O U
DESCRIPTION GE'NERALE
des Tableaux des flus habiles AtaU
très, qui font l'ornement des Egli-
fes, Abbayes , Prieurés, Couvents
^ Cabinets particuliers dans l'éten-',
due des Pays-Bas Autrichiens,
SECONDE PARTIE,
Contenant la Flandre , le
^ainaut , Namur , ôcc^
Avk A^^robfUion & Brivtlé^e de S.
f^-^^J;^
Defcrîpion- genefaîè des plus hëauie
Tableaux, qtton voit dans tes E^i-
fes y Abbayes y Momfieres Ci-
binets de la Flandre & du tiai-^
nanti
À s e H , Paroiffe entre Bruxelles
é Aloft .
^N voit fur l'Autel de l'Egji-
fe de cette ParoifTe un ta-
bieau, repféfèntant la Ré~
furre6lion de Notre-Seigneur, par
van Orjey-j les tableaux dans là
f^W^
/•S
2 Z P E î N T R È
boifèrie qui fegne autour du Choetlf ?
font peints par Smeyers*
Dans TEglife de l'Hôpital efî m^
belle pièce peinte par Crayer ^ re^
préfèntant Notre-Seigneur qui bé-
nit les cinq pains.
L'Eglise ParôissIalè dé SainI*
Martin d'Alost*
^. • ■ ■
Cette Egii/ç , quoique dans
goût Gothique, fefoit très - belle >
û elle étoit achevée , ôc pafferoit
pour une dés plus grandes des
Pays-bas.
Le tableàti dii rnàître-Aiitel, peint
par ACaes, repréfente le Patron de
cette Eglife qui refTufcite un mort^
Les Chapelles qui regnent au^
tour du Chœur , méritent l'atten-
tion des Curieux,
Le tableau de l'Autel de U pre-
mière Châpelle , peint par Mo^^
merancî , repréfente Saint Jacques.
L'Ange Tutelaire, peint pai*
'ym Loo > eft la pièce d'Autel ds
JMA TE uk E T CURÏEUX. %
la fécondé Chapelle. A la trôifiê-
me, on Yoit le tableau de la Cé-
rémonie du facre de Saint Martin 5
te tableau éft peint par Bernard dé
Bruxelles, avec une grande beauté
de pinceau un arrangement dé
figures tout-à-fait gracieux*
Le martyre de SS. Crêpin CreP>
pinien par Teniefs eft là piccô
d'Autel de la quatrième Chapelle.
L'Autel de la cinquième , qui efî
de marbre blanc j â pour tableau
le martyre de Ste. Catherine. Cet-
te pièce efi admirable, tant pour la
CQmpofîtion & la fraîcheur duco-
ioris, que pour la correéïion dil
deffeîn , & ne doit pas céder à un
beaii van Dyck. Il feroit à fouhai-~
ter , que le beau feu d'efprit de
l'Auteur (J. P. Tyffens, ) qui do-
iïiine par-tout dans cet ouvrage y
fe rencontrât dans d'autres donè
On fait quelque - fois grand cas^
Î1 y dans cette Eglife deux Con-
fréries , dont l'une eft érigée à
^'honneur de la Sainte que hous
A ij
-ocr page 5-4 LEPEINTkÊ ^
venons de nommer ^ & l'autre â
Sainte Barbci A la Fête de l'une
ou de l'autre, tous les Confrères
afliftent en Cérémonie, le flambeau
h. la main, après le Salut, à k Pro-
cefTion générale qui fe fait annuel-
lement dans difFérens quartiers de
cette Ville î & qui eft fuivie d'un
repas qui fe fait entre amis, ce
qui forme une grande union entre
les HabitanSi
L'Autel de la fixiêmé Chapelle
éft auffi cOrîftruite en marbre blanc
une Image de là Sainte Vierge J
tient lieu de tableàm
La fèptiême dédiée à Saint Ni-
colas eft de même toute en mar-
bre blanc , ainfi qUe l'Autel fur le-
quel on voit un beau tableau ^ peint
par Vûlfû^ de Gand. Ce Saint y
repréfenté culbutant une Idole par
fa priere.
Le tableau de la huitième Cha-
pelle repréfentânt Sainte Margueri-^
te, efi: peint par de Vos j les
volets qui le ferment font de
ama te ur et curie ux. 5
Hard de Bruxelles : fur le frontif-
pice on voit en demi-corps Sain^
te Agnès, peinte par Tyffens.
Dans les deux Chapelles fuivan-
tes, qui font les dernieres fur la
droite du haut-Chœur, il n'y a rien
de remarquable.
En revanche le tableau de Saint
Roch, quon voit dans la croix de
cette Eglife, eft digne de l'attention
des Amateurs. On en a une Eftam-
pe 5 gravée par Pomius, Cette pièce
eft admirable tant pour fa compofi-
tion ingénieufe , que pour le colo-
ris les expreffions naïves qu'on
remarque dans les phifionomies des
peftiférés. Le Saint eft placé au haut
du tableau implorant la miféricor-
de divine pour ces pauvres affligés.
Deux morceaux d'environ trois
pieds de large , chacun ftir deux
pieds & demi de hauteur , font po-
fes à coté du tabernacle. Ils re-
préfentent, l'une l'Ange qui touche
la plaie de ce Saint, & l'autre fon
smprifoiineoiGnt, Sur le haut du
6 LE PEINTRE
frontifpice ell peinte k Ste. VîergO
ayant l'Enfant Jefus fur Ton bras >
le tout de la main de limmortel
Kul?efîs, Pour cette pièce les Mar*"
chands d'Aloft ont payé huit ceflS
florins j je crois qu'elle vaut à prc"
fent plus de huit cens louis. Si les
Négocians de nos jours, qui fàns
contredit font plus éclairés que
n'étoient ceux des tems reculés,
employoient une petite partie àc
leurs fonds à faire travailler les ha^
biles gens j les arts reprendroient le
defTus , le commerce n'en auroit
pas moins un cours réglé, & l'Etran-
ger viendroit de divers endroits re-
chercher les ouvrages des grands
Maîtres, Chacun alors fuivant fon
génie ôc fa. capacité travailleroit
avec ce zélé & cette ardeur qu'a
coutume d'exciter la recherche de
fon ouvrage. Mais d'un côté la ja-^
loulle des contemporains , Se àe
l'autre le caprice des demi-connoiA
feurs , font payer bien cher uns
pièce ancienne, moins bonne
JMA TE UR E T CUR lE UX. 7
cçlle d'un Maître a6luellement vi-
vant , & dont on ne voudra pas don-
ner la moitié j ce qui fait dire avec
raifon qu'un Peintre eft rarement
eftimé pendant fa vie. Outre cela,
on voit quelquefois dans le public
des goûts bien bizarres : par exem-
ple 5 on a admiré dans un tems vaî^
Heil, dont le pinceau trifte & fu-
nèbre ne préfentoit aux yeux que
des incendies, des effets de l'hiver ,
& autres fujets mélancoliques, tan-
dis qu'on ncgligeoit l'agréable Te-
nter s, Le premier, par fes figures
infpirant la trifleffe , fe faifoit aimer >
le fécond au contraire en infpirant
de la joie par des fujets auffl élé-
gans qu'agréables , étoit délaiffé ;
^ ce qui prouve évidemment le
caprice des perfonnes de leur rems,
c'eft qu'aujourd'hui les ouvrages de
Teniers font l'ornement des Palais
des Souverains, des Princes & des
iiiaifons des Amateurs ; que
Ceux de vAn Hell ne fe trouvent
^ue dîins les bouti<jues des Fri-
8 LE PEINTRE
piers. Mais reprenons le fil de no*^
tre voyage.
Sur TAutel de Sainte Barbe eft
un tableau du martyre de cette
Sainte, peint par de Haefe. Dans
la croix à gauche eft l'Autel des
Trépaffés , où il y a un tableau
peint par Roofe ^ repréfentant le
Purgatoire. On voit d'un côté des
ames enlevées par des Anges j &
de l'autre une fumée noire &C épaif^
fe en enveloppe d'autres qui pa-
roiffent rôties au moyen de la ré-
verbération de ce brafier effrayant.
En confiderant cette pièce avec at-
tention , on juge aifement que c'ell
un vrai Purgatoire de Peintre.
Près de f Autel de Sainte Barbe
efi: un tableau repréfentant Notre-
Seigneur crucifié entre les deux
Larrons ? la Sainte Vierge, Saint
Jean & la Madelaine font à côte
de la Croix. Les volets qui font
pofés contre les deux colonnes
dans la grande nef, repréfèntent la
Réfurreàion & rEnfcvelifTement
AMATEUR ETŒfRlEUX. 9
de Notre-Seigneur, le tout d'mi
defTein correâ & très-bien rendu
par F. Floris , dans le goût Kaphaé'h
& quoique les ouvrages de ce grand.
Peintre n'aient pas ce grand éclat
qu'on trouve dans , vaft
t>yck , Çrayer dc autres grands Maî-
tres de fa nation , on découvre ce-
pendant la correélion du defTein qui
eft l'ame de la Peinture , 6ç plus
on examine cet ouvrage, plus on
y trouve de la beauté du vrai.
En fortant de l'Eglife, à gauche s
on voit dans la Chapelle de Saint
Corneille fur l'Autel, le martyre de
ce Saint très-bien exécuté par -va^
Cleef-, & dans celle de Saint Au-
bert Patron des Boulangers, eft Iq
même Saint, donnant d'une main
libérale du Pain aux Pauvres, peint
dans une attitude gracieulè par lo
incme va^î Chef,
10 LE PEINTRE
L'Eglisp de l'Hôpital»
Le tableau de l'Autel repréfènta
îa Sainte Vierge , l'Enfant Jefus,
Sainte Elifàbeth , Saint Auguftin ,
deux petits Anges & d'autres Saints»
Nous avons ce même fujet à Bruxel-
les , exécuté avec beaucoup de
grâce par G, de Crayer,
Sur la muraille à l'oppofite des
croifées , on voit une pièce de
Fourbus, le jeune , qui repréfèntç Ip
Baptême de Notre-Sçigneur,
L'Eglise des Theresianes,
Cette Eglife en forme de dôme,
eft petite & belle , le tableau d'Au-
tel , peint par Crayer, repréfentq
leur Patrone recevant les Régies
de fon Ordre, le Scapulaire de
la Sainte Vierge, qui tient l'Enfant
Jefus fur fes bras, elle eft accom-
pagnée de St. Jofeph, & de quel-
ques Anges Séraphins,
JMATEUR ET CURIEUX 11
L'Eglise des grands
Carmes,
Il y a fur le grand Autel un beau
tableau de Crayer , repréfentant une
gloire , dans laquelle on voit la
Sainte Trinité ^ la Sainte Vierge e/t
plus bas avec quelques Réligieux
de cet Ordre , qui femblent de-^
, mander des indulgences j le tout
très - ingénieufement compofé ,
exprimé avec beaucoup de force &
de correétion,
L'Eqlise DES R R, P P,
Capucins.
Cette Eglife eft d'une fimplicité
bien grande. On n y voit fur l'Au-^
tel qu'une copie du tableau origî-;
nal des R, P, Capucins de Tqr-
ttionde.
12 LE PEINTRE
L'Eglise de Gui^lelmites.
On voit, à droite, fîir un des pc^
tits Autels, leur Patron Saint Guil-
laume dans un Hermitage , très-
bien peint & d^un deffein précis
coulant par P, Tyjfens,
L'Eglise des Soeurs-Noires,
Le tableau d'Autel repréfente la
Naifïànce du Sauveur , peinte paf
njan Cleef,
LA VILLE DE TERMONDE.
L'Eglise Paroissiale , dédiée à la
Sainte Vierge.
Dans le Chœur de la Ste. Vier-
ge , à droite de l'Autel , eft pofé
dans une bordure des plus ruper-
jDes & des plus riches que j'aie vu
de ma vie , le beau & magnifique
j!;ableau peint de la maiii '^Ant», 'vm
JMATEUR ETCVRIEUl.
î)yck y qui repréfente la Nativité de
Notre - Seigneur j la Sainte Vierge
eft alTife au côté droit du tableau,
ayant l'Enfant Jefus fur fes génoux;
■ Saint Jofeph elt ixn peu en arriéré >
à côté de la Sainte Vierge. On voit
un Berger profterné qui rend hom-
mage à l'Enfant Jefus s il eft vu du
GÔté de l'épaule gauche, qui pa-
roîc en racourci vers le dos. Un
peu plus avant font deux autres
Bergers & une Bergere, qui pré-
fentent des œufs. Dans le haut de
ce tableau eft une gloire, où pa-
roilTent trois Anges j le tout peint
d'un goût extraordinaire, dWe fraî-
cheur incroyable & d'un defïèin
correél. Cette pièce avoit été com-
mandée à van Dyck par un Mem-
bre de la Confrérie de la Sainte
Vierge, pour fervir fiir l'Autel de
ce même Chœur; mais comme il
lavoit fait de fon chef> fes cama-
rades ne la voulurent pas, allé-
guant pour raifon , que puifqu il
l'âvoit ordonné feul ? il la pouvoît
ïàt l E P B j M t k Ê
garder pour lui, attendu d'ailiétî^S
que le prix leur paroifïbit exceffifl
Ce "«Confrère fe vit doiic obligé àé
rayer de foti compte la fomrne dé
quatre cens florins j qu'il avoir por-
tée en dépenfe pour le prix de cet-^
te pièce. Il en donna avis à vait
Dycki à qui cette nouvelle île plut
guères* îl pria inltàmment fon ami
de vouloir garder le tableau , &t
qu'en reconnoilTaiice il lui feroit
fon portrait ^ ce qui fut accepté*
On voit encore ce beau portraiC
chez les héritiers de ce Confrère?
qui afîurent que fouVent ils en ont
refufé quatre cens florins. Ce Cort-^
frère a laifTé par teftament le ta-
bleau à la Confrérie de la Sainte
Vierge, érigée dans l'Ëglifè ParGiP
fiale de Termonde, où on le peut
voir.
Par le trait que je viens de ci-
ter, on peut aifément conjeéhirei?
que dans ces tems reculés on trou-^
voit des ignorans aulfi bien que de
nos jours 5 car fi ces MefTicufS
AMAtEtlkETCURIÈtlZ tf
âtoient connu le talent de ce Pein-^
tre , ils n'auroient certainement fait
aucune difficulté de payer la fom-
me de quatre cens florins deman-«
dce par njan Dyck^
L'E g l i s £ d ê s R R. P p.
Capucins.
Dàris cette ËgHfè ôn tdit ci
beau tableau, fi renommé & fi elti-^
rné des Connoi-fTeurs > peint par le
même va» Dyck, Il repréfente un
Chrift mourant : la Sainte Vierge
placée fur le devant de ce tableau
ayant la douleuf peinte & expri-^
mée par les traits de fon vifage, re-
garde le triftè état de fon Fils : la
Madelaine femble la foutenir j St*
François embrâflant les pieds du
Sauveur avec la tête & Toeil éle-
vés j paroît dans la plus grande
triftefTe j plus loin font deux Sol-
dats à cheval Ce tableau eft deffi-
né peint avec tant de force, de
feu & d'élégance , qu'au premier
lé L E P E i NT R E .
coup d'œil qu'on y donne l'elpri^
eft en admiration, tandis que le
cœur eft failî & pénétré de dou-
leur.
L'Eftarhpe en a été gravée paf
de Jode.
Je rapporterai ici quelques traits
finguliers de cet habile Peintre i
Après fon retour d'ïtalie aux Pays-^
bas , il fit un jour rencontre de
Temers j qui l'accueillit poliment, &
lui demanda par manière de con-
veriâtion ^ fi depuis fon retour de
Rome ii s etoit fait beaucoup dé
pratiques ? ^^elles pratiques 'voulez-
"VOUS que je me fois 'fait ^ lui répon-
dit van Dyck, je ne fais que d'ar-
river ici ? Croiriez-vous, continuâ-
t-il , que j'ai offert à ce gros braf-
feur , qui vient de palTer à l'inflant
devant nous, de lui faire fon por-
trait pour deux piftoles, & que ce
butor m'a ri au nez , en me di-
fant que c'étoit trop cher ? je vous
afTure , ajouta van Dyck , que fi
carte ne tourne pas autrement »
m
-ocr page 18-AMATEUR ET CURIEtjt if
l'on ne me verra pas faire un long
féjour à Bruxelles. La tradition
bous apprend que ce fut à peu
près dans ce tems-là qu'il peignit les
deux tableaux ci - deffus mention-
nés.
Etant en Hollande, il lui prit un
jour envie d'aller voir Fra^cHals,
Peintre j qui avoit la Vogue eii ce
tems-là pour les portraits. Etant
entré chez ce Peintre j il lui de-
manda s'il Vouloit fâire fon por-
trait? Hais qui ne Connoiiïbit 'va;»
JDyck que de réputation i l'entre-
prit fe mit à l'ouvrage. Ce der-
nier ayant vu fa tête achevée, fe
leva en difant qu'il le trouvoit très-
Hen & parfaitement reflèmblanti
Enfuite il lui propofa que s'il vou-
loit s'affeoir à fon tour, il feroit
auffi le fîen j ce que Ha/s ayant
accepté , plus par curiofité qu'au-
trement , il s'écria en voyant fon
portrait achevé en fi. peu dè tems s
Tu es le Diable ou bien- van Dyck.
On voit ce portrait de Udls en
LE PÈÏNTRE
Ëftampe gravée par Cofter ^ Gtéè"
veur à la Haye.
L'Eglise Cathedrale dè-
Saint Bavôn.
Cette Egli{è ci-devant dédiée â
Saint Jean-Baptifte, eft fort renom-
iTiée par fà beauté , fa grandeur ,
fa belle ftru6ture Se fon antiquités
Sous cette Ëglife il y en a une fécon-
dé de la grandeur du Chœur de celle
de deffus, & qui comprend en outre
fon circuit bc les Chapelles. Quoi-
que bâtie daiis un goût gothique,
on peut dire qu en fon genre c'eJft
la plus belle des Pays-bas;
Au côté droit de cette Èglife^
on voit dans la Chapelle où oii
diftribue le pain aux Pauvres, Sn
Jérôme ^ peint par JmJJens,
Dans les fonds Baptifmaux eft uri
tableau peint par Honthorfi ^ HcJÎ-
kndois.
bans la croifée de cette Ee;iife ;
* - ^
bn voie lin très-beau tableau reprc-
fentant k Décolation de Sain^ean-
Baptifte , peint par G. de Crajer',
■Quoique cette pièce foit fort né-
gligée chargée de pouffierfe, el-
ie ne laiiïè pas de paroître aux Arriâ-
teurs un mbrceàu digne de leur at-
tention; ,
Dans la première Chapelle dû
circuit de cette Eglifè , on remar-
que un tableau avec deux battanSs
peints par Pour bits. Les figurés en
font admirablement bien deffinéès &
très-nàtUrellemént exprimées, d'uii
cblôris vrai & auffi charmant qu'il
eft vif &c frais. Derrière les bat-
tans on à peint M. le Prévôt, Vi-
glius vari Ayta. Sa^fépulture eft vis-
à-vis. On voit ëncoirê dans la mê-
me Chapelle, fous les croifées , un
très - beau Payfage , peint par 'va^f
XJdçn.
Dans la fécondé, éft repréfenté fur
l'Autel le martyre de Ste. Barbé;,
peint par Crajer j le Payfage èft du
^^mcvanUdem B ii
so LE P E ï NT R È
Dans la troifiême , on voit fnf
l'Autel un beau morceau repréfen-^
tant Job fur fon fumier, ouvrag©
d'une grande beauté d'une déln
eatefîe de pinceau admirable* Il eîi
de G. de Crayer î le Payfage qui
en fait le fond eft de van JJdeni
On y voit auffi les fépulture?
des deux premiers Evêques de Gandi
Janfènius Lindanus*
Dans la quatrième, le tableau
d'Autel eft peint par 'uàn tîeuvel,
communément dit Antoine j &c Iff
Pay/àge eft de Pierre Mais*
Dans la cinquième , on remar-
que ce fameux tableau repréfentant
l'Agneau de l'Apocalypfe,- fur les
battans fônt peints d'un côté Adam
Eve, & de l'autre Philippe le
Bon , Comte de Flandre , à cheval ?
& fuivi de toute fa NoblefTe. On
diftingue parmi les Couttifans
bert ÔC Jem vm JEyck, Freres , Au-
teUfs ôc Peintres de ce tableau ?
dans lequel on conte près de trois
cens Vifages, tous variés poîntil-*
AMATEUR ET CURIEUX.
les dans les ombres avec la derniè-
re délieateflè de pinceau, Defortç
qu'il eft à préfumer que ces deux
freres ont employé un tems conû-
dcrable pour achever cette pièce.
Florent le Comte, dit dans fort
Cabinet de fmgularités de Sculptu-T
res &c Peintures, que Philippe Se-
cond étant far fon départ pour
l'Efpagne, parut avoir envié de ce
tableau, mais que la communauté
ayant témoigné quelque répugnant
ce à s'en défaire , il en fit faire une
copie, pour laquelle il paya deu>ç
mille ducats à Aï. Coxie, Ce ta-
bleau eft d'un goût gothique , Se
quoique la peinture à l'huile fût
encore alors dans fon enfance, elle
fut cependant libéralement recom-
penfée, même rnieux que dans fa
maturité. Si on n'étoit pas prçve^
nu de l'ancienneté & de la rareté
de cette pièce , on la palïèroit cent
fois fans y faire attention.
Dans la fîxiême Chapelle, dite la
Chapelle de l'Evoque j le tableau
22
LE PEINTRE
d'Autel efl peint par Homhorjh--, k
Crucifix par Crayer ^ & la Voûte
de cette Chapelle par ISHcoL Koofe,
Dans la feptiême , on voit le ta-
bleau qui étoit ci - devant fur le
maître-Autel du grand Chœur, re-
préfentant Saint Bavon, peint par
Kubem j il eft en Eftampe gravée
par Pllfen, de Gand.
Comme ce tableau eft à préfent
placé entre deux fenêtres, il n'eft
pas étonnant qu'il ne fafïè pas l'ef-
fej: qu'on trouve ordinairement dans
îes ouvrages de ce, grand Maître,
Il eft a préfiimer que iî Kubem eût
pu prévoir la place qu'09 a defti-
née dans la fiiite à fon ouvrage, il
l'auroit traité de toute autre manié-
ré; car ce grand génie connoifToit
en perfedion la différence de l'ex-
pofition , que bien d'autres afïez
habiles Peintres ont négligée, ce
qui leur a fait perdre fouvcnt la
pliis belle fkur de leurs ouvrages,
comme il eft aifé de le remarquer
dans ce tableau , qui n'a été dé-
amateur et curieux. %%
placé que pour fair^ place au plus
îuperbe & au plus magnifique Au-
tel du Pays-bas. Il eft de l'ordon-
nance de P. Verhruggen d'Anvers ,
^ la premiere pierre a été pofée
par Philippe Erard van d^r Nootj
Evêque de Gand J'an 1705 , ôs bé-
ni le z8 Oélobre 1719.
Dans la huitième Chapelle , on
voit fur l'Autel un tableau , peint
par OBavio vm V^een., & la toni.-
be de l'Evêque Damant,
Dans la neuvième , Iç tableau
d'Autel eft peint par G. Zegers, il
repréfente le martyre. de Saint Li-
vin, Evçque, On le voitenEftam-
pe gravée par 'Nefs.
. Dans la dixième, çft une copie
4'après ii^^wj. Le Payfage qui eft
auprès d>C les deux autres qui fui-
vent, font peints par vaft Uden.
Dans la onzième & derniere Cha-
pelle , on voit fiir l'Autel St. Pier-
re délivré par l'Ange , peint par van,
dans fon commencement.
Dans la croix de cette EgUfe-j
S4 ^ £ PEINTRE
gauche, on voit un très - beau ta^
bleau repréfentant une defcente de
Croix , peint exprimé avec beau-
coup de force & d'un defTeincor-
reâ: par T. Kombouts. Ce tableau
peut paffer à jufle titre pour un des
chef-d'œuvres du Pays-bas.
Dans la nef baffè du mcme côté
fiir l'Autel de la premiere Chapelle,
le tableau repréfentant l'AfTomptioii
de la Sainte Vierge , eft peint pat-
Crayer , comme aufli Saint Ma-
chaire.
Dans la fiiivante , on voit fur
l'Autel le Chrift mort , peint pac
A. JanJfém.
Dans la dernierc Chapelle, il y
a fur l'Autel une pièce de G. Ze-
gers. On y voit vis - à - vis ,dans le
Catalogue de l'Adminiftration , une
pièce de moyenne grandeur qui mé-
rite attention.
Dans la Chapelle du Saint Sacre-
ment font deux pièces, peintes p^
le 'PUî '^ & fous le Jubé on en voit
deux autres très-bieîi exécutées par
Bernard,
AMATEUR ET CURIEUX, ag
Celles qu'on voit dans les for-
mes de Saint André , font peintes
par F. Fourbus. Le tableau qui elt
derriere le maître-Autel, repréfen-
tant la Cène j ^ft peint par vm
Oeef.
Les cinq maufolées de marbre,
ou les cinq fépultures des cinq Evê-
ques de cette Cathédrale , qu'on
voit dans le Chœur, ont été exé-
cutés par difFérens Maîtres. Le
goût & le coup de cifeau , ainfi
que la délicatefTe avec laquelle les
figures font traitées, font connoî-
tre les noms des Auteurs, & que
ces habiles Ouvriers avoient étudie
îes antiques de l'ancienne Rome.
Le maufolée de l'Evêque TriJft eft
de y. ^emy i fameux Scul|)teur
de Bruxelles.
Jean Delcourt a exécuté celui de
PEvêque d'Alkmontî Pauli, celui
«de rÈvcque Ma^s ; Gery Heydel-
hergh, eft l'Auteur de celui de l'Evê-
que van den Bofch 5 & Jean-Baf-.
iijle Heydelhcrgh , a csécuîé celu|
^C) LE P E I N TR E
de Monfeigneur vaii der Noot»
La fépulture qu'on voit dans
tour du Choeur çntre les deux Cha-
pelles, repréfentant flagellation
de Notre-Seigneur , eft fculptée par
Bockeent, frere Récollet, qui eft
aufFi l'Auteur des ftatues qu'pn voit
dans l'Eglife de fon Couvent dans
la même Ville.
La Chaire de Vérité de cette
Cathédrale mérite l'attention des
Curieux: c'eft un vrai chef-d'œu-
vre de Delvaux de Nivelles.
rîon fon difciple , qui a beaucoup
travaillé à cp morceau , & qui de-
puis ce tems là a fait le voyage de
Rome 5 fe fait aébiellement une
grande réputation à Bruxelles» Il a
ainfl que fon Maître le titre de
Sculpteur de Son AltefTe Royale,
AMATEUR ET CURIE UX. aj
L'Eglise de Saint Nicolas^
Paroisse.
Dans la Ghapelle du Serment de
Saint Michel , on remarque un
des meilleurs tableaux de M. Koofe.
Dans la Chapelle fuivante , on
voit une pièce peinte par A. 'vm
}ieuveh & vis-à-vis une autre du
fameux va;? Cleef, laquelle repré-
fente le bon Pafteur. Elle elt en-
core dans toute fa vigueur, rnais
celles qu'on vpit dans la Chapelle
des Chirureiens, de ce même Pein-
tre , font confidérablement décli-
nées.
Le, tableau qu'on voit fur l'Au-
tel de cette Chapelle, eft peint par
l^oofe.
Dans celle de la Sainte Trinité,
le tableau de l'Autel eft peint par
k F Ut î & le Saint Jerome pat
Jeaff JmJfem. Plus bas efl: repré-
fenté l'Annonciation de la Sainte
Vierge 3 par Antoine. ':, & à droite >
aB L Ë P E I N T R E
on voit le portrait d'un Paftcur de
cçtte Eglife , Irlandois de Nation ,
qui mourut le 15 Décembre 1651 ,
après avoir beaucoup embelli cet-
te Eglife 5 il eft peint par le Plat.
Le St.Jerome attenant à la Cha-
pelle des Epiciers , eft peint par vdf^
Cleef y & le Payfage par van der
Splt. Le tableau de TAutel eft peint
par vm Cleef,
Dans la Chapelle du nom de Je-
fus, le tableau de l'Autel eft peint
par M. vm Houte , Prêtre.
Vis-à-vis de cette Chapelle, con'
tre une colonne, eft pofé un petit
tableau, fur lequel font repréfen-
tés Olivier Minjan Se Amelberge
Hangen , fon Epoufe , qui pendant
le cours de leur mariage ont eu
trente un enfans , vingt & ua
fils $C dix filles, parmi lefquels ont
été plufieurs Ecclcfîaftiques. Ce
qu'il y a de plus furprenant au fu-
jet de cette féconde lignée , c'eft
qu'elle a été éteinte , pour ainfi
dans un mois de tems l'aii
JMATEUR ETCURJËUX.
1516. Ce tableau fert d'Epitaphe à
Cette mémorable Hiftoire.
La tradition porte que quand
Charles Quint fît fdn entrée dans
cette Ville, en qualité de Comte
de Flandre , ce bon Pere de Fa^
mille fe fit âcconipagner de fès
vingt un fils, tous en habits uni-
formes fous les armes, ainfî que
les autres Bourgeois , pour rece-
voir leur Souverain : àc comme
Ces freres étoient diftingués des au-
tres , tant par leur reflerdblance que
par leurs habillemens , TEmpereuc
y fit attention j & demanda qui ils
étdient. Il apprit qu'ils étoient tous
fils d'un mcme Pere > Bourgeois de
la Ville j & qu'il avoit en outre
dix filles du mêmd mariage. L'Em^
pereur futpris que cet homme eût
élevé cette nombreufe Famille fans.
biens, fans revenus , ordonna qu'on
lui amenât le lendemain ce bon-
homme > après l'avoir queftion-^
né, il lui afTura un revenu annuel
pour le foutien de fa famille. Mais
LE'P El NTRE
te qu'il y a de plus remarc
eft qu'au moment qu'il fe vit com-
blé des bienfaits de fon Souverain à
il vit décliner fa famille, qui, com-
me je l'ai dit, fut éteinte dans l'efpa-
ce d'Un mois;
Le tableau dé l'Autel dans lâ
Chapelle de Saint Amand, eil: peint
^ar van Cleefé
Dans la Chapelle de Ste. Anne à,
éft un tableau Antoine van Meu-
ve L Contre la colonne vis-à-vis efi
une Epitaphe, fur laquelle on voit
tin petit tableau de Koofe , reprc-
fentant Une diftribiltion de pain aux
Pauvres. C'efI: une, bonne piccc
dans le goût de Kuhens.
On voit encore dans cette Egli-
fe fur le maître-Autel un très-beaù
tableau, dont le fujet eÙ. le facrc
de Saint Nicolas : il eft du même
Kûofe. On regarde cette pièce com-
me fon chef-d'œuvre , & celui qui
Teut connoître le mérite de cé
Peintre , doit prendre la peine dt;
l'examiner;
, On dit que K.uhens , chez qui
^oôfe avoit été à l'école, ayant àp--
pris tiue la fortuné lui étoit très-
ingrate , le vint trouver un jour fur
Une efpécè de grénier qui lui fervoic
ide logement, & le força par des
bienfaits de le fuivre à Anvers, avec
offre de lui procurer une maifon
décente & de l'occuper toute fa
vie ;. îîiais Vy.oofe le refufa poliment.
Cépendarit depuis cette vifite, pro^
fitant de quelques inftrudions que
Kube/îS lui donnà, il fit mieux va-
loir fes talens & fe loga honncte-
bënt. On afïure que les Habitans
de Gand demandèrent à Kubens dé
leur faire quelques ouvrages ,il leur
repondit, qu'ils n'avoietit pas be-
foin dé lui, ayant dans leur Villé
une fi belle Kofe,
Le maître-Autel de cette Eglife i
ainfi que le Jubé , font du defTein,
êc de l'ouvrage de j. van Bener^
Sculpteur de Bruxelles,
p LE PEINTRE
l'eglise paroissialî
de Saint Jacques.
Dans la Chapelle où l'on fait là
diftribution du pain aux Pauvres 9
il y a fur l'Autel une belle pièce s
peinte par de Jldol, qui a été difci-
ple de KubeKSi
Le grand Payfage qu'on y voit
vis-à-vis , eft peint par Erjeke dC
orné par va;» Cleef,
Le tableau de la féconde Cha-
pelle eA de Floqueti
Dans la Chapelle des Tonneliers,
le tableau de l'Autel, peint par 'Ni
'Koofe, repréfente un fujet de Ven-
dangeurs de l'Ecriture &:c. très^
bien exprimé , ôc d une maniéré li-
bre &r fermé.
Dans celle qui efi à l'autre côté
de la Sacriflie, le tableau de l'Au-
tel eft peint par Coxie j vis-à-vis dé
cette pièce, on en voit deux au-
tres, peintes par van Cleef,
Dans la fuivante , le tableau de
I
J
-ocr page 34-l'Autel eft peint par le même , dans
fes commencemens.
Dans celle qui fiiit efl: un tableau
peint par K.ooJe j ainfî que le der-
nier Jugement, qui eil: à gauche de
cet Autel , dont les figures font
grandes comme nature , & peintes
avec beaucoup de force dans le
goût de Jacques '^ordaern.
Dans la Chapelle de la Ste. Vier-
ge , le tableau de l'Alitel eft de vaf»
Cleef j & dans la fuivante , il y en a
un peint par ie Plati
Dans les deux autres Chapelles
qui font enfuite, les tableaux font
aiifTi de van Cleef.
La quantité d'ouvrages qu'il nous
a laiffés, me fait fouvenir que ce
Peintre doit fa fortune aux Peres
de la Société de Jefus, qui ayant
connu fon talent pour la peinture,
le placèrent chez le fameux de
Crajer , fous lequel il fit en peu
de tems de fi grands progrès dans
fon art, que chacun jugea à propos
de l'employer j Ôc que fon gpût
C
-ocr page 35-34 le P É J N f R É
lès ouvrages furent recherchés & df-
plaudîs généralement j parceque foiî
deflein eft corred, fà compofîtioiî
grande Se ingériietife , qu'il eft très-
entendu pour le clair - obfcur, 8>C
aflèz vigoureux daîis fes coloris. Ôri
temarque pourtant dans quelques-
uns de fes ouvrages, que ïès couleurs
font ternes & flétries, ce que je
crois provenir de la mauvaife impref-
lîon qu'on donne depuis plufîeurs an-
nées aux toiles iur lesquelles on
travaille^
Dans la démiere Chapelle, â rriaîiî
gauche, on voit fur l'Autel un tà-
bleau 5 repréfèntant le martyre de
Sainte Barbe, peint par vd;? Oudc"
naert, graveur , natif de cette Vil-
le. Cet Artifïé qui a donné des
preuves de fes taléns, tant dans
l'art de là peinture que dans celui
de la gravure , fit le voyage de
Rome , n'étant encore qu'un ap-=
prentif. Il fe mit à fon arrivée'à
deffîner & à graver d'après les ou-
vrages de Cark Maratii ^ qui fè
broyant déshonoré qu'un appren-
tif donnât au public fes buvrageà
mal rendus , lui fit dire que s'il
vouloir continuer de graver d'après
fes tableaux, on lui feroit un très-
mauvais parti, ï^an Oudenaert quoi-
qu'uri peu étourdi de ce com-
pliment, alla trouver ce grand ar-
tifte 5 & liii dit, que ce qu'il avoir
fait, ri'ctoit que dans la vue de fe
perfe6lionner dans fon art, que
s'il vouloir lui faire la grâce de lui
donner quelques leçons, il lui en
auroit une éternelle obligation, afpi-
rant d'être iriftruit d'un homme dont
Jes ouvrages lui plaifoient tant»
JKaratû qui comprit par cette do-
cilité, que ce jeune-homme par-
viendroit à la perfeétion qu'il déri-
roit, lui accorda fon amitié , &c le
^urie éleve fe corrigeant bientôt,
profita fi heureufement des leçons
de ce grand Maître , qu'il devint
fon graveur le plus habile. Il nous a
îaiffé plufieurs planches qui lui font
autant d'honneur que quelques
LE PEINtitÉ
peintures que nous avons de ïuL
Dans la Chapelle de la Saintô
Trinité, dn admire fiir l'Autel un
des beaux morceaux de Crayef, re-^
préfentant la Sainte Trinité, laSte-
Vierge & autres Saints j &: tout
vis-à-vis , un autre qui repréfèn-
te la rédemption dés Captifs, par
les Réligieux de cet Ordre. Cette
grande pièce eft dune riche com-
pofîtion & d'un deffein corre<5l î
mais pour de qui regarde le colo-
ris , le Maître l'emporte ici de beau-
coup fur fon difciple.
Dans la Chapelle fuîvante, qui
eft la dérniere à gauche, on voit
un tableau, peint par le même de
Crayer -, mais les Payfages font d'Er-
Jeke,
Le tabieàu du grand Autel rc-
préfente le martyre de Saint Jac-
ques , très-bien rendu pdnt avec
force pair Jem Boekhorji ^ dit LaîJ^
gen-'Jan.
A chaque côté de l'entrée dût
Chœur, on voit de\ix tableaux ^
':AMATEUR ET CURIEUX. %y
peints par Jufius de Gand , qui étoit
difciple de Jean vm JEyck ,
en grande réputation environ l'an
Î450.
L'E GLisEDE Saint
Michel, Paroisse,
Cette Eglife eft une des plus bel-
les de cette Ville.
Dans la première Chapelle , à
droite, où on diftribue le pain aux
Pauvres , on voit un très-beau
morceau peint au naturel avec la
plus grande délicateffe de pinceau &
d'un beau fini, dont les çaraâeres
& airs des têtes font admirables
& gracieufes : il repréfente la Penr
tecôte , & eft de G. de Crayer.
Dans la féconde , on voit fur
l'Autel le martyre de St. Jean dans
la chaudiere d'huile , peint par vau
der jMmdel y c'eft un de fes meil-
leurs ouvrages.
Dans la troifiême, il n'y a rien
digne d'attention. Dans la quatTic-
gS LE PEINTRE
me , le tableau de TAutel eft petiî?
par de Çrayer.
Sur l'Autel des Ames, eft repré-
fçnté le Purgatoire , par J. Jmf-
fens.
Le tableau de la première Cha-
pelle du tour du Ghœur , eft peint
par Berndrd', & la pièce vis-à-vis
par Floquet.
Dans la Chapelle plus avant ,
on voit un tableau de van Boek-
horft.
Dans la fuivante, le tableau re-
préfentant Saint Charles Borromée j
eft peint par vm der Jldandel.
Dans celle du Saint Sacrement,
on voit un tableau fur rAutel, peint
par Boekhorfi.
Dans celle qui la fuit, le tableau
l'Autel eft peint par Chamfagne ^
neveu de V. Champagne, qui a été
Peintre de Louis XIV. Les deux
grandes pièces qu'on voit dans cet-
te Chapelle, font de van der Aian-
del.
Dans la Chapelle de Saint IveS p
ii
-ocr page 40-uiMA TEUR ET CUR lEUX.
£€ Saint eft repréfenté par Jem
Boekhorfi. Dans celle qui eft de rau-
tre côté de la Sacriftie, on voit fur
l'Autel une pièce peinte par An-
toine.
Dans la fui vante, il y a fur l'Au-
tel un Chrift mort, très - bien ex-
primé, &:dune grande délicatefïè,
par Primo Gentil,
Remarquez que fur les entre-deux
de toutes les Chapelles de cette en-
ceinte , il y a des confoles fur lef-
quelles font pofées des ftatues de
marbre blanc de divers bons Maî-
tres , tels que V4n der Voart, d'An-
vers , J^ulling 3 de Bruges, de Fre-
re, Boekeent , iîeydelh.ergh 3c au-
tres. Il y a encore quelques places
en referve pour ceux qui auront en-
vie d'embellir cp Temple.
Sur l'Autel de la Sainte Croix,
qui eft à gauche, on voit ce fa-
mei^x tableau , peint par Antoine
njm Dyck, repréfentant Notre-Sei-
gneur crucifié, deux Soldats à che-
T^l^ & un troifiême qui préfençe
40 LE PEINTRE
réponge 3 & à la droite de k Croî«
la Sainte Vierge, Saint Jean & la
Madelaine aux pieds du Sauveurt
Cette pièce félon moi eft fi lugu-
bre que tout homme qui l'exami-
ne avec attention, ne pourra fe re-
tirer fans être touché intérîeure-
.ment par l'expreffion de douleur
qu'on remarque fur les vifages , &
principalement dans la Mere du
Sauveur. Qn le voit en Eftampe ,
gravée par Bolfwert, Le coloris de
ce tableau paroît être terni j je crois
cependant qu'il ne l'eft pas, & que
ce n'eft que le vernis qui a perdu
fon éclat, parceque cette Eglife eft
affez près de l'eau.
Dans la Chapelle qui eft plus
bas, il n'y a rien de remarquable.
Dans la fuivante , le tableau de l'Au-
tel eft peint par Antoine 'um Heu-,
uel.
Dans la troifiême Chapelle de
cette même nef, à gauche, on voit
un chef- d'œuvre d^e Théodore va»
Tulden, qui repréfente le martyr^
çïe Saint Adrien,
■ÀMATEUR ET CURIEUX, 4r
Dans la quatrième , qui eft la
iderniere de ce coté-là, le tableau
de l'Autel eft peint par njan Cleef.
Lés fonds Baptifmaux font du
de0ein de P. V'^rhrUggen ^ célébré
Architede & Sculpteur d'Anvers,
La Chaire de Vérité eft de lacom-e
pofition de Jem~Bapiflç -vm Hey-
delhergh , Sculpteur renommé de
Gand.
Et le maître-Autel eft de Tof^
donnance de P. Verhruggen , que
je viens de citer > il eft çonftruit
l'an 1719.
L'Eglise de Saint Martin ^ ■
Paroisse,
On voit fur la droite, entre les
çroifées, quatre tableaux, dont les
deux derniers font peints par le
Vlat.
Le tableau de l'Autel qui eft tout
proche , eft dans le goût de Crayer,.
La pièce qu'on voit lur l'Autel
de la Chapelle du Saint Sepulchre ^
eft peinte par vm Cleef,
42 LE PEINTRE
Le Chrift mort , placé près dé
h Sacriftie, eft de Bernard.
Le tableau qui eft entre les deux
çroifées, près de l'Autel de Saint
Martin, eft de Floquet.
Le tableau de l'Autel, derrière
îe Chœur , eft de la main de T.
'van I^oû.
Le Chrift, dans la Chapelle fui-
vante , eft peint par G. de Crayer.
Les deux tableaux voifins font
peints par le Fiat. On voit entre
les fenêtres jufqu'aux portes, des.
deux cotés des petites nefs , quel-
ques pièces peintes par le même k
Plat.
Le tableau qu'on voit afîèz près
de la porte, eft de la main du far
meux de Crayer^
Celui qui eft entre les çroifées,
i'epréfentant l'Annonciation de la
Sainte Vierge, eft peint par Mat-
thjs.
Les pièces qui fuivent, Se qui
font les fujets des fept Douleurs de
la Sainte Vierge, fpnt peintes par
Floquçt^
J
-ocr page 44-uiMJTEUR ET CURIEUX.
Le tableau du maîtreAutel eft
très-bon : il eft de G. de Crayer,
L'Eglise de Notre-Dame,
Paroisse de St. Pierre.
On voit dans cette Eglifè divers
Payfages, dont trois font les plus
remarquables : ils font de F. Hds ;
cc font le premier & les deux der-
niers à droite.
J. Janffens eft Auteur du tableau
de la Sainte Trinité,
Celui de l'autre coté de la por-
te, à la première Chapelle, eft de
Floquet,
Derrière le haut - Chœur eft re-
préfèntée rAfTomption de la Vier-
ge , très-bien rendue par de Crayer,
Les Payfages dans la même Cha-
pelle, font peints par P. Hais.
Sur l'Autel plus avant on re-
marque une très-belle pièce repré-
fentant Adam & Eve , d'un bon
defïèin, & peint avec force p^r
Cleef.
44 L n P E I NT r. É
Le tableau du maître - Autel eft
du peinceau de 'van Huile, Ce Peifl"
tre a fait de beaux ouvrages à
Vienne.
Devant le grand portail de cet^
te Eglife eft une tombe, fous la-
quelle font enterrées quatorze per-
fonnes, qui dans un orage des plus
terribles furent frapées de la fou^
dre, le 14 Novembre 1675.
ci leurs noms , tels qu'ils fe voyent
gravés fur cette tombe :
y. Acariens, fils du Sonneur ; |
P. Verheke , & tere ; |
Plus bas on lit cette Chronique;
goDt Jonne aLLe De zIeLen
?Yjie eeUWige VreDe,
AMATEUR ETCURIEUX,
L'Eglise de Saint Sauveur j
Paroisse, dite Heyligh
Kerst,
Dans la Chapelle de St. Jofeph ^
fur l'Autel eft un tableau peint par
Erafme ^jtiillin^
Dans la même Chapelle, on voit
encore 7 pièces, peintes parj. vm
Bulen : la première eft une repréfèn-
tation de l'Ange qui annonce la
Fuite en Egypte ; la fécondé , la
NaifTance de Jefus - Chrift j la troi-
fiême , l'Adoration des Mages j la
quatrième, la Purification de laSte*
Vierge j la cinquième, la Fuite eri
Egypte î la fixiême j Jefus-Chrift au
milieu des Do6leurs j & la feptiême,
un St. Ménage ou une Ste. Famil-
le , occupée au travail.
Sur le maître-Autel eft un tableau
peint par van der JUandeli ceux
qui font au-deffiis des colonnes au
nombre de douze > font de -N^.
^oofe.
4(5 LE PEINTRE
Dans une Chapelle à droite
de cette Eglife on voit entr'au-
très chef - d'oeuvres, un très - beau
tableau de vm Cleef, lequel re-
préfente une Sainte Famille. Ori
peut regarder cette pièce comme
iin des chef-d œuvres de cet habile
iPeintre.
Dans une des Chapelles à gau-
che eft un autre beau tableau de
Çrayer , représentant le martyre de
Saint Blaife, à peu près de la me-
ine compofition que celui dont j'ai
parlé à l'article de l'Abbaye de Di-
îighem , proche Bruxelles. Nous
en avons l'Eftampe par P/^w, Gra-»
"veur à Gand.
Vis-à-vis le même Autel on voit
line Réfurredion, de l'ordonnance
dii même Crayer 5 & au-devant on
voit la Sépulture de ce fameux
Peintre, qui cfl enterré dans cette
Chapelle.
âMATEUR ET CURIEUX. 47
Dans celle qui foit , on voit uH
très-beau tableau de P. Champagne à
repréfentant Jefus au milieu de
quelques Anges, fi admirablement
peint, que les ConnoiiTeurs ne peu-
vent fe lafTer de le confidérer.
L'Eglïse i>es Récollets.
Sur le maître-Autel on remarqué
Un très - beau tableau de Kubem ;
tepréiêritant Notre - Seigneur qui
toulànt punir les Pécheurs, elî re-
tenu dans fa juÀe vengeance pat
îmterceffidn de fà Sainte Mere :
Cette pièce èft faite avec beau-
coup de force & de génie.
A la gauche ^ on voit liir l'Au-
tel là Madelainé eh extafe , foute-
nue par des Séraphins. Cetablêaii
èft du même Peintre.
De l'autre côté , à droite , on voit-
Saint François qui reçoit les Stig-
mates , peint par le même Au-
teur.
Les tableattx repréfentant des
-ocr page 49-^^ LE PÈiNTRÈ
Payfages, qui font entre les fenê
très des petites nefs i font de P*
Hais.
L'E G L i s e DÈS j e's U I T e S.
On voit dans cette Eglife fur les
àrcs des colonnes, fix belles pièces >
peintes par G. Zegers^
De plus trois tableaux qu'on poie
alternativement fur le grand Autel ; le
premier repréfente le martyre de Sti
Lie vin, très - beau morceau, peint
par Kuhem , & duquel nous avons
une Eftampe gravée par Kaukercken ;
le deuxième une de fcen te de Croix,
par de Crayer ; & le troifiême une
Nativité , par T. njan Loû.
Au bout des deux petites nefs,
font deux Chœurs , dont celui à
droite eft orné de très-beaux ta-
bleaux , peints par Schut.
Dans celui à gauche on voit
un tableau fur l'Autel , qui repré-
fente l'Agonie , très-artiftement ex-
primée 5 & d'un deffein correél Se
fin, par 'uan Ckef^
A-, „
AMATEUR ETCURÎËVÏ,
A côté de l'Autel, on voit enco-
re quatre pièces , dont une de Schut >
repréfentant l'Aflomption de la Ste*
Vierge j la fécondé , l'Annoncia-
tion , par Koofe j la troifiême, eft
de van Cleef ; & la quatrième , qui
eft un Chrift mort, eft à^Ant, vm
Heuvel. J'ai dit ci - devant que n-^ân
Cleef devoit fa fortune aux Jé-
fuiîes, c'eft pourquoi , en récon-
noifïance de leurs bienfaits > il a fçu
fi bien exprimer & peindre dans
cette pièce tout le talent de fon
art, qu'on Fadmire non comme un
chef-d'œuvre , mais comme unique
dans fon efpèce.
La Chaire de Vérité de cette
Eglife , faite depuis peu d'années
■Ç2X Delvaux y Sculpteur de Nivel"
les, eft un ouvrage achevé.
L'Eglise dis Augustins.
On ' voit dans cette Eglife huit
tableaux, peints par , lefquels
repréfèntent l'hiftoire de la Proâna:^
tion des Stes. Hofties» D
LE P E I NTR E
L'Eglise des Ale'xiens , dits
Cellebroeders.
Le tableau d'Autel repréfènte la
Réfùrreâion de Notre - Seigneur ;
c'eft une des meilleurs pièces de G,
de Crayer. On affiire qu'elle étoit
deftinée pour être mife au-devant
de l'Epitaphe de ce Peintre, & que
cette deftination n'ayant pas eu lieu,
elle fut vendue après fa mort aux
Aléxiens , qui la firent ajufter
approprier à leur Autel.
L'Eglise des Annonciades.
Le tableau repréfènte l'Annon-
ciation de la Sainte Vierge j il eft
peint Jeafî Boekhorfi conmiu-»
némeat dit hangenjan»
L'Hotel-de-Vilk.
Dans la fale de JuJftice, on voit
. m chef - d'œuvre de T. Komhsa^s i
$0
a ma teur et curie ux. s ï
c eft Abraham prêt à Immoler fQÇ
fils Ifoac.
On y voit auffi un autre tableau »
où paroît Thémis avec tous fes at-
tributs, par le même.
Dans une autre Sale, commu-
nément dite la Chambre de Caval-
cade , on voit un tableau excel-
lent , peint par F. Du-Chatelj c eft
l'Inauguration de Charles III, Roi
d'Efpagne , Duc de Brabant, Com-
te de Flandre. Ce Monarque eft re--
prcfenté dans cette pièce recevant
le Serment de Fidélité , prêté pair
les Etats de Flandre , Fam 1666 ^
en préfènce de toute la Nobleile ,
& des gardes Bourgeoifes fous les
Armes , & d un concours infini de
Peuple. On conte dans cette pièce
plus de deux cens figures , dont
plufieurs font peintes au naturel,-
c cil le chef-d'œuvie de cet habile
Peintre.
Il étoit né à Bruxelles en 1G16 3
^ avoit dans fa jeuneffe pris le par-
des Armes. H étoit Cornette dans
D ij
LE PEîJStTRE
un Regiment de Cavalerie, & fef^
voit avec beaucoup de zélé, lorf^
que dans une Bataille un de iès
Amis fut tué à côté de lui, ce qui
lui infpira tant de chagrin Se de dé-
goût pour le fervice, qu'il le quit-
ta, & le donna à la Peinture. II
n'avoit alors que vingt-quatre ans î
il fit en peu de tems beaucoup de
progrès, de fe rendit recommanda-
ble 5 furtout pour les portraits,
dont on voit plufîeurs travaillés
avec beaucoup de fraîcheur & de
délicatefïè. 11 n'a pas moins réuflt
dans des fujets d'hiftoire, des aflèm-
blées dcc. Mais on lui reproche
d'avoir négligé fès draperies j ce qui
peut provenir de ce qu'il les fai-
foit fouvent faire par fès difciples.
Il mourut à Bruxelles où il étoits
né , âgé de 78 ans > laiflànt un fils ,
qui époufa la fille de K. Janjfens j
mon Maître , Se qui eft mort eiî
1737 5 âgé d'environ 90 ans. L'ami-
tié qu'il m'a témoignée , m'a en-
gagé à cettç petitç digreffion 7 <1^5
'AMATÉm ETÙXTRÎÉUX.
'5e prie le Lecteur de me pardon-
ner.
Je ne dois pas oublier les Cabî-
nets des Curieux de la même Vil-
le : celui de M. du Bois, qui eft
grand Amateur , eft orné de plu-
îieufs tableaux de D. Teniers, Pay-
fàges , & de divers ouvrages de
Kubens, de vm Dyck , à.tGonfde^
de Breugel de Velours, de Brouiver,
de W^oiiwermam , de Berchem ^
êiOjlade & de plufîeurs autres, dont
le détail feroit trop long.
M. le Chanoine Bout poffédç
suffi un grand nombre de tableaux,
& entre autres une très-belle piè-
ce de D. Teniers. Elle repréfènte
tine Affemblée où l'on joue au Tric-
trac, les figures font EfpagnoleS i»
Je tout d'une délicatefle admirable ;
c'eft un vrai bijou de cet Auteur.
Il a auffi plufîeurs tableaux de
Breugel de Velours , Ofiade, Brou-
iver , Kuhem, vm JDjck , Crayer,
Zegers y &:c.
Il Morel g dgns fon Cabines
^^ PEINTRE
plufleurs chefs-d'œiivres des mêmes
Maîtres. La collcélion de tableaux
de M. L. Champ eft très- confidé-
ïable ; ainfi que celles de Mrs. Huy-
tens & Tiègem. Ils poiîedent tous
trois de ce que nous avons de plus
Curieux de nos anciens.
M. Steenberglie a une très-belle
très - nombreufe colié6lion en
Eftampes & tableaux,
M. la Veuve Walkiers Hoofl-
witickel poiïcde auffi plufieurs ta-
bleaux de grande valeur.
M. le Mere, grand Amateur èc
Connoiffeur en Peinture , Se qui la
profefïè depuis longtems, polTéde
auffi plufieurs belle? pièces.
Il y a dans cette Ville une Aca-
démie , érigée & protégée par le
Magiftrat, dont le Sr. Marchai eft
le Profelïèm-.
AMATEUR ET CURIEUX. 55
LA VILLE DE BRUGES.
Cette Ville eft une des plus an-
ciennes de la Flandre, elle étoit au-
trefois très-opulente & très-renom-
mée par rapport à fon Trafic, &
par ce qu'elle a été le féjour de
Hubert & de J^ean vm JLyck, fre-
res, qui les premiers ont inventé
l'art de la Peinture à l'huile ( ^ ) ;
de Aîichel Angelo , très - célébré
Sculpteur, Peintre & Archite6le ;
de Kogier vm der W^eyden , de JDo-
m'mico Becafumi ^ d'autres Pein-
tres d'une haute réputation. Ce der-
nier étoit de Sienne, où il a été
connu depuis fous le nom de
câ,rmo. Ce Peintre ayant vu quel-
ques ouvrages de Jean vm Eyck,
peints à l'huile, fut curieux d'en
apprendre le fécret j il vint trouver
van Eyck dans cette Ville, qui l'en-
gagea , & l'employa à broyer fes
(a) Ce fut l'an 1410 , que cette invention
lut mife en œuvre.
LE PEINTRE
couîeiars j deforte qu'après avoli'
paflc chez lui ud certain rems, il
en fortit & emporta dans fon Pays
ce grand fecret.
L'Eglise de Saint Jacques ^
Paroisse.
On voit fur l'Autel un tableau
yepréfentant la mort de la Sainte
Vierge, très-bien compofé , & d'un
deffein noble , par L. de Dyfter,
L'E GLîSE Paroissiale
de Sainte Anne.
On y voit Saint Sébaftien percé
de Flèches, très - bonne pièce, par
le mcme j le martyre de Saint
Amand fe voit dans la Chapelle dQ
ce Saint,
L'Eglise de Notre-Dame,
La ftatuô de la Sainte Vierge ^
fçuiptée ea pierre par le fameux?
AMATEUR ET CURIEUX. Jf
^Jldkhel - Angelo de Bonnarotta, pO-
fée dans une niche, efl: un morceau
très-curieux qu'on voit dans cette
Eglife. On y voit aufTi un beau ta-
bleau , peint par G, de Crayer.
Une autre pièce, peinte d'après
van Dyck , orne encore cette Egli-
fe î on en voit l'original dans la So-
dalité Supérieure des Jéfuites à An-
vers.
L'E GLISE DES CAPUCINS,
Le tableau du grand Autel re~
préfente rElevatlon de la Croix, par
G, de Crayer,
L'Eglise des Dominicains.
On voit fur le grand Autel l'Ado-
ration des Rois Mages, très - bien
rendue, deffinée & peinte par Boek"
horfty dit hangeri-^an.
Sur l'Autel de Saint Dominique 3
on voit le même Saint dans une
gloire des Anges, belle piéçe ôu
^^ LE PEINTRE
même Auteur : le portrait de Saint
Dominique qui eft ajouté au mi-
lieu de cette pièce, a cté peint en
E/pagne.
On voit une autre pièce dans
cette Eglife, peinte par Nicolas Lie-
maeker , communément dit Koofe,
Sur un Autel affez près de la
Sacriftie , on voit repréfenté un
Pere de cet Ordre tiré de prifon
par un Ange, peint par §uUlm,
L'Eglise des Carmes.
On voit dans cette Eglife Notre-
Seigneur en croix, au bas la Sain-
te Vierge, la Madelaine , St. Jean
& autres figures, peintes par Dy f'
ter ; & la Réfarredion de Notre-
Seigneur, du même Auteur. Sept
autres tableaux décorent cette Egii-
jfe ; cinq repréfèntent des fujets
d'hiftoire & des Saints de leur Or-
dre î les deux autres repréfèntent
Notre - Seigneur crucifié. Ils fovX
différemment compofés, tous peints
par le mcme Dyfier,
AMATEUR ET CURIEUX. 59-
L'E g lise besJe'suites.
Le tableau du maître-Autel re-
préfentc le Couronnement de la
Sainte Vierge , peint par T. vm
Tulden ; c'eft un ouvrage achevé
dans le goût de foa Maître.
Dans la Chapelle de la Sainte
Vierge , on trouve fon Affomption
très-artiftement exécutée par Eraf-
me ^mllin.
L'Eglise de St. Jacques.
On y voit la iftort de la Sainte
Vierge , très-bien rendue par Dyfter,
La Chapelle de Saint
Nicolas.
Une defcente de la Croix fait le
grand ornement de cette Chapelle:
elle efl de Crayer.
> Z E ? £ I NT R Z
La Chapelle du Saint
Sacrement.
Notre - Seigneuf
On y voit fept tableaux , dont
le premier représente Notre - Seig-
neur qui quitte la Sainte Vierge
avant fa Paffion,
Le deuxième, Notre-Seigneuf au
Jardin des Olives.
Le troifiême ,
traîné par le Céderon.
Le quatrième , Notre - SeigneuH
qui reçoit le Soufflet.
Le cinquième, Notre - Seigneur
attaché à la Colonne.
Le fixième , le Couronnement
-d'Epines.
Le fepticme, la Réfurre£tion de
Notre-Seigneur.
Les fix premières pièces font
peintes par Djfler -, il mourut avant
de pouvoir faire la fèptième, Tan
1711 j âgé de cinquante - cinq ans.
Elle a été faite par Jofefh Kerkh-
AMATEUR ETCtTRIEUX, ^t
L'Hôpital de Saint Julieîî,
La Réiiirreâ:ion du Lazare, pein-
te par Dyjier y beaucoup mieux
rendue que les fîx pièces précéden-
tes 5 rend cette Chapelle mémorable,
L'Eglise du BE'otrinage.
Sur le grand Autel on voit re-
'préfentée la Vifitation de Ste. Eli"
fabeth, par le même.
Le Couvent des Augustiks.
Dans la Bibliothèque , on voit
fur la droite les quatre Evangeliftes,
S>c de l'autre côté les quatre Doc-
teurs de i'Eglife, & quelques por-
traits de Religieux de cet Ordre.
Leur Réfeéloire eft auffi orné de
dix tableaux de difFcrens fujets^
tant du vieux que du nouveau TeC-
tament ? autres fujets de leur
Fondateur 4 1$ tout peint par jE*
L È F E I N t R E
L'Eglise de Saint Guilin"*
A droite, on voit fur i'Autel re-
prélentce la Redemption des Cap-
tifs , par les Peres de la Tri-
nité, très-bien rendue & peint©
par Garrewyn,
L'E v e' c h e^
Dans une Chambre on voit qua-
tre grands tableaux, peints par F.
Sneyers j ils repréfentent les quatre
Elémens : & les Figures, grandes
comme nature , font peintes par
^ubenSu
L'A b b a y e , dite des Dunes.
On voyoit avant l'année 1755 ?
dans l'Eglifè de cette Abbaye trois
tableaux, qui font à prcfent dans
le Cabinet du Roi de Prufîè, Us
ont été achetés en commiffion pac
M; de Vifch, Profeflèiy: de l'Aca-
AMATEUR ET CURIEUX.
démîe de cette Ville, & Peintre
renommé pour l'hiftoire le por-
trait , moyennant la femme de
vingt mille florins. Ces trois pièces
c ontiennent, i ^. le Couronnement
d'Epines de Notre-Seigneur. On le
voit en Eftampe gravé par Bolfwert,
a®, La Pentecôte. 3°. Saint Jean-
Baptifte & Saint Jean l'Evangelifte
avec leurs attributs. Elles avoient
de hauteur chacune neuf a dix pieds,
fur fept à huit de largeur î & fi les
deux premiers avoient eu la beau-
té de celle où font repréfentés les
deux Sts* Jean, elles auroient cel^-
tainement valu au moins quarante
mille florins. Il me paroît inutile de
rapporter ici de quelle façon ces
Meffieurs des Dunes avoient acquis
autrefois ces trois pièces, l'hiftoire
en eft affez connue parmi les Ama-
teurs de notre art ; je fouhaiterois
que nos Marchands en tableaux;
puffent tous les,ans faire une em-
plette aulTi favorable.
On conferve dans cette Abbaye
-ocr page 65-le peintre
un portrait d'Abbé par Kubem^ SC
<ieux tableaux àc Jacques vm Oop»
L'Hûtel- de - Ville,
Dans .un des Tribunaux de la
même Ville, on montre un tableau
qui repréfente le dernier Jugement ;
très-bien deffiné peint par l^our-'
hus, le weux.
Dans une autre Sale > on voit
fous un Dais le Portrait de Notre
très-Illuftre Souveraine, l'Impéra-
trice-Reine , peint par Je Vijch,
Il y a encore plufieurs autres
tableaux à citer dans la defcription
de cette Ville, que je paflfe fous
filence, parceque je crois que la
repétition deviendroit ennuyeufe, &
qu'ils m'ont paru peu intéreflans
pour les Amateurs,
Je finirai cet article en difant que-
M. Gaeremeyn , Peintre de cette
Ville , y travaille aéhiellement avec
beaucoup de réputation. On voit
chez Moareigneui: le Comte de Co»
benzî %
-ocr page 66-benzlj entre plufieurs autres beaux;
& rares morceaux, un tableau de fà
compofition, reprcfentant nombre
d'Ouvriers Artisans employés à la
conftruélion du Canal qui va de
Bruges à Gand : c'eft une pièce
d une compofition riche, & admi-»
rablement bien rendue.
M. van Overloope, Waradin de
la Monnoie , Greffier de TAcadé-»
mie, pofïede aékiellement une bel-
le colledion de tableaux j ainfî que
M. de Bie, ôc M. Waeperiaer, qui
fout Amateurs & ConnoifTeurs. .
L'Académie érigée dans cette Vil-
le aux dépens de la Magiitrature >
elt aflèz fréquentée par la jeunefTe ,
qui y eft enfeignée gratis par le
Sr. de Vifch, Profeffèur de cette
Académie pour le Deîïèin , pouc
l'Architedure pour la I'efi|)ec-«
tive. Le bâtiment en efi afïez lar-
ge de très-commode î le ProfefTeury
a fa demeure, & en outre une Pen-
fion pour les peines de fa Direc-
tion,
LE P E j JStT k É
LA VILLE DE COURTRAY,
X'E glise Collégiale
Notre-Dame,
On voit fur TAutel à droite, une
grande & belle pièce, qui reprc-
lente l'Elévation de la Croix î c'efî
un des chef-d'œuvres de va» Dyckf
tant pour le deffein & la compo-
fition, que pour le coloris^ On af-
fiire que les Maîtres d'Eglife ayant
paru mécontens de cet ouvrage,
*van Djck qui étoit allé à Courtray
avec le tableau s'en apperçut, & ne
pouvant fe taire , il leur dit des
injures, ce qui fut caule qu'on nô
lui fit pas la moindre politefTe. Vn
Peintre de la mcme Ville ayant vu
le mauvais accueil qu'on faifoit à
fon confrère , le pria inftamment
de venir faire les Rois chez lui, ce
que van Dyck accepta. Et quelque
tems après qu'il fut de retour chez
iïïi 4 il lui paya libéralement fa po^
AMATEUR ET CUkiEUX,
lîtefïe, par un tableau dé fa main
qu'il lui envoya. On rapporte qufe
ce tableau a été donné à i'Eglifède
Courtray par une Dame qui avoit
un grand procès , & qui avoit pro-*
mis de faire ce préfent fi elle le
gagnoit. Elle réuffit ôc s'acquitta
de fa promefTe.
On voit une três-bonnè Copie de
cette pièce, peinte par L. François ,
dans TEglifè des Auguftins à Bruxel-
les.
L'Autel de la Chapelle Royal©
de cette Eglife , qui eft d'une très-
belle conftruétion en marbre, efl
orné d'un beau tableau repréfentanc
îe martyre de Sainte Catherine paî;
G. de Crayer.
On voit fur un autre Autel un0
très-bonne pièce du même Auteur,
repréfèntant la Sainte Trinité.
Après que les Maîtres d'Eglife fu-^
Tent revenus de leur ignorance, ils
firent par une Lettre leurs excufes
à van Dyck, & lui demandèrent s'il
Vouloit faire pouç eux les deux pié-
ï: i j
-ocr page 69-le f è i n t r é
ees dont on a parlé, ce qu'il leur re^
fufa.
Le peu de connoiflance de ces
MefTieurs , quî d'ailleurs n avoient
peut-être pas entendu parler du
mérite de vai^ Djck j peut rendre
kur aélion exaufable j mais ce qui
fera toujours odieux à d'honnêtes
gens , ôc ce qui arrive pourtant
aflez fouvent, c'eft que des Pein-
tres de profeffion décrient par jalou-
fie les ouvrages de leurs contempo-
rains. Cependant je ne puis ajouter
aucune foi à ce que l'on débite de
notre célébré Crayef , qu'un M.
Copiters ayant envie de faire em-
pkte des ouvrages de D. Tenter s
chez lequel il apprenoît à delTiner j
Gonfiilta Crayer fur l'achat qu'il vou-
loit faire des tableaux de ce Peintre ,
& que foit par méchanceté, foit par
envie , Crayer lui dit que les ou-
vrages de Teniers étoient tranchés
& durs î ce trait malin dégoûta M.
Copieters , enfarte que le marché
qu'il avoit envie de faire n'eut paâ
Heu.
AMArmt m-cuRiEm.
On ajoute encore , que quelqm'un
syant dit à Crayer que depuis que
Dyck avoit établi fa réputation
en Angleterre, on d^mandoit par-
tout avec empreffement de fes
ouvrages , Crayer avpit répon-
du d'un ton railleur, j'ai bien vu
que ce jeune homme avoit du ta-
lent, mais û j'avois voulu de fes
ouvrages , j'en aurois trouvé cent
occafions. Ce auffi malin que
ie mot occafion paroît équivoque ,
n'a cependant donné aucune attein-
te aux çalens fopérieurs de ce Pein-
tre.
Pareille chofè fe préfènte prefque
tous les jours : en effet on voit les
Ouvra2:es de nos meilleurs Maîtres
^ /
fouvent critiques j & par qui ? par
des barbouilleurs qui ne font fou-
vent pas capables de peindre un hi-
bou. Mais reprenons le fil de notre
defcription ? & difons que dans
76 t E F E ÎN TR E
L'Eglise des Chanoinesses
regulieres de l'O r d r e
de St. Augustïn,
Le tableau de TAutel eft de la
compofîtîon de J, '^ordaem, & re-
prcfèate la Nativité de Notre - Sei-
gneur. Cette pièce mérite l'attention
des Connoiflèurs , tant pour l'op-
f)oMon du clair-obfcur, que pour
!e coloris & rexprefTion : tout y
|)aroît animé.
Les Réligieufes ont une atten-
tion toute particulière pour ce ta-
bleau , auffî de crainte qu'il ne foie
gâté par la fumée j elles ne font
brûler dans les lampes devant cet
Autel que de l'huile d'olive,
L'E G L I s e DES C A P U CI N Si
Le tableau dû maître - Autel re-
préfente l'Epiphanie , pièce admira-
ble & d'une cojnpoiltioa très-richâ
par Kîéem»
AMATEVK ET CVRIÉUX. 71
Sur un autre Autel eft un Chrift
hilloriéj par §uîllm,
L'Eglise des Je'suites.
La pièce du maître-Autel repré^
fente TAnnonciation de la Saint©
Vierge, peinte par G. Zegers,
La Réfurre6lion de Notre - Sei-
gneur > qu'on voit fur l'Autel qui eft
au bout de la nef à droite, eft diï
même Peintre.
Vm Dyck ne croyant pas faire
fortune en fon Pays, prit la réfo-
lution de paffer en Angleterre ; if
emprunta quelques guinées de
Teniers, & partit muni de Lettres
de recommandation. Son talent fu-
périeur le mit bientôt en grande
réputation, & il brilla furtout dan»
îes portraits , qu'il faifoit avec une
facilité inconcevable , ÔC qu'il fè
faifoit payer bien cher félon le§
inftru6lions qu'il avoit reçues à ce
fujet: on afîure que quelques-un$
lui om ité payà 400 p^
72 LE PEINTRE
nées. 11 fe vit bientôt comblé d'hon-
neur & de biens 5 & comme il avoit
le cœur noble d>C généreux , il fai-
foit une figure égale à fa fortune ;
fa table étoit brillante bien fer-
vie , de il rçgaloit fouvent fes hô-
tes après le repas , d un concert
exécuté par les meilleurs Muficiens
de Londres. Malgré cette dépenfè
il amafïbit de grandes riclieiTes ,
ïorjfqu'un Chimifte trouva le fccret
de fe faufiler dans fon efprit ; il lur
înipira îe délîr de convertir du cui-
vre en or, mais le fécret n'aboutit
qu'à lui faire convertir fon or en
fumée. Kuhem en ayant été averti,
écrivit à fon éleve , qui reconnut
fâ folie ôc fè corrigea. Enfin vm
Z>yck devenu goûteux de bonne
heure fut attaqué d'une fièvre,
qui le mina peu-à-peu, & îe con-
duifit au tombeau l'an 1641 ^ âgé
de quarante-deux ans. Il fut enterré
à Saint Paul, & laifTa à fes héri-
tiers une fiiccefTion confidérable,
que quelques-uns ont fait monter
.AMATEUR ET CURlEUl. 7%
Jufquà quarante mille livres fter-
ling.
Nous pouvons ajouter à ce que
nous avons déjà dit de ce Peintre,
qu'il a donné à fes portraits un co-
loris admirable , qu'on y diftinguoir
même la complexion des perfonnes
peintes, que fes airs de tête font
d'un cho-ix merveilleux , & que les
mains font d'un fineffe de deffein
incomparable. Il me paroît bien dif-
ficile de parvenir à ira fi haut dé-
gré de perfedion.
D I X I M U D F„
On voit dans l'Eglife Paroiffiale
tin tableau repréfentant k Nativité
de Notre - Seigneur, que l'on m'a
dit être de Jordaem,
F U R N E S.
Dans l'Eglife de Saint Walburge,
^n voit repréfenté fur le grand Au-
îel Notre-vSeigneur entre les Doc-
îeursj par le même Jordaem,
^ ^ PEINTRE
BERGUES St. Winox.
On y voit l'Adoration des Mar-
ges , tableau d'une compofition
merveiiieufe, & d'un coloris frais
& vif, par Kubem.
LA VILLE DE LILLE.
Dans l'Eglife de Sainte Catheri-
ne on voit fiir l'Autel le martyre
de cette Sainte» très-bien exécuté
par Kuhem»
Dans l'Eglife des Capucins fur
l'Autel eft un tableau du même
Peintre , repréfèntant Notre - Sei- .
gneur fur la Croix.
Dans celle des Jéfmtes on voit
îa Chute des Anges rebelles aufîl
par Kuhem,
AMATEVR ET CURIEUX, ff
L'Eglise Cathedrale et
Paroissiale.
On voit llir le maître-Autel un
des plus beaux ouvrages de Kubem ^
c eft le Purgatoire, exprimé & ren-
du d'un goût étonnant > qui in-
fpire en mcme tems la dévotion &
la terreur à ceux qui l'admirent
avec attention. On conferve avec
foin parmi les archives de l'illuflre
Chapitre de cette Eglifè, une let-
tre de TAuteur de cette pièce, où
il parle de ce grand tableau com-
me d'un de fes chef-d'œuvres.?j
Derrière cet Auteî on admire un
autre tableau, peint par !e même
repréfcntant le martyre des Macha^
bées , d'une compofition très-richç
^ très-ingcnieufe.
En entrant fur la droite j dans le
de lampe,? fur l'Autel de la Ste*
Vkxgç ^ Qji remarqps un^ très-bel^
yê LE PEINTRE
îe pièce qui eft line Sainte Famille #
que beaucoup de Connoîfïèurs ont
. cru faite par Cr^jd-r, quoiqu'on life
au bas de cette pièce Afatthieu van
JSJegre fecit 16x3. Les volets qui
croient autrefois au - devant de ce
tableau , font préfentement placés
dans la nef Collatérale du Chœur à
gauche ; & comme ils ctoient
peints des deux côtcs, j'entens en-
tledans & en-dehors, on a trouvé
le fécret de les fcier én deux dans
ieur épaifleur, deforte qu'on en
a fait quatre tableaux qui ornent
à préfènt la nef dont on vient de
parler. Les bas - réliefs & les mé-
daillons du Jubé en marbre blanc à
l'entrée du Chœur, repréfentant des
iiiiets de l'ancien & du nouveau
Teftament, font très-bien rendus
par le fameux Sculpteur Claude
Floris, ainfi que ceux qui ornent
FAutel de Saint André , qu'on voie
dans le cul de lampe à gauche.
Dans la nef Collatérale du Chœur à
gauche, on admire au çombçau de M»
amateur êt eu ri eux. p
lô Chanoine de Villers, Cliancelîiee
de cette Eglife , des Anges d'une
grande beauté taillés par le fameux
de ^uenoj j de même que ceux
qu'on remarque à l'Epitaphe voifî-
ne de M. le Chanoine van Winge »
l'un des Fondateurs de la riche Bi-
bliothèque de ce Chapitre.
L'Eglise de l'Abbaye de St,
Martin.
On voitâir le maître-Autel ce
Saint qui par la Vertu du Tout-
PuiflTant, chafTe le démon du corps
d'un pofTédé, C'eft une grande piè-
ce qui a beaucoup de mérite, elle
cft peinte par "J. Jordaem j on l'a
©n Eftampe gravée par de Jode.
Un autre tableau qui repréfente
Marte & Marie Madelaine , faic
l'ornément d'un Autel; il eft d%
mênie Auteur.
La Sainte Vierge, l'Enfant Jefus'
6c la Madelaine font repréfèntés
dans une autre pièce ? peinte pas
G^ Zegers.
t 2 2> E f NT RÈ
Au-<3effus de la porte de la Sâ-
Criftie on voit une Sainte Famille?,
de la comporition du mèxnej.jor'
daens.
On y voit aufTi trois tableaux,
peints par JH. n^m JNegre, l'un re-
préfentant Marte Marie > l'antre
tiné Sainte Famille , le troifiê-
me la Samaritaine.
Il y a en outre deux Payfages,
peints par vaf^ der Burgh de Lille #
lefquels font ornés > le premier d'u-
ne Fuite en Egypte, l'autre d'un
Saint Benoît dans le défèrt.
Une autre pièce, peinte par Pour-'
bus te jeune, repréfente Notre - Sei-
gneur en croix entre les deux Lar-
rons. On voit au bas de la Croix
tin Abbé en habits Sacerdotaux.
Au - deflus des forînes, les ta-
bleaux font peints par le même.
On voit auffi une très-belle pièce,
peinte par W^. Coebergen , qui re-
préfente les Pénitens j on foutient
que c'ell le -chef-d'œuvre de cc
Peintre.
Il y a un autre tableau peint pai"
Valent m , dont le fujet eft Notre-
Seigneur tourné en ridicule.
Il y en a encore un repréfentane
Saint Martin qui refTufcite un mort,
peint dans le goût du ^oujjln 5 on
doute s'il eft original.
Au-deffus de la grande porte font
deux tableaux peints par L. ¥rm-'
^oîs 5 dont l'un repréfente St. Mau-
re & St. Placide, l'autre la Ré-
furredion.
Devant la cheminée du grand Sa-
lon, on voit repréfenté Nôtre-Sei-
gneur quiapparoît à laMadelaine ;
ce tableau peint par le même L.
Fra?2Çûh, eft digne d'attention.
Ce mcme Maître a repréfenté
dans le Réfeéloire Notre-Seigneuc
qu'on conduit au Calvaire avec les
deux Larrons. Cette pièce n eft pas
TUoins belle que la précédente j el-
le eft pofce au - deffiis de la che*-
lîiinée de ce Réfedoire.
A côté de la mcme cheminée,
On voit une vanité j. peinte par
^o LE PEINTRE
jaMjfem. Vis-à-vis cette pièce eft î^
copie du tableau de Kubens > qu'oiî
voit à Anvers fur le maître - Autel
dans l'Eglife de Sté Walburgh.
Lé- Cabmet de l'Abbaye de
Saint JkLartm,
Ce Cabinet eft, orne deplufieurs
bons tableaux, parmi lefquels on,
voit le portrait à'Am. van Vyck,
fous la figure d'un Chafïèur , qui
conduit des chiens à la chafle j ce
portrait eft peint par lui - mcmei
Quelques-uns croient que les chiens
font aufTi de fa main, d'autres di-
fent qu'ils font de Sneyers. Il y a
auffi. deux tableaux peints par D.
Tmkrs^ dont l'un repréfènte une
Tentation de Saint Antoine , & l'au-
tre un Médecin à l'Urine j trois pe-
tits Payfages avec figures peints
par le même, ornent ce Cabinet.
On y voit encore trois tableaux
de P. ISefs ^ dont l'un repréfente
l'Intérieur de l'Eglife de Notre-Da-
me
JÎMATEUR ET œRIEUX. Si
tne d'Anvers. Les deux autres con-
tiennent aulTi des Eglifes à la lueui^
des flambeaux. Ces trois pièces
font des meilleures de ce Maître.
Quatre Batailles, peintes par lé
bourguignon , font un des princi-
paux ornemeris de ce Cabinet.
Un Breugel de Velom, orné par
%'an Bdelen -, deux tableaux peints
par Jean H. Koofe d'Otterbergh dans
le gout de ZV. Berchem:, éc qui nè
icédent pas à ce dernier.
Un beau F. Franck, qui repréfènte
Amman & Mardochëe. Une pièce
à'Abr, Blommaert repréfentant Saint
Jean qui prêche dans le défert j une
belle picce de Breugel de Velour j uns
Alomper y dont les figures font de
Teniers j un autre Payfage , donc
les figures font de Breugel de
tout.
L'Aflbmption de la Sainte Vier-
ge j par njan Baelen j deux Payfa-^
ges par W^lldens.
Un petit de van Uden, La Nati-
îité de Notre "Seigneur, bien ex-
S2 LE T È I N r È E
primée par Jldartenhof, Une Tèté
par 'Kymhrânt.
Un tableau par Wiernix î un par
§)umtm î un Bonavanture Peeters »
uiî G. PouJJîfi ; & plufieurs autres
beaux & rares tableaux , dont le
détail fcroit trop long.
Dans l'Eglife de Saint Brice on
voit Notre - Seigneur mort fur les
génoux de la Sainte Vierge, très-*
bien rendu par J. Jordaens,
Dans l'Èglifè Paroiiïîale on voîÊ
à un Autel au bout de la petite
nef à droite, un affez beau tableau
de Crayer, repréfèntant le martyre
d'un Saint qu'on tourmente fur une
rouci
Dans l'Eglife Paroiffiale de SainC
Barthelemi on voit fur le maître-
Autel le inaityre de çe'Saint, tresr;
AMATEUR ET CURIEUX.
bien exécuté par van der Heyden ^
V ancien.
Dans la première Chapelle du
tour du Chœur, on voit fur l'Au-
tel la Nativité de Notre-Seigneur »
peinte par Coutjiers,
H A I N A U f.
LA VILLE D'ENGHIEN^
Dans l'Eglifè Paroiffîale fur le
grand Autel, eft un tableau que je
crois de W^illehrorfl i il repréfente
Notre - Seigneur en croix. Cette
pièce eft defTinée finement, Se d'un,
beau coloris*
Sur l'Autel des TrcpalTés on voit
un tableau repréfentant le Purga-
toire , par K JanJfèns.
Dans l'Eglife des Capucins on
temarque fur l'Autel une bonne
pièce i dont j'ignore le nom de l'Au-
teur : il y a apparence que c'clt
quelque voyageur, dont les ouvra-»
ges ne font pas connus chez noiiSi
F ij
-ocr page 85-Ç?4 t E PEINTRE
Ce tableau repréfente TAdGratiOlî
des Mages j 8c il paroît clairement
que les Rois font des portraits dë
Ducs d'Arenbergh , d'autant plus
que les habits reffemblent beaucoup
à ceux de l'Ordre de la Toifon
d'or , & que le Couvent de ces
Réligieux a été fondé par uû Duc
d'Arenbergh , qui leur a fait pré-
fent de ce tableau.
HERINNES, à un quart de
lieue d'Enghien<^
t)ans i'Églife des Chartreux fur
ïe grand Autel eft un très-beau ta-
bleau de Koofe y repréfentant l'Af^
fomption de la Sainte Vierge.
Sur un des petits Autels on voit
une Sainte famille j par Crayer» Sur
l'autre eft une pièce de Heil
dit Hûûmke, repréfentant la conf-
truélion du Couvent & l'Eglife de
ces Réligieux.
Dans le Chœur au - delTlis de la
jporte de la Sacriftie ôc de la porta
AMATEUR ET CXJRÎEUZ %
qui eft vis - à - vis, on voit deux
bons tableaux, dont l'un repréfèn-
te la Nativité de Notre-Seigneur,
êc Fautre la Décolation de Saint
Jean-Baptifte. Ils font d une compo-
fîtion fage & d'un coloris frais : je
ies crois de Tyjfem,
LaParoisse de Saint
PïERREj dit DE LeEUW.
On voit dans cette Eglife deux
(ùperbes tableaux de G. de Crayer,
L'un repréfente Notre-Seigneur en
croix , & l'autre le crucifiement
de Saint Pierre. La compofition
en eft riche ingénieufè, le def-
fein correâ:, & le coloris frais
|)arfait. ^
26 LE PEINTRE
LA VILLE DE MONS,
L'Eg use des Peres de
l'O r at O i r e,
Le tableau da grand Autel re-
préfente le Calvaire j il eft peine
avec beaucoup de force, & d une
favante compofition Tp^x J.Jordaemi
les figures y paroifTent plus gran-
des que nature.
l'Eg l i s e des J e's u i t e s.
Le tableau qu'on voit fur le maî-
tre-Autel repréfènte une Elévation
de la Croix. Les figures font aufli
plus grandes que nature 5 il eft
^Abr. Tenter s.
L'Eglise des Carmes
D e'c h a u s s e's.
Le tableau qu'on voit fur l'Au-
tel i repréfente une Sainte Famille*
'^MATEm^TCURimZ
On le croit de N. Pouffîn j s'il n'eft
pas original, il peut du moins paf-
îèr pour bon, & eft dans le goût
de ce Peintre.
L'Eglise des Ursulines,
On voit lîir l'Autel le portrait
de leur Patrone accompagnée de
plufieurs Vierges de cet Ordre î &
quoique le nombre de onze mille
n'y paroiCTe pas en entier, on peut
fuppofer que les autres qui man-
quent 3 font derrière fon manteau,
L'Eglise des Soeurs Grises.
Le tableau de l'Autel repréfente
îe Calvaire ? il eft peint dans le
goût de 'vm Djck ; mais on igno-
re s'il eft véritablement de lui : les
figures font un tiers moins gran-
des que nature.
'Mi
-ocr page 89-LE PEINTRE
L'Eglise des Celestines.
L'Annonciation eft: repréfentée
fur l'Autel de leur Eglifej peinte
par Ke^s.
L'Abbaye de Villers.
Deux beaux tableaux peints par-
G. de Cvâjer, font l'ornement de
l'Eglife de cette Abbaye î ils repré-
fentent la Transfiguration de Notre-
3eigneur, & la Converfion de St.
Guillaume. On admire dans cette
derniere pièce deux Anges, qui font
peints avec tant de grâce & de dé-
licateffe de peinceau, que tous ceux
qui le regardent en deviennent
amoureux.
^MJTEUR ET cmiEm.
LA VILLE DE NAMUR.
L'Eglise de Notre-Dame 3
Paroisse.
Le tableau du maître-Autel re~
préfentant la Vifiration de Sainte
Elîfabeth, eft peint par Aîaes. Les
figures en font plus grandes que
nature.
Sur l'Autel de la Saintç Trinité
on voit une très-belle pièce, re-
préfentant le Crucifiment de No«
tre-Seigneur 5 dont les expreffions
font juftes, fortes & bien rendue :
elle eft peinte par Beuverie de Na-
mur, qui étoit contemporain de Ku-
bens, & mérite de tenir rang en-
tre les illuftres Peintres de ce fiécle.
On voit encore dans cette Egli-
fe la Chûte des Anges reprouvés ;
tableau d'une compofition libre &
d'un delTein correél. Les figures
font de grandeur naturelle, pein-
tes par le même, 11 y a plufieiits
^O L E ? E I N T R Ê
autfes tableaux de ce Maître dans
la même Ville, qui font de gran-
de valeur.
L'E glise de SaintJean-
Baptiste, Paroisse.
Gn voit fur l'Autel un tableau
de la Cène, par Schut.
L'Eglise des Je'suites.
On admire dans les deux bafTes-
nefs de cette Eglife plufieurs bons
tableaux, repréfentant la Vie & les
Miracles du Sauveur: ils font peints
par frere Nkolay, Jéfuite & difci-
ple de Kubens , qui fut de fon tems
très-bon Copifle , ainfi qu'on en
peut juger par ces tableaux, dont
quelques - uns font à l'imitation de
Kubem de va^t Dyck , & autres
habiles Maîtres de cette école j 6c
quoique ce ne foient que des co-
pies , ils pafïent par leur beauté
bien des originaux.
AMATEVR ETCmiEUr,
L'E gtise des Croisiers®
Sur ie maître-Autel eft repréfen*
tée la Flagellation de Notre-Sei*
gneur, très - bien exprimée , d'un
coloris vigoureux & d'un deflein
corre£l par W^dfchaerts.
Le Chœur de cette Eglife efl: or-»
né de grands Payfages, peints par
Nays, très-bon Payfagifte. Ils font
ornés de petites figures par frere
TSUcoUy.
Dans le tour du Choeur de Nô-
tre-Dame de Lorette , on voit quel-
ques tableaux de Fleurs , peints
d'une grande liberté de pinceau
par tiouet. Ce Peintre a beaucoup
travaillé , comme on en peut juger
par le nombre de fes ouvrages. li
eft mort depuis environ quarante
ans^
pa tn^EINTRÉ
L'Eglise du Seminaire,
On y voit la Vie de Saint Euf^
tache 3 très - bien exprimée par J,
•vm Orley. Les tableaux ont été
donnés à cette Eglife par Monfei-^
gneur TEvcque Striclant.
On voit en outre dans ce Sé-
minaire quelques beaux tableaux,
provenans de la colleélion du feu
Marquis de W^efterloo.
Il y a dans ce Pays-là fî peu de
Curieux en tableaux & en eftam-
pes, qu'on n'y en conte que deux,
qui font M. Raimond, Maître de
Forges en cuivre , qui poflTéde plu-
fîeurs beaux & rares tableaux î
M. E. Hiernault notre Confrerej
puifqu'il profefle notre art.
JMATEUR ET CURIEUX. 93;
Les Carmes De'chausse's^
Jrîermitage a un quart de lieue
de î^amffr,
Ôn voit fur TAutel tiné «ês-bel-
le pièce, repréfentant Saint Jofèph
ayant TEnfant Jefîzs ftir fes mains,
qu'il préfente à Dieu le Pere î deux
Séraphins qui cueillent & préfen-
tent des fleurs à ce divin Enfant
font à côté de Saint Jofèph. Ce ta-
bleau étoit autrefois le plus beau
qu'on vît dans ces quartiers - là >
mais depuis qu'un Réligieux de cet
Ordre l'a nettoyé, il à pei-du fon
éclat Se û force» Il eft de ^uhens
a été donné par l'Infante Ifabel"
îe, Fondatrice de ce Couvent,
94 ^ E PË I NT R JE
L'Eglise des Annonciades*
On voit fur l'Autel une belle piè-
ce , peinte par Maes, repréfentantî
l'Annonciation,
^ f^"^ rpi^^
y^ f^ii^i
ENTRE
Ê T U N
L'Ec. p N dormant il y a quel-
que tems, un de ces fon-»
ges frapans de qui ne fortent preC-
que jamais de la mémoire, ofïric
à mon imagination la vue d'une
perfonne tellement avantagée de
la nature j que je ne la pris pas
pour une mortelle , mais pour
une Déeffe, Un vifage orné de tous
les charmes â WQ port majeltueux^
Dialogue efitre la Peinlare
un air gracieux & une taille accom-
plie, fixoient mes regards, & mé
tenoient en admiration. J'étois épris
de tant de beautés , & plus je con-
fidérois cette inconnue, plus elle
mé fembloit adorable. Sa phifiono-
mie annonçoit une perfonne déjà
fur le retour î elle avoit pour ha-
billement une longue robe , par-
defTus une écharpe , lune & Fai^
tré àtiffi remarquables par leur ri-
chefTe , que curieufes par la beauté
du deflein & le choix des couleurs^
Le bas de fa robe étoit orné de
traits ou figures de Géométrie 6c
de principes de defîèin : une ban-
de fupérieure étoit parfemée de
mains & de têtes î & fur une troi*
iicme on voyôit des figures d'hom-
mes & d'animaux dans différentes
attitudes. Le refte ofïroit aux yeux
les trois principales couleurs , le
jaune , le bleu & le rouge. Cette
robe très-longue , mais ouverte par
ie devant, me laifla voir une jupe
tepréfentantj . comme par une bro-
derie
é' un écolier,
tâerîc des plus fines & des plus fu-
perbes , divers traits d'hïftoire
crée & profane , de fable & dé
mithologie. Son écharpe étoit de
pîufîeurs couleurs confondues 6c
mêlées, te à-peu-près lèmblable à
TArc-en-Ciel.
Je la regardoîs avec autant de
filence que d'admiration , fans avoir
jufques-îà fait attention à fes mains,
defquelles elle tenoit, de l'une une
galette j & de l'autre un appuî-mam^
Je m'en apperçus & je commençois
a la debrouiller, Iprfqu elle me par^
îa en ces termes :
ha P. A votre air furprîs 8c in-
terdit il eft aifé de juger que vous
ne me connoî{ïez pas, ou du moins
bien - foiblement ; mais peut - être
que votre vue fe raffermira. Je
me nomme la Vemtnre ; ïJrchî-
tediure, la Grmjure & la Sculfturt
font mes foeurs : & nous avons
pour mere la JSfature. Dites moi
maintenant fi vous trouvez quel-
ques charmes dans ma figure j ôc
G
-ocr page 99-Dîdôgus enfrehVetnUirs
il vous vous fentez ds la difpoil-»
tien à me chérir.
Lui ayant témoigné le defir que
j'avois de m'acquérir fes faveurs ,
elle ajouta : ce n eft pas le tout de
m'aimer , il faut m'aimer avec ar-
deur , avec conftance ; fans quoi
11 ne faut pas efpérer d être mis au
nombre de mes favoris*
Je lui témoignai la plus vive ar-^
deur de m'attacher inviolablement
à Elle 5 Se alors elle me dit : Vo^
tre phifionomie m'annonce de l'ef^
prit & du goût î tenez moi paro-
le, & je vous affiire que vous fe-
rez un jour aù rang de mes plus
célébrés partifans. Faites attentiori
à ma robe ; ^oyez comme elle eft
rangée par dégrés ; & foûvenez
vous que pour arriver au plus haut
degré de ma faveur, il faut com-
mencer par le plus bas, &c les mon-
ter l'un après l'autre. Remarquez
comment le bas de ma robe eft
parfemé de points , de lignes droi-
tes, courbes , obliques, paralelles |
é' un 'Ecolier, 99
liorîzontales & perpendiculaires %
de triangles équilatéraux, ifofceles ,
fcalenes, de quadrilatères, de pen-
tagones , de fexagones, Que
tout ceci ne vous paroiflè pas inuti-
le & indigne de toute votre atten-
tion î car fans en avoir une parfai-
te connoilïànce, il vous fera diffi-
cile de comprendre les principes
que je veux vous enfeigner.
Faites moi donc un fomt,
L'Ec. Le voila • i*
La P. Bon. Tirez deux lignes
horizontales & paralelles.
. VEc, -
2,.
La P. Tirez deux lignes perpen*
diculaires & paralelles 5 ôc deux
lignes obliques de paralelles»
La P, Faites deux lignes cour-
bes.
La P. Fort bien. Je vois que vous
comprenez ce commencement, &C
que vous êtes en état de faire les au-
tres figures qu'on remarque dans
ïoo DîAÎogue entre h Veînture
ma bordure j je vais vous montre^
ie fruit qu'on peut tirer des lignes
que vous venez de tracer. Imagi-
nez vous que tout ce que vous au-
rez envie de copier ou de delTiner,
confifte en lignes , droites, cour-
bes 3 circulaires , en demis-cercles,
tiers ou quarts de cercle , ou au*
très parties. Il faut que vous ayez
toujours dans l'idée des lignes droi-
tes , hprizGntales & perpendiculai-
resî que vous remarquiez fur votre
deflein principal quelles parties font
de niveau d'un bout à l'autre, afin
d'ajufter votre Copie ou deffein de
la même façon.
Commençons nos Leçons par tra-
cer la figure d'un œuf pour avoir ie
defîèin d'une Tcte j partageons cet
ceuf en quatre parties égdes dans
fa hauteur ; la ligne fupérieure fait
la féparation des cheveux du
front î la feçonde marque le com-
mencement du nez & des oreilles ;
Ja troifiême montre le bas du nez
^ des oreilles, qui par coufequent
un 'Ecolier, tôt
font de niveau par le haut & par
le bas ; les yeux font auffi de ni-
veau avec les oreilles tant aux ex^
trémités vers le nez , qu'aux extré-
mités vers les oreilles, leur dlftan-
ce l'un de l'autre doit être de la
grandeur d'un œil, ce qui marqiie
en même tems la largeur ou épati^
feur que le nez doit avoir ', en def^
cendant deux lignes perpendicu-
lairement des pointes des yeux fiir
la troifiême ligne. On prend la
bouche plus large que le nez d'au-
tant qu'on le juge à propos. Si
vous ne concevez pas afïèz ce que
je viens de dire, vous pouvez con-
fulter les bons livres qui traitent
de cette matiere. A demain.
UEc. Madame , j'ai repalTe la
leçon que vous eûtes la bonté de
me donner hier. Je commence à
entendre ce que c'eft que le ni-
veau des lignes, ôc comment on
peut avec facilité trouver les pro-
portions & les hauteurs des extré-
Biitcs par des lignes horizontales
toi Dialogue entre la VemUire
& perpendiculaires correipondanteâ
avec les autres parties du même
objet. Mais il me paroît que la mé-
thode de faire des eroifés ( ou quar-
rés ) fur l'original qu'on veut co-
pier , donne une grande facilité
pour connoître les proportions , les
hauteurs & les largeurs.
'La P. J'avoue que cette métho-
de eft courte & facile j mais je vous
défens de vous en fervir pour les
îàifons que je vais vous alleguer :
La premiere eft qu'ayant par-là
trop d'aifance, on ne fe donne pas
îa peine de faire des obfervations
curieufes & néceffaires. La fécon-
dé eft que ces quarrés fervant com-
me de compas, Foeil qui dans la
fîiite doit être le véritable compas ,
ne fè perfe6lîonne pas fi bien que
quand on fe met ces quarrés dans
l'imagination. La troifiême raifon ,
qui n'efl pas moins folide , c'efl
que quand on vous demandera,
ou que vous aurez envie de co-
pier quelque tableau , ftatue ou.
& m Ecolier, s 03
autre chofe, placé dans un endroit
où il vous fera difficile, ou même
impoffible d'employer Tufage des
quartes, vous n'en viendrez jamais
bien à votre honneur : ainfî je vous
répété qu'il ne faut jamais vous fer-
vir des quarrés , mais feulement les
avoir gravés dans votre efprit.
L'Ec. Lequel des deux me con-
feillez vous, Madame, ou dç def-
fmer d'après les Eftampes , ou
d'après les deflèinsf
La P. Si vous m'aimez aflèz pour
fuivre mes confèils, vous deffine-
rez d'après les deffeins faits au
crayon en noir & blanc, ou bien
en rouge blanc, jufqu'à ce que
vous foyez parvenu à certain dé-
gré de perfèdion ? mais dans les
commencemens tâchez d'avoir des
deffeins bien correéls Se peu char-
gés de traits ; & néanmoins que
chaque trait foit parlant.
L'Ec. Peut-on aifement avoir des
defîèins de ce goût?
L^ P, Non s mais il fant vous
104 ^^ Teinture
adreflTer à un bon maître, & le prier
de vous en procurer.
VEc, Eft - il indifférent de queî
goût foient ces defîèîns ?
ha. P, Oui, pourvu qu'ils aient
les qualités prefcrites. Je vous aver-
tis aufTi de ne pas étudier le ma-
nînient du crayon ; il faut feule-
ment imiter les contours le mieux
que vous pourez , ainfî que les
ombres , par des traits de votre
crayon, tels qu'ilsvous tomberont
de la main. Je vous confeille auffi
de vous éloigner toujours de votre
objet tellement qu'il vous foit diffici-
le de diftinguer les traits du crayon,
à moins que vous n'ayez def-
fein de vous appliquer dans la iùi-
te à la gravûre,
JJEc. Mais il me paroît difficile
de copier un objet quand on eft fi
éloigné.
L^ P. Que cela ne vous inquiè-
te pas, tâchez feulement de le fai-
re, & fongez qu'il n'eft befoin ni
de traits ni de hachure pour imi-
é" fifi Hcôlier. Ï05
ter le naturel. En pratiquant mes
préceptes , vous parviendrez à la
perfection, & vous acquerrez un
goût qui vous fera propre, plutôt
qu'en voulant imiter celui d'un au-
tre qui ne vous ell pas naturel ni
néceffaire pour imiter la vraie na-
ture,
VEc. Quand je faurai bien imi-
ter des yeux, des oreilles, des tê-
tes , des mains & des figures en-
tières , que trouvez-vous à propos
que je copie.
L^ P. Je vous confeille après ce-
la de defTiner en bofïè ; mais foyez
attentif à faire tous les jours de
mieux en mieux, c'eft là le m.oyen
de vous avancer.
VEc. Je tâcherai d obferver tout
ce que vous me prefcrivez ; mais
dites moi auffi fi après avoir deA
ïiné d'après la bofle, ou d'après les
figures de plâtre , ne faut il pas
que je deffine d'après les tableaux?
La P. Sans doute, cela ell: ab-
folument nécefîaireî mais fur-tout
î 06 Dialogue entre U Peinture
choififïez les meilleurs modèles &
les mieux finis. Par l'attention que
vous aurez à avoir toujours dç
bons ouvrages devant les yeux,
vous vous ferez une habitude de
deiïiner proprement. ïl faudra aufll
que vous frcquentiez les Acadé-
mies , lorfque vous faurez bien def-
fmer d'après la bofTe j je dis, bien
deffiner, c'efl-à-dire quand vous
ferez parvenu à un certain dégré
de perfe6lion , que vous ferez les
contours bien coulans & de bon
goût, &C que vous aurez une par-
faite connoifîance de l'Oftéologie,
de l'Anatomie , des Mufcles , de
leur forme, de leurs liaifons, ainfl
que des tendons &:c. Carûns cet-
te connoillançe il eft: prefque im-
poffible de faire des progrès pour
deffiner au naturel.
L'Ec, Pourois-je vous demander
pourquoi il y a une H grande dif-
férence entre les deiîèins de plu-
fieurs Ecoliers , quoique faits d'après
îe même modèle.^
& un Ecolier, loj'
I^a P. Cela peut venir de plii-
fieurs caufes : parce que le voi-
le qui couvre les yeux de lun, eft
quelquefois moins tranfparent que
celui de l'autre a®, parce que quel-
ques-uns ne connoiflànt pas affez:
les préceptes que je viens de prefcri-
re, imitent également le bon & le
mauvais qu'ils trouvent dans la na-
ture î car il efi; certain que toutes
les parties ne font pas également
belles dans un même modèle. C'eft
pourquoi ceux qui ont étudié d'a-
près la boffe, ont un grand avan-
tage î & ils verront toujours la na-
ture plus belle que ceux qui n'ont
pas fait cette étude, & dont les yeux
font par conféquent moins éclair
rés.
L'Ec. Enfeisrnez moi , s'il vous
plaît , ce que je dois obfèrver en
deffinant d'après le modèle ?
La P. Je vous ai prefcrit pîu«
fleurs Régies que vous devez abfo-
lument fuivre , & qui confiftent
dans des lignes qu'il faut toujours
ïoS Dialogue entre la Pe'mturâ
avoir gravées dans votre e/Jnit^
Sans cela vous ne pourez jamais
pofer votre figure dans une attitu-
de jufte , non plus qu'aucun defîêin
que vous feriez d'après le tableau
ou autrement. Tâchez auffi de dref-
fer l'attitude de votre figure par des
traits les plus légers que vous pou-
rez ; car le naturel étant très-mo-
bile , l'attitude varie, & le feu fe
ralentit parce que le modèle fè
JafTe.
UEc, Je commence à concevoir
Vutilité de cette méthode 5 ayez la
bonté <le me dire à quoi je dois
encore, faire attention.
La P. Il faut que vous comioiP
liez à fond les proportions, con~
fiftant dans les longueurs & les
épaiffeurs. Pour cela je vous re-
commande ^ea^ Co'ufin , qui les
a priiès & données fur plufieurs
antiques, un peu trop détaillées à
la vérité pour mes partifaiK , mais
bien entendues pour ceux: de nia
fœur la Sculpture,
CT uyî- Ecdler^ lO^
L'jEr. S'il y a encore quelque
chofe que je doive favoir, je vous
prie de m'en faire participant.
L^ P. Vous devez encore ap-
porter une grande attention aux
jours èc aux ombres, & avoir foiu
que vos contours ne paroiffentplus
quand votre figure fera ombrée &
illuminée j que vos plus grands
jours foient bien obfervés , qu'ils
s'adoucifTent & fe perdent infenû-
blement vers le bas ôc vers les cô-
tés. (En parlant des jours, ou lu-
mières, j'entens la même chofe des
ombres.) Que les lumieres ns
foient jamais les plus fortes vers les
extrémités des contours.
VEc. Je tâcherai de me confor-
mer à ces préceptes. Maintenant
je voudrois favoir fur quel goût il
convient mieux que je me régie.
Ld P, Tout goût peut-être bon,
pourvû qu'on imite correctement
la nature, qu'un ouvrage ne foit
pas maniéré. Lorfque vous ferez
en -état de compofer de de delTiaeç
ï î o Dialogué entre U Velnture
de génie , je vous confeille alors
de laver vos delîèins à l'encre de
la Chine , ou m hifire : faites en
de même quand vous defTinerez
d'après les tableaux.
Je crois que cela peut fuffire pour
ce qui concerne le defïèin. Soyez
ardent bc vigoureux , comme je
vous l'ai recommandé ; &c vous
pouvez efpérer de parvenir à la
perfection.
VEc. Permettez que je vous té-
moigné ma vive rcconnoilîànce des
bonnes inftruélions que vous m'a-
vez données ; & puifque je me fèns
en ctat de les fuivre dc de me ti-
rer de ce qui concerne le deffein,
j'ofe aufTi vous demander de m'ap-
prendre les Régies nécefîàires pour
faire de grands progrès dans l'Eco-
îe de la Peinture.
La P. Votre politefle & votre
docilité m'engagent à vous inftnii-
re des régies qu'ont fuivies autre-
fois Raphaël dlJrbm ^ Correge ^ le
"Xitim^ les Carraches ^ 6c plufîeurs
& un Ecolier, Îlî
autres céiébres Peintres Italiens j
qui par leurs rares talens fe font
immortalifés dans leur Pays & dans
toute l'Europe policée j ainfi que
parmi les Flamands Kubem, vm
Dyck , Crayer , TfP^illebrorts , Tyf~
fens Se autres î 8c parmi les Hol-
landois , Kymhram, Jkfiris , G. Doit,
Dévots, Blommaert, van der W^erf,
W^ouwermms , Terhrugh » & le
Chevalier de jMoor. Ces illuftres
Artiftes ont fuivi tous à peu près
le même goût, prenant pour gui-
de ma mere, li féconde en beaux
objets qu'elle a foin d'ofïrir aux
yeux de mes vrais adorateurs. Mais
avant de chercher à parvenir à ce
point de perfedion auquel on n'ar-
rive que par dégrés , commencez
par examiner ma palette, de quel-
le façon les couleurs y font ran-
gées. Vous y voyez d'abord le
fymbole du jourj le Jaune qui le
fuit & qui en approche le plus»
Ces deux couleurs ont une gran-
de harmonie enfemble, he Kottge ^^
î I z T>lalûgue entre U 'Peintufi
qui fuit, s'accorde auffi beaucoup
avec ces deux couleurs i elles s'unif-
fent très fouvent toutes trois, ^
par différentes gradations. L^ BUt^
qui eft une des trois couleurs ca-
pitales , jfèmble un peu s'écarter
fe diftinguer des autres*
Je crois que je n^aurai pas
beaucoup de peine pour larrange-
ment des couleurs \ mais dites moi,
je vous prie pourquoi le Bleu elt
ainfî écarté des autres couleurs.
luA P. C'cit parce qu'il fe mcle avec
beaucoup plus de couleurs que les
autres i car outre les gradations
qu'on en fait en le mêlant plus oii
moins avec le blanc, ce qui don-
ne toujours une couleur bleue, on
en fait auffi différentes teintes ver-
dâtres , & même le plus beau verd
en le mêlant avec le plus beau jau-
ne : j'entens le ftile de grain-clair
Se le jaune de Naples.
L'JSc. J'entens. Àlais le 'verd-dt"
gris &c le ter-verd ne font-ils pas
bous pour la palette ?
. U P^
-ocr page 114-é" t^n Ecolier, ïïf
Ld P. Je ne vous cpnfeiile de
vous fervir de la ptemiere de ces
couleurs que dans peu d'occafions »
parce qu'elle eft fujette à fe ternir »
& qu'en outre elle gâte les coU-^
leurs voifines Se celles avec leA
quelles on la mêle. Maïs pour le
Terre-verd , il eft dune grandè
utilité pour le Payfage, ainfi que
pour TArchitedure, pour les Pier*^
res, les Ruines &:ci
VEc. Me croyez vous, Màda->
me , affez inllruit pour connoître
les couleurs & les arranger fur la
palette ?
La P. Pas afîez, mon cHer amou«
reux , j'ai encore quelques inftrac'^
tions à vous donner, & je le ferai
le plus fuccinârement qu'il me fera
pofTible, Mais fi je fuis plus lon-
gue que je ne voudrois, il ne faut
pas vous ennuyer, ni que votfe ar-"
deur fe ralentifle*
VEc. Je ne me laiïèrai jamais
de vous entendre î dites moi tout
ce que vous jugerez néceflaire que
H
-ocr page 115-i 14 Vulûgue entre la Pemturâ
je fâche pour approcher de la per-
fe(5Hon & mériter votre bienveil-
lance.
ha P, Voiia une Palette garnie
de toutes les couleurs les plus fo-
iides j je veux dire, de blanc, d écail-
lé de plomb, d'ocre jaune, de jau-
ne de Naples j d'ocre de rue î de
vermillon , de rouge, d'inde, de
laque de Venife, de Terre-verd,
de noir de vigne ou de pêche , de
noir d'ivoire, de terre de Cologne,
Se d'ombre brûlée. Je referve ici
le ftil de grain clair & le brun, par-
ce que ces couleurs ne font pas né-
ceflaires pour ébaucher; vous vous
en fervirez feulement pour finir.
Mais avant tout, il eft bon de vous
faire obferver, qu'ayant fur votre
Palette autant de couleurs claires
que d'obfcures , vous devez les em-
ployer à proportion, quand vous
peindrez de tête î c'eft-à-dire, met-
tre autant de clair ou de lumiere
dans; votre tableau que vous y met-
trez de parties d'ombre ou d'obfcur*.
& un 'Ecolier, tif .
Songez auffi à placer votre plus
grand jour à l'endroit principal ou
au milieu de votre tableau. C eit
ce que votre Palette vous enfeigne,
ainfi qu'à placer le noir & le brun
qui font à la fin fur les côtés.
UEc^ Je conçois a0ez la bonté
6c l'importance de ces maximes >
mais elles me paroifïent bien diffi-
ciles.
L^ P. On vient à bout de tout
avec le tems, quand on l'employé
bien. Je vous ai donné des régies
pour arriver à la perfeélion î tâ-
chez d'y monter par dégrés, com-^^
me je vous l'ai recommandé ,
toutes les difficultés que vous pou^
rez trouver, s'applaniront par l'étu-
de & l'ufage.
L'jBr. Dites moi maintenant par
où je dois commencer pour faire
le plus de progrès ?
L^ P. Je vous confèille de CO'*
pier d'abord des têtes de Kubem ^
ou de quelques Maîtres de fon Eco-
le , ou du moins de quelques Pein-
H ij
-ocr page 117-/t ï 6 Dialogue entre la Pemture
très qui en approchent j parce qu'eta
imitant les teintes aufli belbs que
fraîches de leurs ouvrages, & qui
font d'autant plus faciles quelles
ne font ni forcées, ni trop mê-
lées &C fondues enfemble, il eftbieii
plus aifé de les imiter S>c de profi-
ter. C'eft par cette facilité que les
Elèves de Kubens ont fait tant de
progrès en peu de tems , quoi-
qu'ils n'aient pas tous attrapé fon
goût 5 ce qui n'eft pas étonnant,
chacun ayant un goût particulier qui
dépend de ù. complexion, delà qua-
lité de fon génie, 6c du rayon vifueL
L'Ec. Je fuis ravi que mon in-
clination s'accorde avec vos pré-
ceptes î i'ai quelquefois pris plaifir
à examiner ces fortes d'ouvrages ^
Se ils m'ont efFeélivement femblé
plus faciles que bien d'autres. Mais
elt-il néceflàire que je continue
long-tems à copier de ces têtes ?
La P, Je vous confeille de le fai-
re jufqu'à ce que vous foyez capa-
ble de les copier parfaitement »
é" un 'Ecolier, 117
c'eft-à-dire , jufqu'à ce que vos cc-.
pies reflèmblent aux originaux en
deiïcin, eo caraftere & en tons de
couleurs j & enfin que vous ayez
une idée claire & ferme de tous
les tons de teintes qui entrent dans
ces têtes , lefquelles il faut avoir
grand foin de chercher chez les par-
ticuliers de votre connoiflànce ; car
j'avoue qu'elles font rares, mais en
vous donnant de la peine vouspou-
rez les découvrir. Qiiand vous lè-
çez au fait de bien copier les tê-
tes , vous pourez entreprendre de
copier des fiijets hiftoriés, jufqu'à
ce que vous foyez en état de le fai'»
re avec honneur.
L'jBf. Je m'imagine que je re-
tiendrai les inftrudions que vous
m'avez données au fujet du deA .
fein, de l'emploi de couleurs, &
de la route que je dois tenir pouff
copier les bons ouvrages ; mais
comme mon ambition me porte à
compofer, je vous prie encore, m^
ckere paere, (car je vous regarde^
11B Dialogue entre U Pemture
rai toujours pour telle) de m'inf-
truire à cet égard.
La P. J'ai bien compris au com-
mencement de notre entretien que
vous aviez deffein de parvenir un
jour à ce haut dégré de perfec-
tion. Mais pour cela il vous man-
que encore la connoifTance des Ré-
gies de FArchitec5lure & de la Per-
fpediive , pour iefquelles je vous
recommande Pofo, qui vous inftrui-
ra parfaitement fur ces articles.
Sans cette connoifTance il eft im-
pofTible de produire un ouvrage
dans les formes, je veux dire de
faire les figures juftes propor-
tionnées à la proximité ou à 1 eloi-
gnement de la premiere ligne du
fond qu'elles doivent indiquer. Il
faut auffi, quand vous aurez en-
vie de compofer quelque fujct
d'hiftoire ûcrée ou prophane, en
lire & relire le pafîàge avec atten-
tion , vous rimprimer dans la
mémoire, pour ne pas vous écar-
mr du vm d^s toutes les parties
é' un Ecolier^ 119
de votre tableau. Un bon Peintre
doit égaler en exa6litude un bon
Prédicateur : ce que celui - ci an-
nonce par fes difcours , celui-là le
doit annoncer par fès ouvrages.
VEc. Souffrez, Madame , que
je vous demande encore une heure
de votre tems, & en quel endroit
je pourai demander vos avis fiir
les produirions que j'aurai pu fai-
re..........J'attendois fas
reponfe, lorsqu'un grand bruit in-
terrompit cet agréable fonge , &
je m'éveillai l'eCprit rempli des bel-
les chofes que j'avois apprifes.
■i'tr ■-* ■
■
;■ ' .î.A. iïiT:.". ■ ZLr: ... r
Il ■ ^ ' ■■ . . , . . . .
' . . I
1 ■ ■•
-ocr page 122-DISCOURS
a u
PUBLIC
et aux jeunes
J'Ai déjà eu l'honneur de vous pré-
venir que vous ne trouveriez
dans cet ouvrage ni pureté ni
élégance de ftile. La Langue Fran-
çoifê n'étant pas ma langue mater-
nelle , on ne devroit pas être éron-
jié fi j'ai employé quelquefois des
jxz Difcours au Public
termes qui n'étoient pas propres,
juftes ou naturels ; mais j'ai fait mes
efforts pour me faire entendre , &
pour expofer clairement à vos yeux
les ouvrages des plus habiles Pein-
tres qui fè voient dans les Pays-bas.
Il me refte à vous montrer en quoi
■ confifte leur beauté, comment
' on en juge ordinairement.
Le Public a coutume de juger
plus par l'extérieur que par l'inté-
rieur. Par l'extérieur j'entens la for-
me de tout corps j & par l'inté-
rieur j'entens ce qui anime pour
ainfi dire un ouvrage. Ainû le fen-
timent du Public eft plus confor-
me à la nature , & d'autant plus
refpeétable qu'il' eft fans préjugé.
IfC Peintre au contraire voyant dans
un tableau non-feulement ce qu'il
y apperçoit, mais ce qu'il doit y
, âppercevoir, eft plus fujet à juger
par opinion. Propoibns pour exem-
ple une chenille ou uo papillon bien
peint & d'un ouvrage fini : met-
tons à côté 4e ce t^iblçau une Efquif-
& aux je mes V cintres, îij
fe faite par quelque habile artifte,
d'une bonne & fage compofîtion ,
où le clair - obfcur foît bien enten-
du , & où les attitudes foient. li-
bres & naturelles. Ecoutons le fen-
timent du Public & celui du Pein-
tre fur ces deux morceaux diflfë-
rens. Je fliis certain que tout hom-
me qui a du bon fens, préférera à
l'Efquiffe la Chenille ou le Papillon
peint au naturel & fini. Pourquoi ?
Par ce qu'il voit le Papillon ou la
Chenille conformes à la vraie na-
ture; au lieu que l'Efquifïè ne lui
préfente qu'un objet imparfait &:
qui n'imite pas le naturel ; puif-
qu'ordinairement ces fortes d'ouvra-
ges font négligés & non finis, prin-
cipalement les têtes & les mains.
Mais il eft apparent que le Pein-
tre décidera en faveur de l'EfquiiTe,
par ce qu'il découvre dans cet ou-
vrage l'efprit de l'Auteur, qui con-
fifte dans la bonne compofîtion,
dans la jufteiïe des attitudes, dans
i'entendenient du cuir-obfcucj Scc®
î z4 Difcûurs âu Public
Cependant ïl peut avoir tort, Se il
juge par préjuge, puifque cette Ef^
quifle n'a pas réellement le vrai dc
le naturel, & qu'au contraire la
Chenille ou le Papillon reflèmblent
parfaitement à la nature.
Appliquons encore un cas en
'feveur du Public. Un Peintre
ayant fait un Portrait le montre à
des particuliers & demande leuf
(èntiment. S'ils difent que fon por-
trait eil: bien refifemblant, il en elt
charmé, &c il le croitj Se vérita-
blement c'efi: figne qu'il a bien imi-
té la nature. Cela étant ainfi, nous
devons avouer que le Public a des
çonnoiffances naturelles de notre
art. Néanmoins il arrive fouvent
qu'en montrant quelque ouvrage
de Peinture à un homme d'efprit
pour apprendre fon fèntiment, il
repond d'un ton de modeftie:
ne me connoïs fas en peinture. Et ce
refus de dire fon avis peut prove-
nir de la trop grande prévention
de quelques Pe'intres en leur fît*
& AUX jeunes Peintres, %%%
veur, qui lorlqu on leur fait remar-
quer quelque défaut s au lieu d'a-
vouer franchement leur faute , re-
pondent toujours d'un ton d'aiïii-*
rance : cela ejî dans les règles, mais
•vous ne 'vous y conmijjez. -pas.
Il arrive quelquefois qu'un Peîn-*
tre ayant fait le portrait d'une Da-
me , applique une demie teinte trop
bleuâtre vers le menton , ce qui
fera dire à cette Dame avec rai-
Ibn : il me faroît que 'vous me don-^
nez, de la barbe , ^ cependant je nen
ni point. Quand cela arrive > mes
chers ConfrereSj c'eft que le mé-
lange des couleurs n'eft pas exaél
bc n'imite pas le naturel j l'expé-
rience nous a fait connoître qu'il
eft aifé de faire ces demies teintes
de façon qu elles ne choquent pas
la vue î il n'y a qu a mêler un peu
de cendre d^outre-mer dans la fécon-
dé teinte de chair.
Il arrive aulTi qu'un Peintre en
faifant le portrait de quelques Da-
mes, met m ombre trop marquée
îz^ iDtfcouri au Puhlk
ou trop diflinguce fur le front, fut
la joue, ou fous le nez 5 ce qui fait
dire à ces Dames, mais jMonfieur j
je ne fuis pas fi noire dans ces en-
droits-là que vous le marquez. Il
me paroît que fouvent elles ont
raifon, parce que ces ombres étant
trop fortes , paroifîènt comme des
tâches ; c'eft à quoi le Peintre doit
bien prendre garde, & ce qu'il lui
eft cependant très-difficile d'éviter.
Ce que je dis ici des ombres, doit
auffi s'entendre des lumières, lorP
qu'elles font trop diftindes , S>C
qu'elles ne font pas afTez fondues
avec les teintes voiflnes.
J'ai vu des Portraits de Molhe'm,
de Kuhens , de van Dyck, de X de
Vos , de Crayer ôc autres habiles
Maîtres , qui imitent la nature dans
îa derniere perfeélion? ôc je puis
afTurer que ni moi, ni aucun par-
ticulier n'avons eu occafîon de di-
re que les ombres étoient trop mar-
quées Se choquoient la vue. Ils ont
fu éviter habilement ce qui peut bief-
& aux jeunes Peintres, tif
fer les yeux, furtout dans les Por-
traits des Dames , qui dans leur
rems portoient ordinairement au
col des efpcces de rabats, ou mou-
choirs , qui par leur réverbération
adouciflbient les ombres du vifa-
geî & ces habiles Peintres ont fu
mettre fî bien à profit ces inci-
dens , qu'ils ne frappent point. Auffi
ont-ils eu foin de placer les modé^
les, fur lefquels ils travailloient, en
plein jour , c'eft - à - dire , direcSle-
ment oppofés aux rayons de la lu^
miere.
Je me fbuviendrai toujoure d uii
Tableau de Famille qui fut vendu
à Bruxelles en 1738, à la vente de
Mademoifelle Lemmens ^ & que le
Baron de Willebroeck acheta. Il
étoit de X de l^os , & ne conte-
noit que quatre figures humaines >
un pere , un mere &: deux enfans ;
d'un beau fini > dans un goût vrai
naturel, les vifàges prefque iàns
aucune ombre , les teintes telle-^
ment d'accord & fi bien fondues
1x8 Dîfiùurs au Public
enfemble qu'on avoit fujet d'en êtrô
(urpris : les couleurs de chair étoienE
cependant compofées & mélangées
avec plufîeurs autres couleurs. Auffi
eft-il arrivé quelquefois que des
perfonnes de qualité ôc autres ayant
envoyé demander à ^ubens de fai-
re leur portrait, il les a renvoyées
à de Vos y difant que ce Peintre s'en
acquitteroit tout au moins auffi bien
que lui.
Je viens de prendre le parti du
Public touchant fon fèntiment fur
la Peinture, & j'ai tâché de faire
voir qu'on ne doit pas le méprifer,
principalement pour les Portraits;
on doit lui laifTer du moins le droit
de juger de la refTemblance. Je vais à
préfent juftifîer le jugement de mes
Confreres.
Je propofe pour exemple deux
pièces ; la premiere fera un Silene
peint par van JDyck , mais aiïèz iâ-
ie èc gâté par la fumée. L'autre fe-
ra une copie de la même pièce ti-
rée par un Peintre médiocre ,
aiTe^
-ocr page 130-& aux jeu fies Pemtm,
afTez au fait de copier. Ce dernier
montre les deux tableaux à des
particuliers accompagnés d'un autre
bon Peintre. Il eft prefque affiiré
que ces particuliers, s'ils ne con-
noiiïènt pas les Auteurs de ces
deux pièces, préféreront la copie
à l'original, & jugeront que le co-
loris de la copie eft bien plus frais,
plus clair, plus naturel j que l'ori-
ginal n'eft qu'un barbouillage, qu'il
îemble que l'Auteur mêloit de la
fuie avec fes couleurs, ôc qu'enfin
il n'eft pas comparable à la copie.
Le Peintre en jugera tout autre-
ment : il leur repréfentera que ce
tableau qu'ils méprifcnt, ne leur pa-»
roît mauvais qu'à caufe de la fale-
té qui le couvre, & de la fumée
qui a terni fon éclat. Vous en par^
leriez, dira-t-il, autrement Se même
avec vénération , fi vous apperce-
viez comme moi la hardieflè du
pinceau, la compofition , la force
de rexpreflion, les teintes brillan-
tes 3 ÔC leur fonte parfaite. Enfin fi
I
-ocr page 131-'ijo 'Dîfcours âît ViMk
vous le voyez bien nettoyé , & û
je vous affiirois , comme ii eft vrai 3
que c'eft un original de va/z Dyck ^
vous fbrtiriez bientôt d'erreur.
On ne doit pas s'étonner que
dans des cas pareils le jugement
du Peintre foit .bien fupcrieur à ce-
lui du particulier, qui ne juge qUe
par les apparences , fans connoître
bien fouvent ce que c'eft que def-
fein, que contours, enfin que
î'art. Envain dira-t-on en faveur du
particulier, qu'il juge dans le vrai,
puifque cette copie montre beau-
coup plus le clair de la nature j il
ne fera pas moins certain qu'il ne
connoît pas les véritables beautés
de l'originaL
Oui, mes chers Confrères, ils
n'appartient qu'à nous de décider
de certaines beautés, de connoître
îa juftefTe des contours, l'emplace-
ment du clair-obfcur, la perfpec-
tive, les éloignemens , les attitu-
des, la diftribution des ombres Sï
des lumieres î de favoir fi les inuf-
é" àttx jêunes Peintres, fjtj
cîes font bien placés, s'ils font en«
fiés ou retirés à proportion de Fat-
ticude du corps î ïi les figures font
bien groupées & de grandeur con^
venable au fond où elles fe trou«
vent.
Je crois avoir alïèz marqué ce
qu'il y a de vrai ou de naturel dans
la peinture. Jeunes Maîtres ches
qui les préjugés n'ont pas encore
pris racine , tâchez d'en tirer le pro-
fit qui vous conviendra. Confiiltez:
principalement la nature, & ne vous
laiffez pas emporter par de mau-
vais principes d'un art mal en-
tendu.
On fc fert en ce tems-ci de plu-,
fleurs termes que les plus habiles
Peintres du tems paffé n'ont ni en-
tendus ni connus , par exemple»
que veut-on fignifier parles touches ?
On dit ordinairement : celui-ci a U
touche large j celm-tk a. la touche fine s
un autre a U touche délicate &
gènieufe. Et quaiid on examine de
près les plus beaux ouvrages d®
I ii
-ocr page 133-Tji Dlfcùurs à^ Puhlk
Kaphael, de Correge , de Guide j
de Kuhms, de van Dyck, de Crayer j
on n'y trouve pas ces touches
dont on parle ; on n'y trouve au
contraire qu'une belle harmonie de
teintes très-bien fondues, un beau
fini, une couleur vraie & naturel-
le, qui font cftimer les ouvrages
& les Auteurs qui les ont pro-
duits.
J'avoue néanmoins qu'il y a de
bons Peintres , qui à l'imitation de
quelques ouvrages de Kubem & de
'van Dyck ont voulu donner des
coups de touches, c'eft-à-dire , pein-
dre à grands coups hardis. Je défa-
prouYe abfolument cette métho-
de , qui fait tomber dans une ru-
defîè contraire à la belle natures
laquelle étant unie 6e délicate, ne
veut pas qu'on l'imite par des traits
ïudes & groffiers*
Quand ces illuftres Maîtres ont
mis en ufage de tels coups de pin-
ceau , ç'a été dans des Êfquifïes ?
ou daas leurs pièces d'étude, qu'ils
& aux jeums Veîntres, 133"
ont quelquefois négligées , îeuf deA
fein n'étant que de faire fèrvir ces
produ6lions pour des modèles, &
non pas pour des morceaux finis,
bons à montrer au public. Ainlî
je ne vois pas qu'on doive mettre
en ufage les touches ^ fmon dans le
feuillage des arbres, ce qui regar-
de le payfàge.
J'ai obfervé que bien des Pein-
tres qui avoient déjà acquis quel-
que réputation, font tombés de leur
ton de couleur vrai dans un faux ,
en voulant donner de la force
à leurs ouvrages par le brillanc
des ombres fortes & rouHatres,
qui n'ont fouvent aucune connexi-
té avec les clairs, ou joursj d(?ccs
mcmes corps ombrés.
Songez toujours que tout corps
en fon particulier eft, pour ainfî
dire, de la même couleur, comme
un vifage, une main, une poîtri«
ne , une cuifïe, une jambe. Mais
il eft certain que ces membres
kur particulier ont différentes tQm%
f 34 T^ifcours m 'PuUtc
tes 7 chacun fait que les temples
ibnt plus pâles que le front j que
les joues font plus rouges que leurs
extrémités ; ù. que la pointe du
îiez &: du menton font plus colo-
rés que leurs environs ; ce qui for-
me une variété & un mélange agréa-
ble & prefque imperceptible. Les
ombres qui produifent ces corps,
ne font autre chofe qu'une priva-
tion de la lumière , ne peuvent
jamris diffêrer, en leur efpéce en-
tière 5 des jours des mêmes corps.
Pour faire comprendre ceci plus
clairement, je fiippofè une drape^
rie gri0tre, il n'eft point du tout
namrel que l'ombre de cette dra-
perie foit rougeâtre, cela feroit des
tâches , l'ombre fe déracheroit.
Si la draperie eft bleue , il n'efl pas
naturel non plus , qu'on fafle les
ombres jaunâtres, ainfl du refte.
Cependant il ell: néceffaire que la
réverbération des couleurs voifines
foit exprimée & bien . obfe.rvée.
Vous pouvez en cela prendre iU-
& aux jeunes Peintres, 13^
hem & autres grands Maîtres pour
modèles furs & guides fidèles.
J'ai tâché d'expliquer le vi^ai de
la nature llir lequel notre art efl
fondé, tâchons de profiter de ce
même vrai en examinant les ouvra-
ges de nos plus habiles Peintres.
Je propofe d'abord la pièce à^Jern
njm Eyck, qu'on voit dans la Ca-
thédrale de Gand. J'ai fait remar-
quer que dans ce tableau toutes les
ombres font pointillèes, ce qui fait
un ouvrage peiné & long. J'ai
ajouté que dans cette pièce je crois
voir la Peinture en fon enfance:
Se je le foutiens. Pourquoi ? Par-
ce qu'on ne découvre dans cet ou-
vrage ni la bonne comporition »
ni l'entendement du clair - obfcur,
ni la perfpedive Âërienne , ni le
choix des draperies. Je crois en^
tendre dire : mais fi ces qualités
manquoient, Philippe le Bon Roi
d'Efpagne avoit grand tort de don-
ner deux mille ducats pour une
copie qu'en tira Ai, Qxie* Je re-
"îj^ Difcours au Publie
pondrai à cela que ce n etoic pas
une folie î en premier lieu parce
que la peinture à l'huile en ce tems-
Jà étoit très-rare j fecondement par-
ce qu'on dccouvre dans cette piè-
ce beaucoup de vrai , principale-
ment dans les têtes & les phifiono-
mies qui font très variées Sc expri-
mées avec une grande délicatefTe,
mais trop pincées , comme je l'ai
dit. Si on trouvoit dans cette piè-
ce les qualités que j'ai nommées,
je veux dire , le clair - obfcur, la
bonne compofition, & la perlpec-
tive aërienne, il eft certain que ce
feroit un ouvrage achevé & im-
payable. D'ailleurs fi on confidere
qu'il y a dans ce tableau plus de
trois cens têtes , on ne doit pas
en trouver le prix exceffif, puif-
q^ en comptant par tête, chacune
ne revicadiroit qu'à fix- dpcats &
|3eux tiers.
Me trouvant un jour en compa-
gnie à Anvers , nous allâmes voir
Eglifes les tableaux dgat Qh
é* aux jeunes Feintres, Î37
les font décorées. Etant entrés dans
celle de Saint Walburge , nous y
vimes l'Elévation de la Croix pein-
te par Knbens , pièce d'une corn-
pofitîon ingénieufe, d'un coloris
brillant , & d'un parfait entende-
ment de clair-obfcur. En faiûnt re-
marquer cet ouvrage à ma com-
pagnie j une Dame me dit : Je ne
trouve fas ce tcihlem fi merveilleux
que vous le dites , les couleurs me
■paroijfent rudes greffier es ^ & je re^
marque des bras é" des jambes feu
naturels & comme ejlropés vous
voulez, -peut - hre vous- moquer de
nous. . . Non, repondis-je, Mada-
me , réellement je le regarde com-
me un des bons tableaux de Ku-^
hens. Nous allâmes enfliite à la Ca-
thédrale , où nous examinâmes la
Defcente de Croix du même Au-
teur î m'adreffant à cette Da-
me, je lui demandai ce quelle en
penfoit. Cet ouvrage, repondit-
elle , rM faroh bie^ plus fin & mieux
rersdu que tautrç. Vous avez Uh
îjS JDifcours m Public
fon, lui dis-je, vous jugez félon
le vrai & la nature, & le beau fini
que vous découvrez dans ce ta-
bleau fait qu'il vous plaît beaucoup
d avantage que l'autre j auffi l'Au-
teur a - t - il employé bien plus de
tems à le parfaire.. . Il eft certain
que tout Artifte qui ne fera pas af-
feélé de préjugé , avouera que la
Defcente de Croix eft plus belle,
plus correcte plus finie que l'Elé-
vation.
Nous defcendimes enfuite dans
ia nef à gauche, où je fis remar-
quer à ma compagnie la pièce de
214, Coxle, repréfentant une Sain-
te Famille, devant laquelle on dit
que Kuhepîs a été fouvent en admi-
ration î Ôz quand on lui difoit què
ce Peintre avoit pillé Raphdé'l, il
repondoit : FUmends rafen fyn goet
dis die ivel gekoockt fyn , c'eft-à-dire ,
il eft fcrmîs de plier quand on le fait
dvec difcernement. Je demandai à
mes compagnons leur fèntiment fur
cette pièce, 6«: iis me répondirent
& mx jeunes Vcintres, 139
tous quelle ctoit de leur goût,
que les couleurs leur paroiffoient
très-fines , & les phifionomies bien
naturelles : termes ^ufités par le Pu-
blic en ces occafions, & auxquels
les Peintres doivent faire quelque
attention, parce qu'ils viennent d'une
opinion dégagée de, tout préjugé.
Cette pièce , qui eft d'un beau fini ^
plaît à tout le monde par fa pro-
preté , fa corredion & la juftefTe
du deffein: qualités recommandables
& requifes dans la Peinture, la
Sculpture & la Gravure. J'ofe avan-
cer que il Bittbem eût confultc da-
vantage les ouvrages de Raphaël^
8c qu'il eut fait une plus mûre at-
tention aux beautés qui s'y rencon-
trent , il auroit été encore plus
grand, & auroit furpaiïë tous les
autres Peintres. Qiiand on exami-
ne avec attention les ouvrages de
Kaphaé'l, on remarque que ce grand
Peintre ne cherchoit qu'à imiter la,
nature dans û. belle perfeélion ; 6c
s'il avQÏt eu parfaite conaoif-
Ï^O Dîfcours au Puhlk
fance du clair-obfcur de l'oppo-
fition des couleurs , fes tableaux
paroîtroient fiirpafîèr la fcience hu-
maine. Ce ne font pas des coups
de brofTe ou de pinceau qui plai-
fent dans fes ouvrages , non plus
que les touches dont plufieurs Au-
teurs nous vantent Futilité j on n'y
voit rien de cela , mais un beau
fini, animé aife, ainfi que dans
les beaux morceaux de Correge ^àc
Guido - Khem , des Carraches , de
Carlo-JPfaram, de Carlo-Dolce S>C
autres. Les tableaux de ces grands
Maîtres plaifent au Public , aux
Amateurs & aux Peintres autant
de loin que de près.
On m'objectera peut-être que j'ai
du goût pour les ouvrages fades &C
languijians. Point du tout , non
plus que pour ceux qui font rudes ,
maffifs, ou trop légers. Je remar-
que que J,Jordnens en voulant imi-
ter le goût de Ktthens, fon Maître,
eft tombé dans un ton de couleuc
de carnation qui feat trop le cuir i
é" AUX jeunes Peintres, 141
qu'à force de charger les lumiè-
res qui doivent être diftinguées, il
les a rendu trop maffives. Cepen-
dant je le regarde pour un habile ar-
tifte. J'ai auffi préféré dans made-
fcription des tableaux d'Anvers, les
ouvrages que G. Zegers a faits dans
le goût de jManfredo, à ceux qu'il
a faits dans le goût de K.uhem 5 bc
je foutiens qu'il eft fort difficile d'at-
traper le goût d'un habile Peintre
fans avoir le même génie qui a di-
rigé cet artifte dans fes ouvrages.
On ne remarque dans les tableaux
des Peintres Hollandois aucune ma^
niere ou goût tiré de tel ou de tel»
principalement dans ceux qui ont
eu de la réputation > tels que F,
Miris, G, Dou, Van der W^erfy
De ■ Vois , Slingerlmdt, Terhrug ,
W^ouwermms & Berchem ; cepen-
dant leurs ouvrages font univerfel-
lement applaudis, tant du Public,
que des Connoifïèurs & des Pein-
tres; on les recherche avecempref-
ftmçnt ^ on les achète bien cher.
î^t T)i[cûurs au Vuhllc
Les tableaux de Kymhra^/t font
chargés de couleurs , principale-
ment aux belles lumîeres i il fondoit
rarement fes teintes, les couchant
les unes fur les autres fans les ma-
rier enfemble : façon de travailler
particulière à ce grand Maître, 6c
plus à admirer qu'à imiter. Il elt
confiant que s'il avoit été correét,
& fi fès ouvrages n'avoient pas per-
du leur vrai ton de couleur, on le
regarderoit comme un des plus ha-
biles artiftes.
Un jour que je montrois une fort
belle pièce de cet Auteur à un par-
ticulier , il me demanda s'il mêloit
de la fuie dans fes couleurs , puif-
qu'elles lui paroilToient fi rouflatres.
En un mot la pièce ne lui plut pas ;
j'avoue que le vrai coloris étoit
changé par la longueur du tems ,
d'autant plus que Kywbram étoit ac-
coutumé à peindre au vernis j ce
que le particulier ne connoifïant
pas, il poita du tableau un juge-
ment téméraire ÔC erroné , n'exami-*
é" â-ux jeunes Pemtrfs, 143
îiant que les premiers apparences
du vrai, fans faire attention aux
beautés efïèntielies de cette pièce.
Une aventure m'a prouvé com-
bien la prévention elt quelquefois
grande, & couvre de honte celui
qui en eft atteint: cctoit à lavên-
te du Bourghemaître Schuylenhurg
qui fe faifoit à la Haye en 1737.
Un Amateur qui avoit acheté un
beau tableau de W^mwermms ,
m'apoftropha en ces mots : Vous
m avez, tant vanté 'votre jUmmd Te-
nier s} mettons un de fes tableaux au-
■près de ce beau W^ouwermans , four
'voir quelle figure il y fera. Le ta-
bleau de Tenter s repréfentoit un©
Fête flamande î & celui de W^ott-
ivermms un Chariot attelé & char-
gé de foin, accompagné de quel-
ques figures. Quand on les eut pla-
cés de façon à pouvoir être con-
frontés , je regardai en riant l'Ama-
teur , & recornioifTant ma faulTe pré-
vention , je demeurai, fi.confus quç
|e m'en fouvieadrai toujours. Vous.,
ï44 T)lfcottYS m Vnhllc ^ ^c»
jeunes Peintres , qui n etes pas enco-
re entichés de ce méprifable défaut 9
tâchez de vous en garantir ; écoutez
avec attention le fentiment du Public,
ne méprifez pas fes avis , foyez doci-
les à fes remontrances, péfez - les en
vous-mêmes & faites-en votre profit*
Enfin fongez à imiter toujours la bel-
le nature ; & fuivez exadement les
préceptes que j'ai diftés, afin de par-
venir à ce haut degré de perfedion
& de gloire où fe font élevés es grands
hommes dont je vous ai parlé. Et
vous ,cher Public , à qui j'ofe offrir cet
ouvrage, recevez-le d'aUflî bon cœur
que je vous le préfente ; excufez les
defFauts qui peuvent s'y être glilTés î
& pardonnez à mon peu de capacité
en faveur du défîr ardent que j'ai eu
de vous être utiles Enfin j'ai puifé
dans les lumières qu'a pu me procurer
une étude & un travail de vingt ans >
tout ce que j'ai pu imaginer pour met-
tre au jour des chofes inconnues avant
moi j & pour vous prouver avec com-
bien de zélé & de refped j'ai l'hon^
neur d'être &c.
Fin de U fécondé Partie
-ocr page 146-__________
DES
Contenus dans les deux Parties '' dâ
cet Ouvrage, rangés four chaque
Ville far ordre Alphabétique,
A
BRU X E L L E S.
Vages,
Lexiens, dits Cellebroeders 109
Annonciades > Couvent de Filles à t
Berlaimont, Couvent de Filles iip
Bethanie 5 Couvent de Filles 96
Cabinets de h Ville 53
K
-ocr page 147-Tahlê d£s Eilififè
Chambre des Etats lai
Chambres des Serraens êc Corps
de Métiers
Chapelle Royale Efpagnole
St. Corneille 114
Dominicains ço
ète. Elilabeth, Couvent de Filles 120
St. Eloyj Chapelle
Finifterre, Paroiffe loô
St. Geri, Paroiffe
Jéricho, Couvent de Filles 11$
îdiûimcs loj
-ocr page 148-* ZtShhdyzs"» Menaflem^
Mont-ferrât -218
St. Nicolas y Paroîfle 97
St. Pierre , Couvent de Filles
Récollets 100
Riches Claires
WiLworde 166
MAXIME
Auguftins
Begguinage
Bethanie
Bleydenberg
Capucins
Carmes Déchauffés
Carmes ( grands }
Ste. Catherine
Claires
Dominicains
Hôpital
St. Jean, Paroiffe
Jéfuites
Leliendael > Couvent
Muyfen, Couvent
l>Joîrc - Dam§ 5 Collégiale
S.
175
ï8o
177
Î77
174
179
178
37S
17 o
î8i
17^
17^
Table des Êglifes^
A N V E R S.
Académie 160
St. André , Paroifle 255
Annonciades
Capucins 214
Carmçis: ( grands ) 1 " 189
Difcours fur la Defcente de Croix
de Rubcns 230
Difcours lur la Defcente de Croix
Dominicaines Ip8
Dominicains
Environs d'Anvers
Leur Sodalité 220
St. Michel, Abbaye
Récollets. «204.
Théréfianes
LIERRE.
ChanoinefTes de St. Auguftin 276
SECONDE PARTIE.
; A s C H, F^^ff.
-Glife Paroiffiale , J
Capucins
Carmes
Guillelmîtes
Hôpital
St. Martin, Collégiale
Sœurs noires
^The'réfîaaes
Aîexiens
Annonciades
St. Bavon , Cathédrale
Cabinets particuliers
Dominicains
Hôtel - de - Ville
St. Jacques, Paroiflc
Jéfuîtes
St. Martin, Paroifle
St. Michel, Paroifle
St. Nicolas, ParoifTe
St. Pierre, Paroiffe
Récoîiets
IX
11
12
ÏO
2
X2r
10
li
15
50
A9
18
53
46
go
48
41
37
û7
43
47
4$
^hhayesi Mohafiéresy
Cabinets particuliers 65
Capucins
Evêché 62
St. Guilaia
COURTRAY.
F U R N E S 73
B E R G U E S St. Winox 74
Table des Egllfes ^
,T O U R N A Y,
Eglife Cathédrale
St. Martin, Abbaye
N r N O V E, Ville
G R A M O N T, Ville
E N G U I E N, Ville
H E R I N E S, Bourg
L E E U W, Paroiffe
M O îsf S.
Carmes Déchauflës
Céleftins . , ^
Jéfuites
Oratoire
Sœurs grifès
Urfulines
V I L L E R S, Abbaye
N A M U. R.
Annoncîades
Carmes Déchauffe's''
Croifîers
St. Jean - Baptifte > ParoifTe
Jéfuites
Notre - Dame, ParoifTe
Seminaire ^
Dialogue
Difcours aux Peintres &c.
77
8a
82
%
g
U
88
8(5
86
«7
87
BU
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90
5J0
5)2,
94
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