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HISTOIRE
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GENERALS
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D E
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PORT-ROIAL.
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3 o s-y 'Y
HISTOIRE
GENERALE
D E
FORT-ROIAL,
DEPUIS LA REFORME DE LABBAlE
jufqu'a fon entiere deftru&ion. TOME HUITIEME,
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A AMSTERDAM,
Chez JEAN VANDUREN. ear
M. DCC. LVII.
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HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL.
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SECONDE PARTIE.
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LIVRE NEUVIEME.
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n
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'Epuis 1'annee dela mort de Ma-
dame de Longueville les religieufes de |
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1685.
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P. R. avoient defenfe de recevoir des L'Abbcfle de
novices , & elles ne ceflbient en tou- ^"J^y^ te occafion de demander leur reta- mem de U blifTement. Jamais la mere Angeli-maii0IU que de Saint-Jean n'ecrivoit a M. de Paris, quel que fut l'objet de fes lec- tres, qu'elle ne le follicitat £ ce fu- Tome FIJL A |
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2 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
l6Sjw jet. Tout lui fervoit de pretexte, &T
on peut dire qu'elle faifoit ce que dit S. Paul: Injia opportune importu- ne. Cette annee, la Cour aiant fait rendre aux religieufes, des bois qu'el- les avoient eu defenfe de couper, parceque le Roi vouloit y faire des routes pour la chafTe , 1'Abbefle crut devoir en informer M. l'Archeveque, & lui parla a l'ordinaire du retablif- fement de la maifon : » Le coeur des » Rois eft en la main de Dieu, dit- » elle , le votre , Monfeigneur , y eft => audi; j'efpere qu'il le portera bien- » tot a nous retablir dans la polTef- » fioa d'un autre (fecours ) beaucoup « plus confiderable. Nous fommes » filles d'Abraham, &c nous deman- » dons part a fa fucceffion , en vou's " fuppliant avec lui de nous donner » des antes pour accroitre le nombre » de celles qui loueront les miferi- » cordes de Dieu , & qui reconnoi- » tront devant lui avec nous l'obliga- » tion qu'elles vous auront de leur »» avoir procure un avantage, qui * peut etre le moien de leur falut. » G'eft votre interet, Monfeigneur, « puifque cette multiplication de fer- » vantes de Jefus - Chrift vous atti- m rera une multiplication de gtaces |
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II. P A R T I E. L'lV. IX. 5
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» & de benedictions du Ciel«. M. kJ8j.
de Paris fut toujours fourd & infle- xible a toutes ces follicitations. Les graces & les benedictions du Ciel, que 1'AbbelTe lui propofoit pour la recompenfe de la grace qu'elle lui de- mandoir, le rouchoienr peu. La de- fenfe de recevoir des novices fubfifta roujours, fans que jamais les religieu- fes aienr pu en obrenir la revocation, finon en taveur d'une feule religieufe converfe , qui fur recue cette annee par un cas extraordinaire, qui doit avoir ici fa place. Mademoifelle de Roannes fceur du n«
Due de ce nom , touchee de Dieu c^^lto- a l'age de 17 ans, entra a P. R. l'an annes fait i656 , prit le petit habit & fut ad- J^iJ^T mife au noviciat , fous le nom de puis obtient four Charlotte de laPaffion; elle&^&ft s'y diftinguoit par fa piete &C fur- marie. tout par ion humilite, lorfqu'un or- dre fuperieur l'obligea de fortir de cette fainte maifon. Mais avant que d'en fortir, fe defiant de fa foibleile, & voulant fe lier elle - meme, elle fit vceu de chaftete, promit a Dieu d'etre religieufe , & fe coupa elle- meme les cheveux. Sa piete fe foutint plufieurs annees, fur-rout par fes liai- fons avec P. R, Son atrachement pour Aij
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4 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
16$} cettemaifon Iui meritaen 1661,paries
intrigues de la four Flavie, une lettre de cacher qui l'exiloit , &que M. le Due de Roannes fon frere fit revoquer. Elle renouvella encore alors fon vceu, & promit de fe faire Carmelite , par- ceque l'etat a&uel de P. R. ne lui per- mettoit plus de penfer a cette maifon. Elle remta courageufement pendant quelque-tems aux follicitations de fes parens & de fes amis, qui lui propo- foient des etabliflemens dans le mon- de. Elle fut meme l'inftrument dont Dieu fe fervit pour faire rentrer dans fon devoir une perfonne , qui etoit fortie du cloitre par un arret du Parlement, qui lui permettoit de fe marier, quoiqu'elle eut promis de fe confacrer a Dieu. Mais , 6 foiblelfe humaine ! Mademoifelle de Roannes s'etant relachee peu-a-peu dans fes exercices de piete par fa frequenta- tion du monde, elle commenga a avoir des doutes fur fon vceu ; elle confulta, & Dieu permit qu'elle trou- vat des Docteurs relaches qui deci- derent felon fes defirs. Elle obtint difpenfe de fon vceu, & epoufa M. d'AiibulTon de la Feuillade. Mais Dieu qui avoir des vues de miferi- corde fur elle, lui fit fentir par les |
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II. Parti e. Llv. IX. f
afflictions qu'il lui envoia , que le THTT" vrai bonheur eft de le fervif. II l'af- fligea auffi dans fon corps , & lui en- nr. voi a une maladie qui la reduifit k DSenl'aSBige; extremite. Elle fit fon teftament, & noitfa fa«e, la douleur d'avoir ete infidelle a Dieu *[tichc de u la porta a leguer a P. R. trois mill© ' ^W' livres pour recevoir une converfe , qui rempliroit la place qu'elle auroit voulu remplir elle-meme; & qui priant continuellement pour elle , ta- cheroit de fatisfaire, par fa penitence & les exercices du cloitre,pour la faute qu'elle avoit faite en violant fon voeu. Elle fuivequit a cette ma- ladie , mais elle fut toujours languif- fante. II fembloit que Dieu voulut la tenir dans un etat, ou elle ne put en aucune forte vivre dans le monde. Elle fouffrit de cruelles douleurs dans fa derniere maladie avec une patien- ce admirable, fans qu'il lui echap- pat aucune plainte. Elle conferva tou- jours une tendre affection pour P. R. & difoit qu'elle auroit prefere d'etre toute fa vie paralytique dans cette maifon & obligee d'y, garder le lit, a tout au- tre etat dans le monde. C'eft ce qui lui fit defirer que fon ccejus fut porte dans cette maifon apres fa mort. Mais la propofition qu'elle en fit n'ai'ant A iij
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6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
1(385. pas ete goutee , elle repondit avec un
grand fentiment d'humilite , qu'apres
avoir retire Jon cctur qu'elle avoit d'a-
bord donne a J. C. pour le donner a la
criature^il etoitjujle quelle n'eutplus ni
Jon cceur ni Jon corps aja dijpojition.
iv. Elle confkma a fa mort arrivee
ilf/ fa™°un le 13 de fevrier , douze ans apres
legs pour fai- avoir fait fon teftament, le legs qu'el-
gkufe2 con- ^e avoit fait pour une fosur converfe j
verfe a p. r. marquant qu'il ne devoit point etre
confidere comme un don, mais cora-
me une fatisfa&ion pour fa faute. La
mere Angelique de Saint-Jean apprit
avec une grande confolation les cir-
conftances d'unemort, ouelle voi'oit
tant de marques de la mifericorde de
Dieu. Elle ecrivit une lettre de re-
merciment a une Dame (1) qui avoit
ete au fervice de Me. de ia Feuillade,
qui les lui avoit mandees, la priant
de faire une relation plus ample que
celle qu'elle avoit faite , & » de mar-
» quer tout ce qu'elle avoit vu des
» differentes difpofitions de cette Da-
jj me depuis qu'elle l'avoit connue
« jufqu'a fa mort : cela , dit - elle ,
» feroit a la gloire de Dieu ; &c rien
» n'eft plus utile que d'admirer fa
» conduite fur les ames predeftinees ,
(j) Madame Petit. v
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If. Part it. liv. IX. f
>> pu il fait paroitre fa bonte Be fa 1683.
j> puiffance plus que dans la crea-
» tion de tout le monde vifible.
» Quand Dieu fait paroitre en des
» occaiions femblables combien il eft
» bon, il en veut etre aime davan-
» tage «.
Apres la mort de Madame de la R»ce^;'on ^
Feuillade, le Due fon mari obtint du ufinuBai«> Roi, par la mediation de 1'Archeve- que de qui tout dependoit, la per- miflion de fake executer la volonte de fon epoufe, au fujet de la reli- gieufe converfe, pourvii qu'il y eitt une place vacante. La mere Abbefle en etant informee , affembla la com- munaute le 4 decembre , lui fit part de cette nouvelle , & Fexhorta a prier Dieu qu'il fit connoitre celle qu'il avoit choifie. Le choix tomba le fix du meme mois fur la foeur Louife- Auguftine Barat , qui aiant deja ete recue autrefois, n'avoit pu faire pro- feflion a caufe de la defenfe qui etoit furvenue. On lui donna l'habit le jour de la Conception , 8 decembre 1 <?8 3 , & elle fit profeflion le 6 mai 1685. La condition a laquelle le Roi avoit accorde qu'on executat l'intention de Madame de la Feuillade ne fit aucun obftacle. La fceur Marie de S. Ignace |
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$ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
I <J8 3. Poiigin religieufe converfe etoit mor-
te le 24 fevrier de cette annee, & laifToit une place vacante , ourre qu'il y en avoit deja une. Ainfi au lieu d'une il s'en trpuvoit deux a remplir. _ VI- , Le 1 du mois de mars de la meme
Mort de la , . , v .,„ ■
fourcandide annee, la mort enleva alage de 76
leCetf. 3^5 Ja fojjjj. Madeleine de Sainte- Candide le Cerf, done nous avons parle en difFerentes occafions. Elle etoit profelfe de MaubuifTon , & elle accompagna la mere des Anges , lorf- qu'elle quitta cette Abbai'e pour re- tourner dans celle de P. R. a laquelle la four Candide fut aflbciee. Elle s'y fit aimer & eftimer par fes bonnes qualites, fa regularity & (on amour pour la verite\ En 1664 elle fut du nombre des douze religieufes que M. de Perefixe enleva au mois d'aout , & fut envoi'ee au monaftere de la Vifitation de S. Denis, ou elle fuc- comba: mais Dieu Iui fit la grace de reconnoitre fa faute , & de la reparer par une penitence qui dura le refte de fes jours, "j £g4> Port-Roi'al ne fit pas d'autres per- tes cette annee 5 mais il en fit de 11 confiderables la fuivante , par la mort de plufieurs perfonnes les plus diftin- guees par la fcience, la piece, & la |
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II. P A R T I B. ~Liv. IX. 9
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fagefTe du gouvernement, que tout le 1684.
faint defert fut couvert d'un deuil feneral. II fuffit de nommer M. de
aci & la mere Angelique de Saint- Jean , qui furent du nombre de ceux que la mort enleva , pour faire juger des pertes que fitP.R.&de Fafflidfcion qui dut en etre la fuite, puifque l'E- criture veut que Ton s'afflige de la mort des juftes , comme le remarque M. Lancelot, en ecrivant a la mere Angelique de Saint-Jean fur celle de M. de Saci. Ce faint Pretre , apfes l'ordre qui vir;
luifutdonne en 1679 par M. de^"^ Paris, de fortir de P. R., s'etoit retire desaci. a Pomponne , on il vivoit en foli- tiS0ens°<ianfa taire, emploi'ant uniquement fon terns retraite 4 a la priere, a la meditation des fain- Pomfonne* tes Ecritures , & au fervice de fes freres par les avis qu'il leur donnoit, foitpar ecrit, foitde vive voix. » La. « maniere dont ce grand homme » vivoit a Pomponne , dit M. du. » FoiTe (2) etoit digne des plus .« faints miniftres de l'Eglife......
" 11 y vecut veritablement dans l'ef-
" prit & les fentimens de ces an- " ciens folitaires , qui n'etant occu- » pes que de Dieu 8c de ce qui re- ftj FoflJ, p. }7o,
A v
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10 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
i 684. » gardoir fon fervice & leur faint»
j> oublioient abfolumenr routes les « affaires du monde». II rravailloit dans certe retraire a. fes explications de 1'Ecriture , dontil donnoit de rems en rems quelque volume. Pour avoir une jufte idee de cer excellent ou- vrage, & en connoitre rour le merire, il faudroit favoir quel etoit l'efprit qui conduifoit la plume de 1'auteur. C'eft ce que M. Fontaine nous ap- prend dans fes Memoires , oil il rap- porre le difcours admirable que lui tint M. de Saci fur ce fujet dans urt enrretien qu'il eut avec lui quelques jours avant fa morr. On y voir les faintes difpolirions avec lefquelles il rravailloit a cet ouvrage, & lesfen- timens d'humilite & du tremklement qu'il avoit continuellement pour les chofes mimes que tout le monde admi- roit (3). II feroir a fouhaiter , pour 1'edification & l'inftrudion des lec- teurs, que ce difcours flit a la tete des explications de la Bible. vm. ,} Telle etoit la vie de ce faint hom- ftntadie. sa " me, & telles eroient les occupations
moa- i» continuelles (4) , c'eft - a - dire, » une vie toute de foi &: un travail
i» tout de charite , quand il plut a (j> Font. T. i.p. joj. (4) fof.itid.g, 573,,
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11. P A R T I £. LlV. IX. I I _______
« Dieu de l'appeller tout d'un coup 1684.
>y & lui, lorfqu'on y penfoit le moins...
» Sa mort fut veritablement digne de
" fa vie.N'ai'ant ete nialade que vingt-
» quatre heures , il remplit dans ce
» petit efpace de terns tous les de-
» voirs, non-feulement d'un parfait
» Chretien qui fonge ferieufement a
» mettre comme le fceau a l'ceuvre
» de fon falut , mais encore d'un
» faint Pretre & d'un vrai imitateur
« de Jefus-Chrift. Le jour de fainte
» Genevieve il dit la Mefle dans la
» chapelle avec une piete (5) telle que
» toutes les perfonnes qui etoient pre-
« fentes crurent que, lorfqu'il difoit:
w Agnus Deij &c Domine^ nonfum di-
» gnus j il voi'oit de £es yeux celui a
» qui il parloit, fans ombre & fans
» voile «. Apres le dine il fe fit lire la
vie de la Sainte , fur laquelle il parla
fort long-tems aux perfonnes de la
maifon , qui Ten avoient prie ; & il
le fit d'une maniere II pleine de foi
& fi touchante, que Madame Hyppo-
lite (6) toute penetree de ce qu'elle
(y) Font. ibid. p. jiff. Tourriere , ai'ant eteobli-
(<) Hippolyte Antoi- gee defottiren i««4 , s'e-
nette Clement, apres avoir toit retiree a Pomponne ,
fervi gratuirement pen- ou M. d'Andilly Itti offrit
danr 15 ans le monaftere One retraite. Hie revim
<k P. R.. en «uialii£ de dans la fiiite a P, R. ; 9C
A Vj
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12 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi;
venoit d'entendre , dit a M. de La-
zanci: vous vene% d'entendre cet horn- me-la ; cro'ie\-moi, nous le perdrons bientot, il ne vivra pas long - terns. Celle qui parloit de la forte , prophe- tifa fans y penfer. M. de Saci tombe malade le meme jour , fe met au lit, demande avec empreflement les Sa- cremens , les regoit avec vine piete extraordinaire, donne fa benedi&ion aux amis qui la lui demandent, &c s'endort tranquillement dans le Sei- gneur. Ainfi mourut M. de Saci le 4 Janvier 1684 ; ainfi pafTa-t-il de cette vie a celui qui avoit ete l'objet de • tous fes defirs, & qu'il avoit attendu comme s'il eut ete vifible » 11 partit » ainfi de ce monde (7) ,non avec le » regret d'un homme attache a la vie « prefente } mais avec la joie d'un forcee d'en fortlren 1S79, II fut prefente parM. Ra-
elle retourna a Pompon- vechet, Dofteur de M.
lie , ou elle menoit la vie 1'Abbe de Pomponne , qui
la plus edifiante fous la fit un ttes beau difcours,
conduite de M. de Saci. que le Lefteur peut voit
Apres la mort de ce faint dans le Tome 3 p. 15-1
Pretre , manquant de fe- des Mem hiit. & chron.
cours fpirituels dans fa M. Ravecheteft ce celebre
lerraite', ellevint en clier Syndic de Sorbonne , qai
chet a Paris, ou elle fut exile en 1717 al'occa-
mourut le 7 juillet i<Ts°, fion de l'appel dcs IV E-
agee de 75 ans. Son corps vSques, 8c mourut dans;
fin portc, comme elle 1'Abbaie des Benediitins,
J'avoitdefire, a la roaifon de S. Melaine de Rennes..
de P. R. des Champs, i (7) foil. ibid. p. J7j. t^ui elle lcgua ioo louts. |
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II. P A R T I E. L'lV. IX. I J
« vrai chretien & d'un citoien du 1684.
» Ciel, qui fe regardoit comme etran- » ger fur la teire «. La nouvelle de la mort de M. de
Saci fe repandit auffi-tot, & jetta une confternation univerfelle. » Toute la » France le regretta (8). L'un plenroic » un ami, l'autre un proche , beau- « coup un pere , l'Eglife un excellent Pretre , & toute la troupe des Bi- deles, un Docteur edifknt. Son corps fut tranfporte de la Pa- . &»
roifle de Pomponne le famedi 8 jan- au corpfde vier dans celle de faint Jacques du M-deSaci * haut Pas, pour etre enfuite conduit a P. R., comme il Pavoit defire. Madame la Duchefle de Lefdiguie- res qui avoit ete fous fa conduite, envoia deux cens perfonnes avec des flambeaux , pour recevoir le corps de fon faint Diredteur a l'entree de Pa^ ris , & l'accompagner jufqu'a l'Eglife de faint Jacques (9). II y fut en de- (?) Font. p. fjc* » me elles I'auroientde-
(9) Vies edif. T. 4. p. j> fire , des marques der
96 , 97. Ce fait eft neau- » leuts refpe&s, en eiv-
Tnoins contredit par M, 35 voiant un grand nom-
Fontaine dans fes Mem. » bre de flambeaux k lit
T. i. p. 53 , ou il die, » pone faint Antoine...-
qu'a caufi des animofites II ajoute , ■>■> qu'on l'a~
qui tie.toie.nt joint etein- 33 mena fourdement A
tes , » quelques Dames » faint Jacques, fans que
» de considerations n'o- j> perfonne en fit avert*,
» fetent lui doaner, com« |
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f 4 HlSTOIRE DE PoUT-ROIAL.
1684. pot pendant quelques heures. Le brnic
s'en etant repandu, il y vint beau- coup de monde pour fake fa priere & rendre les derniers devoirs a un Pretre, que fa longue prifon & fes excellens ouvrages rendoient vene- rable a routes fortes de perfonnes. II y en eut meme, qui touches d'une plus grande veneration pour fa piete, leverent de petits morceaux de fa bierre. » Comme Ton craignit que » le monde ne s'amallat, & que Ton » etoit bien aife de ne donner au- » cune occafion a ceux qui cher- » choient quelque pretexte de parler, »> on crut qu'il etoit a propos de ne » pas laifTer plus long-rems le corps » expofe dans l'Eglife de fainr lac- s' ques (10) «. Voila, felon M. du Fofle, qui y etoit prefent, la raifon pour laquelle on precipita le tranf- port a P. R. Le convoi partit au milieu de la
nuir , & dans la rigueur du plus rer- (10) 11 eft die dans une Prclat informS del'appa-
Iertrefur ce tranfporr,que reil & du cortege de ce
M. I'Archeveque en avoit tranfport qu'il n'avoic
accorde la permiflion & permis que verbalement r
avoir fait I'eloge de M. donna ordre qu'on l'ar-
de Saci , temoignant du retat 6c que ce fut pour
regret de ce qu'il n'avoit prevenir fondefTein qu'or*
pas eu le rems d'achever prit le parti de le tranf-
fes explications fur l'E- porrer prornpte.-neat a
triwre. On ajoute cpe ce P.R.
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II. P ARTIE. LlV. IX. 1 $
rible froid. La terre etoir couverte x 684,
de neige & la trait tres obfcure. Nean-
moins le voiage fe fit aufii heureufe-
ment qu'il eut pu fe faire dans le
plus beau jour de l'annee. M. le
Cure de Pomponne & le Chapelain
accompagnoient le corps. Dans un
autre carofTe etoient M. du Fofle, M.
& Madame de Boroger , Mademoi-
felle le Maitre, & Me. de Fontper-
tuis qui avoit eu beaucoup de part
a la refolution qu'on prit de partir a
une telle heure. lis arriverent a cinq
heures du matin a P. R. , ce qui fur-
prit beaucoup , parcequ'on ne penfoit
pas qu'ils pufient arriver que le foir.
Les religieufes , qui n'etoient point
averties, aiant ete eveillees par la
fonnerie , fe rendirent au chceur dans
la furprife &c la confternation qu'on
peut fe reprefenter , pour recevoir les
precieufes depouilles de leur faint
Pafteur (u),
Le corps fut re^u a la porte par
M. Euftace & prefente par M. le Cure de Pomponne , qui dans un pe- tit difcours latin , fit en pen de mots un bel eloge , tant de celui , dont il prefentoit le corps, que du lieu qu'il <") M. de Saci avoit et£ ordoane Pretre four
JP. R. des Champs. |
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l6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
I(j8 , avoit choifi pour fa fepulture. Apre's
avoir dit, que M. de Saci (12), ce grand horrime d'unc faint ete iminente , avoit en mourant rendu a Dieu fon aire remplie de toutes les vertus, il continua ainfi : » Nous apportonsici » fon corps qu'on peut avec raifon " appeller le temple du faint Efprit, » a caufe des prodiges de charite & » d'une fcience toute divine que " Dieu a fait eclater en lui. C'eft un « honneur qui eft du a fes faintes de~ « pouilles , d'etre placees dans un ■» lieu faint & parmi des faints : Is nimirum honor fanciis hujufce viri reli- quiis debetur, ut in loco fancto & apud fanctos recondatur. On porta le corps dans la chapelle de la Vierge , ou il refta en depot jufqu'a la ceremonie de l'enterrement, qui fe fit le meme jour apres 1'ofrice des Morts. Comme on jugea a-propos de lui donner la fepulture eccleiiaftique avec les habits facerdotaux, on decloua la bierre, & Ton fut fort furpris qu'etant mort depuis quatre jours & tranfporte de fi loin , il parut auffi vermeil que s'il eut ete vivant (13) ; & que fes meiiv (n> Magnns ille vir omnibus pfenam.
& eximia: fan£titatis do- (13) Du Fof. p. ;7?.,
minus de Saci, auimam Font.T. '-• p. J}4»
Deo reddidit viuuubus |
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II. Partie. Liv. IX. 17______
bres, malgre la rigueur du froid , KJ84.
etoient flexibles coinme ceux d'une perfonne qui auroit ete animee. H Fut porte en terre , revetu d'une cha- fuble blanche , ai'ant dans fes mains le calice de M. d'Alet, au milieu des larmes &c des gemiilemens des Eccle- fiaftiques. Les religieufes feules, quoi- que penetrees de la plus vive dou- leur , s'elevant 'par leur foi au-de(Tus des fentimens de la nature, chanterent avec une gravite qui fut ma fujet d'e- tonnement & d'admiration. M. de Saci fut enterre dans le bas cote du choeur devant la chapelle de la Vier- ge, avec une epitaphe faite par M. Hamon. Nous n'entreprendrons point de ., x\ xt.
raire ici 1 eloge de ce iaint Prctre , de saci. comparable par fa fcience & fa piete aux plus grands homines qu'ait eus l'Eglife dans fes beaux jours. Le Lec- teur trouvera de quoi fe former une jufte idee de fon merite , dans les Me- moires de M. Fontaine & de M. Lan- celot j dans la relation de fa capti- vite a la Baltille (14), qui , felon i'ex- preffion de M. du Foite (15), etoit anbaum.ee de I'odeur de fa piete 3 &c (14) Vies edifj T. 4. (15) Mem. p. 317,318.
P- >J?> 304. |
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1$ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,
1 (J84. 00& il fortit, ncn comme un criminetj
a qui le Prince fait grace , mais com- tnz un jujle, dent Dieu prendplaijir a. faire eclater Vihnocence aux yeux de fes ennemis ; dans la belle lettre que M. de Pontchateau ecrivit a. M. de Perefixe , pour lui demander la liber- ie de ce faint Prifonnier (16) , dont il dit, qu'il a cela dejingulier, quit n'y a peut-etre perfonne en ce terns, qui ait fait paroitre en fes livres unefcien-* ce plus remplie de piete _, ni une piete plus eclairee,que lui dans les fiens: dans le Necrologe de P. R.; dans fon orai- fon funebre prononcee a P. R. des Champs le 10 Janvier 1684 (17); en- fin dans une multitude de lettres ecritespar desperfonnes duplusgrand merite & de toute condition, pour temoigner leurs regrets fur lamort de ce faint homme. xt. Parmi ces lettres , nous en rappor- quable do M.terons lcl un^ &? Mj Arm.uld , du 2 I
ArnauH. janvier (18), qui eft bien remarqua-
ble. » 11 arriva , dit ce celebre Doc- » teur , que le jour que je recus la » nouvelle de la mort de M. de Saci, » j'avois reve la nuit precedente, que (i«)Vies6dif. P.J93- <i8) Vies edif. T. 4,
(17) Vies fdif. p. 11 , p. 125.
49. ibid. p. 70, U fuiy. |
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II. P A R T I E. L'tV. IX. 1}
» je voiois arriver fur des chariots
» deux tres grands cercueils , dans » lefquels il y avoir deux morts en- » fevelis. Je m'approchai pour les » regarder j& apres avoir decouvertr » leurs vifages, je reconnus M. de " Saci & celui de la mere Angelique » de Saint Jean. Comme je m'appli- " quois a les confiderer , il me fem- » bloit que Ie corps de M. de Saci » etoit audi maniable & audi ver- » meil que s'il n'eut pas etc mort. Je » difois a quelqu'un , tin1'eft pas mort. » Mais on me repondit : voie% fes " yeux qui font ternis , & vous jugere% » qu'il eft mort. Je confiderai attenti- « vement, & je reconnus qu'il n'y » avoit que cette feule partie, qui » fembloit n'etre pas vivante. J'etois " beaucoup occupe de tout ce que je " voiois , & il me fembloit que ceux •> qui conduifoient les chariots me " difoient : Nous avons amend ces •' morts de bien loin j nous avons mar- > chi par des chemins tres rudes & ■' fur des montagnes. J'en avois gran- " de companion , & je temoignois ■» combien j'y prenois de parr. Lorf- » que je m'eveillai (je dis lorfque je " m'eveillai, parceque j'etois verita- » blement endorrni ),quoique je n'aie |
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________ iO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.'
1684. » pas coutume de reflechir fur mes
» fonges , parceque je fais que cela » eft inutile, je n'ai pu m'empecher « de penfer un peu a celui~ci. II y a » deux raifons qui m'ont empeche » de l'oublier. L'une, parceque lea » chofes font arrivees dans la fuite » de la maniere dont je les avois « vues ^ & 1'autre , e'eft qu'il m'en eft " toujours demeure une impreffion « forte dans l'irnagination, c'eft-a- " dire, que mon imagination fe re- " prefente encore vivement tout ce » que j'ai reve j & je vois , ou plu- « tot il me femble que je vois les vi- » fages & tout l'attirail que j'ai vus *-la premiere fois. Le Le&eur fera fur cette lettre les
reflexions qu'il jugera a-propos. En voici une autre , qui lui fera connoi- tre le cas que M. Arnauld faifoit de M. de Saci; elle eft datee du lende- main de la precedente ( 2.1 Janvier). « Le meme jour, dit-il, que je me » donnai l'honneur de vous ecrire, » je rectus la triftenouvellede lamort » de M. de Saci. J'en fus perce de » douleur ; & qnoique fa fin fi heu- => reufe, qui a repondu a la faintete » de fa vie, me rut un fujet de con- ». folation, j'envifageois neanmoins |
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II. Par tie. Liv. IX. 21
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5» 8c j'envifage encore avec un tres 1684.
» fenlible deplailir la grande perte
» que l'Eglife fait en la perfonne de
» cet illuftre mort. Je n'ai jamais
» connu un homme plus fage que
« lui, & qui ait fait un meilleur
»» ufage des talens que Dieu lui avoit
» donnes. Sa patience a eclate dans
» fa prifon & dans fes adverfites , 8c
» lorfque Dieu lui a rendu laliberte,
« il a enrichi l'Eglife de fes ecrits.
" Je ne doute point que Madame....
» ne foit bien touchee de la mort
« de ce grand ferviteur de Dieu, &c.
II n'y avoit qu'un moment que XIT. _
cette mort imprevue, quoique tres maiadfeTia precieufe aux yeux du Seigneur, avoit ™c" Angel*- enleve aux religieufes de P. R. des j'^. e ' Champs, celui qui les conduifoitau- Ses Mutes dehors par la fagefle de fes confeils, po u'°ns* & en qui elles avoient depuis plu- fieurs annees une parfaite confiance , & cette plaie etoit encore route ou- verte, lorfqu'une nouvelle plus dou- loureufe encore, parcequ'elle etoit plus interieure , leur ravit par la niortde la mere Angelique , cellequi les faifoit courir dans la voie etroite par la ferveur de fon exemple , &c par l'efficace de fes paroles, Ces fain- tes lilies frappees coup fur coup pac |
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XX HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
' les endroits les plus fenfibles, pou-
voient dire avec le Prophete (i^) : Douleur fur douleur _, man ame ejl dans I'amertume. Depuis la mort de M. de Saci, la
mere Angelique de Saint-Jean n'eut plus d'autre defir que de le fuivre , comme une brebis s'empreiTe de fui- vre fon pafteur. On la voi'oit tres fouvent aller fur fa tombe prier ce cher pere de lui obtenir la grace de fortir auffi de l'exil de cette vie. Le Seigneur l'exauca au bout de trois femaines. Une fceur qui etoit mala- de (20) , & qui avoit demande a M. de Saci qu'il lui obtmt la grace de mourir bientot , ai'ant prie la mere Angelique dans une vifite qu'ellelui rendit le 24 Janvier , d'allerpour elle fur fon tombeau & de lui expofer fes befoins, la fainte AbbefTe lui accorda ce qu'elle fouhaitoit. Elle alia avant Vepres fe profterner fur le tombeau de M. de Saci, lui parla pour la ma- lade , & lui demanda pour elle-me- me fa benediction. En fe relevant elle fe fentit frappee d'une violente dou- leur de cote, comme li on lui avoit (19) Jerem. vn 1.18. Tronchais ,quimoimit le
(10) La focur Made- 5, feytier 1*84. Icine de fainte Viftoire |
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II. Partie. Liv. IX. 13
donne an grand coup. Apres l'Office, 1
elle fut obligee de fe mettte au lit. Une fceur aiant voulu lui 6ter fon voile : LaiJfe\-moi _, lui dit-elle ,(21) le rendre a Dieu qui me Fa donne , il y a quarantc cms a tel jour que de- main (n). Lorfqu'on tombe dans une grande maladie 3 comme on ne fait pas ii on en relevera, il faut commencer par rendre fon voile a celui qui nous Va donni. Elle dit enfuite le Te Deum tout entier. Comme elle vit la conf- ternation ou etoient les religieufes , elle leur dit: je fouffrirai _, & ce ne /era que dans le corps ; mais pour vous vous Jbuffrire^ dans Fefprit. Cependant ilfautfe joumettre a Dieu j fes ordres font toujours adorables _, quels qu'ils puiffent etre. II faut le laiffer faire & lui obeir: Dominus eft. En fe mettant au lit, elle dit : Mes enfans, n'oublions pas de chanter le Cantique de VAgneau & de le benirj quoi qui arrive. Le troi- fieme jour, la fievre ne diminuant point, M. Hamon jugea qu'il ne fal- loit point differer de lui adminiftrer les Sacremens. Elle s'y difpofa avec fa piete ordinaire , & demeura plu- (11) Relation de la ma- P. R. Relat. vm. T. 5.
ladie & de la mort de la p. yjj.&fuir.
mere Angelique de Saint (11) Elle avoit reju 1« Jean par une religieufe de rpik le ,ij Janvier.
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24 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
X684. fieurs heures en filence dans Un grand
recueillement, ai'ant demande qu'on ne l'interrompit point.. M. Euftace la confeffa fur les dix heures du matin le jeudi, quatrieme jour de la maladie j enfuite elle fit dire les pfeaumes, In te j Domine, fperavi j Deus _, Deus meus j refpice in me j &c. Avant que de recevoir les derniers Sacremens , elle voulut faire des excufes a la com- munaute , quoique la mere du Far- gis la priat avec larmes de ne le point faire, & elle le fit en ces termes: Mes 3j foeurs , je vous demande tres hum- » blement pardon des fautes que j'ai » faites dans l'adminiftration de ma » charge. J'ai toujours ete perfuadee » qu'elle etoit au-deffus de mes forces, » Sc 'fen ai extremement apprehen- « de le poids, mais je fuis obligee « de vous remercier en meme-tems, » de ce que par votre docilite, vo- » tre amitie 8c votre bonte, vous » avez contribue a en adoucir la pe- » fanteur. Je fais neanmoins que les » fautes que j'y ai faites font en tres m grand nombre j & n'ai'ant pas aflez » de larmes pour les laver, j'efpere » que celles que la charite vous fera « repandre fur moi m'aideront a les « purifier«, Elle re$ut enfuite les « Sacremens
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II. P ARTIE. L'lV. IX. 25
Sacremens avec une prefence d'efprir
& une piete admirahles, au milieu des Iarmes & des gemiiTemens de route fa communaute. Lorfque le Confef- feur forcit, elle le pria d'afTurer tons les amis de fa parfaite reconnoif- fance , de les fupplier de l'aider dans leurs prieres , & d'etre perfuades que li Dieu lui faifoit mifericorde , com- me elle l'elperoir , elle n'oublieroit pas ce qu'elle leur devoir devanrDieu. Apres qu'on fur rerire , elle pria qu'on n'mrerrompir poinr fa prierej mais fenranr que la force de la fievre lui 6roit la liberre de penfer a ce qu'elle fouhaitoit, elle fe fir lire le pfeaume Benedic ■, anima mea _, Domino. Quoi- que la violence du mal ne lui permit pas de Her fes penfees & de faire des reflexions, la verm avoir jerre de fi profondes racines dans cerre ame , qu'elle furvivoit a routes fes autres qualires. Quelqu'une lui aiant annon- ce , fans y penfer, la mort d'un jeune nomnie, qui s'etoir rerire aurrefois a P. R. pour y fervir Dieu , & qui de- puis quelques annees etoit renrre dans le monde, elle s'ecria : Ah man Dieuj que me dites-vous ? La terrible & affli- geante nouvelle ! Comme on voulur lui dire quelque chofe; pour empecher Tome Fill, B |
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%6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
iG$A qu'ellene s'affligeat fl vivement: c'eft
Jon ame_, dit-efle j que je regrette. Eh mon Dieu _, que devient-on quand on meurt dans cet etat! Une religieufe , dont le frere avoir etc eleve a P. R. & etoit pour lors engage dans le monde, emploi'e a l'education d'un jeune Prin- ce , s'etant approchee de la malade , elle lui dit obligeamment: En quel- que etat de douleur que Von foit _, il n'y a pas mo'ien de s'empecher d'avoir une joie fenfible , quand onpenfe a M. votre frere. Qu'il eft heureux d'etre dans les fentimens ou Dieu le met! II faut le prier quilles lui conferve. Quel- que terns apres elle dit encore : « on » voir afifez de perfonnes , qui aiant » eu une bonne education , & s'etant » apres laifle emporter par le monde, » penfent dans la fuite a revenir a » Dieu \ mais la plupart y contrac- « tent de fi grandes tenebres, qu'elles »» n'y reviennent qu'a demi & d'une j» maniere tres imparfaite. Quand » Dieu leur infpire de tout quitter » & de fe feparer entierement du »> monde & des occaiions de l'of- « fenfer, c'eft alors qu'il y a bien » des actions de graces a rendre a 3> Dieu pour eux, car on peut s'afTu- »> rer que leur retour fera parfait«. |
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11. Par tie. Llv. IX. 27
Le quatrieme jour de fa maladie, I(jg . " comme elle voi'oit fa fin approcher, xm_ elle pria qu'on ne lui pariat plus d'au- ses demfcres cune affaire , & qu'on la laiflatpen- Paroles' fer a Dieu. » C'eft le moins qu'on » puifTe faire , dit-elle, quandon va » a lui , de fe defoccuper de toute » autre chofe, 8c de fe renir toujours » en fa prefence «. En effet, elle ne fit plus que cela. Elle ne ceflbit de prier , & etoit deja elevee par la foi dans le fein de Dieu. C'eft ou elle s'efforcoit d'attirer £es filles , en les exhortant a la confiance. » Ai'ez fur- tout , leur difoit-elle , une grande confiance en Dieu: il ne vous fau- roit rien arriver de facheux tant que vous efpererez en lui. II n'y a que cela a. faire : plus ce que vous lui demandez eft neceflaire, & plus vous devez vous affiirer qu'il vous l'accordera 5 car le Pere celefte don- ne toujours ce qui eft neceflaire «. Elle avoit une extreme difficulte de parler j & elle etoit mortifiee de ce que cela l'empechoit de fatisfaire a ce que la charite lui infpiroit pour les perfonnes qu'elle alloit quitter. » Je » ne fais, difoit-elle , d'ou vient cet- " te impuiflance : avoir tant de cho- » fes a dire, & ne pouvoir fe faire Bij
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3 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
entendre. II faut fe foumettre a"
Dieu : peut-etre que j'ai trop parle en ma vie , & qu'il m'en a ore la liberte a. l'heure de la mort pour en faire penitence «. xiv. Au milieu des douleurs exceffives |
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Sabienheu-
reufe more, |
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qu'elle fouffroit, elle etoit toute oc-
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cupee de la grandeur de Dieu , de fa
faintete, de ion eternite ; elle n'avoit plus que cela dans l'efprit. On paifa la mat du 18 au %<) a dire- aupres d'elle des prieres, auxquelles elle avoit une attention toute particulie- re , e levant fouvent les yeux au Ciel, Sc adorant fans cede Jefus - Chrift crucifie. Apres Marines , la mere Prieure fit aflembler les fceurs, & lui demanda avec larmes fa benediction pour toute la communaute 5 ce qu'elle fit. Sur les quatre heures du matin, M. Euftace entra & dit les prieres de l'agonie. » On ne peut reprefenter » quelle etoit la paix , la douceur, la »» tranquillite'& la joie qui paroif- « foient fur fon vifage, qui ne chan- " Sea Pomt". EHe conferva la con- noiilance , 8c donna des marques de fa tendre piete , finon par des paro- les , du moins par des fignes, jufqu'au moment qu'elle quitta cette vie, le 2? Janvier entre une & deux heures |
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II, P A R T 1 E. Llv. IX, 1?
apres midi, pour aller recevoir de fon 153^.
epoux.la jufte rdcompenfe de fes ver- ms. La mere Angelique etoit agee de 59 ans : elle fut inhumee dans la gran-. de gallerie pres la pone du cote gau- che du choeur. M. Arnauld etoit fi touche de la
verm de la mere Angelique de Saint- Jean , qu'il crut devoir en ecrire quel- que chofe pour en conferver la me- moire. Mais n'aiant pas eu le terns de mettre la derniere main a ce qu'il avoir fait , il chargea M. l'Abbe da Guet d'arranger fes remarques.Ce qu'il fit: c'eft ce qui forme 1'eloge de la mere Angelique de S. Jean dans le Necro- loge(if). Cette piece fe trouve danst le VIe. volume des Lettres de M< l'Abbe du Guet, p. 164 ; mais le nomt de la mere Angelique de Saint-Jean , & celui de Port-Roial font fuppri- mes. Quelqu'habile que fut la main qui a trace ce portrait, on pent dire qu'il y manque beaucoup de chofes. Pour pouvoir fe former une jufte idee de cette incomparable Abbefte , tant pour fon efprit , que pour fa piete , il (13) L'Auteur ou l*E- Beauvais cet eloge, qui
diteur clu Supplement au eft certainemenr de M.
Nccrologe de P. R. at- du Guet. Le ftyle auroic
tnbue mal a-propos a M. du faire £virer une telle
Herman Chanoine de meprife. Suppl. p. 558.
B iij
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JO* HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
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KJ84. faut joindre a la le&ure de ce bel
eloge, que nous renvoi'ons a la fin du volume, celle des memoires ou relations de P. R. de M. du Foflfe , de M. Fontaine , des lettres qui fu- rent ecrites par difrcrentes perfonnes fur fa bienheureufe mort (24); mais fur-tout celle de fes propres ouvra- ges, fpecialement la relation de fa eaptivite , & fes lettres (25). xv. Auffitot apres la mort de la mere "La mere du a i- jo- t i
Fargis eft eke-Angelique de baint-Jean, la mere
Abbeile. prieure ecrivit pour en informer M.
de Paris, & lui demander la permif-
fion de faire l'election d'une AbbefTe:
elle recut aflez promptement r^pon-
fe, 8c en donna avis a la communaute
le jour meme de 1'enterrement ( 31
Janvier). Des le foir on comroen^a
les prieres pour l'election , qui fe fit
le deux de fevrier. La mere Prieure,
Marie-Madeleine du Fargis fut elue
pour la quatrieme fois.
xvi. La mort enleva le jour de fon elec-
Mort deja tjon pencJanr qne les religieufes e-
TccurBergevm * r . i .. " .
& de la fa;ur toient au enceur pour dire Prime , la
Tronchai. fceur Madeleine-Monique poftulante
converfe ; & le lendemain la foeur
Victoire mourut entre fept & huit
(24) Vies edif. T. 4. f*0 Ibid. Suppl. p.
p. 415, 448. 48?. & fuiv. |
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II. P a r. t i a. Liv. IX. $ r
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du matin, enforte qu'on ne fit qu'un 1684.
convoi & qu'un en tenement pourles deux. La fceur Madeleine de Sainte- Monique Bergevin (z6)avoit fait voir line perfev^rance & un attachement pour la maifon de P. R. dont il y a peu d'exemple. Aiant ete mife au nombre des poftulantes, & ne pou- vant neanmoins etre recue religieufe , bien loin de fe rebuter, elle fe fen- tit un nouveau defir de finir fes jours dans cette maifon , & elle pafTa plus de vingt-fix ans dans cet etat d'afpi- rante , fans rien relacher de fa pre- miere ferveur. La foeur Madeleine-Vidoire (Tron- ^j2£y.
chai, foeur du Secretaire de M. dene viaoite Tiilemont) avoit fait profeffion le 13 Ttoachai. nov. 1673 , a l'agede 16 ans. Pendant dix annees qu'elle palTa dans le cloitre, elle fut aflbciee aux foins que la foeur Elifabetli de Ste-Agnes le Feron pre- noit de rediger le NecroWe de P. R. & de mettre en ordre les autres pa- piers de cette Abbai'e. M. de Luzancy, coufin de M. de xvnr:
Saci, & le compagnon de fa retrai- a' ' '/» K, frere de la foeur Angelique de S. vie. jean , ne leur furvecut pas long-tems, etant mort le 1 o de fevrier. On ap- (16) Nfool.
B iiij
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Jl HlSTOlRE DE PoRT-ROlAI.
prit cette trifle nouvelle le mcme
jour a Port - Roi'al, oil fon corps fat apporte le lendemain , & prefente par Moniieur le Cure de S. Lam- bert, qui s'etant trouve a Paris pour que'que affaire , 1'avoit affifte a la mort. Cethomme, dit M. Fontaine (ij),
dont la memoire eft en benediction, ctoit fils de M. d'Andilly. Etant fort jeune , fon inclination le portoit a ai- mer le monde, & il avoit tout ce qu'il falloit pour s'en faire aimer. II aimoit a entretenir les compngnies, & avoit au contraire un grand eloigne- xnent de 1'etude. Ce fut ce qui porta M. d'Andilly a le mettre Page chez le Cardinal de Richelieu. Au bout d'un an, Dieu qui veilloit fur fon ame , jetta dans fon cceur les pre- mieres etincelles dela piete. II fefer- vit pour cela d'un entretien que ce jeune Page eut avec la fceur Catherine de Saint-Agnes, l'ainee de fes fceurs , qui etoit novice de la maifon du S- Sacrement au commencement de fon ctabliflement. Elle lui park avec tant de zele & tant de force de 1'horreur que les Chretiens doivent avoir du peche mortel, que fes paroles le laif- _(i7) T. i. p. 111,113", & Necr,
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II. P artie. Llv. IX. 33
1 II I I I'll
ferent perce de la crainte, de Dieu, 16S4.
comme d'une Heche falutaire, qui depuis ce terns l'empecha de prendre comme auparavant du plaifir dans ce qui fait les delices du monde. II lui venoit fouvent des penfees
de tout quitter; & ce deflein fe re- nouvelloit toutes les fois qu'il fe ren- controit dans quelque occafion peril- leufe d'offenfer Dieu. II en eut une , dont il fut preferve par un effet fen- fible de la divine mifericorde. Un des Pages , fon ami parriculier , aiant pris querelle avec un autre , & refolu de fe battre, I'engagea a lui fervir de fecond. II n'eut pas la force de lui refufer ; mais voi'ant avec horreur le precipice 011 il alloit tomber volon- tairement , il entra dans une peine d'efprit qui le fit retourner a Dieu avec tine telle ardeur , arm qu'il lui pltit le delivrer de cette malheureufe neceflite , qu'il parut que Dieu 1'exau- <Ja > car la choie fe decouvrit, & le gouverneur en empecha .i'execution. Cet evenement lui fit former diffe- *ens projets de retraite; il en deli- bera avec un de fes compagnons , avec lequel il etoit lie d'une amitie particuliere , & qui avoit lui-meme celfein de quitter le monde; & ils B v
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54 HlSTOIRE DE PORT-ROUX.
fe promirent reciproquement de fe
quitter , lorfqu'ils fortiroienr de chez le Cardinal. Peu apres, M. de Lu- zaney fut oblige ti'en fortir pour plu- fieurs inois, aiin de fe faire traiter d'une bleiTure qu'il s'etoit faite a la the en tombant de cbeval par un accident, ou il eft vifible que Diett lui fauva. la vie. Cette occafion re- nouvella encore fes defirs de tout quitter. Mais d'un autre cote, il fe perfuadoit qu'il ne pouvoit honete- ment fe retirer fans avoir fait une campagne. En confequence il retour- na a la Cour fitot qu'il fut gueri, & obtint une enfeigne dans la garnifon du Havre, ou il demeura fixmois ?. menanr une vie tres reglee. Ai'anr trouve clans la chambre ae l'auberge ou il logeoit, une Vie des Saints, il fe fit une loi d'y lire tons les jours quelques endroits, & il n'y manqua point. Cette ledture , comme il l'a reconnu lui - meme depuis , lui fut tres utile, parceque les exemples qu'il lut le confirmerent dans les fenti- mens que Dieu lui avoir infpires, qu'on ne peut etre entierement a. lui qu'en renoncant a tout. Au bout de ces fix mois ., il fut commande pour 1'armeSj 8c partit avec joie. Mais |
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II. Par tie. Llv. IX. $<$
Dieu avoit des vues de paix fur lui, i tandis qu'il en avoit de guerre. Etant ■. a Bapaume, il tomba malade d'une
fievre continue avec la petite verole , ce qui l'obligea de fe faire tranfporter a Perone. La folitude ou il fe trou- va a la vue de la mort, qui pouvoit I etre ii proche , lui fit voir le monde
tel qu'il eft ; & il fe refolut plus que I jamais d'executer le deftein que Dieu,
: lui avoit infpire.
II avoit 18 ans (z8) pour lors; il
prit d'abord la refolution de faire un voiage a Saint - Ange pour mieux penfer a l'ouvrage de fon falut. II y edifia route la maifon par Pexem- ple d'une piete finguliere. C'etoit dans ce terns que la grace de Dieu fe re- pandoit pour ouvrir a plufieurs per- fonnes le chemin de la penitence par la conduite de M. de S. Cyran , fous laquelle M. de Luzancy fe mit (felon M. Lancelot) en Pannee 164.Z (19). Ce faint homme etoit alors prifon- nier a Vincennes , d'ou il ecrivit deux lettres a M. de Luzancy , qui font la X&laXVII.Le eune Officier , apres avoir remis entre les mains du Car- (18!) M .Lancelot lui T. i. 358. ■Nccrol. Font.
cndoune 10. X. j.p. 114. (2-?,1 Mem. de Lancelot,
Bvj
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3<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1^84. dinal l'enfeigne qu'il lui avoit don-
nee , alia fe cacher dans le defert de P. R. ou Me/Iieurs le Maitxe fes cou- iins demeuroient depuis quelques an- nexes , animes du meme efprit de re- traite & de penitence. 11 embralTa l'une & l'autre avec un zele , qui ne cedoit en rien a celui des perfonnes dont il vouloit fuivre l'exemple. M. le Maitxe en informa M. de S. Cy- ran , qui, en lui faifant reponfe , tc~ moigna qu'il etoit bien aife de voir qu'il etoit content du nouvel Hermite, que c'etoit une bonne ame , mais qui avoit befoin de conduite. M. de Luzancy fachant que le tra-
vail eft une partie de la penitence, le joignit a la fienne, 8c l'entreprit fans s'epargner dans les plus penibles & les pluslaborieux , comme defcier les bleds au terns de la moiflbn , faire les foins , & autres chofes fembla- bles. II prit avec M. le Maitre le foin de faire valoir les terres , &fe char- gea lui feul de tout le menage; ce qu'il continua encore apres le retour des religieufes en 1648.. La reconnoiflance de la mife'ricor-
de que Dieu lui avoit faite en lere- tirant du monde, & la perfuaiion ou il etoit qiul rendoit a Jefus -Chrift |
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II. P A R T I E. L'lV. IX. 37
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mane tout le fervice qu'il rendoit a 1684.
fes epoufes , 1'entretinrent toujours dans les fentimens que fon humilite lui avoit infpires, &c qu'il conferva jufqu'a la mort. II voulut meme les exprimer dans fon teftament avec les termes les plus humbles, demandant comme une grace d'etre ailocie aux prieres de la communaute, en qualite de frere convers , qui eft le rang 011 il s'etoit toujours regarde dans les fer- vices qu'il avoit tache de rendre a la maifon. Dans fon travail comme dans fon
repos, il s'occupoit toujours de Dieu; car la piete etoit en lui un don tout fingulier. II aimoit 1'Office divin & le chant de l'Eglife , & il etoit exaci. |
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. a
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a y affifter autant qu'il lui etoit pof-
fible. On ne le pouvoit regarder a i'Eglife fans en etre touche j rien n'e- tant plus humble , plus religieux , que la pofture meme exterieure en laquelle pi s'y tenoit. II y paflbit des terns con- nderables , & autant que fes autres oc- cupations le lui permettoient. C'etoit iia le lieu on il trouvoit de la confola- tion dans fespeines, du repos & dm iconfeil dans fes affaires. Mais ce n'e- toit pas feulement a l'Eglife qu'il don^ hoit des marques de fa piete , elle pa- |
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3 8 HlSTOIR.fi DE PoR.T-RO*lAt.
j684.. roifToit encore dans routes fes actions
les plus communes & les plus ordi- naires. On l'a vu allanr a cheval par les champs pour les befoins de la mai- fon , prier fans cefTe pendant toute la longueur du chemin. II avoit naturellement le cceur bon
& uue tendrefTe qui lui attiroient la confiance des autres -y de forte que Ton ne pouvoit converfer long-tems avec lui fans trouver du foulagement & de la confolation a. fes peines. 11 ai- moit les pauvres, mais il avoit une attention particuliere a affifter les or- plielins qui manquoient de tout fe- eours. Corame fon humilite le por- toit a fe cacher dans les liberalites qu'il faifoir, il fe fervoit d'une main etrangere pour les diftribuer fans qu'il fut connu. 11 avoit une grande com- panion pour les malades, & etendoir fes foins jufqu'aux domeftiques, dont il avoit le fecret de fe faire egale- ment aimer & craindre. Bon envers tout le monde , & fe faifant aimer de tons ceux qui le connoiflbient, il etoit tres dor a lui-mane, ne pre- nant aucun foulagement dans fesin- commodites, fans y crre force. Les veilles, les jeunes lui etoient ordi- naires. |
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II. P a r. t i e. Liv. IX. iy
Les troubles l'obligerent trois fois i<j8ju
: de quitter P. R. mais fon cceur y de-
meura toujours. Ce fut en 1679 qu'il
en fortit pour la troilieme fois, & fe
retira a Pomponne avec M. de Saci.
11 y avoir pres de cinq ans qu'ils y
I vivoient enfemble lorfqu'il plut a\
i Dieu de mettre a une grande epreuve
: la vertu de Ivl.de Luzancy, en rom-
. pant une union fi etroite & fi intime
: par la morr de M. de Saci, qui fut
I enleve par une maladie de 24 heures.
I Quelque dure que cette feparation fut
a la nature , elle ne l'affoiblit nulle-
[ nient. II continua de donner de nou~
ivelles marques de fa foi & de fa conf-
tance, que Dieu tenta de nouveau en demandant de lui un fecond fa- • crifice, auquel il ne put furvivre , & qui acheva de confommer celui de j fa vie. Ce fut la mort de la mere Angelique de Saint-Jean fa fceur. M. ; de Luzancy aiant appris fa maladie,, I accourut a P. R. ou il arriva comme elle alloit expirer. II ne furvecut que i x 2 jours a cette incomparable foeur \ \ ear au retour il fe mit au lit, & mou- I rut a Fhotel de Pomponne a Paris lei 10 fevrier 1684, ^gc de- foixante-un t ans, dont il en avoit paffc plus de , quarante dans la reu-aite & la peni- |
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40 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAE.
1684. fence. II fut enterre dans le bas core
de la Chapelle de S. Laurent aupres de M. d'Andilly fon pere. II legua par fon teftament dix mille livres a Port-Roial. xtx. Apres des pertes fi confiderables, Abbe'd'e^u- ^- ^- en *" encore plufieurs autres ,
te Fontaine, tanc an dedans qu'au dehors. Le 29 5a vie' de mars il oerdit un fidele ami & im zele defenfeur de la verite & de l'in-
nocence , par la mort de M. le Roi, Abbe de Haute-fontaine , maifon de l'Ordre de Citeaux , an Diocefe de Chalons en Champagne. Guillaume le Roi (30) lils de David le Roi, Se- cretaire du Roi, & d'Opportune de Choi/I, ne a Caen le 1 o Janvier 161 a, parut porte a la piece & a 1'etat Ec- cleiiaftique des fa plus tendre jeu- nelle. If fut de bonne heure pourvu d'un canonicat dans l'Eglife de Notre- Dame de Paris.Ses inclinations etoient faintes, & fes mceurs tres pures. II etoit naturellement bon , doux, affa- ble , honnete, fincere , tendre, gene- reux pour fes amis, compatiffant pour les pauvres. II avoit beaucoup de gout pour la lecture & pour la re- traite. Ce fut ce qui le porta en 1653 ou 1 (J5 4 a acheter une maifon de. (30) Supl, au Ntct.p.47^. |
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II. Par tie. Liv. IX. 41
campagne pres de P. R. , appellee I(jg . Merentais , ou il fit tranfporter une bonne bibliotheque (31) qu'il avoit formee , & s'y retira pour s'appli- quer a la le&ure de l'Ecriture , des Peres & des Conciles. Pen apres, foil gout pour la folitude lui fit pennu- ter fon canon icat avec l'Abbaie de Haute-fontaine, vendre fa maifonde Merentais, & il-fit tranfporter fa bi- bliotheque dans fon Abbai'e pour s'y confiner (32). Depuis que M. le Roi fe fut fixe dans cette retraite en 1661, il n'en fortit qu'une feule fois pour venir a Paris , a l'occafion d'une af- faire de famille ties importante. Son occupation continuelle etoit, les bon- nes oeuvres , la priere & la lecture. II conferoit certains jours avec les re- ligieux, & leur faifoit des exhorta- i tions dans l'Eglife les Dimanches &c I Fetes. II ne perdoit pas un moment, J regardant le terns corame la chofe la jplus precieufe qu'il y ait, puifqu'il I nous eft donne pour acquerir l'eter- Irute. La partie de l'Ecriture , a la- I...l, . *is^nWiftins de vaux lui donna pout
l^"i faintPienede P«eur D. Rigobert, qui
I Jr™lons rar Marne, pof- fe retira dans la fuite a
I ledciic cctte bibliotheque la Trappe , oil il eft inert
<3iJ VAhbi de Clair-
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4i HlSTOIRE DE PoftT-Ro'lAt.
, quelle il prenoit plus de gout, etoit
les Epitres de S. Paul} il Ies lifoit fans cefTe, & en etoit comme infa- tiable. C'eft la qu'il avoit puife un amour ardent pour Jefus-Chrift , qui lui faifoit dire fouvent avec le grand Apotre : Qui non amat Dominum Je- juni Chriftum , anathema fit : que ce- lui qui n'aime pas Notre-Seigneur Jefus-Chrift, foit anatheme. II avoit un zele extraordinaire & rout de feu pour la doctrine de la neceflite d'ai- mer Dieu pour etre reconcilie avec lui & etre fauve. Ah ! qu'on feroit heureux , difoit-il peu de jours avant fa mort , s'entretenant avec un ami, Jt Von pouvoit pourrir dans un cachet, ou mourir fur un fumier j pour avoir la confolation de lien foutenir & de voir hien reconnue & bien etablie la doctrine de Vamour de Dieu ! Quel ben- • heur pour nous 3 mon cher Monfieur, Ji ce pouvoit etre-Va notre fort.' Nefe- rie^-vous pas ravi qu'il vous fut com- mun avec moi? II n'etoit pas moins zele pour la doctrine de S. Auguftin fur la grace, qu'il avoit etudiee a fond. On peut voir quels etoient fes fen- timens fur cette importantc matiere de la religion , dans fa Priere de la grace , qu'il nommoit fa confeffion |
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II. Partie. Llv. IX. 4$
de foi (33). Son attachement a cette 1684. fainre doctrine de la grace lui donna une 11 grande horreur du Formulaire, qu'il ne croi'oit pas qu'on put le figner purement & /implement, meme pour le droit, c'eft-a-dire , fans marquer dans quels fens les Propofirions e- toient condamnables , tant il crai- gnoit qu'on ne lui donnat quelqu'at- teinte. Le zele que M. 1'Abbe le Roi avoit
pour la doctrine de 1'Eglife fur la grace & fur la neceflite de l'amour de Dieu, ne pouvoit manquer de former une etroite liaifon entre lui & les intrepides defenfeurs de ces faintes verites. 11 lia done avec eux , fur-tout avec M. Arnauld , une amitie qui ne fit qu'augmenter jufqu'a la fin de fa vie. 11 regardoir ce celebre Doc- teur & le refpectoit comme le plus |
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genereux & le plus favant defenfeur ,
que la doctrine de S. Auguftin ait eu |
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dans ces derniers rems. II eur 1'agre-
(5!) M. l'Abbe leRoi M. de Palafox, enlatin,
•volt compote cette prie en italien, meme en an- , *f pour fatisfaire la piete gloss. Bile a ete fouvent • oe la fceur, £,„; £tojt re. reimprimee. Cependanc iigieue, laquelle I'avoit en 1735 un Archeveque pne d en faire une pour de France l"a condamnee oemander a Dieu la grace comme unenouvelle pro- dune veritable conver- duftion remplie d'erreurs 'ion. Cette priere a ete roonftrueufes. ttaduue en Efpagaol par. |
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44 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAI.
ment de recevoir ce grand homrad
dans fa folitude , ainfl que M. Ni- cole, M. de Pontchateau , & plufieurs autres perfonnes celebres , unis avec ces favans Theologiens par les liens que la charire & Pamour de la vc- rite forment. M. le Roi pouvoir - il ne pas s'interefler a ce qui regardoit les faintes religieufes de P. R., qui etoient perfecutees pour la verice, & fupportoient le poids du jour &dela chaleur ? Non ians doute. II concur pour elles une eftime parriculiere, regardant la perfecution qu'on leur faifoit comme la recompense de leur piece , & le couronnement de leur in- nocence (34). Leur etat lui paroifToit tel, qu'un vrai cb.reti.en ne pouvoit le regarder qu'avec des fenrimens de joie & de defir d'avoir part au meme bonheur. II ecrivit a ces faintes filles, pour les feliciter de leurs foufFrances & les fortifier (35). Il prenoit leur defenfe & faifoit leur apologie (36). La fincerite ne nous permet pas de diflimuler que M. l'Abbe le Roi, par (34) Lettre de M. Ie ties de M. le Roi.
Roi i 10 mai iS6j.Kec. ($6) Lettre d'un Soli-
de pieces fur le Form, de taire a .... fir laperfi-
a7f4,p. 311. cution qu'on faifoit aux
Oy) Voi'ez dans le me- religieuj'es deP.JZ. i66j.
me lecueil plufieurs let- |
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II. P artie. Liv. IX. 45
I fan abus d'autant plus deplorable qu'il I porTeda pendant la plus grande par-
I tie de fa vie deux benefices. Sur quoi IM. Amauld, ufant de cette liberie I evangelique qui lui etoit fi narurel- I le , lui ecrivit plufieurs lettres tres I fortes; une entr'autres, dans laquelle 1l* raP.pelle M. le Roi aux regies des I Conciles , dont il lui fait un abrege. I Le pieux Abbe fe foumit aux falutaires I avis de cet ami chretien, non-feule- I merit pour ce qui regardoit la plu-
rahte des benefices, en fe demettant I <je fon Abbaie de faint Paul de Ver- dun • mais il prit meme la refolution de quitter l'Abbai'e de haute-Fon- taine, qu'il avoir fcrupule de pofTe- der en commende. M. Arnauld, qui lui avoir encore donne ce confeil, le nt fouvenir dans une lettre du 3 aoiic l6S} de cette refolution; cependant M. l'Abbe le Roi n'executa point fon Fojet. Mais ajoutons, que fi l'abus ^e la pluralite de benefices , qui eft tr°p contraire aux regies de TEglife fourqu'onpaifie le iuftifier, poiivoit Mei?ALtfable' ]1 *'auroit 6ti dans
M. I Abbe le Roi par le bon ufage qu il fit toujours de fes revenus. Non
content de les emploier aux foulage- |
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4<J HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAl.
"T^gT mens des pauvres , il y fit encore fer-
vir fes propres fonds, n'aiant pas laifle en mourant le quart de plus de cent mille ecus de bien de patnmoine qu'il avoit eu de fa famille. M. le Roi mourut dans fa retraite a 1'age de 74 ans, le 15? mars 1684. xx< _ , Le premier du mois fuivant, qui La fueur Euf- , . J r i • /• ■ i i1
•oquie. sa etoit le iamedi laint, la mort enleva
vie & fes ^ p£ge je j x ans Anne-Marie de fainte Euftoquie (de Flefcelles de Bre-
gy), comparable par fa piete , par fes lumieres, par l'etendue de fon.genie, a la celebre Vierge Romaine de ce nom, dont faint Jerome fait de fi grands eloges dans fes lettres. Elle avoit ete baptifee a l'age de cinq ans (le 15 avril 163 8 ) , & elle repondit elle-meme a celui qui la baptifoit. Sa maraine fut Anne d'Autriche, Reine de France , qui conferva toujours pour elle de I'afFe&ion , malgre la preven- tion qu'on lui infpiroit. Outre l'avantage confiderable aux
yeux du monde , d'etre nee fille de qualite , cette religieufe avoit regit du ciel un efprit du premier ordre , Sc un courage dont il y a peu d'exem- ples (37). Une education faite avec loin & au milieu de la Cour, avoit (37) Suppl. ia Necr.de P. R.
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II. Partie. Liv. IX. 47
ajoute les agremens de la politelTe a
|la folidite de fon efprit; & peu de
perfonnes de fon fexe ont fix ecrire
Ijavec autant de force 8c d'elegance.
■Genie propre aux fciences , elle avoir
■acquis par l/etude toutes les connoif-
«fances qui lui etoient necelTaires pour
fe mettre , avec le fecours de la gra-
"jce , hors d'atteinre a la feduclrion , a
laquelle l'ignorance met prefque tou-
jours hors d'etat de refifter. Heureufe
■de n'avoir emploie que pour Dieu
?|ce qu'elle ne tenoit que de lui feul,
M&c ce qu'on n'emploie ordinairement
I que pour rechercher les applaudifle-
ifrnens du monde !
Elle nous apprend dans une rela-
tion qu'elle a raite des inflructions que la mere Angelique donnoit a fesfil- mles (38), qu'elle avoit eu de Paver* a fion pour la profeffion religieufe ; ||enfuite Dieu lui en ai'ant donne le ■defir ,elle voulut s'eprouver elle-me- jjrnej mais la mere Angelique lapre- f,vint, & la fit entrer aunoviciat. Elle re$ut le voile le 28 feptembre 1656 y 9), & fit profeffion le 11 novem- M pre de l'annee fuivante. Pendant plu- § <38) T. 1. Rel. XXI, p. suppl. du Necr. qui paroic
3 ^7f' , fetromper. 0?; i«f?, felon le
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48 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
X0A., iieurs amiees, elle ne fe lit remarquer
que par fon hurnilite & fon amour pour la mortification. II n'y avoit rien de li bas dansle monaftere qu'elle ne fit par preference, lorfque 1'obeif- fance l'y appliquoit. Ses grands ta- lens furent ainli comme enfevelis juf- qu'au terns de la perfecution, qu fervit a decouvrir les trefors de lu- miere , de courage & d'amour pour la verite , que Dieu avoit mis en elle (40). _,,XXI- Pendant la perfecution de 1664, Elle rend un . f. . r j r« r»
temoignage aucune cles reugieules de y. K. ne
& la verite. rendit un temoignage plus eclatanta la veritej que la fceur Euftoquie , fur- tout depuis i'enlevement des meres. On la vit a la tete des autres foute- nir le choc des ennemis de la verite, confondre les Chamillard & les Bail, renverfer les faux raifonnemens que M. de Perefixe fe donnoit la peine de venir debiter inutilement a leur |
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grille; dreffer tous les acles que la
neceffite d'une jufte defenfe les obli- |
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geoit d'oppofer aux vexations qu on
leur faifoit foufFrir •, animer toutes fes fceurs par l'exemple de fermete 8C de courage qu'elle leur donnoit, inftruire celles qui avoient befoin |
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(40) Vies edif, T. 1.5,45;. Supp!. dii Necr.
d'inftru&ion
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II. Par tie. Liv. IX. 49
d'inftru&ion , foutenir les foibles, 1684.
reprimer avec cette fage retenue qui ne s'ecarte point de l'humilire, les entreprifes des errangeres qu'on leur avoir donnees pour les gouverner ou plutot pour les perfecurer ; 8c malgre routes les perfecurions de ces aclrives furveillantes & des fosurs infidelles, trouver tous les jours des relTources innocentes, pour enrrerenir au~dehors la correfpondance neceffaire aux be- foins de leurs affaires, & pour inftrui- re le public de ce qu'il importoit a leur juftification deJui faire con- noitre. M. de Perefixe fit tous les efforts xxn.
imaginables pour tirer de la fceur ^^"^
Euftoquie une ombre de ilgnature. ment a terns
Prieres , menaces , tendreffes, em-^f^
I portemens , exhortations, converfa- la feduire.
Itions familieres , follicitations de
pere , de mere, de parens 8c d'amis, tour fut mis en ufage pour lui faire I oublier fon devoir ; 8c rour ne fervit 1 qu'a faire eclater davanrage la gran- I deur de fa foi, & la force de fon I arrachement pour la verire. U n'eft I pas pofuble d'entrer ici dans un detail § exact de routes les paroles admirables, qui fortirent de fa bouche dans les differentes occafions. Nous en avons Tome PIII, C |
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50 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
~~i6ST. rapporte quelques traits , & nous en
rapporterons encore quelque-uns, qui feront fuffifans pour montrer com- ment la grace faifoit fervir alagloire de la religion les dons que la nature avoitprodigues a cetteexcellente fille. M. de Paris irrite de ne pouvoir xxin. _ rien gagner fur l'efprit de cette vierge m. de pans chr£tienne y gc allure d'ailleurs que vaincu prend fa famille fe contenteroit de la plain- ly para de la jre £ s'oppofer aux violences qu'il (aire enuver. . it .. ^ r pourroit exercer contre elle , ne conii-
dera plus ni fon nom, ni fa qualite
de filleule de la Reine j & il refolut d'efTaier fi par la captivite dans une maifon etrangere , il ne pourroit pas triompher ennn d'une conftance, qui le couvroit continuellement de con- fufion. Jamais la fceur Euftoquie ne voulut faire aucune demarche pour prevenir ce coup , quoique fes pa- rens & quelques-uns merae de (es directeurs lui confeilkuTent d'ecrire a la Reine , dont elle etoit aimee , pour reclamer fa protection contre les injuftices du Prelat. Je m'efiimerai heureufe 3 difoit-elle, d'etre facrifiie en la maniere qu'il plaira a DieupouT une caufe fit fainte} pourvu qu'il me faffe la grace de conferver jufqu'a Id mort le ddpot facrd de la virite. D'ail-' |
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1
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II. Part ie. Liv. IX. 51
I Ieurs elle avoir toujours cm devoir I(jg4 Ifuir tout ce qui engage avec les gens
du monde , & fur-tout avec les grands. Tout ce qui rapproche d'eux lui pa- roiflbit eloigner de l'humilite chre- tienne & religieufe. Ellecroi'oitqu'une fille confacree a Dieu ne devoit vivre I que pour lui, & qu'ai'ant pris un en- Igagement folemnel de mourir au J monde , fon unique defir devoit etre Id'en etre oubliee & regardee comme
n'etant plus. Elle eut pendant route ia vie pour devife : ama nefciri & pro nihilo reputari , aimez a. etre incon- nue & compree pour rien. I J^',de Paris ne voi'ant done aucun |oWtacle au deflTein qu'il avoit de re- xxrv ■duire cetre vierge chretienne en cap-EIIcc!i' a!fc« |avite,alla lui-meme le z9 norttLLt^""' bre 1664 a P. R, la fit enlever & con- fe f« |
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meus*
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.duire aux Urfulines de faint Denis.""'"
Avant que de fe feparer de fes fceurs, elle demanda au Prelat qui venoit de ■W figmfier fa fentence, la permif- iion de leur dire adieu. L'aiant ob- *enue , elle alia au chapitre , oi\ elles eoientenfermees5fePiettaJaleurs IZa }Qm dema«da humblement pardon des fujets de mauvaife edifi- Ration quelle avoit pu leurdonner: ipuis dans un mouvement de douleur Cij
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52 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,.
& de tendretfe, elle les ftipplia de
lui permettre » de leur expofer fes » fentimens avant que d'etre arra- ». chee d'avec elles, & de leur dire » qu'il n'y avoit point de caufe plus » fainte que celle pour laquelle Dieu » leur failbit la grace de fouffrir j que » cette grace lui paroiiToit ineftimable; « que li jamais fes fceurs apprenoient » qu'elle fut changee &c qu'elle eiit » figne ( ce qu'elle efperoit avec la » mifericorde de Dieu qui ne feroit « point) elles fe timTent aflureesque « ce n'etoit point par principe de « lumiere , mais par un effet de foi- \ » blefle , d'aveuglement & d'un ter- » rible jugement de Dieu qui auroit » puni fes fautes paflTees en l'aban- M donnant a elle-meme j qu'en leurl » prefence, & en celle desMeffieursf " (dela fuite de l'Archeveque) qui! » etoient prefens, elle condamnoit,5 « anathematifoit & retradtoit toute v »> fignature qu'on pourroit extorquer » d'elle en fante ou en maladie , &' » fur-tout a la mort; qu'elle les cotv » juroit avec toute la tendreflTe dont ^ elle etoit capable de fe fouvenir;' »» d'elle devant Dieu, &c de croire I » qu'elle feroit toujours toute a elles a1 « la yie & a la mort «. Ce fut ainfii |
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II. Partis. Liv. IX. JJ
quela foeurEuftoquiequittafes fcEurs. 1684. M. 1'Archeveque ne vouiant pas xxv que perfonne fe trouvat a fa fortie , Les feors avoit fait enfermer les religieufes vk^nen" lui de choeur dans le chapitre , & les dire adieu, fours converfes dans l'avant-chceur. Mais quelques-unes de ces dernieres s'etant echappees vinrent l'embrafler i dans le cloicre ; ce qui mit ce Prelat dans une fi etrange colere, que la four Euftoquie amire qu'elle croit qu'un homme qui feroit une demie neure dans une femblable colere en perdrdit la vie. II fe mit done a crier apres ces pauvres converfes, d'une maniere qui faifoit trembler : Grifu> Cnfes , hors dela A que venex-vousfaire lci, je vous oierai votre habit, &c. La four Euftoquie le voi'ant dans cec etat, fe mit agenoux , & lepria avec grand refpeel; d'excufer ces pauvres filles, en difant que leur affection les faifoit agir , qu'elle etoit trop grande pour ne pas donner des larmes dans une telle occafion, mais que cela ne bleOToit point le refped qu'elles Javoient pour fa Grandeur. Cela Pap- paua, il frappa fa poitrine , & dit, que Bieu me punijje _, qu'il me perde Jije ne fa:S pour lui ce que je fais. Je protefie que c'ejlpourfa ploire & par C iij
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54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1684. confcience. On voit ici a quel exc&f
un Archeveque de Paris fe porte, I croiant agir pour la gloire de Dieu, & par confcience. SoKfc1 de ^a ^"CEUr Euftoquie etant arrivee a I p. r. de la la grande porte, y trouva la fameufe I J* £uft°-fourFlavie, a qui elle dit adieu, en I l'afiurant qu'elle prieroit Dieu pour I elle route fa. vie. Enfin elle fortit, &c I monta dans un carofTe avec la four I Melthide, pour etre conduite l'une| & l'autre a faint Denis. La foeur Mel-1 thide etoit fort gaie &c paroifToir pleine de courage : pour la foeur Euf- toquie, elle etoit a la verite dans une grande joie en coniiderant la grandeur de la grace que Dieu lui faifoit, mais la crainte de n'en pas faire un bon ufage, la tenoit dans Ie tremblement. Lorfqu'elles furent arrivees a la porte de la ville de faint Denis , la four Melthide demanda a l'Ecclefiaftique qui les conduifoit,quel etoit l'endroit ou il les menoit : PEc- elefiaftique le leur apprit. La four Euftoquie, qui avoit de la repugnance pour les Urfulines , eut peur lorf- qu'elle vit que c'etoit leur maifon qu'on lui deftinoit, & cela l'obligea de faire a Dieu un nouveau facrince. La four Melthide dit a I'Ecclefiafti- j |
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II. Par tie. Liv. IX. $$
que : » Je vois bien , Monfieur , que » 'l'on me met a Ste Marie dans l'ef- » perance que ma foeur Candide me fagnera , mais j'en fuis incapa-
le (40*). J'ai eprouve ce que c'eft que de trahir fa confcience «. Cette parole efFraia la foeur Eufto- quie , qui lui dit: vous en ites inca- |
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1684.
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(40*) On peut regarder
certe parole de prefomp- tion commelacaufe de la la chute de la fceur Mel- thije, felon cet oracle du faint Efpii: le priucipe de tout peche eft l'orgueil: fnitium omnis peccacieft fuperbia. ( Eccli. c. 10. J«r. if.) II le fut dans faint Pierre, qui apres avoir dit a Jefus-Chrift: Quandvousfcriei unfujet de feandale pour tous les autrcs , vous ne le fere^ jmaispour moi , ( Math. i«. verf. 5,.) Je renon- ca trois fois ; & pour ci- ter un exemple moins e- loigne de nous, & qui appartient a cette liiftoi- re ' " le fut dans la Prin- cefle Genevieve de Boat: b™ Conde , depuis Du- ffle de Longueville.qui *u Ueu de reccvoir avec numllite les avis falutai- *es que lui donnoient les Carmelites, lorfqu'elle fe FfP«o!t a aflirter a un "•' * P" obeilfance pour Madame fa mere , leur repondit , que fa venu nav°u riendcraindre,& |
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qu'elle fi foutenoit par
elle-mime. Paroles que cette Princeffe vraiemenc penitente fe reprocha fi fouvent depuis, comme- aiant ete la fourcc funelte des cgaremens oii elle ne tarda pas de tomber. Ces examples doivent nous apprendie & ne point met- ric notre confiance en nous memes, & en nos ptopres forces qui ne font rien , quia noftrum nihil eft, die fainr Cyprien. Trembles avec ['humble fceur Euitoquie , & Dieu nous foutiendra. Le pre- fomptueux s'imagine pou- voir tout, & il ne peut rien; il croit exceller par- deffus tout, & il n'excelle en rien; il promet tout Sc ne tient rien. Il n'y a rien qui nous foit li in- connu que nous-rnemes; rien que nous voi'ons moins que notre pauvrete & notre foiblcffe. Cro'i'ons plutot ce que Dieu nous ait de nous dans l'Ecritu- re , que ce que nous fen- tons nous memes en nous. C iiij
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$4 HrSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
16^84. fable I & tnoi ma pauvre fceur, j'en
fuis tres capable : tremblens , tre'm- blons, la grace eft notre foutien ; mais Jl nous nous en rendons indignes , que ferons-nous , itant la foiblejfe mime ? fur cela I'Ecclefiaftique dit a la foeur Euftoquie ; Vous voie\ dans la figna- ture un peche1! Tres grand s lui dit- elle. Mais , Madame repliqua-t-il, quelle forte de peche? Monfieur, re- pondit la foeur Euftoquie , faint Gre- goire le qualifie & dit que e'eft re- noncer a la foi & cejfer d'hre Chre- tien : Fidem negavit & eft infideli de- terior : I'Ecclefiaftique pria la four Euftoquie de lui dire les propres pa- roles , ce qu'elle fit. II en fut effraie, & dit: Mais , Madame, tout le monde feroit done damni ? la foeur Euftoquie lui repondit : Monfieur j e'eft une bonne maxime de nejuger perfonne & de prendre garde a foi. xxvn. Etant arrivee dans la cour des Ur- , Son|ae^j'fixlines, elle trouva a la defcente du
A>n des ur- carofie un Ecclefiaftique qui lui fit Amines. beaucoup de complimens, & un pa- negyrique de la maifon; a quoi elle repondit que Dieu etoit par-tout, qu'ainfi elle efperoit le trouver aux Urfulines comme & P. R., qu'on ne cherchoit pas la beaute dans l'exil, & |
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II. Partie. Liv. IX. 57
qu'un chretien pour qui le monde eft un exil, ne fauroit craindre les incom- modites de la prifon. Auffi-tot on ouvrit la grande porte , & la fceur Euftoquie s'etant mife a. genou fur le feuil de la porte devant la Supe- rieure , elle lui dit, qu'elle embraf- foit avec joie la folitude oii Dieu per- mettoit qu'on la mir, qu'elle lui obeiroit en tout .comme a fa Supe- rieure , tant qu'elle feroit dans fa mai- fon , a. l'exception des chofes qui re- gardoient les affaires prefentes de la agnature , fur lefquelles elle pria qu'on ne lui dit pas une fyllabe , parce- que l'etat dans lequel elle entroit, etoit uneceffation de toute adtion, & abfolument paffif pour elle. La pri- fonniere fut enfuite conduite a l'E- gbfe, comme elle l'avoit demande , pour s'ofFrir a Dieu de nouveau : & les religieufes qui l'accompagnoient, mrent fort edifiees- de cette priere, & fur tout de la voir a genoux devant I »ne image de la fainte Vierge. Com- I ine elle y demeura affez long-tems, ! elle entendit les religieufes qui fe cliloientles unes aux autresavec eton- nement: Elle prie la fainte Vierge ! Wn nous avoit dit que ces religieufes P y cro'ioient pas, Cv
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58 HiSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
_ ,g Le foir la mere Superieure mit
aupres de la four Euftoquie, en exe-
cution des ordres de M. de Paris , une religieufe nominee Elifabeth de fainte Scholaftique , qui des ce mo- ment jufqu'a celui 011 elle fortit de cette prifon , ne la ouitta ni jour ni nuit. Cette religieufe etoit pour ce fujet difpenfee de toutes lesobfervan- ces regulieres, & avoit fous elle une four converfe , pour fuppleer lorfque quelque raifon pourroit l'obliger de quitter fon pofte, & pour apporter a la pr ifonmere & a la geoliere tout ce dont elles auroient befoin. Elle gagne Comme cette gardienne etoit fort lccirur de/j ^VOte , & que le befoin que la four
Euftoquie avoit de la pnere lui en re- nouvelloit fans ceffe Vobligation , el- les pafToient Tune & l'autre la plus grande partie de la journee en prie- res dans une grande chapelle de la Vierge qui donnoit fur l'Eglife. Elles y etoient ordinairement, fur-tout les jours de fetes , depuis quatre ou cinq heures du matin, jufqu'a neufou onze heures, & I'apres-midi a proportion , faifant leurs prieres, difant leur offi- ce , entendant des mefles. La mere Elifabeth etoit d'abord extremement prevenue contre la four Euftoquie-.t |
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II. Parti e. Liv. IX. 59
elles furent environ trois femaines fans fe parler, aiant peur l'une de l'autre. Apres ce tems, la mere Elifa- beth dir a fa prifonniere en Pembraf- fant: en veriti 3 vous etes pounant une bonne fille _, je nefais ce que vous m'a- vex fait, mais vous me gagne^ le cceur. Elle la mit d'abord fur le chapitre des Jefuites , dont elle lit Peloge (41) pour Peprouver ; mais la fage reponfe de la prifonniere la defarma. Depuis ce jour elle s'ouvrit de plus en plus a la foeur Euftoquie, qui de fon cote voiant que c'etoit une ame droite &c un efpnt folide , lui parla fort bon- nement, & tacha doucement & par |
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EUe temoignoit de mrrne
avoir ete fort fcandalifec des maximes qu'elle a- voit entendu debiter a M* Grimald , parcequ'il leut difoit, » qu'il falloit s'at- » tendre a la Providence j » ne point amafler de jj bien, ne poinr fe fou- » cier que les lilies fuf- 3> fent riches ou pauvresr » pourvu qu'elles euflent j> bonne vocation , &c. Elle etoit choquee de ce qu'il ne leur parloit que de grace; que de la ne- ceflic£ de la grace, que perfonne n'entendoit ce myftere & la doctrine de faint Auguftin,, que HeC* fieuis de 8> R-- Cvjj |
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(41) Les Urfulines de
faint Denis etoient fi de- veuees aux Jefuites, qu el- les faifoient gloire de s'appeller Jifmtejfes. La fceur Euftoquie dit qu'el- les avoienc chez elles VAl- manach du Janfinifme fou- dro'ie , comme une image de devotion. Elles etoient fi prevenues contre les pre- tendus Janfeniftes & con- tre leurdoftrine , que M. Barbeteau, qui neanmoins avoit ftgne , aiant parle dans un fermonj de la via chretienne & des obliga- tions du Chretien , elles en furent indignees, La'Prieu- K vouloit qu'on lavar la; shake,afindela purifier.. |
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6b HlSTOIRE DE PoRT-Roi'At.
1684. forme d'entretien de Jui infpirer les
bonnes maximes. Elle eut la confo- lation d'y reuffir, & de la voir entrer dans ce qu'elle lui difoit du definte- reflement dans la reception des filles , de l'eloignement du monde, de la ilmplicite dans les ornemens de l'E- glife, de la penitence. De forte qu'elle fit avec fa prifonniere le careme felon 1'ancien uiage de l'Eglife en ne fai- fant qu'un repas.La mere Elifabetli dit a la fceur Euftoquie que le Pere le Jeune fon Directeur ( qui eroit morr alors, & qu'elle regardoit comme un faint) lui avoir dit pofitivement qu'el- le feroit chargee du foin d'une reli- gieufej & qu'il lui avoit ordonne d'apprendre par fon exemple jufqu'a quel point il raut preferer Dieu a tour. Enfin cette bonne fille commencoit fort a fe detromper ; elle aimoit & fouhaitoit les bons livres, elle difoit a la fceur Euftoquie qu'elle n'oublie- f oit jamais la grace que Dieu lui avoit faire d'etre aupres d'elle. ^XIX- Mais quoique la mere Elifabeth de toquic n'en SKScholaftiqueeut concu de l'afFeclion
c«pas moins pour ja {(£Ut Euftoquie, & qu'elle fe captive ; fes r a J_ . • if » /• •
occupations, detrompat de jour en jour, elle n oloit
violer les ordres qu'elle avoit recus j ainii la prifonniere n'en etoi t pas moins |
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II. P A R T I B. L'lV. IX. Si
Captive. On avoir envo'ie aux autres re- i 684.
ligieufes leurs ecritoires & quelques livres, mais on n'envoi'a rien a la four Euftoquie, & cela par le confeil de la f<xur Havie qui s'y oppofa, en difanr qu'il falloit lui faire faire penitence de fes ledtures & de fes griffoimeries paftees. Cependanr .la four Scholafti- que lui fourniflbit forr volontiers de quoi ecrire, & la prioir metne de le faire, mais c'etoit a condition que ce feroit pour elle, ou du moins qu'elle le verroit. La four Euftoquie paftbit les Fetes a prier, & a lire dans fa Bi- ble qu'elle avoir apportee ; les autres purs elle travailloit a ce que fouhai- toient les religieufes. La luperieure avoit une frai'eur extraordinaire qu'el- le ne dit quelques mots a fes reli- gieufes , dont plufieurs l'aimoient & cherchoient les occafions de lui parler. On renouvelloit fans cefTe la defenfe d'approcher de la prifonniere, fous de grandes peines • deforte qn'une re- lligieufe lui dit un jour en paflant: ■ious 7205 chapitres font pleins devous, ■g* occupe's a defendre de vous parler. gLa Superieure ne craignoit pas moins pour elle que pour fes filles. Nean- moins la four Euftoquie temoigne lui avoir obligation de ce qu'elle n'a- |
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Cl HlSTOIRE DE PoRT-ROl'^t^
J684. voit pas execute a. la rigueur les fe-
conds ordres de M. de Paris. lis e- toientli rigoureux, que la mere Supe- rieure les aiant propofes a fes difcre- tes, il y en eut une qui repondit; (la fceur Euftoquie l'entendit elle- ineme ) oh pour cela _, ma mere _, cela eft trop cruel: il n'y a pas mo'ien de faire cela : on n'efi pas oblige d'obiir dans ces fortes de chofes. La fceur Euf- toquie apprit depuis de la mere Prieu- re de Paris, qu'un des points de ces nouveaux ordres etoit de la faire jeiiner au pain & a l'eau. Monfieur de Perefixe vouloit voir fi ce jeune^ ou il avoit envie de re'duire la faur Ejloquie, ne ferviroit point a la domp- ter (4i). ia feUi f ^a Superieure vint trouver la fceur toquie Utk a Euftoquie le troifieme Dimanche de w,de path, pAvent, & la pria d'ecrire a M. de pour lm de- . ' , .r,
mander la Fans, pour lui demander la commu-
permiflionde ion r N fl £lle le fit, quoi-
»oei. qu eile previt 1 inutilite de la de-
marche. M. Gobert , qui avoit ere
porteur de la lettre, en rendit re- ponfe la veille de Noel fur les fept Iieures & demie du foir : elle ne rut (41) Ce font les propres !a mete Prieure de Paris,
paroles de M. de Paris, qu'iletoit allevoiraMoil.
parlant a M. l'Eveque de torgueil avec ce prilac-
Soillbns, en prefenee de. |
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II. Part ie. Liv. IX. 6t>
I que verbale r vousdire^s'il vousplan_, ~~^%Z. I a lafctur de Sainte Eujloquie qu'elle ne
communiera jamais, fi elle ne change; & que je ne lui re'cris point de peur de la facher & de me facher moi-me- me. M. Gobert ajouta a cette repon- I fe d'autres chofes de fa facon ; il parla I pendant environ une heure & demie, [ & con clut en difant, qu'enfin M. UAr- cheveque n'en auroit pas le dementi.... La fceur Euftoquie lui repondit avec tanrde folidite, que l'orateur decon- certe lui repliqua pour route raifon,. qu'il fouhaitoit qu'elle ne lilt que fon Ave : puis il dit avec menace : le Roi fe melera de cette affaire. » Le Roi, » reprit avec force la fceur Eufto- » quie, peur nous faire couper la » tete, puifqu'il a en main l'autorite » & Tepee ; mais il ne peut pas don- » ner la foi d'un fait contefte, ne- » ceffaire pour fierier. Cela paflfe fon » reffort & va plus loin que fa puif- » fance. Vous pouvez temoigner, » Monfieur, a M. l'Archeveque, que » tout ce que je vois ne m'effraie " point. Je trouve cette caufe fi fain- " te , qu'elle m'a toujours paru di- » gne de faire des martyrs. Je fuis » mnniment indigne de cette grace » » mais 6. Dieu vouloit fignaler ia. |
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6+ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
1684. " bonte en me la faifant, je m'efti-
» merois henreufe. La perfecution » ou nous fommes tombees, m'aug- » mente l'amour cle ma vocation , » que j'aime a caufe de cela plus que » je n'ai jamais fair". Avant que d'apprendre le fucces
de fa lettre , la foeur Euftoquie avoit eu le matin la vifite d'une des prin- cipales religieufes de la communau- te , qui lui temoigna beaucoup d'af- fection : cecte religieufe preteadoit que le Bon Jefus lui avoit parle en commen^ant fon oraifon , & lui avoit ordonne d'aller trouver la four Euf- toquie, pour lui dire de fa part, qu'el- le lui ouvrit fon cceur par robeiffance a fes Superieurs , qu'il vouloit de- meuier en elle & qu'elle feroit fon epoufe. La foeur Euftoquie lui repon- dit qu'elle ne croi'oit point que ce fut pour elle que le Bon Jefus lui avoit parle, parceque fi c'etoit pour elle , il lui auroit ordonne a elle- meme de l'ecouter & de lui obeir 5 mais qu'au contraire il lui difoit tous Jes jours de n'ecouter perfonne fur ce point. Cette religieufe avoit avec elle une foeur tres raifonnable , qui difoit fbuvent a la fcettr Euftoquie, qu'elle ne vouloit point juger , que |
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II. Partie. Uv* JX 6$ _____^^
tout ce qu'elle voi'oit des religieufes 1684.
de Port - Roi'al l'edifioit trop pour croire qu'elles ne fufTent pas dans la bonne voie ; mais qu'elle ne pouvoit s'imaginer d'autre part que tous ceux qui fignent, ou qui exigent la figna- ture, ruflent trompes \ ainli, que tout ce qu'elle pouvoit faire, c'etoit de fufpendre fon jugement, & de dire fonvent a Dieu : Mon Dieu _, vous con- noiffe^ tomes chofes : vous (ave\ de quel cote ejl la verite : faites - la triom- pher; convertiffe^ ceux qui la combat" tent; foutene\ ceux qui I'aiment & la defendent, tels qu'ils foient. Dans la captivite ou la fosur Eufto- xxxr.,.
/ ■ / 1 • * On n'oubltff
quie etoitreduite,on mettoiten OEU-rien p0l,raf-
vre tout ce qui pouvoit l'affbiblir. LesfoiS;!it'? Sr« »' • J' ■ •' o i> n- 1 Euftoquie.
tcmoignages 0 amine & d eftime, les
louanges , les menaces, rien n'etoit oublie. Dans routes ces differentes tentations , fon anne deffenrive etoic ces paroles , Te oportet femper adora- ri , Domine, que Jeremie avoir don- nees aux Juifs captifs a Babylone, pour Ieur fervir de prefervatif contre les fuperftitions des Babyloniens. Elle les avoir toujours dans l'efprit;&fa /miation les ku rendoienr auffi ne- ceflaires qu'elles 1'etoient aux Juifs. Les nouvellesaffligeantes neluiman- |
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66 Histoirs t>t PoTir-AoiAi:
quoient pas. Celle de la chute d&
la fceur Gertrude & de la fceur Mel- thide l'affligea extremement. La dou- leur qu'elle en reilentit, la crainte qu'elle avoit de tomber elle-meme , la violence qu'elle fe fit pour cacher fes peines , afin de ne pas s'expo- fer aux attaques de fes geolieres , altererent tellement fafante\ que ja- mais elle ne ffit bien retablie. Ou- tre Ies nouvelles vraies, on en debi- toit beaucoup de faufles ; on alia juf- qu'a lui dire qu'il ne reftoit plus que neuf ou dix religieufes du monaftere de Paris qui n'euflent point figne, & que Ton alloit les difperfer dans d'autres monafteres.. L'hiftoire nous fournit plufienrs exemples de fembla- bles llratagemes, dont fe fervoient Ies Paienspour tromper les Chretiens. Si les nouvelles , foit les vraies, foitles faufles, n'arfoibliflbient point la foeur Euftoquie, au moins lui caufoient- elles les plus vives douleurs, & elles etoient pour elle un nouveau fujet de perfecutions , parcequ'on les lui propofoitpour exemple, & on la pref- foit d'imiter celles qui s'etoientren- dues. M. de Perefixe etant alle le trente
Janvier 166 c confefler la fceur Ger- |
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II. P ART I E. Uv. IX. 67 ______
trade chez les Annonciades, il ren- Kjg^.
die le tnerae jour vifite a la four Euf- XXXu. toquie. La Superieure prefente a Ten- m. de Pan's trevue dit beaucoup de bien de fa pri- f^"^ Euf- fonniere, ajoutanr que e'etoit un dom- toquie. mage terrible qu'elle eut ete a P. R. » C'eft une faveur , repondit la four » Euftoquie , donr je rends tous les » jours graces a Dieu. Je m'y fuis en- » gagee dans les commencemens de » la perfecution, je le ferois encore il » e'etoit arecommencer «.M. de Pa- ris ordonna de nouveau a la Supe- rieure de ne la laifTer voir a qui que ce fiit fans un billet de fa main, de lui oter toute voie de communication, & de ne dire de fes nouvelles a per- fonne. Vers la fin de fevrier, la Superieu- xxxirr.
..^ • 1 • r • o \ Fermcte de
re vint voir la pnionmere , & apres u focut j^,
1'avoir exhortee a figner , elle lui dit, toquie. les larmes aux yeux, qu'elle s'expo- foit a des chofes terribles, qu'elle n'o- foit les lui dire , & qu'elle le verroic bientot. La four Euftoquie lui deman- da ce que e'etoit, & la Superieure lui fit entendre qu'on lui oteroit fon ha- bit & qu'on 1'excommunieroit. La ge- nereufe vierge chretienne temoigna que les menaces ne l'effraiotent pas % parceque fi les hommes les excom- |
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6% HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
munioient pour ne pas fe rendre a
une chofe qui bleflfoit leur confiden- ce, cette humiliation lesuniroit plus parfairementa Dieu &al'£glife, dont elles feroient toujours des membres veritablement vivans, tant qu'elles de- meureroient attachees a la verite. La Superieure pretendit que c'etoit par- ler avec prefomption ; &c lui deman- da li elle fe laifleroit oter fon habit, ajourant que ce feroit n'avoir gueres d'amour de fa vocation. » Jamais , » repliqua la fceur Euftoquie , je n'ai » mis ma vocation dans mon habit, » ni en rien d'exterieur. Notre habit >• n'eft que la figure de J. C. dont S. »> Paul veut que tous les Fideles foient " revetus. Je ferois bien malheureufe » de preferer la figure a la realite. Je » ne crains que cle perdre l'habit in- » terieur de la juftice & de la cha- » rite. Plus je ferai depouillce au « dehors de tout pour la verite, plus »> je ferai remplie au dedans«. La prifonniere de Jefus-Chrift repondit de mime fur pluheurs autres mena- ces , avec tant de fermete & de coura- ge , que celle qui les lui faifoit en flic etonnee, & dit en fortant a la mere de Sainte-Scholaftique qu'il y avoir la quelque chofe d'extraordinaire. » Car |
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II. P ARTIE. L'lV. IX. <?5)
» enfin , dit - elle , elle paroit pour 1684.
» cela, cbmme les martyrs pour la foi, " prete a tout". Quelques jours avant le Careme , xxxiv.
la foeur Euftoquie fe trouva dans un Jtaeures'T' accablement d'efprit epouvantable fur des fujets qui n'avoient riendecom- mim avec la lignature. La violence qu'elle fe fit pour qu'il n'en pariit rien au-dehors , jointe a ces peines, lui caufa un crachement de fang, dont elle futfortincommodee.Comme elle etoit toujours dans un ferrernent de coeur extraordinaire , il lui prit un defir extreme de voir quelque per- fonne de confiance , dont elle put prendre avis, mais aufli-tot elle penfa qu'elle ne pouvoit voir perfonne fi elle ne fignoir, ce qui lui fit horreur, & elle dit en elle-meme. » Sans doute " voila un artifice du demon qui veut " me tromper fous ce fpecieux pre- " texte. Quoi! nos amis font-ils plus " puifTans que Dieu ? Ne me peut-il M point fecourir fans eux» ? Auffi- tot elle s'adrefla a Dieu, &c lui dit: » Mon Dieu , quand il feroit en mon » pouvoir ds voir tous nos amis , je » ne le ferai pas dans la tentation » oil je fuis «. Apres avoir forme cet- $C refolution, elle fe xnit deux jours |
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70 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
I £8"2. en prieres continuelles, & elle eprou-
va que celui qui met fa confiance en Dieu n'eft pas confondu. Elle eflui'a plufieurs tempetes femblables pendant les fept mois de fa captivite j & s'en delivra par la priere. f xxxv. Apres etre fcrtie de ces combats, Amres mi- ejje fut acCablee par d'autres peines.
nes caufeer „ r hi- r r i
par la chute Le rurent celles que tui caulerent les
des amis de fau(fes nouvelles de la chute des amis de F. R. qu'on l'afluroit avoir figne. Depuis les dernieres femaines de Ca- reme jufqu'au mois de juin , ellen'en- tendoit parler d'autres chofes a ces bonnes meres, qui etoient charmees de ces nouvelles & les lui debitoient comme tres certaines. Elle crut ainfi fur leur parole, que M. d'Aleth , M. de Beauvais, avec leurs plus fermes Ecclefiaftiques, etoient changes. Elle en avoit le cceur perce de douleur, fur-tout par la crainte oil elle etoit de l'affoibliflement des autres perfon- fonnes qu'on ne lui nommoit pas , mais qu'on marquoit aflez, en difant que c'etoient ceux en qui elle avoit plus de confiance. Elle les repafloit tons dans fon efprit, les orfroit a Dieu, le priant de les retirer a lui, plutot que de permettre qu'ils trahif- fent leur confcience. Elle eprouvoit |
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II. Partie. Llv. IX. 71
ainfi la verite de ce que dit S. Au- 16%'j^ guftin j que l'ardeur de l'amitie chre- tienne nous porte quelquefois a de- firer ce qui eft le martyre & le fup- plice de l'amitie, favoir la mort des amis. La mere de la four Euftoquie aug- xxxvi.
menta encore fespeines, en fe joignant la caut'&lr. a. fes perfecuteurs & a fes perfecutrices wquie u pour la tourmenter. Etant venue p^T labour- la voir le Dimanche de la Paffion , mewer. elle la traita de la maniere la plus dure , l'appellant enforcelee 3 endia- blie _, excommuniee \ ajouranr a cela routes les vieilles & nouvelles calom- nies inventees contre les amis de P. R. Enfin apres s'etre epuifee en durete & en invectives , pendant deux heu- res elle changea de difcours, & em- ploi'a pendant une heure les conjura- tions, les prieres &les tendreiTeSj & finit par l'eloge de M. de Perefixe: mais la fille de Sion triompha de tout. Comme la fete de Paque appro- xxxvff.
choit, elle ecrivit la lettre fuivante La focuf E.uf- a M. de Paris , pour lui demander la M?"dep"rij, Communion Pafchale. » Si la fete de Pout .lui de* » Paque , difoit-elle , ne tenoit pas ™mm"nioija » le rang qu'elle tient parmi les Fi- pafchale. " deles, je demeurerois dans le £*- |
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72 HlSTOlRE DE PORT-ROIAI.
» lence , 8c je me contenterois d'of-
» frir a Dieu le facrifice de mes lar- « mes ; mais comme elle fait un or- » dre a part, & que l'Eglife oblige « tous fes enfans a prendre part a la « joie de ce grand myftere par la ?> participation du Corps adorable » de celui qui en eft l'unique objet, & " les y oblige par un commandement « qui eft indifpenfable , a moins » qu'un empechement exterieur ne » mette obftacle a ieur piete , j'ai » cru, Monfeigneur, que je ne pou- » vois refter dans le iilence fans com- » mettre une faute considerable. Vous " confiderant comme un des Paf- » terns & une des colomnes de 1'E- » glife, je ne puis croire que vous » voululliez empecher de lui obeir, » en m'otant le pain dont elle or- » donne a fes enfans de fe nourrir , » parceque je demeure dans une dif- » pofition dans laquelle je ne fuis » entree que par des raifons de conf- m cience, routes fondees fur la crain- n te de Dieu §c l'amour de la ve- il rite. Au moins, Monfeigneur, je » fuis aiTuree que vous ne pourrez » pas me refufer la permifnon de » m'approcher du Sacrement de Pe- « nitence, puifque tous les pecheurs ?* one
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II. Par tie. Liv. IX. 7$
«o ont droit de s'y prefenter. Je vous "T^T » fupplie de m'accorder M. Cheron » pour cet effet. C'eft une perfonne " qui ne peur vous etre fufpe&e, » puifque vous nous l'avez envoi'e » plufieurs fois a P. R. & que M. » Bail le donna l'an palle pour Con- » fefTeur extraordinaire. En m'accor- => dant ces graces, Monfeigneur, que " je vous demande profternee a vos « pieds, vous m'obligerez de redou- » bier mes vceux & mes prieres pour » votre perfonne facree , de laquelie » je ferai toujours avec un profond » refped , &c. M. de Paris ne fit point de re-
ponfe a cette lertre, quoiqu'il eut dit qu'il la feroit, lorfqu'elle lui fut re^ mife en main par un Ecclefiaftique des Urfulines, lequel alia trois fois d l'Archeveche pour la demander. Ainfi cette vierge chretienne fut pri- vee de la Communion Pafcale, & meme regardee comme une excom- muniee par plufieurs des religieufes. H y en eut une qui fe porta jufqu'a cet exces , de lui demander le faint jour de Paque , quand elle renonce- roit au Diable qui la pofledoit. Le jour de l'o&ave de cette grande fete, elle eut encore un nouyeau fujet de. Tome Fill. D
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74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
,-n douleur en appreftant en meme-tenw
la makdie, la fignature & la more de la foeur Fran^oife Claire (45), qui eroit exilee aux Urfulines du grand convent de Paris. Dans les dirreren- tes penfees que cette nouvelle excita dans fon efpric, elle ouvrit fa Bible &. tomba fur ces paroles des Prover- bes: Jaculum & gladius & fagitta acu- ta 3 homo qui loquitur contra proxi- mumfalfumtejiimonium. Dans lacrain- te de tomber dans un pareil malheur, elle redoubla fes prieres, elle drefla un a&e pour marquer fes difpolitions , en cas de furprife. (Cet acl:e ne fur acheve qu'apres la caprivite de la fceur Euftoquie). xxxvm. Vers la fin du mois d'avril, la |
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ir.t't
vo |
ell Went grande mere de la four Euftoquie
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it -, le Pere obtinr permiflion de la voir; mais M.
u6urV. SV TArcheveque fit enforte que le Pere Louver s'y trouvat. C'etoit un Do- miniquain d'autant plus dangereux fur les matieres, qu'il paroifloit plus equitable & moins paifionne. II dif- puta pendant quatre heures avec elle, voulant lui perfuader qu'elle pouvoir figner fans blefler fa conf- cience; & non-feulement il lui ota h (43) On a vu ailleurs ce qu'il fa enfer de
tertelignatute, T. f.p.jiy. |
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II. Par.tie, Liv. IX. 75
m
confolation de s'entretenir avec fa 1684.
giande mere , mais meme fans un fe- cours particulier de DieU, ij l'auroit affoiblie ou embarraflee. Car il lui te- moigna en meme-tems un grand eloi- gnement des Jefuites qu'il traita de demi-Pelagiens , &c. II parla de la predeftination & de la grace, d'une maniere fi forte , que les Janfeniftes n'en auroient pas mieux parle. Le Livre de M. de la Lane fur la grace victorieufe lui paroifToit trop foible j mais tous les talens , tout l'efprit & tous les raifonnemens de ce Docleur echouerent & fe briferent cpntre la force qui foutenoitlaprifonniere dans fes liens. Le fameux M. Chamillard vint xxxrx.
auffi a fon tour augmenrer par fa Y,i!lte .^ 1f- •r 1 r cr ° 1 1 r r 1- r ChauulUrd.
vilite les iourrrances de la iaur hm-
toquie : il lui fit le 20 mai la leibure de la nouvelle Bulle &c du nouveau Mandement : tout ce qu'il en rem- porta , avec fes difcours 8c fes raifon- nemens , fut une declaration nette qu'elle etoit refolue, avec la grace de Dieu, de ne jamais figner. Le dernier de mai, la fceur Eufto- xt.
quie re§ut une vifite plus peniblepour mJ£\m. elle qu'aucune des precedentes. Ce toquie u fct celledeM. fon pere, qui m&lancviem voU- Dij
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■jG HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
la douceur & les larmes auxraifons,'
tacha de lui perfuader que M. 1'Ar- chevequene demandoit point la crean- ce interieure du fait; que la foi hu- maine etoit une extravagance , dont tout le monde etoit revenu, & que la fignature n'etoit qu'un acquiefce- ment de refpect. II lui dit qu'il pro- poferoit a M. l'Archeveque une for- mule de fignature qui etoit tres bon- ne , favoir : Nous foujfignons le fait _, felon Vexplication de M. l'Archeveque; c'efl-a-dire , comme un fait non reveli & non certain 3 & feuletnent par ac- quiefcement de refpect. La fceur Eufto-- quie repondit qu'il pouvoit pro- pofer cela a M. de Paris ; qu'elle etoit affuree qu'il ne l'approuveroit pas; mais que d'ailleurs pour elle, elle etoit tres eloignee de lui promettre qu'elle la figneroit. M. de Bregy lui aiant enfuite dit
que M. de Paris offroit de faire en fa faveur une declaration particulie- re, par laquelle il feroit voir qu'il la dechargeroit entierement devant Dieu de tout ce qu'elle feroit dans cette affaire pour lui obeir : elle re- pondit qu'elle avoit trop d'amide & de tendreffe pour M. I'Archevique , pour ajouter au fardeau accablant d$ |
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II. P ARTIE, L'lV. IX. 17
V Epifcopat 3 fous lequel il lui paroijjoit
fuccomber * une charge nouvellc, outre qu'elle ne croioit pas que la tranfaclion & la translation des peches fe fit ainfi. Lorfque M. de Bregi fut forti du parloir , la four Euftoquie craignant que le defir de lui procurer, la liberie ne le portat a folliciter un accom^- modement, 8c qu'il ne fir croire a M. 1'Archeveque qu'elle etoir difpofee a y entrer , elle ecrivit le premier juin une lettre a ce Prelat, pour lui temoigner que fes repugnances pour la fignature fubfiftoient toujours, par- ceque les difficultes qu'elle avoir fur ce fujer n'etoient point levees. Elle lui reprefenta d'abord que dans l'etat de captivite ou elle etoit, elle ne pou- voit faire une action auffi libre que le devoit erre la fignature qu'on exi- geoir d'elle: parceque tout a&e qui n'eft pas libre ne peut pas etre va- lide; que d'ailleurs elles etoient liees f'ar les adtes & proteftations de nul-
ite de tout ce qu'elles pourroient faire feparees les unes des autres , & dans un etat qui ne fut pas abfolu- ment libre. Enfuite la four Eufto- quie expofe fes fentimens fur la nou- velle Bulle qui lui a paru extraordi- nairement obfcure dans ce qu'elle P ii;
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7§ HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl.
i <> 84. condamne, & extraordinairement for-
te & expreflive dans la difpofitioit qu'elle exige de ceux qui la fignent. 1". Le Pape y condamnant en gene- ral les V Propofitions comme etant du Livre de Janfenius, & dans le fens de cet auteur , fans expliquer quel «ft ce fens, qu'il oblige de rejetter en jurant & en proteftant qu'on le condamne. i°. En confondant le fait & le droit, de forte qu'il femble obli- J ger 4 croire e^galement l'un 8c Pautre de foi divine , fur fa feule parole 8c fon aaronce" fouveraine. La fceur Euf toquie continue & dit que le Man- I dement de M, de Paris aplank, h h v^rite*, les difiieulds qu'empovte avec 1 elle la chance que la eulle demands I rfgalement pour le droit 8c le fait I au'elle confond j au lieu que le Man-
ement les diftingue, en difant que c'eft un fait non revele fur lequel on ne demande qu'un acquiefcemenr. Mais elle ajoute que ce terme d'ac- quiefcement , qui peut fignifier des chofes differentes, lui donne de grands foupcons, a caufe des peines portees contreceux qui refuferoient de fouf- crire le fait, lorfqu elles font les me- mes que celles qui font decernees consre les Heretiques, ce qui porte |
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■ II. Par.Tie. Liv. IX. yt>
a croire qu'on exige la foi divine ~i7?Z pour ce fait qu'on avoue n'etre point revele. La teur Euftoquie voulant bien croire n^anmoins que M. de Pa- ris n'exige , par le terme d'aequiefce- ment, que la foi humaine pour le fait, elle lui repreTente qu'elle ne voit pas comment elle pourroit dire fans menfonge qu'elle croit une chofe dont elle doute tres fort, & dont elle a de grandes raifons de dourer. « Ainft , dit-elle , |e me range a an » parti certain. Qui n'a point d'opi- * nion, n'en a point de faufle. Je de-
» mcure dans un ecu qui me parok » extrememeut fur , puifqu'U ne s'ar- » tache qu a Dieu qui connoit tou- » tes chofes; qu'i la charite , qui » oblige de juger toujonrs favorable- » ment du prochain j a la fmcerite' w chretienne, qui engage a. accorder * toujours les paroles de labouche
» aux fentimens du ceeur; & enfm « a 1'humilite , qui prefcrit de fe » taire fur ce que 1'on ignore. Amfi, » Monfeigneur, continue la fceur Euf- » toquie, ne voi'ant pas de peril du » cot<£ de la non-fignature , qupique » )'y voie bien des peines attaches ; » & voiant au contraire du cote de * ia fignamre, du repos, mais infe-
D iiij
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_____So HlSTOIRE DE PoRT-RoifAI."
1684. " parable dumenfonge, qui eft pour
» un Chretien un fouverain mal, je
» me range du premier cote, & je
» choifis l'arfli&ion plutot que de
» perdre l'innocence ».
rxit. M. l'Abbe de Flefcelles etant ve-
de Fiefcdiesnu vo*r ^a fceur Euftoquie le meme
vienc voir la jour qu'elle ecrivit cette lettre, elle
q'uk! ° la bri montra , & le pria de la re-
mettre a M. fon pere pour la donner
a M. de Paris. L'Abbe la trouva trop
forte, mais la foeur Euftoquie lui re-
pondit qu'elle l'auroit faite trois fbis
plus forte, fi avant que de 1'ecrire
elle eut compris le Mandement tel
qu'elle le comprenoit par la lecture
qu'il venoit de lui en faire. M. de
Flefcelles s'effbrca enfuite de faire
entrer la fceur Euftoquie dans quel-
que accommodement \ mais tout ce
qu'il dit fut inutile, & rien ne fut
capable d'ebranler cette vierge chre-
tienne , determined a tout facrifier
plutot que de blefTer fa confcience-
xni. Le moment de la delivrance de la
la foeur Euf fauj. Euft0quie etant arrive, M. de
a°esU1CUrfuii- Paris alia lui-meme le vendredi 3 de
»"• juillet 166$ , avec M. l'Eveque de
Poitiers, annoncer a fa prifonniere
qu'il alloit la remetrre a P. R. avec
la mere Agnes & la fceur Angeliquo.
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II. Partie. Uv. IX. 81
Apres une longue converfation , dans I(j3^ laquelle il declaim beaucoup contre les Janfeniftes, ( & donna matiere de rire a M. de Poitiers , qui etoit der- riere lui & s'en mocquoit) il dit a la foeur Euftoquie d'aller a la ports , oil le carofle l'attendoit, & de prendre la foeur Gertrude qui etoit aux An- nonciades : apres quoi il lui dit: Adieu* ma bonne fieur: vous vo'ie\ devant vous deux Eveques grands court i/ans 3vieux courtifans _, bien vos ferviteurs & ceux de toute votrefamille. II defendit qu'on la laifsat retourner a fa chambre; ainfi elle ne put dire adieu aux Urfulines qu'a la porte , ouelles lux temoigne- rent beaucoup d'amitie. La foeur Euftoquie etant ainfi for- xuir.
tie des Urfulines, alia , felon 1 ordre %ntce™%Z de M. de Paris, prendre la foeur Ger- Anne tugt- trude aux Annonciades. Leurs obeif- me' fances portoient qu'elles iroient aux Filles de Sainte-Marie du faubourg; S. J acques. Elles y arriverent fur les dix heures du foir, aiant garde un pro- fond filence tout le long du chemin. Lorfqu'elles furent montees au par- loir, la foeur Gertrude alia joindre la mere Prieure de P. R. de Paris, qui entretenoit les Filles de Sainte-Ma- rie. La foeur Euftoquie ai'ant appercu |
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Si HlSTOIRE DE PoRT-ROIAE.
j^g4t la foeur Anne - Eugenie de Boulogne,
fe jetta a fes pies : la foeur Anne- Eugenie en fit autant; & ces deux genereufes epoufes de Jefus - Chrift en s'embraflant tendrement fe dirent l'une a l'autre dans un faint tranfport de joie: Quoi _, etre fidelies a Dieu & fe revoir ! ah3 c'ejl trop de gracesj nous ne la meritons pas. Madame de Mot- teville & Mademoifelle Teftu qui fe trouverent prefentes a ce fpe&acle, en furent edifiees & attendries: eh, qui ne le feroit pas ? Mais les Filles de Sainte-Marie dirent avec dedain: ho, ajfurement c'ejl lafaur de Bregi. xltv. sur les onze heures, M. l'Archeve-
Slle arrive , . . v , >_ , .
I p. r. dcs que ecnvit a la mere Supeneure un
champs,&ybillet, par lequel il prioit la mere ligne de ion _ . r„ i > i t> • i
fang un afte Pneure & la foeur de Bregi de repo-
tefiamemai- fer \e ^\ns qU'elles pourroient fans |
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*';.
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fe mettre en peine de rien. Cela leur
fit croire que M. de Paris avoit chan- ge de deflein , & qu'il vouloit les met- tre dans d'autres monafteres, au lieu -de les envoi'er dans celui de P. R. des Champs. Mais le lendemain des les cinq heures & demie du matin, il les delivra lui-menie de la peine & de 1'inquietude qu'il leur avoit caufees par fon billet, en difant a la foeur Euf- -toquie de fe preparer a partir pour |
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II. P A R. T I E. L'lV. IX. 83
P. R. des Champs fur les fix heures 1684.
& demie : efFe&ivement elle partit ce meme jour. Quelque .terns apres fon arrivee , elle drefla & figna de fon fang un a,fte teftamentaire, qui eft trap edifiant pour ne point le rnettre fous les yeux du le&epr , quiletrou- vera a la fm-du yqlume. Ce fut par cetacte que la fceur
Euftoquie termina le temoignage ecla- tant qu'elle ayqit rendu a la virite. Elle fuppqrta enfuite ayec le tn,eme courage que fes meres & fes {cents , routes les rigueurs de la captivite, ou elle leur etoit afibciee; & elle ne fongea plus apres la paix de lEglife, qu'a enfevelir dans l'obfciuite des ta- lens que la feule neceffite 1'avojt obli- gee de me^tre au grand jour. Cjonnue malgre elle dans le terns de 1'orage, elle fouhaira de refter inconnue dans le calme ; & apres avoir oblige fes Superieurs d'^ccorder a fon humilite ce que fes grandes quajites fernbiqienr. exiger qu'ils lui refufaftenr, elle ne fut occupee rout le refte de fa vie que du fpni d'acbever de purifier par la pe- nitence & par l'exa&e obferyatiqn 4e fa Regie pe qui pouypit refter d'irn- •^arfait en elte. L'arnour de la verite etoit tenement grave dans le cceur D vj
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84 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
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1684.. de cette fainte fille, que rien n'etoi'c
capable de l'affoiblir. Nous avons vit qu'apres la mort de Madame de Lon- gueville la persecution recommenca. L'annee fuivante i68a> on menaca de demolir P. R. Voici de quelle ma- niere la fceur Eufioquie en ecrivit a M. le Maitre , Docleur ('44) : » Les » enfans de Babylone ont crie , M. , » Exinanite _, exinanite. Le fondement » de Dieu demeure ferme , & le tem- » pie de fa gloire fe batit de tous les » coups de marteau qui demoliflent *» les maifons vifibles. Les fepara- » tions des pierres de celle-la affer- « miflent l'union & la proportion ft » belle de cette celefte Jerufalem , » cujus participatio ejus in idipfum. » Confions-nous done, M., en celui « qui a vaincu le monde, lorfqu'il » a ete crucifie & mis a n^ort par le » monde, & ne fongeons qu'a nous 7> hater de joindre l'etendart de la « croixj qui paroit deja , parceque •> le Seigneur commence deja a j.uger » le monde. » Ce font les vues & les fentimens
*> de mon efprit, & j'ofe dire de mon (44) Lettre d'u f fevrier rre, mort le 13 decembre
1680. Vies faftf. T. i.p, 1688, & enterre aii pi6
564. Cette iettre eft adref- de la ctoix du cimetiere
fie a M. Charles le Mai- de faint Landry a Paiii. '
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II.Par.tie. Viv. IX. %i
coeur. Mais je fais 8c je fens , que 1684,
fi l'efprit eft prompt, la chair eft infirme. Et c'eft ce qui m'oblige, Monfieur, a vous conjurer de rout mon coeur de prier Jefus-Chrift qu'il me couvre de fes ailes jufqu'a ce que l'iniquite foit paflee , & de lui dire pour moi comme je le ferai pour vous : Pone me juxta te , & cujufais manus pugnet contra me. II faudra aj outer « en quelque lieu que ce foit aufli-bien qu'en quelque occafion..... Nous avons encore ce bonheur par-deffus vous: c'eft que nous fommes dans un pofte fi ferme & fi neceftairement arrete, que nous pouvons toujour? etre prifes 8c immolees fans pou- voir echapper. Nous fommes dans les mains de ceux qui he nous ai- ment pas : nous ne pouvons nous fauver par la fuite; mais la charite feule peut nous fauver, en nous faifant confentir d'etre immolees pour la verite «. II n'y a que la grace , qui a fait les martyrs, qui puif- fe mettre de tels fentimens dans le cceur & de telles paroles dans la bou- che. La four Euftoquie avoir fait fon xtvv
Jtoviciat fous la mere Angelique de Saiw>1^ |
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8£ HtSTOIRE DE PoR.T-R.Oilt.
;l<j§4. Saint-Jean, qui au commencement
des troubles du Fonniilaire etoit Sou- pri.eure Sc maitreffe des novices. Formee par elle a la vie religieufe , ellelui rut toujours intiraementunie. Elle ne lui furvecut que deux mois, gc fut enlevee a fes fours dans un age, qui leur donnoit lieu d'efperer, qu'elle ne tarderoit pas a les dedom- mager de ce qu'elles avoient perdu par la mort de leur incomparable Abbefle. La Providence en difpofa autrement. La four Euftoquie etoit un fruit mur pour le ciel. Eile recur les derniers Sacremens des mains de M. Treuve le } i mars, qui etoit le Vendredi faint, & mourut laintement le lendemain i avril. XLVft. Le 15 du mois de mai les religieu- Wo«deM. fes je pt R# firent encore tine nou- cienncu'r6 de velle perte , par la mort de M- Gre- s. Benoit, su- net ieur Superieur, qui s'etoit toujours p. V. dese conduit avec beaucoup de fagefle & Champs. jje prudepce, ai'ant ete veritablement un pere plein de tendrefle & de cha- rite pour ces vierges chretiennes per- fecutees, auxquelles il rendit dans toutes les occasions, tons les fervices qui dependoient de lui. La belle let- tre qu'il ecriyit a M. de Pari.- quel- Iju^annees ay ant fa aaort, fa^^pav-, |
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II. P A K T I E. LlV. IX. "% ______
heur a fa m<5moire (44), & feratou- 1684,
jours regardee comme une apologie & une jufiification complette des fain- tes filles, dont il etoit Superieur. En tomes rencontres il prit tou-
jours leurs interets avec beaucoup^ de zele. Souvent meme fon humilite le porcoit a fe plaindre avec douleur, de ne pouvoir pas tout ce qu'ilauroit fouhaite , & de fe trouver incapable de les fervir autant que fa qualite de Superieur lui perfuadoit qu'il y etoit oblige. Depuis qu'il eut quitre fa Cure , ce qu'il fit quatre ans avant £a. mort, il n'abandonna jamais le foin de P. R. qu'il aima jufqu'a la fin. Pour derniere marque ae fon attache- fnent, il Voulut y etre enterre au pie de la croix du cimetiere du de- dans. Son corps fat apporte le 16 mat & y fat enterre le 17 par fon fuc- cefleur dans la Cure de faint Benoiu M. Grenet legua a P. R. par fon tefta- ment, 3000 liv. avec l'argenterie & le linge de fa chapelle, a la condi- tion d'une mefTe bafle par femaine. II (44) Eltefut ecrite au ne fut, pas pour lots en-
commencement d'une per- yo'iee. 11 eft meme incer- iicution nouyelie , c'eft- tain fi elle le fut apres la i-dtre , de celle qui fui- rnortde M. Grenet. Nous vit la mott de Madame donnerons cette kttte, is Longueville. Mais elle dans U }e.$«ti£» |
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S3 HrsromE de PoRT-koiiAt.
avoir ete Superieur de P. R. pres Ae iCans , & etoit age de 79. < Avant la mort de ce digne Supe- rieur , les religieufes ai'ant appris le danger de fa maladie, elles deli bere- renr fur le choix de fon fucceifeur , & en firenr propofer rrois a M. I'Arche- veqtie par M. le Due de Roannes:, favoir M. I'Abbe' de Lamet, que M. Grenet avoir lui-meme indique, M. ChafTabras, & M. le Cure de faint Louis. Le Preiat les refufa tous les trois ; le premier , parcequ'il eroit parent du Cardinal de Rets; le fe~ cond , parcequ'il avoit, ete Grand vicaire du meme Cardinal j le troi- fieme, parcequ'il 1'avoit , difoit-il trompe, en repondant pour M. le Moine. Les religieufes ai'ant appris ce refus, firenr prier M. l'Archeveque, par M. le Due de Roannes, de leur accorder la grace d'etre leur Superieur immediat, a qui elles auroient re- cours dans tous leurs befoins. M. de Paris temoigna etre forr fenfible a cette propofition , & repondit que la communaute lui faifoit trop d'hon- neur, mais qu'il falloit lailfer mourir le bon homme, & qu'alors elles avi- feroienr a celui qu'elles voudroienc deinander. |
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II. P A R T I E. Liv. IX. 89 _
Quelques jours apres la mort de \c%^,
M. Grenet, M. de Roannes rendit XLVII. une troifieme vifite a M. l'Archeve- m. Taconnet que , dans laquelle il lui demanda p"^"™1 M. Taconnet Chanoine regulier de faint Victor y pour Superieur de P. R. des Champs. Le Prelat y confentit de bonne grace , en difant qu'il le con- noiffbit pour un faint homme \ mais fi doux , qu'il ne le mettroit pas dans tout autre monaftere que dans celui de P. R. II ajouta que pour celui-la il n'y avoit rien a faire. M. de Roannes aiant repreTente qu'on ne favoit fi , M. Taconnet voudroit accepter, l'Ar- cheveque repondit qu'il l'y obligeroit & que c'etoit une affaire fake. Aufli- tot Madame de Fontpertuis envoi'a un expres a P. R. pour apprendre cette agreable nouvelle a la mere AbbefTe , qui ecrivit le meme jour ( 24 mai) a M. l'Archeveque pour lui faire des remercimens (46), & a M. Tacon- net (47) , pour lui temoigner fa joie & celle de la communaure. M. Taconnet lit une reponfe des plus obligeantes (48), pleine de fentimens de foi & d'humilite. M. le Due de |
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(46) Voiez cette lettre,
Mem. hifi. T. i. p. 58?. |
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(47) Ibid. p. {50.
(48) Ibid. p. ;ji.
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!>d HlSTOmfi BE PoRT-iOlit.
", £g Roannes prefenta le |o de mai le
nouveau Superieur a M, de Paris qui le recut avec de grands ternoignages de bonte 8c d'afFe2tion. M. Taconnet fe rendit a P. R. le 6 de juin , 8c y officia le 8 , jour de l'o&ave dti faint Sacrement. De retour a Paris , il ren- dit compte a M. l'Archeveque de la grande regularite qu'il avoir vue dans fe monaftere, 8c M. l'Archeveque lui repondit qu'il etoit peut-etre a-propos de moderer i'auAerite ext^rieure. Mrtft'E'!« M* Taconnet revint a P. R. le x$ teur has* pin flte de faint Pierre 8c Skint Paul, SrtSx ds*i*!h * c^anta I3 grande mefTe j il adrai- newi, niftra le foir les Sacremans si la fceur Pran^oife de la Croix, quimourutle I de juillet. La four Franc,oife de la. Croix de Villume de Barmonte, ctoit religieufe de Notre-Dame de l'Efcla- che de l'Ordre de Citeaux. L'eiKme qu'elle avoir congue pour PAbbai'e de P. R., lui fit defirer d'y erre trans- feree & ailbciee, ce qu'elle obrint des Superieurs. Elle entra tellement dans 1'elprirde P. R., tant par fon zelepour I'exacle obfervance de la regie, que par l'ainour dela verite, qu'elle merita d'etre alTociee a celles qui fouffrirent Jes premieres pour fa defenfe. Dieu |
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II. P a a. 11 Ci L'v. /JP. ?t ._
la foutint dans fa captivite au mo- 1684,
naftere tie la Creche (49) , d'oii elle revint triomphante pour etre reunie avec fes meres & fes fours, qu'elle continua d'edifier jufqu'a fa mort. II eft dit d'elle dans le Necrologe , que pendant plus de trente & un an qu'elle a vecu dans ce monafleri > elle a ton- jours meni une vie fort exemplmre. Les religieufes de P. R» ne joui- xnrt.
rent pas long-terns de IWanragequ el-^"^*1' les avoient de pofleder M. Taconnet, qui mourut le % o&obre j n'a'iant ete que quatre mots kur Superieur, Pen- dant ce peu de terns, il l««f avoitdon • «4 des marques d'unt affe&i©n, qui ent rendu \% mimeire pt&iettfe , H dannerent un jufte fujet de regretter dans fa perfonne la perte d'un Supe- rieur , rempli de charit^, d'humilite, de lumiere & de zele pour le falut des ames j de la conduite duquel elles auroient tire de grands avantages, s'il eut plu a Dieu de le conferver plus long-terns (50). Le Prieur de faint Victor , M. Mailly , en annon^ant fa mort aux religieufes de P. R. avec toutes les larrnes qu'il ejl permis aux (49) On verra ci-apres fut fa comiuite.
de quelle maniere elle y (jo) Hide. &K enVoiee , & quelle |
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9* HlSTOIRE DE PoRT-Roi'At.'
Chretiens de verfer a lamortdesjujlesl
w leurmarqua qu'il n'etoit pas necef- » faire , pour les engager a le regret^ » ter, de leur dire quel etoit fon » merite; quelechoixqu'ellesavoient m fait de fa perfonne pour etre Supi^ " rieur de leur fainte cotnmunaute , » etoit une preuve de la connoifTan- » ce qu'elles en avoient eue; & L'on « peut mime dire} ajoutoit-il, une » recompenfe que Dieu rendit id has a » fa vertu. On voit par l'idee que M. Mailly avoir des religieufes de P. R. qu'il fe connoiffoiren merite. » Quoi- » qu'il nous flit cher par plufieurs » endroits, dit-il encore , le feul » neanmoins, qui plus que tous les » autres enfemble nous le rendoit » recommandable , etoit en ce que » nous le confiderions comme le lien w qui uniffbit notre compagnie a la » votre. Nous ferions inconfolables, » dans la perte que nous faifons , fi » le paflage que cet homme deDieu « a fait de la mort a la vie , rompoit w cette union que nous fouhaitons » durer eternellement«. Le i 3 d'oc- tobre on fit a P. R. potfr ce digne Superieur un fervice auquel ofncia M. le Prieur de faint Paul, ai'antpour Diacre M. de la Grange Souprieur de |
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II. P A R T I £. LlV. IX. 9 3
faint Victor, & M. Bocquillot pour l6g4.
Soudiacre. Celui-ci a ere dans la fuite ConfefTeur de P. R. & s*eft rendu ce- lebre par fes ecrits & fon zele pour la verite. M. de la Grange fucceda peu apres a M. Taconnet, aiant ete nomme Superieur de P. R. le 30 oc- tobre. II s'y rendit auffi-tot, accom- pagne de M. Sanreuil , 8c officia le jour<fe laToiuTaint. Ce fur encore lui qui officia le 1 o i-
de novembre an fervice de Madame du F°^.e la DuchelTe de Luines morte le 19 du mois precedent; & qui trois jours apres ( 1 3 nov.) recut le corps de Ma- dame du FolTe (Madeleine Beuzelin) j morte a Paris le 1 o du meme mois, Sgee de 78 ans , qui voulut etre in- humee a P. R. Le Le&eur a vu ailleurs de quelle
maniere cette Dame , touchee des inftrudions de M. de S. Cyran, fe fepara totalement du monde de con- cert avec fon mari , pour metier une vie toute retiree & toute chretienne, uniquement occupee de fes devoirs, de l'education de fes enfans, de la pri.ere , de la leclure & des bonnes oeuyres, Voici l'idee que la mere An- gelique de Saint-Jean nous donne de «■ regukrite de la maifon de Mada-» |
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94 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
62* me du FofTe. C'eft dans la lettre qu'el-
le ecrivit a. Mademoifelle le Mai- tre (51) fa coufine , au fujet du ma- nage qu'elle alloit contradter avec M. Thomas de Boiroger , fils de Ma- dame du Folic : " Quelle reconnoif- « fance ne devez-vous point a Dieu, » dit-elle (51), de ce qu'il vous fait » entrer dans une maifon, qui peut » p offer pour une petite EgliJ'e & plus I « fainte que beaucoup de couvents _, I w parceque toutes les perfonnes qui I » la compofent, y font eloigners des » defordres & des maximes du mo'n- m de, qui entrent quelquefois dans « les cloitres! Je fouhaite, qiie puif- I w que Dieu vous a choifie pour l'aug- I m menter (53) vous y conferviez I « to,ute la verm qu'il y a mife, & I » qu'elle en foit toujours la plus ri- I » che fuceeffion ». Telle etoit la mai- I fon de Madame du Fofle -y une petite I eglife, plus fainte que beaucoup de coti' I vents. Quel eloge pour celle qui La I (;l) Elle etoit fille de &deM.deSaci.
M. leMaitrede S.Elme, (5;) Le manage fece- I & non de M.de Seticourt, libra lei; Janvier 1677, I
qui ne fut point marie. & non 1679. M. Arnauld I
(.<,>■) Letrc dui^.jan- en /it la ceremonie qu'il I
vier 1677, T. 4. des vies accompagna d'un dif- I
edif. p. 457, 458 Voi'ez cours, qu'on a inferedans
audi plufieurt autres let- le recueil de fes lettres |
[Ki de la mete Angelique T. ?. p. zij, & fuiv.
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II. P ARTIE. LlV. IX. J>5
conduifok , & qui en etoit l'ame ! j<s8 c,
Le Ledteur peutcependant confulter ce qui eft die de certe vertueufe Da- me dans le Necrologe de P. R. au jour de fa mort ; & les Memoires de M. du FofTe fon fils (54), qui y fait le portrait de fa- fainte mere, & un recit edifiant de fa maladie, de fes difpofitions chretiennes , & dela maniere dont elle fe prepara a la mort. Nous mettons a la fuite de tant de u.
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Fin de I*
foeut Doro- |
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morrs que nous pouvons avec afTu
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ranee regarder comme precieufes aux thee Per
yeux du Seigneur, celle d'une per- jj^*^ Sei fonne dont nous n'avons pas la con- fiance de dire la meme ehofe. Nous parlons de la four Dorothee Perdreau, que Dieu cita a fon tribunal au com- mencement de l'annee dans laquelle nous entrons. Elle JouifToit depuis plufieurs annees du fruit de fon ufur- pation , » mais non toutefois, dir M. » du Fofte (55), fans plufieurs re- » mors. On dit meme, ajoute-t-il, »» qu'elle defira a la fin d'avoir la »» confolation de parler a quelqu'un » de ceux qu'elle connoiflbit de Tan- s' cien terns , & qu'elle ne put Pot> (H) Chap. XI. p. }8n (5 j) Mem. p. 319,
& fuiy. |
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$6 HlSTOIHE BE PoRT-ROlAI."
» tenir. Ceux qui la conduifoient
» s'efFor^oient de calmer les peines » qu'elle relTentoit ; car elle connoi- w ibitinieux qu'eux lefcandale qu'el- » le avoit caufe & l'indignite de fon « entree ambitieufe dans une charge, » dont une religieufe auffi fain te que » la mere Angelique Arnauld s'etoit » depouillee par humilite «. Elle avoir encore d'autres peines qui fem- bloient la remuer davantage , quoi- qu'il s'agit de chofes bien moins im- portantes pour elle. D'un cote le rem- porel de la maifon etoit dans le plus mauvais etat (56) j d'un autre cote , M. Chamillard exercoit toujours a P. R. de Paris fon autorite avec beau- coup de hauteur j ce qui genoit fort la foeur Dorothee. Elle paroifToit auffi affligee, de ce qu'il entretenoit dans le relachement les jeunes filles qu'el- le avoit revues. C'eft ce qu'on voit parunelettre (57) ecriteaM. d'An- gers vers l'an 1680 par un Benedic- tin. » La mere Dorothee, dit l'Auteur »» de cette lettre, foupir-e depuis long- w tems fous le jougpefant de M. Cha- ins) Vcucz les mem. ve p. 51S du recueil iw fill la deftrufiionde P. R. u , imprim£ en 1740 £ p. 57« & fuiv. Mem. hift. Vtfcehti ^$7) Cette lettte ft ttOtt« miliar^
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II. P ARTIE. L'lV. IX. 97
Milliard (58). Elle en avoit fait plu-^^T
fieurs fois des plaintes au Pere Ange (89); mais il n'y avoit aucun egard, & ne lui permettoit pas de parler, pour fe titer de tutelle , & empecher le relachement. La fceur Dorothee deploroit l'etat prefentde fa maifon , bien different de celui ou elle etoic avant la feparation. Elle faifoit en- tendre qu'elle n'avoit jamais penfe qu'on dut lui confier le foin de gou- verner les autres j qu'elle ne s'en etoic chargee que pour empecher que la. maifon ne fut tout-a-fait diffipee &c perdue. Elle ajoutoit fur cette fepa- ration , que fa timidite, ou au moins l'impuirknce de porter avec intrepi- dite comme fes autres meres &c foeurs la privation des facremens & les me- naces &c les foudres de l'excommuni- cation, l'avoit empechee de les fuivre. 11 y avoit quatre ou cinq autres rdi- gieufes dei'ancien creme , dit la lettre,. qui murmuroient contre le relache- ment ihtrodu.it par M. Chamillard. Elles en firent des condoleances par le (58) Elle fut debar- les IV articles du ClergS
talUe de ce DoSeur en de France fur nos Liber«
»68i , qu'il fut exile i tes.
Iffoudun , ou ildemeura (c9) Ce nom defigne
cinqans, pour s'ecre de- quelque Capucin Cont'ef-
dare en Sorbonne comte feur de la maifon^
Tome FIJI, E
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S>H HlSTOIRE DE PoRT-RdlAI.
canal de leur Abbeffe , a un excellent
Religieux -&c Predicateur, qui avoit fait un fort bon fermon contre le re- lachement. Les jeunes .relachees en fiorterent des plamtes a M. Chamil-
ard , qui en confequence defendic qu'on le laifsat jamais precher. Ce Predicateur aiant parle a la fceur
Dorothee d'un Benedidtin ( c'eft ce- lui qui a ecrit la lettre dont nous parlons ) , elle lui ecrivit, le priant de venir dans fon Abbaie pour le be- foin d'une de fes filles. Le Benedic- tin s'y rendit des les fept heures du matin , & demanda la religieufe qui lui avoir ete indiquee j incontinejit l'Abbefle vint, & 1'entretinV jufqu'a midi des fujets de plaintes qu'elle avoit contre M. Chamillard ; « ce « qui me convainquoit fort, dit-il, « du pitoiable etat de ces nouvelles 3> filles relachees , & qui me faifoit s» voir dvec etonnement & admiration w les pricieux refles de L'efpritprimitif I *> de cette maifon en ces anciennes". Si ce religieux etoit fi etonn^ en voi'ant ce qui n'etoit qu'une ombre de l'efprit primitif de P. R. qu'auroit - il dit, s'il avoit vu la realite" dans les reli- I gieufes de la maifori des Champs ?
Telle etoit la fmution de la fceus
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11. Partie. Liv. IX. 99
Dorothee dans la place qu'elle avoit I(jgr, " ufurpee , jufqu'au moment qu'elle alia paroitre devant Dieu, pour rendre compre de fon ufurpation.. Sa more fut precedee d'un evenement iingti- lier , que nous rapporterons d'apres M. du Fofle (60). » Deux religieufes ( de P. R. de .Iir\.
n . . , o ice Apparuio*
» Paris J etant devant le 5>. bacre- de la meje
" ment pendant la nuit, virent tout Ang'*iue-
» d'un coup la feue mere Angelique
» fe lever du lieu ou elle eft en-
» terree, ai'ant en main fa crofle ab-
» batiale, marcher majeftueufement
» tout le long du chceur, & aller
» s'aftgoir a la place , ou fe met l'Ab-
" befte pendant Vepres , e'eft-a-dhe ,
» a. la premiere dubas du chceur, a co-
» te droit. Etant aflife,elle appella une
» religieufe qui paroilToit au meme
» lieu , & lui donna ordre d'alier
» querir la fceur Dorothee, qui vine
» fe prefenter devant la mere Ange-
» lique , laquelle lui parla pendant
» quelque tems, fans qu'on put en-
» tendre ce qu'elle lui dit: alors tout
» difparut.
» On ne doute point qu'elle n'ait
» alors cite la fceur Dorothee devant (So) tettre de M. du Fofle, a la'fin de fes Me- • .
ijntires.p. j 1 j, yu. E ij >
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103 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
I68 5. » Dieu, & c'eft la maniere dont ells'
« l'interpreta elle-meme , lorfque les » deux religieufes qui avoient ete » temoins de cette apparition , la lui " aiant rapportee, elle s'ecria tout » d'un coup dans une grande frai'eur : " ah je mourrai bientot: 8c en effet » elle mourut quinze jours apres , le » 4 Janvier 1685 «. C'eft de P. R. de Paris meme qu'on a appris ce fait extraordinaire. Madame de Mongo- bert, veuve de M. le Marquis de Mongobert, qui etoit cadet de la maifon de Joyeufe,etant un jour allee voir Madame de la Grange religieufe a P. R. de Paris , elle lui demanda Xi ce qu'on difoit de l'apparition de la mere Angelique etoit vrai , a quoi Madame de la Grange repondit que rien n'etoit plus vrai; puis elle ap- pella une autre religieufe , & lui ait: » ma fceur approchez - vous, je r> vous prie , il n'y a point de danger » a s'ouvrir a cette Dame, nous pou- u vons lui parler avec coniiance». Alors cette religieufe s'approcha , 3c raconta ce que nous avons rapporte de cette apparition 5 puis elle ajouta que fi elle ofoit, elle diroit bien d'au- tres chofes de la mere Angelique j cjue pouj elle ^ elle aYoif une vraie |
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It. Partis. Liv. IX. tor
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veneration pour fa memoire , & que i<j8j.
dans toutes fes peines elle avoit coutume de venir prier fur fon torn* beau, lequel meme etoit en venera- tion a la plupart des autres religieu- fes. Ce fait attefte par des temoins qui ne peuvent etre fufpects , renver- fe le roman de la vie de la foeur Do* rothee publie en 1700(61). Les religieufes de P. R. des Champs
a'iant appris fa mort, firent auffi-toc des prieres & un Service pour elle. Cell ainfi qu'elles en agirfoient a l'e«. gard de toutes les religieufes de la maifon de Paris , qui s'etoient fepa- rees d'elles , lorfqu'elles apprenoient leur mort. Oubliant tous les fujets de mecontentement & les mauvais traitemens qu'elles en avoient rectus , elles ne penfoient qu'a remplir a leur .. egard les devoirs de la charite. Apres la mort de la foeur Doro- j.1?**,
thee , M. de Harlai Archeveque de iay fait nom- Paris , fit nommer a fa place 1'Ab- SJ*fJ*1* A^! belfe de la Virginite au Diocefe du befl'edeP.R. Mans, Elifabeth-Marsuerite de Har- d*^tis- 1 ■ r r •-<-•!• tl * !•« i" Repugnance
lai la iceur , qui etoit _, dit M. du foi- de Madame
fe , une tres bonne religieufe & fans fmn\-^i(i de P. R. de
(61) Si le LeSeur eft terte premier volume des Parif i Its curieiu de conuoitre ce Mem. hiftoriq. P. i?8. motifs, Roman , il peut tonful- E iij
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" "
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lOi HliTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1685. ambition (61). » Ondit raeme, ajou-
» te-t-il, qu'elle eut afTez de peine w a fe refoudre d'accepter cette Ab- 3j bai'e, par la grande idee qu'elle « avoit concue de la faintete des re- m ligieufes de P. R. ne diftinguant « pas celles de Paris de celles des » Champs ". Ce que dit M. du Foffe eft confirme par la lettre que Mada- me de Harlai ecrivit a l'Archeveque fon frere fur ce fujer (63). » Je me » jette a vos pieds, lui dit-elle , pout » -vous fupplier tres humblemenr de « me permettre de vous dire avec « autant de verite que h" j'etois prete » de paroitre devant Dieu, que je » ne Jiiis point propre a etre Abbejffe " deP.R......J'en ai lie les confti-
" tutions 3 & je vous avoue queje n'ai
»» pas ajfe^ de vertu pour commander « a des Anges«. (Madame de Harlai en parlant ainfi, ignoroit le change- ment arrive a P. R. de Paris , depuis que les religieufes avoient ete tranf- portees dans la maifon des Champs). Elle allegue enfuite plufieurs raifons tres fortes & tres fohdes , pour enga- ger M. de Paris a la difpenfer d'ac- (si) Du Fofle, M£m. n , imptime en 1740?
p.476, 477. p. yj»- (&i) Rcc, de pie«es in-
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• 11. P A R T It. Ziv. IX. 10}
eepter rAbbai'e de P. R. > &nnit nean- moins en declarant, que s'il ne veut pas fe rendre a fa tres humble priere, il eft maitre de fon fort, & quelle lui obeira , quoiqu'elle fache qu'il lui en coutera la vie, Elifabeth de Har- lai n'eut pas la m?me fermete que fa foeur (64) , 8c cedant aux follicitations & aux artifices de M. de Paris , fon frere , elle accepta l'Abbai'e de P. R. malgre fa repugnance & les raifons folides qu'elie avoit de la refufer & de periifter dans fon reius. Rendons toutefois juftice a cette Abbeffe. Elle ccoit d'un caraclere tout-a-fait oppofe a. celui du Prelat, fon frere. C'etoit un cceur droit & fincere , fans malice & fans ambition. Elle honoroit la vraie vertu fans aucune prevention. M. du Foffe en rapporte un trait qui lui faithonneur, & qui juftifie. ce que nous avan§ons toucnant fes bonnes qualites. » On m'a auffi aflure , dit- ■»» il (65) , de fort bonne part, qu'une (S4) M. de Paris avoit de fon frere , & elle lu
une autre foeur appellee dit qu'il avoit voulu la
Anne de Harlay , Abbeffe retirer de fon Abbai'e poor
dans le Diocefe de Sens, lamettte a P, R. de Paris,
-qui aiant vu vers i'an mais qu'elie l'avoit refu-
1674 M. Arnauld, lui fe , regardantcela comme
temoigna , di t la Relation un vol fait aux religieufes
de la retraite de ce Doe- des Champs.
teur ( p. ej), beaucoup (65) Page 476. «e douleur de la conduite E iiij
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■■-'BWWW'fiJS^I.!"'!
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I04 HlSTOIRE M PoRT-ROlAl."
jI^Sj. " f°^e ai'ant ete faite ores de la tom-
» bede la mere Angelique Arnauld, » comme on vinr dire a la nouvelle » Abbe/Ie , que Ton avoir decouvert " une partie de fori corps, qui etoit »» en fon entier de meme qu'au rems » qu'on 1'enterra, elle vouloir qu'on « en fir une informarion , parlanr de « cerre were comme d'une fainte -j » car elle etoit, conrinue M. du Fof- » fe,fans prevenrion & jugeoit des ?> chofes avec la fimplicitc a un creur » droir, qui eftime & qui honore la A vertu par - tour ou il la decouvre. * Mais des perfonnes moins fimples w qu'elle,Iuiimpoferentfilence «.Elle fouverna avec beaucoup de fagefTe 8c
e. douceur la maifon de P. R. de Pa- ris jufqu'a fa more arrivee an com- mencement de 1695. Jainais elle ne voulu't entrer dans les de/Teins de 1'Ar- cheveque contre P. R. des Champs. Cell pourquoi ce Prelat ne prit pas beaucoup de part a ce qui la regar- doit, & ne s'embarrafla point, tant qu'elle vecut, de reparer la diffipa- tion du temporel , qui s'etoit faire fous le gouvernement de la foeur Do- ITV. toth6e'
M.Rocquiiiot Ce fut au commencement de cette Confdleur i mtl£Q gue M. Bocquillot , doilt nOUS
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II. Par tie. Liv. IX. 105 ______
avons dit un mot plus haut , com- 1685.
menga a exercer fon miniftere &c em- ployer fes talens a P. R. des Champs. Lazare Bocquillot ne a Avallon le Jeudi faint premier avril 1649 , fe lailTa entrainer aux attraits & a lafe- duclion du monde jufqu'a l'age de 24 ans, que Dieu Ten detacha pour le faire entrer dans la voie de fes com- mandemens. II y a marche conftam- ment depuis Fannee 1673 que la gra- ce l'attira puififamment, jufqu'a celle de fa mort. Erant venu a Paris en 1 £74 , il fe mit au feminaire , & y fut fidele a rous les exercices. II entra. dans les Ordres facres , de l'avis de fon Directeur qu'il avoit prie d'exami- ner fa vocation , & de le renvoier s'ii n'etoit pas aflure qu'elle vin t de Dieu. Ai'ant garde exadtement les interfti- ces il fut ordonne Pretre , & promi t » avec ^ele & de bonne foi 3 & avec con- » noijffance de I'engagement qu'il eon-. » tracioityd'etre fidele a tout ce qu'exi- » geoit un caradtere aufli eminent 8c " aufli faint •«. Etant revenua Paris , il entra a Notre-Dame des Vertus , ou il eut pour maitre dans la Congregation de l'Oratoire le fameux Michel le Vaf- or , devenu dans la fuite apoftat , & le celebre M. du Guet. » Lepre- Ev
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Io£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,,
»- mier , difoit depuis M. Bocquillor,
» ai'ant un orgueil de demon etoit >* plein de lui-meme & vouloit tout » favoir; l'autre etoit la piete meme, ») & avec une fcience folide, veri- « table & profonde , avoit encore w une plus profonde humilite «. C'eft fouscet habile maitre queM.Bocquil- lot apprit a etudier , qu'il lut S. Au- fuftin , & s'inftruifit par la le&ure
es ouvrages de ce faint Dodteur , de la doctrine de l'Eglife fur la grace & la predeftination , a laquelle il fut toujours attache. En 1677M. leCom- te de Chatellux lui procura , a fon infu , la Cure que M. l'Eveque d'Au- tun venoit d'eriger a Chatellux, Les infirmites que lui caufa fon ardeur pour l'etude & une furdite qui lui fur- vint, l'aiant engage a quitter cette Cu- re, il vint a Paris & alia a P.R. trouver M. Hamon , auquel on l'avoit adrefTe. C'ejl-la , dit l'auteur de fa vie , ou il a forme" les liaifons particulieres qu'il a confe, vies tome fa vie avec les faints & favansperfonnages j que cette arche a renfermes dans ces terns de /eduction- M. Hamon fit obferver pendant huit mois a* M. Bocquillot le regime de Cornaro, apres quoi il revint a 1* vie commune des folitaires, & il fat |
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II. Part IE. Liv. IX. 107
deftine a faire le prone pour les do- meftiques & pour les gens du de- hors (66). On fait que PAbbai'e de P. R. jouiflbit du droit de ParoilTe. La permiffion lui en fut expediee le 5 Janvier 1685. M. Bocquillot etoit d'un grand fecours pour les religieufes , ai'ant beaucoup de piete & de lumie- res (67) ; mais elles n'en jouirent pas long - terns. Quelqu'attache qu'il euc pour cette fainte retraite, il rat obli- ge de la quitter , ai'ant ete rappelle par l'Eveque d'Autun , qui voulut lui donner la Thcologale de l'Eglife d'A- vallon. Mais Paiant remife a un au- tre , le Prelat le nomma a. un cano- nicat de la Collegiale de Mont-real. Pendant le terns qu'il y fut, on le chargea du foin de la ParoifTe & de la predication. En 1693 , fon Eveque le transfera a. un canonical de la Colle- giale dAvallon , ou il eft mort en (66) Vie de M. Bocq. demens de Dieu 8c de l'E-
p, ii. ilife , qui paroiffoient (67) En 1688. M. Boc- Iorfque D. Mabillon com-
qiiiliot commenca a pu- pofa fon Traite des Etudes Mier , de l'avis de MM. monaftiques , 8c dont ce Nicole 8c Hamon , qui les favant Benediclin confeil- avoientvues, les home- la la lefture. M. de la lies qu'il avoit prSchees & Trappe en faifoit beau- P. R. aux prones qu'il coup de cas. On allure y faifoit, 8c a Mont-real, que M. le Due de Bour- ou il les a en partie com- gogne pete de Louis XV, pofees 8c precbees. II y les lifoit frequemment 8c «ia 18 far les comrri.in- les eftimoit beaitcoup. E vi
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I08 HlSTOLRE BE PoRT-ROlAt",
KjSj. 1718 le % de feptembre, avec la re-
putation d'un faint & favant Pretre , plein de zele pour la verite (6$). tv. Le 16 de mars de cette annee.on priacefle* de ^c a P. R. un Service pour la Prin-
Cuimeuee. cefle de Guimenee , amie particulierc & bienfahrice de ce monaflere , morte le 1 5 de ce mois a Rochefort, ou elle s'etoit retiree. Anne de Rohan avoit ete attachee au monde jufqu'a Page de 3 o ans , que frappee de quelques pa- roles edifiantes deM. d'Andilly, dans line vifite qu'il lui rendit (69) , elle commenca a ouvrir les yeux & a com- prendre la vanite des chofes qn'elle aimoit, & dans lefquelles elle met- toit fon bonheur. Des lors (e'etoit en *6$<)) elle fe mit foils la conduite |
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55 maniere don ton traite
y> la vetite , ne nous at™ 33 tire le jufte chatiment 3> d'en etre prives. Les 33 Saints, les Savans, font » en f'uite 8c caches. Crai- 3) gnens que d'autres ne » deviennent au lieu de 33 nous 6c de Rome me- 33 me, le centre de la 33 verite catbolique , qui 33 s'obfeurcit dans le fein 33 meme oil elle devroit 33 briller.
(69) Lane. Mem. T. i.
p. 514. Necr. p. In.
vo'iez les lee. de la mere
Angelique, T. I. p. JJJ.
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(.58) Les te'moignages
?clatans qu'il a rendus a la verite jul'qu'a la mort , font ime prcuve de ce zele. II etok meme tout difpo- fe a fouffrir l'anatheme injufte pour fa defenfe ; car lorfqu'il eut reju les derniers Sacremens , il di: tout haut, qu'il nefe feroitpas attendu , vu I'e- tat cks ckofest que Dieu liii eut fait tatadt graces. On lui afou-venc ouidire ces paroles remarquables, qui marquem fon zele ar- dent pour la verite: 33 nous tkvo'tis trembler > que la |
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II. P A R. T I E. Z£v. IX. 109
deM. de S. Cyran par l'entremife nJSj*
de celui dont Dieu s'etoit fervi pour la toucher , & fe lia tres etroi- tement a P. R. ou elle fe retiroit tres fouvent dans un appartement qu'elle fit batir. Les commencemens de fa converfion furent tels, que M. Sin- glin, fon Confefleur, ecrivant a M. Lancelot (70), lui matqaa. qua sJi elle continuoit j ce feroit le plus grand mi- racle de la grace 3 qui eut paru dans I'Eglife depuis long-terns. C'eft ce qui a donne lieu aux belles lettres que M. de S. Cyran a ecrites fur ce fu- jet, foit a elle-meme (71), foit a d'autres a fa confideration. Ce fut cette PrinceflTe qui donna occasion a l'excellent ouvrage de la frequente Communion (jt). La mere Angeli- que parloit de la meme maniere que M. Singlin de la converfion de la Princefle Guimenee , & la regardoit comme un miracle. » Nous, ne faa- » rions affez remercier Dieu , dit- » elle, (73) d'avoir fait un fi grand » miracle dans ce miferable fiecle ^ » il femble que le Diahle a eu le w pouvoir d'arracher l'Evangile , ou (70) Ibid. p. 317. Fof. Mem. p. jz. Mem*
(71) Let. i, 10, 5s, ou Rel. T. i., p. i}6.
fi> 109.&C (7}) T. I.p. 64.let.,?ii ■>7.*). Unc» ib, p. }i8, .;■•'
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110 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAL.
" j(jg r " du moins la pratique , de prefqite
» tous les Chretiens «. D'heure en heure, dit-elle dans une autre let- tre (74) , » ma joie croit, & le fenti- »> ment des obligations que nous a- » vons a Dieu pour fes nufericordes » fur la PrincefTe. J'efpere qu'elle w nous aidera a nous convertir «. La fin ne repondit pas a de fi beaux
commencemens : la PrincefTe de Gui- menee ne fe foutint pas, & ne con- ferva pas fa premiere ferveur. Apres fix ou fept ans , elle s'engagea infen- fiblement dans le monde , avec lequel elle crut pouvoir allier la devotion. Mais il femble que Dieu ait voulu lui donner dans la fuite quelque marque de mifericorde par les cha- grins & les afflictions qu'elle y a efliries; & fur-tout par le fort mal- heureux de fes enfans , dont le der- nier , le Chevalier de Rohan , perdit la tete fut un echaffaut, le 27 no> vembre 1674. Apres un evenement fi trifle , la PrincefTe de Guimenee quitta Paris pour fe retirer a Roche- fort , ou elle mourut le 1 3 mars 168 j, agee de foixante-quinze ans. tvI Le meme jour (13 mars } P. R More dc m. perdit une amie dans la perfonne de
8c Madame
Irigallier. V4) Let. f), p, i«j. yoiezibid: p, 17J, )?J.
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II. P A R T I E. LlV. IX. I I I
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Jeanne Brigallier, epoufe de M. le i£8j.
Coufturier , Gentilhomme ordinaire de Mademoifelle deMontpenfier. Le mari de cette vertueufe Dame, qui vivoit avec elle comme avec une four , & imitoit fa verru , ne lui fur- vecut que dix-huit jours , etant more le 31 du meme mois. Enfin le digne fils de ces vertueux parens , Pierre- Bernard le Coufturier , fat reuni il eux le 13 decembre de la meme an- nee. Les cosurs de tous les troisfu- rent portes a P. R. des Champs le fept mai de l'annee fuivante. Leurs: corps repofent a S. Jacques du Haut- pas. L'annee i£86,ne nous fournit au- \6%6 "
cun evenement confiderable , fi ce n'eft que la morrenleva beaucoup de react & perfonnes , tant au-dedans qu'au de- Pl R' nors de la maifon. Du nombre des religieufes furent : i°. (75) la four Marguerite de Sainte- Euphrofine de CreiT, qui mourut le 1 3 Janvier agee de cinquante - un ans. Elle figna le Formulaire en 1664 ; puis a'j'ant etc reunie aux religieufes ndelles dans la maifon de P. R. des Champs, elle re- trafta fa fignature. z°. La four Su- zanne Champagne , morte le feize (7J) Necr, Sujpt. p. jcj.
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112 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
mars (76") agee de quarante-neuf ans.
Elle avoit ere elevee a P. R. des l'age de douze ans. Dieu opera fur elle un miracle eclatant (77) pour confoler fes fervantes dans le tems de la per- fection de i<f6i. 30. Le 14 feptem- bre , fceur Anne de Sainte-Genevieve du Boulai , religieufe de choeur. 4". Le 17 du meme mois, fceur Jeanne de Sainte - Aldegonde Defchamps - des- Landes. 5*. Le meme jour (78), fceur Anne - Catherine de Saint-Jofeph Muiflbn, qui apies avoir ete elevee deux fois aux premieres dignites de fon Ordre, dans la maifon dela Con- gregation- de Norre-Dame de Laon , fut alfocice a P. R. oil elle vecut 3 3 ans. <J°.Le 27 novembre, fceur Eli- fabeth de Sainte-Ludgarde Oudierne, converfe. Les perfonnes du dehors , amies
de P. R., que la mort enleva , font: 1 °. M. de NeercalTel, Eveque de Caf- torie , mort le 6 juin. II avoit une af- fection wute partiadiere pour cette mai- fon (79). II y avoit fait deux viiltes , dit la metis, fait un difcours a la grille. II temoigna encore fon affec- ts) lb. p. 4«7, yg. eft mife' en i«8i. •■.(77) Ilid. yoi'ezlare!. vj?) N£cr, p. 115. I78) Nccr. oil fa more , ,,, |
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II. P A R T I E. LlV. IX. I I J ______
tion par un prefent considerable de 1686,
Reliques. z°.Le 6 feptembre (8o),nneDemoi-
felle de Vendome , nominee Barbe- reau, qui avoit toujours vecu dans une grande piece , occupee aux oeu- vres de charite , fur-tout a l'egard des perfonnes qui fouffroient pour la jus- tice & la verite. L'affection qu'elle avoit pour la fainte maifon de P. R. hii faifoit delirer depuis long - terns de s'y retirer. Enfin elle s'y fit ame- ner toute languiflante d'une maladie qu'elle fouffroit depuis deux ans. Elle y vecut encore environ fix inois dans des douleurs continuelles 8c tres vio- lentes qu'elle fourfirit, non-feulement avec une patience admirable , mais lneme avec une' grande joie , Ies re- gardant comme un'efret de la mife- ricorde de Dieu fur elle, parcequ'el- les lui procuroient d'etre plus parti- culierement unie a la maifon de Port- Roial & de mourir dans le lieu , 011 elle avoit tant defire de vivre. Elle etoit agee de quarante - quatre ans. 3°. Le 14 de feptembre.(8i), Made- nioifelle Marie-Emmanuelle Arnauld de Pomponne , qui avoit ete elevee a P. R. des l'age de cinq ans jufqu'a (80) Near, p. }<4« (81/ Nccr. p. 574.
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114 HlSTOlftE Dfi PoRT-UOlAt.
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-------------■ It / • A L 1 * *
l£8<J. quinze: elle etoit agee de vingt-trois-
Son coeur fut porte a P. Ft. 4'. Le 16 du meme mois (82), M. Jean Ri- chard , Cure de Tnel, qui legua a P. R. une croix de vermeil , 011 il y avoit une particitle de la vraie Croix. 50. Le premier novembre, Mademoi- selle Gabrielle Dugue de Bagnols , elevee a P. R. depuis l'age de cinq ans jufqu'a dix-huit. Elle etoit agce de quaranre-quatre ans: fon corps rut apporte le 4 a P. R. & enterr^ le len- deniain avec routes les ceremonies qui fe pratiquoienc pour les religieufes. Elle leur avoir legne huit mille livres, ivm, 6°. Mais la mort qui affligea le plus finaeM. le les religieufes de P. R. fut celle de
M. le Tourneux. Cer homme admi- rable voulant fe fouftraire a 1'envie, qu'il s'etoit attiree par l'eclat de^ (es predications dans la ParoifTe deSaint Benoit, Sc a la. perfecution qui en fut la fuite, s'etoit retire dans fon Prieure deVilliers. Rien n'eft plus edi- fiant que la maniere dont il y vivoit. Voici comme en parle M. du FolTe, qui fut le voir pour le confulrer fur le travail dont on voulut le charger apr& la mort de M. de Saci, qui etoit de i»x) Ibid. p. 381.
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II. P A R T I t. LlV. IX. 115
tontinuer celui de ce grand homme 1686.
fur l'Ecriture fainte (83). » Nous le trouvameSjdit M. du Fof-
j. fe (84) dans le Prieure deVilliers,
» vivanr comme un homme qui n'au-
» roit point eu de corps a nourrir ,
» & comme s'il eiu voulu le faire
»> mourir de faim. II fe levoit tous
» les jours de grand matin : il chan-
» toit fon Office dans fon Eglife avec
» quelques perfonnes qui l'accompa-
» gnoient. II rravailloit, tantoc a la-
» bourer 8c a cultiver fon jardin , &
» tanrot a compofer ces escellens li-
" vres de pi^ , dont il a enrichi
» l'Egiife, II ne mangeoit de tout le
» jour que fur les fix heures du foir,
» & encore des legumes, au lieu de
» tres bons poiffons , dont on ne
» manquoit pas dans ce lieu, ainfi
» qu'il le fit voir par un echantillon.
» Je fus effrai'e de voir mener une
» telle vie a une perfonne , qui etoit
» d'ailleurs d'une complexion affez
" infirme , & fujette a. de tres grands
" maux de tete. Mais que ne peut
» point fur le cceur d'un homme for-
(85) M. du FolTeavoue detables pour fon delfiin ,.
que pendant le peu de & qu'il lui donna une
tems qu'il demeura avec grande ouvetture pou*
M<. le Toutneux , il en expliquet le texte facte.
^ctu des fecouts confi- (84) Mem.p. 581,58},. |
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II<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,
t6$6, >> tifie par la grace, l'amour des biens
» celeftes". Deux ans apres, M. du Fofle ap-
prit en arrivant a Paris (8 5) la mort de M. le Tourneux, done tous les gens de bien furent confternes. Mais il Iaifla a tons fes amis , avec le re- gret de fa perte, un exemple de pie- te, de fageffe & de charire. Dieu lit voir en le retirant a lui, lorfqu'il etoit dans la force de fon age (86) , & en etat de fervir TEglife plus que jamais, que des gens qui perlecutoient un tel homme , n'etoient pas dignes de le pofleder, mais qu'ils meritoient d'e- tre prives d'un li grand trefor ,. & de ne pouvoir jamais entendre celui que Ton avoit reduit au illence , lorfque Dieu eut fait connoitre fon merite. Ge faint homme etant venu a Paris ■■ pour parler a M. l'Archeveque au fu-i jet de fon Annee chretienne, il fut frappe d'un coup d'apoplexie , qui Femporta en moins de vingt - quaere heures le 2 8 novembre. L'Abbefle de P. R. des Champs ai'ant apprts le meme jour cette trifte nouvelle, l'an- non^a a la communaute & lui parla fur la perte que l'Eglife faifoit par (85) Ibid. p. 591, 59*. n'avoit que 4* ans, s
($6) M. le Tourneux mois, lorfqu'il mourut. |
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II. P A R T I E. LlV. IX. 11 7
la mort d'une perfonne fi capable de i(J8<J,
la fervir. Et des le lendemain elle
depecha un expres a Madame de Font-
pertuis , pour la prier de demander
que le eceur de M. le Tourneux fut
apporte a P. R. des Champs. La let-
tre ne fut point rendue, parcequ'on
ne trouva point celle a qui elle etoit
adretfee : mais Dieu qui ne vouloit
pas que cette fainte maifon fut pri*
vee d'un fi precieux depot, infpira a
des perfonnes amies du monaftere de
faire ce que PAbbefle avoit deman*
de. Le Vicaire de S. Severin & Ma- Llx;
dame Joftet parent la refolution de m. le Tour-
faire prendre le cceur du defunt, qui neu3^?J*J*
etoit deja enfeveli 8c dans la bierre, |°"chanij>s«
pour le porter IP. R, des Champs.
Ce qui reuflit heureufement , mais
non fans qu'on s'en appercut. Com-
nie l'on commencoit a en faire du
bruit, la erainte que cela ne causat
de Peclat, fit prendre la refolution
de le tranfporter promptement. M.
le Vicaire fouhaitoit de Paccompa-
gner, mais fon Cure ne le lui per-'
mit pas. M. Arifte (87) ami de la mai-
(87) Jacques Emma- me dans le monaftere de
fuel Arifte, Dofteut en Liefle , fut oblige de re-
Theologie, apres avoir noncer a la Superiorite
travailleavec lucre's a l'e- de ce monaftere, de cher-
taMuTement de la refor- ciicr fa fureti dans U re»
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I I 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
^g^ fon y fupplea. Apres l'enterrement dti
corps fait a S. Landri, il partit pour apporter le coeur a P. R. qui fur mis dans le petit fepulchre. A l'exhuma- tion des corps de P. R. un pieux Ec- clefiaftique retira ce precieux depot, & le fauva de la profanation. La mauvaife volonte des ennemis
de M. le Tourneux ne put etre arres- tee par fa mort j ils extorquerent de 1'Orhcial de Paris une fentence fou- droiante,du 10 avril 1688 , qui rut confirmee par une ordonnance de l'Ar- cheveque , du 3 mai, contre une tra- duction qu'il avoir faite du Breviaire I Romain , comme ii elle eut content! I plufieurs herefies. Jamais ordonnance I ne fit plus de bruir dans Paris. Mais! il eft vrai audi, qu'on ne vit jamais I un confentement plus general pour I rendre juftice a l'innocence du Tra- I ducl;eur, 8c a la bonte de la traduc- I tion. L'Archeveque lui-meme demeu- I ra convaincu , que la paffion des en- I vieux &: des ennemis de M. le Tour- I traite , k caufe des trou- teftament. Il mourut I« I
bles que la figuature du li avril J694 age de 7* I
Formulaire qu'on voulut ans ,& fut enterte afaini I
exigcc des religieufes y Metry. 11 avoit travai'l' I
excica. Il ttoit etroite- avec M. le Tounieuxala I
nient lie avej les rcligieu- tradu&ion du EreYiaite I
fes da P. K, ,.auxquellcs Romaia«.j
4i;kgua4oo Uv. pat fon |
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II. Partie. Llv. IX. 119
neux avoit eit la plus grande part i6%<s dans cetce affaire ; & il ne put refufer a fon Libraire la permiffion qu'il lui demanda de vendre ce livre. C'eft ainfi , dit M. du Forte , que Dieu jaltlfie, quand il lui plait, » fes fer- » viteurs pour la confufion de fes » ennemis ; &c quand il ne le fait » pas, c'eft fans doute qu'il vent nous fake connoitre que le terns de cet- te vie.eft un tems d'obfcurite \ qu'il referve beaucoup de chofes pour la manifeftarion du grand jour de 1'E- ternite; qu'en attendant cette ma- nifeftarion , le caraclrere des juftes eft de vivre veritablement ici-bas d'une vie de foi j & qu'il exerce un terrible jugement fur leurs per- feeuteurs, lorfqu'il permet qu'ils s'aveuglent eux-memes , en croiant que ceux qu'ils oppriment en cette vie , font abandonnes de Dieu, arcequ'il ne les protege pas vifi- lement contre les efforts de leur " fureur , quoiqu'il les foutienne en 5) nieme-tems d'une maniere admira- " ble, quoique invisible , par i'ono* " don interieure de fa grace«. La Wort de M. le Tburneux dans un ag6 Ci p£u avance fut une veritable fertc pour PEglife., a laquelle il pou- |
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HO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI."
i68j, voit rendre de grands fervices.
LX Elle perdit encore au mois de jan-
ie p. Def- vier de l'annee fuivante un des plus
mo"/- Vt zeles defenfeurs de fa doclxine fur la «u«« grace, par la mort du Pere Defma- res , qui a eu trop de part aux com-
bats de Meflleurs de P. R. pour ne pas occuper une place dans leur hif- toire. ToufTaint-Gui-Jofeph Defma- res ne a Vire en Normandie, fur la fin de Tan 1599, entra de bonne heure dans la Congregation de l'Ora- toire, ou il fut re$u par M. de Be- rulle , qui l'aima 8c Peftima beau- coup. Voici le portrait que nous en fait M. du Foflfe (88). » 11 etoit petit » & d'une tres petite mine 5 mais » dans la chaire , il paroifToit comme I " un de ces aneiens Prophetes, qui » difoient la verite aux Princes & » aux Grands avec la meme liberte » qu'aux petits. L'eloquence paroif >> foit lui erre naturelle , fes geftes « & fa voix s'accordant parfaitement » avec la force de la vente qu'il pre- » choit. Il s'etoit nourri de bonne » heure de la parole contenue dans » les Livres faints, & etabli de telle « forte dans tous les principes de la » morale & de la theologie de faint (88) M«n. p. ?fv ,
v Auguftin*
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II. Par tie. Liv. IX. in
" Auguftin , qu'on eut cm entendre 1(jg7< m faint Augaftin en l'entendant. Ce » Pere de l'Eglife lui etoit devenu fi j) familier, que c'etoit lui efFecTrive- « ment qui parloit tous les jours par » fa bouche , tant il etoit rempli de » l'oncl:ion de fes ecrits admirables «. Les predications de ce celebre ora- txr.
teur chretien eurent un fucces pro- *"%ir*r£„™ digieux. Tout Paris accouroit en foule pour l'entendre , & plufieurs des au- diteurs , touches des grandes verites qu'ils avoient entendues , s'en retour- noient frappant leur poitrine,& chan- geoient de vie. Mais la grande repu- tation qu'il s'acquit lui attira la ja- loufie de certaines gens amoureux d'eux-memes , ennemis des verites que le Pere Defmares annon^oit. lis declamerent contre lui en chaire. Les Peres, Ragon , Bonnefons , Chatil- lon , &c. ( il eft inutile d'avertir que ces Peres etoient Jefuites) fe fignale- rent par leurs declamations feditieu- fes contre le Predicateur de l'Evan- gile. Mais voi'ant que leur entreprife lie leur attiroit que la honte & la con- fufion, & que M. de Gondi perfua- de de 1'innocence de celui qu'ils vou- loient opprimer, en prenoit la de- fenfe , ils aigrirent refprit de la Rei- Tome Fill. F
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ill HlSTOIRE DE PORT-ROUZ."
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' ne, & vinrent enfin a boat d'obtenit:
une lettre de cachet, qui le releguoit a Quimpercorentin. Le Pere Defma- res en etant averti, difparut(85>). |
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I687.
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LXII.
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En 16 5 3 , il fut envoi'e a Rome
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H eft envoie pour defendre la do&rine de faint
Auguftin contre les ennemis de Jan- fenius, qui en folhcitant la condam- nation des V Propofitions qu'ils at- tribuoient faulfement a l'Evequed'Y- {ires , avoient deffein d'y envelopper
a veritable docfrine du faint Eveque d'Hippone. Le 19 de mai , les de- putes des Eveques defenfeurs de la grace de Jefus - Chrilt aiant eu au- dience pour la premiere & unique fois , M. de la Lane parla le premier, & apres lui le P. Defmares (90) qui recut de grands applaudiifemens. |
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5» grace efrkace par elle-
3) meme, qui fait vou- 33 loir &: agir , eft necef- i> faire pout tout bien, ( e'eft lace que ne croient pas les Jefuites) & que 3) toute autre grace eft 3> une grace Pelagienne. j> On peut jtiger apres » ceia, ajoute le Pere 33 Davrigni , (i Ton en » impofe aux partifans de 33 Janfenius, quand on 33 leur reproche de n'ad- 33 mettre point la grace 33 fuffifante, & s'ils par- sj lent bien fincererncat |
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(89) Voi'ez le detail
de ces perfeeutions dans la feconde relation de fa vie, T. 1. des vies edif. p. 479 , & fuiv. (90 > Il ne le fit, die le
Pere Davrigni par une fade plaifanterie , qu'une heure & demie ( Me.n. T. i. p. i}7.) 5) grace 33 a la nuit, qui furvirjt » fort a - propos pour 33 donuer le terns auxau- s> diteurs de refpirer aprps s> une (i longue audience. 35 Le but de l'Orateur e- s) toit de moiitrer que la |
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II. Par tie. Liv. IX. 113
De retour en France , il fe tint dans 1687.
I'obfcurite & la retraite jufqu'a l'an 1668 , que la paixetant rendue a l'E- glife, il en iortit , & reparut avec eclat dans la chaire au grand conten- tetnent de tout Paris, qui eut beau- coup de ioie d'entendre ce celebre Predicateur apres vingt ans de filence. Le P. Defmares precha de nouveau avec tant d'eclat, qu'un celebre Poe- te(9i) voulant donner l'idee d'un grand Predicateur, a dit: Defmares dans faint Roch n'auroit pas mieux
preche (91 J.
La haine & la jaloufie s'etant re-
s' lorfqu'ils s'effbrcent de T. i. p. 48s.) » que le si faire croire qu'ils ne la » fyfteme de la grace « rejettent pas«. Oui, » fuffifante que Molina 1« Jefuites, 8c en parti- n fe vantoit d'avoir in- culier le Pere Davrigni, » vente , Stoit un tiflii en impofent aux precen- » deblafphemes &d'im- dus Janfeniftes. Ceux-ci » piete, une opinion fa- en foutenant, comme le » crilege Sfdignede tou- Pere Defmates le fit de- » tes fortes d'anathemes. yant le Pape , &c comme VoiU ce qu'avan^a & ce l'enfeigne I'Eglife , que que prouva le Pere Def- 'a grace efficace par etle- mares j qui, quoiqu'en mime, qui fait vouloir puifle dire le P. Davrigni, v agir , eft necejfaircpour fut felicite de tous ceux 'out bien, Qe font pas qui I'avoient enteudu, 8C oifficulte d'adme:tre une re^ut de grands applau- Stace fuffifante au fens dilTemens. Le Pape meme pesThomiftes : ils ne re- lui temoigna avoir ete jettent que la grace Pela- trSs fatisfait de l'entendre. gienne fuffifante des Mo- (91) Boil. Sat. X. v. Unillea. Ce fut elle que 110. If P" Def™arcs c°"»battit (9i\ Le P. Defmarei "ans fon Difcours, en prechoit cependant fam HiUflt voir ( Vies cdif. preparation, fans metne F ij
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124 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
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1687.
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" nouvellees contre le Pere Defmares,
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il fut oblige de difparoitre, & trouva
une retraite a. Liancourt chez M. le Due de la Rochefoucault, qui avoit tant d'eftime pour lui, qu'apres fa more il le fit innumer dans le caveau des Seigneurs. Le P. Defmares mou- rut auffi faintement qu'il avoit vecu, a l'age de quatre-vingt-fept anslei? Janvier 1687. |
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Lxin.
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Le 28 du meme mois , M. Pierre
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Mort de m. Borel Pretre du Diocefe de Beauvais
ftfliur de°p.'mourut ^"ur ^a Paroiffe de S. Etienne,
R. '& fon corps fut tranfporte a P. R.
dont il avoit ete Confeffeur. M. Bo-
; rel avoit paife fa jeuneffe dans une
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» ferver ce bras , qui eft
33 latetieurdc touteTEu- » rope 8c le bonheut de 33 toute la France. Mais 3» enmeme-tems qucvo- » tre AltefTe fe fouvieiv 33 ne , que fi ellc ne rap- 3) porte pas a Dieu tous 33 fes exploits comme a 33 fa fin derniere, Dieu 33 permcttra que ce bras 33 fe feche comme celui 33 de l'Evangile tc. Enfui- te il continua fon fermon. Le Le&eur peut confulrer deux relarions tres edi- fiantes de la vie & de la mort du Pere Defmares, dans le Tome i des vies edif. p. 457 , 49? , 8c le Suppl. au Wecr.de Pf R. |
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ecrire fes fermons. Le
Lefteur verra avec plailir un trait de la maniere de precher de ce celebre Pre- dicates. Le Prince de Conde etant un jour venu pout l'entendre, le Pere Defmares , qui avoit d£ja commend fon fetmon , fe tut jufqu'i ce que le Prince fut place , tk s'a- dreflant £ lui , il parla ainfi : « Monfeigneur, s> j'expiique cet endroit 55 de l'Evangile , oii il 33 eft dit que Jefus-Cbrift » guetit une main feche. 3> Il m'eft glorieux que a> votre AltefTe vienne » augmenter le nombre » ds mes Auditeurs, Je » prie le Seigaeuc de coii- |
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II. Partie. Liv. IX. tQ
grande piete, & enfuite avoitete eleve 1687.
au facerdoce felon les regies de l'Egli- fe. Mais confiderant l'importance des devoirs auxquels I'engageoit fon miniftere , il fe retira en l'annee 16\G a P. R. des Champs, (oil les religieu- fes n'etoient pas encore revenues) pour y vivre dans la folitude & le filence. Apres y avoir paffe quelque terns dans la retraite & la penitence , celui qui le conduifoit l'engagea au- ^ pres d'une perfonne de condition 8c
d'une grande piete , pour prendre foin de Peducation de fes enrans. 11 s'en acquitta pendant plufieurs annees a- vec beaucoup de zele pour leur falut, fans aucune vue d'interet ou de for- tune. Degage de cet emploi, il retourna
a P. R. en 1669 lorfque la paix fut rendue a, l'Eglife , dans le deffein de fervir les religieufes en qualite de Chapelain. Aiant paffe quelque terns dans le repos & l'obfcurite qu'il avoic choifi comme la meilleure condition, il fut fait Confeffeur de la maifon , & charge principalement de quelques filles feculieres , a. l'inftru&ion & aux befoins defquelles il fe donna tout entier. Lorfque la perfecution fere- nouvella contre le monaftere de P. R. V iij
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\%6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
des Champs, il fuc oblige _, ainfi que
tous Ies autres , d'en fortir, & fere- tira a Paris dans une petite maifon ou cabane, dans laquelle il logeoitfeul, faifant lui- meme fon petit menage. Une perfonne en qui il avoit une en- tiere confiance, aiant appris de quelle maniere il y vivoit, & jugeant qu'il n'etoit pas poflible qu'il n'y fouffnt beaucoup, fe crut obligee de contri- buer a fa fubfiftance, &■ lui envoi'a une petite fomme d'argenf. Mais M. Borel la refufa, lui mandant qu'il n'avoit befoin de rien, & que Ton ne favoit pas quel trefor renferme la pauvretc. Ce qu'il difoit apres l'ex- peri en ce que fa foi & fa confiance en Dieu lui avoient fait faire. Car aiant d peine de quoi fubfifter, il trouvoit neanmoins dans fa difette , en s'epar- gnant d foi-meme tout ce qu'il pou- voit, de quoi repandre dans le fein des pauvres. II fe retranchoit avec tant de feverite tout ce qui ne lui etoitpas abfolument neceflaire, qu'a- pres avoir fouvent fourni pendant fa vie aux necerlites de quelques pau- vres families, il laifla encore a fa mort une petite fomme pour etre emploiee en aumones felon fes intentions. Dans fes charites, comtne dans toures fe* |
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II. Par tie. Liv. IX. uy
autres a£tions,il vouloit etre mcoir 1687.
nu 5 & fa vie a ete li retiree & fi cachee , fur-tout pendant fes dernie- res annees , qu'il ne voi'oit perfonne, hors les obligations de charite. Tout ion terns etoit partage entre la pnere & la lefture , & quelquefois le travail de l'aiguille ; raccommodant lui-me- me fon linge & fes habits, afin d'e- pargner en routes chofes de quoi don- ner aux pauvres. II mourut a l'age de foixante-quinze ans , comme il avoit vecu , tout occupe de Dieu. II laifTa pat fon teftament quatre cents livres au monaftere de P. R., ou il avoit de- fire d'avoir fa fepulture , & ou il fut inhume le 31 de Janvier , a cote de l'autel de faint Laurent. Le lendemain (premier de fevrier) La™^'du
on commenc,a a P. R. des Champs Fargis eft con- ies Prieres de quarante heures pour <£u'eAbbel" t'ele&ion de PAbbefle, qui fe fit le e' jour de la Purification , en prefence de M. de la Grange Superieur de la maifon , & de M. Witbaut Secretaire de 1'At'cheveque. La mere Marie- Madeleine du Fargis fut continuee. Le 4 du merae mois , M. de la Gran- |
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I
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ouvrit fa vifite , qu'il n'acheva que
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e ii du mois fuivant.
Dans cet intervalle, la maifon de
F iiij |
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TiS HrSTOIRE DE PoRT-ROlAtr
1687. P. R. fit une des plus gran des pertes'
Lxr qu'eile pouvoit faire , par la mort de
m. Hamon M. Hamon qui lui rendoit depuis fi
P^Vsavie long-tems des fervices fi efTennels.
fesvertus. Jean Hamon Docteur en medecine
de la Faculte de Paris, ne a Cher-* bourg en Normandie , s'etoir acquis des fa jeuneiTe une grande reputation dans le monde. Mais touche de I'efe prit de Dieu , & perfuade de la va- nite de ce qu'on appelle forrune , il refolut d'abandonner entierement la fienne, & de fe retirer dans quelque iblirude. » La fermete defon efpnt, « dit M. Fontaine (93), , fit qu'il 3> flit long-tems a fe rendre a la voix »> de Dieu qui l'appelloit. M. du Ha- « mel, Cure de S. Mederic, avoua « que pendant deux ans il lui avoir w coute bien des peines pour 1'enfan- =» rer a Jefus-Chrift. Mais fi fa con- » verfion fut lente , elle n'en fut que » plus fervente, lorfqu'il eut enfin => refolu une bonne fois de fe facrifier »> tout-a-fait a Dieu, &c au fervice w de fes epoufes ". M. de Harlai premier Prefident,
dont il avoir ete precepteur, ai'ant appris fon defiein , & ne pouvant foufFrir fon eloignemenr, le prefix (?5) Him, T. i. p. 44.
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II. Partie. Liv. IX. 129
d'accepter un benefice qu'il avoit dans 1 <J8 7.
une de fes terres a la campagne , ou il lui auroit ete libre d'etre feul & auffi retire qu'ailleurs. Mais cette forte de retraite ne parut pas a M. Hamon convenir aux mouvemens de penitence que Dieu lui infpiroit, par- cequ'elle ne l'eloignoit pas aflez du monde ni des pretentions qu'il pour- roit y avoir. II chercha done un autre confeil, lxvi.
& Dieu qui connoifloit la fincerite pn£ictls de fon cceur , lui en fit trouver un tel qu'il ie defiroit, en la perfonne de M. Singlin qu'il prit pour fon Di- re&eur, & qui le determina d entrer dans la voie que Dieu avoit deja commence a lui marquer. Jufques-la il avoit hefite fur un engagement qui lui avoit ete propofe de la part d'uii Medecin de Paris, qui lui offroit fa fille en mariage. Mais il rompit ge- nereufement ces liens ou Ton vou- loit l'engager , (Dieu fe l'etant refer- ve pour la confolation de fes fer- vantes, en un tems ou elles n'en pour- roient recevoir que de lui, & vou- lant les fecourir oar lui, encore plus contre les foiblefles de l'ame (94) que (94) M. Hamon a fate pour la confolation des
flufieurs liaith de pietes teligieufes de P. R. pom F v,
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I JO WlSTOIRE DE PoR.T-R.OIAI.'
1687. contre les foibleffes du corps) j 6c a-
pres avoir forme la refolution de ne jamais entendre a aucune propofition de cette nature , il alia a l'age de trente-trois ans dans la folitude de P. R. pour y vivre cache & inconnu au monde. Des ce moment il vendit fon bien de patrimoine, & en dif- tribua le prix aux pauvres fans fe rien referver. txvn. D'abord il s'occupa au travail de ses occup»- \z campagne , labonrant la terre &
:ions. Sa , t •• v j> i r
dob,. semploiant a dautres choles peni-
bles & laborieufes. Dans la fuite du
terns il fe trouva oblige de reprendre l'exercice de la medecine 5 mais com- me il ne s'y rendit que dans la feule vue du fervice qu'il pourroit rendre aux pauvres 8c aiix religieufes de la maifon , il avoir de la peine a fouf- frir qu'on 1'engageat dans des vifites de perfemnes de confideration. II eon- tinua a P. R. l'exercice de la mede- cine pendant trenre-cinq ans avec des peines & des fatigues incroiables, aiixquelles il ajouta un nouveau me- rite par fes veilles & les autres aufte- rites de fa vie. Nuit & four il etoit ptet st affifter les malades ; toujours fes foureniir dans let perfecutions, auxquelles ellif
ftitent exgof&s. |
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II. P ARTIE. LlV. IX. 1JI
difpofe a en fouffrir les foiblelTes ; 1(jgy.
toujours determine a prendre confeil, quelque habile qu'il fur } confultant fur-tout Dieu pour lui demander fes lumieres , lorfqu'il etoit indetermine fur ce qu'il devoit faire. 11 joignoit a fes foms beaucoup de prieres pour les malades qu'il traitoit, & fouvenc on le voioit entrer dans l'Eglife au fortir de la chambre des malades , pour prier le Seigneur qu'il donnat la benediction aux remedes qu'il avoit ordonnes. Tous les jours il faifoita* ' 5>ie, 8c fouvent a jeun, jufqu'a fept
ieues ou environ de chemin , allant de villages en villages vifiter les pau- vres malades , qu'il foulageoit en dif- ferences manieres , les uns par fes confeils, les autres en leur rendant les fervices les plus bas , ceux - ci par les remedes, & ceux - la par la nourriture , dont il fe privoit lui- meme. 11 pafTa vingt-deux ans a ne* manger que du pain de fon , & a ne boire que de l'eau. Ses habits , fon exterieur , tout ne refpiroit que l'hu- milite. II pratiquoit la mortification en toutes chofes, » car il faut lui » rendre ce temoignage, ditM. Fon- » taine(9 5) qu'il etoit un excellent (?{) Mem. Font. p. 44>
f VJ
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________ Ijl HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE?
\68j. " medecin,maisencoremeilleur chr£-
» tien & meilleur penitent«. II ne fe chauffoit prefque jamais; ne faifoit point de feu dans fa chambre , meme dans les plus grands hivers. II cou- choit fur un ais , dormoit tres peu j fe levoit routes les nuits pour amfter aux Marines, qu'il fonna pendant plu- fieurs annees que les religieufes n'a- voient point de cloches au-dedans ; il ne fe recouchoit point apres Ma- tines. C'etoit le tems qu'il prenoit ordinairement pour ecrire. En i66^y lots de la grande perfecution , il fut oblige de quitter la fainte folitude ou il croi'oit finir fes jours. On peiit voir dans la lettre qu'il ecrivit a ce fujet a M. de Luzanci, les fentimens dont il fut penetre dans ce trifle mo- ment. Cette abfence ne dura que neuf mois, parceque le grand nombre de malades qu'il y eut a P. R. ai'ant obli- ge d'avoir un medecin fur les lieux, 8c M. de Perefixe ai'ant bien voulu confentir que M. Hamon y retour- nat, il s'y rendit aullltot, & s'aflu- jettit a toutes les fuites de cet enga- gement. On peut dire qu'il fe rendit efclave , pour fervir les epoufes de Jefus-Chrift. Pendant quatre ans il ne fortit jamais de fa chambre que pouj |
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II. P ARTIE. LlV. IX. ltf
aller a I'Eglife aux heures qui lui e- ~
toient preterites; il ne fit de voiage a la campagne pour vifiter les mala- des que rarement & toujours accom- pagne d'un garde j & n'entra point dans le monaftere fans etre accompa- gne de la tourriere du dehors. Toute fori occupation dans le loiiir que lui donnoit cette captivite, etoit la priere 6c la lecture de la parole de Dieu, qu'il meditoit jour & nuit, & ou il puifoit la matiere de tant d'ecrits lu- mineux & pleins d'on&ion, qu'il com- pofa pour lors , & qui edifient aujour- d'hui toute I'Eglife. Ai'ant vecu toute fa vie avec la meme vigilance , que fi chaque jour eut du etre le dernier , il la termina avec joie le zi fevrier, age de foixante-neuf ans, au milieu des prieres & des larmes de fes com- pagnons de folitude , tout occupe dans un profond lilence du fouvenir des mifericordes du Seigneur, Pefprit, le coeur & les yeux tournes vers J. C. mediateur entre Dieu & les hommes. II fut enterre dans le cimetiere du dehors _, comme il l'avoit defire , 8c I'on grava fur fa pierre fepulchra- 'e une dpitaphe faite par M. Do- dart (96). M.Hamon avoit fait la plus t?s) Voi'ez l'eloge de M. Hamon dans le T. M |
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I 34 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL*
i6$j. grande partie des epitaphes qui fe
trouvent dans le Necrologe de P. R. ce qui fait dire a M. Fontaine dans l'eloge de cet homme admirable , que j» ce faint folitaire a prete fa plume » pour louer tous fes amis morts; » & que tous fes amis morts enfem- » ble y s'ils revenoient , auroient sj peine a faire pour lui un eloge " tel qu'il le merite; que fa me- » moire vit de toute part dans les 5> belles, les fages , les juftes & veri- » tables louanges qu'il leur a don- » nees j & ces chefs-d'oeuvre d'efprit » font autant de fleurs qui le ecu- s' ronnent lui - meme & confacrent » fes amis defunts«. II eroit difficile , pour ne pas dire
impoffible, de remplir la place de M. Ham on. Neanmoins les religieu- fes de P. R. trouverent dans M. Mer- fenne , Dodleur en medecine , une perfonne qui leur convenoit , 8c qui les fervit pendant quelque terns avec beaucoup de foins & de bonte ; mais la maladie l'aiant oblige d'aller a Pa- ris pour chercher du foulagement, il J mourttt le 28 de mai. Le 19 de ce mois ,M. de la Grange
a'fant affemble la Communaute , pout des Mem. de M. Foiu. g. j«o,8cc
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II. Pahti«. Liv. IX. rjj
terminer la vifite qu'il avoit com- "7^87!
mencee , comme nous I'avons vu, LXVIII- le 4 fevrier precedent, fit lecture de TSmoignage ce qu'il avoit regie & ordonne , Bc™$£"£ lui rendit ce glorieux temoignage: p. r. des « Apres avoir tout vu , dit-il, tout ^(MaGran- » examine & tout ecoute, & parti- ge. » culierement toutes les religieufes, » au nombre de foixante - une de » chaeur & dix-huit converfes......
» Nous beniflbns Dieu de l'etat ou
» nous avons trouve cette maifon j » etant neanmoins obliges de declarer » que tout le bien que nous en avons » entendu dire, n'egale point celui » que nous avons vu de nos yeux. » II nous a paru que cette commu- » naute s'emploie au fervice de Dieu, " corde maqno & animo volenti. Nous " avons decouvert dans toutes celles » qui la compofent un dear fincere » d'etre fidelles a leurs devoirs , &: » beaucoup d'union 8c de charite les » unes envers les autres ; peu d'efti- » me pour foi-meme, beaucoup d'a- » mour pour la verite & de mepris » pour la vanite , d'eloignement dil » monde , de defintereflement pour » les biens temporels & d'emprefle- » ment a aflifter les pauvres. Mais ce » qui nous a edifies davantage , a etc |
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r$6 Histoire be Port*-*roiai2
» un efprit de fimplicite chretienne J
» qui nous fait fouvenir de celle dont » parle faint Paul, & qu'il regarde » comme les dignes fruits & les re- » compenfes abondantes de l'aumo- » ne«. Tel eft le temoignage que fendit M. de la Grange aux religieu- fes de P. R. On n'eft pas moins edi- fie du reglement qu'il fit, a la de- mande de toute lacommunaute, pour interdire l'entree du monaftere aux perfonnes feculieres , qui caufoient une diffipation contraire a l'amour que ces faintes filles avoient pour la retraite (97). Peu apres avoir perdu M. Hamon ,'
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(97I Ce reglement n'eur
pas alors un entiereffet, parceque M. de Paris, qui l'avoit nianmoins loue & approuv6 lui meme , accordoic quelquefois des permiffions d'entrer , aux- quelles on ne pouvoit point s'oppofer. Mais il I'ut ex£cuti a la rigueur fou< la mere Racine , qui fut elue" Abbeffe en 1190. Cette feverite deplut a un ami qui lui ecrivit a ce fujet. L'Abbefle ai'ant communique les plaintes de cet ami aM. Eaftace, il fit l'apologie de cette conduitepar une excellem te lettrecontre les entries desKculier.es dans les mo- |
nafteres. L'Auteur des
Mrmoires hiftoriques l'a inferee dansfon troifieme volume, p. 4<. La pre- miere raifon que donne M. Euflace eft celle-ci. 35 Il n'y a point de com- 33 munaute ou il n'y ait » toujours bien des foi- 33 bletles-Les feculieres ne 3) les gueriflenc pas, elles 33 ne font que les augmen- 33 ter. Mais elles les re- 35 marquent , elles s'en 33 mal-edifient , parce- 35 qu'il leur plait de fup- 35 pofer que les religieu- » fes en doivent etre 35 excmptes. Ainfi on fe » blefle rmuaelkmeafc. |
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II. Parti b. Jlv. IX. i 3 7
les relieieufes de P. R. des Champs t/-q* £ v r/ 1007.
nrent encore une perte tres conlide-
rable , par la mort de M. Charles du m. cha'rle*
Chemin , qui mourut a la ferine des ja chemin;
Gt • t r. /-v . . u vie ,■ res
ranges le 6 avnl 1687. Unne iait Vertus.
rieri des premieres annees de ce fer-
viteur de Dieu, que ce qu'il en di^- foit lui-meme dans le deflein de s'hu- milier & de demeurer inconnu, com- me il l'a ere jufqu'a la mort, perfonne n'aiant fu ni fon nom ni fa qualite de Pretre. La mort devoila ce myfte-' rieux penitent , dit ingenieufement l'auteur des Memoires hiftoriques &c cIironologiques(5)8), & ota lajurprife des reponfes pleines defagejfe & defim- pliciti j qu'il avoit fakes dans les inter- rogatoires qu'il avoit Jubts dans les dif- fe'rentes perfecutions } mais augmenta le refpecl. II etoit de Picardie , avoit etu- die a Paris; & fon pere l'avoit en- gage dans le facerdoce , qu'il avoit | re$u fans connoiflance, ni reflexion fur les engagemens de ce faint mi- niftere. Bientot apres il fut Vicaire dans une Paroifle du Diocefe de Beau- yais, ou il avoit ete ordonne , & ou d etoit aime & confidere de fon Eve- que (Auguftin Pottier) qui fe fervoit de fes avis & de fes confeils. Un ev&? W) t. 5.p.«o. |
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I $8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
16$ 7. nement extraordinaire, arrive apres
la mort d'une perfonne qu'il avoit afliftee, fir tant d'imprellion fur lui, qu'il alia a Paris pour confulrer quel- qu'un fur fes difficultes. U en trouva qui ne le fatisfirent point, parceque lui ai'ant confeille de retourner a fes foncTrions ordinaires , il voi'oit bien lui-meme que cet avis n'etoit pas con- forme a ce que Dieu demandoit de lui. On lui donna audi quelques li- vres , qui bien loin de le contenter, ne rlrent que le degouter. Enfin Dieu permit qu'un Cure de
fa connoiflance, qui avoit fait une retraite a P. R. ou il n'y avoit point alors de religieufes , lui piopofa d'en faire une femblable ; il fuivit fon con- feil, & retourna a Paris, ou il de- meura deux mois avant que d'obte- nir de M. Singlin qu'il voulut bien fe charger de fa confcience. Ce fage Diredbeur envoi'a fon penitent alors &si de trenteans a P. R. des Champs, ou il arriva le 29 novembre 1648, refolu d'y finir fes jours dans la pe- nitence & de renoncera toutes fonc- tions du facerdoce. Ce qu'il a fidele- ment execute. Bel exemple pour rant de Pretres qui s'ingerent eux-memeS dans le faint miniuere i |
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II. Par tie. Liv. IX. 159
M. Charles fe chargea d'abord de faire la cuifine des domeftiques '■, puis on lui donna le foin d'une partie de la ferme des Granges. Enfin ily de- meura feul charge de tour le temporel de la maifon pendant 17 ans. II a rempli rous ces differens poftes avec une exactitude , un zele , une fagefle, & un deiinterefTement 3 qui ont peu d'exemples , vu que dans ces tems facheux on ne pouvoit rendre fervice aux religieufes , fans s'expofer a de grands perils. Mais comme il avoit naturellement un coeur genereux & intrepide , & qu'il n'avoit que Dieu en vue dans tout ce qu'il faifoit pour la maifon , il en etoit plus hardi a tout entreprendre. II ne dormoit Is plus fouvent que trois heures , quoi- qu'il fut fujet a plufieurs incommodi- tes j mais il n'y avoit aucun egard, & rien ne l'empechoit de fe donner tout entier aux affaires de la maifon. II n'en avoit aucune pour lui , ai'ant vendu apres la mort de fon pere , 8c diftribue aux Pauvres , ou emploie 3 des ouvrages utiles au monaftere, tout I'argent qu'il en avoit retire. Ce fut la leule fois qu'il retourna dans fon pais, pendant 3 8 ans & j mois que ^ura fa retraite. II prenoit un grand |
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1*40 HlSTOXRE DE PoRT-ROlAt;
idSy. ^?in ^es Domeftiques, fur-tout pen-
dant leurs maladies j exact.. a leur faire faire leur devoir, & a. les inf- truire tant en public qu'en particulier, il fut s'en faire egalement craindre & aimer. II fe plaignoit fouvent de la durete
de fon coeur ; &c il avoit tant de me- pris de lui-meme , qu'il fe regardoit toujours comme indigne des miferi- cordes de Dieu. II parloit avec beau- coup d'onc"fcion des verites de la reli- gion , dont il etoit tres inftruit. II ai- moit lapriere &la lecture , & donnoit a 1'une 8c a l'aurre tout le tems qu'il pouvoit menager. II prioit en mar- chant j & il portoit toujours quelques livres , pour lire dans fes momens de loifir. II avoit de l'aptitude pour rou- tes fortes de travaux j & il n'y en avoit aucun, quelque bas qu'il fur, {iour lequel il eut de la repugnance.
1 ferroit lui-meme les chevaux, & les panfoit lorfqu'ils etoient malades. II ibufFroit tout avec une humilite parfaite , ne fe produifoit jamais ; il Fui'oit au contraire tout ce qui pouvoit le diftinguer 5 eviroit toute forte de commerce & d'entretiens non necef- faires, meme avec les perfonnes de piete qui demeuroient a P. R., fe re^ |
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II. Par tie. Liv. IX. 141
gardant indigne de leur parler & d'en 1687. approcher. Cette difpofition fi hum- ble lui avoit acquis une limplicite, qui le faifoit palfer dans l'efprit de quelques uns pour ignorant & peu intelligent, quoiqu'il eut & de 1'ou- verture d'efpnt & de l'agrement dans la converfation. Enfin , apres avoir mene pendant
plus de 3 8 ans une vie penitente, inconnue , laborieufe , un fermon qu'il entendit le jour de Paque Pan 1687 , lui ai'ant donne un grand defir de la vie bienheureufe, il demanda a Dieu pendant la proceflion qui fe fit apres vepres, de le retirer des mi- feres de ce monde. Sa priere fut exaii- cee fur le champ j car le friflbn le prit le foir meme avant complies, oil il ne laiffa pas de fe trouver. II fouffrit beaucoup pendant fa maladie , & mourut le tantieme jour, a la meme heure qu'il avoit fait fa priere, age de 69 ans. II avoit demande a etre en- terre aux pies de M. Hamon: mais on l'inhuma dans l'Eglife pres de la frille, avec une epitaphe faite par M.
)odart. Le 31 de mai, la fceur Marie de Sainte-Genevieve Racine, mourut a P. R. de, s Champs j elle etoit niece de |
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141 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
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1687.
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la mere Agnes de Sainte-Thecle Ra-
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cine , & four de i'illuftre Poete de ce
nom. J-XJ- . M. Bourgeois , Pretre du Diocefe confcffeufded Amiens, Docleur en Theologie de foKemiJie'la Faculte de Paris , mourut lez8ou le 29 d'o&obre. II avoir donnea Ro- me des marques eclatantes de fon amour pour la verite , dans le voiage qu'il y fit avec d'autres DocFeurs de- putes pour la defendre. La relation qu'il a faite de tout ce qui fe pafla dans cette Ville au fujet de l'aftaire du livre de la frequente Communion, pour laquelle il y avoit ete depute , caradterife un efprit droit, fincere, un cceur plein de candeur, de dou- ceur , de modeftie , & qui ne refpire que l'amour de la veritl, la paix 8c la charite. Au retour de fon voiage , il fe retira a P. R. des Champs, ou il avoit une liaifon particuliere avec les perfonnes qui conduifoient ce monaftere. II y pafla plufieurs annees en diflferentes occafions. La paix aiant ete donnee a l'Eglife , il alia en 1669, fixer fa demeure dans cet heureux fe- I'our, aufli-tot que la liberte d'y ha-
nter fut rendue aux gens de bien. Il y exerca avec beaucoup de charite TofEce de Confefleur des religieufes, |
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II. P ARTIE. L'lV. IX. 14$
&fe chargea aufli de la conduite fpi- 1^n,
rituelle des Domeftiques. II s'en ac- qu.itta dignement jufqu'en 1679 , que la perfecution qui fe renouvella alors contre P. R. Pobligea d'en fortir. Bientot apres , il ie demit de fon Abbaie de la Mercy-Dieu, Ordre de Citeaux, au Diocefe de Poitiers , afin d'avoir plus de liberte de s'occu- per de fon falut. Apres avoir fouffert avec une patience admirable d'extre- mes douleurs pendant les dernieres annees de fa vie, il la finit a. l'age de 8 3 ans, par une mort douce 8c tranquille , & fut enterre dans l'Ab- baie de la Mercy-Dieu. On fit un fervice pour lui a P. R. le 16 de no- vembre. Le 16 de Decembre fuivantj la Lxxr.
foeur Aenes de la mere de Dieu de Agn«<fcla f-,% Q _ r , , , merede Dieu
V^nouy de Peniieres, mourut agee de de chouy da
78 ans. Elle etoit une des douze > Peafcres- que M. de Perefixe enleva le zGaout l'an 1664. , pour les reduire en fer- vitude dans des maifons etrangeres. Elle fut conduite a l'hofpice de la Creche (99) au fauxbourg faint Vic- tor, oii la mere Therefe laregutavec toute la charite poffible, Sc lui die (99) C'cft aujourd'liui la communautS de faint
*MnSoisdeSaJes. |
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144 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI,.
KJ87. en 1'embralTant : Ma chere mere _, ne
vous afflige^ point 3 vous n'etes pas en terre etrancere _, mais vous hes partni vos amis (1). Quelques jours apres etant tombee malade , elle temoigna du defir d'avoir la fceur Francoife de la Croix de Villume de Barmont, ou Barmonte ; & elle lui ecrivit pour cela. La mere Therefe s'y preta de bonne grace j mais la fceur Francoife craignanr de perdre fon arTociation, 8c de s'expofer a. ne rentrer jamais a P. R. (1) refifta beaucoup , foit aux follicitarions , foit aux menaces de M. Chamillard , & aux ordres mane de l'Acheveque. Neanmoins elle fe determina enfin , par l'avis de la fceur Euftoquie & de la fceur Francoife Claire. La premiere lui avoir dreife une declaration de la maniere dont elle fortoit & des motifs qui l'y obli- geoient, & declarant que c'etoit fans prejudice de fon alTociation. Quelques jours apres que la fceur Francoife fut z la Creche _, M. Maffieres Confefleur de la maifon , vint de la part de M- (1) Relat.de la merede Le&eur peut confulter le
Dieu , danslesRel.in 40. ch. 15 ctes Conllitutions
(1) Nous avons parl£ de P. R, ou il eft pare des
ailleurs de cette religieufe regies que Ton y fuivoit,
yrofelle de 1'AbbaVe de & des conditions fous kf-
l'Efclache , qui avoit -quellesonfaifoit ces alU"
fte aflotiee a P. R. te ciations. ,
Chamillard
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II. Part ie. Llv. IX. 145
Chamillard propofer aux deux reli- gieufes de P. R. l'indifference , leur declarant que M. de Paris' leur accor- deroit les facremens a cette condi- tion. La mere Agnes lui declara net- tement qu'elle ne figneroit jamais le Formulaire, parcequ'elle reroit un peche mortel en lignant. Ote\-vous ce tiche mortel de (Levant les yeux j dit M. Maffieres. Monfieur } repliqua la fceur Agnes, 6te\ m'en le Formu- laire3 & je n'y aurai plus le pdche". Apres quelques autres difcours, la mere Therefe prit la parole en fa- veur des religieufes de P. R. , & tourna fi bien M. Maflieres , qu'il leur permit de communier. Au mois d'o&obre , la fceur Francoife etant tombee malade , on envoia demander quelque fecours a P. R., mais la fceur Dorothee les refufa en difant, que ft elles envoi'oient encore pour le meme fujet, on les enverroit fi loin qu'on n'entendroit plus parler d'elles. Les religieufes exilees eurent dirTerens combats a foutenir, contre M. de faint Nicolas, & d'autres qui met- toient leur devotion avenirtourmen- ter ces pauvres filles. Mais Dieu les foutint, & il y en eut meme qui Vo'fant que ce n'etoit que par conf- Tome VIII. G |
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I46 HiSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
cience qu'elles agifToient 3 les exhor-
terentaetre fidelles. Madame dePe- tdgny eut beaucoup de bontes pour elles j eile temoignoit etre pleine d'ef- time pour P. R., &: delirer que la niaifon fe retablit pour y finir fes jours avec fes deux filles. Un jour elle dit agreablement a la four Agnes de la mere de Dieu > M. de Paris m'a dit de vousprier de figner 3 mats ecou- te\, n'en Jakes rien t fi cela ejl contre votre confcience. Les deux exilees ne profirerent pas
f>endant tout le terns de leur fejour a
a Creche de la bonne volonte de la mere Therefe. Cette bonne mere eut d'abord un premier aflaut a effuier de la part d'une religieufe de l'Aflomp- rion, nominee Marie Cecile, qui apres avoir contribue a la ruine de fon monaftere , vouloit etre Supe- rieure de la Creche : de conceit avec un Jefuite , qui etoit fon frere, & appui.ee du credit du P. Annat, elle meditoit de faire donner une lettre de cachet a. -la mere Therefe , qu'elle rendit fufpecie de Janfenifme, & qu'elle accufa de s'entendre avec le? leligieufes exilees. M. de Paris folli- cite par le P. Annat, avoit deja re- foju de ft rendre le miniftre de cetr§ |
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II. P ARTIE. LlV. IX. 147
violence, fi M. de faint Nicolas ne 1687,
l'eut afliire que la mere Therefe etoit une bonne fille. Cette premiere ten- tative n'eut pas de fuite 5 & 1'intrigue etant decouverte , on pria la difcole de fe retirer; ce qu'elle fit 8c alia 3 Malnoue. Mais le meme M. de faintNicolas,
qui avoit affaire M. de Paris que la mere Therefe etoit une bonne elle , vint la femaine de la Paffion a la Creche, & nomma une autre Supe- rieure par les intrigues de quelques religieufes , qui fe plaignoient de la mere Therefe, difant qu'elle intro- duifoit le Janfenifme jufques dans le choeur. Le fondement de cette accu- fation etoit, que la mere Therefe avoit prie fes refpe&ablesprifonnieres de lui apprendre le chant & les cere- monies de leur monaftere. Sous la nouvelle Superieure , leur fituation fut bien differente; car elle les croioit rcellement heretiques & hors d'etat de falut: elle confulta meme fur ce fujet l'un de fes principaux Directeurs, nomme M. Imbert, qui lui repondit en homme de bon fens , que pourvu que Hu refte elles fuffent bonnes reli- gieufes , 1'affaire dont il etoit queftion lie pouvoit les perdre. Les deux exi-. Gi]
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1^8 HlSTOIRE 0E PoRT-ROJAi.'
lees eurent une grande converfation
avec M. de faint Nicolas au fujet de la communion Pafchale , qui leur fut refufee. Elles effiuerent fur la fin de mai une nouvelle attaque de la part de M. Chamillard, qui voiant qu el- les nevouloient pas figner la nouvelle Bulle, dont il leur fit leclure, leur die qu'elles devoient s'attendre a etre excommuniees , a mourir fans facre- mens, & que leurs corps feroient jet- tes a. la voirie. C'etoit j lui dit la fceur Agnes, la devotion des Pinitens de faint Jean Climaque, ce (era la notre, M. Chamillard reprit, & dit qu'elles feroient bien embarrafTees a l'heure de la mort : la fceur Francoife lui repondit, qu'elle fouhaiteroit non-feu- lement la mort } mats le jour dujuge- ment _, afin que la verite" jut connue de tout le monde. La fceur Agnes rapporte dans fa
relation , que quelques jours apres que ces bonnes filles ( de la Creche ) eurent figne , un Ecclefiaftique oppo- fe a la ngnature etant venu voir la mere Therefe, lui dit : Save^-vous bien ce que veulent dire les paroles du Formulaire ? elles Jignifient 3 je me donne au diable 3 ft les propofitions ne font dans Janfenius. Cette parole 4 |
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i
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It Par tie. ilv. It* I4>"
-.r-.-..-;:.. •■■■____—J
terrible & dans la bouche d'un Ec- 1687* *
clefiaftique de grande vertu, rait cette pauvre mere dans une angoifle extre- me fur la fignature. Vers le meme terns , la nouvelle
Superieure de la Creche apporta aux deux prifonnieres une letrre , que la mere Agnes avoit ecrite aM. de Paris, par laquelle elle promettoit l'indiffe- rence, & avoit en confequence ob- tenu la communion. Elle ajouta que la mere Prieure & la fceur Anne Eu- genie avoient figne cette lettre , 8c elle propofa aux prifonnieres de faire la meme chofe pour obtenir la grace de recevoir les facremens. Ce piege etoit bien difficile a eviter pour des filles captives , qui avoient une fi gLande veneration pour la mere Agnes; mais elles l'eviterent , & repondirent fagement, que la mere Agnes etoit une perfonne extremement eclairee , qui pouvoit avoir des lumieres 8c ufer de termes particuliers pour les exprimer •, mais que pour elles etant ignorantes , tout ce qui etoit obfcur leur faifoit peine , & que dans leur peu d'intelligence , le meilleur etoit de ne rien raire. Ainu* elles demeu- retent privees des facremens. La mere Therefe continuoit fes bontes G iij
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--. ..... .._--------, _,......-.....---—,-__....._._
tyo- HisToiRg db Poh.t-k.oiAe;
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0,
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%0j. pour les prifonnieres, qui par c&
moi'en afliftoient exadtement a routes les obfervances avec elle, jufqu'au jour de leur fortie , qui fur le 4 de juillet 168 $. Alois elles furenc en- voiees a P. R. des Champs avec leurs aurres fceurs , comme nous 1'avons vu j &c s'y diftinguerent par leur amour pour la verire, & la fidelite aremplirles obligations deleuretat, jufqu'aleur mort. |
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i<?88. Le z$ Janvier delannee 1688 , la
lxxii. faeur Genevieve de Sainte-Therefe M*ier«"rGdV Duval mourut a P. R. des Champs stc Therefe a 1'age de 65 ans. Elle etoit profeue du monaftere des Benedi&ines de Sainte-Anne de Magny en Norman- die , & avoir ete transferee a Iflypres Paris. Les gtierres civiles de 1 'annee 1649 I'ai'ant obligee d'en fortir , elle obrint permiffion de fe retirer a P. R. oii elle fe fir fans peine a la reforme. Apres v avoir fuivi quelque terns les exercices reguliers, elle rat affociee a la communaute avec le confentement de fes Superieurs} &y vecut pendant 39 ans avec beaucoup d'edification. lxxJIT- Le 3 du mois de mars fuivant, sa'rie, fcs la mort enleva M. Thibout, Pre- yertus. tfe du Diocefe d'Evreux , ancien Ghanoine de Saint Thomas du Lou- |
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!t. £AR*tS. LiV. Tf. ftl
in A
vre (j). Des fori enfance ilfit parol- i688f
tre les moEurs d'un vieillard ; & tou- joursl egal a. lui-meme, il marcha avec conftance dans la voie du Seigneur , & conferva toute fa vie l'innocence d'un enfant. II recut la Pretrife & Page de i-j ans , le ij juillet 1614. Ai'ant ete fait Chanoine de S. Tho- mas du Louvre , il fe donna des pei- nes infinies pour retablir le temporel de cette Collegiale , qui etoit dans un fi grand defordre que les prebendes rapportoient a. peine ie ecusjilvint about de les faire monter a 400 liv. apres avoir retabli les batimens & fait revenir les biens ufurpes (4). Vess Tan 1675 ^es Jefuites fufciterent contre lui un nomme Louis Piette , qui jetta un devolut fur fon Benefice, fous pretexte qu'il n'avoit figne le Formulaire qu'en l'expliquant. Et Ton vit celui qui etoit le reftaurateur de fa Collegiale fur le point d'en etre chaffe a, l'age de 80 ans , par une ufur- pation qui faifoit horreur a tous les gens de bien. Mais ce venerable Vieil- lard crut devoir en cette occafion fou- tenir les interets de l'Eglife plutot que les fiens propres. II parut devant <)) N6cr, p, io«.
(4) Suppl. diltUuol. p. 451.
Giiij
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tft HrSTOIRE DE PoRT-Roi'Ar."
les Juges, & la juftice de fa. caufe
appuiee de fori merite & de fa pre- fence, ne laifla aucun lieu aux Juges de balancer. Le Devolutaire fuc hon- teufement deboute de fa demande. M. Thibout voulant enfuite faire voir que l'avarice n'avoiteu aucune part a ce qu'il avoit fait pour fe maintenir en poiTeffion de fon benefice , & ai'ant trouve dans M. Chertems toutes les qualites qui font un bon Ecclefiafti- que, il lui refigna fon Canonicat. II l'avoit poffede pendant 44 ans, & en avoit rempli tous les devoirs avec la plus parfaite exa&itude. II ne man- qua jamais de fe lever la nuit pour 1'ofEce de marines, & de reciter tous les Jours, entre les heures canoniales, le pfeautier avec TorEce des morts, joignant a tout cela une leciure affi- due de l'Ecriture fainte ; fcrupuleufe- ment attache a la maniere , dont les anciens gardoient les jeunes prefcrits par 1'Eglife , & dont il avoit vu dans fa jeunefle la pratique fe conferver encore dans fa Patrie ,il pouflbit ceux de Careme jufqu'a 1'heure de vepres. Lorfqu'il eut refigne fon Canonicat a M. Chertems, ne pouvant plus en remplir les obligations, il fe retira dans le defert de P. R., oiiil vecuc |
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II. P A R T I E. LlV. IT. I J J
encore douze ans, toujours dans la 1688.
meme uniformity de vie, priant con- tinuellement, afliftant exactement a la mefiTe conventuelle ; offrant tons les jours, tant que fes forces le lui permirent, le facrifice adorable du fang de Jefus-Chrift. II mourut dans ces faints exercices le 3 de mars dans la 92. annee de fon age, & fut inhume dans l'Eglife de P. R. avec une epi- taphe faite par M. Dodart. Dieu confola cette annee les reli- j^go
gteufes de P. R. en fortant de fon lxxiv. fecret pour renouveller en leur fa- ?'T co"lole veur les merveules qu 11 avoir deja operees autrefois. Ce fut fur la fceur Gertrude du Valois, que le Tout- puiffant opera le 6 d'aout une gueri- fon merveilleufe , qu'elle lui deman- doit par Pinterceflion de la mere Ma- rie Angetique Arnauld. Nous nous contentons de rappeller ici le fouve- nir de cet evenement , que nous avons rapporte ailleurs (5) en preu- ve de la faintete de la Reformatrice de P. R. Nous n'avons rien a ajouter fur ixxv.
cette annee , q-ue la mort de quelques iffa:ur;Ma- V ■ r r 1 1 delcine Je See
religieules , dont la plus remarqua- chtiftloe Bri-
Ue eft la celebre Madeleine de Sainte ?uet >fa vic> <■$) Sous l'aa 1661.
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154 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
\C%<), ~ Chriftine , diftinguee par fori efprit
& fa naifTance, mais piu encore par fa piete & fon amour pour la veri- te (6). Cette religieufe etoit fille de M. Briquet Avocat general du Parle- ment de Paris , & de Madame Bi- gnon , fille du celebre Avocat general de cenom. Des lage de trois ans elle fut mife a P. R. & y profita extreme- ment de l'excellente education qu'elle y recut. A i 5 ans Dieu lui infpira un ex-
treme degout de la vie du monde; & aiant perdu vers ce meme tems une foeur unique , qui la laiflbit heritiere d'une fucceffion immenfe , bien loin d'etre affoiblie , elle ne fut que plus affermie dans le deflein de fe confa- crer a Dieu. Elle en forma une fi forte refolution , qu'un mois apres,lejour de la Presentation de la Vierge , elle fit vceu de chaftete avant que de com- inunier. Ce voeu renfermoit trois chofes ; la premiere , d'offrir fa chaf- tete a Dieu; la feconde, de fe faire religieufe fitot qu'elle en auroitl'agej la troifieme, de ne point fortir du monaftere ou elle etoit, fi elle n'y (6) Relation de la vie ne Briquet, T. j. Vie*
& des vertus de la foeur edit. p.Sj, ocfuiv. Madeleine de Ste Chrifti- |
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II. Par tie. Llv. IX. 155
£toit contrainte par une autorite fu- i6%J~.
perieure. Elle finiflbit ce vceu qu'elle avoic ecrit de fa main , par ces paro- les remarquables : II n'y a plus de monde pour moi. II n'y a plus pour tnoi que Jefus-Chrifi, & Jejits-Cbrijl crucifix. Depuis ce moment, elle parut ex-
tremement changee j & quoique fon, vceu fut fecret , n'en aiamt pas meme parle a fon ConfefTeur que quinze jours apres, on remarquoit en elle une piete & un recueillement, qui furpaflbient de beaucoup fon age 6c fes lumieres. Aiant atteint l'age de 16 ans, elle
entra au noviciat. Ce fut alors qu'elle eut les plus rudes combats a foutenir contre Meffieurs fes parens, qui for- merent a fon deffein toutes les op- positions imaginables. Elle fut ine- branlable 5 etant forcee par 1'autorite des perfonnes , a. qui elle ne pouvoit retifter felon Dieu & felon les hom- ines , elle fortit enfin \ mais pendant quatre mois qu elle fut dans le fiecle, elle s'y conduifit avec tant de fagefle & de modeftie, qu'elle-perfuada tout le n^onde de k folidite de fa voca- tion. Etant rentree dans le cloitre, elle reprit aufli-tot toutes les prati- |
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^^^ l$6 HlSTOmE DIE PoR.T-ioi'At."
1689, ques de la vie religieufe, fans que
Ton pur s'appercevoir que le fejour qu'elle avoir fait dans le monde, eut rant foit peu altere en elle le mepris qu'elle avoit des grandeurs & des ri- chefles de la terre, ni le defir fincere qu'elle avoir con$u d'erre la plus pau- vre & la plus perire dans la maifon du Seigneur. Elle prir l'habir le 9 fevrier if^p,
fir fon noviciar avec une telle ferveur, qu'elle fur des-lors pour toute la mai- fon un exemle d'humilite , de devo- tion & de tones les vertus religieufes. C'eft ainfi qu'en parloir la mere An- gelique dans une Iertre du 16 avril 1659. Elle fir profeffion le 11 avril 1660 , remplie de reconnoiflance de la grace que le Seigneur lui faifoir de pouvoir fe confacrer a lui. Elle avoit delire d'erre fixur converfe (7), mais on ne le jugea pas a-propos , pour la raifon que M. Singlin lui avoir mar- quee dans une lettre qu'il lui ecrivit apres qu'on Teur obligee de forrirde P. R. (8). Pour y fuppleer, la fasur Chriftine prariqua roure fa vie les exercices de la religion les plus peni- bles, les plus vils & les plus numilians aianr toujours ete ceux , auxquels elle (7) ibid. p. pi, 0) Bid. p. 8<f. & fufv
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II. Par * ie. Ltv. IT. 157________
fe portoit avec plus fd'ardeur, Elle i6S^%
perfevera jufqu'a la mort dans cette
fainte difpofition, aiant toujours choi-
fi la derniere place aurant qu'il lui fur,
J poffible. Jamais el'le ne parla de ce
I qu'elle avoir quitte , ni de ce qui avoic
I ere donne au monaftere a fa confide-
I ration (9).
Si fon humilite fut grande, riert
; n'egala fon amour pour la verite.
* Elle l'aima comme le plus precieux
trefor , & elleetendit ce chafte amour
I fur routes les perfonnes qui Ten
avoient inftruite elle & fes fours , 8c
qui avoient le bonheur de foufFrir
pour fa defenfe.
Lorfque la perfecution eclata en
1664, elle fignala fon zele de telle
forte qu'elle merita elle-meme d'etre
traitee comme l'avoienr ere Ces meres
& fes fceurs. Le jour de I'enlevement
de l'AbbeflTe & des principales reli-
gieufes , l'Archevcque lui aiant te-
moigne avec une certaine affedtion,
I qu'il la traitoit favorablement en la
I laiffant dans la maifon , elle lui re-
I pbqua : Monfeigneur 3 apres que vous
1 m'ave^ otd ce que j'y avois de plus
cher , je ne puis regarder comme une
'(91 VoYej ce que rapporte & ce fujet M. dti
fofle,Mera.p.8j>. |
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I58 HlSTOIRE DB PoRT-ROlAI."
j^go, faveur d'y etre laijjee avec les per*
fonnes que vousy voule^ mettre. Apres l'enlevement des meres, elle foutint avec la four Euftoquie en grande par- tie , le choc des ennemis de la verire, & emploi'a au fervice de la commu- naute tous les talens qu'elle avoir re- §us de Dieu, fans den craindre de tour ce qui pouvoir lui arriver de la parr des hommes , parcequ'elle mer- toir fa confiance dans la force de la grace. » Quoi que ce foir, ecrivoir- « elle, que Ton puifle faire, je fuis » roure prere. J'apprehende feule- » menrde n'erre pas fi maltraitee que « les aurres en confiderarion de mon « oncle, qui eft ami de M. de Pa- » ris (10). J'avoue que j'aurois dela douleur de porter encore en cela quel" ques marques de la vanite du monde y auquel Dieu m'a fait la grace de re- noncer. Voila des fentimens dignes des premiers marryrs, & qui ont du rapport a ceux du grand S. Ignace d'Anrioche, lorfqu'on le nienoit a Rome pour y etre expofe aux beres. Enfin , M. fAreheveque irrite de la fermete de cetre vierge chretienne , l'arracha le 20 decembre 1664, du fanctuaire ou elle s'etoit confacree a (10) Ibid.p, ?f.
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r-^—
H. P A R. T I E. L'lV. IT. I 5^ __ Dieu, 8c la fit conduire au monaf- i^8o«
tere des filles de Sainte Marie de la rue faint Antoine, ou on la tint dans I la plus etroite captivite (i i), jufqu'au commencement de juillet de l'annee fuivante, qu'elle retourna avec les autres exilees a P. R. des Champs. Elle con tin ua toujours d'avancer de vertu en verm. Son ardeur pour les aufterites & la penitence lui faifoit rechercher les travaux les plus peni- bles , malgre la delicateue de fon temperamment : fon amour pour la pauvrete la rendit attentive a la pra- tiquer en toutes chofes, & fa ten- drefTe pour les pauvres les lui faifoit fervir & panfer fans degout dans les plus facheufes maladies , autant que Pobeiflance le lui permettoit. Enfin , apres avoir foufFert pendant plufieurs mois une langueur douloureufe, qu'el- le eut foin de cacher autant qu'elle put, & ou elle evita jufqu'au moin- dre foulagement qu'on vouloit lui donner, elle mourut faintement dans une paix merveilleufe, & une entiere connance en la mifericorde de Dieu. II ne faut pas oublier que c'eft a
la four Briquet que nous fortunes r(n) Voi'ez A la fin du volume la relation abre-
555 de ft captiyite. |
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'. *'■«■' .III
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16b HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
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,J68?. redevables de l'edition des lettres d£
M. de Saci. Apres la mort de ce faint Pretre, & celle de la mere Angeli- que , qui etoient les deux principaux objets de fon afteclion , dans la per- fuafion qu'elle les fuivroit bien-tot, elle s'occupa pour fa confolation a mettre en ordre les divers ecrits de Tun & de l'autre, &- elle conceit le derlein de recueillir les lettres de M. de Saci : ai'ant eu foin de les rerirer de ceux qui avoient les originaux, elle les tranfcrivit, les mit en ordre, y ajoutades titres , &enfin obtint les approbations & permiilions necefTai- res pour les publier. lxxvi. La mere du Fargis regardant les f^l™"**" maladies continuelles, dontelle etoit «ner de fon attaquee depuis quelque terns , com- were*Racineme une marque que le Seigneur siielue. frappoit a laporte, & que fa mort etoit prochaine (12), pnt la refolu- tion au commencement de 1'annee 1690 de fe demettre de fa dignite d'Abbeife, afin de n'etre plus occupee que du paflage de cette vie a l'eter- nite. Pour s'y preparer , elle voulut vivre dans une plus grande retraite, gc fit mettre a fa porte le 2 3 Janvier (11) Pulfat verb,cum Uftiasejftmortemviciniin
jam per icgritudinis mo- defignat. Greg. Mag. |
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II. P ARTIE. LtV. IX. l€l
trn billet par leqael elle prioit k
eommunaute de vouloir bien lui ac- corder le fecours de fes pneres, de l'aider a s'apphquer ferieufement au compte qu'elle devoir rendre a Dieu, & pour cela de la laifTer plus en fo~ litude, ne venant lui parler que pour des chofes tout-a-fait necefTaires , &c jamais de nouvelles ni d'affaires. Elle les fupplioic de contribuer au deiir qu'elle avoit de ne plus s'appliquer qu'a l'unique neceffaire , & de retran- cher avec elles certaines paroles de bonte que 1'amitie leur faifoit dire, & qui pouvoient afFoiblir en elle les fen ti mens d'humiliation & de peni- tence , avec lefquels elle defiroit vi- vre & mourir. Huit jours apres, elle fit la demillion de fon Abbaie j & M. de la Grange , Superieur de la mai- fon , I'ai'ant recue , prefida a l'election d'une nouvelle AbbefTe , qui fe fit le deux fevrier. Ce fut la mere Agnes de Sainte Thecle Racine qui fut elue. La mere du Fargis ecrivant a M. Ar- nauld le 3 de juin fuivant, lui parle ainfi de la maniere dont l'cle<5tion s'etoit faite : » Vous avez fii ce qui » s'eft pafife a notre election , qui a » ete fort edifiante par la douceur » de 1'obeifTance & la docilite avec |
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T$l HlSTOIRE DE PoRT-il01A£;
» laquelle toutes nos fceurs fe fonf
» portees a faire ce qu'on leur a con- » feille\ J'efpere que cette bonne dif- w pofition attirera la mifericorde de » Dieu par la fuite, & que votre eha- » rite n'abandonnera pas des ames •» que vous voi'ez qui cherchent Dieu » iincerement. Je penfe n'avoit pas * befoin de vous afTiirer ici de la ores » humble reconnoiflance que je con- » ferverai , sll plait a Dieu , jufques " dans l'eternite, de toutes les cha- » rites dont je vous fuis redevable, » & a votre fainte famille «. La me- re du Fargis parloit dans cette lettre de Petat ou elle etoit, 8c dont elle I faifoit cette description : >> Je ne » doute pas que vous n'aiez fu I'etat » ou j'ai etc tout l'hiver , retombant » d'un mal dans un autre, fans que » les remedes m'aient pu foulager. » Cela a fait croire que je n'avois » plus gueres a vivre , & ainli ils me » confeillerent de recevoir les der- » niers Sacremens: ce que je fis com- » me ils le fouhairoient. dependant » Dieu m'a laifle encore vivre, per- » dant peu-a-peu tout ce qui rend la » vie agreable. J'adore de tout mon » cceur cet ordre de la providence , I » &jereconnois la-dedans un efTec |
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II. Part IE. Liv. IX. \6$
r> de la mifericorde de Dieu, qui me i ^cjo« » donne par-la. le moien de fatisfaire » a tant de fames, done la vue feule « feroit capable de m'accabler, s'il » ne me faifoit la grace de mettre » toute ma confiance dans les me- » rites infinis de Jefus-Chrift. Je vous » dirai que j'ai ete furprife de me » ttouver fi tranquille dans les ap- » proches de ce grand & terrible » moment; mais j'ai attribue cetefFet » a. la grande mifericorde de Dieu , » qui n'a pas voulu que je me trouvafle » abbatue a. la vue de tant de mi- " feres,afin que j'eulfe plus de moiens » de les reconnoitre, & qui me don- » ne du tems pour enobtenirmiferi- » corde. Demandez - lui, s'il vous " plait, qu'il me faffe cette grace, » & que je puiife lui offrir le facri- •■' fice de ma vie avec l'amour & la » confiance que je dois. J'ai com- J» mence depuis un mois a perdre la " vue corporelle , pour me difpofer » par cette peine a voir manifeftijji- niam beads o cults vetitatem. Cette digne Abbefle furvecut plus Lxxvir;
d'un an a la demillion , & vit plu- M°« de la fieurs de fes filles terminer fainte- p*" Saiju* ment leur carriere avant elle. Elle en vit meme jufqu'a trois dans une feule |
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t&j. HiSTOIftE DE PoRT-ROlAi;
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#*"
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j (Jpo. femaine, qui etoit la femaine fainte }
confommer leur facrifice. La premie- re fut la foeur Louife de Sainte-Fare de la Bonnerie , religieufe d'unefim- plicite admirable & d'une innocence de moeurs, qui faifoit dire a M. de Sainte Marthe fon Confefleur, qu'el- le etoit aujji innocence de tout pechi mart el qu'un enfant d'un jour (ij). Cetre fainte fille mourut agee de 49 ans le ix mars 1690. Le memo jour mourut la foeur Madeleine de Sainte- Eulalie de Limoges, converfe; & le lendemain la foeur Marie de Sainte- Agathe Defleaux. ixxvnt. La mort enleva la meme annee U. de Pont- trois hommes celebres , precieux 8c chateau; fa . .. . - , ' i _ .,,
vie, fes vei- chers aux rehgieufes de P. K. par I e-
?us' dification & les fecours fpirituels qu'elles en avoient recus. Le premier
eft M. de Pontchateau, qui doit a jufte titre avoir un rang diftingue par- mi les faints folitaires de P. R. en qui la force toute puifTante de la gra- ce a triomphe le plus glorieufement de la feduction des fens & de routes les illufions du fiecle(i4). Mefllre Sebaftien-Jofeph du Cambout, dit de (15) Vies edif. T. 5, chateau dans les vies des
p. 118. Saints de Bretagne, l (14) ViedeM.dcPont- juin , p. 570.
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II. Parti e. Liv. IX. \6$
Pontchateau, ne le zo Janvier 1634 d'une famille illufhe (15), fut envoie a Paris pour y faire fes etudes. II fit fes humanites au college des Jefui- tes, fa philofophie dans l'Univerfite , puis il s'appliqua a la theologie avec beaucoup de fucces. Dieu le preferva des faux principes que fon Profeffeur Alphonfe le Moine, & fon Precep- teur le Docleur Magnet, Moliniftes 1'un & l'autre, etoient capables de lui infpirer, par la lecture qu'il fit de Tex- cellent oUvrage publie par Odbave de Bellegarde fousce titre: Sancius Au- gujlinus per feipfum docens Catholicos 6 vincens Pelagianos. M. de Poncha- teau egalement bien fait d'efprit 8c de corps, plein d'enjouement, aime & eftime de tout le monde , paroif- foit marcher dans une carriere bien oppofee a celle qui conduit au falut. Mais il etoit du nombre de ceux qui appartiennent a Jefus-Chrift 5 8c qui, s'ils tombent, comme dit faint Au- guftin , fe relevent par l'effet de fa (15) M. de Pontcha- faen 1S54, Marie Seguiet
teau eroit fils de Charles fille ainee du Chancelier
au Cambout Marquis de de ce nom. Il eut deux
Coiflin, & de Philippe fceurs, qui fluent mariecs,
de Beurges , Dame de l'une au Due d'Epernon ,
Sevry en Lorraine. Son l'autre au Comre d'Har-
frere aJne Cefar, Colonel court, grand Eciuer. do
funeral des SuuTes,epou- Frame.
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166 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
* I(jo0. grace & rentrent dans la voie.
i ixxix. Comme il eut toujours le cceufi
m°m de"Cfcs droit & aima *a v"it(^> iJ chercha
Jiaifons avec deS fajeunefle la connoiflance des per- MM. deP.R. jfonnes en qU[ il voi'oit de la piete. II n'avoit que dix-fept ans lorfque la providence lui procura l'avantage de le lier avec MM. de P. R. qui lui donnerent du gout pour la lecture des bons livres. C'etoit toujours la que Dieu conduifoit ceux a qui il infpi- roit le defir de travailler a leur falut. C'etoit toujours a ces Ananies qu'il les adrefToit pour apprendre d'eux ce qu'ils avoient a faire. M. de Pontcha- teau aiant rencontre un jour chez un excellent religieux(i 6) ou il alloit de tems en terns, M. Rebours Tun des Directeurs de P. R. il temoigna dans la converfation quelque chofe du de- iir de fe fauver , que Dieu lui met- toit au cceur. Quelque tems apres il ecrivit a M. de Rebours, le priant de lui procurer le moi'en de prendre pour fa conduite les avis de M. Sin- glin , dont il avoit oui parler. M. Rebours lui fit reponfe le 10 d'aofit 16 51. Apres lui avoir temoigne le de- fit qu'il avoit de le fervir, il ne lui (is) Ce Religieux pouvoic ctre P, Loroa CiWJji
ftejjs, <jui fut wsile, |
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II. Partie. Liv. IX. %tf
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diffimuloit point que M. Singlin fai- kj^q^
foit d'ordinaire de grandes difficultes pour fe charger de perfonnes de fa qualite 8c de fa naiflance j dans lef- quelles j dit-il, la grandeur fait pour Vordinaire un fecond peche originel & une feconde concupifcence _, quelquefois plus pernicieufe j & qui apporte plus d'empechement que la premiere. M. Rebours accepta la qualite de me'dia- teur entre M. Singlin & M. de Pont* chateau, pour procurer autant qu'il le pourroit a celui-ci les fervices qu'il attendoit du premier. M. de Pontchateau recrivit peu t%xx.
apres 4 M. Rebours, & lui adreffii sj^^ une letrre poiir M. Singlin. Mais ce "sou tepoa. pieux Ecclefiaftique difrera d'y fairefe' feponfe, tant parcequ'une affaire de confequence l'occupoit a&uellement, que parcequ'il vouloit prendre du tems pour confulter Dieu fur les avis qu'il devoit donner a ce jeune peni~ tent. C'eft ce que manda M. Rebours aM. de Pontchateau par une lettredu 18 aout j (f 51 , dans laquelle il lui fit efperer une entrevue avec M. Sin-, glin comme un moien plus commode pour lui. M. Singlin fit reponfeaM. de Pontchateau le 13 du meme mois r il lui marque dans fa lettre t que <Jft? |
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16S HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
.1690. puis qu'il a re$u la fienne, il a ete
agite de deux craintes : » 1'une de » s'engager temerairement a la con- » duite d'une perfonne de qualitej » & qui a des dignites & de grands » biens dans I'Eglife, fachant com- >j bien il eft difficile en ce fiecle de m fervir utilement & felon les regies » etroites de l'Evangile une telle per- » fonne : 1'autre crainte etoit de re- » fufer fon affiftance a une perfonne » qui la demandoit d'une maniere » n humble «. Cependant M. Sin- glin lui temoigne, que quelque re- f>ugnance qu'il ait a s'engager dans
a conduite des ames , il fe fent porte d'affeclrion pour le fervir en la ma- niere que Dieu le lui fera connoi- tre. II lui marque qu'il eft difficile d'appliquer les remedes convenables fans fe communiquer , & que cela ne peut fe faire par lettres; que quoique M. de S. Cyran ait fervi plufieurs per- fonnes par lettres fans les avoir vues, il le faifoit neanmoins de telle forte qu'il adreftbit ces perfonnes a des Di- re&eurs pour decouvnr le fond de leur confluence. Quant a l'amour de la retraite & de la folitude qu'a- voit temoigne M. de Pontchateau , |C3i"^in lui repond <ju'il ne douta point
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I
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II. Par tie. Liv. IX. i<5>
point que cet amour ne croiffe de 1690.
jour en jour, lorfqu'il connoitra plus
particulierement les difficultes infur-
I mon tables qu'il y a dans le monde
I au falut d'une jperfonne de fon age ,
^ de fa qualite & de fa naiflance. II
I l'exhorte a confulter beaucoup Dieu,
^ s'aflurer de fa volonre, & a com-
mencer a. fe retirer dans le fecret
de fon cabinet & de fon coeur, en lui
demandant qu'il rompe fes liens , 8c
qu'il lui facilite les voies pour le fui-
vre 8c aller a lui.
M. de Pontchateau fut tres fatis-
fait de la lettre de M. Singlin, & penfa ferieufement a. avoir une en- trevue avec lui. Tout occupe de cette entrevue, 8c l'aiant fort a coeur, il ecrivit a ce fujet a P. R. II apprehen- doit cependant de paroitre importunj fur quoi M. de Rebours lui ecrivit pour lui faire connoitre qu'il ne l'e- toit point. Une maladie qui furvint a M. de lxxxi.
Pontchateau retarda encore ce qu'il.'' p1,'.1' uenroit avec tant dardeur. hnhn il eut le bonheur de parler a M. Sin- glin , felon les moi'ens que lui indi- qua M. de Rebours dans fa lettre du 16 novembre , ou Ton voit que M. de Pontchateau temoignoit une gran- Tome Fill. H |
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I70 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
' kj'o0 de ardeur pour lire les livres qui
" traitoient de la grace de Jefus- » Chrift j & qu'a meiure que fori ef- " prit fe nourriflbit des verites fain- » tes, fon cceur concevoit a propor- m tion de jour en jour des nammes " toutes nouvelles pour le bien fu- " preme, qui eft le principe & la fin )> unique de tous les autres biens «. M. de Pontchateau eut lieu de con- noitre, des la premiere fois qu'il vie M. Singlin , la verite de ce que lui avoir dit M. de Rebours , qu'il ne connoifloit point d'homme doue ni d'une plus grande lumiere , ni d'une plus grande charite. ixxxn. M. de Pontchateau alia vers la fin
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li vaaP.R
des champs. |
de Tan 1651 a P. R. des Champs, pour
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s'encourager a commencer une nou-
velle vie par l'exemple des pieux fi> litaires qui y vivoient, Ce voi'age lui fit naitre ltidee de fixer fa refidence dans ce faint defert; mais M. Sin- glin ne fut pas de cet avis, comme on le voit par deux billets , l'un du mois de fevrier , l'autre du mois de mars 1651. » II faut avoir un peu » de patience pour aller habiter le » defert , lui dit M. Singlin ; quand » le terns fera venu vous trouverez v tout pret un logement; omnia teti% |
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II. Par:tits. Liv. IX. 171
» pus habent. Et comme le terns eft
m entre les mains de Dieu, il le faut i» beaucoup confulter , afin de ne
> faire aucune avance, ni retarder -» quand il parlera & fe manifeftera ". Cependant l'amour de la folitude croifloit tellement dans M. de Ponr- chateau, qu'il penfa a decouvrir a Madame d'Harcourt fa fceur le deflein qu'il avoit de fe retirer. II ecrivit i ce fujet a M. Singlin qui le trouva bon, & lui en fit ecrire par M. de Rebours, qui lui marqua dans une lettre (du premier avril 1651) la ma- niere dont il devoit le faire. Dieu lui donna le courage de faire part de ce projet a la Comtefle , & de re- pondre avec fermete aux mauvaisrai- fonnemens que lui fit a ce fujet un de fes parens. II vouloit des lors quit- ter fes benefices , mais l'avis des per- fonnes qui le conduifoient, fut qu'il devoit attendre , remercier Dieu de la bonne volonte qu'il lui avoit don- nee , & remettre a fa providence de lui ouvrir les voies pour l'execution de fon deflein , fans rien precipiter , & fans fe relacher en rien. M. de Pontchateau avoit des lors
quelque defir d'abandonner tous fes biens, 8c de fe confacrer uniqugmenc Hij
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fjz HlSTOrRE BE JPoRT-ROlAt
a la vie penitente. Mais M. Singlin |
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16<)o.
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txxxiir. voi'ant qu'il confervoir toujours des
11 ecoujc la llz[{ons avec cJes perfonnes du monde. voix de 1 en- - . , C r r
chautfur, & crut devoir eprouver ii cette ferveur
de Rom°!afie ne ^ei'olt point paflagere. Peu de terns apres il icoura la voix de l'enchan- teur, qui lui parla par la bouche de fon do&eur qui pour difliper fon projet de reforme l'engagea a faire le voiage de Rome., lis partirenr enfem- bleau.mois d'o&obre, &s'arreterer)t a Lyon chez le Cardinal Alfonfe , firere du Cardinal de Richelieu &: parent de M- de Pontchateau. Celui- ci fut un pen touche de ce que le Prelat pres d'expirer , lui dit, qu'il avoir beaucoup de regret d'avoir quit- te fon etat de Chartreux , &: qu'il auroit bien m'teux aimd mourir f)om Alfonfe que Cardinal de Lyon (i 7). M. de Rebours ecrivit a l'occafion de cet- te mort une lettre a M. de Pontcha- teau datee du 7 avril 1^55 , dans la- |
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en a occafionne plufieurs
ajirres, qui en font une iuire. Ce Cardinal vou- lut etre enterre dans un hopital qu'il avoir biiti, avec cetre epitaphe qu'il avoir lui-meme drejlce : Pauper naius fum , pait- pertatem vovi, inter pau- peres fepeliri voto. Gall. Cluift, lioy.T, 4. p. jyf, |
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{17) Ce Cardinal mou-
tutle2 5 mars i5f;-AinT ii l'Aureur ou l'Editeur du Necrologe de P. R. s'eft rromp£ en placant le voiage de M. de Ponr- chateau a Rome en I'au JC57 , puifqu'i! le .ft j'annee de la niorr du Car- dinal arrivee en rtfj'). Cetre premiere mepriie |
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II. Pak*ii; Liv. IX< iff
quelle il lui marque que » Dieu a
'> leve par cet accident inopine l'em- » pechement le plus grand & le plus " funefte qui pouvoit s'oppofer a fon » falut , & dans lequel fes proclies » l'avoient engage , ou par une faulTe » piete, ou darts k vue toute cri- » minelle de l'interet de leur mai- " fon«. M. de Pontchateau n'a ja- mais perdu de vue cette reflexion , qui lu-i a fouvent fait dire depuis : Dieu a tui deux kvmmes pour mefau- ver(t8),. Tous les amis de M. de Pontcha-
teau furent tres affliges de ce voi'age, oil il couroit de ii grands rifques pour fon innocence. Ce n'etoit point fans fujet / car il contracta toutes les ha- bitudes qu'un homme bien fait, d'ef- prit & de naiffance pouvoit contrac- ted II fentit neanmoins bientot par le vuide de fon efprit, & par les agi- tations & les inquietudes de fa conf- cience, qu'il ne trouvoit pas dans cette forte de vie ce qu'il cherchoit, qu'il avoit abandonne la verite pour courir apres la vanite du men- fonge. Dieu pourfuivit ce fugitif pen- (18) Le Cardinal de truer. lis etoient oncles
Richelieu, & le Cardinal de M. de Pontchateau. Alphonfe ftere du pre- Hiii
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174 HlSTOrRE DE PoRT-ROlAL.
1690. ^ant f°n egarement, & le rappella
fans eefTe a lui-meme par les repro- ches interieurs qu'il lui faifoit, juf- qu'a ce qu'il fut revenu a la lumiere. i II y eut une bonne religieufe, qui fe fit une devotion particuliere de prier I pour fon retour, afin de reparer par cet acte de charite envers lui, les fan- tes de reflentiment qu'elle croioit a- voir commifes autrefois contre lei Cardinal de Richelieu, qui avoit per-1 fecute fa mere (19). txxxiv. M. de Pontchateau apres avoir de- 11 fe remet meur^ quelque tems a Rome , paffa fous la con- * 11 1 • i /• i
duire de m. en AHemagne, dont ll traveria plu-
smgiin , i fiems provinces , puis revint en Fran- qiif ll ecr.'t. 1 . > Jf
Kfponfe de ce , & prit alors la reloiution de ie
m. singim. remettre fous ]a conduite de M. Sin- flin, 8c lui ecrivit une lettre tres
umble. Ce pieux Ecclefiaftique lui fit lareponfefuivante (zo). » Monfieur , « vous pouvez avec toute liberte » nous voir, quand il vous plaira , » n'ai'ant pas moins d'afFedtion que « j'en ai jamais eu de vous feryir. » J'ai bien eu de la douleur de vous « durant un fi long filence , & vous » voiant dans un tel age & dans une » condition fi perilleufe , n'etant con- ■» duit& foutenu de perfonne amni- on Necf. p. zjif. (to) Rec. ibid. p. 416. |
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II. Par tie. Liv. IX. 175
■ lieu d'occafions dangereufes. Mais j690. > je n'ai jamais eu He refroidifle-
> ment pour votre fervice. Je vous
> ai laifle entre les mains de Dieu ,
> qui eft tout puifTant pour fauver
> les hommes dans toutes fortes d'e-
> tat; quoique les uns foient plus
» dangereux que les autres , & que > Dieu veut fouvent que nous rom-
> pions avec le monde , quand nous
> ne pouvons pas nous bien defen-
> dre de fa corruption , & que nous
> n'avons pas a(Tez de force pour re-
> lifter a toutes fes attaques.
" II n'y a que Dieu feul qui fache ,
' ce que je voudrois faire pour vo- » tre delivrance. 11 eft vrai epe juf- ' qu'a prefent Dieu n'a pas donne > benediclrion au fervice que nous
» avons voulu vous rendre , peut-etre {•our nous etre engages trop faci-
ement, ou pour avoir ufe de trop " de condefcendance , avant d'avoir " ete confirmes en votre perfonne , " que nous ne faurions etre trop re- ' tenus a nous engager en la conduite ' des perfonnes de votre qualite , ' Ecclefiaftiques & Beneficiers j & ' que Pindulgence avec la quelle nous ' tachons de les guerir ne reuffit pas * toujours. Cela ne diminue nean- Hiiij
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l-[6 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
i6<)Q. " moins en rien le defir que j'ai de
» vous fervir de la maniere que Dieu » le fera connoifre , m'y fentant etroi- « tement oblige par beaucoup de « raifons, particulierementpar lepre- » mier engagement que j'ai eu avec *> vous , qui me fait vous fuivre par- » tout, & prendre part a tous les m maux & a tous les bieus qui peu- » vent vous arriver. » Je plains bien Mefdames vos
« fours , d'autant plus que je crains m qu'elles n'ufent pas bien des dif- " graces qui leur arrivent felon le " monde j ce qui les rend double- « ment miferables & dignes de com- » palfion. Je prie Norre - Seigneur w qu'il leur fafte la grace ,. comme a » vous , de regarder la main de Dieu » fur elles, & d'ecouter le Seigneur « qui leur enfeigne a meprifer le » monde, & a n'aimer que ce qui » eft immuable & eternel. C'eft le » fouhait de votre tres humble fer- » viteur , A. S. Depuis ce terns M. de Pontcha-
teau eprouva bien des agitations, & eut bien des combats & foutenir pour vaincre tous les obftacles qui s'op- {>ofoient a fon falut. On voit par une
ertre que M. Singlin lui ecrivit le |
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II. Par tie. Liv. IX. 177
deux juin \654 , ce que la grace lui
faifoit deja faire, & ce qu'elle com-
men^oit a lui mettre au coeur pour
l'avenir (zi). » II eft vrai, Monfieur,
» lui dit-il, que vous avez fujet de
» deplorer votre etat , n'ai'ant pas
>> perfevere dans ce que vous avez
» commence. La crainte que vous ne
" retombafliez dans vos dereglemens
» paffes , m'avoir empeche de con-
» fentir a, votre long vo'iage , qui
» vous expofoit a beaucoup de ten-
» tations, tk je vois par mafheur que
» ma crainte n'a pas ete mal fondee.
» II faut pourtant bien fe donnerde
» garde de tomber dans aucune de-
" fiance de la mifericorde de Dieu ,
» car ce feroit le plus grand de tous
»» les crimes. Mais il faut effaier do
» jetter de meilleurs fondemeas de
» penitence la feconde fois que la
» premiere , & fe mieux difpofer a
» ce que vous defirez de faire, par
» la retraite , rhumilite interieure &
" exterieure , la mortification de vos
» fens, l'exercice des bonnes ceuvresv
" Vous ne devez pas croire que
» votre falut foit attache a la re~
» traite de P. R. que vous defirez.
.« L'entree ne vous en eft pas fee-
H v
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178 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi;
» mee , mais les chofes ont leur terns.
» Vous avez deja beaucoup fait de » voiis eloigner du monde & des » converfations mondaines. C'eft un « acheminement pour aller plus a- m vant......Ne voi'ez perfonne qui
» vous puifTe nuire. Faites quelques
» pelerinages a pied a quelqu'Eglife » de Saint, ou vous avez plus de j> devotion. Preparez votre cceur a » fuivre Dieu ou il vous appellera, » & a faire, foufFrir & quitter tou- ft tes chofes pour lui. Efperez que ce « qui vous eft arrive, vous fervira » a vous plus affermir dans fa voie, » a vous plus defier de vous-meme, » & a plus hair la frequentation du » monde. Voila cequeje vous puis » dire prefentement j je vous aurai » prefent devant Dieu, & lui deman- « derai les lumieres pour vous fer- » vir, &c. «. Les annees fuivantes M. de Pont-
thateau parut aller a Dieu de tout fon cceur. Cependant il falloit qu'il eat encore quelqu'attache fecrete , qui caufa une rechute. 11 alloit de' terns en tems faire des retraites a Port- Roial (n) -y 8c il fembloit a chaque fois que c'etoit avec une nouvelle (n) Du Foffc , p. i Ji. Font. T. 1. p. j4y,.
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II. Partie. Liv. IX. 179
ardeur. II y etoit lorfqu'on ordonna 1690. en 16 5 6 aux folitaires d'en fortir (23). II aidoit dans ce tems-la M. Arnauld dans fes ouvrages , & ecrivoit fous lui. Les miracles de la Sainte Epine de P. R. lui donnerent de l'occupa- tion en 1656 & 1657 , car en le char- gea d'en drefTer les relations , ce qui le fit appeller , le Greffier de la Sainte Epine (24). Cependant il lui prit fantaiile de u^&fvlmt,
retourner a Rome. II partit au mois chateau tral- d'avril 1 (J 5 8 , & revint a Paris aaS."6' mois de feptembre de 1'annee fui- vante (15). M. de PontcMteau traina |
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puis quelque terns par une
faints Epine de lacouronne ae notre Seigneur. M. de Pontchateau continua en 1 Sf7fon travail; mais Ton zele pour les oeuvres de Dieu fe rallentit en meme-tems que fon a- mour pour la retraite. Ec etant parti pour Rome en iS?8 , quclqu'autre con- tinua fon recueil. La mere Angelique ecrivant a la Reine mere le 4 mars is«p,luidit dans fa let- tre, qu'//y en a plusde So ( miracles) d'icrits & de bun averis. (1;) M. de Ponrcha-
reau qui a fait une}rela- tion de ce voi'age , en a- voit noue la partie avec de jeunes Ahbes , dans tun Hvj
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(ij) M. deP. C. adref-
fe un journal de ce qui fe pada a la vifite du Lieu- tenant civil & des Com- miHaires. (14) On voir par M.
Fontaine, T. i. p. 559 , & par plufieurs lettres de Mademoifelle Perrier , que M. de Pontchateau prenoit fain de recueillir exaftement les merveilles t pour en donner les rela- tions au Public. On a lieu de croire qu'il eft auteur «n partie avec M. Pafcal, d'un excellent ccrit de 30 pages in-40 qui partit au mois de novembre 165s , fous ce titre : Rhonje d un icritpublii aufujet des miracles qu'il a plu a Dieu defaire d P. R. de- |
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l8o HrSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i6$o. enfuite quelque - terns fes chaines,
jufqu'a. ce qii'enfin docile a. la voix de Dieu , qui l'appelloit fans ce(Te a la penitence, il refolut de s'adreffer aux perfonnes qui lui avoient mon- rre la voie qui conduit au falut, & qu'il avoit abandonnee pour la fe~ conde fois. Quoique MM, de P. R. euflent bien de la charite , cependaut comme ils avoient connu fon inconf- tance, ils eurent alTez de peine de le recevoir parmi eux. Ce fut fur la fin de l'annee 166a , apres fon retour de Bretagne , ou il avoit fait un voi'a- ge qui dura un an , & d'ou il rappor- ta une fievre quarte qu'il garda plu- fieurs annees. II y eut encore des vicif- iitudes dans ce penitent (z6), M. Sin- glin lui ecrivant le vingt - deux mai \G6\ , lui marquoit qu'il avoit beau- coup de peines de le voir encore en- gage dans les liens du monde , &c qu'il etoit neceifaire de les rompre ; qu'en confequence il ne croioit pas devoir lui permettre le vo'i'age aux Eaux de Bourbon , dont il lui avoit ecrit qu'il vuigeqii'ilavoicfait l'an- de femarier avec une De-
net' picccdente en. Bre- moifelle qui frequentoit ragne. Il rapporta de la Ducheife d'Epernon fa .Kome une dignite; le Pa- fosur , lotfqu'une mort pe Alexandre VII l'ai'ant fubiteenlevacette Demoi.- fais Prctonotaire. fclle. , (1.0.) U tut Cut lc joint |
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II. P A R T I E. LiV. IX. I 8 i
avoit befoin, parceque cela le jetteroit
dans de nouveaux precipices. II ajou- toit que la fante de fort ame lui devoit etre plus chere que celle du corps, a laquelle on pouvoit remedier d'une autre fagon. Enfin il lui difoit que ce qui devoit l'occuper alors, c'etoit de s'eloigner le plus qu'il pour- roit des gens du monde , & de fe. mettre dans la compagnie de quelque homine de bien. M. Singlin toujours inquiet, com-
me on le voit par pluiieurs de £es let- tres , au fujet de M. de Pontchateau ,, & j'ugeant que la retraite lui etoit necelfaire, le prelTa beaucoup d'en- trer dans quelque communaute pour y vivre le plus religieufement qu'il pourroit 8c en penitent. II etoit d'a- vis qu'il quittat Paris & fe retirat a la campagne , pour evitex les vifi- tes non-feulement des gens du mon- de , mais mane des amis qui en fai- fant profeflion de piete , font gens de nouvelles , & dont les entretiens rou- lent fur routes fortes de matieres , 8c fur les affaires du monde comme fur toutes autres : " ce. qui , difoit M. " Singlin , ne fait que nuire a une " perlonne qui a befoin de peniten- « ce^ de retraite 8c de filence, pour |
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I 82 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.'
1690. " ne vaquer qu'aux affaires de fort
« falut, renouveller tout de bon fa » vie, & faire de dignes fruits de " penitence «. Cependant la grace de Dieu agifToic
ta grace con- ^ur ^e cceur de M. de Pon tcMteau j il
tinue d'agir penfoit, comme on le voit par une
deM. v^c'. lettre de M. Singlin du 28 mai 1661 ,
Mauvais £ fe defaire de fes domeftiques & du
eftets d'un n ^ r 11 ■
voiage deBre-reite de les meubles, pour quitter en-
tagne. tierement le monde. Neanmoins il ne le fit pas encore, Au commence-
ment de 166 j, il fit, avec Fagrement de M. Singlin, un voi'age en Breta- gne pour fes affaires , fur-tout pour prendre quelqu'arrangement au fujet de fes benefices j mais il lui donna un homme de bien pour lui tenir com- pagnie (27). Ce voi'age fut une occa- fion a M. de Pontchateau de fe de- ranger un peu, &c de reprendre quel- que chofe de l'amour du monde. M. Singlin en fur fenfiblement afflige & fe repentit d'avoir confenti au voi'a- ge -y il lui ecrivit a ce fujet le 18 mai (17) -Cet homme de tion du monde. La lettre
bien etoit M. le Maitre de M. Singlin du 18 mar Docteur de Sorbonne', qui i««j , relative aux mau- voiant que le voi'age etoit vais effets qu'avoit pro- trop long.revint a Paris, duits ce voi'age dans M. M. de P. C. n'aiant plus de P. C. autorife a le pla- ce guide aupres de lui, cerencette annee.* k. Iaiifo alier a la dirtipa- |
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-i
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II. Par tie. Liv. IX. ig^______„
i 66} , & lui temoigna dans fa lettre: x $qQ,
que le meilleur pour lui feroit de quitter entierement le monde, 8c de s'enfermer dans un monaftere, Vous avez befoin, lui dit-il, de quelque chofe qui vous lie 8c vous fou- tienne, pour vous munir contre votre propre fbiblefTe 8c l'inconf- tance de l'efprit humain. Vous de- vez vous adonner a la priere 8c aux lectures qui on t rapport i votre etat, comme de quelques Traires de la penitence 8c de quelques vies de faints penitens; aller vifiter quel- qu'Eglife retiree, pour vous eloi- gner des compagnies & vifites inu- tiles; regler votre tems & vos exer- cices, enforte que vous foiez tres fidele a les obferver, & a ne vous en difpenfer point fans une veri- table neceflite ; a faire toute chofe par aflujettirTement, qui eft le vrai elprit du Chriftianifme (28) «. M. Singlin jugeant done que M. ixxxvnv de Pontchateau avoit befoin de quel- jUge' qi"6 u que chofe qui liat & fixat fon inconf- ***}& •§ tance , nt ce qu ll put pour 1 enga- m. de p. c. ser a fe faire Benedi&in , 011 du moins poatfnnfoix
S 1 i 1 • r incoiulance, a demeurer dans quelque maiion re-
ligieufe en qualite de peniionnaire \
(tS; Rec p. 4ja>
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184 HlSTOIRE DE PORT-ROJAI.'
mais il objedroit par rapport au pre-
mier article, qu'on l'obligeroit peut- etre a figner le Formulaite j & fur le fecond, il faifoit beaucoup de diffi- .cultes. Cependant M. Singlin ne cef- foit de lui reprefenter que la vie qu'il menoit n'etoit pas agreable a Dieu j parceque, quoiqu'elle ne fiit point criminelle , elle etoit languijfante & tiede. II l'exhortoit fans celTe afe fou- venir de cette parole qu'il recitoit tous les jours: Hodie fi vocetn ejus au- dieritis , nolite obdurare corda veflra j & arevenir ,'ad primam charitatem. » Nos oeuvres , lui difoit-il, n'etant » point faites dans la plenitude de » la charite, quoiqiie bonnes a l'ex- » terieur , nous font porter le nom ,»; de vivans aux yeux des homines, » lorfque nous formnes morts aux » yeux de Dieu, fi nous n'en faifons » penitence". Dans unelettre du 1 $ fevrier 1664, ^ ^IU tcmoigne le defir qu'il a qu'il trouve bientot une re- traite : » car , dit ce pieux Ecclefiaf- « tique, je crairis toujours beaucoup » pour vous que le tems ne fe. con- » fomme inutilement , & que fpa- ;< tium panitent'w ne vous manque- w Je prie Dieu qu'il vous le donne, » & que fans delai vous Temploiez |
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II. P A R. TI E. L'lVt IX. I 85
» tour de bona reparer le pafTe, & \6yo,
» a vous bien etablir pour l'avenir » en un genre de vie qui vous con- » duife a la vie bieuheureufe ». Dix jours apres (le z5 ftvrier) M. ™ve^
Singlin ecrivir a M. de Pontchateau de m. singUa une lettre admirable, dans laquelle kH,de p,c* il repond aux difficultes qu'il avoir d'enrrer dans un monaftere. » Ce que vous pourriez remarquer , lui dir- il, qui ne feroir pas dans votre approbation en un monaftere, ne devroit pas vous empecher d'em- braffer tour ce que vous y rrouve- riez de bien qui vous feroir pro- porrionne : Omnia probate _, quod bonum ejl tenete. II ne faur pas s'i~ maginer aucun bien , oil il n'y ait rien a redire ; il fuffir de ne prendre aucune parr a ce qui pourroir etre mal, & d'ufer bien de rout ce qiu vous pourroit convenir. » Je remarque avec douleurquela connoiflance de beaucoup de ve- rires ( qui fonr rres uriles a ceux qui en ufenr bien) ne ferr a beaucoup de perfonnes, ranr filles qu'hommes, qua les eloigner de la vie religieufej qui leur eft neceflaire pour leur fa- lut, roure aurre leur eranr rres pe~ f* rilleufe. Et Ton ne s'appercpit pas |
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l8<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
» que l'amour propre & l'amour de
» fa liberte fe couvrent fouvent du
» pretexte du mal que Ton connoit
« dans la profeflion que Ton a befoin
» d'embrafler , & que cette fcience
» nous enfle 8c nous aveugle dans
» ce qui nous eft neceffaire. Que fi
« Ton avoit bien du zele pour la pe-
» nitence , pour l'aflujettiflement 8c
» pour la vie religieufe , on verroir
y les difficultes bien applanies , &
» on marcheroit avec confiance a
» proportion qu'on auroit de fimpli-
» cite, fuivant cette parole du Saint
» Efprit : Qui ambulat fimpliciter 3
» ambulat confidenter.
" La vie que vous me propofez,
» & a quoi vous avez plus d'inclina-
» tion , ne me revient point en tout
" pour vous, non plus que pour beau-
" coup d'autres. Car fans confiderer
« la difficulte qu'il y a a trouver un
" lieu , des perfonnes qui vousfoient
■» convenables, & une qui conduife
" & qui prenne foin du tout, ce gen •
» re de vie n'eft point ftable. II ne
» s'y trouve point d'exercices qui
» conviennenr a la penitence; on y
» vit dans l'indepenaance les uns des
» autres , fe contentant d'une defe-
» rence de civilite 8c d'honetete. Per-
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II. Par tie. Liv. IX. 187
» fonne ne prenant point d'autorite "TtfooT*
" fur nous, on y parle & Ton s'en- » tretient de fcience , & on n'a pref- " que point d'autre exercice que les » livres. Tout cela ne convrent point " a un penitent , & a ceux meme » qui n'ont pas un befoin particulier » de la penitence. L'efprit de piece , » de fimplicite 8c d'humilite fe ral- » lentit, & quelquefois meme s'e- » teint entierement. Pour embrafler " cette vie fans peril, il faut pou- " voir fe foutenir foi - meme , etre » appelle a l'etude & a fervir les au- » tres du fruit de fes etudes. Autre- » ment on y languit, etant prive des » exercices qui fe trouvent en reli- " gion, & qui foutiennent les foi- » bles & fortifient les forts , com- » me 1'Office divin en commun qui » occupe une partie de la journee , » le travail des mains , ou les autres » obfervanees qui tiennent lieu de » travail, & par-defTus tout l'obeif- " fance. Ethorsles chofes,a quoil'on » ne pourroit fe rendre fans offenfer » Dieu (ce que Ton exige tres rare- » ment), on peut fe fandifier en fe " foumettant a ce que Ton exige de M nous , quoique ab initio nonfuitjic. » Je ne fais comment je me fuis |
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I 88 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
i6ciq. " laifTe aller dans unfi long difcotirs.
» L'affection que j'ai pour votre faint » m'a conduit a decouvrir mes pen- « fees fur les divers etats que vous » pouvez embrafier, afin dene vous » y tromper pas dans le choix que » vous en pourriez faire} fuivant cet- » te parole : Eft via qua videtur ho- » mini recta 3 &c.«. En fin , M. Sin- glin apres avoir propofe une entre- vue a M. de Pontchateau , termine ainfi fajettre: « Je prie Dieu qu'il » vous donne un faint zele pour la » penitence , fuivant ce que Jefus- » Chrift fait dire a un Eveque qui » etoit, non tombe dans des crimes, » mais dechu de fa premiere ferveur » & charite : amulare & age pceniten- » dam. Vous voi'ez que le zele pre- » cede la penitence } & fans lui on » ne fauroit bien expier fes peches » par une penitence falutaire «• Ixxxix. M. Singlin eut la confolation de m. <ie Pont- vo£r avant fa mort fes vceux exauees, nonce cntie- par un changement parfait dans M. mondL SU de Pontchateau;. 8c il tut 1'inftrument dont Dieu fe fervit pour le fixer & 1'attacher d'une maniere inebranlable a fon fervice. Voici comment la chofe arriva, ainfi que M. de Pontchateau la raconta lui - meme, peu avant. fa |
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II. Partie. L'iv. IX. i%<)
mortaMademoifellePerrier. Unjour \^a0%
qu'il alia voir M. Singlin , ce pieux £cclellaftiquelui ai'ant beaucoup parle fur les tentations continuelles qu'il eprouvoit dans le monde, & les in- certitudes oii il etoit, lui dit: Vous ne voule\-donc pas quitter la vie que vous mene^ ? M. de Pontchateau ai'ant repondu qu'il le vouloit bien, mais qu'il ne le pouvoit pas, ne dites point que vous ne lepouve^pas, repritM. Singlin, mais dites que vous ne le voule^pas. M. de Pontchateau s'etant retire enfuite chez lui au cloitre de Notre - Dame , fit reflexion fur ces paroles de M. Singlin : dites que vous ne le voule^ pas. Et il fe difoit en Iui- meme : M. Singlin a raifon _, c'ejl que je ne le veux pas. II n'eut point d'au- tres penfees toute lanuit, ne dormit gueres, fe leva a quatre heures du matin , prit fa refolution , ecrivit quelques lettres, & fe retira dans un lieu inconnu a fa famille. Depuis ce terns il ne vit plus fes parens. Lorfqu'on lui parloit dans la fuite deux , & des dignites qu'ils a- voient, il repondoit: Putredini dixi, pater meus es j mater mea & foror mea vermibus : J'ai dit a la pou/Iiere, vous tres mon pere: j'ai dit aux vers, voa? |
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190 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
"r/jgo ^tes ma mere & ma foeur. » C'eft fou-
» vent , difoit-il encore , un grand « deshonneur devant Dieu d'etre ne »> de quelque condition felon le mon- » de ; parceque d'autant pins qu'on » a des parens eleves- dans fa fa^ » mille , on peut compter dans fa w famille un plus grand nombre de " reprouves «. xc. Ce fur alors ( en 1664.) qu'il quitta Wn^«tte f" ^es benefices, il remit en regie PAb-
bai'e de la Vieuville , & auroit dif- pofe auffi canoniquement de l'Abbai'e de S. Gildas desBois, & de cellede Generton , s'il en avoit eu la liberte. Celui en faveur duquel il fe demit de l'Abbaie de la Vieuville , ne l'ac- cepta qu'a condition qu'il y auroit une pennon de deux mille livres pour M. de Pontchateau , mais jamais il n'en voulut rien toucher. S'etant ainfi decharge d'un fardeau
Ses diffSren- qui Ta fait gemir pendant route fa
tes dcmeures. v^e £m i£ <i£faut; Je vocation dans fon entree & fur Tabus qu'il avoit fait
des biens ecclefiaftiques , il abandon- na fonpatrimoine a fa famille , & ti- nt, feulement de M. fon frere la fom- me de vingt mille livres qu'il placa fur l'lfle de Noord-Strandt. Apres s'etre ainfi depouille de tout,il |
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II. P A R. T I E. L'lV. IX. I^I
fe retirapres de PEftrapade, oiiil oc- kJcjq.
cupa fous le nom de M. Monfrein une petite chambre tout feul. MIIe Perrier I'yetantallce voir,&lui ai'antdemande comment il fepouvoit pafTer de valet, il lui repondit en riant: Quel tnalvous ai-je fait pour me fouhaiter unvalet.. II fit enfuite un voi'age de charite en PIfle de Noord - llrandt (29) fur laquelle quelques - uns de ks amis avoient f>lace des fonds. II pafla par la Hol-
ande , 8c revinr par PAllemagne & la Lorraine. II a fait une relation de ce voi'age. Peu apres fon retour a Pa- ris , il alia demeurer a i'extremite du faubourg S. Antoine avec M. de Sain- te Marthe &M. de Saint Gillesd'Af- fon. La M. de Pontchateau fe mit tout de bon a eflaier fes forces pour le genre de vie penitente qu'il comp- toit mener le refte de fes jours. Lui & fes compagnons travailloient en- femble dans leur retraite , & vivoient comme despauvres, a la refervequ'ils (19) L'Ifle de Noord- de Meflieurs de P. R. d'y
llrandi en Dannemarck, placer del'argent. Les Je-
ai'antete inondee au com- i'uites firent fur cela des
mcncement du dernier glofes JlIeurfacon,Scvou-
fiecle, on la delfecha. lurentfaire croire que les
3-es perfonnesqui travail- JanfeniftessvoientaeiTein
lerent aux nouveaux eta- de s'etablir dans le Nord.
bliflemens, firent des em- Mem. hift. U dogm. du
prunts, &c ce fut ce qui P. Dayrigni Jefuite. T.
donna occafion £ plufieurs ;.p, i^j.&fuiy.
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IJ2 HlSTOIPvE BE PoRT-Ro'lA£.'
1-6^)0, ne mangeoient point de chair. Ott
1'obligea cependant quelquefois de quitter fa folitude pour faire des vo'i'a- ges utiles a l'Eglife. 11 alia en 166j faire imprimer a Amfterdam par El- zevir , au nom de Gafpard Migeot, le nouveauTeftament deMons. Mais a peine avoit-il fini les affaires done il etoit charge , qu'il rentroit dans la retraite avec une nouvelle ferveur. II y compofa les deux premiers volu- mes de la Morale vratijue des Jefui- tes. M. de Pontchateau demeura trois
ans dans cette retraite avec M. de Sainte-Marthe & M. de Saint-Gilles. Plufieurs perfonnes fe ioignirent a eux en differens terns, entr'autres M. Va- ret & M. de Boifbuiflon. M. de S. Gilles y mourut le trente decembre \66%. Les vifites qu'un grand nora- bre d'amis leur rendirent pendant fa maladie , firent trop connoitre leur maifon , enforte qu'ils furent bientot obliges de la quitter. « Son ami, dit » le Necrologe, mourut de la mort ■» des Saints , & d'une maniere qui » les obligea lui (M. de Pontcha- » teau) & cet Ecclefiaftique ( M. de w Sainte-Marthe ) a quitter la place, >f pour les louanges que le Vicaire |
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II. Partie. Lly. IX. 191;
v de la ParoifTe ne pur s'empecher de 1690, « donner au defunt, apres avoir ap- » pris le derail de fa vie qu'il lui fit » pendant fa maladie«. Lemeriree- toit alors refpedre dans certe Paroifle. Peu de rems apres, Port - Roi'al M- de v'OM.
ai'ant commence arelTentir (en 1669) chateau v* les efFers de la paix rendue a l'Eglife , p. r. c des M. de Ponrchateau vola comme une champs, ses 11 1 it' 1 e occupations.
colombe dans ie lieu de ion repos,
qui etoit depuis long- terns 1'objet de fes defirs. II fe placa dans la ferine des Granges , fous le nom, 1'habit & la figure d'un jardinier. II portoit alors le nom de M. Mercier. II y fou- tenoit les travaux par la priere , par le filence , par des jeunes 8c des auf- terites extraordinaires. On le voi'oit porter la hotte pleine de fruits & de. legumes ; il travailloit couvert d'un cilice, &: ceint d'une chaine de fer , ne vivoit que de pain bis 8c de ra- cines, ne buvoit que de l'eau, ne cou- choit que fur la paille, 8c le plus fou- vent fur une claie qu'il jettoit fur la terre. Dans les commencemens, lorf- qu'il etoit revenu des champs, ou il avoir fait la moiflbnavec les pai'fans, il changeoit de linge parcequ'il etoit tout en eau. Mais s'appercevant que ces pai'fans n'en changeoient point , Tome FIU. I |
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J94 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
kS^o. il leur demanda comment ils Eufoient:
Celui qui nous mouille, nous feche, re-> pondirent-ils parlant du foleil. De- puis ce tems-la il fit comme eux, 8c ie priva de ce foulagement. xcnr. II y avoit huit ans que M. de Pont- il /an un chateau demeuroit a P. R. lorfqu'en
voiage a Ro- . ,, . , , „ \ i, >
me pour m. 1677 M. d Aletn 1 engagea a alier 3
££*,&£ R°me Pour k fevke de l'Eglife. II religieufes de partit au mois d'aout charge des me- v' K" moires de ce Prelat fur les affaires de la Regale , & fur les infra&ions
faites a la paix de Clement IX , qu'il devoit prefenter au Pape Inno- cent XI (30). En 1675) il fit encore un voiage a Rome, & porta au Pape une lettre des religieufes de P. R., par laquelle elles rendoient compte ^ Sa Saintete de ce qui s'etoit paffe a leur egard ( depuis la mort de Mada- me de Longueville).M, de Pontcha- teau ne fe fit point connoitre dans ces deux voiages pour ce qu'il etoit par fa naiffance; mais il s'y fit con- noitre , aimer 8c eftimer, 8c relpec- ter pour fes grandes qualites. La per- fection qui s'etoit renouvellee contre P. R. ne lui permettant pas de re- yenir dans cette heureufe demeure , (jo) Voi'ez la yje dp Hi d'Alet, i pittie, liv^
J. chap, j. |
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II. P A R T I E. LlV. IX. I £ $
il penfa a fe retirer dans une autre 1(j90> *
folitude. II arriva vers la mi-odtobre 1680 aBruxelles, aupres de M. Ar- nauld, que la fureur de fes ennemis avoit oblige de s'exiler lui-meme ; il l'accompagna en Hollande, ou il vit M. l'Eveque de Caftorie, dont il etoit conn'u & eftime . puis il revint en France au mois de mai i6%i. L'agi- tation que caufoient a M. de Pont- chateau les affaires dont il etoit char- ge , le faifoient foupirer apres la re- traite, comme on le voit par la let- tre 199 de M. Arnauld qui tache de le confoler. M. de Pontchateau fe retira enfui- Retrajtc' de
te en Champagne aupres de M. le **•de p-c- * Roi Abbe de Hautefontaine, qui avoit tva ' fait venir des religieux d'Orval dans fon Abbaie pour etablir la re- forme. Cet Abbe etant mort au mois de mars 1684, M. de Pontchateau refta encore a Hautefontaine jufqu'a l'annee fuivante qu'il en fortit, re- tourna a Bruxelles pour voir M. Ar- nauld , & en partit le premier fe- vrier 1685 pour aller s'enfermer a Orval , Abbaie tres auftere dans le Luxembourg. II y fut conduit par M. Erneft-Ruth d'Ans _, 8c arriva le 1 o de fe'vrier. II ne s'y fit connoitre qu'a. |
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1C)6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
j<jcjo. l'Abbe, D. Charles Bentzeradt , qui
avoit nouvellenient etabli la refor- medans cette maifon. Lorfque l'Abbe connut le grand merite du faint pe- nitent quupoiTedoit, il crut devoir prendre fes avis fur plufieurs chofes. 11 lui envoioit meme quelquefois fes religieux , quand ils avoient quel- ques peines, en leur difant: alle\ par- Isr a noire jardinier, & ils en reve- noient toujours contens. M. de Pont- chateau avoit un grand delir d'etre re§u , & d'y prendre Phabit; mais l'Abbe fachant qu'il avoit une efpece d'engagement a P. R. des Champs, lui ait abfolument qu'il ne croioit pas que ce fiit la volonte de Dieu qu'il abandonnat cette maifon, pour prendre 1'habit de l'Ordre dans celle, 4'Orval. M. de PontcMteau etoit af- flige de ne pouvoir executer fon def-r fgin , & s'en plaignoit a un de fes, confidens , difant ; ne ferai-jc done jamais religieux ? II demeura a Orval environ cinq ans, plus inconnu qu'a P. R., & ajouta a fes premieres aufte- rites un fdence plus rigoureux & une plus grande retraite. Il y pqrtoit le nom de M. de Fleury, il demeuroic comme un Hermite au milieu des jar- dins. Quelquefois, avec lapermiffion. |
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■• II. Partie. Uv. IX. 197
del'Abbe, ilfe renroit avec un petit
nombre de religieux dans un endroit impraticable de la foret ( nortmie Conques), pour s'y livrer davantage a la penitence. Nous avons un memoire' fur la md-
niere dont M. de Pontchateau s'ejl corn- pone1 dans VAbbdie d'Orval _, eerie par un religieux de cette maifon (31), qui contient les details les plus edi~ fians de la vie de ce faint folitai- re. II fut pendant tout fon fejour l'exemple de la communaute par fa regularite, fon exactitude a 1'OfEce, fon amour pour le travail, la retraite, le filence, la mortification , mais fur- tout par fa profonde humilite. L'ef- prit de penitence, dont il etoit am- ine , he lui laifibit jamais perdre de vue fes infidelites a la grace. Le fou- venir continuel qu'il en avoit 1'an- neantiflbit devant Dieu ; &: le fenti- ment de fon indignite etoit tel, qu'il n'ofoit approcher du fan&uaire, au bas duquel etoit une lampe, pour prendre de la lumiere apres Marines ou apres Complies. Lorfqu'on lui difoit qu'il communioit trop rare- (31) Supi&ment da Nkrologede P. R. p. ,0^,
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I98 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
merit (31), il repondoit que , felon
les canons il n'auroit du ne plus ja- mais communier : ou bien que la gran- deur de ce Sacrement, avec la vue de fes miferes 3 lui permettok a peine d'en approcher. » II en parloit avec une » foi fi vive , qu'on eut dit qu'il le 33 vo'ioit des yeux du corps (3 3). Le » refpe£t qu'il lui portoit etoit Ci » grand , que lorfqu'il en approchoit, « il falloit qu'il rejettat les refle- » xions fur foi-meme , & ne pensat " qu'aux bontes 8c mifericordes de » Dieu. " Enfin on peut dire (ce font les
paroles de l'auteur du memoire) qu'on » a remarque en M. de Pontchateau » un fi grand fond des regies 8c ■» des maximes de l'Ecriture fainte » 8c des Peres , qu'on pourroit di- n re de lui dans toute fa conduite , ■» ce que difoit autrefois le Prieur de s> Notre-Dame d'Yorck a fon Abbe , » des premiers Religieux Cifterciens » nouvellement etablis en Angleter- » re (34) « : que I'on vo'ioit delatefde telle forte FEvangile en lui, que s'il (jz) Il fe confefloit (u) Suppl. Necr. p.
toutes les trois femaines , U{»
& communioitde terns ea U4) ibid* p% u8*
ie:ns. ' ,»
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II. Par.tie. Lly. IX. 199
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eft permis de le dire a'mfi j il eft plus 1690.,
utile d'imiter cet illuftre penitent que de lire VEvangile. Apres cinq ans de fejour a Orval, cxv.
M. de Pontchateau fut appelle a Pa- PIaI^vitm4 ris pour quelques affaires de charite. On voit qu'il avoit un prefTentiment de fa more, par le billet qu'il laiffa avec cette infeription : Je j'upplie tres humblement le T. R. P. Abbi de garder ce paquet , & de Vouvrir fi je meurs hors d'ici 3 & non autrement.il n'avbit jamais agi de la forte pour tous les voiages qu'il avoit ete oblige de faire auparavant. Le paquet aiant ete ou- vert apres fa mort, on y trouva un billet date du 16 decembre 1689, dans lequel on lifoit ce qui fuit : » Je fuis a la veille d'un voiage de » Paris, & peut-etre en ferai-je un » autre, e'eft-a-dire , celui de Peter- s' nite , avant demain matin que je » dois partir. De quelque maniere » qu'il plaife a Dieu de difpofer de » moi , mon tres reverend & tres » honore Pere, il eft a propos que » je faffe comme ii le dernier devoit » etre. Ainu" je laiffe ce petit roe- s' moire, que j'ofe vous prier de faire » executer.... Je prie Dieu d'etre » lui-meme votre recompenfe, de la I iiij
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2O0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
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1690. " charite que vous m'avez temoignee
» depuis que j'ai eu 1'honneur de de- » meurer chez vous. Je vous fupplie « de trouver bon que je temoigne » auffi a nos peres &z nos freres, que » je fuis touche d'une vraie recon- v noiflance envers tous. J'efpere de » votre charite 8c de la leur des prie- » res, car j'en aurai afTurement un » tres grand befbin «. Xcvi. M. de Pontchateau etant parti d'Or- issUdie?'"6 va^ *e 27 decembre , arriva a Paris au commencement de 1690. II y tomba malade le Careme; mais fitot que la fievre l'eut quitte, il reprit fes grands jeunes, qui le redui/irent dans une .difpofition prochaine a l'inflamma- tion de poitrine. La fluxion s'y jetra le 10 juin & termina fon exil le hui- tieme jour de fa maladie. Quinze jours avant de tomber malade, etant a genoux a Notre - Dame devant la baluftrade de la chapelle de la Vierge, il fentit quelqu'un fe mettre a cote de lui, & s'etant retire pour faire de la place, il appercut un jeune hom- me, en qui if crut voir un peu d'air de fa famille ( c'etoit l'Abbe de Coif- lin fon petit neveu , qui eft mort JEveque de Mets) ; cela l'emut un peu, & s'etant tourne davantage il |
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II. Par tie. Liv. IX. 201
vit tin laquais qui avoit la livree de kJjo.
fa famille. Alors ne pouvant plus y tenir , il fe retira pour eviter route tentation , & alia entendre la Merle a tine autre chapelle. Car il avoit re- folu de neplus voir fes parens: & il difoit foUvent : ma famille m'a fait une fois manquer a Dieu 3je dois eviter de la voir. Trois jours avant fa maladie, etant
alle rendre vifite a Mademoifelle
Marguerite Perrier , il lui temoigna
avoir un grand defir de bien mou-"
rir. Sur quoi elle lui dit : Monjieur y
il faut etre bien hardi pour fouhaiter
de mourir. M. de Pontchateau lui re-
pondit : il faut hre bien plus hardi
pour fouhaiter de vivre. La maladie
le prit cbez M. Nicole } apres un en-
tretien de deux heures , comme oh le
voit par une lettre ($6) de cet Au-
teur fi celebre , qui parle ainfi. >> J'ai
» eu le bonheur de le voir dans fa
» maladie ■, & meme d'aflifter au fa-
" crifice de fa more, 8c j'avoue qu'elle
« a ete telle que je la defirerois. pour
» moi-meme , fans eclat, fans fpec-
w tacle , dans uhe parfaite paix, un
» recueillement entier, & une ap-
» plication a Dieu non interrompuej
(}«) C'eft la huitictne dans l'edition de Paris.
I V
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iOi. HlSTOIRE DE PoRT'-R.OIAt.
itfoo. " en un mot, comme la.fuite d'une-
» vie , qui tendant toute a la mort, » n'avoit pas befoin d'etre marquee m par des circonftances particulieres , >j mais de continuer dans le meme » etat. Je 1'ai toujours regarde com- « me une des perfonnes du rhonde, « qui s'eft donnee le plus fincerement » a Dieu; qui a ete poftede plus plei- » nement du defir de fon falut, & « en qui on n'a jamais apper^u, de- « puis qu'il s'eft donne a Dieu tout » de bon , aucune penfee vers le » monde, ni aucun ebranlement fur »> le choix qu'il avoit fait; mais un » progres coxitinuel dans cette aver- « fion pour la vanite, que Dieu lui » avoit fait la grace de meprifer «. M. de Pontcnateau etoit loge chez
M. Boue, Marguillier de S. Gervais, grand homme de bien (37) , dans la rue S. Antoine, vis-a-vis la vieille rue du Temple , oii il avoit une cham- bre au troifieme etage. C'etoit-la qu'il menoit fa vie ordinaire, inconnu a (?7> M. Boue avoit s'etant mariee fut mere
quitce, apres la mort de de la petite fille guerie
fa femme, qui £toit trss miraculeufement a la
vcrtueufe , tout negoce & mort de M. de Ponrcha-
tout embarras , pour ne teau. M. Boue eft mort
penfer qu'a fervir Dieu. age deS4ans, le ji aout
II avoit du vivant de fa 1698-, il eft enterteafaiuc
fenm; une fervante , qui Geryais,
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II. Par tie. Llv. IX. 205
tout le monde, vetu comme leplus 1690.,
Ample bourgeois; ne mangeant qu'une fois le jour ; prenant tout au plus le foir une pomme & un verre d'eau, ou un bifcuit de deux liards; affiftant a tous les Offices de la Paroifle avec une piete exemplaire, & tout le re- cueillement qu'on peut s'imaginer. La violence de la maladie l'ai'ant x'vn.
contraint de fe mettre au lit, il de- deM" ^J^ manda les Sacremens, qu'il recut fans vient pour ie etre connu d'aucun Pretre de la Pa- Je^>M fa roifTe , ni meme de M. le Cure. II re- sa mort. cut l'Extreme - on&ion le 24 juin au matin. M. le Due de Coiflin fon ne- veu l'ai'ant appris , fe deguifa le len- demain , & alia demander au Porte- Dieu de Saint Gervais ou demeuroic rhomme qu'il avoir adminiftre la veille. Lorfqu'il le fut, il alia chez M. Boue, lui dit qu'il etoit le Due de Coiflin, qu'il favoit que fon oncle etoit chez lui, & qu'il le prioit de lui permettre de le voir. M. Boue lui repondit qu'il n'ofoit le faire (38); mais qu'il alloit faire defcendre l'un des Medecins qui etoient aupres de (38) Ce recit tire d'urj toit pas M. Boue qui a-
petit memoire de Made- voir averti les parens <le
moifelle Pernor, qui a- M. de Pontchateau , com-
voit 6te teraoin de tout me il eft dit dansle Ne-
tcci, fait v oir que ce a'e- crologe.
I Vj
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________ 2-04 HlSTOUE DE PoRT-ROlAt;
1690. lui. M. Dodart etant defcendu, dit £
M. le Due de Coiflin qu'il n'ignoroit pas la peine que M. fori oncle avoit de voir fes parens , mais qu'il alloir faire encore une tentative. M. de Pontchateau pria qu'on le laifsat mou- rir tranquillemenr. » II voulut mou- » rir , ditM. duFofTe (59) , dans cet " efprit de pauvrete & d'abaiflement, " ou la grace l'avoit fait entrer. Ii » apprehendoit que la vue feule des » Grands du monde ne fit fur lui » quelqu'impreffion facheufe dans un » terns ou il etoit fur le point de » tout oublier & de tout quitter, 8c « ou il devoit s'appliquer principa- » lement a rendre a Dieu de tres w humbles actions de graces de Pa- s' voir arrache a routes les vaines » grandeurs du fiecle. Craignant pour w foi d'autant plus qu'il fe voi'oit a » la fin de fa carriere , il jugea de- W voir prendre le plus sur parti «•. La veille de fa nprt, Madame de Fontpertuisiit entrer dans fa chambre a dix heures du foir Madame de Coif- lin & une autre Dame. Elles fe mi- rent a genoux aux pieds de fon lit y & le virent par la fente du rideau „ mais il ne les voi'oit pas. II avoit les (2^) Mem. p. j^v
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II. P A RITE. L'lV. IX. 10$
yeux attaches au Ciel j la joie dont ""x
ion coeur etoit rempli paroiflbit fur fon vifage, & il mourut ainfi le 27 juin age de cinquante-fix ans & quel- ques mois, dans la confiance oc la tranquillite que Dieu donne a un penitent, que la grace a fait fi long- rems travailler a fe nourrir de la ve- rite dans tous les exercices d'unepiete folide. Madame de Coiflin & l'autre Dame ne fortirent de fa chambre qu'apres cinq heures du matin, lorf- qu'il fut expire. M. du FoiTe rapporte ce fait avec
des circonftances un peu diiferentes. » Cependant^dit-il, lorfqu'il tomba » dans l'agonie , on ne crut pas de- » voir renifer au Due & a la Du- » clieffe de Coiflin d'entrer dans fa » chambre fans etre connus. Us fe » tinrent aux pieds de fon lit ou ils " prierent pendant quelque-tems , 8c *» d'ou ils le confidererent tout a loi- » fir , non fans verfer beaucoup de " larmes, par la douleur qu'ils ref- » fentoient de voir en un tel etat " celui qu'ils avoient aime tendre- M ment, & de nVvoir pu jouir de w cette confolarion quits avoient » tant fouhaite, de pouvoir au moins *> lui parler «.. |
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2.66 HlSTOIRE D£ PoRT-ROlAL.'
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1690. Auffi-tot il ferepanditun bruit dans
xcviii. Paris , qu'il etoit mort un Saint fur la Miracle ope- Paroilfe de S. Gervais,ce qui fit amalTer tea amort. en un moment un fi grand nombre de peuple que le pafTage n'etoit plus li- bre dans le quartier. On .fut oblige de mettre des gens aux portes que Ton vouloit forcer; on ne laifToiten- trer que fix perfonnes a la fois , qui lui baifoient les pieds , & lui fai- foient toucher leurs maux. De ce nom-. bre fut une jeune fille de huit ans , qui futguerie , en touchant fes pieds, d'un mal d'ecrouelles qu'elle avoit au cou. Ce miracle fit beaucoup d'eclat dans Paris , parceque la fille etant en- core entre les mains des Medecins & des Chirurgiens , ils reconnurentpar des atteftations en forme (40) qu'ils donnerent, que cette gucrlfonfubite ne pouvoit etre naturelle dans I'etat oil le mal etoiu C'eft ainfi que » Dieu , qui »> fe plait a honorer fes ferviteurs ■, 8c » a relever d'autant plus leur gloire » devant leshommes,qu'ils ont eu plus » de foin eux-memes de fe cacher a « leurs yeux,fitconnoit re auffitotapres (40) Cette guerifon mi- chateau. Il en fut drefle
raculeufe fut atteftie par u n acre par devant No- Si. Dodart, Monfieur taire. Voiez les pieces, Save ,8c M. Hequet, qui T. 3. Mem. hift. p. 107, ajoient traite M. de Pont- 6c Aiiy, |
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II. Par tie. Liv. IX. 207
*> la mort de M. de Pontchateau , i6yQK
» combien fon humilite , fa charite&
» fa penitence lui avoient ere agrea-
« bles «. M. du FofTe qui parle de la
forte (41) arriva a la maifon de cet
Elu , que la verite venoit de deli-
vrer , au moment qu'elle etoit entou-
ree d'une multitude de perfonnes, que
le bruit de cette merveille avoit atti-
rees. » Etje fus, dit-il, temoin de
» la foi de ces bonnes gens , qui le-
» voient le plomb qui n'etoit pas en-
»> core acheve de fouder, afin de
» pouvoir au moins toucher ce corps,
» qui avoit ete le temple du Saint-
» Efprit.
» Qu'il eft vrai, mon Dieu (42) ,
» que vous etes admirable dans vos » faints; que vous prenez plaifir a » confondre , par ces precieufes de- » pouilles de vos humbles ferviteurs, » rout le fafte & route la vanite des » grands du monde! Car autant qu'on » a ordinairement d'horreur de ces » Grands, apres qu'ils font morrs , » eux qui n*ont fonge pendant qu'ils « vivoient, qu'a fe procurer de la » gloire parmi les hommes , Sc qu'a » prendre rous les foins poffibles de » delicater leur chair, & de la faire (41) FoiT. mem.p. 3^5. (41) /Wp. $?6. |
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ao8 HrsTOrnE de Por~-ko'iai.
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1690. " vivre dans les delices j autant vous
» infpirez de refpect & de venera-
» tion pour les membres morts de
» ceux , qui fe font appliques a cru-
» drier leur chair , pour vorre amour.
XCix. On avoit trouve une chaine de fer
4a Cp"upi"' aut°ur des reins de ce faint Penitent,
qui le revere & un billet par lequel il declaroit
JtaLmC U" clu'iI vouloit «re porte i l'Eglife de
la ParoilTe , comme un pauvre par le convoi de la charite, & de la au rno- naftere de P. R. des Champs. Lorf- qu'on fit le convoi , auquel le Due S>C la DuchefTe de Coiflin affifterent tou-| ches & penetres de cette mort, la devotion du Peuple augments encore. Toutesces bonnes gens accouroient en foule a l'Eglife faint Gervais, 5c difoient tout haut que e'etoit un Saint* Mais lorfqu'il fallut fortir le corps de l'Eglife , & le mettre dans un ea- rofle , pour le tranfporter a P. R. des Champs , la foule etoit ll extraordi- naire & remprelTeroent a toucher fon cercueil, ft grand, qu'on eut beau^ coup de peine a en venir a bout. Les deux Meflieuts du Fofle etoient tout en nage au fortir de cette fon&ion „ par laquelle its foutenoieno la foule 8c rendoient les derniers devoirs a leur iaint ami. JLe Cure de faint Ger* |
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.....-.,~.~,- - —-■;■—>
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II. Part ie. Liv. IX. 209
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vais ne confentit qu'a regret que fa 1(jo0,
Paroifle fur privee de ces precieufes depouilles. Cette ParoifTe a eu de nos jours , fous le digne neveu & fuc- ceffeur de ce pieux Cure , l'avantage de pofleder celles d'un faint & refpedta- ble Prelat (43), qui n'a pas moins edi- fie l'Eglife par fa retraite & fa peni- tence queM. de Pontchateau. Ce rat le 18 de juin que le corps c.
de M. de Pontchateau, apres avoir£gf££ ere mis en depot a, faint Gervais, fut des champs. porte a. P. R. des Champs, 011 il avoit vicaire'de s. defire d'etre enterre, ami quele lieu Gervais, en oil 11 avoit rorme les premiers del- „ips je m„ feins de penitence, fut auffi celui de de p. c. fon repos. Pluiieurs perfonnes l'ac- compagnerentdans ce tranfport, avec des carofles j entr'autres Madame de Fontpertuis, Mademoifelle Perrier, &c. Le corps fut prefente par M. Brouft Vicaire de faint Gervais , qui parla en ces termes : » Nous vous pre- " fentons , Meffieurs , le corps de " defunt Meffire Sebaftien-Jofeph du » Cambout de Pontchateau, auquel » nous avons eu le bonheur d'admi- » niftrer les facremens , dont l'Eglife m confole & fortifie les mourans. II " les a recus avec toute la devotion (45) M. de Segut Jvec^ue de Saint-Papoul,
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110 HlSTOIRE DE P0RT-RdlA£.
» & la piete , dont peuvent etre ca-
» pables les plus grands Saints. Sa » perfonne pour lors nous etoit in- w connue ; & vousn'ignorez pasqu'il » y avoir deja long-tems qu'il etoit » cache aux yeux du monde , avec » lequel il avoit fait divorce 3 & >> ferme toutes les avenues aux attraits » qui ont coutume de corrompre le » creur humain , fe depouillant tout w d'un coup de fes grands biens, pour » mener une vie pauvre , fui'ant les « honneurs, que fon illuftre naiffance » liii donnoit , & que les grandes » qualites dont Dieu l'avoit doue, » lui faifoient juftement meriter. II « s'etoit auffi non-feulement voulu » priver de tous les plaifirs de la vie, » meme des plus innocens; mais il « s'etoit condamne pour le refte de » fes jours a. une mortification & une » penitence aufli rude que celle que » nous lifons des anciens Anachore- » tes. Ne vous attendez pas que je m defcende dans le particulier d'une » maniere de vie li extraordinaire ; il » n'y a perfonne qui en foit mieux » informe que ceux de cette maifon. » Mais je ne puis me difpenfer de » vous dire, que le delfein qu'il a w eu de defirer que fon corps fut mis |
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II, Partie. Liv. IX. nit
» en depot en cette Eglife, pour y 1690.
» attendre la refurrection generate ,
» 9a ete que fe fouvenant que Dieu
» lui avoit infpire cette vie penitente
» par les bons exemples des faintes
» religieufes de ce monaftere , il
» etoit perfuade qu'apres fa mort il
» pouvoit efperer un grand fecoursde
» leurs prieres , pour fatisfaire a. ce
» qu'il pourroit etre redevable a la
»-• juftice de Dieu. Car e'eft l'ordinai-
» re des perfonnes les plus pieufes,
" de s'eftimer les plus grands de tous
" les pecheurs. Je ne puis m'emp,e-
» cher de croire que ces vertueufes
» religieufes de leur part le confide-
« reront comme un puiflant inter-
« celTeur aupres de Dieu , pour leur
» obtenir cet aimable don de perfe-
» verance dans leurs continuelles
» aufterites, & une protecTrion par-
" ticuliere, dont elles ont un tres'
" grand befoin. Aufli je crois qu'elles
" recevront ce depot comme un riche
" prcfent qu'il leur a fait. Pour moi, je
» vous amire que j'ai re^u avec un
» fingulier plaifir Thonneur d'etre
» depute de M. le Pafteur de l'Eglife
" de Saint Gervais de Paris, pour
ft en venir faire les complimens«.
La verite fe fait plus femur dans
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2.12 HiSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
1690. ce compliment, que 1'eloquence.
CIi Le corps de M. cle Pontchateau fat
son corps enterre vis-a-vis la grille da chcenr
Magny.Saeade P. R. Lorfqu'on detruifit cette
fainte maifon en 171 o , il fut exhu- me , & porte dans 1'Eglife de Magny avec cefui de M. le Chevalier de Coiflin fan neveu , qui etant mart le 1 3 fevrier 1 699, avoir, fouhaite qu'on renterrat aupres de fon faint oncle. Au commencement de juillet, la Du- chefle d'Efpernon, fceur de M. de Pontchateau, fit faire pour fon ref- pecftable frere, dans lAbbai'e du Val-de-grace ou elle vivoit retiree , un fervice folemnel, auquel affifte- rentM. l'Evequed'Orleans, Meffieurs dArmagnac & de Coiflin leurs ne- veux , & plufieurs perfonnes de dif- tinclion & de merite. „ £"' „, Parmi ces perfonnes fe trouva M.
chanoine de Jriermant, (Jtianoine de iieauvais ,
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Beauvais.
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a celebre par les talens (44) qu'il avoit
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vie, fes ta-
lens, fes ver-re^us de la nature, mais plus encore
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xas.
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(44) M. Hermant ap- gnant, catechifant, pre-
prit le latin & le grec chant, & compofant a'e^c-
avec une facilite metveil- cellens ouvrages. A 1'age
leufe , dans un age au- de z; ans, il travailloit
quel les jeunes gens fa- avec le Prefidem le Jay,
vent a peine lire 8c &rire. & plufieurs autres favans
Il cultiva fes grands ta- & la Bible Polyglotce, qui
lens, 8c les confacra i paruten J 645.
l'utilite de 1'Eglife; enfei- ;;
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II. Partie. Liv. IX. 11$
1m le bon ufage qu'il en a flut avec
e fecours de la grace , par fesecrits , par fon zele pour la verite , par les perfecutions qu'il a eflui'ees tant dela part des Jefuites {45}, que de fon Chaoitre (46). Ce pieux & favant Ecclefiaftique , fe regardant proche de fa fin, etoit venu a Paris a i'occa- fion d'une affaire de fon Chapitre , dans le deffein de dire le dernier adieu |
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(45). Les Jefuites aVant
prelente une requete au Roi en 164; , pour etre Jncorpores en l'Univeifi- te de Paris, M Hermant tutchoili pour la defendre, & compofa cette annee piudeurs pfeces, qui lui acquirent une grande re- putation. M. le Camus, Eveque du Bellay alia le trouver pour l'en felici- ty >& lui die en l'em- braffanr qu'il „ benitfbit 55 Dle"> de ce qu'il lui " ,avoit donne dans fon » age Ci peu avance, non- » feulement tant d'efprit » & de fcience, mais » aflejidectEur&defpr- 2> ce pour ne pas crain- 3> are la haine & la ven- J) geance d'une auffi ter- » rible Societe que celle » contre laquelle il 3- » yoit ectit. N'avoir point d'ambition & crain- die Dieu, eft le fecret pour ne poi^t craindre |
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toit le cas ou fe trouvoit
M. Hermant, qui fuiant les dignites 8c les benefi- ces , bien loin de les re- chercher , ne donnoit pa? lieu aux Jefuites d'exercer le plus grand credit ^u'ils aient. ("46) En iS5j,M. Hej>
mant fut prive de l'affif*- tance au chaaur 8c des revenus de foil benefice , a caufe de fon opposition a la fignature pure 5c Am- ple du Formulaire , 3c de fon attacliement a M. de Buzenval fon Eveque. Le zele fanatique du Chapi- tre de Beauvais alia juf- qu'a lui refufer les facre-> mens dans une grande maladie dont il fut atta- que. Le faint Eveque a:- courut amli-tet , fuivi des Ecclefiaftiques qui e- toient demeures fideles & la verite 8c a leur devoir, & les lui adminiftra lui« meme. |
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114 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
a fes amis , du nombre defquels etoic
M. de Pontchateau. II arriva trop tard pour avoir la confolation de le voir & de recevoir fes derniers fou- pirs ; mais il eut celle de le fuivre de pies, & d'etre bientot reuni avec lui dans le fein d'Abraham, erant mort d'une mort fubite , mais non imprevue , le 11 du mois de juillet dans la 74 annee de fon age. Son corps fut porte a Beauvais, & enterre dans une des chapelles de la Cathedrale ou il avoit coutume de dire la Mefle. La nouvelle de cette mort affligea beaucouplesreligieufes de P. R. avec lefquelles ce pieux Eccleiiaftique avoit d'etroites liaifons. Dans toutes les occafions il leur avoit d.onne des mar- ques de fon attachement & avoit pris part aleurs peines(47).Il faifoit quel- (47) Onvoitquel hck fuiv. La reponfe que lui
l'attachement de M. Her- fit cette fainte Abbefle ,
mam polities religieufes ibid. p. ijj, fait voir la
de P. R. Sc la part qu'il haute idee qu'elle avoit
prenoit a ce qui Jes regar- de M. Hermant. Patmi
doit, par plulieuvs let- les lettres de M. Arnauld ,
tres publiees en diffcrens il y en a plufieurs qui lui
recueils. Apres la mort de font adteflees; d'autres ,
la fainte Reformarrice de dans lefquelles ce celebre
P. R. il en ecrivir une a la Docleur parle de lui dans
mere Agues, Mem. T. i. les tetmes les plus avan-
xi 11 Rel. p. 171. Apres tageux. Dans la 107 du
celle de M. de Saci, il T. 2. p. zjj , ou il fait la
£ccivit de meme a la mere defcription de l'etat du
Angelique de Saint-Jean. Diocefe de Beauvais, &
yies6dif.T.4.p. n8,& l'eloge des Chanoines fi*
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II. P A R T 11. L'lV. IX. il 5
Juefois des retraires aflez longues i £<?<?,
ans cetre fainte folirude. La Provi- dence voulut meme qu'il allar dans ce dernier voi'age les vifirer pour join- dre fes vceux & (es prieres a celles de la communaure. If y avoir dir la grand'Mefle le Dimanche 9 de ce mois, &c en eroirparri le io, veille defa morr (48). Le 10 du mois d'ocT:obre de la cnr.
meme annee , la morr enleva un Sei- j^a^^ gneur, qui ayoir eu aurrefois d'erroi^ res liaifons avec P. R., mais a qui Dieu ne fir pas la grace de marcher conftammenr dans la fainre carriere 011 il eroir entre. Louis - Charles d'Alberr Due de Luines , s'etanr mis fous la conduire de M. Singlin vers l'an 1650 , fir des progres dans la verru, qui eroient pour la mere An- gelique un fujet d'eronnement: e'efi une merveille 3 difoir-elle ecrivanr a la Reine de Pologne (49), que Jon avancement dans La verm chretienne. Dans une aurre lerrre a la meme Prin- cefle (50) j elle lui marque , que M. deles, it y tnaun d'eux, maniere tris folide & tret
dic-il, p. ij8, parlant de pieufe.
M. Hermanr, qui eft un (48) Nccr.
des plus favans hommes (49) Let. 534. T. I. p.
de c'Eglife , & des plus 547.
(apajiles 4'hrirt "-'un$ ij°J L«. 344,p. j«f. I
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II6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
& Madame de Luines s'avancent tous
les jours dans la vertu chriticnne. Elle en parle de meme dans une infinite d'autres lettres. Le gout que M. de Luines avoit pris pour la piete & la folitude , le porta a faire batir un cha- teau aupres de P. R. pour s'y retirer. Avanc l'execution de ce deflein j il perdit fa digne epoufe , & en atten- dant que le chateau , qu'il fiiifoit ba- tir , Hit logeable, il vivoit avec les tiermhes (51), c'eft-a-dire avec les Solitaires de P. R. » II eft avec les » Hertnites, dit la mere Angelique » a la Reine de Pologne......II a
w choifi fa fepulture dans notre Eglife
» des Champs , oii il pafle une gran- ts de partie du jour affiftant a tout » notre office , & le refte du tems a » une etude pieufe. II edifie toute la » maifon par fon humilite & par fa. » devotion «, Ce fut M. le Due de Luines, qui fit rebatir , comme on l'a vu , les dortoirs de P. R. des Champs & rehaufTer l'Eglife. Son zele etoit fi grand, qu'il ecrivoit a. la mere Angelique (52); » qu'il s'eftimeroit » heureux, ii au lieu de prendre le (; 1) Let. 577. T. 1. p. (ji) Let. 411. T. 1. p.
I?. Ibid. Let, 431, p. Sp, $w, &fuiv.
«foin
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II. P ARTIE. LlV. IX. 217
»> foin qu'il prenoit defaire faire ces igqo,
» ouvrages, il pouvoit etre charpen- « tier & Macon pour les faire de fes » propres mains. Nous pourrions ci- ter une infinite de traits de la mere Angelique qui marquent la haute ef- time qu'elle avoit de ce Due. II pa- rolt j dit-elle (53) , en toutes rencon- tres j que cet homme a lafoi, & vraie- ment quand Dieu la donne veritable- ment, nul evenement ne trouble le cceur oil il habite par cette vertu. Dans une autre (54) : jeloue Dieu de tout mon cceur de la fame de M. de Luines, & je le prie de la lui donnerparfaite pen- dant plufieurs annees pour fa gloire. Nous avons vu ailleurs tout ce que
fit M. le Due de Luines (55) pen- dant les guerres civiles , & les fervi- ces qu'il rendit tant aux Religieufes qu'aux Hermites du faint defert. Pour ce qui eft de fes pieufes occupations dans fa retraite , on fait qu'il s'y ap- pliquoit beaucoup a la lecture des Pe- res , & a extraire de leurs ouvrages & a traduire les plus beaux endroits , qui ont ete publies fous le titre de Recueils de pajjages des Peres par le (53) Let. 447. T. 3.p. (55) VoYezFont. T. z.
13;. p. 8. & fuiv. Du Foul, p. (H)Let.44?- P- »34- P- IJ4-
Tome Kilt K
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II 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAZ.
1690. four de Laval. De fl beaux commen-
cemens, foutenus pendant plufieurs annees, n'eurent pas une auffi belle fin. M. de Luines eut le malheur de regarder en arriere \ il fe degouta de la retraite , rendic Vaumurier aux religieufes de P. R., & epoufa une de fes proches parentes, apres la mort <le laquelle il fe maria en troifieme noces. II ne rompit cependant pas tout commerce avec P. R. , comme on le voit par la lettre qu'il ecrivit le 5 Janvier 1684 (56) alamereAnge- lique fur la mort de M. de Saci. Quelle douleur auroit eue la Reformatrice de P. R. qui avoit prie Dieu de donner a M. de Luines une fame parfaite pendant plufieurs annees pour fa glo'i- re j fi elle avoit vu ce changement! Que les jugemens de Dieu font in- comprehenfibles! Nous avons vu la PrincefTe de
Guimenee entrer dans la voie etroite avec une fi grande ferveur, que la mere Angelique & M. Singlin regar^ doient fa converfion comme le plus grand miracle que Dieu eut operedans I'Eglife depuis plufieurs fiecles. Apres, y avoir marche pendant fept ans, elle fe lafTe, & veut allier le monde ($«) Vies $dif, T, 4. p. 8*. |
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II. P A R T I E. Liv. IX. 11 ?
avec la devotion. M. leDucdeLui- 1690.
nes embraffe la penitence, fe retire dans la folitude , fait des progres dans la vertu, dont la mere Angelique eft etonnee , & vit avec les iblitaires de P. R. avec une humilite & une devo- tion toute extraordinaire (57) \ apres cela il s'arrete & retourne en arriere. Au contraire M. de Pontchateau, apres plufieurs combats _, plufieurs re~ chutes & bien des demarches _, oppo- fe'es les unes aux autres 3 dont les unes le portent au monde } les autres le ra- menent a Dieu, s'affermit pour tou- jours dans la voie du falut (58), Sc termine faintement fa carriere. Que celui qui eft foible, ne defefpere point j 8c que celui qui emit etre fer- me j quelque progres qu'il ait fait dans la vertu , prenne bien garde ane pas tomber : Itaque qui fe exiffimat flare, vide at ne cadat (59). La defiance de foi-meme eft le fondement de la force chretienne. On previent bien des chutes, quand on le tient a terre par humilite. Quelle matiere de reflexion fur la
conduite de Dieu dans les differens evenemens que nous venons de rap- (57) Let. 431, T. it (58) Fofle, p. 133.
P- no. (;p)I. Cor c. X. v.ri,.. Kij
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HO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.'
porter! M. de Pontchateau en fair
une qui convient parfaitement ano- tre fujet. " Les arbres , clit-il (60), 3> qui ont des feuilles fans fruit, me » font grand peur • mais ces perfon- » nes tombees par terre , qui reflem- 3j bloient dans le commencement a v celles qui font demeurees fur les « arbres, donnent encore plus de « fraieur. Mais , mon cher frere, pre- w nez-y garde, & vous verrez qu'il => y en a encore fur l'arbre , qui grof- « firont pendant quelque terns, Sc => tomberont enfuite avant de par- » venir en la maturtte , qui peut » marquer la perfeverance finale. II « y a de ces fruits , qui tombent tou- « jours jufqu'a ce qu'on cueille ceux j> qui font meurs. Ce qui eft plus fur- « prenant , eft d'en voir 011 vous « n'appercevez aucune tache au-de- j> hors, tantle venin eftau-dedans: ■» quand il l'a devore, il fe repand => au-dehors. C'eft la ce qui me fait » trembler, & plut a Dieu que ce » fut plus fouvent & plus ferieufe^ « ment! Quoique M. de Luines, dans les
jours de fa ferveur & de fa retraite, {so) Mem, fur lg manier?» &£. Suppl. fm Ne'er.
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II. PARflE. L'lV. IX. Ill
eut choifi fa fepulture dans le lieu
faint, ou repofoit fa premiere epou- fe, nous ne voi'ons point que ce Sei- gneur ait ete inhume a P. R. |
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1690.
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Dans le meme tems, les religieu-
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CIV
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fes apprirent la nouvelle d'ttnemort, JJ* J^/co"
qui quoiquebien confolante aux yeux feileut dei». de la foi leur caufa une vive douleur. R> Ce fut celle de M. de Sainte-Marthe, arrivee le 11 du mois d'octobre a 11 heures du foir a. Courbeville ou il s'etoit retire en 1679. II etoit, dit M. du FoiTe ((Jo*), de la famille'de Sainte- Marthe il connue en France (61). |
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(fio*) Mem. p. ;yi.
(Si) Il eft etfeftivement
peu de families audi con- nue s en France, du moins parmi les Savans, que celle de M. de Sainte- Marthe. Sans parler des gtandes alliances de cette niaifon , elle a donne au Poitou & a la France , pendant ttois (iecles <, un li grand nombre de Sa- vans , que l'Auteur de la Bibliotheque hiflorique & critique du Poitou , avoue que cette Famille feule eut pufournir la matiere a un jujle volume. Aufli fait-elle la plus grande partie ducinquieme volu- me de fa bibliotheque, ou tous les Savans du nom de Sainte Marthe , deguis le xvi fiede juf- |
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qu'ii prefent, fe trouvent
reunis fous un feul point de vue . Le meme Biblio- graphe remarque que M, IiTali ( c'eft le celebte M. IlTali, fi etroitement lie avec Meflleurs de P. R« mort en 1707 age de 87 ans ) dans ['approbation qu'il donna aux plai- doi'ers de Melfieurs de Corberon & Abel de Ste. Marthe, fouhaite qu*il fe trouve dans la republic que des lettres quelque perfonne alfey ^elee, pour rajfembler Us lloges de tous Us Sainte-Marthe, qui fe font dijlingues par leurs talens. (Bibl hift. du Poitou, par M Dreux du Radier, Avocat au Parlement ,-T. j, p, 81, K iij
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Ill HlSTOTRE DE PORT-ROIAC.
j6po. " Claude de Sainte-Marthe, dont
» nous parlous ici, etoit le troifieme
» fils de Francois de Sainte-Marthe,
« Chevalier, Seigneur de Chamdoi-
» feau en Poitou, Avocat au Con-
" feil, (61) , & de Dame Marie Fru-
« bert. II vint au monde le 8 juin
» 1620 a Paris, ou il fit fes etudes 8c
» fa Philofophie.
PiJVd'e m. Lorfqu'il les eut achevees , pour
sainte Mar- mettre fon innocence a couvert des jeuneff" n P'eges <]ue *es plaifirs & les honneurs
rcfufe un be- lui pouvoient tendre , il fe retira a IvfrV r lie Chamdoifeau , ou il vecut dans la iohtude & la penitence, ne penlant qu a faire un faint ufage de fon terns pour l'eternite. » Tout occupe d« » neceffaire, il n'eut pour objet dans » fes etudes , que l'Ecriture, les Pe- " res & Phiftore de l'Eglife. Rien de m prophane, rien d'eloigne de la pu- « rete chretienne ne l'occupa dans fa j> retraite. II entra enfuite dans.une communaute d'Ecclefiaftiques , ou il fe prepara au facerdoce qu'il recut. Quelque tems apres, il refufa la Tre- forerie de la Sainte-Chapelle de Pa- ris , dont le Roi Louis XIII lui avoit accorde la nomination (63). La con- (si) /bid. p. 394. Sainte-Marthe. Vies edif.
,(«j) Idie de M. de T..i.p. 4j.
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II. P ARTIE. LlV. IX. 11}
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hoiifance qu'il fit de M. Singlin , i^o.
Confefieur des religieufes de P. R., lui procura I'occauon de fatisfaire fon gout pour la folitude en fe rctirant dans la maifon des Champs. II etoit a-peine dans ce defert, qu'on le char- gea de la Cure de Mondeville au Diocefe de Sens , qui dependoit de P. R. vacante par la mort du Cure & du Vicaire (64). M. de Sainte- Marthe , qui avoit refufe un benefice confiderable, accepta cette Cure fi- tuee dans un lieu mine par la guerre, d'un revenu au-de(Tous du mediocre. II la trouva toute defolee, les habi- tans manquant de pain , & la plupart malades. II les foulagea felon fon pouvoir & les inftruifit avec foin; mais etant tombe lui-meme dange- reufement malade, & fe croi'ant in- capable de gouverner cette Cure , il revint a P. R. oil il travailla avec M. Arnauld. Ce Docteur ai'ant ete oblige en cvr- ,„
, , 1 r • -k t r- i- Services qu 11
1656 de le retirer, M. Singlin enga- rend aux kU-
gea M. de Sainte-Marthe a fe char- gieufes. ger de la conduite des religieufes j ce qu'il fit jufqu'a l'an 1661 que la (64) Le Vicaire aTant re de Paris, le Cure en
etc cue d'un coup de mouf- mourut defraieut.Def. des "juerdansla feconde guer- relig. p. 14. K iiij
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114 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
perfecution Ten fit fortir malgrelui.
» M. de Sainte-Marthe ((J 5) etoit un » liomme tres favant, tres humble & " tres penitent. II s'etoit donne a la » maifon de P. R. dans la feule vue » de Dieu , honorant la piete fi fo- " lide en fes filles, & leur rendant « fans aucune crainte tous les fervi- " ces dont il etoit capable". Pen- dant les epreuves auxquelles ces vier- ges chretiennes furent expofees, il leur ecrivit des lettres admirables, remplies d'inftructions les plus foli- des & les plus pathetiques , pour les raffurer contre les menaces qu'on leur faifoit (66). Le lecteur peut lire ces |
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(SjJFoiT. Mem. p. 351.
(66) Vo'iez Lettre de
M. de Sainte-Marthe aux rcligieufes de P. R.T. 1. des Vies ejif. p. 51 , & fuiv. ibid. p. yf. Lettre du meme mix mimes II leur parle dans celte-ci des croix be des afflictions auxquelles font exp.ofes ceux qui but le bonheur de defendre la verite. 33 Vous favez , leur dit- 33 il ( p. 63 ) , mes cheres 33 fecurs, que la maifon 33 d'un Chretien eft le 3> del, & que le lieu de 3> fon repos e'eft Dieu 35 meme, Quand vous 33 n'aurez point de mai- 3> fon fur la tetre , vous 3> en fetez plus ferabla- |
33 bles k Jefus-Chrift ,
3> qui n'avoit pas un feul 3> lieu pour fe repofer cc. Il leur dit a ce fujet, ce que difoit autrefois faint Hilaire a des Catholiques, qui, dans un tems 011 les A riens s'etoient rendus maitres des Eglifes, e- toient tentes d'aller a ces memes Eglifes , oii les heretiques taifoient le fer- vice. Mes freres , que les murailles & les bat't- mens ne vous trompent point. Oefl Id oii l'ante~ chrifl doit un jour etablir fon trone. Mais pour moi les forets , les pri- fins , les cachots font des Eglifes. C'eft Id ou les faints fe font ftmtt'fies j |
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II. Partie. Liv. IX. 125
differences letcres qu'on a recueillies kJoo.
a la fuite de fa vie, depuis la page 51 da premier volume des vies edifiantes, jufqu'a la page 94. II compofa auffi pluiieurs petits ecrits pour les forti- fier dans l'etat d'epreuve ou Dieu a- voit permis qu'elles fufTent redui- tes (67). II fit plus : il prit leur de- fence ,& fit leur apologie (68); 8c s'engagea meme a des conferences avec M. Chamiliard , qu'il confondit par la force de fes raifons en pre- sence de perfonnes ties capables d'en & oil nous trouverons Je- dutlion d'un pajjage de
fus-Chrifl, qui n'eft ja- /hint Bernard, fur I'o-
mais plus proche de nous beijfance. ibid. 114. Pe~
que lorfqut nous fommes tit tcrit fur la privation
attaches a la croix avec de la communion, ibid*
lui. Voiez encore , Lettre T. 4. Lectre , p. 347. Sur
du meme aux mimes , p. le bonheur de ceux qui font
*>4 , ibid. p. 71. Que le reduits par la persecution
plus grand bonheur d'un d un etat d'inaftion dans
chretien confijie a etre les chofes exterieures.
engage'a beaucoup foujfrir ibid. p. 348. II n'y a
pour Jefus-Chrifi, ibid, que les pauvres qui foiene
p. 87. dignes de la croix, ibid*
(67) Vies edit". T. 1. Comparaifon des Pajleurs
p. 95. Petit traitede M. qui perficutcm avec He-
de Sainte-Marthe fur les rode : ce qu'il faut fairs
excommunications injuf lorfqu'il y en a qui nous;
tes, tire des Peres, ibid, pcrfecutent.
p. 101. Petit ecritde M. (s8) La Preface & le de Sainte-Marthe: llvaut premier Chapitre de l'a-
mieux tomber erare les pologic » de P. R. des
mains des hommes qu'entre champs la defenfe der celles du\ Dieu vivent. V.K. & de leurs Direc- ibid. p. 109. Soie-f d'ac- terns, font de M. de Sains- cord- avec votre adverfai- te*.Marthe.. rt. ibid p. ii>». Tr-a.- |
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Il6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
1690. |uger (<S^9). Enfin, non content deles
inftruire & de les fortifier par feslet- tres & fes ecrits ; dans le tems qu'el- Ies etoient gardees fi etroitement dans leui maifon des Champs , qu'elles ne pouvoient avoir la confolation de voir qui que ce fut, M. de Sainte- Marthe avoit la charite (70) de partir au foir de Paris 3 ou de la maifon oil il demeuroit pres de Gif3 & defe trou- ver a certaine heure dans un endroit marque affe\ eloigne des gardes : il mon- toit fur un arbre ajje^ pres du mur 3 au pied duquel etoient les religieufes , a qui il faifoit un petit difeours pour les confoler & les fortifier. Cetoit pen- dant I'hiver. cvn. Les raifons qUi avoient eloigne M. Com bcville > de Sainte-Marthe de P. R. aiant ceile
&mott. par ia pajx ren^ue ^ l'Eglife, il y re- vint en 1669 , & y reprit fes fonc- tions qu'il continua jufqu'au mois de mai 1679 , que de nouveaux or- dres l'obligerent de. fe retirer. II choifit pour le lieu de fa retraite , Courbeville fur la ParoifTe d'Orfai, ou il paflfa pres d'onze ans dans un oubli general des chofes du monde , partageant fon tems entre l'oraifon3 (£9) duFoffi, p. ?fx.
(70) Vies edif. T. I. p. 387.
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II. Par tie. Liv. IX. ny
fes livres & le foin des pauvres. Enfin i^a0, apres s'etre prepare a 1'eternite par des jours pleins de bonnes aeuvres, il mourut entre les bras de M. Bur- lugai, Theologal de Sens (71),a l'a- e de foixante-dix ans quaere mois , e mercredi 11 octobre 1690. Leven- dredi fuivant fon corps fut porte a P. R. des Champs j le famedi lorfqu'on fit l'inhumation, il fut trouve fans aucune corruption. Les religieufes de- firant d'avoir ce precieux trefor dans l'interieur de leur maifon , l'y firent enterrer , avec l'agrement de M. la Grange leur Superieur, qui n'y trouva aucune difficulte (71). Ces vers font graves au bas d'une
eftampe qui le reprefente. Plein d'une ardeur apoftolique ,
A la verite feule il confacra fes jours , II la fit eclater par fes pieux difcours Et par une vie angelique (73).
La mere du Fargis, que nous avons
(71) Voiez la lettre de M. de Saime-Marthe
qu'il a ecrite fut lescir- du cote des pies, lecceut
conftances de la mort de de M. de Pontchateau.
M. de Sainte-Marthe. (73) Bibl. hift. du Pot- Suppl. du Necr. p. 133. tou, T.(.p. 394. & fuiv.
(71) Ce fut a cette oc- Voiez le Necr. de P. £U
cafion qu'on enteria pres 11 ofiobre.
Kvj
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Zl8 HlSTOIRE DE PoRT-RdlAt
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"' igoi. vu au commencement de l'annee
cvih ! ^90 fe demertre de la dignite d'Ab-
Mott de la befTe pour fe preparer a la mort,
mere u Far- ^^ j^ mjferes Jg cette y^e £ p^ter_
nite bienheureufe le trois de juin ,
jour de la Pentecote 1691. Elleetoit dans la foixante-treizieme annee de fon age , la cinquante - unieme de fa profeffion. Pendant tout le tems qu'elle rut fucceflivement Prieure & AbbeiTe, elle ne prit de fa dignite que les charges & les peines qui y etoient at- tachees. Aflidue au chceur tant de nuit que de jour , outre l'Office ca- nonial elle donnoit encore beaucoup de tems a, la priere particuliere qu'elle iaifoit toujours a genoux, & dans un fi grand recueillement qu'elle paroif- foit immobile. Ses inftrudfcions etoient fol.ides , remplies de l'Ecriture & des Peres. Zelee pour la pauvrete , elle I'obfervoit en tout. Eloignee de tout interet dans la reception des filles , elle montra toujours un defintereiTe- ment que rien ne fut capable d'ebran- ler. Autant elle avoir edifie fes fceurs par fa regularite, lorfque la fante lui permettoit de fuivre les exercices , autant elle les edifia jufqu'au dernier moment par la patience avec laquelle |
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II. Parti e. Llv. IX. ii<j
elle fouffrit les longues epreuves que idq\
Dieu lui envoi'a, & les vives douleurs qui precederent fa more Ces Epreu- ves durerent plus de 4 ans, fans que jamais on l'ait entendue fe plaindre , ni remarque aucun afroiblirTement dans l'acceptation volontaire de cet etat, qui fut fuivi de la privation de Ja vue un an avant fa mort. On voit quelles etoient les faintes difpofitions de cette vierge chetienne par une let- tre qu'elle ecrivit a M. Arnauld quel- que tems auparavant qu'elle eiit en- tierement perdu la vue. Le 12 feptembre & le 9 novembre cix.
de la meme annee, la mort enleva ^S^Ja^* encore deux excellentes religieufes j la premiere etoit la foeur Marguerite- Angelique du Saint - Efprit Girouft des Tournelles , agee de quatre-vingts ans , qui s'etoit diftinguee par ion zele pour la verite pendant la perfe- cution : la feconde la fceur Sufanne- Therefe de Saint-Auguftin de la Pail- leterie, religieufe de l'Abbaie d'An- eci pres Sezanne , agee de quarante-
fix ans , & aflociee depuis dix-fept a la maifon de P. R. dans laquelle elle avoit ete elevee jufqu'a. 1'age de feize. Le rappel de M. de Pompoune,
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i3<3 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
I6?lt que Louis XIV mit en place cetta
annee, apres la mort de M. de Lou- vois arrivee le 16 juillet; l'accueil que ce grand Roi fit a ce Miniftre fidele (74) fembloit devoir donner efperance de quelque changement dans les affaires de P. R. &c fur- tout de M. Arnauld, oncle de ce Minif- tre fi glorieufement retabli. Un eve- nement fingulier arrive dans le me- me terns: un calomniateur convaincu & puni du dernier fupplice(75) pour avoir faufTement accufe plufieurs Cha- noines d'une confpiration contre 1'E- tat, dans laqujslle il avoit enveloppe M. Arnauld & quelques autres per- fonnes amies de P. R. : un tel eve- nement, dis-je auroit bien du faire ouvrir les yeux fur tant de calomnies qu'on avoit repandues jufqu'alors , 8c qu'on repandoit encore contre cette fainte maifon , & contre les folitai- res qui avoient habite ce defert. Mais rien n'etoit capable de difliper les pre- ventions. Port - Roi'al reftoit done toujours
(74) Quelques tems de vous y voir.
apres fon tappel, le Roi (7;) Roul-Foi, fut exe-
lui mettant la main fut cute en place de GreVe le
1'epaule , lui dit: Je ne jifeptembte 1S91. Voi'ez
faisfi vous avti autant de fon hiftoife a la tin du vo-
joie d'etre rentri dans Jume,
mon Confe'U que j'en at |
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II. P A R T I E. LlV. IX. X}1
dansPoppreffion , & on perfiftoitconf- Ig„1> '"
tamment dans le deflein de le de- cx truire. En vain les religieufes prefen- Les reiigieu- terent en 1691 une requete a M. de^t faempTr; Paris pour obtenir leur retablifTe- miffion de re- ment, artendu cjue la defenfe qui yi™s. m. de leur avoir ere faite en 1679 de rece-p«is ft joins voir des novices ne devoir plus fub- f^ demsIV' fifter. Cerre defenfe porroir qu'il fal- len reduire le monaflere au nombre de cinquante. Or le monaftere eroit non- feulement reduir a ce nombre, mais les religieufes etoienr meme alors moins de cinquante. Le Prelat fe joua de la demande & l'eluda, en difant que les fours converfes etoient com- prifes en ce nombre, & qu'on leur accorderoit ce qu'elles demandoient s lorfque le nombre des religieufes, tant de chceur que converfes ieroir re- .» duit a. cinquante. La fuite fera voir l'illufion de certe reponfe , & larefo- lution irrevocablement prife de ren- verfer ce fanctuaire : le nombre des religieufes diminuoit chaque jour , & la defenfe de recevoir des novices fub- fiftoit toujours. La mort en enleva eucore quatre cxi.
cette annee. i°. Le 4 de Janvier, la™"^^ four Marguerite de Sainte - Thecle gieufe*. Jofle. z°. Le 17 du meme mois,la |
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2}2 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt*
1691, four Jeanne de Sainte Pelagie Veil-
lard converfe , age-e de foixante-neuf ans, fille refpedable par fa fldelite a remplir fes devoirs, fa regularity & fa profonde humilite. $°. La four Marie-Madeleine de Sainte -Agathe Chouarr de Buzenval, qui niourur le 24 avril agee de cinquante-fept ans, done elle en avoir paife trente-fepc dans la pratique exacte des obfervan- ces religieufes dans la maifon de P. R. 011 elle avoir eu le bonheur d'etre ele- vee des Page de neuf ans, & dont elle fur cherie &c eftimee pour £es excel- lentes qualites , fa regularite & fon attachement inviolable a la verite. 4C. Enfin la four Louife de Sainte - Madeleine Boyau de Vitri, profefle de chcEiir, rnorte le premier feptem- bre agee de rrente-neuf ans. cxir. La four Marg. de Ste -Thecle JofTe lafecurjoffe. nee a. Paris avoit quitteavec regret la
Sa vocaiion „ , rr 1 r Ml
a Tetat reii- JJuchefiedeLonguevHieau commence-
gieux dans la ment Je 1'annee 164.6 , pour accompa- R. gne'r la Pnncelte Marie de uonzagues qui alia epoufer le Roi de Pologne.
MademoifelleJolfe neconnoiifoit alors
• ni la mere Angelique ,ni P. R. (j6) j (yS) Vo'fcz l'liilfeire on firm ,8c qu'ell'e aadrdTes
la relation que la fecur a M. de Saci, dans le Cc- Jo& a foite de fa veta- cend tome des ¥ies- edit. |
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II. Partie. Liv. IX. 25j
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mais les eloges continuels quelaReine 1691,
de Pologne faifoit de cette illuftre reformatrice , en prefence mane des Jefuites j les lettres merveilleufes & tomes animees d'hum'dite & de gene- rojite que la mere Angelique e'crivoit fouvent a la Reine 3 lefquelles Made- moifelle JofTe lifoitfoigneufement ,fans qu'il lui en echappat une ; tout cela , dit la fceur Jofie, me donnoit une ve- neration fi grande pour tile, queje com* mtncai a ne plus rien defirer que de pouvoir mourir fous fa conduke (77). Dans cette penfee elle pria M. de Fleuri d'ecrire en fa faveur a la mere Angelique. M. de Fleuri etoit un Do&eur de E^exJ"; ^
Sorbonne que la Reine de Pologne chee d'un fer- avoit mene avec elle de France, pour ™on .de_ vy r r\- rt. if • r ' Fleufl' & fe
etre ion Directeur. 11 avoir approuve met fous f*
l'ouvrage de Janfenius & celui de la conduite« frequente Communion, 8c il etoit fort lie avec P. R. Parmi les lettres de la mere Angelique il y en a plufieurs qui lui font adreffees. Dieu fe fervit de ce pieux Ecclefiaftique pour toucher Mademoifelle JoiTe, par un fermon qu'il fit le quatrieme Dimanche de P- 45* > 473 » outre cette ou Relations, T, ;. p.
relation ecrice en i«6f , i«5 , c'eft laxxxvn Rel.
»1 y en a encore une plus (77) Mem. ou Rel, p, courte dans les Memoires itfs.
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i34 HlSTOlUE DE PoRT-ROlAl.
l'Avent devant la Reine, fur la necef-
jite de faire penitence. Je fits fi ren- verfee 3 dit la fceur Joffe , parlant de 1'effet que fit fur elle ce fermon , que je crois qu'il je pajfa en moi quelque chofe de pared a ce quife lit de faint Paul au moment de fa conversion (78). Elle fut tout ce jour & toute la nuit dans l'agitation, ne fachant que faire. Enfin elle prit la refolution de s'ad- drefter aM.de Fleuri, malgre la re- pugnance qu'elle y avoir, parcequ'il avoir, dit - elle , la mine J'evere, 8c qu'elle le redoutoit terriblemem. Elle lui remit tous les romans qu'elle li- foit, & il lui donna leslettresde M. de S. Cyran, qu'elle trouva admirahles. Elle fe mit des lors fous la conduite de M. Fleuri , & commence fon re- nouvellement en Careme. Elle fit pen- dant ce tems tout ce que Dieu lui fuggera , n'ai'anr d'autre vue que d'ob- tenir mifericorde. » II eft cerrain , » dit-elle (79), qu'il m'avoit touches » d'une maniere extraordinaire , me » donnanr des fentimens de peni- » tence, qui me faifoient tout em- » braffer avec ardeur , & n'avoir e- » gard ni a mes forces ni a ma fame, (78J Vies cdif. p. 457, (7?) Ibid. p. 4*0.
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II. Part ie. Liv. IX. 15$
» ni meme aux difcours qu'on faifoit, 1 694, » parcequ'un changement fi grand ne » pouvoit pas fe cacher; mes actions » & mes habits, qui etoient fort dif- » ferens de ce qu'ils avoient ete, Ie » faifant aflez connoitre «. Elle con- tinua deux ans dans cette ferveur : mais le Demon , qui ne peut fouffrir qu'on fe retire defes griffes ,-lui tendit des pieges, dans lefquels il auroit reuffi a la faire tomber, fi Dieu n'a- voit eu fur elle des penfees de miferi- corde infinie. Apres le depart de Ma- dame des EfTarts , qui revint en Fran- ce , Mademoifelle JofTe fe rendit plus aflldue aupres de la Reine , & ce fut ce qui lui procura l'occafion d'enten- dre faire l'eloge de la mere Angeli- que , & de lire les lettres qu'elle ecri- voit a cette PrincefTe. Cette lecture lui infpira le defir de la retraite. Le Demon traverfa ce deffein par un parti que la Reine lui propofa avec une perfonne qu'elle affedtidnnoit beaucoup. Mais le mariage fut rompu par la volonte^ de Dieu qui vouloit fon falut. Cinq ou fix ans fe paffe- rent depuis,pendant lefquels elle pen- foit toujours a la retraite , priant con- tinuellement Dieu qu'il lui en mon- trat les moiens, mais fans en voir |
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i 36 HtSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1691. aucun. Malgre tout cela elle avo-*f
quelque attache fecrete qui la retiroit infenfiblement de la voie de Dieu, quoique tout le monde fut edifie de fa conduite. » Mais Dieu, dit-elle, » me condamnoit, lorfque les crea- » tures me donnoient des louanges. » C'eft ici oii Dieu m'attendoit: car » comire j'etois pres de tomber dans » un precipice fans fond , il lui plut " m'ouvrir les yeux d'une maniere » admirable , & a laquelle je ne puis » penfer fans trembler". Elle revint dela comme d'un profond fommeil; & penetree de reconnoiffance envers Dieu qui l'avoit regardee le premier des yeux de fa mifericorde, elle fe rappella ces paroles de l'Evangile: Que (1 ton ceil te fcandalife, arraches- le. Elle fit demander a la Reine la permiffion de fe retirer. cxiv. Avant ce terns Mademoifelle JofTe de'ia petmif- avoit fait demander par M. de Fleuri a
fion de quit- la mere An^elique le fecours de fes ter la Cour . t A i- 1 1 '
de poiogne, pneres. La mere Angehque dans la re-
& ne l'ob- ponfe qu'elle fit a M. de Fleuri, le pria tientp*. d'a{rurer cette Demoifelle qu'elle fe- roit vrier Dieu pour elle (80). Made- moifelle JofTe ecrivit aula" elle-meme a la mere Angelique, pour lui temoi- C80) Let. joi du ijnov.i^ji, T. 1. p. ii$, |
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II. P A R T I E. L'lV. IX. 2 j 7
gner le defir qu'elie avoit de fe re- I(j92 ™"
tirer a P. R. (81). Tout etant difpofe il ne s'aguToit plus que de demander la permiflion de fe retirer. Mais le Rox & la Reine s'y oppoferent, ce qui affiigea beaucoup Mademoifelle Jofle, qui etant perfuadee que Dieu demandoit cela d'elle , ne dejirokplus que de jdrtir de la Cour pour venir faire penitence en ce faint lieu j pour lequel elle avoit une ejlime & une ve- neration tres particulieres, fur-tout pour la mere Angelique. Neanmoins elle refta , faifant reflexion que la mere Angelique n'approuveroit pas qu'elie fe leparat de la Reine nialgre elle. Mademoifelle JolTe eut lieu de fe convaincre par la lettre que lui ecri- vit la mere Angelique (82) , qu'elie etoit parfaitement entree dans fes vues. La guerre des Suedois etant fur- cxv.
venue (83) , elle vit le renverfement t^f^l epouvantahle de ce Roiaume , la Reine font les sue- & route la Cour obligee d'en fortir, ^™Jml°l Angelique la
(*ij La teponfe de la a'autres, foutient pat mere Angelique eft "la (81) Let. 708. du 11 fes leitres, Let.«8i T. i. p. 5(1. Elle mai 1*55 , T. 2 so?- Patle dans plufeurs de fes (8 j) Les Suedois entre- lerres, & la Reine tie Po- rent en Pologne au mois logne 8c a M. de Fleury, de juillet ifijf, & rava- ge Mademoifelle JolTe , gerent ce Roiaume pea-. 3 qui elle en ccnvit danc deux ans, |
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1^8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
'\^qi, de crainte de tomber entrer les mains
de l'ennemi. Mademoifelle Jofle qui etoit a la fuite de la Reine partagea tous les dangers auxquels elle fur plu- fieurs fois expofee. La vue de rous ces jiiaux , qui j dir-elle , etoient verita- blement des plus terribles dans tomes leurs circonflances, lui faifoit regret- ter de n'etre pas parrie. La mere An- gelique la fourenoir par les fages avis qu'elle lui donnoir dans fes lettres , &c l'exhortoit a fervir la Reine avec plus d'affe&ion , parcequ'arae Reine af- fiigee ejl fans comparaifon plus digne d'etre honoree 3 que lorfqu'elle ejl dans la prof e1 rite & environnee de Ja gran- deur _, Dieu etant vres de ceux qui font dans la douleir. Enfin les affaires pa- roiflant en meilleur etat, Mademoi- felle JoiTe apres avoir confulte la me- re Angelique , qui confulta elle-me- me M.Singlin, fit voeu d'etre religieu- fe arm de fe lier davantage , & fe mit fous la protection de la Sainte Vierge la fuppliant de lui obtenir defonFils la grace de ne point patter l'annee fans cxvi. trouver moien de rout quitter. Elle obuent „ , r c xr ,
de la Reine la ^es dears rurent enhn exauces:
permiffionde ]yf Fleury aiant demande a la Reine cout pour pour elle la permiffion d'executer le *tr|^eI*eu* deffein que Dieu lui avoit infpire |
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II. Partie. Liv. IX. 159
d'aller mourir a P. R. en qualire de religieufe, fi on ne Ten jugeoit pas indigne , Sa Majefte y confentit. Elle ne laifTa cependant pas de lui repre- fenter beaucoup de chofes capables de l'ebranler, la longueur &c les pe- rils du voiage , l'aufterire de la Re- fle, &c. Mademoifelle Jo(Te repon- ir qu'elle efperoit que Dieu la con- duiroit, puilque c'etoit lui qui la cherchoit ; & qu'elle croi'oit que les maux qu'elle avoir foufferts depuis deux ans _, eroienr plus penibles que ceax qu'elle auroic a fouffrir en reli- gion ; que la charite qui regnoit en ce lieu adouciffoit ceux-ci, & qu'eu- fin on ne lui feroir pas faire ce qui pafTeroir fes forces. Mademoifelle Joife manda tout ce qui s'etoit pafTe a la mere Angelique , qui lui en te- moigna fa joie par une lerrre, ou elle lui marquoir fur-rout de ne rien de- mander a. la Reine, patceqa'une reli* gieufe de P. R. ne devoit rien dejirer que Dieu; & que fi elle avoit une bonne volonti elle Jew it ajfie\ riche. Mademoifelle JofTe rrouva cela ad- mirable , & en concur encore un plus grand dejir de voir cette chere mere avant que de mourir. » Quoiqu'on » parlat beaucoup en ce terns de la |
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240 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
1691, " deftru&ion de la maifon , dit-elle ,'
» 8c de la reduire dans l'etat oii je » la vois a prefent (84) , tout cela " ne m'epouvanta point : au contrai- ls re , ajoute-t-elle, j'avois une gran- » de douleur de n'y pas etre ann de » fouffrir avec tant de faintes perfon- « nes. Ce qui me faifoit dire , que fl " l'on m'auuroit de vivre encore cin- « quante ans , a condition de de- » meurer en Pologne, ou bien de »» .n'avoir plus que fix mois & d'etre » a P. R., j'aurois fans doute choifi » le dernier (85). cxvn. Le 17 avril i<?<8 , Mademoifelle
Son voiage ,/ . ) ', .
«)e Pologne Jolie aiant pns conge de la Kerne
sonJumg": & defesamis, partit de Pologne par dangers qu'el- terre avec Madame Davifon , pour *cou"- venir en France par le defir de finir fes jours a P. R. (86). On ne peut voir fans etonnement & fans admi- ration un tel courage. Cette gene- reufe fille ne fit jamais de voiage avec plus de fatisfaction 3 quoiqu'elle ait eiiuie des fatigues extraordinaires, aiant fait un tiers du chemin a. pied j & qu'elle ait fouvent couru rif- que d'etre egorgee en pafTant a tra- vers des foldats & des forets remplies (84) En i««f. 4«7,4«8- ,'..'
(85) Vies edif. T. i.p. {$6) Ibid,f>. 470,471.
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'"W~"
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II. P ARTIE. L'lV. IX. I4I
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de voleurs, & meme dans des atiber- 1691.
ges. Les traits de la providence qui veilloit a fa confervation, augmen- toient fa foi d'une maniere inexprimc- ble. II eft certain , dit-elle , que quand j'aurcis vu Jefus-Chrijl des yeux du corps , je n'auroispas marchi avec plus de confiance. Lorfque je voids quelque peril j je recourois a la priere, comme ton feroit a des armes pour fe defen- dre contre I'ennemi; & cela m'a tou- jours merveilleufement reuffi. Elle avoit un fi grand empreflementpourferen- dre a P. R., qu'elle pafla toutes les villes les plus considerables fans y rieit voir des raretes qui y etoient, ne penfant qu'a avancer. La Princefle de Boeme , belle-freur de la Princefle Palatine , lui ai'ant demande avec beaucoup de bonte un jour de fejour , elle ne put fe refoudre a le lui accor- der. Enlin apres un long , penible & CCXVII?\
, i •P ' X Son arrive.:
dangereux voiage de fix cents lieues , a Paris, fon
dans lequel Dieu qui la conduifoit la "^"e^fat delivra de plufieurs perils, elle arriva reUgieufe. a Paris le mardi 29 mai 1657. Le lendemain elle alia a Notre - Dame pour remercier Dieu, & le mcme jour a P. R. ou M. de Sainte-Beuve la tonduifit. Etant entree dans 1'Eglife Tome Fill. L |
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14* HlSTOIRE HE PoRT-ROlAL.
iGyx, elle fe profterna devant l'autel en s'of-
frant a Dieu en facrifice , puis elle monta au parloir , ou elle eut pour la premiere rois la confolation de voir cette chere mere qui l'attiroit de n" loin. » Eh bien! ma fille , lui die la ■» mere Angelique , vous avez bien a> fait du chemin •, mais voiez-vous , » un voiage de fix cents lieues eft peu » de chofe , fi on ne renonce a. foi- » meme. C'eft pour cela que vous s> etes venue ici, &c c'eft aulli a quoi » vous devez travailler toute votre ?> vie (87)". Mademoifelle JofTen'en- tra que le lendemain 31 mai dans la maifon , parceque Mademoifelle fa four qu'elle n'avoit pas vue depuis douze ans , temoigna du defir de la pofleder quelques momens. Elle ne re§ut 1'habit de novice que le 3' Jan- vier 165 8 , a Page de trente-trois ans, & fit profeffion le 15 Janvier 1659. Peu apres on la mit aupres de la mere Angelique pour lui tenir compagnie & I'aider dans fes infirmites ; ce qui lui procura Pavantage de voir de plus pres & de remarquer les grandes ver- tus de la celebre & fainte Reforma- trice de P. R. Dieu lui fit la grace d'en profiter. {87) Mem. Rel, 37, T. 3. p. 17*.
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II. Parti e. Liv. IX. 245
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Dans le terns de la perfecution elle 1691.
temoigna un zele admirable pour la cxix. verite. Ce fut elle qui voi'ant M. de ,Sa ,ferm"S n • r 1 , 111 danslaperie-
Fans elcortc de plus de deux cents CUtion.
hommes, pour enlever les douze pre- mieres vicfimes, dit ces paroles : Ah ! rna mere, quecela eft beau! none hu- miliation eft a Jon comble. L'admira- ble chofe pour moi : cela me fortifie plus que tout ce quon me pourroit dire. Elle fit voir dans la fuite par fa con- duite, que Pamour de la verite, des fouffrances & des humiliations etoit profondement grave dans fon cceur. Quelqu'humble & quelque perfuadee qu'elle fut de fa foibleAe, ni les fouf- frances , ni les menaces de Pexcom- munication ne 1'epouvanterent, dans la confiance qu'elle avoit que Dieu qui avoit tant fait pour elle, feroit fa force & lui donneroit la perfeveran- ce. La Reine de Pologne lui offrit une place dans fon monaftere de la Vifitation, mais elle etoit prete a tout; & au milieu de la tempete , elle fen- toit de la confolation 8c une joie fen- fible de la grace que Dieu lui faifoit de fouffrir quelque chofe pour lui etre fidelle , efperant que fi on l'accabloit elle &c fes fceurs dans ce monde , Dieu les delivreroit plus heureufe- Lij
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2.44 HlSTOIRE DE PORT-ROlAL.
I(j merit en l'autre (88). Elle eut la fa-
tisfa6tion de voir le calme retabli;
& elle conrirma d'edifier fes fceurs jufqu'a fa mort arrivee le 4 Janvier 1691. cxx Le 8 du mois de juin de cette an- MottdeM. nee P. R. perdit un Prelat, qui lui
que'd'Angers] etoit bien cher , dans la perfonne |
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&3 vie
venus. |
fts de M. Henri Arnauld Eveque d'An-
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gers (89).
Pendant plus de quarante ans d'e-
pifcopat il avoit gouverne fon Eglife avec une vigilance & une affiduite qui n'ont malheureufemeut que peu d'imitateurs. Rien n'eft aufll plus rare que fa residence continuelle & perfe- verante dans fon Diocefe , n'en for- tant jamais pour quelqu'afraire que ce fut, &c quelqu'inftance qui lui en fiit faite par fes proches & fes amis dans les occasions memes les plus im- portantes. II fe croi'oit tellement at- tache an fervice des ames que Dieu lui avoit confieesj& il etoit fi perluade de l'obligation de remplir journelle- ment les devoirs de fa charge _, qu'il faifoit tout ceder a cette obligation. II ne fe difpenfoit d'aucune fondbion , (88) Rel. i«-4", Rec. cette hiftoire , J>. ip8,
jfle pieces, lettres. ijy, (S?) Vp'ies T. 4, jj?
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II. Pa urn?. Llv. IX. 245
& ne cefla meme d'officier que cinq ans avant fa mort, parcequ'il avoir perdu la vue. Ses veilles etoienr ex- cellives, s'etanr reduit a ne dormir que quatre heures. Son amour pour lespauvres le rendoit acceffible a tous. II avoir la tendrefle & l'affe&ion d'uft vrai pafteur & d'un verirable pere pour les religieufes de fon Diocefe , qui prefque routes avoienr recu le voile de fa main , & dont il eroir le DirecTreur. II faifoir lui-meme les vifi- tes de leurs monafteres \ & s'y ren- doir dans rous leurs befoins, auffitor quil apprenoir qu'ilpouvoit erreutile a quelqu'une. 11 les foutenoit dans leurs peines, les inftruifoit dans leurs doutes, &c les confoloit dans leurs maladies. Bel exemple pour ces per- fecuteurs de vierges chretiennes , qui ne vont dans leurs monafteres que pour y porter 1'allarme, & dont le nom feul y jette 1'efFroi & le rrouble. M. d'Angers etoit fort lie , comme on peut fe l'imaginer, au monaftere de P. R. ou il avoir eu fa mere , fix fours, cinq nieces & plufieurs autres parenres j mais ce n'etoient point les liens du fang qui l'y attachoient. L'a- mour de la verite & la grace de Jefus - Chrift avoient forme une liai- |
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l^ HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
fon plus pure & plus parfaite entre
ces epoufes de Jefus-Cnrift & ce di- gne miniftre, entre ces faintes filles 8c ce faint Eveque. II avoit beaucoup travaille etant a Rome en 1647, pour obtenir d'Innocent X la Bulle pour l'lnftitut du S. Sacrement; deux ans apresil fe fit facrer, le 29 juin dans l'Eglife de P. R. II fe declara haute- ment pour ces vierges injuftement perfecutees, & prit leur defenfe, fans craindre de fe commettre avec les Puiffances. II les portoit tonjours dans; fon cceur, & s'en fouvenoit tous les jours au faint autel, n'y montant ja- mais qu'il n'y portat tous les noms de chacune pour les y oflxir. II ne con- fentit a la paix de l'Eglife, qu'a con- dition que les religieufes de P. R. y feroient comprifes. Ses vertus propres & particulieres etoient la douceur &: la patience: jamais il ne fit paroitre> d'aigreur a 1'egard de perfonne. Bien loin d'avoir aucun reflentiment con- tre ceux qui lui avoient rendu de mauvais fervices, il ne cherchoit qu'a leur en rendre de bons. II avoit pour cela une lifte de leurs noms afin de s'en fouvenir dans les occasions qui fe prefenteroient de leur faire du bien. Enforte que c'etoit un fentiment . commun dans Angers , comme dit |
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II. Par tie. Llv. IX. 247
M. du Eode , qu'"d fuffifoit d'avoir i6yi.
ojf'enfe M* VEveque _, pour etre affure d'en etre recompenji. II etoit en fi grande veneration dans tout le pais, qu'on ne parloit que de la faintete & du merite de ce faint prelat; &c lorfque les gens du pais rencontroient quelques voiageurs qui alloient a An- gers , auffi-tot ils leur parloient de la faintete de leur Eveque. C'eft ce que nous apprenons deM. duFofle , qui le favoit par experience, aiant fait an voiage a Angers, pour avoir la confolation de voir ce refpectable Prelat. » Les peuples, dit-il (90) , le » regardoient communement comme » un Saint, &c l'appelloient ainfi,non- » feulement dans Angers, mais dans « tous les environs. Etje me fouviens y qu'aplus de dix lieues, lorfqu'on fa- » voit que nous allions a. Angers , on » nous parloit aufli-t6t de l'Eveque, » comme d'un grand ferviteur de » Dieu, &c d'un Prelat vraiement » faint. Aufli dans la Ville la plupart » des moribonds ne pouvoient fe re- » foudre de faire le dernier facriflce, " qu'ils ne renflfent envoie prier de » venir les voir & de leur dormer v fa benediction qu'ils recevoient l?o) Foff. Meni, 1. 5. e. 14, p. 414-..,
L iiij
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14^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
x6yt. " avec une piete extraordinaire , en-
s' forte qu'on en vit mane de gueris » d'une maniere furprenante par un » efFet de cette benedi&ion epifco- " pale. II etoit fans cede par-tout. II « etoit comme le foleil de fon Dio- » cefe. II fe montroit egalement a » tout le monde fans diftinition, pour » l'eclairer par fa lumiere & l'ecnauf- » fer par fa charite.....II ne fortit
» jamais de fon Diocefe pour venir
» a Paris pendant 40 ans qu'il fut » Eveque j &c il ne parut jamais a la » Cour , que lorfque la Cour meme » vint dans fon Diocefe. Le Prelat » vifitoit tres regulierement les pail- s' vres de l'Hopital tous les Diman- i> dies apres Vepres. II donnoit la « Confirmation a ceux qui ne l'a- » voient pas recue, & qu'on avoit « foin d'y preparer auparavant «. Ce faint Prelat mourut comme il avoic vecu, dans la paix , la tranquillite & une entiere confiance en Dieu, plein de jours & de bonnes oeuvres dans la quatre-vingt-quinzieme an- nee de fon age, la quarante-deuxieme de fon epifcopat. II fut enterre dans fon Eglife(9i). - (91) Voi'ez l'eloge fu- t'AbbS Pelletier , frerede
nebre dece Prelat par M. fon fucceffeiir. II fcttou- |
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II. P A R t i e. Liv. IX. 145) .
La mort de Mademoifelle de Ver- i<$9i. tus, arriveele 21 novembre de la me- CX,XI- , , en- -l Fin de Ma-
ine annee, n anligea pas moins les re- m0ifeiie de
ligieufes de P. R. que la precedente. vertus.
» Catherine Franc_oife de Bretagne de
» Vertus (s>z), fille de Claude, Baron
» d'Avaucour , Comte de Vertus ,
» premier Baron de Bretagne, pafla
m fa plus grande jeunelTe , pratiquant
» par piete la regie de faint Benoit
51 dans un monaftere. Elle en fut tiree
» par les flatteries de la Cour, ou elle
» prit trop de part aux intrigues 8c
" aux plaifirs qu'elle defapprouvoit:
» mais Dieu la fit enfin reflbuvenir
» de fes premiers fentimens , & elle
» lui rendit fon cceur «. Nous ne
ne parlerons point ici de fes liaifons
intimes avec Madame la DuchefTe de
Longueville & avec MM. de P. R. ,
furtout avec M. Singlin 8c M. de Sa-
cy, qui furent fucceflivement fes con-
ducleurs dans la voie du falut. Le
Lecteur en eft inftruit par ce que nous
avonsdit ailleurs. Son application aux
befoins de 1'Eglife de Jefus-Chrift la
rendit digne de contribuer a la paix
de fes enfans. On fait combien elle
ve a la fin des ivtetrtes Bifli en 1711.
theotogiques contre un (91) Necr. p. 438. Son Mandement de M. de ep«. Lv
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250 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
eut de part a celle connue fous le
nom de Paix de Clement IX. Je lui ai toujoursattribue, ditM. Fontaine (9 3),, la paix de I'Eglije } quifut la delivran- ce de celui qu'elle aimoit _, & quifembht n'avoir etefaite que pour lui rendre M. de Saci, puifque quinze jours apres, » toutes les brouilleries recommence- *> rent j & apres ce coup tout miracu- o) leux, elle ne penfa plus , comme « Judith , qu'a s'aller renfermer avec » fes bonnes filles « ; c'eft-a-dire dans le defert de P. R., pour fe preparer a la mort. » Elle fut les quinze der- 01 nieres annees dans une perpetuelle » inrirmite, qu'elle fupporta avec une » patience qui edifioir tous ceux qui » la voyoient (94). Elle avoit d'abord « fait a Dieu un facrifice de fon ef- » prit, en fe reduifant au filence dans » la folitude , elle qui au milieu du »* monde fe diftiuguoit dans la con- » verfation avec les plus beaux efprits. » Elle lui facrifia enfuite peu-a-peu « fon corps par fes continuelles ma- » ladies, qui la reduifirent enfin a ne » pouvoir plus fe lever, ni faire le, » moindre mouvement, fans tomber (.9 j) Let. a la fcEur Eli- (94) FofT. Mem. p. 43 V%
fabech: le Felon ; Vies 451,433.. 6dif. T. 4. p. 358, |
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II. Partie. Liv. IX. 251
» dans des foibleffes & dans des etouf-
■» feinens qui fernbloient devoir a tout » moment la faire expirer. Cependant « elle s'occupoit toujours a quelqu'ou- « vrage autant que fon infirmite Ie » pouvoit permettre. Elle travailloit, » elle prioit, elle lifoit. Sachant faire » de fon lit fon oratoire & fon labo- » ratoire , elle trouvoit dans un fi pe- .» tit efpace ce contentement que Ton » ne petit goiifer que dans un parfair » acquiefcementala volonte deDieu. » Sa charite pour les pauvres etoit un » trefor inepuifable 011 ils trouvoient » du foulagement dans tons leurs be- » foins 5 fon neceffaire etant pris fur » fa penfion , tout le refte etoit em- » ploye pour les nourrir, pour les ve- » tir , pour les affifter dans leurs ma- » ladies. Quoiqu'elle eut un genie » fuperieur a fon fexe, & un efprit .» tres capable de gouvernemenc & de » la conduite des plus grandes affai- » res, comme elle en donna fouvent » des preuves lorfqu'elle vivoit en- » gagee dans le grand monde, elle *» flit vivre i P. R. fi refTerree , que » toute fa confolation etoit de ne fe » meler d'aucune affaire que de celle » qui regardoit fon falut. On ne laif- j* foit pas neanmoins de la confuLter |
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2Ji HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAtJ
1 » fouvent, comme une perfonne don't
« on favoit que le confeil etoit fur, » Elle difoit fon fentiment fans ja- 3> mais flatter fes meilleurs amis , 33 ayant furtout une grande fincerite 3> pour partage : aufli elle etoit ref- 33 pedfcee de tous ceux qui la connoif- 33 foient. Les perfonnes memes qui la »3 craignoient en quelque forte, p& 33 laifloient pas de l'eftimer, on ait 33 moins d'ufer a fon egard de toutes 33 les mefures poffibles de civilite & 33 d'honnetete. C'eft ainfi que l'Ar- 33 cheveque de Paris, predecefleur de 33 celui-ci, voulut toujours au milieu >3 de tous les bouleverfemens qui arri- 33 verent a, cette Abbaie, qu'elle fiit 33 perfuadee qu'il avoit pour elle tou- 33 te l'eftime & toute la confideration 33 due a fon merite. Enfin , apres que- 33 bien des annees fe furent paflees 33 dans des apprehenfions continuel- 33 les de la mort, qui fembloit etre 33 toujours prefente , le tems arriva 33 ou Dieu voulut en la delivrant de 33 toute crainte, la mettre pour tou- 33 jours en furete dans fes tabernacles 33 eternels. La piete admirable qui ac- 33 compagna fa mort,fut la i ecompenfe ..3 de la vie fainte qu'elle mena fi long- « tems dans la retraite. En mourant, |
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II. P ARTIE. L'lV. IX. Z 0
>» ellelaiflalamaifon qu'elle quittoit, i(jo » dans une fenfible douleur de perdre » en elle un fi bon confeil & un » exemple de verm fi admirable «. M. Fontaine j ecrivanta une religieu- fe de P. R. apres la mort de cette he- roine du Chrifiianifme (95) & de ce prodige de verms > lui parle ainfi (96): elle etoit digne de vivre & de mourir entre vos bras ; & ily avoit pen d'au- tres mains quifujfent dignes d'elle. Tout me manque quandje parle d'elle j il n'y a que mes yeux qui viennent aufecours.. » Que de perfonnes, die encore M. » Fontaine dans une autre lettre (97% » l'auront recue dans Pautre monde,, » & qu'elle n'y aura pas ete incon- » nue ? Tous les amis & toutes les » amies de la verite , dont elle a ete " une fi grande protecTxice, n'auront ■' pas manque de la feconder dans ce » paflage. II faut benir Dieu d'avoir » fi faintement accompli fori ouvrage " en elle, & le prier de couronner » maintenant fes dons. Mademoifelle de Vertus etoit agee
de 75 ans. Son cceur fut porte a l'Ab- bai'e de Malnoue , comme elle l'avoit ordonne par fon teftament pour fa- fS?) Necr. 3,38. l?6) Vies cdif. T. 4. p. (.97) /bid., p. 5 37. |
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2J4 HrSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
tisfaire le defir de fa fceur qui en etoic
Abbelfe, & prefente par M. Sanfon , Chapelain, qui fit un tres beau dif- eours (98).Son corps , enterre a P. R., fut tranfporte a la meme Abbai'e de Malnoue, lors de Pexhumation , par les loins de fa refpedtable fceur (99). La famine dont la France fut affli- |
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I6?£.
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cxxn.
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Beau trait de &PQ
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en
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i<?9 3 , donna occafion a. la
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l'Abbeffe & mere Agnes de fainte Thecle Racine,
*" deep8RU~ 1U* zvolz && continuee Abbelfe par
une feconde election le 2 fevrier de cette annee, & a fa communaute , de |
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tant de tendreffe pour fes
religieufes,que lorfqu'elleg etoient malades, &£ qu'il y avoir quelque danger, ellene les quittoit n: jour ni nuit , afin qu'il ne leur manquat rien pout les fecours temporels &c fpirituels. V~oie^ le Gall. Chrift. T. 7 p. 5.94 j59T- L'Abbai'e de Malnoue, Tune des plus tegulieres & des plus edifianres qui fur dans I'Eglifevient d'e- tre detruite de nos jours. Mademoifelle de Vertus avoit encore une autre foeur, Abbefle de Ni- doifeau , fur la mort de laqtielle la mere Angeli- que de Saint-Jean fir le 11 Janvier 1S84-, un excel- lent difcours qui fe trouve: dans le T. 3. des Vies edi£.- E- 40 >,¥6- |
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fjSl VoTczce difcours,
T. 3. des M£m. liift. p. i-4r. (Q9) Marie Claire de
Btetagne, Abbeffe de Mai noue , foeur de Mademoi- felle de Vertus, mourur le 31 de mars 1711 a l'age de 83 ans, en aiant pafle 6 3 ans dans les exerciccs de laviereligieufe, fousla regie de faint Benoit EUe voulut etre enterree avec le fymbole de faint Atha- nafe be 1'atte dc fa pro- reffion. Cette Abbcife e- toit une vtaie religieufe , remplie de I'efprit de fori £tat, pleine de charite ,. pauvie. ,, deiintereilee , humble, prechamd'exem- jle , s'emploiant aux rra- vaux les plus bas, commc de porter du bois, laver la. v,aiffelk. Elle avoie |
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II. Par tie. Liv. IX. z$$
flgnaler leur charite , & de faire voir L693.,
que le meme efprit qui avoit anime la fainte Reformatrice deP. R. (i) , y regnoit encore. Les Benedictines An- gloifes de Paris y qui etoient reduites a la plus grande mifere, jufqu'a man- quer de pain, fe rappellant dans cette extremite la charite de P. R., j eurent recours , & ecrivirent a lAbbelTe lui expofant la trifte fituation oii elles fe trouvoient. LAbbelTe aflembla aulli- tot la communaute pour lui faire part de la lettre ; & comme la maifon man- quoit d'argent, il fut refolu de ven- dre un tres beau calice de vermeil do- re , & d'en porter le prix aux Bene- dictines Angloifes (z). Madame Mars, qui fe trouvoit alors a P. R., fut priee de fe charger de cette comrniflion ; &: etant partie a l'inftant, elle trouva a (i) 33 Nous favons, dit 33 s'etoient defaites de
» M. Lancelot dans fes 3) toute leur argenterie,
33 Memoires , T. z. p. 33 aiant vendu jufqu'aux-
« it j , que M. de Sainr 33 chandeliers & aux lam-
3) Cyran a fouvent loue la . 33 pes d'argent pour don,
33 vertu de la grande mere 33 ner aux pauvres ;. fur
33 Angelique, qui ne fe 33 quoi on pent voir ce
33 refervoit rien , & qui 33 qu'il leur ecrivit dans.
33 a rompit quelquefois 33 la lettre 111: «. LeLec-
33 jufqu'aux nappes de teur a vu dans cette hif-
33<l'autelpour convertir a toiie beaucoup d'autres
33 Vufape des pauvres.. traits de la genereufe cha-
y> Nous favons audi qu'il rite de la mere Angelique
53. a loue autrefois le faint & des religieufes de P. R...
» ruonaftere de P. R. de (ir) Vies edif. X. 1. g, » ce que les religieufes. 3>e-
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i5<5 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAI."
l'entree de Paris un Ecclefiaftiqu^e J
qui ayant appris a. quoi etoit deftine le prix de ce calice , voulut le payer au-defliis de fa vaieur. Auffi-tot Ma- dame Mars alia porter cet argent a. la Superieure des Benedi&ines , qui lui dit en lerecevant: onnepent etre plus obligees que nousle fommes anosfaurs de P. R.; jamaisfecours n'ejl venuplus a propos. II n'y a pas un morceau de pain dans notre rnaifon , & perfonne n» nous en veut preter. Acluellement tome notre communaute ejlprojlernee auxpies de Jefiis-Chrifi } le vrai pain de vie 3 pour lui demander le pam materiel dont nous avons befo'm. L'Auteur des Me- nioires hiftoriques remarque judicieu- fement ( 3) qu'il etoit referve dans ce liecle , a de faintes filles que Ton atta- quoit continuellement dans leur foi , de depouiller les autels & de vendre les vafes facres pour nourrir les tem- ples vivans du faint Efprit, lorfqu'el- les etoient elles-memes fans argent. Ajoutons que, comme leur foi etoit celle des Peres, leur conduite etoit auffi la meme que celle de ces grands nommes qui remplis de l'efprit de Je- fus-Chrift, brifoient jufqu'aux vafes facres pour foulager fes membres. »■ Et 45) T. j.p.iu-
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II. Partie. Liv. 2X 157
» vraiment, dit faint Ambroife , ces \6y$,
» vafes-la font precieux qui rachetent » les ames de la mort. C'eft alors que » je reconnois le vafe du fang du Set- » gneur , lorfque j'y vois doublement " la redemption , & que le calice ra- » chete de l'ennemi ceux que le fang » arachetes du peche (4). Les reli- gieufes de P. R. , inftruites a I'ecole des Peres, faifoient de ces faintes ma- ximes, comme Ton voit, la regie de leur conduite. Elles perdirent cette annee deux cxxni.
de leurs fceurs, profefles de chceur , jeux t°[jgif, qui les avoient edifiees l'une & l'au- f«. tre par leur regularite & le zele qu'elles avoient eu pour la verite. L'une etoit la fceur Marie de fain- te Benedicle Foucher , qui mou- rut le 11 Novembre, 8c l'autre, la foeur Denife de fainte Anne Coflarc de Flan, morte le x6 Decembre, agee de 75 ans. Celle-ci fitparoitreun cou- rage & une modeftie admirables en refiflant aux ordres injuries de M. de Perefixe qui, irrite de fa fermete , la chargea d'outrages , & la traita de (4) Veri ilia funtvafa que viderit redemptionem
pretiofa , qua redimunt ut calix ab hojte redimat m
anitnas d morte.... Tunc quos fanguis a peccato re-
v&s dominici fanguinis demit. Ambt. oflfic. 1. i»
agnofcitur , cum in utra- c. 18.
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158 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl."
1693. Pojfedee du demon. P. R. perdit enco-
re par la mort de M. Gallois, Norai- re a Paris, arrivee le 17 Decembre, un ami fidele , recommandable par fa probite , fa piete , fon favoir, fon amour pour la verite 8c la juftice. Ce fut lui qui re^ut en 16 5 6 la protefta- tion de M. Arnauld, ce que plufieurs autres Notaires avoient rerufe de faire. |
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Fin du neuvieme Liyre.
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LIVRE DIX1EME.
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I i E Lecteur a vu les differentes per- j £94.
fecutions que ce celebre Dodteur a i. erTuiees de la part des Jefuites , au fu- Al^uid! M" jet de fon excellent ouvrage de la Fre- quente Communion ; de la part de la Sorbonne , au fujet de fa belle Lettre a un Due & Pair j & enfin de la part des uns & des autres , au fujet du Livre de Janfenius. II a vu enfuite M. Arnauld fortir tout glorieux de fa retraite , paroitre triomphant de- vant le plus grand des Rois & en r&- cevoir des louanges. Apres cela „ il a. vu I'envie fe renouveller contre ce grand homme, 8c le forcer de fortir du fein de fa patrie , pour aller cfier- eher dans une terre etrangere un afyle contre les defTeins de fes cruels en- nemis. Ce fut en 1679 que M. Ar- nauld quitta la France. Mais recon- noiflons que ce fut par un efFet vifi- ble de la providence qu'il la. quitta pour fe retirer dans un pais , 011 jouif- fant d'une entiere liberte & d'un plus grand loifir , il a compofe pour la de- renfe de 1'Eglife & de la verite urt grand nombre d'ecrits, qui n'auroient |
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160 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
jamais vu le jour , fi fes ennemis l'a-
voient laifle vivre en paix dans le fein de fa patrie au milieu de fes amis. Cert, ainfi que Dieu a fait fervir la mauvaife volonre des ennemis de M. Arnauld a 1'execution de fes deffeins. Combien d'excellens ouvrages forri- rent de la feconde plume de ce favanc liomme pendant les quinze dernieres annees de fa vie qu'il pafla dans la re- traite , n'aiant ceiTe d'ecrire qu'en ceffant de vivre. Semblable a. Caleb , qui a Page de quarre-vingts ans etoit auffi fort &c auffi vigoureux lorfqu'il entra dans la Terre promife (i) que lorfque 40 ans auparavant Moi'fe l'a- voit envoie avec Jofue pour la re- connoitre , M. Arnauld avoir, lorf- qu'il mourut, autant de force d'efprit pour ecrire & pour combattre les en- nemis de la grace de Jefus-Chrift &c les profanateurs des chofes faintes , que lorfqu'il commenca a les atta- quer. En un mot , lorfque M. Ar- nauld entra dans le fein de la veri- te , il jouiflToit des memes avantages que lorfque Dieu l'avoit appelle a la clefendre cinquante ans auparavanr. Nous n'entrerons point ici dans le |
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(1) Judic. c. 14.
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II. Parti e. Liv. X. 161
detail des travaux de cet Iiomme in- " comparable j des combats qu'il a li- vres aux ennemis de l'Eglife , tarit du dedans que du dehors; des vic- toires qu'il a remportees fur eux; ni de fes ecrits fans nombre. Ce cele- bre Docleur rempli de l'efprit de tous les Peres, avoit recu de Dieu l'eten- due de genie & la force du raifonne- ment des Auguftins pour la defenfe de la foi, pour etablir les dogmes, & demeler les artifices des Heretiques; la vivacite & le fel des Jeromes pour les couvrir d'une confufion falutaire devant les homines, la douceur & la modeftie des Athanafes & des Gre- goires pour les gagner \ l'eloquence des Banles , des Ambroifes & des Chryfoftomes pour les perfuader. C'eft dans fes admirables ecrits
qu'on reconnoit fon vafte genie, fa profonde erudition , fa tendre piete, fon grand amour pour l'Eglife , fon attachement, fon refpe£fc & fa fide- lite inviolable pour les Puiffances -y en un mot, toutes les grandes qua- Htes de cet homme extraordinaiie , qui etoit grand des l'enfance , ma- gnus vir 4b infantia (i) \ de cet im- (i) Hier. Ep. Sj. vet. edit.p. i8f.
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1694.
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2<jl HlSTOJRE DE PoRT-ROlAt.
mortel genie, qui a excelle dans tou-
i65>4- tes ies fciences (?). O prodige de nos jours , pouvons-
VraJp^trait n°us ^re avec M. Fontaine (4), » qui
de m. Ar- „ vous admirera autant que vous avez dTJuiude1* » merite de l'etre ! On s'eft emprefle perfonne & „ de graver votre image fur le mar- iKh% Seats. m bre & fur je bronze.....Les piu_ m mes favantes fe font emploiees a
»j vous louer, mais vous paroitrez « toujours plus grand dans vos ou- 33 vrages que dans tous les eloges que » Ton peut faire de vous. Rien ne 3> vous fera mieux connoitre que vos S3 prop res ecrits. C'eft-la que vous 33 avez vous-meme parfaitement gra- 33 ve votre image, & que vous avez 33 reprefente comme dans un miroir >3 vivant vos admirables qualites. On »3 faura en vous lifant, quel a ete 33 votre amour &c votre zele pour la S3 verite catholique , pour la vraie 33 fcience de la religion , pour la doc- 33 trine & la tradition des Peres , 33 pour la correction des abus 8c pour 33 la difcipline de TEglife; & on verra 33 reluire dans vos ecrits les merveil- (;) Hift. de Script, cam , arithmeticam......
Icclef. in Orig. Illud dc Grammaticam & Rhetori-
immortali ejus ingenio, cam , omniumque Philo-
non tacens quod dialeUi- fophorum feUas didicit.
cam quoque & geomecri- (4) Font. T. 1. p. 41^ |
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II. Par tie. Llv. X. 16}
» leux dons de la grace, qui vous ifyju
» onr rendu un des plus grands or-
» nemens de l'Eglife Gallicane. Vo-
» tre memoire fera toujours tres heu-
» reufe, tres fainte & tres venerable
» dans l'Eglife , qui a eu la confola-
» tion dans fa vieillefle, ou Dieu vous
» a fait naitre , de voir comme raf-
« femble & reuni en vous l'efprit 8c
» la luniiere des anciens Do&eurs ,
» afin que vous fufliez expofe com-
» me un grand fpedtacle aux fiecles
" a venir , & que la folidite de votre
»> doctrine , la faintete de vos fenti-
» mens , l'humilite de votre cceur,
« l'ardeur de votre piete & la dif-
» cretion de votre zele ferviifent dans
» ce dernier age a efFacer les faux
» luftres des fauffes vertus, des fauf-
» fes devotions, des faufTes pruden-
» ces , des faux zeles, des faulfes lu-
" mieres & des faulfes doctrines, qui
" fe formerent dans la corruption
» des derniers terns , foit par l'igno-
» ranee aveugle & prefomptueufe des
» Heretiques , foit par le refroidiffe-
» ment de la charite des enfans & des
" miniftres de l'Eglife Catholique.
» On admirera la fcience auffi bien
" que la faintete que vous avez re-
» cue de Dieu dans les rochers de
|
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i^4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
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I £04. " votre folitude, qui vous ont rendu
« comme un treTor vivant de toute » la fcience Eccleilaftique j comme » un horame de' Dieu j comme un jj Theologien doht le jugement etoit » plus exact que celui d'aucun des " autres Theologiens de votre terns, » & comme un pieux & favant Ecri- " vain , par la bouche duquel la ve- « rite meme fembloit rendre fes ora- =» cles ". Rien de plus jufte que cet eloge de M. Arnauld. C'eft le portrait naturel de ce grand homme , & la ve- ritable idee qu'on doit avoir de fa perfonne & de fes ecrits. 111. Quoique M. Arnauld menat une il fe prepare V[Q extremement retiree depuis fa for-
tie de trance , & ii remplie pour Dieu ,qu'elle etoit une excellente pre- paration a la mort; neanmoins les quatre dernieres annees de fa vie fu- rent encore pour lui le tems d'une retraite plus rigoureufe , n'aiant pas mis le pied hors de fa petite maifon pendant ces quatre ans. Dans les der- niers mois il apprit par cceur les pfeaumes, afin d'y avoir recours dans le befoin, pour s'occuper de Dieu &c fe mettre en etat de le louer & de s'entretenir avec lui, en cas que fa vue vint a. s'eteindre comme il en etoit menace. Heureux |
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II. P ARTIE. L'lV. X. i(?5
Heureux le ferviteur que le Sei- xg^^,
gnear rrouve agiflant ainfi , lorfqu'il IV vient a lui & qu'il frappe a la porte. sa derniere Qiiand il feroit mort fubitement dans ™'fie- Sa de pareilles difpoutions, il n'auroit point ete furpris. Le premier jour d'aout, auquel l'Eglife celebre la fete de faint Pierre aux liens, & celle des Macchabes, aveclefquelsil a eu tant de conformite par fon zele intrepide pour la loi de Dieu, par fon courage invincible a rendre temoignage a la verite , par fes travaux immenfes pour la defendre, il fe fentit atraquc d'une fluxion qui ne l'empecha pas de faire ce qu'il faifoit chaque jour & de dire la MefTe. II continua de meme le lundi & le mardi , & il orTrit le faint facrifice pour la derniere fois le jour de faintEtienne Pape & Martyr. Mais il ne laiffa pas de reciter fon Breviaire tous les jours fuivans jufqu'a celui de fa mort, a peu pres aux heures mar- quees. ( Car il fuivoit le plus exacle- ment qu'il pouvoit l'efprit de l'Eglife dans la recitation de 1'OfEce; fur-tout ces deux chofes, l'une en difanttou- tes les Heures feparement, l'autre en difant chaque partie del'Ofrtce a l'heu- re qui lui etoit propre , regardant chaque heure de I'Office comme un Tome VIII. M
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166 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
j 604, rems de benediction). II enrendit en-
core la MelTe le famedi, & fe fit lire l'Epitre du Dimanche fuivant, avec l'explication de l'Epitre par M. le Tourneux. Sur les fept heures du foir il recut la derniere abfolution de fori ConfefTeur, l'Extreme-Onction 8c le Saint Viatique avec fa devotion or- dinaire. Sa voix s'etant eteinte , il entra dans Pagonie qui fut fi douce &c fi tranquille, qu'a peine les affiftans s'en apperc_urent. Un leger foupir fit connoitre qu'il s'endormoit au Sei- gneur , plus femblable a un enfant qui s'endort dans le fein de fa mere qu'aunpccheur qui foufFre la peine du Eeche. Ainfi fut rappelle de fon dou-
le exil a minuit & un quart le 8 aout 1 694, pour aller habiter le pais de la juftice, de la paix & de la verite , cet- te grande ame qui les avoit aimees plus que toutes les grandeurs de la terre , & qui avoit combattu pour elles jufqu'au dernier foupir. % v_ » Voila,dit le Pere Quefnel ecri-
Lettte du „ vant au P. du Breuil fur cette bien-
fu" ia mott " heureufe mort (5) , comme a ache- dc m. At- „ ye fa courfe de quatre-vingts-deux >» ans fix mois un jour , celui que j) Dieu avoit donne a fon Eglife par , (5.) Nectp. 317.
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II. Par tie. Liv. X. 167
» vine iihguliere mifericorde , pout 1 694.
» concribuer plus que perfonne a re-
" tablir les mceurs chretiennes par un
» plus faint ufage de deux Sacremens,
» d'oii depend la fanifcification des
» pecheurs j a relever l'honneur & la
» puiltance de Jefus-Chrift; a com-
» battre les ennemis de 1'Eglife & de
» la Sainte Euchariftie 5 a donner des
» coups mortels a la morale relachee ;
» a. defendre l'innocence & la juftice;
» Sc a. s'oppofer comme un mur d'ai-
» rain a tous les efforts de Pennemi
» du falut. II a tout facnfie pour erre
» fidele a une vocation fi iainte ; 5c
" cinquante annees de perfecutions _,
» de calomnies &c de toutes fortes
>> de traverfes, ne lui ontrien coutc
» pourremplir fon miniftere, & pour
» fuivre celui a qui il faifoit profef-
» fion d'etre attache : Mihi autem ad-
» herere Deo bonum eft. C'etoit la
» devife qu'avoit prife M. Arnauld.
» Toute fa vie & fa conduite nous
» difent aflez qu'il ne connoiflbit
» point d'autre bien, que celui de
» s'attacher a'Dieu & de tout facri-
» fier pour le fuivre «.
Le lendemain de fa mort on ouvrit vr.
fon corps pour en tirer le creur , qui jj"^." devoit etre porte a P. R. comme il M ij |
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X6S HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
l'avoit ordonne par fon teftament.
Comme le Cure de fainte Gudule de Bruxelles , fauxbourg de Loo, Pa- roifTe de la maifon quliabitoit M. Ar- nauld , etoit abfent ainfi que fon Vi- caire , on prit des mefures pour l'in- humation du corps avec M. le Cure de fainte Catherine de la meme Vil- le (6). Ce Cure etant venu la nuit du lundi avec fon domeftique, enleva le corps qui etoit dans un cercueil de bois , le fit tranfporter dans fon cabi- net , le mit dans un cercueil de plomb, &c le fit defcendre dans un petit ca- veau defTous le fandfcuaire de fon Egli- fe, qui etoit alors depavee , de forte que le lendemain on n'apper^ut au- cune trace de ce qui s'etoit fait. C'eft ce qui a donne lieu de faire a M. Arnauld une application de ce que l'Ecriture dit de Moife, favoir que jufqu'aujourd'hui les hommes ne con- noiiTent point fon tombeau (7): Non cognovit homo fepulchrum ejus ufque in prufentem diem \ & de dire qu'un An- ge vifible de l'Eglife prit le foin de h fepulture, ai'ant enleve fon corps & 1'ai'ant cache dans la terre des Saints, pour le derober aux mativais defTeins («) M. VandenneiTe, mortle \6 janvjer »7j^»
(7) Deut.j<j. |
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II. P A ft T t E. LlV. X. 1&9
de l'ennemi, comme faint Michelle 1694.
fit a l'egard de Moi'fe (8). Lorfque la nouvelle de la mort de vn.
M. Arnauld devint publiqiie , il eft r0p°Ur«cntic incroiable combien de bouches & de <*" louanges plumes firent fon eloge. Toute l'Eu- nauia. Eloge rope retentit des louanges qu'on don- n"''1 reiolt r- 1 \ b * . t a Rome.
noit de tomes parts a ce grand nom-
ine , qui en fut comble fur-tout dans la Capitale du monde chretien. C'eft ce que nous apprenons par une lettre datee de Rome du 30 aout 1694. II y eft dit que perfonne ne recut jamais^ tant d'eloges , ni ne fut fi univerfelh- ment regrette1 apresfa mort par les hon- netes gens que cet illuflre difunt. A- peine la nouvelle de fa mort fut ve- nue a Rome , qu'on n'entendit par- tout que des panegyriques de ce grand perfonnage ; » les uns louant la pro- » fondeur de fa fcience & l'etendue » de fon erudition , qui n'avoit ja- » mais rien eu de femblable ; d'au- » tres admirant encore davantage les " bonnes qualites de fon ccEur, que » celles de fon efprit & de fa memoi- (S) Voi'ez dans les Mem. celebre dans toute l'Eu-
Mit. T. 5. p. 175, le cet- rope: Corpus fapientijff
tificat, ou extrait mot- mi & tota Europa ceU'
tuaire de M. Arnauld, qui berrimi viri Domini Aa*.
eft qualify de ties fage tonii Arnaldi, &c,
Doaeut de Sorbonne, '& M iij
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270 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
165)4. " fe , afTurant qu"il n'y avoit jamais
« eu d'homme plus doux (9), plus »j modefte, plus defintereile, plus » fimple & eloigne du deguifement » & de l'hypocriiie j & tous genera- >» lement convenant qu'aucun n'avoit " tant aime la verite, ne l'avoit fi « bien connue & mieux defendue , " ni plus fouffert pour elle. « Le Cardinal Cafanate dit tout
» haut en plein Confiftoire , qu'on « canonifoitdes Saints, qui n'avoient " pas rendu tant de fervices a. l'Egli- " fe , ni vecu daus une plus grande » innocence de mceurs que M. Ar- ?> nauld. Le Cardinal d'Aguirre ne crai-
gnit point de le mettre au-derFus de tous les Prelats de ce tems-ci, & de l'egaler aux plus faints Pretres de 1'anriquite , difant que M. Arnauld faifoit autant d'honneur a la Ville de Paris fa patrie & a la France, que faint Clement dAlexandrie & Ori- fene en avoient fait a, l'Egypte ; faint
erome, a la Dalmatie; Claudien (9) Le P. DavrigniJe- Jurieu, en quaSifiant cet
fuite , Mem. T. 3. p. 41S, hcretiqiie i'Ecrivain ci-
combat cet article del'6- Ubre. C'eft comme li un
ioge de M. Arnauld, & a Socinien s'appuioit du te-
aflezpeu de pudeur pour moignage de quelqu'Arien
s'appui'er de 1'aiicoritc de contie faint Achanafc.
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II. Parti e. Liv. X. 27I
Mamert, a Vienne ; faint Felix , a 1694.
Nole y faint Jean dit leVieillard, ou k Pretre j a Ephefe. Ce meme Cardi- nal afTura qu'il oecupoit dans lefacre College tine place qu'Innocent XI fon bienfaiteur avoit d'abord defti- nee a M. Arnauld, & qu'il auroit mieux remplie que lui. Un des plus celebres ProfefTeurs
en Theologie & en Eloquence (10), qui devoit faire une harangue larine a laquelle toute la Ville droit invi- tee , aiant appris cette mort la veille qu'il devoit faire fon difcours , il le fit tout entier a la gloire de cet illuf- tre defunt. L'Orareur laid abfolu-r ment le fujet qu'il avoit entrepris de traiter pour ne parler que de la grande perte que l'Eglife venoit de faire danslaperfonnede M. Arnauld qu'il mit au-deflus de tous les Ecri- vains , non-feulement de ce fiecle, mais meme des aneiens les plus polis & les plus favans. « Dieu, dit-il, » 1'avoit oppofe comme un boule- » vart contre les hcretiques , les cor- v " rupteurs de la morale chretienne » & les fabricateurs bizares des nou- » veaux fyftemes de Theologie. (10) le P. Campion Clerc Miiieur.
M iiij
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L-JI HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1694. Un tel eloge de M. Arnauld ne
vnr peut pas etre du gout des Jefuites & caiomnies doit un peu les embarraffer. Le Pere* vrignfcoawjDavrigni n'ofant s'infcrire en faux M. Amauld. contre , ni le combattre de front, s y prend d'une autre fa^on. A l'occafion d'une note marginale de cette lettre de Rome, ou il eft dit, quil n'y a que les Protejlans & les Jefuites qui n'en conviennent pas, (du merite & des verms de M. Arnauld) : a Dieu neplaife, dit l'Ecrivain de la Socie- te j prenant un ton devot pour coit- vrir fon noir defTein de calomnier & d'outrager M. Arnauld j a Dieu ne flaife (11) que nous cherchions a de- crier les morts & que nous penjions a troubler leurs cendres -y puijfe-t-il avoir plus d'egard a leurs intentions qu'a leurs ceuvres. Mais comme la chariti nous interdit les jugemens temeraires _, quin'ont d'autre fondement quelapaf- Jlon ou la malignite naturelle 3 aujji ne. nous oblige-t-elle pas d nous houcher les yeux & a nous aveugler jufqu'au point de voir & d'honorer des vertus} ou il n'en paroit pas la moindre trace. Apres cela , le Jefuite en fureur fe dechalnant contre celui, dont il vienc de dire qu'il ne vouloit pas troubler les (11) Davr.M&n. chr. T. 3. p. 4H- |
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II. Part ie. Liy. X. 273______
cendres ni le dicrier_, le reprefente com- 1£94.
me un homme retranche de l'Eglife par fon n'opiniatrete a defendre Ferreur. Ce n'efi point precifement L'erreur, dit- il, (iz) , qui nous retranche de fon corps, c'ejl I'opiniatrete _, mais malheu~ reufement il n'y a point eu d'homtne plus opiniatre ni plus attachi a fon fens que M. Arnauld. Les Constitutions des Popes , les decifions du corps des Eveques _, le jugement des Univerfitis 3 tout cela n'a pas ete capable de I'ebran- ler. C'eft ainfi que les Jefuites, a l'exemple des Manicheens, comme faint Auguftin le reprochoit a ces he- retiques , chargent leurs adverfaires, & en particulier M. Arnauld, des crimes dont ils font eux-memes cou- pables. Eft-il de corps, eft-il d'he- retiques , contre lefquels les fou- dres de l'Eglife aient ete plus fou- vent lancees que contre la Societe des Jefuites? En eft-il contre lefquels il j ait eu tant de Conftitutions des Papes , tant de decifions , tant de jugemens des Univerfites ? Tout cela a-t-il ete capable de les ebran- ler ? Les Jefuites fe jouent des foudres & des anathemes dont l'E- glife ne cefTe de frapper leurs er- (11) Ibid. p. 41J.
M v
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174 HlSTOIRE DE POR.T-R.OlAt.
J4. reurs depuis qu'ils exiftent j 8c lis
continuent de les enfeigner. C'eft la le crime de la Societe ; c'eft celui dont le P. Davrigni accufe M. Arnauld. Dites-nous done , infenjes & avert-
gles que vous ites ( c'eft au Pere Da- vrigni 8c a toute fa Compagnie dont il eft Porgane , que noas adreflbns ces paroles de Notre-Seigneur aux Pharifiens , (* ) fluid & ccsci ) : Quel- les font les Confiitutions des Popes & les decifions du corps des Pajleurs, auxquels M. Arnauld a refifte opi- niatrement ? Eft-ce parcequ'il a te- moigne du doute fur un faitdouteux, 8c qu'il n'a pas cru que PEglife fiit infaillible dans la decifion d'un fait non revele ? Mais c'eft la la creance de PEglife, atteftee par les plus favans Jefuites memes, tels que Bellarmin, Sirmond, Petau , & confirmee par dix-neuf Evcques de France. II ned bien mal aux Jefuites d'accufer quel- qu'un de refifter aux Conftitutions des Papes, eux qui depuis 200 ans fe jouent & font meme gloire de fe jouer des decifions fans nombre , qui frap- pent letirs erreurs d'anathemes (**). (*J Math. 13. 17. a un Religieux, qui oc-
• {**)Un Jefuite (quieft cupe une place diftinguee
aujourd'hui hois de la dans fon corps, lui die
Socie te ) parlanr un jour que les Janfcriiftes n'y'en-
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II. Par tie. Liv. X. 275
Combien de jugemens des Papes re- kJoa,
cus par toute l'Eglife fans aucune re- clamation ; combien de cenfures d'una multitude d'Eveques; combien de jugemens des Univerfites contre les infames Cafuiftes de la Societe, 8c contre les maximes horribles qu'ils ont enfeignees, & que les Jefuitesne eeffeiit d'enfeigner en refiftant opi- niarrement a T'autorite legitime qui les a profcrite ! Quels font les articles ejjentiels fur
lefquels M. Arnauld a eu le malheur de s'ecaner de la foi ? Eft-ce parcequ'ii a fait revivre par le livre de la fre~ quente Communion , les verites les plus cures , les regies les plus faintes de la morale chrecienne; qu'il a mis dans un grand jour les difpofitions neceifaires que Ton doit apporter aux Sacremens de Penitence & de l'Eu- chariftie , de l'ufage defquels depend le falut de la plupart des chretiens ? Mais fi c'eft la le crime de M. Ar- nauld , c'eft celui de plus de rrenre Prelats recommandables par leur fcience & leur piece, & dont quel- tendoient rierr, en s'ele- foudres lancees que con*
vane contre !a Bulle •, tt'eux, fnais jamais pei>
qu'ils devroient faire com- fonne ne s'en eft tnieux
me les Jcfuites j car dic-il, joue.
jamais U a'y a. eu taw de M vrj;
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Xj6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
1694. ques-uns fontmortsen odeur defain-
tete. C'eft celui de plus de vingt Doc- teurs, qui ont approuve cet Ouvra- ge. C'eft celui de Rome , du Pape 8c des Cardinaux qui n'y ont rien trouve de reprehenlible. Eft-ce parcequ'il a defendu avec vigueur dans fon Apo- logie des faints Peres, les verites de la grace & de la predeftination contre les nouveaux difciples de Pelage ? Dites nous , infenfes & aveugles j
quels font les jugemens des Univerji- th qui n'ont pas ete capables d'ebran- ler M. Arnauld. Eft-ce parcequ'il a ete cenfure par quelques Docieurs, pour avoir parle comme faint Chry- foftome & faint Auguftin ? Si c'eft la fon crime & la preuve de fon opi- niatrete, c'eft le crime de deux grands Dodeurs de PEglife , c'eft celui de la plus faine partie de la Faculte de Theologie j c'eft celui de l'Archeve- que de Paris , de plufieurs autres Pre- lats du nombre defquels etoit le faint Eveque de Chalons fur Marne, M-. Vialart, & d'un grand nombre de Dofteurs qui ont ete exclus de Sor- bonne comme M. Arnauld. Quels font done les articles ejfen-
tiels y fur lefquels M. Arnauld a eu lemalheurde s'ecarter'i Eft-ce parce- |
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II. P A R T I E. LlV. X. tff
qu'il a attaque avec tant de force & '
renverfe avec tant de fucces les er- reurs des Calviniftes & les impietes de leur morale ? Eft-ce parcequ'il a refute les calomnies & les erreurs du Docleur Mallet, qui avoit attaque la traduction du nouveau Teftament de Mons ? Eft ce parcequ'il a decou- vert & denonce a l'Eglife l'herefie du peche Philofophique enfeignee par plufieurs Profeffeurs de la SocieLe ? Voila fans doute aux yeux des Jefui- tes le grand crime de M. Arnauld. Voila ce qui leur fait dire que leur pretendue charite ne les oblige fas a fe toucher les yeux, & a s'aveugler jufqu'au point de voir & d'honorer des vertus ok il n'en paroit pas la moin- dre trace auxyeux des Jefuites } quoi- que tous les gens de biens y voient les vertus les plus grandes & les plus heroi'ques. Infenfes & aveugtes que vous etes x
vous convenez que la charite1 vous in- terdit les jugemens temiraires qui n'ont di autre fondement que la pajjion & la malignite1 naturelle ; & apres cela vous etes affez injufte , aftez pafllonne pour fugerqtfif n'y a aucune trace devertu dans un homme, auquel les Papes , les Cardinaux, les Eveques, les Sa- |
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IjS HlSTOIRE DE PoRT-ROlAX,
vans, les Princes (i 3), les Docteurs
ont donne a l'envi ties marques de leur eftime & de leur amitie , qu'ils ont comble^ d'^loges & confulte com- me un oracle. Telle eft la charite d'un Jefuite. Elle voir le vice oii il n'ell pas ; & elle ne voitpas la tnoik- dre trace de verms , on rout eft vertu. Eft-ce la la charite de PEvangile ? Eft-ce celle que preche faint Paul, qui ne croit pas le mal, non cogitat ma- lum ? non fans doute ; mais c'eft celle duP. Davrigni. Ouvrez lesyeux , infenfes & aveu-
gles, & vous verrez les preuves de ce que j'avance , dans les approbations de vingt-fept Evcqnes & de vingt Docteurs, qui font a la tete de la perpetuite de la foi ; & dans les let- ties de M. Arnauld. II y auroit, comme l'a deja remarque PAuteur de Phiftoire abregee de la vie de ce grand |
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33 tete, dans un age oil
33 il devroit rccevoir dans a) le fein de fa pattic , 33 au milieu de fes pro ■ 33 ches & de fes amis, le j> fruit de fes grands na- 33 Vaux «. Ceil ce que M. Favoriti , confident d'lnnoceht XI , ecrivit a M. Arnauld lui-memc dc lapattde fa.SaiatetS.. |
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(ii) >; 11 faudroit etre
n infen'ible , difoic Jac- » ques II Roi d'Angle- j> terre, pour n'etre pas 33 roucbe jufqu'aux !ar y, nies en volant un hora- jj rile (1 cheir A 1'Eglife 33 pour foil eloquence , » pour foil erudition & i> pour fa pi6te , dC'chire 35 par la calomnie &c lie » fivdir ou regofef f* |
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II. P ARTIE. LlV. X. 279
homme , de quoi faire un Concile 165)4..
de plus de cent Eveques , de deux cent Dodteurs , de plufieurs Cardi- naux, a la tete defquels on pourroit mettre cinq ou fix Papes, fi 1'on vou- loit reunir enfemble ceux- qui en di£- rerentes rencontres , ont temoigne etre fatisfaits de la dodtrine de M. Arnauld, & lui ont donne leur ap- probation en le comblant d'cloges. On voit en particulier l'ertime que faifoit de lui le Pape Innocent XI dans la lettre qu'il lui fit ecfire par le Car- dinal Cibo fon neveu, avec cctte adrefTe : Perillujlri & admodum re- verendo Antonio Arnaldo Doctor! Sor- bonico : du tres tllujlre & tris vene- rable Antoine Arnauld Docteur de Sorbonne Ce tncme Pape avoit def- fein cle faire M. Arnauld Cardinal. Cell lui qui avoit donne la permif- fion a ce Dodteur perfecute, pendant tout le tems de fa vie cachee, de dire la Meile dans fa chambre. Ce- pendant, fi Ton en croit le P. Da- vrigni , il faudroit fe boucher les yeux & s'aveugler } pour voir la mom- dre trace de vertus dans ce grand homme. Etrange aveuglement ! ErF- il ailleurs que dans la Societe. Parmi le grand nombre d'epita.-
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l8o HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
1694. phes faites en l'honneur de M. Ar-
ix. nauld, nous nous contenterons de Epitaphe'de rapp0rter la fuivante , qui eft duce- ' lebre Boileau Defpreaux (14). Au pied de cet Autel, de ftruclure groffiere
Git fans pompe, enferme dansune vile bierre, Le plus favant mortel, qui ait jamais ecrit , Arnauld , qui fur la grace inftruit par Jefus- Chrift,
Combattant pour l'Eglife , a dans l'Eglife meme
SoufFert plus d'un outrage , 8c plus d'un ana- theme. Plein du feu qu'en fon coeur foufla l'efprk divin,
II terraffa Pelage , il foudro'fa Calvin, De tous les fauxDocteurs confondit la morale. Pour tout fruit de fon fcele, on l'a vu rebute", En cent lieux opprtme par la noire cabale j Il fut errant, banni, trahi, perfecute ; Et meme apres fa mort, leur fureur mal eteinte —N'auroit jamais laifle fes cendres en repos , Si Dieu luimeme ici de fon ouaille fainte A ces loups devorans n'avoit cache les os^ M. Arnauld a laifTe deux teftamens.
Dans le premier , qui eft un tefta- ment fpirituel, il repand fon coeut devant Dieu, & rend comme . un (i4> On fait combien dont H a patle dans ccs
■ Me celebre Poete etoic lie termts, qui font autant
avec Meflieurs de P. R. d'honneut au Poete lui-
fur tout avecM. Arnauld nicme qu'a M. ArnauU.
, Arnauld, le grand Arnauld , fit ir.on apologies
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II. Partie. Liv. X. 281 ________
compte a la divine Majefte de fes kJ^.
fentimens, de fes ecrits, de fes dif- pofitions & des motifs qu'il a eus, foit dans les principales a&ions de fa vie , foit dans fes ecrits. Dans le fe- cond, il difpofe dupeude bien qu'il avoit. II y conftitueMadame de Font- pertuis fon executrice teftamentaire & fa legataire univerfelle , apres la levee des legs particuliers fairs en fa- veur de dirTerenres perfonnes. II le- gue45o liv.de pennon & fes meubles a M. Guelphe (15), qui depuis en- viron 20 ans lui fervoit de Secretaire. |
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ainfi , adreflant la parole
a Meflieurs de Notre- Eame : J'aime mieux plaire a Dieu quaux hom- » mcs. Quoiqueplufleurs » de vous , Meflieurs , 33 m'aient temoigne de 33 1'amitie , &c qu'ils 33 m'aient amjre qu'ils » me la continueroienc 3) toujours, fi je fignois; 33 qu on me gratifieroit 33 au premier benefice va- 33 cant dans votre Eglife, 33 qu'il n'y auroit que 33 moi prefentement 3 33 quionpoutroir le don- as ner, que jc perdrois ma 33 fortune (i je ne le fai- 33 fois; neanmoins tou- 33 tesces belles chofes U, » par la mifericorde de 33 Dieu , ne m'ont point 33 affbibli 6c n'ont pu me » faire changer de- r6fo- |
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(if) Francois ( ou plu-
tot Leonard ) Guelphe , ne a Beauvais, fut dans fa jeunefle Enfant de choeur a Notre - Dame de Paris; ce qui lui pro- cura une place au College de Fortet pour y faire fes etudes. M. de Perefixe ai'ant publie en \66\ un Mandement pour faire figner le Formulaire, dont on etendit la fignature jufqu'aux enfans, le jeune Guelphe le refufa conf- tamment, & fut meme maltraite pour ce fujet par le Principal du Colle- ge nomme Turpin. Le jeu- ne homme alors age de 15 ou 1* ans fit une relation de ces mauvais traite- mens, qui eft pleine de bon fens , de modeftie & de religion, II la termina |
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l8i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,
165)4. Les autres legs connftent en livres &
tableaux , qu'il donne a M, Erneffc Ruth-d'Ans (16) , a Madame la Mar- quife de Rouci fa ce-efme , aa fils aine de M. du Fofle de Borrogei". II |
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y> Iution. Car je me per-
33 fuade qu'il ne faut 33 qu'une bonne aftion j> dans la vie , pour erre 3) fouvent la canfe & le 33 principe de notre fa- 33 lut; & que fi Dieu -ne 3> fait la grace d'aban- 3) donner une bourfe lie 3) le peu que je puis pof- n feder au monde , plu- 3) tor que de rien faiie 33 contre fts commsnde- » mens, cela fervira- a 3a me purifier devantDieu 3> de routes mes fames; 3> & que-fi-faiere oppri- 33 me" par les injures & 3) les violences d'tm Pre- 33 tte, en confervant pour 33 lui le refpeft que je 3> dois a fon miniftereic » une fincere dileflion, 33 fans troubler la chaii- j3 te pour toutes les in- 33 jures qu'il m'a fakes, 33 elles contribueront 33 beaucoup a mon fahit 33 & a mon repos eternel. . Le jeune Guelpbe obli- ge de fortir du College de Fortet, fut place au- pres de MM. Arnauld & Nicole qui etoienr alors chczMadame de ILongua- Ti'le* Son emploi aupres de ces deux grands hom- ines fut de tranferire leuis |
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ouvrsger. \\ accempa-
gna dans la fuite M. Ar- nauld dans fes differentes letraircs , & ne le quitta puint, iinon qu'il revint en France en i«S? pour folliciter un proces.. Il penfa y erre arrete mal- grc la parole que M. de Harhi lui avoir donnee qu'il y feroit en furete. Mais on fait que ce Prelat etoit efclave de toute au- tre chofe que de fa paro- le. M. Guelpbe a'iant e- chapp* aux Exempts, alia rejoiudre M. Arnauld, & nerevinten France qu'a- pres la mort de ce grand homme, pour accompa- gner M. Ruth-d'Ans, qui. appottoit fon cccur & P.R. des_ Champs. Il refta a Paris > 011 il demeura in- connu , fous le nom de M. Franijois. Il y eft more age deyo ans le 17 juillec 171a, dans la cour ex- terieure des Becedicrines de la Ville-l'Eveque. Sort corps repofe dans leut Eglife. Hift. de la dern. perfec. T. t. p. 5*9. (is) Chanoine de Ste>
Guiulle de Bruxclles, mort le '14 fevrier 1718 , apres une perfection dc plusde jo ans. |
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II. P A R T I E. LlV. X. lS$
marque dans fon teftament, qu'il veut i 694.
etre enterre a P. R., s'il meurt dans le Roiaume 5 & s'il meurt en pais etranger, il veut que fon cceur foit apporte dans ce faint monaftere. Sa volonte fut executee. Le caeur de M. Arnauld fut appor- x.
re a P. R. le mardi 9 de novembre f^"/ par M. Erneft , qui eroir accompagne R. de M. des Efforts & de M. Guelphe, les compagnons de la retraite de cet illuftre exile , & de Madame de Fontpertuis executrice teftamentaire. M. Erneft fir en prefenrant le cceur , devant les religieufes, qui toutes avoient un cierge a la main, un dif- cours auquel M. Euftace repondit (17), apres quoi on pafla le cceur par la grille. Le lendemain M. Erneft fit la ceremonie de Penterrement. Ce precieux cceur fut depofe devant l'au- ti\ des Saintes Reliques, au bas de celui de M. Singlin, vis-a-vis le corps de M.de Saci. On mit danslafuiteune pierre fepulcrale fur laquelle etoient graves les beaux vers que Santeuil avoir fairs fur ce fujet. Mais ces vers occafionnerenr une fcene facheufe pour le Poere, dans le detail de la- (17) Votes ces deux Difcours, T. j.desM^nv
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284 HlSTOIRE DE PoRf-RdlAL.'
1694. <lue^e nous ne pouvons pas entrer.
Nous dirons feulement que les Jefui- tes, qui , fi on les en croit, ne cher~ cheat pas a decrier les nwrts, & ne penfent pas a troubler leurs cendres 3 pourfuivirent jufques dans le tombeaa le grand homme qu'ils n'avoient cerTe de perfecuter pendant toute fa vie, & ne pouvant fouffrir ce bel eloge , ils exciterent une violence tempete contre l'Auteur. Le lache Santeuil, effraie de Forage , eut la foiblerTe de chanter la palinodie , & fe couvrit d'opprobre, en defavonant des vers qui lui faifoient honneur , & dont il etoit reellement Auteur. II eut ce- pendant dans la fuite du regret de fa lachete. xi. La mort de M. Arnauld avoit etc s*f' Ffeydcaru' ptecedee de qnelques jours de celle
verms.' d'un grand ferviteur de Dieu , dont la vie n'avoit pas moins ete eprou- vee que la fienne ; & qui s'eft rendu recommandable par fon zele pour la verite , fes travaux vraiement apofto- liques , & fon attachement a la fainte maifon de P. R. Nous parlons de M« Mathieu Feydeau, Dodeur de Sor- bonne, ne a Paris l'an 1616 d'une fa- mille illaftre dans l'Eglife & dans la Robe. 11 avoit re§u un talent parti- |
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II. Partie. Liy. X. 2S5
ciilier pour inftruire & conduire les j 7T7
ames a Dieu. II le fie valoir en dif- ferens endroits, ou la providence Tap- pella au miniftere : 1 °. a Sens, ou M. Octave de Bellegarde Ie fit venir en 164 5 pour faire des conferences aux Ordinans pendant leur retraite de quinze jours-. 20. A Belleville pres de Paris, ou fa reputation attira bien- totaupres delui plufieurs Ecclefiafti- ques , avec lefquels il vecut en com- mun; & ou M. du Hamel Cure de S. Merri, & M. Gillot, Docleur de Sor- bonne lui envoi'oient des etudians en Philofophie & en Theologie pour prendre fes avis & faire des retraites fouslui(18).3p. AParisdans laParoif- fede S.Merri, oii il futchargedu cathe- chifme fonde par le President Henne- quin, &le fit avec un applaudifiement &c un concours de monde extraordi- naire. 40. A Melun , ou il fe chargea de la dire&ion des Urfulines. C'eftici que commencerent les epreuves de M. Feydeau , quirecutaumois de juillet 16j 7 une lettre de cachet qui l'exi- (18) Ce fut pour ces des Conciles & des faints
jeunes gens que M. Fey- Peres. Cec ouvrage con-
deau compofa fes Midi- tribua bcaucoup i lacon-
tations fur Us principals ver/ion du grand Prince.
obligations du chretien , de Conri.
tirfesde I'Ecriture fainte |
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lS<J HlSTQIRE DE PoRT-ROlAI.
loit a Cahors. ( L'annee precedents
il avoir ete exclus de Sorbonne, pour le refus d'adherer a l'injufte condam- nation de M. Arnauld). 50. Dans le Diocefe d'Aleth, ou il remplit la Theologale de S. Pol de Fenouille- des depuis le Z4 decembre 166$ juf- 2u'a la fin de l'an i<J68.- <J°.Dansle
Hocefe de Chalons-fur-Marne , ou il gouverna avec des peines incroia- bles & des vexations fans nombre la Cure de Virri - le - Francois depuis 166<) jufqu'en 1676, que n'etant point foutenu par fon Eveque, comme il l'auroir fouhaite , il quitta au grand regret de tous les gens de bien. 7°. Dans le Diocefe de Beauvais, 011 M. de Buzenval lui donna l'an 1677 la Theologale de fon Eglife , qu'il rem- plit a peine un an , ai'ant recu une lettre de cachet, qui l'exiloit a Bour- ges. Cinq ans apres il fut transfere par une nouvelle lettre de cachet a Annonay , petite ville du Vivares , 011 il fe fit tellement aimer & confi- derer , que les nouveaux convertis , qui demeuroient interieurement at- taches a leurs erreurs , deputerent en Cour pour ofFrir de batir & de doter une Eglife, & de fe r^unir fincerement a l'Eglife catholique} fi on leur vou- |
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- IL Par tie. Liv. X. zBj
loit donner M. Feydeau pour Cure ; i gy^, propofition qui ne fut point acceptee. Mais ce refpe&able Pretre demeura dans cette terre etrangere jufqu'au 24 juillet 1694 j <Iue Dxeu le delivra de fon double exil par une more aufll fainte que 1'avoit ete fa vie. Voici de quelle maniere en parle M. Flambart, ecrivant a un ami (19). » Mon tres » cher Monfieur & pere, e'eft un or- » phelin qui fe jetre entre vos bras, » vous conjurant de lui fervir de » pere. II perdit le fien il y a aujour- » d'hui liuit jours. II eft mort com- » me il a vecu dans une paix fi gran- » de, qu'il fembloit qu'il allat en- s' rrer en paradis,ou qu'il voi'oit les » Cieux ouverts. Ilyavoit les yeux » prefque toujours fixes. II n'a point » manque de dire fon Office jufqu'au " jour qu'il eft mort, quoiqu'il eut » une fievre continue & une cruelle " diarree pendant fix jours; il n'en a » ete que deux Sc demi au lit. ..., » Je ne doute point qu'il ne foit dans » le roi'aume des Cieux , car ilafait » ce qu'il a enfeigne aux autres. II a " vecu dans la penitence.....II a
» cherche a fe mortifier en routes
" chofes jufqu'a la derniere maladie » U?) Letc. du 31 ju.il, Viesedif. T. i.p. 148.
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2.88 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» qu'il fe privoit de tout ce qu'il
» pouvoit. II me rebuta une fois que » je lui donnois un peu de reftau- » rant, & il me dit: Cela s'accom- » mode-t-il avec la penitence ? Et crai- » gnant d'etre trop a l'aife dans fon lit, » il fe levoit malgre nous , & fe te- » noit aflls fur le bois du lit, les pieds » nus a terre. S'il n'avoit apprehende » le murmure, il fe feroit etendu » fur le plancher pour y mourir. II » a recu les Sacremens avec tant de >> piete & d'humilite , qu'il a tire les s> larmes des affiftans. » Avant que de recevoir le Saint
» Viatique, il fit fa profeflion de foi, » & declara en particulier que fur la » matiere de la grace il n'avoit fui- " vi que les decifions de l'Eglife 8c » les fentimens des Peres, fur-tout » de faint Auguftin «. II fut enteric dans l'Eglife des Celeftins de Colom- bieres. » Ces bons Religieux qui l'ai- » merent durant fa vie, dit la lettre, » l'aimerentjufqu'alamort, &voulu- » rent avoir fon corps , quoiqu'il eiit >j choifi fa fepulture dans la Paroif- » fe«. Ilyeut deux fort beaux dif- cours , l'un fait par le Cure , en pre- fentantle corps fe z 5 juilletjl'autre par le Souprieur des Celeftins en le rece- yant, Au |
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II. Par tie. Liv. X. %%9
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Au mois d'o&obre de cette annee, j £*,
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M. de la Gran
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■»
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e Superieur de P. R. xn.
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aiant ete nomme Ala Cure de Vil- ^Zlf '
Hers-le Bel, la communaute fe trou- pour lcchoi* va dans l'embarras pour le choix d'un ^"^ Supc" fucceflfeur. L'Abbeffe en ecrivit a M. l'Archeveque , qui temoigna a M. l'Hermite,Tun des Eccleiiaftiques de P. R. porteur de la lettre, qu'il etoit difpofe d'accorder la pcrfonne qu'on propoferoit. En confequence les reli- gieufes delibererent fur ce fujer, &: lui propoferent le 3 novembre M. du Tronchet Chanoine de la Sainte-Cha- pelle, qu'elles ne connoifloient point, mais dont on leur avoit dit beaucoup de bien. M. de Harlai, ne le con- noiflant point non plus ,■ chargea M. l'Hermite de dire qu'il s'informeroit' du fujet qu'on propofoit, & feroit reponfe. La reponfe ne venant point, M. Racine neveu de I'Abbefle alia trouver le Prelat a Verfailles, & man- da le u novembre a. fa tante , que l'Archeveque lui avoit dit qu'il falloit voir fi M. du Tronchet leur conve- noit y qu'il lui avoit fait entendre qu'il en avoit parle au Roi j qu'il s'etoit fort etendu fur les louanges des reli- gieufes , temoignant qu'on ne pou- voit pas etre plus fatisfait de leur Tome Fill. N |
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190 HlSTOIRE DE P0R.T-R.01AI.
i694. conduite qu'il l'etoit, & qu'il en avoit
meme plufieurs fois afliire S. M. M. Racine ajoutoit, qu'il avoit fait fbn poffible pour tirer une reponfe pofirive du Prelat j mais qu'il avoit perfifte a Iui dire que rien ne preflbit, & que la chofe meritoit un peu de reflexion. Enfin il finifToit fa lettre en difant, qu'il ne lui avoit j7a.ru tn lui auatne mauvaife intention. Quelques jours apres , M. l'Abbe
Dongois, Chanoine de la Sainte Cha- pelle, etant alle voir M. l'Archeve- que , celui-ci lui demanda confidem- ment ce qu'il penfoit de M. du Tron- chet fon confrere. M. Dongois lui en ai'ant dit beaucoup de bien , le Pre- lat lui raconta le deflein qu'avoie'nt les religieufes de P. R. de le choifir pour leur Superieur , 8c lui dit qu'il n'avoit aucun eloignement pour cela, quoiqu'il n'ignorat pas que M. du Tronchet hoiz etroitement lie avec M. de Tillemont. M. Dongois repon- dit qu'il ne pouvoit choifir un nieil- leur fujet, mais qu'il doutoit que M. du Tronchet l'acceptatj fur quoi le Prelat dit qu'il etoit difpofe a accor- der tel autre que les religieufes de- manderoient, pourvii que ce ne fiit ms un homme de cabale & d'intri- |
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II. P A R T I E. 1.1V. X. 29I
gue. M. l'Archeveque permit a M. l g0 ~ x
Dongois de faire part a Monileur Ra- cine ae la conversation qu'il avoir eue avec lui. Ce qu'il fit, & M. Racine en informa l'Abbefle par une lettre du 29 novembre, dans laquelle il lui marquoit que M. du Tronchet etoit refolu de ne point accepter. En con- fcquence il lui en nommoit plufieurs autres, parmi lefquels elles pouvoient choifir j favoir M. de la Barde , Ar- chidiacre de Paris; M. le Cure de S. Severin , M. le Cure de S. Merri, ce- lui de S. Laurent. M. Racine offroit d'en parler a M. l'Archeveque , lorf- qu'il fauroit les intentions de la com- munaute. L'Abbefle ai'ant appris la refolutian Jem.
de M. duTroncher, refolut de deman- f r??T der, avec l'avis de la communaute , dcntM deia M. de la Barde , & I fon refus , M. ^J.01* Carron Cure de S. Pierre aux Bceufsjr M. Racine propofa le premier a lAr- cheveque qui applaudit au choix , & dit qu'il le prieroir, & meme qu'il l'obligeroit djaccepter. M. Racine ai'ant ajoute qu'il avoit auffi ordre de prefenter M. le Carron , le Prelattc- moigna qu'il lui etoit agreable. L'Ab- befle etant informee de cette negocia- tion,ecrivitaM.deParis,pourleremer- Nij
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Z()l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
cier de ce qu'il Ieur avoit accorde
M. de la Barde pour Superieur , 8c elle le prioit de vouloir bien em- ployer fon autorire pour l'engager a accepter. Elle ecrivit auffi le meme jour a M. de la Barde , le priant au nom de la communaute de ne point refufer a cette petite portion du trou- f>eau de Jefus-Chrift la charite qu'elle
ui demandoit avec route l'inftance poffible(2o). Le refte de l'annee & les deux pre-
miers mois de la fuivante fe paffe- rent fans recevoir de reponfe , ni de M. de la Barde, ni de M. l'Archeve- que. Le premier , fans refufer abfo- luinent , fe contenta d'alleguer aux perfonnes qui lui en parlerent dela part des religieafes, ion age 8c fes infirmites , & de remettre la decifion a une entrevue avec M. l'Archeve- que : 8c celui - ci de fon cote fe rer tranchoir a dire , qu'il falloit qu'il vit M. de la Barde, pour pouvoir fio) M. de la Grange mees fur fon compre j 8c
louedansunelettre al'Ab- Madame de Roucy mau-
belTe de P, R. le choix da * la fccur de Ste The-
3u'elles avoient fair de M. refe , qu'elle [avoit ct'orh
e la Barde , qu'il dit ginal que M. de la Barde
etreunhomme d'un rare au ellesavoientchoifipour
merite. Cependanr il pa- Superieur, etoit tres op-
roir que les religieufes de poje a tout ce qui avoit
P. R, Stoient jnaljnfoi- rapportd Uitr wfon.
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tl pAft.Tt«. Liv. % ±9}
decider. Ef faute de cette entrevue,
tout refta indecis, corame s'il leur eut fallu faire deux ou trois cents lieues pour fe joindre 8c s'entretenir. Les religieufes demeurerent dans
cet etat, fans favoir de nouvelles , jufqu'au neuvieme de mars , que M. le Noir leur manda ce qui s'etoit pafle a Verfailles entre M. l'Archeveque &c M. Racine. Le Prelat dit a M. Ra- cine que M. de la Barde refufoit j a quoi M. Racine repondit qu'il lui avoit propofe M. Carron Cure de S. Pierre aux Bceufs, & qu'il 1'avoit eu pour agreable. Mais l'Archeveque changea de langage; puis il lui dit de s'adrefler au Roi pour lui deman- der un Superieur ; M. Racine fit fen- tir au Prelat qu'il ne lui convenoit pas de faire cette demande, & que s'il la faifoit, il s'expoferoit a la rail- lerie du Roi, qui lui demanderoit, depuis quand il etoit devenu Direcleur des religieufes. Lorfque M. Racine parla a M. l'Archeveque, il y avoit plufieurs perfonnes dans la chambre, entr'autres M. de SoifTons , qui ai'ant vii M. Racine parler avec chaleur, lui en demanda le fujet. M. Racine le lui ai'ant dit, l'Eveque de SoifTons repliqua en ces termes, d'autanr plus |
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194 HlSTOlRI DE PoRT-ROlAt.
I ga e, remarquables, que l'evenement les ju£-
tifia ; aie^patience, lui dit-il, tie vous prejfe\ point; «e voie^-vous pas bien la more peinte fur/on vifage ? Les reli- gieufes fuivirent ce confeil & demeu- rerent tranquilles. xiv. La mort de M. de Paris fuivit de i$&£ Ar'-P"? cette efpece de prediction ; ce
cheveque de Prelat ai'ant ete frappe le 6 aout Paw, (&91 d'une apoplexie foudroi'ante , qui i'emporta fans qu'on put lui don-
ner aucun fecours, ni pour le corps ni pour l'ame. Car il mourut fans connoiflance , fans Pretre , fans Sacremens , fans aucune affiftance que de fes gens , de Madame de Lefdiguieres &c de Madame fa nie- ce. Une fi trifle fin donna matiere a
beaucoup de difcours 6c de reflexions. II y en eut qui remarquant que la mort.du Prelat etoit arrivee le meme jour (6 aout) que la mere Angelique etoit morte en \66i , dirent que cette fainte Abbefle l'avoit cite au tribu- nal de Dieu au moment qu'il s'etoit propofe de renverfer la maifon ou elle avoit etabli la reforme. Ce qui .eft certain , e'eft que la deftrucTrion de P. R. des Champs etoit arretee , comme on le verra , & les mefures |
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II. Part ie. Liv. X. 295
prifes pour 1'execution , lorfque la j^,
mort enleva M. de Harlai. On voir, dans quelques Ecrits , qu'il ne fe trouva perfonne parmi les Eveques qui voulut faire une Oraifon funebre pour lui (n). M. de Noyon, a qui on le propofa , eluda la propofition. Un autre repondit fechement que deux chofes Ven etrtpechoient ,favie& fa mart. Les Cures de Paris eurent defenfe non-feulement de lui faire une Oraifon funebre , mais meme un Service. C'eft ce que nous apprenons par
une lettre de Madame la Marquife de Rouci a la four Marie-Angelique de Sainte-TIierefe , du 24 aout , oil elle lui marque que MM. les Cures (ill Dans les Memoi- Trevoux, feptembrei?~j*»
res pour fervit a l'hiftoi- page 1185.
Xe de Madame deMain- Heft vtaiqu'on lit, dans te»on , i! eft dit que mil le Proces verbal de l'Af-
Orateur facri ne fe char- femblee du Clerge de 1695,
gea de I'Oraifon funebre page 8 , que l'Oraifon fu-
deM.de Harlai. Le Jour- nebre fut prononcee aux
nalifte de Trevoux s'inf- Auguftins , au Service que
crit en faux contre ce fait, fit faire l'Aflemblce. On
& s'appuie fur les pieces trouve la meme chofe
verbaux du Clerge , dans dans le nova Gallia Chrif-
lefquels on lit, dit-il, liana, Tome 7, p. 187.
3> que l'Eveque de Vabres Le refus que quelques Pre-
33 pronon^a l'eloge fune- lats firent de fe eharget Jfc
33 bre de l'Archeveque en ce Difcours, eft, fans dou-
33 prcfence de l'Aflemblee te , ce qui a fait dire , que
33 meme du Cletgc de mil Orateur facri ne fe
33 France le 1$ feptem- chargea de l'Oraifon fu~
53 bre i«5j «. Journ. de nebre de M. de Harlai,
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N iiij
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X<)6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
~ de Paris aiant refolu de faire tous
enfemble un Service pourM. l'Arche- veque dans l'Eglife de Saint Paul, avoient prie M. de Blampignon de fe charger d'y faire I'Oraifon fune- bre du Prelat \ mais que ce Cute ne voulant pas accepter fans favoir la volonte du Roi , etoit alle a Verfail- les, 8c que le Roi lui avoit fait dire par le Pere de la Chaife (21) , qu'il ne falloit point faire ce Service, ni d'Oraifon funebre. La lettre ajoute ; » que M. de Bontems qui le rencon- m tra, avoit dit a M. de Blampignon, m que l'Archeveque etoit mort bien » a propos pour empecher la ruine w de la maifon de P. R. des Champs, » parcequ'il avoit ete refolu de teu- *» nir les deux maifons en une 5 8c « qu'il n'y auroit eu que celle de Pa- " ris qui eut fubfifte j & que toutes " les religieufes de la maifon des » Champs auroient ete difperfees en " diflerens monafteres , auxquels on " auroit donne de tres modiques pen- " fions; que cela etoit fi bien arrete » & refolu, qu'on alloit travailler " inceffamment a enleve r toutes les (ti) C'eft ainfi que les delicto tombeau , aban-
Jefuites , qui pourfui- donnent leurs amis au/fi vent lews enncmis jufqu'au :6c qu'ils y font. |
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II. Partie. Llv. X. 197
» religieufes «. line falloitpas3 conti- 1695.
nue Madame de Roucy , que ce mift- table homme mouriit plus tard'pour empecher fon detejlable dejfein. Vo'ie^ par-la le foin que Dieu prend de vous proteger. Cela merite de grandes actions de graces. Les religieufes de P. R. de Paris
travailloient de leur cote k la mine de P. R. des Champs. L'etat deplo- rable de leur maifon par la diffipa- tion des biens, depuis l'adminiftra- tion de la fceur Dorothee , fur la- quelle la maledi&ion de Dieu avoic paru vifiblement, portoit ces fillesa* remuer fans cefTe & a faire des efforts * pour depouiller leurs fours. Voici ce que nous en apprenons par une let- tre de M. du Tronchai Secretaire de Monfieur de Tillemont, du premier fevrier mil fix cent quatre - vingt- quinze, a la mere de Sainte - Thecle Racine. xv_ » En allant voir ma four a P. R. Mauvais
» de Paris, dit-il, le jour de l'Epi-r^gkufes4* » phanie , je trouvai qu'on venoitp-R- de Pa; » d'enterrer l'Abbeffe (13)'. Je re-«n'es c°s"e' » commandai x. ma four d'obferver p- R- ** ■ c ir" o Champs.-
« tout ce qui le pafleroit,'. & tout ce
(13) ta-mere Elifabeth Marguerite de Hatila,,
inone.Ie.41 Janvier !<*<>$,* Kir
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Zp8 HlSTOIRE DE PORT-ROlAt;
» qui fe diroit, qui pourroir vous:.
» regarder, & de me le mander. Elle. » m'ecrivit il y a huit qu dix jours , 3) que la communaute de P. R. de « Paris remuoit & parloit plus que » jamais de demander aux Puiflan- « ces que vous leur cedaffiez encore. » de votre bien -y de quoi la feue Ab- « befTe ne. s'etoit point voulu meler,. » parceque , comme on me l'a dit ,. » elle n'avoit pas vu M. de Paris dif- « pofe a recevoir cette proposition. " & aagir en confequence fa-4% Elles. 5> ont, continue. M. duTronchai,. " pour Abbefle la niece (15) de. la « defunte, dont je ne fais point ce 3> qu'on peut efperer ni eraindre. Ce « qui eft certain j c'eft que la maifon » eft ruinee & ne fubfifte que par les » penfionnaires, qui ruinentde fond m en comble le fpirituel, en differ " rant un peu la mine entiere du » temporel. Les raifons fur lefquelles » elles fondent leurs pretentions,. (14) M. de Harlai a- i6«9, lorfqu'iine mott
voit change de difpofi- fubite rompit tous fts
tion. depuis, puifqu'il e- defleins.
toit fur le point de ruiner (15) Marie Anne de ift rnaifon. des Champs, Harlai, qui etoit Prieuro>
foit, en: difperfani routes de Saint-Auhin pixs,de.
les. religie.ufes,. foit en Gournay, & que l'Arche-
revenant contre le par- veque fon oncle avoit fails
wge- des, Jjiens. fajt, en aconmer,
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M.......:"
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II. Partie. L'iv. X. 19 9
» font , comme ma fceur me le mar- 16y » que, que la part du bien qu'elles » ont eue n'etoit pas fi bien emplacee » que la votre,d'un revenu ni fi Son ni » ft durable j qu'elles n'avoient pref- » que que des maifons , qui font d'un » grand entretien & d'un petit reve- » nu , qui diminue encore tous les- » jours j qu'enfin votre communaute " eft beaucoup diminuee, qu'il n'y a « plus que peu de religieufes dans " votre maifon , & que pour elles , » elles font en grand n ombre prefen- " tement. De femblables raifons ne ■» feront jamais recues par qui que ce » foit qui ait encore de l'equite j & » eependant je connois des perfon-. " nes de consideration, qui croient » que ces religieufes feront revues a " un nouveau partage. Je ne puis me " le perfuader , & je prie Dieu que ». je ne fois pas trompe «. Tout paroiftbit annoncer la ruine
de P. R. des Champs : ce n'etoit pas un myftere; le bruit en etoit public, on en eut encore de nouvelles preuves apres la mort de eelui, qui devoit employer toute fon autorite 8c tout fon credit pour l'executipn de ce fu- nefte deftein. Mais le moment de cet horrible fcandale n'etoit point encore |
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_________ 3 00 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i<jpj, arrive: ce fut, qui I'aufoit cm ! fous
le fuccefleur de M. de Harlai que Dieu permit qu'il arrivar. Mais ne prevenons pas les temps; 8c detour- nons plutot nos yeux d'un fi trifle ob- jet. xvi. M. deNoaillesEvequedeChalons-- j«'fuccede 'i fur-Marne, fut choifi par leRoi, le
M. de Har- 1Q d'aout, pour fucceder a M. de. Harlai. Tout le monde applaudit a ce choix, 8c concur les plus flatteufes efperances, fur-tout les petfonnes bien intentionnees pour P. K, des Champs. Madame de Rouci ecrivant a la fceur Marie de S£e Therefe , lui en parloit ainfi : » Dieu merci , nous avons un « digne Archeveque, 8c on a tout lieu * d'efperer qu'il fe conduira en vrai » Pafteur«.Les religieufes de P.R. des Champs fe nouriflbient encore plus qu'aucunes autres de l'efperance de mener une vie tranquille, 8c de fervir Dieu dans la paix fous le fage gouver- nement du nouvel Archeveque. M. Racine lui rendit vifite &c lui prefenta . les refpects de route la communaute. Le meme jour 30 aout, il ecrivit la lettre fuivante a fa refpedtable tanre, pour liii en rendre compte. » J'ai eu l'honneur de voir, ma
» tr.es, chere tante, M. r Archeveque |
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II. Parti e. Liv. X. ;o i
» de Paris, & de I'afliirer de vos tres 169 5.
» humbles refpe&s & de ceux de vo- xvn. • c T 1 • • J ■ * Letrre cle M-
» tre maiion. Je lui ai cut meme rou- Racine i
» tes les actions de graces que vous PAbbdfe de
» aviez rendues a Lheu , pour avoir K,
" donne a fort Eglife un Prelat felon
» fon cceur. II a recu tout cela avet
» une bonte extraordinaire. II m'a
» charge d'affurer votre maifon qu'il
» l'eftimoit tres parti culierement, me*
w repetant plufieurs fois qu'il efpe-
» roit vous en donner des marques.
» dans tout ce qui dependroit de lui.,
» Enfuite je lui ai rendu compte de
" toutes les demarches que vous aviez
» faites aupres de fon predeceffeur
four obtenir de lui un Superieur.
e ne lui ai rien cache de tous les » entretiens que j'avois eus avec lui » fur ce fujet, & du defTein que vous » aviez eu enfin de lui demander » M. le Cure de S. Severin. II me dit » que le choix etoit tres bon , & que » c'etoit un ties vertueux Ecclefiaf- » tique. Je lui ai demande la-defliis » fon confeil, fur la conduite que » vous aviez a tenir en cette occa- » lion ,: & lui ai dit que comme vous " aviez une extreme confiance en fa « juftice & en fa bonte, vous pen- »* fiez: ne: devoir rien faire, fans fon |
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jfoi Histoire'be Port-roiae*.
J 69 5. » avis j que d'ailleurs n'etant pas tout>
» a-fait preifces d'avoir un Supe- » rieur, vous aimeriez bien autant » attendre qu'il efit fes Bulles , s'il n le jugeoit a propos , arm de vous » adrerTer a lui-meme. II m'a repon- » du en fouriant, qu'il eroioit en « effet que vous feriez bien de ne » vous point prefer , & de demeurer » comme vous etiez , en attendant » qu'il put lui - meme fuppleer aux j> befoins de votre maifon. Je lui te- » moignai l'apprehenfion oii vous » etiez, que des perfonnes feculieres n ne prilTent ce tems-ci pour obtenir a des permiflions d'entrer chez vous. » II loua extremement votre fagefle w dans, cette occafion, & m'afliira « qu'il feconderoit de tout fon pou- •» voir votre zele pour la regularite, » laquelle ne s'accordoit pas avec ces » fortes de viiites. Je lui demandai « s'il ne trouveroit pas bon, au cas » qu'on importunac Meflieurs les « Grands-Vicaires pour de fembla^ » bles permiflions , que vous vous * » fervifliez de fon nom, & que vous. » fifliez entendre a ees Meflieurs, » que ce n'etoit point fon intention » qu'on en donnat a perfonne. II re- * pandit , qu'il vouloit ties biem |
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II. P A R T I E. L'lV. X. JOJ
'» que vous fiffiez connoitre fes fen- KS5-.5,
» timens la-defiTus, fi vous jugiez » qu'il en fut befoin. Je lui dis enfin » que vous aviez deflein de lui en- » voi'er M. Euftace votre Confeffeur. » II me dit que cela etoit inutile -% » qu'il etoit perfuade de tout ce que » je lui avois dit de votre part : if » ajouta encore une fois en me quit- s' tant, que votre maifon feroit con- » tente de lui. Je crois en effet, ma » tres chere tante , que vous avez » tout lieu d'etre en repos. Je fais » meme par des perfonnes qui con— » noiflent a fond fes fentimens, qu'il »» eft tres refolu de vous rendre jufti- »- ce j mais ces perfonnes vous con- » feillent de le laiffer faire , & de* » ne point temoigner au public urtc •• joie &: un empreiTement, qui ne: » ferviroient qu'a le mettre hors d'e- » tat d'executer fes bonnes inten- » tions. Je fais qu'il n'eft pas befoin » de vous donner de tels avis, 8c » qu'on pent sven repofer fur votre » extreme moderation. Mais on craint » avec raifon l'indifcrete joie de quel- » ques-uns de vos amis & de vos » amies , a qui on ne peut trop re-' -" commander degarder un profond «• filence fur tomes vds affaires, &e,T |
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J04 HlSTOTRE DE PoRT-ROlAL.
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169 $• Quoique M. Racine eut rendu vi-
xviii. fite a M. de Noailles de la part de «eligieufts de l'Abbefle & de la communaute de s.R.iM.dep. R- ^es Champs , elles crurent neanmoins devoir lui rendre leurs de- voirs par elles-memes, en lui ecri- vant la lettre fuivante, qui lui fut remife le 10 de feptembre par M. l'Hermite. » La bonte avec laquelle » M. Racine nous a appris que Votre » Grandeur a regu fes aflurances » qu'il vous a donnees de nos tres 5> profonds refpecTrs, nous oblige, » pour n'en etre pas ingrates , de vous » temoigner notre tres humble re- » connoiflance , aulli-bien que la joie » extreme, ou nous fommesd'avoir " pour Superieur & pour Pere, un " Prelat de votre piete , de votre lu- •» miere & de votre equite. Nous en » rendons tous les jours de conri- « nuelles adtions de graces a Dieu , » qui a accorde a nos vceux & a nos » larmes cette confolation , dont vous » favez , Monfeigneur , qu'il y a » long-tems que nous avons befoin. » Et nous n'avons autre defir que de ■»■ nous rendre dignes des avantages » que nous avons tout fujet d'en ef- » perer par notre entiere obeiflance ■m & degebdance de, Y, G. , pat la |
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II. Par.tie. Liv. X. $05
» fincerite, la confiance & le ref- 1695.
» peel: , avec lefquels nous agirons
» avec vous , Monfeigneur, & par
« les prieres continuelles que nous
« ferons pour votre confervation , &c
» pour attirer fur votre perfonne fa-
» cree & fur votre miniftere , les
» graces & les benedictions du ciel.
» Ce font les voeux de vos tres
» humbles & tres obeiftantes filles &
» fervantes, l'Abbeffe , Prieure, &
» Religieufes de P. R. des Champs.
M. de Noailles repondit tres obli- Rl?^JVede
geamment par une lettre datee deM. deNoaii- Chalons du 21 feptembre. » Ma re- « verende Mere 8c mes tres honorees » Sceurs x M. Racine a pu non-feule- ». ment vous aflurer du plaifir, avec " lequel j'ai recu vos complimens , » mais auffi de la difpoiltion 011 je » fuis de traiter votre monaftere avec " toute l'eftime & la diftincTdon qu'il ». merite. Je ne perdrai point d'oc- » cafion de vous en donner des preu- » ves effectives 5 je vous demandeen » recompenfe le fecours de vos prie- * res -y vous favez combien elles me » font neceilaires, par l'importance » & la faintete du miniftere dont je »* vais etre charge. Mais vous ne " connoiftez point ma foiblefle per- |
||||
$06 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
" 169c, » fonnelle , qui augrhente mes ba-
» foins. Offrez-les done, je vous » conjure, fouvent aNotre-Seigneur ; » & loi'ez perfuadees que ]e fuis avec » beaucoup de conflderation & de » fincerite , &c. Lorfque M. de Noailles eut pris
pofleflion de fon Archeveche, l'Ab- befle de P. R. ecrivit le 21 novembre la lettre fuivante au nom de la com- munaute. xx. Gloire a Jefus au S. Sacrement. J-CtTVC uCS
xcliglcu'cs £ » Monfeigneur, nous n'avons pas
M.deNoaii-,, fa j premieres a afliirer V.G. les fur fa pti- r .
fe de poflef*» de la parraite ioumiilton dans la-
» quelle nous efperons que Dieu nous
» fera la grace de vivre toujours fous
» l'autorite dont il a plu a Jefus-
» Chrift de revetir votre perfonne fa-
" cree pour le gouvernement de l'E-
» glife. Mais nous pouvons bien vous
« aflurer, Monfeigneur , que nous
-v> n'avons pas ete les dernieres a te~ ■
" mojgner a Dieunotre reconnoiflan-
» ce pour la grace qu'il nous a fake
» de nous mettre entre les mains d'un
» Pafleur qu'il a choifi felon fon coeur
» & qu'il a rempli de fon efprit.
« Nous aurions eu quelque crainte
» que notre empreflement ne vous
» eut ete importun , fi nous euflions
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II. P ARTIE. L'lV. X. JO?
» pris la liberte de vous aborder &c j
» de vous rendrenos devoirs dans un » tems, 011 vous etiez environne de " tant de grand monde, & occupe de " tant d'affaires importantes. Mais » comme Dieu regarde plus le don " du coeur que celui des mains , nous » n'avons point doute que vous ne " vous contentaffiez davantage du " facrifice interieur de louange &c » d'action de graces que nous lui » avons. offert pour votre prife de » pofTeflion , avec celui de nos cceurs » & de nos volontes que nous lui " prefenterons tous les jours de notre " vie dans I'obeifTance que nous " rendrons avec le fecours de fa mi- » fericorde a votre autorite ; que de » tousles temoignages & de toutes les » alTurances que nous vous pour- » rions donner des fentimens ou » Dieu nous a mifes. Perfonne n'eft » mieux inftruit de nos veritables » difpofitions ^ que M. Euftace notre » ConfeiTeur, qui nous connoit de- " puis long-tems j & nous 1'avons " charge , Monfeigneur, de prendre « la liberte de vous en aller infor- »» mer , au meme tems qu'il va rece- " voir la million qu'il plaira a V. G. *»■ de lui donner pour notre conduits* |
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JO? HlStOIRE DE Poft.T-R.01At,
1695. » Nous nous jettons routes a vos pies,
« Monfeigneur, pour vous fupplier » tres humblement de nous donner » votre benediction Paftorale, en » attendant les graces du ciel que » nous efperons par votre miniftere » facre, lorfqu'il plaira au Seigneur » de vous infpirer le mouvement, 8c » de vous donner le terns de vifiter » un troupeau , qui ne defire rien jj tanr que d'etre parfaitement con- » nu de fon Pafteur, & d'entendre » fa voix pour la fuivre avec toute » la fidelite qui lui fera poffible. Et » pour mon particulier, je ferai tou- " te ma vie avec un tres profond ref- Xxt. " Pe<^-»Monfeigneur, de V. G. &c, m. Nicole •, Pendant que les religieufes de P. R.
ftX^ft' des ChamPs "oient dans la joie de
»alcns. voir fur le Siege de Paris un Prelat fur la fagelTe duquel elles fondoient de grandes efperances , elles eurent la douleur de perdre un de leurs meil- leurs amis 8c de leurs plus genereux defenfeurs , par la mort du celebre M. Nicole fiS)", qui avoit partage avec le grand Arnauld la gloire de tant de combats & de tant de vi&oires rem- portees fur les difciples de Calvin 8c de Pelage , 8c qui a rendu a l'Eglife (16) Voicz le Nect. de P. R.. p. 4!f > 4is
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II. Par tie. Liv. X. $09
des fervices fi importans par tantde nj„," folides ecrits. Ce favant homme etoit * ne aChartres le 19 o&obre KJ25 ,de
Jean Nicole Avocat au Parlement de Paris , Chambrier de la Chambre Ec- clefiaftique de Chartres, & deLouife Coufteau (27). II apporra en naiflant de fi grandes difpofitions pour les fciences, tant de penetration d'efprir, & une memoire fi heureufe , qu'a l%e de 14 ans il avoit acheve le coups ordinaire des humanites > & lu tous les livres grecs & latin , qui etoient en bon nombredans labiblio- theque de fon Pere. En lifant ces Au- teurs ■, Dieu lui fit la grace de detef- ter des fon bas age tout ce qu'il y reconnut de contraire a la faintete du Chriftianifme. Ainfi la Providence qui le deftinoit a eclairer & edifier l'Eglife, voulut qu'il s'enrichit des depouilles des Egyptiens fans en pren- dre les vices, II vint a Paris en 1642 , pour etu- xxii.
dierla Pnilofophie &la Theoloeie; S?-,fa?dc£.<fc il.r \ r a ,. ;o ) Pnilofophie
" y rut re$u Maitre es Arts le 23 & de tWo-
judlet 1644. Son genie naturellementl08ieiPatis- profond & porte a la reflexion s'ac- comniodoit beaucoup des etudes ou tjt(tll YOI'ez Ia vie de fes outrages , p»r M«
M- Nifok & 1'hittojrc dc 1'AbW Soujcc en >7fi. |
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3IO HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
ifo*m le raifonnement a plus de part que?
Pimagination. Ce fut vers Tan 1645 que M. Nicole commenca a connoi- tre P. R. ou il avoit deux tantes, dont Tune etoit la fainte mere des Anges Suireau. II fe lia bientot avec les favans & pieux Solitaires de ce defert, & devint leur ami & l'objet de leur eftime. xxm. En 164 5 & 1646 il etudia en Sor- 11 audie u bonne fous M. le Moine & M. de JaM°l«e«itsSainte-Beuve , & continua fon cours 4* s. Augur- fous M, ie Maltre , Do&eur de la Thomas, il Maifon de Navarre. Pendant ce terns litjaufenius. [[ s'appliqua a l'hebreu & au grec. Mais comme cette etude affoibliflbit fa vue, il la quitta pour fe livrer entierement a celle de la Theologie, qu'il etudia principalement dans les ecrits de faint Auguftin & de faint Thomas, dont il s'eft toujours dit depuis le fidele difciple. II etoit charme de la folidite de la doctrine de ce faint Dodeur &; de l'enchaine- jment- admirable de fes principes. Cell pourquoi il prit parti contre le Do&eur le Moine , embrafTant les fentimens de M. de Sainte-Beuve, qui le dirigeoit dans fes etudes. Il avoit deja tout lu les ecrits de faint Auguftin fur la grace , & lifoit ac- |
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m
II. P A R T I E. L'lV. X. $ 11
tuellement Janfenius , confrontant Tt '
exactement tous res paffages de faint Auguftin, de faint Thomas & des autres Peres. II les trouva tous fans exception conformes au fens 8c a la iettre des originaux. Les marges de Pexemplaire de Janfenius , dont il fe fervit, font chargees de notes qui font la preuve de la folidire de fon efprit tk de Ja grande application avec laquelle il avoit lu cet ouvra- ge. Ajoutons qu'elles font egalement la preuve de Pinnocence de Janfenius. Parmi tous cenx qui ont foufcrit a la condamnation de ce Prelat ii celebre, en eft-il un feul qui ait lu fon ou- vrage avec une femblable applica- tion? En eft-il un feul, dont le te-, moignage puifle ctre mis en parallele avec celui de M. Nicole ? M. Nicole, apres avoir fini fes ,?XI/."
' r . . . . Il cnfeigne
trois annees , ioutint la tentative le les humaai-
17 juin 1649 , qu'il dedia par d#&-£,Xto rence pour M. fon pere a 1 Eveque rfe p. r. ; il deChames (PEfcot) Pedant. qa'il £ «£*g etudioit en Theologie, ildonnoit une de m sm- partie de fon terns aux petites ecoles |m. Amauld de P. R. etablies parM. de S. Cyran , pour la de- qui fe tenoient d'abord dans une mai- ^"^ p ion de M. Lambert, beaufrere de M. HameUn iituee au cubde-fac de la |
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JIZ HlSTOIRE BE PoRT-ROlAt.
rue d'Enfer, M. Nicole fut un des
firemiers maitres de ces celebres eco-
es, & y enfeignoit les Humanitee avec M. Lancelot (18). Ce furcroit d'occupation ne l'empecha pas de fe preparer a la Licence. Mais les dis- putes qui furvinrent au fujet du Li- vre de Janfenius, le determinerent a y renoncer. II fit plus , il fe mit fous la conduite de M. Singlin , & fe retira a P. R. ou il embrafla la peni- tence 8c le genre de vie des Solitai- res. Dieu qui vouloit faire de lui un zele defenfeur de fon Eglife, l'envoi'a paffer quelques annees dans cette divine folitude , pour y puifer dans la lecture des livres faints & des Peres, la fcience qui lui etoit neceflaire, pour s'y affermir dans la piete qui doit etre inseparable de la fcience, & s'y preparer aux combats qu'il de- voit foutenir pour la defenfe de la verite. Ce fut la que le grand Ar- nauld , dont la plume , quelque fecon- de qu'elle fut , ne pouvoit fuflfire feule a tous les ecrits que la neceffite ou (18) M. Claude Lan- aas , a QuintperlS ou il
celot religieux Benedic- etoit exile. Vqi'ez ce que
tin de l'Abbai'e de Saint nous en avons dit,T. %.
Cyran, eft raort la meme p. 444. it. du Foil. Mem.
annee que M. Nicole le p. 90,91. it. Font. Mem.
jj avtil 16?5 age de 7? X. U p. 487, 489- f
l'utilitc
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II. Partie. Liv. X. 31^
l'utilite demandoit dc lui, alia Tan"~x"^c, 1 <J 5 4 trouver cet homme fi proprea lui preter le collet dans fes glorieux travaux. Ces deux grands genies fe communiquerent leur lumiere , 8c fe lierent tellement pour la com- position des ecrits , que Monfieur Ar- nauld n'en fit aucun dans la grande affaire de 165 5, auquel l'autre n'eut part. M. Nicole quitta raeme P. R. fur la fin de cette annee (165 5) pour etre plus a portee de fecourir M. Ar- nauld. Quoique d'une fante ttes de- licate & fujet a plufieurs infirmites , il eut prefque toujours la plume en main, foit pour combattre Ies enne- mis de la verite, foit pour defendre l'innocence , foit pour inftruire les fideles par des ecrits excellens qui ont rendu Ion nom immortel. Quelle vafte matiere, s'il nous etoit
permis d'entrer ici dans le detail des productions d'une fi feconde plume! mais il faut fe renfermer dans les juf- tes bornes que nous prefcrit la na- ture de notre ouvrage. L'amour que M. Nicole avoir pour
la folitude , le ramena l'an 167 2 dans le defertdeP. R. ou il eut laconfola- tion de trouver Meffieurs Arnauld, de Sanite-Marthe3de Saci, & M. Hamon, Tome Fill O
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JI4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
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169<>. dont il refpectoit beaucoup les lu-
mieres & la faintete. II recherchoit par preference la converfarion de ce faint honime , & convenoit qu'il com- pofoit plus facilement fur la morale lorfqu'il s'etoit entretenu avec lui. xxv. M. Nicole n'etoit que Clerc ton- vovLe^Ai"" ^ur^ ? & comme on le pfeflbit de re-.
pouL- conful- cevoir les ordres facres ,ilfit un voi'a- tyc4ee.faiWge a Met Tan 1676 pour confulter le faint Eveque qui etoit fon confeil. La decifion fut que M. Nicole devoit regarder le refus que TEveque de Cnartres faifoit d'y donner fon con- fentement , comme un trait de la Pro- vidence , qui en permettant cet obfta- cle , fembloit lui dire qu'il devoit s'arreter dans le rang oii il fe trouvoit place. M. Nicole fut charme de la decifion. II re^ut la benediction da faint Eveque, & alia enfuite a Gre- noble , ou il fut bien recu par M. le Cardinal le Camus , qui l'accompa- gna lui-meme a la grande Chartreufe. II vifita avec beaucoup de devotion la grotte de faint Bruno. L'annee fuivante, M. Nicole ai'ant
prete fa plume a Meffieurs d'Arras 8c de S. Pons, qui vouloient ecrire a Innocent XI fur le relachement des Cafuiftes, cela attira un grand orage |
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II. P A R T I E. LlV. X. J I 5
fur l'Auteur de la letrre & fur M. Ar- i6iX'.
nauld. L'un & Fautre fachant a quels homines ils avoient a faire, prirent le parti de fe retirer. M. Nicole alia d'abord dans fa patrie, & de la a Troyes , ou il eut la fatisfa&ion de voir que fa longue perfeverance avoit triomphe des obftacles formes con ore rerabliffeinent qu'il vouloit faire de petites ecoles de filles. Dieu repandit fa benediction fur cet etabliiiement qui a fait beaucoup de fruits depuis ce tems jufqu'a 1'an 1750, que M. Poncet de la Riviere l'a detruit (19)' Apres la mort de Madame de Lon- xxvi.
gueville en 1 679 , M. Nicole voi'antI[ reftft d'ac- Forage fondre fur P. R. fortit de M^fmuid France, & alia a Bruxelles , ou M. Ar- dans fa «- ii-i 1 c \ tralte. Sa let-
nauld vint le trouver le neur ou le tre ^ M. da
dix de juillet, & lui propofa depaffer H*rlM> <)«« enfemble en Hollande pour fe fouf- chagrin. traire a. la perfecution. Mais il n'ac- cepta pas cette offre,parceque fa fante ne le lui permettoit pas , &il prit la refolution de revenir a Paris. Mais fachant que M. de Harlai etoit pre- venu contre lui , il lui ecrivit une lettre qui eut de facheufes fuites. LArcheveque la fit beaucoup valoir , (ij) Voi'ez les Nolly. Ecclcf.
Oij
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3 I (J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
comme fi c'eiit ete un a&e de repen-
tir de la part de l'auteur. Les enne- mis publierent que M. Nicole avoit fait abjuration de l'herefie & retradc tous fes ecrits. Mais ce qui l'affligea le plus, ce fut d'apprendte que des perfonnes qui ne lui etoient pas op- pofees , pretendoient que par fa lettre a M. de Harlai il avoit demande par- don de celle qu'il avoit faite pour les deux Eveques, & de tous fes ecrits ; qu'il avoit abandonne la caufe des religieufesde P. R. &c. II fut fenuble* ment touche de ces accufations con- tre lefquelles il s'infcrivit en faux, les traitant de calomnies , &c temoi^- gnant qu'il etoit toujours plein de refpecl: & de veneration pour les re- ligieufes de P. R. II etoit pour lors retire dans l'Abbai'e d'Orval, ou il fut accable d'une multitude de letr- tres qui l'empecherent de dormir pen- dant quinze jours. Les remedes & l'opium meme ne purent lui rendre le fommeil. II fit dans ce terns un ecrit en forme d'apologie ou il repoiv doit a. toutes les raifons alleguees con- tre lui. Son deflein n'eroit point de Je publier pour fa juftification, mais uniquement pour fe procurer du fom- meil f en quoi il reuffit. C'eft ce qu'il |
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II. Partie. L'iv. X. 317 ______
manda a Un ami qui avoir ete al- 1695.
larme de cet e^crit par la crainre de quelque divifion. Monileuf Ni- cole lui ecrivir que fon intention etoir de fe procurer du fommeil j & ajoutoir agreablement que c'efi une intention jort legitime que de vouloir dormir. Enfin M. Nicole revint a Paris le xxvil.
40 de mai 1683 , en verm d'une per- ftrenaunaVec miffion de M. l'Archeveque , que M. m. Amauld Roberr Chanoine de Paris avoir ob- UI *8UCC' tenue du Prelat a force de follicita- tions , & qu'il avoir fignee le 17 de ce mois. Vers l'an 1690 , il s'eleva enrre M. Arnauld & M. Nicole une difpute fur la grace generate. Ce dif-r ferend eft bien«propre a convaincre tour liomme railonnable , que la ve- rire feule & l'interet de l'Eglife a- voient uni Meffieurs de P. R., &en particulier M. Arnauld & M. Nicole dans les points eflentiels de la doc- trine de la grace qu'ils onr foutenue Tun & l'aurre avec tant de lumiere & de folidite (30). Depuis long - tems M. Nicole me-
noit une vie fort languifTante : le 11 (30) Vo'i'ez dans la vie l'origine decette difpute,
de M. Nicole , feconde 8c en quoi coniiftoit la panic, ch. xix p. i?j , fyftcrac de M. Nicole, O iij
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3 Tt 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAT..
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1695. novembre il fut attaque d'une efpece
Xsa^nI'' d'apoplexie , qui ne lui ota ni la pre- majadie, fa fence d'efprit ni 1'ufage de la parole. mon- Le malade fut promptement fecouru; mais l'heure etoit venue , oil ce fervi-
teur de Dieu devoit recevoir la recom- penfe de fes travaux. II demanda &c recur le meine jour les Sacremens de l'Eglife avec toute la foi & route la ferveur qu'il avoit fait paroitre pen- danr fa vie. II conferva la liberte de l'efprit & de la parole pendant tout le terns de fa maladie qui fut de fix jours , & donna des marques de la piete la plus tendre jufqu'au dernier foupir. Ce fut le 1 <S novembre 169 5 , Une heure apres midi, que M. Ni- cole mourut age de foixante-dix ans. Son corps fut expofe dans la cour des f eligieufes de la Creche oil il logeoit, avec toute la decoration qui conve- noit a fon merite & a fa reputation , & enfuite inhume d S. Medard au bas de la grande porte du chccur. II avoit charge de vive voix fon Exe- cuteur teftamentaire de porter fon cceur a P. R. des Champs pour y etre reuni a celui de M. Arnauld. Ce qui ne fut point execute , parceque la per- fonne fut avertie trop tard. M. Ni- cole avoit legue par fon teftament |
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Hi Par.tie. Liv. Jt. $19
cinq cents livres aux religieufes , les priant de fe fouvenir de lui dans leurs prieres : j'y ai , dir41, une confiance paniculiere par I'eflime de la piitifolide que j'ai toujours.reconnue dans ces re- ligieufes. Depuis long-tems ces" faintes filles
etoient fans Superieur, quoiqu'elles euflfent fait plufieurs demarches fous M. de Harlai & fous M. de Noailles pour en avoir uiv.elles penferent des le commencement de l'annee 1696 a re- nouveller leurs demandes. Comme l'election de 1'AbbelTe devoir fe faire au mois de fevrier, & qu'elles avoient jette les yeux fur M. de la Roynette, l'homme de confiance de M. l'Arche- veque, elles crurent, de l'avis de leurs anus , qu'elles feroient bien de prier le Prelat d'envoi'er ce Grand-Vicaire pour prefider a l'election , parceque ce feroit une occafion pour elles de le voir, & d'avoir au moins par elles- memes quelque connoiffance de fa perfonne , avant que de fe determiner. M. Racine en fit la propofition a M. de Paris, qui la re^ut fort bien , & parla d'une maniere tres avantageufe du Grand - Vicaire , qui avoir beau- coup fervi le Diocefe de Chalons (31). (;') M. Simon de la Roynetre , Pretre , Dofteuc
O iiij
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J10 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl..
1696. W a^a enfuite voir M. de la Roynette j
avec lequel il eut 1111 long entretien, dont il fut tres fatisfait. II en rendit compte a l'Abbefle fa tante par une letrre du 3 o Janvier, ou il lui marqua qu'il avoir vu M. de la Roynetre, qui eroir une de fes plus anciennes con- noiffances, qu'il lui avoir parli avec un grand, fentiment d'ejlime & de ve- neration de la maifon & pour toutes les perfonnes dont la mimoire y ejl chere. J'ai tout lieu de croire, ajoutoir M. Racine , que vous fere\ auffi/atis- faite de lui} qu'il efpere etre edifie1 de toute la communauti. xxix. M. de la Roynette alia done a P. R. fcE^teniu- fe 4 fevrier, accompagne de M. de
«inepourAb- Vaux & de Madame de Fontpertuis , w-fc & affifta le lendemain a l'eleftion j il y parla fort bien, 8c afTez long-tems
quoiqu'il fut incommode. La mere Agnes de Sainte - Thecle Racine fut continuee par les vocales qui fe trou^ voient alors reduites a une quaran- taine. Quelques jours apres, elle ecri- vit a M. Racine fon neveu, que toute la communaute 6k; elle avoient ete il fatisfaites & edifiees de M. le Grand- en Theologie de la Facul- Haute-fontaine , avoit ete te d« Paris, de la maifon douze ans Cure de Joinr 8c fociete de Sorbonne , ville , & enfuite Grand Abbe de Notre-Dame de Vicaire de Chalons, |
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II. Partie. Liv. X. 311
Vicaire ,qu'elles ne croi'oient pas pou- 16<)6. voir faire 1111 meilleur choix que ce- lui de fa perfonne, pour leur Supe- rieur : c'eft pourquoi elle le fupplioit cle le demander a M. de Paris au nom de la communaute. M. Racine ne man qua point de s'acquitter de fa con-.miffion, etant alle trouver M. de Paris, qui lui demanda auffi-tot fi les religieufes etoient auffi fatisfaites du Grand-Vicaire , qu'il l'etoit d'elles. II fut aife a M. Racine de repondre a cette queftion , & pour montrer combien les religieufes etoient fatis- faites , il prefenta a M. de Noailles la lettre qu'il avoit recue a ce fujet, par laquelle toute la communaute le demandoit pour Superieur. Mais le Prelat ne donna aucune reponfe po- fitive fur la demande des religieufes. M. Racine rendit compte a fa tante de ce qui s'etoit palfe entre lui 8c M. l'Archeveque par une lettre du 14 fevrier. Quelques jours apres y il rendit vifite a M. de la Roynette, & ecrivit le 19 fevrier a. FAbbeife , " que tout ce qu'il pouvoit lui en » dire > etoit qu'il faifoit beaucoup " de voeux pour le retabliifement de » la maifon , qu'il croi'oit meme que » le bien de l'Eglife voudroit qu'oa |
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$%t HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
lCj6. " y put elever la jeunefTe comme on
» faifoit autrefois j & qu'il deplo- » roit la maniere peu chretienne dont *> elle etoit elevee dans la pluparc » des maifons religieufes«. M. Ra- cine ajoutoit que le Grand-Vicaire „ » avec cela ne laiflblt pas d'etre fen- » fible a cette terreur univerfelle, qui » avoit frappe tous les efprits & qui " leur faifoit craindre de pafTer pour » etre favorable a une maifon qui » avoit des ennemis fi puiflans«. M, Racine tacha de le raflurer, en lui di- fant: » qu'on#pourroit prendre des " biais , qui le mettroient a couvert » de tout foup$on «. xxx. Vers la fin du mois de fevrier , M. m. de la Racine fit prefenter a M. de Paris
gtoeur de par la DuchefTe de Noailles beile- vh R* des foeur du Prelat, un memoire dans le- quel il lui marquoit que » les reli- « gieufes de P. R. perfeveroient a de- » mander M. de la Roynette pour « Superieur ; ou du moins qu'il lui » ordonnat d!en faire les fonctions , » fans en avoir le titre, fi Ton ju- " geoit que ce titre put lui faire tort *• dans l'efprit des perfonnes preve- » nuescontre la maifon^qu'il fuffifoit » que M. Roynette fut charge de a prendre cannoifTance des befoins |
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II. Part ie. Liv.'X. 31}
» & de l'etat de la maifon , pour 1696
» en rendre compte a M. de Paris, » qui feroit connoitre fes volorttes » par fon canal j qu'on ne pretendoit » point expofer la fante de M. Ie « Grand - Vicaire, en 1'obligeant a " faire de frequens voi'ages a P. R. j » que ce feroit aflez qu'il en fit un " prefentement pour prendre une " exacte conrioiflance de la maifon ; » enfuite de quoi il pourroit , s'il » vouloit, n'y point aller qu'a la pre- « miere election , c'eft-a-dire , appa- « remment dans trois ans \ ii cepen- " dant on pouvoit fuppofer que cette " pauvre communaute , qui n'etoit »> plus a proprement parler qu'une » infirmerie , dureroit encore trois " annees". Voila ce que contenoit le memoire que M. Racine fit pre- fenter a M. de Paris. Le Prelat en confequence prefla M. Roynette d'ac- cepter la charge de Superieur de P. R. Le Grand-Vicaire apres avoir fait des difEcultes , & s'etre excuie fur fon p.eu de fante & fes infirmites, voiant que M. 1'Archeveque n'avoir point d'egard a fes raifons , fe rendit & accepta. M. Racine infotma la mere Abbefle de tout ce detail par une lettre du 3 mars j dans laquelle O vj
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314 HlSTOIRE DE PoRT-ROi'aL.
1696. il marquoit qu'il lui revenoit de to»_
tes parts, que M. Roynette etoit tre /age j tres doux _, & tout ptein dejuf- tice & de probite. xxxt. Le nouveau Superieur commenca a v. r cLs la vmte a P. K. des Champs le 21
champ, par mai accompagne de M. Nicolas Euf- netie.. race & de M. Cjuillaume Marigmer, & la termina le 15 du meme mois
par une carte de viiite , dans laquelle il declare qu'il a » entendu en par- » ticulier les religieufes au nombre » de quarante de chceur &c de qua*- » torze converfes j qu'il les a trou- jtf vees routes dans une parfaite union » entr'elles , dans une application » louable a remplir leurs devoirs , » & -dans tous les fentimens & les » difpofitions que Ton peut defirer » dans les meilleures religieufes. Ce " que nous crowns, dit-il, etre obli- « ges de declarer } pour aider a detrom- *> per des efprits mat' tnformes de leur » conduite & prevenus contr'elles. " Mais parceque nous devons bien
» plus travailler a les rendre tou- » jours plus agreables a Dieu par la « perfection a. laquelle nous devons » les porter, fans nous inettre. tant 5 en peine, ii elles ont 1'approbation *! des hommes, nous, croions cure de. |
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II. Partie. Liv. X. 51 j-
» notre devoir, en leur cachant leurs 1696. » propres merites a elles-memes, de w leur propofer celui qu'elles peuvent » acquerir par une nouvelle exa6ti- »> tude a tous leurs devoirs «. Pour y contribuer, ce Superieur fir quelques reglemens , qui font rapportes dans le proces-verbal de la vifite..... Ces reglemens portent que les religieufes. aflifteront regulierement a I'Ofnce di- vin j qu'elles garderont religieufes ment le lilence; qu'elles s'abftiendront d'ecrire des lettres fans une veritable neceffite oil utilite, fuivant l'avis de faint Bernard, qui enfeigne que le filence fe rompt en ecrivant des lectres de mime quyen parlant: qu'elles n'i- ront an parloir qu'avec une affiftan- te j qu'elles ne deiireront point en rnaladie trop de remedes, ni avec crop d'emprefTement. Ces reglemens n'etoient point fairs pour corrigen des abus , qui ne regnoient point a P. R. , mais pour les prevenir , & pour cacher aux religieufes leurs prc~ pres mirkes. Ces faintes filles refpiroientun pen
fous le gouvernement d'un tel Supe- rieur, & d'un Archeveque qui pa- roifloir difpofe en leur faveur , quoi- qu'il fut d'aillenrs prevenu contre le |
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J iG HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
*~\6q6. phantome du Janfenifme , comme il
le lit voir cette annee (31). Toute leur peine etoit d'etre fous le poids de la difgrace du Roi, & de voir leur communaute deperir chaque jour par la mort de quelques-unes de leurs fours, qu'elles n'avoient point la li- berte de remplacer , ai'am defenfe de recevoir des novices, xxxii.' Elles en perdirent trois cette an- rGcm°Meithi- nee; la four Madeleine de Sainte- dsdasoin. Melthide-Thomas du FofTe , profefTe de chceur, qui mourut le %j oclobre dans fa foixante-huitieme annee. Elle fut eprouvee , avant que de mourir , par une maladie qui lui fit perdre l'ufage de toifs fes membres, enforte qu'elle ne pouvoit fe rendre le moin- dre fervice(3 3). » Elle porta jufqu'a » la fin cet etat fi humiliant & fi pe- » nible avec une egalite d'efprit & » meme une joie 3 qui fortant du » fond de fon cceur , fe repandoit » viiiblement au-dehors &paroiiToit » fur fon vifage. La conftance tou- » jours uniforme qu'elle temoigna (;i) M. de Noailtes & la feconde aetabiir la
donna le 10 aout 1695 doftrine de faint Auguftin
cette fameufc Inltruilion fur la grace 8c fur l'a-
paicorale , divifce en deux mour de Dieu.
parties; dont la premiere (3) Du Foff. Mem. p- eft deltince a realifer le 473, 47^
fhantome dujanfenifme, |
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II. P ARTIE. L'lV. X. 327
» dans tout le cours de cette longue 169&,
» maladie , repara bien aux yeux de » fes fceurs les foibleffes qui avoient » patn dans fa fignature & fes re- » tra&ations (34). Elle fit voir plus " que jamais la verite dont on avoit « ete convaincu , que ce qui parut » alors de foiblefle en elle , fut plu- " tot l'effet d'une confcience timo- » ree , que de la mauvaife difpofi- " tion d'un ccenr affoibli par quel- « que fecrete paflion «. Les deux au- tres religieufes qui moururent cette mane annee, etoient, la fccur Marie de Sainte - Leocade converfe, morte le 11 novembre j & la fceur Genevie- ve de Sainte-Dorothee Lombert, pro- fefife de choeur, morte le 11 du me- me mois a Page de cinquante - neuf ans, dont elle en avoit paife cinquan- te-trois a P. R. aiant eu le bonheur d'y etre elevee des l'age de fix ans. Les religieufes de P. R. perdirent xxxim
/ J v 1 Mort de Mi
encore cette annee deux amis de la Dom3t & &.
verite & de leur maifon xpar la mort **. deRom- nes.
(34) Elle avoit figne 8c de,ib. p, i<?4. Relation
retratte deux fois. Voiez de et qui eft arrive a la
dans les Vies edif. Tome fceur Melthide, it, Jte~
2. page i(o, la Rela- cueil depieces,, a Utrecht-
tion touzhant lafpeur Ma- 1740%
delaine de fainte Melthi— ■ . '
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Jl8 HrSTOlRE DE PoRT-ROTAt.
i6y6. de M. Domat (35) arrivee le 14 ds
mars 5 & par celle de M. Amis Gouf- fier Due de Roannes, more le 4 octo- bre. Ce que nous avons dit ailleurs de 1'un & de l'autre (36) pourroit nous difpenfer d'en parler ici. Neanmoins nous rapporterons encore quelques traits du premier, trop edifians pour n'en pas conferver la memoire a la poftecite. Un Jefuite nomine du H&- mel a'fant eu la hardielTe de prccher rinfaillibilite du Pape dans l'Eglife de Clermont en i^7j,M. Domat, anime du mane zele qu'Eufebe de Dorilee , s'eleva avee vigueur contre une opinion ii dangereufe & fi op- pofee aux faintes maximesde l'Eglife Gallicane, & pourfuivit le Predica- teur par les procedures juridiques. Pendant tout le cours de fa vie , cet horame plein de foi fit voir une fuite de ces adtions chretiennes, qui n'ont pour motif que la charite qui fait (3 7) (5j.)M.Domat, Avocat die de M. de Roannes,
du Koi' au Prefidial de T. ;. de cette hiftoire, p.
Cletmont en Auvetgne , 4515,457. Voiez ibid, p~
roounrt plein de bonnes 458, 459, ce qui eft dit etc
ccttvres, age de 70 ans, M. Domat.
a Patis Cut la Paroifi'e de (57) Traits Edifians de faint Benoit , Sc fut en- la vie de M. Domat.
terre dans lecimetiere. Supp!. du-Neci. p. 461.-
ll<) Voi'ez ce qui eft.
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II. Parties Lip. X. 529
tes vrais enfans de Dieu. Quoique kJjxJ.
ne avec peu de bien & charge d'une nombreufe famille, il avoit pour ma- xime de remettre les droits diis a fon miniftere a tous ceux qu'il foupcon- noit etre dans le befoin. II refufa une donation confiderable qu'un ami lui vouloit faire ; Sc quand on lui repre- fentoit qu'avec une telle conduite il ne laifleroit pas de quoi vivre a fes enfans, il repondoit: Si c'eft la volon- te de Dieu , je ne dois pas m'y oppo- fer. II fir encore quelque chofe de plus fecroique. Dans les premieres annees de fon etabliHement, il avoit eu part a- la fucceffion d'un Chanoine , oncle de fon epoufe ; il en eut dans la fnite du fcrupule; & ai'ant fait le calcul- de ee qu'il pouvoit y avoir dans cette fucceffion de biens ecclefiaftiques, il en remit la valeur aux pauvres, crai- gnant que cette portion qui ne pou- voit paroitre que mal-acquife a. un liomme inftruit des loix de la reli- gion , n'attirat la malediction de Dieut fur lui & fur fes enfans. Quelle lecon! Touche des befoins des pauvres, com- me des fiens propres, il les affiftoit felon fes facultes , fe chargeoit de rou- tes leurs affaires , les follicitoit, les accommodoit. Toujours occupe du |
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3 JO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1696. travail en efprit de penitence , il ne
fe pretoit a aucun amufement ^ & lorf- qu'on le preflbit de prendre quelque repos : iravadlons s difoit - il , nous nous revoferons en paradis. M. Domat couronna tant de belle's
qualites & tant de vertus par la pa- tience avec laquelle il fupporta pen- dant plufieurs annees les incommodi- tes de la pierre, caufees par fa trop grande affiduite au travail. Regardant les douleurs qti'il fouffroit, comme un moi'en dont Dieu fe fervoit pour le purifier , il les recut avec recon- noiilance , & merita de mourir dans cette paix chrecienne, qui eft le fruit ^_______de la bonne confcieace. 1697. Vers la fin de 1696, ou au commen-
xxxiv. cement de l'annee fuivante r les reli- tentatheV<dcs gieufes de P. R. de Paris qui avoienc
teiigieuresde elles - memes pris routes les mefures P.R. dc Pa- . -it r 1 /•'
lis contre imagmables pour mettre la lepatation
p. r. dcs des deux mailonshors d'atteinte, firent champs. . ,
tine tentative pour revemr contre le
partage des biens. On a deja parle des funeftes defleins que M. de Har- lai avoit formes contre Port-roi'al des Champs en faveur de fa niece Ab- belTe de la maifon de Paris. On a auffi vu de quelle maniere la Providence tenverfa tous fes projets, en faifant |
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II. P A R T I E. LlV. X. }}t
difparoitre ce Prelat » 3 ou 4 jours 1697.
» avant celui auquel il devoit ac-
» complir les fouhaits de fa chere
» niece, & Ton trouva apres fa mort
tout le projet parmi fes papiers (38)".
La niece deconcertee , & jugeantbien
que M. de Noailles n'entreroit pas
dans {es vues , abandonna les vaftes
projets de fon oncle , qui vouloit
detruire entierement la maifon des
Champs, & fe contenta de faire fes
efforts pour kri enlever une partie de
fes biens. » Elle fit reprefenter achoi-
» tement au Roi , dit M. du Fof-
» fe (39), que le revenu de P. R.
>> des Champs & beaucoup plus
» confiderable que celui de la mai-
" fon de P. R. de Paris ; qu'ainfi l'une
» etoit fort a fon aife tandis que l'au-
« tre fouffroit 5 8c qu'il y avoit une
» efpece d'injuftice, que celles qui
» avoient toujours ete foumifes fuf-
w fent (i mal partagees, pendant que
» les autres avoient tout le bien de
» leui cote «. On ajoutoit que le nom-
bre des religieufes de P. R.des Champs
etoit tres petit, & qu'elles n'avoient
pas befoin d'un fi gros bien. » Un
» homme puiflTant a la Cour (40) ,
C;8) Du Fofl". Mem. p. (39) Mem. p. 477.
47?. (40) M. de Poiuchar- |
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3^i HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl.
~'i6<?-r. " 1uiprenoita cceur lesinterets d'une
» religieufe de la maifon de Paris,
« & qui etoit follicite fortement par
» elle, etoit bien aife , a fa confide-
» ration , de fervir cette Abbai'e , &
» s'emploioit de tout fon pouvoir
» pout lui procurer ce qu'elle ambi-
» tionnoit......On ne peut trop
» plaindre les meilleurs Princes d'e-
>> tre expofes malgre eux a tant de
» furpriles de la mauvaife volonte ,
» & j'ofe le dire , de l'jnfidelite des
« perfonnes qui les approchent *.
xxxv. Les religieufes de Port - roi'al des
fe/de'p? °r' Champs inronnees de ce qui fe paf-
des clumps foit firent drefTer & prefenter au Roi
dreflenr une a^ ^ . 11 e • s c
requcte au une requete , ou eiies expoioient a ba
Roi pour kur Majelti de quelle maniere le parage des biens s etoit fait en 1669 , & com- bien il avoit ete avantageux aux re^ ligieufes de Paris, qui par cette rat- ion & par la crainte que celles de la maifon des Champs ne vouluiTent quelques jours revenir contre un par- tage dans lequel elles etoicnt lezees, avoient fait mettre cette claufe dans la tranfaction, que par le mo'ien du , prefent partage les biens & revenusdes deuxAbbaies demeureroient entierement fepares , fans que I'une put jamah re~ train Secretaire d'Etat, filsduChaucelier. |
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II. P A R T I E. Liv. X. 3 3J
venir en compte avec Vautre. » L'af-
» faire fut portee au Confeil du Roi, « die M. du ForTe (41) , & il inter- » vint un arret qui nommoit des » CoinmuTaires pour aller faire la » vifue de l'etat du revenu des deux « Abbaies, du nombre des religieu- » fes , & de l'adminiftration du bien » qu'elles poiledoient «. Les deux CommiiTaires furent choifis par M. de Noailles, dont le choix fut genera- lement applaudi. L'un eroic M. Roy- necce Superieur de Port - Roi'al des Champs; & l'autre le Pere de Loo, Prieur de PAbbaie de S. Germain des Pres (41). Le proces verbal de ces Commiffaires fait peu d'honneur aux religieufes de P. R. de Paris, & en fait beaucoup a celles des Champs. », Ces deux CommiiTaires, dit M. du » Fofle (43) , firent leur vifite dans » la maifon des Champs. On leur fit » voir les cornpres du revenu & de » la depenfe , qu'ils avouerent avoir » trouves d'une exactitude , d'une " nettete & d'une beaute charmame. (41) Ibid, p. 4-7S. Lefleur curieux en.trou-
(4*-) Le proces verbal vera le derail '!ans les Me-
de la maifon de Paris fut moires hilloricjues, T. j.
Jain le e mars; &c celui p. 143, & fuiv.
de la maifon des Champs (43)' Ibid3p.t\So,
JeiS da mem; ruois. ie
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3 34 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
» Mais fur-tout ils ne pouvoient fe
» laflfer d'admirer comment avec un w revenu mediocre elles trouvoient » le moien de nourrir & d'entrete- » nir une communaute de quarante » religieufes profeffes de choeur, fans » les converfes, & de faire encore » une fi grande quantite d'aumones, » revetant un fi grand nombre de » pauvres, afliftant beaucoup de fa- » milles accablees de miferes , don- » nant du potage tous les jours a ceux » qui fe prefentoient, envoiant des » remedes a une infinite de pauvres » malades. Ils firent de meme con- s' jointement la viiite de la maifon » de Paris, dont les comptes leur fi- w rent voir qu'il y avoit un revenu » confiderable , 8c qu'il dependoit » de Tceconomie de le bien admi- » niftrer & d'en bien ufer. LeRoi fur- » pris de la fauffete de tout ce qu'on » lui avoit dit touchant le revenu » & le nombre des religieufes de » P. R. des Champs, ne voulut point » entendre patler davantage de cette » affaire ; ce qui mortina. pour le » moins autant les ennemis de cette » fainte maifon qui s'etoient deja » vantes de lui avoir coupe une par- » tie de fes Yiyres, que l'Abbefle de |
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II. Partie. Liv. X. 335
» P. R. de Paris qui fe tenoit afTu- 1697, » tee , fur la parole de ceux qui ont » aujourd'hui rant de credit , de » groffir confiderablement le revenu » de fa maifon. Auffi leur Avocat, » a qui une perfonne de qualite de- » mandoit ce que c'etoit que l'affaire » qu'il y avoit entre ces deux mai- =■> fons , repondit que c'etoient les » vierges folles qui n'diant plus d'huile >» dans leurs lampes en demandoient " aux/ageSj qui les envoicient en ache- » ter«. C'eft ainfi que l'equite triom- |
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I
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e lorfqu'on veut bien fe donner
peine d'examiner les chofes , & |
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d'ouvrir les yeux pour les yoirtelles
qu'elles font. Les ennemis de P. R. voi'ant qu'ils xxxvi.
avoient manque leur coup , les accu- N°l>velIes r view ri • accufations
ierent aupres de J>. M. vers le mois centre les re-
d'aoutd'ayoirre^udes novices conrfe !'g,^ufes la defenfe qui leur avoit ete faite d'en recevoir ; & ajouterenr a cette accti- fation les anciennes calomnies fur la dodtrine. Ces faintes filles calomniees s'adreflerent a M. de Noailles, le fup- pliant de faire examiner leur condiii- te, & de fe donner la peine de faite lui - merne la vifite de leur maifon. » Cette vifite, difoient-elles, fervira » k conftater la faufTete des calom- |
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336 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL
1697. " nies dont on nous charge , ainfi
» qu'il arriva ibus feu M. de Gondi, m lorfqu'on commenca a nous noir- » cir & a. nous calomnier«. xxxvh. II y alien de croire que cefutce JeNoaiUes a (\vl'1 occafiorma la vifite que M. de r. k. des Noailles fit a P. R. des Champs le zo amps' o£tobre de cette annee, dont M. du Fofle parle en ces termes (44). " II s'y m eft done tranfporte. II y eft entre la y> lampe ardente en une main , & la « balance de la juftice dans 1'autre , h pour tout voir & pour tout pefer » au poids du San£tuaire. II a parte » a routes les fceurs, il les a inter- » rogees fur leur creance & fur leur « conduite j & apres avoir cherche » inutilement tout le mal cju'on leur m impute , fans y trouver autre chofe sj qu'une admirable charite , qu'un m attachement inviolable a tous leurs » devoirs , une parfaite foumiffion » pour tout ce qui regarde la foi de .. » 1'Eglife, une refignation etonnante « a toutes les croix qu'il plair a Dieu » de leur envoier , une humilite tres » profonde , une ftmplicite accompa- » gnee d'une fagefle vraiement chre- « tienne, il s'eft cru oblige de ren- w dre au Roi un temoignage authen- (44) Mem. p. 48 j.
» tique
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...
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II. Par tie. Liv. X. 3 37
ft tique de ce que lui-meme avoit vu 1697. " » de fes propres yeux & entendu de » fes oreilles dans cette maifon, qu'on » reprefente aSaMajefte depuis tanr « d'annees fous l'image affreufe d'une « retraite de gens egalement revol- « tes contre l'Eglife & contre FEtat «. M. du Foffe rapporte encore (45) xxxvrrr.
_ > £ • «. \ 11 Autre vil?te
qu arm que nen ne manquat a 1 exac- faite a ,,. x-
titude de la connoiffance qu'on pre- p»r d« con-
tendoir avoir d'une maifon fi fort de- trawUaai*
criee par fesennemis , M. de Noailles tes.
non content de l'avoir vifitee par
lui-meme & par fes Grands-Vicaires,
voulut que les ConfefTeurs extraor-
dinaires , nullement fufpects de lui.
etre favorables, achevafTent en quel-
que forte cette vifite 8c cet examen
n important pour le repos de ces pau-
vres filles, qui ne defiroient que la
liberte de fervir Dieu dans la paix
du Saint Efprit. » Ces ConferTeurs y
» arriverent juftement dans le tems
» de l'adoration duS. Sacrement (46);
» & etant entres clans l'Eglife, ils fu-
» rent bien aifes d'obferver la ma-
» niere dont cette ceremonie fe fai-
» foit. Ils virent tous les domeftiques
" au - dehors & les religieufes au-
» dedans fe profterner avec une de-
(41) Ibid. (4«J Ibid. p. 484,
Tome Fill. P
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j}8 HlSTOIRE DE PoRT-ROUt.
J(jo7> " votion tres fervente & une fainte
» frai'eur devant le Corps adorable » de Jefus-Chriit, dans le moment « que le Celebrant donnoit la bene- » diclion, & qu'il chantoit d'un ton " majeftueux ces paroles ; Benedicat j' nos Deus 3 benedicat nos Deus, & »> metuant eum omnes fines terra «. Ces Meffieurs furent it frappes de
ce qui fe prefenta ainfi tout d'un coup a leurs yeux & a leurs oreilles, fans qu'ils puilent foupconner qu'il y eut rien en cela de recherche & d'aftecte, qu'ils ne purent s'empecher de fe dire au fortir meme de l'Eglife : Eft -il pojjible qu'on ait accuje de nepas croi- re au Saint Sacrement de I'autel 3 cette maifon ok tout refpire tant au-dehors qu'au-dedans une fi profonde venera- tion pour cet augufte myfiere j que ja- mais peut-hre il ne s'efi vu en aucun lieu rien qui foit capable de frapper plus fortement les plus impies ? xxxix. Les ConfefTeurs , apres s'etre ac- At:eftation qUitt^s de ]a foncTdon pour laquelle autncntique X . . ,., * *
de l'innocen- on les avoit envoies , retournerent
Ce des reh- ^ paris > non-feulement fi contents ,
|,. mais fi combles & fi charmes de ce
qu'ils ayoient yu & entendu, qu'ils
en parloient a tons leurs amis. » Voila
» done, conclud M. du Fofie (47) }
ttfj /lid. |>. 4»j.
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II. P a r t 11. Liv. X. 539
» ce que, felon la parole de Jefus- iCqj.
» Chrift, on peut regarder comme » une atreflation authentique de Pin- » nocence des religieufes de P. R. » des Champs, puifqu'elle eft fondee » non feulement fur trois temoins , » qui fuffifoient au terns de la loi » pour rendre un fait avere ; mais » ce qui eft bien plus confiderable, » fur le remoignage irreprochable de » trois vifites dont j'ai parle. Ainfi » quand on veut encore appeller de » tels temoignages , & ajouter foi » preferablement a de vaines preten- » tions & a des bruits vagues, qui » n'ont pour tout fondement que la » paflion , c'eft qn'on aime a fe trom- » per ; c'eft qu'on trouve quelque » iecret interet a ne pas dementir des » calomnies appui'ees d'un puiffant » credit 5 c'eft que Ton n'eft gueres » touche de l'amour de la juftice; » c'eft qu'on n'aime pas allurement » fon prochain comme foi - mane , » puifqu'on feroit plus fenfible a ces » calomnies, qui nous toucheroienc » perfonnellement j c'eft enfin qu'on » ne craint point de violer dans fes » jugemens les regies les plus invio- " lables de l'equite, & de fe rendre » coupable deyant Dieu d'une ti- Pij
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54° HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
7169-7. " tA&citi criminelle en condamnant fi
» legerement ceux qu'il juftifie d'une " maniere fi aurhentique «. " L'on me pardonnera fi je repete
» fi fouvent les memes chofes, con- » tinue M. du Fofle (48) j mais c'eft » qu'il eft difficile d'avoir ete depuis » plus de cinquante ans temoin de » tous ces evenemens , & de n'en " pas attefter la verite , lorfqu'on la » voit obfcurcie par cent impoftures. « Les Apotres difoienc autrefois qu'ils » ne pouvoient pas ne point dire ce " qu'ils avoient vu &c entendu , pour « attefter l'innocence de Jefus-Chrift » que ces memes Juifs avoient era- » cifie, & pour etablir la verite de » fa Refurrection. Et j'ofe bien de- r> clarer aufli, que jenepuis pas ne » point dire ce que j'ai vu &c en- » tendu , pour faire connoitre a tout « le monde, autant que j'en fnis ca- « pable , l'innocence de ces faintes » epoufes, qui femblabies a des co- *• lombes ne peuvent fe defendreque » par leurs fecrets gemiflemens de- » vant leur epoux. On a bien put » remarquer par la lecture de ces » Memoires ( c'eft toujours M. du v FoflTe qui parle) , que j'ai ete in.- Lg) Ibid. p. 4S6.
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II. Par tie. Liv. X. $±i
it {enablement engage a parler d'el- 1697. i» les par la liaifon fi etroite qu'il a » plu a Dieu de me procurer des « mon enfance avec cette fainte mai- t> fori (49) , ou j'ai commence a le " connoitre & a le iervir y ou j'ai vu » devant mes yeux mille exemples » d'une vertu admirable, qui m'ont « fait fucer, pour ainfi dire, avec 5' le lait, la piete & la crainte du Sei- » gneur ; ou deux de mes fceurs ont » eu le bonheur de vivre & de mbu- » rir bonnes religieufes (50); ou une >t autre a appris a fe fandifxer dans » le monde j oil un de mes freres, » qui etoit mon aine, s'eft tenu heu- » reux de mourir auffi dans le fer- » vice de charite qu'il rendoit (51) » comme beaucoup d'autres a ces » faintes j & ou ma mere a voulu (49! M. du Foffe fut Thecle, morte le i juillet
eleve a P. R. aux Granges, i««i , j» avec une piece
ctes l'age de 10 ans. Ce » admirable, s'offrant £
fut M. fon pere qui IV 3> Dieu comme une vic-
conduifit en 164;. Depuis i> time pour routes les
ce terns il fut toujours en j> fceurs qu'elle Iaiffbit ac-
liaifon avec Meflieurs de » cablees d'affliftion 8c
P- R, 6c fouvent le com- » menacees tous les jours
pagnon de leur retraite 8c « de nouveaux malheuts.
de leurs travaux , comme Viesedif. T. 2. p. ito.
on l'a vu dans ceue hif- (51) II fe meloit du toire. temporel. 11 mouruc A
(?o) La foeur de fainte P. R. le zi avril 1651 , a
Melthide, morte en 1696, l'age de 21 ans.
& la foeur Anne de fainte P iij
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$4* HlSTOIRE DE PoRT-ROiAt.
etre enterree , regardant cette foli-
tude comme un lieu d'une bene- diction route particuliere. Com- ment done pourrois-je , tenant a cette maifon par tant de liens dont Dieu feul a ete 1'auteur, n'y pas penfer tres fouvent, n'en pas parler , ne pas dire ce que j'en connois avec certitude comme te- rn oin oculaire, & qui peut fer- vir a la juftifier & a detruire par l'evidence de la verite ce que l'i- gnorance ou la malice publie de contraire ? Je crois etre d'autant plus oblige de m'etendre fur ce fujet dans mes Memoires , qu'etant attaque d'une paralyfie qui me re- duit au filence depuis un an & demi, je ne puis deformais rendre de vive voix le temoignage que je dois a l'innocence & a la fain- tete de tant de ferviteurs & de fer- vantes de Dieu , que cette maifon a renfermes & renferme encore aujourd'hui. Outre cela je fuis tres perfuade que rien ne peut etre plus agreable a Dieu dans S'etat de fouf- france ou il m'a reVluit, que de re- paffer ainfi dans mon efprit toutes fes mifericordes, pour les faire con- *> noitre a fes ferviteurs} & que rien |
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II. Partie. LiVi X. $4$
» auffi ne m'eft plus avantageux a. 1697.
» moi - meme , que d'y penfer tres " fouvent pour lui en rendre de con- » tinuelles actions de graces".' Un fi beau temoignage rendu pair
tin temoin oculaire en faveur de P. R. tie deplaira pas fans doute , & ne pa- roitra pas deplace dans l'hiftoire de cette fainte maifon. D'ailleurs il fert a faire connoitre celui qui le rend -r & qui, a titre d'eleve de P. R., doit lui-meme avoir place dans cette hif- toire. Qaoique les trois vilites faites fuc-
ceffivement a P.R. desChamps par des Grands-Vicaires deM. l'Archevtque , . fiar M. de Noailles lui-meme , & par
es Confeffeurs extraordinaires , fuf- fent une declaration authentique de l'innocence des religieufes de P.R. felon la judicieufe remarque de M. du Folle, ces faintes filles demeure- rent toujours dans l'oppreflion \ & la defenfe de recevoir des novices fub- fifta(5i). Le 10 de Janvier de Panned 1698 ,
(fz) M. du Folle, en de M. de Noailles fut fai-
parlant de ces vilites rap- te, comme nous l'avons
porte la troifieme irame- matque au mois d'ofto-
diatement apres la fecon- bre 1697, 6c celle des
de, comme fi elles a- confelTeurs en l'annee
Voient ete faites dans la i6j8.
JBenie annee. Mais celle |
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J44 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
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\6$$. la mort enleva a l'age de foixante
xl. deux ans & quaranre jours un des mom , * res .hommes les plus celebres de fon fie- hearetifcsdif- cle par la fcience & la modeftie. Nous FenfaDce.fon par Ions de M. le Nain de Tillemont education. ]J avantageufement connu dans la re- publique des lettresj donr le public , pour me fervir des expreflions de M. du Fofle, ne put apprendre la mart fans verfer des larnies fur la perte aue faifoit UEglife d'un fifaint Pritre. M. Sebaftien le Nain, fiis de M. le Nain ancien Maitre des Requetes, fi dif- tingue entre les premiers Magiftrats par fon grand merite, & de Dame Marie le Ragois, vint au monde le 30 novembre 1637 (53)- * Dieu qui » Tavoit deftine pour etre un jour un » de fes miniftres, l'y prepara des fon « enfance en lui procuranr une fainte m education". (54). II apporta en nauTant des inclinations routes por- tees au bien , & qui annoncoient ce qu'il feroit un jour. » Jamais on ne « vit dans un enfant (55) plus de fou- « miffion, de docilite , de fagefle, » de douceur & d'humilite « (56). II joignoit a une grande innocence (j?) Viede M. de Til- (jf) Necr. p. 18.
Jemont,p. i. (f«) Font. T. i. page (54) Du Fon". Mem. p. jStf.
fOl.
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II. Partie. Liv. X. J45
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tine gravite & une fageiTe qui eton- 1698.-
noient, & beaucoup de difpofitions' pour les fciences. Doit - on etre fur- pns apres cela, qu'un tel fujet, eleve dans les celebres ecoles de P. R. & forme aux fciences & a la piete par les Lancelot, les Nicoles, les Vallon de Beaupuis & les Saci , c'eft-a-dire , par les plus grands Maitres qu'il y eut au monde ; doit-on , dic-je , etre furpris que fous de tels maitres, avec de tel- les difpofitions , M. de Tillemont ait fait dans la piete & les fciences ces progres , qui l'ont rendu des fa jeu- nelTe un fujet d'admiration ? M. fori pere, qui avoit beaucoup de piete , comme on peut en juger par fon tefta- ment fpirituel, le mit a P. R. a l'age de dix ans l'an 1647. M. Fontai- ne (57), qui l'y avoit vu, &quiavoit en quelque part a fon education , en parle en ces termes : » Lorfqu'il » croifToit en age fous nos yeux 8c " notre conduite, il apprenoit les » langues, qui lui donnoient alors de » 1'eloignement pour les jeux inno- » cens. Pendant que les autres enfans, » qui etoient avec lui, donnoient » quelque relache a leurs efprits aux » heures deftinees a cela , & fe don- (57) Font. T, 2.. p. j««. Pv '
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345" HlSTOIRE DE PoRT-AOlAt;
noient rout entiers a leurs petits
divertiflfemens, il s'enfermoit lui feul dans la chambre. Voi'ant I'Hif- toire & la Geographie, il reduifoit par alphabets tous les noms mar- ques dans une Carte , & jettoit des l'age de neuf a dix ans les fonde- mens de cette fcience hiftorique, on il a fait voir fon extreme pene- tration , & fon incroi'able exacli- tude. Comme on ne fuivoit point dans
les ecoles de P. R. la methode des Colleges, on lui apprit les regies de l'eloquence dans la lecture de Quin- tilien , de Ciceron & des' auttes Qra- teurs. II apprit de meme la Logique dans Xxn de renfer, que M. Nicole, auteur de ce livre, lui expliqua pen- dant environ deux mois,une heure feu- iement par jour.Lale&ure deBaronius, a laquelle il s'appliqua des fes pre- mieres annees, lui donnoit occafion de faire mi'.le queftions a M. Nico- le , qui en etoit quelquefois embar- rafTe; ce qui lui faifoit dire agrea- blement, » qu'il ne voi'oit point alors >' approcher M. de Tillemont fans w trembler, dans la crainte de n'a- » voir pas de quoi le fatisfa're furle » champ (58) «. A la lecture de Ba- (j3) ViedeM. deTUl.f.}, |
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1698.
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xu:
Ses etudes.
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II. P A r t i e. Liv. X. 3 47
ronius, il joignit celle de laTheolo- 1698.
gie d'Eftius; puis il pafTa a celle de 1'Ecriture & des Peres; & comment^ des lors a jetter les fondemens de l'ex- cellent ouvrage , dont il a depuis . enrichi l'Eglile. » Le choix qu'il fit de l'etude , fut _ xlii.
•» pour lui, non un ecueil & une jj.|"e c „n°'£ » occafion de fe perdre par la vani-cueii,eftpouc . - , \ ■ ■ 1 - L M. de Tille-
» te (59), mais unazile centre beau-montimaZi.
» coup de perils prefqu'inevitables a k centre les
»> la jeunelfe. Elle fervit a affermirpa's"
'j de plus en plus dans fon coeur la
» crainte de Dieu par la connoifTan-
« ce qu'elle lui donna de l'eiprit &c
» de la conduite des Saints , qu'il
» avoit particulierement en vue dans
» fes lectures. II eut un g^nie tout
» fingulier pour l'etude de 1'hiftoire ,
» & ai'ant pris le defTein tout jeune
» de travailler a celle de l'Eglife, il
a y rapportoit tout ce qu'il lifoit.
» Inexactitude d'une critique tresju-
» dicieufe qui lui etoit comme na-
w turelle , la juftefle d'un difcerne-
» ment tres fin; la fidelite d'une me-
» moire a laquelle rien n'echappoit,
» une incroiable facilite pour le tra-
» vail, un ftyle noble & ferre , &c
" par deflus tout un amour ardent
{$?) FoiT. MeiJJ. p. 501.
P Vj
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$48 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAL,"
1698. " pour la verite , le rendirent tres
xim. " capable de ce qu'il avoit entrepris. Qualir.es du Telles etoient les qualites de l'ef- prit dans M. de Tillemont; mais il etoit incomparablement plus recom- mandable encore par celles ducceur, par une profonde humilitc, par une modeftie fans exemple, par fon amour pour la rerraite & le fdence, par fon grand eloignement de routes contef- tations , par fa tendre piete , fonim- menfe charite pour les Pauvres , ajou- tons & par fon inviolable attache- ment a la maifon de P. R. Si la nature de notre ouvrage nous permettoit de nous etendre fur un fujet fi vafte j aurant qu'il le merite, combien d'ac- tions edifiantes & de vertus heroi- ques ne mettrions-nous pas fous les yeux du Le£teur? xuv. M. de Tillemont etant alle a Beau- II va a Beau- ■ \ i,a i 't:£
vais & fon vais a ' age de 2 3 ans , il y rut recu
hmmiite eft par M. de Buzenval, avec des mar-
i'accueil que ques extraordinaires d'eftime. Mais il
im fair le en fut fi allarme , qu'il ecrivit a. M.
ae oaci, pour Im marquer le peril ou
il fe trouvoit a caufe de la confidera-
tion que Ton avoit pour lui , & le
defTein oii il etoit d'aller dans une
retraite plus fure.
M. de Saci l'ai'ant raflfure, il refta
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II. Par tie. Liv. X. 349
a Beauvais , 011 le faint Eveque le 1(j9gf determina a recevoir la tonfure; & dit apres l'y avoir determine, qu'il n'avoit point eu de plus grande con- folation dans le monde que de pou^ voir efperer de 1'avoir pour fuccefleur. 11 pafTa trois ou quatre ans au Semi- naire, enfuite cinq ou fix chez M. Hermant; & apres environ dix ans de fejour , il quitta ce pais, parceque M. de Beauvais avoit trop de confi- deration pour lui. De retour a Paris, il denleura deux ans avec M. du FofTe, fon intime ami • apres quoi il fe re- tira a la campagne dans la ParoifTe de faint Lambert, pour vivre dans une plus grande folitude. En 1672 , M. de Saci lui fit rece- xtv.
voir le Sous-diaconat aux quatte-tems 0JaKiS°"^ de feptembre , puis le Diaconat aux quelle piece quatre-tems de 1'Avcnt de l'annee ftaieu^ue fuivante. " M. de Saci, dit-il ecri- » vant fur ce fujet a D. le Nain fon » frere, ne fe contente pas d'avoir » voulu que je prifle l'annee paflee » le Sous-diaconat, il m'oblige en- » core; de recevoir le Diaconat a ces » quatre-tems prochains. Je vous » afiiire, mon tres cher frere, que . " c'eft avec beaucoup de confufion 8c w de crainte que je me refous a lui |
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350 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
K>5?8^ » obeir j car je me fens fort eloigne
des difpofitions que je vois meme
etre neceflaires pour entrer dans ce
miniftere ; & fur-rout je fuis con-
traint d'avouer que j'ai fait fort peu
de profit des graces que j'ai du re-
ceveir de Forcae & des fondtions
> du Sous-diaconat, &c. «. M. de
Saci, qui deftinoit M. de Tillemont
pour etre fon fuccefifeur dans la con-
duire des ames dont il etoit charge ,
lui fit recevoir la Pretrife aux quarre-
tems du Careme de 1'an 16j6. » Ja-
» mais il ne parur ii humble , que
» lorfqu'il fut eleve a la Pretrife (60),
» parcequ'il ne comprit jamais
» mieux la neceffite de s'aneanrir a
» l'exemple du premier de tous les
« Pafteurs. On peut dire que fon
^ humilite fe faifoit fentir a. tous ceux
3> qui 1'approchoient.
xlvi. Peu apres avoir re$u la pretrife ,
v. R^puis \ ^- de Tillemont, pour profiter des
Tillemont ; avis de M. de Saci, & fe fanctifier
uJforrmeCe'aupresde lui dans la rerraire , fe re-
iaborieufe. tira a P. R. dans un petit corps de logis
qu'il fit batir dans la cour. Mais a-
peine y avoit-il deux ans qu'il yde->
meuroit, queM.de Paris i'enfitfor-
tir avec les autres Ecclefiaftiqiies au
(tfo) Du Foil", p. joj. font.p. jstf.
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II. P A R T I E. L'lV. X. 35I ______
mois de mai 1679. Alors il fe retira 1698.
aTillemont, ou il paffa le refte de fa vie dans le filence & dans la re- traite. II en fit fes chaftes delices, & s'y fan&ifia par une vie pure , fimple, laborieufe , penitente , reglee & uni- forme , premier & ordinaire caraclre- re de la vie des Saints, felon la remar- que de M. Baillet. II portoit l'exac- titude anx regies qu'on lui avoit pret- erites (61), ou que lui-meme s'etoit faites jufques dans les chofes les plus indifferentes. Sa raifon etoit que la vie d'un chretien doit etre reglee; que l'efprit de l'homme naturellement inconftant doit etre arrete par une fuite d'actions fixes , afin que fa- chant ce qu'il a a faire , il ne foit pas empofte par fa propre legerete. II fe levoit regulierement aquatre heu- res & demie dans le cours de 1'annee, & aquatre pendant le Careme. Tout fon terns etoit parfaitement rempli & partage entrela priere & l'etude. II etoit exa£b a dire chaque office a l'heure marquee ; & quelqu'attache qu'il fut a fon travail, il le quittoit («i) Dans le voi'age meil, foit pour les prie-
meme qu'il avoit cou- res , foit pour la lecture
tume de faire tousles an*, de l'ecriture, foit pour
il fuivoit le meme genre la recitation de l'office.
.■de vie 3 foit pour le foni- Vie de M. Till. p. t*j.
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3 51 HlSTOIRE D£ PoRT-ROlAl.
"j^og, lorfque cette heure l'appelloir. Il
affiftoit r^gulierement, les Fetes &Di- manches a la MelTe de ParoilTe , quoi- qu'eloigne de plus d'un quart de heue. II y difoit la MelTe avant la grande, a laqaelle il fervoit ordinairement c!e Diacre. Dans les grandes Fetes, il etoit prefque toujours a l'Eglife de- puis quatre heures du matin jufqu'a cinq heures du foir. II fe trouvoit a toutes les ceremonies. On l'a vu quelquefois aller avec la proceffion de Montreuil fa ParoifTe a l'Eglife de fainte Genevieve de Paris. Lorfqu'il devoit dire la MelTe , il s'y difpofoit quelquefois par de petitsecrits de pie- te qu'il faifoit, pourfe remplir 1'eiprit de bonnes penfees. Avant que de la dire, il fe difpenfoit autant qu'illui etoit poffible de parler a qui que ce fut, arm d'y ctre plus recueilli. xlvii. ^ Tout brulant d'arnour & de zele Jant iefisdptus Pour *a beaute de la maifon du Sei-
petites cho- gnettr, il prenoit garde jufqu'aux moindres chofes qui y avoient rap- port \ & etoit exad: a la moindre ru- brique, par cetefprit de religion qui donne du prix aux plus petites cho- fes. Nous devons beaucoup a Dieu _, difoit-il, & nOus fommes dans Vim- jpuijfan.ce de le fatisfaire, il faut au |
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II. Partie. Liv. X. 3 5?
-1—
molns lui tirnoigner que nous dejire- KJ58.
rions lepouvoir, & lefaire voir dans tout ce que nous pouvons. C'eft deladifpofi- don du cceur _, difoit-il encore, que de- pend tout le make des actions exterieu- res de pieti. & de religion j mais le cceur bien difpofe _, loin de les negliger s'y pone avec ardeur, lorfque Dieu lui en prefente les occasions. Sa vene- ration ponr les Saints le faifoit quel- quefois fortir de fa retraite pour aller en pelerinage dans les endroits ou Ton conferve ieurs reliques. Tous les ans il alloit \ pied a faint Denis dans I'o&ave de la fete du Saint, a fainte Genevieve, &c. Son affiduite a la priere lui ren- xivm.
doit cette pratique familiere. Elle/j^^^" etoit fon unique reftource, & il y avoit recours dans tout ce qu'il faifoit 8c tout ce qui lui arrivoit. » On a fi peu » recours a la priere , difoit-il, qu'il " ne faut pas s'etonner qu'on reuf- " fifle fouvent rres mal dans les meil- ,, » leures entreprifes. L'homme n'im-
» plorant pas le fecours de Dieiij » merite d'en etre abandonne, afin » que fon experience lui apprenne » combien fa prudence eft vaine , fi " Dieu ne repand fa benediction «. On ne pouvoit le voir prier fans ert |
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3 54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi,
1698. etre touche. Son recueillement en inf-
piroit aux autres. Sa pofture meme marqudit fenfiblement fa difpofition interieure ; foit qu'il fut a genoux , foit qu'il futdebout, il paroiflbit tou- jours humilie devant Dieu. II avoit tine attention continuelle a lui, le priant dans tout ce qu'il avoit a faire & l'ccoutant dans tout ce qui lui arri- voit. II fe plaignoit de ce qu'on n'&- coutoit pas la voix de Dieu qui par- loit dans diffcrens evenemens. xiix. Quelqu'eclaire qu'il fut, il conful- son deludetoit les perfonnes les plus capables &
connci:re la, , l 1 1 • * 1 1
•voiomt de les plus gens cie bien pour leur deman-
Dieu pour la der leur avis. Son unique but dans fes deliberations etoit de connoitre ce que Dieu demandoit de lui, fans fe mettre en peine du fucces : " Dieu , i> difoit-il (6i) , demande quelque- » fois de nous certaines chofes, qu'il » ne veut pas neanmoins faire reuf- » fir ) notre devoir eft de lui obeir , » & de lui abandonner le fucces de » notre obeiflance. Trop de mira- « cles ont accompagne la predication >■> que faint Bernard fit de la Croi- » fade, pour douter que ce ne fut » par fon ordre & par fa volonte ; & » les mauvais fucces de cette expedi- (Si) Vie de M. Till. p. }7-
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II, P A R T I E. LtV. X. $ 5 5
»• tion doivent nous apprendre a ne 1698.
» point condamner les gens de bien » donr quelques demarches ont eu de " mauvaifes fuites ». C'eft ici une inftrudtion pour ces politiques & ces fages du fiecle , qui au lieu d'envi- fager Dieu dans tous les evenemens, en j agent par les lucces , & blament ou condamnent felon qu'ils font bons, ou mauvais , & ont la ternerite de cenfurerlaconduite des Saints memes, & en particulier celle de faint Ber- nard juiHfiee par rant de miracles. Le jufte , dont nous parlons, vi- t.
vant de la foi ,- avoit des idees bien lit£ fa^ul differentes de ces faux fages ; auflilesevenmens^ • re •■ ■ 1 • j> r • Sa confiance
jouilioit-il toujours d une parraite en Djeu.
tranquillite dans tous les evenemens.
» C'eft 1'avantage des vrais chreriens,
» difoir-il, d'etre exempts d'inquie-
» tudes. N'aimant que Dieu , qui ne
» fe trouve point dans le trouble,
" mais dans le repos de Tame , on a
» la confolation d'etre affure qu'il
» n'arrive rien, ni a. nous, ni aux
» autres, que par l'ordre de celui
" que nous aimons , & qu'ainfi rien
» ne nous peut nuire. Sa confiance en -.->
Dieu etoit admirable. » Faut-il,difoit<
» il, que des perfonnes qui cherchent
» Dieu foient attachees aux hommes?
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55<^ HflSTOIRE DE PoRT-ROlAtr
1608. » Sont-ce les hommes qui nous fau»
» vent ? aions de la foi, & nous ail- s' rons tout. II faut mettre en lui uni- » quement toute notre eonfiance , » nous fervir avec action de graces » du fecours qu'il nous donne par les " hommes, mais ne les regarder qu'en » lui & dans Ion ordre. ii- Nous ne finirions point, fi nous & m. ae"ii- volitions entrer dans un detail exact
icmom. de la vie & des vertas de ce faint Jiomme , & parler de fon zele pour le falut defes freres, da foin qn'ii pre- noit d'inftruire fes domeftiques, ce qu'il regarda des fa jennefle comme un de fes principanx devoirs; de FoncTrion avec iaquelle il parloit de Dieu ; de fa modeftie & de fa rere- iiue lorfqu'il s'agilfoit de decider; des faintes difpontions , avec lefquel- les il travailloit; de la delicaterfe de fa confcience, qui lui faifoit craindre qu'il n'y eut trop de plaifir pour lui dans la vie laborieufe qu'il menoit & dans un travail auffi penible que le lien ; de fon detachement & de fa generofite, abandonnant a diverfea perfonnes differentes parties de fon ouvrage ; comme la vie de faint Augultin aux Benedi&ins de la Con- gregation de faint Maur ; celles de |
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II, Par tie. Liv. X. 357
feint Athanafe, de faint JBafile, de j<jo8.
faint Gregoire de Nazianze , de faint Chryfoftome a M. Hermant, &c. 5 de fon averfion pour les louanges , qui lui faifoit exiger de ceux a qui il abandonnoit fon travail . qu'ils ne le feroient point connoitre. M. le Nain fon pere ai'ant voulu lui faire lire le journal des Savans, qui parloit ayan • tageufement de fon premier volume ainfi que de l'Auteur, M. Tillemont le pria de i'en difpenfer, lui difant » qu'il n'avoit pas befoin de nourrir » fon orgueil de l'opinion trop avan- » tageule qu'on pouvoit avoir de » lui (6$). >-• II travailloit pour l'edification LF-
» de l'Eglife, dit M. du FofTe (£4), Sc kquei'u J£ " non pour fa propre reputation, yailloit » S'appliquant a ion travail comme » a I'ceuvre de Dieu meme, il ta- » choit de n'y rien meler de l'efprit de M l'homme. II etoit vraieinent favant " de la fcience des Saints , qui leur " apprend a connoitre la grandeur " de Dieu , le neant de l'homme & (63) Vie de M. Till. p. dans la reponfe qu'il fit
$*■ Ontrouvera dans fa a M. Charlet Chanoi-
Jie despreuves dc fa pro- ne de Grancey , qui lui
Jonde huinilite dans les avoir donne de grandes
litres qni y font rappor- louanges fut fon ouvrage.
W 1 & .en partieuiier 1<H) foff. Mem. p. 504, |
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358 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
le peu d'eftime qu'il doit faire de
toutes les fciences, qui ne contri- buent point a le faire croitre dans la charite. Ainfl an lieu que la fcience enfle, felon faint Paul, celle de cet humble Pretre fembloit au contraire lui fervir de contrepoids eontre l'enflure de la vanite , puif- qu'en le tenant dans une conti- nuelle crainte , elle le rendoit plus attentif & plus vigilant , plus de- fiant de lui-meme , plus referve a dire fes fentimens, plus circonfpe£b a ne parler mal de perfonne j en- forte qu'on remarquoit en lui com- me le caradtere d'une circoncifion gcnirale _, qui lui faifoit retrancher de fes paroles, de fes actions, de fes regards j & meme de fes mou- vemens, tout ce qui ne repondoit fias parfaitement a la laintete de
'etat, ou l'ordre de Dieu l'avoit engage. » Un telhomme , pour nous fervir
encore des expreffions de M.du Fof- fe (<J 5) , a juger des chofes felon la foiblefTe de nos lumieres &c par rapport a nos interets, fembloit de- voir vivre plus d'un fiecle; puif- qu'en fournilTant cette carriere il (6^) Ibid. p. 504. ^Jecr. p. iq.
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i<J<>8.
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tm.
Sa derniere
roaladie ; fa piort. |
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II. Partie. Liv. X. 359
» auroit pu avancer beaueoup le 1698.
» grand ouvrage qui devoit etre G. " avantageux a I'Eglife. Mais Dieu, » dont les jugemens font bien difFe- » reus de ceux des homines , a eu » moins d'egard a fon travail qui de- v meuroit imparfait, qu'a 1'ouvrage » de fa grace , qui l'avoit fair arri- » ver lui-mcme a la plenitude de l'a- » ge , felon lequel Jefus-Chrift de- » voit etre forme en lui. C'etoit un » fruit mur qu'il a cueilli pour le » nsettre en surete dans fes taberna- » cles eternels «. La derniere mala- die de ce faint homme, caufee par fa penitence , fes jeunes &c fon travail, ne changea prefque rien aux exercices ordinaires qu'il s'etoit prefcrits , & fervit a faire encore connoitre davan- tage fa vertu & Pabondance de la grace qu'il avoit re$ue de Dieu. II recur les Sacremens de I'Eglife avec une piete exemplaire des mains de Monneur le Cure de Saint Andre , & il eut la confolation de rendre le der- nier foupir entre celles de M. Wal- lon de Beaupuis qui etoit venu de Beauvais a Paris pour Paflifter dans ce dernier moment. Cette bienheureu- fe mort arriva fur les huit heures du. Matin le vendredi 10 Janvier 1698, |
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3^0 HlSTOIRE DE PoRT-ROLAX.
iGyS, Son corps fut depofe a la ParoiiTe ,
L1V. d'oii il fut ttanfporte le lendemain a
son corps eft p. R. des Champs , ou il avoit de-
pone a P. R. \i /• n \ a
Won fes de-man(ie par Ion teitament a etre enter-
fus- re (66). Sa demande eft: exprimee en ces termes remarquables: « Les re-
w verendes meres de Port-Roial des m Champs m'aiant accorde l'honneur » de me recevoir comme Clerc de » leur Eglife , j'efpere qu'elles ne « me refuferont pas la fepulture & « les prieres ardentes qu'elles ont » coutume de faire pour ceux que » Dieu a unis avec eiles. II y a long- » tems que j'ai inclination que mon »» corps foit mis aupres de celui de M. » de Bernieres,avec qui Dieu m'avoit » uni en me tirant de la maifon de » mon pere pour me donner une « education , dont je le benis de tout » mon cceur, & j'efpere de fa mife- « ricorde que je l'en benirai dans » route l'eternite. Je foumets nean- » moins cette difpoiition au juge- " ment des reverendes meres de « Port - Roial «. La place qu'il fe deftinoit pour fa fepulture etoit a la porte de l'Eglife -, mais les religieufes qui etoient bien aifes d'avoir ce pre- cieux depot au-dedans de leur cloture, '■(£«) Vie de M. Till. p. 141.
profitant
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II. Part ie. Liv. X. 561
profttant de la claufe par laquelle il i^ag,
foumettoit cette difpojition a leur ju- gftnent (67) firent faire la fofle au bas cote gauche de leur chceur devant la grille de la Chapelle de la Sainte Vierge.(<J8). Ce fut-U qu'il fut in- hume le quatrieme jour apres fori de- ces. Ce jour - la meme , chofe furpre- nante! ion corps que Ton avoit ti- re du cercueil pour le decouvrir fe- lon l'ufage d'enterrer les Pretres, » » parut plus, beau qu'il ne l'etoit » le premier jour ; fa bouche qui » s'etoit ouverte d'abord , s'etant re- " fermee d'elle-memej la couleur, » de fort vifage & le vermilion de » fes joues que la mort avoit fait » difparoitre , etant revenus dans leur » naturel -y &c fon corps etant toujours » demeure flexible & capable depren- » dre telle fituation qu'on vouloit » lui donner , fans aucune odeur de » mort, ni aucune atteinte de corru- w prion ". » Si j'avois, dit M. Fontaine (69},
(57) II paroit pat M. qu'dles fouhaitoient de
Fontaine (Mem. T. x, t'enterrer au-dedans.
p. 57;. ) t;ue les religieu■ (68) En 1710 , H fes s'adrederentau pete de fuc ttansfete le 25 de-
M>deTillemontpout fai- ce.nbre dans l'Eglife de
re ce changemenc, 8c qu'il S. Andre des Aics.
leur donna la psrmijjion {^) T. t. <<>?• Tome Fill. Q
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$6l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1608. » une priere a faire a. Dieu pour fon
» Eglife , qui eft l'objet de mes pen- » fees & de mes fouhaits fur la terre , » quele meilleure demande pourrois- »j je faire , que de lui donner des « Pretres femblables a celui dont m nous parlons , & de lui donner en w meme - tems des jours plus tran- » quiles , afin que dans fa paix elle 5) put faire jouir en repos fes enfans » des confeils & des lumieres de ces » hommes pacifiques«. tv. M. le Nain fuivit de pres ce digne More deM. gis qUj5 feion l'or(lre de la nature ,
auroit du lui iurvivre. » Ce venera-
» ble vieillard, qu'on peut regarder, it dit M. Fontaine (70) comme uiv » veritable Patriarche par ce grand » nombre de perfonnes faintes qui «> rempliifoient fa famille « , fut ac- cable de telle forte d'un coup fi peu attendu & fi contraire a l'ordre de la nature , qu'il y fuccomba & mouruc le 9 fevrier a I'age de quatre-vingts- neuf ans. Pour connoitre quelle etoit la piete de ce refpe&able Magiftrat, il fuffit de mettre fous les yeux du Le'cteur le petit ecrit qu'il avoit con- tinuellement en vue, & ou il mar- que de quel ceil il regardoit la mort, l7o)fbid)p.(7t,
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II. P ARTIE. LlV. X. 3<fj
« J'adore, 6 mon Dieu, votre Etre i 69%.
» eternel \ je remets entre vos mains v celui que vous m'avez donne pour » etre detruit quand il vous plaira » par la mort que j'accepte avec fou- « miffion en union de celle de J. jj C., en efprit de penitence j & dans » cette vue je m'en rejouis, & j'efpere « que l'acceptation que j'en fais, atti- » rera fur moi votre mifericorde pour « me faire arriver heureufement a ce »j redoutable jour. Je defire , moa » Dieu, par ma mort vous faire un j» facrifice' de moi-meme pour rendre » hommage a la grandeur de votre » Etre par l'aneantiflement du mien. » Je defire que ma mort foit un fa- » crifice d'expiation qui vous agree, j) 6 mon Dieu , pour fatisfaire a vo- » tre juftice pour tant d'offenfes que » j'ai commifes j & dans cette vue » j'accepte tout ce que la mort a de « plus affreux aux fens & a la na- »> ture. " Je confens, 6 mon Dieu, a la
» feparation de mon ame d'avec mon » corps, en punition de ce que par « mon peche je me fuis fepare de » vous. J'accepte la privation de I'u- *» fage de mes fens en fatisfadioa Q H
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J<?4 HlSTOIRE DE PoRT-ROi'AL.
» des peches que j'ai commis par eux.
» J'accepte, 6 mon Dieu, que jefoss » foule aux pieds 8c cache en terre w pour punir mon orgueil, qui m'a ■» fair chercher a paroitre aux yeux » des creatures. J'accepte qu'elies » m'oublient 8c ne fe fouviennent » plus de moi , en punition du plai- n fir que j'ai eu d'etre aime d'elles. » J'accepte la folitude & l'horrreur » du tombeau , pour reparer mes dif- » fipations & mes amufemens. J'ac- sj cepte enfin la reduction de mon >.< corps en poudre & en cendre, & » qu'il foit la pature des vers, en » punition de l'amour defordonne " que j'ai eu pour mon corps. O pou- » dre , 6 cendre , 6 vers , je vous re- s' c,ois , je vous cheris, 8c vous re- •» garde comme les inftrumens de la » juftice de mon Dieu pour punir » l'orgueil qui m'a rendu rebelle a » fes ordres. Vengez fes interets} » reparez les injures que je lui ai « faites 'y detruifez ce corps de pe- at che, cet ennemi de Dieu, ces mera- » bres «i'iniquites, & faites tribrn- w pher la puifTance du Createur fur » U foiblefTe de fon indigne crea- i> wre. Je m'y ("gurnets 5 6 mon Dieu, |
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11. P A R T I E. LlV. X. 3 (J 5
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'» & au jugement que vous ferez 1698.
» demon ame au moment de ma " mort (71) «. M. du Foflej qui par la mort de tvi.
M. de Tillemont avoit eu la douleur iu m p^R. * de perdre fon plus ancien & plus inti- Beau temoi- 1 i-i ■ 1 j- 1 £nage qu "■
me ami _, avec lequel u avoit etudie fencf j rinno-
etant tout jeune (72) dans les ecolesce. dcs,Kp~
de P. R. ne lui furvecut pas un an, |',eu es
etant mort le 4 de novembre de la
meme annee, age de foixante - cinq
ans. Son corps fut enterre a Saint
Etienne du Mont. Son cceur fut porte
a 1'Abbaie de P. R. des Champs., pour
laquelle il conferva tant qu'il vecut
une eftime (inguliere, un attache-
ment inviolable , & une reconnoif-
fance parfaite. C'eft dans cette vue
qu'il ecrivit fur la fin de fes jours des
Memoires tres intereflans pcur fervir
a I'hifioire de P. R. » Je fens au
» moins , dit-il en les finiflfant (73) >
" une confolation toute particuliere
» d'avoir eu le terns avant ma mort
» de rendre ce tcmoignage public a
» la piete eminente de tant de per-
» fonnes, que j'ai eu le bonheur tout
» fingulier de connoitre des mon en-
» fance, 8c de qui je tiens a gloire
(71) Font. Mem. T. i. (71) Fo(T. p; jon. vi.:,
P- 573 > 574- (73) Ihid- V- ?o7.
Q "j
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$66 HtSTOIRE DE PORT-HOI At.1
» d'avoir appris tous les grands prin-
m cipes du Chriftianifme...... Que » je ferois heureux , dit notre pieux
» Aureur, fi je pouvois me promet- » tre un fucces auffi avantageux de » mes Memoires, & fi par la force » de la verite que je reprefente en » mille chofes qui font de ma con- » noifTance , j'avois le bonheur de " detromper bien des gens qu'une » mauvaife prevention a feduits......
» (Ja he. pour ma confolation par-
« ticuliere que je me fuis appliqu^ a « cet ouvrage. J'ai fonge a repafler *> dans mon efprit les mifericordes * du Seigneur a mon egard , done
» j'ai un grand befoin pour me fou- 3> tenir contre la crainte que me cau- 3> fent mes peches, par la vue de rant j> de marques fingulieres que Dieu. 3> m'a donnees de fa bonte. Mais 3> comme ce premier defTein s'eft trou- » ve tellement joint avec celui de la « juftificarion des perfonnes que j'ai n eu le bonheur de connoitre des * mon enfance, & en qui j'ai tou-
» jours admire un amour tres fingu- « lierpour l'accronTemenrde la gloi- »> re de Dieu , de Jefus-Chrift & de » fon Eglife , je me fuis vu engage « neceflairement a parler d'elles ea |
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II. Partis. Liv. X. $67
a parlant de moi. II y a cinquante- i(jy%.
» quatre ans que je les connois. C'efl » dans la maifon de P. R. que j'ai » appris les premiers elemens de la » vie chretienne. On n'a pu fe ca- » cher de moi: j'ai tout vu, j'ai tout « entendu ; s'il y a du mal, j'en dois » mieux etre informe que perfonne J » & fi je fuis oblige de dire la veri- » te , c'eft principalement lorfqu'e- » rant dans la foixante - cinqmeme « annee de mon age & dans une pe- s' rilleufe infirmite , je fens appro- » cher une heure fi redoutable , ou ■» tout fera decouvert a la lumiere » du grand jour de l'eternite...... » Denrant done qu'on regarde ces
» Memoires comme uu temoignage » que je rends a la verite & a l'in- » nocence, je me nomme expres , & » je pretens par-la leur donner une » autorite fans laquelle on pourroit » les rejetter«. » Grand Dieu, qui connoiflez Ie
» fond des cceurs, s'ecrie notre pieux » Auteur , vous favez que je n'ai " jamais ete attache a ceux de qui » j'ai parle dans ces Memoires, qu'au- » tant que je les ai vus eux-memes if attaches inviolablement a votre loi * & foumis imcerement a l'autorite Q iiij |
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3<JS HlSTOIRE DE PoRT-Ho'lAl?
> de votre Eglife. Vous favez , mos
Dieu, que c'eft vous qui par un » exces de votre bonce & par un evenement qui tienr du mira- cle (74) , avez d'abord fait con- noitre tant de grands hommes 8c de faintes vierges a mon pere , afin que j'eufle moi-meme dans la fuite le bonheur de leur connoilTance «. Le Le&eur fenfe & judicieux fent de quel poids eft un tel temoignage pour la juftification des religieufes & de Meffieurs de P. R. II a en meme- tems la fatisfacTrion, en lifant cette hiftoire, d'avoir une entiere certir .tude fur la verite des faits que nous y avancons j en voi'anr qu'ils font puifes dans des. fources fi pures, & <[iie nous av'ons pour garans, des me- moires, dont les Auteurs ont tout vu Sc tout entendu. Tel eft en particu- lier Pierre - Thomas du Fofle. Ne a Rouen le 6 avril 1634, il eut non- feulerrient l'avantage d'etre eleve a P. R. des l'age de neuf ou dix ans , mais encore d'y faire de longs fejours, apres fon education ; d'etre le com- pagnon de M. le Maitre (75), & de (74) Vo'icz cet eVene- Maitre ai'aat obtena du
merit, T. i, de cette hif- Cardinal Mazarin la.per-
toire, p. 194. million de retourner'aP,
-. (75) In i«j7, M. le R. aYec.«nami,il clioUk
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169 8.
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II. P ARTIE. LlV. X. ;<$9
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M. de Saci , & d'avoir part a leurs 1698.
travaux. II conferva toujours une union inviolable (76) avec MM. de P. R. au milieu des plus grands troubles qu'ex- citoient contr'eux leurs ennemis. II mit meme fa. plus grande gloire a porter une partie de I'opprobre du fiecle avec eux. Aux approches de la mort cette union inviolable qu'il avoir eue avec Port-Roial, etoit pour lui un motif de confiance , & lui donnoit lieu d'ef- perer que leur grande charite couvri- roit le grand nombre de fes fautes aux yeux de la juftice divine. Enfin lorfque Dieu l'appella a lui, apres avoir palle route fa vie dans la re- traite & la priere , dans l'etude de la. verite & la pratique de la charite, M. du Fofle. Les deux So- un ami & un pere. Ce
litaires revirent enfemble fin par fon confeil qu'il
la traduction de S. Jean apprit l'efpagnol,& ira-
Climaqiie i'aite par M. duilit la vie de D. Barthe-
H'Andilly , & fefervirent lemi cies Martyrs. Enfin ,
<lu Commentaire d'Elie apres la mort de M. de
de Crete. lis travaiUetent Saci , M. du FoiTefut jir-
auffi a preparer les mate- g£ capable de continuer
riaux pour le grand ou- fes explications de l'E-
vrage de la vie des Saints, criture fainte t & on le
M. du Foffe recueillit en- chargea de cet ouvrage ,
core les Memoires de M. auquel il travailla jufqu'i
de Pontis, qui etoit alors fa dernieremaladie.Vo'i'ea
retire a P. R. M. le Mai- les Memoires de M. du
tre etant mort le 4 no FoiTe, 6c fa vie qui eft & la
vembre i«;8 , M. du rite.
Foffe retrouva dans la (j6) Ibid. p. 513,. petfonne de M. d« Saci Q v
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?7° HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
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1698. il voulut que fon coeur fat porte r
comme nous l'avons dit, a P. R. des Champs, d'ou il n'etoit jamais forti. On l'inhuma dans le bas cote gauche du chcEur. I(<oo, Le 5 fevrier de l'annee 1699, les lvii. religieufes de P. R. des Champs fi- Bouiard^re rent ^ans aucun obftacle l'ele&ion de
Abbefle. leur AbbefTe. Le choix tomba fur la four Elifabeth de Sainte-Anne Bou- lard de Ninvillier , qui depuis neuf ans remplilToit dignement la place de Prieure. Elle etoit nee au mois d'a- vril 162.8 , & avoit quitte les amu- femens du monde, a l'age de vingt- trois ans , pour fe confacrer a Dieu dans le monaftere de P. R. (77). Elle y recjit l'habic de novice en 1651 , & fit profefllon le vingt - neuf de- cembre 1651 (78). Onremarqua tou- jours en elle une fincere & profonde humilite, & l'exa&itude la plus exem- plaire a routes les pratiques de la vie (77) It eft dit dans le monde. qui lui avoient
Uecrologe ,qa'elley hoit plu dans fa jeunefle : A
entree des I'dge de fept nugacitatibus feculi, qua
ans , aiant ainfi quitte le adolefientul* arriferant r
j$ monde avant que de le donante Chrifioconverfa*
E i tonnoitre. Ce fait n'eft Elle ne le quitta done pas-
'.ji.1- ' jointexaft, &H eftcon- a l'age de fept ans, avant
credit dans l'epitaphe me*- que de le connoltre.
roe de cette AbbefTe , ou (78) Vies 6dif. J. 1, jr.
il eft matque , qu'elle re- jifi „. &c»
nocca. aux amufimens du |
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n. pa*l t ie. Liv. x. 571______
teligieufe. L'amour de la priere, de la 1699.
mortification & du fdence , la refi- gnation Sc la confiance en Dieu, la foi & le courage etoient admirables en elle. Apres avoir paflTe fucceffivement par la purpart des charges de la mai- fon, aianr ete elevee a la premiere dignite , elle tint toujours une con- duite fi humble qu'il fut aife de juger qu'elle defiroit bien fincerement de n'occuper que la derniere place. M. de Noailles qui connoiiToit fes difpo- fitions, lui ecrivit pour la confoter. » Je ne doute pas , ma chere fille , » lui dit-il, etant perfuade comme » je le fuis , de votre zele & de votre " piete , que vous ne foiez effraiee 8c " affligee du fardeau dont la Provi- » dence vous charge. Votre douleur » m'edifie, & me fait en meme-tems " efperer que Dieu vous donnera » toute la force neceflfaire pour le » porter dignement & utilement pour » fa gloire. Je Ten prie de tout mon » cceur , & vous y aiderai de ma » parr avec plailir en tout ce qui de- " pendra de moi. Que j'aie toujours " part yje vous en conjure j dans les " prieres de votre communaute & dans » lesvotres (79). Lesefperances deM, {4?) Let. du 16 fey. |
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37i Histoike DE PonT-ROiAt;
i^c,5. de Noailles ne furent point vainest Elle porta dignement & utilement pour la gloire de Dieu pendant fix ans le fardeau, dont on 1'avoit char- gee , travaillant a procurer l'avance- cement de fes nlles par des prieres continuelles , & parl'exemple qu'elle leur donna de routes- les vertus reli- gieufes, fans jamais fe relacher en rien de la regie malgrefon grand age &c fes infirmites. Le terns de fon gou- vernement aiant concouru avec le commencement de la dexniere perfe- cution , nous la verrons pleine de foi & tranquilleau milieu des plus gran- des afflictions , infpirer a fes filles les faintes difpofitions que Dieu avoit tnifes en elles, & leur donner i'exem.- ple du courage avec lequel on doit defendre la verite. Nous la verrons , dis-je, aller au combat avec la rneme ardeur que Ton voit quelquefois dans ces vieux foldats qui ne refpirent que la guerre, quoiqu'ils y aient beaucoup fouffert. ivm. Peu apres 1'eledion de la mere Mort du Boular<l ( on tranfporta a P. R. des
comfn',edont Champs le corps de M. Charles Cefar 'ortiTe t- du Cambout de Coiflin , Chevalier •po" ' de Malthe non profes, morr le 1 i fevriet 16?p. » Apre? avoir donnides
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II. Part ie. Liv. X. ,37$_______
»> marques eclatantes de fa valeut i^aa,
» tant fur mer que fur terre (80), il
» fe degouta du monde; & touche
» de la vie exemplaire & penitente
« de M. de Pontchateau fon oncle,
" qui s'etoit fancHfie dans le defert
» de P. R., il fe livra a tons les exer-
» cices de la piete chretienne. L'atta-
chement qu'il avoit pour cet illuftre
penitent, & l'afFection qu'il portoit
a la maifon de P. R. lui fit ordonner
qu'il y feroit inhume aupres de fon
faint oncle (81). Pour faire ce tranf-
port , il fallut l'agrement de Louis
XIV.
Les preventions de ce Prince con- „ ,1IX'. *
r_ ■ : Prevention*
tre I-'. K. croillant toujours par les du Roi cou-
foins du Pere ConfefTeur , ellestte p'R* etoient fi grandes, que Madame la Comtelle de Grammont, qui etoit de tous les voi'ages que la Cour faifoit a Marly, fut exclue de celui du 19 juin, parcequ'elle avoit pafle quelques jours a P. R. dans 1'oclrave du faint Sacremerft. Madame de Maintenorr en aiant parle au Roi , comme pour s'informer ll c'etoit par inadvertence qu'il n'eut pas marque cette Dame » <8o.) Necr. p. 80. de M. de Pontchateau &
(81) Il fut exhume en Magni ou il regofe.
1711, & porte ayec celui |
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J74 HtSTOIRE BE PoRT-ROlAt;
il reportdit: Marly & Port^Roial nt s'accordent pas enfemble. Madame de Grammont croi'ant devoir fe juftifier, ecrivit en ces termes d Sa Majefte. » Elevee a P. R. (81) , ce que fai de » fentimens de piete m'a ete infpire » par les grands exemples de peni- » tence que j'y ai vus , & par les » inftrudfcions chretiennes que j'y ai » re$ues. Le defir de ranimer ces fen- » rimens me porte a. y aller de terns » en terns & a y faire quelques jours » de iretraite. Je n'aurois pas prevu » que ceux que j'y ai pafles en cette « derniere rencontre, fufTent capa- >> bles de m'attirer cette difgrace «. Cette lettre ne fit aucun effet fur Tefprit du Prince, non plus qu'une autre tentative de la meme Dame , qui voulut au mois d'aout fuivant lui parler des obligations qu'elle avoit a Port-Roial, & du definterefTement |
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(81) Elle etoir fille de
Mylord Hamilton , qui fe tefugia en France en 1647. Ce Mylord etant depouil- le de fes biens , trouva a P. R. un afyle pour fon fpoufe 8c fes deux filles. En iS'ielles furent obli- gees d'en foitir t;ar ordre in Roi, cotrtme les autres penfionnaires. L'aince des «ieux DeniQifelks, done |
il s'agit, epoufa le Comte
de Grammont. Cette Da- me profita de la bonne e- ducation qu'elle avoir re- c,ue a P. R.., &nerougic point meme de paffer pour amie de cette maifon , 8c de temoigner les obliga- tions qu'elle lui avoit. Elle eft morte le } juirt ryoS , & repofe a faint Germain l'AuxeiroU, |
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II. Par.tie. Liv. X. J7j
des religieufes. Je vols bien , dit le vSyy.
Roi en 1'interrompant, que vous vou- le^ me parler en faveur de cette mal- fon j mals j'ai mes raljbns pour aglr a I'egard de ce monajlere comme je fais. Le 21 d'avril de cette annee, les tx.
religieufes de P. R. perditent un ami £™J*Mi zele , par la mort de M. Jean Racine, qui mourut age de 5 9 ans , & fut en- terre a P. R. aux pies de M. Hamon, comme il l'avoit ordonne par fon teftament. » Je defire, dit-il, dans ce teftament fait le ro odtobre de I'annee precedente, » qu'apres ma » mort, mon corps foit porte a P.R. » des Champs , & qu'il foit inhume" " dans le cimetiere aux pies de la w folTe de M. Hamon (83). Je fupplie » tres humblement la mere AbbefTe » 8c les Religieufes de vouloir bien » m'accorder cet honneur, quoique* " je m'en reconnoifTe ties indigne, 8c » par les fcandales de ma vie paftee » & par le peu d'ufage que j'ai fait » de l'excellente education que j'ai , » re^ue autrefois dans cette maifon,
« 8c des grands exemples de piete 8c » de penitence que j'y ai vus , & done (?3) Lors de rexhuma- faint Etienne du Mont, St
tfon des corps, celui de enterri aupres de M»-PaSr **♦ Racine, m jortfc a cair |
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37<£ HlSTOIRE DE PoRT-R01At7
r
1699. " Je nal "e qu'un fterile admira-
» teur. Mais plus j'ai offenfe Dieu , » plus j'ai beloin des prieres d'une » fi fainte communaute , pour attirer « fa mifericorde fur moi. Je prie » *&uffi la mere Abbeffe & les Reli- » gieufes d'accepter une fomme de " 800 liv. Fait a Paris dans mon ca- « binet le 10 octobre 1698 (84). Nous avons deja parle ailleurs de ce celebre Poete , plus eftimable par fa penitence & par les vifs regrets qu'il a eus de fes poefies prophanes , que par la grande reputation qu'il s'eft acquife par fes ouvrages. Son attache- ment inviolable &c perfeverant a la fainte maifon de P. R. depuis fa re- conciliation , le zele qu'il a eu pour la fervir , le beau morceau d'hiftoire qu'il en a donne , & qui fera regret- ter que la fuite n'ait pas ete donnee au Public, feront toujours honneur a fa memoire. W* Dans le meme mois que M. Ra- uiigieufes. cine mourut, la mort enleva deux
religieufes de chceur a P. R. des Champs, la fceur Helene de fainte Demetriade, qui mourut le 19 avril . jour de Pique , dans la 57 annee de (84) VoVez les Mem. it. les Mem. hift. T.. J,
fur la vie de_M, Ratine p. 170. Necr. p. iS6> |
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II. Par.tie. Liv. X. 377
fon age (85); & la foeur Brigide de I700r
fainte Maure Pichard , morte a Page de 49 ans le 16. La premiere etoit fille de M. Pierre Benoife Confeiller du Roi en fori Confeil, grand ami de ce monajlere (8<J), mort age de 8i ans le 11 du meme mois & de la me- me annee j & de Catherine de Ri- couard, morte le 17 du mois de mai fuivant. Les coeurs de l'un & de Pau- tre furent portes a P. R. & enterres dans le cimetiere des religieufes , au- pres du corps de la foeur Helene de fainte Demetriade leur fille. II reftoit encore en 1700 a P. R. ixn
des Champs une religieufe de la fa- r^Angst^ue mille de la fainte Reformatrice de &* «in» cette Abbaie , la foeur Marie Angeli- 3ue de Sainte-Therefe, fille de M.
Andilly. Mademoifelle de Luzanci (c'eft le nom que la fceur Marie An- gelique portoit dans le monde ) tou- chee d'une grace puifTante a Page de x 1 ans, renonca au fiecle pour fe retirer a P. R. oii elle prit Phabit le 13 decembre 16 51 & fit profeifion le zi novembre 1654 (87). Commeelle n'avoit point les talens neceflaires pour (8;) Suppl. du Necr.p. (87) Mem. T.jioirt.
i«8. 5. ix. Rel.p. ;88.&W% (8f>) Voi'ez le.Necr. . Suppl. Necr. p. t^8.
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$f% HlSTOIRE M PoRT-Rdl'lt;
1700. l'ififtru&ion & le gouvernement, oil
lui donna le foin de fervir la mere Agnes dans fes irtfirmites ^ & on lui fit apprendre la chirurgie dans la- quelle elle fe rendit fort habile. Elle accompagna fa refpectable tante dans fa captivite l'an 16G\ -y M. de Pere- fixe ai'ant eu afTez d'humanite pour ne pas priver la mere Agues d'un fecours. qui lui etoit fi necefTaite. La foeur Marie Angelique fouffrit beaucoup dans cet etat, tant de la part de fes geolieres, que par des peines d'efprit. ckUviii E°fin > quoiqu'elle eut dans facap-
' tivite un grand avantage,que n'avoient pas fes fcEiirs exilees, qui etoit non- feulement de n'etre point feule, mais meme d'etre avec une veritable mere, pour laquelle elle avoit plus d'eftime, de connance & de veneration que pour qui que ce fut au monde fans exception , elle eut le malheur de fe lailler feduire & de figner. » Rien » ne fait mieux voir, comme elle le remarque elle - meme dans fa rela- tion (88) , » qu'il n'y a que Dieu m feul qui foutienne, 8c que les crea- » tures, quelque faintes qu'elles puif- » fent etre , ne nous fauroient empe- » cher de perir 5 elles ne peuyent (8S) Hift. de la perfec. Relat. N. x.vu |
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II. P A R. T I1. LlV. X. |7f
w nous dormer ce qui nous manque, "TToo
» ni nous delivrer des rentations.
» C'eft pourquoi, dit-elle, mon ex-
» perience m'a fait voir, que nous de-
» vons mettre notre confiance en
» Dieu feul, & liti demander incef-
» famment fa fainte grace , fans la-
« quelle nous ne pouvons nous fou-
» tenir , quelqu'appui exteiieur que
» nous aions ; au lieu qu'avec la me-
« me grace, nous pouvons cout, quel-
» que delaiflees que nous foi'ons ,
» comme il eft arrive a plufieurs de
» nos foeurs qui ont ete captives 8c
» abandonnees de tout fecours & de
» toute confolation.
Pendant plus d'un mois elle e'prou- txtv.
va des peines d'efprit extremes , & d^''Jtc" elle fe trouvoit dans des doures &c des obfcurites ft efFroiables , qu'elle etoit quelquefois dans le doure /I elle croioit en Dieu , ou fi elle n'y croioit pas -y il lui fembloit qu'elle n'avoit point de foi, & qu'elle dou- toit s'il y avoit une eternite. L'ac- cablement de fon efprit etoit fi grand qu'elle ne pouvoit quafi prier Dieu, qu'en difant t Mon Dieu _, aie% pitie de moi; vous connoiffe^ mon etai* eclaire^ mes tenebres. Si je fuis dans & ban chemin 3 faites-moi la grace d'yi |
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J So HlSTOIRE DE PoRT-RO'iAl*
marcher ^ fi je n'y fids pas , faites-U mol connoltre. Telle eft la peinture que fait la foeur Marie-Angelique de Sainte-Therefe de fa fituation. Nous ne parlons point des mauvais traite- mens qu'elle eflui'oit de la part de fes geolieres j le Lecteur peut fe les re- prefenter aifement. Dans cet etat, elle paffoit les jours & les nuits en larmes. La mere Superieure & la fceur de Chandenier augmentoient encore fans cefle fes peines par les chofes aftligeantes qu'elles lui difoient , ne manquant pas fur-tout, lorfque quel- ques - unes des prifonnieres avoient figne , de lui apprendre ces trifles nouvelles.Ces chutes 1'afFoiblifloient: outre cela , elle avoit beaucoup de travail, ce qui accabla fi fort fon corps & fon efprit, qu'elle commen- ce a croire qu'elle ne pourroit pas porter un etat fi penible & fi vio- lent, & auquel elle ne vo'ioit point de fin. Toutes les penfces qui favo- rifoient la tentation lui venoient en foule. Ce qui faifoit plus d'impref- fion fur elle t c'eft qu'elle favoit que M. Singlin avoit ete d'avis qu'elles fignaffent par obeifTance , & que M. de S. Cyran (de Barcos) avoit fait iigner fes religieux. Elle penfoit que |
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II. Par tie. Liv. X. 381
des perfonnes fi eclairees n'auroient x 70C pas confeille d'offenfer Dieu. (Ceci doit apprendre a. ceux qui ont de la himiere & de la reputation , combien ils doivent etre circonfpedts & re- ferves dans leurs avis & leurs deci- iions , afin de n'en point donner qui puifTent etre prejudiciables aux per- fonnes qui ont confiance en eux). Mais la plus grande inquietude de lxv.
la four Marie-Angelique etoit de ne f, p'L"^Men(t pouvoir fe confeuer; elle fe feroitdenepouvoir contentee de le faire une fois feule- fe contcl1"* ment, parcequ'elle fe rappella le fou- venir de quelques fautes, qui lui fai- foient craindre que fes autres confef- fions n'euflent ete nulles , de forte qu'elle n'ofoit efperer fon falut fans cela; ce qui la reduifit dans une an- goiffe inimaginable. Cependant d'un autre cote, la si-
gnature du Formulaire lui faifoit une terrible peur. Au milieu de tant de peines, on ufoit encore d'un ftrata- geme pour les augmenter. Une des geolieres lui difoit confidemment & en amie de penfer a elle, qu'on pour- roit bien fetter d'aupres de la mere Agnes, ce qui fit un etrange renver- fement dans fon efprk. Faut-il s'ctonner qu'on ait arrache
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j8l HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAI,.
'1700. ^a fignature a une prifonniere acca-
1XVI bice de rant d affliction ? Encore de
Moiens quelle maniere lui fut-elle arrachee ?
Soil? po™r M. ^e ^a"S ^tant vellU a ^U" neures
la feduire. du matin la furveille de la Touflainr,
a l'occafion d'une lettre que la mere Agnes lui avoir ecrire, aianr dir qu'il ne demandoit qu'une Jbumijjion, -juun acquiefcement, la foeur Marie-Ange- lique qui etoit route rroublee , lui repondir, a fori grand malheur j Mon- feigneur, ne nous demande^-vous que cela ? C'en fur aflez, cerre parole la fit romber dans le filer. M. de Paris l'affura qu'il ne demandoir que cela. Depuis ce momenr on fur roujours apres elle fans relache. Le combar ou etoir certe pauvre fille, ne fe peut comprendre. Elle fut malade tout le jour. Des le foir l'Abbe Boffuer (89) vint de la part de l'Archeveque & lui promir de s'emploi'er aupres de Sa Grandeur afin qu'il lui levar la peine qu'elle avoir de figner purement & {implement. Elle pafla toute la nuit «n pleurs & en prieres. Le lende- main des le marin , M. de Perefixe , * (89) On eft affltee de l'Eg'ife : s'il ne s'eroit
trouver ici M. Boffuet , diftingue que par de fem-
qui s'eft rendu fi celebre blables traits , jamais il
depuis par fes aimirables n'eut ere appelle le grand
ouvrages contre les cor- BofTusI.
tupteurs de lado£tri;ie de |
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II. P A R. T I E. L'lV. X. $ 8 }
<jui ne vouloit point perdre fa proie, ijqq.
vint avec M. l'Abbe BofTuet pour s'en faifir. L'autorite de M. Singlin fut citee par l'Abbe fur le temoignage de M. de Sainte - Beuve ; l'Archeveque appui'ant, dit: Oui M. Singlin vouloit que vous Jignaffie^. » Oui , Monfei- gneur, reprit la foeur Marie-Ange- lique ; mais c'etoit en mettant au- dejfus de notre nom une declara- tion , que comme nous etions igno- rantes de routes ces matieres, nous ne le faifions que pour obeir a nos Superieurs«. L'Archeveque dit qu'il ne demandoit rien davantage , & lut la declaration qu'il avoit donnee a la fasur Helene; il en donna une a la foeur Marie - Angelique , qui lui declara qu'elle ne vouloit paint con- damner M. d'Ypres. Vous ne le con*- damnere^ pas aujffi, lui dit M. de Perefixe. Apres quelques autres dif- cours , il promit d'envoier M. Che- ron a la prifonniere qui l'avoit de- mande , & permit qu'elle commit- niat le jour de la Fete , fi elle don- noit fa parole a M. Cheron. Ce Con- feffeur vint le meme jour a quatre heures du foir. La foeur Marie - An- gelique le vit, lui temoigna Feftime qu'elle avoit pour lui , lui declara |
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3 84 HlSTOIRE t>E PoRT-ROlAT..
1700. qu'il devoir avanr roures chofes met-
rre pour fondemenr qu'elle vouloit fe fauver j qu'elle preferoir fon falur a. rour; qu'elle aimeroir beaucoup mieux demeurer roure fa vie dans la capri- vire oii elle eroir, & dans les peines d'efprir qu'elle fouftroir qui eroienr pour elle pires que la morr , que de faire la moindre chofe qui pur ofTen- fer Dieu. Elle le pria enfuire de lui donner un confeil rel qu'il voudroit qu'on le lui donnar , s'll eroir a fa place. M. Chefon ecoura rour , te- moigna beaucoup de companion a la prifonniere fur fon erar, enrra dans fes difficulres , les rrouva raifonna- bles, convinr qu'elle avoir raifon de refufer la fignarure. Puis il ajoura que la declararion de Monfieur de Paris changeoir Paffaire , & enfin decida qu'elle ne feroir ni p£che morrel, ni peche veniel, de figner. Le len- demain jour de la ToulTainr, il re- vinr a fepr hemes du marin, lui dir qu'il avoir vu M. de Paris, lequel lui avoir explique ce qu'il enrendoir ipaxacquiefcement, que ce n'itok qu'une foumifjion de refpeci -, que de plus , elle eroir publique; que les Jefuires eroienr fach.es conrre M. de Paris de ce qu'il l'avoit donnee , que quel- ques-uns
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II. Partus, Liv. XS 385
ques-uns memes en avoient fait des 1700, plaintes. Enfin M. Cheron donna une explication fi favorable a ce terme , & temoigna d'ailleurs tant d'eftime de P. R. qu'il perfuada a la fceur Marie-Angelique qu'elle pouvoit fi- gner. Pour remedier a la peine qu'elle
avoit de faire cette demarche fepa- rement de la communaute , & a la crainte de fcandalifer ceux qui pour- roient croire qu'elle avoit change de fentiment , il lui propofa de faire un a&e qui previendroit fa fignatu- re, lequel feroit voir qu'elle ne la donnoit que par foumijjion de refpect & non point par creance. Elle fit I'acte & le remit a M. Cheron , qui lui dit que quand il n'y auroit que fes pei- nes d'efprit, il ne feroit point de difficultes de penfer qu'elle ne put & ne dut figner , parcequ'elle ne pouvoit en cet etat faire ion falut. II l'aflura encore ,foi de Pretre } que la fignature n'etoit ni pechd mortel , ni pechi viniel3 ni imperfection. II lui parla auffi du defTein qu'on avoit eu de la feparer de la mere Agnes. Cet entretien , qui dura plus de deux heures, fe termina fans rien conclu- de. Quelque terns apres,M, de Paris Tome FIJI. R
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J 8 G HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
IT" vint accompagne de M. Chamillartl
pour faire une nouvelle tentative , $c s'en retourna fans avoir rien gagne. Le Prelat envoia le lendemain M. Cheron, qui decida , comme il avoit deja fait, qu'elle devoit figner. II lui cita I'exemple de M. le Cure deTriel, qui avoit figne purement & fimple- ment fans revoquer fes acles pre- cedens, & dont Meflieurs de P. R. avoient eux - memes juftifie la con- duite } il lui dit que c'etoit la merrie chofe pour elles, qu'elles avoient fait des a&es qui etoient publics, qu'el- les ne devoient jamais revoquer. Cet exemple frappa beaucoup la fceur Marie - Angelique. Apres dine elle eut la vifite de M. l'Abbe BoflTuet, qui pendant trois heures lui debita beaucoup de raifons pour lui perfua- der la neceffite d'obeir j mais elle fen- toit toujours une grande repugnance a faire ce qu'on exigeoit d'elle. Elle auroit toujours voulu differer, mais la Superieure envoioit continuellement a 1'Archevechepourfupplier le Prelat de venir. II vint aufli-tot que M. Cheron lui eut parle. La fceur de Chandenier a'iant annonce fon arri- vee a. la fceur Marie-Angelique, elle is fenrit fi faifie & G. confternee que |
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II. Partie. Liv- X. 387
jamais elle n'avoit eprouve une pa- "1700,
reille peine : » Je n'en puis plus, dic- » elle, voiez-vous, ma four, fi Ton » favoit l'etat oil Ton nous reduit, « on en auroit pitie. Si Ton me don- « noit le choix en me difant: Voila " I'Archsveque d'un coti pour vous » faire figner } & le boureau de taw- » tre pour vous couper la the, j'irois » au dernier avec joie, dans 1 efpeV » rauce que Dieu qui voir la trainee » que j'ai de loftenfer, me feroit » mifericorde «. La four Marie-An- gelique etoit au jardin, lorfqu'on lui annonca que le Prelat la demandoit. Elle crut qu'elle alloit s'evanouir , & quelle n'auroit pas la force d'en re- venir. Etant allee dans fa chambre , elle fe mit a genoux devant la mere Agnes, fondanr en larmes : il eft cer- tain , dit-elle, que fi Dieu lui avoir infpire ( a la mere Agnes) de me dire le moindre mot, j'aurois tout-a-fait rompu l'engagement ou j'etois avec M.. FArcheveque. On eft dans 1'etonnement, il faut lxvii.
l'avouer , du filence de la mere Agnes, j£ mcfe.^* ans une occalion ouelle pouvoitpar agir fa niece une feule parole empecher la chute faus lui d',re ,, . r . . , r; une parole.
d une niece qui iui etoith cnere. ^niel cequ'ondoir,
pouvoit etre le motif de cette fainte ^n'kiite.' U R ij
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■$88 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI."
- n ____
1700. fille , fi pleine de tendreffe, de cha-
rite , de zele & de lumiere ? En a t- elle manque dans une occafion fi im- portance ? Sans ofer la condamner, ni pretendre la juftifierj nous'rappor- terons feulement Phumble confellion qu'elle fait elle - meme de la faute qu'elle fe reprocha depuis d'avoir com- mife en ne tendant point les mains a la fceur Marie-Angelique pour l'em- pecher de tomber. » Je me crois obli- « gee, dit-elle en finiffant cette pe- ») tite relation , de temoigner l'ap- » prehenfion qui me demeure, que w peut-etre quelqu'un ne foit encore » fcandalife , en apprenant tant par » ce que je dis, que par la relation » de ma fosur Angeiique-Therefe , ■» de quelle forte j'ai agi envers elle » au uijet de la fignature. Ceux qui » regardent ma conduite comme un u obfcurciftement & une privation m de lumiere, ou Dieu m'a laiifee » tomber pour m'humilier , & me « faire reflentir de plus en plus que m nous n'avons point en nous-memes » l'efprit de force & de confeil, s'il » ne nous eft donne d'en-haut, ceux- t. la, dis-je, en porteront le meme » jugement que moi , & m'aideront » de leurs prieres pour m'obtenir |
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ft PARf IE. L'lV. X, 389 ______
'•» de la divine mifericorde le pardon 1700.
» de cette faute <, qui me rend en
» quelque forte refponfable de celle
» oii je laiffai tomber cette ame,
» dont il m'avoit fi particulierement
» chargee, puifque je ne tentai pas
w tous les efforts que j'aurois pu faire
» pour la foutenir, dans la creance
» que j'eus qu'ils feroient inutiles 5
» 8c que quand meme elle auroic
» rompu l'engagement oii elle etoit
» deja lorfqu'elle me demanda con-
v feil , elle ne pouvoit pas refifter
» long - terns dans la difpofition oil
» elle etoit, fans s'affoiblir une autre
» fois} & comme elle le faifoit aflez
» entendre par l'apprehenfion qu'elle
»: me temoigna dans le meme - tems » que M. l'Acheveque ne retirat fa
« declaration , & qu'elle n'eut plus
» eu apres , ce remede qu'elle croioic
» capable de guerir la plaie que Ton
» fait a la verite & a. la juftice en fi-
" gnant le Formulaire. Je me laifTai
» iutprendre auffi-bien qu'elle, a cette
» erreur , depuis qu'elle fe cro'ioit a
" couvert par cette declaration 5c
» par les proteftations claires & in-
" telligibles qu'elle faifoit a M. l'Ar-
» cheveque de fes fentimens; cela
>> pourroit en effet fuffire pour une
R iij
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35)0 , HiSTOIRE DE PoRT-ROlAi;
1700. » perfonne qui n'avoit pas plus de
» lumieres , & qui avoit encore » moins de force pour porter ie » poids de l'affliction & des peines » d'un etat tel que celui ounous » etions reduites. » Mais s'il fe trouvoit des perfon-
» nes, qui voulufTent prendre exem- » pie fur ma conduite & entendre « de la juftifier pciur s'autorifer dans. » quelque fentiment pareil, jede - » clare qu'elles He pourroient faire « une plus grande injuftice que d'ap- » prouver ce que je condamne de rout » mon cceur, & que je fouhaite d'ef- » facer devant Dieu & les amis de » Dieu , comme une tache qui a fait » ton a la dignite de la caufe pour » laquelle nous fouffrons , & qui me « donnera fujet de dire avec confu- " fion toute ma vie , au regard de ce " confeil que je donnai avec fi peii « de difcernement, & de l'indiffe- » rence que je promis , fans pre- ss voir l'abus qu'on en feroit: Unum locutusjum quod utinam non dixijfemj . „ & alteram quibus ultra non addam. FtoteiUtions Pour r.evenir a la fceur Marie An-
de la Afceuer. gelique , elle fe rendit au parloir, liquTdefafa-ouelle declara a. M. de Paris qu'elle ,e Thetefe-a- <Jemeureroit touiours unie afes iceitrs, ant que de >
gner.
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II. P A R T I E. Ixv. X. 391
les portant tomes dans fori cceur ; '1700.'
elle pria le Prelat de lui promertre qu'on ne lui demanderoit rien contre les perfonnes qui les avoient condui- tes , &c qui ne leur avoient rien enfei- gne qu'a vivre felon les maximes de l'Evangile & a pratiquer leur regie j elle nomma les vivans & les morts , ajoutant qu'elle mourroit plutotque rien figner contre M. Arnauld. Sur quoi le Prelat dit: " Je vous reponds " qu'on ne vous fera jamais rien fi- » gner contre Monfieur votre oncle ; je I'eftime j c'ejl le plus grand homme & plus favant que nous a'ions : il lui promit qu'on ne lui feroit plus rien figner, en prefence de la Superieure & de la fcevu de Chandennier, qu'elle prit a temoin de certe promerTecom- me de tout ce qu'elle avoit dit. Puis elle ajouta , que » comme elle n'a- » voit point de connoiflfance de ce » fait, elle n'avoit point auffi de » creance \ qu'elle laiffoit la chofe » comme elle etoit, fans croire qu'el- «. le fut ou qu'elle ne fut pas -y qu'elle » ne vouloit point condamner M. » d'Ypres; qu'elle l'eftimoit , le re- » veroit & y avoit devotion comme » a un faint j qu'elle ne vouloit point •»■ condamner la verite & la grace de R iiij
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_______ 3 91 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi;
J 700. " Jefus-Chrift , que faint Auguftin
" avoit defendue , &c. « Apres tous ces preliminaires 8c toutes ces decla- rations , qui tres certainement dimi- nuent beaucoup la faute de la foeur Marie Angelique, pour ne pas dire qu'elles aneantiflent toutes les conse- quences qu'on auroit pu tirer de fa demarche , le Mandement fut pafle, avec la plume 8c l'encre , ce qui lui fit une nouvelle fraieur. Elle declara encore qu'elle ne donnoit fa Jlgnature que cotnme une marque defoumijjion de re/peci-y elle vouloit memc le mettre au- defTus de fon nom; mais le Prelat ne le lui permit pas, difant qu'ill'entendoit bien, & qu'il n'etoit pas neceflaire qu'elle l'ecrivit. Elle nepouvoit en- core fe refoudre a prendre la plume 3 & elle avoit la main comme morte. » Dans cette angoifle, elle s'adrefTa »» a Dieu, & lui fit une priere tout » haut, en le prenant pour temoin , 3» qu'elle ne fe rendoit a cette figna- " ture que par Jbumijfion de refpecl.... o> qu'elle ne vouloit point condamner « M. d'Ypres, ni fe feparer de la » verite ni de l'union qu'elle avoit » avec la communaute, &: qu'elle » aimeroit mieux mourir que d'of- « fenfer Dieu, 8cde rien faire con- |
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II. P ar t ie. Llv. X 395
*»» tre la grace de Jefus-Chrift «. M.
de Paris lui dit, que tout ce qu'il lui demandoit , etoit une JoumiJJion refpeclueuje a une decifion que le Pape afaite d'une doctrine, que s'il a mat juge ,i c'eft pour lid , ( & pour ceux qui fe foumettent a fa mauvaife de- cifion). Apres cela, la fceur Marie Ange-
lique , croi'ant avoir fatisfait a fa conference 3 & que cela valoit bien une rejlriclion 3 puifqu'elle avoit diclari tomes fes intentions devant fon Arche- veque , figna 5 & en aehevant de figner , elle dit encore , qu'elle alloit ajouter deux lettres , pour faire fou- venir Monfeigneur, qu'elle n'avoit don- ne qii une fbumiffion de refpecl. Le Prelat, apres l'avoir complimentee , lui dit d'un ton qui la fit trembler : " Je [vous defends, ma fille , par » route la puiffance que j'ai fur vous, » en qualite de votre Archeveque, » d'avoir jamais de la peine de ce .» que vous venez de faire, je ne » veux point avoir de filles fcrupu- » leufes «. Voila un commandement d'une nouvelle efpece -y mais qui pafle tellement les bornes de la puiflance epifc pale j qu'il n'eftni en leur pou- yoir de le faire , ni au pouvoir ds |
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_________394 HlSTOIRE DE PoH.T-R.01Ai;
" 1700. ceux 5 a qui il eft fait de l'executerV
C'eft-la ce qu'on peut veritablement appeller un commandement impof- de^rifi S^mh Malgre la defenfe du Prelat, la
re. foeur Marie Angelique ne tarda pas a avoir de la peine de ce qu'elle venoit
de faite } & ai'ant entendu des dif- cours que l'on commence des-lors a tenir en fa prefence , elle dit en pleu- rant amerement : Jefuis lien malheu- reuje d'avoir Jigne puifqu'on me parte deja de la forte. M. de Paris lui re- pondit don cement , ne vous fache\ pas j ce n'ejlque par rencontre ce qu'on en a dit. Apres quoi il lui defendit d'etre trifle, & la recommanda a la. foeur de Chandennier (90), en lui difant , diver tiffe\-la bien _, qu'elle fe tienne en repos. Ces paroles percerent le cceur a la foeur Marie Angelique y qui, au lieu de penfer a fe divertir y alia fe profterner devant le S. Sacre- ment, 011 elle dit le Miferere, & ex- pofa a Dieu la mifere qu'elle reflen- toit. S'etant relevee , elle pria la Su- perieure de ne point chanter d?actions (90) Cette foeur, a fes maifon , elfe repondit
preventions pres , etoit qu'elle ne comptoit fa no-
une bonne religieufe , & blefle que du jour ds &
forr humble. Un jour ptofeffioa.
qu'on lui parloit de fa |
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II. P A R T IE. Liv. X. 39$ _______
de graces; car je vous affure , dit-elle, 1700.
qu'il n'y a pas de quoi. La four de Chandennier voulant executer l'ordre de M. de Paris, dit a la Superieure , il faudra que nos fieurs viennent lui chanter la mufique. La mufiquel reprit la four Marie Angelique, je fuis bien en train de mufique. Voila de quelle maniere fe pafTa cetce txx.
trifte fcene , qui fat pour la four Ma- no5t nn^lTn rie Angelique la fource d'une affliction qu'on lui a inconcevahle. Elle ne fit que pleurer aite* tout le refte du jour, ne put fouper ; & la nuit elle fe trouva dans un trou- ble & une douleur fi vive , qu'elle ne craint point de dire qu'elle foujfrit dans fan efprit des peines plus grandes qu'on ne peut les fouffrir fur la roue. Elle vit clairement tout ce qu'elle n'avoit jamais vu. II lui fembloit qu'on lui eut ote un bandeau de deflfus les yeux. La declaration lui parut un vrai piege. L' acquiefcement, a la con- damnation lui faifoit une fraieur hor- rible. Elle fe reprochoit Je fcandale qu'elle avoit donne aux amis de la verite & a fes cheres fours. Elle pleu- toitfans relache & dans une dmenume incro'iable , enforte; qu'elle „-avoit le vifage tout contrefait.a force de pleurer. Sa main j qui avoit figne , lui faifoit |
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________J9<> HlSTOIRI DE PoRT-ROlAt,
1700. horreur, elle ne pouvoit la regarder &
la cachoit tout naturellement.
itat affreux Dans cet etat, elle demanda M.
oil elk fe Cherort, a qui elle fe confefTa s'ac-
vueUde fa ct cufant d'avoir figne , parceque cela
gnatme. avoit fcandalife fes fours. II la con-
fola. La Superieure Taiant preflee de
communier , elle ne put s'y refoudre;
mais M. Cheron l'y obligea , & la
mere Agnes le voulut auffi. Elle le fit
acres avoir pafTe toute la nuit en
pleurs, demandant inftamment a Dieu
de lui procurer un moien de fortk
del'etat ou elle etoit. Le jour de la
Presentation de la fainte Vierge , qui
etoit celui de fa profeifion, elle ne
communia point, & elle entendit la
Mefle dans des peines fi terribles
qu'elle tomba en roiblefle.
La four Marie Angelique va juf-
qu'a dire qu'elle croit qu'elle feferoit difefperie , fans la mere Agnes; & ce- pendant, apres avoir trace Vintage de I'itat ou cette malheureufe Jignature jette les ames 3 elle ajoute encore; » que tout ce qu'elle en a dit, n'eft m nen en comparaifon des peines « qu'elle a fouffertes avant que de la « faire & apres I'avoir fake , & qu'el- v le ne peut meme confier au papier »> tout ce qui s'eft pafle dans, fon efprit. |
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II. Par tie. Lb. X." J97
Quoique la fceur Marie Angelique 1700.
eut figne , elle n'en fut pas plus libre, ni moins refferree , on lui refufa me- me M. Cheron, ce qui l'engagea a demander le Pere de Sainte-Marthe de l'Oratoire , done elle dit beaucoup de bien, & done elle fur forr fatisfai- te, a l'exceprion de £es fenrimens fur la fignature. Ce Pere voi'ant la peine qu'avoit la foEiir Marie Angelique de recevoir les Sacremens , randis que fa refpectable tante en etoit privee, crut qu'il falloir la mettre a S. Thomas du Louvre avec la fceur Marie Claire, & fit pour le lui perfuader , tous fes ef- forts qui furent inutiles. On la me- naca de la feparer decette chere tante, ce qui lui fut tres fenfible, mais ces menaces n'eurent pas de fuites 5 an contraire , on mit avec elles la fceur Marie Claire (91) pour foulager la fceur Marie Angelique , qui etoit tres incommodee d'une fievre quarte & d'une loupe. Car elle avoit totalement perdu la iante depuis fa fignature , & n'etoit plus en etat de rendre a la me- re Agnes les fervices qu'elle lui ren- doit aupatavant. Si Dieu permit que la fceur Marie ixxir;
Angelique tombat, il lui fit la grace fcfiiK^**** {?i) Le j deinats i««j.
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______?pS Histoirj m Pon.T-R.oiAt*
1700; de fe relever & de reparer fa faute.
Elle en concut dans le moment meme une fi vive douleuc, qu'elle auroit des-lors retra&e fa fignature fi la mere Agnes ne Ten avoit empechce. Elle {>erfevera toujours dans ce deflein , &
'executa auffi-tot qu'il lui fut poffi- ble. Etant encore captive dans le mo- naftere des religieufes de Sainte-Ma- rie, elle dreffa une retractation le 7 fevrier 166 5. Elle refufaau mois de mai de figner la nouvelle Bulle , dont M. Chamillard vint lui faire ledure : avant que de fortir de fa prifon elle demanda pardon de la faute qu'elle avoit faite. Enfin , lorfqu'elle fut reu- nie avec fes fasurs dans la maifon de P. R. des Champs , elle en demanda encore pardon & penitence au chapi- tre en prefence de la communaute, & fit une nouvelle retractation datee du 20 aoutfete de faintBernard (91). Elle ne ceflfa le refte de fes jours de pleurer fa faute & de s'en humilier. txxtn. La fceur Marie Angelique fut ex- $arao"' tremement fenfible a la mort de M. de Saci & a celle de la mere Angeli- que de S. Jean , en qui elle perdoit un pere & une mere, mais elle fe (91) Voiez ces deux tetta&ationi & la fuitedefa
(elation, f |
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IL Partis. Llv. X. $99
fottmit a la volonte de Dieu. Peu de 170a,
tems avant fa mort, Dieu pour la: detacher de tout, iui enleva M. de Pomponne fori frere (93) , qu'elleai- moit tendrement. Enfin _, apres avoir edifie fes foeurs pendant toute fa vie, par fon exa&itude a remplir tous fes devoirs, & par fa patience dans fa derniere maladie qui fut tres tongue, elle fut reunie le 8 Janvier 1700 a tant de faints & faintes de fa famille , qui l'avoient precedee dans le fejour des bienheureux. Le ipdu mois de mai fuivant, la ^XI^rB
mere Agnes de Sainte-T'hecle Racine Apes de ste termina fa carnere a Page de foixante „e cs!^ Rv*"" & treize ans. Eile etoit fille de Jean fes vettus, Racine, Controleur du Grenier a fel de la Ferte-Milon , & de Marie des Moulins. Nee le 30 acnit 1627, elle fut mife a l'age de neuf ans en 1636 dans le monaftere de P. R. pour y etre elevee dans la piete. Dans fon enfance elle re^ut fouvent la benedic- tion de M. PAbbe de Saint- Cyran, qui fit plulieurs fois fur fon front le figne de la Croix, a quoi elle attri- bua dans la fuite les graces que Dieu ■ (9;} Simon Arnautd de 27 feptembre iS??aged^
Pomponne , mourut i Si ans. fontainebleau le 16 ou |
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"400 HlSTOIRE DE Poft.T-R6?At.'
1700. ^u* nt (94)' A- ^ge de vingt ans elle
demanda 1'habit de la religion, qu'on lui donna le 21 Janvier 164.7 , &c elle fit profefllon le 16 Janvier de l'annee fuivante. Depuis ce moment elle marcha
conftamment dans la voie etroite, & fut l'exemple de la communaute, quoi- qu'elle cachat autant qu'elle pouvoit, fes verms fous l'apparence d'une gran- de fimplicire. Dieu lui fit la grace de voir en i66x (95) fa mere mourir tres pieufement a P. R. de Paris , ou elle s'etoit retiree depuis 4 ans, 8c avoir rendu pendant ce tems tous les fervices dont elle etoit capable. En 1664, lors de l'enlevement de douze religieufes fait par M. de Perefixe le 16 aout, elle temoigna une fermete admirable (96). Elle demeura tou- jours invioiablement attachee a la verite. Le 31 mai 1687 , elle eut la confolarion de voir mourir dans de grands fentimens de piete fa niece, qui avoit fair profefllon neuf ans au- paravant , le 22 juillet. Apres avoir pafle fucceffivement
par differentes places d'Infirmiere, (94) Vies edif. T. x. p. (96) Voie* ce qu'elle
J47- diticette oecafi«n>T.4» (95) Necr. naout, p. p. 44J.
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- ■•■' V
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II. P A R T 11. L'lV. X. 401
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(?e Celleriere, & avoir occupe celle 1700.
de Prieure pendant fix ans , elle fut elue Abbefle en 1690 5 ce qui fut pour ©He le fujet d'une extreme fur- prife , fon humilite lui faifant croire qu'on ne pouvoit point penfer a elle pour cette place , & elle repandit beaucoup de larmes. Sa conduite pen- dant les 9 ans qu'elle la remplit (97) fut toujours aufli fainte que pleine de douceur en vers fes filles , a qui elle ne cefla de donner des exemples ad- mirables de piete, de modeftie , de fagefle & d'exactitude aux exercices reguliers jufqu'au jour de fa mort. Elle fut enterree dans le bas cote gauche du chceur. Le jour de fon en- terrement, une foeur converfe , nom- inee fceur Marie de Sainte - Maxime Triquot , qui lui etoit etroitement attachee , demanda a Dieu de la re- tirer de cette vie. Elle fut exaucee : car elle tomba malade le meme jour , & mourut le 19 du meme mois. Parmi plufieurs autres pertes que lxxv.
les religieufes firent cette ann^e , la R?yZ«£ plus confiderable fut celle de M. perieur de p. Roynette leur Superieur. C'etoit un nomme de bien , qui rempli de cha- ts?) Le N6ctoIoge lui donne douze ans ; c'efl Bnemeprift, |
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40i HlSTOIRE DE PoRT-Roi'At."
"'i-roo rite & de tendreffe pour ces faintes
filles , leur faifoit non - feulement tout le bien qu'il pouvoit, mais ge- mifloit meme de ne pas faire tout celui qu'il vouloit. La mere Abbeffe ecrivant a un ami fur cette perte & telle de la mere Racine , qui l'avoit precedee de quelques jours, lui parle ainfi : " Dieu nous avoit donne ces » biens, il nous les a 6tes j que fon » faint Nom foit beni. 11 faut que » la foi nous eleve au-defTus de nos " afflictions , en confiderant le bon- » heur des perfonnes qui nous ont ' » quittees «. C'eft par de tels motifs, fi remplis de foi, qu'on fe confoloit a P. R. dans tous les evenemens de la vie les plus facheux. On y fentoit ces pertes } mais on favoit que les Saints ne font ici quen depot. II efl jufte que celui qui les a faits pour lui) en devienne le maltre 3 & qu'il enfajfe fon roiaume dans leCiel (98). lxxvi. Apres la rhort de M. Roynette, fcStaSb*«riv& le xi mai, les religieufes de
p. r. des P. R. choilirent pour Superieur M.
chamPs- Gilbert que M. de Noailles avoit
deja choifi lui - meme pour remplir la fonction de Grand-Vicaire. II pa- roit que ce choix fut fait de concert. (98) icttte de cont'obtiou du P. Qucfuel,
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II. Par tie. Liv. X. 40}
Je ne vois perfonne qui vous convienne
mieux pour Superieur que M. Gilbert, die cette Eminence (99) dans une let- tre du 12 feptembre aux religieufes, M. de Noailles ajoute qu'on tache toujours d'echauffer le Roi centre el- ks j qu'il s'etoit plaint a lui qu'elles avoient recu depuis peu fix nouvel- les filles (1). » Je l'ai afllire, dit-il, " qu'il n'en etoit rien , ne doutant » point de voire obeifiance pourSa » Majefte & pour votre Archeve- » que «. Le Prelat finit en fe recom- mandant a leurs prieres , dans lef- quelles il temoigne avoir une grande confiance. Souvene^-vous en , dit-il ,je vous en conjure devant JDieu 3 & cro'ie^- tnoi en lui tout a vous bienfincerement. Les religieufes ne manquerent point de faire a cette lettre une reponfe, |
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volonte , pour les aider
& leur tenir lieu de no- vices. Ces filles s'appel- loient Sceurs du voile blanc. M. de Harlai lui meme avoir permis aux religieufes d'en prendre- M. de Roynette les avoit allurees i la derniere e- lefiion, que le Roi ne leut defendoit pas de prendre des filles pour les fervir, & meme qu'on n'en fixoit pas le nombre. Cependant il n'y en avoit qvte fix. |
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(99) M. de Noailles a-
voit et£ nomme Cardinal an mois de juin de cette annee. (1) Cette falomnie i-
<°it fans doute fondee fur R que les religieufes, dont le nombre diminuoit cha- ste jour , ar'ant befoin de fecours pour chanter 1'of- fa & coatinuer jour & nuit I'afliftance devant ^ S. Sacrement , furent ■jMiglti de prendre des WU-s de piete 8c de bonne |
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404 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
"'j dans laquelle apres s'etre juftifiees fur
,vn l'accufation d'avoir recu fix filles,
Lettte des elles remercient ainfi le Prelat , du religieufes i Superieur qu'il leur a donne. » Nous les.oii elles •> remercions , dilent - elles, Votre fr„iu"^eiu " Eminence de nous avoir donne M. dune ac-u- , ,
fation for » Gilbert pour Superieur 5 c eft une
3bL C°ntre » marque de votre bonte & de vo- » tre cnarite pour notre pauvre pe- » tit troupeau afflige. Nous n'avons » que Dieu & Votre Eminence pour » nous foutenir dans nos tribula- » tions , dont la plus grande & celle » qui nous eft la plus fenfible , eft » de nous voir dans la difgrace du » Roi fans l'avoir meritee. Mais » enfin , nous fommes refolues de » foufFrir en filence , jufqu'a ce qu'il » plaife au Seigneur de faire connoi- w tre au Roi notre innocence &c no-, _____» tre droiture de coeur «. |
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1701. Les premieres annees de la fupe-
ixxviii. riorite de M. Gilbert fe paflerenr
quclques reii-comme les precedentes , c'eft-a-dire,
gieufes. fans evenemens bien confiderables &
fans perfecution ouverte. Mais la
communaute diminuoit toujours &
s'eteignoit peu- a -peu , ne trouvant
f>as en France les reflources que les
fraeUites trouverent autrefois enEgyp- te pour empecher la ruine de leur |
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II. P A R. T I E. LlV. X. 40 5
nation. On ne recevoit plus de fujets, 1701.
& chaque annee Dieu retiroit a Jui quelques-unes de ces fainte's filles. Il en delivra trois cette annee : 1 °. la four Marguerite de Sainte-Julie Ha- melin , religieufe de chaeur, qui mou- rut le 11 juin agee de foixante-quatre ans, & fut regrettee de toutes fes fours , dont elle s'etoit toujours fait aimer & eftimer par fes excellentes qualites 8c fa grande piete. i°. La four Louife de Sainte-Julienne Ro- bert , profelTe de choeur depuis cin- quante-trois ans , morte le 6 feptem- bre agee de foixante - quatorze ans. Elle etoit Tune des cinq filles de M. Robert Confeiller au Parlement, qui fluent religieufes a P. R. 3 °. La fceuc Scholaftique de Sainte-Barbe Genits, converfe, morte le 17 feptembre agee de foixante-dix-huit ans. Nous ne pouvons nous difpenfer ixxrx.
de joindre a ces religieufes une Da-JJ^'^ me refpe£table , qui merite d'avoir de Belifi. rang parmi elles, non-feulement par fon attachement a P. R. dont elle n'a laifle pafier aucune occafion de don- ner des marques ainfi que de fa libe- ralite, mais encore par le defir qu'elle eut d'y etre religieufe , defir auquel on s'oppofa, a caufe des grands biens |
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4D(S HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
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1701.
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qu'elle faifoit aux pauvres & aux a£- I
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fliges , dont elle etoit regardee com-
rae la mere. Cette Dame etoit Mc. Catherine Angran femme de M. de Belifi Cpnfeiller du Grand Confeil , veuve depuis cinquante ans , qui mou- lut le 14 mai de cette annee agee de de quatre-vingts ans, pleine de jours & de bonnes ceuvres. Son coeur fut porte a P. R. des Champs, comme elle l'avoit demande par fon tefta- ment, & enterre avec une epitaphe que les religieufes , auxquelles elle legua deux mille liv., lui firent dref- fer en reconnoijfance de fes bienfaits & de fon affection (i). lxxx. Nous ne devons pas non plus ou- MacUm" de-^er ^a reverende mere Anne-Vic-
Moagtat Ab- toire de Clermont Monglat, eleve fcl&deGif. de p R ^ qui obUg6e en l66j dg
fortir de cette fainte maifon, ou elle
etoit novice, fe retira dans le monaf- tere de Gif, ou elle fit profeffion , & fut dans la fuite AbbefTe. Apres y avoir etabli la reforme , & gouverne la maifon avec beaucoup de fageflfe pendant quelques annees , elle fe de- mit de fon Abbai'e quinze ans avant fa mort, & mourut faintement le 30 ■feptembre iyoial'age de cinquante- neuf ans. (1) Necr. p. iij.
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II. Partie, Liv. X. 407
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Au commencement de l'annee fui- l-jox.
vante la mort enleva deux religieu- lxxxi. fes de chceur , qui furent inhumees f^01^'* enfemble j la fceur Antoinette Azelle nette Azeiie, le Couturier, qui mourut le 2 jan- ^.^lucT" vier (3); & la fceur Elifabeth-Made- leinede S. Luc Midorgemorte le 3 du mememois a Page de foixante - dix- fept ans. Elle etoit dans la maifon depuis foixante - dix ans , & en avoir cinquante-neuf de profeffion. Pendant tout ce tems elle avoit toujours edi- fie fes fceurs, & elle les edifia encore plus a la mort, etant » allee a Dieu » avec une paix , une douceur & une » foumiffion admirable a fa volonre «. Nousavonsvu en 1697 les religieu- lxxxti.
fes de P. R. de Paris revenir contre Nouveile 1 j 1 • r ■ ,, tentative dec
le partage des biens rait en 1669 , reiigieufes de
quoique ce partage leur rut tres favo- Pfris .„Fouc - Li o '11 rr 11 * depouiller
lable, cc qu elles euiient elles-memes ceiies des
pris toutes les mefures pour le ren- ^mP- dre irrevocable. Le mauvais fucces qu'elles eurent alors ne les empecha pas de faire en 1701 une nouveile * tentative pour depouiller les reiigieu- fes de P. R. des Champs de Teurs biens. Le Roi ai'ant donne le 8 juil- let de cette annee une Declaration > par laquelle il etoit permis aux Ec-: (3) Suppl. i Jaiiv.
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408 HlSTOIRE DI PoRT-ROlAL."
clefiaftiques & aux Religieux de ren-
trer dans leurs biens alienes en pai'ant le huitieme denier de Pacquifi- tion , elles regarderent cette Decla- ration comme un moi'en propre a les faire arriver au but que leur cupidite leur propofoit depuis long-terns. En I confequence PAbbefTe de P. R. de Pa- ris & fes religieufes furent des pre- mieres a prefenter au Bureau des alie- nations une declaration de tous les biens de P. R. des Champs , dans lef- quels elles pretendoient rentrer. Apres avoir prefente des le 29 d'aout cette declaration, qui n'eft qu'un tiflu de ! faufifetes & de calomnies, elles de- : manderent & obtinrent fur requete, le I vingt - trois novembre , une commif- j flon du Grand Confeil, & firent af- j figner le 9 decembre les religieufes des Champs pour les obliger a leur remettre entre les mains tous les li- tres , papiers, biens , & a fe conten- ter d'une pennon v*iagere de 200 liv. pour chacune d'elles. Quel nom me- rite une telle demarche ? Elle panic j fi injufte & h mal-fondee aux Juges, qu'ils rendirent le xi fevrier 1705 un arret, par lequel les religieufes <le Paris furent deboutees de leur de- uiande Sc condamnies aux frais. Dans
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II. P A R. T IE. LlV. X. 40$)
Dans le terns que cette affaire etoit I702> ' pendante au Grand Confeil, M. le lxxxiii. Cardinal alia faire une vifite a P. R. MBo" ™ot df , „. ,. r . M. le Card.
des Champs & y dit un rort bon mot, de Noaiics.
an fujet du procede des religieufes de Paris. Celles des Champs l'ai'ant prie de leur accorder fa protection & de leur faire rendre juftice ; Son Emi- nence , qui avoit etc informee que quelques jours auparavant lAbbeife de P. R. de Paris avoit donne un bal a fon parloir , leur fit cette reponfe: // n'ejl pas jufie que P. R. de Paris donne le bal 3 & que P. R. des Champs paie les violons (4). M. le Cardinal blamoit la condui- ulx,XvV'i
te des religieufes de P. R. de Pans , & les temoi^ne s'en etoit explique aim Chanoine de fa £> f%£ Cathedrale (5),quile manda a la mere teger letreii- Abbeffe de la maifon des Champs |^sc^ dontil etoit ami. Ce Chanoine mar-t ucs de quoit dans fa lettre , que M. le Cardi- Paris' nal lui avoit » paru fort etonne de » l'entreprife hardie de lAbbeffede » P. R. de Paris; qu'il condamnoit » hautement cette tentative, l'efti- » mant aujji injufte qu'infolente.... Si " la procedure s'engage, continue » la lettre , il m'a afTure qu'il ne vous (4) Rcc. de pieces de (5) L'Abbe Mengui, let.
'740 in-n p 534. du 11 decembre 1701. Tome Fill. S
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410 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
» abandonneroit pas , qu'il feroir
» parler a vos Juges , & qu'il vous » jufiifieroit bien du reproche qu'cn » vous a fait de rebellion & de re'vol- » te (6), en temoignant qu'il eft con- 3> tent de votte conduite depuis fepc » ans d'epifcopat.....Si au lieu de
» fuivre la procedure judiciaire , on
» prenoit la voie de l'autorite , plus » propre a accabler ceux qu'on veut » perdre , vous trouveriez en M. le » Cardinal, dit la lettre , un pro- w tecleur _, bien perfuade de la jufiice » de votre caufe «. Telles etoient alors les difpofitions de M. de Noailles a l'egard de P. R. des Champs. Heu- reux s'il eut perfevere ! 8c n au lieu d'abandonner ces faintes filles lorf- cui'on prit quelques annees apres la voie de l'autorite plus propre a accabler ceux que Von veut perdre , il s'etoit de- clare leur protecleur. Il femble qu'alors les religieufes de
P. R. des Champs n'avoient rien a craindre des entreprifes de leurs par- ties , tantque l'affaire feroit examinee en Juftice reglee & porteeaux Tribu- naux ordinaires , &c qu'elles ne de- (6) r.es religieufes des tion des teligicjjfes OS
£liamff etoient naiteesdc Pads. , ' rebtttes 4ans la dedaia-
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II. P A R. T I E. LlV. X. 411
voient redouter que Ies artifices ca-
ches de leurs ennemis & la voie de l'autorite. Ce furent en efFet ces arti- fices caches , joints au credit & a la faveur , qui les firent fuccomber dans la fuite , & qui procurerent a leurs injuftes parties ce qu'elles defiroient depuis II long-tems. Nous approchons infenfiblement
de cette funefte epoque. Ce feroit meme ici le lieu de parler d'un eve- nement qui fut pour les ennemis de P. R. une occalion d'executer leur deflein j c'eft-a-dire , du fameux Cas de confcience , qui quoique figne en 1701, nefut rendu public qu'en 1702. H fut, dis-je, une occalion aux enne- mis de P. R. des Champs , puifqu'il occafionna la fameufe Bulle V~ineams qui leur a fervi de pretexte be de moi'en pour renverfer ce faint monaftere. Mais nous refervons a en parler dans la troifieme Partie de cette Hiftoire , avant que d'entrer dans le detail de la derniere perfecution, afin de ne point feparer 1'efFet de fa caufe. II ne nous refte jufqu'a cette derniere par- tie de notre ouvrage aucun evene- nient b;en confiderable a rapporter , Wais feulement a parler deauelques perfonnes, foit religieufes, loit amis Sij
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411 HlSTOIRE PE PoRT-ROlAt.
lyox. de P. R. que la rnort enleva danscet
intervalle, c'eft-a-dire, dans lestrois annees qui ont precede la derniere perfecution. -------■— Du nombre de ceux qui mouru-
lxxxv. rent en l7°3 5 fut Paul le Pelletier,
m. desTou- Seigneur des Touches, grand ami &
infigne bienfaiteur (5) de P. R. 1'un des compagnons de M. le Maitre dans fa premiere retraite a Paris , lorfqu'il eut renonce au monde , & des pre- miers difciples de M. de S. Cyran. Ce fut M. Gilbert Regent de Pliilo- fophie de M. des Touches , qui lui procura la connoifTance de ce celebre Abbe. Comme Dieu commencoit dqa ji regarder M. des Touches, " il n'eut » pas de peine (6) , dit M. Lance- I « lot, a entrer dans toutes les lu- j « mieres du Chriftianifme & du Sa- « cerdoce que ce grand ferviteur de " Diea lui deeouvrit j & il y a per- »> fevere depuis avec une modeftie & » une fidelite qui a trompe ceux de i o) fes amis qui Paimoient felon Is •» monde; comme elle a ete la joie ?> & l'edification de ceux qui l'ai- (5) Outre plufieurs dons des filles gratuitement.
faits en dirHrentes occa- (s) Lane. T. i. ip»* {Ions ,i' d^Bna 80000 liv. p. }}«.
jioui recevoir a perpctijite |
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II. Partii, Liv. X. 413
« moient felon Dieu \ reconnoifiant » d'autant plus la grace que Dieu lui » avoit faite , qu'etant, comme il le " difoit lui-meme , fort jeune, inde- » pendant & dans la jouiiTance paifl- » ble d'un bien considerable, il lui » etoit fi aife de fe laiiTer aller a la » corruption. M. de S. Cyran letint » Iong-tems aupres de lui , & l'ho- " nora d'une amitie tres particulierg. » II lui a ecrit de fort belles lettres, " dont quelques - unes font impri- " mees « (7). Depuis la prifon de M. de Saint-Cyran , il ecrivit fous lui 3 apres M. Lancelot, la continuation des Penfees fur la pauvrete & fur la mort. Ce refpedable Abbe etant mort, M. des Touches s'attacha a M. de Barcos , fon neveu & fon fuccefTeut dans l'Abbai'e de Saint - Cyran. II l'accompagna avec M. Guillebert 8c quelques autres, lorfqu'il alia dans cette Abbai'e en 1650, & il y pafla plufieurs annees avec lui dans une entiere feparation du monde & de fes parens. Apres la mort de M. de Barcos & le renverfement de la re- forme qu'il avoit etablie dans l'Ab- bai'e de Saint-Cyran, M. des Tou^ (7) Lesji &(3 de la perfonne de condition de
premiere edition, a une fes amis. S iii
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4*4 HlSTOIRE DE PoR.T-R.01 At?
ches revint a Paris , ou il vecut, corfti
me il avoit toujours fait, dans une retraite rigoureufe, & une prierepref- que continuelle jufqu'a fa mort arri- vee le 22 juin 1703. Ce digne dif- ciple de M. de Saint-Cyran mourut age de quatre - vingt-un ans, & fut enterre a Saint Magloire. II avoit bien profite des lemons d'un fi habile mai- tre, fur-tout en ce qui regarde la pau- vrete , n'aiant ete occupe toute fa vie qu'a s'appauvrir en faifant un bon ufage de fon bien, en le repandant avec abondance dans le fein du pau- vre , en le faifant fervir a, de bonnes ceuvres , dans lefquelles il emploi'a deux millions. Les religieufes de P. R. des Champs furent tres fenlibles a la mort de M. des Touches, qui en tou- te occafion avoit donne a la commu- naute des timoignages d'une Jincere af- fection & d'un parfait devouement (8). En 1704 , P. R. des Champs perdit deux converfes ; la fceur Catherine de Sainte - Fabronie des Cofteaux , qui mourut le 5 Janvier , agee de foixante - quinze ans j & la fceur Anne de Sainte - Urfule Furet morte le 24 mars, agee de foixanter feize ans. (8) Ifka. P. Z47,
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II. P A R TIE. LlV. X* 41 5
L'anne fuivante, la mort enleva a.
l'age de 78 ans, le iz avril, M. '' Simon Akakia du Pleffis, ancien foli- Mort de m,
taire de P. R., a. qui fon zele pour s\mon Aka- le fervice des religieufes avoit merite autrefois l'honneur de fouffrir pour elles (9). Deux religieufes de chceur, tres vertueufes 1'une &c l'autre , mou- rurent cette annee ; la foeur Sufanne de Sainte Julienne Oilier , & la four Marie-Gabrielle de Sainte-Catherine Houel. Celle-ci avoit d'abord ete transferee du monaftere de Magni en Normandie , d'ou elle etoit profeffe , dans celui d'lfTy pres Paris ", etant en- fuite fortie de cette maifon en 1649 a caufe de la guerre , elle fe retira a P. R. 011 elle rut afTociee le 1 3 juin 16 51. Elle en prit tout Pefprit, & y fmifa la connoiflance & l'amour de
a verite, a laquelle elle rendit un temoignage eclatant pendant la per- fection (10). Elle mourut le %6 fep- tembre agee de foixante-dix-fept ans. La four Sufanne Oilier avoit ete ™^";
re$ue a l'age de vingt ans a. P. R., oilier. ou la Providence lui fit trouver un •file pour vivre & fe fandtifier. Ma- (9l En i««4 Ufutmis gatoire , hift. des perfec,
si la Baftille. T. I. p. no. -
lio) Voiei fon imerro-
c ''•.
S mj
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41 6 HlsTOIRE DE PoRT-ROlAL.
dame fa mere, qui quoique de con-
dition etoit pauvre, ai'ant quitte Riom jfa patrie pour venir a Paris , l'amena avec une autre Demoifelle fa cadet- te. M. TAbbe de Bourzeis , frere de Madame Oilier , la retira avec fes deux Lilies, & les logea fort a Petroit dans une chambre de l'Hotel de Lian- court (n). Cet Abbe qui etoit alors fort lie avec Mellieurs de P. R. ai'ant un jourtemoigne a Monfieur Arnauld 1'embarras oil il fe trouvoit avec fes deux nieces , n'aiantpas de bien pour leur procurer un erahliflfement, M. Singlin qui etoit prefent, lui dit que £ elles etoient appellees a la vie re- ligieufe, il n'auroit qu'a les envoi'er a P. R., & que leur pauvrete n'em- pecheroit pas qu'on ne les y recut avec plaiiir , fi on remarquoit en el- les une bonne vocation. L'ainee qui etoit fort belle prit ce parti (n) , &c alia a P. R. ou elle commenca fon (n) Relat. de la fceur apres , M. Chevalier Fer-
Ollier , vies 6dif. T. 2. mier general etant venu
p. 4S«< le trouver pour lui de-
(ii) La caderte ne fui- mander quetque remife
vitpoint rexemple de fa d'une taxe de iyooooliv.
fceur, & refta fur les bras & laquelle il avoir etcim-
de fon onde, qui pria M. pofe , M. Colbert lui dit:
Colbert de la marier A 3> Je veux vous marier a
quelque Financier, Le » une Demoifelle de con-
Miniftre lui promit d'y j> ditioil , vertueufe &
peitfer 3c tint parole. Peu » Men faite, 8c au m.o>««
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II. P ARTIE. LlV. X. 417
noviciat le premier avril 1655, &
fit profeffion le 11 juin 1656 (1 3). En 1664 elle refufa conftamment de fi- gner le Formulaire , & demeufa tou- jours attachee a la verite. Elle mou- rut le 29 juillet 1705 , agee de 72. ans » dont elle en a pafie , dit le Ne- » crologe (14), les deux derniers dans |
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» de ce manage vous e-
» viterez la taxe «. Le Fermiet general accepts I'oifre , epoufa la Demoi- felb , retitala mere chez Ini, & laiffa k fa femme en mourant ijooooo liv. Cette Dame donna £ P- R. un contratdequatre oil cinq cens livres de rente pour fa fceur qui avoit ete recue graruite- ment. Etant un jour alle voir cette fccur , qui etoit facriltine, elle lui deman- ds II fa facriftie n'avoit liefoin de rien; la religieu- fe apres avoir refufe fes offres , preilee par les inftances de fa fccur , lui dit qu'on n'avoit point de baSin ni d'aiguiere d'ar- gent pour Tervir a la Mefl"e aux Eveques. La Dame ne manqua pas d'y pout- votr; aiant fait faire un petit baffin & une pitite aiguiere de vermeil,le tout liien cizele 8c d'iin beau travail , qu'elle envoi'a ^ P. R. dans une boite cachetee. L'AbbelTe a'ia »u.Veit la boite fans |
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voir ce que c'etok , fit
venir la fccur Suzanne, lui en demanda Implication, &: lui dit : Quoi ! ma fceur , contre la defenfe de nos Conftitutions , vous avey demandd quelquei chofe a Madame votre fceur ! cela efl tres mal , cela ne coucherapas ici. EfFeclivement > le tout fuc renvoie, 8c la fceur Su- zanne fut reprimandee en Cbapitre. Madame Per- rier, de qui nous tenons tous ces "fairs , les avoic apprisde Madame Cheva- lier elle-meme , dans une- vifite quelle lui renditr quelques jours apres. Comme Madame Perrier admiroit le travail de ce petit baffin 8c de cette pe- tite aiguiete qu'elle ap- petcjut fur la table de Ma- dame Chevalier : voild , lui dit la Dame, qui a. bien fait repandre des lar~ mes a ma pauvre fceur: Puis elle. lui conta I'hif- toire. (1.5.) Ibid. p. 4,$.
(14) Near, p. iSb.
S V |
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418 Histoire de PgRt-roiae.'
» une maladie qu'elle a foufFerte avee » une patience admirable. C'etoic » une religieufe d'une grande edifi- 3> cation, fort appliquee a l'oraifon , sj a la ledture , au filence, a la retrai- » te , & d'une vie ores occupee ". Le Necrologe nous apprend qu'on avoit queljues petits ouvrages maniifcrits de fa faeon fur des matieresdeplete. ixxxvin. Port-R.oi.al s'eteignoit ainfi peu-a- verfelip"r!! Peu Par 'es retranchemens qui s'y faifoient cheque annee, Mais en 1706, ce fut un deuil & une confternation generale dans le faint defert , par la mort de leur digne Abbeffe , de la mere Prieure, & de quatre des plus anciennes religieufes (15). Ces per- tes furent d'autant plus fenfibies a celles qui reftoient, qu'outre le vuide qu'elles faifoient dans une maifon oil il n'etoit pas permis de recevoir des fujets, cela arrivoit dans des circonf- tances ou les meres & les fceurs que la mort enlevoit, leur etoient le plus neceffaires pour les foutenir dans la perfecutton qu'on venoit de leur de- clarer. >Mais ces faintes filles avoient acheve leur courfe ; elles avoient bien combattu, aiant eiTme le feu de deux |
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(15) Noiw parleions plus au long de ces faintes
filles. |
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II. Par tie. Lh>. X. 419
perfecutions dans lefquelles elles a- ,70(j' voient conferve la foi : il ne leur reftoit qu'a attendre la couronne qui leur etoit refervee , & que le jufte Juge ne leur donna qu'apres avoir foutenu le premier choc de la der- niere perfecution , & avoir , en ren- dant encore un glorieux temoignage a la verite, donne a leurs fceurs l'e- xemple du courage avec lequel des vierges chretiennes doivent combat- tre dc foutenir les interets de Dieu. C'eft de ces combats dont nous allons parler dans la derniere Partie. Fin du dixieme Livre j & de la
feconde Partie, |
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k ?V[
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ADDITION
S U R M. D E. SACI..
Relation de sa captivite.
JLjA detention de M. de Saci a la Baftille
pendant plus de deux ans, etant un des eve- uemens les plus remarquables de la vie de ce faint Pretre , 8c qui a le plus fait eclater fa verm, il eft n^ceflaire d'entrer fur cet evene- tnent dans un detail qu'il n'a pas ete polfible de faire dans le corps de l'hiftoire. Rien n'eft f lus propre a edifierle Le<5fceur &c a lui dormer line jufte idee de M. de Saci (i). |
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55 une imag; de 1'enfer,
33 8c rien n'eft plus horri- 3j ble qu'un lieu ou pref- 33 que tous les Officiers , 33 depuis le Gouverneur J3 jufqu'au Porte-clefs , 33 8c ou tous les Prifon- 33 niers avec toute la gar- 33 nifon n'ont pis une 33 once de cliarite. Ceux 33 qui ontdequoi,boiventy 33 rument & jouenr:les 33 autres qui n'ont rien. 33 tempetent & crient :. 33 d'autres qui font en- 33 fermes fe confolenten 33 jettant des hurlemens, 33 qui fonc qu'au moins 33 on les entend ft on ne >3 les voit pas. Rien n'eft 33 plus pitoiable que ces 33 pauvres Cadets , qui 33 menoient promenerM. l'Abbe ( de Saci) l'epee au n cote. L'humeur de gaf |
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(1) M. Fontaine , alors
nomme M. Defloges,a fait deux relations de la prifon de M. de Saci. La premie- re fe trouve dans le qua- trieme Tome des vies edif. p. if9—521. Lafe- conde dans fes Memoires, T. 1. p. 304. & fuiv. il y a des differences dans le xecit des faits, mais qui n'alterent pas le fond. Il y a dans l'une & dans I'autre des recits de faits & d'evenemens concer- nant la Baftille , les Ofli- ciers 8c les Prifonniers , auxquels nous ne nous arrfeterons pas : nous rap- potterons feulement ici une defcription abregee que fait M. Fontaine de la Baftille pour en donner une idee. ( premiere Rel. g.. 177}. » Cert, tlit-il, |
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Addition fur M. de Saci. 411
Ce faint Pretre avoit ete oblige, des l'aa.
1fd 1 , que commcnca la grande perfe«utioa contre P. R., de quitter le faint defert, & de. fe tenir cache pour fe fouftraire a la fureur des perfecuteurs , qui n'etoient pas moins. animes contre les Dire&eurs & les Solitaires, que contre les religieufes. II continuoit nean- lnoins du fond de fa retraite a rendre aux ames tous les fervices , qui dependoient de fon mL- niftere ; & apres Iamort de M. Singlin arrives en 1664, il fe trouva charge de toutes les perfonnes que ce fage Diretteur conduifoit , en particulier de Madame la DucheiTe de Longueville, & de Mademoiselle de Vertus» " II n'avoit aucune rnollefle en parlant a ces-: " Dames,dit M. Fontaine (i),mais fans man- " quer d'honnetete ni de douceur.il ne laifleit » pas de leur reprefenter avec force tous leurs- » devoirs. Il avoit faitun abrege des arvis ge- » neraux qu'il jugeoit a propos de leur don- " ner, dont il pria M. Fontaine de fairc une » copie. Il leur marquoit d'une maniere. » vive l'obligation ou elles etoient, quoique » vivant dans le monde,de tendre a la perfec- » tion. II leur difoit qu'elles ne pouvoient == perfeverer dans la vie , oii elles Etoient » entrees, qu'en y avancant toujours, qu'au- *> trement on reculoit en arriere : ce qui fair » foit qu'on en voioit fi peu de ceux qui " avoient commence de fe convertir a Dieu, *> qui continuallent de marcher dans la bon- 11 con, le titre de gentil- de Saci prifonnier dans ce
« homme,d£rangent bien lieu, fe rappelloit l'etar » ccs petitsefprits«. Mais des religieufes de P.R.cap- tion n'eft plus plaifant , tives dansdes monafteres que ce Porte-clef,' qui fert Strangers, 8c fe trouvoit. les enfermes comme etoit encore mieux traite qu'elr M. l'Abbe. Il eft faoul des. les ne l'avoient ere. fixheutes du matin; M. (z; TAi. p- }Pt*- |
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412 Addition".
n ne voie.... qu'on devoit craindre de s'aban-
» donner , fans s'en appercevoir, a la mol-
n lefle d'une vie feculiere, & de finir par la
33 chair apres avoir commence' par l'efprit;
33 qu'il ne fuffifoit pas d'avoir pafTe du vice
»j a la vertu, qu'il falloit encore pafler d'une
» bonne vie a une meilleure ; que Saint Paul
» etonnoit tout le monde en craignant d'etre
33 reprouve apres avoir rant preche l'Evan-
3j gile «.
?es vifites L'afFaire principale de M. de Saci etoit
| l'Hdtel dei'Hfitel de LongueviUe. II s'en etoit charged
longuevi e. ayec pcme ^ & ^^ bcaucoup ,je 1(SpUgnance
a fe deguifer comme avoit rait M. Singlin.
Neanmoins voiant que la charite demandoit cela de lui, il y confentit. Ainfi aux jours deftines a ces vifites , on lui envoioit de l'Ho- tel un carofle, qui fans venir jufqu'au logis l'attendoit a une certaine diftance, & le foir le defcendoit au meme endroit. Outre ces vifites, il avoit des rendez-vous pour le me- me fujet. Cela demandoit beaucoup de pre- caution , & il falloit fouvent changer de de- meure. Apres bien des changemens de logis, il en prit un au bout de la grande rue du Faux- bourg Saint Antoine, dans un pais perdu, mi il efpdroit pouvoir demeurer long-tems inconnu (*) 33 Mais y a-t-il aucune fagefle,ni » aucune prudence humaine, qui puiffent te- =3 nir contre les defleins de Dieu , 8c refifter a 33 des ordres dternels pourempecher qu'ils ne » s'executent ? M. de Saci n'ignoroit pas que tout etoit declare contre lui, que les Com- miflaires dtoient en campagne , les Archers en guete, & les Efpions a la decouverte. Mais cela n'arretoit point fon zele;il fuivoit I'ardeur de fa charite, refolu de facrifier a Dieu & a8 (*) lb. p. 304, |
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fur M. de Sac't. "41 $
bien de fes freres fon repos & fa liberte'.
» Apres cela, pout parler avec le fidele com- 3i pagnon de M. de Saci, le temoin de fes » dilpofitions , ne doit-on pas regarder la 33 prifon plutot comme une recompenfe que 33 comme une peine? Et n'avoit-il pas aflez 33 fait pout la met iter (j); Enfin le moment auquel ce Jufte devoit
etie livrd entte les mains des medians, etant E arrive, M. de Saci fut arrete dans la me de Saint Antoine le 14 (4) de mai 1666 , le me- me jour qu'avoit ete pris M. de S. Cyran qu'il regardoit comme fon pete & fon maitte. II y avoit meme deja quinze jouts qu'il etoir. attete fans le favoit. Un Efpion le fuivoit pat tout; s'il enttoit dans un carofle, TEfpion montoit derriere ; s'il paflbit la riviere dans un bateau , l'efpion y ^toit avec lui. L'efpe- rance de faire une plus grande capture fit dif- feier l'expedition. Mais comme l'efpion per- doit letems, & ne faifbit aucune nouvelle de- couverte, on fe lafla d'attendre , &on refolut de fe faifir de celui qu'on gardoit a vue. M. dc Saci etant fotti ce jour-la a fix heures du ma- tin pour aller a l'Hotel de Longueville, ten- contra pres del'Abbaie de Saint Antoine, le carofTe de M. le Lieutenant civil plein dc Commiffaires, qui alloient pour le prendre. II n'y fit pas d'attention, & continua fa rou- te avec M. Fontaine. M. le Lieutenant ci- vil , ne voulant point faire d'exlat dans le Fauxbourg , de peur que fi on en etoit aver- ti, on n'eut le terns de detourner les papiers (;) Font. Tb. p. ;o« puifque M. Fontaine la
(4) Dans la premiere tappelle Iui-meme en dif-
Rel. il ell dit que ce fut ferens endroits, 8c cel£-
le i} , & cette date pa- broit le '5 mai, comme
loit devoit etre priferee, l'anniyerfaire de fa prut.
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ifM Addition
qu'il e(peroit trouver au logis, les laifla paf-
fer, 5c detacha deux Commiflaires &: deux Archers pour les fuivre pas a pas. En paflant le long de la Baftille, M> Fontaine addrefla ces paroles a M. de Saci (*). » En verite, on ne penfe pas aftez a ceux
*> qui font enfermes en ce lieu. On s'accou- » tume a leurs maux , on s'y endurcit. On n'a ij point cette compafTIon , dont parle Saint y Paul, qui fait qu'on eft audi fenfiblement »> touche de la captivite des autres, que fi Ton *> etoit cap&if foi-meme cc. ( M. Fontaine vouloit parler de Savreux l'lmprimeur, qui etoit a la Baftille). A Tinftant, il entendit une voix, qui difoit derriere eux , c'efl ajfe^r c'efl iffe^, Mejfieurs. M. de Saci & M. Fon- taine s'etant retournes virent un Commif- faire (5), quileur dit : Meflieurs ,j'ai ordre du Roi de vous arreter. II fit enfuite monter les-ti?ux Prifonniers dans un caroffe , Si les mena chez le Commiffaire Vendome , pres Saint Paul. Onfefaiflt M. de Saci, peu en peine dans cette oc- :s Papiers ca(Ion <Je
ce qui le regardoit perfonnelle-
' ' e ment, n'etoit inquiet que des lettres de cons-
cience qu'il avoir fur lui. Il les tira de fa poche le plus fecretement qu'il put, & les coula dans fon haut-de-chaufe ( 6 )'. Mais comme tous fes mouvemens etoient exami- nes, les Cornmiflaires s'en appercurent, &l'a premiere chofe qu'ils ffrent , fiit de lui denouet les cordons de fes calecoris, pour faire tomber par le bas les papiers qu'il avoit tache de fauver. Apres s'en etre divertis, its les portetent en triomphe au Lieutenant ci- vil , qui eut la temeritg de les lire , d'en faire (*) lb. p. 308.. («)SeconcfeRel. p. 3 Wa-
if) Meinier,. Premiere R.el. p. 165,.
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fur M, de Saci. \x $
iJe fades & infipides railleries, &. de publier
que M. de Saci donnoit des abfolutions par lettres. Apres la prife de ces papiers , on fit monter
M. de Saci dans une chambre haute avec un Archer pour le garder. Comme depuis plus de deux ans , il s'attendoit tous les jours a la Baltille , il portoit toujours les Epitres de Saint Paul avec lui, & difoit fouvent. » Qu'on *> faffe de moi tout ce cju'on voudra {7) j =• pourvu que j'aie mon Saint Paul avec » moi, je ne crains lien cc. Malheureufe- ment il ne 1'avoit point pris ce jour-la, & ce fut fa plus grande peine. On laifla M. Fontaine en bas dans la falle. lis rcfterenc l'un & l'autre chez le Commiffaire Vendo- me depuis les fept heures du matin jufqu'a, midi, que M. le Lieutenant civil envoi'a un carofle avec deux CommnTaires & deux Ar- chers , pour les amenera leur logis, oil ils trouverent une multitude de , gens armes. Des la veille M. Molodin colonel Suifle, dont la maifon joignoit celle de nos Soli- taires, avoit eu ordre d'aflembler chez lui pendant la nuit toute fa Compagnie, pour cxecuter les ordres que le Lieutenant civil lui donneroit. On avoit auffi place une cen- , taine d'Archers au Trone. Pendant que M. „„„ r;'J^Z
1 . ... 1 1 J nant civil lc
le Saci & M. Fontaine etoient chez le Com- renc[ maitre
oiiflaire pres Saint Paul, le Magiftrat avoit de la maifon
fait agir fes troupes. Une partie fut envoiee de M> «•*■Sa-* Pour inveftir la maifon de M. Petit , quicl* leur echappa. Cette maifon etoit le rendez- vous, oil M. de Saci recevoit tous fes amis. On y trouva l'dpoufe de M. Petit, qui fe fit admirer par la fagefTe de fes re"ponfes, 8c une; (7) Seconde Rel. p. m,
f«ipjc« Rel. j>. 1S7.. |
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4i<? Addition
bonne femme nommee la Picarde , qu'ott
queftionna beaucoup , fans pouvoir rien ti- ter d'elle (8). L'autre partie des Smiles S£ Archers fit le (lege du logis des Solitaires; les Suiffes l'efcaladerent & y entrerent par la fenetre du cabinet de M. du Fofle, qui s'etant eveille au bruit fut fort furem dc voir fon cabinet rempli de Suiffes lepee a la main , qui fe rendirent bientot maitres de tous les appartemens , afin qu'on ne detour- nat aucuns papiers. L'un d'eux defcendit en bas,pour ouvrir la porte au Lieutenant ci- vil , qui entra en triomphe accompagnd du Colonel Suiffe, comme un conquerant dans une Place prife d'affaut. Le Magiftrat s adret- fa a M. du Foffe,' qu'il queftionna pendant trois heures : il intetrogea enfuite M. de Bo- roger (on cadet, & M. de Longueil jeune Gentilhomme. Nous ne patlerons point de l'eclat que cette fcene fit dans le quamei, & des bruits qui s'y repandirent fur ce qui pouvoit y avoir donne occafion. Venons a M. de Saci , que le Lieutenant civil avolt envoie chercher, comme nous l'avons du, apres routes ces expeditions : ce digne Mi- niftre du Seigneur aiant un courage iet- me & aflure, tout captif qu'il etoit, foutint l'honneur du facerdoce dans l'inrerrogatoire qu'il fubit (9). , Termete de Le Lieutenant tira un papier de la pocne
**• de Sau & lui dit, qu'il y avoit deux chefs pour lel- £S«h quels il <Wt venu chezlui l'un qu'il yavo't civil, une Tmprimene dans fon logis; 1 autre qu s'y tenoit des affemblees qui fentoient la ca-
bale. M. de Saci qui confervoit route fa pie' (8 ) Premiere Relat. (9 ) Premiere Re'1"'
p. 166. p. 1«8. Seconde Rel. p. 311. Seconde Rel. p- S*6"
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J
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fur M. de Saci. 327
fence d'efprit repondit, que pout ce qui re-
ardoit le premier chef , les perquifitions que on avoit faites depuis les caves jufqu'an grenier le difpenfoit de rien dire; puifquc s'il y avoit eu une Imprimerie , on n'auroit point manque de la trouver : que pour ce qui etoit des affemblees & des cabales, it droit fi peu vrai qu'il s'en fit chez lui, que fes amis meme ignoroient le lieu ou il de- meuroit. Ces reponfes etoient fans replique. C'eft pourquoi le Lieutenant civil n'infifta point & pafla aux papiers. II y avoit plufieurs lettres, dont l'inlcription etoit les unes a M. de Gournai, d'autres a M. deLeau, d'au- tres a M. de Saci. Qui eft M. de Gournai , dit le MagiftratJ C'eft moi, repondit M. de Saci. Et M. de Lean? Cell moi : & M. de Saci, c'eft encore moi. Ccla fent bien la ca- tale , dit le Lieutenant: Monfieur, repondic M. de Saci , I'etat ou vous me voie^ juftifie affe^ toutes les precautions que j'ai pu pren- dre , & me fait voir que je n'en ai point pris d'ajfe^ fures : le Lieutenant fit plufieurs au- tres queftions, pour favoir les noms des per- fonnes a qui s'adreffoient ces Lettres. Mais M. de Saci ne fatisfit point fa curiofite, & le pria de fe fouvenir qu'iHtoit confefTeur, & qu'il devoit un fecret inviolable a ceux qui lui confident celui de leur confcience. Le Lieutenant alia enfuite diner chez le
Colonel SuifTe, qui s'etoit empare' de la mai- fon de M. de Saci; puis il revint & fit fubir l'interrogatoire a M. Defloges. La maifon de M. de Saci demeura en cet
etat pendant quinze jours. On eut fujet de benir Dieu d'avoir elude la diligence prodi- digieufe des Commiflaires en cette rencontre, & d'avoir fauve de leurs mains les papiers de. |
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4r8 Addition
tout le logis , qui etoient ks plus impofi
tans (10). Heriflant , en voiant ks Sullies entrer l'un apres l'autte dans la maifon , eut l'adrefle de mettre a l'ecart un gros paques de papiers tres confiderables qui euiknt cau- fe des peines mortelks fi on ks eut vus. Le merae Hinffant rcndit encore d'autres bons offices a M. de Saci dans la prifon ou ll le renferma avec lui;&ou M. de Saci lui appnt M.dc sacil'oithographe par regie, fubit un fe- Le lendemain le Lieutenant revmt. Les cond mterro- preflantes follicitations que des perfonnes de fcMoire. conCderation lui avoient faites dans cet inter- valle enfaveurde M. de Saci,lui apprirentqui il etoir,& lui firent changer de ton danscette feconde feance. II lui fit meme des excutes , & fe plaignit de ce qu'il ne s'etoit pas mieux fait connoitre. Toutefois le Lieutenant con- tinua d'executet fa commiiTion avec aflez de rigueur, a'iant, comme park M. Fontaine, un defir fecret, quoique neanrooins allei vi- fible de ttouvet par-tout plus de mal qu il n'y en avoir (n) Ceft ce qui fait encore dire au meme Auteur , que pendant ks quin- ze jours qu'ils palkrent dans 1'attente da moment fatal de faire le voiage de la Baftil- ie, ils vlrent bien des pauvretis dans ce Ma- pftrat, & dans les robes no'ues ( des Com- miflaires ) qui etoient faches de ne pas trou> ver de crimes dans ceux dont ils s'etoient xendus maitres avec tant d'eclat. » Les Gens „ d'epee &: ks Gardes eutent plus d'huma- » nite «. Bien loin d'obferver routes les de- marches & toutes les paroles de leurs pri- (10) Premiere Relat. p. 311- H en donne d«
s I74. pteuves dans fon proces-
Ib. p. 109. verbal. Premiere Relat.
In) Seconde Relat. p. 181.
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fur M. de Sad. 419
fontiiers, ils craignoient de s'approcher trop
pres d'eux , leur laiifoient une certaine li- berte , & leur permettoient de manger en- femble. M. de Saci eut meme la confolation de recevoir un billet de la fceur Angelique de Saint Jean, qui quoique penetree jufqu'au fond du coeur de 1'etat oii elle voioit foil cher & refpectable parent , s'eleva nean- moins par la force de fa foi au-deilus des lentimens de la nature, & lui ecri"vit avec una vigueur extraordinaire fur le bonheur & la uecefTite des fouffiances. M. de Saci » a fouvent dit (11), qu'apres
« la lecture de ce billet, il foupiroit apres la « prifon avec la meme ardeur que les autres " tachent de la fuir , & que jamais fon ef- '= prit ne fut fi refolu & (i determine a em- " brafler avec une effufion de joie tout ce » qui lui arriveroit (13) ". M. de Saci re^ut encore le premier d'oftobre fuivant une let- tre admirable de la mere Angelique, que M. Fontaine rapporte dans fa premiere Relation. T. 4. des vies edif. p. 193. L'interrogatoire de M. de Saci aiant etc
envo'ie en Cour , on avoua d'un commun confentement, que celui qui avoit repondu de la forte , avoit beaucoup d'efprit & dc fagefle , & qu'il avoit fu compaffer toutes fes paroles felon les regies de la prudence bumaine & divine. En confequence les amis leur mandoient
que la Cour etoit convaincue de leur inno- cence , & qu'ils n'avoient rien a craindre. Mais le (*) Confeffeur du Roi ne penfoit pas de meme. » Cet homme , dit M. Fontaine , (11) Premiere Rel. p. iSi.
(13) Seconde Rel. p. 314, (*; J-e Fere Annjt. |
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43 o "Addition
»3 au defefpoir de ce qu'on differoit a fatif-
» faire fa haine implacable, a'la fe jctter •• aux pieds du Roi, non pour lui demandet » la delivrance de M. de Saci, mais pour lui *> reprefenter, que fi on laiiToit aller ce Pri- »j fonnier , tout ce qu'on avoit fait julques- » la avec tant de travail depuis vingt ans m etoit inutile «. La remontrance du Pere confefleur eut fon efFet , 8c les prifonniers ne tardetent pas a devenir les viftimes de ce confeil fanguinaire. lis virent peu apres ar- river trois caroffes garnis d'Archers & de Commiffaires , qui firent monter M. de Saci feul dans un; les autres deux a deux , puis les conduifirent a la Baftille. lis furent pre- fentes au Gouverneur , homme brutal & fe- roce, qui les re^ut alTis dans fon fauteuil, fans meme daigner lever fon chapeau , & eut encore la durete de leur dire (14) que » fi Ton » avoit fait dans les herefies des fiecles paf- w fes, ce que le Roi faifoit alors, on en au- » roit ete bien mieux". On les conduifit enfuite chacun dans une chambre & une tour feparee. M. de Saci fut mis dans celle qu'a- voiroccup£ M. Pouquet, & y fut traite com- meily avoit fujet de l'attendre d'un homme auifi prevenu contre les gens dc bien & audi dur par caractere que l'etoit le Gouverneur. Une multitude de perfonnes de diftin&ion s'emprefferent de lui rendre vifire pour ap- prendre des nouvelles de ce refpeftable Pri- fonnier, & pour le prier avec inftance d'a- doucit fa prifon autant qu'il lui feroit poffi- ble; mais cela ne produilit aucun efFet. Au- contraire le concours des perfonnes , qui s'in- (14) Seconde Relat. ce fut un jeune Gafcon
p. 51S. II eft dtt dans la qui lint ce difcours doat ■emiere R,cl. p. i8j, que il n/ecoit que I'dcho* |
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fur M. de Saci. 431
terefloient a M. de Saci, lui faifant craindre
qu'on ne trouvat mo'ien d'avoir quelque com- munication avec lui, ii fit faire une efpece de. barricade pour empecher qu'on n'appro- chat de fa chambre , & coupa pour cela unc partie de la galerie qui fervoit de promenade. Tout ce que demandoit M. de Saci, lui e'toit refufe. II ne lui fut pas permis pendant tout le terns qu'il fut a la Baftille de dire la Mef- fe, ni meme de communier. Le faint Prifonnier fe foumettoit avec une Riffgnation reuVnation admirable a toutes ces privations, . ?*' ff,*~
. o . r > ci. Ses laintej & ces rerus : la maxime etoit, » qua raut ^ifpofltions.
m favoir fe pafler de ce qu'on trouve de plus » confolant dans la vie; qu'on doit fe fou- » venir de l'etat ou etoient autrefois les pie- s' miers Chretiens, lorfqu'ils fe contentoient » d'a/Tifter & de participer a 1'Autel en ef- » piit, ne le pouvant faire autrement; que » c'etoit-la une des plus grandes parties de la m penitence; & que puiique Dieu l'y enga- m geoit, il falloit s'y foumettre & fatisfaire » ainii pour fes peches , fi on ne l'avoit pas » encore fait; qu'il valloit mieux facrifier " fes defirs & foi-meme, que le Corps de p> Jefus-Chrift, & fe mortifier que de dire » la Mefle : que les homines le traitoient « comrae ils vouloient fans favoir ce qu'ils » faifoient, mais que Dieu favoit bien ce » qu'il faifoit par eux ". M. de Saci etoit tellement perfuade de ces verites , qu'il fe fit un combat en lui, comme il le dit depuis a M. Fontaine (M) > lorfqu'il demanda la permiffion de dire la MefTe ; les f ntimens tie penitence le portant d'un cote a s'en a >fte- nir; & craignant de l'autre que s'il ne le |
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(Jjj Seconds Rclat. p. 318.
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43 i Addition
demandoit pas , on ne crut qu'il etoit infen-
fible a cette privation, 8c qu'il avoit peu dc religion. Avec de telles difpofitions , on fouffre faci-
lement toutes les epreuves & les privations, quelques penibles qu'elles paroiflent a la na- ture : mais d'aillcurs la prifon meme n* avoit par elle meme rien de bien fenfible pour une perfonne telle que M. de Saci, dont la vie avoit ete une prifon continuelle par la re- paration des hommes & la retraite ouil avoit vecu , 8c qui, comme le dit agreablement M. Fontaine, avoit twite fa vie eludii la Bajlil- le (16). Audi n'auroit-il pas fait la moindre demarche pour en fortir : « fi le Roi , di- 3> foit-il fouvent a M. Fontaine , faifoit dire » a quelqu'un qu'il le veut a un tel endroit, »» avec quel honneur cet homme s'y tien- »> droit-il ? Dieu lui-memc me marque qu'il » me veut ici, ne fuis-je pas trop heureux . _ .. »» d'y etre ? nierslommu" Les Trifonniers eurent la liberie' de le con- nient le jour feff" & de communier lejourde la Pente- de la Peute-c6te (i7), & re^urent une grande confola- cote. tion je ia part ,je TAumonier de la Baftille : ( ce n'etoit point alorsun Jefuite ). Un Art'
ge ne nous auroit pas plus confole, dit M. Fontaine (it), il nous exhorta , dit-il,» ane x nous pas abattre , 8c a ne point regarder la » prifon comme une chofe nouvelle aux *> chrdtiens ; que l'Eglife y etoit accoutumee » des fa naiffance ; qu'elle etoit prefque tou- » te fortie des prifons ; qu'il ne doutoit point (is) Seconde Relat. a MM. du Fofle 8c i M.
p. 355. Longueil.
(17) On n'accorda pas (iS) Premiere Relat.
a M. de Saci la meme fa- p. 100—101.
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reur qu'a M. Fontaine,
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que
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fur M. de Saci. 43 j
a que nous nc pardonnaflions de bon cceur
>' a ceux qui y avoient part, puifqu'en pen- » fant nous avoir procure du mal, ils ne ■» nous avoient procure que de veritables » biens; que ce qui etoit honteux felon leS « homines, e'toit glorieux felon Dieu ; 8c » que la foi faifoit trouver de la joie, oil la " nature ne trouvoit que de L'amertumc ; » qu'il nous plaignoit d'etre ainfi fepares de » nos occupations ordinaires & de n'avoir » ni plume ni encre pour travaillerj mais " que ce n'etoit pas un mal d'avoir quelque » terns dans la vie pour ne penfer qu'a foi- « meme ; & qu'apres avoir tant travaille " pour le bien & l'edification des autres , il » cfoit bon de faire quelque fufpenfion , afin " d'attirer en nous une plus grande abon- » dance de l'efprit de Dieu 8c de rendre ainfi » nos travaux plus utiles. La feule inquietude & la feule peine qu'eut MeJIieurs
ce faint Prifonnier , etoit par rapport aux du Folic font compagnons de fa prifon , dont il defiroit mis en liber- plus la deiivrance que peut-etre ne la deli- cS* roient-ils eux-memes. M. le Cliancelicr le Tellier la procura a Meflieurs du FoiTe en confideration de M. du Fofle leur pere , Mai- cre des Comptes a Rouen, chex qui il avoir loge, lorfquc la Cour y etoit, & pour le- luel il avoit concu beaucoup d'eftime 8c d'affedtion. Ainfi Meffieurs du Fofle fortirent apres environ un mois de prifon, avec M. QeLongueil (19); ce qui caufa une grande , (19) M, de Longueil , re de Rouvifle faparoille.
''toic fi!s de M. Deilandes Ce Gentilhomme avoic
Gentilhomme du pais de trois fils, auxquels il don-
Caux, que Die u avoit na une education chre-
•puche par les inftruc- tienne , & unt fille qui
"ons de M. Guilbert Cu- fut religieufe a P. R, des
Tome FIJI. T
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4?4 Addition
joie a M. de Saci. Les Prifonniets delivre's
atlerent rend re viftte au Lieutenant civil d'Au- bray, qui mourut peu apres du poifon que lui avoit donne la fameufe BrinviUier fa fille, & fe rctirerent a Rouen , puis dans leur ter- re du Fofl6. 11 reftoit encore M. Fontaine, qui ne fou-
p'uoit qu'apres le bonheur d'etre reuni avec M. de Saci, ne connoiffant d'autre Hbertd que d'etre avec lui: tout me [era une prifon fans M. de Saci, difoit-il, & avec lui je feral Hire par-tout. M. de Saci defiroit auffi cette reunion , Se la fit folliciter par les ?.mis, mais on ne daigna pas les ecouter. On levint Champs. Des trois fils , liberte , il aima mieux fe
i'un apres avoir ete quel- re irer dans une maifon
ques annees Secretaire de du meme Fauxbourg , oil
M. I Eveque de loutnai, Meflieuts de Sainte-M.it-
fut pouvvu par ce frelat the , de Saint Gilks, Lan-
d'un Canonicat de la Ca- ceiot 6c un autre vivoient
thedrale. Le fecond,qui dans une gvande rettaite,
avoit fait beaucoup de que de retourner dans ft
progtes dans les Belles- patrie.Ai'aruprisgoutpour
Letties, fut place auptes la vie dela Trappe dans
du tils de M. le Due d'En- un vo'tage qu'il ht a ceite
guyen. Enfin letroifieme, Abba'ie avec M. de Sainte
M.de Longueil aiantdef- Marthe , il s'eprouva an
fcin de fetvir Dieu, mais retour pendant dix-fcp£
ne fe fentant point appel- ou dix-huitmois, & alia
16, ni a 1'etat cccleliafii- s'y confacter a Dieu fo"s
que , ni a la vie rel'gieufe, le nom de frete Benoit, &
otitic de fe confactet au fe livra a la pcniiencei
fetvice de P. R. Il y paffa quoique le Seigneur l"1
quelques am ees, jufqu'a cut fait la grace de con-
ce qu'un ordte de M. de fetvet rimioience de to1
Paris Ten fit fotttr. Alois bapteme. Il y eft niort
il fe retita a> pres de M. dans la pratique la pl"s
de Saci, au fauxboutgde exacte de toutes les <»'
Same Antoine , ou il fut feivances regulieres, to'
arrSte comme on l'a vu tout de l'obeiffance. Vie5
& conduic a la Baftille. edif. T. 4. p. 104, l0i>
Lotfqu'il cut tecoime la tos.
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fur M. de Saci. 455
a la charge , mais toujours inutilement: On
repondit, que c'etoit une chofc inouie que
des perfonnes mifes en prifon pour une meme
affaire fuflent ainfi r^unies enfemble.
Enfin dans le terns qu'on ddfefperoit de ., _
cette reunion , les arms aiant meme ceiie de ne eftreuni A
faire des pourfuites pour l'obtenir, M. BarailM. de Saci
Major de la Baftille , homme dun vrai me- Par lcs bons
rite, qui avoir concu une erande eftime de °*ce? . ? M*
M. de Saci, & ne cnerchoit qua lobhger, ,ie la Baftille;
remit 1'afFaire en mouvement; & comme il ou de Made-
favoit patfaitement bien conduire les affaires moifelle de
de la Cour , il donna de fi bonnes inftrudions Yam>'fe,on
1 ' ,., ■ •^ ,- 11 la premiere
a un homme qu if envoia a Fontainebleau , ^e|. „. n4.
qu'elles eurent l'effet qu'on defiroit. Ainfi & de M le
M. Fontaine eut enfin la fatisfa£tion qu'il Teliier. Ibid. fouhaitoit avec tant d'ardeur. II avoit ete P'110* faign£, & dinoit lorfqu'on vint lui apporter cette agreable nouvelle. II en demeura com- me pame , & un moment apres, l'efprit & la parole lui etant revenus, il dit a celui qui la iui avoit annoncee, Monfieur, aujourd'hui vous me rende{ la vie. II quitta en meme-tems fon diner , & alia
a laChambre de M. de Saci, qui fut furpris agreablement, Sc courut a lui pour l'embraf- fer. L'Offlcier fut temoin de cette entrevue & de la joie reciproque des deux Prifoniers. On les prefTa de diner, apres quoi s'etant le- Ves de table ils fe jetterent par terre, & fi- rent de longues prieres, pour temoigner a Dieu leut profonde reconnoiffance. Ce jour heureux , qui etoit le 13 du mois d'aout, & & l'heure a laquelle fe fit cette union tant defirce (10) , furent toujours memorables de- do) M. Fontaine par- de cette reunion , s'ex- Uat de la joie qu'il eut prime ainfi : Depuisqutje Tij
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ppp, -..........-
43(3 . Addition
puis aux faints Prifonniers, qui chaque mois
en renouvelloient la memoire , en recitant quelques Pfeaumes que M. de Saci avoit choifis , corame il avoit auffi fait pour le jour & l'heure qu'ils avoient etc pris. Celuidela reunion fut celebte pendant huit jours , M. de Saci n'aiant voulu etre occupe pendant tout ce terns , que de la grace que Dieu leur avoit faite, quoiqu'il eut de grands deffeins dans l'eiprit; mais il favoit qu'il devoit s'y difpofcr faintement , 8c que pour cela il ne falloit pas fe prefler mais offnr long-tems fes travaux a Dieu. M. de Saci ^es grands deffeins de M. de Saci, dont feu la ttaduc-veut parler M. Fontaine, ctoient fans doute tion le la Bi- la refolution oil il etoit de travailler a la tra- We pendant duftion del'ancien Teftament. C'eft ici qu'on *a P" °'V ne fauroit trop admirer les reflbrts fecrets de la Providence, pour executer fes defleins: celui qui permit que Jofeph fut vendu S& en- voie en Egypte , pour procurer le pain tem- porel a fon pere & a fes freres , permet qu'un faint Pretre foit enferme dans une etroite prifon , pour procurer le pain fpiti- tuel aux vrais enfans de I'Eglife. Lorfque M. de Saci fut arrete le 15 de mai, il venoit dc mettre la derniere main a la traduction du nouveau Teftament qui parut Tannee fui- vante a Mons , 8c il en avoit la Preface dans fapoclie lorfqu'il fut ptis, II avoit deflein de fuis reunl avec man cher ( dit-il dans une autre
pere elle ( ma joie ) eft lettie a M. Hamon. Vies
devenue telle que je ne la edif. T. .4. p. 183.) w*
comprens pas moi-meme. ou ne feroit-on pas hl&
Je ne favois pas qu'on jut reux d'etre avec lui i
Ji heureux enprifon. Que quand ce feroit dans k
Von eft. heureux d'etre en fond its fades i
prifon avec un ttl homme, i |
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fur M. de $aci. 4}f
traduire l'ancien Teftament, & reunifibit en
fa perfonne toates les qualites necefTaires pour reuffir dans une entrcprifc fi louable , & qui devoit etre tres avanrageufe a l'Eglife. Mais fes grandes occupations ne ltii en laif- foient pas le loifir. Alors Dieu , qui fait fc fervir des medians pour executer fes volon- tes , permet que ce faint Pretre foit enferme dans une prifon, oii il a non-feulement tout le loifir que demandoit un fi grand travail, mais oii il rrouve encore tous les fecours ne- cefTaires. On lui fournit des livres , on lui donne meme un Copifte dans la perfonne de M. Fontaine. Enfin , comme fi l'Etre fouve- rain eut voulu faire connoitre d'une manie- re fenfible , qu'en reglant lui-meme tous ces evenemens , il n'avoit permis que M. de Saci tombat entre les mains des medians & qu'il ftit enferme dans une Stroke prifon , que pour y traduire les livres faints, il le di'livra auditot que la traduction fut ache- vee. Dans le moment qu'il finiflbit , il re- volt une Lettre de cachet qui lui permet de fortir de la Baftille, comme y a'iant fait tout ce qu'il y devoit faire. Qui n'admirera des "aits fi frapans de la Providence ? Qui ne leconnoitra cet ceil qui voit tout, & cet- te main puiflante qui dirige toutes chofes ? Mais quelle eftime de cette traduction des ptacles du Saint Efprit ne doivent pas nous Hilpiter tant de circonftances, qui portent " vifiblement la marque du doigt de Dieu & releveiat le merite de l'ouvrage ? Les Saints Peres ont remarque , que parmi les Epitres de Saint Paul, celles qu'il a ecrites dans les chaines, ont je ne fais quoi de plus touchant que les autrcs. Peut-on douter, du m°5us n'y a-til pas lieu de croire , que Dieu T iij
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4J? Addition.
re>and une b^nediftion particuliere fur cette
traduction des Livres Saints en vue de la prifon & des faintes difpofitions de l'Auteur > D-ailleurs quels foins n'a-t-il pas pns pour Ja rendre exafte > II y travailloit fans relacne ne perdant pas un feul moment, & n'mtcr- rompant fon travail que par de Kequentes prieres, pour attirer les lumieres de lElpnt Saint, dont il traduifoit les oracles. A-peine prenoit-il un moment de ddlaflement dans la iournee. S'il profltoit de la Hberte qui lui tut accordee d'aller prendre l'air fur la terrafle apres fon dine' , il s'enfermoit prefqu'auflt- tot dans un cabinet qui hok au haut, pour s'y appliquer plus librement a Dieu pendant le terns que les autres emplo'ioient a la pro- menade. . Durete du Nous ne rapporterons pas ici tonsi les Gouverneur: mauVais traitemens que M. de Saci eiluia vifite qu'il dans ra jfon ,je ia part du Gouverneur , £ddito£ <*<»» nous avons deja parle , ni des piegcs «u«loitk«.qu'il lui tendit (i.),enenvoiant des Emil- ftires qui tenoient en fa prefence des dii- cours deTavantageux fur le Roi, pour le {aire tomber dans le filet; mais M. de Saci etoit trop fage , & avoit trop de refped pour Ion Souverain, pour jamais s'en 6carter.ce Gouverneur rendokque'.quefois vifite aaUiM Prifonnier, 8c lui tenoit des difcouts fa aeU- etiables , que c'etoit pour lui une peniten<je cfetre oblige de les entendre. Un jour M. de Saci, apres avoir eiTui'6 une convention de cet homme , qui lui avoit dit, qu :/ empoi- fonneroitfon pen Ji U Roi U lucomm**- doit (it), tint ce difcours a Monfieur Fon- taine , qui en avoit hi tdmoin : » eh bien , (n) Seconde Relat. p. $4«>
(ii)lb. p. 345- |
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fur M. de Sad 439
» Monfieur , en quelles mains fommes-
« nous ici ! je vois bien qu'il faut tou- » jours fc tenir pret a tout. Tout cela n ett » rien. Prifon , mott, emprifonnement, ar- „ rive tout ce qui pourra. II faut fervir Dieu 3, aux depens de fa vie , comme j'ai tache de » le faire un peu aux depens de ma liberie. » On eft heureux , quand on eft dans 1 enga- » eement de faire ce qu'on recommande aux * Chretiens , c'eft-a-dire , d'avoir toujours » la mort devant les yeux. On doit bemr » Dieu , lorfqu'il nous met dans un etat de » fouffrance le long du jour &c de la mm. Ces « difcours & ces entreciens , qui ne font pas *> fort agr£ables , doivent entrer dans notre » penitence. Car e'en eft une , & je crois » que Dieu me l'impofe , pour me purifier » dans l'ame , qui eft tout ce que jelui ai » demande" dans le commencement de ma » prifon. II faut s'humilier, fouffnr 8c de- » pendre de Dieu. Voili les trois regies en ce » lieu qu'il faut tacher de garder avee joie » & tranquillite au fonds de l'ame... J ai de » la joie d'etre quelqnefois reveille par de « femblablesentretiens, & par les traieurs » qui m'arrivent de terns en terns. Notre reii- » gioneftune religion de pratique Kdexer- » cice de vertu , & non d'une contemplation » oifive des verites divines qu'elle contient: « veritatem facientes , dit Saint Paul. Lm- » firmite' que nous portons , & le peche dont » nous famines environnes ont beloin de » ces lecons. . r - Le terns de la prifon de M de Saci fe paf- M.teVcn -
foit dans un faint travail X la pnere, dans ™rf£ une prande uniformitd de vie & une paix , rairable $M, qui lui faifoient dire fouvent que c etoient Ae palis fi,t les plus douces annces de fa vie. Mais les U prifon d<= T iUj M.dei.u. |
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44° Addition
amis de ce refpectable Prifonnier nc paf~
foient pas fi tranquillement lc terns oil ils etoienc piives du bonheur dc le voir St de profiter de fes inftructions. Ils le regardoienc comme leur pere , & ne pouvoient s'accoutu- mer a ne plus voir celui qui etoir leur confa- lation. Tous les Meflleurs de Porr-Roial des Champs s'offroienc a Dieu pour leur cher Pafteur , & ils euffent de bon cceur don- ne leur vie pour abreger fa captivite. Les religieufes de P. R. imitant I'exemple
des Pideles de l'Eglife naiflante , qui pendant que Saint Pierre etoit en prifon , faifoient des prieres continuelles, ne ceffoient de prier pour lui : nous perfeverons dans des prieres continuelles , lui marquoit la mere Angelique de Saint Jean, 6" I'on recite alternativement le Pfeautier , depuis que nous en avons eu lapremiere nouvelle. M. de PontchateaUjiion content de prier Sc
de gemir, eut le courage d'ecrire unelonguc & excellence lettre a M. l'Archeveque de Paris, pour lui dcmander la liberie de M. de Saci dont il fait unbel elo2;e. )= Permettez- ■*> moi, Monfeigneur, dit-il,de commencer ce 33 difcours, en vous reprefentant l'extreme x> tort que vous vous faitcs a vous-meme, m en tenant dans la Baftille un Eccleflaftique » audi confiderable que M. le Maitre. II m a.cela de fingulier , qu'il n'y a peut-etre m perfonne en ce terns qui ait fait paroitte 33 dans fes Livtes une f;ience plus remplic 33 de piece , ni line piete plus eclairee que 3) la fienne. II n'a jamais travaille qu'a des 3> ouvrages , qui etant eloignes de toute 33 conceftacion one edifie touce l'Eglife...Je 33 m'etois coujours perfuade que Tinnocence m de fes menus & celle qui paroic dans tous |
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fur M- de Sac'i. 44 1
» fes Merits , le mettroient a couvert de la
" haine du monde, Sc qu'on ne voudroic " pas perfecuter une perfonne qui n'a ja- » mats donne le moindre pretexte de fe " plaindre de lui. Et en effet je crois faci- » lement ce que Ton dit , qu'on ne 1'auroit " jamais arrete fi on l'avoit conmi. Dans =3 un autre terns, une perfonne de fa capa- » cite 8c de fa piete n'auroit pu etre con- s' nue fans etre forceedefortir defafolitude. " On auroit fait violence a fa modeftie , » &c on lui auroit donne un rang dans l'E- » gHfe, qu'il merite d'autant plus qu'il a " toujours ete ties eloigne de le deiiter. Mais " Dieu a d'autres recompenfes ?. donner a » fes ferviteurs. II les met a l'epreuve , per- » fecliionne la charite par la patience , Sc » les maux qu'il leur envoie deviennent pour *> enx de grands biens. Ceft une grace fm- » guliere a un homme de bien de foufFrir; " mais e'eft une grande marque de la colere » de Dieu, que l'Eglife foit profanee par *> les dereglemens , par l'ambition , par » l'avarice d'une infinite d'Eccldfiaftiques, " en memc-tems que les prifons, qui n'ont » ete faites que pour les criminels , font « fan£Hfiees par la prefence des ferviteurs « de Dieu, & fervent a les fanftifier ettx-me- » mes. Je vous avoue, Monfeigneur,continue » M. de Pontchateau en donnant une bon- » ne leijon a Monfeigncur , que je ne puis " penfer a M. le M ait re fans vous detnander » en meme-rems dans mon efprit raifon de » votre conduite. Par quel principe de Theo- » logie , par quelle regie du monde , par » quelles nouvelles lumieres tenezvous de- » puis fi long-tems en prifon cct Ecclefiaf- » tique j dont 1'innocence eft fi connuc 3 Tv •
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442. Addition
33 fans merae lui permettre de dire la MefTe,
» ni de communier ? Comment ofez-vous 33 exercer une telle rigueur contre lui, fans 33 aucun jugement precedent; Et qu'eft-ce que 33 faire une injuftice , fi-non de faire fouftrir, 33 ceux que nous haiflbns par voie de fait, 33 fans avoir aucun foin ni de la juftice de 33 leur caufe, ni de notre reputation ni de 33 noure conscience I Une affaire de cette 33 importance fe peut-elle parter dans Paris, 33 fans que vous y preniez garde ? Et pou- 33 vez-vous ne point faire attention fur un 33 exces qui paroit fi etrange ? L'on ne de- 33 fire point que vous faffiez de faveur a. M. 33 le Maitre.... mais on defireroit feulcmenc 33 de vous, que vous euffiez autant de bont£ 3> Sc de douceur pour lui, que vous en avez 33 pour les plus grands criminels. II n'y a 33 point de fi miferable Pretre , que vous ne 33 renvoiez a fon benefice apres trois mois 33 d'une retraite__ beaucoup moins dure que » n'eft celle de la Baftille. Je le dis avec con- 's fufion, traitez un des plus faints Pretres 33 de votre Diocefe comme vous traitez les , 33 plus deregles, & on vous aura obligation. Condition Queues amis aiant demands a ce faint M. de Saci Prifbnnier , s'il ne voudroit pas bien , pour four obtenir fottir de la Baftille, promettre qu'il n'ecri- fa liberie, roit jamais aux religieufes de P. R., il eut horreur de cette propofition , & dit qu'il ne pourroit faire cette promeffe fans etre impie & fans s'accufer d'avoir mal fait en le fai- fant auparavant , Sc qu'il croiroit faire un crime de ne pas r^pondre aux lettres qu'il recevroit d'elles. II e'erivit fur ce fujet une belle lettre a M. d'Alet (xj), 8c en recuc (ij) Vo'iez cette lettre, T. 4. des vies edif. p. %\f>
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fur M. de Sac't. 44 £
line de ce faint Prelat (14). par laquelle il
approuvoit les difpofitions Sc les raifons da Prifonnier de Jefus-Chrift. ]e fujs tout-a- fait entre dans votre fentiment, dit-il, tou- chant la propofition qu'on vous afaite. Je trouve tres folides Us raifons quhvous ontpor- ti a la rejetter... L'on petit faire des avances pour fe tirer de Vopprejjion , de meme qu'il eft permis , felon VEvangile de fair pour eviter la perfecution : ntais ilfaut bien prendre gar- de dans ces occafions de ne rien faire qui blef- fe la fideUte que nous devons a Dieu , & qui rious fajfe perdre le merite qu'ily a de fouf- frtr pour la juflice La lettre du faint Eveque eft datee du premier fevriet 1667. Malgte tous les foins que prenoit le Gou- lettre He
verneur pour empecher les communications, M. Fontaine les Prifonniers trouvoient moien d'ecrire &£M. Hamon. de recevoir des lettres. Lorfqu'on lui deman- doit ( a ce Gouverneur ) dit Monfieur Fon- taine (i5)» fi nous n'avions point de nou- vclles , il difoit qu'il faifoit le diable pour empecher que nous n'en eujjions &pour nous couper toutes les voies, mars qu'avec tout tela il ne pouvoit tout-a-fait les empecher , 6" que lorfque nous itions fur les terrajfes , il venoit toujours quelque pigeon qui nous en apportoit. C'etoit a M. de Paris lui-meme que le Gouverneur parloit de la forte. » Ces " pauvres gens me font pitie , dit encore » M. Fontaine dans une autre lettre de la " Baftille (16); & bien loin de leur infulter *> fur les voies que Dieu nous ouvre d'eluder » leurs mauvais defirs, j'adtnire la bonte' de. » Dieu fur nous qui fait comme des mira- (14) lb. p. 148.
UO lb. p. 194. (is) lb. p. 504. Tvj
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444 Addition
=3 cles par la liberte de la communication ,
» lorfque les efprits des pinflans paroifToienc m fi animes pout l'empecher. 11 faut bien 33 qu'il voie qu'elle m'cft nexefTairc , car m Dieu nc fait rien inutilement. Ainfi tandis que le Gouvetneut faifoit le dia.hU pour couper les votes , Dieu faifoit comme des miracles pout entretcnir la communica- tion des Prifonniers avec leurs amis. Confolation C'etoit pout M. de Saci une grande con- •",, . j fol^011 dc recevoir de tems en terns des d;s lettres de nouvelles des amis & des lettres fut-tout de M. Hamon. M. Hatnon : je voudrois, dit M. Fontaine ecrivant a M. Hamon , que vous fujfie^ ti- moin de la confolation que recoit M. I'Abbe lorfqu'il vient quelqu'une de vos lettres. II fait un , ah ! bon , avec une exclamation fi forte que je cours auffuot a lui pour favoir ce que ce peut etre. Sentiment Les lettres de M. Hamon a M. Defloges <)e M. de Sa- donnoient fouvent occafion a celui-ci & a ci fur M. Ha-M_ ^ §acj ^ s'entretenir <je cet homme admirable, qui avoit encore plus de foin
des ames que du corps , & d'admirer enfem- ble la providence de Dieu dans la conduite qu'il tenoit a l'egard des religieufes de P. R. en leur procurant un Medecin qui les forti- fioit par fes inftructions & par les excellens ouvrages qu'il compofoit pour les foutenir, L'humilite de Monfieur de Saci lui faifoit meme croire que M. Hamon ne faifoit pas moins de bien a ces faintes filles, qu'il leur en faifoit autrefois lui-meme lorfqu'il etoit leur Pafteur. Vie de M. Nous voi'ons par plufieurs lettres de M- de Saci a la Fontaine a M. Hamon, dcrites de la Baftille B . meme, le genre de vie que menoit M. de Saci avec les compagnons de fes. liens Meffieurs |
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fur M. de Sacl 445
Deflogcs & HeriiTant: 53 il n'y a rien de nou-
» veau j di:-il (17), dans notre petit Trium- » virat. La vie de U Baftille eft la vie du « moiide la plus uniforme. Qui en voit un « jour voit toute i'ann^e. Nous y jouiifons 33 d'une paix profonde , que nous compre- » nons de plus en plus etre le fouverain bien « de la vie. Nous avons 1c bonhcur de trou- « ver aux portes de Paris , la tranquillite « d'un profond defert....On vicnt a des heu- » res alTez reglees nous apporter a manger *> a midi & au loir; & apres qu'on nous a » promcnes fur un bout de terraffe , on » vienc refermer les portes & nous rendre » a notre cliere folitude. Je f appelle chert » folitude, parceque nous la benillons de jour » en jour, ou plutot parceque nousybcni/Tbns " Dieu,qui nous y fait fentir fes graces & gou- » ter combien fa mifericorde eft douce. II tc- » moigne fi vihblcment nous y prendre en fa *> protection, &nous y couvrir de fes aSles » faintes , qu'il me femble qu'apres ces preu- » ves fi fenfibles de fa bonte , on n'attend « plus rien que la mort, & qu'on ne veur. « plus vivre que pourlui ofHir de continuel- » les actions de graces. Je voudrois que » vous fuffiez preTent quelquefois a t'inno- » cence de nos petits concerts. II ne fe parte » gueres de jours , que nous ne chantions " quclquc Pfeaume ou quelque Cantique , " & nous nous exhortons continuellemenc » l'un l'autre a nous rejouir en Dieu. » C'eft une chofe admirable que de voir
» la vie de M. l'Abbe. C'eft une priere con- » tinuelle, qui n'a rien de fee , &: qui fait » fortir autant de larmes de fes yeux, qu'elle » poulfe de foupirs de fon creur. Nous paf- a> fons le terns de nos cntretiens a faire de (17) lb. p. 504.
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446 Addition
» petites commemorations de nos amis.
33 Chacun vient a Ton tour fur le tapis; &c 33 t'tant obliges par notre crat de mouriraux => chofes prefemes, nous faifons ainfi revi- " vre ks tems partes, &c. « Je n'avois garde ! die encore M. Fontai-
'i ne dans une autre lettre fans date & fans si adreffe , dont on ne nous a donne qu'im m fragment (i8) de m'avifer de vous r-avler " de M. l'Abbe , car it n'y a rien de plus 53 uniforme que fon etat ; & fi vous avez » jamais fu comment il pafloit une journee, 3> vous favez comment il paife toute fa vie. « File eft toute dans la priere & la lecture, » il paiTe de l'une a l'autre depuis le corn- 's menccment du jour jufqu'a la fin, fans que » dans cet exercice tout interieur, il y ait " rien de rnort & de languiffant. Ses yeux " font devenus , depuis qu'il eft ici , deux 33 fources d'eaux qui ne tariffent point. Il =3 accompagne cela de la folitude que vous >3 pouvez vous imaginer, & cette folitude 33 d'un profond filence , qui fait que , quoi- 33 que nous fo'ions tout le jour enfemble , 33 nous nous parlons neanmoins tres peu; 33 non par un autre efprit que par un amour n du (ilence que nous eprouvons etre ex- 33 tremement neceffaire dans la folitude , 3 pour en bien gouter la paix 8c n'en pas per- 33 dre le fruit. Toute la matinee depuis qua- ji tre ou cinq heures jufqu'a midi, nous ne =3 difons pas trois mots : apres midi nous 33 nous entretenons avec joie & plaifir de 33 tous nos amis. Nous finiffons notre petite *> conference par quelqu'endroit de l'Ecri- »j ture qui nous occupe une demie heure, 33 & enfuite nous rentrons dans notre pro- (18) lb. p. iij.
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fur M. dt Saci. 447
» fond filcnce jufqu'au foir, qu'en fortant
33 de table nous difons encore queique cho- » fe jufqu'a Complies. Heriflant eft dans 33 ranrichambre dans un audi profond filen- » ce que nous, & s'occupe avec plaifir a fa » mignature, & ainfi nous pafl'ons les jours " tous trois fans chagrin, fans ennuis, fans 33 mauvaife humeur, dans une union par- 33 faire , en beniifant Dieu tous les jours.... 33 Quand je vous parlerois jufqu'au jour du » jugcment je ne pourrois vous faire mieux 33 connoitre notre etat & notre maniere de 33 vivre, 011, s'il plait a Dieu,vous alkz Wen- s' tot entrer, & od vous tronverez que Dieu 33 cache de grands trefois pour ceux qui veu- '3 lent erre bons chretiens, Sec. Le Gouverneur de la Baftille etant venu On refute
voir M. de Saci le jour de Paque de fan1* "T11"1;" 1^(37, le Prifonnier lui demanda li fa defen- iM.de fe qu'il avoit de le laiffer communier ex- saci & a M. cluoit audi la fete de Paque qui eft d'obli- Defloges. gation; & fi cela compienoit auffi M. Def- loges qui n'etoit que Laic. Le Gouverneur repondit qu'il avoit une deTenfc verbale & par ecrit en general , il ajouta qu'il iroit voir M. le Tellier, lequel le renvois a M. de Paris. On ignore qu'elle fut la repon- fe du Prelat; mais ni M. de Saci, ni M. Def ■ loges ne communierent. M. Defloges en eut de la peine & la temoigna a M. Hamon , qui lui ecrivit une lettre des plus edifian- tes (19). Queique terns apres, M. Defloges repondant a Monfieur Hamon , lui temoigna TefFet que fa lettre avoit produit en lui: la meditation de ce que vous me dites , ce font, fes paroles, a ete ma plus grande confola- (i j) Voi'ez cette lettre, T. i.. des vies edif. p* iss„
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448 Addition,
tion dans Ces faintes fetes dePdque (;0\ On
voit par cette lettre que les Prifonnicrs ne s'ennu'ioient point dans leur captivite : nous penjons fi peu a nous ennvier , dit M. Def- loges, que notre terns fe paffe id avec la mi- me rapidite qu'il nous paroiffbit lorfque nous itlons libres. Volla bientot I'annie finie , 6" ce terns nous paroit fi court, que nous croions n avoir encore etc qu'une heure a la Baflille, & que nous fotnmes refolus de ne compter aVavenir nos annees que cotnme des heures. jiinfi au bout de dix ans croiant n'y avoir ete que dix heures , cen'eflpas un fort grand mal que d'etre dix heures en prifon. II n'eft pas ordinaire d'entendre un Prifonnier parler de la forte. Belle re- M. Defloges a'fant un jour demande a M. -ponfe dc M. ,}e sacj g j"e trouvant par hazard dans la .de Sao a line -r 1 i- 1 i- 1 demande iai-P on toutes 'es commodltes pout dire la
le par M. MefTe, il ne proSteroit pas de I'occafion pour Befloges. lefaire, n'y aiant aucune loi qui l'en empe- chat, 1'Archeveque meme ne 1'aiant point interdit; le faint Prifonnier lui repondit, » qu'il etoit vrai qu'il ne vo'ioit aucune re- » gle qui put empecher cela (31), & qu'il m n'auroit garde de condamner une perfonne m qui en uferoit de la forte; mais que pour =3 lui il ne voudroit pas le faire ; qu'il faut » refpefter la puiflance de Dieu dans les or- Da dies meme injuftes des Superieurs , & que 33 c'etoit le fuivre de demcurer dans cet etat » humble; qu'il falloit bicn prendre garde de 33 ne pas fortir,de foi-meme,de l'etat oil Dieu m nous met, & que fi des hommes metrent 33 d'autres hommes en penitence , Dieu pou- (;o) lb. p. l«8.
, (31) lb. p. 2.71, |
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fur M. de Saci. 449
» voit bicn audi les y mettre; qu'il etoit
*> bon que les foibles viflent qu'on peut fe » pafler de la communion quand Dieu y en- » gage fi vifiblcment, & qu'il s ne cruflent " pas que tout fetoit perdu lorfque !a vio- sj lence des hommes les condamneroit'a ce » mal,en voiant qu'il feroit tel que les plus 3= forts mcmes ne poutroient l'endurer 8c » chercheroicnt des artifices pour s'y main- » tenir.; que c'eroit trop donner aux hom- » mes que de croire que leurs loix injuftes » puiflent nous ravir notre joie & notre » paix , & qu'il ne doutoit pas qu'en de- « meurant humblement dans cet ordre , « Dieu ne fuopleat par lui-meme a ce qui » manquoit de la participation exterieure k de l'Autel, Lejour de laPentecotedel'annee 1667 (ji)> m. le Gouverneur de la Baftille s'etant avife1 de eft demanderde fon chef a M. de Paris la com- d'une munionpour M. de Saci , le Prelat lui die °^ qu'il le vouloit voir. Le Gouverneur en in- forma le Prifonnier, qui eitt quelqu'inquieru- de au fujet de cette vifite ; car cette peine fe reduifoit a ceci : ft je parle doucement comme je my fens pone, difoit-il, on fera courlr le bruit que je vais figner dans trois jours : ft je parle fortcment, on dira que je fas opinidtre & un rebelh, & que tous les Janfenijles fe reffemblent. Un pauvre Prifonnier ne fe peut juftifier. On a vu cela dans la mere Agnes , qui aiant parte avec fa douceur ordinaire , donna lieu a cette fraieur , qui tint fi long- terns le monde en fufpens , quelle avoit fignL M. de Saci fe prepara par la priere a cette vifite qu'il redoutoit fort & qu'il defiroit ar- I'.cmmcnt que Dieu detournat. Ses vceux fu~ (}*) Premiere Relat. p. z8?} 6cc. |
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45° Addition.
rent exauces , la vifite n'eut pas hea.
1! tcc^Ha M. de Saci en eut une autre qui Iui fut vifite de Me. pius Wable. Ce fut celle de Me. de Pom- de Pompon-ponn(.5 ^ avok ^ follicWe (33) pat M. Lavocat , Maitre dcs Requetes frere de cette Dame, & obtenue, mais avec des condi- tions ties dures. M. de Pomponne fubit les conditions par le confeil de fes amis , & vint voir M- de Saci le jour de l'anniver- verfaire de la reunion de Monfieur Fon- taine avec ce faint Prifonnier ()4), a laquelle rile avoit eu beaucoup de part. » Cette " vifite fi long-tems attendue, fi long-terns " briguee, fe termina en fort peu de tems »> & le reduifit prefque a rien, laiflant plus « de douleur de toutes les circonftances qui » 1'accompagnoient, que de confolation de " voir des perfonnes fi intimes & a qui Ton » a tant d'obligation «. M. de Bezemaux , ( c'eft le nom du Gouverneur de la Baftille ) n'ai'ant pas iti preTent a cette vifite, fe fit informer exa&emcnt de tout par I'Officier qui lui en drefTa on m^moire par ^crit, & lui dit que I'Archeveque ewageoit de cette vi/ire. Le Memoire fut envoi'e en Cour. Dansle recueil de lettres de M. Fontaine
qui font a la fuite de fa premiere Relation de la prifon de M. de Saci, on trouve plu- fieurs chofes concernant ce faint Pretre;on y voit les bons offices qu'il rendoit, & les aumones qu'il faifoit a plufieurs matheureux qui ^toient entierement abandonnds dans cet- te trifle demeure. Ce qui fait dire a. M. Fon- taine, qii'il fant que les hommes n'aient plus le c<zur d'hommes , pour traiter d'autres ham- |
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(jj) lb. p. 187.
(34) lb. p. ijS , &c. |
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fur M. de Saci. 4 51
mes avtc une telle rigueur(a). Ces pauvres
gens etoient dansle dernier abandonnement, paflbient tout I'hyver dans une chambre feuls , fans habits, fans feu. A l'entre'ede I'hyver, M. de Saci avoit uri
foin prodigieux de faire acheter du linge & des habits, & de leur faire diftribuer quel- ques voies de bois. » Je vous affaire, dit M. m Fontaine parlant a M. Hamon , qu'il n'y a » point de charite^ plus n^cefTaire , parceque » les autres prifons font vifitdes de bien du » monde , il n'y a que la Baftille oii les ■>■> pauvres miferables ge'mifTent fans efperan- » ce de la moindre confolation. Telle eft la vie que mena M. de Saci pen-
dant pres de deux ans & demi de prifon, tout occupd de la priere, de la lecture , d'un faint travail, & des crnvres de charite. ?> II * eMifioit tons les Prifonniers & les Officiers » par l'cxemple de fa rare pie'te', & par une » egalird d'efprit & de vie, que Ton admi- » roit plutot qu'on ne pouvoit la comprcn- « dre(j6 ;il y vivoit dans la vue continue'ie » de la mife'rieorde que Dieu repandoit fur » lui, en purifiant par eette longue prifon " les taches dont les plus juftes fe reconnoif- » fent coupables en fa preTence. II y vivoic » fans inquietude , dtant adltfe" plus queja- » mais qu'il e'toit alors dans l'ordre de Dieu. » Enfin toute la Baftille etoit embaumee de « l'odeur de fa pidtc. II ne fongeoit lui-me- « me qu'a faire un tres faint ufage de fa »> prifon , tant pour foi que pour l'Eglife, m au fervice dc laquelle il travailloit, en » traduifant acluellement (37) rEcriture- {;?) Ib. p. {it.
(j6) Fof. Mem. p. ;:«, 517.
(j7) Il finiflbit U veifion dc l'ancicn TefUmene.
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451 Addition , &c.
»' fainte , lotfqu'cm lui vint apporrer l'or-
33 dre de foil elargiflement. Ce furent Mef- » fieurs de Pomponne & l'Abbe Arnauld fes *> coufuis germains , qui fe chargerent de lui » annoncer cette nouvelle. Mais ils ne vou- » lurent pas la lui annoncer tout d'un coup, j' etam bien aifes de fe dormer le p!ai(ir de m voir de nouveau le calme dont il jouifloit » au milieu de fes liens. Ils ne lui firent « done rien paroltre de la joie qu'ils reffen- « toient d'etre allures de fa liberte ; & lui " de foil cote ne leur temoignant nonplus *> aucun empreifement pour apprendre d'eux » I'etat des affaires , il fe mit a leur parler ?> de toute autre chofe , de meme que s'il » eut re<ju dans fa maifon une vifite ordi- » naire de quelqn'un de fes amis. Quoique w ce qn'il leur difoit leur parut tres edifiant, » ils fe lafTerent neanmoins bientot d'un fi » grand calme ; & ne pouvant retenir leur *> joie plus Iong-tems , ils s'en ouvrirent a « lui tout d'un coup , en lui difant qu'ils » etoient venus cette fois , non pour l'en- 33 tendre parler des chofes de Dreu , mais »' pour lui annoncer de la part du Roi 3) fa liberte. La maniere dont il re^ut 33 cette nouvelle , toujours egal a lui-me- 3? me, & toujoursegalement attentif ice- »3 lui qu'il envifageoit principalement dans 33 tous les ordres des hommes, les charmi 33 & les etonna en memc-tems. Ce fut ainfi 33 que M. de Sici fonit de la Baftiilc , non comme un criminel a qui le Prince fail grace, mais comme un jujle , dont Dieu prend plaifir i faire eclaier I'innocence aun yeux de fes enfans. |
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<m
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E L O G E
DE LA MERE ANGELIQUE
de S. Jean Arnauld.
Par M. I'Abbe Duguet j fur les Me-
moires de M. Arnauld le Docleur, qui le pria de dreffer cet Eloge (i). JLjA reverende mere Angeliquc de Saint
Jean Atnauld, feconde fille de M. Arnauld d'Andilly, eut le bonheur d'entrer a P. R. des l'age de fix ans; elle y fut formce a la piete par les foins de la mere Marie-Ange- lique &. de la mere Agnes fes illultres Tan- tes. Comme elle te'uniftbit en fa perfonne leurs qualites naturelles , elle rcuniflbit audi leurs vertus ; 8c ces deux ames fi edairees voi'oient en elle de fi grands talens 8c une' grace fi eminente, que des les premieres an- neei de fa profeffion elles la jugcoient digne de remplir leur place, & s'eftimoient heu- reufes de ce que le bien qu'elles avoient ta- che d'etablir feroit un jour dignement main-- tenu par fon zele & par fon exemple. Quoiqu'elle eut quitte le monde avant
que de le connoitre , elle comprit neanmoins parfaitement 3 par la lumicre que Dieu lui donna & par la trifle experience des autres, de quels perils elle avoir e^e preferve'e; & la reconnoiuance qu'elle en eut, augments juf- "u'a fa mort. Elle crut que Dieu lui avoit pardonnd toutes les fautes qu'il l'avoic cm- li) Mem. ou Relat. T. 3. p.. 574' ■ >
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454 t.ioge
pechee de commettre , Sc elle fut auffi hum-
ble que fi elle les avoit commifes en efFet. Elle eftima infiniment le bonheur de pou-
voir etre toute a Dieu & de n'avoir point k occur partage. Cette parole que Saint Au- guftin dit aux vierges, qu'il ne leur eft pas permis d'aimer Jefus-Chrift avec mefure, puifque leur efprit eft libre de tout autre foin, & que leur ccrur eft delivre de la dure neceflite d'aimer autre chofe que lui , la tranfportoit d'une fainte joie. Mais cette joie etoit melee d'une vive crainte de ne pas rcmplir tous les devoirs d'un ctat fi eleve; & dans les inftruftions qu'elle donnoit aux Novices, dont elle a eu la conduice pen- dant vingt annecs, elle leur reprefentoit fouvent que tout doit etre digne de Dieu dans une Vierge qui lui eft confacree ; qu'il arrive quelquefois qu'apres avoir renonci a des attachemens legitimes, on en fubfti- tue d'inutilcs & de dangereux ; qu'on s'ai- me avec autant de peril qu'il y en auroit a aimer le monde : qu'il faut eteindre toutes les paHions , de peur qu'elles ne revivent j toutes; que les diftractions des autres font des infidelites dans une vierge : que e'eft | inutilement qu'on fe detache de bien des chofes , fi Ton ne met Jefus-Chrift a leur place; & qu'en un mot, il n'y a que la cha- rite qui foit la virginite du coeur , felon Saint Auguftin, & que le trone de la charit£ doit etre 1'humilitd. Elle ne mettoit point de bornes a fes obli-
gations , parcequ'elle n'en mettoit point a la mifericotde de Dieu. Comme elle ^toit per- fuadee que le moindre bien lui etoit iropof- fible fans fa grace, elle croioit au contraire que tout lui feroit facile avec fort fecourSi |
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de la mere Angelique. 455
Elk tiouvoit un vrai orgueil a fe croire ca- pable de peu , parceque cette confiance eft humaine; & une fauile humilite a fe croire incapable d'une plus grande perfection, par- ceque cette defiance eft injurieufe a Jefus- Chriit. Elle etoit convaincue que c'etoit la timidite &c le manque de foi qui lanitoient les graces !|l reiTerrant trop le cceur, & qu'au- lieu dune vie languifTante & foible , on fe- roit des prodiges, ft 1'on ofoit tout efperer d'un Dieu qui fait tout avec une egale faci- Ike. Enfin elle avoit pout maxime que les devoirs exterieurs ont des bornes , mais que les vertus interieures n'en ont point, & que notre juftice confifte a foupirer de ce qu'elle elt ici toujours imparfaite. On auroit dit neanmoins qu'elle eut pone
le meme jugement des exercices de la peni- tence , tant fes auflerites etoient grandes , malgrc la foibleife de fou corps Sc malgre fon innocence. Mais elle vouloit fe rendre tout- a-fait independante des fens, en les accou- tumant a le priver de tout. Elle diloit que les Saints faifoient peu d'etat de la viigini- te, fi elle n'etoit .accompagnee de la mor- tification & des larmes : que le facrifice eft imparfait, fi la penitence n'immole le corps en mime-terns que la cliarite doit facrifier le coeur; & que le moindre plaifir qui n'eft pas necefTaire, peut ternir l'eclac de la pure- te. Mais elle eftimoic pea une mortifica- tion exterieure qui laifle l'ame impunie , & qui venge fur le corps qui eft moins coupa- ble, des fautes qu'on aime encore & qu'on entretierit. Elle n'etoit ni occupee , ni remplic de fes
penitences. Ses aufterites fuivoient comme natmellemenc l'inclination qu'elle avoit a. |
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4 5 6 Eloge
fouffrir, fans l'amufer & fans la diftrairej
& clle eut cru retomber dans ce qu'elle vou- loit eviter , fi pour reduire Ion corps en fer- vitude , elle eut perdu la liberte de l'efprit. Son courage etoit toujours au-defTus de ce qu'elle faifoit. Ainfi elle dtoit toujours fer- vente & toujours humble parcequ'elle fe croi'oit toujours au-deflus de Ion devoir. Mais fon amour pour la verite etoit fa
grande vertu. Elle la regardoit comme lc precieux depot de l'Eglife , & comme le trc- for particulier de chaque ridele. Elle avoit un profond refpect pour toutes les perfon- lies qui etoient afTez heureufes pour la defen- drc. Elle eut voulu leur en temoigner fa re- connoiffance par toutes fortes de voies; & fa plus fenfible confolation etoit de leur en pouvoir donner par fes lettres oii par d'au ties fecours. Elle airnoit fa famille , & elle honoroit
P. R. principalement a caufe que la verite' y etoit connue, & qu'on y avoit eu le bon- heur de fouffiir quclque cnofe pour fes in- terets. Le terns de fon exil & de fa dure captivite lui parut toujours le plus precieux de fa vie, & elle gemiflbit quand l'impa- tience & les plaintes des perfonnes attachees a la verite' deshonoroient leurs fouffrances. Elle vouloit au moins qu'on les endurat dans l'hurnilitd & le fdence , fi on n'avoit pas aflez d'amout pour en rendre graces : qu'on ne prevint point la juftice de Dieu en fe hatant de fe la faire a foi-meme; & qu'on ptit garde a ne pas devenir plus coupable par Forgueil & le rndpris de ceux qui n'ai' moient pas la verite , qu'ils ne l'etoient eux-memes par leur aveuglcmeat ou leur in- juftice. Sa
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de la mere Angeliqiie. 45?
Sa tranquillite au milieu des paflions 111-
juftes des hommes , venoit de fa lumierc qui lui decouvroit que Dieu prefide a tout , & qu'il accomplit fes deffeins par les volon- tes mc:ne de ceux qui ofent les combattrc. » II y a un ordre admirable , difoit-elle , » dans ce qui ne nous paroit qu'une confu- « fion & qu'un defordre ; & il faut attendre » que tout l'ouvrage foit fini, pour en voir >' les proportions & les beautes. II ell aifa » de remarquer la main de Dieu dans ce que » les hommes font de bien , mais la foi con- '•- iiftc a adorer fa fagefle & fa borne dans » la permillion qu'il donne aux injuries de ;» faire le mal ; 8c c'eft meme , continuoit- » elle, un effet de fa mifericorde fur nous, 3j de nous avoir appris par nos afflictions » a devenir fenfibles aux affli&jons de l'E- " glife. Elle l'aimoit d'une maniere fi forte & (i
tendre, que tout ce qu'on peut avoir d'at- tachement pour une mere n'etoit qu'une foi- ble image de fon amour pour 1'Eglife. Elle etoit penetree de fes maux , & ne pouvoic etre confolee que par fes fucces. Elle crai- gnoit pour tous fes perils, elle prjoit pour tous fes befoins , & elle demandoit fouvenc a fa communaute qu'elle unit fes gcmifle- tnens aux fiens. Son extreme fenfibilite en ce point repondoit a fon indifference pour tout le refte ; & elle regardoit le pen de fentiment qu'on a des maux de 1'Eglife , quand on les connojt, comme une marque qu'on n'aime pas afTez Jefus-Chrift dont elle eft le corps. Le refpecT: qu'elle avoit pour elle , lui en
infpiroit pour tous les ufages anciens & pour jpette pure & fainte difcipliue dont fes enfans Tome nil x
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458 Eloge
ne font plus gueres capables. Elle tachotc
d'en retablir tout ce qui etoit en fon pou- voir; 8c ce fut-elle qui commew;a a porter le grand jeune du careme, apres en avoir obtenu la permiflion de la mere Agn£s, & qui fervit d'exemple a fes autres foeurs. C'eft a elle aufli qu'elles doivent la liberie qu'on leur a laiffee , de reciter tout le Pfeautier chaque femaine, quoiqu'elles fuiviffent dans le refte de l'office les ceremonies de l'Eglife de Paris. Elle ne put diflimuler fa joie , d'a- ■voir retabli cette ancienne obfer^ance de fa regie : mais cette joie venoit audi d'une au- tre fource. Car elle avoir un amour tout particulier
four lesPfeaumes, & Dieu lui en avoit donne vine intelligence accompagn^e d'un fentiment de pidte fi vif 8c (i tendre , qu'elle admiroit qu'on put etre fans ardeur en les pronon^ant. Elle y avoit appris quel £toit le fond de fa mifere, combienfesbefoins etoient preflans, combien tous les appuis humains font inu- tiles, 8c combien la mifericorde de Dieu eft grande fur les humbles 8c fur les pauvres. Jille gemiflbit avec le Prophete, ellelouoit le Seigneur avec lui, 8c elle fe trouvoit heu- reufe de pouvoir offrir a Dieu des prieres dont il etoit lui-meme l'auteur. La lumiere qu'il lui avoit donnee pour en-
tendre les autres Livres de l'Ecriture etoit ex- traordinaire ; 8c c'£toit une rdcompenfe de fon amour 8c de fon humiHte\ Car elle etoit entree dans la verite' par la charite , Sc elle etoit du nombre de ces petits a qui tous les mylietes font ouverts. C'ccoic aufli un erret de fa meditation continuelle fur la loi de Dieu, dont elle faifoit fes chaftes dc'liees. Car elle fe nouriffoit ay&c avidite1 de fes ft." |
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de la mere Angel'.ique. 459
roles , qui nouriffent la foi & 1'efperance
d'une ame fidele. EUc y cherchok fa ronfo- larion dans toutes fes peines , & elle y trou- voit toujours de quoi affermir fa patience, 8c dc quoi faire croitre fon amour. Elle s'etoit rendue eomme propres & natmelles les ex- pieilions de l'Ecriture , & fes difcoars avoienc quelqae chofe de fa force & de fon onction divine. Elle patloit ordinairement fans avoir eu
le loifir de s*y preparer , mais e'etok tou- jours d'une maniere qui enlevoit 8c attendrif- foit tout le monde. La grandeur des chofes qu'elle difoit , etoit foutenue par une elo- quence majeftueufe , mais naturelle ; & dont tons les mouvemens etoient touchans , par- cequ'ils Etoient finceres. Elle expliquoit les plus fublimes Veritas avec une facilke qui leur confervoit toute leur dignice , en les abbaiflant jufqu'aux plus foibles & aux plus Simples; & eomme tout ce qu'elle difoit «oit grand & folide , plus elle fe rendok intelligible , & plus elle etoit admiree. Mais c'etoit-la ce qui faifoit fa douleur.
Car elle eut voulu difparoitre aux yeux , & s'efFacer dans l'efprit de tout le monde, arm lue Dieu feul Fuc refpedte dans ce qu'elle difoit de fa part & non pas elle, & que tou- ts l'attention de fes filles fe portant aux ve- tites, elles n^gligeafTent le canal par lequel £Hes fe repandoient. La grace que Dieu avoir attachee a fes difcours, fe faifoit encore Plus fentir dans fes cntretiens particuliers ayec des perfonnes dont elle connoiUoit la piete , mais qui avoient befoin d'etre foute- nues. Car apres l'avoir entendue, on etoit "ifpofe' a tout, & Ton trouvok tout facile. Sa foi en infpiroit aux autres; & fon ardeur Vij
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460 Eloge
toujours vive & toujours brulante , fc Com-
muniquoit fi fenfiblement, qu'on auroit tou- jours fenti de la confolation dans Con de- voir , C\ Ton avoit eu fouvent celle de I'en- tretenir. Ellc avoit line idee de la grandeur
de la faintetd de Dieu , qui la tenoit I toujours abbaiflee en fa prefence. Elle troti- vok par-tout des fujets de louer & d'ad- mirer fa fageffe. Tout lui dtoitune occafion de le benir & de lui rcndte graces; & elk 1 difoit fouvent qu'on peut le reconnoitre a tout quand on eft bien attentif. Mais c'etoitl principalemefit dans les chofes qui avoient rapport a fa gloite 8c a la religion , qu'ellcl n'en vo'ioit point d'indifferentes ni de peti-l tes. La Majefte de Dicu ennobliflbit tout, &| lors meme qu'elle ne s'appliquoit qu'a ren-l dre fes refpe&s aux reliques defes ferviteurs,! en les mettant dans des lieux decens,ellej avoit peine qu'on la vint diftraire pour aii'j cune affaire. Par un effet tout contraire de fa lumiere, I
elle ne vo'ioit rien de grand dans les digni-j tes & les emplois du fiecle, que le dange'l qui en eft infeparable. Elle trembla pout M. de Pomponne fon frere lorfqu'il fut eV ve a la charge de Secretaire d'Etat 5 8c ell' fentit de la joie , lorfqu'elle le vit en furete par fa difgrace. Elle n'etoit occupee que de cette terrible diftinftion que Dicu mettB entre fes enfans Sc fes ennemis, & elle corof; toit comme n'etaiu deja plus tout ce q111 n'etoit point dternel. Sa piete etoit folide , egale, conftante >
foutenue par la lumiere de fa foi &c no» par un fentiment paflager : jamais abbat* fat les corure-tems, jamais diflipee j>ar uR« |
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de la mere Angelique.
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4<3l
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vaine joie , independante des divers etats ^
& fe foumettant a tous les evenemens. Elle etoit eloignee de la fuperftition , parcequ'el- le etoit eclairee ; & de cette orgueilleufe indocilite qu'on appelle injuftement force d'efprit y parcequ'elle etoit humble. La voie commune de la foi etoit l'unique qu'el- lc aimat, & qui lui parut fans danger; &C rile penfoit que pour fe dillinguer utilement, il ne falloit fe diftinguer que par une hum- ble fimplicite (i). Le grand objet de fa pietd etoit Jefus-
Chrift. II en etoit le fondement, il en etoit la fin. La charite infinie par laquelle il s'eft fait homme , la ravifToit & la faifoit fondre en actions de graces. Le terns deftine par l'Eglife a l'attendre 6c a fe preparer a fa naif- fance , avoit pour elle quelque chofe de plus (ij On alien de croire va un jour que la mere
i}ue Dieu donnoit a la Angelique eut celui du
ftere Angelique de Saint jeune Due de Chartres
Jean des lumieres ex- Philippe d'Orleans, (de-,
ttaordinaires , quoique puis Regent du Roiaume )
fes humbles filles n'en leqtlcl avoit pour lors un
lient rien laifle par ecrit. an. Au bout du mois elle
Car pluileurs perfonnes pria qu'on lui lailfat le
dignes de foi, qui en ont meme billet. Cela parut
Me bien informees , rap- (i remarquable , qu'on la
Portent a ce fujet divers preffa de dire, fi Dieu ne
fairs affez particulicrs. En lui avoit rien fait connot-
Voici un qui peut fervir treau l'ujctdece Prince,
d'exemple. A quoi elle repondit en-
C'ctoit a P. R. la cou- fin qu'elle avoit conniz
tutne de donner chaque qu'il fauveroit l'Eglife de
mois des billets ou etoient Fiance. Ce qui a rapport
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les noms des pe
fonnesde la Famille roi'ale & des amis de la maifon, pour lefquels chaque re- lig'eufe prioir pendant le Alois, felon le billet qui lui etoit echu. 11 atti |
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a
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: qu 1
a la mort de Louis XIV ,
8c qui donna occafion a l'appeldela Bulle Unige- niius , lequel a conferve le temoignage de la veri- te dans l'Eglife. V iij
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4^* Eloge
faint & de plus touchant que tous les autres;
& c'dtoit parcequ'il avoit un plus grand rap- port a la difpofition continuelle de defir & d'attente ou elk etoit a l'egard dc, fon Epoux. Cette vie dans toute fa longueur ne lui paroiffoit qu'nne feule nuit, ou une veille de quclqu.es heures. Elle parloit de l'autte cornme fi elle y eur dqa touche ; & elle regardoit les ccmmencemens dechaquema- ladie cornme des nouvelles de fa liberie , croiant aa contraire dans la convalf Ccence tjc'on la renvo'ioit dans une trifte prifon, apre1-, lui avoir montre de loin un pais de lumicre Sc de delices. Son cfperance n'etoit pas n<*anraoiijs fans fra'ieur. Elle craignoit les jugemens de Dieu , pareeqn'elle en con- noifloir la faintete. Elle favoit qn'il exa- mine avec jaloufie les plus fecrets defirs de fes epoufes ; & elle etoit fi intimidie pat cette penfee qui ne la quittoit point , qu'el- le paroiffoit a bien des gens trop ferkule & trop femee. Mais les perfonnes qui ont eu pan a fa
corflaDce & a fon amitie , favent jufqu'oii alloit fa tendreffe & fa reconnoiflance , 8J avec quelle bonti elle partageoit avec elks leurs afflictions 8c leurs inquietudes. II eft vrai qu'elle retranchoit de l'amitie' tout ce qui €toit inutile pour le falur, & qu'elle ne pouvoit fouffrir que fes fours 8c fes amis s'at- tachaffent trop a elle, ni qu'elles lui don- naffent dans leur cceur une place qu'elle vouloit conferver a Jefus-Chrift. Mais e'e- toit-la une preuve de fa juftice , 8c un effa de cette fin cere humilite que Dieu lui avoit donnee pout tervir de contrepoids aux qua- litds eclatantes dont il l'avoit revetue. Elle avoit pout bien ecrire & pour bien
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dela mere Angelique. 46$
parler une facilite inimitable. Les arts lui
eWent comme naturels , tant elle y avoit d'adrefle & de difpofition. Son difcernement & le gout qu'elle avoit des bonnes cho- fes etoient exquis. Elle favoit ce qu'il y a de plus important & de plus utile dans la fcience ecclefiaftique , & elle n'avoit mis des bornes a l'acquifuion des autres fciences que par modeftie. Cependant l'humilite aneantifloit tout cela
a fes yeux , & ne lui en montroit que le pe- ril. Elle di£oit fouvent, fans penfer qu'on lui en dut faire l'application, qu'elle ne trou- voit dans les qualites ^clatantes qu'un fujet d'humiliation, parcequ'elles portent naturel- lement a l'orgueil qui eft le plus humiliant de tous les vices, & qui doit faire plus de home a des miferables 8c a des pauvres tels que nous fommes : qu'il eft vrai qu'on peur, faire avec la grace un faint ufage de ces ta- lens exterieurs , mais que cette grace eft fort rare, au lieu que Tabus en eft ordinaire : que c'eft une tentation continuelle dans un etat de continuelle foibleffe, & qu'on doit s'eftimer malheureux , d'etre expofe par le peu qu'on a , a perdue tout, en perdant ce- lui qui ne fauve que les humbles. Si elle eut it£ capable de jaloufre, elle n'en eut etetou- chee qu"a 1'egard de ces pcrfonnes qui font riches au-dedans, fans avoir d'autres quali- tes extcrieures que Vobeiflance 8c la docilite. Elle aimoit U fort la fmiplicite £c les ta-
lens mediocres, qu'elle n'examinoit dans les Poftulantes & les Novices que la vocation Sc la piete\ Tout le merite dependoit de-la 5 & elle etoit peut-etre en ce point feduite par fon humilite qui la rendoit trop indulgente. Elle difoit fouvent que le prix de routes cho- V iiij
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464 Eloge
fes venant uniquement de l'efprit de Dieu &
de fa grace , c'eft une fort mauvaife regie que d'en juger ovi par la perfe&ion exterieu- ie,.ou par la facilite avec laquelle on les fait : qu'on doit rougir de la complaifance qu'on y prend , & qu'il n'y aura que les aftions des humbles qui ne feront point con- fum<5es par le feu qui aneantira toutes les autres. Auffi elle avoit pour maxime de ne jamais rien dire a fon avantage 8c de donner peu de louanges aux autres de peur de s'en attirer. II etoit difficile neanmoins qu'elle put les eViter. Mais elle favoit on les intetrom- pre avec adrerte, ou les faire ccfTer avec tou-> te l'autorite d'une humilite offenfee. On pcut juger fur ces difpofitions avec
quelle douleur elle fe voioit elevee a la pre- miere place de fa Communaute. Mais comme cette douleur decouvtoit favertu, elle s'efFor- <c,oit de la diffimuler de peur qu'elle ne lui fit honneur; 8c elle fe contentoit d'en par- ler a Dieu Sc a quelques amies , ne voulant pas d'ailleurs que fon affliction en put don- ner a fes filles. Sa charite pour elles etoit tendre , mais
ferme & eclaiiee. Elle fe panchoit vers les foibles, mais pour les foutenir, non pas pour s'affoiblir avec elles. Sa compaffion pour les malades etoit extreme, & cependant elle les prioit de fe fouvenir qu'elles ctoient peni- tentes dans tous les etats : qu'elles devoient ufer des remedes par refpeft pour les def- feins deDieu fur leur vie ou leur more qui etoient inconnus , mais fans y mettre leur confiance , & fans avoir d'empreffement pour la fantd ; & qu'elles feroient fort a plaindre (i elles lailTbient affoiblir leur pitte par une epreuve qui devoir la rendre plus pure. |
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de la mere Angetique. 465
Sa crainte que le relachement ne s'eta-
blit peu-a-peu etoit concinuelle. " Tout 33 eft important, difoit-elle , dans une fain- » te maifon. Lcs petites chofes confervent » les grandes, & e'eft la fidelite a la lettre « qui empeche que l'efprit ne s'eteigne &C »> ne fe retire ". Port-Ro'ial l'a perdue trop- tot pour fes interets , & avant qu'elle eut acheve la demiete annee de fon fecond Triennal. |
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RELATION
abregU
De la captivite de la mere Angelique
de Saint Jean. V_jEtte fainte fille fut enlevee le 16 aouc
1^64, de la maniere dont on l'a rapportd ailleurs (1) , pour etre mife en captivite chcz les Annonciades du quartier Saint Antoine. La foi de cette vierge chretienne etoit tel-
lement fuperieure aux fentimens de la natu- re, que dans une fi cruellc feparation, elle ne fentoit pas meme ce qui fe paiToit. Lorfqu'elle fut montee dans le caroffe avec f. e,, jCm"
trois autres religieules, elle garda un pro- jatjon de la fond filence (z); » remplle d'admiration de la conduite de » conduite de Dieu fut elles, de les avoir Dieu fur les » rendues dignes de fouffrir un tel oppro- rehftieiiies de » bre &; un fi extraordinaire traitement pour (1) Hilt. T. 4. p. 441 & fuiv.
(i) Relat. iu-ii- p. 8. Vv
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j^6<S Relation abregie
33 fa ve'rite , elle tie put faire autre chofc
as tout du long du chemin, que de lui chan- k ter dans fon coeur des cantiques & des *> hymnes , entre autres celle de la Dedica- 33 ce , Urbs jerufalem , s'imaginant qu'elles » etoient des pierres vivantes que Ton tranf- 33 portoit pour les aller pofer dans l'edificc 33 fpirituel de cette ville fainte, ou elle ef- 33 peroir fe nouver rdunie avec toutes les 33 perfoanes qu'elle venoit de quitter«. Ce fut dans ces ientimens que la mere Angeli- que fe vit conduire dans un monaftere etran- ger, pour y etre reduite en captivite. Son entree Le carofle etant arrive, elk embrafla ten- ciad Annon" drement fes cheres compagnes , & defcendit pour entrer dans fa prifon. M. l'Abbe Four- cault , qui l'avoit accompagnee par ordre de M. de Perefixe, dir a la Superieure des Annonciades , en lui prefentant la prifonnie- re & Ion obedience : ma mere , je vous amene une fainte , cardans Port-Ro'ialil n'y a que des faintes; maisje fais aujji que vous etes toutes des faintes. En entrant la mere Ange- lique fe mit a genoux devant la Superieure, I'amuant qu'elle etoit dans le deffein de lui rendre toute forte d'obeiflance & de fou- mirtion , & qu'elle entroit prevenue d'efUme pour la maifon. On la mena d'abord a la Chapelle de Ylmmaculee Conception, de-la au jardin , oii on lui parla de l'afFaire de P. R-; jufques-la la mere Angelique avoit te- nu ferme , & foutenu tous les aflauts fans vetfer une larme ; mais obligee , pour repon- dre, de faire reflexion fur les pei fonnes qu'elle On la con- venoit de petdre , elle ne put s'empecher emit a la i. > i • ' * ehambre. ° en rePandre quelques unes.
Combat de la torfque la Chambre que Ton preparoit a grace & de la la Captiye fut prete , c'eft-a-dire, un gale- natureenelle. |
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de la mere Angelique. 467
Us fipare de tout, on l'y conduifit & on Iui
donna une fceur Converfe pour avoir foin d'elle. Auditor qu'elle fut feule , elle fe profterna devant Dieu pour le remercier de la grace qu'il lui faifoit. La nuir etant ve- nue , & ai'ant fait toutes fes prieres, elle penfa a prendre du repos. » Alors elle fen- m tit comme fi fon efprit eut ete fufpendu » jufques-la & que tout d'un coup il fut n tombe de fort haut & que fon coeur eut m ete tout froifTe de fa chute. En un mo- 33 ment elle fe fentit accablee & dechiree 33 de tous cotes de toutes les fcparations qu'elle venoit de faire «. Quelqu'effort qu'elle fit, il fallut pour foulager fa dou- leur, donner cours a fes larmes , & elle en repandit beaucoup , dans cette nuit , Pag. u. 33 oii elle fut continuellement dans le com- 33 bat de la grace & de la nature, fans avoir S3 d'autres arrnes pour fe defendre que le 33 bouclier de la verite' , qui repoulToit tou- 53 tes les tendreffes de la nature par la per- is fuafion qu'elle lui donnoit du bonheur que 33 Dieu avoit attache a ces fouffiances & de 33 l'avantage qu'il y avoit a tout perdre pour 33 acheter le Roiaume de Dieu & entrer ea 33 partage de la croix & de la gloiie de Je- 33 fus-Cnrift «. Ce fut par des vues fi chre- tiennes que la mere Angelique fe foutint dans fa captivity. Mais ce qu'on peut regarder comme un moien dont Dieu fe fervit pour empecher qu'elle ne fuccombat, ce fut l'at- tention qu'elle eut des le commencement de ne point reflechir volontairement fur au- p# .. cunes de fes peines. 33 Car jefentois bien, dit-elle, que e'e- Moi«nsdont
33 toit rout ce que je pouvois faire que de P'f" ,f r "c 33 les foufmr en regardant 1 ordre de Dxeu tenjt <j;,m q, V vj captivitc.
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Relation abreeee
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4<J8
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33 & les confolations de la foi; mais que (i
oj au lieu de cela je commencois a regarder
*> l'afflittion en elle-meme accompagnee dc
=■> toutes fes circonftances , ce feroit un poids
53 qui m'accableroit ; & il me fembloit que
33 je portois toujours mon ame dans mes
=3 mains comme une Gouvernante porte en-
33 tre fes bras un enfant que Ton fevre ,
33 qu'elle pfomene & qu'elle divertit tant
33 qu'elle peut , pour l'empecher de fe fouve-
33 nir de fa nourrice , dont elle le detourne
as toutes les fois qu'elle la rencontre , de
33 peur que fa vue ne renouvelle fes Iarmes.
33 Port-Roial afflige etoit comme ma nour-
33 rice, je vcnois d'etre fevree de tout ce
33 que j'aimois fous ce nom avec le plus de
33 tendrefTc ; mon ame ne pouvoit porter
33 cette feparation qu'avec une douleur cx-
33 treme , & ma foi etoit tout occupee a la
33 detourner , fans ceiler de refleclnr fur
33 cet objet. Je ne pouvois pas empecher
33 qu'a toute heure il ne fe prefentat devant
M mes yeux ; mais auffitot je les levois vers
33 Dieu, pour ne voir qu'en lui ce que je
33 n'aimois que pour lui. Dans ce combat
33 je confervois la paix , & il y avoit dcs
33 momens oii j'etois meme capable de joie.
Lie eft en- £e ne fut qUe \e troifieme jour apres fon
fermee fous . , r .' , j> « i V v i
imic nmrft arnyee , lavoir le zo d aout que la fohtude
Sa joie. Pre- de la mere Angehque rut changee en une ventiim des prifon, c'eft-a-dire, qu'elle fut enfermee a Annonciadcs. cjef } fol]S trojs portes , „ <Jont j'eus p0ur 33 lors, dit-elle, une joie fenfible ; & il me
m fembla que j'acquerois ce jour-la une fort » grande dignite, entrant en partage des 33 biens de Saint Jean , dont il etoit ce 33 jour - la la decolation ". Ce meme jout la Prifonniete, qui avoit era que fes Geo- |
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de la mere Angelique. %&$
licres n'avoierit point de prevention contre
Port-Roi'al, fut defabufce en apprenarit dans l'entretien qu'elle eut avec une religieufe qui vint fur le loir la cirer de fa prifon , pour ia mener promener, qu'elles avoient pour Di- recTxurs ordinaires les Jefuites, entre amies le Pcie Nouet. Je ne faurois dire quelle im- ' '* prejfion cela me fit tout d'un coup, dit-elle,
fen tremblai depuis les pieds jufqu'd la tete , autant de furprife que de crainte... m'etant ap- percue tout d'un coup que f hois comme une brebis au milieu des loups. Elle benit Diea depuis d'avoir appris cela de bonne heme, parcequ'elle prit plus garde a elle & com- mcnca a agir avec plus de circonfpe&ion. Elle fentit audi davanrage Ton exil & fa prifon , 8t ne trouva fa confolation que dans le facrifice de fes larmes. Elle ecrivit avec un craion ces paroles au bas d'un Cru- cifix : pofuifti lacrymas meas in confpeflu tuo acceptabile facrificium tuum. Malgte la peine que la mere Angelique de Saint Jean reffentoit de la feparation de tant de pcrfon^ nes qui lui etoient fi cheres , & dont le fort* Venir fe prefentoit a fon efprit, elle confer- Voit une veritable joie du coiur , qui ne fe' niloit point avec fes amerlumes pour les o-doucir , mais qu'elle fentoit qui dominoit "u-deffus de fon affliction pour empecher lu'elle ne troublat fa confiance & fafoi, & lu'elle ne lui oldt 1'eftime de fon bonheur, . dont elle demeuroit toute perfuadee, enforte lu'elle riauroit pasvoulu pour quoi que cefut "u monde n'avoir pas eu cette occafion de fouffrir pour la verite, ni former le moindre defir d'etre dilivree finon par elle. La Prifonniere ne vo'ioit prefque perfonne fJjfiJe™
'« quatre premiers mois, & nc repondoit |
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,70 Relation abregee
que out St nan, lor&u'on lui p.rloit, en for-
chanter quelques parties£*£*££.
Prieure,la Soupneure tc *"?* ^Uc vit; zau etoientles fculcs rehgieufes 9^vl<> une mere d'Ormeflon , am etoit fa coufoe obtint la permiffion de laW £" « trois fois, mais avec une cornpagne gi_ ccqu'on ne fe fioit pas a elle. E«««0»o vent neuf ou dix iours fans voir ame vivan P. ic, %«. te que la Converfe qui la le^oit.
L <c* , i bout de huit iours ele ecrivu£ *
la Voir , fc^ux Sacremens, & s'i entendoit quellee
™ "fufe demeurat feparee. Trois ,ours apres; le 11 d'approchet perfonne apporter (a reponle w des Sacre- 1ft Vint en pci. rr entretien ,
mens. s'en retourna apres on long
fans avoir rien accorde , K lans iiw»
porter que la honte d'une defaite; pleme « en ere,Voiquil rut feconde par Madame de Rantxau , qui a la vente etoit bien pen rnf StaS « matieres, ft. navou queUn- faillibilite duPape pour P^clPf * ^T" beiffance aveugle pour regie. CetteJDMK, apres le depart de l'Archeveque , voulut re conduire la mere Angehque * <2»£n > * Vattaqua affez vivement La Prifounieren voiant ni utilite ni plain.r a s'engager A£ une difpute avec une perfonne quii M: cM choit point la verite, fe tenant adiM&qu £ la favoit , la fupplia de la *~f«g£ Dieu Sc d'epargner une perforine affligee Comme la Dame cont.nuoit toujour* ,^ mereAngdique fe mn a genoux pourprie |
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de la mere Angelique. 471
en attendant qu'on eut apporte" la clef de fa
prifon. La demarche edinante que fit des lc
loir meme la mere Angelique en lui ecrivant
un billet pour lui demander pardon de Te-
motion qu'elle avoit fait paroitre , toucha
apparemment cette Dame , qui non-feule-
ment fit elle-meme le lendemain quelque
forte d'excufe a la Prifonniere de ce qui avoit
pu lui faire de la peine dans cet entretien,
mais fut dans la Ante beaucoup plus mo- „, 3"> 3*
deree. & 4°-
Deux jours avant la vifite de M. de Paris,
Dieu avoit mis la mere Angelique de Saint jb'A-"^ &L Jean dans une autre forte d'afHiction toute ja prjf0nnie: differente de la premiere & fi grande qu'elle te. avoit abforbe1 toutes fes autres peines. Elle avoit pafR les huit ou dix premiers jours dans l'affliclion fenfible de fa reparation d'a- vec fes fceurs , mais cette affliction n'etbic que dans les fens; & dans le fond de l'ame, elle vo'ioit rous les avantages de cette epreu- ve. Elle fentoit deux perfonnes en elle , dont l'une avoit aflez de force pour porter l'autre dans fa foiblefle, & elle fe r^jouiffoit dans l'efprit de ce qui 1'affligeoit dans les fens. La mere Angelique reconnut depuis le dan- ger qui accompagnoit set etat , dans le- quel elle eut hi au hazard de ne pas fe foutenir long-tems fi elle eut ete pouflee plus loin ; & raconte ainfi de quelle maniere Dieu Ten tira. => M'etant done couchee une fois, je ne lumiertf
* penfai pas fitot a m'endormir, que Dieu que Dieu lui
*> me reveilla par un ra'ion de fa luraiere qui «onne f"»
r i 1 • » ion etat.
» rrappa mon coeur , pour me decouvnr a
35 moi-meme des chofes qui ne m'avoient
» paru rien , 8c qui dans ce moment me pa-
*■ rurent fi grandes & fi impottantes qu'elks
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47 i' Relation abregrU
jo renvef Cerent tout-a-fait rria difpofition 8£
n me mirent 11 bas devant Dieu , qu'aulieu.
n que je penfois auparavant qu'il nous avoit
w nop elevees de nous donner part a. la per-
5s fecution de la verice 5c de la juftice, je
55 me trouvois dans un fi profond rabaifle-
55 ment & fi faifie de crainte, que je n'o-
55 fois prefqu'elever mes yeux vers lui 8s
a; que je vo'iois toutes mes fouffrances fort
55 au-deflous de celles qu'il avoit eu droit
53 de m'infliger, s'il eut voulu me traiter
»5 avec juftice. J'avois dans l'efprit que )'6-
S5 prouvois Ce qui eft dit dans le Pfeaume :
53 ils moment jufqu'au del 6* ils defcendent
m jufqu'aux abimes, & ce qui efl enfuite :
53 anima eorum in malis tabefcebat. Car ve-
55 ritablement je deflechois dans l'accable-
55 ment de tant de peines i celles que je fouf-
55 frois de mem erat extericur n'etant nulle-
55 ment diminuees, quoiquc les peines inte-
55 rieures les furpaflaffent, mais en les aug-
33 mentant. Cat il n'y a rien de pareil a fe
55 trouver dans cet accablem€nt d'efpiit, fans
53 pouvoir efperer le moindre fecours & la
53 moindre confolation de qui que ce foit,
33 quand cela dureroit jufqu'a la mort, cat
33 je ne favois pa* fi j'y vertois d'autre fin,
»5 & on ne fauroit s'imagirier ce que e'eft
53 que cette angoiffe & cet abattement fi
53 on n'y a parte. Il me fembloit que fi f eufle
*> eu feulement la moindre perfonne de con-
»5 noiflance, quand je n'aurois fait que me
55 recommander a fes prieres , ce m'auroit
53 ^te un foulagement de favcir quelle eut
33 compati a ma mifere & qu'elle m'eut ai- |
» dea obtenir la mifericorde de Dieu. Mais
» de ne voir que des perfonnes infenfibles
» qui ne chercheroient que l'occafion d'aug? I
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"3c la mere Angelique. 47 f
& lnenter votre trouble fi elks en pouvoient
» avoir la connoiiTance , a caufe de quoi il
« faut avoir an foin continuel de ne le pas
33 faire paroitre , c'eft une gene inexplicable
»' quand on eft dans cet etat.
La peine de la fainte Prifonniere fut fi Itnpreflioii
grande cette premiere nuit, qu'elle en cut la f^ ("°1^
fievre aflez forte , & elle £toit aufii lafle & d'efprit.
afFoiblie le lendemain que fi elle eut eu une
grande maladie. Elle demeura environ fix
femaines dans cette affliction d'efprit , qui
confiftoit en ce qu'il lui fembloit que Dieti
la chatioit dans fa colere. Ce qui toutefois
ne lui otoit pas la confiance, qu'il ne fe fou-
vint audi de fa mifciicorde , dontelle voi'oit
des marques dans la proportion qui lui pa-
roifl'oit etre entre fes peines & fes peches.
Mais elle fe fentoit dans une fi grande con-
fufion , qu'elle n'ofoit meme s'arreter a re-
garder les fujets qu'elle avoir d'efperer en fa*
bonte. Auffitot qu'elle penfoit ouvrir les
yeux , elle les rabaiflbit de honte , & ne
cherchoit qu'a fe cacher devant lui. » Rien
» ne reduit, dit-elle , dans une fi' grande
» pauvrete que cet etat. Les hommes en
=> croiant nous tout oter, ne touchent point
» a notre trefor , quand Dieu laifle dans
» notre cceur le fentiment de fa grace. Mais
» pour lui, il n'a qu'a detourner fon vifa-
» ge , & nous ne trouvons rien entre nos
» mains de toutes les richeffes que nous
» nous etions perfuadees qu'on ne pouvoit
35 nous ravir.
Elle avoit envifage cent fois depuis 10 annees f"e apper-
l'cxil & la feparation ou ellefe trouvoitalors, £01t 1as/01*
k elle s etoit promts qu en quelqu etat qu on (,on ouvroic
lamit,elle pourroit efperer <le trouverdans laleehemini u-
pfiere & dans. I3 parole de Dieu les Confola-ne<,angereufe
tenucion.
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^74 Relation abregee
tions & la patience qui pourroient foutenir
fon efperance. Maisalors elk cherclioitinu- tilemenc la force & la lumiere qu'elle avoit trouvee tant de fois dans les paroles de l'E- crituie-fainte, qui lui avoient para capables d'adoucir les peines de la plus dure capti- vite\ Elle relifoit ces endroits des Propbetes & des Hiftoires faintes , qu'elle avoit mis comme en referve dans fon efprit pour s'en nourrir dans ce tems-la. Mais Dieu avoit ote la force du pain -, & il lui fembloit qu'elle n'y trouvoit plus que des fujets d'augmen- ter fa confufion intdrieure , a caufe que pat- tout Dieu fait voit que fes cbatimens font des peines de nos pdcncs. EUe s'appercevoic bien qu'encore que cet etat lui flit bon , parceqn'il l'humilioit fans la troublet , n'a'iant au fond du cceur aucune inquietude, 8c confentant a la conduite de Dieu & a la lumiere de fa vdrite quoiqa'elle la condam- nat; neanmoins il lui paioiffoit facile que cela ouvrit le chemin a une tentation dange- reufe , fi par-la elle entroit dans une crainte exceflive , qui pouvoit la jetter dans l'abbat- tement •, de forte qu'elle avoit prefque reduit toutes fes prieresa cclle d'Rftner qu'elle icxi- vit dans fa douleur derriere fori diurnal : Deusfortis fuper omnes, exaudi vocem eorum, qui nullam aliam jpem habent^ & erue me i timore meo. Elle trouvoit quelque confolation dans ces
paroles parcequ'elles exprimoient affezbien l'etat oil elle fe trouvoit au-dedans &. au-de- hors. Elle y ajoutoit la ptiere de Sara, tien ne lui donnant tant de confiance que ces pa- roles : in tempore tribulationis peccata dimit' tis its qui invocant le. Cette efperance , que Dieu agrdeioit ce qu'elle fouffroit pout 1» |
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de la mere Angelique. jli$
remiflion de fes peches, eroit fa plu« douce
penfee. C'eft pouiquoi etle ne pouvoi; for- mer aucun defir de fa delivrancc , ni d'au- cun changemenr dans fes peines, parccqu'il lui fembloir que Tinjufticc de certe perfecu. tion de la part des hommes, ikoit tout ce qui lui reftoit de bien pour acquiter fes det- tes ;. & elle s'appliquoit ce qui eft dit dins le PC. Verba iniquorvm preva'uerunt fupcr nos} & iniquitatibus nofiris propitiaberis. Un jour que fes peines redoublercnt dans Ses peinef
la crainte qu'elle avoit d'avoir manque a la Sl^e°'fnt' cnarite dans quelqu occanon eloignee qui donne a la lui revint a l'efprit , & qu'en meme-tems conduite de elle penfa comment elle pourroit faire pour 'a grace. fupporter fes peines fi elles lui revencient fouvent, ne fachant fi de fa vie elle pour- roit avoir occaiTon de fe confeffcr ou de par- ler a quelque perfomie de coufiance , elle s'appercut que cette vue pouvoit la mener bien loin & J'arFoibli^elledemruralong-tems profternee devant Dieu , fon feul refuge; 8C lui aiant fair la grace de reveiller fa foi , qui commer^oit a jetter la vue fur des ap- puis humains, il lui donna le mouvement de s'abandonner a la conduite de fa grace , fans vouloir plus fe mettre en peine d'elle- ffieme, & de lui offrir tout ce qu'elle avoit fouffert, 8c ce qui lui reftoit a foufriir pour acquit ter fes dettes. Apres cela elle fe trouva plus tranquille 8c tlkTettan-
plus depouillee que jamais, & cette inquie-1ul^ife" tude touchant la confeflion ne lui revint plus. C'etoit la feule qui lui fut entree dans le coeur; mais elle en avoit d'autres de toute ef- pece qui environnoient fon efprit. Toutefois ce n'etoit fouvent que des images vagues, qui ne fe formoient pas diftinclement, 8c |
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?47<» Relation abregie
lorfqu'elle envifageoit les chofes folidement
& felon les priticipes , ces fantomes fe dilTi- poient comme une fumee. Elle en faifoit elle-meme la comparaifon avec ces fra'ieurs qui frappent l'imaglnation quand on va la uuit dans des lieux cm l'on a peur. ?> II ar- »j rive quelqucfois qu'une ombre patoit une 33 perfonne ; mais quand on a affez de force m pour furmontei fa peur & pour s'approcher « de ce que Ton croit voir , on reconnolr 3j que ce n'eft rien du tout; au lieu que (1 » Ton ne s'en etoit point eclairci on demeu- » reroit dans la fra'ieur & dans le trouble. , Les idees epouvantablesde l'etat ouetoient lequrioDl r4* Suites les religieufes de P. R. , fans y avoir
duifott
Ie5 te. de reflburce , lui apprirent, dit-elle , ce que
ligieufcs de c'etoit que le defefpoir ; parcequ'elle entre-
V.K.capable vo;0it affez clairement par oil Ton y va ,' uiefefpoir?<luoitluert.Pa,: 'a §race de Dic« ces penfees
lui paruflcnt fort eloignees de fon coeur, &c que ce ne fut qu'une tentation ettangere qui detncuroit au-dehors fans la troubler au-de- dans. Mais elles lui faifoient imaginer , que c'etoit les penfees tenebreufes , dont Dieu patla a Job , & qu'il lui faifoit la grace de les lui faire voir , afin qu'elle en cut horreur, plutot que d'y entrer fans les difcerner , com- me on fait , lorfqu'on fe laifle vaincre a ces troubles & a. ce decouragement , en cher- cbant du foulagement, parcequ'on ne peut plus foufFrir. La priete Sc l'aveu de fes mife- res devant Dieu , dont elle adoroit la juftice, etoient toutes fes armcs. Dieulul'di- *^el1 ^u' decouvrit cette tentation le jour rouvte uie des Saints Anges 3 d'oftobve , en meditant dangereufe ces paroles , ne forte offendas ad lapidem pe~ temation. dcm mum. Elle penfa » que Jcfus - Cluift » etoit lui-mcme cette pieire 3 auffi-bien |
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de la mere Angelique. 477
33 qu'il eft lc chemin par 011 nous marchons:
*> qu'il y en a qui fe fcandalifent de la feve- m rite de fa loi, & qui fe lafl'cnt de fouffrir =' pout la veiite dans les occafions 011 il les " engage, $c que ce font ceux-la qui tom- 33 bent & fe brifent contre la picrre. Mais il 33 y en a d'autres, qui voulant bien fouffrir, « prennent neanmoins de leurs foufFrances 53 une occafion de craindre que cette con- sj duite fi rude de Dieu fur eux ne foit sj une marque de fa colere , qu'ils one 33 bicn merited , & qui enfuite de cette 33 difpofition qui paroic humble , en ont » moins de confiance de s'approcher de 3> J. C. comme fi elles fe fentoient rcpouf- 33 fees de lui a caufe de leur indignite. Cc j) font ceux la qui blelfent leurs pieds a la 33 pierre , leur affection & leur charite deve- 33 nant d'autant plus languiflantes, qu'elles 33 ne s'enflamment plus par la confiddration 33 de celle que Dieu a pour eux; & cettc ten- 33 tation allant a attaquer la foi aulli-bien 33 que la charite & Tefperance, parcequ'elle 33 etablit un principe contraire aux maximes 33 de I'Evangile , en prenant les afflictions Sc 3> les maux temporels pour une marque de la is colere de Dieu , au lieu que felon toute 33 l'Ecriture elles font les gages les plus affu- 33 r^s de fon amour. 33 Cette penfec que Dieu donna a la mere
33 Angelique, fut pour elle le commence- » merit d'un jour nouveau , qui des cette 33 heure-ladifllpapeu-a-peu fes obfeurites & 33 fes peines. Elle l't'erivit promptement plus 33 au long qu'elle ne l'a mit dans fa relation, 3> pour y avoir recours au befoin. ( Les Gar- =3 des du Roi, en vifitant fes liardes lui eu^ « leveretiE dans la fuite ce papier), |
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478 Relation abregee
On voit par ce detail , les ^preuves ter-
ribles par lefquelles Dieu fait paffer fes dlus , 5c les arrnes dont le Demon fe fert pour les faire tomber. Les relations de celles qui fuccomberent dans leur captivite, nous apprennent que le tentateur les renver- fa par les moiens que la mere Angelique ex- pole ici avec tant de lumiere. Revenons a l'hiftoire de la fainte Prifon-
niere. La nuit 6tant paflce , elle commenqa m a difcerner la beaut6 de la juftice dans 3j les peines , dont Dieu puniffoit, acequ'el- 33 le dit, fes infidelites , & la fageffe de fa 33 conduite dans les moiens dont il fe fer- 35 voit pour nous faire entrer comme par n neceffite dans les devoirs de notre voca- 33 tion , que nous n'avlons jamais bien com- as pris , quelque foin qu'on eut pris de nous 33 inftruire" ;parcequt'la jcience de la croix ne s'apprend qu'aux pieds de la croix , qui eft la chaire ok Jefus-Chrijl I'enfeigne a ceux qui veulent bien I'y fuivre & s'y attacher ■ avec lul. Dans la premiere quarantaine , la mere
Angelique fe tenoit le plus qu'elle pouvoit dans le filence. Madame de Rantxau tachoit au contraire de la faire parler. Un jour qu'el- le la pria de lui conter toute rhiftoire de Port-Ro'ialj la Prifonniere pour s'en defaire lui dit, attendee ma mere qu'elle foil achevee, car nous voila au plus beau ; & quand on en aura vu la fin , ilfera terns defaire I'hif- toire. On lui an- Pendant tout le tems de fa captivity, la nonce la fi- mere Angelique ne put favoir aucune nou- quclque reli- ve^e ' n' ^e cc 1U* ^ Pan~01t <^ans ^e m°naf-
gieu?*. tere dont on l'avoit arrachee, ni de fa fa- |
||||
de la mere Angelique. 479
mille (5) , ni de fcs foeurs difperfees, fi cc
n'eft lorfque quekjues-unes etoient tombees, car alors on avoit grand foiu de l'informer de leur fignKture , & de les lui annoncer comme de bor.nes nouvelles. Madame de Rantzau accompagnoit ces nouvelles, de predications , qui degeneroient en conr.ro- verfc , mais fans aucun fucces. Cell; ce qui arriva vers la Saint Denis , que la mere Prieure & Madame de Rantzau vinrent lui annoncer avec un air de triomphe , que quel- ques-unes des religieufes avoient figne- Lorf- qu'elles fe furent retirees , la Prifonniere ac- cablee de douleur Sc de crainte fe jetta de- vant Dieu, pleurant pour celles qui etoient tomWes, & tremblant pour les autres 8c pour elle-meme. Comme elle n'avoit que Dieu pour refuge & fa parole pour confola- tion , elle pric fa Bible , l'ouvrit, & jetta les yeux fur ces paroles du fecond Chapitre de rEcclefiaftique qui fe preTenterent : malheur a ceux qui manquent de cceur , qui nefefient point a Dieu , & que Dieu pour cette raifon ne protege point. Malheur a ceux qui one perdu la patience , qui ont quitte les voies droites, & qui fe Jont detoumis dans des (5) Pendant une capti- d'autres luidiflemqu'elle
vite de dix mois , elle fe portoit bien , quand
u'eut d'autre nouvelle de on la cachoit a tout le
fofamille, que par deux monde. les deux billets
fillets que M. d'Andilly furent monttes , & elle
ecriyit a la Superieure , eut h liberte d'ecrire les
la fupplunt deles mon- trois lignes , mais riende
'rer a la mere Ang Iique, plus. Et meme elle fut
8i de lui permettre de lui obligee de reformer le
ectire trois lignes de 'a premier parcequ'elle y
■lain , pour l'aflurer elle- avoit mis un mot pour
meme comment elle fe M. d'Angers & pour M.
porto't , parcequ'il ne de Luzanci fon frcre.
Pourroit fe concenter que |
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TJf"
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£480 Relation abregit
routes igarees, Et que feront-ils lorfque Dieu-
commencera a examiner toutes chofes ? Ces paroles frapperetu la mere Angelique de Saint Jean d'etonnement 8c de ftaieur pout celles a qui elles etoient adreffees, 8c en .meme-tems elles la fortifierent en lui ap- prenant le rcmeds pour fe preferver d'un ii grand malheur , qui confifte a fe confier en Dieu, 8c a ne point s'ennu'ier de foufrrir. Elle trouva encore dans la le&ure de ce qui precede , des reponfes a toutes fes peines , ^>lus folides qu'elle n'en eut reiju de la per- ionne en qui elle auroit eu le plus de con- fiance. Ainu elle ne s'abbatit point. Depuis la vvfite de M. l'Archeveque $c le
tefus qu'il avoit fait a la Prifonniere de -communier , elle demeura dans le filence jufqu'au 18 oftobre, qu'elle lui tcrivitpour lui deraander la permiffion d'approcher des Sacremens a la fete de laTouffaint. Le Pre- lat, fans faire de reponfe pat ecrit, lui fit dire pat la mere Superieure , qu'il ne po«- vo'u en conscience lui permettre la commu- nion, fi elle ne changeoit. Hie ap- La veille de la Saint Martin, elle eut la jptend la chu-douleur d'apprendte la chute de fes deux tede fes deux foeurs. La mere Prieure qui lui annonqaune iccurs. nouvelle fi accablante ( fans cependant lui infulter, car elle avoit p'uie de fa peine, &
etoit bonne) luidit ce qui s'etoit pafTe enrre la mere Agnes & la fceur Angelique-Therefe •• fur quoi elle demanda a la Prifonniere fi elle rietoit pas bi.en furprije que la mere Agnes eut laiffe la fceur Angelique-Therefe dans la liberte de figner , fuppofe' que lafignatur' fut un fi. grand mat , qu'elles le ternoi- gnqaent (4). La mete Angelique lepondit que |
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de la mere Angeliqne. 481
53 dans la conjondure ou etoient leurs affai-
" res, la mere avoit pii croire etre obligee « d'en ufer ainfi , fur-tout parceque quand » les perfonnes en font a demander les avis « par "forme, leur refolution eft deja prife , « & que les confeils qu'on leur donneroit, « nefirviroient pas a les foutenir, mais a « ofFenfer M. l'Archeveque. La mere Prieure aiant encore demande a la
Prifonniere , Ji elle n'eroit done pas etrange- ment etonnee de ce changement, ™ elle repon- » dit qu'elle en etoit etrangement touchie, » mais medlocrement etonnee, 8c qu'eprou- " vant a quelles extremites on les reduifoit, " il n'y avoit pas grand fujet de s'etonner » qu'il s'en trouvat qui s'affoiblifTent; qu'il » n'en avoit pas tantfallu a Saint Pierre pour » lui faire renoncer Jefus-Chrift, & que les " voies dont on fe fervoit pour les contrain- " dre a obeir contre leur con fcience feroient « audi propres a faire renoncer la foi qu'a » perfuader de figner. Elle apprit auffi bientot la fignature de la
firur Candide , qui prejfoit lui dit-on , de re- venir a P. R. , ou elle promettoit qu'elle Us gagnero'u toutes. Mais le contraire aniva , puifque les exces de celles qui avoient fi- gne furent fon inftru&ion & lui firent quit- ter mi parti dont elle reconnut l'iniquite 8c la tyrannic » Que de gerbes de confolation » & de joies faintes Dieu nous preparoit, >J s'ecrie la mere Angelique , pendant que » nous femions des larmes dans une terre » feche , deferte & fans chemin ! & qui au- * roit jamais pu croire que nous les duflions » moifTonner dans l'annee meme ! J?'e qu'elle Cependant elle commencoit a chanter ", r",\ ,c,n
tont-a-tait les jultificanons de Dieu dans le Co>iiuite ce Tome rill. X Dieu.
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48i Relation abregie
lieu de fon peierinage , & fa conduite lui
patoifloit fi julte , fi fainte & fi pleine de mi- fericorde , quelle fe trouvoit fouvent dans des fentimens de joie tons differens de ceux qu'on eprouve dans les choles 011 les fens ont quelque part , £i fi purs qu'ils fe peuvent meler avec les plus grandes afflictions, fans qu'elles en puiflent alterer la douceur. Ce fut vers le meme terns que la mere
Prieure la pria de ne pas venir au choeur pendant quelqucs jours , & lui dit qu'on la mencroit entendre la Meffe a un Oratoire de l'lnfirmerie , qui repondou fur l'Autel: (. on lie lui en dit point la raifon , mais elle ap- prit apres fa fortie que c'etoic a caufe qu'une Dame nommee Houdin , bienfaitrice de la maifon , parentc de la mere Genevieve de l'lncarnation , etoit entree dans la maifon pour quelques jours, Sc avoit un grand de- lir devoir ia Prifonniere ). Elle alia done entendre la Meffe tous les
jours en cette Chapelle. » II n'y a point de *> lieu au monde , dit-elle , oti j'aie eu tant « de devotion. Elle eft derriere l'Autel, Sc s^ on entend diftinctement toutes les paroles *> du Pretre ; au lieu que dans le choeur , on x> etoit quelquefois al'Evangile.de la MefTe, w que je ne favois fi elle etoit commenced , 53 quand ce font des Prettes qui parlent bas. Cet Oratoire etoit pauvre , fans ornement
qu'un grand tableau de fepulture mal fait, iur un Autcl mal omi : cela excitoit la piete de la captive, qui fe regardoit commc cn- fevelie dans le meme tombeau , ne trouvant point de plus grande confolation que de fe voir veritablement par fon etat au rang de ceux a qui Saint Paul dit, qu'ils font morts Sc que leur vie eft cachee avec Jefus-Chrift |
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de la mere Angetique. 485
en Dieu. ■>■> Je vo'iois , dit-elle, des mer-
33 veillcs dans cettc condition , & il me fou- 3> viendra toute ma vie de la conciliation « que j'y ai goutee «. La devotion de la mere Angdlique pour cette Chapelle dimi- nua, depuis qu'a la place d'un Pretre de Saint Paul qui difoit fort bien la Mcffe , on fit revenir un Chapelain , qui la difoit avec une precipitation epouvantabie. A l'approche de l'Avent, pendant lequel . Elle fait de
le rameux Pere Nouet devoit prccher aux E„i,fe olj elle Annonciades , la mere Angelique pria la chante pref- mere Superieure de la difpenfer d'affifter an <)»<: touil'ot- Scrmon 5 & afin que cela ne parut point af- hce- fecte , elle ofFrit de continuer a ne plus aller au chccur. La propofnion fut acceptee; & pendant tout l'Avent, la Prifonniere ne fortic de fa prifon que pour aller avant le jour entendre la Merle dans la Chapelle de l'infir- merie, conduite par fa Geoliere. Mais elle fit de cette prifon une Eglife oil elle chan- toit prefque rout l'ofrice aux heures ordinai- res , les jours de Fetes. Elle chantoit de me- me ce que le chceur chante aux grandes Meffes, lorfqu'elle le favoit, & au moins le Kyrie , Gloria in excel/is, Credo, Sanilus , Agnus Dei , fuivant en efprit tout ce que le Pretre dit dans le facrifice. Le tems qu'el- le donnoit a entendre la Meffe de cette for- te alloit au moins a une heure & demie ; ainfi toute fa matinee fe trouvoit auffi rem- plie que fi elle eut etc dans fon monaftere. Les Dimanches elle faifoit la proceflion & 1'afperfion, jettant de 1'eau-benite par-tout pour chaffer routes les malices fpirituelles j fur fon lit pour chaffer 1'efprit de pareffe j fur la table ou elle mangeoit, contre la deli- cateffe; dans la ruelle quilui fervoit d'O- Xi;
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4S4 Relation abregie
ratoire , pour en eloigner la diftra&ion ; a
l'endroit od elle travailloir, pour la garantir de la curioiit£ Sc de 1'attache a fon ouvrage; mais fur-tout a la porte de fa chambre, de peur que l'efprit de fedu&ion n'y entrat avec celles qui tachoient de l'y amener. Sa joie en Les grandes Fetes , elle fe Ievoit lorfqu'el- oicu la" nuit 'e Pouvoit s'eveiller , quelquefois des mi- dans tine pri- nuit > & chantoit tout ce qu'elle pouvoit ion. chanter de Matines. « Pour ce qui eft de' 33 cela, dit-elle , je voudrois qu'on eut vu
33 combien cela eft beau & devot , de fe 3> trouver ainfi feule au milieu de la nuit 3j a benir Dieu dans une prifon en chantant 33 les louanges fans pouvoir etre entendue 33 que de lui, & fans entendre quoi que ce 33 foit qu'un profond filence au milieu de 33 cette grande ville.... cela a quelque chofe » de plus beau & de plus raviflant qu'on 33 ne peut dire. tanamouc Quoiqu'on ne refusat pas a la mere Ange- r-om 1.1 pau- ]jque |es cnofes <]ont: ene avoit befoin , qu on la prevint meme & qu on la pnat de
demander ce qu'elle voudroit, elle manquoic neanmoins fouvent de bien des chofes, par- cequ'elle croioit qu'il lui etoit utile de s'en- richir des trefors de la pauvrete , 33 dont je 33 n'avois jamais eu la clef', dit-elle, que 33 depuis que j'etois-la , la cliarite de P. R. 33 allant nop au-devant des befoins pour 33 donner lieu d'eprouver l'avantage qu'il y 33 a a pouvoir fe pafler de beaucoup de cho- 33 fes, qu'on ne s'apper^oit etre fuperflues 33 que quand on a fait l'experience qu'elles 33 ne font pas neceffaires , puifqu'on s'en 33 paffe bien lorfqu'on ne les a pas & quand 33 on n'ofe les demander. Au milieu de tous fes maux, elle difccr- |
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de la mere Jngelique. 48 f
noit tous ces biens & ces avantages; & quand Aflions de
Dieu l'appliuuoit quelquefois a confiderer le gracesquello . , rt, U ,1 ',, ■ r r fend a Dieu bonhcur de Ion etat, elle ne pouvoit le la- en congjj.
tisfaire dans les aftions de graces qu'elle rant le bon-
fe trouvoit obligee de lui rendre. » Car, heur de fon » dit-elle , laiffant a patt la nature qui ne *»t. 33 comprend rien dans les chofes de Dieu , 33 la foi me faifoit voir toutes fortes de 33 biens fepares de toutes fortes de maux, 33 dans cette condition ou ll m'avoit re- 33 duite«. Cette fainte fille admiroit la pro- vidence de Dieu fur fon ame, de l'avoir mife dans un <Stat ou tout lui etoit favorable pour faire penitence, puifque tout contribuoit a 1'humilier, a la feparer des creatures, a l'e- xercer dans la pauvret^ & la penitence, &c cela fans etre expofee a prefque aucune ten- tation que celles qui font inKparables de none infirmite. Ce que lui difoient fes Geolieres pour Ellefe Au-
la feduire ne fervoit qu'a l'affermir dans tifa da»s l*»" 1. 1 < i ■ t n •• 1 e li ir mour de la 1 amour de la vente , en voiant la roibleiie v»tjtj ar la
des raifons qu'on lui oppofoit. La conduite foiblerte des
de I'Archeveque a fon egard , qui pendant ralfonsqu'oa dix mois la lailTa auffi abandonnee de tout y °PP°ie- fecours pour fon ame que fi elle eut ete en Turquie , difTipoit l'illufion qu'on peut fe faire en s'imaginant que ceux qui font reve- tus d'une autorite route fainte , n'en ufent qu'avec juftice & charite. Elle mettoit me- me la durete avec laquelle on la traitoit, au rang des graces que Dieu lui faifoit : ainfi il lui fembloit qu'elle n'avoit rien a faire qu'a confentir a tout ce que Dieu faifoit pour elle, en lui difant avec la Cananeenne, etiam Domine. Elle avoir ecrit en gros carafteres & mis au bas de fon Crucifix ces deux mots , parcequ'en les difant ou les regardant feule- X iij
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486 Relation abregie
nient avec le confentement du cceur , il
lui fembloit qu'elle adoroit Dieu dans tout ce qu'il eft, dans tout ce qu'il veut & dans toutce qu'il fait & fera dans l/£ternit£. Elle fe trouvoit fi heureufe qu'elle n'avoit d'au- tre defir, finon que Dieu ne l'abandonnat point. Quelquefois meme elle ne pouvoit s'empecher de timoigner les avantages de fon etat. Rcprenons la fuite des exercices de cette
fainte Captive. Nous avons vu comment les matinees etoient remplies les Fetes & Di- manches, en forte qu'il ne lui reftoit point de tems apres fcs prieres & fes lectures. Les apres dines , eile lifoit dans les fermons de S. Bernard , dont elk faifoit quelques petits extraits. Elle eciivoit audi quelque chofe de ce que Dieu lui iufpiroit fur des verites qui la touchoient ou fur des textes de l'Ecritu- re , fur quoi elle eut quelques deffeins. Mais elle y renonca par la crainte d'etre furptife > & que ce qu'elle auroit ccrit ne tombat en des mains ennemies. Pratiques de Comme elle ne faifoit point d'exercice, pict^dela ste lle s'ami;cttit a fe promener le foir dans fa chambre, en recitant, pendant trois quarts d'heures que duroit fa promenade, des Li- tanies qu'elle s'etoit faites de toutes les foeurs des deux maifons de Port- Ro'tal, des Novi- ces , des Poftulantes , des amis & amies , See. & elle les offroit tous a Dieu Tun apres 1'autre, en difant a chaque perfonne miferere ejus ; elle ajoutoit a la fin d'autres prieres, comme des Pfeaumes. Elle s'etoit prefcrit d'autres petits exerci-
ces , pour s'aider de tout , & fur-tout de l'in- terceffion des Saints, dans un tems ou elle ctok piiYde de l'afliftance des homroes. Ella |
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de la mere Angelique. 487
prenoit tous les mois pour fon protectant
fpeciai un des faints Martyrs qui fe rencon- ttoit le tSde chaque mois. Ce jour etoit remarquable pour elk , parceque c'etoit de- la qu'elle datoit fa captivite\ Elle a toujours, dit-on, chante le Te Deumen action de gra- ces. Le mardi qui etoit le jour de l'enle- vement, elle difoit I'antienne Benediltio& claritas, & cela auffi bien dans fa plus gran- de affli&'ion , que depuis que Dieu l'eut con- folee, car dans tous les tems elle regarda tou- jours cette affliction commeunegrande mifd- ricoide de Dieu.Toutes fes inquietudes ne ve- noient que de l'apprehenfion de n'etre pas digne d'en bien ufer, & de ne point perfeve- ter jufqu'a la fin. C'eft ce qui lai infpiroit une devotion patticuliere a adorer le dernier foupir de Jefus-Chiift fur la croix; parce- qu'il lui fembloit que c'etoit par ce dernier moment de fa vie qu'il nous a patticuliere- ment merite la grace de la perfeverance, & qu'elle favoit & fentoit que notre foiblefle eft fi grande qu'il n'y a pas un moment ou nous ne puifflons perir. Avant toutes les heures de l'Office , elle
faifoit une invocation de la Sainte Trinitd, qu'elle avoit dreflee fur des expreflions ti- rees de S. Paul (4). Enfuite elle invoquoit la Sainte Vierge,'
les Saints Anges , faint Pierre & faint Paul, &c. Elles attribue a leurs prieres Sc a celles des amis, la grace que Dieu lui a faite de ne la point abandonnet a fa propre fragility. Une de fes craintes etoit que les amis ne priaflent pas aflez pour elle , fous le pre- texte qu'ils la croioient plus inftruite que quelques autres. (4) Page xij. X iii/
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488 Relation abregie
Voila quelles etoient les devotions cx-
traordinaires de cette fainte fille, qui dans fa captivite a eprouve que Dieu n'a point attache fa grace aux mutailles des Temples; car elle fe trouvoit fouvent plus recueillie en chantant dans la ruelle de fon lit, qu'elle nel'etoit quelquefois dans le chceur de P. R. Sa petite Eglife fut audi confacree par des reliques des Martyrs, qui y repoferent plu- fieurs femaines , Madame Rantzau les lui aiant confiees, en la priant de garnir une chafle qu'elle deftinoit a les renfermer. Ce qui donna un jour occafion a la mere Ange- lique de dire a cette Dame, qu'elle lui faifoit cette grace , parcequ'elle favoit que les prifons font les temples des Martyrs , puifque ce font eux qui les ont les premiers confacre'es, a caufe dequoi elle ne jugeoit pas leurs reli- ques indignement placees dans fa chambre. M. de Paris Le refus que M. de Perefixe avoir fait I"! r,cfufe les avant la f«e de la Touffaint a cette vier- EUe^Iui'ec'rit^2 cm'etienne d'approcher des Sacremens, le j de mars. *ut perfeverant. A Noel elle fe contenta d'e- crire un billet a la mere Superieure , ou elle marquoit les raifons , qui l'empechoient d'importuner le Prelat. La Superieure repon- dit a ce billet par un autre ecrit avec la durete & Tamertume qu'un faux zele eft ca- pable d'iufpirer. La Gaprive adora la con- duite de Dieu fur elle , fachant que J. C. n'eft pas attache a un feul mo'ien pour coni- muniquer fa grace,& que ceux qui participent davantage a fon aneantiffement & a fon hu- miliation peuvent fe confoler d'avoir plus de part au myftere de cette fete. Elle demeu- ra dans le filence jufqu'au 5 de mars, qu'en difant fon office le jeudi de la feconde fe- maine de caieme, elle crut devoir prendre |
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de la mere Angelique. 489
fujet de l'Evangile du pauvre Lazare, pout
dtmander des miettes a un riche qui ne les refufoit pas aux chiens & les otoit aux en- fans de Dieu La mere Angelique faifoit voir clairement dans cette lettre, qu'elle n'ctoit pas coupable de defobeiflance ; puis elle ajou- toit : pour moi je fuis perfuadeet quoi qu'il ar- rive , que c'efl un moindre malheur d'etre mime redulte a fouffrir que Von nous refufe les miettes qui tombent fous la table de Jefus- Chrifl, que de s'expofer en I'offenfant a ne pouvoir obtenir dans toute Veternite tine gou- te d'eau pour adoucir le feu de notre fupplice. Quelques jours apres , une des meres lui ap- On Im com-
portade la rait de Mad. de Rantzauqui etoit ^unique un
it l / ■ r i • • i* r cent fur 1 o-
malade , un ecnt, ians lui nen dire, nnon b^iffance i»
que cette Dame la prioic de le lire. C'etoit reponfe.
un recueil de quelques paflages de l'Ecriture & des Peres fur i'obeiflance due aux juge- mens de l'Eglife 8c des Superieurs, dont on faifoit ['application a raffaire de P. R. La mere Angelique ecrivit a ce fujet une excel- lente lettre, ou elle declaroit a Madame de Rantzau , que c'etoit fe donner une peine inutile de prouver qu'on doit obeiflance Sc foumiffion aux Miniftres de Jefus-Chrift& de l'Eglife , puifqu'il fufEfoit d'etre chretien- ne & religieufe , comme elle l'etoit,pour etre difpofee a donner fon fang pour cette verite , comme pour tous les autres points de la creance de l'Eglife. Elle difcute en- fuite les textes du recueil, & fait voir que tous font faurTement appliques a l'affaire de P. R. Cette lettre, que la mere Angeli- que a inferee dans la relation de fa capti- vity , ne fut point envoice a Madame de Rantzau; parceque cette Dame etant venue voir la Prifonniere , celle-ci fe contents de Xv
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4S>o Relation abregee
iui dire de vive voix ce qu'elle penfoitde fort
ecrit , fans vouloir lui dormer fa lettre. A l'egard de celle qu'elle avoit dcrite a M-
l'Archeveque pour lui demander la permif- fion de communier a Paque, elle rut fans efFet. Rien ne pouvoit etre plus fenfible a une ame d fainte, qu'une telle privation,. Mais elle eprouva en cette occafion, com- me en plufieurs autres pendant fa captivite , 33 qu'il eft prefque toujours vrai , ainfi. 33 qu'elle le dit, qu'orc fouffre davantage par 33 I'apprehenjion anticipee des chofes avant 33 qu'elles arrivent , que des chofes memes 33 lorfqu'elles font prefentes , & qu'il n'y a 33 point d'avis plus important & plus utile 33 dans ces occafions que celui de l'Evangile, 33 de ne point penfer au lendemain «. Long terns avant les fetes de Noel 8c de Paque, elle n'ofoit penfer qu'elle paflerok ces fetes fe- paree de la communion , fans fentir une emotion 8c un attendriflement fur elle-meme qui lui faifoit redouter ce tems-la , non-feu- lement par ladouleur d'etre privee d'une fi grande grace, mais encore par une certaine crainte Tiumaine de fe voir expofee aux yeux de toute la maifon , comme une miferable. que Dieu rejette & que FEglife abandonne.. Mais Dieu l'a toujours tellement afliftee dans, ces rencontres, qu'elle temoigne ne pas fa- voir fi jamais elle a paffe ces fetes avec plus de confolation r felon 1'efprit. Revenons fur Ille affifto <>. nos s_ -fsjous avonsvii que la mere Ange- P. Nonet Ji- »lclllc 'ut pnee dene point venir au cnoeur
fuite, & i cc- pendant quelque terns. Elle y revint a Noel,
lui Ai'un au- s'y croiant obligee pour ne pas paroitre s'ex-
tre Jefmte,& communier elle-meme.
Knee C°d'im La cn"nte de caufer du fcandale , fi apres
iroi&me Je- avoir affifte a Yepres eile fortoic du cWur ,
fuitc
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de la mere Angelique. 491
pour ne point entendre ie Sermon , la deter-
mina a y rcfter le jour de l'Epiphanie que 1c Predicateut finiflbit fa ftation. Ainfi elle en- tendit pout la premiere &-dernicre fois le fa- meux Pere Nouet: « fort fermon , dit-elle ,' » fiut tout de I'amour de Dieu & affe%_ pathe- jj tique «. Elle affifta encore a deux auttes fermons , dont le premier preche par un Je- fuite venu du Canada fut fort utile pour elle. » Car il ne fut que de la neceffite & des » avantages de la fouffrance , qu'clle eft la 3) marque des Elus, & que la perlecution eft » la recompenfe de la jultice. Le fecond fut une conference fur la re-
novation des vceux , que les Annonciades font le jour de l'Annonciation. Le Predica- tes etoit un vieux Jefuite des plus anciens de fa Compagnie , nomme le Peredu Breuil , qui parloit encore fan vieux gaulois, mats qui dans le fond fit un difcours tout-a-fait fiolide, & qui fuppofoit les bonnes maximes de la grace. La mere Angelique dit qu'ellc eut une fiatisfattion particuliere de voir la grace viBorieufie dans la bouche de fes enne- mis , quand mime ce ban homme ne le feroit pas perfonnellement ; car toujours , dir-elle , il ■ en parte I'habit. Apres la ceremonie , la Su- perieure parlant a la mere Angelique de ce vieux Jefuite , lui dit qu'il etoit confefleur des Jefuites , ce qui lui donna grande com- panion , de ce bon homme , qui prenoit fur fa confidence les peches de ious les autres defia maifion. Depuis fon arrivee aux Annonciades , la 0n m j,
Prifonniere avoit toujours dte enfermee jour tient phis en- &. nuit fous trots pones; maisune religieufe fermec foas de cheeur qu'on fubftitua a une Converfeclets* qui etoit fa premiere Gcoliere lui Liiffa ua X vj
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45>* Relation abregee
peu plus de liberte , ne fermant pas fi exadle-
ment fes pones. La mere Arigelique a'iant offert enfuite a la fuperieure d'en agir a fori dgard comme on en agit a i'egard des pri- fonniers de guerre qu'on laifTe aller fur leur parole , avec promeiTe de fa part, qu'elle ne parleroit a perfonne, & qu'elle ne forti- roit pas plus de fa chambre que lorfqu'on l'y tenoit enfetmee , on cefla de fermer les por- tes , & quelques jours apres on lui laiffa la liberte de fortir feule aux conditions qu'elle avoir propofees. Ce fut au commencement de fevrier qu'on lui donna cette efpece d'e- largifTement. °" !l" *P" Elle apprit dans le meme mois la chute t"de la four ^e 'a '"oeLir Gertrude , qui l'eronna & l'af- GenruJe , & fligea beaucoup , mais fans l'ebranler. Col- on lui dit que les qui lui annoncoient cette trifte nou- la mere A- veue ? iuj alant fait entendre, pour achever pofle'a fllde Taccabler, que la mere Agnes etoit prete gner. Sa dou- ^e figner & qu'elle avoit demande a parler leur. a quelqu'un , elle demeura dans le moment comme une perfonne ajfommee. >= Je n'ai de
m ma vie lien fenti de pareil , dit-elle, & 53 je crus que j'en mourrois. Je ne pouvois =3 plus refpirer & mon pouls droit tout ren- *> verfe de l'agitation d'efprit epouvantable =3 ou je fus plufieurs heures. Car ce ne fut 33 pas feulement l'apprdhenfion d'un fi grand 33 malheur qui me troubla ; mais ce fut des » penfees fi accablantes fur la conduite ter- =3 rible de Dieu , s'il le permettoit, que j'ap- 33 prehendois le naufrage de ma foi, tant 33 cette tempete l'avoit agitee «. La chute de la mere Agnes, fi elle etoit
arrivee , & le fcandale qu'elle eut caufe lui paroifToient une chofe fi contraire a routes les ptomeiles de Dieu & la jettoknt dans un |
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nripgKr- "
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de la mere Angelique. 49 £
It terrible effroi, qu'elle ne cro'ioit plus rien
voir fur quoi affefmir fa confcience pour ef- perer en Dieu , s'il abandonnoit une telle ame. Elles fe perdoit dans les terribles vues qui lui venoient la-deflus; & fi Dieu, a qui elle fe tenoit attachee, ne l'eut lui-meme tenue par la main , elle alloit fe no'ier com- me S Pierre par I'hefitation de fa foi. Elle demeura long-tems profternee devant Dieu , refiftant tant qu'elle pouvoit a ces reflexions qui I'accabloienc. Mais l'orage etoit nop grand, Sc elle ne pouvoit venir a bout d'arrc- ter l'ancre ferme de fon efperance. Enfin apres bien du tems, bien des larmes & des cris , plutot que des prieres , tout en un mo- ment Dieu tendit le calme a fon efprit par un mouvement vif qu'il lui donna de s'ap- puier fur la verite de fes promefles par une foi aveugle qui ne cherche pas des preuves & des experiences , parcequ'elle doit avoir un fondement plus immobile qui n'eft autre que la parole de Dieu-meme. Vers le meme-tems elle apprit que les foeurs
de Bregis & Briquet avoient et£ enlevees & exilees ; elle benit Dieu avec une extre- me reconnoiflance de la grace finguliere qu'il faifoit de fi bonne heure a ces deux jcunes fceurs , grace qu'il n'accorde meme que ra~ rement a ceux qui fe font confommes dans fon fervice pendant plufieurs annees. Cette joie qu'eut la mere Angelique en cette occa- iion fut bientot fuivie d'une vive douleur, lorfqu'elle apprit apres Paque la maladie Sc la fignature de la fceur Fran^oife Claire, dont on lui annon^a la mort le lendemain. Dans ces circonftances , la reffource de la fainte Prifonniere etoit de recourir a fon refuge ordinaire } la priere & la parole, de |
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494 Relation abregee
Dicu. Elle le fit dans celle-ci, & ouvrant fit
Bible, ces paroles fe prefenterent a fes yeux : Prov. 5. jaculum & gladius & fagitta. acuta homo qui loquitur contra proximum fuum falfum teflimonium. Ce qu'il y a de remarquable, la meme chofe arriv'a a la fceur Euftoquie exi- Ice a Saint Denis, qui aiant ouvert fa Bible dans la meme circonftance tira le mime Ver/et. Elle fait l'e- La mere Angclique s'etant trouvee fort xamen fince- mal avant le careme , elle crut devoir met- re du fond tic par ecrit fes fentimens pour prevcnir en defoncocur. cas de mottle fcandale qu'on pourroit pren- dre de l'etat dans lequel on l'auroit laiffee mourir. Cet ecrit fe trouve dans la relation de fa captivite fous ce title : examen Jincere du fond de mon cceur aufujet de la fignature : c'eft une apologie fans repliqie , dans la- quelle elle fait voir, de la maniere la plus convainquante , qu'elle n'eft point coupa- ble de defobeiiTance en refufant la fignature. II paroit par l'examen qu'elle fait dans cet ecrit dufond de fon coetir , que la faute pour laquelle on la prive des Sacrcmens eft vrai- ment le piche imaginaire. Vers la fete de Paque les bonnes meres
commencerent a exhorter leur Prifonniere a ne point la laifler pafier comme les autres, fans communier ; & comme la Superieurc la prerTbit, elle repondit que , *> regardant la » fignature comme un peche mortel, on de- al voir bien juger qu'elle auroit plus d'e'loi- *> gnement de le commetre a la fete de Pa- ss que qu'en un autre terns, & qu'elle ne » voudroit pas repandre !e fang de Jefus- » Chiift avec fes bourreaux pour manger 35 fon corps avec les Pideles. Les religieafes voiaat l'jatiepidi^ de cetse
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de la mere AngeUque. 49 f
victge chrdtienne , effa'icrent de 1'ebranler _ . . „_,.
par la crainte des nouveaux maux dont 11s nonce une lui firent entendre qu'elle etoit menacee. Ces bulle qui de_ nouveaux maux etoient une Bulle qu'cn at- voitl'excom- tendoit, par laquelle elle devoit etre excom- n)"111"- s* muniee, a quoi la Sup£rieure ajouta qu'elle IC?0 ne pourroit plus la garder dans fa maifon , & qu'elle prieroit M. l'Archeveque dc !a reti- ter : la Prifonniere repondit avec fermete , qu'elle 53 etoit a Dieu , qu'il feroit d'elle « tout ce qui lui plairoit, & qu'elle crai- « gnoit plus de fe feparer de lui en l'offen- =' fant , que d'etre excommuniee pour lui » avoir ete fiddle- «. Ces reponfes & beau- coup d'autres qu'elle faifoit dans 1'occafioii, Ies raifons folides qu'elle donnoit defa con- duite , deconcertoient fouvent les meres geolieres. On peut meme dire que quclque- i'ois elles faifoient fur leurs efprks dcs im- preffions femblables a celles que firent autre- fois les paroles de S. Paul fur le Roi Agrip- pa , mais c'etoit la femence qui tombe fa-; le grand chemin, oii les oifeaux du Ciel la mangent: les Jefuites qui conduifoient cetre maifon, venant auflitot, empechoient les ef- fets qu'eflent pu produire les paroles de vie qui fortoient de la bouche de cette vierge chretienne. D'un autre cote, M. de Rantzau- ne contribuoit pas peu a entretenir ces re- ligieufes dans leurs prejuges. Cette Dame livroit fouvent dcs attaques a la Prifonniere. 3> Une fois en parlant de ces menaces d'ex- » communication , elle difoit que c'etoit » une chofe horrible d'etre excommuniee » du Pape. La mere Angelique repon- dit gravement . » qu'il n'y avoit qu'une » confolation , qui eft qu'il arrive quelque- » fois que les lucceffeuis de S. Piene irni- |
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49^ Eolation abregee
" tent un peu fa promptitude a tirer I'epe'e,
» & qu'ils frapenr trop-tot comme lui, fans n attendre la permifllon de Jefus-Chrift ; » mais qu'alors Jefus-Chrift gudiit, comme » en ce tems-la , l'oreille qu'ils ont coupee , " & augmente interieurement la foi &. la " charite a ceux qu'on a fepaves fous pretex- 33 te de defobeiffance «. Elle ajouta ■» quelle » efperoit qu'il leuren arriveroit ainfi, fi on " les excommunioit injuftement. La nouvellede la Bulle ne lafurprit point,
car elle croi'oit encore pis des affaires & s'i- maginoit qu'on mettoit tout a feu & a fang. Lorfqu'elle entendit a la MefTe du Dimanche dans foctave de 1'Afceufion ces paroles de l'Evangile , abfque fynagogis facient vos , elle dit en elle-meme , ajfurement on public la Bulle aujourd'hui, ce qui fe trouva vrai. En voi'ant depuis le Mandement , elle eut une grande confolation de penfer que Jefus- Chrift avoit regarde les religteufes de P. R. en difant : ut cum venerit hora eorum} remi- nifcamini quia ego dixi vobis, Ce Mandement fut apporte deux jours
apres par le fameux M. Chamillard, dont la Prifonniere n'avoit point oui parler depuis foil enlevement. Le Porteur voulut la haranguer & lui debiter fes raifons ordinaires , mais il perdit fes peines. Apres cette vifite , la mere Angelique , que ces bonnes Meres avoient engagee a leur faire des cuvrages en cire , leur temoigna qu'elle defiroit n'emploier plus le tems que Ton lui laiffoit encore a vivre , qu'a la priere. C'eft ce qu'elle fit depuis la publication de la Bulle , ne cefTant de de- mander a Dieu qu'il lui fit la grace de la fortifier , afin qu'elle fut digne de le fui- vre par-tout oil il lui plairoit de la conduire. |
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de la mere Angeliqiie. 497
Elle&oit peifuadee qu'elle mourroit dans (on
exil, & n'envifageoit que cela , afin de n'e- tre furprife de rien. C'eft pourquoi elle' fut extremement fur- Admlrablel
prife, lorfque Madame de Rantzau alia le^^,. i juillet lui annoncer que M. 1'Abbe de la jcs die ap- Mothe etoit venu de la part de M. l'Arche- piend fa de- veque, pour favoir d'elle C\ elle feroit bien livtance. aife d'aller trouver la mere Agnes a fainte Marie, & que peut-etre de-la on la meneroit a P. R. des Champs. Elle aflifta ce rneme jour a un fermon , dans lequel le Predica- tes parla de la fin & de l'utilite des vifites chretiennes. Cette rencontre avec le cbange- ment d'etat dans lequel elle alloit entrer, fit une forte impreffion dans fon efprit fur l'a- vantage de la retraite d'oii elle alloit fortir & fur les tentations inevitables qui accom- pagnent la converfation extdrieure avec les creatures. Elle fe fentit tout-a-fait indiffe- rente a ne point defirer ce changement, mais a ddpendre abfolument du choix qu'il plai- roit a Dieu de faire pour elle. Elle fut fi oc- cupee de cela devant lui , qu'elle n'ecouta plus le refte du fermon ; & dans ce fendment, dit-elle, je n'aurois pu dire ni oui ni non , Ji on m'eut demande ce que je dejirois ou de- demeurer ou de fortir. Ce qui lui infpiroit ce fentiment, c'eft que fa folimde I'aiant accou- tumie a ne plus fe regarder que toute feule dans le monde avec Dieufeul, it ne fe pre- fenloit que cela d'abord a fon efprit. Nous laiffons au Ledeur a faire fes reflexions fur des difpofitions fi parfaites, Sc fur le deta- chement & le renoncement a foi-meme dans un degre auffi eminent & aufli furprenant. Car quel eft homme, qui fut indifferent a fortir de prifon pour fe riunir avec ce qu'il |
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49 8 Relation abregee
a de plus cher au monde} je me donnai dortc
a lui, ( a Dieu ) continue cette admirable vierge chrctienne , dans line entiere indiffe- rence , ce me fembloit, & je le priaimeme avec les paroles de S. Andre , qu'il ne permit point qu'on me detachat de fa croix ,parceque fen avois connu lavertu & l'utilite,& qu'tn quelqu'etat qu'il lui pint de me mettre , je de- Jirois d'y demeurer attachee avec lui & y mou- rir comme lui ; Elle a regarde depuis ces fen- timens comme les vaux df fon cozuryqueje me fuis obligee , dit-elle , de rendre a Dieu, quoique je ne les ale pas prononces de mes levres. Et je veux bien en les ecrivanl avoir des temoins que je fuis engagee a fouffrir tout te qu'il luiplaira , & in carcerem & in mor- <:crrimenstem ire > avec Je/us-ChriJl. d-s Annon- Les Annonciades etant aiTurees qu'elles fe- o.ides pourroient bientoc dechargees de leur prifonnie- . I,r'fon_ re , lui temoignerent avec plus de liberte route l'affeiEtion qu'elles n'avoient ofe lui faire paroitre , pendant que l'obeiffance les en<2;ageoit a lui tenir lieu de geolieres. La Superieure en lui parlant de fa fortie, eut plus d'une fois les larmes aux yeux, & lui dit que fi elle eut figne , elle ne favoit fi elle auroit jamais pu fe rcfoudre a fa fortie. La Prifonniere repondit aux marques d'amitie qu'on lui donnoit, 33 ne temoignant aucun *> empreffement pour fa delivrance , parce- ls qu'elle ne failoit en cela que fuivre la m difpofition oii Dieu la mettoit , qui la 33 rendoit indifferente aux chofes & aux 33 circonftances, pour ne point vouloir ea *> quoi que ce foit prevenir fon ordre par fes m defirs. Madame de Rantzau , qui a l'exception
de rankle de la fignature 3 en ayoit ties |
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de la mere Angelique. 499
.bien agi avec elle, lui donna toutes fortes
de marques d'affection. La mere Souprieure ne lui temoigna pas moins d'amitie , & l'af- fura qu'elle n'avoit point eu d'autre peine que d'avoir ete contrainte d'en agir a foil egard, comme on les y avoit obligees. La mere Angelique de fon cote fit une recapitu- lation de tous les bienfaits qu'elle avoit re- $us d'elles, pour leur faire voir qu'elle en avoit de la reconnoiffance. Elle n'oublia pas les inftances qu'elles lui avoient faites dans une occafion,de prendre leur habit pour affifter a la veture d'une fille. , ou le Pere Senaulc devbit precher. Elle rappella les foins qu'elles avoient eus de fa fante , en lui faifant un ordinaire a part,les jours qu'elles ne man- geoient pas maigre. Elle leur dit qu'elle etoit honteufe de ce qu'elles l'avoient trop bien traitee pour une prifonniere , Taians mife au rang de leurs fours, jufqu'a vouloir lui donner part a leurs fetes les jours qu'on traitoit la Communaute. La mere Angelique ajouce que cela lui avoit donne tant de fcru- pule , par la crainte d'avoir part a la fimo- nie , parcequ'elle croioit que ces feftins etoient du marche , qu'elle avoit effaie tous les mo'iens de ne point manger de ce qu'on lui donnoit ces jours-la. Mais la crainte de les fcandalifer lui fit prendre un milieu , qui fut de ne manger que de ce qui etoit com- mun , 8c de lailfer l'extraordinaire , comme les pates, bifcuits, &c. Ce fut dans cette occafion que la mere
Angelique apprit de quelle maniere les An- nonciades, preflees parM. de Paris, avoient confesvti par la crainte de fe brouiller avec Jui, .a la recevoir dans leur maifon , contre \me maxime de leur regie , qui defend de le- |
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506 Relation abregee
cevoir aucune religieufe etrangere; & a la-
quelle elles etoient fi ^troitement attachees , que pendant la guerre de Paris elles s'etoient mifes mal avec des perfonnes de cqnfidera- tion & de leurs amies, pour n'avoir pas vou- lu recevoir des religieufes eirangeres proches parentes de quelques-unes de leurs fxurs. Ce- la donna occafion a la mere Angelique de faire une fage reflexion fur les efFets du faux zele qui s'autorife de la regie , en refufant d'affilter de pauvres religieufes, donr le falut depend peut etre de rencontrer un afile pour fe fauver des perils du monde ; & qui pafle par-deflus la regie lorfqu'il s'agit de recevoir une religieufe innocente pour la tenir en cap- tivitd & prendre ainfi part a l'opprerTiori d'une Communaue perfecutde , en fe rendant minifhe de l'iniuftice qu'on fait a des reli- gieufes innocentes : c'eft ainfi qu'on fe dif- penfe dela regie pour faire du mal, & on ne croit pas qu'il foit permis de s'en difpen- fer pour faire du bien. Apres avoir fait fes remercimens, la mere
Angelique demanda comme une grace de voir la Communaute pour fe recommander a fes prieres, & la permiffion d'embraffer la foeur Marie-Cherubine Chapelain, qui avoit une tante & deux foeurs religieufes a P. R. ou elles etoient mortes,. & oii elle avoit etc1 elle-meme penfionaire. La Souprieure, a qui la Prifonnierc avoit fait txtte demande , per- mit de folliciter le lendemain ces permif- jfions , mais des ce jour meme, z juillet, a neuf heures du foir on la vint prendre pour la conduire aux Saintes Maries du Faux- bourg S. Jacques, d'oii elle fut transferee a P. R. des Champs, comme nous l'avons rap- port^ ailleurs (j). ($) T. 5. p. }87&fuiv.
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i*y~ - -
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de la mere Angelique. 501
De toutes les relations des religieufes de
I\ R. , qui ont ete captives, la plus detaillee & la plus importante eft celle dont nous ve- nons de parler. II feroit bien a fouhaiter qu'elle eut £te & quelle fut encore entre les mains de tant de vierges chretiennes , qui ont ete &c qui peuvent etre encore reduites en fervitude : elles yauroient appris & y ap- prendioient que la terre de captivite n'eft pas comme on le croit, un pais qui devore fes habitans, mais que le fond en eft tres fertile quoiqu'il ne foit pas arrofe par les fleuves de la terre comme l'Egypte , parce- que la pluie volontaite que Dicu y fait torn- ber quand il lui plait, y produit des fruits plus doux que Ton n'en recueille par-tout ail- leurs. En puifant dans cette relation des lu- roieres pour fe foutenir dans un dtat qui paroit li terrible a la nature , les religieufes capti- ves auroient appris quelles font les confola- tions que Dieu repand dans le cceur des per- fonnes qu'il y appelle ; & que les larmes qu'on y verfe font remplies de confolation & d'un plaifir faint 8c plus grand que toutes les joies du monde. Une vierge chretienne, reduite en fervitude comme la mere Angeli- que, a caufe dejfon amour pour la verite', ad- mirant la conduite &c la mifericorde de Dieu fur elle, regardant Jelus-Chrift comme fon Paftcur aufli applique a elle que li ellc etoit la brebis de la parabole de Nathan, fe perd dans l'admiration de fes graces , & fe fortifie de plus en plus dans l'amour de la verite' , pour laqueile Dieu lui fait la grace de fouffrir. |
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A C T E
TESTAMENTAIRE
De la faur Anne - Marie de Sainte
Eufioquie de FlefceU.es de Bregy. J5 J E fouffignee , quoique depuis mon re-
jj tour en cette maifon de Port-Roial des 33 Champs, je me fois jointe & unie a tous *> les adtes , appels, proteftations & autres, m que nos fours qui etoicnt a P. R. de Paris » ont faits depuis mon enlevement dudk » monaftere le 19 novembre 1664, & par 33 confequent a celui de moit qu'elles fi- 33 rent le 7 juin 1665, neanmoins je crois 33 devoir renouveller & confirmer fade que 3; j'avois commence a drerter aux Urfulines 33 de Saint Denis , & que je n'avois pu ache- » ver a caufe de l'extreme captivite ou j'y 33 etois reduite, afin que (i j'etois afTez mal- 33 heureufe , ( ce que je prie Dieu de ne pas 33 perrnettre ) pout me rendre a quelque fouf- » ciiption contre Janfenius, ou contre les 3j perfonnes qui nous ont toujours condui- 33 tes , toutes les perfonnes equitables me 33 rendent cette juftice de croire, que cette 33 fignature ne feroit qu'une chofe involon- 3> taire, extorquee par force ou par adreffe, » un effet funefte de la mifere humaine, ou 33 enfin un abandonnement terrible de Dieu , »-'qui auroit peut-etre puni en moi par un 33 jugemenr qui me remplitde frai'eur, quel- 33 que paffion fecrete, & quelque cupidite in.- »3 jufte, par un jugement ti«. jufte. » Je declare done en la prefence de Dieu ,
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Acle Tejlatnentaire. 505
» & avec la meme fincerite que je le von-
33 drois faire , fi j'etois prete de paroltre de- 33 vant fon tribunal fi redoutable , & de tom- 33 bet eritre les mains de ce Dieu vivant, 33 que je n'ai vefufe la fignature , & ne pei- 33 fifte dans le refus , que par le feul engage- 33 ment de ma confcience, fans confidera- 33 tion humaine , fans prevention d'efprit, 33 fans attachement a mes propres lumieres : 33 que plus je confidere cctte affaire, plus je 33 vois clairement que je n'y puis pren- 33 dre part, fans violer la verite & la chn- « rite ; ce qui n'eft pas un moindre cri- 33 me, felon S. Auguftin , que de violer 33 la faintete de Dieu meme : que le but de 33 la fignature dans l'efprit des ennemis de 33 la veritable grace de J. C. eft impie , 33 puifqu'il tend a la miner-: que fon exac- 33 tion eft contre l'ordre & la difcipline dc 33 toute PEglife : que cette fignature contient 33 la fauffete , la calomnie , l'impofture , le 3> menfonge , le jugement temeraire , le faux 33 ferment , & l'injuftice la plus malicieufe : 33 qu'elle ne peut avoir d'autre fuite que 13 l'dtabliffement d'un grand nombre d'er- 33 reurs, & fur-tout l'herefie de I'infailUbi- »3 liti : & qu'ainfi , dire que Dieu peut nous 33 infpirer de la faire, c'eft dire que Dieu >3 peut etre oppofe a lui-meme, & qu'il peut 33 nous porter au violement de fes Comman- 33 demens les plus inviolables; & dont en 3> effet il ne peut difpenfer, felon un Pete , 33 qu'en ceffant d'etre jufte , d'etre bon & 33 enfin d'etre Dieu. Je fuis done tres per- 33 fuadce que la fignature ne fe peut faire 33 par principe de lumiere & de verite, mais 33 bien par un effet de cct enchantement 53 dont l'amour des chofes de la terre & la |
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504 Acte tejlamentaire
'■> crainte des hommes eft la caufe, & qui
» obfcurcit dans nos ames la connoiffancc *> 8c l'amour da veritable bien. Soit que " je confulte les lumieres de la foi & de I'E- » vangile, ou que je confidere la conduite " des hommes dans cette affaire, je trouve « que ce jour & cette nuit m'etabliffent n fortcment dans cette divine fcience,qu'il eft » uniquement bon de s'attacher a Dieu , » qui eft la verite , & d'aimer aufll parfaite- » ment & purement la juftice, que de hair 11 parfaitement l'iniquite. Je reconnois avec » adions de graces, que c'eft Dieu par fa » pure mifericorde qui m'a donne ces fen- 5 timens, que c'eft a fa feule proteftion que 3 je dois attribuer le defir de lui etre fidelle > & la confervation de ce defir dans un etat
5 ou tout confpiroit a me le faire perdre. Et > j'efpere que comme c'eft fa grace qui nous
■> a delivrecs & qui nous delivre, ce fera > elle auffi , qui accomplira cet ouvrage, en
> rendant notre delivrance parfaite , enforte
. que jamais l'injuftice ne nous domine , & > que le pied des fuperbes ne nous ebranle
1 jamais, & ne faffe jamais fortir les notres ■ d'une voie auffi fainte que celle oti il nous
- amifes, qui devroit etre le fujet de notre ■ joie & de notre allegreffe toutes les fois
que nous y penfons. C'eft ce que je fupplie de tout mon cceur tous ceux qui verront cette prefente declaration , de lui deman- der pour moi , afin que je puiffe etre de ces ames dont le Prophete Ifa'ie a dit : ceux qui fe confient au Seigneur , change- ront de force, ils prendront des ailes com- me l'aigle , ils courront & ne fe lafferont point. lis mnrcheront & ne tomberont point dans la defaillance, paiceque c'eft |
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de la fieur Eufl.oqu.ie. 5 o J
» le Seigneur qui donne de la force aux per-
33 fonnes foibles & fatiguees , & qui augmen- => te le courage & la generofite de celles qui 33 ne le font point, c'eft-a-dire, qui demcurent m toujours dans lefentiment de leur bafTefTe » & de leur neant. Je les conjure de tenir 33 pour nul tout ce que je pourrois faire de » contraire aux fentimens que je leur expofe » dans une declaration que je veux Sc en- 33 tends qui foit regardce comme une dernie- » re votonte , 8c de ne l'attribuer qu'a la foi- y> blefle & a l'accablement, ou 1'afHiaion , » la maladie, & les importunites d'une infi- « nite de perfonnes peuvent reduire. Je con- 33 damne & retra&e par precaution tout cc « qu'on pourroit me faire faire dans un e^at » qui ne fut pas abfolument libre; & je pro* » tefte a toutes les perfonnes qui auroient » travaille par elles-memes, ou par d'autres, » a m'arfoiblir & a m'engager a cette injufte 33 lignature,que j'appelle d'elle au tribunal de » Jefus-Chrift , dont elles veulent etonffer 35 l'efprit en moi ; que je prens fon fang ado- 33 table pour temoin contre eux, puifqu'au » lieu de le vouloir boire avec moi, en par- » ticipant au calice de fes fouffrances, elles 33 travaillent a le repandre & a en faire per- 33 dre le fruit a mon ame. Je prie Dieu 33 qu'il ne permette pas que ce malheur ar- 33 rive a qui que ce foit, mais que plutot 33 par la vertu de ce fang prdcieux que je » prens pour temoin & pour avocat , il 33 rende dignes d'etre exerces avec nous tous 33_peux qui nous exercent & de laver leurs 33 ames dans le fang de l'Agneau. Et pouc »3 temoigner la fincerite de cetre declara- 33 tion, & que je m'eftimerois heureufe de * donner ma vie pour la Y^i'ite , comme Tome Fill. Y |
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506* Acte tejlamentaire j &c.
55 Jefus-Chrift memc a livre la fienne pout
33 lui rendre temoignage , je figne le prefent 33 Acte teftanacntaire de mon fang , & je 33 fouhaiterois de le faire pafier par devant 35 Notaite, fi l'etrange captivite, oii nous 35 fommes ne nous en otoit le mo'ien. Fait as & figne dans notre Cellule du monaftere 35 de Port-Ro'ial des Champs ce 18 juillet si 166 j , fceur Anne-Marie de SteEuftoquie. |
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RELATION
A B R E G fi E
De la captivite de la fceur Madeleine
de Sainte Chrijline Briquet. ta fain- I jA fceur Briquet fut enlevee par M. l'Ar-
Btimiet eft cheveque Ic ijdecembre 1664, comme nous kTteiTgfeufts1'^0118 raPPor^ aiIleuts W ' & conduit£
dc sainte Ma. Par f°n Aumonier chez les religieufes de tie. Sainte Marie , pres la porte Saint Antoine. Cette vertueufe fille, fe vo'iant arrachee du
lieu oil elle s'eioit confacree a Dieu , eut le cceur ddchire en autant de parties qu'il y avoit de perfonnes dans la communaute dont on la f^paroit; mais d'un autre cote elle etoic ravie d'admiration de la grace que Dieu lui faifoit de fouffrir pour fa verite. Etant arri- vee dans le lieu de fon exil elle appercut dans la chambre du Tour une image de la paffion de Notre-Seigneur, devant laquelle elle fe mit a genoux , reconnoiflant qu'il n'y avoit 14) T. j. p. !8?,
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Relat. abreg. de lafceur Briquet. 507
plus pour elle que Jefus & Jejus crucifiL L'apprehenfion qu'elle avoit toujours eue d'e- tre relegude dans une maifon de cet ordre , a caufe des liaifons de ces religieufes avec les Jefuites, lui fit juger qu'elle auroit bien des mortifications a efluier ; c'eft pourquoi. elle s'offrit a Dieu , refolue de tout fouffrir , fans jamais rien temoigner de ce qui lui fe- roit de la peine. Elle fe mit fous la protection de la mere Angelique, la priant de lui faire reflentir les effets de fa charite', & prit la re- folution d'obferver tout ce qu'elle favoit que cette Sainte Abbeffe auroit pratique fi elle fe fut trouvee reduite dans le meme etat. Auffitot qu'elle fut entrde dans la maifon, son entree
fe mettant a genoux devant la Superieure , daus la mai- elle lui dit qu'elle venoit dans fa maifon par fo11- l'ordre de M. I'Archeveque , qu'elle s'efti- meroit heureufe d'y vivre dans la folitude fans prendre part a rien , uniquement occu- pee a prier Dieu &c a faire penitence. Elle lui promit de lui rendre une entiere obcif- fance en tout ce qu'elle pourroit defirer d'cl- le , qui ne feroit pas contraire a ce qu'elle devoit a Dieu. La Superieure la recut ailez froidement, & lui repondit que e'etoit un grand point de dire qu'elle venoit pour obeir, & ajouta qu'elle prioit Dieu qu'il lui en fit la grace. On la mena enfuite a la Chapelle de Saint
Iran^ois; apres quoi la mere de Ponthar- fon "iQ ce train vint la prendre pour la couduire dans fa prifon. Elle commenca par vifiter fon fac, oil elle trouva les ConfeJJlons de Saint Auguftin , avec I'Imitation , la Vie de la. Vierge, & le Cceurnouveau : la Geoliere lui dit 5 cm'on venoit Qt qu'il faudroit faire de Yij
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Jo8 Relation abregee
ces Livres , » parceque M.l 'Abbe de Blam-
=■> pignon leur Superieur, avoit abfolument 33 defendu qu'elles en luffent aucun traduic =» ou compofe par les Janfeniftesct. La Pri- fonniere aiant repondti , qu'elle n'avoit point de Livres que M. l'Archeveque leur Supe- l'ieur ne leur eut pcrmis de lire , elle fut fa- tisfaite , & lui apporta le lendemain les Li- vres du P. Saint Jure & du P. Hayneuve. L'apres dine la Superieure vint la voir,
lui parla aflez froidement, & d'une maniere qui fit voir a la fceur Briquet qu'on lui avoit donne des inftruclions fur fon compte. Elle lui dit qu'elle avoit refuie d'abord de la re- cevoir, aufli bien que pas une de fes fcc-urs, jrcais que M. de Paris Ten avoit prefTee ; elle ajouta qu'elle penfoit que la fceur Briquet aiant a fortir de fa maifon, elle n'etoit pas fachee d'etre dans la fienne plutot que dans une autre. La Prifonniere repondit fort /implement que
non , » parce qu'en y venant, elle accora- « pliflbit la volonte de Dieu , & non la fien- » ne , & qu'elle ne fe regardoit plus que « comme une per forme qui eft en Purgatoire , 33 qui n'a plus d'autre foin que celui de fa- « tisfaire a Dieu pour fes peches, & qu'elle 33 feroit auili contente pour ce fujet d'al'er 33' en Canada ou dans un cachot fi on vouloit 3> l'y mettre cc. Le lendemain la Superieure vint encore la voir, lui parla avec bonte, 8c lui dit de 1'envoi'er chercher lorfqu'elle le ju- geroit a propos, pour la rejouir, parccqu'elle ne doutoit point que dans 1'etat ou elle e^oir, elle n'eut fouvent de mauvaifes heures a puf- fer. La Prifonniere apres l'avoir remerciee , lui dit qu'elle n'aprehendoit point d'avoir de mauvaifes heures, puifqu'elle ne pouvoit re- |
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de tafcmr Briquet. Jo«f
garder comme telles , les heures que Dieu
lui donnoit pour accomplir fa volonte, 3C qu'elle ne cherchoit point d'autre confola- tion que celle qu'elle trouvoit au pied de fon Crucifix. Trois jours apres, la Prifonniere fe$ut la Vifite de
vifite de Madame Bignoa , qui lui fir offre Madams Bi" de fervice. La feule chofe que fa foeur Briquet g lui temoigna defirer, fut d'avoir la liberti* de paffer tous les jours une demie heure de tems devant le Saint Sacrement; ce que cette Da- me lui obtint, non fans difficulte , & a con- dition que ce feroit le matin enfuite de la Meile. Madame Bignon pria la Sup^rieurC de ne lui point parler de fignature ; elle ne lui en parla point les trois premieres femaines; mais elle lui fit des calefies exceffives, qui lui etoient plus penibles que tout ce qu'elle eut pu lui dire. La fceur Doublet, qu'on avoit aflociee a la mere de Pontchartrain , en qua- lite de Geoliere, faifoit la meme chofe. La Supeiieure avoit trop de penchant a taSupMeu-
parler de fignature , pour pouvoir garder Je 'U1 Prgchc long-terns le filence fur ce fujet. Le bref ar- u (lSnamre* rive a Paris le 7 ou 3 de Janvier , dont elle fut auffitot informed par M. d'Evreux & par les Jefuites , lui en fournit une occafion a. laquelle il ne lui fut pas pofilble de fe refu- fer. Elle le fit done , mais avec fi peu de fucces , qu'elle finit par prier la Prifonniere de confultcr quelque perfonne habile qui fut neutre & definterefTee. Ule ofFrit meme d'ert envoier chercher a cent lieues de Paris , &C de faire les frais, fi elle n'en trouvoit pas d af- fez habile dans la capitale. La Prifonniere qui n'avoit pas befoin de confulter pour fa- voir fi elle offenferoit Dieu en fignant un fait qu'elle ne croioit pas , la remercia de ces Yiij
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510 Relation ahregee
offies obligeans, qu'elle n'accepta point. De-
puis ce tems la Superieure jugeanc que la par- tie n'^toit point egale, elle cefla de parler direftement de fignature du formulaire , &c fe renferma dans des difcours generaux fur I'obeifFance , citant des pafTages de l'Ecriture & de S. Francois de Sales, qui contenoient des verites, dont la foeur Briquet etoit bien inftruite & bien perfuadee; mais qui ne prou- voient point, dit-elle , qu'il y eut du mal a douter d'unfait contefti , ni qu'on futobligi d'obeir aux hommes plutot qu'd Dieu. Quelquefois la Superieure , reprenant cou-
rage apres avoir recu des lecons des Je- fuites , venoit les repeter a la Prifonniere , qui y repondoit foit par fon filence iaeme, foit par la fagefie de fes difcours. La mere Chevalier, que Ton fubftitua a la mere de Pontchartrain en qualite de Geoliere (7), fie audi des exhortations a la foeur Briquet fur la fignature , dont elle nous donne une idee affez jufte , en difant que la fignature eft urt fujet qui fait quafi extravaguer les fages qui la veulent perfuader , comme il femble qu'il fait au contraire parler raifonnablement les plus Jimplts & les plus ignor antes a qui Dieu fait la grace de la refufer. Deux fois le jour , la mere Chevalier (8) faifoit une forte d'ex- hortations fur un fujet qui fait extravaguer (7) La mere de Pont- lui apprendre des nouvel-
chartrain flit nommee Su- les de la mere Agnes, &c.
pericure des filles de la (8) La mere Chevalier Madeleine fur la fin du changea beaucoup de fen-
mois de juivier 1665 : timent au fujet des reli-
e'etoit une bonne reli- gieufes de Port-Roi'al, &
gieufe , qui avoit eu d'af- t£moigna depuis a la foeur
fez bonnes maniercs pour Briquet plus de bonti
la Prifonniere, & qui lui qu'elle n'en auroit jamais
donnoit la fatisfaaion de ejperi.
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de tafceur Briquet JIT
fit fdges mimes ; & lorfqu'elle n'en avoit pas
le loifir , la focut Marie-Angelique y fup- pleoic. Celle-ci n'ofoit neanmoins lui par- ler beaucoup de fignature , Sc fe contentoit de lui temoigner un ardent defir de la voir foumife (9). Un jour la mere Chevalier s'e- chauffant plus qu'a l'ordinaire , elle dit a fa Prifonniere , qu'elle « ne pouvoit s'empecher » de croire qu'elle etoit poffedee & enfor- » celee , puifqu'il etoit impoffible qu'elle put » fans une caufe furnaturelle , petfeverer " dans un etat, ou elle n'etoit confolee ni » foutenue de qui que ce foit, furtout £tant » jeune. Oui , fans doute il dtoit impoffible que
la foeur Chriftine put perleverer dans un tel £tat fans une caufe jurnaturelle. Mais la caufe furnaturelle qui la confoloit & la fou- tenoit dans une fi grande epreuve , etoit la force de la grace. Si la mere Chevalier avoit eu autant de bonne foi que les Enchanteurs de Pharaon , elle auroit dit le doigt de Dieu eft lei. Cette bonne mere s'emporta encore une autrefois contre la Prifonniere parce- qu'elle rejetta la propofition qu'elle lui fit de confulter un certain Pare Damafcene , dont elle lui fit un grand eloge. Rien cepen- daiit n'etoit plus fage que la conduite de la foeur Madeleine-Chriftine , rien de plus con- forme a ce que S. Paul & apr«:s lui les Pe- res de l'Eglife enfeignent, favoir que lorf- qu'on eft inftruit & perfuade de la verite , il ne faut plus rien ecouter , & etre pret de dire anatheme a quiconque nous enfeigne- (9) La four Doublet ree dans fa maifon, quoi-
etoit une religieufe ties qu'aflez jeune. k ifetvenu:, & fort confide- , Yiiij
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511 Relation abregie
roit quelque chofe de contrairc a ce que
nous avons appris. La chute de celles des religieufcs de P. R. qui tomberent, ne vint que de ce qu'clles ne fuivirent pas cctte maxime , dont on ne peut s'ecarter fans s'ex- pofer au naufrage. La fceur Chriftine , qui avoit refufe de
confulter fur un fujet fur lequel elle n'avoit aucune difficulte , accepta neanmoins Toffre qu'on lui fit d'affitter aux conferences que les Jefuites venoiem faire aux religieufcs; tou- tefois elle n'y a/fifta point, foit qu'on flit content de fa docilite , foit pour d'autres rai- fons. Ce fut un gain pour elle. Pour faire ju- ger de ces conferences , elle rapporte fur la parole de trois religieufes ce qu'un Jefuite oebita un jour dans une de ces confe- rences , pour leur faire voir jufqu'oii va la condefcendance des Peres de la Societe a l'e- gard des p^cheurs (10). Perfonne ne les ac- <ufe d'en manquer. v (10) Ce Jeruite ( qui qu'il lui promettoit de ne
Vraifynblablement eft ce- lui point parler de confef- lui a qui l'avants:re eft ar- fion , mais qu'il croi'oit rivee ) leur raconra qu'un qu'il vouloit bien faira jeune homme de condi- des aftes de foi, de edi- tion , apres avoir parte trition & autres neceflai- fa vie dans le libertinage , res pour bien mourir.Le etant tombe malade a malade y confen.it ,& le 1'extremite , ne vouloit Jefuite les lui fit faire. po nt entendre patler de Puis il lui ilemanda , s'il confertion ,8c vouloit ce- vouloit bien faire un pendant bien recevoir les cchange avec lui de Fes autres Sacremens. Un Je- bonnes cruvres, &c de lui fuite aYant ete appelle , donner fes pecbes. Le aulfiiot qu'il 1'appcrcut, malade aecepta I'otfre. T e il s'ecria qu'il n'avoit que Jefuite ceda routes fes faire d'approcher , qu'il bonnes ceuvres, prit tous ne vouloit point fe ion- les peches fur fon comp- ferter. Le Jefuire lui dit te , donna l'abfolution it n'avoir point peur , & fe retira. Puis il reyiRt |
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de la faur Briquet. 51 3
Vers la mi-careme la fceur Chriftine eut
la confolation d'apprendre des nouvelles de M. de Sevigne , qui lui euvo'ia 1'excellent ouvrage intitule , la rtligieufe parfaite £• imparfaite. Mais le Livre tie lui fut remis qu'apres la decifion de M. de Paris , qui de- clara que c'etoit lui-meme qui avoit permis qu'on le lui donnat, Sc qu'il l'avoit approu- ve. La Superieure en le lui remettant malgre elle, dcclama beaucoup conue le Livre 8c contre la mere Agnes qui l'avoit compofe. Sur la fin d'i careme la Superieure raiou-
vella fes careil'es Sc fes exhortations, fe per- fuadant que la Prifonniere figneroit pour ob- tenir la communion ; & fut ce qu'elle luidit qu'elle confentiroit de voir M. Cheron, ou. M. de SainteBeuve, ou memeun desGrands- Vicaires, elle ecrivit a M. de Paris , & lui donna quelqu'cfperance qu'elle fe rendroit. Le Prelat fiatte de cette efpc ranee repondic a Theure meme , marquant qu'il feroh ac- count promptement pour [avoir ce que la chere four Briquet dafiroit, s'il n avoit ete arreii par un fort gros rkiime. Ne pouvant done account, il envo'ra un Grand-Vicaire, qui vo'rant que la fceur Briquet n'ecoutoit ni fes faux railonnemens , ni fes ptojets d'accom- modement, s'en retourna en difant qu'il l'a- voit trouvee plus opinidtre que jamais, Quel- tc die au malade que ne peine, apres quoi le Je-
fachant pas quels etoient fuite lui adminiftra le
les peches dom il s'etoit Viatique , & il mourut
charge, ilne pourroits'en peu apres. Il app.ivut la
confefler , que cependant nuit au Jefuite 8c le re-
il avoit dctTcin dele fai- merciade 1echange , qui
re ne voulant pa&fe dam- lui avoit valu lc Paradis
Ber. Le malade ne les re- au lieu de l'enfet qu'il
tardant plus comme les avoit merite.
ens , les lui racowa fans Yv
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5 14 Relation aire gee
que douleur qu'eut la fceur Chriftine de fe
voir privce des Sacremens , elle etoit dans une grande tranquillite. Elle effuia diverfes attaques de la part de la mere Chevalier & de la Superieure. Celle-ci fur-tout lui parla avec beaucoup de durete ; & en lui faifant entendre qu'elle la regardoit comme une impie , lui dit que fa tendreffe & fa compaf- fion pour elle etoit entieremznt changees en in- dignation , & que toute la communaute etoit dans les memes fentimens. Elle ajouta beau- coup d'autres duretes encore plus gtandes, jufqu'a lui dire, qu'elle s'etonnoit comment la terre pouvoit encore la porter, comment les foudres ne tomboient point du ciel pour la re- duire en cendre , qu'elle etoit pire qu'une Athee , &c. » que leur defobeirTance etoit » un li grand fcandale qu'il ne pouvoit etre *> expic que par la deftructron de leur rno- n nairere , qu'elle louoit Dieu de ce qu'elle » arriveroit bientot , puifqu'au moins ce » fcandale feroit en quelque forte repare 35 lorfque Port-Roi'al feroit aboli ". C'eft ainfi qu'etoient traitees les religieufes de P. R. , c'eft-a-dire , les plus faintes filles qu'il y eut dans l'Eglife , fans autre crime, que la charite & la deiicatefle de leur conf- cience, & un attachement inviolable a la fincerite chr&ienne , qui ne leur permettoit pas d'ailurer avec ferment un fait dontelles doutoient & qui etoit abfolument inutile a leur falut. M. de Saci, comparant le traite- ment qui leur avoit ete fait par des religieu- fes , avec celui qu'il eptouvoit lui-meme a la Baftille de la part de gens de fac & de corde, avouoit que Dieu le traitoit bien doucement (n). Ce qui fait dire a M. Fon- (i i) » M. l'Abbc, (dit » M. Fontaine parlant de
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de lafaur Briquet. 525
tsinc (it) , que 53 la comparaifon des reli-
5= gieufes avec les geoliers de la Baftille, »= feroit un outrage infupportable, (i l'expe- « rience n'avoit faic voir que Tun eft un bien 33 preferable a l'autre,& que rinhumanite des » filles, & des fillcs confacrees a Dieu , a 5j furpafTe route la brutalite des homines &. 33 des hommes fans pietd, aux portes d'une » prifon j qui ne font partages qu'entre « deux paffions,qui rempliflent toute leur vie, 33 une avarice bafle Sc une grands ivro- =3 gnerie. Ce fuc le jeudi de la femaine de Paque ,
que la Superieure rraita la fceur Briquet de la maniere dont nous l'avons rapporte. La Pri- fonniere poffedant fon ame en paix, ecouta tout avec tranquillite , & fe contenta de dire modeftement qu'elle n'entreprendroit pas de juftifier fon innocence, & qu'aiant fujet de croire que Dieu vouloit l'numilier , il lui fuffifoit qu'il vk le fond de fon cceur 8c qu'il fiit temoin de fes fentimens. Ce qui deplut encore a la Superieure. Le famedi de Paque la fceur Chriftine ap- Bonnes 8c
t>rit par le canal de la fceur Ifabelle-Aenes , la mauvaifes c i rv J ' * r■ r nouvellcs f ermete que Dieu avoit donnee a les fceurs qu-eiie a„.
prend.
» M. de Saci) fe voi'ant 33 devotion a toutmen-
33 avec ces ames btutales ■» ter bien ponftuelle-
33 comnaroit ces gens de 31 ment de pauvres filles,
33 fac 8c dc corde avec 3) il avouoit que Dieu le
33 ces Cervantes fioftcieu- 33 traitoit bien doucement
33 fes , qu'on donnoit 33 de le mettre parmi ces
33 aux pauvres religieufes 33 ivrognes , 8c il trou-
33 de Port-Roi'al , lorf- 33 voir beaucoup plus
33 qu'elles etoient prifon- 33 d'humanite parmi ces
33 nieres dans des monaf- 33 dcrniers , que parmi
33 teres ', 6c ' lorfqu'il 33 ces religieut'cs fi cruel-
33 voi'oit d'un cote des 33 lement obeiirantes.Vies
33 filles de piete , qui 3) edifi. T. 4. p. 177.
j> mettoient toute lent <n) lb. p. 178. Y vj
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516* Relation alregee
de Port-Roial, pour rejetter tout ce qu'bri
leur propofoit de contraire a la verite & a la fincerite chretienne. Cettenouvelle la con- fola beaucoup. Mais elle fut fort affligee d'apprendre en meme-tems rextremite ou etoit rednire la foeur Francoife Claire. Elle eut enfuite la vifite de la foeur de Meau- peou, qui avoit obtenu pour une fois feu- Iement la permiffion de la voir: ( cette bonne religieufe qui avoit ete envoiee a P. R. avec la mere Eugenie en qualite de Geoliere, avoit quitte cette fonftion fi indigne d'une vierge chretienne pour retourner dans fa maifon ). Dans l'entretien qu'elle eut avec la fceur Chtiftine, elle lui temoigna.avoir beaucoup d'citune 8c d'affedtion pour les religieufes qui n'avoient point figne, & tres peu pour les Jigneufes , de la conduite defquelles elle M.Bignon na-V01t P°uit ete edifiee. I'exhorteala Quelques femaines apres Paque , la foeur fignaiure. Chriftine eut la vifite de M. Bignon l'Avocac general , qui a la follicitation de laSuperieu- re , l'exhorta a figner. Le Magiftrat emploi'a pour Vy engager , l'exemple de la foeur Fran- coife Claire : il l'afTura que M. d'Alet avoir ccrit a M. de Saint Nicolas qu'il etoit pret de rccevoir le nouveau formulaire. Sur quoi la Prieure qui etoit prefente , appuiant 8c encherilTant fur toutce que difoit le Magif- trat en faveur de la signature, ajouta qu'elle favoit de bonne part que M. d'Angers avoit tenu le meme langage que M. d'Alet. Ces nouvelles affligeoient la foeur Chriftine, quoi qu'elle n'y ajoutat pas foi, & lui caufoient beaucoup d'inquietudes. Un jour la fceur Angelique, qui de deux heures en deux heu- res avoit coutume de venir a fa chambre , meme a, des hemes indues, pour favoir ce |
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di tafaur Briquet. fttf
. %u*elle Faifoit, y etant entree avec une promp-
titude extraordinaire , elle lui die en riant , qu'elle venoit lui apprendre une bonne nou- velle, favoir que M. d'Alet avcit figne. Celte faujfete, dit-elle, me penetra de douleur , & me fit repandre beaucoup de larmes devant Dieu , dont lui jeul jut le tcmoin. Environ trois femaines apres Paque,elle
fut agreablement furprife du changement de fentiment & de difpofition qu'elle trouva dans la mere Chevalier, qui relevoit d'une maladie confiderable. Cette religieufe ne lui temoignoit plus que de L'eftime pour Port- RoVal Sc pour tout ce qui s'y pratiquoit; elle la prioit de confiderer que quand la fignatu- ie auroit ete un mal, ce qu'elle ne croi'oic pas, il auroit mieux vallu y confentir qua d'expofer un monaftere fi bien regie a etre ruine", puifque de deux maux il faut choifir le moindre. La focur Briquet crut que ce changement etoit Tcffet des entvetiens de la mere de Meaupeou , qui avoit ete. a P. R. avec la mere Chevalier; mais en meme-tems elle le regarda comrae un mo'ien dont le De- mon vouloit fe fervir pour lui livrer une nouvelk attaque , & dont Dieu la delivra par fa mifericorde. Elle penfa que l'intenrion. de la mere Chevalier etoit de l'engager a lui decouvrir les fujets de peine & d'afflidion qu'elle pouvoit avoir, mais e'eft ce que la Prifonniere n'eut garde de faire. la mere Chevalier continua neanmoins toujours de temoigner de la bonte a la foeur Chriftine y & de tacher de lui procurer quelque confo- lation ; elle alia meme trouver la Supericure & la pria d'ecrire a M. de Paris pour qu'il accordat a la Prifonniere la peimiflion da communier. Cette demarche attira a la fecur |
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"518 Relation ahregie
Chriftine de nouvcaux outrages de la part
de la Superieure ; qui alia la trouver 8c lui dit quelle e>oit furprife qu'elle eut penfe a faire cette demande dans l'etat oiielleetoit, apres avoir commit tant de peches mortels ; { elle en comptoit quatre) ; puis elle deman- da a la Prifonnicre ,fur quoi une petite fille de vingt arts qui fe mile de faire la loi aux Pa- pes & aux Eveques ,fe pouvoit appu'ier pour avoir la conjcience en repos , &c. La foeur Chriftine s'appuioit fur le meme principe que t'aveugle a qui les Pharifiens, dont la mere Superieure repetoit apeu-pres les raifonne- mens, vouloient perfuader que Jefus-Chrift n'etoit pas le Meflie. Le lendemain la mere Chevalier vint voir
la Prifonniere & lui temoigna etre affligee de ce que la Superieure n'avok point voulu tkrire aM- de Paris; elle la foilicita de le faire elle-meme, ce que la fccur Chriftine refufa. Depuis ce terns les vifrtes de la mere Chevalier furcnt rares Sc courtes. A'iant ete clue Superieure de Saumur , elle alia huit jours avant fon depart faire fes adieux a la fcEur Chriftine , qui lui temoigna qu'elle etoit heureufe d'etre fous la conduite d'un aurfi faint Prelat que M. d'Angers , .& elle n'eut pas de peine a la faire entrer dans fes lentimens. Le 31 de mai la Supericure vint dormer
avis a fa Prifonniere de la publication de la Bulk, & voulut lui faire peur de l'excommu- nication ; mais cette vkrge chretienne lui repondit avec fcrmete , qu'etant innocente elle n'avbit pas lieu de craindre que ks hom- mes puffent la feparer de Jefus-Chrift, ni lui faire perdre l'union fpirituelle qu'elle conferyeroic toujoars avec toas fes metnbres. |
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de la four Briquet. 51J?
La Superieure voiant fa fermete , la conjura
d'ecrire a fes parens avant qu'on fulminar. l'cxcommunication, pour les prier de lui cherclier quelqu'autre maifon , parcequ'elle ne pouvoit fe refoudre a fouffnr dans la fien- ne une heretique & line excommuniie. Le 17 mai M. Chamillard vint fignifier
la Constitution & le Mandemeut de M. de Paris a la fceur Chriftine, qui eut befoin de patience pour cffui'er pendant deux hemes de la part du Theologien de M. de Perefixe £c de la mere Superieure tous les raifonnemens faux & aflaifones d'un zele airier , que Ton peut emplo'ier pour la defenfe d'une mau- vaife caufe. Mais on lui fit furtout les re- proches les plus vifs fur des billets intercep- ts (13). La Superieure en aiant tire un de fes heures, le lui montra en difant qu'elle en avoit tant ecrit qu'il y en avoit des li- belles entiers. ( II nJy en eut que fix de di- couverts ). Une des chofes que la Superieu- |
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d'aucre le mSmc fecret,
& ainfi la four Chriftine & les l'eligieufes de P. R. entretenoient des rela- tions. Le fecret fut de- couvert, & on furprit (ix billets, que M. de Paris envoia a la mere Supe- rieure , lapriantde voir les libelles dc la fceur Bri- quet f & de prendre garde quelle avoit d faire a une creature plus fine qu'elle. Apres avoir decouvett le fecret de la fceur Chrifti- ne , on voulut s'en fervit pour lui tendre unpiege, mais elle s'en appercut 6t l'evita, |
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(M) La fceur Chriftine
avoit emploi'e un artifice innocent pour entretenit des relations avec fes fours. Ce qui reutfit pen- dant un terns affcz confr- derable. Elle demandoit des cai'ers manufcrits des conftitutions de P. R. ou au:res pajiers , & elle ecrivoitce qu'elle jugeoit a-propos entre les ligues , avec une efpece d'encre qu'elle appelle invifible , c'eft-a-dire, qui ne pa- roilloit point, mais qu'on avoit le fecret de faire re- parortre pour lire t'ecritu- «. Ou avoit de part & |
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1510 Relation ah regie
re defapprouvoit Ic plus etoit le ftyle pen re~
ligieux (14) , a ce qu'elle pretendoit. M. Cha- millard fe rnettant de la panic fit un crime a la four Chriftine de ce qu'elle avoit la vanite de citer du latin (ij). Quel crime I (14) Quoiqu'il n'y eut la Supetictire changeant
rien que d'innocent dans de ton parla da Formu-
ces billets, taut pour le lake & traita la Prifon-
fond que pour It ftile , la niere avec une durete
fceur Chriftine a nran- qu'on a peine a croire .-
moins la delieateile de elle lui die que fes crimes
confeience dans fa rela- etoient ft furprenans quel*
tioa de s'accufcr d'avoir le ne pouvoitpas compren~
eu tort d'en ufer de la ma- dre comment 11 ctoii pojfi-
niere doat elle l'a fait., ble qu'elle fermdt les yeux,
s'ttant divertie a rappor- &c- qu'elle s'itonnon que
ter Us chafes qu'on lui I'enfer ne s'ouvrit pas pour
avolt dues avec un flile I'englourir ; qu'elle holt
qui n etoit pas a}fe\ fe- opiniitre &fuperbe comme
rieux , nl conforme a I'e- Lucifer ; que fan orgueil
tat ou Dleu. la mettolt : &fon opiniatrete igalant
& elle lui rend graces , celles des Diables , la rtn-
de ce que n aiantpas re- doient plus criminelle*
connu cette faute par elle- qu'eux , parcequ'elle etoit
mime , & n'en pouvant plusvolontairea&c.1'oa%
etre avertie par d'autres , ces ttai'.emens combloienc
il avoit permls qu'elle en de joie la Ptifonniere loin
fit reprife par des perfon- de l'affliger.
nes qui nela d'.voientpas (15) On avoir refute a
ipargncr , & qu'ainfi il la fceur Chriftine lelivre
avoit pris foin lui-meme de Saint Jean Climaque ,
de la corriger. lit fceur que la fceur Ifahel!c-A-
Chriftine fit encore plus, gnes lui avoit envoi's (par-
comme elle s'etoit expri- cequ'il etoit traduit par
mee d'une maniere affez M. d'Andilly ): fur quoi
naive fur le compte de la la fceur Chriftine mar-
Superieure dans quelques- quoit dans un billet a la
uns de ces billets, elle la fceur Ifabelle , que puif-
fit prier de venir dans fa que Dieu avoir permis
chambre , ou elle lui en qu'on lui refufat la con-
fit fes excufes avec beau- folation qu'elle avoit vou-
coupd'humilite. La chofe lii lui donner , elle en
fe paffa ttjs bicn de part avoit une plus folide a
& d'autre, mais auflitot la plase , qui £toit «il4
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de la faurBriquet. jit
api'es que ce Doc~teur eut declame une de-
mie heure , la Superieure rcvint a la charge fur les billets , accufant la fceur Chriftine comme fi elle avoit commis un grand pe- cne , en tachant dans la captivite ou elle etoit reduite de fe procurer par un moi'en in- nocent des nouvelles de fes meres & de fes fours. Saint Corneille Pape & S. Cyprien fe rendoient-ils coupables en s'ecrivant du lieu de leur exil, pour fe confoler & fe foutenir mutuellement? Les Martyrs & les Confelfeurs etoient-ils criminels d'avoir des relations avec leurs parens & leu'-s amis, en trompant la vigilance de leurs Geohers ? M. Chamiliard voi'ant la fermete de cette
vierge chretienne cut aflez peu de pudeur pour dire qu'il avoi" vu des heretiques a Geneve, doiu I'opiniatrete n'egaloit point la fienne ; a quoi la Superieure ajouta qu'elle empiroit tous les jour* ; &• que quoi qu'elle fut bien cntetie lorfqu'elle forth de PortRoiaL
J ,, ■ J * J ■/■ j > n ce n etoit run en ccmparaijon de ce qu cue
etoit alon. M. Chamiliard , apres avoir fait
leclure de la Bulle & du Mandement, &
propofe {'indifference a la Prifonniere , s'en
retourna fans avoir rien obtenu.
ToLites les artaques qu'on livroit a la fceur
Briquet ne faifoient que l'affermir , & tous
les outrages dont on chargeoit cette epoufe
de Jefus Chrift , Ja combloient de joie de ce
qu'elle avoit part aux opprobres de Ion di-
vin Epoux. Ce font les difpofitions, ou nous
apprenons d'clle mime , que Dieu la met-
d'en etre privee pour ac- lard 8c la Superieure des
cornplir la- volonre de filles de Saiute Marie ,
Dku , qui iedit defidera- un des crimes de la fceiu;
biiiacjus inmanu hoflili. Chriftijie.
.Yoila fetou M. ClianjU-
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511 Relation ahregie
toit, Apres avoir rapporte 3 fans faire art-
cune plainte , k traitement indigne qu'elle eflui'a de la part de la Superieure dans k mo- ment mcme qu'elle venoit de lui faire une humble fatisfaftion au fujet des billets , elle ajoute : elle me la'tjfa comblie de joie de ce que j'eto'is fi heureufe que de voir accomplir en moi la promeffe que Jefus-Chrifl afaite a fes Difciples de leur donner part a fes op- probies. D epuis ce jour , dit-elle encore , je me trouvai plus fatisfaite que je n'avois en- core etc, & je ne penfe pas avoir eu en toute ma vie de meilleur terns que celui des fix der- nieres jemaines , que j'ai paffies dans cette maifon. De tels fendmens nous rappelknt ccs beaux jours de l'Eglife , oii Ton voioit lcs Martyrs temoigner leur joie de fouffrir pout Jefus-Chrift. Car on voit dans cette vierge chretienne les memes difpofitions, les memes fentimens , la meme joie , & la me- me tranquillity que nous admirons dans les Martyrs. Sa joie interieure n'etoit pas meme troublee par la crainte que quelques-unes de fes fceurs ne tombaflent, parcequ'elk etoit alfuiee que pcrfonne ne peut arracher des mains de Jefus-Chrift les ames que fon Pere lui a donnees. Ainfi elle n'etoit occupee qu'a adorer les ordres de la providence de Dieu, &a lui rendre des aftions de graces de ce qu'il la faifoit jouir d'une fi heureufe folitude ; folitude qui lui etoit d'autant plus chere , que lesraifons pour lefquelks onTy retenoit , lui faifoient trouver des avanta- ges que les anciens Solitaires n'ont jamais eus dans la leur. De plus elk avoit encore la confolation de n'y etre point entree par fon propre choix , mais par celui de Dieu; & I'accompliffement de fa volonte, dit-elle, |
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de la faur Briquet. 523
efl un charme, qui rend agriables Us plus
grandes afflictions. Dans cet itsx, elle n'attendoit plus que de
nouvelles croix, fans neanmoins fe mettre en peine dc les prevoir. Mais elle fut agrea- blement furprife , lorfque la mere de Mau- peou luidit le z8 Juin de la pan de la Su- perieure, que la mere Agnes avoir obrenu de M. de Paris la permiflion de retourner a Port-Ro'ial des Champs , & qu'il la lui ac- corderoir a ellc-meme , fi elle vouloir lui ecrire. Cetre nouvelle lui caufa beaucoup dc joie , mais •> la crainte qu'elle eut pour elle- » meme de defcendre de la croix & de faire » plutor fa volonre que celle de Dieu , fi » elle demandoit a fortir du lieu oii il ra- ja voir mife , fans qu'il lui donnat des preu- n ves plus certaines de ce qu'il vouloit qu'el- x> le fir, fut caufe qu'elle demeura quelque » terns fans rdpondre : ce qui furprit la mere » de Maupeou «. Ainfi elle demanda liuit jours pour prier Dieu de lui faire connoitre fa volonre avant que de prendre aucune re- folntion fur cela. Quatre jours apres , elle fe detcrmina a ecrire fur un billet de la mere Agnes que Madame du Plefiis lui fit voir, & fur ce que lui dit cette Dame dans la vifite qu'elle lui rendit. Elle ecrivit la lettre le jour de la Vifiration, &: le meme jour elle eut fon effet. Car a dix heures du foir la Supcrieure recut un ordre, envoia cher- clier la Prifonnicre , l'embralTa tendrement en lui difant qu'il y avoit un caroffe qui l'attendoit a la porte pour la mener a Sainte Marie du Fauxbourg Saint Jacques paflfer la nuit avec la mere Agnes. Elle fut tranfportee de joie en apprenant cette nouvelle , remer- cia la Superieure des bontes qu'elle avosc |
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"J 14 Relation ahregee
cues pour elle , alia a fa chambre prendre Cod.
breviaire & fes livres , puis a la porte ou elle trouvalecaroffe qui l'attendoit & dans leca- roffela perfonne qui lui etoit la plus chere an monde, & qui,comme elle le <Jir,lul etoit tout apres Dieu. Nous avons rapporte aiileurscc qui fepalTa entre ces deux faintes filles, & leur reunion a Port-Roi'al des Champs (i 6). On peut remarquer, que de toutes les re- ligieufes exilees , la fceur Chriftine fut celle fur l'efpiit de laquelle l'etat penible d'une dure captivite fit le moins d'impreffion, ou plutot fur laquelle il n'en fir aucune. Le« plus ft. mes ne furent pas exemptes de troubles 8c d'inquictude ; & fi elles ne furent point af- foiblics , elles eprouverent au moins quelques peines d'efprir. Mais la foeur Chriftine feu- le, quoique la plus jeune , non-feulemens ne fit aucune chute & ne reffentit point d'af- foiblilTement , mais elle n'eptouva pas la moindre dimculte. Elle vit toujouis la co- lomne de feu. La veiite fut toujours claire pour elle , fans aucun nuage & fans obfeur- ciffement. Elle ne fut cependant point me- nagce , comme on l'a vii, Sc on la tinr dans la plus etroite captivite , jufqu'a refufer aus deux Demoifelles de Nemours de la voir , quoiqu'elles temoignafTcnt en avoir une ex- treme envie. On le refufa audi a Mademoi- felle d'Aumale , & a Madame de Vendome. Celle-ci l'a'iant un jour appercue dans la Chapelle, appella la mere de Pontchartrain & lui dit : je voudrois bien voir la bonne mere de Port-Ro'ial. La mere de Pontchartrain repondit, » que M. de Paris avoit defen- se duqu'on la laiffat voir a perfonne. Quoi} |
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(i«) T. f. p. 388.
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de lafoiur Briquet. 525
53 repartit Madame de Vendome , efl ce qu'il
33 y auroit du danger que je lui diffe feule- 33 meat ban jour ? Madame , repliqua la is mere de Pontthartrain , c'efi un ordre 33 qu'il ne depend pas de nous de changer. 33 // nous efl difendu de la laifjer parler a 33 qui que ce foit. Bon jour done , s'ecria 33 la Princeffe , an moins prie^ Dieu pour 33 moi , puifque je ne faurois vous parler. 33 Madame , repondit la mere , elle n'y man- 3» quera pas. Ma bonne mere , repartit la w Princeue , je vous ai bien recommandie 33 aux prieres des meres Capucines , elles 33 prient Dieu pour vous & pour les bonnes 33 meres de votre maifon , afin que Dieu 33 vous infpire ce qu'il demande de vous. 33 Madame, repliqua la mere, votre Alteffe as lui fait beaucoup de faveur : elle en efl S3 infiniment redevable. Ma bonne mere, in- 33 (ifta la PrincefTe , vous ne m'oubliere^ 33 done pas ? Madame , elle n'a garde de !e 33 faire. Ma bonne mere, je ne manque point 33 de prier Dieu tous les jours pour vous. 33 Madame , ce lui eft un grand avantage 33 d'avoir part aux prieres de votre Altefle 5 33 elle lui efl fort obligee. Ma bonne mere , 33 je vous prie de prier Dieu pour man fils 33 de Beaufort , qui doit bientot partir pour 33 I'armee. Madame , elle le fera de tout fon 33 cceur. Pendant tout ce dialogue la fceur. 33 Chrifline etoit deborrt, eloignee de trois 33 ou quatre pas de Madame de Vendome ; 33 & a chaque'reponfe que mon truchement 33 faifoit pour moi , dit-elle , je faifois unt 33 profonde inclination , pour temoigner que S3 fi j'etois muette , je n etois pas four de, |
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I I N.
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«w
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MJWf^m
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• eg«f
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TABLE
ALPHABETIQUE
Des principales Matieres conrenues
dans ce Volume. |
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XiKakia ( Simon ) foli-
taire de Port-Roial. Sa mort ,415. Angran ( Catherine ) ,
veuve Beliii , amie de P. R. Sa mort, 40J. Arifte ( Jacques Emma-
nuel ), ami de P. R. Sa mort, 117 : note. Arnauld (Angelique de
Saint Jean ) , Religieufe de P. R. : fa derniere ma- Iadie , fes faintes difpofi- tions, 11, &c. fes der- nieres paroles, 17 : fa mort, 18 : fon eloge par M. Duguet , 453. Abre- ge de la relation de fa captivitc, 45J- Arnauld (Antoine)Doc.
teur de Sorbonne, fa fin , 2C9. fon eloge, fon vtai portrait, 159 , &c. 11 fe prepare a la mort , 164. fa derniere maladie , fa mort, iCj. Lettre du P. Quefnel fur fa mort, zS6. Inhumation de fon corps, |
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167. Toute 1'Europe te-
tentit de fes louanges , Rome meme , 169 , &c. Refutation des calomnies du P. Davrigni Jefuite coutre M Arnauld, 171, &c. fon Epitaphe , fes Teltamens, 1S0. fon cccur eft pottc a P. R. 183. Arnauld ( Henri) Eve-
que d'Angers , fa vie, fes vertus, fa mort, 144, &c. Arnauld (Marie-Ange-
lique de Sainte Therefe), Religieufe de P. R., idee de fa vie , 377. fa capti- vire , 378. fes peines d'ef- prit, 379, &c. moi'ens emploi'es pour la feduire , 3iz , &c. la mere Agnes la laiiFe a fon propre con- feil, ce qu'on doit penfer de cette couduite, 387, 8cc. Proteftation qu'elle fait avant que de figner le Formulaire , 390 1 &c* ellele figne, jJJ-.gemit |
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TABLE DES
de fa fignaeure, 394. re-
connoie I'illufion qu'on lui a faitL-, j 9 5. fe ttouve dans un etat afFreux , 39S. repare fa fame, 397. fa more, 198. Arnauld ( Marie Em-
manuelle J de Pomponne, eleve de P. R., fa more, Arnauld de Pompon-
ne , Miniftre d'Etat, eft rappelle a la Cour ,119. Arnauld de Luzanci,
folitaire de P. R. fa con- vection ,31, &c. fe re- tire a P. R., fes fainres occupations, 36, &c. fes bonnes qualites , 38. fa more, 39. B
JjAgnols ( Gabriel Du-
gue de) eleve de P. R., ia mort ,114. Barbereau ( Mademoi-
felle ) amie de P. R. fa morr, n;. Barmonte ( Francoifc
de la Croix de Villume de) Religieufe a P. R. fa mort , $0. Benoife ( Helene de Ste
Demetriade ) Religieufe de P. R., fa mote, 37s. Bergevin ( Madeleine
de Sainte Monique ) Re- ligieufe de P. R. 7 fa more, 30. fon attache- ment pour P. R. 31. Bocquillot ( Lazare )
Confefieur de P. R., fa vie, fa mort, 104 , 8cc. Bonnetie ( Louife de
Sainte Fare de la 1 Reli- gieufe de PoitRoial, fa |
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MATIERES. J17
mort, 164.
Borel ( Pierre} Con-
fefleur de P. R. Abrege de fa vie , fa mort, 114 , &c. Boulard I Elifabeth de
Sainte Anne ) de Ninvil- lier , elue AbbefTe de P. R., fa vertu , 370. Bourgeois, Docieur en
Theologie, Confeffeurde P. R. , Sa vie, fes ver- tus, fa mort , 141. Bregy ( Anne-Marie de
Sainte Euftoquic de Flef- celles de ) Religieufe de P. R., fa vie &c fes ver- tus , 46. rend temoignage ;i la verite , 48 , reiiile courageufemenc a tous Ies efforts qu'on fait pout la feduire , 49. eft enle- vee, 50. fon adieu a fes fceuts. , fi , &c. fa fortie de P. R. 54. fon entree aux Urfulines de Saint Denis, 5 6. gagne le cceut de fa Geoliere, c8. fes occupations chez les Urfulines , So. eerie a M. de Paris, pour lui deman- det la communion a Noel, 6i. on n'oublie tien pour l'afroiblir, fir. recoit la vifite de l'Ar- cheveque , fa fermete , 67. fes peines interieures & autres, «j, 70. eft vi- ficee &c tourmentee par fa mere ,71. demande la communion pafchale, 71. vifite de fa grand-mere, du Pere Louver Jacobin, du fieur Chamillard , de M. de Bregy fon Pere , 74 , Sec. de l'Abbe de Flefcelles fon frcre , 80. |
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BLE
P. R., fa mort, 11, no-
te 6. Coiflin, (Charles Cefar
du Cambout de ) fa con- verfion, fon attachement a P. R., fa mort, 371. CoiTart ( Denife de Ste
Anne ) de Flan , Relig. de P. R., fon courage , fa niodeftic , fa mort, 157. Couturier, ( Anroinet-
te Azelle le ) Religieufe de P, R. , fa mort, 407, Creil ( Marguerite de
Ste Euphtoiine de ) Relig. de P. R., fa mort ,111. D
D Efmares, ( ToufTaint-
Gui-Jofeph ) fes talens, 110. fucces de fes Predi-
cations , 111. envo'ie i Rome pour defendre la doctrine de Saint Auguf- tin, 12.1. fes perfecutions, 111, 114. fa mort, 11.4.
Domat, Avocat du Roi au Prclidial de Clermont,
ami de P. R. , foil zele pour la verite , Ces vertus 8c bonnes ceuvres , fa mort, 317,318, 319. Duval, ( Genevieve de
SteTherefe) Religieufe £ P.R. , fa mort, 150. F
JT Argis, ( Marie-Made-
leine du) eftelue Abbelle, 30. eft continues, 117. fe demet de fa dignite, fe prepare a la mort, 160. fa mort, 118. Feideau (Matihieu) f» "vie j J
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Ji3 T A
fort des Urfulines, 80.
fon enttevue avcc la fceur Anne Eugenie, 81. arri- ve a P. K. des Champs Sc y figne de foil fang ml Acre teftamentaire , 85. fon Afte tellamentaire , joi. fa mort, 8r. Brigallier ( Anne ) epou-
fe de M. le Couturier , amie de P. R. , fa mart, 1 io. Briquet ( Madeleine de
Sainte Chriftine, ) Relig. de P. R. , (a vie , fes vertus , fa mort, 1 j 5 , &c. Relation abregee de fa captivite , jo6. Buzenval, (Marie-Ma-
deleine de Sainte Agathe Chouart de ) Religieufe de P. R. , fa yerru, fa mort, 131. C
V^Erf, ( Candide le )
Profcfle de Maubuiiron , Religieufe a P. R. , fa mort, 8. Chemin, ( Charles du )
Solitaire de P. R., fa vie, fes vertus, fa mort, 137 , &c. Chouy , Agnes de la
Mere-Dieu de ) de Penfie- res, Relig. de P. R., fa captivite al hoTpice de la Creche , follicitations inutiles ou'on lui fait pour la faire uglier, fa mort, 143, &c. Clement < Hyppolirc-
AlKoineite) Touiriere de |
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M A T I E R E S.
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S*-9
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Tie , fes vertus, famort, verlion , 128. fe retire
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184, &c.
Foile, (Madame Tho-
mas du ) fa verm , fa more, 93. Foflc, ( Pierre-Thomas
du) temoignage qu'il rend a P. R ,fa mort,.;Sf >&<:• Foile , ( Madeleine de
Sainte Melthide-Thomas du ) Religieufe de P. R.; caufe de fa chute , la pre- emption , 55. fort de captivite , 54. figne & fe retracte plulieurs fois , 51s. fa mort, 517. |
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P. R. , 119. fes occu-
pations faintes, fa mort, ijo , &c. Harlai , (M. de ) Ar-
cheveque de Paris , fair nommer une de fes fecurs Abbefle de P. R. de Pa- ris, 101. famort, 294, 195. Harlai , ( Elifabeth-
Marguerite de ) AbbeiTe P. R. de Paris , peine qu'elle a pour accepter cette dignite , fa bonne conduite dans ce monaf- tere , fa mort, 101 , ice. Hermant , Chanoine de Beauvais, fes talens , fes vertus , fon attache- ment a P. R. , fes perfc- cutions , fa mort, 211 , £cc. I
JOfie, (Ma rguente de
Sainte Thecle ) eft touchce de Dieu , fa vocation a. l'etat rcligieux , 151 , 233, £cc. demaiide a la it eine de Pologne de fe retiter de la Cour , 8c ne l'obtient pas , 136. eft temoin ties ravages de; Suedois en Pologne, 137.. obtient de fe retiter pour venir a P. R. , 138. fon courage , danger qu'elle, court dans fon voi'age » 240. fe fait religieufe i P. R. 141. fa fermete dans la pcrfecution , 243. fa mort, 244. L 1 ,Uines, ( Louis-Char-
les d'Albert Due de > fa z
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VJllbert, Grand-Vicai-
re de Paris , eft choifi pour Superieur de P. R., 401. Girouft , ( Angcliqus
du Saint Efprit) des Tour- nelles, Relig. dc P. R. , fa mort, 229. Grange, Souprieur de
Saint Victor, eft Superieur de P. R. , 93. ouvre fa villte, 117. la termine , temoignage qu'il rend aux Religieufes ,15;. Grenet, Cure de Saint
Benoit, Superieur dc P. R. , fon zele pour fcrvir les Relig. fa mort, 86. Guelphes , f Leonard )
fa vie , fa vertu folide, fa mort, 181. note. H
jLJAmelin, ( Margue-
rite de Sainte Julie; fa mort, 40t. Hamon, (Jean) fa con-
Tome Fill.
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B L E
pour confulter M. PaviV
Ion fur la reception des Ordres facres , 314. re« fufe d'accompaguer M. Arnauld Jans fa retraite ; fa lettre a M. de Ilarlai qui lui caufe 'uchagrin, 31 j. fon differend avec M. Arnauld fur la grace , 317. fa dermere maladie, fa mort, 31S. Noailles (Antoine) Ar-
chevecj. de Paris, fuccede a M. de Harlai, efperan- ces qu'on fonde fur lui , 300. reponfe obligeanta qu'il fait a tine lettre des religieufes de P. R. fur fon elevation au Siege de Paris , 30?. fait vifite a P. R. , 3 ',6. bon mot de ce Prelat a l'occafion des religieufes de P. R. des Champs &c d'- celies de Paris, 409. il temoigne de la difpoiition a prote- ger P. R. des Champs contre P. R. de Paris, 409. O
V_7Llier , ( Sufanne )
Religieufe de P. R. , fori hiitoire , fa mort, 415 » &c. P
J. Erdreau, ( Dorotbee )
Abbef. intrufe de P.R. de Paris,'fafin,fcsremots,9f, &c. virion qui annoncc fa mort prochaine, , 99. feryice fait pour ellc k P. R. des Champs, tor. Pichard ( Brigide de Sainte Maure ; Religieufe de P. R. , fa mort, 377, |
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,y, TA
pietc , & fes progres dans
la vertu , fe laffe dans la voie du falut, fa raort, 215 , &c. M
M Arthe , ( Claude de
Sainte ) fa naiflance, re piuation de fa familie , in. fa piete des la jcu- neffe,fe HeavecP.R. ill. s'y retire, fervices qu'il rendaux religieufes, 113, &c. fa retraite a Courbe- ville , fa morr , ixf>. Midorge , Elifabeth-
Madeleine de Saint Luc ) fa vertu , fa mort, 407. M< nglat , Anne-Vic-
toire de Clermont) eleve de P. R. , ell Abbeffe de Gif, fe demet de fon Ab- bai'e, famott, 406. N
JN Ain , ( M. le ) fa
pieteJ fa mort , 361. Neecarfelle , ( M. de )
Eveque de Caftorie, fon affection pour P. R., fa mort, in. Nicole , ( M. ) fes pre-
mieres etudes, fes talens, 308. fes etudes de Philo-
fophie & de Theologie, 309. i! puife la Theologie
dans Saint Auguftin & Saint Thomas, 310. en- feigne les humanitcs dans les petiies Ecoles de P. R. , fe met fous la con- duce de M. Singlin, fe joint a M. Arnauld pour defcndre la verite, 311. fait un voiage a Alet |
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I E R E S. ;;i
menr de leur maifon , 1.
rccoivent une fceur Con- verfe , comment, 7 font faire un fervice pour la fceur Doroihee Perdreau , 101. Perte qu'ellcs font par la mort de difte- rentes perfonnes , 111 , &c. demandent le coeur de M. le Tourneux ,117. temoignage qui leur eft rendu par M. de la Gran- ge , 135. Dieu les confo- le pardesprodiges , 153. demandent la peimiflion de recevoir des Novices; font refufecs, 131. trait de leur chaite dans un terns de famine , 154. leurs demarches pout avoir un Superieur , 189- di mandent M. de la Bar- de , z9i. tout parott an- noncer leur ruine , 19?- ecrivent a M de Noailles fur fon elevation fur le Siege de Paris , 304 re- ponfe obligeante qu'elles en recoivent , 305. leur lettre au meme fur la pii- fe de polfeHion, 30S. de- mandent M. de la Roi- nette pour Superieur, 319. lobtiennent, 3iz. resol- vent la vifite du nouveau Superieur, 314. ptefen- tent Requete au Roi pouc fe defendre tontre leuts fceurs de Patis, 331. ac- cufations intentees centre elles d'avoir re9U des Novices con re l'ordre du Roi , 33.5 resolvent la vifite de M. de Noailles, 33«. celle des Confef- feurs extraordinaires,; 37. atteftation autiientique de Zij
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D E S MAT
Poirchaceau ( Sebaftien-
Jofeph du Cambout de ) fa naiflance , fes etudes, 1*4, i«? , eft touclie de Dieu , commencement de fcs liaifons avec hW. de de P. R., i» 6. cciit a M. Singiin pour fe mettre fous fa conduite , 167. a mi entretien avec lui , 169. vaa P. R. 170 ecou te la voix de l'Enchanteut & fait le voi'age de Rome, 171 , fe lie de nouveau avec M. Singiin , avis qu'il en recoir, 174. com- bats qu'il eprouve, 176. ttame fes chaines, 179. la grace continue d'agir fur fon coeur ; mauvais effet d'un voi'age de Bre- ragne , i8z. nouveaux avis qu'il report de M. Singiin, 185 ,8cc. renon- ce entierement au mon- de , i§8. quitte fes bene- fices ; fes dirferentes de- meures , 190 , tec. va demeurer a P. R. des Champs , fes occupations, 19;. fait un voi'age a Ro- me p<-ur M. dV-let, & on autre pour P. R. 194. fa rettaite, & fa vie a Orval ,197. &c- revient a Pans , 199. fa dernie- re maladie , zoo, fa mort, 103. miracle opere a fa morr,' zo6. concours du peuple qui le revere com- me un faint , 108. fon corps eft povte a P. R. des Champs, 109. tranf- fetea Magni , in Port - Roi'al ( les reli-
eieures de . des Champs, foUicitcnt le letabliffe- |
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._v:W
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B L E
vertus , fa mort, ; 93.
&c. Racine , ( Marie de
Sainte Genevieve ) fa mort , 14'. Richard, ( Jean ) Cure
de Triel, ami de P. R., fa mort , 114. Roannes ( Artus Gouf-
fiet Due de ) fa mort, 3l8. Roannes ( Chatlotte )
Gouffier dejfait voeu d'etre religieufe, fe marie au Due de la Feuillade, }. aflfligee de Dieu , recon- noit fa faute 8c tache de la reparer , 5. fa morr, fait un legs pour faire une religieufe Converfe a P. R., 6. Robert, ( Louife de Ste
Julienne )'a mort, 407. Rohan , ( Anne de ) Prin- ceffe de Guimenee , fom- maire de fa vie , fa mort, 10S , &c. Roi , (Guillaume le )
Abbe de Hauce-Fontaine , ami de P. R., fa vie, fa mott, 40 , &c. Roynette , ( M. de !a )
Grand.Vicaire de Paris , eft demande a M. de Noailles pour Superieut de P. R. , 315. aflifte a une ele&ion de l'Abbeflc, 320. eft nomme Supe- rieur , 311. faitfavirite en cette qualite , temoi- gnage qu'il rend des te- ligieufes, 314. fa mort, 401. S
OAci, (Ifaac le MaJtre
de) fa rctraice a Portf-, |
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>■). T A
leur innocence, 558. pre-
vention de Louis XIV contre elles , 373. elles font accufees d'avoir recti des Novices contre la defenfe qui leur avoit ete faite, fe junirient , 40;, 404. bon mot de M. de Noailles a leur occalion , 489. Pertes qu'elles font pat la mort de plufieurs petfonnes , 414 , 8cc. Deuil univerfel parmi el- les par la mort de leurs ptincipales meres , 419. Port-Roi'al ( les re!i-
gieufes de ) de Paris , tra- vaillent a la mine de P. R.. des Champs, 197. re- nouvellent leur tentative contre leurs foeurs des Champs, 330. renouvel- lent leurs pouifuites pour les depouiller de leurs biens, 407, 8cc. R
J^. Acine , ( Jean ) fa-
meux Poete , mouve- lnent qu'il fe donne pour obtenir de M. de Harlay un Superieut pour P. R. des Champs, 189, 191, 293. complimente M. de Noailles fur foil eleva- tion fur le Siege de Pa- ris au nora des Religieu- fes de Port-Roial, 300, &c. obtient de Monfieur de Noailles un Superieut pour P. R., ,19, 3zi, &c. fa mort, 37f. Racine ( Agnes de Sain-
teThecle) eft elue Abbef- fe de P. R. i«i. eftcon- tinuee, 315. ft vie, fes |
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D E S MAT
ponne, fes occupations,
5, fa derniere maladie , fa molt, 10 , &c. trans- port de fon corps a P. R. 15. fon eloge, 17. lettie remarquable de M. Ar- nauld fur fa mort , 18. relation de fa captivite, 410. T
J. Aconet , 'Chanoine
regulier de Saint Victor, eft Superieur de P. R., 89. fa mort, fon eloge, «it. Thibouft , Chanoine
de Saint Thomas du Lou- vre , fa vie , fes vettus, fa mort, 150 , &c. Tillemont, ( Sebaftien
le Nain de ) fes heureu- fes difpohtions des l'eu- fance , fon education , 344. fes etudes , 34S.
l'e:nde eft pour lui un afile conrre lcs perils , 347. fes qualites du cccur, 345. il va a Beauvais ,
3 48. il y recoit les ordres facres, 349. fe retire a P. R., puis a Tillemont, fa vie reglee , 5c labo- rieufe , 350. fa fidelirc a Dieu , dans les plus peti- tes chofes, 3yi. fon afli- duire a la priere , 353. fon de!k de coimoitre la volonte de Dieu pour la fuivre , fa tranquillity dans tous les evenemens, |
I E R E S. 533
fa confiance en Dieu ,
355. fes vertus, 356. ef- prir dans lequel il rravail- loit, 3 57. fa derniere ma- ladie , fa more ,358. fon corps eft pone a P. R. 360. Touches (Paul le Pelle-
tierdes) fa vie, fa more, 4iz. Tourneux , confefleur
de Pott - Roi'al, fa ma- niere de vivre dans le Prieure de Villiers , 114. fa mort, r 16. fon cccur tranfporte a P. R. des Champs 117. fes enne- mis le pourluivent apris fa mort , 118. Tronchai ( Madeleine-
Victoire ) Religieufe de P. R. , fa mort, 30 , 31. V
V Alois , ( Gertrude
du ) Religieufe de P. R. guerifon operee fur elle par rintercefiion de la mere Angelique Arnauld, Vertus , ( Catherine-
Francoife de Breragne de ) fommaire de fa vie , fa mort, 149 , &c. fon cceur eft tranfporte a l'Abbaie de Malcoue, ijj. Vertus, ( Marie-Claire
de Breragne ) Abbefle de Malnoue , fa piete , fa mort, xj4. note jy. |
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fin de la Table des Matieres.
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