens ont donnés à cette Pièce de
Sculpture.
^ans les Apartemens /Innocent VIII.
Il y a , au-deflus d'une Cheminée,
eilx jeunes Garçons à Frefque, aufli
§r*nds que le naturel , peints par Ra.
oHael ; & au-deflus d'une autre, plu-
leUrs Morceaux de Pierre Peru-
La plupart de ces Chambres font
j^plies de Payfages, qu'on dit être du
eiUe Maître.
^La Chapelle, eft peinte par Andre'^'»-
egn a.
Kk s Daî*s
V J C e d r h nos i Annal, pag. 3 ji. Edit. Roïale, ,
' ' > i» Amoribtii.
4*4 des Statues, Tableaux,1
r Dans une Chambre nue & déferte,en
lortant de la Cour , elt le fameux We
(*) de Michel-Ange, ainfi apele>
parce qu'il en étoit fi charmé , qu'il l'éoj
dioit avec beaucoup d'aplication. C'el
le tronc d'un Hercule, de Marbre blanc»
excellemment bien travaillé,par Ap
lonius Athénien. Jule II. l'avoù fait
mettre dans la Cour ; mais, comme 11
étoit expofé à l'air & au mauvais tems»
CLEMENT XI. l'a fait placer où il el
Le Palais de l'Ambaffadeur
d'Angleterre.
LeCardinal Adrien de Cornet1"
légua au Roi d'Angleterre ce beau P3'
lais, de l'Architeéture de Bramant^
il avoit été Nonce en Eco Je ; & il y '
aparence qu'il le fut aufli en Angletefr '
quoique les Hiltoires n'en difent rien »
parce qu'il fut tellement s'inlinuer da
les bonnes grâces du Roi Hen*1^
que ce Monarque lui donna les
de Hereford, de Bat h & de Wells-
On y voit de très-beaux Frefques
tour de la grande Sale,faits dans ce o
tems-là. uE0
C*} Rossi, Stat, 9. Bxsschop,
-ocr page 624-Et Desseins, en Italie. 475-
fcEglife nommée di Sapienza.aR0ME*
S. Tve , Avocat des Pauvres , peint
par P. DA Cortona. La partie infé-
^ieure a été finie par C1 r o F e r r i. Le
kaint difiribue des aumônes : il y a des
■jWes qui tiennent un Dais, au-deflus
duquel fe trouve un Ciel, où l'on voit
J E's u s-C h r 1 s t foutenu par des Anges;
aMeflus de lui, le Pape qui lit, & une
autre Figure qui prefente un Livre à
Notre Seigneur. Ce Tableau a coûté
trois mille Scudi : les Figures en font
toutes auffi grandesque le naturel. C'eft,
de toutes les Pièces d'Autel de ce Mai-
tre, la plus fameufe qu'il y ait à Rome.
Le Valais Chigi.
n Ï1 eft rempli des meilleurs Tableaux de Claude Lt*
t aude lorain, du bourgi-;j;^:r
de Salvator Rosa, devcZ,}'Jt
Parles Maratti, &e.
Dans les Apartemens d'en-bas.
la S72 Petit Bufie ^ caracalla,dont
. Draperie eft d'Albâtre Oriental , &
la Tête n'eft pas de beaucoupinfé-
pe,Ure à celle de cet Empereur, dans le
lais Farnefe.
Vue
-ocr page 625-£2,4 DES Statues, Tableaux»
1)ne petite Bacchante debout, avecîm
Faune ajfis , excellemment bien execu-
tés.
Une belle Figure de Diane, qui tire
des flèches de fon Carquois On voit uO
pareille Statue dans le Jardin de Mat'
te'i ; fi ce n'eft que cette dernière el
aufti grande que le naturel, & que l'aU'
tre ne l'eft pas: mais elles font toutes deu1
également belles.
A côté d'elle,il y a fur une table^^
autre Diane, qui eft précifément la n?e
me , & de la même taille , c'eft-à-oire
d'un pié & demi de haut.
Leda avec le Cigne (*):elle eft[
mais fort bien travaillée , comme fa0^
en général tous les Ouvrages qui fetrûU'
vent dans ce Palais.
La fameufe Tête de Caligula,/11
Porphire. Elle eft encore en fon entif;
pofée fur un haut pilier d'une feule pif.
d'Agate Orientale. Elle eft belle » a '
vérité ; mais je croi, qu'on la doit e
mer plus pour fa matière que P0"/ aU,
travail,qui n'eft pas de la dernière t>e^s
té: quoique l'on convienne,que le
de cet Empereur a été le meilleur pu
l'Ouvrage Romain, h:eîl
Dn Gladiateur, parfaitement D g.
confèrvé ; fi ce n'elt que le VifaSe ne
Et Desseins, en Italie. 475-
^ne bonne partie du Corps a été noirci,
à ce qu'on dit, par la fumée de l'Incendie
des Goths à Rome. On l'a déterré avec
Pîufieurs autres Figures, qui fe font trou-
ves dans le même état.
Due Vénus : de-même que celle de
tyédicïs. Quoiqu'il s'en trouve un grand
Nombre à Rome , il n'y en a point, de
toutes celles que j'ai vues , qui égale
j^He-ci, fice n'eft, peut-être, celle du
Pue deBRAceiANo: encore n'ofèrois-
Je l'afîurer.
Un Bacchus, très-bien exécuté. Mon
Père a un Defiein très-excellent, fait
d'après cette belle Figure, par le Par-
mesan. Ce Maître lui a mis un Thirfe
H la main , ce que la Statue n'a pas. Il
^ a pourtant aparence , qu'il en a eu un
^trefois, & que du tems du 'Raganifme
pouvoir, les Jours de Fêtes, l'orner
de véritables Pampres.
, Dne Minerve avec un Baudrier, qui
lui pend depuis la ceinture iufqu'à terre,
Ur lequel font gravés pîufieurs Gladia-
^rs , tous deux à deux. Le tout eft
goût très-exquis.
^ Une autre Vénus de Médicis, fort bien
j-cutée.
^n excellent Silène ,yure & couché fur
g &r0c de vin. C'eft une belle Expref.
J de l'Yvreflè.
<%uatre Faunes, tous dans la même
Aï-
-ocr page 627-4*4 des Statues, Tableaux,1
à9.0UM, Attitude, tous Antiques & parfaitement
bien exécutés. ,
Trois autres belles Vénus de Médiçi^
toutes précifément dans la même A^1011'
11 y en a plus de cent à Rome. &
Apollon debout devant Marjyas > r;
qui s'aproche de lui pour le punir- "
fe regardent tous deux en face,avec un®
Expreffion furprenante. L'Apollon ett'fj
plus belle Figure qu'on puiffe voir ; & 1
a un Air de tête tout-à-fait divin. lj.
une main fur l'épaule de Marjyas, & y
l'autre il tient le couteau. Cet Apol'0
efl, à tous égards , égal à la Vénus}j
Mêdicis; peut-être même, que la Tet
en efl plus excellente.
Le Valais du Marquis de
Cafferelli.
Le T or trait de Jule II. peint P**
1x&bau Raphaël: il femble être Origin3'»
Grand-Duc en a un autre qui Ie P21.1 j
auffi. Il a fouvent voulu acheter ce
fans avoir jamais pu convenir du P. '
LeDucdeDEvoNSHiRE a le pêne
de la Tête. Il efl à demi-corps, affis da»
un Fauteuil.
Villa
-ocr page 628-Ex Desseins, en Italie. 5-331
fur le Mont Cœlius.
. Antinous, comme un Bacchus (*), de iimigmj
Marbre T arien : c'eft une très-belle Sta-
tue.
J mon , fans tête : elle eft beaucoup
grande que le naturel; & fa Drape-
fIe elt dans le même goût que celle de
a Flore Farnefe.
* Julia M te fa, Mère de Julia SooEMiasi
^ Aïeule de He'liogabale, endemi-Fi-
&îre. Ce feroit une véritable Madonne,
^ elle avoit un petit Enfant-.elle eft cou-
verte d'un voile. Elle étoit faite pour
vePrefenter la Dé ejfe de la Chajleté: on
j!°it, autour de fa tête , des trous où
avoit mis des rayons de Bronze,
a l'Air penlif & divin : elle fut faite
le même tems que le Caracalla de
, arnefe; &, félon toutes les aparences,
^Ja même Main , parce qu'elle eft du
016 goût, & du bas-Empire, dans un
fJ^s où il eft étonnant qu'il y ait eu'un
eu' Maître de la forte.
. Une -petite Vénus , dans la même At-
lcUde que celle de Médias , fi ce n'eft
lu eHe eft habillée de la ceinture en-bas,
c .Hu'elle a la tête parée à la manière de
!e de Y Apollon du Belvédere.
Vn
4 ) Rossi, sut. 138,
-ocr page 629-4*4 des Statues, Tableaux,1
à Roms. Vu Mercure debout, plus grand que
le naturel, de Marbre Tarien , & Par"
faitement bien exécuté.
Un fameux Antiquaire de
affuré, que la plupart des Statues qu°n
voit dans cette Villa ont fervi à coni-
truire une muraille,dans les temsbarb3'
res des Goths , &c. 11 m'a même
qu'il avoit vu démolir la muraille, &
tirer des Fragmens de Statues.
L'Eglife de la Trinité du M<>nt'
___......„„ —....., r—_ p
aniel da Volterra. C eu
dmtei ^Daniel da Volterra. C'en ^
Tableau fort renommé : je n'ai rien
ajouter aux Remarques judicieufes ^
plulieurs Auteurs ont faites, lur fes beau'
tés ; mais je prendrai la liberté de rap^
ter certaines particularités, qui ne
paroiffent pas des plus excellentes.^ ^a ^
parler du Coloris qui ellfort noir &d
agréable,ni de la Compofition qui tri(jeS
que entièrement d'Harmonie, fur-
incongruités groffières, en ce qui falt V
tout la bonté d'un Tableau d
particulièrement d'une Pièce de De
tion;je veux dire, dans la Penfée & o e
l'Expreflion. La Bienheureufe vie ^
s'évanouît , & fe trouve dans une ^
tude non-feulement peu digne de lo»
ra&ère, mais mêtne indécente ; & c re0d
Ex Desseins, en Italie. 5-331
Ia chofe encore plus remarquable ,à s
?eft une autre Femme qui s'aproche d'el-
e> avec un mouchoir, non fur les yeux,
^ais fous le nez. Cependant, on ne
n0it aucune émotion fur le Vifage du
JJean, qui eft uniquement ocupé à
Rendre fûrement le Corps de Notr®
e'gneur.
, Cela me donna ocafion d'obferver ,
jjans les Tableaux de ce Sujet en géne-
.^Ijqu'il leur manque cette Unité d'Ac-
, fi importante dans une Pièce de
einture. Cela vient de ce qu'on y fait
etitrer la Mère de Je'sus-Christ,de-
j^ême que dans le Crucïfiment,où,poifr
dire en paflant, on ne la fait prefque
j^ais s'évanouïr ; au-lieu qu'à la T)é-
J^ente, on le fait prefque toujours. La
j. rplexité , où elle fe trouve , partage
potion des autres Perfonnages de la
Cene ; &, par conféquent, de ceux qui
^lagent le Tableau. Si cette Afli&ion
f , it ménagée, de manière qu'elle fût
^donnée au Sujet principal, & qu'elle
j.1 fervît de relief, ce feroit une beauté;
ç âls lorfque cela n'eft pas, comme dans
^ tte Pièce de Dan tel da Volter-
A> c'eft à quoi je trouve à redire (*)•
t ^ubens, dans le fameux Tableau (f)
fj n. Dorîgni en a fait une Eftampe.
1 ' L'Eflampe en eft gravée, par V o ». s 1 e » m a n.-
4*4 des Statues, Tableaux,1
qu'il a fait de cet Evénement, a, à
vérité , obfervé l'Unité d'Aétion ;
il n'a pas reprefenté la Sainte Mère
Dieu, & les autres Femmes, avec ai1.
d'Afliftion; pour ce qui regarde le Cia ~
Obfcur & l'Harmonie, ils font de la
mère perfection.
Il y a encore plufieurs autres t>ei1 ^
Pièces de Peinture de Perin .p®
Vaga, de Jule-Roma in, de t
DERIC ZuCCARO, & VASAR1 J
dans la Vie de Michel-A nge > ^ ?
le Jugement dernier, qui elt peint da g
Chapelle de S. Gre'goire de ce
Tjglife , elt fait fur un des Defleins q^
ce Maître avoit faits pour celie de ^
te: d'ailleurs il elt aifez mal exécuté'
Hors des Murs.
Une belle Urne: elle a fur la faÇe
fieurs Figures à cheval, qui reFre(|" elle
la Vie Humaine. La première e» ^ ^
d'Apollon , qui monte fur un Chay^
la dernière elt celle de Ce'rès , Q®1 paf
fcend ; & qui elt couverte d'un vou - î itî
un petit Génie. Mon Père a un ue* E,
de cette Déeiïè , fait par Polyd
Il y a plufieurs autres Figures ail'ez j
nés, qui montent jufqu'au milieu,
défcendent après vers Cerès , P° prj.
lAntiqtiis.
et Desseins, en Italie. 5-3ï
Pfinier les diférentes Saifons de notre * ROM»*
Dne grande Dr ne, en Bas-reliefs pref-
tout plat, qui confifte en Feuilla-
& en Animaux.
^ Les Colonnes de cette Eglife font fort
, tontes antiques, & prefque auffi
^PaiHeS que celles de la Rotonde. On les
tarifes du Temple de Mars , de-même
^e ]eS Frifes , qui font d'un travail ex-
, & ornées de magnifiques Feuilla-
?esj d'où fortent des Enfans, des Ani-
pux , & d'autres Caprices Grotefques.
ytE-RoMAik s'eft fervi de quantité
ces beaux Ornemens, dans le Palais
T. à Mantoue. Mon Père en a quel-
les Defteins de fa main , à la plume,
™ J1 a copiés de ces Frifes antiques.
Hors de la Ville.
^ eft proche du bord du Tibre ; niais
o^écieux Trefor de la Peinture Anti^
hèe,çfl connu par lesEltampesde P1 e r-
de ^anta BARTOLi,àquinousavons
0 §randes obligations, par raport à cet
Dat,VraSe ' & à Pîufieurs autres de cette
^Vfe, eft aujourd'hui, pour ainfi due,
,j?"erement perdu. L'Auteur des Ré-
xions Critiques fur la Tûëfïe & fur la
LI % " Tein<
4*4 des Statues, Tableaux,1
Teinture (1), nousaflure, qu'on ^
eu foin de paffer deffus une teintu
d'ail, qui eft très-bonne pour confcr^e
les Frelques ; mais que , malgré ce^
précaution, il s'eft entièrement gâte ^
lui-même. Le Cardinal Massi21
fait tirer de ces Tableaux,dans les
leurs qu'ils avoient du tems de leur P1^
grand luftre , des Deffeins qui font \' js
jourd'hui dans la Bibliotèque du
de Massimi. Bell o ri (t) dif> 4
ce n'eft que depuis l'an 1674. <lUjans
fait la découverte de ce Monument »
le tems qu'on réparoit & qu'on
foit le chemin , pour lejubilé de l'An
fuivante.
C'eft une très-copieufe Collefli0^j|e
il fe trouve, je croi, près de trois ^
Deifeins de prefque tous les ,
général, ft l'on en excepte les je
qui ont été avant Raphaël; reUl
ne me fouviens pas d'en avoir vU ^ aP.p
de ces derniers, fi ce n'eft de fret
de Vinci. parmi ce grand n°^u/îi:
il y en a plufieurs que mon Père a llSoU
mais cela ne prouve pas, que les JeS
ï.
2 ( | ' Dans fes Notes fur les Peinture? de ce
pas. 8. ' " -m
Ex Desseins, en Italie. 5-331
autres foient des Copies: ce font,au- *
c°ntraire , des répétition» de la même
chofe, à quelque petit changement près,
c°mme il arrivoit quelquefois aux plus
e.xcellens Maîtres du Siècle le plus flo-
uant , bien plus fouvent qu'aux Maî-
trçs qui les ont fuivis, & qui fe font con-
gés de prendre moins de peine.
Jly a environ vingt ans, que Mon-
et>r Cloosterman étoit à Rome,
?u il acheta de Charles Maratti
a Colledion de Deffeins. Il lui donna
c°Iïiptant une partie de l'argent; & l'au-
be lui devoit être remife lorfqu'il livre-
nt les Defleins. Mais le Pape n'en fut
Pas plutôt informé , qu'il s'en failit , fit
j^bourfer avec intérêt la fomme que
Acheteur avoit déjà payée , & rompit
^ marché. Cette Collection apartient
^Prefent à Don...... A l b a n i , Nonce
r u Pape à Vienne, dans le tems que j'é-
à Rome ; de forte que fon abfence
^'empêcha de voir ces Pièces curieufes,
p^ce qu'elles font foigneufementrenfer-
JJ^s avec le reite de la Collection, à la
.1 erve de quelques Antiques qu'il avoit
ç°nué ordre d'acheter après fon départ;
p1e, Hui fait que je ne faurois dire en quoi
Ple,s confifient. Au-reite,excepté cette
v?.ileftion de Deffeins,& celle du Che-
c.?,er Lutti, il n'y en a point de con-
aerable à Rome, dont j'aie entendu par-
L1 3 ' 1er 5
4*4 des Statues, Tableaux,1
ler; & même ce Chevalier me l'a affure
pîufieurs fois. Pour ce qui regarde l
Eiiampes de Marc-Antoine, &
autres Graveurs de fon tems , ^
Parmesan, des Caraches,&
Guipe, elles ont aulfi prefque tout
été emportées , auffi-bien que les V®
feins. Feu Mylord Sommer s fit v°l!e'
il y a quelques années, à mon Père»01!.
1F"(te de Marc-Antoine, covo&e j
meilleure qu'il avoit pu trouver à '
quoique ce fût déjà long-tems aupal s
vant ce tems-là , qu'il avoit été da
cette Ville : cependant, elle étoit f
ordinaire , comme ce Seigneur en et
très-perfuadé lui-même.
Le Temple de la Sibile Tibutf1'
neyGH /Hercule Saxanus*
Tout proche de la Cafcade de Tiv0-1'^
Des godets l'apèle le Tetnpjeje>
Vefta,après Palladio,quiYâ^J1,^
même , parce que ce Temple a été ^
fur le modèle de celui qui elt furle J ffe
du Tibre, & Ql1i étoit dédié à ja
Déelïè ; mais qui aujourd'hui. s'aPe
Madonna del Soie. t„s,
On voit fur l'Architrave ces
qui ne font raportées par aucun A"1
vque je eonnoifle^ ^
î K. o m e.
Ex Desseins, en Italie. 5-331
L. G E L L I O. L. F. **0UEÏ
Du haut de ce Temple, on voit,d'un
J^é.la Cafcade de Tivoli,& de l'autre,
Adroit où a été autrefois la Maifon de
^pagne de Catulle, & un peu
pllls loin celle (I'Horace.
7\
ans le Couvent qui a été bâti fur les
Ruines de la Maifon de campagne de
Ciceron à Grotta Ferrata, à quel-
ques Miles de Rome.
C'eft-là que font les meilleurs Ouvra-
is de Dominiquin; entre autres, vminmH
où S. Nile va au devant de TEm-
îereur Othon , & qui confifte en un
|rand nombre de Figures, dont mon
£l'e a le Deifein.
Troche de Rome.
I Ce Palais eft ainfi apelé , de ce que
q ?iter a été nouri par une Chèvre
jft1 > à ce qu'on dit , demeuroit fur les
j-1 °ntagnes voifines ; & que c'eft-là le
lreu de fa Naiftànce. je ne fai où l'on a
r°Uvé cette Fable ; mais on me l'a ra-
iT.^ée fur les lieux , & il y a une des
Gloires du Plat-fond qui V a du raport.
4*4 des Statues, Tableaux,1
ib.om«. n a été bâti par Vignole, pour te
Cardinal Farnese; & l'on peut dire»
que c'eft une Etude entière d'Architec-
ture : c'eft même dans cette vue que
Bernin le recommande. Il y a déla
fort long-tems qu'il n'eft plus habite-
Les Peintures font fur le Plat-fond >
aux côtés des Chambres, & de la m3ltl
3^z£ie,ta°de'e zuccaro, affiftédefou
Frère Frédéric.
L'Invention d'une Chambre , qui e'
toit deftinée pour la Chamhre-à-couchel
du Cardinal, a été donnée par An11'
bal Caro , fuivant les ordres de ce
Prélat, comme il paroît par une
tre (*) adreftée à Tadde'e Zucc^'
ko, & datée de Rome, le deuxiè01
Novembre 1562. Cette Lettre eft
longue & fort circonftanciée.
Charles V. & François l ff
fe donnent la main. Le Pape P a ul }"'
de la Maifon de Farnefe eft au
d'eux , acompagné de diverfes autre
Figures. C'eft le plus beau Groupe d^
Portraits que j'aie vu des Zuccari-
I! y a auffi quantité a Hiftoires des
tions & des Evènemens de la Maifon Far-
nefe, avec des înfcriptions Latines a*"
deiîus ; mais, comme V A S ARÏ
r ap°r'
par».
1 Le! ter s Tamiliari del Commcndatore AnN,b.a
Caro, Vol.II. pag. 296. ......
-ocr page 638-Ex Desseins, en Italie. 5-331
^portées toutes entières, & qu'il a don- iin»»»
un détail des Tableaux, dans la Vie
Frédéric Zuccaro, je n'en di-
|lai pas davantage. Mon Père a les Def-
feins Originaux de la plupart decesHif-
toires, aufîi bien que des Portraits d'A-
*nericus Vefpuflus, & de Ferdinand Ma-
&llan , qui font dans la Sale des Cartes
^éografiques.
11 n'y a guéres plus de deux-cens ans
^U'on a commencé à rebâtir cette Egli-
se depuis les fondemens, telle qu'elle eft
aujourd'hui. C'eft Jule II qui fit dé-
molir la vieille , & qui pofa la première
P^rre de la nouvelle, l'An 1507. Les
Principaux Architectes à qui on en don-
s en diférens tems , le foin , furent
^amante qui la commença , RA-
Lhael, Michel-Ange, Êernin,
Ce. Le Jéfuite Donate (*) en a fait
jîrifort beau détail, de même que de tous
autres-Edifices publics des Papes. L'A-
etiue de celui de S. Tierre eft, peut-être,
^Plus magnifique qu'on ait jamais vue;
nous la payons extrêmement cher,
J.ar la perte que nous faifons du Monu-
^entde S c 1 p 1 on Y Africain, qui étoit
f* L s une
>*) ûf xjfbe Romà , Lib. IV. C. 9>
-ocr page 639-538 des Statues, Tableaux,
à rome. une Piramide plus grande que celle de
C. SeSTIUS, & qu'ALEXAN dre
fit abatre, pour ouvrir ce chemin. Lorl-
que nous admirons les grands Ouvra-
ges de Sixte V. quelle mortification
n'eft-ce pas , d'être obligés de nous
fouvenir qu'il a ruiné le Septizonium
Se've're , & tant d'autres beaux reftes
de l'Antiquité , pour faire place au*
fiens.
d""' La Barque de G i o t t o, faite en M0"
faïque par giotto, eft au-deftus de
Colonnes, au-dedans du Portique ;
forte qu'on la voit à une grande hauteu >
en fortant de l'Eglife pour fe rendre ju
la Place. Elle eit extrêmement belle»
& beaucoup mieux coloriée que je V,
me l'étois imaginé. Le 'sPêcheur en e*1
la meilleure Figure , qui éfedivemej11-
eft fort bien exécutée. Mon Père a
cette Barque un Deftein Original,q^L
été autrefois à V a s a ri ; mais fans * "
chenr. Mylord Pembroke en a
autre, qui elt plus pariait. rr^
Il n'y a jamais eu beaucoup de
bleaux dans cette Eglife , & le noW n
qui en relie eit très-petit. Comme
a vu qu'ils fe gâr.oient,par l'hum^1^,^
îieu,caufée par i'épaiftèur des niuraiij?
qui empêche tellement la chaleur du
leil d'y pénétrer, qu'il femble, en yj^
trant, qu'on change tout-à-coup dcnîaC
Ex Desseins, en Italie. 5-331
^atjon a enfin pris foin d'une partie deu<>«E.
ces Pièces de Peinture, en ies ôtant de-
pour mettre des Copies en leur place.
La S". Tetronelle du Guercin (*) le cmnini
y eft encore. C'eft un Tableau d'une
^trême grandeur, compofé de plufieurs
figures.' 11 reprefente cette Sainte, dans
tems qu'on la met dans le Tombeau:
J b's u s-C h r i s t eft dans les Nues, avec
^es Anges & des Chérubins ; là , il re-
R°it fon Ame,qui eft dépeinte fous une
figure tout-à-fait aimable. Les Italiens
^'ont aujourd'hui du goûr que pour la
Manière noire & forte du Guercin;
<1J ce Tableau , qui eft un des plus édi-
tés à Rome , eft de cette efpèce: il eft
^rai_, qu'il eft d'une très-grande force,
^ bien colorié , fi cela fepeat dire de ce
eft noir & lugubre. Pour moi j'a-
qu'il eft defagréable.....; mais
J déjà pris la liberté de donner ci-de-
Vant (f) mon avis fur cette matière.
je'sus-Christ marchant fur les
, & fauvant S. Pierre, qui
faire de-même, peint par
. ^ anc Les Figures font beaucoup
pus grandes que le naturel ; mais les Cou-
eurs en font fi changées, que, quoiqu'on
n Puifle encore difcerner les Maflès,on
ne
l'Eftampe en eft gravée, par n. dorigni,
fjj Voïez pag. isi & .
■t^ l;Eftampe en eft gravée, par n. do m « Ni.'
-ocr page 641-4*4 des Statues, Tableaux,1
ne voit plus que fort peu de leurs Tein-
tes. Mon Père en a le Defiein.
On voit quatre Statues coloffales des
Saints, dont les Reliques font au même
endroit. Elles oeupent de vaftes Niche5.'
qu'on a pratiquées dans les Pilaftres qul
foutiennent la Coupole. Elles font tou-
tes bonnes ; mais je ne parlerai que du
S. André, qui tient fa Croix , cornue
étant fur le point d'être crucifié,fait pa^
f niçois ^«François du Ouesno y, dit le
sk"fn°y- mingo (1), tant à caufe qu'eile eft !a
meilleure, à mon avis, que parce que l
n'ai pas eu ocafion jufqu'ici de rien dn
du grand Homme qui l'a fait.
G'étoit un Efprit doux, modefte,^31^
fublime d'ailleurs : il avoit peu d'oblig3'
tion à fon Siècle , qui le laifta pendaI?
toute fa vie en proie à fesConcurrens»la
plu part indignes, mais qui, fachant mieU,^
faire leur Cour , oprimoient cet exce
lent Homme , comme cela arrive
venr. Il femble pourtant, que fa Vertu d _
voit l'emporter enfin fur fa trille f°rtU"eç
& il aloit fervir le Roi de France > a\j^
de gros apointemens ; i! étoit rnêtne 1 ^
prêt à partir, quand il mourut, as
fonné par la malice & par la jaI°ullLjs
fon Frère, qui étoit aufti Sculpteur.
d'un Caraéfère tout à fait opofé à ce
de fon vertueux Frère. çet-
Ex Desseins, en Italie. 5-331
.Cette belle Figure de S. Andre^»»»,:
tient bien de TEiprit de fon aimable
Auteur, On eft d'abord frapé de la forte
^'Xpreflion de Vertu qu'on y remarque,
& qui étant partie du cœur du Maître
Ue manque pas d'aler droit à celui du
Spedateur. En un mot , la Figure ex-
prime une réfignation entièrement Apof-
lplique. Comme l'Expreftion eft la par-
tie principale de l'Art, le Caraétère
Won exprime dans cette Figure eft auffi
Ues plus fublimes ; & on l'a aflurément
atrapé de la manière la plus nette & la
plus claire qu'on ait jamais vu.
Ce grand Homme n'a fait, de fa vie,
d'autres Statues que celle-ci ; & encore
Une autre feulement, d'un fernblable
^ujet. C'eft la Sainte Sufanne, M art ire, Ie m'm'-
qtti eft à la M adonna di Loretta, près de
la Colonne de Trajan (* ). On n'y re-
marque pas moins le charmant Caraftère
<?U Maître qui l'a faite. C'eft l'Expref.
J°n la plus forte, & la plus touchante
la Piété, dans une jeune Vierge d'une
^eauté achevée.
Quoique l'Expreftion foit la qualité
^i tient le premier rang, dans une Sta-
uf du Sujet dont je viens de parler,
^e''es-ci ne manquent pas aufti des autres
qualités requifes,dans une belle Figure;
4*4 des Statues, Tableaux,1
a RoME.au-contraire, elles les poffèdent toutes
dans un très-haut degré ; & je ne fau-
rois m empêcher de remarquer, que}eS
Draperies de l'une & de l'autre font far*
tout excellentes, & même fi belles qu'el-
les peuvent être mifes en parallèle avec
tout ce qu'il y a de beau dans cette efp-ce '
foit Antique ou Moderne; & cela, tan
pour les formes, & pour la fimplicité
plis, que pour l'éfet qu'ils font de
trerleNudde la Figure, & de ne le tn°n'
trer point trop. Enfin,les Figures entièi e
ont une certaine pureté de Stile, qu°n
aura de la peine à trouver ailleurs..
Le Fi a m in g o, comme j'ai déjà du*
n'a jamais fait que ces deux Statue*»
quoiqu'il ait donné quantité d'autres cho-
fes ; particulièrement des Enfans, da^
îefquels il a , fans contredit, furpade
tous les autres Maîtres, & fur-tout'
dans un grand Cupidon qui décoche
flèche : auffi eft-ce le dernier Ouvrag
qu'il a fait, & il eft dansl'Hotel de M0"'
feigneur le Duc de Kent, à Londr"s
Mais les plus beaux Morceaux det0
ceux qu'on peut voir de cet excene
Génie , fi l'on confidère la dignitf^
Sujet auffi-bien que l'excellence de l y
tranfiis du VtagC , CC font deux Têtes de ThilopP..
*•que j'ai vues entre une infinité d aut
belles chofes, dans le Cabinet de JVJ
fieur TenKate, à Amfterdam. flJ
Ex Desseins, en Italie. 5-331
Jeux Têtes , qui font d'un très-beau à
Marbre , font finies avec tant d'amour,
^ avec un fi profond favoir, & elles ex-
priment une li grande fageffe , qu'elles
Va'ent apurement des Figures entières ;
font-elles tombées "en de bonnes
^ains, puis qu'elles font à un Amateur
Parfaitement iniiruit de leur mérite. Il
îeroit à fouhaiter, que ce ConnoifTeur
v°Ulût bien donner au Public les Remar-
ques que je lui ai entendu faire là-defï'us.
yUel encouragement ne feroit-ce pas
Pour un grand Maître à tâcher d'atein-
^reà l'Idée qu'il a de la parfaite Beauté ,
s'il pouvoir prévoir que fes Ouvrages les
fus dillingués duffent un jour avoir le
urt d'apartenir à des Perfonnes capables
S en goûter toutes les excellences,& de les
,a',re goûter aux autres J Cfétoit aufli à
p telles Gens que le Fiamingo vou-
^ plaire , quand il dit un jour à un A-
J1^ qui lui confeilloit de ceflTer de tra-
vailler à un certain Ouvrage , puifqu'il
r Pouvoir déjà parfait : Fous avez rai-
lui répondit le Maître, vous qui ne
pas l'Original ; mais moi qui l'ai
a*r P Efprit , je travaille à lui faire
Sembler cette Copie (*).
•^out le monde fait, qu'il y a , dans
cette
e11 o k. i > Vita di Francssco F i a m i n q 0,
-ocr page 645-4*4 des Statues, Tableaux,1
• cette Eglife , un grand nombre de ri-
ches Autels,& de fuperbes Monumens*
dont le Père B o n a n n i , Jéfuite, a don-
né un Détail, dans un Livre Latin, &
Folio (*) , où il fait uniquement la
fcription de cette Eglife. On en a en-
core les Eftampes, qui font affez con'
nues ; ce qui fait que je me retranche-
rai à n'en raporter ici que deux ou tr°lS
particularités.
Le Monument ^'Urbain viii- jj1*
par Bernin : c'eft aflurément un de
plus beaux Morceaux qu'il y ait de fa^
con, en fait de Sculpture (f). LaCna'
rite pourtant, qui d'ailleurs eft une tre
belle Figure, me paroît trop charnue >(
elle donne un peu dans le défaut Q11
Rubens a eu, quoique dans un p'1?
haut degré, plutôt que de fe tenir ^
pureté des Antiques, fur-tout par 1
port aux mains ; ce qu'il a fait,fans do^
te , dans la vue d'amolir le Marbre > .j
de le^ faire devenir Chair : aufti y a'.jS
réiifti,puifqu'on ne fauroit voir une p
grande Morbidezza, dans laNatui'6
me. Je ne fuis pas content non P^s je
ces Abeilles qui voltigent çà & là ^
Cercueil, par allufion aux Armes c*e ^
Maifon Barbarini, dont ce PaPtoifc
_ T 700.
Intitulé, Hi/loria rempli Vatican, I t i p *
(t) Voïez la belle Défcription qu'en a faite i l6_
BaidxnwcCï, Vita delCav. Bekn*n°' y &
-ocr page 646-et Desseins, en Italie, 5-4^
j0^» Je ne dis pas , que cette Penfée
aut vantée, ne loit jolie ; mais elle me
proît trop puérile , dans un Sujet aufîî
^§ubre & aufli majeftueux que celui-ci,
J* que ce grand Homme a relevé par-
ailleurs, par la magnificence & par
a jublimité de fon Invention,
r, u y a,dans le Monument /Alexan- k »«»*;
VII. de la Maifon de Chigi,
1par le même Maître, une faute d'une
nature , qui elt, que la Charité
y eft reprefentée a des Mamelles
vidantes, & tout-à-faît defagréables.
^U-refte , il a fait voir dans ce Monù-
•e fon Invention, qualités qui ne lui ont
^ais manqué,non plus que la Magntfi-
véritable Caradère.
j J'ai déjà parlé ,dans un autre endroit (*),
tombeau de Paul III. de la Mai-
, 11 de K a r n e s e. Il eft fait par Guil-
.^me dell a Porta: on en peut
Q !r auffi un détail, dans une Lettre
ç ^nnibal Caro en a écrite au
ardinalde Sa
in te Croix.
^ Eglife Je S. Pierre aux Liens.
Statue de Moife affis , taillée de mim-^w
arbre par Miche l-a n g e. Comme
lotne ///. Mm cet-
1 > e*.
-ocr page 647-4*4 des Statues, Tableaux,1
a rome. cette Pièce eft très-fatneufe , il ne ^
pas douter qu'elle ne foit aufti très- ^
cellente. Il y a une certaine gran uf,
de Stile qui le fait remarquer par-t° ^
non-feulement dans l'Idée , mais a
dans l'Exécution , & qui fe trouve t ^
jours dans les Ouvrages de M-icH®
Ange : ce grand Air paroît même .
quelque façon dans les Eftampes »
font fort connues (*). Mais je ne *
rois m'empêcher de croire , que c ^
Statue a un défaut, auquel aucun
que je fâche , n'a encore fait atent*
quoique cela me frapa d'abord à I3 ' ^
mière vue : & , comme j'en fis Pf^j-
des perfonnes ingénieufes, qui
noient avec moi cette Pièce , elles
vèrent toutes, que j'avois rencontréJu e
On fait que, s'il en faut croire'Vao?*eoDt
opinion , tous les Vifages humain* £Cg
de' la reftemblance à quelque
d'Animaux, ce qui eft une dif?rl ue
& elle eft plus grande à proporti0" ^
cette reftemblance eft plus remarq ^
Ce Moïfe refiemble fi fort à un
qu'il faut, ou que Michel-A*g Ql]e
fait à defiein , comme il n'en eto■ £ a
trop capable , ou qu'il fe foit tr° tf
dans l'Idée du Caraftère ; & WjlU'iuf'
de l'élever, comme il le devoit , ^
stat.**
(*) Rossi; stat, 154, Pebris^î -
icsoPg Stjf. ijj
Ex Desseins, en Italie. 5-331
?u plus haut degré de la Nature Hu~ à Rome
30e, il l'ait abaiffé vers la Brutalité.
l'Idée q ue nous avons de ce grand
v !°lète, tS: fublime Ecrivain, elt des plus
^érables, Michel-Ange a péché
® le faire ainfi ; du moins fi la critique
i'?fe faire fe trouve j tille, comme
'uis confirmé par l'opinion de plu-
Urs perfonnes d'efprit & lavantes, qui
^ été à Rome depuis.
a A-peine peut-on jamais s'en fier aux
qu'on voit dans les Eftampes ; car
he U'eft que très-rarement qu'elles atra-
^t en quelque façon le Caractère ; mê-
le plus fouvent elles n'y entrent point
fcV.°ut. Mon Père a, de cette fameu-
l^'gure, un Deffein qui paroît être de
k aainde Sebastien del Piombo.11
en quelque manière , juftifier ma
b]. cependant, il n'aproche pas non.
uls de cette violente Expreilion,qu'on
dans la Statue même , à laquelle
?°is renvoïer le Lefteur.
î^J5 n'ai pas befoin de dire,que ceMo-
pJ^nt de Jule II. n'eft qu'une très-
,je it(t partie de ce qu'on avoit d'abord
v0r-ln de le faire: c'étoit l'Ouvrage fa-
3v<y miche l-a n g f. ; & celui qu'il
il aU îe plus d'envie d'achever , comme
C Commencé quantité d'autres Fi-
lçsps qui devoient y avoir place ; mais
aPes fuivans l'ont emploie à d'autres
Mm % afai-
4*4 des Statues, Tableaux,1
afaires. C'elt aflurément dommage j
parce que les Pièces, qu'on en a , .
des meilleurs Morceaux de ce _
Homme: Moïse, pour un certain y g
gnifique & Vafte, malgré ce que j'ai P^
la liberté d'y critiquer , & les deux ^
gures qui font à chaque côté , PoXi\e,
• délicat ejfe. Celle qui elt à droite rep'^
fente la Vie contemplative , & l'aUtre
Vie aflive.
Cette Villa a trois miles de tour • ^
Jardin en elt fort fpacieux,& di_lpole v
avenues qui répondent à un Palais
mement grand , fuperbe , & remp'1
Statues antiques. Ses murs font cou^ff '
de tous les côtés, de Bas-reliefs
choifis ; & le Frontifpice elt orne^
Statues antiques. Le dedans en elt a
rempli, de-même que de Tableau^
cellens, & il elt fitué hors de la \ glV
del Topolo, tout proche. On y v01 w
tre autres Statues, :e:
. Cajus Martius , & fa Mère
c'eft un Groupe excellent. M°n pA
en a un beau DelTein de GiR-01"
Carp1, , une
Sênèque dans le Bain (*) : ll * ef-.
-ocr page 650-Ex Desseins, en Italie. 5-331
Jjveilleofe Expreffion d'un foible Vieil- s
Il a tant perdu de fang; qu'à.peine
...Peut-il foutenir fur fes jambes, qui
rient & cèdent fous le poids de fon corps.
fes cheveux font négligés, & il a l'Air
^'«Uche, égaré, & même defagréable;
forte que fi l'on trouve quelque dé-
ce \ cette Statue , je croi que c'eft en
j Qu'elle a la mine d'un Criminel,qui a
fleuré fort long-tems en prifon,avant
exécution ; & l'on remarque , que
q figure entière manque de Dignité,
°ique peut-être cela vienne, en par-
s de la couleur de la Statue, qui eft
0 uîie pierre-de-touche noire , & de ce
j,1e le blanc des yeux eft d'albâtre. On
KUt bien s'imaginer, que cela doit avoir
auff ; ma*s on Peut croire
ce r ' Sue le Sculpteur a voulu donner à
^meux Philofophe Stoïque le Carac-
j J"e de fa Sefte,quoiqu'on fâche pareil-
J -V- , ^ ViVi-] —---- --------(------
f I3ent qu'il n'a pas été mauvais Courti-
(in > & que les Richeffes étoient même
^evenues à la mode. Van Dyck en a
e le Bufte à l'eau forte ; mais il eft
Jjèmement rare. Mon Père en a le
Ce, Jein Original, qui eft très-fini, & ex-
tre ' Par Ie même Maître, & un au-
' mais fort léger, par Rubens.
b J^avid qui va combatre Goliath , de
e*Nin (*). Cette Statue eft extrè- j.
^ Rossii stat. 82,
-ocr page 651-celle d'
r
J. L ^cri'éa1
Maître; mais,à mon avis,moins
uie 4ue GrlllP-
L Apollon & T)aphne', auffi de ce je
teur (*). En comparant les beautés
plufieurs btatues, lorlque j'ai fait un
tail de celles du Palais Farnefe ( t )
déjà donné la Défcription de ce ^.r°q|je
excellent ; de forte qu'il elt inutile 4^
je répète ce que j'en ai dit. 1 ^
que j'ai à y ajouter , c'eft que , c°l cer,
la Métamorphpfe ne fait que com®£l5
que l'écorce n'envélope qu'une^ Pa.
que les branches ne lbrtent qu'au
trémités; on peut remarquer de-ff|
que la Figure entière commence a
lancer en haut d'une certaine
d'Arbre,qui flate l'Imagination du ^
veillcux, & en même tems fait un
beau Contraire des deux Figure?- ^
tout tient de la même Penfée ; l£
des Figures , les Bras qui s'élè^ ,us
deflus de la tête , les piés qui ^Pr
hauts que ceux d'Apollon, &
place à la racine ,femblent fuivre ^jt
du Corps , qui s'alonge & fe cOÎLroJt
55° des Statues, Tableau*»
mement légère, de-même que
/?«/<> /I») frM'to /IvirWifb . do meilJ
à Rome.
Enée qui porte Anchife , du
Maître
ble que
pn Arbre, & en même tems
en
faire fes éforts pour s'échaper
1 Rossi, Stat. 81-
l\) Yoïcz pag. 124 &
Ex Desseins, en Italie. 5-331
^ apollon. Bernin n'avoit pas dix-huit a t.0*1*
acomplis lorfqu'il fit ce Groupe (*).
^Pendant, on le regarde comme un des
pilleurs Morceaux de ce Maître. Il
tv°it auffi fait à-peu-près dans le même
«erns> ou un peu auparavant , un Bufte
yu Cardinal Scipion Borghese,
vyeu de Paul V. & comme il le re-
q*;4 quarante ans après, il s'écria (t)-"
J > quant0 poco profitto ho fatto io ne II*
rtede Lia Scoltura in unfi lungo corfo di
, mentre io connofco che da fanciullo
r^neggiava il marmo di quefto modo!
JefU.dire : §)ue je me plains du peu
eprogrès que j'ai fait dans la Sculptu-
depuis, tant d'années, volant de quelle
filière je niant ois le Marbre dans mon
nfmce ! Mon Père a un beau Deflein
cette Tête , fait par lui-mcme. Ce
j. Pour XApollon & !D^/>/WqueleCar-
Jnal Ma f f e o Barberini, qui de-
,, Qt Pape par la fuite, fous le nom d'U r-
VIII. fit le beau Diftique fuivant,
°rdonna de le graver fur le Piédeftal:
fyjfais amans fequitur fugitivœ gaudia
'nde manus implet, baccas feu carpit
**aras.
tîg' J BALr)iNt,CCl} Vita fol cai*
-ocr page 653-4*4 des Statues, Tableaux,1
La Moralité qui y eft renfermée con-
venoit parfaitement au Caraflère
Poète, & à celui du Cardinal P°,jj
ghese, pour qui ce Groupe avoite
fait: il a donné un tour férieux à un^
jet qui paroiffoit trop enjoué, pour et
choift par un Prélat d'un rang fi elli '
lient.
Monfeigneur l'Evêque B e r n i * > * $
de ce Sculpteur , a eu une Penlée a
belle , à tous égards, fur un,autre• ^
Vrage que fon Père a fait dans'l'Eg'11^
la Victoire, chez les Carmes Uéch^é^
C'eft Sainte Thérèfe en extafe : fon ^
fe trouve fi fort enfoncée dans la c (
templation, que négligeant entière^1 *
fon Corps ,elle tombe en arrière un P .Q
plus d'un côté que de l'autre , & e
laifîe aier négligemment fa tête fur
épaule. Elle a un Bras qui pend > ^
l'autre repofe fur fes genoux. Se« ye ^
font prefque fermés, & fa bouche
entr' ouverte avec une Expreftion a"
rable. Mais il faut voir la Statue QÛ
ou le Modèle original en argile 1ue " un
Père en a. En même temson v0!
Ange qui s'aproche d'elle avec une .
trême foumiffion , & il ne fait que
toucher la poitrine de la pointe ^ . ^
flèche, pour exprimer XAmour l>1 ^
qui s'en eft rendu Maître, fops
moment-là. B a l d i n u c çï dit ? 'fa
Ex Desseins, en Italie. 5-331
^a V ie (*), que B e r n i n a toujours re- * *-'o * «<
gardé ce Morceau , comme le meilleur
^e fes Ouvrages. Voici les Vers dont je
veux parler :
T)n fi dolce languir e
Ejfer dovea immortale,
Mà perche duol non fale
Al cofpetto Divino?
In quefio fajjo lo eternb il Bernino.
J'ai déjà parlé d'une femblable Statue
des Anciens, je veux dire, de la Toppée
du Jardin Famè/è ( f ) Les Ëxpreffions
<3e ces deux Figures font toutes deux
Excellentes au fouverain degré ; & quoi-
qu'elles aient beaucoup de conformité
entre elles,j'y trouve cependant une di-
férence manifelte. 11 y a, dans l'une &
^ans l'autre , la même abfence de fenti-
^ent ; mais la penfée qui vient d'aban-
donner Thérèfe n'a lailTé aucune inqui-
étude fur fon vifage : au-lieu que, dans
1 abfence qu'on trouve en Toppée, on
^marque un trille relie de peine & de
Couleur. Ses yeux, qui font tout-à-fait
°Uverts,s'égarent de chagrin, & font t5-
^és fur un certain point, fans rien voir.
^Hes font toutes deux maitrifées parl'a-
Mm 5 gitation
<t) Fag.zp.
-ocr page 655-4*4 des Statues, Tableaux,1
ai^owE. gitation de leur efprit;mais, après avoir
repris des forces pendant cet intervaie»
la malheureufe Toppée doit retourner
toutes fes cuifantes réflexions; au-lie^
que fainte Thérije eft arrivée au Po't»
les foufrances font paftees, & fon coeu
eft rempli de cet Amour Divin , auqùel
elle avoit fi long-tems afpiré. ,
■yAntiqms. Va Gladiateur, qui ejî fur le point »
fraper fon Ennemi (*): pour cet éfet 1
faute en avant,avec toute la force,o01?
un corps ferme & bien pris, comme ^
fien, eft capable. La force d'H e b 0
le eft d'une toute autre nature: il Pa
roît de telle manière , à voir feuleWen
fa Figure, qu'il femble capable de
par la pefanteur de lès coups, tout ce
qui lui réfiiie, même fans fe
beaucoup , ni fans fe donner aucune
tigue; le Gladiateur, au-contraire, ^
eft tout-a-fait léger, & agile,remporte
, Viftoire, par le moïen du. mouvetn^
fouple & ferme qu'il fe donne : f Sr£S
lance avec tant de vitelfe , que toU^etl
mufcles paroiftènt trembler d'ardeur»^ *
te Statue eft un des plus exellens Mo
ceaux de l'Antiquité ; c'eft l'Ouvrag
d'A g a si as A7Epbèfe. On croit, q"
a été autrefois dans ie Jardin de
(*) Rossi, Stat. 75, 76. Pjer&iex H*s*6»i7'
19.
Ex Desseins, en Italie. 5-331
à Antïum , des ruines duquel elle a été*R0M*«
déterrée, fous le Pontificat de Paul V.
Sui fut élu Pape l'an 1566.
Le Saint Romuald, Morceau fameux
c1'Andre Sacchi (*). Ce Tableauj*"5»*
^fprefente le Fondateur de l'Ordre des
^«maldules ; & il a été fait pour une de
leurs Eglifes. La Scène eft dans une
valée déiicieufedes Monts Apennins,ou
Ç- Romuald enflamé d'un zèle ardent
de faire des Profélites pour le Défert,
eut une Aparition , où il vid certains
Hommes habillés de blanc, qui mon-
tent au Ciel, les uns après les autres,
P^r une échèle qui y ateignoit depuis la
^erre. Sur cette Villon, il inftitua cet
^rdre d'Hermites, qui depuis ce tems-
'l fe font toujours yçûé^Camaldules,du
ri0'"n de la Valée,où la chofe eft arrivée,
^'.où il bâtit cinq Cellules pour un pa-
red nombre de Difcipies qu'il y enfei-
S'noit (f).
Outre l'indant qu'on a ehoifi, il y en
a deux autres , qui paroiffent fort propres
Sujet. L'un eft lorfque S. Romuald,
1Ur fa Vifion, inftitua l'Ordre , & qu'il
donna
L'Eftampe en eft gravée par J. Fret,
v t) vo'iez b 0 n a n n i, Or ci. Bslig.
4*4 des Statues, Tableaux,1
**««»• donna l'Habit à Tes cinq Difciples; l'au-
tre elt quand il prit congé d'eux, voïarrt
aprocher fa fin. Si André' SaccHI
avoit pris le premier , il auroit répandu
une grande variété fur le Tableau , qul
d'ailleurs paroît en manquerai auroh eli
auffi une belle ocafion de donner à
Saint une Aftion qui exprimât Ion Ca-
radère particulier, qui étoit le zélé ;au-
lieu qu'à-prefent,il n'y a rien moinsque
cela. Un certain Auteur qui a écrit
Vie dit, qu'il étoit tout de feu cotfUjÊ
un Séralin , pour enflamer les autres,
Alors fes Difciples fe trouveroient dafls
des Attitudes diférentes, en prenaU1
l'Habit : les uns fe le mettroient fur 7
corps, les autres l'auroient déjà endofle»
pendant qu'ils feroient animés par le P*''
cours de leur Maître, qui leur monti'e'
roit la Vifion. Cela auroit fait
un mélange agréable de leurs Habits fe'
culiers avec ceux de l'Ordre ; au-lieU
que dans la Pièce , ils font tous uniff1""
mes, & d'une feule Couleur. '
cet inftant donneroit lieu à une gran
variété dans l'Expreflion.
Si le Saint étoit mourant, cette F^
re principale feroit un objet d'une Dévo-
tion & d'une Compaffion extraordinaire
parce qu'avec les dernières paroles, to *
tes languiffantes, qu'il adrelferou y
Ex Desseins, en Italie. 5-331
nient miraculeux qui a été la caufe de à r.»**}
leAur Inftitution ; & ils recevroientdeleur
^ôté fes lnitruétions, par des Expreffions
^ilérentes d'Humilité , d'Admiration,
f de Triftelfe. D'ailleurs, ce font-
la deux traits des plus importans de
Ce*te Hiftoire , au lieu que le moment
^'Andre' Sacchi a choifi n'ell dif-
*Jngué par aucune chofe, qui foit confi-
gurable en elle-même. Ce n'elt qu'une
J^ple Converfation que le Saint a avec
les Difciples , fur le Sujet de la Vilion,
9ui a donné lieu à l'Inititution de leur
prdre. Au-relte,c'eft une Image agréa-
ble de la Vie folitaire : tout y eft tran-
S^ile : on n'y voit aucune Expreflion de
aftion , parce que ces gens-là n'en 011c
aucune à exprimer. C'eft une reprefen-
,ation de la Tranquilité de ceux qui font
echapés du Monde : ils font tous arrivés
** Port :
renoncent au Monde, ainjîqu'il les ou-
t par un doux tranfport, leur fainte aine
> efl ravie :
enr Efprit pur & net, par fa dévotion,
tient du Tout-puijfant la Bénédic-
tion ("*).
ç. ^es Idées agréables que cette feuîe
conftance fournit, contentent l'efpric
de
* ) lettre d'EltoïsE à âbiiarb,
-ocr page 659-4*4 des Statues, Tableaux,1
de telle forte, que la variété y feroit un
mauvais éfet, parce qu'elle diliiper,°,J
î'atention d'un état fi délicieux : c e
pourquoi, cette égalité même d'Ha^j1 ?
par raport à la forme & à la couleur,
donne du Relief. Le Peintre a trouve
qu'il avoit fi peu befoin de variété, <]n
l'a négligée, même lorfque fon Sujet lu
fournilî'oit l'ocafion de l'y faire entl£![
Il a fait le Saint & fes Difciples tous d»
même âge , quoique d'ailleurs il femb
qu'il auroit dû y aporter de la diverh*' ■
il ne s'eft pas non plus mis en peine
Contrafte des Attitudes, fource ab° ^
dante de la variété. 11 y a un des
nés, qui eft tellement opofé au
pié contre pié , genou contre 1
qu'au premier coup d'œil, il femble
être le revers , & il paroitroit tel enc0'3
davantage , fans une diférence qu'il Y .j
dans les Jours ; de forte qu'on diroit q ^
n'a eu , pour ainfi dire , en vue que ^
reprefenter une Image générale »e
Tranquilité Religieufe. , e,
Le Saint eft aflis fous un grand ArD ^
qui leur fert d'un Dais paftoral, dans
te Scène champêtre. Ses cinq Di^ip'
Les T lames de fes mains , les W .
de fes vœux (*) font aflis vis-à-vis de
& donnent toute leur atention à^grS,
D Pope, Lettre d'EioïsE à Ast*-»1'0'
1K.0MI"
Ex Desseins, en Italie. 5-331
[cours, qui roule fur la Vifion de la Va- à Ko Mi
'ee de Camaldule ; comme il paroît, en
Ce qu'il leur en montre la reprefentation
avec le doigt. Cette Vifion eft une belle
^oëfie; & quoiqu'à la vérité elle ne foit
Pas de l'invention du Peintre, il en a con-
une Idée fi noble, & il l'a reprefentée
avec tant d'avantage pour fon Tableau,
^'ii s'en eft fait, pour ainfi dire, l'Au-
*eUr. La Proceftion des Ombres des
Maints trépafiés de l'Ordre , dont les
Premières fe perdent dans les Nues, à
Gelure qu'elles s'éloignent, fournit un
vafte champ à la Penfée, & elle remplit
'e Sujet d'une grande folennité, & d'un
refpeft religieux. La Tranquilité de
|°utes les Figures en général, & toutes
es autres circonftances du Tableau, con-
r'buent à donner du reliefaui&?/ur,quî
en eft le Caradère prédominant.
, Comme cette Pièce avoit été faite pour
, (es Pères de cet Ordre, leur Fondateur
P'acé devant leurs yeux , aufli-bïen que
^Urs Prédécefteurs, avec le même Ha-
que portent ces Religieux, & les
j^'uts qui montent au Ciel,les uns après
s autres, font un Sujet tout-à-fait pro-
[ e à leur infpirer l'envie de fuivre ces
* ace.s,& il fait honneur à toute la Com-
ice, parce que cette conformité gé-
fp!rale infinue à l'Imagination, qu'ils en
de même.
4*4 des Statues, Tableaux,1
à Ho MB. Mais ce qu'il y a fur-tout de plus^X"
cellent & de plus engageant dans ce i
bleau , c'eft qu'on n'y voit rien
ble , ni défrayant, point de Rocher
afreux, ni de Défert ftérile,
-- -- - tout eft délicieux ■>
Et le T)éfert devient un Paradis Ptlf
eux (1).
On n'y trouve aucun Air mélanco3ique?
& l'on en a bani
Cette t rifle maigreur des
*Du cruel defeffoir les horribles éfet s (V'
Tout y eft riant & content : tour
eft grave , à la vérité , mais en ^ [C
tems tout yeftjoïeux. En un mot, >e
Pièce charmante donne une aimable I^f
de la Religion , dont les voies font *
voies de délices , & dont tous les fe>iîl
font la 'Paix.
Htfhai. "Deux Portraits de Barthol &
dus fameux Jurifconlultes,
(|) Pope, ibid. p0rtrait5
(j) Il faut néccflairement , ou que ces deU*fojent Pa.s
ne foient pas ce qu'on les croit, ou qu'ils "e - ^toit P1'
faits d'après Nature, parce que Bsidos -
fciple de Barthol eft mort l'An 1402; L, cap<£
Raphaël, & dans un tems ,où l'on n'enoit P ^
de faire rien qui fût à comparer à l'éxccllenç _ -
bleau.
Ex Desseins, en Italie. 5-331
^Ufement peints par RAPHAEL:ilsfontàît«!«^
bien finis. Les Mains & la Dra-
Pj^ie font naturelles , & nulement re-
perchées; & le tout fubordonné aux
i îfages, dont le Coloris reflèmble à ce-
*Ul du Titien , comme le font auffi
de Machiavel & du Cardinal Bor~
dans le Palais Borghefé: mais quel-
e lQrce de Nature! quel beau Caractère!
l^plle espreffion aux yeux ! 11 y en a un
a^î a une barbe touchée négligemment
7e d'une, manière que lesagèlenc
elU Macchia ; au-lieu que ce Maître
?voit coutume de marquer les poils avec,
pointe du pinceau ,même jufqu'à î'ex-
Ils ont des bonnets noirs : le foad
^ verd. """■",,.;
Soldat & un Jeune-Homme, duleG'^*
j.,,10 R C, i o n : les mêmes que ceux de
^ftampequi efl dans la Galerie del'Ar-
^uç Leopold (*). Comme c'eflun
s> es-beau Jeune-Homme, le G16 r g i o n
éforcé de le faire le plus éclatant
j| lui a été poflible ; & pour cet éfet,
f * fi fort négligé fon Soldat , qu'il ne
fQ^ble l'avoir tait,que pour îuifervirde
p^d s par fon teint uni , brun,;& chaud/
q .Ur mieux relever fa Figure principale,
f01 eH blanche fort travaillée , d'une
îiprodigieufe , & d'une grande va-
^ de Teintes.
(ome m; nd1 In-
<*) No. 23:
-ocr page 663-4*4 des Statues, Tableaux,1
R R o.m b, Innocenté. de la Maifon d&Paf»film
rX/2'peine par Don Diego Velas^^'
Efpagnol-. il elt d une extrême force, ^
d une grande variété de teintes couche
féparément, fans être noïées enfem^
C'elt une bonne Pièce de Peinture ; fl]^
on y remarque moins le jugement,
certain feu qui s'émancipe même
qu'au furieux. Ce Maître n'a paS ccQ
foin de peindre le linge tranfparent » -s
qui eft non-feulement plus naturel»
auffi qui l'unit par-là au relie : au
que dans celui-ci ce n'elt qu'une rac
choquante,qui détourne néceffaireff^
la vue de delfus le Vifage.
Rmimdt. On voit, à côté, un 'Portrait de R ^ ^
b r a n d x , à-peu près du même
tère, par raport à la manière par-tic0,
re de colorier , & à la Hardielîè du p1^
ceau ; mais il le furpallè en force » ^
beaucoup plus encore en harmonie "
beauté à l'égard des Teintes diferen ^
lï Pamt'f'm. La Dé cotation de S. Tierre e? ,
S. Tant, du Parmesan, coinme . ' ?
l'Eftampe (1). Elle elt bien colo^g
pour ce Maître; d'ailleurs fes Pel1
font préférables à fes Tableaux.
Dans le Jardin.
Un Bas-r
elief Antique de Ter^Jtt'
1 Gravée en Bois.par Antoine de a ■
& à l'Eau forte, par J a qu e s b e P a 11 M
Ex Desseins, en Italie. 5-331
^ Andromède, d'une Manière tout-à-fait 1 rom^
Particulière : le Monftre eft tué, & cou-
à leurs piés. Ter fée aide Ândromè-
f à defcendre du Rocher, où elle avoit
atachée, Elle eft habillée, & Ter-
eft nud (*).
-£<? Tape Grégoire XV. avec le Car-D'm>«>yti&
fnal Louis Lodovifio,fon Neveu, peint
le Dominiqjjin. La Pièce eft ad-
orable , mais les Figures font un peu
j^res fur le fond , & elles ne s'y unifient
bien : défaut aftèz ordinaire à ce
1 <aître, de même qu'à Albani; d'ail-
es , l'Expreflion eft belle , fine , &
^ Chante , comme cela fe trouve ordi-
^ement dans fes Ouvrages. Cette
jlt;ce,de même que la plupart de celles
j. h D o m 1 n 1 qjlj 1 n , eft extrêmement fi-
t leî mais elle fent le travail, & l'on n'y
pas cet heureux déguifement du
PUide, de Louis Carache,&du
^Rege.
^ On Myrmillon mourant : il a l'Expref- M^êi
fort touchante d'un homme dé-
q : & mourant. 11 eft apuïe fur un bras
Cq1 cède un peu à la pefanteur de fon
rPs s qu'il ne fauroit fuporter, qu'en
, Nn 2 tenant
* ÏPï» l'Admmyte, N®. 34;
-ocr page 665-5^4 Statues, Tableaux?
à&oME. tenant les cuilTes roides, & en p^"E
les jambes contre la terre ; mais en
chancèlent, & fe dérobent de deh011*
lui. 11 lailîè tomber l'autre main de "el~
fus fa cuiffe.'il a la bouche entr'ouverte»
& la lèvre de deffous un peu pendant0-
Ses yeux font à demi fermés, & ils p311'
chent languilîamment d'un côté ,
l'endroit où fon corps va tomber, y s
des cheveux courts & colés enfemble'
& autour du cou une corde, qui ajout
beaucoup à la pitié qu'on a pour lui.
voit au-deffous de fa poitrine l'endro11
où ce malheureux à reçu le fer (*)■ ,
Au relie,je ne-fai pourquoi on l'aPf'r
Myrmïllon , puifqu'il n'a point de
que , ni aucune marque de cette efpei?
de Gladiateurs, ni même la form£
leur Bouclier. un
Je ne faurois m'empêcher de dire ^
mot, à cette ocafion, fur la grande p^
lion que les Romains avoient po°r
Speéiacles. On a commencé P'1r,.0ll
Funerailles des Gens de qualité, oLl,,.'jâ
faifoit combatre des perfonnes
mort,à l'honneur des Mânes du 0er
Comme ces fortes de Divertifletne" ^
toient du goût du Peuple , on lui e s
corda dans les Fêtes, & dans d am
( * ) Voïez l'Eftampe, dans PersisR'^0,9
Rossi ixv,
et Desseins, en Italie, 5-4^
solennités; jufques-là même que, parla à
^ite,on s'en elt fervi dans toutes fortes
^'ocafîons, & dans les Feftins des par-
îlculiers, où il demeuroit toujours quel-
fur la place , dans les Sales mêmes
l'on mangeoit ; de forte que les mets
et°ient quelquefois arrofés du fang de
malheureux. Ceux qui fe trouvoient
Yelîés, à n'en pouvoir plus, deman-
dent la vie au Peuple , ou à celui à
SN ils apartenoient : fi cette grâce leur
^oit acordée , ce qui arrivoit félon îa
^ifpofition où l'on fe trouvoit alors , 011
k faifoit emporter pour ce jour-là ; mais
^ on lui ordonnoit de mourir, ce qu'on
faifoit en lui difant Recipeferrum, c'étoit
[Cui de fe prêter au coup. En voici un.
filageremarquable,tiré de Ciceron
v ) Quel Gladiateur avons-nous vu, qui,
potty peu d'honneur qu'il ait , n'ait pas
n°n~feulement combat u avec courage ; mais
'ûlétne qui fiait pas pris foin de tomber
a"--ec bien-feance ? Qui eft-ce encore qui,
aP?ès avoir combatu , jufquà s'être en-
tièrement épuifé de forces , a héfîté un
Seul moment de tendre le cou, d'abord que
f 'Peuple a demandé fa vie ? Au-refte, il
JJit lavoir, que cette Statue n'eft qu'une
^eprefentation du Gladiateur mourant„
Talau
i76 des Statues, Table.âuk,
fe Guide. Notre Seigneur mort étendu, peint par
le Guide :1a Bien-heureufe Vierge s'ely
jettée à terre à l'on côté; mais on neln1
voit prefque pas le vifage , parce qu'elle
l'a colé iur la tête de fon Fils. Il 1 a
un Ange qui lui vient d'arracher uncloU
recourbé du pié , & le montre à un au-
tre qui tout à coup fond en larme*
La Penfée de cette Tietà eft aufli be']e
qu'elle eft nouvelle : car , quoiqu'il n 1
ait rien d'ajouté aux Soufrances r»êmeS
de J e s u s-C h r i s t , la vue prefente d'un
grand clou crochu,dont fes piés avoiej?
été percés, aiguillonne l'Imagination
la frape d'un certain friffon d'horreu»"'
qu'elle n'avoit point encore reflènti.
torrent fubit de larmes, que l'Ange
pand , exprime l'impreflion que fait
lui la vue d'un inffrument fi indigne» j*
fi cruel. Cette Expreflion efijutfe <*
belle ; mais elle n'a rien qui ne foit oi'dI'
naire ; au-lieu que celle de la Vierge
du Sublime. Comme elle doit être beau-
coup plus touchée, elle fe jette à terre
tout de fon long , fans favoir ce qu ^
fait, & cole fon vifage contre la tête a
fon Fils. La vue du Corps avoit de)
fxcité toutes les pafTions,qu'un tel ob)
pouvoir produire dans la Mère & da 1
ïes Anges: mais le Guide a enc<»
Ex Desseins, en Italie. 5-331
P^nfé à un nouvel expédient, à cetteSRoMBÎ
circonllance du clou qui porte toutes ces
Pa fiions à leur plus haut degré, & qui en
^éme tems infpire une pitié & une indi-
cation , qui peut-être n'y étoient pas
auparavant ; & par ce moïen-là, il fait a-
tous les refiorts de la mifère à la fois.
, H y a, dans ce Palais, un grand nom-
kfe de beaux Tableaux, fur-tout de
Parles Maratti, même de fes
pilleurs Morceaux ; & d'excellens Pay-
ées du Poussin, de Claude Lo-
11 a in, de Salvator Rosa, &c.
«S*. Michel qui combat le Démon, peint Ic
le Guide (*) On prétend que le
^'ntre , pour reprefenter le Diable qui
fous le Saint, a tiré le Cardinal Pam-
jlLto , qui devint Papeenfuite: on fait
^ moins, qu'il avoit une haine afîèz
§rande contre ce Prélat, parce qu'il avoit
Parlé mal de lui. Quoiqu'il en foit, le
^uidb fe plaignit du tort qu'il préten-
dit qu'on lui faifoit par cette Hiftoire;
^ il jura, qu'il n'en avoit pas eu la moin-
penfée , lorfqu'il peignit le Diable;
*}?rce qu'il n'auroit pas eu la témérité
aafronter un fi grand Homme, dans un
Nn 4 Ta-
'*) Oa en voit une Eftampe, gravée par B ftl iiu,
-ocr page 669-4*4 des Statues, Tableaux,1
***** Tableau qui devoit demeurer à Rome<
Il ajouta, qu'il étoit bien vrai , que fc?
but étoit jde faire Je Diable aufii del-
agréable & auffi afreux qu'il avoit peinC
l'Arcange aimable; mais que, fi par
zard , cette Figure reftembloit au Car-
dinal , ce n etoit pas à lui qu'il faloit en
imputer la faute , mais feulement à 1»
laideur de ce Prélat (1). Le Diable d*
ce Tableau n'elt pas d'une Idée convenu
ble au Sujet. Le Guide auroit dû ^
donner au moins un Air de conféque*1-
ce ; mais il l'a fait inlipide. L'Arcange
eft de la dernière perfection : il a ce^e
légèreté qui fe trouve dans XApollon du
Groupe de Bernin, de la Villa B°r'
ghefe; & fes teintes font d'une beauté *
d'une propreté achevee. Il a l'Air t°ut"
à-fait célefte ; mais malgré cela, je
trouve pas qu'il convienne parfaite^11
àu Sujet. II eft vrai, qu'on lui remarq0.
un zèle ardent; mais il eft mêlé de qael'
que chofe d'éféminé, qui ne
avec l'Adion prefenté. J1 auroit dû ètre
compofé de force & d'autorité, co
celui duTableau de Raphaël,^
Roi de France a fur le même Sujet, a"
heu qu'il a le regard auffi doux & auU
bénin que celui d'un Ange , qui acom-
pagne la Vierge à fon Ajfomption. .
1 Voïez Maitasia, Paît. iv. PaS- 35-
-ocr page 670-Ex Desseins, en Italie. 5-331
Voici un Fragment d'une Lettre que à a
ïe Guide écrivit au Maître-d'Hôtel du
^ape Urbain VIII. lorfqu'il lui en-
voïa ce fameux Tableau, qu'il avoit fait
Par ordre du Cardinal François Bar-
der 1N, Neveu de ce Pontife. C'eft
^peu-près pour la même fin qu'une au-
que Raphaël écrivit au Comte
"althasar Castiglione, pourfa
^alatée : Vorreï baver havuto penello
angelïco, e forme di 'Paradifo , per for-
eur r Arc ange lo, e vederlo in Cielo, m à
non ho pctuto falir tant" alto, e in va-
rho ricercato in terra , fi che ho ri~
guardato in que lia forma che neW Idea
ni fino ftabilita.
Ce fameux Tableau , de même que
Quelques autres Pièces de ce Maître,
11'eft peint ni fur la toile, ni fur le bois,
^ais lur du tafetas. Je ne fai s'il y en a
^'autres qui l'ont imité ;mais cequidon-
113 lieu à cette nouveauté ce fut i'acci-
^ent fuivant. Les Dominicains de Bo-
rgne aïant eu ocafion de déplacer un
vieux Cercueil, pour le mettre dans un
jutre endroit de leur Eglife , lorfqu'ils
* ouvrirent, ils trouvèrent le corps tout
eUtier; mais dès qu'ils voulurent le tou-
c«er , il tomba en pouftière , de même
Qu'une vefte de toile, & il n'y eut qu'un
fa'bit de foie qui demeura ferme; de for-
:equele Guide aïant, par ce moïen-
Nn 5- là,
4*4 des Statues, Tableaux,1
à rome. une preuve convaincante que la f<>je
eft moins fujette à la corruption que îa
toile, réfolut de peindre à l'avenir les
Tableaux les plus confidérables, fur une
efpèce de tafetas grofiier moëleuX &
ferré , qu'il faifoit faire exprès p°ur
cela (1).
Dominiç/uin. La Communion de S. Jérôme , peint6
par Dominiq_uin (fj, Les'Remar-
ques que Bellori a faites fur &
Tableau font fi excellentes, queje
n'entreprendrai pas d'en faire un
men régulier après lui, comme je nAe
l'ai pas fait non plus fur un autre dumé'
meSujet, par Augustin GaracH*>
chez les Chartreux de Bologne. MalS'
en échange , je tâcherai de faire de cf
deux Pièces un parallèle aufîi jufte 1
me fera poftible, en y ajoutant quelq13^
Remarques de mon cru , fans répefer
celles de B e l l o r t. 11 n'y a perfonne»
pour peu de connoiflance qu'il ait
que les Italiens apèlent Vmù, qui 2
entendu parler de cesdeuxïameufe*^"
ces de Peinture , & des louanges qu°n
leur a données. Elles ont eu dès le com-
mencement leurs Partifans, dont les**
ont préféré celle de Carache, &l
autres celle de Dominiquin.
1 Voïez Miinju , dans la Vie- da G
Bb u or i raconte la même chofe, dans fa Vie
2 ( f ) L'Ellampe en eft grave'e , par C. Test*.
(t) Vite de Pittori, &c. pag. 304,
Ex Desseins, en Italie. 5-331
ÎI faut fe fouveni r, qu'a ugustinCa-**- om;b*
^ache s'étoit déjà emparé de ce Sujet,
** qu'il s'en étoit aquité avec grand a-
P'audilfement; de forte que Domini-
a eu le defavantage d'être obligé
prendre les penfées dont fon compé-
llteur ne s'étoit point avifé, ou qu'il avoit
reJettées, & qui vrai-femblablement n'é-
pient pas les meilleures, ou bien de le
S°pier, ou du moins paroître le faire,
"rf nature du Sujet le conduifoit nécef-
*aitement,en quelques ocafions,à une fi
grande relfemblance,qu'on l'a prifepour
Une Imitation ; & le îùccès qu'avoit eu
Crache l'obligeoit de l'imiter éfefti-
yernent en d'autres, ou bien de faire, à
^ place de fon invention,quelque chofe
pire ; de forte qu'au-lieu de l'acufer,
c°tnme on a fait, d'être plagiaire , on
aUroit pu le blâmer de ne l'avoir pas été
^!Vantage ; ou du moins il auroit du
^etre écarté plus avantageufement pour
Tableau qu'il ne l'a fait. Il auroit pu
Rendre la même Penfée générale, &
n changer les circonftances, & les Ex-
^$flxons qui lui donnoièrit un champ
libre, comme auffi Ja iManière,
Coloris, & le Clair-Obfcur: éfec-
r?ement s'il s'étoit trouvé plus habile
'l0mme pour l'Invention qu'Auous-
*1 N> c'eft en cela qu'il auroit dû réuffir;
nais cela n'étant pas, tout ce qu'il pou-
voir
4*4 des Statues, Tableaux,1
irome. voit faire de mieux de fon propre fond
devoit néceffairement contribuer à pl°"
duire un éfet tout contraire.
Jl eft vrai,que le Saint eft dans lame-
me pofition generale , aufli-bien que le
Prêtre; mais il y a de grands changeffle^s
dans les particularités. Ce Saint elt»
dans la Pièce de Dominiqjjin, beau"
coup plus foible, que dans celle.de
r a c h e ; ce qui eft un changement coU'
fidérable. Mais il s'agit de favoir, Ie"
quel de ces deux Maîtres a fait le
leur choix? Dans le Tableau de
che, le Saint fait fa dernière
d'humiliation; il a les mains croifées
fa poitrine, pour recevoir l'Hoftie,
le Prêtre tien» des deux mains, en
panchant vers lui, & en atendant le &0'
ment qu'il foit prêt à 1a prendre.
Saint fuporté par fes Moines fait fes
niers éforts, & regarde le Sacreoie^^
vec beaucoup de zèle & d'ardeur ;
qui dirige l'efprit à cette grande cit'c0lje
tance, & le tient atentif à ce qui ^
Sujet du Tableau. Dans celui de V
miniquiN," il femble que le ce
expirer, & qu'à peine il s'aperçoit de ^
qui fe palTe , comme on le remarqu
fes bras,qu'il laifTe pendre négligen1"1^
à fes doigts étendus & féparés les ^
■ des autres, à fes orteils retirés, à la ^
gueur de tout fon corps, & fur-tou ^
Ex Desseins, en Italie. 5-331
*es yeux enfoncés & mourans,& à l'Air 1 rwï:
entier de fon vifage. Ce feroit-là l'EX-
Preflion la plus jufte du Monde , fi l'on
Pouvoir concevoir qu'il a déjà reçu l'Hof-
lie ; mais il femble qu'il a trop diféré de
Participer à ce Sacrement,& l'on craint
Su'il n'expire avant qu'on ait pu le lui
^miniftrer. Auffi le Sous-Diacre, qui
*lent le Vin , paroîc avoir de l'inquiétu-
de : il s'avance pour être prêt à le lui
donner, d'abord qu'il aura reçu le Via-
tlque. Mais, dans la Pièce de Cara-
be, ce Miniftre atend le moment avec
Plus de tranquilité & de bien-féance; il
couvre la Coupe de fa main ,& élève les
Veux avec beaucoup de dévotion & de
^odelbe. Ajoutez à tout cela , que,
dans celle de Dominiquin,toutes les
figures , qui font autour du Saint, ou
Plurent,ou du moins font fort en peine
de lui, fans faire atention à la principale
^confiance , qui efl le Sacrement. Il
rien eft pas de même dans celle de Ca-
^ache, où la Dévotion eft le Caraftè-
re prédominant. C'eft en cela que D o-
Î^iniqjuin a abandonnée route de fon
^°mpétiteur , pour réunir , comme il
Paroît , toutes fes forces dans un feul
P°int, qui eft la Compajjîon : mais, par
tnoïen-là, fon Tableau reprefente plu-
tôt s. Jérôme mourant, que h Commit
de S.Jérôme.
4*4 des Statues, Tableaux,1
uom». Ce n'eft pas qu'AuGusTiN n'excite
la compaflîon, autant qu'il en faut*
pour s'acommoder naturellement » &
d'une manière aifée, aux Images de Dévo-
tion qu'il nous prefente ; mais une Pen"
fée également belle , heureufe & nou-
velle qu'il a , c'eft le vieux Lion > . 'e
confiant & fidèle compagnon du Sainc
qui s'aproche de lui, léchant la plante de
fes piés; il le careffe avec une de fes p*"
- tes & l'échaufe autant qu'il en eft cap?'
ble. Cette petite circonttance adouci
l'Imagination, & la remplit de tendre"^
ajoutez à cela, qu'un Sujet qui n'eft Pa
capable de Dévotion ne pouvoit
mer fon amitié autrement. DoMi"1'
qjuin ne pouvoit fe fervir de cette PeI?'
fée, parce qu'elle étoit déjà prife; malS
il s'en eft imaginé une autre:
c'eft défait
une Femme dévote , déjà un peu avaU'
cée en âge , qui fe traine fur ies mal,nu
& fur les génoux,pour baifer- la main
Saint agonifant. La première ^
fur-tout a quelque chofe d'heureux »
il n'y a point de doute, qu'elle n'ait d° '
né ocafion à celle de DominxQ^1^'
qui eft pareillement fort belle. . ,
Une autre variation qu'il a imagin^
mais, à mon avis,avec moins de luCCACI
c'eft que, comme la Scène de cette A
don, dans l'un & dans l'autre Tableau»
eft dans une Eglife que S.
Ex Desseins, en Italie. 5-331
^ît bâtir pour fes Moines , au-deflus de*
Sainte Grote, où Je'sus-Christ eft
Hé à Bethlèhem , circonftance qui apar-
tient néceft'airement à l'Hiftoire, Au-
gustin a environné le Saint de fes Moi-
nes , au-lieu qu'il n'y en a pas un , dans
toute la Pièce de Dominiquin. Le
Saint eft fuporté feulement par deux jeu-
nes Hommes, qui, à les voir, ne lem-
"lent pas avoir le moindre droit à un O-
jice de cette conféquence, dans le Ta-
bleau. En un mot, il meurt ici entre une
troupe d'honnêtes-gens à la vérité, & fort
eompatiftans, mais qu'il ne connoît point
^U tout; au-lieu que, 4?ns celui d'Au-
^Ust in, il eft au milieu de fes Moines,
5)ui ont tous relation avec lui, comme
avec eux. C'eft-là le vrai-femblable;
^ar qui pouroit s'imaginer , que fes Re-
fgieux voulufîènt laiflèr cet emploi à des
^rangers?
D'ailleurs, D o m 1 n i qu i n a retranché
^ Torche, dont A u g u s t i n a fait une
c^conftance ft confidérable, que leMoi-
j?e qui la porte fait la troifième Figure,
^ela convient fort au Sujet, de même
^u'une Croix que le même fait tenir à
1111 Sous-Diacre fur fa poitrine, précifé-
J^ent devant le Saint. Dominiquin
*}a rien mis de confidérable à la place
^ ces deux Figures. Augustin avoit
derrière le Saint, dans un coin delà
i76 des Statues, Table.âuk,
Pièce, un Homme avec un Turban, pouf
marquer que la chofe étoit arrivée en
Orient : on voit auffi cet Homme dans
celle de D o m i n i qu i n , & dans la tne-
me place. 11 eft vrai pourtant, qu'il n'eft
qu'un Spe&ateur oilif; au-lieu que ce lut
d'AuGusTiN témoigne de la pitié &
de la dévotion.
Le Comte Malvasia (*) a au/fi
fait un parallèle de ces deux Communion*'
d'AucusTiN Caraghe, & de V0'
miniquin ; mais il examine celle de ce
dernier à la rigueur , quoiqu'il dife en
même tems, que le Poussin &
dre Sacchi avoient coutume de Ie'
galer à la Transfiguration de R a p h A Ç
& que Sacchi ne faifoit point de d"1'
culte de la lui préférer.
Trafievere.
Dminiqum, Ly Affomption de la Vierge , aufti ^
Do miniquin. C'eft, a mon avis» I»
meilleure Pièce que ce Maître air WJ.
à Rome, fans en excepter même leS- J6'
rôme, dont nous venons de parler ; Qp01'
qu'à la vérité il foit dificile de donne1
une décifion pofitive fur deux Tableau*»
dont les Sujets font fi diférens l'un
l'autre»
(*) Voïez fdfma Fiurht, Part, IV. P*S- 3
-ocr page 678-Ex Desseins, en Italie. 5-331
filtre. Il eft certain , que l'Expreflion a ro««3
de S. Jérôme pénètre le cœur, autant que
lueur de Gloire qui environne la Vier-
Se , fon Air majeftueux , fa joie acom-
Ngnée de modeftie , & l'empreftement
des Anges à la fervir, frapent l'Imagina-
tlQn. L'une excite la pitié, autant que
es autres infpirent le raviilement & le
^Ipeéf. La Vierge eft dans le milieu
d'un vafte Plat-fond doré ; & pendant
Sue rien ne divertit l'atention du Spec-
{ateur, il femble qu'elle fe coule infenfi-
5'ement en haut, & qu'elle fe va perdre
^.ns le Ciel de Gloire qui l'environne,
^out y eft éclatant, au-lieu que dans le
^ Jérôme tout eft mélancolique. Mon
f ère a le Deftein original de 1 AJfompionj
°rt fini & capital
Du "Prince Pamfilio (*)„
^ Le Mariaze dAldobrandini : c'eft une *****
Hp,: Q v t? r r ^intiq»;.
.eUiture antique a frefque, fort connue
I'Eftampe de Pietro Santa Bar-
(f). Il eft inféré dans la muraille,
dedans d'une Maifon de plaifance, qui
?orne III. Oo eft
<}■'/*) Le Prince D; Camuu Pamfiiio. Neveu
anmocent x. avoit époufé Donna olympia
^obrandina, Nièce de Cle'ment vui.
voïei YAdmiranda, N°. 61. & 6l-
4*4 des Statues, Tableaux,1
a rom*. eft dans le Jardin , & qui a été bâtie ex-
près pour cela r les Figures font d'envi-
ron un pié de haut, j'ai vu une petite
Diflèrtation manufcrite du Père Resta,
Romain fort curieux ; où il tâche de prou-
ver , finon démonftrativement, du moins»
à ce qu'il croit , avec vrai-femblance»
que cet Ouvrage eft d'un Peintre Grec*
& même d'A pelle, qui félon lui, a
été à Rome. Les preuves qu'il en apoj''
te font, que, quand on le trouva fous \e
Pontificat de Cle'ment VIII. envi-
ron l'An 1600. les Antiquaires jugèr^f
qu'il avoit bien deux mille ans ; ce qj"
fe raporte au tems d'A pelle, où j11
Peinture étoit peu connue à Roms î ,de
forte qu'il faut que ce foit l'Ouvrage à uîl
Etranger, qui ne pouvoir être aU"'^
qu'un Grec-, & comme Apelle f ê!ê
dans cette Ville, & que la Pièce eft dî*
gne de lui, il conclud que c'eft ce M3,1'
tre qui l'a faite. Je montai fur une e-
chèle , pour confidérer cette Peinture
de près,comme j'avois fait de loin-
Ombres en font toutes hachées avec
pinceau ; ce qu'on remarque auflii au?
Ouvrages de Raphaël, dans le V^
can , & aux Cartons de Hampton^
Au-refte , les Contours des Figuré ^
font pas toujours bien détermines»
même avec grâce, non plus que^s l
des Draperies. Pour ce qui efl du
èt Dessèiksï en Italie. 579
quelque beau qu'il ait pu avoir étéa
autrefois, il eft fi terni, qu'il n'en refte
ailcune beauté. Les Draperies en géné-
pi font de foie changeante, d'une belle
priété de Couleurs,qui afturément ont
p°Utes été fort gaies & riantes. Les
j,etnrnes qui jouent des Inftrumens, à
jUfi des bouts, font prefque éfacées.
1 es Airs des Têtes n'en font pas excel-
» à les voir de près : les jours & les
libres n'en font pas diftinds , mais
nQnfus ; au-lieu que de loin le Clair-
ofcur paroît mieux, & les Airs en font
jpéables, de même que la plupart des
^JUtudes. On l'apèle communément le
rïâge Grec , foit parce qu'on a cru
jj^il en reprefentoit un éfeéiivement,
parce qu'il a été fait par un Maître
: e cette Nation. On ne fauroit dire au
pe, fi l'Ouvrage eft Grec, ou s'il eft
^0rnain ; mais il eft certain, qu'il repre-
en.te un Mariage Romain (*).
^/Re'deric Zuccaro, dans fon
*** imprimée l'An 1607. (f ) dit, qu'on
3 déterré ce Morceau quelques Mois
jeSavant,fur le Mont de S". Marie Ma-
J?*. qui eft XEfquilin, au lieu où étoient
g Jrefois les Jardins de M e'c en e ; qu'il a
e Un des premiers qui l'a vu, qu'il l'a lavé
(< Oox &
hg, ' "oïez MontfadCON,Antiq.Exflic.Tom.III,
(t) u
V. II. pag. 57.
-ocr page 681-4*4 des Statues, Tableaux,1
& nettoie lui-même fort foigneufem^
& l'a trouvé auffî-bien confervé &J^
frais que s'il venoit d'être fait ; ?
c'eft lui qui eft la caufe qu'on l'a w j"j
fporté à l'endroit où il eft à-prefent.
ajoute , qu'il étoit entouré d'un } e ic
de pampres, comme d'une efpèce û
quadre.
Pour ce qui eft de la notion que ^
Père R e s t a a du voïage d'A p e l t *,
Rome , & fur laquelle il fait gloire d
tablir fon opinion , il l'a tirée de Sa^
d r a r t , qui cite, à cette ocafion, C*
les Vermander, qui ,à ce qul1 t
l'a prife de Pline ; mais, cornue
Auteur n'en dit pas un mot, tout ce 1
fonnement tombe de lui-même. r/„
Bellori, dans fa Préface fur lepa„
fulcre des Nafoniens , dit, que cet V ^
vrage eft du bon tems de Titus» ^
qu'il aproche beaucoup du goût de 1
p h a e l , comme on le peut voir,3J°
t-il, par le Tableau même , & Par
Hampe de P. Santa BartOLI- .£
pendant, il eft certain qu'on ne lau ^
juger, par aucune des Eftampes a
Graveur, du goût de l'Ouvrage, l°r jc
quel elles font faites ; parce qull ® ui
toujours fa Manière particulière, ^
fe faifoit fentir également par-tout , ^
ce qui fortoit de fes mains, {ém?)reile
Eftampes qu'il a faites d'après
à Rome.
Ex Desseins, en Italie. 5-331
Vatican ,qui eft en lui-même un Ou- i
'rage exécrable; & je fuis perfuadé que
CeUx qui verront le Tableau dont je
j?arle, trouveront que Bellori lui a
jait trop d'honneur. Mais de dire, que
i, Pièce en queftion eft du Siècle de
* \Tus, on n'en fauroit juger que par le
°°ût, parce qu'elle n'a été trouvée dans
^cnn Edifice connu.
Quoiqu'il en foit, c'eft l'Ouvrage le plus
c°niidérable que nous aïonsdes Anciens,
eri fait de Peinture, bien-que ce ne foit,
ïjour ainfi dire, qu'une EfquiiTe, encore
^'une Main inconnue : de forte que nous
*°tnmes trop peu pourvus de matériaux,
P°ur pouvoir juger fainement de ce qu'a
^é la Peinture Antique. Mais il eft plus
Sue rrai-femblable, qu'elle étoit tout au
,J°ins égale à la Sculpture de ces heu-
Siècles, pas raport à l'Invention, à
•-■xpreftion , au Deftein , & au Mani-
tHenr.
H ne fera pas hors de propos d'exami-
un peu, à cette ocafion, comment
t°Us fommespourvus, en fait de Sculp-
te > pour connoître avec certitude ce
les Anciens ont fait de plus excel-
Comme nous ne faurions décider
.7 ce qu'ils ont fait dans la Peinture,
a,Ie peu qui nous en refte , non plus
on pouroit faire d'une Bibliotèque qui
Ur°it eu le malheur de faire naufrage,
Oo 3 par
j8z pes Statues, TableaUXs
ifoME. par un ou deux Volumes,que lesvaf^
auroient pouffes fur le rivage: de me .
auffi nous ne pouvons juger de la bc
pture des Anciens , qu'à proportion,
nombre des Morceaux qui ont ainfieC'J'
jpj,& qui ont été confervés jufqu'à nou
par bazar d. » \
Je fai,que l'opinion la plus commune el ».
que nous avons les meilleures Statues d ^
Anciens : c'eft auffi ce qu'un Aureès|
François de notre tems, homme tr .f
ingénieux, dit en termes exprès, dans .
beau Chapitre (*), où il fait un detar
de ce qui nous rette de la Peinture ^
tique: il dit fort judicieusement,
nous ne pouvons porter aucun jugent
fur ce que les Anciens ont fait dansf.
Art, fi nous le comparons avec les u "
vrages des Modernes: mais, ajoute-^
Nous pouvons bien comparer la Sculp ■
Antique avec la Nôtre , parce que n
fommes certains d'avoir encore aU
dïhui les Chefs-d'œuvres de la $cUf 'b
Grèque; c'eft-à-dire, ce qui s'eftfatfa
plus beau dans l'Antiquité: & U,°ï/gs
plus bas ; Mais ce qu'il y avoit de î' ,
précieux dans la Grèce avoit été afor.
à Rome, & nous fommes certains â
encore aujourd'hui les plus beaux £
{*,) Réflexions Critiques f»r la Pe'èjïe & fur H pe""UU
^om. I. Bec. 38.
Ex Desseins, en Italie. 5-331
t qui fujfent dans cette Capitale dm 8.0 m
+%nde. il n'alégue , pour tout Exem-
pt j que VHercule de Farnefe, & le Lao~
dont il dit que Pline a fait une
défcription exade , de même que des
^droits où ils ont été trouvés ; & que
Cef Auteur aflfure, qu'on les confidéroit
^iïime les plus beaux Morceaux qu'il y
,, Il faut néceftàirement qu'il y ait eu de
1 erreur , par raport au premier de ces
J'Xemples ; parce qu'il eft certain que
* line n'a fait mention , nule part, de
Hercule de Farnefe, ni de fon Auteur,
^Iycon XAthénien ; & pour ce qui
du Laocoon , cet excellent Ecrivain
Jvoue lui-même, qu'il y a des Antiquaires
es plus confidérables, qui doutent que
^efoit le même que celui dont Pline
"de, Fulvius Ursinus, le plus fa-
]Jnt de tous les Antiquaires,donne mê-
des raifons fi fortes pour le prouver,
belles portent le dofte Montfau-
c0n à dire , quelles afoiblijfent extrê-
mement, pour ne pas dire qu'elles ren-
Verfent entièrement l'opinion qu'on a
eue, que c'eft le véritable ( * ).
^ voici fes principaux Argument II
P^tend que la place , où l'on a trouve
Ce Groupe, n'eft pas la même que celle
Oo 4 du
Voïez fon Journal, pag. 1x8, n?- & 447.
-ocr page 685-4*4 des Statues, Tableaux,1
â«.°mft du Laocoon de Pline: qu'on
trouvé des Pièces d'un Serpent qui aPa ~
tenoit au Laocoon , dans la place ™
que Pline décrit; & enfin, q11? e
Groupe elt de deux pièces de Maribi 1
au-lieu que Pline allure, que ceJ^
dont il parle étoit d'une feule ; c'eftî11Ê"
me la feule particularité dont il fait me11'
tion. Or cette diférence elt fi éviden^
que Michel-Ange la découvrità'^
bord qu'on déterra le Groupe; corn0^
cela paroît par une Lettre que &BSAce
Trivulci, Frère 4u Cardinal de ^
nom,écrivit de ce tems-làà Pom^'L
fon autre Frère. La Lettre eft tr. (
- çurieufe, & elle roule toute fur le ^^
du Laocoon. On la voit dans la Collet
tjon de M a r qjlt a r d G u d 1 u s.
^ On peut ajouter aux Argumens ^
F u l v 1 u s U r s 1 n y s, que B o 1 s *A
parle d'un Fragment d'une Figul'e^-fe
Laocoon , dans la Maifon de .
Mario d e' Macaroni,»
jus artificïum fummoperè laudat
gel us (*). Il parle encore de la ,
d'un Laocoon dans le Palais M4el 1
artïficïojijjîmum c apit : & A l o110 A r
dus dit de cette Tête, q
femble parfaitement à celle du Bel?'*" j|
1 Topo'iog- pag. 84.
(t) Pag- 74,
(t) Staw at Reipa, p3| ly.
-ocr page 686-Ex Desseins, en Italie. 5-331
il fe peut facilement, que les Pièces de3 b.ome.
Serpent de Fulvîus Ursinus ontapar-
tenu au même Groupe que les Fragmens
que je cite. Ce feroit-là le véritable
Laocoon de Pline, trouvé dans la mê-
me place , & qui a pu être d'une feule
Pierre. Mais, fans nous arrêter à com-
katre un Auteur particulier , quelque
confidérable qu'il foit, je crains fort
Qu'après tout, on ne trouve que nous
n'avons pas les meilleurs Ouvrages des
Anciens, en fait de Sculpture, & qu'ils
ne foient perdus & ruinés depuis long-
tems.
Tout le monde convient, tant fur l'au-
torité des Ecrivains, que par la grande
Vrai-femblance de la chofe, que prefque
toutes les Pièces les plus excellentes dans
ce genre ont été aportées de Grèce à
Rome'.ïk je m'en vais faire voir, quepar
la fuite, une grande partie en a été ôtée,
& qu'elles font ruinées ; & que celles
qui y font reliées, foit par accident, ou
â delfein , ont éprouvé le même mal-
heur.
Il eft fur, que Constantin & fes
Succeffeurs ont dépouillé Rome de fes
Plus beaux Ornemens, pour en enrichir
fa nouvelle Ville , félon le témoignage
de Libanius (*) & de divers autres
Oo 5- Au-
(*) Orat, 1, ad Theodosi»%
-ocr page 687-4*4 des Statues, Tableaux,1
uomi, Auteurs; mais, quand perfonne ne laU"
roit dit, à-peine pouroit-on en douter
D'ailleurs, on tranfporta de Grèce &
d'AJie à Conjiantinople un grand noaabre
de Statues, & d'autres Qrnemens, 9ui
n'avoient jamais été à Rome , comme
pluiieurs Ecrivains nous l'aprennent.
Sans parler de pîufieurs railons que
divers Auteurs en aportent , CedRe'
nus en donne deux fort remarquables
de la déllruftion de celles qui y ont ete
tranfportées : l'une elt, que fous le
gne de l'Empereur Basiliscus ( j'
environ 170. ans après la fondation
Conftantinople, il arriva un Incendié *
qui confuma cette partie du Palais , °a
étoit renfermée la Colledion des Statues
antiques, parmi lefquelles il nomme en
particulier la Vénus Gnidienne de
xitele , la Junon Samïenne de
sippe , la Minerve Lyndienne , le Ju_
piter de Phidias, que Pericl®.®"
voit dédié au Temple de Jupiter
pien, & un autre Jupiteràx\rc\ëmc *
dias, qui ont tous péri avec le reue
cette belle Collection. e
Quelque tems après il arriva enco
un autre Incendie,comme on le \ .e
cet Auteur (f), qui confuma la ®el "tje
. 5e j'afis
(*) Ce dr en us, Annales, Edition Roï*Ie ac
1647. pag. 351.
(t) Ibid. pag. 369-
Ex Desseins, en Italie. 5-331
partie de la Ville, avec les Bains de à*-0"1"
Xeuxippe, où, félon lui, on avoit
fraffemblé les plus excellens Morceaux
de tous les Siècles,en fait de Sculpture,
tant en Marbre qu'en Bronze. En un
mot, il dit, que cet Incendie détruilit
tous les Ornemens de la Ville, qui avoient
échapé au premier.
Pour ceux qui ont été détruits à def-
fein (ce qui s'elt fait fur-tout à Rome.
Parce qu'il ne paroît pas qu'on fe fervît
de ces Ouvrages de Sculpture ^Conjïan-
?impie, fi ce n'elt pour l'Ornement, à
caufe que le Chriftianifme commençoit
à s'introduire de ce tems-là dans l'Empi-
re ) il elt certain que plufieurs Princes
s eforcèrent à l'envi , de marquer leur
*èle pour la nouvelle Religion, à démo-
lir les Temples, à brifer les Statues, &,
autant qu'il leur étoit pofîîble, à ruiner
tout ce qui avoit fervi, & qui fervoit
eUcore d'inllrument à l'Idolatie des
Retiens. Je ne parle pas ici des Icono-
çlaftes; car ils étoient fur un autre pié,
^n ce qu'ils détruifoient d'autres efpèces
^'Images ; c'elt-à dire , celles dont les
^hretiens. fe fervoient dans le Culte Di-
vùi.
L'Empereur The'odose le Grands
SUi a régné environ cent ans après Con-
stantin, n'avoic rien tant àcœur que
ruiner par-tout, & particulièrement
-ocr page 689-4*4 des Statues, Tableaux,1
à rom». à Rome , tout ce qui s'apeloit Idole.
C'eft pourquoi S. Je'rôme, qui vivoit
de fon tems, dit,que tous les TeropleS
du Capitole étoient entièrement dégar-
nis d'Idoles, & à moitié ruinés.
Ce-
pendant , ce Prince n'avoit pas lailfé de
conferver celles qui étoient les plus re-
marquables par leur travail. Mais, après
fa mort, fes Fils Arcadius & Bo-
norius ordonnèrent de détruire, fan*
aucune réferve, généralement toutes cel-
les qu'on trouveroit.
Après ces Evènemens , le peu qui
voit échapé à leur zélé aveugle fut en-
fin ruiné, par les ordres d'ALARiC»
qui immédiatement après, & fous le
gnedumême Honorius&deTae0'
dose te Jeune, prit cette Ville, lafac3'
gea pendant trois jours confécutifs, cher-
cha l'oigneufement tout ce quis'ytrouva
dans ce genre, & le détruifit entièrement
par la raifon même que les <Paient>
étoient reftés à Rome, avoient rendu
des honneurs particuliers à ces Idole.s*
dans l'efpérance qu'avec leur fecourslls
obligeroient Alaric à lever le Siege
de devant cette Ville.
Mais,malgré toutes ces Perfécutions»
on ne put encore venir à bout de les
exterminer toutes; car, après les W0'
lations d'O d o a c e r & de Totila»
qui avoient fuivi la route d'A la M
fefc Desseins, en Italie. s9s
en facageant & pillant cette miférablea
Ville , Genseric trouva encore de
quoi charger pîufieurs VaiiTeaux des Ou-
vrages de Sculpture, mais qui périrent
tous fur mer. Ènfin, après tous ces dé-
gâts , l'Empereur C o n s t a n s II. fe fai-
lit de tous ceux de ce genre ; qui fe
Couvèrent fous fa main ; car il s'entrou-
voit encore, tant étoit grand le nombre de
ceux qui avoient été difperfés par-tout,
dans les endroits particuliers ou pu--
blics. Il les rranfporta en Çilicie , où il
fut affaftiné, de forte qu'ils furent en proie
aux Sarazïns, qui ne les poflédèrentpas
long-tems, puifque ceux-ci eurent le
malheur de périr pareillement fur mer.
On pouroit raporter beaucoup d'au-
tres preuves de cette efpèce ; mais celles
que nous venons d'aléguer peuvent fu-
fire , pour faire concevoir ce qu'eft de-
Venue la quantité innombrable de Statues
Antiques , dont les Auteurs font men-
ton. On comprendra aufTi fort facile-
ment le peu de foin qu'on a pu avoir,
dans ces tems fâcheux , d'en conferver
les meilleurs Morceaux;de forte que la
Petite quantité qui nous en refte n'a é-
chapé , que par un grand hazard , au
Malheur des autres ; & que par confè-
rent, il n'y a aucune aparence que ce
f°it juftement les plus excellentes Piè-
Ges qui aient eu ce bonheur.
Après
-ocr page 691-»
fpo des Statues, Tableaux,
a rom«. Après tant de dégâts arrivés, ou par
accident, ou à deflein , loin de croire
que nous puiflions avoir les meilleurs
Ouvrages de Sculpture, on pouroit, au
contraire s'étonner de ce que nous avons
encore l'avantage de pofleder ceux qui
exiflent aujourd'hui. Jl faut, fans dou-
te , que cela vienne du grand nombre
qu'il y en avoit, ce qui étoit un éfet de
l'eftime que les Anciens faifoient des Ou-
vrages de cet Art, non-feulement parce
qu'ils fervoient d'Ornemens, & qu'ils
étoient durables, mais aufli parce qu'iIs
étoient utiles dans la Religion & dans la
Politique.
Mais ce n'efl pas feulement des deUX
Arts, de la Peinture & de la Sculpture»
que nous ne pouvons juger avec certitu-
de, jufqu'à quel point les avoient portés
l'adrefle & l'induftrie humaine de l'An-
tiquité ; les Ecrits mêmes des Anciens
fie nous ont pas été tranfmis dans le àe~
gré d'excellence où ils ont été dès Je
commencement, quoique la chofe eut
pu fe faire plus facilement ; parce qu'on
ne leur a pas fait la guerre directement
& en particulier , quoiqu'à la vérité ils
n'aient pas été tous exemts d'ataques.
Qui fait ce qu'HoMERE auroit fait»
s'il avoit lui-même raflemblé fes Pièces
détachées, dans l'ordre où elles font au-
jourd'hui ? Nous ne fommes pas même
Sltlll-*
-ocr page 692-fefc Desseins, en Italie. s9s
âfîurés , que ce que nous avons de Iui,i
dans la forme où il eft ,foit ce qu'il aété
dès le commencement. Mais , c'eft-là
ce qui eft particulier à ce feul Livre, le
Meilleur de tous ceux qui ne font pas
d'Infpiration Divine. Les diférentes Lec-
tures qui viennent d'ignorance, de
Négligence , ou d'un propos délibé-
ré, & les autres imperfections que le ha-
^rd a produites généralement dans tous
'çs Livres anciens, font des preuves évi-
dentes qu'ils ne font pas tels qu'ils é-
loient,en fortant des mains de leurs Au-
teurs. On ne fauroit dire laquelle de
toutes ces Leétures eft la véritable, ni
même , s'il y en a aucune qui le foit ;
Quoiqu'à la vérité il y en puilfe a-
voir quelques-unes qui foient meilleures
Sue n'ont été les véritables, de même
Sue la plupart font aflurément moins
^onnes. D'ailleurs, ils ont eu indubita-
blement des beautés que nous ne pou-
v°ns apercevoir, faute d'une connoiflTan-
Cs fufifante des Langues & des Coutu-
mes des tems, où ils ont été écrits.
Ainfi , les Livres que nous avons ne
<ot)t guéres autre chofe que ce que font
des Copies faites après des Statues, par
de bonnes Mains; & comme ce fontjes
^oilleurs que nous connoiffions, c'eft
cette raifon que nous les admirons :
^ cela arrivera toujours en pareil
cas.
-ocr page 693-4*4 des Statues, Tableaux,1
cas. Il efl allez vraifemblable,que la plupaît
des Statues Antiques que nous adrnir°ns
avec raifon aujourd'hui, ne font qu'un pe-
tit refte de la grande quantité d'excellen-
tes Copies faites par des Mains habiles»
dont les Anciens Ecrivains mêmes ron
fouvent mention , après des Originaux
bien plus exceilens : encore celles-ci r'e
font elles pas d'après les Ouvrages les pl«s
fameux, que les Anciens ont le plus vantes
& dont il ne nous relie pas la moindre mé-
moire , fi ce n'eft dans leurs Ecrits :aun-
n'en avons-nous que très-peu qu'on Pre^
tend atribuer aux Maîtres que les An-
ciens ont le plus eftimés. c
On peut dire que, ft nous n'avons P3"
les Ouvrages de Phidias,de Lys1?'
pe , & de quantité d'autres de ces ce'
lèbres Sculpteurs de l'Antiquité , not"s
avons au moins des Pierres gravées d
Pyrgote'le, de Dioscoridë»
d'autres qui n'ont pas été moins
dansleurArt (fupofé que lesPierres,1
lefquelles on lit leurs noms foient veJta"
blement de ces Maîtres ; car il y a lien d e
douter,comme on le verra tout-à-l'heurf^
& qu'il fe trouve même une ftgrapa j
quantité de ces fortes d'Ouvrages ». 4
ont plus facilement pu échaper auxinjm
accidentelles, ou préméditées, ^on
lieu de croire qu'il s'en trouve que.q"
unes dans ce nombre, qui font aum^.
à roms,
fefc Desseins, en Italie. s9s
cellentes qu'il y en ait jamais eu. Efec-*R
bernent, il y en a qui font auffi belles
Su'il efl pofîible de fe les imaginer ; té-
moin les Noces de Cupidon & de Tfyché
de Mylady Germain, & XHiftoire de
^rutus & de Lucrèce de Mylord Duc de
•^evonshike Mais il faut fe louve-
que c'eiMà un autre Art, & on ne
*aUroit juger, fur cela, de ce qu'a été la
sculpture des Anciens, non plus que le
P°Ura faire la Pollérité de ce qu'auroient
eté les Peintures de Raphaël, en
^°ïant les Mignatures de "Don Jule
Lovioj fupofé que celles-ci vinfent à
^Urvivre aux grands Ouvrages de R a-
pHael.
Loin que ce. que je viens de dire fur
Ce fujet avililfe les Morceaux admirables
^e nous avons le bonheur de pofléder
e l'Antiquité , il ne fait au-contraire
^e nous les rendre plus précieux & plus
JJtiles. Car , comme le plaifir que nous
venons à les voir conlitfe dans les Idées
paiement belles & relevées dont elles
etfipliffent notre efprit, il en fera enco-
ie Plus enrichi, fi nous les portons plus
que ce que nous voïons , jufqu'à
Qe? Objets que nous nous imaginons,
^non-feulement pouroient avoir été,
même qui, fuivant les aparences,
nt été éfedivement.
4*4 des Statues, Tableaux,1
Dans la Chapelle de la Maifon Rovetf-
m«tmMh. Sur le premier Autel, à main droite >
eft la Nativité, de PinturiCCH^
Elle eft d'un très-bon goût, & fate
vant que ce Maître peignît la Bibliotèq"
de Sienne , qu'il fit iur les Deffeins u
Raphaël, comme je le dirai en1 ,
lieu. Mon Père en a le Deffein origina '
fait de fa main. , ^
La Chapelle voifine, qui apartient ^
Cardinal Cibo, a été peinte par
Maître, dans la même Manière.
Chapelle Chigi.
RtpkaSi. Toutes les Hiftoires & tous les Ojj
mens font faits fur les Deftèins de
phael. Le Tableau de l'Autel eJ- .j
Sélafiim delS e'b a s tie n oel plombo; \rp$
n'eft pas agréable; & les autres P»^
de Peinture , de même que lespfa
ges de Mo f ai que , font fort mec10
ment travaillées. , ^
Le Chevalier D o r i g n y nous a d
né les Eftampes des Planètes QUi
phael qui font au Plat-fond, &'
font faites en racourci, comme elles ^
vent l'être, pour être vues d en"^nS
quoi-qu'il n'en foit pas de meme
fefc Desseins, en Italie. s9s
autres Ouvrages qui font dans le pe- a ko
Ut T?r
H farnefe.
\ Il y a quatre Statues de Marbre, une
ï chaque coin de cette Chapelle. VJElie
* 'e Jonas (*) font fort bien exécutés
!"ar L o r e n z e t t o, Florentin, d'après
^ Qefleins de Raphaël. Les deux
Utres font du Chevalier B e r n i n , mais ««•»/*,
pas de fes meilleurs Ouvrages.
^ Ce Lorenzetto étoit fort aimé
Raphaël, qui, félon Vasari,
a'doit dans tous fes Ouvrages. Bello-
llî nous affure , que ce fut Raphaël
^ fit le Modèle du Jonas, & qu'il po-
!t la Statue lui-même (f). je n'ai ja-
vu ailleurs, que Raphaël ait
Jj^aillé à la Statuaire ; quoiqu'il y ait
pleurs exemples que de Grands Pein-
res ont modelé ; comme font le Cor-
!)Ege, qui fit les trois Maries des Cor.
sljersàeModèné, P. Veronese, de
j'ai vu un beau Modèle de Renaud &
5 ^mide, dans la magnifique Colleftion
•j? Monfieur Crozat, à Taris ; le
ç ^'toret auroit aufii modèlé, à
je que raporte PvIdolfi, qui par-*
encore de quelques Ouvrages de cette
J^Ure de Paul Veronese, & de
v u^eurs autres. Mais il n'y a pas long-*
p p i tems
t*\ y.
>j' Rossi, Stat.clv.
K U Voies Pâture dil VatUmo, pag; 64I
6oo des Statues, Table aux,
s «.ome. tems que j'ai vu quelques Bas-reliefs &
terre cuite, faits par Polydorë>c ^
me il paroît par la Tradition , & Pfe
Goût, qui eft d'une Beauté , & d
Expreflion , qui ne cède en rien a g
meilleurs Ouvrages des Modernes.
Sujets en eux-mêmes font grands,&
Figures font faites avec tant de v!'£u.enS
& de délicatefte, que je ne me r
pas d'avoir vu ailleurs rien qui les ,
paiïe en ce genre : quicquid agunt> . ■
de agunt. Monfieur Pond,
jeune Homme d'un goût excellent > - j£S
parler de fes autres bonnes qualités,
envoïa dernièrement de Rome, *
quantité d'autres belles chofes ; . ^
font les feuls que j'ai vus de cette
ce.
nommée /'Irlandoife.
- Le Lit de Mort de S. Jofeph-
un des plus célèbres Tableaux H ^
Charles M a r a t t i ait fait à ^
quoiqu'il fût encore jeune lorfqu
peint: mon Père en a le Deftèin t >'
(♦) L'Effampe en eft gravée, par Do»l6NÏ'
MônW
€tmrlei Mit
tutti.
fefc Desseins, en Italie. s9s
ou le Quirinal.
H y a , devant le Palais, où le Pape
e'ide ordinairement, deux Chevaux a-
eÇ chacun une Figure, On fupofé,
ont été faits, l'un par Phidias,
jr ''autre par P r a x i t e'l e , & que l'un &
autre reprefente Alexandre avec Bu~
cJphale : c'eft auffi ce que portoient les
JJkriptions modernes qui y étoient,
^ais qui ont été éfacées depuis , pour
^ remettre feulement les noms des Sculp-
^tirs, comme ils y étoient ancienne-
ment Soit qu'ils aient été véritables ou-
croit du moins que c'eft de leur
j- uvrage: mais fi cela eft, ces Statues ne
foient reprefenter Alexandre & Bu-
.ePhalc, puifque l'un & l'autre Sculp-
J^r étoit déjà mort de ce tems-là. Ces
^atues fe reflemblent fort,& elles font ex-
^emement grandes, & d'un grand goût,
J^'s fans délicatefte (*). On les a bien
^parées ; car elles font entières à-pre-
teîlt, au-lieu que par les anciennes Ef-
rarîlpes , il paroît que, lors qu'elles fu-
dreftèes, par ies ordres de Six-
V. elles étoient fort délabrées, il
n*nquoit au Cheval , qu'on atribue à
p p 3 P r A-
iJ* ) On en voit les Eftampes dans R o s s i, Stat. xi, xis,
«dans P£RB.iER, N°.zz, 13»
6des Statues, Tableaux»
àaoM*. Praxitèle les jambes entières de de-
vant, & la moitié de celles de derrick'
la plus grande partie du cou , la queue»
& une partie de la Draperie qui elt fur
l'épaule de la Figure qui fe trouve à cô-
té. La Figure qui eit à côté de \'*ulte
Cheval avoit perdu prefque tout lebr«s'
fur lequel elt la Draperie • les )^DeS
de derrière de ce Cheval étoient c°in'r
me celles de l'autre , & il lui manqué
pareillement la queue. Comme ces
tues font pofées fur de hauts PiédeftaU>'
au fommet d'une Colline plus élevée fe_
la Ville, elles font un éfet tout-à-f!f
magnifique ; & l'on prétend , que
Constantin le Grand qui les fit venI1
'lalî
gwquilestitvj-
u ,c , ^w-ur les placer au ,
de fes Bains, qui étoient fur cette ^P '
line (*). tjS
Le Père Montfaucon croit» ^
les Statues, où les noms font
quoiqu'en Latin, par les Anciens» j0^
des mains des Maîtres à qui elles ^
atribuées ; & que les Romains
reifouvenir, les écrivoient en leur L3^
gue, lorfqu'ils les emportoient de qu '
que Ville qu'ils venoient de conque" *
parce que , félon lui , ce n'étoir pas
coutume des Statuaires de mettre leu
noms fur les Statues faites pour un e
(») Voïez Rosjhus ,
pag. 186. ç-c.
fefc Desseins, en Italie. s9s
Jj'oit particulier. Il fupofe, que la mê-à rom»;
chofe eft arrivée à ces Colofiès du
w*°nt Cavallo, comme on les apèle à
^me ; & il ne doute pas, que ces deux
tatues avec les Chevaux ne foient de
Maîtres, quoiqu'elles ne reprefentent
Alexandre le Grand (*).
Malgré l'opinion de ce célèbre Anti-
^la;re , il faut favoir qu'on ne doit pas
r?vifager fon jugement comme celui d'un
^°Unoiifeur, qui s'entende aux Mains de
'es. Maîtres; & pour ce qui regarde l'au-
°rité de ces noms, on fait qu'on en met
ericore fouvent aujourd'hui même, &
j^'on l'a fait ainfi de tout rems, comme
ce]a paroît par pîufieurs paifages des E-
j^lvains Anciens, foit par une tradition
^ certaine , par des jugemens mal fon-
jou arbitraires , par vanité, ou par
J^érêt. Voici un paifage qui feul tien-
/a Heu de quantité d'autres. Je le tire
e Phèdre, Fable 1. du 5. Liv.
nomen fïcubï interpofuero,
^hritatis ejfe fcito gratia ;
çf Quidam Artifices noftrofaciunt fœculo%
pï'etïum operïbus majus inveniunt,
Çfovo
^armori adfcripjerunt Traxitekmfiio,
■ yronsm argent0 ( -j-
{+/, VoieZfon Suplément, Tom. iv. pag '9-
1 '-a -Yoici la Traduction de ces Veis: si j'entremêle en
6oo des Statues, Table aux,
J Ami- On doit d'autant moins fe fier au ju-
gurnent que porte Montfaucon fur
ces Statues , que , félon toutes les apa-
rences, elles reprefentent Caftor&.'P°1'
lux. Aufli il n'y a aucune vraisemblan-
ce que, dans la même Ville, on en ait
fait une, & qu'on ait atendu cent ans
après pour faire l'autre , comme il faU'
droit que cela fût, fi elles étoient de
1 hidias & de Praxitele.
u y a un Médaillon d'Antinous, furie
revers duquel il eft reprefente avecle Ca-
ducée , & des ailes aux talons î & }l
domte un Cheval, dans la même Atti-
tude que les Figures dont nous venons
de parler (*).
Noos entrâmes dans près de vingt-cinCJ
Chambres, dont quelques-unes, &lotl
les aparences , n'ont été viîitees par au-
cun Antiquaire, depuis quelques Siècle5,
11J avoir' dans celle où eft la Teinture A»'
tique qui reprefente Coriolan, une rangé?
d'Hu-
qudques endroits de ces Ecrits le nom zfEfope *j*
cher lecteur qu ce n-efl f , dJner filll dtg"
V d autorité , à pcu frh lm"mefont aujourd'hui ^ff''
uns de nos ArttfU,, qu! trouvent anplus trandprtx de ^
Ouvrages , Ion qu'ils mettent le nom de Praxitèle K V
nouvelles Statues de marbre qu'ils ont taillées , V f*'
Myron, fur celles d'argerit qu'ji, cnt fûndues. Auffi doit-"
fa voir, que ce Poète vivoit fous le règne ci 'Au eu s?*!
L*) Voïu E&izzo, pag. 4tS.
fefc Desseins, en Italie. s9s
d'Hiftoires,qui règnoit tout à l'entour ; & i rom»;
elles étoient toutes de la même grandeur,
c'eft- à-dire , d'environ de deux piés de
haut,& un peu plus longues;mais elles font
prefque toutes éfacées, à la réferve de cel-
le de Coriolan ; encore eft-elle fort fale &
prefque évanouie. On y reconnoit encore
celle de Clé lie ; mais c'eft tout ce qu'on
peur faire que deladiîcerner. Mon Père
a le beau Deffein du Coriolatt, fait par A n-
nibal Carache, peu de tems après
qu'on eut découvert le Tableau , qui
étoit alors dans un meilleur état qu'il
n'eft à-prefent. L'Eflampe qui s'en
trouve dans X Admiranda (1) a été pri-
fe fur ce Deffein , comme cela paroît
par la Défcription qu'on a imprimée au-
deff'ous ; & il étoit, en ce tems-là,
entre les mains de Bellorl Le Père
Resta, qui en devint après cela pof-
feffeur , le vendit à Mylord Somers,
avec le refte de fa Collection ; & c'eft
de ce dernier qu'il eft tombé où il eft
heureufement fixé aujourd'hui.
Le favant Auteur des Réflexions fur
la, Poe fie @ fur la Teinture , dit ( f ),
que ce Deffein étoit entre les mains de
Monfieur Crozat à Taris. Je ne fai
ce qui peut en avoir fuggéré la penfée
Pp $■ à cet
Ct) Part. I, pag. 343:
-ocr page 703-6oo des Statues, Table aux,
ânoMB. à cet Auteur; parce que Monfieut
Crozat lui-même m'a affuré ,
n'avoit jamais vu un Deffein pareil,lot 1-
que j'eus l'honneur de voir à Taris »a
Collection également riche & bien choi-
sie, & qui.elt fi nombreufe, que j'ai mis
plufieurs jours entiers, à n'en voir qu'une
fh'*s en pall'ant toutes les Curioiïtés ; quoi-
que par la fuite j'aie eu l'avantage d'exami-
ner plufieurs fois fes beaux Porte-feuilles,
avec autant de plaifir que d'atention,
tant par raport au mérite de tant de Dei-
feins capitaux des plus grands Maîtres,
qu'à caufe des belles Remarques que ce
ConnoiiTeur judicieux y a jointes, & des
honnêtetés que j'ai reçues de lui.
On médit aufii à Rome, que ce Deffein
étoit entre les mains du Chevalier Lui-
Tï,dont j'honore la mémoire,comme d'un
favant Connoiffeur, & d'un Homme fort
curieux , à qui j'ai de grandes obliga-
lions, pour m'a voir fait voir, dans cette
Ville , plufieurs beaux Morceaux, qul
m'auroient échapé,lans fa complaifance
& fon amitié, que m'avoientprocuréles
puiffantes recommandations deMonfieur
C r o z a t. Il n'y avoit cependant, aucun
Deilèin de cette efpèce, dans fa belle.&
nombreufe Collection ; mais il me dit,
qu'il fe fouvenoit de l'avoir vu autrefois
dans la Collection du Père Resta; &
je connoifîbis à Roms un Curieux, qu*
fefc Desseins, en Italie. s9s
avoit été intime Ami de Bellori , a Rpm*»
entre les mains de qui il dit l'avoir vu,
ajoutant qu'il avoit été prefent loriqu'il
le changea avec le Père Resta,contre
d'autres Defteins.
C'eft dans cette Chambre qu'on trou-
va le Laocoon de Belvedere , dans une
niche femblable à une demi-coupole ca-
nelée, dont les entre-deux étoient peints
de petits Feuillages.
Elle eft au milieu d'une Place de
moïenne grandeur ; & comme le terrain
qui l'environne s'eft élevé félon l'ordi-
naire, par la fuite du tems, & qu'on en
a ôté la terre autour du pié, elle eft dans
Un trou , où l'on defcend par pîufieurs
marches , lorfqu'on veut entrer dans la
Colonne ; & ce trou, où elle eft pofée,
eft fi profond, qu'à quelque diftance,
elle paroît n'avoir point de Piédeftal.
C'eft dommage qu'on n'ait pas empêché
de jetter les ordures qui font tout à l'en-
tour , ou du moins qu'on ne les en ait
point fait ôter. La Colonne en elle-
même a une noble aparence,malgré les
injures qu'elle a foufertes du tems, ou
de quelque manière que ce foit. Elle eft
d'un gris obfcur : le travail en eft extrê-
mement bon , quoique ce foit plutôt une
14 ' Ebau-
4*4 des Statues, Tableaux,1
â:1.oME. Ebauche , où l'on a feulement obfervé
les grandes parties, qu'un Ouvrage par-
faitement fini. Les Airs des Têtes en
font nobles ; mais il y a une Manière q^1
fe fait tellement fenrir fur le tout, q11."
femble que ce ne foit qu'une feule Main
qui y ait travaillé ; & c'eft pour cela
qu'on remarque moins sur les Vftages
des Figures, que dans les Attitudes,le3
Exprelïions que demandent les diféren-
tes parties de l'Hiftoire ; parce que dans
cet Ouvrage, comme dans la plupart des
Bas-reliefs, les Sculpteurs ont traité Ie
Marbre en Hiftoriens, au-lieu que dans
pîufieurs fimples Statues, on voit qu'il®
ont, comme les Poètes, travaillé & fini
leur Ouvrage avec toutes les particulari-
tés & toutes les beautés qu'ils fe font
pu imaginer. Les Figures font environ
de deux piés ; celles d'en-haut font un
peu plus grandes que celles d'en-bas, &
on les voit toutes également bien , par'
ce que le Relief qui n'eft pas fort haut
en-bas left pourtant davantage , à pro-
portion de la diftance d'où il doit être
vu (*).
1 On a les Eftampes de tout l'Ouvrage, dans u»
Livre intitulé, Columna Trajana di P. S. Bab.toi.i-
fefc Desseins, en Italie. s9s
comme on l'afèle.
Elle eft au milieu d'une Place plus
grande que l'autre, & on la conferve
avec plus de propreté : aufti ne paroît-
elle pas fi vieille , quoique ]a diférence
de leur ancienneté foit fi petite , qu'elle
ne devroit pas faire un tel éfet ; mais elle
eft plus endommagée. Le travail eft de
la même efpèce, à cela près, que le Re-
lief n'en paroît pas fi haut (*). Cela
vient, peut-être , de ce que cette Co-
lonne n'eft pas fi proche de l'œil ; car
au-lieu d'être, comme l'autre , dans un
fond , elle eft pofée fur un haut Piéde-
ftal , dont la bafe eft au niveau de celui
qui la regarde. Cependant on la voit
fort bien , fur-tout les perfonnes dont
les yeux peuvent difcerner les objets.de
loin ; mais fort diftinftement, par !e
moïen d'une lunette d'aproche , depuis
les maifons des environs, fk c'eft de
cette manière que je les ai vues routes
deux. J'ai même été au haut de la Co-
lonne de Trajan, d'où l'on a une vue ad-
mirable de la Ville de Rome: & il eft à
remarquer, que les montées en font
parfaitement bien confervées, & nule-
ment
(*) Les Eftampes en font gravées par Pietro Sa"n-
Bartou, dans le Livre intitulé > c°"m»a Ant*.
giomm, " . ')
6oo des Statues, Table aux,
ëRoME. ment ufées. Le Pape Sixte V. a fait
pofer,au haut de ces Colonnes, les Sta-
tues de Bronze doré de S. Pierre^
de S. Paul: la première fur celle de
Trajan , & l'autre fur celle d'ÀntoriMi
à la place de celles des Empereurs, qu*
y étoient anciennement, comme on !e
voit par les Médailles qui ont ces Colon-
nés fur le revers.
Ciacconius , dans l'Explication,
qu'il a faite des Bas- reliefs qui font fur
la Colonne de Trajan, dit, qu'on trou-
va la Tête de la Statue coloilàle de cet
Empereur,au bas de la Colonne,quand
on ôta la terre dans laquelle la bafe étoit
enfévelie,& que les piés étoient encore
demeurés en haut, dans le tems qu'il
écrivoit ; c'eft-à-dire , avant qu'on eut
placé la Statue de S. Tierre.
On m'a alfuré , quoiqu'à la vérité je n'y
aie pas pris garde, que ces Colonnesfont
conllruites de pierres entières, percées au
milieu, & pofées l'une fur l'autre, corn™5
des fromages; & que les montées, les fe-
nêtres & les Bas-reliefs en ont été faits
vant qu'on les eût mifes en œuvre; comme
il paroît fur-tout par la ligne fpirale qui
partage les Bas-reliefs , & qui dans pîu-
fieurs endroits ne rencontre pas,à beau-
coup près, celle de la pierre fuivante.
Boissard (*) dit, que la Colonne
h t°M- p»s' n
-ocr page 708-fefc Desseins, en Italie. s9s
de Trajan eft compofée de vingt-quatre ï
pierres, d'une groffeur fi prodigieufes
S u'on diroit que ce font plutôt des Géans,
Sue des Hommes ordinaires qui l'ont
conftruite, & qu'il y a huit marches au-,
dedans de chacune de ces pierres. Mais
il ajoute , que , pour ce qui regarde la
Colonne & Anton in , il ne pouvoit pas
favoir au jufte le nombre des pierres qui
la composent, parce que les montées é-
tant rompues il n'a pu alerjufqu'auhaut;
cependant, qu'on lui avoit aft'uré qu'il y
en a vingt-huit.
Les Relations que nous avons de la
groffeur de ces deux Colonnes convien-
nent bien toutes en ce point, que celle
d'Antonin eft la plus grande ; mais elles di-
fférent,par raport à leurs dimenfions parti-
culières. PietPvO Santa Bartoli,
^Ui, à mon avis, eft celui à qui on doit le
ttiieux s'en raporter, veut que la Colonne
de Trajanà compter depuis le bas du Pié-
^eftal jufqu'à u haut de la Statue de
<ï. Tierre , ait quelque chofe moins de
*48. piés Romains-, & que l'autre en ait
Plus de zoo. Mais, quoique la Colonne
de Trajan foit , par conféquent, beau-
coup plus petite que l'autre, à-peine ai-
le pu rencontrer un homme qui voulant
en juger à l'œil, ne s'y foit trompé corn-
ue moi, qui ne doutai point que celle
eft éfedivement la plus petite ne
6oo des Statues, Table aux,
fût la plus grande. Il faut néceflairement,
que cela vienne de ce qu'on voit la Co-
lonne de Trajan de beaucoup plus près»
que celle d 'Antonin; parce que fonP'e-
deftal eft, comme nous l'avons dit,prel'
que entièrement caché, & que, par con'
féquent ,1a bafe de la Colonne n'eft g°e'
res plus haute que les yeux ; outre qu®
les maifons qui l'environnent en font ai-
fez proches, au-lieu que cette dernièrf
eft dans une grande Place ouverte » ^
que non-feulement on en voit tout
Piédeftal, mais aufti qu'il eft fort hatf »
peut-être même plus qu'il nedevroit 1e'
tre ; car il eft de près de cinquantepïÇ5,
Comme on voit cette Colonne à unetej
diftance , il ne faut pas s'étonner fi
trompe la vue* fur-tout lorfqu'on confié'
re encore, que, quoiqu'il y ait envir°n
cinquante piés de diférence fur le tout»
elle n'eft pas à beaucoup près fi grande en-
tre les Colonnes en elles-mêmes, pafC^
que l'une eft d'environ ioô.piés, &/aUiî
tre de quelque chofe de plus de 9.
y a aparence , que c'eft encore par
mêmes raifons, que la Colonne
nin ne femble ni fi ancienne , ni » a
gufte que l'autre ; & que fon Bas-relief
comme nous l'avons déjà dit, ne par01
pas être taillé fi profondément. , ,
Pietro Santa Bartoli a et
obligé de fupléer une bonne partie a
fefc Desseins, en Italie. s9s
Ce qui regarde le Contour, & certains1 R0M*S
Plis des Draperies, & le plus fouvent de
travailler, fur des marques très-légères,
dans les endroits qui ont été fort endom-
magés par le feu , qui eft la principale
caufe à laquelle on atribue les injures
Sue cette Colonne a reçues (*). Cepen-
dant, autant que je puis m'en fouvenir,
d ne s'eft pas émancipé d'ajouter la moin-
dre chofe qui fût effeniielle, ou qui con-
cernât l'Antiquité : & par-tout où elle
entièrement ruinée, ou peu s'en faut,
d a laiilè des vuides marqués d'étoiles.
La découverte de la véritable Colon-
ie dAntoninus Tins nous a enfin dé-
trompés , pour ce qui regarde le nom
^e celle-ci; & nous avons apris, qu'elle
^ apartient pas à Tins , mais à fon Fils
Marais,le Philofophe,comme il auroit
dû paroître, même par les Bas-reliefs
Sui expriment la Guerre Germanique de
^arc Aurèle , dans laquelle fon Père
^iits n'étoit point mêlé. Il y avoit long-
|ems qu'on connoifloit la véritable Co-
ltine d'AntoninuscPius ; mais, comme la
j^eilleure partie étoit enfevelie avec îa
a{e, fous les Maifons, perfonne ne fa-
-à qui elle étoit, Les Antiquaires
etoient partagés là-deffus: ils convenoient
Tome 111. Qq tous,
Voïez les Remarques de fut. cett§
-ocr page 711-6oo des Statues, Table aux,
à r s» m s. tous à la vérité, que cetoit une des Co-
lonnes, dont les Anciens ont parlé,^^îs
ils n'étoient pas d'acord fur le nom qU eil
devoir avoir : chacun s'en choififioit un
à fa fantaifie, & s'éforçoit, par des raf"
fonnemens fort favans, ou du moins p?
une infinité de citations,à prouver qul
avoit rencontré jufte ; jufqu'à ce qu
Cle'ment XI. l'a fit déterrer l'An 17°/;
& par ce moïen-là, leur fit voir qu'i!s^'
toient tous dans l'erreur; ce qui Pr? '
ve , pour le dire en pafiant, corp^
peu on doit s'en raporter à une h^P
conjecture, dans des chofes qu'on
fauroit vérifier.
C'eft une petite Eglife fur l'ancien0®
J unie u le, d'où l'on a une très-belle pe
fpetfive de la Ville; &, par fa
avantageufe, elle auroit pu être f°rt. cj„
éclairée: mais, comme fon jour
pal n'y entre que par la porte , on.
obfcure , & par conféquent, peU a
venable aux Tableaux. Malgré cela»
le elt belle & magnifique en ded**» '
tant par la bonté'de l'Ouvrage » cl I
par la richeffe des matériaux qui enço
pofent les Chapelles, & les Pièces d a
-ocr page 712-fefc Desseins, en Italie. s9s
^eufe Transfiguration de Raphaël (*), à r o m
jointe fur du Dois d'une épaiileur confi-
gurable ; & l'on peut juger de fon éten-
de , par fes Figures, qui font aufii
Sfandes que le naturel. Elle eft dans un
Vl^ux quadre, qui, félon toutes les aparen-
eft le même que celui où elle a été
ÇîJcnaffée dès le commencement: fa bafe
Ç<1 à dix ou douze piés de terre. Je l'ai
|\Xaminée de près & de loin , fort aten-
,lvement. Ce grand & noble éclat de
^tnière qui entoure la principale Figu-
> & fe répand fur toutes celles de la
Partie fupérieure du Tableau , comme
le jour de la partie inférieure eft fi
iMicieufement difpofé , que le Sujet
pncipal fe prefente le premier ; comme
Ombres font toutes devenues éga-
lent noires , cela fait que ie Tableau
plaît point au premier abord ; mais,
j^nd on vient à en examiner les parties
ç près, c'eft alors qu'on s'aperçoit de
® Sui lui a atiré l'admiration de tout le
??0nde. Cependant, il eft très-proba-
le > que dans le commencement, & avant
les Ombres eulfent changé, il y avoit
tne grande variété & gradation de Tein-
qui divertiffoient la vue & qui s'u^
Ploient les unes aux autres agréable-
Qq i ment.
) On en voit des Eftampes gravées par plusieurs
tres , favoir par le Chevalier Dorigni, Thq-
■ Co&jJïiitB C»aT, SCd'autres.
S*
éi% des Statues, tableaux»
â ment. Les Contours en font aufli P^
coelans & plus élégans, le goût du
fein plus relevé , & les Airs des let
plus fublimes, & plus expreftifs, que
aucun autre des Ouvrages de ce Mai" '
qui font à Rome. Il eft peint en huli '
& fort travaillé à la manière de cet£0
là : les cheveux , de même que les
très particularités, font faits avec
pointe du Pinceau, quoique moins ^c^
puleufement, que dans quelques M
ceaux plus petits de ce Maître. . aj
Celui-ci eft afturément le princip^
Tableau fimple qu'il y ait à-prefe^ o
Monde, & qui peut-être ait jamais e .
Le Sujet eft un des plus magnifiqueS^
puîfte ocuper l'efprit de l'Homme: )! ^
certain qu'il eft beaucoup au-deftuS.
tout ce que les Anciens ont pu ^
puifque nous avons une Idée plus
de !a Déïté qu'eux ; & que notre ^
gion eft infiniment plus fublime qu f,
leur. Il eft fait dans le genre le p'us[j'uj-
fait de la Peinture; c'eft-à.dire, ^ g
le, très-fini, & par le plus grand M* ^
qui ait jamais été , ou du moins PAeI)t
plus grand dont les Ouvrages exn ^
encore. C'eft fon dernier Ouvrage» ^
il l'a exécuté dans la vigueur de 1° ^
ge & de fon efprit: il eft même toui
fa main , & fait avec tout le fo.in , a-
il étoit capable,pour recouvrer la r ^
fefc Desseins, en Italie. s9s
j-^ïon qui avoit été un peu flétrie , par**°ME*
fréquent emploi de fes Difciples dans
les Ouvrages, comme je l'ai déjà remar-
qué ailleurs. Après qu'il fut mort, &
H^e fon corps fut expofé dans fon atelier
^fqu'à fon enterrement, on plaça à fa
lr"te ce merveilleux Tableau, comme fon
^incipal Ouvrage, dont la vye excitoit
es plus fortes lamentations des Spefta-
j^Urs, en leur faifant comprendre cotn-
,len grande étoit la perte qu'ils venoient
faire. *
Il a été peint pour le Cardinal Juee
Médicis, qui avoit deffein de i'envoïer
France: mais,après la mort de Ra-
faël, on ne jugea pas à propos de
Priver Rome du plus noble Ouvrage de
^ digne Citoïen ; à quoi ce Car-
énai confentit, de manière qu'on le
P'aÇa dans l'endroit où il eft à-prefent.
Ce Sujet de ce Tableau eft, fans con-
l'Hiftoire de la Transfiguration
• e J e's us-C h r i st , comme on l'a tou-
J°Urs apelé, & fur ce pié-là, il eft affu-
^Uient fujet à des Objections Critiques,
^Une évidence fi manifefte , qu'on n'y
aUroit répondre abfolument ; car non
eUlement on y trouve atachée une au-
re Hiftoire, qui n'y a aucun raport, &
débauche l'atention de deffus le
bUJçt principal, ce qui fait tort à la
nece; mais auffi la Sublimité & la Ma-
Qq 3 §ni-
6oo des Statues, Table aux,
• gnificencede laTransfigurationz&&mf
telle nature,que quelque excellente que
cette Hiftoire inférieure puiile être en
elle-même, elle ne fauroit enrichir
Compofition , fi ce n'eft de la manie»1
qu'une Frange d'Mame enrichiroii- un
Habit de Brocard.
Auffi eit-il même très-probable» ^
ces deux Actions arrivèrent en
rens-tems. S. Luc aflure (*) »
„ c'étoit Je jour d'après la Transfigurd'
„ tion que Notre Seigneur defcendit '
„ la Montagne, & trouva le Peuple^
„ avoit conduit un Poifédé à fes D1!''.
„ pies, pour les prier de le guer'^j
& les autres F'vangeliftes qui raconte
ces deux Hiftoires, ne difent rien^
tems qu'elles font arrivées. Je ne
pas,-qu'il foit împoffible que cet
ment, de la partie inférieure du Table13 j
ait pu arriver dans le même inftant'
la Transfiguration. On auroit pu av
amené le PolTédé dès Je jour préceden '
& il pouvoir être demeuré là pfnd*\
toute la Nuit : mais, tout au plus,il n>
Jà que de la poffibilité ; car, félon ton[
les aparences, cela doit être arrive
jour d'après la Tranfiguration. p *
Mais fupofé même, que ces deux W
siemens fuflent arrivés dans unmême^^
fefc Desseins, en Italie. s9s
malgré cela, il n'y a point de con-^ rom
nexion du tout entre l'une & l'autre Hif-
rpire , non plus qu'entre deux autres Ac-
tions de la Vie de Notre Seigneur,quei-
les qu'elles foient; non plus, par exem-
ple , qu'il y en a entre fon Agonie & le
Miracle qu'il fit de convertir l'Eau en
jy in. Ce font donc ici deux Sujets ab-
lolurnent diférens : l'un efl la -Déclara-
îl°n que Dieu le Tère fait de la Divi-
nité & de la Mijfion de fin Fils ; l'autre
VImpmffance des Difciples, & le té-
moignage qu'ils rendent dupouvoir de leur
Maître. Il femble, par la Peinture,que
ces deux Evénemens aient véritable-
ment du raport l'un à l'autre, parce
Won voit les Difciples qui montrent
avec le doigt en haut ; mais cela ne
j^garde que la Perfonne de J e's us-
^Hrist, & non pas l'Evénement, ou
Ce qui s'y paffe, dont ils ne favent rien.
L'une & l'autre de ces deux Hiftoi-
jes auroit fait feule un Sujet complet,
réparez ces deux Evénemens dans le
t ableau, prenez feulement la partie fu-
périeure , & faites la Montagne un peu
moins haute, de manière pourtant qu'il
affez d'efpace pour faire une gran-
de MaiTe de Repos,voilà une Pièce en-
tière & complété,qui reprefentelaTrans-
figuration. N'y a-t-il point alors tout ce
^i peut fournir notre Efprit de fenti-
Qq 4 ^ mens
6oo des Statues, Table aux,
à kome. mens convenables à un Evénement fi
fublime ? Auffi la Transfiguration n ell
nullement néceffaire, pour rendre com-
plète la partie inférieure. La Monta-
gne , & Notre Seigneur qui defcenddan_
le lointain , auroit fufi abfolument P°ul
faire encore de celle-ci une Pièce en-
tière. C'elt par ces considération5 >
que je ne faurois entreprendre, en bon'
ne foi , de juitifier le tout eniemble d
ce merveilleux Tableau , par raport a
fon Invention & à fa Conduite. .
Pour faire donc une Défcription 1
plus exacte qu'il nous fera poffible de
deux Sujets de ce fublime & magnifié/
Tableau , nous commencerons par ''
partie fupérieure, qui reprefente f
Transfiguration de Notre Seigneur fuf^
Mont Tabor , & que la Sainte Ecritu^
raporte ainfi: „jE'susprit Pierre/:
„ Jaqjjes & Jean fon Frère , & 'e.
„ mena fur une haute Montagne à part^
„ & il fut transfiguré en leur prefence»
„ & fa face refplendit comme le Sole11 ^
„ & fes vêtemens. devinrent blancs cotn*
„ mêla Lumière: & voici Moïse
„ E l i e furent vusparlans avec lui.
„ Pierre prenant la parole dit à J B'
„ sus : Seigneur , il eft bon que non
„ foïons ici ; fi tu veux , faifons-y trot
„ Tabernacles, un pour Toi, un poor
„ Moïse, & un pour E lie. Lt comr
fefc Desseins, en Italie. s9s
5, me il parloit encore , voici une Nuée1
„ refplendiffante, qui les enombra;puis
„ voilà une Voix qui vint de la Nuée,
,, difant, Celui-ci eft mon Fils Bien-
,, aimé, auquelj'ai pris tout mon plaifir
„ écoutex-le : ce que les Difciples aïant
„ ouï , ils tombèrent fur leur face , &
„ eurent très-grande peur ". C'elt-là
ce que Deux Evangéliftes, S. M a-
Thieu (*) & S. Marc (j) raportent
de cet Evénement. S.Jean n'en fait
aucune mention, & S.Luc (t) y ajoute
encore, que „ Pierre, & ceux qui
„ étoient avec lui étoient apefantis de
„ fommeil ; & quand ils furent réveil-
„ lés, ils virent fa Gloire , & les deux
„ Perfonnages qui étoient avec lui ".
Voilà les circonltances que Raphaël
a trouvées : voïons à-prefent jufqu'où il
les a fuivies ; & examinons ce qu'il a
négligé , ou ce qu'il y a changé , & les
raifons qu'il a eu de le faire. Tout ce-
la apartient à l'Invention, de même que
le choix du Tems , qui eft la première
chofe qu'il aeuàconfidérer. Raphaël
l'a fixé immédiatement après le moment
de la Voix , quoiqu'il n'ait pas exprimé
cette circonftance touteelTentiellequ'el-
le eft ,autrement que par fes conféquen-
ces. Je fupofé qu'elles le faftent , que
Qq 5- cela
■ (*) mi. 1. et) ». 1, (t) 3'-
-ocr page 719-6oo des Statues, Table aux,
& E.OMB» cela foit l'Inftant de la Reprefentation,
ce qui paroît évident par les éfets que
nous alons remarquer d'abord , & Pnn"
cipalement parce que les Difciples font
tombés par terre, ce qui n'arriva pas au-
paravant; quelque grande qu'ait pu être
leur Frayeur à des Aparitions lî éton-
nantes , & peu après la Voix , toute la
Scène difparur. . Il a dû à la vérité ex-
primer cette circonftance de Frayeur»
mais il en a changé l'image , avec beau-
coup de jugement: car, au-lieu que l'é-
criture dit, qu'i/j tombèrent Jur Leur fa-
ce , ce qui n'auroit donné aucune place
à l'Invention , il a pris la liberté de les
jetter tous trois dans des Attitudes difé-
rentes & convenables, de manière qu'ils
compofent enfemble un Groupe, qui de
lui-même plaît à la vue,& qui en même
tems varie la Figure lourde de la Mon-
tagne; au-lieu qu'il l'auroit rendue enco;
re plus pelante, fi le Peintre avoit fui
l'Hiftoire exactement. Il n'a pas fait pa'
roître moins de jugement, dans les pla-
ces qu'il a données à ces trois Difciples»
à l'égard les uns des autres. S. PierrE
ocupe celle du milieu , comme la pla^e
de diftinéiion ; mais en même tems on e
voit un peu de profil. S. Jean, à la
vérité n'ocupe pas la première place;
mais, en échange,ce Difciplcbien-aime
paroît davantage, & nous le voions
fefc Desseins, en Italie. s9s
plus en face: S Jaqjjes eft dans une**®*»*
Attitude qui marque beaucoup d'humili-
té & de dévotion ; mais il eft derrière
S. Pierre, & plus à l'ombre que lui.
Il y a encore , en choiiiiïant cet In-
ftant , un autre avantage, dont Ra-
phaël s'eft fervi au plus haut degré:
l'Ecriture reprefente Moïse & Elie
parlans à Je's us-Christ , dans le
tems de fa Transfiguration. La circon-
flance de la Voix change naturellement
cette Image familière ; mais Raphaël
a aufti imaginé les deux Profètes, q'ui,
félon toutes les aparences , lui rendent
leur adoration , immédiatement fur ce
témoignage de fon Père,& dans le tems
qu'il eft encore transfiguré & environné
de Gloire. Mais, de combien n'a-t-il
pas relevé cette Idée au-deftus de tout
ce que très-peu de Leéleurs auroient pu
s'imaginer par l'Hilloire même,quoique
l'une des plus fublimes de toute l'Ecri-
ture Sainte, & au-de-làdetout ce qu'en
ont exprimé les Evangéliftes mêmes qui
l'ont écrite ! Quelle Poëfie , quelle In-
vention , pour diftinguer Je'sus-Christ,
& ces deux autres Etres fupérieurs, de
ceux qui font purement Mortels, par
l'expédient induftrieux de les reprefen-
ter fufpenduslje n'ai pas befoin de m'é-
tendre fur fon jugement,par raport aux
rangs diférens qu'il donne à ces Figures;
pour
-ocr page 721-6oo des Statues, Table aux,
^om>, pour ce qui regarde l'emploi des Profi-
tes , j'en ai déjà fait mention ; & P®111*
Je'sus-Christ, il eft fenl au-deflus
d'eux, où il lève les bras , & dans une
Aètion ardente d'adoration, il rend
grâces à fon Père de cette nouvelle &
glorieufe déclaration en fa faveur.
On ne voit pas la Voix exprimé »
comme je l'ai déjà dit, fi ce n'eft par ]eS
circonftances qui l'acompagnent ; mais »
pour celui qui eft déjà inftruit de l'Hu-
toire (ainfi-que l'on doit iupofer tou-
jours celui qui examine un Tableau)»
elles valent autant qu'aucune autre ma-
nière d'exprimer une Voix, dans la Pein-
ture ; que celle , par exemple , que le
Poussin a imaginée, dans le Batême de
Je'sus-Christ, où tout le Peuple re-
garde vers le côté d'où l'on fupofe que
la Voix eft venue. On n'aperçoit donc
Ja Voix , que par l'éfet qu'elle produit
fur les Difciples, fur les Profètes, & l~ur
Je'sus-Christ lui même. C'eft-là une
manière d'exprimer le Son, plus noble»
& plus jufte : & elle eft d'autant pluS
heureufement imaginée , qu'elle donne
beaucoup à penfer. Le filence du Pein-
tre, en cet endroit, a quelque chofe de
lolennel ; & , fi je l'ofe dire, de vafte,
qui eft infiniment plus fublime, que tout
ce qu'il auroit pu dire. 11 y a même une
autre raifon encore plus forte , P°ur .n®
et Desseins* en Italie. 6zi
point exprimer la Voix perfonellement, uomi
quelque magnifique que cela eût pu
paroître pour le Tableau, & qui fait va-
loir encore davantage le jugement & ja
fagefîe du Peintre. Il efl: très-certain,
que Je's u s-Chri st doit être la Figu-
re principale,dans cette Hiitoire ; mais,
file Peintre y avoit fait entrer DIEU
lui-même, ou l'Image de fa Voix, ce feroit
cela qui auroit dû néceffairement ocu-
per la principale place du Tableau.
Ain fi, Raphaël a fagement évité cec
inconvénient , & il a courageufement
bazardé de retrancher une fi grande cir-
conftance de Sublime , parce qu'il l'au-
roit payée trop cher: auffi fe trouve-t-il
allez fort fans cela. C'elt ici Christ
transfiguré\ c'eft Christ que Moïse
& Eli e viennent adorer; c'eft Christ
fieuL, qui eft revêtu de Majefté, couvert
des vètemens de Salut, & au Nom du-
quel le Mont Tabor fiante de joie.
Mon Père a deux Deffeins de P o l y-
dore , qui font des Etudes pour une
Tranfiguration 11 avoit affurément vu
le Tableau de Raphaël; & il n'a pas
Voulu le copier. Il eft curieux de voir
combien il s'eft trouvé embaraffé à cher-
cher , pour J e' s u s-C h r i s t , une Fi-
gure qui fût diférente de celle de fon
Maître, & qui ne lui fût pas inférieure,-
car, pour la furpaffer , il n'eft pas vrai-
fem-
-ocr page 723-6des Statues, Tableaux»
a Ro Mm.femblable qu'il ait eu la témérité d'y pen-
fer feulement. 11 l'a deilinée aliiie, de-
bout , fur une Nuée, fufpendue; mai5
il n'y en a aucune qui en aprochequede
fort loin , quoi-qu'il y en ait de très-
excellentes. Ce qui m'étonne , c'elt
qu'il les a faites la plupart regardant en-
bas. Il en a aulli fait pour les deux Pf°'
fètes ; mais ici fon Maître le furpalfé
toujours également.
J'avois prefque oublié de parler des
deux jeunes Hommes, qui font fur la
Montagne, à l'un des coins du Tableau :
je louhaiterois même de tout mon coeur
qu'on eût éfeftivement oublié de les pla-
cer dans la Pièce; car,ileflcertainqu'ils
y font inutiles, & que loin d'y être né-
ceiïaires,ils y font un très-mauvais éfet.
De forte qu'il ne faut pas douter que
Raphaël n'ait été obligé de les y in-
férer, comme cela arrive fort fouvent,
dans les meilleurs Morceaux ; foit à def-
fein , pour faire honneur à la Perfonne
pour qui la Pièce a été faite, ou par un
ordre exprès. Comme ce Tableau a été
fait pour le Cardinal Jule de Médicis,
il fe pouroit que ces deux Hommes font
fes Neveux.
Paffons à-prelent à la partie inférieure
du Tableau, qui reprefente un Tojfédé
Lunatique, & miférablement aflig^ q^'o»
f re/ente aux Difciples , pendant l'a»'
fefc Desseins, en Italie. s9s
fince de leur Divin Maître , & qu'ils à
ne peuvent guérir. C'eft-ici le moment
de cet Evénement , que Raphaël a
reprefenté, & ce manque de force jette
tous les Difciples dans une coniternation
extrême. Celui qui eit afîis fur le de-
vant du Tableau, & qui tient un Livre,
en paroît avoir l'efprit tout ocupé & é-
tonné, ce que fa main levée & ouverte
exprime merveilleufement bien , pen-
dant qu'il regarde le Pofïédé. Le Di-
sciple debout, direftement au-defîus du
précèdent,femble dire à ceux qui amè- •
fient le Malade : Nous trouvons, qu'ici
nous manquons de forces ; notre Maître
ejî fur U Montagne , quand il fera de-
scendu il le guérira. Pour exprimer ce-
la , il montre de la main vers le haut.
Le Difciple qui fe tient derrière les deux
dont nous venons de parler , & qui pa,-
reillement montre de la main vers la
Montagne , femble dire la même chofe
aUx deux autres Difciples qui font de-
bout , directement au-deffus de lui, &
Sui expriment auffi la coniternation de
leur efprit , fur leur impuiffance. Les
autres Difciples s'énoncent aufîi difé-
retnment là-deffus : le jeune-Homme ,
Sui tient les mains jointes fur fa poitri-
ne, s'étonne de ce qu'il fe trouve quel»
Sue chofe d'impoflible à des gens qui
PM déjà fait de fi grands Prodiges. Lé
1 Vieil-
-ocr page 725-6oo des Statues, Table aux,
i xouk. Vieillard à genoux, à côté de lui, en
paroît touché jufqu'au fond de l ame: la
méditation iur leur impuiiîance, ^ ff
d'une tendrecompaflionpourlePoiléde,
paroît fur fon vifage. Le Difciple de-
bout , au-deflus de celui qui tient une
main apuïée fur le côté & de l'autre
montre le Malade à celui qui eft à côte
de lui, paroît conter l'Evénement à ce
dernier, qui femble ne faire que d'arriver-
auffi ne montre- t-il fur fon vifage & dans
fon Aéiion qu'une curiofité vaine, fa°s
. être beaucoup touché de l'état du P01'
fédé : c'eil à celui-ci qu'on pouroit, a
jufte titre, atribuer le Perlonnage oe
Judas, à qui convient le Caractère
d'un cœur inieniible & de manque da-
mour. Enfin , on remarque générale'
ment, dans tous les Difciples , l'éfet
ce que leur Divin Maître leur re-
proche après, dans la réponfe qu'il/al£
à leur demande , pourquoi ils n'avoien
pu guérir ce PolTédé ; en leur disant:,
que c'elt à caufe de leur Incrédulité- 11
n'en elt pas d'eux ici, comme après a
Defcente du S. Efprit, ou lorfqu'à Jâ
Porte du Temple nommée la Belle,
S. Pierre, acompagné de S.
jette la vue fur le Boiteux, & lui dlU
Regardes-nous.
Toute la multitude,compofée d'Ho®*
mes & de Femmes , qui amenen^
15ï Desseins'3 en Italie.
k Malade, eft parfaitement bien reprefen- 5 àokl/
tée : ils femblent tous, par leurs dife'rentes
Actions, s'écrier d'une voix unanime:
Amis , nous vous prions -, aïez pitié de
cette pauvre Créature ! Voïez combien
*l foufre ; ak Nom de Dieu , fi vous Le
Pouvez , foulage z-le. Quelle Agonie,
Quelle Douleur , quelles Contorfions ne
^oit-on pas exprimées dans ce pauvre
infant ! Quel cœur humain n'en feroit
touché au vif! La circonftânce du Père
Sui amène fon Fils , comme le dit l'E-
criture , y eft aufti obfervée ; mais je
demande pardon au grand Raphaël
de ce que j'ofe ici faire une critique, &
qui eit aufti l'unique dont je me fens ca-
pable fur cet Evénement, raporté d'une
Manière fi fublime par fon illuftre pin-
ceau. H me paroît, que le Père qui tient
'e Poffédé , & la Femme qui eit tout
Proche f que l'on pouroit fort bien pren-
dre pour fa Mère , quoique l'Ecriture
^'en dife rien ) devroient plus s'éforcet
^ tenir ferme les bras & les mains du
"oflédé ; car, fans cela, & de la maniè-
re que font placés cet Homme & là
^emme,iis font expofés à recevoir quel-
que mauvais coup de la part du Malade;
Puisqu'il eft travaillé & agité d'une façoii
Jrrible par tout le corps : il a les bras
& les mains libres , & il ne fait ce qu'il
*ait. Enfin j le tout eft exprimé par des
Tome III. Rr Airs,
6z6 des Statues, Tableaux,
4 Rome. Airs, & par des Aétions fi convenables
& fi intelligibles, que l'on comprend d a-
bord, fans équivoque, ce que le Peintre
a voulu dire. Qu'il a conté favamment
fon Hiftoire ! Combien a-t-il ménage
prudemment ce qu'il y joint de fonpr0'
pre fonds! Cela paroît fi naturel & 11
vrai-fembiable, qu'on diroit que ce fent
des circonfiances que les Evangéltff
ont retranchées exprès, pour éviter la
prolixité dans leur Défcription. En^n »
combien de beautés n'a-t-il pas expr1'
mées,qu'il eft impofiible aux paroles de
décrire ! Combien ne relève-t-il pas leS
Idées , fur celles que l'Ecriture mê^e
pouroit faire naître, dans la plupart de»
Hommes ; du moins il faudroit que c'e
fût un Génie égal à celui de Rapha®d!
pour en être fufceptible, dans un degre
fi fublime.
Mon Père a deux Defiein s, qoif°n
les premières Penfées de pîufieurs Hgu~
qui fe trouvent dans la partie inférieure
de cette Pièce ; mais tous deux difére0/
l'un de l'autre, & auffi réellement due-
rens du Tableau ; ce qui fe fait fentU
fur-tout dans une Figure excellente qu °a
voit toute entière dans le Defiein , au-
lieu que dans le Tableau , on ne la
qu'en partie; je veux dire, celle quiel
directement au-defius du Difciple (p
tient le Livre. Cette Figure en Ded^
fefc Desseins, en Italie. s9s
eft, peut-être , une des meilleures queàRoMB«
H a p h a e l ait jamais faites : peut-être
ï&ême que , tout merveilleux qu'eft ce
tableau , il feroit à fouhaiter que Ra-
phaël y eût pu trouver place pour une
feule Figure entière d'un Apôtre debout;
Je croi même qu'on en conviendra , fi
l'on examine la Pièce , dans cette vue»
Au-relie, il eft fûr, qu'il en a eu la pen-
sée , comme on le peut prouver par le
^effein i mais il n'eft pas moins certain,
Sue ce Maître, à tout confidérer ,a fait
Pour le mieux,lorfqu'on réfléchit fur le
Profond favoir de ce grand Homme.
Mais il y a, en Hollande, un Deflein
beaucoup plus confidérable que ies deux,
dont je viens de parler : c'eft celui des
deux plus excellentes Têtes de ce fa-
meux Tableau, avec les Mains; je veux
dire,celle du jeune Difciple qui lève les
^ains fur fa poitrine , & celle du vieux
Sui eft à fon côté, & qui font placés an
^ilieu de la partie inférieure du Tableau,
^es Mains qui font couvertes en partie
dans le Tableau , par la Draperie , font
eUtièrement découvertes dans cet admi-
rable Deftèin. 11 eft impoflible de voir
plus grand goût: les Têtes font aufli
Sondes que le naturel, elles font deflï-
Jées en pierre noire, très-finies, & par-
lement bien confervées. En un mot,
S eft le Deflein le plus capital, même de
Rr ^ u
<5z8 des Statues, tablfcat'xj
I si. o m e. [a Colledion belle & bien choifie, dont
il fait partie , & qui apartient à Mon-
fieur ten Kate, très- célèbre Con-
noifïeur d' Amfter'dam.
Ce que je viens de dire de quelques"
uns des Deffeins que Raphaël a fairs
pour ce Tableau , me donne ocafion de
citer un Paffage curieux d'un Auteur
Italien , qui a vécu peu après ce grand
Homme, & qui nous a apris, commet
il s'y prenoit, pour inventer & f®reJeI
Etudes de fes Compofitions. £'e.
Jean-Batiste Armenini dont Je
parle, & qui a fait, fur la Peinture, un
Traité qui fut imprimé à RavenMi
l'An 1587. Voici le Paffage , qui
trouve à la Page 75-. Tiicefi poi che
faëlle teneva un Stile affai facile ,percl0~
che difpiegava molti difegni di fua
di quelli che li pareva che foffero P'j'
pprojfimani à quella materia , délia
egli già gran parte navea concetta
Idea , e hor ne II uno , h or ne II
guardando , e tuttavia velocemente dcf"
gnando , cofi veniva à formar tuttâ 1
fua Inventione, il che pareva chenafte.vJ
fer effer la mente fer tal maniera aPlta'
ta e fatta ricca per la moltituâine
quelli• C'efl-à-dire : On raporte, fl\
Raphaël avoit une métode fort facile j
il mettoit devant lui plufieurs <Defemsiie
fa main » qui lui paroifoient <*PrfiC"eÇiuf
fefc Desseins, en Italie. s9s
f ins du Sujet dont il avait déjà une gran- *
de partie dans l'Idée : il jettoit la -vue
tantôt fur l'un, & tantôt fur lautre, en
deffinant toujours avec rapidité. C'eft
avec ce fecours , qu'il venoit à bout de
former fon Invention , qui fembloit naî-
tre■ , pour ainfi dire■, de fon efprit enri-
chi du grand nombre de ces Dejfeins. Je
conviens, que d'autres Maîtres ont, peut-
etre, fait de-même ; mais cela fait voir,
^Ue ce fublime Génie n'étoit pas moins
diligent, apiiqué , & laborieux, que qui
que ce fût ; que l'on ne doit pas s'éton-
ner de voir, qu'il nous refle encore quan-
tité de Defteins de fa main; &que, loin
de fe défier prefque, comme font quel-
ques-uns , même des Defleins, où l'on
r.e§onnoît cette Excellence non-pareille,
Sui ne fauroit partir que decette Main?
Angélique,on a lieu d'être furpris de ce
Su'il nous en refte fi peu , eu égard au
^ombre prefque infini de ceux qu'il a
î c s. C'eft de quoi l'on fera bien con-
Vaincu ,. fi l'on réfléchit fur le nombre
confidérable d'Eftampesqu'ona L&çs fur
*es Compositionsqui montent, à ce
S u'on prétend , à plus de fix-cens,, &
la quantité prodigieufe de Vafes &
de Plats qu'on voit à Lorette, .& Pa.r"
tout, entre les mains des Curieux, faits,
les Defteins de ce Génie infatigable.,,
M r c h e l-A n g e avoit donc raifon d'a-
il r 3 tances-
6oo des Statues, Table aux,
vancer, comme fon Difciple Ascagne
Condivi affure de lui avoir ouï dire,
que Raphaël ne devoitpas moins
excellence à fon Etude infatigable, qu a
la Nature:
— .— Labor improbus omnia vincit'
Il nous refte aujourd'hui allez de pre"'
ves de cette diligence, & de cette
lité de Raphaël,dont parle
ni ni , par les Deffeins que nous avons
de fa main ; mais il y a encore des Çj
xemples du foin tout particulier qu'11
prenoit à l'égard de fes Airs de Têtes»
dont cet Auteur ne fait point mentit-
Il les dellinoit encore en grand & eîl
forme d'Efquiffe , pour trouver & ex-
primer le véritable Caradère de chaqu<;
Perfonnage; & après avoir ainfi exprime
à-peu-près fon Idée , il piquoit d'une e-
guille le trait du Contour choifi , & le
ponçoit avec de la pouffière de pierre
noire ?j fur un autre Papier ou Carton »
qui , v/étant point embaraffé des traits
fuperflus & rejettés, il y finifioit
Morceau très-exadement , aïant alors
devant les yeux, félon toutes les apa-
rences, la grande Efquiffe dont je viens
de parler, avec l'Antique & le Naturel,
pour enrichir fon Imagination ; '& de
cette manière il conduifoit fa dermfe
Etude,
-ocr page 732-fefc Desseins, en Italie. s9s
Etude, ou fon dernier Carton, à toute 1 rome*
la perfeflion poffible. On aperçoit clai-
rement cette manière d'étudier, dans
Une excellente Efquifle de cette nature,
& de grandeur naturelle , de la Tête &
d'une Main du T)io Tadre, qu'il a peint
dans fon Tableau de la Théologie au Va-
tican. Ce Morceau fe trouve dans la
"elle Colleftion de Monfieur t e n K a t e.
On voit , fur ce Deflein, divers traits,
dont les principaux joints au Clair-
Obfcur , ont produit le très-fublime &
vénérable Caradère qu'on remarque en
cette Tête: on diflingue les traits choi-
sis du Maître , par plufieurs piquures
faites près-à-près, avec la pointe d'une
éguille , dans l'intention de les poncer
& de les tranfporter fur un autre Papier,
ou Carton. Et l'on aperçoit clairement
l'éfet de cette métode de poncer , dans
Carton fini des deux Têtes d'Apotres,
fait pour le Tableau de la Transfiguration,
Rui fe trouve auffi dans la Colledion de
Monfieur ten Kate, & dont j'ai parié
ci-devant , à l'ocafion de ce Tableau ;
car on voit encore, dans ce Carton, les
Points de ponçure. On les voit aufli
dans trois Têtes , faites pour le même
Tableau, dans la même Manière, & au
^ême tems , & qui fe trouvent dans la
«magnifique Colledion de Monfeigneur le
^Uc de Devonshire.
Rr 4 Sur
-ocr page 733-6oo des Statues, Table aux,
i Mil J, . _ •
à iir le premier Autel, a main droite.
La Flagellation de Notre Seigneur
^wpar Frère S e'b a s x i e n d e l P x o m b o ?
Vénitien. Ce Sebastien a voulu s'é-
riger en Concurrent de Raphaël;^
V a sari (*) afiure,qu'on l'a fort eft»-
mé, à caufe de la beauté de fon Coloris».
& d'une certaine Grâce qu'il poifédoit»
quoiqu'il, manquât du côté du Defleinr,
Il dit aufli, que Michel Ange, 9ui
étoit grand Compétiteur de Raphae^
en ce tems-là , ne vouloit pas laifler e-,
chaper une telle ocafion, dans la penfée.
q ue, s'il aidoft Sebastien pour le De»'
fein , il pouroit éblouir les admirateur
de la Grâce de Raphaël, & qu'^A
partageant cette réputation entre etâ
deux 3 il pouroit enfin refter feul. M»:
chel-Ançe s'afibcia donc avec lul
dans cette concurrence , & il l'aida de
pîufieurs Defleins qu'il fit pour lui.
croît même , qu'il corrigeoit fes
bleaux , en. faifant les. Contours à fa
nière. 11 fit, félon le même Vas a r»?
un petit Defiein pour le Christ, q0'
fer vit de Modèle à Sebastien, P°m
le peindre en grand, dans cette Pièce-
Mais le Tableau ne peut aucunement
entrer en parallèle avec ceux de Rapha^ j
(V Part. HI. Vol. I, pagt 341.
-ocr page 734-et Desseins* en Italie. 6zi
U eft vrai, qu il a beaucoup foufert, foit j rom»
par le tems 3 ou par d'autres accidens ;
mais ce qui en refte prouve évidemment^
que Raphaël étoit fort au-deffus de
cette Afîociation. Mais, s'ils n'ont pas
réiifli, on peut dire pourtant, que la feu-
le concurrence a fait honneur à l'un &
à l'autre ; puifque Raphaël étoitd'un
Caraftère, qu'iï était plus glorieux de
combatre avec lui , que de n'avoir point*
d'adverfaire du-tout, comme parle Ci-
Ceron, dans une pareille ocaiion (*);
au-refte , mon Père a ce petit DelTein
de Michel-An g e, pour le Christ,
à la plume , qui eft merveilleux , & un
grand de Sebastien. Ce font, félon
toutes les aparences, ceux dont Vasa^
parle ,& que feu Mylord S o mer s
açorda à mon Père,parce qu'il avoit un
JPelTein très-fini de Se'bastien, pour
le Tableau entier.
autrefois Mazarine.
Dans le portique.
& Aurore du Guide, peinte fur le 1= cmv,
Plat-fond , qui fe trouvant allez élevé,
Ri s 'es
(*) C'eft au commencement du Bkui»s, où il dé-
Ï)W la mort d'H ou t e n s i u s , qui av°ït é'é fon
V.?mpétiteur: cum quô, dit-il, certare enH^orioJiuf
adverfarïum non hahiri.
6oo des Statues, Table aux,
aK.oM1.:Ies Figures en font plus grandes que le
naturel. Comme le Sujet en eft enjoué,
ce Peintre aimable étoit l'homme le plus
propre à le bien exécuter, comme il 'â
fait éfeéfivement. Il eft également beau
& plein de grâce , & fes Airs de Têtes
font exquis (*).
On peut divifer le Matin en trois par-
ties , qui font le Point du jour , le tems
où le Ciel commence à fe couvrir des
rayons du Soleil, qui eft encore fous
l'horizon, & tout celui qui vient depuis
le Lever du Soleil jufqu'à Midi.
On a, en François, de même qu'en
Italien , trois termes qui défignent ces
trois parties du Matin,& qui font XAw
le , l'Aurore , & le Matin. Elles font
toutes trois exprimées dans ce Tableau-'
Y Aube, par Cupidon qui porte une Tor-
che , qui reprefente l'Etoile du Matin»
fort brillante au point du jour Aurore,
par la Figure d'une jeune Femme dans
les Nues,dont la Tête paroît fortird'un
voile, elle eft habillée de blanc &
jaune, & répand des fleurs ; & enfin» Ie
Matin , par x^Apollon dans fon Char,
tiré par des Chevaux fougueux & éga-
rés, & qui chaftent les Nuages devanf
eux, pour fubftituer une Lueur éblouïl-
fante en leur place; & pour exprimer ja
1 L'Eflampe en eft gravée par J. Fuer, & aufl?
par Auden a au t.
fefc Desseins, en Italie. s9s
joie & Palégreffe d'un tems fi agréable, 1 Romtj
les Jours delà Semaine s'avancent avec
Un air riant , & fe tiennent tous par ]a
main en danfant autour du Char. Ce
font des Figures femblables à des Nim-
phes, qui font une bonne partie de la
beauté de ce charmant & délicieux Ta-
bleau.
La manière d'exprimer toutes ces
trois parties du Matin elt tirée des Mo-
numens antiques, comme cela fe voit
par quantité de Bas-reliefs, de Médailles,
& de Pierres gravées. Mais, je n'ai en-
core rien vu de tout cela qui aprochât
de la Manière magnifique & en même
tems agréable dont s'eltfervile Guide.
Au refte, ce Maître a pris les deux prin-
cipales Figures de celles qui reprefentent
les Jours, & qui de toutes font auffi les
plus proches de l'œil , d'un Relief anti-
que de Danfeufes , dans la Vigne Bor-
gheje (1) , & qui eft un des plus beaux
Morceaux qui nous foient reftés. Celle
qui eft drapée de vert, & qu'on voit en
face eft tranfportée fur le Tableau, avec
peu de changement, & celle qui eft en
oleu, & qui tourne le dos, fans prefque
aucune diférence, fi ce n'eft: que la Fi-
gure eft tournée ; mais je fuis perfuadé,
1 On en voit les Eftampes dans Pbr&xer, Bajj
Z'Jitfs Antiques, Tab, 19,10.
$36 pes Statues, Tableaux*
• que ceux qui les voudront comparer *
trouveront avec moi , que les change-
mens que le Guide a faits ne leur font
point avantageux ; fur-tout la Jambe
droite de celle qui elt en vert elt à àé-
couvert & paroît un peu roide & mal
atachée, & ]çs deux bouts de la Drape-
rie qui font à chaque côté de la Jambe
droite de celle qui elt en bleu fereHem-
blent trop, & font fans aucune Invention
& très-pefantes : outre que le Corps de
la première ne fe montre pas trop bien
fous les Habits, ce qu'il fait à merveille,
dans la Figure antique. Ainfi, onpouroit
s'imaginer ce Tableau encore plus excel-
lent qu'il n'elt, en y fubliituam prefque
toutes les Figures du Relief ; & encore
plus, li l'on fupofé la Figure qui elt entre
çes deux un peu plus claire, pour s'unir
mieux avec la verte: il y a aparence, que
la Couleur de fa Draperie aura été un peu
changée.
Je ne dou£e pas que ce né foient leS
jours de la Semaine,& non paslesHeU"'
res,comme on les.apèle ordinairement?
non-feulement à caufe de leur nombre»
mais aulli parce qu'ils font fort bien
dans leur place , le Guide voulant di-
re, d'une manièreVo'ètiajie.SiTittoref-
queque c'elt-là le tems'le plus riant &
îe plus joïeux du Jour.
Combien y a-t-il de belles Pièces de.
-ocr page 738-fefc Desseins, en Italie. s9s
Peinture & de Poëfie , dont nous fom-*
înes redevables a cette Invention deper-
fonifier les chofes ! La Défcription , ou
la Reprefentation des Formes, des Ha-
bits, des Armes,de ces Ltres d'Ima-
gination, leurs Difcours & leurs Aétions
difent autant, & plus j qu'une fimple Nar„
ration; mais d'une manière extrêmement
divertiilante. Dans ia Peinture & dans
la Sculpture , ces Figures expriment à
d'une manière qui enchante, des chofes
Sue ces Arts ne fauroient exprimer au-
trement. On ne fauroit croire combien
les Anciens, & fur-tout les Grecs, ai-
moient à peindre tousà les Poètes auffi-
bien que les Peintres, qui animent &
font agir toutes chofes,en leuratribuant
des Perfonnes. Ils ont eu cela de com-
mun avec les Egïpïens leurs Maîtres s
qui les ont imbus de cet efprit Hïéro~
glifique. On en trouve un nombre in-
fini d'exemples, parmi les Modernes *
^uffi-bien que parmi les Anciens; & une
Colleéïion de quelques Pièces de cette
nature j avec des Réflexions conve-
nables, pouroit être^un Ouvrage utiles
Je ne faurois m'empêeher d'en donner
deux ou trois preuves. Je cite la pre-
mière, non-feulement parce qu'elle me
Paroît très-belle, mais auffi parce quel-
(f fera nouvelle à prefque tout le mon-
6oo des Statues, Table aux,
à rom«. Il y a, dans un Poëme peu connu (*)»
une image auiii beile qu'aucune dont je
puiffe me fouvenir de cette efpèce. Ce
qui en fait le Sujet, c'eft l'Expédition
pour la Découverte àes Indes Occidenta-
les. Or il y a un Promontoire fort con-
nu des; Portugais qui voïagent fur ces
Mers,' & qui leur eit très-dangereux, à
caufe des orages & des brouillards qu'il?
y rencontrent toujours. Voilà ce qui
eft la Vérité fimple, que le Poète »
trouvée, mais qu'il a embellie, en ani-
mant ce Promontoire ; & cela, d'une ma-
nière fi jufte,qu'il ne perd point de vue
la Vrai-femblance Poetique , malgré le
Merveilleux. Au commencement ce n 'eft
qu'un Nuage noir & extrêmement grand»
qui paroît au-deffus de leur tête; & qui
oblcurcit toute la Mer à l'entour,& en
même tems une Tempête afreufe leur
glace les efprits de terreur. Voilà dé-
jà un bon fondement pour tout ce qu'ils
peuvent voir & entendre. D'abord a-
près paroît le Promontoire, fous une for-
me humaine fans bornes & peu diftinfle»
le Vifage envelopé dans une Nuée, à
travers laquelle on voit des yeux enfon-
cés, une bouche noire, un double rang
de dents , une barbe découlante, des
cheveux rudes, frifés, & falis de boue
i*) Zujiadt dç ÇAMojKs,cr. Pertjtgù. Cant.V. St-37*
-ocr page 740-fefc Desseins, en Italie. s9s
& d'argile , & un teint de couleur
terre. Ce Fantôme leur anonce, avec
Un air menaçant , & une voix enrouée,
& comme fortant d'un abime , ies mai-
heurs qui doivent arriver aux Flottes qui
feront voile de ces côtés-là à l'avenir.
Raphaël, pour dire qu'on a fentî,
dans un tel & tel tems, un Tremblement
de terre , a peint une Figure gigantef-
que, qui , par fon gefte , paroît foule-
Ver la Terre,avec un regard & uneatti-
tude terrible : elle fe trouve parmi les
Frifes qui font peintes en Clair-Obfcur
au-deffous des grands Tableaux du Va-
tican C)- C'eft à Raphaël, comme
il paroît,à enchérir fur les Anciens;car
je croi, qu'il n'y a aucun exemple où ils
aient fait la Reprefentation de cette Ca-
lamité. Ils en ont pourtant eu de fré-
quentes ocafions; mais particulièrement
dans le fameux Monument qu'on trouvâ
à Tuzzoli, l'An 1693. fait à l'honneur
de l'Empereur Tibere , parce qu'il
avoit rétabli les douze Villes d"Afa,
qu'un Tremblement de terre avoit ren-
Verfées. On n'y voit que les douze Vil-
les, en Femmes debout avec leurs noms
deifus, fans aucune Invention. C'eft le
Oîêmb de la Médaille qui fut frapée à
cet-
VoïezI'Eftampe de P. s. Baktoiï , U»ni X.
*'lrtHt(i «x Fimbrih 4M«tm»t &c. N?. 3«
hhhifi . . ,
des Statues, Tableaux*
i a. cette ocafion , avec cette Infcription :
Civitatibus Afiœ rejtitutis. On n'y voie
qu'une Figure allife , qui elt commune
dans mille Médailles, au-lieu que cette
même Figure de Raphaël (caralfu-
irément il elt impoffible de s'en imaginer
une plus belle) auroit fait un éfet fur-
prenant: l'Image même d'un Géant qui
ébranle la Terre, en ces fortes de rencon-
tres , elt félon leur Mythologie.
Pour exprimer la Pluie qui tomba, à
la prière de la Légion Méliténienne, ou
Fulminante , comme difoient les 'Chré-
tiens (parce qu'on allure que cette Lé-
gion étoit compofée de Fidèles ), ou fé-
lon les Taiens , à celle d'ANUPHiS»
Prêtre Egiptien , les Sculpteurs de la
Colonne d Antonin, ou plutôt de Marc
Aurèle , ont fait Jupiter pluvieux en
demi-Figure , de face , avec les bras é-
tendus, & l'eau qui en découle de tou-
tes parts (*).
Mais, de toutes les Images de la Divi-
nité, il n'y en peut avoir une plus noble
que celle qui fe trouve au TfeaumeW^x\
8 — 18. où il elt dit, entre autres chofes-'
Jl étoit guindé fur les ailes du Vent. Ie
m'étonne, que les Peintres ne s'en foient
pas fervis : car elle elt plus belle quê^
piter fur fon Aigle,qu'un Vieillard dans
le£
i*) Voïez ÇoJwna Antmnma, Tab.*?;
-ocr page 742-fefc Desseins, en Italie. s9s
fes Nues, fuporté par de petits Anges **
ou que quelque autre que je me lou-
^ienne d'avoir vu^en fait de Peinture ou
de Sculpture. Mais je m'aperçois, que
j'ai fait une efpèce de digreffion.
& Eglife de S. André de la Vdle.
■ Cette Eglife efl fuperbe & fort claire:
fe grande Couple eft peinte par Lan-
pRanc (*), & dans les quatre Angles,
aU-deflôus de cette Coupole, on voiries
quatre Evangelïftes peints parle D o m i- D'miniimK*
^ 1 q_u i n (f): mon Père a un Deffein
eXcellent du S. Marc. La Tribune
°u demi-Coupole eft auffi peinte par le
Î)ominiquin: les Ornemens paroif-ie>
f^nt à la première vue , d'abord en en-
fant dans l'Eglife ; & comme ces Cu-
bages font fort éelatans , par leur Air
gai, ils frapent d'abord & donnent
^n plaifir infini , par la feule beauté
^es Couleurs. Ces deux Maîtres ont
^it voir ici de quoi ils étoient capables;
mais Lanfranc fur-tout s'eft diffin»
gué dans ce genre de Peinture , qui eft
*e Frefque , par une fupériorité très-
confidérable. 11 eft certain, que jamais
Perfonne ne l'a porté à un plus haut de-
Tome III Sf gré
.(*) Les Eftampes en font gravées par Cario Cesio,}
1 U) Les Eftampes en font gravées par P ?n%
4*4 des Statues, Tableaux,1
*rome. gré de perfection : il eft fort & beau;
& pour le faire paroître tel auxyeux des
Spectateurs depuis en-bas, c'eft une cho-
fe Surprenante de voir avec combien
d'art il l'a fait groffier , dur, rude, &
même defagréable, à le voir depuis l'en-
droit où ce Maître étoit, lorsqu'il
peint ; aufli doit-on favoir, que les Figa"
res principales ont environ trente pal-
mes de hauteur: enfin, on ne faitqu'en
faire , fi ce n'eft dans la jufte diftance
d'où le Peintre favant a voulu qu'on le
vît. Je ne m'arrêterai point à faire une
Défcription particulière de ces Ouvra-
ges, parce qu'on la trouve dans les Vie3
de ces Maîtres, par Hellorc,
on en a auffi les Eiîarr.pes
La Coupole de 'Parme , faite par Je
Corre'ge eft excellemment belle,paf
raport à l'Invention , à la Peinture , &
au Coloris,à l'Envifager comme un Ta-
bleau ordinaire , & non comme une
Coupole , qu'on ne peut voir que
loin ; car véritablement elle ne fait paS
un fort grand éfet d'en-bas: de manière
qu'en entrant dans l'Eglife, fi l'on n'étoit
pas prévenu de la chofe, on pouroit en
reftortir fans y faire atention. Celle de
Lanfranc, au-contraire , a un éclat
fi fort & fi furprenant, qu'on ne fauroit
t s'empêcher d'en être frapé & d'y jette'
la vue ; & elle eft, fans contredit, ^
fet Desseins* en Italie. 643
Première Coupole du Monde, & la plus a Roki»
grande Manière de peindre à Prefque,
Pour être vue de loin ; comme celle de
fe Galerie d t Farnefe, peinte par An-
^ibal Carache, eft la plus parfait©
pour être vue de près.
Sur le Mont Cœlius.
Pour aller à cette Eglife, il fautpaflef
Par un chemin dificile & peu fréquenté»
on la trouve déferte & mal entretenue,.
On voit, aux deux côtés, les Tableaux
du Guide & de Dominiqjjin, aux~
Suels ils travailloient en même tems, &,
Par conféquent, en concurrence, lis
*Qnt tous deux fouillés & gâtés , fur-tout
Par la pluie qui découle du Plat-fond,
l^e Sujet de celui du G u i d e eft S. An-le
dré qui fe jette à genoux, à la vue de la
CVoix qui doit être ' l'infiniment de fon
M art ire. Le Sujet de l'autre eft la
flagellation de ce Saint, On a de l'un ie nmkft
& de l'autre des Eftampes (*_), par-où
j on peut, en quelque façon * juger de
mérite.
Dominiquîn avoit, à certains é-
l&rds, du defavantage dans fa concur-
Sf % rence:
s C*) Celui du Guide eft gravé par G. AbbéanJ
Ç la Nagtlktim de Domiki i n , p« & M è R A jrt,
644 des Statues, Tableaux,
s Roms, rence . -j ^^ a]ors ^ vingt-fepC
ans, ou environ ; au-lieu que le G uip e
en avoit plus de quarante : & ce qu'il y
avoit de plus, c'eft que le premier étoit
un homme doux , dévot , & modefie,
&, par conféquent, fort fujet à fe
laiffer oprimer par fon Compétiteur, 9ul
étoit d'un tempérament plus propre à
fe produire dans le Monde. D'ailleurs»
D o m i n i qjj i n é toit perfécuté par LaN-
franc , ennemi encore plus redoutaijie
que le Guide : il eft vrai, qu'il étoit
d'un même âge , mais il étoit en même
tems d'un tel caraftère d'efprit, que cet
homme humble & pacifique ne pouvoir
fe compromettre avec lui en aucune fa-
çon.
Mais , d'un autre côté , il avoit cet
avantage , que fon Sujet étoit plus pro-
pre à exciter les pallions, fur-tout de
Populace , qui en devoit être le juge-
Je ne déciderai point ici lequel des deux
l'emportoit fur l'autre , en fait de Pein-
ture: le Guide étoit meilleur Peintre
à certains égards , & à d'autres c'étoit
le D o m i n i qu i n : ils avoient tous deux
d'excellentes qualités; tous deux étoient
eftimables. Cependant, il eft certain,
que dans le cas prefent, on donnoit gé-
néralement la préférence au Guide»
de forte que Dominiquin, defefpé-
rant d'avoir de l'emploi à Rome, réfaJut
fefc Desseins, en Italie. s9s
de tenter la fortune ailleurs. Mais il ena
diféra l'exécution, fur ce qu'il entreprit
la Communion de S. Jérôme , dans l'E-
glife de S.Jérôme de la Charité, par
l'entremife d'un Prêtre de fa connoiffan-
ce ; Ouvrage qui le mit en réputation,
& qui certainement elt un Morceau ad-
mirable. J'en ai déjà parlé en fon lieu.
Quoiqu'il en foit, Annibal Cara-
c h e fe déclara en fa faveur :
Vïffrix Caufa Diisplaçait, fed viBa Ca-
toni.
Mais, quelque excellent juge qu'il fût,
il a avoué qu'une vieille Femme lui avoit
apris à bien juger dans ce cas-là ; en ce
Sue regardant la Flagellation, elle la mon-
tra à fon Enfant, qui la vid avec beau-
coup d'émotion ; au-lieu qu'aïant jetté
la vue fur le Tableau du Gdide ; elle
s'en alla fans en être touchée (*).
Algardi, au-contraire , (f) pré-
fère la Figure principale avec le Payfage
du Guide, au Tableau entier de D o-
^iniquin, & nie abfoîument l'Hif-
toire de la vieille Femme, fans en don-
ner aucune raifon : mais il dit, qu'il a
Sf 3 été
(*) Voïez Bellori , dans la Vie de Domini»
pag. 303.
(t) Voïez Felpna Vittrite , part. IV. pag. 3i8« ««1$
ne Lettre écrite au Comte M ai y as î a.
4*4 des Statues, Tableaux,1
été pîufieurs fois aux Fêtes, dans cette
Eglife, & qu'il a feulement vu des Fem-
mes qui échoient de faire taire leurs En-
fans pétulans,par l'exemple qu'elles leur
faifoient voir , dans le Tableau de Do-
mini qju i n ; & dans celui du Guipe*
d'un jeune Garçon qui ne crioit pas com-
me eux.
Si Annibal Carache entendoit
feulement, que le Tableau qui touchoit
le plus les pallions étoit le meilleur, &
que le Sens Commun en pouvoir juger
pertinemment,il efl certain qu'il n'avoit
par tort. C'eft ainfi qu'une vieille Fem-
me, ou la Populace pouroit nous apren-
dre -à décider du mérite de deux Ta-
bleaux du même Sujet. Mais, il n'e#
pas moins véritable,que dans le'casdont
il s'agit, il ne devoit pas s'en raporter
abfolument au jugement de cette vief'e
Femme, qu'on pouroit facilement fup°"
fer être plus touchée de la Flagellation
du Saint, que de fes tendres Expreftions
de réfignarion à la Volonté Divine. 1]
y a plus d'aparencequ'elle doit s'apliqner
à elle-même la première , que d'être
touchée de l'autre au vif: elle pouroit
fentir fur fon dos les coups de fouets
plutôt que dans fon cœur la piété & ^
réfignation , qui eft répandue fur cette
vénérable Tête,comme on le remarque
dans lç Tableau , & dans un magnifique
fefc Desseins, en Italie. s9s
Deflein que mon Père en a de la même a home;
grandeur, fait par le Guide.
11 efl; vrai, qu'Algardi ne s'en fie
pas à un autre ; mais il voudroit qu'on
s'en raportât à ce qu'il avance ; car il
donne une décifion pofitive, fansaléguer
aucune raifon, pour apuïer fon fentiment;
& il elt certain,qu'il bâtit fur un fonde-
ment faux,puifqu'ii ne fait aucune aten-
tion à la circonitance la plus confidéra-
ble de la queftion. Il ne regarde pas la
Manière de penfer, mais feulement la
Manière d'Exécution, Le Deflein, le
Coloris, & le Pinceau, font à la vérité
des Parties de la Peinture très-confidé-
rables, mais elles ne font pas à compa-
rer , en dignité, à la Penfée & à l'Expref-
fion. Dans ces dernières, les traits du
Peintre frapent au cœur & à l'efprit,
au-lieu que les premières s'adreflènt prin-
cipalement à l'œil. Juger ainfi d'un Ta-
bleau, c'elt comme fi l'on jugeoit d'une
Pièce de Mufique , Amplement par les
fons, fans conlidérer quelle paflion, ou
quel fentiment ils doivent exprimer, ou
exciter.
Pour ce qui regarde la Difpute parti-
culière , touchant ces deux Tableaux,
comme il y a déjà long-tems qu'elle eft
afloupie, je n'ai pas envie de la réveiller,
Mais, fans vouloir décider, par ce que
je vais dire à l'avantage de Domini-
Sf 4 QJUin,
6des Statues, Tableaux»
quin, je ne doute point quelaDécifiorç
générale de ce tems-là , en faveur du
Guide, n'ait été, en partie, plutôt
l'éfet de quelques confidérations qui ne
faifoient abfolument rien au Sujet, que
d'aucun raifonnement bien fondé, com-
me, en pareille ocafion, cela arrive
fouvent qu'on ne penferoit d'abord. Ç *
été principalement les Manières de Couf
qu'avoit ce grand Peintre , & fon tem-
pérament ambitieux, opofé à la dou-
ceur, & à la modeltie de Domi^1'
qjuin. Lorfque ces deux diférentes
qualités fe trouvent en concurrence, &
les autres circonftances égales, il eft (ar
çile de déviner laquelle l'emportera lut
l'autre. Mais, ce qu'il y a encore àÇ
pire, c'eft que fouvent la première acâ"
ble l'autre, lors même qu'elle a la fupé*
porité , par raport à la queftion princi-
pale. 11 eft vrai qu'ordinairement la Pos-
térité rend juftice au mérite, & que«
par une réputation qu'elle lui donne»
mais qui vient trop tard, pour être fo[l
ellimable, elle lui fait réparation , d?
l'injure qu'on lui a faite. Dominiq.01^
s'eft trouvé dans le cas ; & il femble
qu'il en a été convaincu, à en juger p2*1"
un bon mot qu'il dit un jour à Lan-
franc, qui avoit critiqué à loiiir un
de fes Ouvrages qui n'étoit pas encore
fini, Çelut-çi, après quantité de de-
fefc Desseins, en Italie. s9s
fauts qu'il s'avifa d'y trouver, & que*keM*£
Dom-iniqjjin entendit critiquer, tou-
jours avec beaucoup de patience , & de
fourniffion,dit enfin,qu'un tel Membre
étoit trop court : ce Maître ingénieux,
mais oprimé , répondit tranquilement:
il fera ajfez long dans quelques années
d'ici.
Je n'ai raporté cette Hiftoire, & les
Remarques que j'y ai faites , que pour
faire voir , par des exemples , les difé-
rentes manières abfurdes de juger, Je
peu d'ufage qu'on fait de la Raifon, l'a-
bus des bons Principes, & le peu de cas
qu'on en fait, pour fe fonder fur d'au-
tres bien moins confidérables, ou en-
tièrement faux ; & enfin , le tort que
l'on a de ne pas examiner toutes les
circonftances du cas, & de fe laiiïer fé-
duire, par des confidérationsquin'apaF-
tiennent point au Sujet.
C'eft-là qu'eft XAcademie Françoife,
l'une des preuves éclatantes que Louis
XIV. a laiffées en grand nombre, de
fon Efprit également noble &génereux.
Il eft permis à toutes les Nations d'y en-
trer ; mais on n'y travailloit pas dans la
Raifon que j'y fus.
II y a une circonftance qui rend cçt
-ocr page 751-6oo des Statues, Table aux,
è«.«MB,endroit prefque aufli digne d'être vu,
qu'aucun autre qui foit à Rome; je veux
dire les Jets de toutes les principales
Statues, dont on voit plufieurs de cette
manière , beaucoup mieux que par les
Statues mêmes j j'entends dé celles qui
font dans de faux jours,ou dans des pe-
inions defavantageufes. D'ailleurs, on
a, dans cet endroit, la commodité des
marches, de forte qu'on peut s'aprocher
de toutes les parties de ces cxcellens Ou-
vrages,quelque éloignés qu'ils foient de
îa vue, lorfqu'on eft à-terre:outre que,
comme elles fe trouvent toutes dans un
même lieu , on les peut voir toutes à la
fois, & les comparer les unes aux autres,
comme je l'ai fait avec beaucoup de plai-
fir.
Il faut avoir vu les Palais, & fur-tout
les Eglifes de Rome, pour en concevoir
la beauté & la magnificence. Quelle pro-
fufion d'Or, d'Argent, de Marbre,, Sfo
difpofé fi artiftement 1 II y a plufieurs
Chapelles qui paroiifent lambriflées &
pavées d'un Marbre avec des Figures &
des Couleurs furprenantes ; car il eft
ordinairement antique , & plus fin que
tout celui qu'on trouve aujourd'hui, fans
même qu'on fâche quelle Partie du Mon-
de l'a produit. On y trouve des Chan-
deliers d'une grolleur prodigieufe ; les
uns d'Or, les autres d'Argent, fuportes
fefc Desseins, en Italie. s9s
par des Anges auffi grands que le natu-à B.o«®i
rel ; des Monumens avec des Canapées
de Marbre d'une vaftehauteur , avec des
plis qui defcendent jufqu'à-terre, & qui
y tombent d'une manière agréable. En
un mot, à confidérer Rome à certains
égards,il femble que ce foit la demeure
des Maîtres du Monde , & où les plus
grands Génies ont brillé. Mais, à d'au-
tres égards, on n'y voit qu'efclavage :
on diroit que l'Art n'y a jamais été , &
qu'il n'y fera jamais.
A côté de l'Eglife Catédrale, il y a,
fur un Pilier de Grenat, une très-
belle Urne antique: elle elt de Marbre,
d'une grofîèur confidérable , & elle efl
ornée d'un beau Bas-relief de plufieurs
Figures détachées, & entre autres, de
celle qu'on apèle ordinairementTrimal-
chio, fuporté par un Faune.
On voit, à la muraille du Dôme, plu-
fieurs Infcriptions antiques,mifes négli-
gemment , comme des pierres ordinal
res, les unes fans-deflus-deflous, & les
autres de côté, &c.
En entrant dans le Dôme,on trouve,
à côté, le Cercueil de la Comtejfe Ma-tilde*
fur lequel on voit uneChaffeau Sanglier,
4'un goût délicat, comme le Tombeau
6oo des Statues, Table aux,
S?même, ce qui prouve qu'il doit être
bien plus ancien que cette fameufe Pro-
tectrice de l'Eglife.
Dans le Dôme, il y a la Ttïfpute des
HoEteurs, peinte par BenozzoGoZ'
zoli; les Vifages en font fort naturel
. & les Attitudes aifées & fansafeétation.
Mon Père a de ce Tableau plus de trente
Figures,dans trois diférens DefTeins:ce
Tableau eft pendu à un Pilaftre.
Dans 1 ç Camp o Santo , qu'on apèle
ainfi , parce qu'il eft rempli de terre
qu'on a aportée de Jérufalem, il y a des
Pièces de pîufieurs anciens Maîtres,des
Hiftoires du Vieux , & du Nouveau
Teflamenr, & d'un certain Saint de ce
Pays, en Frefque ; mais les meilleures
font de Benozzo Gozzoli. Va-
sari a fait la Défcription de ces Ta-
bleaux, & l'on en trouve des h'ftampes,
comme aufîi de l'Eglife, de la Tour
dans les Livres que les deux Frères»
Joseph & François Milani ont
publié (*) de cet endroit ; ainfi je ne
veux pas m'étendre davantage fur ce
Sujet.
11 y a environ cinquante , ou foixante
Caiffes fépulcrales antiques, remplies de
Bas-reliefs, dont quelques-uns font d'un
goût Grec excellent.
[ (*) Tkeatiuw BofUictt Pifani, Romas 1705;.
-ocr page 754-et Desseins, en Italie, 1244
sienne, àtSikHRH
LE Dôme eft bâti fur une colline:
c'eft une ancienne Eglife , égale-
ment grande & magnifique. La meil-
leure partie du Tavement eft de l'Inven-
tion de Maccarinos cependant fesjM"<£t<»'«i
Difciples y ont aufli quelque part. C'eft
un Ouvrage fort eftimé, & alfurément
il mérite de l'être. Les Contours des
Figures font taillés dans le Marbre, qui
étant blanc, & les Lignes remplies d'u-
ne Couleur obfcure, comme l'eft aufli la
Gravure, qui forme les Ombres, le tout
fait un Clair-Obfcur qui ne reflemble
pas mal à une plaque d'Argent à impri-
mer, remplie de fon encre, Si toute
prête à être mife fous la prefle. Com-
me ces Contours ont été taillés par des
Ouvriers ordinaires,ils n'ont pas la beau-
té qu'ils devroient avoir, Les Figures
font aufli grandes que le naturel ; & les
Hiftoires (ont tirées de l'Ecriture Sain-
te. Comme celle d'A b r a h a m , qui
ofre fon Fils en Sacrifice,eft la plus elti-
lîiée, c'eft par cette raifon qu'on la tient
couverte.
J'ai vu, dans une Maifon particulière
de cette Ville, dans une Rue dont j'ai
oublié le nom, les Defleins originaux de
tout le Pavement, & le Carton d'une
partie feulement,
Bac?
-ocr page 755-6des Statues, Tableau:^
asiEHN». Dans la Bibliotèque, eft peinte ïH1f*
toire du Tape Pie il. (Lne'e Sil-
v-ius Piccolomini ). Elle confifte
en dix Tableaux féparés, avec des In-
fcriptions au-deifous. Montfaucon
les a rendus publics, dans fon Itinérai-
re {*) -, & ils contiennent, félon lui*
un abrégé , également beau & exaft*
de la Vie de ce Pontife. Ce font d'ex-
cellentes Pièces de Peinture , & leur
Coloris, qui eft aufti frais, que fi elles
venoienr d'être faites, eft d'une beauté
PîntUricchto » admirable. On les atribue à PintU-
fc*4*4<.i RieCHIOj dont le nom eft peu connu*
ce qui fait qu'elles en font moins remarj
quées. Mais , comme Vasari allu-
re, que ,, les Efquiffès, & les Cartons
„ de toutes ces Hiftoires étoient de la
„ main de R a p h a e l, fon Compagnon
„ d'école, fous Pierre Peruguin»
„ que de fon tems il y en avoit un Car-
„ ton à Sienne, & que lui-même avoit
„ plufieurs de ces Efquiffes" (f) ; cet
Ouvrage eft autant de Raphaël,quoi-
que plus jeune, que la Galerie de Tft
ché, dans le petit Farnefe, ou que fa
Bible fur le Plat-fond de la Galerie ou-
verte du Vatican. Encore dit-on, q°e
ce Maître a travaillé au Tableau mêntf
1 Pag. 345=
(t) Part. II, pag. 49%
fefc Desseins, en Italie. s9s
du Confeil , qui elt le premier qu'on
trouve en entrant, à main droite.
Le Cardinal François Pigcolo^
Mini, Neveu de ce Pape, qui avoic
emploie Raphaël & Pinturic-
chïo à cet Ouvrage, y plaça auffi les
trois Grâces, qui font Antiques, & de
Marbre ; & qui, félon Vasari. paf-
foient, en ce tems-là, pour les plus ex-
cellentes Antiques alors connues. Cela
fait voir le peu d'avantage que Ra-
phaël pouvoit tirer de l'Antique,dans
fes premières années, même jusqu'à ce
qu'il arriva à Florence, où il étoit déjà
devenu un grand Homme: auffi n'a-tuï
pas vu la plupart des belles chofes que
nous admirons à-prefent; car plufieurs
des plus belles Antiques ont été déter-
rées depuis fa mort , comme on l'a re-
marqué ailleurs.
UNe belle Madonne du Fraie (c'eft
ainfi qu'on apèle ordinairement
Frà bartolomeo diS. Marco. ehe^®"1*
eft affile, & il y a deux Saints qui font
debout à fes côtés. Au pié du Trône,
y a un Ange qui joue du Violon 5
^ais il eft devenu ft noir, qu'il eft ton*
6oo des Statues, Table aux,
kimê** gâté. Vafari (*) a fait la Défcription
de ce Tableau, qui, à la vérité, elt en-
core fort beau à-prefent ; mais qui, fans
contredit, étoit d'une beauté admirable
dans le commencement: il dit qu'il elt
dans l'Eglife de S. Martin ; cela fe
peut, & je puis m'être trompé ; mais
aufli il fe pouroit, que l'erreur fût de
fon côté.
Au pié de la muraille de la Ville, il
y a, fous une maifonnette, un gros Ca-
non de Bronze, dont la Culafle elt or-
née d'une fort belle Tête, plus grande
que le naturel, & au-deffus on lit ces
timru, ui- mots: Caro lus Albert us fee.
tin. '
UAJfomption ; c'eft la Pièce du Maî-
tre-Autel, peinte par le Guide; & el-
le efl d'une Manière claire, & très-ex^
cellente.
Au côté gauche de l'Autel, une Ma-
donne dans les Nues, avec deux Saintesi
dont l'une tient un Calice, peinte par le
même Maître,
VEglh
îe Guide.
le même.
et Desseîns, en Italie, 6$f
des Dominicains.
Une Madonne de la Miféricorde, &m%i
avec plufieurs Figures: c'eft une Piècel'jmiK
très-excellente, peinte par Fra Barto-
lomeo (1).
Il y a peu de bons Tableaux dans cet-
te Ville : on a même laiffé dépérir la
plupart de ceux qui y font, par la né-
gligence, & par la cralîè ignorance des
Religieux, à qui ils apartiennent.
PARME.
DAns l'Eglife Catédrale qui eft très-*
fpacieufe, on voit la fameufe Cou-
pole , peinte par le Corre'ge. Ce
Maître y a reprefenté Y Ajfompt ion de la
Ste. Vierge, qui, dans le fond de cettele
Coupole, femble entrer au Ciel, envi-
ronnée des Anges qui viennent la rece-
voir. A envifager le transport inexpri-
mable qui règne fur le Tout, on diroit
Sue le divin génie du Corre'ge s'eft
trouvé à ce Triomfe, & qu'il a été té-
moin oculaire de l'Entrée de la Mère
ue Dieu, à la Joie célefte, & aux Ré
Tome III. Tt jo'uïf-
1 Vas a ri l'a décrite, dans la Vie de ce Fftré.
-ocr page 759-6des Statues, Tableau:^
ï p-'RMt.jouïffîinces des Anges. Il eft pourtant
arrivé, que malheureufement la Vierge
eft un peu endommagée : mais les au-
tres Figures font bien confervées, & les
Couleurs en font demeurées fort fraî-
ches. Il y a, fur la bafe de la Coupole»
des Figures d'Apôtres qui en font le
tour. Elle eft foutenue par quatre Co-
lonnes, qui s'unilfent en haut par des
Arches, que forment des angles, 011
font peints, autant que je m'en pu's
fouvenir, les quatre Evangéliftes, avec
des Anges dans les Nues. Mon Père a
le Deftein du S.Jean, l'un des quatre»
en grande Figure très-finie en pierre
rouge: aufti fe trouve-t-il dans fon Re-
cueil des Deffeins originaux de la main
de ce Maître, pour plus de la moit^»
pour ne pas dire les deux tiers de
Coupole. Il y en a deux de la Vierge
qui eft la Figure principale , dans des
Attitudes diférentes, dont lune eftcei"
le, pour laquelle il s'eft déterminé. "
y en a aufti quelques-uns des Figures
des Apôtres, qui font autour de la ba-
fe, & qui portent leurs regards vers le
haut.
Les Ornemens, qui font le tour de
la Coupole, n'ont pas été gravés : on y
voit des Anges en Clair-Obfcur, dont
deux ou trois font de la main du C o r-
re'ge, & peuvent être comparés aux
fefc Desseins, en Italie. s9s
Antiques Grèques les plus excellentes.â *ARMEi
On y a imité le Marbre, fans noirceur
dans les Ombres, avec beaucoup de dé-
-icateffe.
Les autres Anges font du Parme-1»
San; mais ils paroiflent fecs, lorsqu'on
les compare à ceux du Corre'ge.
Comme on a tiré des Eftampes de
cette Coupole ( * ), elles nous en peu-
Vent aprendre les particularités. Elle
elt remarquable, fur- tout pour les ra-
Çourciflèmens des Figures, Il y en a,
je l'avoue, qui font extravagans , &
desagréables : il a même eu d'abord l'in-
tention de reprefenter, dans une pareil-
le Attitude, la Bien-heureufe Vierge,
qui en fait la Figure principale, comme
je prouve un des deux Deffeins, dont
Je viens de parler. Mais, malgré cela,
èe charmant Coloris, cet Air gai, ra-
tifiant & tout-à-fait angélique , qui
hrille par-tout , à travers les défauts
^u'on peut trouver d'ailleurs, dans les
Ouvrages de ce grand Homme, font ce
^ui leur a donné, & ce qui leur confér-
era le Caractère de fublime. Il n'y a
Point d'Ouvrage à-prefent, & je croi
^u'il n'y en eut jamais, qui, par raport
à la Dignité du Sujet, & à la Beauté ad-
mirable de l'Exécution, ait égalé celui-
Tt z ci,
D Gravées par ^hn-Batifit Vanni, en I J - Feuiïïes,
-ocr page 761-6oo des Statues, Table aux,
ipA1»«-ci. - Le Ciel!__dans le tems
Sue la Bien-heureufe Vierge, Mère de
•ieu y entre en Triomfe ! -- peinc
par le Corre'ge!
des RR. TT. Bénédictins.
Cette Eglife eft grande, & magnifi;
que : la Coupole en a été peinte orig1"
nairement par le Corre'ge; mais les
Bénédittins, à qui cette Eglife apar-
tient, voulant en agrandir le Choeur?
réfolurent de l'abatre , ce qu'ils firent
éfeaivement : ils la firent enfuite reba-
céÇur ^Are* VI ^ rePeiî\dre » telle qu'elle eft aujoor-
tufi, d'après d'hui, par C e's a r Aretusi, fameu.x
Copifte du Corre'ge ; & il l'a 0e
fur les Copies qu'annibal &
gustin Carache avoient tirées ex-
près de l'Original , avant qu'il fût dé-
truit, & dont quelques-unes, pour ne
pas dire toutes, font aujourd'hui dans le
Palais du Duc de 'Parme, comme nous
le verrons tantôt (*).
Le Sujet de cette Coupole eft le Cotl'
ronnement de la Sainte Vierge, par l>e'J
le Père & Dieu le Fils ; & il eft enrichi
le Corre'ge.
1 Le Comte Malvasia en donne une
particulière, dans la Vie d'Amursi, Part. II. P"s
333. & 334-
fefc Desseins, en Italie. s9s
d'un nombre infini & Anges: mon Père à p
* trois Defleins diférens pour le Christ.
^ y a une Galerie qui règne tout au-tour
de cette Eglife, dont la Façade eft divi-
ne en quarrés, de la hauteur d'un pié
& demi, ornés de Feftons, & de tou-
tes fortes d'autres Ornemens ; & dans
ces quarrés, il y a des Sacrifices à
Antique, peints par le Corre'ge: le
mon Père a le Deflein d 'un feul, qui eft
charmant. On y voit aufli des Figures
détachées, aftifes avec des Tablettes à
k main : Mylord P e m b r o k e a les
t^efleins de quelques-unes; & l'on en a
des Eftampes par Bisschop (*). Le
Deflein qu'a mon Père, & dont je viens
de parler, fait voir l'ordre & la manière
de les placer ; car, dans fa partie fupé-
rieure, le Corre'ge a donné un
échantillon des Compartimens de toute
k Galerie: on y voit répété ce Sacrifi-
ce qui en eft le Sujet principal, & qui
eft tout fini en-bas avec la plume ; & à
chaque côté, une de ces Figures affile,
& il a obfervé la même difpofition tout
au-tour de l'Eglife. Ce Maître devoit
Peindre aufli la Pièce d'Autel, dont
mon Père a le Deflein original de fa
main. C'eft un Ciel, & au revers, il y
a Un autre Deflein plus petit, où eft la
Tt 3 Vier-
{*) Livre de Dejfeins, No. 33.
-ocr page 763-6oo des Statues, Table aux,
s Parme. Vierge. C'eft fur l'autorité du Père
R esta , que je dis, que ce Defiein
étoit fait pour cet endroit, & que c'eft
la grande dépenfe que demandoit cet
Ouvrage, qui en a empêché l'exécution.
Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'il n'y.a
point de Pièce d'Autel dans cette
fe , ce qui eft fort rare en Italie, & !a
raifon qu'on en donne dans cette Vil'e'
c'eft qu'on a cru, qu'il n'y avoit que.*e
Corre'ge, qui fût digne d'y en pein-
dre une. La Coupole de cette l£f?'»e
fut commencée l'An 15-10. & finie l'An
15x4. comme cela paroît par les Archi-
ves de ces Révérends Pères, dans la
Caifte marquée H. C'eft le Père Rss:
ta qui afture cela, fur un Deftein quî
étoit à feu Mylord Somers.
S. Jérôme & la Ste. Vierge avec
faut, que Ste. M. Magdelaine adore *
1s Coruv. peint par le C o r r e'g e ( * ) : Les Figu"
res du Tableau font auffi grandes q1?*;
le naturel. 11 y a, dans cette Ville» r
croi, dix Copies de ce Tableau, touro
des Pièces d'Autel. U eft exquis & Pâ£
faitement bien conferyé, fort beau ^
C a
{*) L'Eflampe en tft gravée par A v g v s t i n
x. a c h e,
-ocr page 764-fefc Desseins, en Italie. s9s
fort éclatant. Il y a même plufieurs despa*««.
ces Copies qui font très-belles, & dans le
véritable goût ancien. Mon Père a auffi
'e Defiein original de ce fameux Ta-
bleau, c'eft-à-dire de la moitié des Fi-
gures, jufqu'à la ceinture (car la partie
d'en-bas a été rompue) très-fini, & la
Jete delà Magdelaine en Paftel, par
B AROCE.
Les murailles de cette Galerie font plâ-
trées de blanc, & les Tableaux y font
pendus ; ce qui eft defavantageux à la
Peinture, & éblouît en même tems la
vue. Au-deflus de la porte en dedans,
on voit le Tape Paul III. de la Mai-
fon Farnefe, avec le Cardinal de ce nom,
& un Meffager qui saproche de ce Ton-
tife: les Figures font entières, & par-
faitement bien peintes, par le Titien. 10 ™'n'
Le Pape eft aflîs ; fon Air de tête mar-
que beaucoup de prudence & de digni-
té ; & il eft peint avec beaucoup de for-
ce. Dans le Meffager, on remarque un
Caraâère admirable de refpeét & de
foumiffion ; le Cardinal regarde fixement
le Meffager, mais il a moins de force
que lui, parce qu'il eft plus éloigné de
la vue. Le tout eft également beau &
bien confervé, fort aprochant du Stile
Tt 4 de
-ocr page 765-6oo des Statues, Table aux,
5 rARME.de cet excellent & magnifique Tableau
que le Duc de Somerset a,de la Ca-
mille de Cornaro.
le Pamefir» Une Madonne ajfije, avec le C h r is t
endormi à côté d'elle, du Parmesan.
Elle pafte la main fous le menton de &•
Jean, qui s'en aproche : les Figures
font aufli grandes que le naturel, &
l'Air de la Vierge eft parfaitement beau»
Le Coloris elt fort rouge & crud, com-
me l'eft ordinairement celui de ce Maî-
tre: c'elt pour cela que fes Tableaux
font moins agréables que fes Deifeins;
•aufti n'en ont-ils, ni la légèreté, ni la
délicatefte.
uZhf <^>ne ipletà ■> d'Annibal Cara-
che: le Christ eft précisément ie
même; c'eft le même Air de tête, la
même Attitude, la même Teinte de
Couleur, qu'un autre en petit, qui eft
une Efquifle bien finie, que mon Père
a de ce Maître; à cela près, que le pe-
tit Ange qui tient la Couronne d'épines,
dans celui-ci, n'eft pas dans le grand, où
l'Ange qui lève les bras, ne baife pas la
Plaie, comme dans celui de mon Père,
mais où il fe contente de la faire voir à
un autre Ange qu'il regarde,& qui, de
fon côté , montre les Plaies des piés,
dont il paroît très-affligé. Cette Piè-
ce eft aufti grande que le naturel, &
elle eft aufti fameufe, que celle que
je viens de décrire, du Parmesan.^"»^
La même Madonne, que celle qui eft
dans le petit Cabinet du Duc de Brac-
ciano. L'une & l'autre pafîe pour être
de la main de Raphaël; & elles font,
à tous égards, exadement de la même
Manière, & du même Goût, qu'une
autre diférente Madonne que mon Pè-
re a, mais qui n'eft pas tout-à-fait fi
grande.
La fameufe Copie du T or trait de
Léon X. d'après Raphaël, faite dÇr'ès
par A n d r e' d e l S a r t o. On en faitpte/-
ici un grand cas; & l'on prétend qu'elle
eft meilleure que l'Original,qui eft dans
la Colieftion du Grand-Duc. Il eft
vrai, que dans le tems qu'elle a été fai-
te, fupofé que ce foit la véritable d'An-
dré', elle a trompé, non - feulement
d'excellens Connoilleurs , mais même
Jule- Rom a in, qui avoit travaillé aux
Habits,dans le Tableau de Raphaël,
& qui crut reconnoître fes propres
coups, dans la Copie. Elle avoit été
été faite pour le Duc de Mantoue, qui
fe trouvant à Florence, vid celui de
Raphaël, dans Je Palais de Médicis ;
& il en fut fi charmé, qu'il le demanda
au Pape Cle'ment VII. qui étoit de
cetteFamilIe,&qui le lui acorda. Mais,
comme cette complaifance du Pape
ofenfa extrêmement les Florentins, ils
Tt s
6oo des Statues, Table aux,
if**»*. réfolurent de ne fe pas défaire du Ta»
bleau de Raphaël: pour cet éfet, ils
en firent tirer une Copie par André'
del Sarto, par laquelle ils fe tirè-
rent d'afaire, & donnèrent ainfi le chan-
ge. Quoiqu'il en foit, j'ai cru y recon-
noître bien de la diférence, en confidé-
rant cette Copie , & en la comparant
avec l'Idée que j'avois retenue du Ta-
bleau de Raphaël. Peut-être que j'ai
été trop prévenu en faveur de ce der-
nier: auffi n'ai~je jamais rien vu qui m'ait
frapé au point que cet Original de Ra-
phaël m'a frapé. Au-refte, le Colo-
ris eft plus frais dans la Copie ; auffi eft-
elle, en général, mieux confervée,
$4<m. \An- Le 'Portrait de S o f o n. A n g u s c i o-
la, peint par elle-même.
Vn Bacchus, fimple Figure, peinte
par Annibal Carache.
Une Madonne,en petit,excellemment
peinte par Schidone, tout-à-fait dans
la Manière du Corre'ge: mon Père
en a le Defîein. On trouve ici pîufieurs
autres Madonnes, du même Maître, &
dans le même Goût.
Le Mariage de Ste. Catherine s du
Corrige: la Vierge eft de profil ; &
le Christ, avec Ste. Catherine, la re-
garde au Vifage. C'eft un petit Ta-
bleau, dont le Coloris eft beau & écla-
tant, fait de la meilleure manière de ce
Maître. Lct
^Annibal
CMMht.
St&idsne.
le Cursgf.
fefc Desseins, en Italie. s9s
La M adonna délia 'Gatta, peinte par à r«wrg
Raphaël, & ainfi apelée à caufe d'un
Chat qui eft à-terre,aux piés de la Vier-
ge: le Christ eft fur les genoux de fa
Mère,& tend les deux mains à S. Jean.
Ce Tableau n'eft pas des meilleures Piè-
ces de Raphaël.
Lucrèce, en demi-Figure, auffi gran- ie Parm^
de que le naturel, peinte par le Par-
mesan , & fort bien exécutée: le
Vifage eft de profil.
T)n Christ mort, d'ANNiBAL C a- rfjfal
rache: il reffemble parfaitement à ce-"'"*'
lui qui eft à Toggio à Caiano, près de
Florence, & dont j'ai parlé : il paroît aufti
être Original.
Une belle Copie de la Magdelaine du
Corre'ge, par le Titien; de la mê- '-^ès
me grandeur que l'Original : le bleu, &,e Cm-'îe-
généralement tout le Tableau eft bien
confervé.
Une excellente Madonne du Cor-Cor"ze-
re'ge, feulement en demi-Figure, &
dans la même Attitude que la Zingana
qui fuit.
La fameufe Zingana du Corre'ge, lemême-
de la même grandeur, & avec la même
faute dans la flexion de la main, que
dans la Copie que mon Père en a, par
Annibal Carache : j'oubliois de
remarquer que le pié en eft trop grand,
dans la Pièce de mon Père. Pour ce
qui
-ocr page 769-6oo des Statues, Table aux,
squi eft de la Teinte brune du Coloris,
il n'y a point de doute qu'elle ne l'ait;
eue auffi, & que c'eft pour cela qu'on
l'a apelée la Zingana, ou 1 " E gif tienne :
mais on n'en fauroit juger autrement à-
prefent, parce que le Tableau eft extrê-
mement ruiné. 11 femble que les Cou-
leurs en aient été grillées; & on lésa
repeintes, mais non pas de manière que
les nouvelles s'unifient avec les vieilles,
de forte qu'elles font toutes par taches :
le jeune Garçon qui eft au haut eft pref-
que entièrement ruiné. Cette Pièce
avoit été faite pour un Cardinal de la
Maifon de Farnefe. La Copie que mon
Père en a eft précifément du même Sti-
le, que plufieurs autres que j'ai vues
d'Annibal Carache; de forte qu'il
n'y a point de doute que celle-ci ne foit
auffi de lui. Le Pape en a pareillement
une Copie"; & l'on en trouve plufieurs
autres, tant en Italie qu'en Angleterre,
les unes fort grandes, les autres de la
même grandeur que l'Original ; mais je
n'en ai vu que peu de bonnes. C'eft un
Ripofo, où la Vierge fe délafle un peu
de la fatigue de fon voïage ÏÏEgipte.
Elle eft affife à-terre, avec l'Enfant en-
dormi fur lès genoux; tous deux dans
des Attitudes tout-à-fait aimables. L'Ex-
preffion de douceur & d'innocence
dans cet Enfant, & de tendreftè mater-
nelle
' à
■
et Dessejns, en Italie. 669
sielle dans la Vierge, eft fi belle, qu'on^&^s,
peut dire hardiment à-prefent, qu'elle
eft inconcevable; parce que l'Original
eft ruiné, & que nous n'en avons que
des Copies ; mais il eft certain , à ne
voir que celles-ci, qu'on ne fauroit pri-
fer ce fameux Ouvrage. La Poëfie de
ce Tableau eft délicate : la Vierge eft
dans un endroit folitaire & obfcur, à
l'ombre d'un Palmier, avec un Ange,
qui en tire les branches fur elle & fur
fon Fils, pour les mieux garantir de
l'ardeur du Soleil: les Oifeaux qui font
dans ce taillis, & le Lapin blanc qui la
regarde atentivement, enrichilfent le
Tableau, & en même tems aident à ex^
primer la foiitude du lieu.
Chvis.
Dans le Cabinet.
Vn beau Miffel, relié en plaques d'ar- j„u
gent, un peu plus grand qu'un in douze'
François. On lit à la fin, fur un Autel,
ces mots : Julius Clovius Monumenta
hac Alexandro Farnefio Domino fuo fa-
ciebat M. D. XL. VI. Ce Miffel furpafie
infiniment tous les Ouvrages qu'on atri-
bue ce à Maître, dans le Vatican. II eft
vrai qu'ils ont été retouchés par le Père
Ramelli, encore vivant, du même
Ordre que Clovio: mais ce Miffel eft
parfaitement bien confervé, & égale-
ment
I
II
-ocr page 771-6yo des Statues,TableauXj
a^ARMï-ment bien deftiné ; & il eft auffi-bieti
colorié qu'aucun Maître auroit pu le
faire. Le goût, en général, eft fimple
& gracieux : il y a fur-tout quelques Fi-
gures, dont le Stile aproche de celui de
Michel-Ange, fans fe reflentir en
en rien de fa fierté capricieufe,& de fon
extravagance. Tous les Tableaux font
enrichis d'Ornemens Grotesques, dont
le Coloris convient à la Teinte générale
de la Pièce, avec beaucoup de beauté
& d'harmonie.
Un feul Tableau en Mignature, avec
le mame. un quadre & une glace du même Maî-
tre: c'eft un S. Jean,d'an Stilediférent
de celui qui eft dans le MiJJel, mais
femblable à ceux de ce Maître,qui font
à Florence.
délia Steccata.
Il y a,dans cette Eglife, quatre demi-
Coupoles peintes en Couleurs : les Pilaf-
très qui les fuportent font en Clair-
Obfcur, &l'on dit que le tout eft dtf
ie rarmfM. Parmesan. Il y a des Cariatides &
d'autres femblables Figures peintes fur
ces Pilaftres, foit fur les quarrés, ou fur
ceux qui font plats, & apuïés contre le
mur. Il y a cinq ou fix Figures l'une
et Desseins, en Italie, 1262
âu-deftus de l'autre, avec des Ornemens*
de Rofes, <& des Paniers de Grotesques,
dans les entre-deux. C'eft-là le plus
grand Ouvrage du Parmesan. Les
Coupoles font lî hautes, & l'Eglife eft
fi obl'cure, qu'on ne fauroit juger s'il elt
tout fini de fa propre maie. Mon Père
a plufieurs Deffeins de ces Ornemens,
de ces Figures, & de ces Grotesques.
Mais, fur-tout, il y en a un dont il fit
l'aquilition il y a quelques mois, qui
confifte en trois Figures de Femmes de-
bout, qui fe tiennent par la main, & qui
ont des Corbeilles de fleurs fur la tête,
qui ne cèdent à aucun Deftein que j'aie
jamais vu de ce Maître. On y eft charmé
d'une pureté & d'une délicateftè qui en*
chante,mais qui ne fe peut décrire:
comme il y a quantité d'Ornemens,tous
placés de la même manière qu'ils font
peints, au-tour des Pilaftres,cela donne
une jufte Idée de tout ce fameux Ou-
vrage. Le Parmesan avoit été plu-
fieurs années hors de fa Patrie, & avoit
foufert beaucoup d'incommodités, par-
ticulièrement dans le Sac de Rome en
15x7. quand on le rapela pour entre-
rendre cet Ouvrage. H s'y atacha d'a-
ord avec beaucoup de vigueur, pour
rétablir fes afaires qui étoient fort déla-
brées. Mais,cette métode lui paroiftant
trop lente pour devenir riche, il s'apli-
qua
\ .
-ocr page 773-6oo des Statues, Table aux,
% pabme. qua à chercher la Pierre Philofophale ?
ce qu'il fit avec tant d'ardeur , que cet
Ouvrage de la Steccata commença a
trainer en longueur, & qu'enfin il l'a-
bandonna tout-à-fait avant qu'il fût fini»
confumant tous les jours, par le feu de
fes Fourneaux , le peu d'argent qu'il
avoit; Mais, ce qui mit le comble à fes
malheurs fut, que ceux qui avoient la
furintendance de la Steccata, & qui l'a-
voient payé d'avance, fuivant qu'il avoit
été ftipulé par l'acord, lui firent un pro-
cès là-defifus, ce qui le força à fe fauver
de nuit, & à fortir du Pays. Comme
il avoit toujours l'efprit rempli de cette
maudite manie de la Pierre Philofopha-
le , il fe négligea entièrement : d'un
homme beau & délicat qu'il étoit, &
qui avoit le Vifage plutôt d'un Ange que
d'un Homme, il devint tout fauvage,
& tomba même dans une mélancolie
afreufe, à ce que raporte V as a ri; &
en peu de tems cet aimable Homme
mourut miférablement, naïant jamais
goûté la vie , qui avoit toujours été
pour lui pleine d'ennuis & d'amer-
tume.
fefc Desseins, en Italie. s9s
qui eft éloigné de la Galerie, & fituë
dans un autre Quartier de la Ville.
Le premier Apartement eft tout en-
tier rempli de Morceaux cI'Annibal
Carache, peints d'après îe C o r r e'- la
g e. Il 5' a , je croi, environ trente Ta-
bleaux, dont la plupart compofent en-
femble toute la Coupole de l'Eglife de
«J*. Jean, dont j'ai déjà parlé. Il a copié
les Figures de la même taille que dans
l'Original, & de beaucoup plus grandes
que le natureh Les autres font des Co-
pies de pîufieurs Ouvrages de ce Maî-
tre, dont quelques-uns font ruinés,
Dans tous ces Morceaux, Annibal
Carache a admirablement bien imité
la Manière du Corre'ge; il l'a même
fait à un tel degré, qu'on pouroit pres-
que dire, qu'ils ne lui cèdent en rien ; &
ïls font tous en Huile, quoique la Cou-
pole ait été à Frefque,comme l'eft aufti
celle qu'a faite, fur ces Copies „ C e's a r
Aretusi, dont nous avons déjà parlé.
La Manière de peindre en eft grande.
On nous a afluré, que pîufieurs de
ces Tableaux ont été depuis rranfportés
ailleurs, & qu'à-prefent il n'en refte pas
plus de fix, dont deux font de fimples
Tome lîl. Vv Fi-;
#74 DES Statues, Tableaux,
»*»«£.Figures, & les autres des Groupes de
Têtes d'Anges.
Dans une autre Chambre.
f^phai, Une Madonne, de Raphaël,
fort
dure: mais elle a une modeltie de Vier-
ge, aufti-bien exprimée qu'en aucune
autre du même Maître.
La V?rtu montrant à un Général, qui
ejl à genoux devant elle, le Temple de
la Renommée: il y a plufieurs Soldats,&
le tout elt très-fini, & peint par J u l e-
Romain. Le Coloris en eft fort épais?
& de couleur de brique, le Pinceau pe-
fant,& le Tout peu agréable: c'eft aufti
ce qu'on peut dire de tous fes Ouvrages
en Huile en général,& de quelques-uns
à Frefque.
Dans une autre Chambre.
unirê d.i Une Sainte-Famille, fort bien peinte
par André'del Sarto Mon Père
en a le Deftein, qui eft très-fini; mais
l'Arriére-fond en eft diférent. On voit,
dans le Tableau, un Payfage, & dans le
Ciel, deux Anges qui tiennent un ri-
deau; au-lieu que, dans le Deftein, les
Figures font placées dans une Chambre,
& l'on y voit un bout de Payfage, Par
une fenêtre qui eft à un coin. ft
' Et Desseins, en Italie. 675
Il y a plufieurs autres ApartemensîiPAmÈ
înais qui ne contiennent rien de confi-
dérable.
L'Eglife de Ste. Marguerite àM0DE'NE*
des Cordeliers.
IL y a, au côté droit de l'Autel de
cette Eglife, une ouverture qui ref-
lemble à la porte d'une Chambre ; mais,
pour y entrer , il faudroit grimper,
comme par une fenêtre, parce qu'elle
n'eft faite que pour regarder dedans.
On y voit, au pié du Crucifix, entre
les deux Larons, la Vierge, Joutenue
par les Maries, faites de terre cuite (*).
Ces Figures font modelées par le Cor. Ie
He'ge, qui les a auffi peintes dans leurs
Couleurs naturelles, d'une manière très-
excellente, de même que l'on dit que
quelques-unsdes Anciens ont peint leurs
Statues. Elles font admirablement bel-
les.
Le Christ, les Larons, S? plu-
fieurs Apôtres qu'on y trouve, font suffi
de terre cuite, par Antoine B e g a- e&reusi
vv Z r e l-
(*) Voïez Vidriani, Kacolta dei Pittori, Scitltori,
Modem 1661. in quarto, pag.
6oo des Statues, Table aux,
smobs'ne, r e l l i , fi fameux Plâtrier de Modène,
qu'on lit, dans George Vas ari(1)»
que quand Michel-Ange pafia à
Modène, il y vid ces Figures, &
qu'il s'écria : Se quefia terra dtven-
tajfe marmo, guai aile Statue an~
tiche ! C'eft-à-dire, que deviendraient
les Statues antiques, Ji cette terre fe
change oit en Marbre! Mais je fuis per-
suadé, quecen'eit que des Figures du
Corre'ge, que parloit Michel-An-
ge, parce qu'elles font dans le grand
Goût de la Niobé, & des autres Sta-
tues Grèques. Celles de Begarëlli
font belles, mais un peu roides : eUeS
ne font pas même à comparer aux au-
tres, comme le peuvent facilement re-
marquer ceux qui font fur le lieu. Au-
refte, on fait, que le Corre'ge s'etf
fervi de ce grand Homme, pour faire
des Modèles en Relief, pour les Figu-
res de fes deux Coupoles, afin de p ou*
voir les defliner du bas en haut (f ).
»c c.mit. La fameufe Notte du Corre'^'
parfaitement bien confervée; & elle
encore cet éclat admirable, par-pû eu^
1 Part. III. Vol. III, pag. 779. 780-
(f) Voiez Vidriam.
-ocr page 778-fefc Desseins, en Italie. s9s
s'eft toujours fait remarquer : éfe&ive-a
ment, c'eft peut-être la première Pièce
du Monde, pour le Clair-Obfcur. Les
plus grands Maîtres, dans cette Partie
de la Peinture, font le Corre'ge, Ru-
bens, & Rembrandt: le premier&
ie dernier ont ordinairement tenu leurs
Jours plus unis, de manière que le prin-
cipal en éclatoit davantage; au-lieu que
Rubens eft plus difus, & que, par con-
féquent, fes jours fubordonnès apro-
chent plus du Principal, & fe répandent
jufqu'aux extrémités du Tableau. Dans
celui-ci du Corre'ge, l'Enfant & la
Vierge font une tache de Lumiere, qui
frape les yeux , & qui, à proportion
de fon éclat, ne fe communique que
très légèrement aux Bergers: il eft vrai,
que le Ciel eft affez clair ; mais il l'eft de
plufieurs Tons au-deftous de la Lumière
principale. On peut dire la même chofe
de la Magdelaïne, de YIo & d'autres Ta-
bleaux de ce Maître.
L'Ordonnance de cet Ouvrage eft la
même que dans l'Eflampe de Metel-
li, fi l'on excepte le Clair-Obfcur;
mais le Deffein que mon Père en a, &
qui a été indubitablement fait pour ce
Tableau,en eft aftez diférent,tant pour
les Figures, qu'à l'égard de leur difpo-
fition, & même pour le Clair-Obfcur ;
parce que la Lumière en eft plus difufe.
6oo des Statues, Table aux,
Les Figures du Tableau font aufli gran-
des que le naturel: le tout a une dou-
ceur merveilleufe, & le Coloris efl: d'u-
ne beauté inimitable. Le Dtflein en efl
à l'ordinaire de ce Maître; fur-tout le
vieux Berger, que l'on voit à côté du
Tableau, & qui efl une Figure entière,
tient trop de l'Incorre&ion du CoR*
re'g e. En un mot ; l'excellence prin-
cipale de ce Tableau confifle dans le
Clair-Obfcur, & dans le Coloris. C'eft
aufli ce qu'il femble que ce Maître a en
particulièrement en vue, lorsqu'il l'a
peint ; & il y a réiifli au plus haut de-
gré.
Mylord Pembroke a aufli un Des-
fein très-excellent du Corre'ge, fait
pour ce Tableau.
U efl certain,que le Deflein du Cor-
re'ge n efl pas correéi; ; mais il n'eft pas
moins vrai, que, malgré cela, il a une
Grâce angélique. Je vais expliquer, en
peu de mots, comment on peut conci-
lier ces deux Propofitions, qui femblent
fe contredire.
Il faut remarquer, que c'eft le Deflein
qui donne les aparences aux chofes, tel-
les qu'elles fe prefentent à notre vue,
foit par r .port aux proportions, ou par
raport aux formes, où l'on ne fauroit
nier qu'il n'y ait une efpèce de Grâce;
mais il y en a une autre dans les Airs &
y dans
et Desseins, en Italie, 679
dans les Attitudes en général : c'eft parirt**""*?
ces derniers qu'on voit la Penfée du
Peintre, &, par le moïen des premiè-
res, on la voit d'une manière qui plaît
à l'oeil.
Cette diftinètion entre la Grâce qui
réfulte de la beauté & de l'exactitude
duDeiTem, & entre celle qui dépend
de l'Idée, fe voit manifeftement dans les
Deffeins, qui ont, en général , plus de
cette Grâce idéale, que les Tableaux
mêmes, mais avec un manque vifible
d'exaCiitude dans l'autre genre. C'eft
dans ce dernier genre que le Corri-
ge a excellé, & même dans un degré
fi éminent, que peut-être aucun Mo-
derne, ni même Raphaël,-le Par-
mesan, ou le Guide ne l'ont furpafte
en cela.
Lorsqu'on voit ces deux fortes de
Grâces enfemble, il eft certain que le
Tableau en eft plus parfait, & le Cor-
re'ge auroit été encore plus excellent
Maître qu'il n'eft, s'il avoit obfervé,
dans fes Ouvrages, la Correction, & la
Beauté du Deflein , auffi-bien que les
belles Idées qu'on y remarque. Mais
ce qu'il a eu en partage, joint aux char-
mes dé fon Coloris, & à fa Manière dé-
licate de peindre, juftifie affez la haute
eltime que nous avons de ce grand
Homme. Auffi, le Talent qu'il a eu^
Vv 4 fans
6oo des Statues, Table aux,
|#Kw1HE.fans la Correction du Deffein, eft pré-
férable à la Correction la plus exafte,
où il manque cette Grâce idéale. S a l~
Vator Rosa (*) difoit un jour a
une per forme qui tâchait de lui perfuader
que toute la perfection de la Teinture
confiftoit dans la jufteffe du Deffein : je
vois, dit-il, fouvent fe vendre, dans U
Tlace publique, des Teintures dun Mat-
tre médiocre, pour une pièce de huit, oit-
je ne faurois critiquer la moindre chofe i
par raport au Deffein. C'eft ce que fe
n'ai jamais vu arriver aux Tableaux du
Tintoret, & d'autres Maîtres Lom-
bards, quand même fy aurois remarqué
des fautes groffières, dans le Deffein.
Cela me fait croire, que, dans uneTièce
de Teinture, on doit préférer une excel'
lente Manière de peindre, à une Cor-
reélion exacle du Contour.
Cependant cela ne doit aucunement
s'étendre jusqu'à exculêr la négligence
du Defîèin: car c'eft une circonftance fort
confidérable dans un Tableau,foit en His-
toire ou en Portrait, & fur-tout dans ce
dernier genre,par plufieurs raifons que je
me difpenfe de raporter ici. Un Payfa-
ge même, un Tableau de Fruits, de
Fleurs,
1 Cette Penfée de Saivuor Rosa eft raport
tée par P hilipe Baidinuci, dans la Vn de San-
n .dï Titç. Tom.III. pag. 113,
fefc Desseins, en Italie. s9s
Fleurs, ou quoi que ce puiffe être, en'aM;oDE'NE«
fera meilleur, ou plus mauvais, par ra-
port à Y exactitude, ou à l'incorrection
du Deffein ; parce qu'une des fins prin-
cipales d'une Pièce de Peinture,c'eft de
plaire à la vue, ce qui dépend autant
des Formes que des Couleurs. Ainfi,
quoiqu'un défaut de cette nature puiffe
être abondamment récoropenfé par
d'autres bonnes qualités, il faut qu'un
Peintre s'affure de ces dernières, avant
que de négliger la première.
Le Père Resta, de qui j'ai déjà
fait mention, ci-deftus, raporte, dans
un Manufcrit que j'ai vu de lui, & que
Monfieur Kent a eu la bonté de me
communiquer , pîufieurs particularités
dignes de remarques , touchant ce
Tableau. Il dit, qu'il avoit été fait pour
une Pièce d'Autel, dans l'Eglife de S:
Trofpère in Reggio ; & il donne une
Copie du Contrat, dont i! affure que
l'Original eft entre les mains du Cheva-
lier Donzi, Garde-de-Ga!erie du Duc
de Modène. Je la tranfcrirai ici,par ra-
port à fa fingukrité'
Ter quejia nota di mano wio, Io Al-
berto Pratonero faccio fede à cia/cuno,
corne io prometto jjli dare à Maftro An-
tonio da Correggto, Tittore, LireT>u-
cento otto di moneta vecchia Reggiana,
s quejîo per pagam*°. d'un* Tavola che
Vv f " m
6oo des Statues, Table aux,
âMoPE'wB. mi promette di fare in tut ta eccellenza9
dove fia dipinta la Natività del Sign-
noftro, con le Figure attinenti, fecondo
le mi fur e, e grande zza che capeno nel
difegno che m" h à porto ejfo Mafiro Anto-
nio di man fua.
Alli Xlill. di Ott. M D X X11.
Al fodo giorno gli contai par parte di
pagam'0. lire Quaranta di Moneta vec1
chia.
Et Io Antonio Lieto da Cor-
reggio mi chiamo baver ricevuto il die
millefimo fopraf ritto , quanto è fopra-
fcrttto, e in fegno di cio quejlo ho fcritf0
di mia mano.
Voilà la Copie que le Père Resta
donne de ce Contrat, & les Remarques
qu'd y ajoute font, qu'il elt écrit fur une
feuille de papier, qui a, pour marque,
un Aigle couronné; & quexo8. Livres,
monoie vieille de Reggio, font f*) en-
viron huit Doppie , monoie de Rome,
en l'An 1713. En marge, il parle en-
core de la marque de l'Aigle,& du mot
Correggia ; mais je retranche ce qu'il en
dit. C'elt l'Hiftoire d'une Aparition de
la Vierge à un certain Gibert d'Au-
triche ; mais enfin, il ne remarque point
que le CoRRE'GE fe figne Lieto, au-
lieu d'ALLEGRO. *
C'eft
-ocr page 784-fefc Desseins, en Italie. s9s
C'eft à l'ocafion d'une Efquifte pour àmope^ s
ce Tableau, & qui étoit alors entre les
mains de Sig. Ghezzi, Peintre à Ro-
me, que le Père Resta a fait le dis-
cours, où il a inféré cette Copie du
Contrat. Il dit, que l'Efquifte eft difé-
rence du Tableau, & il remarque fort
judicieufement, qu'il auroit été meil-
leur fi le Peintre avoit fuivi fa première
Penfée, comme elle eft dans cette Ef-
quifte , parce que l'Aftion s'y paiTe dans
Un lieu fermé, qui n'a qu'une petite fe-
nêtre, &, par conféquent, plus propre
à fe garantir de la rigueur de la Saifon;
& que la Nuit y eft mieux exprimée, par
fon obfcurité, & par k Lune qui paroît
entre les Nuages: & cette Efquifte s'a-
corde, dans toutes ces circonftances, r
avec le Deftein de mon Père, dont j'ai
parlé ci-deftus.
Le Père Resta dit encore, qu'il a
vu entre les mains de Sig. Pinotti, à
Corrége, une autre Efquifte, originale
pour "ce Tableau, fur une toile plus
gra nde que celle de Sig. Ghezzi, mais
fort déchirée, & dont le Coloris étoit
plus languiftant, & qu'il y avoit une Co-
pie de ce Tableau, faite par Annibal
Carache, que le Doc d'UccEDO,
Ambaftadear d'Efpagne acheta.
La Maàonne & S. George, avec de le même.
jeunes Garçons, &c, peinte par le mê-
me
6oo des Statues, Table aux,
me Maître: mon Père a un Defiein Ori-
nal d'un de ces Garçons, & du S. Geor-
ge. Ce Tableau eft, à certains égards,
le revers de la Notte ; le Jour s'y répand
comme dans ceux de Rubens, & les
Contours des Figures font un peu durs,
& paroiftent comme taillés fur le Fond i
de forte qu'il eft fait d'une Manière en-
tre fa dernière, qui eft la plus délicate»
& fa Ste. Cécile de Borghefe, qui eft de fa-
première Manière, & qui tient de celle
de Ion Maître, André'MantegNA»
Dans une Chambre de derrière.
La Madonne en haut, & un Eve que
avec une riche Chape en.bas, &c ; du
5e mame. même Maître, & d'un Caractère pareil à
la précédente.
Dans une autre Chambre.
Une Madonne affife, avec quatre
Saints debout, auffi, grands que le natu-
kmême, rel, encore du même: elle eft faite d'u-
ne Manière qui eft entre les deux der-
nières & la Ste. Cécile. Il y a aparence,
que, dans ce Tableau, le Corregë
paffoit de fa première Manière à une
meilleure, comme dans les deux autres
il avoit déjà fait quelques progrès vers
l'excellence, où il eft enfin parvenu.
. Apres
-ocr page 786-fefc Desseins, en Italie. s9s
Après avoir tant parlé des Ouvrages imo»*-»^
de ce Peintre enchanteur, je ne faurois
m'empêcher de dire quelque chofe de
la fameufe Difpute qui s'eft élevée en
dernier lieu, favoir, fi le Corre'ge a
été véritablement auffi miférable que
V a s a r i l'a reprefenté, s'il a été prefle
de la néceffité jufqu'au point d'être
contraint de vendre fes merveilleux Ou-
vrages pour un morceau de pain, & s'il
eft vrai qu'il foit mort d'une Fièvre qu'il
atrapa , en portant le prix qu'il avoit
reçu d'un Ouvrage qu'on lui payoit tout
en cuivre, & qu'il vouîoit porter lui-
même de Parme jufqu'à Corrége, &
cela dans la brûlante chaleur d'un jour
d'Eté. Il y auroit bien des chofes à di-
re là-delîus; mais les Mémoires auten-
tiques que Monfieur Crozat a re-
cueillis des Archives de Tarme & de
Modène, & que j'ai lus chez lui, le font
d'une manière infiniment au-deflus de
tout ce que je pourois dire : & le Public
lui aura,avec le tems,de grandes obliga-
tions pour ces curieufes Remarques. On
a déjà imprimé une Lettre que Mon-
fieur le Chanoine Bruno ri, Defcen-
dant de la Fille du C ORREGE,adrefla à
cet illuftre Connoifleur, l'An iH
nous a fait prefent d'un Exemplaire de
cette Lettre, qui fait voir allez claire-
ment, que ce grand Homme a été d'u-
ne
6oo des Statues, Table aux,
amode-ne.ne des plus anciennes, & des plus con-
fidérables Familles de la Ville de Corré-
ge ; que même il avoit époufé une Fem-
me noble, qu'il avoir toutes les connoif-
fanees d'un Homme de qualité, &
qu'enfin, il a laiflé à Pompone, fon
Fils unique,de grandes richeffes. Cette
Lettre ne dit cependant pas, qu'il ait
reçu, pour fes Ouvrages, de plus grands
prix, que ceux qui ont déjà été mar-
qués au Tableau de la Notte; mais on
ne fauroit douter, qu'ils ne fulfent alors
très-confidérables, dans ce Pays-là.
p.Pentium. La Madonne de la Litière,àe. P i e r r ë
Peruguin, ainft apelée parce que le
Christ ell dans une machine de cette
nature. Monfieur Flincic de Roter-
dam en avoit le Deffein, qu'on croïoit
être de Raphaël; mais ce Connoif-
feur ne vouloit pas l'afîurer. Quoiqu'il
en foit, il elt certain, qu'il n'eft pas de
Pierre Peruguin, à qui on atribue
ce Tableau. Le Duc de DevonshI;
r e a à-prefent ce Deffein, qui a pafle
dans la Collection de ce Seigneur, avec
le Recueil entier de feu Monfieur
Flinck, comme j'ai déjà eu ocafion
de le dire ci-devant.
Dans une autre Chambre.
Vis-à-vis de la fenêtre on voit le S.
-ocr page 788-fefc Desseins, en Italie. s9s
Uoch d'ANNIBAL CARACHE (1): lesâM0BE'H«i
Figures en font auffi grandes que le na-J^'f4* u"
turel, & il remplit tout ce côté de h""
Chambre : il a beaucoup de force, &
eft bien confervé ; mais il eft de la Ma-
nière obfcure de ce Maître, & n'a pas
un abord agréable.
D'un autre côté, c'eft YJfomption
de L o u 1 s C a r a c h e , dont le Duc de
Devonshire a le Deflein. Monfieur
le Colonel Guise en a un aufli, avec
quantité d'autres excellens Defleins,
auffi-bien qu'un très-beau Recueil de
Tableaux. Bellori, dans la Vie
d'annibal Carache (t)> femble
faire la Defcription de ce Tableau,com-
me s'il étoit de ce Maître: c'eft auffi ce
que fait le Comte M al v a si a (j); mais,
ni l'un, ni l'autre ne parle d'un pareil
Morceau que Louis Carache ait
fait.
De l'autre côté de la Chambre, on
trouve la Madonne avec plufieurs Saints,
du même Maître , dont Monfieur le ie mêœci
Docteur Me ad, Médecin du Roi, a
une Efquifle,qui efl très-belle; mais com-
me ce n'eft qu'une Efquiflè elle eft peu
confldérée parmi le grand nombre de
magni-
1 L'Eftampe en eft gravée à l'eau forte par le
guide.
(t) Pag- 30.
(tJ Tom. J. pag. 50Î,:
6oo des Statues, Table aux,
a modène. magnifiques Defteins, qui fe trouvent
dans la Collection de ce célèbre Savant;
Ces deux Tableaux de Louis Ca-
rache femblent avoir été faits pour
des Pièces d'Autel, parce que les Figu"
res en font beaucoup plus grandes que
je naturel. Ils font tous deux excellens,
& les meilleurs de ce Maître, tout-à-
fait dans le Stile du Corre'ge; peut-
être même qu'ils lui font égaux. L'Air
de la Vierge,dans XAjfomption fur-tout*
eft excellent, non pas par raport à 1*
douceur, mais par raport à fon Caractè-
re fier & majeftueux. Elle paroît,avec
les Anges qui l'acompagnent, s'envoler,
comme fi elle étoit atirée au Ciel,& far
le point de nous quiter. Il n'y a aucune
noirceur dans ces deux Tableaux; ils
font,au-contraire, clairs & éclatans,là-
où le Sujet le demande ; & le refte eft
rempli de réflexions & de transparen-
ce. Le Tout eft parfaitement bien
confervé.
Dans une autre Chambre.
rî°£r/d Georgele pareil de celui qui a été
fait par Ra p h a e l , pour un des AïeuX
de Mylord Pembroke, dont il fe dé-
fit, en faveur du Roi Charles I. &
qui aujourd'hui eft entre les mains de
Monfieur Crozat. Il eft atribué à
et Desseins, en Italie, 1280
Dqsso da Ferrara; & il eft plus
grand que celui de Raphaël, étant Mo"M«
fi je m'en fouviens bièn, d'environ une
aune en quarré.
Dans la Chambre dorée, ainfi apelée,
à caufe de b Dorure dont elle eft
enrichie.
Où y voit les Tortraits de la Famille,
dont quelques-uns font du Titien, de lc TV"'ts-
G1 o r g 1 o n , ; mais il n'y a rien de &C,
fort remarquable. .
On garde, dans unè Boete, renfer-
mée dans une Armoire de cette Cham-
bre, la fameufe Magdelaine du Cor-
rige, qui eft un fort petit Tableau. u
Le Bleu en eft devenu tout noir; mais la
Carnation a beaucoup d'éclat,& comme
le Fond eft noir auffi,cela forme une par-
faite Tache ; mais une Tache d'une beau-
té extraordinaire. Cette Peinture eft
enchalfée dans un Quadre d'argent, gâ'r-
fri par-tout de Pierreries
69 o des Statues, Tabi-eaux>
M A N T O U E.
Le Palais du T.
C'ettici le Plan de ce Palais: (a) eft
l'Entrée: (£) une grande Cour : (c)
l'Ailée, avec des Logemens de chaque
côte:
-ocr page 792-fefc Desseins, en Italie. s9s
côté (g g) , qui conduifent à un Por- ^Jf5*
tique ( d) qui a la vue fur le Jardin (f ) .
& ce Portique a trois Chambres à cha-
que coté (i? i. e z. &c).
Dans la première Chambre à gauche
(e i.) on voit la Chute de Tha'ètonf""""
peinte au milieu du Plat-fond. On a
fort bien exprimé le Coloris horrible
d'un Ciel tout en feu, par une certaine
Clarté de Couleur de Pourpre, qui eft
véritablement fublime dans ce genre. Il
y a, au-deft'us de la fenêtre, & tout au-
tour de la même Chambre, une Frifè
d'un Combat de Bêtes, &c, en Stuc.
(e z.) T) mer fes Hiftoires d'O vide
fur des Médaillons ; & entre autres cel-
les des Horace s, & des Curiaces.
( e 3. ) VHiftoire de CPfiché: le Ban-
quet des Dieux (*). Au-deffus de la
Cheminée, Hercule affîs: il paroît ex-
trêmement grand , quoiqu'il ne tienne
pas beaucoup de place ; mais c'eft parce
qu'il la remplit entièrement. Dans li
même Chambre tout proche de la fenê-
tre, vis-à-vis de la porte, un beau Ta-
bleau de Vénus qui retient Mars par le
bras, afin de l'empêcher de pourluivre
Un Homme, qui s'enfuit tout éfrayé.
Dans le Porche, au-deftus de la fe-
Xxa nêtre,
(*) On en voit une Eftampe gravée à l'eau forte pas
Bat i s te F b »nc o.
6oo des Statues, Table aux,
à M»-M- nêtre, à main gauche, 'David çé Go*
Liât h.
Dans la Chambre {e 4) , à main droi-
te du Portique,font desFrifes ou Bas-
reliefs de Stuc, faits fur les Deffeins de
Jule , par François P r i m a T i c"
cio& JeanBaptisteMantoua^»
qui reprefentent des Marches d'A?'
mee (*).
(es). Au milieu du Plat-fond, Juk'
Ce far, avec fes Litteurs, & tout autoUf
de ce Tableau , des Grotesques. ,
Au-deffus de la Porte , deux
daillons, dont l'un reprefente la Cont1*
nence de Scifion. Au-deffous de ceS
Médaillons, il y a une Frife de jeufies
Garçons, qui règne tout autour de
Chambre.
La dernière Chambre (e 6.) efl: affo-
rément magnifique: c'efl-Ià qu'on trou-
ve la Chute des Géans (f), peinte aU'
Plat-fond, & tout autour des Murailles»
jufqu'à-terre. D'abord en entrant il fe0'
ble, que tout va tomber, comme l'°n
bien remarqué Va sari (J), & F»1'**
bien (§), qui ont donné une ampjr
( *) Gravées à l'eau forte, parPiERRES*NtA
Bar toi.'; auffi par A. B. Stella.
(t) Gravée à l'eau forte,par P. Santa Bar rot1-
(t) Parte III. pag. 330. feq. ■„,
( § ) Entretiens fut les Vies ts't. des plus exceller»
tris. Edition à'Amflerdam 170<5, pag. J14- fe1>
fefc Desseins, en Italie. s9s
Oefcription de ce Palais: i] y a fur-tout à Man''
Une Muraille de briques avec un Archi-T0DE* '
trave de pierres,qui font fi bien contre-
faits, que tout le monde y eft trompé.
Mais comme F elibien,en cet endroit,
ne fait que copier Vasari dans toute fon
étendue, & que parla il eft aufti tombé
dans les mêmes Erreurs que celui-là, il
ne faut pas s'en raporrer entièrement à
la Défcription de ces Auteurs. Ils di-
fent que cette Chambre eft ronde, mais
îîial-à-propos ; car voici comme elle eft :
Le Tlan. Le Profil. | ||||||||||
|
F eli bien dit auffi que les Hiftoires
de la Colonne de Jrajan font reprefen-
tées en Stuc dans une Chambre de ce
Palais. Je ne doute pas, qu'il n'enten-
de celles que j'apèle Marches d'Armée.
On peut voir, par les Eftampes de l'une
& de l'autre, fi elles font ce qui eit iur
cetteColonne. Mais cette Erreur lui fera
venue de ce qu'il a mal traduit ce paikge
de V a s a r 1, qui dit, Né quah, Fregi è
Xx 3 tutî0
-ocr page 795-6oo des Statues, Table aux,
» m an- tutto rOrdine dé Soldat i, che fono a
ma nella Colonna Traiana. Mon Pere
a un Deflèin d'une bonne partie de la
Chute des Géans : c'elt une Copie toute
parcourue avec des Couleurs en huile
de très-belles Teintes , qui imitent 1*
pierre, par R u b e n s. Ce Defiein elt Ie
pîus Capital que j'aie jamais vu de ce
Maître: ii entre par fon Coloris, quoi-
qu'il ne foit que Clair-Obfcur,dans toute
l'horreur du Sujet.
Ces fix Chambres, & fur-tout la der-
nière, font bien coniervées.
Les Apartemens qui font aux deutf
côtés (g g) & qui font la ligne perpen-
diculaire^ T, font tous dv's Chambre?
obfcures, prefque toutes peintes dzGrQ"
tesqites (k de Feuillages.
Dans l'une de ces Chambres à main
droite, il y a une rangée de petites Hiltoi-
res, dans des quarrés, au-delTous du
Plat-fond, parmi lesquelles on voit
à! Apollon qui écor che Marjyas, <& celle
& Orphée qui chante auprès de T lut on >
mais l'endroit eft fi obfcur , qu'on
peut les voir qu'avec peine.
Tous ces Apartemens font fi mal et"
tretenus, qu'ils fervent aujourd'hui à \<K
ger de Pauvres gens, & ils font ouverts *
tout le monde: audieu que les fixant^"'
qui font la partie fupérieure du T, fon-
fermés, & par cette raifon bien coJT
(ervés. cç
fefc Desseins, en Italie. s9s
Ce Palais a été bâti par Jule-Ro- s mah-
Main; & il renferme un grand nombre T0UE'
de fes Ouvrages les plus confidérables.
C'elt auffi là que ce Maître a palîé la
plus grande partie de fa vie, fort effimé
de tout le monde, & aimé du Prince.
Mon Père a des Defleins d'une bonne
partie de ces Ouvrages, par Jule-Ro-
jMain lui-même, & encore davantage
ParRuBENS, par PRiMATiccio,par
Je'rôme da Carfi, par Jean-Ba-
tiste Bertano, &c.
Après tout, ce n'elt pas Jule-Ro-
main qui a peint tous ces beaux Ou-
vrages de fa propre main: il n'a fait que
les inventer, & en faire les Cartons,
qui ont tous été exécutés,tant en Frelque-
qu'en Huile,par fes Difciples Benedetto
Pagni & Rinaldo Mantuano
(1):Ju le-Romain les a pourtant re-
touchés en partie, comme Raphaël
avoit fait de la plupart des Ouvrages du
Vatican. Vasari allure même, que
Jule n'a jamais fait autre chofe de con-
fidérable en Frefque, fi ce n'elt un
Vulcain, au-deflus d'une Cheminée,
pour un certain Organifte de la Catédrale
de Mantoue (f). Voïez pourtant ce
que le même Va'sari dit des Ouvra-
ges
1 Voïez Vauui Part.III, pag. 33°- 33*-
(t; lhid- Pa§- 334-
Xx 4
-ocr page 797-6oo des Statues, Table aux,
tovC gesdeJuLE, dans la Sale de Confiai
tin, à Rome, après la mort de Ra-
phaël ( * ).
Cu5 le grand-Autel, le fameux il/4*
Cj tire de S. George, peint par Paul
Veronese; extrêmement bien colo
rié, mais fans harmonie, C'eft un Ta
bïeau merveilleux par fa Magnificence?
par ia Richefie de l'Invention, & par Ie
Nombre des Figures, qui font aufii gran-
des que le naturel.
m- A côté du Maître - Autel, on voit U
*f"" Miracle de Jésus-Christ, qui mû-
rit cinq mille Hommes, peint par Paul
Farinati. C'eft un Tableau farF
eftimé; & éfeftivement c'eft un f°r}
bon Morceau,quoique le Coloris en f°lC
un peu pelant, & noirâtre. Les Ou-
vrages de ce Maître font extrèmeinen1-
rares en Italie: il a peint la plupart dU
tems à YEfcurial, près de Madrid
Mon Père a un Deffein de ce Tableau
fort grand, & très-fini.
¥
(?) pag. .316. & 317.
-ocr page 798-.1*. n jyI Tr
et Desseins, en Italie. 697
à Verone,,
II y a, fur îe devant,un Quarré dont ^Antiques,
les murailles font remplies iïlnfcriptions,
"tk de Bas-reliefs: il y en a , entre au-
tres, deux petits, d'un goût excellent,
& qui fe reffemblent fort. Dans l'un,
c'eft Mercure qui eft debout , & qui
tient à la main quelque chofe qu'il pre-
fente à la Terre, qui s'y trouve fous la
Figure d'une Femme affife. Au-deftous
de ces Figures on voit ces Mots e p m h s
& r h , Mercure & la Terre. La même
Femme fe trouve auffi dans l'autre, à
cela près que, dans celui-ci, elle a un
pié élevé, & pofé fur une Boule.
' Il y a une très-belle Pierre gravée de
cette Figure, dans la Collection du Roi
de France; & mon Père en a un des
plus excellens Deffeins que j'aie jamais
vus du Parmesan, où cette Femme
eft affile, & regarde un Homme qui eft
debout devant elle, dans la même Atti-
tude , que le Mercure de l'autre Bas-
relief. il y a une Eftampe en bois,
ïaite fur ce Deffein, qu'on apèle ordinai-
rement Raphaël & fa Maîtreffe.
F I N.
Xx 5" ADDEN-
-ocr page 799-ùc)B
ADDENDA.
£Page 17. après Ligne iz. ajoutez.
J'Ai vu à Ijiiffeldorp, chez l'EletteW
Ta latin, fans parler d'un grand amas
de Jets, fur les plus excellentes ftatues
Antiques, femblable à celui qui elt dans
l' Académie Rnïale de France à Rome,,
la plus magnifique Colleftion de Ta-
bleaux de'Rubens, qu'il y ait,je croi,
en aucun autre endroit, & dont quel-
ques-uns font des Sujets merveilleux, &
d'une vafie grandeur, & que le feu Elec-
teur a trouvé moïen de détacher de pîu-
fieurs Autels, moïenant de grofies fom-
mesd'argent. En un mot, c'eft-làqu'on
voit Rubens, dans fon plus grand luf-
tre. Il s'y trouve auffi un grand recueil
de Tableaux d'autres Maîtres, la plu-
part Flamans, ou Holandois : fur-tout
il y a, de Breughel a, Velours, des
addenda. 699
Morceaux très-excellens, entre les
Maîtres Holandois , on y voit briller
principalement le Chevalier Vander
Werff, par une grande fuite de fe?
meilleurs Ouvrages. Ce Maître vivoit
du tems du feu Eleâeur, fon grand
Patron & Protefteur.
p. 81. L 6. après ces Curiofités.
V a s a r x alfure, que c'efl l'An 15-5-4.
qu'on trouva ce beau Monument de l'An-
tiquité Toscane. Voïez la Préface, fur
les Vies des Teinires , Tom. I. pag. 70.
Edït. Flor. On en voit l'Eflampe, dans
l'Etruria Regia, Pl. xxix.
p.y r. /. 18. après beauté raviflante.
Voïez la belle Défcription que Phi-
lostrate a faite d'une Peinture de
ce Sujet, dans le Livre I. de fes Ta-
bleaux, n0. xxiii.
p. 117. après la Note.
On voit l'Eflampe du Tableau de Mi-
che l-A n g e, dans la Galerie de L e o-
poldj de Teniers N°.ii.
p. 118. I. 9. après de Cire.
Monfieur B1 a n c h i , Garde-Cabinet
de S. A.R. ma dit que Franceschi-
p.i69,
-ocr page 801-7oo A D D E N D A.
p. 169. I. dern. après à main gauche*
Voïez X Admiranda, N°. 7. 8.
180. /. 2. ^r/j eft arrivé de fon tems (*)•
Outre la Citation de la troifième O-
raifon contre Catilina,qu'onalègû6
ordinairement pour ce fait, voici une
partie d'un beau fragment qui nous refte
encore de l'hiftoire de fonConfulat,que
Ciceron avoit écrite en vers, & ou
il a juftement fait la defcription de cet
accident.
Nam Tater altitonans ftellanti nixus
Olympo,
Ipfe fuos quondam tumulos, ac temple
petivit,
Et Capitolinis ïnjecït Jedïbus ignés.
Tim fpecies ex are vêtus generofaqtte
Nattas
Concidit, elapfœque vetujîô numide
leges.
Et Divum Jimulacraperemit fulminé
ardor.
Hic (ilveftris erat Romani mmt®tS
altrix.
Martia, qua parvos Mavortis femine
natos
Uberïbus gravidis vitali rore rigabAt-
Quœ tim cum Tueris flartimatôfulp"»'
nis i$û
addenda; 70î
Concidit atque avulja pedum vefligia
liquit :
Au refte, je ne trouve pas que la Louve
du Capitole réponde à cette Défcription*
malgré le coup qu'on y remarque: de for-
te qu'il faut que celle-là foit quelque
autre, qui nous eft reftée du grand nom-
bre de celles qu'il s'en trouvoit ancien-
nement dans la Ville. Ci ceron dé-
clare précifément que celle, dont il parle
avoit été arrachée , 6z qu'elle n'avoit
laiffé que le bout de fes pattes: il femble
même un peu auparavant, qu'il veuille
faire entendre qu'elle étoit périe ; &
comme il parle encore de cette Image,
dans fon Oraifon contre Catilina,
comme d'une chofe , qu'on fe fouve-
noit avoir été autrefois dans le Capitole,
ce qu'il y a de plus vrai-femblable, c'eft
qu'elle étoit gâtée, parce que fans cela,
il n'y a aucune aparence qu'on l'eutôtée
de-là. Dion Liv. 37. allure qu'elle a-
voit été arrachée de deftus fa bafe, par
la foudre.
p. 200. /. 4. après l'éfacer.
Voïez Tag. 335-
p. 207.1.6. après expédient.
Cette Figure avoit beaucoup foufert
par
-ocr page 803-par le tems ; mais on l'a refaite fur urië
autre Cléopatre toute pareille à celle ,
dont je viens de parler, & auffi du Goût
le plus exquis : elle fert de Fontaine à
l'entrée même de la Cour des Statues
au Belvedere. Il y a, à Rome, d'autres
Statues de Cléopatre, dans cette mêtne
Attitude, & je ne fai s'il ne s'en trouve
point en d'autres ; c'eft pourquoi, on
peut croire que c'eft la même que celle
delà Statue, dont Plut arque parle,
à la fin de la Vie <TAntotne, où il
afture que „ C es a r n'aïant pu montrer
„ à Rome, en perfonne, cet te Reine ma-
„ gnanime, il en fit porter en Triorr/e
„ une Statue,qui avoit un Afpic ataché
„ à fon bras". C'eft auffi ce qu'on re-
marque aux deux, dont je parie.
p. 2or. /. if. après qu'il y ait à Rome.
Mon Père a un merveilleux Defiein à
la plume, fait par Raphaël, d'après
ce beau Marbre , ou d'après celui du
Grand-Duc : cela m'eft échapé de 11
mémoire.
p. ai6. I. 16. après de cet Oncle.
Lib. 111. Epifi. 20. ad Atticum.
p. 217. /. ai. après y deflus, ajoute^
en forme de Note.
1 Un Ami m'a écrit de Romet que
ces
-ocr page 804-addenda. 703
«es deux Figures ne font pas à rentrée
de la Galerie ; mais bien à celle de la
Sale, où eft le grand Groupe & Alexan-
dre Farnefe , par Sim. Machelli,
dont je parle à la page 2.43. Cette porte
eft, comme je dis, au haut de l'Efcalier,
au-lieu que celle de la Galerie eit de
l'autre côté.
p. 223. /. 2.0. après ytk qui fait une des
Vertus qui y font reprefentées,ajoutez,
en forme de Note,
(*) C'efl la Juftice, & l'autre eft la
"Prudence : la première efl juftement
celle dont on raconte, d'un Efpagnol l'a-
vanture fcandaleufequi a étécauiequ'on
l'a couvene depuis d'une Draperie de
Bronze ; au-lieu qu'auparavant elle étoit
toute nue. Voïez Vas a ri, Tom. 1IL
pag. 844. où il fait la Défcription du Mo-
nument , telle qu'on devoir l'exécuter.
Le Père Bonanni en a donné l'Eitam-
pe comme on le voit, Hijh Temp. Va-
tican. Pl. 3
p. X49. I.3. après dans fon parti.
Ce Tableau n'eft qu'une Copie, l'O-
riginal aïant été transporté à Parme.
p. 157./. 13. après fonfeptième Livre.
Comme cette découverte ne s'eft faite,
qu'a-
-ocr page 805-7o4 A D D E N D A.
qu'après mon départ de Rome, Ie cèle"
bre Monfieur F i c a r o n i , très-favant
Antiquaire , que j'ai eu l'honneur d y
connoître,m'a envoie un excellent Dei-
fèin, dont il m'a fait prefent, tiré d'a-
près la façade même; de ces Bains, avant
qu'elle fut démolie: il efl: de la dernière
exactitude, & d'une beauté achevée»
& il efl enrichi de quelques Ornemens?
qui ne fe trouvent point dans les Eftam-
pes de Montfaucon.
p. 258. L dern. après l'Air dégagé.
On en voit l'Eftampe dans P e r r i e k»
54. & dans Montfaucon, fipj;
Tom. 1. Pl. xxxix. Celui-ci la croit Mt-
nerva Toliade Voïez pag. 104.
p. 260.1. 4. après jambes croiféesv
NB. Ce font des Faunes.
6y.l. 30. après d'une variété agréable-
Le Poussin en a agi fort fagement»
de ne les pas faire entrer tous fix, parce1
qu'alors ils auroient embarafle fon
jet, comme on en fera perfuadé, fi l'°n
veut fe les reprefenter, pour un momen1'
dans la Pièce. D'ailleurs, comme leS
trois autres étoient des Filles, il n'yaPaS
d'aparence qu'elles aient fuivi leurPèr£>
dans fes Expéditions. _
ADDENDA, 7q$
p. 274, /. 6. après de ces Figures.
Bellori, dans h Vie M. S. de Char-
ges Maratti, allure que c'eft An-
dré Sacchi qui devoir peindre ces
Apôtres, par ordre du Cardinal An-
toine Barberini ; mais, que fur-
pris par la mort il ne fit que le S. Tierre%
que Charles Maratti en fit fix
autres, & enfin un feptième, par ordre
duCardinalCnarles Barberini &
qu'il n'y en a pas davantage. Ainfi, il
faut que je me fois trompé, pour ne les
*voir pas comptés.
p. 274. L 25*. après bien exécutée.
NB. Cette Figure n'eft point Antique.
p. 276. /.n. après de la même efpèce.
Mais il y a fur-tout un Defiein très-
capital du Parmesan, de la Décola-
tion de S. Pierre & de S. Paul,
dont on a des Eftampes en Cuivre & en
Bois, à-peu-près de la même grandeur.
Ce Defiein eft fait à la plume, lavé, &
rehauffé de blanc. Je n'en ai jamais vu
de ce Maître un fi capital & fi excellent
en même tems ; fi ce n'eft celui du Ma-
riage de Joseph & de Marie, qui
fe trouve dans la magnifique Coîie&ion
de Monfeigneur le Duc de Devon-
Tom. III Y y shi-
705 ADDENDA-
shire,&dont on voit auffi utieEljam-
pe en Cuivre de la même grandeur rour
ce qui efl des Deffeins ^Andre'
chi, ils doivent bien être excelle»? »
puifque ce Maîrre ne les a faits qu'api^
avoir peint le S. Romuald, & la Sagée
Divine, qu'il finit, à l'âge de 34.
Ce n'eft qu'après cela que ce Maître tn°'
defîe& laborieux réfolut de faire le vo'j'a-
ge de Lombardte , pour étudier leS
Ouvrages des Maîtres anciens de ce Pays'
là. On peut croire auffi qu'il faii
beaucoup de cas de ces Deffeins, puifqu 'j
les légua, par Teftament, au Cardinal
Antoine Barberini. BeleOB.**
Vit a d'A n d r e a Sacchi. M. S.
p. 280. /. 1. après morte redemit.
B e l l 0 r 1 raconte, dans la Vie M f'
^Charles Maratti, queceMaî-
tre aïant apris qu'un Etranger étoit iur
le point d'acheter ces deu* Figures
ce favant Antiquaire apèle auffi Cafïo?j L
Tolhix, & qu'on mettoit,à ce qu'ilà^»
au nombre des plus remarquables d
Rome) pour les enlever de cette Vi'
& les tranfporter ailleurs, il réfolut û
les avoir à quelque prix que ce fût, p0,.
en faire prefent au Sénat de Rome,
de les placer au Capitole , parmi les » ^
très Statues ineflimables qu'on y
addenda. 707
mais qu'aïant communiqué fon Defiein
au Cardinal A1.2 o l i n 1, ce Prélat en
parla à la Reine Christine d e Suède,
qui écrivit elle-même une Lettre à Char-
les Maratti, pour le prier de les
acheter pour elle. On fait que toute la
Colleéiion de cette favante Princefle
a été achetée depuis par le Prince D.Li-
vio Odescalchi, Duc de Braccia*
no, Neveu d'1 n n o c e n t XI.
p. 283. I. 3. après de ce qu'il a été.
On en a une Eftampe gravée par A u-
gustin Carache.
p. 293. après la plusbalfe Gaffe;
& qu'on ne s'étonne pas de ce qu'on
prône la Grâce d'un Maître, qui man-
quoit fi fouvent dans la Correftion : mais
cela vient de ce que le C o r r e'g b avoir
de la Grâce dans fes Airs de Tête, de
la Grâce dans fon Coloris, de la Grâ-
ce dans fa Compofition, & par confé~
quent de la Grâce dans le Tout-enfem-
hle ; & tout cela peut être fort compa-
tible avec le manque de Correftion. En-
fin on peut dire,que, même jufqu'à fes
défauts, tout lui fied bien; & l'on pou-
roit fur-tout lui apliquer ce bel endroit
de Se'ne que, Èp. 114. Nullum fine
yentâ placuit ingenium. Da mihï quem-
Yy î cuti'
7o8 addenda.
cunque vis magni nominis virum, àicam
quid illi atas fua ignoverit, quid in
fciens dijjimulaverit. Multos dabo q^1'
bus vitia non nocuerint, quofâam quibu\
profuerint. 'Dabo , inquam, maxime
famœ, & inter miranda propofitos
fi quis corrigit , delet. Sic enim vit&
virtutibus immixta funt, ut 'illas JecUM
traEiura fmt.
f. 295. /.11. après Paul Veronesë»
les douze autres du Titien.
/•.297, /. 27. après on doit les enôter.
Il y a en-bas contre la muraille, entî"e
les Pilaftres, cinq Hiftoires de Cons-
tantin le Grand, dont deux, f
veux dire , le Batême , & le Concil
de Nicée , font peintes par And^e
S ac chi.
p. 372. /. 5. après chofe.
U faut cependant que Raphaël ^
écrit quelque chofe fur la Peinture, pulS~
que Vasari en parle, entre autres»
comme d'un Auteur, dont les Ecrits lu
ont été d'un grand fecours,dansla Co#'
pofition de fon Ouvrage : c'eft à la #
de fon Livre Fol Al T art Ail pag. 1 o^'
où il dit : Nel che fare mi jfono ftaîîl
corne altrove fi è detto , di non ftC.c0tr.
J - s, milIV
-ocr page 810-addenda. 709
ai ont 0 gli Scrïtti di Lorenzo Ghi-
berti, di Dominico Grill an-
d a i , e di R a p h a t l l o d'ù r b1 n o.
Je ne me fouviens point d'avoir rencon-
tré ailleurs, dans la lecture de V a s a r i,
aucun autre Paffage où il cite Raphaël
comme un Ecrivain, dont il fefoit fervi ;
auffi n'ai-je pu trouver ce Paffage , où il
renvoie fon Lefteur, quoique j'aie pris
tous les foins poiTibles pour le décou-
vrir.
p. 381. I. 29. après fur le même pié
que le relie.
Nu Hum fine -veniâ placuit Ingenium.
p. 509. /. 9. après admirable Statue.
Mercatus, qui a été Garde du
Jardin des limples, fous les Pontificats
de Pie V. de Gregoire XIII. & de
Sixte V. affure , dans fa Metallothe-
ca ( qui a été imprimée à Rome l'An 1717.
fur fon Manufcrit, par ordre du Pape
Clément XI.) qu'on l'a trouvée à Net-
tuno, qui eft l'ancien Antium, du tems
de Jule II. & qu'elle apartenoit à ce
Pontife , avant qu'il fût parvenu à la
Dignité Papale, & étoit placée dans fes
jardins,près de l'Êglife des Saints Apô-
tres, pag. 365.
fio ADDENDA.
p. 466.I. zp. après, acquiefcit-
Ajoutez en forme de Note.
(*) Cette Lettre fe trouve dans un
Livre qui contient un Recueil de Let-
tres de Coelius Calcagninus>
qui elt dans la Bibliotèque du BodlefW
à Oxford, & qui ne fe voit, que je facbf»
nule-part ailleurs. Le Paifage , que je
viens de citer, fe rrouve dans le feptie'
me Livre, & fait partie d'un Fragment
qui commence, quod nihilad te literf
rum dederim, -poftquàm in Italiam redit;
&c. & dont le Sujet eft un récit qu'11
fait à Ziegler , des Hommes favants
qu'il connoît à Rome. Il elt vrai qu'elle
n'a point de Date; mais elle elt placée
entre d'autres qui font datées l'Ani^i?-
ce qui eft auffi, félon les aparences, 1*
véritable Date , & ainfi un An avant 1*
mort de Raphaël.
p.510. Izî. après des Thermes de Tir®'
Mercatus, que j'ai cité un peuplé
haut,au fujet de la Statue d'Apollon,rf
porte l'Epitafe de ce Fe'lix. Je l'infé'
rerai ici, parce qu'elle fait voir , d'ufls
manière fort particulière, l'eftime qu
avoit alors pour ce Groupe. Elle >e
trouve à la page en ces termes:
addenda. 711
Felici de Fredis
ghii, ob proprias Virtutes,
Et repertum Laocoontis, divinum
quod
In Vaticanô cernis ferè
Refpirans Simulacmm,
Immort alitât em meruit,
Annô \Vomini MCXXVIIÎI.
p. 5-19.1.6. après l'An 1560. (f)
Mer c a tu s tient le milieu ,& allu-
re qu'il a été trouvé du tems de Paul
III. l'an 1 s hors de la Ville, près du
Château S. Ange, pag. 363.
p. ? ii./. iz. après où il eft placé aujour-
d'hui.
Jean-Marie Lancisius, dans
les Notes qu'il a faites fur la Metallothe-
fadeMERCATUs, aflure qu'on l'a dé-
terré au Campo de' Fiori.
p. 5-38. /. 2.4. après qui eft plus parfait.
Voïez tout ce qu'on peut dire fur
l'hiftoire de cette fameufe Molaïque dans
le Père B On an ni Hift.Jemp.Vatic. p.
185-. &c.
Y y 4 t- S6f<
-ocr page 813-712 ADDENDA.
p. 565. I. 8. après de ces malheureux.
Quln etiàm exhïlarare viris convivia
cade
Mes oîîm, & mtjcere epulisfpefîacula
dira
Çertantum ferrô, fapè & fuper ipfa
cadentum
Tocula, refperfis non parcô fanguine
menjis.
Silius Italicus, L.Xi.vf.jT.
p. 567.1. 13. après, de Salvator Rosa,
& de P ierre de cortone,
eft le plus beau de tous. C'eft le feu!
Payfage qu'on connoît de ce Maître, &
Je plus magnifique qu'on puifle voir,
tant pour le flile de Peinture, que par
raport à l'Idée. Il eft enrichi de l'Hif-
toire de J e' s u s-C h r 1 s t , qui apèle S.
André à la vocation d'Apôtre. Il eft à-
prefent dans le fameux Cabinet de Mon-
feigneur le Duc de Dev onshire. Je
ne fais la Defcription d'aucun des autres
Tableaux qui compofoient, dans le tems
que j'étois à Rome,la célèbre Colledion
du feu Marquis Pallavicini, parce
que la meilleure partie en eft venue de-
puis en Angleterre ; & je me borne à
décrire quelques-uns de ceux qui f°nt
en Italie. C'eft par cette raifon, q"eie
ne dis rien non plus de ce magnifr?ue'
A D D E N D A. 713
Jugement de Paris de Charles
Maratti, que Monfieur le Chevalier
W a l p o l e en a eu avec quelques au-
tres Morceaux excellens, & qui font
une belle adition à la noble Colle&ion
de ce magnifique Seigneur ; ni même
du "Portrait hiftorique du Chanteur Pas-
qu a l in 1, qu 'Apollon couronne de Lau-
rier , & qui eft une Figure auffi belle
que celle du Belvedere , qu'Andre'
Sacchi, qui a peint ce beau Tableau,
y a imitée, en changeant feulement l'At-
titude , autant que fon fujet le deman-
doit, & qui eft un Morceau que Mon-
fieur F urnes s a eu de ce Cabinet,
avec encore une belle Lucrèce du Guide.
57f. /. 29. après devant le Saint.
Cette Torche fert beaucoup à répan-
dre fur le tout un certain calme & une
certaine folennité qui relève,plus qu'on
ne penfe d'abord, l'Exprefîion générale
de la Pièce.
p.5-78.1. i.jufqu'à l.22, J'ai vu une
petite Diftertation — qui l'a faite.
Tout cela doit être placé à la Page
580. après la ligne 8.
p. 593.1. dernière,après ont e'tééfec-
tivement.
1305 ADDENDA.
Mais, après tout, fi je me trompe,
comme il peut facilement arriver, jeje-
rai toujours bien-aife de me voir dé-
trompé , par une Dilfertation de quel-
que habile Connoiffeur qui voudra bien
me faire l'honneur de répondre à une fi
belle Queftion , en démontrant que le
fentiment opofé à mon Opinion, elt le
plus probable.
/. f94. /. 13. après dans la même Manière.
Autrefois; mais lAn 1686. le feu Car-
dinal Alderano Cibo, orna très-
tMnm- Superbement cette ancienne Chapèle de
wtê. fa Camille, & fit peindre à Charles
Maratti la Pièce d'Autel, dédiée
à la Conception. On y voit la Vierge
affife fur une Nuée , dans un Ciel de
Gloire, & environnée de Chérubins,
dont les corps céleftes s'unifient à cet
éclat de Lumière, &paroiflent s'ynoïer,
pour ainfi dire, & s'y perdre. Au-def-
fous de fes piés, on entrevoit la Lune,
comme l'image & le fimbole de fa Con-
ception immaculée. Au bas, le Peintre
a raffemblé les quatre grands Ecrivains
qui ont parlé de ce Miltère avec le plus
d'éloge : S. Jean, lEvangélifte , qui
l'a déclaré le premier, elt debout & en
aflion de difter, pendant que S-Gré-
goire , le Grand, en habits Pontifi-
caux?
ADDENDA. 7 r 5*
eaux, & affis, la plume à la main, pa-
roît atentif à fes paroles. Les deux au-1
très Dodeurs,je veux dire, S.Augus-
tin, & S. Chrisostome, font aufïi
dans des Attitudes également belles &
convenables. Mon Père a de ce Tableau
le DelTein original, fait à la plume, de
Ja plus grande Manière de Charles
M a r a t t i , de même que l'Etude d'A-
cadémie,pour le S.Jean, Evangélifte,
& la Tête finie du S. Grégoire, en
pierre noire.
p. 626. après l. 20.
J'ai donné la Défcription de ce fameux
Tableau, comme de deux Pièces difé-
rentes, dont i'une reprefente la Trans-
figuration glorieufe de Notre Sauveur fur
le Mont fhabor, & l'autre ITmpuiffance
des Difciples à guérir le Toffédé Luna-
tique , qu'on leur prefente, pendant Pab~
fence de leur divin Maître. Quoique
je ne fois pas endroit de m'atribuer tou-
tes les beautés qui fe trouvent dans la
Défcription de la partie inférieure du
Tableau,je ne faurois cependant,m'em-
pêcher de conclure, que ces deux Evéne-
mens, ainli confidérés, feroient fépare-
ment deux Morceaux d'une très-grande
excellence, mais qu'étant joints enfem-
ble, de la manière qu'ils le font ici, ils
7i<S ADDENDA.
fe nuifent réciproquement, & rompent
l'Unité du fujet, Article fi-important
dans un Tableau hiftorique. L'Efprit
fe trouve fi noblement rempli de la Trans-
figuration feule, que je voudrois qu'il ne
fut embaraftë d'aucune autre chofe, &
encore moins d'un Sujet qui ne peut,
en aucune manière,être mis en parallèle
avec celui-ci, qui efl: un des plus fubli-
mes de l'Hifloire de notre Rédemption,
& qui mérite bien de faire, lui feul, le
dernier & le plus excellent Ouvrage du
plus excellent Peintre que le Monde ait
produit. Mais, malgré l'inconvénient
que je trouve dans ce fublime Tableau,
je dois cependant avouer ingénûment,
que pourtant je ne fouhaiterai jamais, à
ce prix, que le Peintre en eût retran-
ché le Sujet de la partie inférieure,qu'à
condition qu'il nous l'eût laiflë dans un
autre Tableau féparé, & exécuté avec
toutes les beautés excellentes que l'on y
trouve à-prefent.
Je m'étonne de ce qu'il s'efl trouvé fi
peu d'autres Maîtres qui aient entrepris
de traiter cet illuflre Evénement de la
Transfiguration : je ne me fouviens pas
même d'en avoir vu d'autres Tableaux,
que celui-ci deRAPHAEL) & un autre
que le Guide a peint dans les Aparté-
mens de P a u l V. au Vatican,Q\\ il
pas feulement penfé à aucune autre H»"
toirC'
-ocr page 818-addenda. 717
toire. Mon Père a, de ce Sujet, deux
Deffeins, dont l'un eft du Parmesan,
& l'autre de Van ni , fans parler de
plufieurs Etudes de Polidore; maïs
de ces Maîtres,il n'y en a aucun qui fe
foit mis en peine d'y inlérer d'autre
Sujet. La feule excufe que j'ai jamais
entendu faire, en faveur de Raphaël,
c'eft que les Figures d'en-bas fervent
d'expédient pour remplir le vuide , &
pour éviter la lourde pefanteur de la
Montagne ; mais il me femble qu'on au-
roit pu faire cela à moins de frais.
Si la Transfiguration eft ici l'unique
Sujet de Raphaël, il paroît que le
Moment de la Reprefentation ne pou-
voit être autre que celui que j'ai marqué.
Il ne fe feroit pas arrêté tout court, a-
vant l'énonciation de la voix de Dieu,
je veux dire , avant le témoignage au-
tentique & glorieux de la Million de fon
Fils : auffi n'auroit il pas préféré la re-
prefentation de l'affoupiflement des Di-
fciples, à celle de leur adoration de la
Divinité & de la Gloire, dont leur Sei-
gneur venoit d'être vifiblement revêtu.
Voici ce que le Guide a fait dans fon
Tableau , fuivant la Défcription que
Bellori en fait, àms fia Fie M. S.
T>i fiotto ne lia cima del monte giacciono
U tre Jpoftoli caâuti fer timoré, e (î ri-
parano délia lucida nube, che gC abba-
7i 8 ADDENDA.
gîta. St. Giovanni nel mezzo, apre uno
mano e volge la faccïa à terra. St. Pie-
tro, infrapone a gli acchi la. palma, e
St. Giacomo chiude parimente gli occhi
abbacinati con foin a e f altra mano, non
potendo fojfrire la Lnce. C'eft-à-dire,
Au-deftus , les trois Apôtres, tombés
de frayeur, font couchés pas terre fur le
haut de la montagne, & tâchent de fe ga-
rantir de la lueur de la nuée qui les é-
blouït. J.Jean, qui efl au milieu, tient
une main ouverte & détourne le vifage
contre terre. S. Pierre fe couvre les
yeux dune main ; & S. Jaques qui les
a déjà tout ofufqués,par cette lueur écla-
tante qu'il ne peut fuporter, fe les cache
des deux mains enfemble. Nous ne de-
vons pas au moins fupofer, que Raphaël
l'eut préféré, étant en pleine liberté,
comme nous fommes dans le cas pre-
fent, de juger autrement de ce grand
Maître , parce que quelque Moment
qu'on fixe, il ne s'acordera pas avec toutes
les circonftances de ce même Moment
comme elles fontraportées par lesEvan-
géliftes. D'ailleurs il eft permis à un Pein-
tre, ou à un Poète de s'écarter prudem-
ment de la narration hiftorique, c'eft-
à-dire, d'une manière qui ne contredite»
en aucune circonftance effentielle, à 1*
vérité de l'Hiftoire ; auffi RaphaE1'
a profité de cette liberté, ici, de
qu'en plufieurs autres ocafions, comme
tout Je monde le peut remarquer dans
fes Ouvrages. Il s'elt fait une Idéeaufll
majeftueufe, qu'il lui a été pollible, de
cet Evénement étonnant,& il l'a repre-
fente d'une manière conforme à cette
Idée , dans la partie fupérieure de ce
célèbre Tableau.
Tout ce que j'avance ne doit s'enten-
dre qu'en fupofant que la Transfiguration
elt ce que Raphaël a voulu repre-
fenter ici : fi ma fupofition n'eft pas jufte
en cela, le Moment de la reprefentation
peut bien n'être pas celui que j'ai fixé,
& il fe peut qu'en ce cas-là ce grand
Maître fe feroit pu juftifier d'avoir ajou-
té l'Hiftoire du Pofîédé. Je ne prétens
point décider fi l'on peut véritablement
juftifier Raphaël, dans quelque autre
vue qu'on confidére fon Tableau ; ni fi
quelque autre Idée que celle qui eft l'I-
dée générale de la Pièce , & celle qui
au premier coup d'oeil, paroît auffi la
plus naturelle, ne fera pas fujette à des
Objeétions auffi grandes que celles que
j'ai trouvées dans la mienne. Mais l'offi-
cieux & favant Monfieur Rutgers,
à qui nous avons de grandes obligations,
pour fes Remarques judicieufes, & pour
la peine & les foins qu'il s'eft bien vou-
lu donner dans toute cette édition,
comme je l'ai dit ailleurs ? s'eft avifé de
- ' - - con-
1311 ADDENDA.
confidérer ce Tableau , d'une manière
également noble & nouvelle ; il a eu la
bonté de nous communiquer fa Penfée,
dans une Lettre , qu'avec fa per-
miffion , j'ofre ici au Public. S'il arri-
ve qu'elle failè plus d'honneur à Ra-
phaël , & H l'on trouve qu'elle enri-
chifte davantage l'efprit du Lefteur, je
ferai ravi qu'on la trouve la véritable.
„ Comme, Mejfieurs, pendant le tems
„ que j'ai eu ici le foin de l'Edition de
„ la Traduèlion Françoife de vos Ou-
„ vrages fur la Peinture, vous m'avez
„ fait l'honneur de me demander fou-
„ vent, par vos Lettres, de vouloir bien
„ vous communiquer mes fentimens,
„ avec toute la franchife d'un véritable
„ Ami,au cas que je rencontraflè quel-
„ que chofe de conféquence à remar-
„ quer dans vos Ecrits ; j'ai plufieurs
„ fois pris la liberté de vous propofer
„ mes doutes, lorfque l'ocafion s'en eft
„ prefentée , comme je le fis encore
„ dernièrement, au fujet du très-fameux
„ Tableau de Raphaël, connu fous
„ le nom de la Transfiguration , tant
„ par raport à vos penfées, touchant Ie
„ Moment du tems que le Peintre a
„ choifi pour la partie fupérieure dece
-ocr page 822-ADDENDA. 7xi
v Tableau, qu'à l'égard de la Liaifon,
ou de l'Union de cette partie avec
celle d'en-bas. Vous m'avez fait la
„ grâce, Meilleurs, de répondre à ce-
„ la, que je vous ferais plaifir de mettre
„ par écrit mes Penfées fur ce Tableau,
„ pour les pouvoir faire imprimer dans
j, l'Addenda de votre Livre, efpérant s
j, que, par-là, on pouroit ajouter quel-
„ que chofe à l'avantage qu'en tirera
,, le Public, en lui ofrant les diférentes
à, Penfées de Perfonnes qui ne fe pi-
,, quent que de chercher de tout leur
j, cœur le Vrai & l'Utile, fur un fujet
j, fi fameux & d'un mérite fi diftingué.
„ Ainfi, Meffieurs, pour fatisfaire,
3, de mon côté, à l'honneur d'une de-
„ mande fi obligeante, je me fuis dé-
3, terminé à donner mes Remarques
„ fur ce Tableau, en forme de Lettre,
„ & vous les propofer de la manière
„ qui fuit.
„ La Partie capitale & principale de
„ ce Tableau elt, fans doute, le Sujet
3. de la Partie fupérieure, qui repre-
fente la très-fublime & très-glorieufe
„ Transfiguration de Notre Sauveur *
i, raportée par les Evangéliftes (*)? qui
i, difent, que la chofe arriva fur imé
Tom. III Zz bau-
1313 ADDENDA.
,> haute Montagne , où
Je'sus-Christ
„ étoic monté, avec trois de fes Difci-
„ pies , favoir S. Pierre , S. JA-
,, qjlje s & S. Jean, pour y prier.
,, elt très-probable , que cette retraite
„ de Notre Seigneur efl arrivée fur le
„ foir, ou vers la Nuit ; coutume qui
„ paroît avoir été pîufieurs fois prati-
„ quée par Notre Sauveur, afin que,
„ féparé de la multitude , il pût, avec
„ plus de liberté, exercer le pieux de-
„ voir de la Prière, & fa Communica-
„ tion avec Dieu. Cependant,les neuf
„ autres Difciples étoient reilés au bas
„ de la Montagne , & les trois qui é-
,, toient avec lui fe trouvèrent apefan-
„ tïs de fommeïl : d'où fon peut con-
„ jefturer , que la Transfiguration qui
„ fuivit n'eil arrivée qu'après que No-
„ îre Sauveur eut paiTé une bonne par-
„ tie de la nuit en ferventes prières.
„ Mais, auffi-tôt que S. Pierre, S.
„ Jaques, & J.Jean furent réveillés
„ de leur fommeil, ils virent leur Sei-
„ gneur & leur Maître transfiguré d'U-
s, ne manière toute \Divine, de 'forte que
j, fa Face refplendit comme le Soleil-, &
„ que fes vétemens devinrent plus blancs
„ que la neige (g éclatans comme la
„ lumière ; & en même tems, ils virent
,, deux Hommes avec lui, favoir M 01-
}} Se & Elie, qui étoient auffi
ADDENDA. 723
3, de Majefté & de Gloire ; & ils les
„ entendirent parler avec j e' s u s-
C h r x s t » au fujet de fon Ijfue qu'il
„ devoit acomplir à Jérujalem (*). Cet
„ Evénement du réveil de ces trois
„ Difciples, del'Aparition de leur Maî-
„ tre rempli de Gloire & de Majefté »
„ & de l'Ouïe de fon Entretien avec
„ moïse & eeie fur la Montagne,
„ me paroît être le point du Tems que
„ Raphaël a choili dans cette repre-
„ fentation , ce qui me lemble briller
„ & être exécuté comme venant d'un
„ grand Maître. Le fommeil précé-
„ dent fe fait remarquer par la pofture
„ des trois Apôtres qui font couchés
„ par terre : S. jaques eft couché le
„ ventre à terre, & S. Jean eft com-
„ me affis. Ces deux Apôtres expri-
„ ment, par leur contenance, une crain-
„ te refpeâueufe: ils ont la vue baillée,
„ comme n'ofant l'atacher plus long-
„ tems fur cette Gloire & fur cette Ma-
,, jefté. S. P1 e r r e couché fur le dos
„ regarde à la vérité vers le haut ; mais
„ fe trouvant faili du trouble d'une fain-
„ te vénération , il préferve avec la
„ main fes yeux mortels, qui ne peu-
„ vent foutenir l'éclat de cette Splen-
Zz 2. » deur
(*) Math. XVII, i, x. 3, MarC. ix.X-3.4. Luc,
ix. z8. 29. 30, 31,
j)
72 4 ADDENDA.
„ deur Divine: S. Jean fe couvre de-
» même le Vifage avec la main ; &
„ tous trois paroilfent écouter , avec
„ beaucoup détention, ce célefle Entre-
„ tien.
„ Pour reprefenter la Magnificence
„ Divine de Notre Sauveur , de- même
„ que la Béatitude glorieufe de ces deux
„ Profètes, les plus grands qu'il y aie
,, eu, & pour faire entendre qu'ils é-
j, toient des Ambaffadeurs célefles,en-
„ voies au fervice du Fils de Dieu, le
„ grand Médiateur entre Dieu & les
„ Hommes, Raphaël les a peints,
„ tous trois debout , & placés dans
„ l'Air ; faculté qui efl: abfolument au-
„ deflus de l'Homme, entant que fim-
„ plement Homme , mais qui ne fur-
„ palfe aucunement les forces de celui
« qui pouvoit fe promener fur Ja Mer,
„ à qui les Flots & les Vents obéïflènr,
„ & en qui réfide corporellement toute
„ plénitude de Divinité; faculté enfin»
„ qui ne furpafîè point le pouvoir des
„ bienheureux & glorieux Envoies du
„ Ciel, mais au-contraire qui leur con-
„ vient parfaitement. Cette Invention de
„ Raphaël, pour indiquer ainfi la
„ Divinité de Jë's us-Christ , de
„ même que la Gloire de ces deux Pi-0'
„ fêtes, efl fifublime & fi fpirituelJe.
s? qu'il me paroît qu'on ne pouroin^
ADDENDA. ^
mais s'imaginer , ni même Touhaiter
rien de plus augufte, de plus fort,
& en même tems de plus naturel,
pour exprimer ces avantages. Outre
cela, les Attitudes de Moïse &d'E-
l i e font très-graves, très-illuftres,
& très-férieufes, comme traitant de la
plus grande & de la plus importante
afaire qui fut jamais, lavoir de YIffue,
des Soufrances, S? de la Mort de ce-
lui qui aloit réconcilier de Monde avec
Dieu fon Tère. Ces Profètes font
dans une telle contenance qu'il fem-
ble qu'ils viennent de cellèr de parler,
& qu'ils font fur le point de prendre
congé du grand Médiateur. Mais,
dans toutes ces circonttances, on voit la
Perfonne même de Notre Sauveur dans
une pofiure de réfignation fi fublime-
ment modefie, en même tems fon
Attitude, fes bras qu'il tient étendus, &
l'élévation de fon Efprit le font pa-
roître comme s'il difoit dans ce mo-
ment-là : A F égard de mes Soufran-
ces, & de mon Iffue , O mon cPère!
je fuis -venu au Monde, pour acomplir
Ta Volonté, non pas la mienne, quoi-
que je n ignore point de quelle angoijfe
je ferai fàifi dans le Jardin de Geth-
fémané, quelle Coupe amère je dois
boire pour éfacer la Dette du Téchê
S} du Genre.Humain, & quelles Soufran-
Zz 3 3, ces
1317 ADDENDA.
„ ces inexprimables me feront■ crier a
3, haute voix, Mon Dieu, mon Dieu,
„ pourquoi m'as tu abandonné? Seroit-il
„ poflible d'exprimer, par une
Timple
„ Attitude, comme Raphaël l'a fait
„ dans ce cas", rien de plus fublime,
„ qu'une Réiignation fi Divine , dans
„ un Perfonnage fi Divin ? Il me pa-
„ roît de-là, que tout ce que Raphaël
„ a reprefenté ici s'acorde & convient
„ parfaitement à tout ce que je viens
„ de dire fur les Textes des trois Evan-
„ gélifies. Mais, confidérons à-prefent
„ les autres circonftances qui arrivèrent
,, immédiatement après , pour voir s'il
„ ne fe trouvera pas quelque autre Mo-
„ ment que Raphaël auroit pu avoir
„ en vue. En comparant enfemble S.
„ Luc, S. Marc & S. Mathieu,
„ il paroît,que,dans Je tems queMoï-
„ se & Elie fe féparoient de Je'sus-
„ Christ , non-feulement les trois
„ Apôtres furent faifis de frayeur , &
„ d'une profonde vénération, mais mê-
„ me que cette frayeur s'étoit telle-
„ ment emparée de S. Pierre , que
„ ne fachant prefque ce qu'il difoit, il
„ parla ainfi à J E's u s : Seigneur, i{
„ eft bon que nous foïons-ici,faifons-y, s'il
„ te plaît, trois Tabernacles, un pour Tof
j, un pour Moïse, (s'un pour Elie (*)• j|
M Voïez Luc. IX. 33. Math, XVII. 4. Marc.
-ocr page 828-addenda. 727
sj ne vois point, que Raphaël ait
„ eu en vue ce fécond cas , dans fon
„ Tableau , parce qu'il ne fe trouve
„ rien dans les Attitudes des Apôtres,
„ qui le donne à connoître : auffi voit-
„ on, dans cette Pièce, les Proférés,
„ comme prêts & fur le point de fe fé-
„ parer, mais non pas dans une pofture
j, qui faffe entendre qu'ils fe féparent
„ éfeétivement, ou qu'ils foient déjà
„ féparés , comme ce Moment le de-
„ manderoit, conformément au récit
„ de S. Luc: il n'y a même rien,dans
„ l'Attitude, qui indique les paroles de
„ S. Pierre, ni qui y ait du raport,
„ D'ailleurs, ç'auroit été dommage que
„ Raphaël eût choiii le Moment le
„ moins important de tous; je veux di-
„ re, la propofition d'un Difcipîe éfrayé,
„ & qui ne favoit prefque ce qu'il difoit.
„ Le troiiîème cas, qui fuivit immé-
,, diatement, elt celui-ci: Dans le tems
,, que Pierre proférait encore ces
„ Paroles, une Nuée re/plendijfante vint
,, qui les enombra,ik par-là ils furent, fe-
,, Ion S. Luc, faifis d'une nouvelle
5, frayeur, lor(qu'ils entrèrent dant cette
„ Nuée. Cette dernière circonftance,
,, d'entrer dans la Nuée, fait conjeêfu-
rer, que, furies Paroles de S. Pier-
„ re, les Apôtres s'étoient déja'rele-
„ vés, pour faire paroître leur promti-
Zz 4 3, rude
-ocr page 829-„ tude à exécuter ce que S Pierre
„ venoit de propofer. Quoiqu'il en foit,
3, je ne trouve rien, dans le Tableau de
3, Raphaël, qui paroifte vouloir re-
3, prefenter ce troifième cas.
„ Immédiatement après vient le qua-
„ trième Moment qui eft , qU'/7 vint
„ une Voix de la Nuée , difant, Celui-
„ ci eft mon Fils bien-aimé, auquel j'ai
3, pris mon bon-plaifir ; écoutez>-le (*).
3, Cette Voix caufa de nouveau une tel-
„ le frayeur aux trois Difciples, qu'ils
„ tombèrent le Vifage contre terre ; & S»
„ Luc dit, que comme la Voix fe fit
„ entendre , J e's u s fe trouva feul.
„ Ce quatrième Moment, de cette
„ Voix célefte , eft celui qUe vous fa-
„ pofez, Meilleurs, que Raphaël a
„ choili,dans fon Tableau. Mais,quoi-
„ que je convienne , que ce Moment
„ eft très-augufte, & très-fublime, &>
„ à la réferve du premier, où fe trouve
„ XEntretien des Trofêtes avec j e's u s-
3, Christ, fans contredit le plus Ma-
„ jeftueux de tous les précédens & de
„ ceux qui fuivent ; je ne trouve pas
„ cependant, qUe la Divinité de Notre
„ Sauveur éclate , dans quelque partie
p, que ce foit de ce Moment, avec plus
d'é"
33
. (•) Voïez, Math. XVII, j. 6. M arc. IX. i,
I?» 35] " ' " •
r
-ocr page 830-addenda; 729
a, d'évidence, que dans le premier : la
„ Voix célefte me paroît même n'être
„ qu'une confirmation de la première
„ Gloire, delà même manière que la
„ chofe étoit déjà arrivée auparavant
„ après que Je's us-Christ eut été
batifé par S. J e a n (*); Evénement
„ qui ne devoir point être ignoré des
„ trois Apôtres. D'ailleurs, je ne fau-
„ rois m'imaginer , fupofé même que
„ les Attitudes de Christ & desPro-
„ fêtes , félon qu'ils font reprefentés
,, dans le Tableau, aient pu convenir à
„ ce quatrième Moment , que Ra-
„ phael eût ofé hasarder de donner
„ aux Difciples une autre Attitude, que
„ celle d'être tombés le Vifage contre
„ terre : auffi ne faurois-je croire,
„ qu'un Peintre, pour peu qu'il fût ha-
„ bile & au-delfus du commun,fe trou-
,, vât embarafïé à reprefenter avec gra-
„ ce & avec une bien-féance ''Plttores-
„ que, trois Figures Tombées le vifage
,, contre terre ; & par conféquent, je
„ ne faurois me figurer, que Raphaël,
„ le Prince, le plus habile des Peintres,
retenu, pour ainfi dire, par cet em*
„ baras , & pour éviter un tel incon-
„ vénient, ait reprefenté les Difciples
„ dans une Attitude tout-à-fait contraire
Zz S » à ce
'0 Voïes Mat h.III. 17. Ma^c/I, n, L-jç. III. 15»
-ocr page 831-730 ADDENDA.
„ à ce quatrième Moment, tel qu'il eft
j, raporté par S. Mathieu , & qu''l
„ les ait mis dans une Attitude quicon-
vient entièrement au premier : du
moins, li fon intention avoit été vé-
ritablement de reprefenter ce quatriè-
me Moment, il auroit, à mon avis,
fait une grande faute, de rendre un
fi digne Moment de Ja Transfigura-
tion , li non in intelligible, au moins fort.
„ équivoque; & cela, pour éviter une
i, dificulté qu'un Peintre un peu plus que
„ médiocre pouroit furmonter. Mais,
., après tout ce que je viens d'avancer,
„ je ne voi point comment Raphaël,
„ pouroit être excufable d'avoir repre-
„ lenté, dans ce Moment-là, Moïse
„ &Elie avec Je'sus-Christ, puif-
„ que S. Luc dit pofitivement, que,
„ quand la Voixfe fit entendre,Je'sus
„ je trouva feul : peut-être même que
S. Luc a marqué exprès l'Abfence
de ces Profètes, pour faire connoître
évidemment & fans ambiguïté, que
la Voix & le Témoignage d'être le
Fils bien-aimé de "Dieu ne fe peut a-
pliquer qu'à Je'sus-Christ feul,
& non à Moïse, ni à Elie. Aufti
ne puis-je découvrir, dans l'Attitude
,, du Sauveur, rien qui réponde, d'une
„ manière convenable , à l'ouïe d'un
tel Témoignage célefte: car, fi
rHAËk
33
S»
3»
3,
J3
33
33
»
33
«
5>
3>
S»
3 y
3>
53
-ocr page 832-addenda. 731
,, phael avoit voulu reprefenter Je-
„ sus-Christ rendant grâces àYon
„ Père de cette gîorieufe Déclaration
„ en fa faveur, il l'auroit, fans doute,
„ reprefenté avec les mains plus proches
„ l'une de l'autre qu'elles ne le font dans
„ le Tableau. Toutes ces raifons, join-
,, tes aux précédentes, me font con-
„ jedurer que la réprefentation de R a-
„ phael, dans cette Pièce, fe rapor-
„ te , à l'égard de toutes fes circonf-
„ tances,au premier Moment, & nule-
„ ment au quatrième.
„ Le cinquième Cas, qui fuivit im-
„ médiatement, elt, que, pendant que
„ les Apôtres étoient ainfiabatus&prof-
„ ternés le vifage contre terre, Jt'sus
„ s'aprocha d'eux, les toucha & leur dit,
„ Levez-vous, & ridiez point de peur,
,, & qu'eux élevans leurs yeux, ne vi-
,, rent perfonne , Jinon J t'S u s tout
„ feul (*) ; ce qui confirme aufii le
„ récit précédent de S. Luc, qui dit, que
„ Je'sus-Christ étoit feul quand la
„ Voix fe fit entendre.
„ Là finit TAparition ; car , après
„ cela, Je'sus-Christ defcendit de
„ la Montagne avec les trois Difciples,
„ à qui il défendit de dire à perfonne
„ la Vifion, jufqu'à ce que le Fils de
l'Hom-
(*) Voïez Ma th. XVII. 7. 3. M a a c. IX. 8,
-ocr page 833-?JZ A D D E N D A.
„ l'Homme fût reflufcité des mofts.
„ Cependant, ces Difciples s'entrede-
» mandèrent en chemin ce que leur
Maître vouloit dire par ces paroles^
„ Jufqu'à ce que le Fils de l'Homme fut
„ rejfufcité? fur quoi ils propofèrent à
s, Je'sus-Christ leur doute, touchant
„ la venue d'ELiE, & ils aprirent de ce
,, Divin Maître, que cette venue étoit
„ déjà acomplie en la perfonne de Jean-
33 Batiste; &que, comme celui-ci
„ avoit foufert injuftement, le Fils de
„ l'Homme devoit foufrir de-même,
s, Tout cela ne regarde point la repre-
„ fentation de laTr an sfigurât ion ; mais,
„ par le récit de ce qui arrive immédiat
3, tement après laDeicentede la Montai
„ gne, nous devons trouver l'Intention
„ du Peintre, dans la partie inférieure du
„ Tableau. Je tâcherai d'expofer ce Récit
,, des Evangéliltes dans toutes fes cir-
„ confiances, comme je l'ai fait à l'é-
„ gard de la partie fupérieure de la Piè-
„ ce,afin de débrouiller, par-là, le tout
„ avec plus de clarté & de certitude.
„ Le lendemain , favoir le Matin,
„ lorfqu'ils defcendoient de la Monta-
„ gne, où ils étoient montés le jour ou
3, le foir précédent, une grande troupe
„ vint au-devant de j es v s 5 & lorfqMH
„ fut venu au lieu où étoient les neuf au-
„ très Difciples , il vid une grande
„ vfaL*
-ocr page 834-addenda. 733
5$ multitude à l'entour d'eux & des Scri-
,, bes qui difput oient avec eux (*). Ii
„ n'efl pas dificile de croire, que les
„ Difciples, pendant cette Difpute,ont
„ dû efluïer de piquans reproches de la
„ part des Scribes, fur ce qu'ils n'avoient
„ pu guérir le PofTédé qu'on leur avoit
„ prefenté , en l'abfence de leur Maî-
„ tre, qui étoit alors fur la Montagne.
„ Auffi, dès que la Troupe eut aperçu
„ J e's u s-C h r i s t , elle fut faifîe déton-
s, nement, & ils coururent à lui pour le
,, faluer. Alors^il interrogea les Scribes,
„ difant, T)e quoi êtes-vous en dijpute
„ avec eux ? Jufques-là je pofe le pre-
„ mier cas; mais il efl; évident, que la
„ Partie inférieure du Tableau ne lui
„ convient pas.
„ Après cela (f), 1er f qu'ils furent
„ venus vers les Troupes , un Homme
„ vint à lui, s'agenouillant devant laiy
„ & difant, Maître, je t'ai amené mon
„ Fils, qui a un Efprit muet ; il efl Lu-
natique & miférablement tourmenté %
car il tombe fouvent dans le feu , &
fouvent dans l'eau : cet Efprit le dé-
rompt par-tout ou il le prend, ; & alors
„ il écume , grince les dents, jette de
„ grands cris, & à grand peins cet E-
(*) Luc. IX. 37. Marc. IX. 14- iï-
(t) Voïez Math. XVII, 14. 15. Marc. IX. 17. 18.
Luc. IX. 38, 39.
734 addenda.
„ fprit fe départ-il de lui, même en le
„ froipfant , ce qui fait que l'Enfant
„ maigrit & devient fec : ainfi, Seigneurt
33 je te prie regardes à mon Fils ; car
„ c'efl mon Fils unique. C'efl: cette De-
3, mande du Père, que je nomme le fe-
„ cond Cas; mais ce n'eft pas non plus
„ celui que Raphaël a choifi; parce
„ qu'alors Je'sus-Christ y auroit dû
„ être prelent, & le Père du Pofledé
j, à genoux devant lui ; au-lieu quel'En-
„ fant Lunatique n'auroit pas dû y être,
„ parce que ce n'eft que quelque tems
„ après cela , qu'on l'amène à Je'sus-
,, Christ, comme nous l'alons voir
„ par la fuite. Mais immédiatement
„ après cette Demande, le Père conti-
3, nue fa narration, fur ce qui étoit ar-
„ rivé pendant l'ablence du Sauveur,
„ ce qui, à mon avis, convient parfaite-
„ ment à l'A&ion de toute la Repre-
„ fentation de la partie inférieure du
„ Tableau, favoir , le Cas que le Père
5, raporîe par ces Paroles : J'ai pre-
„ fenté mon Fils à tes Difciples, & les
„ ai requis qu'ils jettaffent cet Efprit
„ dehors, mais Us n'ont pu {*). Aufti
„ les Paroles de S. M a r c , où le Père
„ dit à J e's u s- C h r i s t , Je t'ai amené
„ mon Fils, & celles de S, Mathieu
„ qu*
(*) Math. XVII, i6, Marc, IX. 18, L uc, IX;4®î
-ocr page 836-„ qui dit, Je Vai prejenté à tes Difci-
„ pies, donnent aifez à connoître,qu'il
„ avoit amené fon Fils fur le lieu, dans
„ l'intention de le prefenter à ce fouve-
„ rain Médecin, mais qu'à fon arrivée,
„ ne l'aïant pas trouvé , il l'avoit pre-
„ lente aux neuf Difciples & les avoit
„ priés de le vouloir guérir.
s. Il n'eft point néceflaire de fa voir ici
„ polîtivement, fi le Cas de cette Pre-
„ fentation aux Difciples eft arrivé le
„ foir du jour précédent, peu de tems
„ après que Je's us-Chris r fut monté
„ fur la Montagne, ou pendant la Nuit,
,, ou enfin au point du jour fuivant,
„ puifqu'aucun des Evangéliftes n'en a
„ parlé; cependant, il eft évident, que
„ la chofe eil arrivée pendant l'abfence
„ du sauveur; de forte que je ne trou-
„ ve rien de contradictoire à fupofer,
j, que cette circonftance a pu arriver
„ dans le même inftant que s'eft faite
„ la Transfiguration glorieufe de notre
„ Seigneur fur la Montagne. Au-refte,
„ il me paroît, que Raphaël afibien
„ choifi & qu'il a ménagé fa Pièce avec
„ tant de fageffe & de jugement, en
„ reprefentant ces deux Evènemens,
„ comme s'ils étoient- arrivés en même
„ tems, que fi un Morceau de cette oa-
ture m'apartenoit, je ne fouhaiterois
j, pas que cet Evénement ne fût pomt
„ pla-
-ocr page 837-„ placé dans fa partie inférieure, cami
„ me il y elt. Mais, avant que de nous
„ expliquer plus amplement fur cette
„ matière, nous pourfuivrons cette Hif-
„ toire jufqu'à la fin, pour examiner fi
„ Raphaël pouroit avoit eu en vue
„ de reprefenter ici quelque autre chofe
„ que ce que je viens de pofer.
„ Le troifième Cas, & celui qui finit
„ toute cette Hiftoire, nous eft raporté
s, par les Evangéliftes (*) , de la ma-
„ nière qui fuit.
„ Après que Je'sus-Christ eut re-
„ proché a cette Génération perverfe
„ ion incrédulité, il commanda qu'on
„ lui amenât cet Enfant : dès qu'il fut
„ venu il n'eut pas plutôt vu Je'sus,
,, que l'Efprit commença de nouveau à
„ le dérompre , de Jorte que l'Enfant
tomba à terre, & fie tournoit çà & la
s. en écumant. Alors , Je'sus interro-
„ gea le Tère de l'Enfant, difant, Com-
j, bien y a-t-il que ceci lui efl arrivé?
„ lequel répondit, Dès fin enfance, &
s, le pria une fécondé fois d'avoir com-
„ paflion de lui, & de vouloir fecourir
„ l'Enfant. Mais J es u s, lui dit, Si tu
„ le peux croire, toutes chofes font pojfi-
„ bles au croi ant. .Et incontinent le Tè-
(*) math. xvii. 17.1*8. Marc.
ix. 41—43, — ■ .........
ADDENDA. ju
i} re de r Enfant, s'écriant avec larmes,
j, dit, Je croi, Seigneur : fubviens à mon
s, incrédulité Et quand J e'sus vid,que
„ le Peuple y acouroit l'un fur F autre, il
„ tanfa l'Efprit immonde, lui difant,
s, Efprit muet :S four d, je te commande,
moi, fors âe lui ,& que tu n'entres plus
,, en lui. Alors l'Efprit fortit, é-tz jY-
criant, & le dérompant bien fort, dont
„ VEnfant devint comme mort, fellemeni
„ que plufieurs difoient - // efi mort4
„ J e s u s l'aiant pris par la main „
„ /<? redreffa i & il fe leva ; de forte
,, qu'// le guérit, & le rendit à fon Tère\
,, É> tous furent étonnés de lamagnifiquë
„ ^Vrra T>ieu.
„ Pour reprefenter ce troifième Cas,
c'eft-à dire, la G uéri fon de l'Enfant %
il faudroit néceftairement , ou que
l'Enfant fût à terre & qu'il fe tournât
çà & là en écumant, ou bien étendu
„ comme mort, ou enfin foulevé par
„ Je'sus-Christ,quidevroit être pre-
„ fent, dans tous ces Cas, avec les dou-
j, ze Apôtres ; de forte que la Repre-
„ fentation de Raphaël ne convient
point du tout à ce Moment: car il ne
fe trouve dans .cette partie du Tableau,,
„ que neuf Difciple>, fans que Je'sus-
„ Chkist foit avec eux. Ainfi , cet
„ Evénement de la Guerifon de l'En-
„ fan? ne pouroit être aucunement re-
Tom. 111. A a a 53 pré-
»
»
»
»
j»
ir
738 ADDENDA.
» prefenté , dans un même Tableau,
,, avec la Transfiguration ; car, à moins
„ que chacun de ces Evènemens ne foit
„ arrivé furement en diférens tems, on
auroit dû placer la Perfonne de Je'-
„ sus-Christ dans l'une & dans l'au-
„ tre partie du Tableau, ce qui auroit été
„ une faute inexcufable ; ou, fi l'on avoit
« retranché la Perfonne de Je'sus-Christ
5, dans la partie inférieure, le Caradère
» néceflaire , pour indiquer la Guéri-
„ fon , auroit manqué» Ainfi , félon
», moi, il n'y a aucun lieu de croire que
s, Raphaël ait eu en, vue de repre-
,, fenter, dans cette partie, la Guérifon
„ de r Enfant ,mais bien le Cas de \Im-
„ puiffance des neuf Difciples, à guérir
„ le Pojfédé que le Tère leur a prefen-
„ t c, dans le tems que J es u s-C h r i s t
s, étoit Jur la Mantagne, avec les trois
„ autres Difciples, comme nous l'avons
*, déjà dit ci-deflus , après le fécond
„ Cas, fur le récit qu'en font S. Ma-
„ thieu, S.Marc & S. Luc. Mais
„ voïons à-prefent de quelle manière
„ Raphaël s'y efl pris, pour reprefen-
„ ter cet Evénement,dans fonTabieau.
„ On voit ici l'Enfant poflèdé, fou-
„ tenu par fon Père, mais dans des ag1"
„ rations & des convulfions horribles,
„ ce que fes bras écartés expriment avec
„ beaucoup d'énergie : le Père même
-ocr page 840-si n'eft pas hors de danger de recevoir
3, quelque mauvais coup de l'Enfant,
„ qui ne fait ce qu'il fait dans ces terri-
„ bles momens. Ce Père, voïant que
„ les Difciples fe trouvent dans l'im-
jj puiffance de délivrer fon Enfant, pa-
„ roît tout embaraffé & toutconftemé,
i, comme le {ont aufîi les Parens & les
„ Spedateurs , jufqu'à deux Femmes
„ qu'on peut fupofèr proches Parentes du
Pofîédé,qui font l'une àfa droite & l'au-
tre à fa gauche,& qui,regardant les neuf
Difciples, femblent implorer leuraftis-
tance,& pour exciter leur pitié, leur
font remarquer les tourmens exceftifs
j, que foufre ce pauvre Enfant, LesA-
pôtresmêmes paroiffent avoir l'Efprit
confterné & abatu fur leur Impuijfance:
deux d'entre eux montrent de la Main
vers le haut, comme pour faire con-
noître que leur Maître eft fur la
Montagne, d'où il doit bien-tôt reve-
nir , & que, lorfqu'il fera defcendu,
ils efpèrent qu'il fuplêra à leur Man-
que de pouvoir. Deux autres Difci-
ples, placés à un coin du Tableau,
& derrière ceux dont je viens de par-
ler , paroiftent, tout coniîernés & dans
une humiliation profonde : ils fem-
blent raifonner fur un Cas fi inopiné,
avec le Difciple qui eft devant eux,
dont on voit le derrière de la Tête, &
Aaa % qui
ji
53
35
33
53
35
3»
?»
35
55
35
35
h
53
5?
1331 ADDENDA.
,, qui montre vers le haut. Sur le mî-
j, lit u du Tableau, proche du pié de la
j, Montagne , il y a un autre Difciple
„ qui montre avec la ma n l'Enfant Pof-
„ fédé , il paroît raconter l'Evène-
„ ment à en autre, qui te trouve à côté
„ de lui, & dans une Attitude qui mar-
„ que qu'il ne fait que d'arriver , ou
„ du moins qu'il ne fait que de cotn-
,» mencer à donner fon atention à l'E-
vènement. La philionomie de ceder-
„ nier reprefente ii bien le Caraélère
„ d'un vilain Juif, avare & traître,
„ fuivant l'Eftampe de Dorigny,
„ que je ne doute pas que Raphaël
„ n'ait eu en vue de reprefenter, par
„ fa perfonne, le perfide & traître Ju-
„ d a s. Directement au milieu du Ta-
„ bleau , devant ce Judas, on voit
„ deux autres Apôtres, l'un jeune &
„ 1 autre avancé en âge, que je nomme
„ avec Monfieur tenKate, S.Tho-
mas & S. Mathieu, qui font ici
j, chacun un perfonnage d'autant plus
„ fublime & relevé, que celui de Judas
„ eft bas & abjeét. Le Jeune-Homme,
„ Thomas, eft debout & s'alonge en
n avant avec une atention & un zèle
extrême ; & il paroît faifi d'un grand
„ étonnemenf , comme aïant peine à
„ s'en raporter à fes yeux, & à croire»
„ que dans ce Cas, l'Efprit immonde
* » ne
-ocr page 842-addenda. 741
„ ne cède point au pouvoir que lui &
„ les autres Apôtres ont de faire des
s, Miracles, & auquel les Efprits im-
„ mondes avoient été fournis acpara-
„ vant: cependant, malgré fon étonne-
„ ment, il exprime une très-pieufe vé-
j, nération , aco.npagnée d'une très-
„ grande modeftie-& cela, pari' Action
„ de fes marns jointes fur la poitrine.
„ Mais S. Mathieu , étant comme
s, pofé fur un de fes genoux,paroît ex-
„ trèmement touché de compaflion
„ pour le pauvre Enfant ; & par l'Inclina-
„ tion de fa tête , de même que par
„ l'Attitude de fes mains, il paroîc faifi
„ d'une fainte élévation d'Efprit, & dé-
„ clarer, d'une manière fublime , aux
„ autres Apôtres fes Compagnon iQjf 'à
,, r égard du pouvoir de faire dts Mira-
„ cles, ilvoioit qu'ils ne devoient aucu-
„ nement fe repofer fur leurs forces, mais
„ qu 'ils devoient atendre tout pouvoir,
„ & toute affifiance de Dieu & de fon
„ Fils leur Divin Maître, qui je trou-
,, voit alors abfent, mais qui feroit bien-
„ tôt de retour. Enfin , le neuvième
„ Apôtre elt aflis fur le devant, à l'un
„ des coins du Tableau:fa phifionomie,
„ fuivant les Eltampes de Dorigny,
„ de Tomessin & de Cort , ne
„ convient pasmalàunEièredeS.PiER-
„ Rfij ce qui fait que je le nomme S.
Aaa 3 „ An-
-ocr page 843-A D D E N D A.
„ André. Cet Apôtre, comme s'il
„ avoit été ocupé à lire l'Ecriture Sainte,
„ tient d'une main, à côté de lui? un
„ Livre ouvert: les traits de Ton Vifage*
„ & i'attirude de faTête&de fon autre
„ Main, marquent auffi un pieux éton-
„ nemenr ; & il paroît voulo'ir confir-
„ mer, que-, quand Je's us-Christ
„ fera defcendu de la Montagne, il gué-
,, rira, félon toute aparence, ce pauvre
„ Enfant fi miférablement afligé.
„ Jufqu'ici je n'ai raifonné fur ce Ta-
„ bleau, qu'autant qu'on en peut juger par
„ les Eftampes; mais, pour ce qui regarde
„ Xldéal requis des Vifages, fi jedevois
„ en parler fur les deux Têtes d'études,
„ faites pour les deux Apôtres que nous
„ nommons S. Mathieu & S. T.ho-
„ m \ s, deffinées par la main même du
3, Maître, fur le Carton qui fe trouve
„ dans la Colleéiion de Monfieur t e n
„ K a t- e , je ne faurois, à cet égard .
j, m'empêcher de conclure , que le
„ Tableau doit être un Prodige in-
„ comparable de l'Art ; néanmoins, ce
„ que l'on trouve dans les Eftampes tant
„ de Dorigny, & de Tomassin»
j, que de C. Cort, n'indique pas la
„ moindre chofe des fublimes Caractères
,, de ces deux Apôtres, tels qu'ils fonc
„ dans ce Deftein. C'eft aufti ce qui
„ que je n'ofe me fier aux EftampeS'
„poiir
-ocr page 844-addenda. 743
s, pour ce qui regarde FIdéal des autres
„ Têtes de ce Tableau ; de forte que
„ je ne faurois décider pofitivement,
„ que, dans le Tableau, le Vifage du
„ Père du Poffédé marque une auffi
„ terrible Coniternation qu'on la voit
„ dans les Eitampes , & fur-tout dans
„ celle de D o r 1 g n y , où il paroît com-
„ me enragé ; mais elle fe fait moins
„ remarquer dans celle de Cort que
j, dans les autres. Ce qui m'en fait
„ encoreplusdouter,c'eftque Raphaël
„ n'avoit pas coutume d'outrer les Hu-
„ meurs & les Pallions; au-contraire,
,, il les exprimoit d'une manière conve-
„ nable, délicate, & modefte : après
„ tout, fi j'étois fûr que l'Expreffiondu
„ Père fût éfeétivement telle dans le
,, Tableau que dans I'Eftampe de Dori-
,, GNY,je ferois d'humeur à croire que Ra-
„ phael auroit fait une faute groffière;
„ parce qu'iciun Zèle férieux, une Con-
„ fternation modérée , & une Trifteffe
„ abatue conviendroient à ce Père, pour
„ exciter la Compaffion qu'il demandoit
„ par fes humbles prières;au lieu qu'un
„ Vifage farouche & une Vue égarée
„ cauferoit de l'averfion & du dédain,
„ plutôr que de la pitié.
„ Pour ce qui regarde la Compofition
„ du Clair-ObfcurduTout-enfemble de
„ ce Tableaujcomme la Partie inférieure
Aaa 4 „n'eft
744 ADDENDA.
j, n'eft qu'un Ouvrage ajouté & acciden-
,, tel, il eft très-naturel que la Partie fupé-
„ rieure»qui contient le Sujet principal
„ éclate lur-fout en Lumière; de forte
,, que, luivant le témoignage de Mon-
,, fleur Richards on Le Fils,quand
„ on jette la vue fur ce Tableau, l'Ac-
„ tion principale de la Transfiguration
3, le prefente la première à la vue ; elle
», frape d'abord,& elle attire l'Atention
„ du Spectateur ; & ainfi l'Aètion & la Fi-
,, gure principale du Tableau ocupent la
„ place la plus diftinguée. L'Efet de ce
„ noble éclat le fait même fentir, en quel-
„ que manière, dans les Eftampes, &
„ fur-tout dans celle de Dorigny,
„ ma s un peu moins dans celle de To-
„ massin, & plus foiblement encore
„ dans celle de Cort.
„ Pour ce qui eft de la Montagne, on
„ pouroit croire que Raphaël a fait
,, ici une faute, parce que S.Mathieu
„ & S. Marc difent expreflément,
,, que la Transfiguration fe fit fur une
„ haute Montagne (*): aufli eft-il cer-
„ tain, que lorîqu'un Peintre de Payfage
„ auroit à traiter ces deux Evènemens
„ de la Transfiguration ^Je'sus-Christ
„ & de l'Impiijfance des Difciples, qui
,, fe trouvent dans le Tableau de Ra-
phaël %
(*) M a T H, XVII. i . M a r ç, IX. 2,
-ocr page 846-ADDENDA. 74*
phael, comme s'ils étoient arrivés au
même Inftant de tems, & dans des lieux
fort peu éloignés l'un de l'autre , il
devroit donner à la Montagne, com-
me à la partie principale de fon Payfa.
,, ge, une hauteur aftez confidérable,
„ & faire fes Figures petites, à propor-
tion de la hauteur de cette Montagne.
Mais, il n'eft pas moins évident, qu'un
Peintre en Hiftoire, dont le but & le
devoir principal eft de reprefenter les
TaJJions, les Humeurs , & le Beau
Idéal, avec clarté & exaftitude, eft
contraint de faire fes Figures aufti
grandes que la nature de fon Hiftoire,
& l'étendue de fa Toile le peuvent fou-
frir avec bien-féance; de forte qu'il
peut, & eft même obligé de reprefen-
„ ter les hautes Montagnes, &les gran-
des Eaux, d'une manière figurée, en
en faifant voir feulement de petites
parties , comme cela fe rencontre
très-fouvent dans les Ouvrages des
premiers Peintres Modernes , dans ce
genre de Peinture, de-même que dans
les Bas-reliefs Antiques, qui repre-
fentent quelque Evénement confidé-
rable : C'eft par cette raifon , que
je ne faurois m'imaginer qu'un Hom-
me qui eftime la partie Hïjloricjue &
Idéale dans un Tableau, aimât mieux
que Raphaël eût fait ici une haute
Aaa s ?» Mon-
»»
3>
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J»
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5»
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55
?»
35
3»
P
ADDENDA.
s, Montagne & de petites Figures, com-
„ me s'il avoit été un Peintre de Pay-
„ fage; parce qu'il auroit perdu l'oca-
„ lion de reprefenter les belles Formes,
,, les Humeurs, les Paftions,& tout ce
„ qui fait l'Eifentiel d'un Tableau d'Hif-
„ toire : il n'auroit pas même pu faire
,, voir toutes les Expreflions & toutes
„ les Beautés qu'il a reprefentées d'une
„ manière li fublime, dans la Partie in-
„ férieure de fon Tableau , s'il avoit
,, reculé cet Evénement, comme un
,, Epifode , dans le Lointain du Ta-
„ bleau : pour moi , j'aimerois autant
,, qu'il ne l'eût point fait entrer du tout
„ dans la Pièce, que de l'y avoir placé
„ de cette manière.
,, Mais il paroît, qu'il refte encore
„ une autre dificulté, qui eft de favoir,
„ fi Raphaël n'auroit pas agi plus
„ fagement, de retrancher l'Evénement
», qui eft reprefenté dans la Partie infé-
s, rieure du Tableau, & de s'être con-
3t tenté de reprefenter la Partie fu-
s> périeure de la Transfiguration , fans
j, y rien ajouter, qui ne paroiftè y avoir
,, du raport directement ; d'autant plus,
,, que l'on doit s'imaginer, que ces deux
3, Evènemens font arrivés à une telle
s, diftance l'un de l'autre, que les neuf
33 Difciples, ni la Multitude qui étoient
33 au bas de la Montagne, ne pouvoient
,3 avoir
-ocr page 848-ADDENDA. 747
s, avoir la moindre connoilïance de la
„ glorieufe Transfiguration du Seigneur,
„ fur la Montagne ; & que les neuf
Difciples, dans le tems que lePoffédé
leur fut prefenté , ne pouvoient fa-
„ voir autre chofe, linon que leur Maî-
„ tre étoit monté fur cette Montagne
„ avec les trois autres Difciples pour y
„ prier; de forte qu'il femble, qu'il n'y
„ a pas la moindre Union entre ces deux
„ Evénemens :
„ Je réponds à cela, que, comme
„ cette ignorance'des Apôtres ne fait
„ pas ïUnion, de-même elle ne fauroit
„ la détruire : car, fi la Connoilfance
„ d'un des Perfonnages fufit pour faire
„ cette Union , on la doit pofer pour
„ fùre & l'aprouver,parce que Je'sus-
3, Christ, qui, par fa Divinité, favoit
„ même ce qui fe palfoit dans le cœur
3, de l'Homme, ne pouvoit ignorer ce
„ qui fe faifoit alors au bas de Ja Mon-
tagne. On peut fupofer une Union
dans le point du Terns ; auffi y en
„ a-t-il une très-grande , & un raport
„ extrême entre les deux Evénemens
„ qui font reprefentés ici 3 en ce que celui
„ qui fe fait en-haut regarde laGloire &
„ la MajcfiéDivine du Maître, pendant
,, que ce qui arrive en-bas regarde la
„ Foib le (fe humaine, & Vlmpuiffance de
„ fies "Difciples ; Contra lté fublime,
3»
3»
„ qui , félon moi, fait une très-belle
„ Union du Tout. D'ailleurs, fi l'on
,, n'avoit reprefenré que la Partie fupé-
„ rieure, on auroit pu dire, avec rai-
„ fon , que l'Hiftoire n'etoit point re-
„ prefentée , dans toute fon étendue,
„ parce qu'on auroit retranché la cir-
„ confiance , que neuf des Apôtres
„ ét oient demeurés en-bas. Si l'on avoit
„ placé, au bas de la Montagne, ces neuf
„ Apôtres, endormis, ou dans quel-
„ que Aétion peu confidérable, on au-
„ roit, à la vérité, rendu, en quelque
„ façon, l'Hiftoire plu complète, mais
„ moins qu'elle ne l'elt dans la Pièce ; & la
„ chofe le feroit faite avec beaucoup
„ moins de Dignité ; puifqu'à-prefent
„ on y trouve jointe une Aêfion très-
„ confidérable, & dont les Circonftan-
„ ces demandent un très-grand Hom-
„ me, pour la reprefenter de la manière
„ que Raphaël l'a fait; & que d ail—
,, leurs, cetteReprefentation fert à en-
„ richir le Tableau, comme elle le peut
,, faire ici d'une manière très-fublime,
„ li l'on a foin fur-tout de ménager la
„ Lumièredecet Evénement fubordon-
„ né, de façon qu'elle foit moindre en
„ Eclat, que celle delà Partie fupérieu-
„ re (t principale,ainfi que celafetrou-
„ ve dans le Tableau. De plus , cet
„ Evénement de la Partie inférieure
„ eit,
-ocr page 850-addenda. 749
eft, de fa nature , fubordonné à la
Transfiguration; car, s'il étoit repre-
fente iéparément dans un Tableau,
on auroit peine à en comprendre le
fens, à caule de l'abfence de la Per-
fonne de Je'sus-C h rit; &, quand
même on auroit reprefenté, dans le
Lointain, le Sauveur defcendant d'u-
ne Montagne , avec fes trois Dilci-
ples, cela n'auroit pu encore expli-
quer la chofe clairement ; au-lieu que
l'Aftion de la Transfiguration rend
la chofe claire & nette. Enfin, un tel
Tableau confidéré féparément , &
uniquement comme une preuve de
YImpuiJfance des Difciples , n'auroît
pas fait un Sujet de fort grande im-
portance.
„ Après ces raifonnemens,îamanière
dont Raphaël s'y eft pris ici, en
ajoutant cet Evénement à celui de la
Transfiguration , me paroît mériter
de très-grandes louanges , & même
être très-digne d'Imitation , d'au-
tant plus qu'elle enrichit & relève le
Tableau confidérablement.
„ Quand, donc , on prend XVn'tm
de ces deux Evènemens,de la maniè-
re que je viens de l'expoler , il me'
paroît alors, que la reprefen'ation du
Tout-enfemble de ce Tableau ren-
ferme des aplications très.fublimes
&
-ocr page 851-75q addenda.
„ & très-patétiques. Alors, Je'sus-
i, Christ y eft reprefenté commet
„ de Dieu, & comme le véritable Mef-
„ fie, Médiateur & Rédemteur du Gen-
,, re-Humain ; & pour nous faire en™
„ tendre , que la Loi <k. les Profètes
lont acomplis en fa Divine Perfonne,
& qu'il eft I'Emmanuel promis,
& l'Agneau qui devait ôter le Péché
„ du Monde , on y voit reprefentés
„ Moïse & Elie, qui lui parlent de
„ fa Fin & de la Mort qu'il devoit fou-
„ frir dans peu à Jérufalem. La Per-
„ fonne de Moïse peut reprefenter
„ ici toute la Loi écrite, avec fes Cé-
„ rémonies ; & Elie comme le prin-
„ cipal de tous les Profètes, peut re-
„ prefenter ceux qui ont parlé de JE'-
„ sus-Christ, & qui ont prédit fa
„ Million, fes Soufrances, & fa Gloire.
„ L'expédient induftrieux de reprefen-
„ ter Je'sus-Christ avec les deux
„ Profètes, comme fufpendus en l'Air,
„ & comme fans aucun poids corporel,
„ marque le pouvoir de ce Divin Sau-
„ veur. Son Attitude exprime aufti
„ très-clairement fon Obéïflance volon-
„ taire, & fon Défir ardent d'acomplir
„ la Volonté de DIEU fon Père , de-
„ même que fa promtitude à foufrir
„ tout, pour payer la Dette du Genre-
„ Humain. Quoique l'Ecriture n 'en
„ dife
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ADDENDA. 7si
s, dife rien , il eft pourtant très-vrai-
femblable , que J es us-Christ,
s, dans fa Glorification, & après que les
, Profètes lui eurent parlé de la Mort
,, qu'il devoit foufrir à Jérufalem, té-
„ moignaga fa Réfignation à la Volon-
„ té de DIEU , & qu'immédiatement
„ après , la Voix célefte fe fit enten-
„ dre, pour confirmer la Dignité de
„ fa Perfonne , en difant, Celui-ci eft
„ mon Fils bien-aimé, en qui f ai pris
„ mon bon-flaiftr , écoutez-le. Ainfi le
„ Tableau entier , de-même que le
„ Texte de l'Evangile, nous reprefen-
„ te , par cet augufte Evénement, a-
„ compagné de fes circonftances, toute
s> la Dignité & tout le Caradère de
„ notre Divin Sauveur. Sa Transfi-
„ guration glorieufe nous marque fa
3, Gloire à venir , & qui devoit fuccé-
„ der à fes Soufrances; comme laGloi-
„ re de Moïse & d'elie prouve
„ la Réfurreftion glorieufe, & la Béa-
„ titude à venir, que fa Doélrine pro-
„ met à ceux qui croiront en Lui, &
„ qui obéiront à la Volonté de fon Pè-
„ re. La Mort & les Soufrances qu'il
„ doit fubir à JéruJalem nous allure de
„ fon Humanité , & de fon Ofrande
„ parfaite & fufifante , pour payer la
Dette du Genre-Humain, conforme-
„ ment
-ocr page 853-1343 ADDENDA.
„ ment à la Volonté de fon Père,
„ L'impuiffance de fes Difciples qui né
„ peuvent guérir le Poffédé Lunati-
„ tique, fans le fecours de leur Diviri
„ Maître , nous aprend que toute Puif-
„ fance eft réfervée à Lui feul, tant
„ au Ciel, que fur la Terre, & dans
„ les Enfers ; ce que Raphaël, à
f, très-favamment exprimé , par les
„ Difciples qui montrent, avec les Mains,
„ vers le haut de la Montagne , en
„ déclarant par-là , qu'ils ne {ont que
„ des Inftrumens vains & inutiles, fans
„ l'aftiftance de leur Divin Maître, de
„ qui feul doit émaner toute leur Force
,, tout leur Pouvoir.
„ Enfin, cet augulle Evénement de
la glorieule Transfiguration de No-
'„ tre Seigneur, reprefenté avec toutes
„ fes circonftances, tel qu'il fe trou-
„ ve dans ce fublime & dogmatique
„ Tableau , fert à confirmer & à
„ augmenter notre Foi en Je'sus-
„ Christ : c'eft auffi pour cela , que
„ l'Hiftoire nous en eft raportee dans l'E-
„ vangile.
„ Voilà , Meilleurs , ce que j'avoîs
„ à dire fur ce fameux Tableau de R a-
„ phael. J'avoue ingénument, que je
„ fuis fâché de ne l'avoir pu faire d'une
„ manière plus concife , fans rien per-
„ dre
-ocr page 854-ADDENDA. 753
„ dre de la force & de l'ordre requis.
„ Mais ce qui me mortifie davantage,
3, c'eft que je me trouve obligé de
„ m'éloigner quelquefois de votre opi-
„ nion , pour ce qui regarde le but
„ que Raphaël a eu dans ce Ta-
3, bleau. Une feule chofe me confo-
„ le , c'eft que je fuis très-perluadé,
3, Meilleurs, par les fréquentes preu-
„ ves que m'en a fournies notre agréa-
„ ble commerce de Lettres, pendant
3, qu'on travailloit à l'Edition Fran-
„ çoïje de Vos Ouvrages fur la Fein-
„ ture, je fuis, dis-je , très-perfuadé,
„ que vous êtes trop généreux pour avoir
jamais fouhaité que je vous déclaraf-
„ fe mes fentîmens, que d'une maniè-
„ re libre & fincère. Vous conve-
„ nez, avec moi, que l'Art,dont nous
„ traitons, jouît parfaitement de cet
3, avantage , d'ailleurs fi rare en plu-
„ fieurs autres chofes : Sent ire qua
,, vehs , & qiia fentias , dicere lie et.
„ C'eft auffi de cette manière que j'ai
3, l'honneur de m'expliquer , en fou-
„ mettant cependant mon opinion par-
„ ticulière à vos favantes correéiions,
„ par-tout où vous trouverez,quejeme
„ fuis trompé, puifqueje ne propofe ma
„ penfée que par un véritable défir de
„ m'inftruire. C'eft dequoi je vous
fom. III. Bbb „ prie
1345 ADDENDA.
„ prie d'être très-convaincus, de mê-
„ me que de la parfaite eltime avec la-
„ quelle je fuis,
» ^Amfttrdtm, li
io Mai. ni S,
Vôtre très-humble &
très-obéïflant Servi-
teur.
ERRA-
7 S
Se trouve Des Statues, Bus- & à coté de l'Etoile On a pas comme l'Océan , à l'é- 39- 46. 53- 67. 75- 97. LeonardeVinci le Hermaphrodite .- il !Pag. Lig. i. 20. 3i. 19. 23. 6. 2. 24. iffltt. 7. |
LifeZ De divers fa- ci , outre l'Etoile, comme l'Océan extrê- H a n m E r. Paulus ^ovins Elog. L'Hermaphrodite : elle |
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7$6 E R A.
Tag. Lig. 110. *37- 22. 146. 180. Notes 1. 181. it. ii. 3r- 21. 2;. 3- 200; 25. 212. 211. 218. *33- 27. 16. 236. 237. la. *3- 14. 246. 267. 256. ii. |
Se trouve un Monument de ce gram Cinelli les a par- de cette belle Antique P e lisci en en pierre rouge ils ne raportent pas Ja?n mhilô fuperi de Guillaume hauteur Thermes j'ai penfé dire , qu'on On ne voit jamais au- Cdprcnic couchée de |
un Monument de autre fois Cinelli en a donne adoucir de cette Antique ils n'ont garde de rapor- Jam nih'il, ô Supert le Nud largeur j'ai penfé dire, tout ce par On ne voit guéres de le fait (t) „ Antiope, dans un Deffein , q«e mon Père a , il i* |
757
Tag. Lig.
267. 20. 274- 297. 22. 2Ç. 297. 299. 300. 3*3- 328. 3- 19. 1. 2J. 20. 33r- 353- 24. 2. 367- S' 373- _ 17. 368. |
de toutes perfidies Ses trois Eafans , qui éfacez en marge Anti- C'eft ,1a Pièce la plus Hiftoires de la Vierge précifément dans dans la même Attitude dépérie ; on l'a replâ- qu'ils ont eu quelque Dans deux de ces Cham- qu'il eft eft poffible - Ille Deo plenus je veux, dire la Couronnes Laurier o |
de toutes les perfidies Les trois Enfans que le Cette Pièce eft d'tme Hiftoires de S. Jean In Nome Bufte précifément dans la mê- dépérie , & on l'a re plâtrée de part Tous Couronnes de Laurier Errata. Se trouve Lifez |
e r r a A t a.
373- 391- 3°- 6. 28. 406, 2.8. I408. 7- 465;. '513- 512. 24. S<5j. 54S« 20. 8. Tag. Lig. 5- |
Se trouve O l'tngua l'Idée que j'en aurois il y aparence ne n'y difiinguent Eftampe; pag. 222. de Bath & de Wells sooemias qu'il avoit pu trouver on en peut voir auffi un éfacez de-même que de Divinô ? N» Au- |
Or l'tngua l'Idée que j'en aurois merveilleufe il y a aparence dans le Vatican pag. 223. & de Bath & Wells que celui que ce Sei- on peut voir auffi un Divine, M» éfa- |
QPJPI
E
R
A.
Tag. Lig. 565. 17» 22. 23. 568. 586. 587. 590. 11. 21. 14. 26. C16. 669. 670. 19- il. 701. 7lS*' |
Se trouve Au-refte , il faut oc. l'idolatie l'induftrie humaine de l'Antiquité; dans le Tableau de Do- miniq.uin ; & dans celui du Guide, ce à Maître On y eft clwrmé d'une |
Lifez efacex. jufqu'à la fin de la page avec l'induftrie humaine - Figures dans le Tableau du pas à ce Maître On y remarque une 210.1. r j. où il eft aujourd'hui,' réconcilier le Monde |