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HISTOIRE

DES ARTS

QUI ONT RAPORT AU DESSEIN,.

DIVISEE EN TROIS LIVRES
^ 7

OU IL EST TRAITE DE SON ORIGINE,
de Ton Progrés, de fa Chute , & de fon Réta-
bliffemcm. Ouvrage utile au public pour la-
voir ce qui s'eft fait de plus confiderable en
tons les âges, dans la Peinture, la Scukure ,
TArchitedurc & la Gravure ; &c pour diftinguer
les bonnes maniérés des mauvaifes.

; P^rP. M^onier Peintre du Rsi & Profiteur
en ruicadèmic Roiale de Peinture & Sculture,

A PARIS,

Chez Pierre Giffart, Libraire & Graveur da
Roi, ruë S. Jacques à l'Image faintc Thercfe »
_ vi»-à-v;s S. Yves.

M DcTLTxTxvnT
Avec Privilège de Sâ Majefiè^

-T

iïVr

-ocr page 3-

L E M A R Q^U I S

DE VILACERF

s U R I N T E N D A N T

des Bâcimens , Arts , &: Ma-
aaufadures de Sa Majeflé.

Le Deffein de la,figure humai-
ne efl e filmé a^ecluflice le pre-
• â ij .

-ocr page 4-

E P I T R E.

micr de tous les Arts. Car il
imite l'ouvrage le plus parfait d£
la, Divinité : ^ aujjl pour y ex^
ce lier il afalu que Dieu linfpi-
rat foulent a ceux qui ont eu
r avantage de s y rendre célébrés.
Les plus grans hommes de l'an-
tiquité ont aimé & protégé a^ec
fnn un Art fi noble, & l'ont fait
monter a un haut degré de per~
feciion.

Il a eu le même bonheur après
fa; chute dans fa renaiffance ^fius
plufieurs de nos Rois , ^ par-
ticuliereynent fous le Regne^ de
Louis le Grand qui a
donné le moien a fes Sujets ^
aux Etrangers de fe rendre ha-
biles en fan Koiaume , dans la,
peinture , la Sculture (gr fAr-

-ocr page 5-

E P I T R E.
chteBtm éuhlijfint a Paris ^
& à Rome y des Académies ,
ou le mérité des jeunes Bleues
efl animé par des prix , & re-
compenfé par des penfions confi-
derahles. ^

Ces heureux moïens que les
François ont eu de Je rendre ha-
biles aux Arts du Dejfein ^ leur
ont été principalement procureT^
par Monfieur Calb-ert y durant
le tems de fa Surintendance :
^ cefi a lui que f ai t obliga-
tion d'avoir continué mes etudes
dans la Peinture en Italie \ après
a<uoir requ de fa main a t Aca-
démie 5 le premier prix qui y ait
été propofé par Sa Majefté.

Mais Monsieur comme
'^otre apui qjotre %ele , ne

a iij

-ocr page 6-

E P I T R E.

font pas moins fa,<vordbles aux
Arts qui dépendent du Dejfein,.
que les foins de cet illuflre Minif
tre 5 ^ que ^vous êtes animé d'un'
même ejprit^ ^ d'un même fmg :
ïl efl de mon devoir de mous pre-
fenter f Hifioire des Arts qui
ont raport au Dejfein qui trai^
te de leur Origine ^ de leur Pro-
grès , de leur Chute, ^ de leut
Retahlijfeînent. Ces matières ont
fer^i de f4jets k des Conférences
dans r Académie ^ ou f ai eu
le
bonhetir d'être quelquefois ho^
noré de ^votre prefince ^ ^ celcù
me fait ejpererque mous agrerez^
ce petit Ouvrage , dtautant plus
volontiers quil n a pour but que
de donner de nouvelles lumieres
pour continuer amec plus de Juc^^

-ocr page 7-

E P I T R E.

ces mes Leqons a nos Ele^es,
s il a quelque chofe de bon ^ cefl
a
3 Monsieur , qi^e
l'on en a la, premiere obligation.
Car A -peine eûtes~^om accepté la,
proteUion de notre Académie,
que 'vomyjîtes renaître t amour
quon doit a^voir pour tînfiruc-
tion de la jeunejfe^ 'Vous donnû.-
tes ordre de ny point difconti-
nûer les Conférences de chaque
3 les levons £Anatomie ^ ceU
les de Geometrie , (d^ de Fer-
JpeHi^e. Et ce qui doit encore
porter les Académiciens a tâcher
de faire fleurir a^vec plus d éclat
leur iUuflre Corps y cefl cettepro-^
tecîîon contintieile dont wom les
honnorei^ qui ne fè îaffe point
de leur obtenir tom les jours de

â iiij

-ocr page 8-

E P I T R E,

nou<veUes grâces que Sa Majefié
Dom accorde fi f£L<vorahlement.

Vos foins ne Je bornent pas
feulement m tems prefent , ^o^
tre generofité wa. même jufqu^
obtenir du Roi le paiement de ce
qui étoit deu a ceux qui ont tra^
'Vaillé fom la Surintendance des
Miniftres ^vos Predecejfeurs ^ dont
j en ai rejfenti les effets.

Ce font Monsieur, des
acîions dignes de wotre grandeur
d'Ame que la poftetite ne poura.
jamais ajfés loiier ni efiimer.
Apres tant de bienfaits , pou^
fvons-nous tra^-aiJler a^ec trop
dUrdeur a la perfeBton du Def
fein , puifque fin Excellence n'é-
tant point bornée ^ïl faut quelle,
imite la belle nature pour y arrir
fver.

-ocr page 9-

E P I T R E.

C'efl ll, Monsieur, l'ar-
dente p^jjlon de celui qm ^vou^
droit de tout fin cœur^oits pou-
rvoir donner des marques fenjt-
hles de fi reconnoijjknce , qut
eft awec m profond reJpeB ^

Z4,

Mo N S I EUR.,

Vôtre tres-humble , Se tres-
obeïlîanc Serviteur
P. M
ON 1ER,

-ocr page 10-

PREFACE.

jE toutes les produdions
^donc Timagination fa-
vorilée de la main, puiiTe être
capable > il n'y en a point de fi
excclentcs que celles des Arts
quiontraportau DefTein. Ceft
le jugement qu'en ont fait les
anciens Grecs. Il lesontmifes
au rang des Arts Libéraux ,
elles en furent fi eftimées
quil étoit défendu aux ekla-
ves d'aprendre la Peinture, la
Sçulture , & rArchitedure. Il
n'y avoit en effet que les per-
fonnes libres ^ ôc nobles qui

■ -

-ocr page 11-

P REF A C E.
pufTent avoir Fhonneur de les^
excercer : les Princes mêmes
fe fàifbient une gloire de ies^
pratiquer.

Les Romains qui s'éforce-
rent d'imiter les Grecs dans la.
perfe(Sî:ion des Arts en ufèrent
de même : car on vit des Con-
fuls, ôc des Empereurs s'y em-
ploier avec plaifîr. Et ces Arts
le maintinrent à un kaut de-
gré d exceîence 5 tandis que
l'Empire fut en Ton éclat ; mais
ils commencèrent à décliner
lors que cet Empire devint la
proie de plufieurs tirans qui
cauferent fa décadence. La
Peinture, la Scukure, & î'Ar-
chitedure eurent un femblabk
dellin^.parce^quellcsperdirens

-ocr page 12-

PRE FACE.
îapui, & leftime que les pre-
miers Empereurs leur avoient
acordcz , ôc tombèrent enfin
dans la mauvaife maniéré, que
depuis on nomma Gotique ,
DU barbare. Enfuite cesArts re-
prirent une nouvelle vigueur
par la protedion des Princes,
des Republiques, & l'aplica-
tion des beaux Elprits qui les
étudièrent.

L'eftime , & l'amour que
l'on a toûjours eiies pour ces
trois illuftres ProfefTions, n'ont
pas été fans fondement, parce
qu'à la faveur de leurs beaux
Ouvrages elles donnent de la
fatisfadion aux perfonnes d'ef.
prit 5 & il n'y a rien qui con-
tribue davantage à fau-e écla-

-ocr page 13-

PREFACE.
îer la gloire des Princes que
les proclu€bions du Deffein. En
effet les fameux Edifices des
Egiptiens, des Grecs des Ro-
mains,éterniferent la mémoire
des hommes célébrés, pour la
gloire defquels ces admirables
Bâtimens furent conftruits : ils
font auiïl des témoins irrépro-
chables des vi6toires que les
grans Capitaines remportèrent
îur les autres Nations.

De fi éclatans témoignages
font plus autentiques que tou-
tes les Hiftoires, puifque fans
paffion ils reprefentent la vé-
rité des choies que nous mar-
quent tous ces anciens bâti,
mens conftruits par l'Art du
DefTein : c'eft encore par Ton

-ocr page 14-

P RE P AC E.
ïnoien qu'on fait les Médaillés,
elles fervent à confirmer les
faits Hiftoriques les plus dou-
teux : elles expriment les
ac-
tions des Héros, & les font
palTer à la Pofterité.

On peut ajouter à ces avan-
tages celui de l'Architedure
Militaire, qui tire fes princi-
pes de cet Art, ôc qui eO: tres-
importante pour la fureté des
viles 5 ôcla deTenfe des Roiau-
mes.

Si les Princes ont fi utile-
iTient emploie les Arts du DeC
fein pour l'ornement, & lafeu-
reté de leurs Etats, ces mêmes
Arts n ont pas été moins utiles
a l'avantage de la Religion,
Les Païens firent la princi-

-ocr page 15-

PREFACE.
pale partie de leur Gu lté par ks
diverfès figures qu'ils dan-
noient à leurs Temples, & fé-
lon les Divinitez qu'ils vou-
loient quon y adorât. On a
même depuis fak fervir plu-
iieurs de ces Temples i à l'ado-
ration du vrai Dieu. Mais ceux
qui furent bâtis en faveur de
la Religion Crétienne furpal-
fent ces anciens Temples : ôc
cela fevoit dans plufieurs en-
.droits 5 & principalement à

1. A Rome plufieurs Papes prirent avec
k permiffion des Empereurs de Conftan-
tinople quelques Temples des Gentils, &
ils en firent des Eglifes Crétiennes, comme
celui du PanteoLi, qui eft aujourd'hui TE-,
rlife de Nôtre-Dame de la Rotonde , ce-
ui de Romulus, dédié à Taint Come &
âint-Damien , & celui de Baccus, qu'on
3|>£lle à prefenc faine Etienne le Rond.

laint

-ocr page 16-

PREFACE.
faint Pierre de Rome , le plus
grand Temple qu'on ait ja-
mais vû.

Les Eglifes font ornées de
Statues , de bas-reliefs , & de
Peintures afin de reprefenter
les Mifteres de nôtre Religion,
& les Martires des Saints.

Ces fujets traitez par d'habiles
Peintres, & d'habiles Sculteurs
peuvent faire beaucoup plus
d'impreffion for l'Efprit des
Peuples , que tout ce qu'on
pouvoit leur dire. C'eft la pen-
fe'e de faint Grégoire de Nifîe^
& de plufieurs autres grans per-
fonnages, qui à la vûë de ces
Peintures, & de ces S cultures
furent vivement touchez.

Aufii voit-on que la nature

e

-ocr page 17-

PREFACE,
qui tend fans cefTe à ce qui lui
eft le plus propre, a enfèigné
aux hommes le DefTein avant
qu'ils euffent trouve des carac-
teres pour écrire. Cette vérité
fe prouve par les figures-Hifto-
riques des Egiptiens , gravées
fur des pierres , comme nous
les voions à leurs Obelifques.
Car ces maniérés deLettres ne
font que des DelTcins de figu-
res compofées de quelques par-
ties du corps humain, d'ani-
maux 3 d'oifeaux, de plantes
ôc de toutes fortes d'inftru-
mens qu'on apcle Hieroglifes,
êc dont ces Peuples Te font
fervis avant que d'avoir mis en
ufage les Lettres.

Corneille Tacite, dans l'on-

-ocr page 18-

V KEV ACE.
ziéme ^ Livre de fcs Annales
favorife cefentiment: & il eftfi
naturel de croire que le Def-
fein, & la Peinture furent avant
l'écriture que depuis peu de
fiecles,nous en avons des preu-
ves inconteftables. A la dé-
couverte de l'Amerique l'on
trouva que le Delïein étoit pra-
tiqué , quoique ces Peuples
n eufTent aucune connoiiïance
de l'écriture, & cela particu-
lièrement au Roiaume de Me-
xique , où les gens travailloienc

2. •... Ac noVils literarum formus ndiddit
vulgavit^ue i comferio t^uotfue gracarhlL
teraturam non finml cœptam abfolmamejHe ;
frimlfer figuras animalîum n^gyptii fefî^
fus mentïi e^ngfbant ^ & amiquijjlmamo^
nument^ memoriàt humant ïmfrejfa S^xis
cernmtnr & literarum femet inventores fer
i^ibent,

€ i)

-ocr page 19-

PREFACE,
en peinture, & en S culture.
Car entre plufieurs riches pre-
fens que leur RoiMonteczuma
fît à Ferdinand Cortés , il y
avoit des Livres de figures 5 au
lieu de Lettres, qui ont raport
aux Hieroglifes des Egiptiens :
&c la Peinture etoit fi fort en
ufage dans ces Regions-là, que
ce Prince fit voir à ce Capitai-
ne un de (es Couriers qui lui
venoit d'aporter peint lurune
toile de cotton un fecours
d'Elpagnols qui etoit arrivé.

3. Hiftoire gçneraîe de» Indes , par
François Lopez de Gomara.

Leurs Palais étoient ornez de Statues
& il y en avoit d'or. pag. 94. & 128.

Ils entendoientauffi la Geografîe par le
Deflèin, pag. 98. Voiez de cette Hiftoire
encore les pages 64- 78. 13.0.109.140. Ht-

Se 157-

-ocr page 20-

préfacé:

Sur cette toile étoient repreferD»'
tés les Vaiiïeaux, les hommes,
l'Artilierie , les chevaux , ôc
les chiens dont ce renfort é-
toit compofé. L'utilité que re-
çut encore Cortés par le moien
de
laPeinturCjfut grande parce
que lors que des
Seigneurs In-
diens eurent confpiré
de le
tider ^ il en> fut averti par l'un
d'eux
qui lui montra une toik
ou étoient deffinez les Por-
traits de tous les conjurez, ôc
par cet heureux moien ce Ca-
pitaine évita un
funeile dan-

L utihté, & l'excelence des
Arts duDefTein font connoître
la dificuké qu'il
y a d'y 4 excc-
4. Vigenere,page%3.

-ocr page 21-

PREFACE,
ler, à caufe qu'ils demandent
beaucoup de connoi/Tance,
pour les bien pratiquer, ainfi
outre l'inclination naturelle
qu'on doit avoir afin d'y reuC
nr , il faut encore étudier
avec aplication les réglés, &
joindre la bonne inllrudion à
l'heureux naturel, puifque (ans
cela il eft impofTible de s'y ren-
dre habile.

Ces difficultez firent naître
dans les trois derniers fiecles
de l'émulation entre les grans
Princes jaloux de leur gloire,
& de l'habileté de leurs Sujets.
Ils les portèrent à établir des
Academies du DefTein à Flo-
rence, puis à Rome, a Bolo-
gne , enfuite à Anvers , &

-ocr page 22-

PK E F AC n.
enfin à Paris, où les Peintres
Ôc les Sculteurs, ainfi que les
Architedes, s compofent d'il-
luftres Corps.

Celles que 6 Loiiis XIV.
à érigées dans fa Capitale ont
été les plus puifïans moiens
quon ait jamais pu trouver
pour faire d'excelens hommes
en Peinture , en Sculture ,
Ôc
en Architedure. On y enfei-
gne la jeunelTe à deffincr d'a-
près nature, on y montre les

5. L'Academie Roiale de Peinture BC
de Sculture fut établie en 1648.
Se en lôd^.
Sa Majefté commença d'entretenir dans
Rome une Academiepour y peufeél'onner
les Eleves de l'Academie Roiale, laquelle
continik juiqu'à prefent.

6. Le Roi a encore établi une autre
Academie particulière pour rArclmedure
en 1671.

-ocr page 23-

PREFACE.
1er, à caufe qu'ils demandent
beaucoup de connoiiTance,
pour les bien pratiquer, ainfi
outre l'inclination naturelle
qu'on doit avoir afin d'y reuC
nr , il faut encore étudier
avec aplication les réglés, &
joindre la bonne inftrudion à
l'heureux naturel, puifque fans
cela il
ei\ impolTible de s'y ren-
dre habile.

Ces difficultez firent naître
dans les trois derniers fiecles
de l'émulation entre les grans
Princes jaloux de leur gloire,
& de l'habileté de leurs Sujets.
Ils les portèrent à établir des
Academies du DefTein à Flo»
rence, puis à Rome, à Bolo-
gne , enfuite à Anvers , ôc

-ocr page 24-

PK EF A CE.
enfin à Paris, où les Peintres
ôc les Scukeurs^ ainfi que les^
Arciiiteâres, 5 compofent d'il-
luftres Corps.

Celles que 6 Loiiis XIV»
à érigées dans fa Capitale ont
été les plus puilTans moiens
qu'on ait jamais pu trouver
pour faire d'excelens hommes
en Peinture , en Sculturé , &
en Arcliite6lure. On y enfei-
gne la jeunelTe à deffiner d'a-
près nature, on y montre les

5. UAcademie Roiale de Peinture &c
de Scukure fut établie en 1648. & en
Sa Majefté commença d'entretenir dans
Rome une Academiepour y perfeéfcionner
les Eleves de l'Academie Roiale, laquelle
continue jufqu'à prefent.

6. Le Roi a encore établi une autre
Academie particulière pour TArchitedure
en 1671.

-ocr page 25-

PREFACE.
Propomons,,la Geomeme,Ia
Peripeétive, avec TAnatomie,
ôc tous les mois il fe fait des
Conférences fur tout ce qui
regarde l'inflruétion des Ele-
ves.

Entre celles que f ai eu l'hon-
neur d'y faire fur les Contours,
la Perfpedlive, FAnatomie ,
6c
les mouvemens des Mufcles :
ainfi que de celles que j'y ai
liies fur le progrés^ la chute,
& le retablifTement des Arts
du DeiTèin , j'ay choifi ces der-
nieres Conférences pour en
former l'Hiftoire des Arts- qui
y ont raport.

Au premier Livre, il eft par-
lé de fon principe, du progrés
de TArchitedlure , de la S cul-
ture ^

Ik

-ocr page 26-

m

I T K EF A C E.

j ture, & de la Peinture, depuis
ies premiers âges du monde
jufqu après l'Empereur Marc-
Aurelle , que ces Arts com-
mencèrent à diminiier. Dans
tout ce tems on y remarqua
la curioUté qu'eurent les Rods
d'Affirie, d'Egipte, de Fenicie,
de Perfe , & d'Ilraël à élever
! des Bâtimens extraordinaires.
I On y voit comme ces Arts
[ pafTerent des Feniciens aux
Grecs , & aux Cartaginois :
qu enfuite ils pafTerent en Ita-
lie, le progrés qu'ils firent en
•Tofcane, & à Rome du tems
des Rois, de la Republique Se
des Empereurs ^ enfin on
y
V confidere d^ quelle maniéré
I ils y furent eftimez, ôc protc-

-ocr page 27-

n? KBF AC E,

gez jurqu'à leur déclin.

L'on traite de leur chute m
fécond Livre, & l'on voit com-
me le bon goût du DefTein
commença de decliner dans
Rome depuis Commode juC
qu'à Conftantin, & aprés^ l'Ar-
cliite^lure tomba auffi : de-
forte que la mauvaifc maniéré
s'incroduif t dans les Batimens,
la Peinture & la Sculture. Le
zele de la Religion Crétienne
contribua beaucoup à la ded
trudion des Temples , & des
plus belles figures antiques j
ainli que les prifes de Rome^
la dorïiination des Gots & des
Lombards qui nourrirent ce
mauvais goût en Italie & preC-
que par toute l'Ei

-ocr page 28-

PRe F A ce.

Mais la magnificence des
Bâtiniens fe maintint plus
long-tems clans l'Empire d'O-
rient qu'aux autres lieux , de
fur tout à Conftantinople à
caufe que les premiers Empe-
reurs furent paffionnez pour
l'Architedure,comme le firent
paroître Confiant , Teodofe,
ôc Juftinien. Celui-ci emploia
de grans trefors à bâtir , ce
qui entretint quelque rems
l'Architedure, 1 a S culture ôc
la Peinture : celle-ci foufric
depuis ces Princes une perte
notable par les konoclaftes
quidétruifirentles Images, &
perfècuterent cruellement les
Peintres ,
6c enfin ces Arts
tombèrent entièrement dans

1 ij

-ocr page 29-

FK EF ACE.
cet Empire ^ à caufe de la
domination des Mahometans
qui ne permettent point l'exer-
cice du De^Tein de la figure
humaine , ni d'aucune repre-
fentation de tout ce qui a vie.

Dans le trpifieme Livre on
verra que vers l'an iiio. les Arts
du Deiïèin commencèrent un
peu de Te relever à Florence,
^ en d'autres viles d'Italie , la
protedion qu'ils eurent en£ii-
te des Rois de Naples , de
France, des Republiques de
Venife, de Florence, des grans
Ducs de Tofcane , des Papes
de cette Illûftre Maifon , &
de plufieurs Princes d'Italie^
donna moien aux excelens gé-
nies de s apliquer ardemment

-ocr page 30-

PKe F Ace.
à la Peinture, à la Sculture, &
à rArchitedure ^ pour les ré-
tablir. En effet elles le furent
dans tout le (lecle de 1500.
où je termine le retablifTement
de ces Arts, parce que c'eit en
ce fiecle heureux qu'ils furent
portez à leur perfedion , par
les célébrés Defïinateurs qui
fleurirent jufqu à ce tems là.

C'eft ce qui a été reconnu
de tous ceux qui depuis ont
illuftré nôtre fiécle par les Arts
du DefTein : puifqu ils ont fait
gloire d'imiter les ouvrages de
Rafaël, du Correge, de Jules
Romain, de Michel-Ange, de
Titien, & de plufîeurs autres
habiles au dernier fiecle,
\ Car c'eft à la faveur de cette

î iij

-ocr page 31-

K ET A C E.
imitation que la belle maniéré
de peindre ^ & de deffiner s'eft
maintenue jufqu a nous, ainfi
que le bon goût dans la Scul-
ture, & l'Arcliitedure : comme
on le voit des le commence-
ment de ce fîecle de
leoo. par
les célébrés Caraches, enfuite
par leurs Eleves, le Domini-
quain, l'Albanc, le Guide, le
Lanfranc3& l'Algarde. Puis ce
bon goût fut continué dans
ces trois Arts à Rome par le
Poufïîn, François du Quefnoy,
Pierre de Cortone, & le Ber-
nin, Ainfi qu'en Flandre par
Rubens, ^ Vendyck : de mê-
me qu'en France,par deBroflcj
le Mercier, le Sueur, Sarra-
zin , Manfard , Bourdon j le

-ocr page 32-

PREFACE.
Brun, Mignard 3 &c plufieurs
autres grands hommes qui ont
fleuri dans les Arts du DeiTein.

Mais cette bonne maniéré
^ maintient aujourd'hui heu-
reufement par tous les autres
habiles gens qui illuilrent les
Academies Roiales de Pein-
ture & Scixhure, comme celle ^
d'Architedure : à caufe qu'ils
ont pour réglé de fuivre les tra-
ces de la belle antiquité ^ les
maximes ôc le goût de ces ra-
res génies qui ont rétabli les
Arts du DelTein , & qui ont
paru avec éclat dans tout le
dernier fiecle. Onpoura don-
ner quelque jour la continua-
tion de cette Hilloire pendant
tout le fiecle de 1600. que Ton

1 iiij

-ocr page 33-

PREFACE.
a refèrvée pour un fécond Vo^^
lume.

L*on ne doit pas être furpris
qu'un Peintre ofe ecrire l'Hifl
toire du Deffein, puifquentrt
tant de parties qu'il doit pofTe-
der, celle de fâvoir bien l'HiC
toire n'eft pas une des demie-
res pour le diUinguer, par là
il rend fès Ouvrages fideles à
la vérité , & peut donner rai-
fon de tout ce qu'il reprefente:
joignant la Teorie à la prati-
que de Ton Art^ il
y devient
alTez intelligent pour en don-
ner des réglés bien au defTus
de ceux qui ne (ont point Def-
fînateurs.

Ce!} ce qu'ont fait les plus
célébrés Peintres de l'anti-

-ocr page 34-

• PREFACE,
quité, comme Apelle, Perfée*
fon Eleve & 7 autres : de mê^
me les illuftres modernes ont
écrit des Arts du DefTein,
Léon Batifte Albert , Léo-
nard de Vinci, & quantité
d'autres 8 qui ont parlé (avam-
ment de ces Arts pour l'utilité

"7. Afclepiodore ,Protogene , Eufranor
Praxitele écrivirent de la Peinture
&C de
la Scultiice, comme Argellius, & Vitruve
de TArchitedlure.

8. Les principaux des Peintres modernes,
qui ont écrit de la Peinture depuis Léon
Batifte Albert, & Léonard de Vinci, fone
Le Fapirl, Annenim , P. Lomaz.z.0 , F,
Zuccharo, Albert Dal Bor^e San Sepolcro. '
Albert Durer, Jean Coufm, Char es AI-
fonfè du Frelîioy ^
6c de ceux <jui ont écrit
de i'Architedure, outre Léon Batifte
al-
p bert, les principaux font aufli le Vignole,
le
Palladio^ le ^Ic Serlio , Bar^

baro , Cntaneo , Filbert de Lorme , Jean
Bullant, & du Cerceau.

i

-ocr page 35-

PREFACE. '
'de ceux qui defirenc s'y rendre
habiles.

Si Ton a donné pour titre à
cette Hiftoire celle des Arts
qui ontraport au Delîein , plu-
tôt qu Hiftoire de l'Architec-
ture, de la S culture ôc de k
Peinture, c'eft que le DefTein
comprend non feulement ces
trois parties 5 mais encore la
Gravùre fur le cuivre , celle
en bois5 & cejle en creux pour
firaper les Médaillés, la Ciie-
lure , la Damafquinure , la
•Broderie, la haute & la baiTe
LifTe, la Marqueterie, & plu-
fieurs autres fortes d'Ouvrages
tous dépendants du DefTein.

Tous ces Arts pour cette rai-
fon font mis ôc compris enfem-

-ocr page 36-

P RE F A C E.
ble 5 forment les Academies
qu'on apellc en Italie , du Det
fein, où les Peintres, les Scul-
teurs, & les Arcliitedes pofTe-
dent alternativement les pre-
mières Charges: c eft.pourquoi
ceux qui veulent s'atacher à
quelqu unes de ces Proférions
aprennent premièrement le
DefTein, & ils fe déterminent
après au choix d'une feule, ou
de plufieurs^ y pouvant reuffir
e'galement bien étant bons
Deffinateurs.

Cela s'efi: vu au tems des an-
tiques à l'égard de Dedale,
de Fidias ^ d'Eufranor , & de
^lufieurs , qui étoient autant
labiles dans la Sculture &la
Peinture que dans TArchitec-

-ocr page 37-

• PRS F AC g.
ture 5 on a vu la même cliofé
chez les modernes, Ghiberto
croit Peintre, Arcliitede, ScuL
teur , ôc Orfevre , Verochio
Léonard de Vinci ont pofTedé
tous ces beaux Arts, ainfique.
Bramante, P^afaël, Jules Ro-
main , BaldaHare , Vignole Si
Pirro Ligorio qui étoient Pein-
tres & Architedes : Michel-
Ange exceloit également aulïi
dans FArchitedure, la Scultu-
re la Peinture, parce qu'il
étoit tres4iabile DefTmateur.

C'eft ce qui autorife l'idée
quelonaelie dans l'Eftampe
que Ion a mife à latéce de ce
Livre qui exprime que le DeC
fein efl: le pere de la Peinture,
de la S culture , ôc de l'Archir

-ocr page 38-

P Kê F AC i.
tedure^mais (iir ces matieres ^
des gens toûjours prêts à criti-
c|uer ne manqueront point
fans doute de trouver à redirç
la maniéré naturelle de s'expli-
quer, dont on s'eft fervi en cet-
te Hiftoire : mais afin qu'ils
ne s'arrêtent point,
fi par ha-
zard ils rencontrent quelques
mots peu ufitez , & fi Je tour
de la Fraie n*ef{; pas toujours
tel qu'ils le pouroient fouhai-
tenils doivent favoir que le but
de l'Auteur a été feulement
de (e faire entendre de ceux
qui aprennent le DefTein. Et
aind il efpere que les perfon-
nés d'efprit né regarderont
point de fi pre's à la politeffe
du difcours, ni au chois des

-ocr page 39-

PREFACE.
exprefîions , pui(qu'il fait fa
principale ocupadon de pein-
dre, & qu'il ne regarde le rcfl:e
que comm€ acceiToire.

Si le public reçoit favorable-
ment cette Hiftoire, on don-
nera dans peu une explication
Alfabetique des termes les
plus ufitez pour s'exprimer heu-
reufem^nt dans les Arts du
DefTein, car ce font particuliè-
rement les termes fur lefquels
il y a des Obfervations à faire
pour î'inftrudion des Eleves
êc des amateurs de ces beauK
Arts,

-ocr page 40-

ALL'AUTOIIE SOPllA
il fao iibro deirHilloria
de! dilTeg-no.

o

Epigraoïma.

Dy4l l'illHpri maeftri del l'yfrte,
yive Jî ferhblano d'una parte
L'opere di fctdtHre è pitture
J^Anca. a lei à'ejfer allinguate
Ma pel le voftre belle fentîure
Hoggidi le avete animaîe^

Ai fao amantiflimo Zio M. L. Reneaunie
de Lagaranne D. M.

#

-ocr page 41-

#

ir

TABLE

-ocr page 42-

■m-m -.m-m m ■mim-m'i-

^^ -K.5®»

m : . : m -mm-

TABLE

des chapitres

contenus en cette Hiftoire.

livre premier,

Chap. I. T^/^-» ej^ l'auteur du.

HeJJem de la Fi-
gure Humaine,
 page i
Ch. II. Tie l'exercice des Arts dt&
Dejfein , ^ de leur progrés parmi
les Ajjinens.
7
Ch. III. De l'excellence ou lesBgi-
ptiens foYterent la Sculture , &
l'ArchiteBure. n
Ch. IV. Zes Egiptiens communiquè-
rent les Arts aux Feniciens , qui
les portèrent en Grece" ^ 15
Ch. V., Les Ans du Befiein florin
rentfous les Rois d'îfia'êl. 20
Ch. yL Za '^culture fut heureufe-

o

-ocr page 43-

T A B L E

rnent exercée far tes Babilonîens ,
& par les Perfes,
 23

Ch. yII. ,Be la maniéré que les
Arts du Deffein fe poànifirent en
Afrique ^ k Cart âge, ij

Ch. y\\l. 73u tems que l'on com^
men(^a de faire florir la Peinture
en Grece.
 31

Ch. IX. ^isf même tems que la
Peinture fut enfaperfeHion dans
la Grece , la Sculture ^ l'Archi-
teîiurey fut aujjî.
 .3S

Ch. .X. Comment la Peinture^ajfa
de Grece en Italie. 44

Ch. XI. Qmnd la Sculture com-
ment^a d'être efiimée parmi les Ro-^
mains.
 50

Ch. XII. De l'excelence de l'Ar^
chiteHure des Grecs. 5 S

CH. X11L DelàferfeBiondel'Ar.
chiteHure chexjes Romains au tems
, de la République^ » 64,

Ch. XIV. VArchiteHure continua
à Rome fous les Empereurs dans fon
eMelence ^ comme elle avait fait

-ocr page 44-

des chapitrés.
tems de la République.

livre second.

Chap. I. Ç^Ous le Regne de Com^
mode , lei Arts du
T>efiein commencèrent à décliner,
8i.

Ch. II. Z'ArchiteHure ne déclina
qu*après Conftantin , quoique la.
Peinture
, à" Sculture fuffent
tombées auparavant.
 85

Ch. III. L'Empire paffè a Conf-
tantinople , ^ la Religion Chré-
tienne contribuèrent à la ruine des
Arts du Bejfein. 5)1

Ch. iv. Les prifes les pliages
de Rome par les Vandales
, ^ les
Gots , aidèrent a la rUîne des Arts
du Deffein. 94

Ch. V. Les Images dans la primi^
tive Eglife ne foàtinrent pas à, Ro-
me lArt du Dejfein , mais elles
donnèrent naijfance â la maniéré
que depuis on a nommé Gotique.

Ô ij

-ocr page 45-

T A B LE

Ch. VI. Les Arts du Bejjeîn dscU-
nerent moins dans f Empire d'O-
fient^que dans celui d'Occident, i oz
C H. V11. De l'ancienneté des Ima~
ges dans la Religion Crètienne. iio
Ch. VIII. De la rilïne entiere des
'Arts par la Se&e de Mahomet aux
lieux de fa domination. ii6

Ch. ix. Du tort que feufrirent la
Teinture ^^ la Sculture , par les
Iconoclafies. .
 121

Ch. X. La domination des Gots^en
Italie^y entretint la mauvaife ma- ■
niere.
 ïjo

Ch. XI. Du tems des Lombards le
gout Gotique fut continué en Ita^
tie , cf en plufenrs autres lieux de
l^ Europe.
 133

Ch. XII. DutemsdeCharlemagney
le bon gout de bktir fut moins alté-
ré en Tofcane qu*aux autres jPaïs.

Ch. XIII. Reflexion fut la chute
des Ans du dejfein ér fu^ la ma^
rMreQotiquev 140

-ocr page 46-

DES CHAPITRES.

LIVRE TROîSIE'ME.

Chat. i. t Es Ans commence^
\ ^ rent à renaître en
Tofcane , far l'ArchiteBure, ^ la
Sculture. 145

Ch. ii. Quand la Peinture corn-
. ment^a de fe rétablir a Florence,
153
Ch. lij. JÙes liberalitet^des Prin-
ces , aux habiles hommes > ont été
un puifiatt moien pour faire renaî-
tre les Arts du Dejfein. 160
Ch. iv. L'établijfiinent de l'Aca^
demie du Deffein à Florence , fut
un moien de le rétablir,
Ch. V. Les 'François, é' les Fla-
mands fe font apliqués a faire re-
fleurir la Peinture , ^ ils trouvè-
rent le fecret de peindre ^ huiU^

Ch. VI. De l'invention de peindre
à huile avantageufe à la Peintu-
re , comme le fecret enpaffa en
Italie-,

-ocr page 47-

TABLE

Ch. VI I. La Peinture fe rétdBlit
en- ^lujteurs Provinces à^Italie,

Ch. VI IL L'Ecole Florentine ,
devint la flus fameufe , far le
g^andmmhre de fes exceliens hom-
mes.
 19 j

Ch. IX. De laperfeBian de la Pein-
ture au dernier jiecle, 104

Ch. X.. Des Peintres de Lombardie
qui fervirent au futablijjement de
la Peinture, né-

Ch. XI. La Peinture fut portée
à la beauté du Coloris â Venife^
224

Ch. XII, La cmiofitè fut dans toU"
tes les. Cours de l*Eurofe ^ ^prin-
cipalement à celle de Mantoue,
132.

C h . X111. L* ArchiteHure vint dans
une haute excellence d Rome. 259

C h A p. XIV. Z*Architetture re^
prit naijfance dans l'Etat Vénitien,
246.

Ch. XV. Michel-Ange fit fleurir a

-ocr page 48-

DES CHAPITRES.
Rome l'ArchiteBure , la Sculture \
& le bon gout du JDeffein.
^H. XVI. plttf eurs Eleves de Mi-
chel-Ange , & de Rafaël conti'
nuerent à Rome l'excelence de la.
Peinture , ^ de rArchiteHure.

Ch.

XVII. A 'FloreVtCe d^habiles
hommes continuerem la belle ma-
niéré en la Sculmre ^é'^nla. Pein-
ture.
 275;
Ch. XVIII. Les Viles de Venare^
^ autres de Lombardie , ^ d'Ur-
bin produifirent un nomke de grans
Peintres, z8z
Ch. XIX. Za Peinture continua à,
Venife dans fa beauté, é* l'Archi'
teîiure dans la jîenne a Venife, ^
a Rome. z^i
Ch. XX. Zes Arts du Defieinfleu-
rirent en France fous Fran(^ois Pre-
mier , Hsnri Second & leurs fuc-
cefieurs.
307
Ch. XXI. Les Flamans feperfec-
tionnèrent dans la Peinture y de-

-ocr page 49-

TABLE, &c.

puisqu'ils eurent trouve l'invention
de feindre à huile.
Ch. XXII. De la maniéré que la
Gravure contribua au rêtabliffe-
ment des Arts du Dejfein,
327

F I N..

Î-ETTRE

I

-ocr page 50-

lettre

Z>'X;2V ECCLESJASTiaVE
de S. Snlpice a M. Monter fur fin
Hifioire des yîrts.

MOnfieur nôtre Curé a lu
vôtre Livre fur le DefTein
avec plaifir & avec édilîeation ,
il y a trouvé , Monfieur, à ce qu'il
m'a affuré* , tout ce que ce bel
Art aprend de plus rare , & que
la faine dodrine enfeigne de'plus
ortodoxe. Cet Ouvrage lui paroïc
digne de vôtre érudition , èc de
vôtre pieté , il y a admiré la Teo-
rie des excellentes pieces, qui em~
beliffent & qui ornent nos Eglifes
dont vous faites l'éloge , & au mê-
me tems il a été touché des fenti-
mens de pieté qui s'y trouvent,
Ainfi il donne avec joye fon apro-
bation à vôtre Livre, à mon égard
j'en fuis charmé : Je fuis , Mon-

û-

-ocr page 51-

lieur , avec beaucoup d'eilime &
de fuicerité.

il

Vôtre très-humble & tresr-^
obeïirant ferviceur ,
chaboureair.

-ocr page 52-

^ ? P R O B A T I O N.

J'Ai lû par ordre de Monfeigneur le
Chancelier un Manufcric intitulé Htf-
totre des Arts cpl ont rapport HH Dejfein ,
leur Origine, leur progrès èr leur RétabliJfc-
mer^t^ jnfcjîtà la fin du fecle de
ifoo. Cette
Hiftoire eft une Cronologie fort cadeufè,
où l'Auteur décrit les plus beaux Ouvra-
ges des Antiques ainfi que des Modernes,
& donne une haute idée de chaque Illuftre
qui a réiiiîi dans l'Arehiteâ:ure , la Pein-
ture & la Sculture. Les Eleves y verronc
des marques d'honneur accordées en tous
les fiecles à ceux qui y ont excellé , &
cela leur donnera de l'émulation pour fè
rendre capables de les meriter. Ce Livre
peut non feulement être utile à tous ceux
qui pi ofefrent ces beaux Arts, mais aux
grans Princes mêmes qui s'atachent avec
plaifir à les proteger, & à les faire revt-
nir dans leur premier luftre.

B u L L E T Architecte du Roi,
de l'Académie Roiale d'Ar-
ehicet^ure^

-ocr page 53-

^XTKAIT DV PKiriLEGB
du Roi,

PAr Grâce & Privilege du Roi, donné
à Paris le lo. Aouft 1698. Signé par
le Roi en Ton Confei ,
Boucher ;
Il eft permis au Sieur P. M o
n 1 e r , l'un
de nos Peintres Ordinaires , & ProfefTeur
de l'Académie Roiale de Peinture , &
Sculture , de faire imprimer un Livre in-
titulé,
Hifioire des jîhs c^ui ont raport au
Dejfein , où il eftparlé de leur Origine, de
leur Progrés, leur Chute , c^ de leur Ré-
t^hlijfement, &c
ce pendant le temps de
huit années confecutives : Avec défenfes
à tous autres de l'imprimer o-a de le faire
imprimer , vendre ny débiter, fous les
peines portées à l'Original du prefent
Privilege.

Regifirefur le Livre delà Communauté des Im--
frimeurs ^ Librair-es de Paris, le ix. Jaillet165S.

Signé , C. B a l a r d , Syndic.

Achevé d'imprimer le ^. d'Aouft

Et ledit Sicar Monier a cédé fon droit du
prefent Pîivilcge au Sieur P- G
i F F a S. t ,
Xibraire, & Graveur du Roy , fuivaiit l'accord
Ifâlt cnti'cux,<

HISTOIRE

-ocr page 54-

DES ARTS

ONT RAPORT AU DESSEIN.

L I V' R E PREMIER*
De rorigine du progrés des Arts
du DefTein,

chapitre premier.

Dieu efi l'Auteur du dejfein de U
figure humaine.

E S Arts du DefTein ont
eu leur origine, leur pro-
grés , leur chiite & leur
rétablilTement. L'Art du
Deflein a eu fon principe dans l'i-

A

-ocr page 55-

2 Jiifioire des Arts

dée Je Dieu : car lorfqu'il voulue
créer l'homme, il i prit de la terre,
il en forma une figure & l'anima 5
ainli le premier DefTein de la figure
humaine vient diredement de la
Divinité : puilqu'elle nous a donné
une fi nob e idée par le moien d'u-
ne connoilTance naturelle que nous
avons de la forme des objets, &
qui nous les fait diftinguer les uns
des autres. Cette dillinction eft Iç
premier principe du DeiTein : ce
principe naît avec nous , ôc fe
redifie par l'étude de l'Art , ôc
pour cela l'on confidere deux cho-
ies , l'une la notion que nous impri-
me une intelligence nette de tou^c
ce qui eft vifible dans la nature ,

l'autre le pouvoir d'executer à la
faveur de la maiujce que l'imagina-
tion a conçu. Elle eft plus forte cet-
te imagination à l'égard des uns
qu a l'égard des autres , foit par un
heureux naturel qui porte le genie

3. Gencfc. C. 1.

-ocr page 56-

qui ont fdpoït au I>ejfeîn, 3
â Tamour & à Ictude de l'Art, ou
par une grâce du Ciel. Car Dieu
a dit,
fai élu Beèfel que fui rem-
pli de mon efprit.yde ftyff^) £ intelli-
gence , de jtence pour tous les Ans.

C'efl: donc l'efpric î divin qui eft
le'premier mobile du Detrein qu'on
doit plutôt regarder comme un +
don du Ciel, que comme une cho-
fc trouvée des hommes. Cette vé-
rité a été reconnue dans tous les
iîecles , les enfans de Seht furent
tres-foigneux de graver fur deux s
Colonnes , les connoiflances de
l'Allrologie pour que cette Sience
ne pérît point au Deluge/ur ralTu-
rance qu'ils avoient qu'il devoit
arriver.

X. Exode. C. JJ-

J. Philoftrate dans la préface de fes tableaux
âe plate-peinture dit que les Arts du Deffein
font une vraye inveutioa de Dieux.

4. Scamozzi a voulu dire la mê'Tie chofe en
ces termes.
Epercio à rn^gtone fi pno dire che il
'iifegno Jlapik tofio dono celejie, che cofa .
h.yoh*
•^rchiteta d'aWingegno hutn.mo , en fon livre
d"Architedureparte i.lib.i. C. XIV.p. 47

De CCS colojunes , l'une étoit de brique, Se

A ij

m

-ocr page 57-

4 Hifloîre des Arts

Leur foin fut heureux puifque
ces Colonnes fe virent long-tems
après Noé , il y en ^ même qui
écrivent que les fils de Seht trou-
vèrent le moyen de reprefenter
par la peinture nos Images ^ & nos
Portraits. Cependant il eft aflez'
incertain d'avancer que tous les
Arts du Deffein ayent pce prati-
quez avant le Déluge, L'Hiftoire
çfi: flerile là deffus , ^ ne nous
marque pas tout ce que les hom-
mes firent au premier 7 âge. Mais
on peut conjedurer que Noé qui
avoit eu communication avec les
enfans 4e Seht qui avoient vu
Adam , apprit d'eux les Arts , &

fautrcde pierre.

lofcphc li. p. des Antiq c. i.

6- LtggerÀ che tl fi gliv oie di Seht fer gener are
ne fttoi foptli ma mente fia, fiit benigna, ri-
trovo il modo di rafrefentart lore , h imagine,
figure nofirt , fer mezzo de la fittura.
Paul
Lomazzo. Idca dcl tcrapio dclla pittura pagi-
ne IX.

7- Le premier âge comprend depuis Ada,tS ?
iuf<ju'au Déluge qui eft i€j6.

-ocr page 58-

qui ont tdpôrt au "Ùgffeîn.
qu'il étoit très - expert dans la
Geometrie. Cela fe voit par le
grand bâtiment de fo'n ^ Arcfhe ,
qui fût un ouvrage d'Architedu-
re maritime , une fuite de l'Arc
du 9 Deffein , à caufe que la Geo-
metrie en eft infeparable.

8. "Noc fut loo, ans à bâtir foa Arche. Gc^

tiefe C. 6-

Itla bârit fuÏTant la ptoportion du corfiis hu-
main , ainfi que Paul Lomazzo l'a remarque dans
fon traité delà peintureLiv. r°.p. 5)/. où iltrou-
ye qi.ie la proportion dcrhommea de loi gueut
3^0 minutes, de largeur jo & de hauteur 50. &
que fur cette proportion , Noc fabriqua l'Ar-
che , qui avoit jôo. coudées de long > _fO. de
large , & 50. de haut- 11 ajoute que fur cet:e
icgle , & fuivant cette proportion , les Navi-
res & les autres bâtimens , furent conftruits ,
amfi que les Grecs firent celui d'Argos-

5>- De plufieurs Auteurs qui OiU écrit de l'An
du Deflein, ks uns'veulent que ce foit une fpc-
culation à laquelle la memoire contribuo , &
l e arcificieufe induftriede l'efpùtqLii emp'oyc
fes forces' conformément à ndée qu'il a con-
çue.

Les autres diTent que le DefFein cft une Sien-
ce d'une belle & judicieufc proportion ds touc
ce qui fe voit , & une compofitiGn réglée, dontî
on di'cerne le bon par les mefures, auquel on
parvie tà la faveur de l'étude , & d'une grac»

Aiij

-ocr page 59-

s Hifloire des Arts

l! y en a encore qui veulent que le Defleînf
ne foit qu'on Genie vif & èckiié , dont celuy
qui en eft privé, eft comme aveugle, parce qu'if
ne peut difcerncr , ce qui eft de beau & do^
convenable.

Armenini de veri precetti. D. Z. P- C.

le Chevalier Bifagno. Tratt. Délia
FittHrm.

V^fari définit amÇi le deflVin. C'eft une ex-
prtflion aparente de la penfée que l'ame a con-
çue. M as le Che> ali.r Fedtric Zuccaro > l'a
déterminé d'une maniéré plus folidc , lorfqu il
dit qu" le Deflein en général eft u;- objeî connu,
dans lequel l'efprit connoît îes chofts qui. luy
font repiefentces. Il dîvifr auffi cette définition
en deflein interne & deikin cxf.rac. Le dcffein
intern n'a ni matiere, ni corps , ni fubftan-
çe i trais mie fortiie, une idée , ui ordre , une
rcgle, une fin , & un objec de rcfprit , où eft
exprimé cc qu'on entend, & cec fetr uvedans
toutes les chofes , ta t Jivi es qu'humaines.

L Deffein ea;rnc , paroît aitourc de for-
mes fan; corps : 'e linéament fimple eft ce qui
eiiviionne , & q if it la figu f de quelquechofe
de r-. el, & d'imagiiié. Cedeffcin fe divit^ encore
en trois efptces , l'une naturelle, & hs autres
artificielles , & propres aux P-intres j & aux
autres dcffi ateurs La premiere efpece s'apellc
le Defl'ein iiaturel qui eft e propre & le princi-

fal mo'.iels- , que la nature a pvo.iuit & que

Art a irairé. La fécondé efpece fe nomme le
Defleui artificiel, modele de l'a) tifice humain,
5 la faveur duquel noui formons diverfes ii;ven-
tions j & pL,fleurs penfécs hifturiques & pocti-

-ocr page 60-

qui ont rapott au Deffein. 7

eues. A l'égard de la troifîéme efpece > on
1 apelle auffi le Dcffcin artificiel : mais compofè
de toutes fortes de bizareries , & d'inventions in-
geai^. fcs & extraordinaires,
liderico Znccaro,
nel trattato dell'idea Li. z. fog. 7.

Air,(i l'on conclut que le Deffeinn'eftqu'efprit,
que grâce, &
qu'une proportion régulière , dont
la pratique 5c l'intelligtnce fo;.t de tirer les li-
gnes ou contours qu'on apclle D flein , & il
èft plus parfait
lorfqu'il. e!t bien formé avec fes
accidens , qui font les lumières , & les ombres
que
les Italiens nomment: il chiaro ofcuro.

CHAP ITRE 1 I.

JDe l'exercice des Arts du Dejfein ,
de leur progrés farmi les
Ajjîriens.

AU fécond » âge, l' Art du Def-
lèin parut à la faveur de la
Sculture & de l'Architedure j car
après que Noé eut un peu repeu-
plé la terre , ces beaux Arts fe
firent connoître chez les Affi-
riens. Le premier ouvrage que l'on

- I. Le fc-cond âge , eft depuis le Deluge jufqu'àl
Ja vocationd'Abrakara , & il comprend 4x6. ans.

A iiij

-ocr page 61-

s Hifioire des Arts
en vit, ce fut la Tour de Babel ; v
qui demeura imparfaite à caufe de
la confufîon des langues. '

Belus qu'on apelle ordinaire-
ment Nembrot ^ premier Roi d'Af-
firie, fît conftruire cette fameufc
Tour, & au même lieu la Ville de
Babilone, où il voulut eftre ado-
ré comme Dieu. Ninus Ton fils
luy fit faire le premier Temple da
monde , & ériger des s ftatuës, ce
qui donna nailfance à l'idolâtrie.
Ce Ninus fonda Ninive , place
qu'on ne pouvoit traverfer qu'en j
trois 4 jours, & il fe rendit pref-
que maître de toute l'Afie. Se- i

X. Gcnefc C. II, Ce fut l'an du roont'e 187?^,

lit, après le Déluge , & n?. ans avant la «

mort de Noé. Ce Nembiot régna ans fcloa ^

Euf;be Gcn. «o. }'

}. C'eft environ Tan du monde 19 4 4-. que la 1

ftîtuë de Belus fut faîte , Se c'eft l'Idole que '

l'écriture, fainte appelle Baal ,, Belphegor , Se |
d'autres noms.

4 Jonas- C. }. & Diodore de Sicile Li.

Ou a fuivy en cette Hiftoire la Chronologie da !

Sieur de Royaumont , Prieur Je Sombrevaldan^ j
fon hiftoire du vieux & nouveau Teftament^

-ocr page 62-

qui oM rapm duDeffeln. ^
miramis fon Epoufè eut foin de
faire achever les murs de Babilo-
ne. Ils ont été comtez pour
l'une des fept merveilles de l'Uni-
vers , & il femble qu'on puiiTe
mettre de ce nombre les Jardins
dont cette Ville ctoit embellie ,
& qui étoient fur les Palais.

Semiramis fit encore tailler la
montagne de x Bagiftone en forme
de plufieurs ftatuës, Se porta tous
les Arts ^ dans l'Egipte , & dans

, y. Hy a aparcnce que Dinocnrate ptit cette

\ iHée, quand il propofa à Alexandre IcGrands^

! de cailler le Mont Atoscn la forme de fa fta-

tuf. ViEmve- L. x. La Montagne de Bagif-
i tonc étoit nn rocher qui avoic dix- fept ftades ,

j il fut taillé de façon qu'il reprefentoit la ftatuc

) de Semiramis avec loo. figures d'hommes qui

î luy ofFroient des preAns. P. Lomazîo. idea del.

I' T. deL Pitt. 'p. Valerio Af^-v^w» fait aufG.

( mention d'iane ftatub' de bronze de cette Reine

t qui étoit d'une grandeur prodigieufe.

!j 6. Parmy les Arts du deffein qui étoîentexcr-

,1 ccz à Babilone , la peinture y étoit pratiquée,

i puifque cette PriiiceUe fit peindre au Pont qu'el-

le fit bâtir en cette Ville, plufieurs figures de
differens animaux colorés j félon le raporc de
! Diod. fie. & du même P. LomaxaP. p- ii^

-ocr page 63-

to MiBoire des Arts
la Tebaïde , après avoir fait la
conqudle de ces fameux Royau-
mes. Tous les hiltoriens s'accor-
dent fur la beauté? de Babiione,
qu'elle étoit remplie de magnifi-
ques bâtimens, qu'on y voyoit le
Temple de Jupiter
Belus' , 6c
qu'elle avoit cent portes de bron-
ze , ce qui montre que l'ufage de la
fonte , ôc des antres ouvrages qui
dépendent du DefTein, n'y étoient
point ignorez.

Par là, il efl évident que les
Arts du delTein n'ont pas été
, trouvez par Bazard , puilque ces
premiers ouvrages d'Architedure
& de Sculture exceilens , comme
ils l'étoient, ne peuvent avoir été
conftruits fans le fecours de l'Art

7. Pline lib. 6. C, ^6. dit qac Babiione avolt
^o. mille de tour , que fes murs ccoicnt de
aoo. pieds de haut & jo. de large , que le
Temple de Jupiter Belus s'y voiolt enc rc
de fon tems. Hérodote donne à cette Vile 4S0.
ftadcs de circuit. Oa met la mort de Semiraniis
eaviroa
l'an du monde to>8. Tuftin Li. i. D. fie.
U. 5.

-ocr page 64-

qui ont rapon au Dejfetn. ji
qui étoic pafle jufqLi'à ces grands
Deffinateurs contemporains de ®
Noé qui n'étoient éloignez d'A-
dam que de deux générations.

8. Noc mourut l'aa 1544. Lamcc fon perça
yécu avcc Adam j6. ans.

CHAPITRE III.

D^ Vexcdlence ou les Bgiptiens por-^
terent la Sculture & l'Ar-
chiteHurs.

Le s Arts étant fi bien prati-
quez parmi les Affiriens 5 ces
peuples les portèrent dans l'Egi-
pte , de dans toutes leurs conquê-
tes : de forte que les Egiptiens fu-
rent des premiers à les cultiver.
Leur Labirinte nous le fait voir.
C'étoit un ^ bâtiment fi admirable

I. C'eft le Roy Petefuccus qui le fit bâtir , '1
fut encore enrichi & dedié au Soleil par le Roy
Pfammaticus. Pli. ii, jé, C. ij. Les cbelifiucs

-ocr page 65-

Hifioire des ArU
qu'outre fes ingénieux égàremem
on y voyoit tous les Temples des
Dieux des Egiptiens ornez de Co-
lonnes de porfîre , des ftatuës de
leurs divinitez , & de celles de
leurs Princes , avec de riches Pa-
lais , qui rendoient cér édifice fi re-
nommé que les premiers Archite-
ctes de la Grece y allèrent étudier
les plus profondes réglés de l'art.

Ce fameux Labirinte Se les
merveilleux bâtimens qu'il renfer-
moit, nous donnent une forte idée
de la grandeur furprenance des
ouvrages de FArchitedure , & d=e
la Sculture de ces peuples j leurs
Piramides , leurs Obelilques que
nous voyons , 6c le fragment d'u-
ne ' figure cololTale de Sphinx ,
dont la tête a i
lo. pieds de circon-
férence témoignent encore cette
vérité.

qui furent t anfportez d'Egipte à Rom" par Au-
giifte marq .vent encore que les Fgiptiens écoicat
gres-magniîiques en tout ce c|_u'i s faifoiens»
t, Piine L. î;^.
s-. lï..

-ocr page 66-

qui ont ra^m au "Deffein. 15
'Au troifiéme, âge, l'Art fe per-
pétua durant les régnés des Fa-
raons : Abraham même quand il
Te retira en Egipte y en{eigna4
l'Aritmetique ôc i'Aftrologie. Les
Affiriens, & les Chaldcens conti-
nuèrent auffi de trayailier avec
tant d'alîîduité à la Sculture, qu'el-
le devint fi commune dans les
Temples , ôc les maifons des par-
ticuliers que Laban avoit des Ido-
les que Rachel
s fa fille luy déro-
ba , lorfque Jacob & fa famille fe
feparent de lui,

Jacob quelque temps après , fut
oblige d'aller demeurer en Egipte
où les cnfans fe multiplièrent, ôc
aprirent les Arts du DefTein , en-

r Le troifiémc âge du Monde commence en
loiij. depuis la vocation d'Abraham jufqa'cn
ijiy. qui cftà la fortie des enfans d'Ifraël hots
de rEgipte.

4- lofcphe Li. i. des Antîq.

5- Genefe Chap. 31-

Jacob époufa Rachcl en l'an iijj. Ic^S5. <î«
î agc de ce Patriaictc.

-ocr page 67-

ï4 WJîoire des j4m
fuite ^ ils donnèrent dans le defert
des preuves du progrés qu'ils a-
voient fait en ces beaux Arts ,
Çar le maihureux ufage qu'ils en
firent. Car s'ennuyant de ce que
Moïfe ne revenoit point du haut
de la montagne , ils fondirent le
veau 7 d'or , aulîi-tôt il leur
défendit de faire des Idoles. Et
depuis par l'ordre de Dieu il
choifit 8 Beéfel , & Ooliat pour
tailler les images des Chérubins
d'or , & tous les ornemens d'Ar-
chicedure, & de Sculturequicom-
pofoient le Tabernacle, Se l'Ar-
che d'alliance.

>

é. En ce tems commence le 4. âge du ttion^e
qui eft l'an ijiy. & il finit à l'édification dtt
Temple de Salomon en if^iu.

7. £xode C. jt.

S. Exode C. J7.

-ocr page 68-

qui ont rdpon au DeJJeîn, 15

CHAPITRE IV.

Zes Bgiptiens communiquèrent les
. Arts aux Feniciens , qui les
portèrent en Grèce,

JUfqu'à l'an du monde kjoo. il
ne paroît point que l'Art du
DelTein foit pafle aux Grecs j mais
qu'il pafTa des £giptiens aux Fe-
niciens à la faveur d'Agenor qui
alla régner à Tir. Son petit fils
Cadmus porta le premier les let-
tres I & les Arts dans la Grece : il
y bâtit Tebes , où il voulut à
caufe du nom qu'il donna à cette-
Ville marquer qu'elle tiroit Ton ori-
gine de la gra,nde Telv-^s d'Egipte.

i. Environ l'aa du Monde 2600. Cadmus fut
celuy qui porta les 16. premières lettres de l'Al-
fabst aux Grecs. Palatrxdes en ajoilta quatre '
du temps delà guerre de Troye. Tacite. Ann.
li.
II. Plutarquc- & Pline H. 7.0
». Cette Ville avoir été fi magnifique que Gcï-I

-ocr page 69-

ï'è 'Hifioire des ArtS

Sur la fin du troifiéme âge Ate-
nés î eut fon commencement par
Cecrops fon premier Roi , qui
étoit venu d'Egipte , où aparem-
ment il fit voir le commencement
des Arts & des Siences : puifque
ce fut premièrement à Atenes que
naquit l'ingenieux Dedale
4 de fa-
mille Royale, habile dans l'Art du
DelTcin recommandable par les
machines
s dont il animoit fes fta-

tnanicus y alla pour admiier fcs fuperbes rui-
nrs H- R. de Coifcteau p. 17 É & Corneille Ta-
cite , Livre fécond , il dit que de cette Ville , il
en fortoit fept cens mille combatans.

J. En 1496. fut fondé Atcncs, & l'on tient
qu'Argos cft auparavant) mais encore davantage
Sicione.

4. Il vivoit environ l'an 1^44. il étoit du
Sang des'Roîs d'At-enes fils de Metion , Cooifin
germain de Teféc, -félon Paufanias en fes At-
tiques. Diodore,
fie. Eufebe. li. 5. de la p. E. &
Plutarque dar vie de Tefée-

Diopcne & Scylli furent cnfans de Dédale. Mi-
te.
desd. p.8i8.

Ilsétoient Sculteurs & s'établirent à Sic'onc.
Pli.li.jfi.c.
4.

5.0n croit qu'à caufc de la beaiité de fes ftatuës
Jes hiftoricns ont feint qu'elks avoicntdu mou-
jrcjncnt. Mito.

tuës

-ocr page 70-

qui ont rapon au Beffein. ij
tuës mouvantes , & c'eft sirlFi- le
jremier des Sculteurs , de qui
'hiftoire Greeqae nous ait domié
le nom.

Ce fjvanr homme" ak en Egi-
pte étudier ie Labirinte , fur le-
quel il forma le delTein de celuf
qu'il bâtie en Crete y & bien qu'il
n'imitât point la centième^ partie
du Labirinte des- Egiptiens , foo
ouvrage pourtant fut fi renommé
pour la beauté de l'Architecture,
& celle de la Sculture qu'on le
mit au rang des fept merveidles
du monde-.

Trente-quatre ans après l'inf-
titution des Jeux Olirapiques,
t
Troye fut détruite, & alorsl'Ar-
ehiteâîure ^ la Sculture étolc:
fort cultivée parmi s les Grecs.-Oœ

Pline lii j5- c. ry.

?• L'an du monde iS^C, coinmencercnt î'c»
Jeux Oiimpiqucs , & depuis eettc inftinicion les
Grecs ont comté les tcms par les Oîimpiadcss
venoient tous les y. ans.

S. Euiiqiie Dédale avoif Yèçu & z^m

-ocr page 71-

l8 Uifloire des Arts

le peut juger par la conflrudioii
du Cheval de bois que fît pour
eux un favant Sculteur, qui étoic
au(îî un tres-habile Architecte j 9
car il bâtit depuis la Ville deMeta-
ponte ïo dont les Citoyens pour
marquer leftimequ'ilsfaifoient de
cet llluftre Fondateur, gardoient
avec vénération dans le Temple
de Minerve, les outils de fer qui a-
voient Tervi àfaire ce célébré Che-
val.. La belle defcription qu'Ho-
merefait du Bouclier d'Achille,
nous aprend que l'Art de la Gra^
veure , & de la Cizelure étoit en
pratique dans la Grece : car ce
fameux Poète vous exprime fi

ans } avant la ruïne de Troye, fon école avoit
produit beaucoup de Sculteurs àAteues, à Si-
cioni, en Candie, & en Sicile. Mito. & Pline,
li. jé.
c, 4.

9. Il fe nrmmoit EpéeDicratée. ]uftin.li. xo
c. Pli. H. 7. c.

10. Cette Ville de Metaponte éteit dans l'an-
cienne Lucanie , q :i cft la Calabre , aujour-
d'huy on la nomme
i'ore di Mare.

11. Homere dans fon Iliade li. 18. il étoit en

-ocr page 72-

qui ont raport au Dejfein. ï_9
bien la beauté de cet ouvrige
qu'il paroît plutôt d:ffiné ôc fcui-
té que décrit, & il marque auffi
à catife de Ton excellence que c eft
Vulcain qui feul l'a travaillé.

A l'égard des Troïens , on ne
peut nier que la Sculture n'ait
été exercée parmi eux , puifque
ce Poëte écrit qu'Enée ^^ avoit
eu un particulier foin d'emporter
avec luy fes Dieux domeftiques »
le
Palladivm i ? de Troye , & les
Idoles des Samotraciens qu'il em-
porta avec luy en Italie.

cftimè vers l'an du monde 307^- Ovide parle
auffi de ce Bouclier au ij.
li. de fes Metamor-
fofes

II. Enée paffa en Italie en 1872. il fut le
premier Rci des Latins, & il s'eft paiTé y45. ans
fous 19. Princes Lacins qui ont régné après
luy jalqn'àRoinalus.

15. Plutarque . ans la vie de Fur. Camilus.
Le cinquième âge commence à la fondation du
ti-mple de Salomon & finit à !a deiivraace des
]u fs de Dabilone, contient depuis l'an z^i>z.juf~
qu'à }4éi{,qai eft 476, ans.

B'ij

-ocr page 73-

2fi> Hifiom des Artî

CHAPITRE Y.

Zes Ans du Dejfein florirent fous
les Rois â^JfrasL

CEnt-cinquante & fix ans après
k ruine de Troyc , Salomon
délirant bâtir le Temple du vrai
Dieu,ne le voulut point entrepren-
dre fans avoir fait cherciier avec
ardeur tout ce qu'il y avoit d'kabi-
les^gens dans. fe& Etats, & ailleurs,.
Il eut recours pour l'execucionde
ion deffein au Koi de Tii ^ foii
ami, qui lui envoia Hiram qu'il
apeloit par eftime fon pere ,
& qui exceloiî en tous les Arts r
ii le montra en effet par l'Ar-
cliitedure du Temple ,. &; des

1. Paralip, U. x. c. i.
ie Terapic de Salomon fut acîicvé l'an du
monde ;ooo.
i.
Hiram fit deux Palais pour Salonson l'im

-ocr page 74-

qui ont raport au Defi'eîn. li
Palais qu'il enrichit d'une infi-
nité d'oriiemens de Sculture &
d'Orfèvrerie : G^efl dans ces fuper-
bes bâtimens qu'on voyoit le Trô-
ne î magnifique de Salomon , les
Chérubins , les Vafes d'or, l'Au-
\ ' tel , les Colonnes d'airain , & le
grand Cuvier de même métal ,
qui contenoit trais cens muids
d'eau 5 foutenu par douze bœufs
auffi de ce métal , tous ces
riches ©tïvrages font v^oir qu'Hi-
ram étoit auffi habile dans l'Arc
de la fonte , que dans les autres
du Deffein.

Salomon après, corrompu par fes>

ea Jerufaiem,,&l'aiarc aa Mont L ban. Para-
lip li.
t. c. 9.

j. Ce Trône éroît d'or & d'yveire SiVcc des
figures & des lions.

4.. Le Cuvier eft encore apcllé là grande,
mer.

j. OU'trois mi!e M:«refff^.

Toute la vaiflelle de Salomon étoit d'or pur,.
& il avoit aulFi trois cens Boucliers d'or. Cette
mer d'airain & plufieurs riches ouvrages furent
lais en pieces au tems de Nahucodonoiet, 4. ii^
i des Rois. c. tj.

-ocr page 75-

il ni Boive des Ans
femmes conflmific des Temples,
à la DéeflTe des ^ Sidoniens, à l'I-
dole des 7 Ammonites , & à celle
des 8 Moabites : enfuite Jéroboam
& plufieurs des Roisd'Ifraël con-
tinuèrent le culte des faux ^ Dieux
ce qui donna lieu d'exercer tou-
jours la Sculture hi l'Architeâiu-
re parmi la pllifpart des Princes
Juifs.

6. La DéefTc des Sldoniens fenommoic Aftar-
thon.

7. L'Idole des Ammonites s'apelloit Moloc-

8. £t celle des Moabitcs Camos }. des Rois,
c. II.

9. C'ctoît aux Idoles de Baal& au Veau
d'or qu'ils facrifioient, Jéroboam rétablit ce
culte. J. des Rois. c.
16. Acab aufli fit bâtir
un Temple à Baal en Samaric> il yavoit4îo.
Prophetes > 8c 400. autres qui fervoient aux
bocages, & tous mangcoient à la table de Je-
fabel. Acab remit encore l'Idolâtrie des hauts
lieux.
4. des Rois, c. i^.

-ocr page 76-

qui ont raport au DeJIein, 2.3

CHAPITRE VI.

Za Sculture fut heureufement exer^
cée far les BabiIoniens é*
Perfes.

ABabilone la Sculture jufqu'a-
lors avoic été beaucoup plus
pratiquée que chez les Juifs
3 par-
ce que l'Etat du Royaume de cette
grande Ville avoit toujours paru
tres-florilTant. Nabucodonofor fîc
faire une Statue d'or de foixan-
te coudées de hauteur &; de fix
de largeur. La proportion de fa
largeur à celle de fa hauteur nous
marque affez la belle proportion
qui fut fuivîe des habiles Sculteurs
de .l'Antiquité , particulièrement
dans.la Statue de Laôcon, où les
mêmes mefures fe raportent : puif-
que fa hauteur ell de trente par-

I. Daniel Chapitre treîfieme.v, i.

-ocr page 77-

'tf 'Hijlotre âei Am

lies 5 & que fa largeur diametrarcr
par le côcé eft de trois : ainfi muf-
tipliant creme par deux , il en re-
viendra foixante pour la hauteur,
& multipliant trois par fe même
nombre , il en reviendra' auffi- fix
pour la largeur qui font des pro-
portions femblables à celles de W
grande,.ôc riche Statue de Nabu-
codonoiof.

Cette refl'exion en palTant fait
voir que les excelens deffinateurs
de tous les fiecles ont eu dans leurs-
proportions, & leurs mefures du
corps humain une même réglé pour
en exprimer la beauté. Cet ou-
vrage de Nabueodonofor autane
grand que magnifique ^ nous prou-
ve alTez que les Arts du Deflein
étoient ftoriiTans fous la Monar-
chie des Babiloniensv Car pour
entreprendre de faire une telle-
figure d'or de foixante eoiidées , il
faloit qu'il y eût aiî Royaumed'ex-
celens Sculteurs, ôc cela doit faire

croire

-ocr page 78-

qui ent raport au "Deffein, ij
croire que cette excellence y a-
voie heureufemenc continué de-
puis quatorze cens ans , qu'elle
avoit commencé d'y fleurir, ainfi
qu'on l'a remarqué fous le régnes
de Ninus , & de Semiramis l'on
Epoufe.

Mais , Cirus après la conquête
du Royaume de Babilone y éta-
blit la Monarchie des Perfcs : ce
fut luy qui ordonna de rebâtir ^
le Temple de Jerufalem, & qui
remit le peuple Juif en liberté.
Il envoya de Babilone Safabaiîar î
mettre les fondemens de cet édi-
fice , commanda que l'on fournie
l'argent qu'il faloit pour cela j &
même il rendit aux Juifs toutes
les riches dépouilles du Temple

%. Livre premier d'Efdras. Chapitre premier.
Y'
}•

j. Safabaflkr fut fait Prince de Juda par
Cirus , qui luy donna par compte les vaiffeaux
du Temple qui étoient J400 d'or & d'argent,
premier d'Edras. c. i. v. 3. & 8. 10. ri. &
Chap.
S- V. 14.. U. Affucrus & Arcaxer-
ses cft le même.

C

-ocr page 79-

î-^ Hifiolre des ^Am

de Salomon , que Nabucodono-
for en avoit emportées , lorfqu'ii
le détruifit. Artaxerces ne luy
céda point en magnificences j car
les galeries ôc les portiques de les
Jardins étoient ornez de colonnes
de 4 marbre , il y avoic des lits
d'or ôc d'argent , jufqu'au pavé
qui étoit d'albâtre» & marqueté
d'émeraudes , ce qui faifoit une
peinture d'une agréable & char-
mante diverfité. Nous voyons par-
là que les Arts du DefTein con-
tinuèrent avec autant d'éclat dans
la Monarchie des Perfes , que
dans celle des Babiloniens.

4. Il y pcndoit de toutes parts des tentes de
couleur d'azar , de cramoilî & de Hiacintc. IL
«i'Efter. Chap. i. v.
5. 6. &7,

-ocr page 80-

'q^al ont raport au DejJein, ly

CHAPITRE VII.

J)e la maniéré que les Arts dtè
Bejfein fe proàuifirent en Afri-
que ér ^ Carta^e.

DAns le quatrième âge Pig-
maliom lioi de Tir continua
aulii l'amour exceffif des Princes
de Fenicie pour les Arts, ôc cet
amour donna lieu de raconter que
ce Roi fut puni à caufe de la haine
qu'il portoic aux femmes ^ , parce
qu'il fe fentit touché d'une arden-
te paffion pour une figure d'y voire,
qu'il avoit faite. Cela montre que
la Sculture étoit exercée avec une
eftimc finguliere parmi les Tiriens,

1 Pigmâlion étoit fils de Metincs , il régna l'an
du monde }i47' 114. du Temple de Salomon.
11 obligea DidoH fa fœur de fe retirer le
7. de
fon regne. Dius , cite par Jofephe Hv. i. contre
Apion. Juftinliv.
18.

X Mecamorphofe d'Ovide, liy. 8.

C ii

-ocr page 81-

aS 'Jiifioîre dei Ans
juifquc ce grand Prince en faiibic
, 'un de Tes plus fenfibles plaifirs.

Didon ' la fœur, porta des pre-
miers les Siences & les Arts aux
Cartaginois par letablilTernent
qu'elle fit à Çartage ^, & les Arts
y fleurirent fi heureufement que
.cette vile ne le cedoit point à cel-
les qui ont été les plus.fatrieufes dii
monde. La ftatiie d'Apolonquiétoit
au port J de Cartag,p dans ,le Tem-
ple de ce Dieu, nous marque aiTés

.3. Appia^i C. premier de la guerre Libiquc , dit
que cette Princeffe partit de Fenicie arec une co-
lonie, & qu'elle porta toutes les ricliefles qu'elle
putaniaffer. Elle ufa
d'une finefle pour bâtir fa
vile , car aiant demandé aux CartaginGis autant
de terre qu'en pouroit environner
jja cuir
.bœufj les Tiriens le couperent fi menu par cou-
roies, qu'ils en entourèrent le lieu pu étoit bâtî
Eirfa , car ce mot Grec veut dire cuir.

La fortereffe de Birfa qui faif®it partie de Car-
t^ge j fut coûftruite l'an 1316. Menandre. Hift.
des Rois de Tir. Il eft citèpar Jofephe. liv. 8. des
Ant
.c.iJ. &.li. I. contre Apion.

4. Cartage fut fondée par les Feniciens /0. aps
avant la deftrudiou de Troie , ce fut Xoyus j &
Carchedon qui la fondèrent. Apian ; ,4c la guerre
tib. c.
I. ^
/ Ce port s'apeloit Cotton, - ,

-ocr page 82-

qui ont rapofl au Dejfein. i^
Fheureux progrès qae la Sculture
y avoic fait. Cette figure écoiî
toute d'or , les Sôidàtsde Scipion à
la prife de ce parc pillèrent ce
Temple tout doré ^ , & mirent en
pièces cette magnifique Statiie 3
dont ils eii retirèrent mile
1 ta-
lens.

Le Triomfe que ce Générai fit
des dépouillés de Cartage nous
donne auffi des preuves que ceS
beaux Arts y florilToieht dans un
grand éclat , puis qu'à Rome on
n'avoit encore veu aucune entrée
triomfàle qui eut égalé celle de
Scipion l'Africain": Gar il y fit pà-*
roîtreun prodigieux nombre d'orr
êc d'argent, avec une grande mul-

6. Le Temple crApolon étoit (î riclie que mé^
îne il étoit tout doré. Appian. de la guerre Libi
c. 14.

7. C'cft fix cent mile éeiiscjue les Soldats retirè-
rent de l'or de cette Statue d'Apo!oa : parce qu
'un
talent valoir fix cens écus.

Cent deux ans après la ruine de Cartage ellt
£ùc rebâtie par Augufte;

C iij.

-ocr page 83-

30 H.ip:oire des Arts
timde de Statues % Antiques, tres-
richës, & des boucliers d'or, dont ,
celui d'AfdrubaU étoit fi excelen-
men£ eifelé , qu'il fut pofé au Ca-
pitole. On voie par là que ces
grans Capitaines Cartaginois é-
toient très - curieux & amateurs
des beaux Arts, particulièrement
Annibai, qui dans fa retraite chez
le Roi d'Armenie Artaxes, prati-
qua rArchitecture : puis que ce
fut lui 1° qui traça & deffina le
plan de la vile capitale qui fut
nommée du nom de ce Roi, Arta-
xata , & dont il conduifit auffi
tous les bâtimens à la priere de ce
Prince.

8. Les Statiies antiques qui parurent au triom-
fe de Scipion , marque que les Arts duDeflein
avoient fleuri à Cartage devant qu'ils l'eulfent
fait à Rome. App. c. 14.

Pline li- î/. c. 3.

10. Plutarqne dans la vie deLuculIus.

En 1694. il fut trouvé dans la contrée de Tri-
poli une Figure antique , qui a été portée à Ver-
failles , qui eft une Stacuë d'une femme habillée.
Cela prouve encore que la Sculturea étèexcclen-
menc pratiquée parmi les Africains-

-ocr page 84-

qui ont raport au Dejfein* 31

CHAPITRE VIII.

Du tems que l'on commenta de faire
fleurit la Peinture en Grece.

LEs Arrs du DeiTein prirent
naiffance dans la Grece , par
Cecrops, & Cadmus , qui les por-
tèrent avec eux d'Egipte , & de
Fenicie , aux Grecs. La Peinture
étant l'un de ces Arts, & qui avoit
paru dés le tems de Semiramis,
avec l'Architecture , & la Scultu-
re, paiîa auffi chez les Grecs , puis
qu'elle eft infeparable du Deffein.

Mais le tems heureux où la Pein-
ture commença d'avoir plus d'éclat
dans tous les Etats de la Grece, ce
fut en la 18«. Olimpiade», que fe

i. Il eft à remarquer que l'on ne compte pas
la première Olimpiade du tems de rinftitutioa
des Jeux Olimpiques : mîis de l'an du monde
Î400. cela tombe vers le tems d'Azarias Roi
d'Ifraël jo. ans avanc la fondation de Roiiic,

C iiii

-ocr page 85-

3 » 'Wfioîrê des Arfi
rendit célébré le Peintre Bukrqudj
l'an des plus fameux qui ait ctè.
Car il reprefenta la Bataille des
Magnefiens , & fon Tableau fut
vendu ^ autant d'or qu'il pefoitj
ce qui montre que la Peinture
étoit alors dans une haute eftime,
quoi que ce ne fut qu'environ l'an
du monde trois mile quatre cens.

Quelques fiecles après parurent
les ouvrages de Penée î, frere de

au raport de Vigcnere, dans !es Tableaux de Fi-
loftrate. pag. Ainfi le Peintre Bularque au-
loit
fleuri vers l'an 5400- environ }oo. ans avant
Alexandre !c Grand.

C'eft le Roi Candule de Lidie qui acheta
ce fameux Tableau. Il fut le dernier Roi delà
race des Hcraclides. Pline Li. jj, c. 8. ce Roi
étoit antérieur à Nabucodonofor de
90. ans.
Pline dit qu'il mourut au même tems que Ro-
mulus. Li. 5J. c. 8,

5. Dans la 85 Olimp. Pline li. 5;- c. 8. Penée
remplit de fes ouvrages le Temple de Jupiter
Olinipien. Panfanias en fes Eliaques.

Androcide Peintre Cizicenien, peignit pour la
vile de Tebes la Bataille de Leudres- Plutar-
qae dans la vie de Pelopidas

On Commence à comter le fixiéme âge du mon-
de à la délivrance des Juifs par Cirus l'an 3468.
& ccc âge dure jufqu à l'an 4-000.

-ocr page 86-

qui ont Y dp on au DeJJein.
Fidias, qui peignit avec aplaudiffe-
mcnt la Bataille de Maratoii, que
les Ateniens remportèrent fur les
Perfes : & en cet excelent ouvrage
qui étoic au portique de Pecille , il
reprelènta dans la chaleur du com-
bat les plus vaillans Capitaines des
deux partis. Miron^, & Poligno-
te dans la quatre - vingt - dilïemc
Olimpiade avoient lî belle répu-
tation 5 que k Sénat d'Atenes, leur
ordonna de peindre le Temple
de
Delfes , & ce que l'on apeloit le-
portique d'Atenes.

Les Amphitrions qui étoïent. les
maîtres du Sénat, en furent fi con-
tans, que pour reconnoitre davan-
tage le mérité de ces deux illuffcres
Peintres , ils leur donnèrent de
beaux d'agréables logemens.

Un gran nombre d'habiles Pein-
tres furent alors trés-renommez,
entre-autre Zeuxis j, fameux par

4. Pline. 11. 3 j-. c. l'o.

j Zeuxis d'£raclce étoic dans la quatrième atï?

-ocr page 87-

34 Hifioire des Arts
i'excelence de Ton pinceau, & par
les richelTes qa il aqait. Il eut
pour concurens Eupompe, Timan-
te, Androcide, Eufranor^ , Para-
fïus, pluûeurs autres , celui-ci
excella particulièrement dans la
juftefTe des proportions : Eupompe
éleva Pamfîle Macédonien Maître
d'Apele. Pamfîle favoit tous les
beaux Arts , principalement l'A-
ritmetique & la Geometrie , fans
lefquelles il croioit qu'on ne pou-
voir parfaitement reuffir dans la
Peinture.

Par l'autorité, & les reglemens

née de la 5>o. Olimpiadc, II s'crigea à ne plus ven-
dre fes Tableaux , diranc qu'ils écoienc hors de
prix , mais il les dpnnoit j ainfi qu'il fit de fon
Alcmene aux Agrigencins , & fa Pana, à Arçhe-
laus. Plineli. c. 9.

6- Pline fait encore mention de plufîeurs au-
tres Peintres Grecs , entre autres d'Eufranor
d'Iftme, qui floriffoit danslaio4. Olimpiade. Il
étoit auffi habile Sculteur , aiant fait plufîeurs
ouvrages eu marbre & des Coloffes. Il écrivit de
la Simetrie & des CouleurS' Pline li- 35.C.11. &
Paufanias en fes Attiques. page 4. décrit une Gal-
krie où ce Peintre peingnit fur les murs les xv.

-ocr page 88-

qui ont raport au Veffein. 35
qu'il fie faire en l'Academie dir
DefTein 7 , il engagea les enfans
les plus confiderables de la vile de
Scicione , 6c de toute la Grece, à
aprendre avant toutes choies le
DeJlein, que l'on mit alors au rang
des Arts libéraux : & cet Art fut
de telle forte honoré qu'il n'y
avoit que la NobleiTe ^ , & les
gens libres qui le pulTent exercer.

Cela rendit auffi cette vile tres-
recommendable parce qu'il en for-
tit un nombre confiderable d'illu-
flres Peintres, & d'illuftres Scul-
teurs : Apelle qui étoit l'Eleve de
Pamfile porta fi haut la Peinture,
que les Anciens lui donnèrent le
premier rang parmi les Peintres, à
caufe de fes grandes qualitez : £c
cet honneur obligea s Protogené

Dieux , Teféc qui donnoit les Loix , & les Ba-
tailles de Cadmée , de Leuftre, & de Mantinée,

7. Diagraficen. Pline l'apellc Diagraficen. li-j.
c, 10,

8. Pline li. 35. c- lO.

». PiotogcBc ne fat pas moins eftimé du Roi

-ocr page 89-

Bîfioire dés Arts
fon rival à le reconnoître pour Coh
Maître. Ainfi Alexandre le Grand
choifit avec juiftice Apelle pouf
fon premier Peintre 5 il le combla
de biens , ôc lui donna même fa
maicrelTe , parce qu'il s'aperçeat
que cet excellent homme en étoit
pa/îîoiînément amoureux.

Demetrius qu'Appelle l'atdit été d'Alexandre.
Ce Prince a'ant aïfiegé Rodes l'aloit voir travail^
1er dans ure maifon qu
'il avoit hors de la vilc.-
Commt
il lui deœandoit familièrement comment
il pouvoit travailler fi. tranquilcmeat, ce fçavant
homme lui répondit, qu'il fçavoic qu
'il ètoit vcua
faire la guerre à-la vile de Rodes,, mais-non pas
aux beaux Arts- Ce Roi faifoittant de cas des
ouvrages de Protegene y qu'il ne voulut point
qu'on mit le feu à la vile , de crainte qu'ils ne
fulTent brûlé?, aimant mieux ne pas prendre cet-
te vile que d'être caufe de leur perte, Pliae li. J î»
c. ro.

ro. Elle fcinommoit Campafpe", Alexafidre la
j3onna à Apelle lors qu'il la peigooit. Plin. li.c.io.
Cet Auteur remarque que c'eft une des grandes
vidoires d'Alexandre de s'être vaincu lui-même
en donnant ce qu'il aimoit le plus à ce glorieux
Peintre-. Il peignit après cette- belle femme fa
Venus A^nadiomenes. Plin. 1.
5 j. c. 10.

Apelle écrivit de la Peinture, de même que là
^uflî Perfée fon Elevé.

Yigenere fur les Tab-Ie^ux de Flloftratc, p.

-ocr page 90-

ont raport au "Deffein.

Les gens de qualité avoient la
même eltime pour la Peinture, que
ce grand Roi, & fuivoient par là
fon penchant. C'eft ce qui brille
au fujet d'-^tion , qui après avoir
peint les noces " d'Alexandre, &
de Roxane, en fit expofer l'ouvra-
ge dans l'afTemblée des Jeux Olim-
piques , où prefidoit Proxenidas,
l'un des Députés de la Grece, Il
fut fi charmé de la beauté de ce
Tableay , & il eut tant d'inclina-
tion pour cet heureux Peintre ^
qu'il lui donna fa fille en ma-
riage.

ii. Lucien.au Dialogue intitalé Hérodote, ié~
erit la beauté de ce Tableau , gui fubfîftoit enco-
re de fon tems , & qui étoit en Italie. L'on doit
être pcrfuadé de fen excellencc fur le récit de cet
Auteur , parce qu'il fut tres-connoiflant dans le
Deffei'n , puis qu'il ayoit apris la Sculture
des fa
jeunefTc, mais il dcyint Intendant ep Egiptcppur
Marc-Aurdic,

-ocr page 91-

38 Hiflotre des ArH

CHAPITRE' IX.

Jiu même tems que la Peinture fut en
fa perfeHion dans la Grece
, la S cul-
ture l'Architethrey furent aujji.

La Scukiire qui avoit commen-
cé d'être cultivée avec hon-
neur dans la Grece par le célébré
Dedale , ceux qui Ibrtirent de
Ton Ecole , s'y continua, & après
plus de mile ans elle monta à la
plus haute gloire : Fidias ^ fut l'un

i. pidias Acenicn flcuriflbic dans la 85. Olim-
piade , & de la fondation de Rome environ 500.
Pline Li. 5. c. 7. Le mérité de cet habile Scul-
teur, étoit particulièrement reconnu par Peri-
cles , qui l'aimoit avec pallion , il le fit Surinten-
dant des Ouvrages que Ton faiioitpour la Répu-
blique , & il lui confeilla d'apliquer les vêtemcns
d'or à ces Statues , de maniéré qu'on les put ôter
pour les pefer. C'eft cc que Pericles dit dans la
defence publique pour Fidias contre ceux qui l'ac-
cufoient, & qui avoient gagné Menom qui tra-
vailloit pour lui qui fut fon accufateur- <.ar la
gloire de fes ouvrages , & le crédit qu'il avoit

-ocr page 92-

'qui ont rapoYt du Dejfein. 39
des Sculteurs qui la rendit tres-
illuftre. Car fa Minerve d'or , &
d'ivoire, qui avoir vingt-cinq cou-
dées de haut étoit un ouvrage ad-
mirable i & fon Jupiter Olimpien ^
ne parut pas moins Turprenant, _

auprès de Pcricles lui attira beaucoup d'enrieux ,
poar ce qu'aiant cifelé i'ur le bouclier de Mi-
nerve la Bataille des Amazones il y avoir entaillé
fon portrait fous le perfonnage d'un Vieillard, &
y avoit auflî fait celui de Pericles qui combatoit
contre une Amazone. Plutarquc dans la vie de
Pericles. Et Pline, li. 3^. c. 6.

Paul Emile en admirant le Jupiter merveilleux
de Fidias j dit que ce Sculteur l'avoit formé tel
qu'Homere l'avoit décrit- Plutarque dans la vie
de cet llluftre. Ce ConfuI en paffant à Atenes de-
mcnda aux Ateniens un Peintre & un Filofofc
pour enfeigner fes enfans & orner fon triomfc.
Ils lui donnèrent Metrodore qui étoit l'un
Se
l'autre. Pline li. 3 j. c. 11. Et Plurarque en la vie
de Paul Emile , dit qu'il ne tenoit pas feulement
des Maîtres de Grammaire, de Retorique
, &dc
Dialetique, mais encore des Peintrcs&; des Scul-
teurs pour inftruire fes enfans,

Paufanias en fes Eliaques , fait une belle
defcription de la
Statiiede Jupiter Olimpien, d'or
& d'ivoire , & de toutes 'es figures & bas reliefs
qui ornoient fon trôae. Il décrit auflx la grandeur
du Temple qui étoit d'ordre Dorique, qui avoir
p-'ez
de haut jufqu'à la voûte. Fidias fit cette
Statue fi grande , qu'elle n'autoit pu être debout

-ocr page 93-

I40 Jîijîoire des Arts
puifqu'on l'eftima l'une des fept
merveilles du DelTein. Glicon
Aténien , qui a fait la Statue î
d'Hercule , qu'on voit encore à
Rome à la cour du Palais Farnefe,
étoit l'un des rivaux du fameux Fi-
dias, ainfi qu'Alcamenes 4, ^ plu^
/leurs autres habiles qui fleurif-
foient alors.

Apres ces grans hommes paru-
rent Scopas, Leocares , Briaxis,
iTimotçe qui firent J par l'ordre de

en ce Temple ; par là on peut juger qu'elle devoir
avoir environ quatre-vingt piez,

) A un tronc de cette Statiied'HercuIeeftgra-
y'c en lettre greque Glicon Atenien.

4 Le Maufolée que fît conftruire Artemife; ce
fut la fécondé année de la looo. Olimpiade.

5 Praxitele fleuriffoit en la i o 4. Olimpiade , un
peu avant Alexandre le Grand, de Rome le 550.
Plineli. 54.C. 8.

Lucien a fait une belle defcriptîon de la Venus
que Praxitele fit pour la vile de Guide au Dialo-
gue des Amours : & c'eft cette Venusque les Gni-
diens refuferent au RoiNicomedes , qui pour l'a-
voir leur offrit de les afranchir du tribut qu'ils
lut paioient, lefquels ils aimèrent mieux conti-
nuer à paier que de priver leur vile de cette
in-?
^otnpîirablc Statue. Pline ^i,
ç. "t

la

-ocr page 94-

'qïà ont rapYt aîl "Deffein. 41
la Reine Arcemife le Tombeau de
Maufole foii Epoux : ils en travail-
lerent chacun une face ^ & il fut
augmenté par un cinquième Ar-
tille d'une Piramide de vingt-qua-
tre dégrez. Elle étoit foûtenùe de
trente-fix colonnes , aufommet
de ce grand Edifice il y avoit un:
Char de marbre , coiiftruitdu Seul-
teur Pytis. Ce Maufolée fat l'une
des fept merveilles du Monde , &
cela fuffit pour faire imaginer l'ha-
bileté de ces excellens Deffina-
teurs 5 & la beauté de leurs ouvra-
ges.

Praxiteles étoit l'un des plus ha--
biles, & des plus renommez Seul-
teurs de fon tems j & les deux Ve-
nus qu'il fit pour les viles de Gui-
de > & de
C60S 6 , (ont autant d'il-
luftres preuves de fa capacité , que
de fa gloire.

Policlete Sieïonien fe rendit auffi-

é- Paufanias en fcs Att^tics, a décrit plufieurs.
akces dece Scdteur.

D

-ocr page 95-

4z Hîfloire des Arts

recommendable à caufe des beaux
ouvrages qu'il fit , & principale-
ment la Statiie de Dianiete? , que
Ton vendit cent dix Talens.

Lifîppe 8 Sculceur d'Alexandre
le Grand eut une haute réputation
pour Ton favoir, & pour avoir fait
lept cens foixante dix figures
de bronze. Ce Conquérant ne
voulut point avoir fon portrait
de relief, que de la main de Li-
lîppe j de même qu'il n'y avoit
qu'Apelle 9 qui le put peindre.

7 Pline liv. 34- c. 8.

S Alexandre naquit l'an du monde 3698. en la
lo6. Olimpiadc , avant Jesus-Chr ist
356. ans.

9 Plutarque dans la vie d'Alexandre , dit que
les Portraits d'Alexandre de la main de L!%c
l'ont emporté au deffus de ceux des autres icul-
teurs , qui en voulurent faire depuis lui : aufll
Alexanuie ne voulut point être fculté que par ce
ScLiîteur. Car il obferva encore parfaitement
comme ce Prince portoit un peu le cou penché
vers le côté gauche. Mais quand Apellc le pei-
gnit tenant le faudre à la main , il ne le repreièn-
ra pas dans fa vraie couleur , mais d'un goût plus
brun. Cet Auteur parlant du paflage du Grani-
que, où Alexandre perdit jo. vaillans hommes »

-ocr page 96-

qui ont niport an Heffein. 45.
i® fon Eleve n'aquit pas-
moins d'eftime à la faveur du Co-
joJTe qu'il coiiflruifit à Rodes , qui
ccoit de la hauteur de quatre-vingt
èL dix piez. Alors on s'apliqua dans.
Atenes, dansCorinte avec tmc
d'ardeur à la Sculture, que les Sta-
tues de marbre & de bronze y é-
toient fans nombre , ainfi que dans
toutes les autres viles florilTantes
de la Grece, & de leurs Colonies,
comme en Sicile oit Dxdale avok
long-tems auparavant porté les;
Arcs du DeiTein , dans les viles

à qui II fît dïeffér des Statues de la mam du fa-
meux Lifipe. Elles furent après tranlportces ài
Rome par Metellus. Nardmi. p. 311. &c Plia. liv^

10 Cbares, fut furnommé Liudi'en , parce qu'il
étûit de Lindus , l'une des trois viles del'lflede
Rodes- Pline liv. 54. c.. 7. Et Viffenere fur les
Tableaux de Filoftrate. Ce Colofle fut mis au;
rang des fepc merveilles du mondé , il coûta 60.
mile-écus qai eft la valeur de l'equipage de Dc-
metrius, que l'on vendit ,, a-pîés qu'il eut levé le
fiege de la vile de Rodes- Phm li. j;4. c
Se il
iit que l'on-comtoit eH'cette vile jiufqîuià-fix mii-
k Statiies. ^

Dij

-ocr page 97-

44 Hifioîre des Arts
maritimes d'Italie , particulière-
ment à Tarante, où le fameux Li-
fippe fît un ColofTe de bronze ds
jfoixante piez.

CHAPITRE X.

gomment la Peinture faffa deGrecê
en Italie.

ROmuIus fonda Rome ^ l'an dia
monde 3350. & y régna trente-
huit ans, mais un peu avant le pre-
mier Tarquin , l'un de fes fuccef-
feurs, Cleofante Corintien ayoic
porté la Peinture au païs Latin, ôc
en Tofcane. Il y fuivit Demarate
Pere de Tarquin qui gouverna cet-
te Province j Ainfi dans un Temple

1. Rome fut fondée en la quatrième année de la
7. Olimpiade 4ji. depuis la ruïne de Troie j
Sc
7/j. ans avant l'Ere crêtienne.

1. Tarquin étoit vers l'an du monde Hoï-de
Rome le loi, C'eft au/E ic ficclc de MabucodomcN;
for.

-ocr page 98-

qm ont raport du Deffein.
d'Adée 5 vile de ce païs on voiok
de plus anciennes Peintures qu'à
Rome, ô£ ces Peintures n'étoienc
point encore gâtées fous le regne
des premiers Empereurs , bien
qu'elles fulTent à découvert, ce qui
prouve que c'étoit de la Peinture à
Frefque,

On voioit à Lanuvinm place de
Tofcane une Atalante àc une He-
lene 4 du même Cleofantes , pein-
tes niies , & d'une fi charmante
beauté qu'un Miniftre ^ de l'Empe-
reur Caius en fut paflionnément
touché. Cet amour marque l'ex-
celence de ces ra^res ouvrages, ôc
il a obligé Pline d'aifùrer qu'entre
tous les Arts qui dépendent du
DelTein , il n'y en avoit aucun qui

î, Pline 11. jj-, c. j.

Il s'envoie un Tableau àRoœe au Jardin d'Al-
^obrandin.

Il y en a auffi dans la Piramide de C.
Ceftius qui fubfiftent encore, bien qu'elles aient
été faites au tems de la République.

4, Pline. liv. jj c. J.

S' CcMiaifti'c s'apelloit Poatio.

-ocr page 99-

mfioire des Arts
fût fi tôt parvenu à fa perfedioiï
que celui de la Peinture.

La paffion qu'on avoit pour cet
Art charmant, s'augmenta à Rome
du tems du Conful Mexala ^ , qui
fit prefent au public d'un Tableau,,
où étoit peinte la Bataille qu'il
remporta furies Cartaginois, & le
Roi Hieron, Scipion fît auffi mé-
tré au Capitole le Tableau de la
Vidoire qu'il gagna en
KÇia Fabius
PiBar
de race Confulaire fe lî-
gnala par le Temple de la fantè
qu'il peignit, & cet ouvrage fubfi-
ftoit du tems des Cefars.
Marcm
Scaurus ^
fut l'un des plus grands

€■ Pline li.} f - c. 4. Mexala pofa ce Tableau à'
la Curm Hofiilia l'an 49 0. de Rome.

7. Pline li- îj.c. 4

8. Fabius Pidor. Pline au même lieu. Il marque
plufîeurs autres Chevaliers Romains qui.ont exer-
cé k Peinture , comme
Turpilie de Venife, qui fit
quantité d'ouvrages à Veronne,
Alterim Labeo
Prêteur , & Proconful en la Proven-ce, Q^Podius;
neveu de QJ'.odius homme Confulaire & qui avoir
triomfé , & fait par Cefar Ton Coéritiei avec
Augufte.

Pline li. j;. c. lï.

-ocr page 100-

qui ont rapon du Dejfeîn. 47
amateurs de la Peinture , il corn-
pofa avec ceux de Sicïone pour
tout l'argent qu'ils devoient aux
Romains , & au lieu d'argent il fe
contenta de Tableaux que les Si-
cioniens lui donnèrent, & il porta
ces excelentes Peintures à Rome :
Peflime qu'on y faiioit pour cet Art
s'augmentant, on vit les Places ,
les Temples remplis de Tableaux
par les dédicacés des grans hom-
mes. Ceiar Didateiir , dédia
les Tableaux d'A jax & de Medée
au Temple de Venus j Auguffce ^^
en pofa deux à la cour de fon Pa-
lais , l'un de la guerre , Se l'autre
du triomfe d'Alexandre le Grand,
peints par l'illuftre Apelle.

Agrippa fon Favori aimoit la

f 10. Pline lî. îf. c. 4. Ces Tableaux d'A jax, &
de Medce, éto ent du Peintre Tiraomache.Bizan-
ïin, il les fie pour Cefar Didateur qui les paia huit
cens Talens , qui font des prix extraordinaires.
Pline l.îî- c. n.

n. Augiifte les fit placer dans le lieu le plus con-
sidérable de foi)foie. Piineli. c. 4.

É

-ocr page 101-

:4 s ^Hifioîre des Arts
Peinture avec ardeur, acheta deux
Tableaux douze ^^ mile fefterces •
Tibere en fît auffi tant de cas,
qu'il n'épargna rien pour avoir le
Tableau qu'on apelloit l'Archigal
14 de Zeuxis, Tout, le fiecle d'Au-
gufte révéra la Peinaire & la porta
àfon plus haut degré ) Néronqui
étoit toujours rempli de grandes
idées , Te fît peindre d'une hauteur
de fix vingt piez
5 fon Afranchi
©rna de Tableaux les Portiques

11, Piinc li. C- Agn'ppa îcs acheta clcJ
Cimiicns j l'un leprefcntoic Ajax , & l'autre
Yeiuts.

iji Tibere acheta ce Tableau. 60. fefterccfr.
Piinc li. 55. c. 10.

1-4.. Aichigallus étoit un Prcftre de Cibelr.
Tertulien en ion Apologetiejïie.

ij. Pline li. 36 0. 7.

Cecilim MeteUm fa'faut orner , & embelir 1«
Temple de Caftor & de PoUux de beaux Tableaux,
S: de- belles Peintures y fit metre entre autre le
Portrait de Elora au naturel , à caufe.de foa
cxcelente beauté. Plutarque dans la vie de Pom-
pée.

Les Poètesexerçoient auffi la Peinture, car le
Poëte Paccuvio peignit k Temple d'Hercule , q^ui
êioitdans le
forum Boarhm.

é^Ant'mm

-ocr page 102-

^m ont rapon du DeJJem,
'^Antium , oïl étoient peints
plufieurs combats de Gladiateurs
autems qu'on y celebroit des Jeux 5
ce qui fut l'une des fêtes la plus
glorieufe de la Peinture ; car non
feulement les Courtifans aimoienc
une chofe û belle , mais ils s'éfor-
çoient aulîi d'engager les Prin-
ces à chérir les Arts du DefTein,
heureux tems pour les perfedion--
ûerl

ig. Pline fi. 5 y. c. 7. Celui qui cominença ï
ipeindre ks Jeux des Gladiateurs , ce fut C. Te-
rentius Lucunus.

17. Jufqu'aprés Titns la Peinture continua I
Rome dans une grande eftime.
Attius-pn cus &
Cornellius.Pinus, peignirent pour cet Empereur le
Temple de l'Honacur , & celui de la Ycrtu. Pif,
|j,î;. c, 10.

B

-ocr page 103-

Hifioîfe des Arts

CHAPITRE XL

Quand la Sculture commença d'être
efiiméeparmi les Romains.

A Prés le regne- des Rois , la
Sculture fe tit connoître à Ro-
me j on y dreffa la Statué à'Hora^
îim ^ Codes , pour immortalifer
l'avantage qu'il eut fur l'armée de
Porfena : au même tems fut pla-
cée dans la
via facra la figure
equeftre de Clelia.

Mais du tems du Gonful Marcus
Scaurm
, l'on continua avec plus
d'ardeur les ouvrages de cet Art,
puis - qu'il embelit fon Teatre de
trois mile Statues de métal.

Plu fleu rs autres Confuls contri-
biierent auffi par leurs victoires à
enrichir R.ome , des dépouilles

i. De la fondation de Rome le î 47. Tice-Live
li. i.

50

-ocr page 104-

qni ont raport au Deffein. 5»
qu'ils emportèrent des deux ^ Sici-
les, de rAfrique , & de la Grece.
Les plus confiderables de ces dé-
pouilles furent les Statues , qui
^rilloient aux triomfes de ces Con-
fuis. Cela parut à ceux de
Fabius
Mdximus , de Marceûus , de Sci-
pion à celui de Paul Emile : car
Fabius emporta de Tarante 4, une
Statue d'Hercule, d'une grandeur
exceffive. Il la fit pofer^au Capito-
le , avecque la fienne , qui étoit

a Pline liv. J4-. c. 7.

j Le Roiaume de Naples , où eft Tarante au-
fiienncmenc fe nomœoit Ja Sicile en deçà le Pha-
le , à diferencede l'Ifle qui s'apelloit la Sicileaa
delà du Fare G & J- Blàeu. dans le Liv. du Tea-
tre du monde.

Plutarque dans la vie de Piiblicola.

4- Fabius Maximus ne put emporter de Taran-
te le fameux CololTe de bronze de L'fipe , de la
hauteur de
60. piez Et comme ils affembloient
le butin, le Grefier qui en tenoit le regiftre de-
manda à Fabius ce qu'il voaloit que l'on fit des
Dieux , entendant les Tabl aux & les Sratiies des
Dieux , il lui répondit : LailTons aux Tarantins
leurs Dieux couroucés contre eux. Seulement il
■fit emporter un grand Hercule. Plutarque dajîS
U vie de f. Maximus.

E ij

-ocr page 105-

5« ^TItJiohe des Am
equeftre , & de bronze. Marcel-
lu&^ , rapellé de Sicile à Rome , y
fit tranfporter les plus belles Sta-
tiies , les plus beaux Tableaux
de Siracufe , afin d'en embeiir fou
triomfe, & d'en orner Rome après.
De même celui de Scipion fut très-
éclatant , par les figures , & les
rieheCes qu'il aporca de Car-
tage.

Mais celui de Paul Emile ^ les

j. Rome devant le trîomfc de Marcdlus n'a-
voit pas encore le bon goût pour la Peinture , la
Sculture , & l'Archireélurc. Car la belle graca
dans les Arts du Dejffein n'y étoit point encore en-
trée ,
mais feulement Cette vile étoit pleine d'ar-
mes
barbarefques , de harnois, de couronnes j de
depoiiiiles toutes foiiillées de fang. Mais depuis
Marcellus , le peuple Romain
paffoic la plufpart
du jour à
s'amufer , caufer &: devifer de l'exce-
îence des Ouvriers , de leurs Arts , & de leurs
ouvrages : là où ils ne parloient que de guerres &
de cultiver la terre. A uffi Marcellus s'en glori-
fioit , même entre les Grecs, difantqu'il avoit
cnfcignc aux Romains à eftimer les admirables
ouvrages de la Grece , ce qu'ils ne favoient pas
avant Ion retour de la Sicile. Plutarque dans la
vie de Marcellus.

Ê, Pline li.}j. c. II. & Plutarque dans la vie de
Paul Emilç.

-ocr page 106-

^jui ont raport au Bejfein, 55
fnrpafTa tous : fon triomfe continua
trois jours, A peine le premier
peut-il fulire pour voir paiTer les
Portraits, les Tableaux , les Pein-
tures , & les Statues , dont il y en
a voit d'une grandeur extraordi-
naire, & toutes ces beautez de l'Art
du DeiTein , furent menées par la
vile fur deux cens 7 cinquante cha*
riots.

Sous les premiers ^ ' Empereurs
ïà Sculture fut portée à fon plus
haut degré : l'amour que le peu-»
pie Romain avoit pour un Art lî
célébré éclata par une figure de
Lifipe^ qu'Agrippa avoit fait pla-

7 Angufte fut ries-curieux delà Sculture, tou-
tes
fes Statues, qui rempliffoient les places, & les
Temples é^coienc admit.)
blcs. Il orna des depoiiil-
les
des Egipcîens la Chapelle de fon Pere,lc Tem-
ple de Jupiter Capitolin , & Ceux de Junon, &
Minerve ; de forte que l'on jugea que Cleopacrc ,
quoi que vaincue par Augufte , avoit part à fg.
gloire
, veu que l'on mit fa Statiie , qui étois
toute d'or dans le Temple de Venus. CoifFeteae
& Xiphilin , pag. 84-
S. Pline li. î4. c. 8,

S. L'on veioit encore dansTAttelierdc Zeafig

E "i

-ocr page 107-

Mifloire des Ans
cer devant Tes termes. Tibere tou-
ché de Texcelence de cette Statiie
la fit enlever pôur la metre dans
fon Palais i mais cela émut fi fort
le peuple qu'il s'eleva au Teatre
contre cet Empereur , l'obligea
de faire remetre ce bel ouvrage en
fa premiere place. Néron fit faire
par Zenadore''^ (a Stacùej elle étoit
de bronze , & avoir cent dix piez
de haut. L'art de fondre de fi grans
ColofiTes étoit merveilleux : mais il
fe ^ ' perdit après la mort de ce rarcj
ôc habile Sculteur.

Pour l'art de tailler le marbre
il fe maintint à Rome jufqu'aprés
l'Empereur Adrien , & cela dans
l'excelence où il étoit au tems des
premiers Antiques. Car fous les

dore, au tems de Pline", de grands & de petits mo-
delés de terre de ce Coloffe. Pline li 34- c. 7.

10. Cette prodigieufe Statiie étoit placée dans la
•via fdcra,, prés la place où Vefpafien fit bâtir Ton
Amfitéatre , lequel depuis a pris fa dénomination
de ce Colofle , en apellant ce graud Edifice le Co-
iifée. Roma. Antiq. di Nardini.
■ Ji. Plineli. 54-c. 7.

-ocr page 108-

qui ont rafsrî au "Deffein. 55;
Hegnes de Vefpafien , & de Titus,
les Arts continuèrent à fleurir , les
belles Scultures qui embeliflbienc
le Colifée, le Temple de la Paix,
& l'Arc de Titus, font voir com-
bien il y avoir alors d'iiluftres Seul-
teurs. Ce qui relie de ces excelens
ouvrages à cet Arc , nous marque
cette vérité , aulTi bien que l'in-
comparable Statiie de Laocon, qùi
fut trouvée aux riiines du Palais de
ce Prince, & qui fait encore au-
jourd'hui l'admiration d€ tous les
amateurs du DefTein , comme elle
le faifoit du tems de Pline, qui nous
a donné le nom des urois ^^ habiles^
Sculteurs Rodiens, qui travaillè-
rent de concert ce beau groupe de
Sculture, que compofënt cette Sta-

ri, Sicut in Laoconte qm efl in Titi ImperAtO'
l'is domo opus omnihus : &> piclarA ^ Statuaris
unis ante ferendum ex uno lapide eum ^ liheros
I^raconum mirabiles nexus de confilii fententiti
fecerefummi artifices Agefetnder , ^ Folydorui f
^ Atm&dorHsRhodii, Pline li. 56. c. j.

E iiii

-ocr page 109-

Hiftoire des Ans
lue de Laocon , avec celles de fes
deux Enfans.

L'excelence de cet Art, eontr-
niia particulièrement fous la domi-
nation de Trajan : ce grand Em-
pereur , après fes vidoires, s'apli-
qua à embelir Rome par l'Arclii-
tedure, & la Sculture. Celle qui
efl; à fa Colonne , les bas-reliefe
de l'Arc de Conftantin, que l'on
ôta de celui de Trajan , font voir
que l'art n'étoit pas encore décli-
né, non plus que dutems d'Adrien
qui lui iucceda. Car cet Empe-
reur polTedoit^^- les belles Lettres,
la Peinture , la Sculture l'Ar-
chitedure j c'eft: pourquoi il porta
fi haut tous les Arts du DelTein,
i^u'ils fe foûtinrent durant fon re-

11, Adrien n'ignorolt rien des Matematiques,
& favoit en perfedion l'Aftrologie, l'AriaTieci-
que , la Geometrie j outre cela avoit un grand
goût pour la Medecioe , & la Filofophie. 11 étoic
admirable en la Peinture
Se en la Sculture juf-
qu a égaler les plus fameux-de rantiquicé. Coiffe-
teau. page

m

-ocr page 110-

qui ont rdport au Beffeln.
gne dans tout l'éclat & le progrés
où ils étoient parvenus.

Ce (avant Prince fe donna enco-
re lui-même le foin de faire enri-
chir fon Tombeau d'un grand nom-
bre de Statiies. 11 avoit une fi fore
atache pour Antinous fon Favori,
^u'il le fit faire en marbre y & c'efl
cette belle figure que nous voions
à prefent au Palais de Belvedere à
Kome , & qui eft un morceau des
3lus finis , & des plus correds de la
)dle Antiquité.

On vit auffi fous les Régnés
heureux d'Antonrn ^ de Marc-
Aurele d'excelens- ouvrages de
ScultLire , dont il nous refle la
fameufe Colonne Antonine , le
Cheval de bronze qui eft au Capir.
tole 5 & des bas-reliefs qui font ai2
même lieu j mais après ces illuftres
Empereurs, la Sculture, & la Pein--
ture commencèrent à n'être plus.li
cultivée.

-ocr page 111-

1$ Wfioîfe des Arts

CHAPITRE XIL

De r'excelence de l'Architdhrs
des Grecs.

L'Architedure qui avoir été
élevée à fon excelence parmi
les Affiriens , les Egiptiens ^ & les
Feiiiciens , n'eut pas un progrés
-moins favorable dans la Grece.
Nous avons commencé d'y voir
que Dedale Texerça à Atenes
en Candie , & en ^ Sicile , ce
bel Art continua chez les anciens
Grecs de venir à la perfection,
ainfi que les autres Arts du DefTeia
qui y furent aulTt très-célébrés.

Ces peuples firent voir leur ca-
pacité dans l'Architecture par

I. Le premier des Grecs qui porta l'Architcâ:u-
se en Sicile , ce fut Dedale lequel fe fauva de
Crete , pour eviter la colere de Minos : il y fuc:
tres-bien receu de Goncale Roi del'IfLe. L'âii da
Baonde 2,^4/ • Diodore 11. 4,.

-ocr page 112-

qui ont rafort au Dej^fein, 0
leurs bâtimens : & entre-autres par
le labirinte de Lemnos t que Emu-;
lo, Rholo , Théodore conftrui-
firent à l'imitation de celui du fa-
meux Dedale. Ce labirinte de
Lemnos étoit fi confiderable qu'il
furpaiToic celui de Crece de plusdô
cent-quarante Colonnes.

Les autres magnifiques bâtimens,
& les fuperbes Temples qui or-
noient les viles de la Grece , font
connoître l'excelence de la belle
ArcKitecbure. Carie Templeî de
Jupiter Oiimpien étoit admira-
ble, puifque les-Romains ne trou-
vèrent rien de plus riche que les-
Colonnes ^, & les dépouilles qu'ils,
en emportèrent pour embelir celui

1. Plincli-3(î. c, Ij.

5. Il fut bâti par l'Architeâîc Libon , Eléen*
Eaufaaias en fes Eliaques.

4- Silla fit ôcer les Colonnes du Temple de
Jupiter Oiimpien pour en embelir celui de Jupi-
ter Capitolin. Plineli. Ci Paufaniaseu les
Attiques fait la defcripcion d'un autre Temple de
Jupiter Oiimpien qui étoit à Atcnes > & qu Adriea
lit ctuichiî d'un nombre incroyable de Scatiici^ ;

-ocr page 113-

êô 'Htfloîre des ArU
de Jupiter Capitolin.

Le Temple de Ciziqiie f n'étoie
pas moins beau que celui d'Olim-
pe, parce qu'il écoic fi enrichi , U.
îi curieufe nent £aic que dans tous
les joints des pierres il y avoit uil
iil d'or qui en kparoit les cou-
pes. A l'égard du Temple de
iTralle ^ q.ie bâtit l'Architede
yâr^eUim y il devoit eltre d'une
beauté (urprenante , puifqu'il eu
compofa un Livre fur les propor-
tions des Ordres ionique Gorin-
tien, félon lefqaelles il avoir con-
ftruit cet Irdifice, qui fut confàcré
à Efculape.. Argellius y fît encore
de fa main les chofes les plus im-
portantes qui font des marques
qu'il étoit autant Sculteur, qu'Ar^
chitede.

Mais de tous les Temples de

j; Pline li. c. i j.
^ Vitruveeii fon Livre d'Architefture. Il dit
auflî qu'il faut guc l'Architede foie lettré &
habile dans le Deflcin.
 littetMm fit ^eritm

^raJïdtSi

-ocr page 114-

qui ont yapoft au T)é]Jeîn. ët
Grece , & de toutes fes colonies ,
le plus renommé fut celui de Dia-
ne 7 d'Efeie , car il mérita d'être
mis au rang des fept merveilles dui
monde. Le premier delTein de ce
iTemple fut fait par F Ingénieux
'Archifron 5 après lui Ctefifon en
eut la conduite j & Dinocrate7 le
rebâtit depuis qu'il eut été brylé.
Cet Edifice étoit long de 425. piez,
& large de
iio. avec 127. Colon-
lies haute chacune de ^o. piez :

7. Le Temple de Dîanc en Efefc fut conftmit
non par les Amazones , mais par Crefus , & Efc-
fo , qui donna fon nom à la "vile qui fut colonie
des tlécns C'eft le païs des Ioniens qui y bâti-
rent plufieurs Temples. Paufanias en Ion Acaie,

p. 174-

8. Ce fut un nommé Heroftrate qui y mit Iç
feu, pour acquérir une mauvaife renommée. Di-
nocrate le rétablit, ce fut aufG lui qui bâtit par
l'ordre d'Alexandre vile d'Alexaadrie. l! étôiç
grand .Deffinateur > car il propofa à ce Prince de
tailler le Mont Atos en forme de fa Statiie , quf
tiendroit d'une main une vile , ^ de l'autre un
vafe qui jetteroit les eaux dans la mer : & par cfe
^rand dcflein Dinocrate fe produifit auprès d'A^
cxandie ,
& entra à foii fsryicç» Vitruyc. Piot~

Liy .3,.

-ocr page 115-

'ItHfioire des Arts
Elles furent données par aiitane
de Rois , defquelles 36. étoienc
fcultëes ^ & une feule l'étoit de la
main du fameux 9 Scopas.

Le Maufolée que fit conftruire
Artemife, dont ce Sculteur travail-
la l'un des quatre cotez , n'étoit
pas moins admirable pour l' Archi-
tecture , que pour la Sculture, car
il contenoit 411. piez de circuit,
& de hauteur foixante jufqu'à la
plate forme ^ où l'on éleva une Pi-
ramide par degrez foutenuë de 3^.
Colonnes qui rendoient cette aug-
mentation égale en hauteur à tout
l'édifice, fait des quatre plus ha-
biles Architedes, & Sculteurs de
Grecc.

L'Architedure s'y continua en
toute fon excelç^ce, non feulement
au tems des Republiques 10 Jes

9. Vigencrc fur les Tableaux de Pliloftrate,
p. i z7.

10. Plutarque en la vie de Pericles, nous fak
eonnoître qu'il étoit l'un des plus grans amateurs
4c la Sculture & de rArcliitcdure qui ait été

-ocr page 116-

^ffz ont rdport an Dejfein.
;Srecs , ÔC de leurs Rois , mais en-
core fous le Regiie des Empereurs
Romains , particulièrement fous
celui d'Adrien, qui fit bâtir à A te-
lles plufieurs fuperbes bâcimens.

parmi les Grecs. C'eft pourquoi les bâtimens qu'il
fît conftruire à Atenes, étoieac merveilleux, au-
tant par la diligence qu'il aporta à'ks faire éle-
ver , que par leur bel air ; & ils étoient bâtis avec
tant de foin que jufqu'au tems de Tiajan , que cet
Auteur a écrit, ils fembloient être nouvellement
faits, & ils avoient tant d'agrément -, qu'on étoic
obligé tous les jours de les trouver de plus beaux
en plus beaux. Celui qui conduifoit tous les ou-
vrages de Pericles, c'étoit Fidias, parce qu'il en
avoir la Surintendance, bien qu'il y eut plufieurs
Maîties Architectes , & plufieurs excelens ou-
vriers à chaque ouvrage : Car le Temple de Pal-
las qui s'apelle
Partenon , comme qui diroit k
Temp'e de la Vierge, & furnommé
Hecatomfedmy
parce qii'il a cent p:ez en tout fens , fut édifié
d'idinus , & deCallicratidas-•

La Chapelle Lleufine,où te faifo'entles fecrettes
cercmoniesdes mifteres, fut fondee par Cœrehus,
quidreffale premier ordre de colonnes du r;z de
chauffée,& les joignit par leurs architrave»: mais
après fa mort Metagcncs né au bourg de Xipete
fit la Comiche,& y rangea les Colonnes du fécond
ordre , Se Xenocles du bourg de Cholarge , fut
celui qui conftruifi: la Coupole , qui couvre le
Santuaire. Paufanias eu fes Attiques parle auffi
âc ce Temple de Pallas page i.

-ocr page 117-

€4 Tiifiolre des Aris

CHAPITRE XIII.

la perfeBion de VArchiteBure
che^ les Romains au tems de
la République.

A Prés que Marcellus * eut con-
quis la Sicile , rArchitedure
fe perredionna de plus en plus à
Rome j & ce qui montre cela ,
c'eftle Teatrequi porte fon nom,
& qu'il fie bâtir. Car il eft de la
plus fine , & de la plus reguliere
Architedure que nous aions des
Antiques.

Le bon goût de cet Art étoit
pafle de Grece, en Italie, avec la
Peinture , les autres Arts du

1. Marcellus outre les Edifices qu'il fit faire à
Xornc, à Catane en Sicile , il fit conftruire ua
Parc à exercer la JeunefTe
-, & ea rifle de Samo-
traceau Temple des Dieux qu'on apellcCabircs,
îl y fit mettre des Tableaux 8c itatiies apoï-
tkcs de Siiacure. Plutatquc,

Pçflçiiî

»

-ocr page 118-

qui oni raport au DeJIein.
Deffein , environ 4.60. ans avans
Marcellus , qui étoic le tems do
Porfena Roi de Tolcane. Ce Prin-
ce fut û magnifique en bâtimens
qu'il donna ordre de eonftruire un
Labirinte ^ à l'imica^tion des Grecs,
pour le lieu où il deftinoit fa fe-
pulture. Il étoit fi furprenant qu'il
ne le cedoit ni au Labirinte de
Crete , ni à celui de Lemnos : èc
cela fait voir que l'Architedure
florilTant en Tofcane ne tarda.'
)oint à pafler à Rome , après que
es Romains fe furent rendus maî-
tre de cette Province : fi bien que
les Edifices qui fe firent dans cette
vile du tems de la Republique,
l'emporterent (ur ceux qui avoient
été. conllruits fous le Regne des
Kois.

Car les grans hommes de ,cette
Republique tâcherent de l'empor-
ter les uns fur les autres pour leurs
-magnifiques bâtimens. Marcellus:^

Pliae 11 c. jj.

l

-ocr page 119-

66 mfioire des Ans
ne fe contenta point de faire fon
fameux Teatre , il bâtit auffi un
Temple à la Vertu , & à l'Hon-
neur.

Marias ne fut pas moins zélé,
afin de lailTer «à la pofterité des
marques de fes Vicloires, les deux
Trotées que l'on voit au Capitole
en font des preuves , ainfi que la
belle Architeélure de fori Arc de
triomfe à Orange , qui eft un glo-
rieux fouvenir de la Bataille qifil
remporta fur les Cimbres.

Mais Marcus Scaurus fon beau
fils, fut de tous les Illuftres qui eu-
rent part au gouvernement de la
République , le plus fuperbe en bâ-
timens y car durant fon Edilité j il
embelit Rorrte de pluiîeurs Edifi-
ces furprenans : fon grand Teatre
en eft une marque éclatante. Il
contenoit quatre-vingt î mile per-
fonnes : il y avoit trois Scenes l'u-
ne fur l'autre , avec trois cens foi-
j Pliûç li. 34- e. ij«

-ocr page 120-

^ui ont raport au IDeffein. Gj
xaiite Colonnes : celles du pre~
mier ordre étoient de marbre , &
avoient trente-huit piez de haut,
leTecond ordre de criftal , & le
troifiéme de bois doré. Cet llluftre
fit encore deux autres Teatres de
bois, foutenus fur des pivos > afin
qu'après y avoir fait les Jeux , &
les Comedies , on les pût faire
tourner , & les joindre en Amfi-
teatre , pour y voir les combats de
la lutte , des Gladiateurs, èc des-
bêtes farouches.

Auffi rien ne fat plus fuperbe à
Rome que le Temple de Jupiter"
Capitolin. Tarquin le Superbe ^ '
l'édifia le premier , 6c après qu'il
eut été brûlé la premiere fois , il'
fut rebâti par Silla & enrichi des
Colonnes 5 du Temple de Jupi-
ter ^ Olimpien qu'il fit amener de^

4- Tarquin dépenfa à faire les fondemens dii'
Temple de Jupiter Capicolin quarante mile marcss
d'argent. Plutarque dans la vie de Pviblicolat

5- Pline li 36. c. 6.

La Statiie de Jagitcr Capitolin dateras&'

-ocr page 121-

Hijloîre des
Grece , & y pofer en la place des
pilaftres q ' ' :

Lii y etoient : puis aiaiit

été derec

:iief endommagé par le
feu à la révolution Vitelliane, Vef-
pafîen le fît reftaurer. Mars étant
encore pour la troiiîéme fois bruié^
il fut refait par Domitien plus ma-,
gnifique qu'il n'avoit point été.
Car ce Prince qui aimoit à l'excès
les bâtimens fut
fi curieu;^ qu'il fît
tailler toutes les Colonnes 7 X
Atenes , ôc il enrichit ce Temple
de tele forte qui le fit tout dorer,
& y dépenfa pour la dorure feule-
ment, vingt-un s million &c lîx cens ^
mile livres. '

Tarquîn Prifquc, ctoit de terre cuire. Plin. 1.|

e. ix. mais fous Trajan , elle étoitd'or, Martial

li. n. ^ 1

7. Lesfutsde ces Colonnes furent taillez à Atc.
ncs d'une belle proportion ; mais à Rome elles
furent repolies , ce qui les rendit trop menues,
& leur ôtade leur beauté. Plutarque eu la vie de
Tublicola. t

8 Douze mile talens que coûta^à dorer le Tem-
jle de Jupiter Capitolin. Plurarque dans la vie de |

"Publicola, & Nardini. pag. 307. comme les An-
«icjAs a'avoiejît p4S le fecrçt de batrc l'or fi
|ubtiJt

-ocr page 122-

qui snt raport au Deffein, %
Les autres Bâtimens que firen-t
plufieurs Coiifuls devant les Em-
pereurs , étoient tous dans le boa
goût de l'Architedure , ainlî que
l'Anifitéatre de Pompée 9 ^ où iè
pouvoient placer plus de quarante
mile hommes ) c'eft Ibn Afranchi
Demetrius qui le fît bâtir , À l'imi^
tation de celui de Mitilene. Pom^^
pée fît conftruire auprès de cet Am-
fitéatre le Temple de Venus vido-
rieufe ou de la Vittoire
5 ôc fon
Palais étoit auffi admirable , ainli
que la maifon de Luculle & fes jar-
diiis. De même fous le Confulat

que nous l'avons, leurs doreures aloient à des prix
cxccffifs. C'eft la reflcdiioa
du Nardmi.

Pline li. 36. c. ij,
L'Amfitéatre de Pompée fi cclebre , il le fit bâ-
tir apiés fes triomfes de l' A fie : cinq cens Lions
y furent tiiez en cinq jours, & dix- huit tiefans y
combatiient contre des hommes armez. Deme-
trius fon Afranchi bâtit ce gra.id Edifice , & il
cmploia à cet effet l'argent qu'il avoit amaflé en
fuivant Pompée dans les Ani.ées. H R. de Xiphi-
lin. page 14. Cet Amfiteatre ( feloa Pli= e) ou
Teatre , félon d'autre > fut le premijsc établi à
Rome, Tacite li. 14.

I

-ocr page 123-

70 Hifloire des Ans
deM. Lepide, de Q^Catule, il
eft conftaiu que rien ne fut plus
beau à Rome, que les Bâtimens de
marbre , les ouvrages de Peinture^
par les royales dépenfes que fai-
foient ces grans hommes , pour
embelir cette capitale, qui fe trou-
va alors ornée de cent Palais qui
le difputoienc pour la beauté à ce-
lui de Lepidus. Ainfi que Pline
cous le fait connoître..

lo. Pliaeli. Jé. c. ij.

CHAPITRE XIV,

Jj'ArchiteBure continua à Rome fous
les Empereurs ,, dans fan excelence y
comme elle avoit fait au terni de la,
République.

Ules Cefar n'aima pas moins les
Bâtimens , que les autres grans
hommes , qui l'avoient précé-
dé : fon Palais , le graïad

-ocr page 124-

qui ont rapori du I>ejfein. Ji
Cirque ^ qu'il augmenta , en fonc
des preuves. Augufte eut la mê-
me paffion pour l'Architedure,
ainfi qu'il le fît voir à fon Palais ,
que l'on nomma à caufe de fa beau-
té la grande ôc magnifique mai-
fon d'Augufte. Plutarque dans la
vie de cet Empereur , remarque
qu'il fit embelir Rome, de plufieurs
bâtimens publics, faifant redreffer
même ceux qui avoient été ruinez,
en lailTant le nom des Fondateurs.
Ses Edifices les plus confiderables
furent le Temple d'Apollon au

I. Le grand Cirque édifié par Cefar Diétateur
aroit trois ftades en longueur, & une de largeur.
Se avec tous fes bâtimens quatre arpens , & il y
avoit dequoi affeoir i^oooo. mile perfonnes.
Pline li. c. ly. Selon le Comte de Nardinij
tout le vuide du Cirque avoit de longueur i/o,
Cannes ( chaque canne à dix palmes Romains }
& la largeur des fieges étoient de izi cannes, J.
palmes ,
Se un tiers, & les écuries de 19. cannes,
}. palmes, & demie ; ainfi la longueur totale eft-
cannes,
6. palmes , 10. onces, & la largeur
du vuide 83. cannÈs. 3. palmes , Se quatre onces,
& avec les ficges des deux cotez , qui font enfem-^
blc 44. palmes , & 6. onces : toute la largeur
étoit ix^. cannes.

-ocr page 125-

yi Hifioire des Arts

Palais, le portique, & une Biblio^
teque , qu'il remplit de Livres
Grecs Latins ,Je Maufolée , èc
un Parc pour promèner le peuple
Romain., Il fît encore achever le
(Temple de Jupiter Olimpien, com-
mencé de long - tems à A tenes;
iTous^ les Favoris % de ce Prince
aimoient auffi ce bel Art avec paf-
fion. Celui qui en parut l'un des
plus célébrés amateurs, fut Agrip-
pa î , qui par une grandeur d'ame

X, Les Romains étoient tet!ement adonnez aux
bâtimens , que c'étok l'ufage que les grandes &
riches familles faifoient voir leurs magnificences,
par dés Edifices publics, en conftruifant des Pa-
lais j des ga eries, & ies Temples , pour l'utiltté
& l'omement de la vile. C'eft pourquoi Auguftc
àprom a Se loiia Stafile, Taure, PhiiipC; &
Balbe,
qui confommerenc toutes les dép uilks qu'ils a-
voient aquis à lajguerrs , avec le furplus de lcurS(
lichftfes qu'ils dépcnfercnt en de (i mptueux bâ-
timens , afin de laiiTcr leurs nicmoires , & celles
de le irs famdles à la pofterité. C. Tacite, liv. 3.
pag. IÎ4.

?. Agrippa laifla par teftament au peuple Ro-
main , (es bauis, & des héritages pour les entrete-
nir. li bàtic encore un fupei'be Porche,à la viic
de
Netmno, eninemoU-edci Vidoires qu'il avait
lemporcécs fax mler. H. R. deCuiâ^^c^u.

toute

-ocr page 126-

'qui om YdpoH du Bepln] 73
toute Roiale , voulut orner le
champ de Mars, & les environs. Il
y fît conduire l'eau qu'on nommoic
aqua y^irginis , pour y faire des
bains , & orna encore ce lieu de
Jardins , de Portiques , le grand
Salon 4 deftiné à paier les troupes,
& plufieurs autres Edifices , dont
le plus fameux qui fubfifte encore
aujourd'hui tour entier , efl le
Temple du Panteon^.

Le grand Herodc qui fut aulTi Court'fan d'Au-
guftc, aima les bâtimens avec pallîou. Il conftrui-
Îît en Judée, la vile q l'il apda Cefarée en l'hon-
neur d'Augufte Cefar, avec de beaux Palais, & un
port de mer qu'il rendit l'un des plus commodes
de tout l'Orient. Ce fut ce Roi qui enibelit Sc
augmenta le Temple de Jerufalem , fi fort regre-
tc de Titus , lors qu'il le rit brukr , à la prile de
cette vile H R. de CoiïFeteau.

4. Ou Diïibitorio.

j. Panteon, apellé à prïfent la Rotonde^à caufc
de la figure ronde de fon plan. Quelques-uns onc
ccrit comme Dion- 1. qu'Agrippa ne fonda
pas ce Temple , mais qu'il l'cmbelit, & le per-
fectionna , en faifant le frontifpice où fon nom eft
marqué , q' .i eft encore
d'un meilleur goût d'Ar-
chitedure que le refte de cet Ldifîce. Ammianj
^arcellin dit que ce Temple > avec celui de Jupi-
^er Capitolin, celui de la Paix , & celui de Vcnas

G

-ocr page 127-

74 Hifiotre des Arts

Ainfi la magnifique Architedu-
re fat aimée du fiecle ^ d'Auguftc
& les belles paroles qu'il dit en
mourant en font foi , quV/
avoit
trouvé Rome bâtie de briques ^ mais
quHl avoit rebâtie de marbre.
Cet-
te magnificence infpira à fes Suc-
ceffeurs le même amour pour les
grandes chofes : car Tibere çtoit
très-curieux , 6c aimoit tous les
Arts du DelTein. Néron fe plaifoit
auiîî à faire de grands bâtimens,
cela paroîc par fon Palais , qu'on
apelloit la Maifon dorée , dont les
relies font de la plus belle Archi-
teélure , & du meilleur go lit de
l'antique. Elle continua dans fon
excelence fous Vefpafien & Titus :

à RoiTiC j ctoient les premiers en beauté , en cçs
tes mes :
Velut regienem teretem fpeciofa celfitadi-
nefomica.tam.
Et Plin. Li. jé-c. ij. vante fur
tout, ces mêmes bâtimens : & au c. j. il dit qu'A-
grippa fie orner le Panteon de plufieurs figures ca-
riatides j faites par Diogene Atenieii.

6. Dans !e tems d'Augufte fleurit Vitruve , à
^ui il dédia fes Livres d'Architedure » qui font
les fculs qui nous foient rcftés des Anciens
tou-
chant ce bel Art.

-ocr page 128-

qui ont TdpdYt au Deffein.
on le voit par le Temple de la
Paix , par rAmficeatre , & l'Arc
de triomfe qu'ils firent bâtir.

Domitien 7 prit de ces Princes
Pamour qu'il eut pour les fuperbes
Edifices : il fit rebâtir le Temple
de Jupiter Capitolin , plus magni-
fique qu'il n'avoit été, car il donna
ordre de faire venir de Grece tou-
tes les plus belles Colonnes qu'on
y put trouver. Il conftruifit en-
core fa maifon dans une magnifi-
cence au-delà de tout ce qui avoit
jufqti'alors paru , auiîî- bien que
le Temple de Minerve & celui des
plaviens.

La régularité de l'Architedure
fut exercée dans la même perfec-

7. Domitien ne fit pas feulement : efaire le Tem-
ple de Jupiter Capitolin, pius fuperbe qu'il n'avoic
été j mais e.:corc fon Palais , où rien n'étoit fi
furprenant que les Galeries en Portique , les Sa-
les, les biins , & les aparteraensde fes femmes,
& il avoit tant de paffîon à bâtir qu'il eût fou-
haité comme Midas que tout ce qui s'aprochoie
de lai devint or & pierre. Plutarque dans la vie
tic Publicola..

G ij

-ocr page 129-

^Wfloke des ^ArtS
tion au tems de Trajan 8 par
Apollodore fon Architecte. Le
fameux Pont fur le Danube que ce
Prince lui fit conftruire étoit éton-
nant à caufe de la largeur & de la
rapidité de ce fleuve. La Place
de Trajan , fes Arcs de Triom-
fes ^ , & fa magnifique Colonne
liifijoriée de Tes grandes adions,
contre les Daces , font voir com-
bien Apollodore étoit célébré dans
le Deffein.

Ce favant Arcliitede continua
d'embelir Rome par fon Art, fous
leRegne d'Adrien
î® qui n'aimoit

8. II s'apliqua à embelir Rome de nouveau par
de fuperbes Bâtimems > de Ponts , d'Arcades, Sc
de Palais , dont les marques font reftées jufqa'à
nôtre fiecle, mais rien ne fut fi mémorable que la
magnificence du Cirque de fon nom. Coiffeteau.
H 'R.

9. A Aacone,ron voit un de ces Arcs de triqmfe
qui a été donné au jour par le Serlio. A Rome ,
il y en avoit un autre , qui fat détruit pour orner
celui de Conftantin de fes excelentes Scultures.
îsJardini. p.
407. Plotinefemme de Trajan fit bâtir
deux Temples qui fe vovent à Nifmes.

Ip Adrien fie encore faire à Atenes., "de fomp-

-ocr page 130-

qui ont Y dp ort au Deffein. ^
pas feulement l'Architcdure, mais
qui la pratiqua, puis qu'il avoit de
la jaloufie du mérité d'Apollodore,
Çarce qu'il n'aprouvoit pas le def-
iein du Temple de Venus & de
Rome , que cet Empereur avoit
fait. Il fit auffi reparer le Temple
du Panteon, celui de Neptune, ce-
lui d'Augufte , & les bains d'A-
grippa. , , •

Mais ion plus bel ouvrage ce
fut le Pont Adrien avec le Mau-
folée de cet Empereur qu'il ordon-
na d'une excelente Architedure.
Antoniii fuccelTeur d'Adrien , ne
fut pas moins magnifique dans fes
bâtimens 5 car il fit élever un fu-
perbe Temple à Adrien fon pere.
Il repara fon Tombeau, F Amfitea-
tre, le Temple d'A grippa , le Pont
du Tibre, le Port de Gaiete, celui
de Terracine , les bains d'Oftie,
l'Aqueduc à'Antium^èL les Temples

tueux Tempres , & d'autres Edifices. Paurania»
fe§ Actiques,

A iU

-ocr page 131-

yî Hifioire des Arts
de Ldvinmm.

Marc-Aurelle aimoit auffî lès
Sieiices & les Arts j il fut même
très - foignCLix d'y élever fon fils
Commode , le faifant aprendre à
deiîîner, Ainfi l'Architedure con-
tinua de fleurir tous plLifieurs Em-
pereurs du bas Empire, & jufqu'a-
prés CoDilantin.

L'ainour qu'eue Severe " pour
ce bel Arc paroîc dans la beauté

II. Entre les bâcîmens que fit faire Severe , il
fie bâtir un " cptizone. Voiez Nardini pour favoir
ce que c'eft. p. 406. Quelques- uns ont crû que
c'ctoit un Edifice qui avoit fepc ordres d'Archi-
tectures i'un fur l'autre , & tous Corintes. ■ Ainfl
que l'on en voie deux de Tes ordres
l'un fur l'au-
tre. au Coliiés. iu.rqnoi on peut faire larefledion,
lors que les Antiques ont eu plus de trois ordres
à mettie à un Edifice comme à
l Anifiieatre de
Vefpjfien , ils oat mis le L orinte fur le Corinte
» à
caute qu'il r 'ya pas dans lebOidres d'Arclsitedu-
le , UD qui foit p'us
Çudte , & quant au Compo-
fite , que pUifieurs Architeéles modernes one
placé au deflus du < orinte , il n'y eo a aucun
exemple cia'is l'antiquité ; mais ils s'en font fer-
vis
l'eulement aux Arcs de triomfe, comme il Te
voie à celui de Titus ; il doit piûtôc être placé
entre l'ordre Ionique , parce qu'il participe de ce-
lui-cy
, Se du Corinte.

-ocr page 132-

^ qui ont report au D ejjein,
de for» Arc de Triomfe &
le deflein qu'il fît d'une Bafiliquc
qui avoic plus de cent toifes. Le
Cirque de Caracala étoit grand Se
^plendide j & l'on vit encore fous
Gordien , fous Aurelien, & Dio-
cleticn des bâcimens confidera-
blcs.

19
dans

Mais après le Regoe de Conftan-
tin , & de Conliance Ion fils, l'Ar-
chiteclure déclina dans Rome 5 où
il n'y eue plus d'habiies Architec-
tes , ni de Princes curieux qui puf-
fent foutenir l'excelence des Arts
du Defîein : c'eft pourquoi l'Ar-
chitedure n'eut rien du bon goût,
ni des proportions Antiques , de
Ibrte qu'elle tomba dans la mauvai-
fe maniéré, comme la Peinture,
la Sculture > avoient fait aupara-

ïi. 190. Cannes Nardini. pag. sof.
33. Entre autres bâtimens qu'il fit, le plus con-
fiderablc éîoient fes Termes , où i! y avoir loo;
Colonnes de file.
U. bionào. R. & It. rijtmïA".
i». to. !.. p. zg.

G iii]

-ocr page 133-

So Hifioire âes Arts

vant, & c'eft la matiere du fécond

J-ivre de cecte Hiftoire.

-ocr page 134-

DES ARTS
DU dessein.

■m'S®^- -m-m' kk m-b^

Z 1 rR E s ECO 2VD, ^

CH A PI T KE P R E M 1ER.

Sous le Regne de Commode , les Artg
du Dejffein commencèrent â
decliner,.

L A N s le premier Livre

r â ^^ p cle cette Hilloire , on a
mJ^WM parlé de l'origine, ôc du
progrés des Arts qui ont
raport au DelFein, ce cju'iU

-ocr page 135-

il Mïpoîre des Arts

aient commencé à decIiner, & en-
fuice à tomber } & l'on continûra
dans ce fécond Livre à remarquer
les cauies de leur abaiiremenc , ôc
de leur chute.

La Monarchie Romaine du tems
de la Rgpubiicjue, ëc'des premiers
Ceiàrs, écoic dans une haute répu-
tation , parce qu'ils avoient port4
les Arts à leur plus haute perfec- .
tion. Mais cette Monarchie de- ^
puis la mort de Marc - Aurele
commença de perdre la,grandeur
qu'elle a voie acquile. Car plu-
iieurs Empereurs iuccedant en peu
de tems les uns aux autres , terni-
rent l'Empire-par leurs cruaucez,
par leurs débauches , & les guerres
civiles, ce quicauia tout enfemblc
& infenfiblement la ruïne des Arts
du DeiFein. j

Il ne tint point à Ma'rc-Aurele
que les beaux Arts ne continuafTenc
après lui : car il prie un loin parti-
culier d'y faire élever fon tils Com-

-ocr page 136-

'êi^ut ont rapôft au Tfejfeiîu Sj
mode 3 lui faifaiit aprendre à pein-
dre I & à graver, parce que ce jeu-
ne Prince avoit refprit promt > ^
tres-facile pour toutes fortes d'e-
xercices. Mais la bonne éducation,
fut étoufée , à caufe qu'il s'aban-
donna à plufieurs débauches fi
-tôt
qu'il lui eut fuccedé j ce qui nous
fait regarder le regne de Commo-
de comme le commencement du
déclin de la Peinture , de
la
Sçulture, & cek fe reconnoît à la
Statue de cet Empereur , qu'on
apele l'Hercule Commode, qui fe
voit à Rome au Palais de Belvede-
re ^ : il fe remarque par cette figure,
que l'art diminuoit j car bien qu'el-
le foit d'une proportion jufte,
que la tête en foit tres-belie , on

I. CoifFetcau dans fou Hiftoire Romaine |
pag.

X. Dans une cour dci Palais de Bcivedere cette
Statiie cft placée , avec celles d'Antinous , d'A-
pollon , de Laocon , d'une Venus, d'une Cleopa-
tre , du Nil, du Tibre & du Torce , toutes figu-
res antiques.

-ocr page 137-

% J-Iifloire des Ans
n'y reconnoit pourtant plus ni Id
tendre, ni le fini qui font à la Sta-
tue d'Antinous, & aux autres bel-
les figures qui l'ont precedëe , ôc
que l'on voit au même Palais.

Ce bel Art de la Sculture, Con-
tinua à décliner dans les régnés
fuivans , puis qu'il ell certain que
fousl'Empereur Severe5 ilétoitfort
diminué de la beauté où il étok
, parvenu du tems des premiers Ce-
iàrs. Nous voions cela par l'Arc
de Triomfc de eet Empereur , qui
fubiifte encore à Rome : car en cet
ouvrage la Sculture qui hiftorie
cet Arc, eft beaucoup alterée, puis
qu'elle n'a ni le DefTein, ni le beau
travail des excelens Antiques.

3 Cet Empereur commença de regner l'an <3e
Nôtre Seigneur i9j. depuis ce regne jufqu'à
.^louftaïuin , il y a iij-> ans.

^JP

-ocr page 138-

qui ont rdpoH au D ejjeln» ^ f

CHAPITRE II.

Z'ArchiteBure ne déclina qu'apréi
Confiantin 3 quoique la Peinture^
la S culture fufjent tombées au^,
faravant,

DAns cette chute des Arts du:
ÛeiTein , rArchkcctare ne
perdit pas fi-tôt de Ton bon goût,
que les autres Arcs. Car à l'Arc
de Severe, elle eildans fa beauté,
& elle égale les ouvrages qui ont
été condruits au tems qu'elle flo-
rilToit le plus. C'eft pourquoi elle
fut plus heureufe que la Peinture,
&: la Sculture, puis qu'elle fe main-
tint en fa régularité jufqu'au tems
de Conftantin le Grand. L'Arc de
Triomfe * de cet Empereur, en ell

i. L'Arp de Triomfe de Conftantin fat fait
lio. ans a^rés celui de Severe , vers l'an du faluE
310. 011 croit qu'il fat achevé le difîéme de f n
Empire , & d'autres difeat que ce ne fut qu'à la.
fin de fa vie. Aux huit-belles Statues d'efclave^

a

-ocr page 139-

Sô Uifioire des Ans
la preuve : l'ordre Corintien y efl
beau j & dans fa pureté, la Scultu-
re qui alors y fut faite;,au contrai-
re elt d'un mauvais goût, & d'un
méchant deffein. On obferve cela
aux bas-reliefs des piés d'eftaux,
& à d'autres petites figures qui
font au delTous des compartimens
en rond: ce qui nous montre évi-
demment que la Sculture, & le bon
goût du DefTein de la figure hu-
maine , étoient tombées à Rome,
au plus mauvais état ou ils aient
jamais été.

L'Architedure ne déclina point
fî-tôt que la Peinture, & lai)cul-
ture , parce-qu'elle fut plus long-
tems protegée des Princes , à caufè
de fa necellité, & de fon utilité.

■qui font fur la corniche , il y manque les tétcs qui
furent emportées à Florence fecretemcnt par Lau-
rent de Medicis , félon que le raporte le
Giouco^
î»3arclini. pag. 407. Ces figures d'efclaws, & tous
les grans bas reliefs qui ornent cet Arc , ont été
gris de l'Arc de Trajaa,

-ocr page 140-

qui ont rdport au BeJJein. Sy
Nous le volons par Ammian ^ Mar-
cellin 5 lors qu'il écrit la venue de
l'Empereur Confiance î , fiis de
Conitantin le Grand. Il dit que
ce Prince mena à Rome le fameux
Hormifda Architede Perlan , pour
qu'il lui fit obferver les plus beaux
Édifices des Antiques , taat dans
cette célébré vile , que dans toute
l'Italie.

Mais la plus forte raifon de la
durée de la bonne Architecture!

1. Dans fon Livre. Il marque que ce qui
atêra le plus l'admiration de Honnifla , & ce qui
lui'caufa de i'étonnement, ce fat lesmerveilleu-
fes fabriques du Temple de Jupiter Capitolàn ,
l'Arafiteatre, les Termes, le Panceon, les Temples
de la Paix , & de Venus, le Teatre de Poœpéej &
le Fore de Trajan.

3. Cet Empereur en prenant p!ai{îr à regardcC
ces beaux bâtimens , difoit à Hormifda , qu'il ne
viendroit jaraa's à faire de fi grandes chofes : mais
qu'au moins , il vouloir imiter à faire un cheval
de bronze , comme étoit celui de Trajan> que l'on
voiolt au milieu de fon
F&riim,{ou place.) Â quoi
cet Arcliitede lui répondit, qu'il lui vouloit p;-c-
niicrement bâtir une auflî belle écurie que celle
qui voioit , pour mettre un aufli beau chcTal.
Tour ceci raporté par
il biondo Itdi» illuflram^
Et Nardini Rom. Ântiq. p. it6.

-ocr page 141-

Mifiolre des Arts
c'efl que l'étude qu'on en fit , &
qu'on en fait fur les beaux Exem-
ples antiques confifte dans des me-
lures terminées par la Geometrie,

l'Aritmetique 5 ce qui en rend
l'imitation beaucoup plus facile que
celle de la figure humaine : car ou-
tre les mefures , ^ les belles pro-
portions qu'il y fautobferver, il eft
encore neceiïaire d'y étudier les
différentes atitudes, les vives ex-
preffions , les compofitions des
Hilloires, les mouvemens des muf-
cles, & une infinité d'autres par-
ties , qu'on doit favoir pour excel-
ler dans la Peinture j 6c la Seul-
ture.

Ces belles parties dont l'excel-
lence de l'Art efl compofé , com-
mencèrent à périr les premières
aux ouvrages du DelTein , qui de-
meurerent fans art, fans goût,dés
le tems du bas Empire , & de ce-
lui de Conftantin. Cela fe remar-
que par fon Arc de Triomfe j par

fes

-ocr page 142-

'^qui ont rdfort au Deffein. i'^
Tes
Médaillés, Tes Statiies au Capi-
tole , & les Images de
Jésus-
Christ4, ôc des Apôtres, que
cet Empereur fit faire d'argent, ôc
metre dans • l'Eglife faint Jean de
Latran , lefquelles font d'une Scul-
ture baffe,
Se ordinaire. On aper-
çoit encore ces défauts aux Stucs,
ôc aux Peintures de Mofaïque,
du Batiftaire que ce Prince
fit
conflruire au même lieu de La-
tran.

On obferve au contraire que juC
qu'alors il étoit demeuré de la,
beauté , & de l'Art dans i'Arclii-
tedure & fes enrichilTemens >
comme il fe voit aux Chapiteau5c
de l'Arc de Conflantin , à ceux
de fon Batiftaire y , & aux bafes.
de leurs colonnes , où il y a des

4. Vafari dans fon avant propos fur-la vie des-
Peintres.

f- Anaftafe en fait la defcription dans les Ades-
de S, Silvefti-e , comme il fe voie aBjonid'lim-
Nardiai. Rom. p. îoa.

-ocr page 143-

Mifloire des Arts

&c d'ancres ornement
tr.es-bien taillez.

C'effc la même raifon que celld
que nous avons dite de l'Archite-^.
dure , qui a fait maintenir plus
long-tems la beauté de les fortes
d'ouvrages de Sculture , que dans
le Deilein à l'égard de la figure
humaine , puis que pour exceler
en ce Deflein , il faut toutes les
connoiffances que j'ai marquées,
dont la régularité des ordres d'Ar-
chitecture , & fes ornemens fe peu-
vent pafTer.

feuillages

-ocr page 144-

qui ont raport au Deffein, $ ï

CHAPITRE IIL

L ^Empire pajié à Conftantinople ^ é*
la Relipon.Crètienne ^ contfibm-
rent à la ruine des Arts du Dif-
fein.

CE qui contioiii à détruire da-
vantage l'Arc du Deffein à
Rome , ce fut quand Confiant in eu
partit pour aler établir l'Empire à
Bizance. Car ii y conduiût les
meilleurs Artiftes de Rome » & ii
en
fit. enlever une infinité de ^ Sta-
tues , & tout ce qu'il j avoit de
plus beau , & de plus riche , pour
en embelir la nouvelle vile.

Dans ce même tems le zele de
la Religion Crêcienne contribua
beaucoup .au déclin de la Peinture >
delà Sculrure &: de l'Architecture ;

1 Entre les Statiies que Conffantîn Et rranfpor-
ter de R nne , à Bifance , les quatre Chevaux de
"^roazc qui font fur le frontiipice de S. Msic à

H ij

-ocr page 145-

5?! mjîoîre des Arts
)uis que pour éteindre l'Idolâtrie,
. es Chrétiens fe voians les maîtres
de rjEmpire , renverferent ^ , èc
briferent les plus confiderables Sta-
tues des Divinitez des Gentils , &
démolirent leurs plus fuperbes
iTempIes.

Cela caufa aulîi le commence-
ment de la chute de l'Architedu-
re , parce que les Crêtiens d'alors
tranfporterent les belles Colonnes
du Mole d'Adrien , pour en bâtir y
& en orner l'Eglife ancienne de
Saint Pierre de Kome. Ils firent
la même chofe de plufieurs célé-
brés Temples ^ de cette vile pour
confbruire l'Eglife Saint Paul hors

Venife étoîcnt de cc nombre. Les Veniciens après
la prife de Conftaatinople les emportcren: chez
ux.

a. Lc« Papes, &particuliercment_Saint Grégoi-
re le Grand, dépouillèrent les Temples des Gen-
tils , & firent rompre les Statues. P. T- de Va-
faii. p 7f.

Le Pape Honoré I. prit avec la permiflîon
de l'Empereur Focas les tuilles de bronze du
.Temple de Rojnulus, pour en couvrii rEglifç

-ocr page 146-

qui ont raport au Deffein. 5? J
les murs , celle de Sainte Marie
Majeure , & de plufieurs autres
qu'ils embelirent de la plufpart des
beaux relies d'Achitedure anti-
que. Mais dans tous ces grans Edi-
fices on obferve que la belle pro-
portion , & la belle diftributioii
n'y font point, non plus que le bel
ordre , & le bon goiit des Anti-
ques.

AinJS tous les Arts du Defleia
après que Conflantin eut quité
Rome j déclinèrent fans cefTe , &
cela avant que les Nations Septen-

Saint Pierre , & de ce Temple j il en fie une Eglifc
à riionnciir de Saint Corne & Saine Damien. H
hiendo. Roma rifiaurata. pag. li. Cela nous fait
voir que les Empereurs de Confiantinople écoient
encore les Maîtres de Rome , puis que le Pape,
n'avoit pas le pouvoir de prendre ces bronzes,
fans demander. De même Boniface
1 V- demanda.î
auflî à l'Empereur Focas de prendre & de dé-
dier le Temple du Panteon à la Sainte Vierge,
& à tous les Saints. Le même Bionde. pag. 56.
focas regnoir vers l'an
î?o. environ ïoo. ans-
avant que Charlemagne eut établi la grandeuE
temporelle de l'Egliie.
Il b'mio a dcdiê fon Li»-
yre au Pape .Eugène IV.

-ocr page 147-

^lîijloire des Arts
trionales fuffent venues ravager
l'Empire, & fa Capitale. Maisen-
fiiice ces peuples acheverent de dé-
truire la beauté, le bon goût, & le
bel ordre en ces nobles profef- ,
fions, comme ils le montrèrent de-
puis.

CHAPITRE VI.

Les frifes , ér les piîla(^es de Roms
par les Gots les Vandales
, ai-
dèrent à La ruïne des Arts du Def-
fcin.

Nviron cent ans après Con-
fftantin , Alaric Roi des Gots
ravagea l'Italie » & prit Rome :
Odoacre Roi d'Italiefacca^ea cet-
te vile , & la mic au pillage 3 de
même que Genferic Roi des Van-
fldales , qui avec trois cens mile
"liommes qn'il amena d'Afrique , la
^iefola , & la rendit prefque de-
fcrce i ce qui ne iè fît point fans

-ocr page 148-

qui ont fdpon du DeJJek.
détruire plufieurs ouvrages des
Arts du Dcfïein. Mais fa plus gran-
de ruïne arriva fous l'Empire de
Juftinien : lorfque Totila Roi des
Gots fit feiitir fon indignation à
cette belle vile. Il ne fe contenta
point d'en faire abatre les murs,
les Edifices les plus fuperbes , il la
brûla , & en treize jours elle, fut
en partie confumée par le feu. Ce
defordre dctruifit de telle façon les
Statues, les Peintures , les Mofaï-
ques, & les Stucs , que tout en per-
dit la grâce , & la forme.

C'eil pourquoi les aparté mens
les plus bas, & les premiers étages
des Palais , des autres bâtimens
enrichis de l'Art du DeiTein , fe
trouvèrent enterrez fous les ruïnes :

I. AlaricpTicRome vers l'an 4ir.&: Odoacrc
enfuite , -8c'puis Genfcric , qui fut en 4 i'6. il
ravagea de même une partie du Roiaumede Na-
ples , principalement les Cotes dit Golfe , où ê-
toient pluiîeurs beaux ouvrages d'Architedure
des anciens Romains , comme a Miflene , Cumes,
Baie , Se Pouzzole. Antiquit. di Pouzscolc , di S,
i^azzella.

-ocr page 149-

«pi^ 'Hifioire des Am
ceux qui habitèrent depuis dans
cette vile defolée aiant planté des
jardins fur ces ruïnes, ils y enter-
rerent ces beaux ouvrages de Pein-
ture j & de S culture , que l'on y a
trouvez depuis trois cens ans , &
qui ont fervi au rétabliflement des
Arts du DefTein. Car fous ces rui-
nes., il s'eft trouvé des lieux fou-
terrains qu'on a nommez Grotes ^
où l'on a rencontré plufieurs or-
nemens de Stucs , & de Peinture,
qui à caufe de cela ont été apellea
ornemens Groteiques.

Il fe remarque qu'à cette prife
de Rome par Tatila j tout concou-
rut à la deltrudion de ce qu'il y
avoit de plus beau dans la Scul-
ture : car les Grecs qui s'étoienc
fortifiez au Mole d'Adrien , mi-
rent ^ en pieces les belles-Statiies,
dont il avoit orné ce lieu, ils fe
fervirent de ces rares morceaux

. %. Rotna Antiq, de NarJinu p. 480. en l'àn
545. ^rriv^ cetce prire4c Rome par Toiila.-

-ocr page 150-

qui ont rdport au Deffein. 97
^our en repoulTer les affauts des
vainqueurs.

Néanmoins comme cette vile
avoir été remplie de tant de richef-
fes , & d'excellentes Statues, elle
en étoit prefque inépuifable : puis
qu'environ cent ans après le fac
qu'en fit Totila , l'iimpereur î
Gonflant II. y ala, & quoi qu'il y
fut bien reçu des 4 Romains, il ne
laijflfa pas de dépouiller ce qu'il
y
trouva de plus confiderable, & de

plus riche : il en char2;ea des vaif-

f 1 ^ '

leaux , que la tempete écarta en

Sicile j où il fut tué , & les Sarra-

)illerent ces ri-
es emportèrent

zins qui y alerent,
ches dcpoiiilles,
en Alexandrie,

Mais fi les Arts du DeiTein fu-
rent fi mal traitez à Rome dans la
décadence de l'Empire , ils ne le
furent pas moins dans la plufpart

On l'apelle encore Conftantin III.

4. Enviroii l'an quelques iio- ans après Iç-
fac de Totila.

l

-ocr page 151-

^S Wfioîre des Arts

de fes Provinces, puifque les Vifî-
gots en Efpagne » les François en
Gaule, & les Vandales en Afrique
y ruïnerent tous les fuperbes Edi-
fices dont les Romains avoient été
jaloux de remplir les lieux de leurs
Colonies , pour y faire fleurir tous
les beaux Arts , qui marquoient la
fplendeur de leur Empire.

chapitre v.

Zes Images dans la primitive Egl'fe
ne foutinrent fos à Rome l'Art du
D Jfein , mais elles donnèrent naif-
fmce a la maniéré que depuis
on a,
nommée Gotique.

ON auroit pu croire que l'ex-
celence du DefTein le dévoie
maintenir à Rome, parce que dés
le commencement de la Religion
Chrétienne , les Fideles fe fervi-
rent de la Peinture, de la Scul-
ture, pour reprèfenter les Hiftoi-

-ocr page 152-

qui ont rapori au Heffein,
res du vieux, & du nouveau Tefta-
ment, qui ornoient leurs Chapel-
les , àc leurs Tombeaux dans les
Catacombes. Oui lonpouroitcon-
venir de cela , mais comme ces
Peintures , &c ces Scultures n'é-
toient que pour l'inftrucliion des
Crêciens en des lieux cachez , ôc
foûterrains , où. ils celebroient le
divin Ofîce , ils ne fe piquoient
point de faire les ouvrages du Def-
lein , avec touxe la beauté dont les
habiles hommes , qui étoient fous
les premiers Cefars j faifoient leurs
Peintures, & leurs Scultures j de
, forte que quand les Crêtiens du
regne de Conftantin eurent la li-
berté de bâtir des Temples au vrai
Dieu , les Arts du DeiTein étoient
déjà declinez.

Ainiî toutes les Peintures , tou-
tes les Scultures, tous les Stucs > ôc
toutes les Mofaïques, qu'ils firent ^
& qu on a trouvez dans les an^
ciens Cimetieres font déchus de la

I ii

-ocr page 153-

ïoô lîifloire des Arts
belle maniéré , & du bon goût diî
deffein : & les ouvrages tant d'Ar-
chicedure ^, de Sculture ^ , que de
Peinture î, qui furent faits aux pre-
mières Egliies Crêtiennes à Rome,
ne font pas auffi d'un meilleur goût.
Si bien que la mauvaife maniéré
s'y étoit introduite en totis les Arts
du D^lTein, & par là nous voions

I. Sur le Mont Cello , on voit l'Eglife de
S. Jean & S. Paul, bâtie du rems de Julien l'A-
poi^at, elle eft tout à fait dans le mauvais goût
de,rAichitedure.

i. A rEglife fainte Agnès hors la porte Pie, il
s'y voit un Tombeau de porfire , à caufe que la
S culture en bas relief , qui y eft , reprefente des
cnfans avec des pampres, & des ralfins , le vul-
gaire l'appelle fauffement la fepulture, ou le tom-«
beau de Baccus. Car ce rare morceau de porfire
êtoitle Tombeau des Princefles Confiances, filles
de l'Empereur Conftantin ; & cetoc Eglife a en-
core fervi de A'pulture à d'autres Princefles de la
mcrae famille ; c'eft auffi le lieu où elles furent ba-
tifées, & qui fut bâti exprés par Conftantin.
Nay-
dini R. Antiq. pag. 174. ces bas - reliefs ne font
point d'un excelent Dcflein j ce qui piouve que
la Sculture étoit de beaucoup tombée de fon ex-
cellence.

j. De mcme la Peinture qui fe voit aux Mofaï-
ques de c(tte Eglife à la voute^ n'eft pas d'au
mcilieur Deflein ni d'un meilleur goût.

-ocr page 154-

qui ont rapBri au "ùeffeîn. îoï
que les Gots, & les Lombards qui
ont dominé à Rome , & en Italie >
ne portèrent pas cette mauvaife
maniéré aux lieux de leur domina-
tion , mais qu'ils l'y continuèrent
feulement, c'ellde là , que cette
vméchante habitude de travailler à
la Peinture j à la "Sculture , & à
l'Architecture a pris le nom de ma-,
niere Gotique.

De même ces Arts étant décli-
nez parmi les Grecs j on a apelé
leur travail la vieille maniéré Gre-
que j & non point la maniéré An-
tique , pour faire la différence
de
l'une à l'autre.

I iiî

-ocr page 155-

'Hifiotre des Arts

CHAPITRE VI.

Ans du Deffein déclinèrent moins
dans f Empire d'Orient^ que dans
celui d'Occident.

f I

LEs Arts , dans leur chute ne
tombèrent pas tant à Conftàn-
tinople, qu'à iiome, particulière-
ment au troiiiéme , au quatrième ,
& au cinquième lîeclc : a eau le que
Conftancin le Grand , Conftance
fon fils , Teodofe > Arcadius , &
Juiliinien ^ , furent tres-jaloux de

I. L'Eglife de Sainte Sofîe fut bâtie par Con-
ftantin le Grand , reparée par fon fils Conftan-
tius , & puis par Teodofe le jeune. Mais l'Em-
pereur Juûlnien la rebâtit après qu'elle eut été
brûlée , avec tant de magnificence qu'il y épuifa
tous les trefors de fon Empire. Et il croioit que
cette Eglife l'emportoit iur le Temple de Salo-
mon ; &: pendant 17. années qu'il emploia à la
rebâtir, il y dépenfa 34. raillons d'or. H. du Se-
lail. D. Baudiere

H du Scliifmedes Grecs de M.
Cette Empereur fit encore bâtir une grande
Gailerie qui ctoit remplie des plus belles Statues

to%

-ocr page 156-

qui mtrapdn au Dejfein, ïoj
rendre la Capitale de leur Empire
aulîî floriffante , & auili magniti-
que , que i'avoit été l'ancienne
Rome. Ils y
bvitirent pour eela
des Bafiliques , des Ternies ^ > des
Aqueducs, des Portiques, des Cir-
ques , des Palais enrichis de Sta-
tues, dont ils dépoiiillerent les vi-
les de la Grece , & de FA fie, & éle-
vèrent au milieu des Places , les
obeiifques î Egiptiennes, & de fur-
prenantes Colonnes toutes iciil-
t€es,.'lls conftruifirent encore piu-
fieurs belles , & grandes Egliies,
qu'ils ornerent de. Peinture , & ds
Sculture. C'eft ce qui foiitint avec
éclat les Arts du DeiTein dans la
Grece : car Conftantin ne lit pas
feulement metre de riclies Images
aux Temples, mais à toutes les por-
tes de Conftantinopîe, & de fès Pa-

monde, & rétablir les bains de Severe ; avec
l'Eglife des Apôtres

Arcadius y fît bâtir de fiiperbes Termes*
î. Dans la place de Teodofe écoit la grande
©b€li%ue de Tebes.

I îiij.

-ocr page 157-

104 " ^Hîfioire des Arts
lais, comme à celle qu'on apelloît
la porte du Veftibule d'airain.
L'Empereur Confiance n'aima pas
moins les Bâtimens, & les Arts du
DefTein que fon pere. Mais Teo-
dofe le Grand qui les protegeoit
avec ardeur , en.a laiffé d'illullres
marques par la fuperbe Colonne
qu'il fit élever en cette vile à l'i-
mitation de celle de Trajan :
ce fut fur cêtte Colonne qu'il fit
fculter en bas-reliefs rHifioire de
fes grandes Adions. ' Dans ce ma-
gnifique ouvrage de Teodofe , on
voit encore beaucoup du bon goûc
de l'antique , ce qui fait voir que
la Sculture n'étoit pas fi fort dimi-
nuée en Grcce , qu'en Italie. Cela
eft tres-evident par un DelTein de
cette illuftre Colonne,que l'on con-
ferve à Paris, à l'Académie Roia-
le de Peinture ècdc Sculture. .

Nous pouvons auffi concevoir
que la Peinture fe maintint à Con-
itantinople , plus long-tems dans

-ocr page 158-

qui mtfdpoYt auTJeffein. Ï05
la bonne maniéré , qu'à Rome,
parce-que ces deux Arts ont tou-
jours été infeparables au tems de
leur élévation , de leur chute.
La protedion glorieufe que leur
donna ce grand Empereur, paroîc
au titre
de excufatione artificum^y
où il plût à ce Prince de ne point
foûmettre aux charges & tribus ^
ceux qui profeiToient la Peinture,
ni eux , ni leurs familles. On voit
par là que cet Art étoit encore
exercé en Grece avec honneur, ôc
qu'il eft tres-croiable qu'il y avoit
bien du beau dans les ouvrages,
donc les anciens Peres de l'Eglife
Orientale , nous ont fait l'Eloge s.
ôc la defcription. Saint Gregoire x

4, Ficlur& pmfejfores flacuit ne fui capitis Cen"
fione, net uxerum, aut eùam liberorum nomine,
nec trihutis ejfe tnunificos.
Cet Empereur les dé-
charge en vui autre endroit de tous logemens,
fôic de gensdé guerre foie de ceux qui fuivent la
Cour.

Architttres noflri pdatii , necnon ^ FiSiuv*
pysfejfores , hofpitali,, molefii» ^naad vivent lir-
herari pr&cipimMS.

S- Dans mie Oraifon qu'il fie à Conflantiiiopîej

-ocr page 159-

îoô Mifioire des Arts
de NifTe afllire qu'il ne pouvoit re-
tenir fes larmes à la vue d'un Ta-
bleau où étoit peint l'Hiltoire d'A-
braham prêt de facrifier fan fils :
ce faint Pere ne Te feroit point
lailTé toucher à la douleur s'il n'y
avoic eu une grande beauté en ce
Tableau : dans Ton Oraifon de
Saint Teodore^ , il décrit la gran-
deur & la magniricence du Temple
dédié à ce î>aint. Il y marque que
fon martire étoit bien peint , ôc
bien exprimé, & qu'on y lifoit de
même que dans un Livre la dou-

raporrèe au t Concile de Nicée Ac. 4. on y lit
ces paroles
Viài infcriptioms imugïnem

fine lachrimis tranfire, non fotui y cum tam
effic/tciter ob ocidos poneret hijiorinm.

6. PiBor artis (ha fiores in imaginibus expri-
inen^ , res Martyris preclare geflas ylabores , cru-
etettus, immunei Tyrannortim afpecim , impetus ,,
'strdentem illa-m ^ flammas evomentemfomacem,
hea.t'tjfimum Athletnîn , C.hrifiiqus certam'mi pre^
fidentis , ac pr&mia. dantis , hH»>An& fortmi'rH^
imaginii : k&c in cjHftm 'vobis tanquam in libro
loquent^ ,.artificioù defcriben; , Martyris cert^t-
mina, [dpienter expofuit. Novit enim etia-m piciu^a-
tacens , in paristibtts b.fui & utilitMis plari-'
mum afferre.

-ocr page 160-

'qm ont raport au "Deffein. 107
leur, & la confiance de ce Martir,
îa fierté , & la cruauté du Tiran,
avec l'affiftance du Seigneur, pour
couronner cet heureux Saint : 11
bien que ces Peintures fur les murs
parloient avec beaucoup d'utilité.

Saint Bafile ^ confirme la même
chofe , & dit que les Peintres font
autant par leurs figures , que les
Orateurs par les leurs, & que tous
les deux fervent également a per-
fuader, & à porter les eiprits à la
vertu : de forte qu'il
cil aiië de ju-
ger qu'il y avoit beaucoup d'art, ôc
de beauté, dans ces Peintures, qui.
n'auroient pas été fans cela le fujec
de la méditation de ces deux Peres.,
,11 eft donc vrai de dire ce me fem-
ble que l'exceience de la Peinture

7. Nam (dit S. Bafile,) tnagnifiat in bellis
gefia , ^ oratores fa,penttjfimi pi3oj(es pul-
cherrime demonflra,nt : Ht oratione ; tlU taiulis
defcribentes af^ue ornantes amboqueplures ad fer-r
titudinem imitandam inducentes. enim fer-'

hifioriA per indfiâionem , eadem , ^ piSturuf
tacens per imiîationem ofimdit.
S. Bafil. bom. 2. o
xi. Mart.

-ocr page 161-

Mifieire des Arts
s'étoic jurqu'alors eonfervée à Con-
ftantinople & dans les Egliies d'O'
rient. Cela fe prouve encore par
ce qu'il, y avait vers l'an liuic cens ,
parmi les Grecs quelques habiles
Peintres : puifque rien ne fut plus
furprenant , ni rien de plus utile,
qu'un Tableau du Jugement Unî-
verfel fait par Methodius , lequel
toucha fi vivement Bogoris s Koi
des Bulgares, qu'il caufa la con-
verfion de ce Prince Paien , en-
fuite de tous fcs peuples. D'où l'on

8. Curopal. Cedren. Zonar. ra]?oné par M. H.
D. Iconocl. Ce McrKodius étoit Moine & Pein-
tre. Bogoris Temploia pour peindre un Pala'S
qu'il veuoic défaire bâtir. Il lui demanda en gê-
nerai de lui faire des reprefentations terribles j
aiant accoutumé de regarder avec plaifir ces Ta-
Idéaux j où l'on voioii des combats de ChalTeurs,
contre les Sangliers, les Lions , les Ours, & les.
Tigres. Methodius ne trouvant rien de plus ter-
rible que le Jugement univerfel j il le peignit ad-
mirablement bien 5 avec toutes fes circonftance«
les plus epouventables , & fur tout les reprouvez
à la gauche , & livrez par la Sentence du Juge
aux démons qui les entraînent dans l'Enfer. Bo-
goris fut (i pénétré de toutes les exprcffions de ca
Tableau , qu'il fe rcfolut fans, différer d'trabraf-
kr Ja foi de J E s u s - C H R I s X.

-ocr page 162-

qui ont rdport au Defein. to^
peut conclure que ce qui contribua
davantage à la conferv.ation de cet
Art , ce fut l'honneifr rendu aux
Images^ des Saints dés le commen-
cement de la Religion Crêtienne :
puirque dans tous les états où un
culte fi juile fut aboli j laPeinture>
& la Sculture n'y tombèrent pas
feulement, mais elles y furent en-
tièrement perdues.

9- Conftantin le Grand, fit enrichir Conftantî-
nople de plulîeurs ouvrages de pieté ; il ne fe con-
tenta pas d'avoir fait conftruire la magnifique
Eglifede Sainte Sofie,
Se celles des Saints Apôtres,
il orna encore la viLe de plufieurs Images , entre
autres de celle du Sauveur,qui paroilloit fur la
grande porte du Palais Impérial , que l'onapeloit
la porte d'airain, parce que le veftibule étoit cou-
vert de lames de cuivre doré > ce fut cet Empe-
reur qui fit bâtir ce Palais.

0

-ocr page 163-

îio 'Hifloire des AriS

CHAPITRE VIL.

JDe ancienneté des Images dans hii
Religion. Crètienne.

LEs Images dans le Chriftia-
nifmc j commencèrent du tems
de J
e s u s~C h ri s t : la premiè-
re qui s'en fît, fut faite par la Da-
me , dont il eft parlé en Saint Lue
chapitre huitième, verfet quaran-
te-fix ,
laquelle safrochant du Sau-^
veurpar deîriere toucha le bord de fan
vêtement, ^ incontinent fin flux i de
fang s'arrêta.
Cette pieulè femme en
reconnoifTance de fa guerifon , fît
ériger dans la vile de Cefarée, une
Statue à J
e s u s-C h r i s t. Elle
étoit de bronze j, & à fes piez il y
avoit la figure de cette Dame , en
adion defupliante. Son œuvre fuc
fi agreable à Dieu, qu'il donna une

I, Luc. c. 8. V. car j'ai connu qu'une yerta
«ft (bitic de moi.

-ocr page 164-

qui ont raport au D ejfein. 11 r
vertu miraculeufe j à une plante qui
croiflbit au bas de cette Statue, ÔC
qui lors qu'elle fut alTez grande
pour toucher la frange de la fainte
Image , guerifToit toutes fortes de
maladies

Plufieurs Hifloriens racontent
cette vérité, particulièrement £u-
febe î de Cefarée, qui eu fur l'un
des témoins oculaires 3 & Sozome-
ne raporte que Julien l'Apoflat, à
caufe de la ^aine qu'il portoit à
Jesus-Christ, fît ôter cet-
te fameufe Statiie : & qu'en fa pla-
ce il ordonna qu'on mît la lienne :
mais qu'auffi-tôt il fut puni de fou
facrilege, puifque le foudre tomba
delTus , & la reduifit en poudre.

D'autres Auteurs écrivent que

X. Conc. Nicen. i. Ad. 4. S. Grcg. a, epîft.
ad Germ. Epifco. Conft.

î- Eufeb. li. 7. C.14. TctteHiftoirccftauffi
raportée par Antipatrc Boftrenfe , & encore par
Nicephorc , Cafliodore , & Mcraphrafte. Il eft
parlé de tous ces anciennes Images bien au long
aans le Livre de Rome fouterrainc.

-ocr page 165-

ï 12 Hifioîre des Arts
dés le tems des Apôtres , il y eut
auiîî des Images de Peinture'
de
J
e s u s - C h ri s t 4, & que mê-
ines ce divin Sauveur les inventa,
à la folicitation d'Abagare Roi d'E-
delTe, quiaiant entendu parler des
miracles
dejEsus-CHRisT,
lui envoia un Peintre pour faire fon
Portrait j mais comme il ne le pou-
yoit deffiner , à caufe du brillant
qui fortoit de fes divins regards, le
Seigneur pour fatisf^re à la priere
duRoid'EdeiTe, fe pofa lui-même
un linge fur le vifage , auquel il
imprima fon Image divine, U. l'en-
voia à ce Prince , par la vertu de
laquelle il fut guéri d'une maladie
incurable.

4. Hïftorii, quoque ( die Damafcene ) freditum
eft : cum Ahttgarus 'Edejfs. Rex , eo nomine piSo-
rem mipjfei
, ut domini imuginem expriment j
neque id piStor ob fplendorem ex ipfius vultu ma-
nmtem, confe^ui potuijfet
; Bominum ipfum di~
itiinéi , ac vivifies- factei pâliium admovif-
Ce
; fichue illud ad Ahugaram , ut ipfim cupi-
ditatis fatisfateret omifi^e. S.
Jo. Damafc. de.
Qrthod. fid.
I. 4. C.17. Baronn.Ann Tom i.an 31.

Au

-ocr page 166-

qm ont rdprt au Bepln. rij
■Autems des Apôtres, on vit auffi
des Images de la Sainte Vierge ,
puifque Saint Luc en a fait plu-
fieurs : C'efl Saint Gregoire ^ Pa-
triarche de Conttantinople , qui le
témoigne lorfqu'il écrit à l'Empe-
jreur Léon l'ifaurien.

Teodore 6 le Lecleurj nous a-

5 Saint Gregoire I I. écrivant à Léon Ifaure j
raporce la même Hiftoire , & que de tour l'Orient
on venoit venerer la fainie Image..
Cum Hieret-
folimis ageret Chriftm Abagarus e^ui tum tempo»
ris âominabamr , Kex er^t urb 'ts EdelJenorum,
cum ChriHi miraculé audiviffet EpiBalam [crifjit
nd QhnBam lui mmus fm reffonfum,. facramy
gloriofamque fdiium fuam ad- eum mifit- Itnqm
ad illam non mxnufacinm '-maginem mitte , ne
n/ide : cmgregantur illic erimtis tmb& , ^ orant
é^c.

6. S. Teodore , Scudicedans fon Oraifon , con-
tre- Léon Ilaare Annal.
T. 9- Annal. 814. & dans-
le Concile fécond de Nlcée, la même relation eft
confirmée par Leony Ledeurderf glife de Con-
ftantinople , qui a été témoin de l'honneur que
l'on rendoit de fon tems à-cette Image. Voici Tes
paroles :
Lee religiofijftmus Leiiar m:ign& egre~
giA EccUfia Confla»'.ino^olitan& dixit ^ ego in-
dignus veffer fa,mHlm cum-defcendiffem cum Ke—
giis Apecrifariis in SyriamEdeffem petivi, ^ ve'-
nermdam Imdginem, non faâam hotninum mmii-
Mcrari^ honcrAti 0 papuls vidi
&c.

K

-ocr page 167-

114 Miflotre des Arts
prend encore , que l'Imperatrice
Eudoxie envoia une de ces Images
peintes par Saint Luc à i Pulche-
rie Augufte 3 il s'en voit encore
une aujourd'hui à Rome , faite du
même Saint , que l'on garde foi-
gneufement chez les Religieux de
i>aint Silveftre.

^ Quoique l'Hiflioire du Portrait
de
Jesus-Christ, envoie à
Abagare, & celle du Portrait de la
Vierge peinte par Saint Luc^fufTenc
conteflez de quelques-uns, j'ai cru
pourtant les pouvoir raporter , afin
de prouver l'ancienneté des Ima-
ges , à l'exemple du Concile fécond
de Nicée. Celle des A pôtres s, des
Martirs , & des ConfeiTeurs, ont

7- Lucas vero j quifacrum compofuit "Evange-
îium cum Domini pinxtjfet Imaginem pulcherri"
mum pluris fdciendumpoflerisreli^uit
S.Theod,
Scudir. orat. in Léo Arme.

Theod. Lea. Coliec. L.i.

S. Grégoire I I. dans fou Epître à Leoit
•Ifaure , dit des premiers Créciens qui peigtiircnt
Je Seigneur.
Dom'mam mm viderent frout
mdefmt 'nenientes lîierofolmam fpeSMdum

-ocr page 168-

qui ùHf raport au Dejfàn. 115
auffi été peintes , & fcultées dans
rEglHé naiffancG, Le même Saine
Gregoire noas l'a dit, ainfi que le
Pape Adrien 1. le raporte , lorS'
qu'il écrit à Conftantin, &:à Irenée.
11 afflire que l'on coniervoit à la
Bafilique dti Vatican les
Portraits
de Saint Pierre, & de Saint Paul,
qui font Gcux que Saint Silveftre
montra
à l'Empereur Conftantin
ie Grand, après qu'il eut été con-
verti.

fum fropomntes depmxermt : mm Stephanum-
Froto-Martyrem vidiffent, proM viderant fpeéinK-
dum ipfum propenemes depinxerunt : cumyaco-
bum frtitrem Dommi vidiffent , preut uiderant
fpeBandum ipfum proponentes' depmxeYunt :
uno verbo dicam cum fades bdartyrum j qui fan^
guinem pro Chrifio funderunt, vidiffem i depin-
xerunt.

51. Had. I. epift. ad Conft. & Ireii. Baron. An-
nal. To. j. ann. 314. & T. 5. ana ySy.

10. Conftantin pour embelir fa nouvelle vile fit
■çlever fur toutes ies portes l'Image de la Sainte^
Vierge, fur celle de fon Palais l'Image du Sauveur
<5ue Lcon l'Ifaurien fit ôter. Il fit anfîî ériger an
milieu des places j de belles S.taciics du Sauveur-
du monde , fous la forme du bon Pafteur cd»-
le du Profete Daniel au milieu des Lions.

H. des Icoaocl. de Maiiibours.

K il

-ocr page 169-

llS Hifiôîre des Arts

Cela nous doit faire croire qué-
le culte des Images prit naifTance
dés le cornmencernent de la primi-
tive Eglife, & qu'il s'entretint juf-
qu'au tems de l'Empereur Léon
Ifaure dans l'Orient , ce qui con-
tinua la pratique des Arts du Def-
fein, bien que déchus de leur exce-
lence , mais pourtant moins dimi-
nuez aux Provinces de l'Orient,
qu'à celles de l'Occident.

CHAPITRE VIIL

De la ruine entiere des Arts par la
SeRe de Mahomet aux lieux
de fa domination.

L'Avantage qu'eurent les Arts
du DeiTein , de fe maintenir un
3eu plus dans l'Orient, que dans
.'Occident, ne dura pas long-tems,
car ils foufrirent une entiere perte
en plufieurs Provinces de l'Empire
Grec , par la Seéle de Mahomet>

-ocr page 170-

qîà ont rapori m "Dejîeln, Tl7
qui commença de paraître en l'an
614. Ce faux Profece prit Damas,
& ruïna la Sirie , & cependant fa
Sede miikip.liéedans l'Arabie, FE-
gipte , la Libie, la Barbarie , l'Ef-
pagncjôc mêmes au deçà des Piren-
nées , acheva d'y détruire tous les
Edifices antiques ^ & tous les ou-
vrages de l'Arc du Deffein , qui
s'étoientfauvez du faccagement des
Vifigots 5 & des Vandales.

Mais la plus grande defolation
que firent les Sarrazinsce fut dans
l'Italie i ils dominèrent la Sicile mi
tems confiderable : forent maî-
tres durant trente années , d'une
partie du Roiaume de Naples,prin-

I. Ils prirentauffi vers ces tems-là les Ifles de
Candie, de Cipre , &de RoJes en '6^0. Ce fu-
rent eux qui brifcrent & mirer.r en pieccs ce fa-
meux Coloffc de bronze j fait par Chares l'In-
dien j qui étoit pofé à l'entrée du Port de
Rodes , où les vaifleaux pafToient entre les jam-
bes de
cette grande Statiie, laquelle fut jettée par
terre pat un tremblement de terre Les '■arvazins
l'aiant mis en morceaux les emporteient à Ale-
xandrie, dont ils en chargèrent 900. Chameauxa
& cela Yers l'an é jj. Did. Hiftor,

-ocr page 171-

îif Mifloire des Arts

cipalemcnt depuis ia vile de Regge*
jufqu'à celle de Gaëte. Ces Infidè-
les portèrent encore leurs armes à
Rome j où ils prirent le bourg du
Vatican , & y brûlerent l'Eglife
Saint Pierre^ Saint Paul, fous le
Pontificat de Léon l V. & il s'en
fallut peu qu'ils ne priiTent la vile,.

Dans cet efpace de tems ces
peuples détruifirent tout ce qu'il y
avoit de beau en ces deux Roiau-
mes là i car à Naples , & aux viles
voifines-, on n'y voit que des refies
de belles maifôns , & de beaux
Palais des anciens Romains : ces
Palais bordoient les rivages de la
mer le long de la Côte, depuis le
Cap de MilTene , jufqu'au delà de
Pouzzole î. Les fragmens anti-

1,. Roma îlliiftrata. 9- éf ItnUa illufiratA
di
himdo. p.

J. Pouzzole fut facagée par Alaric , par Gen-
fcric , & par Totila, puis elle fuc redifîée par
les Grecs , le Teatrede Pouzzole avoit 171. piez.
de long, & large de 8 8. Il s'y voit encore les refies
du Temple d'Augufte tout de marbre, édifié par
Çalifuiiiius, doot les pierres faifoient face , oa

-ocr page 172-

qui ont Tdpon au Deffeîn. lî^
ques qui fe voient encore en ces
lieux 5 marquent la fplendeur de ces
bâcimens , puifque rien n'eft fi ad-
mirable que la Pifcine à MilTene f,
qui n'eft qu'un veftige , & des fon-
demens d'un (uperbe Palais : les
reftes de la Vigne de Lucule , des
Bains, de Cicîeron, du
pont ^ de Ca-

parpin > tant par dehors que par dedans , les Co-'
îonnesétoknt grailles d'ordre Corince,& ce Tem-
ple reftauré fert aujourd'hui d'Eglife. Il yavoit
encore en cette vile plufieurs autres Temples An-
tiques ; le plus confiderable étoit celui de Diane,
<lui avoit cent Colonnes d'un admirable ordre Co-
rintien. On voit encore en pic une partie du ma-
gnifique Temple de Neptune , & des fragrnens
d'un Temple de Trajan.

4. Ce lieu aujourd'hui apellé la Pifcine admi-
rable , cft des reftes des Palais que Lucule avoic
fait bâtir au Cap de Mifleue , & ce lieu fouterraiii
fervoit à conferver des eaux douces .pour les
Flotes.

$. Miifeiie, belle vile antique fut ruiné; par les
Sarrazins l'an
^96. Anti.di Pouzz. D. S. M.

Proche de là étoit la vile de Cumes, dont il en
îefte un bel Arc qu'on nomme
VArco-felice, qui
^ft de la belle Architeâure antique. Il fe voit en-
core en ce lieu la Grotedela Sibile Cumée où le
pavé eft enrichi de Peintures antiques à la Mo-
iàïque , de même qu'il y en a à Pr-enefte.

Du P-oït de Tipergole à Baie , Caligula fie

-ocr page 173-

s 10 'Htfioîre des Arts
iigula bâti dans la mer, de l'Am-
fitëatre, da Téatre dePouzzole,
du Temple de Callor?, &dePol-
luxà Naples, & de plafieurs au-
tres ouvrages antiques , qui fai-
foknt les lieux de deliees des Ro-
mains en cette contrée j nous font
regreter la ruïne de tous ces beaux
Edifices.

Un fi grand malheur nous faiîs
regarder cette fauffe Religion com-
me l'un des fléaux, le plus fatal qui
fbit arrivé à rArchiteâiure , à la
Seulture , & à la Peinture , puif-
que l'un des principes de la Sede
Mahometane , eft de ne reprefen-
ter aucune image des choies vi-

bâcir un Pont de brique reveftu de grpflfe pierres
de Traveftiii , qui aloit de là à Baie. Ce Ponc
fervoit auflî pour !a feurecé' du Port , en rom-
paot les grofles vagues de la mer , il eo refte en-
core treize grofl'es piles. Suetone raporte lés rai-
fons pourquoi cet Empereur fit faire cette mer-
veilleufe fabrique.

7. 11 fe voit encore à Naple le portique de ce
Temple , lequel a été mefuré & gravé par André
PaIiadio> , •

vantes

-ocr page 174-

qui ont raponau 'Deffeîn. lit
vantes : &: alors cela caufa dans
tous les païs que conquirent les
Turcs , non feulement la deca-
dence des Arts du defTein , mais
même leur generale deftrudion.

CHAPITRE IX.

''■■J^u ton que foufrirent ia Peinture i,.

C^ la Sculture far les Icçnoçlajies.

DAns le refte de l'Empire de
Conftantinople , cent ans a-
prés Mahomet , les Iconoclaftes
s'armerenc auffi pour brifer les
Images : ce qui ne fe put faire
fans une notable perte de la Pein-
ture , & de la S culture , en tous
les lieux de cet Empire.

Léon rifaurien, de la plus vile
iiaifTance parvenu à l'Empire félon
la predidion que lui en avoient
fait deux Juifs , voulut leur en té-
moigner fa reconnoilTance en leur
accordant de détruire les Images

-ocr page 175-

^Hijîoire des Arts
dans toute fa domination. Cel^
donna le commencement à l'He-
refie des Iconoclafles, dont il de-
vint le Chef : car aulTi-tôt qu'il
crut être afles afermi fur fon trô-
ne , il fit éclater fa fureur contre
les Catoliques, par les Edits , &
par fa violence. Ce qui parut par-
ticulièrement quand il fit metre le
feu au fameux Collège ^ de l'Or^

I Ce Collège,ou pluftôt cette Academie (parce
qu'on y aprenoic tootes fortes de ficnces, divi-»
nés , & humaines ) étoit un magnifique Palais j
bâti par le Grand Conftantin ; on choifîlToit le
plus favant de tout l'Empire, pour en être le
Maître Occumenique , ou le Dire£lcur. C'eft-là
où l'on voioit la fameufe Eiblioteque qui conte-
noit fix cens mille Volumes très recherchez ^
mais qui périrent en partie par le feu , au tems
de Bafilicus & de Zenon. De ceux que l'on fau-
va étoit la peau de Dragon de fix-vingt piez de
long , où étoit écrit en lettres d'or les Oeuvres
d'Homere. On remarque que dans cet embrafe-
mctu , plufieurs Antiques, entr'autres la Venus
de Praxiteles faite pour ks Gnidiens , y furent
brillez. Mais après que cette Eiblioteque fut ré-
parée 5 & remplie de trois Cens mille Volumes >
elle fut entièrement confumée par le feu qu'y ftc
metre Leou i'Ifaurien. Cedren. Zpnar. Conftaat'
Manair,

-ocr page 176-

qui ont rapon au DeJIeîn. 12.5
Codoxie , pour y faire brûler Iq
Maître
OecLimenique, & les douzq
Profeffeurs,
à caufe qu'ils l'avoient:
répris de fon Erreur : tous ces
Généreux Défenfeurs de la foi y
furent confumez , avec tout ce
qu'il y avoit de plus precieux dans
cette floriffante Academie , où
ctoit la plus belle Biblioteque dq
l'Orient.

Il fit encore éfacer aux Eglifes
les Peintures , <jui écoient fur les
murs , & celles qui fe pouvoient
oter, foit de Tableaux, & de Sta-
tues , il donna ordre de les jetter
fur -la grande place de Conjflanti-
nople, où ils furent brûlées avec
ceux qu'on put enlever des mai-
fons particulières.

Conftantin Copronime ^ , fîls de
Léon , lui fucceda à l'Empire, Se
a la haine qu'il portoit aux Ima-

y. Il fu *ainfi nomme pour avoir profané l'E-
gUfe où on le batifoit en y faifant fon ordurq
Hift. Iconocl.

Lij

-ocr page 177-

Î24 Mîjïotre des Arts
gcs : car ce fut ce Conftantin, quï
iit hacher les admirables Peintures
de Mofaïques de 'l'Eglife Nôtre-
Dame, diï Palais des Blaquernes ,
que rimperatrice Pulcherie y ar
voit fait faire , que Léon même
avoit épargnées, éc ^n leur place
cet Erripefeur , ordonna qu'on y
peignit', & fur un nouvel enduit,
des païfages des oyfeaux. On
aracha , & on éfaça tout ce qui
reftoit d'Images Tur les Autels , &
fur les murailles des Eglifes , &
même fur les vafes , & les orne-?
mens facrez.

Nicetas le faux Patriarche, pour
plaire à ce Prince fit auiîî rompre
dans fa petite Sale d'Audience, les
belles peintures à la Mofaïque, ôc
le magnifique Lambris, enrichi de
bas-reliefs , qui regnoit le long
du grand Auditoire de fon Palais »
ôç il voulut qu'on enduisît toutes
les murailles des Eglifes , où l'on
avoit peint des Imagjss, afiji qu'oa

-ocr page 178-

qui ont rafon au Dessin. i^f
lie put pas dire qu'il eut laiffé le
moindre veftige d'aucunes Images
dans le Palais Patriarcal, comme
l'avoient faic Tes deux predecef-,
feurs.

Après Conflantin Coproninie
fon fils Léon , continua à détruire
les Images , pendant cinq, années
cp'il régna : mais fous celui de
Conflantin , & d'Irenée fa merç
elles furent rétablies.

Mais enfoite Nicefore après avoir
détrôné cette PrincelTe perfecuta
les Catholiques, à la maniéré de
fes predeceifeurs.

L'Empereur Michel Curopola-
te , rétablit la Religion , remit
les Images, pour un peu de temsj
car il fut dépolTedé par Léon l'Ar-
ménien , qui étoit Iconoclafte ,
qui fit éfacer , abatre , & jetter
dans la mer , & dans le feu toutes
les Images qui avoient été réta-
blies. Michel le Begue fon fils con-
tinua en la même erreur. Mais

-ocr page 179-

liC 'Uifioire des Arts
(Teofîle qui fucceda à cederniei' ,
fat encore le plus grand ennemi
des Images , & de la Peinture :
car il ne fe contenta point d'ôter
celles qui étoient échapées à la fu-
reur de ces Empereurs, qui ne
fervoient que d'ornement j il vou-
lut encore fe declarer le criiel per-
iecuteur de tous les Peintres, leur
défendant d'exercer leur Art.

Cette défenfe fe fît particulière-
ment au Glorieux Moine Laza-
re , qui ètoit tres-habile Peintre
lequel toutefois ne cefla pas de;
peindre des Tableaux de dévo-
tion : Teofile irrité de cela lui fit
foufrir de grans tourmens, dont il
revint, & comme il continùoit fon
îieux exercice , cet Empereur qui
ui avoit fait apliquer aux mains
des lames ardentes , pour lui en
brûler les chairs , creut que La-
zare après ce martire ne pouroit
peindre , qu'il pouvoit î'ans di-
lîculté accorder cet habile homme

-ocr page 180-

qui ont rapbn aùDeffein. I17
aux prières de TImpératrice Teo-
dora , qui le lui demandoit. Laza-
re néanmoins guérie d'un iî cruel
tourment , & tout caché qu'il fut
dans l'Eglife de faint Jean Batiflc,
il ne laiffa pas d'emploier fes mains
brûlées à en faire l'Image.

Ce bien-heureux Lazare furvê-
quit Teofile 5 & après la mort de
ee Prince , Lazare peignit encore
excelemment l'Image du Sauveur,
qui fut mife fur la principale porte
du Palais Impérial qu^on nommoit
la porte d'Airain , à la .place de
<^élle que Léon l'Arménien en
avoit fait ôter.

î Cette Image du Sauvèar fut mifc par Conf-
tàntin fur la porte de ion Palais, où il y avoit en
entrant un veftibule couvert de tailles de bronze,
Ge qui lui donna le nom de la porte d'airain,
cette Image fut rompue par Léon l'Ilaurien,
puis refaite fous Coaftantin , & Irenée , puis de-
rechef abatuë par Nicefore, & remife par Mi-
chel Curopolate , & en dernier lieu ôtce par
Lcon l'Arménien , & enfin refaite par faint La-
zare après la mort de Teofile le dernier Empe-
rear Icononoclafte , ce faint Lazare étoit Moi-
t'c >& peintre ,
& il ne peignit que des Images

L liij.

-ocr page 181-

mfioîre des Arts

Parla l'on peut juger que ce fo-
rent les Iconockftes qui ruinerene
ce qu'il y avoit de Peinture , & de
^culture dans les Eglifes de la Gre-
ce , ce qui acheva d'abaiffer les
Arts du DelTein , qui demeure-
rent en- cet état, jufqu'à la chute
entière de l'Empire des Grecs. La
fervitude où ils. fe trouvèrent en-
fuite, ne leur donna pas lieu de
relever ces Arts, mais feulement
de continuer dans leurs Eglifes le
culte des Images , peintes d'un
mauvais goût, de la maniéré 4 Grp-
que, non antique.

jufqu'à la fin de fa vie. Cedrea. Curopal.

4. Cette maniéré que Ics'Italiens ont appelle
îa vieille noaniere Greque non antique , a tou-
jours régné dans l'Orient depuis le déclin des
Arts , & qu'ils furent tombez. Elle paroîc à Ve-
sifc dans l'Eglile faint Marc, en laquelle le Doge
ricrre Orfeole , fit trouver des meilleurs Archi-
tcdes de Grece l'an 597.pour larétablir^commc
•en la voit à prefent, où on n'y voit aucune tra-
ce de bsllc Architecture , ny de beauté aux pein-
tures de Mofaique , qu'on y fit alors. Il n'y ea
a pas auflî davantage aux peintures de cette forte.-
Jà, qui y furent encore ayant ce tcms-là à la tri,-

-ocr page 182-

qui ont rapori au HJeffein,

biine de la Chapelle du Chœur du Sauveur qui
ccoft Tan SiS-
Riofti , delle maravigUe deirar"
te, f. 11.

Pour éclairdr davantage ce que l'on doit en-
tendre par la vieille niaaiere Greque non Antique,
e'eft que l'on entend par le mot d'Antique toas
les Ouvrages du Deflein qui ont été faits devant
l'Empereur Conftantin, tant enGrece , qu'en Ita-
lie , & aux autres païs où floriffoient les Arts.
Ainfi routes les Statues que nous avons de ces
tems-là font de la maniéré Antique. "

Et pour la vieille manieie Greque j c'eft ce qUi
a été fait depuis faint Silveftrepar certains Grecr
en Italie, jufqu'à l'an ixoo. Car en tous leurs
Ouvrages, tant de Peinture, que de S culture oa
n'y voit rien de bon , au contraire ils partent
d'un deflein monftrueux de même que les Ou-
vrages qui font aux Eglifes en deçà les Moncj
qu'on appelle Gotiques , ainfî la vieille manière
Greque- non antique , & la Gotique eft la mênre
chofe > étant l'une aufli mauvaife que l'autre. Eï
en toute l'Europe ces deux maniérés de travaille?
ont continué jufqu'au tems que les habiles ont
trayaillé les uns à l'cnvi des autres à découvririez
beautez de l'Art & à les faire renaître , comme-
il fc verra dans le troifiéme Livre.

-ocr page 183-

Î30 Hifioire àes Arti

CHAPITRE X.

Xa domination des Gots en Italie j
y entrhint la maùvaife maniéré.

Prés que les Ans du DefTein
.eurent été abatus à Rome, au
tems du bas Empire , par tous
ies funeftes accidens qui arrivèrent
depuis à cette iiluftre vile j ils eu-
rent encore la même difgrace dans
ies Provinces d'Italie , où les Gots
& les autres Nations barbares dé-
truifirent les plus beaux Edifices
Romains j dont il ne refte plus que
de fameux veftiges.

Teodorie l'un de leurs Rois j
aiant établi le fiege de Ton Roiau-
me à Ravenne 5 Ton Regne fut long>
glorieux pacifique j mais com-•
me il aimoit avec paffion les bâti-
mens , il s'apliqua dans fa Capita-
le , à Rome , & dans les princi-
pales places de la Romagne j & de-

-ocr page 184-

quidntraportauBeJfein, 131
la Lombardie à conftraire plufieurs
Palais , & plufieurs Eglifes, qu'on
y voit encore , tout cela d'un mau-
vais goût, éloigné des bons prin-
cipes , & des belles réglés antiques.
Car ces bâtimens font tous dans la
maniéré Gotique qui s'étoit répan-
due par toute l'Italie , & en plu-
fieurs autres endroits de l'Europe^
Les Architedes Gotiques s'ata-
choient principalement à embelir
leurs ouvrages d'ornemens capri-
cieux , qui fe voient aux Chapi-
teaux de leurs Colonnes : ils or-
îioient leurs ouvrages d'une mul-
tiplicité de petits membres déli-
cats , de plufieurs filets qui re-
femblent à des oziersqui font
tout-à-fait opofez à la bonne Ar-
chitecture antique : ce goût Goti-
que fe voit encore aujourd'hui aux,
Eglifes de Ravenne & d'autres lieu x
que fit bâtir Teodoric i. Et les

Le Roi Teodoric fît bâtir des Palais à Ra--
vcHnç j à Pavie & à Modene d'une œaniexe

-ocr page 185-

lyï Hifioire des Arts
Ouvriers de ce tems-là ne cEe#-'
choient dans ces bâcimens qu afai-
fe paroître de la naagnificence par
des fabriques extraordinaires.

Cela fe remarque à l'Eglife de
Sainte Marie Rotonde prés de cet-
te vile : la voûte de cet Edifice efl:
d'une feule pierre qui en fait la cou-
pole 5 qui a- trente ^ piez de dia?-
metre, cela donne de l'admiration
à ceux qui ne redierchent la beau-
té de l'A rchîtetture ni dans le Def-
fein, ni dans les belles proportions;
Cette Eglife fut bâtie par la Reine
Amalafonte fille de Tcodoric, pour
férvir de fepulture à ce Prince.

bare lerquek étoient plutôt riches & grans , qtse
tien entendus dans l'Architedure. On peut dire
la même chofe de l'Egiife de faint Etienne de Ri- '
mini, de celle de faint Martin de Ravenne
, 3c
du Temple de faint Jean édifié dans la même vile
vers l'an 438, par
Galla Plaeidia dans la iflême
vile î'Egliliï de
Si "VitalFat bâtîc en 547.1a Reine
Teodolinde, fit faire un Templede faint Tean Ba-
rifteà Monza , où elle fit peindre l'Hiftoirè des
Lombards, fa filie la Reine Gundiperge en fit bâ-
dr aulTl à Pavie,elles font toutes du goût Goticjuc.

1. i'Autetir en patie avec çeïtitudc, l'àiaflt
^efuiée lui-même.

-ocr page 186-

^ui ont raprt au 135

CHAPITRE XI.

I)u tems des Lombards le gout Goti^
^ue fut continué en Italie^ ^ eu
flujïeurs autres lieu>^ de Europe.

La maniéré Gotique dans les
Arts fut continuée en Italie
âprés les Gots, par les Lombards,
qui les en ehafferent, & qui y do-
minèrent deux cens dix-huit ans.
Elle paroît non feulement aux E-
glifes de Pavie , de Milan , de
BrefTe, & à d'autres Bâtimens con-
truits par Luitprand, & leurs au-
tres-^ Rois j mais encore dans tous
les Temples que nous avons en

ï. Luitprand édifia à Pavie l'Eglife faint ?iene
il ciel damo.
Didier qui régna après Aftolfe ,
fie conftrairc l'Eglife S. Pierre
CUvate au Dio-
ccfe de Milan , celle de faint Vincent/dans la
Ville j & celle de faince Juhe à Brefle, tous ce?
Edifices fiirent d'une grande dépenfe , mais d'un
méchant goat^
Si d'une maniéré «Jefordoanée.
Vafari p. 77/

-ocr page 187-

Î34 Hifiolre des Ans
France qui ont été^bâtis vers ce
temps-là. *

Car après que les François fe fu-
rent emparez des Gaules fur les
Romains, ils en bannirent les Arts
du DefTein, qui fuivoient leurs an-
ciennes Colonies, ce qui fut caufe
<jue les ouvriers François n'éleve-
rent plus leurs idées aux excelens
Bâtimens antiques, comme à ceux
qui font, & qui étoient à Orange,
à Autun , à Nifmes, à Saint Remi,
Bordeaux , & aux autres lieux,
où les Romains avoient fait fleurir
la bonne Architedure.

Mais bien loin de cela les Arti-
fans François oublièrent , & a-
néantirent le bon goût, les bel-
les réglés de l'Architedure anti-
que : De forte que la maniéré qui
depuis fut apellée Gotique s'em-
braifa de toutes les Nations de
l'Occident.

C'eft pourquoi l'Egîife de faint
Pierre & faint Paul bâtie à Paris,

-ocr page 188-

qui ont rapart au Dejfein. j 35
spar Clovis premier-Roi Crêtien,5
& nommée aujourd'huifainte Ge-
nevieve, eft de cette maniéré Go-
tique, parce qu'elle eft toute oppo-
féeaux réglés de la belle Architec-
ture : On remarque auffi ce mé-
chant gout à rHglire faint Ger-
niain - des - Prez , conllruite , par
Childebert fils de ce Roi, l'on y
obrerve le mauvais état où étoit
alors le DelTein, la Sculture qui
^e voit aux chapiteaux & à qua-
tre bas-reliefs du Chœur de cette
Eglife, & aux figures de Ton Por-
tique : car toutes ces (cultures-la
font faites fans Deffein , fans goûtj
& fans Art.

L'on doit faire le même juge-
ment de la Peinture que de la
Sculture de ces tems-U, puifquc
quand le DeCein manqua dans la
^culture, il ne fut pas plus excellent
dans la peinture 0 Nous en avons
tine preuve à l'Egife S. Martin de
Tours. On y voie à la voûte de la

-ocr page 189-

136^ Mifioire des Arts

grande Nef un Crucifix de peinture
qui n'efl pas de meilleur Defl'ein
que la Sculture qui eften ce même
Temple,parce que ce Bâtiment eft
des anciennes maniérés Gotiques.

Sous le R-egne de Dagoberc
rEglife faint Denis en France fut
conftruite, elle eû du même goût
que ces*Batimens i bien que faite
avec foin & propreté. Ce Prince
remplit de femblables Eglifes, l'Al-
face , & plufieurs autres Provinces
d'Alemagne, où il porta fes Con-
quêtes , où il laiflà des marques
de fa pieté par les Abbaïcs qu'il y
fonda.

CHAP.

-ocr page 190-

eiui ont rdport auJDeJfein. i^j,

CHAPITRE XII.

T>u tems de Chdrlemagne , le bon goàl?
de bâtir fut moins altéré en Tofcane^
quaûx autres Fais.

CEtte mauvaife maniéré de bâ-
tir continua durant toute la
premiere la feeonde race de nos
Hois, corne le prouvent les-Eglifes
que Charlemagne fit conftruire en
plufieurs Viles de fon Empire lef-
quelles font toutes dans ce même
goût.

Ce grand Empereur après avoir
été couronné à R.ome, & réglé les
afFaires publiques & particulières
de la Vile , & celles du Pape mêi-;
me 5 & de l'Eglife, pour le tempo «
rel j il vifita les Viles d'Italie, 6c
voulut iailTer encore des marques
de fes biens-faits à Florence, puif-
qu'il y fit faire l'Eglife des Apô-
sres ^mais d'unç meilleure manière

U

-ocr page 191-

13 B Hifloire des Arts
que toutes celles qui avoient été
bâtie avant le Regne de ce glo-
rieux Prince, que les autfes qui
furent faites depuis la chute de
l'Architecture , jufqu'à la renaif-
fance des Arts du DelTein : car les
futs des Colonnes, les Chapiteaux,
& les Arcs des petites Nefs y font
conduits avec beaucoup de grâce,
& de belles mefures : ce Temple a
toûjoursétéeftimé par les Archi-
tectes d'une beauté finguliere^puif-
que Ser-brunelefchi l'un des plus,
fameux de cet Art crut qu'il luy
étoit glorieux de prendre ce beau
Temple , pour modèle dans les
Eglifes du Saint Efprit, & defaint
Laurent , de Florence, qui font de.
fon DefTein..

Dans cette Eglife des Apôtres ,.,
on lit au côté du grand Autel la
fondation, gravée fur un marbre
en ces termes. L'an huit cent cinq
le fixiéme d'Avril Charles Roi des
François à fon
retour de Rome.-^,

-ocr page 192-

qui ont ràport au Beffein. 135
entra dans Florence. Il y fut re~
ceu avec beaucoup de joie, &: gra-
tifia les Bourgeois de plufieurs
chaînes d'or. On voit encore à
TAutel de ce bâtiment une lame
de cuivre, où. eft écrit cette fon-
dation , ôc la confecration qu'en
fit l'Archevêque Turpin , enpre-
fencc de Roland, d'Olivier.

vu. DIE VI. AFRILIS m refurreStione
DOMINI KAROLVS Iritncorum rex k Rms
revertens , ingrejfus Florenùam cfem
magno gaudio , éf trifudio fucepus,
tivium copiam torqueis aureis décoravit,
"ECCLESlA fariitarum Apofiolorum i»
altari inclufa eft lamina flumbeA
in qu» dejcript a afparet pr^fat»'
Toadatio , ^ confecratio faSld fer
ARCHIEPISCOPVM TVRPIKVM, teftihus
S^oLANDo VLIVERIO, Vafari pro'èmio ddk
vite.

M ij

-ocr page 193-

Hifiolre des Arts

CHAPITRE XIII.

Refie xi on fur la chute des Arts ^
du Dejfsin , fur la ?naniere
Gotique,

m

La manière Gotique continua
après Cliarlemagne, durant la
fécondé race de nos Rois j & fous
Içs Régnés de la plus-part de ceux
de la troifieme j il n'y a point en
fous ces derniers Princes de chan-
gement , ni dans l'Architedure ^
ni dans la Sculture, c'eft pourquoi
nous ne voions rien de grand ni
de bien ordonné en leurs Palais:
cela ce voit dans celui da Roi
Pvobert à faint Martin , & celui
de faint Loiiis au Palais de Paris,,
fa demeure ordinaire. Ces bâti-
niens n'ont rien que du Gotique,
êc qui ne fe fente de l'abaillement
des beaux Arts. Ce méchant goût
«'eiitretint
après ce R,oi : & oa

-ocr page 194-

qui mt raport du I>effein. i^r
aperçoit cette mauvaife maniéré à
ISôtre Dame de Paris , que Tes
facceiTeurs firent achever.

Toute la beauté de cette Eglifg
Gonfiile en-une vafte grandeur &
un beau plan , en d'extraordinai-
res Rofes vitrales, &; d'ingenieufes
Coupes de pierres, & pour faire
des membres délicats d'Architec-
ture , qui pourtant foûtiennent de
gros poids. Néanmoins le bel or-
dre d'Architedure , & de la bonne
Sculture ne s'y trouvent point,elk
y font entièrement d'un goût Go-
tique qui a été fuivi en Francs
jufqu'au Regne de Louis douzième.

Par tout ce qjLi'on vient de dire
en ce Livre on doit conclure que
les Arts, du Deffein tombèrent fî-
tôt que les Princes du bas JEmpire
lie les aimèrent plus,&; qu'ils en né-
gligèrent la proteclion,cette négli-
gence commença la ruine des Arts,
^ s'augmenta durant les guerres
Civiles ,, par les-faccagemens de

-ocr page 195-

^ JÊjJféire des Arts
Rome, & la defolation des Prôvîn-
ces de fon Empire, Les Iniideles 5
les Heretiques contribuèrent
auffi beaucoup à ce mal-heur , en
îlufieurs lieux , & même jufqu'à
'aneanciflement do ces illuftres
profeffions.

Mais pour que ià reflexion que
Ibn peut faii^ lur^ la chute de ces
Arts jfoit utile à ceux qui apren-
nent le DefTein, il efl: neceflaire
de connoitre en quoi confifte la
mauvaife"^ maniéré qui s'étoit in-
troduite au tems de leur déclin,
afin de l'éviter & de n'y pas re-
tomber. -

L'on remarque premièrement aux
ouvrages Gotiques , que ce qu'ils
eurent de mauvais, c'efl que ceux
qui les travailloient ignoroient la
regle des belles proportions de la
figure humaine , qui'eft le fonde-
ment folide. de l'excelent Deirein,
puifque toutes leurs Statues font
difproportionnées» Car la plus-

-ocr page 196-

qui ont raport auDeffein. 1433
part ont des têtes trop grofles ou
trop petites , les mains & les ex-
treniicez trop maigres , ôC trop me-
nues , leurs Attitudes (ont fans au-
cun choix, fans intention, ôc Tans
expreffion. De même dans les
temens de leurs figures, on voit des-
draperies taillez en tuiaux , oœ
il n'y a nuls plis naturels , enfin
leurs ouvrages n'ont nule compo-
fîtion d'Hiftoires qui puifTe attirer;
la veiie, & l'apliquation des gens
defprit,:

Ce font ces défauts qu'on doit
éviter pour ne point donner aux
Bleves de mauvais principes du?
DefTein : & on doit au contraire
les apliquer d'abord à l'étude de
la jufte proportion des antiques s
car cette proportion produit la
beauté.

Ils doivent étudier de bonne:
lieure la Geometrie, la Perfpec-
tivcj avec les Atitudes qui expri-
^^eiit natureiement les actions di-

-ocr page 197-

1-44 Mïfiffiye des Arts
fereiites du corps, & les paffions-
de lame. 11 faut qu'ils foientfoi-
gneux de bien aprendre l'Aiiato-
mie 5 afin de connoitre tous les
inouvemens des Mufcles , ob-
ferver leurs j-Liftes contours^.

Ce font là les moiens qu'on doit
fuivre pour entrer dans les vérita-
bles principes de la beauté, du
fouverain dégré de l'Art : carc'eft
ee qui y a fait entrer les habiles
Peintres, les excelens Sculteurs ,
& les fameux Architedes moder-
nes 5 à qui nous avons l'obligation
du retabliiTement de la Peinture ,
delà Sculture &de rArcIiitedure:
ce qui fera le fujet du troifiéme
Livre de cette Hilloire,.

-ocr page 198-

DU RETABLISSEMENT

DES ARTS
DU DESSEIN.

LIVRE TROISIE'ME,

CHAPITRE PREMIER.

Les Arù commencèrent à renaître en
Tofcane , par l'ArchiteBure,
é' Sculture.

P R E'S avoir fait voir
au fécond Livre de cette
Hiftoire'les caufes qui
firent decliner,ôc tomber
M Peinture , la Sculture, &: TAr-

N

-ocr page 199-

Hipotre des Am
chitedure dans les mauvaifes ma-
niérés , & forcir de l'excelence où
elles étoient montées chez les
anciens Grecs Se Romains : nous
verrons dans ce troifîéme Livre
corne ces beaux Arts fortirent peu
à peu du goût Gotique*, & contis-
iiiierent à fe rétablir depuis l'an
1013. .jufqu'à la fin de
1500. qu'ils
reprirent leur premiere perfedion,
qu'ils paflerent d'Italie en
pkîfieurs autres endroits , ôc par-
ticulièrement en France , à la
faveur de l'heureux apui qu'ils
y trouvèrent fous nos Rois Fran-
çois premier, Henri quatrième, 8>C
Loiiis le Grand, qui met aujour-
d'hui une partie de fa Gloire à
faire fleurir tous les Arts qui ont
raport au DefTein.

Ces Arts du Deflein commen-
cèrent de renaître en Tofcane,
avant que d'être connus aux autres
Païs. Car comme les Tolcans au
tems des Antiques , furent les prc-

-ocr page 200-

qui ont raport au Bejjein. î^f
4îiiers à les exercer, ils eurent auffi
l'avantage d'être en Italie les pre-
miers à les relever de l'abaiiTement
où ils étoient, Ainfi l'an mile
treize, on€ommença de foir à Flo-
rence dans r Architedurc, un meil-
leur goût que celui des Bâtimens
de la maniéré Gotique : puifqu'i
l'Eglife faint Miniace conflruite
en ce tems-là ©n obferve que l'Ar-
chitecle s'éforça de fortir du tra-
vail barbare , & d'imiter en tou-
tes les parties de cet ouvrage , la
maniéré des Antiques.

Depuis cet heureux commence-
ment , les Arts du Deflein fe per-
fedionnerent fans celTe en Tofca-
ne : & les Pifans fondèrent l'an
mile feize , le Bâtiment de leur
grande Eglife, qu'on apele le Dô-
me de Pife : le commerce qu'ils
avoient fur mer , & particulière-
ment en Grece, fut un moien fa-
vorable pour fervir au retablilTe- .
ment de l'Arcliitedure , ôc de h

N ij

-ocr page 201-

14S mjkire des Arts
Seul cure, parce qu'ils raporterene
de ce Païs-là piufieurs Colonnes,
& plufieurs fragmens d'Architec-
ture antique de marbre , qu'ils fi-
rent utilement fervir à la fabrique
de ce Temple.

Ils atirerent par ce moien plufieurs
Sculreurs en Italie , &: même des
Peintres Grecs, quine trayailloienc
que dans leurs vieilles maniérés :
parce que n'ufant en leurs pein-
tures , que de fimples contours
qu'ils remplifi^oient d'égales tein-
tes fans oblervation de ciairoWcur,
leurs ouvrages étoient fans beau-
coup d'Art , cepexidant ce peu
d'Art aprit aux Italiens la pratique
de la peinture à détrempe 3 à frefr
que , & à la Mofaïque..

Mais entre tous ces Artilles
Grecs, les Pifans furent afiTez for-
tunez , pour rencontrer l'Archi-
tecle Bouchet i de
Dulichium ,

I. L'Architcéte Bouchet appelle par Vafari,
Sfffcketto Hoit Grec de Dulichieifle, il donna
aa

-ocr page 202-

qui ont rapon au BeJJein. 149
plus habile de fon teiiis. 11 le fit
voir en effet dans la Catedrale de
Pife : parce qu'outre la grandeur
& le beau plan qu'il donna à cette
Eglife, il fe fervit avec beaucoup
d'efprit de ces morceaux d'Archi-
ted:ure Greque antique , pour €n
compofer la Tienne, & ce font ces
mêmes fragmens que les Pifans a-
voient fait venir de Grece.

Ce fameux Bâtiment reveilla par
toute ^ l'Italie, & particulièrement
en Tofcane, ceux qui avoient du

Plan <3e la Grande Eglife de Pife,ciiiq Nefs j cetta
Egl-fe eft revctii'c de Marbre blanc 5c noir ; il fut
eiiteiré en ce lieu, dans une honorable Sépultu-
re , où il y
a trois Epitafes, dont en Yoici une.

^lued vix mille houm fojfem juga junSa move-
t-t quod vix patuit fer mure ferre ratïs , [re,
Bufchetti nifu, quod erat mirahiU viftt >
Dena puellarum levavit onus.

Cet Architefte pofTcdoit prefque routes les par-
ties de rArchitefture , & particulièrement la
mecaniqueicomme le prouve l'Epitaphe ci-de(fus,
aiant conftruii: une Machine par le moien d; la-
quelle, dix femmes : levoient ce que mille couples
de bœufs n'auroient pu ébranler.
4. En plufieurs VUcî d'Italie on fit de grandes

Nil)

-ocr page 203-

150 Htfioîre des Arts
génie pour le DeiTein, &:'du talent
pour les grandes chofes, Ge fut
dans la même vile de Pife que les
éleves de ces ouvriers Grecs, fi-
jent l'Eglife î faint Jean : ils en
bâtirent auffi d'autres à Luques 4 ,

quelques-unes à Pilloie, mais ils
ne l'emportèrent pas fur leurs

Tabriques , à Ravennc en iiji- il Buono Scul-

«ur & Architcjïle y bâtit quantité de Palais & \

& d'Eglifes. Il fonda à Naplcs les Châteaux de i

Caftel Capûano , aujourd'hui de la Vicairic , ôc P

C afi el delliievo,&c a.YcaiCe le clocher de S. Marc.

^u'il fonda fi bien , par des pilotis que ce grand

idificc n'a aucunement manque depuis tant d«

A P'ifc l'an 1174. un nomme Guillaume,
Gltramontano avec Bmnmo Sculteur , fondèrent
le Clocher du Dôme . ces Architedes n'aiant pas
la pratique de piloter , ce Clocher s'abaiiTa d'un
côte j où il penche ,
Se à caufe de fon vuide Sc
qu'il eft rond, cela l'empêche de tomber. La porte '

Roiale de bronze de cette Catedrale fut faite par
czBonnuno, '5

L'an mil foixante , devant & proche cette ;

grande Eglife , fut conftruite celle de S. Jean , a;

& on trouve dans des Mémoires que les Colonnesj
les pilaftres & la voûte furent drcflez en quinze
jours, Vafari. p-ys»*

4. L'Eglife de Taint Martin à Lnques fut bâtie ;

pr des Eleves de Bûchette en 1061,

-ocr page 204-

qui ont raport au DeJJein. i^i
Maîtres : il refta toujours de leurs
■<?ieillc maniéré Greque , principa-
lement dans la S culture, comme
on le voit aux bas-Reliefs de faint
Martin de Luques, achevez par
Nicolas î Pifan , qui avoit apris de
ces Artiftes Grecs, mais il lesfur-
pafla puifqu'il y a de la différence
de Ton ouvrage à celui des autres.

Nicolas eft le premier Sculteur,
qui ait commencé de perfedion-
ner la Sculture à fa renaifTance,
car pour furpafler ceux qui la lui
avoient montrée, il fe mit à étudier
les beaux bas-Reliefs antiques,que
les Pifans avoient fait venir de
Grèce : 6c qui étoient ceux que
l'on voit au Cimetiere de Pife. Ils
font du bon ^oût & de la belle an-
tiquité , particulièrement celuy qui
réprefente la ChalTe d'Atalantc ,
& de Meleagre.

L'étude que Nicolas fît de ces
bas-Reliefs lui fournit des lumières

5. Ces bas Reliefs furent achevez l'an xîj j.

N iiij

-ocr page 205-

152 Hifiom des Arts
?our s'avancer heureufement dans
a Sculture : & il le fît connoître
|)ar laSepulture de {aintDominique
a Bologne , & par fes autres ouvra-
ges. Cela nous marque que cet
Art commençoit alors ainfi que
l'Achitedure de fe perfedionnef
àPife, à Bologne, à Kome, ^ à
Plorence , ce qui paroît dans la
beauté de la Cathédrale de fainte
Marie
Delfiore qu'Arnolfe Lapo,
commença, de bâtir en 1198; qus
pilipe Brunelefchi acheva enfuite.

4. VersTan parut Marckionc Architedtc
ic Sculteur d'Arreze , qui travailla beaucoup à
Rome pour les Papes Innocent III. Se Honoré
III. qui lui fie faire la belle Chapelle de marbre
du
Pre(epio , à fainte Marie Majeure , avec la
Sépulture de ce Pape , qui eft de la meilleure
«Sculture qui fe foit faite de ces temp-làjmais ce-
lui des Architedes qui commença a bien faire en
Italie ce fut un Alemand nommé Maître Jacques
qui bâtit le g.Eand Couvent de faint François
d'Affife , il s'abitua à Florence où il fit les prin-
cipales Fabriques , il eut un fils appelé par cor-
ruption du nom de
fuco^o , Arnolfo Lapo , qui
apprit de fon pere. l'Architedure , & le Deflein
de CimaboLie , pour fe pratiquer auffi dans la
Sculture. Il fonda l'Eglife de 4inte Croix àFici-

-ocr page 206-

qui ont raport du Tiejfein. 153

tenCe , & plufieurs autres Bâtimens dont le plus
eonfiderable eli la magnifique Eglife de fainte
Marie
Delfiore dont il fit le DelTein, & le Modele,
il mourut en iioo. on a gravé à fa louange à
un des Angles de l'Êglifeces Vers ici-

Annus millenis centum bis oBo nogtnts
Venit legams K orna bonitate Benatm ,
§lui lapidem fixit fundv y fimul é' beneiixîf,
Pr&fule Irancifco gefiante fmtificatum
Iftud ab Arnolfho Templum fuit Adificaturm
Hoc opus infigne decorans Tlorentia digne.
ReginA C&li confirtixit mente fideli ,
G^HAm Virgopia, femper defende Maria,

CHAPITRE II.

Quand la Peinture commenta de fi
rétablir â Florence,

La Peinture qui étoit prefque
perdue, commença à repren-
dre quelque chofè de la bonne ma-
niéré , dans l'Eglife faint Miniate
de Florence , come on l'aperçoit
aux Peintures de Mofaïque, de la
Chapelle du Chœur : cela fe fît
vers l'an mile treize , & jufqu'en
l'an mile deux cens onze , que Ci'-
maboiie prit naifTance, l'on ne voie

-ocr page 207-

Hifioirè des Aris
point que cet Art fe foitperfèc-^
tionné.

Jean Cimaboue naquit à Floren-
ce avec une inclination jnaturellc-
pour le DeiTein, ce qui l'obligea
cle négliger les Letres , où ïbn
^ere le portoit : car il trompoit-
îès llegens , & s'amufoit prefque
tout le jour à fatisfaire au pen--
chant que fon genie lui donnoit,
L'occafion qu'il eut de deux Pein-
tres Grecs j que l'on avo-it fait ve-
nir à Florence pour peindre la
Chapelle des Gondis, lui fut très-
favorable-j. afin de fatisfaire fa bel-
le inclination : mais parce qu'il
metoit tout fon tems à les voir
travailler, cela fit juger à fon pere,
que fon fils ne reuffiroit pas dans
les Letresj ainfi il le lailTa aprendrc
la Peinture de ces deux Grecs.

Le genie & l'apliquation qu'eue
Cimab^oûe pour le Delfein, firent
qu'en peu de temps il les palTa:
de forte ^uefes Ouvrages fe diftin-

-ocr page 208-

qui mt raport au "Deffein. 155
guant des mauvaifes maniérés, qui
avoient alors cours, ils portèrent (a
réputation par toutes les viles voi-
Ijnes, où il fît plufieurs Tableaux,
c'eil: ce qui commença de relever
la Peinture, de gagner à- ce
Peintre 1 l'eftime des gens d'efprit,

1. La réputation de Cimaboiie fut fi grande
qu'il fut choifi & mis pour Architefte avec
Arnolfe Lapo , pour conduire la Fabrique de
l'Eglife de fainte Marie Belfi&re àîlorence, où il
fut enterré après avoir vefcu foixantc ans.
Ok
y lit à fon Epitafe fes paroles.

Credidie, ut Cimabos fiBurs, cajira tenert,
fie ternit i Nu»c tmet afira poli.

Mais comme fon Eleve Ghiotto le pafTa , le
Dante , faifant alluflon à l'onzième Chaut du,
Purgatoire , fur la même iufcription de la SepuU
ture I dit.

Credette Cimahue, nellst fittur»
Tetier h campo > ^ hora. h et Ghiote il grido ,
Siche la famx di celui ofcura.

Du même tems de Cimabiie , florit André Tafî
Peintre Florentin enMofaïque, il fut à Veaife
pour s'y perfedionner aiant entendu qu'il y avoit
des Peintres Grecs, qui travailloient de cette
manière à l'Eglife faint Marc. Il fit tant qu'il en-
gagea
M&flro Apollonio l'un d'eux de venir tra-
vailler 3.VCC lui à Florence , où ils firent «juan-

-ocr page 209-

Hifioire des Arts
particulièrement du fameux Dan-
te, & du célébré Pétrarque.

Mais le plus grand honneur qu'eut
Cimaboûe j ce fut lors que le Roi
de Naples Charles d'Anjou , l'ala
voir travailler auTableau de fainte
Marie Nouvelle. Cet honneur
donna une joie générale aux Bour-
geois de cette belle Vile, fi bien
qu'ils en firent une fête y avec des
rejôûiJTances publiques , ôc apele-
rent
JBory) Alegro le quartier où
cet habile Peintre demeuroit.

C'efî: pourquoi nous pouvons dire
que la protedionque donna Char-
les d'Anjou , à la Peinture , par
l'honneur qu'il fit à Cimaboiie j fut
l'un des premiers moiens de tous

tîté d'ouvrages > & Tafi aprit de ce Grec , la
façon de bien faire cuire les émaux > & de les
bien apliquer fur l'enduit pour avoir une longue
durée , il mourut l'an \

1 Charles d'Anjou premier Roi de Naples
honora auffi fort Nicolas Pifan Sculteur &
Architeâie > il lui fit bâtir plufieurs Eglifes com-
me l'Abaïe dans k plainejde Tagliacozzo , où il
dcfEt
Conradmo, il coiiftruifi: d'autre^ Eglifes

-ocr page 210-

qui ont raport au 'Dejîeîn, 157
ceux qui ont fervi à faire revivre
ce bel Art.

Ainfi le DelTein & la Peinture ,
commencèrent à fe tirer de l'igno-
rance , ou ils avoient été enfevelis
plus de neuf cent ans enl talie ; & le
Ciel alors acheva de les favorifer
répandant vifiblement Tes dons fur
la perfonne de Ghiotro Elevé de
Cimaboùe..Car lors qu'il n'étoitque
jeune enfant, & que dans la cam-

cn beaucoup <3e lieux de k Tofcane Jean Pi^
fan fut fils de Nicolas j & il étoit auffi Scul-
teur & Architeéle: en ii^j il fut à Naples &
il y bâtit pour le Roi Charles le Château-neuf,
& plufieurs Eglifes, & étant retourné en Tofcaj
ne il fit quantité d'ouvrages de Sculture à Arezze,
& d'Architefture en cette Province, il mourut
en ijio. CeSculteur eut pour Elèves
Agof^ino ,
^ AgnoloSanefi :
ils furent au -jugement de
Ghiotto des meilleurs Scalteurs de leur tems ,
ce qui fit qu'il leur precura les Ouvrages les plus
confiderables de Tofcane , ils travaillèrent .en-
core à Bologne , & à Maatpiie , & ils firent de
bons Eleyçs > & particulièrement des Cifeleurs
en argent, comme Paul^mi»o Orfevre,&
Maef-
tro Cione qui y exceloit. Jacques Lanfranc Vé-
nitien ,
facobello , & Pierre Paul de la même
vile aprirent d'Ajjguftin êf
B^ignole , U Sçui'
turc.

-ocr page 211-

15$ 'Hijîoîre des Arts
pagne il gardoit les troupeaux de
fbn pere, il s'exerçoit à deffiner 5
avec une pierre aiguifce en craion
fur de la terre qu'il avoir unie ex-
prés , & il y traçoit la figure de fes
moutons. Un jour que Cimaboiie
aloit aux chams , il rencontra le
petit Ghiotto j ataclié""à ce que la
nature lui montroit cela l'obli-
gea de s'arêter, & de s'étonner.
Il
i'interogea, & lui fitconnoître que
s'il le vouloit fuivre il lui enieigne-
roit la Peinture , ce qu'il accepta
de tout fon cœur, après le conlèn-
tement de fon pere.
' En peu de tems Ghiotto aprit de
fon Maître les principes de l'Art,
& il le furpaffa de beaucoup , par
l'étude & l'imitation du naturel ,
s'apliquant à faire des portraits, &:
des hiîloires , ce qui lui aquit tant
de réputation , que le Pape Be-

f j. La Vignette qui cft au commcncemcnt de ce
Livre reprefcnte la rencontre que Cimaboiie fit
de Ghiotto, lors qu'il defTinoit les moutons.

-ocr page 212-

qui ont raport au Bejjetn, xff
laoït IX. le manda à Kome , oii il
;iît plufieurs Tableaux dans l'Egli-
/efaint Pierre. Enluite fon
fLiccef-
feur Clement cinquième le menai
la vile d'Avignon , où il peignit
plufieurs Ouvrages à Frefcjue , &
pluHeurs Tableaux pour la Fran-
ce.

Mais de retour à Florence, Ro-
bert Roi de Naples , écrivit aa
Prince Charles de Calabre fon fils,
de lui envoier Qhiotco pour qu
'il
peignît à l'Eglife Sainte Claire qu'il
venoit de faire bâtir. Il fut tres-
glorieux à cet habile Peintre d'ê-
tre recherché par ce généreux Roi :
parce qu
'il le combla de biens ,
d'honneurs, & de carCfTes ,
& il
prenoit autant de plaifir à l'aler
Voir travailler , qu'Alexandre ^
Apele.

mis^

-ocr page 213-

mjîoire des Arti

CHAPITRE m.

X^es libéralitédes Princes aux ha-
biles hommes , ont été un puijfant
moien pour faire renaître les Ans
du Depin,

I. Es honneurs, & les biens que
_^Cimaboùe & Gliiotto receu-
rent des Papesjdes Rois deNaples,
& de la Republique de Florence
les animèrent a trayailler : ai-
dèrent à relever le Deflein
, &.la
Peinture de leur abaifTement. Ces
faveurs atirerent l'eftime générale
fur ee5 beaux Arts : car les gens
d'efprit j & les Courtifans s'ata-
chent avec paffion à ce que les
Princes aiment, ce qui entraîne in-
fcnfiblement
rapj;obation , la
curiofité de tous les peuples.

Il efl donc certain que l'amour
des grands pour les Arts efl le pre-
mier moien de les faire fleurir :

puifque

l'^o

-ocr page 214-

qui ont rapn au Deffein. Kîi
pLiifque l'honneur, & les biens que
Ghiotto I reçut de la Maifon R.oia-
le d'Anjou , aquirent à ce fameux
Peintre beaucoup de réputation
dans la Republique de Floren-
ce. Deforte qu'à fon retour de Na-
pies , elle lui ordonna une penfion
anniielle de cent florins d'or.

Ainlî l'on peut comter les pre-
miers Régnés des Rois de Naples,
de la Maifon d'Anjou , comme
ceux qui donnèrent en Italie de

I. Ghiotco fat aulïï Archkc<3:e . & Scuîteur ,
aiant fait plufleurs chofes en marbre , & toutes
fes rares qualitez firent que par un Decret pu-
blic , & par l'afFeilion particulière que lui por-
toit le Vieux Laurent de Mcdicis , fon Portrait
de marbre , fait par le Maiano fut pofé en l'E-
glifede Sainte Marie
delFiore zycc ces vers faits
par M. Ange Politiea.

Ille ego Jum, fer quem PiStura extmBa revîxlt.

Cui qmm reSa munus , tam fuit y facilh.
Natitr& deerat, noftrx, quod defuit arti.

^^lus Ucuit nulU fingere , nec melius.
Miraris Tarrim egregiam facro &re fonitntem.

Hâc quoqae de moàulo crevît etd aflra meo.
T}em<iHe fum fottns , quid opus fuit illa referrf î
Hqç n&men Ungi earminis mfiar erit,

o

-ocr page 215-

i 6î Mifioire des Arts
l'émulation aux perfonnes qui em-
braiToient les Arts du DelTein : ce
qui en avança le rétablilTcment,
& nous pouvons dire à la louange
de cette Augufte famille , que Ct
les peuples de Tofcane, ont eu la
gloire d'avoir été les premiers qui
aient travaillé à la renaiflance des
beaux Arts , ce font auffi les Rois
de Naples François qui ont eut l'a-
vantage d'avoir été les premiers
Protedeurs de la Peinture pour la^
faire croître , & la faire refleii-
j:ir.

Les biens qu'aquit Ghiotto lui
donnèrent lieu de former à Flo-
rence une Ecole célébré du Def-
fein, par le grand nombre d'Ele-
vés z qu'il y fît. Ce Peintre fut

De fes Elèves , T^deo Gaddi fat un des
premiers & mourut l'an ij j-o. Les autres furent
Paccio florentin,
Ottaviano àa, Taen:^ , Guil-
laume de
Forti , Simon Sanefe , Piettro Cavalli-
ni Komain ,
qui travailla avec Ghiotto àlaNà-
cele de faint Pierre, peinte de Mofaïque à Re-
lire : pluûeurs autres aprireat la Peinture, ds-

-ocr page 216-

qui mt faport an ï)effein. 163
auffi très intelligent dans la Sciil-
ture , &
rArchitecture. Il deffi-
11a l'une des belles Portes de bron-
ze du Batiftaire faint Jean de cette
vile , & elle'fut fcultëe par An-
dré j Pifan. Celui-ci fe trouva de

Ghiotto & furent fes Elevés. Mais le plus cftimc
fut Etienne îlorentin , l'on tient qu'il pafla de
beaucoup fon Maître , il y a plufîeurs de fes
Ouvrages à Frefque , à Florence , à Pife , à
Milan , & à Rome qui font du meilleur goût
qui eût parut jufqu'alors , il fut aufli bon Ar-
thitede , & mourut l'an rjjo.

André Pifan fit quantité de figures de mar-
bre en l'Eglife Sainte Marie
del Fiore. Et com-
me en fa ieunefle il avoit an/E étudié l'Archi-
tefturc , après la mort d'Arnolfe Lapo ,
Se de
Ghiotto : il fut emploié par la Republique de
rlorence à faire le Château Difcarpc , il fit
bâtir l'Eglife de faint Jean de Piftoie, & le Duc
Gautier d'Aténes qui dorainoit alors cette vile
l'emploia en toutes les chofes d'Architecture qu'il
eut à faire, tant civile que militaire. Le mérite
d'André fut fort reconnu par la Seigneurie, Se
il paffa par toutes les Offices de Magiftrature.
Ses principaux Ouvrages furent vers l'an 1540.
il eut un fils > qui fut aufli l'un des meilleurs
Sculteurs de ce tems-là Vafarl. V. dell. Andrc-
Organa fut Eleve d'André Pifan, & il fut égale-
rnentbon Sculteur, bon Peintre bon Archi-
tefte, mourut en 1385». fon frere Jaques fut auiG
Sculteur, & Architcfte.

O ij

-ocr page 217-

1^4 Hifioire des Arts
la même force en Sculture , que
Ghiottoen Peinture, parce qu'An-
dré fuivant les delTeins de ce Pein-
tre étudioic l'antique avec foin, &c
il devint par-là le premier de fon
tems.

Etienne Florentin , Tadée Gad-
di, Pierre Cavalini , ôc plufieurs
autres, furent Difciples de Ghiot-
to i & ils ne furent pas inférieurs
à leur^aître. Ceux-ci firent d'au-
tres Eleves qui continuèrent avec
ardeur de travailler à perfedion-
ner la Peinture , & ils y aporte-
rent les foins qu'on ne peut alfés
loiier j car en mil trois cens cin-
quante , ils formèrent à Florence
une Académie du DelTein , qui eft
la premiere établie depuis la re-
nailfance de l'Arc.

-ocr page 218-

qui ont rdport au Dejfein. i^f
CHAPITRE IV.

Z^ètablifiement de l'Académie dk
jyejfein à Florence ^ fut un moien
de le rétablir,

SI les afTemblées des Platoni-
ciens auprès d'Atenes , furent
utiles aux Grecs , en formant leur
Académie : celles que firent plu-
fleurs Peintres à Florence , ne le
furent pas moins aux Italiens, y
établifTant la preniiere Académie
du DefTein qui ait été en Italie,
Pour ce fujet ils s'afTemblerent pre»-
mierement dix i Peintres, qui eu-

I- Ces Peintres , qui fondèrent l'Académie dti
Deffein à® Florence furent,
Lci^o Gucci, y^anni
Cmuz,z,i , Corfino Buonmuti, Pafquino Cenni,
Segnin ^Antignano , Cenfiglieri 'Eurano Bernar~
do Baddi, e fucop di CajJ'entino , ^ CamstrUrf
Zhi ConfigUo Gherardi, e Domenico Pucci
tous
Peintres.

Cette Académie fur telement protegée de la
Seigneurie , & après des Grands Ducs de Tofca-
Re, Cofitae l'un d'eux qui fe plaifoit à defliner
vodul êtrereju aunombredes Académiciens, &

-ocr page 219-

Hifioire des Arw
reiat l'honneur de l'établir. Et ils
commencèrent cet établifTement
avec beaucoup de pieté : étant tres-
juflc que ceux qui en infpirent aux

même il voulut être peint en Dcifinateut) aînfi^que
Je raportej. Armenini iib. dei V P.p;-40. en ces ter-
mes.
Dell A qualle fi (à cm quanta accûrtezza,
frudenica il Gran Djtca, Gofmo ne facejfe conto ,
^ l/i etteneffe : conciofst eh'eglifi comfincquenm
felo di firenzfi' ejfere' ntl numero-^ ctelli Academici
del Difegno ; ma volfe mcora effere ritratto al vi-
vo in uno délit quadri del palco délia maggier
Sala del fuo Falagio , che fedendo col compaffa
in tnane fi mofira che mifura linea la fianta
di Siena- yé^ che fa tal ferma conferifce
vtlla col signer Chiappino.

Datis le tems que Jaques Cajfentinotxara.l\lA
à Arezze , Spinelb Peintre de cette vile fit ami-
tié avec lui pour profiter de fon favoir, mais il
furpafla Cajfentino , & le Signar Dardano Ar-
ciaivoli
lui fit peindre àTrefques rE^lifc de fainC
Nicolas, l'an ij }4. & fit plufieurs autres Ouvra-
ges à Florence , & dans Arrezze , l'on difoit de
lui qu'il l'avoit égalé dans le Deffein, mais qu'il
J'avoit furpaffé de beaucoup dans le Coloris. H
parut encore à Plorencc dans le relie du ficcle de
j.^oo.GherardoStarnini Peintre , il fut en Efpa-
gne travailler pour le Roi, dont il raporta en
fa
patrie beaucoup d'honneur, & de biens. Lippo-
florentin , Tadée Bartoli, Siennois , furent du-
iHiême tems, ainfi qye
Buonamica Elevé de Ta-
dée
Gaddi j & Lorenfi.mi de Sienne,

-ocr page 220-

qui mt raport au D effein. 16 j
autres en foient eax-mêmes pene-
trez.

Ils firent en effet cette fondation
fous l'invocation du grand S. Luc
& Jacques CatTentino , l'un des
Eleves de Tadée Gaddi fit le Ta-
bleau de la Chapelle de l'Acadé-
mie , ou étoit peint ce Saint en
ad:ion de peindre lafainte Vierges
à l'un des cotez de la Vierge , Caf-
fentini peignit tous les Académi-
ciens, èc à l'autre leurs Epoufes.

Cette habile & vertueufe com-
pagnie fut apuiée enfuite par les
Princes de Medicis , ce qui ache-
va de relever à Florence les Arts
qui dépendent du DefTein : car de-
puis il fortit de cette Ecole Flo-
rentine un tres-grand nombre de
Peintres , de Sculteurs d'Archi-
tedes , qui embelireiit cette fa-
meufe vile, & toute l'Italie de mê-
me qu'une autre Sicïone , où da
tems des premiers Antiques la pre-
mière Académie du DefTein fuc

-ocr page 221-

Irîifioire des Arts
établie : cela fit incontinent paroî-
tre à Florence ces grans genies
Laurent Ghiberto , le Donatele ,
SerBruneiefchi, & plufieurs autres
habiles tous contemporains.

Ce fameux Ghiberto ^ fut Or-
fèvre , Peintre, Sculteur , èc Ar-
chitecte : on voit de lui deux bel-
les Portes de bronze hiftoriées au

1. Ce fat l'an 1400. que commença de pa-
loître à Florence Laurent Ghiberto fa premierc
occupation ce fut l'Orfevrie , qu'il aprit de fon
pere , mais comme il aimoit plus la S culture , il
fit plufieurs Médaillés & grava des coins, &
cependant ctudioit le Deffein & la Peinture dont
il en travailla beaucoup à Riiuini & à Pefaro ,
irais retourné à Fiorence par rocca£on qu'il eut
de faire les portes de bronze du Batiftaire faint
Jean, il continua à faire des figures de bronze
comme un faint Jean Batifte pofé à un pilaftre
fuor rerfetn Michele , & deux autres de même
jmetail dans le même lieu. Il fit aulli plufieurs
belle ChalTes de Reliquaires, & upe fuperbe Tiare
'pour le Pape Eugene , elle étoit d'or & de joianx
cftimée trente mile ducats d'or. Enfuite il tra-
vailla la fécondé porte de bronze du Batiftaire
faint Jean ,
Se fon mérité fut fi feconnu qu'il
parvint à être du fuprême Magiftrat de Florence,
il pratiqua encore l'Architedure , aiant conduit
pour un rems la fabrique de lïglife de faintc
Marie Delfioxe.

Batiftaire

-ocr page 222-

qui ont rdpn "au DtJjetn. iS^
Batiftairc faint Jean , defqiielles
le témoignage de Michel-Ange ,
marque affés l'excelence, quand il
dit en les admirant qu'elles étoient
fi belles qu'elles mericoient d'être
les portes du Paradis. Et lors que
la République voulut avoir ces
grans Ouvrages , elle choifit huic
des meilleurs Sculteurs Italiens ,
dont elle fît des épreuves par des
modeles, afin de déterminer à qui
elle doniieroit ces riches portes à
faire.

Le Donatele , & SerBrunelefchi
bien que concurans , 8c du nom-
bre de ces huit, dirent tout haut,
à la vîie du modele deGhiberto >
que ce modele étoit le plus beaa-
de toutes les épreuves propofées :
& nous voions par là qu'il y avoit
beaucoup de bo'nne foi parmi ces
célébrés reftaurateurs de la Scultu-
re , ôt qu'ils fc rendoient jaflicc
les uns aux autres. Le Donatele
illuflra de beaucoup la Sculture

P

-ocr page 223-

170 Hijîoîre des Arts

par tous les exceleiis 3 Ouvrages

que l'on voit de lui à Florence.

11 donna à ce bel Art le fini ,
& la belle maniéré Antique au-
defllis de tous ceux qui Tavoient
précédé.

Cela eft évident par fon exce-
lente Statue de faint George, donc
la beauté a été décrite par Fran-
çois Bochi.

} Donato , apellc Donateîlo , naquit à Floren-
ce l'an 140J. il s'adonna à l'Arc du DelTein où il
fut non feulement excelenc Sculteur, mais pra-
tique dans le Stuc , & intelligent dan^ la perfpcc-
tive j & fort cftimé en rArchite£ture, iltravaila,
beaucoup & fit plufieurs figures de marbre à Flo-
rence , & autres Viles , il vécut plus de quatre-
vingt ans j il étoit fort libéral envers fes Eleves ,
tekment qu'il tenoit toujours un fac de monnoic
ataché à l'échafaut, oiî ils en prenoient chacun
pour leurs bsfoins. L'un de fes meilleurs fut Ber-
tolde j & Michellozzo-Michelj qui fut auflî exce-
lent Architede beaucoup favoriféde Corne de Mc-
dicis.

Avant le Donateîlo mourut à Florence Jaques
dMa §luercia, qui commença à fortir de la ma-
niéré d'André Pifan^ & d'aprocher davantage da
bon goût Ses principaux Eleves furent Mattieu
Luquois , & Nicolas de Bologne- Du même tems
fut aufFi Luc de la Robbia , Sculteur Florentia
qui eut de la réputation.

-ocr page 224-

qui ont rdport Deffeln. 171
SerBrunelefchi , ami ii Dona-
tele 5 excella dans l'Orfevrie ,
la
ScLilture
, rArchitedure , ou
il fît renaître le bon gout , ôc
la
^maniéré Antique, par les foins in-
fatigables qu'il prit d'en aler dé-
couvrir à Rome les belles réglés
fur les Bâtimens antiques, qui font
encore aujourd'hui l'ornement de
cette vile , & l'admiration des
connoifTeurs. Cet habile homme y
étudia particulièrement l'admira-
ble Temple du Panteon , où il pui-
fa des lumieres , pour conftruire à
Florence la grande Coupe de Sain-
te Marie
del Fiore , dont tous les
Deffinateurs , & les Architedes
d'alors étoient prefque hors d'ef-
perance de venir à bout , & ce-
pendant Brunelefchi l'acheva heu-
reufemcnt parle moiende fes Etu-
des , de fon travail.

Les Arts n'étoient pas encore
à Rome dans un li haut degré de
perfedion qu'à Florence : car le

p ij

-ocr page 225-

Iji Hifioire des Arts

Pape Eugene quatrième ordonnâ
en mil quatre cent trente un , de
faire des Poftes de bronze à ,i'£-
glife faint Pierre j à l'imitatioa de
celles de faint Jean de'Florence,
èc ne trouvant point d'alTez habi-
les gens à Rome , il en fit cher-
cher 4 à Florence , mais ceux qui
eurent cet ordre, ne prirent point
les plus habiles, parce que ces Port-
tes de faint Pierre font de beau-
coup moins belles que celles du Ba-
tiftaire faint Jean conftruites par
rilluftre Ghiberto,

11 parut enfuite à Florence An-
dré Verrochio , qui à la faveur de
fes gran,de$ Etudes, d'Orfevre de^
vint tres-habile Sculteur, nonfeu^
lement en bronze, mais encore en
marbre : il fut auffi bon Architec-
te 3 & lors qu'on le mit au rang
des premiers Sculteur^, il fut prc^

Simon frer.e du Donatello , & Antoine Fj-
larete, furent choifis à Florence pour faire le»
Portes de bronze de faint Pierre de Rome.

-ocr page 226-

qui ont raport au "Deffein. ij^
ferè au Donatele, & à Ghiberto,
afin de faire Fatouchement de faïnt
Tomas au Côté de nôtre Seigneur,
qu'il fit de bronze pour l'Oratoire
de faint Michel.

Mais comme Verfochio étudioic
tout ce qui dépend du Deflein , il
voulut aulîî pratiquer la Peinture,
avec une pareille ardeur que la
Sculture , e'efl pourquoi il cefTa
d'y travailler i il fe mit à peindre,
& fit dans cette partie plufiears
cxcelens Eleves j entr'autres Pier-
re Perrugin , & Léonard de Vinci.
Celui-ci dés fa jeunelTe commen-
ça de furpaffer fon Maître. Ver-
rochio voiant cela , fe dégoûta du
pinceau i' il reprit la Sculture ,
dont fon dernier ouvrage fut la cé-
lébré figure équeftre de bronze de
Bartoîomée Coleone de Bergame,
qui fe voit à Venife dans la place
de faint Jean, & faint Paul.

Florence fut encore la patrie de
Dominique Gliirlandaie , que la

P iij

-ocr page 227-

174 lïifloire des Arts
nature avoit donné Peintre , car
ceux qui l'avoient élevé lui avoient
fait aprendre l'Orfevrie , qu'il a-
bandonna bien-tôt pour embrafler
la Peinture. Dominique travail-
lant à l'Orfevrie , s'apliquoic con-
tinuellement dans la boutique à
delîîner ceux qui pafToient , ôc
après il quita cette profeiïïon pour
s'apliquer entièrement à peindre.
Enfuite le Pape Sixte quatrième ,
l'apelà afin de faire des Ouvrages
dans fa Chapelle au Vatican. Il
avoit coutume de dire que la veri^
table peinture étoit le Deffein,
que celle qui eit pour l'éternité
étoit la Mofaïque, en laquelle il
exceloit.Ce Peintre a fait plufieurs
habiles Eleves, dont le grand Mi-
chel-Ange Buonarotte eft du nom-
bre , & tient le premier rang.

Léon Batifte Alberti j ^en ce mê-

5. Léon Batifte Albert naquît à Florence de la
noble famille
de gl'Albertt , il a écrit en Latin un
Traité d'Architediire divifé en n. livres , ira-

-ocr page 228-

qui ont raport au Beff^ein^ ijf
me tems éclaira^ de beaucoup les
Arts' du DefTein : car il fut tres-
intelligent dans l'Aritmetique , la
Geomerrie , & dans les lettres, ce
qui le rendit habile en tous les
Arts. On le voit par les excelens
Traitez de Peinture , de Scultu-
re , & d'Architedure de cet ha-
bile homme : il efi: le premier des
modernes qui ait écrit , & il
Te voit de Tes Ouvrages d'Architec-
ture de bon goût à Florence , à
llimini , 6c à Mantouë.

primé en 1481. ils a été trarîuit en Italien par
Cofimo Bartoli, il a aufll écrit drs Livres de Pein-
ture & Sculture traduits par M. Dufrefne en la
même Langue , ccc Auteur ne s'cft pas borné à ces
Arts j il a encore écrit de plufieurs autres fcien-
ceà j il fut le premier qui cffaia de reduire les
Vers Italiens à la mefure des Vers Latins comme
on le voit en fon Epître.

per efhremA. miferahile' Pifiûla
Arte, ch,e fpieghi miferamente voi mmda.

Nous n'avons point l'année qu'il mourut, mais
ce fut à Florence , & fut enterre a 1 Eglife Sainte
Croix : celle de S. François à Rimini âont il fit le
delTein , elle fut commencée en 1447 . & en 1471-
le Duc de Manîouë le fit venir auprès de lui > d'où
l'on peut juger du tems qu'il a fleuri.

P liij

-ocr page 229-

17^ Mifloîre des Arts

Ainfl les Arts du DelTein corr-
tiniierent à fe relever en Tofcane,
auffi bien par la Teorie , ôc la pra-
tique , que par la protecbion qu'ils
y trouvèrent , ce qui produifit un
grand nombre de bons ^ Maîtres^
& de bons Difcipies dans l'Aca-
démie Florentine , qui fe font de-
puis répandus aux autres viles d'I-
talie ,
ils ont contribué au ré-
tablilTement des Arts.

é. Entre les bons Maîtres de ce tems-Ià, dans îai
Peinture, on doit eftimer Paul Ucellô Peintre
Plorentin , à caufe qu'il s'étudia à trouver les ré-
glés de perfpedive , q^ue perfonne avant liH
n'avoiî trouvées. Mais fur tous les Peintres d'a-
lors le plus excelent fut Mafaccio de Saint Jean
de Val d'Arno , bien qu'il mourût en 144J. à
vingt-fix ans , fon principal Ouvrage eft la Cha-
pelle dés Brancaccio j en i'Eglife des Carmes de
rlorence, puis que cet ouvrage a été toiijours
fort étudié de tous les fameux Deflinateurs qui
l'ont fuivi, & où ils prirent le bon goût de la
Peinture , ainfi que firent Frere Jean de ïiefok ,
Trere Filipe Filipini j Allexis Baldovinetti, An-
dré del Caftagno , André del Verrochio , Do-
menique Ghirlandaie > Sandro di Boticello Leo-
nardo de Vinci , Pierre Perrtigin , Fra Bariolo-
mée de Saint Marc , Marc Mariotco Albertinetti,
Michel Ange > & Rafaël d'Uibaifi, c'cft-là où il

-ocr page 230-

qui ont raport au Defein, îfj

commença de prendre les principes de fa belle
manière , & pluCeurs autres Peintres fe forme-
rent,aprés le MafacciOjYafan.V* dclli Pitt p.i9 o.

CHAPITRE V.
Zes François , les Flamands fe
font appliqués à faire refleurir la.
Peinture , ^ ils trouvèrent le fe'^
cret de peindre a huile,

LEs Florentins , & les autres-
Italiens, ne furent pas les feuls
qui travaillèrent à perfedionner
la Peinture : carquelqu'autres peU"
îles au deçà des Monts y contri-
buèrent auffi , bien qu'ils n'aient
pas eu dans le EfeiTein , Tes mêmes
avantages que ceux d'Italie, d'a-
voir eu pour modèles les figures ,
& les beaux bas-reliefs antiques.

La generafité du Roi Charles^
VI. y contribua encore beaucoup
parmi nous : & elle fiit le premier
moyen pour porter nôtre Nàtioii
à travailler à la Peinture avec plus-
de foin qu'on n'avoit fait , & par-
îiculieremeat fur le verre à. celle

-ocr page 231-

ifS Hifioire àes Am

qui s'apelle d'Àprêti , & qui ortie

I. Cela eft fi vrai que du tems du Pape Jules
fécond , il y ayôit à Rome Maître Claude Fraii-
f ;isqui étoit Peintre en aprêt fur le verre, &c'eft'
lui qui conduifoit tous ces fortes d'ouvrages,
qui
Ce faifoient aux Eglifes , & au Palais Papal :
mais comme le Bramante eut entendu parler de
l'habileté de Guillaume de Marcilli j il lui fit
écrire par Maître Claude, qui fit enforte, par^
promefle d'une bonne penfion de le faire venir à '
Rome , oà il peignit fur Verre avec Maître Clau-
de les grandes vitres de la Salle qui eft proche la
Chapelle du Pape , mais elles furent gâtées aii'
Sac de Rome par descotrps d'Arquebufes. Mar-
cilli fit auffi de cesmémes peintures dans lesapar-
îcirens du Vatican , & à l'Ëglife de Sainte Ma-
rie du Peuple , & en celle de
l'Anima , puis Ip
Cardinal de- Cortone l'emmena en fa vile où il
peignit tant fur le verre qu'à Frefque plufieurs
Ouvrages qui furent fort eftimez , car il étoic
excelent De0înateur, plein d'invention
Se de va-
riété dans la compofition de fes hiftoires , cela
paroît particulièrement aux grandes vitres de la
Chapelle des Albergotis dans la Catedrale d'A-
rezze que Marcilli peignit après avoir travaillé à
Cortonne, elles font fi charmantes que le Va-
fàridit qu'elles paroiffent divines , tant pour les
belles expreffions du
Christ qui appelle S.
Matieu de fon banc , & des autres Apôtres, que
pour la belle Architfdure , & le païfage qui or-
ne-cette hifteire, Marcilli fut fi confideré en
cette vile , que cela l'obligea d'y refter jufqu'à
fa mort, qui fut en ij'57. Il eut plufieurs Ele-
vés , dont George Vafari eft l'an ,
Fafari Vita de •
Guillaume de Marcilli--

-ocr page 232-

qui ont raport au Beffein.
les grandes vitres des Eglifes, dans
laquelle les François ont furpafle
les Italiens les autres Nations.
Car ce Roi ^ pour exciter fes Su-
jets en faveur de la Peinture leur
donna des privilèges, des exem-
ptions des Tailles , d'Aydes , de-
îubvention & de logemens de gens-
de guerre.

La Flandre qui étoit autrefois
une Province de ce Roiaume s'ap-
pliqua auffi en ce tems-là forte-
ment à la Peinture , & far tout à
faire des Portraits , ce qui tira les.
Flamands de la maniéré Gotique j

z. Ce fut en 14 JO. que le Roi Charles VI.
donna de nouveaux privilèges
à Henri MellciQ î
Peintre, & Vitrier , & à tous ceux de cet Art,
en confirmation de ceux quiavoient été oâ:roicz~
par les Rois fes predecefleurs , aux Peintres ,
Vitriers, ce qui prouve qu'il y avoit des Peintres •
en France , & que fi l'Art n'étoic pas alors dans
fon excelence, ce n'eft point qu'il manquât de
protcaion de la part de nos Souverains, puifque '
pour animer leurs Sujets à l'exercice d'un Art fl-
noble , ils les exemtoient de tontes fortes d'im—
pofts. Voi le Livre de l'ctabliffement de l'Aca—
dérnie Roiale de Peinture & de Scuitutc, p. 4J•

-ocr page 233-

iSô ïïifioire des Am
& par ce moi en la Peinture fe per-
fectionna dans cette Province ,
à
caufe du grand nombre de Pein-*
très , qu'il y avoit en tous les Païs-
Bas , & du Commerce confidera-
ble qu'ils faifoient de leurs Ta-
bleaux dans les païs Etrangers.

Mais entre tous ces Peintres,celuï
à qui l'Art a le plus d'obligation
c'efl à Jean Van-Ejci^ qu'on nom-
me de Bruges, à caufe qu'il y vinÉ
demeurer. Il étoit trcs-curieux de
la Chimie, & par là il rechercha de
nouveaux vernis pour donner de la
force Ôc de l'union à Tes Tableaux ^
qui en manquoient , comme font
tous les Ouvrages en détrempe.

Or un jour qu'il eut fini un Ta-
bleau avec beaucoup de tems , 6c
de foin , il y mit le verni' delTus ^
ôc il le faloit necelfairement laif-
lêr fecher au Soleil : mais dés qu'il
fe fut aperçu que la chaleur avoit
fait retirer les ais du Tableau ,
cju'elle étoit caulè qu'on yoibit du

-ocr page 234-

qui ont rapûTt au Befein. îSî
jour entre les joints , ce qui le gâ-
joit. Pour éviter de pareils acci-^
dens, cela lui fît prendre la refo-
lution de chercher quelque verni
qui fe pût fecher à l'ombre 5 Ôc
parce qu'il trouva que l'huile de
noix, & celle de lin , croient les
plus ficcativès , il s'en fervit avec
d'autres drogues , & il en conipo-
fa un nouveau verni, qui fut celui
que tous les Peintres du monde a-
vant lui n'avoient pas trouvé , ôc
qui étoit il ardemment defiré.

Après il e0aia à détremper la
couleur avec ces huiles , & voiant
qu'elle ,11e craignoitplus l'eau, mais
que cela la faifoit monter à quel^
que^chofede plus foncé, & qu'elle
prenoit un luifant fans verni : il
trouva par ce moien avec beaucoup
de joie, & d'utilité l'invention de
peindre à huile.

11 en fit plufieurs Tableaux,
doqt la réputation fe repandit auffi-
tôt par toute l'Europe : ôc cela

-ocr page 235-

Tlifinre des Arts
fdoniia à tous les Peintres une tresr
igrande palîîon de favoir comment
Jean de Bruges rendoit fa peinture
il parfaite. 11 tenoit cependant Ton
Secret caché , & perlbnne ne le
.voioit travailler , pour profiter
plus long-tems de fa découverte.

Mais cet heureux Peintre , de-
^venu vieux inftruifit de ce fecret
Roger de Bruges, fon Eleve, &
Roger le communiqua à AulTequi
étoit le lien , ce qui donna lieu de
multiplier la peinture en huile ,
& aux Marchands Flamands d'en
faire par tout le monde un negoce
avantageux , bien qtie la maniéré
de peindre à huile ne fortit point
de Flandre durant plufieurs an-
nées 5 ôc jufqu'au tems que des
Marchands Florentins portèrent
des Païs-bas un Tableau de Jean
de Bruges, & l'envoiercnt au Roi
de Naples Alfonfe premier. Ce
Tableau pour la beauté des figu
res j ôC l'invention du Coloris fuc

-ocr page 236-

ont raport au D effein. r%
;tres-eftimé de ee Prince, ôc de tous
les Peintres de fon Roiaume, en-
tre autres d'Antoneile de Melîînej,
qui eut une fi violente ardeur d'a-
prendre le fecret de peindre à hui-
le, qu'il partit auffitôt fe rendit à
Bruo-es en Flandre.

e>

CHAPITRE V I.

De l'invention de peindre à huile-
avantageufe à la Peinture ,
coM'
me le fecret en paffa en Italie.

A Peine Amonelle de Meffine^
X^fut-il arrivé en Flandre qu'il
lit connoilTance avec Jean de Bru-
ges, par des prefens qu'il lui donna,
de plufieurs Defleins dans la ma-
nière Italienne : Jean fe voiant
vieux fe refolut d'enfeigner Anco-
nelle à peindre en huile , & il ne
ie quitta point qu'il n'eût parfai-
tement apris cette maniéré. Anto-
nelle après la mort de Jean Bics,

-ocr page 237-

1^4 Eifiolre des Arts
s'en retourna en Italie pour y faire
part du fecret qu'il venoit d'apren-
dre , mais dés qu'il eut été quel-
ques mois à Meffine , il s'en ala à
Yenife, » où il s'établit, &: il y fit
Beaucoup de Tableaux , qui fu-

I. Antoncllle mourut à Venifc à quarante-ncitf
ans, & les Peintres
de cette vile lui firent des ob-
feques très-honorables , & en mémoire du fccrct
qu'il leur avoit porté , de peindre à huile ils
lui graverenc cet Epitafc.

/îmonius piéîor MeJfmiA fu& i ^ SictlU toHtiS
firnamentHtn, hmc humo centegitur. Non folum
fuis piâuris , in quibus finguletre artificium j
'Venuftas fuit , (ed , quod coloribus oleo mif-
Rendis fplendorem , ferpetuitatem primus Itali-
en piBun contulit : jumme femper xnificum ftu-
dfo celebratus-

Vers ce tems là parut à Padoiie Velkno Scul-
t-cur Elève de Donatello, lequel acheva en cette
vile l'ouvrage que fon Maître y avoit laiffé im-
parfait, il fut à Rome travailler pour le Pape
Paul Venitien en i /^('A- Auflî Paul Romain Scul-
teur fe fit diftinguer à Rome il fut employé par
le Pape Pic fecoiid i la iîgure de faint Paul qui
fe voit à l'entrée du pont Saint Ange eft de lui.
fawl étoit auiTi excelent Qrfcvre & il avoit fait
les Apôtres d'argentjqui étoient fur l'Autel de la
Chapelle Papale & qui furent pillez par les Ira-'
periaux au fac de Rome.
L'un de ces coucurens
dans la Sculturc fut Mino , c'eft de lui les dçvix

rent

-ocr page 238-

qui ont rdport au Beffein. î§5
irent jeflimez des Nobles , & de
tous ceux de la vile, ce qui lui a-
t^uit une grande réputation.

Entre les Peintres qui florifToient
alors à Venife, Maîtres Domini-
que Venitien ëtoit l'un des plus-
habiles} Il fit à Ântonelle toutes
fortes de carelTes à fon arrivée y
& aquit par-là fon amitié , deforte
qu'il lui montra aulîîtôt la manié-
ré de peindre à huile. Enfoite Do-
minique porta avant l'an mile qua-
tre cens fbixante ôc dix-huit, la
peinture en huile à Florence. Il y
fit plufieurs ouvragesj. de cette nou-
velle maniéré : mais malheureufe-
ment il fut aflTafmé , par André
Cajîagnoy àcvcmx jaloux de fon
fa voir, bien qu'il en eût apris la
peinture à huile.

Ainfi Antonelle, & Dominiquey
portèrent cette façon de peindre à

figures de faint Pierre & faint Paul qui font pla-
cées dans la place de cette
Eglife , & la Sepukuxs
de Paul Tcc-, «d f en la même Eglife.

-ocr page 239-

i86 Hifioire des Am

Veiiife & à Florence, & la maiiiere
de la faire fut de certe (orte-là,
connue par toute l'Italie, ce qui
fut d'un grand avantage à ce bel
Art î pour le porter au point où.
il vint fur la nn du fiecle de mile
quatre cens, & dans tout celui de
mile cinq cens.

^ CHAPITRE VII.

La Peinture fe rétablit en ■pluJîeuYi
Provinces à'Italie.

AUx autres Provinces d'Italie^,
aulîî-bien qu'en Tofcane, 6c
dans l'Etat Yenitien, il fe trouva
dans les mêmes lîecles, des efprits
qui s'apliquerent avec paflîon à
relever l'honneur des Arts du Def-
feip, mais non point en lî grand
nombre qu'à tlorence , où les
2;enies furent naturelement en-
clins à les aprendre, & qui d'ail-
leurs avoiént chez eux l'avantage

-ocr page 240-

qui ont rapon au "Dejfein. 187
d'une Academie du DelTein, ce
qui n'étoit point dans les autres
viles. Ainlî nous voions quel'Art
commença de fe perfedionner,
non feulement à Venife j mais en-
core à Ferrare, à Mantoiie , & à
Bologne où François Francia te-
noit le premier rang ^ Laurent
Cofla Ferrarois, fon Eleve, y fit
les plus beaux Tableaux, qui y
euffent paru jufqu'alors, encore
qu'ils ne fulTent peints qu'en dé-
trempe.

Colta fut tres-honnoré de Fran-
çois Gonzague Marquis de Man-
toiie , qui le porta à peindre une
chambre à fon Palais de Saint Se-
baftien : ce Peintre eut plafieurs
Eleves, ^ & ce fut lui qui donna les
premiers principes au vieux Dolîb

I. Cofta eut encore pour Eleve, Laurent Her-
cale de Ferrare , & Loiiis Malino, Laurent eut
tant d'amitié & de reconnoiflance pour fon Maî-
qu'il jjc voulut point le quitter pendant qu'il
vécut.Ilavoit un meilleur Deflein que Colta,
■ainfi qu'il paroît aux Tableaux qu'il fit à la

Q_U

-ocr page 241-

iS8 Htjioire des Am
de Ferrare. BenveBuro Garofoîa?
fut aaffi fon difciple > avant qu'ii-
alât étudier à Rome.

André Mantegne apric vers ce
tems , la peinture de Jacques
Squarcione ^ Padoùan, qui dcmeu-
roit à Mantoùe : André fut forî^
eftimé deJLoiiis Gonzague Mar-
quis de cet fetat: leTriomfe qu'il
peignit dans fon Palais , & qui
fer
voit en Eflampe , lui donna tant
de réputation, que le Pape Inno-
cent huitième , l'apela à Rome
pour peindre le Palais de Belve-
dere , & après avoir aquis à la'
Cour de ce Pape, beaucoup^d'hon-

t

chapelle faint Vincent dans l'Eglife defaînt Pe—
trmio de Bologne. Le Doflo aprit aulli de Collai
& il cxceloit paiticuliercmenn à bien faire Je
Païfage.

1. Outre André Mantegne qui fut Elevé du'
Sqiiarcione , Laur-eiit Lendinara ,
DariodaTre-
'vifa,&c Marco ZoppoBolonois, le furent auflî. A n-
dré Mantegne fut fait Chevalier, & mourut à.
Mantoiic
l'an ijiy. voici fon Epitafe.

Ejfeparcm hmc noris,fi non fr&ponisA^eUiMne*

-ocr page 242-

qui ont raport au lyeffein. i S5)
ncur, il retourna à Mantoiie , oii
H finit Tes jours.

Gentil de 3 Fabriano excerça la
peinture
à Verone, & il la mon-
tra à Jacques Bellin, qui fut con-
curranc de Dominique Vénitien j
mais quand celui-ci quita Venifc
pour aler demeurer à Florence Jac-
ques n'eut perfonnequilui difputâc.
à Venife le premier rang. 11 eut
deux enfant, Jean , + & Gentil y
à qui il aprit à peindre : ils pafle-

3. Gentil de Fahriano a fait des ouvrages qui
Ont été fort loiiez par Michel Ange. Pifanella
Peintre Vcroiiois fut concurant de Gentil , & il a-
été fort eftimé de Michel fan MicKel Arcliitedle
de Verone , il exceloit encore à graver des Mé-
dailles , & il la fait paroître par celles qu'il
fit
a Florence dè toutes les perfonnes illuftres qui
afSftercnt au Condlc qui y fut tenu avec les
Grecs. Il Biondo, & il Giovo ont fort loué les
Médaillés de Pifanello.

Dans le même Siecle, de 1400- fleurit en Tof-
cane p!ufieats excellens Peintres en Miniature j,
qui furent frere Jean de Fiefale, Dom Bartolomée
Abbé de faint Clément , Se Ghcrardo.

4. Jean Bellin fit beaucoup d'ouvrages à Ve-
nife parce- qu'il vefquit 90. ans, il eut encore
pour Eleve Jaques de la Montagne, Rondinello
dcRavennc ,, Baioift Coda de fcw4ie, & plu-

-ocr page 243-

l^ô Jiifioire des Ahs
renc en peu de tems leur pere, &
l'emportèrent fur lui , car il ell
vrai qu'on peut dire que ce font
ces deux freres, qui introduilîrent
le bon goût de la couleur à TEcole
Vénitienne , après avoir fait plu-
fieurs habiles Hleves , dont l'un
fut le fameux Georgeon de
Cafiel-
JFranco.

La réputation des deux freres -
Bellins, s'augmentant à Venife de
jour à autre , par le grand nom-
bre de peintures qu'ils y faifoient,
palTa julqu'à Conftantinople à la
faveur de leurs Tableaux : car la
Republique fît prefent de leurs ou-
vrages à Mahomet fécond , qui en
fat fi charmé qu'il pria le Baile de

iîeurs autres de la LombarJie & du Trevifan ,
pour "Gentil Bcllîn il mourut à 80, ans. Le Vi-
varini fat un de fes concurens , & il travailla avec
les Bellins dans une des fales du Palais de faint
Marc, mais il mourut jeune.

François iMofignori Veronoisfuc Eltvé d'André
Montagne , il travailla à Mantoiie où il fit beau-
coup d'ouvrages, & à Veroue , mourut en i; o^.

-ocr page 244-

qui ont rapon au "Deffein. 19 î -
lui faire venir le Peintre qui les a-
Voit faits.

Auffitôt le Sénat lui envoia Gen-
til Bellin qui à Ton arrivée à Conf-
tantinople, prefenta à cet Empe-
mir l'un de fes Tableaux ^ qu'il
admira telement qu'il ne fe pou--
voic perfuader qu'un homme eût £ ■
bien exprimé le naturel.

Cet labile Peintre ne demeura,
pas long-tems fans faire le Portrait
de Mahomet, & corne cela pafla
pour quelque chofe de furprenant,
ce Prince après avoir contenté fa
CLirioficé par plufieurs ouvrages
qu'il obligea Bellin de faire , il lui
demanda s'il fe pou voit peindre
lui-même : ce qu'il fit en peu de
tems. Cela acheva d'étonner ce
Monarque, & de le perfuader qu'il
faloit que ce Peintre eût un efprit
divin pour faire des chofes fi fur-
prenantes.

Ce grand Prince ne pouvant
plus garder Gentil, à caufe ds fa

-ocr page 245-

î5)î Htfioire des Jlrts
Religion qui ell contraire à l'exer-
cice du DeiTein, congédia ce fe-'
meux Peintre , le comblant de
tous les honneurs que l'on pouvoit
faire à un homme de la plus gran-
de confideration , & lui oSranc
même de .lui accorder toutes les
grâces qu'il lui demanderoit. Mais
Bellin fe borna feulement à lui de-
mandder une Lettre qui témoignât
à la Republique que Sa Hauteffe
étoit fatisfaite de luy, ce Sultan la
lui acorda avec joie , Se Bellin ^ à
fon retour la rendit au Sénat 5 qui
lui affigna une penfion pour le
j-efle de fa vie.

5. Jean Bellin en fa viclleffe ne s'occupok plus
i^u'à faire des Portraits, il fit venir l'ufage par-
niis
les Nobles de Venife de fe faire tous peindre
eux & leurs familles , ufage avantageux à beaur-
soup de Peintres.

CHAP.

-ocr page 246-

qui ont rafort au Beffein. 15? 5

CHAPITRE VIII.

Z"Ecole Florentine devint la plus fa^
,7neufe , par le grand nombre de
ces excelens hommes.

COme la Peinture fe perfedion-
noit à Venife par les habiles
gens que je viens de remarquer,
les grans ^ genies de l'Art en ce
même tems continuèrent à Floren-
ce de plus en plus à travailler au
retabliffement des Arts du DefTein,
Entr'autres l'illuftre Léonard
de Vinci en aprofondit toutes les
connoilTances: car en naiiTant il eut
une beauté de corps & d'efprit, ce

I. L'un des grans genies en la Peinture du
lîeclc de 1400. ce fut Dominique de
Ghirlmdctie
dont il a été parlé au Chapitre 4. il le fie
voir par la quantité de fes exccllcns ouvrages,
la nature lui donna un penchant très - grand
pour la Peinture , ce qui fut caufe qu'il quitta
dés fa jeuneffe l'Orfevreric, où fon pere l'avoit
mis, ce fut le premier qui trouva l'invention de
ttiettrefur la tête des filles Florentine rorneitient

K

-ocr page 247-

1^4 Hijfoke des Arts

apellé GirlanJe, d'où il fut depuis nommé Do-
niinicjue de Ghirlandaio. Comme il avançoit
dans le bon goût, il fut le premier qui imita en
fes Tableaux par des couleurs les ornemens d'or, t

qui jufqu'alors fe faifoient par des rehauts de j

vrai or. La réputation de Dominique fut connue
du Pape Sixte quatrième qui le manda à Rome
pour peindre dans fa Chapelle, de retour à Flo-
rence il y peignit la Chapelle de
Ricci , qui fur f
un de fes principaux ouvrages : il avoit acoû- •
tumé de dire que la veritable peinture étoit le
Defrein,& celle pour l'éternité étoit la Mofaïque,
il mourut à 44. ans l'an 1493. fes Eleves furent
David ,& Benoît Ghirlandaie » Sebaftien Mai-
mard, Miche-lAnge Buonarotti , & plufieurs au-
tres habiles Maîtres Florentins.

Dans le même tems Benoît de Maiano fe £t
diftinguer à Florence dans la Sculture & l'Ar- i

chitedure , comme Antoine & Pierre Pollaivoli , |

Peintres & Sculteurs florentins , ils moururent à i

Rome où le Pape Innocent fuccefleur de Sixte f-

quatriéme les ayoit fait venir , il furent très- '

curieux & des premiers à étudier l'Anatomie,
SCpar là ils rendirent leurs ouvrages plus parfaits.

Il parut auffi à Florence vers ces tems-là Filipc
Xippi pe'ntre, qui montra à varier les habile-
mens aux figures & à fuivre en cela l'antique ,
il avoit encore un grand genie dans les ornemens
& les Grotefques antiques , il travailloit auffi en ^

Stuc j & mourut à 45. ans. De même Luc ^s- -J ,

guorelli de Cortone, eut de la réputation par les
ouvrages de peinture qu'il fit en cette vile, 8c
dans Arezzcj il avoit beaucoup d'invention, &
de grâce dans la compofition de fes Hiftoires , 8c
deflinoit bien le nu.

-ocr page 248-

qui ont raport au Depin. 15) |
qui lui donna une entrée facile
dans tous les Arcs qui dépendent
du Deflein,dans les Macematiques,
la Mufique , Se la Poëlîe où il eut
(l'avantage d'exceler.

Léonard apric d'André Verro-
chio la Peinture & la Sculture,
mais ayant en peu de tems furpaffé
fon Maître en Peinture j il étudia
la Perfpedive, les dépendances,
& pénétra les fecrets les plus ca-
chez del'Anatomie, ^ & du mou-
vement des Mufcles , par l'étude
qu'il en fît fous-Marc-Antoine de

2.. Léonard de Vinci, Michel-Ange, & tous
les habiles Deffinateurs étudièrent l'Anatomie,
De "Vinci recommande fôigneufement cette étude
en fon Traitté de la Peinture , ainfi qu'a fait Paul
Lomm(tz,zo au fien. Charles Alfonce du Frefnoy ,
& D. P. fon Commentateur ont auflî fait voir
la necefllté de favoir la Miologie pour devenir
cxcelent dans le Deffein. L'Auteur des entretiens
fur la vie j & les ouvrages des plus excellens
Peintres , eft encore de ce fentiment : ma's en
parlant de cette fience il s'en explique avec des
termes confus , parce qu'il prend les tendons
pour des nsrfs , car en écrivant de k Statue
de Laocon dans une Conférence de l'Acadeinie il
s'exprime ainfi,difant que Iss Nerfs ^ les Mufeles
■ i^ij

-ocr page 249-

Hifiûire 'âes Arts

ferment Us frineifale^ aparences de cette StatUe,
Et dans Ton Livre des entretiens parlant des Muf-
cles, il enfcigne à la page 315-. du P. T. qu'«7
faut y voir des Mufcles , ^ des Nerfs. Et en la
556. il dit
que leurs motivemens dependet^t de lit
fahric[uedes os ^éi' delà fituatiort des Mufcles , é^
des Tendons qui les foutiennent ^ les font agir.
En
un autre endroit il parle comme
les Mufcles.é^ les
Nerfs font plusfouples ép p^ni obeïjfum.
Cequi ap-
porte du changement dans les Nerfs, ^c.
Sur-
quoi ileft bon d'édaircir ceci en faveur des Ele-
Yîs. Pourle faire il faut fçavoir que l'on conlîderç
trois parties aux Mufcles i ce font la têre, le ven-
tre, & laqueiic , qui ne font autre chofe que fon
principe, fon milieu, & fa fin 5 cette fin du Muf-
cle eft ce qu'on apelle Tendon , xeflèmblant alfés
à des cordes, que l'Auteur des entretiens > a pris
pour des Nerfs aux pieds du Laocon : où il eft
évident que ce font les Tendons du long & du
court extenfeur des doigts , qui vont finir au^
articulatoinsde ckacun d'eux , y étans tres-apa-
rens, à caufe des mouvemens douloureux quelç
Sculteur Agefandre fait voir que reffentoit
cette figure par la morfure des ferpens. Quant}
à ce que cet Auteur dit
que les Tendons foutiew
nent les Mufcles , ^ les font agir
, c'eft parler
fans avoir aucune intelligence d'Anatomie , 8ç
de Deifein j il auroit pû metre que les Tendons
finiffent les Mufcles, & ne pas dire qu'ils les fonç
agir. Car ce qui donne le mouvement aux Muf-
cles , c'eft l'efprit animal qui leur eft porté pair
les Nerfs qui le contiennent ; mais ces Nerfs font
difus ,6c fe perdent parmi les Membranes , & les
chairs , par des rameaux qui finiflçttt comme
des cheveux ; de forte qu'ils oe fc font point p^-

-ocr page 250-

qui ont tapon au Deffein. 15)7
la Tour, profeffeLir, en cette fien-
ce.

La beauté du célébré Léonard,
porta fa réputation par toute l'Ita-
lie , au delà, ce qui fut caufeque
Loiiis Sforfe Duc de Milan l'attira
auprès de lui. La premiere chofe à
quois'ocupa Léonard de Vinci, ce
fut à rétablir l'Academie de l'Ar><
chitedure , fondée à Milan cent
ans auparavant par Micheline.Car
iLdonna a cette alTemblée , des lu-

roître à i'exterieur, au contraire ce font les Ten-
dons qu'on y voit , que ie vieux langage a apellc
des Nerfs, lors que l'on n'étoit pas fi éclairé
dans l'Anatomie que
l'on eft à prefenr. Cela
fc remarque dans une vieille Traduction de
la Bible, Genefe c. jx. v. ij.
l'Ange , après
avoir lutté toute la nuit avec Jacob , ne le pou-
Tant vaincre il lui toucha le nerf de la cuiffe, &
auffitôt il fe Techa, & fe retira ,
dont il en fut
boiteux. ( Ce nerf eft proprement le tendon da
Mufcle nomrhé le Bicepts de la jambe. ) En mé-
moire d'une telle adion les enfans d'Ifraël ne
mangeoicnt point aux animaux cette partie
femblable au tendon de Jaccb , qui s'étoit retiré:
par l'atouchement de l'Ange du Seigneur. Idem
V. Jt. ce qui prouve entièrement que ce n'étoit
point feulement un neif mais le tendon qui fait
partie du Mufcle.

K iij

-ocr page 251-

15)8 Mifioire des Arts
mieres pour fortir de la maniéré
Gotique. Il fie pour ce Prince plu-
fieurs Tableaux, & entre autres
l'admirable Cene du Refedoire ,
de faint Dominique : il donna l'in-
vention de faire le Canal qui porte
l'eau de l'Adda à Milan , & de
rendre cette riviere nayigable plus
de trente miles au delà.

Mais come Léonard meditoit
îoûjours des chofes extraordinai-
res pour la gloire du Prince qu'il
fervoit, il lui fit unmodele de ter-
re d'une figure Equeftrejd'une hau-
teur diilinguée, & d'une beauté
lînguliere , afin de la jetter en
Bronze: néanmoins elle ne fut çoint
executée, foit à caufe de ladincul-
té de fondre un fi grand ouvrage ,
ou pour quelque autre raifon, 6c
ce beau modele fut riiinë quand
les François conquirent le Mila-
nois.

Après que Lotiis Sforfe fut ame-
né en France , Léonard retourna

-ocr page 252-

qui ont raport au Dejfein. 15)5?
à Florence, où il peignit plufieurs
Tableaux, & deffina de grans car-
tons , qui donnèrent depuis à Ra-
faël des idées pour qu'il fe perfec-
tionnât au deflus de la maniéré de
Pierre Perrugin fon Maître. Julien
de Medicis , n'honnora pas moins
le célébré Léonard de Vinci, que
le Duc de Milan l'avoic honnoré.
Gar outre toutes les carefles qu'il
lui fit, il voulut encore le mener à
Rome à l'éledion de Léon dixième,
il reçut de ce Pape de fembla-
bles honneurs, maislajaloufie qu'il
avoit entre lui & Michel-Ange
e dégoûta de la Cour de Rome,
èc l'obligea de venir en celle de
France , où François premier le
fouhaitoit avec paillon, à caufe de
l'eftime qu'il avoit pour fa per-
fonne, & pour fes Tableaux qui
ornoient Ion Cabinet de Fontai-
nebleau.

C'eft dans cette maifon Roiale
où ce grand Peintre vieillit , ôc fit

R iiij

l

-ocr page 253-

aoo liifioire des Arts
une ilkiilre fin , car après y avoir
été comblé de biens & d'honneurs
par ce genereux Prince , il devint
malade, &lors c^ue Sa Majeftéen
en fut avertie , elle l'alla voir.
De Vinci voulut fe relever pour
reconnoître une fi glorieufe viîite >
mais fe trouvant plus mal > le Roi
saproche auffitôc de lui, l'embraC-
fe , le lailTe glorieufement expi-
rer î entre {es bras.

Ce grand Monarque, aimoit les

î- Léonard de Vinci mourut âgé de 7f. ans,
outre fon traité de la Peinture qui eft imprimcy il
compofa plufieurs autres Livres, un de T Anatomic
du corps humain avec les figures , un de l'ana-
tomie du cheval, un autre des lumières & des
ombres , & un de la nature, poids & mouvement
de l'eau , rempli de Defleins , de machines i mais
tnalheureufement ils n'ont point été mis au
jour. Jean-Batifte Strezzia fait à fa louange
ces Vers.

Vince ceftm fur folo
Tutti altri ; vincefidia éf vince apelle :
Et tutto il lor vittoriofe Stuolo.

Il eut pour Elevés Jean-Antoine Bolcrafio Mila-
nois, François Melzi de la même vile, & l'on tient
qu'André de Solario fur aufU fon Eleye^

-ocr page 254-

qui ent raport au Dejfein. 2,01
belles Lettres, les beaux Arts,
avec tant de paffion , qu'il faifoic
gloire de peindre, de deiiïner,
& ion peut dire que ce Roi fit
revivre la Peinture, la Sculture,
& l'Architecture, Car il nefe con-
tenta point d'avoir fait venir Léo-
nard de Vinci : il atira auffi de
Florence , un grand nombre d'ha-
biles gens , tels qu'André 4
Bel
Sam
, Maître RoulTe, Dominique
Florentin j.le Salviati, & plufieurs
autres excelens Peintres, &: exce- '
lens Sculteuis, ainfi que de Man-
toiie, le Primaticcio Balonois , ôc

4. André Delfarto naquit à Florence en 147SJ
il aprit d'abord l'Orfevreric , puis il fe mit à la
Peinture fous Pierre
Cofimo , que l'on tenoit a-
lors l'un des meilleurs Peintres de Florence,

étudia aulll dans la Sale du Confeil les Cartons
de Léonard de Vinci » & de Mickel Ange , fis
plufieurs ouvrages admirables à Florence, comcme
le Cloître de l'Annonciade^la
Madonna del Sacco,
& plufieurs autres, qui portèrent fa réputation
au plus h-aut point. Ses Eleves font Jacques de
Puntorme le
Solofmeo P Francifco di [andro,
François Salviati , George Vafari , & André
Squarzzella qui avoit fort fa maaiere, il a cxa-

-ocr page 255-

^oi - Mîflaire des Ans
Nicolo de Modene , qui embeli-
rènt tous, les Maifons Roiales,
exciterent les François à fe rendre
habiles dans les ArtsduDefTein.

Parmi ces illaftres Italiens An-
dré
Del Sarto, tenoit le premier
rang à l'Ecole Florentine , pour
la coreclion de Ton Deffein , & par-
ce qu'il y avoit porté la Peinture à
un haut degré,
Pierre Perrugino , J avoit eu le

vâillé en France dans un Palais hors de Paris,
ainfi que le dit Vafari , & il y a aparence que
c'eft de ce lieu-là qu'on a porté à Paris des
Ta-
bleaux qui font dans la galerie des grands je-
iliiftes qui ont du DefTein & de la maniéré d'An-
dré
Deljarto. André vêquit 41,: ans. M. Pierre
Vcttori a fait cet Epitafe pour André
Ddfurto.

^dmiravilis ingenii FiBori ^ ac vetenbns illis om-
nium judicio.

comparando-
'D'ommicm contes difcifulus , pro lahoythm iin
infiituendo fufceptis,

grato anime pofuit

Vixitmn. XLII. Ob. A. MDXXX.

5. P. Perrugin n'ourut à 78. ans l'an m4-
outre Rafaël fon Eleve.ilenfit encore plufieurs
bons, Pintuiicchio Perrugin, Roch. Zoppo , yiQ-

-ocr page 256-

qui Gnt rafort au Dejfein. 2.05
même avantage à Florence, & à
Rome, où il peignit d'excelens Ta-
bleaux 5 particulièrement dans
la Chapelle de Sixte quatrième.

Mais ce qui augmenta la gloire
de cet habile Peintre, c'eft qu'il
eut.pourfon premier Eleve RafacL
Sanzio, d'Urbin,

rentîn, Filipe Salvinti , le Honte Varchi, BaC'-
cio Vberti
Florentin , Pierre Jean E[pagno],niais
l'un des meilleurs fut André Loiiis d'Affife, Se
Benoît Caporal, qui s'adonna encore à l'AîCki-
tcdare, & commenta Vitruve,

-ocr page 257-

Mifioife des Atts

CHAPITKE XI.

De la ferfeBion de la Peinture
au dernier fie de,

CE fut Rafaël d'Urbin qui é-
leva dans le dernier fîecle > la
Peinture au plus haut degré : les
ouvrages qu'on a de lui à Rome ,
à Florence , à Bologne , ' & en

I. A Bologne en l'Eglife de ^aint Jean du M<mi:
fe voit l'admirable Tableau de Rafaël , qui re-
prefente fainte Cécile avec d'autres Saints
Se
Saintes. Rafaël lors qu'ail eut fini ce Tableau
i'adrefla à François Francia Peintre de Bologne ,
le priant d'avoir foin de le fnre pofer à l'Autel
où il étoit deftiné i le francia qui fe perfuadoit
être encore meilleur Peintre qu'il n'étoit, & qui
avoit une grande ardeuî de voir des Ouvrages de
Rafaël , qu'il ne conno ffoit que par lettre , &
par le grand bruit que l'on faifoit de fon favoir ,
fur ravi de cette occafion , mais il n'eut pas plu-
tôt ôté le Tableau de fa quaiffe , qu'il fut tele-
ment furpris de fon excelence qu'il conçut du
chagrin de ce qu'il étoit de beaucoup éloigné
d'écre auffi habile que Rafaël, & ce chagrin le
fit tomba- malade dont il mourut peu de jours
après. Vafari, Vita de Pitt. &c. François Francia
naquit en M^o- il aptic dés fa jeuacife l'Orfe-

204

-ocr page 258-

qui ont raport au "Deffein. 205

vrcrie où il cxcck à travailler d'émail,Sc à gravej:
des Coins pour la Monnoïe , fcs Médaillés onc
égalé celles de Caradofle , ainlî qu'il fe yoic par
celle du Papï Jules fécond , du ieigneur Benti-'
voglio , & par tous les Coins de la Monnoie de
Bologne qu'il fie tant qu'il vécut. Il embrafla U
Peinture après avoir connu André M'ntegne , il
fut le premier Peintre de Bologne , & l'emporta
fur tous les Peintres Boîonois qui avoient été
avàat lui » fou Ecole fut fi fameufe qu'au raport
de Malvazzia , il en fortit bien deux cens Ele-
vés j un des meilleurs qui aprircnt de Francis
ce fut Laurent Cofta , dont il cft parlé au chap.
7. Malvazzia F'ùa
de Pitt.

Ce même Auteur nie ce que le Varari racontç
de la mort du Fr iiicia , parce que ce Peintre avoic
vu d'autres Tableaux de Rafaël, avant qu* dç
recevoir celui de la fainte Cecile , & avoit mar-
qué dans les lettres qu'il écrivit à Rafaël , fon
eftime pour lui , qui éioit le Peintre des Pein-
tres » comme il le marque par, ces mots ,
Che
tu jolo il pitûr fei de pittori.

Malvazzia fe p'aint encore de Vafari de ce
qu'il a bien voulu ignorer qu'il y avoit des Pein^
très à Bologne , au moins aufll-tôt qu'à floren-
ce , parce qu'il dit qu'en luj. jufqu'ea 1140,
parurent à Bologne Gu do , Ventura , & Orfone,
qui embelirçnt de leurs peintures les Eglifes de
la Madonnft de Ltimbertazz,i , de faint Etiennç
& plufieurs autres de cette vile. Apres vint Ma^
rinOrfevre , & Scukeur, & Franco de Bologne
Peintre , contemporain de .Ghiotto , qui pour-
tant tenoient du goût Gotique, cependant ils fu-
rent fort loliez de Dante, Franco travailla pour
le Pape Benoît IX. à faire des Livres de Mignia-

-ocr page 259-

:io6 liifioire des Arts

■ïure pour la Biblioteque du Vatican. Ce fut ce-
lui qui cominença de faire à Bologne la première
Ecole de Peinture , parce qu'il fit beaucoup d'E-
levés , entr'autres Simon , Jacob d'Avanzi, &
Vitale qui le furpafla.

Celui-ci fleurit vers l'an I34f. & cevix-là en
1370. au commencement Simon ne s'apliquoit
qu'à peindre des Crucifix , d'où il aquit le
nom de Simon du Crucifix , & pour Jacob ne
faifoit que des Vierges : leurs Ouvrages ont été
loiiez de Michel-Ange > & des Caraches.

Au même tems parurent Galeazzo ferrarois:,
& Chriftofaro de Modene , ces Peintres travail-
lèrent dans l'Eglife apellée la
di M.ez.\o ,
hors la porte de Mammole : & tous leurs Ou-
vrages parurent l'an
1400. Jacob travailla en-
core avec
Aldigieri de Zevio Peintre renommé.
Lippo Dalmafio étoit Elevé de Vitale', & il cn-
feignaà peindreà M. Galante Bolonois : ce Lip-
po , félon que le prétend le Malvafio , peignic
à huile dés l'an
1400, La Peinture fe peifeâ:ion-
na de plus en plus à Bologne par Matteo , l'un de
fes beaux Ouvrages fut un laint Irançois , qu'il
peignit à huile en
1443 ^^^^s le petit Portique de
Poiflonnerie, Puis Severe de Bologne travailla en
1460. Jaques Ripenda peignit beauco p à Rome,
& delTuia toute la Colonne Trajane , 11 y eut en-
core alors plufieurs bons Peintres Bolonois dont
Marco Zoppo eft l'un.
Se fes Ouvrages parurent
vers la fin du {îecle de
1400. Il hit tleve de
Squarcione : mais fa plus grande gloire c'eft d'a-
voir élevé François Francia qui releva la Pein-
ture à Bologne de l'abaiHement ou elle avoit étéi
& y introduifit le bon goût de d- lUner & de pein-
dre comme nous venons de le inarquer.

-ocr page 260-

qui ont raport du Defiein. 2.07
France j en font d'illuftres preuves,
puifqu'ils font tous les jours le fujet
de nôtre admiration &; de nôtre
étude.

Ce rare homme avoit un natu-
rel bien-faifant, fage ôc heureux ,

il eut dés fon enfance de gran-
des difpofitions pour la Peinture :
il en aprit les principes de fon pe-
r€ , à la vile d'Urbin fa patrie :
mais ce pere voiant que fon fils
dés fa plus tendre jeunefTe le fur-
paflfoit 5 le donna à Pierre Perru-
gin, l'un des Peintres des plus re-
nommez de Florence : & Rafaël
dans peu de tems en imita fibien la
maniéré , que fotivent on ne pou-

Outre tous les Ouvrages que Rafaci fit à Kuile,
& à frefque , il fit quantité de deffems colorés
de Tapifferies , qui furent cxecutez en Flaadre ,
qui font les Hiftoiresdes Ailes des Apôtres june
Tenture des JVliftcres de nôtre Seigneur, & d'au-
tres qui font relevée d'or & de foie , ces Tapif-
feries coûtèrent à Léon X. foixante & dix mile
écus Romains , & elle fe confervent dans le Gar-
de-Meuble du Pape , le Roi en a auffi à Paris
line Tenture des mêmes deffeins des Ades » qui
font aufïî de la même richelTe.

-ocr page 261-

ZQË Mifloire des Arts
voit diftinguer l'ouvrage de cet il-
luilre Eleve j de celui de fon Maî-
tre.

Apres que Rafaël eut qùité le
Perugio , il ala travailler à Siene,
où il oiiit parler de i'eftime que
l'on faifoit à Florence , d'un Car-
ton , où étoit delTiné des Groupes
de Cavaliers qui fe batoient , &
que le célébré Léonard de Vinci
avoit fait pour la Sale du Confeil.
Il entendit auffi qu'on s'entrete-
iioit d'un autre Deflein , que Mi'
chel-Ange avoit expofé dans la
même Sale , où par concurence ,
Léonard , & Michel-Ange , en
devoient peindre chacun une moi-
tié. Cela obligea Rafaël de qui ter
fon ouvrage pour aler voir à Flo"
rence ces deux fameux Cartons :
mais il ne les eut pas plutôt vus,
qu'il jugea qu'il lui faloit encore
étudier beaucoup , pour acquérir
les exceientes parties du PeiTein ,
dans lequel il fe reconnoiiToit a-

lors

-ocr page 262-

qui ont raport au Deffein. 20 9
lors inférieur à ces deux habiles
Pehitres.

Ahifi il étudia fortement pour
fe remplir l'idée des beaux airs de
tête j de la rondeur , de la force,
& du fini des Ouvrages de Léo-
nard : il obferva de même la beau-
té des contours du nu , dans le
Deflein de Michel-Ange , & com-
me cette beauté, & la corredion
ne viennent que de la proportion,
de la fituation naturelle des muf-
des , & de robfervation jufte de
leurs mouvemehsj Rafaël afin d'a-
querir ces belles connoifTances >
s'apliqua à étudier avec foin l'A-
natomie, & tout fon but ne fut que
de fortir de la maniéré de Pierre
Perugin fon Maître , ce qu'il fie
heureufement : car elle étoit gé-
néralement plus petite , plus fe-
che j & plus tranchée que celles
de Léonard , & de Michel-Ange.

Cette maniéré de Perugin nSa-
voie aufîi ni la rondeur, ni le boa

S

Pi

-ocr page 263-

iio mfioîre des Arts
goût des Tableaux de FrX 'B^rtO"
Lomée ^ de Saint Marc , imitateur
de Léonard. Bartolomée à la fa-
veur de fes études , & de l'amour
qu'il eut pour les œuvres de cet
habile homme , fè perfectionna de
telle forte dans le bon defTein ,
le bon goût, qu'il fut l'un des plus
excelens Peintres de fon tems. Plu-
£eurs Tableaux qui font à Floren-
ce , & à Luques , aux Eglifes faint
Martin 6c faint Romain , en font
d'illuftres preuves : ils paroiiTent
encore aujourd'hui auffi frais,

1. Bartolomée félon Tufage du païs apellé
Baccio , comiTiença d'aprendre la Peinture fous
Benoît
da, Maiano , & puis fous Cofimo Rojfelli,
& enfin il fe mit après à étudier avec ardeur les
Ouvrages & la maniéré de Léonard de Vinci :
îl fe làîffa perfuader par le fameux Jerome Sa-
vonarôîe Dominiquain de quiter le monde, &de
"brûler toutes fes Etudes & Deffeins, où il y avoir
des figures nuës & par un
vœu il fe fit Religieux
de faint Dominique au Couvent de faint Marc à
îlorence , d'où depuis il fut nomi^é Frà Barto-
lomée de faint Marc , il mourut âge de 4-0. ans
en I j-17' fes Elevés fîirent
Cechino del Trate :
Benoît Ciamfarim , Gabriel Rftfiki , ^
l'aelo Pifiolefe.

-ocr page 264-

qui ont rapn au Dejfein. tu
auiîi confervez que s'ils venoient
d'être peints : car outre la beauté
de leur delTein , ils ont un beau
coloris , & un merveilleux relief
caufé par une belle diflribution de
lumîere, & une grande force d'om-
bre , avec un fini , & une union
admirable.

La beauté de ces excelens Ou-
vrages charma Rafaël à Florence
lors qu'il voulut quiter fa premiere
maniéré , & cela l'obligea de faire
une étroite amitié avec Bartolomée
de qui il goûta avec beaucoup de
foin èc d'utilité la façon de peindre,
de colorer : l'amitié de Rafaël ne
fut pas inutile auffi à Frà Bartolo-
mée , parce que Rafaël lui commu-
niqua
l'intelligence, de les réglés de
la perfpedive, qu'il ne fa voir pas fi
bien que lui.

Ainfi Rafaël Sanzio , joignant
àux dons du Ciel qu'il pofledoit,
tous les foins & toutes les diferen-
tçs études neceffaires , forma fa

Sij

-ocr page 265-

212 m foire des Arts
belle maniéré, qui éclate en toti-'
tes fes riches judicieufes corn-
poritions. On y voit fes Atittides
aifées, naturelles, & vives en cha-
que expreffion, une élegante pro-
portion tirée des belles figures An-
tiques , tous Tes airs de vifages fi
nobles qu'ils ont quelques chofes
de la Divinité, enfin il acheva tou-
tes les extremitez de fes figures
dans le dernier fini , & la belle
maniéré de les vêtir , ce font ces
excelentes partie de l'Art qui ren-
dent fes Tableaux les plus parfaits
des Modernes , & c'eil: aufîîceque
ce grand Peintre fît paroître au
Palais du Vatican dans toutes les
Sales , ô£ toutes les Loges qu'il y
peignit.

Cela fe voit particulièrement:
dans fon Tableau de la Transfi-
guration à Saint Pierre
in Monto-
rie
, puifquecet Ouvrage a toujours
été regardé comme l'un des chefs-
d'ceuvrçs dç > & le pre-

-ocr page 266-

qui ont raport au DeJIein. 2.13
mier Tableaa qui fut au monde ;
ceux qae François I, lui fie faire à
huile , & qui fe gardent roigneufe-
ment dans le Cabinet du Roi mon-
trent encore cette vérité.

Cet ouvrage de la Transfigura-
tion fat auiîî le principal ornement
de (a pompe funebre , & cela re-
doubla les regrecs publics , lors
qu'on vint à voir cet admirable
Tableau , auprès du corps de ce
rare homme , & que l'on confidera
que la mort avoit fi- tôt ravi la vie à
Un fi excelent Peintre , qui vivra
dans la mémoire des Peintres , ôc
des Amateurs de la Peinture.

Par là il eft aifé de juger que Ra-
faël fut dans cet Art , le plus ha-
bile , & le plus rare genie du der-
nier (îecle , & cela fa'it voir qull
le porta à fa plus haute perfedion.
Mais auffi nous pouvons dire, que
cet admirable homme fut heureux,
de fleurir fous les Pontificats de
Jules fçcond de Léon daiéme,

-ocr page 267-

214 Hilloire des Arts
Princes tres-zelez pour la renaif-
lance des Arts du DelTein. Car ce
dernier Pape aimoic Rafaël avec
tant d'amour , qu'au tems que la
mort nous ravit cet excelent Pein-
tre , ce genereux Pape s'étoit pro-
pofé de l'honorer du Chapeau de
Cardinal? 3 & cetteefperanceem-
pêcha Rafaël de conclure Ton ma-
riage avec la Niece du Cardinal

j. M. Efpn't Fléchier Bvéque de Nifme, ra-
porte ceci de Rafaël, dans fon Hîftoirc du
Car-
dinal Ximenés, Tome i. p. 187.

Rafaël fît Jules Romain , &: Jean François,
dit le Factore tes héritiers qui étoient fes Elevés,
il mourut à l'âge de trente- fept ans j & fut en-
terré en
rFglife de la Rotonde , où le Bembo 2,
fait fon Epitafe.

D. O. Af.

RafctelU Smtio fo^n. F. Verhinat. TiBori emi-
netijf. veterumque "Emulo cujm fpiranteis frepe
imagineis fi contemplere , Naturéi, atque Artis
' feodus facile imfexeri s fulïtU. éf^eonis X.Pont.
Maxx. Pittur&y^ ArchiteSi.Operihus- Gloriam
Auxit A. XXXVlI. integer intégras, §lu0 die na,"
tus efi , eo ejfe deflit VIII. id. April. M. D.XX.

Jîle hic eft Rafaeli, timuit qus fofpite vimi
'B.tYHm mugnstpmms, ^ monmte mon.

-ocr page 268-

qui ont Tdport au Deffein. 215
de Bibimna , qui le defiroit avec
palîion.

Za-mème en Trançois.

Jean François a fait faire ce Tombeau en mé-
moire de Rafaël Santio d'Urbin tres-excelent
Peintre , & qui ne le cede point aux Anciens On
remarque dans fes Tableaux parlans , qu'il a.'
joint l'Art
à la Nature : ilateievé la Peinture,
& l'Architedurc, fous les Pontificats de Jules
fécond , & de Léon dixième II a vécu trente-fept
ans entiers & acomplis fans maladie , & il eft
mort le pareil jour qu'il étoit né le fcpdérae
Avril ijio.

Cy gift ce Rafaël qui palTa la Nature

On craignit à fa mort de perdre la Peinture,

-ocr page 269-

Hifioire des Ans

CHAPITRE X.

"Des Peintres de Lomhardte qui fer-
virent au Retabhffement de ta
Peinture.

DAiis le tems que Rafaël , &
ion Ecole relevoient la Pein-
ture à Rome , les beaux Genies de
Lombardie i n'y contribuèrent pas

I. Dans la Lombardie & les Provinces de l'E-
tat de Vcnife , furent plufieurs Peintres contem-
porains j & Elevés des Bellins, qui Cervirent au
rétabliffeiTient de la Peinture en plufieurs viles
bien qu'on ne les confiderent que de la fécondé
claiTe j & ce
font les Doffcs de Ferrare , Sebeto
de la même vile > jacobcllo de Flore , Guerriero-
de Padoiie , Juftc & Jerôrae Campagnuola , Ju-
les fon fils, Vincent de
BreiTc, Loiiis» Vivarino ,
Jean Batiftede Corrigliano-, Marc BafariniGio-
vanetto Cordeliaghl, le EafTui, Bartelemi Vi-
varino > }canManfueti, Viftor Bellin , Bartelemi
Montagne de vicenze, Benoît Diada, Jean Boa-
confeil » & Vittor Scarpaccio qui fut le meilleur
Pvintre de tous ceux cy.

Il y eut auffi en ces païs, & aux mêmes tems de
bons Scukeurs ainfique Bartelemi de Ilegge SC
Auguftin Bufto.

Encore à Brcfce, fut pratiqué $c habile dans

moins

-ocr page 270-

qui ont raport au 'Dejfein.
inoins dans leurs pals : dcforte que
nous regardons le commencement
du dernier fiecle , comme le tems
heureux ou les Arts du DelTein ar-
rivèrent en toute l'Italie à leur
plus grande perfeébion.

Car alors nature enfeigna An-
toine i de Correge , qui fans fuivre

la Peinture à frefque Vincent Vcrocliio , fcmbîa-
blcmenc à la incme vile parue
Gci ômc Romani-
110 j bon Deflinateur & bon Praticicii , & le
plus habile de ces Peintres Brefians étoit Ale-
xandre Moretto. Mais revenant à Veronnc il y
afoit de bons Peintres , car outre
Uaeftro Zen»
\cioao\s,Liyera.le fut encore tres-cxcelent,lequel
fut Elevé d'Etienne Veronois , qui en fit d'autres
qui font Jean François
Cetroto de la même vile ,
V3L\x\Ca.viiz.zuolii, & ïïiiiK^oislerbida , qu'on
apeloit le More du même licQ , pareillement Ba—
tifte d'Angelo fon gendre , le More avoit apris
dans fa jeuneffe du Georgeon, qu'il quitta à caufc
d'une querelle qu'il eut à Venife,& fe retira à Vc-
roneoù il laiffa pour un tems la Peinture , puis
il la reprit dans l'Ecole de
Liberale.

X. Antoine de Correge , fut celui qui porta !c
bon goiit (iC peindre en Lombardieà fon plus haut
degré , il fit deux Tableaux |30ur le Duc federic
de Mantouë , qu'il envoia a l'Empereur ; lors
que jules Romain les vit, ilavoiia que perfonne
n'avoit porté le pemdr^& la couleur à une
haate
cxcclencc.

T

-ocr page 271-

il 8 Hijtoîre des Arts
aucunMaître s'aquit une cliarman--
te maniéré de peindre qui enchante
l'elprit , & touche le cœur de tous
ceux qui veulent l'imiter. Cet ha-
bile homme fe peut nommer le
Dremier Peintre de Lombardie ,
)ien que le cours de fa vie n'ait pas
été long, ni fon mérité affés recon-
nu des Princes j & de ceux qui l'ont

Ces deux Tableaux ont été aportez à Rome
par la Reine Chriftine , dont l'un eft une Leda
avec d'autres femmes qui fe baignent, qui font
d'une beauté & d'un fini admirable , auffi bien
que ceux qui font au Cabinet du Roi, peints tant
A huile , qu'à détrempe- Le Corrcge reçut à Par-
me un paiement de foixante écus en
quatrini
inonnoie de cuivre qu'il aporta à pié à Correge,
il s'échaufa de telle forte qu'il en mourut à l'âge
d'environ 40. ans , il fit fes principaux Ouvrages
vers l'an ijii.

M. 'Fa.bio Segni Gentilhomme Florentin lui .a
fait cet Epigrarae.

Hujus cum regeret mertales fpritus artm

PiBoris charités fuplicuere lovi.
Nm aliafingi dextru Vdter aime rogamm :

Hune fréter ; nalli pngere nos Uceat
Annuit his vctis fummi regnator olymfi :

Etjuvenem fubito fydera ad alta tulit.
Utpejfet melius charimtn fimulacra referre
ir&fens > éf nnàas cerneret inde Deas-

m

-ocr page 272-

qui ent rafort du 2) ejfein. 21 ^
fait travailler : néanmoins Tes ex-
celens Ouvrages ont eu le bon-
heur de faire voir la belle ma-
niéré de peindre , & de don-
ner le grand goût, & le fini, au
Baroche , au Porcacino , & aux
fameux Caraches , ■qui l'imite-
rent avec ardeur , èc firent de par-
ticulières études fur fes Ouvrages :
& particulièrement fur ceux qui
rendent la vile de Parme fi celebre,
comme font les Tableaux à huile,
de cet illuftre Peintre, qui font
aux Eglifes Saint Antoine , Saine
Jean , Saint François , & autres
lieux : mais Annibal Carache s'a-
tacha à étudier la grande maniéré,
les beaux airs de tête, la rondeur,
& le relief qui furprennent dans
les admirables coupes, que le Cor-
rege peignit à Frefque , en cette
vile-là , aux Eglifes de la Caredra-
le, & de Saint Jean. C'eft auffi
fur ces beaux Ouvrages que le
Chevalier Lanfranc , forma de-

Tij

-ocr page 273-

Xio Hifioire des Arts
puis fi utilement fon idée , dans la
belle coupe qu'il fît a Rome , à
l'Eglife Saint André de Laval , &
aux autres qu'il peignit à Naplesj
car le Correge eil le premier des
Peintres qui aie fait de ces fortes
de coupes à Jrefque ; & d'un elFec
il furprenant à la faveur du Def^
fein , & des racourcis fi bien ob-
fervez par ce Peintre que cela
trompe la veuë , parce que les Fi-
gures femblent fe redreffer .contre
la nature de la fuperficie concave
de la voûte , & ces excelentes
coupes fervent tous les jours à
ceux qui étudient à faire de fera-
blables ouvrages.

L'on doit encore metre au nom-
bre des fameux Peintres de la Lom-
bardie francois Mazzuolo
3 Par-

j. Le Paimefan était bel homme , d'un air

fracieux , & plutôt d'une beauté d'Ange que
'homme , c'c-ft pourquoi fes Ouvrag' s tcnoient
de cette beauté , étant fouvent vrai ce .qu'a dit
Léonard de Vinci ,
quOgni pittore fi di pnge fe
fitge. Le Parmcfan depuis fon retour de p-Oine

-ocr page 274-

qui ônt raport aû Heffein. îii
mefan , & Polidore Caravage : les
beautez qui font aux Tableaux dn
premier ilirprenent les yeux auffi-
tôt
qu'on les regardes ce qui vient
de.fon agreable maniéré de pein-
dre ,de lefprit du DefTein, qui efl
gracieux ,
Suelte, & dans le goiit
des antiques.

Il avoit un Ci heureux genie que
dés l'âge de feize ans il Bt de {on
propre genie , de rares Tableaux

s'adonna à rAlcliimie , & à vouloir fixer le
Mercure , ce qui nous a prive de pluficurs de
fes Ouvrages-

Outre le Parmefan , la vile de Parme nous a
donné pluficurs autres bons Peintres , comme
Michel- Ange Anfelmi qui exccuta un Caxton de
■ Jules Romain à l'Eglife de Nôtre-Dame
délia
Steccha , & y fit d'autres Tableaux , Jérôme
Mazzuolo , coufin du Parmefan a aufTi eut de
la réputation.

Polidore ainfi que pluficurs autres habiles ,
quita Rome quand les Impériaux vinrent le fac-
cager , & il
s'en alla à Naples où il peignit quel-
ques
Façades de Palais, & quelques Tableaux
à huile j enfuite il pafla à Mefllne où il fut plus
confideié y faifant quantité d'Ouvrages à frcfque
& en huile , & lors qu'il s'aprétoit de revenir à
Kome , il fut aflafiné dans fon lit par Ton Valec
qui le vouloir vokr,ran i;-}?-

T iij

-ocr page 275-

2Lîi Hifimre des Arts
à
Parme, & dans l'Etat de Man-
touë j où il s'entretint à travailler
jurqa'à dix-neuf ans , que la paf-
iion le poulTa d'aler à Rome ? La
réputation des Ouvrages de Ra-
faël , & de Michel-Ange l'y ati-
rerent : il porta avec lui trois pe-
tits Tableaux, & fon Portrait de
fa façon. Ils ne furent pas plutôt
vus du Cardinal Dataire , qu'il fut
introduit auprès du Pape Clement
VII.qui parut charmé de la beauté
defes Tableaux. Le Parmefan entra
par ce moien au fer^ice de ce Pa-
pe,pour lequel il fitplufieurs autres
Ouvrages , & il s'occupa encore
pendant fon fejour à Rome à étu-
dier de telle forte les Peintures de
Rafaël, que l'on difoit que l'efprit
de ce grand Peintre étoit pafTé dans
celui du Parmefan.

Ce jeune Peintre avoit tant d'a-
mour , de d'aplication pour fon
Art j qu'étant à Rome quand elle
fut faccagée par les Impériaux en

-ocr page 276-

qui mit raport au Deffein. 223
mil cinq cent vingt-repc, iJ entra
des foldats dans ïà chambre lors
qu'il travaiiloit, toutefois cela ne
le troubla point, & ils le prirent
à rançon : dont il fe racheta par
quelques-uns de Tes deffeins& de
Tes Tableaux , à caufe qu'il écoit
heureufement tombé entre les
mains d'un Capitaine Alemand
qui aimoit le Deflein > mais il ne
fat pas plutôt en liberté j que d'au-
tres foldats le reprirent j & le dé-
poiiillerent de tout ce qu'il polTc-
doit. Ce malheur caufa fon recour
en Lombardie, où en mil cinq cent
.quarante , il y mourut à trente-iîx
ans.

Polidore de Carravage aprit la
Peinture dans l'Ecole de Rafaël ,
& acheva de fe former au grand
goût du DeiTein , fur les belles
Scultures Antiques : fa Peinture
eft d'un relief admirable , par leurs
lumieres ^ fi bien difpenfées , &
ieurs fortes ombres , ce qui a fait

J iiij

-ocr page 277-

224 Hifiotre des Arts ,
paflTer cet habile homme en ma-
tière de clair-obfcur, pour le pre-
mier Peintre qui ait jamais été. Et
l'Art du peiTein lui a encore beau-
coup d'obligation , en faveur de
Tes riches inventions de Trofées ,
de Vafes, & des autres beaux or-
iiemens qu'il a laiHez à la pofte-
rité.

CHAPITRE XI.

Za Peinture fut priée k la beauté
du Coloris à Venife,

L'Ecole des Bellins, aiant com-
me nous l'avons vu, commen-
cé de faire revivre le bon goût
dans la Peinture : leurs célébrés
Eleves le Georgeon , & le Titien
palTerent bien plus avant qu'eux ,
puis qu'ils furent reconus comme
ils le font aujourd'hui de tous les
Peintres, pour les plus grans Maî-
tres de l'Art dans le Coloris, dans

-ocr page 278-

qui ont raport au Dejfein.
ia belle Chair, dans Toporition des
Couleurs, & l'excelence de faire
le païfage.

Georgeon ^ de Cafiel Franco ,
fut élevé à Venife , il aprit à jouer
à merveille du Lut, & parce qu'il
a voit une belle voix, il devintex-
celent Muficien. Il s'y apliqua
auiîi à la Peinture , où après avoir
goiicé en peu de tems la maniéré
des Bellins , il les palTa , à caufe
de la vivacité de fon génie, de fa
forte inclination à peindre, ôc de
l'étude qu'il fît fur les Tableaux de
Léonard de Vinci, dont il imita
heureufement la force , & l'adou-
ciflement des contours. C'eft de la
forte que le Georgeon fe forma Is
bon goût de peindre & de colorer,
ainfi qu'il le fit paroître à Venife ôc
dans le Trevifan, par les Ouvrages
à frefque qu'il y peignit, & par les
Tableaux à huile des Portraits des

1. George de Cn^el Frmco fut furnommè
Georgeon à caufc du bel afpec qtfil avait.

-ocr page 279-

Hfftoire des Ans
plus grans Capitaines, comme ce-
lui du Prince Gafton de Foix qui
fe voit dans le Cabinet du Roi.

Il donna auffi des marques de
fon efprit & de Ton lavoir en une
difpute qu'il eut à Venife avec des
Scuiceurs, touchant la prééminen-
ce qu'ils pretendoient avoir fur les
Peintres, parce que la Sculcurere-
prefente toutes les vues des corps ,
& la Peinture une feule : cepen-
dant il leur fit voir le contraire,
dans l'un de fes Tableaux, où il
paroiiToit quatre diferentes vues
d'une figura. Poux le faire il pei-
gnit un homme nu qui montroic
l'épaule , & à terre il reprefenta
une fontaine , où l'on voioit par
reflexion 2- le devant de la figure.

La reflexion des objets fur s^e'; corps polis ,
& luifans i ainfi que fur les D'afanes comme cft
l'eau , donne beaucoup d'agrement & de vérité
aux Tableaux , lors qu'ils font imitez par les
régies de la Dioptrique, comme a fait l'illuftre
■Poulïin , qui en cela comme en plufieurs autres
parties a furpaffé tous les autres Peintres, L'Au-

-ocr page 280-

qui ont raport au Dejfein. 117
A l'un des cotez il fit une cuirace
fore luifante, où fe côté fe réflé-
chi (Foit , de l'autre on voioit
un miroir , où l'autre côté opofé

teur des Entretiens le témoigne , & blâme les
Peintres qui négligent d'étudier ces belles regles-Il
donne en cet endroit de fon Livre la raifon de ces
fortes de reflais, par une demonftration Georae-
trique qui eft jufte j & par un païfagc gravé ,
oùeft reprefenté une terraffe une Colonne au
.deflus fur le bord d'une eau, où elles fe reflcchif-
fent : mais dans ce païfage il n'a pas choifi un
Deffinateur intelligent j puis que fur cette eau il
y fait paroître jufqu'au-delà du haut de la Co-
lonne , où il n'y peut ttnir qae la reflexion feu-
lement de la terrafl'e qui eft deflus , c'eft pour-
quoi cet exemple gravé ne doit pas tenir lieu de
precepte , cependant la pratique en eft facile à
trouver , pour réprefenter ces reflais 5 il n'y a •
qu'à prendre la hauteur des objets qui font fur
le bord de l'eau , la renverfer perpendiculaire-
ment en devant,
c'eft jufqu'cù parviendra l'ex-
tremité de l'objet réfléchi. Mais pour trouver la
reflexion de ceux qui font éloignez du bord de
l'eau, il en faut prolonger la furface jufqii'aa
plan de l'élévation des corps , & de ce plan trou-
vé , où imaginé , en prendre de même la hauteur,
& la renverfer en devant perpendiculairement ,
fon extrémité fera le terme de la reflexion de
l'objet qui pourra paroître dans l'eau. Pans l'ex-
plication des principaux termes de la Peintures
on en donnera une plus ample demonftratioa
acompagnée de figures.

-ocr page 281-

Hifioire des Arts
paroifToic : & de cette façon a
la faveur d'une figure, le Geor-
geon en fe voir d'un feul regard
les divers afpe^ts , ce Tableau
fat eftimé l'un des plus beaux qu'il
ait peints. Cet excelent homme
mourut de pelle en mil cinq cens
onze âgé de trente-quatre ans ,
avec l'avantage d'avoir en fi peu de
tems donné le bon goi4t de pein-
dre au Titien , & à Sebaftien de-
puis apelé
Fr^^tte del PiombQ.

Titien Uccello de Cadore, naquit
en mil quatre cens quatre-vingt,
il" fe rendit à Veniie à dix ans, oii
il donna des marques de fbn in-
clination à la Peinture , fes pa-
ïens le mirent chez Jean Bellin ,
©ù il fit auffi-tQt voir un excelent
naturel pour aprendre toutes les
parties necelTaires à un grand Pein-
tre. Mais en mil cinq cent fepr^
voiant que la maniéré de Geor-
geon l'emportoit de beaucoup fur
celle de Bellin , il imita le Geor-

-ocr page 282-

qui ont raport au Deffein. ii^
g-eon avec ardeur , & en devint
r£leve , & même il le llirpaiTa,
car il Te rendit le plus fameux
Colorilie de fon tems : comme
l'ont reconnu depuis tous les Pein-
tres,

Cela obligea Michel-An2;e à di-
re lors qu'il connut le Titien à Ro-
aie , que
Ci au commencement de
fes études, il eût été auffi heureux
que les Florentins , & les Romains,
d'avoir eu de même qu^eux les
Antiques pour aquerir la perfec-
tion du delTein , il auroit pafTç
pour le premier Peintre du mon-
de.

Néanmoins le Titien fut celui de
l'Ecole Vénitienne qui deffina le
mieux, il a particulièrement exçelé
dans le deiièin des enfans du bas-
âge , & cela s'obtèrve au Tableau
des Amours qui etoit à Romç , dans
la Vigne Ludovife : car Filluilre
Pouffin étudia d'après avec le cé-
lébré Seulteur François Flamand ,

-ocr page 283-

1230 Hiftoire des Arts
qui modela des groupes d'en-
fans de ce Tableau , qui par ce
moien apric de cet excelent Ou-
vrage , le bon goût, avec la belle
maniéré de faire les petits enfans,
qui l'ont rendu fi eftimé dans la
Sculture.

Au refte la.grande réputation
du Titien
î le fit rechercher de
tous les Princes de l'Europe, pour

5. Le mérité du Titien fut telement reconnu de
Charlequint , qu'il l'honnora de la qualité de
chevalier , & de Comte Palatin , & il lui donna
en plufieuis lencontics de particulières marques
de Ton cftime. Un jour qu'il le regardoit peindre,
Titi n laiffa tomber un pinceau, l'Empereur le
ramalTa aciffitôt , lui difant que Titien meritoit
d'être ferv par Cefar , & comme les Grans de la
Cour étoient jaloux de tous les honneurs qu'il
recevoir de cet Fmpereur, il leur dit qu'il pouvoir
tous les jours faire des Grans comme eux j mais
non pv>s,un Titien. Toutes les fois qu'il peignoic
ce grand l^rince , le prefent qu'il recevoir étoit
de mile écus d'or- Entre tous les Prince- de
rturope dont il fit le Portrait , il fit aufR de
profil celui de François premier, qui eft au Ca-
binet ciu Roi à Veriaillesj & qui femble tout vi-
va; r.

Le Titien fit encore quantité de DelTeins qui^
furent executécs en Mofaïques à l'Eglife de

-ocr page 284-

qui ont raporî au Bejfein, ^^
•en faire les portraits , il en re-
çut de grans honneurs, & de bon-
nes penfions : celles qu'il obtint

faine Marc pir Valcrc , & Vincent Zuccheriles
nieilleurs Artiftfs en cette forte de Peinture qui
: faflent alors. Le Titien mourut de pcfte l'an 157 6.
âgé de ans-

Plufieurs Peintres ont taché de fuivre le bon
goût de colorer du Titien , cependant il ne fit pas
• <juantité d'Eleves, à caufe qu'il n'aimoit point
s'affujettir à leurmontrcr : parmi les plus habiles
on met Jean de Calxer qui ne vécu pas long-
tcrns, & qui mourut à Naples , & Paris Bon-
done Trevifan , lequel a imité le Titien plus
<îu'aucun autre. Celui-ci afait d'exceleus ouvra-
ges à huile > & à frefque à Veaife , à Vicenze , &c
a Trevife avec plufieurs beaux Portraits, &
plufieurs Tableaux dans les Eglifes: il vint en
France au fervice de François premier , dont il
fit le Portrait, celui des plus belles Dames de
la Cour, & plufieurs Tableaux d'Hiftoires. U
travailla de même pour les Princes de la Maifoa
^e Loraiue ; puis il ala peindre à Aufbourg , &
^ Milan , d'où il fe retira en fa Patrie , où il
'ic travailloit plus que pour fon plaifir, & il
'''"ut heureufement jufqu'à l'âge de 7 j. ans qu'il
■courut.

lean Marie Verdizzott, illuftre Citoien de Ve-
aife fut très-ami de Titien, & doit paffer'pour
l'un de fes Elèves , puifqu'il aprit de lui la Pein-
ture^^ On voit gravez les Deffeins de Verd zzoti
qui font les ïables d'Eiope , ttcs-belles &; tres-
eftimées.

-ocr page 285-

231 Hiftoire des Arts
de Chadequint , & de Fi lippe
fecond , marquent alTez
l'eftime
que l'on faifoic de fon mérité en
Italie , en Alemagne , & en Ef-
?agne, où il embelic glorieufement
! 'JLfcurial , & rJËgli(e faint Lau-
rent , comme il avoit fait les au-
tres Cabinets fameux de l'Euro-
pe.

CHAPITRE XII.

Ziit curiojîté fut dans toutes les Cours
de l'Europe , ^ principalement
à celle de Mantoue,

PAr tous les habiles hommes
dont nous venons de parler,
on voit que la curiofité s'étoit ré-
pandue parmi les grans Princes
du dernier fiecle , où ils donnè-
rent- àJ'envi des marques de leur
protection pour faire revivre ]es
Arts du DelTein, Ainfi la Peinture,
la Sculture , l'Archicedure fi-

rent

-ocr page 286-

qui ont raport au jbejjein. 233
rent de grands progrès à caufe de
l'amour que les Souverains Jeur
portoient, & de l'habileré des fa-
vans hommes qui les exerçoicnt.

En ce tems-là ces Arts conti-
nuèrent de fleurir à Mantode : car
après que le DefTein eut commen-
cé de s'y rétablir par la curiofité
de ces Marquis , & de ces Ducs ,
qui firent travailler Léon Batifle
Albert, Cofta, & André Mante-
gne, le fameux Jules Romain, ren-
dit cette vile auffi belle qu'elle Tefè
aujourd'hui. Ainfi lors que cet il-
luftre Deffinateur eut achevé de
peindre à Rome la fale de Conftan-
tin., que Rafaël fon Maître dévoie
faire : Frédéric Duc de Mantoiie
^la à Rome, où il fut fi charmé
de Jule, qu'il l'obligea 4 force de
carefle , à: de prelens de quiter
l^ome , & de le venir trouver à
Mantoiie.

Auffitôt ce Prince lui ordonné
<le bâtir le Palais du T. dont il

V

-ocr page 287-

234 J-Iifioire des Arts
peignit enfuite tous les apartemens:
& c'eil: en ces fuperbes ouvrages ,
qu'il fit voir la grandeur, la viva-
cité' & la nobleife defon genie.- car
on voit aux quatre cotez du falon
c|ui eft peint à frefque , la chute
des Geans, au haut de la voûte
Jupiter qui les foudroie, on y voit
aulîî toutes les Divinitez éfraiées
de l'audace de ces peuples. Jules
Romain peignit encore
la Loy^iay
ou galerie de ce Palais , où (ont
des Hiftoires de David, & embe-
lit la grande fale des Fables de
Pfiché , de celle de Baccus. lî
orna pluGeurs autres apartemens
par quantité de Peintures, & de
Stucs j de Ton Defîein , qui font ad-
mirables.

Il pegnit enfuite plufieurs gran-
des Batailles de l'Iliade d'Homere
au Palais , de faint Sebaftien, il fit
encore de magnifiques Cartons de.
TapilTerie, pour le Duc de Ferra-
re, qui reprefentent les Combats >

-ocr page 288-

qui mt Tdport au Dejjein. i}^
& le Triomfe de Scipion l'Afri-
cain , defquelles" le Roi, lè Duc de
Mantoiie, & celui de Modeneonc
chacun une tenture très-riche-
ment relevée d'or.

Mais comme Ton genie ëtoit uni-
verfel, 6c qu'il exceloit dans toutes
les parties du Deflein : l'Architec-
ture qui en eft une, fut à Mantoùe
l'une de fes plus grandes ocupa-
tions, car outre le Palais du T.
qu'il bâtit , il fie orner l'Eglife faint
Pierre, plufieurs autres d'une
Architedure régulière. Ce fut lui
auffi qui trouva le moien de ga-
rentir cette noble vile de l'inonda-
tion des eaux du Lac qui l'environ-
ne , il y bâtit plufieurs fuperbes Pa-
lais. , & y fit élargir les grandes
rues qui en font aujourd'hui toute
la beauté.

Jules Romain fe mit par là ii

ï-'Ces Tapifferies furent faites en Flandre par
Micolas & ]ean-Batifte Roux trcs-liabUes ou-
yriers.

V ij

-ocr page 289-

23(5 Jrlilîoire des Arts

bien dans les bonnes grâces dcï
Duc , & du Cardinal Ion frere,
qu'il ne peut s'empêcher de dire
que cet homme étoit plus le Maî-
tre de Mantoùe que lui-même.
Auffi l'eftime &; l'honneur qu'il
reçut de ces deux Princes, l'enga'-
gerenc de refter auprès d'eux ,
de ne point retourner i Rome,
quoique le Pape le fouhaîtat pour
en faire le premier Architecte de la
Fabrique de faint Pierre..

z. Jule Romain mourut à l'âge de /4. ans ca
il lui fut fait cet Epitafe.

^omanHS meriem fecum tres-julim arteis
Abftulit ( hmdimirum ) (quatuor unus emt.

Ce grand Peintre eut pl'ufieurs Eleves , les
meilleurs furent le Primatifte Bolonois ,,Jean de
Lion, P.afac] D^/
Colle Borghsfe , Benoît Pagni
de Pefcia-, figurine de fa-enfo-,
René, & Jean-Ba-
tifte Mantoiiuno, ^ Ferma Guifoni.

A Cremone proche de Mantoiie la Peinture
commença d'y florir depuis que F^ordenoney eut
fait des ouvrages à Frefquc, & à huile q-ui donac-
rent le bon goût de peindre à
Camillo fils da
BMcacino , à Bernard de Gutti apellé
qui travailla encore à Panne ,
èc à Galc/t:(z3
Cam^o, qui eut trois fils Peintres, Jules , An-

-ocr page 290-

qui ont raport au De[fein, 257

loînc , & Vincent. Jules fe rendît habile ; fes
Elèves furent fes deaxfreres j & ha-âinccGa/M-
haro Breffan , mais Ceux qui lai firent le plus
^'honneur ce furent, trois fœurs de noble famille,
aprirent' de Jules
Campo la Peinture. Elles fc
notïiiTent Sofonifbe, Lucie,&
^utofc Angofciol/f,
1 illuftre Sofonifbe fut emmenée parle Duc d'Al-
en Efpagne , au fervice de la Reine , & la
beauté de fes ouvrages étant venue à la connoif-
fancedc Pie IV. il fouhaita avoirde la main de
Sofonilbe , le Portrait de cette Reine, qui
fut admiré de"tout Rome , le Pape en remercia
cette illuftre PeintrelTe par un bref , fes"
deux autres fœurs ont été de même tres-fameu»
fes'dans la Peinture
Vafari, 'vita. di B. Garofule.-

Dans la Sculmre aufTi bien que dans la Peinture
il y a eu des filles qui fe lonl fait diftinguet
particulièrement
Properzia de RoJJi , de Bologne,
qui fe fitadmireren cettevile par fes Deffeins,
& par les Ouvrages de marbre qu'elle fit , elle
mourut au rems que Clement VÎl. vint à Bologne
couronner Charlequint. Ce Pape avoic une
grande paÏÏlon de voir cette illuftre fille, mais
clic mourut q^uelques jours avant cette ceremonie.

A Breffe parut encore Gerome MutianjGerô-
^^Romamno, Se AlexandreMoj-Wfi qui eurent de
la réputation.

^ De Milan font fortis axifE d'iiabiles Peintres,
i un des plus anciens el^ Bramantine , qui travailla:
pour le Pape Nicolas V. au- Vatican , mais fa
Peinture fut mife à bas ,
Se Rafaël a peint depuis
fur le même lieu. Il étoit auflr Architetle , & il'
fit plufieuts Deffeins & Bâtimcns à Milan, qui
ont krvi à Bramant lors qu'il commença d'è-

-ocr page 291-

238 Hiftoire des Arts

Cela nous marque afTez que non
feulement la Peinture florillbit en
plufieurs viles d'Italie , & à Man-
toiie : mais encore que la belle Ar-
chitecture a toujours été infepara-
ble du Deflein : & pour faire voir

tudier l'Architedure en cette vile. Dans le même
îems Auguftin furnommé Bambain fc fit

diftiguer entre les autres Sculteurs de fon tems
par plufieurs Ouvrages qu'il fit à Milan , & par-
ticulièrement par la Sépulture de Monfcigncur le
Comte de Folx , quieft enl'Eglifedc fainte Marte^
qui eft faite avec un loin & une patience admi-
rable. L'Adam &: l'Eve qui eft à la façade du
Dôme de Milan" eft de Criftofle
Gobho , qui fuc
l'un des concurans du Bambaia , & il y eut encore
plufieurs autres Sculteurs & Archîredes qui ont
cinbeli cette vile & k Dôme par leurs Ouvrages,
ainfi que firent ,
il CecUiano , Tofanon

Lomhardino.bilvio da fiefole , & François
bilati. Mais pour la Peinture elle fe perfcdiona
à Milan depuis que les Ouvrages de Léonard de
Vinci y parurent, & l'un des plus excelens Pein-
tres Milanois à été Gaudence, fes Ouvrages font
en cette vile, à Verfeil, & à
Ver alla. Des imita-
teurs de Léonard fut encore
MarcoVggioni, mais-
celui des Peintres Milanois à qui l'Art de la Pein-
ture , a le plus d'obligation c'eft à Paul Leima:^^
qui à écrit tres-favament fur toutes les parties
de l'Art
, 8c qui font d'une grande utilité à tous
les Dcffinateurs Ces Livres ont été imprimez à
Milan en 1/84. ôc i jjo.

-ocr page 292-

qui ont rapôft au DeJJein. 23 9
3lus particulièrement le progrés de
'Architedure, dans fa renaiuance,
je commencerai d'en parler dés le
tems du Brunclefchi, cent ans a-
vant Jules Romain.

CHAPITRE XIII.

L^AnhiteBure -vint dans nne haute
excelence à Rome.

Le fameux Serbrunelefclii com-
mença à developer l'Archi-
tedure des mauvaifes maniérés
Gotiques , qui avoient été prati-
quées à Florence , & ailleurs juf--
qu'en 1400. car il rétablit en cette
vile Tufage des Ordres Dorique,
Jonique , & Corintien , dans toute
leur pureté j & félon les belles ré-
glés qu'il en avoit étudiées à Rome
for les bâtimens antiques.

Léon Batifte Albert fuivit les
traces de cet illuftre Architecte
fameux Sculteur , èi à Ton imita-

-ocr page 293-

2^-0 Hifioire des Arts

tion il continua à Florence le bon
goLic de l'Arciiiteâiure , à caufe
qu'il écoit excelent Geometre , &
habile deffinateur. Son traité des
Ordres , Se Tes ouvrages d'Archi-
tecture en font la preuve.

Le célébré Bramante à la £ivcur
de fa belle Architecture pourlui-
vit d eclaircir la fin de ce même
fiecle, come Bruneleichi, Léon
Batille avoient fait, le commen-
cement de celui de 1500" où il vé-
cut. Bramante aprit la Peinture
dés fa jeuneffe , & il en gagna long-
tems (à vie , dans TEtat d'Urbin ,
( où il prit nailïance, ) & dans plu-
fieurs viles de Lombardie , ou il
fit quantité : de Tableaux. Mais
parce qu'il avoit encore du genie
pour de très- grandes chofes, il fut
à Milan conliderer le Bâtiment de
la grande Eglife , conduite alors
par le Cefariane fort habile Archi-
câde , & par
Bcrnardino da Trevio-
Milanois , auiîî habile Peintre^

qu'Architede

-ocr page 294-

qui ent rapoft au 'Deffein. i^i
qu'Architecte Ingeiiîeur , qui
ccoic fort confideré de Léonard
de Vinci, quoique fa maniéré de
peindre fût un peu feclie.

Les reflexions qae iit Bramante
fur cettefameufe Eglife, jointes à
la connoilTance qu'il eut avec les
deux Architedes qui la condui-
foient lui dojinerent l'envie de s'a-
tacher entièrement à l'Architec-
ture : & dans ce dejTein il s'en ala
à Rome, où ayant épargné ce qu'il
avoit gagné à peindre, il mefura
avec un loin particulier les ma-
gnifiques bâtimens antiques de
cette vile, ceux de Tivoli, ôc de
la
z^i/Za Adriana j fa paffion pour
rArchiteélure le porta d'aler aufîi
jufqu'à Naples afin d'obferver tous
les beaux refies de l'antiquité qui
y font, & aux environs. 11 y trou-
va heureufement la protection du
Cardinal Archevêque, qui eut tant
d'ellime , 6c d'afedion pour lui,
que peu après il l'engagea à faire

X

-ocr page 295-

^iftoire des Arts
dans Rome le Cloître de rEglife
de la Paix.

Eniliite il fut emploie par le Pape
Alexandre fixiéme , & il montra,
fa capacité en l'Architedure du
Palais de la Chancellerie , & de
riiglife faint Laurent
in Dajnafo,
Il embelit encore plufieurs Eglifes
de R.ome , par des façades de fon
Dellein : celle de faint Jacques des
Efpagnols , celle de fainte Marie
del Anima:, celle de N ôtre- Dam.e
delPopolo j en font des preuves con-
vaincantes j de même que le petit
Temple de l'Ordre Dorique qui
eflà iaint Pierrei^
Mont-Orio .^ ces
ouvrages-là ôc tous les autres, lui
donnèrent tant de réputation qu'il
fut reconnu pour le premier Ar-.
cliitetbe de fon tems, lî bien qu'en
mil cinq cens trois, Jules fécond
étant Pape le prit à lonfervice, op.
il continua de.fe faire admirer par
les bâtimens des loges du Vatican,
& par ceux du Palais de Belyedere,

-ocr page 296-

qui ont raf ort du D ejfeîn. 2 45
Mais ce qui a le plus donné de
^crecliLcV cw A^olebre Architede, c'ed
le deflein qu'il conçut de la grande
Eglilè de faint » Pierre de Kome ,
du commencement qu'il donna
à cet incomparable Bâtiment. ^

Rafaël d'Urbin , après la mort
de Bramante, donna de fes foins
à l'Architedure de cette Eglife ,
& l'on voit auffi de cet homme il-
"luftre lafuperbe Chapelle des Chi^
^gis à fainteMarie
Bel Popolo-.mdàs
la mort qui finit à 37. ans le cours
< de fa vie , nous a privé de la con-

I. Le Deffein de l'Eglife de faint Pierre da
Bramante fc voie aux revers desMetkilles de Jules
fécond , & à celles de Lcon X. excelemment bien
gravées par
Carradojfo , qui a fait aafli la Mé-
daillé de Bramante.

z Bramante , mourut en l a4. â^é de 70. ans,
îl fut enterré à laint Pierre , & fort regreté de
tous les habiles de l'Art du Deflein, ce fut lai
qui amena RafaUl a Rome, & qui l'inftruifît dans
l'Architedure.

Cet Architede outre la beauté des Ordres qu'il
remit en ufage , il trouva quantité de belles pra-
tiques dans les bâcimens, comme la maniéré de
faire les voûtes de plâtre & de Stuc qui avoitécé
«fîcée par les antiques. Vafari.vit.de Bram.

Xij

-ocr page 297-

444 Hifioîre des Arts
tiniiation des excelens -ouvrages
qu'il auroit JailTe?. ^ poïlcrité.

L'Architedure fe continiia en-^
core à R,ome dans Ion excelence
par J3uldaf[are 3 Perfux^, où l'on
voit de fon dcjTcixi des Palais d'un

5. B/ildaffttre InruX-KÎ , Sienois, dés fa. jeu-
nerie aprit le Deffeiu & la Peinture, à Siene, en-
Jfuite il ala à Rome, & il y peignit à frefque le
grand Autel de S. Onofre , & à laint Roch deux
Chapelles : puis Auguftin
Chigi le. prit en amitié ,
ee quilui.donna iea-noien d'étudier l'Architedure,
dç lui faire le modele de fon Palais de
Chigé
dans la rue de la Longare , où il peignit plufieurç
figures de Camajeux & plufîeurs belles Pcffpedi-
yes cnquoi il cxceloit, Jules fécond l'employa ^
peindre dans le Vatican > & il peignit encore pluf»
Çcurs façades de Palais à Rome , après q.uoion
l'apella à Bologne pour les defleins du Portique
defaint
Petronio, Se pour plufieurs autres en di-
vers lieux d'Italie, comme à
Carpi où la grande
Èglifeeft de fon Deffein, & cellede faint Nicolas,
puis il retourna à Rome où il bâtit des Palais qui
6)nt proches de celui de Farneze , le Pape lj:on
X. l'ernploia.en plufieurs chofes, & entre autres
à peindre des .Scenes de Comédies , qui furent
d'aurant plus furprenantes, que ce fut
Baldajfurie
qui mit le premier les belles décorations ea
ufage : car il .exceloit encore pour l'invention
de bien placer les lumieresà fes perfpeéllvcs. C'eft
lui^ui continua de faire bâtir la grande Chapelle
de lajnt Picrje qu'a,voic c.ommencç Bramante»

-ocr page 298-

qui ont raportau Hejfein.
goût fin, & d'une élegante propor-
tion , car ils arrêtent la viie des
connoiffeurs , les remplilTant d'un
agréable plaifir par la confîdera-
tion de leurs beautez qui part d'un
profond defTein, puilque Baltafar

Mais en i/iy. qu'afiva le Sac ât Rome par les
Efpagnols
Baldmffare fut fi infortuné qu'il fut
fait prifonicr, & non feulemenc il perdii touc ce
qu'il avoic , mais encore il fut très maltra'té,
parce qu'il avoit une belle pteftance, ces c'riaek
Efpagnols le prenoient pour ua Prélat qui s'étoit
deguifê: & aiant après reconnu qu'il étoit Pein-
tre , l'un d'eux qui aimoit Charles de Bourbon
lui fît faire le Portrait de ce Prince après qu'il
eue été tiié , & par ce raoiea Baldalfure eut la'
libe^rcé > 5c il fc fauva à Siene deniié de toutes
chofes. Après que les guerres furent apaifées il
îctouma à Rome , où il continua de travailler,
& à commenter ViftruVe > qu'il n'acheva point,
à- caufe qnc la mort le prévint, il fut enterré à la
Rotonde auprès de Rafaël avec cet Epitafe.

^akhafari Perutio fenenfi , viro piBurA , e^
ArchiteEtttïA aliifqae ingtniorHm artibur adeo
excelenti ,ut fi prifcorum occul/uijfet temperibus,
fioflras illum felicius legerent.

Vix. ann. LV. mtm. Xl. DiesXX.
tacrena. fo. fmlaftius optima conjugi, é^ p'^-
remi, non fine lucrimis Simonis , Henerii ,ClaM-
dii MmilU, ne SulpictA minorumfiliorum-, dolentes
M^erunt, Die IV. fmmrn M. D. XXXri.

X iij

-ocr page 299-

Hiftmre des Ans '
exceloit auffi en Peinture , & en
perfpedive , avant que d'avoir
pratiqué l'Architedure, & il
ût
dans ce bel Art plufieurs Eleves 5
le
Senio, fut l'un des premiers, &
celui qui profita des DeiTeins de
Baldaffar , car il en compofa les
Livres d'Architedure ,que nous
avons jfous le nom de
Sebafiiano,
Serlio Bolo^efe.

CHAPITRE XIV.

Z'ArchiteBure reprit naijlance dam
rEtat Vénitien,

A bonne Architedure com-
__jmençâ de renaître aux Pro-
vinces de la Republique de Venife,
fuivant le bon goût antique , ôc
celaàcaufe de plufieurs illuftres
Architedes qui fortirent de Vero-
ne, & qui furent heureux d'avoir
pris nailiance dans une vile où il
y a encore tant de beaux reftes de

-ocr page 300-

qui ont raport auT}eJ!em. 2.47
là belle Architedure : car il ell
confiant que les meilleurs précep-
tes qu'on puiffe avoir dans les Arts
du Deffein , ce font les beaux
exemples fur leiquels la jeunelTe
jêtcant la viie avec un particulier
panchanE pour le Defîein , on ne
;3euc qu'on n'y reulTiiTe : & c'eil
'avantage qu'ont eu au delTus des
autres Nations la plus part des Ita-
liens , qui fe font rendus célébrés
dans l'Architediire > la Sciilturs
& la Peinture , de forte qu'il n'eft
pas fi furprenant qu'au dernier
liecle ils aient furpafle les autres.

Ces habiles Archicedes Vero-
nois, font le Joconde , Michel
Som Michel, & Jean Maria balcon-
netti
: le Joconde fut nommé Frà
Jean Joconde, dés lors qu'il prie
l'Habit de laint Dominique j mais
bien que fon premier talent fuiTenc
les Lettres; & la Teologie , il fut
néanmoins encore excelent
Arch'i-
tede , & favant en Perfpedive :

Xiiij;

-ocr page 301-

Z48 Hifioire des Arts
car des fa jeunelTe il fe forma aa
bon goût de l'Architecture anti-
qiie , par l'étude qu'il fit fur les
(TeatresjlesAmfiteatres , les Arcs
de triomfes, & les autres relies des
anciens bâtimens > qui rendent Vé-
rone fameufe.

Lors que le Joconde fe mit à
exercer cet Art , il fut d^abord
tres-favorifé de Maximilien , qui
lui donna ordre de refaire à Vero-
ne^le Pont qu on apelle de la Pierre
& qui eft fort confiderable par l'im-
petuofité du cours du fleuve, ôc
de fon fond mouvant. Le Joconde
dés fa jeunefTc étudia encore à
Rome plufieurs années les cliofes
antiques, & même jufqu'aux inf-
criptions, dont il çompofa un Li-
vre très-beau , qui fut donné au
vieux Duc Laurent de Medicis. Il
travailla aulîî'fur les Commentaires.
àc Cefar , & il mit en DelTein la
d^Tcription du Pont qu'avoit fait
conftrtiire cet Empereur pour pa.-
fer le Rhin.

-ocr page 302-

qui ont rdpon au "Deffein. 245»
Enfuite Joconde fixe apelé en
France par Loiiis douzième, pour
qui il conflruific plufîeurs Bâti-
mens: les plus fameux qu'il ait bâtis
ce font les Ponts Nôtre-Dame de
Paris , que lui donna ordre de faire
ce grand Prince, &: fur la conftruc-
tion defquels Sannazzar fon ami fît
cette Epigramrrie,

Jucundm geminum ïm^ofuit tibifequa-^

na fontem,
'Hunç tu jure pâtes àicere Pontfficem^'

Mais le Joconde de retour à Ro-
me , il fut par la mort de Braman-
te l'un de ceux qui eurent la con-
duite de la Fabrique de S. Pierre
avec Rafaël d'Urbin j & Antoine
Sangal. Le Joconde eut auiîî foin,
de faire à Venife des ouvra2;es fur-
prenans : car il trouva l'invention
de détourner une partie des eaux.
de la Brinte pour ne point remplir
les lacunes de cette vile^de quanti-
té de fable ôc de terre , que cette

-ocr page 303-

%jo Wfioire des Ans

riviere entraîne avec elle , pair '
ce moien il preferva Venife des ac-
cidens qui la menaçoient. Budée
difoit à l'honneur de ce grand
homme , qu'il rendoic grâces à
Eiéu d'avoir eu dans l'Architec-
ture 5 & fur Viclruve un fi habile
Maître que le Jbconde.

Michel fan Michel, étudia les
principes de l'Architedure à Vé-
rone , fous fon pere & fon oncle
qui étoient habiles Architedes j
mais à feize ans il ala à Rome , &
atîx envimns mefurer les beaux bâ-
timens antiques, & il ferendit par-
là capables en toutes les parties
de l'Architedure, de forte que le -
Pape Clement VII.lui donna pen-
fïon pour aler avec le Sangal, faire
fortifier les PlacesdeTEtatEcle-
jfiafl;îque,&: particulièrement celles
de Parmes, & de Plaifance.

Apres il revint à Verone dont il
fît les plus belles portes, & la Re-
publique lemploia à bâtir les priii-

-ocr page 304-

qui ont raport au He^ein. 251
eipales Places de l'Etat, au Levant,
& en Terre ferme, au nombre def-
quels on met la fameufe FortereiTe
du Lido.

De même Jean Maria Falcon-^
netti , qui étoit auiîi Veronnois ,
fut illuftre Architede , il aprit de
fon pere la Peinture 5 mais parce
qu'il n'y faifoit pas grand fruit, il
fe mit à étudier les antiquicez de
fa vile, puis il s'en ala à Rome ,
& à Naples, mefurer lesbâtiniens
antiques, où il s'ocupa douze ans j
& ne laifTa rien là ni même aux
environs à delîiner. Mais comme
il n'a voit pas affez de bien pour
faire de longues Etudes, il travail-
loit quelques jours de la femaine^
à peindre afin de fubvenir à fes-
befoins.

Puis étant de retour à Verone ,,
&n'y trouvant point ocaiîon d'ex-
cercer l'Architedure, il fe vit o—■
bligé de reprendre la Peinture 5 ■
mais par bonheur il rencontra
dans.

-ocr page 305-

Mifioîre des Arts
cette vile le Seigneur Cornaro, qui
aimoit fore l'Archiceâ-ure, & qui
le fit venir chez lui, où il demeura
vingt & un an : il l'emploia tout ce
tems à travailler , Se à exercer cet
Art
5 que Falconnetti avoit tant
étudié. AinU ces troi^ illuftres Ar-
chitectes Veronois portèrent le bon
goût & la belle ma-niere de bâtie
par tout l'Etat Venitien.

Ce bon goût y fut continué
aufE, & même augmenté par Jac-^
ques Sanfovino tiorentin , qui a
embeli Vênife des plus grans, &
des plus réguliers bâtimens qui
s'y voient.

Le célébré Sanfovino, dés fa jeu-
îiefTe commença dans Florence , à
étudier le Deflein , & la Sculture
qu'il y pratiqua heureufement : il
avoit une grande atache pour An-
dré
Del Sarto, excelent Peintre^.
Après il ala à Rome j où il fut con-
nu de Rafaël, & de Bramante, qui
lui rendirent juflicc fur fon fçavoiî!

-ocr page 306-

^ui ont vyi^aré au De^ein. 255
^auprès de Léon dixième.

Les François , les Lfpagnols,
les Aiemans en ce tems-ià eU'
rent à Rome de rém-tiîlation pour
faire bâtir des Eglifes Nationales.
La Florentine obtint du Pape la
même grâce,

Ainfi les Florentins firent faire
des DefTeinSj à Rafaël, à Baldaf^i.
fere
} à Antoine Sangalo , & au
Sanfovino, Ce fut le DelTeinde ce
dernier que l'on dioifit : le ban-
iQÏiin commença par faire conf-
jtruire TEgliCe faint Jean des Flo-
r-cntins fur le Plan qu'il en avoit
fait. Mais ce bâtiment fut interom-
pu pendaqt le Pontificat d'Adrien
fîxiéme, Flamand de Natioa , qui
naTOit aucune aftedlion , ni aucun
goût pour les Arts du. DelFein :
deforte que s'il eut long - tems
tenu le Siege , ces beaux Arts fe-
xoient infailliblement retombez en
decadence, du moins à Rome.
Çlemefit feciéme lui fueceda ,

-ocr page 307-

"H-ifiaire lies ÀrtS
empêcha ce malheur , car il tit
,aulîî-tôt travailler tous les habiles
.-dans les Arts , & Jaques Sanfovi-
no continua par ce moien la Fabri-
que de rEglife des Florentins ,
jufqu'en mile cinq cens vingr-fept,
. que le fac de Rome arlva par l'ar-
mée de Charles-Quint, ce qui fîc
fuïr de cette vile un grand nom-
bre d'excelens hommes. Le San-
foûin I fe retira à Venife pour fe
rendre delà en France au fervice
de François Premier, qui le defî-
roit avec paffion.

Mais s'étant arrêté à Venife dans
Ja penfée d'y gagner quelque clio-

ï. Jaques Sanfoiiin mourut à Venife âgé de
7 8. ans , il fit plufieurs Elevés à Florence, & ,à
Venife, dans la Scukurc , &: furent Nicolas dit
il TrihoU , qui ttavailla beaucoup dans l'Abbaïc
du Mont Caffin , Gerôme de ierrare lequel .a
fait quantité d'Ouvrages à Lorette & à \cnifc.
Jaque Colonne aprit auffi du Sanfoiiin la Scul-
ture , & mourut à Bologne , Titien de Padouë,
Pierre
Ae Salo Jaques Alexandre Vittoria de
Trc te , Tomas de Lugan , Jaques BiclTan »
Barrclemi
Amannati ,:Sc Danefe Catanee qui
tous, ont étcz bons Scuhturs , & Architeâes.

-ocr page 308-

^tti ont raport au Dsjfein. -255
fe , parce qu'il avoit perdu tous
les biens au pillage de Rome :oii
.parla de Ton mérité au Doge Grit-
ti, & on l'aiTura qu'il étoit capable
d'empêcher, la riiîne qui menaçoic
le Dôme de faint Marc. Auffi-côt,
par l'ordre du Doge le Sanfoiiin
l'entreprit & par le moien de k.
..charpente , & des liens de fer qu'il
imagina, il mit ce grand ouvrage
à couvert du péril ou il étoit. Cela
donna tant de réputation à cet ha-
bile homme , que la Surintendan-
ce des bâtimens de la Seigneurie
qui vint à vaquer lui fut glorieu-
jfement donnée.

Le premier ouvrage qu'il fît pour
la Republique ce fut la
Zecca , qui
eft l'Hôtel de la Monnoie, avec
autant de beauté que d'autres avan-
tages : enfuite on l'ocupa aux for-
tifications de l'Etat Vénitien, Puis
U conftruiHt l'Architedure qui em-
belit la fuperbe place Saint Marc.
.11 fit auiE plufieurs ouvrages de

-ocr page 309-

156 Hifioire des Arts
marbre , & de bronze dans l'E^li-
fe , à caufe de tous les beaux Ldi-
fîces dont il enrichit Venife, on
peut dire de lui <^u'il porta en
cette illuftre vile , f Ardiiteclure
dans fa plus haute perfection.

CHAPITRE XV..

Michel-An^e ft fleurir à Rome l'Ar^
chiteUure , la Sculture, ^ le bon
goût du Dejfein.

L

E grand Michel-Ange Buo-
^navolti , eut le même honneur
à Jblorence & à Rome , que le San-
jfoiiin à Venife : car il fît paroître fa
capacité dans l'Architecture dans
ces deux viles , puis qu'au dernier
fiecle il porta ce bel Art à fon plus
haut degré. La raifon en eft tres-
claire & ne doit liirprendre per-
fonne , puis qu'étant le premier
Deffinateur de fon tems , il en fut
auin le premier Architecte j quand

il

-ocr page 310-

qui ont Yapn au 'Deffein, 2^7
il voulift entièrement s'y apliquer,
comme ii le fie durant les demie-
res années.

Michel-Ange naquit à Florence
en 1474. avec un penchant natu-
rel pour le DeflTein , parce qu'en-
core que dés fa jeunelTe il eût
apris les Lettres , il ne laiffoic
pas pourtant en fecret de s'ocu-
per à deffiner : mais comme Ton
pere le vit paffionné pour la Pein-
ture , il le donna à Domini-
que Ghirlandaie, afin qu'il la lui
montrât , & en peu de tems Mi-
chel-Ange fe fie diftinguer des au-
tres Elevés j par la furprenante fa-
cilité qu'il avoir à deffiner : ce beau
genie fe trouva heureuièment fa-
vorifé du Prince Laurent de Me-
dicis , à caufe de la paffion que cc
grand Duc avoit de concourir à
la renaiflance des Arts en faifant
d'habiles gens. Cette genereufe
penfée lui fit établir dans la GaU
ïerie de fes Jardins une Acadc-

Y

-ocr page 311-

Hifiom des Arts
mie j qu'il remplit de beaÔxDef-
feins , de beaux Tableaux , & des
plus belles Sculcures , tant anti- j-
ques, que modernes. Il fit enfuite î
chercher À Florence les jeunes |
Deffinateurs, qui prometoient le i
plus j auquels il donna
des pen-
fions pour y étudier commode- -
ment. Ceux de l'école de Ghir- !
landaie furent choifis les premiers, ,
& particulièrement Michel-Ange, ,
qui avoit une fi vive pénétration
pour tous les Ouvrages qui regar- : \
dent le Deffein , qu'un jour aiant
pris un morceau de marbre , il fe f
mit à faire une tête , bien qu'il ;
n'eut encore jamais manié le ci-
feau J ce qui furprit de tele forte ,
le Prince Laurent , qu'il eut tant •
d'afettion pour Michel r-Ange , »
qu'outre la penfion qu'il luy don-
iioit , il l'honnora encore de fa
table , & d'un logement dans fon : i
Palais.

Après la mort de ce Prince fon

-ocr page 312-

quîofitrdpênauT)ejfein. 155?
SùccefTeur Pierre de Medicis con-
^ tinua pour Michel-Ange la même
] afection dont le Grand Duc fon

pere l'avoit favorifé.
j Le Seigneur Soderini Gonfalo-

! nier de la Republique n'eut pas
moins d'eftime pour cet habile
homme que ces deux Princes : àc
' vers ce tems-là Michel-Ange fit
1 un Cupidon de marbre qui fut en-
' voié à Rome, & qu'on cacha en
, terre , afin de feindre que c'étoit
I une Antique : il fut enfuite deterrc,
I & vendu pour tel au Cardinal de
/ Saine George, & ce Cupidon paf-
I fa comme l'une des plus rare , &
' ^ des plus belles figures de l'antiqui-
I té. Par là ce célébré Sculteur s'a-

? quitune grande réputation à Ro-
' me , où il étoit alé pour la premie-
re fois : il y continua avec aplica-
tit>n la Sculture, & y fit un Baccus
de marbre de d'autres Statues ad-
^ mirables.

A fon retour à Florence il s'a-
' Y. ij

-ocr page 313-

i6o Mtjloîre des j4rU
pliqua avec h même ardeur a ce
bel Arc , & il fit le David de
Marbre, qu'on mit devant le Pa-
lais , dans la Place qu'on apellc
des Seigneurs. Pierre Soderini, èc
tous les Cicoiens furent fi charmez
de cet ouvrage, qu'ils obligèrent ce
fameux Deffinateur à en faire d'au-
tres, les uns de bronze, & les au-
tres de peinture. Alors le Gonfa-
lonier lui ordonna de peindre une
moitié de la Sale du Confcil, & à
Léonard de Vinci l'autre.

Ce fut là que Michel-Ange fit
un carton paralelle à celui de Léo-
nard de Vinci , lequel fut fi re-
nommé : Michel-Ange , en cet
Ouvrage donna des preuves de
Texcelence de Ton Deiîein , tant
à l'égard de la compofition du fu-
jet, qui étoit la guerre de Pife, qu'à
l'^égard de la coredion du iiuj
pour avoir ocafion de le bien faire
voir , il choifit le tems où plufieurs
foldats fe baignoienc dans larivie-

-ocr page 314-

qîd ont raport au D'ëjfein.
Te d'Ame , pour introduire en ce
DefTein des figures nuës , en quoi
il exceioit, & c'efl auiîî ce célébré
Carton qui donna à Rafaël & à
plufieurs autres des lurnieres pour
îè perfectionner dans la grande
maniéré de deflîner.

Jules fécond élevé au Pmitifîcat>.
rechercha aulTi-tôt Michel-Ange,
& l'apella à Rome , refolu de l'en-
gager à faire fon^ Maufolée à faint
Pierre aux Liens.. C'efl-là que fe
voit la belle figure de Moïfe avec
d'autres , & l'excelente" Architec-
ture , qui jointes enfemble compo-
fent cette fuperbe fepulture. Ce
grand deiTein ne fut pas executé
en toute fon étendue-, on le redui-
fit dans l'état qu'il eil, ce qui fit-
que la France profita de deux Ef-
claves de marbre ,, qui devoient-
être placés au cotez de cette fepul-
ture , & qui font prefentement au.
Château de Richelieu.

Ce Maulbiée-fut long-tems in-

-ocr page 315-

Hifioire des Âfts
terrompu 5 parce <^ue le Pape fit
peindre à frefque par Michel-An-
ge la Voure de la Chapelle de Six-
te quatrième , ce qui lui augmen-
ta fi fort fa réputation , qu outre
l'aplaudilTement général qu'il re-
çut de tout Rome , il eut encore
des prefens confiderables du Pape
Jules : il meritoit l'un & l'autre ?
Car il peignit lui feul cette Voûte
d'une fi grande maniereque les cé-
lébrés .Caraches qui vinrent après
lui, fe firent honneur de fe fervir
de fes grandes idées dans les pein-
tures du Palais de Farnezc à Ro-
me,

Jules fécond mort , Léon X,
fôn fuccefleur n'honnora pas moins
que luy Michel-Ange, car il l'em-
ploia dans l'Architecture de la fa-
çade de faint Laurent à Floreix:e>
& le modele qu'il en fit l'emporta
fur tous ceux des autres Architec-
tes.

Enfui te > fous le Pontificat de

-ocr page 316-

qui ont raport du Dejfein. xGy
Gîement fetiême , il fît dans la Sa-
crifie de la même Eglife , la fe-
pLilcure de la Maifon de Medicis,
& cette fepulture jufqii a prefenc
a paiï'é. pour une merveille tant
pour TArchitedure , que pour la
Seulcore..

Cet excelent homme fit enco-
re voir qu'il n'ignoroit rien dans
tout l'Art da DefTein 5 puis qu'il
conduifitles forcifications du Monc
idLint Miniate à Florence, 6c que
par-là il empêcha que les ennemis
ne s'en rendllFent maîtres.

Mais quand les guerres d'Italie
de 1515. obligèrent plufieurs habi--
les hommes dans les Arts à quiter
Rome & Florence y Michel-Ange
fut de ce nombre , & s'en ala à
Venife où le D.oge Gritti dont il
avoic l'honneur d'être connu lui
lit faire le deffein du Pont de
Real*
to y
qui efi: un chef-d'œuvre d'Ar-
chitedure. Il peignit dans cette
vile quelques Tabieau:sentr'aucre$

-ocr page 317-

tiiftom des Arts'
celui cî© L da qu'il donna au Due-
àc Ferrare , qui l'envoia à Fran-
çois Premier,

Les guerres d'Italie finies, Mi-
chel-Ange s'en retourna' à Kome,
ii y acheva la fèpulture de Jules
fécond , enfuite il y peignit par
l'ordre du Pape Paul troifiéme la
grande façade de T Autel où ellre-
prefenté le fameux Jugement uni-
verfel, & c'eft ce qui reftoit à ache-
ver de toutes les peintures de cette
Chapelle.- La renommée de ce
grand ouvrage à frefqire , &. qui
s efl répandue parmi toutes les Na-
tions en marque l'exceleace.

Michel-Ange fur fes vieux jours
s'adonna davantage à l'Architec-
ture y qu'à la Peinture & à la Scul-
ture, parce qu'après la mort d'An-
toine
Sarigato Architede, le Pape
préféra Michel-Ange à tous les-
autres & le fit le premier Archi-
tede de la Fabrique laint Pierre >
ôc de la-^ Chambre Apollolique r

quoi^

-ocr page 318-

. qui ont rapon au Deffeln.
xqiToi qu'il voulût s'en exemter.

Cette charge acceptée , il ala â
faint Pierre voir ie niodele du
galo , pour faire ce qui reiloit à bâ-
tir dans cette grande Eglifè, & a-
prés l'avoir examiné il dit tout haut
que cet Architecte avoit conftruic
ce modèle fans Art , parce qu'aiï
dehors il avoit fait trop de Colon-
nes , les unes fur les autres 3 des
aiguilles inutiles , trop de relTauts
bi. de petits membres , ce qui eft
tout à fait contraire à la bonne
Architeâ:ure , c[u'eniin ce modèle
tenoit plutôt du goût barbare que
de l'antique j outre cela il fît voir
que l'execution en couteroit un
million plus
que celui qu'il ferok.

Michel-Ange fît faire en quinze
jours un autre modele qui ne coû-
te que cinq cens écus au lieu que
celui du Sangai en avoit coûté
quatre mile , & plufieurs années ,
deforte que cette grande Eglife fut
aciievée lelon ledefTein de Michel-

Z

-ocr page 319-

26 (j Mifioîre des Arts
Ange dans la beauté où nous la
voions , à la referve du frontifpi-
ce qui n'eft pas de lui, & auffi eft-
il bien au deflous de l'Arcliitectu-
re du tour extérieur & du derriè-
re de cette Eglife.

Lors que Michel-Ange conduir-
foit ce bâtiment , il en fît encore
plufieurs qui font partie de l'em-
belilTement de Rome : tels que font
le Palais Farneze,& le Capicole qui
font l'admiration des Arcliicedes
bc des Connoilleurs.

Tous les beaux ouvrages de Mi-
chel-Ange, en Peinture , en Scul-

I. Michel-Ange mourut à Rome le 17, Février
I5'6 4- ainll il a vécu prés de
90. ans. Ce grand
homme fans conter l'afcclion des fept Papes qu
'il
Icrvit , fut dans une haute réputation aupr-és de
Soliman bmpereur des Turc,'-, auprès de rran-
çois Premier . de Charles Q.uint , de la Répu-
blique de Venife , & de tous les Princes d'Italie.,
particulièrement de Corne .... Grand Duc de
Tofcane , qui regnoit au tems de la mort de cet
illuftre Oeilinateur : car dés que fon Corps fut
mis à l'Eglife
{an^o Apofiolo , & que le Pape eue
dcLbeié de lui fiire ériger une belle fepultureà
faint Pierre. Ce Grand Duc fit fecrctemeuc enle-

-ocr page 320-

qui ont raport au Deffein. x^j
•ver k coips de Michel-Ange afin de ic mette en
fa Capita e , à caufe_ qu'il n'avoit pas été affés
heureux pour le pofleder vivant , il voulut au
moins l'avoir mort, & qu'on lui rendît les der-
niers devoirs avec toute la pompe, & tout l'é-
clat funebre imaginable. Cette pompe futdreffée
dans l'Eglife fainte Croix de Florence , par la
Compagnie de tou.s les Académiciens du DelTcin»
qui s'éforcerent de donner en cette occafion des
marques de l'eftime qu'ils avoient pour leui:
Maître & pourdeur Chef, par la fuperbe reprc-
fentation , que les Italiens appelle
Catafalco , 8c
de toute Tt-glife qu'ils ornereut de Peinture 8c
de Sculiure , & de lumières. Son Panegcriqucy
•fut prononcé par
Mepr Benedetto Varchi, Se à
fa reprefentation on y liioit cet Epitafc.

CMegïum fiHorum , fiatuariorum, Archhee-
terum , aufpcio > e^ei^ue fibifromptu Cofmi Dtt~
iis auBoris Juorum commodorum , fufpiciens Jtn-
gularem vinutem Mkhaelis Angelï Bonarrota. i
intelUgenfqHe quamo fibi auxilio femper fuerint
frAcUra ipfius opéra , {iudaitfe gratum ergn il'
lut» ojtendere , [ummutn omnium c[Mi unqueim
fuerint, P. S. A. ideoque monummtum hoc fuis
mmibus extruBum ^msigno animi, nrdore i^fiut
memoria dedicavit.

.Enfuite de fi fomptueux Obfeques . le Grand
!Duc ordonna une Place honorable en cette Egli-
fe pour conftruire la fepulture de MichehAnge
fuivant le deflein qu'en fit George Vafari , elle
cft enrichie de trois grandes figures de marbre
qui reprefentent la Peinture, la S culture, & l'Ar-
chitedure , qui furent faites par Batifte Loren^

^ H

-ocr page 321-

Mifioire des Arts
ture , & Architedure , & fes atW
très belles qualicez lui avoient ga^
gné ^e tele façon l'eftime des PaT-
pes qu'il avoit eu rhonneurde ferr-
yir, que Jules troifiéme , le faifoic
afTeoir auprès de lui pour l'enten-
dre raiionnerdes Arts duDeflein i
même ce Pontife prcrioic fouvent
fon parti contre ceux qui le you-
ioient critiquer.

Par tQUS ces honneurs que reçuf
Michel-Ange , & par l'aplaudiiie-
m,ent univerièl qu'on donna à tous
Tes ouvrages ^ on doit conclure qu€
ce fut ce célébré Deflînateur qui
dans fon fieçle porta à Rome 6c à
Florence au plus haut degré la
Spulture , & l'Architedure, avep
ïe hon goût de defîiner.

fçi, par Giovmni deU'ofer» , & VnUrio Ci4i t
tous trois habiles Scultcurs Florentins.

-ocr page 322-

qui &nt raport an Ueffein.

CHAPITRE XVI.

Plufieurs Eleves de Michel-Jnge ,
^ de Rafaël, continuèrent â'Ro^
me l'excelence dé la Peinture ^
de l'ArchiuBufe»

AU tems de Michel-Ange , pa-
rut à Rome Sebaftien
î Vé-
nitien , apellé depuis
Frate del
Piombo.
Il avoir apris à Venife d©
Jean Bellin les principes de la Pein-

I. Sebaftien Vénitien fut furnommé Trctte dêl
Tiomèo , qui cft une Cbarge die la Cliambre qu'il
obtint du Pape à condition de paier une penfloa
à Jean d'Udine qui avoir été aufli fon conçurent
p'jur obtenir cet Office fur le plomb. Cela donna
depuis'à Sebaftien le moien de vivre fans s'aten-
dre àrfon pinceau , & fit qu'il ne peignit prcfque
pliis- 11 avoit le fecret d'une corapofîtion qu'il
faifoit ptoar un gros crefpi avec de la chaux mê-
lée de maftic & de poix Grecque , fondue enfem»
b!c au feu , enfuite cette mixtion aiant été mife
fuir" le mur, & puis unie avec un mélange de
chaux rougie au feu, empêche que la Peinture
à huile fur les murs ne noirciffe & ne fe gâte par
l'humidité. Il moiirUt ea ij"47.
Vafari- P^- di

^ra, S^ Venii

Z iij

-ocr page 323-

lyo Tlifloire des Arts
ture , & de Georgeon foii fécond
Maître la bonne maniera de pein-
dre & de colorer. Cette belle par-
tie de la couleur lui aquit l'amitié
de Michel-Ange quand Sebaftien
fe rendit à Rome , Michel-Ange
crut que s'il le faifoit travailler (ur
fes deiTeins , fes Tableaux aiant
d'ailleurs le bon goût de la couleur
Vénitienne, joints à fa grande ma-
niéré de deffiner , l'emporteroient
entièrement fur ceux de Rafaël
d'Urbin, & cela pourtant ne reuffit
point.

Mais la faveur & la prote£tioii
que Sebaftien avoit de Michel-
Ange , le firent en plufieurs ren-
contres preferer à Batifte
Ffânco ,
à Perin, del F'ago j à Baldajfar Ber~
ruxsi 5 ^ ^ d'autres Eleves de Ra-
faël.

Ceshabiles Eleves Peintres, bien
qu'ils ne l'aient pas égalé , ont eu
des qualitez qui nous les font tous
les jours tres-eflimer , & l'on ne

-ocr page 324-

qui ont raport au Dejfein, 171
peut à cet égard leur rendre affés
de juftice , puis qu'ils ont encore
contribué à la perfeclion des Arts
du DelTein , ainfi qu'a fiiit Jean
d'Udine l'un d'eux , qui â peint
tous les animaux , les fleurs & les
fruits qui font aux Ouvrages de
Rafaël

Jean avoit auflî un grand génie
piour-inventer des Ornemens qu'on
apelle Grotefques. On le voit par
ceux qu'il peignit aux Loges du Va-
tican , & par les excelens defîeios
de TapiiTerie , qu'il fit de ces for-
tes d'ouvrages , quoi que l'on de-
meurât d'acord qu'ils pouvoient
avoir été imitez fur les Stucs An-
tiques , que l'on trouva vers ce
rems~là aux Sales des Jardins de
Titus , & fur ceux qui étoient
encore demeurez au Temple de
la Paix , au Colifée , - à la vile
Adriane, & aux autres bâtimens
antiques. Cependant tous les def-
fdns de Grotefques qu'a fait Jean

"ij

-ocr page 325-

±72- JJifloîre des Ans

d'Udine ^ , font fi beaux que l'oïî
doute fi ceux des Antiques furent
plus excelens > eau Jean n'écoit pas
lëulement habile Peintre en plu-
iîeurs talens , mais il écoit habile
Sculteur en Stuc ainfi qu'il le
paroît aux petites figures de ce
travail qu'il a mêlées parmi les or-
nemens des Loges du Vatican , fi

X. Jean d'Udinc mourut à Rome en i f83
fut enterré à la Rotonde auprès de Rafaël d'Ur-
bin fon Maîcrc,

-De la même vile d'IWine & du Frioul font for-
lis encore un grand nombre de bons Peintres, tels
que Pellegrino, & Jean Martin d'Udine qui fu-
rent Eleves de Jean Bellin , Pellegrino fut le plus
Kabile fort aimé des Duca de Ferrare , & il a fais
beaucoup d'Elcves- M ais le plus fameux des Peia-
•tresde cette Province ce fut Jean Antoine Lici-
îiio qui naquit à. Pordcnone , vilage éloigné d'Ui-
dine de ij. miles , il n'eut poim de maître que
la nature qu'il imita dés fa jcuncffe , & il fe renr-
dit tres-pratique à peindre à frefque dans les
vilages circonvoifins , enfuite il paffa à Udine
où il fi: beaucoup de Peintures à huile , & à fref-
que , ainfi qu'à Venife , & à Genne. Il s'apelle
communcment Pordenone , la maniéré du Geot-
gepn lui plut plus qu'aucune dont il fut imita-
teur, il mourut en ij40. âgé de ans-
RiMfi V.
ds Sitt. Vemtth

-ocr page 326-

qui ont raport au irefein, 273
bien qu'il mérité beaucoup d'efti-
me pour la renaifTance du Stuc

la beauté où il le porta 3 puis
cjue c'eft lui qui à force d'exami-
ner la matiere dont le Stuc anti^
que étoit compofé , découvrit que
c'étoic de la chaux mêlée avec de
I-a poudre de marbre pour avoir
de la dureté & prendre le poli fîn>.
& luifanc que le Stuc a quand il eft
travaillé avec loin-..

Jean François furnommé le F au
tore
de Florence , fut élevé dans la
maifon de Rafaël, avec Jules Ro-
main : ôc confideré véritablement
comme Eleve dïm £ digne Maître,,
puis qu'après la mort de ce fameux
Peintre , ils acheverentde concerc
lui 6c Jules la grande Sale du Va-
tican , où ils peignirent les Hiftoi-
res de Conftantin.

Perrin 3 ielV^ago Florentin, & foa

J. Eerrin àd Vago fut enterré auffi à la Ro-
tonde en 1547. âgé de 47. ans les principaux
Elèves dé Perrin furent Jerôme Siciolante de ScS-
fflocetc, & Marcel Mantoiia|i.

-ocr page 327-

.2^4 Hifioire des Ans
beaufrere, furent encore Eleves de'
Rafaël,parce quePerin étant à Ro-
me où il ëtudioit alors les antiques,
Jean d'Udine le propofa à Rafaël
pour travailler aux Stucs , & aux
peintures des Loges du Vatican
qu'on faifoit , ôc il en peignit pju^
lieurs qui font des Hiftoires du
Vieux Teftament j qui furent des
mieux executces.il fît encore dans
Rome 3 après la mort de Rafaël,
de beaux Ouvrages à frefque , à
l'Eglife de la Trinité du Mont, à
faine Marcel , & à plufieurs autres
Tempiès.

Mais l'ouvrage le plus confide-
rable de
Vcnn del yago ce fat
le Palais que le Prince Doria fit
bâtir à Gènes , fur ie defleindecc
célébré Peintre , & où il fit la
peinture & les Stucs, qui rendent
encore aujourd'hui ce bâtiment le
plus beau , & le plus confiderable-
"de cette fuperbe Vile,

-ocr page 328-

qui ont rdf ort au Heffeîn. ly f

CHAPITRE XVI L

^ Florence â'habiles hommes conti-
nuèrent la belle maniefe en la
Sculture, la Peinture.

BAccio ^ JSdndineUi\>iQn qu'il
Toit mort avant Michel-Ange ,
3euc en quelque façon pafler pour
, 'un des imitateurs de fa belle ma-
niéré : car après avoir apris l'Or--
fevrerie à Florence , il étudia avec
îant d'ardeur le delTein^ ôc fur le fa-

ï. Baccio naquit en 1487- & mourut âgé c!e
71. ans , on l'acufc "d'avoir mis en pieces
les
beaux Cartons de Léonard , de Vinci, & de Mi-
chel-Ange, qu'ils avoient faits dans la Sale du-
Conleil, & ou tous les Deffinateurs de Florence
aloient étudier d'après, & cela à caufe de l'envie
gu'il portoit à Michel-Ange-

Entre ceux qui étudièrent ce beau Carton de
Michel-Ange , Sebaftien apellé Ariftote de faint
Gai le de/fina tout entier en petit , & le gardoit
forc-cherment , fur tout depuis que l'Original
fut riiîné. Puis en iy4o. à la perfuafîon du Va--
fari fon ami, il le peignit à huile de
clair-obfcurj
où CamajeujG/VT;*? envola ce Tableau en
Francç-
au Roi Françpis.

-ocr page 329-

Jitfioire des Arts-
fneux Carton de Michel-Ange,quf
ctoic expofé à la SaFe du Confeif,
qu'il eue l'avantage d'aquerir la
corredion dans le defTein , & le"
ton goût dans fanatomie. Baccio
en donna des marquas par fes Ou-
vrages , & à là faveur d'es Eftam-
pes , qu'il en fît graver par Augus-
tin Venitien. il pratiqpa la Scul-
ture avec honneur >. puifque pouf
œla, & pour' la- belle Eftampe du
Martire de faint Laurent, que lui
grava Marc-^Antoine, le Pape Cle-
ment fepsàétne l'lx)nîîGra'de TOr-
dre de Chevalerie de S. Pierre.

Ses priiicipaux Oti-vrages-dc mar-
É)re , Ibnt k grande Figure d'Her-
cillé avec Cacus -, la<^uei'le efl à la
Place du Palais de Florcncë : il fît
ee Groupe pour acompagner celui
de Michel-Ange, & celui de Ben~
venutp Cellini , qxii fe voient auiîi
en -la même Place. Le Groupe
d'Adam & d'Eve , qui efl à l'Au-
tel de la, Cathédrale de Florence y

-ocr page 330-

qui ont raport au DeJJein, -îrjj
.^fl l'un ds fes meilieurs, 6c de les
|)lus confiderables Ouvrages. *

Benvenuto Cellini a (on mérité
partictîlîer , il éto;ic excelent Or^-
tevre, & il a corrjpolo un Livre qui
traite de l'Orfevrcrie & de la ma-
mcre de jetter Içs Figures de bron-
ze. Il vint en France au fervice de
François Premier , pour qui il
fît
des Ouvrages de ce métal : ii
excela particulièrement à graver
des Coins pour les Médaillés &
pour la Monnoie.

L'on doit metre au nombre des
illuftres Tofcans , de ce tems^là
■Daniel » de Volterre , également
habile en Peinture , en Sculture,
& Architecture, Il aprit de Bai-
dafTare Perruzzi, puis il travailla
(ous Pcrïn del Fago , à la Trinité
du Mont : 8c enfuite il fît la belle
Chapelle de fainte Helene dans
la même Eglife j & vis-à-vis il en
peignit une femblable. On peut

Daniel de Volterre mourut à ;7. ans.

-ocr page 331-

;:27§ 'Mifioire des Arts

admirer les Tableaux àireC^
que , qu'il fit en ce lieu-là, prin-
cipalement celui de ladefcente de
:1a
Croix î du. Sauveur , de laquel-
le tout le monde connoît la beau-
té , à caufe de la multitude des
copies qui s'en font répandues par
toute l'Europe. L'Bxcelence de
ce Tableau paroit dans la Com-
îofition , dans l'Expreffion , dans
a Coredion du deiîein , & le
beau fini de la Peinture. Ce grand
homme conduifit auffi l'Archi-
teclure, & les Stucs , qui enfer-
ment & qui ornent tous fes Ta-
bleaux. Mais l'un de fes plus beaux
Ouvrages de Sculture c eft le Che-
val de Bronze de la Place lloiale
de Paris.

Robert Strozzi, eut commiffion
de la Reine Cacerine de Medicis
de le donner à faire à Michel-

j. L'on voit une copie de ce Tableau à Pa-
ris au grand Autel des Minimes
de la Place
Roiale. ' .

-ocr page 332-

qui ont raport au Dejfein. rj f
..^nge qui s'en excufafurron grand
âge, qui confeilla à ce Seigneur
d'en charger Daniel de Volterre
qui l'entreprit j mais il fut fi infor-
umé qu'il manqua la premiere fois
fon jet, & ce ne fut qu'au fécond
qu'j] reulîîc. Néanmoins la mort
le prévint avant que d'avoir ache-
vé la Statue de Henri fécond , qui
devoit être fur le cheval. Ain{î
cette Ouvrage demeura imparfait
parla mort de Daniel de Volterre,
&L long-tems après fous Loiiis trei-
zième , on le fît venir de Rome,
pour y metre la Figure de ce Roi,
comme nous la voions aujourd'hui
à la Place Roiaie.

D'autres célébrés Peintres Tof-
cans 4 parurent à Florence au mê-
me tems que Daniel de Volterre,
à Rome , ces habiles ce font Ja-

4, Dominique Beccafumi Sienois fut a 'fîî l'un
des meilleurs Peintres de Tofcane. Il eut pour
ic Deffein nn penchant naturel qui lui failoit
exercer le Peffein de lui-même fur le iable en

-ocr page 333-

. Hifioire des Ans
'cob ^ de Puntorme, Français Broii-
zin j foii Eleve, & le Salviati. Le
Puntorme commença d'abord fous
Léonard de Vinci, & en 1512. il
continua de fe perfedionner avec
André
Del Sam.

Le Bronzin , ne lui cedoit en
rien , & on voit de lui des Ta-
bleaux de Cabinet -d'un excelenc
fini.

Le Salviati aprit le DeiTein
dans l'Ecole de Baccio Bandinelli^
& la Peinture d'André
Del Sarto.
Après avoir beaucoup tarayaillé à

gardant fon troupeau , âe même qu'avoir fai;
Ghotto II étudia à Siene d'après des Ouvrages de
Pierre Perrugiu , & pu's àRome, il continua fur
ceux de Michcl-Ànge & de Rafaël, enfuite il
ala demeurer à Sieneoù il fie quantité de Peintu-
ics à r^glifc du Dôme & ailleurs qui font tres-
Fftimccs. Sonxoncurent à Sicneitoit k Sodorac
^ui eut auffi allez de repuracion, le Beccafurai
mourut en 1J49 âgé de éj. ans.

S- JacqUîS de Pontonne naquit en i45>5' &
\icut
6f. ans. Le Bronzin aprit de luij & il peut
pafler pour fon Elevr.

6. François Salviati naquit en j 520. & mourut
à Rorac en iféj,

Florence

-ocr page 334-

qui oniifapoH au Deffein.
Florence èc à Rome, ii vint en
1554 . en France , où il fat bien
reça du
l'rimaticcio alors premier
Peintre, & premier Architede du
I^oi 3 mais fitôt que le Saiviati vit
les Ouvrages du RolTo qui avoit
été premier Peintre du Roi , &
ceux des autres Peintres, il afeda
de les meprifer, ce qui
fit atcndre
de lui de grandes chofes. Il fut
emploie par le Cardinal de Lor-
raine à peindre dans fon Château
de Dampierre , mais parce qu'il
vint à fe déplaire en France jiî
l'en retourna à fon Païs,.

-A»

-ocr page 335-

iSz Mifioïré des Arn

CHAPITRE XVIII.

Les viles de Ferrafe^ ér autres de
Zomhardie ^ dVrbin donnèrent
un nombre de y ans Peintres,

FLorence ne fut pas la fetile vile
d'Italie , d'oiï fortirent d'exce-'
lens Peintres: car Ferrare en a eu
auffi plufîeurs, le Doflb & Baptiftei
fon frere ne furent pas des moins>
habiles. Le DoiTo fut tres-loùé du
fameux Arioftc, & chéri jufqu'à la
fin de fes jours du genereux Prince
Alfonce de Ferrare.

Alfonfe Lombardi , excelent
Sculteur,prit auffî naiffance dans la
même vile: il faifoit bien des Por-
traits , témoin celui qu'il fit à Bo-
logne, de l'Empereur Gharlequintj
& qui lui atira beaucoup de louan-
ges , avec une honorable recom-
penfe , qu'il reçut de ce Prince.
Mais l'ui^des meilleurs Peintres

-ocr page 336-

qûî ont tapotî auTheffein. 283
Ferrarois, ce fat Ben-vemto Ga-
rofalo
j I il commença d'aprendre
la Peinture à Ferrare, à Cremone,
6c à Mantoûe fous Corta Ferrarois.
A l'âge de dix-neuf ans, il ala à
Rome pour quinze mois, puis il
retourna à Mantoiie & enfuite à
Rome, où les ouvrages de Rafaël,
& le grand gout de deflîner de Mi-
chel-Ange , le charmerent de tele
forte qu'il eut un fenfible regret
d'avoir confommé fa jeunefle à étu-

I. Ben-Venuto GarofaU naquît à Ferrare en
1481. outre Rafaël, de qui il fut ami, il entre-
tint toujours l'amitié de Georgeon , de Titien,
Se de Jules Romain , il devint aveugle , vers la
fin de (a vie durant 9. ans, & il mourut en 1/ fo.
âgé de 78. ans , l'un de fes meilleurs Elevés fut
jerôrnc de Carpi , lequel alla aufli copier les
beaux Ouvrages du Corregge à Modene , ■& ^
Parme, puis il travailla à Bologne, & à Ferrare
où il fit une grande Venus avec des Amo;urs que
le Duc envoya au Roi François , ce Tableau eft
foi loué par le Vafari, il mourut l'an l j j 6. âgé
de jj. ans.

ïùt aufli de Ferrare , Maître Jerôme Sculteur,
il travailla depuis André Contucci fon Maître >
a plufieurs Ouvrages de marbre en l'Egliféide
i.0rette,-0Ù il s'crapioia z6. ans fans difcoutinm'r,

Aaij

-ocr page 337-

284 Mifioire des Arts
dier les maniérés Lombardes. Cefi
le Ht refoudre à les quiter pour de-
venir Eleve & Imitateur dé Ra-
faël, pendant deux ans, à caufe
qu'if fè vit favorifé de l'amitié &
de la converfation de ce grand
homme, qu'il quita avec unfenfî-
ble deplaifir, pour des affaires de
famille , qui l'obligèrent de s'ha-
bituer à ferrare.

Benvenuto Garofalo , y fut fort
eftimé du Duc , & des principaux
de la vile , en faveur de qui il pei-
gnit quantité de Tableaux, dans
les Eglifes, & les maifons particu-
lières i Tes Ouvrages étoient rem-
plis d'une grande beauté , parce
qu'il fui voit les bons principes»^
qu'il tenoit de Rafaël, & qu'il pre-
noit un grand foin d'y joindre l'i^
mitation du beau naturel..

L'Etat d'Urbin continua de mê^
me à donner d'habiles gens, & les
Ducs d'Urbin , comme ceux de
îetrare, de Maatoae , Se de £lo«

-ocr page 338-

qui mt raport au Deffein. xSj
reticc
, contribuèrent aufli à la re-
naiiTance des Arts du Deffein. Car
Jerôme Ginga, excelent Peintre,
fut extrêmement favorifé de ces
Ducs. Il avoit étudié (ous Pierre
Perugin avec Rafaël, d'Urbin, foa
iikiftre corapacriote,niais il prati-
qua auffi rArchitedure , & le Duc
Guido-baldo , l'emploia à bâtir,
& à peindre Tes Palais d'Urbin, ôC
de Pifaro , & à fortifier cette der-
nière vile. Bartolomée , fils de
Ginga , fut de même que fon pere
ArchitecTie, & Ingénieur..

De cet Etat d'Urbin font fortis
les illuftres freres Tadée, & Fré-
déric
Zucchan, & le célébré Baro-
ehe: Tadée l aprit dans la vile de
Saint-Ange
in Kaào fa patrie les
principes de la Peinture, mais com-
me fes Maîtres étoient des Peintres
ordinaires, iUe refolut à^ quatorze
ans , d'aler à Rome y étudier cet

rt. Tadée Zuccharo , vînt au momde l'an ifi^*
aTOiirut ea i j ainfi' il ne vécut «jue ans;> '

-ocr page 339-

iSé' HifioiredesAns^

Art i où n'aiant pas dequoi fub-

fifter il fuc obligé de travailler

O __

chez des Marchans de Tableaux j
lors qu'il avoit gagné quelque
cliofe, il s'ocupoic ail Delîein, &:
particulièrement à imiter, & à co-
pier les Ouvrages de Rafaël jdef-
quels il faifoit la principale étude 0
>ar tel moien il le rendit tres-ha-
3ile 5 &; on le voit dans les baux
Oùvjfages qu'il a peints au Château
de Caprarole , â à l'Eglife de la
.Trinité du Mont à Rome.

Frédéric 3 Ton frere fuivit la mê-
me maniéré de peindre : car il a-
cheva les Tableaux que Tadée a-
voit entrépris , & qui étoient de-
meurez imparfaits à fa mort, & il
ne lai fut inférieur en rien.

j. Frédéric Zucchere donna fes biens à l'Acadc-
mie de faint Luc.
Vite de Pittori del C. Baglioni,
p. 114. Il modeloit encore fort bien, & il écoit
aufli Architefte , ce qui le fit davantage confî-
derer des Grands qu'il fervit. Il a mis au joui
ml Livre de
l'Idea de Pittori, Scnltori, Arcbi-
.teBi del Cavaliero Federico Zuccharo divifA iiî
' due Lihi. In Torina, 1607.

-ocr page 340-

qui ont raport au Deffein. 2S7
Fiiipc fécond, l'apela en Efpa-
gne , il fut bien reçù de ce Roi ,
qui remploi a à travailler à l'Efcu-
rial :
4 de retour à Rome il donna
le commencement à rAcademie

4. Frcdcricl Zuccharo ne fut pas le feul qui
erabelit l'Efcuriâl, par ffs Peintures; car Peligrino
Tebaldi y fie beaucoup d'ouvrages dans le Cloî-
tre , & dans la Biblioteque. Il naquit à Bologne en
ïfiX. fon pere étoit de Valfada Terre du Mib-
nois, Pelegrino après avoir apris le Delfein , &
à peindre à Bologne j fut en 13-47. à Rome où il
étudia quelques
années d'après les plus beaux
Ouvrages de peinture& travailla pour Perin
del Vago , & il peigrit en cette vile plufieurs
chofes , entr'autres une Chapelle à l'Eglife faint
toiiis : puis il retourna à Bologne, où il fit des
Tableaux, & la même chofe à Lorette ,à Ancone,
Se à Miîan -, où il fut fait grand Ingénieur de
l'Etat, Se Architcdc de la grande Eglifc. Filipe
fécond aiant connu le mérité de Pelegrino, le
manda en Efpagne, pour peindre à l'Efcuriâl ,
d'où il remporta une recompenfe de cent mile
ccus j avec le titre de Marquis de Valfada., puis
îl continua d'exercer fes Charges à Milan, où •
il mourut âgé de 70. ans au commencement da
Pontificat de Clément VIII. Ses Ouvrages de
rÈfcurial fe voient décris au long dans la vie des
Peintres Bolonois, par Malvazzia, & il eut Do-
minique Tebaldi fon fils qui exrrça la Peinture à
Bologne , qui palTa aufTi pour bon Graveur ,
Se
.b ui Archice^lc. Auguftin Carachefuc l'un defcs
E'sves.

-ocr page 341-

mfioire des Arts
du Deffein de s faint Luc , qui
avoic été erigée par un Bref da
Pape Grégoire treziéme , qu'il mit
en execution. Il fut éleu le pre-

Au nombre des bons Peintres de Bologne & de
laRomagne,on compte Innocent d'Iiîioîej ( qui
montra
zn Primaticie ) & Profpero Tontena , les-
autres furent Maître' Blaife , Maître Amico ,
& Bartoloméè Ramunghi , dont les Tableaux;
ont été très- eftimez' pait les Caraclïes, qui leis
Ont fort étudiez en leur jcuneffc. Profpero Fon-
tana a enfcigné à tous ces iJluffres Caraches. Il
eut une fille nommée Lavinia Fontana celebfe
peintre , qui eft ce que les Italiens apellenr
^ittrice Si. que nous pourions apeler Peintrefle
en François.; elle naquit en ijfi. & eut
l'honneur d'être Peintre de Grégoire XIII. &
de la noble Maifon des Boncômpagnes dorit elle
reçut des honneurs infinis , jufque-là que Sa
Sainteté fâifoit mettre fcs Gardes en hayes lors
qu'elle lui rendoit viflte. Laviaia excelloit à'
faire des Portraits , & elle a fait aufli quantité
de Tableaux d'Htftoires dans des Eglifes à Rome?-
& à Bologne ; bile moutut à l'âge de jo: ans-

On met encore au nombre des Peintres Bolo-
lonois ,
Heccale Pffrcacmp, c^ui peignit vers l'an'
1^70.
8c il eut Camille Porcmino fon fils qui
léfnrpaffa, & Juies
Ctfai Percacineyqais'c-
tab'irent l'uh & l'autre a Milan où ils firent'
quantité de Tableaux très-eftimez'.

j. Rafaël donna i la Compagnie de faint Lutf
Ife Tableau qu'il fit de ce faint commè il peint'
Sainte lerge long-tcms avant que l'Acade-
' aiiefuî' érigée-,

mier

-ocr page 342-

qni ont raprt au Deffein.
mier Prince de cette Àcademie,
par tous les habiles de i'Arc du
Deffein , avec l'aplaudilTemeat,
non feulement des Peintres , mais
des amateurs , & des gens de Let-
tres parce qu'il étoit generalement
aimé pour
les belles qualitez, qui
lui firent remplir ^vec honneur
le premier rang dans cette illuftre
Compagnie s ôc il en eut tant de
relientiment qu'il lui donna Se
fubftitua tous fes biens.

A la vile d'Urbin naquit le célé-
bré Frédéric Baroche, ^ qui de mê-
me que les Zucchari, ala étudier
à Rome, les grandes Idées, & le
bon Deiîein llir les Ouvrages de
Rafaël , & d'ailleurs il donna à fes
.Tableaux la belle maniéré de pein-
dre du Corregge , qu'il imita de
plus prés qu'aucun autre. C'eft

6. Federic Baroche naquit en ij 18. & mourut
en léit, après avoir vécu 84. ans.

Le Baroche a eu pour Eleye le Vannius, eus
a fuivi fa manière.

Bb

-ocr page 343-

290 'l^ifioire des Arts
ce qui rendit fes Ouvrages termi^
nez d'un goût charmant, parce
qu'il prenoit un tres-grand foin à
les faire : de forte qu'il auroit été
à fouhaiter qu'il eût eu plus de
fanté, qu'il fe fût établi à Rome.
Il y auroit foutenu avant la fin du
dernier fiecle , l'excelence de la
peinture qui ne fe maintint pas
entièrement au point ou Rafaël,
le Corregge, & le Titien l'avoienc
portée en Italie : à caufe que Jo-
lëph Arpino , 6c Michel-Ange,
Carravage introduifirent dans ce
bel Art j ces maniérés toutes con-
traires à la beauté de celles de ces
fameux Peintres.

Jofeph Arpino étoit trop manie-
ré , 6c ne fuivoic aveuglément que
fon Génie, fans obferver ni réglé
ni naturel, &: pour Michel-Ange
Carravage , il ne fe foucioit point
du beau choix de la belle nature,
ni d'antiques, ni d'aucune nobleife
dans lès comportions : car toute

-ocr page 344-

qui ont raport auHeffeîn. t^z
la beauté de Tes Tableaux confif-
toit en un beau pinceau , & une
grande force de peindre. Cela fie
négliger à Rome durant un tems
la bçnne Ecole du DefTein, à caufe
de ces deux différentes maniérés,
.qui furent fuivies , jufqu a ce que
lies célébrés Caraclies , & leurs
Eleves , au commencement de
nôtre fiecle rétablirent heureufe-
ment le bon goût de deffiner, ôc
de peindre.

Bb ij

-ocr page 345-

B^tfioîre des Arts

CHAPITRE XIX.

JLd Peinture continua à Venife dan$

Ja beauté , ^ l* Anhitefture dans
h fienne^ à Vemfe é^ a Rome.

A Venife l'excélence de la PciiiT
ture ne déclina point pendant
tout le dernier fiecle. Eile y avoit
été portée à un haut degré de per-
fedion principalement dans le bcati
goût de la couleur, par le Geor-
geon , & par le Titien cj[ui eut
l'avantage de vivre fort vieux.

Les Palmes, i les BalTans, ^ Por-
denon, Paris Bordone, ôc plufieurs
autres furent de bons coloriilies ^
(^ui contribuèrent à enrichir Ve-

T. Oa diftîngiie les deux Palmes par leyieux
qui écoit Jac;ques , & par le jeune , le vieux étoit
proche de Bcrgajne , il pratiqua le Titien , ^
aprit beaucoup de lui , .& mourut à
48. ans.
Le jeune Palme étok de Venile , & périt neveu
du vieux j dés fa jeune fie il eut une grande fa-
cilite à peindre. Le Duc d'Urbin qui l'afFeftionoit

-ocr page 346-

qui ont raport au Deffein. 293
hiCc par l'excelence de leurs Ta-
bleaux^

beaucoup , le fit étudier dans fa Galerie, d'après
îes Tableaux de Rafaël; & de Titien ; enfuite
l'envoia à Rome , ©ù il continua de fe peifedion-
nér durant huit ans , fur les Ouvrages de' Poli-
âore, & de Michel-Ange d'où il acquit une boi)-
ne naaniere. On le voit à Venife ,
Se dans tout
l'Etat Vénitien , qui eft rempli de fes beaux
Ouvra:geâ, aiant travaillé avec alliduité jufqu'à
88. ans qu'il mourut en Dspuis ce Peintre

on a décliné à Yenife du bon goût de peindre Se
de colorer.

i. Des Baffans > le premier fut Jacob de Ponté
qui naquit à Baffan en ijio. il aprit la; Peinturé
de fon pere François de Ponte 5 pais il (e perfec-
tiona à Venifé fur les Tableaux du Titien , ôc
fur les Eftampes du Parmefan, enfuite fe retira
en fa vile de Baifan , où il travailla en paix tant
qu'il vécut, & mourut
à ans en ijp^- fes
cnfans furent François, Jean-Batifte , jcrôme8c
Leândre » tous continuèrent la manière de leur
pere à Venife, mais le plus habile de ces quatre
freres fut François , qui eft mort en
Leandre excerça la Peinture avec gloire, parte
qu'il fut honnoré à Venife du titre de Chevalier»
îl mourut, âgé dé éj. ans
en 1613. pour Jean-Ba-
tifte il demeura à Baflan avec fon pere , où il co-
pioit tous fes Ouvrages , ce qui eft caufe que
l'on en voit plufieurs de même DefFein, il mourut
tn 161?. âgé-de foixante ans j & pour Jeroinc
îl travailla à Venife où il eft mort âgé de 6t ans
en lôîî..

Bb iij

-ocr page 347-

2^4 Jrlilloire des Ans

Les fameux Paul Veronnefe î ,
& le 4 Tintoret continuèrent à

}. Paul CalUari naquit à Vérone en i/jx. fori
eere étoit Scùlteur, qui lui montra dés fa jcuneffc
a dcfllner & à modeler ; mais comme il avoit plus
d'inclination à la Peinture , on le mit chez An-
toine Badille fon oncle,qui étoit l'un des meilleurs--
Peintres de Verone , en peu de tems Paul fc
rendit habile , puis ala travailler à Maqtoiie s
avec Paule
FfirinMi , Dominique Brufaforci, 8C ^
Eatifte Del Moro , tous jeunes Peintres Veronois,
que le Cardinal Hercule avoit fait venir pour
peindre les Tableaux des Chapelles de la Catc-
drale. Après Paul peignit beaucoup à Verone „
& en plufieurs viles de l'Etat Veniten , enfuite il
s'établit à Venife , ou la Beauté de fes Ouvrage s -
éclatèrent de telc forte qu'ils farent univcrfelc-
ment aprouvez. Cela lui atira des recompcnfes'-
de la Republique au deffus, des autres Peintres, fie
aiant fait un prodigieux nombre de Tableaux ,
mourut à 58. ans en I j88.

4 Jacque Robufii , apellé le Tintoret > prit
nailTance à Venife en ijn. des fon enfance la na-
ture le portoit à deffiner fur les murs, & à co-
lorer les figures qu'il y deffignoit avec des tein-
tures , parce que fon pere étoit Teinturier , le-
quel voiant le penchant de fon fils le mit chez le
Titien , où il fu: peu, à caufe qu'il prometoit
trop : puis il étudia de lui-même le Deffein , fur
des plâtres de Michel Ange , & le coloris du
Titien qu'il y joignit avec l'obfervation du na-
turel, il forma de cette façon fa b-lie manière
4e peiij^xe ; Si ieraplit Yenik de fcs_ admirables

-ocr page 348-

qui ont raport au Beffein. i^ f
émbelir les Palais, &c les Eglifes
de cette ville de l'Etat Venitien,
par le grand nombre de leur Ou-
vrages : de forte que ces Ouvrages
firent, & font encore aujourd'hui
l'admiration des curieux j Se l'étu-
de de quantité de jeunes Peintres,
qui aiment ce beau goût de peindre
& de colorer. Car on peut dire à
la louange de ces deux excelens
hommes j que c
'cH eux qui achevè-
rent de porter à Venife le bon goût
de la couleur à fon plus haut point.

Jerôme Mutiano de BrefTe , fut
de ce même Etat, il apfit les
principes de la Peinture : puis il
fe
3erfedionna à Venife fur les Ta-
bleaux du Titien, où il prit le bon
goût de la couleur , & celui de
Biire le Païfage, en quoi il exceloit.
Après il s'en ala à Rome, il y con-
tinua avec tant d'ardeur, d'étudier

Peintures. Il finit fa vie en Marieta fa

fille fut habile Peintreflc. Elle mourut à l'âge de
30.ans.cn Ridol.
v, delL Pimriventti,

Bbiiij

-ocr page 349-

'-25)6 Hijîoire des ^rts
fon Art que pour s'ôter de, la tête
Tâmour qui l'en empêchoit j il fe
fit rafer les cheveux, ôc ne fortit
point de chez lui que fon Tableau,
de la refurreclion du Lazare ne
fut fait , que les cheveux ne
fulTent grans. Cet Ouvrage que
Ton voit à fainte Marie Majeure ,
fut fort loiié de Michel-Ange, ôc
acquit beaucoup de réputation au
Peintre qui Tavoit fait, de même
que celui qu'il peignit à faint Pier-
re qui reprcfente la vifîte de faint:
Antoine, à faint Paul premier Er-
mite.

Il travailla pour le Cardinal
d'Elle, dont il tut tres-confideréj
& il fit plufieurs autres Tableaux
à Rome , à Orviete à Lorette,
Entre les belles qualitez que polTe-
doit le Mutien , il en avoic une
particulière à enfeigner la jeunef-
le, & même par fon Teftament il
laifla deux maifons à l'Academie
de faint Luc , & il fubllitua d'au-

-ocr page 350-

qui ent rapm auDeff'ein. 15)7
très biens afin de bâtir un lieu
pour y retirer les Etudians du
DeiTein qui manquoient de moiens;
ce fut lui par fon crédit qui obtint
du Pape Gregoire XIII. un Bref
pour fonder cette Academie ,
qui fit changer l'Eglife faint Luc
demolie fur le Mont
Efquilino, en
celle de fainte Martine, qu'on voit
au pié du Capitole, & qui depuis
fut refaite > eaibeiie fuivans les
Delleins de
Pietfo de Cortone fa-
meux Peintre de nôtre ficcle.

L'Architeclure qui avoit été
portée à Venife dans un haut de-
gré de perfection, par les célébrés
Architedes defquels j'ai parlé,y fut
continuée dans le bon goût des
antiques, par Daniel Barbaro , par
le Scammozzi, de André Palladio
qui l'emporta fur ces favans Ar-
chitectes , les belles Eglifes qu'il
bâtit à Venife en font des preuves,
de même que les Palais , les Mai-
fons de plaifance, Se tous les autres

-ocr page 351-

If* s Hifioire des Ans
bâtimens qu'il conflruifit dans TÈ-
tac Venitien, font tous d'une gran-
de maniéré , & dxin goât tres-iîn.
Cela joint aux beaux Livres des
ordre d'Architedure, êcdes Tem-
ples antiques qu'on a de lui font
connoître en Architeclure le rare
mérité du Palladio,

Cet Art i"s'eft maintenu à Rome '
au haut point où Michel-Ange
l'avoit porté , depuis il a conti-

5. Estre les me'Uîeurs Architectes du dernier
fîecle, qui or.t précédé ces derniers & qui ont été
contcraporins de Michel-Ange j fe trouvent les
deux freres Julien Antoine de
Sangallo ïloren-
tins. lis furent einploiez, par la Repubiique de
Korence >
8c par les Papes Alexandre VI. Jules
II. Léon X. & autres Pontifes à édifier plufieurs
rortercfll's & liâtimisns.

Antoine eut la conduite de la Fabrique fàint
Pierreaprés la mort de Bramante. Julien moiirut
à 74. ans en ijiy. & Antoine en 1534. Onafais-
ces Vers à leurs louanges.

Gedite Romani StruSiores , cedite Gmi ,

Artis Vitruvi tu quoque cedeparens.
Hetrufcos celebrate viros tefiùdinis arcus,

Vrna, tholus , Statua , templa, domu^ue
petuat.

ycrs ce tcras-là fut encore Jean-Jacques de la '

-ocr page 352-

qui ont rdport au Dejfein. 25?^
nué dans Ton excelence, à la fa-
veur de plufieurs habiles Archi-
teètes , principalement par
PiYro "
Zi^orio, le Vignole, Peintres &
Architedes..

Pino Ligorio étoit d'une noble Fa-
mille de iN^aples j dés fa jeunelTe il
étudia les Lettres , le Delfein , 6c
la Peinture, llaimoit les bâtimens
antiques avec tant de paffionj qu'il
en deiîina à la plume environ qua-
rante Livres, ^ tant à Naples , à
Rome , que dans toutes les Pro-
vinces, où il fe trouve de ces bâ-
timens > ^ de ces fragmens anti-
ques.

Ce grand Deflînateur f excelenî

Porte Milanoîs Architedbc & ScuItCur, qui coh-
duiflr le Dôme de Milan. Il éleva fon neveu
Guillaume de
la Porte dans la Sculture, Michel-
Ange le fie travailler à Rome , lui procura de
faire
la Sépulture de Paul III. (^ui fe voit à
faint Pierre > & d'obtenir l'OiHce de
Frate del
fiomho,
après la mort de Sebaftien Veaitiea en
IÎ47-

6. De ces Livres de DeUeins il y en a plttfieurs

le çâbinec 4a

-ocr page 353-

300 litJloire des Arts

Tipografe, comme le marque fa'
Rome ancienne gravée en grand ,
, eompofa auffi un Livre de Cirques f
(de Teatres, & d'Amfiteâtres qu'il
mit au jour.

La Peintere fut à Rome encore-
l'une de Tes oéupations. 11 y peignit
plulieurs éhofes dans
rOratoire de
La Mifericorde
, de mênaè que la
façade de la maifon de
Teodoli , à
la ruë du Cours > & une autre fa-
çade de Palais au
Cmnpo Marz^ ^
peinte de Camaieu ^ en jaune &
en vert, il fit encore plufieurs Ou-
vrages daus divers endroits de cet-
te vile.

Enfuite Ligorio s'apHqua eiTtie-
ïement à l'Architecture, & fa ca-^-
pacitë l'établitArchitede du Pape,
ôc de faint Pierre , fous les Papes
Paul IlL Paul IV. & Pie IV. mais

7- Par Camaieu on entend une efpece de Pei-
fure faite d'une couleur dont le clair & l'ombrei
font de la meme, ceque les Italiens apelJe
Chia-
ro-Ofcurio
le mot Grec dont fe fervent les Au^
teurs Monociopiàti figmficlamcme chof©»'

-ocr page 354-

qui ont rapm au Dejîetn. 501
après la mort de Michel-Ange, le
Vignole fut clioijfi avec
Pirro Li^-
gorio
, pour eon duirele bâtiment de
fàint Pierre j & cela avec ordre de
faivre entièrement Je DefTein de
Michel- Ange. Ligorio fe piqua
néanmoins d'y vouloir faire du
changement, & il fâcha le Pape
Pie V. qui lui ota fon emploi,defor-
te que la conduite de ce grand Edi-
fice demeura feule au yignole.

Ce grand homme Jacques Ba-
rozzi de Vignole ala dés fa jeu.-
nefîe à Bologne y aprendre la Pein-
ture , mais voiant que faute dç
moiens , & d'inftrudion , il ii'y
faifoit pas beaucoup de profit, il fe
refolut d'étudier tout-à-fait l'Ar-
chitedure , parce qu'elle faifoit
fon penchant : il en avoit auiîî un
particulier à la perfpedive , ou il
trouva par (es études, les belles ré-
glés qu'il en a données ^u public.

Mais comme il favoit que pour de-
venir excelent Architede , ce n'é-

-ocr page 355-

-joi Mifloire des Arts
toit pas afTés d'étudier Vitruve,,
^ qu'il faioitfe remplir l'idée d'u-
ne infinité de belles connoiflances,
que l'étude d^ss beaux bâtimens
antiques y étoit abfolunient necef-
faire, il prit refolution d'aller à
Rome pour les deffiner. Et cepen-
dant ce qu'il fa voit de la Peinture,
lui fut d'un grand fecours : car il
ne laiffoit pas quelquefois de pein-
dre , & d'en tirer dequoi entrete-
nir fa famille 3 cela continua juf-
ques au tems que l'on fit à Rome
une Acad-émie d'Architecture.

Elle fut compofée de plufieurs
beaux efprits, dont l'un étoit
Mar-
cello Cervino
, qui depuis .fut Pape.
Cette noble aflemblée choifit le
Vignole , pour qu'il leur defiînât
mefurât tous les bâtimens anti-
ques , ce qui lui donna lieu de qui-
ter entièrement la Peinture , afin
de donner tout ion tems à l'Archi-
tedure,& defe rendre l'un des plus
habiles Architedes de fon fiecle.

-ocr page 356-

qui ont raport au Dejfein. 303
^ Tant de capacité , & de repu^
ftation, que Vignole s'étoit aquife,
firent qu'en 153^7. François
Prima-
îtccio
, que nous apellons le Prima-
tiçe envolé à Rome par François
Premier , lui donna la comniiffion
de faire mouler les plus belles Fi-
gures Antiques : & enfuite il l'a-
mena en France , où il travailla
pour ce Roi, à faire plufieurs def-
feins de Bâtimens , qui ne furent
executez qu'en partie à caufe des
crLierres. 11 deffina aufli fur les Car-
cons du Primatice les perfpedives
des Hiftoires d'UlilTe , peintes à
la Gallerie de Fontainebleau.

Au même tems & au même lieu
le Vignole fut ocupé à faire jetter
en bronze pluiieurs Statues , de
celles qu'il avoit fait mouler à Ro-
me qui font à Fontainebleau ,
' & il fut fi heureux que d'avoir de
tres-^^habiles Fondeurs , iî bien que
ces beaux bronzes furent jettez
avec tant de foin j qu'il ne falut

-ocr page 357-

304 Hifioîre des Arts
prefque point les reparer.

Mais Yignole de retour à Rome^
eut l'honneur d'être l'Architede
de l'Eglife faint Pierre , & de con-
tinuer ce bâtiment fur les DeiTeins
de Michel-Ange. Il fit auffi le
deffein de rB^life du Grand Je-
fus : & l'un de fes principaux
Ouvrages c'eft le Château de
Caprarole , qu'il conftruifît pour
le Cardinal Farneze. Il y peignit
de fa main dans des chambres, des
perlpedives qui trompent tres-a-
greablement la vûë : bc pour ce
même Cardinal il acheva la face
du Palais jFarneze qui regarde le
Tibre,

Vignole fut auffi emploie par
Fiîipe fécond Roi d'Lfpagne à fai-
re les delfeins de l'E^gliie lâint Lau-
rent , & ceux de rEfcurial. Ses
Deiîeins furent preferez 4 plus de
vingt autres des meilleurs Arçhi-
tecles d'Italie , ^ mçmes à celui

que

Ù

-ocr page 358-

qui ont rdport au BeHein. 305
que fît à Florence, pour ce fujet,
l'Académie du DeiTein. On don-
na auffi fur plufieurs autres la pre-
ference à un Deflein que Vignole
avoit fait pour l'Eglife faint
Pem-
nio
de Bologne. Ceux qui en ju-
gèrent de cette forte-là , ce furent
Cliriftofle Lombard , Architecte
du Dôme de Milan , & Jules Ro-
main Peintre & Arclîitede du Duc
de M an loue.

Outre les beaux bâtimens du
Vignole ^ à Rome , & aux autres
lieux, il a encore donné au publie
un Livre des Ordres d'Architec-
ture 5 defquels la beauté & la
neteté des
profils ^ ont rendu fon
nom fameux.

Plufieurs autres célébrés Archi-
tedes parurent auffi à Rome vers
la fin du même fiecle , entr autres
le Maderne qui fit la façade de

8. Le Vignole mourut à Rome trxip^. âge
â'e
66. ans» Sa vie a été écrite par l.gnam
J>mti,

Ce

-ocr page 359-

30é Mifloire des Arts
rEglîfe de faint Pierre. Puis Do^
mini(]ue Montana , outre les bâti-
mens que celui-ci conftruifit pour
Sixte V. il trouva à la faveur
de
fon genie > des iaventions extraor-*
dinaires , qui fervirent à tranfpor-
ter, à redrelTer , ôc a élever les
Aiguilles ou Obelifques Egiptien-
nes à R.ome, dans les Places faine
Pierre, faint Jean de Latran , ôc
fainte Marie
del Popolo , qui font
l'un des plus beaux ornemens de
cette Vile. Fontana fut encore
choifi pour être le premier Archi-
tecte , & le premier Ingénieur du
Roiaume de Haples. Ce fut dans
fa Capitale où il bâtit le magnifi-
que Palais du Viceroi,
& pluTieurs
autres
Edifices.

-ocr page 360-

chapitre xx.

Zes Arts du Dejfein fleurirent
France fous François Premier ,
fous Henri Second, & leurs fuc^
cefieurs.

PAr tout ce qu'on a dit du Vi-
gnole, Ton coimoît que la bon-
ne Architefture avoit repris naif-
fance en France, & même avant
lui j puis qu'elle y avoit commencé
fous Loiiis douzième , qui fit venir
Joconde d'Italie, Le Roi François
fon fuccelTeur eut une femblable
inclination , non feulement pour
l'Arcliitedure , mais pour la Pein-
ture I & tous les autres Arts du
DefTein.

I Ce grand Prince en ctoit fi fort amateur que
très-Couvent il faifoic l'un de fes piaifirs de pren-
dre le Porte-craion , & de s'exercer à deffiner
Se
à peindre. VeiuX Lomuzzo. Trad. D. L. Pitt. en
ces termes.
Epero fi legge che'l Re di Francia moite
volte fi dilettava di frendére lo ftile in mmo , ^
fjfemiarfi ml difegnari, dif ingère.

Ç c i j

qui ont ra^ort au Bejfein.

-ocr page 361-

308 Hifioire. des Am

Car il acira en France plufieurs
habiles Italiens à qui il
fîc de par-
ticulières grâces,
il Rofio, connu
en France fous le nom de Maître
Roux eft des premiers qui en re-
fentit detres-confiderables. Il étoit
Peintre & Architede , bien fait
de fa perfonne , & bel efprit. Ce
beau genie s'apliqua en fa jeuneiTe
à Florence a étudier le grand Car-
ton que Michel-Ange deffina pour
peindre la Sale du Confeil : puis
il peignit de lui-même , & fans
filière la maniéré d'aucun Maî-
tre.

Apres il pafTa en France , où il'
eue le bonheur de gagner l'afec-
tion du Roi , qui le favorifa d'a-
bord de quatre cens
écus de pen-
fîon. Enfuite il commença de pein-
dre la Galerie baffe de Fontaine-
bleau, où il fît vingt-quatre fu-
jets des Fiiftoires d'Alexandre le
Grand : ôc cela pleut fi fort aU'
Roi qu'il lui donna im Canonicat

-ocr page 362-

qtii ont raport au Deffein. 305)
de la Sainte Chapelle de Paris.

Le Roux peignÎE encore à Fon-
tainebleau plufieurs Chambres ,
qui après fa mort furent en par-
tie changées : on devoit graver
un Livre des Delfeins d'Anato-
mie qu'il avoit faits pour le Roi s
mais le decés * de ce Peintre em-
pêcha qu'ils ne fufTent gravez.

François Primatice Bolonois
pourfuivit les Ouvrages du Roux
à Fontainebleau : il étoit venu en
France en 1531. un an après l'éta-
blilTement du Roux : Ce qui caufa

Le Roux , que les Italiens apelle il Roffo',
Peintre, & Architcde Florentin mourut à Paris
en 1541. d'une mort fuaefte , parce q\i'ii eut un
fenfible deplaifir d'avoir înconfidcrement accufé
l'un de Tes meilleurs amis de l'avoir volé. Ls Roi,
de tous ceux qui le connoifToient.eurentun grand
regret de fa inort. Ses Eieves & ceux qui tra-
vaiiloient poaî lui en Peinture & en Stuc , furent
Naldino- florentin , Màîcrc Fratiçois d'Orléans,
Maître Cliude Parilîen, Maître Laurent Picard,
& quantité d'autres ,dont le plus hab'le fat Do-
minique
4el Barlfim Florentin , bon Peintre jbon
StHccatere , 8c bon deflinateur , comme on le
Tfoic par
fcs Eftampes'.

-ocr page 363-

310 Hîfioire des Arts
ie voiage du Primatice , c'efl que
le Roi avoic entendu parler de la
beauté des Peintures, des Stucs,
dont le célébré Jules Romain avoir
orné le Palais du T à Mantoûe.
Ainfî Sa'Majellé pria le Duc de
lui envoier un Peintre qui fçiit
auffi travailler en Stuc.

, Le Primatice avoit été fix ans
Elevé de Jules Romain , & il s'é-
toit fait diilinguer par la beauté
des frifes du Stuc qu'il avoit fai-
tes , par la facilité de
fon defFein >
& par celle qu'il polTedoit de ma-
nier les couleurs à frefque. Ce
Peintre fut choifi du Duc de Man-
touë pour François Premier , qui
le fit peindre à frefque, & travail-
ler en Stuc , ce que l'on n'avoic
pas encore vu en France , après
avoir eu l'honneur de fervir huit
ans le Roi, Sa Majeftéenparutfi
contente qu'elle l'honnora d'une
Charge de Valet de Chambre,
eiafuite il
fut gratifié de l'Abbaïe

-ocr page 364-

qui ont raport auT) effein. 311
de faint Martin de Troie dont le
Primatice prit le nom.

Les Ouvrages que cet iliuftre J
fit à Meudon en Architedure, en
Sculture , & en Peinture , ne
font pas moins charmans que
ceux de la Galerie , & des Apar-
temens qu'il peignit à Fontaine-
bleau , & outre l'excelenc genie
qu'il avoit pour ces Arts , il l'avoic
encore admirable à inventer de
magnifiques Décorations aux Fê-
tes , ôc aux Caroufels comme il le
montra à la Cour en plufieurs oca-
fions.

Le Primatice Abé de faint Mar-
tin , continua de fervir en qualité
de Peintre , d'Architecte , & de

î,. Le Primatice Abé de faint Martin , eut pla-
fieurs Elèves : le plus habile étoit
Nkolo de Mo-
dene , connu en Francs fous le nom de
Mejfer
Nicolo
, il peignit à frefque la Galerie d'Ulifle à
f ontabebleau d'un excelent travail fur les Car-
tons de l'Abé, de même qae les autres Ouvrages
à frefque qu'il fie en ce lieu- On voit encore de
fes Peintures à Beauregar proche de Bleis, Se ca
divers lieux de f rancc^

-ocr page 365-

51 i Mîfiùire des Arts
Valec de Chambre du Roi , les
SuccelTeurs de François Premier,
Sous François II. on l'honnora
de 4 rinrendance générale des Bâ-
timens de Sa Majelté. Cette Char-
ge avoit été poifedée avant lui par
ie pere du Cardinal de la Bour-
dailîere, ôc par Monfieur de Vi-
leroi.

Depuis la mort de François II,
l'Abé de faint Martin exerça du-
rant le Regne des autres Rois, fa
Charge d'Intendant général des
Bâtimens , & par l'ordre de Cate-
rine de Medicis , il fît élever à S.
Denis le Tombeau des Valois :
bien que cet Ouvrage foit demeu-
ré imparfait , il y a des bas-reliefs
où fe
voient rieprefeiitées les ba--
tailles de François Premier , qui
font d'une grande difpolition, d'un
deJGTein , & d'un goût admirable ,

4. L'Abè de faint Martin ne fut fait Surïn-
tettdan des Bâtimens du Roi, &Ton premier Ar-
cb^te'de , cju'cn à la-piace de Phiibert dfc

Lomcj.à q_ui il-fucccda en toutes fcs Charges.

poUÏ

-ocr page 366-

qui ont raport dù Depin. 3T3
pour être favamment traitez fui-
vaat l'Art de la Sculture, dans la
dégradation des Groupes de Figu-
res qui paroifTent les unes devant
les autres.

Tout cela fait connoître que
c'eft fous les Régnés de ces Prin-
ces , & de cette PrinceiTe , que
tous les Arts du Delfein furent ré-
tablis en France , & y fleurirent :
car outre les habiles Italiens qui
travaillèrent à les faire renaître ,
nôtre Nation s'y apliqua lieureu-
fement dans rArchireâure , & la
Sculture , où l'on a va l'Abé de
Clagni s'apliqucr
à la conduite du
bâtiment du Louvre , lors que
Henri II. le fit commencer. Les
deux du Cerceaux ont été habiles
Architedes , ainfi que Philbert
de Lorme, 6c Jean Ballant f, qui

5. Le Primaticc Abc de Caint Martin mourut
vers l'anijyo. le Roi mit àlapiace Jean Bullant,
pour être fou Architedc a Fontain bleau. Voi îre-
libien. Entretiens fur les Ouvrages des Peiatics >
pag. 70J.

Dd.

-ocr page 367-

314 Hifioire des Arts
donnèrent tous des preuves de leqr
favoir par les Edifices qu'ils firent,
& 'par les Livres d'Architecture
qu'ils mirent au jour.

De même l'illuflre Jeaii Goujoa
excela. dans l'Arcliitecture , ôc la
Sculture : il en donna des marques
aux Ouvrages qu'il fit au Louvre^
à faint Germain de l'Auxerroisjà
la Fontaine faint Innocent , à
les autres bâtimens j où il montra.

Du tems du Primatîce le bon goût en tous les
Arts s'acheva cle s'étendre en Pranccj&jufqu'aux
Peintures qui fc faiCoient fur le verre , c'eft
pourquoi l'on en voit de ce tems-là d'un goût ex-
quis , comme aulll des Emaux de Liiiîoge, dont
il y en a pluficurs pîeces qui ornent deux Autels à
la Sainte Chapelle de Paris , le deffcin en cft ad-
mirable & tout-ù-fait dans la manière de Jules
Romain , & du Primatice 5 il feyoit encore de cc
travail plufieurs Vafcs de terre peints & émaillca
qu'on faifoit en îran.ce de même qu'en Italie.
t'Abé faint Martin a fait, pluficurs Dclfeins de
Tapifferies, il s'en voit des tentures à l'Hôtel de.
Condé , & chez d'autres Princes.

Entre les bons Architedes d'alors ondoie com-
tcr Etienne du Perac qui cutThonneur d'être Ar-
chitcâc > & Peintre du Roi. Il peignit à fonrai-
nebleau la Sale des bains & mourut en

f.p.71».

-ocr page 368-

qui ont raport auT)eJ!em, jîf
qu'il étoitauffi habile Architede >
qu'excelent Sculteiir. Dans cc
tems-là parurent d'autres célébrés
'Sculteurs , Maître Ponce, & Maî-
tre Bartelemi, qui furent camara-
des d'études à Rome.

Mais entre tous ces Sculteurs^.
on remarque Jaques ^ d'Angoulê-
me , qui eut tant de capacité que.
dozer le difputer à Michel-Ange,
pour un modele d'une Figure de
îaint Pierre , & qui l'emporta fur
ce grand homme au jugement mê-

6. Vigcncrcfur les Tableaux de Filoflratc pag.~
Sjj. raporte que cela ariva à Rome en ijjo^
çomme il y ctoic j il marque que cet habile Scul-
teur fit crois grandes Figures de Cire noire , que
l'on gïide par excelence dans la Biblioteque da
Vatican , l'une reprefente un homme nu au na-
turel , l'autre de la même atitude, & dépoiiillé
de fa peau, où l'on voit diftindement l'origine &
l'infertion des mafcles j Se la troific ne n'cft pref-
que qu'un Sque'.ete.

Ce même Auteur parle encore d'une belle Fî-

fure dé marbre reprelentant l'Automne qui étoit
ans la Grotte de Meudon , il dit qu'il la veuë&:
■quelle avoit été faite à Rome, clleeft très exce-
lente & aufli eftimée qu'aucun Ouvrage modetnc
çe qui prouve l'habileté de ce Sculteur.

Ddij

-ocr page 369-

Hifioire des Arts
me des kaliens. En ee même tems
Pilon 7 fe fît aulîi diftinguer à Pa-
ris par quantité d'excelens Ouvra-
ges de Sculture qu'il fît en piu-
iieurs Eglifes de en d'autres lieux
publics.

Ainfi la France produifît au'der-
nier fiecle d'habi es Architectes ,
^ d'habiles Sculteurs : elle fit en-
core paroître de célébrés Pèintresi
entr'autres Jean Coufîn j qui £eu-
rit fous Henry II. François IL
Gharles IX. & Henry IJI. Le
Tableau qu'on voit de lui du Ju-
gement yniverfel , aux Minimes
_du Bois de Vincenne, & qui a été
bien gravé par Pierre de Jode, fait
voir rex^:clenpe de fon DefTein &
de fon Pinceau, ainfique plufîeurs
vitres qu'il a peintes à fajnt Ger^

7. On voit (3c Pilon un faint François 4ans le
Cloître des Auguftins , à Sainte Caterinc une
Ciiaf elle , où il y a dc.bellcs ïigures, & de beaux
bas-ïeliefsde bronze, & en plufîeurs autres Fgli?-
fcs , & à l'Horloge du Palais il y a de £cs Ouvra-
ges-

;

-ocr page 370-

qui ofit rdport du liejfein. 3-17
vais à Paris j montrent qu'il pof-
fèdoit plufieiirs Arts de ceux qui
ont raport au DefTein. 11 étoic
même excelent Scuiteur , an le
voit à ia Sepulture de l'Amiral
Chabot , qui eft de lui dans la
Chapelle d'Orléans aux Celeftins
de Paris, & les Traitez qu'il a faits
de Geometrie 3 & de Perlpeélive
font connoître la grandeur, U l'é-
Êcnduë de Ton genie.

Plufieurs autres Peintres Fran-
çois travaillèrent avee beaucoup
de réputation avant la fin du der-
nier fiecle à Fontainebleau : les
meilleurs furent Freminet , du
Breuïl , Bunel ^ qui les pafFa
tous j ce dernier fe nommoit Jacob,
& il naquit à Biais en 1558. fils de
Fraïaçois Bunel Peintre , fous le*
quel il aprit les principes de la

8. Jacob EuncI ala en Efpagne , oà il copia
les Tableaux du Titien , entuice il pafla à Rome
& s'atacha à étudier dans l'école de
'Federks
Zucchuro
) pour fe perfcdionner au Deffein & à
peindre,

Dd iij

-ocr page 371-

3ïS Uifioire des Arts
Peinture , après s'être perfeâ:ion^
né en Italie , il donna des preuves
de Ton (avoir aux Ouvrages qu'il
fit pour le Roi dans la petite Ga-
lerie du Louvre ^ , qu'il peignit
avec du Breuïl. Cela parut auffi
aux Tuilleries, & au Tableau de
la defcente du faint Efprit, qui eft
à l'Eglife des Auguftins de Paris :
l'excelence de ce Tableau lui aquit
l'aprobation de l'ilkiflre Pouffin ,
qui afuroit que de tous les Ouvra-
ges qui étoient expofez en cette
iVile : il n'y en avoit aucun qui
l'égalât.

9. Ces Ouvrages furent détruits par le feu qui
prit à la Galere du Louvre «i iHéo. l'on voit en-
core de Bunel le Tableau du Grand Autel des:
Teiiillans àParis , auffi à l'Eglife de faiot Sevcrin
plufieurs Figures dé Piofetes, de Sibiles, & d'A-
|iôtres peintes fur des fonds d'or : & l'on trouve
a Blois dans le Chosur des Capucins un Tableau
qu'il peignit d'une excelente beauté. Voi l'Hiftot-.
îe de Blois, de Bermei;,pag. ^lî.

-ocr page 372-

qui' ont rapon au Deffein. 315)

CHAPITRE XXI.

'M'es Flamans fe perfeBionnerent dans
la Peinture , depuis quiîs eurent
trouvé Pinvention de peindre à
huile.

A Peinture aux deux derniers
rficcles fît un grand progrés en
Flandre : & les Flatnans la cuici-
verent avec foin : car après que
Jean de Bruges eut trouvé en l'an
3 410. le fecrec de peindre à huile il
fie plufieurs Elevés , entr'autres
Roger Vanderverden de Bruffel-
ks , & HavefTe qui aprirenc ce
beau fecret à Loiiis de Louvain.

Pierre Crifto , Jufte de Gand ,
Hugues d'Anvers parurent quel-
que tems après : ils ne travaillèrent
qu'aux Païs-bas, donc ils retinrent
Ja maniéré avec réputation , tant
flir la fin du fiecle de 1400. & qu'au
commeiicçment de celui de ipo.

D d iiij

-ocr page 373-

3XO TItfîoire des Arts
C'ell dans ce dernier que plufîeurs^
autres Peintres de cette Nation fe
firent -connoicre : car Lambert
Lombard à Liege y tenoit le pre-
mier rang dans la Peinture & F Ar-
chitecture il y fît d'exçelens Ele-
vés 5 le plus fameux fut Franc-
Flore , que l'on regarde comme le
Rafaël des Flamansà caufe du bon
goût du DefTein , Guilaume Cai
3e Breda fut auffi Eleve de Lam-
bert Lombard , & il pafla pour ha-
bile Peintre : il n'y avoit pas dans
fes Ouvrages tant de feu , ni tant
de refolution que dans ceux de
Franc-Flore , mais il y paroilToic
plus de naturel, plus de do-uceur,
& de grâce.

Il y eut auflî alors plufîeurs Fla-
mans qui aquirent de la réputation
en Italie tant par la Peinture , que
par l'Architedurej Michel CocKi-
lien eft du nombre , & ce fut lui
qui peignit à frefque en ijzi. deux
Chapelles dans VÈ.g\ï[cd/U'/4mma3

-ocr page 374-

^uîont rapon dtt TXeJfein. jzi
qui font afTés félon la maniéré Ita-
lienne. On doit de même efhimer
pour le bon goût de peindre & de
deffiner Jean de Calser : il avoit
apris du célébré Titien, & il def-
fuia les rares Eftampcs d'Anato-
mie qui rendent fi fameux le Livre
d'André Vefal.

Emsxerque , Martin de Vos , &
Jean Strada étudièrent en Italie le
bon goût du DelTein, & de la Pein-
ture : Strada fit quantité d'Ouvra-
ges à Florence pour le Grand Duc>
I particulièrement plufîeurs Cartans
pour des Tapifleries , où il montra
' qu'il étoit univerfel dans les dife-
rens talens de la Peinture , & fa
capacité lui procura l'entrée à l'A-
cademie du Defîein.

Les Paï-bas produilîrent encore
plufieurs Peintres, Divic & Qtiin-
tin ^ de Louvain , furent tres-efti-

I. Vafari dit que Qmntîn ctoit de Louvain,
mais A. F. le croi d'Anvers , qui d'habile Forge-
ron & Mjireckal yint habile Peintre , gar l'incli-

-ocr page 375-

3 ï-fifidre des Ah s

mez pour avoir bien imicé le nâtu^
rel. Jean de Cleves excela dans le
Coloris, & dans les Portraits : de
force que François I. le prit à Ton
fervice &C durant cC tenis-là il pei-
gnit quantité de Seigneurs 8c Da-
mes de la Cour.

De ces mêmes Proviiices furent
Jean d'Hemeiffein , Martin CooKy--
Jean Cornelis > Lambert Scoo-
rel j.qui fut Chanoine à Ucrec :
Jlsan belle fambe
, DivicK d'Har-
iem , & François Monftaret Habile
en Païiages , & en Figures de fon-
ges bizares,. Celui
ci eut pour imi--
tateurs Jerôme Herroglien Bos ,
Pierre Bruneghel, & Lancelot qui
a reiiffi à peindre des feux.

Dans ces pais parut auffi Pierre
CocueKo qui eut une grande faci-

nation nacureie qu'il eut en fa jcunefle pour le
Deircin, & par l'ardent amour qu'il feiuit pour
une fille qui lai témoigna qu'elle l'épouferoic

pouvoir devenir Peintre ce qui l'anima à s'a-
pliqucrà la Peinture comme il le fit heureufc-/
ausM.-

-ocr page 376-

qui ont raport au Bejfein. 323
lité dans rinventîon , car il fit de
très - beaux defTeins d'Hiftoires
pour des Tapifleries , & il avoic
beaucoup de bon goût , beau-
coup de pratique dans l'Arckitec-
ture , ce c]^ui l'obligea de traduire
les Livres du Serlio en Flamand.
Cependant celui des Peintres des-
Païs-bas que l'on doit eftimer des
meilleurseft Antoine More, Pein-
tre de Filipe II. Roi d'Efpgne :
les Tableaux & les Portraits que
l'on voit de ce fameux Peintre la
feroiit toujours paffer pour un ex-
celent homme, il avoit apris la.
Peinture de Lambert Scoorel.

On parle encore avec beaucoup
de réputation de Pierre le Long 5
qui fit à Amfterdam fa patrie un
Tableau d'une Vierge avec d'au-
tres Saints, dont il eut deux mile
écus. Mathieu, & Paul Bril exce-
lerent alors à faire du PaiTagc ,
ils travaillèrent long-tems à Ro-
me, j en Flandre ; parut avec uua

A

-ocr page 377-

I-îifioire des Arts
haute réputation Odave - Vain-'
veen , qu'on apeile auffi
Otto-Ve~
mius.Vi
fut Peintre du Duc de Par-
me , qui gouvernoit les Païs-bas,
& cnfuite de l'Archiduc Albert,
C'eft lai qui fut le Maître du cé-
lébré Paul Rubens.

Pierre Porbas de Bruges fur
Peintre, ii montra à François fon
fi!s à peindre , qui continua d'a-
prendre fous Franc-Flore, ce der-
nier eut un fils apellé François
qui travailla beaucoup à Paris aux
Eglifès de faint Leu , des Jacobins
reformez , & à rfiotel de: Vile,
où il fît paroître fa capacité.

Au nieme tems la Scultu-reécla-
ta aux Païs bas, auiîî-bien que la
Peinture, parce que ces deux no-
bles exercices^ partent d'mi même
principe qui efl: le DefTein : c'eft
pourquoi il forcit de noiiveau de
ee Pais-l.i d'excelens Sculreurs j.
Guilaume d'Anvers, Jean de Da-
hs., Guilaume Cucur de Holaiide»

-ocr page 378-

qui ont rapon au Beffein. 315
& Jacques Brufca , tous Sculteurs
& Architedes. Brufca travailla
plufieurs Ouvrages pour la Reine
de Hongrie , &; il fun le Maître
de Jean Bologne de Douai.

C'eft ce fameux Jean Bolongne
qui fît le plus d'honneur à fa Nation
dans la Sculture par la beauté oii
il porta tousfes Ouvrages, qui ont
tout le bon goût des antiques,
dans lequel il fe perfediona en
Italie, & particulièrement à Flo-
rence , où il s'établit , 6c tint le
premier rang en ce bel Art. Il y
lut emploie par les Princes de Me-
dicis à taire quantité de beaux mor-
dceaux de Sculture ; les belles Sta-
tues de marbre, & les grans grou-
ses de figures de bronze qui ornent
, es places de Florence , de Livour-
ne, & de Bologne, font charma ns,
& font autant de preuves de fon
habileté que de témoignage de
fa gloire.

On voit encore à Paris ^ des mar-

-ocr page 379-

Hifioire des Arts
ques de l'excelence de Ibn travail:,
par le cheval de bronze (ur lequel
eft la figure de Henri quatrième,
dans la place du Pont-neuf : Ainli
il fe peut voir qu'aux Païs-bas, en
f rance de même qu'en Italie, les
Arts du Deflein reprirent nailTan-
-ce, par tous les moiens que l'on
vient de remarquer. Ce qui con-
tribua encore à cela ce flirle genie
& l'aplication des habiles Pein-
tres , des Sculteurs , & des habiles
Architeâ:es qui fleurirent au fiecle
1400.
& en tout celui de ijoq.

k

-ocr page 380-

qui ont ra^ort itu .23 effsin. 3 27

chapitre XX 11.

De la maniéré qut la Gravure corAû'
bu a au rktaUiJfemmt des Arts
du i)ejfein,

Our achever ce dernier Livre,
il refte à parler de l'avantage
que reçurent es Arts du DelTein,
Çar l'invention de la Gravure, qui
Fut trouvée à f loreiice en 14^0.,
car cette invention fervit & ferc
infiniment àfaire monter les beaux
Arts à leur perfeclion.

Il eft en effet certain, que la
maniéré qu'on a trouvée de deffi-
ner fur le cuivre avec le burin 2c
la pointe , fut l'un
des moiens le
plus heureux pour la renailîance
des Arts: à caufe que la Gravure
multiplie ,
&c fait part à tout le
monde, des DelTeins, &: des belles
Idées , des grans Peintres , des
grans Scultetyrs, & des grans Ar-

-ocr page 381-

Hifiùire des Arts
chitedcs. De force que les Eftam-
3es qu'on tire des planches gravées,
ont d'un merveilleux fecours, pour
faire naître le Deflein dans plu-
lîeurs Pais qui n'ont point eu com-
me l'Italie, l'avantage de pofleder
les beauxExemples d'Architecture
& de Scultnre antique, & les Ou-
vrages des plusexcelens Peintres ,
des plus excelens Sculteurs mo-
dernes , qui fe communiquent heu-
reufement à la faveur des Eftam-
pes.

On a vii j 6c Ton voit encore cela
en France,& ailleurs,que les beaux
Livres d'Architedure ont rendu
plulîeurs Architedes habiles , qui
îà-ns avoir été en Italie, où font
les beaux reftes de l'antique, ont
formé leur goût, ont fait leurs
études dans cet Art, par le moien
de la (Gravure qui reprefente fidè-
lement les plans, les profils, l'éle,^
vation, & les meiures des plus ra-
res Bâtimens,

La

k

-ocr page 382-

qui ont raport*au DejJèïn, 325»
La Peinture tire auffi par les Êf-
tampes , le même avantage que
i'Architedure , puifqu'elles ont
donné de folides inlbudions à
quantité de peintres. Et on le re-
marque par les Eilampes de Marc-
Antoine gravées fur les DelTeins
de Rafaël, qui ont apris le bon goût
du DefTein à plulkurs grans Deffi-
nateurs.

L'illuftre Pouilin, en eft un bel
exemple , par l'aplication qu'ii
eut dans fa ieuncfle à deffiner ces
belles EHampes, lors qu'il ëtoit à
Paris. Ce fut là que ce grand Pein-
tre goûta de bonne-heure la ma-
nière de Rafaël, & celle de l'anti-
que qu'il a toujours heureufememt
luivie j dans tous ces admirables
Ouvrages.

Les Scultetirs reçoivent encore^
de la Gravure la même utilité,
que les Peintres, parce qu'elle leur
a rendu familiers , les Deffeins d©
mices- les belles fi8;ures de l'anti-
" Es

-ocr page 383-

3 $o ■ HJfi'ôire^des Ans
quicé, de tous les beaux bas-re-
liefs des fameufes Colonnes, de '
tous cej.ix qui font aux Arcs de
'triomfes, & de tous les autres que
l'on voit dans les Palais & les Mai-
foiis de Rome.

La Gravure fut trouvée à Flo-
rence par
Map) fine^uerra Orfevre,'
qui imprimoit tout ce qu'il gravoit :
en argent: enfuite Baecio Baldinel-
li> qui écoit auiîî Orfevre Florentin ;
continua cet Art, mais comme il
n'étoit ^as habile Deffinateur , il
fuivit les DelTeins de
Sandro Bot:--
l'un des Peintres de cette vile„

L'invention de la Gravure, alors
étant veniie à la connoilTance d'-
André MantegCj excelent Peintre,
• qui étoit en ce tems-la à Rome
en fut fi charmé
qu'il voulue s'y
apliquer, & il grava des Baccana-
les au Burin, & un grand triomfe
eo taille de bois, qui eft merveil-
leux. Cet Art après palTa d'Italie
Pâïs bas; M^ftin d'Anvers,qui

-ocr page 384-

qui ont raport aû'T)eJfein. 351
tfâVâilloic en Peinture l'exerça,
. il envoia un grand nombre de
Ces
EHampes en Italie 5 ^ il continiia
de faire de mieifx en mieux d&s
planches. •

Enfuite de Martin d'Anvers, Al-
bert Durer , commença avec plus
d'intelligence dans la même vile
à graver d'un meilleur goût jd'un
meilleur deffein, & d'une plus bel-
le compofition 3 parce qu'il cher-
choit de plus prés le naturel, &
à aprocher davantage de la manié-
ré Italienne , qu'il eftima toujours
beaucoup : ainfi dés l'an 1503. on vit
de lui une petite Vierge qui furpat
foit les Ouvrages de Martin d'An-
vers,& il ppurilîivit de faire encore
plufieurs planches , qui font des
chevaux dèffinez d'après nature,
avec un autre de l'enfant prodigue.

Mais quand il eut gravé quan-
tité de ces Eftampes au burin,
5c
qu'il fe fut aperçu que cela lui
confumoit un grand temps, il fc

Ee ij.

-ocr page 385-

33i Hifioire des Arts
mit à graver en taille de bois j pour
donner au jour un plus grand
jîombre de fes ouvrages, & ee fut
en 1510. qu'on vie de cete Gravure,,
la Decoiacion de fàint Jean, la Pàf-
ilon de Nôtre-Seigneur , & plu-
ileurs autres pieces qui eurent un;
grand cours. Albert iur l'alTurance
qu'il avoit de voir fes Ouvrages
çflimez , par le débit qu'il en fai-
foit, devenoit plus riche tous les:
jours j & cela l'obligea de graver
encore au burin, & il y fît l'Ellam-
pe delà Melaneolie , trois Nôtre-
Dames , avec une Paffion en tren-
te lîx pieces.,

£n ce tems-Ià François Tranday
tenoit à Bologne le premier rang,
dans la peinture , ôc il avoit quan-
tité d'Eeves donc Marc-Antoine
Raimondi étoit le meilleur , à cau-
fe de fa capacité aa Delfein , ce
qui lui donna une grande facilité..
pour manier le burin aux Q-uvra-
gçs
d'Oxfcvrie, en quoi il exceloic^.

-ocr page 386-

qui ont rapori au Dejfein. 333
Mais fur la refoiution qu'il eut de
voiager, il s'en ala à Yenife. Il y
vit des. Eftampes qu'Albert avoir
faites au Burin, & en taille de bois.
Elle lui agréèrent tant, qu'il en'
acheta de tout fon argent j entre-
autres y il prit la Paffion gravée eiT
taille de bois : & parce qu'il fît re-
flexion fur l'honneur , & le bien
qu'il auroit aquis , s'il fe fut ocupé
à graver de cette maniéré j il fe dé-
termina à s'y apîiquer entièrement,
& il fe mit à copier fi bien cette
Paffion d'Albert par de greffes ha-
chures fur le cuivre , qu'on l'eût
prife pour de la taille en bois ; il
y mit jufqu'à cette marque d'Al-
bert AB.. ôc cet Ouvrage fut fî
juflement imité, que perfonne ne
le crut de Marc - Antoine, mais
d'Albert, & mêmes on levendoic
& achetoit pour tel à Venife : de
forte qu'on l'écrivit en Brabant, à
Albert, à qui on envoia une Paffion
de celles que Marc-Antoine avoit.
faites

-ocr page 387-

534^ Hîftoire dss Ans

Cela mit Albert dans une colère '
fï violente qu'il partit d'Anversj
fe rendit à Venikjou il eut recours
à-la République , fe plaignant du
tort que lui faifoit Marc-Antoine :
& il n'en put rien obtenir , finon-
que la marque d'Albert ne pouroit
fe metre davantage fur les plan-
ches de Marc-Antoine.

Albert de retour à Anvers , y-
trouva un concurant, ce fut Lucas
de Leide,
ï bien qij'il n'excelât pas
tant que lui dans le Deffein, il
l'égaloic par la beauté de fon bu-
rin , comme il le fit voir en 1505).

I. Lucas de LeWe eut une ardeur extraordinaire
pour le Deflein dans fa jeuneffe , il fit des Ta-
bkaux dés l'âge de
. ans , s'apîiqua auffi à
la Gravure ; à i y. ans il avoit fait même plufieurs
planches , & il mourut à 35 ans en ijjj du tems
de Lucas > & d'Albert, parut avec beaucoup de
réputation Jean Holbcn de Baflè II pratiqua pa-
reillement «la Gravure , on voit de Jui en taille
de bois des figures de la Bible j & une darfe de
Morts j qu'il peignit en cette vi'c. Mais fa princi-
pale ocupation ce fut la Peinture qu'il excerça
long-tcms en Angleterre , où ilpaffa pour le plus
kàbiJede foii tems il y jnoarut à /6. ans en

-ocr page 388-

qui ont ra^ort au Dejfein. 535'
^ar deux Eftampes en rond j dans
'une le Chriil porte fa Croix, ôc
dans l'autre,fon Crucifiment.

Lucas continua de faire paroître
fbn habileté par la FalEon qu'ils
grava en feize pieces, & fes autres
Ouvrages au burin,

Albert à cela ., fut jaloux du fa-
voir de Lucas, & parce qu'il n'en ^
voulut point être furmonté , il re-
doubla fon aplication à graver au i
burin. Il y fie pkifîeurs belles plan-
ches j telles que le faint Euftache,.
lefaint Jerôme5& plulîeurs autres,,,
qui augmentèrent fa réputation :
car il n'étoit pas. feulement bon
Graveur , mais bon Peintre , bon i
Sculteur; bon Geometre , & bon i
Architede.

On le voit par fes traitez des -
proportions de la figure humaine,
de la Perfpedive , & de l'Archi--
tedure , & fes Ouvrages ont rendu
fon nom ^ illuftre, car ils ont con-

â^ Albcït I>Hrsr& mourut à Nurcroberg 3 fa-i

-ocr page 389-

Hifioire des Am
tribiic au recabliiTement des Arts-
en Flandre, en Alemagne mê-
me en Italie puîfque ce font les-
Eftampes d'Albert qui portèrent
Marc-Antoine à embraffer la Gra-
vure , & caufe qu'il grava heureu-
fement les ouvrages de Rafaël 11
neceffaires à tous ceux de l'Art da
DelTein,.

Ainfi à la faveur de l'oecafion qiîc
Marc - Antoine trouva de copier à
Venife les Eftampes d'Albert, il a-
quit la facilité de graver , ic
rendît enfuite à Rame, où la jpre-
miere choie qu'il grava ce fut une
Lucreflè d'après Rafaël : on la fie
voira ce grand.Peintre, qui prit au^
même tems Marc-Antoine en a-

pacrlecn ifig. âgé de jy, ans. Oii lit ceci dans
i'oa Epirafe,

§luitl quid Alherti Dmeri mortale fuit cmditur
ttimulo emgmvitVllI. Idus Afrilis.
1518.

Cet excelent homme fut tresrhonnore par les
Empereurs Maximiiicn, Charlcquint, & Ferdi-
nand Roi de Ho ngrie. L'un de fes Elevés fut Al-
«fcgiave Eeiiure & Graveur de Nuremberg. _

mitié

-ocr page 390-

qui ont raport au "DejTein. 537
tnitié , & lui fît graver la planche
<du Jugement de Paris , celle delà
mort des Innocens , plufîeurs
autres.

Cela fut d'une grande utilité à Ra*
faël, & lui donna encore, ainfî qu'à
Marc-Antoine beaucoup de renom
dans toute l'Europe, & jfît naître
à plufieurs Deffinateurs l'envie de
s'apliquer à la Gravure , & de de-
venir Eleves de Marc-Antoine.

Les plus habiles, furent Marc de
Ravcnnc , & Auguftin Vénitien ,
qui ont gravé plufieurs DeiTeins
dé Rafaël & de Jules Romain.

Marc-Antoine après la mort de
Rafaël grava des Defleins de Jules
Romain j qui font des po.ftures des-
honnêtes, pour lefquelles il fut ar-
rêté à Rome, & comme il fe fauva
de prifon , il s'en ala à Horencéj
où il acheva de graver le faine
Laurent, du DelTein de Baccio-
Bandinelli. Cependant Baccio fe
plaignoit quelquefois à tort au Pa,-

Ff

-ocr page 391-

Hifioire des Arts
pe Clemenc VII. que Marc-An-
toine gâcoît , ôc n'execucoit _pas
bien ion delFcin : cela vint à fa
connoilTance, & dés que Ta plan-
che fat finie, il la porta à ce Pape
avec le DelFein de Bandinelli, &
comme Sa Sainteté étoit bon con-
noilTeur, & grand amateur du Def-
fein, il en jugea tout autrement,
&reconut que cet habile Graveur
avoit de beaucoup corrigé les fau-
tes qui étoient au DefTein du Scul-
tear Bandinelli. De force que par
la beauté de cette rare Eftampe
Marc-Antoine regagna les bonnes
grâces de cet illultre Pape, que les
3oll;ures de l'Aretin avoient eu
e- malheur de lui faire perdre.

Mais en ce tems-là arrivèrent
Jâ prife , le fac de Rome, qui
reduifirent Marc-Antoine prefque
à la mendicité. Car pour il- tirer
d'entre les mains des Impériaux
quil'avoient fait prifonnier , il fut
obligé de leur donner tout i'argenc

-ocr page 392-

qui ont rapon au Bcjfein. 33^
qu'il avoir» & ainfi il fortit de Ro-
me où il ne retourna plus.

L'on trouva alors la maniéré de
graver en taille de bois , & de
clair-obfcur, qui font paroitre les
Eljampes comme & elles croient
rehauffées de blanc au pinceau >
& celui qui en trouva l'invention ,
ce fut Hugues de Carpi, Peintre
médiocrement habile, mais qui a-
voit du genie pour beaucoup de
chofès. Il
(c voit de ces fortes d'Ef-
tampes, d'après Rafaël, de Parme-
fan, de Ba-ldafTare, de Beccafunii,
d'autres.

La maniéré de graver à l'eau
forte , commença auffi de fe pra-
tiquer au même tems , par le Par-
mefan, & par le Becafumi, qui y
firent quelques planches. Aprés^
eux Batifte
Del Moro peintre Ve-
ronais grava à l'eau forte cinquan-
te beaux Paifages. Il étoit Elevé
du Titien , ôc auroit été l'un des^
plus-fameux de-fan fiecle s'il ne fût

Ffij

-ocr page 393-

340 Mîfioire des Arts
point mort avant trente ans,

Jerôme Cock , grava en f iandrc
Ici fept Arts libéraux, & à Rome
piulîeurs planches fur les Defleins
de
Sch2i{\ÀQn Fi'ate del PiomhotèL fur
ceux de François Salviati. A
jnife Batifte Franco habile Peintre
grava quantité de fes Ouvrages.
Cependant la Gravure fe continua
à Rome par Jacques Caraglio Ve-
ronois, à qui le
Rojfo Peintre Mi-
lanois fit graver piulîeurs planches
fur fes DeJTeins , & il en grava en-
core d'autres enfuice de Perin
del
f^aga, de Parmefan , & de Titien:
mais Caraglio depuis qu'il eut
ainfi travaillé, s'ocupaàgraver des
Crifèaux , & des Camées , enquoi
il ne reulîît pas moins qu'à graver
flir le cuivre , & le Roi de Polo-
gne le manda pour le faire travail-
er en Gravure, Architedure,
qu'il exer(ja heureufement dans
ce Roiaume.

Jeafi Batifte Mantoiian de l'E-

-ocr page 394-

qui ont répart au Dejfein. 3 41 '
cole (deJules Romain , s'apliqua à
graver au burin , & fit après les
Ouvrages de fon Maître de belles
Eftampes, qui font fort eftimées, on
voit des Eftampes de la main de fa
fiile Diane qui font bien gravées.

Enea.Vico Parmêfan fut aufîi
graveur au burin , il copia les Def-
feins du Roffo, de Michel-Ânge,
de Titien, de Salviati, & de Bandi-
iielli, & grava plufieurs Portraits
de grand Prince j celui de Charle-
quint, enrichi de trofées, dont
il eut beaucoup de louanges , &:
'de recompenlès,
cfl l'un des plus
confiderables.

A Rome Nicolas Beatrix Lorain
continua cet Art, il travailla d'a-
près le Mutien>d'aprés Michel-An-
ge j & d'après Ghiotto la Nacelle
de faint Pierre, avec plufieurs au-
tres Eftampes tres-eltimées.

D'autres Graveurs Italiens fe fi-
rent encore dillinguer par leurs
Eftampes à Rome, comme Clieru-
ffiij

-ocr page 395-

.342- Mifloire des Arls
bin Alberc , qui grava les belles
Frifes d'après Polidore , Vilaraen
d'A ffifc eil: du nombre des habiles,
à caufe de la coredion de Ton Def-
fein, & de la liberté de fou burin.
On doit faire une pareille eftime
d'Antoine l'Abacco , qui amefuré
& gravé un Livre de Bâtimens
anticjues, qui efl: la plus reguliere
Architedurs que l'on ait mis au
jour.

Au Païs - bas plufîeurs habiles
Graveurs y parurent encore i Hu-
bert Goltius de Vealo j y fut cé-
lébré. Il apritla Peinture de Lam-
bert Lombard, enfuice il s'apliqua
à graver plufieurs Livres de Me-
daillesdes Empereurs intitulé, Fa-
fii 3 & Sîçilia , Magna Grecia-,
d'autres dont il compofa les dif-
£ours Latins , parce qu'il étoit fa-
vant dans-l'Hilloire , il fut honoré
delà qualité de Peintre & d'Hifto-
rien de Filipe fécond. 11 mourut à
Bruges en 1583. delà même famille

-ocr page 396-

quiontrapori auBeffein. » 343
de Goltius fut auffi Henri qui tr^-
vaillabeaucoupàgraver & à pein-
dre , a^ant fait deux volages en
Italie pour s'y perfectionner, ou-
tre
rtiabileté qu'il avoit dans la
Peinture dans la ^ra\rure
, il
delîignoit merveilleufement bien à
là plume. Il vint au monde
à Venlo
en 1558. Saenredam , Matam ôc
Pierre Jode furent fes Eleves.

Corneille Cort, & Martin Rota,
firent voir leurs capacitez , par les
pieces qu'ils graverent d'après Mi-
chel-Ange , Mutien, autres , de
même Jean, Rafaël, ôc Giles Sa-
deler , qui croient de BrufFeles
augmentèrent de beaucoup l'Art
de la Gravure , par la beauté de
leurs Bftampes. Collxrt, Filipe ,
& Corneille Gall, des mêmes Païs
y graverent, ôc enfuite en Italie
avec réputation._

Cet Art fe fît paroître auffi en
France avec éclat du tems de Maî-
tre Roux, & de l'Abbé Saint Mar-

F f'iiij

-ocr page 397-

344 ' Hiflvire des Am
tin, parce que René grava la pltrf-
parc de leurs Ouvrages qui font
à
Fontainebleau.^ ♦

Si bien que dans tous les Païs où
floriffoient les Arts du DelTein,
la Gravure'y floriffoit auffi, & fai-
foit une partie fore confiderable
de ces beaux Arcs.

Mais celui qui donna davanta-
ge de luilre a la Gravure, fur la
fin du dernier fiecle , qui la
porta au delTus de tous les Gra-
veurs qui l'avoienc exercée, ce fut
le Célébré Augurtin Carache : car
fans parler delà correction &.da
grand goût de deiîiner qu'il polTe-
doit dans un haut degré, il rendit
les tailles de fon burin tres-égales.
Bien conduites fuivant les tour-
nans précipitez, & la forme des
objets , & jufqu'au Païfage qu
'il
toucha excelemment.

Dés fa jeuneiré il aprit la Pein-
ture, à Bologne, chez Profper Fon-
tana, enfuice il y étudia la Gra-

-ocr page 398-

quîent raport au Deffein. 345
vnre, & l'Architedure fous Domi-
nique Tebaldi. Il paiFa en peu de
tems fon Maître, qui tiroit un pro-
fit confiderable de la capacité de
cet Elevé. Auguftin eut encore un
grand amour pour la Sculture, cet
amour le fît travailler de relief fous
Alexandre Minganti , Sculteur
Bolonois j mais pour cela il nequi-
ta point la gravure, parce qu'il a-
voit un efprit univerfèl qui le por-
toit aux lettres , à la Geometrie ,
& à toutes fes dépendances.

Il ala auprès avec fon frere le fa-
meux Annibal Carache , étudier
la Peinture en Lombardie , pour
prendre la belle maniéré de pein-
dre , & le bon gout de Corregge
î
mais il laifTa fon frere à Parme, Se
pour lui il fut à Venife , où ils'o-
cupa à graver des Tableaxix ds
Tintoret , & de Paul Veronefe,
& rendit par là leurs Ouvrages
plus renommez, à caufe de la beau-
té de fon deflçin qui rendirent fes

-ocr page 399-

Mifioire des Ans
Eilampes plus parfaites, que ceîîes
des autres Graveurs, il grava
en-
core des Tableaux d'après le Cor-
rege ,
d'aprJs le Baroche , & fit
aulîi plufieurs planches d'après le
naturel > & de Ton invention , qui
font toutes admirables.

Ainii il eft vrai que vers la ên
du dernier fiecle , Âuguftin Cara-
clie porta la Gravure audeiHis de
ceux qui l'a voient précédé, & que
ce qui le fit encore diftinguer
des
autres Graveurs , ce fut l'excelen-
se, ^iacorrediondefo^DelTeio,
Car il eut tant de paillon pour le
faire fleurir , qu'il en établit à Bo-
logne une Academie , avecfon il-
luTtre frere A.nnibal, & leur coufin
Loiiis Caraclie,

C'eft de cette fameufe Ecole,
que font fortis les plus habiles Det-
finaceurs, & les plus célébrés Pein-
tres Bolonois , parce, qu'ils ont
maintenu l'excelence du DelTein ,
^ de la Peinture , dans le haut

-ocr page 400-

qui ont rapon au Dejfein. 347
point, où ces nobles Arts ont été
depuis leur renaiffance. Et c'eft
aux Caraches à qwi nous avons l'o-
bligation , au commencement de
nôtre fiecle , d'avoir empêché que
la Peinture n'ait tout-A-fait décli-
né à Rome , où ellefembloit déjà
fe perdre , à caufe que les manie-
riftes de l'Ecole de Jofeph Afpino,
èc ceux de l'Ecole des Caravagil-
tes leurs opofez , l'emporcoient fur
ceux qui fui voient le goCit de l'An-
tique j & la belle maniéré de Ra-
faël. Mais les habiles Eleves de
l'Académie des Caraches l'empor-
terent enfin fur les uns les au-
& ils rétablirent le bon goût

très

de deffiner, de peindre : qui de-
puis a heureufement continué juf-
qua nous. Et c'efl: dans tout le fie-
cle de mil fix cent, que cette con-
tinuation de l'excelence des Arts
dw DelTein a paru & qui iera la
matiere de la féconde partie de
l'hiftoire de ces Arts,

-ocr page 401-

34^ Bîfioire des Jns

Par toHS les habiles Graveurs » dont nous vtf-
nors de parler dans ce dernier Chapitre, on voit
que la Gravure fait partie des Arts qui dépendent
du Deffein , & de la Prfnture , qu'elle en eft une
fuite, jpuifque ce font les Peintres qui ont com-
irïcncé à la bien pràt'qucr , & à la faire monter
à
on haut degré.

On voit aulG que la manière de faire les Poln-
çt ns & les Carrés pour fraper les Médailles. eft
tine forte de Gravure qui dépend de
la Sculture :
& que les plus excelens Graveurs ont tous été
Sculceurs & Peintres i car ils ne gravent point
leur < oins qu'ils n'aient ^odelé leurs Ouvrages i
àinfi la Sculture précédé la Gravure, Les habiles
We.laiiliftes du tenas de Henry Second , & de
Henri Quatrième étoicnt Scukeurs , & on tient
que Jean Goujon a fait de ee premier Roi , & de
Caterine de Medicis > les plus belles Médailles
que l'on voie. L'on parle aufli de jean Ron-
delle , ëc d'Etienne Lanne , qui travaillèrent à' la
Monnoie du tems de Henri II. & qui firent les
beaux teflons fous le Regne de ce Roi.

Pour les Médaillés de Henry Quatrième , les

plus belles ce font de......du Pré , qui ctoit

habile Graveur , & habile Sçulteur , le bas relief
qui fe voit de lui dans la rue du Roi He Sicile à
Paris en eft la preuve. Cette Gravure a êcc tou-
jours fort confîdtrce , & exercée avec honneur,*
ainfi que les autres Arts du Deffein , & mêmes
on a vu que l'Empereur Commode outre le Def-
fein qu'il aprit, voulut aufli aprendre àGraver,
ainfi que nous l'avons fait remarquer au com-
mencement du fécond Livre : & nous ne pou-
Tons pas croire que ce ne fût pour faire des Mé-
daillés , dont la conqoilTancc a toujours été fi

-ocr page 402-

qui ont rdport ^u Deffein. 34^

?

fort en eftime, tant chez ks Antiques que chez
les Modernes , & ce qui acheve de prouver
cela , c'eft que nous ne voions point qu'il y eût
d'autres manières de graver chez les Antiques
que celle de graver en creux pour faire les Me-
dailies. Et graver les pierres fines des anneaux &
autres qui fervoient ce Sceaux & Je Cachets ainfî
qu'on en voit quantité dans les Cabinets des Gji-
îieux.

F ï N,

-ocr page 403-

i è 1 i VfS 1 ^ 1

TABLE

DES NOMS DE CEUX
qui ont pratiqué les Arts du Def-
fein, nommez en cette Hiftoire.

y^près le nom le P. Jïgnifie Peintre , l'S.
Scultepir, VA. ArchiteBe , le G, Graveur^
& l'O. Orfèvre. Lers qu'on verra P. ui.
cela fîgnlfira Peintre & ArchiteBe , l'S.
& rJl. fera Scnlteur & ArchitieSie , le
p. S. A. c'efi Peintre, Scnlteur, & Ar^
cbiteBe.

A

ABaccojA.G. page 341

Abé de Clagni, A. 3IÎ

^tion. P. J/

Adrien , A. p. S.

Agefandic, S. 5j-

Angclo, S. 157

Agnolo Sencfe , S. xjS

Aldigicri de Zevio , P. loé

Aldegrave , P. G. 3

Alexandre Morctto , P. 117

Alexandre Miganti, S. j 4 f

AlcxandreMoretti, P. 137

Albert Durer, P. G. jji. jjt. 3JJ. 53/. 33«
Alfonfe Lombard! , S. téz

Aijcrius Labeo, P. 4é

J.

-ocr page 404-

T A B L E

Alexis Baidovinettî, P. 17.^
A!camenes,S.
 40
André Mantegiie j P. G. 1S8. 550
André de Sol&rio j P. Zoo-
André Del Sarto, P. , zol.^o^
André Pifan , S. 165.16 +
Andiê Organa, P.
S. A. 163
/.ndré Verrochio, S. P. jyi, 175. 176'
André del Caftagiio , P. 176. 18/
André Tafi , P. ij.j
André, Squarzella , P. xor. xoi
André Loiiis d'AfTife , p. 10}
Aiidic Contucci, S. 18}
Amico , P. 188
André Palladio, A. 197
Antoine de Correge , P. il7. zis>
Antoine More, P. jij
Antoine de Sandale, A. ijg
Antoine Poliaivoli 5 P. +
Antoine Filarete , S. lyî,
Antonclle de Mefline , P. igj. 184. 18/
Androcide , P. jo
Annibal Cartagiuois , A.
 50
Annibal Carrache , P. ^i»
Apele, P. 34. 56. 47-
Apollodorc , A.
S. 76. 77
Apolloiiio , P. JJ
Argellius, A. S.
 60
>\rchifron, A. 61.
Ainolfe Lape , A. ijz^ ijj
Armenini, P. 6
Atenodore
, S. J/
Auguftia Carrache., P.
G. S- Î44' Î4J
Auguftin, furnommé Bambaia, S. 138.
Auguftio Vénitien, G. 3J7
AHffeouHaveffe, P. .
181.

-ocr page 405-

table.

B

BAccio Bandinclli » S. page i7j. 17 ^

Bacceio Uberti, P. zoj

Baidaffarc Perruzzi, P. S. 144. 170

Bartelmi Vivarini , P. %ié

Bartelcmi, S, ji j

Bartclcmi de Rcggc , S, xi^

Barcclemi Montagne, P. iltf

Bartolomée Ginga, A. iSj"

Baroche, P. 119

Barifte Lorenzi , S. zé7

Baciftc Franco , P, 170

Bauftc'Dangelo , P- xi7

Batiftc dcl More , P. G- 194.
Baflan le vieux étoit Jacob fils de François de

Ponte de Eaffan , P. tp}
Puis François
Jean- Batiftc , P.

Jérôme, P. i^î
Leandre P. tous quatre cnfans d« Jacob.

EalTiti, P. lié

Béefel , A. S- .O. 14
Benoît Coda, P.

Benoît Ghirlandaie , P. 185
Bcnoîtdc Maïoino, S. A,

Benoît Caporal, A. lof

Benvenuto Celini, S. G. O. x 7

Bén ît Diada, P. xitf

Benvenuto Garofola, P. z8j

ïouchet, ou Bufchctto , A. 148

Bernard Daddi, P. 16 j

Blaile, P. »8»

Bernard de Gatti, P, x}^

Bcrnardiuo da Trcvio , P. A, »40

Bramante^

-ocr page 406-

DES NOMS,&C.

Bramante» A. P.
Bramantine, P. A.
Brunelcfchi A. S.
Briaxis, A. S.
Bularque, P.
Buono, A. S.
Buonamico, P.

Banel, P.
Du Brueiil, P.

178. 140. 142.

iji

14?. 184-
157

169-

40
32,

IfO
166
317
317.318


I Alicratidas , A.

136

Caradoffoj G.

• 14Î

Les deux du Cerceaux , A.

3IÎ

CeciliaHO, S.

Cefariano, A.

140

Chares Lindien , S.

Charles Alfonfe du Frcfnoy , P,

19 î

chérubin Albert, G.

34 t.

Cionc j 0.

Cimabiie, P. A. ijj. 1^4,

■Jff. 158. léo

Claude Parificn, S,

CleofantCj P.

44. 4J

Cœrcbus, A.

6$

Collaert, G.

Î4J

Corneille - Gai. G,

345

Corneille Cort, G.

34Î

Commode, P. G.

Confilio Ghcrardi , L.

Corfino Buonajufti, P.

léj.iétf. I^T

Cofmo de Medicis , A.

léÉ

Cnftofano , P.

zoé

Ciiftofle Gobbo, S.

23«

Cïiftofle Lopabardj A,

30 j

à

-ocr page 407-

177-

TABLE

D

X99
188

16.17. S»
74
16. 45
3Î7
61
3X1
J^l.
léj

17}. 174. I79.'i9î
loj. i8f
»79

a 9 4

309
18?

170

l83. %ï6, tSî

59

31Î

3

341

18

34

3 +

364
a.ï''

DAnîcI de Velterre, P. S. A,
Daniel Barbare, A.
Dario da Trevifo , P.
David Ghirlandaie , P. I«>4.
Dédale, A. S.
Diogene
S.
Diopene S.
' Diane. Mantoiianc > G,
Dinocrate, A.
Clric de Louvin , P,
Divic d'Harlem, P.
Doménico Pucci , P,
Dominique Guirlandaie, P.
Doiminique Venitien, P.
Dominique Beccafumi, P.
Dominique Tebaldi P. G. A.
Dominique Brufaforci., p.
Dominique del Barbieri, P.
S
Dom Bartolomée, P.
Donatel, S. '
Doffo, P.

EMuIo , A.
.msKcrque P.
Enfans de iieth , Ai
Enea Vicco, G.
Epée Dicratée ,
A, S,
Eufranor, P. S,
Eupompe j P*
Etienne Florentin, P.
Etienne Vcroanois? P.

-ocr page 408-

DES

Etienne du Perac ;
Etienne Lannc G.
Europe, P.

NOMS,&c.

p. A.

3H
Î48
aj7


FAbius Piaor ,
Federico Zucharo
, P.
lermo Guifonij P.
Eilipe Lippi
, P.
Eidias , S. A-
Eilipe Gai , G.
filipo Salviati,
Eoncana , A-

Era Bartolomée de faint MarC, P. i?^- "O-
Iranco, P. aoJ

Erançois Monfignori, P. î?»

François Francia,P. 187.104. to/. zo6, J3t
François Melzi, P. ioo

Erancifco de Sandro. P. lOl

François Torbido , P. xi7

François Mazzuolo apellé le Parmefan , P. xio

6. lîs-î-Sé-

Zi6

194.

}î' 39- 6s

• loi

François Brambilati, S.
François Bronzin, P.
François, Premier, P.
François d'Orléans, S*
François Moftaretj P.
François Porbus , P.
Franc-Flore, P.
Frédéric Baroche, P.-
Erere Jean de Ficfolc , P.
îrere Filipe Filipini, P.
rrenaineti P,

307

309'

3llr

314
îxo

176

6 g ij

-ocr page 409-

TABLE

y^ Mante, P.

VJ Galeazzo Campo , P.

page ioé

Gaitazzo , P.

xoé

Gaudence, P.

258

Gentil de Fabriane , P.

189

Gentil Bellin , P. 18^.

1510. 19Ï. 191

Georgeon, P.

1X4. zij

George Vafari , P. A.

lé. 178

Gherado Starnini, P.

Gherardo, P,

18»

Ghiberto, O A. P. S.

US

.1651.17I

Ghioto, P. A.

JS8

. I60. lél.

Giovanetto Cordeliagni, P.

116. xiS

G'ovanni Dell'Opicra , S.

Giks Sadelcr , G.

34Î

Glicoa, S.

40

Guido, P.

ZOf

Guillaume OItramontoIn , A.

150

Guillaume le Forci , P.

Guillaume de Marcilli» P.

i;8

Guillaume Cai, P.

3^0

Guillaume d'Anvers, S. P.

314-

Guillaume Cueur , S. A.

H

HEnrî Mellfn , P.
Henri Goltius, P. Gi
Hercule pocacino , P.
Hi ratn, A. S.
Horraifda , A.
Hugues d'Anvers , p.
Hugues de Carpi, p. G.

17?

34»'
aj^. Z8 8

77
319

-ocr page 410-

DES NOMS, &c.

. Haguc^ Gokius, P. G.

TAcob d'AvanzI, P.

zo^

J Jacobello de flore , P.

x\6

Jacobello > S.

Jacopo de Caffcntino , P..

»57

jaques Caraglio , G A-

5-4 o

Jaques de la Quercia , S..

170

Jaques Lanfanc , S.

157

Jaques de la Montagne , P,

189

]âqucs Bellin , P.

189

Jaques de Puntorme, P.

101

Jaques Ripenda, P.

Jaques Robufti Tintoret

lÊfeinis , A.

; ean Van-eick , P.

180.319

; ean Bellin , P.

' can Antoine Boltrafio , P^

xoo

; ean Manfueti, P.

zï6

j ean Bonconfeil, P.

x\6

ean François Caroto , P.

xi7

; ean Marie Verdizotti , F».

z3i

' eaa de Calxer, P.

£31.311

can-de Lion „ P.

ean Batifte Mantoiian , P. G.
ean Batifte Conrrigliano, P.

357

116

ean Marie Falconetti, A. P.

147.1JI

] ean d'Udine , P. S,

171-17}

; ean Martini d'U-iine

zyir

^ ean Antoine de Pordenon , P.

171

Jean François le Fattore , P.

z7î

Jeani Tâques de la Porte, S. A.

t99

Jeatn Goujon, S. A,

-ocr page 411-

TABLE

TcdnCoufin, p. s. ji<5

Jean Strada > Pv jii

Jean Sadcler, G. 3 45

Jean de Clevcs , P. 311

ean d'Hermeiflein, P. 3 z z

ean Bcllejambe, P. 311

ean Rondelle , G- 348
ean de Dales, S. A. _ 3i4-315

ean Bologne de Doiiai , S. jzé

ean Batifte Franco , P. G. 340
Jerôme Ginga , P. A.

Jeiôme Siciolante , P. X7}
Jérôme Mutiano , P. 196.
197

Jerôme Hertogliea-Boos , P. jit

Jérôme Coc , G. 340

Jerôme &Juftc Campagnole, P. 216

Jerôme Romanino i 137

Jerôme Mazzuolo , P. an

Jerôme de Carpi, P. z8f

Jerôme de Ferrare, S. 183

Innocent d'imole j P. i88

Jcfeph Arpino, P. 1.50
Joconde, A. 147.^48-149

Jules Campo , P. iî7

Jules Cefar Porcadno , P. 2.8 8
Julien de Sangal, A. •
Jufte de Gand, P.

/

LAdanCc Gambaro , P, 137

Lancelot , P. 311

Lanfranc , P.
Lape Gucci , P.
laœbert Loœbwd, P, A.

i

-ocr page 412-

DES NOMS ,

Lambert Scoorel, P, 512,

Lavinia Fontana , P, z88

Laurent Piccard 5 S. 309

I Laurent Hercule, p. agy

Laurent Cofta , P, 187

Laurent Lcndinarraj P. 18 g

S. Lazare, p. 116.117

j Leocares, A. S. 40

Léonard de Vinci, P. 175.17^. t9J. 1^7.
; 198.199.2:00,108,

Léon B. Albert j A. 174

Libérale, P. 217
Libon , A.

; Lippo Dalmafo, P. zo6
Lifippe,S. 4X. 43. 44. ji.

Lorenzetti, P. , 166

Loiiis Lipp© Florentin, P. 16 é

Loiiis Malino , P. 187

( Loiiis Vivarino, P. ai6

Loiiis de Louvain , p. ji?

Lucas de Leide, P. G, î54> 3ïî
S. Luc, P. . 11^.117

Luc Signorelli , P. 194

Luc delà Rebbia, S. 170

Lucie , P. i}7

Lucien , S. 37

I M

MAdernc, A. 305

Maître Claude , P. i?»

i Marc Mariotti Albcrtinelli, P. Jjé

i MarcZoppOjP. 3S8. io6

I Marcel de Mantouë , F. . 2.75
; MarcBaffarini^ P,

-ocr page 413-

TABLE

Marc Antoine Saimondi, P. G*- ^3'a

WarcdcRavcnne. Î37
>iarco Uggioni ,

^faririjS. ioy

MariettàjP. 195

Macicu Bril, P. 32-5
Matieu Luquois , P.
Matcco j P-
MafaccioyP-

Mafo Fineguerra , O. Gf jyo

Martin Rota , G. î 43
Martin d'Anvers,
P. G. jjo. 331

Martin Cook. , P. î

Martin de Vos, P. 3^^

Metagencs, A. éj

Metrodore, P. i9

Methodius , P. 108

Mkhel Ange Buonarottî, P. S. À. 17+.

Ï76. 119. tj^. léo.
Michel-San-Michel, A. 185.19+

Michel-Ange Anfelmi, P. m
Michel Ange Carravage , P.

Michel CoKifien , P- Jio

Michellozzo Michel, A. S, HO
Micheline, A.

Mino,S. 184

Miron , P. ?J
N

305
4

îjl. 157
174

Nicolas

NAldino , A.
Noè
, A.
Nicolas Pifan , S.
ÎSIicolas de Bologne , S;
Miçolas Bcâtiix, G.

-ocr page 414-

DES N O M S , &c:

isîicolas ) & Jcan-Batifte Roux > Tapiflîcrs ;
Micolo de Modcnc,
P. jii

O

20S

14
aof

OCtavc Van-Ven j ou Ottovemus, P.
OÉbaviaiiO, da Faenza , P.
Ooliat, A. S. O.
Oifone j P.

PAcavîus, p.
Palme le vieux , P.
Palme le jeune j P.
Pamfile, P.
Parrafius , P.
Paris Bondonc, P.
Paul Yeronefe, P.
Paui Farinati, P.
Paul Cavazzuola j P.
Paul Romain, S.
Paul Ucello, P.
Paul Aretino , S. O.
Paul Loimazzo, P.
Pafquino Cenni, P.
Peaèe,P.

Pelegrino Tebaldî, P. A.
Pelegrino d'Udine, P.
Perrin del Vaga , P.
Pietro Cavalini, P.
Pieire CoiieK j P.
Pierre Crifto,P.
Pierre Pollaivolo, P. S,

tyo

48

191.
aji. z9}

34

3 +
231

i94

XI7

184
17^

4- S-i^f. ijS

îi
Z87

.I7j.i74.z77
164

JXl. fZÎ

319

i«>4

Hh


-ocr page 415-

TABLE

Pîen-c Jean Efpagnol, P, j, (j j
Pierre Perrugin , P , 173.17^. 10 2,
Pierre Cofimo , P.

Pierre Bruneghel, P. ^^^

Pictro de Cortone , P. 2.97
Pigmalion , S.

Pilon , S. jlg. jj^
Pirro Ligorio , P. A. 19 9. îoo. ; o i

Pifanello, P.G. ' [29
Pitis, S.
Policlete,
S.
Polignotc , P.

PoIidore.S, ^^

Polidore de Caravage , P. tii. xij

Ponce. S. jij
ProcogenCjP.

Praxiteles, S. 41

du Pré, S. G. j^g

Properzia de Roflî , P. ijj

Profpero Tontana, P, igS

R

RHoîo , a.

Rafaël Sanzîo d'Urbin , P. A. lyé?. z® 4
106. ai4. ^4J.

Rafaël dal Colle Borghefc , P. xj tf

Bafaël Sadeler s G. 34}

René Mancoiian , P. zj^

René , G. 344

Roger de Bruges » P. igz. 519

Rondinclle, P. 189

Roifo > ©u le Roux , P. A. 508.30^

-ocr page 416-

DES NOMS, acc.

Aivîatî ) P. 101. i8o

_Sandro Boticello , P, 3jo

Sanfovino , S. A. aji. 1/4. zj5
Scammozzi, A.

S cillas. 16

ScopasjS. A- ^o. 67.
Sebaftien Fratcdcl Piombo, P. tiS.aép. zyo.
Scbaftiano Serlio, A.

Sebeto,P. ai 6

Scvere, A. ^ 78

Scvcte,P. 4<3tf

Silviode ïiefole , S. ijS

Simon,?. - ao^

Simon frere de Donatclc, S-' 172,
Simon Sanefc , P.

Sofonifbe , P. zij

Sognio Dantignano > P, lé/

SoloCmeo , P. lot

SpinellOjP. i66

Sqiiarcioiue , P. 188

TAdeeGaddijP. 164

Tadee Bartoli, P. téè

Tadée Zuchcri, T. P. aSj-

Terentius Lucanus s P. 4}
Tcodore
, A,

Titien de Cacîorc t 130, aji

Timotée , A-S. 40

s

• Tofanon.S. _ ijS
Xintoret, Voi Jaques Robuft!.

H lv ij

-ocr page 417-

TABLE DES NOxMS, &c.

TurpiliojP. ^^

VA^cre,P.

Val&rio Cioli, S. a 68
Vanni Cinazzi » P,

Vannius, P. ig^

Vellano>S. 18^

Ventura, P. 20/
Vignolc, P. A. 501, }oi. 303.304. Î05

Vilamen,G. 342,

Vincent Campo , P. Ijy

Vincent Zuccheri, P, 131

Vincent Vcrochio , P. liy
Vincent de Breiïe, P,

Vital, P. toé

Viaor Eellip , P, tuS

Viétor Scarpaccio , P: iitf

Vulcain Cifcieur , G. 19

X

Z

X

Enocles, A.

Eno Veronois» P. «7

Zenodorc,S.
Zeuxis, P. Jî- 48

FIN.

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Fautes furvem'és en l'Imprejjïoiî»

HjAgej.Iîgne fty. ote^AnhlteBur», & d: la ligne
1. if.
Rinoxjtita daîl, p, ii-l. 15. l. tranfpottez , p. 36,
î.lj. Pline liv. j^.ch 10. p. 45. 1.1. /.d'Atdéï , p. 74,
1. j?.
L te de Rooie, p. 83 1. 11. l, page 559. p. 8 f.l io.
l. de fon. p. 8 S. 1. it. L Gioziio. p. 91. i. lo. l. eux. p- 94«'
l.%.l Chapitre IV. p. 1. 11. à la note i. on a oublié à
dite quelle eft le fujet delà Vignete du fécond Livre, p. 198,-
l.ia. /.cotime. p. 104.1.1./. ChapitreIX. p
xo6. 1. 2.5.'
l. pratique , 8c 1. iç. l. de la poiffonnerie. p, iiy. 1. 6. l. la
mture. p-13^. 1.17. Parme ,
U. i Galen^.
î.Z.Leda. p.iff^.l.io. /.coûta, p.170.1.18.Permet
p. i?o. 1. ij. L des maniérés, p. 194,1, l, Paul, êtl, iS>
L Veaitiess p. jeo, 1. ^. l. efctérit.