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ou
DESTINÉ AUX ENFANS.
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I,,.
LE
ou
DÈSTI-NÉ AUX ENTANS.^
0tuô cjuator^ej ÇzavmCiXy.
A LA LIBRAIRIE D'ÉDUCATION
DE Pierre BLAlSCHARD.
-ocr page 4-Le petit ouvrage qu'on présente
au public, est le fruit de quelques
niomens passés à la campagne.
Le plaisir qu'on a éprouvé à
suivre les difTérenles études qui
le composent, fait espérer qu'il
sera accueilli de tous ceux qui
savent apprécier les jouissances
que procurent le dessin et le
paysage en particulier.
Les arbres étant l'objet le plus
essentiel ou le plus difficile du
paysage, on leur a consacré la
plus gi-ande partie des planches
de ce recueil, et l'on a rétini
à-la-fois des études de frêne, de
noyer, de chêne, de sapin, etc.
Les autres planches représeiitent
des eaux, des plantes, des rochers,
des fabriques. Les deux petites
vues placées à la fin, ont été
prises en Hollande, pays oii l'on
a mieux qu'ailleurs réussi dans
l'imitation de la nature.
J-«E paysage est une imitation de
quelqu'aspect de la campagne, ou
autrement de la nature cliampêtre.
— La représentation qu'en fait la
peinture, et qui se modifie sous des
formes innombrables, s'appelle tableau
de paysage. — On peut représenter
les aspects tels qu'ils s'offrent aux
regards, ou prendre pour base dans
son tableau des aspects réels auxquels
I..
-ocr page 7-on se permet de faire des changemeas, ■
tels que ces représentations soient en
partie imitées de la nature, et en partie
idéales : on peut aussi, sans sortir
(le l'atelier, peindre la campagne, et
en cbmposer la représentation d'après j
toutes sortes de combinaisons ; la co-
lorer et l'éclairer à son gré d'après les
eftets de couleur et de lumière dont
on se rappelle le souvenir.
Les aspects que l'on imite fidèlement,
et tels qu'ils se présentent, s'appellent
des vues.
Les aspects cliampêtres, imités en
partie d'après la nature et en partie
imaginés , s'appellent des paysages
mixtes ou des vues '^composées. — Les
paysages créés sans autre secours que
les souvenirs et l'imagination, sont des
représentations idéales de la nature \
champêtre.
Les vues manquent souvent par trop i
d'exactitude des agrémens que l'imagi- '
-ocr page 8-nation aurait pn leur prêter- Les
paysages mixtes ou vues composées
abondent quelquefois en agrémens
a imagination aux dépens de l'exac-
titude des plans perspectifs ou d'une
unité parfaite dans la vérité des effets
de la lumière.
Les représentations Idéales , ( genre
le plus noble du paysage, parce
que le génie s'y montre- davantage ),
exigent aussi le plus grand talent , et
par cette raison ce genre a produit
les plus beaux et les plus mauvais
tableaux de la nature champêtre.
Nos paysagistes, trop choqués du
défaut qu'on reproche quelquefois aux
peintres de fisares , ne voyent pas
d'assez près les modèles.
On pourrait penser qu'au moins nos
paysagistes pourraient trouver quel-
ques secours dans les descriptions des
poètes et des romanciers j mais les
mêmes causes qui se sont opposées
(8)
aux grands succès de nos peintres de
paysagé, ont influé sur les tableaux
poétiques et sur les descriptions de nos
auteurs. Aussi, la plupart de ceux
qui ont écrit dans le genre pastoral,
ne consultant que leur imagination,
ont décrit la rérité. En effet, ceux de
nos artistes qui ont parcouru avec
â'Urfé les rives du Lignon, les bocages
de TAstrée, n'en rapportent guère que
les images d'une nature raaniérée.
O Gessner ! c'est près de vous,
c'est sur les bords des eaux lim-
pides et ombragées de ce beau lac où
vous avez guidé nos pas, qu'il faut
étudier avec vous l'originalité piquante,
«impie et toucbante des beautés de la
nature. C'est là qu'on aperçoit encore
tine idée des mœurs qu'on désirerait
avoir; c'est là qu'on trouve les sites
qu'on voudrait habiter. Vous auriez
imaginé et créé ces trésors, si les
Théocrite, les Virgile, les Ovide, us
vous avaient pas devancés. Les Muses
vous onl fait naître peintre et poète,
anssi vos ouvrages, embellis des doubles
charmes que vous y répandez, sont
des idylles pittoresques et vos paysages
des idylles poétiques. Enfin, par un
avantage qui vous distingue, vous
charmez les sens et vous consolez de
leurs peines et de leurs maux ceux
^ui s'occupent de vos ouvrages.
Je me borne dans ces explications,
aux trois divisions que j'ai tracées.
Quant aux conseils par lesquels j'ai
hasardé quelques ax'ticles de cet ou-
vrage , il me semble que si je les
adressais à ceux des véritables ama-
teurs qui s'occapent de la pratique
de l'art pour en mieux connaître la
théorie , je serais peut-être assez
heureux pour faciliter les études pour
lesquelles les loisirs sont souvent trop
rares et trop courts.
( lo )
Maïs les bornes que je dois me
prescrire m'arrêtent, et quant aux
élèves, destinés à s'occuper absolument
de la peinture, les études de la figure,
par lesquelles ils commencent tous,
leur donnent les principes dont ils ont
besoin pour le paysage, et lorsqu'ils
se sont initiés dans les grands mystères
de l'histoire, ceux des imitations de
chaque genre leur deviennent aisé-
ment familiers.
Comme il manque à l'article précé-
dent un grand nombre d'observations
techniques, nécessaires aux jeunes
artistes qui se destinent à la peinture
du paysage, nous nous croyons donc
obligés d'y joindre ce qui suit.
De Piles, amateur éclairé et ami de
Dufresnoy, ce législateur des peintres,
( )
tmissait à l'amour de la peinturé là
pratique de cet art. On ne niera pas
cependant qu'il ne se trouve dans se»
ouyrages, des opinions que les artistes
lie conviendraient pas généralement
d'adopterj mais s'il est surtout quelques
parties bien traitées dans son Cours de
peinture, l'article du paysage tient
entre elles le premier rang, et nous
croyons très-utile d'en donner ici un
extrait étendu. On ne nous reproche
pas sans doute de nous trop arrêter
sur un genre, qui, considéré dans toute
sa richesse, est le premier après celui
de l'histoire.
Si la peinture est une espèce de
création, c'est le paysagiste surtout
qui jouit d'une puissance qu'on peut
nommer créatrice, puisqu'il peut faire
entrer dans ses tableaux toutes les
productions de l'art et de la nature.
Tout lui appartient : la solitude et
(12)
lliorreur des rochers, la fraîcheur des
forêts , les fleurs et la verdure des
prairies, la limpidité, le cours rapide
et écumeux, et la marche tranquille
et majestueuse des eaux, la vaste
étendue des plaines, la distance vapo-
reuse des lointains, la variété des
arbres , la bisarrerie des nuages , l'in-
constance de leurs formes, l'intensité
de leurs couleurs, tout les effets que
peut éprouver à toutes les heures la
lumière du soleil, tantôt libre, tantôt
enchaînée eu partie par les nuages,
ou arrêtée par les barrières que lui
opposent des arbres, des montagnes,
des fabriques majestueuses, des caba-
nes couvertes de chaume. Tout ce qui
respire, demande au paysagiste la
gloire d'animer ses tableaux.
Deux styles différens peuvent former
la division de ce genre ; l'un est le
style héroïque ( ou idéal ), l'autre le
style champêtre.
( )
Tout est grand dans le style liéroïque :
les sites sont pittoresques et romanes-
ques J les fabriques sont imposantes
et majestueuses. Les fabriques sont
des temples, des pyramides, deis obé-
lisques, d'antiques sépultures, de riches
fontaines. Les accessoires sont des
statnes , des autels j la nature offre des
roches brisées, des cascades, des
cataractes, des arbres qui menacent
les nues. Elle n'est point telle quelle
se montre familièrement à nos re-
gards ; elle a réuni pour se manifester
à l'artiste, dans ses songes sublimes,
des parures qui lui appartiennent,
mais quelle a coutume de séparer.
Dans le style champêtre , elle se
communique sans ornement et sans
fard : quelquefois cependant elle réunit
encore plusieurs beautés qu'elle dévoile
rarement ensemble, et permet à l'ar-
tiste de lui prêter quelques parures
simples , mais idéales ; c'est-à-dire ,
2
-ocr page 15-( 4 )
de rassembler dans son ouvrage des
beautés qu'il n'a pas va réunies. Il peut
même emprunter quelques ornemens
au genre héroïque, et joindre aux
richesses les plus simples de la cam-
pagne , des monceaux de ruines qui
rendront plus toucbans les charmes
de la vie champêtre. S'il copie siœ^
plement la nature, son ouvrage ne
sera plus que cette sorte de portrait
qu'on appelle des vues. C'est alors qu'il
doit surtout remplacer par les richesses
du coloris , celles qui manquent à
l'aspect dont il fait une représentation
naïve; c'est alors qu'il doit relever le
peu d'intérêt de sa composition, ou,
si l'on veut, de sa copie,par des effets
piqnans , extraordinaires et en même
tems vraisemblables. S'il ne se permet
de rien introduire d'idéal sur la terre,
qu'il emprunte au moins quelque chose
d'idéal à la lumière du ciel.
Le choix du sitq est ce qui doii
-ocr page 16-occuper d'abord uii peintre de paysa-
ges, comme le plan d'un édifice doit
occuper d'abord l'architecte. Ce mot
site, adopté dans la langue des arts,
vient de l'italien sito : il signifie la
situation, l'assiette d'une contrée. Il
est aisé de sentir que de cette première
assiette plus ou moins favorable à l'art,
doit dépendre en grande partie le
succès du tableau. Les sites doivent
être bien liés et bien débrouillés par
leurs formes ensorte que le specta-
teur puisse juger facilement qu'il n'y
a rien qui puisse empêclier la jonction
d'un terrein à un autre, quoiqu'il n'en
voie qu'une partie.
Les sites les plus vai'iés sont en
même tems les plus heureux; mais si
le peintre est obligé d'adopter un site
plat et uniforme, il lui reste la ressource
de le rendre agréable par la disposition
d'un bon-clair-obscur et la richesse
d'une belle couleur. Il doit s'attendre
( )
à trouver le spectateur d'autant plus
difficile sur ces parties de l'art, qu'il
trouvera moins d'objets attrayans dans
la composition.
L'un des moyens les plus puissans
de faire valoir un site, de le varier,
de le multiplier en quelque sorte sans
changer sa forme, c'est d'y répandre
d'heureux accidens.
On appelle accident, en peinture,
l'interception qui se fait de la lumière
du soleil par quelques nuages, ou par
quelqu'autre obstacle que le peintre
suppose. Les accidens distribuent sur
la terre la lumière et l'ombre de toutes
sortes de manières, suivant la forme
et le mouvement des obstacles qui
arrêtent les rayons du soleil. On en
voit journellement des exemples dans
la nature, et ils sont si variés, qu'on
peut les regarder en quelque sorte
comme arbitraires 5 le peintre en peut
disposer à son gré, sans avoir d'autre
( )
loi qufe celle de son génie. L'ctudc du
ciel est très-essentielle au paysagiste.
La couleur du ciel est un bleu qui
devient clair à mesure qu'il approche
davantage de la terre j c'est que les
vapeurs qui sont entre nous et l'ho-
rison, étant pénétrées de la lumière,
la communiquent plus ou moins aux
objets suivant qu'ils sont plus voisins
ou plus éloignés.
Il faut observer, que vers le coucber
du soleil, la lumière étant jaune ou
rougeâtre, communique de cette teinte
aux vapeurs, altère le bleu du ciel,
et iui donne une teinte plus ou moins
verdàtre.
Cette observation est générale, mais
il en est beaucoup d'autres qui ne
peuvent se faire qu'en considérant
assidûment la nature j c'est ainsi qu'on
apercevra des nuages teints d'un beau
rouge quoique frappée d'une lumière
d'un jaune très-vif, et différentes nuées
colorées d'un rouge durèrent, quoique
frappées toutes d'une même lumière.
Cet effet se remarque surtout an décliti
du jour, à l'approche d'un orage, ou
quand un orage vient de se dissiper.
Le caractère des nuages est d'être
légers et aériens dans la forme et dans
ïa couleur, et quoique les formes en
soient infinies, il est utile de les étndier
dans la iiature. Pour les représenter
minces , il faut les peindre en les con-
fondant légèrement avec leurs fonds,
surtout aux extrémités, comme s'ils
étaient transparéns. Pour les repré-
senter épais , il faut que les reflets J
soient ménagés, de manière que, sans
perdre leur légèreté , ils paraissent
tourner et filer avec les nuages voisins-
o
Quoiqu'on voie dans la nature de
petits nuages multipliés et détacliés les
uns des autres, cet effet est mesquin
dans l'art. Si l'on introduit de ces
petits nuages dans un taLleau, il faut
( 19 )
les grouper de manière qu'ils ne fassent
qu'une masse.
Le caractère du ciel est d'être lu-
mineux, et comme il est la source de
la lumière , tout ce qui est sur la terre
doit céder en clarté. S'il y a cependant
quelque chose qui puisse approcher
de la lumière, ce sont les eaux et les
corps polis qui sont capables de re-
cevoir des effets lumineux.
Mais le ciel ne doit pas être brillant
partout, la plus grande lumière doit
être ménagée dans un seul endroit J
ou la rendra plus sensible, en l'ex-
posant à quclquobjet terrestre , qui
en relevera la clarté par sa couleur
pius obscure.
Cette lumière principale, peut en-
core être rendue plus sensible par une
certaine disposition de nuages par le
moyen d'une lumière supposée , ou
qui peut être renfermée entre des
iuiées dont la douce obscurité sera
( ao )
hisenslblement répandue de côté et
d'autre. On a de beaux exemples de
ces effets chez les peintres flamands,
qui ont le mieux entendu le paysage.
Les lointains sont plus obscurs quand
le ciel est plus chargé j plus éclairés
quand il est plus serein j quelquefois
ils confondent avec lui leurs formes
et leurs lumières. Les nuages sont
moins élevés que les plus hautes
montagnes, et l'on en volt les sommets
s'élever au-dessus d'eux. Les monta-
gnes couvertes de neige, font naître
dans les lointains des effets pitoresques;
mais qui ne peuvent être rendus que
par les peintres qui les ont observés.
Comme le gazon offre différentes
teintei de verdure, parce qu'il peut
être composé de différentes sortes de
plantes et que ces plantes peuvent être
plus ou moins fraîches, plus ou moins
avancées dans leur végétation, plus
ou moins voisines de leur destruc-
( ai )
tion, le peintre a le moyen de réunir,
de rapprocher, de distribuer, de
confondre plusieurs sortes de yerd sur
un même terrein. C'est ce que n'ont
pas négligé les coloristes, et entr autres
Ilubens.
La forme des rocliers, leur dureté,
leur couleur, sont très-variés. Les
uns sont d'une seule masse, les autres
«ont distribués par bancs parallèles,
d'autres sont composés dé blocs
énormes, dont quelques-uns semblent
menacer d'une chute prochaine. Quel-
ques-uns ont l'aspect d'édifices ruinés,
quelques antres offrent des ondulations
semblables à celles des flots de la mer.
Mais toutes cwit des interruptions, des
fentes, des brisures; elles peuventétrç
tantôt nues, tantôt couvertes de mousses
ou de plantes : toutes enfin peuvent
inspirer à l'artiste des variétés de
formes et de couleur. Elles acquièrent
un agrément nouveau, quand fies
( )
sonrces jaillissant de leur sein et
tombant en cascades, leur prêtent le
mouvement et la vie.
On appelle terrain, en peinture,
un espace de terre distingué d'un autre
et sur lequel il n'y a ni bois fort élevés,
ni montagne fort apparente. Les ter-
rains , plus que tout autre objet,
contribuent à la dégradation et à
l'enfoncement du paysage par leurs
formes, leur clair-obscur, leur couleur
propre à la chaîne qui les lie. Les
terrasses sont des espaces de terre
à-peu-près nuds, on ne les emploie
guère que sur le devant du tableau.
Elles seront spacieuses , bien ouvertes
et semées de plantes, de cailloux , de
pierres et de débris.
Les fabriques sont les bâtimens dont
un paysage est décoré. Si ces bâtimens
ne sont que des cabanes, des chau-
mières , des retraites de paysans, on
les appelle fabriques rustiques j mais
C 23 )
on réserve le nom de fabriques par
excellence aux édifices nobles et ré-
guliers.
IjCS fabriques, suivant les circons-
tances, peuvent être d'une architecture
grecque ou gotliique , neuves ou
ruinées; les fabriques ruinées ou go-
thiques , entraînent une idée de vétusté
qui ne manque pas de charmes pour
îes âmes mélancoliques. Elles aiment
à comparer la nature toujours jeune,
toujours renaissante, avec les plus
solides ouvrages de la main des hom-
mes, qui vieillissent et finissent par ne
plus offrir que des décombres. Les
fabriques nobles ajoutent au paysage
beaucoup de majesté -, les fabriques
rustiques réveillent les idées agréables
de la vie douce et pure que mènent
ceux, qui les habitent. On peut les ac-
compagner avec goût de ces ustensiles
que les habitans des campagnes laissent
Ordinairement hors de leurs retraites j
( 24 )
des échelles, des baquets, des coves,
de vieilles fu tailles, des auges, des
cliarettes, dès charrues. Les chaumières
sont d'au tant plus pittoresques, qu'elles
offrent plus le caractère de la Tetuslé.
Comme dans la nature une cam-
pagne arrosée est bien plus agréable
qu'une campagne aride, il en est de
même des campagnes feintes ou re-
présentées par l'art. Les eaux leur
prêtent un charme particulier, soit
qu'elles tombent du creux d'un rocher,
soit quelles coulent ayec impétuosité
dans un ravin pierreus où elles se
blanchissent d'écume5 soit que, bor-
dées de roseaux, elles s'avancent len-
tement sous la voûte des arbres qu'elles
baignent j soit que des blocs de roches
menaçantes, portent sur elles d'épaisses
ombres ; soit qu'elles serpentent entre
les cailloux et la verdure.
Mais, les peintres qui en introdui-
sent dans leurs tableaux, doivent être
If
( )
parfaitement instruits des principes <îe
la réflexion aquatique. Ce n'est que
par cette réflexion, que les eaux, en
peinture, offrent l'image de véritables
eaux j si l'artiste, ne consultant qu'une
pratique aveugle, manque de vérité,
son ouvrage est privé de la perfection
de son efï^t et la jouissance du spec-
tateur est troublée par ce défaut de
justesse. Si les eaux sont agitées, leur
superficie, devenue inégale, reçoit sur
ces ondulations des jours et des om-
bres qui, se mêlant avec lapparence
des objets, en allèrent la forme et la
couleur.
Le peintre ne saurait trop étudier
les objets qui sont sur les premières
lignes du tableau : ils attirent les yeux
du spectateur, impriment le premier
caractère de vérité et contribuent beau-
coup à préparer l'opinion que l'on
doit prendre de l'ouvi'age.
Les plantes dont on enrichit les
-ocr page 27-(26)
devants de la composillon, doivent
être d'un beau dioix et se distinguer
par la grandeur de leurs formes. Il
est très-utile d'en faire d'après nature
des études dessinées et même peintes j
elles auront un caractère frappant de
vérité qui donnera de la confiance pour
le reste de l'ouvrage , quoique les
parties n'en soient pas traitées de même
d'apfès le naturel. Ce sont les vérités,
qui dans les arts, comme ailleurs, font
passer le mensonge et le rendent sé-
duisant. On peut aussi placer sur le
devant du tableau des troncs d'arbres
abattus par l'orage, des brandies
encore cbargées de leurs feuilles, des
arbres déformés, dont les tiges tor-
tueuses, tantôt évitent la terre et tantôt
affecteiit de ramper à la surface, des
pierres cbargées de plantes et de
mousses, des fragmens de rochers, etc.
Les figures d'hommes et d'animaux
peuvent être comptées au nombre des»
richesses qui ornent les {levants des
paysages 5 mais si ces figures sont
maltraitées, elles ne font que dégrader
l'ouvrage au lieu de l'embellir. Cepen-
dant, elles ne sont que des accessoires
à ce genre et elles y font un mauvais
effet, si elles oiFrent un fini plus re-
cherché, plus précieux , que celui des
autres objets. Elles doivent être capables
de soutenir l'attention du spectateur,
mais elles ne doivent pas l'appeler
principalement. Le paysage demande
à être louché avec esprit, nous en
avons dit ailleurs la raison 5 il faut donc
que les figures participent au même
fait et soient touchées de même. Il y
a de très-beaux paysages, ornés de fort
bonnes figures, faites d'une autre main
qui nuisent au tout ensemble par le
défaut d'accord dans le faire.
Il faut aussi prendi'e garde que si
dans le paysage, les figures sont d'une
trop grande proportion, elles rendent
petites toutes les autres parties.
( 28 )
3) Quoique la diversité plaise dans
35 tous les objets qui composent un
35 paysage, c'est principalement dans
3) les arbres qu'elle fait voir son plus
33 grand agrément. Elle s'y fait remar-
35 quer dans l'espèce et dans la forme.
33 L'espèce des arbres demande une
33 étude et une attention particulière
33 du peintre pour les faire distinguer
33 les uns des autres dans son ouvrage.
33 II faut que du premier coup-d'oell,
33 on voie que c'est un chêne, un orme,
33 un sapin, un sicomore, un peuplier,
33 un saule, un pin, ou tout autre
33 arbre, qui, par une couleur ou une
33 toucbe spécifique, puisse être re—
33 connu pour une espèce particulière.
33 Cette étude est d'une trop grande
3) recherche pour l'exiger dans toute
33 son étendue, et peu de peintres l'ont
» même fait avec l'exactitude raison-
)> nable que demande leur art. Mais
35 il est constant que ceux qui appro-
(29)
» cheront le plus de celle perfection,
5) jeteront, djans leurs ouvrages un
5) agrément iufmi et s'attireront une
» grande distinction.
» Outre la variété qui se trouve dan»
» chaque espèce d'arbre, il y a dans
» tous les arbres en particulier, une
» variété générale. Elle se fait remar-
» quer dans les différentes manières
» dont leurs branches sont disposées
» par un jeu de la nature, laquelle
» se plaît à rendre les uns plus vi-
» goureux et plus touffus et les autres
» plus secs et plus dégarnis j les uns
» plus verds et les autres plus jau-
» nàtres.
» La perfection serait de joindre
» dans la pratique ces deux variétés
i> ensemble j mais si le peintre ne
» représente pas médiocrement celle
» qui regarde l'espèce des arbres, qu'il
» ait du moins grand soin de varier
3) les formes et la couleur de ceux
(3o)
3) qu'il veut représenter : car, la ré-
3) pétion des mêmes touclies dans un
» paysage, cause une espèce d'ennui
» pour les yeux, comme la monotonie
3) dans un discours pour les oreilles.
La variété des formes est si grande
que le peintre serait inexcusaUe de
ne pas la mettre en ufage dans l'oc-
casion , principalement lorsqu'il s'ap-
perçoit qu'il a besoin de réveiller
rattention du spectateur j car, parmi
les arbres en général, la nature en
présente des jeunes, des vieux, d'ou-
verts , des serrés, des pointus, d'autres
à claire-voie , à tiges couchées et éten-
dues} d'autres qui fout l'arc en montant
et d'autres en descendant, et enfin
d'une infinité de façons qu'il est plus
facile d'imaginer que de décrire.
On trouvera par exemple que le
caractère des jeunes arbres est d'avoir
les branches longues, minces et en petit
nombre, mais bien garniesj les touffes
( 30
lilen refendues et les feuilles Tigou-
reuses et bien formées. Que les vieux,
au contraire, ont les brandies courtes ,
grosses, ramassées et en grand nombre,
les touffes émoussées et les feuilles
s inégales et peu formées. Il en est ainsi
des autres choses, qu'un peu d'obser-
Tation et de gjSnie fera parfaitement
connaître. Dans la variété des formes »
dont on vient de parler, il doit y avoir
une distribution de branches qui ait
un juste rapport et une liaison vrai-
semblable avec les toulFes j ensorte
qu'elles se prêtent un mutuel secours
pour donner à l'arbre une légèreté et
une vérité sensibles.
Mais, de quelque manière que l'on
tourne, et que l'on fasse vol" les bran-
ches des arbres , et de quelque nature
qu'ils soient, que l'on se souvienne
toujours que la touche en doit être vive
et légère si l'on veut leur donner tout
l'esprit que demande leur caractère.
(32 )
Les arbres sont encore difFérens par
leur écorce : elle est ordinairement
grise; mais ce gris qai dans un air
grossier, dans les lieux bas et maré-
cageux devient noirâtre, se fait voir
an contraire plus clair dans un air
subtil, et il arrive souvent, que dans
les' lieux secs, l'écorce se revêt d'une
mousse légère et adhërenté qui la fait
paraître tout-â-fait jauiie. Ainsi, pour
rendre 1 ecorce d'un arbre sensible ,
le peintre peut la supposer claire sur
un fond obscur et obscure sur un
fond clair. L'observation des écorces
différentes, mérite une attention parti-
culière. Ceux qui voudront y faire
attention, trouveront que la variété des
écorces des bois durs consiste en gé-
néral dans les fentes que le tems j a
mises comme line espèce de broderie,
et qu'à mesure qu'ils vieillissent, les
crevasses des écorces deviennent plus
profondes. Le reste dépend desaccidens
( 34 )
qui naissent de fhiimidité on de la
séclieresse par des taches blanches et
inégales.
Plus les feuilles des arbres sont près
de la terre, pins elles sont grandes et
vertes, parce qu'elles sont plus à portée
de receToir abondamment la sére qui
les nourrît. Les "branches supérieures
commencent les premières à prendre
le roux ou le jaune qui les colore dans
l'arrière saison. Il n'en est pas de
même des plantes dont les tiges se
renouvellent tous les ans et dont les
feuilles se suivent dans un intervalle
de tems assez peu considérable. La
nature étant occupée à en produire de
nouvelles pour garnir la tige à mesure
qu'elle s'élève, abandonne peu-à-peu
celles qui sont en bas, qui ayant ac-
compli les premières leur tems et leur
office, périssent aussi les premièresj
c'est un effet qui est plus sensible eu
certaines plantes et moins dans d'autres.
Le dessons de toutes les fenilles est
d'un vert plus clair que le dessus et
tire presque toujours sur l'argentin.
Ainsi, les feuilles qui sont agitées par
un grand vent, doivent être distinguées
des autres par cette couleur. Si on les
voit par-dessous lorsqu'elles sont pé-
nétrées de la lumière du soleil, leur
transparent oiFre un vert de la plus
belle vivacité.
Terminons cet article par les obser-
vations suivantes. Les liges des arbres,
en sortant de.la terre, en conservent
,quelque tems la couleur et ne prennent
celle qui leur est propre que par degrés
insensibles et à mesure qu'elles s'éloi-
gnent du sol. Si les arbres s'élèvent
sur une terrasse, l'espèce de leur tige
est blanchi par la poussière de cette
terrasse même; s'ils sortent d'un lieu
sème de verdure, cette verdure en-
veloppe leur pied, il en naît dans leur
écorce, ou cette écorce en reçoit les
( 35 > , ,
reflets. 11 est bon de remarquer dans
cKaqne espèce d'arbres, comment les
branches s'ëlèvent , si elles naissent
deax à deux ou successivement, quelle
est la forme de ses masses on banquets;
enfin la manière dont se terminent ses
exiréraites. Par exemple, le bouquet
du cliène forme une sorte d'étoile élar-
gie; ceux de l'orme sont allongés et
les extrémités s'échappent en baguettes
ornées de petites feuilles ; le cyprès
produit des bouquets à-peu-près car-
rés longs en hauteur; le cèdre se ter-
mine comme des aigrettes, etc. Si le
peintre voyage , il doit remarquer les
espèces d'arbres pittoresques que l'on
observe rarement dans son pays. Ainsi,
l'artiste français , observera les pins ,
les cyprès, qui ne sont pas communs
en France. Il en observera la couleur
de diverses distancesj de toutes les
choses il faut faire des notes avec des
croquis pour pouvoir s'en ressouvenir
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dans tous les tems et ne jamais se fier
à sa mémoire. Les idées s'effacent bien
facilement^ si on ne les fixe.