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ET LE PORTRAIT DU PAPE JULES II.
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API'ARTKNANT A I.A GALERIK
A SAINT-PÉTKIiSMOUUG.
PARIS
TYPOGU.VPHIE BOISSEAU ET AUGROS,
l'ASSAGK DU CAIRE, 123-12Z|.
1859.
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KT I.K
I.a plupart des oeuvres de Raphaël sont suffi-
samment connues, et l'histoire les a inscrites
sur ses pages immortelles. Mais il y en a aussi
qui ont échappé à l'appréciation du monde
éclairé et se trouvent dans quelque recoin obs-
cur où l'œil exercé du vrai connaisseur ne les
a pas encore découvertes.
Comment se fait-il que de tels chefs-d'œuvre
-ocr page 4-— 6 —
gient pu rester ignorés pendant un si long laps
de temps, et comment ont-ils pu prendre une
direction autre de celle qu'ont suivie ceux qui
font l'ornement des galeries de toute l'Europe?
Cette question se résout facilement en son-
geant à la vie que menaient les peintres de la
Renaissance, cet âge d'or si poétisé de nos
temps, mais qui, en réalité, ne l'était nulle-
ment pour les artistes d'alors, lesquels dépen-
saient leurs talents, leurs forces d'invention,
leur intelligence en échange d'une vie labo-
rieuse souvent accompagnée de la misère. Les
peintres de cette époque vivaient au jour le
jour sans se soucier du lendemain. L'exemple
en est frappant lorsqu'on songe que Michel-
Ange, ce génie si varié, donnait ses tableaux
contre des ossements dont il formait des mo-
dèles pour ses études anatomiques. — Nombre
de tableaux ont été retrouvés dans des greniers
obscurs, où la misère et la maladie régnaient
avec leur effrayant cortège. La charité des
âmes compatissantes, qui arrivaient là pour y
apporter quelques soulagements, trouvait sa
récompense par la découverte de chefs-d'œuvre.
John Coindet, dans son livre intitulé l'His-
toire de la Peinture en Italie, raconte le fait
suivant : « On a retrouvé tout récemment à
« Florence, dans une boutique d'un carrossier,
« une très grande fresque qui paraît être
« l'œuvre authentique de Raphaël : elle a dû
« être faite dans les derniers temps de son
« séjour à Florence, etc. »
Il n'en est pas ainsi d'un tableau de Ra-
phaël peint sur cuivre, de sept pouces et demi
de hauteur sur cinq et demi de largeur, signé de
ses initiales au coin gauche du haut, représen-
tant le Pape Jule^II, tableau qui fait partie de
la galerie du prince YoussoupofT, à Saint-Pé-
tersbourg. Ce chef-d'œuvre n'a pas été re-
trouvé, mais ayant, pendant trois siècles» été
conservé religieusement dans la famille des
ducs d'Urbino, qui le tenaient de la duchesse,
8 —
à qui Raphaël en fit présent, n'est pas généra-
lement connu du public. À la mort du dernier
rejeton de cette illustre famille, les héritiers
firent une vente aux enchères, et ce tableau
fut acheté par un américain et transporté outre-
mer. Le sculpteur romain Gajassi tomba sur la
trace de ce chef-d'œuvre, il trouva moyen de
l'acquérir dans une affaire qu'il fit avec l'Amé-
rique, et le fit revenir à Rome en 1844; en
1856 le prince Youssoupoff en fit l'acquisition.
Il suffit de jeter les yeux sur cette peinture
pour se convaincre qu'elle est l'ouvrage de
Raphaël. Lui seul pouvait donner un tel éclat
à ses couleurs sans nuire à l'effet de l'ensemble.
Le Pape est assis dans un fauteuil, reposant sa
main gauche sur l'un des bras, et tenant dans
sa droite un mouchoir.
Ce tableau n'est point une répétition des
portraits de Jules II des galeries de Florence,
Rome et Naples. Ce n'est que le même sujet
reproduit par ce grand maître, sans copier
_ 9 ~
servilement ces grandes toiles représentant le
Pontife romain.
On sait que Raphaël a eu dans sa vie de
peintre trois époques différentes. A la première
appartiennent les tableaux peints avant son
arrivée à Florence en 1508. Contour arrêté,
beaucoup de vérité dans les détails, mais dur
de facture. A la seconde, l'on remarque plus de
douceur dans le coloris et une pratique plus
savante des raccourcis. Et enfin à la troisième
appartiennent les œuvres qui ont précédé de
près la Transfiguration, ce monument qui fera
toujours la gloire du génie de l'homme.
Les tableaux de Raphaël, de très petite di-
mension, sont de sa première jeunesse et n'ont
de la valeur que par les œuvres qu'il fit plus
tard. Le portrait de Jules II, dont nous par-
lons maintenant, doit être du beau temps de
ce grand maître ; car, selon la remarque fort
juste de M. Léoni, dont nous reproduisons un
article plus bas, ce petit chef-d'œuvre a le
— !U —
coloris (le la Madone de Follgiio. 11 est rare de
trouver dans un aussi petit espace, que l'est le
portrait de Jules II, un coloris aussi vigoureux,
aussi éclatant par l'assemblage des couleurs qui
entourent la figure sans rien lai faire perdre
de son expression. Tout y est détaillé d'une
manière admirable : chaque poil de la barbe
même paraît être compté, et cependant, à con-
sidérer cette peinture de loin, on la supposerait
faite à grands coups de pinceau et l'on ne se
douterait nullement du grand fini des détails,
qui ne nuisent en rien à l'expression de la fi-
gure du vieillard, qui a l'air de réfléchir à
toutes les magnificences dont il voulait enrichir
Rome, et par là illustrer son siècle.
Il n'est point de mouvement de l'âme, point
de sentiment susceptible d'être retracé par la
peinture, que Raphaël n'ait saisi et exprimé
toujours avec justesse et d'une manière élevée,
La critique sévère remarquerait peut-être que
la main gauche de Jules H n'a pas la pureté
— M —
des lignes anatoiniqiies el que le troisième
doigt tenant le mouchoir, est un peu raide.
'Nous répondrons, que malheureusement il se
trouve souvent des fautes de ce genre dans
beaucoup de peintures de Raphaël. Souvent ce
grand peintre les a faites à dessein, comme par
exemple dans la Vision d'Ezéchiel, la jambe
droite du Créateur est plus courte que la
gauche qui porte sur l'aigle. Dans la Vierge à
la chaise, la main gauche entrerait dans le
corps de l'enfant, etc., etc.
Terminons cer article par un extrait de l'ou-
vrage de Coindet, que nous avons déjà cité
plus haut. « Aucun artiste n'a mieux connu le
» secret de la grâce, plus séduisante encore
» que la beauté. Ses Madones, dit Mengs, en-
» chantent les yeux, et cependant leurs traits
» ne sont pas aussi parfaits que ceux de la
» Vénus de Médicis; mais dans leur regard,
v> dans leur sourire, il y a la modestie, l'amour
» maternel, la candeur de l'âme, en un mol,
» la grâce ; et non-seulement il la répand dans ^
» la physionomie, mais encore dans l'attitude,
» dans les gestes, dans les plis des draperies,
» avec un bonheur qu'on admire et qu'on ne
» peut imiter. »
Ml
iStablissant
L'AUTHENTICITÉ DU TABLEAU DE RAPHAËL
JIH^ES II,
Article tiré du Journal des Architectes, publié à Rome, —
Numéro du 15 Janvier 1847.
Je visitai ces jours derniers l'atelier de Vin-
cent Gajassi, sculpteur romain. — Sans parler
de ses ouvrages, que le public connaît et admire
à juste titre, je me contenterai de dire que j'y
trouvai plusieurs artistes de ma connaissance
qui, jetant des yeux avides sur un petit tableau,
s'écrièrent avec enthousiasme : Œuvre divine !
prodige! il parle! Je m'approchai aussi et-vis
un portrait de Jules II, de sept pouces et demi
14 -
de hauteur sur cinq et demi de largeur, mesure
à peine croyable si je ne l'avais moi-même prise,
la figure est assise et repose ses deux coudes
sur les bras d'un siège : la main gauche étendue
le long du bras du siège, en serre l'extrémité;
et la droite, avec les doigts couverts de bagues,
tient un mouchoir. La tête couverte d'un bon-
net, est un peu penchée; l'aumuse tombe en
beaux plis sur l'avant-bras, et l'aube, en pJis
également, couvre toute la ligure, tronquée aux
genoux par le cadre. Le siège est recouvert de
velours avec des testales en or et des franges
légèrement tissues d'or et de soie. Ce tableau,
qu'on peut citer comme un bijou de la peinture,
est, de l'avis de tous les artistes qui l'ont vu,
une œuvre de Raphaël. La peau du front du
pontife est si habilement traitée qu'on voit
distinctement les inégalités de l'os frontal. Les
yeux sont humides et brillants, à tel point
qu'en les regardant attentivement, ils semblent
se mouvoir. — Chaque partie des joues est
parfaitement rendue : les apophyses sont peintes
à ravir ; la chair est de la chair, et le poil de
la barbe est vraiment de la barbe. L'on ne sau-
rait imaginer une œuvre plus parfaite. La touche
franche du pinceau et la manière large de faire
à l'huile une peinture si petite, sans que le
travail se fasse sentir, disent avec évidence que
c'est une œuvre originale. Mais la preuve la
plus certaine c'est d'avoir atteint, sans effort
aucun, les dernières limites du fini : prodige
que la main seule de Raphaël a su et pu faire.
Tout est détaillé minutieusement, tout est
empâté d'une manière large et vigoureuse; et si
l'on s'éloigne un peu, l'on croit voir, non un
petit portrait, mais une grande ligure. Et ce-
pendant la tête n'est pas plus grande qu'une
pièce de trois paoli! Ce précieux travail, qui, sa
perfection le prouve, fut certainement fait du
temps de Jules II, n'a pu être exécuté que par
Raphaël, parce que personne n'a pu peindre
avec un si beau coloris : et plusieurs artistes qui
l'ont souvent examiné, y remarquent toute la
vigueur du coloris de la Madone de Foligno. Il
y en a qui disent que c'est le portrait de Jules II,
donné par Raphaël à la duchesse d'Urbino. —
Mais comme les œuvres doivent être jugées par
ce qu'elles sont, et non par ce qu'elles pour-
raient être, nous pouvons dire franchement, à
la face du monde artistique, que c'est une
œuvre, non-seulement belle, mais admirable,
et que ce portrait est fait de manière qu'en
niant qu'il soit l'ouvrage de Raphaël, il faudrait
trouver un peintre qui eût peint comme cc
grand maître; mais Raphaël d'Urbino fut seul.
LETTRE DU PEINTRE CHARLES GAVARDINI
En date du 27 Août 1855.
« Le renommé sculpteur, Vincent Gajassi,
» m'ayant gracieusement invité à voir un petit
» tableau qu'il possède, de la grandeur de sept
17
» pouces romains sur cinq et demi, peint sur
» cuivre, j'en fus frappé au plus haut degré
» comme d'une chose trës précieuse. Jules II y
» est représenté assis comme dans le portrait
» qui se trouve à Florence dans la galerie des
» offices ; mais les différences notables qui s'y
» trouvent, principalement dans le jeu des
» teintes du fond, et avec un effet de beaucoup
» plus heureux, lui donnent un caractère incon-
» testable d'originaUté. L'intelligence parfaite
» des formes, la disposition large du clair
» obscur, la suavité d'un ton vigoureux, ainsi
» que la transparence du modelé de la tête
» principalement, donnent à cette peinture une
» caractéristique tout à fait Raphaëlesque, qui
» se confirme mieux encore en voyant la spon-
» tanéité de l'exécution jointe à un fmi surpre-
» nant, érninente prérogative du Sanzio. »
— 18 -
LETTRE
du professeur de l'académie de robie
François PODESTI,
En date du 31 Août 18j5.
Je me souviens avec plaisir avoir vu le petit
tableau sur cuivre, représentant le portrait de
Jules II à mi-corps, et dont l'illustre sculpteur,
Vincent Gajassi, est possesseur. Bien que je ne
me croie pas suffisamment habile pour juger
les œuvres des anciens maîtres, il me semble
pourtant que ce petit tableau est d'un très grand
prix et possède les qualités Raphaëlesques, en
particulier dans sa partie supérieure, d'autant
plus qu'il paraît de plus en plus beau à mesure
qu'on le regarde. C'est pourquoi je pense qu'il
se rapproche de la seconde manière du grand
Sanzio d'Urbino, lorsqu'il commençait à peindre
le Miracle du Saint-Sacrement, merveille de
l'art, où il exprima ses sentiments les plus vrais
avec une simplicité extrême.
19
LETTUli
du professeur de l'acàdémie de rome
Nicolas» COIVSONI à M.
En date du SB Août 1855.
« Il y a environ deux ans que j'ai vu le petit
» tableau représentant le portrait de Jules II,
» sur lequel tu désires avoir par écrit mon opi-
» nion. Je me rappelle fort bien qu'il me fit une
» très agréable impression, autant par l'harmo-
» nie du coloris que par le fini de l'exécution,
» qui se remarque dans plusieurs parties dudit
» tableau. Je me souviens aussi avoir observé
» une chose de grande importance, c'est que le
» fond difîère de celui du même portrait de
» Jules II, qui se trouve dans la tribune de la
» galerie de Florence, en grandeur naturelle,
» tandis que la pose du pontife est presque la
» même. Le faire de ton petit tableau me paraît,
» à coup sûr, llaphaëlenque. C'est tout ce que
— m ~
» je puis te dire au sujet de cette œuvre, qui
» doit être mise parmi les choses les plus pré-
» cieuses. — Crois-moi ton affectueux ami. »
LETTRE
du professeur de l'académie de florence
André PIKRIMI,
En date du 27 Août 1855.
« Le sieur Gajassi, sculpteur, m'ayant prié
« de lui dire mon jugement sur un petit
« tableau représentant le pape Jules II, je,
« soussigné, crois que ce petit tableau est une
« répétition originale de Raphaël, d'autant plus
« que, vu la nature du fond, je ne sais qui
« aurait osé ou pu faire un aussi riche
« coloris. »
-ocr page 19-msm
__
LETTRE
DU PROFESSEUU DE PEINTURE A L'ACADÉMIE DE NAPLES
Vincent CATAIiAIVI,
En date du 21 Août 1855.
« Je, soussigné, déclare que le petit tableau,
« propriété du sieur Gajassi, représentant le
« portrait de Jules II, de la grandeur de sept
<< pouces et demi sur cinq pouces et demi
« romains, est l'œuvre originale de Raphaël
« Sanzto d'Urbin. »
LETTRE
Du Peintre Casimir DE ROSiSI,
En date du 21 Août 1855.
« Ayant observé et examiné avec attention
un petit tableau, représentant le pontife
« Jules II, de la grandeur de sept pouces et
« demi de haut sur cinq et demi de large, le
<< soussigné le croit d'une exécution tout-à-fait
« propre à l'immortel Raphaël d'Urbino, vu la
délicatesse du dessin, la perfection du coloris
« et l'empâtement, qualités qui lui sont toutes
« propres. »
NOTICE
tirée du journal de munich
En date du 25 Mars 1855.
Uèdaclion responsable : J.~U. VOQL.
Nous regardons comme un devoir de l'aire
part à nos honorés lecteurs qu'un très re-
marquable tableau de Raphaël Sanzio, repré-
sentant le pape Jules II, et dont le prince Yous-
soupoir a fait dernièrement l'acquisition à Rome,
sera exposé dans la salle de la Société des Amis
des Arts, du dimanche 2!3 au jeudi 28 mars.
Nous ne doutons nullement que les nombreux
connaisseurs de curiosités ne soient désireux de
voir ce chef-d'œuvre de l'ancienne école de la
— 23 -
peinture et n'csiiimeiit ce tableau à sa juste va-
leur. Ayant eu l'occasion de l'examiner à loisir,
nous pensons que quelques détails donnés ici
sur ce beau tableau ne seront pas déplacés. Ce
tableau, qui est le portrait du pape Jules II, a
environ sept pouces et demi de haut sur cinq
et demi de large : il représente le saint-père
assis dans un fauteuil, tenant un mouchoir
dans sa main droite, tandis que la gauche se
repose sur le bras du fauteuil. Les nobles et
beaux traits du vieillard font une impression
sublime. La main seule d'un Raphaël a pu lui
donner une expression si vraie et en même
temps faire ressortir les moindres détails.
Les connaisseurs trouveront que le coloris de
ce chef-d'œuvre rappelle tout à fait celui de la
madone de Fohgno. Par rapport à l'histoire de
ce portrait, nous pouvons ajouter que Raphaël
lui-même en fit cadeau à la duchesse d'Urbino.
Les notabilités de l'Académie de Rome sont,
quant à l'authenticité de ce tableau, d'un avis
I5KMR
unanime : l'âme de Raphaël brille dam .srs
œuvres et ses vrain aàmirateiirs ne le mécon-
naîtront jamais.
LETTRE
»11 scieur Vincent Stculpteiar,
au Prince YOlJlSj^OUPOFF,
En date du 29 Août 1855.
« Monsieur le Prince,
» .l'accepte l'offre aux conditions que Votre
» Excellence vient de me l'aire par sa très tio-
» norée lettre du 14 de ce mois. J'ai dû accepter
» une somme qu'en temps meilleur j'ai re-
» fusée, mais Votre Excellence comprenant
» bien que ce prix est fort modique pour une
» peinture d'une beauté si extraordinaire, me
» fera j'espère, payer cette somme en deux
» parts, et non en quatre ; ce qui me con-
» viendrait davantage, vu (jne, outre que
~ ™
» plus (lu tiers de la somme demandée m'est
» diminué, le long retard des termes de paie-
» ment m'empêcherait de toucher une somme
» ronde, qui m'est nécessaire pour la gouverne
» de mes affaires : ceci paraîtra raisonnable.
» Bien que je vende le tableau nommément
» pour son mérite intrinsèque et comme œuvre
» rare, j'ai cependant voulu vous contenter,
» Monsieur le Prince, en recueillant par écrit
» les opinions des peintres les plus experts et
» des professeurs les plus distingués, et cela
» uniquement pour vous faire plaisir, n'ayant
» jamais pensé, moi, que mon Jules II en eût
» besoin, étant par lui-même une œuvre de
» grand prix, et toute personne qui aura l'œil
» artistique sera en admiration devant ce pro-
>> dige Raphaëlesque, et la somme qui m'est
» offerte ne paie pas même la bouche du pontife
» peint par cette main immortelle.
» Parmi les opinions que je vous donne par
» écrit des plus habiles peintres d'histoire qui
— —
» se trouvent à Rome maintenant, deux seules
» suffiraient, savoir: celle du célèbre professeur
» enseignant de l'Académie de Saint-Luc, M. le
» chevalier Podesti, et celle du plus célèbre
» dessinateur italien, M. Consoni, également
» professeur à Saint-Luc, et reconnu comme le
» plus capable de juger les œuvres de Raphaël;
» et soyez bien sûr que tous les artistes de FEu-
» rope approuveront ces deux professeurs, dont
» la réputation est très grande; mais mon
» Jules II n'a pas besoin d'attestation, étant le
» plus bel ouvrage qu'on puisse voir de cette
m
» grandeur.
» Pour qu'on ne s'en rapporte pas seulement
» à mes paroles, je joins ici quelques lambeaux
» tirés du livre intitulé : Directory of the ila-
» liaii and Foreign Painters, d'après lesquels
» on peut voir combien sont estimés les profes-
» seurs qui, unanimement, ont déclaré mon
» tableau œuvre de Raphaël. Sur le dos du por-
» trait de Jules II, il y a une description histo-
— 27 —
» rique que j'y ai mise quand je l'achetai, et
» qu'il serait bon de ne pas enlever. Entre le
» cadre et le tableau, il y a une feuille de papier
» fin avec sept empreintes de mon cachet, pour
» qu'on ne puisse pas le toucher, et je le déli-
» vrerai à la personne qui sera chargée par
» Votre Excellence de le prendre avec deux té-
» moins. Les artistes n'ont pas l'habitude de
» mettre leur cachet sur leurs attestations, leurs
» signatures seules suffisent, je les garantis,
» d'ailleurs, et Votre Excellence peut les faire
» reconnaître par la légation de Russie à Rome,
» ce qui est plus convenable, vu que si je de-
» mandais moi-même une attestation à la léga-
» tion, il semblerait qu'on se défie de moi ; mais
» Votre Excellence peut s'en assurer elle-même
» à la légation, à son loisir, et dans ce but j'in-
» dique ici la demeure des professeurs. . .
» J'aurais pu vous donner un volume d'attes-
» tations, mais plusieurs artistes sont absents;
» et d'ailleurs les incluses suffisent et sont
» même de trop.
» J'attends vos ordres, et dans cette attente,
» j'ai l'honneur de.me dire, etc. »
Pans. — Typ. Boisseau et Augros, pass. du Caire,