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1
DISCOURS
prononcé dans léglise du Sacré-Coeur,
-A. ISSOITDUN,
(France, département de 1\'InditO-
-•
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Vak 98
DISCOURS
PRONONCE
1
(FRANCE, DÉPARTEMENT DE L\'INDRE),
Ie 7 Septembre 1873, a 1\'occasion
Dl
PÉliBIMGE CAflÖtIQ,ÜE
M\' labbé J. RYKERS ,
DIRECTEUR DU COLLEGE ÉPISCOPAL DE RtIRKMONDK.
CHEF DKS PÉLERINS XÊERLANDAIS.
RUREMONDE.
1MIMWUI lili: DE J. J. RÜMEN.
1875
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dK ©« cójawWx cJlVottiuav
ÉVÈQUE DE RUREMONDE ,
ÉVÈfiUE-ASSISTANT AU TRÜNE PONTIFICAI. ,
PRÉLAT UOMESTIQt\'E DE SA SAINTETÉ ,
COMTE ROMAIN ,
COMMANDEUR DE L\'ORDRE DO LION NÉERLANUAIS.
JjIONSEIGNEUF^ ,
Pénétré de la plus vivc reconnaissanee , je m\'empresse de
déposor a vos pieds Ie discours prönoncé, dans lc sanctuairo
d\'Issoiidun, en ï\'honneur de Notrc-Dame du Saerc-Ccour, cl de
Vous 1\'offrir non sculement comme un souvenir de notre grand
péïcrinagc , mais encore comme un gage de la profonde
vénération et de l\'affeclion respectucuse que vous portent tous
les pólerins ncerlandais.
Votre fils soumis en J-C.
J. RYKERS ,
directeur du college épiscopal ;i Ruremonde.
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Qui creavit me requievit in tahernaculo
mi\'ii et dixil milii : In Jucob inhabita ft in
Israël hsereditarc et in clectis rueis\'nutte
radices.
Celui qui m\'a créée a repose dans mon
tabernacle et m\'a dit: Habite en Jacob, hérite
en Israël et poussc des racines dans les
eneurs de nies élus.
Vm;l. ch. XXIV , v. 15.
Eminence , (I)
Messeigneurs,(2)
Mes Frères ,
Mon amc , en ce moment solcnnel , est pleine
(l\'unc émotion si douce , si forte, si profonde
qu\'clle ne peut se traduire par la parolc. Les
expressions me manquent pour dire ce que j\'éprouve,
ee que je sens par toutes les fibres de mon coeur.
Une ineffable confusion et tont a Ia (bis un inef-
fable bonheur m\'agiteut , me pénètrent , me
transportent et m\'humilient, me font tressaillir de
joie et trembler de crainte... Mon bonheur cepen-
(I) Sou Ëniiivence Ie cardinal Donnet, archevéque de Bordeaux.
;2) Monseigneur Ie Prince de la Tour d\'Auvergne, archevéque de
Bour^es , et Monscigncui\' Meignan , évéque de Chalons.
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— 8 —
dant surpasse ma confusion. Ce que nous avons
cherché avec tant de sollicitude et d\'amour, 1\'objet
de nos aspirations, de nos voeux, de nos prières,
nous Ie tenons, nous Ie possédons aujourd\'hui.
Salut, ó sanctuaire vénéré , dont nous avons été
jugés digiies de fouler les dalles ! Salut , temple
saint, qui êtes devenu 1\'un des boulevards de la
France et, j\'ose Ie dire, du monde catholique ! Et
vous, ó pleine de grace ! 6 Vierge ! ó Mère ! ó
Notre-üame du Sacré-Coeur ! je vous salue. Je
vous salue au nom des pélerins. mes compatriotes,
prosternés devant vous: au nom de ma patrie. que
l\'hérésie n\'a pu dompter inalgré ses fureurs; au nom
des trois millions huit eent mille membres que compte
notie association ; au nom de tous les évèques de
la Néerlande et spécialenient de Mgr 1\'évêque de
Kurcmonde , Jean-Augustin Paredis , dont Ie seul
souvenir est une béatitude pour moi. Oui , je vous
salue, et que n\'ai-J€, pour vous saluer dignement,
I\'acccnt angélique de Galmei ! Je salue votre pure
et radieusc image! A une distance si vaste d\'Issou-
dun , Ie siége de votre puissance, votre tróne
favori , la source d\'oii jaillissent vos immenses
bienfaits , vous êtes venue nous visiter dans votre
miséricordieuse bonté ; vous avez laissé tombcr un
rayon de votre gloire dans une humble chapellc,
au sein d\'une petite ville perdue dans un coin de
la Uollande, et ce rayon s\'est changé en soleil, en
astre vivifiant, pour réchauffer et féconder nos
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— 9 —
cités, nos bourgs , nos hameaux, la patrie entièrc.
Quel bonheur, quel ineffable bonheur de vous
invoquer a 1\'endroit mème, sur Ia sainte montagne
inème, d\'ou vous êtes descendue jusqu\'a nous! Ab!
nos regards pleins de tendresse filiale , nos sou-
pirs , nos larrnes , inieux que les sons d\'une Voix
brisée par 1\'émotion , vous racontent nos tranports
et la mullitude de nos pieuses joies !
Mais quel trouble succède a eet élan ! Ou
parlé-je, moi , étranger. enfant du nord . devant
quels prélats, a quelpcuple? Aurais-je osé prendre
la parolc dans cette enceinte , 011 je vois réuni
tout ce que la France chrétienne, Ia vieille France
de Clovis, de Cbarlemagne et de St-Louis, renferme
de plus pieux et de plus illustre , si je n\'étais
soutenu et encouragé par 1\'autorité et la volontc
de mon óvêque , de eet admirable prélat que lc
temps ne sait faire vieillir et qui , depuis plus de
trenlc ans , s\'assied, avec tant de gloire , sur Ie
vieux siége de Lindanus ? Mon anie , s\'inspirant
de la sienne, mon coeur, s\'échauffant a son co3ur,
s\'élève et s\'agrandit a la vue de eet auditoire; a
la vue de ces princes de 1\'Eglise, qui sont en niêmc
temps les princes de la science et de la parole; a
la vue de ee peuple francais , de ce peuple émi-
nemment catholique, qui étonne aujourd\'hui 1\'Europe
par ses manifestations religieuses, par la voix de
sa prière, de ses pélerinages, voix terrible, voix
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— 10 —
dont les échos roulent comme un tonnerre loin-
tain , avertissant les persécuteurs du nord et du
midi que Ie glorieux vaincu se relève , que I\'heure
de Ia justice sonnera bientót . et que Ie Ciel ,
conjuré et apaisé , forge déja les armes destinées
a abattre ses ennemis . et a rendre Ia victoire au
premier soldat de I\'Eglisc et de Ia civilisation
chrétienne.
Je sens ici que mon trouble s\'évanouit , que ma
eonfusiou disparait dans mon bonheur. J\'oublie que
je suis un étranger par la langue comme par Ia
naissance , pour me souvenir que je suis un fils
de Marie, et que vous-mêmes , vous êtes Ie peuple
de Marie : regmim (iallice. regnum Maria;... Vous
Ie prouvez. aujourd\'hui encore, aux pieds de Notre-
Dame du Sacré-Coeur . oiï vous êtes accourus de
tous les points de volre patrie si belle , si aimce.
C\'est la ce qui relève votre espoir en ce tenips
dépreuve, et non seulement Ie vótre, mais aussi
Ie nótre, mais celui de tous les peuples catholiques
du monde. Car quand Ia première des nations
dont Ie Cbrist s\'empara dans sa force et dans son
amour, quand la nation de Marie, regnum Markv.
soufl\'re, 1\'univers catholique souffre, les ennemis
du Cbrist et de Marie triomphent, Ie successeur
de Pierre est dépouillé, 1\'Eglise est persécutée et
la tyrannie, rendue audacicuse par un triompbe
inespéré et impie, léve partout son front impu-
dcnt et ses mains armées de cbaines.
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— 11 —
Mais nous espérons, bien plus, nous sommes
dans 1\'assurance a la vue des signes précurseurs
qui apparaissent. Si cinq justes eussent sauvé Sodoine
et toute la pentapole , serait-il possible que Ie
Sacré-Cceur de Jésus n\'exaucat pas les prières de
tant d\'ames nobles et chrétiennes qui Ie supplïcnt
depuis si longtemps !.. Notre-Dame du Sacré-Cceur
les recoit. ces prières, pour les lui ofïrir , com-
ment donc seraient-elles repoussées !
Je m\'arrète maintenant a elle. Il me semble
qu\'elle s\'adresse , dans ce sanctuaire, a la fille
ainée de 1\'Eglise, pour lui dire : Qui creavit me
requievit in tabernaculo meo el dixit mild: In
Jacob inhabita et in Israël hcereditare el in elec-
tis meis mitte radices.
»Celui qui m\'a créée a
«repose dans mon tabernacle en devenant mon
«Pils, et il m\'a dit: Habite en Jacob, hén\'te en
«Israël et pousse des racines dans les coeurs de mes
Ȏlus"... Cette maison de Jacob, c\'est vous ; ce
royaume d\'Israèl , couronné des bienfaits de Dieu
et Iuttant pour Dieu, c\'est la France chrétienne...
Notre-Dame du Sacré-Cceur a établi en elle sa
demeure, in Jacob inhabita , et trouvé en elle
son héritage , et in Israël hcereditare. Cette de-
meure., nous 1\'admirons ici, nous la voyons de nos
yeux , Issoudun jouit de cette gloire; eet héritage,,
nous Ie connaissons, nous en contemplons , en ce
moment, en vous-mêmes, Ia spiendeur et la richesse.
Mais, tout en se fixant ici comme dans son centre,
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_ 12 —
tout en choisissant la Franco, et, dans la France,
Issoudun comme sa terre favorite, Notre-Dame
du Sacré-Coeur envoie ses consolations et ses pro-
diges a toutes les nations de 1\'univers , in eleetis
mets mitte
radiv.es... Elle a trouvé des élus non
seulement sur les bords de la Loire et de la
Seine , mais aussi sur les bords de la Meuse et
jusque sur les cótes du Zuiderzee.
Je parlerai donc de ce qu\'elle a fait chez nous,
dans la Hollande : je dévoilerai 1\'origine , Ie dé-
veloppement et les merveilles de son culte.
C\'est dans la province la plus humble de la
Hollande, dans Ie Limbourg, méprisé du Protes-
tantisme a causc de son inébranlable fidélité a
sa vieille foi , que Notre-Dame du Sacré-Coeur
s\'est annoncée d\'abord. Et quel séjour y a-t-elle
cboisi ? Ou a-t-elle demandé un sanctuaire et un
tröne? La capitale de ce pays, Ie vieux Trajectum
de César, la vieille cité de St-Servais, si célèbre
par des événements de toute sorte, si saintc par Ie
trésorde ses précieuses reliqnes, aura-t-elle lagloire
de Ia posséder ? Non. Elle poursuivit son chemin ,
permettez-moi ce langage , en laissant toutefois
a notre vénérable mctropole la bénédiction de son
tcndre regard et de son doux sourire. Pu is, a quatre
Iieues de la, plus au nord , elle voulut s\'arrêter
dans une pctite ville qui ne compte que cinq mille
ames, a Sittard, oü celui qui a 1\'honneur de vous
entretenir a vu Ie jour. Et toutefois, au sein de
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— 13 —
cette petite ville, elle n\'entra pas dans la superbe
collegiale, monument de 1\'art antique élevé par
la piété et la générosité de nos j)ères au XIII siècle;
mais elle en tra dans la modeste chapelle du cou-
vent-pensionnat des religieuses Ursulines ; et c\'est
la qu\'elle brille a 1\'heure qu\'il est, dans Ia nuée
resplendissante d\'une gloire foute céleste, inter
nebulas glories
; eest la qu\'elle se donne en spec-
tacle , en quelque sorle , aux populations ravies
de sa présence et vivifiées par ses bienfaits. Ainsi,
selon les sublimes paroles de son immortel canti-
que, Dieu a, ]>ar elle, exalté les humbles, exal-
tavit humilesj
ainsi, par elle, a-t-il rempli de ses
biens ceux qui avaient faim et soil\' de la justice,
esutientes implevit bonis.
Elle est donc la ; mais continent se manifestera-
t-elle ?
Ici je ne serai qu\'nn narrateur simple et lidèle.
je ne demanderai rien a 1\'éloquence. Ce serait
déprécier , en eü\'et . l\'oeuvre du Ciel que de
lui attacber des ornements dont elle na pas be-
soin. Oserais-je Ie dire cependant? Une aiguille ,
M. F., une line aiguille avalée par mégarde , fut
rinstrument dont Nolrc-Daiue du Sacré-Cceur daigna
se servir, permettez 1\'expression , pour piquer les
ames. Le salut du monde, vous Ie savez, est
sorti d\'une étable^ Dieu prend ce qui n\'est pas
pour renverser ce qui est, il abat la lorce par Ia
faiblesse : est-ce dont* étonnant que sur Ia pointe
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— 14 —
(J\'une aiguille il ait bati, dans sa toute-puissancc ,
fout dn monde de merveilles ?
L\'enfant, abandonnée des hommes de 1\'art
dont les remèdes n\'avaient cu aucun résultat, recourt
a unc invocation nouvelle qu\'une autre pension-
naire, unc aniie, avait apprise de sa raère: Notre-
Dame du Sacré-Cceur, priez pour nous!... On lui
passé au cou la médaille, la seule (pion possède:
en ce moment, religieuses et pensionnaires repetent
de concei\'t, avec plus de fcrveur que jamais :
Notre-Damc du Sacré-Cceur, priez ]>our nous!...
Aussitót une légere toux se déclare; 1\'aiguille, qui
avait résisté a Tart, se rend a cette prière , et
l\'enfant la rejette, sans effort, a la vue de 1\'assis-
tance émerveillée.
Ainsi Notre-Dame du Sacré-Cceur sannonca, ainsi
brilla Ie premier rayon de sa gloire el de sa puissance.
La communaulé, heureusc de ces saintes et
glorieuses prémices, continua de linvoquei. On y
répétait tous les jours, trente-trois Ibis, en 1\'hon-
neur des trente-trois années passées par Jésus-
Christ sur cette terre, Ie tilre affectueux^ puissant.
nouveau , agréable au Fils et a la Mère, dont Ie
premier fruit était la, admirable, prodigieux. On
pria ainsi pendant une demi-année, depuis Ie
mois de Juin jusqu\'au mois de Décembre. C\'était
en 1867.
IVIais d\'oü vienl Nolre-Dame du Sacré-Cceur ?
Ou réside-t-elle ? Que veut-elle ? On Iignoro. A
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io
toutes les questions qu\'on pose. point de réponse.
Un mystère profond enveloppe encore 1\'origine et
la magnificênce de son eulle. On voyait 1\'aurore,
on jouissait déja des lointaines clartés de I\'astrc .
mais I\'astrc lui-inême tardait a venir et , malgré
tant d\'ardents désirs, ne se montrait pas encore
a 1\'horizon des cceurs. On goütait Ie fruit, mais
on ignorait d\'oü il venait et dans quelle région
fortunéc 1\'arbre nierveilleux étendait ses branches,
dévcloppait sa sève cl poussait ses racines. On
buvait l\'eau du fleuve, mais Ie (leuve nc se décou-
vrait pas dans son cours mystérieux, la source
rcslait profondéineut cachée.
Sur ces entrefaites, arrive d\'Angleterre une
religieuse Ursuline ; clle entend ce qui se passé ;
et, contrc toute attente, ignorant clle-mème Ia
sublinie mission qu\'elle venait accomplir, elle in-
dique Ie fleuve et sa source, 1\'arbre et Ie sol qui
la vu naitre, 1\'astre el son lever. Pour la première
Ibis on entendit ce mot, ce mot inagique, ce mol
tant répélé depuis: lssoudun! Elle connaissait déja
ce sancluaire bcni : elle savait que, dans cc lieu
privilegie, les ames chrétiennes trouvaient, aux
pieds de Marie, d\'impérissables consolations__ Ce
fut une féte, M. F., une grande fête; on célébra,
dans 1\'enthousiasme d\'une joie sainte , 1\'Epiphanie
de Notre-Dame du Sacré-Coeur: cc fut aussi Ie
commencement d\'une longue série de triomphes
snrnalurels de toute sorte...
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La jeune pensionnaire a qui 1\'on devait 1\'invo-
cation et la médaille, fut la première conquête de
]\\Totre-Dame du Sacré-Co3ur : elle renonca au monde
et devint Ursuline. Sou amie, si prodigieusement
sauvée, fut la seconde.
Et maintenant, M. F., j\'ouvre dcvant vous
les pages resplendissanlcs d\'une histoire dont Ie
récit frappera d\'admiration toutes les amcs vrai-
ment chrétiennes qui 1\'entendront on Ie liront
un jour, celles qui savent quelle place supérieure
la Mère du Christ occupe dans Ie plan diviu de
la rédemplion des hommes.
Une Ibis attaché a sou centre, a Issoudun, Ie
culte de Notre-Dame du Sacré-Coeur se propagea
avec rapidité. Ce nest pas cependant que les
obstacles lui aienl manqué. 11 en trouva et de
puissants! Il eut a subir les préjugés d\'une piété
craintive et a courte vue. Et ((iielle oeuvre du Ciel
n\'a pas rencontre de contradictions sur la lerre ?
Mais les obstacles qu\'on oppose aux oeuvres divine sont
cela de merveilleux que bientót ils se transforment en
moyens. La croix sur laquelle on cloua l\'Homme-
Dieu, cette croix qui était un scandale pour les juifs
et une folie pour les païens, qui devait lenlevcr
lui-méme et eiliever sou oeuvre, est devenue Fin—
strument de sa force et Ie trophée de sa gloire....
Une autre épreuve que Irouva Ie culte de Notre-
Dame du Sacré-Coeur fut la prudence mème de
l\'Eglise, épreuve légitime, nécessaire. Los supérieurs
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— 17 —
ecclésiastiques conseillèrent des lenteurs, selon la
règle de 1\'Apótre : Probate spiritus si ex Deo sint.
st-jkan, ep. i.ch. i, v. i. »Eprouvez les esprits, pour voir
s\'ils viennent de Dieu"... L\'Eglise, en eflet, n\'accepte
rien a la légere. En cela encore, elle est la même par-
tout. Elle est Ia sagesse luiinaine la plus haute, .aidée
de la sagesse divine, pour éclairer et conduire Ie genre
humain dans la voie des étcrnelles destinées. Elle va
lentement et niürement.... Mais 1\'clan était dans
les coeurs, la pieuse contagion gagnait du terrain;
Notre-Dame du Sacré-Coeur avait déja Ie témoi-
gnage de 1\'ame chrétienne, testimonium anima\'
christiancej
et lorsque enfin., grace aux pieux efforts
du supérieur général de Ia congrégation des Ursu-
lines, ici présent a Ia tèle de la députation beige, (I)
Monseigneur Pévéque de Ruremonde apposa a
1\'oeuvre Ie sceau de son autorité, il y eut une
explosion de sentiment, vin débordement de piété,
en quelquc sorte; et la petite 1\'ontaine, a laquelle
s\'abreuvait seulement un petit nombre d\'ames
d\'élite, de ecours choisis, dans 1\'enclos d\'une dé-
licieuse solitude^ jaillit tont a coup avec une puis-
sance extraordinaire et devint un fleuve immense.
II y eut alors un spectacle pareil a celui que
Mardochée conternpla en songe. L\'oncle d\'Esther
vit »les justes criant vers Dieu, au milieu des
ténèbres du ciel, de la confusion du monde et de
la lutte des dragons se disputant 1\'empire"; quand,
11) Mr Félix Do Moldt\'r, chanoine de l:i cathédrale de Malines.
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— d8 —
ó merveille! »une petite i\'ontaine devint un grand
nfleuvc et répandit sur la terre (\'abondance de ses
ocaux". Fons parvus crevit in fluvhim maximum
et in aquas plurimas redundavit...
»Et Ia lumière
«parut et Ie soleil se leva , et les humbles furent
«exaltés et subjuguèrent les puissants". Lux et
sol ortus est, et humiles exaltati simt et devora-
verunt iuelylos.
Esth. ch. xi.
Oui , Ie grand lleuve d\'Issoudun a multiplié ses
sources, ses fontaines, pour arroser non seulement
la Franco, niais une multitude do nations. II tra-
verso Ia Hollando dun bout a i\'autre. La pelitc
fontainc do Sittard, crevit in fluvium maximum,
a vu grossir ses eaux, olie est devenue un fleuve
immense; et in aquas plurimas redundavit. olie
sest repanduo sur notre torre limbourgeoise et ca-
llioliquc; et de la, penetrant dans Ie cocur même
du pays, a travers les sables arides de riiérósie,
ollo a porto jusqu\'aux extróinités les plus sep-
tenlrionalos ses Hots 1\'ertilisants.
Les puissants, inclyti, les princes de 1\'Eglisc,
doucement et amoureusement subjugués par Notro-
Danie du Sacré-Coeur, au nombre de dix-huit, lui
apporlèrcnt Ie sulï\'ragc do leurs grands noins.
et 1\'appui do leur baute autorité. 11 y out un
mouvement extraordinaire. Le petit sanctuairc des
religiouscs Ursulinos devint un centre autour du-
quol vinrent se piossor trois millions buit cent
mille ainos. tant de la. Hollando (|uc dos pays limi-
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trophes, pour vénérer Notrc-Dame du Sacré-Coeur,
et trouver, auprès d\'elle et par elle, lc trésor
des faveurs divines... II n\'y a que quatre ans que
son autel existe, et déja plusieurs eentaincs d\'cx-
voto 1\'ornent comme a l\'envi : 1\'artiste y place
son chef-d\'oeuvre, Ie poëte y suspend sa médaille
dïionneur: 1\'or et les pierres précieuses, symboles
éclatants des graces les plus signalées, y consa-
crent de touchants, d\'immortels souvenirs. Cet au-
tel béni nest jamais désert; Ie sacrifice y snit Ie
sacrifice, dont on compte plus de quatre mille en
une seule année__ Les longues files des proces-
sions qu\'il attire, font retentir nos plaines et nos
collines du cri , oui , M. F. , du cri cmou-
vant de leur ardente foi. Notre-Dame du Sacré-
Coeur ébranle Ie pays, dont elle a pris possession
»a la prièredes justes qui criaient vers üieu", vla-
maverunt ad Deum__ On dirait qu\'elle éprouve
un plaisir spécial a dévoiler, a montrer sa gran-
deur en face »des dragons", je veux dire, en face
de I\'hérésie et de l\'incrédulité qui se disputent
aujourd\'hui nos provinces inlidèles , celles ([ue la
grande apostasie du XVI siècle a ravies a la 1\'oi
de leurs j)ères. Lux et sol ortus est.... Avec elle et
par elle, »uue lumière nouvelle aparu. uu nou-
veau soleil s est leve"; la foi catholique a recu^ dans
nos contrées, »au milieu des ténèbres du ciel et de
la confusion du monde" un accroissement dévi-
dence, de clarté. Ses statues, au nombre de dix-
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— 20 —
neuf mille, se dressent de toutes parts, et sa
fête annuelle, célébréc a Sittard, au milieu d\'une
vaste afïïuence de pélerins de tont sexc et de
tont rang, revêt une pompe et un éclat indicibles.
Vous coniprenez, M. F. , que ce développe-
ment magnifique du eulte de Notre-Dame du Sacré-
Coeur n\'est, au fond, qu\'une conséquence. La
reeonnaissance publiquc, en effet, qui lui élève
des statues et couvre son autel de splendeurs inu-
sitées, tant d\'ames qui s\'attachent a son service ,
altestent les innombrablcs bienfaits dont elle est Ie
eanal et la dispensatrice. Je touche donc ici aux
merveilles de son culte. Non, M. F., ce n\'est pas
une vaine hyperbole, une de ces expressions qui
échappent a 1\'enthousiasme du sentiment, non ,
des merveilles, de véritables merveilles, délonnantes
merveilles, ont produit eet empressement chaleureux
des populations chrétiennes autour de son tróne, si
riche en bienfaits de toute sorte... Venez, se
sont-elles dit, approchons avec confiance du tróne
de la grdee, afin d\'y recevoir miséricorde et d\'y
trouver Ie secours au temps du bcsoin. Adeamus
cum fiducid ad thronum gratice: ut misericordiam
consequamur et gratiam inveniamus in auxilio
opportuno,
st-paul aux Hebb., ch. i, v. ie. Ab ! quel se-
cours! Parlez ici , ames chrétiennes, favorisées du
regard aimant et compatissant de cette Mère...
Parlez , ames affligces , plongées dans la douleur, a
qui elle a rendu la sérénité et Ia paix.... Parlez, ames
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militantes, éprouvées aux combats de la vie , a qui
elle a donné la victoire et Ie repos... Parlez,
anies coupables, que, par ses inspirations , elle a
appelées au bain sacré de la pénitence; anies saintes,
que, par ses lumières, elle a poussées dans les
voies de la perfection et du divin amour...
Que ne puis-je iei vous öuvrir Ie secret des
coeurs et des eonsciences !... Que de fois, en effet,
moi-même j\'ai été témoin de ces métamorpboses
morales ! Que de fois j\'ai vu couler les larnics
de la reconnaissance et de la joie ! Et non seu-
lement les personnes, les individus , mais des
families entières, des établissements entiers lui
doivent les plus saintes, les plus heureuses trans-
formations.
Est-ce la tout? Notre-Dame du Sacré-Co3ur n\'est-
elle pour nous qu\'une puissance consolatrice, une
force sanctiliante? Ce serait assez, sans doute,
pour bénir Ie Seigneur de nous avoir visites par
elle. Mais elle ne se contente pas d\'opérer des
incrvcilles dans Ie domaine moral, elle en opère
jusqne dans Ie domaine physique.
Pardonnez-moi, M. F. , la hardiesse de mon
langage: je ne veux devancer en rien Ie jugement
de 1\'Eglise. ni prononcer sur les faits extraordinai-
res qui viennent si souvent réveillcr et charmcr
notre foi. Tout ce que je puis dire c\'est que, dans
des cas désespérés, dans des circonstances suprêmeSj
oü tous les secours hnmains étaient déclarés inu-
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n —
tiles, les neuvaines faites en l\'honneur de Notrc-
Dame du Sacré-Coeur ont été couronnées d\'un
succes soudain, au dernier jour, a la dernière
heure, et surtout a la grande stupéfaction des
hommes de Part,\' qui signalaient Ie [nodige en con-
fessant leur impuissance Naguère encore uu d\'en-
treeux, pour qui Ie miracle n\'était, disait-il, qu\'une
chimère, poussa un cri d\'admiration et de foi, en
présence d\'un corps, ou plutót d\'un cadavre, pcr-
mettcz-moi I\'expression , livré vivant et immobile
a la putréfaction du sépulcre, mais se dressant
lout a coup, plein d\'une santé nouvelle, sur sa
couchc infecte, a 1\'expiration de la neuvaine...
Toute la contrée d\'Oudenbosch, oü arriva ce pro-
ilige, tout Ie Brabant septentrional s\'émut au bruit
de ee fait incontestable et incontesté. L\'hérésie garda
Ie silence, refuge ordinaire de sou obstination et
«Ie sa faiblesse; la piété catholique, les serviteurs
de Marie en triomphèrent. (I) Kt des prodiges
de ce genre ne sont pas des cas isolés, ils sont\'
nombreux, ils sont l\'réquents. Voila les gloires
dont nous sommes témoins ! Voila comment
1) Le fait dont il est qucstion ici out lieu Ie \'2 Aout 1872 , a Oudou-
bosch. La malade ctait la Siihii\' Chrysostórae , lille de charité. On peut
voir les détails du prodige dans les Annales hollaudaises de la confrérie
dc Notre-Damc du Sacré-Coeur, Mai, 1873. La scienee avait dóclaré, par
ia bouehe de deux niédeeins , que Ia sosur Chiysostöme était incurable.
Quiconquc , du reste, lira l\'exposé des douleui\'s souffertes par la pauvrc
malade et de quel genre de maladie elle était atteinte , comprendra aisé-
ment qu\'il nc pouvait y avoir aucune espcrancc de guérison. Of lii oü
linit le pouvoir de 1\'homnie, le pouvoir de Dieu commcncc.
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— 23 —
Notre-Dame du Sacré-Coeur »pousse des racincs
dans les coeurs des ékis de Dien !" In clcctis mets
milte radices
.. Voila comment Ie Kils glorifie
la Mère et comment la Mère fait agir Ie Fils...
Ainsi son intervention puissante, sou suffrage
irrésistible, sème les mcrveilles et toiiles les eonsola-
tions de Ia foi jusque dans la palrie des gueux
de terre et de mer, des De Ruiter et des ïaciturne.
Est-il donc étonnant que , pour lui rendre nos
actions de graces, elle nous ait lires jusqu\'a Issou-
dun, d\'oü elle nous est venue? Est-il étonnant que
notie patrie qui, malgré 1\'hérésie, semble être un
lieu de prédileclion pour elle, ait voulu ètre pré-
sente, dans un grand nombre de ses enfants, et
prendre part a eet hommage universel, catholique ,
qu elle reooit a Issoudnn ? Nous sommes donc
arrivés chargés dohligations de toute sorte, cour-
bés sons Ie j)oids de la dette de notre reconnais-
sance. Nous sommes arrivés a Issoudun avec une
bannièrc aux couleurs nalionales, bannière qui
sera suspendue dans ce saint temple, en perpé-
tuel souvenir , pour attcster les triomphes de
Notre-Dame du Sacré-Coeur, et 1\'ainour que nous
lui portons. Qu\'elle Holte sous ces voütes mysté-
rieuses, et que Ie cceur qui la surmonte, lequel
renferme Ie chiffre de tous les associés, y prie^ y
supplic sans eesse pour nous. Les deux splendides
couronnes, déposées sur Kantel pour être hénites
tont a 1\'heure, nous les emporterons comme de
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précieux gages de 1\'airiour qui unit Ie sanctuairc
d\'lssouijun a celui de Sittard: elles sont données
pour la Mère et pour 1\'Enfant. Nous ne les veirons
jamais sans la plus vive allégresse, sans reporter nos
souvenirs au jour mille fois béni (lont présentement
nous goütons les douceurs. Ah ! oui, nous sommes
heureux ! heureux comme les moissonneurs qui se
réjouissent de 1\'abondance tle la moisson, simt qui
leetantur in messe j
heureux comme les vainqueurs
qui se pariagent les riches dépouilles de lenneini.
sicut victores , captd proedd , quanrio dividunt
spolia !
is. ch. ix, v. 3.
Permettez-moi un épanchement intime.
O Jérusalem! j\'ai eu Ie bonheur de te visiter .
de fouler la sainte poussière; j\'ai vu ton tcmple.
Ie plus auguste de Filmvers , par cette tombe glo-
rieuse d\'oii FHomme-Dieu s\'élanca, vivant et victo-
rieux, a la conquête de toutes les nations; j\'ai hu.
a longs traits, les eaux vives qui jaillissent «Ie ton
sein! Et toi, Bethléhem, et toi, Nazareth, et \\ous
tous enfin, sanctuaires de Ia Palestine, Iieux a
jamais ilhistres. lieux sanctifiés par la présence
de Jésus et de Marie, quelles joies vous m\'avez
procurées, quelles consolalions inexprimahles !
Eli hien ! Issoudun renouvelle en mon amc ces
consolalions, ces joies. cc bonheur... J\'y sens la
présence du Fils et de la Mère ; j\'y aspire Ie par-
fum de leur amour; j\'y foule une autre Terre-
Sainte; j\'y entends une voix mystéricuse qui me
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dit: Locus in quo stas terra saneta est... Le lieu
oü tu es debout est une terre sainte......
En esprit, je tombe donc a genoux, en ce moment,
et tous les pélerins de Ia Néerlande se prosternent
avec inoi— Nos coeurs s\'épanchent, nos ames se
répandent en prières.
Nous voici a vos pieds , ö Notre-Dame du
Sacré-Co3ur ! La Hollande entière vous invoque et
vous supplie par nous, car toutes ses provinces
comptent des représentants parmi nous. Et moi ,
qui ai linsigne honneur de les conduire, je vous
invoque et vous supplie au nom de NN. SS. les
évêques , dont je suis 1\'bumble délégué.
Nous vous consacrons notie chère patrie , nos
diocèses, nos évêques, chaque province, chaque pa-
roisse, chaque familie et particulièrement les nótres.
Nous vous consacrons spécialement le diocese
de Ruremonde et sou vénérable évêque, Ie fervent
apótre de votre culte.
Nous vous consacrons, spécialement encore, Ia
ville de Sittard et son digne pasteur, et Ia
maison religieuse oü vous avez choisi le lieu de
votre repos et de votre gloire.
N\'écartez pas non plus vos regards de la portion
infidèle, séparée du troupeau du Seigneur. N\'écar-
tez pas vos regards de ces milliers de pécheurs
<[ui crucifient, hélas ! le coeur de votre divin Fils,
ui de tous ceux qui souffrent, soit dans 1\'ème, soit
dans le corps.
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Sauvez enfin toute I\'Eglise souffrante et militante.
Jetez votre regard Ie plus doux sur son augustc
chef, aujourd\'hui couronné d\'épines : prolongez
son admirable carrière : glorifiez-le comme il vous
a glorifiée ; qu\'il voie la fin de Ia tempête comme
il en a vu Ie commencement; humiliez ses ennemis!
Sauvez Pie IX !
Sauvez Ie Pontife-Roi !
Sauvez Ie Martyr !
Sauvez enfin Ie soldat de Pie IX , du Pontife-
Roi , du Martyr , ó Xotre-Dame du Sacré-Coeur \'
sauvez Ia France catholique! Et que la bénédic-
tion de son Eminencc Ie cardinal-archevèque nous
soit un gage certain de ces faveurs célestes.
Ainsi soit-il.
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