HI STOIRE
GfiNfiRALE
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DR
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PORT-ROIAL;
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3oT.
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HISTOIRE
g£n£RALE
DE
PORT-ROIAL,
DEPUIS LA REFORME DE L'ABB A if E
jufqu'a fon entiere deftru&ion.
TOME SEPTIEME.
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A AMSTERDAM,
Chez JEAN VANDUREN. M. D C C. L V11.
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AVERTISSEMENT,
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o
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N s'etoit propofe de renfermer
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THiftoire de Port-Roial en hiiit Vo-
lumes ; mais l'abondance de la ma- tiere, jointe an caractere de i'impref- fion dont on s'eft fervi pour la com- modite des Le&eurs , a oblige de paffer ces bornes, & d'ajouter deux Volumes. Si cette augmentation de- plait a quelques-uns, on a lieu d'efpe- rer qu'elle ne deplaira point aux per- fonnes qui aiment que les matieres importantes foient traitees avec une jufte etendue. L'accueil que le Public a fait aux fix premiers Volumes fem- ble etre un garant qu'il ne recevra pas moins favorablement les quatre que nous lui prefentons. II eft vrai, nous en convenons volontiers , que la pro- lixite n'a jamais fait le mirite d'un ou- vrage; mais il faut auffi convenir , que jamais la brievete ne le fit. Une Hiftoire n'eft bonne , ni a. raifon de fa prolixite , ni a raifon de fa brie- vete ; mais a raifon de l'ordre, de la a
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\) AVERT1SSEMENT.
methode, du choix & de l'arrange- ment des faits , du ftyle & du gout qui y regnent. En un mot, une Hif- toire eft bonne, foit qu'elle foit Ion- gue , foit qu'elle foit courte, lorf- qu'elle eft bien faite. Elle pent etre Iongue, & en mcme-tems tres bon- ne , telle eft l'Hiftoire Ecclefiaftique de M. Fleury. Elle pent etre courte & tres mauvaife , tel eft l'Abrege de l'Hiftoire Ecclefiaftique d'un certain Hiftoriographe d'Avignon(*), deve- nu prefqu'auffi fameux que ceux aux- quels il a prete Ion nom , ou qui lui ont prete lenr plume. La prolixite n'eft done pas par
elle-meme un defaut : mais en eft- elleun qu'on puifle reprocher a l'Hif- toire generate de Port-Roial ? L'Au- teur des Vies des quatrc Eveques atta- ches a la caufede Port-B.o'ial} le penfe ainfi; & non content de ce reproche qu'il fait en general dans la Preface fur fes vies, il attaque l'Hiftoire plus particulierement dans deux lettres qui font a la fin de fon ouvrage. II n'eft point d'ecrit qui foit a l'abri
de la critique,quelque precaution que Ton prenne pour s'en garantir : ainfi on ne doit point etre furpris que l'Hiftoire generate de P. R, ait effuie |
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AVERTISSEMENT. ilj
une attaque. Ce qui pourroit furpren- dre,c'eft la main d'oii le coup eft par- ti & plus encore la Angularity dela CritlC|Ue.Toutc£oi3 110113 (Jwci-y-ono clirt>
que ceil une main amie, on du moins
qui n'a fait aucune bleflure. Quoiqvie le nom da Cenfeur , connu dans le public par la reputation que fa pie- te & fes lumieres lui ont juftement acquife , forme en fa faveur un pre- juge favorable; bien loin de diffi- muler fa critique, nous nous faifons un devoir d'en avertir nos Lecfeurs ; nous les prions meme inftamment de vouloir bien prendre la peine de lire Jes deux lettres dans lelquelles on attaque notre Hiftoire. C'eft la toute la reponfe que nous y voulons faire. L'eftime & la veneration que nous avons pour ce refpe&able Cenfeur ne nous permettant, ni de garder fur fa critique un filence qui pourroit etre regarde comme une marque de mepris , ni de la combattre, beau- coup moins de nous mefurer avec lui, nous nous contentons de 1'aban- donner au jugement du public, qui eft l'arbitre fouverain de ces fortes de conteftations. Ceuxquine feront point fatisfaits d'une telle reponfe de notre part, & qui defireroient qu'on |
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iv AFERTISSEMENT.
difcutat les articles critiques , peu- vent lire un petit ecrit de 24 pages, publie fous ce titre: Remarquesjur ce .j*,; *ji uu u't. eiiijiuii c gdudriiU dc Port- Ro'ial dans deux lettres quife trouvent a lafiti des vies des quatre Eveques enga- ges dans la caufe de Port - Ro'ial. Ces Remarques peuvent etre jointes, tant a FHiftoire generale de Port- Roial j qu'aux vies des quatre Eve- ques. D'ailleurs l'Auteur de la vie des quatre Eveques, n'a releve aucun fait ni aucune date de l'Hiftoire gene- rale : il attaque feulement les eloges qu'on en a faits, & la haute preference, qu'on lui a donnee , a ce qu'il pre- tend j fur une autre Hiftoire de P. R. en fix volumes , a laqnelle il s'inte- refle. Peut-on exiger de nous une dif- cuffion fur un tel fujet ? Mais une cho- fe , fur laquelle il ne nous eft pas per- mis de garder le filence , c'eft une Lettre, qu'il nous accufe, fans aucun fondement, d'avoir ecrite contre un Ecrivain celebre pour lequel nous avons un refped & une eftime parti- culiere. Nous defavouons hautement cette Lettre, a laquelle nous n'avons aucune part. |
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HISTOmE
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HISTOIRE
GENERALE
D E
P ORT-R OIA L.
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SECONDE P ARTIE.
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LIVRE SEPTIEME.
JLjEs annees qui fuivent celle de la " I(j70 -
paix de Clement IX, jufqu'd la der- , mere perfecution , ne font plus rem- *« dcp.*. plies de ces grands evenemens , qui TndJ¥& nous ont fourni une fi abondante glire> matiere , fur-tout pendant le terns d'orage ; terns terrible , dit M. Ni- cole (i), & fi terrible que , fi ces (i) M. Nicole , aaa« une ljttte du 4 \xan<x Tome a JL A
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1 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
'l(j7o. jours n'avoient he. abreges 3 qui que ce
foit rieut hi fauve. Nous ne verrons pas clans cet interval , les religi'eufes de Port-roi'al eiTuier des combats pour leur attachement a la verite & a la fincerite chretienne , &C donner par leur foi & leur courage ces fpedtacles qui ont fait le fujet de notre admira- tion , &c qui feront celle de la pofte- |
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1695 , ala fccur Agnes le
peron, entretenant, cette religieufe des diftcrentes epreuves de Port-toTal, en diftingue de quatrc fortes, auxquelles elles ont eee ex- pofecs en quatre tems dif- ferens. Le premier tems ell le tems de la prepara- tion d I'orage ou des me- naces , & s'etend depuis j«{4 jufqu'en'1664, ou le ■ grand orage commence. Le.fecond tems eft celui du grand orage , tems ter- rible i 8c s'etend depuis 1664, jufqu'a la paix rendue a 1'Eglife. Le troi- fieme tems eft celui de la dutee de cette paix juf- qu'au tems que les nuagos fe renouvellerent a la mort'de Madame de Lon- gueville. Le quatrieme tems eft celui qui s'eft ecoule depuis la raort de cette Princeire , 8c qui fubfiftok encore en 1695, lorfque M. Nicole ecri- voit. 11 appelle ce tems, 3 l'egard de P. R, ua terns d'obfcurciffemw- Cec |
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homme judicieux rcmar-
que 33 que c«s ditl'erens 33 tems ont des carafteres 33 diffirens. Chacun a eu 33 fes biens , fes maux, 33 fes avantages 8c fes def- 33 avantages « ; enforte qu'il eft fouvenc difficile de conilderer, lequel, tout bien, pefe , eft 'preferable al'autre. Le premier tems avoic
fes biens 8c fes maux, a- vec cetce difference que les menaces regardoicnt plus les chefs que les membtes particuliets ; au lieu que les biens fpirituels s'eten- doient generalement a tou- tes , n'y aiant jamais eu plus de fecours fpirituels que fous laconduite de la premiere mere Angeli- que , de la mfre Agnes , de la mere des Anges, de Mi singlm , M. de Saci, &c. Le fecond tems etoic un tems terrible , pour le- quel les religieufes de- voient a Dieu de grandes actions de graces cje 1'^-. yoif ^biege. |
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II. Par tie. Liv. VII. 3
rite la plus reculee. Mais nous les ver- ~ rons,comme les chretiens des premiers fiecles de 1'Eglife pendant les jours de paix qui fuccedoient aux perfecutions, fe fanc-tifier dans le calme par la pra- tique de routes les vertus de leur etat, & terminer , les unes apres les autres , leur carriere par une mort precieufe aux yeux du Seigneur. Ce n'eft point que les dix annees,qui ont fuivi la paix de 1'Eglife, aient ete exemtes de pei- nes & d'amertumes. » Les dix annees , » dit encore M. Nicole (2) , qui ont » fuivi la paix de 1'Eglife, & qui pa- s' roiflent fi glorieufes a votre maifon , » n'ont pas ete exemtes de peines 6c ■>i d'amertumes, & j'ai vu des perfon- jj nes afTez eclairees , partagees fur ce » fujet. L'avis qui prevalut, eft, qu'on »s'eft retabli dans la maifon des « Champs comme auparavant, qu'elle » a ete gouvernee par fes Direcleurs » ordinaires , qu'on a repondu par fa » gratitude aux bons offices des per- » fonnes de qualite qui temoignent » de la bonte pour la maifon \ que les w religieufes y ont ete dans un certain »> eclat que leur piete leur attiroit, (1)) Dans lamemelet- dans les Mem. hift. T. 3.
tre; voi'e* tette lettre p. 148, ifj\ A ij
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4 HtSTOIRE DE PORT-HOIAI,.
« aufli-bien que les talens eminens
» des fuperieurs. _ » L'avis des autres , continue M.
« Nicole , etoit plus farouche en ao- » parence. Us euflent voulu qu'on eut » evite tout ce qui avoit de 1'eclat dans „ le monde , qu'on n'eut point vu a « P. R. tant de carofles, tantde per- » fonnes de qualite , qu'on eut pour „vue piincipale de fe cacher & de » s'enfevelir dans le monde; & puif- » qu'on reconnoiflbit que l'cclat avoit » excite beaucoup d'envie , qu'on eut » tache de l'etouffer par une vie en- v tierement obfcure. Cetoit en particulier le fentimenc
de M. de Sainte Marthe , qui fe feroit porte volontiers a ne jamais mettre le pied a P. R., de crainte d'y attirer quelques-uns des maux dont on ve- noit de fortir. M. Nicole ne diffimule point qu'il etoit du meme avis. Quoique les religieufes de P. R.
aie.nt egalement profite de ces etats divers pour s'avancer dans la verm , neanmoins ces differens etats ne pro- Oirent pas a l'hiftorien une matiere egalement intereflante. Mais fi dans les terns de calme & d'obfcurciiTement (fy nous ajlons entrer, nous n'avorts. |
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plus ) ifqu'au renverfement de ce faint ic-fo.
monaftere , a parler de ces adtioits eVlatantes & deces combats , qui nous ont occupes dans les annees prece- dentes, c'eft-A-dire, dans te terns d'o- rage \ nous aurons plus de liberte d'en- tret dans des details particuliers des vertus de ces admirables vierges chre'- tiennes , de leurs faints Dire&eurs-, des folitaires qui habitoient ce- de~ fert, &c de leurs amis. Les maladies qui regnerent a P. R. ., '1t*. ,
i .-it to Mort de pi*
des L.namps au commencement de fours ten-
l'annee 1670 , malgre la rigueur du sieufe*> froid, enleverent pendant le mois de Janvier , trois fceurs converfes , 1 °. La fceur Anne de S. Paul-Bernard (3); a". La fceur Louife de S. Barthelemi Fortier (4), qui toujours uniforme dans fa conduke & toujours fiddle afes devoirs , avoit paffd dans le cloitre quarante ans ou environ (5) : 3". La fceur Marie de Sainte Luce Gar- nier (6). Sa mort avoit ete precedee de celle d'une poftulante converfe , nominee Madeleine de Sainte Oppor- tune Rouftel (7) , qui eut la coniola-> tion de recevoir au lit de la mort (j) Morte le 10. (fl Morte let?.
(4) Morte le iS. (7) Morte le ift
to) Necr. p. )j. ...
A llj
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4 HliTOIRE DE PoRT-ROlAI,.'
' 1670. l'habit de novice , qui lui fut donne*
en confideration de fon zele & de fa piete. Le deux du mois de Mai fuivant, la mort enleva encore une fceur converfe nominee Marie Ma- deleine de Sainte Marrhe Charon , fur laquelle Dieu avoir fait eclater fa mifericorde d'une maniere route par- ticuliere (8). Ce fut la derniere reli- gieufe qui quitta la maifon de Paris, pour fe reunir dans celle des Champs avec {es meres & fes fceurs. Elle eut cette confolation le 24mai 1669. Elle fe crut deja en Pa.ra.dis, dit la mere Angelique de Saint Jean , lorfquelle fe vit avec la mere Agnes & avec nous. Tons fes fentimens n'etoient plus que de joie 8c d'actions de graces. » Elle » pafTa fes dernieres annees dans la » meme paix qu'elle avoit accoutu-r m me , & elle mourut avec beaucoup » de piete & d'humilite le 2 mai 1670. m. Dieu qui a pitie de qui il veut,. Tin de la & qui lai(fe dans l'endurciffement qui
fameufelocur •• i* • « a ■ i , a 1
Uavie. u lui plair, cira dans le meme-tems
devant fon tribunal la fceur Flavie , 11 fameufe par fes intrigues & fa trahi- fon. (8) Voi'ez la relation gelique de S. Jean. Vie*
dcfavie par la mere An- edif. T. 3. p. 70. |
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II. Par tib. Liv. VII. 7
Des que la mere Agnes apprit \£->c. qu'elle etoit dangereufement malade, elle fut vivement touchee du trifle etat de cette malheureufe fdle, & lui ecrivit une lettre des plus touchantes, pour richer de la faire rentrer en elle- meme. Void ce qui donna occafion a cette lettre. M. DefTeaux parent de la foeur Fla-
vie, qui demeuroit depuis long-tems dans urie ferme de Port-roial des Champs (9) , aiant fu que fa Tante etoit fort mal , alia a Paris pour en favoir des nouvelles plus particu- lieres. II y apprit qu'elle etoit a l'ex- tremite , & chargea la religieufe du tour , qui etoit fa coufine , d'aller trouver la fceur Flavie , de lui dire de fa part, qu'il etoit venu pour s'infor- mer de fes nouvelles & pour en por- ter aux religieufes de Port-roial des Champs. La religieufe aiant fait fa commiflion revint, & lui dit de la part de la malade , qu'elle lui etoit (9) La ferme de Champ- mee Matie de Sainte-
garnier, pres de P. R 11 Agathe , religieufe tres
y vecut pendant 40 ans vertueufe, ijui demcura
dans une grande piete , & fiddle a la verite pendanc
un grand attachement la perfecurion, 8c mourur
pour la maifon , & y le 13 mars 1690. Supl.
mouruc le 10 novembre p. 494. Mem. hift. T. )•
J700. Il avoir une fceur p. 504.
siP.R.des champs, now- ( t *
A inj
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3 HlSTOlRE DE PoRT-fcOlAI.
tres obligee de la peine qu'il avoir
prife , & qu'elle fe recommandoit a fes prieres & a. celles des religieufes de P. R. des Champs. M. DeflTeaux etant deja monte a cheval pour s'en retourner , on le fie rappeller par une des tourrieres , & on lui dit qu'on avoit encore un mot a lui dire. Etant —monte an parloir, la meme religieufe fa confine , qui lui avoir deja parle , lui demanda s'il etoit feul; M. Def- faux ai'ant repondu qu'oui , elle fit approcher une autre religieufe, qui lui dit, qu'elle avoit ordre de la mere Flavie de lui temoigner beaucoup de reconnoiflance de la charite des meres de P. R. des Champs ; que la fixur Flavie l'avoit chargee de lui dire de fa part , qu'en Petat oii elle etoit, elle fe jettoit en efprit a leurs pieds {•our leur demander pardon , & qu'el-
e les pripit d'oublier tout le pafle. Mais ces religieufes exigerent fur cela un grand fecrct de lui. M. DefTeaux " retourna a P. R. & s'acquitta de fa commilfion. Les meres etant fenfible- ment touchees de Petat ou etoit k fceur Flavie , & de ce qu'elle leur avoit fait dire, penferent a chercher quelques moi'ens pour lui temoigner cju'elles recevoient fes excufes de tres |
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II. P A * 11 e. I/j/. A7/. 9
feon cceur, & qu'elles lai pardonnoient i tout ce qui pouvoit lui dormer des re- mords a leur fujet, dans le defir que Dieu lui pardonnat de meme , afin que cette affurance adoucit le trou- ble , 011 elle pourroit etre a l'appro- che de la mort. Celt ce qui porta la mere Agnes a lui ecrire, dans la pen- fee que rien ne pourroit la conloler davantage , a caufe de 1'union fi etroi- e qui avoir ete autrefois entre-elles. Tile le lit avec grande precipitation , *arceque M. Dedeaux avoit rapporte ]ue felon la decifion dn medecin elle le pafleroit pas le lendemain. Cet- e lettre avoit rapport aux excufes que a fceur Flavie avoit fait faire fur ce jui s'etoit pafle' a leur egard, & au ">ardon qu'elleen avoit demandejmais a mere Agnes ne crut pas pouvoir n rien marquer, a caufe du fecret ;ue les deux religieufes de Paris qui voient parle a M. Defleaux de la par* le la fceur Flavie, avoient exige de ui. Ainfi elle ne fit que lui temoi- mer une extreme affection de la part es religieufes de P. R. des Champs, •c un enrier oubli de tout le pafTe , &c 'exhortoit a faire a l'egard de Dieu, ce ju'elle avoit deja fait a leur egard , "ans neanmoins reveler cette demar- A v
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10 HlSTOIRE 0E PoRT-ROlAt,.
che. Voi'ez cette lertre a la fin dii
Tome (10). |
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1670.
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iv. Un mois apres que la lettre de la mere
fuppoR4roIde Agnes eutete rendue a lafoeur Flavie,
la foeui Fia- 0n recut a P. R. des Champs une re- |
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■Tie
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ponfe fous fon nom, datee du 2 5 mai,
dans laquelle on emploioit de grands lieux communs a-propos de rien j &C ony traitoit les religieufes de P. R. des Champs de rebelles & de defobeif- fantes , quoique M. de Paris , par fa fentence du 17 de fevrier , eut decla- re avoir une extreme joie de leur cbeiffance entiere & veritable , & de la foumillion qu'elles lui avoient ren- due. Cette piece vifiblement fuppofee n'eft digne que de mepris , mais l'e- clat qu'elle fit dans le public , femble exiger qu'on la rapporte; Le leiteur la trouvera a la fin du volume. |
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La charite de la mere Agnes la por-
a repliquer a la fceur Flavie. Mais |
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v.
la mere [a |
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que. Cp " tout le fucces qu'eut fon zele , & tout
1'erFet qifil produifit, fut qu'il fervit de pretexte aux religieufes de Paris pour accufer celles des Champs , 8c. indifpofer contre elles M. l'Archeve- que. Enforte que la mere Agnes fut (10) Nous trouvons lequel on marque quelle
cette relation dans un aete vue parM. DefleauXj, Journal manufciit, dans qui l'a trouyee veritable. |
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II. Parti e. Liv. VII- t%
obligee de lui ecrire pour fe juftifier, - 1670, en lui faifant connoitre la droiture de fes intentions , qui n'etoient autres que de porter cette fille a la paix &a l'union dans l'extremite 011 elle avoit appris qu'elle etoit. Madame la Du- cnefTe de Longueville parla meme a ce fujet au Pr.elat , qui voiant que plufieurs perfonnes fe donnoient des mouvemens pour approfondir ce myf- tere, & pour avoir des preuves cer- taines de la fuppolition de la lettre de la fceur Flavie , tacha d'etouffer cette affaire , qui ne pouvoit faire honneur a fon P. R. favori. Une lettre de la mere Angelique Lett^'aer*
de Saint Jean a M. Perrier achevera «>«* Angeii- d'eclaircir l'hiftoire de cette lettre AZtX^* autant qu'elle peut l'etre. » II y a , *•«« fuPP°- t 11 / \ I r> r> 'ee de la Ccciu:'
» dit-elle (11), un chaos entre P. K. Flavie,
5) de Paris & nous. Nous n'en favons » aucune nouvelle. Nous n'avons pu » meme penetrer tout-a-fait le myf- « tere de la lettre de la fceur Flavie, » dont vous avez oui parler. II y & » beaucoup d'apparence qu'elle ne l'a » pas faite, & qu'on a contrefait fon » ecriture de meme qu'affurement on z » compofe la lettre qui n'eft pas d'elle, * Elle avoit donne occafion a la mere 4n> Rec, de 1740 in-it, p. JM- A v'f
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II HlSTOIRE DE P0R.T-R.OlAl.'
J 670. » Agnes de lui ecrire par un compli*
» ment qu'elle lui fit faire , accompa- » gne d'excufes de ce qui s'etoit pafle : » la reponfe n'eft venue qu'un mois » apres, lorfqu'elle etoit fi proche de » (& fin, qu'il n'eft gueres croiable » qu'elle ait pu. ecrire une fi grande » lettre. M. l'Archevcque de Paris a. » eu grand foin de defendre depuis » fa mort, qu'on parlat davantage de » cela j & il ne s'eft appaife qu'a cet- » te condition. Nous l'avons fait pour » nous bien aifement , d'autant plus » que le mal etoit fans remede pour » elle. vn. » II n'y a pas fujet d'efperer qu'elle fc«°fiadveie!3 " (la fcEur FIavie) fe foit veritable-
» ment reconnue , car des perfonnes » qui l'ont vue jufqu'a fa mort,. di- » fent qu'elle paroiffoit fort en repos. » Rien n'eft plus terrible & ne fait « tanr apprenender le jugement de » Dieu que ce grand filence , qu'il « garde jufqu'a ee dernier moment, » ou Ton paroit tout d'un eonp a ce » grand jour qui eclaire jufques dans » les plu's fecrets replis de Tame, pour » lui decouvrir a elle-meme tout ce » qu'elle n'a jamais peut-etre connu,ou » ce qu'elle a ete bien-aife de ne point » voir, mais quelle nepeut plus ca« |
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ft. P a ft. t r t. Liv. Vlt t}
»> cherauxyeuxdefonjugequil'accufe 1^70"
» & la condamne. Jen'applique point
>> cela a. cette pauvre fille , & je ne la
» veux point juger 5 elle l'eft deja- ,
» mais Dieu veut que les exemples
» nous fatten t peur , & que nous pre-
» venions notre derniere heure pax
» notre vigilance , en ne differant
» point la penitence, qui eft fi dou-
» teufe, lorfqu'on la remet a un au-
» tie temsv
La foeur Flavie mourut le 6 de
juin, & les religieufes de la maifon de3 Champs firent pour elle les prieres or- dinaires & les continuerent pendanj trente jours. La mort de cette vierge folle fuc
fuivie de pres de celle d'un homme fameux, qui n'avoit pas moins fait de mal qu'elle aux religieufes de P. R. Nous nations du P. Anna* Jefuite , confefleur du Roi , qui apres avoir , • mis dans l'Eglife le feu de la difcor- de pour faire recevoir le formulairs qu'il avoit fabrique avec M. de Mar- ea , alia rendre fes eomptes au fou*- verain Juge le 14 de juin , huit jours apres la fceur Flavie. Nous n'en di- rons pas davantage fur ces deux fa- . meux perfonnages. II vaut mieux en- tretenir nos le&eurs de fujets plus propres a les edifieiv |
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T4 HlSTOIRE D"E PoRT-Roi'At.
"I(f70- Port-roial perdit le 9 juin de cette
annee par la more de M. Akakia , un MoVr"'eM. faint Pretre & un Directeur eclaire, Charles Aka- qui avoit rendu de erands fervices a la maifon. Ne avec un genie rare , oC un caractere excellent , un jugement exquis & une memoire prodigieufe, il etudia dans rUniverfite de Paris avec un fucces qui repondit a toutes ces grandes qualites (u). Etantlicen- cie en Theologie de la maifon de Na- varre , & pouvant recevoir avec difi- tinction le bonnet de Dodteur , il fe retira a P. R. des Champs pour y vi- vre dans la penitence & la retraite. II eut la confolation de voir fon exenv pie fuivi par quatre freres & une fceur. Quelques annees apres , il fut oblige de recevoir le facerdoce mal- gre Teloignement qu'il en avoit , 8c le defir de demeurer dans la derniere place. 11 mena dans cet etat la vie d'un homme choifi de Dieu & cache en Dieu , n'aiant d'autre defir que de lui plaire & d'etre connu de lui feul. En 1W1 , il fut force comme les au- tres dire&eurs & folitaires , de quit- ter le S. defert de P. R., & fe retira fur la paroifie de Saint Medard , 011 il mourut le 9 juin 1670 , age feu- <ii) Ntcrol. p. njv
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. n. p a ». t i e. Liv. rn.\ 15
lement de 48 ans. Son corps repofe is-jo."
dans cette paroiife. Meffire Louis de Pontis , gentil- ix.
homme provencjal , ne vers 1584 , JjEJft£J apres avoir fervi fidelement fous trois tis, Rois pendanr plus de 50 ans, futaf- fez heureux pour entendre la voix de Dieu dans Pevenement extraordinai- re de la mort d'un ami,(M.de S.Ange,) qu'il aimoit beaueoup. Ce fat pour lui un coup de grace qui le reveilla,parce- que c'etoit le moment que Dieu avoir refolu de lui faire mifericorde (13). La mort qu'il avoit eu tant de fois devant les yeux(i4) , ne lui avoit ja- mais paru redoutable qu'en ce mo- ment , que la foi lui en decouvrit les fuites. » Tant de morts, dit-il (15), dont j'avois ete temoin jufqu'alorsdans » les armees,n'avoient fait d'impreffion » dans mon efprit que pour me por- » ter a pleurer ceux que j'aimois, mais; » celle-ci me toucha le coeur, & me » fit penfer a me pleurer moi-meme , » 8c a faire une ferieufe reflexion fur « ce qui me pouvoit arriver aufli-bien 5» qu'aux autres*.. . Quoi ! difois-je » en moi-meme, cet homme fe por- (15) Necrol. de P. R. res de Pontis.
p, i,s. (i5JMem.Tri.E. jv^- (14) Voi'ei leiMcmoi-
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*<f HlSTOlRj DE PoRT-RoLCt,
iC-jc. " toit bien, il n'y a qu'un quart d'heii*
. » re & le voila mort en un moment. » Je puis done mourir en un inftanc » cornme lui. He que deviendrois-Je » alors, pauvre miferable ? Que de- » viendras-tu dans l'etat ou tu es-, » n'aiant jamais penfe a la mort ? II » eft terns d'y penfer ferieufement. » C'eft peut-etre a toi que Dieu par- » le par cette mort «. Apres ces re- flexions , M. de Pontis apprit du con- feffeur de fon ami un evenement fin* gulier , qui le frappa beaucoup. II eut enfuite une converfation avec une perfonne de piete , qui le fortifia dans larefolution qu'il prit de donnertout le refte du tems de fa vie x l'impor- tanre affaire de fon falut. Comme il connoifTbit M-- d'Andilly . qui etoit deja retire dans le defert de P. R., il alia 1'y trouver , pour apprendce de lui a renaitre dans la vieillelTe. II y paffa pres de 9 ans-dans la priere , la penitence & le travail des mains. p> Ce faint Vieillard , dit M. du Fof- » fe (i(J), qui ayoit coutume de mar- » cher a la tete des regimens, etoit » occupe pendant ce tems-la a appla- » nir un endroit que Ton nommoit » in Jolhudine & a le defricber. Tout (*«; FolT. Mem.p. i«fc
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ft. Partis. Liv. Fit 17
» courbe fous le poid de fes annees" m & de fes fervices, il confacroit les » relies precieux de fa vie & de » fes forces, par un travail laborieux » &c utile, enforte qu'ilfit un endroit » fort agreable fur une montagne in- » cuke. Il avoir toujours dans le » cceur & fouvenr dans la bouehe, » ces paroles : Regi f&culorum immor- » tali cy invifibdi foli Deo honor & »gloria. Celui qui depuis pres de "50 ans s'etoit fait une habitude de » commander d'une maniere abfolue » aux officiers fubalternes & aux fol- » dats qui fervoient fous lui, ferrt- h bloit etre alors comme un enfant, » ai'ant une telle foumiffion pour M. » de Saci qui le conduifoit, qu'il pa- » roilfoit ne fe fouvenir de ion an- » cien commandement , comme cet » officier j(i loue dans l'evangile, que » pour etre plus foumis a 1'egard de » Dieu & pour temoigner line plus « grande foi dans toutes fes actions. La perfecution qui s'eleva contre P. R. en 1660 , obligea ce venerable Vieillard de fortir de cette chere folitude, oiiil defiroit determiner fes jours. Alors il alia demeurer a. Paris,. ou il vecut encore dix ans , dont ii pafTa la derniere annee au-dehors du. |
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x l8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1670. nionaftere. II mourut le 14 juin , dans
la dix-huitieme annee de fa peniten- ce , la quatre-vingt-feptieme de fon age , & fut enterre devant la grille du choeur des religieufes, comme il f avoir ordonne par fon teftament fait avant la feparation des deux maifons. Celle de Paris jonit de 317 liv. de rente , qu'il avoit leguees a P. R. Lorfque M. Fontaine fut arrete en 1666 avec M. de Saci, on trouva par- mi fes papiers les quatre vers fuivans, que M. de Gomberville avoit fairs fur la retraite de M. de Pontis (17)* dans lefquels il le fait parler. Loin de la Cour & dc la guerre ,
J'apprens a mourir en ces lieux : Qui ne meurt long-tems fur la terre J Ne vivra jamais dans les cieux. On a infere dans le premier volu-
me des Vies intirejfantes , &c. une avanture iinguliere , qui fait bien connoitre quelle etoit la bravoure 8c la charite de M. de Pontis; elle me- rite d'etre lue (18). x. MUe- Elifabeth Bourneau (19), nee Mademor-J'une famiJle ^ £j £ J J
felle Ehla- . ,,., '
beth Bour- piete par une mere vraiement chre-
neau , tour-
jicredeP.R- (,7) Fonr.T. i. p. jn. (i9) Nccrol. p. 18? ,
(»8; p. 388,38;,. i#x. |
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II. Par tie. Liy.VH. 19 t
tienne, eut des fa premiere jeunefle 1 670.
un grand eloignement pour toutes les vanites du monde, & vecut toujours dans nne grande innocence. Apres la mort de fes parens , a Tegard defquels Dieu lui procura l'occafion d'exercer toute l'etendue de la charite qu'elle leur devoir, s'etant prefentee a P. R. pour etre religieufe dans un terns oil la maifon avoir befoin d'une per- fonne fage pour lui confier le rour, elle conlentit, malgre fa repugnance & 1'oppolition de quelques-uns de fes parens , a fe charger de e'er emploi. Elle s'en acquirca pendant dix-fept ans, avec une affection, une fidelite, une egalite , & une conftance admi- - rabies, fans jamais s'etre rebutee des travaux les plus humilians ni des fati- gues les plus penibles. Dieu lui fit en- core la grace de l'a{Tocier a la perfe^ cution & aux fouffrances des faintest filles qu'elle fervoit avec tant de cha- rite , & elle eut ordre de quitter la majfon auffi-tot qu'on eut enleve les douze premieres viclimes. Apres la paix & la liberte rendues a P. R,, elle defira d'entrer dans le monaftere , pour y faire l'office de Marie , apres avoir fait au-dehors celui de Marthe.. Ce qui lui fut accorde, & elle en te- |
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10 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'/A1.
j<j7Q. moigna unejoie & une reconnoifTaiv
ce qui ne peuvent s'exprimer. Elle n'y vecut que treize mois , depuis fon en- tree , ne ceifant de prier & de travail- ler , 8c mourut auffi faintement qu'el- le avoit vecu , le premier jour d'aofit. yd. La mort de M. de la Potherie , fre- ^IdcTapL're du Confeiller d'etat , ne fut pas
tbeiie. moins precieufe aux yeux de Dieu. Cet Abbe refpectable par fa naifTan-
ce , par l'innocence de fa vie, la pu- rete de fes moeurs , fon humilite qui lui fit refufer 1'epifcopat, fon amour pour la retraite , & toutes fes autres qualites , vivoit au milieu de Paris, comme s'll n'eut pas ete de ce monde j & finit par fa mort, le i o feptembre » comme le dit M. Hamon dans fon epi- taphe, la vie celejle qu'il meno'u fur la terre (20}. II avoit une devotion par- ticuliere pour amafler un grand nom- bre de reliques. Par ce moien il avoit fait un fanctuaire de fa maifon, oil il demeuroit affiduement en prefence de Dieu, qu'il adoroit en efprit & en ve- rite.Des l'annee 165 <J,il avoit donnei la maifon de P. R. une epine de la cou- ronne de notre Seigneur, dont Dieu s'etoit fervi pour operer plufieurs mi- racles. Aiant aime cette maifon des |
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II. P A ft. T I E. Liv. VII. 21 _______
le commencement , il l'aima jufqu'a idjo*
la. fin, & voulut par un pieux legs, qu'elle fiit depofitaire de fon trefor % c'eft-a-dire, de routes les reliques qu'il avoit recueillies. II fouhaita d'etre en- rerre au pied de l'autel, ou elles fe- roient placeesj afin que dans fa mort meme , il ne rut point fepare de fes Saints Patrons; & il ajouta a ce legs une rente de 15 o liv. pour l'entretien d'une lampe qui y feroit allumee nuit & jour. Les intentions de ce faint Pre- tre furent executees. Son corps fut ap- {►orte &c inhume a P. R. des Champs
e 13 feptembre , vis-a-vis de la Cha~ pelle des reliques. Toutes celles qu'il avoit leguees a cette fainte maifon, y furent tranfportees le 14 du meme mois , & verifiees le z d'odbobre par M. Grenet fuperieur. Elles ont etc transferees a P. R. de Paris, lors de la deftruclion de P. R. des Champs. Le premier jour de l'annee tSyi*t Mo*"jeJ.
M. Hardouin de Beaumont de Pere-deiW:.' fixe termina fa carriere , qui fans avoir ete bien longue , avoit e^e bien orageufe & pouvoit bien charger fes comptes. Ce Prelatmourutadeuxheu- ras du matin 5 age de 65 ans, dans des tranfpons & des regrets cuifans de tout 0 qu'il ayoitfait eontre des religieufe* f |
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2 2 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
qu'il avoit toujours reconnues dans le
fond defon cceurpour innocentes (zi). Heureux , li ces regrets quoique tar- difs , ont ete tels qu'ils aient pu par- , venir jufqu'au trone du fouverain Ju- ge & attirer fur lui fes mifericordes! Trois jours apres fa mort , le Roi nomma pour remplir le liege de Paris M. de Harlay de Chanvalon Archeve- que de Rouen , qui fut prefere a M. Vialart Eveque de Chalon-fur-marne. Nous n'entretiendrons point ici nos le&eurs des intrigues & des manoeu- vres qu'on emploia pom faire tranf- ferer ce Prelat du liege de Rouen fur celui de Paris. Nous ne ferons point non plus fon portrait. Les curieux peuvent confulter les ecrits qui par-' lent de Jui , & en particulier la nou- velle hiftoire eccleliaftique (22) j les memoires chronologiques & hiftori- ques fur P. R. (23) 011 Ton trouve un aflfez grand detail de fa conduite dans 1'affaire du Formulaire •, & la ■. la, lettre 105 de M. Arnauld (14), dans laquelle il rapporte que M. de Harlay, aiant lu unv ecrit intitule : Reflexions (25) , il les avoit trouvees (11) Mem. fur la def- (15)T. i. p. 501.8c fui.
ttuftion de P. R. p.441. (2.4) T. 1. p. zi;.
(ii) T. 10. p. 41$. & (15) C'etoic unecrit fur.
fiHV. l'affciiiblee de iSS;.
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II. P A R T I E. LlV. VII. % $
belles,mais qu'il avoit ajoute qa'its (les j
Eveques) tie laijferoient pas d'aller leur » -train. Sur quoiceDocteur demande » ce qu'on peut done faire, a des gens » qui ont un fr«nt d'airain , pour v refifter a toutes les raifons qu'on « leur donne, & qui ne fe mettent » pas en peine fi ce qu'ils font eft » jufte , ou injufte. En confequence M. Arnauld juge qu'il eft permis de rourrier en ridicule des perfonnes qui reipectoieiit fi peu la verite 8c la juftice. » (Jaand des perfonnes, dit- " il, (z6) s'opiniatrent a abufer de " leur autorite pour tyrannifer leurs » freres, pour opprimer la verite.... - ce n'eft pas un religieux refpect » pour l'autorite, mais une lache •» prevarication contre Dieu , que de « ne pas crier de toute fa force contre » de fi horribles attentats, lorfqu'il »> en prefente l'occafion, & de ne .« pas travailler a en faire retomber *> lahonte fur ceuxqui jufqu'ici ont w fait gloire de les commettre. II n'y « a plus de punition dans l'Eglife " pour les Eveques injuftes & vi- " cieux. Ilfautque la confufion pu- •> blique leur en tienne lieu, & que " toute la pofterite fache quels on* (is) Hid. p. u?; ,. • •
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14 HlSTOIRE DE PoR.T-R.01At.
1671. " ete lesperfecuteurs de l'Eglife.
C'eft M. de Harlay , alors Arche^
v£que de Rouen, que M. Arnauld • avoit en vue en parlant de la forte. On voit par-la que lorfqu'il fut trans- fere fur le fiege de Paris, on ne de- voir pas en concevoir des efperances bien rlatteufes , du moins a P. R. des champs. Audi les religieufes rele- guees dans ce defert , bien loin d'en efperer quelque chofe de bon , au- roient cte fort contentes qu'il les eut -oubliees. » Quand a ce qui nous » regarde , difoit la mere Angelique de Saint-Jean , dans une lettre qu'el- le ecrivit a M. de Luzancy fon frere, le lendemain de la nomination du Prelat, » nous avons fujet d'en etre " bien fatisfaites , s'il nous laifTe m dormit en paix dans le tombeau, »» oil fon predecefTeur nous a enter- » rees, & ou nous nous trouverons » toujours fort bien , tant que le » monde nous oubliera, comme nous » tactions de l'oublier. xiti. Dans le terns que ces faintes filles tionde'iavk, celebroient 1'anniverfaiie de leur re-
vertu, & des tablifTement, elles eurent la douleur fouTrances i ■ i i 1 •
de u mere de voir leur mere commune reduite
Agae*. 4 l'extremite, & arriver au terme ou
elle devoit fe feparer d'elles, pour
aller
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II. P a r t i e. Liv. VII. 15
aller recevoir la recompenfe de fes travaux. La mort, qui avoit enleve en
1661 au commencement de la per- fection la mere Angelique, enleva le 19 de fevrier '1671 , dans le cal- me de la paix rendue a TEglife , la mere Agnes , fon incomparable fceur. Quoique nous ai'ons deja eu fouvent occasion de parler de cette fainte mere , nous ne pouvons nous dif- penfer de remettre en peu de mots foils les yeux du le&eur , quelqnes- unes de fes actions & de fes vertus. Nous n'entreprenons point de faire fon portrait : il a ete fait par fa digne niece , la mere Angelique de Saint-Jean (27) ; mais on peut dire que perfonne n'a mieux reuffi a. le faire, que la mere Agnes elle-meme , qui s'eft peinte fans le favoir , en faifant le Portrait d'une religieufe par' fake (28). Elle fut telle des le noviciat, puif-
que n'etant encore que novice, ek
le fut jugee digne d'etre mife a la
, tete des autres, par la reformatrice
: elle-meme, qui la fit maitrelfe des
(17) Mem. T. 3. Part, faitun excellent ouvrage
3. p. 164; voi'ez ce] Por- fous ce titre_: Portrait ,
trait a la fin du Volume, &ct
(xS) La mere Agnes a
Tome VII. B
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XS HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt:
novices \ & quelques annees apres"
elie gouverna la communaute entiere pendant les cinq annees que la mere Angelique pafifa a MaubuuTon. Ce fut alors qu'elle fut faite coadjutrice par le choix & les inftances de fa digne fceur, qui eut bien voulu fe decharger entierement de fon abbaie fur elie. Elles ont ete fi parfaitement unies par le meme efprit, & dans le meme emploi, qu'on peut aflurer, que tout ce qu'a fait la mere Ange- lique , la mere Agnes l'a fait avec elie. Elie entra toujours dans fes viies en toute occafion j elie re^ut avec plai- iir la propoution que la mere Ange- lique lui fit d'amener a. P. R. ce grand nombre de filles qu'elle avoir recues prefque toutes fans dote £ Maubuiifon. Elie rec,ut & forma a l'efprit de religion , quantite d'autres religieufes de divers monafteres, qui venoient a P. R. prendre l'efprit de leur etat, & apprendre la maniere de remplir leurs obligations. Elles n'avoient pour s'en inftruire a fonds, qu'a connderer attentivement les ac- tions de celle qui les conduifoit. Si la charite de la mere Agnes
pour les ames egaloit en tout celle de la mere Angelique ; fon humilite |
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II. P A R T I 1. Liv. VII- 17
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pour fuir les dignites ne fut pasmoins \(,-j\^
grande que celle de cette humble - Abbeffe, comme elle le fir voir en tenoncant genereufement a fon titre de coadjurnce , lorfque fa fceur ju- gea a-propos d'etablir l'ancien droit d'ele&ion. Mais apres cette demif- fion , elle ne demeura pas dans le faint repos, dont elle s'etoit flattee de jouir. Aiant ete envoiee a Dijon ( au mois de feptembre 1629) au monaftere de Tard ,elle ne fut pas plutot arrivee dans ce monaftere, que les religieufes aiant connu fon merite , l'elurent pour AbbefTe , & la continuerent pen- dant fix ans; apres lefquels elle fut rappellee a P. R. (29), ou elle, & la mere Angelique , exercerent l'une apres I'autre , pendant plus de 27 ans, la fon&ion d'abbefle. » II fefn- » bloit ( dit la mere Angelique » de Saint-Jean) que Dieu dans les >' dons qu'il leur avoit departis, les » eiit partagees differemment, afin » que leur conduite put etre utile a « toutes fortes de perfonnes. Dans " la mere Angelique il paroifloit » une charite ardente, vigoureufe 8c Cx9) Elle fut e!ue Ab- nuee jufqu'en 1641; puis
befle de P. R. le i9fep- le 13 aecembre 1S58, juf- tcmbre itfjtf, & coati- qu'en i£6i. Bij
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2§ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,:
" tenctre , qui favoit s'abbaifler &£
" s'elever a-propos, qui fe faifoit « craindre & aimer , qui avoit le » fecret de tout renverfer par fa for- " ce , & de tout relever par fa bonte. y Dans la mere Agnes , on voioit " une egalite toujours uniforme, line » fagefle toujours la meme , une gra- » vite accompagnee de douceur , qui » infpiroit la confiance & le refpe<5t, » & qui inftruifoit autant par fes « exemples que par fes paroles. II " ne falloit que fon exemple pour » regler une communaute , y infpi- » rer & y maintenir une obfervance » exacte, fans qu'il fut befoin de re- » gle ecrite. Elle avoit fur-tout une attention & une exactitude pour tout ce qui regarde l'office divin , fi gran- de, qu'on ne pouvoit Ten tirer, meme dans fes infirmites. Cette attache n'e- toit qu'un rejailliflement de cette ar- dente charite , qui 1'unifToit a Dieu. De-la cette modeftie & ce recueille- ment continuel, qui portoit a Dieu tous ceux qui la voioient. De-la ce calme , au milieu des plus grands em- barras, qu'on ne pouvoit affez admi- rer. Pleine de tendreffe pour les au- tfes, elle compatifToit & s'abbailToit a leurs infirmites, ne fe lafTant jar |
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II. P A R T I E. Lh'. VIL 2-9
mais de les ecouter , de les confoler,
& de leur rendre tous les fervices done elle etoit capable. Une ame fi pure ne pouvoit man-
quer d'etre eprouvee : elle le fut par la perfecution , par la captivite la plus dure , & par la privation des Sa- cremens pendant plufieurs annees. Elle vit venir plufieurs fois dans fon monaftere le Lieutenant civil avec ordre de chaffer & d'enlever les pen- iionnaires & les poftul antes : elle pa- rut devant ce Magiftrat avec une conftance, & lui parla avec une fa- gefTe & une humilite, qui le forcerent dans la fuite d'avouer qu'il avoit vu une Sainte dans la perfonne de cette digne abbefle. Ce meme Magiftrat etant venu faire un nouveau com- mandement d'oter l'habit a fept no- vices , elle porta genereufement fes plaintes & fes remontrances fur de tels ordres, aux pies du. trone , par une lettre fi pleine de force & de fa- gelfe, que le Roi en fut touche, fans toutefois revoquer les ordres qui lui avoient ete furpris. Mais cette gene- reufe Abbeffe demeura ferme 8c ine- branlable,perfiftant malgre les menaces qu'on lui fit, a ne point vouloir oter l'habit aces novices, regardant com- |
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$P HlSTOIUE DE PoRT-ROlAt;
tdji. me une efpece de facrilege , de re-'
tirer en quelque fac,on d'entre les mains de J. C. des vi&imes qu'elle venoit de lui immoler. Infeniible a toutes les craintes & a toutes les fui- tes, elle n'avoit rien en vue que fon devoir, abandonnant a. Dieu ce qui pouvoit arriver. Ce fouverain Maitre Benit fa generofite : ces novices, a qui elle n'avoit pas voulu 6ter l'habit, le porterent pendant trois ans dans le monde, avec une conf- tance, qui fut pour le monde meme un fujet d'edification , & pour la mere Agnes , celui d'une grande con- folation. Mais elle fut fans compa- raifon plus fenfible a la douleur qui fuivit de pres , lorfqu'elle vit la dif- perfion de 7 5 filles , que ce premier orage arracha d'entre fes bras. Qui pourroit exprimer ce qu'elle eut a fouflrir dans une li trifte conjondture, par la crainte que le demon ne fe- ouifit & ne fit perir ces ames ? Dieu la frappa encore d'un autre coup bien plus accablant, en retirant a lui dans des conjon£tures fi facheufes la mere Angelique , dont les confeils etoient en tout terns le bouclier de la com- munaute. Mais elle porta cette af- ^lidion avec fa patience & fa mode- |
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II. Par tie. Uv.WlL }T
ration ordinaires , ne fe plaignant : qu'a Dieu , & ne cherchant de con^- folation qu'en lui feul. Elle furvecut dix ans a une fceur , done elle paroif- foit devoir etre infeparable , parce- que Dieu la refervoit a. des fouffran- ces & des epreuves encore plus ac- ciblantes. 11 permit que cette tendre mere a l'age de 71 ans, accablee par le poids des annees & des infirmi- tes, ufee par fes aufterites & les af- flictions precedentes , fe vit arrachee du milieu de fes cheres filles , qui demeuroient comme un troupeau def- tine a la boucherie , dont on enlevoit ce qu'il y avoit de plus fort (30) pour laiffer le refte fans defenfe , expofe a toutes les violences & a tous les artifices de ceux qui vouloient leur enlever le trefor de leur bonne cons- cience. Elle fut tranfportee dans le monaftere de la Vifitation de la rue faint Jacques, 011 pendant dix mois de captivite , elle eprouva des trai- temens tels qu'on peut en attendre de perfonnes qui fe perfuadent qu'elles rendent un grand fervice a Dieu,en ac- cablantqueiquemalheureux qui tombe (50) M. de Perefixe en- teligieufes,dece!les qu'on
'^va»a P" **•• au mo's regardoit comma les plus d'aout de l'an i««4,'douze fames. B iiij
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J! HlSTOmE DE P0R.T-R.0lAi;
en leur puiiTance. Pour elle toute foil
occupation pendant cet exil & cette captivite, fut un filer) ce & une priere continuelle , confarvant, parmi les perfonnes qui n'aimoient point la paix , un elprit fi pacifique & une douceur fi uniforme , qu'elleforca fes geolieres , quelque prevenues qu'el- les fuflent contre les fentimens, d'ef- timer une verm fi extraordinaire. Dieu lui fit la grace de la foutenir
dans une fi dure cpreuve j mais il per- mit qu'elle eiit encore une douleur des plus vives , & l'afBicHon la plus fenfible, dans la chute de deux de fes nieces , qui fuccomberent a la violen- ce de la tentation. Mais ce qui aug- menta la douleur de la mere Agnes , fut fa delicateife de confcience de fe croire en partie coupable de la chute de celle de fes nieces, qu'on lui avoit donnee pour compagne, c'eft-a-dire, de la fceur Marie Angelique de fainte Therefe (31) 5 » j'aurois, dit-elle , 5' beaucoup de chofes a dire , fur le " fujet de celle qui etoit avec moi, « & je ne puis que je ne m'attribue « une partie de fa chute , n'aiant pas (51) Vo'iez la relation 1714, p, 6\ & fuiv. Ibid,
tie fa captivite par elle- p. 19. la relation de la jBerae, Relat. in-a" de foeurde Sainte Thetcle. |
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II. P A R. f I E. L'lV. FIT, 3'j
•» etc digne cle la foutenir (31). La i(,-j\
mere Agnes fit elle-meme une demar- che dans fa captivite, dont elle fe re- pentit bien-tot, aiant appris que les amis de la verite en avoient ete affli- ges & fcandalifes. En ecrivant a M. de Paris a 1'occafiou de la nouvelle Bulle, elle lui avoit marque , qu'elle n'itoit pas dans I'entetement ni dans l'attache- ment a aucun parti, qu'elle etoit in- difference & indeterminee fur la figna- ture j n'entendant autre chofe 3 dit-elle, finon qu'elle etoit exemte de toute opi- niatrete. M. de Paris fut fatisfait de cette difpofition, & lui permit d'ap- procher des Sacremens j ce qu'elle fit le jour de la Pentecote (1665), Le bruit s'etant repandu dans Paris, que (31) En finiifant la 33 haut, en porteront le
relation de fa captivite, 33 meme jugement qu'ei- dans laquelle elle raconte 33 le, & l'aideront par de quelle maniere elle fe 33 leurs prieres pour ob- conduifit a l'egafd de fa 33 tenir de la divine mi- niece , elle dit que ceux , 33 fericorde le pardon de 33 qui regarderont fa con- 33 cette faute ; qui me 33 duite comme un obf- rend, dit elle , en quelque 33 curciflfement 8c une facon refponfable de ceile 33 privation de lumiere ouje laijfai tomber cette 33 oil Dieu l'a laiflee torn- ame , dont il m'avoit fi 3> ber pour l'humilier 8c particulierement chargee; 33 lui faire reiTentir de puifque je ne tentai pas 33 plus en plus que nous tous les efforts que j'au- 33 n'avons point en nous- rois pu faire pour la fou- 33 memes l'efprit de force tenir dans la creance que 33 &c de confeil, s'il ne j'eus qu'ils feroient inu }> nous eft dojine d'en tiles. B v
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34 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
.1671. la mere Agnes avoit communie en
confequence de ce qu'elle avoit pro- mis par une lettre a M. de Paris , & ai'ant ete informee de ce bruit, cela la toucha fenfiblement ; & jamais elle n'avoit eprouve de douleur pa- reille a celle qu'elle reflentit alors , voiant qu'elle avoit fcandalife les amis, & donne de l'avantage aux en- nemis. Effe&ivement, M. l'Archeve- que en fe plaignant des religieufes de P. R., difoit qu'elles refiftoient a tout ce qu'on demandoit d'elles, & qu'il les auroit retablies dans la commu- nion , fi elles avoient voulu confen- tir a ce que lui avoit ecrit la mere Agnes. 11 le dit a la mere Agnes elle- raeme j ce qui lui donna occafion d'expliquer fon intention & le fens dans lequel elle prenoit le terme d'in- difference. Lorfqu'elle fut retournee a P. R. des Champs , 6c que les reli- gieufes lui eurent temoigne la dou- leur que leur avoit caufee fa lettre a M. de Paris, ajoutant qu'on en pre- noit avantage contre elles pour leur reprocher le refus qu'elles faifoient d'y confentir , elle demeura couverte de confufion , fit publiquement au Chapitre des excufes a fes fceurs, de les avoir fcaadalifees, & enfin elle |
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II. P A R T I E. LlV. VII. 3 5
ecrivit a M. de Paris, pour lui te- i
moigner qu'elle fe retra&oit de l'in- difference , & qu'elle ne communie- roit plus , s'il ne le permertoit aux aurres religieufes, au rang defquelles elle fe mit depuis. C'eft ainfi que cet- te fainte & humble religieufe repara la faute qu'elle croi'oit avoir commi- fe , & elle en demanda humblement pardon a route la Communaute dans le premier Chapirre qui fe tint apres leur reunion. Ce fut peut-etre a fes fouffrances
& a fes prieres , comme la mere An- gelique de Saint Jean le dit, que Dieu accorda cette reunion qui fe fit au commencement de juillet 1665 , par un confeil que Ton n'avoit garde d'attendre de ceux qui le prirent. Ja- mais il n'y eut de joie comparable a celle de toute la maifon , lorfqu'on revit la mere Agnes , qui avoit ete plus pleuree que fi elle eut ete morte- Elle feule , fe polTedant dans la joie comme dans la douleur, conferva tou- jours fon egalite d'ame. Depuis qu'elle fut avec fes filles, el-
les oublierent prefque tous leurs maux. 11 leur en reftoit cependant encore bicn d'autres h. fouffrir} mais elles trouve- reilt dans leur tendre & charitable me- BvJ
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J(j HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI."
iCji, re tout ce dont elles avoient befoin,
la confolation dans leurs peines , l'inf- trutSbion dans leurs doutes, & genera- lenient ce qui leur etoit neceflaire pour les foutenir. xiv. Enfin la paix fucceda a cette longue "or,t de,Ia epreuve , & Dieu voulut que la mere
ajere Agnes. X . ? 1 . , ,
Agnes vit avant que de mourir le re-
tabliiTement entier du monaftere de P. R. des Champs , par la nouvelle election d'une AbbeiTeda profeffion de pluiieurs filles , la receprion de grand nombre de penfionnaires , & le retour des perfonnes qui avoienr eu , avant cet orage, la direction fpirituelle de la maifon. Apres quoi, comme ii elle n'eut plus eu qu'a dire ces paroles a. Dieu : vous l^'ffe\ mahxtenant votrc fen-ante alter en paix, elle tomba ma- lade d'une fluxion de poitrine le 10 fevrier 16j i , & mourut le 19 , auill faintement qu'elle avoit vecu , & audi tranquillement; c'eft-a-dire , fans for- th- un moment de cette egalite , de cette immobilite de grace, ( comme parle la mere ^.ngelique de S. Jean) , qui etoit le caradtere de fa vertu , & qui la rendoit toujours egale en tou- tes chofes. Enfin, fa mort fut un ta- bleau racourci de fa vie , par la piete , la charite tendre pour fes filles, Scx |
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II. Par tie. Liv. VII. 37
la paix profonde qu'elle fit paroitre 1671, jafqu'au dernier moment. Ce fut M. de Boifbuflon qui lui ad-
miniftrales derniers-Sacreuiens.L'on fit avertir M. de Saci, qui etoit pour lors a Paris; il fe rendit a P. R. le lende- main, & affifta dans fes derniers momens la malade , pour laquelle ce redouta- ble paflage n'eut rien d'effraiant, par* ceque Dieu l'animoit de fon amour , & que cette chafte epoufe fembloic entendre la voix de l'epoux, qui l'in- vitoit a entrer dans les tabernacles eternels. M. Arnauld ,• qui avoit cm que fa maladie feroit plus longue , n'arriva que le lendemain de famort, & fit le 21 la ceremonie de l'enterre- ment, au milieu des larmes de tou- tes les religieufes, qui vinrent toutes baifer la main de leur fainte Mere , avant qu'on la portat en terre. Elk fut enterree dans le chasur , au bas du fiege de la Prieure (53). Lejour de l'enterrement , M. de Saci parla a la Communaute fur les vertus de la me- re Agnes 5 & le lendemain zz , M, ()5) Le 6 d'Aout de la afin que ces deux excellen-
meme annee , on enterra tes Meres tiniTem encore
le cceut de la mere Ange- en quelque forte les places
Jiquefdont le corps repo- qu'elles avoient li digne-
foit a P. R. de Paris), de ment remplics pendant
1'autte cote du choeur,vis- lew vie.
^-Yisdu liege del'abbeffe, |
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3$ HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl.
~ l6ji, Arnauld (34) fit fur le meme fujetutt
grand difcours qui eft imp time a la fin du Tome fecond des lettres de ce Docteur : on peut le confulter j ainfl que la lettre 147 , ou il parle ainfi de cette admirable religieufe. » Cette fainte fille , dit-il, eft mor~
-» te comme elle avoit vecu , dans « unepaix,une tranquillite,une atten- « tion a Dieu continuelle jufqu'au » dernier foupir , qui n'eft prefque « pas concevable. En verite , comme » faint Athanafe a dit de faint Antoi- « ne,qu'il etoit une preuve de la foi ca- » tholique contre I'atianifme , je crois » qu'on peut dire que des religieufes, » qui ont vieilli dans le fervice de -» Dieu avec autant de faintete qu'a » fait celle-la, font une preuve de la " religion catholique contre la preten- « due reforme des Lutheriens & Cal- « viniftes j ou Ton ne voit point d'e- » xemples de la perfection chretien- » ne , qui puiflent etre compares a » ceux-la. QuoiqueDieu n'ait pas fait connoi-
Gucrifons tre la faintete de la mete Agnes apres obtenues pat r n* i i
les prieres de la. mort par un a uui grand nombre
la m«re a- ^e miracles que celle de la mere An-
gelique \ cependant il n'a pas you-
(H) Let. T.i-p.jjy. ii.p. 55}-
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II. Par tie. Llv. VII. 39
lu que cette preuve manquat pour la 1671»
conftater j puifqu'il lui a accorde de fon vivant la grace des guerifons. C'eft ce que nous avons vu par celle de la feiir Catherine de fainte Suzan- ne Champagne, obtenue par les prie- res de la mere Agnes (35). Cette fain- te mere fit auffi fur elle-meme l'expe- rience du credit qu'elle avoit aupres de Dieu , en obtenant la guerifon d'une incommodite, qui fans etre dan- gereufe , la faifoit fouffrir excellive- ment. Etant tourmenteeen 1(351 d'un horrible mal de dent, M. d'Andilly qui etoit au parloir avec elle , tou- che de compamon de la voir fouffrir , l'exhorta a invoquer faint Auguftin , qui avoit ete autrefois gueri fur-le- champ d'un pareil mal , comme il le rapporte dans fes confeffions. Sur quoi la mere Agnes lui dit: je vous ajfure que j'ai befoin comme lui, que Dieu me gue'riffe , car je n'en puis plus. Elle dit auffi-t6t a deux ou trois filles fes affiftantes : mes faurs , & vous mon frere _, je vous jupplie done de prier Dieu protnptement qu'il me gue'riffe 3fi c'ejl fa volonte. » Tous s'etant mis a » genoux, & ai'ant acheve leur courts , <35) Voi'ez 1» Relation Mem. ou Relations, T. 3^
4s cette guetifon dans ks Part. 3 • p- 5 $*• f • 7a |
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40 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI."
j£7'Ir » priere , le mal de dent s'evanouit
en un moment". C'eft M. le Maitre
qui attefte ce fait dans un ecrit iigne
de fa main (}6).
xvi. La foeur Madeleine des Anges-Ma-
tafcEurMa-rion je £)ruy (37) ne furvecut que
nondeDruy. . • / iV ' a v ^-
deux mois a la mere Agnes, qui ,
apres Dieu etoit prefque Vunique lou- den quelle eut fur la terre. Nous avons rapporte ailleurs la guerifon miraculeufe operee furellel'an 161% , par la foi de la mere Angelique. Elle fit profellion en 1634, remplit par- faitement les devoirs de fon etat , demeura toujours attachee a la verite pendant la perforation , & termina faintement fa carriere le 17 avril 1671 (38). xvu. Le 19 du meme mois d'avril, Dieu rLafa:urRa- appella a lui une des plus faintes reli-
(sJateFare.6 gieufes de P. R., nominee four Jean- ne Radegonde de fainte Fare Lom- (jS) Ibid. p. if i. avoir re<;u au lit de la
<37) Vo'iez Mem. oil mort I'habit religieux, &c
Relat. T. 3. part. 3, Re- prononce ,fes voeux avec
lat. 10. p. goz&c fuiv. de grands fentimens de
(38) La foeur des An- pu'te. Dans le Necrologe
ges avoit une foeur, nom- de P. R., on attribue mal
mee Catherine de faint a-propos a la foeur Cathe-
Alexis , qui ai'ant hi ad- rine de faint Alexis le
mife au noviciat tomba miracle opere fur fa fceur,
au(fi-tot malade, & mou- qui en a fait une relation,
rut de la mort des juftes Vo'iez la Relat. de ce mi«
le4Decembte 1534, apres tacle, T, j. p. iji,
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II. Part ie. Liv. FIT. 41
bard , a l'age de 41 ans. Ce que nous 1G7I
avons dit de cette vierge chretienne , a I'occaflon du courage heroique avec lequel elle foutint les epreuves aux- quelles elle tut expofee pendant la per- foration , fuffit pour la faire connoi- tre. La mort enleva le 1 3 du mois de
juin , M. Jean Doamplup foudiacre , qui vint fe retirer a P. R. des Champs, apres la mort de M. de Litolphi, Evcque de Bazas. Le lecteur trouvera dans le Necrologe de P. R., l'eloge de ce vertueux Ecclefiaftique , & fon epitaphe par M. Hamon(3jj). Le 3 o du mois de juillet fuivant ,
Madame Madeleine Pottier , veuve de M. Choart de Buzenval, mourut 14 mois apres s'etre retiree a P. R. pour fe dilpofer a ce paflage , & alia avec beaucoup de joie & une grande confiance en la mifericorde divine, fepre- fenter a I'ipoux des veuves chreden- nes (40). Port-roi'al perdit encore le 2 5 no^«
vembre de cette annee un ami zele , par la mort de M. Felix Ler, cure de Magny , qui avoit toujours temoigne a ce faint monaftere une eftime par- ticuliere, & un attachement inviola- ble. (3?) Nccr. p. 135. (4°) N"*- P-i8t.
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~4i HlSTOlRE BE PORT-ROIAI.
I67it Nous croions devoir placer ici urf
evement fingulier , qu'on peut regar--
der comme un effet de l'eclat qu'a-
voit fait la persecution des religieu-
fes de P.R., lequel fait bienvoir 1'idce
que les ames chretiennes avoient de
ces faintes filles , malgre les calom-
nies que leurs ennemis ne ceflbient
de repandre contre elles;
xvni. Voici le fait : M. Bridieu , Arch:-
Aumone diacre de l'Eglife de Beauvais (41) ,
.paT jn Ma- faifant fa viiite aux extrerhites de fori
inuvre in-archidiacone, un manoeuvre alia le
trouver , & lui dit qu'il avoir un fe-
cret a. lui confier , favoir, qu'il avoit
une aumone a faire d'une fom'me, qui
lui reftoit du produit de ion travail:
il dit qu'il avoit eu d'abord la penfee
de la donner a l'Horel-Dieu de Paris ,
& qu'il avoit ete fur le point d'aller
(41 )M. Anroine Roger ntimbre de ceux que le
dc Bridieu, ami & con- malbeureux Foy avoic
-feil de M. de Buzenval , calomnieufemeht accufeS
ecoit recommandable par de rrahifon contre l'Etat.
fes lumieres, fa piete & Son innocence fur recoit-
fes fouflFrancespour lave- nue , & cependant il ne
rite. 11 avoit ete prive fortit de la Baftille que
du cliceiir , enfuite du pour etre renvoi'e a Quim-
revenu de fon canonicat. per. Enfin ,il futrappel!6
II fut retabli en 1668 a la a Beauvais en j 699 , oii il
paix di l'Eglife. En 1S87 moUrut le 15 Juin 1708.
il fur exile a Quimper pout II y repofe dans la cba-
la caufe du Fotmulaire. pelle de S. Etienne dire
Uyfut arr£[e Sc conduit la chapelle du Crucifix.
i la. BaUilkj eiant du |
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II. Partii. Livi VII. 4J
lui-meme a Paris pour cela , la merrre dans le trohc de cet hopiral, fans que perfonne s'en apper^ut \ mais qu'ai'ant oui parler depuis des religieufes 4.e P. R. , qu'on leur avoir ore leurs biens, & qu'elles etoienr incommo- dees , il avoir change de defTein , 8c vouloir prefentemenr le donner a ces filles. M. Bridieu examina ft ce ma- noeuvre eroir en etat de donner fans injufrice j & lui ai'anr dir qu'il pou^- voir devenir malade, que la charire ne defendoir pas d'avoir de la prevoi'an- ce , il repondit que s'il devenoir ma^ lade , ce feroir par la providence de Dieu , & que la meme providence auroir foin de lui dans cet erat la, oil que Dieu lui donneroir la grace de fourFrir la pauvrere avec la maladie. II ajouta qu'il avoit oui dire qu'il ne falloit point rhefaurifer, & que c'e- toir fur cela qu'il avoit pris fa refolu- tion ; qu'aurefte il avoir une grace 1 lui demander, qu'il etoir allure qu'il la lui accorderoir, parcequ'il la lui demandoir au nom de Dieu : cette grace etoit de ne le faire connoitre a perfonne. M. Bridieu lui dit de reve- nir le lendemain, & de penfer a cet- te resolution , parcequ'il y trouvoit ' }de la difficuke j & qu'apres y avoir. |
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44 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
\6jl, penfe devant Dieu , il lui diroit plus
precifement fon avis. II s'en alia , & revint deux heures apres, ne pouvant, difoit-il, attendre davantage, ajou- tant qu'il avoit pris fa refolution , & qu'il ne pouvoit changer • qu'on lui avoit dit qu'il connoifibit les lilies de P. R., & qu'il avoit 2.07 liv. a lui donner pour qu'il les leur fit tenir. II repeta ce qu'il avoit deja dit, qu'il obligeoit M. Bridieu a ne le jamais faire connoitre ; & il ajouta que cela feroit mieux ainfi ; de peur que fi dans la fuite il avoit befoin ,il ne criit avoir droit de recourir aux aurnones de ces lilies, & qu'il ne fiit rente de le faire contre la penfee que Dieu lui donnoit de faire fon aumone , fans aucune vue d'interet. M. Bridieu ne vouloit point encore prendre fon ar- gent , mais il Ten prerTa tellement, & il lui parloit d'un air fi extraordinai- re , qu'il fut convaincu qu'il devoit s'en charger,pour obeir au mouvement d'un Saint , qu'il regardoit comme une loi. Cela arriva dans une paroifTe, ou,
ni les inftructions du cure , ni fon exemple, n'avoient pu porter ce ma- noeuvre a rien de femblable. II don- na done fon argent, fe refervant feu4 |
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II. Partib. Liv. VII. 45
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lement quatre ecus , & difant a M. 1671,
Bridieu, que ces quatre ecus en pro- duiroient peut-etre d'autres, & qu'il lui en rendroit compte. II finit en priant encore de ne le faire connoi- tre a perfonne. Get evenement parut fi frapant & fi extraordinaire a. M. Bri- dieu , qu'il crut en devoir faire une relation iignee de fa main (41). II re- mit le zi mai les 207 liv. a la mere AbbefTe , qui garda l'original de la relation. Dans la fuite on lit tous les ans a P. R. memoire de ce bon Ma- noeuvre , le zi du mois de mai 5 jour auquel il avoit remis fon argent en- tre les mains de M. l'Archidiacre. Nous laiflbns au lecfeur a faire des refle- xions fur cet evenement, dont tou- tes les circonftances en prefentent de tres propres a inftruire & a edifier. Nous ponrrions encore parler ici mXjXJ,
d'un autre evenement, auquel il fern- ponne eft fait ble que P. R. auroit du prendre beau- fffecai""' 1 n v v l 1 Senti-
coup depart; c'eft-a-dire , du choix mensdeP.R,
que le Roi fit au commencement du ^on"6 e1^ mois de feptembre de cette annee, da M. de Pomponne , pour rempia- cer M. de Lionne , fecretaire d'etat. Plufieurs perfonnes , gens de bien &c amis de P. R., fe felicitoient de cq 44>) Voiez cette Relat. T. i. M6m. hift. p. jiS,
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4<ff HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
i7~ choix,&fondoient de grandes efperan-
ees fur la probite de ce nouveau mi- niftre. Mais quelque perfuade qu'on fut a P. R. de fa probite, l'eiprit qui regnoit dans cette fainte Maifon, fai» foit envifager la chofe d'un ceil bien different; &c ce qui caufoit de la joie aux autres, fut pour elles & fpeciale- ment pour la mere Angelique de faint Jean, foeur de M. de Pomponne, un fujet de douleur. Elle recut les com- plimens qui lui en furent fairs de la meme maniere que l'hiftoire nous ap- {>rend, que S. Gregoire recut ceux que
ui fit un ami, loriqu'il fut choiii pour occuper le S. Siege. Remplie des me- mes fentimens de foi dont ce grand Pape etoit anime , la mere Angeli- que fe plaignit ferieufement de ce qu'on lui temoignoit de la joie d'une chofe, qui auroit du donner une grande crainte, a caufe des perils aux- quels alloit etre expofe M. de Pom- ponne. » Je ne fuis pas contente , » dit-elle dans fa reponfe a. Mada- >> me Perrier , fceur de Mr Pafcal, de » ce que vous temoignez avoir une » parfaite joie d'une nouvelle , qui j> affurement auroit du vous donner »> une tres grande crainte du peril. t> od va etre expofe un de vos verit;i~ |
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II. P A R T I E. LlV. VII. 47
» bles amis.....Je vous avoue que 1671.
» je fuis penetree de cet evenement,
» &c que quand je penfe , que felon « l'expreffion de la verite meme, il » eft auffi impoffible que mon fre-* >■> re fe fauve dans l'emploi qu'il va » avoir,qu'il eft impoffible de faire paf-> " fer un chameau par le trou d'une '-> aiguille , la joie que tout le monde » me temoigne , ne me guerit point ■■' de ma douleur. Je voudrois au con- s' traire que fes amis fe miflent plutot » en peine d'obtenir ce grand miracle, *> qui n'eft pas impoffible a Dieu, quoi- »» qu'humainement parlant, il foit im- " poffible de demeurer humble dans " l'elevation , pauvre dans l'abondan- « ce, 8c difciple de la croix de J. C. " parmi le monde & les delices. C'eft » de quoi il s'agit ici; car pour la pro- » bite , la fidelke, le denntereffeinent » & l'honneur dans la conduite des " affaires , cela peut bien faire un " hommed'etat,maisnon un chretienj " & il n'y a que cette derniere qua- » lite a defirer pour ceux que nous » aimons «. Toute perfonne , dit en- core la mere Angelique dans une au- tre lettre a Mademoifelle Perrier , qui avoit ere elevee a P. R.; » toute,per- ■'yfonne que Dieu a eclairee de fa grac$ |
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48 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAr..
» comme vous, & qui voit la necef-
» fite qu'il y a d'etre eloigne le plus que » Ton peut des perfonnes &c des aftai- » res du fiecle, pour l'etre auffi de fes » maximes, doir juftement avoir de w la companion pour ceux qu'elle voit » qui vont fe noier dans ce torrent, » fi Dieu ne les en delivre par un f> miracle plus grand que celui qu'il » fit , quand il divifa la mer pour » donner paflage a fon peuple qui » s'enfuioit d'Egypte ». Je ne puis m'empecher , difoit la mere AbbeiTe ( du Fargis) ecrivant a M. de Luzan- cy , de regarder avcc vous cette tleva- tion comme un fujet de crainte & de tremblement. Tels etoient les fentimens de P. R.
fur les grandeurs du fiecle. Tel etoit l'efprit des perfonnes , qui habitoient cette divine foliiude. Ce n'eft pas la le langage du monde j mais c'eft celui de la foi j c'eft celui de ces vierges chretiennes , qui ne vivant que de la foi, s'affligeoient de tout ce qui pou- voit etre un obftacle au falut des per- fonnes qui leur etoient cheres,, &ne trouvoient de fujet de joie que dans ce qui conduifoit au fouverain bon- heur. Toujours animees du meme efprit ,*
les
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II. Partie. Liv. VII. 4^
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les religieufes de P. R. des Champs \<Si2..
eurent en 1672 , une douleur fenlible en voiant leurs fours de Paris con- fommer leur funefte fchifme avec el- les, & y mertre le dernier fceau. Nons avons deja vu comment, fous xx.
pretexte que les conteftations paflees fair'^ de ll fl- pouvoient avoir aliene les efprits des paradon des religieufes des deux maifons, on avoit ^u* '^lfoca- engage le Roi a donner un arret, (le 13 mai 1669), par lequel il feparoit les deux monafteres de P. R. en deux titres d'Abbaie, independans l'un de l'autre j l'un a Paris , pour etre a ferpetuite de nomination roi'ale j &
autre aux champs, pour etre a per- petuite eledif & triennal. En con- lequence de cette feparation des deux maifons, les biens Furent auffi para- ges en deux ; avec cette claufe ported par le meme arret , » qu'ainfi ces » deux monafteres , avec leurs anne- --> xes & leurs dependances, demeure- " ront a perpetuite entierement dif- » tincts & independants l'un de I'au- " tre, 8c, fans qu'a I'avenir l'un des » deux puijfe rien pretendre fur ce qui " aura ete attribue a l'autre parlepar- » tage : qu'auffi les deux Abbai'es de- » meureront quittes Tune envers l'au- » tre, de routes demandes, recher- Tome FIL C |
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56 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL,
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\6it
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» ches, actions & pretentions gene-
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» ralement quelconques (43).
xxi. Apres la reparation des deux mo- EuUe de nafteres de P. R., on voulut encore
qui^e'nfitme prendre toutes fortes de mefures, pour U pattage. fermer a jamais la porte aux religieu- fes de la maifon des Champs, & leur oter toute efperance de pouvoir ren- trer dans celle de Paris, nonobftant leur juftification &c la paix qui leur avoit ete accordee. En confequence , on penfa a. cimenter cette injufte dif- pofition par toutes les formalites ne- celTaires. On engagea le Roi, dont on avoit deja fi louvent furpris la re- ligion dans cette affaire , a ecrire lui- meme deux lettres datees du 16 aout 1 669 ; l'une a fa Saintete pour lui demander une Bulls confirmative de la feparation des deux maifons , du partage des biens & de tout ce qui etoit ordonne par 1'arret du 13 mai 1669 } l'autre a fon eminence protec- trice le Cardinal d'Eft , pour l'enga- (45) Comme la mai- mcmes ai'aht diffipe' leurs
fon des champs etoit le- biens par une mauvaife
fee par le partage , il eft oeconomie , & par une
vifible que Ton vouloit malediction vifible de
par cette claufe , empe- Dieu, fi-ent dans lafuite
cher qu'elle ne fitaucune comme nous leverronsj
demande a celle de Paris, des teutatives , pour
Neanmoins ce qui eft rompre un partage qui
furprenant, e'eft que les leur etoit deja fi lavora-
celigicufes de Paris elks- ble.
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II. Par tie. Liv. FIT. Si
ger a faire a cer effet toutes lespour- i6jz.
Junes & injlances convenables & nicef- faires (44). Toutefois la confirmation ne put s'obtenir que fous Clement X, fucceffeur de Clement IX, fur une fupplique (45) remplie de faufletes, faite a ce Pape par les religieufes de P. R. de Paris : celles-ci refpe&erent affez peu la verite dans leur fuppli- que , pour faire entendre 1 °. que les deux monafteres concouroient enfem- ble a demander la confirmation de ce qui avoit ere fait; & meme que les religieufes des Champs demandoient fpecialement la feparation : z°. que le partage , dont on demandoit la confirmation , avoit ete fait librement & de concert entre les deux maifons. Ce fut fur un tel expofe , que Cle- ment X donna le 13 leptembre 16ji , la Bulle confirmative de Parret (46). Cette Bulle contenoit encore une condition efTentielle qui n'a point etc obfervee ; favoir , que PArcheveque de Paris & fon Official feroient une enquete de commotio & incommodo, (44I Voiez la lettre , fur quoi cehii qui ecrit,
p-}«o,T. 1. Mem.hift. die plaifamment : Je ne
(4;) Ibid, p. 3*i. croiois pas que notre da-
(45) II eft marque dans terie jut devenue Janfi-
une lettre de Rome du j 6 nifle. Mais enfin on a
fevrier, que P. R. avoir trouve un faint Mathieu
trouve gratis a la daterie} a la banjue.
Ci;
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52. HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl."
L'enquete ne fut point faite , &c l'Ar*
cheveque de Paris fulmina la Bnlle le 20 avril, fans mane en parler aux religieufes des Champs. La four Dorothee , qui foupiroit
depuis long-tems apres le moment ou elle feroit folemnellement mife en poiTeffion de l'Abbaie , recut le 20 mai la benediction & la crofTe fi deiiree, des mains de M. de Harlai ui-meme. M. le Cure de faint Jacques , qui
avoit ete invite a la ceremonie , & qui y avoit affifte , maiida dans une lettre (47) qa'il ecrivit le lendemain a M. de Sevigne , qu'il n'y avoit au- cune perfonne recommandable , ni. aucun Eveque que celui qui fit la ce- remonie. Les parens de llntrufe ne liianquerent pas de s'y trouver , & y temoignerent une grande joie. M. Chamillard triomphoit avec une trou- pe nombreufe de Pretres de faint Ni- colas. » Rien ne manquoit pour eux, « dit M. le Cure de faint Jacques en » finifTant fa lettre , qu'un fondement « plus folide de cet edifice , qui n'e- » tant point etabli fur la pierre fer- » me , c'eft-a-dire , fur Jefus-Chrift , « ne lui paroifibit gueres beau. C'eft (47) Voiez la lettre, T. i.p. 550. McrchilJ,
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il. P a r f i e. Liv. FIL 5 5______^
» fur lui feul qu'il faut batir, & ce kJjz.
t> qu'on batit ne doit pas etre du foin » ou de la paille , eomme dit l'E- » vangile. Les religieufes de P. R. des Champs xxii.
au nom defquelles on avoir, par une dei°j> ^[j™ fauiTete infigne , prefente une fuppli- fes de i' «.. que au Pape , pour demander la con- es c amps' firmation du partage des biens, recla^ merent contre cette Bulle, & contre la fulmination qui en avoit ete faite par M. l'Atcheveque, par un a<5te du 4 de mai de l'annee \6ji. Elles deck-* rent dans cet a6te qu'ai'ant appris qua la four Dorothee continuant toujours dans fon deffein d'envahir leur mai- fon de Paris, & la partie de leur bien qu'elle y avoit fait joindre par le cre- dit & l'autorite de leurs ennemis , s'etoit fait pourvoir en cour de Rome, & avoit obtenu par furprife & par une fiuffete', une Bulle pour autorifer la feparation des deux maifons & le partage des biens, qu'elle avoit de- mande en fuppofant que les religieu- fes des Champs la demandoient auill bien qu'elle (48), & qu'elle avoit fait (48) Ce fait eft certain, » ce que je vousai man-
ic un BenediSin qui eroit » de parmes ptecedentes, pour !ors a Romeenecri- » de ladcfuniondes deux vitences termes: » J'ai « monaiteres At P. R. s> peine a me fouvcnir de » ce qu'il y a de certain „ C iij
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54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
fulminer cette Bulle par furprife
& fans leur participation ; c'eft: pour- quoi , fuivant le confeil qui leur a ete donne , elles proteftent, comme elles ont fait plufieurs fois, arm que la Bulle & la fulmination faite ou a faire, ne puilfe prejudicier aux pour- Jluites qu'elles entendent faire a l'ave- jiir. Comme les religieufes etoient af- furees , que perfonne ne voudroit leur donner adte de cette proteftation,elles l'envoi'erent a une perfonne de leurs amis, arin qu'il nut au bas une efpece de teftament > pour en faire enluite tine reconnoiflance pardevant deux Notaires du Chatelet, pour y avoir recours lorfque befoin ieroit. Apres |
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« ainfi que je I'a! appn's
35 de ceux qui etoient y> charges de la commif- 3) /ion de Rome, c'eft 35 que cette defunion s'eft 5) faite du confentement » des deux fnonafteres, 3> en confequence d'une 3j tranfa&ion faite entre 55 les filles de l'un & de 3j l'autre. Elle a ete de- 3> mandeeala requiiuion 3> des unes 8c des autres. zo Peut-6tre bien que ce- 3> lui des Champs y aura si eteviolente, 1'arFaire & 3> la commiflion ai'ant ete 3> envoiees ici du vivant s> du defunt Arciieveque » de Paris, Celt nean- |
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35 moins aux noms dei
3> unes & des autres qu'ort 3) a agi dans cette Cnur. 3) Pour de gratis pecu- 35 niaires, ils font rates. 53 On doit feulement la 35 moderation de la taxe 55 a la fotlicitation des 35 petfonnes commifes a 53 Rome , qu'on vouloic 55 porter beaucoup au- 35 deli de ce qui a ete 35 paie. La Bulle eft en- 55 voi'ee il y a du terns, 53 qui peut fatisfaire 33 mieux que moi £ tout 33 ce qu'on pourroit de- 53 mander fur cette af- 33 faire. |
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II. Partii. Liv. VII. 5%
que l'Archeveque eut fulmine la Bui- ' iZj^, le, le Roi donna des lettres patentes en forme de declaration addreffees au Grand-confeil , pour la con firmer , l'approuver & en ordonner l'enre- giftrement, qui fut fait par arret du xi decembre de la rheme annee 167Z. Ce fut ainfi que l'afraire de la fepara- tion des deux maifons de P. R. fut confommee. Depuis la feparation des deux mai- xxin.
ions de P. R., celle des Champs fub- d^STS fifta en paix dans cette nouvelle for- longueviiie me. On y re9ur plufieurs religieufes re^dei?R. a la profeffion. Ceux aui aimoient cette folitude , eurent la liberte de s'y retirer. Diverfes perfonnes yfirent batir des appartemens \ & ce faint de- fert devint plus rloriflfant que jamais. Madame de Longueville s'y retira dans une maifon qu'elle venoit d'y faire conftruire pour y vivre dans la retraite & la penitence, a laquelle elle s'etoit confacree depuis plufieurs annees. La tendre affecfion que cette Princeffe a toujours temoignee aux religieufes de P. R. , la part qu'elle a eue a la paix de l'Eglife, a'iant ete le principal inftrument donr Dieu s'eft fervi pour la procurer ; enfin les liaifons qu'elle a cues avec les religieu- C iiij
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5<> HlSTOTRE DE PoRT-ROlAt.
" fes , les diredteurs , & les folitai-
res de P. R., exigent quelque detail pour faire connoitre une PrineefTe qui a donne un fi bel exemple , & mene une vie fi edifiante depuis qu'elle eut renonce aux vanites du monde, pour entrer dans la voie erroite, ou elle a marche avec tant d'ardeur jufqu'au dernier moment de fa vie. II eft etonnant qu'une vie aufli in-
tereflante, n'ait point encore ete juf- qu'ici ecrite avec le foin qu'elle me- rite. C'etoit un ouvrage digne des Til- lemonts & des Nicoles. Cette fociete de P. R., qui produiilt tant d'excel- lentes plumes , fembloit devoir a Pe- dification de fon fiecle l'hiftoire d'une Princeffe , dont l'exemple , l'efprit, les lumieres & le courage avoient fi bien fervi l'Eglife. Ces zeles defen- feurs de la grace de Jefus-Chrift , r>e pouvoient choifir un fujet plus propre a demontrer fon fouverain pouvoir fur le coeur de l'homme , que la con- version de Mc. de Longueville. Le contrafte furprenant de fa vie mon- daine & de fa vie penitente; ce paflfa- ge prefque fubit de Pexces de ladifli- pation an gout invincible de la retrai- ns , & cela a Page de 3 4 ans; fa peni- tence encore fi fincere, li pleine, fi |
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II. Parti e. Llv. Vll. 57
rude & fi conftante , tous ces faits ' nous rendent fenfible Pefretinfurmon- table de la grace, qua a radio duro corde refpuitur, & font des arguniens en fa faveur. II eft dit dans PaverthTement, qui
eft a la tete de la vie de Me. de Lon- gueville , imprimee a. Amfterdam en I739 5 que M. de Vdlefore s'efi char- ge defaire 3 ce que la pojlirite itoit en droit d'attendre des TUlemonts & des Nicoles j mats s'en ejl-il acquitte" heu- reufement ? » La vie de cettefainte Prin- » cejfe devoit etre ecrite faintement j » comme le dit judicieufement Pedi- » teur d'unrecueil de pieces in-douze » publie en 1740 (49)5 & parcequ'elle » avoit eu le malheur d'etre pluiieurs » annees , dans la region des vani- » tes (50) & des erreurs , M. de Vil- » lefore etoit-il oblige , ainfi qu'il le " pretend, pour fe faire entendre } de » parler le langage du pais ? devoit-il » s'arreter fi long-tems fur les dix « annees d'une vie mondaine , qui » fe trouve ecrite dans les memoi- ^ res de Phiftoire du tems « ? Les 17 annees d'une penitence auffi fincere & auffi parfaite que celle de Madame de Longueville. (5 i),ne devoient-elles (49) Rec. jj. 509. (51) Tels font les re-
()0) Viilef T, j.p. 15. ptochcs que l'oufaitaM.
C v
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58 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
" pas etre le principal objet de l'hifto-
rien de fa vie ? N'etoit-ce point la ce qui devoit faire la plus grande partie de fon ouvrage ? Ses grandes liaifons avec P. R. ne meritoient - elles pas d'etre rapportees an long, preferable- ment a celles qu'elle avoit eues pendant la minorke de Louis XIV ,/urle thea- tre de la Cour (5 i),avec ces Acleurs illuf- tres j qui jouerent avec elle defi grands roles ? M. de Villefore a fait tout le contraire : il s'eft beaucoup etendu fur les annees que Mc. de Longueville a habite dans la region des vanites & des erreurs \ & a peu parle des vingt- fept ans, qu'elle a marche avec tant de fer- veurdans lechemin delajuftice &de la penitence la plus fincere & la plus edifiante.Que diroit-on d'un hiftonen, qui ecrivant la vie de S. Auguftin,em- ploiroit la plus grande partie de fon ouvrage a faire le detail des egare- mens de fa jeuneffe , & en particulier des neuf annees qu'il fut engage dans les erreurs des Manicheens ; & qui apres cela pafleroit legerement furies quarante annees que ce grand Saint a paffees dans une vie fi edifiante, de Villefore ; & quelque ce n'efl point fans fonde-
ptevenus que nous foi'ons dement,
cnfa faveur, nous fom- (<i) Preface de M. de xnes obliges d'avouer que Villefore.
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ril. Partie. Liv. VIL $9
foit a inftruire les fideles par fes pa- ' \C-i roles & fes exemples , foit a combat- rre par fa plume les ennemis de FE- glife ? C'eft-a-peu pres ce qu'a fait Fauteur de la vie de Me. de Longue- ville , dans laquelle il feroit a fou- haiter qu'il y eut eu au moins plus d'exa&itude dans le peu qu'il dit des relations de cette PrincefTe avec P. R., & qu'en general il eut ecrit avec ce gout de piete, qui Finfpire aux lec- teurs , & avec lequel on doit parler des Saints (53). II eft aife dejugerpar ce que nous venons de dire , que juf- qu'ici nous n'avons point encore de veritable vie de Madame de Longuevil- le \ neanmoins nous ne laifTerons pas de nous fervir de celle a qui on a donne ce titre. Mais nous recueille- rons, fur-tout des differens memoires de P. R., ce que nous allons rappor- ter de cette illuftre PrincefTe. Anne Genevieve de Bourbon , fille
(?;) Iorfque M. de chofe de parler de pifte Sc
Villefore a parte des ac dependence; autre chofe
teurs dans l'afFaire de la eft de faire le portrait
Conftitution, il l'a fait d'un politique , ou da
d'une maniere qui a plu. faire celui d un iaint.
Mais le langage qu'il a Qui reuifit dans le pie-
fuivi dans fes anecdotes, mier genre d'ecrire , e-
n'eft pas celui qui con- choue pour l'ordinaire
vient lorfqu'on patle de dans le feco'id ; & rarc-
V. R. Autre chofe eft de ment on reuflk dans les
farler d'incriguesj autre dtux.
C vj
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Co HlSTOIRE DE PoRT-UOlAt.
iC-jx. de Henri II de BourbonConde, pre-
XXIV mier Prince du fang, & de Charlotte
NaifTmce Marguerite de Montmorenci, naquit
t "ongu=e en 1619 le 29 aout, au Chateau de
vilk-: fcspre- Vincennes , ou la Reine Marie de Me-
pofitious. cucis avoir rait enfermer ce Frince.
Cet heureux enfant parut deftine a an-
noncer la prochaine liberte de fon
pere , qui trois mois apres fa naiflan-
ce fortit de Vincennes.
Les dons celeftes previnrent de
bonne-heure Mademoifelle de Bour- bon , & a-peine fa raifon fut-elle de- veloppee qu'elle fe confacra totale- ment a de pieux exercices , dont elle rempliflbit fi bien tout fon tems, qu'il ne lui reftoit ni loifir ni gout pour les amufemens de fon age. Elle fe plaifoit a. voir les Carmelites de la rue S. Jacques , ou Madame la Prin- cefle fa mere la menoit fouvent avec elle. Ses vifites les plus agreables & les plus frequentes n'etoient plus que dans ce monaftere j ou Ton a vu de- puis fon etabliflTement une tradition de ferveur, de regularite , de deta- chement & de bon efprit , qui s'eft confervee jufqu'a nos jours j c'eft-a- dire, jufqu'nu moment que la confti- tution , en y fa fart for, entr 'e , en a baimi tout le blen qui y etoit. |
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II. P A R T I E. Liv. VII. 6\
Lesgrands exemples queMademoi- 1(j7i,
felle de Bourbon vit en frequentant les Carmelites, joints aux exhortations Eiie a de£ de ces faintes filles, firent une telle im- j^"^^! predion fur fon efprit & fur fon cceur, te. qu'elle prit la refolution de renoncer au monde & de fe faire Carmelite , fans neanmoins faire connoitre fon deflein. La grande idee qu'elle avoit Je Dieu la faifoit gemir de l'eclat de la grandeur dont elle etoit environ- nee , bien loin d'en etre eblouie; 8c elle n'afpiroit qu'a la vie religieufe. La mort du Due de Montmorenci fon oncle, facrifie a. la politique de fes ennemis par l'arret du Parlement de Touloufe , qui condamna ce he- ros, encore plus malheureux que cou- pable , a perdre la vie, fervit de plus en plus a infpirer a la jeune Princef- fe du degout pour la vanite des gran- deurs humaines. Elle avoit alors a- peine treize ans. Ce trifle evenement arrive le 30 odtobre 1(331, L'affermit plus que jamais dans fa refolution d'etre Carmelite , enforte qu'elle con- tinua de vivre comme voulant l'exe- cuter. Le Pere le Jeune (Jefuite) fon confeiTeur, la fortifia fi bien dans fon deiTein , qu'elle fit de vives inftances auprcs de M. le Prince, pour en aYoi^ |
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6l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
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%6-ji
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la permiffion. Mais elle ne put l'ob-
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tenir, & elle fut encore rrois ou qua-
tre annees a ne faire que foupirer apres l'accomplifTement de fes defirs. Elle fe fentoit appellee a la vie religieufe par de fi puiflans attraits qu'elle s'y abandonnoit avec plaifir, & chaque jour apportoit une nouvelle impa- tience au projer de fon facrifice. xxvi. Elle avoir pour le monde un de- Mad"m0bif 1- Sout *iu* ^a ^vo^t partout: on cher-
le de Bour- cha en vain pendant quelque tems les aubai.dallet occafions de le furmonrer : mais l'au- torite maternelle y reuffit malheureu- femenr. On lui fit entendre qu'elle etoit obligee d'aller au bal dans trois jours , & cela lui fut confirme d'un ton a lui faire juger qu'elle n'avoit d'autre parti a prendre qu'a obeir. Elle alia confulter les Carmelites , qui apres avoir term confeil , opinerent que Mademoifelle de Bourbon fe re- vetiroit d'un cilice, & qu'enfuite elle fe preteroit de bonne foi aux parures qu'on lui deftinoit. Elle fuivit cette decifion, & alia au bal revetue d'un cilice fous fes ajuftemens. Mais c'e- toit une foible barriere contre les jecueils qui fe rencontrent dans ces for- tes d'aflemblees ou le monde etale Xes pompes, <k le demon tend fes pie- |
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II. Partie. Liv. VII. ty
ges.Cette funefte journee fitun fi grand
ravage dans Pefpiit & dans le coeur de la jeune PrincefTe, qu'elle revint du bal toute changee , & ne fut plus la meme perfonne. Les heureufes dif- }volitions qu'elle avoit eues jufqu'a-
ors, fon gout pour les exercices de piete, tour s'evanouit & fe diffipa j & depuis cette premiere demarche, elle entra fans peine dans l'orageufe caniere du monde , oil elle parut avec eclat & din-motion , non-feulement a la cour & parmi les perfonnes de fon fexe, mais meme parmi les favahs 8C les plus beaux genies , & parmi les guerriers. Elle paffa ainii fur le thea- tre du monde & dans le tOurbillon des plus grandes affaires de l'etat , buit ou dix annees, qui, comparees a celles qui les precedent & a celles qui les fuivent, ne doivent etre envifagees par les yeux de la foi que comme une fombre nuit entre deux beaux jours. C'eft ainfi que nous les envifageons ; c'eft pourquoi nous ne fuivrons pas cette Princeffe dans la region des va- nites & des erreurs, auxquelles elle fut livree pendant ce tems , qui lui fit dans la fuite repandre tant de larmes, lorfque Dieu par un efiet de fa mife- ricorde l'eut retiree de fes egarem ensa |
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#4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.*
[>our la faire rentrer dans les voies de
a juftice. Nous rapporterons feule- ment quelques-uns des principaux eve- nemens de ce terns, neceiTaires pour l'intelligence de ce que nous avons a dire de cette PrincelTe •, pour faire mieux fentir , dans quels maux on fe jette , lorfqu'on abandonne Dieu ; & la grandeur de la mifericorde qu'il fit a cette ame egaree, en la remettant dans la voie. Mademoifelle de Bourbon , epoufa
a l'age d'environ vingt-trois ans Hen- ri d'Orleans, Due de Longueville & d'Etouteville, Pair de France , Prin- ce fouverain de Neufchatel, Comte de Dunois, de Saint Paul, de Chau- mont, &c. Gouverneur & Conneta- ble hereditaire de Normandie. C'e- toit le plus grand Seigneur qui rut en France , apres les Princes du fang. S'etant engage contre fon inclination, & par les follicitations de la Princefle fon epoufe dans les intrigues des Prin- ces contre le gouvernement , il fut arrete comme eux le 18 Janvier 16 5 o , &c conduit au Chateau de Vincennes. La DuchelTe de Longueville fut man- dee par la Reine j mais fe doutant qu'on avoit deiTein de Parreter , elle prit le parti de fe retirer avec l'aide |
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II. Partie. Liv. JUL £5 _______
de la Princeffe Palatine, fa meilleu- 1671.
re amie, qui la fit fortir de Paris dans fon caroffe : elle alia en Normandie, dont fon mari etoit gouverneur. N'aiant pas ete recue a Rouen par xxvii.
le Marquis de Beuvron , gouverneur & % f-Jf* de la citadelle , comme elle l'auroit fouhaite , elle cut recours a la Duchef- fe d'Aiguillon , qui tenoit le gouver- nement du Havre pour fon neveu le Due de Richelieu , auquel le Prince de Conde avoit procure cette place. Mais le Cardinal Mazarin avoit pris le devant & avoit fait prevenir le jeune Due, qui pria Madame de Lon- gueville de trouver bon qu'il la refu- sat : elle fe retira a Dieppe , oil elle fut recue par Montigny ^ mais tous les efforts qu'elle fit pour engager ee Com- mandant dans fes interets , fiirent inutiles. Apres avoir refte quelques- tems a Dieppe, elle recut ordre de la Reine d'en fortir , pour fe rendre a Colomiers j elle promit d'obeir des- qu'elle feroit guerie d'une maladie, ( qu'elle feignit d'avoir). Enfin voiant qu'elle n'avoit aucun fecours a atten- dee , & qu'elle etoit prefque affiegee dans le Chateau , elle en fortit par une petite porte de derriere , qui n'e-. loit point gardee. Aiant voulu. s'envr |
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66 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
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16-Ji. barquer , le vent fe trouva 11 fort &
la maree fi grande , que le marinier } qui l'avoit prife entre fes bras pour la porter dans la chalotipe , ne pouvant y reiifter, la laiffa tomber dans la mer, ou elle penfa fe noi'er. Cet evene- xxym, ment ne rabbatit rien de fon courage ,
Madame de > 1 11 •
Longueviiie & ne pouvant s embarquer , elle pri't
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lande.
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'"'" des chevaux , fe mit en croupe j &
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apres avoir voiage le refte de la nuit
dans cet equipage , elle arriva chez un Gentilholnme du pais de Caux, qui la re^ut & la cacha le mieux qu'il put. Enfin , apres avoir erre d'afyle en afyle , pendant environ quinze jours , elle envoi'a au Havre, ou elle gagna le Capitaine d'un vaiffeau An- glois , qui la rec,ut fous le nom d'un gentilhomme qui s'etoit battu en duel, & la conduifit a Rotterdam. Le Prin- ce d'Orange lui offrit la Haye , le plus beau iejour des Provinces-unies, & la preffa meme de s'y etablir j mais fon deifein etoit de fe rendre a Sre- nay , pour concerter avec M. de Tu- renne , qui s'y etoit retire depuis l'em- prifonnement des Princes , fur les moi'ens de les delivrer. Elle y fit avec les Efpagnols un traite , qu'on peut regarder comme l'ouvrage de Mada- me de Longueviiie. |
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II. Par tie. Liv. Fit 67
An milieu des honneurs qu'elle re- 1671.
cevoit a Stenay , elle apprit fucceffi- xxix. vement plufieurs nouvefles affligean- EUe percf tes, entr'autres celle de la more de ^Tchl Madame la PrincefTe fa mere, qui, tiiion fur 1 1 Loire, llle
quelques momens avant que de mou- re9oit 4 ce
rir, dit a la ComtefTe de Brienne fa fujet une let-
parente , qui fe trouvoit aupres de Godeau,
fon lit: ma chere amie 3 mande^ a cette
pauvre mifirable 3 qui ejl a Stenay _,
fe'tat oil vous me voie\ , afin qu'elle
apprenne a rhourir. Madame de Lon-
gueville recut a cette occafion de M.
Godeau , Eveque de Vence , une let-
tre de compliment des plus belles \
dans laquelle ce Prelat , apres lui
avoir parle de la perte qu'elle venoit
de faire, & de la maniere doht elle
devoit la fupporter , lui donna une
folide inftruclion fur la vanite des
grandeurs du monde. » Dieu , qui
" vous aime , dit-il , puifqu'il vous
» chatie ii feverement , veut qu'eii
" cette perte vous faffiez un grand
" gain pour l'autre vie. Vous voiez
" la vanite des grandeurs de ce mon-
» de , & vous feriez inexcufable de
» l'aimer & de l'eftimer , apres une
» fi terrible experience de fa folie ,
" de fon injuftice , de fon ingratitu-
v de, & pour tout dire en un mot de
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<?8 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAl."
iCix, " f°n neant. Ilnefaut plus dire qu'il
» eft un fedu&eur j car depuis quel- w que tems, il a perdu pour vous tous » fes charmes & l'apparence mane » de la fedu£tion. Madame de Longueville fut auffi
confolee en cette occafion par les ler-
tres des Carmelites , auxquelles elle
fit une reponfe , qui fait voir que les
fentimens de piete n'etoient point en-
tierement eteints dans fan cceur.
xxx. L'annee fuivante ( 1651) , elle ap-
pemideuf15 P"1' "ant encore a Stenay , que les
qu'eile don Princes de Conde & de Conti fes fre-
ne i ftSfe-res ^ & le Duc de LongUeviIle fon
mari, avoient ete mis en liberte le 1 $
fevrier. Elle ne fe prefla neanmoins pas de revenir , quelqu'impatience qu'elle eut de les revoir , & demeura a Stenay jufqu'au mois de mars, pour travailler a eteindre le feu de la guerre qu'elle avoit contribue a allumer. Elle en partit le 6 de ce mois, & arriva le 13a Paris. Pen apres elle fe retira a Bourges , oil le Prince de Conde qui etoit mecontent, l'etant alle voir pour la confulter fur le parti qu'il avoit a prendre , elle lui declara que c'etoit celui de la guerre. Le confeil fut fui- vi, & la guerre civile recommence 5 «Ue fut terminee au commencement |
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II. Partie. Llv. VII. $9
de juillet ( 1652) , par la fanglante i6ji. journee du Fauxbourg S. Antoine. La Duchefle de Longueville etoir pour lors a. Bourdeaux j le mauvais fucces d'une guerre entreprife par ion con- feil, le triomphe de fes ennemis, le chagrin de voir fon credit perdu , 8c d'etre abandonnee de la plupart de ceux fur l'efprit defquels elle avoit eu le plus d'autorite , lui firent faire de ferieufes reflexions, & commencerent a la degouter des vanites du monde , dont l'experience lui avoit fait con- noitre l'illufion. Sous le voile de ces degouts, la grace commenca fon ou- vrage , qu'elle condiiifit lentement : & cefurent-la comme les preliminai- re de fa converfion. Le moment heu- reux , arrete par celui qui a tire la lu- miere des tenebres, ou il devoit faire iuire fa clarte dans le cceur fugitif de cette Princefle egaree,approchoit. De- ja elle ecrivoit de Bourdeaux aux Car- melites de la rue S. Jacques , qu'elle deiiroit la fin de la guerre , afin d'al- ,, ler fe retirer avec elles pour le refte
defes jours: deja elle fentoitle befoin qu'elle avoit d'une nourriture fpiri* tuelle , & demandoit qu'on lui indi- quit les tivres dont la le£ture lui con* venoit, & dans lefquels elle pourroif, |
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70 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
iCji. trouver l'inftru&ion qui lui etoitne-
cefTaire.
xxxi. De Bourdeaux , Madame de Lon- deC°Madte grille vint a Montreuil Bellai, do-
de Longuc- rnaine de fon mari en Anjou j puis a Kills, Moulins , ou elle vifita le tombeau du Due de Montmorenci fon oncle ,
& trouva dans le monaftere de Sainte Marie, la veuve de cet homme illuf- tre, qui en etoit fuperieure, 8c qui la recut avec toute la tendrefTe ima- ginable. Ce fut durant le fejour que Madame de Longueville fit dans cet- te maifon pendant environ dixmois , que Dieu opera le grand ouvrage de fa converfion, de la meme maniere a peu pres qu'il avoit opere celle de S. Auguftin. A la lefture d'une pa- role de l'Apotre S. Paul, la grace en- tra v ctorieufe dans le cceur d'Auguf- tin & s'en renditmaitrelTe. C'eft ainfi qu'elle triompha de celui de la Du- chefTe de Longueville , par une lectu- re qu'elle faifoit : void de quelle maniere elle raconte ce qui fe pafia en elle dans cet heureux; moment. » II fe tira , dit-elle , comme un ri- » deau de devant les yeux de mon ef- w prit: tous les charities de la verite » raflembles fous un feul obiet fe pre- jj fenterent devant moi : la foi qui |
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II. P ARTIE. LlV. VII. 71
}' avoir demeure comme morte & en-
s' fevelie fous mes pailions, fe renou- » vella : je me trouvai comme une " perfonne, qui apres un long fom- « meil ou elle a fonge qu'elle etoic " grande, heureufe, honoree & efti- » mee de tout le monde , fe reveille » tout dun coup , & fe trouve char- » gee de chain es, percee deplaies , » abbatue de langueur, & renfer- " mee dans une prifon obfcure «. Ce jour heureux , qui paroit devoir etre un des derniers du mois de juillet ou des premiers d'aoiit de l'annee 1 <J 5 5 , (54) fut fi remarquable & fi |
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i6ji.
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(54> Les differens Me-
moires, foil mauufcrits foic imprimes, ne s'accor- dentpasfur l'annee de la converfion de M. de Lon- gueville. L'Editeur des Memoi-
res de M. Lancelot, la place en 1S59 : Dim'. dit-il , aiant commence a. la toucher en I6f9 > not. T. 1. p. 401. Cet editeur ayoit ds]a infinue la meme epoque dans une note du T. 1, p. 171 , ou il dit, que Madarrie de Longue- ville fe confacra entiere- Tnent d la penitence, qu'el- le couronna apres .17 ans d'une vie fainte , par une mart precieufe le 1; avril 1679. Si la conver- fion de Madame de Lon- |
gueville n'eft arrivee qu'en
1659, elle n'a parte que zo ans dans la penitence, etant morte le if avril 1679. Cependant ' tous s'accordent a dire qu'elle a vecu dans la penitence pendant 17 ans. Ce( qui eft certain , e'eit que Ma- dame de Longueville en comptoit ellc-meme z$ dans une de fes lettres, dont nous lie trouvons point la date. Ainfi on ne peut mettre la con- verfion de cette Prin- ce ffe , plus tard qu'en 1653 ou 1654. Ainfi e'eft encore une faute dansl'E- diteur des Memoires de M. Lancelot, d'avoir a- vance que le Prince & la Princeile de Conti coiyi |
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71 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1671. folemnel pour Madame de Longue-
ville, qu'elle en fit des-lors chaque annee 1'anniverfaire , comme on le voit par une lettre qu'elle ecrivoit 2 5 ans apres a fon confefTeur. » Ces » annees, dit-elle , me doivent etre fi »> precieufes , que je ne veux pas que » vous en comptiez une de moins. " II y en aura done z 5 dimanche pro- » chain. Je les compte dev'ant les » homines, mais je ne les compte » pas devant Dieu, eftimant qu'efles » font bien plus vuides en bien, que » celles qui les ont precedees ne v l'etoient en mal. Je vous demande ■» permiffion de mettre pendant deux » matinees , entre ci & le deuxieme » d'aout, une ceinture de fer, pour » expier mes peches prefens , &c ceux » dont Dieu m'a tiree dans ce tems- » la «. Madame de Longueville, apres
une conversion fi remarquable, fut fidelle a. toujours avancer dans la voie de la juftice. Mais Dieu ne la conduifit pas par des routes riantes & femees de fleurs (5 5); car quoique ces tribuerent a la converfion n'ai'ant ere touche de Dieu.
de Madame de Longue- qu'en i«jj , & la Priii-
ville , puifqu'elle eft an- celTe fon epoufe ne is
terienre a celle de (.cms les fut qu'apre*s ce Prince,
.deux; le Prince de Conti (j; J YiUef. liv. 5. p. 7. ventes
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II. Partis. Liv. Fit. 7? ______
verites lumineufes, dont elle avoit 1671*
ete frappee, euflent laiffe clans fon coeur une impreffion qui ne s'effaca jamais, elles n'eurent cependant plus pour elle d'attraits fenfibles.' Ce ri- deau qui s'etoit fi foudainement ou- vert, fe referma prefque de meme, & tout le refte de fa vie , excepte un mois avant fa mort, fa piete n'eut que la foi feule pour la foutenir au milieu des plus rudes epreuves par ou la juftice divine la fit pafler. Elle refta dix mois a Moulins, oii xxxtr.
elle attendoit M. de Longneville , ttaiondeMi qui travailloit pour elle a la Cour, dp Longue- oii Ton etoit fort peu prevenu en fa v1' *' faveur. Cependant la Reine mere ai'ant confenti a fon retour, M. le Due fon mari vint la joindre a Mou- lins , d'oii elle partit dans des fenti- mens bien contraires a ceux qu'elle avoit eus pendant les agitations du Roiaume j ai'ant renonce a tous les projets ambitieux, a tous les defirs de gloire & de domination , pour ne plus penfer qu'a s'envelopper dans les devoirs domeftiques , & a s'abandon- ner aux rigueurs de la penitence. Elle revint a Paris dans des circonf- tances peu favorables , car ce fut precifement dans le tenis que le Roi Tome. VIL D
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74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
(jyi# etant alle au Parlement (le 28 avril
1654) , y fit declarer le- Prince de Conde criminel de leze-majefte. Ce fut fans douve pour elle une mortifi- cation bien fenfible & la premiere croix qu'elle eut a porter en entrant dans la carriere de la penitence. Elle en eut peu apres une nouvelle a l'oc- cafion du meme Prince de Conde fon frere, qu'on apprit qui etoit a la tete des Efpagnols au liege d'Arras, que M. de Turenne fit lever le 25 d'aout, a'iant force dans leurs retran- chemens les ennemis , qui tous au- roient etc tallies en pieces, fi le Prince de Conde ne fe fiit mis a leur tete, & n'en eut fauve une partie par les prodiges de valeur qu'il fit. On fa- voit que ce Prince n'etoit pafTe chez les ennemis que par les confeils de Madame de Longueville j ce qui re- nouvelloit d'etranges idees contre elle. Mais elle ne fe defendoit plus que par des prieres & des gemifle-. mens. Elle cherchoit fa confolation en Dieu , & aupres de fes bonnes amies les Carmelites, auxquelles elle communiquoit fes peines. La Cour s'etoit adoucie a fon egard, mais elle craignoit que la nouvelle de ce que }<2 Prince de Conde ayoit fait au lie* |
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II. Par tie. Liv. pll. 75
ge d'Arras ne fit changer ces difpofi- iSji.J'
tions, comme elle le dit dans une lettre aux Carmelites, ou elle ajoute: J'ai tant manque a Dieu qu'il eft jufte qu'il me punifle, & je vois bien que les chatimens font des confeils de mifericorde fur mon ame. lis font meme fort adoucis par cette vue que Dieu me fait la grace de me donner. Priez-le qu'il me la rende utile, & que je faffe bon ufage de mes malheurs & des lumieres qu'il repand dans mon ef- prit ». Madame de Longueville conti- Jrxxftr.
nua d'etre en commerce avec les ,,Ljair°n <*e „ ,,. . , . . r Madame da
Carmelites, & leur ecnvoit iouvent. Lsagueviiie
Toutes fes lettres ne refpiroient que avc,c-tesCar" la penitence , & le delir de le reunir a elles dans la folitude. « Je ne fais » plus autre chofe ( dit-elle , ecri- " vant a une Carmelite qu'elle avoit » connue dans le monde fous le nom " de Mademoifelle du Vigeau), que » de me fouhaiter dans votre mai- " fon a tous les momens de ma vie j » & je prens comme la punition de » mes peches , la privation d'une » chofe , ou je vois plus que jamais » mon falut attache «. Elle difoit dans cette lettre, que commeI'amour D ij
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fS HlSTOIRE DE PoR.T-iR.OlAt;
des Carmelites etoit forti de fon ccem?1
avec celui de Dieu , elle fentoit que l'amour de Dieu n'y pouvoit revenir fans ramener l'amour des Carmelites. 5. Mais, dit-elle , apres avoir quitte » Dieu volontairement , il n'eftpas » jufte que je le retrouve dans ces « premiers momens de la recherche » que j'en fais j & pourvu qu'a la " fin de ma vie je ne me trouve pas « feparee de lui, c'eft beaucoup pour » moi (56) «. Le fouvenir de ces heureux jours qu'elle avoir pafles dans le terns qu'elle vouloit erre Carmeli-! te, lui revenoit toujours dans l'efprit. Chaque perfonne de consideration , qui fe confacroit a Dieu dans cet or- dre, lui donnoit de la jalouiie. » Je » loueDieu , dit-elle, de 1'entreede » Mademoifelle d'Aibret. Elle eft " bienheureufe en routes fagons, d'a-^ i> voir fi peu participe au fiecle, & » d'aller pourtant faire une fi grande i> penitence ; elle aura cet avantage •> dans la fienne , qu'elle la fera avec » plus de conformite a celle de J. C. » qui l'a faite, etant non-feuiement » innocent, mais l'innocence meme. » Comme done elle en a beaucoup, jj elle fera penitence en fainte, J'aj {j«J Villefore, liy. j. p. i3, (
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11. Par* if. Liv. Fit If
i> encore penfe fur cette entree que x
» va faire cette pauvre fille, qu'elle i> fera comme J. C. apres foil bapte- » me. Ainfi, pour conferver I'inncM- •-> cence du fien, & non pour le re- *> parer , elle entre dans le defert des » Carmelites. Dieu n'a pas fait ainfi *» a toutes les nations , & cela m'hu- » milie bien fous fa juftice , qui m'a '• livree au fiecle a caufe de mes in- » fidelites. Demandez mifericorde a » Dieu pour moi. Madame de Longueville avoit auffi.
recours a Madame de Montmorency, qu'elle avoit vue a Moulins. Elle lui ecrivoit & recevoit d'elle des lettres. Madame de Montmorency ai'ant tin jour mele quelques louanges dans une lettre , Madame de Longueville lui repondit, *> vous me croiez telle que » vous fotihaitez j mais plaignez moi » plutot de ce que je refifte encore a » Dieu , & que je nefuis pas ce que m je devrois etre. Je me regarde » comme l'aveugle ne de l'Evangile » que J. C. guerit avec de la boue : » mes yeux ne font pas propres a re- « garder fi-tot le ciel , & je les dois » encore emploi'er a regarder le fond " de la terre d'oii la grace m'a reti- u ree. Demandez a Jefus-Chrift qu'il Diij
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ft HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt*
^iG-ri, " me preferve de tomber dans la
» vanite qui m'environne , & dont
» j'ai eu le coeur fi plein autrefois.
» Helas! il ne l'eft peut-etre que trop
» encore: mais ma tante , quelque
» miferable qu'il foit, il eft toujours
» tout a vous.
xxxiv. » Tant d'afflictions, dit-elle dans
itatdsMa- une autre lettre , 8c tant de ren-
jueviiie. » verlement de fortune, ne me re-
» difent au coEur , que ce que Dieu » lui a dit une fois \ qu'il n'y a rien v de folide parmi les homines, 8c » que lui feul peut faire notre feli- » cite. Mais vous avouerai-je la ma- » lice du mien, & pourrez-vous Pap- s' prendre fans vous affliger ? je vous v le dirai pourtant, afin que vous s> plaigniez fa mifere, & que vous s> en parliez a Jefus-Chrift. J'aime la u vente, & je me plais a. entendre » fa voix; avec cela je fouffre encore n pour des chofes vaines que je ne » veux pas pofteder ; je me fuis n trouvee prefque accablee fous le 3> poids de mes afflictions. Vous fa^. « vez les circonftances de la dernie- " re , qui n'a pas beaucoup paru j « mais les plus grandes croix en ap- sj parence ne font pas les plus lour- i> des 8c les plus difficiles a potter* |
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II. P A ft TI E. Llv. Vll 1$_______
» Je dis ceci fans me plaindre j car j(,-jx,
» c'eft a Dieu a nous les impofer , & » a nous a. les recevoir humblement. » Je les adore toutes , demandez-lui » que je n'en rejette aucune. Madame de Longueville n'eut pas xxxV.
,, , ° j 1 Onluidort-
I avantage de trouver dans les pre- ne un Ducc-
mieres annees de fa converfion un te"r Pei4' "" Ananie capable de la coiiduire. On conduiw. lui propofa un bon Cure , dont on I'ailura que les droites intentions & la neutralite dans les difputes de ce tems, lui convenoient.. Elle l'accepta fur ce qu'on lui en dit, mais elle ne l'eut pas plutot choifl qu'elle ne put y prendre au.cune confiance. II lui faifoit faire des retraites de quinze jours ; & lui donnoit pour cnaque jour de grandes pages de medita- tions , qui la rempliflant de vains fcrupules , la jettoient dans le decou- ragement. La conduite de ce direc- teur, & de quelques autres apres lui, la tint plufieurs annees dans ce pe- nible exercice , jufqu'a ce qu'enfin la providence la conduiflt a un guide , en qui elle trouva ce que faint Paul avoit trouve dans Ananie , & faint Auguftin dans faint Ambroife. Ce guide fut M. Singlin, en qui
Dieu avoit mis tant d'excellentes Diiij
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Stf HlSfOTRE M PoRT-ROlAt.
1672. qualites & de talens pour la coil""
xxxvi. duite des ames. Madame de Longue- Madame de ville a'iant oui parler de lui (fans re^e'Tfous doute a M. de Bernieres, avec lequel la conduite elle etoit liee , & qui l'etoit lui- m& m" meme fl etroitement avec P. R.) elle defira de fe metcre fous fa conduite. Ce faint homme eut de la peine a s'y determiner , ne penfant plus qu'a vivre dans la retraite , & a repandre en fecret fes larmes & fes gemifTe- mens pour les befoins de l'Eglife, depuis qu'on l'avoit oblige de quit- ter P. R. II hefita done quelque terns & s'excufa de fe charger de cette Prin- cefTe , ne voulant. plus vivre qu'en etat de penitent, fans penfer a celui. de directeur. Mais comme Dieu avoit d'autres defleins, il le toucha fi vi- vement par la le&ure de l'Evangile de la Samaritaine , ou il fit reflexion comment Jefus-Chrift chafle de fon pais , alia chercher cette femme pour lui reveler les plus hautes verites , qu'il fe rendit a ce qu'on demandoit de lui. Il femble, dit M. Fontaine dans fes Memoires (57), que Dieu, pour confoler fes ferviteurs 8c £es fervantes ( de Port-roial) » fatigues i> par la longueur de rant de perfe- (57J T.i.p. i1?.
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II. P a r x i e. Llv. VII. 8 r ________
« cations..... leur donna cette 1671*
» Princeife du fang , dont il avoit
» referve la parfaice converfion a » des conjon&ures qui la rendoient »> pluseclatante. Des-lors Madame de Longueville
fur liee avec les religieufes de P. R., dont elle connut la faintete & l'in- nocence, malgrc les calomnies qu'oti repandoit contre elles : & cette liai- fon, fondee fur la connoiifance de leur vertu, ne fit que s'affermir par les perfecutions de route efpece que foufFrirent ces faintes filles, &c celies qui y furent les plus expofees, lui devinrent les plus cheres par ce nou~ veau trait de relTemblance avec Jefus- Chrirc. Qui ne fera furpris apres cela de lire dans ce qu'on appelle la viri- table vie de Madame de Longueville , qiie » M. Sitifiin engagea cette Prin- m cc(fe a faire connoiflfance avec w quelques religieufes de P. R., qui " dans la fuite fe trouvant du ncm- " bre de celies qui furent envoiees a " leur monallere des champs , ne >> laifferent point d'ette ckeres a Mada* » me de Longueville (58) ? Pourquoi done ces religieufes auroient-elles pu cejferd'eue ckeres a. Madame deLon- " (58; T. z.p. 80.
D v
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8l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
z. gueville ? feroit-ce parcequ'elles ai-
merent mieux etre chaflees de leur maifon , que de trahir la verite & blefler leur confidence ? II faut ren- dre juftice a M. de Villefore qu'il ne l'a point penfe ainii \ & que l'ex- preffion dont nous nous plaignons, eft une exprellion echappee , parce- qu'il fuppofoir que Madame de Lon- gueville n'etoit pasalors inftruite de matieres au fait defquelles elle ne fut , felon lui, qu'apres la mort de M. Singlin , qui ne parloit jamais aux perlonnes qu'il dirigeoit, que de ce qui avoit immediatement rapport a leur confcience & a leur falut (59). Cet homme de Dieu , craignant de refifter a fa voix , confentit done de fe charger de la conduite de Mada- me de Longueville (60). Mais la dif- ficulte etoit de pouvoir le faire, etant oblige de fe tenir cache pour fe fouf- traire a la fureur de ceux qui le cher- choient de tous cotes pour l'empri- fonner. Comme la charite eft inge- nieufe pour venir a bout de ce qu'elle entreprend, elle en trouva le moi'en. Ce fut de faire refoudre M. Singlin a quitter la foutanne , lorfqu'iljortoit (t9) Villefore, liv. s. (*n) Font.T. i.p. 114,
V, 88. & fuiv. |
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II. Part if.. Uv.Vlt Sj
de fa cache , a prendre la perruque & " \C-ji.
le manteau court, & aller ainfi de- guife a l'hotel de Longueville , com- me un Medecin qui leroit alle voir la PrincefTe pour fa fame. II eut neanmoins quelque peine a en venir a. cette extremite. Lorfqu'il fe voi'oic travefti de la forte , il difoit a M. Fontaine , manus quidem 3 manusjunt Efaii. » Me voila dans toute la ref- » femblance des gens du monde , » mais il faut tacher que fous ces ha- » bits qui me deguifent, j'aie tou- » jours la voix de Jacob (<Ji). Des la premiere vifite, il penetra.
bientot dans les difpofltions & dans le caraftere de certe Princefle j. & lorfqu'il fut revenu, il avoua qu'elle avoit l'habit & le cceur d'une peni- tente ; qu'elle temoignoit une grande docilite & une grande refolution. A chaque fois qu'il en revenoit, il avoit toujours l'efprit plein de ce qu'il avoit vu , ne fe laffant point d'ofrrir a Dieu & de lui faire offrir par tous fes amis, une perfonne qui meritoit ft fort qu'on la recommandat a fa mi- fericorde. Ce fage ecclefiaftique , qui etoit
d'une rare prudence , fe borna d'a- 4«t) font. ibid.
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84 HlSTOIRE DE PoRT-ROl'Al.
1671. bord aux avis generaux , reprefentant
xxxvu. a Madame de Longueville , que pour
Ue quelle aUerir une maladie , il falloit aller
siuglin ccn- a la cauie du mal; que la maladie
duic Madame des grands etoit 1'orgueil; qu'il fal-
de Lougue- , . » .»...' ^ ,, - .
ville, loit 1 attaquer , en humiliant 1 eipnt
fiar l'obeiflance & la patience j par
'obeifTance en ne faifarit rien que par ordre , en s'afTujemfTant a. un regle- xnent de vie pour chaque jour , dont elle ne s'ecartat point j par la pa- tience , en fouffrant gaiement tous les evenemens & les malheurs de cettevie, dont elle avoit une ample matiere dans fa maifon. Des la pre- miere vifite , Madame de Longue- ville pritune li grande con fiance en M. Singlin , qu'elle le fupplia d'a- greer qu'elle fit un renouvellement entre fes mains , & qu'elle lui fit un detail de toute fa vie- » II me w femble, lui dit-elle , que le bon- „ fens vein que je vous faffe connoi- j5 tre l'etat de ma vie paflfee , afin 3j que vous puilliez mieux juger d6 « quels remedes & de quelle con- » duite j'ai befoin j ce que vous ne » fauriez gueres faite fans connoitre ,> en particulier mes maux & mes » infirmitcs. M. Singlin, furpris de la foi , de
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II. P A R f I E. Lh. FIT. 85 ________
la fagefTe & de la resolution de cette 1672,
PrinceflTe , crut que Dieu lui parloit par elle , & accepta fa proposition. Mais il lui dit qu'il ue feroit pas neceffaire qu'elle fit une confeffion generate , qu'il fuffiroit qu'elle mar- quat les principalis circonftances de fa vie, qu'ainfi elle ne s'occuperoit pas rant a fe fouvenir de fes fames , qu'a lesreffentir & les hai'r. II arriva dans les vifites fuivantes , xxxvrn.
qu'apres qu'elle eut fatisfait le defir de^^M. de fa piece, & qu'elle fe fat confeflee, singlin lui elle fat toute furprife de ce que M. 1X0L & ° Singlin lui donna l'abfolution fans la differer autant qu'elle s'y etoit atten- dite. Elle temoigna meme fa furpri- fe a M. Singlin (61) , & regarda cela comme une marque qu 11 la croioit trop foible pour fouffrir les veritables remedes, dont par la grace de Dieu elle etoit bien inftruite. Mais cet liomme eclaire vo'ioit bien des cho- fes particulieres dans cette PrincefTe penitente. II conlidera qu'elle avoit deja fait plufieurs renouvellemens , & pafle plufieurs annees dans une vie tres reguliere , c'eft pourquoi il crut devoir tenir envers elle une conduite particuliere. Et pour calmer fes train- • (tfi)Fom.T. J.p. 151', 155; 8cc, |
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3<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
161z, tes, il lui dit que la condui-te qu'il
tenoit a fon egard , etoit felon Tor- dre de l'Eglife auffi bien que celle qui y etoit contraire ; que l'Eglife favoit varier fa conduite , felon les terns & les circonftances ; que cela ti'empechoit pas qu'elle ne fe regar- dat toujours comme penitente devant Dieu; que le retardement etoit prin- cipalement deftine a acquerir les dif- pofitions & les vertus qui etoient deja en elle/que l'Eglife a toujours plus confidences que le terns auquel elle ne s'eft jamais arretee, lorfqu'elle a vu le veritable fruit de la peniten- tence, qui eft la volonte de revenir a Dieu, & de s'attacher humblemenr a fon fervice. xxxix. Comme Madame de Longueville m. singiin paroiflbit avoir encore quelque pei- ne a revenir de fa premiere furprife, il ajouta : » Croi'ez-moi, Madame, » le delai de l'abfolution & la priva- u tion des Sacremens eft peu de cho- » fe aujourd'hui pour la plupart des » hommes, qui n'en ont pas grande » peine , & qui comptent neanmoins » cela pour beaucoup.... II vaut » mieux les porter a l'aumone , a la » priere , a la mortification des paf- » lions de l'efprit & du corps me- |
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II. Part ie. Liv. Pit. . 87
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« me, a la fouffrance des injures & 1674,
» des deplaifirs, &c.... & genera- » ralement a regler la fuite de leu r » vie, enforte que depuis le matin juf- » qu'au foir il n'y ait point de vui- » de , & que toutes leurs actions « foient chretiennes & confacrees a ■» Dieu. Quand on voit des perfon- » nes dans ces difpofitions , il n'y » a plus a hefiterj & quand elles » donnent ainfi des.preuves qu'elles » font vraiement penitentes, on ne » doit plus faire difficulte d'avancer » l'abfolution & les autres Sacre- j» mens; l'Eglife en a ufe ainfi, me- » me dans les premiers fiecles «. Dans la meme vifite Madame de Longueville defira favoir quels regie- . mens elle devoit tenir dans fes com- munions , M. Singlin lui permit de communier tons les quinze jours. Les perfonnes qui avoient con- xt.
duit auparavant Madame de Longue- fu£efJe s^"f ville , avoient a la verite de la piete giin dans la & des lumieres, & cortnoiflbient les ^« * regies generates de la penitence, Longueyiiu mais il iemble qu'elles ignoroientqu'il y a auffi des regies particulieres; qu'il faut mettre quelque difference entre les Princes & le commun des hom- ines (*), qu'il faut pour les premiers (*) Feat, T. i. f. izp.
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§8 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAr,.
1612.. une autre conduite , par rapport *
1'exterieur & au-dehors de la peni- tence ; qu'd faut pour eux des pe- nitences que tout le monde ne peut pas faire, comma il eft clair qu'ils ne peuvent pas faire ce que tons les autres font : enfin , ces directeurs en general, n'etoient pas , quoique favans d'ailleurs, capables de con- duire des Dames de 1'elevation de Madame de Longueville, pour lef- quelles il faut des regies qui ne foient propres qu'a elles, & qui foient pro- portionnees a des perfonnes de ieurs conditions j puifque chacun doit fe fauver en s'acquittant de fes devoirs, Sc non pas feulement de ceux qui font plus generaux. II faut d'abord regler I'efprit des perfonnes, & le purifier de leurs paffions & du defir du monde , en les foumettant entie- rement a Dieu & a. fes ordres j apres cela tout eft facile , & elles en font plus qu'on ne veut. On avoit gene Madame de Lon-
gueville fur la maniere de s'habiller -y M. Singlin crut que par rapport a fon rang, ellepouvoit donner quel- que chofe au tems & a des modes raifonnables; mais il tint'ferme fur k modeftie, & lui dit que : » Si le |
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It. Part ie. Liv. Fit. S^
i> rnonde ne vouloit pas la laiffer " j » faire , comme elle laiilbit faire la « monde, & qu'il ltii fuf mauvais i> gre de ce qu'elle ne l'imitoit pas $ *' elle devoit fe refoudre a fouffrir w ce reproche , & le recevoir comme « line partie de fa penitence (63). Une des chofes qui embarroifToient
le plus M. Singlin (64), etoit ce que lui difoit Madame de Longue- ville s de la prdmefle qu'elle avoir faite a Dieu dans la premiere ferveur de fa conversion , de s'enfermer dans un monaftere , ce que les dirciteurs qu'elle avoit eus jufques-la fembloient approuver , infiftant beaucoup fur la fidelite avec laquelle elle devoit ac^ complir cette promeffe. M. Singlin etoit perfuade au contraire que la' maifon de Madame de Longueville etoit bien plus un lieu de penitence' pour elle , par les peines & les con- tradictions qu'elle avoit a y efluier , & qu'elle pouvoit plus y meriter & fa- tisfaire a Dieu, que dans un monaC- tare , qui pour l'ordinaire eft peu utile a des perionnes-, qui ont etemariees &c dans le monde j comme la grande experience qu'il avoit des religieu- (S;) Ibid, page i;o. ■ (64) Fopt. ibid. p. iji.
yilkfoi'e, L. 5. p. 18. |
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JIO HlSTOIRE BE PoRT-ROlit;
1671. ^es 5 lolui avoit appris. De plus, cette
Princefle etoit fi docile , fi foumife, fi humble 8c fi patiente , qu'elle fur- palloit de beau-coup plufieurs de celles qui avoient fait des vceux & qui etoient engagees dans des monafteres, Ainfi M. Singlin etoit fort en repos fur cet article , d'autant plus qu'elle n'etoit pas libre de fe retirer, M. le Due de Longueville fon mari etant vivant. Madame de Longueville s'ap- pliquoit a lui donner routes les mar- ques de la plus parfaite eftime. Elle jhe faifoit plus de voi'age a Paris que de fon agrement j affidue a lui faire compagnie dans les vifites de fon Gouvernement, de fes terres, elle veilloit fur fes domaines, & plus en- core fur fa fante. Elle l'accompagna dans fon voi'age de Bourbon , ou elle donna pendant tout le fejour qu'elle y fit, le plus bel exemple de piete & de charite qu'on eut jamais vu dans ce lieu. Tous les pauvres furent nour- ris de fes aumones 5 & elle prit des mefures pour l'avenir , afin que tons les malades hors d'etat de faire la depenfe du fe'jour & des remedes, y trouvaflent des affiftances fufiifantes. De retour de Bourbon , elle conrinua de vivre dans la piete, les bonnes |
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II. P ARTIE. LlV. VIL Jl
osuvres, & une grande application a 1672.
remplir aupres de fon mari, tous les devoirs d'obligation & d'obeifTance. On vit alors dans ce Seigneur un xli.
des effets que produit a la longue une ""u^ L°£ piece folide (<J)).Apres avoir regarde mire la fihi quelque terns le changement de la ^ffe* Pun" PrinceiTe fon epoufe comme une fail- lie de devotion qui s'amortiroitbien- tot, lorfqu'il vit fa perfeverance , la gravite de fa conduite & 1'unifermite de fa vie , il changea de fentimens ■ a fon egard , & fes procedes d'in- difference fe convertirent en admira- tion. Elle en informa M. Singlin , qui l'avertit que cela devoit l'enga- ger a prendre encore plus de foin de fa famille & de fa maifon, puifque deformais elle pouvoit le faire avec plus d'autorite -y qu'elle devoit tendre a y diminuer le mal, fi elle ne pou- voit pas encore l'oter entierement 5 que Dieu lui feroit la grace de faire peu-a-peu davantage j que la patience n'etoit pas moins agreable a. Dieu que le zele. M. Singlin .voioit tant de docilite*
dans cette PrincefTe , qu'il difoit que fon exemple lui avoir fait compren- die que la conduite des perfonnes {65) Font. ibid. p. i}}. Villef. L. j. p. 18. ♦
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t)l HlSTOIRE DE PoRT-kOlAt;
"j^7ii qui ont de l'efprit & du jugement ,~
eft beaucoup plus facile que celle des autres , paccequ'elles ne refiftent f>as aux chofes raifonnables ,& qu'el-
es reconnoiffent la verite auili - tot qu'on la leur montre, de forte qu'on a bientot fait avec ces efprits. Mais infenfiblement la nouvelle
affection que M. de Longueville con- gut pour fa femme , voiant fa vie fi fainte & fa piete ii folide , com- jmenca a 1'embarraffer elle-meme , & a temperer la joie qu'elle en relfen- toit (66). Ce Seigneur connoiftant jnieux que jamais. letrefor qu'il pof- fedoit, eut de grandes craintes de la perdre ; lorfqu'il etoit helas! lui- raeme a la veille de n'en plus jouir. 11 apprehenda que l'exces de la fer- veur & de (es auftcrites ne lui cau- sat la mort, ne penfant pas que lui- meme 1'alfoit laifler veuve. II fit done de grandes plaintes de fes jeiines , &c temoigna une veritable douleur da ce qu'elle ruinoit fi fante par desabf- itinences extraordinaires. Madame de Longueville en ihforma M. Singlin, qui lui dit que M. fon mari pouvoit avoir raifon de fe plaindre , & lui fit entendre qu'elle devoir fe foumettre (6<y Font. T. i. p. iJ^.yikf. I. 5. p. i?) io.
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II. P ARTIE. L'lV. FH. *)$
I ce qu'il deiiroh , pourvu que d'ail- T * . '"
leurs il ne l'obligeat pas de fe livrer a cles compagnies qui pourroient la rejetter dans des divcrtiflTemens 8c dans la diffipation j parceque 1'occu- pation reglee & continuelle, etoit le meilleur moien de conferver l'efprit & le corpj en fame & dans la force , & que c'etoir la. la vraie regie de l'E- criture & des faints Peres pour l'un & pour l'autre. M. Singlin modera ainfi les aufte-
rites de certe PrinceiTe, qui la ren- doient fouvent malade. Un jour que la Marquife de Gamache lui ecrivit pour lui faire des reproches de ce qu'elle akeroit fa fante,, & fe rendoir malade, eile lui fit cette reponfe : » Ah! que la maladie qui feroit cau- » fee par la penitence, feroit une v grande fante a l'ame; mais vrai- » ment je n'en fuis pas la (67). Madame de Longueville vivoit XLn-
ainli dans la piete & dans une ii pro- change de fonde retraite , qivenfin fon giand difpofitions i C ■ r ■ 1 J' 11 ° ' \ foncgatd,
eipnt ne cauioit plus dauarmes a
perfonne. Ses ennemis s'appaiferent a laCour. La Reine elle-memene la vo'i'ant plus fe meter de rien , concur peu-a-peu une haute eftime de fpu " (S7) Villefotg, L.j;.p. 13.
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94 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
i<j/z merite , enforte qu'infenfmlement les"
graces & les bienfaits entrerent dans cette illuftre maifon. Elle engagea M. fon mari, dont la fame s'alteroit de jour en jour, a demander pour fes deux fils la furvivance du gouverne- ment de Normandie, qu'il obtint. Madame de Longueville fat fort fen- fible a cette faveur; mais bientot apres elle eut un fujet de joie plus fenfible pour elle , par le traite de paix (68) entre la France & l'Efpa- gne , qui lui rendit un frere dont elle pleuroit l'eloignement depuis plu- fieurs annees. xliti. L'etat brillant de la Cour, les re- liie fait re- jouiflances , qui furentles fuites de la
paix, 8c du mariage du Roi (celebre le 9 juin 166o), n'eurent rien de flat- teur pour Madame de Longueville. Les fentimens favorables du Roi &z dela Reine mere pour elle j la more du Cardinal Mazarin ( arrivee le 9 mars 1661 ) fembloient devoir la retenir a la Cour (69) n'ai'ant plus a craindre a l'avenir que perfonne indifposat le Roi contre elle. Mais au contraire dans le tems qu'il y avoit le plus de fetes, de fpe&acles, de re- (68) Ce traite eft de • (69) Vilefore, L. j,
l'an iSjj , le 7 noyemb. p. 41 , 44. |
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II. P ARTIE. L'lV. VII. 9$
jouifTance & de concorde a la Cour, i6ji,
elle fut infpiree d'aller fe mettre dans la folitude pour y faire une nouvelle confeffion generale (70). On voit par un Memoire, ou ell6 a marque les difpofitions dans lefquelles elle rut pendant cette retraite, qu'elle y fut poiuTee par la vue que Dieu lui don- na , que l'etat d'independance dans lequel elle vivoit depuis quelques annees , etoit tres prejudiciable a fon ame j qu'au lieu de faire dans la voie de la vertu quelques progres , elle s'afFoibliflbit & tomboit dans un etat de tiedeur, qui lui faifoit craindre qu'elle n'entrat bientot dans cette voie, qui paroit droite a l'homme, & qui pourtant conduit a la mort. Jille dit qu'elle fentoit un grand defir de s'humilier par cette confeffion gene- rale qu'elle fe propofoit de faire , 8c qu'en effet c'etoit une grande humi- liation pour elle de retoucher a ks plaies. Pendant fa retraite, elle ob- ferva avec beaucoup d'attention tous fes mouvemens , & elle entra dans une rigoureufe difcuffion fur fes de- voirs 3c fur ce que la juftice divine (70) Cette confeffion le 14 nov. ifisi , com«
eft cel'e <jue la PrincelFc me elle le die dans fojj j>SrJtente ht 3 M. Singlin , Memoire, |
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f)6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
exigeoit d'elle. Mais laiflbns-laparler
elle-meme. » Au commencement de t> ma retraire , dit-elle, j'ai ete un « peu enxaiee d'entrer dans une voie !> plus etraite •, mais j'ai fenti nean- i> moins un certain foutien intcrieur, v qui m'a imprime le contraire du »> decouragement. Plus j'ai ete en t> avant dans cette retraite , moins je v m'y fuis ennm'ce. J'ai eu, ce me v femble, une vue affez forte que ma " vie a ete fort inutile , je dis depuis » que j'ai voulu fervir Dieu j car au- 33 paravant elle merite un autre nom. « Je me fuis done fentie attiree a, « une plus grande feparation , non- 33 feulement par une perfuafion, ou » je me fuis trouvee , que e'eft le j» chemin par oii je dois marcher a " Pavenir , mais encore par unepente w a. fuivre cette lumiere avec une fa- 3> cilite fort grande. II y avoit lang- s> tems que je cherchois , ce me fem- » ble, la voie qui mene a. la vie, w mais je croi'ois toujours n'y etre pas 3) fans favoir precifement ce qui etoit 3> mon obftacle. Je fentois qu'il y en 33 avoit un entre Dieu & moi, mais » je ne le connoilTbis point, & pro- 3) prement je me fentois comme n'e- ** tant point a ma place, avec une 33 certain©
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.... j kri iii. Ju.j'i A'ii. j>7
i> certaine inquietude , fans pourtant x6ji.
»» favoir ou elle etoit, ni par oii il
» falloit la chercher. II me femble
» enfin que j'ai trouve ce que je cher-
» chois , c'eft-a-dire, la vraie entree
» au chemin de la vie chretienne ,
» & autour duquel j'avois etre juf-
» qu'ici. II me femble done que je
» n'ai plus qu'a marcher fous I'o-
» beiflance ou je me fuis engagee ,
» & pourvu que je fois fidelle a aller
» beaucoup a Dieu & beaucoup fuir
" les creatures, j'efpere que Dieu
» donnera fa benediction a cette nou-
» velle conduite ( deM. Singlin) -y
" j'ai eu pourtant quelque peine,
» croiant avoir perdu tout le tems
w que j'ai pafle en quelqu'apparence
» de piete. J'ai eu peur que mes con-
» femons n'ai'ent pas ete faites dans
» les difpofitions qui les pouvoient
» rendre valables, & que ma vie
« n'ait ete une efpece d'hypocrifie,
» qui m'ait rendue aux yeux de Dieu
" un vrai fepulchre blanchi.
Un jour qu'elle prioit Dieu pour
une perfonne qui etoit morte dans des difpofitions douteufes pour fon falut, elle fe fentit penetree d'une grande reconnoifTance pour Dieu , qui ne l'avoit pas retiree du monde Tome FIL E
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98 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAL.
Jans un etat criminel, comme il en'
retire beaucoup d'autres. Cette re- flexion l'enflammoit d'amour pour Jefus-Chrift , & Ini infpiroit le defir de lui donner fans referve tout ee qu'il demandoit d'elle. Elle fe fen- toit dans 1'ame une certaine paix, 8c meme quelque joie , d'ofer ie croire un objet fur lequel la divine mife- ricorde s'etoit appliquee , & il en refultoit en elle un ra'ion d'efperance. Ce mouvement nouveau pour elle lui dilatoit le cceur , 6c la tiroit d'une certaine triftefle effraiante, ou d'ordinaire elle etoit quand elle pen- foit a Dieu : Quand je fids devant lui j dit-elie , je rn'y liens , pour ainfi dire , a force de bras. Cette pienfe Princeffe parle ainfi
dans fon Memoire , de ia caufe de fes egaremens (71) dont elle decouvrk que 1'orgueil etoit la fource. » L'a- » mour du plaifir a partage mon " ame avec 1'orgueil clans les jours .) de ma vie criminelle. Quand je » dis du plailir , c'eft-a-dire , de celui » qui a touche mon efprit, les autres » naturellement ne m'attirant pas j (71) Ce Memoire qui p. 15S, fouscetitre: .Re-
eft tres eciifi.mt, a txe in- traite de Me de Longue* fete dans le fupplement vitle., da Necio'oge de P. R., |
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II. Par tie. Ltv. Fit 9$
« & ces deux miferables mouvemens \6jz,
» ont ete fi bien d'accord enfembie,
v que pendant ces miferables jours ,
» ils ont ete les principes de toute
» ma conduite. J'ai done mis ce piai-
» fir que je cherchois tant, a tout
» ce. qui flattoit mon orgueil, & pro-
» prement a me propofer a, moi-
» meme ce que le demon propofa a
" nos premiers peres , vous fcre\
» comme des Dieux ; & cette parole ,
» qui fut comme une fleche qui
» perca leur coeur , a tellementblef-
w .lie le mien, que de cette profonde
w plaie, le fang coule encore, &
» coulera long-tems, fi Jefus-Chrift
» par fa grace ne l'arrete.....II eft plus
» clair que le jour , que je me fuis
« trompee depuis que j'ai fait la de- » couverte de cet orgueil, que j'ai » prefque ignore pendant tant d'an- » nees. Les chofes qu'il produifoit ;> ne m'etoient pas inconnues, mais » je m'arretois feulement a fes effets, » que je coniiderois bien comme de >,> grandes imperfe&ions j mais par » tout ce qu'on m'a decouvert, je » vois bien que je n'allois pas a cette v fource «. Elle ajoute que cette de- couverte l'a jettee dans une profonde trifteiTe, & prefque reduite a un en- E-ij
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100 HlSTOIRE DE PoRY-ROlAt.
' 'id-7 2 tier dcxouragement. Elle fe defioit
mcme de fes lentimens les plus juftes } 8c comme elle fe foumettoit fans peine a tout ce qu'on lui ordonnoit pour la guerifon de fon ame, elle craignoit que fa docilite ne vint aufli de ion orgue.il, » qui, dit-elle , fe j. change peut-etre en ange de lu- " miere pour m'attirer l'eftime de » ceux a qui je me montre docile , " & pour regagner aupres d'eux par w cet aveu franc de mes crimes, ce » que j'aurois perdu de reputation en » les commettant. Voila jufqu'ou alloit la delicatefTe
de cette veritable penitente , dans l'examen qu'elle faifoit de fa conf- erence. Elle la portoit mcme encore plus loin , & elle alloit jufqu'a foup- connerque quand elle fe condamnoit elle-meme, il pouvoit bien y avoir un certain defir de voir fes condanr- nations condamnees, & de decouvrir par-la il on avoit d'elle quelque bonne opinion , » parcequ'on eft , dit-elle , " oblige de me rafTurer. Or quand » on le fait, cela me donne un cer- ?> tain plaifir , ou il me paroit que »> je lens l'orgueil tout pur, & fepare » de la raifon qu'il y auroit de le re- » jouir felon Dieu, quand on nous |
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il. P rtie. Liv. VII. ior
» montre que nous ne lui fommes pas jg-r
» defagreables autant que nous ap- » prehendions de I'etre. Je me defi- » gure done en partie , pour m'attirer » le plaifir de connoitre qu'on croit » plus de bien de moi quejenepen- » lois : & e'eft meme un artifice de » mon amour propre & de ma cu- » riofite , de me pouffer a me de- » peindre defedtueufe > pour favoir » an vrai ce que Ton croit, &c fatis- « fa ire par cetre mane voie en me- » me-tems ma curioflte & moil or- =' gueil «. Ojt peut juger par de tels fentimens , du changement admira- ble que la grace avoir fait dans le cceur de cetce PrincefTe j en compa- rant ce qu'elle etoit devenue avec ce qu'elle avoit ete. Depuis fa retraire, Madame de Longueville fe tint en- core plus feparee du monde, mais la mort de M. fon mari {arrivee le 11 mai 166}) & a. laquelle elle fut ex- trernement fenlible, en la tirant en quelque forte de fa folitude , lui donna lieu de faire paroitre aux yeux du public , de nouveaux exemples de vertu dignes de l'admiration de tous les fiecles, 8c malheureufement peu imites. Elle commenca par fe faire inf- E iij |
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101 HlSTOIRE _DE PoRT-RoYAI,
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1672. truire de l'etat ou fe trouvoient les
xliv. Provinces , que les troupes avoient exe^i°"es"de ravagees pendant les guerres, auxquel- verm de Ma- les elle avoir eu tant de part;& pour re- ionruevUU Parer ces devaftations,elle y envoia fai- ' redes reftitutions immenfes (72.). JSlle prit une connoiffance exa&e , non- feulement des pauvres de fes terres , mais auffi de tout le Gouvernement de Normandie, ou elle repandit des charites abondantes (73). Tous les be- nefices de fon patronage ne furent plus donnes qu'a de bons fujets: tous ceux qui les demandoient , ou les fai- foient demander , en etoient exclus. M. le Marquis de Breval, parent de M. de Harlay Archeveque de Rouen en aiant demande un pour quelqu'un, Madame de Longueville fit reponfe Su'elle s'etoit fait inftruire des regies
e l'Eglife fur cet article , & qu'elle avoir appris qu'il ne falloit donner des benefices qu'a. ceux qui ne les de- mandoient pas. » On ne peut, dit- » elle , fe fake des amis aux depens » de fa confeience. (72) Villef. 1, i. p. ;«. le annee elle delivra des
(7;) Elle etoit nam- prifons 900 miferables, 6c rellemenr charitable , 8c dans les derniers terns de dans le terns que l'efprit fa vie plus de 4000 per- du monde dominoit le Tonnes fubiiitoicnt de fes plus en elle on en vii de aumoaes. beaux traits: en une feu- |
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L. I'ARTfE. iJv. VII. IO3
Mais ce qui attira la principale at- \6-jx.
tention de Madame de Longueville, XLV. ce fut 1'cducation de Meffieurs fes iiuil,' fils, les Comtes de Dunois & de Saint Paul, qui devoient etre la confola- tion de cette admirable mere, & qui lui cauferent (quoique bien differem- ment) les plus grands chagrins qu'elle eut eus depuis qu'elle fe fut feparee du monde. >• L'aine , dit M. Ville- » fore (*) , le Comte de Dunois, " qui s'ocait fait Jefuite, en quitta » l'habit quelque terns apres , &fans » confulter que fes foibles idees, » prit la tonfure & les quaere mi- » neurs; apres s'etre revetu d'un ha- « bit ecclefiaftique il fit le voi'age 3j de Rome , d'ou Madame de Lon- ■» gueville,confeilleeparrEvequed'A- ■» let, le fit revenir pour le fouf- « traire aux dangers qu'il y avoit a. » craindre dans ce fejour , pour un « jeune homme de fon age & de ion « mediocre genie (**). » Le Comte de S. Paul, fon fe-
» cond fils, lui caufa des peinesd'une (*) Liv. 6. p. 49. ce qui fut pour cette pieu-
(**) II fit dans la fuite fe mere une affliction des
un fecond voi'age a Ro- plus fenlibles. Hie s'aug •
me, ouil recut lapretrife rnenta encore dan? «■
inalgt6 tous les efforts que fuite par le derangement
fit Madame de Longue- d'efprit ouelle le vitrosE
ville pour Ten empecher; ber.
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104 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
» autre nature. On n'a gueres vu de
» Prince mieux fait, ni plus accompli » pour les qualites & les agremens de m l'efprit, ni plus remplis de valeur ; » mais il s'abandonna ii fort au de- » reglement de fes paffions, que Me » de Longueville, qui 1'aimoit eper- » duement, ne s'en pouvoit confolet. « On l'avoit d'abord revetu de plu- « fieurs benefices tres confiderables. » Mais des qu'il fe fut determine » pour la profetfion des armes, Ma- » dame de Longueville .n'eut point « de repos qu'elle n'en eut porte la » demifllon entre les mains du Roi. Ce que M. de Villefore dit du
Comte de S. Paul, le cadet des fils de Madame de Longueville, M. Fon- taine le dit du Comte de Dunois Paine (*) , que I'on avoit engage 3fans la participation de Madame fa mere 3 dans Vital eccUfia.ft.ique , parcequ'on jugeoit qu'il n' avoit rien de proprepour le monde. » Mais il donna lieu, dit « M. Fontaine, de faire voir un bel » exefnple j car la premiere delibe- » ration que Madame de Longue- » ville voulut avoir avec M. Singlin » fur ce fils , ce fut au fujet des bene- » fices dont il avoit ete pouryu. M. (*) T. 2. p. IJS.
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II. P A R T I E. L'lV. VII. I O 5
» Singlin eut cle la peine a s'expliquer, 1672,
» & pria Madame de Longueville de » confulter des perfonnes habiles &c » definterefiees. Les avis furent par- » tages : on voioit d'un cote les re- " gles de l'Eglife; & de l'autre, on »» appui'oir fur la fage adminiftration » des revenus de ces benefices ; fur- » quoi on opinoit qu'il valoit miens » les conferver, parceque on etoit » aflure de la difpenfation qui en " feroit faite aux pauvres par la pieu- » fe Princefle ; ce -qu'on ne pouvoit ■» pas fe promettre de ceux entre les » mains de qui ils torriberoient. « Mais fa piete eclairee lui fit juger " qu'il etoit plus a-propos de donner » au fiecle un exemple du refpedfc » qu'on doit avoir pour les regies de " PEglife ". Elle en porta la demif- fion au Roi, qui la voiant fi detachee, hit tellement furpris d'un procede fl rare & fi nouveau, qu'il declara pu- bliquement qu'il n'avoit jamais vu d'aftion fi genereufe &c plus chretien- ne j car quoiqu'il la prefsat de lui propofer quelqu'un pour le fubiiiiuci a fonfils J elle s'en defendit toujours* Le Roi eur encore lieu d'ad™:- la grande dclicateiTe de s--6==i^— Madame de Lono-ueville may. - |
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I06 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
occafion importance. Cette Princefle
n'a'iant pu obtenir de Sa Majefte une grace pour une perfonne a laquelle elle s'interrefloit, il lui echappa des paroles indifcrettes, qui furent rap- portees au Roi par un Gentilhomme qui feul les avoit entendues. Le Prin- ce de Conde Paiant appris , afTura Sa Majefte que cela ne pouvoit etre : je Pen croirai, repliqua le Roi, Jl elle ditle contraire. La Princeffe informee de tout cela par M. fon frere , alia le lendemain a la Cour malgre tout ce qu'il put lui dire pour Ten detourner , ie jetta aux pieds du Roi, & lui de- manda pardon de la parole indifcrette qui lui etoit echappee ; ajoutant que M. le Prince fon frere n'avoit pu Ten croire capable,' & que c'etoit pour cela qu'il avoit entrepris de l'enjufti- fier aupres de Sa Majefte , mais qu'elle aimoit mieux lui avouer fa faute, que d'etre juftifiee aux depens d'autrui. Le Roi non-feulenlent lui pardonna de grand cceur, mais lui fit quelques au- tres graces, qu'elle ne s'attendoit pas de recevoir. Ces fortes de fairs, dit M. de Villefore , n'ont pas befoin d'etre qualifies, »le recit les qualifie " fuffifamment; car on voit a decou- » vertle triomphe delaveritc dans ce |
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II. Partie. Liv. VIL 107
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h courageux aveu, qui peint au natu- 1671.
» rel Madame de Longueville. La mort de M. de Longueville, &z
les foins inevitables dont elle filt fuivie , la reduifirent bientot dans un etat de langueur , qui firent craindre pour fa vie. M. Singlin qui la vifi- toit comme un Mectecin , le devint juftement alors prefque autant du corps, qu'il l'avoit ete jufques-la de Tame (73). Dans une vifite qu'il lui rendit, il s*:^u'
la rrouva dans un grand abbattement de m <! & un grand decouragement. Elle ^e ^ s'etoit laiifee aller a des inquietudes vilie ft- exceffives au fujet de fon falut, com- "*;"lc- me il arrive fouvent aux perfonnes les g=...... plus faintes, & qui veillent le plus fur eu"
elles. Elle etoit erFraiee a. la vue des jugemens de Dieu & par la crainte de fa reprobation. M. Singlin touche des peines ou elle fe jettoit elle-meme, fit ce qu'il put pour la rirer de ces re- flexions vaines qu'elle faifoit fur les defieins de Dieu qui font impenetra- bles , & que Dieu nous defend d'ap- profondir , voulant que nous les laif- fions a fa connoirTance , & que nnns nous contentions de les adorer avec tine humble fraieur & une ferme con- <73)Focr. T.j, p. j j^. & fuiv.
E vj
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Io8 HlSTOIRE DE PoRT-R6lAt.
1672.. fiance. IIlui dit qu'elle ne devoir pen-
fer qu'a le fervir avec fidelite , & a s'emploi'er de tout fon coeur 8c de rou- tes ies forces aux chofes de fon de- voir , auxquelles feules il vouloit qu'elle s'arrachat, fans pretendre fa- voir ce qui fe faifoit dans le ciel, & ce que Dieu vouloit fake d'ellej ce qu'elle ne pouvoit faire fans perdre le tems, fans affoiblir fon corps & fon efprir , & fans fe rendre incapable de le fervir; qu'en travaillanr ainli a ob- ferver fes commandemens, elle auroit tout lieu d'efperer, & beaucoup moins fujet de craindre , Dieu n'abandon- nant point ceux qui le fervent de rout leur coeur ; qu'il etoit bon qu'elle re- noncar enrierement a cette alTurance &c a cette connoiifance elevee qu'elle voudroit avoir de l'approbation de Dieu & de fa bonne volonte pour elle j parceque ce defir eft conrraire a l'or- dre de Dieu , qui veut qu'on marche avec foi dans l'obfcurite & dans la crainte , fans laquelle on fe perdroit par l'orgueil, par la vaine alTurance .& par la negligence qu'elle produiroit. Mais certe crainte , ajouta-t-il {74), doit etre bornce & n'aller pas juf- qu'a l'exces. » Dieu nous defend la |
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II. P A R T I E, L'lV. VII. 10$
*« recherche de l'avenir & de fes def- iCix,
» 'feins fur nous. II veut qu'on s'en re- s' metre entierement a lui , & que » nous le laiffions faire , n'ai'ant foin " que de norre devoir. II lui confeilla » . de fe tenir occupee le plus qu'elle « pourroit , & de changer & diverfi- » fier fes occuparions, fans s'entrete- » nir jamais elle-meme & fans s'ar- » reter a ces penfees qui fonr inutiles « & dangereufes. II lui dir que ceux »„qui avoient vecu dans le monde ■» comme elle , y etoient aflfez fujets , » & que s'ils ne s'en defaccoutu- » moient, cela leur nuifoir beaucoup, » empechoit leur avancement , 8c » pouvoit les mettre en danger de fe » perdre. Dans la vifite fuivante, Madame de
Longueville pria M. Singlin de lui apprendre la maniere de fe preparer a la mort, parcequ'elle etoit fort mal. II fut touche de Ion etat, & lui dit que rout -ce qu'il pouvoit lui dire de meilleur fur ce qu'elle defiro't, etoit de lui recommander une grande fou- miffion a la volonte de Dieu & une grande obeiflTance a fes o :dres; que c'etoit la meilleure preparation , 8c qu'il n'en fouharo t pas d'autre pour Jii-mune, ne c.o.ant paj yivre en- |
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110 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
core long-tems. M. Singlin lui parla
a cette occafion de la foufniffion 6u il faut etre en general a l'egard de tous les evenemens de la vie , quels qulis puhTent etre, & de tous les traite- inens qu'on peut eilui'er de la part des hommes, tels qu'il les eprouvoit lui-meme, en regardant Dieu , qui regie toutes chofes. » Cette obeiflan- » ce , dit-il (7 5), eft beaucoup plus » etendue & plus penible que celle » qu'on rend aux fuperieurs de reli- » gion , & elle eft neanmoins d'obli- " gation pour tous les cliretiens. C'eft " une obeiiTance continuelle en quel- " que etat & en quelque condition " que Ton foit, fans en exemter ceux " qui font dans les dignites les plus » elevees. Si nous pennons bien a ce » devoir , & que nous euffions foin " denous en acquitter , nous ne per- » drions jamais aucune de nos ceu- » vres. Nous ferions toujours en paix, » & rien ne feroit capable de nous » troubler & de nous inquieter , ni » les maux de ce molide interieurs » 011 exterieurs , ni faeme la mort » qui eft le dernier de tous •, parceque » nous ferions audi prets a la rece- » voir de quelqie cote qu'elle pu (?;;'7'onc.T. J. f. i6j, i«j.
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11. Par tie. Liv. VII. in
» venir , que tout le refte des peines 1672.
» & des miferes qui la precedent. » Cette precaution eft non-feule-
» ment la plus generale & la plus » commune a. tous lcs etats , mais » auffi la meilleure , la plus aiTuree & " la plus humble. Elle eft la plus » humble, parcequ'elle nous metau- » deflbus de toutes les creatures, pour » recevoir tous les traitemens qu'el- » les nous voudront faire , fans ex- » ception : elle eft la plus aflfureej » les autres manieres de nous prepa- m rer a la mort peuvent etre otees » par mille accidens j mais il n'y en » a aucun qui nous puiffe bter celle- » ci, puifqu'elle confifte a nous fou- » mettre a tous les accidens , & a » vouloir dependre des creatures par " lefquelles ils nouspourront arriver. " Elle eft auffi la meilleure parce- » qu'elle approche plus de fon mo- *> dele qui eft Jefus-Chrift , & nous « rend plus femblables a lui. C'eft » ainfi qu'il fe prcpara a la mort, en " s'aflrujettiiTant non-feulement a fon »> pere, mais encore aux creatures, » par lefquelles il lui plaifoit de le » conduire a la mort. » Je dis ceci a votre Alteffe , con-
w tinua M. Singliii, je me le dis a |
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1 11 HlSTOIRE DE PORT-ROIAt."
» moi-meme; car fl vous m'avez don-
m ne lieu de parler fur ce fujet, en
» difanr que vous attendiez la mort,
« tous la doivent regarder comme
» prochaine , I'apprenender & s'y
« preparer.,.. Aii rede , la meilleure
» maniere de s'y preparer, ne confifte
« pas dans les penfees ni dans les
»> mouvemens, mais dans une dif-
» pofition du coeur & un etat ferme
-.> & immuable, d'ou procedent toutes
» les actions exterieures & interieures
» & par lequel feul Dieu les confidere
9> & les juge.Ce qui paroitpar l'obfer-
" vance continueHe de notre devoir
« & de notre profeflion. Ceux qui
» vivent de la forte , ont fujet d'ef-
« perer qu'ils vont a Dieu , & qu'ils
w marchent dans fa voie, encore
n qu'ils n'y penfent pastoujoursj &
« pourvu que le fond de leur cceur
» foit tourne vers lui , & qu'ils de-
» nieurent dans leur vocation , avan-
« cant tous les jours quelque peu, &
» diminuant leurs foiblelfes & leurs
» negligences , il eft certain qu'ils
» vont a lui & qu'ils le cherchent,
» & qu'ainii ils fe preparent bien a
» la mort.
Madame de Longueville pria en-
iuite M. Simdin de vouloir bien luj. |
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II. P A ». T I E. LlV. VII. 1 fj
erivoi'er quelques reflexions fur les i6-jx.
Sacremens , fi on jugeoit a-propos qu'elle les recut , ( parceque etant oblige de fe tenir cache , elle ne pou- voit efperer de le voir). M. Singlin le lui promit, & M. Fontaine lui preta fa plume (76). Apres cette pro- mefle , Madame de Longueville ne fachant fi elle reverroit jamais M. Singlin, lui temoigna fa reconnoif* fance de tous les foins qu'il avoit pris d'elle , &c lui rendit graces des obligations infinies qu'elle penfoit lui avoir. Mais par la mifericorde de Dieu,
qui refervoit Madame de Longuevil- le a quelque chofe de grand (77), cet- te maladie n'eut pas de fuite } fi-nofi qu'elle la remplit d'un nouveau zele pour Dieu j ce qui fit connoitre a M. Singlin, que cette Princefle avoit fait (76) M. Fontaine rap- penfe^, & demande de vous
porte plufteurs exhorta- des chojes, dont iln'efi tions fur les facremens, pas encore terns de vous T. z. dc fes Memoires, purler. Si Von examine p. 174, 8c fuiv. fa conduite fur les princi- (77) M. It Camus Eve- pes de I'Evangile , on y
flue de Grenoble ecriyanr trouvera des vuides ef- a Madame de Longuevil- fro'iables ; mais ce n'efi le , qui s'etoit adreilee a" pas ajfey de les apperce* luid'abord apres fa con- voir, ft Von ne lei remplit verlion, lui parloit ain- d'aeuvres , qui puijfent fi : Dieu vous menera fubfifler an jugement dz plus loin que vous ne Jefus-Chrift. |
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ii4 Htstoire de PoRT-ao'iAr.
1672. un bori ufage pour fon ame, des in-
firmites du corps , qui afToibliflent
fi fouvent les autres.
xt-viii. M. Singlin qui avoit des cortfola-
Liaifon de tions toujours nouvelles dans les vi-
Longueviile "res qu'il rendoit a Madame de Lon-
& de Made- crueville , en qui il rernarquoit tou-
moiielle de '.' , * . C1 1 1
Venus. jours de nouveaux progres dans la
piete, lui afTocia pour T'animer en- core davantage Mademoifelle de Ver- tus, en qui les dons de la narure & de la grace furpafToient de beaucoup fon illuftre naiflance : elle etoit de la mai- fon de Bretagne , fceur puinee de la Duchefle de Montbazon. Madame de Longueville n'eut point de meilleure & de plus fidelle amie. Auili tout avoit concouru pour former entre-ellesune liaifon parfaite j la grande naiflance, les graces perfonnelles, meme deta- chement du monde, meme experien- ce de ks illufions. Mademoifelle de Vertus, prevenue d'une grace puiflan- te , qui l'enleva tout-cum-coup du milieu des compagnies les plus bril- lantes , conc.ut le delir de la retrai- te , ou elle fe livra a la penitence & aux exercices les plus aufteres , mal- gre la foiblefle de fa fante & la deli- cateffe de fon temperamment. Des qu'elle eut entendu parler de M. Sin- |
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II. Pamh. Wi *'#* ** 5 .______
glint, elle voulut l'avoir pour Direc- \6fxi
tear. Ce fage miniftre "fut farpris de voir tant de foi en die & tant de pie- te , & il penfa a la joindre avec Ma- dame de Longueville , pour etre la confolation de fon veuvage _, & fa compagne dans tons fes exercices fpi- ritnels. Elle rrouva effectivement en elle tout ce qui eroit le plus capable de l'encourager& de la foutenir. Tout le monde admiroit ces deux grand.es ames fakes 1'une pour l'autre. Elles n'avoient qua le regarder , pour fe rappeller Dieu dans 1'efprit. M. Sm- glin qui avoit forme cette liaifon ne furvecut pas long-terns , etant mort le 17 avril 1664. Dte que cette affix- geante nouvelle eat etc portee a i'Ho- tel de Longueville, Mademoifelie de Vertus abimee de douleur , accourat au lieu oa il etoit mort. Sa foi ar- dente 1'elevant au-deltus des fraieurs que donne aux ames tendres la vue d'un corps mort, elle lai fit decou- yrir le viiage, le baifa, fondant en br- ines , & contempla long-terns pour la derniere fois , dans l'amertume de fon cceur , an homme dont Diea s'etoit fervi poar lai procarer de grands biens. On peut jager qaelle doaleur ce
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116 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI."
— i iii—
i6jt. rut pour Madame de Longueville
xlix. que la fnort de M. Singlin. Elle &
Madame de Mademoifelle de Vertus ne crurent
Longueville r A . ,
fous la con- pas que perionne put mieux reparer
de slc^ M' 'eUE Perte ^^ M> ^e Saci ' & e"eS ^
prierenr de vouloir bien continuer ce
que M. Singlin avoir commence pour leur falut. M. de Saci, voiant que la charite demandoit cela de lui, y con^- fentit malgre fes repugnances, &; fans avoir egard au danger de perdre la li- berie, auquel il s'expoferoit.Au jour de- ftine a ces vifires, on lui envoi'oit de PHotel de Longueville un carofTe, qui fans venir jufqu'a fon logis, Patten- doit a quelque diftance, & le rame- noit le foir au mcme eridroir. M. de Saci fit Un abrege des avis generaux qu'il jugeoit a-propos de donner a ces Dames, dont il puia M. Fontaine de faire une copie. " II leur niarquoit3 » dit M. Fontaine (78), d'une manie- " re vive,i'obligation oiieliesetoient, " quoique vivant dans le monde , de » tendre a la perfection. II leur difoit >> qu'elles nepouvoient perfevererdans « la vie oil elles etoient entrees,qu'en » y avancant toujours 5 qu'autrement » on reculoit en arriere. Ce qui fai- « foit qu'on en voioit fi peu de ceux (78)T. i.p. 303.
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11. Partii. Liv. Vlt. 117
» qui avoient commence de fe con- 1672.
» vertir a Dieu , qui continuafTent » de marcher dans la bonne voie j ».....qu'il ne fuffifoit pas d'avoir
" paflTe du vice a. la vertu , qu'il fal-
" loit encore pafTer d'une bonne vie, » a une meilleurej que S. Paul eton- » noit tout le monde en craignant " d'etre reprouve , apres avoir tant « preche l'Evangile..Que toute l'Ecri- » ture excite par tout ceuxqui font » juftes a fe, fan&ifier de plus en " plus, qui jufltis eft jujiificetur adhuc; >> que David difoit qu'il ne faifoit » que commencer a fervir Dieu & a » executer fes bonnes resolutions , « dixi nunc cxpi, tout ce qu'il avoir » fait jufques - la ne lui paroiflant " rien : que les Peres exhortoient de » meme, non-feulement les perfon- >• nes religieufes,mais encore les fecu- » lieres , a cet avancement continuel, » & a n'etre jamais content de leur » etat : femp-er difpliceat till quod es. Madame de Longueville fe confo- loit de la perte qu'-elle avoit faite a la mort de M. Singlin, par l'avanta- ge_ qu'ehe avoit d'etre fous la con-< duite de M. de Saci. Mais elle euc encore le chagrin de le perdre: non a la verite par la mort, mais par la |
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11 S HlSTOIRE BjE PoRT-ROlAL.
i<5ji, violence 8c I'imquite cleshommes qui
enleverent ce faint Ecclefiaftiqae le. 14 mai 1666, ( le mcme jour qu'a- voit ete arrete autrefois M. de Saint Cyran , qu'ii regardoit comme foil- pare & fon rnaitre) & l'enfermerent a la baitille d'ou il ne fortit , qu'a- pres la paix rendue a TEgliie , le 30, octobre 166%. L- Madame de Longueville privee de ai'ant eie mis ce feCOUrs , choillt pOLU" loll DirecteUl"
ik Baftiiic, c\e confiance , M. Marcel , cure de
Madame do o T l n / r\
longueville v>- Jacques du naut-pas (79). Un voit
prend pQur par clirlerentes lettres de cette PrincefTe direfteur le £ , . v T^,- ~ ,
cure de s. penitente a ce nouveau IJirecteur , la
Jacques du candeur avec laqaelle elie kit decou- hautpas. 1 - r . , .
vroit tout ce qui ie patioit dans ion
mie , fa partake foumiffion a fes avis,
la dependance dans laqaelle elle etoit
des lumicres d'autrui, auxquelles elie
facrifiok les liennes \ le fentiment de
fon impuiffance \ la vue continuelle
de fes egaremens,qu elle ne perdoit pas
de vue un moment, attribuant a cette
caufe tons les evenemens facheux &
les regardant comme une juile puni-
tion \ fon zele pour les reparer ; fon
ardeur pour la penitence ; fes gemif-
. (79! Elle avoit alors cour des Carmelites, oi
pris fur fa Paroilfc une depuis long-tems elle de- iuaifon dans la premiere fault de ctemeurei. |
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II. Part ie. Lv. VII. 119
fe.rn.ens , de ce que la delicateffe de fa \6iz.' fante ne lui pennettoit pas de la faire autant qu'elle l'auroit defire, & qu'el- le croi'oit la devoir faire , s'humiliant profondement de fes impuiffances pour le hien, apres avoir eu tant de force pour le mal 5 fori detachement de toutes les chofes de ce monde, aux- quelles elle mouroit chaque jour. Deux evenemens arrives dans ce
tems-la lui perfuaderenr encore mieux la fragliite des grandeurs humaines, la mort de la Reine mere, & celle du Prince de Conti, ( arrivees 1'une & 1'autre en 1666 ). Madame de Lon- gueville n'etoit pas feulement atta- . chce a ce Prince par les liens du fang, mais encore plus par ceux que for- moient la piece , &l'amour de la pe- nitence , qui etoit egal dans Tun & l'autre. La conversion de ce Prince, qui a W, '
£te une des plus complettes & des <i„ p^V plus folides qu'on.aitvues, eft un des Comi. s*i plus grands miracles de la grace. Le f,en^" Saint Evcque d'Alet fut l'Arianie , au- quel Dieu Padrefla pour le faire en- trer dans la voie du falut. Le Prince s'etant rendu l'an i<j54 , a Pezenas, pour y prelider aux Etats de Langue- doc, M. d'Alet alia lui rendre vifi- |
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HO HlSTOIRE t>E PoR.T-H.6lAI,.*
1672, te. Le Prince qui etoit au lit, & qui
depuis quelque tems avoit la conf- cieace troublee par des remords que rien ne pouvoit calmer , n'eut pas' {>lutot jette les yeux fur le faint Pre-
at, que penetre de refpect pour lui, il fe dit a lui-meme dans ce moment: voila L'homme auquel ilfaut que tu t'a- bandonnes pour te convertira Dieu tout de bon. Des ce jour-la il lui envoi'a demander une conference a l'entree de la nuit. Pendant deux heures qu'el- le diira , il lui ouvrit fon cceur avec une grande conftance, en temoignant un grand defir de fortir de l'etat mi- ferable ou il etoit •,'jefals difpofe /lui dit—il j a faire pour cela tout ce que vous me prefcrire\. C'etoit au tems de l'Avent que ceci fe pafTa. Et comma le Prince avoit temoigne a M. d'A- let l'envie qu'il avoit de Tentendre , le faint Prelat eut l'occafion de pre- cher, & de monter en chaire plus frequemment qu'il n'eut fait dans un autre tems. Ses deux premiers fer- mons , Tun fur la conception fpiri- tuelle &c les defirs de la convernon, l'autre fur les promeifes du bapteme & les obligations qu'on y contradte , penetrerent ce Prince jufqu'au fond du coeur. Depuis ce tems, il ne pou- |
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II. Partie. Liv. VII. i%i
voit plus fe pafler de M. d'Alet ; i6jz.'
il lui parloit avec une efFufion de cceur, qui faifoit voir clairement^ Paction de Dieu fur cette ame peni- renre. Le faint Prelat de fon cote etu- dioit les mouvemens de la grace , dont il admiroit la rapidite. Chaque vifite qu'il rendoit au Prince , ajou- toit un nouveau degre a fa ferveur , & avancoit le grand ouvrage de fa converfion. M. Pavilion, apres etre entre dans le detail avec ce Prince penitent fur fa vie pafTee, lui donna un reglement de vie, ou il lui pref- crivit les exercices de piete qu'il de- voit pratiquer , pour travailler a un renouvellement general : ils convin- rent de tout, & le Prince fe foumit avec une docilite d'enfant. Comme il etoit oblige de fe rendre a. Paris apres la tenue des Etats, M. d'Alet, tie pouvant pas fuivre cet ouvrage 8c le conduire a fa fin, ne crut pas devoir entendre fa confeffion genera- le, & lui confeilla de s'adreffer a M. 1'Abbe de Ciron , Chancelier de 1'U- niverfite de Touloufe ; ce qu'il fit. Depuis cette heureufe epoque -, le Prince de Conti marcha conftam- ment dans la voieetroite, 8c pratiqua courageufement les exercices labo- Tome FII, F |
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ill HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
rieux de la penitence; il en devint
un modele parfait, & ne travailla plus jufqu'a la more qu'a faire une fa- tisfa&ion entiere. II fit les repara- tions les plus exa&es (80) & les plus extraordmaires qu'un Prince ait ja- mais faites , tant a l'egard des biens ecclefiaftiques dont il avoit joui long- tems, qu'a l'egard des dommages cau- fes par une guerre civile, oii le mal- lieur des conjondtures l'avoit enga- ge. Quarante mille ecus de pennon que le Pape lui avoit permis de rete- nir fur les benefices qu'il avoit quit- res, furent remis & abandonnes: il re- pandit des millions dans diverfes Pro- vinces , 8c donna des ordres par fon teftament , pour continuer apres fa mort tout ce qu'il ne put achever lui- meme. Le Roi avoit une fi haute ef- time de fon merite , que quand ce Monarque penfa mourir de la rou- geole, il avoit refolu de lui confier la perfonne & l'education de M. le Dauphin. Le Prince de Conti apres etre entre une fois dans la voie de la penitence, y marcha toujours d'un pas egal, fuivant en tout les confeils du (83 Vo'iez la vie de MSm. de Font. T. i.p.
M. d'Aleth , T. 1. llv. i. 167 , 168. ik, 4. p, 107. & luiv. |
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L. i? a i.TKE. £»?. VII. ii$
faint Prelat, dont Dieu s'etoit fervi i<$-jt, pour l'y faire entrer j & fut pendant tout le refte de fa vie la joie de l'E- glife , d'autant plus grande qu'il eft plus rare de voir un Prince penitent. Ce Prince religieuxne pouvoit plus fe pafTer, comme nous l'avons dit, de l'Ananie, auquelDieu l'avoit adref- fe , pour lui faire tomber les ecailles des yeux. Non-feulement il lui ecri- voit pour lui demander des avis 8c des inftructions, l'appellant fon tres honore pere , & fe qualifiant fon fils (81) , mais il alloit meme a Alet, pour y faire des retraites , menant aveclui la Princeflefon epoufe, a qui Dieu, par l'exemple du mari fidele & les inftruitions du faint Eveque , avoit infpire les memes fentimens de piete &c de religion (82). (81) Vie deM.d'Aleth, tire en arriere , comme.
p. 11 j. ibid. p. ziz. avoit fait pour un terns
(81) Nous remarque- Madame de Longueville a
tons ici deux fautes con- mais emit toujours de- fiderables que fait M. meuree ferme & inebran- Fontaine '( T. i. p. 2.6S) table dans fes bonnes ri- en pavlant de la Princefli flexions, i". Que Dieu, de Conti, lorfqu'il dit par le manage du Prince que cette Ptinceile avoit de Conti avec^Anne Mar- fur Madame de Longue- tinoffi, regla ainfi les ville_ cet avantage , chofes pour fanllifier le qu'aiant ete embrafie de mari par la femme. Il eft l'amour de Dieu des fs certain qu; la Ptinceffede plus tendres annies , ette Conti ayoit ete fott livree n'avoit point tourne la a* monde $c a l'ambi- |
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114 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,
Le Prince de Conti eut l'an 166 \ ,
tine grande maladie , dans laquelle il donna un temoignage bien eclatant de fon attachement inviolable a M. d'Alet (8 3). Le danger, ou il fe trou- va Paianr oblige d'appeller le Cure de Sainr Sulpice , pour lui adminif- trer les Sacremens , ce Cure anime de l'efprir du fchifme , voulut exiger de lui pour condition , qu'il renon- ceroit a la conduite de M. dAlet. Mais le Prince indigne de cette pro- pofition fchifmatique , dont il lui fit ientir le ridicule , declara hautement qu'il n'avoir jamais ete plus attache a ce faint Eveque, qu'il l'etoit alors , parcequ'il n'avoit jamais mieux connu fon rare mcrite j que fi lui, Prince, etoit eveque , il croiroit devoir fe conduire comme ce Prelat dans les affaires prefentes de 1'Eglife ; que quelque fenfible qu'il fiit au refus icandaleux du Cure dans Pextremite ou il fe vo'i'oit reduit , il mourroit plutot fans Sacremens que de fe re- tirer de la communion & de la con- duite d'un faint qui edifioit toute PE- tion. i*. Que fa conver- me le dit M. Fontaine,
lion fut pofterieure a celle mais il fanftifia la femme
du Prince fon raari. Ainfi par le mari.
Dieu ne fanftifia pas le (8j) Vied'AI. p. XiS, mari par la femme t conn |
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II. P A R T I E. LlV. VIL I i 5
glife, a qui il avoit tant d'obligations, i cy i,
& dont il connoiflbit mieux qu'un au- tre la vertu, les lumieres & la catho- licite. Sur les plaintes que fit le Prince de ce refus , il y eiit ordre donne au cure de les adminiftrer , avec defenfe de les refufer pour de femblables raifons* Le Prince de Cohti n'avoit pa-S
moins d'eftime & n'etoit pas moins attache a MM. de P. R., & a la fainte Maifon qui leur fervoit d'afyle. On a fu de M. Ragot, qui accompa- gna M. d'Alet dans la derniere vi- fite qu'il rendit a M. de Conti peu de jours avant fa mort, que ce Prin- ce s'entretenant avec lui (M. Ragot) " lui parla avec beaucoup d'eftime de » MM. de P. R., dont il goutoit & =» entendoit parfaitement les excellens » ouvrages fur la grace & fur la » morale « 5 il fe faifoit lire alors les conjlitutions de ce monaftere nouvelle- ment imprimees. Le lefteur chretien remarquera ici avec plaifir un trait de reffemblance (entre plufieurs au- tres) du Prince de Conti avec M» le Due d'Orleans dernier mort , qui dans un fiecle telque le notre a don- ne un fi bel exemple a la France &a toute l'Eglife, par fa piere , par fon F iij
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1X6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1672. amour pour la retraite , parfarigou-
reufe penitence fi courageufement foutenue pendant tant d'annees. Dans les derniers jours de fa vie, M. de Conti Jifaifoit lire les conftitutions de P. R.; & M. le Due d'Orleans lifoit, les derniers jours de la fienne , le Necrologe de cette fainte Maifon, &c la vie de M. de Tillemont, Pun des plus illuftres eleves de P. R. Le Prin- ce Conti mourut faintement au Cha- teau de la Grange pres Pezenas le 11 fevrier 1666 , a. Page de 39 ans, en- tre les bras de M. PAbbe de Ciron, qui etoit venu le voir fur le bruit de fa maladie. Dieu permit ainfi que celui qui avoit ete le miniftre de la recon- ciliation de ce Prince , vint aiTez tot pour recueillir fes derniers foupirs. Son corps fut porte aux Chartreux de Villeneuve d'Avignon , 011 il avoit choifi fa fepulture. M. de Choifeul, Eveque de Comminges , prononca fon oraifon funebre dans l'Eglife des grandes Carmelites (84). Si la mort de M. de Conti fut pour
Madame de Longueville un fujet (84) Voi'ez la vie de fevrier quoiqu'elle foit
M. d'Alet, T. 1. liv. i arrivee le n , comme el!e
ch.4. p. ^8«. eft marquee dans la vie
Suppl. au Necr, de P. R. de M. d'Aler, „& dans la
ou fa mort eft -mife le 10 gazette de Fiance.
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II. Parti e. Liv.~ FIT. i 17
d'affli&ion , fa foi trouva une grande 1672.
confolation dans une more fi chre- tienne, &c precedee d'nne penitence fi fincere. Elle continua de vivre dans une tendre & intime liaifon avec la Princefle de Conti, dont le caracte- re & les fentimens etoient h fort de fon gout. Lorfqu'elle etoit obligee d'aller a la Cour , ce qu'elle ne rai- foit jamais fans faire auparavant des prieres tres longues , la Reine qui connoiflbit fa piete, la mettoit volon- tiers de toutes fes parties de devotion. Le Roi avoit pour elle une eftime particnliere , & lui en donna une marque finguliere en la faifant man- ger avec lui. Ce qui arriva de cette forte : un jour qu'elle arrivoit a Ver- failles, M. le Prince qui etoit pour lors avec le Roi , la vo'fant venir, & fachant que la Duchefle de Riche- lieu , chez qui elle avoit coutume de diner, n'etoit point a Verfailles j voi- la, dit-il, mafieur qui /era kien at- trappe'e., car la Duchejfe de Richelieu eft allee a Paris ; il faudra quelle dine au cabaret. Non , dit le Roi, elle ne dinera point au cabaret j elle dinera avec moi. Mad ame de Longueville entretenm'r
toujours des liaifons avec P. R., oil F iiij
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,J1§ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i67i, ellefe propofoit d'avoir un logement
poar s'y retirer quelquefois. » Plai-
Dcfiis de » gnez-moi , dit-elle, ecrivant a la
Madame de „ mere Agnes, de ce que je ne fuis
Longueville .. ° • t i
de fe reiirer " pas digne en quittant le monde
A r' R"J°f" " d'aller apprendre chez vous a le cation de la i •• „ \ rr a i •• -n i • r
paix de cie- " nair & a en etre haie. Mais ceieroit
menc ix, M trop pOU]: moi ^ ou p0ur mieux di- » re, ce feroit trop peu ; car je ne
» pourrois regarder comme une pe- « nitence d'achever le refte de ma m vie avec vous «. La perfecution que ces fainres filles foufrroient, i'af- fligeoit beaucoup , etant perfuadee qu'on les perfecutoit injuftement, &c qu'on ne tourmentoit pas avec moins d'injuftice de grands Theologiens & des Eveques les plus refpe&ables du roi'aume. Elle & Mademoifelle de Verms , ai'ant concu depuis l'empri- fonnement de M. de Saci un nouveau mepris du monde & un defir plus ardent que jamais de s'abandonner a la penitence, elles ne trouvoient plus d'autre confolation fur la terre que de prendre part aux maux de l'Eglife, que de proteger ceux qui la foute- noient & de cooperer de tout leur pouvoir a l'etabliffement de la verite. C'eft ce qui leur fit penfer a cher- cher des moi'ens de procurer la paix |
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II. Par tie. Liv. VII. n<>
tie l'Eglife , & de delivrer tant d'in- '\Cjz.
nocenres viitimes de 1'oppreffion ou elles etoient. M. Fontaine (85) pre- tend que l'etat des chofes depuis la requete de M. Arnauld contre Kt. d'Embrun dont le Roi avoit ete tou- ch e , fit penfer qu'il ne falloifpas laif- fer palter inutilement un moment fi favorable ; que ce fut ce qui engagea Mad. deLonguevilleapenftr avec M.a- demoifelle de Vertus, aux moiens de poufler plus loin de fi heureux com- mencemens ; qu'elles communique- rent leur deflein a M. de Gondrin, comme au Prelat le plus capable par fes grandes qualites de bien conduire une affaire fi importante; que ce Pre- lat prit auffi-tot feu & temoigna etre difpofe a faire tout ce qu'on exige- roit de lui. La premiere chofe que fit M. de Sens , par l'avis de ces Dames , fut de parler au Roi, de lui repre- fenter que l'entreprife dont il lui par- loit, feroit glorieufe a. fa Majefte , 6c il lui fit entrevoir adroitement que la condition eflentielle pour qu'elle reufsit etoit le fecret. Ce fut felon M. Fontaine , de cette forte que le projet de la paix fut concerte. Mais c'eft une meprife de fa part, le pro- (8j)T. l.p. 37S.
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1}0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
1671. jet etoit deja forme} & ce fut pen-
dant le cours des negotiations qu'ar- riva l'affaire du nouveau Teftament de Mons. tin. Get incident fit meme craindre latSSaion aux negociateurs ,.que ieurs opera-
du nouveau tions n'en fuflfent derangees. Comme Mons?eUt nous n'avons point parle dans le terns decet evenement qui eftafTez confide- rable pour meriter une place dans l'hif- toire de P. R., nous en parlerons ici. Sans entrer dans aucune difcuffion fur les foins avec lefquels cette tra- duction fut faite j fur les perfonnes en grand nombre qui y travaille- rent pour la rendre aufll parfaite qu'elle pouvoit l'etre , fur les lumie- res, les talens , la piete des traduc- teurs ; nous nous contenterons de dire que cette traduction du nouveau Teftament parut pour la premiere fois en 1667 a Mons , avec l'appro- bation de M. Pontanus Theologien de l'Univerfite de I.ouvain , & privi- lege du Roi d'Efpagne date du 24 jiullet, chez Gafpard Migeot, qui l'avoit fait imprimer en Hollande. Les Jefuites, dont la miffion femble £tre de declamer contre tous les bons livres , ne manquerent pas d'attaquer celui-ci. Le Pere Maimbourg fe de- |
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II. P ARTIE. L'lV. Vll- I $1
chaSna contre la traduction du nou- 1671.
veau Teftament, dans tons les fer- mons qu'il debita depuis le mois d'aoiit iufqu'au mois d'octobre. M. Arnauld fit a fes declamations de fo~ lides reponfes , qui furent alors im- primees en fix parties. Peu de tems apres , M. de Paris
venant a 1'appui des Jefuites , donna le 8 novembre 1667 une Ordonnan- ce portant defenfe de vendre & de lire la traduction du nouveau Tefta- ment de Mons. Cette Ordonnance fut fuivie d'un Arret du Confeil en datedu 22 novembre 1667 , portant defenfe de debiter la traduction de Mons. Quelques Eveques la condam- nerent auffi , ce qui ne doit pas fur- prendre ; mais George d'Aubuifon Archeveque d'Embrun , le fit avec un eclat marque , ai'ant fait reridre par fon grand Vicaire line Ordonnance contre ce livre, datee du mois de de- cembre. La traduction de Mons fut bientot
juftifiee contre l'Qrdonnance de M. de Paris & de M. d'Embrun , par deux Dialogues entre deux Paroiffiens de S. Hilaire du Mont, faits par M. 1'Ab- be de Ve rteuil, qui etoit veritable- «aent Paroiffien de S. Hikire, etaat JF vj
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I 3 2. HlSTOIRE DE PoRT-ROIAL.
1671. ^°§^ au College d'Harcourt. Le pre-
mier Dialogue attaquoit POrdonnan- ce de M. de Paris; & le fecond, celle de M. d'Embrun, qui n'y etoit pas epargne. L'Archeveque d'Embrun ex- tremement pique, prefenta une reque- te au Roi , dans laquelle il n'atta- quoit pas feulement la traduction dn nouveau Teftament de Mons, mais accufoit encore les defenfeurs de Jan- fenius , d'herefie, de fchifme & de crimes d'etat. Apres avoir prefente cette requete a Sa Majefte , il la re- pandit dans Paris , & dans toutes les Provinces de France , ou on en envoia des exemplaires. nv. Meflieurs de P. R. fe crurent obli- RequSte de &£s Je refUter ces calomnies; & M.
MM. deP.R. *l , , , r * ' ■ r
contre m. Arnauld le fit par une requete qui rut
d'Embrun. remife entre les mains de M. de Lionne le iomai 1668 , avec une lettre adreiTee a ce Secretaire d'etat, lignee par Meffieiirs Arnauld & de la Lane, par laquelle ils fupplioient Sa Majefte de vouloir les entendre avant que de les condamner. Ils ex- pofoient dans la requete , que quel- ques fujets qu'ils eulTent de fe plain- dre de la maniere dont PArcheveque d'Embrun les avoit traites dans celle qu'il avoir prcfentee auRoi contre eux5 |
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IL P a a t i e. Llv. VII. 131
' lis enavoient encore davantage de lui 1671. favour gre de ce qu'il les mettoit par- la dans la neceffite de fe juftifier de- vant un Prince fi eclaire & fi difpofe a. rendre juftice au moindre de fes Sujets, ne dourant point qu'aufll-tot qu'il auroit pris connoifTance de cette affaire, il ne redonnat le calme & la paix a l'Eglife , fur le fait particulier de la traduction du nouveau Tefta- ment imprime a Mons. M. Arnauld foutient dans cette requete, que M. d'Embrun attribue au Concile de Trente une penfee infoutenable que cette fainte affemblee. n'a jamais eue, felon les temoignages des plus fa- vans Theologiens de l'Eglife , & de ceux meme qui y ont affifte ; qu'il im- pofe (es imaginations a tous les Doc- teurs catholiques, lorfqu'elles font condamnees par les plus habiles , & qu'il n'en fauroit alleguer aucun qui foit entierement lie fon avis ; qu'il n'appuie prefque rien de tout ce qu'il dit, que fur des faits faux & de faufles citations d'Auteurs qui difent tout le contraire; que felon fes faux principes, il faut condamner d'here- fie une infinite de perfonnes catho- liques , fans en excepter le Pere Ame- lot, M. l'Archeveque de Paris, & |
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Xj4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
~ les autres Eveques fes approbateurs;'
& furtout qu'il etablit des maximes inouies, qui vont a la ruine de toure la religion. lis remoignent qu'ils font prets a juftifier ces raits devant les plus habiles Prelats du Roiaume & les plus favans Do&eurs de Sorbonne, s'il plait a Sa Majefte de les rendre arbitres de ce differend. lis difent que ce qui a fervi de pretexte a M. d'Embrun de les accufer , eft qu'il les a fuppofes auteurs des ecrits faits con- tre lui, ce qui eft faux. lis fe plaignent de ce que ce Prelat les accufe de re- bellion a I'Eglife & a VEtat j & d'a- voir fait un Traite expres pour prou- ver par des exemples de Vantiquite faujfement aUegues^qu'il eft permis pour I'interet de leur mauvaife doctrine 3 de selever contre lesPuiJJances 3 maxime cruelle & ennemie du Chriftianifme. lis foutiennent que ce Traite n'a jamais exifte , 8c qu'ils n'ont jamais rien ecrit de femblable. lis etabliffent a cette occalion deux maximes -y 1'une , qu'on doit fouffrir des Puiffances , quand Dieu permet qu'elles foient preve- nues, fans jamais s'elever contre elles; l'autre , qu'il faut fouffrir toutes cho- fes, plutot que de trahir fa confcien- ce & la verite. » L'obfervation de ces |
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II. Par tie. Liv. VII. 135
» deux regies , ajoutent-ils , fait les Kj-72,
» veritables Chretiens j & qui man-
» que a Tune, ou a l'autre, eft indigne
» de ce noni. C'eft par-la que la foi
" de Jefus-Chrift s'eft repandue par
" toute la terre. La meme vertu qui
» rendoit les premiers chretiens fi
» parfaitement foumis aux Empe-
» reurs meme pa'i'ens, les rendoit en
» meme-tems comme infenfibles aux
» plus cruels fupplices, lorfqu'on les
» vouloit forcer a faire la moindre
» chofe qui blefllt la foi. C'eft ainfi
» qu'ils ont appris a foutenir la veri-
5> te , non en refiftant, mais en fouf-
» frant j non en verfant le fang des
~> autres , mais en repandant le leur.
lis font voir par la maniere dont M.
d'Alet avoit conduit M. de Conri,
par les reparations qu'il avoit exige
qu'il fit, combien les maximes qu'ils
enfeignent font avantageufes a l'Etat.
» Nous fupplions feulement Sa Majef-
» te,difent-ils,de fe fouvenir des con-
" feils qu'elle fait qu'un Eveque ce-
» lebre , que l'bn regarde comme
» etant dans la meme caufe que nous,
» & dont nous ferons roujours gloire
» de fuivre les fentimens, a donnes
» a des perfonnes de la plus haute
w diftinftion de fon Roiaume (M. de
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I $6 HlSTOtRE DE P0R.T-RO1AI.
1671. " Conti & Madame de Longueville)
» que le malheur des tems avoir en- » gagees dans des guerres contraires a » leur devoir; & nous fommes af- » fures qu'elle n'aura befoin que d'y " faire un peu de reflexion , pour » demeurer perfuadee , que rien ne » feroir plus capable d'entretenir dans » fon Etar une parfaite tranquillite , » que li rous les Theologiens & tous » ceux qui gouvernenr les confcien- '■ ces, fuivoienr les merries maximes. Us fuivenr enfuite pie a. pie les autres accufations contenues dans la requete de M. d'Embrun, & repon- dent particulierement a celle d'here- fie. lis y declarent qu'ils font prets a figner les Mandemens & les proces verbaux qui avoient diftingue le droit du fait, & marque qu'ils exi- geoient la foumiffion de creance pour Tun & celle de refpeib pour l'autre. Enfin , ils fupplient le Roi de donner la paix a TEglife. Dans cette requete, M. Arnauld
n'oublia pas fon cher neveu jM. de Sacy , & en parla en ces termes dont on fent la force & la delica- tefle 5 " II y en a, Sire , qui font'en- » core plus dignes que nous d'etre » les objets de vocre bonte , & qui |
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11. P A B. T I E. Lh. PH. I if ______
> ont moins merite le traitement 1671.
m qu'on leur fait foufFrir. Dieu les » voit, & votre Majefte comprend » afTez ce que nous voudrions dire; y> le refpedfc nous empeche de nous « expliquer davantage. Mais nous » n'en efperons pas moins , qu'elle " ecoutera les prieres memes, que « nous n'ofons lui faire , a l'exemple m de Dieu qui fe plait a prevenir nos m voeux , & a. nous donner au-dela » de ce que nous lui demandons. Cette requete ecrite avec beaucoup
dejpurete & d'eloquence , & fignee par M. Arnauld 8c. de la Lane , fut imprimee & donnee aux Miniftres &c a plufieurs Seigneurs de la Cour j elle fut applaudie & generalement ap- prouvee. Le lendemain qu'elle fut xenduepnblique , M. de Louvois en- trant au lever du Roi dans la cham- bre, tenoit cette requete a la main, & voi'ant l'Archeveque d'Embrun, il lui dit: voila une botte qu'on vous pone _, voila qui parte a vous. Le Roi de- manda ce que .c'etoit: Sire , dit M. de Louvois, c'efi une riponfe a la re- quete de M. d'Embrun. Eft-elle bonne ? ajouta le Roi; C'efi la plus belle cho- fe du monde, reprit le Miniftre. II s'eleva un petit murmure dans la |
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I $«8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
chambre du Rot, on park du nott-
veau Teftament, 8c M. le Prince s'ap- prochant de l'Archeveque lui dit : Avoue\ franchement j que vous Pave\ condamnefans V'avoir lu. L'Archeveque foutint le contraire : mais vous n'en- tendey pas le grec _, reprit le Prince. Le Prelat affirmant qu'il l'entendoit: je pane cent pijloles j ajouta M. le Prince , que Ji on apportoit un nou~ veau Teftament grec ,, il n'en explique~ roit pas trois lignes. Le Roi que Ton habilloit , fourioit de tems en terns fans fe declarer. M. de Louvois, tou- jours tourne vers l'Archeveque , rioit de tout fon cceur. Cela eft etrange 3 dit M. d'Embrun t quun Secretaire d'E- tat permette quon imprime ces fines de pieces _, & qu'il y donne cours. On a bien imprimi la votre _, repliqua le Miniftre. M. le Prince continua de prefer
M. d'Embrun , qui entra en mauvai- fe humeur : tous les Seigneurs tom- berent fur lui, en lui demandant pour- quoi il s'etoit mis a dos ces gens de P. R., & qu'il n'y avoit rien a gagner avec eux. Le Roi ne s'expliquoitqu'en riant j& dit feulement a l'Archeve- que, voiant qu'il fe fachoit : Ne vous t!chaujfe% pas M. d'Embrun _, nevoie\- |
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H. Partii. Llv. V1L i$9
vous pas que c'eft pour rire tout ce qu'ils 1671-
vous difent ? il pafla enfuite dans fon cabinet avec M. de Louvois. M. le Prince , qui fortit, rencontra le Ma- rechal de la Feuillade auffi irrite que fon frere , & qui difoit tout haut qu'il couperoit le nez atous les Janfeniftes: ah! M. le Marechal, lui dit M. le Prince , je vous demande graces pour celui de mafceur. Voila ce qui fe pafTa par rapport
au Mandement & a la requete de M. d'Embrun , contre le nouveau Tefta- ment de Mons , & contre Meffieurs de P. R. D'un autre cote M. de Pa- ris , qui n'etoit pas plus content que lui des ecrits faits contre fon Ordon- nance,en donna une feconde le 10 avr. 166%. II y eutauffi un Brefdu Pape date du meme jour contre cette Tra- duction j ce qui ne doit pas furpren- dre , toutes les verfions de l'Ecriture fainte enlangue vulgaire etantinterdi- tes a Rome. Ce Bref fut envoie par le Nonce a tousles Eveques de France, fans etre revetu des formes neceflai- res. Le Procureur general remontra au Roi, que le Nonce avoit pafle fes pouyoirs, & que c'etoit une en- treprife contre le droit des Eveques & les Libertes de l'Eglife Gallicane. |
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I40 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,.
1672. LeRoi ai'antegard a ces remontrances,
&c voulant neanmoins menager la Cour de Rome, fit dire an Nonce {>ar M. le Tellier qu'il eut a retirer
es exemplaires du Bref qu'il avoit envoies aux Eveques, & que s'il en paroiflbit dans le public if laifleroit agir le Parlement. Le Nonce obeit. Ce meme Bref ai'ant ete adrefle a l'lnternonce de Bruxelles, & envoi'e aux Eveques des Pais-bas fans les formalites ordinaires , il intervint un Arret du Confeil de Malines du 1 o juillet 166% , portant defenfe de le publier. IV. L'eclatque fit en France , a la Cour danwdeVon- meme , la traduction du nouveau
gueviiieaure Teftament de Mons , & l'incident des tablmement a , ■■ • 11 ' 1
«kt Rdigieu- requetes n aiant point deconcerte les
fts de.i1. r. mefures des Prelats qui travailloient a procurer la paix de PEglife , ils continuerent leurs negociations avec un fi heureux fucces , qu'enfin Rome & la France fe preterent de bonne foi aux voies de conciliation , & que l'ao commodement fut arrete comme nous l'avons rapporte ailleurs. Ce fut • pour Madame de Longueville , qui y avoit eu tant de part, le fujet d'une grande joie. Mais elle ne fut parfaite que lorfqu'elle vit le retabliflement |
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II. P A R. T I E. LlV. VII. 141
des religieufes de P. R. » La joie que i67z,
m'a caufee la paix de l'Eglife , dir- elle , ecrivant a la mere Agnes , n'a point ete entiere tant que votre maifon n'y a point participe. C'eft pourquoi je peux dire que ce n'eft que depuis les nouvelles que M. l'Eveque de Meaux me manda hier, que je reflens une fatisfadtion route pure de cet heureux com- mencement , dont la mifericorde de Dieu a favorife fon Eglife. Je le loue de tout mon coeur de ce qu'il vous a donne la force de fouf- frir pour lajuftice, &c de ce qu'il met une heureufe fin a vos fouffran- ces, dont vous avez edifie tous ceux a qui il donnoit de l'amour pour la verite. Comme perfonne n'en a ete plus touchee que moi tant qu'elles ont dure, perfonne audi n'apprend votre delivrance avec plus de confolation , &c. Madame de Longueville continua LVt- toujours fon commerce de lettres A^lle fai8 avec la mere Agnes , 8c ne foupiroit gement^ £ qu'apres le moment de pouvoir feK-.p°<" *'y retirer a P. R., fur-tout depuis que cmm' Mademoifelle de Vertus l'eut preve- nue en s'y retirant. Des qu'elle fut Jibre, elle y alia elle-meme choifir la/ |
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141 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1672. place pour faire conftruire un bati-
ment. On voit I'empreflement qu'elle avoit pour faire fa refidence dans cette fainte maifon , par les lettres qu'elle ecrivoit a la mere Agnes. » J'ai fenti une vraie joie, dit-elle , en appre- « nant que ces Meffieurs, qui vonc » faire des deffeins pour mon bati- » menr, etoient arrives a P. R. II m me femble que cela m'approche dn « terme, oil je dois y aller moi-meme: « & quoique ce ne foir que d'un pas » lent, e'eft roujours beaucoup pour » moi y puifque je ne fufpens mon » entier decouragement ( pour ne pas » dire un mot plus expreffif) que » dans l'efperance d'entrer dans vo- » tre maifon , prenant cet etabliife- » ment comme une marque que Dieu « ne m'a pas abandonnee ; ce que je » craindrois tout-a-fait, ( pour ne » pas dire ce que je croirois) fans » cette marque a laquelle mon efpe- » ranee eft attachee. Car je vous « avoue que toutes les autres, e'eft- » a-dire quelqu'ombre de piete dans » ma vie, ne me tirent pas de la pen- » fee , que tout au plus je fuis dans » cette voie qui paroit droite & qui » conduit a la mort, puifque je ne « vois point encore de fruit qui me |
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II. Parti e. Liv. FIL 145
i> faffe entrevoir que je fuis un bon j 6jt,
» arbre. De plus , il n'y a gueres cle
» jour ou je ne connoifle de nouvelles
» plaies dans mon ame , & ou je
» ne voie de certains fonds, dont je
« ne penetre pourtantpas la profon-
» deur. Je n'ai qu'aurant de lumiere
" qu'il enfaut, pour voir que ce font
» des abimes , mais je ne vois pas ce.
» qui y eft. Ainfi je erains bien, que
»: Dieu ne regarde ma vie comme
» une vraie hypocrifie ". On voir ici
les terribles epreuves, par lefquelles
Dieu fait quelquefois paffer fes elus.
Ce ne fut pas les feules par lefquel-
les il eprouva cette PrinceiTe. Elle en eut deux d'un autre genre, dans Tan- nee 1672 , qui lui furent extreme- ment fenfibles ; la premiere fut la mort de la PrinceiTe de Conti , avec la- quelle elle etoit ii etroitement liee. Anne Marie Martinozzi, niece du wLvir: ,
r> 1 • 1 n r • 1 a Mort de I*
Cardinal Mazann nee en 1638 , ma-PrinceiTe A?
riee au Prince de Conti en KJ54 , Conu. aiant ete detrompee du monde des Tage de dix-neuf ans, fe confacra to- talement aux bonnes ceuvres, a la re- traite, & a la penitence. Elle vendit toutes fes pierreries pour nourrir du- rant la famine de 1661, les pauvres de Becri, de Champagne 6c de Picardie. |
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144 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1(j_Za Devenue veuve a l'age de 29 ans,
elle s'appliqua a l'education des Prin- ces fes nls , &c a mener une vie telle que faint Paul la prefcrit aux veuves chretiennes : elle fe reduifit a une depenfe tres modefte , reftitua tous les biens dont l'acquifition ltd etoit fuf- pe&e, diftribua toute fon epargne aux pauvres dans fes terres &c dans toutes les parties du monde j & ai'ant perfevere feize ans dans la pratique de ces bonnes oeuvres , elle mourut le 4 fevrier 1671. Son corps fut porte a faint Andre des Arcs j fon cceur aux Carmelites de la rue faint Jac- 3ues } fes entrailles a P. R. des champs,
'011 elles furent tranfportees ( lors de la deftru&ion de ce monaftere ) a la ParoiiTe de faint Andre (*). lviii. La perte que lit Madame de Lon- nouieurde _ueviue par ja mort j'une belle-fceur
Madame de o ... r, . r . r r . . ,
Longueviiie, qui lui etoit li chere, hit luivie de
plL^'Von Pr^S d'Une aUtre ' Sui "e llU fut PaS
fils. moins fenfible. Ce rat la mort de ion
filsqui fut tue le 12 juin 1671 , a la
fameufe journee du palTage (86) du Rhin. Cette trifle nouvelle fut annon- (*) Voi'ez !a vie de M. Princefle , compofe par lift
d'Alet,T. 1. liv. 1. c. 4, des ecrivains de P. R. ,
5, 6. voi'ei dans le fuppl. au nom de la Comnui-
du Nectol. 19e P. R. p. name.
384. unbelelogede cette (8«) Son cceur fut pot cee.
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II. P A R. T I t. Liv. yil. I4f
cee a Madame de Longueville par
Mademoifelle de Vertus qu'on fit l6?l'
revenir de P. R. pour ce fujet. La pieufe mere , en qui la nature ne marchoit qu'd la fuite de la religion, aiant offertfonfacri rice a Dieu, s'in- (on-na.fi/onfils dtoit more fur le champj &s'il n'avoit paseu un jeul moment ; & comme on ne luifit point de repon- fe, ellerepanditdes torrensde larmes: mais elle eut dans la fuite la confola- tion d'apprendre que ce jeune Prince, avant que de partir, avoit fait une confellion generale entre les mains d'un homme eclaire , & qu'il faifoit en fecret beaucoup de liberalites & d'aumones, dontil exigeoit qu'on ne parlat point; ce qui diminua beau- coup fa douleur, Apres tant d'epreuves , Madame nx.
de Longueville eut enfin cette annee 3\a !a *?* 167% , la fatisfa&ion qu'elle defiroit faire des fe-
depuis longtems , d'aller faire quel- iou" iP'R>
que fejour dans le faint defert de P. R. , ouelle fe retiraavec autantde joie qu'on en refTent lorfqu'on entre ti a P. R des champs le corps repofb aux Celef-
tl d'aofit par l'Aumo- tins. Ce Prince age feule-
nier du Prince, d'ou il mentde 13 a,ns, £toitfut
a ete tranfporte lors de le point d'etre elevc fur
l'exhumation a faint Jac- le Hone de Cologne,
qties du haut pas. Son Tome F1L \ Q
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i4.£ Histoire de Por.t-r.oTai.
i6ji, dans un port apres avoir ete Ion 2- tems batcu de fa tempete. Ce fiat la que M. le Prince fon frere lui rendit vifue au retour de la Campagne. Ma- dame de Longueville a'iant pade quelque terns dans cette divine fclitu- de j revint a Paris , & continua juf- qu'a fa mort a partager fa refidence entre P. R. des Champs 8c les Car- melites du Fauxbourg faint Jacques. Elle pouvoit dire par rapport a fon affedtion pour ces deux maifons , ce que difoit faint Louis par rapport aux religieux de l'ordre de faint Domini- que & de faint Francois, que s'il eik pu fe partager en deux parties, il auroit donne une moitie de lui-meme aux Dominiquains , & I'antre aux Francifcains, Etant aux Carmelites en 1665 , elle y avoit ete temoin d'un fpectacle bien touchant pour elle, qui fut la profeflion de Mademoifelle la Valliere , a laquelle la Reine & les PrincefTes aflifterent , & oule grand Bofluet fit le difcours. lx. Les fejours que Madame de Lon- fb&'ifc." gueville faifoit I P.R. , fon attache-
devenues plus ment & fon eftime connue de tout le f*T&«uvP"! nionde pour cette fainte maifon , lui fervoient comme de fauve-garde, 8£ .arretoient les mauvais defleins d? |
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II. P A R. T I E. L'lV. VII. 147
ceux , dont la paix rendue a 1'Eglife \C-ii..
n'avoit change ni le casur, ni les dif- pofitions. C'eft pourquoi les religieu- fes jouirent de la paix pendant quel- ques annees , c'eft - a - dire jufqu'en 1679 , qui flit celle de la mort de leur illuftre protedtrice. Ces annees ne nous fourniront pas, comme nous l'avons deja remarque, des evene- mens auili brillans & auffi eclatans que nous en avons vu dans le tems des perfections. Nous n'y verrons pas les religieufes de Port-Roi'al triompher des puiftances du fiecle , par un courage heroique & par une Foi comparable a celle des premiers iideles. Mais fi leurs actions one moins de brillant & d'eclat dans les annees qui fuivent, elles n'en ont f>as moins de merite aux yeux de ce-
ui qui les fanctifioit dans l'obfcurite de leur folitude,par la pratiqueexac- te de toutes les vertus vraiement chre- tiennes & religieufes. L'efprit de la mere Angelique regnoit dans ce faint defert. La communaute n'avoit rien perdu de cette ferveur & de cette re- gularity , qui accompagne ordinaire- ment les premieres annees des refor- mes , &c qui enfuite s'affbiblit &c de- genere peu-a-peu. Les epreuves par |
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148 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAL.
nj7i. ou les religienfes avoient palTe , en
fortifiant leur foi, n'avoient fair que leiir infpirer un plus grand zele pour remplir fidelemenr leurs obligarions. Elles avoienr a leur rete une AbbelTe bien capable de les foureriir & de les animer par fon exemple, la mere Marie-Madelaine duFargis, qui avoir ere elue le x 3 juiller 1669 , & qui fut continuee le 3© juiller 1671, par une feconde election, a laquelle M. Gre- »et leur Superieur prcfida j Meffieurs Arnauld , Bourgeois, de Sainte-Mar- te, de Bourgis , affifterenr comme temoins. Au premier chapirre qu'elle tint, elle conrinua dans la place dc Prieure , la mere Angelique de Saint- Jean. txT> L'on fir cerre annee beaucoup de BtiKdjaion repararions dan s les batimens de P.
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<iu Rcftttoi-
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R. j on fut oblige de reparer le re-
fedoire qui menac,oit ruine j & lorf- que lesrepararions furenr finies , on en fit le 19 feprembre la benediction avec grande ceremonie , a laquelle affifterenr Meffieurs les ecclefiaftiques &c feculiers habitans du defert. M. de Saci entra pour ce fujer, apres avoir chanre la grande mefle , accompagne du diacre & du foudiacre. II fit les {jfnedi&kms & les prieres, & le dia- |
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II. Parti e. Liv. VII. ttf
ere chanta un evangile. II benit en- I(j72 fuite tous les lieux voifins du refec- toire , auxquels on avoit travaille. Apres quoi il monta a la chambre de la communaute , oii il fit fur cette ceremonieune exhortation, a laquelle tout le monde affifta. Quelque terns apres , M. de Saci txii
fit une femblable ceremonie dans le J'vttf"'1 batiment de mademoifelle de Vertus; mem « Ma- il benit fes deux chambres du haut & <£v°rtuS.c du bas , fes cabinets, les chambres de fes filles , les greniers, la galerie , les terrafles du jardin. La communaute y affifta. On voit dans ces ceremo- nies la foi vive qui animoit les reli-> gieufes & tous ceux qui avoient le bon- neur de demeurer dans ce defert. Bien des gens pourront regarder cela com- me des petitefles -y mais les perfonnes qui ont de la foi & de la piete , y trouveront un fujet d'edification & d'inftru<ftion. Onneprend point tou- res ces precautions , & on ne fait point de pareilles ceremonies dans tous ces fuperbes batimens deftines a etaler le luxe , 8c a entretenir la mo- leffe. Mais quelle difference aufli en- tre ceux qui habitent les uns &: les autres. Les uns font des faints, qui ne penfent qu'a fe fauver ; les autres des Cj iij
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tjO HlSTOIRE M PoRT-ROlAtr
medians la plfipart, qui livres auX vanites du monde , ne travaillent qu'a fe perdre : les batimens ties uns font la demeure des elus ; les bati- mens des autres font celle des reprou- ves. Le meme jour que Monfieur de
Saci fit la benediction du batiment de mademoifelle de Vertus , Mon- fieur Girouft tomba itiala.de , & moa- rut le neuf de decembre. 11 fut en- terre le dix en laic , comme il l'a- voit demande , quoiqu'il fut Pretre. Antoine Girouft eut des fa premiere jeuneffe une heureufe inclination pour le bien , qui ctant jointe a une bonne education, fit efperer de le voir bien- tot porter les fruits d'une verm foli- de. Mais n'aiant encore que 16 ans , il fut fepare d'un pere qui veilloit fur fes actions , & d'une mere qui lui fai- foit apprendre en meme-tems la fcien- ce de I'evangile & celle des lettres humaines, pour entrerdans la maifon de l'abbe de Retz , depuis archeveque de Paris & cardinal. Bientot il fut pourvu d'un cano-
nicat de faint Nicolas du Louvre, ce qu'on ne lui faifoit confiderer que comme le commencement de ce qu'il pouvoit pretendre dans le monde. S'e- |
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II. Parti e. Liv. Vll. 1 $ f
tanf enfuite refolu de recevoir les
orclres facres, il alia trouver fa fceur religieufe a P. R. & la mere An- gelique alors AbbefTe i a qui il pro- pofa le deffein qu'il avoit de dire fa premiere merle dans 1'Eglife de P. R. La haute idee qu'avoit la mere An- gelique des difpolitions neceilaires pour approcher des faints autels , fie qu'elle recut afTez froidement cette propofition : mais fa fceur en ufant avec plus de liberte exhorta fon frere a ne rien precipiter, & a prendre du terns pour fe preparer a cette grande action. II fuivit leur confeil, & ai'ant lii par leur avis une lettre de M. de Sainr Cyran , qui traite duSacerdoce, Dieu lui ouvrit les yeux en un mo- ment. Alors il eat une telle fraieur des jugemens de Dieu, qu'il refolut de defcendre du lieu ou fa prefomption l'avoit conduit. II fe condamna done lui-meme a ne jamais approcher du faint autel. Mais il lui reftoit encore bien des combats alivrer , avant que de remporter une enriere viclroire fur lui-meme. L'habitude qu'il avoit con- tractee en menant une vie molle 8c oifive , lui donnoit horreur de la pe- nitence , quelque neceflaire qu'elle foit au falut. L'agrement qu'il trpu- G iiij
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151 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAl.
voit dans les compagnies du monde
lui faifoit hair la folitude , qu'il re* gardoit comme une terre qui devore fes habitans. II tenoit a plufieurs amis, fur-tout a M. l'abbe de Retz , qui n'o- mettoit rien de tout ce qui pouvoit le lui attacher. Mais dans cet etat il eprouva que
rien ne refifte a. Dieu,quand il veut fau- ver une ame.Etant alle a. P.R. fans autre deflein que d'y voir fa fceur , il ne fat pas plutot entre dans cette folitude , que l'Efprit faint qui y refidoit toucha fon coEur. II commenca aufli-tot a ju- ger du monde, comme fi deja il en eut ete fepare j & il fut convaincu que pour fe conferver pur de fa cor- ruption y il falloit le hair & le quit- ter pour toujours. Des lors il prit la lefolution de choifir M. Singlin pour fon guide j & apres avoir pafle quel- que tems pour s'eprouver dans fon derTein, il fe dent de fon benefice , & alia fe retirer dans le defert de P. R. ou il ne penfa plus qu'a s'humi- lier & a faire penitence. L'office de facriftain lui paroiflant meme trop eleve pour lui, on eut bien de la pei- ne a le lui faire accepter. Mais s'y etant enfuite foumis, il l'exer^a avec beaucoup de foin pendant 24 ans. |
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II. P a r t i e. Llv. VII. 15 3
Quelque changement que -la grace 1672.
eut fait en lui, neanmoins il luiref- toit ties foibleifes. Quelquefois il laif- foit echapper des mouvemens de prom- ptitude 8c d'impatience : mais il re- connoiiroit ces defauts devant tout l.e monde avec une humilite fi edifiante qu'il y a fujet de croire qu'ils lui one ete plus utiles que prejudiciables. La liaifon de charite qu'il avoit
avec P. R. le fit participer a la perfe- cution. II en fut exile pendant cinq ou fix ans, qu'il pafla dans une fainte retraite : mais apres la paix il revint, & reprit fon premier emploi qu'il exerca jufqu'a la fin de fa vie , qu'il terminapar une mort tres chrctienne le 9 dedecembre. Il fut enterre dans l'Eglife devant le baluftre du grand autel avec une epitaphe faite par M. Hamon. Pendant la perfecution lesreligieu-
fes avoient fait un vceu (l'an 1668) de fiire un fervice-cinq ans durant pour les morts. Il paroit par l'evenement que l'effet en fut prompt,car le retablif- . fement de leur maifon qu'elles avoient en vue, fe fit au commencement de l'annee qui fuivit celle du yceu : elles ne manquefent pas a le remplir cha- que annee , jufqu'a celle-ci i<?7i qui etoit la cinquieme. G v |
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I54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
j^7, Les faux bruits par lefquels les en-
v' nemis de P. R. s'efforcoient de de-
une Rcii- crier cette fainte maifon, n'empe-
*'4edfch£ choient pas qu'on ne la regardat com- lons fait de- me iui monaftere plein de l'efprit de ^iraP"Re Ictat relieieux & ou il falloit aller le your s'y iuf- puiler pour vivre conrormement a cet Xto ««• Ceft ce qui jeaAroIt Par la Pro-
pofition que M. 1'Eveque de Meaux
fit a l'Abbefle, de la part de M. de Chalons-fur-Marne, de recevoir une religieufe Bernardine de fon Diocefe , qui avoit deflfein de fe retirer a. P. R. Etant fortie pour caufe de ma- ladie de fon monaftere , elle avoit eu occafion de faire connoiftance avec M. Feydeau, & s'etoit mife fous fa conduite. L'Abbefte de cette religieu- fe , qui fe conduifoit par M. l'Abbe le Roi, penfoit amettre la reforme dans fa maifon j & dans cette vue elle avoit demande quelques religieufes de P. R. ce qui lui avoit ete refufe. Alois M. de Chalons jugea qu'il falloit en- voi'er a P. R. la religieufe qui le de- firoit , parcequ'etant par elle-meme un bon fujet & aimee de 1'AbbefTe , elle pourroit beaucoup contribuer a ctablir la reforme , lorfqu'elle fe feroit inft; uite elle meme dans cette maifon de ce que la pluparc des religieufes |
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II. Par tie. Llv. V1L 155
tie fon monaftere ignoroient. L'Ab- 1673.
belTe de P. R. apres avoir fait beau- coup de difficultes a M. de Meaux , propofa l'affaire a la communaute qui n'en fit pas moins. Toutefois les e- gards que meritoit M. de Chalons, les obligations que lui avoient les re- ligieufes de P. R., mais fur-tout cetre maxime de M. de la Trape , qu'il ne faut pas fermer la porte de fa maifon a ceux a qui Dieu ouvre le fern de fa tnifiiicorde 3 determinerent les reli- gieufes a confentir , que la Bernardi- ne du Diocefe de Chalons paffat fix mois ou tin an a P. R. felon qu'elle profiteroitde fon fejour. Elle ne s'y rendit que le 18 juin de l'annee fui- vante. Les folitaires , que la perfecution txv.
avoir obliges malgre eux de quitter ,R"ourJ.,<?e leur iainte retraire , voiant 1 orage a p. r. pafle y etoient deja revenus , ou y revenoient fucceflivement les uns apres les autres ; foit pour y faire des fejours les plus longsqu'ils pou- voient , foit pour s'y fixer entiere- ment. Le celebre Monfieur d'Andil- ly que la tempete avoit tant de fois fait fortir de ce lieu qui etoit pour lui le paradis terreftre , partit de Pom- ponne & s'y rendit le 15 mil 167s G vj
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I 5<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlA£."
",<j-j. avec M. de Luzanci , refolu de n'eti
plus fortir & d'y terminer fa carrie- re, ce qui arriva l'annee fuivante. . ( lxvi. Le 2 5 fevrier de celle-ci (16j 3 ) MortdeM. 1'Eglife perdit un zele defenfeur de fa do&nne fur la grace, dans la per- fonne de M. Noel de la Lane , Pretre docteiir de la maifon de Navarre , Abbe de Val croilfanr, qui avoir ete depute a Rome en 1651 avec MM. de S. Amour , Broufle (*.) & Angran. II compofa grand nombre d'ecrirs ,
fur-rout fur les matietes de la grace , 8c il eut beaucoup de part a tous les ouvrages de MM. Arnauld & Nicole depuis 1656 jufqu'a la paix rendue a 1'Eglife. M. de la Lanen'etoifage que de 5 5 ans; il futenterre a S. Euftache. LXVII Le 24 du mois de mai une reli-
Morc de gieufe converfe nominee Louife-Ma-
Hameau'. da delaine du hameau de la Charonniere, agee de 41 ans fut emportee par une colique des plus violentes, fans qu'on put la foulager. Malgre la violence du mal, elle eut le bonheur de recevoir les facremens, 8c conferva la con- |
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(*) M. Broufle ertmort cette annee !e 30 mars,
le 7 novembre de-cette & fut entcr.ee a S. Chrif-
m?mc ann£e. La veuve du tophe , d'ou fon corps a
celebre Libraire Savreux , etc tranfporte au rimetic-
quiavoit ete mis trois fois rede S. Denis du Pas.
a la Baftille , inourucauifi |
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II. Par. tie. Liv. Fit 157
flohTance jufqu'au dernier moment, " fe voi'ant mourir par partie & fans eftroi. Elle eut la confolation d'etre aififtee dans les derniers momens par M. Arnauld, dont elle temoigna une" grande joie. Cette fille deftinee a etre religieufe de chceur portoit 1'habit blanc , lorfque la perfecution arriva. Alors elle le quitta par l'avis du fu- perieur , pour prendre celui de con- verfe , arm de pouvoir refter dans la maifon. La perfecution ai'ant cefle, on lui propofa de reprendre 1'habit de chceur , mais elle prefera 1'etat humble de converfe , & y demeura. Nous avons deja vu plufieurs exem- ples femblables, qui font voir quel etoit l'efprit de P. R. & l'humilite qui regnoit dans cette maifon. Le lec- teur en verra encore d'autres dans la fuite , dont il ne fera pas moins cdifie, & en particulier , dans la fceur Albine Auvri, qui animee du meme efprit que la fceur du Hameau recut le 20 mars 1 674 1'habit de converfe qu'elle demandoit comme une fjrace depuis long-terns. Elle fit profeffion le i5 mai de l'annee fuivante, & perfevera dans la ferveur jufqu'a fa mort arri- vee le 4 novembre 1690. Nous avons deja parle d'une reli-
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I$S HlSTOlRE DE PoRT-ROlAI.
xg-jA gieufe Bernardine du Diocefe de Cha- lxviii". Ions, qui defiroit venir a P. R. pour fAbbeffed* appfendre I cette fainte ecole l'efprit Saint Dizier f r t ^, . *■ ~
vi=m ip. r. de ion etat. L'Abbelle de ce monai-
autres Rcii-tere» c'eft-A-dire , de S. Dizier, y vine gieufes dc elle-meme le 6 mai de cette annee , iiebuDieu.dl1 accompagnee des Dames de Roche religieufes de I'Abba'ie du Lieu-Dieu au Diocefe d'Autun, a deux lieues de Beaune. L'AbbefTe de S. Dizier s'etoit demife de fon Abba'ie en faveur de la plus jeune de ces deux religieu- fes , la croiant plus capable qu'elle, de mettre la reforme dans fa maifon , qui en avoit un extreme befoin. Le defordre y etoir fi grand, & l'efprit de revoke y regnoit tellement, que 1'Ab- belTe & celle a qui elle avoit refigne fon abba'ie, avoient ete obligees de fe retirer, & de venir a Paris, en at- tendant les bulles de Madame de Ro- che , pour chercher du fecours & les moi'ens de reduire ces filles revoltees. Ce fut pendant cet interval que la Providence les conduifit a P. R. pour s'y inftruire. Elles s'y mirent en re- traite, & firent chacune leur renou- vellement a M. Arnauld avec une fa- tisfaftion qu'elles ne pouvoient afTez exprimer..Apres cela Madame de Rov che s'en retourna feule a Paris pour |
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II. Par tie. Liv. VIL 10
negocier fes affaires. Aiant obtenu 1674. fes Bulles , elle revinr a P. R. pour dire adieu a la communaute ; ce Fut M. Arnauld qui l'amena le 18 juin avec une religieufe deS. Dizier, qui etoit celle dont M. de Meaux avoir parle l'annee precedente de la parr de M. de Chalons. Deux jours apres, l'ancienne AbbeflTe de S. Dizier, & les deux Dames de Roche partirent de P. R. pour s'en retourner a Paris , & de-la a leur abbai'e. Elles temoi- gnerent en s'en allanr beaucoup de regrerde quitter une maiibn aumedi- liante. On fut aufli forredified'elles, ai'ant fait paroitre de grands fentimens de penitence , joints a un defir fincere 6c effedif de s'inftruire & de fe re- nouveller j fur-rout l'ancienne Abbef- fe, qui voulut pour cela etre au no- viciat, & en fuivit les exercices pen- dant le fejour quelle fir a P. R. Elle en avoit plus befoin que les autres qui avoient toujoursvecu dans une mai- fon reglee. La religieufe de S. Dizier , dont fxix.
nous avons parle , qui ie nommoit gieufe ^ Sr Franqoife de Sainte Lutgarde de S. Dizier 4p.r, Genis , fe prefenta le 47 juilfet au Chapitre , ou elle demanda les prie- res de toute la communaute , & jk |
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\6o HlSTOIRE DE PoRT-ROrAt.'
*V(j74. l'Abbefle 1'habit de four converfe ,
fe croi'ant indigne , dit-elle , d'en por- ter mi autre apres la vie qu'elle avoit menee , & les fames qu'elle avoit com- mifes dans le lien; ce qu'elle fit d'une maniere fi toUchante , &£ avec des mar- ques de repentir , fi finceres , que la communaute en fut attendrie. Elle s'e- toit des-lors mife fous la conduite de M. Arnauld , 8c elle avoit deja fait beaucoup de progres en peu de terns fous tin fi habile maitre. L'AbbefFe lui aiant accorde fa demande , elle prit 1'habit de converfe , &c en meme terns le dernier rang. Elle fe profter- noit a toutes les meffes pendant la communion , & au commencement & a la fin de chaque office , a la porte de l'Eglife. Nous ignorons quelles ont ete les fuites de ces heureux com- mencemens. t^Lu' La moi'r enlev* ,certe an"ee plu-
DucheiO de fieurs perfonnes cheries de P. R. &
AbregTde fa etroitement liees avec cette maifon.
vie. La premiere fut Jeanne de Schorri-
berg, femme de Roger du Pleffis Due
de Liancourt. » II y a peu de per-
» fonnes qui meritent plus d'etre
» connues de la pofterite que Mada-
» me la DuchefTe de LiancoUrt, par
« unc vie detaillee donriee au ptp
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II. Par tie. Liv. VIL \6\
v> blic , paicequ'elle a ete un des plus i gjj; " grands orriemens de fon iiecle , & » qu'il n'y a peut-etre point eu dans '• aucune perfonne de fon fexe, de « plus grandes qualites naturelles & m chretienttes ». M. Boileau avoit eerie une vie de cette pieufe Duchef- fe , dont on n'a donne qu'une partie* quoiqu'elle tut deja trop abregee, a la tete d'un petit ecrit qu'elle avoit drefTe pour la Princeflfe deMarflillac fa petite fille , fous ce titre ; Avis d'une Dame a fa petite-fille. L'editeur des vies edifiantes & incerreffantes des re- hgieufes de P. R. , a publie en entier 1'ouvrage de M. Boileau (87). On doit lui en avoir obligation , nous y renvoi'ons le ledteur pour y apprendre des details qu'on ne doit pas s'atten- dre de trouver ici. Des fa plus tendre JeunefTe Made-
moifelle de Schomberg (88) eut de la piete , & mena toujours une vie re- guliere. Elle avoit le coeur droit & noble , & aimoit fur-tout la verite & la juftice. Elle epoufa a Tage de 20 ans le Due de Liancourt, a qni Dieu donna ce trefor , pour fauver (87) T. 1. p. 411 > & 19 juin. Vie de Madame
fuiv. de Liancourt,tr. 1. des ' (88} Necrol. de P. R. Yiesedif.p.411 , 8ce.
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i6i MlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
~iC-ja. le mari infidele par la femme fidelle.
II l'aimoit & l'eftimoit beaucoup , & elle ne fe fervit de I'amour & de l'efti- me qu'il avoit pour elle s que pour le gagner a Dien : elle prioit conti- nuellement pour lui, & faifoit beau^- coup d'aumones. Aiant connu que le feul moi'en de l'attirer a Dieu etoit de le cirer de la cour, elle cotnpta pour rieii fes charges, fes etablifTe- mens &c fes emplois $ & ne penfa qu'i rompre tous fes liens & fes engage- inens. Apres 18 ans de prieres 8c de bonnes ceuvres, Dieu exauc,a fes voeux, & le Due de Liancourt gagne par la patience infatigable, les fages avis 6c la douceur de la DuchefTe fa femme , entra dans la voie du faint, txxi. Elle aimoit la verite fans la con- Hie prend noitre . & ne la connoiflant point,
les moiens .. , '. , . X . »
de connoitre elle etoit prevenue , lans le lavoir ,
Uvcruc. Contre ce qu'elle aimoit. Cependant elle la cherchoit : les difputes qui agitoient alors l'Eglife la porterent a prendre ce foin \ & fachant que dans ces occafions on ne peut difcerner la voix de Dieu & de la verite, fans con- fulter la tradition, elle engagea a cette recherche un doclreur de grand efprit, mais engage dans les memes preven- tions , en le conjurant de s'inftruire" |
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11. Par tie. Liv. til. 16}
pleinement de la do&rine de l'Egli- ~ fe, & de lui parler enfuite de bonne foi , » II ne s'agit pas , dit-elle a. ce ■>> Theologien > de chercher dans les •> Peres des paffages favorables a nos >> penfees , mais d'en tirer tout ce >> qu'on y peut trouver fur les points »> conteftes ». Le docteur (dont on he nous dit point le nom) fit dans cet efprit la revue de fes etudes , en entreprit de nouvelles, &c apres quel- ques annees de travail lui rendit com- pte de tout. Le refultat fat quele do&eur s'e-
tant inftruit en cherchant a inftruire , &c defabufe comme malgre lui, force par Tevidence de la verite, lui de- clara qu'il falloit changer d'avis (i on ne vouloit refrfter a la tradition. Cela determina la Duchefle , 8c elle s'attacha a la verite de tout fon cceur. Le Due fon mari entra dans, les me- mes fenrimens. Prenant done le parti feul fur , qui eft celui de l'antiquite & de la perpetuite pour la do&rine & pour les mceurs; ils fe firent un merite de proteger en tout la verite & la juftice , & en meme - terns les perfonnes qui fouffroient pour elle. M. le Due de Liancourt avoir de-
')a fait beaucoup de progres dans k |
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i<$4 HlSTOIRE ©E PoRT-ROlAt.
"J 7"" nouvelle vie , lorfque le Cardinal Ma-
zarin defira qti un de les neveux epou- sat la petite-fille da Due & de la Du- chelfe. Pour les engager davantage a fouhaiter cette alliance , il fir offrir a Madame de Liancourt 1'emploi de Dame d'honneur de la Reine Anne d'Aurriche; mais elle refufa genereu- fement & conftamment cette offre. Le Cardinal propofa auffi au Due un fcand etabliflement pour lui, 6c lul
r efperer tout le credit & toute la faveur de la Cour ; ce qui ne l'cbranla point. Enfin le prenant par un endroic capable de faire impreffion , il lui mit devant les yeux le grand bien que lui & la Ducnefle fa feinme pour- roient faire a la Cour, meme en ce qui regardoit les affaires de l'Eglife , & la puiffante protection qu'ils pour- roient donner ou procurer aux per-' fonnes qui fouffroient pour fa caufe. Le Due perfuad^ par ce difcours fpe- cieux, voulut engager fon epoufe a accepter Poffre qu'on lui faifoir; mais cette genereufe Dame lui repondit fanshefiter (8?) : » Vousfavez que je *> ne vous ai jamais defobei , mais » permettez-moi de vous dire , qu'il » faut plutot penfer a rompre les liens (8?) Vies cdif. T. i.p.4;4<
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II. P ARTIE. Liv. VII. I 6"5
qui nous attachent encore a la |
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1674,
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" Cour , qu'a les renouer. La Com?
» n'eft pas un fejour propre a notre ■" falut, nous ne la cnangerons pas. » Ce n'eft pas a nous a la vouloir " fanctifier , mais a faire penitence «. Cette clerniere parole convainquit le Due , &c il refufa toutes les offres que le Cardinal lui avoir fait faire. La purete de leurs fentimens , la ixxii.
vie retiree qu'ils menoient, & l'efti- Son f*"*1 ,* . 1 r reux attache-
me qu'ils temoignoient aux deren- mem a la ve-
feurs de la verite , les rendirent fuf- ^fa^eu^sf" pedts.Les chofes merne allerentaun tel exces que le bruit couroit qu'on obli- geroit les Seigneurs de la Cour afe de- clarer cohtre ces perfonnes. A quoi la Duchefle repondit qu'elle etoit prete a tout perdre , plutot que de manquer a ce qu'elle leur devoit. Ce bruit n'eut point de fuite en ce qui regardoit la fierte des biens; neanmoins leDuc &c
a DuchelTe efliiierent beaucdup de ca- lomnies de la part de certaines gens livres a un zele aveugle & fans fcien- ce ; mais ils regarderent comme un honneur de participer aux opprobres de Jefus-Chrift. Ils n'en furent me- me que plus attaches a la verite &c a fes defenfeurs , e'eft-a-dire , a la mair i$n de P. R. La pieufe Duchefl^ f^ |
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166 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi."
fut toujours aufli attentive a ne pas
blotter ceux qu'elle auroit pii re- garder corame fes adverfaires, qu'a ne pas manquer a fes amis; travail- lant a procurer la paix autant qu'elle en etoit capable, en comptant pour rien tout ce qui la regardoit en par- ticulier. Dieu lui fit la grace en tout le refte,
comme en cela , d'entrer dans les fen- timens les plus conformes a l'Evan- gile , & dans la pratique la plus exac- te de la morale chrerienne. Egale- ment appliquee .-i tous fes devoirs, elle eleva le Comte de la Roche- Guyon foil fils (90), de telle forte qu'elle lui perfuada , que la feule re- gie de ce qu'il devoit au monde , etoit ce qu'il devoit a Dieu \ & que la droi- te raifon confiftoit a tirer de ce pre- mier & unique devoir, l'idee de la veritable grandeur , du vrai courage & de toutes les qualites dont les jeu- nes gens de fa naiflance fe piquent davantage, Elle choifit la maifon de P. R. des
Champs, pour y faire elever fa petite- (<>e) Madame de Lian- jeune, fctvant comiiievo-
fouit n'eut que ce feul lontairc a la tranchee
fils, 8c de cc tils une petite d'une l'lacc que les Fiaa-
fillc. Le Comte de laKo- jois alficgeoienc. .
OK-Ui/oh lilt cue tare f*
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II. Parti e. Liv. VII. 167
fille ,& i'y mena elle-meme (91) en 1674. 16)}. La jeune Duchefle epoufa dans la fuite le Prince cle Marfillac , auquel Madame de Liancourt ainia mieux la donner , quoiqu'il eut alors tres peu de bien, qu'au neveu d'un premier Miniftretout puiflant, dont les richef- fes immenfes ne lui paroiflbient pas trop legitimeroent acquifes. Eile avoit ccritpour cettePrinceile des avis & des maximes trcs imporrantes & tres foli- des j dans lefquelles on voit tour ce que l'amour de la juftice & une verir table magnanimite lui.ont fait prati- quer toute fa vie contre fes propres interets, & dont elle a donne un exem- |
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i:
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e extraordinaire dans le proces qu'el-
eut Cohere fa bejle-fcEur la Mare- |
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chale de Schomberg (92). Car rien ne
(9i)Dieu fit !a grace a cet- pcrfonpe li)i ai'ant fait lire
te jeune.Princelfe de vivre un roman , elle en eut
dans le monde luivant les 'ant de regtet, qu'ellefit
maximes qu'elle avoit ap- Vceu dc nenjaniais lire,
prifes dans la faiiue mai- Cette venueufe Princely
ion oil elle avoit' rec;u niouruta Parisn'ai'antpas
fon education. Elle paiia encore 14 ans accompli?,
tome fa vie a lacainpa- /6.T. i.p, 434, 435.
stiie & a la ville , fans' (>i) Bans ce proces allera laCour, dans une le plus injulte 6c le plus
telle innocence & une tel- criant qui fut jamais, de
lepuret£de mccu rs, qu'el- la part de la Marcchalc
le ne voulut jamais voir de Schomberg; Madame de
les Comediens du Roi Lianc'-urt a Jetju une
qu'on avoit fait venir 4 conduice digne ue 1'admj-
crands frais tour elle ration de tous les fieejei,
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ns une ville prochedu lb. p 4;834jo,
de fa demeure. Une |
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I<J8 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt;
' 1674, fut capable cle troubler la paix qu'elle
conferva toujours au - dedans d'elle- meme , n'y d'alterer l'exacte modera- tion qu'elle obferva dans routes les fuites de ce differend qui dura autant que fa vie. Elle revoioit elle - meme les ecritures de fes Avocats, quoique gens de bien & meme de piete , ami d'en oter ce que Pindignation leur ar- rachoit de trop fort a. fon-gre centre fa partie • & elle aima mieux faira elle-meme quelques ecritures, quoi- que difficiles, que de leur laiflfer cette occafion de dire des chofes qui au- r-oient pu blelfer Madame fa belle- fceur. ixxiii. Sa grande maxime en toutes fortes Belle maxi- d'affaires, etoit de les abandonner &c me de Ma- , /• • a ■ /- a
aamedeLian- de pronoiicer contre loi-meme , ii-tot
court tou- qu'elle reconnoilfoit le droit de fa par- phantlespro- * 1 n . f.
(is, tie, ne regardant une conteftationbien
jugee , m un proces comme veritable-
ment gagne , que lorfqu'il n'y avoit ni deguifement dans les faits, ni fur- prife dans la forme (93). Elle etoit fi convaincue que les chretiens ne font que fermiers du bien le mieux acquis & le plus clair qu'ils poffedent, qu'el- le fe faifoit une occupation particu- liere de diftribuer aux pauvres & aux (?S) Vie Wif. T. 1. p. 437,438. I s Eglifeg
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II. Parti e. Liv. VII, j<?<>
Eglifes ce qu'elle pofTedoit. • Elle fit 1 (,-,* ' une depenfe tres grande dans l'Eglife de Liancourr j elle fonda un hopitnl 8c une communaute de vertueux Ec- cleiiaftiques j elle pouryut auxbefoins des temples vivans du Dieu des pau- vres , des veuves 8c des orphelins. La fenfibilite de fon coeur a tous
les devoirs de juftice 8c de charite , la tenoit toujours dans une follicitude qui interrompoit fouvent fon fom- rneil. Elle n'etoit pas naturellement robufte , & fa fante ctoit prefque con- rinuellement traverfcepar des incom- modites coniiderables. Elle ne laiila pas neanmoins d'arriver a 1 age de 74 ans, au milieu de fes foins, de fes veilles 8c de fes indifpofitions, avec la meme force d'efprit & le meme cou- rage , qui l'avoient foutenue parmi rant de peines 8c de travaux. Sa derniere maladie dura fept mois: ixxiv.
dcs-le commencement elle connut *» <j«-»<7» , n 1 \ 1 rril ' maladie; fes
qu elle la menoit a la mort. iiile etoit Ceatimcns &
a h Roche-Guyon , & elleavoit choifi & ftnwrtf* .. r, , s J ■ ,-^. ■ . la vue .ic U.
la fepulturea Liancourt. yiunze jours more.
avant fon deces, fentant fa fin appro- cher, elle dit -a une perfonne de fa confidence : il eft terns de porter mon corps a fa derniere demeure ; il y aura moins de cirdmonie de I'v porter Tome FII, H |
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I JO H/STOIRE DE PoRT-ROlAI.
~i6t2 vivant que mart. Elle y arriva pleine
de cette penfee, & toute occupee de l'efprit de penitence, d'une humble confiance en la mifericorde de Dieu, & d'un grand defir d'aller a lui. Le lendemain de fon arrivee elle
die au Pere Defmares ; hi bien } mon Pere _, je fids venue ici 3 afin que votes m'aidie% a aller aux noces (94) de I'A- gneau. On lui demanda fi la penfee de la morr ne lui faifoit point de peine : non , dit-elle , je la regarde comme un vo'iage que j'irois faire a la Roche- Guyon. Cependant elle l'avoit beau- coup apprehendee pendant toute fa vie : mais felon la grace que Dieu fait ordinairement aux juftes au tems de leur mort, cette apprehenfion fe chan- gea en efperance. Pour la foutenir dans ces fentimens de confiance, on la fit fouvenir d'un pafTage de faint Gregoire le Grand, dont elle avoir, ere autrefois fort touchee ; notre re- fuge ajfuri, dit ce Pere , & notre ef- pd'ranee folide _, c'ejl que nous Jommes line mime chofe avec celui en qui le prince du monde ayoulu cherchera re- dire j mais il n'a jamais puy rien trou- ver. » En efFet, reprit-elle , hors ce N refuge, qui pourroir fubfifter aij L. .
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II. P ARTIE. L'lV. VII. 171
» jugement de Dieu ? Mais s'il eft 1674,
» amii pour nous par la communi- " cation qu'il nous fait de fes meri- » tes, qui pourroit etre contre nous »? Le mal augmentant toujours, elle crut devoir parler plus ouvertement Eliefor'ti^ qu'elle n'avoit fait jufqu'alors a M. f°nraa"' ion mari de leur fcparation , afin de menager les momens qui leur ref- toient pour s'y preparer Tun & l'au- tre. Elle le fit, & voi'ant que le Due en etoit faifi , elle lui dit: » il n'eft « pas tems, Monfieur , de nous at- » tendrir j je vous allure que de ma » part, je n'ai prefentement de ten- » dreife que pour votre falut eter- » nel. Vous ne devez pas douter que » tout ce que Ton peut faire dans » l'autnt vie pour les perfonnes que y> Ton aime , je ne le fane pour vous ». Elleajouta, d'un ton humble, &apres line petite paufe ,fi Dieu me fait mi- fericorde. Aiant apper$u que le Pere Defmares fondoit en larmes comme M. fon mari , elle lui dit: quoi! mon Pere , vousvleure\, vous que je croiois devoir confoler M. de Liancourt! Pour moi 3 graces a Dieu , je fuis en paix: peut-on href ache d'alter a Jefus-Chrijl? Rien n'eft plus edifiant que tout ce que dit cette fainte Dame au lit de la more H ij |
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172 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
~ 1674. Avant que de recevoir le S. Viati-
lxxvi. (Iue > e^e vculut accufer a fon Con-
Hie fe con- fefTeur les principales fames de fa vie, nouveiu 'it's quoiqu'elie l'edt fait trois jours aupa- vaux de fon ravant. Eile renouvella les voeux de vcToiott, f°n bapteme , apres s'etre humiliee de ne les avoir pas gardes aflez exafte- ment. Puis fe relevant par un fenti- ment digne de la grandeur de fa foi, & invoquant Jefus - Chrift , elle le nria de larevedr de lui tout de ncu- veau , & d'etre pour eile cette robe nuptiale de l'Evangile, dont il eft ne- ceuaire d'etre couvert pour etre di- gne du feftin du ciel , & y demeurer eternellement. A mefure que le dernier moment
approchoit, on voioit qu'eile fe reu- nitfoit de plus en plus a Jefus-Chrift. . Elle fentoit le bonheur qu'il y a de mourir ■; lajoie interieure qu'eile en avoit rejaillilToit fur fon vilage : en forte qu'on y voioit une grace & une dignite qui ne refpiioient que Dieu qu'eile etoit prete de pofteder. Apres. avoir pafle toute la nuit a adorer Dieu, a lui demander mifericorde par Je-* fus-Chrift Notre Seigneur , a invo^ quer la fainte Vierge, les faints An- ges, en particulier faint Michel , faint Jqm fon patron, elle s'endormit danq |
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II. Par tie. Lhi FIT.' i?$
le Seigneur a fept heures da matin , " \ 6j^~.
le jeudi 14 juin 1674, a'iant pafTe toute la nitit en agonie , fans avoir |
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erdu un feul moment la liberte de
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efprit ni l'ufage de la parole, 8c fans
autre changement qu'un pjus grand air de majefte , de douceur & de fain- tete fur ion vifage, Sedans toute fa perfonne. M. 1'Abbe Boileau , qui avoir eu
I'honneur de voir & d'entretenir plu- fieurs fqj^s Madame de Liancourt pen- dant les douze dernieres annees de ia vie , allure qu'<7 n'a jamais rien re->- connu dans cette Dame quon puiffe nomtner un defaut 3 que ce qu'il nom- meroit dans toute autre perfonne une grande vertu (96). Sa derniere peine , & le plus grand
regret qui parut en elle dans fes der- niers momehs, fut d'avoir tant em- belli Liancourt (quoiqu'ellenel'eut fait que pour detacher fon mari de la Cour j ce qui lui reu/fit) , parceque la terre , difoit-elle, eft pour les Chre- tiens un lieu d'exil & de penitence ; & qu'il n'eft raifonnable ni de fortifier au- cun des liens qui nous y attachent, ni d'aimer fa prifon. II y a lieu d'efperer que celui qui a beatifie les mifericor- (?6) p. 444- ■ ...
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I"74 &ISTOIRE BE Poft.T-R.OlAi;
dieux , lui pardonnera cerre faute »
que lui feul.peut pefer, comme rou- tes les amies de fa vie. Qu'elle ait fait mifericorde , il n'en faut pas dou- ter , puifque routes les perfonnes qui l'avoient orfenlee , ou qui lui avoient caufe quelque peine , ont eu pendant fa vie des marques de fa charite & de fon extreme douceur. Elle fecou- rut meme en fecret une perfonne qui lui avoit manque de fidelity, & qui ctoit tombee dans une dupli#ite tres indigne d'un homme d'honneur. Elle temoigna a la mort, qu'elle n'avoit pas eu la moindre alteration contre fa belle-fceur pendant tout le cours de leurs proces. Un Argentier qui l'avoit volee , & qui dans le depit d'avoir ete congedie , avoit voulu faire piller fa maifon durant la guerre, etant rombe dans une maladie & une extreme pauvrete , elle en fit prendre un tres grand foin , lui fit donner rou- tes les chofes neceffaires par une voiefecrete, &nevouloit point qu'on lui fit connpitre que c'etoit elle qui l'avoit aflifte , que quand on jugeroit que cette connoifiance pourroit le porter a renoncer a la haine qu'il avoit concue contre elle , & a fe re- pentir de fa faute. |
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II. P A R T 11. LlV. VII. \ i <
L'affedKon qu'elle avoit pour P. R. "I(j-^,*
la porta a lui laiiler ioooo liv. par fon teftameht. Elle y etoit entree plu- fieurs fois pendant lesquarante der- nieres annees de fa vie , & s'y etoit fait pratiquer une chambre a deffeirt de s'y retirer ordinairement. II eft aife de voir que cette fainte Dame avoit eu de grandes liaifons avec P. R. far des difpofitions fi faintes. C'etoit
i la fource, ou elle avoit pnife des fentimens fi chretiens , & des lumie- res fi pures. On trouVa dans fes papiers des Lxxvrf.
marques de la grandeur & de la beau- .Ses "''?*
, p- r P ,11' • i , u mooeftie, te de ion genie qu eile avoit cache
toute fa vie avec tant de foin. Elle
avoit fxit quelques ouvrages en vers
fur le faint Sacrement de l'autel &
fur l'lncarnation de notre Seigneur,
que les Maitres de Fart ont admires.
On trouva audi les avis qu'elle avoit
ecrits pour la PrincefTe de Marfillac
fa petite-fille. On y voit tout ce qu'une
profonde connoiilance des meilleures
maximes pour Feducation des enfans
de Fun &c de Fautre fexe , de la bien-
leance & des affaires domeftiques, &
la piete la plus pure & la plus eclai-
xee, peuvent infpirer de plus folide &r
de plus grand. Ces reglemens ont ete
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l"jS HlSTOIRE t>E PoRT-ROlAt*
"id ,a, donnes au public en 1698 fous ce
titre : Reglement donne par une Da- me de haute qualite a M..... fa petite fille, pour fa conduite j &pour celle de fa maifon : avec un autre reglement que cette Dame avoh dreffepouf elle-meme- A Paris chez Auguftin Leguerrier , 169%. txxvn. La mort de M. le Due de Lian court u. de Lian- f\xivit de pres celle de fa refpe&able court; abre- . r r . , . . r , ,.
ge defavie; eponle , qui lui avoit comme prectit
fes quahtci; q,ie ieur feparatioiT ne feroit pas de
» waver- I 1 , . . K. Uoa. loneue duree ; cara-peine lui iurve-
quit-il un mois & demi, etant mort
le premier d'aout de lamemeannee. M. de Liancourt etoit un des Sei- gneurs de la Cour les mieux faits, grand , adroit dans fes exercices , ai'ant toutes les qualites du cceur & de l'efprit que Ton (96) eftime le plus dans le monde : brave jufqu'a la te~ merite , comme il parut dans une attaque au fiege d'une Place a la tete du regiment de Picardie qu'il com- mandoit: riche , revetu d'une grande charge a la Cour , aime & confidere du Roi. Le fond de fon naturel etoit entierement conforme a celui de fa compagne, bon, liberal, fincere , ai- jmant & honorant toutes les vertus , (p«; Vies edif, T. 1^.411,413.
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II. Par Tit. Liy. Fit. 177
*ierae les plus oppofees a fes detains. 1674.
Tel etoit M. de Liancourt. Mais il avoit pris les mceurs ordinaires des Courtifans de fori age , & ties oppo- fees a celles de fon epoufe. Nean- moins cecte oppofition n'altera ja- mais leur amine & leur confiance. Apres qu'il eut vecu dans les plaifirs du monde pendant 40 ans , Dieu qui avoit des vues de mifericorde fur ce Seigneur , lui enyoi'a une maladie dangereufe , pendant laquelle fa pieu- fe epoufe jetta les premiers fonde- mens d'une conversion, qu'elle ne cefToit de demander par fes prieres &: fes bonnes ceuvres : il fut ebranle des- lors , mais non converti. Sorti de cette maladie , il fut attaque de la petite verole , & eprouva encore la charite de fon incomparable epoufe. Mais une maladie furvenue a Mada- me ue Liancourt elle-meme eut plus d'efret fur fon mari que celle dont il avoit ete attaque. Les exemples edifians qu'elle lui
donna, la crainte qu'il eut de la pcrdre, acheverent de lui faire hair la vie qu'il avoit menee jufqu'alors. II rompit enfin les liens, qui l'atta- choient au vice , & commence a en- trer dans la pratique de la verm. Mais H v
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I78 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
pendant plufieurs annees il fe conten-
ta d'une vie a(Tez commune , n'aiant jufqu'alors trouve dans la voie par ou il tachoit d'aller a Dieu, que des guides peu capables de l'inftruire des grandes verites. Cependant il en trou- va un (qui n'etoit point un de ces Meflieurs de P. R. (97) > comme le dit M.Fontaine) lequel paroit nean- moins avoir ete fage & eclaire , a en juger par les avis qu'il donna a ce Sei- gneur penitent. Ces avis etoient ge- neraux &; particuliers : les generaux etoient ainfi exprimes : Vous etes homme 3 vous etes picheur ; vous etes chritien j vous hes marie ; vous etes pere de famille 3 vous hes grand Sei- gneur. Dans ces avis , les obligations de chacun de ces etats font tres foli- dement expliquees. Apres les avis generaux, il defcend aux particu- liers & prefcrit a M. de Liancourt, 10. d'emploier le matin une demie heure a la priere j 2°. de faire une lecture folide d'une demie heure , de faint Auguftin , ou de faint Bernard , ou de faint Gregoire , ou de faint Chryfoftome , fur des matieres de morale; l'efprit & la vie de S. Ber- nard traduite par Meffieurs de P. R. (j7) Mem. de Font T. i.p.447.
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II. Par.tie. Liv. VII. 179
les lettres de M. de faint Cyran , &c. 167 ±7~
30. de reciter les pfeaumes Peniten- ciaux, 8c les litanies des Saints cha- que jour ouvrable; & en la place, les jours de fete, le breviaire , Pepitre, l'evangile, & l'oraifon du jour. II confeille d'avoir un mifTel pour lire en efprit d'oraifon la mefle, &c. (Ces avis font voir , que fi celui qui les donnoit a M. de Liancourt n'etoit pas de P. R. il en avoit l'efprit, & n'etoit pas loin du roi'aume des cieux ). Audi M. Arnauld les ai'ant viis ( car M. de Liancourt ne vou- lant rien omettre dans une affaire fi importante , les communiqua a MM. de P. R. ) les trouva fort folides & fort chretiens j il temoigna meme qu'il n'y avoit rien a y ajouter , & que tout ce qui etoit a defirer, etoit que ces regies & ces infhu&ions fuf- fent auffi fidelement pratiquees qu'el- les etoient faintes en elles-m;mes. 11 ajouta feulement quelques avis par- ticuliers , qui n'en etoient que la con- firmation. M. de Liancourt ne tarda pas a ixxix.
etre etroitement lie avec MM. de J?c «**» P. R. En entrant dans la voie de la p.k.. penitence, il aima tendreraent ces pieux Solitaires qui s'y etoient tota- H vj
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l80 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
16J4.. lement confacres : il prenoit plaint
a les venir voir, 6c fe fit batir un petit appartement dans ce defert, qu'il preferoit a routes fes belles ter- res. Lorfqu'il y etoit, il edifioit tout le monde par fa piete , par fa poli- tefle, » faluant la moindre perfonne w qu'il rencontroit en fon chemin : » le Vacher lui paroiffbir venerable ; " il ouvroit les yeux & le regardoit » fixement en le faluant , dit M. » Fontaine (98), & il faifoit rire » ceux qui l'accoir.pagnoient en leur « demandant, fi ce n* etoit point de » cesMeffieurs. 11 croi'oit toujours qu'il » y avoit quelque penitent de confi- » deration fous ce vil exterieur, dont » il ne fe couvroit, que pour femieux " deguifer. lxxx. Dieu aiant fait connoitre la verite m"ntT" vT-* M" deLiancourt, par lemoien de
rite 8c a fes ceux qu'il avoir deftines a fouffrir aifenfcuh. pour eUe ^ jj touma de ce ^ ^ toute la fenfibilite & la tendreffe de
fon coEur , qui n'aima plus qu'a faire penitence de ce qu'il avoit autrefois trop aime , & ne s'interrefTa plus que pour la verite & la juftice. Comme ce Seigneur trouva 1'une &
I'autre dans la caufe de l'Eglife , il |
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II. P ARTIE. Llv. VII. l8l
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n'eut prefque plus de joie ou de trif- 16y*7
teffe , que felon les bons ou les tnau- vais fucces de cette caufe. Ces pieux mouvemens etoient fi vifs en lui 8c faifoient une telle impreflion, meme fur fon corps , que dans de certaines conjonctmes, on etoit oblige de lui epargner les mativaifes nouvelles. Ce fut ce grand amour de la juftice , qui lui fit aimer les plus feveres regies de la penitence, craindre tout ce qui portoit au relachement , porter avec patience & humilite les pertes & les traverfes , les afflictions d'efprit & les maladies du corps , & rechercher la retraite & le filence. L'amour de la verite la lui fit confef- txxxt.
fer hautement devant les hommes. II °"fLcrem"n» fe fit honneur de Famine de ceux que » «ufe de Ton tachoit de deshonorer a caufe ment*iMef- d'elle. II les voi'oit avec joie dans fa fi™rsdeP.R. . - o- 1 > 1 • t ]> Belle reponfe
maifon. Si quelqu un parloit mal d eux ^ fait^ ua
«n fa prcfence , il lui fermoit auffi-tot Eveque, ia bouche Un jeune Evcque lui ai'ant dit un jour qu'il avoit envie de 1'inf- truire Sc de le catechifer , pour le detacher d'avec ces Meflieurs , dont ce Prelat difoit que la doctrine etoit mauvaife & dangereufe , M. de Lian- tourt l'inftruifit & le catechifa lui- jneme , par cette reponfe qui lui fer- |
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I Si HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
I674. ma la bouche (99). Monfieur3 lui dit-
il, je ne vous confeille pas de me ren- dre crop favant ; carje commencerois par vous montrer que vousferie\ mieux d'aller rdfider dans votre Diocefe. II but avec action de grace le calice
amer d'une confufion publique , qu'il re§ur de fon propre Pafteur, qui eat la temerite de lui refufer l'abfolu- tion a Paques, parcequ'il ne vouloit pas rompre avec les defenfeurs de la doctrine , de la morale & de la difci- pline de l'Eglife. II le refolut genereu- lement de tout perdre, plutot que de fe feparer de la charite de Jefus-Chrift, 3uile tenoitfi etroitement uni a ceux,
ont Dieu s'etoit fervi pour lui faire connoitre fes devoirs. La perfecution qu'il efTui'a a ce fujet , le lia d'une amitie plus etroite que jamais avec eux , fur tout avec M. Arnauld, qui avoit pris fa defenfe , & qui en con- fluence avoit ete chaffe de Sorbon- ne (1). lis avoient de la douleur de fe voir r^ciproquementmaliraites l'un pour l'autre. M. Arnauld fouffroit de voir M. de Liancourt perfecute ; & - celui-ci de voir M. Arnauld chafle de (99) Font. p. 464. damnation , avoit etc'
(1) La feconde lettte ecrite pour la defenfe de
tie M. Arnauld , qui oc- M. de Liancourt,
cdfiomu fon in juice con-
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II. Partis. Llv. Fit iSj
Sorbonne pour avoir pris fa defenfe. T674*
L'un vo'i'oit avec douleur f'ornemenc <le la Paroifle rejette de la commu- nion des fideles, & l'autre voi'oit avec beaucoup de regret la gloire de k Sorbonne & l'ornement de fon corps rejette de la focidte des Docteurs. Lorfque M. Arnauld fe fut retire ,
pour fe fouftraire a la fureur de fes ennemis , M. & Madame de Lian- court jetrerent les yeux fur M. de Sa- ci , qui alloit fouvent leur rertdrevi- fite. Madame de Liancourt venoit aulli fouvent le voir, & admirant la petitefle du logis, 011 il etoit, elle s'ecrioit : Petite maifon j que tu ren- fermes de grandes chofes (1)! On peut dire a la louange de la
grace du Sauveur, que quoique le naturel de M. de Liancourt futtres oppofe a tout ce qui pouvoit le con- traindre, il n aima perfonne fur la terreen comparaifon de ceux qui l'a- voient mis fous le joug de Jefus- Chrift j ce fut cette confideration qui augmenta beaucoup l'eftime, la ten- drelTe , la reconnoifTance qu'il avoit toujours eues pour la Duchefle fa femme. Ses fentimens pour elle al- loient toujours en fe perfettionnant, <i)Font. T. i.p- 4«J.
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I §4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
iSja., a mefure que la charire croiflbit dans
fon cffiur ; & Dieu lui fir la grace de ne la plus regarder dans la mire que comme fa four & l'epoufe de Jefus- Chrift. La crainre qu'il eur de perdre cerre
compagne fi chere dans une maladie mortelle, donr elle fut attaquee, lui aiant ouvert les yeux fur une feule fuperfluite qu'il eur confervee, & a laquelle il avoir encore quelque atta- che (3) , il promir a Dieu de s'en de- faire & d'en donner 1'argent aux pau- vres, foit qu'il lui confervat la Du- cheffe , foir qu'il en difposar aurre- ment. Dieu recompenfa cerre humble & genereufe difpofition de fon coe'ur. II lui rendit Madame de Liancourt pour plufieurs annees , qu'il pafla a prevenir & a fuivre certe vertueufe Dame dans toures forres de bonnes ceuvres. txxxn. Enrln , lorfqu'arriva le moment qui ses difpofi- devoit rompre par la mort route fain- i°o« dt ll te de la Duchefle, les liens d'une fo- Ducheflefon cicte qui avoit fubfifte 54 ans, fans fOU e' alteration ni refroidifFemenr d'aucun cote , M. de Liancourt fouffrit certe feparation avec toute la foumiffion |
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<$'Cetoic des tableaux qui yaloicnt f00000 liy.
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ll. Partii. Liv. Vlt 185
d'un chretien penitent (4). Recon- 1674.
noifTant avec beaucoup dhumilite, que la penitence qu'il avoit faitejuf- qu'alors, etoit pea de chofe , ainfi que les afflictions conliderables par lefquelles Dieu l'avoit eprouve en lui enlevant un fils unique , fa petite fille &c.; // n'y avoit done, s'ecrioit-il^ que la Jeparation de ma jemme qui put itre une penitence proportionnie a mes pe'ehe's. Vousl'ave\voulu3Seigneur\ vo- irejugement ejljujie^ je I'adore, je vous demande feulement de me fbutenir.CettQ Vertueufe epoufe etoit toujours pre->- fente a fon efprit, il parloit fans ceflTe d'elle , & vouloit qu'on lui en parlat: Qu'on ne me parte done plus de rien 3 difoit-il , que d'imiter ma femme ; de rien 3 que de fuivre fes confeils; elle m'a laijfe encore fur la terre pour quel- que terns j mats je n'y veux hre que pour me rendre digne d'aller dans le ciel avec elle. Depuis cette perte, tou- jours occupe de pieux fentimens, il louoit les mifericordes du Seigneur au milieu de fon affliction, & tra- vailloit fans relache a faire les retran- chemens qu'il croioit necefflures , afin de pouvoir donner plus abondam- (4) Voiez la relation de fa mort. Vies edif. T. t,
p. 446. & fuir. |
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\§6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
"id-iA. ment aux pauvres. Mais la triftefTe
avoit fait une fi force impreffion fur
fon caeur , tour foumis qu'il etoit,
que fon corps y fuccomba.
txxxm. Au fortir d'une retraite qu'il avoit
sa demicie fake a P. R. il tomba malade a Pa-
famort. ris, le ieul lieu du monde ou il crai-
Sonconvoi. gnojt je mourir • \\ accepta cette
peine avec fa foumiflion ordinaire, 8c
fouffrit patierhment la violence de fa rnaladie , & la privation de toute con- futation. Apres avoir regu tous les facremens & teffioigne l'extreme re- gret qu'il avoit des peches de fa vie paffee , il re^ut avec joiela nouvelle de fa triorr prochaine , & alia a Dieu avec une grande confiance en fa mi- fericorde , le premier d'aout i 6ja, age de j 6 ans. II laiifa i oooo liv. au monaftere de
P. R., pour lequel il avoit toujours eu un fi fincere & li genereux atta- chement. II defendit par fon tefta- ment toutes les pompes ordinaires aux obfeques des perfonnes de fa qualite ; & ordonna que la fomme, a laquelle elles pouvoient aller , rut emploiee a vetir les pauvres ; il voulut qu'un de ces pauvres portat au convoi de- vant fon corps une torche ardente, en figne de l'amende honorable qu'il au- |
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II. Par tie. Im V1L 187
foit defire faire lui-meme des peches 1674^
par lefquels il avoir autrefois fcanda- life le public. Son corps fut porte a Liancourt , fans aucune ceremonie, fans mcme en donner avis fur lei paffa- ge , &c n'y arriva que dans la nuit. IVtais routes ces precautions n'empe- cherent pas qu'a deux lieues de Lian- court , les cnemins ne fe trouvafient bordes de peuples , qui venoient de tous cot(5s pour honorer le paflage de celui qu'ils regardoient comme le pere des pauvres & le confolateur des afTliges. La mort de M.& de Mc- de Liancourt L£XX7V^
fut pour les religieufes de P. R. le d'Andiiiy. fujet d'une grande affliction j mais , qui pourroit exprimer celle qu'eiles reffenrirenr a la mort de M. d'An- dilly qu'eiles regardoient toutes com- me leur pere ? Ce veritable Patriar- che , cet Abraham par la grandeur de fa foi, ce Jacob par la patience dans les differentes agirations qu'il ^prou- va, ce Jofeph' par l'innocence de fes mceurs, etoit revenu l'annee pre- cedente dans le faint defert de P. R. 11 y fut attaque le zi de feprembre de celle-ci, d'un rhume , dont il fit d'abord peu de cas j mais la fievre 8c l'oppreflion s'y etant jointes, le mai |
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I 83 HlSTOIRE DE Po'RT-ROlAL.
devint ferieux j il recut le 13 les faints
ficremens, qui lui furent adminiftres par M. Bourgeois fon confelfeur , & niourut le 14 audi faintement qu'il avoit vecu. M. de Pomponne, qui etoit venu le voir,Meflieurs fes nls (5) & Mefdemoifelles fes filles recu- rent fa benediction. Chaqae reli- gieufe regardoit cethomme incompa- rable comme fon pere ; & chacune le pleura comme fi elle eut ete fa proprc fille. M. de Boifbuiffon, entre les mains duquel ii expira, & qui regar- doit comme un bonheur d'avoir af- fifte feul a la confommation d'un fa- criiice que Dieu avoit rendu par fa mifericorde fi digne delui , alia auffi- t6t tcmoigner aux filles de M. d'An^ dilly la part qu'il prenoit a leur af- fliction , en feur reprefentant les grands fujets de confolation que la foi devoit leur faire trouver au milieu de leurs larmes &rde leur douleur, dans une vie & une mort audi chre- tienne & audi edifiante. II futenterre le lendemain a cote de M. le Maitre. Ce fut M. Arnauld qui chanta la grande MelTe & fit la ceremonie de I'enterretnent, dans lequel on obferva tout ce qui fe pratiquoit a l'egard des (5) M. l'Abbe de Pomponne.
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II. P A R T I E. Liv. VIL I 89
telieieufes. Ainli le pere des religieu- 1674. "
fes rut traite en routes chofes comme ces faintes £lles. M. Arnauld le do&eur fit le t du txxxv.
jnois fi.ii.vant, a la priere & en pre- £i°g=<feM. To,,,-^ IT ' i>'i r d'Andilly par
tence de la communaute, 1 eloge fu- m. Arnauld.
nebre de M. d'Andilly fon frere. L'O-
rareur remarque d'abord qu' »il n'y a
>■> gueres de chofes (6), dont on abufe
» dayanrage que des louanges , &
» fur-tout de celles qu'on a accoutu-
" me de donner aux morts, au mi-
" lieu des faints myfteres : qu'on les
" couvre de gloire pour des actions,
»? qui les ont couverts devant Dieu
." dehonte& de confufion;& quefou-
f* vent ce qui ell: la caufe de leur pu-
" nijtion en 1'aurre monde , eftlefu-r
?' jet des plus grands eloges qu'on
" leur donne en celui-ci. Rien n'eft
« plus contraire a la religion , dit M.
'■> Arnauld , que ces fortes de panc-
« gyriques. Elle nous apprend que
» i'lionneur & la gloire n'appartien-
" nent qu'a Dieu feul ...,.,& qu'on
" ne peut louer, felon les regies du
» Chriftianifme, que les effets de la
,= mifcricorde de Dieu en ceux, en
?j qui il lui plait de reparer les de9
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(S; T. j.'desLet.p. j«}, j«y»
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I 5)0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
» fqrdres du peche par lapuiiTance
» de fa grace «. C'eft ce que fit M. Arnaud dans
l'eloge de fon illuftre frere. Toute- fois il ne laifia pas de confidcrer les avantages naturels que tout lemon de a admires en lui, fon efprit vif, noble , eleve, fon coeur genereux, & fes autres grandes qualites, parceque c'eft louer Dieu dans fes ouvrages , &c que fa grace a empechc qu'il n'en abusat.C'eft par un effet de cette grace , que fon efprit, d grand natureHement, n'a jamais eu dans tous les terns qu'une docilite d'enfant dans toutes los cho- fes de la foi: & que nourri a la Cour, fejour fi ordinaire de Pimpiete , il n'en a toujours eu que plus d'hor- reur (7). La grace n'a pas moins veille a lui faire bien ufer de fon cceur que de fon efprit; enforte que fon inAO- (7) M. de Saci, dans x> pour ce qui flatte daos
un difcours qu'il fit le jo » le moude les partions ,
d'ottobre , en prefence de » & tant de defir d'etre .i
la communaute , fur ia » Dieu , que lorfqu'il
lamort de M. d'AndiHy, » etoit dans le monde ;
dans une ceremonie qui » & qu'il fentoit au mi-
fe fait en l'Ordie de Ci- » lieu de la Cour des
teaux a lamort des pro- » mouvemens pour Dieu,
dies parens des relieieu- 3> 8c une peine de emit
fes, tapportequeM. d'Au- ,> vets lui, qu'il n'avoir,
dilty avoir dit fouvent, n pas dcpuis femifi vive-
» que jamais il n'avoit s) ment dans faretraitc,
j> eu tant d'horreur du Vies edjf. T. 4.
j> peche , taut de mepris |
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II. Partii. Llv. VII. 191
cence , lors merae qu'il a vecu parmi 1674.
les plus grands attrairs de la volupte , a ete une des chofes des plus extraor- dinaires qu'on ait vues dans fon fiecle, Jamais la consideration d'aucun ami ne l'a ports a rien faire qui ait bleflc fa conicience. Dans le monde , Dieu a preferve i-xxxvi.
M. d'Andilly de la corruption qui y ie monde & regne j il s'y eft diftingue par un de- AlaCour, flntereffement merveilleux , eloigne de toute avarice , ne cherchant qu'a s'enrichir de bonnes oeuvres. C'eft le premier effet de la grace. Dieu l'a en- fuite fait marcher par la voie des ad-, verfites & des renverfemens de for- tune , qui n'avoient d'autre caufe de fa part qu'un attachement inviolable au fervice du Roi; mais il le vouloit a lui d'une maniere plus particuliere, c'eft-a-dire, dans la retraite. Dans ce fecond genre de vie, Dieu lxxxvi*.
qui lui avoir fait eviter ce qu'il y a l^Zti^ de dangereux dans la vie du monde , qui eft l'engagement dans l'injuftice & dans le pecne,lui fit encore eviter l'ecueil le plus ordinaire de ces fortes, de retraites, qui eft de changer en un repos de parefte & une moue oifive- te, ce qu'il y a de penible & de lai borieux dans les occupations du moq-j |
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15)1 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
~ 6 de (8). Ainfi, dit l'Orateur chretien ,
» Ton peut dire de ces deux fortes
,> de vie qu'il a menees "en divers « tems , cette parole de faint Au- » guftin: que la premiere n'a point » » etc crimmelle, ce que doit eviter " celle qui fe pafle dans le tracas des » affaires; & que la feconde n'a point >,» ete pareifeufe , ce que doit eviterr „ celle qui fe palfe dans le repos (9). Le grand noinbre d'ouvrages que M. d'And illy a compotes dans la re- traite, font la preuve de ce que dit M. Arnaud. Mais ce ne font-la. encore que les occupations & les exercices de fon efprit. » Le coeur, ajoute le » Pancgyrifte , en a eu d'autres j &c ;> 1'efpnt de Dieu qui l'animoit, n'a » pas manque de l'embrafer toujours « de plus en plus de la double cha- » rite , qui fait toute la faintete des « Chretiens ; de celle que Ton doit a. » Dieu , & de celle que Ton doit au » prochain «. lxxxvii. Quel plus grand temoignage pour- sachanceen- roit-on defirer de fa charite pour Dieu, |
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yers Dieu.
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qui eft la plus cachee, que ces edi-
fiantes paroles , qu'on lui entendoic (8) p. 571. non defidiofa , quod cave-
(9) Nan facinorofa, quod re debet otiofa.
-favere debet laboriojaj |
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rononccr
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II. Par tie. Liv. VII. *<>}
prononcer dans les derniers momens "'^ " oe fa vie ? C'eft une chafe terrible _, 6 mon Dieu j defe pre/enter devantvous} lorfqu'on ne vous aime point. Mais comment pouvons-nous nous affurer que nous vous aimons ? II me femble nean- moins que je vous aime: car il me fem- ble qu'il n'y a rien que je ne vouluffe faire & donner pour vous. On voit par- la , que fa piete lui faifbit pratiquer ce que faint Auguftin confeille ■ dans de femblables rencontres, lorfqu'on eft en doute fi on eft bien avec Dieu. Vous n'avez alors, dit ce faint Doc- teur, qu'a interroger votre coeur, in- terroga cor tuum. " Pour ce qui eft de la charite en vers lxxxvmv , le prochain(io) cUtM^Arnaud.^iVf;
> il n'a pas attendua fa retraite ien dwrW&M
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■ donner des preuves tres edifiantes. ^ft'V
|
en-
pro- |
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> Jamais rien ne fut ni plus chretien, chain
> ni plus genereux que ce que le feul
> motif de cette vertu lui fit entre-
■ prendre, il y a plus de 40 ans, pour
1 des OfHciers d'un Prefidial (de 1 Mortagne) pres d'etre condain* • nes au dernier fupplice fur l'appa- < rence d'un crime , dont prefque ■ tout le monde les croi'oit coupa-
1 bles, quoiqu'ils en fuffent inno- <'°) P- 575- . . li
Tome VII. 1
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194 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
» cens. La Providence divine l'ai'ant
>. amene a. la prifou ou ils etoient » enfermes, & on il n'alloit que pour » vifiter un de fes amis qui y etoit » detenu pour dettes, ils le rencon- » trerent par hazard , & lui raconte- v rent leur infortune j & un certain air « de fincerite qui paroiffoit dans leur » difcours , VtiSsnt perfuade de leur j> innocence, il ne lui en fallut pas da- s> vantage pour croire que Dieu l'en- " gageoit a fe declarer leur protecteur « contre les pourfuites violentes d'un s. homme puiifant, qui les accabloit » par fon credit. II le fit, il fe ren- » dit le principal & prefque l'unique » folliciteur de leur affaire , avecau- » rant &c plus de chaleur, que s'il s'y » fut agi de tout fon bien. Jit apres » des peines & des fatigues in- v croi'ables , il les tira de 1'oppref- '> fion par un arret, qui les renvoioit v abfous des crimes qu'on leur im- V pofoit. Mais il lui en pen fa couter » la vie : car il s'epuifa tellement le » corps & l'efprit a courir continuel- » lement chez les Juges , & a leur » parler avec fa force ordinaire, qu'il » lui en prit une maladie, qui le mit a » deux doigts de la mort, ai'ant rec,u le «, Viatique fans prefque aucune appa- |
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II. Partie. Llv. VII. 195
'»> rence d'en revenir. Notre-Seigneur '> dir que le plus grand effet de la cha- " rite eft de donner fa vie pour fes » amis. II l'a donnee pour des in- » connus , mais que fa piete lui avoit » fait prendre pour fes amis «. Ce feul trait , qui a pu faire ap-
peller M. d'Andilly un martyr de la charite pour le prochain , eft plus que fuffifant pour faire connoitre l'e- tendue de celle de ce ferviteur de Dieu. M. Arnauld en ajoute cepen- dant d'autres , fur-tout les fervices qu'il a rendus aux religieufes de F. R., en concourant au deiir de la mere Angelique pour retablir le droit d'e- lire rAbbefie \ en leur procui'ant la connoifTance de M. de S. Cyran \ en prenant part aux perfecutions qu'elles efTuierent. II n'oublie pas le fervice qu'il rendit a l'Eglife , en contribuant a faire elever a l'Epifcopat ce grand. Prelat (n)j qui remplit aujourd'hui 3 dit-il, toute l'Eglife de Vodeur de fa faintete. Enfin M. Arnauld finit l'elo- ge funebre de fon refpedable frere par ces belles paroles de S. Bernard, qui dans une femblable occafion avoit eu befoin d'oppofer la force de la foi a la foibleffe de la nature: » Que (11) M. i'Aiet.
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I $)£ HlSTOIRE DE PoR.T-K.01AL.
"~i6-74, » la joie de celui, qui nous etoit f\
s> cher en Notre Seigneur, tempers » la triftefTe de ceux qu'il a ladles » dans la defplation j & quelacpn- » fiance que nous avons qu'il eft avec « Diett, nous rende plus fupportar » ble la douleur que nous avons de 5) ce qu'il n'eft pasavec nous (12)". Nous ne nous etendrons pas davan- tage fur un fujet 11 vafte. Outre que nous avons deja parle de M. d'An- dilly en, differentes occauons, le 110m feul de ce grand homme fait fon elo-r ge, & furpaffe tout ce que nous en pourrions dire. De plus , le Ledteur peut confulter le Necrologe de P. R. ou il trouvera fon eloge & fon epi- taphe j le Journal des Savans du mois de Novembre 1675 '■> les Memoires de MM. Lancelot, Fontaine , du Foffe , ainfi que les Memoires ecrits par M. d'Andilly lui-meme, publies en 173 4, avec un Avis de l'Editeur a la tete, qui en prefentant le vrai portrait de ce grand homme, en fait l'eloge le plus parfait. txxxix_ j^a mort de M. de Gondrin, qui Monde M. .. . ' *1
dq Goadrin. avoit precede de quelques jours celle
(i») Temperet dilelii fiat nobis quod nobifcutn
gaudium mafiiiiam defo- non eft, aula cum ' D(& latorum, & tolerabilius eft. |
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II. Par tie. Llv. VIL itf
de M. d'Andilly , fat encore une perte 1S74.
pour les religieufes de P. R., & pour 1'Eglife de France. On a vu dans cette hiftoire Ion zele pour la defenfe de la dodrrine de faint Auguftin , les de- marches eclatantes qu'il fit pour em- pecher qu'on y donnat atteinte dans 1'afFaire du Formulaire; les mouve- mens qu'il fe donna pour procurer la paix de 1'Eglife; enfln les peines & les foihs infatigables qu'il prit pour faire jouir les religieufes de P. R.des a vantages de la paix. Auffi ces faintes ftlles le mettent-elles clans lcur Ne- crologe an rang des principaux amis & bienfaiteurs de leur maifon (13). » Deptiis leur retabliffement, il leur » temoigna toujours la meme afFec- » tion & le meme attachement, de- » mandant avec beauconp d'humili- » te le fecours des prieres de la com- » munaute dans le deflein qu'il avoit » de s'appliquer plus ferieufement a » fon devoir, & de quitter fa charge » paftorale , comme if en avoit eu la » penfee «. Comme les plus excellences quali- xc.
tes fe trouvent toujours dans cfette jA™£t™„ vie melees avec quelques defauts, on parM.dcsa- renrochoit a M. de Gondrin qu'il yrai- "' U)) Nccr. p. 37«,377-
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Ip8 HlSTOIRE DE PoR.T-S.OlAt.'
toir quelquefois fes Ecclefiaftiques
avec un peu de hauteur. M. de Saci , qui ne 1'ignoroit pas, & qui ne fa- voit ce que c'etoit que de flatter les Grands , le lui fit fentir dans la vifite qu'il lui rendit apres fa fortie de la Baftille (14). Ce Prelat impatient de voir de fes yeux les fruits de la paix qu'il avoit procuree a l'Eglife , s'etant rendu a Paris, M. de Saci ne man- qua pas d'ailer lui temoigner de vive voix fa reconnoilfance. Apres les pre- miers complimens,M.de$ens aiantfait tomber la converfation fur la conduite de fon Diocefe , M. de Saci lui parla de telle forte de la modeftie & de l'hu- milite que doit avoir un Eveaue . au'U en fut extraordinairement touche. De retour dans fonDiocefe,ilecrivit aM. I de Saci pour le prier de lui mettre par ecrit quelque chofe de ce qu'il lui avoit dit dans cet entretien j a quoi ce faint Ecclefiaftique fatisfit par une excellente lettre que M. Fontaine nous a confervee (15). II feroit a fouhaiter qu'elle fut entre les mains de tous les Eveques , & qu'elle leur fervit de re- gie de conduite. M. de Sens mourut a l'age de 5 5 ans dans le cours de fes (!4)Font. T. i. p. 387.
(15; Yoi'ez cetce Ictcic, iiirf.
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II. P A R T I E. LlV. Fit. H$
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-*m
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vifites,le 19 feptembre 1674, (icT).
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1674
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On fit pour lui un fervice a P. R. le
4 du mois d'octobre. Ge ne fut pas encore la les feules per- xci
tesquefirentcetteanneeles religieufes x^omthke^ de P.R. Sansparler de M. Champagne comte. {17), de M. duTartre , folitaire de ce Sa v'e' defert (18),de M.Pelletier de la Houf- faye (15)), la mort leur enlevaundes |
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• (i«) La mort de ce
Prelat eft marquee dans le Necr.deP.R. le ,s fepr. c'eft fa veritable date , comme l'Aureur des Me- moires hiftoriques l'a de- montte, dans un eclair- cinement qui eft a la tete de fon feptieme volume. , p7) M. Champagne eroit un Peintre celebre, natif de Bruxelles , pere dune religieufe de P. R., Sequel en toute occafion avoir defendu avec un fcle admirable les inte- nts de cette fainte mai- fon. Ilmourut age de?i ans.Ie u d'aout, & fut tnterre a S. Gervais. II avoit fait prefent de plu- teurs tableaux a l'abbaie de P.R. pendant fonvi- j'ant; & a fa mort il lui jfgua la fomme de tfooo !iv. C18) M. du tartre e-
«>i« un pratre de l'Ora- toire, nomine Noel le f"fr&i a Verneuil dans 'e Perche , qui Bpr& a. voir-rempU dans fa Con |
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gregation , des emplois
confidetables j £c s'etre diftingue par fes predica- tions , fe retira a P. R. 4 l'age de 72. ans, pour y vivre dans la penitence.... Apres 18 ans de retraite , il mourut le 8 de decexn- bre age de 96 ans, dans let plus vifs fentimens d'liumiiite. Cet efprit d'humilite 1'avoit fait def- cendre de l'autel les qua- tre dernieres annees de fa vie , &c lui fit demander A etre entetre fans ceremo- nie , comme un La'ic dans le cimetiere des domefti- ques. (19) M. lePelletier de
la Houffaye , Maitre des Reqtietes, Magiftrat re- comaiandable par fa pie- te & fon integrite , qui avoit rendu de grands fervices aux religieufes de P. R. en difterentes oc- casions , mourut le 9 dc- cembre , & fut enterre aux Feuillans de la rue faint Honore. Voi'ez deux lettres de M. Arnauld, i It
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iOO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
j 674. plus dignes fujets de la communaute,
6 une des douze vidtimes de la pre-
miere persecution , dans la perfonne de la mere Dorothee de l'Incarnation le Comte. Nee l'an 1610, elle eut le bonheur d'etre elevee a P. R., ou elle prit l'habit de religieufe le 1 5 novembre 1615 , & fit profeffion le 7 decemb re de l'annee fuivante.
Elle fut faite Ptieure de la maifon des Champs en 16 5 3 , & 'gouverna pendant fix ans. En 1660 on la fit venir a Paris, ou apres avoir ete d'a- bord Souprieure , elle fut elue Prieu- re en 1661. Elle donna dans l'une & i'autre maifon de grandes marque» defageiTe & encore plus d'humilite. Sa fermete a refufer la fignature du
Formulaire lui merita l'honneur d'e- tre du nombre des douze religieufes que M. de Perefixe arracha cruelle- ment en 1664 de leur maifon , pour lei reduire en captivite dans des mai- fons etrangeres. xc^•, ■ Quelque chere que lui fut la mai- la mete"Do- f°n de P. R. elle la quitta fans re- tothfe le gret & en fit de bon coeur le facri- T. 3, la iff: & i«i, fur des Touches foil oncle,
la more de ce Magiftrat; des difpolitions chreiien-
ce Dofteur, a qui ilavoic nes & 6difiantes dans lef-
fait une confeflion gene ■ que lies il etoit more*
ide, tend cpmptea M, |
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ll. Parti e. Liv. FIL to r
face a Dieu , parceque c'etoit pour 1674.
l'amour de fa verite qu'elle la per-- doit. Elle fortit avec une force & une paix fi fenllble que, s'il eut fallu aller a la mort, elle y feroit allee fans pei- ne. Avant que de fortir de l'Eglife, s'etant mife a genoux au milieu d'une foule de monde qui avoit accouru , elle fit tout haut cette priere : Mori Dieu j vous voie\ que c'efi pour l'a- mour de vous, & pour la crainte que j'ai de vous offenjer 3 queje fors j fai- tes-moi la grace de vous ttre fidelle _, & je vous promets de tnourir plutot que de rienfaire contre votre verite. Je prens pour timoin de la promejfe queje vous fais, route cette affemblee (2o).Lamere Dorothee de l'lncarnation fut con- duite le 16 aout par le Cure de Saint Jean le Rond , au monaftere des re- ligieufes de la Vifitation de la rue Montorgueil(n), dont la fuperieure nominee Guerin, dirigee par les Jefui- tes, etoitfort prevenue contre P. R. & avoit un zele des plus amers contre (10) Vo'icz la relatiou quelques manufcrits qu'el-
de la captivite de la mere le flic transferee dans un le Comte , dans I'hijloire autre couvent rue du des perfecutions des reli- Bac, cependant elle ne gieufes de P. R. vol patle point de cette tranf- irc-40 en 1755. part. i. p. lation dans la relation M1, 183. qu'elle a faitede fa cap- in J II eft dit dans tivite. I V
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iOl HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
- ■ '"* le phantome du janfenifme. Cela peut
' "*' faire juger de ce qu'elle eut a fouf-
frir dans cette maifon. La fuperieure ne ceflbit de la precher & de l'exhor- ter a la fignature. La prifonniere fa- tiguee de fes difputes, lui ecrivit une lettre pour lui expliquer nettement fes fentimens. Que nepuis-je3 lui dit- elle , vous exprimer ma repugnance & I'horreur que j'ai de cette fignature ! S'il n'y a que la mort quipuijfe men delivrer 3 je lafouhaite de tout mon cceur j & la demande a Dieu comme une grace ; car j'aimemieux mourirque de I'offenfer 3 & je croirois I'offenfer- grievement .,fije Jignois. Telle eft ma maniere de penfer. En confequence de cette lettre, que la fuperieure eutfoin de communiquer a M. de Paris, le Prelat refufa an ConfefTeur a la mere le Comte. xciii. Au mois de feptembre (le 27 ) elle k ^t"s j!t ent la viiite du Pere le Comte Jefuite, v. le comte fon coufin , qui n'etoit, dit-elle , ni jefuue. des plus habiles y ni des plus michans d'entr'eux. Cependant il lui etala rou- tes les maximes de la Societe , & lui debita tous les menfonges & les ca- lomnies ordinaires _, Julqu'a la fable de Bourg-fontaine. Ce Jefuite , apres avoir exhorte en vain fa coufine a la |
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II. Partie. Liv. VII. 203 ______
fignature , s'en alia fort mecontent. i 674.
Cette vifite fut fuivie de celle de M. l'Eveque d'Amiens , qui ebranla un peu la prifonniere par fes difcours, parceque c'etoit de tous ceux qu'elle avoit vus, celui qu'elle avoit trouvi It plus raifonnable & le plus moderi fur la fignature ; & depuis cette epo- que elle commenca a perdre le repos d'efprit, & a entier dans l'inquietu- de touchant la fignature. Au milieu de fes fraieurs on lui annonce que M. l'Archeveque de Paris, qu'elle crai- gnoit extremement de voir , la de- mande. Elle vient au parloir _, route troublee, & ecoute les difcours du Prelat, qui lui dit entre autres cho- fes, pour l'engager a figner, " que » puifque la doctrine de Janfenius ne » plaifoit pas au Pape & qu'il 1'avoit » condamnee , 11 falloit la condam- » ncr bonne ou mauvaife «. Quelques jours apres (10 o6tobre) elle ecrivit a M. de Perefixe une lettre i ou elle lui marquoit, qu'entre autres raifons qui l'empechoient de figner, elle etoit prin- cipalement arretee par la crainte de condamner la dodrine de S. Auguftin en foufcrivant a celle de l'Eveque d'Y- pres. Cette lettre qui ne contenta pas M.
1 vj
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204 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1674. de Paris , fut pour la mere le Comte
XCIV elle-meme unnouveau fujet de peine
Elk ccrita par la crainte qu'elle eut qu'on n'en
M. deParis. En plus irr.^ contre uu Je p R ^
en les accufant de lui avoir infpire ces
fentimens, & que fes fours ne fuf- fenr plus maltraitees. Elle fe tranquil- lifa de ce cote-la par une feconde let- tre qu'elle lui ecrivit (11) j mais elle ne fut pas plutot delivree de cette pei- ne, qu'elle retomba dans d'autres pour le moins aufli fenfibles. Elle fut extre- mement affligee par les nouvelles fa- cheufes qu'elle apprit que la four He- lene avoit ligne , & par le bruit qui courut peu a pres que la mere Agnes etoit prete a le faire. Connoiflant fa foiblefle, elle craignoit qu'il ne lui en arrivat autant. La Superieure avoit grand foin de l'informer de ces nou- velles j en quoi ,fi elle a eu intention de me donner un coup mortel, dit la mere le Comte, j'avoue qu'elle a riuf- fi. Les reflexions qu'elle fit ace fujet, la conduidrent jufqu'a demander a Dieu que la mere Agnes mourut; car, ajoute-t-elle , je I'aurois beaucoup mieux aime voir mourir que defigner. Cette pauvre prifonniere etoit dans
des allarmes continuelles par la crain- (11) Voi'ez cette kttre ibid. p. ijii
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II. Part ie. Liv^VII. 105
te de quelque vifite de M. de Paris. 1 (,-)*, Je n'etois , dit-elle , pas plutot xcv# eveiliee que je penfois a Monfei- ses allarmesr gneur. lime prenoit alors un ba- g*£,££!£ tement de cceur , & j'etois faifie m. de Paris5 de crainte comme de triftefle , de ne favoir comment je pafferois la journee , fi je verrois M. l'Archeve- que , ou fi je ne le verrois pas , II je tiendrois bon contre lui, ou fi je ne m'aflfoiblirois pas jufqu'a faire quelque chofe contre ma confcien- ce. Dans cet etat violent je recou- rois a Dieu , & me jettois entre fes bras, lui demandant inftamment qu'il me protegeat & qu'il m'ailifi- tat dans tous les momens du jour que j'allois palfer, & qu'il ne per- mit pas que je fifTe rien qui put lui deplaire. La trifteife m'avoit fi fort abbatue, que j'etois comme n'etant plus de ce monde.... Je metrouvois neanmoins bien confolee, lorfque je regardois la caufe pour laquelle je fouffrois. Je la trouvois fi jufte, fi belle , fi glorieufe, & fi fort au- defTus de la condition de pauvres religieufes comme nous, que je m'aneantiflbis quuid je penfois que Dieu avoit appelle la maifon de P. R. d fa defenfe. Je n'avois point |
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lo6 HlSTOIRE DE PoRT-HOlAI,.
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KJ74. " d'efperance de revoir cette chere 8c
» fainte maifon.
xcvi. Le redoutable Prelat vint le 2$ Tkwkvok! )an^ier I(^5 . accompagne de M. de
Soifions , 8c eut avec la prifonniere un long entretien , dans lequel il rebattit cent fois a fon ordinaire les memes chofes , 8c declaim beaucoup contre M. Arnauld , jufqu'a le traiter d'here'tique. II parla enfuite a la com- munaute qui etoit prefente , 8c il dit qu'il vouloit les venir voir fouvent; ce qui me fit grand peur _, dit la mere le Comte , car j'apprehendois beau- coup fes vifites. Elle fe mit alors dans un coin de la grille , & tournee vers la muraille, elle expofoit a Dieu fa douleur & fa confufion , le priant de fecourir fon ame plongee dans l'afflicHon & l'humiliation. Quoique M. de Perefixe traitat fort mal cette vierge chretienne , neanmoins il lui difoit toujours : fur- tout prie\ hien Dieu pour moi. Apres cet entretien, la Superieure eut la durete de maltrai- ter elle-meme la mere le Comte, qui etoit fi foibjle qu'elle ne pouvoit plus fe foutenir. Accablee de fatigues & de douleur , elle alia fe profterner devant le faint Sacrement, 8c ofFrit a \12) p. 156, col. i.
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II. P A r i i e. Liv. FIL toy
Dieu toutes fes peines. Elle fe repro-
cha apres cette vifite de n'avoir pas afiez parle centre la fignature, & de n'en avoir pas autant temoigne d'e- loignemenr qu'elle devoit. Cepen- dant M. de SoiiTbns fur eronne de fa fermete. Depuis ce jour , fes in- quietudes augmenterent , par les re- flexions qu'elle fit fur une nouvelle Bulle qu'on attendoit de Rome. Mais- ce qui y mit le comble, fut qu'elle commenca a douter fi elle devoit s'ex- pofer , comme le lui avoir dit M. de Soiflbns , a etre martyre pour un fait. Elle n'avoit aucun doute qu'elle ne dut plutot tout fouffrir que de figner, fi la fignature etoit un mal •, mais elle n'etoit pas bien afsuree que e'en fut un. Au milieu de ces agitations, la caufe de P. R. ne lui paroi^bit plus fi bonne , & elle n'avoit plus tant d'horreur de la fignature. Elle pnoit Dieu cependant de lui faire connoirre fa volonte , & de dilfiper par fa fainte grace tous les nuages qui obfeurciffoient fon efprit. Sa plus gran- de peine etoit de ne pouvoir con- fulter perfonne. Enfin elle fechoit de douleur , & elle ne pouvoit plus ni manger ni dormir. Elle avoir une image de Jefns-Chriffc |
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108 HlSTOIRE DE PoRT-RClAX.
1674. au defert , devant laquelle elle fe
x'vn. niettoit a genoux , &: s'offroit avec
situation de grande confiance a notre Seigneur
la mete le ° 1 * '
comtc dans qiu a voulu etre tente, pour nous
facaptivitc. meriter la victoire dans nos renta- tions. Elle demandoit a Dieu avec larmes de mourir plutot que de tom- ber dans un auffi grand malheur, que celui d'etre abandonnee a la tenta- tion. » C'eft une etrange peine , dit » cette religieufe reduite dans un fi » trifle etat, de fe voir ainfi expofee » a routes ces tentations, fans pouvoir » les decouvrir a un fage Direcleur , » qui les difliperoit par fes bons avis. » Je penfois quelquefois a cette pa- » role de l'Ecriture : malheur a celui » qui eft feul, & j'en etois effraiee. }> Mais je regardois la providence » de Dieu, qui m'avoit mife dans " cet etat ; & je cro'iois devoir m'y » foumettre , perfuadee qu'il me fer- " viroit lui-meme de pere , de di- « recleur & de confeffeur. J'avois » toujours l'idee terrible du juge- » ment de Dieu, & de cet etang de w feu & de fouffre que j'avois mis a j» la parte de cette maifon , afin que » 1'envie de figner ne me prit pas » pour en fortir. Quelquefois je pleu- « rois & gemillbis fi haut, que les |
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II. P A R T I E. L'lV. FIL i6<> •
» religieufes m'entendoient & l'al- 1674*
>» loient dire a leur mere , qui ne ,j sen inquietoit gueres «. Telle etoit la fituation de la mere le Com-' te dans fa captivite. En efl-il de plus trifle , de plus penible a la nature, 8c de plus accablante ? falloit-il pour triompher de pareilles epreuves , tine grace moins forte que celle qui a fait triompher les martyrs des fuppli- ces les plus rigoureux ? malgre tous ces doutes 8c toutes ces peines , la captive fentoit au fond de fon cceur , une joie & une confolation que Dieu y repandoit pour la foutenir. Cependant fes doutes continuoient
toujours. Elle etoit fur-tout troublee de la crainte d'etre toujours exco'tn- muniee , 011 traitee en excommuniee. Elle ne pouvoit fe refoudre a pafTer fa vie fans cuke exterieur , fans c^re- f monies , fans facremens, fans com-
munication , fans direction, fans con- folation, & elle etoit toute prete a figner , dans l'incertitude meme s'il falloit le faire. Oubliant la promefTe qu'elle avoit faite avec fes fceurs de ne faire aucune demarche rant qu'el- les feroient feparees , elle concut un projet de lignature ; par lequel elle declaroic » qu'elle condamnoit fin- |
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110 KtlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
1674. » cerement les erreurs condamnees
» par les fouverains Pontifes j & que
» quant au fait, elle promettoit fou-
i>> miflion, refpect & filence comme
» fille de l'Eglife ■> & qu'elle deiiroit
» que fa fignature rat un temoignage'
» qu'elle vouloit vivre & mourir
» dans la foi de la dodhrine qu'elle
« enfeigne a. fes enfans ; que s'il y
>• avoit dans cet a&e quelque faute
h que Dieu vit & qu'elle ne conniit
» point, elle le declaroit nul &c fans
» effet, n'ai'ant pas deffein de blefTer
» la verite , pour laquelle elle eut
>> voulu etre digne de mourir. Elle
i ° r
» croioit qu en promettant cette lou-
» million, comme fille de l'Eglife, elle
" evitoit de la rendre criminelle &
» qu'on s'en contenteroit. Elle pen-
» foit encore qu'avec la claufe qu'elle
« y mettoit, elle pourroit fignerfans
« difficulte.
xcvnt. Elle ecrivit a M. de Paris pour lui
T/E!!clcrit«ademander M. Charhillard, qui ac-
& demaiide courut aulii-tot, croiant qu 11 s agu-
M-^chamil-foit d'une fignature. Il fut fatisfait du
projet, & dit que c'etoit ce qu'il avoit
toujours defire. Alors la mere le
Comte commence a s'en defier. II
fut oblige de s'en retoutner fans avoir
rien gagne : il revint peu de jours
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........... ' " ■
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II. Part ie. Liv. Fit. ill
apres, & dit a la captive,que M.l'Ar- I6i±i cheveque viendroit inceffamment re- cevoir fa fignature , ce qui l'affligea beaucoup. Elle demanda a Dieu par rintereeffion de faint Francois de Sa- les , qu'iZ lui fit la grace de mourir plutot a'ix pies de M. V Archeveyue j que de permettre que l'autorite" de ce JPrelat, ou fa propre foibleffe l'entrai- nat a faire quelque faufTe demarche : je ne favois \,lus 3 dit-elle , a quel faint me vouer. Ce flit encore vers ce terns, qu'elle recut une lettre de la fceur Gertrude , comme elle l'avoit defire, pour apprendre d'elle les raifons de Ion changement. Enfin, elle fut aflfoi- blie au noint de croire nendant deux
.. j . r . . ... -... . r. . .,.
jours qu'elle pouvoit figner; & elle
dit a la Superieure que fa confcience lui permettoit de le faire , pourvu qu'on lui accordat les furetes qu'elle demandoit. Cependant elle n'avoit rien de fixe dans Pefprit. Elle eut un entretien avec M. Aubron Confeffeur de la maifon , dont elle ne tira d'au- tres lumieres, que d'apprendre par experience la grande difference qu'il y avoir entre lui & les Confeffeurs de P. R. Elle etoit done toujours dans la
peine, nefachant que faire touchant |
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211 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL
jgy . "~ cette miferable fignature. » Et de plusV
XCIX » dit-elle , je fouffrois horriblement
Etat aftieux » d'etre tous les jours dans l'attente de
il -, 'fes^pe'i- " M- 1'Archev. que je n'etois pas pour-
*cs d'efprit. » tant fort empreflee devoir.Je ne puis
>* dire dans cjuelles agitations & quel-
» les inquietudes j'ai palle lesioou
» 12 jours que j'ai ete a l'attendre.
» Le cruelfupplice! j'etois dans des tran- •
» fes mortelles a. Si M. de Paris avoit
ete un vrai pere , en qualite de Paf-
teur , auroit-il occafionne de fi gran-
des fraieurs a une vierge chretienne ,
qui attendoit, ou plutot qui redou-
toit fi fort fa vifite ? On annonca
a la prifionniere que M. l'Archeveque
viendroitle famedi.» Ce futpour moi,
» dit-elle , un coup de foudre, & je
» n'aurois pas tant fouffert, fi 1'on
» m'avoit annonce que je mourrois
» famedi apres diner j oupourmieux
» dire , j'en aurois eu de la joie «.
Les difpofitions de la mere le Comte
font bien exprimees dans une orai-
fon (24) qu'elle ecrivit , lorfqu'elle
(14) 55 Jefus - Clirift 35 Vous, fouverain p6n-
55 moil Sauveur & mori 35 tife de mon ame , 8c
55 boil Pafteur, vous voi'ez 55 l'unique temoin de ce
a; mon affliftion Sc mon 35 qui le palle dans moil
3) extreme neceflice , que 35 cceur. Vous y voiez
35 je fuis feu'e abandon- 3) ce que vous yavez mis 1
35 nee, fans confeil, & 33 la crainte de vous of
» fans fecours, que de 33 fenfer dans cette fa-^
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II. Parti e. Liv, VII. 11 $
ji'attendoit que le moment de 1'arri- T<jj^, vee de M. l'Archeveque. Elle etoit |
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si cheufe occ a/ion , oil
5) je fuis combattue des f- deux- cotes. Je crains 3) de Welter la verire &c 33 la charite en faifant ce 33 quelePape & monAr- 33 cheveque m'ordonnent, 33 parceque j'ai bien des 53 fujets de croire qu'il y 33 a ciu mal en ce qu'ils 3) me commandent. D'un 33 autre cdte je ciains 33 d'encourir l'exconamu- 33 nication par ma defo • 3> beidance. Mais vous 33 favez, Seigneur , que 33 je ne refute d'obeir , 33 que parceque je doute 33 que vous me le per- 33 mettiez. Voi'ez done le 33 peril qui m'environne 33 de toutes parts. Soi'ez ?s vous-meme mon guide, 33 mon confeil, & ma lu- 33 miere.Secourez-moiau- 33 jourd'hui , & mettez- 33 moi dans le cceur ce 33 que je dpis faire dans 33 cette extremite. Ne me 33 laiffez point perir, moi . 33 qui fuis votre pauvre 33 brebis denuee de tout 33 fecours&de route con- j; folation, finon de vous, 33 6 mon divinPafteur. Ne 33 permertez pas que je 33 fade rien en ce jour, « qui me prive de votre 33 grace &'me fepare de 33 vous. Je vous fais de 33 tout mon cceur le fa- 33 crifice de ma vie & de 33 ma raifon , fi vous |
33 voulez bien m'orer
33 1'une ou l'autre , pour 33 me reduire dans l'irn- 33 puiflance de tranfgref- 33 fer vos faints comman- 33 demens ; accordez- 33 moi, 6 iuon Dieu , 33 1'une de ces deux cho- 33 fes, fi e'eft votre fain- 33 te volonte que je vous 33 fade cette priere. Vous 33 voi'ez qu'elle part d'un 33 cceur afflige Sc preffe de 33 tous cotes. Ne foufFrez 33 pas que perfonne rn'ar- 33 rache de vos mains fa- 33 crees , 6 mon bon Paf- 33 teur , puifque vous 33 nous aflurez dans l'E- 33 vangile , que nul ne 33 ravira les brebis qui 33 font dans votre main 33 tome puilTante. Car 33 j'ai confiance que je ,, fuis par votre grace 33 du nombre heuteuxde 33 ces brebis que vous 33 connoiiTez , que vous 3) appellezpar leurnom, w cV pour lefquclles vous 3> donnez votre vie. Ces 3) bienheureufes brebis 33 entendent votre voix & 33 vous fuivent- Parlez ,, done aujourd'hui 4 „ mon cceur d'une ma- ,, niere ' qu'il entende „ votre voix , qu'il con- ,, noiiTe votre volonte, „ & qu'il la fuive main- ,, tenant & a jamais ,, Ainfi foit-il. |
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2J 4 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
' 1674. ~* ^ans un ^tat ^ pitoiable , qu'elle pou-
voita peine tenir fa plume. Elle avoit l'efprit, le cceur & le corps fi abba- tus , par la crainte & la trifteffe, qu'el- le etoit plus morte que vive. II fait-' droit, dit-elie , m'avoir vue pour le eroire. c Le Prelat fi redoute arriva au jour Vifite de M- / r 1 •
de Paris. Elle marque , comptant lur ce que lui
xefufe de fi- avoit fait efperer M. Chamillard , |
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goer
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qui triomphoitde mafignature, dit-elle,
avant que de la tenir. Apres l'entretien, qui fut long , M. de Perefixe deman- da a la prifonniere li elle ne vou- loit pas figner ce jour-la j a quoi elle repondit qu'elle n'y etoit pas bien difpofee. La Superieure du monaftere avoit tout prepare pour la ceremonie, elle avoit taille elle-meme la plume _, avec laquelle elle avoit dit a la mere le Comte qu'elle devoit figner \ ce qui l'avoit fait reculer de quatre pas 6* jetter un grand cri. Mais tous les }>reparatifs furent inutiles j malgre
es inftances de la Superieure , que le Prelat avoit fait venir, laquelle preffoit pour qu'on la fit figner a I'heu- re raeme, dijant que c'etoit une bonne chofe & qu'il ne falloit pas la differer j la fignature ne fe fit point. La mere le Comte declara im.. de Paris quel- |
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|ii II. P A R T I E. L'lV. VU. il 5
le ne pouvoit point la faire ; elle
ajouta » qu'elle avoit beaucoup prie v pour cela , & que dans la crainre » qu'elle avoit d'ofFenfer Dieu en » fignant, elle lui avoit demande pal- s' l'interceflion de faint Francois de « Sales de mourir a £es pies , fi elle » devoit 1'offenfer en iignant. » Je » crois j continue la mere le Comte, » qu'il en eut peur _, car il dit ailez » promptement : Ceft pourquoi il ne » le faut pas _, je reviendrai un autre » jcur, J'echappai ainfi de ceteffroia- » He danger par la mifericorde de » Dieu j que nos faeurs avoient atti- » ree fur moi par leurs prieres. Apres cette vifite, elle ne fur pas
plus tranquille qu'auparavant j fes , doutes fur la fignature continuerent \ elle forma meme un nouveau projer, felon lequel elle auroit confenti de figner 5 c'eft-a-dire, fi on lui avoit permis d'ajouter ces mots, fauf la veriti j ou quelqu'autre claufe fem- blable. Ce qu'il y a de plus etonnant, c'eft qu'elle regardoit la fignature comme le caraclere de la bete, elle en avoit une horreur qui ne paroijjbit pas naturelle _, & cependant elle ne pou- voit pas s'aflurer qu'il ne fallut pas la faire. |
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II 6 HlSTOIRE DE PORT-R01A£.
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* .,„ Les cruelles & violences agitations
dont ion elprit etoit ague, & qui
Elle prend auroient du le lui faire perdre cent
la rifoiution f0ls „our une Comme elle le dit, fe
tie ne pointJ,. ~,L r . ir \ •
figner. Tou dilnperent enfan par la reiolutioip:
test" Pdnesqu'elle prit de ne point Signer, quoi qu'il en put arriver. En confequence elle ecrivit a M. l'Archeveque , afin qu'il ne prit pas la peine de revenir, & apres cela elle frit tres tranquille, n'ai'ant1 plus ni doutes, ni peines , ni fcrupule. La Superieure & la com- munaute, qui s'etoient flattees qu'elle figneroit , & s'attendoient a. chanter un Te Deum en actions de graces d'une pretendue conversion qu'elles auroient attribute a leur faint Patron, furent extremement indignees de la resolution qu'avoit pris la mere le Comte. en. Apres tant de peines & d'agita- tiie tombe tions, elle tomba malade. Dans les
acces de fievre, elle revoit fouvent, & tous fes reves ne rouloient que fur la Signature qu'elle| avoit eue 11 fou- vent dans la tete. Elle prioit Dieu en revant de ne la pas lamer fuccomber a la tentation. L'ceconome qui la gar- doit , en etoit touchee , & lui temoi- gnoit de la companion. Aux appro- ches de la fete de Paque, elle crut devoir
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II. P A ft. T I E. L'lV. VlL ZI 7
—■ I .1-11 —
idevoir ecrire a M. PArcheveque, pour J ^74'
lui demander la permiffion de com- munier , quoiqu'elle fut bien per- fuadee qu'elle n'obtiendroit rien. La Superieure voiant qu'elle ne commu- nion pas, lui en faifoit des repro- ches, fur-tout aux grandes fetes, qui devenoient pour elle des jours d'af- flidtions. Les religieufes , fuivant Pexemple de leur Superieure , la re- gardoient comme une.excommuniee iiir-tout depuis Paque. Cette priva- tion & ces traitemens etoient pour elle un fujet de gemilTemens & de larmes. Quelques-unesavoient cepen- dant quelquefois pitie en la voiant pleurer. Plus d'une fois elle fut obli- gee de fortir du choeur, ne pouvant retenir fes larmes & fes foupirs. La Superieure la preflant un jour cirr.
delui en dire le fujet, elle lui ditt>sd'S?fr que c'etoit qu'on lui demandoit Jon gard de la ame en voulant la faire figner; ce qui ^^jju. la choqua beaucoup. Cette bonne mere, qui ne manquoit pas de lui apprendre toutes les mauvaifes nou- velles _, lui fit part de la Bulle d'A- lexandre VII. Elle fa acheter cette piece pour elle; car c'etoit la de fes faveurs _, dit la mere le Comte. Je lus done cette Bulk,, ajoiite-t-elle , & Tome FII. K
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II 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,
fien fits effraiee , mais en meme-tcms
je fius fort confioUe d'y trouver de quoi me fortifier contre mes domes 3 & de voir qu'il n'y ayoitrien dfaire que de mourir plutot que de lafigner. Je rentrai en bonne confidence dans ma premiere averfion de la fignature } & toute ma haine fie riveilla contre elle, Me fien- tant ple'ine de force _, je rn'en allai a. vipres m'ojfrir a Dieu pour fbujfrir & mourir avec joie } afifiurie qu'il ne refi toit plus d'autre parti que celui-ld. Elle flit en paix & plus tranquille depuis ce terns-Id, Le 24 de mai M. Chamillard vint
lui faire lecture du nouveau Formulai-? re, & voulut le laifTer j mais elle le pria de le remporter. II lui propofa de voir M. du Hamel, mais elle le refufa. II lui propofa enfuite M. le Vicaire de S. Medard : etonnee, mais ravie de cette offre , elle l'accepta auffi-tot. Cet Ecclefiaftique, qui, com- me nous l'avons deja vu , ayoit cou- tume de faire deux perfonnages , ce- lui de M. l'Archeveque, puis le fien propre,voulut d'abord lui faire peur de l'excommunication j mais vo'iant que cela ne l'effrai'oit pas, il changeade ton , depofa le perfionnage de feduc- teur, & parut un vrai Pritre de Jefius^ |
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. II. Par tie. Liv. VII. x\$
Chr'ifi. II lui parla avec fincerite _, en- l (,-ia^
tra dans fes femes & dans fes Jenti- tnens. Elle etoit u" furprife & fi ravie de l'entendre, qu'elle s'ecria comme dans un rranfport : Monfieur_, vous etes un ange que le bon Dieu tn'a envo'ie. II lui dit des nouvelles des amis &c de tout ce qu'ils avoient fait pour la verite ; ce qui la confola beau- coup. Elle eut bien fouhaite que ce Vicairela confeflat, mais il lerefufa. Elle le chargea de dire a M. de Paris qu'elle ne penfoit point du tout a* Signer , & de lui en oter route efpe- rance, s'il l'avoit. II s'acquitta exacfe- ment de cette commiilion. La mere le Comte regarda cette vifite du Vi^- caire de faint Medard, comme im trait de la providence de Dieu fur elle, par rapport a ce qui lui arriva dans la fuite. M. l'Archeveque lui ai'ant fait de- ctVi
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M. dc Pan*
tend ml
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mander le jour de la Trinite, par la
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Superieure, II elle etoit Men conteme piege
d'avoir communii , elle ecrivit au qu'^h"iuJ Prelat pour avoir l'explication de cet- fait, te enigme. Elle eut pour reponfe, qu'il lui feroit favoir fes intentions par M. de la Mothe. Sur les propo- sitions que lui fit cet envo'ie, elle ecri- vit ce billet: » Comme je n'ai jamais K ij
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ij<3 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
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**i(j^ » eu , par la grace de Dieu, d'autr*?
» difpoiltion a l'egard de la fignatu- !> re, que de fuiyre favolonre, je » puis affurer avec fincerite que je » fuis dans la meme difpoiltion , & » que je defire de prier Dieu plus que » jamais durant ces trois mois, de « faire routes les communions & « tout ce que Dieu me fera la grace « de faire de bien , pour me rendre t>» digne de connoitre fa fainte vo- »> lante & de la faire ««. M, de Paris fit reponfe que ce n'etoit point la ce qu'il demandoit, & que pour etre retablie dans l'ufage des facremens, il fallqit qu'elle lui promit fincere- roent qu'elle fe tiendroit dans I'in- difference & dans I'mdetermination 3 & qu'elle ne feroit point diterminee a nepointfigner. Elle fat fort embar- raflee fur le parti qu'elle prendroir j Kouvelle ^ enfin q\\q [q determina a promettre qu elle ne le determineroit point pour ou contre la fignatare j mats pour ce qui etoit de I'indifference t elle ajouta qu'elle ne pouvoir point 1'avoir , tant qu'elle croiroit qu'il y avoit du pechc a figner , ne pouvant etre indifferenr te a. orTenfer Dieu. Le Prelat vint en- fuite, & fur Pexplieation qu'il lui donna de ce qu'il entendoit par in- |
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II. Partie. Liv. ril.; iVf ,_____
difference , & lui ai'ant fait voir une T/-_. '''
iettre de la mere Agnes qui promet-
toit cette indifference , elle crut pou- £llc promet
• rr r\\ i ■ ■ d'etre dans
voir la promettre auiii. Jille ecrivit,frndifeeB.
quoiqu'avec peine, quellepromettoitci- jmcerement d'etre dans les fentimens qui etoient expritnis dans la Iettre de la mere Agnes , touchant lafignature* II n'en fut pas trop fatisfait, & lui dit qu'elle avoit bien mal ecrit , quoi- qut'elle Ie fit bien quand elle voulokj qn'il voi'oit bien qu'elle ne faifoit pas cela trop volontiers : fur quoi elle repliqua, que tout ce qui regardoit la fgnature lui jaifoit peur. II y a biett de quoi , repliqua le Prelat, qui en- fila enfuite fes raifonnemens rebattus, & refutes tantde fois fur la ftgnature fore & fimple. II la pria de figner,
appellant fa pauvre enfant; lui di- fant qu'"d I'en conjuroit en fe mettant a fes pies _, a quoi elle ne repondit que par un grand etonnement. M. de Paris lui promit enfuite de CV.
lui envoier le Vicaire de S. Medard , ies peines i qu'elle lui avoit demande pour Con- caufe £e Ia £ rr r-> -i J * l> •• promefle de
refieur. Lomme 11 tarda a 1 envoier, riadifRren-
fes peines recommencerent: elle eut ":„ , une cravnte terrible d avoir ojjenje JJicu ciire de f fac dans cette occafion ; cette fraieurl'qffli- M(=dard. gea Ji fort qu'elle la riduifit dans un K iij
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Lit HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i (J74. etatpitoiable. Je ne favois quej"aire jdit-
eile, dans cette occajlcn^ oil j'ai eprou- ve plus que je ne Vavois fait 3 la durete & I'extremite de maprifon } ne pouvant ni parler a perfonne 3 ni fupporter la vue de ma fame 3 qui peut-itre me fe- paroit de Dieu ; ce qui me reduifit dans un tel itat 3 queje me faifoispeur a moi- meme s & queje me voids prete a corn- ier dans le defefpoir. Dans cet etat, elle fe rappella ce
qu'elle avoit oui dire a, M. Singlin a'un Hermite , qui apres avoir com- mis un crime fut tente de defefpoir , & qui pour tromper le Demon qui le tentoit, fe dir a. lui-meme qu'iln'a- voit pas fait de crime , & fe conduifit a fon ordinaire. Elle expofa fa peine 8c fa crainte a Dieu, & le pria qu'il lui permit de faire le meme ufage de cette faute qu'elle ne pouvoit voir fans un trouble extreme,& qui la mettoit dans line telle extremite qu'elle ne pouvoit repondre de ce qui pouvoit lui arriver. Depuiselle fut un peu plus tranquille. Mais voiant que M. le Vicaire de S. Medard n'arrivoit point, elle ecrivit a M. de Paris. La letfre eut fon effet, le Vicaire arriva le 20 juin , leva fes peines , la confefla & lui dit de com- munier le lendemain, & dans la fuite |
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II. Par Tim Liv. FIT. li} _______
felon fa devotion. Elle communia 1674.
le jour de la S. Jean pour la fecon- de & la derniere fois. Ce bdn Eccle- liaftique voulut bien encore fe charger de remettre quelques petits papiers qu'elle lui donna pour des amis, & de parler pour elle a M. de Paris. II s'acquitta exa<5tement de certe com- miilion , ai'ant remis fidelement les papiers , & a'fant reprefente" avec force au Prelat toutes les peines de conf- erence de cette vertueufe fille qui etoit en danger de tomber nialade, & de foum'ir quelque derangement dans l'efprit, ai'ant une crainte ex- ceffive d'ofFenfer Dieu, & rt grande, Quelle avoit dte riduite a demander k T>ieu plufieurs fois qu'il lui fit perdre ou la vie ou I'ejprit, afin de n''itre plus en itat de VoWenfer par la x(ignature qu'on lui demandoit, & pour laquelle elle dtoitji fort perfecutde. Le Vicaire dit tout cela a M. de Paris , qui y eut egard, & le pria de faire pour la confolation de la prifonniere tout ce qu'il pourroit, de Taller voir aufli fou- vent qu'elle le defireroit, de lui dire de ne fe point mettre en peine , de prier Dieu pour lui , & qu'il la ren- verroit bientot a P. R. Huit jours apres il lui apporta des
K iiij |
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ii4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI?
1 X$1A reponfes des amis,quin'approuvoient
point Vindifference qu'elle avoit pro-
Service que mife , quoiqu'ils fuflent perfuades que
Vicairend " ^"on intenti°n n'etoit pas d'etre indif-
ferente a figner , ou a ne pas figner le Formulaire , mais feulement de n'c- tre point dans Pentetement qu'on leur imputoit. lis lui marquoient la ma- niere dont elle devoit s'expliquer avec M. de Paris, arm qu'on n'abu- sat pas de ce qu'elle avoit promis , pour maltraiter fes fceurs. Elle entra dans leurs vues , & admira la provi- dence de Dieu fur elle, qui lui avoit procure la vifite de cet Ecclefiaftique qui l'aflura encore qu'il avoit parle a M. de Paris d'une maniere qu'il n'at- tendoit rien d'elle pour la fignatu- re j ce qui lui fit beaucoup de plai- fir. La mere le Comte, apres avoir re-
rnercie Dieu de fa conduite fur elle , &; de ce qu'il l'avoit fecourue dans un fi preflant befoin par une voie qu'elle n'eut jamais ofe efperer, ne penfa qu'a reparer fa faute, & a en chercher les moiens. Elle commenca par s'abftenir de la communion, puis elle ecrivit a M. de Paris pour lui ex- pliquer quelle avoit ete fon inten- tion en lui promettant I'indirfeience. |
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II. P ARTIE. Uv. VII. 215
Elle commencoir fa lettre par remer- 1 (J.74.
cier le Prelat de lui avoir envoie M. le Vicaire de S. Medard, & de la pro- mefTe qu'il lui avoir faire de la ren- voi'er a P. R. puis venanr au fair, elle ' lui declare quelles onr ere fes inten- tions en s'engageant a I'indifference. La promefle de M. de Paris ne , ,?,VI1' „<
, r . r rf. T , Sadelmance, tarda pas a avoir Ion ettet. Le 3 de
Juillet, fur les fix heures du foir, on annonca a la prifonniere l'agreable nouvelle de fa delivrance : la joie qu'elle en eur fut aufli grande a pro- portion que fes douleurs palfees 5 8c elle regarda ce moment comme une image de celui que nous attendons f>ar la mort, qui nous fera entrer dans
a joie du Seigneur , apres qu'il nous aura fair la grace de lui etre fideles jufqu'a la fin. Ce fut M. TOfficial qui alia la prendre pour la conduire chez les Filles de Sainte Marie de la rue S. Jacques, d'ou elle partit le lendemain pour aller fe reunir a P. R. avec des meres & des fceurs qui lui etoient fi cheres. Nous avons rapporte ailleurs de En^™an_
quelle maniere fe fit cette reunion , de pardon 4 & les edifianres circonftances dont lfllufdeTs- elle fut accompagnee. Depuis le re- tie affoibHe. tour de> la captivite, la mere le Comte K v
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A2<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAX.
continua d'edifier fes fceurs comme
elle avoir fait auparavant. Lorfqu'elle en vit quelques-unes demander peni- tence pour la faute qu'elles avoient faite en fignant le Formulaire, d'au- tres s'humilier profondemenr en a- vouant qu'elles avoienr donne des marques d'affoiblifTement; a l'exem- ple des dernieres elle demanda par- don a fes fceurs de Pinquietude qu'elle leur avoit caufee , aiant paru affoi- blie au fujet de la fignature j & te- moigna que c'etoit a leurs prieres qu'elle eroit redevable de la grace que Pieu lui avoit faite de la tirer du peril, &c de lui conferver la. vie de 1'ame , comme il lui avoit deja confer- ve celle du corps par Peffet de leurs prieres. Quelque terns apres , elle fit, ainfi que les autres fceurs qui avoient ete prifonnieres, une relation de fa, captivite (25) , qui eft tres edifiante: & peut-etre celle de toutes, 011 Ton voit le plus fenliblement a quelles extremites ont ete reduites les reli- gieufes de P. R. dans leur captivite* , & a quoi on expofe de pauvres filles en les traitant d'une maniere fi bar- (ry) Certe relation, qui toire dts perficutions des
n'avoit point encore pa- religieufes deP.R.y inf- ill , fe trouve dans Vhif- primie en 1753« |
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II. Par tie. liv. Vlt til
bare & ficontraire a l'efpritduChrif- 1674.. tianifnie. Elle acheva cere relation le ii novembre 1665. M. Arnauld en ai'ant eu communication en fut t-res fatisfait, & lui ecrivit a ce fujet une tres belle lettre fur les epreuves qu'elle avoit efTuiees, & fur celles auxquelles elle pouvoit encore etre expofee dans la fuite (16). Au mois de Septembre de l'an 1674 cix. _
elle fut attaquee d'une maladie, dont m^^rn" on jugea bientot qu'elle ne releveroit fa moit. point. M. Grenet Cure de S. Benoit, fuperieur de la maifon , lui adminif- tra les Sacremens. Quoiqu'elle eut ete elevee dans l'iniiocence dans la mai- fon ou elle eut le bonheur de fe con- facrer , & que fa vie eut ete tres fain- te , elle temoigna de grandes frai'eurs aux approches de la mort, & elle di- foit avec beaucoup d'humilite a M. de Sainte Mar the: mon Pere , je com- mence a mourir de peur. M. de Saci , qui etoit a P. R., etant venu aupres de la malade, lui park fur la crainte qu'elle avoit de la morr, & fur les motifs de confiance qu'elle devoit avoir , d'une maniere fi touchante qu'il calma fes inquietudes, & qu'elle ne temoigna plus aucune peine. La (is) C'eftlaxxxvi lettre du huitieme volume.
Kvj
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12,8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,.
1674. mere AbbeflTe ai'ant propofe a M. de
Saci de lui dormer la communion , quoiqu'elle eut recu le S. Viatique quinze jours auparavant, elle temoi- gna une grande joie de recevoir en- core une fois fon Sauveur , &c deux heurss apres elle s'endormit tranquil- lernent dans le Seigneur , fur les cinq heures & demie du matin du jour de la ToiuTaint. Elle etoit agee de T^Tc— 6a ans"
cy_' Le 11 de mai de Pannee fuivante
La mere Ma- la mort enleva , apres une longue f^tu- maladie, la mere Madeleine de Sain- sny- te Agnes de Ligni, qui dans la grande perfecution fe trouvant a la tete des
religieufes de P. R. leur avoit donne un n bel exemple de fermete, de pa- tience &c de modeftie. Nee en 161 5 , elle fut touchee a. Page de i<J ans d'une maniere particuliere par les dif- cours de la mere Angelique (27), &c entra en religion lejeudi faint 163 3. Elle re$ut Phabit de novice du Saint Sacrement le 16 feptembre 1636 , &c fit proferfion le 5 aout 1640. Lorfque la mere Angelique retablit la maifon des Champs en 1648 , elle y mena avec elle la mere de Ligni pour la |
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(z») Voi'ez la relation Sainte Agnes de Lig
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;ni-
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de la mere Madeleine de T. i. rel. 17. p. ;4j.
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II. Parti e. Liv. VII. 11$
gouverner en fon abfence. La mere 167c,
Agnes ai'ant etc elue AbbefTe en 1658 , elle la nomma prieure. Enfin elle fut choifie le 12 decern- son exil
bre 1661 pour occuper la premiere place d'une maifon , ou elle n'avoit jamais defire que la derniere. Bien- t6r elle vit s'elever des tempetes capa- bles, s'il fe pouvoit, de jetter les elus memes dans l'erreur. Le leiteur a vu avec quel courage & quelle fagefle elle fe conduifit dans ces terns ora- geux , & la part qu'elle a eue a la perfecution , ai'ant ete arrachee d'en- tre les mains de fes filles (z8), pour etre conduite en exil, & enfermee comme une criminelle dans un mo- naflere etranger (29). Apres qu'elle eut paile dix mois dans le monaftere dela Vifitation deMeaux, lieu defa captivite , ou quelque bon office qu'on lui put rendre , elle gemifloit comme dans une terre etrangere, en lui laifla le choix de refter dans le lieu de fon exil, ou de retourner dans le monaf- tere de P. R. des Champs, pour fe (28) On lui laiiTa feu- tion de 1709.
limenc la liberie d'emme- (29) Elle a commence ner avec elle une de fes une relation de fa capri-
religieufes , la fceur Anne vire , qui f e trouve dan*
de fainte Cecile de Bois- Vhlftoire des perjecutions,
cervoife , qui a vecu juf- &c, H. Pact, p- }8 & fuiv.
qu'A la derniere perfect! • |
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l}0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
"" reunir avec fes religieufes qui y etoient
detenues captives & privees des Sa- cremens. Mais elle n'hefita pas fur le parti qu'elle avoir a prendre, & choi- ilt celui d'etre innocemment anathe- me avec celles qui ne l'etoient que pour Jefus-Chrift. Elle fe rendit le 25 Juilleta P. R. des Champs, pour etre avec fes filles dafis la fouftxance a la vie & a la mort. Enfin Dieu , qui ecoute touiours les gemilTemens de fes captifs, & qui ne peut rien refufer a la priere du pauvre , aiant infpire a Clement IX & a Louis XIV de faire cefler les trouble;, qui agitoient 1'E- glife , elle eut la confolation de voir la communaute retablie dans la par- ticipation des Sacremens (30). Etcom- me (i elle n'avoit ete Abbefle, que pour combattre & foufFrir, fix mois apres que la paix eut ete rendue, elle cefia de gouverner , & rentra avee joie dans l'obeiffanee. Elle pafla dans cet etat les fix annees qu'elle vecut encore , & remplit toute la mai- fon de l'odeur de fa vertu. Dieu l'exerca pendant toute fa vie
par de frequentes infirmites corpo- relles, & des peines d'efprit, qui ne riaiflbient que de fon amour pour lux (30; Lei8 fgyrier i«fi?.
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II. P A R T I E. LlV. VII. 1 $ I
& de la delicatefie defa confcience ; 1675*
qui craignant le peche plus que la mort, en avoit l'image trop prefen- te, & le croi'oit voir ou il n'etoit fioint. Ces epreuves redoublerent dans
es dernieres annees, & ne fervirent qu'a l'etablir de plus en plus dans la folidite de Pamour de Dieu & du me- pris d'elle-meme. Elle regardoit en paix la conduite de Dieu fur elle, 8c s'en fervoir pour s'humilier au-deflbus des autres, fans s'attrifter ni s'inquie- ter. Le Seigneur acheva de la purifier cxir.
{>ar les fouftrances d'une longue ma- mafaafe/%
adie, qui dura pres d'un an. Apres ««>"• quelques atraques d'apoplexie, il lui refta une paralyfie de la moirie du corps & de la langue, qui la reduifit peu-a-peu a perdre 1'ufage de rous fes fens. Elle offroit a Dieu en facrifice tous fes membres l'un apres l'autre. Sa patience , fa douceur , fa foumif- fion etoient admirables. Elle fit paroitre jufqu'a la fin fa ten-
drelTe & fa charite pour fes foeurs , fans en excepter celles qui s'etoient feparees. Elle n'avoit pas moins de charite pour fes amies & fes proches, a qui elle ne fouhaitoit que le detache- ttient du monde &c la converfion da. |
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l$l HlSTOIRE DE Pon.T-R.01At*
cosur. Elle fourfroit en paix & rnem£
avec joie l'etat fl penible ou elle etoit reduite , difant qu'elle avoit de la confolation de fe voir plus pauvre & Flus impuiflante pour le corps & pour
efprit, que les enfans , & que cela redoubloit fa confiance en Dieu. Elle recut la recompenfe d'une fi humble confiance : car Dieu rendit le calme a fon efprit, & fes peines s'evanouirent. Malgre les langueurs & les infirmi- tes ou elle etoit reduite, on apperce- voit par le peu de paroles qu'elle pro- noncoit, par fes geftes, par fes yeux &c par l'air de fon vifage , fes bonnes difpofltions, fa patience, fa foumif- fion aux ordres de Dieu , fa paix in- terieure , fon attention a la priere. Quinze jours avant fa mort, elle
perdit encore par une nouvelle atta- que d'appoplexie l'ufage de la vue , qu'elle craignoitextremement de per- dre , & fouffrit cet accident avec une fiaix , & une resignation admirable a
a volonce de Dieu. Elle eut le bon- heur de recevoir plufieurs fois la fain- te communion pendant fa maladie avec une devotion & un refpecl de foi & d'humilite qui edifia routes (es fours. Dieu lui donna alfez de pre- fence d'efprit, malgre l'accablement |
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H. P A R T I E. Liv. FIL iJJ
de fon corps , pour recevoir en cette
meme mamere les derniers Sacremens. En fin le 8 mai 1675 elle tomba dans une lethargie , qui dura jufques Vers le midi du onzieme jour de ce mois. Dans le moment que le Pretre difoit ces paroles des prieres des agonifans: Que Dieu vousfaffe la grace de voir face a face votre Redempteur j & que demeurant iternellement en fa prefence3 vous confiderie^ avec vos yeux bien- heureux la lumiere fi eclatante de I'e- temelle verite , elle ouvrit fes yeux fer- mes depuis deux jours, d'une maniere qui fiirprit tous les affiftans comme pour fe hater de regarder fon Sau- veur, Elle les ferma un moment apres, & s'endormit du fommeil des juftes. Elle fut enterree le 13 dans le bas cote gauche du chceur. Le meme jour M. de Saci ecrivit a M. l'Eveque de Meaux , frere de cette fainte religieu- fe, une lettre que le lecleur trou- vera a la fuite de fa vie dans le recueil des vies edifiantes (31) & intereflant tes. II peut encore confulter le Ne- crologe de P. R. oii il y a un bel eloge de la mere de Ligni , digne de la mere Angelique qui l'a compofe, 8c de la fainte fille qui en fait le fujet. (31) T. t. p. yi, 106.
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ij4 HlSTOIRE DE PoR.T-fi.OlAt.
i6j$. La mere Marie de Sainte Made-*
cxni. leine du Fargis avoit fuccede a la me-
Ekaion de re de Ligni l'an 1669 > aiant ete elue
Farrf'sTdiffi" AbbefTe le 13 juillet de cette annee,
cuke de m comme on l'a vd. Trois ans apres
de Paris a ce «.., r ■ , 11
fujet. elie rut continuee par une nouvelle
election du trente juillet 1671. Ces
trois annees etant expirees, les reli- gieufes de P. R. fe difpoferent a faire leur election. Deja M. le Cure de S. Benoit etoit arrive; mais la veille de I'eleclrion on eut une allarme, qui fit craindre qu'on ne ftit oblige de la dif- ferer. Le fujet de cette allarme fut, que M. Hilaire etant alle a S. Ger- main pour demander a M. l'Arche- veque la continuation des pouvoirsde M. de S. Benoit, dont le terns de la fuperiorite etoit expire, il ne put l'ob- tenir j M. de Paris faifant- difficulte fur ce que Ton demandoit que cet ac- re portat qu'il accorderoit ledit pou- voir a la requete des religieufes. Cette claufe deplaifoit au Prelat, qui pre- textoit qu'elle n'etoit point exprimee dans les deux ades precedens de fon firedecefTeur. II tint ferme, & ne vou-
ut rien accorder j ce qui donna beau- coup d'inquietude a la communaute, dans la vue des fuites que cela pou- voit avoir. On refolut de faire une |
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g, II. P A R T I E. L'lV. VII. 1J )'
nouvelle tentative : M.Hilaire retour-
na le lendemain a S. Germain , & re^ vint a dix heures & demie du matin, avec une permifllon adreflee a M. de S. Benoit, pour preflder a. cette elec- tion comme fon depute , & no/i en qualite de fuperieur (32). II eft eton- nant que des fuperieurs , qui par la place qu'ils occupent, ne devroient travailler qu'a entretenir la paix & le bon ordre dans les communautes reli- gieufes, en troublent le repos , & y jettent l'allarme pour de femblables bagatelles. Cette permifllon etant ar- riveedes religieufes ne perdirent point de terns: on chanta la Mefle du S. Efprit, puis Peledtion fe fi t. MM. Arnauld, Bourgeois , de Sainte Mar- the , de Boifbuiflon y aflifterent : la mere Marie de fainte Madeleine du Fargis fut continuee le trente juillet pour la troifieme fois. Le 5 d'aout elle tint fon premier chapitre , ou elle continua la mere prieure dans fa char- ge. Le 3 de feptembre fuivant elle etablit la foeur Elifabeth-Anne,fecon- ('.i) La nomination du en fairant mention deleur
Supevieur demeura fuf- tfquifition, dans l'aflede
pendue jufqu'au 10 no- l'inftitution du Superieur:
vembre , que IsPrelatac- cum dile&x.... nobis fup-
corda enfin ce qui lui etoit plicaverint , ab \eis eUc-
demande , contbtmement turn in Superiorem, &c.
aux conilitutions de P. R. |
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ij£ HlSTOTRE DE PoRT-R01AL,L
~l6i<L. ^e f°uPrieure. La fceur Fran^oife-^ Agathe de Sainte Marthe, qui etoit mourante , en temoigna une joie fen- fible , croiant que c'etoit pour rem- plir fa place, & que fi elle relevoit de fa maladie elle ne le feroit plus. cxiv. La foeur Francoife de Sainte Aga- de u faurdetne ^e Sainte Marthe (33) avoit eu
ste-Marthe. autant d'oppofition a l'etat religieux que d'amour pour le monde, ouelle paroilToit fe lier de plus en plus, Iorf- que Dieu la toucha de cette main puiffante a laquelle rien ne refifte. Aiant accompagne la fille de Mada- me de Buloyer, qui etoit fur le point d'entrer a P. R. elle pleufoit de ce que cette Demoifelle fe faifoit reli- gieufe j il y avoit encore d'autres fil— les , qui pleuroient pour le meme fu- jet. Ce qui aiant ete rapporte a la me- re Angelique , elle dit que Dieu ne leur faifoit pas tant de graces qu'a celle qu'elles pleuroient. » A l'inftant, » dit la fceur de Sainte Marthe (34), » je fentis liion cofiur fi fort change » & rempli de douceur & de joie que « je ne me connoiflois plus. En efFet, » au lieu de l'aver/ion extreme que (33) Vo'i'ez la rclat. p. 85,50.
de la vie & de la verm (34) T- *'• des Relar. de la fceut Frantjoife de i. part. xvi. relat. p-
Sainte-Agathe de Sainte- 533 , 534.
Marthe. Vies edif. %. 1. ■
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II. Partie. Liv. VII. 237
» j'avois de Tetat religieux , je me » trouvai un fi grand defir d'etre re- s' ligieufe, que je ruffe entree des le » lendemain , fi la crainte que ma » mere ne l'efit pas fouffert, ne m'en » edt empechee. Et depuis ce terns »■ je n'ai point cm qu'il me put afri-r » ver un plus grand bonheur «. Docile a la voix de Dieu, elle exe-
cuta avec tant de promptitude & de courage ce qu'il lui infpira de faire, que fans avoir egard a la tendreffe d'une mere qui l'aimoit extreme- ment, elle fe fervit de la premiere occafion qui fe prefenta pour s'en fe- parer, & fe retira a, P. R. Elle y prit 1'habit le 8 mai 1634, 8c fit profef- fion 1'annee fuivante. Jamais elle ne perdit le fouvenir ni la reconnoiffan- ce de la premiere grace de fa voca- tion. Depuis ce moment elle alia tou- jours de vertu en vertu avec un re- nouvellement de ferveur, qui lui a fait porter le joug de la religion 8c tout ce qu'il y a de plus penible 8c de plus auftere dans les exercices de la penitence, avec une fatisfaction d'ef- prit & une plenitude de cceur incom- parablement plus grande que les gens du monde n'en trouvent dans ce qui fla.tte le plus leurs paffions. C'eftainii |
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1$$ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt. .
~~\C-ii, quelle sen expliquoit elle-meme »
lorfqu'elle vouloit exprimer l'eftime de fa vocation , combien elle etoit penetree de fon bonheur , & quel mepris elle avoir du monde & de tout ce qu'on y eftime. cxv. Ce mepris du monde etoit fi grand Son mepris 11 x r 11 ]•'■•
pour le mon- en elle , que la regie de conduite etoit
<&• d'etre en tout oppofee a l'efprit du fiecle ; fuiant ce qui pouvoir la faire
conliderer , &c recherchant. en tout ce qu'il y avoit de plus vil & de plus meprifable. Dans les plus pe- tites chofes , comme dans les grandes elle favoit fe mortifier , fans affe&a- tion & fans fingularite. La fimplici- te , qui fembloit faire fon caraciere tiarticulier , lui fervoit fouvent dans
e deflein qu'elle avoit de s'humilier 8c de s'abailTer. Elle decouvroit £es defauts , & s'en accufoit en public &C en particulier, avec la plus grande fincerite , & dans les termes les plus humbles. Son obeilfance & fa lou- miffion pour fes fuperieures etoient telles qu'elles le font a peine dans les novices. La feule occafion oil elle ait obei avec peine, eft lorfqu'on la nom- ma feconde fouprieure de la maifon de Paris Tan 166 x , ou 166}. Tout ce qui pouvoit la diftinguer lui etoit |
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II. Parti i. Liv. VII. iy$
penible j aufli repandit-elle beaucoup lg7cf de larmes en fe foumettant a accep- ter cette place, oii elle ne fe fit re- rnarquer que par une plus grande exac- titude a tous fes devoirs , & une plus grande attention a donner a fes foeurs des marques de fa charite. Apres 1'en- levement de lAbberie & des autres fuperieures de la maifon en 1664., elle donna tous fes foins pendant leur abfence a entretenir 1'efprit d'union &c de charite, & a conferver la regu- larite. Si elle ne fut pas du nombre de cxvi."
celles qui furent enlevees, ce ne& *™\*™£ point qu'elle eut moins d'amour pour tf. la verite. Quoique d'un caraciere doux, on voir par ce qui fe pafla dans laperfecution, qu'elle ne manquoitni de fermete ni de zele; &c elle en don- na des marques en differentes occa- sions. Une perfonne lui ai'ant dit un jour , que les religieufes de P. R. etoient bien mal confeillees, & qu'el- les devoient faire ce qu'on leur de- mandoit pour conferver leur maifon : " Nous ne fommes point venues ici, » repondit-elle, pour conferver des » pierres & des murailles. Je n'ai pen- » fe qu'a fauver mon ame en me ' " donnant a Dieu , & il m'a fait h |
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£4° HlSTOIHE DE PORT-ROIAI.
" » grace d'etre prete a tout pour cela.
» Nos meres ont fait tout ce qu'elles » ontpu , & elles ontbeaucouppleu- » re de ce qu'elles n'ont pu fatisfaire » a ce que M. l'Archeveque deman- " doit d'elles. Croi'ez-vous que fi elles « Peuflent pu faire fans bleflfer leur " confcience, elles ne l'euflent pas " fait ? Trouvez-vous qu'il y ait au- » cun plailir d'etre reduites a quitter » tout ce qu'elles ont de plus cher » au monde, leur maifon & toutes » leurs filles qu'elles aimoient ten- » drement, & qui les aimoient uni- " quement & plus que toutes cho- » fes , fi ce n'etoit qu'il y alloit de " 1'ofFenfe de Dieu j car elles ont » fait tout ce qu'elles ont pu, excepte » 1'ofFenfe de Dieu «. La perfonne qui parloit a la fceur
Sainte Agathe , lui aiant temoigne que ce n'etoit point par motif de confcience , que les religieufes de P. R. refufoient d'obeir , mais a caufe des maximes qu'on leur avoir infpi- tees fur la grace, elle lui repondit ainfi: » mon frere de l'Oratoire ( qui >> fut depuis General) m'en a plus w dit au commencement qu'il fut »j dans eette congregation, que tous t> ceux qui nous conduifoient; 8c je |
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II. P ART IE. L'lV- VII. H1-
v fuis affuree que fi ce n'etoient les 1675.
» interets de fa compagnie, il feroit » dans les memes fentimens que nous. 3.. Mais pour fauver fa maiion , il a » tout abandonne. Ok ! je vous aftii- » re que je n'ai pas envie de Faire de » meme. Car nous aiinonsmieuxper- » dre la notre, que de rien faire » contre notre confcience. Notre vie w eft bien courte , & Peternite eft » bienlongue«. , . cxvm. Cette genereufe vierge chretien- Samon"
ne s'attendoit a tout, &s'yetoit dif- pofee , comme on le voit dans un billet qu'elle ecrivit a. la mere dij. Fargis (35) j mais Dieu content de la difpoiition de fon cceur , qui lui faifoit attendre en paix la difperilpn generale , permit qu'on les relink toutes enfemble dans la maifon des Champs , ou elle continux de rem- plir la place de fouprieure jufqu'a fa mort, qui fut auffi fainte que la vies Elle mourut le 6 feptembre 1675 , agee de 60 ans & deux mois. M. de Sainte Aiarthe fon coufin , qui tou~ che de Dieu s'etoit retire vers Fan 1650 a P. R. oil il fut dans la fuke ConfelTeur, l'aflifta a. la mort , 8c fit la ceremonie de Penterrement. (?0 Vies edif. T. z. p. 8y.
Tome VII. L
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241 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
""i<?7 5. La ParoiiTe de S. Lambert fituee
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ort de m. le 11 novembre de cette annee, par la
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M
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Charles de mort deM.Charles deVertus.un digne
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V
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e s. iam- pafteur , & Port-Roial un ami qui lui
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p. r,.' an" e donna jufqu'a la mort des marques de
fon attachement. La veneration qu'il avoit pour cette fainte maifon , lui avoir fait preferer la cure de S. Lam- bert a une plus confiderable, a caufe de l'avantage d'en etre voifin : & en mourarit, il laifTa rout ce qu'il pofle- doit aux religieufes, qui auffi defin- tereflees qu'elles etoient vertueufes $c faintes , abandonnerent tout aux pauvres. exix, Malgre la paix rendue a l'Eglife en je{rfajvf^ 1668 , les hoftilites continuoient (36),
de Paris con- & le retabliiTemenr folemnel des re- ueP.R. Hgieufes de P. R. en 1669 par M. de Perefixe n'empechoit pas les enne- mis de cette fainte maifon de travail- ler a fa deftrudKon. M. de Paris mc- me vouloit bien fe preter a cette ceu- vre d'iniquite, comme on le voit par ce qu'ecrivit alors Madame d'Hu- (3«) On exigeoit a la ri- date du camp de Ninove
gueur la fignature pure & contre une Inftruction
umple du Formulaire; & paftotale de M. d'Angers,
lesennemis/ielapaix{;rent qui defendoit l'exa&ion
donner le jomai i«yg(UU de cecte fignature dans
Attic du Confeil du K.01 rUniverfiti 3c cette Ville,
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II. P A R T I E. LtV. VII. 14 J
mieres a Mademoifelle de Vertus : 1676.
Fakes votre compte _, difoit-elle , que M. de Paris eft refolu de detruire vo- tre fecie j quoi qu'il lui en coute : il ne negligera rien pour les poujfer a bout, & pour les aneantir. Plufieurs motifs engageoient le Prelat a en agir ainfi. i°. II fervoit les Jefuites ; 8c en les fervant il faifbit fa cour an roi, qui honoroit cette Societe d'une amitie & d'une confiance , dont il ne l'au- roit pas jugee digne, s'il l'avoit mieux connue. 2°.I1 vouloit vanger |ur P. R. l'injure perfonnelle, qu'il croioit avoir recue de M. Arnauld dans une lettre adreflee a. la mere Conftance , qui a- voit ete interceptee. 3°. L'eftime que le Pape Innocent XI temoigna a ce celebre docteur , audi - tot apres fon exaltation, en lui faifant dire par le Cardinal d'Eftrees de travailler pour la defenfe de l'Eglife , & en lui fai- fant ecrire par le Cardinal Cibo. 40. Enfin le peu de cas que M. de Lon- gueville paroifToit faire de M. de Harlay ; tout cela etoit autant de mo- tifs qui animoient ce Prelat contre P. R. & contre M. Arnauld. Les amis memes etoient en butte,
& devenoient l'objet da zele fanati- que des Pretres de S. Sulpice. Peus'eu L ij
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*44 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
i,6j6. fallutqa'un Eccleiiaftique de cette'Pa*
roiiTe ne renouvellat en i6j6, a l'e- gard de la veuve d'un Secretaire d'e- tat , la fcene que M. Picote avoit donnee vingt ans auparavant au fu- jet de M, le Due de Liancourt. cxx- Cette Dame amie de P. R. etoit Madame de « , , , „ , .
Guenegaud Madame de (juenegaud , a qui un
inquietee par p^ne de S. Sulpice voulut faire fu- ■ui! l'retre de , . i . . . .
s. sulpice bir un examen iur les maneres de la
grace , avant que de l'entendre en conreffion, Ce Pretre imprudent ne penfoit fans doute point que la par- tie n'etoit pas egale pour un Tneo- logien de S. Sulpice. II l'apprit bien- tot a fes depens , & la fermete dela penitente liii fit prendre le fage parti de fe renfermer dans fon miniftere. M. le Cure de S. Sulpice (Oilier ) ai'ant rendu quelques jours apres vifite a.Madame de Guenegaud, a i'occafio*n de la mort de M. fon mari (37) ,elle lui fit des plaintes du procede de l'Ec- cleiiaftique de fa paroifle; a quoi le Cure repondit , que ce n'etoit point par fon ordre : puis il ajouta: » mais (37) M. Henri de Gue- appartement pour s'y re-
negaud , Seigneur du tirer cjurlquefois. Mada-
Plertis , ancien S6cre- mefonepoufe, Elil'abeth
(aire d'Etat , mqutut le de Choifeul Praflin, mou-
15 mars. II etoit tres rut le y d'aout d« j'annae
attache a P. R. , ou il fuivante.
avoir fait batir un petit |
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11. P. AH. ft 2* LiV. Fit Ikl
" {/ ejl vrai que nous nous crOions 1676, » obliges de prendre garde auX per- » fonnes, qui peuvent connoitre ces » Meffieurs de Port-Roi'al, qui font » toujours des livres reraplis d'er-* » reurs, & donr routes les traduc-> » tions qu'ils donnent font dange- » reufes «. Tous ccs bruits, ces difcours $ &
ces difpofitions des ennemis de P. R. fembloient annoncer une perfecution prochaine ; elle n'eclatta cependant que trois ans apres, comme nous le verrons, c'eft-a-dire, apres la mort de Madame la DuchefTe de Longueville- Ce n'eft pas que M. de Paris n'ait cxXr.
fait avant ce tems des tentatives con- J^i„*d!>fe tre P. R. On ne peut gueres avoir r. d'autre idee de l'ordre qu'il donna a. M. Grenet de faire une vifite regu- liere dans cette maifon , dont il etoit fuperieur. II la commenca le 8 oclo- bre de cette annee. Pendant la vifite la fceur de Sainte Marthe fit profef- fion , & M. de Sainte Marthe, fon oncle, precha a la ceremonie. M. le Cure de S. Benoit ai'ant remis la con- clufion de fa vifite a un autre tems, s'en retourna a Paris dans le defTein de revenir bientot: mais il ne le put, en ai'ant ete empeche par une longue L iij
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14<? HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
maladie; enforte que la vifite ne fuc
terminee qu'au mois de mai de l'an- nee fuivante, apres une grande mefTe, a laquelle routes les religieufes com- munierent. Dans fon proces verbal, ou carte de vifite, il rendit ce glo- rieux remoignage a la maifon de P. R. » Nous nous croions done obliges " ici, dit-il,& devant Dieu,de recon- " noirre que nous avons ere parfaire- » menr edifies de ce que nous avons » vii dans cerre maifon ; que nous y » avons trouve, comme ceux qui en » onr ete ci-devanr fup&rieurs l'ont » auffi reconnu par leurs vifires , une » piete folide envers Dieu , un pro- w fond & fingulier refpeft pour le « myftere adorable de l'Euchariftie, » & un grand defir de fe rendre di- » gnes d'en approcher de plus en » plus j un degagement entier du « bien & de I'interet ; un grand » amour de la pauvrere religieufe , » & une refolution effective de pre- " ferer routes les filles qui auroient w plus de verru & moins de bien a » celles qui feroient plus riches 8c w moins vertueufes ; une veritable w eftime de la vie retiree & eloi- « gnee de tout le commerce du mon- » de j une fincere foumiffion a leurs |
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11. P a a t i1. Liv. Vll. 147_______
» meres, & une union de cceur qui 16j6.
» les unit entr'elles & avec Dieu ,
» comme n'ai'ant toutes qu'un me-
» me defir & une meme fin. C'eft
» en general ce que nous avons re-
» connu en cette maifon«.
Chaque annee. P. R. perdoit quel- cxxii.
1 f --11 r • o J M. deSe\
ques-uns deles meilleurs iujets & de gn£ amj
fes plus fideles amis 1 M. de Sevi- bienfaUeur , T . > , > , de P.R.
gne , qui etoit de ce nombre , & un
des folitaires de ce faint defert, y mourut le'iiJ mars \6j6 , age de <J<> ans (38). Meifire Rene-Rainauld de Sevigne a merite par fa charite fin-' guliere de tenir un rang diftingu£ entre les amis & les bienfaiteurs du monaftere de P. R. iL'amour de la penitence Fy avoit attire pour y finir fa vie, apres en avoir pafie la plus grande partie dans les engagemens An monde 6c de la guerre. Pendant qu'il etoit au fervice , s'etant trou- ve a, la prife d'une ville , il ren- contra apres le combat une petite fille de trois ou quatre ans , que fes parens , ou morts , ou mis en fuite , avoient abandonnee fur un fumier. Ce trifte objet frappa fon cceur j il fut touclie d'mi mouvement de mi- (38) Voiez le Necrol. de Font. T. i. p. 441 ,
de P. R. p. 115. Mem. 44}. L iiij
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i4§ HlSTOIRE OE PoRT-ROlAt.
16j6. fericorde, qui etoit deja un efFet de
celle de Dieu fur lui. II prit lui-
meme cet enfant dans fon man-
teau , &c refolut d'en avoir foin toute
fa vie. Ce qu'il executa fidelement ;
& depuis, cette fille s'etant faite reli-
gieufe , il pa'i'a exa&ement fa pennon
au monaftere.
cxxra. Peu d'annees apres il eprouva heu-
Ron IfchT reufement ta verire des promeflTes de
lit p. r. pom- Jefus-Chrift , qui iui rendit ce qu'il
sy tearer. avoit re(-u £e \n[ en la nerfonne de
1'un des plus pecits de fes membres.
L'etat de fon ame incomparablement plus a plaindre que celui de cet en- fact abandonne , attira enfin la com- paffion de fon Sauveur, qui chargea fur fes epaules cette brebis egaree, & la reporta au troupeau , en lui donnant le defir de quitter la voie du fiecle, pour guerir par les reme- des d'une veritable penitence fes pro- fondes bleftures dans une retraite qui l'eloignat de toutes les occafions d'en recevoir de nouvelles. Dans ce delTein il choifit la mai-
fon de P. R. de Paris, ou il fit ba- jtir & meubler un corps de logis dans la cour du dehors, dont il fit une donation au monaftere. Ce fut dans cejieu qu'il corrynenca arenaitre en |
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II. Partie. Ley. VII. 149
Jefus-Chrift , & a vivre d'une vie nSjS.
nouvelle , fouhaitant qu'on le con- duisit par la voie la plus sure & la plus conforme a l'Evangile. II em- brafla la penitence d'une maniere d'autant plus folide , que Dieu allia en meme-tems dans fon cceur un de- fir plus fmcere de s'humilier , & une confiance plus parfaite en la grace 8c & en la bonte de Jefus-Chrift. Car, comme d'un cote fa vie paftee lui fai- foit horreur , & que la vue de fes plaies profondes lui pouvoient cau- fer de l'etonnement & du trouble ; de Pautre , I'extreme douceur que le Fils de Dien a fait paroitre dans la converfion de la Samaritaine & de la Femme pecherelle de l'Evangile , &c fur-tout dans l'exemple du bon Paf- teur , qui abandonne fon troupeau pour chercher la brebis egaree, avoit Faitunefi forte imprerlion fur fon cceur, que ce fentiment l'a foutenu dans rou- tes fes peines,& lui a dure toute fa vie. C'eft ce qui le porta a faire tirer cxxrv.
le tableau du bon Pafteur , qu'il a ^f0^"" laifle a. P. R. & fur lequel il voulut Corde d-Skv qu'on exprimat fa penfee que Ton renferma depuis en ces mots latins : Bonus ex errore reductam geflat. famty alit [anguine pafior overn. » Le bon L v
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l^O HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1676. " Pajleur apres avoir cherchd & re-
» trouve fa brebis qui avoit ete fi •» long-tems egaree, la porte fur fes » epaules, la guerit de fes Welfares, » & la nourrit de fon propre fang «. II avoit fouvent dans I'eiprit cette pa- role de Jefus-Chrift a la femme pe- cherefle : Beaucoup de pichis luijont remis _, parcequ'elle a beaucoup aime. Comme il fe croioit oblige d'aimer le Fils de Dieu avec d'autant plus d'ardeur, qu'il avoit recu de lui de plusgrandes graces, il lui demandoit fouvent qu'il fit croitre en lui fon amour de plus en plus j & dans cette penfee , il avoit rait ecrire en gros cara&ere ces paroles de faint Paul, qu'il avoit toujours devant les yeux r Si quelqu'un n'aime point le Seigneur Jefus j qu'il foit anatMme. ehfw ^e *5U* a ^e PUTS ^lt Paro'tre ^ue
giace en lui, la grace de Jefus-Chrift refidoitdans
fon coeur, c'eft qu'elle y travailloit
toujours, & qu'elle y detruifoit peu-
a-peu un grand nombre de foibleffes
que les habitudes de fa premiere vie
y avoient laiflees. Son corps etant
devenu fort infirme, & incapable des
exercices de la penitence, il tachoit
de mettre a. la place la piete utile a
tout. II afliftoit dans l'Eglife a tout
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II. P A r t i e. Uv. FIL 151
Poffice du choeur. II lifoit beaucoup, j £76, &goutoit les verites avec un difcer- nement folide. Pour pouvoir meme les puifer dans leurs fources & lire les faints Peres, il entrepot etant deja age de $ 7 ans, d'apprendre la langue latine 5 ce qui lui reuffit , & il eut beaucoup de confolation d'en- tendre les prieres de l'Eglife , 8c les ouvrages les plus edifians de faint Au- guftin & de faint Bernard, qui fai- foient une de fes principales occupa- tions dans fa folitude. Il y vivoit dans un grand repos,
lorfque le calme fut bientot trouble par la tempete , qui caufa tant de renverfemens dans ce monaftere de- puis 1661 jufqu'en 1669 , que Iapaix fut rendue a l'Eglife & a P. R. des champs. Mais fon ame n'en fut point cbranlee ; il demeura toujours ferme pour la verite, & donna aux Reli- gieufes perfecutees , des marques de fa charite conftante &genereufe, dans routes les occasions qui fe prefenre- rent._ II n'y eut que la violence, qui le put empecher de les fuivre, lorf- qu'on les fit fortir de Paris pour les envoier au monaftere des champs. Ce fut pour lui un tems d'exil, que les quatre ans qu'il demeura dans fa mai- L vj
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ifl HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
fon , apres qu'on les eut chaflees de la
leur j & du moment qu'il lui fut li- bre , il ne penfa plus qu'd ie rappro- cher de cette communaute; l'amour de Jefus-Chrift l'y ai'ant tellement Hni, que par quelqu'endroit qu'il ait 4te tente, rien ne le put jamais por- ter a s'en feparer. II quitta avec joie routes les commodires de fa maifon de Paris, pour fe renfermer a P. R. des champs dans une chambre ; Be tous fes domeftiques, pour fe reduire a deux qui le fervoienn II renonca encore a l'attache naturelle qu'il avoit a fafante , refiftant courageufement a toutes les follicitations de fes amis -du monde, qui le prelloi'ent de re- tourner a Paris , pour fe gtierir d'tme facheufe fievre quarte, dont on crai- gnoit les mites -, & quoiqu'il flit par Ion naturel trop inquiet de fes maux, il fut toujours ferine dans fa refolu- tion de ne point abandonner ni le lieu ni les perfonnes a. quiDieu 1'avoituni, pour etre aftocie a leur penitence, qu'il regardoit comme le fupplement de la fienne. Ses infirmites etant devenues fi
grandes les dernieres annees de fa vie, qu'il ne pouvoit me me plusfor- tir de fa. chambre que u lament pqar |
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II. Parti e. Liv. VII. 153
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aller a l'Eglife, il y fuppleoit par 1676,
une tres grande folitude, une par- faite uniformire danstous fesexerci- ces de piece & de frequences aumones qu'il faifoit aux pauvres de la campa- gne. II en fir encore de plus conlide- rables au monaftere de P. R. des champs, donr il releva les mines, re- tablir le cloirre , repara & aggrandit le refecroire , & acheva queiques decorations qui mmquoient au grand autel. Mais il s'appliquoir en meme-tems
avec encore plus de loin a perfecKon- ner dans fon ame l'edifice de Diea. En pen de terns fon avancement pa. rut fi vifible , qu'on peut affurer que, lorfque Dieu l'appella a lui , il etoir acheve • & que la grace avoir corrige tous les defauts & repare toutes les foiblefles de fa vie pafTee. II eut la confolation de mourir enrre les bras; de M. deSaci, le 16 mars 1676 , & fut enterre le 18 dans le cloitre com- me il Tavoit defire , avec une tombe fur laquelle fut -gravee une epitaphs faite par M. Hamon. 1 Le 11 mai fuivanr, un Solitaire que cxxvr.
la providence avoit conduit l'annee v^-MoL^ precedente a. P. R-, y finir fa carrie- pt ^ qui fur courtej mais bien ecti- |
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2 54 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
1676. fiante. Ce Solitaire nomme^ M. Van-
Mol, etant a Marfeille pret a s'em- barquer fur les Galeres du Roi en qualite de Medecin, rut touche de Dieu & forma le delfein de quitter le monde. II communiqua cette pieu- fe refolution a un Ecclefiaftique de fes amis, qui lui donna connoiflance de P. R. oii il alia aufli-tot fe retirer pour y trouver la penitence & la fo- litude. II embrana Tune & Pautre avec tant d'ardeur , qu'au bout de quinze mois, il tomba dans une ma- ladie qui le conduifital'eternite, apres avoir recu dans un meme terns la gra- ce de la reconciliation, & les der- niers facremens que l'Eglife accorde aux mourans. II fut enterre devant l'autel de faint Laurent , & M. Ha- mon fit une epitaphe qui fut mife fur le tombeau. cxxvn. Le premier aout de la meme annee MottdeM. . i. . r 111 1
Vat«. ies religieuies eurenr la douleur de
perdre un ami d'un merite diftingue, qui etant venu a P, R. avec M. Ar- nauld le 19 juillet, dans le deflein d'y faire quelque fejour , y tomba ma- lade &mourut.C'etoitMeffire Alexan- dre Varet, Pretre du Diocefe de Pa- ris , grand Vicaire de Sens fous M» de Gondrin , que la mort enleva dans |
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II. Partie. Liv. VII. 155 ______
un age (39) ou il pouvoit rendre de 1676.
grands fervices a l'Eglife, ai'ant beau- coup de piece, de lumiere, & de zele pour la defenfe de la verire. II fur enterre dans le bas core gauche da chaeur. II legua 1000 liv. aux reli- gieufes, avec fon calice de vermeil dore. Le 11 fepr. fuivant, Raphael le Cha- cxxvirr. rond'Epinoy,mourur a Paris a l'agede M Jf°" oc 45 ans(4o). Les maximes fainres qui avoienc rempli fon coeur , le flrent en- rrer de bonne heure dans la voie etroi- te,& lui donnerentdans la fuire a(Tez de force pour renoncer aux engagements du mariage, & refufer un tres riche firieure. Rien ne pouvoit Parreter dans
e monde , parceque le monde eroic devenu l'objet de fon mepris. Prefe- rant done une vie penitente & ca- chee aux amufemens du fiecle & aux commodites qu'il pouvoit avoir dans. l'etat eccleiiaftique , a l'age de 22 ans il choilit le deiert de P. R. pour fa retraite , 011 il vecut plufieurs annees occupe a la priere , a. la lecture, au travail du jardin & a divers autres ouvrages uriles a la maifon. Les troubles caufes au monaftere
(19) II ctoit \ peine (40) Necr. 11 ftpe,
age de44 ans, Foiu.T. 1. p- 4 J?.
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1 <j6 HlSTOTRE DE PoRT-ROlAL.
i6j6. l'obligerent deux fois d'en fortir com-
i'ne les autres folitaires qui y demeu- roient; mais ils n'interrompirent point fon genre de vie, qu'il continua a Paris jufqu'a ce que la paix aiant ere rendue, il retourna dans fa chere fo- litude pour y finir fes jours. II y avoit pafle quelques mois , lorfqu'il fut at- taque d'une maladie , qui etant deve- nue lo'ngue & dangereufe 1'obligeade fe faire tranfiporter a Paris, pour y chercher quelque foulagement ; mais fon mal ne fit qu'augmenter. M. de Saci partit de P. R. le jour de la Na- tivite de la Vierge , pour Py aller trou- ver , parcequ'il le demandoit, croi'ant mourir bientot , & fouhaitant beau- coup qu'il l'afliftat dans ce redoutable moment. M. de Saci demeura aupres de lui jufqu'au 12 feptembre, qu'il mourut dans la paix de Jefus-Chrift, age de 45 ans. Son corps fut porte le lendemain a P. R. comme il l'avoit ordonne , & enterre dans l'aile gau- che de l'Eglife aupres de la fceur Anne de Sainte Eugenie , qui etoit double- ment fa mere , & apres Dieu la pre- miere caufe de fon falut. II laifla a P. R. par fon teftament tout le bien, dont if pouvoit difpofer. Nous aurions pu parler encore de
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11. P A K. T I E. LiV. VIL iff
quelques aurres perfonnes, taiit reli-
gieufes (41), que iolitaires & amis de P. R. (42) , que la mort enleva cette annee : mais outre que nous ne nous forames point engages.a un fi grand detail , la crainte d'etendre cette hiftoire ail - dela de fes juries bornes , nous empeche d'y entrer. |
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(4i)Sceur Francoife de
Ste Paule Lefevre Chan- tcreau , qui etant veuve de M. du Bouchct, Sei- gneur de Bournonville, Confeiiler de' la grande Cbambrc , fe retka & P. R., yfit prof.ffion 1: i Janvier 1*71 , & mou- rut agee de 51 ans le 17 mai 1S7S. La fceur Ca- therine de S. Hildegar de Fontaine , morte le 11 fcptembre. La fccii-r Ge- nevieve de fainte Tbecle Muiorge , elevee depuis l'agede onze ans 21P. R. morte le j- 5 decembre , agee de 45 ans. (41) Louis Fournier,
Pretre ,. Chapelain perpe- tuelde la Sainte Chapellc de Paris , bienfaiteut & ami de P. R., a qui il legua fon calice ; mort le 11 Janvier. Ce futlui qui remit aux religieufes la fomme de 839 liv. qu'un Macon Limourm nomrne Pierre Valadon , lui avoir apportees pour le* dormer A ces Taintes filles , & le recommander a leurs prie- tes. |
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M. Charte* de Reber-
gues , na'tif de Beauvais ,' Jeune hoirime de grands efperance , fo'itaire A P. R., puis obligS d'en fortir , compagnon de, M. de Tillemont a Saint Lambert , y mourut 4 l'age de \i ans , le io octobre , & y fat enterre.' Mademoifelle Marie d'A- quaviva d'Arragon, amie, bienfaitrice 8c 6leve de P. R. a qui e'.le leguas 2000 liv. a fa mort arri- vee le 21 octobre. Cathe- rine Mallon , veuve de Meflire Edouard Oilier, Chevalier , Seigneur de Nointel d'Argcnvilliers , morte le 19 decembre., agee de 61 ans, a P. R. des champs , ou ells s'e- toit retiree eni«7i. Elle y fut inluimee. C'etoit una Dame, qui reiiniifoit en faperfonne toutes les ver- tus qui forment une Da- me vraiment chretienne ; & que Dieu avoit permis qui fut cprouvee , ptefqtre par toutes les afflictions qui peuvent arriver tn cet- te vie. |
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ij8 Histoid d£ Port-RoiAl.,
1677. L'annee 1677 fut fort orageufe
cxxix. P°ur M. Arnauld , les infatigables
On indifpofe perfecuteurs de ce grand homme ai'ant
m. Arnauld! trouve moien d'indifpofer le Roi con-
tre lui, en le faifant paflTer pour au^
teur d'une lettre , qu'on reprefenta a
Sa Majefte comme capable de trou-
bler la paix (40-
L'auteur de la lettre etoit M. Ni-
cole , qui l'avoit drelTee a la follici- tion de MM. les Eveques d'Arras & de S. Pons. Ces deux Prelats affliges des maux de FEgltfe , voiant les heu- reufes difpofitions du Pape Innocent XI nouvellement place far le Siege de S. Pierre , refolurent de les lui expofer , 8c de lui deferer plufieurs propositions remplies d'erreurs, pour en obtenk la con damnation (44). La lettre , par laquelle ils devoient en demander la cenfure, ai'ant ete remife aux Prelats , ils la fignerent & Fen- voierent a Paris. L'Eveque d'Amiens (le Pere Faure Cordelier) a qui M. Piega ancien Secretaire de M. dAlet, eut Findifcretion de la communi- quer , en fit auffi-t6t part a M. de (45) Le Le&eur fenfe dans le recueil des piece?,
qui voudraprendre la pei- T. ;. p.iu.ile la vie de
ne de lire certe lettre, en M. d'Alet.
porteraun jugetnentbien (4O Vie de M. d'Alet, different. 11 la trouvera T. j. p. iei.
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Hi P a r. t i e. Lw- VII. %59
Harlay, qui de concert avec le Pere 1677.
la Chaife fit entendre au Roi, que
cette lettre avoit ete compofee par
M. Arnauld , a deiTein de renouvel-
ler les anciennes contestations, & de
mettre le trouble dans l'Eglife & l'E-
tat. En conlequence le Roi irrite fit
donner des ordres aux Agens du Cler-
ge d'ecrire aux Eveques , pour arre-
ter le cours des fignatures; & aux
Intendans des provinces, de veiller
a ce que la lettre ne fut pas envoi'ee
a Rome (45). Enfin il or donna a M.
de Pomponne d'ecrire a M. Arnauld ,
qu'il recevoit des plaintes de toutes
pans contre lui & M. Nicole, qu'on
les foupqonnoit d'avoir voulu I'un &
I'autre renouveller\des contejiations que
la derniere paix avoit affbupies.
M. Arnauld fe iuftifia par une let- cxxx.
tre du 14 juin de cette annee (46)., de maniere que le Roi en fut tou- che , & chargea M. de Pomponne de lui marquer qu'il etoit fatisfait. Mais fes ennemis ai'ant manque leur coup, revinrent bientot a la charge , (4O Ces precautions etoit le porteur, & enfin
n'cmpeclierent pas que la n'eut fon effet, puifque leitre ne fut figiiee de le Pape cenfura deux ans plufieurs Eveques , en- apr£s les proportions de- votee a Rome , remife en- ferees au nombre de 65. tte les mains du Pape par (46) Let. in. T. 3. p. M. de Pontcbateau qui en 101,108. |
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S.66 Histoire de Poft-f-ko'iit.
& lui attribuerent un memoire, qui parut prefqu'auffi-tot que la lettre des Eveques au Pape. Nouvel ordre don- ne par le Roi a M. de Pomponrie de faire favoir a fon oncle , qu'il eft me- content de lui. M. Arnauld fe juftifie encore (47}, & declare qu'il n'a au- cune part au memoire, qu'il ne de^ favoueroit cependant pas s'il en etoit auteur. II fait voir 1'injuftice des en- nemis de P. R. qui debitoient que M. Nicole couroir le pais pour faire' figner la lettre aux Eveques , tandis qu'il etoit notoire qu'il etoit retire dans FAbbaie de S. Denis, cm il tra- Vailloit a fes Eftais de Morale,. M. de Pomponne n'eut pas le courage de lire cette lettre au Roi, & fe con- tenta de dire a Sa Majefte que M. Arnauld n'etoit point auteur du me- moire. M. d'Arras, qui avoit engage lui-
meme M. Nicole a compofer la let- tre au Pape , effraief des bruits qui couroient, & des fuites que pouvoit avoir cette affaire, aiant eu la foi- blefte de la defavouer par un ecrit qu'il figna, & dans lequel il decla- roit n'avoir eu aucune part au deflfein de cette lettre , M. Arnauld & M, (47) Let. $1. T. 8.£.147.
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II. P A R T I E. Lh. VII. X6l
Nicole fe trouverent par-la coinme 1677.
convaincus de mauvaife foi , & d'en avoir impofe au Roi par la lettre du 14 juin, 011 ce Docf eur afTuroit que la lettre avoit ete eompofee a la folli- eitation des Eveques, panni lefquels on ne doutoit point qa'il ne comprit M. d'Arras. M. Arnauld, apres etre demeure tranquille pendant quelque terns, au milieu de cet orage , fe crut oblige de diffiper les nuages que le defaveu de M. d'Arras jettoit fur fa bonne foi & fa probite. II le fit par une lettre du 1 5 octabre adref- fee a M. de Pomponne , avec un me-r nagement auffi admirable qu'edifiant, pour M. d'Arras qui l'avoit fort mal- traite; $c il rait toutecette affaire dans une evidence, qui ne laiifoit rien d deilrer pour fa juftification & celle de M. Nicole. Cette lettre merite par- ticulierement d'etre lue (48), parce- qu'elle cara&erife bien le grand hom- me qui l'a ecrite, & fait connoitre fes excellences qualites du cceur &de refprit. II n'y eut pas cette annee d'autres
evenemens confiderables, fi ce n'eft la conclufion de la vifite dont nous avons parle fous I'annee precedente j £48) Lei;, j;. T. S.p. iji",i«V
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l6l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1677. & le changement merveilleux d'un
celebre Poete , qui fut le fujet d'une f;rande joie &c d'une grande confo-
ation, tant pour les religieufes que pour les folitaires de Port-Roi'al. cxxxt. Ce Poete dont nous parlons , etoit de*Mn Rac£n Monfieur Racine, qui apres avoir ete ne , celebre eleve dans les ecoles de P. R. ou- pote. blianr pendant quelque-tems la fainte education qu'il y avoit recue, fe laifla
feduire par les charmes du fiecle 5 & qui fe livrant a la paffion qu'il avoit pour la verification , s'appliqua a compofer des poefies profanes indi- gnes d'un chretien. Sa refpe&able tante Agnes de Sainte Thecle Raci- ne , religieufe , & depuis AbbefTe de P. R. gemiffant des egaremens de fon neveu, eflai'a parune lettre(49) digne de fa piete & de fes lumieres, de le rappeller aux maximes qu'il avoit re- vues dans fa jeunelfe. Mais une let- tre fi tendre & fi chretienne fut fans effet, ou plutot elle n'en eut pas d'au- tte, que de ltd faire rompre tout com- merce avec Port-Roi'al. cxxxn. Ce jeune Poete n'en demeura pas la, ^S il attaqua meme MM. de P. R. pre- avecMM.de * ' 1 • 1 1 w \t
v.k. nant pour lui ces paroles de M. m-
(4S) VoTez les Mem. fut la vie de M> Racine,
T. 1. p. *i. |
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II. Par tie. Liv. FIT. 16}
cole dans fes vifionnaires contre Def- marets de S. Sorlin, dont la premiere profeffion avoit ete de faire des ro- mans 8c des pieces de theatre: un faifeur de romans & un Poete de thea- tre j eft un empoifonneur public} non des corps, mats des ames desfide'es _, quife doit croire coupable d'une infi- nite' d'homicides Jpirituels _, ou qu'il a caufes en effetfj ou qu'il a pit caufer par des ecrits pernicieux. M. Racine, dis-je, qui etoit livre a des compo- fitions de theatre, prenant pour lui ces paroles qui lui convenoient aflez, ecrivit une lettre tres vive contre l'au- teur des Vifionnaires, qu'il ne favoit f»as etre M. Nicole. II n'y epargnoit ni
a mere Angelique , ni M. de Saci, ni M. le Maitre qui avoit eu une tendreffe particuliere pour lui, ne Tap-, pellant jamais que fon fils. En un mot, tout P. R. y etoit maltraite. Les en- nemis de MM. de P. R. dont on con- noit le gout decide pour le theatre , exhorterent le Poete irrite a continuer fes attaques , en lui faifant meme, envifager des recompenfes. MM. de P. R. & M. Nicole ne
daignerent pas faire reponfe a cet ecrit, & fe contenterent de prier pour l'autejir , qui fe flattoit deja d'avok |
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264 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
teduit au fdence les cenieurs de fa
conduite. Mais il fut detrompe en vo'iant paroitre l'an 166 j une nouvel- le edition des imaginaires &c vifion- naires, en deux volumes , avec un avertiflement qui etoit a la tete du fecond , dans lequel M. Nicole trai- toit fa lettre comme elle le merite, & faifoit mention de deux reponfes, qu'ony avoir fakes (jo^&qui etoient jpintes a cette nouvelle edition., avec un traite de la Comedie qui eft de M. Nicole (51). M. Racinereprit auf- iitot la plume & fit une feconde let- tre dans le gout de la premiere. Mais a'iant eu la prudence de la cornmu- niquer au celebre Boileau Defpreaux j cefage & judici'eux Ecriyain lui parla en ces termes .:■ cet ouvrage fera hon- neur a votre efprit _, mats il n'.en• fera point a votre cczur. Kov.s attaque^les plus honnStes gens qui foient au monde^ a qui vous- ave% obligation , &\fpecid-- lenient M, Nicole 3 a. qui vous enaye^ ' ■■ ' ' ■ J /. '. n .. •': (50) te premier de ces d'Aucour, auteur de U
deux ectits etoit de la fa- belle & ingenieufe criti-
$on de M. duBoisconnu que dcs Entretiens stiMr
par d'cxcellentes traduc* rifie &d'Eugene duPere,
lions de plufieurs ouvra- Bouliours.
ges de faint Auguftin 8c (51.) Eifais de* Morale,
de Ciceron i 8c le fecond, T. 3.
de celle de M. Barbier de
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II. P ARTIE. L'lV. VII. 2(5'5
de particulieres. (52). M. Racine pro- " I(j77< "
fitant de cet avis lalutaire , lui repon- dit: eh bienl elle ne verra jamais le jour. Errectivement elle ne l'a point vu de fon vivant (53). L'auteur retira meme tous les exemplaires qu'il put recouvrer de la premiere ; ce qui n'a pas empeche les temeraires editeurs des ceuvres de M. Boileau de publier ces deux lettres parmi les productions de ce Poete, avec lefquelles elles n'ont aucun rapport, fans meme faire men- tion du regret que l'auteur des lettres avoit eu de les avoir compofees. Ce qui fait voir le peu de jugement, la mauvaife foi, & la paffion qu'ont eu ces ignorans editeurs, de decrier des perfonnes, que l'auteur dont ils pu- blioient les ceuvres, regardoit com- me les plus honnetes gens qui fujfent au monde (54). Quoique M. Racine re.connut Tin- cxxxm.
juftice de fon precede a 1'egard de a u "ttile', MM. deP. R. ilnerenonca pas pourembraTe k , , , penitence, Jc
ff 1) M. Nicole ecoit guide par 1'amour du fc reconcile
un des maitces des ecoles vrai, a releve, dans fes airec MM. de
de P. R. ou M.Racine Memoires fur la vie de fon p, r,
avoit ete eleve. pere les bev±ies & les fauf-
(fj) Elle a paru pour fetes queRoflettea infe-
la premiere fois dans l't- tecs dans fes notes fur
dition des ceuvres de Boileau , dont il a public
Boileau faite en Hollande en I7i5 one edition, oil
Pan 1711. il a infere la premiere let-
U4) M. Racine le fils, tre conttc MM. deP. R,
Tome VII. M
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166 HlSTOIRE BE PORT-ROIAI.
iGj-i. lors au theatre , & ne renoua pasles
pieufes habitudes qu'il avoit contrao tees avec les habitans de ce faint de- fert. 11 y eut pres de dix ans d'in- tervalle : enfin au milieu des applau- diflemens qu'il recevoit, Dieu le tou- cha , & lui lit fentir la verite des pa- roles , dont il avoit ete pique, quun Poete de theatre ejl un empoifonneur public. II comprit qu'il etoit peut-ette le plus dangereux de tous. Dans ce moment il renonca a la poefie , em- brafTa la penitence, forma meme le deflein d'etre Chartreux , dont un fa- ge Dire&eur le detourna pour de fo- Tides raifons, & le determina a un mariage chretien, qui a procure al'E- glife un illuftre difciple de S. Prof- Iier (5 5). Enfin voulant faire amende
lonorable de l'outrage qu'il avoit fait a MM. de P. R. il alia accom- pagne de M. Boileau fe jetter aux pies de M. Arnauld, qui de fon cote fe jettant aux pies du Poete penitent, lui donna le baifer de paix, & lui firomit au nom de tout Port - Ro'ial
'oubli de tout le paffe & une amitie (jf) M. Racine le fils, la grace contre les ingrats
matchant fur les traces de 8c de la religion contre
faint Profper , a confacre les impies, par deux ex?
le talent qu'il avoit pour cellens "noemes qui irn-
la poefie, a 1» difenfede mortaliferont fon nom.
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II. Parti e. Liv. VII. 2^7
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conftante. La reconciliation fut par- 1677.
faite, & le retour de M. Racine fin- cere. II fut toujours depuis inviola- blement attache aux religieufes & a MM. de P. R. temoignant dans rou- tes les occaiions un zele admirable pour leur rendre fervice, jufqu'a la mort, comme nous le verrons. Au mois de juin de cette annce, cxxxiv.
Dieu appella a lui dans un memeSou"ajresC«to jour (le 23 ) deux folitaires de P. R.*"• R- M- 1 *i, ij 1 j / / Paulin H M.
dont 1 un, que 1 on pretend avoir ete Gibron.
Cure au Diocefe de Sens, n'etoit con- nu que fous le nom de Paulin: le fe- cond nomme Paul-Gabriel Gibron 3 etoit un gentilhomme de Narbonne , Capitaine de cavalerie dans le regi- ment de Schomberg , dont il y avoit lieu de croire que Dieu avoit accorde la converfion aux prieres du faint Eve- que d'Alet (56). Apres que Dieu l'eut touche dans une maladie, un de fes amis 1'a'iant conduit a P. R. (57) , (?6) Un Cure du Dio perfecuteur. L'effet fuivic
cefed'Alet, p;rfecute par depres. M. Gibron etant
M. Gibron, etant venu combe malade,concur une
confulter le faint Pielat douleur fincere de firs pe-
pour abandonner fon be- dies, & aufli-rorqu'ilfut
nefice , ne pouvant plus releve de fa maladie, il
fouffrir cette perfecution, pric la refolution d'en
il ne lui permit pas de le faire penitence & l'exe-
faire ; Sc il l'exhorta a cuta.
fouffrir encore, lui pro- fj7) Necr. 13 juin,p. mettant qu'il s'applique- 248.
ioit a prier Dieu pour fon Mi;
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1<j8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
iCj~. fans luidire le lieu ouil le menoit,
on reconnut fans peine, que c'etoit l'Efprit de Dieu qui le pouifoit dans le defert pour y commencer & ache- ver fa penitence en peu de tems. II entreprit de la faire de tout fon cceur ; & fe croi'ant oblige de choifir la plus auftere , il alia a la Trape. Mais fon corps ne pouvant fuivre l'ardeur de fon zele , il quitta cette Abbai'e , plus celebre par la feverite de la difcipli- ne, & les aufterites exterieures , que par les lumieres , & revinta P. R. ou fe trouvoient reunis tous les fecours pour le falut. De retour dans ce de- fert , M. Gibron s'y confacra aux exer- cices les plus humbles. II n'y vecut que deux ans, & mourut age feule- ment de z8 ans dans la paix & l'ef- perance que produit toujours une con- verfion uncere , quoique la vie ne foit pasde longue duree. II fit par fontef- tamentles religieufes legataires uni- verfelles, preferant une maifon dans laquelle il avoit pris une nouvelle naiiTance dans la vie chretienne, a celle dont il avoit tire fa vie natu- relle. cxxxv. Le faint Eveque , aux prieres du- MoitdeM. quel Dieu avoit accorde , comme nous vinntT Evai l'avons dit, la converfion de M. Gi- ejus d'Alct,
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II. Part ie. Ltv. VII. lh _
bron , alia cette annee recevoir la re- 16771
conipenfe de fes travaux. II etoit age de quatre - vingts ans', dont il en avoit pafle pres de 39 dans les tra- vaux continuels d'un epifcopat tout apoftolique. L'Eglife perdit par fa mort arrivee le 8 decembre , ce qu'el- le avoit de plus faint parmi fes Paf- tetirs. On peut dire, fans rien exa- gerer, que M. Nicolas Pavilion Eve^- que d'Alet, a ete un modele des plus parfaits qu'il y ait eus d'un veritable Eveque , meme dans les plus beaux jours del'Eglife (58). C'etoit unChry- foftome en chaire,un Bafde a l'autel,un Ambroife devant les Princes; l'appui de la foi, le defenfeur de la difcipline de I'Eglife, le protedtcur des epoufes de J. C. Tous les gens de bien furent confternes de fa mort, mais fur-tout les religieufes de P. R. en faveur def- quelles il s'etoit declare fi hautement, & qu'il avoit prifes fous fa protec- tion avec un zele digne de ['amour qu'il avoit pour Jefus-Chrift , a qui pendant plufieurs annees il les offroit tous les jours. II ne montoit point au . faint autel qu'il n'y portat la lifte de (58) Le Lc&eur trou- de ce faint Prelat, pu-
vera lapreuve de cequ'on bliee de nos jours, en ayance, dans la belle vie trois volumes. M iij
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170 HlSTOIRE 0E PoRT-ROlAt-
1677. de leurs noms qu'il mettoit fous la
nappe, afin d'oftrir pour elles toutes en general & pour cnacune en parti- culier ce divin facrifice, qui unit tous les fideles. Ces vierges chreriennes aiant appris fa mort ne manquerent pas au devoir de piere que la recon- noiflance exigeoit d'elles, quoiqu'el- les fuflent plus difpofees a. l'invoquer qu'a prier pour lui, 8c firent un fer- vice folemnel le 13 de decembre. Le lendemain elles eurent la confola- rion de voir M. de Buzenval Eveque de Beauvais, qui vint pour meler fes larmes avec les leurs (5 9), & patter les fetes avec plus de recueillement dans le calme de certe folitude. II y celebra la mefle de minuit & celle d'a- pres Tierce. (f 9) M. Nicolas Choart rent engagees dans les
de Buzenval etoit etroi- memes troubles dont l'E-
temcnt lie avec M. d'A- glife & fon Diocefe en
let 8c aux religieufes de particulier furent agites.
P. R. par les liens que for- 11 partagea leur affliction,
roent la charite, l'amour 8c epoufa leurs interets
de la vcrite , 8c un zele jufqu'ane vouloir confen-
egalpout fadefenfe.D'ail- tir a aucune propofition
leurs il ctoit comparable de paix , qu'elles ne fuf-
4 Monfieur Pavilion pat fent comprifes dans le
toutes les qualites qui traite de paix. Ce Prelat
font les faints. En toute moutut en odeur de fain-
occafion il temoigna une terele n jnillet 1679, age
affection particuliere pout de 61 ans. Voi'ez le Ne-
Jes religieufes de P. R., crologe de P. R. 8c la vie
mais il les aima fur-tout de M. de Bazenval.
depuis qu'elles fe trouve- |
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II. P ARTIE. LlV. VIL
Ce que nous appellons calme
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171
, eft |
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1^77-
CXXXVI.
M. Vialart: tache inutile- |
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cette paix du coeur, cette tranquillite
parfaite, qui regnent toujours ou r^- |
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fide 1'efprit de Dieu , car du refte l'o- mem'dTdi-
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les
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mtnuer
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rage gran doit deia de la part des horn-
mes , ou des ennemis de P. R. qui ne du Roi con-
ceffoient de dormer au Roi les plus "eIesP^,K"-
c* i r • i' i r ■ r . dus Janlemt- racneules ldees cie cette iainte mai- res.
fort , & de ceuxqu'ils decrioient dans
fan efprit a titre de Janfeniftes. Ces
idees fe fortifioient chaque jour, &t
avoient fait une telle impreffion fur
ce grand Prince , que M. Vialart Eve-
que de Chalons (6o) ai'ant voulu dans
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(«o) M. Felix Vialart,
originaire d'Auveigae , fils de M. Vialart Confeil- ler au Parlement de Pa- ris., etoit ne fur la Pa- roifle de faint Jean en Greve le 4 feprembre 161;. Quelque tems apres fa naiflance , faint Fran- cois de Sales ctant chez M. Vialart, il prit l'en- fant entre fes mains , & dit a fa mere ( Charlote de Ligni S-guier) jevous recommande le petit Fe- lix , ce nom lui convient parfaitement. ^4h que cet enfant [era heureux II ajouta enfuite que ce fe- roic un grand ferviteur de Dieu , & l'une des plus grandes lumieres de l'E- glife Gallicane. Il indi- qua mSme ailez daire- |
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ment qu'il feroit Eveque.
la prophetic fut accom- plie dans toutes fes par- ties. Le jeune Vialart , apres avoir ete eleve dans une grande innocen- ce , & avoir fait dans la piete & les feiences des progres qui etonnoient fes maures , fut fait Eveque a 1'age de 27 ans, &c en remplit tous les devoirs jufqu'au dernier foupir d'une maniere que fa me- moire fera a jamais en veneration. Scs travaux apoitoliques ne fc borne- rent point a fon Diocefe. Son zele lui fit prendre pait aux affaires generates de l'Eglife. Il s'eleva con- tre la morale relacb.ee , & cenfuta par un trcs beau mandement 1'infanic apo- h\ iiij
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HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
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171
un ent
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en
pre- |
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qu'il
|
avec
diminuer fes |
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i*77-
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KJ78 tacher de
ventions, le Roi |
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apres lui avoir dit
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merai davantage , que
d'lire ft long-terns & fi foment id A perdre votre terns. Ce fut M. Vialart dont
Dieu fe fetvit pout jetter dans le cceur du Roi des femences de la piete dont il donna des marques dans la fuite. Aufli ce gtand Prince fetma-t-il lui-me- me la bouche aux laches envieux de ce grand fer- viteur de Dieu , qui vou- loient attaquet fa me- moire a l'occalion d'une lettre qu'il avoit ecriteau Roi, 8c qui ne lui fut ten- due, comme il l'avoit or- donne , qu'apres fa mort. 33 Je veux moi meme , 33 dit le Roi en prre fence 33 de toute fa Cour\ ten- » dre 1'honneur qui, eft 3) du a celui qne j'ai tou- 33 jours tegarde comme 3) le plus digne de tous 33 lesPrelats de inon roi'au- 33 me , en declarant qu'il 33 m'a patle plufieursfois 3) enparticulier avec une 33 fainte libcrte , dont je 33 ne me fuis jamais fa- 33 che , pour me reprefen- 3) ter les chofes que je 3> devois faire pour mon 33 falut 8c pout celui de 33 mes fujets. J'ai tou- 33 jours eu beaucoup de 3, conflanceen fes bonces 33 ptietes. Cell pourquoi |
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logie des Cafuiftes. Quoi-
que pat un exces d'humi- lite 8c d'amour pour la paix , il crut devoir obeir a l'ordre que le Roi don- na aux Eveques d'adopter le Formulaire de l'Affem- blee du Clef ge , il ne put fouffrir la fcandaleufe entreprife d'AlexandreVII, qui au m6ptis des libertes de l'Eglife Gallicane & ries canons, avoit nom- ine de s CommiiTaires pout faire le proces aux quatte plus faints Eveques de Prance. life joignic a 18 autres Ptelats pout s'y oppofet. Cette genereufe demarche procura la paix, dont il fut le ptincipal mediate ur. Louis XIV faifoit un
cas paniculier de ce faint Prelat. Un jour que quct- qu'affaire l'avoit oblige d'aller en Cour , ce grand Prince l'ai'ant appetju en fortant de fon cabinet pour alier a la meile , il 1'appella, rentra dans fa chambre & y refta plus d'un quart d'heure. Puis etant reflotti & ai'ant ren- contre une treutaine d'E- veques qui l'atttendoient, il leur dit , quenefaites- vous comme M. de Cha- lons ? demeuref dans vos Uiocefes , travaille^ - y comme lui) & je vous efii- |
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II. Par tie. Liv. VII. 273
que les Janfeniftes etoient des efprits inquiets & brouillons qui trouble- roient tout, s'iis en avoient occaiion, 3) j'ai fujet d'efperer que Cardinal le Camus, &c da
sj le Seigneur rai'antcou- ceiebre reformateur de la
31 ronne de fa gloire eter- Ttappe. Dieu fe fervit
3d nelle , il intercedcra encore de lui pour infpi-
33 pour moi aupres de fa rer le defir du falur an
ji divine majefte, afin de Cardinal de Retz , fi fa-
33 pouvoir mectre en pra- meux dans l'hiftoire , qui
33 tique , par le fecours de rermina la vie la moins
33 la grace, les avis fa ecclefialtique par pluiieurs
33 lutaires qu'il a eu la annees de retraite 8c de
33 charite de me donner. penitence. £nfin, il fut
Dans une autre occaiion l'inftrument de tanc de
le Roi parlant de ce ref- conversions, que dans les
pectabie Preiat, dit en- memoires du terns on le
core: 33 Q foil dife tout no:nmoit le Convertif-
v> ce qu'on voudra de ce feur,
» bon Evcque pour le de- Dieu lui avoir donne
33 crier, que fa morale toutcequi&oitnecelTaire
33 etoit trop fevere , qu'il pour cela , c'elt-a-dire , le
33 etok Janfenifte ; je n'en don de la parole , foutenue
33 crois rien , parceque je par une vie exemplaire&c
33 fuistouche de ce qu'en joint a une vertu foliJe ,
33 ont toujours penfeles mais fans grimace, qui
33 fouverains Pontiles, 8c nlpouvantoit perfonne>
33 en particulier celuiqui quoiqu'elle fut extreme*
33 occupe acluellementle ment exatte ; e'eft le juge-
33 faint Siege , puifque ment qu'en portoit le
33 e'eit par fon ordre qu'il granl Conde. Son amour
3) m'a ecrit cette letcre , pour la penitence , fes
33 dont je refpefte & re- jeunes , fes veilles, les
3> vere les bons & falu- rigueurs qu'il exerc/oit fur
33 taires avis, comme le fon corps, etoient telles
33 Roi David re$ut tres qu'un Eccleliaftique , qui
33 bien ceux que lui don- en avoit connoilTance ,
33 na le prophere Nathan.' s'ecrioitquelquefois: Mon Ce fut encore M. Via- Dieu , eft-il po'JMe qu'un
lart , qui ictta tes pre- homme fi incommode fe
miers fondemens de la traitede la forte. Il y fuc-
convcrlion de M. de Tu- comba eiifin , & mourut
tetme. 11 eut auffi beau- faintcmeut le io iuin
coup de part a cclUs du i«8o, dins la 6-y auaie
Mv
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i74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
fit meme un reproche a ce Prelat de
ce qu'il les connoiifoit & les affec- tionnoitjfur quoi M.de Chalons lui re- pondit genereufement : » il faut bien " que je les connoi{Te,Sire, pour avoir " negocie la paix de l'Eglife, qui n'eft » pas un des moins beaux endroits » du regne de Votre Majefte. II eft »> etonnant qu'on me decrie aupres " d'elle , parceque je tache de faire » mon devoir«. Mais les preventions du Roi etoient
fi grandes , que rien n'etoit capable de les diminuer , les ennemis ai'ant ferme tout acces aupres du trbne, |ufques-la que M. Arnauld n'eut pas la liberte de lui prefenter une reque- te qu'il avoit dreflee pour demander lapermiffion defe juftifier contre les cafomnies que M. Mallet avoit avan- cees contre lui & contre P. R. dans fa miferable critique , ou examen de quelques pajfages de la traduction fran- foife du nouveau Teflament de Mons. Le Roi mena^a meme de punir celui qui oferoit lui prefenter cette requete : de fon age, !a 40 de fon par une information juri-
fpifcopati Dieu a mani- clique que M. Gallon de
fcfte la faintete de ce fi- Noailles Eveque de Cha-
dele miiiiftre par des mi- Ions fit faire. Vo'i'ez la
racks opercs devant &c vie de M. Vialart , &c le
apres fa mort, conflates Suppl. du Nccr. p. 644,
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II. Pa a tie. Llv. VII. 275
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je fais , dit-il en plein Confeil, qu'on 16/7.
doit me pre/enter une requete de M. Arnauld3 mais quiconque le fera 3 pent s'attendre quit {era envo'ii fur le champ a la Baflille. Trifte effet des delations aupres d'un Prince, qui quoiquerem- pli de bonte & d'equite , refufe a des innocens, & aux plus honneces gens , qui fuflent non - feulement dans fes Ecats, mais dans le monde enrier, ce qui ne doit pas etre refufe aux plus grands criminels! Ces difpofitions de la Cour, oil cxxxvn.
les ennemis de P. R. etoient tout- , °n Iei>0,t .^. , . CA des novices
puiiians , n annon^oient que de ra- & des poftu-
cheufes fuites , & etoient bien capa- lantesa p- *■• bles de jetter l'allarme dans ce faint monaftere. Mais les religieufes met- tant toute leur confiance en Dieti, ne penfoient qu'a le fervir en efprit & en verite & a redoubler leurs prie- res. Des circonftances fi critiques ne les empechoient pas meme de recevoir des fujets, admettant a profeffion eel- les qui avoient acheve le tems de leurs epreuves , & donnant le voile de novice a celles qui demandoient a etre rec_ues. Plufieurs fceurs firent leurs vceux le 1 z & le 11 du '< mois de juin entre les mains de M. Ar- nauld, qui en avoit recju le pouvoir M vj
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fjG HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt,
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l6yj.. de M. Grenet le Superieur, auquel
une maladie ne permit pas de venir
a. P. R. pour faire lui-meme la cere-
monie. Le Pere Quefnel, devenu fi
celebre depuis, fe trouva a celle du
21 , & chanta l'Evangile a la melTe.
Sans entrer dans le detail que nous
trouvons dans les Journaux, rouchant
les differentes foeurs rant de ehceuc
que converfes , recues cette annee au
noviciat &c a profeilion , nous dirons
feulement que la fceur Fran$oife de
Sainte-Darie Wallor , qui avoir de-
ja vu cinq de fes foeurs plus agees
qu'elle, fe faire religieufes, renouvella
certe annee l'edifiant fpectacle que le
lecteur a deja vu , en preferant l'etat
humble de converfe a celui de reli-
gieufe de choeur. Ce fut M. de Saci
qui lui en donna l'habit le 6 du mois
d'avril.
cxxxvin. Le troifieme triennal de la mere
i» mm An- du Fargis etant fini , les religieufes fe
jeancUe Ab-diipoierent a taire 1 election dune
**<* > f*^ AbbeiTe. Elle fe fit le 3 du mois d'aout
en religion , apres une melTe folemnelle du Saint
fo^efuhar- EfPrit» en Prefen« de M. le Cure
gee du foin de S. Benoit le Superieur , de M. de desenfans Vaucouleurs envoi'e par M. l'Arche- la mere An- veque pour fervit de temoin , & de
Eg'ltT^MM. Amauldj jeSaci & de Sxklte |
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II. Par tie. Liv. V1L 277
Marthe , qui y aflifterent. La mere An- 1678;
gelique de S. Jean, Tun des plus beaux
genies qu'il y ait eus dans la famille
des Arnauld , & en meme-tems une
des plus faintes religieufesque laFran-
ce ait jamais vues dans fon fein,
fut elue. Elle etoit nee le 2 novem-
bre 1624. Des 1'enfance elle donna
des marques de ce qu'on devoit un
jour attendre d'elle (61). Placee al'a-
ge de fix ans dans le fandtuaire de
P. R. elle fut elevee & formee a la
piete par fes deux faintes tantes qui
y donnerent toute leur attention , 8c
qui eurent la confolation de voir un
fucces de leurs travaux au-dela de tout
ce qu'elles pouvoient efperer. Al'age
de 17 ans environ, elle prit l'habit
de novice le 27 juin 1(541, avec des
difpofitions fi faintes , que M. de S»
Cyran faifant reponfe a une lettre
qu'elle lui avoit ecrite a ce fujet, ne
craint point de I'aimrer , que les:.
marques d'une vraie vocation a la vie
religieufe y reluifenc , » qu'elle n'a^
>■> mil fujet de craindre de. fe fake
« novice , puifque Dreu a devance
(61) Quelqu'tm luia'i'ant & fort refolumcnt vvous.
die a l'occahonde lanaif- compter cellcs qui font en:
lance d'une uouvellefccin', religion, mais it ne le.
cju'elles etoient emqfilles, fctut pas, car nous ne
elk je£oadit ayec gaiete fommes plus du menck*.
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i7^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1678. " les avis qu'il lui donne , l'aiant
» preparee par fa grace art novi- » ciar.......Je me devois taire, lui
» dir-il, puifque Dieu vous avoir fi"
» bien parle , & avoir mis dans vorre » coeur , que ce que vous voulez faire « en voulant erre religieufe , eft de » chercher les moi'ens les plus faciles » pour vous acquirrer de ce a quoi " vous eres obligee par vorre bapreme, « comme vous le dires forr bien [61). La ferveur avec laquelle cerre novice s'appliqua a remplir fes obligarions fur relle, que le corps plus foible que l'efprir y fuccombanr , elle romba malade , & fur jufqu'aux porres de la morr , qu'elle deliroir ardemment. Mais Dieu qui la deftinoir a. de frandes chofes , & a conrinuer le
ien que fes fainres ranres avoienr etabli , la conferva. Elle fir profeffion le vingr - cinq Janvier 1644; & peu de rems apres on la chargea du foin des enfans. Dans la fuire on la fir MairrelTe des novices, & elle rem- plit cerre fonction pendant pres de vingt ans , inftxuifant encore plus par- ies exemples de fon eminente piere que par fes folides difcou' s. En 1648 elle accompagna la mere Abbeife, lorf- (61) Let. de M. de S. Cyr. X2 juin ifl4i,6d. 1679*
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II. Par tie. Liv. VIL 179
qu'elle alia retablir la maifon de P. 1671,
R. des Champs. Elle y demeura juf- qu'en 1651 qu'elle fut rappellee a Paris, d'ou on la fit revenir en 165 3 dans la maifon des Champs. A la fin de l'annee elle en fut etablie Sou- frieure & MaitrelTe des novices par
AbbelTe,qui enfuite partit pour Paris. Bientot la nouvelle Souprieure lui ecrivit fur la peine qu'elle avoit d'etre en charge. N'aure^-vous doncpas pitii de moij ma chere mere lui difoit-elle ? M. Singlin m'a dit que vous lui mandie^ a man fujet qu'il falloit fuivre Dieu jufques dans le peril. Cela m'epou- vante^car cela vous engage am'y laijfer &c. J'ai pitii de vous, lui tepondit la mere AbbelTe , maisj'ai encore plus de dejir que vous mourrie\ a vous-meme & a toutes chofes , pour ne vivre plus que pour Dieu 3 fans nul autre difcer- nement que de la vraie & Jimple obiif- fance. Si vous vous ajjujetti(fe\ tou- jours , vous pouve\ alter jufques dans le peril _, fans jamais craindre. Ce trait auquel nous pourrions en joindre plu- fieurs autres (63) fait voir quelle etoit la conduite de la mere Abbeflfe (*i)'Vo'i'ez la Relation Relat. vni. T. 3. pare.
de la vie de la mere An- 5. p. J04. & fui*. gelique de. Saint - Jcaa. |
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2 So HlSTOIRE DE Pon.T-ft.OlAL.
" a l'egard de la foeur Angelique, qui y a
fi parfaitement repondu, qu'il eft vrai de dire que jamais fille ne reflembla mieux a fa mere. Elle flit rappellee a Paris en 16 5 9 pour y etre Souprieure & MaitreiTe des novices. Elle ecrivoit fouvent a la mere AbbefTe les lettres les plus tendres (64) & les plus chre- tiennes ; elle l'inftruifoit des mena- ces & des calomnies que Ton repan- doit contre P. R, & en recevoit des reponfes admirables. Enfin elle eut la confolation de la voir revenir a. Pa- ris fe mettre a la tete de fa commu- («4) » Vous avez , ma ■» donne. Mais il m'a
33 chere mere , des termes » donneea vous route in-
33 pour vous exprimer , ,, forme , afiii que vous
5) qu'il n'y a que le corur ,, me formiez , Sc que
5) qui puiffe tormer, & ,, fous la chaleur de vos
33 &c qui en meme tems „ ailes je trouve la vie
33 entrent tellemenr dans ,, & la protection de Dieu
^3 le carur des perfonnes ,, comme ces petits pouf-
5) a qui vous parlez, que „ fins auxquels Jefus-
33 pour moi j'avoue que „ Chrilt nous compare
33 je nefaurois dire ce que „ dans l'Evarigile. C'eft
31 je fens lorfque je recois ,, cela feul que je vous
3-3 devos lettres..Combien ,, demande , ma ties
33 ne ferois.je pa- com- ,, chere mere , & tous
33 blee de bien 8c de gra- ,, vos biens me feroienr
33 ces,puifque vous voulez ,, imuiles, R je ne les pof-
33 que ce que Dieu vous ,, fedois en vous & en
33 en donne foit a moi ,, demeirrant dans votre
33 avec vous- meme? Vous ,, coeur , ou je trouverai
3) dites que vous etes ,, Dieu , 8c oii vsus me
33 toute d moi. He'as ! ,, donnerez a Iui-meme
33 ma chere mere , c'eft ,, autant de fois que vous
3> moi qui fuis route a „ Vous y donnerez yo«is-
3j vous ,8c qui faispartie „ meme
» de ce que Dieu vous a |
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II. Par tie. Liv. VII. i%\
naute pour la foutenir dans les com- 1678. bats que les ennemis de la verite fe difpofoient a lui livrer. Mais elle eut bientot la douleur de perdre cette in- comparable mere , qui rendit le der- nier foupir entre fes bras. Sa grande foi la foutint dans ce trifte moment, confiderant que la mere Angelique , quelque fainte qu'elle fut, n'etoit ce- f>endant qu'une creature de Dieu j elle
e pria de remplir deformais lui feul la place qu'elle occupoit dans fon cceur j elle adora fes defleins, &c s'ef- for^a de recueillir l'efprit de cette fainte mere , en faifant ce qu'elle au- roit fait elle-meme dans de pareilles circonftances. La delicatefTe de confcience de la 5XXXI,JC:
mere Angelique de Saint-jean, & i regard de l'amour qu'elle avoir pour la verite lafisnatUK* l'empecherent quelque terns, ainfi que plufieurs autres religieufes , de fe prefer a la fignature du premier Man- dement des grands Vicaires de Paris. Mais lorfqu'il fut queftiondu fecond, les difficultes furent bien plus gran- des. Enfin, fatisfaite par les raifons de plufieurs amis tres eclaires, elle le figna avec les autres ie 28 Novem- bre 1661 , apres qu'on eut ecrit une claufe au bas du Mandement. Mais |
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28l HlSTOIRE T>t PoR.T-R.OlAt.
(■iMmaMMMwH
1678. en meme-tems ellefit interieurement
une proteftation (65) qu'elle remit enfuite ecrite de fa main a la mere Agnes, dans laquelle elle marquoit qu'elle ne pouvoit fe rendre a figner avec 1'explication que toute la com- munaute avoit refolu de faire,que dans l'evidence qu'elle avoit qu'elle ne blef- foit point la verite,parceque., dit-elle, je ne parte en nulle forte que de lafoij & que je ne comprends condamner au- cune erreur fous le nom des V propc- jitions , que les erreurs oppofies a la doctrine de faint Auguftin touchant la gracej qui eft la doctrine de VEglife^ la- quelle j'embrajfe inviolablement & de tout mon cceur j & queje n'accorde cette fignature qu'a la necejfite oh le mal- heur du terns nous reduit; non pas pour e'viter les maux a quoi le refus nous expoferoit _, puifque j'efpere que Dieu nous rendra ajfe^ heureufespour avoir encore occafion de Jbuffrir non- obflant ce que nous faifons 3hc. teesmMtL La mere Angelique raifonnoit fort fes peines in- jufte. La fignature que firent les re- e«6rieureS& ligieufes, ne leur procura point la paix. La perfecution ne fut que fuf- pendue , & M. de Perefixe ne fut pas |
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(65) Voi'tz cecre proteftation, T. 5. part. 3.
desRelat.p. 514, 51$. |
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II. P A R T I E. L'lV. VII. 1S ?
plutot fur le fiege de Paris , qu'il la i
renouvella & perfecuta cruellement ces faintes filles , jufqu'a. les priver des facremens. Sur quoi la mere An- gelique de Saint Jean ecrivit ainfi a une perfonne amie de la maifon. » A Dieu ne plaife qu'on nous rende » fon corps, a condition de le em- s' cifier de nouveau dans notre cceur! » nous foufixirons plutot , & nous » mourrons avec lui 5 & par la , com- » me notre Pere faint Bernard nous » l'a appris, nous communierons a " fon fang , en communiant a fa paf- » fion & a fa mort «. Le perfecu- teur , non content de priver des ames fi pures du corps & da fang de l'A- gneau fans tacne , en enleva douze , qu'il relegua en differens monafteres. La mere Angelique de Saint-Jean fut du nombre de ces douze victimes immolees les premieres a l'idole du Formulaire , & fut enfermee chez les Annonciades dites les Filles ce- leftes, ou les Filles bleues, Elle eut a V fouffrir de la part de fes geolieres depuis le 16 aout 1664. jufqu'au j juillet de l'annee fuivante , tout ce qu'un faux zele eft capable d'infpirer a des perfonnes aveugles & conduites par les Jefuites, qui croi'oient hono- |
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________ i84 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1678. rer Jefus-Chrift en perfecutant fes
epoufes. Pour fe former une idee de ce
que cette vierge chretienne eut a fouflrir dans fa captivite , il faut bien pefer ce qu'elle dit au commence- ment de la Relation qu'elle en a faite par obeiffance. » Si Ton n'en regarde ■» que Pexterieur , dit-elle , il eft » facile de le dire en deux mots; « puifque tout confifte dans une pri- » fon fort etroite, dans une folitude « entiere , & dans une privation ge- i) nerale de route confolation & de » toute affiftance fpirituellej quife- » roit la plus grande de toutes les « peines, fi Ton n'avoit pas la con- » fiance & l'experience qu'on pent » toujours dire a Dieu, adjutor in » tribaladonibus qu&invenerunt nos ni- => mis. Mais fi Ton vouloi t favoir ce « qui fe pafTe dans le cceur, lorfqu'on » eft dans cet etat, je demanderois » pour me pouvoir fiire entendre , « quelqu'nn qui l'eut eprouve en » quelqu'occalion femblable , afin » qu'il put comprendre ce que je ne » lui pourrois dire , & qu'il s'en for- » mat une idee plutot fur fon fou- » venir que fur mes paroles. Outre les maux exterieurs, Dieu
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II. Partie. Liv. VII. 1S5
la fit done pafler par des peines en- 1678.
core plus fenlibles , & telles quilfau- droit j difoit - elle , les avoir eprou- vies pour en avoir une jujie idee. Elle fut fi faifie de crainte , qu'elle n'ofoit prefqu'elever les yeux vers Dieu. Toutes (es foufFrances lui paroifToienr au-deflbus de ce que fes peches rae- ritoienr , s'il eut voulu la traiter fe- lon fa juftice. II n'y avoir rien de pareil a. cet accablement d'efprit j & elle ne pouvoitefperer le moindre fe- cours & la moindre confolation de qui que ce foit, quand cela auroit dure jufqu'a. la mort, car elle n'y voioit point d'autre fin. Sa feule con- folation dans cet etat etoit l'efpe- rance qu'elle avoit que Dieu agree- roit ce qu'elle fouftroit pour la re- miilion de fes peches. Une autre vue que Dieu lui donna, la foutint & l'empecha de tomber dans l'abbatte- ment. C'eft que la tentation qu'elle eprouvoit, alloit a attaquer la foi aufli-bien que la charite & l'efperance, parcequ'elle etablit un principe con- traire aux maximes de l'Evangile , en prenant les maux temporels pour une marque de la colere de Dieu j au lieu ^ue felon toute l'Ecriture , elles font |
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28 (J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
j (j78. ^es Sages ^es P^US a-^ar^s de 1'amour
de Dieu. Elle crut des ce moment, qu'elle ne devoit point regarder trop fixement fes fautes. Aufli c'eft ce qui commence a jetter dans le trouble quelques-unes des religieufes capti- ves, qui tomberent comme on l'a vu , & leur fit croire enfuite qu'elles fe trompoient en ne voulantpas obeir, ou en s'expofant a fouffrir pour un fujet qui ne le meritoit pas aflez , des chofes qui furpaflbient leurs forces & les expofoient a de trop grandes extiemites. La mere Angelique de Saint-Jean s'erfbrca au contraire de regarder Jefus-Chrift comme ion Pafteur, aufli appliqud a elle que fi il n'eut eu comme cet homme de la parabole de Nathan, que cette uni- que brebis qui repofoit dans fon fein, qu'il nourriflbit de fon pain, & qui lui tenoit lieu de fille. Ce qui fai- foit qu'elle fe,per doit dans 1'admira- tion des graces de Dieu , & repan- doit en abondance des larmes qui la confoloient & la fortifioient. „„rT Dans fa captivite elle s'appliquoit Hie compo- a raire des remarques & des cxtraits
toit?dal?sUfa ^e ^'Ecriture fainte & des Peres pour captivite, fa coftfolation. Elle compofa aufli |
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II. Partie. Liv. VII. 287
quelques petits ecrits , entr'autres des 167$. reflexions fur la conformite de l'etat 011 etoienr alors les religieufes de P. R. avec celui de Jefus-Chrift dans l'Euchariftie (67). Dieu ne permit pas qu'on lui envoiat quelqu'un pour la tenter , comme on fit a l'egard des autres prifonnieres , parceque l'Ar- cheveque etoit perfuade qu'on ne ga- gneroit rien. Ce Prelat parlant d'elle a M. Bignon , lui rendit ce temoigna- ge fi glorieux pour elle dans la bou- che d'un perfecuteur :c'eft unefainte j dit-il, elle vit comme un Ange dans une aujlerite & un recueillement in- croiable j elle eft aujji admirable par fa vertu que par les belles qualites defon efprit (6B). On a vu ailleurs comment cette cxtrr;
vierge chretienne for tit triomphante Ei'eforrde 1 9. . . , *■ captivite &
de la captivite au commencement en fak la re-
de juillet 166$ & fut conduite a P. R. lati°n- des Champs pour etre reunie a fes au- tres foeurs , qui comme elle', avoient eu le bonheur de demeurer fermes dans l'amour de la verite, ou de fe relever de leurs chutes. Ce fut apres cette reunion , qu'elle fit par ordre («7) Ces reflexions fe leurs.
trouvent "i la fin de la (68) Relat. in -40 de premieie edition du pre- let. p. 4
«ier germflement, Sc ail- |
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'-■».-.
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2.88 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
de fes Dixe<5teurs la relation de fa
captivite , qu'elle eut beaucoup de peine qu'on communiquat fecrete- ment a quelques amis, comme a M. l'Eveque d'Alet (69). Dans la nouvelle captivite, oil les're-
ligieufes de P. R. fe trouverent redui- tes dans leur propre maifon apres leur reunion, la mere Angelique de S. Jean donna a fes fceurs de grands jjexemples de courage & de refignation a la^volon- te de Dieu. Qu'on jette les yeux fur la lettre qu'elle ecrivit a M. Arnauld, lorfqu'on eut depouille Port-Roial des Champs de fes biens pour les li- vrer a un petit nombre de religieu- fes qui s'etoient feparees de la com- munaute : qu'on jette, dis-je , les yeux fur cette lettre de la mere Angelique de S. Jean (70) & on connoitra quel etoit l'efpritde cette fainte mere: En- fin , dit-elle , par la grace de Dieu t nous fommes pauvres & depouillees des biens de la terre ; & je penfe que nous ferons bien heureufes & heritieres du Ciel felon I'Evangile 3 parcequ'il me fembleque 3 par unegrande mifericorde, Dieu nous fait encore la grace de nous en rejouir. II faut etre bien depouille (6?) IbiJ.let.xi.
(70) Relat. in 11T. 3. p. 524, jij.
du
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II. Partie. Llv. VII. 1851
du vieil homme pour tenir un tel lan- gage , & avoir une foi bien vive. Par- tout on voit le meme efprit, le me- me courage, la meme foi; dans tou- tes fes demarches, dans tomes fes ac- tions , dans toutes fes paroles , dans toutes fes lettres. On ne peut les lire fans etre faifi d'etonnement 8c rem- pli d'admiration. Ce ne font point des expreflions de ce monde, mais celles d'une perfonnequi vit de-ja dans le Ciel, & parle comme en etant ci- toi'enne , nojira autem converfauo in ccdis eft. On voit ces fentimens fur - tout
dans les lettres qu'elle ecrivit pen- dant les annees de captivite , & lorf- qu'on propofoit quelqu'accommode- ment, qu'elle craignoit qui ne don- nat quelqu'atteinte a la verite. Apres la paix rendue a P. R. au
mois de fevner 1669, la mere Marie de Sainte Madeleine du Fargis aiant ete elue Abbefle , elle choifit bien- tot une aide digne d'elle, dans la per- fonne de la mere Angelique de Saint Jean , qu'elle fit Prieure pour parta- ger le fardeau que Dieu lui avoit impofe. Ce choix fut auffi agreable a 'toute la communaute , qu'il mortifia fenfiblement cette ame fi humble, &c Tome VII. N
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15>0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
" I(j78. cin^ remplit h dignement cette place
pendant 9 ans. Voila quelle etoit la mere Angeiique deS. Jean, fur qui les religieufes deP. R. jetterent les yeux pour la mettre a. la tete de la com- munaute , & qu'elles elurent AbbefTe le 3 aout i<>78.L'afflicHon qu'elle eut de fe voir dans cette place , tut fi vive qu'elle en perdit le repos pendant plu- iieurs nuits. Mais la foumilfion qu'elle ayoit pour les ordres de Dieu ai'ant calme fa douleur, elle ne penfa plus qui travailler a remplir dignement les devoirs de fa charge, en inftrui- fant par fes exemples & par fes dif- cours (71). Dans le premier chapitre que la nouvelle Abbefle tint cinq jours apres fon election (le 8 aout), elle s'ailocia la mere du Fargis, en la choififlant pour Prieure. Le lecTreur verra dans la fuite 1* eclat que ce flam- beau place fur le chandelier repandit iufqu'au moment que, Dieu la fitdif-> paroitre. cxlih. Les religieufes de P. R. flrent le 11 d^Ba'cos. ' de ce mois une perte , a laquelle elles furent tres fenfibles, par la mort d'un digne neveu du grand homme dont (71) La mere Angeiique quelqlies religieufes a-
de Saint-Jean expliqua au voienc foin d'ecrire, one
Chapitre la regie de faint ete irtiprimes en 175* >
Beuoit. Ses diicours, que 1 vol.
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II. P a r t 11. Liv. Fit. U) t
Dieu s'etoit fervi pour former lefolide j<?78. edirice de P. R. Nous parlous de M. de Barcos , neveu par fa mere de M. l'Abbe de S. Cyran, heritier de foil favoir, & de fon attachement a la maifon de P. R. 11 avoir etc forme a la piece par cet incomparable maitre de la vie fpirituelle , & a. la fcience ecclefiaftique par M. Cornelius Jan- fenius , depuis Evtque d'Ypres. Lorf- qu'il fut de retour a Paris chez M. fon oncle , il vi/itoit fouvent P. R. & pendant la prifon de ce grand fervi- reur de Dieu, il fut d'un grand fe- cours aux religieufes. Apres fa mort il n'oublia rien pour remplir le vuide qu'elle y avoit laiife ; & fe chargea de la conduite de la mere Marie- Angelique Arnauld 8c de quelques autres. II etoit intimement uni a M. Arnauld le doclear, & fut enveloppe avec lui dans la perfecution excitce a l'occaflon du Livre de la friquente Communion. Quelques annees apres qu'il eut
ete nomme a rAbbaie de S. Cyran , il alia s'y renfermer pour y faite re- vivre le premier efprit de la Regie de S. Benoit. II emploi'a tous lesre- venus de 1'Abbai'e & de fon patri- moine a reparer l'Eglife & tous les N ij
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191 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1678. lieux reguliers. Voulant y faire ob-
ferver la regie, il fat le premier a donner Pexemple de ce qu'il faifoit pratiquer aux autres, dont il ne dif- feroit que par l'habit, par de plus grandes aufterites , de plus longues veilles, un travail plus affidu & plus penible. II reuffit a etablir dans fon inonaftere la reforme la plus exadte 3u'on ait vue en ces derniers tems
ans l'Ordre de S. Benoit. Mais elle fubfifta peu , les ennemis de tout bien ai'ant trouve moien de la ren- verfer, quoiqu'avec moins d'eclat que P. R. (72). Enfin epuife par fa vie auftere & penitente, il la termina le 22 d'aout par une heureufe mott dans fon Abba'i'e , ou il fut enterre, cxuv. Le trentieme du meme mois la ra^petpe- foeur Jeanne-Marie de Sainte Perpe- tuc Hutiot. tue Hurlot mourut dans la foixante- |
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(en 1759) a l'encan , 3
l'exception des reliques, que l'Eveque a retenues, Les livres qui reftoient one ete achetes pat les Ben6» diftins de faint Sulpice de Boutges , lefquels out re- couvte ( avec de l'argent) de eette refpe&able dq- pouille , mi ornement oomplet , d'autant plus precieux, qu'il eft fait par les mains des fainteS religieufesdeP. H,, |
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(71) L'Abba'te de faint
Cyran ne fublille 'plus. La manfe abbatiale eft au- jourd'hui r6unie al'Eve- cue de Nevers, & la man- fe conventuelle fut reu- nie au Seminaire , lorfque les Jefuites s'en empaie- rent. Les tableaux, les chaffes des reliques , les ornemens d'Eglife, 8c tout'ce qui fcompofqit le trefor de la factiftie, a £te vendu de nps jours |
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II. P A R. T I E. LlV. VII. 193 ______
dixieme annee de fon age. Se trou- 1678.
vant veuve de M. Bazin fon mari} elle fe retira dans le monaftere de P. R. de Paris, 011 elle prit 1'habic. religieux eh 166 i. Maisaiant ete obli- gee d'en fortir avec les autres novi- ces , elle conferva toujours le deflein d'y rentrer , qn'elle executa en fe re- tirant a P. R. des Champs en 166$ lorfque la paix fat rendue. Elle y prit. l'habit une feconde fois, & recom- menca fon noviciat etant agee de 66 ans. » II a paru , dit la mere Angeli-
» que de S. Jean (73), qu'elle etoit d& » ces juftes , dont la mort aufti bien » que la vie eft precieufe devantDieu. w Nous nous appercurnes bien routes t> long-tems avant fa mort, que fa « verm croiflbit de jour en jour r ce » progres nous devo'u avcrtir qu'elle. » acheveroit bientot fa courfe.......
" Je dome que Ton ait vii en d'au-
» tres autant de douceur & de paix » dans des fouffrances aulll violentes - « autant de defir de la vie bienheu- » reufe, fans ennui de la duree de » fes maux , & autant de liberte d'ef- '■>•< prit pout*1 s'occuper de la vue de la » mortprefenre, fans que ni la foi ni (75)-Viss cdif. T. 3. p. hi.
N iij
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294 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" la nature lui en caufaiTent la moin-
" dre apprehenfion. Elle la regardoit » comme uh bapteme univerfel qui » detruiroit en elle tout le peche, » & elle s'y preparoit avec joie dans » cette vue j elle faifoit fa confo- » lation de penfer qu'elle alloit paffer » dans un etat, ou elle remercieroit » &c loueroit Dieu fans cefle , au lieu » qu'on ne le fait ici que trop im- « parfaitement j elle attendoit ce mo- » ment, qui lui decouvriroit tout ct » qu'on ne voit point ici bas. Quel raviffementen ce moment _, difoit-elle , quand on verra ce qu'on n'a pu com- prendre.'. Tels etoient les fentimens , les paroles & les difpofitions de la fceur Perpetue a. la vue de la mort. Elle mourut dans ces faintes difpo- fitions huit ans apres fa profeflion. JLe neuvieme du mois de feptem-
bre fuivant, la mort enleva la fceur Marie-Charlotte de Sainte - Claire , fille de M. d'Andilly. Elle etoit de- puis l'age de neuf ans a P. R. ou elle avoit fait profeffion le 28 novembre 1647. Peu apres on la mit aupres de fa tante Anne - Eugenie , qui 1'avoit elevee, pour avoir foin des enfans. En 1664 elle fut enlevee & mife chez les Filles de S. Thomas, rue Vivien^ |
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II. P A R. T1 E. Liv. trtt. 19 5
ne , ou elle eut le malheur de fuc- I(wS. comber (74). Elle nous apprend elle- nieme dans la relation de fa capti- vite la caixfe de £z chute. « Je menus n trop negardee moi-meme , dit-elle, » & ma. propre foiblefle. J'ai manque " de foi & de connance" en Dieu j Sc » au lieu de lui demander la force » de lui etxe iideEe jufqu'au bout, » comme je le devois eiperer de fa » bonti, je ne lui demandois pref- » qu'aiitre chafe que la delivrance de » rna captivite & quelque foulage- » ment exteVieux dans mes peines , » plutot que ia grace de porter ces » epreuves, qui me devoient etre ii » avantageufes , & qu'il m'exercoit » envers moi qu<e pour nn'obliger a " m'appuier plus folidement fur lui » dans I'impuiflance ou j'etois de me » foutenir moi-meme «. Telle fut £* premiere faut-e. Se faifant enfuite il~ lufion a elle-meme, elle commenca a craindre qu'en refufant une chofe , ou des perfonnes de piete (mais £6~ duites) afTuroient qu'il n'y avoi t point de mal , elle ne s'exposat a un mal reel & veritable , en tombant peut- etre dans le defefpoir , ou pouvoit la porter la privation de tout foutien, (74) T. 3. des Relat, in-i'..p. 551. ixRelat.
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________ i-95 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1678. des Sacremens & de route forte de
confolation. Cetre penfee la condui- fir a s'expofer a celui des deux dan- gers , que le tentateur lui fit regarder comme le moindre , & enfuite a fi- gner ( ce qu'elle fit le 5 novembre 1664) , fous ce pretexte qu'abandon- nee & accablee de peine comme elle etoit, elle meritoit excufe fi elle fai- foit mal; etant d'ailleurs dans la re- folution d'en porter toute fa vie l'hu- miliation devant Dieu & devant les hommes, fi les perfonnes en qui elle avoit touiours une parfaite confian- ce,trouvoient qu'elle eut ofFenfe Dieu. Elle figna fur la parole qui lui Bit donnee par M. Chamillard , qu'on ne lui demandoit que la condamna- tion des cinq Propofitions. Les reli- gieufes a'iant appris ce qu'avoit dit *'■ M. Chamillard a la fceur Marie de Sainte-Claire pour la feduire, eo df ef- ferent un acte le 4 decembre 1664., dans lequel elles difent que la fceur Marie de Sainte - Claire a'iant figne de la forte avoit ete furprife par M. Chamillard; qu'en confequence elle avoit trompe ( finon l'Archeveque , au nom duquel on lui avoit fait cette declaration) au moins l'Eglife , en atteftant par fa fignature pure &. fun- |
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II. Partie. Liv, VII. 297
pie un faitqu'elle ne croi'ok pas. D'ou i^-jZ.
les religieufes conclurent qu'on ne devoit avoir nul egard a une figna- ture extorquee j>af furprife. Dieu ne laiua pas long - terns la
fceur Marie-Claire dans l'egarement, II' permit qu'elle rombat dans le trou- ble , au lieu de jouir de la paix dont elle s'etoit flattce. II lui ouvrit les yeux, & lui fit connoitre fa faute. Elle commence par retra£ter fa figna- ture devant Dieu , puis elle fit part de fon repentir a M. Chamillard , en lui difant que quoiqu'elle fouffrit beaucoup avant fa fignature , elle jouiflbit cependant d'une paix fecrete qui l'excitoit a s'approcher de Dieu , au lieu que depuis qu'elle avoitfigne , elle ne pouvoit pas' meme faire un. quart d'heure de priere , ni fe confo- ler ayec Dieu , a qui elle avoit ete fi infidelle. Cependant on la transfe- ra le 3 mars 166 5 chez les Filles de la Vifitation de Sainte Marie, & on la mit avec la mere Agnes, qui avoit befoin de fecours , parceque Ia'fceur Angelique de Sainte - Therefe etoic malade(7 5). (70 ta fceur Marie douceur , la rrrodeffie, Tai
Chile fait itn fort bel elo- charite pour lesinfitmes ,
ge des filles ;de faint Tho- reloignement du monde ,
ims, doat elle loue la rexadlitudc i pratinuer
Nv
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i?8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt^
Ce fut un grand fujet de confola-
tion pour la foeur Marie de Sainte- Claire, qui defiroit depuis long-tems de prendre confeil de quelqu'un, pour favoir comment elle devoir reparer fa faute. Elle crut done que Dieu avoir permis certe reunion , pour lui faire trouver dans la charire de fa tante ce qu'elle defiroit. Elle fe trou- va auffi heureufe de lui rendre quel- que fervice dans ce tems, ou elle fouffroir fi conftamment & avec tant d'humilite pour l'amour de Dieu & de la verite. Fortifiee par cette fainre mere, elle evira en 1665 le piege de la feconde fignarure , &c elle comprir que la premiere qu'elle avoir faite venoit, difoit-elLe, de fon afFoiblifle- mant dans la foi, dans l'efperance 8c la charite. Huit jours apres fa reu- nion avec la mere Agnes, elle fit une retractation par ecnt, de fa figna- ture (76). Ai'ant ete delivfee de la captivite
& envoi'ee a P. R. des Champs avec les autres religieufes , elle leur de-, leur regie. Aulll ne" fut- P. R.) eut de tres bonnes
elle pas (I maltraitee que msmerespout elle.
fesfecurs dans focaptivi- (6*) Cette retractation re. ta Superieure (lame- fe trouve a lafuitede la
rede la Sourdiere ,'fcrut relation qu'elle a faite de
<Je celle qui fut euvoiee a fa captivite..
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II. Partie. Liv. FIT. 199
manda pardon avec beaucoup de lar- 1678. ' mes , pour avoir par fa fignature, dit- elle , trahi la verite 3fcandalife I'Egli- fe j ■condamne un faint, & menu a la face de la mime Eglife. Elle edifia de- puis ce rems, par fa xegularite & fon humilire , encore plus qu'elle n'avoit fait auparavant. Enfin Dieu l'appella a lui le 9 feptembre 1678 , apres avoir ete eprouvee par des matax tres vio- lens , qui excitoient ia compallion de toutes les perfonnes qui la voi'oient.. Elle eut la confolation d'etre affiftee par Melfieurs Arnauld, de Saci, & de Sainte-Marihe. Ce fut M. Arnauld qui fit la ceremonie de l'enterrement. Le it o&obre fuivant moucut de f,XLV-, .
, . . - .. More M 13
la mort des jultes , une autre reli- fecur Angeii-
gieufe, plus recommandable encore Tf ^e J?/1* f r ' K, , r . Alexis d He-
par la piete 6c ion amour pour la caucoutc.
verite, que par fon efprit 8c fa naif-
fance. PreVenue de bonne heure par la grace, la fceur Angelique de Saint- Alexis d'Hecaucourt de Charmont, avoir renonce a toutes les grandes efperances dont elle pouvoit fe flat- ter dans le fiecle , pour fe confacrer a Dieu dans l'Abbai'e de P. R. ou elle fit profeffion a, l'age de 17 ans. Elle s'y diftingua par fon humilire, h claarite , fa prudence, & fon zele N vj
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500 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
1673. Pour la verite. Le Le&eur trouvera:
des preuves de fon courage dans deux relations qu'elle a dreflees eontenant les principales chofes qui fe font paf- fees a fon egard depuis le x6 aoiit 1664, jufqu'au 3 juillet 166 5 , &c. & dans la proteftation qu'elle fit le 5 mai 1665 , contretoute fignature du Formulaire qu'on pourroit lui fur- prendre (77). Nous mettrons a la fuite de ces
morts bienheureufes , celle d'une amie tres particuliere & bienfaitrice de P. R. (78) qui les a precedees. Madame Madelaine de Souvre,. Madame la veuve de Philippe de Laval Marquis Wamuife de de Sable , etant touchee de Dieu en 1640 , fe lia auffi-tot a P. R., oii elle: fit dans la fuite batir une maifon pour s'y retirer (79). La mere An- gelique , ecrivant a la Reine de Po- logne (80), lui parle ainfi de eette Dame. » Madame la Marquife de » Sable y vient le plus qu'elle peut * ( a Port-ro'ial) ai'ant pris une mai- " fon fort proche en attendant que: » celle qu'elle batit foit feche* Elle: '77) Ces trois pieces, fe (78) Necr.
crouvem dans le troifieme (79) Mem. R.el. T. l»
tome des vies edif. depuis p. 571.
I* p. i?o, jufiu'a la p. (80) T. i. des let., g*
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II. Part ie. Liv. VII 301
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m fe fepare le plus qu'elle peut du 1 <^75>»
» monae , Scjincerement elle veut etre ». a Dieu. Patrni les lettres de la mere Angelique il y en a beaucoup d'aurres qui font honneur a. Madame de Sable (81) , foit celles qui font ecrites a cette Dame elle-meme ; foit: celles oil la fainte AbbelTe parle d'elle, de fa liaifon etroite avec P. R. & de fa folide piete , qui fe foutint beau- coup mieux que celle de la Princefle de Guimenee , avec laquelle elle etoit entree dans la voie etroite. Madame de Sable y marcha conftamment fans aucun arfoiblifTement jufqu'a fa mort. Elle mourut le \6 Janvier 1678 agee de 79 ans , dans fon appartement de P. R. & fur enterree a faint Jacques du hattt Pas dans le cimetiere, comma elle l'avoit ordonne par fon tefta- ment. L'annee fuivante les religieufes de S*L7n;
f. K. hrent encore une perte beau- dame de ton- coup plus confiderable par la mort §uev.,ile» faf ,, r f -T derniete mar-
d une autre amie tres panicuhere & kdie.
bienfaitrice de leur maifon , dont elle etoit comme la fanvegarde. Cette perte arriva dans le terns que les en- nernis de ces faintes filles. renouvel- (.81) T. i. let. 689. p. let. 77). p. p.,let. 77yy
fg«. T. 5.p. 10. 1«. no. p. ?4j &C.. |
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$01 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
r675). loient toutes leurs anciennes calom-
nies contre elles (81) j & que la Cour etoit fi indifpofee contre P. R., que c'etoit aflez pour encourir fa difgrace d'y avoir quelque relation (83). Ce fut dans ces circonftances que Dieu retira de ce monde la Duclierfe de Longueville. Depuis que cette PrincefTe eut fait
batir un appartement a P. R. des champs, elle y venoit auffi fouvent qu'elle le pouvoit, refpirer la bonne odeur de Jefus-Chrift , que ce faint dcfert exhaloit. Elle y paflbit les jours & les nuits a mediter les verites eter- nelles , a prier & ;a repandre des lar- mes dans une petite tribune qui etoit a cote de 1'autel , avec tant d'abon- dance , que la place ou elle fe mettoit en etoit fouvent mouillie (84). Cette (81) On accufoit ces P. R. parcequ'autrement,
faintes filles de ne point ltiiditce Miniftre , onne
invoquer la fainte Vierge fera jamais rien pour vos
& les Saints. On pent enfans, Ceftceque'Ia Du-
voit dans les Mem. hift. cheffe de Luiiies, dit elle-
T. 1. p. tfxf une belle roeme aux religieiifesdans
lettre de la mere Angeli- un voi'age qu'elle fit a
que de Saint Jean, dn P. R. le z? mats 1679.
24 Janvier 1S79, on elle (84) Mademoifelle de
detruit ces calomnies avec Pamelle , qui avoir t-te
touce la force & la foli- Demoifette "d'honneur de
dire dont elle etoit ca- la Princeffe , montrant i
pable. une perfonne qui etoit i
(8;) M. Colbert con- dP.K. en 1S94, la place
feilla a M. le Due de Lui- ou fe mettoit Madame de
ires de fairer fesjfillesde Longueville , 1'afluw
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II. P A R T I E. L'lV. FIL JO7*
admirable Princefle faifoit alternati- i(?7^
vement fa residence a P. R. des champs & aux Carmelites de la rue faint Jac- ques chez lefquelles elle avoit aufll un appartement. Comme elle ne favoit dans laquelle
de ces deux retraites elle mourroit,
elle avoit regie par fon teftament r
qu'elle feroit inhumee dans celui des
deux monafteres ou la mort la fur-
prendroit, 8c que fon cceur feroit
depofe dans 1'autre. Son corps depe-
riflbit de jour en jour. Tant de pieux
exercices , tant de pratiques aufteres
l'avoient extremement afroiblie. Cha-
que journee avoit fa mortification
particuliere, & 1'ufage des inftru-
mens de penitence lui etoit devenu
fi familier , que pour I'ordinaire elle
en avoit quelqu'un fous fa main j,
de forte qu'un jour qu'on tenoit con-
feii chez elle , en tirant fon mou-
choir, il tomba de fa poche , a la
vue de tout le monde, une ceinture
de fer, que M. le Nain, qui etoit
aupres d'elte , s'emprefTa de ramafler
pour la lui rendre.
II fallut enfin que fon temperam-
ment delicat , & fes infirmites habi- c\u'eUe l'avoit vue plus de larmes de cette- Vrincejfi.
vingt fois maiilUe des Vies edit~. T. -j.p. 387. |
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5 04 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
i6ja, tuelles fuccombaiTent a la continuity
de fes travaux. On eat cependant beaucoup de peine a la determiner a garder le lit. Comme on connoiflbit fes difpoiitions , on ne balanca pas a lui annoncer fon etat j & des qu'elle le fut, il fe fit en elle un changement fnbit &c bien extraordinaire. L'idee de la mort, depuis fa converfion , l'avoit beaucoup effraiee , & ce mo- ment redoutable , qui decide de l'E- ternite, l'avoit encore epouvantee davantage : mais quand fon heure fut venue, toutes fes craintes fe dif- fiperent en un inftant, apres avoir ete 17 ans dans des delaiuemens inte- rieurs & de triftes defolations , dans des tenebres & des amertumes con- tinuelles , fans etre ni moins fidelle , ni moins appliquee a fe foumettre aux volontes de Dieu. La divine mi- fericorde avoit attendu, ce femble , a lui developper toutes fes richeiTes. Une confknce inebranlable, & un defir continuel de voir Jefus-Chrift, furent les feuls mouvemens dont elle fut touchee; & tandis que la trifteiTe 6 la douleur etoient peintes fur le
vifage des perfonnes qui l'environ- noient, la paix & la ferenite de fon- ame etoient peintes fur le lien. |
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II. Partie. Uv. VII. 305
Des le commencement de fa ma- 1679.
ladie, elle avoit fouhaite de recevoir les Sacremens de l'Eglife , & elle les avoit rec,us avec une humilite pro- fonde. II ne falloit que lui commen- cer un palTage de l'Ecriture , pour la mettre fur la voie de le pourfuivre. Selon les differentes impreffions qu'il faifoit fur elle , tantot on la voioit lever les mains au ciel, pour implo- rer le fecours de la divine mifericor- de j tantot elle les joignoit, pour de- mander pardon a Jefus-Chrift, d'a- voir rendu par fes peches la croix du Sauveur plus pefante. Quelque terns avant qu'elle expirat, on lui demanda fi elle ne vouloit pas recevoir en- core une fois l'abfolution, & ga- gner l'indulgence que l'Eglife accorde aux mourans. Elle ne parloit plus , . mais elle temoigna par des fignes qu'elle entendoit ce qu'on difoit; elle frappa fa poitrine; & joignant les mains, elle parut recevoir avec hu- milite ce dernier gage de reconcilia- tion. Elle mourut dans ces faintes difpofitions agee de jjans 7 mois , le 15 avril 1679. Son corps futporte le lendemain a. faint Jacques du haut Pas fa ParoifTe, & reporte aux Car- melites , 011 il fat inhume. M. d'Au- |
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$6<£ HlSTOlRE Cfi PoK.T-A.OlAt.
T&tq, tutl &l f°n oraifon funebre , qui ne
fut point imprimee , y ai'ant eu defen- fe de le faire. Son cceur fut mis en depot dans une chapelle, d'ou il fut transferc le 16 du meme mois a P. R. des champs, coftme elle 1'avoit or- donne par fon teftament, par lequel elle avoir legue 6000 liv. a ce monaf- tere , & autant aux Carmelites. M. le Cure de faint Benoit, accompagne- de M. Arnauld , &: de tous les Eccl^- fiaftiques de la maifon , revetus en furplis, le recut a laporre del'Eglife. Le lendemain 47 , renterrement fe fit apres la grande Mefle. Fin du Livre feptieme.
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ZJ*72£ HU1T1EME.
I jA mort de Madame de Longue- -
ville apporta un grand changement I<^79-
aux affaires de P. R. & fut Npoque *> du quatneme etat de ces iamr.es hi- cutcj(rement les, que M. Nicole appelle dW/ai'- deP.R.apre» ■ sr l , \ r ) 5 i < li mort de
ci[]eme;-t (i), parcequon ies y redm- Madame de
fit a une obfcurite qui mena^oit leur Longuevitie. monaftere d'une enriere extinction. Cependant on leur y laifla tous les biens eiTentiels, les facremens, les bons livr,es. Elles n'y manquerent meme point de trcs bons Superieurs & Superieures. Ce qui fait dire a M. Nicole, que jamais le terns ne fut plus commode pcurfe fauver par la prati- que folide des vertus chritiennes. Mais ce qui paroit etrange, c'eft que Dieu femora fe joindre a ceux qui avoient deffein d'obfcurcir Port-roial, en leur enlevant dans ce meme terns , comme nous le verrons , tout ce qu'il y avoir de plus eclatant dans les Su- perieurs & dans les amis de cette fainte maifon. Ce fut dans ce terns qu'elle perdit la mere Angelique de Saint-Jean , la mere du Fargis, M. de |
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(i) Lettre du 4 Janvier 16^3, a lafoeur Agn^s le
Peron. |
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Jo8 Hl5T0IRE DE PoRT-ROlAt.
i6jy. Saci * M. le Tourneux , Mademoi-
felle de Verms. » Cependant avec tout cela, dit M. Nicole, je ne fais fi on ne peut point dire que ce tems , a tout prendre , eft meilleur qu'aucun autre, pour la principale chofe que vous etes venues faire en religion , qui eft de vous fau- ver , & que jamais les religieufes bien reglees n'y ont eu plus de fa- cilite & moins d'embarras..... Quand par un ordre de la Provi- dence , nous fommes reduits a 1'ou- bli du monde & a la privation des actions de charite que Ton prati- quoit, je fuis perfuade que nous devons regatder cet ordre , non- feulement comme creature par la volonte de Dien , rnais auffi com- me celui qui nous eft le plus utile & le plus propre a notre fan&ifica- tion. Quand Dieu voudra , il ou- vrira des voies , & alors on pourra efperer fes graces en y marchant. Mais dans l'etat prefent, on doit croire que le moi'en d'obtenir celles qui nous font neceflaires pourno- tre fanclrification, eft de marcher non - feulement avec foumiflion, mais avec joie dans celle que Dieu nous marque , felon ce pailage de |
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II. Parti e. Liv. Fill. 309
» l'Apotre : Non alta fapientes fed 1 679.
» humillbus confentientes. Car dans la
» verite tout etat d'obfcurciflement
•> n'eft autre chofe qu'un rabaifle-
„ ment qui vient de Dieu. Or a l'e-
» gard de ces fortes de rabaiflemens,
„ l'Apotre veut qu'on y confente ,
« qu'on les approuve, qu'on s'y por-
» te volontairement & avec joie,
» commeala voie qui nous convient
» le plus dans l'etat prefent : hutni*
m libus confentientes. Faire le con-
it traire , c'eft-a-dire, s'en plaindre
« & s'en impatienter, c'eft avoir des
j) penfees d'elevation , alta fapere ,
» puifque c'eft s'elever au-deflus des
« penfees que Dieu nous fait con-
» noitre qu'il a fur nous.
» Voila le terme de mes reflexions.
3) Je ne faurois conjeclrurer, ni com- » bien cet etat d'obfcurite durera, » ni ou il nous conduira (z), mais « ce qui me paroit certain , c'eft qu'il » paroit tres favorable pour entrer » dans 1'efprit & dans des fen aniens » vraiement chretiens, & dans une (1) M. Nicole ecrivoic cet etat, fuivi d'un autre
feci en 1S9;. II n'a pas encore plus terrible que
allez vecu pour voir la celui de la perfecution de
fin de ce terns d'obfcur- 16S4,? c'eft-a-dire , de la
ciiTement, & n'a pu con- ruine entiere de la fainte
jetturcr oil il devoit con- maifoij de P.R.
duire. Nous 1c verrons |
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jia Histoire de Port-roiai.
1^79. " difpofition d'hurniliation qui en
» eft le fond & l'enchainemenr. En » le porcant avec cet efprit, il ne " peut avoir que d'heureufes fuites, " on pour le retablitfement de votre » rnaifon dans le monde, ou par fa » translation dans le ciel, ou la plus » graride partie de P. R. eft deja " re cue , &c ou les principaux mem- » bres out precede celles qui les y » fuivroiit; Sc qui en qiiittant fans m peine la maifon de la terre pleine " de tfaverfes , ont tout fujet d'ef* " perer en elles l'accomplifTement » de cette parole : Abjlerget Dais cfnnern lachrymam ab c cults jancio- rum fuorufn s quoniam priora tranfa- runt. u Telles font les fclides reflexions Nouveiies que fait M. Nicole fur l'etat A'obf-
TtTesTp. k.' curci(fement j ou P. R. fut reduit im- mediatement apres la more de Ma- dame de Longueville. L'eftime que cette Princeffe s'etoit acquife par fa vertu, faifoit impreflion fur l'efprit du Roi , qui fachant qu'elle aimoit P. R., ne portoit pas a ce monaftere tous les coups qu'auroient fouhaites fes ennemis, parcequ'il ne vouloit pas la chagriner. Celt ce que nous apprenons parlareponfe que ce grand |
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II. Par tie. Liv. rill. 311
Roi , malheureufement trompe & feduit, fit au Prince de Conde , qui lui parloir. en faveur de Port-roial. » Ce n'eft , dit le Roi , qit'en confi- » deration de Madame de Longue- » ville voire fceur , que j'ai retard^ » de deux ans ce qui s'eft fait a » P. R. & au Fauxbourg S. Jacques , » parceque je ne voulois pas la cha- » griner «. Ce que Votre Majefte fait eft toujours bien fait, reprit le Prince de Conde, raais il fe peut faire qu'en cette rencontre elleaitete mal informee des chofes. Le Roi ne repliqua point. » La coniideration de cette grande
» Princefle ( 3 ), foutint done en » quelque forte P. R. tantqu'elie ve- " cut, contre la mauvaife volonte de it fes ennemis, a qui la piix de l'E- » glife n'avdit pas ote du eceur le » mauvais levain qu'ils y nourrif- » foient depuis fi long-tems. Mais « auffi-tot apres fa mort, ceux qui >> haiilbient la maifon de Port-roial » qu'elle avoit toujours aimee, fe » Haterent d'execurer contre elle " ce que leur paffion leur faifoit " fouhaiter avec ardeur. lis pri- « rent pour cela les mo'iens qu'ils (j) Mem, du Fofle p. 54*-
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3 11 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAI,.
I(j7o. » jugerent les plus convenables, afia
■» de venir a bout cle leur deflfein. » lis gagnerent M. de Harlay Arche- » veque de Paris , & l'engagerent a j. s'unir a, eux pour faire entendre ■>■> conjointement aux PuifTances, que » tant que la maifon de P. R. fub- => lifteroit, il s'y feroit des cabales de » Janfenifme ; & que pour eteindre » parfaitement" le parti, il falloit w eteindre cette maifon qui en etoit « le centre. » Rien n'eft plus facile que de fur-
prendre la religion des Princes , quand ceux que leur caractere rend plus croiables parlent feuls, &c que nul de ceux contre qui ils parlent, n'a d'acces pour pouvoir juftifier leur innocence. Ainfi il ne faut pas s'etonner li 1'on vit bientot partir de la Cour un ordre, pour mettre en execution la mauvaife volonte des ennemis de cette fainte maifon. LArcheveque de Paris s'en chargea lui-meme , & y vint, non pour y apporter fa benedidion comme un pafteur , mais pour y repandre la fraieur & la defolation«. in. Le Prelat avoir envoi'e 8 jours au- e^of/ P m! paravant i P. R. un Vicegerent de fon
Fromageau i Qfficialite pour lui preparer les voies |
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II. P A B. T I E. LlV. Fill 11 J
en s'inforfmant de i'etar de la mai- 1679*
fon, da nombre des religieufes , &c. aim-de lui en rendre compte. M. Fro- mageau (c'eft le nom de 1'envoie ) eut un entretien fort long avec 1'Abberfe Is 5? mai mardi des Rogations , fur ce qui faifoit le fujet de fon vo'iage. On lui dit qu'il y avoit foixante-treize religieufes de choeur , vingt conver- ts , deux novices , pluiieurs poftulan- res, quarante-deux pen/ionnaires (4). Le depute fit un complimeatit obli- «eant a TAbbefle fur Tarticle despen- fionnaires , en lui difant (ce qui etoit tres vrai) qu'il n'y avoit point de mai- [on j ok on les ekvat Ji bien \ » qu'il " avoit vu des filles qui en etoient " forties parfaitement bien inftrui- « tes,, & cita pour exemple Made- nioifelle Bignon -, louant fa fagefle , » fa modeftie , fon efprit , &c, «. L'AbbefTe aiant temoigne dans la fui- te de l'entretien quelque crainte fur le but que pouvoit avoir une fem- blable vifite : Madame, lui dit M. Fromageau , que pourrie^yous crain- dre fous un gouvernement aufti doux que celui-ci? Le Roi aime la paix, M. VArchevique eft ennemi de V eclat3 fait les chofes avec douceur ; & on n'a (4) Mem. hilt. T, j.. p. iS«,
Tome VIL O
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JI4 HlSTOIR.E DE PORT-ROIAL.
1(572, plus rlen avous demander en ce temt-
ci. La fuite fera juger de la fincerite de ce difcours. Toutefois la mere An- gelique de Saint-Jean marque dans la relation de fon entretien, que le Vicegerent fe feroit plut&t montri ami qu'oppofe j par la maniere dent ilparla toujours avec ejlime de toutes les per- formed qui hoient a P. R. & en gene- ral de la maifon. 11 fit auffi de grands eloges de la Princefle de Conti, 8c dit qu'il avoit eu 1'honneur de la con* noitre & de la recevoir a Vienne en qualite de grand Vicaire j & qu'il I'a- voit pleuree comme on pleure une mere, tv. Le mime jour que M. Fromageau iaimdi/r^ti alia a P. R. & pendant qu'il y etoit,
cKeveche, M. de Harlai envoia le fieur de Vau- eouleurs chez M. le Cure de S. Benoit pour lui faire les memes queftions que le Vicegerent avoit faites a la mere Angelique de Saint-Jean j apres quo! il lui dit que M. FArcheveque vouloit lui parler le lendemain a 9 hemes du matin. M. le Cure de S, Benoit s'y rendit, & fubit un nouvel interrogatoire fur le meme fujet de la part de l'Archeveque. Plufieurs jours ie paflerent dans le calme , & une perfonne amie de P. R. manda le 16 de ce rnois , que cette vijite ne tendon |
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II. Pah tie. Llv. VIII. ;i$
qua faire jouir les religieufes desavan- I(j7„ tages de la paix de I'Eglife j & que I'on n'avoit d'autre dejfein fur elles. C'e- toit M. l'Archeveque lui - meme qui en avoit allure la peribnne qui ecrivoir. Malgre 1'afTurance de M. l'Archeveque , on apprit bientot par «ne voie fecrete, que ce Prelat avoit des defleins bien oppofes fur P. R. &: quel etoit le but de la vifite de M. Fromageau , de celle du fieur de Vaucouleurs , & du voi'age de M. Grenet a l'Archeveche. On recut a 5 heures du matin une lettre par la- quelle on mandoit que M. de Paris devoit fe rendre inceflTamment a P. R. pour donner ordre de renvoi'er les penfionnaires. Le Prelat 7 arriva le meme jour, v.
17 de mai, a neuf heures du matin 3 ™^\ *a£* pour y repandre le trouble & la difc- fait d&nte lation , comme le dit M. du Fofle. II t ,tcf":oi,: fit appeller M. de Saci (5) a qui il <« , & or- dit le fujet de fon voiage, lui temoi- *£#££ gnant » qu'il feroit bien aife, qu'il tuisntcs & les ., parlit k 1'AbbefTe pour la preparer Ef^fto » a recevoir fes ordres. II temoigna SccUiiaAi^aa » a M. de Saci la fatisfadion qu'il de fortk » avoit de lui en particulier & de fa » conduite; que le Roi meme en (S) Uim. hift. T, 1. p. 1J4.
O ij
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$I<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
» etoit informe , & remoignoit en
» etre fort content; qu'on favoit qu'il w travailloit utilement pour l'Eglife, « & que fes ouvrages raifoient alTez « connoitre fa furfifance«. Apres quelques autres difcours, tant avee M. de Saci , qu'avec M. Racine qui etoit verm a P. R. pour voir fa ref- peitable tante , il fit appeller l'Ab- befTe , a qui il dit que » la volenti " du Roi ecoit qu'elle ne recut plus a » l'avenir des lilies pour etre reli- => gieufes, jufqu'a ce que le nombre " fur reduit a cinquante profefles " de choeur, & celui des converfes a. » douze «. En confequence il ordon- na de renvoi'er toutes les poftulantes qui etoient au noviciat: a quoi il ajouta que l'intention du Roi etoit auili qu'elle renvoiat toutes les penfion^ naires , & qu'elle n'en recut plus a l'avenir jufqu'a nouvel orclre. L'Ab- befle repliqua avec tant de fagefle 3c de folidite, que le Prelat n'ai'ant rien a repondre lui dit, avec dimonfiradon de douceur & depitii 3 qu'ily avoiten effet quclque ckofe a dire a tout celas mais que la volonte desfouverains etoit une lot j & qu'il n etoit pas befoin d'en penitrer les raifons. L'Abbeffe prenant la parole , lui
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II. P a ft t 11. Liv. FIIL 317 _____
dit que , fi Id Roi leiir avoit fait fi- t (,-jy,
gnifier cet ordre par quelque officier feculier, comma il avoit fait autre- fois , elles auroient cru ette obligees de lui faire de tres humbles remon- trances, pour lui faire entendre leurs raifons ; parceque fouvent les Prin- ces ne font pas informes par eiix- memes de ce qui regarde les affaires purement eccleliaftiques ; mais que ces ordres leur etant apportes par lui, qui etant leur Archeveque^etoit obli- ge par fon rang de reprefenter au Roi tout ce qti'elles auroient pu dire elles- memes, & de prendre la protection d'tine communaute que Dieu avoit commife a fes foins, e'etoit lui-meme qui fe chargeoit devant Dieu de la juftice pu de l'injuftice de cet ordre » aulli bien que de l'execution, & qu'il ne leur reftoit que de lui obeir en fjemiffant. A cela point de reponfe de
a part du Prelat, que par des de- monstrations de regret & de compaf- fion. II affura l'Abbelfe qu'il n'y avoit point de fujet de plaintes contre la maifon, & qu'il l'avoit toujours efti- mee ,, qu'il favoit qu'on y vivoit tres bien & dans une grande regie. A 1'egard des poftulantes l'Abbefle
lui ai'ant reprefente qu'il y en avoit . O iij |
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_______rJ<8 HlSTQIRE DE PoRT-ROlAit,.
167?. trois, qui avoient <ke revues par 1*
communaure pour -prendre l'habir; il 1 convinr que celles-la. etoienr cenfees novices, & que l'ordre qu'il avoir donne ne les regardoir pas ; que puif- qu'on avoir refolu de leur donner l'habir, on pouvoit aller fin train. Ce furenr fes propfes rermes, & il les repeta encore a Mademoifelle de Verrus. II eft a, propos de le remar- quer. L'AbbefTe qui lui avoir deja parlc
de la douleur , done feroienr acca- blees un (i grand nombre de perfon- ne», lorfqu'on leur lignifieroit un pa- reil arret, & qui s'etoit jettce a fes genoux pour lui demander comme Hiie grace qu'il voulut bien permet- tre qu'on fit venir en fa prefence rou- tes ces pauvres filles , ann d'etre lui- meme remoin de leur douleur Sc de leurs larrnes , 1'Abbeffe , dis-je, reve- jiant aux penfionnaires , lui deman- da fi Ton avoit rrouve quelque cho- fe a redire dans la maniere dont on les elevoit a P. R. II repondit en des termes rres avanrageux, & dit que Ton ne trouvoit rien a reprendre dans l'edtcation qu'elles donnoienr aux enfans , quau contraire elle riitoit mi- le part fi bonne. |
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II. Part ife. Liv. Fill, fty
Dans le long entretien que M. de i Paris eut avec Y'Abbefle , il ne lui dit pas un mot du deiTein qu'il avoit de faire fortir les Eccleiiaftiques; niais il fit entendre a Maderno:f2ile de Vertus, qui etoit venue au parloir & avoit termine l'entretien , que c'e- toit par pitie qu'il n'avoit pas eu le -courage de liu porter cette parole. M. de Saci etoit fi eloigne de croire que le Prelat voutut 1'ecarter , apres tant de temoignages d'eftime & d'ap- f>robation de la conduite , qu'il dit a
a mere Angelique, loriqu'il alia lui parler par fon ordre , que , s'il avoit deffkin de Us faire retirer, il falloit dire que jamais homme n'avoit agi com- me lui j & qu'il s'etoit difarme lui-me- me, s'etant oti tout pritexte de }ufti~ fierfa conduite paries louanges extra- ordinaire* qu'il lui avoit donnies. Le Prelat s'-dtoit egalement difarme par les aveux qu'il avoit fairs touchant les religieufes, les poftulantes, &Pe~ ducation des pennonnaires. M. de Harlai penfoit pen a juftifier fa con- duite. Ainfi les eloges qu'il avoit faits de M. de Saci, & 1'approbation •qu'il avoit donnee a fa conduite, ne l'empecherent point de fignifier lui- meme a ce faint Pretre apres lui avoir O iiij
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'J 10 HlSTOIRE DE PoR.T-ROJA£.
"** fait encore beaucoup de politefTes ,
que c'itoit V intention du Roi, quit ne reftat plus a P. R, ni lui, ni pas un des autres Ecclefiafiiques quiy itoient; qu'il lui confeilloit de fe retirer j & leur accorda feulement quince jours- Voila quelle fur l'expedition de M. de Paris a. P. R. des Champs , & le fujet de fa premiere vifite. Quelle foncKon pour un fuccef-
feur des Apotres, que cells de fe pre- ter a la deftruction du plus faint mo- naftere qui foit dans l'Eglife, de ft- gnifier lui-meme des ordres pour ar- racher d'une maifon qu'il jftime de3 vierges chretiennes, qui veulent s'y conlacrer a. Dieu, qui font recues & pretes a recevoir l'habit religieux , de fake fortir des enfans d'un faint mo- naftere ou on leur donnoit une edu- cation , a. laquelle , non -feulement il n'y avoit rien a redire , mais qui etoit telle j quelle n'etoit nulle part fe bon- ne \ enfin d'oter a des religieufes des Dire&eurs fages & eelaires, de la conduite defquels il temoigne lui- meme etre tres fatisfait! Les religieufes opprimees par leur
Pafteur , qui etoit appuie de la puif- fance feculiere, jugeant bien qu'elles n'avoienc aucun fecoius a attendre |
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II. P A R T I E. IlV. VIII. 311
tlu cote des hommes , s'adrefferent a 1679.
Dieu. La more d'une de leurs fears arrivee dans ces circonftances ( 6 ) leur procura l'occafion de renouvel- ler ce qu'elles avoient fait autre- fois a la mort de la feur Gertrude du Pre dans le terns de la captivi- te (7). Elles dreflerent le 18 mai une requite . au grand Pafieur des bre~ bis j que Dieu a refifeke d'entre les morts , & la mirent fur la poitrine de leur fceur au moment qu'on alloit la mettre en terre. La requete etoit con- cue en ces termes. . » Nous en appellons a votre tribu- vr.
*> nal, Seigneur Jefus: les Juges de la ^l"JZ » terre ferment Faeces aux plus juftes P.R.. a j.c. » plaintes , parcequ'ils veulent faire » rinjuftice fans contradiction j mais » vous etes vous-mtme notre juftice; " & vous nous rendrez jaftice & mi- » fericorde , en nous puniffant pour » n'avoir pas ufe des graces infinies, » dont vous nous aviez coinblees, « avec affez de reconnoiffance ; &c » vous nous couronnerez pour avoir » fouffertune injufte perfecution pouf » votre verite &c pour votre grace , (6) FMncoife Louife ite raorte le 17 mat,
Sainte-Claire le Camus de (7) T. 6. de cexte hit- Buloyer de RxJtBainviHejr scire, ptot. O v
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________ i H HlSTOlRE DE PORT-ROIAI.
i6jy. " qui font le fujet de la haine que
» le monde nous porte gratuitement. » Ecoutez,Seigneur, les gemifTemens, » & regardez les larmes de tant d'en- " fans que Ton arrache de notre fein, » & confervez - les dans le votre y » fans permettre que I'ennemi puifle » avoir aucun avantage fur eux, ni » qu'il ait fujet de triompher de nous " les avoir enleves. Confervez-nous » dans votre verite , & nous rendez » inebranlables dans I'union de la » charite. Changez bientot notre trif- » tefle en joie , .& donnez votre paix » & un heureux repos a notre cnere » fceur, que nous chargeons de por- » ter a vos pies nos tres humbles prie- » res & nos juftes plaintes. » Ame favorifee , qu'une provi-
3< dence de Dieu fi particuliere vienc » de delivrer fi heureufement du ri- al let des chaffeurs , beniflez fa bonte » & lui temoignez votre reconnoif- » fance, en le priant d'etendre fa mi- s' fericorde fur toute cette famille, " a laquelle il vous avoit unie. Qu'il » ne la laiffe pas fans conduite, Sc » qu'il lui eonferve des Pafteurs pru- » dens & fideles, pour l'empeeher de » s'egarer dans ce terns d'bbfeurite, >» afin que ceux qui s'eflforcentde ten- |
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II. Partis. Liv. Fill. 315
» dre des pieges aux ames qui vo- I6-79. » lent, n'aient pas le pcmvoir d'en » arreter aucune pour l'empccher de » s'elever jufqu'a Dieu , &c d'y de- " meurer eternellement unie : ainfi " foit-il (8) «. Le meme jour que terte requete
fuc dreflee , M. de Saci ne cro'iantpas qu'on dut negliger abfoluraent les moiens humains, fie pour les reli- . gieufes de P. R. un roemoire qui fut envoie a M. de Paris. Le Prelat lui- nicme temoignant etre fenfible aux reprefentations que lui avoir fakes M. de Saci. fur les confequences de l'ex- pul'fion des Confefleurs , lui avoit dit qu'il pouvoit lui adrefler un memoi- re avant qu'il allatrendre compte au Roi, ce qu'il devoit faire la 19. Le memoire fut envoie le 18 & clemeu- ra fans reponfe. Nous avons vii que M. de Paris , vn- „ __
dans fon entretien avec l'Abbefle , lames & les etoit convenu que les trois poftu- novices for- , ., . ~ . . r r , tent ds P. R.
lantes n etoient point computes dans
l'ordre qu'il avoit lignifie., & qu'on pouvoit oiler fon train. En confluen- ce on prit jour pour leur donner l'ha- ^tS) La mere Angelique qui eft tres beau & tre"s
de Saint-Jean dtelta le 16 edifiant. Cet afte fe trou-
"juin un nouvel acre , en re dans les Mem hfft.
teniae de relief d'appel, T. a. p i-?4,8ciuiv.
O vj
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314 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAE.'
bit y mais quelle furprife! Le Prelat
en refufa la permiflion , & fut infle^- xible dans fon refus. En vain la mere AbbeflTe lui ecrivit pour le faire fou- venir de fa parole. En vain M. IiTali, celebre Avocat , qui avoit une fille religieufe a, P. R. & dont la cadette etoit une des trois poftulantes (9), follicita vivement. Tout fut inutile. Ce pere chretien ecrivit a fes deux filles pour les confoler, fur-tout la cadette, qui etoit penetree de dou- leur (10). Dans une autre lettre a la mere AbbelTe, cet homme plein de religion lui parloit ainfi : II n'y a point d'autre parti a prendre ^que d'obeir & d'attendre de Dieu qu'il lui plaife de changer le cccur de ceux qui font animes centre cette fainte maifonfans aucun Jujet _, ainfi qu'ilsfont contraints de I'avouer. C'eft le parti qu'on prit; mais on attendit inutilement que Dieu changeat le cceur des perfecu^- teurs y celui qui a entre fes mains le M Suzanne-Ffan^oife rendte des fervices iinpor-
Iffali : les deux autres tans aux religieufes de
6-oient , Marguerite-Ce- P. R. aptes leur difper-
leftine Bruneau ; & Louife fion. Elle vecut date Te
luftine. Barat.. Celle-ci. monde comme elle aairoit
feitrecueen 16S5. v.ecu dans le cloitte , ob-
uo) Dieu. refervoit cet- fetvant la pliipan despra-
Wgtuie. Demoifelle p<»ur tiqucs de h vie religieufe^
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II. Partib. Liv. Fill. 315
cceur des homines, ne leur fit point cette grace. L'ordre de renvoier les poftulan-
tes 8c les novices futr done execute" a la rigueur j & on arracha du fein de leurs tendres meres une multi- tude d'enfans , qui par leurs cris 8c leurs larmes renouvellerent le trifle fpectacle qu'on avoit deja vu dix- huit ans auparavant. Tous ces pauvres enfans , dit la mere Angelique de S. Jean (n), alloient a la parte cemme au fupplice _, avec des cris & des pleurs , qui feront entendus du Ciel: les parens ne pleuroient guere mains. » Toute la » France (12) fut dans le dernier eton- « nement, auffi~t6t que cetre nou- « velle y fut repandue ; & tous ceux » qui aimoient l'Eglife ne parent » voir fans gemir , que la porte d'un *> fi faint afile eiit ete fermee tout- » a-coup a tant d'ames, qui ne cher-t » choient qu'a y mettre leur faluten « aflurance«». On ne cherchoit pas meme de pretexte pour exercer de tel=- les violences. On faifoit porter aux religieufes de P. R. la peine de tout le mal qu'on attribuoit a d'autres (13), (11) Let. duzjmai.ii' (ijO Les ennemis cfe
M. d'Angers. P. R. fe vengeoient fur
fn) Du Foffe, Mem. cette mailbn de la cenfure
2- ffsHi des*j- wojoiitionsdsleuis.
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$X6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i€jy. c'eft-a-diie, a M. Arnauld. Sans nous
accuferde rien j on nous condatnne com- me coupables; & en nous donnant des loitanges y on nous impofe des peines. Ce font les paroles de la mere Ange- lique ecrivant a M. d'Angers (i4)- » Dieu merci,difoit Mademoifelle »> de Vertus dans une lettre du 17 « mai a Madame de Menille, on n'ac- » cufe nos foeurs de quoi que ce foit. » M, de Paris dir qu'ii fait qu'elles » font bonnes religieufes....., que
" les filles y font tres bien elevees ,
« & que les Dire&eurs font tres gens » de bien j qu'il n'y a rien a repren- » dre ni en leur foi ni en leurs mceurs. « Ainfi , ma tres chere fceur , c'eft « une perfecution inouie , car au » moins on a accoutume de fuppo- " fer des crimes aux gens quand on " n'en a point de reels. C'eft propre- « ment au reflentiment des Jefuites " qu'on immole toutes ces pauvres « victimes que Ton nous arrache.....
« Nos fosurs foufFrent avec une pa-
w tience , une'douceur & une fou- " miffion qui vous ravira «* Ces faintes filles , qui menoient
une vie aufii pure que les premiers inBmes Cafuiftes , dont comme Ie promotenr.
iistcgardoientM.Arnaukl (14) Let, du 1 juij*. |
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II. Pah tie. Liv. VIII. 527
chretiens , avoient le bonhetir de 1679. fouffrir de la maniere dont S. Piarre vouloit que les Chretiens fouffriflent, & la gloire d'etre maltraitees & outra- gees fans qu'on leur put reprocher aucun crime. Non content de faire fortir les pen- virr.-
fionnaires de l'Abbaie de Poit-Rcual JFJ&S on ferma encore a ces pauvres en- f« de Git de fans la porte des autres monafte- patiaaaaittt res, & en particulier de celui de Gif. fon>« <k p. L'Abbefle en temoigna fa douleur en ces termes a celle de P. R. par une lettre du 24 mai : Je me confolois dans mon extreme affliction de pouvoir Jbulager en quelque chofe la votre j en recevant de toute I'ajjeclion de mon cceur ces pauvres enfans qu'on vous ar- rache fi cruellement; mais je me vols privee de cette confolation } parceque M. VArcheveque ferme la porte de no- tre monafiere _, quoiqu'il ne purffe fer- mer celle de nos cccurs. Les fiecles a venir pourronr-ils fe perfuader de & grands execs ? croiront - ils qu'on ait ainfi traite un monaftere , dans le- quel on donnoit une !i excellente edu- cation aux enfans ? S'il pouvoit y avoir du doute fur cela, M. de Paris Vat leve bar les aveux que nous lui avony 1 vu faire. Ecou-tons encore ce Prelat
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$1% HlSTOIRE DE PoRT-ROlAtr
j (j-m rendre un temoignage eclatanr a Pin-"
nocence des religieufes de P. R. & a
la bonne education qu'on y donnoit
aux enfans , dans l'entretien qu'il eur
le ii de mai avec le Prefidenr de
Geudeville.
**• Ce Magiftirat qui avoir deux filles
tefatanf fn a P- R- eranr informe de l'ordre que
faveur de p. ty[. de Paris avoir fignifie de faire
R. par M. de r ■ . r • ° 1
Hariay. lortir les peniionnaires de cerre mai-
fon, alia trouver ce Prelar, & lui dir: » que fur la nouvelle qu'il avoir » apprife , il s'etoir cru oblige de « lui venir dire qu'ai'ant fes deux fil- » les a P. R. & qu'ai'ant roujours ete » tres fatisfair de la maniere done » elles y etoient elevees , il avoir 5> ete extraordinairemenr furpris, en " apprenanr qu'on obligeoir tous les « parens d'en retirer leurs enfans , » & qu'il avoir penfe que cette con- » duite marquoir que lui Archeve- " que avoir eu connoifTance de qtiel^ » que chofe de forr mauvais que le « monde ne favoir point, & qui pou- » voit faire rort a la jeunefie qu'on » elevoir dans cerre maifon , foitpar « rapporr a. la doctrine , foit par rap- « porr aux moeurs} qu'ainii aimant » extremement fes enfans, & n'a'iant m rien de plus a cceur que de leux |
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II. P A R T I Z. Liv. VI1L ]l$
s) donner une bonne education, il le t $ja, » fupplioit de lui dire ce qu'on avoit ft trouve de mattvais dans celle de » P.R. afin que fi elle avoit laifTe quel- s' que mauvaife impreffion dans l'ef- » prit de {es filles il emploiat tous " fes foins pour Ten efFacer «. Mon- fieur, repondit l'Archeveque, n'ai'e^ nulle inquietude la-deffus, il n'y a riert a craindre. La mafon de P. R. des Champs ejl une des plus faintes & des plus regulieres de tout le Diocefe. Ce font de tres bonnes religieufes 3 & elles elevent parfaitement bien tes penfion- naires, non-feulement pour la piitl & pour les mceurs 3 mats merne pour leur former I'efprit _, & il n'y a pas de lieu ok elles fujjent mieuxpour toutes cha- fes quen cetui-la. M. le President interrompit la-def-
fus l'Archeveque, & lui temoigna que fa reponfe le jettoit encore dans lin etonnement plus grand que le pre- mier : que d'abord il lui avoit paru etrange que les lilies de P. R. des Champs , qu'on croioit ii vertueufes, euflent trompe tout le monde , & oblige par leur mauvaife conduite a leur defendre d'elever des p'enfion-* naires ; mais qu'il etoit encore plus furpris apres le temoignage que le |
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3$0 HlSfOtRE DE Poft.T-ft.OlAl*
1679. Prelat venoit de leur rendre , qu'on
leur eut fait cette defenfe , puifqu'el- les etoient fi capables de les bien ele- ven » He, Monfieur, reprit l'Arche- » veque , vous ne l'entendez pas , & *» c'eft pour cela merrie qu'on y a ete » oblige. Cette maifon aVoit trop de » reputation j on fe preffoit d'y met- " tre des enfans 5 des perfonne* de » quality leur en donnoient ; on fe » difoit les uns aux autres la fatis- » faction qu'on en avoit; cela leur » faifoit des amis qui s'uniffoiefit !> avec ceux de cette maifon, & qui » faifoient enfemble des pelotons con- *> tre l'Etat. Le Roi n'a pas agree »» cela j il croit que ces unions font » dangereufes dans un Etat: c'eft ce » que Ton a voulu difliper. En veri- » te repliqua le President, )e n'en- » tens gueres la politique de ces gens- » la j ils ne s'y prennent pas bien , fi » c'eft leur deflein d'attirer bien du w monde. Tel que je fuis, s'ils ont » cette vue , il me femble qu'un Pre- » fident & un Maitre des requetes » ne doivent pas etre negliges. Ce- » pendant routes les fois que j'ai ete » la, bien loin que perfonne me foit « venu faire la cour, je me plaignois « de n'en pouvoir entretenir aucun. |
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II. P A ft. 11 K liv. Flit % 11_______
» Si on les voit dans l'£glife, ou fi 1679,
u on les rencontre dans la cour, ils
« difparoiffent aufli-t6t; & chacun
» d'eux fe retire , ou dans fon ca-
» binet ou a fes affaires , de forte.
»» que fi j'avois eu a les accufer de
» quelque chofe, 5'auroit plutot ete
» de rufticite a fuir les gens, que
>» de deflein de les attirer pour les
» faire entrer dans un parti. Voila ,
»» Monfieur , de quoi je puis repon-
» dre«.
M. l'Archeveque ajonta enfuite ah
raifon d'etat , qui avoir para fi irtt- portanre } trois autres raifons, qui coniirmoient la premiere & en e^oient les pr^tendues preuves. 1*. Que ces Meflieurs entretenoient commerce a- vec des etrangers de toutes fortes de pais : i°. que dehors la maifon il y avoit de quoi loger 200 perfonnes: 30. que le revenu de la maifon etant peu confid^rable , on y entretenoit neanmoins une grande communaute, ce qui donnoit lieu de conje&urer qu'il falloit qu'elles re$ufl~ent des af- fiftances de leurs amis. Or le Roi crai- gnoit que Ton ne fe fervft de ces au- mories dans des occafions qui ne lui plairoient pas. Les reflexions fe prefentent ici eu
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$jl HlSTOIRE DE PoRT-aOlAt.
[i .mi i..i ii itT'
167y, route , mais nous laiiTons au lecteur
le fom de les faire \ nous dirons feu- lemenr avcc la mere Angelique de S. Jean (15) que, » quand M. de Paris » parle d'un parti redoutable a YE- » tar, c'eft pour fe jouer du monde , » qui ne croira pas que fous un Prin- » ce qui faifoit trembler toute l'Eu- ,» rope, on eut a craindre les trou- /» pes de petits enfans qu'on elevoit » a P, R. & quatre ou cinq Pretres » qui conduiibient une communaute » religieufe , laquelle ne pouvoit etre » terrible qu'au diable , parceque c'e- » toit une armee bien rangee, 1'unioa, » la paix & la regularite s'y etanE » toujours maintenues depuis plus de » 60 ans que la mere Angelique y " avoit etabli la reforme «. *• Les fages Dire£teurs qui condui- Sortie des r • r ■ LI
Confdleurs. loient cettelainte communaute,eprou-
verent bientot le meme fort que les penfionnaires; ce qui fut pour les reli- gieufes le fujet d'une ncuvelle afflic- tion , mais plus grande encore que la premiere. M. de Paris n'ai'antegard,ni au memoire qui lui avoit ete envoi'e le 18 mai fur ce fujet, ni aux folides reprefentations que M. Hilaire (16) <i r) Let. i M. d'An- U«) Voi'ez les inflruc-
gers. tions donnees a M. Hi- |
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II. Par tie. L'tv. VII. 333
lui fir le 1.6 du meme mois de la part 1675;. des religieufes , prefTa leur fortie , & tous fortirent dans le mois de j uin (17). On en propofa pluiieurs pour les rem- placer j mais les uns refuferent, les autres furent refufes par 1'Archeveque, qui exigeoit entr'autres conditions, qu'ils ne fallen t point connus des re- ligieufes ; 8c qu'elles, ni leurs^amis ne les connuflenr point, & qu'ils faflent d'une capacici mediocre. Si M.de Paris n'avoit pas demande d'autres con- ditions que la derniere, il en auroit trouve un bon nombre fans beaucoup de peine. >-■ Vous ne fauriez croire « la difficult qu'il y a d'en trouver, » difoit quelque tems apres M. Gre- » net a la mere Angelique : ceux qui » ont leur petit fait a Paris, ont Uire , T. z, p. 138. alors malade , &c fit de-
ifcm. hift. mander pour lui la per-
(17] M. deTilleraont, million de refter; mais
qui n'etoit point Coufef- elle fut refufee par M. de
feur, fut le premier qui Paris-, a Madame la 0u~
partitle ;i rnai.M.Ruthd- cheffe de Lefdiguieres 8c
Ans le 7 juin , M. Borel a M. le Cardinal de Retz.
le 8 ; M. Bourgeois It 9; Ce Cardinal qui etoit pa-
M. de Saci le u ; M. de rent de IamereHu Fargis,
Saiute - Marthe le 10. mourut le laaout deceu
Voila a quoi fe redui- annee dans de grands re-
foient les cinquante Ec-" grets de fa vie pafTee ; 8c
cleliafliques de i', R. Lorf- fur-tout d'avoir eu rant
qu'on obligea les Confef- de part aux troubles du
feu s de fortir , la mere Ro'faume. Dieti lui avoit
Prieure, qui avoit beau- fait la grace de recon-
coup de confiance en M. noitre Its egaremens S&
de i>.tinte-Marthe, etoit d'en faire penitence. |
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334 Histoire de PoRT-RoiAr,.
~x6ja, " peine i fe refoudre de quitter.D'au- » tres difent qu'ils ne veulent point » fucceder a ceux qu'on vous ore; » & que fachant quel eft leur me- » rite, ils n'ofent point prendre leur " place n'aiant pas de quoi la rem- » plir comme eux «. Enrin on jetta les yeux fur le iieur Poligne, qui ar- riva a P. R. le 29 juin , pour remplir feul la place de Meilieurs de Saci, de Sainte-Marthe , &c. M. de Paris , non content d'avoir
fait fortir de P. R. les penfionnairas &: les Confefleurs, voulut encore eloi- gner les domeftiques, s'imaginant que c'etoit autant de folitaires, & de fa- vans deguifes qui compofoient des ouvrages j il s'en fitreprefenter la lifte, mais cela n'eut pas d'autres fuites. XL Si on traita de la forte P. R. on Retraite de peut bien croire que M. Arnauld ne
M. AinauKi.i- . , *■, , ■ . , . . rut point epargne , lui qui etoit le
plus en butte aux ennemis de la ve-
rite 8c de cette fainte maifon. Les
premiers coups etoient meme deja
tombes fur lui des le 5 du mois de
mai -y M. de Pomponne etoit alle le
voir de la part du Roi , dans l'efprit
duquel on le faifoit paffer pour un
homme dangereux , un chef de parti
8c de cabale, pour lui dire qua Sa
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II. Partie. Liv. Fill. 335 ________
Majefte ecott mecontente de fa con- riT?;
duke, & des afTemblees qui fe te- noient chez lui. Ces pretendues af- femblees netoient autres que des vi- fites de parens & d'amis, ou quelque- fois de perfonnes qui venoient le con- fulter , ou fur des difficultes de conf- cience, ou dans le delir de fe con- verter, a la religion catholique. On lui fignifia enfuite que.Sa Majefte trou- voit a propos qu'il ne demeurat plus au fauxbourg S. Jacques. A quoi ce pieux Dodteur fe mit auffitot en de- voir d'obeir. II fit mefiae plus : con- fiderant d'une part que le changement de demeure dans Paris, ou meme dans toute l'etendue du Roi'aume ne fervi- roit de rien pour arreter les calomnies defesennemis contre lefquelles toutes les voies de la juftice lui etoient fer- mees ; d'un autre cote fachant de bon- ne part (18) qu'on penfoit a s'afturer de fa perfonne, il raifonna comma David, & prit le meme parti que lui. Jugeant que s'il reftoit dans fa patrie, tot ou tard il tomberoit ent- ire les mains ch fes ennemis, il prit la refolution de quitter la France (18) M. leDucdeMon- re de Sainte-Croix en la
taufier, Gouverneur du Cite , de fe retirer au plu-
Dauphin , lui fie donner lot de Paris, & meme dtk
ayis par l'Abbe Danet Cu- Roi'aume,
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3 3<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
\<$-ia. & de s'exiler lui - meme.
XII_ C'eft ainfi que le plus favant hom- Grands ftnti- me de fon fiecle , le plus homme de
Anuufl « bien > le plus fidele fujec du Roi, la fuj« des pet- gloire & Pornement du Roiaume, eft qu'on faittralte en ce monde. » JNousnavons aux gens de ,> pas lieu, dit ce grand homme (19), » de nous etonner fi fort de cette » conduite j Dieu la permet, Dieu » l'ordonne pour le' bien de fes " Elus; & la confiderant dans cette » vue , nous ne devons pas feulement » nous y foumettre , mais l'adorer " & baifer la main qui nous frappe. « Oui, mon Dieu , j'adore vos voies « de mifericorde fur les uns, & de " juftice fur les autres. J'adore l'in- » finie variete de vos ordres toujours » juftes, toujours faints dans le gou- » vernement de vos creatures & an- » ciennes & nouvelles, c'eft-a-dire, » du monde & de l'Eglife. » Ce feroit avoir peu de foi dans
j» vos promeffesque d'etre touchy de " ce qui fe paffe dans ces jours de » ni5age & d'obfeurite , in diehus nu- » bis & caliginis, comme vous ap- « pellez dans votre Ecriture ces terns » de trouble & de tempete , qu ii (19) Nouvelie def. du Mons contre Mallet, ala
Bouveau Teftament de fin. femble
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II. P a r t i e. Llv. nil. 537
» femble que vous abandonniez Tin- 1679.
» nocence a la fureur des mechans ,
» & que vous preniez plaihr a laiffer
» triompher le vice, l'injuftice 8c la
» violence. Que peuvent-ils faire
» apres cout, a ceux qui ne mettent
» leur confiance qu'en vous , & qui
» n'ont d'amour que pour les biens
» eternels ?
« lis furprennent les Princes, &
» leur font prendre pour leurs enne- « mis, leurs plus fldeles ferviteurs. » Mais le cceur des Rois eft entre » vos mains , & vous pouvez en un » moment le changer, en leur de- w couvrant ce qu'on leur cache, 8c » les detrompant des faufles impref* » fions qu'on leur donne. » Que s'il ne vous plait pas de dif-
» fiper encore ces nuages, ne doit-il » pas fuffire a vos ferviteurs, que le « fond de leur cceur vous foit connu, » en attendant que vous faffiez la »> grace aux Princes que Ton irrite » contre eux, de penetrer les artifi- » ces dont on les previent, 8c de " n'ufer deleurpouvoir que pour la » punition des mechans & la protec- » tion des bons , comme les Apotres " declarent que ce n'eft que pour cela » que vous le leur avez donnes ? Tome FII. P |
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__ 3 3 S HlSTOIRE DE PoRT-ROIAI.
1679. " Cependant on les profcrira ,
» on les bannira , on les privera
» de la liberte. Un chretien , a qui w toute la terre eft un lieu d'exil, & « une prifon , peut-il etre fort en 3> peine du changement de fon ca- 53 chot ? On vous trouve par-tout, » mon Dieu. Au milieu des fers, on « eft plus libre que les Rois meme, s> quand on vous poiTede. II n'y a 5= point de prifon a craindre, que 3> celle d'une ame que fes vices & » fes paffions tiennent reiferree, 8c « empechent de jouir de la liberte » des enfans deDieu. Et c'eft ce qui a « fait dire a un de vos faints , que la 53 confcience d'un mediant homme » eft rempli de tenebres plus funeftes s> &c plus horribles , non-feulement s) que toutes les prifons , mais que 5> l'enfer meme. Horrendis &feralibus 5> tenebris omnes non folum carceres » fed etiam inferos vincit fcelerati ho- sj minis confcientia. « Mais on pourra bien mourir des
m fatigues & des travaux qui accom- » pagnent une vie errante. L'evite- » ra-t-on , quand on feroit le plus a » fon aife ? Un pen phitot, un peu » plus tard, qu'eft-ce que cela, quand » on le compare a l'eternite} Vous |
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II. P A R T I E. LlV. VIIL ? J 9
» avez compte nos jours. On n'eft
t> entre dans le monde que quand » vous l'avez voulu , & on n'en fort » que quand il vous plait. Les maux »> de ce monde eftraient, quand on » les regarde de loin ; on s'y fait, » quand on y eft, & votre grace » rend toutfupportablej outre qu'ils » font toujours moindres que ce que » nous meritons pour nos peches. » Vous nous avez appris par votre
» Apotre , que tous ceux qui vous » fervent, doivent ctre difpofes a" » dire comme lui : Jefais vivre pau- » vrement _, je fais vivre dans I'abon- » dance. Aiant eprouve de tout j je » fuis fait a tout j au bon traitementj « & a la faint _, a Vabondance & a » I'indigence. Je puis tout en celui qui » me fortifie. Mais combien eft-on » encore eloigne de l'etat de ceux , » dont ce meme Apotre dit : qu'ils »» etoient abandonnes, affiiges _, perfe- » cutes j eux j dont le monde n'etoit >' pas dignej errans dans les diferts & " les montagnes , & fe retirant dans ■» les antres & dans les cavernes de la " terre. » Nous n'avons done, Seigneur,
« qu'a reconnoitre votre bonce, qui »> avez la condefcendance de traiter Pii
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J 40 HlSTOIRE DE PORT-Ro'lAL.
" en foibles ceux que vous connoif-
» fez n'avoir pas encqre beaucoup » de forces. Vous accomplirez en » leur faveur les promeiTes de votre m Evangile , & vous leur faites trou- » ver en la place de ce qu'ils ont pfi » quitter pour l'amonr de vous , des » peres, des meres, des freres , des » foeurs, a qui vous infpirez une « charite fi tendre envers ceux qu'ils ■» regardent comme fouffrans quelque » chofe pour la verite, &c unefi gran^ « de application a fuppleer a tous }> leurs befoins , que par une bonte « toute fmguliere , vous rhangez les *> croixmeme que vous leurimpofezen 53 douceur 6c en confolation. Maisils :» eiperent de votre mifericorde, que » fi vous les preparez a de plus rades 3J epreuves , vous leur donnerez audi 3> plus de grace 8c une plus grande « abondance de votre efprit, pour »» les leur faire fupporter en vrais » chretiens. C'eft l'u'nique fondement « de leur confiance , car ils favent » ailez, que nous ne pouvons rien » fans vous , & que quelque perfua- » de que I'on foit des verites que » vous' nous faites connoitre, on ne " les pratique que quand vous nous m les faites pafler de l'efprit dans k |
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.II. P A R. T I E. Lh. VIII. J41
»*-. ccEur , &quevous accomplifTez ce 1679.
» qu'a dit un de vos Saints, quec'eft
« vous feul qui appliquez la volonte
» a la bonne ceuvre , & qui en appla-
» niflez les difficulties pour la rendre
» plus facile a la volonte. Qui & vo-
» Luntatem applicat operi _, & opus ex-
" plicatvoluntati (10).
» Je fuis done pret, mon Dieu ,
« a vous fuivre par tout oii il vous » plaira de me mener; & quand je » marcherois parmi les ombres de la » mort, je ne craindrai rien , tant » que vous me tiendrez par la main. » C'eft dans cette efperance que je » me repoferai t & j'attendrai fans » impatience qu'etant flechi par les "' prieres de tant de bonnes ames, » vous rendiez a. votre Eglife la tran- » quillite dont elle ne fauroit jouir, » ii vous ne faites taire par I'autorice » de vos Miniftres les vents impe- » tueux des opinions humaines , qui » fe veulent elever au-deflus des ve- » rites de votre Evangile, & que » vous n'appaifiez par votre parole » les tempetes qu'excitent les hom- " mes charnels , quand on les trouble " dans la pofleillon ou ils penfent » etre de vivre en paien , & de n'ea (10; S. Bern, de gr. & lib. arb. c. 14. r.p.
P iij
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J4* HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1679. » attendre pas moins les recompenfes
» de l'autre vie, que vous n'avezpro- » mifes qu'aux vrais chretiens. Voila quelles etoient les difpofi-
tions finceres de celui qu'on vouloit faire pafTer dans Pefprit du Roi pour un chef de parti, pour un homme de cabale (11). On peut bien penfer que ce fut pour P. R. en particulier Le fujet d'un veritable chagrin, de voir M. Arnauld oblige par la malice de fes ennemis , non-feulement de quitter leur maifon, a laquelle il etoit Ci utile par fes lumieres, & ou il ren- doit des fervices fi frequens depuis la paix, mais meme d'abandonner fa patrie & de fortir du Roiaume. xin. A la nouvelle de la retraite de M. confletna- Arnauld , tous les eens de bien furent
tion des gens ' &, .
ae bien a la affliges & coniternes, ie voiant par
AiMuid15 M" ^ pfiv^s ^e ^a confolation de levoir.
Ses ennemis meme le furent, mais
par des vues differentes,parcequ'ik vi-
rent echapper de leurs mains celui dont
(ii) ie Le&eur peut du Roi contre lui : la
encore confulter le Tejla- 178 au Roi, fur U
ment fpirituel de M. Ar- mime fujet : la 181 , p.
nauld, 8c quelques-unes 188 a M. I'Archevequede
de fes lettres , fur tout la Par;s, ou il rend raifon
lettre 177 a M. de Porn- defa retraite : la 183,p.
Bonne , T. ;. p. 164 , fur 197 * M. le Chancelier/«r
les calomnies dont on s'ef- le mime fujet,
ferfoit de prevenir I'efprit |
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II. P A R t i i. Liv. Fill. £4$ ________
ils auroient fouhaite etre les maitres, 1679.
& qui dans fa retraite eut encore plus de liberte" d'attaquer & de com- battre leurs erreurs. Ce fut le 27 juin , que M. Arnauld partit de Paris pour fe retirer dans une terre etran- gere, 011 il finit, comme nous le ver-* rons , fa longue & glorieufe carriere, apres avoir fervi utilement l'Eglife, par plufieurs excellens ouvrages. La retraite de ce grand homme Xiv.
nechangea rien dans les affaires des MDjfelpari" religieufes de P. R. des Champs. Mal-de mettre une gre les affurances que M. Grenet, leur jjj^ftjj" Superieur, voulut leur dormer, foit par ecrit (21), foit de vive voix(23) que M. de Paris n'avoit nulle prd* vention & nulle mauvaife intention, centre elles : quoique le Prelat eut ajfurd plufieurs fois ce bon Ifraelite _, & lui eut promts en jurant fur fa croix qu'il tenoit entrefes mains 3 qu'il ne feroit point de mal aux religieufes de P.R.j elles ne tarderent pas a, eprouver les effets de fa mauvaife volonte. Dans le terns meme que M. de Paris affuroit avec ferment qu'il ne feroit point de mal a ces faintes filles, il (ii) Let. du 13 juin. Mem. hift. T. i. p. 17?,
(1;) Entretien du 4 & fuiv. juillet avec I'AbbeiTe, P iiij
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344 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
meditoit de mettre une AbbefTe titu-
laire a P. R. des Champs (2.4). Vou- lant executer fon deflem , il envoi'a vers la fin d'aoixt, ou au commence- ment de feptembre, M. Chamillard a P. R. de Paris, pour demander a. la fceur Dorothee fes Bulles 8c fes litres j elle les envoi'a, & fut dans une grande inquietude jufqu'a. ce qu'ils lui fuflent rendus. Le fujet de fon in- quietude etoit, que parmi ces pa- piers il y avoit un ecrit figne de fa main, contenant une promefTe qu'elle avoit faite autrefois par quelque re- mord de confcience fur fon entree dans la place qu'elle occupoit, d'y renoncer fi elle en trouvoit l'occafion, & de remettre 1'Abbai'e en election. Elle etoit bien eloignee pour lors de cette difpofition, fi jamais elle y avoit ete , & ne penfoit qu'a fe maintenir dans fon ufurpation. Ce fut dans cette vue qu'elle chercha les moi'ens d'interelTer P. R. des Champs dans fa (14) Plufieurs antu-es mott de M. de Gondn'n
auparavanr M. de Paris 1674. Mais cette reli-
avoiteu deffeinde donner gieufe, plus equitable &
cette Abbai'e a une de fes plus chretienne que foa
iceurs AbbefTe dans le frete, l'avoic ,refuft, re-
Diocefe de Sens. C'eftce gatiant ce qui s'ctoit paf-
que M. Arnauld apprit fe comme uavol fittt aux
d'elle-aaenie etant dans ce religieufes. Rel. de la tet.
Diocefe l'annee de la p. S7.
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II. P a r t i e. Uv. Fill. 345
caufe, afin d'etre plus en etat de fe S67g. foutenir. Une Dame , qui emprunta le nom de Madame Lallement lui rendit cefervice, en ecrivanta quel- ques amis de la maifon des Champs, pour y infpirer la meme inquietude qui regnoit dans celle Paris. Mais autant l'efprit qui animoit ces deux maifons etoit different , autant y eut- il de difference dans le motif de leur inquietude. M. de Harlai, affifte de deux Je- XV.
flutes, ai'ant examine les Bulles de Doro?bieQre- la fceur Dorothee & les a&es du par- fufe tonftam- tage des biens, trouva tant de diffi- ™„"er fonAb- culte a fon projet, que de l'avis de baie. fon confeil , il jugea qu'il falloit ten- ter une autre voie , qui etoit de reu- nir les deux maifons , de caffer ce qui avoit ete fait pour les feparer, &c d'en donner le gouvernement a une autre qu'a la fceur Dorothee. Mais la difficulte etoit d'obtenir le confente- ment de cette intrufe, qui tenoit trop a fa place pour vouloir la quitter: jamais elle ne voulut ecouter aucune propofition fur cela. On a fu d'elle- merne qu'un Avocat 1'etoit venu trou- ver au mois d'ociobre de cette annee, pour lui remettre une lettre de la part d'une Dame , qui ne fe faifoit point connoitre. P v |
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$4^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
Cette Dame etoit une Abbeffe,
qui lui temoignoit favoir qu'elle n'a- voit pas beaucoup d'agrement dans fon Abbaie de P. R. j en confequence elle lui propofoit de permuter & lui offroit une Abbaie riche & bien ba- tie. La fceur Dorothee repondit de vive voix feulement, qu'elle n'avoit nul deflein de changer , & qu'elle refteroit ou elle etoit. Le meme Avo- cat revint deux fois a. la charge, & FreflTa la fceur Dorothee d'accepter
ofFre , fans vouloir nommer la per- fonne de la part de qui il la fai- foit (15) > & lui remit une lettre a laquelle elle ne repondit encore que de vive voix. Cette Abbeffe fit encore dire a la fceur Dorothee , que fi elle n'etoit point contente de ce qu'on lui propofoit , .& qu'elle exigeat de plus une bonne penfion, on la lui donneroit; enfin que fi l'Abbaie■', dont on lui offroit l'echange ne lui plaifoit pas, fes parens avoient aflez de credit pour lui en procurer une autre. La fceur Dorothee fit toujours la meme reponfe , & refufa meme d'ecrire a cette Abbeffe, quoique 1'A- vocat lui reprefentar que cette Dame (15I II y a lieu de croire cjtje c'etoit 1'Abbeffe du
Lys, ftatu de M. Colbert. |
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II. Partie. Liv. VIII. 347
etoitd'aflez grande qualite pour me- \6-ja riter qu'on lui rendlt ce devoir. Nous apprenons ce fait & plufieurs aucres aflez intereffans fur cette af- faire & fur la foeur Dorothee , par la lettre dun Benedidin a M. l'Eve- que d'Angers \ ou il lui fait part d'un entretien qu'il avoit eu avec cette religieufe (16). M. de Paris jugeant qu'il ne ga-
gneroit rien fur cette fille, penfaaux moiens de procurer a Madame Col- bert l'Abbaie de P. R. des Champs, en attendant la mort de la foeur Do- rothee , apres laquelle on reuniroit les deux Abbaies. Mais la difficulte de pouvoir reuffir fit renoncer a ce projet. Tout confidere , on jugea que fur le pie ou etoient les chofes , on ne pouvoit faire de changement dans aucune des deux maifons, fans em- ployer des voies de fait & des vio- lences , auxquelles on ne vouloit pas s'engager. On prit le parti de revenir au projet d'une permutation , qui fut conftamment rejettee par la fceur Do- rothee. On voulut lui faire peur au fujet du papier dont nous avons parle , par lequel elle promettoit de (is) Voiez cette letcre, reeocil de 1740 , p, }i<> ,
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34^ HlSTOIRE DJE PoRT-ROUX.
' KJ79. renoncer a fon tirre. Elle fut obligee
d'ecrire a M. de Paris , qui temoi-
gnoit l'avoir pour fufpedce, comme
s'il efit cru qu'elle etoit d'intelligen-
gence avec la maifbn des Champs.
Cette tentative fut fans fucces, ainfi
que quelques autres, & la fceur Do-
rothee refifta a toutes les attaques
qui lui furent livrees pour 1'engager
a une permutation.
xvi. Les religieufes de P. R. des Champs
gieufts 'des informees de tout ce qui fe paflbit,
champs do a- ne crurent pas devoir demeurer dans
«<"onPrpour Wna&ion : pour eviter route furpri-
soppofcraiafe , elles paflerent le premier fep-
noinination 1 j '
d'une Abbef- fembre de cette annee une procura-
&• tion (27) pardevant Notaires, pour s'oppofer en leur nom a toutes Bulles,
qui pourroient etre obtenues au pre- judice du droit d'eledtion, dont leur Abbai'e avoit joui avant le concor- dat , & dans lequel elle avoit ete retablie par Lettres patentes de Louis XIII de Tan 1625). Cette oppofition fut envoi'ee a Rome le 22 decembre (17) Voi'ez cct a&e , fignature, & ami de P. R.
Mem. hilt, T. 1. p. 307. fut arrete le 9 o&obre
M. Thomas , ancien J 680, conduit a la Baf-
Greffier du Chatelet, cit^ title ou il pafla 8 mois ,
comme temoin dansl'ac- puis exile aQuimper,ou
te , homme penitent, pro- il mourut trois mois a-
tedeur des religieufes de pres de,k moudes juftss.
lieiTe perictutees pour la |
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II. Par tie. Liv. fill. 349
fuivant -y les religieufes ecrivirent en- 1679, core une lettre au Pape , par laquelle elles prioient Sa Saintete d'avoir pi- tie d'elles, de ne point confentir a ce qu'on lui demandoit, & d'etre leur defenfeur aupres du Roi. Cette lettre eft trop belle & trop touchante pour ne la pas rapporter en entier a la nn de ce volume Le faint Pere ne put retenir fes
larmes en lifant la lettre des religieu- fes &c teinoigna beaucoup de dou- leur de ce qui .s'etoit paiie a P. R. II donna enfuite ordre au Cardinal Cibo , fon premier Miniftre, de faire reponfe aux religieufes de fa part, ce qu'il ne fit point} parceque ce Mi- niftre Italien etoit gagne par M. l'Ar- cheveque de Paris , & entroit dans fes vues contre P. R. de Champs. Lettre *de fa On reconnoit fans peine dans cette mere Ange-
lettre le ftyle & les fentimens pleins Jt^Jj* £ de foi de la mere Angelique de S. m. de Pom- Jean. Ces grands fentimens n'ecla- Ponne" tent pas moins dans celles qu'elle ecri- vit peu de jours auparavant a l'occa- fion de la difgrace de M. de Pom- ponne (28), pour remercier les per- (18) M. de Pomponne zoaoo liv. Cette difgrace
fut diigracie au mois de ne fut point fa punition
novembre 1*79. Peu de d'aucune malverlationde
terns apres, le Roi lui fa part , il etoit trop
flccorda une penfion de honuete liomme pout ce;
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350 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
fonnes qui lui temoignoient prendre
part a l'afrlidtion ou ils la fuppo- foient. » Vous jugez aifement, dit- dle en repondant a une amie, quelles peuvent etre mes difpofi- tions fur la difgrace d'une perfonne que j'ai toujours plainte dans fa faveur. Quand on a peu d'ambi- tion , on fe conrente d'une petite fortune. J'en ai eu une grande pour mon frere , & j'aurois une extre- me douleur de le voir rabaifTe au dernier rang dans le roi'aume de Jefus-Chrift , ou il a tant de pro- ches, que leur vertu y a eleves, ou plutot que la mifericorde de Dieu toute gratuite, & qui donne elle-meme les merites, y a appel- les dans un rang aflez confidera- ble , autant qu'fl eft permis d'en jager par les graces qu'il leur a faites «. |
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1679.
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la ; mais 1'efFet des intri-
gues de fes envieux , dont il fut moins attentif i fe garantir, qu'a bien fervir ion Souverain. M. de Gondrinl'avoit prevu, & le preditau moment qu'il fut nommeMiniftre. Mais ce qu'on pourroit repro- cher a M. de Pomponne , c'eft de s'e;re ttop menage dans l'affaire de M. Ar- nauld , 8c de n'avoir pas |
fait dans la place qu'il
occupoit , tout ce qu'un neveu auroit pu &c da fai- re pour un oncle (1 tef- peftable. Ce grand hom- m; ai'ant appris la dif- grace de M. de Pompon- ne , lui ectivit la lettre la plus chreuenne 8c la plus infttuftive. Elle fe ttou- ve dans le recueil des let- tresde M. Arnauld. T- 8. p. ii)6, let. 55. |
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II. P A R T I E. L'lV. Fill. i$l
On voit en toute occafion & dans i<J8o.
tous les evenemens le meme efprit & xvni. la meme foi dans la mere Angelique. Autre lettre Comme M. de Harlai pourfuivoit AengeiiqUe aj* toujours fon proiet de donner une Pape* Abbeffe titulaire a P. R. desChamps, elle ecrivit une nouvelle lettre au Pape pour le prevenir , le priant de les maintenir dans leur droit d'elire leur Abbefle. » S'il ne s'agiifoit, dit la » mere Angelique , parlant au nom » de toute la communaute , que de " fouffrir, ou dans nos biens ou dans » notre corps , les neceffites de la » pauvrete, nous tacherions d'obte- » nir de Dieu la patience avec le S. » Prophete ( Job) que votre faintete » nous a donne a imiter (19) comme » le modele de tous les niftes affliges. » Mais quand la tentation va jufqu'a » l'ame, ne fera-t-il pas permis de fe » plaindre avec lui & de s'ecrier vers » Votre Saintete , comme il fait vers » Dieu : DeLivre\ - moi _, mette^ - moi » pres de vous, & apres cela combatte » qui voudra contre moi «. Elle ex- pofe a Sa Saintete 1'etat oii elles font reduites, tout acces leur etant ferme (19) Cell ce que M. en lui rendanr compte de
dePontchSteau avoit mar- la premiere letrre qu'elle que a la mete Angelique , avoit ecrke au Pape. |
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$$l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
1680. Pour demander juftice a un Roi plein
d'^quite , ne fe trouvant pas une feuli perjbnne qui ofe hit patier en leur ja- veur, jufques-la. que l'Archeveque de Paris a refufe de prefentex a Sa Ma- jefte une requete , dans laquelle elles ne demandoient point d'autre grace que de n'etre point condamnees fans etre entendues, & qu'on les jugeat dans les formes comme on fait les plus criminels. Elle ne diffimule point qu'on travaille en fecret, avec la par- ticipation de M. de Paris a renverfer la conduite fpirituelle 8c la difcipline religieufe que Dieu y maintenoit de- puis plus de foixante-dix ans que la mere Angelique y avoit mis la refor- me; que le moi'en qu'on emploie pour cela, eft de donner atteinte au droit qu'elles ont d'elire leur Abbefte, etabli par le Roi avec Papprobation du Saint Siege. Elle fupplie Sa Sain- tete de refufer fon confentement a leur oppreflioii, d'avoir pitie d'elles, &c de prendre leur defenfer aupres du Roi, perfuadee qu'il reuffira a faire connoitre leur innocence a Sa Ma- jefte , fi imitant la tendrefTe du grand Apotre, il vlt bien recommander des epoufes de Jefus-Chrift avec les niemes termes dont faint Paul fe fer- |
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II. P A r t i e. Liv. FIJI. 3 5 3
vit autrefois pour recommander l'Ef- 1680. clave de Philemon, apres l'avoirren- du ferviteur de Jefus-Chrift : tu Mas in meet vifcera fufcipe : je vous prie de les recevoir comme mes entrailles. Certe lettre fut envoi'ee au Cardinal Cibo, accompagnee d'une autre let- tre pour cette Eminence , par laquelle elles la prioient de les introduire aux pUs de Sa Sainted pour lui expojer I'd tat digne de compajjlon ok une gran- de communaute fe trouvoit reduite (30). Les religieufes de P. R. avoient pris le parti de s'adrefTer a ce Cardinal, dans le deffein de fe le rendre favo- rable , & parcequ'elles ignoroient fl M. de Maupas, (e'eft le nom qu'a- voit prisM. de Pontchateau) etoit en- core a Rome. Ce celebte folitaire de P. R. etoit xjx.
11 / , -ii iM.de Pont-
alle dans cette capitale du monde chateau foM-
chretien en 1677 , pour porter a In- cite i,Ro™ v. 1 r 1 V • r- a pour «s af-
nocent Al une lettre du iamt hveque fakes de p.r.
d'Alet contre les maximes fcandaleu-des chamPs- fes des Jefuites. II s'y fit bientot goii- ter &c eftimer de Sa Saintete & de tout le facre College , par toutes fes grandes qualites. II acquit non-feu- lement leur eftime , mais encore leur (jo) Vo'iez ces deux lettres, T, z. Mem. hift. p.
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J 54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
confiance , enforce qu'il eiit un fucces
^tonnant dans routes les.grandes affai- res aufquelles il eut part, ipeculement dans celle des foixante-cinq Propofi- tions qui furent profcrites. » Ce » n'eft plus maintenant de ce jardi- » nier penitent dont je parle , dit a » ce fujet M. Fontaine (51), c'eft d'un » homme confomme en fcience & en » fagefte , qui eft dans les manimens » des plus grandes aftaires de l'Egli- m fe. Celui qu'un coin de jardin ca- » choit a tout le monde , reparut a « la lumiere de Rome; ou plutot eclai- " roit lui-meme de fa lumiere ceux « qui en etoientle plus grand eclat.... » La verite, dont l'amour le pofTe- » doit tout entier , le rendoit elo- " quent & perfuafif; & le charme de » fes entretiens etoit tel que nul ne » pouvoit lui refifter. II etoit l'ora- « cle de ceux qui etoient les oracles » du monde. II donnoit confeil a ceux » de qui les autres le prennent. On " etoit furpris a Rome de voir un » Francois, qui tournoit ainfi les ef- » prits & s'en rendoit le maitre.....
» II eft vrai que je ne puis m'empe-
» cher d'admirer ici ce pauvre jar- w dinier j qui fortant de fon marais (31) Mem.T. t. p. 55;.
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II. P A R T I E. Liv. Fill. 3 J $
» devient en meme-tems l'amour de
» l'ltalie & la terreur de ceux qui » mettoient en mouvement la Cour » de France «. Tel etoit le credit qu'a- voit a Rome , & le perfonnage que faifoitdans cette grande Villele jar- dinier de P. R. Les religieufes de cet- te fainte maifon ne pouvoient faire un meilleur choix pour lui confier leurs afFaires : elles s'y etoient deja adref- fees , comme nous l'avons vu , pour folliciter aupres de Sa Saintete l'appnv* bation de leurs conftitutions (}z). Mais fachant qu'il s'etoit eleve contre lui un orage a Rome (33), & igno- |
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dans fon excellente lettre,
que l'Auteur des Memoi- res hiftoriques croit avoir ete adreiUe a M. de Pon- chateau. Quoi qu'il en foit des raifons qu'on eut a Rome , les religieu- fes n'obtintent pas la con' firmation de leurs faintej Conftitutions. (33) L'orage ne venoit
pas de la part des Italiens qui chetiffbient M. de Pontchateau , mais de la part des Francois { on fait quels Francois ) qui en- gagerent 1'Ambaffadeur de France a ecrire en Com des Uteres terribles contre un 33 Francois inconnu 33 qui remuoit tous les 3j efprits comuie il vou- j> loit, 6c qui diOipok |
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(51) Nous voi'ons par
une '.ettte de la mere An- gelique, datee du jour de faint Robert, (ij a- Tril) que quelques per- fonnes vouloient 33 faire 3) craindre aux religieu- 33 fes que l'une des plus » importances pratiques s> de leurs Conftitutions, » ne trouvar de la diffi- » ctilte a paffer dans 33 l'examen que le Pape => faifoit faire , a caufe 3> de 1'ufage contraire re- » $u en beauconp de » lieux «. La mere An- elique parle de Farticle _ e leurs Conftitutions, ou il eft defendu , conforme- ment aux faints canons, d'exigtr des dots, 8c elle en fait une belle apologie |
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$5<? HistoirE de Port-Roiai..
1680. rant s'il etoit encore dans cette ville,
elles jugerent a propos de s'adrelfer
au Cardinal miniftre.
xx. Dans les circonftances ou fe trou-
tamereAn-voient ces filles , leur fainte Abbeffe
gelique con- i ■• • i ■• r ■ i '.
fulre m. Ar- emploioit tous les moiens que la piece
cauid Cat u & fa prudence pouv'oient lui fugee- J>ro|et de leur « A * v, , . /r^Ll 1
donncr ime rer pour arrcter, s ll eroit pollible j la
Abbeffe pet- imuvaife volonte de leurs ennemis. Elle s'adrerfoitprincipalementau Pere des lumieres par des prieres & des • # proceffions qu'elle faifoit faire , afin d'attirer fes mifericordes j elle ecri- vit au fouverain Pontife, comme on le voit, pour implorer fa protection & empecher les efFets de la furprife. Elle confultoit des perfonnes eclai- rees , capables de lui donner confeil, afin de ne faire aucune faufle demar- che. Enfin elle inftruifoit fes religieu- fes, & les preparoit par de foiides inftructions a tout evenement. M. Ar- naud confulte fur cette affaire , fit re- ponfe par une lettre du vingt - deux avril 1680 (34), ou il declare que les 3> par fes raifons tout ce M. de Poutchateau fut
3j que lui Ambaffadeur oblige de ceder, PAm-
31 avoit ordre de propo- baffadeur lui ai'ant dit de
» fer a Sa Saintete ; qu'il la part du Roi de fe re-
a> ne pouvoit rienefperer titer.
y> du Pape pendant que (34) C'e(tlai9f ,T 5.
3-> cette petfonne demeure- p. lyj, edit, de poll.
5) roit a Rome, Sic «. |
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II. P A r t i E. Liv. VIII. 3 5 7
religieufes aiant » fait profeflion 1680., « d'obeir a une Abbefle triennalle v qu'elles eliroient, il ne croit pas » qu'il y ait puiflance fur la terre, » qui les puirle obliger de fe fou- » mettre a une autre qu'elles n'au- » roient point elue : que ce feroit la » mine de tout le bien que Dieu a » etabli dans leur maifon : qu'elles » font obligees de temoigner autant » qu'elles pourront, qu'elles ne con- » fentent point a ce nouvel etablifle- » ment, & que s'il fe fait, ce ne » fera que par une pure violence.....
» Qu'elles font obligees en confcien-
» ce a ne point confentir a la vio- » lence qu'on leur fait, & a donner v cet exemple de fermete dans un » liecle ou on n'en voit que de la- » chete & de mollefle ". Comme tout fembloit annoncer La ra*re' An_
une nouvelle perfecution , la mere geiique pre- Angelique , qui des l'annee prece- Pfe"fef" ™ £ dente avoit fait plufieurs conferences gerftonioa a fes religieufes fur ce fujet (35), SftM&teat. crut qu'elle devoit les y preparer d'une (?;) Voi'ez T. 1. des l'obeiflance & a la fou-
Vies edif. p. z6\. feconde million a l'ordre de Dieu
conference de la mere An- fur ce i qu'on leur otoic
geiique aux Religieufes de kurs ConfeiTeurs , ibid. p.
V. R. , lorfqu'on recom- 179 troifieme confeieuce
tnenca a lei perfccutet en dans le menie terns 8c les-
»«7? » elle les exhone I memes circoaftances.
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358 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1680. maniere encore plus particuliere. Ceft
dans cette vue qu'eiie fit lire au cha- pitre les avis que la mere Agnes avoit drefles pour la perfecution de 1664, & elle raifoit en meme-tems de vive voix d'excellentes reflexions, qui ont ete donnees au public en 1757. Nous ne pouvons qu'exhorter le le&eur a les lire. Dieu ne permit pas que les religieufes fiuTent expofees a l'epreu- ve dont elles etoient menacees , & M. de Paris abandonna fon projetj mais il ne changea pas pour cela de difpofitions a l'egard des religieufes de P. R. Ne pouvant leur donnerune Abbefle titulaire, il fe propofa de pourfuivre le phantome du janfenifme. » II y a encore , difoit-il a fes amis , « quelques grenouilles qui croaflent » dans les marais de P. R. mais un 5> peu de foleil, au retour du voi'age » du Roi (3 6) , fera deflecher ces ma- » rais & crever les grenouilles ". Ce Prelat difoit hautement qu'on alloit mettre la coignie a la racine ; & que , quoiqu'il fut aflez age , il efperoit vivre affe\ pour voir Fentiere defini- tion du Janfenifme. Les efperances de M. de Harlai furent vaines, car il |
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au fujet du mariage du
Dauphin. |
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(3 6) Le Roi fit ce voi'a-
ge au mois de mars isSo, |
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II. Par tie. Liv. Fill. 359
mourut fans avoir vu ce qu'il fe flat- I(jg0#
toit de voir. Dans la lettre des religieufes de xxn.
P. R. du 2 < fevrier , au Pape Inno- 1Pe.(rej.11 ** vi -1 ' n_ r • • rj> religieufes de
cent Al, 11 elt rait mention d une re- p. r. des
quete que M. l'Archeveque de Paris ch*mPs <k C Ci J 'C t> • r< P"fenterune
avoit rerule de preienter au K01. Cet- requete au
te requete avoit ete dreflee des leRo1* niois de mai de 1'annee preceden- te(i<>79) , apres que tous les ordres rigoureux ngnifies aux religieufes par M. de Paris eurent ete executes. Mais ce Prelat, que Ton crut devoir confulter , aiant confeille d'attendre fept ou huit mois , parceque les cho- fes , difoit-il, pourroient s'accommo- der, ou plutot afin d'avoir le terns d'executer fes projets , & parcequ'il craignoit que la requete n'apprit au Roi ce qu'il ignoroit, c'eft-a-dire , les injuftices qu'on commettoit fous fon nom, ne la prefenta point. Les religieufes ne foupconnoient rien que de bon dans l'avis de leur Pafteur , & croi'ant qu'elles temoigneroient da- vantage a leur Souverain , par la pa- tience & le illence , le profond ref- pedt qu'elles avoient pour les ordres, elles mirent fous clef la requete , en attendant le moment favorable de la prefenter. |
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3<jO HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
Mais elles furent bien etonnees
lorfqu'au commencement de fevrier de cette annee 1680 elles apparent qu'il couroit dans Paris une requete des religieufes de P. R. des Champs au Roi. Elles ne favoient a qui attri- buer cela 3 tant la chofe leur paroiffoit indifcrete. L'Abbeffe en ecrivit (le 5 fevrier) a M. le Cure de S. Benoit leurSuperieur,& lui rendit un compte exact de tout ce qui s'etoit pafle au fujet de cette requete ; elle fit tout ce qu'elle put pour retirer les copies qui couroient, mais quelle apparence de pouvoir y reufllr ? Cependant les religieufes regardant cet evenement comme un trait de la providence , qui vouloit peut - etre leur marquer par-la , que le moment de prefenter leur requete etoit venu , d'autant que les huit mois que M. l'Archeveque avoir prefcrits a. leur patience etoient expires , elles crurent devoir faire des demarches pour la faire prefenter. Et efperant que M. de Paris, qui leur avoit rcmoigne etre touche de l'arrlic- tion de la communaute, lorfqu'il ap- Eorta les ordres du Roi , voudroit
ien contribuer a en obtenir de plus favorables , elles prierent M. de S. Benoit de vouloir bien lui demander cette
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II. P A R T I E. L'lV. Fill }6l
cette grace de leur part (37). _ "TTioT*
Elles la lui envoierent le 6 fevrier Xxin.
avec une autre lettre d'inftruction fur Elles f en- ce fujet; & le meme jour 1'AbbeiTe d°'7arh p^c fit arTembler les fceurs au chapitre pour **. de s. bs- ieur apprendre ce qui fe pafToit tou- no'c* chant ladite requete & leur en faire lecture. Elle leur dit aufli le deflein que Ton avoit de la faire prefenter au Roi, dans la crainte qu'il n'en eut connoiflance par une autre voie, 8c la bonte qu'avoit M. de S. Benoit de vouloir bien aller trouver M. l'Ar- cheveque pour le prevenir & l'enga- ger lui-meme a la prefenter de la part de la communaute. Elle exhorta enfuite les fceurs a redoubler leurs prieres pour l'heureux fucces de cette affaire. M. le Cure de S. Benoit ai'ant re- xiav,
cu la requete , alia trouver M. de Pa- **• dePam •„ll- • • t r, refufe de pre-
ns, & la lui remit en main le 11 fe- renter au Roi
vrier. Le Prelat apres l'avoir lue , lui J*»y"***< dit qu'il vouloit penfer a ce qu'il au- e S'eu roit a faire dans cette occafion, qui ne lui paroiffbit pas de petite confe- quence , & le renvoi'a au Dimanche pour lui dire fa resolution. M. de S. Benoit pria PArchevcque de prendre la defenfe des religieufes dont il etoit (37) Voi'ez cette requet* a la fin da Volum*.
Tome FIL Q
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}6i HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
le pere, fur quoi le Prelat fit beau-
coup de plaintes , non d'elles , mais des Meffieurs qui les avoient coa^ duites. M. de S. Benoit informa par une
lettre (?8) l'Abbeffe de P. R. de ce qu'il avoir fait j &c cette pieufe mere mettant fes efperances dans le fecours de Dieu, fit faire une proceflion de penitence le vendredi, 16 , pour l'ob- tenir. Cette proceflion fe fit, tant pour reparer l'outrage fait a Jefus- Chrift peu de jours auparavant dans Paris par des fcelerats, qui avoient traite indignement un crucifix , que pour le bon fucces de leurs affaires. Apres le chant des pfeaumes peni- tentiaux, toutes les foeurs allerent a Fadoration de la Croix comme le vendredi faint,pendant que Ton chan- toit l'hymne, Pange,lingua,pmlium &c: pour s'animer aux fouffrances. Cette edifiante ceremonie fe fit a une heure apres minuit. Au jour marque (le 18 ) M. le Cure de S. Benoit retourna a l'Archeveche pour recevoir la reponfe du Prelat, qui quelques jours aupa- ravant avoit eu une conference avec le Pere la Chaife. La reponfe fut courte, le Prelat s'qtant contente de (j 8) Voiez cette lettte, T. i. Mem. hill, p, ;j4-
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II. Partie. Liv. Fill. 36} ______
dire, que le terns n'etoit pas venu 1680.
d'attendre du fucces de cette requite y & qu'il nuirolt plus de la prefenter ^ qu'elle ne ferviroit. » Voila, ecrivic » M. de S. Benoit, tout ce qu'il m'a •> dit & qu'il m'a repete plus de fix » ou fept fois, malgre mes obfer- « vations , mes remontrances & mes « prieres..... Je crois qu'il n'y a
» plus prefen tement qu'a prier Dieu,
» a garder le filence , & attendre de » la providence ce qu'il en peutar- » river«. La requete ne fut point prefentee. Malgre ces circonftances facheufes, xxv.
1'AbbefTe pleine de foi ne laifla pas de J* de propofer pour la profeffion les vices. fours le Juge & Benoife qui avoient fini leur noviciat. Elle reprefenta a la communaute que l'etatou etoitla maifon , ne devoir point exclure & priver de cette grace ces deux no- vices , qui etoient toujours dans la refolution ferme de s'engager , quoi^ qu'on ne leur eut rien cache ni difli- mule de tout ce qu'il y avoir a crain- dre a. l'avenir pour le monaftere. Elle recommanda aux fours de prier , fans avoir fur cela aucune vue humaine ; puifque Dieu , qui donnoir cette fer- mete a ces deux novices, pourroit les |
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364 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
~icj50> foutenir , li elles pouvoient parvenir
a cette grace j ce qui etoit fort in- certain dans l'etat prefent des cho- fes , mais que cependant la commu- naute auroit fait ce qui dependent d'elle. Ce fut le premier de mars que l'Abbefle les propofa a la commu- naute, & le 9 du meme mois elles furent regues. xxxvi. Ce n'etoit point la. la feule peine Mauvais trai- des religieufes de P. R. des Champs:
temens raits i j r t ' ' 1 'II
aux rdigieu- privees des iecours lpintuels qu elles
fcsdeP. r. , recevoient auparavant des plus faints gnl confer- & des plus favans Ecclefiaftiques qu'il Rut de la y eflt dans 1'Eo-life , elles etoient re- duites lous la conduite d un nomme Poligne , plus fanatique encore & plus emporte que les du Saugey & tous ceux, qui pendant les annees de captivite avoient exerce la patience de ces faintes filles. Ce ConfefTeur fe conduifit d'abord avec alfez de mo- deration : mais bientot il changea de conduite & de langage. Des le mois de decembre 1679 , il commence a donner des preuves de ce qu'il fa- voit faire , & de ce qu'on devoit dorenavant attendre de lui. II ne falloitpas , Ai(oit-il ,etrejijavant 3ni vouloir pdnitrer les myfleres. Sans ref- ped pour les grands hommes, qui l!a-< |
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II. P a r f t e. Liv. VIIL m_______
voient precede dans la place qu'il etoit 16 8 o,
d indigne & li incapable de remplir , il donna a entendre par une mauvaife application d'un paffage de faint Au~ guftin , que M. de Paris en faifant fortir les Ecclefiaftiques qui etoient a P. R. n'avoit fait que retrancher & oter le fuperfiu. Dans le tribunal de la penitence exhortant les fceurs a obeir aux Superieurs, il afliiroit qu'el- les devoient le faire, quand meme il arriveroit » qu'ils commanderoient » des chofes injuries; parcequequand » les chofes ne feroient pas juftes » en elles - memes, il etoit jufte de » leur obeir ; qu'il faut obeir , quand i> meme il y auroic du peche a ce » que commandent les Superieurs , w parceque le peche eft pour eux , & »> le merite de l'obeiflance pour ceux » quiobeifTent«. On remarqiioit que fes declamations devenoient plus vi- ves , a mefure qu'il faifoit des voi'a- ges a Paris j quoique M. de S. Benoit eut adjure l'Abbefle plufieurs fois, de la part de M. de Paris , qu'il ne vou- loit point que les Confeueurs inquie- taflfent les foeurs. La mere AbbeiTe , fi refpectable a tous egards, n'etoit pas plus menagee que les autres foeurs: un jour le fieur Poligne la fit inviter Qiij |
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$66 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
a un catechifme qu'il devoit faire aux
domeftiques dans l'Eglife, un diman- che j de mars. L'humble AbbefTe s'y trouva avec la plus grande partie de la communaute , & entendit les de- clamations ordinaires de M. Poligne. Le lendemain le Catechifte, non con- tent de ce qu'il avoit fait la veille , demanda FAbbefTe au parloir , & lui parla de la maniere la plus indecen- te. » Je n'ai , lui dit-il, qu'un mot « a vous dire, ma mere, c'eft pour « vous declarer que ce que je vous « dis hier a mon catechifme , je le *> dis de moi-meme , & parceque je » le trouvai a propos ; ce n'eft point w qu'on me l'ait fuggere , je ne prens *> avis de perfonne , & je n'ai point « a rendre compte de ma conduite, qui autem juiicatme, Dominusefij&c. L AbbefTe lui ai'ant reprefente mo- deftement, que Ton etoit furpris de fon affectation a toujours parler de 1'obeifTance aux Superieurs, il lui re- pandit que ce n'etoit point a elle a trouver a redire a ce qu'il jugeoit £ propos de dire aux foeurs , qu'il etoit juge , qu'il etoit medecin , que c'etoit a lui de voir ce qu'il devoit dire, & qu'elle ne devoit point entrepren- dre de detourner les foeurs de ce qu'il |
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H. P ARTIE. Liv. Vlll. I&1
leur confeilleroit. » Prenez-y garde, 1680.
» lui dit-il encore, je vous Te de- » clare , fi vous penfez contredire » dans 1'efprit des fceurs ce que je » leur dis , vous vous en repenti- » rez___Vous n'avez que faire non
« plus d'en confulter vos Meflieurg,
« lis ne fonr pas mes mai tres (ils lui auroient donne de meilleures le- » cons ) & je ne fuis pas leur difci- " pie j ce, n'eft pas d'eux que je prens » conduite : ( il fe feroir conduit plus fagemenr). II r^peta plu/ieurs fois les m ernes chofes , proteftant toujours qu'il ne demandoit avis a perfonne pour la conduite qu'il tenoit. Peu de jours apres que la mere Ab- xxvir.
beiTe eut ete trait^e de la forte par . Traucmeaf nx r» i- / it i • rr ii 11 mdigne fell
M. Foli^ne , elle ne laiila pas daller i hftbefle d«
a confelle a lui, & il lui donna pour ?■ R; K" !e , . 11? r ■ i A fieurPoligne.
penitence de dire une rois le jour,
pendant huit jours, le neuviemecha- Jitre du I. Livre de 1'Imitation de
efus-Chrift, qui traite de l'obeiflan- ce que les inferieurs doivent rendre a leurs fuperieurs en renoncant a leur propre fens. Et comme elle s'en al- loit; il la rappella , & lui dit : au moiiis, ma mere 3 vous n'etes point fa- chee contre moi \ a quoi elle ne repon- dit pas precifement; puis il ajouta j Q iiij
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$6% HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
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168-a. pour molje ne le Juis point du tout
contre vous. M. Hilaire voulant decouvrir fi M.
Poligne avoit recu quelqu'ordre de l'Archeveque d'en agir de la forte , eut avec lui un entretien dans lequel Monfieur Poligne le mit lui - meme fur les voies pour cela, en lui deman- dant , fi la mere AbbefTe lui avoit te- tnoigne qu'elle eut de la peine de ce qu'il lui avoit dit. M. Hilaire repon- dit qu'il lui en avoit donne fujet, & qu'il etoit furpris qu'il eut traite de la forte une perfonne de fon merite : il ajouta qu'aflurement il ne pouVoit fuivre en cela les intentions de M. l'Archeveque , qui lui avoit dit plu- fieurs fois, qu'il ne vouloit point fe meler de donner des Confefleurs pour la maifon , de crainte de tomber dans les inconveniens qui etoient ar- jives a fon predecefleur } qu'il fouhai- toit fur-tout qu'elles euuent une en- tiere liberte d'en choifir qui ne fuf- fent point fufpecls, & qu'il ne vou- loit point du tout qu'elles en euflent qui les inquietaflent, ni qui leur par- lafTent de la moindre chofe capable de leur faire de la peine , parcequ'il etoit fort fatisfait de leur foi & de leurs mccurs. M. Hilaire ajouta qu'il |
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11. Partik. Liv. VIII. $69
etoit etrangequ'il contrevint ainfi aux 1680.
intentions de M. de Paris, qu'il avoit fi fouvent expliquees. M. Poligne demeura interdit: enfuite aiant voulu dire quelque chofe pour s'excufer, M. Hilaire lui dit, que M. de Paris n'auroit pas parle a la moindre des religieufes, comme il avoit parle a line perfonne du merite de la mere Abbeffe , & qu'il fecondoit mal les intentions de M. PArcheveque , qui en l'envoi'ant a P. R. ne lui avoit pas ordonne de fe conduire comme il faifoit. M. Poligne repondit a cela, que fi les religieufes etoient mecon- tentes de lui, elles n'avoient qu'a porter leurs plaintes a M. l'Archeve- que , de qui feul il dependoit; & il pretendit ne dependre nullement de M. de S. Benoit Superieur de la cotn- munaute j il parut meme, par le ton qu'il prit, qu'il fouhaitoit qu'on par- lat de lui a. M. de Paris, foit qu'il voulut fe faire nn merite aupres de lui de la conduite qu'il tenoit, foit qu'il cherchat une occafion de faire lui-meme des plaintes contre ces fain- tes filles. M. Poligne profita bien peu de cs
que lui avoit dit M. Hilaire , car le vsndredi faint il porta les chofes |
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J 70 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
j 680. aux derniers exces dans un fermon ','
qui dura pres de trois heures. II eft vrai qu'il y eut un intervalle conli- fiderable , car a la premiere paufe , a laquelle on chanta, Crux jidelis 3 le Predicateur defcendit de chaire &c alia a la facriftie , oil il avoit eu foin de fe faire preparer un dejeune , ne fe falfant nulle difficulte , difoit-il, de rompre le jeune pour Vutilite publi- que. ( Mais quand on fcandalife le public , en prechant, au lieu de lui etre utile, a-t-on droit de dejeuner le vendredi faint). xxvni, Le fcandale que caufa ce fermon lm[eJ*}? fut general au-dedans & au-dehors, mere Abbefle O
a m. kcure &c perionne ne voulant plus ie con-
de s. BcnoJt, fe{£r ^ jy[ p0iigne , la mere Abbefle
fermon deM. le trouva obligee d ecrire a M. de
roi^e dui? s Benoit fur ce qui s'etoit pafle , tant
pour prevenir les mauvais defleins
de ce fanatique , que pour favoir de
quelle maniere il falloit fe conduire
avec lui a l'avenir. La lettre fuivante
fut portee par M. Charles , qui etoit
charge de Pinformer de routes chofes
de vive voix.
" Sans une occafion extraordinai-
» re , ecrivit cettefille, je ne derobe- » rois pas un tel jour (vendredi faint) » le tems qui ne doit etre ernploie |
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II. Part ie. liv. Fill. 371
» qu'au pie de la Groix, ou aupres 1680.
» du Tombeau de Jefus-Chrift 5 mais « je fuis obligee , & nos fceurs m'en » preflent, de vous rendre compte " en peu de mots , de quelle ma- » niere M. Poligne nous a fait ce- " lebrer la Paffion ce matin, non pas » en la prechant , mais en la renou- » vellant j car il a choifi ce jour , ou » peut-etre il nous croioit plus dif- j> pofees a porter lopprobre & l'igno- » minie, dont Jefus - Chrift fait au- « jourd'hui fa gloire parcequ'il glo- » rifie fon Pere , pour nous compa- » rer a tout ce qu'il y a eu d'here- » tiques dans tous les fiecles, aux » Ariens , aux Donatiftes , aux Pe- » lagieiis , aux Novatiens, aux Ma- li cedoniens , aux Calviniftes. 11 nous » a taxees par routes ces comparai- » fons , de defobeifTance a. la cliaire » de,faint Pierre & a nos Pafteurs, " de ne reconnoitre d'aurorite pour » les decifions de foi, que celle du » concile general; de faire des af- » femblees particulieres ; de s'appuier » fur le raifonnement & non fur- l'o- >> beiiTance \ d'etre feparees de la fo- " ciete des fideles , parceque ceux » qui n'obeifTent pas a, l'Eglife doi- » vent etre regardes comme des in- Qvj
|
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yj% HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
» fideles, & que faint Paul oblige
w de fuir les heretiques apres les- » avoir repris une ou deux fois ; & » d'affe&er neanmoins de vouloir » avoir la communion avec les ca- » tholiques pour eviter la honte d'une » fepararion , comme faifoient les. => Macedoniens; de s'appui'er du pre- ss texte d'aimer la difcipline de l'an- 3) eienne Eglife, comme faifoient les s> Novatiensj de s'imaginer que la *> verite ne luit plus que dans un w coin de la terre , comme le difoient *> les Donatiftes \ de fe glorifier de » fouffrir pour la juftice, & d'etre *> le petit troupeau, comme s'en van- j> tent les Calviniftes ; de Taite de « fauflfes applications de l'Ecriture , »> comme font tous les heretiques \ s> de diftinguer dans les decifions des » Papes , au lieu de tout embracer , r> fans fe mettre en peine , quand j> meme ils fe tromperoient j d'etre .» des aveugles volontaires , a qui on a» ne peut pas faire voir le foleil , t>» quoiqu'il foit vifible a tout le mon- x de , 8c qui demandent neanmoins » qu'on leur montre ce qu'ils ne veu- » lent pas eroire. Je marque a la hate » & en confufion tous ces chefs , fus » leiquels il s'eft fort etendu > cas |
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II. Partie. Liv. Fill 3 7 j
» affuremenr de trois heures qu'a du- i<J8q.
» re fon fermon, il en a bien em-
» ploie deux fur cette belle matiere
» appliquee a des fujers , oii nul au-
» tre que lui ne fe fur jamais avife
" de trouver le moindre rapport a
» ce qu'il a voulu nous dire. Mais
» pour mettre le fceau a cetre action,
« il l'a finie par un enrhoufiafme qui
w lui a fait demander avec Moife d'e-
» tre efface du livre de Dieu, pourvu
» qu'il put obtenir de lui le pardon
» de notre defobeiffance; & que ce
" jardin qui avoir ete arrofe dans le
» commencement de ce fiecle par S.
» Francois de Sales, 8c qui avoir
» produit des fleurs de bonne odeur,
» mais qui avoit eu depuis le mal-
» heur d'etre cultive par d'amres,
» put etre nettoi'e de toutes les plan-
« tes, que le Pere celefte n'y avoir
" pas plantees, par les foins & les.
" inftru£tions que lui (Poligne) T
» qui s'en dir etre le jardinier pre-
*> fentement y emploiera. Nos fceurs.
« ecriront ce difcours plus au long r
" pour vous le faire voir, je ne mar-
» que que les fujets. Nous devrions.
*> etre accoutumees a entendre de ces
» louanges, mais ce qui eft de vrai„
» c'eft que pas un de ceux qui nous
|
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J74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i<J8o. " ont autrefois parle fur ces fujets,
" ne l'a fait avec tant de duret£ , de " fuffifance & d'ignorance. On peut »> le demander a ceux qui l'ont en- 33 tendu. J'ai ete fort aife qu'il y eiit J3 bien des temoins, & je vous en *3 rends compte, Monfieur, parceque 33 vous jugez bien que ceci doit faire 33 du changement, & qu'il n'eft plus 33 poffible qu'un homme qui fe rend 33 publiquement notre accufateur , 33 puifle exercer a notre egard une 33 fondtion qui le rend notre juge. II 33 a fait lui-meme ce que nous ta- 33 chions d'eviter depuis quelque- 33 tems, de fe faire connoitre tel 33 qu'il eft a routes nos foeurs. Car il y 33 en avoir deja plufieurs qui avoient '3 bien de la peine a s'y confefTer; 3» & on tachoit de les engager a ne 33 pas laifter de le faire , mais i pre- 3> fent il ne feroit pas jufte de nous 33 contraindre a gener nos confcien- 33 ces jufqu'a ce point-la....... Je
3> crois, Monfieur , que vous trou-
33 verez a propos de faire favoir a 33 M. TArcheveque que nous lefup- 33 plions tres humblement de trouver 33 bon qu'il ne demeure pas plus 33 long-tems ici. 11 n'y a ete jufqu'a 3> prefent que par occafion, puifque |
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II. Par tie. Uv.VIll. 375
» nous ne l'avons point choifi, com- 1680.
j> me M. l'Archeveque nous avoit
" donne la liberie de le faire. Etje
" ne doute pas, que s'il avoit en-
» tendu de quelle forte il a parle
» aujourd'hui, il n'eut fort improuve
" qu'un homme, de fon autorite pri-
» vee, fans ordre s fans mifjion 3fans
» avoir pris avis 3 pi confulte qui que
» ce foit j comme il nous en a fait
» une proteftation folemnelle dans la
» chaire de virite _, (ce font fes ter-
» mes) ait entrepris de traiter des
» perfonnes qui font dans la com-
" munion de l'Eglife , comme les
» plus grands heretiques qui en font
» fepares & qui la combattent. Cela
» eft fort eloigne des intentions de
» M. l'Archeveque , qui nous a parle
» d'une maniere toute contraire, &c
» qui nous a temoigne qu'il ne vou-
» loit mettre ici que des Ecclefiafti-
» ques propres a y entretenir la paix«.
La mere Abbefle parle enfuite de
quelques autres chofes , qui faifoient
de la peine dans M'. Poligne , fa voir,
du peu de piete & d'attention qu'on
voioit en lui, foit en difant la metTe,
foit en confeflant; de forte qu'il fai-
foitfouvent des meprifes, qui ne mar-
quoient que trop qu'il if etoit point
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J7<? HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAU
" kj80 occupe de ce qu'il faifoit. Elle mar-
quoit encore a M. de faint Benoit a la fin de fa lettre , qu'elle penfoit qu'il approuveroit bien qu'on ne laif- sat pas precher M. Poligne le jour de Paque , en aiant atfez dit le jour du Vendredi faint. XXTX M. Charles qui avoir ere porteur Nouveiie de cette lettre , revint le famedi, &
u^n. dit q«e M. de S. Benoit approuvoit que par le qii'on refusat a M. Poligne de pre- V$uffiL cher le )otu' de Pa1ue- La mere Al>
beflfe, voulant eviter d'entrer en ex- plication avec lui, fit ecrire au Sa~ criftain le billet fuivant. » Nous vous » fupplions, Monfieur , de dire a M. » Poligne que nous ne nous atten- » dons point qu'on preche aujour- " d'hui. L'on nous a dit qu'il avoir » quelque deflein de le faire, mais " nous ne lui avons point demande » de fermon pour ce jour. Les An- » ges & Jefus-Chrift parlent aux fem- m mes dans ce myftere, nous tache- " rons de nous joindre a elles pour » l'ecouter j & nous aurons peu de » terns apres dine aiant une procef- »• fion apres None qui occtipera l'ef- » pace «. Le billet aiant ete remis a M. Poligne , il repondit qu'il ne laif- feroit pas de precher , qu'il favoit ce |
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II. Parti e. Liv. Fill, ill
qu'il avoit a faire , & qu'il ne pre- TiioT"
noit point fes ordres de la mere Ab- beffe. Sur cette reponfe l'Abbefle ai'ant alTemble la communaute, re- prefenta d'abord qu'elle ne croi'oit pas qu'on put s'y oppofer , puis elle exhorta celles qui pourroient l'ecou- ter, a le faire avec patience & fans aigreur , laiflant la liberte a celles qui ne voudroient pas y affifter, de demeurer devant les faintes reliques qui etoient expofees. Le jour de Paque, M. Poligne vint
pour monter en chaire, & a'iant fait ap- peller 1'AbbefTe , il lui demanda bruf- quement fi toute la communaute 8c toutes celles qui avoient affiile le ven- dredi a. fa Paffion y etoient. L'AbbefTe lui ai'ant repondu qu'elle croi'oit que toutes y etoient, il monta en chaire pour donner un nouveau fcandale ; car il declaim jufqu'a quatre heures avec des exces & une confufion fem- blable a celle de fa declamation pre- cedente, & meme encore plus gran- de, enforte qu'il fembloit que l'efprit fut deloge de chez lui (s'il y en avoit eu auparavant): il ne laifla pas d'of- ficier a Vepres. Le lendemain il par- tit pour Paris. On apprit de fes nou- velles le Dimanche fuivant par un |
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jf8 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
1080. billet de M. le Cure de S. Benoic
( dare du xj) par lequel il marquoit que M. Poligne avoit vu M. l'Ar- cheveque le mercredi precedent, mais qu'il ne favoit pas ce qui s'etoit paiie entr'eux , M. Poligne etant fort re~ ferve fur le fujet de fon voi'age , dont il ne parloit a perfonne, non pas me- me a lui ; qu'il n'etoit point venu le voir depuis l'audience qu'il avoit eue a PArcheveche. M. de faint Benoit ajoutoit qu'il avoit neanmoins un prejuge que M. l'Archeveque lui avoit ordonne de ne point retourner, par- cequ'il difoit ouvertement qu'il avoit deflein de fe retirer. M. de S. Benoit qui avoit eu ordre d'aller a l'Arche- veche , s'y etant rendu manda au re- tour dans le meme billet , que M. l'Archeveque lui avoit dit que M. Poligne lui avoit parle de fes deux fermons du Vendredi faint & du jour de Paque, qu'il lui avoit laifle le premier , dont il n'avoit pas encore fait ledhtre. Par rapport au fecond , M. Poligne convint qu'il avoit vu le billet de PAbbefTe, mais il dit qu'il lui avoit femble n'etre pas dans Tor- dre qu'il n'y eut point de fermon un tel jour. L'Archeveque ajouta que ce que la mere Abbefle avoit mis dans |
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II. Par tie. Liv. VIII. 379
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ce billet, des Anges qui avoient parte 1680.
aux femmes dans ce myftere , etoit un peu trop. (Y a-t-il quelque chofe de trop dans l'Evangile qui le dit).M. de Paris dit encore a M. de faint Benoit, que M. Poligne l'avoit fort afTure n'avoir ete mu de perfonne que de fa confcience 3 comme Pridrcateur, pourparler comme il avoit fait j qu'il lui avoit dit auffi, qu'etant entre au- dedans, il y avoit vu des livres 8c des tables, qui marquoient ou figni- fioient certaines meditations , qui infmuoient aux religieufes une fouf- sraclion de leurs Pafteurs legitimes, pour etre artiijetties a ceux auxquels dans l'ordre elles ne devoient pas l'e- tre. M. le Cure de faint Benoit re- pondit a M. de Paris, que M. Po- ligne n'avoit vu aucun livre de cette forte. La conclufion de ce que M. l'Archeveque rapporta & M. de faint Benoit de l'entretien que M. Poligne avoit eu avec lui, fut qu'il ne devoit plus revenir que pour retirer fes ef- fets. EfTedkivement il revint le 6 de mai, pour faire fes ballots , & partit apres les avoir faits. Par le meme billet, M. de faint wXXX; .„.
u a • 11 Saint
Benoit annongoit une autre nouvelle, Benok re$oit
qui ne devoit pas faire moins de plai- f^0"°^l |
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$$0 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt,
• j(j8o. fir aux religieufes de P. R. Comma
M. de Paris 1'avoit remis au famedi (27 avril) pour lui rendre une der- niere reponfe touchant la profeffion des deux novices dont il lui avoit parle le mardi precedent, ce Siipe- rieur, qui en faifoit reellement les fon&ions en vrai Pere, ne manqua pas de profiter de cette occafion pour demander au Prelat fa refolution fur ee fujet. M. de Paris lui reponditpo- fitivement qu'il recevroit leur pro- feffioji, lorfque fa fante lui permet- troit 5 M. de Saint Benoit etoit alors incommode. II ne tarda pas a aller a P. R. & fit la ceremonie de la pro- feffion des fceurs Benoife & le Juge le 16 <Ie mai, qui etoit le Dimancne avant les Rogations. II n'y eut plus depuis aucune profeffion de religieu- fes de chceur a. P. R. des Champs. xxxr. Ce fut fans doute au fujet de la Mcr"" lb* fortie de M. Poligne, & de la pro-
bede iM. de feflion des deux novices , que la mere Angelique ecrivit la lettre fuivante a M. l'Archeveque, pour le remer- cier des marques de bonte qu'il leur avoit donnees en deux occafions con- jiderables. » Je ne prendrois pas , dit-elle,
« Monfeigneur, la liberte de v«us |
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II. P A R T I E. L'lV. Fill. 3 8 I ________
t> interrompre de rant de grandes oc- 1680.
» cupations infeparabies de votre
» charge , fi je ne favoisqiie M. Gre-
» net, qui veut bien vous prefenter
" cette lettre, vous doit parler de
" nous •, & que comme nous fommes
" une petite partie de votre trou-
» peau, vous facrifierez , Monfei-
» gneur, quelques momens de votre
» application, dans le tems qu'il
» aura l'honneur de vous entretenir,
" pour vous informer par lui-meme
" de l'etat de notre communaute. Le
» fejour qu'il a fait ici, lui en a don-
" ne une entiere connoidance ; & je
" ne doute point, Monfeigneur, qu'il
" ne vous temoigne combien il nous
" a trouvees fenfiblesa. lareconnoif-
» fance que nous devons avoir des
" marques que vous avez bien vou~
» lu nous donner de votre equite
» 8c de votre bonte en deux occa-
m fions confiderables. Permettez-
» nous, Monfeigneur, de regarder
" ces premieres graces comme quel-
» ques goutes d'eau qui tombent du
» ciel fur une terre alteree , &
» qui lui feront efperer apres une
■>> longue fecherefle , une pluie qui
» lui rendra la focondite Sc l'abon-
» dance. Votre parole, Monfeigneurj,
|
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j8l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
i<j8o. " auroit ce pouvoir j elle a ferme les
» nuees elle peut les rouvrir. Mais » de notre part, tout le merite que » nous ofons pretendre , vient de » notre filence, puifqu'il eft un effet » de notre foumiffion. Vous nous » avez fait favoir , Monfeigneur, « lorfqu'on vous fit voir la requete » que'nous avions defTein de prefen- » ter , qu'il n'etoit pas encore tems, » & nous nous fommes tues fort re- » ligieufementjufqu'ici. Mais, Mon- " feigneur , oferions-nous vous de- » mander jufques a quand ? nous » fommes fi peu de chofes , qu'il eft " aife que Ton nous oublie , fi nous " ne parlons jamais. Ne fera-t-il " point permis de vous expofer qu'il » y a long-terns que nous foufFrons ? » Dieu nous accorde 4ien la liberte « de nous en plaindre a lui-meme ; » 8c nous le faifons fouvent, parce- » qu'il ne s'importune pas de nos » larmes. Auffi n'ont-elles pas pour » objet des biens temporels, que Ton » ne doit ni aimer ni regretter, mais »• les ames que Jefus-Chrift a rant « aimees & qu'il veut que nous ai- « mrons. II demande des Pafteurs, » a qui il les a confiees, qu'ilsf les p aiment plus que les autres. Ainu* |
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II. Par tie. Liv. Fill. 583
« nous devons prefumer, Monfei- 1(jg0,
» gneur, que le rang oil il vous a » mis , vous obligeanc de l'aimer da- » vantage, vous entrerez aufli plus » avant dans ces fentimens de ten- » drefle qu'il [z pour fes brebis, » dont il ne veut pas qu'aucune pe- » rifle j que vous ouvrirez la porte » de la bergerie a plufieurs d'entre » elles , que Fair du monde peut tuer » fi elles ne trouvent une retraite } w & que vous ne permettrez pas que « celles, qui y font renfermees, y » manquent de la nourriture fpiri- m tuelle qui les doit fortifier &c en- » graifler. Car c'eft votre interet, « Monfeigneur , que l'augmentation » de votre troupeauj & vous per- » driez un grand fujet de confiance » aupres de Dieu , fi vous fermiez la » bouche a plufieurs perfonnes , qui » pourront fans cefle le prier pour » vous, & arrofer de leurs larmes » tout le bien qui fe fait dans votre » Diocefe 8c fous vos oirdr.es. Car » c'eft a quoi font obligees toutes les w perfonnes de notre profeflion &c » particulierement celles de notre » Inftitut. Nous tacherons , Monfiji- m gneur, de nous en acquitter fans » cefle. Le Breviake nouveau, que |
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384 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i (J80. " nous venons de recevoir de votre
» main, va contribuer a renouveller » notre devotion & notre attention »> dans ces prieres publiques, qui " font la plus continuelle occupation » de notre vie. Nous avons prie M. » Grenet, de vous demander, Mon- » feigneur , a ce fujet la, quelques » permifiions , que nous tiendrons » comme une grande grace, fi vous » nous faites l'honneur de nous les " accorder. Celle que je vous de- » mande pour moi, eftd'ofer me dire » avecbeaucoup derefpecl:, &c. xxxii. La permiflion que la mere Abbefle teitpeufts d" avoir prie M. le Cure de faint Benoit' p. r. pom- de demander a M. de Paris au fujet permiffion de du mevianre , etoit celle de dire le dire le pfcau- Pfeautier dans la femaine, conforme- fcmaine.j ment a la regie de faint Benoit. Elle affembla la communaute le t6 aout, & fit lire une requete portant, que » les religieufes de P. R. aiant quit- ■•> te le Breviaire de Citeaux, depuis » qu'elles etoient forties, avec la'per- » million du S. Siege, de la jurifdic- » tion de cet Ordre pour fe foumet- » tre a celle de l'Ordinaire, elles « avoient pris le Breviaire du Dio- » cefe , croiant en cela fe conformer « davantage a l'efprit de l'Eglife; »j qu'elles
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II. Par tie. Llv. VIIL 385
> qu'elles avoient ete les premieres
> a obeir a fes ordres en recevant le
> nouveau Breviaire qu'il venoit de
> donner a fon Diocefe , & qu'elles
> avoient commence lejourdel'Af-
> fomption de la fainte Vierge a
> le reciter publiquement. Elles lui
> reprefenterent la-deflTusquedepuis
> long-terns elles ont de la peine fur
> une chofe , a laquelle elles ne firent
> pas attention lorfqu'elles quitterent
> le Breviaire de Citeaux , qui eft
s qu'elles ne fatisfont pas a un point > de leur regie, parceque y ai'ant
> beaucoup de Saints dont on fait
> l'office dans le Breviaire duDio-
> cefe , on ne difoit point ce jour-la
> les Pfeaumes qui font diftribues
> dans toutes les feries , mais feule-
> ment quelques Pfeaumes choifis
» qui fe repetoient fouvent; enforte > que le Pfeautier entier ne fe di-
> foit prefque jamais dans la fe-
■> maine 5 ce qui eft formellement " contre l'intention de faint Benoitj " qui apres avoir, ordonne dans fa " regie une certaine diftribution du ' Pfeautier , permetenfuite qu'on ne " s'y attache point, fi on en trouve •' une meilleure , pourvu neanmoins " que Ton diie au moins une fois Tome ril, B,
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j8(J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
* j $ g0, » chaque femaine les 150 Pfeaumes,
» que les anciens religieux difoient » chaque jour. En confequence les religieufes de-
mandent a M. de Paris , que pour fatisfaire a l'obligation de leur regie, jl lui plaife leur permettre de dire tous les jours les pfeaumes qui font • marques pour chaque ferie. Elles en- voierent cette requcte a M. de faint Benoit, avec un petit Memoire de ce qu'il devoit dire a M. l'Archeve- que pour l'appui'er. Comme la re- quire n'etoit point fignee , M. de faint Benoit manda a la mere Ab- befle qu'il falloit qu'elle le fut, au . moins par un nombre de religieufes, pour etre prefentee. M. de Paris con- entit a la demande des religieufes, &c elles commencerent le famedi 11 oftobre a dire & vepres les pfeaumes de la ferie. xxxn. XJne autre chofe qui intereffoit en- ^^,°;n;e core davantage les religieufes de P. R. p. r. des etoit d'avoir un ConfefTeur. Depuis JSn*? qu'elles avoient ete delivrees de M< m. de Paris Poligne, fa place n'avoit pas ete rem- !R* Kr plie i fi ce n'eft que M. l'Hermite, qui etoit un bon Ecclefiaftique , qui avoir peu de lumieres, mais beaucoup de pifte, §c une, bonne, conduit?, e» |
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II. P A K T I E. L'lV. VIU. J 87
faifoit les fon&ions. Enfin M. de I(jg
Paris leur en donna un , 8c declara a M. le Cure de faint Benoit le 14 d'o&obre, qu'il approuvoit M. le Moine pour Confefleur des religieu- fes de P. R. fur le remoignage que lui en avoir rendu M. le Cure Je faint Louis. M. le Moire alia le 19 du meme mois a l'Arcbevcche, con- duit par M. de faint Beno;t, & fit fon compliment a M. de Paris en ces termes. » Je viens , Monreigneur , » temoigner a vorre Grandeur ma » tres humble reconnoifTance de » l'honneur qu'elle m'a fait, de me » nommer pour Confefleur des reli- » gieufes de P. R. & recevoir les » ordres qu'il lui plaira de me donner. » pour la direction de cette maifon «. M. l'Archeveque repondit a. M. le Moine avec un vifage ouvert, 8c raj>- porta le temoignage que M. le Cure de faint Louis avoit rendu de lui. Enfuite parlant a M. le Cure de faint Benoit & a M. le Moine, mais plus particulierement au dernier, il de- clara fes fentimens ou plutot fes pre- ventions contre les religieufes de P. R. des Champs , 8c dit entre autres. chofes, » que aepuis long-tems cette » maifon avoit ece fous la conduite *
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8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
de perfonnes qui n'avoienr point
eu de dependance ni de relation a leur Superieur &c a leur Archeve- que •■, qu'ils avoient fouftrait les religieufes de fon obeiflance, & les avoient tellement attachees a leurs fentimens , qu'elies ne vou^ loient plus ecouter ni fuivre d'au- tre voix : Qu'il y avoit eu de la fcience dans cette rnaifon , e'eft-a- dire , dit-il, dans ceux qui la gou- vernoient , oC qu'ils avoient ete les plus habiles du tems, mais que leur fcience n'avoit pas ete accom- pagnee d'humilite & de foumiflion: Que faint Benoit & faint Bernard avoient enfeigne a leurs religieux une foumiflion prefque aveugle a tous les commandemens de leurs Superieurs , a moins qu'ils ne fuf- fent manifeftement contre la loi de Dieu : Que faint Bernard vou- loit meme qu'on obeit, lorfqu'il y avoit une opinion probable du cote du Superieur : Qu'au contraire on avoit infpire aux religieufes un efprit d'independance, & de ne faire que ce que leurs Dire&eurs & leurs amis approuvoient : Qu'il avoit fallu que l'ordre public leur cedat'par condefcendance, & qu'au * .
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II. P A R T i E. Liv. Fill. 389 _______
h lieu de reconnoitre la grace qu'on 1680
» leur faifoit, elles s'etoient vantees
» d'avoir force l'ordre public de leur
» ceder : Qu'on avoit etabli des maxi-
» mes , qui tendoient a rendre les
» inferieurs independans d'autre ju-
» gement que du leur 5 & que cela
u paroifloit principalenlent dans les
» apologies qu'on avoir publiees pour
» les religieufes de P. R<
M. le Cure de faint Benoit lui aiant
repondu que cela s'etoit fiiit du terns de fon predecefTeur , il reprit la pa-> role & dit, » que les requetes & les, » lettres qu'on lui avoit adreffees de- » puis qu'il etoit Archeveque , ref- " fentoient toujotirs le meme efprit; t> qu'on etoit venu quelquefois lui » propofer des bagatelles , maisque " pour les chofes plus importantes " du gouvernertient, on n'avoit eu » aucune relation a lui ; que Ton » avoit fait courir le bruit, que ce « qu'il avoit fait l'annee paflee a cette » maifon , il ne 1'avoit fait que par le » mouvement de la Cour , & par une " bafTe complaifance pour le Roi, & » non par fon propre mouvement j " que cela n'etoit pas ainfi ; qu'a la » verite le Roi lui en avoit donne » l'ordre, mais qu'il avoit audi voultt R iij
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35)0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
» le faire lui-meme , 8c que le mal
» qu'il avoit fait a cette maifon n'e- » toit que pour fon bien , & paree- » qu'il lui etoit expedient de la trai- » ter comme il avoit fait «. En par- lant ainfi, le Prelat donne a&e du veritable motif qui l'avoit porte a faire fortir les Ecclenaftiques 8c les Confefleurs de P. R., c'eft-a-dire , qu'il les avoit ecartes , afin de fe ren- dre totalement maitre de la maifon. M. de Paris continuant fur le me-
me fujet, & voulant prouver la pre- tendue attache exceffive , que les re- ligieufes avoient euefi leursDireclreurs & a leurs amis, il dit qu'il avoit en mains une boete, ou il y avoit du cra- ne de M. de Bagnol &c d'autres reli- ques femblables , que les religieufes portoient fur elles. II ajouta enfuite, adreflant la parole a M. le Moine, qu'il devoit travailler a ramener l'ef- pritdes religieufes a l'obei{fance qu'el- les devoient a leurs Superieurs 8c a leur Archeveque j qu'il ne devoit pas cependant alfer 11 loin que celui qui l'avoit precede ( M. Poligne), qu'il falloit ufer de moderation & de dis- cretion dans leur conduite. Puis il te- moigna qu'il n'efperoit prefque pas qu'on les put faire revenir a leur de- |
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II. Parti e. Liv. Fill, jpr
Voir , tant on les en avoit detournees. i
Alois M. de faint Benoit prenant la parole lui dit: » Monfeigneur , elles » font bien difpofees a rendre toutes » fortes de refpedl & d'obeiflance a » V. G., 8c elles efperentauffi qu'elle => leur rendra la liberie qu'elle leur » a otee, 8c les retablira dans leur » premier etat «. Le Prelat donna a* entendre que c'etok une ehofe eloi- gned , 8c que neanmoirts fi elles ren- troient dans robeiffance 8c la depen- dance qu'il defiroit , il fe porteroit volontiers a leur retabliiTernent. II afllira qu'il avoit toujours eu de la bonne volonte pour elles, & qu'il les avoit favorifees en quelques rencon- tres , particulierement dans l'affaire de M. de Pontis (39), dont il avoit ete l'arbitre 5 qu'il n'avoit pas deflein de remuer I'ancien bourbier . ni de tou- cher a cette camarine ; qu'il fouhaitoit .; que les religieufes ne s'appliquaffenc qu'a l'obfervance de leur regie & aux chofes de leur profeflion , fans fe me- ler d'autres affaires. Enfin il conclut fon entretien , qui dura bien une de- mie heure , en difant a M. le Moine : Mine fapientem & nihil ei diccts , & il (;<>) Il s'agiflbit d'tin Un tel fervice meritoitil
Jegs d'enviion 50 piftoles. d'etre rappelle. R iiii
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%<)% HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
parut qu'il le croioit une perfonne
neutre & point prevenue de part ni d'autre. |
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i68o.
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XXXW
Lcttre
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M. le Moine etoit, felon le temoi-
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l'Abbeffe de gnage que lui avoit rendu M. Cros,
v. a1. i m. de Cure de faint Louis , tm homme tres Pans an fujet r r , , . , f ■ ,, ,
de I'entrerieny^fi j jort eckiire } tres capable de cet
que ce Preiat emploi. fort difmterelTi & fans intri- M. k Moine. gue. llle rendit promptement a RK. ou il fit rapport a la mere Abbeffe de ce que lui avoit dit M. de Paris tou- chant la maifon. L'Abbeffe en prit occafion d'ecrire au Preiat la lettre fuivante datee du 2 2 novembre. Monfeigneur , je ne fais par 011 commencer les tres humbles re- mercimens que nous avons a vous rendre} mais je crois que ce doit etre d'abord de ce que j'appris hier par. M. le Moine, que vous vous plaignez , Monfeigneur, du peu de rapport que nous avons eu juf- qu'ici a vous immediatement, Cette plainte eft fi obligeante pour des perfonnes comme nous , qui avons toujours cm avoir le malheur de vous etre trop indifferentes, & que vous vous etiez decharge d'un. poids incommode fur la perfonne qui nous gouverne fous votre au- torite, que nous nous croions obli- |
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II. P A R TI E. Liv< VIII. J 9 J
» gees , Monfeigneur, de vous te~ i<f8o,
» moigner que nous en avons beau-
» coup de joie , & que comme il
i> n'y a eu qu'un profond refpect, qui
» noiis ait fait craindre jufqu'ici de
» vous etre importunes, ce fera avec
» plaifir qife nous vous donnerons
» d'autres marques du meme refpecl:
« Sdde notre parfaite foumiffion , en
" demandant &en recevant vos or-
» dres fur toutes chofes. L'on nous
» a de tout tems inftruites avec tant
5. de foin de la veneration profonde
« que t'on doit aux Eveques , qui
» font les images vivantes de Jefus-
« Chrift, dans fa qnalite de fouve-
» rain Pafteur des ames, que nous
» croirons, Monfeigneur , ecouter fa
» voix en fuivant la votre , quand il
j> vous plaira de nous dormer des:
» regies pour obferver plus fidelement
» celles oil nous nous fommes deja
» engagees pour lui obeir. J'efpere ,
^Monfeigneur, que cet Eccleuafti-
» que que vous avez bien voulu
» agreer , 8c que vous nous donnez
» pour Confefleur, fera fatisfaitde
« la difpofition qu'il tronvera parmi
» nous fur ce point. Elle eft tres
« fincere , & je n'ai pas- craint de le
w prier„'d'eri vooloir etre natre eaa-
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394 HirTomT; de Port-roial.
l6tio. " tion aupres devous, Monfeigneur, « avant merne qu'il nous connoifle " & que nous ie connoiffions; puif- " que je fuis aflluee que plus il pe- » netrera le fond de nos confciences, » plus il trouvera que nous fommes » de tout notre cceur attachees si » TobeiiTance de l'Eglife & de fes » Miniftres y & en particulier a. celle » que nous vous devons, Monfei- « gneur, & que nous vous rendrons » toute notre vie. Je prens la liberte » de vous le temoigner au nom de m toute notre communaute , qui vous " rend avec moi de tres humbles » actions de graces de nous avoir ac- » corde ce ConfelTeur, que M. Gre- » net vous avoit propofe pour nous. » On nous a atfurees que c'etoit un »» homme de probite & qui aimoit la " paix j & nous avons ete par nous- » memes edifiees defa piete depuis >» qu'il vient quelquefois ici dire la » melle. Nous efperons , Monfei- « gneur , que comme il temoigne » vouloir agir fous vos ordres dans » une grande dependance , vous re- « cevrez le temoignage qu'il vous . » rendra de nous, quand il aura eu » le tems de reconnoitre , qu'il n'y a » point de religieufes qui "reverent |
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II. Part ie. Liv. Fill. 595
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» davantage vocre divine autorite i<j8i.
» que nous faifons, niperfonnequi » foit avec un plus profond refpe£t, » &c. Les religieufes de P. R. des Champs xxxv.
h'eurent pas l'avantage de conferver M.ieMo:iM long-tems Ie trelor qu elles avoient s. Germain: dans la perfonne de M. Ie Moine. A- ^Jeufi'in- peine y avoit-il trois mois qu'il red- terroge Cat doit dans ce defert, que le Cora- %£££** miflaire Maifon vint le 14 de fevrier lui fignifier un ordre de fe rendre a faint Germain, oil il le conduifit le meme jour. Le crime pour lequel il recut cet ordre, etoit une ceuvre de charite , dont voici le fujet explique dans la lettre qu'il ecrivit de faint Germain a un ami apres avoir fubi un interrogatoire devant M. de Cha- teauneuf. » Etant a Paris il y a un an » 8c demi, j'ecrivis a un de mes amis » eloigne, qu'on m'avoit dit que les » Pauvres de Pamiers foufrroienc » beaucoup , & que le Seminaire » etoit fur le point de cerTer. Je lu£ » ecrivis cela par forme de nouvelle, » fans aucun deifein. Cet ami me " pria enfuite, fi j'avois habitude avec « M. de Pamiers , de m'informer de « fes neceflites , & de favoir ce » qui feroit nsfceiTaire pour y reme- R vj
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39<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
» dier (40). Sur la reponfe de M. de
» Pamiers , cet ami me fit toucher a. » Paris 6000 liv. que je lui en- s> voiai «. Tel eft le crime _, pour le- quel M. le Moine rut conduit par un Commiftaire a faint Germain : rl pa- rut devant M. de Chateauneuf, a qui il ne fit point de difficulte d'avouer ee crime , & de declarer tout ce que nous venons de rapporter. Mais il en fit beaucoup pour dire le nom de l'a- mi qui avoit envoi'e les 6000 liv., quoiqixe M. de Chateauneuf Ten pref- sat pendant u'ne demie heure, aveo menace meme de faire expedier un ordre pour renvoier a la Baftille; |
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i68i.
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(40) MeftTre Francois
Caulet Eveque de Pamiers, ibuffroit alors une gtan- de perfecur.ion au fujer de la Regale. On avoit faifi fon tempoiel,. juf- qu'a fes meubles , enforre que ce refpeftable Prelat etant morr le 7 aout 1 <>8o, il fallut emprunter un drap pour l'enfeveiir, M. Caulec etant jeune avoit jris quelques preventions centre M. de S. Cyran , mais il en revint 8c rendit un glbrieux temoignage a ce faint Abbe dans, l'ap- gtobation qu'il donna aux maximes lirees de fes lfcttres-, & publiees par M. d'Andjlly..II fill 1'un.des auatre. grands Evequcs„ |
qui s'eleverent contre la
fignature pure 8c ilmplfc du Formulaire , 6c qui parleur courage procure- rent la paix a l'Eglife. En- fin , apres avoir edifie touce la France par fa piete , par fon amour pour la penitence, par fon zele pour la leforme de fon Diocefe , il mourut plein de bonnes ceuvres dans la 71 annee de fon age , la 3S de fon epifco- pat II feroit a fouhaitet que Ton donnat au Public une vie de ce Prelat que nous avons vue manu fcrite elle nous paroit feu! ement avoir befoin d'etre rer touchee gout le. ftjde.. |
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II. P A R TI E. L'lV. Fill. -J 97
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Neanmoins, M. de Chateauneuf l'ai'ant 1 ^g t
allure & lui aiant donne fa parole qu'il n'en arriveroit aucun mal, ni a Tun ni a l'autre , il declara cette per- fonne (41). Apres plufieurs autres queftions, M. de Chateauneuf ren- voi'a M. le Moine a M. de Paris. Le Prelat fit auffi beaucoup de xxxvr.
queftions & temoigna etre furpris de ^'toS ce qu'il lui avoit cache , lorfqu'il Ten- M. de Paris, voia a P. R. pour etre ConfelTeur , 3"nneUde for- ce qu'il etoit a Aleth (12}. ■ M. le tit de fon. Moine lui repondit que ces chofes DK>ce e" la ne fe difoient pas pour l'ordi.- naire; M. 1'Archeveque en convint, &c parut aflez fatisfait de lui , mais fans s'ouvrir , ni lui dire autre chofe de fon deflein, finon qu'il le revint voir le lundi fuivant a neuf heures du matin. M. le Moine lui demanda s'il-pouvoit dans cet intervalle aller a P. R. -y le Prelat lui aiant dit qu'il le pouvoit, il y alia le Dimanche entre une & deux heures apres midi, & fit fes adieux non-obftant les bonnes |
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(4l0 C'etoit M. des potrfe : Non, il neftra.
Touches. Le P. la Chaife pas dit que fins monrcgne,,
ai'ant follicite uns lettre quelqu'un ait ite. puni
de cachet pour faire met- pour avoir fair I'aumone.-
tre M. des Touches a la )4z) M. le Moine etoit Baftille en? punition de Supen'eur du Semiliaiie
tette ccuvre de charite, le d'Aletn..
R.oi lui fit cette belle t£- |
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JjS HlSTOIRE DE PoRT-ROUX.
1681. efperances doiit il fe flattoit. Le lundi
17 etant tetourne a Saint-Germain, il y recut un ordre de M. l'Archeve- que de fortir du Diocefe de Paris, & de fe retirer dans le fien. Tout la dedans & le dehors de Port - Roi'al fut confterne de cette nouvelle, qu'il manda le meme jour a la mere Ab- befle par la lettre fuivante , 011 Ton voit que ce bon Ecclefiaftique n'etoit pas moins afflige de quitter P. R. que les habitans & les habitantes de ce faint defert l'etoienr de le perdre. » Cette lettre eft pour vous dire adieu » & a toute la commutaute de nos » cheres fours : je le dis auffi a Ma- » demoifelle de Vertus & a tous nos » amis. Car M. l'Archeveque m'a » ordonne de me retirer dans mon sj Diocefe, & ne m'a pas meme per- » mis de retourner a P. R. pour ra- » mafler mes hardes. line m'a donne » que huit jours pour demeurer a » Paris. Je lui ai reprefente que j'e- ?> tois forti de mon Diocefe pour sj'eviter les engagemens aux emplois » Ecclefiaftiques j & que je le fuppliois » de trouvef bon que je me retiraiie « en quelque lieu de retraite, oti je » le pourrois trouver. II n'a pas tout- » a-£ait rejette cela, mais if a exclu |
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II. P a », t t s. Liv. FIIL 399
» le 1" efe de Paris , parceque le
« Roi r.e I'agreo'k pas. II rn'a con^ » firmt de nouveau qu'on ne pour- " fuivrutt pas plus loin 1'affaire de la « fomme en voice a Partners. Jevous » ecris., le caeur ferre & les larmes » aux yeux d'etie fepare d'un lieu v qui etoit mon paradis terreftre. Je » m'en regarde exclus pour mes pe- » ches , comme Adam le fat de ce- " lui ou il etoitySc je comp.ire aufli » mes regrets aux fiens, qui ont ete « au-derTiis de route exprellion , par- » ceque jamais liomme n'a fair de « plus grande perte dans ce monde. « je ne prens encore aucune refo- » lution pour ma retraire, car jene » fais quelle prendre; & je ne fuis " pas meme en etat de me derermi- « ner a rien dans l'exces de la dou- » leur ou je fuis. Je ne puis rien " ajouter davantage , finon que je » fuis avec autant de refped que de « douleur , &c. Les religieufes de P. R. etanr pri-
vees de confefTeur par le depart de M. le Moine , M. 1'Hermite qui avoit deja exerce ce miniftere apres M. Poligne, & qui avoit ceflfe a l'arri- vee de lbn fuccefleur, recommends a confefler. |
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400 HlSfOIRE Dfi PoRT-ROlAt.
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i<J8i. II y avoir alors line religieufe dans
xxxvn. un ^cat ^e langueur, que les Medecins
r AbbeiTe fugeoienr devoir la conduire a la morr,
tciic a M. dc ', • j • i r > n r
Paris, & iui * clm n avoir de con nance quen M.
demande m. de Saci. L'AbbefTe qui penfoir qu'elle de Saa pour i • r r • 1 r>.-
une reiigieu- cnargeroit la conlcience devant JJieu,
femaiadequifi elle ne reprefentoir les befoins de n avoit de f • /• \ i • • r i
confiance cette reiigieule a celm , qui ieul pou-
qu'en iui. voir y apporter remede, ecrivir a M. Reponfe de , n' . lJ- , . _.'. . .
m. de Paris, de Paris ie 6 de mai. tile lui propo-
fa un moien de le faire fans qu'on le fur, qui eroir de permerrre a M. de Saci de venir a P. R. comme pour voir fes parens , & la malade qui pouvoir encore marcher , fe ferviroir de certe occaiion pour lui parler de fon ame 8c fe confeffer. Vous etes fon Pajieur j lui dir-elle, je la remets en- tre vos mains _, & je crois m'acquitter devant Dieu en le faifant. Apres cela elle lui parle de l'etat facheux oil eft la communaure par rapport a un ConfefTeur, ne fachanr fur qui jerter les yeux , parcequ'elle ne favoit quels etoienr ceux dont on leur laiiToit le choix. Les uns le refufoient par la crainte de fe faire tort, & on le re- fufoit a d'autres qui vouloient bien y venir. Elle prie M. l'Archevcque de leur faire connoitre fes inrentions » £c d fon deffein eft de donner feule- |
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IL Par tie. Liv. VIII. 401 _____
ment l'exclufion a ceux qui avoient kJSi.
fait de l'eclat clans'les contestations pallees \ & elle temoigne qu'elles ta- cheront de s'y conformer, n'aiant point de plus grande ambition que de vivre dans le calme & dans la paix. La mere Abbefle avoit adrefle fa lettre a M. Morange , Secretaire de M. de Paris , avec un billet, par lequel elle le prioit de la lui remet- tre , -& d'en folliciter la reponfe. Huit jours apres, M. Morange fit dire a l'Abbeue que M. l'Archevcque ne vouloit point faire reponfe par ecrit, mais qu'il la feroit de vive voix x celui qu'elle enverroit en qui elle au- roit confiance , &c en qui il -pourroit l'avoir lui-meme. En confequence M. Hilaire fut charge de voir le Prelat, lequel lui dit qu'il avoit patle au Roi; que le Roi avoit repondu fur l'article de M. de Saci, qu'il n'etoit pas encore terns de rien changer, Sc qu'il falloit que les chofes demeu- raflent dans l'etat ou elles etoientj que neanmoins lui ( Archeveque) con- fen toit de dormer a la religieufe ma- lade tel ConfeflTeur qu'elle choifiroit. Sur l'article des Confeffeurs, il dit qu'il en laifToit le choix libre, pourvii que la perfonne ne lui fut point fuf- |
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4-Oi HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1681. pedle j & qu'il vouloit auffi qu'elle no
flit point defagreable a la commu- naute , mais qu'il ne vouloit point etre joue , comme on avoit dej'a voulu le faire en lui prefentant M. le Moine : qu'au refte il n'avoit pas voulu r^- f>ondre par ecrit, parcequ'on tourne
es lettres comme on veut, & qu'on en tire avantage. Quelques jours apres le Prelat propofa de nommer douze Ecclefiaftiques , parmi lefquels les re- ligieufes eu choifiroient un } ou qu'el- les en nommeroient elles - memes douze, du nombte defquels il en pren- droit un pour leur ConfelTeur. Cetoit la les ckoijir a la dou\aine , & non entre mi lie comme vouloit Avila j ou entre dix mille , comme le veut faint Francois de Sales. Ce fut la re- • marque que fit l'Abbeffe dans une let- tre qu'elle <krivit le premier de juin a un ami. x™.';i6 M. le Cure de S. Benoit eioit alors de s. Benoit a P. R. des Champs , ou il rendoit tt'rfgoH'wfi tcus *es ^ervices qiu' dependoient de
v. r. le 15 !ai, foit pour la confeffion , foit pour "U1" la meffe. II y etoit venu des la fe- maine fainte, & avoit officie pendant
cette femaine. Ce fan auffi lui qui of- ficia le 1 o de mai au Service que l'on fit pour M. l'Eveque de Meaux, mort |
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II. P A R T I £. LlV. Fill. 40 J
le 27 du mois precedent dans fon
Diocefe (43). Pendant le fejour de M. de S. Benoit a P. R. la mere Ab- befle le pria de faire fa vifite \ il en fit l'ouverture le 15 de mai, & ne put la terminer que le 16 juillet fuivant , parcequ'il tomba malade. Ai'ant af- femble le chapitre , il parla pendant une grande heure , temoignant beau- coup de fatisfaction de la communau- te, & dit qu'il n'etoit pas befoin de nouveaux reglemens, ni meme de fai- re , felon la coutume , une carte de vifite. II changea neanmoins de def- fein quelques jours apres j & jngeant que la circonftance des tems exigeoit qu'il fit l'acle de fa vifite, il en clreffa un qui fut lu le 2 du mois d'aout en prefence de la communaute, a la- quelle il rend le temoignage fuivant: » Nous avons ferme notre vifite, a- » pres avoir exhorte les fceurs de per- » ieverer en l'etat oil nous les avons » laiffees, qui eft celui auquel ceux " qui en ont ete devant nous les Su- » perieurs, les ont trouvees de tout » tems , & en ont rendu le temoi- (4;) M. Dominique de P. R. Il prit genereufe-
ligni Eveque de Meaux , ment Ieur defenfe en tou-
mort !e 17 avril 1681 , te occaficn, & travailla
avoit rendu de ties bons avec zele a leur procurer
eiKces aux religieufes de la paix.
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-404 HlSTOlRfi DE PoRT-ft.OlAt.-
j£8i. " gnageauquelnousfoufcrivonsd'atl*
» tant plus volontiers & plus aflure* » ment, que nous fommes perfua- •» des par nos yeux & le long fejour m que nous avons fait dans cette mai- « fon , que nous n'y avons rien vu » que de tres edifiant & tres exem- » plaire, & pour la purete de la foi,&: " pour l'integrite des moeurs } Tune « & 1'autre defquelles nous ont paru » irreprochables} ce que notre conf- ix cience & la verite nous engagent » de depofer & laifler a la pofterite. » En foi de quoi nous avons figne « cette prcfente carte de vifite a Port- » Roi'al des Champs ce famedi deux » aout 1681 «. xxxix. La communautc commencoit alors
Alurme au , , . .*,
fujet de IV- a etre dans de grandes inquietudes au
UbleOc. de %'e* de Kledion de leur AbbelTe.
JLa mere Angelique avoit ecrit.lejo juillet a M. Morange, Secretaire de M. de Paris , pour rinformer que le terns de proceder a cette election ap~ prochoit, & pour le prier de fe rranf- porter a P. R. afin d'y ailifter. M. Morange ai'ant communique la lettre a M. l'Ar.cheveque, le Prelat lui don- na ordre de repondre de fa part, qu'il demandoit deux 011 trois jours pour en deliberer, L'AbbelTe apprit cette |
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II. P ART I E. LlV. VIII. 405
nouvelle le premier aout par M. de j
Montguibert , & jugeant que cela n'anno'nc^oit rien de bon, elle en in- forma a deux heures du matin les fours qui alloient a. Marines, & die qu'elle alloit faire expofer les faintes Reliques , pour commencer les Prie- res de quarante heures, auflitot que Marines feroient achevees ; ce qui fut execute. Les Reliques furent ref- ferrees le Dimanche, 3 ; 8c ce meme jour 1'AbbelTe eut la penfee d'implo- rer parriculierement le fecours de la fainte Vierge , & de faire quelque vceu a Dieu a fon honneur, pour met- tre de nouveau le monaftere fous fa {irotection. Elle en fit drefTer & lire
es intentions a la communaute. Par ce vceu les religieufes s'engageoient, i°. a dire tous les jours en commun une Antienne a la fainte Vierge avec les Qraifons marquees : z°. a faire tous les mois une proceffion , & faire dire une merle a fon honneur: 3 °. qu'il y auroit tous les jours, un an durant, une fceur en retraite, qui diroit ce jour-la fon petit Office , & jeimeroit, ou feroit quelque ftation a la fainte Vierge felon fa devotion , 11 elle etoit trop infirme pour jeuner 5 8c que fur ce jeune on nourriroit par chaute ung |
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40(J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
j^gj petite fille : 40. on promettoit d'en-
voier faire un pelerinage a Notre- Dame de LiefTe avant l'AfTomption. M. Girard le jeune fut choifi pour cela. Le terme de trois jours que 1'Ar-
cheveque avoir demande pour deli- berer etant expire , & M. de Mont- guibert etant alle le mardi a l'Arche- veche pour favoir fa reponfe , il ap- prit par M. Morange que le Prelat demandoit encore le refte de la fe- maine. Enfin il prit fa refolution , & dit meme a M. le Due de Roannes qui etoit alle lui rendre vifite , pour lui parler de quelque affaire , qu'il craignoit d'avoir allarme les religieu- fes de P.R. jil ajouta qu'il l'avoitnean- moins fait fans deffein , parcequ'il etoit vrai qu'il n'avok pu avoir le loifir de donner a l'beure ce qu'on lui demandoit. M. le Due de Roan- nes , qui prenoit beaueoup de part a ce qui regardoit P. R, offrit a M. de Paris de faire favoir aux religieufes ce qu'il venoit de lui dire. Le Prelat y confentit, & lui demanda s'il vou- loit bien qu'il envoiat chez lui ce qu'il avoit a faire tenir a P. R. M. de Roannes s'en chargea bien volon- tiers, 8c alia au fortir de l'Archeve- |
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II. P A R T I E. LlV. VIII. 407
che chez Madame de S. Loup , qu'il 1
trouva fort allarmee de la reponfe de M. l'Archeveque \ il la raffura en lui difant que les religieufes feroient allurement leur ele&ion , & lui rap- porta fa.converfation avec ce Prelat. Me. de S. Loup fir auffitot partir fon Valet de chambre pour P. R. avec une lettre qu'elle ecrivit avec beau- coup de precipitation a, Mademoi- felle de Vertus, & qu'elle commen- coit ainfi : Joie _, joie } joie _, vous fe- rez demain votre election. Cettenou- velle fut apportee a P. R. le 6 d'aout. Auffitot 1'AbbefTe aflembla le chapi- tre pour l'annoncer aux foeurs ; & de la. elle les conduifit a l'Eglife pour rendre a Dieu leurs actions de gra- ces. Enfin le jeudi, fur les huit heu-
res du matin , la mere Abbefle recut un paquet cachete du fceau de M. l'Archeveque, fur lequel il n'y avoit point d'autre adreffe, que ceci qui etoit ecrit de la main de Madame de S. Loup : Void le bon paquet four notre tres chere mere 3 que j'embrajfe avec tout le rejpecl & la tendrejje ima- ginable. Je n'ai pu m'empecher d'en donner la premiere joie a MademoU felle de Vertus ; vous fay ex 3 ma chers |
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408 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1681. mere -» condi-en je la do,is aimer & ko~
norer. Dans le paquet etoit la permif- fion de M. l'Archeveque , portant qu'il commettoit le fieur Grenet, Docteur en Theologie & Superieur du monaftere de P. R. des Champs de fon Diocefe , pour affifter de fa part a. l'election , qui devoit bientot etre faire d'une AbbefTe triennale , conformement a ce qu'on avoit cou- tume de pratiquer. Cette permiffion etoit datee du 6. xl. Le meme jour que le paquet fut tettre de m. j.ecu ^ P. R. M. Girard le jeune , que
Gitatd aufih, ' ... - . I, ' T
jet du choix la mere Abbeiie avoit prie par une
' T'oa av°;F lertre de faire le pelerinage de Lie(Te, fait de lui . . r & ,»
pout aiier a partit a pied pour y aller. 11 avoit
tieffe en pe- c rjt j veille , jour de la Transfigu- ration , une lettre des plus edihantes a la four Louife-Eugenie fa four , fur le choix qu'on avoit fait de lui, pour faire ce pelerinage : » Je m'en n vais , ma chere four , dit-il, avec » deux fentimens, l'un de crainte & » de confufion , l'autre de joie & de »> confiance \ j'ai grand fujet d'avoir i, de la confufion de me voir charge » d'une telle commiflion. Elle de- « manderoit une perfonne qui fut .» agreable a Dieu & par fon etat >> prefent & par la purete de fa vie » paifee:
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II. Partii. Liv. VIII. 409
pafTee ; & je vois que tout me man- ~\(,
que, 8c que j'ai un extreme fujet de craindre de nuire a votre affai- re par mon indignite. Mais la chofe ne vient pas de moi ; le fort eft tombe fur moi , fans que j'y euile eu de part : il faut y aller j ce qui me reftera , fera de dire fouvent a Dieu , comme nous le lui difons tous les jours a la meffe, qu'il ne regarde pas mes pechcs, mais la piece & la foi de fes fervantes, pour lefquelles & au ndm defquel- les j'agirai dans ce voi'age. Et c'eft la , ma chere four , l'un des motifs de maconfiance & de ma joie, de penfer aux perfonnes qui me font marcher, & a tant de raifons que j'ai d'avoir de l'eftime pour elles. J'efpere que vous fuppleerez devant Dieu a ce qui me manque. Croi'ez- moi , s'il vous plait, je vous parle fans feinte ; j'ai une telle eftime des graces que Dieu vous a faites, & du bien qu'il a etabli dans vo- tre maifon , qu'il me femble que j'irois volontiers, non pas a 3 o ou 40 lieues, mais au bout du monde pour la conferver; & je croirois meme ma vie bien emploiee , s'il plaifoit a Notre Seigneur de l'ac- Tome Vlh S |
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410 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i<jSi. » cepter enfacrifice, pourvu que cela
.. fervit a eloigner les deifeins que les » homines peuvent avoir contre vous. „ Plut a Dieu que la colere du mon- » de pafsat de vous a moi, & que ■ ■» je lui pufTe dire : in me tranfierunt « ir& tux. Mais vous meritez infini- » ment mieux que moi d'etre en « butte a la contradiction des hom- « mes. L'autre motif de ma confiance « & de ma joie , c'eft la mifericorde 55 & la puiflance infinie de Dieu , 55 les merites de Notre-Seigneur Je- » fus-Chrift , & Pinterceffion de la w fainte Vierge, a qui vous avez re- 55 cours. Nous favons cependant ce 5> qu'en dit votre Pere S. Bernard.... » Je ne vous recommande point de 55 demander a Dieu pour moi, qu'il 55 me mette dans les difpofitions ou >5 je dois etre & que la fatigue du 55 corps ne nuife point trop a Pefprit. 55 Je fais que vous n'y manquerez 55 pas , & que nous nous ferons pre- 55 lens les uns aux autres. Dieu veuille 55 donner la benediction a notre def- 55 fein, & nous faire la grace en tout 5J evenement de lui etre fideles juf- » qu'a la mort «. M. Girardfitheu- reulement fon voi'age, & revintle 16 d'aout. Deux heures feulement apres |
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II. P A R T I E. L'lV. Fill. 411
fon retour , il ecrivit a la four i<j8ju
Louife-Eugenie, pour lui annoncer fon arrivee, &c lui temoigner la joie qu'il avoit eue en apprenant qu'elles avoient ete exaucees , & que leur election s'etoit faite paifible- ment. II en louoit Dieu de tout fon coeur , mais en meme-terns cela l'en- gagea a un nouveau pelerinage. Car apres avoir dit deux fois la mefle dans l'Eglife de Notre - Dame de Liefle, & y avoir fait fes autres prie- res, comme il etoit pres de quitter ce lieu, il lui vint en penfee que Dieu ne hait rien tant que l'ingratitude 8c l'oubli des graces ; c'eft pourquoi avant que de fortir de l'Eglife il fe mit a genoux & fit vceu d'aller faire un pelerinage a Notre - Dame des Vertus en adtion de graces , & d'y dire la mefle, fi Dieu l'exau^oit. L'eledbion fut faite (le 8 aout) apres
la grande mefle , qui fut chantee par M. le Cure de S. Benoit. II jfe trouva <J 3 vocales, & la mere Angelique de S. Jean fut continuee. Le meme jour de fon election , elle xti.
ecrivit la lettre fuivante a M. de Pa- , Ekaion *> Mr . .. ,,,... la mere An-
onleigneur , aiant ete etablie geliqae de
» aujourd'hui de votre part dansuneIail'Ucan-
» place que ie ne merite point d'oc-
S ij
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j^
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411 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
i'^Si. " cuper, je dois au nioins tacher d'en
m remplir les devoirs autant qu'il me » fera poffible j &; je mets au pre- 5> mier rang, apres ce que je dois a « Dieu , l'obligarion de vous pro- » mettre, Msr. un rres profond ref- j' peft & une parfaite obeifTance..., si C'eft ce que je fais iei, non-feule- 3i menr pour moi, mais pour routes i> mes fccurs, au nom defquelles je me 5) donne l'honneur de vous alTurer *> de leur ties humble foumillion , & s' que route la paix que vous nous s> procurez, Ms1', retourne a vous par « les vceux & les prieres que nous rai- 3> fons a Dieu, arm d'attirer fur vc<> » tre perfonne facree fes plus gran- 33 des benedictions, a proportion que j' vous daignez repandre les votres 3> fur nous. Cela vous devroit inte- 3. refter, Msr. a nous faire du bien, »3 Pardonnez-moi cette parole de li- 33 berte , car les pauvres ne font pas 33 incapables de le rendre , puifque ?3 Dieu cui eft leur protecteur & ri- 33 che en mifericorde , s'eft oblige de 33 recomr enfer magnifiquement la mi- 33 fericorde que l'on exerce envers 33 eux. Nous fommes routes occupies IJ3 ces jours-ci a Ten folliciter & a le U prier qu'il vous vende, Msr. la joic; |
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ll. P a ft t t e. Lh. Fill. 413
»» que vous avez caufee a eecte mai- 1(jg " fon , en la d^livrant d'une grand© » crainte. Vous pouvez, Msr. aiouter *> quand vous le voudrez, d'autres " graces a celle-ci j nous n'en per* » dons pas l'efperance. Si 1'humilite " & la ioumiflion ont tant de merits >» devant Dieu , cet etat , ou nous » demeurons depuis plus de deux » ans , en aura peut - etre bientot at '■ fez aupres de vous, Ms1'. , pour '> vous faire regarder avec compaf- »» fion rhumilite de vos fervantes ¥ » & leur donner la meme benedic- » tion , que Dieu donna au commen- f> cement du monde, & qui fait qu'il » fubfifte encore, en difant; Crefcite » & multiplicambi!. Je ne parle point *> ici de la neceffite , ou nous fom- » mes toujours d'avoir un Confef- » feur. Je laifle, Msr. , a M. Grenet » qui fe promet d'avoir l'honneur de » vous voir, de vous dire les vu.es » que nous avons pu avoir la-deflus t w & a Vous exprimer mieux que nous » ne pourrions le faire nous-memes, » a quel point il a reconnu que nous m fommes toutes , & moi en par- w ticulier, avec un tres profond ref- « pe6t, &c. M. de Paris fit une reponfe fort
S iij
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414 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
~l68i.. obligeante (leio) en ces termes:
XUT » Madame , j'ai ete bien aife d'ap-
RSponfe de » prendre par votrc lettre , que vous
M. dc Paris. M avez ^ cont[nu£e Abbefle de vo-
» rre monaftere , & que votre eiec-
j) rion fe foit paflee avec toute l'u- « nion poflible. Comme votre gou- » vernement a toujours ere accom- » pagne* de beau coup de piete, je » m'affure que les flutes ieront de m meme , & que le fucces en fera » trcs heureux. , " A l'egard du Confefleur , Ma-
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'> dame , j attendrai le retour de M.
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» Grenet, pour conferer avec lui de
« ce qui fera plus convenable au bien
« fpirituel de votre maifon j & ne
j> doutant pas que vos vues ne s'y
« accordent parrairement , je ferai
» mon poflible pour vous marquer
sj en cela , comme en toutes chofes ,
'> l'avantage que je defire de procu-
» rer a votre communaute , & l'efti-
» me particuliere , avec laquelle je
» fuis, &cc.
xun. M. Grenet, dont M. de Paris at-
tteUDucde tendoit le retour pour conferer fur
Koanncs a un Confefleur , retourna a Paris le
kdteV«»i 11 ou le iz de ce mois. M. le Due
de Roannes fut charge par Made-
moifelle de Venus &: la mere Ab-
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II. f ARTife Liv. Fill. 415
beffe de s'emploi'er dans cette affaire , & d'en parler a M. l'Archeveque , ce qu'il fit ; & dans une lettre qu'il ecri- vir le dernier aout a la premiere , il lui rendit compte de l'entretien qu'il avoit eu a ce fujet avec ce Prelar. yoici de quelle maniere la chofe fe pa(Ta : M. de Roannes propofa d'a- bord M. de Beaupuis , & trottva , a ce qu'il marquoit, danS M. l'Ar- cheveque tant de difpofitions a faire fslaifir a Mademoifelle de Vertus, & a mere AbbefFe & a toute la com- munaute, qu'il crut lui devoir auffi nommer M. Burlugay & M. Eufta- ce. Ce qui engagea encore davanta- ge a cela M. de Rdannes , c'eft que M. de Paris lui dit qu'il en falloit nommer plufieurs. II lui parla deM. le Tourneux , mais le Prelat temoi- gna n'etre pas content de lui, parce- qu'il avoit ete, dit-il, a P. R. en ca- chette. Le Due repondit que M. le Tourneux etant tombe malade prcs de P. R. il y etoit venu pour avoir plus de fecours. Apres cet entretien , M. de Roannes vit M. de S. Benoit, a qui il en rendit compte, & qui fut d'avis que la mere AbbefTe devoir firopofer Meifieurs de Beaupuis , Bur-
ugay & Euftace. |
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"41 £ HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
16 81. ^S ^e lendemain, la mere Abbefle
XLIV ecrivit la lettre fuivante a M. de Pa-
Lettte dc la ris. » Monfeigneur , nous recevons
feCrpolf|bbdc- " troP ^e marclues de la bonte qui
mander dcs " vous applique a penfer a nous , M^de Paris. " Pour n'y Pas Prendre la confian-
» ce que vous nous faites l'honneur » de vouloir que nous y ayions, fans « apprehender que le foin d'une fi. ■» petite partie de votre troupeau »> ajoute beaucoup au poids de tou- i> tes les grandes affaires que vous » foutenez feul, & qui en accable- » roient rant d'autres. Aiant done 3) appris par M. le Due de Roannes, m qu'il nous a fait l'honneur de vous i> parler de nous, & que vous aiant 3) entretenu de I'etat ou il avoit oi trouve prefentement cette maifon , » en compataifon de celui oil il l'a- ?> voit vue autrefois, etant toujours 3> fans Confeffeur , Sc pouvant a pei- » ne avoir des mefles autant qu'il « eft neceflaire pour une grande com- 3> munaute , vous lui aviez temoi- " gne avec beaucoup de bonte que " vous y vouliez pourvoir , & que m vous nous permettiez de vous pro- » pofer quelques perfonnes, qui ne « vous puiflent point etre defagrea- » bles j mais en qui nous puifuona |
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t* ■'
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II. Par,tie. Liv.Fill. 417
aula avoir de la confiance j nous
avons recu avec beaucoup de recon- noiflance , Monfeigneur, une pro- portion qui nous eft fi avantageufe; &c en attendant que vous puiffiez nous rendre au moins une partie de ce que nous avons perdu , nous ufons de la permiffion que vous nous faires l'honneur de nous don- ner , en vous propofant trois per- fbnnes , dont nous connoiflbns le merite & la capacite, quoique nous n'ai'ons pas par nous-memes l'expe- rience de leur conduite. L'un eft; M. Burlugay , Dodfceur en Theolo- gie , & Tneologal de Sens (44). II a fa foEur religieufe parmi nous ^ &: comme cela l'engage a avoir de l'affedion pour la communaute , peut-etre qu'il prefereroit dans le befoin 011 nous fommes , la cha- rite qu'il nous pourroit faire , a la (J441 M. Burlagai fujet. Mais fes talens ne
avoic etc Cure de S. Jean fluent pas iautiles, M*
desTroux, puis deMagni. de Gondrin l'ai'ant attire.
fcf. Gaudin , Official dc a Sens, ou ille ficTheo-
Paris, ai'ant rendu 1c i* logal &c Superieur du Se-
ottobre 16C6 une Semen- minaire. 11 y mourat age
ce contte lui, a l'occa- de 78 ans le 17 janviet
fion d'unc profeffion de 1701, regrettc geiu-rale-
foi , qu'il avoic dreueefur ment , fur tout des pau-
Jes contcftations qui agj- vves, parmi lefqueis ii
toicnt 1'EgUfe > le Diocefe vculut cere entevre. SugL.
de Paris fat pour toujuurs du Necr. gd 3 14-
jti«e As. «c excellent- |
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41 8 HlSTOIRE DE PoRT-R01A£.
» charge qu'il exerce , quoiqu'il foit
« eftime & aime ou il eft. Mais il fe
« peut faire aufli que nous prefu-
» mons trop de lui, c'eft pourquoi
« j'appuie moins fur celui-la. II y en
» a un autre nomme M. de Beau-
» puis, qui eft un Ecclefiaftique de
» Beauvais, qui n'a jamais eu de be-
" nefice, mais qui a ere long-terns
3> Superieur & Confefleur d'un cou-
" vent d'Urfulines dans la ville; &
« les dernieres annees il avoit quel-
.» que emploi dans le feminaire , ou
" je crois qu'il confeflToit. 11 eft pre-
" fentement retire dans fa famille,
» ou il vit dans fon particulier, fans
« fe meler de rien, comme il a fait
« toute fa vie (45)- Le troifieme eft
(4;) M. Wallon de Soliatire ; &c il fut choifi
Beaupuis etoit un des plus pour conduire les petites
faints Eccleliaftiques qu'il ecoles , qui ont eu tans
y eut dans l'Eglife. 11 a- d'eclat par les grandes
voit toujours vecu dans lumieres qui enfontfor-
J'innocence , applique a ties. M. de Beaupuis n'a-
I'ctude, a la priere , aux bandonna cette oeuvre de
bonnes ceuvres, & con- chatite qu'a la derniere
duit par les plus gLands extfemite , &c lotfque
hommes de fon fiecle , des ordres fuperieurs ry
tant pour les fciences que forcerent. II fe retita dans
pour la confcience. II fa pattie eni6«4,&fut
avoit eu pour Maitre dans ordonne PretreparM. de
hs humanites M. Her- Buzenval II exerca tes
mant, pour Maitre de fon&ions du» miniftere
PhilofophieM, Arnauld , avec un grand fucces juf-
pour Direfteur MM. de qu'a la mort du faint Pre-
P. R. 11 habita lui-meme lat. M. de Beaupuis ctant
le faintueferceaqualitide, intetdit ds la coaftffiau
|
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II. Par tie. Liv. VIII. 419
» un nomme M. Euftace, que nous I(j3
» connoilTons moins , mais dont nous
» avons oui parler, comme d'un hoin-
» me qui a du merite & beaucoup de
« piece. II eft Cure de Frefne dans
» le Vexin , du grand Vicariat de
» Pontoife. L'on nous a dit qu'il
» quitte fa Cure; c'eft ce qui nous
» donne'lieu de penfer a lui. Quel-
» qu'un nous a dit'depuis, qu'il a ere
» au feminaire de Vallogne ; c'eft ce
» que je fais de ces perfonnes. Et s'il
» vous plait de vous en informer , je
» crois que vous le trouverez exadre-
» ment vrai. Les Apotres, apres avoir
« jette les yeux fur deux perfonnes,
» qu'ils croioient dignes de remplir
« une place de leur nombre facre x
» ne s'adreflerent plus qu'a Dieu ,
» qui connoit feul le coeur des horn-
» mes, arm qu'il montrar celui qu'il
» avoit lui-meme choifi. II y a deja.
» plufieurs jours que nous faifons la
« priere qu'ils faifoient alorsj & c'eft
& predication par le fuc- cenaines attions iclatart-
cetTeur de M. de Buzen- tes. Ce faint Ecclefiaili-
val, il s'enreveiit dam la que re$ut la couronne de
retraite , &c mena une jultice le i fevrier 170?
vie li retiree , ft exa&e 8c age de 87 ans; vofaz le
& uniforme , que M. Ni- Suppl. an Necr. de P. R.
cole la regarctoit comme 8c fa vie , qui a hi don-
une efpece de miracle plus nee au Public depuis quel-
merveilleux que de cer- cjuesannies.
taints aufteritis & dc S v)
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410 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
v pour vous , Monfeigneur, que nous
» demandons cette lumiere du S.Ef-
» prit, puifque ce fera de votre main
» que nous recevrons la perfonne
» qu'il veut nous donner, & une
» affiftance qui nous eft fi neceflai-
» re. Nous ne cherchons ce fecours
m d'un bon Dire&eur, que pour tra-
v vailler de. jour en jour avec plus de
» foin a notre fan&ification, & nous-
» rendre ainfi plus dignes d'attirer
» les graces duCiel fur l'Eglife & fur
" fes Miniftres, mais principalement
» fur votre perfonne , Monfeigneur,.
» en qui rende pour nous la puifTan-
» ce & l'autorite de Dieu mcme.
» Nous ferons toujours notre gloire
» d'etre parfaitement foumifes ; &
*> perfonne ne pent etre avec un plus
» profond refpecT:, que jelefuis,.&c.
Cette lettre n'eut point de fucces j;
la mere AbbeiTe apprit fur la fin de
feptembre par M. le Due de Roannes,.
que M. de Paris ne nornmeroit point.
M. de Beaupuis. D'un autre cote, M.
Burlugay etant venua P. R. pour voir
fa fceur, il n'entra point dans la pro-
pofition qu'on lui fir. Enfin, M. Euf-
tace ,. qui etoir le troifieme ,. etant
pros jeune qu'on n'avoit penfe en le
jxopo ant x il fe trouva que les reU-
|
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11. P ARTIE. Llv- VIII. 41 r
gieufes de P. R. ne purent avoir au-
cun des trois pour ConfefTeur. Ces difficultes aiant engage TAbbelTe a ecrire a M. de Paris le 1 d'o&obre, elle lui propofa M. le Tourneux, comme une perfonne qui avoit l'hon- neur d'etre connue de lui, & d'avoir re$u des marques de fon approba- tion , ai'ant travaille fous fes ordres au nouveau Breviaire ; tk qui avoit toutes les qualites pour bien conduire une communaute. Elle propofo;t en- core M. Treuve (4(5), dont on difoit |
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dans la voie de Dieu. Il'yr
fur pourvud'un canonical Etant venu a Paris, il flic quelque terns Aumdnier de la DuchefTe de Lefdi- guieres, puis Vicaire de fainr Andre des Aics , ou il remplir les fonttions du faint miniftere avecun: fucces &c un eclat extraor- dinaires j enforte qu'il y eut peu de Miniitres de fon terns audi confulres que lui fur les rlifficultcs de confeience , & encore moins qui fuflent les r& foudre avec aurant d'exac- tkude & de folidite. Les- liaifons parriculieres qu'il avoit eues avec le grand Arnauld j ne contribue-- rent pas peu a le rendre fi. habile dans la ftience de conduire le* aracs. I.a re- putation que M. Treuve- s'etoit acquife a. Baris„ |
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(4«) M. Simon Michel
Treuve , ne a Noyers en Bourgogne , etoit enrre fore jeuue dans la Con- gregation de la Do&rine Chretienne. Les troubles qui y furvinrent , Ten aiant fair fottir, en i«7i, il fe tetita a Virry-le- Eranijois , puis dans l'Ab- bai'e de Haure-Fonraine , ou il compofaen 1676 y a l'age de 24 ans ces ex-' cellentes inftruftions fur la Penirence &c l'Eucba- riftie, deiiecs a Madame de Longueville , dont on a publie rant d'editions* M. Vialart, Eveque de Chalons, le for$a de. re- cevoir le Sacerdoce lien fit les premieres fonitions a EpoiiTes en Bourgogne , ou. on 1'envoi'a.pour aider le Comts de. Guiteau a matcher d'un pas ferine. |
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4*2. HisTonu de Port-roYac,
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I(j8i. beaucoup de bien ; qui apres avoir
ete emploi'e dans les millions du Dio- cefe de Chalons , etoit Chanoine en Bourgogne. M. de Paris ne fit point de reponfe a cette lettre ; mais quelques jours apres M. le Tourneux lui ai'ant rendu vifite , le Prelat lui permit d'aller a P. R. a la prochaine fete de la Touflaint, & meme ii quel- ques-unes des fceurs avoient befoin de fon fecours, de le leur rendre. Le meme jour (11 o&obre) M. le Tour- neux ecrivit a la mere AbbelTe pour Ten informer , & lui offrir fes fervi- ces. On peut juger quelle furprife & quelle joie cette nouvelle caufa a P. R. & fi les offres de fervice de ce pieux Eccleliaftique furent acceptees. xtv. M. le Tourneux, dont le nom eft ncux confer- fi celebre dans l'Eglife parmi les Fi-
feur dc p. r. deles par les folides inftm&ions qu'il leur a donnees , etoit de Rouen. 11 n'avoit rien du cote de fa fimillequi put le relever felon le mqnde -y mais ai'ant infpire aM. Bofluet mettant plusd'agtr, rife
le defir de le connoitre , retira a Paris, ou il eft
i! l'atcacha afonDiocefe, mort le zi fevriet 1750
enluidonnant IaTheolo- age de 77 ans. ..Jf repofe
gale & un Canonkat de dans le cimeneffe de faint
fon Eglife. II travailla Nicolas des Chatnps.Su:>!.
avcc faeces aMeauxpen- du Nccr. p. 4#^. Merar
dant 12. ans. Apres quoi hifi, T. 7.f'46" '?*
fes iafirmites ne lui pes- |
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II. P A R T I E. Llv. VIII. 41 J
les talens & les dons que la nature
& la grace ont mis en lui, 1'ont telle- ment releve, que fon nom fera eter- nellement en benediction. II fit pa- roitre des fon enfance beaucoup d'ef- prit y &c a Page de fix ou fept ans il ecoutoit les fermons avec tant d'ap- plication , & avoit une fi prodigieufe memoire, qu'il les retenoit dans les memes termes qu'il les avoit enren- dus (47). On prenoit plaifir a le faire monter fur un fauteuil, & a le faire precher , ce qu'il faifoit avec tant de racilite & de hardiefTe , que ceux qui l'entendoient en etoient dans le der- nier etonnement. Un des parens de M. du Fofle ai'anr
laifTe au pere de celui dont nous avons des memoires fur P R. une fomme pour faire elever quelques jeu- nes ecoliers, qui n'en auroient pas le moien , la providence voulut qu'on jettat les yeux fur le petit le Tour- neux. M. du FofTe (pere) prit done loin de fes etudes j qu'il fit a Paris. II commenca d'abord chez les Jefui- tes, avec un tel fucces, que pour don- ner de l'emulation aux fils (48) de M. (47) Voiei les Mem. de depuis Miniflre, &2vf
M. du Fofle, p. 550 &c le Tellier Archevccjite de. fuiv. Reims. (48) M. deiouvois>
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414 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lA-t."
le Chancelier (le Tellier) on le leuc
donnoit pour antagonifte. II fit fa phi- lofophie au college des Graflinsfous M. Herfant. Apres fes etudes, il s'at- tacha a un Ecclellaftique de grand merite qui le mena en Touraine , ou ils demeurerent enfemble quelques annees. Enfuite il revint a Rouen , entra dans les Ordres, 8c fut fait Vicaire de Saint Etienne des Ton- nelieres , ou il commen^a a faire con- noitre ce qu'on devoir attendre de lui. Il precha 1'Evangile , alors peu connu , & la penitence , d'une ma- niere conforme au veritable efprit de l'Eglife. Ses predications firertf beaucoup de fruits, & des families entieres des plus qualifiers de la Pa- roi(Te, embrafferent fous fa conduite une vie vraiment chretienne.. Sa reputation fe repandit bientoc
dans toute la ville , & on le prioit de precher dans les plus grandes Paroif- fes. II le faifoit avec une certaine fimplicite , qui excluoit de fes dif- cours toute vaine affectation d'elo- quence , ne difant rien qui ne fut appuie fur l'autorite de l'Ecriture , des Conciles &: des Peres- II po(Te- doit parfaitement l'Ecriture , & 1'ex- pliquoit d'une manic-re fi noble & fi |
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II. P a r. t i e. Llv. Fill. 415
natureue, que tous ceux qui avoient 1681. -
du gout pour les bonnes cnofes, l'ad- miroient. M. du Foffe 1'aYant un jour entendtt
precher fur l'aveuglement qui empe- che les hommes de voir & de recher- cher ce qui feul peut faire leur ban- heur , en fut fi touche que ce fermon n'etoit point forti de fon efprit dans le tems qu'il ecrivoit fes mcmoires , quoiqu'ii y eur alors plus de id ans qu'il 1'avoir entendu. La liaifon que ce grand homme xlvt.
avoit toujours eue avec la ramilleneu)c view de M. du FofTe , donna lieu a I'Au- * Paris wl eft teur des Jvlemoires de raire connoil- Graffins. fance avec lui. Lorfque la paix de l'E- glife fut conclue , & que M. du FofTe fe difpofoit a revenir a Paris pour s'y etablir, M. le Tourneux lui cat confidemment qu'il avoit le meme defTein. M. du Fofle lui orFrit fa mai- fon , qu'il accepta. Ainfi il vint loger dans la rue S. VicFor avec MM. du Forte &c de Tillemont. II ne tarda pas a faire connoiflance avec M. Arnauld &M. de Saci, qui reconnurent bien- tot fon merite , & le regarderent com- me un homme admirable. Ce fut pen- dant le fejour qu'il fit avec M. du FofTe, qu'il donna cette belle Semaine |
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4i(j KtlSTOIRE DE PoRT-ROlAL,
fainte , dont la preface feule fit con-
noitre ce qu'un tel homme eroit ca- pable d'entreprendre. II futenfuite de- mande aux Grafliins pour y etre Cha- pelain , & il y emploi'a fes talens. M. le Vayer, Maitre des requetes, l'ai'ant entendu par hafard, en fur fi charme qu'il voulut etre en liaifon avec lui* Elle devinr fi etroite , qu'il l'engagea a venir s'etablir chez lui. Ce hit-la qu'il travailla beaucoup , & d'un ma- niere fi utile a 1'Egliie, en donnant d'excellens ouvrages. Un des pre- miers flit la Vie de Jefus-Chrift, dont la preface a ete regardee comme un chef-d'ceuvre par la fimplicite de fort eloquence route evangelique. II com- pofa plufieurs autres ouvrages, & en particulier l'Annee chretienne , qui a immortalife ion noni (45?). |
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t6iu
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vent combien il etoit fa-
vant de la fcience des Saints par une lecture profonde de l'Ecritute , des Petes , 8c de l'hiftoire Eccl£fiaftique, avoir fait quelques Commentaires fur les fables d'Efope & de Phedre, ou quelque Roman , comme la Cour Sainte du P. Cauflin, le Pedagogue Chretien du Pete d'Outreman , &c. ou enfin quelqu'ectit plein d'impiete , d'irreligion , d'erreurs & de maximee |
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(49) Le Pere Da'vrigiii
Jefuite, paroit de fort mauvaife humeur contre le continuateur ciu Ra- tionarium du P. Petau , parcequ'il a mis M. le Tourneux an rang des Savans difiingues de fon tsms. . . . Cefl etre doc- te a bon marche , die ce Jefuite (Mem. chron. & dogm. p. 40. ) Si M. le Tourneux , au lieu de faire \'-Annee Chretienne, & plufieurs autres excel- led ouvrages, qui prou- |
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II. P A R T I E. liv. VIII. 417
M. le Vayer Pai'ant engage 3 com- j^gi.*
me Marguillier de S. Benoit, a y pre- Xlvii. cher mi Careme, a la place du Pere u preche -J Quefnelqui s'etoit retire, ce fiit Us-Beno!t- que fes predications commencerent a faire de l'eclat. Sa mine peu avan- rageufe , outre qu'il etoit peu connu, donna d'abord de la terreur aux loueufes de chaifes) mais cette terreur fut bientor dillipee. A peine M. le Tourneux eut-il commence de pre- cher , que le bruit de fes fermons fe repandit, & qu'on y courut en foule. En en fortant, chacun fe difoit: ja- mais homme n'a preche l'Evangile- comme celui-la. II n'y avoir lien a af- fecte dans fes difcours, tout y refpi- roit la vraie eloquence qui nait de la force de la verite & de l'on&ion du Saint Efprit. C'etoit le cceur qui parloit, mais un cceur rempli de cha- rite , qui cherche veritablement le fa- lut des ames , & non l'eclat des pa- fcandaleufes telles qu'on donner un rang diftingue
en voit dans Efcobard , parmi !es Savans. Mais
dans tant d'autresinfames ce faint Prctre ne lemeri-
Cafuiftes de la Societe , & te pas, au jugement du
dans l'hiftoirc anti-clire- P. d'Avrigni, parcequ'H
tienne du Peuple de Dieu; n'a emploie fes grands
fi M. le Tourneux , talens qu'a inftruire foli-
dis-je , avoir donne au dement les Chretiens de la.
Public de femblables pro- religion s en compofant
duftions, les Jefuites ne l'excellent ouvrage d&
jnanqueroient pas de lui Y^tnnie chrdcierme.
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4*8 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl.
roles j quoiqu'il fut d'aitleurs tres
eloquent & tres capable d'y joindre quel ornement il eut voulu. Auffi vit-on des fruits adfnirables de fes predications , qui venant du cceur, penetroient jufqu'au fond des cceurs. On vit des Duchefle's touchees de ce qu'il avoit dit contre le luxe , vendre avant la fin du Careme ce qu'elles avoient de plus precieux pour le dif*- tribuer aux pauvres. Voit-on de tels effets des difcours pares d'une elo- quence mondaine , tels qn'on les de- bite aujourd'hui dans la chaire de ve- rite ? Un jour la multitude des laquais,
qui etoient dans la place de S, Be- noit, y caufa un tel defordre , que le Predicateur lui-meme fut oblige de fe taire a caufe du bruit qu'on enten. doit. Lorfque le trouble rut appaife, il prit occafion de reprefenter a les auditeurs I'oblifTation qu'ils avoient d'eviter le fafte , qui leur faifoit ame- ner une quantite de domeftiques, lorf- qu'un leur fuffifoit, & que les autres pourroient etre inftruits ailleurs. A- pres cela il reprit la fuite de fon dif- cours , dont tout l'auditoire fut char- me. lis ne le furent pas moins le jour de l'Annonciation , qu'il fit verier a |
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11. P A R T I E. L'lV. VIII. 429
tous des larmes , en faifant fon adieu, i<J8i,
Tel etoit M. le Tourneux a qui
M. de Paris permit de venir a P. R. & d'y confefler. Ce digne miniftre y arriva le Dimanche 19 o&obre , & commence a exereer fon miniftere en confefTant & prechant, II refta a P. R, ■ jufqu'au trois de novembre qu'il re- tourna a Paris. Le huit du mois il ecrivit a la mere Abbefle , & lui man- da qu'il ayoit vu ce jour-la M. l'Ar- cheveque , lequel lui avoit permis de continuer de les voir & de leur ren- dre les fervices qu'elles pourroienc defirer de lui. C'eft pourquoi il revint a P. R. le 2 dccemore pour y pafler 1'A vent. Pendant le fejour qu'il y fit, il aflifta xivra.
a la mort la fceur Elifabeth de fainte {(^°tt^, Marcelline , niece de M. Wallon de btth de faia- |
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Beaupuis j qui avoit etc la bonne odeurt
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ne.
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de Jej'usrChriJi dans la communauti
pendant plus de huit ans & demi qu'elle y avoit demeure. C'eft le te- moignage que lui rend la fceur Ma- delaine Chriftine Briquet dans la re- lation de fa vie & de fa mort (50). Ce temoignage eft bien juftifie par les .traits qu'elle rapporte de cette fainte Bile. Elevee dans l'innocence parune I . (;o> Viesedif- T. i. p. if 6, i*;.
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430 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
mere chretienne , elle fe croioit plus
redevable a la juftice divine que les Elus grands pecheurs j & elle em-
raflbit la penitence & la mortifica- tion avec autant de zele que ceux qui font le plus vivement touches de leurs crimes. Elle demanda a la mort qu'on la mit fur la cendre pour y expirer. Elle le demandoit, difoit-elle , par une vraie neceffite. Elle etoit li mo- defte qu'elle ne pouvoit fouffrir qu'ori fe recommandat a fes prieres , & fi humble que tout ce qu'elle faifoitlui paroiiToit mal fait & gate par la cor- ruption qu'elle s'imaginoit qui etoit en elle. C'eft pour cela qu'auffi-tot qu'on lui lit connoitre que fa mala- die etoit mortelle , routes fes peines ceiTerent, parcequ'elle regardoit la mort comme le remede & la fin de fes imperfections. A mefure que fes forces diminuoient, elle fe rejouif- foit de voir approcher fa fin. Sa pie- te & fa ferveur etoit fi grandes, qu'el- le palfoit fans dormir toutes les nuits qui precedoient les jours , ou elle devoir communier. Elle avoit trop de quoi s'occuper pour dormir en at- tendant une telle grace. C'eft la re- ponfe qu'elle fit fans y penfer (& doht elleeut beaucoup de regret) & |
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II. P A r t i e. Liv. Fill. 451
une fceur qui lui demanda un jour i68i,~
qu'elle avoit communie , fi elle avoit dormi la veille. Sur la fin de fa vie a- peine dormoit-elle quelque demie neure le matin. La veille de fa mort elle pafla la nuit comme les prece- dences en priant eontinuellement. Elle avoit recu le faint Viatique dans l'Eglife avec une piete qui edifia & confola toute la communaute. Elle entra en agonie fur les dix heures du matin } on avertit M. le Tourneux 8c la communaute pour faire aupres d'elle les prieres, qu'elle ecouta avec une attention extraordinaire. Elle fou- haita enfuite qu'on lui lut une priere, qui eft a la fin des considerations fur la mort. Apres quoi, elle dit qu'elle fe fentoit plus mal. M. le Tourneux recommenca les prieres de l'agonie , pendant lefquelles elle s'endormic dans le Seigneur le 11 de decembre , ixaiant perdu connoiflance que quel- ques momens. Elle etoit agee de 3 i ans. La fceur Elifabeth de fainte Mar- jJ0LrrcXae ia
celline avoit dans l'Abbaie de P. R. four de fain-. une fceur nominee Fran^oifede fainte teDa"e' Darie, remplie comme elle des plus eminentes vertus, en particulier dune humilite profonde, qui lui fitprefe-. |
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431 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" rer l'etat de converfe a celui de reli-
gieufe de chceur (51). Cette fainte nlle fuivit de pres fa bienlieureufe four , par une raort precieufe aux yeux du Seigneur , arnvee le 20 du mois de mars de l'annee fuivante. La four Chriftine Briquet rapporte dans la vie de la four de fainte Darie , qu'elle eut pendant fa maladie un entretien avec elle , dans lequel elle lui dit, qu'elle avoit fonge la nuit, . qu'elle etoit a i'extretnite, & queM.
de Saci lui venoit adminiftrer les fa- cremens, mais qu'elle ne 1'avoit vu qu'en paffant; d'ou elle concluoit, dit la four Chriftine , que nous joui- rions de ce bonheur apres elle. La four Darie ajoutoit que M. Arnauld y etoit auffi , & qu'elle ne l'avoit point xeconnu (51), mais que pour ce qui <;i) VoVez fa vie ecrite M. Arnauld, fur la pro-
par la fcEur Chriftine Bri- portion qu'on lui faifoit quet, T. i. des Vies edif. d'ecrire a M. l'Archeve- p. 164 , 19$. que de Paris, on veutque (fi) Les chofes paroif- nous fermions les yeux ,
foieni alors avoir un peu 0 que nous nous perfua-
■cliange de face par rap- dions que les loups veu-
porc .) ce Docteur , il y lent Jincerement faire la
avoit mSme des projets paix avec les brebis. Je
d'accommodement & des nefuis pas fi credule. Le
negotiations. Mais qu'el- Lecteur peut confulter fuc
1c paix les gens de bien ce fujet les lcttres de M.
pouvoient-ils efperer de, * Arnauld ; en particulier.
la part de leurs perfect!- les lettres icS,io8, ziz,
wins! On veut, difoic la 60 du huitiemc vol,
etoit
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11. P A r t i e. Liv. Fill. 43 3 ________
etoit de M. de Saci, elle l'avoit vu i<j8i
bien certainement, & que cela lni
donnoit de la confiance , que Dieu
lui accorderoit peut-etre cette con-
folation. La fcEur Chriftine lui repre-
fenta, que felon toute apparence cela
ne pourroit point arriver. La malade
repondit, qu'elle efperoit de la bonte
de Dieu qu'il ne rejetteroit point font
facrifice , & qu'elle ne vivroit point
davantage. La fceur Chriftine lui
ai'ant dit qu'elle ne devoit point par-
ler de fon fonge , parcequ'il ne falloit
point y ajouter foi, elle repliqua con-
tre fa coutume 8c4dit: mais je I'ai vu>
& cela a fait imprejjion fur men efprit.
Je Ven detournai _, ajoute la fceur
Chriftine , & ai cm cela impojfible juf-
qu'au jour que je I'ai vu\de mes yeux.
Quoi qu'il en foit de ce fonge, la
malade eut la confolation qu'elle de-
firoit. Elle vit M. de Saci, & recut
de fes mains les derniers Sacremens,
corrime on va le voir.
Mademoifelle de Vertus etant at- t,
taquee d'un mal de cote accompacne,.1,Macici»<><-
i. l ' rr J ax tr feIle de Vcr- d un etourrement, dont M. riamon [us Um i m.
craisnoit les fuites, elle ecrivit en ces de Paui^ pouc ° \-Mrin-i ^ ci ■ dernandecM.
termes a M. de Paris le l6 tevner ,de sacy.,
pour le prier de permettre a, M. de Saci de venir a P. R. » La bienveij- Tome VU. T |
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434 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi;
» lance , dont vous m'avez toujour?
» honoree , & le refpect que j'ai tou- » jours eu pour vous , Monfieur, me » donnent la liberte de vous appren- " dre que depuis queiques jours je " fuis tombee malade d'une oppref- » fion, qui, au jugement des Me- » decins me peut etouffer tout d'un » coup 5 & de vous fupplier inftam- *» ment de trouver bon, que M. de » Saci vienne ici pour me confefler. jj II y a tres long-tems que ma conf- » cience eft entre fes mains , il con- « noit les egaremens de ma mifera- » ble vie. Je ne fuis nullement en « etat d'en recommencer l'hiftoire a « un autre; 8c vous favez , Mon- ■» fieur, que la conduite de M. de 7> Saci , a toujours ete fi fainte , fi. » fage, 8c fi eloignee de fe meler de » quelque chofe, que la calomnie « meme n'a rien trouve a lui impu- « ter. Ainfi, Monfieur, la grace que » je vous demande etant revetue de » tant de circonftances qui la rendent " jufte, vous Petes trop fans dome » pour ne la pas accorder. Vous » trouverez peut-etre a-propos de la w demander au Roi pour moi , &c » j'y confens, Monfieur , ppurvu v que vows le faffiez avec la meme |
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II. P A r. t i e. Liv. Fill. 43 J_____
>%> bonte que vous lui avez deja de- 1682
" mande que je demeurafle ici. Car » je fuis trop perfuadce de la iuftice, » de la piete, & de l'humanite de " Sa Majefte, pour craindre qu'elle » me refufe un fecours, dont j'ai » tant de befoin , fi vous voulez bien » m'accorder votre protedtion pour " l'obtenir. Je vous la demande a " genoux , Monfieur , auffi-bien que » votre benedi&ion , & je vous fup- " plie de croire que je ferai toute » ma vie avec bien du refpedt & de » la reconnoifTance , &c. de Bre- tagne. M. Hilaire porta le 1 de mars cette lettre a M. de Paris, qui temoi- gna etre touche de l'etat de Made- moifelle de Vertus, & mortifie en raeme terns de ne pouvoir lui accor- der ce qu'elle demandoit, a caufe des ordres du Roi. M. Hilaire off rit d'al- ler trouver le Roi , pourvu que fa Grandeur vouliit lui donner un billet. Le Prelat y confentit, donna le billet, auquel il joignit celui de Mademoi- felle de Vertus. M. Hilaire partit enfuite pour faint Germain en Laye, remit le paquet de PArcheveque au Roi , recut la reponfe & la porta au Prelat,qui l'aiant lue , temoigna que c'etoit avec bien de la joie & de l'af- Tij
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43 £ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE,
16S1. i fection qu'il accordoit a Mademoi^'
felle de Vertus ce que le Roi remetTr toit a fa decifion. Li. Le meme jour ( i de mars) il don- va .u'.r.Ti na otdxe que routes chofes fiuTent
paifs par Pa- pretes, pour aller le lendemain cher-t M.' l'Atche- cher M. de Saci a Pomponne. II vint vpque, coucher a Paris le 3 & "alia des le matin rendre vifite a M. de Paris,
qui le recut avec toute la politeiTe poflible. M. de Saci lui ai'ant deman- ds quel terme il lui donnoit pour de- meurer a P. R., il ne lui en voulut point marquer precifement , difant que cela n'etoit point necefiaire a 1'egard d'un homme fage comme lui, |
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que cela dependroit de Mademoifelle
tte Vertus j qu'il pourroit refter trois jours , quatre jours , felon qu'il le jugeroit a propos. La-deflus M. de Saci fe mit en chemin & arriva a P. R. fur les deux heures. Apres avoir fa- lue les meres, & s'etre un peu repofe, il entra pour voir Mademoifelle de Vertus , & en meme terns donna fa benediction, a la porte des facremens, a toute la communaute, qui l'y atten- doit avec bien de rempreiTement & '"' de la joie. Dans la vifite qu'il rendit a. M. de Paris , le Prelat lui donna la JJulle du Jubile pQyjr Mademoifelle |
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. ll. P A r t i h Liv. Flit 437 "*
Jde Verms & les autres malades. iGSiT*
Ce fut airifi que la Providence en- tII.
voi'a M. de Saci a P. R. pour y admi- , " ="''"!- nutrer les bacremens a la lceur Dane- ctemens a la Lorfqu'on lui annonga qu'il etoitfa:ut Dan<:- arrive , elle en fut comblee de joie , & n'y repondit que par les paroles du cantique de la fainte Vierge qu'elle recita tout entier. On porta la malade a l'Eglife le famedi 7 de mars, & elle y recut l'Extreme-on&ion & TEacha- riftie des mains de M, de Saci , com- me elle i'avoitdefire. » J'avois befoin » de lui, difoit-elle (53) , ou au » moins de quelqu'un qui fut agrea- jj ble a Dieu & qui eut les mains » pure's pour ofFrir mon facrifice. Je » m'etois offerte pour l'Eglife & pour » demander l'abolition de la figna- » ture , que je regarde comme un des » plus grands maux qui foient dans n l'Eglife. Jugez vous-meme, fi je » pouvois etre facrifiee par les mains » d'un Ecclefiaftique qui a figne..... » M. de Saci eft la perfonne du mon- » de, pour qui j'ai le plus d'eftime » &c de confiance. C'eft lui qui m'a » confacree la premiere fois, & je » regarde comme une mifericorde de » Dieu route finguliere, qu'il vienne (jj) Vies edif, T. i.p. 184.
T iij
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438 HtSTOIRE DE PoRT-ROUt.*
16$z. " miraculeufement confommer mon
» facrifice & fuppleer a ce qui me » manque. Apres cela il ne m'im- » porte plus qui jette mon corps dans » la terre : mon holocaufte etant of- » fert par des mains fi faintes, j'ai » tout fujet d'efperer que Dieu l'aura « eu agreable «. Elle vccut jufqu'au 29 mars , jour de Paque, qu'elle paf- fa de cette vie mortelle a l'eternite bienheureufe, a 1'a.ge d'environ 28 ans , apres avoir edifie fes foeurs par fa foi, fa confiance en Dieu, fa refi- gnation a fa volonte, & fa patience dans les vives douleurs qu'elle eprou- voit. Cequi fait dire a la fceur Chrif- tine , en finiffant la relation de fa vie & de fa mort , queya mimoire feraeti perpetuelle benediction dans ce monaf- tere, ok elle avoit pajfe cinq ans & demi. int. M. le Tourneux etoit venu a P. R; mete Abbefle le lundi faint, & avoit ete oblige de
d m. de Paris s'en retourner pour precher la paflion pour deman- , , ,. A-, "• ., , L •
der la comi- le vendrecu. Lomme 11 n avoit eu
mutton des permiffion de confefler que jufqu'a pouvoirs de f.„ . ... ~~ * ..' >■
m. le Tour- raque, la mere Abbelle voiant ce
|
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r.eux.
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tems expire , ecrivit la lettre fuivante
a M l'Archeveque , pour le prier de lui continuer fes pouvoirs : elle eft dit 29 mars, jour de Paque. \ |
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11. P a r t 11. Uv. Fill. 439
i> Monfeigneur , toutce qui arap- i68i»
» port au bien des araes, pour lef-
» quelles Jefus-Chrift , qui eft notre
» Paque, a ete immole , a rapport a
»» cette grande fete , & je crois ne
" rien faire, qui en viole la faintete,
" ou qui puifTe vous importuner ,
" Monfeigneur , fi j'ofe encore vous
" faire fouvenir de l'etat ou nous
» fommes. Car de lamaniere, done
» M. le Tourneux m'a parle depuis
" peu, il ne fe tient point encore
" charge de votre part de notre con-
" duite j & fait meme etat de s'e-»
» loigner dans peu de tems , & par
" con fequent nous demeurerons aufll
" deftituees d'affiftance fpirituelle,
" que nous le fommes depuis trois
" ans. Je ne puis me perfuader, Mon-«
» feigneur , que ce foit votre inren-
» tion) e'eft pourquoi j'ai cru que je
» pouvois prendre la liberte de vous
» la demander, & de vous fupplier
" tres liumblement de trouver Bon ,
» qu'il continue a nous confeiler. La
» communaute y a deja pris confian-
» ce ; & l'honneur que vous lui faites
» de l'ecouter , le rend plus propre
» qu'un autre a entretenir ce rapport
» & cette dep en dance, que vous de-
» firiez que nous euffions a votre
T iiij
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5f46 HtSTOIRE DE PoRT-ao'lAt.
» egard , & que nous regardons com-'
» me un grand avantage aufll-bien » qu'un grand honneur. Oferois-je " encore vous demander, Monfei- » gneur, avec le refpe£t queje vons » dois , s'il n'eft point permis d'ef- « perer quelqu'indulgence pleniere » pour nous en ce terns de Jubile & « de remiffion ? Si vous nous avez ac- « corde celle de tous nos peches pour ?> trois jours de jedne & de priere, s> trois annees d'afflictions n'auront- » elles, Monfeigneur, aucun mcrite » pour obtenir de votre bonte qnel- » que protection ? car nous ne fau- *> rions pas ne pointcroire, que quand » vous daignerez avoir companion => de nous, vous ne puiffiez par votre v fagefle trouver les moi'ens de pro- si curer la paix non-feulement a une » communaute , mais meme a toute j> l'Eglife. Nous favons bien qu'un fi » grand ouvrage n'appartient propre- » ment qu'a. Dieu, qui s'appelle le » Dieu de paix j mais s'il faut Ten 5> folliciter, voici une de nos fceurs , » (la fceur Darie qui mourut le jour « de Paque) qui vient de partir d'a- >• vec nous, il n'y a qu'une heure, » qui s'eft chargee de cette commif- )> fion d'elle-meme, Sa vie & fa more |
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II. P a ir. f i e. L'iv. Fill 441________
5> ont ete ft faintes, qu'il ya fujet 1682.
» d'efperer que Dieu qui lui a accor-
» de jufqu'ici tout ce qu'elle lui a
» demande , jufqnes a mourir au jour
» &a l'heure qu'elle avoit defire , ne
m lui refufera pas toutes les lumieres
« & les afliftances, dontvous pour-
'<■ riez avoir befoin, Monfeigneur,
" pour reullirdans une entreprife de
» cette importance. De quelque-ma,-
» mere que ce foit, j'efpere qu#le£
» prieres qu'elle faifoit pour vpus
« depuis fort long-tems tous les jdurs,
" & qu'elle voulut encore que Ton
» fir auprcs d'elle ce matin deux
» heures avant fa mort, parcequ'elle
» ne pouvoit plus les prononcer , ob-
» tiendront de Dieu quelque chofe.
(Les Saints n'obtiennent pas tou-
jours tout ce qu'ils demanaent, 8c
Samuel ne put obtenir ce qu'il de-..
mandoit pour Saiil avec tant d'inf-
tance.) » Je n'ofe dire, Monfeigneur^
» quej'y joins les miennes , qui font
» trop indignes} je ne laiflfe pas de
" les offrir a Dieu, qui peut les puri-
« fier, & je fuis, &c. .
Quelques jours apres (le 3 avril ) -ny.
M. le Tourneux ecrivit a la mere Ab- g;;iif^ de:'u •- beflfe, & lui marqua qu'il avoit yjjuviemien. , $[. l'Archeveque, & que lui a'iant ch'^s. " T Y !%i'
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441 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
%, demande ce qu'il feroit des religieu-
fes de P. R. , pendant que lui ( M. le Tourneux ) feroit ailleurs , le Prelat lui avoitfait entendre par un mot qu'il dit, qu'il sen rapporteroh a lid en partie pourleur confejfeur. M.le Tour- neux lui parla de la maifon de LiefTe, qui etoit alors fort divifee , & qu'on parloit meme de difperfer , & tacha de detourner la difperiion dont elles etoient menacees. Le fruit de fa ne- gociation fut de donner trois religieu- ies de ce monaftere a celui de P. R. des Champs, M. l'Archeveque lui en ai'ant donne la permiffion avec plai- fir , & la communaute de P. R. ai'ant genereufement confenti de les rece- voir. M. le Tourneux les conduifit lui- meme , & arriva le 7 avril a P. R. avec Madame de Fontpertuis & les trois religieufes de Liefle. L'une etoit la mere du Pille, la plus perfecutee des trois : les deux autres , la fceur Anne Agathe Wallon , & la fceur Marie-Therefe , etoient connues a P. R. oii elles avoient demeure l'une & l'autre. De plus la fceur Anne- Agathe etoit fceur de la fceur Darie, & de la fceur Elifabeth de fainte Mar- celline. Sur quoi il y a une chofe qui merite d'etre remarquee, etant efFec- |
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II. Par tie. Liv. Fill. 44?
tivement tres remarquable. La four I(jg Darie difoit fouvent dans fa derniere maladie, qu'elle demanderoit a Dieu fans ce(Te , que fa fceur vint raourir a P. R. & qu'elle efperoit de l'obtenir. L'evenement fit voir qu'elle avoit du credit dans le ciel. La mere Angeli- que de Saint-Jean ne fait point diffi— cnlte d'attribuer cet evenement aux deux faintes fceurs de la fceur Anne Agathe. « Croiriez-vous , Monfieur, dit-elle, ecrivant a M. Wallon leun oncle pour lui apprendre cette nou- velle , » ce que vous allez apprendre, " & qu'apres ce que je vous ai mande j> iejourdePaque que votre niece (Ste » Darie) etoit pafiee de hoc mundo " ad patrem 3 je vais vous dire que " votre niece vit parmi nous par vine » efpece de miracle qui egale la re- » furre&ion d'un mort ? au moins js » ne dome pas que ce ne foit 1'efFet de » la nouvelle vie, ou font entrees " fes deux faintes fceurs , qui font » mortes en fi peu de terns, qui a at- » tire la troifieme en leur place avec » deux autres de fes compagnes , que » nous avons revues aujourdnui » avec grande joie «. L'efTet fut tres prompt ^ car a-peine y avoit-il dix urs que la fceur Darie etoit morte, Tv) |
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444 Histoire e>e Port-roue;
16S1. que la fceur Agathe arriva a P. R. des Champs, & fe trouva meme au fer- vice de izfainte faur, qui avoit ete differe jufqu'a. ce jour 8 avril. Le meme jour que M. le Tournenx
avoit amene fa nouvelle colonie a P. R. des Champs il retourna a Paris, parcequ'il devoit faire un voiage £ SoiflTons. Le lendemainil vitM. l'Ar- cheveque ; mais les embarras de fori depart ne lui ai'ant pas permis de rendre compte a la mere Abbeffe de fa vifite, Madame de Fontpertuis y fupplea par une lettre du meme jour, dans laquelle elle marquoit , que M. le Tourneux avoit vu ce matin M. 1'Archeveque , dont il avoit tout fujet d'etre fatisfait, parceque dans le peu de tems qu'il l'avoit vu , il etoit con- "veriu de tout ce qu'il lui avoit pro- pofe , &d'une maniere tres obligean- te j c'eft-a-dire, qu'il lui avoir conti- nue les pouvoirs pour confefiTer a P. R. & a Liefle, & donne la permiffion de faire toutes fortes de fonftions. M. le Tourneux parla a M. de Paris de la charite, avec laquelle les trois religieufes de LiefTe avoient ete re- cues a P. R., & l'ailura qu'il pouvoit y en envo'ier encore quatre, qui etoient dans les memes fentimens que ces |
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II. P A r t i e. Liv. VIII. 445
trois , & qu'elles feroient egalemeiit
bien revues. Tout cela pint beaucoup au Prelat, qui neanmoins, fans rien conclure , dit a M. le Toumeux , qu'il le verroit plus amplement a fon re- tour. II eft neceflaire d'inftruire le Ledteur des raifons pour lefquelles ces trois religieufes de Liefte quitte- rent leur maifon pour fe retirer a P. R. La Prieure de Liefle (Elifabeth le
Cl'erc de Saint Alexis , religieufe de Montmartre , qui avoir etc elue le 29 decembre 1664) etant morte le 27 feptembre 1676 , M. l'Archeve- que de Paris , qui vouloit introduire la fignature dans cette maifon , y in- troduiiit bientot le trouble & la dif- corde. Pour venir a bout de fon def- I fein j il gagna le's fuffrages & fit elire pour Superieure une religieufe', qui he nous eft connue que fous le nom de Madame de Bival ■, qu'on lui don- noit parcequ'elle avoir gouverne cette Abbai'e enqualite de Cpmmiflaire, en attendant que lAbbeffe eut l'age. M. de Paris qui l'avoit connue etant Ar- cheveque de Rouen > aiant ete tranf- fere a Paris, la fit Superieure des Ma- delonettes; puis voulant lui procurer Un pofte plus ftable , il la fit elire |
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44<^ HlSTOIRE DE PoRT-JROlAt.
Prieure de Liefle. Bientoc la maifoit'
changea de face: M. Emmanuel Arif- te , homme fage & eclaire , qui etoit Superieur , fut ecarre; la fignature pure & fimple fut propofee ; on mit en penitence les religieufes qui la re- fuferent, au nombre de fept, lefquel- les faifoient la plusgrande ( & la plus faine) partie de la communaute. Ces fept religieufes etoient, fceur Made- deleine de la Nativite Dupille ; An- gelique -Madeleine de Sainte-There- ie ; Louife de Sainte-Agnes j Marie de Saint-Paul; Anne de Sainte-Aga- the Wallonj Catherine de Saint-Jean; Catherine de Saint-Jofeph. Ces reli- gieufes privees de tous fecours fpiri- tuels & temporels , firent le 24 avril 1680 une proteftation qui, quoiqiie tres belle, ne produifit aucun effet. M. de Harlai voiant la fermete de ces filles a refufer la fignature , & fa- tigue de cette affaire > priten 1682 la refolution de les difperfer. (C'eft ainii qu'apres avoir mine le fpirituel des maifons religieufes , on veur encore renverfer jufqu'aux fondemens ces all- ies que la piete des Eveques des beaux jours de l'Eglife & la generofite de nos Rois avoient etablis contre la corruption du fiecle ). Dans ces eir- |
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II. P a r t i e. Llv. VIIL 447
conftances la divine providence vou- lur que la fceur Catherine de Saint- Jofeph ecrivit a M. de Paris , a l'oc- cafion du Jubile accorde par Inno- cent XI, pour lui demander la per- miilion de fe confefler a M. le Tour- neux , qui avoit preche a fa prife d'habit & a fa profeffion. Le Prelac accable du poids des grandes af- faires de l'aflemblee du Clerge , a* laquelle il prefidoit, fut charme de trouver un moien de fe tirer d'em- barras,_ & fit avertir M. le Tour- neux. Apres avoir fait de grandes plaintes des fept religieufes, & lui avoir parle de la prctendue neceflite ou il etoit de les difperfer, il lui dit d'aller a Liefle j pour voir ce qu'on pou- voit faire; & lui donna pouvoir de confefler,non-feulement les trois,donc les obediences etoient preparers de- puis un an , mais encore les quatre autres. M. le Tourneux alia done a Liefle , les confefla & les exhorta I beaucoup prier. II alia enfuite rendre compte a celui qui l'avoit envoi'e ; 8c le voiant embarrafle au fujet des re- ligieufes de Liefle, il lui infinua adroi- tement qiv'elles avoient un grand de- fir d'aller a>;-R. des Champs, & que fi fa Grandeur l'agreoit > on pourroit |
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448 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
peut-etre les y recevoir. Le Prelat ne
trouva nulle difficulte a la propor- tion , fl 1'AbbefTe & la communaute y confentoient. Des le lendemain ( 5 avril) M. le Tourneux informa par un billet la mere Angelique de ce qui s'etoit pafle : elle aflembla la com- munaute , qui non-feulement confen- tit de recevoir les trois religieufes de Liefle, mais temoigna meme de la douleur de ce qu'au lieu de fept on ne leur en propofoit que trois 5 & .elles prierent qu'on ne feparat point les quatre autres qui etoient unies de fentknent. M. de Harlai tres content d'etre debarrafle de cette affaire , don- na ordre qu'on delivnk a M. le Tour- neux trois obediences pour eel les qu'il nommoit: ce qui fut execute des le lendemain. Ce fut ainfi que M. le Tourneux negocia & obtint la transla- tion des trois religieufes de LieiTe a P. R. Lorfqu'elles arriverent, on les conduifit au chceur en chantant le Cantique Benedicius. Apres le diner elles virent la communaute a la con- ference , & amfterenr a l'Office. Apres les Vepres du jour , on chanta les Ve- pres & les Vigiles des Morts pour le Service de la fceur Sain re Darie , dont on n'avoit pit faire 1'ofHce glutot a, caufe d'e I'bcfcive. |
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II. P a K T i e. Lm VUf.' 44<J
■ M. Arnauld , a qui la mere Ange- i<J8z.
lique avoit mande cette tranflation , lui fit reponfe en ces termes; Les trois arbres tranfplantis pourront porter de tons fruits avec la grac.e de Dieu. Mais ne les a-t'on pas fait changer de lieu dans le deffein de ruiner le jar- din d'ou on les a tires' ? Nous igno- rotis ce qui fe pafTa a 1'fegard des qua- tre religieufes qui etoieat reftees, & dont M. de Paris ne" voulut point accorder la tranflation. Pour ce qui eft des trois transferees a P. R. lafceur Catherine de Saint-Jofeph retourna a LiefTe peu de tems apres. Les deux autres y refterent jufqu'en- 1701 , que la mere Hebert , Prieure de Liefle , religieufe de merite , follicita leur retour avec tant d'inftance aupres de . M. de. Noailles qu'elle l'obtint. Ainfi
elles rentrerent dans leur monaftere le 5 novembre iyoi.Ellesy fontmor- tes l'une & Tautre \ la foeur Made- leine de la Nativite le 1 o juillet 17055. & la fceur Anne de Sainte - Agathe Wallonle.23 avril 1730 (53). M. de Paris ai'ant permis a M. Aka-
' kia , qui depuis pluneurs annees pre-
noit foin des affaires de P. 11.(54), (50 Mem. hift. T. t. fut mis a la B'am'UV,parce-
p. 4S0 8c fuiv. qu'il rendufstvice a cette ,(J4) Des l'an i««4 » il maifon.
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450 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAi. '' j,^8z> d'y venir pour arreter fes comptes j '
la mere Abbefle ecrivit au Prelat (le %j avril) pour Ten rerhercier, & pric occafion de lui parler de M. le Tour- neux. Apres lui avoir temoigne la re- connoiflance tres fenfible de route la comrnunnaute , de ce qu'il Pa charge de prendre foin delle , elle ajoute ; II fera peut-etre difficile qu'il puifle nous donner tour le terns & toute Papplication dont chacune croiroit avoir befoin ; mais dans les gran- ges neceffites on apprend a fe paf- fer de peu, & a recevoir avec action de graces ce qu'il plait a. Dieu de nous donner. Les annees fuivan- tes ne feront peut-etre pas fi fte- riles que les trois dernieres; 8c fi toutes les prieres que nous faifons pour vous, Monfeigneur, montent fufqu'a Dieu, il vous comblera de rant de benedictions que vous les repandrezfur les terres les plus fe- ches & les plus defertes, comme eft la notre, afin qu'elle devienne de plus grand rapporr & par le nombre & par le merite, & plus capable enfuite de vous attirer de nouvel- les graces. C'eft ce que je demande a Dieu avec tant d'ardeur que je fuis avec refpecl:, &c. ' |
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II. P A R T I E. L'lV. VIII. 45 1
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ffl.
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M. le Tourneux aiant fait fon voia- x <j§ t
ge de SoifTons , revint a P. R. des LV Champs. II y officia le jour du Saint sameuil view: Sacrement (z8 mai), chanta la grande a p*R' mefTe , & porta le Saint Sacrement a* la proceffion, a laquelle fe trouvsrent MM. de Beaupuis, Arnaudin, Thi- bout, des Touches, &c. Le jour de la S. Laurent, le fameux Santeuil, a qui M. le Tourneux avoit donne ren- dezvous a P. R. ce meme jour , y ar- riva avec un de fes confreres de faint Victor. Dans la converfation que M. le tvr.
Tourneux eut avec eux, M. Santeuil s^yf^'At fit paroitre beaucoup de fatisfadtion porte i p. iu d'etre venu a P. R. & temoigna du tZ^lll^' defir d'y revenir. M. le Tourneux lui fit entendre que Ton n'aimoit point les vifites , ou il n'y avoit point de neceffite: ilajoutaneanmoins, que s'il vouloit etre le bien-venu, il avoit un moi'en pour cela , qui etoit de pro- curer aux religieufes la fatisfacnon de voir la Cuculle de S. Bernard, qui etoit a S. Victor. Santeuil accepta de grand cceur la propofition , & s'en retourna. Huit jours apres la Relique de S. Bernard fut apportee a P. R. la veille de la fete de ce Saint. Le Prieur voulut l'accompagner , & prit avec |
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451 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl;
lui M. Taconnet & M. Santeuil, qui
ne voulut ceder fa place a perfonnne. La Relique fut recue par la commu- naute apres une proceffion folemnelle, oii elle fut ppri&e par M. Taconnet <k M. Santeuil, & enfuite depofee fut une credence devant la grille. La f>roceflion & les prieres etant linies ,
e Prieur ouvrit la chatfe, ou il y avoit d'un cote la Cuculle ou chappe de S. Bernard, & de l'autre, le cilice , les gands & le peigne de S. Thomas de Cantorberi. On fit baifer ces Reli- ques a toutes les fceurs j apfes quoi le Prieur oflFrit a La mere Abbefle de lui en dormer quelque partie, & voulut qu'elle montrat l'endroit qu'elle fou- haitoit t qu'il coupa lui-meme (5 5). La ceremonie etant finie ils fe retire- rent , & les religieufes chanterent les Vepres folemnelles de S. Bernard, apres lefquelles M. Taconnet fit une petite exhortation a la grille , fur la faveur que Dieu leur avoit faite & I'affeifbion que faint Bernard avoit eue pour leur maifon de S. Victor (56). Le jour de la fetele Prieur chanta |
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(55) M. Grenetdeman-
da 6c obtint le i oftobre fuivant, de M. de Paris , line permiflion verbale d'honoret les reliques. |
(;<51 Cette exhortation
fe trouve a la fin du Jour- nal depuis 166J, jufqu'en j67?,p. 4ifi. |
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II. P A R T I E . L'lV. Fill. 45 J
flft ,111 j
la grande meffc; le foir a fix heures 1682,
les religieufes firent une proceffion , comme le jour precedent, avant que de rendre la Relique. Depuis ce tems M. Santeuil revint plufieurs fois a P. R. des Champs. Ses liaifons avee cette fainte maifon ne lui rurent pas inutiles, quoiqu'il n'en tirat pas tout l'avantage qu'il auroit du en retirer a l'exemple de tant d'autres. On fait que M. le Tourneux lui fourniffoit la niatiere de fes hymnes chretiennes , qui font fi admirees. Ce fut ce qui introduifit ce Poete a P. R. & ce qui lui donna oceafion de s'edifier & de renoncer aux poefies profanes. Les religieufes de P. R. perdirent LVir;
,». f ■ r tS Onapporta
cette annee le 5 leptembre une Da- & p. r. i0
me qui etoit etroitement unie avec ^?rps,(?.e Mc' elles, Madame Marguerite de Favero- les , veuve de meffire Jean Hamelin , Confeiller du Roi & Controleur ge- neral des ponts & chauffees. Elle mou- rut d'apoplexie a Paris, agee de 69 ans. Son corps fut apporte le 6 a P. R. des Champs, & inhume a la porte de l'Eglife au-dedans, comme elle l'a- yoit defire (57). (S7) Voi'ez le Necr. de bien qui etoient obliges
5. feptembte. La maifon de fe tenir caches. BUele
f, , dt M. Hamelin etoit un fut en pacticulier pout M»
, .-v jsile pour tous les gens Arnauld pendant la p«i
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454 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
rl6Sz, he 16 du mois de novembre de *
l'annee fuivante, on porta encore a P. R. deux autres corps ; celui du petit-fils (58) de M. de Bagnols fi celebre par fa piete; & celui de Ma- dame Gabrielle Feydeau , la digne epoufe de ce faint homme, qui de- puis long-tems etoit en depot dans 1'EglifedeS. Mederic. Cette vertueufe Dame etoit morte le 20 juin 1648 , a l'age de X4ans , apres avoir donne de grands exemples de vertu , 8c te- moigne un grand amour pour la pe- nitence (59). iviii. Le 1 decembre de cette annee , la (tar°Pineau! mort enleva une des plus anciennes ,
religieufes de la communaute, 8c des premieres novices de la mere An- gelique depuis 1'etablilTement de la maifon de Paris. Nous aurions beau coup de chofes
a dire de cette excellente religieufe, nominee Marie-Genevieve de linear- nation Pineau; mais nous en avons deja parle ailleurs , en rapportant fa vocation extraordinaire (60). Jecutibn que lui attira fon 14?. Son 6pitaphe 1 W
excellent ouviage de la faitepar M.deSaci ,quoi-
Frequente Communion. qu'elle foil attribute &
(58) Mort le 18 nov. M. Hamon.
j6Si , agede nans, (60) Le Lefleut peuc _. (5.9) Voyez le Ne«, f, sonJ\iIte{ k T. 1 de.cetre Cj^
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II. P A R T I t, LlV. VIII. 45 J
.4 Vers la fin de l'annee les religieu- kJ82.
fes de P. R. fe virent fur le point de LIX. faire une perte bien confiderable, M. Maladie d« Hamon ai'ant ete attaque d'une ma-M,HaraQn' ladie qui le conduifit jufqu'aux portes de la mortj mais Dieu ecouta les prie- res que lui firent tant de vierges chretiennes pour la confervation d'un homme qui leur etoit li precieux. En confequence d'un vceu que les reli- gieufes avoient fait pour obtenir fa guerifon _, M. le Brun qui faifoit les Fondtions de Sacriftain a la place de M. de Montguibert alors ablent, fut envoi'e a Chartres , ou il fit dire une mefTe de la Vierge en adfcion de gra- ces , le 3 Janvier 1683. II alia enfuite trouver M. Bourgeois dans fon prieu- re de la Merci - Dieu , & recut de lui des Reliques qu'il avoit offert de don- ner a la maifon, pourvu qu'on lui en- vo'i'at une perfonne sure a qui il put les confier, & reyint a Port - roial le 18 du meme mois. |
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hift. p. \6x. & le T. i. he recueillie de differens
des Vies idifiantes ,p. 32, memoires dreftes poui:
la VRelation fur la voca- feryir & l'hifloire de P. R.
don & la vie de la fceur On peut encore conful-
Cenevieve de VIncarna- ter dans le recueil m-4'
tion Pineau, divifee en des Relations, & dans
deux parties , dont la pre- X'Hifloire des perfecutions
rriiere a ete ecrite par elle- &c. les relations faites
roeme ; 8c la .feconde a par la fceur Pineau,
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45^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.'
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i68x. Quoique les religieufes de P. R,
lx. fufTent d'un definterefTement fans ftilendfaveut exemple > & eultent un eloignement des religieu- extreme de tomes conteftations , elles cuild"UMa- furellt neanmoins obligees de foute- gpi. nir un proces contre M. Beflfon (61) Cure de Magni, qui leur conteftoit
des droits paroiiliaux , dont 1'abbai'e jouiflbir depuis Fan 1 z 14 par un ac- cord fait entre le Cure de Magni & ies religieufes, & autorife par Pierre de Nemours , alors Eveque de Paris. Le Confeil rendit le 27 mars un ar- ret , qui maintenoit les religieufes en pofTeffion dc leurs droits. La mere Angelique de S. Jean fait
mention de cet arret dans la lettre qu'elle. ecrivit le 30 avril 1683 a M. de Paris pour lui demander le reta- blirTement de foil monaftere , & pour offrir fa maifon aux quatre religieu- fes de Lielfe , qui etoient periecu- tees. Voici la lettre: " Monfeigneur, les Eveques etant
» dans 1'Eglife l'image de Jefus-Chrift («i) M. BefTon etoit un avtil 1705. Les fuites fa-
Pafteur zcle & charitable, cheufes qu'eurent le fa- quij mettant a part cette meux cas de confcience, conteflation , donna dans auquel il avoit eu beau- tout le lefte des marques coup de part, luicaufe- de fon attachcment aux rent une douleur, qui I5 religieufes de P. R. iuf- conduificau tombeau. £u'a fa mort ardy^e le 7 » njllufateJ
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II. P a r t i e. Liv. VIII. 457
n reflufcite , je crois qu'il eft permis
»• dans le terns de ia Refurrection de
m former des fouhaits & petit - etre
m meme des prieres , pour obtenir
« qu'il nous donne de fa part la paix
»> qu'il a lui-meme donnee a fes Difci-
» pies apres etre refufcite. Nous l'at-
» tendions, Monfeigneur , dans le
» tems que Dieu a marque j mais
« pour meriter qu'il nous l'accorde >
w nous defirerions extremement de
» pouvoir contribuer a la procurer a
» d'autres \ parceque c'eft la loi de
» PEvangile d'agir envers les autres ,
»» comme nous fouhaiterions que Ton
» agit envers nous. Nous avons ap-
» pris depuis peu que la maifon de
» LieflTe n'eft pas encore dans le cal-
» me', comme on l'avoit efpere, &c
« que Ton parle de nouveau de fepa-
» rer quelques-unes des religieufes j
w je me donnai l'honneur de vous te-
» moigner l'annee paflee que notre
» communaute etoit prete a les rece-
» voir, fi vous l'aviezpour agreable j
» &nous nous perfuadons, Mgr. que
» vous trouvant devant Dieu charge
t> de ces ames, vous ferez plus aife de
t> les garder dans votre Diocefe que
w de les voir feparees de votre trou,-
TomeFIL V
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45 8 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
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168 3. " Peau j ce qui e^ toujours penible
w a la tendrefTe d'un bon Pafteur. Nous » vous renouvellons done, Monfei- » gneur, les memes offres , & nous » y ajoutons mime, fl vous le per- » mettez , de tres humbles prieres, » parceque nous trouvant unies a " prefent a celles de leurs foeurs qui » font deja avec nous , nous entrons » dans les fentimens d'amitie & de »> companion qu'elles ont pour elles, » & nous founaiterions de foulager « la peine des unes & des autres. II »> fe rencontre auffi une facilite a. les » mettre ici plutot qu'ailleurs , leur " maifon n'etant point accommodee, »» parceque nous ne demanderions » point de penfion. Nous avons per- » du depuis cinq mois trois de nos » fceurs anciennes : ces religieufes » peuvent pour un terns entrer en » leur place fans que notre maifon n en foit fort chargee, & nous avons « faitbeaucoupd'experience que Dieu j> benit toujours la charite , & qu'elle » eft le fond le plus afTure que puif- v fent avoir des communautes reii- » gieufes. » Comme j'apprehende , Monfei -
« gneur , de derober des momens |
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- '"NM^.
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II. P A r. t i e. Liv. Fill. 4 5 9
■» precieux de votre terns , je n'ofe "T^iTT
» repeter des chofes dont je crois que
>. M. Grenet aura pu vous rendre
„ compte. Je fais qu'il devoit vous .
M faire voir la copie de l'arret du
» Grand Confeil, qui nous maintient
» dans la pofTeflion des privileges de
»> l'Ordre de Citeaux, & des libertes
» que les Eveques vos predeceifeurs
» ont accordees a notre Eglife , dont
« nous efperons de jouir en paix fous
>, votre protection.
» Je ne fais fi M. Grenet ne vous
» aura pas aufli parle, Monfeigneur,
» d'un Ecclefiaftique que nous croi'ons
» qui ne refuferoit pas d'etre notre
» Confefleur, & qui n'a aucun de ces
» empechemens qui font donner l'ex-
» clufion a d'autres que nous fouhai-
» terions , & que nous connoiflons
» davantage. II eft du Diocefe de Seez
» & y demeure: il a fait fes etudes a
» Paris : il eft d'une capacite fuffi-
» fante , d'un age proportionne. On
» nous aftiire que fa vie eft exem-
» plaire, & qu'il aime la retraite &c
» la priere j ce qui eft fort necefifaire
» pour pouvoir fubfifter ici oil la fo-
» litude eft fort grande prefente-
» ment. II n'eft attache a aucun em-
Vij
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4<?0 HlSTOIRE DE PORT-ROUL.
168}. " ploi; & fi vous le permeitez, Mon-
» fcigneur, nous lui propoferons ce- » lui-ci, & lui manderons qu'il peut »> venir fe prefenter pour recevoir vos « ordres. Je les attendrai toujours , » Monfeigneur , fur routes chofes, « avec beaucoup de refpedfc, &c. «. Cet Ecclefiaftique , dont parle la
mere AbbefTe, eft le meme que celui qu'elle avoit deja propofe l'annee pre~ cedente, c'eft-a-dire, M. Euftace, Cure de Frefne. II ecrivir le 22 iuillec une lettre a une Dame (61) qui l'avoit fair propofer pour ConfefTeur , dans laquelle il lui rendoit compre de fa conduire pour qu'elle our donner les eclaircifTemens neceflaires fur ce fu- 1'er. II etoit entre depuis 20 ans dans
'etat ecclefiaftique, &c avoit pris les Ordres erant dans le feminaire de Va- lognes(6$) ou il avoit pafTe plufieurs annees, aimant la douceur & le re- pos de la vie reglee de communaute j il y avoit fait des conferences , & n'en etoit forti que parceque le Superieur (61) Cette Dame etoit ete ctabli par M. de La-
Madame de Fqntpertuis, thumiere qui en etoit alor?
<ioni le fils avoit ete eleye Superieuc , 8c qui airaa
par M, Euftace. Voiezfa mieux le voir detiuire que
Jettre , Mem. hill, T. i. de recevoir des ProfeiFeurs
p. f i«, que M. de Coutanccs you*
{ej) Ce fem'nake avoit lut l«i envoier,
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ll.VATL-tis.hv. Fill. 4<?r
du feminaire etant tombe dans la dif- grace de M. de Coutances, les Sujets n'y vinrent plus, & M. Euftace man- qua d'occupation j ainfi il fut oblige de fe retirer. Au fortir de la il alia demeurer chez la Dame a qui il ecrit, F»our inftruire M. fon fils. Sur quoi il
ui dit qu'il penfe qu'elle n'auroit pas de peine a le caurionner pour le tems qu'il avoit demeure chez elle. Enfuite parlant des 6 annees qu'il avoit pafTees dans la ParoifTe de Frefne , il dit, que quoiqu'il n'ait pas ete fans plufieurs difliculres de la part d'un peuple qui n'aimoit gueres le joug de la difci- pline de l'Eglife , il avoit toujours ta- che de les inftruire des verites de la morale chretienne les plus importan- tes pour le falur, n'ai'ant jamais rien avance qui put caufer du trouble, ou le rendre fufpedt a fes Superieurs qui ne le jugeoient pas indigne de leur approbation , & qu'il fouhaiteroit de n'etre pas plus indigne de I'approbation du fouverain Pajteur. M. Euftace fut agree pour Confef-
feur des religieufes de P. R. ou il fe rendit le 9 du mois d'aout, & com- men^a d'y faire les fonifcions , qu'il remplit jufqu'a l'an 1705 qu'il fut V iij
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1683.
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4<Ji HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
oblige de fe retirer , comme on Ie
verra, a. caufe de la perfecution.' Audi- tor qu'on apprit a P. R. queM. Euf- tace etoit agree , l'Abbefle au nom de toure la communaute ecrivit a M. de Paris pour lui en faire des remerci- mens. Dans la meme letrre elle de- mandoit permiffion au Prelat d'expo- fer des Reliques decouvertes depuis peu,a la veneration publique. LeLec- teur apprendra ce que c'etoit que ces Reliques par la requete que M. de Paris demanda qui lui fut prefentee. Elle £toit fignee de l'Abbefle, de la Prieure, des Souprieures §c des reli- gieufes qui avoient vfi anciennement la chafle , favoir: la mere Angelique de Saint Jean , Abbefle \ Marie de Ste Madeleine, Prieure j Elifabeth deSte Anne , Souprieure} Anne-Eugenie de Sainte Syncletique, feconde Souprieu- re j Agnes de la Mere de Dieu ; Ma- rie de Sainte'Euphrafie; Agnes de Ste Thecle ; Jeanne de Sainte Domitille ; Pran^oife Madeleine de Sainte Ju- lienne } Elifabeth de S. Luc } Louife de Sainte Julienne ; Elifab>eth de Ste Agnes \ Marie de Sainte Agathe. » La requete portoit qu'il y avoit
» d'antiquite dans 1'Eglife de P. R. |
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II. Par tie. Liv. VUL 4<f$
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» des Champs unegrande chafle plei- i <J8 5.
» ne de reliques , que Ton tenoit pat Lxn. 7> tradition etre des faintes vierees Requeredes i r ■ tt religieufes ne
» martyres compagnes de iainte Ur- P. £. jM.d:
» fule, dont Phiftoirefevoi'oit peinte Vi?s POBr »r » d'un cote de ladite chafle , laquelle {ion d'hono- » etoit elevee au-defliis du mur qui r«esdes **"" » feparoit le chceur des religieufes » d'avec la nef, en forte qu'elle etoit » expofee au-dedans & au-dehors » pour etre honoree tant du peuple » que des religieufes. En l'annee mil " fix cent cinquante - deux il fallut » defcendre ladite chafle, parceque » Ton travailloita rehauflerl'Eglife; » & aiant par cetce occafion vifite ce « qui etoit dedans , il s'y trouvabeau- « coup de grands oflemens envelop- » pes j mais comme on ne vit ni at- " teftation , ni infcription qui put » donner les lumieres qu'on auroit " fouhaite d'avoir touchant la certi- » tude de ces Reliques , on n'ofaalors » les expofer de nouveau pour etre » reverees ; & ainfi elles demeure- »» rent cachees jufqu'en 1685 > <lue » l'Abbefle & les religieufes confide- » rant qu'il fe pouvoit faire que leur » antiquite, & l'honneur qui leur w avoir toujours ete rendu depuis- V iv
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4^4 Histoire de Port-roiaz;
» plufieurs fiecles , ainfi qu'il pouvoit « fe juftifier par plufieurs preuves, » leur pouvoit fervir d'une attefta- » tion luffifante, elles s'adrefferent a » Sa Grandeur pour la fupplier tres « humblement de donner pouvoir & » ordonner a M. Grenet, Dodteur de »> Sorbonne, leur Superieur qui etoit » alors fur les lieux , d'informer de m la verite des chofes, & de toutes « celles qui etoient reprefentees dans » un memoire qu'elles avoient deja » mis entre les mains de Sar Gran- « deur, pour en confequence permet- » tre par fon autorite aux fuppiian- « tesde retablir en honneur lefdites » reliques dans leur Egiife, au lieu ou. » etoit unechapellederrierelechceur , » oii elles conlervoient toutes lesau- » tres Reliques de leur Abbai'e «. M. de Paris fit la reponfe fuivante
a la requete. » Avant que de faire « droit nous ordonnons qu'il fera » informe par le fieur Grenet Supe- » rieur de ladite maifon , du contenu " en la prefente requete , pour , fon « proces verbal a nous rapporte, ette » par nous pourvti ainfi que de rai~ » fon«. Des le 15 aout M. Grenet com-
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II. Par tie. Liv. VIII. 465
men$a les informations , &lesconti- 1(j§, nua jufqu'au 30 qu'elles furent ter- minees. Neanmoins l'affaire des Re- liques demeura dans le meme etat jufqu'au 2 (J mars i68<J que M. Ta- connet Superieur de P. R. des Champs fit transferer par ordre de l'Archeve- que la chafTe a l'autel des Reliques dans l'avant-choeur des religieufes. |
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Fin du feptieme Volume.
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V v
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L E T T R E
D E L A MERE AGNES
A LA StEUR FLAVIE.
»\jr Loire a Jefus au tres Saint Sacrement".
33 Je n'ai pu apprendre, ma ties chere foeur, n l'extremite ou vous etes, fans etre pen£- » tree d'une douleur tres fenfible. Je me fou- m viens de vous avoir vu autrefois quafi dans 33 le mcme ^tat; n^anmoins le regret que *> j'avois alors de vous perdre etoit adotici 33 par la confolation que donne la foi dans =3 ces rencontres, en ce qu'elle nous perfuade 33 que la mort ne rompt point Tunion que la 33 charite a formee entre les perfonnes qui m s'aiment pour Dieu. Mais ce que la mort » n'eut pas pu faire en ce terns-la , de mal- » heureufes rencontres de la vie l'ont fait a m pr^fent; 8t je vous avoue, ma tres chere »3 foeur , que cette defunion qui vous fepare M d'avec nous depuis tant d'ann^es me perce 33 le cceur (i fenfiblement, fur-tout en vous 33 fachant dans T&at ou vous etes , que me 33 perfuadant bien que quand mcme vous 33 voudriez a cette neure nous t^moignef 33 d'autres {entimens , vous n'en rencontre- 33 riez peut - etre pas I'occafion; j'ai cru de- » voir tenter celle-ci pour aller autant que je 33 puis au - devant de vous , ma tres chere 33 faeur, & vous temoigner en vous embraf- 33 fant de tout mon caeur,. & en melant mes •3 larmes avec celles qu'une fincere penitence ». vqus doit faire repandre devani Dieu , que |
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Lettre de la mere Agnes a &c. 467'
>• c'eft avec une plenitude toute entiete d'af-
« fedion que je vous remets de ma part tout » ce que vous me pouvez devoir, & que je » vous donnerois mem: , (i j'avois quelques n merites, de quoi vous aider a vous ac- » quitter envers Dieu , afin que vous puifliez 33 dans cette heure qui eft (i pioche , obtenir » fa mifericorde eternelle. Tout ce que je » vous tdmoigne ici de mes fentimens , je 33 puis vous le dire de la part de notre mere 33 AbbefTe, & de nos foeurs qui demandent a » Dieu par des prieres continuelles qu'il ne 33 fe fouvienne point dans fon jugement de 33 toutes les chofes qu'elles-memes veulent » oublier , fi vous avez regret qu'elles foient 33 arrivees. » C'eft une des qualitds que l'Ecriture at-
» tribue a Dieu d'etre facile a appaifer, quand 53 notre humilit^ & un grand regret de l'a- 33 voir offenfe nous font avoir recours a fa 33 mifericorde. Dites done, ma tres chere as fceur , ces paroles fi courtes mais fi effica- 33 ces quand elles partem d'un ceeur egale- 33 ment humilii & rempli de douleur & de n confiance: Mon Pere , j'ai peche contre 33 le Ciel& contre vous ,je ne Juis pas digne » d'etre mife au rang de vos enfans. II n'ent 33 faudra pas davantage pour attendrir le 33 coeur d'un pere fi bon , & fi pone a la 33 companion , qu'il en eft appelle le Pere 33 des mifericordes. 33 J'ai cru , ma tres chere fceur , qu'ai'ant
m eu autrefois tant de confiance pour moi , 33 vous prendriez en bonne part ces avis que 33 je vous donne, & que vous ne devez at- =o tribuer qu*a la charite' qui me prefle de » vous laifler ces dernieres marques de moa *» xele pom votie falut. Veil* le Juge qui V V}
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- ■ .......'" :
468 Reponfe fuppofie
x eft a la porte ; vous lui ouvrirez avecconi
5> fiance fi vous vous etes accords aupara- 33 vant avec la verite, qui eft notre adver- 33 faire tant qu'elle nous accufe & que nous *> nous defendons; au lieu que c'eft elle- m meme qui nous delivre de la juftice dc 33 Dieu, quand nous lui confefTbns nos fau- 33 ces, Sc ne mettons notre efperance qu'en- 33 fa feule mifericorde. Je vous fupplie de 33 croire que je ne cefferai point de l'implo- 03 rer pour vous r defirant autant que jamais 33 d'etre a vous Sc que vous fo'iez eternelle- oo ment a Dieu. C'eft , ma tres chere four,. 03 votre tres humble Sc ties obeiflante fer» 33 vante, four Catherine Agnes de Saint *> Paul (i). |
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Reponfe fuppojee de lafceurFlavie*.
A tres chere mere (fait-on dire a li
33 four Flavie ), comme je fuis perfuad^e 33 que tout ce que vous m'avez ecrir dans la 33 lettre que Ton m'a rendue de votre part, 33 vient de l'afFedtion que vous avez toujours =) eue pour moi, je ne puis que je ne vous en *> falte mes remerciemens. Cependant, ma jo tres chere mere, comme je vois que la 33 plupart des chofes dont elle eft remplie ne 33 tendent qu'a me faue connoitre que vous 33 plaignez beaucoup I'etat oil je fuis, & le 33 defir que vous auriez de me faire marcher 33 dans la voie oii malheureufement j'ai 6t£ 33 autrefois , permettez - moi de vous dire 33 qu'en cela nous lommes vous & moi dan9 s» un fentiment bien different. Car vous dfc» <i) Recueilde 1740.wi 11.5.518, ji£*
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de la fccur Flavie. 469
* vez e'tre perfuadee , ma tres chere mete ,
m qu'au milieu des maux qu'il plait a mort » Dieu que je fouffre pour tries peches , jc ■ » n'ai point de confolation plus grande que 33 de penfer que j'ai obei fmcdrement a mes 33 Sup^rieurs legitimes. Quoique je ne fois « qu'une fille , je fais que Dieu dit dans 33 rEctiture , que quiconque les ecoute l'e- 33 coute, & quiconque les meprife le me- 33 prife. Comment done paurrois-je n'avoic 33 pas une joie fenfible & une confolation 33 fans pareille toutes les fois que je confi- 33 dere que j'ai fait ce que mon Dieu m'or- 33 donne par fes paroles; fur - tout en une 3j chofe fur laquelle il ell certain qu'il fauc 33 exouter les veritables Pafteurs, fi jamais 33 ils doivent etre ecoutes ? Si je n'en avois 33 ufe comme j'ai fait, dites-moi, ma tres 33 chere mere, a quoi pourrois-je moi-meme 33 attribuer cela qu'a orgueil, qu*a une bonne 33 opinion de moi - meme, & a un mepris 33 manifefte que je ferois des veritables fen- 33 timens de mes Superieurs. A Dieu ne plaiie 33 que je m'eleve ainfi au-deffus d'eux dans >' la connoiflance des chofes dont ils font les » Juges , & dans lefquelles, outre que je n'y *> connois rien & que je n'y dois rien con- 33 noitre , je fuis encore obligee par la pro- » feffion que j'ai faite de fuivre leurs lumieres. 33 Vous voiez done par-la , ma tres chere 33 mere, combkn vous & moi fommes diP- x ferentes dans nos fentimens. Vous meplai- 33 gnex de me voir dans la voie en laquelle » mes veritables Tafteuts me conduifent; Sc x> moi je vous plains ,8c je puis dire que je: » gemis, de vous en voir eloignee, parceque M je crois que e'eft la feule chofe qui puiffe f yous tQHtosauasb^nhau-eukc^rrut^
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4"c lliponfefuppofie de la &c.
" Ceflez done , jevous prie , de me plaindre
m pour ce regard , ma tres chere mere; louez ». plutck Dieu avec moi des graces qu'U mc » fait , Sc des confolations interieures qu'it 33 m'envoie toutes les fois que je penfe , que 33 dans un efprit d'une veritable foumiffion a 33 fes ordres,j°ai obet a ceux que fa Providence 33 m'a donnes pour mes Superieurs. Ah ! ma 33 tres chere mere , que cette penfee doit a »> raon gre faire impreffion fur l'efprit d'une 33 bonne religieufe , qui marche dans la vote 33 de fimplicite , d'humilite & de detache- 33 ment, tant de foi-meme quedesperfonnes 33 qui doivent en toutes manieres lui etre 33 fufpe&es. 33 Voita, ma tres chere mere, ce que la
33 maladie en laquelle je fuis preTentement 33 m'a permis de vous dcrire. Ne doutez point 33 s'il vous plait, que tant qu'il plaira a mon 33 Dieu de me laifler fur la terre, je n'emploie 33 ce que j*ai de force & de vie pour lui de- 33 mander pour vous le contraire de ce que 33 vous lui demandez pour moi, e^ant per- 33 fuadee que je ne puis jamais vous donner 33 une plus grande preuvede lafinc^rite avec jo laquelle j'ai toujoujours ete , ma tres chere 33 mere, votre tres humble & tres obeifTante 30 fervante, foeur Catherine de Ste Flavie. 33 Excufez , ma ties chere mere , ce griffo-
33 nage d'une perfonne mourante felon Fa- 33 vis de tous les M^decins & la qualiti dfe » mon mal<*. |
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471
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Portrait de la mere Catherine Agnes
par la mere Angelique de S. Jean _,
fa niece.
*> i°. J. Oute la terre dtoit pour elk rem-
*> plie de la majeftd de Dieu. Elk kvoioir » & l'adoroit par-tout. i°. Sa piete n'avoit qu'urv meme objet
*> dans ks grandes & ks petites chofes; c'eft ™ pourquoi elk ks faifoit avec la meme « exactitude. « 5°. C'etoit un temple confacre aucultc
y> de Dieu , dont tout k dehors portoit I'ima- r> ge de la faintete du dedans. *> 4°. Sa lampe, bkn loin de s'eteindre »
» eclairoit toujours ks autres, parceque tou- *> tes fes actions etoient exemplaires& por- » toient a. la vertu, n'y aiant point d'inter- *> ruption dans la fienne. m )°. Les vertus etoient en elk des ha-
» bitudes qui lui ^toien* devenues comme » naturelks par k long exercice qui les avoit — enracinees dans fon coeur , & par la frd - *> quente priere qui ks arrofoit & ks faifoit >j croitre. » 6a. Elk aimoitle filence, II on le peut
*> dire , d'un amour de tendrelk qui la ren- » doit fenfible a tout ce qui intdreflbit la. *> pratique & l'eftime de cette vertu. » 7e. L'inctination que Ton a naturelk-
» ment a fe fatisfaire en tout, dtoit chan- » gee en elk en une habitude de fe morti- » fier en tout. » 8". Elk trouvoit le meme plaifir dans
» ks chofes que Ton difoit d'elk qui alloient » a l'humilier, que ks autres trouvoier.4 m dans ks louanges. |
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47 *■' Portrait
» 9°. Elle avoit tant d'inclination aobeir,
» qu'elle ne difcernoit point a qui elle fe 33 foumettoit, & qu'elle auroit de'pendu dc « la moindre perfonne. « to". Jamais elle ne penfoit qu'elle diit
" fe plaindre de quelque maniere qu'on la m fervit; & fa joie etoit qu'il lui manquat » quelque chofe. " n°. Elle avoit horreur de toutes les fa-
« tisfactions des fens, & elle obfervoit juf- 33 ques dans les moindres chofes de ne pren- 33 dre que le feul neceflaire. 33 ii°. Sa vertu toute fpirituelle ne s'at-
33 tachoit a tien de fenfible; & dans les cho- 33 fes memes de pie'te elle faifoit plus d'e- » tat de la privation qui humilie l'efprit, >3 que de la jouiffance qui le fatisfait & le 3' confole. 33 ij,°. Elle ne fe feparoit pasavecmoins
3» de fidelity des perfonnes, des communi- 33 cations & des connoiflances pour lef- » quelles fa piete lui auroit donnd de l'incli- » nation , que de toutes les autres fatisfac- » tions humaines. 33i4°. Elle favoit que Ton trouve toujours
33 plus allurement Jefus - Chrift a la Croix 3» qu'en tout autre lieu , c'eft pourquoi elle 33 preferoit la mortification d'elle-mime a «• toute autre chofe. » i j°. Ses paroles infpiroient le filence tant
33 elles etoient pleines de retenue & de mo- ss deftie. » 16°. Son filence fervoit autant a inf-
33 truire que fes paroles , parcequ'il reprefen- »» toit l'idee d'une perfonne fpirituelle, dont 33 Tentretien n'eft qu'avec Dieu. 33 17°. Comme il n'y avoit point de vuide
f> dajjs fan caiir, oii tout etoit pleio ds |
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de la mere Agnes. 47 J
as Dieu; elk ne vouloit point qu'il y cut de
»> vuide dans (on terns, & tous les momens *> ^toient remplis, ou du travail ou de la » priere. " 18°. Elle prioit comme fi elle n'eut ja-
» mais du ttavailler , tant fon efprit fe fe- » paroit aifcment des chofes exterieures. " 19°- Elle fe croioit fi fort obligee aa
» travail, qu'elle ne s'en excufoit jamais, *> quelques raiions que fa rdpugnance ou fon » infirmite eulfent pu fournir pour Ten di- »> charger. » io°. Elle prenoit de bon cceur pour elle
» ce que les autres avoient peine a faire, par »' une humilite egale a fa charite j difanc *> que les chofes plus difficiles a entrepren- » dre ne lui faifoient pas plus de peine que »> les plus aifees , parcequ'elle fe fentoit *> egalement incapable de reuffir en tout, fi to Dieu ne l'aidoit. *> zi°. Elle faifoit & difoit (ans reflexion
»> vers elle-meme tout ce qu'elle croioit que oj Dieu demandoit d'elle, fans avoir egard w fi fa conduite feroit agreee ou improuvee , « pourvu qu'elle fatisfit la charite & la ve- » rite^ qu'elle regardoit uniquement. » ii°. Elle trouvoit de l'ennui dans ce
» qui divertit les autres; & jamais fa charite « ne lui faifoit tant de contiainte , que quand » elle etoit obligee par condefcendance de " quitter fon attention ferieufe pour ecouter m des chofes qui ne l'etoient pas. » i;°. Elle etoit morte a toutes les cho-
m fes du monde, & auroit voulu que le » monde eut ete mort & entetre pour nous, » en forte que nous n'euffions jamais entendu m parler de ce qui s'y paiTe. » *4«. Toute fa conduite reprefehtoit
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474 Portrait
» celle de Dicu, qui fait toutes chofcs avec
*> poids & mefure ; car depuis fes plus gran- » des jufqu'aux plus petices actions & pa:- w roles , tout y etoit dans une regie & une *> fagefle qui ne fe dementoit jarnais. » if". Elle etoit de ces veritables enfans
»' de Dieu , dcmt toute la vie n'eft qu'arnour » & obeiflance; ce qui lui donnoit une exac- » titude incomparable pour tous les exerci- *> ces de la religion , ou Ton cceur dtoit ert- » core plus que>fon corps. » x6". Dieu avoit etabli dans fon cceur le
*> roiaume immobile de fa grace, qui lui »> donnoit dans toutes fortes d'eVenemens « une immobility que tout le monde admi- » roit en elle, paroiffant toujours la mime, « quelque changement qui arrivat. » 17". On ne voioit point en elle letrou-
» ble des paffions ; tout etoit calme dans fori » efprit; & ni la joie ni la crainte n'etoient » point capables de faire prendre aucun effort *> ni a fes penfees ni a fes paroles. » i3°. Elle ne difcernoit aucun de ces dons
» admirables que Dieu avoit mis en elle, Sc s> elle dtoit plus perfoadee de fa pauvrere & " que tout le monde toleroit fes deTauts, *> que ne le font ceux qui font infuppoi'ta- *> bles a eux & a tout le monde. » 19°. Elle dtcit incapable de s'excufer,
=> Sc ne le faifoic jamais, parcequ'elle croioir, " quelqu'opinion qu'on eiit de fa conduite , « qu'il y avoit fans comparaifon plus de de- » rauts qu'on n'y en appercevoit; & elle « croioit fe rdjouir de la vdritd quand'elle fc *> rejouiffoit d'etre connue dans fes imper- ii fe&ions. » ?o°. Toute fa difpofition etoit d'anean-
» tiffement , de foumiffion £c d'adoration |
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de la mere Agnes. 473
j> devant la majefte de Dieu , ne recherchant
» ni lumiete, ni fentiment que de favoir que » Dieu eft tout, & que la creature n'eft rien. » }i°. Elle portoit deja graved dans fon
*> ame une image de reternite; car elle ne » regardoit jamais que le moment prefent , » aiant auffi peu d'inquietude fur l'avenir » qu'elle faifoit peu de reflexion fur le parte. " }i°. Sa charite etoit toujours appliquee *> & agiflante, & elle avoit fi preients les » befoins des perfonnes dont elle avoit la « conduite } qu'elle ne manquoit jamais a » pas une. » 3 3°. Elle rachetoit le terns qu'elle don-
» noit a fes exercices fpirituels par le grand » management qu'elle faifoit de tous fes mo- m mens , pour les emploier an fervice du » prochain ; de forte qu'encore qu'elle priat j> plus qu'une autre , elle travailloit aufll » plus que les autre*. " 54°. Sa vigilance & fon foin pour les
» perfonnes dont elle avoit la conduite, K prevenoient tous leurs befoins; & fa pa- 's tknce a les fupporter ne fe lafloit jamais. » 35°. Une feu le parole de Dieu fuflifoic
» pour nourrir fon ame , & elle buvoit cette »> eau fainte comme a la derobee & en par- as fant comme les (bldats de Gideon, dans » les petits momens qu'elle pouvoit ouvrir « un livre. » ;<S°. Son amour pour la priere ^toit ft
« grand, qu'elle s'y delafToit le corps & l'ef- » prit -, & quand fes infirmitis lui otoient le » repos & le fommeil, les pfeaumes qu'elle » recitoit lui charmoient l'ennui des plus » tongues nuits. » 37". Quoiqu'elle ftit en tout lieu com-
» me dans le lieu faint, & qu'elle fut fe |
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■47# Portrait
» paffef de toutes les chofes exterieureg
» quand Dieu Ten privoit, foa ardeur pout " les faints exercices n'en diminuoit point, " & elle avoit une foi deDieu qui ne fe fa- 's tisfaifoit jamais. » 3 8°. L'impreffion de l'^ternelle verite
*> fembloit effacer de foil efptit tout ce qui " pafle avec le terns. Jamais on ne lui en- » tendoit parler des chofes qui lui etoient =3 arrivees,ou de ce qu'elle avoit fait.Elle ou- *> blioit tout ce qui etoit dettiere elle, & ne » regardoit que ce qui manquoit a fa vertu. » 3j°. Son oeil parfaitement Ample s'edi-
» fioit de tout le bien qu'elle pouvoit re- « marquer dans les autres; & une bonne pa- » role qui n'auroit ete dite que par hafard , » lui demeuroit dans l'efprit plulieurs an- w nees. »40a. Elle n'attribuoit qu'a elle feule le
»> peu d'avancement des petfonnes qu'elle » conduifoit; & la priere qu'elle faifoit, » etoit celle-ci ; Vous connoijje^ > Seigneur , » mon ignorance & ma folie; ne permettez » pas que ceux qui vous cherchent aientfu- •3 jet de rough a caufe de moi. » 410. Le feu qui bruloit dans fon caeur
» n'aimoit pas le rafraichiifement , felon » 1'expieulon d'un faint martyr; & elle euc •3 apprehende de l'eteindre, (1 elle eiit pris 33 quelque fatisfaction a s'entretenir des gra- ss ces intdrieures que Dieu lui communi- « quoit, & qu'elle cachoit au contraire fous m un filence inviolable pour les conferver. 33 41°. Elle avoit pour Dieu une faintc
n jaloufie , & pour elle un fi grand mepris, 33 qu'elle ne pouvoit foufFrir la moiudre as louange, cro'iant qu'on deroboit a Dieu „5 tout ce qu'on lui amibuoit a elk. |
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de la mere Agnes. 47'f
» 430. Quoiqu'elle nc put fouffrir qu'011
33 la louat, elk etoit neanmoins infenfible 3j a la complaifance que les autres craignent n dans les louanges; & clle entendoit avec 33 la meme indifference ce que Ion difoit » pour la louer ou pour la blamer; rendant « en l'un & en l'autre a la fcule verite cc 33 qu'elle favoit lui appartenir. 33 440. Sa mort a ete un tableau racourci
33 de fa vie ; & fa detniere maladie qui n'a 33 dure que peu de jours , a ete comme lc 33 tems de la moifion , oii Ton a vu raflcm- 33 bles tous les fruits de l'etcrnitd & toutes 33 les vertus extraordinaires qu'une fi longue 3> & fi fainte vie avoit fait paffer en habi- 33 tude. 33 45°. Quand elle a ete plus proche d'en-
» trer dans la lumiere , elle a connu avec 33 encore plus de clarte fon propre neanc 33 & fa pauvrete , difant avec un profond 33 abbaifiement, que tout ce que Dieu avoit 3> fait par elle n'etoit point a elle , & qu'elle 33 avoit befoin de la charit£ de toutes les 33 perfonnes qui Taimoient, pour lui obtenir m la mifeticorde de Dieu qu'elle n'avoit ja- 33 mais merited. »3 46", La tranquillite de fon ame & cette
»3 immobilite de grace, qui a ete^ toute fa 33 vie le caraftere particulier de fa veitu , a 33 paru d'une maniere fi extraordinaire a fa 33 mort, que tout ce que Ton en peut dire 33 ne fautoit former dans l'efprit de ceux »> qui ne font point vue, l'idee qui en eft >3 demcuree a toutes les perfonnes qui en 33 ont eke* les temoins. 33 47». Sa charitea toujoursete agiffante
>s jufqu'au moment que TEfprit-Saint lui a »» dit de fe repofer de fes tiavaux, 11 fejabla |
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47 8 Portrait
m que fans cc commandement la mort n'a-
s» voit pas aflez de force pour l'empechcr 33 d'agir ; puifqu'aiant perdu l'ufage de tous y> fes fens par rafToupiiTement de la mort , 33 elle repondoit encsre avec le peu de voix w qui lui reftoit & par la douceur de fon 33 vifage, aux larmes & aux prieres de fes 33 filles qui lui demandoient fa benediction 33 & lui recommandoicnt leurs befoins. 33 480. Une perfonne qui n'avoit jamais
m voulu goiiter aucune des douceurs de la 33 vie, m^ritoit bien que Dieu lui adouclt, 33 comme il a fait, l'amertume de la mort; car w apres avoir couronne fa patience par les 33 fouffiances de fa maladie, qui furent ties 33 grandes, il lui en ota de telle forte le fen- 3» timent vingt-quatre heures avant qu'elle 33 mourut, que Ion corps fembloit recevoir 33 quelque impreflion anticip^e de cet heH- 33 reux repos oil fon ame etoit fur le point 33 d'entrer. 33 490. La piete qui fembloit etre fa fe.
33 conde ame , & qui etoit le principe de tous 33 les mouvemens de fon cceur, a paru la »3 derniere furvivre a tous les mouvemens »3 naturels; car ils £toient deja tous Iteints 33 par la prefence de la mort, lorfqu'elle prioit 33 encore & confervoit fon attention aux 33 prieres que Ton faifoit aupres d'elle. 33 5op. Et pour renfermer le tableau de
33 tant de venus dans une feule figure que 33 le Saint Efprit a traced, on peut dire qu'elle 33 eft montde du defert comme une fumee » de mirrhe & d'encens. Sa feparation en- 33 tiere de l'amour des chofes creees , le plai- »3 fir qu'elle a pris dans les exerciccs de la 33 penitence & de la mortification , l'ardeur 3. d'une piiere continuelle qui elevoit fans |
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de la. mere Agnes. 479
» ceffe fon cccur vers Dieu, & la bonne
» odeur de fa charite & de fon exemple qui » attiroit les ames a Jefus-Chrift, font un » abrege de route fa vie «. II manqucroit quelque chofe a Tidce qu'on m.s :x
. . 3 , , * n . v , ,J mete Agues. doit avoir de la mere Agnes, qui a ete pen-
dant rant d'annees Texemple du monaftere de P. R. , fi nous ne parlions pas des ecrits de pidte qu'elle afaits, par lefquels elle en a ^te la lumiere. La premiere production de cette fainte religieufe fut le Chapeletfecret du Saint Sacrement , qu'elle compofaen 1618 , & qui eut des fuites (i confid^rables. Nous n'en parlerons point ici, I'a'iant fait aflez all long, p. 84 & fuiv. a l'annee i6j}. Nous ajouterons feulement ceque la mere Agnes dit dans une converfation (1) a M. le Maitre touchant le Chapelet fecret, & en general fur la maniere dont elle ecrivoit fes ouvrages , Sc ce qu'elle en penfbit.. 33 Ma confolation » eft, dit^elle, qu'on me promet de revoir » ce que j'ecris par l'ordre de mon AbbciTe , 93 & d'en corniger les fautes, Je rougis quand m on m'ordonne de mettre fur le papier les »j penfees qui me viennent dans l'efprit, & »j je ne les vois alors qu'avec honte les ju- 93 geant ridicules, parceque ce qui eft de 33 Dieu eft encore mele enfemble. Mais jc »3 me confole lorfqu'on les corrige , parce» as qu'alors je m'imagine qu'on ne laiffe que » ce qui eft bon & qui ne vient pas de moi. D3 Car je fuis afluree qu'il ne vient pas de S3 moi, ne fongeant jamais a. ce que j'ecris as avant que de l'ecrire, & ne donnant au- ss cune peine a mon efprit en ecrivant. Je me 93 mets devant Dieu , je le prie de me don- 93 ner ce qu'il veut que je donne ; & apres (1) Le ij ottobre i«(j. Mem. T. ;• p. m*»
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480 Portrait
— ccttc priere courte ou longuc, je prens
» la plume me tenant attentive a fon inf- » piration fainte, & fans faire aucun ef- » fort d'efprit, lequel auffi me feroit inutile n n'ai'ant point de fond de raifonnement & »s de fcience. C'eftpourquoi aufli-tot que j'ai » acheve d'ecrire , j'oublie ce que j'ai tScrit, •> parcequ'il n'a fait que pafler par mon ef- » prit fans s'y arreter. Si je me fouviens de » quelque chofe , je crois que c'eft un figne m que cela n'eft point de Dieu , mais de moi; » 8c j'ai remarque que c'eft d'ordinaire ce 33 qui ne vaut rien, ou au moins ce qui eft m moins bon & merite d'etre retrancne. Je » fuis bien aife quand je vois les corrections » qu'on y fait, efperant qu'on en a examine m le refte & qu'il eft fans erreur Sc fans faute; as au lieu que fi on me rendoit un edit fans 9i correction, je croirois que ce feroit une » marque que Ton auroit tout condamne «. Voila ce que penfoit la mere Agnes de fes Merits. Elle en a fait par obeiflance un grand nombre fur differens fujets de piete. On en a imprimd plufieurs ( qui traitent fur tout de l'amour de la Croix & des fouffrances , qui &oit bien grave dans fon coeur ), dans le premier volume des petits trails de piet^ de M. Hamon, publie en 1671 , reimprimc ea I7J4-
C'eft la mere Agnes qui a dcrit les Conftt-
tutions de Port - Ro'ial, qu'on peut regarder autant conime 1'cfFufion des fentimens de fon cceur, que comme le fruit des inftructions des pieux & favsiis Direfteurs de cette fainte maifon. Elles etoient pratiquee depuis long- terns; & l'experience qu'on en avoit faite en prouvoit deja la folidite, lorfque quelques wns des amis les firent imprimer en mil fix cent:
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de la. mere Agtlhs. 481
cent foixante & cinq pendant la persecution.
La meme annee on donna encore au pu- blic avec approbation & privilege un autre ouvrage de la mere Agnes , intitule : I'Image d'une religieufe parfaite & d'une imparfaite ; avec Les Occupations interieures pour toute la journee. Ce livre qui etoit fait depuis plu- fieurs ann^es ne fut public qu'en 1665 pen- dant la captivite de celle qui l'avoit compo- fe. Quelques ennemis de P. R. pretendirent Relation de qu'il v avoit des chefes daneereuies dans cet caPtI1'- de '.a
» • ' ..,,« i- &i 1 < • mere Eugenie ecnt; mats M. de Perefixe , dont le temoi- p_ I9_
gnage ne peut etre fufpedT:, dit qu'il dtoit Relation de
tres bon & ne contenoit rien que d'utile. Une la four Gc-
religieufe de Sainte Marie, du nombre de eel- HjVleve de
les qu'on avoit mifes dans le monaftere de ti l '
P. R. pour fervir de gdolieres, aiant vu cet
ccrit ne fit pas de difficulte de dire qu'il fal-
loit que la mere Agnes fut toute abimee en
Dieu pour avoir compofe un ouvrage fi eleve,
Peu de tems avant que laperfecution com-
mencat, la mere Agnes prevo'iarit ce que les leligieufes avoient a craindre, fit un autre ecrit fur la conduite qu'elles devoient tenir y fous ce titre : Avis aux religieufes de P. R. fur la conduite qu'elles doivent garder , au cas qu'il arrive du changement dans le gouverne- ment de la maifon. i°. Ce qu'il faut faire , 3» fi on enleve 1'AbbefTe. i°. Ce que Ton 33 doit faire fi le Roi nommc une Abbeffe. 3j 3°.Ce qu'il faut faire fi l'pn met des reli- 3> gieufes ^trangeres pour gouverner la mai- 3> ion. 40. Comment on fe doit conduire a 3» l'egard des Confefleurs 8c de la fainte Com- 3j munion. j°. Comment il faudra foufFrir 3> les mauvais traitemens. 6°.. De la charit£ 3j mutuelle. 7°. De la pauvret£. 8°. Renon- m cement aux confolatioris humaines. 30. Da Tome VU. X
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482 Portrait de la mere Agnesl
=> parloir. io°, OWiflance dans les chofcs *> qui ne portetont point de confluence; » Refus des entretiens avec les Direcleurs. » ii°. De la le&urc. iz°. Des Sermons x> Sc des Conferences particulieres. ij°. »> Des Retraites. 140. Des penitences ex- *> traordinaires. 15°. De la privation du Sa- 53 crement de l'Euchariftie. 16°. De la pri- a> vationdela lefture de l'Evangile. 17°. A- » vis pour celles qu'on otera de la maifon. sj 180. De l'obeiflance. 19s'. Du Breviaire. » xo°. Quelle doit etre leur difpofition dans s> les mailons etrangeres. 11°. Sur leurs Com- 33 munions. xi*. Sur les Confeffions. 13°. Sur » la nourriture & les infirmites qui pour- n ront furvenir. 14°. Surle travail des mains. 33 15*. Su* les maladies. x6°. Sur les mau- 3> vais traitemcns & le delaiffement a la 33 mott". La mere Agnes donne fur tous ces articles des avis fi fages, que M. Arnauld en aiant eu communication,temoigna par un billet en les renvoiant, qu'il n'avoit rien vu de plus folide Sc de plus ^difiant. 33 Je vous 33 renvoie parM. de Sainte Marthe, dit-il, 33 l'ecrit de la mere Agnes. Je l'ai la tres » exa&ement, & je vous avoue que je n'ai s> jamais rien vd de plus edifiant & de plus j» folide ; pourvu qu'on en retranche ce que 33 j'ai marqud avec du craion«. La mere Agnes avoir commencd au mois de juin 166} de drefler ces avis. La mere Angelique de S. Jean, fa niece, les fit lire au chapitre fan 1680, & fit deffus des reflexions qui ont 6t6 impiimees avec les Avis en 1737. On trouve . les Avis imprimes fepardment dans un petit ^Recueil in \i publie en 1718.& en 17x4 dans la Relation de la captivitc de la mere Agnes. |
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» -. - ra«w
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de la mere Agnes. 485
Outre ces ecrits de la mere Agnes, on a
lecueilli plufieurs de fes lettres, Rien n'eft plus capable de faite connottre quel etoir fon efprit. Le nombre n'en eft pas fi grand que de celles de la mere Angelique : on voir dans celles-ci plus de force, & dans celles dela mere Agnes plus de delicatelTe. Mais les unes & les autres font pleines de l'Efprir de Dicu qui animoit ces faintes filles , & qui les avoit comblees d'une fi grande abondance de cha- ritd & de lumieres. |
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Lettre des Religieufes de Port - Ro'ial
des Champs au Pape. |
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Res Saint Pere, difent ces faintes fil-
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les , la confiance qu'infpire a tous les en-
35 fans de l'Eglife une reputation audi grande 33 que celle qui eft repandue par toute la » terre du zele & de Implication de Vo- 33 tre Saintete aux beioins de la famille de » Jefus-Chtift, dont il vous a commis la » charge comme a un difpenfateur fidele , » nous avoit deja donne la hardiefle de pa- ss roitre une fois aux pies de Votre Sain- m teti (3), plutot pour y re'pandre des lar- (3) Elks avoient ecrit tutions afin de les fake
au Pape lei^ raai piece- examine'j que Sa Saintete dent , pour lui deraan- avoit temoigne etre in- der l'approbation de leurs formee de la regularite & Conftitutions. La lettre 8c de la vettu des religieu- leseonftitutionsluifurent fes, qu'elle compatiflbit pr6fent6es par M. de Pont- & leur affliction , 8c les ex- chateau , qui fit reponfe le hortoit a beaucoup prier. i j feptembre fuivant. Il Le Lefteur trouvera dans niarquoit dans fa lettre les Mem hid. T. z. p. que le Pape avoit deman- 197. la lettte de M. de de qu'on fit une traduc Pontchateau 8c la r6ponfe tionen Italiea desConfti- de 1'AbbelTe p. 198. XJj
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4? 4 Lettre des Relig. de P. R. des C.
x mcs & attircr fa companion , que pour lui
:» demander aucune grace. Nous ne faifions 55 que lui reprefenter nos longues fouffran^ 33 ces & l'etat oii nous reduifoit de nouveau a= la haine gratuire des perfonncs qui ont 33 conjure notre mine depuis tres long terns , 33 & qui ne perdent point d'occafion d'ani- 33 mer contre nous les Puiflances de 1'Eglife m 8c de l'Etat. Car c'etoit afTez pour nous M de favoir que Votre Saintete avoit la bon- 33 te d'y compatir, comme elle abienvoulu 33 qu'on nous en aflurat de fa part. Nous m aurions trouvd notre joie & notre repos »3 dans cette aflurance , fi on nous avoit 33 laiiTc au moins la liberte de fervir Dicu :» dans l'etat d'humiliation & de privation 33 oii Fob nous avoit rdduites. Mais les cho- 33 fes u'en vont pas demeurer la , tres Saint 33 Pere ; nous nous trouvons dans la necef- 33 fite de demander la prote&ion de Votre 33 Saintete contre la malice fpirituelle d'un 33 ennem.i invifible, qui veut renverfer les 33 fondemens du temple de Dieu dans nos 33 ames , 8c qui fait dire a tous ceux dont, 33 il-fe fert dans ce deflein : Exinanite, 33 exinanite ufque ad fundamentum in ea, 33 Perfonne ne doute que tout ce qu'il peut, 33 y avoir de piete & d'obfervance dansune 33 maifon religieufe eft etabli fur la bonne 3> conduite des perfonnes qui la gouvernent. 33 Toutes les regies anciennes 8c nouvelles 33 qui ont ete faites par les faints fonda- 33 teuts des Ordres religieur, & approuvees 33 du Saint Siege , n'ont jamais prefcrit l'Of 33 beiflance que l'on doitjaux Superieurs, 33 qu'apres avoir marquejles qualites quedoi- »3 vent avoir cesSupcrieurs, & le foin que l'on »> doit prendre de les clire tels qu'ils foient |
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au rape. 4S5
s> eapables de conduire a Dieu ceux qui fe
55 foumettent a eux, & non de les egarer 33 de leur chemin , ou de les prexipiter com- m me des aveugles qui conduifent d'autres 3j aveugles , & qui tombent enfemble dans 33 la forte. 33 C'eft neanmoins le deffein que nous ap-
33 prenons que Ton a prefentement pour 33 achever de nous ruiner fans refiburce. II t> faut avouer a Votre Saintete , dont nous 33 favons que le cceur n'eft pas infenfible 33 fuper contritionem Jofeph , que ce dernier 33 coup nous abattroit tout-a-fait, & nous 33 jetteroit dans la derniere defolation , fi 33 heureufemtnt il ne nous jettoit dans le 33 fein de votre charite paternelle, puifque 33 Ton ne peut rien executer dans une entre- 33 prife fi injufte que Ton ne foic oblige de 3- s'adrerter a Votre Saintetd pour en avoir 33 la confirmation. Pardonnez , tres Saint 33 Pcre , a notre douleur 11 nous ofons , dans 33 cette prertante occafion , vous adrefler les »3 paroles que le Saint Efprit adrefle dans 33 l'Ecriture a ceux qui tiennentle rang qu'il 33 vous a donne dans l'Eglife : Eas qua. 33 ducuntur ad mortem liberare ne cejjis. 33 II n'y va plus d'un bien temporel : nous 33 avons deja foufFert qu'on nous enlevat 3j une maifon de plus de jooooo liv. tome 33 bade des aumones de nos parens & des 33 amis que Dieu nous avoit donnas, qu'on 33 y ait encore applique le tiers du bien dc 33 cette communauti , fans qu'il y cut aucun 33 pretexte de nous traiter de la forte dans 33 un tems oil l'Eglife venoit de nous rendrc 33 la paix & etoit fatisfaite de notre conduite. 33 II n'y va plus feulement de notre repu- 33 tation, Si nous fouffions depuis fix mois X iij
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486 Lettre des Relig. de P. R. des C.
33 fans nous plaindre une diffamation publi-
» que par le traitement injurieux que Ton 33 a fait a cette communautd & aux Eccld- 33 fiaftiques qui lagouvernoient, avec fi peu m de fujet que notre Archeveque nous a de- 33 clare lui-meme, que nous n'y en avions w donne aucun Sc qu'il a loue notre con- 33 duite. 33 Mais il y va dans cette derniere affaire
33 de la perte des ames pour lefquelles J. C. 33 eft mort & qu'il a mifes entre vos mains » comme un facr£ depot pour lui en repon- 33 dre. Vous nous tenez fa place, ties Saint 33 Pete , & en cette qualite nous vous difons 33 avec des gemiifemens & d;s larmes , dont 33 la tendreffe paternelle de Votre Saintete »j ne pourroit pas lVetre point touchee , fi 33 elle en etoit temoin comme Dieu : Fallus 33 es fortitudopauperi, fortitude egeno in tri- y> bulatione fua, fpes a turbine , umbraculum 3> ab aflu- Car la colere des puiffances eft 33 comme une tempete qui vient fondre con- si tre cette maifbn ; & fi elle n'eft protegee 33 fous l'ombre de vos ailes , il n'y a plus rien y> a efperer pour nous quand nous nous ver- 33 rons livrdes a nos ennemis, qui triomphe- 33 ront de leur vicTioire, & qui n'auront plus 33 d'autre application que de renverfer tout >3 le bien que Ton travaille a e'tablir & a 33 maintenir depuis foixante-dix ans dans 30 cette maifon. lis n'y fauroient reufTu fi
31 Votre Saintete s'y oppofe. C'eft en elle
3> apres Dieu,que nous mettonstoute notre 33 confiance: nous embraffons fes picds facrcfs: 33 & nous lui proteftons que nous ne les 33 abandonnerons point qu'elle ne nous ait 33 donnd fa benediction , de meme que nous »3 ne cefferons jamais de faire des voeux ar- |
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a« Pape. 487
43 dens a Dieu pour attirer fur eile la pleni-
» tude de toutes les graces que Jefus-Chrift. 33 eft venu apporter au monde, qu'il verle 33 plus abondamment fur le Chef ahn qu'elle 33 fe repande jufque fur les franges de la 33 robe. Cell dans ce rang & avec un tres 33 profond refpect, &c. |
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Requite des Religieufes de Port-Roial
des Champs au Roi. 33 Les Abbefle & Religieufes de Port-Roial
33 des Champs fupplienc tres humblemcnr 33 Votre Majeste de trouver bon qu'elles 33 prennent la liberte de lui reprefenter que 33 quelque preffante que foit la neceflkd ou 3> eiles fc trouvent de recourir a la bonte & 33 a la juftice de V. M. l'extreme defir qu'el- 33 les out de lui ob;ir leur a fait preferer ce 33 devoir a leurs intetets & a fufpendre juf- 33 qu'a cette heure les mouvemens de leur 33 douleur. Mais apres avoir entieremeni 33 execute fes ordres , nous croions , Sire, 33 avoir fujet d'efperer de V. M la grace d'en 33 etre entendues, & nous ofons nous, jetter 33 a fes pieds avec un profond rcfpe<3 pour 33 la conjurer par le Sang de Jefus-Chrift de 33 nous faire favoir au moins par oil nous lui 33 avons deplu. Nous avons toujours regarde 33 l'obligation de lui obeir & de nous confor- 33 met a fa volont^ corame tenant le pre- ss mier rang entre nos devoirs apres ce que 33 nous devons a Dieu. Et c'eft le comble »3 du malheur, Sire } pour des f erfonnes X IV
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48 8 Requite des Relig. deP. R. des C.
=3 elevens dans ces fentimens, de voir que
=> d'un cote elks font mal dans votre efprit, » & de ne point voir de jour a fe retirer w d'un etat (i douloureux faute de favoir ce » qui nous y a mifes & ce qui nous y tient. =» La fidelity que nous aurions a reparer le " mal, s'il nous dtoit connu , flechiroit fans " doute la bonte de V. M. Sc lui feroit " voir qu'il n'y a point de communaute 33 dans ion Roiaume qui ait plus d'envie « de lui plaire & de lui marquer fon rcf- » pedl & fon obeiffance. 33 Pendant qu'on effaioit de rendre notre foi
x> fufpette, & que feu M. l'Archeveque de » Paris nous traitoit comme des perfonnes =o defobciilantes & rebelles a l'Eglife, nous 33 n'etions pas furpiifes que V. M. fur le te- as moignag'e de notre Archeveque nous fit x fentir les effets de fon indignation parcils 35 a ceux qu'elle nous fait fouffrir aujour- » d'hui. Mais deputs que toutes les Puiffan- » ces de l'Eglife ont paru fatisfaites de nous =3 & convaincues de la purete de notre foi 33 & de l'innocence de notre conduite, nous » ne favonSj Sire , ce qui peut nous attirer =3 les traitemens que nous fouffrons fous lc »3 meilleur , le plus jufte & le plus grand 33' de tous les Rois. M. l'Archeveque dans le » tems meme qu'il nous a apporte les ordres m de V. M. nous affure qu'il eft tres con- 33 tent de notre foi & de nos moeurs ; qu'il 33 fait que nos penfionnaires font tres bien 33 elevees, que nos ConfefTeurs font des gens 33 de bien, & qu'il eft tres aife qu'ils faflent »3 toutes fortes de fon&ions dans fon Dio- 33 cefe. II femble que nous avions tout fujet 33 de nous croire en furete apres un pareil as temoignage, dont il s'eft encore explique |
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au Roi. 489
» depuis a des perfonnes de nos amis & a
■>■> des parens'de nos penfionnaires. Audi eft- w ce tout ce que no ^s aurions pu defirer de . 33 plus fort contre toutes les accufations 33 qu'on pourroit former contre nous, que le » fuffrage de celui a qui il appartient de nous *> juger. Cependant, Sire , cette fentence 33 d'abfolution prononcee par la bouche de 33 notre Juge eft fuivie desmemes peines dont *> le pourroit etre une condamnation en tou- 33 tes les formes ; & en meme-tems que M. m I'Archeveque de Paris nous declare^comme 33 notre Archeveque Sc notre Juge , qu'il eft 53 content de nous & de la maniere done 33 nous elevons nos penfionnaires , auffi bien 33 que de la conduite de nos Confeffeurs, il 33 vicnt comme porteur des ordres de V. M. 33 nous oter & nos ConfelTeuts &: nos pen- 33 fionnaires, & nous defendre de recevoir 33 des novices, jufqu'a ce que nous foions 33 reduites au nombre de cinquante. II nous 33 a dit pour toute raifon que V. M. le veut. 33 Mais nous favons que V. M. ne veut que •3 la punition des coupables , Sc non pas l'op- 33 preffion des innocens ; & que puifqu'elle 33 nous punit , il faut qu'elle nous regarde 33 comme coupables. Voila , Sire, cequi fait 33 notre douleur. Ce feroit peu pour nous 33 que de fouffrir, il y a long-tems que nous 33 y fommes accoutumees , Sc nous n'avons 33 embrafle la vie religieufe que pour ap- 33 prendre a fouffrir. Mais, Sire, nous ne 33 pouvons nous accoutumer a pafler dans 33 l'efprit de V. M. pour ce que nous ne fom- 33 mes point. Ceft meme une partie du ref- 33 pecT: que nous lui devons que de ne lui 33 laifler aucune opinion de nous qui puifTe *> lui fake de la pcinej & s'il nous eft di- X V
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~~~"77*'^'»*?
45»o Requete des Relig. de P. R. des C.
33 fendu de fcandalifer le. moindre de nos
3j freres, que ne devons nous pome faire pour 33 ne pas etre un fujcc de fcandale a notre 33 Souverain ? Si nous etions capables de re- . 33 noncer fans peine a l'honneur de fon ap- aa piobation, ce feroit alors que nous ferions 33 v&itablement coupables. Que pouvons- » nous done faire, Sire, pour lui montrer D3 que nous n'en fommes pas tout-a-fait in- 33 dignes : Si ce n'eft pas affez du tdmoigna- » ge de notre Archeveque, nous nous fou- n mettons, Sire, a etre jugees felon toute la m rigueur des jugemens canoniques par les =3 plus gens de bien de votrc Roiaume, Sc » nous demandons a V. M. pour toute grace =3 d'etre traitees commeles plus criminelles, 33 & de n'etre pas punies fans etre entendues. 33 Car nous ne pouvons pas, Sire , ne pas 3' regarder comme une punition l'etat ou on 33 nous reduit, puifqu'il eft contraire a celui 33 ou V. M. nous avoit mifes elle-meme au «3 terns de la paix de 1'Eglife. Nous etions 33 autant de religieufes que preTentement, 33 outre celles que M. l'Archeveque de Pars 33 approuva que nous recuffions. Audi - tot 33 apres notre retabliffement, V. M ne crut 33 pas que nous n'avions pas affez de bien 33 pour cela, puifque e'eft elle;~meme qui 33 nous a marque celui que nous devons a- 33 voir en partageant le bien qui appartenok 33 en commun aux deux maifons avant qu'el- 33 les fuffent feparees. On ne jugea done 3> point alors que cela fut contraire aux Ca- 33 nons qui veulent qu'on he re^oive qu'au- 33 tant de filles que chaque monaftere en peut 33 nourrir, afin que Ton n'ait point de pre- 3j texte d'exiger des dotes. C'eft audi ce que 33 nous avons toujours obferve fort exaAe^ |
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au Roi 491
« ment, fouhaitant de fuivre en tout les re-
33 gles de l'Eglife & les ordonnances de V. M. n & ne craignant tien tant que d'etre a char- 33 ge a qui que ce foit & de nous voir ex- 33 pofees a la tentation de chercher none 33 fubfiftance par des moi'ens indignes de la 33 faintete de notre vocation. Nous avons , 33 Sire , de la peine a croire que V. M. etant 3j informee de toutes ces chofes , elle vou- 33 kit fermer l'entree de notre maifon aux 33 perfonnes qui croiroient y ette appellees 33 de Dieu pour y faire leur falut; priver un 33 grand nombre d'enfans de ('education 33 chretienne qu'on tachoit de leur donner , 33 & nous priver nous-memes des fecoursde » ceux qui nous menoient a Dieu, & qui 33 foutenoi:nt notre foibleire dans le cours 33 d'une vie audi auftere que celle que nous 33 avons embrace. Nous avons tout quitte 33 pour Dieu , Sire, & ee feroit manquer 33 a ce que nous lui avons promis que de 33 laiifer fubfiftcr volontairement dans notre 33 cceur aucun autre attachement que ce- 33 lui que nous devons avoir pout lui; mais 33 c'eft cela merne qui nous oblige de n'etre 33 pas indifferentes pour ce qui nous peut 33 conduite a lui. C'eft ce qui fait la leule 3> confolation que nous chetchons en ce 33 monde; Sc cependant c'eft celle dont V. M. 33 veut que nous demeurions privees, fi tou- 33 tefois elle le veut encore. Nous ne le fau- 33 rions croire , & nous prefumons trop de 33 la bonte & de la juftice de V. M. pour 33 ne pas efperer que l'etat oii nous nous 33 trouvons reduites pat ces ordres de V. M. 33 la touchera de compaffion; & qu'aprcs 33 avoir vii avec quelle promptitude nous y 3a avons oWi , elle ptendra au moins les X V}
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y
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4?2 Requete desRelig. de P. R. &c.
33 voies qui peuvent lui faire connoltre fi
» nous fommes coupables de quelque chofe » qui ait pu attirer fur nous ces marques de » fon indignation. Nous prions celui qui 33 tient entre fes mains les cosurs des Rois m de rendre V. M. fenfible a not re douleur, » & nous efperons qu'il ecoutera la voix de M nos larmes, & qu'il nous donnera fujet »s d'ajouter l'a&ion de graces pour le titz.- 33 blilTeroent de notre maifon, aux vceuxcon- 33 tinuels que nous avons toujours faits, & 33 que nous feions toute notre vie pour la » confervation de votre Perfonne facree. |
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' ,JSfe±g£&A*£±±±±±±±i
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TABLE
ALPHABETIQUE
Des principales Matieres contenues
dans ce Volume. |
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A KAK1A , (Charles)
Dumont, fes bonnes qua- lities, fa vie, fa more, p. Annat, (le Pere ) Je-
fuite , fa more, p. i;. Arnauld (Agnes) Reli-
eieufe de Porr - Royal, ecrit £ la fceur Fla- vie malade a la mort , pour la faire rentrer en «lle-meme , p., 9 10,466. Recapitulation de fa vie , de fes vertus, &c. 14, 39. fon portrait par la Mere Angelique de Saint Jean, 471- Arnauld (Angelique de
S. Jean d'Andilly ) Reli- gieufe de Port - Roial ; fon fentiment fur une pre- tendue lettre de la foeur Flavie, Scrite au lit de la mort, 11. fur l'elSva- tion de Monficur de Pom- ponue a la Com, 4S. fa profelfion , fa vie, fes vertus, Z76- &c fa con- dujte a l'egard <le la fi- lature, 181. facaptiyi- |
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te, fes peines interieures
& exterieures , z8i &c. compofe quelq.ecrits dans fa captivite , i8«. elle en fort & en fait la relation, 187. Relation de fa cap-
tivite , fon efprit de pau- vrete & de detachement , 188. eftelue Abberte.iJii.
fes difpofitions fur la dif- grace de M. de Pompon- ne, 349. ecrit au t'ape pour le prier de mainte- nir leur droit d'elire leur Abbeffe , £fi, confulte M. Arnauld fur le p ojet qu'on avoit de leur don- ner une Abbefle perpe- tuelle , j y <S. prepare fes Religieufes a la perfec- tion , 3S7. rec;oit deux Novices aprofeilion,)«;. Traitement indigne qu'el- le re^oit du fieur Poligne » it?. Elle ecrit £ M. le Cure de S Benoit, au fu- jet d'un Sermon fcanda- leux du fieur Poligne, 370. veut empe'eher le fieur Poligne de predies |
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TABLE
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494
le jour de Paque , 37S.
ecrit 4M.de Paris une lettre de remerciment fur la fortie de P. R. du fieur Poligne , 380. demande la permiflion de dire le Pfeaurier dans la femai ne, 584. fa lettre a M. de Paris, au fujet d'un entretien de ce Preiat avec M. le Moine , 392. clle demande M. de Saci pour confeifcr une Reli- gieufe , 4C0 fait faire des prieres &c un vceu pour obrenir la liberte d'elire une Abbeile, 404 , &c. eft continueeAbbeile,ecrit a M. de Paris fur fon elec- tion , 410 &c. demande des Confetleurs ,41*. de- mande la continuation des pouvoirs de M. le Tour- neux , 438 , &c. rec^it trois Religieufes de Liefte, 441. Arnauld d'Andilly re-
tourne a P. R. apres la perfecution , iff, fa vie dans le monde & a la Cour, dans la retraite , I 9 1. fa charite envers Dieu, 191. envers le pro- chain , 191. fa mort, 187. fon eloge par M. Arnauld le Do&eur, 189, &c. Arnauld ( Antoine ) ,
Do&eur de Sorbonne , re- fute M. d'Aubuflon, Ev. d'Embrun , dans une re- quete au Roi; precis de tette requete, 151, &c. On indifpofe le Roi con- lui , 258. il fe juftifie , 159. fa retraite hors du Reiaume , 354. fes fen- umeus au fujet des perfe- |
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cutions, jj«, &c. ConP
ternation que caufe fa retraite., 341. fa reponfe a la Mere Angelique de S. Jean fur le projet de leur donner une Abbeffe per- petuelle, ??«. Arnauld ( Marie-Char-
lote de Ste Claire ) d'An- dilly , Relig. de P. R. , fa chute dans le terns de fa captivite, caufe de fa chute , 295 , &c. Elle eft trompee par M. Cbamil- lard, 29?. Dieu la rap- pelle de fon egarement, 297. fa joie d^etre trans- feree aupres de la Mere Agnes, elle fe retraite par eerie , 198. fa mort , 299, Arnauld ( M ) de Pom-
ponue , eft fait Secretaire d'Etat, 4?. fa difgrace , 349. note 28. Aubuflbn ( George d')
Archev. d'Embrun , rend une Ordonnance contre le nouveau Teftament de Mons , rji. prefenre une requete au Roi contre MM. de P.R., 132. mor- tification qu'il efluie a la Cour au fujerde fa reque- te, 137. B
X5Arcos (Abbe de ), fon
education , 191. fon atta- chemeut a P. R. ibid, il fe retire a fon Abbaie de S. Cyran ; bien qu'il y fait, fa vie dans fa re- traite, fa mort, 291 , 292. Beaupuis ( Walon de J
fa vie , fa mort , 41S » note. |
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DES MAT
Bcffon, Curede Magni,
couteftation qu'il a avec P. R. 45«. fon attache- menc pour cette maifon , part qu'il a au fameux cas de confidence , fa molt , ibid, note. Bourneau , ( Elifabeth )
fa naiffance , 18. fa vie des l'enfance , eft Tour- riere i P, R,, en eft chatTee par M.dePerefixe, fa mort, 19 , 20. Burlug.ii , 417. note.
Buzenval ( Nic. Chouart de) Eveque de Beauvais, 270. note. C
Vj Aulct, ( FrancoiY )
Eveque de Pamiers, 35S. note. Champagne , Peintre
celebre, ij>9. ibid, note 17-
Charles de Vertus, Cure
de S. Lamberr, fa vene- ration pour P. R. , fa morr, 141. Cyran , ( Abbaie de S. )
fa deftrn&ion , 192.. note. Comte , ( Dorothee de
Klncatnation le ) Relig. de P. R. 100. fa conduite dans les charges qu'elle y occupe , ibid, elle eft ar- rachee de fon monaftere par M. de Perefixe , ibid. erriifion de fon cceur en fortant, eft conduite a la Vifitation de la rue Mon- torgueil, 201. fa repu- gnance pour la fignature, 101. recoit la viiite du P. le Comte , Jefuite , de 1'Eveque d'Amicus 8c de M, de Paiis, 101,105, |
IERES. 49f
ecrit & M. de Paris, pei-
nes que lui caufe fa leitre, loj, 104, fes allarmes par la crainte des vilires de M. de Perefixe , 104. Ce Prelat la vifite ,105. fes peines d'efprit, 205 , tec. Elle demande M. Chamillard , chancele , in, in. Ses agitations & fes peines d'efprit re- doublent, 212 & note. Elle refufe de figner , fes- doutes contrnuent, 2.14 , 21$. prend la refolutlon de ne pas figner; fes pei- nes cciTent , elle tombe malade , 116. fes difpoli- fitions a l'egard de la Bulle d'Alexandre VII , 117. M. de Perefixe lui tend un piege ', promelTe qu'elle lui fait, 218, 21^. elle lui promet I'indirfe- rence , 210 , nr. Peines que lui caufe cette pro- mefle , 111. elle eft con- fo'tee par4eVkaire de S. Medard , fervice que lui rend ce Vicaire , 111, &c. fa delivrance , elle retour- ne & P. R. des Champs, demande pardon a la Communaute de s'etre af- foiblie , 22 s, fa derniere maladie , fa mort , 227. Conti , (le Prince de )
fa converfion , fa vie pe- nitenie , 119 , Sec. On lui refufe les Sacremens a la mort, 124. fon eftime pour P- R. Trait de ref- femblance entre ce Prince &c le Uuc d'Orleans der- nier norr, ny. fa more* fa fcpulture, riff. Conti, ( Anne-Marie
Mauinozzi, PtinceiTede> |
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49« T A
fa convcrfion , fa
145.
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BLE
forties de P. R., douleur
qu'elles en temoignenr , 317 On yeut in roduire chez elles la fignature du Formulaire ; rrois Reli- gieufes fonr transferees a P. R. des Champs, 445. 8cc. Guard , le jeune , eft
choiil par les Religieufes de P. R pour accomplit un vceu qu'elles ont fait, leitre ediname qu'il ecrit a ce fujet; vceu qu'il fait pour aftion de graces, 40S , 409. Girout, ( Antoinc )
Solitaire de P. R., fa vie, fa mort, 150 , &c. Gondtin, (de ) Archev.
de Sens, fe charge de ne- gocier la paix de i'Eglife , 119. Son attachement a P. R. , 197. Avis qu'il revolt deM.de Saci 7ibid. fa mort, 198. Grenet, Cure de Saint
Benoit, Superieur de P. R. fait une vi'ite a P. R. de la part de l'Archeveque , 145. Glorieux remoigna- ge qu'il rend aux Relig. 14S. eftmande par M. de Harlai, qui l'interroge fur P. R., 314. rec,oit deux Novices a profelfion, 579-
Guenegaud, ( Elifabeth
de Choifeul Praflin ) on veut lui rtfufer les Sacre- mens , parcequ'elle eft amie de P. R. 144 & In note ibid. H
H
Ameau , ( Louife-
Madcleine du ) de la |
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D
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D.
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rie , ( Francoife de
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Saince ) Relig. de P. R. ,
fon humilite , 431. fa more, 431. Souge qu'elle eut dans fa derniere ma- ladie , & accompliflement de ce fonge , 451, &c. Doamplup , ( Jean )
Solitaire de P. R. . fa mort, 41. Drui, ( Magdcleine des
Anges Marion de ) fa mort, 40. |
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XL Pinoy, ( Raphael le
Charon d') Solit de P. R. fa vertu , 15; , fa mort, 15*. F
X^ Argis , ( Marie de Ste
Madeleine du) eft conti- nuee Abbeffe ,135. f ournier, ( Louis) ami
de P. R., fa mort, 157, note 41. Fromageau, Vicegerent
de l'Ofricialite de Paris, envoTc a.Port-Roial des Champs, pour faire vifi- te, 311. |
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Vj Ibron , ( Paul - Ga-
briel ) Solitaire de P. R., fa converfion , fa mott, 167, i«8. Gif, ( les Religieufes
de ) recoivent defenfe de lecevoit des Penlionuaires |
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DES MATIERES.
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497
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celle de Paris, 344, 8cc*
refufe de prefenter au Roi une requete des Reli- gieufes , 361. permet la reception de deux Novi- ces, 303. nomme M. le Moine Confefl". de P. R., 589. reproches qu'il fait aux Religieufes , 387, See. ordonne a M. le Moine de fortir de fon Diocefe , 397. fa reponfe a une leitre de la Mere Angtli- que de S. Jean fur fon election,414- donne M.le Tourneux pour Confefl". de P. R., 411. permet la tranflation de trois Relig. de LielT'e perfecutees , & P. R. des Champs , 441, 8cc. permet que M. Aka- kia aille a P. R. pour rendre fes comptes, 450. Hecaucourt, ( Angeli-
que de S. Alexis d') fa mort, 159. Houflaye , ( Pelletiet
de la ) Maltre des Reque- tes, fa mort, 199 » note 19-
Hurlot, (Jeanne-Marie
de Ste Perpetue ) fa mort, fon eloge , 191, 8cc. |
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Charonniere , Religieufe
de P. R., fes verms, fa mort, ic6. Hamelin , (Marguerite
de Faveroles, veuve ) amie de P. R. , fa raort , 453-
Hamon, tombe mala
de , 8c recouvre la fame par les prieres de P. R. , 45<-
Harlai, ( de ) Archev.
de Rouen , ell nomme a I'Archeveche de Paris ; ecrits qu'il faut^ confulter pour le connoitre , n , &c. Difficulte qu'il fait pour accorder a V. R. la permiflion d'elire l'Ab- belle, 134. Ses mauvais defTeinscontveP. R J41- envoie faire vifite & P. R. 3iz. mande leSuperieur, 314. va a P. R.. defend d'y recevoir des Religieu- fes , ordonne de renvoi'er les Poftulantes 8c les Pen- fionnaires, 8c a un Eccle- fiauique d'en fortir ,315, Sec. II donne une parole 8c la viole, 31;. fait de- fenfe aux Relig. de Gif de recevoir des Penfionnaires de P. R., 517- Temoi- gnage eclatant qu'il rend a P. R. , 31S. Ptetendues raifons qu'il apporte pour j unifier fes exces contre P. R. , 3jo,8cc. fait for- tir les Confefleurs, 331. conditions qu'il exige pour en appouver d'au- rres, 333 . 4°'- xl veut faire chaffer les Domefti- tiques, 3 34. veut metrre une Abbeffe Titulaire a P. R. 34;. veut reunir la Maifon des Champs 8c |
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L
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Alane , ( Noel de )
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Dofteur de Navarre, (i-
gne la requete contre .M. d'Embrun, 131, &c. fa mort, 15S. Le Fevre, ( Soeur Franc,
de StePaule) Chantereau, fa mort, 157 , note 41. l/it , (Felix ) Cute de
Macui, fa mort, 41. Liancourt, (Roger dn
Pleflis Ducde) fes quail- |
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i
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B L £
vient a P. R., 130. ki
peincs d'efprit , ibid, fa derniere malad<e , fa vet- tu dans les fouffrances, l 3 1. fa mort, 133. Liefle , (les Religieufes
de) perfecu-ees pour la fignautre du Fcrmulaire ; trois d'entr'elles font transferees 4 Pott Roi'al des Ch.imps, 441... .449. Lombard , ( Jeanne
Radegonde de S. Fare ) Relig. de P. R., fa mort, 40. Longueville , (le Due
de ) admire la piete de la DuchelTe fon epoufe , 91 r &c. Longueville , ( Anne-
Genevieve de Bourbon f Duchefle de ) defaut dans- riiift. de fa vie par M. de Villefore , y« , &c- fa naiiTance, fes premieres difpofitions , 60. de-Ire d6tre Carmelite, 61. oil Poblige d'aller au Bal ; preparation qu'elle fait , effbt qu'il produit fur elle , 61, &c. part qu'elle eut aux inurigu.-s des Prin.-. ces contre le Gouverne- ment, 64 , &c. fa dif- grace& fa fuite, Sj. pafle en Hollande , 66. perd par la mort, la Princefle fa mere , 67. Confeils pernicieux qu'elle donne a fesfreres, 68. fa conver- fion,«9 , 8cc. fes fujets d'affli&ions, 73. fa liai- fon avec les Carmelites , 75. fes fentimens fur fon erat actuel , 77. on lui donne un Direfteur peu capable , 79. elle fe met fous la conduite de M. |
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45>8 T A
res, 176. fa convefion ,'
j 77. fes liaifons avec P. R., 179. fon atcachement a la vcrite Sc a fesDefen- feurs, 180 , 181. On lui refufe les Sacremens, a cau-'e de fes liaifons avec P. R. Belle rcponfe qu'il fait a un Eveque, 181. fes belles difpoutions a la moit de f nepoufe , 184. fa derniere maladie , fa mort , fon convoi, 189. Liancourt , ( Jeanne de
Scbomberg , Duchelle de) fa piete di$ 1'enfance , 160 , itfi. ce qu'elle fair pour gagner a Dieu fon mari, iSi. Mo'iens qu'el- le prend pout connoitre la vetite , i6x. fon deta- chement de tout honneur, 163. fon atlachement a la vetite, i(?j. Inftruition quelle donne a fon fils le Comre de la Roche- Guyon, ]6<. choifa P. R. ponr y faire elever fa pe- lite-fille , ibid* fa condui- te dans un proces contre fa belle - foeur, 167. fa belle maxime touchant les proces, 168. ft derniere maladie , fes fentimens & fa fermete a la viie de la mort, i«9 , &c. elle for- tifie fon mari fur Ieur re- paration par la mort , 171. fc confeffe, renou- velle les vceux de fon Bapteme , fa derniere pei- ne , fa charite pour fes epnemis, fa mort, 171, «c. (es talens decouverts apres fa mort, »7f. Ligny , ( Madeleine de
Ste Agnes de ) 118. fa captiyite, 119. elle re- |
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DESMATIERES.
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499
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Singlin , maniere dont Wallon de Beaupuis, Re-
cite eft conduice , 80, ice. ligieufe de P. R. , fa ver- |
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Elle modere fes aufteriies
par 1'avis de fon Direct. 51. La Cour change a fon igard; 93. elle fait une retraite , fentimens dont elle y eftanhnce , 94, 8cc. Nouveaux exemples de vertusqu'eiledonne, iot, 8cc. Belle action de fa part, iot. Avis fages qui fui font donnes fur la crainte exceifive des Ju- gemens de Dieu , 117 , 8cc. fa liaifon avec Mile de Venus ,11+ fe met foils la conduite de VI. de Saci, 116. fous celle du Cure de Sain Ja.ques du Haut-i'as,ii8. Eftimcque le R> i av;it pnur elle, |
tu , fa mort, 419 , Sec.
Marffllac , ( Princeffe
de ) petite fille de Mad. de Liancourt, elevee a P. R., jSS. fa vie innocente , fa- mort, 1 <? , tote 91. Moine, ( M le ) eft
nomme Confeffeur de P. R., voit M. I'Archeveq. Entretien qu'il a ave: lui furlesRelig des Champs, 38s j &c. va a P. R. , 391. eft mande a S Ger- main , eft intcrroge com- me tin Criminel, fur une rxuvre de charite, j9f - interroge par M. de Har* lai , qui lui ordonne de fonir cie fon Diocefe , 397. Lettre edifiante qu'il |
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117. fon deiTcm de fe re- £crit a P. R. pour faire" fes
titer a P R. , 118. elle adteux,398.
forme le jrojet de la p.iix Mol, ( Van ) Solit. de de l'Egl. it9. fa joie lorf- P. R., eit touchede Dieu,
V R. Cut en paix , 140. fe tetire a P. R. pour em-
fait batir un logement a hraiTer ra penitence & fa
P. R. , fon empreirement folitude , fa mort, 153.
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Mons, ( Affaire du nou-
veauTeftam.de) 130.... 159'
N
IN Icole , ( Pierre )
ce qu'il penfe des difreren- |
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pour y r6(ider , 141. fa
douLjur a la mort de !a Princeffe de Conii & du Prince foil fits, 144. fait des fcjours a P. R., 14?, 301. Sa derniere maladie, £es difpofitions a l'article |
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de la mor:,fa mort fainter tes epreuves oil s'eft ttou
fon enterremenr, 303 , ve P. R., 1, Sec. eft Au-
&c. teur de la letite de MM.
d'Arras 8c de Saint Pons a
M Innocent XI, if8. eft in-
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M,
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juftementaccufe, eft jufti-
fie , 160, %6i.
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llon, ( Catherine)
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veuve d'Edouard Oilier,
amie de P. R., fa mort, tj7 , note 42 , col. 1. Marcelline, (Elifabeth |
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'Aflart, (Flavie) Re-
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Sainte ) niece de M. ligieufe de P. R, de Paris»
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jeo T A
fa derniere maladie, de-
mande pardon aux Reli- gieufes des Champs dc ce qu'elle a fait contr'elles ; lettre qu'on lui attribue , ecrice il'.R. des Champs, . 468 , ce qu'il fauc penier de cette lettre , 6. . . 11 j fa mort , 12. Pavilion , ( Nicolas )
Bveque d'Alet, fa fainte- te , fa mort, 268. Paulin , Solit. de P. R.
fa mort,iS7. Perdreau , (Dorothee )
Relig. Abbefle Titulaire de P. R. de Patis, refufe de permuter fon AbbaVe , 345- Perefixe, {Hardouin de
Beaumont de ) fa mort, legtets cuifans qu'il fent en mourant de tout ce qu'il a fait contre P. R. , 21. Pineau, (Marie-Gene-
vieve de l'lncarnation) fa mott, 454. Poligne , Confeffeur de
P. R. Traitemens indignes qu'il fait aux Relig. 3c A 1'AbbelTe ; Sermon impu- dent qu'il debire un ven- dredi-faint , 364 , 8cc. Nouvellc fcenc de fa part, le jour de Paque, 374. quitte P. R., 379. Pontchateau , ( Sebaft.
Jofeph du Cambout de ) follicite a Rome pout les affaires de Port Roial des Champs, 353. Ponds, (Louis de ) So-
litaire de P. R. , fa con- verfion , fa penitence, 1 r, IS. eft oblige de quitter V. R. 17. fa mort, fon epiraphe, 18. |
B L E
Port-Roi'al, (les Relig.'
de ) des Champs, leur etat apres la paix de Clement IX. Ttois differens terns d'epreuvc dans lefque's el- lesfefoncttouvees, 1 . r. recoivent une aumone d'un Manoeuvre inconnu, 42. leur fentiment fur les grandeurs du tiecle , 46 > Sec. On cimente leur fe- paration d'avec P. R. de Paris, 49 , &c. elles s'y oppofent par un aft: ,53. deviennent plus ferventes par les epreuves, 146. re- parent leurs. batimens &c les font benir , 14S , Sec. font un voeu pendant la petfecution, if;.recoivent 1 une Relig. Bernatdine,
154. en recoivent plu- fieurs auires ■, 158 , &c. recoivent des Novices & des Poltulantes, 27 5. Per- re qu'elles font par la mort de Mad. de Longueville ; ancicmies calomnies re- nouveilees contr'elles , 301 , 302.leur etat d'obf- curciffement , 307 , &c. nouvelles attaques livtees contr'elles, 3^0, &c. re- coivent defenfes de rece- voir des Religieufes, & otdre de renvoi'er les Pol- tulantes & les Penfionnai- resr3ij. font des repre- fentations inutiles a M. de Hatlai fur ces ordres, 316 , &cc. Reque'e a J. C. qu'elles dreffent fur leur oppreilion , 311 ont or- dre de renvoi'er les Novi- ces , 325 , &c. recoivent un temoignage eclataut: par M. de Harlai, 328 , &c. on les priye de leurs |
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DES MATIERES.
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Confeffeur, 459.
tent requete au memc,
pour obtenir permiflion
d'honorer des Reliques ,
4S3.
Port-Roi'al ( les Relig.
de) de Paris, confomment leur reparation d'avec leurs Meres & leurs fceurs des Champs , 49. obtien- nent tine Bulle de confir- mation fur une fupplique remplie de fauffetes , 56. Potherie , ( Pierre le
Roi de la ) fes vertus, fa mort, 10. Pottier , ( Madeleine )
veuve de Choart de Bu- zenval, amie de P. R., fa molt, 41. |
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Direfteurs , 551. On veut
leur lonnet une Abbeffe Timlaire, (45 > 547- E!'es elifent un Procmeur pout s'oppofer en leur nom a l'execution de ce deffein , & ectivent au Pape a ce fujet, 348 , (49. Seccnde lettre au Pnpe pour le me- me fujct ,551. Elks veu- lent piefemer une Reque- te au Roi touchant les ordres fmpris £ fa reli- gion ; l'Archeveque refufe de le f*ire , 3 j 9 , &c, re- c;oivent deux Novices , 3 S3. Mauvais rrairemens qu'elles recoivent d>* fieur Poligne leur Confeffeur , 364, 577. demandent 8c obtiennent la permiflion de dire le Pfeaurier dans lafemaine, 384. Preven- tions concr'elles: 387. .. 391. Elles ecrivent au Pie- lat pour difliper fes pre- ventions, 3si ) 8cc. de- mandent un Confeffeur, 400. Vifite faite dans leur
maifon par leur Superieur, 401. Temoignage qu'il
leur rend , 40 3. Allarme qu'elles ont au fujet de 1'eledion de l'Abbeffe , 404. Elles font des prieres
& un vceu pour ce fujet, 405. leur election, 411,
Demande de Confeffeurs, 416. recoivent ttois Re- ligieufes de Lieffe, 441. pnt la fatisfa&ion de voir la Cucule de S. Bernard , 451. recoivent le corps de Mad Hamelin , h53. ob- tiennent un Arret du Con- feil centre le Cur£ de Ma- gni, 45 s. demandent & M |
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R
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Acine, fameux Poc-
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te; fon diffcrend avec
MM. de P. R., fa con- version , 1(1, , . 2.SS Rebergues, ( Charles
de ) Solit. de P. R. , fa mort, 17, note 41. |
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Cl Able, ( Madeleine de
Souvre , Marquife de ) amie de P. R., fa morr, 300. Saci, (Ifaac le MaJtre
de) Avis generaux qu'il donne a Mad, de longue- ville & a Mile de Vertus, us, fes avis iM.de Gon- drin , 198. 11 va a P. R., du lieu de fa retraite, 8c y adminiftre lesSacremens a la fceur Darie, 436. Sainte-Marthe, (Fran-
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it Hatlai M. Eullace pout c,oife de Ste Agatht de }
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j oi T A
Religieufe de P. R., fa
vocation, x^6. fon mi- pris pour le monde , fon humilite.fadocilite, 138. fon amour pour la verite, 139. fa more, 141. Santeuil, Religieux de . S. Vidtor, vienc I P. R. , procure a la Communau- te la fatisfa&ion de voir la Cucule de S. Bernard, Sevigne , ( Rene Rai-
nauldde) Solit.de P. R., Traits de facharite, 147. fa converfion , fe retire a P. R. , 248. fa confiance en la mifericorde de Dieu, 149. Effets de la grace en lui, fa vie dans la retrai- te, 150, &c. fa mort, 155- |
B L E
Graffins, fait connoifTan-
ce avec Mcfiieurs de P. R., 41 {. fes ecrits, 41s, preche a S. Benoit; reputation qu'il s'y fait 'y 417. detourne la difper- iion des Relig. de Liefle, 441. . .448- Treuve , ( Simon-Michel)
differentes epoques de fa vie , fa mort, 411, note. |
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V Aret, ( Alexandre )
Grand Vicaire de Sens, ami de P. R., fa mort , 154. Vertus , ( Catherine-
Fran9oife de Bretagne de) fa liaifon avec Mad. de longueville ; fa retraite du monde , 114. fa dou- leur a la mort de M. Sin- glin , 115. demande M. de Saci a M. de Harlai , 453-
Vialart, ( Felix) Eveq.
de Chalons fur Marne , tache inutilement de di- minuer les preventions de Louis XIV contre les pre- tendus Janfeniftes, 171. Sommaire de fa lie; fa mort, ibid. note. |
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J. Artre, (NoelleCerf
du) la vertu, fa mort, 199, note 18. Toutneux , ConfelTeur
de P. R. , fon enfance , fes etudes, 411,413 , eft fait Pretre ; benediclion que Dieu repand fur fon miniftere , 414. vient a Paris, eft Chapelain des |
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Fin de la Table des Matieres.
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Fames a corriger dans lefeptieme
Volume |
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X Age ?7 , ligne 5, BoisbufTon , life\ Boisbuiflbn.
Fag. 51- ligne 11 , ui ,Hfi\ lui.
Pag. 107 , note, pag. ijj , lifii 139.
Pag. \6% , derniere ligne , efface^ en.
Pag. i6f j not. col. 1 ligne 5 , Roflitte, life^ Brof-
fette.
Pag. 17s , lig. 13 , Walor, lifei Wallon. Pag. 177 , lig- 3 > eus • lifi\ eu. Pag. 19° , lig. 11 , la , /i/ej le. Pag. 3 70 , lig. 19 , cette fillc , life^ cette Ste fille. Pag. 39; , derniere ligne , pret, life^ pvier. Pag. 451, lig- 7 , Arnaudin, Lifey d'Arnaudin. Pag. 4^4 , lig. i j l'annee iuivante, /</ej la meme annee.
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