-ocr page 1-
----------w, S
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL;
i
-ocr page 2-
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL
DEPUIS LA REFORME DE L'ABBAIE
jufqu'a fon entiere deftruttion.
TOME NEUVIEME,
A AMSTERDAM,
Chez JEAN VANDUREN.
M. DCC. LVII.
-ocr page 3-
HISTOIRE
GENERALE
D E
P ORT-R OIA L.
TROISIEME PARTIE.
Contenant la derniere perfecution
qui aboutit enfin a la mine
de ce faint monaftere.
LIFRE PREMIER.
Q<
oique le monaftere de P. R. i.
ait prefque toujours ete perfecute de- quPe' **,£*£
puis le terns de fa reforme jufqu'a petttcotl.
la deftru&ion , neanmoins cornme il
y a eu quelques armies de calme , &c
que d'ailleurs la perfecution a ete plus
ou moins violente, cela nous a don-
Tome IX.
                        A
-ocr page 4-
i. HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL,
ne occafion de diftinguer trois perfe-
cutions, dont la dermere a eniin ren-
verfe ce faint monaftere.
La premiere commenca en 1661 ,
8c
finit en \G6<) par la paix rendue a
PEglife. L'innocence de ces vierges
chreriennes ai'ant ete alors reconnue
par le fucceireur de faint Pierre , Cle-
ment IX, &c par M. de Pcrefixe liii-
meme , elles mrent relevees de l'op-
probre que leur avoit attire l'amour
de la verite & de la juftice , & reta-
blies dans la participation des chofes
faintes dont elles avoient ete iniufte-
ment privees. Mais l'ennemi de la
paix , le calomniateur des faints , ne
rut lie que pour un terns. Bien - tot
apres il recommenca a tourner en ru-
gifTant autour de ce faint defert, & a
chercher une entree pour pouvoir de-
vorer les brebis qui pailioient dans
ces faints paturages.
11.
           A peine les religieufes de P. R.
dimike'p. r°. eurent-elles joui pendant dix ans de
par ladefenfe la paix (dont elles ne jouiffoient pas
dcsnovkir^'l™ tranquillement) , que la perf^-
cution recommenca apres la mort de
Madame de Longueville , arrivee an
mois d'Avril 1679. Cette feconde
perfecution n'a pas ete aufli violente
que la premiere, mais elle n'alloic
-ocr page 5-
-------------,--------------------.--------------------------,------------------------,                                                I
III. Partib. Liv. I. $
pas moins efficacement a la ruine to-
tale de P. R. Le deflein de detruire
ce faint monaftere fut concerte avec
toute la fagelfe (i) dont l'ennemi des
faints eft capable j & il rappelle a l'ef-
prit ce que l'Egypte fit autrefois pouc
faire perir le peuple de Dieu.
La defenfe de recevoir des novices
faite par M. de Harlai aux religieu-
fes de P. R., ne tendoit pas moins di-
redtement a 1'aneantifTement de ce
faint monaftere, que l'ordre donne en
Egypte de jetter dans le Nil les enfans
des Ifraelites tendoit a l'extindtion de
ce peuple. En Egypte on opprimoit
avec artifice le peuple de Dieu, &: on
vouloit Teteindre en faifant perir le
fruit de la fecondite des femmes Ifrae-
lites. En France , on aneantifToit un
faint monaftere , en rendant ftetile
une virginite qui auroit ete fi fecon-
de (2).
(1) Sapienter opprima-   dans cette folitude Un
mus eum.                          port allure pour fe fane-
(i) A Dieu ne plaife que    tifier. Non, Louis XIV ne
nous voulions par cette   trouva jamais dans fort
comparaifon attribuer au   cceur une malice fi in-
filsainede l'Eglife, l'ordre    digne d'un Roi ttes chre-
injuftc qui en fajfant de-    tien , 8c qui fait le carac-
fenre aux religieufes de    tere d'un endurci & d'un
P. R. dc recevoir des no-    rfptouve. Mais il etoic
vices, a peut-etre fait pe-    malheureufement feduic
rir dans ce fiecle tant d'a-    par des maictes d'erreurs,
tnes qui autoient trouri   dont MM. de P. R. a-
Aij
-ocr page 6-
4 HlSTOIRE DE PoRT-RoiAL,
Pour couvrir le funefte deifein
qu'on avoit de detruire avec moins
d'eclat le monaftere de P. R. par la
defenfe de recevoir des novices , on
y mit une reftricftion, en limkant cet-
te defenfe jufqu'a ce que la commu-r
name fut reduite ait nombre de cin-
quante. Mais on vir bien dans la fiii-
te que cette limitation n'etoit qu'un
palliatif du deffein qu'on avoit d'a-
neantir cette maifon. Lorfque les
religieufes par la mort de vingc - trois
de leurs fceurs fe trouverent reduites
A ce nombre, elles demanderent a M.
l'Archeveque la permiflion de rece*
voir des novices. Lareponfe fut qu'on
y comprenoit les converfes. On fit
dans la fuite de nouvelles tentatives ,
qui furent toujours inutiles.
nI,
          Le delfein que la fageife humaine
Ce deilein aVoit forme de detruire P. R. en
paroit trop            A .              »                     .• ,                  ,
lent aux en-empechant de recevoir des novices ,
oemis deP.R. paroilTant trop lent dans fon execu-
tion aux ennemis de cette maifon ?
qui voioient a regret fublifter des vier-
voient decouvert les illu-   trine des Peres , ne pou-
lions Sc combattu avec    voient foufFrir dans les en-
tant de fucces la I'caivla-   fans une fainiete qui etoit
leufi- doftrine. Ces faux   une cenfure vivante du
fages qui s'etoient empa-    relachement &c de la cor*
fis de laconfianceduPrin-   ruption de bur morale
fe, confondus par la doe-    anti-chritienne.
-ocr page 7-
III. PARflE. LlV. L           j
ges chretiennes, dont la faintete 8c la
purete approchoientde celle des anges,
ils prirent la refolution d'en vemr a.
la force ouverte. Dans la crainte que
des jours plus heureux ne ruinaffent
leurs deffeins , ils fe haterent de faire
ufage du pouvoir qu'ils avoient en
main par la confiance du Souverain ,
dont ils s'etoient empares. Certe peti-
re troupe de vierges chretiennes fub-
fiftoit trop long-tems a leur gre. Quoi-
que la rhort en enlevat plufieurs cha-
que annee , des jours dont ils. defi-^
roient de voir la fin , paroifloient fe
prolonger a l'exces & laiTbient leur
attente. II fallut prevenir une mort
trop lente & trop tardive , quoiqu'el-
le ne put etre eloignee attendu l'a-
ge avance des religieufes qui reftoienc
encore j ainfi ils fe refolurent de con-
fommer le miftere d'iniquite de vive
force.
L'occafion etoit favorable. Tout fe- IV'
condoit la funefte conjuration formee pire°a li
depuis long - terns pour detruire ce de p-R*
fanituaire. II n'y avoit plus de ces an-
ciens pafteurs , qui auroient eleve leur
voix contre les raviflfeurs. Le parti de
l'injuftice regnoit feul & pouvoit tout
entreprendre fans crainte. Le pretex-
ts fpecieux de zele couvroit la paflion j
-ocr page 8-
6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
& pour furcroit les religieufes de Port"
Roial des Champs etoient en butte a
la contradi&ion de leurs propres
foeurs , & les enfans d'une meme me-
re combattoient contre elles.
v.
            Celles de Paris fe joignirent done a
tts"eUp*vi~. leurs ennemis , & les leur livrerent.
cc Pam fer-Ceux-ci etoient animes par l'efprit de
mmt poitt k vengeance, & par la haine invskeree
mine de leurs qu'ils avoient contre Port-roi'al des
Champs, d'oii il etoit forri rant d'ex-
eellens ecrits contre leur horrible mo-
rale ; celles-Ll etoient excitees par
l'efperance qu'elles avoient d'heriter
des ci^pouilles de ces innocentes vie-,
times, & de retablir leurs affaires ,
qui depuis leur reparation d'avec leurs
foeurs , etoient dans un etat qui por-
toit vifiblement le caraclere de la
malediction de Dieu. Les religieufes
de P. R. de Paris furent par un ter-
rible jugement de Dieu , un des inf-
trumens 8c des mo'iens , dont les en-
nemis de la maifon des champs fe
fervirent pour la detruire. C'eft ainfi
que Dieu a permis que les chaftes
epoufes de fon fils fufient livrees par
leurs propres foeurs a ceux qui vou-
loient leur perte , comme il permit
autrefois que fon fils, Pobjet de fa
romplaifance , le verbe etemel, flit
-ocr page 9-
-------------------------------------—--------
III. Partie. Liv. I.          J
iivre par un de fes difciples aux fcri-
bes & aux pharifiens pour etre mis
a mort. Entrons dans le detail de ces
evenemens dont le fouvenir feul arra-
che des larmes, & tire des foupirs des
cccurs les plus durs.
La bulle V'vKam Domini fab aoth du Y\-
Pape Clement XI, contre le cas de u demierc
confcience propofe par un Confejjeur de pccr(?c]tio0n;f.
Province touchant un ecclefiafiique qui deuce.
ft oh fous fa direction _, & rifolu par
plufieurs Docleurs de la Faculte de
'Theologie de Paris j
aiant etc le pre-
texte de la derniere perfecution &
de la deftrucT:ion de P. R. des Champs,
il eft neceffaire de parler de ces fa-
meufes pieces. Commen^ons par le
cas de confcience. On fuppofoit dans
ce cas de confcience , un Gonfefteur
de province (3) , qui demandoit con-
feil fur la maniere dont il devoir fe
conduire a l'egard d'un ecclefiafti-
que (4) , homme de bien, qu'il con-
f eftbit, & que Ton foupconnoit d'a-
voir des fentimens nouveaux & lin-
guliers. Le Confefleur s'etoit eclairci
avec fon penitent} & lui aiant fait
connoitre que plufieurs ecclefiaftiques
(j) Hid. ducas deconfc.    de Cherbourg , DioceTede
It. Dup. T. 4. 17 fiecle,    Coutance,en Normandie,
p. 405.                              Sieve dans le Seminaire de
(4) 11 ctoit de U ville    Valogne.
A iiij
-ocr page 10-
$ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
le foupconnoient d'avoir de mauvais
fentimens a l'egard des cinq propofi-
tions condamnees par Innocent X 8c
Alexandre VII, le penitent lui avoit
repondu , qu'il les condamnoit, me-
me dans le fens de Janfenius, confor-
mement au bref d'lnnocentXII adref-
fe aux Eveques des Pais-bas j le peni-
tent aVoit ajoute , qu'il avoit figne le
formulaire en cette maniere , & il en
rapportoit le certificat du grand Vicai-
re de fon Eveque.
c.isVde'conf- Mais a l'egard du fait de Janfenius,
cience fignc il croioit qu'il lui fuffifoit d'avoir une
t'eaurS4ae°ot- foumiffion de refpedt & de filence d
bonne.
         ce que l'Eglife avoit decide fur cela ;
du*cas? UU°n & 1ue tanr qu'on ne pourroit le con-
vaincre d'avoir foutenu aucune des
propofitions condamnees , on ne de-
voit point l'inquieter , ni tenir fa foi
pour fufpedte, puifque le Pape Inno-
cent XII l'avoit defendu par un bref
que le Clerge de France avoit autori-
fe dans raflemblee de 1700.
La reponfe a la confultation fur cet
article, (quietoitle capital & qui fut
dans la fuite la caufe de tant de trou-
bles) auffi-bien que fur les 8 autres con-
tenus au memoire, fut » que les fen-
» timens de l'ecclefiaftique dont il
» s'agifToit, n'etoient ni nauveaux t
-ocr page 11-
til. Partie. Liy. I. 9
'♦>  ni finguliers , ni condamncs par
»»  l'Eglife, ni tels enfin que fon Con-
»  felieur dut exiger de lui qu'il les
»  abandonnat pour lui donner l'abfo-
"  lution (5).
(!) Pour fatisfaire la curiofite de ceux qui delke-
roienc favoir qui etoient les dodleurs approbateurs
de cette refolution du cas de confidence , nous met-
tons ici leurs noms.
1. Nicolas Petit - pied ,
Profeffeur de Sotbomie.
I.   Bouret, PtofelTeur de
Sorbonne.
3. Snrazin, Lefteur & Pro-
fclfeur du Roi.
4.  Pinfonnat, Le£teur 8c
ProftlTeur du Roi.
5.   Hie Dujiin , Profef-
fcur du Roi.
6.  F. N. Alexandre Do-
minicain.
7.   Le Pechcur.
g. Soullet.
j. Dcshaycttes.
jo Verdier.
j 1. Cougniou.
II.  Herlau.
it. Camet.
14.   Comet , Chan. Reg.
de Sainte Croix.
15.  Rufin, Chan. Reg. de
Sainte Croix.
,r,. Le Beau, Chan. Reg.
de Sainte Croix.
17. De Bourges , Prieur
dc Saint Victor.
j8. De Longueuil, Chan.
Reg. de Saint Viftor.
J9, Guciton , Chan. Reg.
de Saint Victor.
io. De Combes , Abbe de
Sainte Genevieve
11. Le Franc.
ii. Jollain , Cure de Saint
Hilaire.
13.  Tullou , Curede Saint
Benoit.
14.  Hideux, Cure des In--
nocens.
15.  Blampignon , Curd de
Saint Mcrri.
iff. Feu , Cure de S. Ger-
vais.
ij. De Voulgues ,Cure de
S. Martin.
18. Defptez , Cure da
Roule.
xj. Le Fevre , dit Cheva-
lier , Archidiacre de
Troics.
50. Verron , Threforier de
l'Eglife de Langtes.
31. Hiacinte De Lati ,
Theologal de Rouen.
31. Molin.
33.  De la Roque , andert
Theologal de Meaux.
34.  De la Genefte.
35.  Giratd.
3<r. Picard , Cure de Si
Cloud.
37.  Borrey.
38.  Louis De la Marre.
39.  G. De la Marre.
40.  Joly.
A v
-ocr page 12-
10 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
Certe refolution fut fignee le la
Juillet 1701 , par M. Petit-pied &c 37
Do&eurs de fes Confreres , qui non-
feulement y decidertt que le fdence
refpe£tueux fur le fait de Janfenius
eft fuffifant , mais femble meme , en
consideration des foibles, autorifer la
quatrieme opinion (6) fur la figna-
que de creance , on ne
peut figner un formulaire,
par lequel on attcltc qu'on
foufcrit a la dccifion d'tm
fait qu'on ne croit pas ,
& dans la decifion duquel
l'Eglife meme peut fe
tromper. C'etoit-ld le fen-
timent de M Arnauld 8c
de MM. de P. R. , qui ,
en confequence, vouloienr.
qu'en (ignant, on diftin-
guat le fait du droit. Enfin
la quatrieme opinion etoic
celle de ceux , qui, depuis
les Brefs d'Innocent, de
1694 8c 1696, par lefquels
il eft conftant felon eux
qu'on n'oblige ceux qui
fignent qu'a la creance du
droit 8c au refpect fur le
fair i non a la creance ,
pretendoient qu'on pou-
voit figner puremcnt 8c
(implement fans diftinc-
tion, parceque cctte dif-
tiiiSion eft toujours fouf-
entendue. La premiere
de ces opinions eft infou-
tcnable, £c peut etre re-
gardee comme conttaire
a la foi, 8c une vraie he-
refie , qui egale la parole
(6) On pcut diftingucr
quatre opinions differen-
tes fur la fignature du for-
mulaire. i. L'opinion des
Jefuitcs 5c de M. de Cam-
brai, qui attribuant a l'E-
glife une aurorite infal-
lible dans la dccifion des
faits non reveles, preten-
doicnt qu'en fignant on
devoit rendre la meme
obeifTance fur le fait& fur
le droit. La feconde opi-
nion eft celle de ceux , qui
pcrfuades que l'Eglife eft
faillible dans la dccifion
des fairs non - reveles ,
croi'oient qu'on pouvoic
fignet fans croire le fait,
fur lequcl elle peut fe
troraper ; patceque la
croiance, dont la fignatu-
re eft la marque , ne peut
tomber fur le fait , l'E-
glife ne pouvanr point l'e-
xiger. La troifieme opi-
nion tient le milieu entre
lcs deux premieres. Elle
tient l'Eglife infaillible
dans la deciiion du dog-
mc , mais non dans celle
des faits non reveles: or,
la fignature etant une mar
-ocr page 13-
III. P ARJlt. Liv. I.        It
ture du formulaire. Cette opinion
avoir alors quelque fondement , a
caufe des brers d'lnnocent XTI. Mais
les fuites qu'a eues le cas de confiden-
ce , en on: fait connoitre le danger &c
1'illuuon.
On a des preuves que ce cas de
confcience avoir ere propofe par M.
Euftace (7), l'un des derniers Confef-
feurs de P. R. des Champs, foir qu'il
en eur lui-meme drefte Vexpofc , foic
qu'il ne l'eur propofe que de vive
voix.
II fur concerte a l'Archevechc , chez 1"_0', "
M. Piror , ProfeiTeur de Sorbonne , yni. *
Chancelier de l'Eglife de Paris, & U«w*
grand Vicaire de M. le Cardinal de deviem pu-
Noailles, qualite qui empecha ce Doc- blic-
teur d'erre du nombre des foufcrip-
reurs. Ce fur M. Euftace (8) qui fit
de l'homme a la parole de   cas de confcience, en pet-
Deu. La feconde eft con-   fiftant a fouter.ir la deci-
traire a la fincerite chre-    (ion pour le foiH , cruc
tienne. La troifieme eft   dans la fuite devoir rec-
comme la verm entre deux    rifier ce qui paroifloit n'S-
vices oppofes, &c n'a rien    rre pas affez conforme i
que de conforme a la foi   la fincerite.
8c a la fincerite. la qua-       (7) Suppl. au Ne.cr. de
tricme femblc donner at-   V. R., p. 62.4.
teinte a la fincerite , &       (8) Suppl. ibid. Selon
aproche de la feconde.    d'autres, ce fut M. Bour-
C'e!t pourquoi M. Petir-   ret, Licenrie de Sorbonne,
pied , qui refufa confta-   qui le porta a figner aux
ment de retra&er la figna-   Do&eurs.
wre qu'il ayoit faire da
A vj
-ocr page 14-
-------------------------------------------------
12 HlSTTOIUE DE PoRT-ROlAL.
ijoi, les demarches pour faire figner aux
Docleurs ce cas de confcience , qu'il
propofoir uniquement dans la vue de
s'inftruire, 8c fans aucun mauvais def-
fein. Plus d'un an apres, ce cas de-
vint public , fans qu'on fut par quel-
le voie , & fe repandit dans fe Roi'au-
me : ( on croit que ce fut d'ahord en
Provence). On avoir mis en tete une
preface 'unpertinente en forme de let-
tre , qui revolta tout le monde ; &c
qui, peut - etre, fut la caufe de tous.
les troubles qui fuivirent.
ix.
           Auffi - tot que le cas de confcience
cauf^rar'i" Pamt imprime , les ennemis de la
publication paix & de la grace s'eleverent contre ,
confcience.de Par differens libelles injurieux aux 40
Docteurs, qu'ils ne manquerent pas
d'accufer de Janfenifme , felon la me-
diode dont ils ont coutume de fe fer-
vir, & qui leur reuffit fi bien. Les Au-
teurs de ces libelles n'attaquoient la
refolution du cas de confcience , que
(>ar rapport a l'article qui regardoit
es dilpofitions de I'eccleiiaftiqne tou-
chant le formulaire. Mais c'eft-la le
grand crime, le peche irremiffible ,
que les hommes enamels ne pardon-
nent point. Les Docteurs furent ef-
fraies & s'emprelferenr d'ecarter fora-
ge dont ils etoient menaces*
-ocr page 15-
til. Partie. Liv. L i j
Le P. Alexandre fut le premier 1703,
qui revoqua fa fiVnature , ou pour x.
1 ,            1 1 1 & '                      r • Lesdofteurs
parler avec plus de menagement, qui ri;voquent
1'expliqua par une lettre a M. le Car- 'eur Ggnature
dinal de Noailles, datee du 8 Jan- COnfcience,
vier 1703. Quelques autres Docleurs
fuivirent l'exemple du P. Alexandre ,
8c fignerent un ade en forme de let-
tre , adrerfee au Prelat, dans laquelle
ils reconnoiifoient qu'on eft oblige
1 °. de foumettre fon jugement a celui
de l'Eglife , fur les faits qu'elle avoir
decides, de preferer fes lumieres aux
notres , d'avoir pour fes decifions ,
non-feulement un refpeftueux iilence ,
mais une creance interieure 8c un-
veritable acquiefcement de coeur &c
d'efprit. i°. Qu'on doit etre dans cet-
te difpofition pour figner le formulai-
re. j°. Qu'ils avoient fuppofe que
e'etoit celle de 1'eccleTiaftique dans le
cas propofe. Les autres Do£teurs qui
avoient figne le- cas de confeience pre-
tfenterent au nombre de 14, une re-
quete dans laquelle ils rendirent
compte de leur conduite (9). lis y
proteftent » qu'ils ont figne le formu-
» lake purement & fimplement 8c
»
fans aucune reftri&ion « ; qu'ils
n'ont pas figne le cas dont il s'agit,,
{,%) Dup. ibid, p.417.
-ocr page 16-
14 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl."
dans un efprit tie cabale & de partia-
lite, mais dans un efprit de charite
& de paix} qu'ils n'ont donne cette
refolution que pour l'ufage fecret de
la confeflion ou de la direction parti-
culiere du confefTeur qui les conful-
tok : qu'ils defavouent hautement la
lettre qu'on avoir raife a la tcte en for-
me de preface : qu'au refte ils avoient
devant les yeux ce qui s'etoit pafle
dans le tems de la paix de Clement
IX. Les Docteurs ajoutent que » puif-
>? que malgrt: la droiture de leurs in-
■> tendons, & les raifons qui les one
» portes a donner cette refolution ,
« ils voient avec douleur que plu-
» fieurs perfonnes s'elevent contre
» elle , ils ont recours au tribunal de
" fon Eminence. Vous etes, Monfei-
>» gneur , lui difent-ils , le juge de la
» doctrine des mceurs, auili-bien que
» de la foi; e'eft a V. E. a prefer ire
» des regies pour la conduite des
« ames dans votre Diocefe. Les fup-
» plians font tres difpofes a s'y con-
» former &c a foumettre , comme ils
» font, leur avis particulier au juge-
» :ment de V. E. « Le feul M. Petit-
pied refufa perfeverament de revo-
quer fa fignature , & frit exile a Beau-
ne par des ordres furpris a la religion
-ocr page 17-
III. P AR.TIE. LlV. I.         IJ
tiu Roi. Les 40 Do&eurs de Sorbon- \n0-."'
tie (qui avoient promis avec ferment
de defendre la foi jufqu'a 1'efFufion de
leur fang,) donnerent, comme l'ort
voit, a la France an fpecFacle bien
different de celui que quarante mar-
tyrs avoient autrefois donne a Sebafte,
en Armenie , fous l'Empereur Lici-
nius. De quarante martyrs un feul fuc-
comba •, de quarante docteurs , un feul
perfevera.
La caufe ai'ant ete ainfi portee par xr.
la prefque totalite des Dofteurs auleIn^je^
tribunal de M. de Noailles , comme Noailles con-
Archeveque de Paris , & les Dofteurs "0en£ie"
11CC.
'
s'etant remis a fon jugement, fon Emi-
nence rendit le 1 z Fevrier une or don-
nance qui ne parut que le 5 Mars fui-
vant. M. de Noailles , non content de
flip primer le cas de confcience , (qui
etoit tout ce qu'il pouvoit faire a cau-
fe du trouble qui en refultoit) con-
damna l'expofe & la refolution , quant
an premier article , comme contraire
aux conflitutions d'Innocent X & d''Ale-
xandre Vll j & comme tendant a re-
nouveller les quefiions decidees _, favo-
rifant la pratique des equivoques
j des
reflriclions mentales ; & mane des par-
jures; derogeant a Vautorite de I'Eglife,
& affoibliffant la foumijfion qui lui eji
-ocr page 18-
I<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.'
1703. Cette ordonnance fut l'ouvrage de"
M. Vivant, qui, conjointement avec
M. Pirot, avoit engage le plus qu'il
avoir p(i de Do&eurs a figner le cas
de cdnfcience. Lepieux Cardinal e ton-
ne d'une part du bruit que faifoient
les ennemis de la paix , &c feduit de
l'autre par fon confeil, ne fit pas at-
tention que par une condamnation fi
peu mefuree, il fappoit les fondemens
de la paix de Clement IX , & faifoit
reriaitre les conteftations qu'elle avoit
appaifees (10).
xn.
          Le meme jour que cette ordonnan-
Confea dU fut Publ^e (le 5 Mars ), le Roi don-
na un Arret, portant defenfes de com-
pofer , imprimer , ni debiter aucuns
Libelles fur les anciennes contefta-
tions, concern ant la doctrine de Jan-
fenius.
xtu.
         Des le 11 du mois de Fevrier , le
con
de confeien
* ^aPe Clement XI condamna par un
(ro) LaplfipartdesDoc-    53  gneur le Cardinal de
teurs , apres avoir par    j>   Noaillcs, notre Arche-
des Lettres particuliercs    »   veque , du zi Fevriec
approuve l'oraonnance de    »   1703 , que nous y con-
M. de Paris, lignerem en-    »  formerons notre fenti-
corel'aciefuivant. » Nous    »  ment & notre condui-
» fouffignes Dofteurs en    »  te , 8c que noils avons
» Theofogie de la Facul-    3)  un veritable deplaifir
» te de Paris , declarons    i\  d'avoir figne le cas de
» que nous nousfoumet-    »   conscience qui y eft.
oj tons a 1'ordonnance de    3)   condamne.
» fon Eminence MooXei-
-ocr page 19-
III. Pa sit is. Liv. I. if
decret informe le cas de confcience , 1703.
qui n'eroit arrive a Rome que deux
jours auparavant. On ne fait (11) , dit
M. Dupin j » par qui, ni de quelle
» liianiere la refolution du cas de
» confcience fut deferee alors a Ro-
» me. De quelque maniere que cela
» fe foit fait, il eft certain qu'elle y
" fut envoiee dans le terns qu'elle
» faifoit du bruit en France. On dit
» qu'elle n'y arriva que le 1 o Fevrier
» 1703. Sur-le-champ le Pape la fit
» examiner , fans etablir de congre-
» gation , & le 1 x du meme mois, il
» rendit un decret, par lequel il con-
» damne les feuilles imprimees du
» cas de confcience (iz).
Le Pape ecrivit le lendemain un xrv.
brefau Roi de France , pour lui faire Bref4uPa
r ■ 1              j                          r >-i • c auRol<
iavoir la condamnation qu 11 avoit rai-
te du cas de confcience j il blame fort
la dodtrine des Docteurs qui l'avoient
figne , & exhorte le Roi a les ecra-
fer (13)." Faites taire ces efprits in-
» quiets , dit-il , reprimez ces in-
,> folens, rangez a leur devoir ces re-
» belles \ & puifque la douceur de
» 1'Eglife n'eft pas capable de les ga-
(11) Dup. T. 4. p. 444.    intrigues de M. Paul Go-
(11) On ctoit que ce    det Defmarefts, Eveque dc
decret & les brefs qui fui-    Chartres*
virent ctoieot le ftuit-des (ij) Ibid, p. 44?..
-ocr page 20-
13 HfSTSiftl OT P<Jn.T-ttOiAt."
J&x-------
170}.
» gner, que I'autorite roiale les dompte
» <y fes ccrafe.
xv.
           Le z } du meme mois , le Pape ecri-
BreciM. leyji Un autre bref au Cardinal de
Cardinal de -- •,.                                 r           1
.Noaiiics. xSoaules pour exciter Ion zeie contre
le cas de confcience , qu'il dit etre
tout rempli du poijon de diverfes doc-
trines dangereufes
(14). » Nousvou-
» Ions abfolument ( dit le S. Pere,
parlant des 40 Dodteurs) » que vous
» les puniffiezn feverenient que leur
» chatiment empeche les autres a 1'a-
» venir d'entreprendre rien de fem-
» blable ». II ajoute qu'il a prie 8c
fait
prier le Roi par fon Nonce , de
l'appui'er du fecours de fan bras roial,
pour exicuterfes Mandemens.
xvt.
          Le Cardinal de Noailles fit repon-
T *o -d^ *i' ^e ^ ce ^re^ Par une ^etcre p^eine de
Noai:ies' au complimens, dans laquelle il rend
*'afe-
          compte de la conduite qu'il a tenue ,
la loumettant & fa cenfure avec un
humble refpect au jugement de fa
faintete. II y rappone torigine du mal,
dont Vauteur 3
dit-il _, a ete puni} a'iant
eti relegui par ordre du Roi au fond
de la Bretagne
(1 5). Son Eminence fait
enfuite le detail de ce qui s'eft pafTe
entre elle & les Do&eurs \ comment
O4) Dup. ib. p. 4yo.
(ijl Dup. T. 4. p. 4jtf.
-ocr page 21-
III. P ARTIE. LtV. I.         i$
lis ont retradti leur fignature ; ce qui 1703.
l'a porre a ufer d'indulgence a leur
egard, a 1'exemple de S. Gregoire le
Grand, donr il dit obligeament a fa
faintete , qu'elle lui retrace Vintage
par fa charite
., fan eloquence , & fa
piete.
M. le Cardinal de Noailles, pour comparal-
juftifier cette comparaifon , trouve- <°n indecente
roit-il bien une feule lettre, parmi le goire'iecrand
grand nombre de celles que S. Gt6-■«« cUmtat
,                    ,           111 • 1 ' • XI , faite par
goire a ecntes, dans laquelie il aitM. dcNoaii-
exhorte 1'Empereur a dcrafer les de-les-
fenfeurs des trois chapitres ? Clement
XI compare a S. Gregoire le Grand ,
pour fa charite & fa piete ! Quel pa-
rallele ! Quelle difference de condui-
te entre ces deux Papes ! S. Gregoire
le Grand follicitoit , invitoit, pref-
foit de revenir a l'unite les Eveques
d'lftrie , qui faifoient fchifme a caufe
de la condamnation des trois chapi-
tres faite dans un concile general.
Ce faint Pape leur laiffoit la liberte
de demeurer dans les fentimens dans
lefquels ils etoient a l'egard des trois
chapitres (16) , & les exhortoit a ne
(16) Noifibi communica-    negamus ejfe dicendum. Ce
re compellunt permanentes    font les paroles de Facun-
in ea fententia, qua non    dus d'Hermiane, qui etoit
Jblum anathema ei (epif-    un des defenfeurs des rrois
tuU itne)ngtidjcimus,fed    Chapitres, lib. i.cap. 5.
-ocr page 22-
I* HrSTOIRE DE PoRT-ROiAt.'
point faire fchifme pour ce fujet. Cle-
ment XI, au contraire , veut qu'on
ifrafi des perfonnes, qui fans faire
fchifme , fans enfeigner aitcune er-
reur, penfent feulement qu'on n'eft
pas oblige de croire interieurement un
fait qui n'eft point revele , & fur le-
quel un concile meme general pour-
roitfe tromper j qui craignent de blef-'
fer leur confeience en aflurant avec le
plus terrible ferment un fait non-feu-
lement douteux f mais encore inutile.
II veut qu'on icraj'e ceux qui font dans
ce fentiment. Eft-ce-U la charite d'un
S. Gregoire le Grand ? Ce S. Pape fe:
feroit-il rejoui de 1'exil des Eveques-
d'lftrie, comme Clement XI s'eft re-
joui de celui d'un Do&eur , qui avoit
figne le cas de confeience ? » Nous
« avons en une extreme joie, ( dit ce
fucceffeur & non l'imitateur de faint
Gregoire) » en apprenant.... que le
» zele roi'al de votre majefte, excite
» par nos exhortations paternelles, a
» commence a chatier, felon leur me-
« rite, les approbateurs du deteftable
» libelle ( du cas de confeience) en
» releguant Louis Dupin , homme
» d'une mauvaife doctrine, & cou-
» pable de plufieurs attentats centre
» la dignite du liege Apoftolique «.
-ocr page 23-
111. Partie. Liv. I.           a i
Le Pape donna a ce fiijet de grands 1703,"
eloges au Roi, dans im bref qu'il lui
ecrivit le 10 Avril 1703 pour lui en
rendre des adtions de graces : il l'ex-
horte « fortement a achever ce qu'il
« a fi dignement commence, puif-
» qu'il a affaire a des homnies , qui
-» ne peuvent etre reprimes autrement
« que par la feverite des peines {17).
Quelques Eveques aiant recu le de- xvnr.
cret du Pape , le publierent dans leurs Mandcmem
1* \r         '                >-i           rA                      a de quelques
dioceles, quoiqu il ne rut pas revetu Fvaques p0c
des formes ordinaires pour avoir la publication
force de loi dans le Roiaume , ce qui prima paAej
engagea les Parlemens a fupprimer les Paricmejis,
mandemens de ces Prelats, & a re-
F rimer les entreprifes attentatoires a
autorite roiale, &: tendantes au ren-
verfement des loix de l'Etat& des li-
bertcs de l'Eglife Gallicane. L'Eveque
de Clermont fut un des premiers qui
publia un mandement le 15 Avril j
mais le 9 du mois fuivant, il fut fup-
prime par arret du ParlementdeParis,
qui donna le 16 Juin un femblable ar-
ret contre le mandement de PEveque
de Poitiers. Les Parlemens d'Aix &c de
Bordeaux , fuivans l'exemple de ce-
lui de Paris, rendirent des arrets fern-
blables. Le premier contre le rnande*
(17) Buy. ibid,
-ocr page 24-
il HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
"1704. ment de l'Eveqiie d'Aptj le fecond
xix. contre celui de Sarlat.
de FSdpes L'annee fuivante (1704) la France
dans lcs i\fan- fut inondce de mandemens des Eve-
.ticmcns des               "                     i                         i>            c 1 .
fvcques. <{ues , qui condamnoient i expoie du
cas de confcience touchant la diftinc-
tion du fait & du droit, & l'obliga-
tion du filence refpedtueux a 1'egard
du fait. II feroit trop long &: inutile
mane de noramer ces mandemens :
nous remarquerons feulement que les
Prelats appui'oient leurs condamna-
tions fur difFerens principes : MM.
de Cambrai, de la Rochelle , & quel-
ques autres Prelats , etabliffoient net~
tement l'infaillibilite de l'Eglife dans
les faits dodtrinaux, c'eft-a-dire, dans
Finterpretation des textes des livres
des auteurs. Les autres Eveques fe
contentoient d'afTurer , qu'il faut croi-
re la verite du fait par ioumiffion &
par deference au jugement de 1'Egli-
le, quoique cette verite ne foit pas
de foi divine.
L'affaire demeuroit toujours en fuf-
pens en France , parceque le decret de
Rome n'avoit point ete recu ni pu-
blie. C'eft ce qui engagea , dit M.
Dupin (18) , les Rois de France &
d'Efpagne a folliciter une nouvelle
<i8JDup. T. 4. p. 487.
-ocr page 25-
III. Partie, Liy. I.          15
Bulle pour la condamnation du cas 170? "*
de confcience. On peut bien croire
que fi la Bulle a ete fbllicitee par ce$
deux Princes , ce n'etoit pas par leur
mouvement propre qu'ils la deman-
doienc, mais par celm des ennemis de
la paix & de la grace de Jefus-Chrift.
Le Pape Clement XI donna le 15 xx
Juillet 1705 lafameufeBulle, Vineam clement
Domini, dans laquelle apres avoir^^ySJm
rapporte les constitutions d'Innocent Domini s#i
X &c
d'Alexandre VII, les Brefs de baotk'
Clement IX aux quatre Eveques ,
ceux d'lnnocent XII aux Eveques des
Pais-bas , il declare qu'on ne fatisfait
point a l'obeiftance due aux conftitu-
tions apoftoliques , par le filence ret
pectueux j aftedtant par-la de confon-
dre le fait & le droit, a l'exemple de
fes predecefleurs. On voit afTez, die
le Pape , » combien cette propofi-
t> tion (19) eft abfurde & pernicieu-
» fe aux ames fideles , puifque , fous
v le voile de cette trompeule docTxi-
(19) H eft a propos de    pas niceffaire de condam*
remarquer que le Pape    ner intlrieurement comma
dans le difpoiitif de la    keritique le fens du Livre
Bulle , a en vue des per-    de Janfenius , condamni
formes qui nacquiefcent    dans les cinqpropofuions M
point d la virite > in-    mais qu'il fuffit de gardey.
ventent des fubterfuges ex-   fur cela unflitnce rcfpK*
pres pour infinuer I'erreur,    tlKUX,
£ ofent enfeigner auilneft
-ocr page 26-
14 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» ne , on ne quitte point Perreur I
,y
mais on ne fait que la cacherj on
;) couvre la plaie au lieu de la gue-
» rir ; on n'obeit pas a l'Eglife , mais
» on s'en joue j & qu'enfin on ouvre
» aux enfans de defobeiffance une
» voie large pour fomenter l'herefie
» par le filence, en refufant de rejet-
» ter interieurement, & de condam-
m ner de cceur, cette merae doctri-
» ne , que le liege apoftolique a con-
» damnee , & que l'Eglife univerfel-
»• le a en horreur «.
Ce n'eft point la le cas de ceux qui
■refufent de figner le formulaire, puif-
qu'en gardant le filence refpectueux
fur le fait , ils rejettent exterieure-
ment & interieurement routes les er-
reurs attributes a. Janfenius j ils ne
cachent aucune erreur j ils ne fomen-
tent point d'herefie par leur fdence
jrefpediueux fur le fait. Car ce ne peut
fitre une herefie , que de ne pas croire
.que Janfenius a erre , lorfqu'on rejette
fincerement les herefies que les erme-
mis de ce Prelat lui attribuent, &
qu'on fe foumet interieurement &c ex-
terieurement a ce qui fait l'objet de
Ja veritable obeiflTance de l'homme
orthodoxe, c'eft-a-dire, a la decifion
fur le dogme.
On,
-ocr page 27-
111. P A R T I t. Ltv. I.        1 J
On voit que le Pape , fuivant les 1705. "'
principes d'une politique rafinee, de- xxi.
tourne l'objet de la difpute , pour ne ,,£3«i«S
point fe compromettre, decide ceqne rafineedecide
perfonne ne contefte , & ne decide "ti qUde£a„!
point ce qu'on lui propofe. Ce Pape doit point ,
t>                a               \ r ,                 '« & ne deci-
n a pas mcme voulu qu on ignorat & p0jnt Cc
qu'il n'avoit point voulu decider la 1"'°" lui dc-
Z. n.-             ■ 1 • '                      n ti > maudoit.
queition qui lui etoit propolee. 11 s en
expliqua nettement trois jours apres
la publication de fa Bulle , a. M. PAb-
be Chevalier (zo) , a qui il parla en
ces termes. » J'ai eu des raifons fupe-
» rieures, pour ne pas me rendre aux
» inftances de quelques Eveques de
» France , qui m'ont ecrit de tres
» belles lettres pour me prier de
» pronpncer fur Tinfaillibilite de l'E-
» glife dans les faits. Nous avions
» mis dans notre Bulle quelques pa-
,> roles qui pouvoient donner lieu &
»
croire que nous appuyions ce fenti-
» ment, mais trois jours avant que
» de la publier, le S. Efprit nous a
» infpire de les oter (zi).
(tol M. Chevalier etoit   gent, pour 1'affai'e de la
alors a Rome pour les af-   Bulle. II eft mort Chanoi-
faires de M. de Biffy , Eve-   ne de Notre-Dame.
que de ToliI , depuis Cat-       (11) C'etoit le langage
dinal. Cc meme M. Che-   de Clement XI, qui attti-
valier fut envoie a Rome   buoit a l'infpkarion du S.
en 1716 , pat M. le R.4-   Efp.it tout ce qu'il faifoic.
Tome IX.                        B
-ocr page 28-
l6 HlSTOIRfi DE PoRT-ROlAt.
i70r         Le Nonce aiant rec,u le 27 Juillet
xxn. la Bulle du Pape, la porta le lende-
EUecfti.'^main au Roi, avec un bref pour fa
«
e par
ibmbiee du Majefte, dont elle etoit accompagnee
' l'ar
c
blee du Clerge , & ecrivit une lettre
aux Eveques, dans laquelle il les ex~
hortoit de deliberer incelTament fur
l'acceptation de cette conftitution. Le
3 aout, M. de Noailles , prefident de
l'aflemblee , fit faire lecture de la let-
tre du Roi 8c de la Bulle (22) , puis
nomma des commiflaires pour exami-
ner la Conftitution & en faire leur
xapport. Le 21 Aout, M. lAxcheve-
que de Rouen (23) , chef de la corn-
million , fit fon rapport & finit en di-
fant que la commiflion avoit etabli
pour maxime j i". que les Eveques
ont droit par inftitution divine de
juger des matieres de doctrine : i°.
que les conftitutions des Papes obli-
gent, lorfqu'elles ont ete recues par
le corps des Pafteurs : 3s. que cette
acceptation , de la part des Eveques ,
fe fait toujours par voie de jugement.
Ces nuximes etablies, le chef de la
commiffion dit, que Pavis des com-
miftaires etoit, 1". que la Conftim-
(tz) Dup. T. 4. p. 500, & fuiy.
(zj) Cplbert.
-ocr page 29-
III. P A R T I E. LlV. I.         If
tion de notre faint Pere le Pape de-
voit etre acceptee avec refpect & fou-
niiflion y i9. que 1'alTemblee devoit
ecrire a fa Saintete une lettre de re-
merciment ;■ 30. qu'on ecriroit une
lettre circulaire a tous les Eveques du
Roiaume -y 40. qu'on remercieroit
tres humblement fa Majefte de la pro-
tection qu'elle vouloit bien donner a
l'Eglife dans cette occafion ; 5 °. qu'on
fupplieroit fa Majefte de vouloir bien
accorder fes lettres patentes pour
l'enregiftrenient & la publication de
la Conftitution. Le famedi xx aout ,
M. le Prefident conclut, le faint nom
de Dieu invoqui
, que 1'aiTemblee ac-
ceptoit 8c recevoit avec refpedt, fou-
miflion& unaniniite parfaiteda Conf-
titution de notre S. Pere le Pape Cle-
ment XI (14).
(14) C'eft ainfi que les    les affaires temporelles du
Proces-verbaux rapportent
    Clerge ; fans parler des
ce qui fe palTa dans l'af-
    Eveques qui fe trouvoient
femblee du Clerge de
    alots a Paris , & qu'on
1705 , au fujet de la Bui-
    n'invirapoinravenirpren-
le Vineam Domini; nean-
    dre feance dans l'aUem-
moius l'acceptation de
    blee , ( formalite qu'on
cetre Bulle ne s'y fie pas
    n'avoir poinr omife lorf-
avec aucant de concert &
    qu'il s'etoit agi de toutes
d'unanimite, & ne fur pas
    les autres Bjlles envoiees
aulfi canonique qu'on vcui
    en France depuis Innocent
le faire croire. Sans dire
    X); il e!t certain que Tu-
que les Provinces.eccle-
    nanimite ne fut pas audi
fialtiques n'avoient aflem-
    grande que le dit le Pro-
ble leuts deputes que pouv
    ces-vabal. La Province
Bii
-ocr page 30-
Z8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..'
~ Les Eveques ecrivirent une lettre
au Pape , dans laquelle ils lui mar-
da" qiient qu'ils ont recu fa Conftitution
ave: la deference qui lui etoit due,
comme les Peres du quatrieme Con-
cile recurent la lettre du grand S.
Leon. Qui pourra, difent les Prelats ,
rendre a vctre faintete de dignes actions
de grace pour unji grand prefent} Pro
hoc tamo muneu
(quel prefent!) nous
I'aurons toujours devant lesyeux 3 nous
ne cejferons de rendre graces a Dieu &
de lui offrir nos prieres } en nous re-"
X705
xxm.
tertte
Eveques
Pape.
de confcience. Enfin, on
pretend que cet Archeve-
que avoit conclu a ce que
la Bulle flit rejettee. Quoi
qu'il en foit, l'avis de M.
de Noailles, qui vouloit
faire fa cour au Pape 8c au
Roi, prevalut, 8c la Bul-
le fut recue. M. Colbert ,
Eveque de Montpellier , fit
de g^andes inftances au-
pres du Cardinal de Noail-
les , pout que la Bulle ne
fut pas recue, la regardant
au moins comme inutile.
N'oublions pas de remar-
quer ici, que M. Felix ,
Eveque de Chalons, dit i
S. E. qu'il fe faifoit fort
de faire approuver par les
Prelats de l'afiemblee le
livre des Reflexions mo-
rales. Mais le Cardinal
remercia le Prelat de fy
bonne voloate pout lui,
de Lyon s'oppofa vigou-
reufement ace que la conf-
titution fut recue, & MM.
de Macon & de Chalons
fur-Saone ( Tilladet 8c Fe-
lix ) fe retircrent, 6c n'af-
fifterent point a la cloture
du Proces-verbal qu'ils
ne vouluient point figner.
M. de Rouen lui - meme
le refufa , lui , dont on
prefnd que les conclufions
avoient entraine 8c deter*
mine les Prelats a accep-
ter. Bien plus , il fe plai-
gnit plufieurs fois, a ce
qu'ont allure des petfon-
ncs bien informees , de ce
qu'on avoit falfifie Ton
rapport, non - feulement
dans les Proces verbaux ,
mais aulfi dans les copies
qui coururcnt manufcrites
de fon difcours , 8c fur
Icfquelles il a ete impri-
jcc dans l'hiftoirc du cas
-ocr page 31-
III. Par tie. Viv. I. 19
JOulJJant de ce qu'il a donni au fiege ~
I70-
■dpojlolique un Evequefi faint &ji fa-
Vant; & en le priant que pour I'edifiea--
ticn des Eglifes
_, il daigne conjerver
pendant une longue fuite d'annees la
grace qu'il nous a fake de donner a Jon
Eglife un fi faint Pontife.
C'eft ainfi que parloient autrefois
quarante-quatre Eveques des Gaules,
ecrivant au Pape S. Leon , pour le
remercier de l'excellente lettre a Fla-
vien , qu'il leur avoir envoi'ee. On ne
s'arretera pas ici a faire la comparai-
fon de l'admirable lettre de S. Leon ,
dans laquelle ce S. Pape explique avec
rant de nettete & de dignite le myf-
tere de l'lncarnation, avec le grand
prefent
de Clement XI, qui, au lieu
de decider clairement la difficulte qui
etoit propofee afin de terminer les
difputes, n'a fait que jetter le trouble
& les tenebres en confondant a def-
fein le droit & le fait j a rallume un
feu qui etoit , fi-non eteint , da
moins rallenti j & enrin a caufe des
maux erfroi'ables dans l'Eglife , fur-
tout dans celle de France ,' qui n'en XXIV<
eft pas encore delivree. Dieu veuille M.deNoaii-
qu'elle n'en foit pas un jour accablee. |^trtcritpa1^
Outre la lettre commune de tous cuiiere au Pa-
les Eveques de l'aflemblee au Pape, %£<££
B iij
-ocr page 32-
JO HlSTOIRE DE PoRT-RcnAL."'
ij0c, M. de Noailles en ecrivit ime parti-
culiere, a laquelle fa Saintete fit re-
Eonfe parun bref, dans lequel il fait
eaucoup valoir fon autorite. Que la
prefomption humaine fe taife apres que
I'autoriti de S. Pierre
_, chef ties Apd-
tres
_, confirmee par Voracle divin 3 &
qui fe continue dans fon fuccejfeur 3
quoiqu'indigne
, a parle. Que non-feu-
letnent ellefe taife
, tnais qu'elle redui-
fe fon entendement en captivid pour
fefoumettre a Jefus-Chrijl que le fouve-
rain Pontife reprefente.
Ainfi parloit
le Pape dans fon Bref. Allurement il
n'auroit pas etc content des maximes
ctablies par les commiflaires de l'af-
Cemblee & reconnues de tous les Pre-
lats : favoir, »_ que les Eveques ont
w droit par inftitution divine de ju-
» ger des matieres de doctrine.........
» Que l'acceptation des conftirutions
« des Papes , de la part des Eveques,
j» fe fait toujours par voie de juge-
» ment «. Auifi le Pape Clement
XI en fut-il tres mecontent , comine
nous le voi'ons par une lettre de M.
du Vaucel a M. Louail, du 7 Juin
1707.
J5J" de Les Eveques de l'afTemblee , apres
l-aiTembiee avoir ecrit au Pape, ecrivirent aufll
de FranceT" aux Eveques du Roiaume ppur leuc
-ocr page 33-
_____----------------------------------------------------------------__---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------,------------------------------------------------------------------------------------------------------                                                                                                                        ;                                                                           ■ ■ - ■ —                                                                            -
III. P A R. T I E. LlV. t         Jl_____
faire part des deliberations de leur 1705.
afTemblee touchant la conftitution du
Pape, a laquelle ils applaudifTent. lis
difent dans cette lettre, qu'ils n'agif-
fent pas en fimples executeurs des or-
dres Apoftoliques, mais qu'ils jugent
& prononcent veritablement avec le
Pape (15).
Les Eveques joignirent a leur let-
tre un modele de mandemen't pour la
publication de la bulle , afin.que tous
les Prelats fuflent uniformes. » Pierre
» a done parle, eft-il dit dans ce mode-
's le , par la bouche de fon digne fuc-
» cefleur. Celui qui doit affermir la
» foi de fes freres, a rejette routes
» les nouveautes prophanes, qui pou-
» voient alterer la verite & troubler
» la paix..... Sa faintete prononce en
» termes expres : Que ne pas condatn-
ner intirieurement comme herhique le
fens de Janfenius
(z6) condamne dans
les cinq propofidons 3 mais pretendre
que le fdence refpeclueux fuffit, ce nejl
(15) Clement XI n'au-    Pape, ni les Eveques, n'ex-
roit, fans douce, pas ad-    pliquent-ils pas quel eft le
mis cette raaxime des Eve-   fens de Janfenius! Eft ce
ques ; putt-fete encote    le fens de Calvin! Eft-ce
moins que la diftinaion    celui deS. Auguftin.com-
du fait & du droit par    me le veulent les Molmif-
rapporr aux propofirions    tes I Eft-ce quelqu autre
attributes a Janfenius.        fens inconnu ?
(16) Pourquoi, ni Is
B iiij
.______
-ocr page 34-
31 HlSTOlIU »E PoR.T-R.Ol At.
1705. Z73-5 renoncer a I'erreur j man la cachet J
ce n'efl pas obeu a VEglife
, m<zz5 5^«
moco.uer. Quelle lumiere dans cette
decifion!
xxvi.
         Le Roi envo'ia le 30 Aoiit la Bulle
tejue "par \* a ta faculte de Paris , avec ordre de
fatu!tedePa-s'y confoi mer. En confequence, la fa-
culte fit faire lefture de cette Bulle
dans fon alfemblee du premier Sep-
tembre, la rec,ut avec de grands te-
moignages de foumiflion & de ref-
pec~b , ordonna qu'elle feroit inferee
dans fes regiftres, & nomma desDoc-
teurs pour aller faire de ores humbles
remerciemens a fa Majefte.
,x£v,'.1' n W ne manquoit plus rien , pour
la Bulle eft          ..             X rr                  ,' r .
enrcgiftree au remplir toutes les rormaiites neceliai-
fiwlement. res ^ qUe des lettres patentes pour l'en-
reglftrement &: la publication de la
Bulle. Le Roi les fit expedier le 31
Aout. Elles furent prefentees au Par-
lement de Paris le 4 Septembre par
MM. les gens du Roi : M. Portail,
a vocat general, portant la parole (17),
l'enregiftrement fe fit. Enfin les fecre-
taires d'Etat eurent ordre d'envoier a
tous les Prelats du Roi'aume, la Bulle
avec la copie des lettres patentes >
auxquelles etoit jointe une lettre du
Roi, qui expliquoit les intentions de
{xfl Dup. T. 4. p. fio.
-ocr page 35-
III. Partie. Llv. I.          33
la Majefte fur l'ufage qu'ils en de- 1705.
voient faire. Confbrmement a cette
lettre, la plupart des Eveques firent
pendant les derniers mois de cette
annee , & pendant les premiers de la
fuivante (1706) des Mandemens pour
la publication de la Bulle (28).
Nous nous bornons a ce detail
abrege de ce qui s'eft pafle en Franco
au fujet de la Bulle Vineam Domini
Sabaoth ,
pour venir au recit des fui-
tes funeftes qu'elle a eues par rapport
au plus faint Monaftere qui fut dans
rUnivers.
Tous ceux qui veulent vivre avec xxviit.
pUti en Jefus-Chrift doivent fouffiir ^SffiZ
perfecution , felon la prediction de pi-riecuiees a
faint Paul (29). C'eft ce qui fait dire£g£ de leM
a S. Leon que jamais la perfecution
ne manque ou fe trouve la piete (30).
Devons - nous done etre etonnes de
voir les religieufes de P. R. perfecu-
tees ? Devons - nous etre furpris de
(18) M. de Noailles   Iunt vivete in Chrifto Je-
publia le fien le 50 Sep-    fu , perfecutionem patien-
tembre 1705 , aveccetitre    tur. 1. Tim. ch. ;. verf.
affefte : Mandemem de    11.
M. le Cardinal de Noail-       do) Et ideo nunquam
les, Archeveque de Paris,    deefl tribulario perfecu-
pour la publication de la   tionis, 11 nunquam defit
Bulle yineam , contre le   obfervantiapietatis.Serm.
Janftnifinc.                        j, de quadrag
41?) Omnes qui pii vo-
B
-ocr page 36-
J4 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAI."'-
1705. voir l'accomplifTement des predic-
tions ? Si tous ceux qui veulent vivre
avec piete en Jefus - Chrift doivent
etre perfecutes , comme S. Paul nous
l'apprend, y avoit-il dans le monde
entier un monaftere qui dut l'etre
plus que P. R. des Champs; car y en
avoit-il un oules religieufes vecuf-
fent avec plus de piete ? Bien loin
done que la piete de ces epoufes de
Jefus-Chrift ait pu ou dit les mettre
a l'abri de la persecution , elle. a du ,
conformement a l'oracle du faint Ef-
Frit, la leur attirer , & leur procurer
avantage d'avoir plus de part au ca-
lice de leur divin epotfx. C'eft a cau-
fe de leur piete que ces vierges fages
ont etc jugees dignes de fouffrir des
outrages pour le nom de Jefus-Chrift.
Toujours accufees , toujours juftifices;
toujours attaquees par l'injuftice, tou-
jours victorieufes par les armes de la
juftice : toujours calomniees , toujours
trouvees pures comme des Anges
pour les moeurs 8c fans aucune erreur
dans la foi , & neanmoins toujours
{lerfecutees &c opprimees par la vio-
ence.
i^fgna- Commencons par remettre fous les
pis ca faveur yeux de lios lecteurs quelques-uns des
fcj5aep'.gfila' temoignages rendusa l'innocence & i
-ocr page 37-
III. P a r. t i e. Liv. /. 35
la purete des moeurs & de la foi de 1705.
ces faintes filles. Ces temoignages fo-
lemnels fe trouvent rendus de la ma-
niere la plus authentique , & par les
perfonnes les moins fufpectes; par les
Archeveques de Paris memes , par
leurs direclreurs, &c les fuperieurs de
ce monaftere , dans des mandemens,
dans des a£tes de vifite , dans des tef-
tamens fpirituels , dans des lettres
ecrites du lit de la more en leur fa-
veur.
C'eft le premier Archeveque de Pa-
ris , M. de Gondi, qui, prenant la
defenfe de ces vierges chretiennes ,
contre un miferable calomniateur (31)
declare les religieufes de P. R. pures &
innocentes des crimes dont I'auteur a
voulu noircir la candeur de leurs bon-
nes moeurs j & offenfer leur integriie1 &
religion
, de laquelle ce Prelat d it etre
aflure d'une endere certitude. Ce font
MM. de Perefixe, de Harlai , Archev.
de Paris , qui ont rendu temoignage a
I'innocence des religieufes de P. R. Le
premier convenoit qu'elles etoient pu-
res comme desAnges;
il reconnut auffi
la purete de leur foi en les retabliflant
dans la participation des Sacremens.
Le fecond, lorfqu'il apporta lesordres
fox) Le F. Eiifacicr,
-ocr page 38-
3<J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
. du Roi, portant defenfe de recevoir
des novices , dit a la mere Angelique
de S. Jean, qu'il etoit content de leur
foi & de leurs mceurs, que leurs pen-
jfionnaires etoient tres bien elevees,
£c leurs confefTeurs tres gens de bien.
C'eft M. de Noailles lui-meme , ( qui
cependant par un terrible jugement
de Dieu deviendra leur perfecuteur ,
& fe joindra aux ennemis de ces vier-
ges chretiennes pour les immoler. )
Ce font MM. du Sauftai, de Con es
Sec. , leurs fuperieurs. C'eft un M.
Bail lui-meme nomme fuperieur par
la Cour , qui , dans fa carte de vifite
de l'annee 1661, declare avoir » trou-
« ve cette maifon dans une exacte
3> obfervance des voeux, des regies &
jj des conftitutions j une grande cha-
» rite & union entre les fceurs , la
j> frequentation des Sacremens, digne
» d'approbation, avec une foumimon
m due a N. S. P. le Pape, & a tous
» fes decretSj&une foi orthodoxe...,.
» une grande fimplicite, fans curio-
« fite dans les queftions de contro-
m verfe dont elles ne s'entretiennent
» point «. C'eft M. Grenet, Dodteur
de Sorbonne, Cure de S. Benoit, qui
non content d'avoir attefte en diffe-
xentes occafions 3 de vive voix & pat
-ocr page 39-
III. P ARTIE. LlV. I.        37
exrit dans fes cartes de vifites, Pin- 1705.
nocence des religieufes de P. R., vou-
lut encore, avant de paroitre devant
Dieu , leur rendre un temoignage
d'autant plus authentique en faveut
de ces faintes filles , qu'il rend ce te-
moignage a la viriti, dit-il 3 afin de
fe rendre favorable le jugement de la
veritd devant laquelle il s'attend d'etre
prefente dans peu de jours
(31).
" C'eft devant Dieu , que je vous xxx.
» carle, Monfeig., (dit ce bon Pretre, gnt™ aem
» ecrivant a M. de Harlai ) & vousGteD" en
&■
1 •               r               .                    veut des reli-
» pouvez bien penier que je ne vou- gieufes de p.
» drois pas mentir dans un etat ou il *■•
» n'y a plus rien a efperer ni a crain-
» dre pour moi dans le monde, &
« ou il n'y a plus que la verite a la-
» quelle je puifTe prendre interet,
« parcequ'il n'y a qu'elle qui me puif-
» fefauver «. Ce Pretre de J. C. decla-
re , fe croi'ant pres de la mort, » qu'il
» ne croit pas qu'il y ait dans toute
« l'Eglife de Dieu un monaftere fi
w bien regie, & ou routes les reli-
3> gieufes vivent fi faintement, ou les
v. enfans foient eleves plus chretien-
» nement, ou il y eut des Ecclefiaf-
(51) II releva de cette    attache a P. R. ou il vo%
jnaladie, & ne mouruc   lut etre enterre, comme
que quelques annees a-    nous l'avons raj potte.
f ics; toujouM tgalcmsju
-ocr page 40-
J 8 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAI.."
» tiques fi vertueux & fi eclair^s.....Le
fa.llo'u~il} 6 mon DieUjS'icxie ce venera-
ble vieillard , allarme du bruit de la
perfecution dont etoient menacees les
religieufes de P. R.; » le falloit-il , 6
sj mon Dieu, que je connufTe la foi,
» la piete, la purete de vos epoufes ,
» fi-non pour etre temoin de l'injuf-,
« tice avec laquelle on les traite com-
" me des coupables ? Falloit - il que
» leur verm me donnat pour elles
» route l'eftime & tout l'amour que
» je fens, arm que mon eocur fut de-
>y chire par la douleur de les voir per-
il fecutees.....Vous avez voulu que je
« fufTe temoin de leur innocence ,
» pour les voir perir comme crimi-
" nelles , fans pouvoir rien pour leur
» defenfe. Mais permettriez-vous , 6
» mon Dieu , que leur Archeveque
i> eut part a leur mine ; qu'elles ne fe
» fuflent mifes volontairement entre
» fes mains, que pour etre livrees par
» lui entre les mains de leurs enne-
» mis.... Si cela eft, Seigneur , tirez-
» moi promptement du monde , afin
» que je ne voie ni les fouffrances
» d'un chaeur de vierges que je regar-
« de comme mes filles j ni l'injuftice
» d'un Archeveque , que je regards
n comme mon pere. Pardonnez-moi,
-ocr page 41-
III. Pahtie, Liv. 1. 39
*> Seigneur, ces paroles que la dou-~i
» leur m'a comme arrachees avec une
» violence a laquelle il a fallu ceder.
» 11 me femble que je fuis au meme
» etat que Jacob , lorfqu'on lui vint
» apporter la robe de fon fils Jofeph,
» &: qu'on lui fie croire qu'une bete
» l'avoit devore j trop heureux fi
» ai'ant fenti la douleur de ce bon
" pere, je pouvois voir comme lui
» avant ma mort le retablifTement de
» mes faintes filles , & que Dieu eut
« fait eclater leur innocence , comme
» il eft dit a Pegard de Jofeph : Men-
» daces qui maculavemnt cum.
C'eft
» alors que je dirois comme Jacob ,.
■» il me fuflit de favoir que mes yeux
» ont vu ce grand miracle que la
» proteftion de Dieu donne a fes
» Elus.... Dans ce pen de moments
» qui me reftent, dit encore ce refpec-
table Dodeur, » pour me difpofer
» a ce compte terrible , j'implore
" pendant qu'il eft encore terns , la
» mifericorde de Dieu, afin qu'il me
» pardonne toutes les fautes que j'ai
» commifes dans l'adminiftration de
» cette maifon.... « Je crains, conti-
nue-t-il, parlant a M. l'Archeveque ,
» de ne vous avoir pas reprefente
» afiez fonement i'innocence de ces
-ocr page 42-
40 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl."
» chaftes vierges , & la malice de
» leurs ennemis. C'eft pour reparer
» cette faute, que je ne veux point
» mourir fans remettre fous votre
» protection ces pauvres perfecutees ,
» a la paix defquelles je voudrois que
» ma mort put fervir. Je ne vous re-
» commande , M. , que celles que
»> Jefus-Chrift vous recommande lui-
» meme.... C'eft pour fatisfaire a mon
» devoir, & pour reparer les fautes
» que ma foiblefle m'a fait comtnet-
» tre a. cet egard.... II faut fceller la
" fin de ina vie par le temoignage
» que je dois a. la verite.... C'eft
" pour elle, que je prens la liberte
» de vous ecrire, en vous ecrivant
» pour les religieufes de P. R. , par-
» ce que je fuis perfuade que c'eft la
" verite & la juftice qu'on perfecute
» en les perfecutant.
Eft-il des cceurs afiez durs pour n'e-
tre point touches d'un temoignage fi
tendre & fi pathetique ? Ou y auroit-
il des efprits affez rebelles a la veri-
re, pour n'en etre pas perfuades ? Sem-
blable au Cigne , dont le chant eft
plus melodieux lorfqu'il rend les
derniers foupirs , ce faint Pretre fe
croiant par la maladie pret a fortir de
cette vie, repand fon coeur , & parle
-ocr page 43-
III. P A R T I E. L'tV. L         41
«n faveur de l'innocence des epoufes
de J. C. d'une maniere plus tendre &
plus forte, & leur rend un temoigna-
ge encore plus eclatant qu'il ne l'a-
voit fait pendant les annees qu'il
avoit ete leur fuperieur, & le temoin
de leur vertu.
Que pourrions-nous ajouter a un
temoignage fi fort & fi decifif, en fa-
veur de l'innocence ? Y joindrons-
nous celui de M. Taconnet, Chanoi-
ne de S. Victor, fuccefTeur de M. Gre-
net ? Joindrons - nous celui de M. de
la Grange , Sous - prieur & Chanoine
de la meme abbai'e , qui declara dans
fa carte de vifite en 1687 a P. R. des
Champs, 011 il y avoit 61 religieufes,
que tout le bien qu'il en avoit oui dire s
n'egaloit pas celui qu'il avoit vu de fes
yeux}
Joindrons-nous celui de M.
l'Abbe de Roynette, grand - Vicaire
de M. de Noailles , qui, dans fa car-
te de vifite de l'an 1696 , attefte ,
apres avoir entendu toutes les reli-
gieufes en particulier, » qu'il les a
» toutes trouvees dans une parfaite
» union entre elles , dans une appli-
» cation louable a. remplir leurs de-
voirs, & dans tous les fentimens &
difpofitions qu'on peut defirer dans
» les meiUeures religieufes ? Ce que
-ocr page 44-
41 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
1j_0, nous nous crowns j dit-il, obliges de
declarer 3 pour aider a detromper des
efprits mal informes de leur conduite 3
& prevenus contre elles.
Telles etoient les religieufes de
P. R. des Champs , telles elles avoient
toujours ete depuis leur reforme , 8c
telles elles etoient lorfque M. le Car-
dinal de Noailles fut place fur le fie-
se de Paris. M. le Cardinal en etoit
n perfuade pour lors , que faifant re-
ponfe (33) a la mere abeife (Racine),
qni lui avoit ecrit pour lui faire fon
compliment & lui demander fa pro-
tection pour toute la communaute ,
il l'afliira qu'il etoit dans la difpofi-
tion de traiter fon monaftere avec tou-
te I'efiime & la distinction qu'il me'ri-
toit.
xxxi. II conferva ces fentimens pour P. R.
Monfieur de           j          j •                 1 ' ■ 1
Noailles pro- pendant dix ans; il etoit leur protec-
tege d'ahord teur: fouvent il patla d'elles en des
les religieu-         '                    1         .         u fi-
fes, puis il les termes » qui marquoient 1 elhme
abandonne. „  qu'il faifoit de cette communaute ,
»  & qu'il n'avoit leur foi non plus
»  fufpecte que leurs moeurs. Revenant
«  un jour de P. R. des Champs , il
»  entra chez la DuchefTe de Noail-
»  les fa mere, dans la premiere cour
»  de l'Archeveche. 11 etoit fi touche
(33) lettredu n Septembre I6jj,
-ocr page 45-
III. P A R T r E, Tiv. I.        4 J
fc de la regukrite & de la piete de i
w ce monaltere, qu'il ne put retenir
» les tranfports de joie ou il etoit. II
« parla long-tems avec admiration
» des verms fingulieres de cette com-
» munaute , dilan-t qu'il n'y en avoit
» point de pareille , qu'il fouhaitoit
»> que toutes les autres de fon Dioce-
* le l'imita{Tent; qu'il avoit pafTe par
» Gif en revenant, &c leur avoit dit
» de prendre les religieufes de P. R.
» pour modele, & qu'elles s'y confor-
» mafTent en tout jufqu'a la maniere
» d'orner avec fimplicite & proprete
» leur Eglife. II ne pouvoit finir, tant
» il etoit charme «. J'etois prefent a
cette converfation, dit M. Cnatekin ,
Chanoine de Notre-Dame , temoin
non fufpedt.
M. de Noailles s'emploi'a pendant
fix ou fept ans pour empecher qu'on
ne donnat 1'Arret du Confeil qui leur
defendoit de recevoir des novices; (car
jufqu'au 17 Avril 1701? , que 1'Arret
fut lache, k defenfe n'avoit ete que
verbale.) Les religieufes atteftent ce
fait dans une lettre qu'elles ecrivirent
a M. de Noailles le 20 Juillet 1705
pour lui temoigner la douleur qu'el-
les avoient, de ce qu'il avoit enfin
confenti a l'Arret , & les avoit
-ocr page 46-
44 Histoire de Port-ro'j'ai.
abandonnees. Cette letrre fut portee
aM. de Noailles par M. Marignier ,
leur confeffeur j 8c fori Eminence bien
loin de contredire les fairs rapportes
qui la concernoienr , femble avoir
confirme en parciculier celui de la
fufpenfion de I'Arret , en difanr a M.
Marignier , qu'a la verite quand les
religieufes auroient fait ce qu'on leur
demandoit 3
( c'eft-a-dire, quand elles
auroienr recu la Bulle fans la claufe
dont nous parlerons) elles n'enferoient
pas mieux felon le monde j parceque le
defjein de les dttrub-e hoitpris depuis
longtemrs
(34). Ainfi la perte de P. R.
etoit refolue avant merae la Bulle Vi~
nearn; 8c
cetre Bulle n'a fervi que de
pretexte & de moi'en pour l'execution
de ce delTein , que M. de Noailles
avoit arrete pendant plufieurs annees,
& auquel il eut la foibleflfe de fe pre-
fer. Le refus de figner fans la claufe
ne fut point la fource de la perfec-
tion 8c de la deftrudfcion de P. R. ,
quoiqu'il en ait ete le pretexte ; & la
fignature pure 8c fimple n'auroit, ni
arrete la perfecution , ni empeche la
deftrucHon.
On fe rappelle ici ce que difoit
(34) Lcttre des Religieufes a M. de Noailles, d«
j 7 Septembte.
-ocr page 47-
111. P n t i e. Llv. I.          45
flits de quarante ans auparavant (35) 1
a foeur Angelique de Saint Jean a
M. de Perefixe. » Je penfe , Monfei-
» gneur, lui-difoit-elle , qu'il n'eft
» pas u aife de fortir de la perfecu-
» tion ou nous fommes expofees
« depuis vingt-cinq ans. La figna-
" ture n'en a pas ete le commence-
" ment, & je douterois fort qu'elle
« en fut la fin. Je vous avoue que
« quand nous n'aurions que notre
» propre experience, pour nous per-
m fuader qu'on demande autre chofe
» de nous qu'une marque de notre
» obeiflance , il nous feroit bien dif-
>» ficile de croire qu'il n'y eut point
» d'autre caufe fecrete de la condui-
» te qu'on tient fur nous aujour-
« d'hui, &c.
II faut que les religieufes de P. R.
finTent bien parfaites , puifque leurs
ennemis & leurs plus cruels perfecu-
teurs, n'ont pu trouver d'autre de-
faut en elles , ni d'autre pretexte pour
les perfecuter & renverier leur mo-
naftere , que le refus de croire &
d'affurer avec ferment un fait pour le
moins douteux j refus qui n'eft que
la marque de la droiture de leur cceur,
8c de leur fincerite j refus enfin qui^
(jf) jo Juin 16S4.
-ocr page 48-
46 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
1705. montre clairement combien leur ver-
tu etoit folide; puifqu'elles ont tout
facrifie jufqu'a leur liberte , plutot
que de blefier leur confcience par le
moindre deguifement.
xxxii. La rujne entiere Je p. R, etoit re-
commence- /-.,-.
nent de la lolue depuis long-tems j mais on vou-
aSSSLErM* tenter de Perdre avecfa§eP ces
r.             faintes filles en emploiant quelque
iLEtX«.de ipecieux pretexte. On le trouva dans
la Bulle Vineam Domini fabaoth du
15 Juillet 1705 , fur le iilence ref-
pedtueux. Ainfi des la fin de cette
annee on commenp a mettre la main
a l'oeuvre pour confommer ce myfte-
re d'iniquite. Le premier coup tom-
ba fur M. Euftace confefleur de la
maifon , que M. d'Argenfon fit ve-
nir a Paris au mois de Decembre.
Aiant comparu devant ce Magiftrat,
le 1 o Decembre, il fut renvoie avec
ordre de revenir le lendeinain j il s'y
rendit, &c fut encore remis au ven-
dredi 11 du mois. Un rhume l'ai'ant
empeche de s'y rendre , il n'alla que
le Dimanche chez M. d'Argenfon,
qui n'y etoit point, pour favoir ce
qu'il plairoit a la Cour d'ordonner.
Dans (cet intervalle , M. Euftace fut
averti qu'on avoit deftein de l'arre-
ter pour le mettre dans une prifon ,
.^.Jm
-ocr page 49-
------------------------------------------------------------------------------1—
r
III. P A R T I E. L'lV. I.        47
Be prit fagement le parti de ne plus
1705.
paroicre(36). M. Marignier , qui de-
puis vingt-quatre ans faiioitavec beau-
coup d'edification les fon&ions cu-
riales dans les dehors de P. R. qui
avoir droit de paroifle , fut choiii
pour conferTeur des religieufes.
Enfin apres ces preliminaires , on
1706.
refolut de prefenter la Bulle Vineam xxwi.
Domini
aux religieufes de P. R.; ,°n demau"
• 1 r»               -in-         : de la fignatu-
quoique 111 le Pape , ni le R01 , m « deiaBuiie
les Eveques de France , ni meme le J"*^!6^"
. mandement de M. de Noailles (37),
n'en eufiTent ordonne la fignature j 8c
afin que cela ne parut pas trop arfec-
(56) M Euftace etcit
depuis 11 ans a P. R. des
Champs. II le tint cache
a Pans , & avoit dciTem
de rcvenir dc lems en terns
incognito dans fa chere fo-
litudc,pout rendte aux re-
ligieufes les fctvi'jes dontil
pouvoit cue capable.Mais
le P. Qucfnel 8c M. Du-
guet n'etant point de tet
avis , il fe reiira a Vitry-
le-Francois , ou il demeu-
ta quelquc-t.-ms de^uife &c
inconnu a tout le monde ,
chez le here d'une reli-
gieufe de P. R. Puis il
alia s'enfevelit dans l'Ab
bail' d'Orval, poury liver
fa feme
, dit le fuplement
au Nectologe , dans les
larmes d'une aufierepeni-
tence. Cet auteur veut
parier de la faute que M.
F.ultace fe reprochoit d'a-
voir commife dans l'af-
faire du cas de confeien-
ce , a laquelle il avoit eu
beaucoup de part, 8C qui
avoit eu de il facheufes
fuites. Il vecut le refte de
fes jours dans cetie foli-
tude , 8c y mourut le i y
Mai 1716. Voye\ le Supl.
p. «ij.
(57) Ce Mandement eft
trop i'ameux&caeu des fui-
lesrrop confidera -les pour
n'etre point infere dan?
une hiitoirc , a laquelle il
fb'unit une il abondante
matiere. Voye* a la fin
du volume.
-ocr page 50-
4.8 HlSTOIRE DI PoRT-ROlAt.
te, on la demanda auffi aux religieufes
de Gif. M. Marignier fat done man-
de a Paris , & s'y rendit le 18 mars.
M. Gilbert, grand vicaire de M. de
Noailles , & mperieur de P. R. lui
demanda fi les religieufes avoient re-
$u le mandement & la Conftitution j
a quoi M. Marignier ai'ant repondu
qu'on ne les avoit point encore v&s
dans leurs quartiers , M. Gilbert lui
donna un exemplaire de la Bulle, y
joignant celle qui avoit ete lue a Gif
8c lignee en ces termes. » La Bulle
» & ordonnance ci-deflus ont ete lues
» & publiees a la grille de l'Abbaie
» de Gif par nous Pretre fouffigne ,
» prepufe a la conduite des religieu-
» ies , & revues avec le refpect du
v a Sa Saintete &c a. fon Eminence
» par les religieufes,le quatrieme Di-
» manche de careme de l'an 170(1.
» Signe Mornat , Pretre.
M. Gilbert dit a M. Marignier
qu'on exigeoit que les religieufes de
P. R. fiflent la rneme chofe , e'eft-a-
dire, que la Bulle f lit lue a la grille
en prefence des religieufes par M.
Marignier, qui attefteroit que la Bul-
le &c l'Ordonnance avoient ete lues
6c revues avec refpedt par les reli-
gieufes. II ajouta qu'il faudroit enco-
-ocr page 51-
III. P ARTIE. iJV. /.          5t
•»  Sa Saintete & a fon Eminence fans
»  deroger a ce qui s'ejl fait a leur
■»   egard -a la paix de L'Eglife fous Le
»  Pave Clement IX, fait ce n mars
»   1706" (38).^^. MARiGNiER,Pretre.
L'AbbelTe ecrivit a M. le Cardinal
de Noailles en ces rermes : » nous
»   n'avons recu que le vendredi au
"   foir le Mandement & la conftitu-
"   tion. Monfieur Marignier nous
»   la vient de lire a la grille du
»   choeur , & nous l'avons rec,ue avec
w   le refpe£t du a Sa Saintete & a
»   votre Eminence , fans deroger a ca
"  qui s'eft faital'cgard de ce monaf-
   tere a la paix de 1 Eglife fous Cle-
"  ment IX «. L'AbbelTe ecrivit en
(581 Ce futM. Nicolas
Mabille, Pretrc , Dofteur
en Theologic, qui, com-
f renant le danger du cer-
tificat qu'on exigeoit des
religieufes, leur confeil-
la d'ajoutcr ce;te claafe ,
qu'il leur envoi'a. M Ma-
bille , nc a Paris, d'une
Vionncte famille , eleve
dans la piete , avoir exer-
ce a'/cc fucces les fonc-
tions du fainr miniitere
fur la Paroiffe de S. Leu.
ll Fur lie dc bonne heure
avec les rcliiieufes de P.
R., qui avoUnt 'jeaucoup
de confiaace en lui A'i.nt
toajours aimi la retraite
& 1'obfiurite, il fe retina
a Palaifeau , chez MM.
Benin , fes amis, qui ,
corome lui, l'ctoient de
P R. 11 enrretenoit du lieu
dc fa retraite des liaifons
avec ces faintes filles,
auxquelles on livioit !es
de'nieres attaques. 11 etoit
thfbrttie de tout ce qui fe
pafToit a leur fuiet 8c en
tenoit tcgiftre II ne fur-
vecut m'environ !eux ans
a la defttu&ion de P. R.
etant mort le n Aout
1711 , a)',e de jj ans. Il
repofe dai's le cimitieto
de Palaifeau. Mem. Hift.
T.C.p. 13= • 'J.',\ , I
Cij
*
*
-ocr page 52-
50       HlSTOIRE DE PORT-ROlAL.
' ljo6, qu'on recevo'u avec refpecl cette Bulle
& le Mandement oil 11 y avoit a la ri-
te que c'hoit contre les Janfeniftes.
La
refolution que prirent ces faintes fil-
les , fiic de demander du tems pour
prier Dieu, & d'ecrire au Superieur
pour lui marquer qu'elles avoient
coutume d'implorer les lumieres du
Ciel, avant de fe determiner dans des
affaires de cette importance. Des le
meme jour l'Abbeffe ecrivit , & on
fit beaucop de prieres , qui fortifie-
rent les religieufes dans la refolution
de ne pas fe rendre a ce qu'on de-
mandoit d'elles , fans ajouter quelque
claufe qui marquat la diftincfion du
fait & du droit,
xxxv.
         Le ii mars, Dimanche de la Paf-
laButie'&du ^lon ' * ^x heures du matin , la com-
Mandement: munaute etant affemblee au chceur ,
cUufeCaajout & fa grille etant ouverte , M. Mari-
ne,
            gnier lut le Mandement & la Bul-
le , 8c mit au bas le certificat fuivant,
qui renfermoit la refolution de la
communaute. » La Bulle & Ordon-
- » nance ci-deffus ont ete lues & pu-
» bliees a la grille de P. R. des
« Champs , par moi Pretre foufligne
» prepofe a la conduite des religieu-
» fes , lefquelles ont declare qu'elles
» les re^oivent avec le refpect du a
-ocr page 53-
III. P A R T I E. L'iV. I.          51
*> Sa Saintete & a fon Eminence fans
» dinger a ce qui s'ejl fait a leur
» dgard -a la paix de L'Eglife fous le
» Pave Clement IX, fait ce n mars
» 1706 (38).^. MARiGNiER,Pretre.
L'AbbetTe ecrivit a M. le Cardinal
de Noailles en ces termes : » nous
j> n'avons recu que le vendredi au
» foir le Mandement & la conftitu-
»> tion. Monlieur Marignier nous
« la vient de lire a la grille du
» choeur , &c nous l'avons re^ue avec
■» le refped du a Sa Saintete & 4
» votre Eminence , fans deroger a ca
» qui s'eft fait a regard de ce monaf-
» tere a la paix de l'Eglife fous Cle-
s> ment IX «. L'Abbefle ecrivit en
<581 Ce futM. Nicolas
Mabitle , Prette , Dofteur
en Tbeologie, qui , com-
f tenant le danger du cer-
tificat qu'on exigeoit des
reH[>ieufes, leur confeil-
la d ajouter ceite claafe ,
qu'il leur envo'ia. M Ma-
bille , ne a Paris , d'uue
honncte famillc , eleve
dans la piece , avoir exer-
ce avec fucces les fonc-
tions du faint miniitere
fur la Paroiflc de S. Leu.
ll fur lie dc bonne heure
avec les rcluieufes Je p.
R., qui avoi^nt beaucoup
de confianceen lui Ai.nt
toajours aims la retraite.
Sc l'obfi urite, il fe reri',a
a Palaifeau , chez MM.
Benin , fes amis, qui ,
coirime lui, l'ctoient de
P R. Uentretenoitdu lieu
de fa retraite des liaifons
avec ces faintes filles,
au.xquelbs on livioit !es
detnieres attaques. Il etoit
iiiformc de rout ce qui fe
fafToit a leur fujet &c en
tenolt rcgiftre II ne fur-
vecut (u'environ ieuic ans
A la deftruftion de P. R.
etant mort le it Aout
1711 , ay,e ds t ? ans. U
tepofe dais le cimitietc
de Palaifeau. Mem. Hift.
X.C. P. 150. IJ,I>.             !
Cij
*"
»
-ocr page 54-
jl HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
meme-rems a M. Gilbert fuperieur de
la communaute , pour le pner de fai-
re agreer a M. le Cardinal ce qu'elle
avoir fair. M. Frerer, qui avoir porte
les pieces , dir a l'Abbefle a. fon re-
tour , que le fuperieur lui avoit re-
pere plufieurs fois, qu'il croibit que
Monfeigneur feroir fatisfait. Mais il
park bien differemment , lorfqu'il
eut vii fon Eminence a Conflans ,
& dit a M. Frerer , que Monfei-
gneur n'avoit pas voulu recevoir ce
qu'on lui avoit envoie ; il ajoura
quon ne fe contenreroit pas de cela,
8c que lui fuperieur viendroit a P. R,
le mardi.
II y alia effe<5tivemenr ; & a'iant de-
mande 1'AbbeiTe, il lui dit qu'il ecoit
furpris & fache de ce qu'elles avoient
ajoute de plus que le modele qui
avoit ete envoie j qu'on avoir pris des
mefures fur cela, & que M. Mari-
gnier lui avoit dit que les amis n'y
rrouvoient pas de difficulte. L'Ab-
beffe lui repondit gravemenr , que
c'eroit la preuve qu'elles ne fuivoient
en cela que les mouvemens de leur
confcience j que la maniere donr on
en avoit agi a leur egard dans les af-
faires paflees, les avoit fort inftrui-
jes j qu'elles feroient neanmoins tou-
-ocr page 55-
IILPARflE. LlV.I.         ff
jours difpofees a obeir a Monfeigneur *""—T*
dans routes les occafions , ou elles 7
pourroient le faire fans blefTer leur
confcience.
L'apres diner 5 M. Gilbert reyint a xxxvi.
la charge : ai'ant demande 1'AbbefTe M- GiIbert
& les anciennes, ( c'eft-a-dire , tou- t^M' t
her la
t ^ "' *lu " *'»" u±i ic matin a i Ab-
beiie favoir que les amis, au rap-
port de M. Marignier , n'avoiem
point trouve de difficult*. Les reli-
gieules lui repondirent avec fermete.
que cetoit leur confcience qui les ar-
Ktoitj qu'elles n'avoient rien de plus
«*er que k paix d'une bonne conf-
cience • qu'elles avoient hk temoins
des troubles qu'avoient &,rouv& eel-
les de lers {c£ms ayoient
cc qu on leur avoir demande. M. Gil.
WW dit qu'on ne leur demandoit
Point de fignature. A quoi les reli-
gieufes replicant, que M. Mari-
So! 1 gRanC aU bas qu'elles avorent
dantaMonfeigneurjrttoite uel.
que forte flgner au nom de la com-
av2aUte'&qUe C«oitce qu'elles
avoient toujours refofc
         C lij
-ocr page 56-
54 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lA!.
1706'. M. Gilbert, chafle de ce pofte, de-
xxxvii. manda ce qu'elles entendoient en di-
6ilbm°n'de-fantque cetoitfans dinger, &c. el-
mande l'ex-les lui dirent qu'a la paix de Cle-
la'cUufe: on ment IX > e^es avoient fait la diftinc-
U lui donne. tion du fait & du droit , & que ce-
pendant on les avoit retablies dans
tous leurs droits comme auparavant.
M. Gilbert pretendit que les chofes
etoient bien changees ; qu'autrefois
elles etoient melees ; les uns croiant
d'une facon , les autres d'une autre 'y
mais que depuis la decifion du Pape,
elles devoient fe rendre a fon autori-
te. La-deiTus la Souprieure lui temoi-
gna qu'il n'etoit pas poffible de rece-
voir uneBulle pleine de calomnies con-
tre des perfonnes , dont elles avoient
connu par experience , 1'innocence, la
vertu , la fcience extraordinaire , &
la purete de la foi. On lui reprefen-
ta encore que la conduite qu'on te-
noit a l'egard des religieufes de P. R.,
en exigeant d'elles ce qu'on n'exigeoit
pas des autres communautes , leur
etoit fufpecte. Eniin ces bonnes reli-
gieufes nnirent en fe mettant a ge-
noux , pour le prier de les proteger
aupres de Monfeigneur : Mais devcns-
nous
j dirent-elles , livrer nos conf-
ciences
?
..
-ocr page 57-
III. Partie. Livt 1. 55
Apres que 1'AbbeflTe & les ancien- 170U.
ties furenc retirees , M. Gilbert de- xxxvul.
manda a, voir routes les religieufesdutri,tie^s<ieM<
fecond tems, chacune en particulier. Gilbett.
Elles lui deckrerent qu'elles etoient
dans les memes fentimens que les an-
ciennes. Le foir il vit encore l'Ab-
befle , & prit tin autre ton , lui te-
moignant qu'elles alloient fe perdre :
( langage ordinaire de la politique
humaine , qui croit que c'eft perdre
fon ame que de la fauver). II ajouta
qu'il s'etoit fait jufqu'a ce jour un
honneur d'etre leur fuperieur , mai's
qu'il commen^oit a en avoir bien du
regret, voiant bien que leur conduite
entraineroit la mine de leur maifon.
Le lendemain M. Gilbert park en-
core a 1'AbbeiTe , & lui reprefenta de
nouveau qu'on ne leur demandoit
rien qu'elles ne dufTent accorder; que
depuis plufieurs mois que la Bulle
etoitarrivee & rec_ue en France , com-
me elles ne l'avoient pas recite , des
peifonages malms ,
qui leur en vou-
loient, ne manquoient pas de le re-
prefenter au Roi: que voule\-vous 3
ajouta-t-il, que M. le Cardinal fajje
q:te ce qu'il fair. ?
Et fur ce que les re-
ligieufes lui dirent , qu'il n'y avoit
que leur confcience qui les retenoit,
C iiij
-ocr page 58-
5<? HlSTOIRE DE PORT-ROlAt.
J70(jt il repondit que c'etoit auffi la cons-
cience , qui faifoit agir M. le Cardi-
nal. Cela fe peut , lui dirent-selles,
mats ily en a qui font le malj arconf-
cience.
Le fuperieur dit encore en for-
tant, que fi les religieufes croioient
ne pouvoir en confcience faire ce
qu'on leur demandoit, M. de Noail-
les croiant d'un autre cote devoir en
confcience l'exiger & agir contre el-
les dans le cas de refus, cela faifoit
deux confciences appointees. Tel rut
le fucces de la vifite de M. Gilbert,
qui fut , a ce qu'il a avoue depuis,
frappe des raifons des religieufes.
xxxix. La Souprieure de P. R. ecrivant a
itSfeM" Euftace * r6duk ? <Pam chefs les
fins demger, raifons qu'elles avoient de refufer ce
qu'on exigeoit d'elles. i°. Le titre
portant que c'etoit rontre lesjanfemf-
tes
, recevoir cette Bulle ce feroit ac-
quiefcer a toutes les calomnies eta-
lees dans la Bulle 8c le Mandement
contre ces pretendus Janfeniftes ,
e'eft-a-dire, contre leurs faints Dire'c-
teurs & contre elles-memes 20. Que
c'etoit un piege qu'on leur tendoit,
& qu'elles feroient bien malheureu-
fes, apres avoir eu fi long-tems l'a-
vantage de foiiffrir pour la verite,
de perdre a la fin de leur vie tout
-ocr page 59-
III. Partie. Liv. I.           57
le fruit de leurs foufFrances. 30. Par-'
cequ'il etoit dit dans la piece qu'on
vouloit leur faire recevoir,^ c'efi
fe mocquer de I'Egltfe que de figner
Jans croire.
Cependant tout etoit con-
fondu , le fait & le droit. 4°. L'affec-
tation de demander aux religieufes
de P. R. ce qu'on n'exigeoit pas des
autres communautes, leur faifoit voir
qu'on vouloit les engager a fe defif-
ter de leurs premiers fentimens.
Ces raifons font tres folides \ on ne
peut blamer ces faintes filles d'y avoir
eu egard , & d'avoir voulu ajouter a
leur fignature la claufe qu'elles y
avoient mife , pour prevenir Tabus
qu'on en pouvoit faire. Ces vierges
chretiennes, pleines de foi n'envifa-
geoient que leur devoir , & fans
cramdre les efforts des hommes, el-
les jugeoient qu'il valoit mieux pe-
nr que de blefler leur confcience , &
etre detruites tout d'un coup pour la.
globe de Dieu 3 que dc defaillir peu
a-peu.
II eft inutile d'objecler qu'elles- au-
roient pu figner fans aucune claufe , &
qu'elles ne fe feroient pas engagees i
Ja croiance du fait, attendu que fe-
j0'1 ^'interpretation des Eveques de
iAflembleej & meme felon le grand
<
1706
C v
w
-ocr page 60-
5 8 HlSTOIRE DE PORT-ROIAE.
Colbert & M. de Senez , la Bulle ne
deoicloit point l'obligation de croire
le fait feparement du droit , mais ,
decidoit feulement qu'il faut rendre
une foumifllon de creance aux confti-
tutions, &c ne pas fe contenter du fi-
lence j ce qui eft vrai, eu egard au
vrai fens qu'elles renfe; inent. Je dis
qu'il eft inutile de faire cerre objec-
tion , parceque quoiqu'on puifTe ainfi
interpreter la Bulle ,neanmoins les ter-
mes en font crop generaux, & fufcep-
tibles de deux fens. D'ailleurs rien
n'eft excepte , le fait & le droit font
confondus, ce qui donne un legitime
fondement de douter li la Bulle n'en-
fernie point le fait dans la creance
qu'elle dit qu'on doit aux conftitu-
tions , d'autant que celle d'Alexan-
dre VII decide le fait comme le
droit, & joint roujours l'un avec l'au-
tre en parlant de l'objetde cette crean-
ce due aux conftitutions. Tout le
monde n'eft pas capable de demelerces
doutes & ces dimcultes. Ainfi on ne
pent blamer des vierges chretiennes,
qui aimantla fini erite, & emigrant de
blefter leur confeien- e par des equivo-
ques, veulenr qu'on leur parle d'une
maniere claire Ik nette. 20. En ft-
gnant fans aucune claufe , elles au-
-ocr page 61-
III. Partis, Liv. I.          59
roient pafle pour avoir figne le fait "TToiT
comme le droit, puifque plufieurs in-
terpretoient la Bulle en ce fens , &
pretendoient qu'elle decidoit l'obli-
gation de croire le fait. Ainfi , l'on
auroit dit qu'elles avoient figne Tun
& l'autre , ou qu'elles avoient figne
fans croire. 3°. 11 ne fuffit pas pour
pouvoir figner fans peche une formu-
le, qu'on piniTe lui donner un bon
fens, puifque nous voi'ons que Saint
Hdaire (39) explique dans un fens
catholique quelques formulaires equi-
voques des Arnens , que ce Saint
Dodeur & les Evcques orthodoxes
auroient ete tres eloignes de figner.
La premiere formule de Syrmrch eft
de ce nombre , & quoique plufieurs
pi'etendent que felon Saint Hilaire,
Libere figna cette formule qui n'e-
roit pas formellement heretique , le
meme Saint Hilaire n'a pas laifle de
dire trois fois anatheme a Libere qui
1 avoir %nee. 40. L'afFeftation d'exi-
ger des rehgieufes de P. R. ure fi-
gnature , qu'on ne demandoit pas aux
autres communau^s, marquoit afTez,
qn on leur tendoit un piege, & qu'on
voulou- les engager a attefter le fair,
^ar a quelle intention auroit-on fait
<8?) lib. de Sy.ru.
C. v|.
-ocr page 62-
60 HlSTOIIU DE PoRT-ROlAE.
17067" cette diftin&ion ? Croioit-on de bon-
ne foi qu'elles foutinflent la fuffifan-
ce du filence refpe&ueux pour la de-
cifion du droit, & qu'interieurement
elles cachafTen-t dans leur coeur les er-
reurs condamnees dans les cinq pro-
pofitions ? Elles avoient donne aflez
de preuves du contraire. Mais ce qui
devoir les confirmer encore dans l'i-
dee qu'on vouloir les obliger a attef-
ter le fait, c'eft qu'elles voioient que
c'etoit ce qu'on exigeoit depuis le cas
de confcience. C'eft en effet ce qu'on
exigea des quarante Dofteurs; c'eft
ce qu'on demanda a M. Petit-pied ,
qui le refufa conftamment. C'eft en-
fin pour cela qu'on perfecutoit & qu'on
exiloit ceux qui refufoient de l'attef-
rer. L'intention commune & publi-
que des Superieurs etoit bien mar-
quee , &c il etoit notoire par nombre
de faits, qu'ils exigeoient la creance
du fait de Janfenius; & fouvent me-
me la creance de l'obligation de croi-
re le fait. Les religieuies de P. R. ne
pouvoient ignorer cette intention,
Ainfi elles avoient lieu de croirequ'ert
demandant a elles feules l'acceptation
de la Bulle Vineam , on vouloit leur
faire rendre un temoignage de leur
creance du fait, & adopter le nou-
.J
-ocr page 63-
III. Par tie. Liv. I.          St
veau dogme II en vogue tlepuis le cas de j 706,
confidence , qu'on eft oblige d''avoir la
creance du fait, pour rendre aux Bul-
ks la foumiftion qui leur eft due ;
dog-
me d'ailleurs que plufieurs preren-
doient avoir ere decide par la nou-
velle Bulle.
L'intention des Superieurs etant
done d'exiger la creance du fait, Be
les religieufes de P. R. ne pouvant
en dourer , elles avoient raifon de
mettre la claufe ,fans diroger a ce qui
s'eft pajfe a notre egard a la paix de
I'Eglife fous Clement IX,
claufe ores
modefte & tres fage qui les mettoit a
convert du menfonge & du parjure
a l'egard du fait de Janfenius -y claufe
qu'on n'avoit d'autre raifon de rejet-
ter, que parcequ'elle excluoir la crean-
ce du fait en rappellant la paix de.
Clement IX , ce qui prouve demonf-
trativement qu'on vouloit les obliger
a cette creance j claufe enfin qui fut
approuvee par tons les gens de bien
& en parriculier par le P. Qnefnel.
Le confeiTeur du Saint Defert ( e'eft , XL\ .
1           1'                     1 1 r 1 r • • \ Laconduite
la qualite que prend M. Marigmer ) des reiigieu-
a'ranty par une lettre du 6 avril 1706, r"^0^
confulte cet homme egalement cele- QuefneL
bre par fes luinieres & fa piete , par
fes ecrits fi pleins d'onction, & par
-ocr page 64-
St HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
les perfecutions qu'il a efluiees pour
la defenfe de la verite, il applaudit
par fa reponfe a la conduite des reli-
gieufes de P. R. II remarqued'abord ,
que c'eft une nouveaute & une cho^e
contraire a tout ce qui s'eft pratique
jufqu'a prefent a l'egard des perfon-
nes de leur fexe qui vivent dans la
retraite & le filence d'un monaftere ,
de vouloir que les Bulles & ordon-
nances foient lues a leur grille ; que
c'eft une affectation injuneufe a leur
honneur ; que la publication d'une
Bulle fe fait ordinairement par un
Mandement public qui s'affiche aux
lieux publics , & qui quelquefois
fe lit aux prones ; que fi Ton fe con-
tente, non-feulement a l'egard des
fideles, rriais meme a l'egard des fim-
ples Eccle/iaffques, qu'ils en enten-
dent la lecture , fans exiger d'eux
qu'ils declarent qu'ils la recoivent ,
on devroit a plus forte raifon , s'en
contenter a l'egard des reLgieufes :
que le devoir de leur fexe les obli-
geant, felon Saint Paul, a garder dans
J'Eglife un religieux fiience , & Iepar-
rage de leur etat etant par un privile-
ge fpecial, de garder un file^ce en-
core plus exact fur tout ce qir fe rm£*
fe dans le public, a moms q.ie TEgli-
-ocr page 65-
fe ne leur demande un temoignage de 1706,
leur foi, c'eft un mauvais joug qu'on
impofe a leur etat: qu'elles ont droit
de prier tres humblement qu'on ne
les oblige point de s'y foumettre &
de l'autoriler par leur confentement 'y
que c'eft une chofe fort extraordinai-
re que ces deux mots relatifs , ruf lie's
& refits
; que la publication etant une
formalitc de droit, & un exercice d'au-
tonte & de jurifdiction , qui appar-
tient aux Eveques dans leurs diocefes ,
la reception qui y eft attachee ne peut
etre regardee dans des particuliers ,
comme une formalite juridique ne-
ceflaire pour la validite de la publi-
cation , & moins encore dans des
religieufes; qu'ainfi il faut, lorfqu'on
1'exige par autorite , qu'on la regarde
comme un temoignage juridique du
confentement & du jugement inte-
rieur , par lequel on adhere a l'acfte
pubhe, ce qui renferme la croiance
de ce qu'il contient.
Apres ces folides & judicieufes re-
ma -ques, le P. Quefrel fait voir par
plufieurs raifons , qui ne font pas
moins folides, que les religieufes de
P. R. ne peuvent donner une telle ap-
probation , & en laifiTer a la pofteVite un
double, temoignage par un a&e. fait a.
-ocr page 66-
<?4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1706. leur grille , & par une lettre ecrite £
leur Archeveque ,comme on l'exigeoit
d'elles, a. l'exemple de ce qui s'etoit
fait a Gif. II le prouve i°. parceque
la Bulle Vineam contenant & confir-
mant celle d'Alexandre VII & fon.
formulaire , c'eft faire renaitre toutes
les anciennes difficultes qu'on avoit
autrefois fur ces Bulles & fur le For-
mulaire, que de recevoir la nouvelle
Conftimtion : le Dire&eur prete fa
main pour cet efFet a la communaute ,
& 1'Abeffe l'attefte & le ratine par la
lettre qu'on demande. 2Q. Le refus
d'admettre la clank fans deroger, mon-
rre clairement qu'on veut deroger a la
paix de Clement IX , & decouvre les
delfeins des ennemis de la paix , qui
veulent detruire cet ouvrage. 3 ".Par-
ceque la Bulle derruit cette paix , en
rejettant ^interpretation du bref de
Clement IX aux 4 Eveques, fondee
fur la diftin&ion du fait & du droit,
& relative a la declaration de M. l'E-
veque de Chalons , qui renfermoit
cette diftinction du fait & du droit,
apres laquelle le Pape conclut & con-
fomma la paix. 4". Parcequ'on ne voit
que trop, que c'eft principalement a
cette diftin&iou du fait &: du droit,
qu'on en veut. 50. Qu'on rejetre en-
-ocr page 67-
HI. PAa.tiE.Iiv. J. <?5
---*
core cette diftinction en d'autres ma- 1706,
nieres, comme lorfque la Conftitu-
tion declare que le fens naturel & lit-
teral des cinq propofitions eft le fens
naturel & litteral de Janfenius. 6°.
Parceque l'expofe de la Bulle Vincam
n'eft qu'un tiflu de fuppofitions fauf-
fes , injurieufes aux quatre Eveques &c
aux Theologiens qui leur font unis,
& qu'ainfi en la recevant, on adopte
tomes ces calomnies : on y mele arti-
ficieufement le droit & le fait en les
fuppofant infeparables : fous pretexte
que les Eveques & les Theologiens ont
■foutenu que la foumiffion du filence
refpeclrueux fuffit pour la queftion de
fait, on en prend occaiion de les ac-
cttferen general, de foutenir que par
le feul filence rei"pecT:ueux on fatis-
fait aux Conftitutions apoftoliques }
d'ou Ton infere que Ton ne condamne
done pas fincerement & de cceur les
erreurs qui y font condamnees , &c
qu'on en conferve interieurement le
venin a la faveur d'un filence refpec-
tueux & exterieur. C'eft furquoi eft
fonde le fecond & principal chef de
la definition de la Bulle Vineam. On
voit combien cela eft injurieux, non-
feulement a la memoire des quatre
Eveques & des pieux Theologiens
-ocr page 68-
66 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
," qui ont foutenu la distinction du fait
6c du droit j mais encore a celle de
19 Evtques qui ont pris leur defFenfe,
& des anciennes religieufes de P. R.
qui ont fouffert une fi cruelle perfe-
cution pour s'epargner les menfonges,
les parjures, & les faux temoignages ,
auxquels la fignature pure & fimple
accompagnee du ferment, les enga-
geoit, en leur faifant prendre Dieu a
temoin d'un fait qu'elles ignoroient
ou dont elles doutoient.
» Je ne faurois done , dit le Pere
» Quefnel, n'etre que tres edifie de
» la resolution ou j'apprens que font
» nos tres honorees & tres cheres
» fceurs , de ne prendre aucune part
» a. la nouvelle Conftitution , ii-non
» avec la claufe qu'on refufe d'ad-
» mettre........ Car il eft evident par
» toutes les fupofitions vifiblement
» faufTes, qui ont fervi de motif &
» de fondement a cette nouvelle Conf-
« t tuition, que Ton a expofe faux a
» N. S. P. le Pape , & qu'on l'a fur-
» pris en lui deguifant l'etat de la
m queftion, la veritable difpofition
» cles pretendus Janfeniftes, la pure-
» te de leur foi & de leur refpect
» pour le faint Siege.
» La difpofition oil font ces fid elles
-ocr page 69-
III. P A R T IE. LlV. I.          67 _______
>   fervantes de Dieu de s'expofer a 1706.
>   tout, plutot que de trahir leur conf-
>   cience par l'approbation de cet ecrit
>   calomnieux, & de blefTer par-la, la
'
  verite, la juftice, & la memoire de
>   tant de faints Prelats, de leurs pro-
>   pres meres fi dignes de veneration ,
'
  de leurs pieufes & cheres faeurs , &
>   des excellens Theologiens qui les
  ont inftruites & defendues j cette
■»  difpofition , dis-ie, eft un don tout
•>
  particulier de la mifericorde de
1'
  Dieu , & de la grace de J. C. qui
<>  doit les remplir d'une humble 8c
<>  profonde reconnoiflTance , allumer
"
  dans leur cceur un ardent defir d'y
»
  correfpondre par un attachement
i'
  inviolable a la verite , a. la juftice ,
»
  & y entretenir une fainte joie fu-
"
  rabondante , comme parle S. Paul,
>>  au milieu de ces agitations & des
«
  menaces qu'on leur fait de tous les
»
  maux, qu'elles ont le plus a crain-
"
  dre.
" La part que J. C. leur donne a.
" fa croix , a fes humiliations, eft un
» gage precieux de l'amour qu'a pour
» elles ce' divin epoux des vierges
» confacrees a fon fervice j c'eft un
» depot d'un grand prix, qu'elles doi-
» vent conferver avec un foin & une
-ocr page 70-
68 HistoiredePort-roiai:
i 706. " vigilance particuliere. La perte de
» tout ce que les hommes peuvent
» leur enlever, fera pour elles un
» grand gain , (i elles font aflez heu-
» reufes pour porter ce depot facre
» jufqu'au tribunal du fouverain juge,
" oil elles doivent paroitre au moins
" dans peu d'annees. Tout le mal
» qu'on leur peut faire, eft d'etre chaf-
" fees de leurs maifons , difperfees en
» des monafteres etrangers , privees
& des facremens, Elles peuvent voir
« leurmonaftere livre aleurs envieux,
» ou detruit d'une autre maniere.
» Cette ceuvre Ci utile a la gloire de
» Dieu eft donnee en proie aux en-
s' nemis de la grace de J. C., dont ce
» monaftere a ete une fi fainte ecole.
» Mais li elle doit etre ruinee par les
» hommes , ne vaut-il pas mieux que
» ce foit l'amour de Dieu, la fidelite
» a. fa loi, l'attachement a la verite ,
» qui en ait ete l'occafion & la cau-
» fe, que de la voir perir comme tant
" d'autres ont fait,par le relachement
» dans l'obfervance de la regie, par
» des defordres fcandaleux , par une
» extinction de piete & de religion ?
» Finir de cette forte , c'eft finir com-
u me les martyrs, par un facrifice faint
» & defirable de leur part, quelqu'in-
-ocr page 71-
III. Par tie. Llv. I. 69
» jufte qu'il foit de la part des perfe-
» cuteurs. Mourir pour la caufe de la
» verite & de la juftice , c'eft enrrer
» dans le facrifice de J. C., a qui le
» temoienage rendu a la verite a cau-
« le la rnort.
» Une fociete entiere de perfon-
» nes religieufes ne doit pas plus tenir
» a fa confervation, qu'une ame chre-
" tienne a la vie de fon corps; & Ton
» petit dire d'une fainte communau-
» te qui ne vit & ne fubfifte que pour
» Dieu, ce que J. C. a dit ii fouvent
» a fes difciples : Celui qui voudrafe
» fauver perira _, & celui qui voudra
» perir pour I'amour de moi j fefauve-
» ra. Car enfin tous les efforts que
» font les homines pour diffiper 8c
» perdre une maifon vraiment reli-
» gieufe & une fociete fainte qui n'a
« rien a cceur que de faire la volonte
» de Dieu , ferviront contre leur def-
" fein a en reunir plus etroitement
'- tous les membres, par leur eternel-
» le confommation dans l'unite de
" Dieu. C'eft ce qui les dedommagera
» au centuple de la trifteffe & de l'af-
» Miction que caufe ici-bas la difper-
" fion & la fcparation de celles qui
» ne font qu'un coeur & qu'une ame
}> dans la charite de J. C.
-ocr page 72-
JO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» Cependant la preparation de
»  cceur, ou doivent etre nos tres ho-
«  norees fceurs , pour ce grand facri-
»  fice par lequel comme dans celui
»  d'Abraham , l'efperance d'une lon-
"  gue & fainte pofterite paroit etein-
•»  te & aneanrie , ne doit pas les em-
=>  pecher d'efperer contre toute efpe-
"  ranee , a l'exemple de ce S. Patriar-
»  che, l'efperance de la pofterite, d'ou
»  devoit fortir le Sauveur , e'eft-a-
3)   dire , la femence de tout bien. La
»  femence du falut du monde alloit
jj  ce femble etre facrifiee & confom-
»  mee avec la vie d'lfaac ; mais en
»  meme-tems que ce pere des fideles
»   leve le bras pour l'immoler , il ne
»  s'affoiblit point dans lafbi, il croit
3>  fans hefiter que celui qui rend la
»  vie aux morts & qui appelle ce qui
■»   n'eft point comme ce qui eft, lui
»  pouvoit rendre fon his en le reuTif-
*>   citant , & le faire par ce meme fils
»  le pere de plufieurs nations.
» Que nos cheres fceurs ne cefTent
»  point d'efperer contre toute efpe-
»  ranee. Celui qui par un Ange ar-
»  reta le bras d'Abraham, peut ar-
«  reter par lui-meme cant de bras ar-
»  mes pour la ruine de ce faint mo-
»  naftere. II s'eft referve jufqu'a pre-
\
-ocr page 73-
III. P A R TIE. LlV. I.         71
» fent cette femence par une protec-
j' tion que je ne puis regarder que
» comme miraculeufe , il la peut en-
» core conferver contre tous les efforts
» de ceux qui la veulent etoufcer.
» Quand il permettroit qu'ils en vin-
» fent a bout d'une maniere , il la
» peut faire revivre par mille autres.
» Mais fes deffeins pour Pavenir font
" un myftere qui nous eft cache. Ce
» que la foi nous fait connoitre des-
» a prefent d'une maniere a n'en pou-
" voir douter , c'eft qu'il faut faire la
" volonte de Dieu aux depens de tout,
» lui facrifier fes interets, fes defirs
» les plus juftes, les etabliifemens qui
" nous paroiffent les plus utiles a fa
» gloire , l'amour desplus faintes ceu-
" vres , l'efperance des plus grands
■> biens; lui abandonner le foin de
» l'avenir dont fa providence eft char-
» gee, & nous tenir au partage des
" enfans de Dieu , qui eft de garder
» fa loi : Portio mea 3 Domine _, dixi
•' cuftodire legem mam.
Le Ledteur ne trouvera pas mauvais
que nous nous foi'ons etendus pour fai-
re voir que les religieufes de P. R.
ont agi fagement, en ajoutant au cer-
tificat qu'on leur demandoit, qu'elles
lie pretendoient pas diroger a la pais
-ocr page 74-
71 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
ijo6. de Clement IX. Si dies avoient be-
fom de juftification la-defiiis , on pent
dire qu'elles font pleinement juftifiees
dans i'excellente lettre du Pere Quef-
nel. II etoit d'autant plus important
de faire voir la neceffite de la claufe
fans diroger, que c'eft cette claufe, tou-
te fage qu'elle eft, qui a fervi de pre-
texte a la ruine de P. R. j il n'en a pas
fallu d'avantage pour condamner les
epoufes de Jefus-Chrift. Btafphema-
yit: quid adhuc egemus tefiibusrlSznet
du confeil qui leur fit defenfe de re-
cevoir des Novices fuivit de pres j
puis la privation des Sacremens, en
punition de cette pretendue revoke;
fieu apres les Bulles de fuppreffions de
'Abbaie de P. R. des Champs; enfin
la confommation du myftere d'ini-
quite par la difperfion de ces vier-
ges chretiennes, & la deftruclrion du
ian<5fcuaire. C'eft ce que nous allons
voir.
xli.
         Qudque fage que fut la conduite
i«'ddee4°ou: des religieufes de P. R. die ne fut
vcIj claufe. pas approuvee de M. le Cardinal de
Abefle* llth Noailles. L'AbbefTe de P. R. lui ecri-
piufcuts let- yit plnfieurs lettres pour tacher de
Bminouce.0" m* ""re agreer la claufe, mais inuti-
lement. Elle avoit ecrit le x i mars a
fon Eminence , comme nous l'avons
die.
-ocr page 75-
III. Partie. Lirll.        H
dit , le lendemain elle lui ecrivit 1706'.
line feconde lettre, par laquelle elle
le fupplioit de confiderer que Pexem-
pie de Gif ne devoit pas leur etre
propofe , parceque le cas des reli-
gieufes de P. R. etoit different de ce-
lui de Gif, .1 l'egard defquelles il ne
s'etoit rien pafle a. la paix de l'Eglife,
au lieu que P. R. y avoit eu part, &
que c'etoit pour ce fujet qu'elles n'a-
voient pu fe difpenfer d'ajouter a leur
certificat une claufe qui rappelloit
cette paix , pour marquer qu'elles y
demeuroient toujours attachees.
Apres le voiaee que fit M. Gilbert ..^ll- . k.
a P. K. 1 Abbede ecrivit une troiiifi- ftifie la con-
rae lettre a M. de Noailles : elle lui **?dc*™"*
>r                     1        • 1 r                  « giemesparun
reprelenta que depuis la lentence de uiftwitenwnt
fft fans
que.
M. de Perefixe du mois de fev. 1669 , &,
(par laquelle elles avoient ete reta-
blies dans la participation des Sacre-
mens ), elles n'avoient rien fait de
contraire a. l'obeiflance & a la fou-
miffion qu'elles avoient promife : que
M. de Perefixe leur avoit rendu un
temoignage expres, que cette obeif-
fance etoit entiere : qu'il fut 11 con-
tent de la fincerire de cette obeilTan-
ce & de cette foumiffion, qu'il ne
fouhaitoit rien de plus finon qu'elles
perfeveraflent. L'AbbefTe ajoute qu'el-
Tome IX.
                       D
-ocr page 76-
74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
les y one perfevere fi religieufemenr,
qu'on nepeut les convaincre d'aucu-
ne faute fur ce fujet. M. de Perefixe
certifioit en meme-tems, que la de-
claration des religieufes etoit la me-
me que celle qui avoit ete regue &
approuvee par le Pape Clement IX,
& que e'etoit en fuivant l'exemple
de Sa Saintete qu'il avoit recti la leur.
Apres cet expofe , l'Abbeflfe Fait un
raifonnement, auquel il feroit bien
di/Hcile de repondre. » Comme il
" s'agit aujourd'hui de la meme af-
« faire, dit 1'AbefTe , ( fa voir des
« cinq propositions attributes au li-
» vre de Janfenius), fi ce qu'on nous
« demande eft contraire au regie-
?> raent de cette Sentence (de M. de
» Perefixe ) , nous ne pouvons nous
" perfuader qu'il nous foit permis de
" le faire , ni de nous departir de ce
« qui nous fut accorde alors; &fice
« n'eft rien qui n'y foit conforme ,
» nous croions devoir le faire con-
« noitre, en difant que e'eft fans di-
?> roga a cette Sentence; parcequ'a-
« pres un jugement fi folemnelle-
" ment rendu , il ne nous paroit pas
» qu'on puifle nous obliger d'y re-
» noncer, & de perdre le repos de
#» confidence qu'il nous a procure.
-ocr page 77-
«
III. Partie, Liv. I.          75
Cet argument , il faut l'avouer ■> \-,o6>
quoique fimple , eft fort & preftant j
auni eft-il refte fans reponfe \ car fon
Eminence n'en fit point a cette lettre
non plus qu'aux precedences , & a
celles qui fuivirent.
M. Marignier confefteur des reli- Accomm*.
gieufes, allarme de l'orage qu'il voioit d™™1 pro-
pres defondre fur elles, leur propo- Marignier.
fa un expedient , qu'il croioit pro-
pre a le detourner. II ecrivit a ce fu-
jet le 27 mars a M. de Noailles une
lettre qui lui fut remife le jour des
rameaux par M. Gilbert. Inexpedient
propofe par M. Marignier etoit de
fupprimer le premier a&e du 11 mars
avec la lettre de la mere AbbeiTe , &
d'en faire un nouveau portant que la
Bulle & I'Ordonnance ont ete lues &
publiees a la grille de VAbbdie par
JV»
Precrefoufjigne , & icoutees par les re-
ligieufes avec refpecl.
M. Marignier
avoit re$u cet accommodement de la
main d'un des amis des religieufes de
P. R. qui n'y confentirent qu'avec une
grande repugnance j & qui bien' loin
d'en defirer le fucces, furent cbarmees
que ce projet ne frit pas du gout de
M. de Noailles. » II eft aflez extraor-
M diriaire que lorfqu'un Juge refufe
" ce qu'on lui demande, on en ait
Dij
-ocr page 78-
7<? HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
» de la joie. Cependant toute la com'
» munaute en a fenti une grande ,
» de ce que M. le Cardinal a rejette
» la derniere proposition. Ce font les
paroles de la mere Anaftafie Dumef-
nil dans une lettre du 6 avril. » En
» mon particulier, ajoutoit-t-elle, j'ai
» ete vmgt-quatre neures tres trifte,
» tres inquiete fur ce fujet, & j'ai
» rendu a Dieu des actions de gra-
« ces de ce qu'on n'eft point entre
» dans ce qu'on paroifloit defirer de
» nous. Nous nous en tiendrons a l'a-
» venir a ce que nous avons repondu
■» d'abord. Cela eft net, & fans qu'on
" y puifTe donner deux fens , & je vous
»> avoue que le rerme d'ecouter avec
« refpecl me paroit equivoque. Cet
offre contenoit allurement tout ce
qu'on pouvoit raifonnablement leur
demander , & meme tout ce que
prefcrivoit le Mandement de M. de
Noailles, lequel ne portoit que ceci :
que le difpojuif de ladite Confutation
/bit Id avec notre Ordonnance aux pro-
lies des Mejfes paroijjlales
; & que Von
fajfe la lecture de la Btdle en Jon en-
tier dans toutes les Communautes fecu*
lieres & regulieres de notre Diocefe.
Malgre cela la proportion de M. Ma-
rignier ne fut point agreee par fon
-ocr page 79-
TWW-v,!'.' '*:.!*! W.--;■*
III. Par tie. Izv. J. 77
Eminence, qui repond.it au Superieur j y0gt
de P. R. lorfqu'il lui communiqua xuv.
la lettre du Confefleur : cela ne fi t, ™*££
pajfera pas fans qu'il y ah quelque c/zo-Noaiiles,
fe de marque. Nous en parlerons.
M. Marignier ecrivit le lendemain
2.9 mai a M. Gilbert pour le remer-
eier de ce qu'il avoir prefente fa let-
tre a M. de Noailles. 11 lui temoigna
en meme-rems la douleur qu'il avoir
de voir les religieufes expofees a des
maux que lajeule crainte d'offenfer
Dieu leur attiroit
_, & il conjuroit M.
Gilbert qu'un motif fi chretien de la
part des religieufes le portat a avoir
compaffwn d'elles & a lesfirvir autant
qu'il le pourroit aupres de fin Emi-
nence.
La mere AbbefTe ecrivit de nou- xlv.
veau a M. de Noailles , le priant de i^STaT'"'
vouloir bien fe conrenter a l'egard, ™-ie Awfie
des religieufes de P. R., de ce qui etoit jis>
ordonne par fon Mandement, de ne
pas exiger d'elles plus que fon ordon-
nance ne prefcrivoit, & de ne pas
faire une loi difFerenre pour eltes.
L'AbbefTe lui rappelle enfuite la Sen-
tence rendue en leur faveur par M.
de Perefixe j & elle ajoute que com-
me on ne fauroit dire que cette Sen-
tence ait ete rendue par un Juge fuf-
D iij
-ocr page 80-
?8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
peft d'avoir voulu les favorifer , &
qui par cette raifon fe foit difpenfe
des regies de l'Eglife , & qu'on n'o-
feroit pas dire non plus que chaque
Prelata fesmaximes particulieres pour
gouverner les fideles fans avoir egard
aux reglemens de fes predecefleurs,
fon Eminence aura dequoi fermer la
bouche a ceux qui voudroient l'enga-
ger a exiger des religieufes de P. R.
plus que n'a exige M. de Perefixe, &
plus meme que le Mandement de
M. le Cardinal n'en prefcrit. » C'eft,
*> continue 1'Abbefle, ce qui nous a
» fait prendre , Monfeigneur, la re-
» folution d'adrefler encore nos inf-
» tantes prieres a votre Eminence,
» pour obtenir de fa juftice & de ft
" bonte , que Notre-Seigneur Jefas -
» Chrift etant le meme aujourdluu
h qu'il etoit hier & qu'il fera dans
» tous les fiecles, il nous foit permis
w en tachant de participer par fa gra-
» ce a cette ftabilite, de demeurer
» dans les memes termes ou ce ju-
» gement ( de M. de Perefixe) nous
» a fixees; &c que nous ne donnions
» point fujet de nous reprocher qu'a-
" pres y avoir perfevere trente-fept
>> annees , nous avons voulu en for-
» tir par des mcnagemens humains,
-ocr page 81-
111. P ARTIE. Llv.t           •)$
» & pour mettre nos biens & nos
\-JQ<3,
» perlonnes en furete , apres n*avoir
» penfe autrefois qu'a y mettre nos
» confidences.
II n'eft allurement pas poilible de"
reprefenter fes raifons ayec plus de
force & avec plus de delicatefTe ,
qu'elles le font dans cette lettre, ni
de donner des lecons plus fpirituelle-
ment. Mais tout cela ne fit aucune
impreffion fur M. de Noailles. Son
Eminence fe contenta de dire a M.
Gilbert, qui lui remit la lettre le fa-
medi faint 3 avril, » qu'on lui ecri-
» voit des factions & des inflru&icns :
cette penfee eft jufte ; il n'en eft pas
de meme de ce qu'il ajouta , » qu'il
» etoit etonnant que des religieufes
" fiffent confifter route leur devotion
» a. defobeir al'Eglife ". Etoit-ce done
defobeir a 1'Eglife que de reclamerla
paix de Clement IX , que de s'atta-
eher religieufement au bref de ce Pa-
pe, & a la Sentence rendue par M.
de Perefixe en faveur de ces faintes
idles ?
Ce fut pour les religieufes de P. R. xlv*.
des Champs, le comblede la douleur ^iZnZt
& de l'affli&ion de voir leur Arche- ligieufts dc
veque '& leur Superieur concourir Pl R"
avec leurs ennemis pour les obliger
D iii)
-ocr page 82-
§0 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAI.
1706. de renoncer a la paixde Clement IX»
Ce qui augmentoit encore leur dou-
leur, etoit de fe voir ainfi chagri-
nees par un Prelat qui reunilloit rant
de belles qualites; & qui ,. depuis
dix ans qu'il etoit Archeveque , leur
avoit temoigne mille bontes.
xtvn. Dans cette derniere perfecution ,
ks de'le!t'.les reli^ieafes de P. R. des Champs ,
abandonncrs eurent Ta douleur de fe voir non-feu-
rai/C&foia- lelTient abandonnees de leurs parens ,
citces par de mais meme follicitees par eux & par
aiu amis, £Q j.aux amis a confentir a. ce qu'on
exigeoit d'elles. La mere de Baudran
Prieure de la maifon s'en expliqne
ainfi dans une lettre du 29 mars a
Mademoifelle de Joncoux. » C'eft
« pour nous une grande confolation
» de voir qu'au moins il y a quelques
*> perfonnes, le nombre en fera petit
-■j a la verite, qui prennent part a no-
« tre etat, pendant qu'un grand nom-
» bre nous condamnent. Nous avons
» deja re§u plufieurs lettres des pa-
m rens de nos fceurs qui font les plus
» pitoi'ables du monde , & de per-
« fonnes que l'on croioit autrefois
» dans de Sons fentimens. M. Mali
meme fi celebre par fon attachement
& fes liaifons avec P. R. , follicite
d'ecrire par M. de Noailles, parloic
-ocr page 83-
III. Par.tie. Liv.I.          Si
alnfi a l'Abbefle dans une lettre du
24 mars 1706 : 11 me paroit qu'en
voulant s'attacker a ine re friction
(la
claufe fans diroger ) qui ne fen de
rien 3 on fait voir beaucoup de pre-
emption qui ne convient pas a des
files religieufes
, & c'ejl hater & pre'-
cipiter leur ruine 3 que leur ennemis
pourfuivent depuisf long-terns
(40).
(40) Ce trait de foi-
bleiTe dans un homme
tel que M. I/Tali , eft affli-
geant , mais tout lecteur
fenfe &i equitable ne le
regardera avec nous que
comme l'effet de la fur-
ptife, ou de foil age avan-
ce. II y auroit de l'injuf-
tice d le regarder d'un
autre cril, 8c d en prendre
occalion de refufer i cet
anc'un ami de l>, R. l'ef-
time qu'il merite a cant
de titles. » Dieu le cou-
33 duifit des fa plus ten-
33 dre jeuneffe dans la fo-
5) licude de P. R. des
» Champs, pour parler a
3) ion cceur & lui faire
31 gouter des Mens qui
3i font au - deffus de la
3> nature & des terns. 11
3> lui infpira le delir de
3> s'y retirer fous la con-
3> duite des plus grands .
33 maitres de la piete ,
33 pour y apptendte les
3) plus pures maximes de
3i l'Evangile 8c de la re-
33 ligion it enembrafla
» ta ptatiqjau la plus
33 exa&e , par les exerci-
3> ces d'une auftcre peni-
33 tence , dans un age ou
3) Ton r.e penfe gueres
33 qu'a fuivre le torrent
3> des pallions «. ( Celt
le temoignage qu'on rend
dans le Neeroloste de P.
R., de M. Jean IfTali ,
Avocar au Parlemenr de
Palis , Confeiller & Se-
cretaire du R.oi ). II pafla
quelques arinees avec ccs
giands peifonnages , vi-
vant avec eux 8c comme
eux. Ses heureux com-
mencemens ne furent
point dementis dans tou-
te la fuite de fa vie. SI
Dieu le tetira de la foil-
tude pour le ptoduire fur
le theatre du monde & le
fervir dans des emplois
feculiers, il parut comme
ces citoi'ens de Jerufalem,
auxquels il donne le ma-
niement des affaires de
Babi'.one. Ceux que Dieu
lui a donnes pour la coii-
duite de fon ame, lui one
rendu ce teinoignage ,
qu'i/ a toujour* etc bon
D v
-ocr page 84-
W':~~~""
8i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
Les religieufes de P. R. recevoienr
encore des lettres de difFerentes per-
fonnes , qui prenant le nom d'amis &
remoignant compatir a leur etat ,
tachoient de les reduire par leur rai-
fonnement & faifoient a leur egard
la foncHon des faux amis d'Eleazar.
La plupart de ces lettres ecrites, foic
par des ennemis veritables, foit par de
faux amis, etoient anonymes, & quel-
ques-unes etoient llgnees par des per-
fonnes qui meritoient de la conude-
ration. Telle etoit une lettre du 3
avril adrefTee a l'AbbefiTe, dans la-
quelle M. l'Abbe Mengui , qui s'eft
lignale depuis dans 1'afFaire de la
Confti ration , lui tenoit ce langage :
» Je vois avec douleur l'agitation fa-
» cheufe ou vous etes, & les fuites
» funeftes qu'on en doit craindre.
mari, bonpere, bon mat-    fon coeur pendant fa vie ,
tre & ben parotffien , qu'il    & leur donna ce cocur a
a ete jufte & iquitable ,    la mort , a'i'ant ordoune
humble Cfc. M. IfTali fit    dans fon teftament, par.
toujours gloire de recon-    lequel il leur legua iooo
noitre P. R. comme le    liv., qu'il feroir inhume
fein dans lequel il avoit    a P. R. des Champs. Son
ice engendre a J. C. 8c    corps repofe a S. Ecenne-
d'en etre appelle I'ancim    dii-Mom, fa ParoifTe. M.
Ami. 11 en prit hautement    Iilali mourut age de 87
la defenfe dans les terns    ans, le 30 juiliet 17071
les plus difficiles & fe fit    Voi'ez le Necrologe , p.
un plaifir de le fervir dans    385 , les Mem. de M.
fes difgraces. II portoit    Font. T. J. p- IJJ 5,1 «&•
toates les religieufes dans
-ocr page 85-
III. Par tie. Liv. I. 85
f C'eft une chofe bien malheureufe "1:706.
» que vous foyiez reduites a refufer
» ce que Monfieur le Cardinal vous
» demande , & que vous vous
» priviez de fa protection par une
» refiftance a fes ordres dans la con-
» jonclure prefente. Vous favez mieux
" que moi , qu'il ne faut pas fuivre
» fes propres lumieres dans cette oc-
» cafion n delicate, & que des Supe-
» rieures y doivent peiifer plus d'une
» fois quand il s'agit de facrifier une
» niaifon , &c d'expofer une Commu-
» naute compofee de plufieurs p'er-
» fonnes, qui n'auront peut-etrepas
" aflez de force pour foutenir toutes
» les fuites d'un pareil engagement.
Ce frit dans ces circonftances que le
Confelfeur de ces faintes fitles ^cri-
vit a un homme fage & eclaire pour-
avoir fon avis afin de l'oppofer a ceux
qui les blamoient. La maijbn que vous
aime^
3 lui dit-il (41) , n'a jamais eu
plus de befoin du confeil de fes meil-
leurs amis.
Apres lui avoir expofe le
fait, il finit ainfi fa lettre. » C'eft le
» Confefleur du faint defert qui a
» recours a vous au commencement
» d'une tempete qui pourroit bien
_ (41) Lettre de M. Marignier , du 6 avril 1706 3,
au P. Qjiefnel.
D vj
-ocr page 86-
84 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
» par une fuite de fecoufles acheW
» ver de renverfer le vaiifeau : il
» faut tacher d'y conferver jufqu'a
» la fin aux depens de rout le refte,
» la fidelite a la verite, a fa confcien-
» ce, & la conformite aux fentimens
» des anciens peres & meres , fans
« neanmoins blefter les regies de la
» prudence chretienne, qui ne veut
» pas qu'on expofe pour rien & pour
5^ le refus d'un temoignage s'il eft
" innocent, les precieux reftes d'une
» fainte Communaute a etre excomu-
" munies , difperfes & abolis fans
» reftburce. Car en perdant tout fer
» Ion le monde , il n'y auroit dans ce
-w cas rien a gagner de la part de
** Dieu «. La reponfe a cette lettre
fut des plus confolantes pour les re-
ligieufes. Elles y trouverent non-
feulement l'approbation, mais encore
l'apologie de leur conduite &de leur
fentiment qui y font juftifies par des
raifons, folides & fans replique. Le
lefteur eft en etat d'en jnger par ce
que nous en avons rapporte plus haut
pour juftifier la claufe fans diroger.
Si ces pauvres filles etoient eprou-
vees par leurs parens & par leurs amis,
memes , on pent bien juger que leurs
«nnemis ne les epargnoient pas. Nan
-ocr page 87-
III. P ART IE. Ziy./.          Sj _______
contents de debiter contre elles tou- ijod,
tes fortes de calomnies, a la cour &
a la ville , ils faifoient encore tous
leurs efforts pour les priver de la con-
folation &c des fecours qu'elles pou-
voient recevoir de leurs veritables
amis. Joignant la rufe a la violence ,
pour les ecarter de la maifon & les
empecher de rendre fervice a ces vier-
ges chretiennes opprimees , ils en-
vo'ioient chez leurs amis (41) des bil-
lets pour les avertir que leurs demar-
ches en faveur des religieufes de
P. R. etoient contraires ,-i leurs inte-
rets ; & que s'ils avoient de la cha-
rite pour elles , ils. devoient s'abfte-
nir de les voir, de leur ecrire , & me-
me de parler en leur faveur.
Tandis que les homines cprou- xivnr.
voient ainfi ces faintes filles, Dieu ■ ancie'nnestet
les vifita encore par lui-meme , enligieufes.
leur envo'iant des maladies , & en
leur enlevant par la mort quatre de
leurs fceurs anciennes , qui moururent
dans ce tneme mois d'avril, fans par-
ler de la freur Antoinette de fainte
Chriftine de Rehergues ('43) , qui''
(41) MM.-de Bragelo^    ces fortes de billets,
ne & le Noir, Qhanoines       (45) Elle etoit fceur de-.
de Notre-Dame, amis de   M. de Rebergue , moreen,
P. R., & d'antres perfon-    inj6 a S. Lambert,, pres,
ties emote, ice, merit de    P. K. Elle, ne quiua.ie
!
-ocr page 88-
t6 HfSTOIRE DE PoR.T-B.Ol At.'
""1706. etoit morte le 12. du mois precedent j
environ huit jours avant la declara-
tion de la perfecution. On peut pen-
fer que Dieu ne les avoit confervees
jufqu'i ce terns dans de longues in-
firmires , comme il eft dit dans un
Necrologe manufcrit j que pour con-
firmer & renouveller le temoignage
qu'elles avoient autrefois rendu a la
verite qu'on vouloit obfcurcir , 8c
qu'il les a routes les quatre retirees
des miferes de ce monde pour les
mettre dans fon repos , lorfque 1'ou-
vrage qu'il leur avoit donne a. faire,
a ete accompli,
xtrx. - La premiere des quatre anciennes
La fccur                          *■                                                      • 1 > -1 ' •
Fran^oife de <jui moururent au mois davril, etoic
fainte There-la four Francoife de fainte Therefe ,
alors Souprieure , fille de Meffire
Maignard de Bernieres, Maitre des
Requetes , fi celebre par fa piere. M.
fon pere la mit a P. R. des l'age de
quatre ans & demi (44). Elle y fut
clevee dans la vertu par la fceur An-
ne Eugenie de l'lncarnation Arnauld,
monde qu'a l'age de qua-       (44) Voyez la relation
rante ans, pour fe retirer    des vertus de la fcecu' Fran-
aP. R. , ou elle prit l'ha-   <;oifc de fainte Therefe,
bit le 9 novembre 1*74,    Maignard de Bernieres,
St ptofedion le 17 jan-   par la fccur le Feron r
vier i«7S , 8c monrut   vies edif. Tom, i, p, 448.
agee de plus de 73 ans,    Necrol. iji,
It-it nuts 170*.
-ocr page 89-
III. P ARTIE. LlV. I.          87
maitreffe des penfionnaires , religieu-
fe d'un merite diftingue. Lorfque
Mademoifelle de Bernieres eut at-
teint l'age , elle prit l'habit de reli-
gieufe a P. R., & fit profeffion le 19
mars 1659. Depuis fon entree en re-
ligion on la vit toujours dans la pra-
tique la plus exacte des vertus chrc-
tiennes & religieufes , dont elle de-
vint un modele fi accompli, qu'il ne
falloit que jetter les yeux fur elle pour
s'edifier & trouver de quoi imiter. La
mere Angelique en faifoit une eftime
particuliere , & la regardoit comme
la digne heritiere de la piete de M. de
Bernieres fon pere , & de Mad. fa me-
re La parole de Dieu faifoit fes chaftes
& continuelles delices j & comme elle
fe nourriflbir fans cefle des verites.
qu'elle y decouvroit, elle s'etoit ren-
due capable d'en inftruire parfaite-
inent les autres. Ceil ce qu'elle a fait
a l'egard des penfionnaires pendant
plufieurs annees, jufqu'en 1679 qu'on
les fit routes fortir , & depuis leur for-
tie , a. l'egard de plufieurs pauvres fil-
les qu'elle inftruifoit des devoirs de la
religion. Elle avoit un mepris extre-
me du monde , de fon efprit & de fes
maximes. Sa dependance , fa docilite
& fon obeifiance enters les fnperieu-
-ocr page 90-
88 HlSTOIRE" DE PoRT-ROlAE.
ljo6. res etoient admirables. On voi'oit en
elle la verite de cette maxime de M.
de S. Cyran , que I'enfance naturelle
paffe avec I'age
_, mats que I'enfance
chretienne croit a mefure que I'on croit
en vertu.
A un zele ardent & eclaire pour la
verite, ellejoignoitune humilitepro-
fonde qui la faifoit fans ceffe recourir
a Jefus-Cfirift par la priere (45) ,pour
obtenir la force & le courage dans la
perfecution ■, afin de demeurer fidelle
jufqu'a la fin dans Vamour & l'atta-
ch em ent a la verite aux dip ens de fa vie.
Son detachement de routes chofes
& de la vie meme etoit ii parfait ,
qu'elle parloit de fa propre more com-
me d'une action commune & ordinai-
re de fa vie. Dans fa derniere mala-
die, unefoeur lui ai'antpropofe de fe
lever • me lever 3 dit-elle , me coucher
& mourir
, tout cela eft egal pour mot.
A\ mt fa mort, Dieu la delivra des
peines d'efprit dont elle etoit quel-
cjuefbis agiteepar fa grande delicatef-
(45) Elle fit fur ce fu-    & en particulier de toures-
jet, dans le terns de. la   les vierges chietiennes i
grande perfecuiion , en   qui Dieu fait cette grace.
H66, une ties belle prie-   C'eft ce qui nous engage a/
re,qui devroit etre entre    Tinferer dans cette hiftoi-
les mains de tons ceux    re. Voifz a la fin.du. Vo*-
qai ont le bontieur d'etre    lurac
fcrfccuces pour la verite »
-ocr page 91-
III. Partie. Liv. I.          &9______
fe de confcience , & elle mourut dans i 706.
une grande tranquillite le 34 avril
170(3 , agee de pres de 67 ans.
Six jours apres (le zo avril) la mort t.
enleva la mere Elifabeth de fainte ia mere bou-
Anne Boulard , derniere Abbeffe de l*1^ • dt.ln'f'
P. R. des Champs , a 1'age de 79 ans. P, r. des
Cetoit une religieufe d'une verm & champs:
fon
1,             , , ■ P                 i- •          r 1 "!e Pour la
a une regulante extraordinaire j 11 ze- rfguiarite .-
lee pour les obfervances, que ni fonfon amou.r
r 1 a              • ? ■ c ■ r • » ■ 1 pour la veti-
grand age , ni fes lnnrmites habituel- te,
les ne lui en firent jamais rien rela-
cher. La nouvelle perfecution excitee
contre la maifon, a l'occafion de la
Bulle Vineam, ne fut pas capable d'al-
terer la tranquillite de fon ame. Elle
adoroit les deffeins de Dieu avec une
foi ferme & une grande confiance, aflu-
ree qull n'arriveroit que ce que fa fa-
geiTe divine jugeroit a-propos de per-
mettre. Elle conferva jufqu'a la mort
un zele admirable pour la verite, &
dans la femahie qui la preceda , elle
ecrivit une lettre oil elle en parloit
ainfi. » Pour ce qui eft des affaires de
>•> l'Eglife, le Seigneur nous donne
» fouvent des occafions de renouveller
» notre foi , qui s'endort facilement
» dans le.tems de la paix. Pour moi
» il me femble que je fuis comme un
» foldat qui a ete a 1'armee, 8c qui
-ocr page 92-
5)0 HlSTOIRE OE PoRT-ROlAL,
iyo6. " defve toujour's d'y retourner, quoi-
" qu'il y aiteu beaucoup de mal j car
» la feule penfee que je foufrirai en-
=< core pour la vente , me remplit de
» joie.
jj,
          Un evenement extraordinaire arri^
Ivcnement v^ a la mort de cette abbefTe,donne lieu
arrive a la de croire qu elle rutprccieule auxyetix
morcd lime- Jg £)ieu -y & il fervir en meme-tems
,,° iU' a confoler fes filles dans leur afflic-
tion , en leur faifant voir que le fou-*'
verain maitre de la vie & de la mort
qui leur enlevoit leur mere , ne les
abandonnoit pas pour cela, & qu'il fe
fouvenoit d'eiles dajis fa mifericorde ,
puifqu'il faifoit des prodiges en leur
faveur dans le terns que tout fembloit
confpirer a leur perte. Cet evenement
merveilleux eft ainfi. rapporte dans un
Necrologe manufcrit de P. R. » Plu-
» fieurs d'entre nous , & meme des
» perfonnes du dehors entendirent
» des chants melodieux par des voix
» claires 8c extremement douces qui
» raviflbient ceux & celles qui les en-
» tendirent: ce que nous avons cru
» etre une marque que Dieu nous
» vouloit donner avis de la beatitu-
» de dont il vouloit recompenfer la
j» vie fainte & innocence de cette ex-
» cellente religieufe.
-ocr page 93-
III. Partie. Liv. I. 91
Dans le recit de ce prodige, fait par
une religieufe de P. R., il eft dit que
eerte melodie dura fix heures & de-
mie , tout le tems de l'agonie de la
reverende mere abbeffe , c'eft-a-dire ,
depuis dix heures du matin jufqu'a
quatre heures & demie du foir qu'elle
s'endormit dans le Seigneur. Au recit
de Pevenement font jointes les attef-
tations de dix-fept perfonnes , qui de-
pofent toutes avoir entendu ces chants
melodieux (46).
Nous en laiffbns le jugement au
lec"teur ; nous nous conrenterons de
remarquer que S. Gregoire le Grand
ropporteune femblable merveille ar-
rivee en Efpagne , lorfque S. Herme-
nigilde fuc martyrife j ce S. Pape l'a-
voit apprife de S. Leandre, Eveque de
Seville, fon ami. Nous pourrions en-
core citer d'autres exemples , & en
particulier ce qui arriva en Angleter-
re a la mort de Robert Groife-tete ,
Eveque de Lincoln , la nuit du 8 au 9
octobre 1253. Enfin la mere Angeli-
que de S. Jean nous apprend qu'a la
mort de la mere Auguftin le Tardif,
premiere Abbetfe triennal de P. R. ,
il arriva un prodige femblable a celui
qui vient d'etre rapporte, lequel me-
f4«) Vies cdif. T. i. f. j.18 , 3 38.. '
-ocr page 94-
92. HlSTOIRE DE PoRT-ROIAE.
rite d'autant plus d'attention , que
cinq ans apres lorfqu'on exhuma , en
1711 , le corps de la mere Boulard
avec ceux des autres faints &c faintes
qui repofoient dans ce fandtuaire, il fe
trouva entier & fans nulle corruption.
Cette fainte abbeiTe fut enterree dans
le bas cote du ehceur avec une epita^
phe , qui deux ans apres donna occa-
fion de former une accufation grave
contre les religieufes de P. R. (47).
ce qu'il avoit foufFert
qu'on raft une telle Epi-
taphe : le Prelat promif
d'eclaircir lefait, & man-
da a M. Gilbert qu'il fe {it
donner une copie tie l'E-
piiaphe deladerniere Ab-
bede. On la lui envoi'a
telle qu'elle fe lilbit fur la-
tombe. Ce changement
furprit le Cardinal. Conu
me il avoit alors deux Ni-
cotai'tes fur les lieux , M.
Pollet & M. Efcolan , it
les chargea de verifier la-
copie fur f original de 1'E-
pitaphc. (C'etoitun grand
travail pour des Nicolai-
tes.) Cependant a force
d'examiner 8t d'y regar-
der de pres , Ms vinrcnt a.
bout d'apercevoir qu'il y
avoit eu quelque cbofe
d'ecrit deifous. lis en don-
nerent auffi tot avis au
Prelat , qui cnvoia le
Scu'pt ur qui avoit grave
TEpiraphe pour Lifter cs'
qui deplaifoic
(47) On 1ft dans catte
Ipitaphe , telle qu'elle eft
dans le Necrologe de P.
R. , qu'elle vit Satan qui
demandoir fes filles pour
les cnbler eomme on ca-
ble le froment : Vidit
Sathanam expetentcfn fo-
rores ut cribrartt quafi
triticum.
Ces paroles a-
voient d'abordete gravees
fur fa tombe , mais on les
firprima, pourne pas don-
Jier occalion a quelque
malign:interpretation, 8c
on y en fubftitua d'antres.
Ce qui n'empecha pas que
deux ans apres, des gens
de mauvaife volonte qui
avoient eu copie tie l'Epi-
taphe avant qu'elle fut
yefbrmee , accufeicnt les
religieufes auprej de M.
de Chartres. Ce Prelat ne
roanqua pas d'en parler
au Roi, co-mme d'mi at-
tentat contre les puilfan-
ces. Le Roi fe plaignit au
Cardinal de tsoaiilcs de
-ocr page 95-
III. Partie. Liv. I. 5)J
Lorfque la mere Boulard etoit au 1706.
lit de la mort, la mere Prieure, Fran- £"*
c^oife-Madeleine de fainte Julie Bau- Anaftafc du-
dran etoit aulfi a l'extremite: ce qui mefl>nom*
l' uu rr r o\                f              mee Prieure.
engagea 1 abbeile (48) avant la mort
a nommer pour Prieure , la mere
Louife de faint Anaftafie Dumefnil,
la preferant a d'autres plus anciennes ,
a caufe de fon rare merite. Sa fagef-
fe , fon zele pour l'obfervance regu-
liere , fa fermete, fon amour pour la
verite , furent ce qui determina la
mere Boulard a l'elever a la dignite
de prieure que nous lui verrons rem-
plir avec tant de courage dans les
temps les plus difficiles & les plus
orageux. Lorfqu'elle apprit que l'ab-
belie venoit de la nommer Prieure,
elle vint fondant en larmes fe jetter
aux pieds du lit de la mourante , pour
la conjurer de ne la pas charger d'un
tel fardeau. Mais FabbefTe qui con-
(48) Ce futM. desEf-    Ruth-d'Ans, qui apporra
fans qui l'y engagea , en    fon cccura P. R.: s'aant
lui reprefentant que dans    fixe a Paris au College de
les circonftances prefen-    JLaon, fa rnaifon devint
tes, il y avoir du danger    l'afile des affliges, enforce
a laiiler la communaute    qu'on lui donna le titre de
fans chef. M. des Efforts    Pcre des hotes. L'Auteur
avoit etc Dire&eur des re-    des Mem. hift. place fa
ligieufes de Juvigni, puis    more en I7i7> fans cepen-
compagnon de 'M. Ar-    dant fixer 1'annee ni le
/lauldjdansfonexil. Apres    jour, & croit qu'ilrepofe
la more de ce grand horn-    a S. Etiennc-du-Mont. T,
rae , -il accompagna M.    7. p. 470 ,475.
-ocr page 96-
94 HlSTOIRE DE PoRT-FvOlAl,
"iyo6. noiflbitfon merite perfifta , & ellefut
obligee de 1'accepter,
mi.
          La mere de Baudran ne furvequit
Moitdek e-2 iieures a la mere abbefTe , &
mere
Ova;
de Baa- 1           ~                       • t \ /- i                       1
, Prieu- mourut le 11 avrii a lix neures & de-
re de p. r. mje jju £0jr j s ja ,jp annee de fon
«bs Champs.                                                               n~'            i
age , donr elle en avoir paiic 50 dans
la religion. Elle fortit a l'age de 14
ans des Urfulines de Lyon, oii on lui
avoit donne des preventions contre
les religieufes de P. R. des Champs,
pour (49) venir demeurer dans cette
lainte maifon oil la providence l'ap-
pelloit. A l'age de 17 ans, Dieu lui
infpira le deifein d'etre reiigieufe j &
le changement qu'on vit en elle fit
bien voir que ce delTein venoit de lui,
& qu'il lui parloit au cceur. Elle fut
recue au Noviciat a dix-huit ans &
demi, le 25 mars 1658, & fit pro-
feifion le premier mai 1659 , le me-
me jour que Madame de Chaze.
Pour i'affermir dans la vertu par
des epreuves, on la mit, peu apres fa
profellion , pres d'une perionne d'une
Iiumeur aifez propre a exercer les au-
tres -j & elle s'y comporta avec rant
de fagelTe , que Ton eut lieu d'etre
content & edifie de fa conduite.
Elle pafia enfuite fucceilivement
(4?) Vies edi£. T. 3. p. <!$. Necr. p. iffy,
-ocr page 97-
III. P A R T I E. L'lV. I.          9 5
dans les emplois de rouriere , cele- \-jo6.
riere , infirmiere , enfin de Prieure ,
& remplit routes ces charges avec
beaucoup d'edificarion. Elle avoir de
l'intelligence , de la douceur , une
grande charire pour le prociiain , un
genie eleve , mais humble , doux &
compariflanr pour les aurres, quoique
tres fevere pour elle-mcme & rres
morrifiee. Elle eroir toujours occupee,
ou a la priere , ou a la lecture , ou a
1'ecrirure, ou au rravail des mains,
dans rous les momens que fes em-
plois lui laifToienr libres. Dieu l'e-
xer^oir fouvent par des maladies &
des infirmites qu'elle fouffroit avec
beaucoup de parience. Sa derniere
maladie fut rres douloureufe j & quoi-
qu'eile ne lui donnat pas de relache ,
fon cceur etoir roujours occupe de
J. C. Elle prioir fes fceurs de l'enrre-
renir, leur marquant les plus beaux
endroits de L'Ecriture dont elle fou-
haitoit qu'on lui fir la lecture. Elle
mourur dans ces fainre" difpoiitions
le zi avril 1706, & fur enrerree avec
l'Abbeffe.
Deux jours avanr la morr de ces
fainres religieufes , la fceur Ifabelle
Agnes le Feron parloir ainfi d'elles
-ocr page 98-
<)6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
1706. dans une lettre (50), & de la fituation
011 la maifon etoit reduite par les
maladies & les ravages de la more
Dieu nous vifite en bien des ma-
nieres , & je ne fais , Monfieur, ce
qu'il veut raire de nous. II joint a
routes nos afflictions la perte des
principales perfonnes de la mai-
fon. Vous avez fu celle de ma four
Francoife-Therefe ; & prefenre-
ment, depuis vendredi dernier ,
la mere Prieure eft fl mal , qu'elle
recut fes Sacremens hier apres Ve-
pres, & Ton n'en efpere rien. Et,
ce qui eft encore plus defolanr dans
la conjoncture prefente , norre me-
re eft auffi tres mal dune fluxion
fur la poitrine; & cela enfuite
d'un rhume qu'elle a porte plufieurs
mois & tout l'hiver quafi ». La
four Ifabelle ajoutoit a la fin de fa
lettre , que ces deux meres etoienr
dans une paix & une tranauilliti mer-
veiUeufe.
nv.
          II y avoir encore d'autres malades
Femnffavl-^ P- R- '■> la feur 1{abelle le Feron qui
ration , fa mandoit ces facheufes nouvelles, ctoit
vcrtu.
         ejie _ m£me incommodee , comme
elle le dit : l'evenement le fit voir j
(jo) Lettre du iy Ayril.
car
-ocr page 99-
111. Partil Liv. I. 97
car a-peine vecut-elle huit jours apres
avoir ecrit fa lettre.
La foeur Ifabelle Agnes le Feron ,
avoir ete mife a P. R. des Champs
des l'age de fept ans en 1640, &
elevee parmi les penfionnaires par
la foeur Anne-Eugenie de l'lncarna-
tion Arnauld (51). Apres bien des ir-
refolutions, elle fe determina par l'a-
vis de la mere Angelique a etre reli-
gieufe, & prit l'habir le i4feptem-
bre 1651. Ses irrefolutions & fes pei-
■nes conrinuerenr pendanr le noviciat,
& elle fenroir toujours une extreme
repugnance a. etre religieufe. Ses pei-
nes meme bien loin de diminuer
croiffoient a mefure que le jour de fa
profeffion approchoit. Ce jour etant
arrive, elle avoit comme une efpece
de fritTon lorfqu'il fallut aller a l'E-
glife pour la ceremonie. Ce qui fut
caufe qu'on ne la fit defcendre que
lorfqu'on commenc,oit la MetTe. En
entrant dans le chceur, elle fe fentit
toute renverfee , ne pouvant fe foute-
nir, enforte qu'elle fut contrainre de
demeurer affife fur fes jambes jufqu'au
Gloria in excdfis. Un peu apres , elle
penfa qu'il falloit prendre courage
(51) Voiez la relation de fa vie , par M. Euflace ,
T. i, des vies edit", p. 388 & fuiv.
Tome-JX. '                       E
-ocr page 100-
98 HlSTOIRE DE PORT-Ro'lAl.
&C qu'elle devoit etre bien confufe
de ne pas etre a genoux durant une
telle action. Aumtot elle fe leva &
fentit en elle-meme dans cec inftant
un fi grand changement & dans fon
corps & dans fon efprit , qu'elle le
regarda comme un miracle de la tou-
te-puilTance de Dieu & de fa miferi-
corde, qui change quand il le veut
& en la maniere qu'il lui plait, les
volontes les plus rebelles , & leur
fait faire tout ce qu'il veut malgre
leurs refiftances & toutes les oppofi-
tions que leur infidelite & leur in-
gratitude peuvent apporter a la force
&c a l'operation de fa grace. La foi-
blelfe ou elle etoit s'evanouit, & elle
demeura perfuadee qu'elle etoit dans
Fetat ou Dieu la vouloit; & la joie
fucceda a fa trifteue & a fon ennui,
ainfi. que M. Arnauld le lui avoir
marque , comme par efprit de pro-*
phetie , ce mane jour avant la cere-
monie (51). La Providence n'a pas
permis qu'on ignorat toutes ces cir-
conftances , & plufieurs autres , la
fceur le Feron les aiant mifes par
ecrit, afin de fe fouvenir de la vidtoi-
re que Dieu lui avoit fait remporter
(!») Le;ire 51, da 11 fejitcmbre i«j;. T. $.
-ocr page 101-
III. P A R t i e. Liv. L         99
fur elle-meme. C'eft en effet un des
grands exemples qu'il y ait de la vio-
lence & de l'opiniatrete des revokes
de la nature contre la voix de Dieu
qui appelle a lui , & une des plus
fenfibles preuves de la puiflance de
la grace fur la nature pour la rompre
& la foumettre a. la vocation de Dieu.
On ne peut gueres douter de la veri-
te de cette vocation, en voiant apres
tant de fi rudes & de fi longs com-
bats une vidtoire fi parfaite , qui fait
fucceder la tendreffe d'une humble
reconnoiffance a l'infenfibilite & a
l'obflination de l'infidelite & de i'in-
gratitude j une confolation & une
joie fans interruption aux ennuis &
aux triftefles qui avoient feche les os;
enfin une pleine & entiere foumiffion
a la volonte de Dieu , aux repugnan-
ces & aux degoiits, par lefquels l'en-
nemi du falut avoit voulu traverfer
1'oeuvre de Dieu. Tant de faintes
ames qui s'interefToient a la fceur le
Feron -y M. de Bagnols , dont elle etoit
fille fpirituelle (53); la mere Ange-
lique qui l'appelloit fon enfant; M.
de Saci, &c. lui obtinrent du Ciel
cette grande grace. Elle fit profefllon
■ (,'3)"Let. de M. de Saci a M, de Bagnols, du i*
fcptembte 1651, ib, p. 377.
E ij
-ocr page 102-
IOO HlSTOIRE DE P0RT-H.OUI.
Ie 21 feptembre 1653, & non le 20
aout 1654, comme le marque le fup-
plement du Necrologe. Son talent n'e-
roit pas celui de Marie, mais celui
de Marthe. Elle y fut toujours occu-
pee en qualite de celleriere, & s'en
acquitta avec beaucoup d'efprit. Des
la premiere perfecution de l'an 1664,
elle fe diftingua parmi fes fours par
fon amour & fon zele pour la verite,
furtout apres l'enlevement des fours
Euftoquie & Chriftine Briquet. Alors
elle prit la place de ces deux heroi-
nes 5 & remplie du meme zele , elle
fit paroitre le meme courage & la
meme intrepidite. Elle fut par-la d'un
grand fecours pour la Communaute,
tant par fon exemple que par fes pa-
roles , encourageant celles qui etoient
fermes, foutenant les foibles , & ai-
dant celles qui etoient tombees a fe
relever. Grand nombre de letnes
qu'elle ecrivit alors ( fpus le gouver-
nement de la mere Eugenie), font de
precieux & glorieux monumens du
zele, de la piere , & de l'efprit d$
celts fainte religieufe (54). Elleavoit
(54) VoYei les relations    fervi de M. d'Angers,
ia-4w. Recueil contenant   pour donner femence a la
Us lettres ; il y en a une    vocation Jans un etat &
du cjlc die, que Dieu s'elt    dam un lieu ou il n'y g
-ocr page 103-
Ill; Par tie. Lip. 1. tot
deja efTuie le feu des deux perfecu-
tions , lorfque la Bulle Vineam en
occafionna une troiueme , dans la-
quelle Dieu lui fit la grace de rendre
uti nouveau temoignage a la verite :
non-feulement elle le rendit , mais
elle eut encore l'avantage d'etre la
premiere qui donna ce fage avis qui
fut fuivi & fervit de regie de con-
duite , favoir » qu'il ne falloit rien
» faire , ni prendre aucune part a ce
" qu'on demandoit , qui put preju-
« dicier a. l'ancien temoignage qu'on
" avoit rendu a. la verite , ni blefler
» la confcience, & qu'il falloit pren-
» dre du tems pour prier Dieu , fe-
« Ion qu'on avoit coutume a P. R.
» de le faire dans les chofes impor-
» tantes.
Comme elle avoit toujours beau-
coup aime la verite , fon corps ne
put refifter a la trifteffe que fon ame
con^ut de la voir opprimee dans cette
derniere affaire. Cela lui caufa une
oppreffion & un ferrement de cceur,
qui l'etouffoit& l'obligeoit de fe lever
prefque toutes les nuits, comme elle
le niarquoit dans une lettre a un ami,
eu , dk-elle , quune mife- m'y ait engagee s & com-1
ricorde & une providence me malgre moi.
toute extraordinaire qui
E iij
-ocr page 104-
102 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
i yo6. k conjurant de demander a Dieu qu'i!
la difpofat a la mort. En effet elle en
etoit tres proche, ai'ant a peine fur-
■vecu huit jours. L'Arret du Confeil
qui lui fut fignifie le z 3 avril, n'y
contribua pas pen. Elle monrut trois
jours apres , le 16 avril, dans la foi-
xante & treizieme annee de fon age ,
Sc dans la cinquante-troifierne de fa
profeffion. II y a lieu de croire que
<fa verite qu'elle avoit toujours tant
ainaee pendant fa vie , l'a delivreedes
miferes de ce monde, pour jouir du
foonheur de l'autrre , felon la promefTe
•de Jefus-Chrift. II nefaut pas oublier
la grande obligation que nous avons
a. la four Ifabelle le Feron , de nous
avoir conferve des manufcrits &c d'a-
voir dreflfe des Memoires qui ont mis
en etat depuis fa mort de compofer
le Necrologe de la fainte maifon de
P. R. •) ouvrage le plus edifiant & le
plus excellent qu'il y ait jamais eu en
ce genre,
tv.
           Au milieu de ce trifte & affligeant
coifp'Ii" tl fpec^ac^e de maladies & demorts (5 5),
i'aic defeBls
at rerevoir (f;)M. Gilbertvoulut,    religieufes depuis le re-
des Novices. Jans une conveifation du
    fus qu'elles avoient faic
19 avril avec M. de faint
    de faire ce qu'on leur de-
Cfaude , faire regarder
    mandoit. // eflfiirprenantr
comme une punition de
    dit-il, que depuis le refus
Dieu, la more de tant de
    des religieufes , il enfiit
-ocr page 105-
III. Par tie. Liv.i. 16$ ______
qui mettoit La confirmation dans le ijo6,
monaftere de P. R. & touchoit fi vi-
vement les autres religieitfes par la
perte de leurs anciennes meres & fur-
tout de l'Abbefle, Dieu permit qu'el-
les euffent encore ,un nouveau fujet
d'affliction , par la fignification d'un
Arret du Confeil portant defenfes de
recevoir des novices. Cet Arret fut
la fuite & l'effet du compte que M.
le Cardinal de Noailles avoir rendu
au Roi de ce qui regardoit P. R.;
favoir « qu'il n'avoit pii obtenir des
» religieufes ce qu'on demandoit d'el-
" les, parcequ'elles ffe fondoient fur
» one Sentence de M. de ;Perefixe ,
» qui regloit leur etar a ce fujet ;
« qu'on pourroit terminer cette affai-
« re fans eclat, que tout feroit bien-
» tot fini, pareequ'etant routes vieil-
» les, elles mourroient bientot, &
» qu'il leur etoit defendu de rece-
» voir des novices. Mais, dit le Roi,
iln'y a point d'Arret qui leurfajfe cette
defen/i , il en faut donner un.
II fut
effedfcivement donne bientot apres,
mort un fi grand nombrc :    »  les font mortes. Il eft
5> Il eft bien plus furpre-    »  bien a fouhaiter que
r> nam , repondit M. de     3)  leurs perfecuce'irs meu-
j> S. Claude , de voir la     j>  rem avec la meme pie-
j> tranquillite & la con-     »   te.
» fiance avec laquelle el-
E iiij
-ocr page 106-
■-- ■
!
^_____ r°4 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
17o6. c'eft-a-dire, le 17 avril, & fignifie Ie
23 du meme mois a la foeur Elifa-
beth Agnes le Feron , celleriere.
La defenfe de recevoir des novi-
ces avoir ere faite des l'an 1679 y
mais elle n'etoir que verbale. Depuis
fept ou htiir ans on preflbit Sa Ma-
jefte de le faire par un Arret en for-
me ^ M. le Cardinal l'avoit toujours
empeche ; enfin il y confentit. Ce fiit
la premiere punition de la claufe fans
deroger
que les religieufes de P. R.
vouloient joindre a l'acceptarion de la
Bulle. Cet Arret les affligea beaucoup,
non-feulement par la defenfe qu'il
porton, mais encore plus par le mo-
tif de cette defenfe.
» Le Roi, dit l'Arret, eiantinfor-
» me qu'il s'eft repandu, il y a deia
» quelques annees, dans le monaftere
» de P. R. des Champs une doctrine
» mauvaife & contraire aux deci-
» fions de l'Eglife fur le fait du Jan-
« fenifme, laquelle bien loin dese-
" tre difllpee par les foins qui ont
» ere pi-is jufqu'a prefent a cette fin ,
" s'eft au contraire tellement fortifiee
» par le terns , que les religieufes
» dudit monaftere fe font portees
» depuis peu jufqu'a refufer de fe
» foumettre a la Conftitution de no-
-ocr page 107-
III. P A r t i e. L'ty. I. 105
m tre faint Pere Clement XI, du mois
» de juillet 1705 , acceptee par juge-
» ment & deliberation de Paflem-
» blee generale du Clerge de France
» du 22 aout dernier , & y ont vou-
» lu apporter des reftriciions con--
« damnees par le jugement de toute
» l'Eglife , & capables d'en troubler la
» paix.A quoi etant neceflaire de pour-
" voir, & empecher qu'une defobeif-
» fance auffi fcandaleufe ne fe per-
» petue, Sa Majefte etant en fon Con-
» fed, a fait & fait tres exprefTes in-
» hibitions & defenfes a rAbbefTe &
" religieufes du monaftere de P. R.
» des Champs, d'y recevoir aucune
» novice ,jufqii'a ce qu'autrement en
» ait ete ordonne par Sa Majefte.
» Le vingt-troifieme jour d'avril
» 1701? , PArret ci-delius tranfcrit
» a ete , de Pexpres commande-
» ment du Roi, fignifie, & d'icelui
» laifte la prefente copie aux fins des
» defenfes y portees auxdites Dames
« AbbelTes & religieufes du monaf-
» tere de P. R. des Champs , parlant
» a la celleriere, nominee dans Pori-
» ginal'audit monaftere, ace qu'el-
» les n'aient a y contrevenir , par
» ndus Huiffier ordinaire des Con-
» feils de Sa Majefte, foufligne. Si-
» gne Denis.
                            E v
-ocr page 108-
I0<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
^'ijQo'. Trois jours apres la iignificatiora
de cet Arret, la fceur Ifabelle-Agnes.
le Feron , a qui elle avoit ete fake,
mourut comme nous l'avons deja re-
marque. Qui ne voit que ce font ces
attaques redoublees , & la vue des
maux a venir, qui emporterent en fi
peu de terns quatre des anciennes
religieufes , du nombre defquelles
etoient l'Abbefle & la Prieure (56) ?
la nouvelie: Auffitot qu'on eut rendu les der-
'*"!''"!' niers devoirs a ces deux dienes Su~
a U deNoail-                                                           . £>          .
les pour lui peneures , la mere Louile de oainte
icande; l't Anaftafie Dumefnil , que l'Abbefle
nouvelie Ab- etant au lit de la mort avoit nominee
fceMe..         Prieure , ecrivit a M. de Noailles
pour Finformer de la mort de la mere
Boulard , & pour le fupplier d'en-
voier quelqu'un felon la coutume,
pour a (filler a Felection d'une nou-
velie Abbefle & la confirmer en fon
nom : elle prioit en meme-tems fon
Eminence de la decharger du poids
de fa nouvelie charge de Prieure. Sa
lettre etoit du 23 avril. M. de Noail-
les n'y fit point de reponfe , & fit feu-
lement declarer le 29 avril au retour
{ij6)L'dge availed de ces    ter la violence agitation
quatre anciennes , dit la    que Uur caufoit la vue de.
were Prieure dans line let-    tout les maux ou cette nou-
tre du 16 mai a M, de    vclle fiooujfe les alloit.eji-
■*ioaj!Ie.s,. n'a pit fugpor-    pojhr.
-ocr page 109-
III. Part ie. Liv.L to?
de Verfailles , par M. Gilbert ^ que
pour le prefent il n'y avoir rien a fai-
re pour l'election d'une Abbeffe. La
Prieure reitera fa demande plufieurs
fois , mais toujours inutilement. Son
Eminence ne rendit meme aux reli-
gieufes aucune raifon de fon refus, n'en
aiant fans dome que de fecretes. Mais
quelles qu'elles fuflent , elles n'ont
fait qu'ajouter une nouvelle nullite a
tout ce qui s'eft fait depuis contre
P. R. des Champs, & contre les re-
ligieufes de cette Abbai'e, en les met-
tant par- la hors d'etat de fe defendre
juridiquement , puifqu'il eft defendu
par le droit de rien innover , le liege
vacant : fede vacante nihil Innovetur,
furtout quand c'eft au prejudice du
fiege & du corps du Chapitre & de
la Communaute qu'on veut innover.
Ainu le defaut d'Abbeffe a P. R. des
Champs , defaut qui ne venoit que
des Superieurs, lefquels fans aucune
raifon ont refufe la permiffion d'en
elire une; ce defaut, dis-je , par le-
quel ils fe propofoient d'executer tvrr.
leursdeneins, rend nul de plein droit ,J£*s^
tout ce • qu'ils ont fait contre cette r, fans Ab-
c •                 ■ r                                                             befits, ce qur
fainte mailon.                                       rend ™i toW
Mais ce qui eft remarquable , celt ce qui s*
que Dieu a permis que ce meme de- {^dc v"'
E vj
-ocr page 110-
IOS HlSTOIR.EDEpOR.T-n.OUt;
faut fe trouvat auffi du cote des reli-
gieufes de P. R. de Paris, car elles
etoient & furent fans AbbefTe depuis
environ le mois de juin i7o6,jufqu'a
1709. II y avoir long-terns qu'on
preffoit la Dame de Chanvallon , nie-
ce M. de Harlai, de donner la demif-
jfion de fon Abbai'e qui etoit dans un
trifte etat par fa mauvaife adminif-
tration. On la lui arracha enfin moi'en-
Oant une penfion, 8c on nomma a fa
place au mois de juin ( 57), la Dame
deChateau-Renaud, niece du Mare-
chal de ce nom , Prieure ou AbbefTe
du monaftere de Monfors a Alencon,
ordre de faint Benoit, qui depuis long-
tems cherchoit un benefice a Paris ,
8c qui avoit deja manque le Prieure
de Bon-fecours dans le Fauxbourg
S. Antoine (58). Mais elle futplusde
deux ansfans pouvoir prendre pofTef-
fion de FAbbaie de P. R., aiant eii
befoin d'un Bref du Pape pour chan-
ger d'ordre , & aiant ete obligee de
iaire un noviciat qu'elle recommen-
ce deux fois. Elle fut d'abord en
(f 7) Sa nomination eft   intereflant de Mademoi-
annoncee dans la Gazette   telle de Joncoux , concetr-
du tSjuin 1706.               nant Madame de Roulle-
(5?) Voi'ez dans les   let de Cbateau-Renaud *
Mem. bift. T. ;. p. 543 ,    & les affiutes de P. R. des
56? 1 un recit curjeiu 8c    Champs..
-ocr page 111-
III. P A R T I E. L'lV. T.          I Of)
depot dans la Communaute de fainte 1706.
Agnes jufqu'au 10 d'aout, qu'elle en-
tra au Sang precieux, rue de Vaugi-
rard, Fauxbourg S. Germain, ou elle
commence fon premier noviciat. Elle
Jit gh. entrant cjuc 5 >■» M. le Cardinal
» lui avoir recommande de ne rien
» faire qui put la fatiguer , ni alterer
» fa fante, mais de conferver fes for-
=> cespourP. R. «. Madame deCha-
teau-Renaud obferva fi exactement
ce qui lui avoir ete recommande , 8c
menageade telle forte fes forces , qu'il
lui fallut faire un fecond noviciat. El-
le le recommence done a P. R. de
Paris, ou elle ne fut pas refuefans dif-
ficult , ni d'une maniere fort canoni-
que (59).
Ainfi les deux monafteres
de P. R. des Champs 8c de Paris,
etoient l'un &c l'autre fans AbbefTe ;
& par confequent le violement de la
regie de droit, Jede vacante nihil in-
novetur,
fait un abus qui rend nul
tout ce qui s'eft fait pendant la va-
cance.
La mere de fainre Anaftafie n'ai'ant LvlIi;
, ,          r \ 1 1                  > 1 !■» Prieura
point recp de reponle a la lettre qu el- de p. r. de»
Champs re-
(19* Hid. abr. deP. R. s'en etant rapjortee a M. nouvelle fej
p. 70. Voi'ez T. 5. des de Noailles, par l'avis de inftancespoul
mem. hill. p. 529 , 140 , M. Courcier , qui ptcfi- 1'election d'&-
de quelle maniere elle fut doit a rafTemblee.
             ne Abbei&»
ce$uc, la Communaute
-ocr page 112-
XIO HlSTOlRE DE PoRT-ROIAI.'
17©6. le avoit ecrite a M. de Noailles apre?
la mort de la mere Boulard Abbefle,
lui en ecrivir une autre. On voit par
Ies Journaux de ce qui fe pafToit alors
a P. R. que la Communaute eut beau-
coup de peine a fe determiner a ecri-
re, par la crainte des mauvaifes fui-
tes. Ce fut M. Mabille (66), qui en-
gagea a le faire par deux lettres qu'il
ccrivit, Tune le 7 , l'autre le 11 de
mai , dans lefquelles il faifoit voir
que les religieufes etoient dans l'obli-
gation de fe juftifier des imputations
de 1'Arret par lequel leur foi eroit
difFamee & fletrie, &c qu'elles de-
voient continuer de faire des pour-
fuites pour obtenir la liberte d'elire
leur AbbelTe. La mere Prieure ecri-
vit done le 16 mai a M. de Noailles
line feconde lettre au nom de la Com-
munaute. Elle lui reprefenta d'abord,
{tour tacher de le toucher, l'exces de
a douleur dont elles font accablees
(«o) Ce M. Mabille qui    chargea le Cure de dire k
avoit coutume depuis 4    M. Mabille de n'y point
ou f ans d'aller pailer    aller parceque cela pour-
I'o&ave du S. Sacrement    roit le faire remarquer, &
a P. R. des Champs, ai'ant    que d'ailleurs il fe ctoioit
averti M. Vivant, Cute    oblige de priver les reli-
de S. Leu , qu'il feroft ab-    gieufes des Sacremens, i
fent.pendant cstte o&ave,    caufe de leur defobeilTail-
lc Cure en infornia M. de    ce.
JJoailles , 8c le Prelac
-ocr page 113-
III. PA.-s.-Tri. Liv.L nr _______
par la perte de quatre de leurs plus i joS,
dignes meres que la morr leur avoit
enlevees en moins de qitinze jours,
n'aiant pii fupporter 1'image d'une
entiere defolation, dont elles eroient
menacees depuis quelque terns. Puis
elle ajoute qu'elles one encore rec,u
un coup bien plus rude par 1'Arret
du Confeil, qui, en leur faifant de-
fenfes de recevoir des novices , atta-
que encore leur foi en les accufant de
mauyaife doctrine fur le fait du Janfe-
nifine,
quoique leur innocence ait ete
juftifiee de la maniere la plus claire
& la plus authentique par la Senten-
ce de M. de Perefixe ^ & que depuis
ce terns, elles n'aient donne aucun
pretexte de former contre elles de
nouvelles accufations , ne s'etant rien
palTe dans leur monaftere de contrai-
re a la fincerite de la declaration fur
laquelle ce Prelat avoit rendu temoi-
gnage a leur innocence , & a la purete
de leur foi. Pour arreter les calomnies
de leurs ennemis qui ont furpris la
religion du Roi, & qui pourroient
publier que l'autorite feculiere &
ecclefiaftique agiflent de concert
pour detruire leur maifon , en confe-
^uence des defordres qu'ils preten-
di'oient qu'on y auroit decouverts,
-ocr page 114-
T 11 HrSTOIRE DE PoR.T-R.OlAL.
elles fupplient fon Eminence de pre-
fider le plutot qu'elle pourra par elle-
meme, oii par un ecclefiaftique corn-
mis de fa part, a l'eleclion d'une Ab-
befTe. Pour l'engager a y confentir,
elles lui reprefentent les mauvais ef-
fets qu'un refus , ou meme un delai
de fa part, pourroit produire, parce-
que ceux qui ne leur font pas favo-
rables, ne manqueroient pas de Tin-
terpreter & de le faire regarder com-
me une marque que fon Eminence
elle-meme ne fait pas difficulte de
concourir a I'extinclion de leur infti-
tut. Elles favent bien que fon Emi-
nence n'eft pas capable de leur vou-
loir ni de leur faire du mal , mais
elles la fupplient de n'en pas demeu-
rer la , &c d'empccher en qualite de
leur pere & de leur partem: , que d'au-
tres ne leur en falTent un aiifli grand
que celui de les decrier fur l'integrite
de leur foi. Car ces perfonnes, di-
fent-elles , n'auroient pas de peine a
fe faire croire, en publiant qu'il n'y
a pas d'apparence qu'on imputat aux
religieufes de P. R. une mauvaife doc~
trine
dans, un a&e auffi public que
Feft un Arret du Confeil, fans que
leur Archevcque & leur Superieur.
ait etc confulte , & eut fait les infor-
-ocr page 115-
III. P A R T I E. Lh. I.         11 J
mations neceffaires; 8c que fans dou- 1706.
te il n'abandonndit fes propres filles,
que parcequ'il s'etoit convaincu par
des voies canoniques,qu'ellesetoient
coupables. Apres avoir expofe leurs
raifons5ellescontinuentainfi.» Com-
» me apres la confiance que nous
» avons en Dieu , nous avons droit
» d'attendre tout de votre Eminen-
" ce , nous vous fupplions, Monfei-
» gneur, avec larmes, & nous vous
» conjurons par la mifericorde du
» fouverain Pafteur , qui a donne fa
" vie pour fes brebis , d'etre notre
« refuge & notre appui dans une fi
» violente teinpete , & de changer
» les paroles dures & les outrages
» dont on veut nous accabler , en
» des temoignages de bienveillan-
« ce, de juftice & de paix. Que la qua-
» lite de filles & de brebis que nous
» avons & qui fait entrer votre Emi-
" nence dans tous les fentimens de
» la tendreffe & de la charite pater-
« nelle & paftorale , nous falfe obte-
" nir d'elle la permiffion de lui par-
» ler comme a Notre-Seigneur Jefus-
» Cbrift meme, dont elle exerce en-
» vers nous le faint miniftere, 8c de
» lui dire ce que nous difons a Dieu
» dans nos pfeaumes : oui, Monfei-
-ocr page 116-
114 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi.
» gneur , fi nous avons fait ce qu'ort
" nous reproche , nous confentons a
» fuccomber avec juftice fous nos en-
« nemis fans honneur & fans gloire ;
» qu'ils pourfuivent notice ame, qu'ils
" foulent aux pieds notre vie fur la
» terre, & qu'ils enfeveliffent notre
" gloire dans la poufliere. Mais fi
» nous fommes innocentes, comme
» votre Eminence le fait, de l'accu-
" fation horrible qu'on repand eon-
« tre nous , qu'elle fe leve dans fa
" colere, & qu'elle fignale fa puif-
» fance contre nos ennemis. Reveil-
» lez-vous pour nous defendre, 8c
» jugez-nous felon notre juftice, &
» felon l'innocence qui eft en nous.
» Nous efperons done, Monfeigneuf,
" que toutes ces conliderations dif-
;> poferont votre Eminence a differer
» le moins qu'il lui fera poifible de
» nous procurer le mo'ieft de faire no-
» tre election en la forme accoutu-
» mee. C'eft la grace que je lui avois
« deja demandee par la lettre que
» j'ai pris la liberte de lui faire ren-
» dre il y a quelques jours , ne con-
" iiderant alors que mon incapacite
» & ma foibleffe , & que toute la
» Communaute m'oblige maintenant
w de demander avec plus d'inftance
» en fon nom, &c.
-ocr page 117-
III. P A R T 1 E. L'lV. I.         I1 £
M. de Noailks ne repondit point ij06.
par lui-meme a une lettre fi touchan- lix.
te ; mais M. Gilbert, i qui les reli- vie^ ?£b£
gieufesavoient auffirccrit en lui adref- ten mai, de
tent la lettre au Cardinal , pour le Jj.^SriSS^'
prier en qualite de pere , d'appu'ier
leur demande aupres de fon Eminen-
ce , vint de fa part a P. R. le asi du
meme mois , faire une reponfe de vi-
ve voix. La riponfe fut, que M. le
Cardinal ne vouloit point qu'elles
fiflent l'eledbion d'une Abbeffe , &c
que c'etoit la volonte du Roi ; que
lbn Eminence n'avoitpa^ ignore 1'Ar-
ret du Confeil rendu contre elles -f
qu'apres s'y etre oppofee pendant fix
ou fept ans, elle avoit cru ne devoir
plus s'y oppofer ; qu'elles l'avoient
mis dans rimpuiiiance de les fecou-
rir , par la claufe qu'elles avoient ■
ajoutee a leur certificat, que c'etoit
ce qui l'avoit engage a confentir a
1'Arret du Confeil du 17 avril; qu'el-
les etoient des defobeiiTantes a 1'E-
glife ; que toute la grace que fon
Eminence pouvoit leur faire, etoit
de les killer mourir en paix dans
leur maifon , fi cela dependoit de
lui (61), mais qu'il ne repondoit de
(«i) M. de Noaillcs etoit -il perfuade que par
-ocr page 118-
I 16 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi;
1706. rien (62). " Mais pourquoi, conti-
» nua le Superieur, ne voulez vous
» point obeir au Pape, puifque les
n Eveques, la Sorbonne , &c. 1'onc
» fait ? On vous allure de la verite
i> de ce qu'on exige de vous, & on
» doit fe foumettre a fes Superieurs.
» Nous ne'pouvons, repondirent les
n religieufes, afTiirer une chofe que
» nous ne favons point. La non-
« creance d'un fait ne doit pas ten-
s' dre notre foi fuipecte. D'ailleurs
« nous ne contredifons pas nos Su-
» perienrs, & c'eit par ce filence que
» nous temoignons notre relpedt.
IX
          Ces faintes filles furent extreme*
loy/tiq^des'^ent affligees des difpofirions de M.
religieufes deJe NoaiHes ^ [ent eVard • elle$ fe con_
P. R- des
                        ,            . o ■> , • ,
cbsmps4m.tenterent neanmoihs den gemir de-
deNoankr- vant Dieu , & demeurerent dans le
filence depuis le 22 mai jufqu'au 20
juillet fuivant ( 63 ) que ne croiant
une telle conduite il fern-        (Si) Nous verrons dans
pliroit les devoirs d'un    la fuite M. !e Cardinal
ton Pafteur' Les leligieu-    citer cet entretien comrne
fes de P. R. etoient, Ou    une premiere monition
coupablcs, ou innocen-    canooique, dans l'ordon-
tes. Si elles eroient coupa-    nance du j j novembre
bles, devoit-il les Iaiiler    J707.
mourir en paix fans faire        (tfjJDanscetintervalle,
fes efforts pour ies tirer de    elles apprirent le 10 , fans
l'erreur >. a* elles etoient    neanmoins heaucoup de
innocentes , devoit-il les    certitude , que M. l'£ve-
abandonner & les lailler    que de Cliartres avoir i-
dans l'oppreffion i                crit a Rome contre d)es;
-ocr page 119-
III. Partie. Liv. I. 117
pas le devoir garder plus long-tems, j 706.
elles lui ecrivirent une ores belle let-
tre contre les imputations de mau-
vaife doftrine , & pour juftifier la
claufe^/2.5 deroger , qui en etoit le
pretexte. Elles font voir d'abord com-
bien elles font expofees auxcalomnies
de leurs ennemis, par le projet de
lArret qui etoit forme depuis fix ou
fgpt ans j circonftance qui prouve que
ce n'eft pas la claufe Jans dinger, qui
leur a attire cet Arret , puifqu'on y
travailloit tant d'annees auparavant,
quoique d'ailleurs elles n'aient don-
ne aucune occafion d'attaquer leur
foi & de la decrier par un a£te pu-
blic. M. de Noailles lui-meme leur
avoit rendu juftice auparavant en par-
lant avec eftime de leur Communau-
te, en difant qu'il n'avoit leur foi
non plusjiifpecle que leurs m<zurs.
Elles
font d'autant plus fenfibles a l'aban-
donnement oil les laiffe leur Arche-
veque, que n'ai'ant nul acces aupres
que le Pape aiant lii ce    dit A fa Saintete qu'elles
quelePrelat mandoittou-    avoient fait une explica-
cbant ia maniere done cl-    cion relative a ce qui s'e-
avoient accepre fa conf-    toic fait fous Clement IX ;
tkution, il avoit dir, metis    a quoi le Paps repliqua ;
pourquoi dit - on qu'elles    mais pourvu qu'elles s'en
ont refufe de recevoir la    t'tennsnt a ce qui a he fa.it3
Conftitution $ puifqu elles    que peut-on y trouysr
I'otltf steptiti On repqa-    redire f_
-ocr page 120-
118 HistoiredePort-ro'iai.
de Sa Majefte pour lui fake leurs re-
montrances, 6c toutes les avenues leur
etant fermees par les artifices de leurs
ennemis, elles ne pouvoient atten-
dre que de fon Eminence feule le fe-
■cours dont elles avoient befoin. Elles
ajoutent, qu'on ne pent les convain-
cre d'aucune defobeiflance a moins
qu'on ne fuppofe que ce qu'on exige
d'elles, eft de renoncer a tout ce qui
s'eft fait pour leur monaftere a la paix
de l'Eglife. Car hors cela il n'y a rien
de particulier dans leur conduite , &c
on ne peut rneme leur reprocher d'a-
voir manque a recevoir & a publier
la Conftitution, puifqu'elle a ete lue
8c publiee a leur grille dans le tems
& de la maniere prefcrite par le man-
dement qui leur- a ete envoi'e , 8c
qu'elles out recti avec le refpect du
a SaSaintete &afon Eminence. Ainli
on ne peut trouver a redire qu'a leur
declaration -y laquelle neanmoins n'eft
contraire, ni a la Bulle ni au Man-
dement. Elles le prouvent par leur
requete rapportee dans la Sentence
de M. de Perefixe, ou leurs difpofi-
rions font clairement expliquees. II
eft dit par ce jugement que leurs dif-
pofitions font conformes a. ce qui a
itc re^u & approuye par le Pape;
-ocr page 121-
III. P A R T I E. Liv. I. I I £
que leur obeifTance eft veritable & "
entiere , &c qu'elles font parfaitement
foumifes aux Conftitutions. II y eft
encore marque que c'eft en fuivant
l'exemple du Pape Clement IX que
ce jugement eft rendu 5 enfin on ne
leur a rien recommande que de per-
feverer dans la fincerite de leur obeif-
fance. D'oii il eft evident que leur
declaration fans de'roger, par laquelle
elles rappellent ce jugement , bien
loin d'etre contraire a la Bulle Vi-
neam
, qui confirme ce qu'a fait le
Pape Clement IX, ne contient que
la preuve indubitable de leur obeif-
fance & de leur foumiffion a ces Bul-
ks renouvellees & confirmees par la
nouvelle j de forte que l'affaire eft fi-
nie a leur egard par la Sentence de
M. de Perefixe, leur Superieur & leur
Archeveque, dans des circonftances ,
ou il eft notoire qu'il n'agiftbit pas
par une indulgence aveugle a leur
egard. Elles ajoutent encore que 1'in-
tention des Papes ai'ant roujours ere"
de ne recevoir aucune exception ni
reftriction, leur declaration n'a rien
de contraire a la nouvelle Conftitu-
rion , puifque la Sentence rendue en
leur faveur porte expreffement qu'el-
les condamnent les cinq proportions;
-ocr page 122-
I 20 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
, fans exception ni reftriction quelcon-
que. Elles repondent enfuite a l'exem-
ple des religieufes de Gif,en faifant
voir quele cas de P. R. eft different,
parcequ'il n'avoit pas ete queftion
des premieres dans la paix de Cle-
ment IX j que les religieufes de P. R.
y aiant eu part , elles n'ont pu fe
difpenfer de rappeller une Sentence
rendue en leur faveur, qui en avoit
ete la fuite , &: a laquelle il leur im-
porte de ne point deroger. Enfin elles
finiffent en difant que la declaration
qu'elles ont ajoutee a. leur certificat
ne peut rendre en aucune forte leur
obeiiTance douteufe ; qu'elle en eft au
contraire le fceau & la preuve au-
thentique par la liaifon entre cette
declaration & une Sentence qui a
conftate en ce point leur foumiffion,
& qui en rend un teraoignage non
equivoque.
On lent la force de ce raifonne-
ment ; & toute perfonne equitable y
trouvera une demonftration complet-
te & une juftification parfaite de la
conduite des religieufes de P. R. Mais
le parti etoit pris , &c la perte de ces
faintes filles abfblument refolue, quel-
que chofe meme qu'elles euflent rait,
tomme nous l'allons voir.
-ocr page 123-
III. P A R. T I E. LlV. I.       12 r
Les religieufes ecrivirent en me- ~170(y#
me-tems a M. Gilbert pour le prier lxi.
de prefenter leur lettre a M. de Noail- j£ £j££
les. Elles lui rendent compte de ce parM. uck-.
qu'elle contient, & des motifs qui dina1-
les ont portees a. l'ecrire.
Ces deux lettres furent portees a
Paris le zi juillet, 8c remifes a M.
Gilbert, par M. Tero, agent des re-
ligieufes , qui retourna l'apres midi ,
pour favoir la reponfe. II n'y en eut
point, finon que fon Eminence n'a-
voit pas eu le loifir de lire la lettre
qui lui etoit adrefiee, & qu'il avoit
donne ordre qu'on ecrivit a M. Ma-
rignier pour qu'il vint lui parler. M.
Marignier s'etant rendu le 11 juillet
a Conflans , le Cardinal lui fit de
grandes plaintes fur la prerendue obf-
tination des religieufes, & fit beau-
coup valoir les fervices qu'il leur
avoit rendus : » je vous ai faitvenir 3
»
lui dit-il, pour vous dire que je me
m decharge des religieufes de P. R.
» fur votre confcience. Qui que ce
w foit qui les confeille, elles ont de
» tres mauvais confeillers ; je les
=> trouve dans une defobeifTance tout-
» a-fait criminelle. J'ai envoie le Su-
» perieur pour les gagner par de bon-
Tome IX.
                          F
-ocr page 124-
I Zl HlSTOIRE DEP0B.T-R.01At,
j ~o6. " nes raifons (64), & elles n'ont op-
« pofe que leur obftination. Rien
» n'eft pire que des demi-favantes.
» Toujours je leur ai fervi de patron
" dans l'efperance de les ramener.
» J'ai rendu ternoigtmge au Roi, que
» tout etoit en paix chez elles , &
« par la j'avois fufpendu ce que j'ai
» enfin laiffe aller «. M. de Noailles
donne ici a&e , qu'il avoir confenti d
1'Arret du 17 avril. Mais ce qui me-
rite une attention Imguliere, c'eft ce
qu'ajouta ion Eminence , que, » a la
" verite quand elles auroient fait ce
qu'on leur demandoit 3 elles n'en fe-
» roient pas mieux felon le monde
_,
" parceque le deffein de les detruire
« etoit pris des ily a long-terns , mais
» qu'elles en feroient mieux devant
» Dieu ". Cet aveu joint a celui
qu'avoit fait deux mois auparavant
M. Gilbert parlant aux religieufes de
P. R., au fujct de 1'Arret du 17 avril
qui leur defendoit de recevoir des
novices, prouve fans replique que
le deflein de detruire cette fainte mai-
• (S4) Le Superieur s'a-    fonncmens, auxquels el-
quiuabienmal de fa com-   les oppofcrem, non leur
milfion , n'aianc fait aux   obiiination > roais desrai-
teligieufes pour les ga-    fons folides £c fans lep.i*
gner, que cte fsibles i'ii-    que.
-ocr page 125-
III. P A R T I E. LlV. I.       11$
fon n'eft point venu de la clmfe/ans
diroger,
ajoutee a leur certificat de
I'acceptation de la Bulle Vineam ; &
que la demande qu'on leur fit d'ac-
cepter cette Bulle n'a ete qu'un pie-
ge qu'on leur a tendu expres, & une
demande a l'herodienne , pour chet-
cher dans leur reponfe quelque pre-
texte d'executer le defTein deja tout
forme de les perdre & qu'on auroit
execute,quoi qu'elles euffent fait.Dans
cet entretien , M. de Noailles die a*
M. Marignier , qu'il ne demandok pas
la foi fur le fait ^ mats la foumiffion
<L'un enfant.
Le terme eft fingulier. Son Emi-
nence auroit-elle par - la voulu faire
entendre que la foumiffion des fideles
a l'egard des Pafteurs doit non - feu-
lement etre femblable a la foumiffion
d'un enfant, mais qu'en vertu de cet-
te foumiffion ils doivent avoir une
aveugle credulite a l'egard de tout ce
que les Pafteurs leur difent, & telle
qu'elle eft dans les enfans, auxquels
on fait accroire tout ce que l'on
vein ? C'eft afTez l'idee de la docilite
&^de la foumiffion que M. de Noail-
les vouloit que Ton eut pour ce qu'ii
ordonnoit j & c'eft celle que les Pre-
lats exigent aujourd'hui des fideles.
f ij
-ocr page 126-
H4 HistoiredePort-roi'al.
(j, II n'en faut pas moins avoir pour
croire le fait de Janfenius. Mais ce
n'eft point la. la foumiffion que l'E-
vangile prefcrit, & que les Apotres
ont precnee. La fimplicite de la co-
lombe doit etre jointe dans les fide-
les a la prudence du ferpent.
M. Marignier ai'ant reprefente au
Cardinal, qu'on avoit demande aux
religieufes ce qu'on n'avoit exige de
perfonne : elles pouvoient; dit-il, tie
le pas dormer ; &c
il ajouta , Gif Pa
donni fans qu'on lui demandat.
Com-
me M. Marignier lui objecta que la
Superieur avoit formellement pref-
crit de donner ce certificat, fon Emi-
nence parut furprife. M. Marignier
voulut enfuite parler en faveur des
religieufes, & dit que fe fondant fur
la paix de Clement IX & fur la Sen-
tence de M. de Perefixe, elles croioient
obeir a l'Eglife. Le Cardinal repon-
dit que l'un & l'autre avoient cru de-
voir ufer de condefcendance j mais
que Clement XI dans le m£me degre
a autorite mettoit les chofes dans un
autre etat 8c exigeoit davantage. C'eft
affurement juftifier les religieufes de
P. R. en voulant les condamner. Si
elles eroient catholiques fous Cle-
ment IX, pourquoi ne le feroient-eU
-ocr page 127-
III. P A R T I E. L'lV. L US
les pas fous Clement XI, aiant fous 1706.
ce Pape les memes fentimens qu'elles
avoient fous le premier ? M. Mari-
gnier prenant encore la parole , dit
au Cardinal, qu'il ne pouvoit conci-
lier la defobeiiTance criminelle dont
fon Eminence accufoit les religieu-
fes, avec la regularite de leur vie 8c
la confiance dans laquelle il les voioit
mourir avec joie , beniflant Dieu, &
fans la moinclre peine de confcience.
En finiflant, M. de Noailles fit en-
core un aveu remarquable touchant
l'ele&ion d'une Abbeffe : pour I'elec-
tion ,
dit-il, je la refufe abfolutnenti
Si on avoit fait ce que je fouhaitois
_,
elle auroit he accordee vingt-quatre
heures aprhs.
Quelque fecret que Ton gardatfur IXtt.
les pourfuites qui fe faifoient a Rome fese"' £ £
contre les relieieufes de P. R. des *»champs t-
*~ii                   it             e            • c        1        crivent au l'a-
<^hamps, elles en rurent inrormees j pe ciemenc
& en confequence elles ecrivirent le XI<
4 du mois d'aout au Pape Ciemenc
XI, pour lui faire connoitre leur in-
nocence & implorer fa protection
dans les circonftances 011 elles fe trou-
voient. Elles font dans cette lettre le
recit de ce qui s'eft pafle a leur egard
pour l'acceptation de la Bulle Vi-
neam
j elles fe juftifient contre les ac-«
-ocr page 128-
I id HlSTOIRE DE PdRT-RO'lAl.
1706. cufarions injuries formees contre el-
les a l'occauon de la claufe fans de-
roger-y
cela leur donne occafion de
parler de la paix de Clement IX , &
de la Sentence de M. de Perefixe ren-
due en leur faveur : enfuite elles rap-
pellent de quelle maniere apres que
la paix fut conclue , on divifa les
deux maifons de P. R. & l'on fit le
parage des biens. Elles fe plaignent
de ce que Ton veut aujourd'hui de-
truire une paix conclue par le con-
cours des deux puiflances, & de ce
que Ton veut annulier des Bulles &
des actes folemnels , par le moi'en def-
3uels elles jouiflbient de la paix, &
e la portion de bien qui leur avoit
cte afllgnee. Apres avoir rapporte les
dirFerens deffeins formes contre elles
fur-tout par les religieufes de Paris ,
qui cherchoient a les d^pouiller de
leurs biens , elles difent que fi on re-
parTe fur toutes les chofes qui font ar~
xivees depuis quarante ou cinquante
ann^es, on verra que leurs adverfai-
res ont toujours voulu que les chofes
changeaflTent felon leurs inteYets, en-
forte qu'elles pouvoient dire ce que
difoit autrefois le faint homme Jacob
a Laban, lorfqu'il lui reprochoit d'a-
Voir change dix fois l'accord qu'il
-ocr page 129-
10. Partie. liv, I. i if
.avoit fait avec lui. C'eft ainfi que les i-fo$,
religieufes de Paris, apres avoir de-
mande elles-memes la reparation des
deux maifons & ie partage des biens,
en demandoient la reunion , pour
s'emparer de tout j c'eft la l'efprit qui
les anime. EUes ont furpris la reli-
gion du Roi pour divifer les deux
inonafteres , elles la furprennent en-
core pour les reunir. Les religieufes
de P. R. des Champs , efperent que
Sa Saintete demelera |eurs artifices Sc
reconnoitra l'injuftice de leurs def-
feins } & dans eette confiance elles
ofent dire que leur falut eft entre fes
mains, comme le difoit autrefois tout
un peuple afflige a Jofgph. Enfuite i
laiflant a part tons leurs internes terry-
porels , elles fuppiient le Pape de
conftderer • que la principale raifon
qui les engage a s'oppofer a la reu-
nion , c'eft qu'elles ont choifi le mo-
iiaftere de P. R. des Champs, parce-
que le droit d'eie<5tion s'y eft confer-
ve ; elles ont fait ce, choix eu con-
noifTant que la regularite , l'efprit
de pauvrete & de travail , l'obliga-
tion d'avoir tout en commun ( fans
aucune diftindion d'anciennete ni de
naiffance, & les autres vertus chre-
tiennes & religieufes , fe maintien-
-ocr page 130-
1 X 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAir
ijo6, nent beaucoup mieux dans des Ab-
bai'es ele&ives, que fous des AbbefTes
perpetuelles & de nomination roi'ale.
Ce font les viies qu'elles ont euesen
faifant leurs voeux. Elles ajoutent en-
core que rAbbefTe de Paris etant d'un
ordre mitige , cela entrainera la de-
cadence de la regularite &c des aufte-
rites auxquelles leur regie les engage.
Enfin apres avoir expofe les chofes
au faint Pere, & lui avoir reprefente
d'ailleurs fur combien d'actes & de
pieces authentiques eft fonde ce qui
s'eft fait a leur egard fous le pontifi-
cat du S. Pere Clement IX, elles fi-
niiTent en lui difant que fa charite
qui Panimera le rendra fenfible a ce
qu'elles ne fauroient reprefenter par
leurs paroles, qu'elle fera touchee de
leurs fouffrances , & que l'exces de
leur affliction leur tiendra lieu de
merite aupres de Sa Saintete. Les re-
ligieufes ecrivirent en meme-tems au
Cardinal Paulucci , fecretaire de Sa
Saintete , pour le prier de lui presen-
ter leur lettre , & de vouloir bien
rendre ce fervice a des religieufes qui
font depuis long-tems dans la fouf-
france & dans l'affli&ion 3 &c qui
n'ont perfonne pour prendre leur in-
teret.
-ocr page 131-
III. P ARTIE. LlV. I.         119 _______
Les deux lettres furent envoi'ees a tjo&
Rome, avec un grand memoire di-
vife en deux parties , ou Ton expo-
foit l'etat de P. R. depuis fa fonda-
tion jufqu'en 1706: on y faifoit audi
une peinture tres naturelle & un de-
tail men circonftancie des fouffrances
des religieufes & des vexations de
route efpece , qu'elles eprouvoient
depuis long-tems , rant de la part
des Jefuites , que de la part de leurs
fours qui vouloient les depouiller de
leurs biens. Ce memoire eft comme un
abrege d'hiftoire de P. R. des perfe-
cutions des religieufes, & des diffe-
rends fur le partage des biens.
Le Cardinal Paulucci, a qui le pa-
quet fut prefente par l'agent que less
religieufes avoient choifi a Rome pour'
agir en leur nom , eut la generofite
de le mettre entre les mains du Pa-
pe. Sa Saintete le remit a une per-
fonne pour l'examiner & lui en faire
fon rapport. L'agent des religieufes
prefenta aufti une fupplique en leur ■
nom pour obtenir de Sa Saintete
qu'elle ne permit pas la fuppreffiora
du monaftere de P. R. des Champs,
& la reunion de fes biens, au mo-
naftere de Paris, fans que les fup-
pliantes fufTent entendues pour deT
duke leurs. raifons*             E y
-ocr page 132-
I 3 O HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
170(3. Nous avons dit que le Cardinal
lxhi. Paulucci, eut la generofite de remet-
fes" do'lnem tre au PaPe ^a MWT6 & les pieces
procuration concernant P. R. des Champs : c'eft
pour faire                    /-> J- 1 ' • 1          ;             1
toute pour- PfiP ce Cardinal etoit charge par la
nom e" RUr ur ^e France & P^ *e Cardinal
mc.
            de Noailles de pourfuivre la fuppref-
fion de cette maifon & la reunion de
fes biens a celle de Paris. On pre-
tend que Clement XI ne rut pas fa-
che que les religieufes de P. R. des
Champs fiffent leurs oppofitions aux
pourfuites qu'on faifoit centre elles -y
6c
qu'il avoir declare qu'il ne vou-
loit pas detruire ce qu'un de fesprede-
cefTeurs (Clement IX) avoitfait (65).
((Tf) Le Pape avoir fair    a des Cardinaux du faint
«tte declaration le 6 fep-
    Office qu'il ne croit point
tembre. Ce fur le Carcfi-
    cette infaillibilire. jiPotir
lial Paulucci qui le dit a
    33 ce qui eft de l'obeiflan-
l'agent de P. R. D'ail-
    33 ce veritable & interieu-
leurs on fait que jamais
    33 re qu'on exige , ajoute
le faint fiege n'a pretendu
    33 M- Maill , on ne s'eftV
qu'on fur oblige de croire
    33 poinr explique en quoi
que l'Eglife ou le Pape eft
    3> elle conlifte. Les Theo-
infaillible dans les deci-
    33 logiens de Rome n'etu-
fions de queftion de fait.
    33 dient point cette quef-
Clemenr XI s'en eroit de-
    3) don , parcequ'on ne
ia explique , cpmme on
    3> leur fait aucune peiue
— fa vu, en parlant a M.
    33 la-deffus. Je yois feu-
Ciicvaliet. C'eft ce que
    33 lemeni , dit-il , qu'ils
confirme M. Maill dans
    33 fe moquent des Eve-
une lettre du 16 noyem-
    33 quesde France , qui ont,
bre de certe annee , oiiil
    33 fait tant de fracas pout
dit, que pour lui il ne fait
    33 une queftion qu'ils re-
pas difficulte de dire , pa-
    33 gardenr comme pen
i»m & publics , & meiue
    33 importance.,,, Les plus
-ocr page 133-
III. P A S. T I E. liy. /. i $ i
Mais il y avoir -tant d'inconftance, " ijo6.
pour ne rien dire de plus , dans la
conduite de ce Pape, qu'on ne pou-
voit compter fur rien. II demanda
vers ce terns-la. une traduction des
pieces qui lui avoient ete envoiees;
ce qui fit juger que Sa Saintete voti-
Joir faire examiner la chofe a. fond, 8c
qu'elle ne feroit decidee qu'apres les
informations. Les religieufes de Port-
Roi'al des Champs envoierent a feur
Agent a Rome une procuration da-
tee du 14 feptembre , pour 1'autori-
fer a faire routes les pourfuites ne-
ceffaires. En confequence 1'Agent for-
ma oppofition a la daterie pour em-
pecher qu'il ne fut rien expedi^ fur
cette affaire : nihil tranfeat nifi citato
pmcuratore.
La fupplique des reli-
gieufes reftoit toujours fans reponfe.
On fit neanmoins le rapport des pie-
ces a Sa Saintete j & l'avis des depu-
tes fut que la Bulle qu'on demandoit
pour Mad. de Chateau-Renaud fuc
abfolument refufee 5 ce qui ne deplut
pas au Pape. Malgre les instances
qu'on faifoit, meme au nom du Roi,,
« eclaires regatdent tout   » fion faite mal-a-propos
» ce manege conime une    » contre de fore hoiuic-
» balade de courtifans 8c   » tes gens , 8tc.
» CQonne uae gerftcu?
It)
-ocr page 134-
13 i HistoiredePort-roiae;
J 706. l\ fut pendant quelque-rems rres fer-
ine a la refufer, & il declara qu'il
vouloit faire examiner certe affaire
par une congregation. Si le Pape avoir
pris ce parri, l'iniquite n'auroit peut-
etre pas prevalu : mais cenx qui vou-
loient opprimer l'innocence, vinrent
a bout par leurs intrigues cl'empecher
que l'affaire ne fur jugee felon les
regies.
txrv. La reponfe que M. d'e Noailles fit
Mailgnier. ^ M. Marignier le 13 juillet, fut
vraiment une reponfe de mort pour
les religieufes de P. R., mais plus en-
core pour le pieux ecclefiaftique a qui
elle fut faite j car il en fut fi touche ,
par l'efiime & 1'afFecHon qu'il avoir
pour eette fainte Communaute dont
il faifoit l'eloge en toute occafion ,
qu'il mourut a la fin du mois fui-
vant.
M. Marignier narif du Diocefe de
Seez , demeuroir a P. R. depuis envi-
ron vingt ans, & y avoir ete charge
pendant ce terns de l'inftruition & du
foin des domeftiques du dehors de la
maifon , dont il etoit comme Cure „
1'Abbai'e aiant droir de Paroifie. Son
■eminente pidte, fa vie penitente &
"retiree, fon merite, fa verm „ fa pru-
dence , & fon affection pow la mai-
-ocr page 135-
III. P A R T I E. LlV. I.         1}}'
fon, porterent ies religieufes a Ie choi- r j0fc.
fir pour confefleur apres la retraite de
M. Euftace. II s'aquitta de cet emploi
avec beaucoup de charite , de zele 8c
d'edification. II prit beaucoup de part
aux dernieres agitations de la mai-
fon au fujet de la Bulle Vineam ; 8c
dans le defir d'en titer les religieufes ,
il propofa l'expedient dont nous avons
parle, mais qui ne fut point agree de
M. de Noailles. Depuis , il ne perdk
aucune occafion de rendre temoigna-
ge a leur innocence, a la purete de
Feurs fentimens , & a la faintete de
leur conduite. II le rendit encore pu-
bliquement, lorfqu'on lai adminiftra
les derniers Sacremens , qu'il recut
avec de grands fentimens de piete &
de religion , le 28 du mois d'aoiit.
Avant que de les recevoir, ai'ant de-
mande au Pretre {66) la permiffion
de parler aux■ freres _, e'eft ainfi qu'il
appelloit les domeftiques;, il le fit
avec beaucoup d'humilite & d'une
maniere tres touchante. Enfuite il
rendit ce temoignage eclatant a l'in-
nocence & a. la purete de la foi des
religieufes. » C'eft peut-etre aujour-
(tf«) M. Havartj Cha-    Prieure fur les dernieres-
pelain de Port - roi'al des   aftinns ds Monfieui Matl-
ehantps , dans la lettre   gnivr.-
^u-'il krivit i la mere
-ocr page 136-
t $4 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
"JJoTT " d'hui , dit-il, le dernier jour de ffl%
" vie.- // faut qu'avant (taller paroi-
» tre devant Dieu 3 je rende temoi-
» gnagealafoi de nos fcurs. Jamais
*f je n'ai doute de leur foi
_, jamais je
» ne les ai crues dans I'erreur
". II s'atv
iendrit &c pleura en difant ces paro-
les , ce qui l'obligea de s'arreter un
moment. Puis il continua ainfi : la
derniere fois que je fus devant Mon-
feigneur le Cardinal de Noaillcs mon
fupirieur, je ne pus m'empecher de lui
dire > que je ne pouvois concilier des
chofes Ji contraires les unes aux autres 3
une vie Jifainte j un defer fi grand d'oi-
ler a Dieu, une mortfitranquille 3 avec
une defobiiffance telle que celle qu'on
leur impute & dont on veut leur faire
un monfire.... Je vousprie de leur dire
,
fije ne puis plus les revoir _, que je les
Jupplie defe fouvenir
aufaintfacrife.ee _,
d'un Pretre qui les y a ft fouvent ofe-
fertes (67},
(6j\ Aram que de ren-    so Marignier, un grani
dre publkjiiemeni ce te-    « bonbeur pour raoi de
tnoignage , M. Marignier    » raourir auJQUid'bui feV
avoic ,deja temoigne a M.    » te de S Auguftin > Dieu
4e Saiiu Claude la difpo-    j> ne me feroit-il pas une
ficioflou il etoitdelc £ai-    » grande mlfeticorde er>
re. Comme M. de Saint    j> me retiiant dumonde,
Claude lui dit qu'il efpe-    » apres ni'ayoit fait cells
loit,que Uieu lui renyer-    » de me tenir toujour?
tok la fante ; » Neferoit-    » attache a la v6rite«.'
» ee gas ,. lepondit, M,    Pieft vewpeuf-etre, ajpu,-;
-ocr page 137-
III. P ARTIE. Hv. I.         Ij5
Comme il appercut que les larrnes
romboient des yeux des freres ,• il leur
adrefla encore la parole i Allans rnes
freres
j leur dit-il, aliens _, aimons-
nousles uns les autres y & aidev^ moi
a bien mourir. S. Augufiin difoit dans
line pareille occaficn : s'il ne falloit ja-
mais mourir _, je demanderois encore k
vivre: mats s'il faut tot ou tard arriver
a ce terme y pourquoi pas des aujour-
d'hui I Qu'il ne fait pas dit que nous
dementions a I'heure de la mart ce que
nous avons dit pendant notre vie. Je
m'en vais dans Veternite 3 ou je vous
attendrai ; car on ne fait que Jefucce-
der les uns aux autres.
II mourut dans
ces faintes difpofitions Ie 31 aofit
1706, age de 49 ans , & fut enterre,
comme il 1'avoit ordonne, avec les
freres. Rien n'eft plus edifiant que les
circonftances de fa maladie & de fa
mort, qui ont ete recueillies par deux'
temoins oculaires. » M. Marignier ,,
» dit l'un de ces temoins (68}■, etoit
» ce jufte qui vit de lafoi, & fa con-
s' verfation etoit dans le Ciel, com-
ta-t-il > que je meure A aftn   pQint de comparoitrc ajf
que je rende temoignage d    tribunal de Dieu.
ia foi de nos fieurs. On
(<S8) M. dc S. Claude
aura peut-2:re quelqu'e-    dans une lettre a M. Ik'
gard au temoignage d'une    Noir, Chanoine de Notrs*--
firfinne qui eft fur U    Dame., fonfrere,.
-ocr page 138-
tyS HlSTOmECEPoRT-ROiAf?
1706. " me S. Paul le dit de lui-meme. It
» eft mort comme il a vecu «.
II eut un presentiment de fa mort
quelque mois auparavant, a. la vue de
plulleurs religieufes qui moururent.
II s'occupoit continuellement de cette
penfee, & exhortoit auffi fouvent les
autres a fe preparer a aller au-devant
de l'epoux. II avoir ete 11 touche de
l'affli&ion de fes cheres filles en Je-
fus-Chrift, & de la mort de quatre
anciennes dont nous avons parle , que
fes difcours depuis ce tems n'etoient
prefque que de la preparation a ce
redoutable paflage. Enfin la reponfe
verbale que M. de Noailles fit le 13
juillet a la lettre des religieufes de
P. R., parlant a ce pieux Ecclefiafti-
que , for pour lui un coup mortel au-
quel il ne put furvivre. C'eft ce que
la mere Prieure de P. R. des Champs
ne fit pas difEculte de marquer dans
la lettre qu'elle ecrivit le 17 du mois
fuivant a M. l'Archeveque , on elle
dit exprelfement, que M. Marignier
fat Ji penetre de ce que fon Eminence
lui avoit dit dans l'audience qu'elle
lui donna a Conflans, qu'ily a fujet
de croire que cela a beaucoup contri-
. bud a abreger la duree de I'exit dont il
a plu a Dieu de le retirer.
Ce font le?
termes de la lettre.
-ocr page 139-
III. P A R T I E. LlV. I.       IJ7
Ces faintes filles, qui depuis le 10 17*66.
juillet avoient garde le filence (69) , i-xy.
' • •            1         ° c              i          , 111 Lesrehgieu-
ecnvirent le 17 Septembre a M. aercs^riventdc
Noailles touchant la reponfe verbale "0llTeauA M-
r                           .* r . , 1 de Noailles.
que Ion Eminence avoir raire a leur
lertre par le canal de feu M. Mari-
gnier. Comme route la difficuke a
laquelle on s'arrachoir pour les mal-
trairer rouloir toujours fur la claufe
fans deroger a ce qui s'ejl fait a notre
egard a la paix de PEglife fous Clement
IX
, elles expofoient dans leur lettre
fignee de route la Communaure, qu'on
ne fair aucun rorr a la publication
d'un adte en declaranr qu'on le recoit
fans deroger a ce qui s'eft fait aupa-
ravanr dans le jugemenr de la meme
affaire ; & que les juges ne fe forma-
lifenr poinr quand on en ufe ainfi k
la fignificarion de leurs arrets \ qu'el-
les ont cruque ceque I'equitenaturelle
fait approuver dans roures fortes d'af-
faires , pouvoir erre approuve dans
celle-ci, oil elles ont ete obligees de
prendre cerre precaution avec d'au-
(69) Elles avoient don-    tout des religieufes de P.
lie le 14 feptembte 170s    R. de Paris, qui etoient
line ptocuration generale    devenues leurs parties,
pour agir en leur nom    Vo'i'ez cette procuration,
dans tous les tiibunaux ,    mem. hift. T. 4. p. 91.
pour defendre leurs droits,    Elles l'envoi'erent a Rom$
&. s'oppofer aux enrrepri-    a leur Agent.
Set A leuts ennemis, fur-
-ocr page 140-
t$$ HjSTOliiE DE PeRT-ROlALi
tant plus de raifon qu'elles n'avolent
que nop d'indices que Ton cherchoit
tous les moi'ens de les perdre, & que
le deflein en etoit pris , comme Ion
Eminence en convenoit. Elles lui re<-
prefentent enfuite qu'on ne pent leur
reprocher aucune defobeiiTance , fi on
veut bieii entrer dans quelque detail y
& qu'on ne peut trouver aucun defaut
dans une declaration faite de bonne-
foi, qui ne rappelle que des a£tes au-
thentiques & revetus de toutes les for-
malites ; qu'il convient a 1'obligation
de conscience ou elles font de ne
point deroger a ce qui 3. ete regie &
habli a leur fujet avec i'approbadQn
du Pape , par un des predecefleurs de
/on Eminence ; que ce qui , a la paix
de l'Egliie, a eu la force de reprimer
leurs ennemis , de diffiper toutes les
calomnies dont elles avoient ete chaiv
gees, & de finir leurs fouffrances, ne
peut fervir a faire revivre aujourdhui
les memes impoftures „ &f a les expor-
fer de nouveau aux memes difgraces
& aux memes affli&ions , ni donner
lieu a la conduite qu'on tient a leur
egard , capable d'entretenii: non-feu-
lement le commun du montle , mais
le Roi metne , dans la penfee qu'elles
meritent ce traitement par leur opi-
niatrete & leur defobeiflanee.
-ocr page 141-
III. Par.tie. Uv.l. ti4
™.
Enfin elles conjurent fon Eminence if&ifj
par les motifs les plus prefTans de pren-
dre leur defenfe , d'etre pour elles une
ville forte , une colomne de fer & uri
mur d'airain , afln qu'au jour de l'af-
flidlion elles ne foient pas reduites a
dire avec un prophete , qu'il ne s'eft
trouve perfonne pour les fecourir.
M. de Noailles n'eut pas pins d'e- ^^J^
gard a cette lettre qu'aux autres , & les ne fait »u-
r                      i        /•         > a.                   cans reponfe.
ne ht aucune reponie ; c eit pourquoi        '
voiant que leur voix ne pouvoit fe
fake entendre anx oreilles des hom-
ines , elles parent le parti de garder
le filence a leur egard pour ne plus
parler qu'a Dieu , en qui elles met-
toient toute leur efperance. En effet
elles garderent le fdenee le refte de
1'annee 1706 , & elles y feroient ref-
tees plus long-tems fi on ne les eiit
forcees d'en fortir pour fe deTendre
eontre de nouvelles attaques.
Ces nouvelles attaques furent fai- ixvn".
tes par les religieufes de P. R. de fe'.'tl
Paris , qui etoient alors fans AbbefTe *»"« devien-
par la demiffion forces (70) que Ma- 'c^lm Pceiks
t de P. R. de*
(70) Cette AbbelTe fe   guer tes bulles de la Da- chamPs-
retira dans le monaftere    me de Chlitcau-Renaud ,
de Trendies & protefta   & de>anger les mefurcs
1'am ee fuivante eontre fa    que prenoit M. de Noail-
demiflion. Comme cette   les pour I'extinflion de
proteftatioa pouvoit eloi-    P, R. des Champs ,, fern
-ocr page 142-
14© HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
dame de Harlai avoir faite de fon Ab-
baie fepr ou huit mois auparavanf. La
mere Philiberre de Sainre Madeleine
Morelle, eroir en qualire de Prieure
a la rere de cerre inrorrunee Commu-
haure. Cerre religieufe l'une des plus
anciennes , avoir fair profeffion plu-
fieurs annees avanr la fepararion des
deux maifons. Elle avoir vecu dix ans
environ depuis fa profeffion fous le
gouvernemenr des anciennes meres ,
favoir de la mere Angelique Arnauld,
de la mere des Anges, de la mere
Agnes, de la mere de Ligny; elle
avoir eu les grands exemples de ces
admirables Superieures & de ces an-
ciennes religieufes , donr les unes
moururent avanr la fepararion , les
autres furenr rranfporrees a P. R. des
Champs. Cetre vierge folle, qui avoir
ere remoin de la verm de P. R. fe
trouva , par un rerrible jugemenr de
Dieu fur elle , a la rere de celles qui
demanderenr & obrinrenr la deftruc-
tion enriere du fainr monaftere de
P. R. des Champs. Voila jufqu'ou peut
conduire un premier faux pas. La fixur
Eminence accourut a Tre-    de Harlai a ratifier fa de-
nelles, & par des follici-    million , moiennant uno
tarions reiterees jointes a    penfion que la nouvelle
celles du fameux P. de la    Ahbeffe s'engagea de lui
Chaife, engagea Madame    pai'er.
-ocr page 143-
III. P A R. T I E. LlV. I.         I4I _______
Philiberte etoit une des principales 1706.
des fept religieufes, qui fignerent les
premieres le formulaire en 166^ , 5c
qui, apres avoir abandonne la verite ,
en devinrent bientot les perfecutri-
ces. Apres cette fatale fignature, elles
tomberent de precipice en precipice :
elles n'eurent pas plutot renonce a la
verite , qu'elles ceflerent d'avoir les
memes fentirnens pour leurs faintes
meres & fours , & qu'elles quitterent
l'ancien efprit de P. R. fi jamais il
avoit etc bien forme en elles. Telles
etoient en particulier les fours Do-
rothea , Flavie & Philiberte.
Neanmoins elles ne penfoient pas
alors a. detruire l'Abbai'e de P. R. des
Champs , & tout leur deflein etoit
feulement d'empecher le retour de
leurs meres dans le monaftere de Pa-
ris , par la crainte d'avoir devant leurs
yeux des objets dont la feule vue leur
auroit reproche leur prevarication. Ce
fut pour ce fujet que ces trois religieu-
fes prierent M. de Perefixe de leur
promettre qu'en cas que les exilees
fuffent rappellees a Paris, il les met-
troit dans d'autres monafteres ; mais
le Prelat les aflura qu'elles n'y revien-
droient jamais , & qu'elles n'avoient
rien a craindre de ce cote-la, de forte
-ocr page 144-
1^1 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
I r7Q(j-f qtfon peut regarder ces trois inform-
nees religieuies comme la caufe fe-
crete de la feparation de ces deux
maifons , & de ce qu'a. la paix de l'E-
glife on ne reunit pas celle de Paris a
celle des Champs. Les prevaricatrices
fc maintinrent done dans celle de Pa-
ris j elles y recurent & eleverent des
filles dans leur efprit de prevention
& d'oppofition contre les religieufes
de P. R. des Champs. L'efprit de
Dieu les ai'ant abandonnees eii puni-
■tion de ce qu'elles avoient les premie-
res abandonne leurs meres & leurs
fuperieures legitimes , leur Commu-
naute tomba dans l'arroibliiTement
pour le fpirituel, & dans le derange-
ment pour le temporel, & de-la dans
la difette & Pindigence. Cette difette
continua & augmeiita toujours de
plus en plus par la mauvaife admi-
niftration de rAbbelTe, Dorothee Pei-
dreau , & des deux Dames de Harlai
qui lui fuccederent (71), enforte que
la derniere penfa a reparer le defaf-
fre de fon Abbaie aux depens des
biens & du titre meme de celle des
Champs. Elle le tenta par trois fois,
comme nous l'avons vu, en 169 5 , en
(71) Receuil de piece? in-u de 1740 } p. 54? &
.iiiivantcs.
-ocr page 145-
III. Partii. Liv, L *4/
1697 , & en i 702; mais if y aiant pas j 70^.
reufli, elle fe vit en fin forcee de fe
demettre en 1706, &c de laiflfer le foin
de l'adminiftration de fon Abbai'e
ruinee, entre les mains de la feu* Phi-
liberte , jufqu'a ce qu'il y eut une au-
tre Abbeflfe. Cecte AbbeffefutlaDame
de Chateau-Renaud, qui ne put pren-
dre poiTeflion qu'en 1709. Ainfi la
foeur Philiberte eut le malheur de vi-
vre aflfez long-temps (72) pour com-
mencer &c continuer prefque tout le
Proces contre les religieufes de P. R.
des Champs, tant en fon nom qu'en
celui de fa Communaute. Celt ainfi
que les ennemis de cette fainte mai-
fon , qui avoient befoin d'un nom
pour fe couvrir en l'attaquant, & pour
obtenir fa destruction par les forma-
jit.es de la juftice , prirent celui des
religieufes de Paris.
Celles-ci prefenterent fur la fin de LXV,1.11.-
J annee 1706 , une requete au K01, fes de p. r.
paur demander la revocation de l'Ar- df
pflis d?~
a j                       1                                      „ mandenc la
ret de partage du 1 3 mai 1669 , & deftruflionde
des lettres patentes du mois d'avriH?""™'21 des
.f           .a                      1              Champs par
1671 pour 1 enregiitrement & la con- une requete.
Sanation de la Bulle de Clement IX att
Koi-
du 23 feptembre 1671 , qui autori-
foit le partage & la feparation des
(71) Elle mouruc fubiremern le 14 mars 1707,
-ocr page 146-
J 44 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
J -jo6. deux Abbai'es de P. R. a perpetuite.
Elles concluoient par demander la
foppreffion & l'extin&ion du titre de
P. R. des Champs, & la reunion de
fes biens a leur Abbai'e, en donnant
feulement une penfion viagere aux
religieufes des Champs.
Ce fut alors que Dieu permit que
ces faintes filles fufTent attaquees &:
opprimees par des ennemis , que l'ef-
pnt de vengeance & de cupidite ani-
tnoient depuis long-tems contre elles.
Toutes les voies de la juftice leur fu-
rent fermees j & toutes les regies vio-
lees.
txix.        La requete que celles de Paris
Arret du avoient prefentee contre elles , ne
Confeil qui .         r r          A                          • / o
ordonne une leur rut pas meme commumquee; oc
VuiitaZ!''
le 29 decembre , le Roi en fon Con-
feil d'Etat donna un Arret, ou apres
avoir rapporte en fon entier cette re-
quete , avant que de faire droit fur
icelle, il ordonna que le fieur Voi-
fin Confeiller d'Etat ordinaire , ( de-
puis Secretaire d'Etat & Chancelier
de France), feroit la vilite des deux
maifons de P. R. & drefleroit un pro-
ces-verbal de tout leur etat, des per-
fonnes , des biens, des revenus de-
puis les dix dernieres annees , des
charges, des titres ? &c. pour , ledit
proces-
-ocr page 147-
III. P A R T I E. L'lV. I.         145
proces-verbal rapporte , etre par Sa 1707.
Majefte ftatue ce qu'elle jugera a pro-
pos.
Un tel Arret etoitd'un mauvais pre-
fage pour l'annee fuivante , & annon-
90k des fuires facheufes. AulTi le Pre-
tre (73) qui celebra la MefTe a P. R. des
Champs le 2 Janvier 1707 , faifant
une exhortation fur PEvangile du Di-
manche , qui tomboit le 2 du mois ,
parla beaucoup de fourfrances. La,
ruite de Jefus-Chrift en Egypte, qui
etoit l'Evangile du jour , lui donna,
occafion de remarquer qu'a peine le
Sauveur fut ne, qu'on le perfecuta ;
a quoi il ajouta que tons les verita-
bles chretiens devoient s'attendre au
meme traitement.
Comme il s'etendit un peu fur cet-
re matiere pour encourager les reli-
gieufes a foutenir la perfecution &
les vexations qu'elles emiioient, quel-
ques perfonnes du dehors en furent
efFraiees. Le lendemain 3 Janvier M.
Voifin commenga la vifite a P. R.
de Paris (74).
La mere Prieure des Champs aiant
appris cette nouvelle, en ecrivit en
(7O M. Havart.            me que le 8. El!e fe con-
(74) Il paroit que cet- tinua le 10.
te
vifite ne fe fit en for- ; ■
Tome IX.                  G
■ »■■"•                                                                                                                                )■
-ocr page 148-
I46 HlSTOIRE DE PoRT-HOlAl,.
ces termes a tin ami. » Je prie le
:> Seigneur de leur pardonner & de
;> nous foutenir afin que nous puif-
« fions porter la pauvrete de bon
j» cocur pour lui. Je vous avoue que
« cette derniere nouvelle m'a beau-
*> coup eronnee d'abord , car il eft a
» craindre que quelque jufte que foit
» none proces, nous ne le perdions
3> enfin par Pautorite de notre partie.
?» Une mere qui fe trouve chargee
3> d'une grande famille a nourrir , eft
)> fort embaraftee lorfqu'on lui 6te
}> fon neceflaire. Voila raifonner hu-
?j mainement & oublier que Dieu
« eft pere des pauvres , & que fi le
« pain de la terre nous eft 6te , il
■» nous donnera" celui du ciel qui
w foutient infiniment mieux.
C'etoit une chofe aflez inutile , que
la vifite ordonnee par 1'Arret du Con-
feil a P. R. des Champs ,. y en ai'ant
deja eu une faite en 1697. C'eft ce
que M. de S. Claude (7 5) reprefenta
A M. Gilbert, en lui dilant que M.
.l'Abbe Roynette & le Pere Deloo
Prieur de Saint Germain-des-Pres,
avoient fait en 1697 , une femblable
(75) M. de S. Claude   qu'elle avoir apprifes , a
avoitporteunelettre dela   M. Gilbert qui ctoit leuc
mere Prieure des Champs,   Superieur,
au fujet des nouvclks   - ,
-ocr page 149-
III. P a r 11 ft ia»i I. i 47
*ifite , dreffi proces-verbal de l'etat 1707.
des biens de ce monaftere , dec. M.
Gilbert repondit a M. de S. Claude ,
que ces gens-la itoient de leurs amis,
Sc
qu'ils les avoient crus fur leuir
iimpie parole. M. de S. Claude ai'am
replique que le P. Loo n'etoit pas
connu a P. R., M. Gilbert repondit
qu'il favoit qu'il aimoit la maifon.
He ! quel eft l'homme de bien qui put
la connoitre fans l'aimer!
Quelqu'inutile que fut cette viiite, w£-
M. Voifinfe rendit a Port-Roi'al des M. v^„ i
Champs le 19 Janvier pour la faire. Port-roiaidei
II y arriva a. dix heures, demanda la amfS'
mere Prieure au parloir, &c lui dit
qu'il avoit ete nomrae par le Roi pour
prendre connoilTance du nombre des
religieufes du choeur, & des conver-
fes, de l'etat des biens des maifons
de P. R. de Paris &: des Champs, de
leurs revenus , rant de ce qui fut
donne par l'Arret de partage , que des
augmentations faites depuis par legs,
donations, &c. II ajouta qu'il avoit
commence par la maifon de Paris, &
qu'il venoit s'acquiter de fa commif-
uon dans la maifon des Champs. II
lut enfuite le difpofitif de l'Arret
dont la mere Prieure lui demanda
unecopieentiere, qu'il promit. Apres
Gij
-ocr page 150-
148 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
cela on afTembla la communaute art
parloir , ou M. Voifin lui expliqua
fa commiflion. II demanda les noms,
furnoms, & ages de chaque religieu-
fe, & le jour de leur profeffion. On
lui prefenta une lifte qui renfermoit
tout cela. Les operations de M. Voi-
fin durerent jufqu'au z 1 du mois,
qu'ai'ant fini fon proces-verbal , on
aflembla la communaute au parloir a
neuf heures pour en entendre la lec-
ture. II fut figne de la mere Prieure,
de la Souprieure , de la Celleriere &
de deux anciennes. Suivant le rele-
ve du proces-verbal de M. Voifin,
les revenus de P. R. des Champs
montoient a 13338 liv. 8 fols 6 de-
niers , fur quoi il falloit prendre ,
466z liv. 1 o fols pour les charges;
enforte qu'il ne reftoit que 8510 liv.
18 fols 11 deniers pour la nourritu-
re & l'entretien de dix-fept religieu-
fes de choeur , neuf converfes, fix
filles qui portoient le voile blanc,
&c.
Les religieufes ai'ant demande a
M. Voifin s'il feroit bientot le rap-
port de cette commiilion a Sa Ma-
jefte , le Magiftrat repondit qu'il
porteroit le proces-verbal a fon Emi-
neace £c qu'alors tout feroit finijce
-ocr page 151-
. III. P A R. T I £. LlVi I. V I 4$
qui fit voir que tout fe faifoit par les ljoj.
ordres 8c fous la conduite de M. de
Noailles. Ce fut lui qui expliqua a
M. Voifin l'ordre du Roi pour cette
affaire, Sa Majefte ai'ant feulement
dit au Magiftrat de voir M. le Car-
dinal. Apres avoir execute fa com-
million , il alia le z j en rendre cortip-
te a fon Eminence, avec laquelle il eut
une converfation d'une heure & de-
mie , dont rien ne tranfpira. On ap-
prit ce fait de M. Gilbert, auquel la
mere Prieure adreffa une lettre en
date du 2 3 Janvier pour M. le Cardi-
nal. Cette digne Superieure ai'ant ap-
pris que Monfieur Voifin devoit
remettre fon proces-verbal au Prelat
f>our en rendre compte au Roi, elle
e prioit dans fa lettre de ne rien pre-
cipiter dans une affaire fi importante
pour elles, & d'attendre qu'elles lui
donnafTent quelques eclairciffemens
fur l'etat de leur temporel , qu'elles
n'avoient pix donner a M. Voifin,
parceque la perfonne (M. Deveaux
Akakia) qui depuis quarante ou cin-
quante ans avoit la charite de con-
duire leur temporel , n'avoit pu a LX
caufe de fes infirmites , fe trouver piaimes <f»
lorfqu'on drefTa le proces-verbal. £ de Noa,n-
M. de bainc Claude , qui rut por- reiigieufes 4s
G iij          p"R"
-ocr page 152-
I J.G HlStOIRE DE PoR.T~R.OlAX.
"j.707. teur de cette lettre, apprit de M. Gil-
bert , que M. Voihn s'ecoit charge
de porter au Roi la minute& la grof-
£e du proces-verbal, & qu'il devoit en
rendre compte au Roi , qu'ainfi M.
le Cardinal n'en etoic pas le maitre.
Ce fut route la reponfe qu'il fit a la
lettre. M. de S. Claude apprit enco-
re que fan Eminence parlant a M.
Gilbert fur les affaires de P. R., avoit
fait plufieurs plaintes des religieufes.
Elle pretendoit que les religieufes
n'avoienr pas accufc jufte dans le pro-
ces-verbal fur l'article des penuon-
naires du dedans & du dehors : elle
trouvoit a redire , que les religieufes
gardaffent une douzaine de domef-
tiques iniirmes & invalides , & de
ce qu'elles donnoient a manger & a
coucher ( conformement a la regie de
5. Benoit) a ceux qui venoient vili-
ter les religieufes ou l'Abbai'e.
II ne fut pas difficile a M. de Saint
Claude de repondre a toutes fes plain-
te j il le fit folidement en difant que
fon Eminence & lui M. Gilbert ,
avoient connoiffmce des penhonnai-
res , dont il n'y en avoit aucune qui
n'y fut de leur confentement ; que
pour ce qui regardoit les domeftiques
infirmes 8c invalides, on les gardoit
>
-ocr page 153-
III. P a a. tie. Liv. L a 51
"par ckarite jja'etant pas jufte de con- 1707.
gedier de pauvres domeftiques qui
avoient rendu de longs fervices a la
maifon , & n'avoient pas de quoi fub-
fifter \ & qu'enfin a l'egard des perfon-
nes qui mangeoient &c couchoient a
l'Abbaie, comme il n'y avoit aucune
retraite aux environs , les religieufes
ne pouvoient fe difpenfer de leur
donner l'hofpitalite.
Rien de plus fage que la reponfe i.
tous ces reproches dont £expofe feui
fuffit pour faire voir jufqu'ou Ton por-
toit l'animofite contre ces religieufes,
en empoifonnant tour ce que la cha-
ritc leur faifoit faire. Ceil bien ici
le cas de dire avec aa Auteur trap
fameux (76), il fallok itre de bien
mauvaifi humeur poury trouvera re-
dire
..... Mais des homines jaloux ne
voient rien d3innocent dans ceux qu'ils
n'aiment pas. Et comment perdroit-on
un ennemi vertueux
_, s'il falloit atten-
dre qu'il commit des crimes.
Quoique de tels reproches ne fem- txxtt,
Lettrede \&
mere Prieure
(715) Berrayer, hill, du dans leurs mains le jour a M. Gilbert
Petip. 1. part. T. 5. p. du Sabat. Les plaintes du zn Jany. ,
i«i. Cetauteurparleainii contre les religieufes de pour repon-
a 1'occafion deiaylainte P. R etoient audi -bien dreaux plain-
que firent les Phariliens de fondees que Cellos des tes fakes pj>r
cc que les Apotres frot- Phariliens contre les Apo- M de Noail-
toknt des grains de blcds tres.
                                   lcs,
G iiij
-ocr page 154-
152 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
1707. blaflent pas demander de juftification
de la part des religieufes , la mere
Prieure ecrivit a M. Gilbert pour le
prier de les juftifier aupres de fon Emi-
nence. Elle lui expliqua ee que c'etoit
que les penfionnaires qu'elles avoient
a fon infu : la defenfe qui leur avoit
ete faite, ne regardoit que les enfans,
& M. de Harlai qui leur avoit figni-
fie lui-meme cette defenfe , ne trou-
va point a redire que Mademoifelle
de Vertus demeutat a P. R. Cette ver-
tueufe Demoifelle y refta jufqu'a fa
mort arrivee plufleurs annees apres
la defenfe de recevoir des pennon-
naires. Elles en avoient eu au-dehors:
plufieurs autres comme Madame de
Buffi qui y etoit morte en 1697 (77),
Me!Ie Baftier , femme de chambre de
Madame la Ducheffe de Longue-
ville (78) & autres, du vivant de M.
<77) Marie Lancri, (non    en avoit paffe fix a P. R.
Xunerr", comme elie eft    dans fa derniere retraite,
appellee dans le Necrolo-    8c rut inhumee au-dedans
ge 1 veuve de Philippe    dans le Pieau , comme el -
Hoatit, Marquis de Bum ,    le l'avoit defire. Necr. p.
fe retira fur la fin de fcs    141 , 144. Supplem. page
Jours a P. R. , & y vecut    671.
d'une maniere fl Chretien- (78) Marguerite Baftier
ne & fi exemplaire , que    fe retira apres la mort de
fa memoire y rut toujours    Madame de Longueville,
en benediction , tant que    a laquelle elle avoit ete
la maifon fubfifta. Elle y    attacfiee pendant plus de
jnouint le iy juin 1*79 ,    trente ans,dansl'exteiieur
agee de 77 ans, dorit ells    de F. R. ou elle fervit gra-
-ocr page 155-
HI. PARTIE. LlV.l.        155
SeHarlai , qui n'aVoit jamais marque 1707,
le defaprouver. Quant aux penfion-
naires qu'elles avoient pour lors, dont
M. de Noailles fe plaignoit , c'etoic
line Demoifelle le Noi-r qui y demeu-
roit au-dedans depuis onze ans \ Ma-
demoifelle Pitant (79) , vieille fille
impotente, qui avoit ere au fervice
de Mademoifelle de Vertus , & a la-
quelle cette Demoifelle avoir laille
une penfion viagere , dont les relir-
gieufes de P. R. etoient chargees.-
Au-dehors etoit Mademoifelle Cnani-
bors , agee de foixante ans \ Made-
moifelle FleiTelles qui avoit renda
qitelques fervices, & qui paioit une
art's petite penfion -y Madame du Va-
lois , veuve fort agee, qui avoit une
fille dans le monaftere. C'etoit-la, rou-
tes les penfionnaires de P. R. des
Champs. Ce qui avoit fait croire £
fon Eminence qu'on recevoit a P. R.,
des penfionnaires a fon infu , c'eft
tuitement en qualfte de- (79) Marie Piranr, re- '
touttiere tant que fa fan-    vim fur la fin de fa vie £
te le lui permit. Lorfque    P. R. oil elle avoit de-
fts infirmitesne le luiper-    meute pluiieurs annees;
mirentplus,elle futrecue   avec Mademoifelle de
dans l'interieur, & y moo-   Venus fa Maitreffe , & y
rut le i? mai 1700. Elle   mourut quaere ans apress
legua iooo liv. aux reli-   fon retour , le s fevrisip
greufes. Mem. hrft, 1. },    1707. Suppl, p. 3jy,.
t»3°3*
-ocr page 156-
1 54 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
1707. qu'elle avoit vu fur le' proces-verbal
de M. Voifin, une fomme aflez con-
fidetable qu'on recevoit tons les ans
pour pen lion de perfonnes feculieres,
mais on y comprenoit ce qui etoit
donne par les parens des religieufes
qui venoient les voir j & par des per-
fonnes qui par piete paffoient quefque
tems dans la maifon. Voila l'eclair-
ciflement que la mere Prieure don-
na fur Particle des penfionnaires.
Quant aux domeftiques, dont elle
avoit appris que le grand nombre
avoir frappe M. Voifin , elle fupplia
M. Gilbert, de reprefenter a. fon Emi-
nence qu'on mettoit de ce nornbre
lieuf-fceurs converfes , qui par ieur
grand age & leurs infirmites etoient
hors d'elat de les fervir t que les fix
lilies qui les aidoient a, chanter, etant
affidues au chceur jour & nuit, elles
ne pouvoient etre appliquees au tra-
vail ^ que les huit anciennes filles
qui les fervoient depuis vingt, tren-
te,& quarante ans, etoient fi infir-
mes, qu'elles etoient fouvent obli-
gees de les fervir elles-memes : enfin
que pour les autres domeftiques, les
travaux du menage & la fituation du
lieu ou elles etoient eloignees de
tout y les mettoient hors d'etat des'ea,
pafler»
-ocr page 157-
III. Par tie. Liv. I. 15J
Vers le meme rems (le 30 Janvier 1707.
1707), les religieufes de P. R. era- T,LXX111-
' ' I, '                  P rr                               r-                 Requete des
rent devoir adretier une requete au religieufes d;
Roi (80) , au fuiet des deux Arrets du PMMo'fciaw
V / '              /                          ,                       Champs aa
v^onleiL rendus contre eiles , dont Roi.
1'un leur faifoit defenfe de recevoir
des novices, & l'autre du 29 decem-
tre 170(1, ordonnuit la vifite de leur
niaifon par M. Voifm. Comme la de-
fenfe de recevoir des novices etoit
fondee fur une accufation de rnau-
vaife doctrine & de defobeiflance k
1'Eglife , ce motif auffi prejudiciable
a la foi des religieufes de P. R. qu'i
l'innocence de leurs mccurs , fut ce
qui les porta a donner cette requete
pour fe juftifier d'un auffi grand crime
que celui d'herefie & de revoke con-
tre la puifTance eccleiiaftique. Leur
communaute etant redevable a l'Egli-
fe & a l'Etat de fa conduite qui doit
edifier le monde, ce feroit mains pa-
tience & humilite" de leur part de
(So) Les amis de P. R.    cation de rompre le filen-
jugeoient cette requete    ce, elles en profitcrent ,.
neceffaire depuis long-    fans autre fucces que ce-
temps, c'efl a-diredepuis    lui d'avoir f.iiisf.iita leur
f arret du 17 avril itoS,    devoir. la requete fut en-
parceque nous devons no-    votee a M. Voifin , qui
tre confeiencettDieUj fe-    n'aiant plus rien a faire
Ion S. Auguftin , & noire    fut cette affaire , la-remit'
reputation aux kommis.    a M, de NoaiIies>.
iiles attendoieat use oc-
G v|
-ocr page 158-
I 5 6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
ijoj. foufFrir de fi etranges reproches,qu'urt
aveu tacite qu'elles en feroient cou-
pables. Ainfi elles ont fujet de croire
que tomes les loixnon-feulement leur
permettent de defendre leur honneui
en cette occalion , mais meme les
obligent a lever ce fcandale , en ten-
tant toutes lesvoies poffibles deprou-
ver la purete de leur foi , & la fin-
cerite de leur obeiffance. D'ailleurs le
refpedt qu'elles doivent a Sa Majefte,,
l'exige d'elles. Car puifqu'entre les
jperfonnes qui l'approchent , il s'en
rrouve qui ont pouflfe la calomnie
|ufqu'a cet exces, rien ne feroitmoins
refpec~bueux envers Sa Majefte , que
<le ne pas paroitre touchees de la fur-
prife qu'on a ofe lui faire, & de ne-
gliger ee qui depend d'elles pour ef-
faces: les impreffions qu'on lui a don-
nees en les chargeant de crimes enor^
aaaes.. •
Telles font les raifons. qui les obli-
gent a rompre le filence, en prefen-
tant a Sa Majefte. leur humble reque-
te poor fe juftifier de trois chofes
dbnt on les. aceufe ,. & qui fer-
vent de fondement au premier Ar-
icc fdu, 17 avril 1706];, en faifanc
Tpok i°« Qu'elles riont jamais laijfi
iuvraduire parmi elks mteunc doSrln^
-ocr page 159-
III. P A R TIE. Llv. I. I 57_______
contraire aux dicifions del'Eglife. 2a. 1707.
ni refufe de je foumetre a la Conjlitu-
don du S. Pere le Pape Clement XL
3°. Quelles n'y ont appofe aucune
rejlriclion condamnee & capable de
trouhler la paix.
C'eft ce qu'elles demontrent dans
leur requete. Les accusations formees;
contre elles aiant pour fondement la.
declaration qu'elles ont faite en re-
cevant la Bulle de Clement XI, de ne
point deroger a ce qui s'etoit fait a leur
egard a la paix de lTEglife fous Cle-
ment IX
; elles rappellent ce qu'il 7
eut de particulier pour elles dans cet-
re paix ; c'eft-a-dire, la Sentence de
M. de Perefixe , qu'on ne peut foup-
conner de leur avoir ete trop favora-
ble. Cette Sentence porte qu'il a recu
avec une extreme joie I'acte authentique
que les religieufes de P. R. lui avoient
donne de leur veritable & entiere fow~
miffion ;
qu'il lui a paru par cet a&e,,
qu'elles font entierement Jbumifes aux
Conjlitutions des Papes Innocent X &
Alexandre VII; que par la communi-
cation qu'il a cue de la declaration en-
voiee aN. S. P. le Pape 3 & dit Bref
par lequel Sa Sainted a temoigne en
etre fatisfaits
j il lui a paru encore
<jue la declaration des religieufes e'toii
-ocr page 160-
I J$ HlSTOIRE DE PoRT-ROIAE.
Xjoj. en ejjet la mime chofe que celle qui a
itd repie & approuvee par Sa Samtete^
Qu'erifinill'approuve & la refpiu
Rien
n'eft plus precis ni plus formel, pour
mettre la foi des religieufes a l'abri
de tout foupcon. Elles onr recu la
Bulle de Clement XI, avec la meme
obeifTance que leurs meres avoient
recu les Bulles d'InnocentX , & d'A-
lexandre VII j obeiftance que M. de
Perefixe reconnut itre pleine & en-
tiere ,
& qu'il declara , apres avoir
pris communication des pieces, etre
la meme que celle dont Sa Saintete
avoit ere fatisfaite. La claufe qu'elles
ont ajoutee, n'eft point une rejlric-
xion,
pnifqu'elles n'ont fait par cette
claufe , que rappeller ce qui s'etoit
fait ci-devant a leur egard dans la
meme affaire , par tin jugement fo-
lemnel, auquel on a droit de ne pas
deroger,
Apres s'etre ainfi juftifiees , elles
fupplient Sa Majefte de vouloir bien
oblerver, qu'elles n'ont parle jufqu'a
prefent que de ce qui les fletrit dans,
le premier Arret, parceque ce feroit
etre cruelles envers elles-memes, com-
me parlent les SS. Peres, que de ne-
gliger leur reputation ; & qu'elles
n'ont rien touche du fecond Arret qui
-ocr page 161-
- Ill, P a r t i e. Viv. L 15 fr
ne regarde que des biens & des cho- '
fes, lefquelles etant etrangeres & ex-
rerieures ne peuvent entrer en compa-
raifon avec le refte. Mais elles favent
neanmoins qu'elles ne doivent pas
porter rindifference jufqu'au point
d'abandonner entierement ces mcmes
cliofes. Et par cette raifon elles fup-
plient encore tres humblement Sa
Majefte de leur accorder , pour ce qui
concerne cet autre devoir, la mcme
grace de ne pas permettre qu'on pro-
fite a leur infu des deguifemens dont
on peut ufer envers elle , pour auto-
rifer i'ufurpation qu'elles ont fujet
d'apprehender. Elles ajoutent que Sa
Majefte fait a. quelles extremites elles
font redukes y- n'aiant ni credit, ni
appui, & perfonne n'ofant parler en
leur faveur. Cependant quelqu'inca-
pables qu'elles fe croient de meritex
fes regards, elles ne fauroient man-
quet de confiance en fa bonte , & el-
les la fuppiient de fouffrir qu'elles lui
temoignent dans le trifte etat ou elles
font , des fentimens pareils a ceux
qu'un ancien jufte , qui a ete un mo-
dele de patience , temoignoir en ces
termes : qucindDieu me tueroit,je ne
laijferoispas d'ejperer en lui.„.. & iljera,
hii-mime mon Sauyeur*
-ocr page 162-
I <fo HrSTOlAE BE PoRT-ROlAtP
n
17°7' Enfin 1'aflurance que leur donne*
le fentiment interieur de leur inno-
cence , & la reflexion qu'elles ne peu-
vent s'empecher de faire, que, quel-
qu'horrible portrait qu'on ait fait d'el-
les aSaMajefte, elle prendneanmoins
dans les affaires importantes, un foin
particulier de fe degager de route forte
de prevention pour ne confulter que
les regies de la verite & de la latti-
ce ; c'eft ce qui leur fait efperer , que
Sa Majefte , proportionnant fes graces
a 1'etat de ceux qui onr le plus befoin
de fa protection , elle fera touchee de
leurs larmes & de leurs prieres.
Quelques folides que fuflent les
raifons alleguees dans la requete ,
elle n'eut aucun effet; & les relisieu-
Jes oppnmees eprouverent en cette oc-
cafion, comme les innocens l'eprou-
vent toujours , que les difcours les plus
evidemment calomnieux & le ptusfoli-
dement fefutis 3 laijjent toujours une
imprejjion facheufe a Vinnocence , & en-
" tretiennent un foupcon vague 3 que les
plus fortes apologies n'ejfacent jamais
tout-a-fait
(81}.
ixxtv. £e m£me ;onr qUe cette reqU^pe
TettreaM. - \ rr>            r >          11 ; • *
tie Noaiiies. rut drellee & lignee , elles ecrivirent
a Ton Eminence M. de NoailleJ ,
t?j) Berr. T. j. j. i$SV
-ocr page 163-
III. Partis. Llv. L itt
pour le prier de vouloir bien favori-
fer dans les occafions qui fe prefen-
teront, le fucces de la demandequ'el-
les font de pouvoir defendre leur in-
nocence attaquee par deux Arrets. El-
les lui temoignent qu'elles efperent
que fe fouvenant de fes anciennes
bontes pour leur maifon, il voudra
bien qu'elles les regardent comme un
engagement a de plus grandes qu'elles
lui demandent dans la circonftance
importante ou elles fe trouvent; & el-
les le fupplient de ne les pas refufer a
des filles, dont graces a Dieu la foi.
eft pure & la vie reguliere, &: exemp-
te des crimes qu'on leur impute.
La requete au Roi rat envoiee a
M. Voifin , qui la rec,ut le jo Janvier
a deux heures apres midi, avec une
lettre de la mere Prieure , par laquelle
elle prioit ce Magiftrat de vouloir
bien la prefenter au Roi. Elle ecrivit
encore a M. Gilbert leur Superieur ,
en lui adreflant la lettre a M. de Noail-
les, pour le prier de la remettre a fon
Eminence, & de leur accorder fa pro-
tection. M. Voifin, au lieu de la pre-
fenter au Roi, la remit a M. le Car-
dinal de Noailles, qui en la recevant
laiflTa echaper ces. paroles : elles ne
font pas hirdtiquesy lew foi eft pure
^
-ocr page 164-
I6z HlSTOIRE DE PoR.T-U.OlAt:
j707. ma" refont des rehelles & tdes difobiif
/antes (8z).
ixxv. Tandis que les religieufes de P. R«
Deuxieme fes Champs prenoient toutes les me-
tequete des r                f r                        .
religieufes de lures que la prudence chretienne pou-
p.^r.. de Pa- voit ieur fug^erer pour juftifier leur
innocence & fe defendre de 1'oppref-
fion, celles de Paris en prenoient de
leur cote de plus efficaces pour les
opprimer. Elles prefenterent une fe-
conde requete au Roi, pour fupplier
Sa Majeftc de ftatuer fur les fuppref-
fion & reunion qu'elles avoient re-
quifes. Le Roi repondit cette requete
par un fecond Artet de fon Confeil
du 5) fevrier 1707, par lequel ii re-
voque 1'Arret de partage du 13 mai
1669 , &e les lettres patentes du mois
d'avril i6yi, fans parler de la Bulle
de Clement IX du 2.3 feptembre
1671, obtenue a fon inftance & con-
firmee par les dernieres lettres paten-
tes enregiftrees au grand Confeil par
Arret du 22 novembre 1/J72 ; & 4
l'egard de I'extindtion & fuppreffion
du titre de TAbbaie de Port-Roi'al des
Champs , & de la reunion de fes biens
a l'Abbaie de P. R. de Paris, comme
c'etoit une affaire du reffort de la Ju-
( Si) Voiez la lettre a M. de Noailles. Mem.
Jlift. T. 4. p. iji. Celle a M. Gilbert, ii. p. if 3.
-ocr page 165-
III. P A R. TIE. tiv. I.        16}
rlfdicKon ecclefiaftique, il la renvo'ia 1707.
devant le Cardinal de Noailles, pour
y proceder fuivant les regies & cons-
titutions canoniques. Le Roi ordon-
na de plus par cet Arret, que cepen-
dant il feroit mis tous les ans en fe-
queftre, 6000 livres des revenus de
lAbbaie de P. R. des Champs (8 3), 8c
que les religieufes eulTent a reduire
au nombre de dix les perfonnes qui
les fervoient a titre d'officiers, do-
meftiques ou autrement, enforte qu'a-
vec les dix-fept religieufes &lesneuf
converfes qui s'y trouvoient adtuel-
lement, il n'y eut en tout que trente-
fix perfonnes entretenues aux depens
de la maifon, ordonnant defairefortir
toutes l«s autres perfonnes feculieres ,
fons quelque titre qu'elles y fuffent,
defendant de lesgarder fous quelque
pretexte que ce put etre , excepte
neanmoins les domeftiques neceuai-
res pour l'exploitation des fermes hors
Venceinte de la maifon (84). ■
< Get Arret fut rendu fans que les re-- Les religieu-
fes de P. R.
(8;) Par cette fouftrac- gieufes de Paris, fans dou- des Champs
tion l'arr^t ne laiiToit pas re arm de ne pas revolter j condamnees
3000 liv. aux teligieufes $c par prudence , arm que fans avoir ere
des Champs pour la nour- les creanciers des diffipa- cmendues.
riture & l'entretien de 36 rrices de certe maifon ne
perfonnes. On nedit point les faifilTenr pas.
' que le* «poo liv. fequef- (84) Voi'ei cer arret,
trees font pour les reli- Mem. hift. T. 4. p.. 1.64;.
-ocr page 166-
I 64 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.'
ligieufes euffent ete entendues en leur j
defenfes , quoiqu'elles l'euflent de-
manded par leur requete au Roi du 30
Janvier 1707 } qu'elles envoierent a
M. Voifin , en le prianr d'en faire le
rapport a Sa Majefte. Mais ce Magif-
trat la fupprima & dit pour raifon ,
qu'il l'avoit remife a M. le Cardinal
de Noailles, qui de fon cote r^pon-
doit qu'il ne fe meloit pas de cette
affaire (8 5). Ainfi cet Arret fut rendu
non-feulement fans avoir entendu
les religieufes de P. R. des Champs,
mais meme fans qu'on leur eftt com-
munique les requetes cies religieufes
de Paris au Roi (85), ni les proces-
verbaux de M. Voifin (87), fans faire
mention de la Bulle de Clement IX ,
ni de r Arret du grand Confeil du xz
fevrier 1703 , qui maintenoit les re-
ligieufes de P. R. des Champs , con-
tre celles de Paris , dans la poffeilion
des biens & revenus de leur Abbaie.
du , felon les regies ,
Stre communiquees aux
religieufes des Champs.
Mais quand il s'agit d'op-
primer l'innocent, on ne
confulre gueres les regies.
(87) M. Voifin man-
qua en cela a fa parole ,
car il avoit promis de don-
ner copie de fon process
verbal.
(85) Neanmojns on a fu
que ce Cardinal avoit ren-
du compte au Roi le if
ou i« Janvier, des pro-
ces verbaux faits par M.
Voifin.
(86)  On ne connoft ces
pieces & autres encore ,
que parcequ'elles fonr rap.
pellees dans l'arrer. Ce-
pendant elles auroient
-ocr page 167-
III. P A R T I E. Liir. I. \C(,
L'Arret du 9 fevrier fur fignine ' : _#
aux religieufes de P. R. des Champs, lxxvii.
le 16 du meme mois. La mere Prieu- v.a"h cft
re repondit a l'huiffier Denis, qu'elles '
fe foumettoient volontiers aux ordres
du Roi, pour adorer ceux de Dieu.
Elle fe mit a genoux auffitot que
l'Huiffier fe fur retire , & dit a Ma-
demoifelle Dumefnil fa foeur , qui
eteit prefente , que jufqu'ici elles n'a-
voient point pratique le vceu depauvreti
a'iant toujours he dans I'abondance
_,
mais que deformais elles le pratique~
roient
, graces a Dieu.
M. de S. Claude etoit abfent ce
jour-la de P. R. , etant alle a Paris
pour voir M. Voifin , qui defiroit
d'avoir un entretien avec lui.
Ce Magiftrat lui parla affez au long ixxvm.
fur les affaires de P. R., & commen- v^iuTe
ca par lui dire qu'il etoit inutile de s. claudefur
r •L j                  l                 • j         r les affaires de
taire des remontrances , ni de preien- p> R<
ter des requetes au Roi fur I'arret qui
venoit d'etre rendu ; qu'il n'y avoit
aucun changement a attendre j que la '
premiere & principale vue qu'on avoit
etoit de detruire le monaftere de P. R.
des Champs. z°. Que fi on avoir quel-
ques mefures a prendre, il falloit s'ar-
dreffer a M. de Noailles, qui feiil pou*-
-voir en cela quelque chofe j qu'il fal-
-ocr page 168-
\6G HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
17 J707. l°'lt ^e menager , parcequ'il pouVbie
faire pis. 30. Que dans le projet de
l'arret on n'avoit mis que 4000 liv. a
diftraire par provihon , & que le Roi
iui-meme avoir mis 6000 livres. 40',
Qu'il n'avoir point juge a-propos de
prefenter la requete j qu'elle eroir ve*
nue trop tard, &que des fon premier
voi'age de Verfailles, apres ion pro-
ces-verbal, (c'eft-a-dire des le 24 ou
2 5 Janvier) les chofes avoient ete
comme arretees. 50. Qu'il ne pouvoit
point donner de copie de fon proces-
verbal , parcequ'il l'avoit mis entre
les mains de M. le Chancelier (de
Pontchartrain). II park enfuite des
perfonnes qui etoient au fervice de la
maifon , & dit a. M. de S. Claude qu'il
croi'oit que pour lui il pouvoit refter
dans la maifon , & que fi on l'in-
quietoit il pourroit ie retirer aux
Granges,
txxix. En vertu de l'arret du 9 fevrier ,
Liftes des dix-huit perfonnes furent obligees de
ties de p. r.. fortir de P. R. des Champs, tant du
des champs, dedans que du dehors.
en vertu de T         WJ3             j 1 i          <
l-Arret du Les perionnes du dehors etoient:
Confeil du 9
fcviiet J707.               Trois Penjionnaires.
jMademoifelle du Valois, qui fortie
le 11
fevrier.
-ocr page 169-
III. P ARTIE. LlV.I.        \6y
Mademoifelle de Flexelles , le 21 1707.
fevrier.
Marie Euftace, le 21 fevrier.
Cinq Domejliques.
Nicolas Diart, Portier , le 20 fevrier.
Louis l'Epargneur, Cordonnier.
Francois Tenillon , Valet de fale , le
3 mars.
Jean Moreau , Jardinier, le 3 mars.
Jean Jouglas, Jardinier, le 20 fevrier.
Cinqfilles de Chczur.
Marie Burel, le 11 Mars.
Anne-Fran^oife Mangui, le 4 mars.
Marie-Anne de Faux , le 21 fevrier.
Jeanne Chaillou , le 21 fevrier.
Madeleine-Elifabeth Flexelles , le 21
Fevrier.
Quatre pojlulantes converfes.
Marie-Fran^oife Moreau , le 21 fev.
Elifabeth Petit, le 11 fevrier.
Madeleine Bivers, le 4 mars.
Marguerite-Madeleine'de Vierme, 6
mars.
Catherine Laurieure, Servante, le <*
mars.
On peut juger quelle fut la defo-
lation de ces perfonnes, qui n'avoient;
-ocr page 170-
168 HlSTTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1707. d'autre defir que de finir leurs jours
dans cette folitude , en fe voi'ant obli-
gees d'en fortir , la plupart infirmes,
dans un age avance , & quelques-unes
meme n'a'iant aucun afile. Les reli-
gieufes de leur cote ne furent pas
moins touchees j mais elles etoient
tranquilles & fe foumettoient hum-
blement a l'ordre de la Providence.
« II faut adorer Dieu en tout, ecri-
« voir la mere Prieure (88), & fe
» foumettre a l'ordre de fa Providen-
« ce, qui regie jufqu'aux moindres
« circonftances des biens & des
». maux. Malgre ces evenemens af-
» fez triftes , nous fommes dans la
» paix & avec la confolation d'avoir
» la confcience en repos. La vie eft
« fi courte, & les recompenfes 11 gran-
» des , difoit-elle dans une autre let
» tre (89), qu'il eft bien jufte de les
» acheter. II eft vrai que nous n'au-
» rions pas choifi le fort qu'on nous
» impofe, & que c'eft une chofe trif-
» te de voir feparer de nous des per-
» fonnes qui efperoient finir leurs
» jours ici «. Les religieufes eurent
foin de recompenfer les perfonnes
qu'on obligeoit de fortir de la mai-
fon des fervices qu'elles en avoient
; (?t) Lettre du 16 feviier. (8?) Lettre du 18.
recus*
J
-ocr page 171-
III. P A R T I E. lift'. /.          I <>9
recus. » On n'en renvoi'e aucune ,
« marqaoit la Superieure dans la
» meme lettre, fans lui paier fes fer-
» vices , nous vendons meme pour
*> cet effet ce que nous avons qui n'eft
»> pas abfolument neceffaire.
La feule Mademoifelle de Chana-
bors obtint de M. de Noailles la per-
miflion de refter, par le credit du P.
la Boiffiere de l'Oratoire, qui lui pan-
ic ainfi dans une lettre qu'il lui ecri-
vit fur ce trifte evenement. » La de-
» folation de la fainte maifon que
" vous habitez, afflige tous les gens
» de bien. Mais il eft ecrit, & c'eft
« la confolation des juftes , que les
» enfans de la promefle ne doivent
" pas compter fur le temps prefenr,
» qui n'a que des tribulations pour
» eux. lis auroient lieu de douter de
» leur election eternelle , li le mon-
» de leur plaifoit, & s'ils plaifoient
» au monde.....Je fouhaite fort que
» le Ciel vous ouvre des moi'ens pour
» attendre en paix dans 11 n lieu aufli
» faint que celui ou vous etes , la fin
» des miferes de cette vie & le regne
» de Dieu. Quoi qu'il en foit, le re-
s' gard de la volonte de Dieu qui re-
■» gle toutes chofes pour fa gloire &
" notre falut, vous redonnera le re-
Tome IX.
                          H
x
-ocr page 172-
J 70 HlSTOIRE DE PoRT-RoYix.
'"'jyo-r, « pos & la paix, que les triftes eve--*
» nemens du monde ebranlent a tou-
» :e heure.
ixxx.        Les religieufes de Paris qui tra-
teng?eufes de vailloient de toures leurs forces a
p.R.dePans troubler le repos & la paix du faint
Noailies.con- deleft, ie yoiant appuiees de 1 arret
«e ceiies de du o fevrier , prefenterent le 13 du
Port-roi'al des              i               *•                 A v -\/r 1
champs. mois de mars une requete a M. le
Cardinal de Noailles, cm apres avoir
fait a leur fa^on l'biftoire des deux
maifons depuis 1625 , elles accu-
fent les religieufes de Port-roi'al des
Champs de mauvaife doctrine fur le
fait du Janfenifme, & du refus de fe
foumettre purement & /implement
aux decifions de l'Eglife , & recem-
nient a la Bulle Vineam ; refus, di-
foient-elles, qui leur a attire en di-
vers terns diverfes perfecutious , me-
me depuis la feparation des deux mai-
fons , comme la defenfe de recevoir
des novices en 1.675? & 1706, Sc
depuis peu les arrets des 29 decem-
bre 1706, & du 9 fevrier 1707 , au
mo'ien de laquelle defenfe les reli-
gieufes de P. R. des Champs font re-
duites a dix-fept de chosur & neuf
converfes qui jouiflent de tout le re-
venu qui leur fut afligne en 1669 ,
pendant que les religieufes. de P. R,,
-ocr page 173-
III. Partie. Liv. I. vj\
«le Paris, qui fe font augmentees juf- 1107,
qu'a trente-neuf de chceur & dix con-
verfes ne jouiflent que de 9065 liv.,
dont il n'y a que 7029 liv. de revenu
en fonds , provenants du partage ,
quoique la depenfe annuelle monte a
2.2600 liv. , ce qui les a obligees £
vivre d'emprunt, pourquoi elles font
chargees de 107980 liv. de dettes ;
elles concluent que cela n'etant pas
jufte , il plaife a fon Eminence, par-
devant qui 1'arret du 9 fevrier 1707
les renvoie, d'eteindre & de fuppri-
mer le titre de l'Abbai'e & Monaftere
de P. R. des Cbamps, & en tonfe-
quence ordonner que tons les biens
qui en dependent, demeureront reu-
nis a FAbbaie de P. R. de Paris, avec
les litres & papiers defdits biens ,
fauf une pennon viagere pour les re-
ligieufes de P. R. des Champs , pour
les gages de leurs Domeftiques & les
menues reparations. M. le Cardinal
repondit a cette requete des religieu-
fes de Paris par un foit communique
au Promoteur \ &c fur les conclufions
de fon Promoteur , il rendit le 22 du
meme mois une ordonnance par la-
quelle il nomma M. Vivant, grand
Penitencier, pour informer fur cet-
Hi;
-ocr page 174-
itfil HlSTOIRE DE PoB.T-R.OlAt.
0#'" te requete de commocio & incommo*-
do
(90).
1 xxxi. Les religieufes de P. R. des Champs
fcs^de p. r. firent une belle & folide reponfe tant
des champs £ cette requete prefentee contre elles a
IuP°"rcquctes M. de Noailles, qu'a. cellequi eft in-
lu-efemees fercie Jails 1'arret du confeil du 29
contrs dies
paries teii-decembre 1701?. Elles commencent
i,ieuicsdePa-par cieclarer dans leur reponfe qu'el-
les fe croieut bien fondees a ne pas
proceder devant M. le Cardinal ,
quoiqu'eiles aient tout le refped: pof-
lible pour le merite de fa perfonne &
pour I'eminence de fa dignite , parce-
qu'il'n'eft pas juge competent dans
cette affaire, ne pouvant detruire par
fa feule autorite ce qui a ete fait par
celle du faint fiege. Enfuite elles fou-
tiennent que les religieufes de P. R.
de Paris n'aiant point d'Abbeffe , el-
les font hors d'etat de les attaquer ,
comme elles ne peuvent elles-memes
(90) On avoit propofe    quireprefentaqu'efaiitSu-
trois Supers pour fuivre
    peneur de ce Monaftere ,
cette affaire : t°.M.Tho-
    il ne convenoit pas qu'il
martin Prevor de S. Nico-
    travaillat a fa deitruction :
las du Louvre s qui reron-
     ;°. Enfin M. Vivant, au-
dit qu'il ne pourroit fe
    den Cure de S. Leu , qui
difpenfer de communi-
    filt choill par preference ,
quer toute la proc£du-
    quoiqu'on cut dit d'abord
re aux religieufes des
    qu'il etoit trop vif cj trop
Champs , & de les mettte
    expeditif.
en caufe : 1°. M, Gilbers,
-ocr page 175-
■III. Par*is. Liy. 1. 17?
fe defendre , par la merrie raifon. Ce- 1707.
pendant, comme il y a dans les reque-
tes prefentees centre elles au Roi & a
M. le Cardinal par les religieufes de
Paris , beaucoup de fauflfes fuppofi-
tions & de faits enonces peu fidele-
ment, elles ont cm devoir y faire une
rcponfe dans laquelle , examinant ar-
ticle par article le contenu de ces re-
quetes, elles font voir les deguife-
mens & la mauvaife foi qui regnenc
par-tout; elles eclairciffent les faits
en en retabliifant l'exacte verite & les
mettant dans leur jour', detruifent les
faulfes fuppofitions j diffipent les ca-
lomnies j confondent avec toute la
modeftie & la moderation poffible
leurs injuries perfecutrices 5 & enfxn
mettent leur innocence &la juftice de
leur caufe dans une evidence qui l'au-
roit fait decider en leur faveur , 11 elle
avoit ete portee au tribunal des Scy-
thes (91).
Le 30 avril fur les qnatre heures txxxti.
apres midi, un Huiffie.r afficha a la ^ftf^
porte du monaftere de Port-roial des du
monafter*
J~>i •                             1              1                                           ■ de P R. des
Champs un placard contenant copie ciu
amps.
(91) Voi'cz cctte repon-    Elle fe trouve aufli dans
fe T. 1. hiit. de la del-    leTome4,p. I9j&fuiv.
nierc persecution de Port-    des Mem. Lift. ,
loial, ifnpiimee en 1750.
H iij
-ocr page 176-
I 74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
de la requete des religieufes de Paris
du i 3 mars precedent j requifitoire
du Promoteur a ce qu'il plaife a fon
Eminence nommer un Commiflaire
pour informer de la commodite ou
lncommodite des fuppreffions 8c reu-
nions demandees, meme drefTer pro-
ces-verbal de la quantite & etat des
biens, nombre des religieufes , tant
de choeur que converfes, penfions ,
domeftiques, & autres affaires des
deux maifons j ordonnance de fon
Eminence du rz mars, qui commet
M. Vivant ; aurre requete des reli-
gieufes de Paris, a ce qu'il plaife a.
M. Vivant accepter ladite commif-
fion & fatisfaire aux fins de leur re-
quete , meme faire defcente a P. R.
des Champs , & leur donner permif-
fion de faire affigner tous les interef-
fes auxdites fuppreffions & reunions;
ordonnance de M. Vivant , qui ac-
cepte avec refpedt ladite commif-
fton (91),, & permet d'affigner tous
les intereiTes, les connus a. leur domi-
(51) Comme M. Vi-    tion de ce qui eft dit dans
vant jouiflbit d'une 'alTez    l'Apocalypfe de l'Ange de
bonne reputation a Paris;    l'Eglife de Sardes : Vous
lorfqu'il eut accepte cette    avej la reputation d'ltre
commiffion , qui le des-    vivant , mais vous ites
trormora, un homme a    mart. Nomsn habes quod.
kon mot lui fit rapglica-    vivas & mortuus es,
-ocr page 177-
III. P A R T I E. LlV. I.       175
cite , les inconnus par affiches , pour 1707*
comparoitre en fon appartement le 9
mai fuivant, & enftn 1'adfce de l'Huifi
fier , qui avoir affiche ledit placard &
la porte de P. R. des Champs, & vine
affignation a tous pretendans droit
auxdites fuppreffion & reunion a com-
paroitre lundi 9 mai en l'hotel & ap-
partement de M. Vivant, dans la cour
de l'Archeveche de Paris, pour proce-
der aux fins defdites requetes.
A juger de l'importance de cette
affaire par la celerire avec laquelle
elle fe pouriuivoit , il n'eft perfonne
qui n'eut cru qu'il s'agifloit du falut
de la France , & que la deftruction da
faint monaftere de P. R. des Champs
etoit la chofe du monde la plus avan-
tageufe pour l'Eglife & pour l'Etar.
C'eft qu'il s'agifloit de fatisfaire les
defirs du P. la Chaife , qui vouloit
avoir avant que de mourir , la douce
confolation de voir P. R. des Champs
renverfe,
             _                    '          txxjmr;
Quoique ces faintes filles ne dou- i*»Ki%£itf
taflent poinr que l'extindtion de leur des champs
maifon ne fut reTolue & comme cer- foCIlt °P-
taine y elles ne laiiloient pas de leur xkution des
cote de prendre tous les moi'ens qui arr«sducon-
etoient en leur pouvoir pour s'oppo- Elles pr«~
fer a i'injuftice. C'eft pourquoi le 19 CenK"^^
H 1UJ
..--...
-ocr page 178-
l-]6 HlSTOIRE DE PoRT-RoYal.
Avril 1707 , elles formerent oppofi-
tion a l'execution des arrets du Con-
feil des 17 avril & 15? decembre 1706,
& du 9 fevrier 1707 (93). Le lende-
main elles drefTerent une requete (94)
au Roi dans laquelle elles reprefen-
rent avec route la foumiffion poffible
a fa Majefte, que ces arrets ont ere
obtenus fans qu'elles aient ete enten-
dues, fur des requetes qui ne leur ont
point ete communiquees, Sc par lef-
qiielles on n'a pas craint de furpren-
ckela religion de fa Majefte fur plu-
lieurs points importans. » On fait
" bien, Sire, difent-elles, que votre
« Majefte eft infiniment eloignee de
» vouloir opprimer des perfonnes in-
» nocentes ; c'eft pourquoi on met
» tout en ufage pour nous rendre cri-
w minelles a fes yeux. On ne fe con-
J7°7-
tres belle , tres fenfee , &
tres folide, eat neanmoins
des contradicteurs , merni
parmi une forte d'amis de
P. R. des Champs. C'eft
ce qu'on voit par ujie
lettre anonyme du pre-
mier juin Je cette annee ,
adreflee a la foeur IflaU
celleriere, qui eft rappor-
tee dans les Mem hift.
T- 4. p. ;iS , & par ime
autre lettre du H juin , 4
la mere Prieute > p> f •
jit.
(9?) Cet afle lie parut
^uc le 7 mai.
{94) Cette requete eft
ia deuxieme des religieu-
fes de P. R. des Champs,
an Roi. ta premiere ell
eelle du 50 Janvier dans
laqutllc elles fe juftifient
fur la doarine. Celle-ci,
qui eft la deuxieme, re-
garde les arrets de la reu-
nion des biens. Elle fur
eircfice 1c 50 avril, & eft
dacee du premier mai.
Cette requete , quoique
-ocr page 179-
III. Partie. Liv. 1. 177
» tente pas d'artaquer nos biens, on
»> atraque encore la purete de notre
■» foi, & fans apporter aucune preu-
» ve reelle, ni mcme apparente de
» relies aceufations, on demande no-
v tre entiere deftruction comme n
« nous etions coupables & convain-
» cues. Cetre conduire , Sire , nous*
» met dans la rrifte nccefllte de ram-
s' pre le filence que nous voudrions
w garde* route notre vie, & qui ,
» jufqu'ici , a fair notre plus douce
» c'onfolarion. Mais nous nous croi-
■-> rions tres criminelles devant Dieu
" aufli-bien que devant votre Majef-
w re , fi dans cette occafion ou il s'a-
» git de la deftrucHon entiere de no-
» tre maifon , nous negligions de
» faire connoitre a Votre Majeftc
« que tout ce qu'on lui allegue con-
» tre nous n'eft qu'un vain pietexte ,
» qui n'a aucun fondement. Car nous
» pouvons , Sire , protefter a Votre
» Majefte avec route la fincerite ref-
» peclueufe que nous lui devons ,
» qu'on ne fauroit nous convaincre
» d'avoir commis aucune fame qui
» ait pu l'offenfer, ni que nous aions
» bleflfe la foumiffion que nous de-
» vons a. l'Eglife & au fainr Siege «.
Elles aflfurent fa Mafefte qn'elles font
Hv
-ocr page 180-
173 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAT.'
inviolablement demeurees attachee5£-
aux fentimens dont elle fi.it fatisfaite ,
lorfqu'elle voulut bien concourir avec
le Pape Clement IX a la paix de l'E-
glife , & les.retablir dans leurs droits j,
fentimens qui furent approuves par
le Pape & par M. de Perefixe, lequel
apres avoir rendu un temoignage
cclatant a la purete de leur foi, de-
clara que leur obeiffance au faint Sie-
ge etoit veritable & entiere :
que de-
puis ce tems-la, il n'eft rien arrive de,
nouveau,fi-non qu'elles s'etoient crues,
obligees dans l'acceptation de la der-
niere conftitution,d'ajouter cette clau-
fe :fans deroger a ce qui s'eft fait a no-
tre egard a la paix de I'Eglife fous
Clement IX
: qu'elles avoient penfe.
devoir, dans une occafion ou Ton exi-
geoit d'elles ce qu'on ne. demandoit,
point aux autres Communautes , rap-
peller la memoire de cette heureufe.
Saix qu'elles faifoient gloire de tenir,
e fa Majefte : que c'eft-la tout leur,
erime , & ce qui fert de pretexte aux
aceufations de mauvaife doctrine,
qu'on ofe porter au trone de fa Ma-
jefte contre elles ; mais qu'elles efpe^
rent que Pexpofe fin cere de leur con-
duite diffipera les impreffions r que
les religieufes 4e. P. R. de. Paris, ont
-ocr page 181-
III. Par tie. Liv* I. 179
fache de donner d'elles par leurs re- 1707.
quetes. Entrant enfuite en matiere ,
elles reprefentent a fa Majefte qu'elle
a autonfe le partage des biens (con-
tre lequel on veut revenir) par les
formalites les plus inviolables & ef-
fentielles qui puffent etre employees
dans l'Eglife & dans l'Etat 5 qu'elles
ont poflede' en paix la partie qui leur
avoit ete affignee, tandis que les re^
ligieufes de Paris , par leur peu d'ce-
conomie , ont lailfe deperir la leur ;
que quoique celles-ci n'aient eu que
le tiers par le partage ; cependant a
examiner les chofes de pres , elles ont
eu plus de k moitie , ce qu'elles font
-?oir par unexpofe tres clair de l'etat
du partage. Apres quoi elles- difent
qu'elles ne fauroient fe perfuader que
ee foit l'intention de fa Mijefte de
les reduire dans un etat ou elles ne
pourroient fubfifter , ni qu'elle regar-
de comme une faute la reconnoiliait-
ce qu'elles confervent pour la bonte
qu'elle a eue d'affurer leur repos en
les faifant jouir de l'heureufe paix ac-
cordee en 1669 a l'Eglife de France,,
par fes foins & fon autorite. C'eft
dans cette confiance que profternees-
aux pieds de fa'Majefte , elles ofent
efperer de fa bonce & de fa juftice ,,
-ocr page 182-
l8o HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
J70 ~ qu'elle ne meprifera pas leurs fuppli^
cations & leurs larmes. Enfin elles
fupplient fa Majefte de leur perniet-
tre de fe pourvoir fuivant I'a&e d'op*
pofition qu'elles n'ont pu fe difpenfer
de faire par a£le du 29 avril, contre
les requetes des religieufes de P. R.
de Paris & les arrets du Confeil in-
tervenus en confequence (95).
ixxxtv. Cette requete fut communiqnee
oppofition aux religieufes de P. R. de Paris le
des reh^icu-                    O              _
fes de p. r. 6 mai j & le jour iuivant 1 oppon-
des cham;stj j
          avril, dont il eft parle
figmfiee le 7                          ^              »                               f
mai aux reli- dans iarequete, leur rut hgmhee {96).
fis?^5 de P*" ^et a(^e p0"0^ 5 que ies religieufes
de P. R. des Champs etoientindifpen-
fablement obligees de rompre le fi-
lence , pour fe plaindre d'une requete
noii communiquee inferee dans 1'Ar-
ret du Confeil d'Etatdu 29 decembre
1 jo6 j par laquelle elles font accufees
fans aucun fujet, contre les defenfes
expreftes de Sa Majefte portees dans
les Arrets du Confeil a Etat des 2 $
o&obre 166S , & 5 mars 1703 , de
(<<S) Voi'ez cette reque-    copie a M. le Cardinal ,
te, T. 4. des Mem. hift.    accempagnee d'une lettre
p. s<4 Elle fut remife le    des religieufes.
premier de mai, par un (?s) Voiez cette oppo
ami , a M. de Pont-chat-    fition , T. 4. des Mem.
train , qui promit de la    hift. p. 167 , ice. Hift. de
prefenter au Ro,i. Le 10    la deftr. T. i.p, iiS.
de mai 01: en donna tine
-ocr page 183-
III. Par*ie. Liv. I. ff<
mauvaife doctrine fur le fait de Jan- 1707.
fenifme, & de refus ouvert de fe fou-
mettre aux decisions de l'Eglife , par
les religieufes de P. R. de Paris y qui
s'appuiant fur ce vain & faux pretex-
te d'une mauvaife doctrine & d'une
defobeiifance ouverte, ont encore ofe
requerir l'extindion de l'Abbaie de
P. R. des Champs , la carfation de
l'Arret du Confeil d'Etat du 13 mai
1669 , & des lettres patentes du mois
d'avril i6jz , & la reunion a leur
profit des biens affignes a P. R. des
Champs par lefdits Arret & lettres
patentes. Sur laquelle demande tres
extraordinaire , le Sieur Voifin aiant
ete nomme pour drefler des proces-
verbaux des revenus des deux mai-
fons de Paris & des Champs, a exe-
cute fa commiffion , & il eft interve-
nu un fecond Arret du Confeil le 9
fevrier 1707 , par lequel fans avoir
en rendu les religieufes de P. R. des •
Champs, fans meme leur avoir com-
munique les proces-verbaux du Sieur
CommuTaire, l'Arret du Confeil d'E-
tat du 13 mai 1669 , &c les Lettres
patentes de 1671, ont ete revoquees
&c annullees , en ce qui concerne le'
partage y enonce, fans qu'il ait ete
fait aucune mention des Bulles. dti
-ocr page 184-
lSl HlSTOlKE DE PotL&&&£jL£V
' }joj. Pape Clement IX, qui ordonnent &
etablifTent le meme partage j ni des
Arrets du grand Confeil de 1703 ,
qui maintiennent les religieufes de
P. R. des Champs dans la pofTeffion
des biens & revenus de leur Abbaie*
& enfin ordonne entre autres chofes
que » les religieufes de P. R. des
» Champs fe retireront par-devers le
s> fieur Cardinal de Noailles , leur
» Archeveque , pour etre par lui fta-
w tue fur l'extin&ion & fuppreffion
v du titre de l'Abbai'e & monaftere
» de P. R. des Champs , & fur la
» reunion des biens & revenus qui
« en dependent a TAbbaie de P. R.
» de Paris.„.. ordonne encore que par
» provifion , il fera mis tous les ans
« en fequeftre fur les revenus de Porc-
n Roial des Champs 6000 livres d«
*> quartier en quartier , pour etre em»
» ploiees ainfi qu'il fera ordonne.
Les religieufes de P. R. des Champs
qui ne trouvent ici - bas d'autre pro-
tection , ni confolation que dans la
purete de leur foi & de leur do&rine;,
qui n'eft point la leur particuliere,
maiscelle de l'Eglifecatholique, apoC-
tolique & romaine leur mere, & dans
la hncerite de la foumiffion qu'elles
©nt toujpurs rendue a la Conftuuucu*
-ocr page 185-
III. Partie. Llv. I. r8$
ie notre S. Pere le Pape Clement XI iro*?i
du mois de juillet 1705 , fe croient
neanmoins obligees de faire le pre-
fent adte , pour aflurer qu'elles font
innocentes de tout ee dont on les ac-
cufe, & pour declarer qu'elles ne con-
fentenr nullement & ne confentiront
jamais a l'extin&rion du titre de leur
Abbai'e ni a la deftrucHon de leur mo-
naftere.
Elles declarent que depuis la paix
donnee a l'Eglife en 1668 , & heu-
reufement eonfommee par le concours
des deux Puiffances fpirituelle & tem-
porelle en 1669 , dont il refte divers
monumens publics, elles n'ont rien
fait qui puifle leur attirer l'orage que
les religieufes de P. R. de Paris leur
ont fufcite j qu'elles ont pour elles
1'ordonnance de M. de Perefixe Ar-
cbeveque de Paris,du 17 fevrier 166%,
qui rend un temoignage authentique
de leur foi, & qui declare que » elles
» ont rendu au S. Siege toute la de-
» ference & 1'obeifTance qui lui eft
» due, comme tous les Tneologiens
» conviennent qu'il la faut rendre aa
" regard des Livres condamnes ,* &
« meme conformement a l'efprit des»
» Bulles apoftoliques \ que leur obeif-
« faneaeft enriece & veritable j qu'iiv
-ocr page 186-
I 84 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1707. " recoit & approuve leurs fentimens*
» apres qu'il lui eft apparu qu'ils
» font en effet les memes que ceux
« que Sa Saintete a recus & approu-
» ves, & dont elle a temoigne erre
» fatisfaite «. II n'eft arrive depuis
cette paix aucun changement dans
leurs fentimens. Dieu eft temoin de
cette veritej c'eft ce qu'elles ont voulu
maiquer par la claufe, fans deroger a
ce qui s'ejl paffe a letir egard a la
pais de I'Eglife Jbus Clement IX.
C'eft
pourqnoi apres avoir tres humblement
fupplie Sa Majefte de vonloir jetter
fur elles quelques regards de fa cle-
nience roi'ale , & de leur dormer
moien de fe juftifier en juftice reglee
de tout ce qu'on leur impute, elles
ont lieu d'efperer qu'elle leur fera la
grace de les ecouter favor ablem en t &
de leur permettre de fe defendre. C'eft
dans cette vue qu'elles ont fait dref-
fer la prefente & indifpenfable oppo-
sition a l'execution des Arrets du Con-
feil d'Etat des z? decembre 1706, &
9 fevrier \ 707', & de tout ce qui
pourra s'en fuivre.
Cette opposition fut fignifiee (97)
if) Ce ne fur point perfonne ne .voiilant pre-
fam peine qu'on vmt a let ion miniftcre e l'inno-
bouc de U faire figwfiet, cence. Six HuWkis au
-ocr page 187-
ftl. Partib. Ltv.I. i8<
le 7 mai a M. Vivant & aux religieu- 1707.
fes de P. R. de Paris, qui prefente- lxxxv. v
rr a                          ■ 11                a              Sentence ren-
rent auuitot une nouvelie requete au due d6.
Roi, contre celle des religieufes deku-«""»'«
P. R. des Champs. Celles-ci etoientpe0[|'rtfiaides
ailignees a ccmparortre le 9 mai; mais champs,
on crut que l'oppofition dontnous ve- Arret du
nons de parler , arreteroit la proce- J?b*'tJ, ^
dure du fieur Vivant commiflaire. religieufes de
On fur trompe, car il pafTa outre, & £nan^'s "de*
rendit le 9 une Ordonnance par de- leur oppofl-
faut; leconfeil defon Eminence ai'antt!on"
decide , que comme on ne s'etoit point
oppofe nomement (98) a la commif-
fion du fieur Vivant, mais feulement
aux. Arrets du Confeil , & a. tout ce
qui s'en etoit enfuivi, la puifTance
qu'exerce 1'Ordinaire ne devant point
etre cenfee une fuite des Arrets
du Confeil, le fieur CommifTaire de-
voit continuer fes procedures. Cet
avis fut fuivi, & le jour de l'enquete
alligne au mercredi dix-huit.
Les religieufes de Paris prefente-
rent, comme nous 1'avons dit , une
nouvelie requete au Roi, contre cel-
les de P. R. des Champs, 8c elles ob-
tinrent un Arret du Confeil d'Eraten
Confeil le refuferent. En- s'en charter.
finil-s'en trouva un phis (98) Ce fut 1'avis ds
geakeux ijui voulut bien l'Avocat Nonet.
-ocr page 188-
I %6 HlSTOIRE DE PoRT-ROtAt.'
I707. date du vendredi 12 mai (99), qui
deboutoit les religieufes du monafte-
re des Champs de leur oppofition aux
Arrets du Confeil. En confequence
de ce riouvel Arret, le fequeftre fit
faifir le temporel de Port-Roial des
Champs.
1X5?Voft- L'Ordonnance rendue par defaut
tion des rcii- le 9 mai par le fieur Vivant, malgre
gieufes dcs l'0ppofition des religieufes perfecu-
Champsal'or- , ft                             \ ¥ • r ■ r i
donnacce du tees, les engagea a raire ngniner le
5 ma1'
        16 du meme mois audit fieur Com-
mifTaire une autre oppofition a ladite
Ordonnance li aucune y avoit , la-
quelle n'avoit pu etre rendue dans les
formes avant que l'oppofition aux Ar-
rets du Confeil fut vuidee j & pour
prevenir toute autre difhculte , elles
s'oppoferent pour les raifons a dire
en terns & lieu a la commiffion que
M. lAreheveque avoit donnee a M.
Vivant, & a celle qu'il pourroit avoir
donnee ou donner par la fuite a toute
autre perfonne , pour proceder aux
union & fuppreluon requifes , foit
qu'il aeit par fon pouvoir ordinaire ,
iixxxvii. x &rj g « j r> t «f
Remiete des.ou en verm des Arrets du Conleil..
religieufes dc Cette oppofition liant les mains du
iloaiiks, au Commiflaire, les religieufes de Paris
fujet de Top- prefenterent requete a l'Archeveque
pontion deL                               a                                   A -
Champs d" ^^ Voi" cet *****' mm' bift' T' * E' 3°l*
-ocr page 189-
HI. Par tie. Llv. I. 187
a ce qu'il lui plut renvoi'er l'affaire de-
van t ion Official, pour y proceder fur
ladite oppofition , 8c en avoir main-
levee , pour le rout fait, recourir an
fieur Commiflaire, pour etre par de-
vant lui la procedure continuee. La
requete fut repondue le 18 mai 8c les
parties renvoiees pardevant 1'Official.
Le 19 les religieufes de Paris prefen-
terent requete a 1'Official, a ce qu'il
lui plut leur permettre de faire affi-
gner pardevant lui les oppofantes r
pour etre deboutees de leur oppofi-
tion , voir dire 8c ordonner j que
fans y avoir egard , les Ordonnance
& commiffion de M. PArcheveque,
enfemble POrdonnance rendue par le
fieur Vivant le 9 mai, feront execu-
tees felon leur forme 8c teneur , & en-
confequehce , qu'il fera procede aux
defcentes 8c informations necelfaires.
L'Official r^pondit la requete le 19
mai, & permit d'affigner aux fins de
ladite requete dans les delais de POr-
donnance. Toutes ces pieces furent
fignifiees aux religieufes de P. R. des.
Champs le zi mai, 8c elles furent
affignees pardevant 1'Official au hui-
rieme jour apres la date de l'exploit.
Des le 17 on leur avoit fignifie:
iArixtdiiConfeild'Eratdu ia mai
-ocr page 190-
lS8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
1707. ^i ^es deboutoit de leur opposition
ixxxvra. aux Arrets du Confeil. Ce dernier
ConfdW'i" -A-rret avoit ete obtenu comme les pre-
tat qui de- cedens fur une requete non commu-
ligjeofef ^niquee, & qui, felon les termes de
i\ r. des 1'Arret , fervoit de reponfe a la re-
UwTppo* V^e d'oppofition des religieufes de
tion a«x at- P. R. des Champs. L'Arret ne rap-
feif. U Con'porte que les conclufions des deux re-
quires , & un extrait de Fade d'op-
pofition. Le ii on leur fit fignifier
par exploit qu'elles euffent a. pai'er le
quartier de la proviiion de 6000 liv.
& eri confequene on faifit tons leurs
revenus. Le 18 mai,les religieufes
de P. R. des Champs firent fommer
celles de Paris de leur fournir une
copie de la requete qu'elles avoient
prefentee au Roi en reponfe a leur
requete d'oppofition du joavril 1707,
mais on n'eut point d'egard a. cette
fommation , & cette requete ne leur
fut pas plus communiquee que les au-
tres (1).
(1) Cette requete etant    les, e'eft-a-dire , en la
tombee , quelques mois    refutant atticle pat arti-
apres, entre les mains des    cle. L'auteur des memoi-
religieufes de P. R. des    tes hiftoriques a donne
Champs, clles y fitent une    cette importante piece
reponfe , en fuivant la    dans fon quattieme tome
rneme methode que dans    p. vr). le letteur trouve-
la reponfe a la requete    ra non-feuiem?nt des ar-
ftefentee a M. de Noa.il-    ticks nouvcaux , maisea--
-ocr page 191-
III. Partis. Liv.L 189
; Le courage avec lequel' les reli- 1707.
eieufes de P. R. des Champs foute- lxxxix.
• •         1                         j 1                               la fermete
noient les attaques de leurs parties , des reiigieu-
& fe defendoient, ne laifTa pas que*"" perfecu-
d'embarralfer beaucoup M. de Noail-^fie cardin.
les, qui s'etoit attendu que ces fillesde Noaiiln.
etant routes agees, infirmes & fans
appui, fe contenteroient de faire des
proteftations fecretes chez des No-
takes, & verbales entre les mainsdu
CommkTaire , lorfqu'il feroit l'en-
quete , & pardelTus lefquelles on an-
roit palTe fans meme leur dormer a£te;
de maniere que la reunion fe feroit
faite , fans qu'il eut paru par des ac-
tes juridiques que les deux parties n'y
confenroient pas \ ce qui auroit lait
plaifir & rendu lachofe moins odieu-
le. C'eft ce qu'un ami du Pere Quef-
nel lui mandoit dans une lettre du 9
juin , par laquelle il 1'inftriiit de rou-
te la procedure qui s'etoit faite juf-
qu'alors , d'une maniere qui fait voir
qu'il etoit tres inftruit de ce qui fe
paifoit dans cette affaire (1).
                   xc_
Pendant le cours des procedures Proteftatlon
1-1                                      1 dss rclieieu-
contentieules , dont nous venons de fes & p. r.
des Champs
core l'agtcmcnt de la ties ne ceffoient de reba- contre toutc
nouveaute fur les points tre.
                                fignature
memes auxquels elles a- (i) Vo'iez cette lettre , qu'on pour-
voient deja fi folidement T. I. p. t){ , & fuiv. de roit extor-
repondu, 6c que leurs par- l'Hift. de la dern, perf. quer d'ellcs.
-ocr page 192-
IJTO HlS?OIRE DE PoRT-ROlAL.'
1707. parler , les religieufes de P. R. des
Champs bien plus fenfibles a ce qui
regardoit le precieux trefor de la
foi , qu'd la confervation de leurtno-
naftere, firent un acte d'une efpece
difFerente des precedens mais bien
digne de leur piete : nous ne pouvons
nous difpenfer de le rapporter. Ces
faintes filles craignant qu'on ne vou-
lut les forcer par la fuite a faire quel-
que fignature contraire a leur conf-
cience fur le fait de Janfenius, firent
&c fignerent en chapitre le 8 mai 1707
un a&e de proteftation contre toutes
les fignatures qu'on pourroit extor-
quer d'elles. Voici cet acte.
« Nous Prieure , religieufes' &
« Communaute de l'Abbai'e de P. R.
3) des Champs, Ordre de Citeaux,
»> diocefe de Paris , le fiege Abba-
» tial vacant , etant au nombre de
v dix-fept , ce qui compofe notre
» Communaute, & affemblees en nor
» tre chapitre au fon de la cloche
en la maniere accoutumee, pour de-
» liberer fur les affaires preterites de
» notre maifon j une d'entre nous a
,1 fait lecture a haute voix des Arrets
» du Confeil du 29 decembre 1701?,.
» & 9 fevrier dernier , qui ont ete
» rendus fans que nous aions ete ap-
-ocr page 193-
III. P ARTIE. Llv. t.        191
t> pellees en caufe , & fans que les 1*707!
» requetes des religieufes de P. R.
» de Paris qui f font inferees, nous
» aient ete commuriiquees, fur quoi
» nous efperons de la juftice de Sa
» Majefte qu'elle ecoutera nos tres
» humbles remontrances.
» Ces Arrets portent qu'il s'eft re-
» pandu parmi nous une doctrine
». mauvaife & contraire aux decillons
» de i'Eglife fur le fait du Janfenif-
» me •, que nous avons refufe de nous
» foumettre a la Conftitution de no-
» tre S. Pere le Pape Clement XI,
» du mois de juillet 1705 , & que
» nous y avons voulu appofer des
» redactions condamnees par toute
» I'Eglife , & capables d'en troubler
» la paix.
» II eft evident par ces paroles,
» qu'on nous accufe , 1 °. d'avoir une
» mauvaife doctrine fur le fait du
» Janfenifin-3; z °. d'avoir voulu y .
» appofer des redactions condam~
» nees par toute I'Eglife & capables
» d'en troubler la paix.
» II n'eft pas moins evident que
» ces accufations font au fond les
» meines que Ton formoit contre
» nous avant la paix de I'Eglife ,
» & qu'il s'agit encore prefentement
•\
-ocr page 194-
ipi HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
» de la meme affaire , c'efl-a-dire ,
» de la condamnation des herefies
3> condamnees, & de la-deference
» foumifllon qire nous devons aux
» decifions du S. Siege au regard des
» faits non reveles tels que celui de
» Janfenius. Cela etant ainfi, il s'agit
» d'examiner, fi nos fentimens farce
i> fujetont change en quelque chofe,
« depuisqu'ils furent folemnellemenc
» reconnus pour orthodoxes, lorfque
« les deux Puiflances Ecclefiaftique
« & feculiere rendirent la paix a l'E?
s> glife de France, 8c nous retablirent
=> dans nos droits, etant bien certain
» que fi nos fentimens font encore
m les memes , nous ne fommes ni
j> plus coupables, ni moins catholi-
» ques que nous Tenons en ce tems-la.
» Pour proceder avec plus de con-
j» noifiance de caufe a cet examen ,
» nous avons fait lire a haute voix
» par l'une d'entre nous , la requete
» que nous prefentames le 14 fevrier
» 1669 , a feu M. de Perefixe pour
» lors Archeveqne Paris, & none Su-
» pcrieur, avec l'Ordonnance qu'il
» rendit en confequence le 17 du
» meme mois & an.
» Apres avoir murement examine
» devant Dieu nos difpofitions pre-
fentas
-ocr page 195-
III. P A R T I E. Liv. I.        IJ>J
». fentes & les fentimens contenus 1707.
» dans ladite requete & approuves
« dans ladite Ordonnance , nous pro-
s' teftons avec la derniere fincerite,
" que nous nous fommes trouvees
» dans les memes fentimens , qui
» font contenus dans ces deux actes.
» Ces fentimens furenr examines dans
» le terns qu'on travailloit a la paix
» de l'Eglife , avec toute la feverite
» poifible; 6c apres un tel examen ,
» M. de Perefixe declare dans fon
» Ordonnance, i°. que nous avons
» condamne les cinq propofitions
» avec toute forte de fincerite , &
» fans exception ni reftriclion quel-
» conque dans tous les fens que l'E-
» glife les a condamnees; i°. que
m pour ce qui regarde l'attributijon.
" des cinq propofitions au Livre de
» Janfenius , nous avons rendu au
» S. Siege toute la deference & l'o-
» beiflance qui lui eft due ; comme
« tous les Theologiens conviennent
» qu'il la faut rendre au regard de
» tous les Livres condamnes , & me-
w me conformement a l'efprit des
>s Bulles apoftoliques, ( ce qui eft di-
» re bien clairement, qu'on ne peut
»» rien exiger au-dela de ce que nous
H avons fait; & que tout ce qui paf-
Tome IX.
                         I
-ocr page 196-
1^4 HlSTOIRErmPoRT-ROlAI.
7" » feroit ces bornes , pafTeroit celles
» de l'obeiflance qui eft due au faint
« Siege , & ne feroit pas confor-
» me a l'efprit des Bulles apoftoli-
« ques). 3u.enfin ce Prelat ajoute ,
» qu'apres avoir eu communication
3> de la declaration qui fi.it alors en^
=> voiee au Pape , & du Bref de Sa
» Saintete, par lequel elle a temoi-
« gne en ecre fatisfaite, il lui parut
« que notre declaration eft en eflet
j> la meme que celle qui a ete ap-
3> prouvee par le S. Siege } & qu'en
3> fuivant 1'exemple du faint Pere , il
s> recoit & approuve notre declara-
« tion, & qu'y ai'ant egard il nous
w reftitue ala participation desSacre-
« mens , &c.
v Nous fommes affligees 8c furpri-
« fes , que fans avoir rien fait qui
» puiile affoiblir des temoignages fi
»- authentiques de la purete de notre
« doitrine; &.de la fmcerite de notre
m obeiflance au S. Siege , rendus par
». un Prelat qu'on nepeurpoint foup-
" $onner de nous< avoir voulu favo-
», rifer, on tente encore de nous ren-
>y dre fufpecles fur ces deux points.
a Mais ce qui nous paroit plus fur-
». prenant, eft qu'on regarde comme-
>y une reftri&ion- condamnee par le-
-ocr page 197-
111. P A R T I E. LlV. L         195
'» jugemenr de route l'Eglife, & ca-
» pable d'en troubler la paix, cette
» claufe j fans deroger a ce qui s'ejl
» fait a notre egard a la paix de l'B~
» glife fous Clement IX 3
que nous
» n'avons ajoutee a l'a&e de recep-
» tion de la derriiere Conftitution,
» que pour marquer notre refpetfc
» pour les decifions du S. Siege ,
» pour l'Ordonnance de M. de Pere-
» fixe , & notre amour pour la paix.
» Cette claufe n'eut pas ete necef-
» faire , fi M. le Cardinal de Noail-
" les notre Archeveque ne nous eut
^» pas fait demander par notre Supe-
» rieur l'un des grands Vicaires , un
" acte qui n'a point ete demande aux
» autres Communautes du Roi'aume,
» & qui n'eft ordonne ni par la Conf-
» titution, ni meme par le Man-
» dement de fon Eminence. Mais
» des que Ton exigeoit de rioiis un tel
» acte, nous ne pouvions nous di'f-
» penfer d'y ajouter une claufe, qui
" marquoitla fincerite deriotre obeif-
•> fance au S. Siege, & le defir que
» nous avions de nous tenir fen-lie-
s' mentattachees a cette heureufe paix,
» que nous regardons comme la preci-
s' vede notre innocence, & dommeun
» rempart inacceffible a la calomnie;
-ocr page 198-
I 5)6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» car nous fommes perfuadees com-
« me tous les fideles , que l'Eglife
» toujours conduite par le meme ef-
« prir, ne varie point dans facrean-
» ce & n'a point de nouvelles lumie-
» res fur ce qui fait l'objet de fa foi,
» & nous ne pouvons douter qu'ai'ant
» une fois reconnu &: approuve fi
» authentiquement nos fentimens
» comme tres catholiques , elle ne
3> les reconnoilfe toujours pour tels,
« quand elle faura qu'ils n'ont point
» change , comme nous le proteftons
» toutes dans cet acle, que nous fai-
» fons pouretre un temoignage conf-
» tant de nos fentimens prefens, arm
« qu'on ne puifTe nous accufer d'en
» avoir decontraires, ou foupconner
» qu'ils ne font pas auffi purs dans
» toutes celles qui compofent cette.
» Communaute; & afin que fi dans
» la fuite on portoit les chofes aux
» extremites dont nous fommes me-
» nacees, & qu'il y en eut quelqu'une
» d'entre nous , a qui on fit ngner
» quelques chofe de contraire, foit
» par menaces, ou par quelques mau-
» vais traitemens, cette faute ne put
v etre imputee qu'au defaut de li-
» berte , & a l'accablement ou les
w extremes afflictions peuvent redui-
-ocr page 199-
III. Par tie. Uv.t 197
» re de pauvres filles, agees , infir- 1707.
» mes, & deftituees de tout confeil.
» Fait en notre monaftere de P. R.
» des Champs le 8 mai 1707. Signe,
» &c.
Pour revenir a la procedure contre xci.'
lesreligieufes de P. R. des Champs, Zf£"£
M. deNoailies ai'antrenvoie, fur une devam lofls-
requete des religieufes de Paris , l'af-■
faire pardevant POfficialite, parceque
le CommifTaire avoit les mains liees
par la double oppofition a fa commif-
fion, elles furent affignees a compa-
roitre a huitaine devant l'Official,
qui etoit le fameux M. le Normand ,
depuis Eveque d'Evreux.
La caufe fut appellee le mercredi xctI-
8. •           1 . 1 • l r 1 r> •         1         Moi'ens de»
juin ; les religieuies de lJans ob- reiigieufes de
tinrent un defaut contre celles dep°rtroValde*
P. R. des Champs, qui le 17 du me-
me mois firent fignifier a Anfelme
Joufle , Procureur des religieufes de
Port-Roi'al de Paris , leurs moi'ens .
d'oppofitions : elles les reduifoient a
trois (3).
Le premier etoit la vacance du Sie-
ge abbatial de P. R. des Champs ,
pendant laquelle on ne pouvoit rien
innover dans la maifon. Le fecond
etoit la vacance du Siege abbatial de
(j) Voi'ez ces moi'ens, T. 4. Mem. hift p. 31 j,
lilj
-ocr page 200-
jp$ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
' ■ j-y07> P. R. de Paris , pendant laquelle Ies
religieufes de ce monaftere n'etoient
pas parties capable^ pour intenter une
pareille addon. Le troifjeme etoit,que
la feparation de P. R. des Champs
& de Paris en deux titres d'Abbaies
ai'ant ere faite non-feulement par Ar-
ret du ConfejJ, majs auffi en vertu
des Bulles de Clement X , il falloit
pour reunir Ces deux maifons en une
feule, avoir recours a la meme auto-
rjtequi les avoit divifees , celle de M.
lArcheveque de Paris n'etant pas
affez grande pour faire cette reunion.
Ge troifieme mpien fut ee qui em-
barralia le plus les ennemis de P. R.
<les Champs , car fans cela rien ne
pouvoit les arreter, etant maitres de
faire prendre quel train ils voudroient
a la procedure, en choififlant les Ju~
ges a leur gout. Le i: juin la caufe
rut renvoiee au fame4i * du mois de
juillet.
xcm.
         Dans cet interval le , les religieufes
ies reiigieu- Je p, R. Jes Champs, publierent un
champs pu- memoire juftincatir en date du jo
Wient un Mc- :ujn j 707i La cramte de manquer a ce
moire luilih- > , ,, ' ,       .        \ ,,r yr 0 l\ \,r
catif.          qu elles devoient a 1 Lghle & a 1 Ltat
pour le maintien de leur Abbaie &
la confervation de leurs biens , les
avoit deja engages a prefenter au
-ocr page 201-
Roi deux requetes , Tune pour de- 1707.
fendre l'innocence de leurs mcEurs
anffi-bien que ia purete de leur foi ,
& l'autre touchant leurs Hens. Dans
le memoire juftificatif dont nous par-
Ions , elles fe croient obligees d'e-
claircir les principaux points de ces
requetes , arm de juftifier les plaintes
qu'elles n'ont pas pu fe difpenfer de
porter a Sa Majefte contre l'exces vi-
sible des demandes de leurs adver-
faires & Vinjuftice des moiens qu'ils
emploient pour venir a bout de leut
deuein. Cet excellent memoire meri-
teroit bien une place dans cette hif-
toire , fi fa longueur n'y rnettoit obs-
tacle. Le Lecleur le trouvera dans le
quatrieme tome des memoires hifto-
•riques, pag. 3Z3--3 74.
Le premier juillet, les religieufes xciv.
deP. R. des Champs prefenterent une r
E11" rjcu
* v t. , ,)r.i .r,            , . r . fent les Hens
requete a M. 1 Orhcial, pour liu rai- Ptomouors.
re favoir qu'elles recufoient fes deux
Promoteurs, (MM. Thomaflin) parce-
qu' ils etoient parens de M. Courcier
Superieur de P. R. de Paris. La re-
quete fut repondue le meme jour &
lignifiee aux parties , c'eft-a-dire , au
Promoteur & Vice-Promoteur, &aux
religieufes de Paris.
Dans l'audience qui avoit ete indi-
I iiij
-ocr page 202-
ZOO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
i joy, queeau famedi i juillet, il s'agiflblr
xcv. de decider fur cette recufation. Les
en caufefon Avocats des parties s'y prefenterent,
piaid.- fur les M. Hebert pour les religieufes de
"rir P- R. des Champs, & Nivelle le jen-
coiusdemon-ne pour celles de Paris. Le mercredi
«. DifcouK 5 juiHet » les mo'iens de recufation
qui s'y tien- furent rejettes. Le lendemain 6 du
pent.                                   '                           \
mois, on commenca a entrer en cau-
fe j & a. plaider fur les mo'iens d'op-
pofitions. Cette caufe tint huit au-
diences. II y eut un concours extraor-
dinaire j & Ton alloit trois ou quatre
heures auparavant retenir les places.
Le Nonce envoioit resulierement fon
Auditeur a toutes les Audiences, pour
voir fi a l'occafion du troifieme moien,
on ne diroit rien qui put blefTer l'au-
torite du Pape. C'etoit une vraie fee-
ne que d'enrendre tous les difcours
qui fe tenoient en attendant 1'Au-
dience. Les uns traitoient de mome-
rie cec appareil de Juges , qui enten-
doient gravement & fi long-tems
plaider une caufe, dont ils avoient,
difoit-on , recu la Sentence par ecrit.
D'autres felicitoient lAvocat des re-
ligieufes de Paris fur la bonte de fa
caufe , & l'afluroient du gain , mais
non pour les raifons qu'il allegueroit.
II fur plufieurs fois interjeompu,. mais
-ocr page 203-
III. P A R T I E. ttV. J. 201
avec tant de bruit qu'il eroit oblige 1707.
de s'arreter & demander audience.
II n'en fut pas de raeme lorfque ^^^
M. Hebert plaida pour les religieufes piaide pour
de P. R. des Champs, II fut toujour* fc^fS
ecoute avec une grande attention & champs, n
C j r\             a 1                                eft ecoute a-
un prorond nlence. A la premiere au- vec un pro.
dience du 6 juillet il commenca par fond filence,
faire l'apologie des religieufes de app a
P. R. des Champs, contre l'accufa-
tion de defobeiffance que leurs parties
formoient contre elles. II le fit avec
une juftefle& une delicateflfe qui char-
ma les Auditeurs. » Loin de nous ,
" dit-il, cette idee de revoke contre
» les ordres & les intentions du Roi.
» Sa Majefte n'a d'autre volonte que
" de fuivre en tout la difcipline de
>» TEglife. Le defir du Roi eft de la
>? maintenir &: de conformer fes Ar-
» rets aux regies & aux conftitutions
» canoniques. L'oppofition des reli-
»i gieufes des Champs emportera in- •
» dubitablement l'approbation , lorf-
» que j'aurai demontre , comme je
» l'efpere, que les demarches & l'en-
» treprife des religieufes de Paris
» font contraires en tout a l'efprit de
» l'Eglife, aux regies & aux decrets
» des Conciles. Ces faits mis en evi-
w dence. onifera comme force-d'ad-
ES                    t                                                     1
I ?
-ocr page 204-
lot HlSTQIRE DE PoRT-ROlAX."
» mirer la fermete des religieufes
» des Champs, a s'oppofer au ren-
« verfement des loix, de ies louer de
« leur fidelite a fuivre les regies &c
»
les canons, & d'avouer enfin qu'el-
« les fe font renfermees dans les bor-
=> nes etroites du refpecT; & de l'o-
» beiflance dus au Roi. S'il s'agiflbit
« a prefent du fond de 1'afFaire, l'in-
». juftice criante des religieufes de
« P. R. de Paris n'auroit befoin que
» d'etre expofee. Des preuves & des
« demonftrations feroient fuperflues,
" mais il ne s'agit maintenant que
» des fins de non proceder «.
Le premier moien etoit la vacance
du fiege Abbatial de Paris. , pendant
laquelle les religieufes, quand meme
elles auroient un titre legitime, ne
pouvoient rien enrreprendre legiti-
mement. Les religieufes de P. R. des
Champs fe trouyoient dans le meme
cas , ce qui les rendojit incapables de
conclure aucurie affaire importante,
8c aucun changement efientiel a leur
etat. L'habile Ayocat fe cpntenta d'in-
ilnuer le troifieme mo'ien , qu'il. re-
ferva pout; I'audience fuivante. II fir
voir qu'o.n ne pouvoit. point proceder
a l'extin<5tion du titre. de P. R. des:
Champs , farjgs le cojxcours. cles. deux
-ocr page 205-
III. P A R. T 11. Liv. L         103
pLiifTances , qui avoient fait le parta- i
ge , a caufe des Bulles qui l'avoient
confirms* j que l'autorite du S. Siege
etant intervenue alors a la priere du
Roi, il etoit neceflaire que le S. Sie-
ge j intervint de nouveau. » L'atta-
» chement que nous connoiflons tous
» en M. le Cardinal de Noailles ,
» pour le S. Siege , ce centre de l'u-
» nice , me donne la liberte de dire ,
» que ce Prelat ne peut pas meme
« prononcer entre les deux parties.
« Si fon Eminence pouvoit le faire ,
" ajouta finement M. Hebert, nous
» fommes perfuades qu'il le feroit
» en faveur des GEconomes fideles
» & non en faveur des Diflipatrices
» d'une maifon avantageufement
» pourvue de tout ". L'Avocat fit £
ce fujet un parallele entre les deux
maifons de P. R. de Paris & des
Champs, qui enleva tous les fuffra-
ges. L'audienee finit , & fut remife
an famedi fuivant 5> du mois. M.
Hebert, apres avoir rappelle fuccime-
tement les deux moiens precedens,
Eiaffa au troifieme, & prouva queM.
c Cardinal de Noailles & fbn Offi-
cial etoient Juges incompetens dans
cette caufe. Il infifta beaucoup fur la
neeeffite dwconcQiWs des detix Pui£-
Ivj
-ocr page 206-
204 HiSroiRE' df. Por.t-k.oia£.:
1707. fances j parceque la meme autorite qui
avoit concouru & juge lors du parta-
ge , devoit encore decider dans la
meme affaire.
xcvn. M. Nivelle le jeune parla enfuite
Nivelle le p0ur \QS religieufes de Paris , & en-
jeune plaide r        .              O                       ,.        >
pour les reii- trepnt de remter les inoiens allegucs
gieufesdePa-
par M. Hebert, mais fans autre fuc-
ns, & eft fif-*\               ,,A          rm-            i> a j- •
fle de 1'audi- ces que d etre lime par 1 Auditoire.
t01re-          Le mercredi 13 juillet , M. Hebert
repliqua. Apres avoir mis en poudre
les foibles objections de Nivelle , il
repouffa avec force ce qu'avoit dit ce
declamateur fur la pretendue mauvai-
fe doctrine des religieufes de P. R.
des Champs, & vengea la foi &c l'in-
nocence de ces faintes filles contre
fes vaines declamations. On plaida.
encore le 16, le 20, & le 23 \ apres
quoi les conclufions furent prifes.
xcvra. Le Promoteur etant ou feignant
I.C Vice-Pro-*                                        '.                       
moteur faitie d'etre malade, le Vice-promoteut qui
rapport dece n'aVoit point affifte aux premieres
quont du les . ,. r                ,., , . .r
Ayc^w. Audiences parcequ u etoit incommo-
de, tint le 27 juillet la feptieme Au-
dience , & emploia pres de deux heu-
res a faire le rapport de ce qu'avoient
dit les deux Avocats. Pour venir en-
fuite a. fes conclufions, & les donner
d'une maniere qui ne fut pas contrai-
te aux vues de Mt le Cardinal de
-ocr page 207-
III. P ARTrff. Llv. t. 205
Noailles, & qui en meme terns ne ij0j,
put bleiTer l'autorite du Pape: il en-
trepot de perfuader qu'il n'etoit pas
neceflaire d'entrer dans les moi'ens
des rehgieufes de P. R. des Champs.
II voulut meme les faire envifager
comme etant etrangers a la caufe, 8c
pretendit que nonobftant I'oppofi-
tion , le Commiffaire de lArcheve-
che pouvoit faire l'information dans
les deux Abbai'es de P. R., pour y
examiner 1'etat du fpirituel & du
temporel , le droit des AbbelFes &c
le pouvoir des Prieures , le fiege Ab-
batial vacant, difficultes qu'il lui pa-
roilToit important d'eclaircir , fans:
cependant cefler d'inftruire an fond
un proces, dans lequel on conteftoit
la competence du Juge.
Qui a jamais entendu parler d'urr
pareil jugement ? N'eft-ce pas violer
toutes les regies ? II s'agit de juger ft
le fieur CommiiTaire eft Juge compe-
tent , 6c de prononcer fur l'oppofi-
tion formee j c'eft ce que Ton a atten-
tion d'ecarter.
L'Official & fes Afleueurs (4) fa- xox.
v                 Sentenced
f4) L'Official avoir, prrs le Maire & Blaru. Ce der- I'Offidal,
pour AfTefleurs deux Ec- nier s'eft fait dans la fuite
elefiaftiques , MM, Pirot plus d'honneur dans d'au-
5c Dorfane, & deux Avo- tres affaires qu'il ne s'en
cms a!» Patlementj MM, fit daas celle-ci.
-ocr page 208-
%a6 Histoire dePort-ro'i'ai..
rent 8 jours a deliberer fur la Senten-
ce. Quelque foin que Ton eiit pris d'en
choifir, au moins le plus grand nombre
de favorables auxdeifeinsqu'onavoit,
ils ne convenoient pas en tout. lis
s'accordoient neanmoins a faire per-
dre la caufe a P. R. des Champs.
C'etoit l'objet de leur commiffion j
mais trois ne voulurent pas qu'on
ajoutat que la Sentence feroit executee
nonobfiant oppofition ou appellation
quelconque.
Un refte de pudeur les
engageoit a laifTer cette reffource aux
religieufes opprimees. La Sentence
fut done rendue fans cette claufe le
3 aout, & dehoutoit les religieufes de
P. R. des Champs de leur oppofition.
Elle portoit , que » fans s'arreter aux
» fins de non-proceder propofees par
» les religieufes de P. R. des Champs,
» & aux oppofitions qu'elles avoient
» formees a la commiflion donnee
" le 11 mars a M. Vivant par M.
" le Cardinal de Noailles, dont el-
» les feroat deboutees, la commif-
» fion fera executee, les depens com-
'■ penfes , artendtt la nature de l'inf-
" tance & les qualites des parties.
Par cette Sentence M. de Noailles
etoit reconnu Juge competent , &c
partie capable de faire la reunion
fans l'autorite du Papc
-ocr page 209-
ill. P A R. T I E, LlV. I.       10J
Les religieufes qui n'attendoient 1707,
pas une decifion plus favorable de la s.
pare d'un tribunal livre a l'Archeve- „\eu{tss "aej
que, interietterent auffi-tot appel a champs ea
1                -jt             o 1 c          r interietcent
la pnmatie de Lyon , & le hrent 11- appe(%
gnifier le meme jour au Greffier & au
Promoteur. Cet appel n'etoit pas figne
des religieufes , mais a leur requete ,
par M. de S. Claude en vertu d'une
procuration des religieufes.
M. de Noailles qui avoir les mains cr;
ees par cet appel , ne pouvant en-envo,ap.R.
voier fon penitencier comme commif- des champs
r •                     r ■ i>- r                               pour raire
iaire pour raire 1 information pro-J,ne vifite,,,
jettee , l'envoia a P. R. des Champs ptetendue
pour y faire une vifite pajiorale de fa'""
part. Apres le perfonnage que M. Vi-
vant venoit de faire a l'egard des re-
ligieufes de cette maifon , il femble
qu'il auroit bien du (fi quis pudor)
prier Tyl. de Noailles de ne le point
charger d'une telle commimon. 11
l'accepta n'eanmoins , & fe rendit a
P. R. le 11 aout 1707 , fans avoir in-
dique fa vifite comnae il eft porte par
les Canons , & fans avoir meme de
Secretaire. Les religieufes ctiftinguant
la. foumiflion legitime qu'elles de-
voienr a leur Archeveque & rautori-
te qu'il avoit re§ue pour leur edifica-
tion St non. pas pour leur deftruc-
-ocr page 210-
ie>8 Histoir« m Pok.t-roia£;
tion , recurent tres volontiers cettsr
vifite. M. Vivant arriva a fept heures
du matin aP.R. & demanda d'abord
la mere Prieure feule. Liu ai'ant dit
fon nom , il ajoura que fon Eminen-
ce lui avoit donne par ecrit un pou-
voir de faire une vifite fimple & or-
dinaire , que cette vifite n'avoir au-
cun rapport a 1'arTaire qu'elles avoient
avec les religieufes de Paris. La Sit-
perieure, qui auroit pu faire des dif-
ficultes bien fondees , le recur avec
refpedfc comme vifiteur , pour donner
par-la. a fon Eminence une marque de
fa deference a fes ordres dans routes
les occafions ou la confcience ne fe-
roit point blefTee. La vifite dura deux
jours, pendant lefquels le penitencier
vit routes les religieufes en particu-
lier & en commun , & fit tout ce qui
fe pratique en pareille rencontre. II
ne leur parla point des difputes fur le
Janfeniime , & meme lui etant echa-
pe quelquefois de dire a quelques
unes qu'elles n'auroient pas dii met-
tre la clank fans deroger } &c. il s'ar-
retoit en difant, mats je ne fats pour-
quoi je vous parte de cela ; car je ne
Juis pas venu ici a. ce deffein.
Le lec-
teur jugera de la fincerite de ces pa-
roles. Le foir de fon arrivee, la me-
-ocr page 211-
III. P A R. T I E. LlV. I.         20^
re Prieure etant allee le trouver au par- 1707.
loir pour lui clemander a quelle neu-
re il feroit la vifite de l'interieur le
lendemain, il lui dit qu'elles n'au-
roienr pas du mettre la clauf'e fans
deroger;
la Prieure lui repondit que
la demande qu'on leur avoit faite
d'un certificat, les avoit engagees a
cela. Sur quoi M. Vivant dit que M.
le Cardinal affuroit qu'il n'avoit point
exige le certificat 3 qu'dfalloit que M.
Gilbert fe Jut mal explique , ou que
M. Marignier eut mal entendu
(5).
Le 11 aout, apres avoir vifite le cir.
dedans de la maiion , il alia au cha-fai^a^1(jta(,n|
pitre, ou il fit une exhortation fur la p. R. des
foi, la charite,l'union, & l'bbeif- $ffi* »d£
fance a l'Eglife. II dit qu'il y a une donner uae
voie qui paroit droite, & qui con-Citte"
(;) Rienn'eft pluseton-    qu'un mal entendu ait £t£
nant que ces paroles de    le pretexte de la defttuc-
M. de Noailles , qui de-    tion d'un faint Monafte-
clare qu'il n avoit point    re? Pourquoi M. de Noail-
exigi le certificat. S'il ne    les ne redifioit-il pas ce
l'a point exige, fi e'eft un    qui avoit kik mal expli-
ma/mrerai&^pourquoiper-    que , ou mat entendu i
fecute-t-il les refigieufes    Pourquoi n'accepta -1 - il
de P. R. pour avoir refufe    pas l'expedienr propofe*
ce qu'on leur a demande    par M. Marigr.ier ? Pour-
mal -a-pfopos , & fans    quoi ne defavouoit-il pas
qu'il I'exigeat. Si M. Gil-    celui qui avoit demande
bert s'eft mal explique i    mala propos un certificat
fi M. Marignier a mal    qu'il n'avoit pas exigl'Fal-
entendu , cela rend-il les   loit-il perdre un faint Mo-
religieufes de P. R. crimi-    naftere , pour fouteni^
Belles J Eft - il croiabk    une feuffe demarche J
-ocr page 212-
X i 0 HlSTOIRE DE PoRT-ROl At."
duit en enfer j & fink en temoignant
fa frai'eur fur les chofes qu'il voioit
pretes d'arriver. Apres fon difcours ,
il alia dire la Mefie, puis il revint
au parloir, ou fe trouva la Prieure. II
fcrivit tout ce qu'il avoir fait au-de-
dans, Sc lui en fit le&ure ; il y mit
entre autres chofes, que les religieufes
pratiquoient toutes les vertus de leur
etat;
ce que M. de Noailles a repete
dans la fentence du 18 novembre
1707. M. Vivant ai'ant acheve d'e-
crire , dit par maniere de converfa-
tion a la Prieure , fi fon Eminence me
demande fi Von ejl dans les memesfen-
timens
_, que lui dirai-je ? Elle repon-
dit, qu'il pouvoit 1'afTurer qu'elles ne
changeroient point les difpofitions 011
la fentence de M. de Perefixe du 17
fevrier 1669 , les avoit laiflees. Les
religieufes ai'ant demande une carte
de vifite , il la refufa , difant que
quand il auroit fait fon rapport a M.
le Cardinal, fon Eminence ftatueroit
ce qu'elle jugeroit a-propos. Voila de
quelle maniere fe paflTa la vifite de
M. Vivant. On n'y trouvera allure-
ment aucune inftruction donnee par
ce vifiteur fur la doctrine du Janfe-
nifme , fur la Bulle Vineam , &c. ni
monition canpnique faite aux reiU
-ocr page 213-
III. P A R T IE. LlV. I. Hi
f;ieufes pour les engager a retrancher 1707.
eur claufe ,Jans deroger. G'eft une re-
marque donr il eft bon que le ledteur
fe fouvienne.
Peu de jours apres la vifite de M. ^"oail-
Vivant, M. le Cardinal de Noailles
les ore aux re-
Ota aux religieufes I'unique confef- ^fef^ur'sc
feur qu'elles euffent. De trois Pretres leur donne z
qui etoient ordinairement dans cetce ^CoTas.rte S*
Abbai'e , l'un (M. Euftace) avoit ete
oblige de fe retirer pour eviter la per-
secution j l'aurre (M. Marignier) etoit
mort en rendant un temoignage au-
thentique a la purete des fentimens
des religieufes , & a la faintete de
leur conduite : il ne reftoit que M.
Havart, qui etoit Sacriftain, pour le-
quel on avoit obtenu les pouvoirs ne-
cefTaires apres la mort de M. Mari-
gnier. M. de Noailles fit venir M.
Havart a Paris, & lui dit le 18 aout,
apres lui avoir fait des reproches af-
fez vifs & afiez mal fondes, qu'il le
dechargeoit de la conduite de P. R.
des Champs , & lui ordonna de fe re-
tirer dans fon Diocefe (6). La mere .
Prieure ecrivita M.leSuperieur , pour
le prier de reprefenter a M. l'Arche-
veque que M. Havart avoit quitte un
ion pofte pour venir demeurer chez
(«) A Rouen.
-ocr page 214-
111 HlSTOtRE DE Poa.T-R.OlAl.
4707. e^es ■> qu'il etoit infirme , que c'etoit
un homme pacifique qui les accom-
modoit. Le Superieur l'aiant die a M.
de Noailles, il repondit qu'il perfif-
roit dans fes premiers fentimens. La
mere Prieure ai'ant regu cette repon-
fe recrivit a M. Gilbert, pour le prier
d'obtenir que M. Havarc demeurat
jufqu'a ce qu'on eut trouve quelqu'un
pour le remplacer-
Le 10 de feptembre , M. le Cardi-
nal fit ecrire aux religieufes (*), qu'on
leur envoi'oit deux Ecclefiaftiques (qui
n'etoient point nommes) pour leur
adminiftrer les Sacremens , ( e'eft-a-
dire, pour les leur refufer , comme
nous le verrons) , en attendant qu'el-
les euffent un confeflfeur, & que foil
Eminence s'attendoit que celui qu'el-
lcs avoient (7) ne fe trouveroit plus
a P. R. quand ces MM. arriveroient.
La mere Prieure re^ut cette lettre le
11 , & elle ecrivit le n a M. Gil-
bert, pour propofer M. Boiftel, eccle-
fiaftique de merite 8c d'une probite
reconnue.
les^igieu- L'Abbe Gilbert en park le 13 ftp-
fes deman-
dent des con-
feffeurs a M. (*) Ce fur* M. Vivant (7) M. Havart. II for-
de Noailles , qui ecrivit la lettre a Tin- tit alors de P. R. ou il
auilesremfe, ™ <k M. Gilbert, Supe- avoir demeuri wois ans.
rieur de la maifon.
-ocr page 215-
III. Partie. Liv. I. x\t,
tembre a M. de Noailles 5 mais fon 1707.
Eminence le refufa, fous pretexte qu'il
etoit trop tard. Faux pretexte, puif-
qu'il auroit ete refufe egalement ,
quand on l'auroit demande plutot.
C'etoit un parti pris, comme M. le
penitencier le dit a M. de S. Claude ,
de refufer tous ceux que les religieu-
fes prefenteroient (8) 5 & quand on
en auroit accepte quelqu'un , l'Abbe
Boiftel meme , M. le Cardinal ne l?au-
roit fait qu'en exigeant qu'il oblige-
roit les religieufes de fe foumettre a
ce que fon Eminence demandoit d'el-
les. C'etoit un moi'en qu'il vouloit
prendre pour miner la maifon avec
moins d'eclat. M. le Penitencier ajou-
ta, que cela s'etoit fait fans fa parti-
cipation \ que M. le Cardinal avoit
efluie depuis peu beaucoup de repro-
1 ches de la part de la Cour, de ce
qu'il n'alloit pas alfez vite. 11 dit en-
core , que fon Eminence difoit que fi
elle venoit a mourir , elle craindroit
de paroitre au tribunal de Dieu fans
avoir fait tout ce qui dependoit d'el-
le pour ramener ces filles. Sur quoi
M. de S. Claude repondit, qu'appa-
(8) Elle prefenterent etoit alors retite a Saint
encore M. Mayou, ancien Magloite, mais il fut te«
Vicaiie de S, Paul, qui fiift.
-ocr page 216-
214 HlSTOIRfi DE PoRT-ROlAL.
1707. remment fon Eminence vouloit fe
trouver dans l'aime monde dans la
compaguie de MM. de Perefixe & de
Harlai. II les fuivoit malheureufement
de trop pres, & mcme il encherif-
foit fiir ce qu'ils avoient fait Fun &
l'autre contre les religieufes de P. R.
Funeftes effets de la foiblefTe des Paf
teurs & de leur complaifance pour les
grands an prejudice de Pinnocence !
Ge fut ce qui engagea M. de Noail-
Jes dans tant de faufles demarches.
Etant un jour a Verfailles, le Roi lui
dit : Si I'Eveque de Chartres avoit eu
l'affaire de P. R. entre les mains , en
quince jours elle auroit etifinie, & il
y a fix mois que vous nous tene\-la
(9).
Ge fut cette parole qui occafionna la
million des deux Ecclefiaftiques que
fon Eminence envoi'a a Port - roial,
pour pouvoir dire au Roi qu'il
avoit fait ce qui dependoit de lui,
6c que les religieufes ne commu-
nioient plus.
cv.           Ces deux Ecclefiaftiques choifis
deu"iVEcdt Par M* de Noailles » etoient M. Pol-
fiaiHques de let, Vicaire de faint Nicolas du Char-
l'.Ni'joUs ?u donnet & Superieur du Seminaire .
Cnardoniiet.           s _.           f r\ r rr             tm /
&M.Ghevrolat,Prorefleurde iheo-
(>>) Lcttre de Mademoifelle de Joncoux.
-ocr page 217-
HI. P A R T I E. LlV. I.         11 j
logie au meme Seminaire (lo). lis ar- j
riverent a P. R. des Champs le 14
feprembre.
M. Pollet ai'ant demande la mere
Prieuce, lui declara qu'il eroit celui
que M. Vivant lui avoir annonce
de la parr de fan Eminence , mais il
ne dir poinr fon nom, ni celui de
l'aurre Nicolaire qu'on lui avoir af-
focie. Comme la Pricure lui repre-
fenra qu'elles n'avoienr pas befoin de
deux Prerres , pouvanr fe conrenter
d'une MeflTe les jours ordinaires, M.
Poller declara qu'il ne venoir pas
feulemenr pour dire la MeiTe , mais
pour precher & confefler , & ofFrir
de monrer en chaire des le lende-
niain. La Prieure lui dir, que l'ufa-
ge eroir de precher le Dimanche a la
MelTe ; mais le zele de ce Nicolaire
ne lui permit pas d?acrend!?e ce rer-
me. Des le lendemain jeudi 1 5 fep-
rembre apres Tierces , il fir un dif-
cours a la grille du- chceur , il en
(10) Mademoifelle de    fe que la maifon etoit en
Joncoux eciivit a lamere
    etat de faire dcpuis In fai-
Piieure fur la mamere de
    fie de leurs biens- Je leur
re'cevoir ces Bccleliafti-
    ai mande cet avis , die
ques, &elle lui donrtaun
    Mademoifelle de Jon-
avis pout ce qui regardoit
    coux', maisje ne croispas
leur nourriture , qui etoit
    qu'elles en faffent ufage i
de lent fervirdu ma'gre ,
    car elles font trap bonnet
auendu 1c pcu de de^en.
    pour tela.
-ocr page 218-
21<j HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
avoit prepare plufleurs , &c fait la
le&urc du premier a M. de Noailles,
qui le trouva trop doux. Mais M.
Poller lui dit, qu'il vouloit premie-
rement emploi'er la douceur (i i) : auffi
ce premier fut-il plein d'eloges & de
temoignages de companion fur l'ecat
ou les religieufes etoient depuis long-
tems , & ceUd dont elles etoient me-
nacees. » Je viens, dit-il, rempli de
» de cotnpaffion pour vous,&de defir
>j de vous fervir. Je n'exige point la
» confiance, vous ne me connoiflez
" pas. Mais eprouve^ mon\ele. Vous
1707-
fn) M. Pollet paflbit
pour ie premier homme
de S. Nicolas, la lumiere
de cette maifon, & fi ha-
bile , qu'on difoit que (i
il ne reuffiflbit pas a con-
vertir les religieufes de
P. R., perfonne n'y reuf-
firoir, Les grands talens
de M. Poller echouerent
cependant. Il fe rendit
lui-m£me la-deflus plus
de juftice qu'on ne lui en
rendoic, en avouant qu'il
ne croioitpaspouvoir rien
fagner. II pretendoir , a
a verite , que c'etoit la
Superieure , laquelle , di-
foit il, emit unt terrible
tite, & avoit de Vefprit
comme un ange ,
qui rete-
noit les autres. Maisquoi
qu'il en foit, il ne gagna
effeftivement rien, ni Air
la Superieure, ni fur au-
cune religieufe. M. Che-
vrolat Bachelier & Pro-
feiTeur enTheologie
jCtOtt
encore une des grandes
liimiercs du Seminaire de
S. Nicolas. Cependant,
M de S. Claude mil rou-
te leur fcience a bout, en
leur demandant, fi quoi-
qu'ilfoit evident que deux
& deux font quatre , Us
Eveques feroient en droit
de faire un Formulaire
Id-dejjus, & d'obliger de
le figner.
M. Chevrolat
avoua qu'il n'avoit pas
affez 6tudie cette matiere
pour repondre a cet argu-
ment , qui etoit fort; il
ajouta qu'il y penferoit 8c
qu'il donneroit reponfe un
autre jour.
» faut-il
-ocr page 219-
III. Partil Liv. I. iif
» faut-il dire la Meffe ? Je ferai tou- '
» jours pret a l'heure la plus com-
» mode pour vous. Voulez-vous ap-
^ procher du Sacrement de Peniten-
» ce ? Je vous ecouterai 8c aiderai
» demon poflible, 8cc «. Mais dans
ce premier difcours meme, M. Pol-
let apprit aux religieufes ce qu'elles
devoient attendre de lui. II s'y an-
nonca comme un homme charge par
M. l'Archeveque, de lemfaire rendre
a I'Eglife la Joumijjion & I'obeiffance
,
qu'elles etoient obligees de lui ren-
dre (comme fi ces faintes filles euf-
fent fait dirficulte de rendre a I'Eglife
I'obeiffance qui lui eft due): vous vous
fignale\
, leur dit-il , dans tomes les
vertus + [ignale^-vous dans I'obeiffance.
C'efk-a-dire , dans I'obeiffance aveu-
gle aux Superieurs j car c'etoit celle-
la feule que prechoit M. Pollet , 8c
qu'on ne connoiffoit pas a P. R.
Les difcours qu'il fit dans la fuite,
furent tous dans le meme gout, ainfi
que tous les entretiens qu'il eut avec les
religieufes. II voulut les premiers jours
leur parler en particulier comme en
ai'ant le droit; mais les religieufes
repondirentqu'il n'appartenoit qu'aux
feuls Vifiteurs commis par M. l'Ar-
cheveque. Elles avoient d'ailleurs etc
Terns IXx                         K.
»
-ocr page 220-
11 & Histoire de Port -RoiAt>
1707. rebucees des le premier jour par fon
difcours , & encore plus par le fecond
dans lequel il avoit voulu prouveu
que l'Eglife eft non-feulement infail-
lible dans la foi & les mceurs , mais
encore dans la difcipline j a laquelle
il reduifoit le fair de Janfenius , &
l'obligation de le croire ou de ne le
pas croire , de le iigner ou ne le pas
figner, felon que l'Eglife le jugeoit
a propos. Car ce bon homme preten-
doit que l'Eglife pouvoit varier , &
avoit en eftet varie fur ce point ;
qu'elle s'^toit contentee en 1669 du
filence refpectueux fur le fait , mais
qu'elle ne s'en cqntentoitplus,& qu'el-
le ordonnoit de le croire interieure-
lnent j qu'elle etoit en droit de faire
ce commandement, quoiqu'elle eut
permis auparavant de ne le pas croi-
re , parceque c'etoit un point de dif-
cipline , fur laquelle elle peut varier
felon les terns & les lieux • de meme
que Dieu a change les ceremonies &
les facrifices de l'ancienne loi ,8c
comme l'Eglife change elle-meme fes
ceremonies. II ajoutoit qu'on etoit
oblige d'obeir aveuglement aux Su-
perieurs, fous peine de peche & de
privation des Sacremens 5 » que quand
" notre Eveque nous commande une
. ■                                                              *
-ocr page 221-
111. P A R T I B. L'lV. I.       X\<)
» chofe, c'eft lui qui en repondra , 17*07.
» enforce que s'il arrivoit qu'il fe
» trompat dans la chofe qu'il nous
» commande , nous ferions excufa-
» bles au jugement de Dieu , & que
» notre foumiffion nous defendroit ;
» qu'autrement nous pourrions dire
» a Dieu quand nous paroicrons de-
'> vant lui j Seigneur j c'ejl done vous
» qui nous ave\ trompes 3 carvous nous
» ave£ dit, ecoute\ , &c. Telles etoient
les maximes que M. Pollet debita aux
religieufes de P. R. des le lendemain
de Ion arrivee (11), mais furtout dans
fon fecond difcours. Ces vierges chre-
tiennes qui avoient autant de lumie-
re que de piete , deja fatiguees d'en-
tendre a la grille du chceur de pareils
difcours, refuferent d'avoir des en-
tretiens particuliers avec lui comme
nous l'avons dit, fous le pretexte que
les Vifiteurs commis par M. l'Arche-
veque avoient feuls ce droit. En con-
fluence M. Pollet eut recoursau Pre-
lat, & il en recut par un courier en-
voie expres le 15 feptembre un ample
pouvoir par ecrit, date du 24 , de
parler a toutes les religieufes en gene-
(n) Voiez des extraits T. 4. Mem. hift. p. 40S,
de ce difcours tires des 411,
Memokes des religieufes,
Kij
-ocr page 222-
110 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
'• X707." ra-l & en garticulier, routes les fois
qu'il le jugeroit a propos, a grille ou-
verte & fans ecoute, & mane dans
la cloture; avec ordre aux religieufes
. de le recevoir 8c le reconnoitre en
tout cela comme fon fubdelegue, 8c
defenfes a elles de fe confefler a d'au-
tres qu'a M. Pollet & a fon Compa-
gnon, a moins qu'il ne fut porteur
d'un ordre fpecial 8c par ecrit de M.
le Cardinal (13).
On croit que ce qui occafionna ce
dernier article de l'Ordonnance de
M. de Noailles , fut que M. Pollet
s'imagina que les religieufes s'etoient
confeflees a quelque Ecclefiaftique qui
venoit fecretement a la maifon : la
raifon qu'il avoit de le penfer ain-
li , c'eft que les religieufes com-
munioient deux ou trois fois la fe-
maine , ce qu'il ne croioit pas qu'elles
puflent faire fans fe confefler. Com-
me fi des vierges chretiennes qui
avoient une pureti d'Anges , felon
l'expreffion mane de leurs ennemis,
& qui menoient une vie fi reguliere
& fi penitente , avoient befoin de fe
confefler fi fouvent pour recovoir la
fainre Communion.
Le delegue de fon Eminence , mu-
(!j) Vot'ez I'otdoflnancetibid, p, 41^,
-ocr page 223-
III. Partxt.Uv.l. lit
hi de ces pouvoirs , fit des le lende- \ 707.
main un difcours de cinq quarts cvr.
d heure , pour prouver que 1 hglile fignifie
aux
eft infaillible dans le dogme , dans «Ugieufe»«c
les moeurs, & dans la difcipline. II deNoailles un
interdic des
Sacremens.
n
connoifle 1'infaillibilite de l'Eglife
dans fes decifions fur le dogme & la
morale \ &c les religieufes de P. R. la
reconnoifToient. Mais a l'egard d'un
fait comme celui de Janfenius, que
l'Orateur renfermoit dans la difcipli-
ne , aucun homme fenfe & eclaire
n a cru que l'Eglife fut infaillible.
Nous ne nous arreterons point ici fur
un difcours que l'Aureur des memoi-
res hiftoriques qualifie de fade plai-
do'ier plus digne de mipris que d'etre
rapvoni
(14).
M. Poller vit le jour fuivant les
religieufes , chacune en particulier ,
en vertu de Pordre de fon Eminen-
ce j a qui il alia le lendemain (z8 fep-
tembre) rendre compte des difpofi-
tions dans lefquelles il les avoient
trouvees. Ces difpofitionsetoient tou-
jours les memes , favoir qu'elles ne
vouloient point retrancher de leur
certificat la claufe Jans dinger. Ef-
fe&ivement toutes le lui avoient de-
(14) Ibid. p. 410, 414.
K iij
-ocr page 224-
zit HistoiredePort-roiai.
. clare j & la mere Superieure lui avoir
fpecialemenr dir, qu'elle n'en oreroit
aucune parole, quelque chofe qu'on
pur faire conrre elle. II eft a propos
de remarquer, que M. Poller ne fir
alors aux religieufes aucune moni-
tion, ni fommarion canonique, de la
parr de Ion Eminence d'orer leur clau-
fe. Cependanr M. le Cardinal lui
donna la-defTus un ordre verbal de
leur refufer les Sacremens \ & des le
lendemain a fon retour de Paris, M.
Poller lignifia a la mere Prieure l'or-
dre qu'il avoir regu. II lui dir de la
parr de fon Eminence. i°. » Qu'elle
=» avoir le cceur perce de douleur,de ce
o> qu'elles perfiftoient dans leur de-
fobeiflance ; i°. qu'elle n'avoir
•5> poinr demande de cerrificar , &
« qu'elles s'eroienr jerrees elles-me-
== mes dans l'embarras oii elleseroienr
s> en donnanr ce cerrificar fair de
.» rravers. 50. Que fon Eminence ju-
»» geoir a propos de leur defendre de
i> communier ; que ce n'eroir poinr
» une monirion qu'on leur faifoir,
" mais feulemenr comine lorfqu'un
» Superieur dir a un religieux de ne
" point communier, pour le punir
» de fa defob&fTance. Que fon Emi-
» nence alloit fe jetrer aux pieds de
-ocr page 225-
III. Partie. Liv. I. 113 _______
» fon Crucifix pour demander aDieu 1707.
» qu'il leur touchat le coeur , &c qu'il
" lui fit connoitre la maniere de fe
» conduire dans cette affaire «, Son
Eminence avoir ordonne a M. Pollet
de prendre la clef du tabernacle.
La mere Prieure fans etre etonnee ,CVIJ-
,           .. r                                        .                       Reponte dc
repondit iagement , que dans une u pt;eure.
chofe fi importante elle ne pouvoit *•« reiigieu-
,                        * .                  .              t 1 1*11 les le foumec-
s en rapporter a un ordre verbal. tile tent i u de-
aiouta que fes fceurs & elle ne fen- fenfe, iniullJ
>             1                            ,                 . .           qui leur eft
tant, graces a Dieu , leur conlcience fake.
chargee d'aucun crime qui dut les
feparer de la fainte Table , elles ne
laiileroient pas de s'y prefenter : elle
dit meme obligeamment aM. Poller,
qu'elle le croi'oit rrop eclaire pour
ignorer qu'un Miniftre de l'autel ne
pent refufer la communion publique
qu'aux pecheurs publics & connus
pour tels, d'autant plus qu'il n'y avoit
point d'acte juridique de fon Eminen-
ce qui put l'y obliger. Toute la repon^-
fe de M. Poller fur que les religieu-
fes pouvoient appeller , protefter,&
faire ce qu'elles voudroient , mais
que fi elles fe prefentoient a la fainte
Table , il ne les communieroit pas;
parceque fori Eminence
_, dit-il , nous
I'a dtfendu
_, & que nous faifons vceu
d'obeiv aveugliment a notre Archeve-
que.
                                 K iiij
-ocr page 226-
224 HlSTOIRE DE PoRT-R01AL.
1707. Quelques perfonnes etoient d'avis
que les religieufes ne devoienr pas
laifler de fe prefenterjmais elles aime-
rent mieux fe foumettre a. cet ordre in-
jufte. C'eft pourquoi voi'ant M. Poller
dans certe difpofirion, elles jugerent
que la charite les obligeoit a le pri-
ver de la communion, pour lui epar-
gner le fcandale qu'il auroir caufe en
la leur refufanr. D'ailleurs elles vou-
loienr faire voir a. M. de Noailles,
en fe foumerranr a cer ordre , juf-
qu'011 alloit leur obeifTance, & qu'eb
le s'etendoit a rour ce qu'elles pou-
voienc faire fans ofFenfer Dieu.
cvih.
         Quelques jours apres, M. de Noail
Leme de M. |£s mf"orm^ Je [a peme qu'avoienr
HcNoaUes A             .                                .f               1
MonGeuiPoi- remoignee les religieuies de 1. K. de
^■;^?,"« 1a1 cetre interdiction verbale des Sacre-
v. r.          mens, ecrivit a ce fujet le 3 octobre
a M. Poller une letrre dans laquelle
il lui parle ainii de ces faintes filles.
» Plus je penfe a leur conduite, plus
■» je rrouve leur refiftance inexcufa-
» ble. Elles agiffent directement con-
» tre les paroles de Jefus-Chrift me-
» me : elles meprifent ceux qu'il
h leur ordonne cFecourer , & elles
« ecoutent ceux qu'il leur ordonne
v« de meprifer. Par-la je les crois ores
« indignes des Sacremens, & je ne
-ocr page 227-
III. P A R T I E. Lh>. 1.       215
» puis permettre qu'elles les recoi- 1707.
» vent : on ne doit plus ieur donner
» ni la communion , ni l'abfolution ,
" ni fouffrir que d'autres la leur don-
» nent.....Je fuis I'homme de I'E-
" i^'fe i15) » oblige pat confequent
» a venger fon autorite meprifee, 8c
» a la fake refpedter dans tous les
" lieux de ma jurifdiftion : plus elles
» croient que j'ai eu de bonte pour
» elles, plus elles ont de tort & d'in-
» gratitude a mon egard , de me re-
" lifter en face auffi publiquement
>' qu'elles font. Je n'ai eu cette bon-
» te , que lorfque j'ai trouve en elles
" de vieilles fautes en quelque faqon
» reparees 8c pardonnees par M. de
» Perefixe mon predecefTeur & par
»> le Pape meme (16). Leur nouvelle
*> defobeiflance m'a fait changer avec
» raifon de fentimens pour elles, y
» troavant, outre l'injure faite a l'E-
» glife, qui eft le principal, une of-
(it) M de Noailles fe    tnus les terns, lots mime
dit I'homme de I'Eglife;    qu'il les oppr'moit. Quel-'
en fait-il les ceuvres en    les etoi nt ■'one ces pre-
opprirnant de fainces fil-    tendues vieilles fautes en
les, qu'il nepeutconvain-    quelque facon reparees
ere d'aucune fame >             pardonnees ? Par ce lan-
(\6 Lorfque M. dePe-    gage M. de Noai'Ies ac-
refixe retablit !es rebgieu-    cufe fans y'penfer M. de
fes d.- P. R., il recormut    I'ertfixe, le Pape & route
la purete de leur foi , qui    l'Eglife,
avoir ere la meme dans-
K v
-ocr page 228-
12.6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
J7cy. » fenfe perfonnelle contre moi : it
" n'eft pas vrai que les peines qu'el-
» les foufFrent ne viennent que de
» la. mauvaife volonte de leurs enne-
» mis &: non de mon mouvement.
» II eft vrai que c'eft avec grande
" peine que je me trouve contrainc
" par leur revoke a les punir j mais
» je m'y crois oblige en confcience,
« & je le ferai aulli fortemenr que
■» je croirai le devoir faire , fort af-
» flige veritablement par l'interet
5) que je prens a leur falut, de les voir
» fouftrir, non pas pour la juftice,
« qui feule rend les peines utiles 8c
»
glorieufes; mais contre la juftice,
" & s'expofer par la a un faux mar-
« tyre, puifqu'il eft conftant felon
» les SS. Peres, que c'eft la caufe &c
» non la peine qui fait le martyre.
» Voila ce que je penfe devant Dieu
» de ces pauvres nlles (17) «. Eft-it
bien poffible que M. de Noailles
ait penfe cela des faintes religieufes
de P. R. ? Qu'il eft a plaindre s'il a
eu ces fentimens ! & plus a plaindre
encore, fi ne les ai'ant pas, il a parte-
de la forte, & perfecuti ces epoufes;
(17) M. de Perefixe , nocence des religieufes de-
aptes avoir cenu le menu P. R. par fa Sentence dut
langage , recomiut Via- J7 fevrier ifiSj.
-ocr page 229-
III. Partii. Liv.I. 117
de J. C. , connoiflant leur innocen- 1707.
ce ! car enfin quel etoit done leur
crime ? Elles avoient entendu avec
refpect la lecture de la Bulle & du
Mandement; elles en avoient donn£
la declaration qu'on leur avoit de-
mandee , quoique ni la Bulle ni le
Mandement ne le prefcriviffent , &
qu'on ne demandat rien de fembla-
ble aux autres Communautes. II eft
vrai qu'elles avoient ajoute a leur de-
claration une claufe , pour marquer
qu'elles ne derogeoient point a ce
qui s'eioit fait a leur egard en 1669 ;
mais pouvoient-elles etre regardees
comme coupables en cela ? Eft-ce done
un crime de recevoir d'une part la
Bulle Vineam de Clement XI, & de
declarer de l'autre qu'on s'attache a ce
qu'a fait Clement IX ? Quel nouveau
genre de crime ! fi Clement XI par
fa Bulle Vineam , maintient,ainfi qu'il
le declare expreflement, ce qu'a fait
Clement IX, les religieufes oe P. R.
peuvent-elles ^tre criminelles pour
ne vouloir pas deroger a ce que la
Bulle Vineam maintient ? N'auroient-
elles pas au contraire fait injure au
S. Pere , fi en recevant fa Bulle , elles
euiTent renonce a ce qu'avoit fait fon
predecefTeur ? N'auroient-eiles pas,
K vi
.                                                                                                       * ■
—*sm
-ocr page 230-
2l8 HlSTOIRE DE PoRT^ROlAt.
1707. pour ainfi dire , donne a£te que les
Bulles fe contredifent, & que la der-
niere detruit ce que la precedente
avoir etabli ? Tel etoir le crime des
religieufes de P. R. C'etoit des vic-
times innocentes que Ton deftinoit
aux anathemes , coming des rebelles
a i'Eglife , quoiqu'elles eufTent pour
l'Eglife & pour fes Miniftres l'obeif-
fance la plus parfaite; non , a la ve-
rite , aveugle , mais raifonnable, &
telle que des Superieurs qui n'au-
roient point voulu dominer fur la
foi des fideles,en eufTent ece facisfaits.
Leur foi etoit hors d^atteinte , &
ayoit ete juftifiee par celui la-meme ,
qui avoit le plus long-tems exerce
leur patience.
             i
ctx.          Vers le meme-tems que M. Pol-
a^X^let recur la lettre de M. de Noailles,
dans laquelle les religieufes de P. R.
font traitees <i indignemenr , il en
recut une autre d'une ame charita-
ble (18), qui vouloit le detournerde
prefer fon miniftere a la perfecution
qu'on faifoit a ces faintes filles. Dans
cecce lettre, qui fur remife a M. Pol-
let le 5 o&obre, on lui reprefentoit
d'abord ( par l'exemple de M. de Pe-
(18) Hift de la dern. peifec. T. 1. p. 1,7. Me-
moiiehitt T-4'p-437» - .-
-ocr page 231-
III. P A R T I E. Liv. I.       ll<)
refixe) /les remords cuifans, &peut- 1707.
etre inutiles &c infru<5tueux , que fe
preparent au moment terrible de la
molt ceux qui ont le malheur de fe
prefer a des ceuvres femblables 5 on
lai prouve enfuite l'innocence des
religieufes de P. R. des Champs; on
lui fait voir que cette affaire a faquel-
le on donne le nom de religion , n'en
a aucun caradtere , la religion n'y
etant intereffee que par l'injure qu'on
lui fait de l'y melerfauflement j qu'el-
le n'eft que l'effet des paffions des
hommes j que les refforts de cette
cruelle tragedie font, l'animofite des
ennemis irreconciliables de eette fain-
te maifon, l'entreprife d'un Prelat ,
(M. Paul Godet Defmarets Eveque
de Chartres ) , qui foutenu par la fa-
veur, veut s'eriger en Eveque uni-
verfel de la France; le malheureux
engagement d'un Archeveque qui n'a
pas prevu les funeftes fuites de cette
affaire, dont fa piete aNroit eu hor-
reur j le point d'nonneur des uns &
des autres qui ne veulent pas reader.
L'atxteur de la lettre exliorte apres
cela M. Pollet a prendre garde qu'il
ne prete fon miniftere a une vexa-
tion injufte, & qu'en refufant le pain
de vie, fans aucun fujet legitime , a
1
-ocr page 232-
2 30 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1707. ces faintes filles, il ne fe trbuve du
nombre de ceux contre qu: elles s'e-
leveront au jugement de Dieu : i\ lui
propofe la patience invincible de'ces
innocentes vi&imes, dont il eft lui-
meme temoin, & la tranquillite tou-
jours egale , avec laquelle elles fouf-
frent Pinjuftice , & voient ravir , oil-
ier, & miner tout leur temporel, fans
aucune ombre d'equite & d'humani-
te. Sur quoi la lettre continue ainfl.
» Et vous pouvez dire avec le Sage :
» j'ai vu les opprejjions qui fe font Jous
>• le Ciel, les larmes des innocens qui
" n'ont perfonne pour les confoler
_, &
» Uimpuiffance oh ils font de refifter
» a la violence 3 abandonnes qu'ils font
w de tous les hommes, vous etes te-
v moins de leur patience invincible
j> & de cette tranquillite toujours
» egale avec laquelle elles fouffrent
» 1'injuftice. Prenezgarde,Monfieur,
« d'ajouter a ces plaies temporelles
« d'autres plaies qui leur feroient
y> bien douloureufes. Penfez aux me-
» naces terribles que fait le Seigneur
» a. la durete de ces cceurs impitoi'a-
» bles, qui voient avec infenfibilit£
» l'accablement & Poporeffion d'lf-
*> rael. De ferieufes reflexions fur It
»
veritable etat des chofes vous £e-
-ocr page 233-
III. P A R. T I E. L'lV. I.         2 $ I
» ront certainement changer un zele 1707.
» qui ne feroit pas regie felon la
» lcience, en une companion digne
» de vous & d'elles (19).
M. Pollet ne fit pas ces ferieufes ri- cx-
a                    o • 1 >                          1 ' J               Requete dej
Jiexions; & 1111 eut aucun egard aux reiigieufes de
charitables avis qu'on lui donnoit p-R;,aM-de
d.               1                     .... Noailles, an
ans cette lettre j au contraire 11 prit rUjet de ror-
Sour regie de fa conduite celle que <fredonnepar
, . o .., , .             .               - K Ion Eminence
1. de Noailles lui avoit prelcnte a u. Poiiet
dans fa lettre du ■? oc~kobre. Les reli- ^ le"r refu-
r x • • 1                                                  fer les Sacre-
gieules, a qui ll ne manqua ^is de la mens.
communiquer , penetrees de la plus
vive douleur , d'etre privees des Sa-
cremens par leur propre Archeveque ,
& de le voir prevenu contre elles au
point qu'il l'etoit, prirent la refolu-
tion de lui ecrire , pour tacher d'ef-
facer par un expofe iincere de leur
conduite les idees defavanrageufes
qu'on lui avoit donnees. Ce rut dans
(19) Cette lettre eftap-    chant le refits de laftgnx-
paremment celle dont it    ture, felon les regies de
eft parle dans la quinzie-    I'Eglife & de la Morale
me lettre ds Mademoifel-    chretienne : Queflion <k.
le de Joncoux. 11 eft die    examiner ft M. de Paris
qu'elte fut envoiee a M.     a droit de refufer les Stz-
Pollec le 6 ottoSte arec    cremens a la mart, pour
les ouvrages fnivans. Les    le refits de la fignature t.
Chamillardes : la defenfe    Quejlions propofees pour
des reiigieufes de P. R.    difcerner ft les religieufe&
& de leurs DireQeurs :    de P. R. meritent la prt-
Examen de la conduite des    vation des Sacremetts- d
reiigieufes de P, R, ««-    Pa<pie <S- a la mart.
-ocr page 234-
1$Z HlSTOIRE DI PoRT-ROlAt.
cette vue qn'elles fignerent le zo oo
tobre une requete qu'elles hrent pre-
fenter a M. le Cardinal (20).
Cette requete qui contient une
hiftoire abregce des perfecutions cle
P. R. depuis fon commencement ,
mais fur-tout cle la derniere occalion-
nee par la Bulle Vineam , eft une juf-
tification des pins complettes de ces
faintes lilies. L'ordre de leur refufer
les Sacremens , donne verbalement a
M. Poll,;,':, puis confirme par la lettre
du 3 Odtobre , ne leur permettant
plus de demeurer dans le filence, ni
de diflimuler plus long-tems la jufte
douleur 011 elles font, que fon Emi-
nence ait d'elies des fentimens fi pen
convenables a leurs veritables difpofi-
tions & a leur profond refpecl: pour
elles : elles la fupplient tres humble-
ment cle foufrrir , qu'en rapportant
l'extrait de fa lettre , elles tachent
d'effacer les mauvaifes impreffions
qu'on lui a donnees de leur conduite.
» En vo'iant cette lettre, difent les
m religieufes apres en avoir rapporte
» un extrait, il n'y a perfonne, Mon-
(10) Ce fat M. Tero    religieufes de P. R, del
qiti la prefema a M le    Champs , oh bien on vet*-
Card , qui dit en la rece-    rar
vant -Ah, ah ! c'eft des
-ocr page 235-
III. P A R T I E. LlV. I.         1J3
feigneur, qui ne crut que nous 1707.
fommes engagees dans des deregle-
mens fcandaleux que nous ne vou-
lons point quitter, ou dans des fen-
timens manifeftement condamnes
par l'Eglife, & dont nous ne vou-
lons point revenir, malgre toutes
les demarches & les remontrances
qu'une telle lettre fuppofe que vous
aiiriez faites pour nous obliger a
les abandonner.
Elles difent enfuite , qu'il leur au-
roit ete utile que fon Eminence eiit
bien voulu leur expliquer quelles
font ces vieilles fames qu'elle a bien
voulu tolerer , parcequ'elles avoient
iti reparees- & pardonrJes par M. de
Perefixe-
Sur quoi elles ajoutent, que
M. de Perefixe, par fon ordonnance
dont veut parler M. le Cardinal, ap-
prouva leurs fentimens, & les trouva
conforrnes a ceux qui avoient ete ap-
prouves par le Pape , mais il ne taxa
d'aucune faute leur attachement a ces
fentimens : qu'ainfi , li il y a eu quel-
que faute reparie , c'a ete celle du
fcandale que la conduite qu'on avoit
tenue a leur egard avoit caufe.
Elles continuent& difent, qu'il n'au-
roit pas ete moins neceifaire que fon
Eminence leur eut marque en quoi
-ocr page 236-
134 HlSTOIRE DE PoRT-HOlAt.
~°~ conliftoit leur nouvelle defobiijfan-
ce ,
qui I'a fait changer de fentimenl
a leur egard
_, & fur quel point elles
fe font forme une mauvaife confcience.
Elles temoignent leur furprife , fur
ce que la claufe qu'elles avoient ajou-
tee a leur a&e de reception de la der-
niere Bulle, etant lepretexte de tout
ce qu'elles fouffrent depuis un an ,
elles n'ont cependant pu favoir ce
qui deplait a fon Eminence dans cette
claufe , ni ce qu'elle y condamne,
n'a'fant pas juge a, propos de leur
ecrire x ni de repondre a leurs lettres.
II eft vrai que les perfonnes envoiees
par M. le Cardinal, leur ont temoi-
gne que cette claufe deplaifoit a fon
Eminence , fans leur dire precifement
en quoi elle la trouvoit condamnable.
Mais ces perfonnes etoient-elles in-
capables de mal interpreter leurs in-
tentions ? II paroit bien que non. Et
d'ailleurs elles ne pouvoient faire au-
cun fond fur ce qu'on leur difoit de
la part de fon Eminence , puifque M.
Pollet leur avoir dit, comme en a'iant
ordre de M. le Cardinal, » qu'elles
» s'etoient mifes elles -memes dans
» l'embarras & le labyrinte ou elles
» etoient, en ajoutant a la publica-
m tion de la Bulle un a£te que foil
-ocr page 237-
III. P A K f I E. L'lV. I.         2J5
» Eminence ne leur avoit pas de~ 1707.
» mande. Cependant, Monfeigneur,
» difent-elles, c'eft un fait conftant
« & qui a ete aflez public , que M.
» Gilbert votre grand Vicaire , &c
» notre Superieur, nous a fait de-
» mander cet acte de votre part, &
» en a donne le modele (21).
Les religieufes ne s'etoient done
pas mifes elles-memes dans l'embar-
ras, en donnant un acte que M. le
Cardinal ne leur avoit point fait de-
mander , puifqu'elles ne l'avoient
donne que par deference a fes ordres ,
& malgre la repugnance & la peine
qu'elles reflentirent de ce qu'on les
traitoit comme fufpectes, en exigeant
d'elles ce qui n'etoit ordonne ni par
la Balle, ni par le Mandement, &
ce qu'on ne dennndoit pas aux an-
cres Communautes. La fingularite de
cette demande les mit dans la necef-
fite de fe precautionner contre Tabus
qu'on pouvoitfaire de leur certificate
&c d'y ajouter ces mots ,fans deroger
(ill Heft evident par-    M.Marignier,quiontete la
Id que c'eft ta demaiide    caufe deli deit ruction, de
inconiideree d'un certifi-    P. R. , & chatgeront eter-
catouiln'enfalloit point,    nellemetu aux yeux de la
& plus encore le refus    pofterite fon Eminence <hi
qu'a fait M. de Noailles    fang de taut de fain:es
de la reformer , fuivant    fiiies.
1'expcdient propofe pat
-ocr page 238-
1$6 HlSTGIRE DE PoRT-ROlAL.
1707. <* ce qui s'eflfait a notre e'gard a la
paix de I'Eglifefous Clement IX.
Qu'on
juge par cet expofe fimple & namrel
de la conduite des religieufes de
P. R., fi elles etoient coupables &
criminelles, & fi elles meritoient d'e-
tre traitees comme M. de Noailles les
traite dans fa lettre a M. Poller,
cxi.
          Apres cette reponfe fage & judi-
Raifons qui c}eufe aux accufarions renfermees
ne les rel i- dans la letrre de M. de Noailles, les
gieufes de p. religieufes font une hiftoire abregee
R. a ajouter         p                                                                    &
ladau(e/a»w de la perfecution qu'elles avoient ef-
ddroger , &c. fcfo fe^ pann^e , gg^ jufqu'en
166<) , que la paix fut rendue a l'Egli-
fe, & qu'elles furent rerablies dans
tons leurs droits par une ordonnance
de M. de Pererixe. » Depuis ce tems,
>• difent ces faintes filles, nous avions
» toujours jotii de cette paix, qui au-
» roit dii affurer notre etat pour tou-
*> jours. Mais helas ! qui le potirroit
» penfer ? on prend aujourd'hui fu-
» jet de nous faire la guerre de ce
» que , pleines de reconnoilfance
» pour un 11 grand bien-fait, nous
» avons ofe , dans une occafion im-
« portante , en rappeller le fouvenir.
» C'eft-la tout notre crime ". Cette
occafion importante
eft: ce qui fe pafla
au mois de mars 1706, au fujet de la
-ocr page 239-
Bulle Vineam } dont on leur deman- 1707.
da l'acceptation de la part de fon
Eminence, en exigeant un ac~be figne
du Confefleur , 8c un certiflcat de
l'Abbefle, auxquels acTre 8c certiflcat
elles crurent devoir ajouter la claufe
fans deroger_, &c. pour quatre raifons.
La premiere parceque la fingularite
de fa demande leur fit apprehender
que les ennemis de leur maifon n'a-
bufalfent d'une acceptation pure 8c
Ample. La feconde , parcequ'elles
avoient fujet de craindre qu'on ne
voulut, fous pretexte d'une nouvelle
Conftitution , detruire ce qui avoir
etc fait a "leur egard a la paix de Cle-
ment IX. La troifieme parcequ'elles
refpectoient le jugement folemnel
que le faint fiege avoir rendu fur ces
conteftations dans lefquelles on les
avoit engagees malgre elles. La qua-
trieme enfin parcequ'elles avoient
une fentence de M. de Perefixe , qui
rendoit un temoignage authentique a
la purete de leurs fentimens. Voila
les raifons pour lefquelles elles cru-
rent devoir declarer qu'elles fe te-
noient immuablement attachees a ce
jugement. C'eft pour cela qu'en re-
cevant au mois de mars 1706, la nou-
velle Conftitution de Clement XI,
-ocr page 240-
1} 8 HlSTOIRE DIPoRT-ROUt.
elles foufcrivirent en meme-tems a«
jugemenc de Clement IX , qui avoit
fixe ce qu'elles devoient penfer fur
ces matieres. Que pouvoient- elles
faire dans de telles circonftances d^
plus refpe&ueux & de plus prudent,
pour prevenir Tabus qu'on auroit pu
faire de leur fignature ? Les memes
raifons qui les avoient obligees a ajou-
ter la claufeyons deroger dans leur ac-
te, ne leur permettoientpas de l'oter,
& elles n'auroient pu le faire fans pa-
roitre-deroger a la paix de Clement
IX. Apres un tel eclairciflement , il
femble que les religieufes n'avoient
pas befoin de faire leur apologie cen-
tre la conduite qu'on a tenue a leur
egard, fur le faux pretexte , qu'elles
avoient voulu oppofer a la derniere cenf-
titution des reftrictions condamnies par
le jugement de tome VEglife & capa-
bles d'en troubler la paix.
Neanmoins,
pour mieux faire connoitre a M. de
Noailles leur refpe&ueufe foumiflion
f>ourfon Eminence, elles entrent dans
e detail de tout ce qui s'eft pafle de-
puis leur a£te du mois de mars 1706,
elles rapportentfuccindtement les pro-
cedes violens dont on a ufe a leur
egard , & la maniere fage & moderee
dont elles fe font toujours conduites.
-ocr page 241-
III. Partiz.Liv. I- 2.39
Elles expofent le trifte etat ou elles fe 1707.
trouverent reduites , privees de per-
fonnes en qui elles pufTent avoir con-
fiance lorfqueM. deNoailles leur eut
6te leurs ConfeiTeurs auxquels il fubf-
titua deux Pretres de S. Nicolas, &
que pour comble d'afflicHon , il donna
ordre aM. Pollet (12) de leur refufer
la fainte Communion. " Les paroles
" nous manquent, Monfeigneur, di-
» fent ces faintes filles , pour expri-
»> mer quel fut notre eronnement &
» notre douleur de voir que fans que
" votre Eminence nous eut marque
» en quoi elle nous trouvoit crimi-
» nelles , elle vouloit nous traiter
v comme fi nous euffions ete juridi-
» quemenr convaincues des crimes
» les plus fcandaleux « , & cela, fans
meme qu'on eut garde a leuf egard
aucune des formalires que l'Eglife a
jugees neceflaires avant de decernec
line peine ii rigoureufe contre ceux
qui la meritent par leurs crimes 8C
leur opiniatrete invincible dans leurs
egaremens.Et avant meme que d'en ve-
(ij) M. Pollet fut tres    s'emporta beaucoup con-
meccmtent de ce qui etoit    tre les religieufes, &c die
dit de lui dans cere re-    qu'il y avoit en France
quete ; il en fit des plain-    affey ie Jefuitespour v«i-
re« tres vives en parlant   ger fa caufc.
i M. le Cure de Milon ; il
-ocr page 242-
240 HlSTOIRE DePoRT-ROIAL.
nir a cette extremite, que ne fait-elle
point pour les rainener ? Non-feule-
ment elle leur marque d'une maniere
claire & precife, en quoi elle les trou-
ve coupables, mais elle leur reitere a
differentes fois & en differens terns
fes remontrances, afin de leur donner
tout le tems neceflaire pour eclaircir
leurs difficultes , pour prouver leur
innocence, fi les plaintes qu'on a por-
tees contre eux font injuftes; ou enfin
pour rentrer dans la bonne voie, s'ils
ont eu le malheur de s'en ecarter.
L'Eglife d'ailleurs , pleine de charite
pour fes enfans , eft bien eloignee
d'arracher de fon fein ceux qui n'aiant
que desfentimens conformes aux fiens
fur la foi & fur les mceurs, refufe-
roient , par la feule crainte de blef-
fer leur confcience, ce qu'on leur de-
manderoit fur des queftions & des
matieres inutiles a. leur etat. Quand
mcme leur confcience feroit erronee
a l'egard de ces fortes de matieres qui
ne regardent ni la foi ^ ni les mceurs ,
& qu'ils pourroient, s'ils etoient plus
eclaires, acquiefcer a ce que leurs Su-
perieurs leur demandent , l'Epoufe
de Jefus-Chrift ne retrancheroit pas
des ames foibles & fcrupuleufes, qui
feroient foumifes dans tout ce qui eft
isiTentiel & necelfaire.
                 VoiU
-ocr page 243-
III. Pahtij. Liv. I. i4*
Voila quelle eft la conduite de l'E- 1707.
<dife. Eft-ce celle qu'on a tenue a l'e- cxii.
card des religieufes de P. R. ? Pour ja "conduite
faire voir que ces vierges cnrenennes q«e »tgiifa
/ •          1          111 „ i        1 r 1 >• r tient avcc les
etoient des
rebelles & des defobeif-erfa'T'&d
fantes , telles qu'on les vouloit fairecdle <)ue l'°'
palter, 11 auroitrallu du moms prou-iesieiigx^.-s
ver Tune de ces deux chofes , ou que dc v- K<
la claufe fans deroger 3 &c. qu'elles
avoient jointe a leur acfce, & qu'elles
refufoient d'oter , contenoit des fen-
timens contraires a la foi, aux bon-
nes mcEurs , & a l'obeiifance due aux
decifions de l'Eglife, ou que les Supe-
rieurs font en droit d'exiger en rou-
tes chofes une obeiflance aveugle des
fideles qui leur font founds.
Les religieufes de P. R. apres s'etre
ainfi juftihees , temoignent a M. le
Cardinal la confiance qu'elles ont ,
qu'ai'ant connu la conformite de leurs
Jentimens avec ceux de l'Eglife , 3C
leur parfaite foumillion aux decifions
de cette fainte mere, bien loin de
lancer des anathemes contre elles ,
pour punir une pretendue defobeif-
fance, il reprendra a leur egard les
fentimens d'un pere plein de bonte ,
& que touche de leur etat il apporte-
ra un prompt remede a leurs maux.
Enfin elles concluent a ce qu'il
Tome IX,
                      I,
-ocr page 244-
14.% HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
1707. -plaife a fon. Eminence d'agreer pour
leur ConfefTeur l'un des deux Eccle-
fiaftiques qu'elles lui ont demandes,
de les laiiTer jouir de la liberte qu'ont
routes les autres Communautes reli-
gieufes du Diocefe de fe confeflfer a
tous les Pretres approuves pour les re-
ligieufes, ne les plus inquieter fur
l'ufage libre des Sacremens , ou leur
declarer d'une maniere nette & preci-
fe en quoi fon Eminence les trouve
criminelles & indignes d'y participer.
Enfin elles le fupplient tres humble-'
mentde commettre une perfonne pour
affifter a l'eledtion d'une AbbefTe. C'eft
la grace qu'elles attendent de la jufti-
ce & de la bonte de fon Eminence ,
en 1'afTurant que rien ne fera capable
de diminuer leur refpecl pour elle, &
qu'elles ne cefTeront jamais d'offrir
leurs prieres a Dieu pour fa confer-
vation (23).
La requete dont nous venons de
parler fut prefentee a M. le Cardinal
de Noailles le jeudi zo octobre. Le
23 du meme mois les religieufes ri-
rent encore par a&e capitulaire un
expofe des motifs pour lefquels elles
avoient ajoute la claufe fans diroger y
(13) Voiez cctte requete cntiere , T. 4.. des Mc-
lijoires hift. p. 47J , 503.
..
-ocr page 245-
III. P A r.t IE. Liy. I. 14$
6ic. a Fade de reception de la dernie- 1707.
re Conftimtion. Comme ces motifs
font les memes que nous avons deja
eu occafion de rapporter ailleurs ,
nous n'en parlerons pas ici (14), non
plus que de certaines negociations
qu'il y eut vers ce tems pour un ac-
commodement, parcequ'elles n'eurent
point de fucces (15).
Les Religieufes de P. R. n'ai'ant cxxtt;
recu aucune reponfe de M. le Cardi- JJ^g^
nal, crurent pouvoir approclier de la mens fait aux
fainte Communion, ne fe regardant Pe_ ^'eu es e
comme liees ni devant Dieu, ni de-
vant les hommes, par l'ordre injufte
qu'il avoit donne a M. Pollet. Elles
voulurent done s'y prefenter le jour
de la Fete de tous les Saints. La mere
Prieure s'etant prefentee la premiere,
le Pretre la communia , & alloit com-
(141 Ibid , p. 507.            bre depuis par fon zele
(ir) M. Moi'na, Con-    contre une piece qui a
fcfreur de Gif, homme de    caufe & caufe encore tanc
bicn , mais dont les lu-    de troubles dans l'Eglife ,
mieres n'egaloient pas la    amige de voir l'etat ou
piete , alia a P. R. vers le    etoient reduites les reli-
18 o&obre, 5c ofFrit fa    gieufes de P. R. vouluc
mediation a la mere Prieu-    audi faite des propofitjons
re , pout procurer un ac-    d'accommodement; mais
commodement , mais el-    la tentative de ce refpec-
lc ne fut point acceptee.    table Abbe , ( M. deBra-
Mim. kijl. T. 4. p. jo;,    gelongnc) n'eut pas plus
Aumoisde novembre fui-    de fucces que celle de M.
vant, un homme plus im-    Moraa. lb. p. 505.
yoitant, 6c devenu cele-
Lij
-ocr page 246-
244 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
"1707. munier la fuivante j mais celui qui
l'accompagnoit 1'aiani averti que c'e-
toit une religieufe du chceur, il ne
lui donna pas l'Euchariftie. Ce Pierre
etoit M. Chevrolar , qui fans cet
avertiiTementauroit continue decom-
munier celles qui fe feroienr prefen-
rees comme il le temoigna depuis.
1] faut lui rendre la juftice de conve-
nir qu'il parur toujours difpofe aadou-
cir les peines de ces pauvres filles.
Les religieufes dreilerent un acte
de ce refus , & prefemerent requete
a l'Official de Paris, pour obtenir la
permiilion de faire alligner ce Pretre
en reparation de fcandale. L'Official
apres avoir garde cette requete quel-
ques jours , la rendit, en difant que
ion Eminence la repondroit elle^me-
rne. Mais quelle juftice pouvoit-011
attendre de ce Prelat, qui avoit pris
de malheureux engagemens , qu'il
etoit refolu de pourfuivre ?
cxiv.
         Le deflein de ion Eminence, corn-
M.rleNoail-                 .,                      ,- ,               ,              n
les fait faire me on 11 vu par ia iettre du 3 octo-
des fomma-bj-g etoit d'en venir a une interdic-
rions aux re- .          . _                         ,                         , ,
HgieufesdeP. tion des Sacremens plus que verbaie;
&• ._ & la requete ii touchante & fi con-
iionnee & cet vaincanre que les religieuies lui pre-
tdet par m. fen£erent le 2.0 odobre, bien loin de
au ficur poi- faire changer ce Prelat, n'avoit fait
-ocr page 247-
III. Par tie. Liv. 1. Itf
que le confirmer dans fa reTolution.
Mais comme le droit exige que les
peines canoniques foienr precedees
de monitions & fommations , M. le
Cardinal ne voulant plus difFerer cet-
te Sentence d'interdit des Sacremens,
refolut de leur faire faire au moins
auparavant quelque fommation cano-
nique. II en donna la commiffion a
M. Poller, qui avoit pafTe les Fetes a
Paris, & etoit revenu le 5 novembre
a P. R. des Champs. La commiffion
datee du jour de fon depart, etoit
ainii concue : " Nous avons commis
» & commettons le fieur Pollet, Vi-
» caire de faint Nicolas du Chardon-
* net,pour entendre encore one fois
» les r'eligieufes de P. R. des Champs,
» chacune en particulier, au fujet de
» la Conftitution de notre S. Pere le
« Pape du mois de juillet 170 5 j les
» exhorter &c fommer de notre pare
" de s'y foumettre purement & fim-
" plement, comme ont fait routes les
» Communautes de notre Diocefe ,
" fous les peines contenues dans la-
» dite Conftitution, dreiTer proces-
» verbal de leurs reponfes , pour le
" tout a nous raporte, erre ftatue ce que
V de raifon. Fait a Conflans le 5 nor
" vembre 1707. Sig. Louis Antoine,
L iij
-ocr page 248-
i-4^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
1707. » Cardinal de Noailles Archeveque
» de Paris.
Cette commiffion n'etoit ni con-
trefignee du Secretaire de fon Emi-
nence , ni fcellee de fon fceau, & n'a-
voit pas ete donnee fur la requisition
du Promo teur. Ainfi elle ne pouvoit
£tre regardee comme un a&e valide,
qui donnat pouvoir au fieur Pollet de
fake des monitions ou fommations
canoniques. Mais independemment
de ces nullites, la conduite irregulie-
re du fieur Pollet dans Pexeeution de
fa commiffion, rendit encore nulles
ies fommations qu'il fit aux reli-
gieufes.
cxy.          Car i°. il pafTa fes pouvoirs. En
w™tToiteS effet !e fieur Poller aiant "^u fa
fekes par le commiffion le 6 novembre, il parla
few Poll*. aux religieufes le ? & le 8 & les
fomma de recevoir la Constitution
purement & {implement, & d'oter la
claufefans deroger , &c, de leur certifi-
cate La commiffion portoit, qu'il fom-
mat les religieufes de P.R. des Champs
de recevoir la Bulle comme avoient
fait toutes les Communautes du Dio-
cefe j or les Communautes du Dioce-
fe n'avoient fait qu'entendre la lec-
ture de la Bulle, fans donner de cer-
tificat de fa reception. Le fieur Pol-
-ocr page 249-
III.Partib. Liv. I. H7
let devoir done , pom: fe renfermer 1707.
dans les bornes de fa commiflion, trai-
ler les religieufes de P. R.des Champs
comme les autres Communautes du
Diocefe, leur rendre leur certificat,
& fe contenter qu'elles entendiflent
la lecture de la Bulle : ce qui etoit t
(comme nous l'avons vit ) le projet
de M. Marignier. M. Pollet exigea
plus. II pafla done fon pouvoir.
i°. II y eut encore d'autres nullites PfY1/ .
\ iw        1 j             v           lit          '               Kulhte du
a 1 egard du proces-verbal. Les repon- Pr0ces - vet-
fes des religieufes furent, qu'elles ne bal-
pouvoient oter la claufe/a?25 diroger,
6'c.
fi on vouloit qu'elles donnaflent
un certificat} elles ajoutoient qu'on
ne devoit point leur demander de cer-
tificat , puifque felon fa commiffion
meme , elles devoient etre traitees
comme les autres Communautes, aux-
quelles on n'avoit rien demande de
femblable. Le fieur Pollet drefla la-
delTus fon proces-verbal, qui ne fut
ni figne de la Communaute , ni de
deux temoins a leur defaut. Les reli-
gieufes offrirent neanmoins de le Ci-
gner, s'il vouloit leur en laiffer un
double figne de lui, mais il le refufa:
fur ce refus , qui rend un Officier
fufped, les religieufes refuferent avec
raifon de le figner j & il fe contents
L iiij
-ocr page 250-
24S HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1707. de prendre la fignature du iieurEfco-
lan(z<s), qui ne fut prefent qu'a une
parrie de la lecture. Enfin ce proces-'
verbal ne fut point fignifie aux reli-
gieufes par ecrit, ni autrement uii trois
fois, ni meme une, quoiqu'il eut du
1'etre trois fois , avec les delais necef-
faires, pour pouvoir fervir de mo-
nitions , ou lommations canoniques-
& juridiques.
exvn. Le refits que M. Pollet fit de don-
Uiredes reil-ner copie de fon proces-verbal aux
gieufes. religieufes de P. R. , leur donna la
penfee de faire un ac5te capitulai-
re (27), dans lequel elles expofent
elles-memes leurs vrais fentimens.
Elles rapportent d'abord dans cet acte
les accusations formees contre elles au
fujet de la Conftitntion du Pape Cle-
ment XI par des perfonnes *nal in-
tentionnees, qui ont furpris la reli-
gion de fon Eminence M. le Cardi-
nal de Noailles Archeveque de Paris ,
(16) C'ecoit un PrStre    Sieur Chcvrolat ai'ant
da Diocefe de Nantes ,    confomroe leur million ,
digne de templacer les    partirent de P. R. des.
deux Pretres de S. Nico-    Champs 1c 9 novembre ,,
las du Cbardonnec, aux-    & le fieur Efcolan refta,
quels il fucceda , & qu'il    en qualite de Chapelain.
furpafla. Il fignala ainfi (17) Voiez cet aete , T.
Ion entree en fignant un    4. des Mem., bill. p. 5,1 <; y
proces-verbal fans l'avoir    513..
lu. Le fieur Pollet 8c le
-ocr page 251-
III. P A R TIE. ItV. I.        ±4$ _____
qui en a pris fujet de leur faire pin- i -?c
fieurs mauvais traitemens. Elles de-
clarent enfuite, qu'a'iant re^n la Conf-
t ration & le Mandement, elles one
pleinement fatisfaitatout cequi etoit
prefcrir par cette Conftitution & ce
Mandefnent, favoir, qu'elles ont en-
eendu la lecture de l'un & de Pautre
a la grille de lenr choeur, y etant rou-
tes aifemblees , & la plupart meme a
genoux j qu'elles fe font conformees
a ce que les autres Eglifes du Diocefe
on fait an fujet de ladite Conftitution ;
qu'elles one execute tout ce qui etoit
prefcrit par le Mandement ; qu'elles
ont encore fait plus que les autres
Eglifes du Diocefe , etant les feules
avec les religieufes de Gif,qui aienr
donne deux certiiicats , l'un ngne par
leur AbbefTe , l'autre par leur Confef-
feur, pour attefter que la Bulle & le
Mandement ont etc lus a la grille ,,
& que la Bulle a ete recue avec ref-
pec"b 5 qne pour mieux faire connoitre
leurs fentimens, & eloigner tour foup-
con fur la purete de leur foi , on a
ajoutedans ces certificats, qu'elles r\e
derogeoient point a ce qui s'etoit fait
a leur egard a la paix de l'Eglife fous
Clement IX, e'eft-a-dire, qu'elles de-
meuroient toujours dans les mcraes
/
-ocr page 252-
1 5 O HlSTOIREDE PoRT-ROlAT..
Wtimens, que Melleigneurs !es Eve-
ques d'Alet, de Beravais, d!Angers,,
de Pamiers , que les dix-nenf Eve-
ques dans leurs lertres au Pape & au-
Roi, & que M. de Petefixe lui-me-
me dans la Sentence rendue en leur
faveur ont affure ctre leurs fentimens,
ceux des Theologiens & de l'Eglife „
& que ie Pane Clement IX a approu-
ves & reconhus pour tels ; que com-
me dans ladite Conftitut'ion de notre
S. Pere le Pape Clement XI , il s'agit
des memes queftions agitees & deci-
ders clairement a la paix de l'Eglife
fous Clement IX , elles ont cru en
recevantla nouvelle Conftitution, de-
voir rappeller cette paix, pour faire:
connoitre leur fidelite a s'attacher aux
decifions de l'Eglife , etant perfuadees
qu'elle ne varie point dans fa doctri-
ne, & qu'elle ne pent pas obliger fes
enfans a croire dans un tems, ce qu'el-
le a declare dans un autre qu'ils n'eV
toient pas obliges de croire} que c'eft
neanmoins cette declaration qu'elles
ont faite que leurs fentimens font
aujourd'hui les memes que ceux.
que l'Eglife a approuves en \G6<) ,
que quelques perfonnes veulent faire
palfer pour uiie rejtriclion condamnea
par le jugement de tcute l'Eglife
&
-ocr page 253-
III. PARTIE. L'lV. I.       25I
capable d'en troubler la paix.             1707.
Eiles declarent de plus , que M.
Firmin Poller, Pretre de S. Nicolas
du Chardonnet, les aiant voulu voir
toutes en particulier les 6, 7, & 8 ,
du prefent mois de novembre 1707 ,
fans aucun ordre juridique ni en for-
me, mais feulement avec un ordre
fimple par ecrit de fon Eminence M.
l'Archeveque de Paris , pour les in-
terroger fur les matieres fufdites, ei-
les y ont entierement defere & repon-
du conformemenr a cette declaration,
fans neanmoins que leurs reponfes &c
leurs fignatures particulieres leur puif-
fent etre prejudiciables : qu'elles one
juge necelTaire de faire cet adle de
declaration pour etre fignifie en tout
ee qu'il contient audit fieur Pollet,
1'aiant ainfi arrete en leur Chapitre
& figne de toutes pour etre un te-
moignage public & authentique de
la purete de leur foi & de leurs fen-
timens, de leur lidelite a fe tenir atta-
ches aux decisions de l'Eglife , & de
la maniere dont elles ont recu la
Conftitution de notre S. Pere le Pape
Clement XI , & le Mandement de;
M. l'Archeveque.
Cet a&e fut drefle par les reli—
gieufes le 8 novembre , & fignifie le
L vj
-ocr page 254-
Z <jZ HlSTOIRE DE PoRT-ROl At.
lendemain a M. Pollet, parlant a fi
perfonne , par J. B. Floquet, Sergent
general de l'Amiraute de France , re-
fidant a Chevreufe, qui lui en laifla
copie. Le meme jour M. Pollet alia
a Paris pour rendre compte a fon Emi-
nence de l'execution de facommiffion,
lui en porter fon proccs-verbal , &
Paite que les religieufes venoient
de lui faire fignifier. Monlleur Pollet
muni de routes ces pieces n'eut pas.
de peine a. lui prouver que les reli-
gieufes etoient fermes dans la refo-
lution de ne pas retrancher la claufe
fans diroger. Son Eminence, a la vue
de preuves fi convaincantes , n'en
douta point , & refolut d'interdire
publiquement les Sacremens aux reli-
gieufes , par une Sentence qui les de-
clarat contumaces & defobeiffantes
aux Conftitutions apoftoliques. Elle
fut lignifiee le zz novembre au foir,
a la mere Prieure par le Vicaire de
Magni : il etoit acccmpagne de l'Ec-
clenaftique (28) refident a P. R. des
Champs par ordre de M. de Noail-
les, &c an Bourelier de Magni, qui
fignerent Tun & l'autre comme te~
moins. Voici cette fameufe Ordoa-
Ci8) le Sieur Eftolant
-ocr page 255-
III. Part lb. Liv. I. 15 j
nance il deshonorante pour M. de 1-707*
Noailles (19).
» Lours - Antoine de Noailles , cxviii.
1. ,-r*         r~\ • •         /~i 3' 1 Ordonnancs'
a permititon Divine Cardinal do Monfieur
« Pretre de la fainre Edife Romai- 4e .^°?illes
i                  i r •          * r ■ r 1 hgmnec le 12
"  ne , du tnre de iamte Mane iur la „ov. aux «-
»  Minerve , Archeveque de Paris, Jjs»eufcs ^e
»  &c. fur la requete a nous preien-champs rpar
*>  tee le 20 ocbobre de la prefente laTacllfl[ 'cs
/                                    1 rv •                       1- Pnvc* "es **"""
" annee 1707, par les Prieure , reli - aemcus..
» gieufes & communaute de P. R.
» des Champs Ordre de Citeaux ,,
» tendante a ce qu'il nous plut leur
" lailTer la liberte de nous prefenter
» leurs ConfeiTears ordinaires, leur
» permettre l'ufage des Sacremens, &:
" commettre quelqu'un pour affifter
» en norre nom a 1'elecHon d'une
» AbbeiTe^o). Vulecertiricaten date
(19) Vo'iez les Obferva-    de I'expofe ou l'enonce.du1
tlons fur cette ordonnan-
    pretendu crime des reli-
ce , dans les Memohes fur
    gieufes de P. R. felon
la deftruction de P. R. pi
    qu'il tefulte du vu dc&
309 , }fi* Les memes ob-
    pieces. La troilleme Is
ii-rvations fe trouvent, p.
    prononce de la peine. i°.
?^8,.?9i ,.du T. 4. des
    A l't-gard du vu des pie-
Mem, hift. , avec les re-
    ces, il eft certain qu'il ne
flexions de M. Pinaulc
    faur fairc aucun fond fur
fur la mtille ordonnance ,
    les proces - verbaux des-
p. ^.)5 , ?(8 (Lesobfer-
    fieurs Vivanr £c Poller ,
vations four de M, Ma-
    n'etant point fignes, nfe
bille ).
                                  par confequent avout-s des;
(jo) On pent divifer    religieufes Quanr aux au—
cette ordonnance en trois    ties pieces dont l'ordon-
partics. La premiere eft le    nance lair l'enumeration ,
vu. dej pieces. La. {ecoiir    il eft. vilible rjiie M., fe.
-ocr page 256-
2 54 HlSTOIR.ED-EPoRT-R.0lAt,
"  du 22 mars du fieur Marignier,
»  Pretre ConfeiTeur ordinaire defdi-
"   tes religieufes , & rnis au bas de
»  notre Mandement du 20 feptem-
»  bre 170 5 , pour la publication de
»  la Conftitucion de notre S. Pere le
»  Pape du 16 juillet 1705 , par le-
»   quel certificatleditfieiu" Marignier
»  declare qu'il a public a. la grille de
»  l'Eglife de i'Abbai'e de P. R. des
»  Champs notre Mandement avec
»  les Bulles & les Confutations y
«  jointes, & que lefdites religieufes
"  lui ont declare qu'elles recoivent
»  avec le refpecl: du a Sa Saintete &
m  a nous , yS/z^ diroger a ce qui s'ejl
»  fait a leur egard a la paix de I' E~
»  glife fous Clement IX (31), la let-
Catdinal n'a trouve a y
reprendre que la claufe
fans diroger.
(;?) Cctte claufe feule
eil le prctendu crime des
religieufes de P. R. M. de
Noailles lui-meme le re-
duit a cela dans la fecon-
de partie de fon ordon-
nance ; ainli il etoit inu-
tile qu'il fit une fi longue
Enumeration de pieces ,
fur lefquclles il ne peut
faire aucun reproche , n'y
trouvant uniquement a
redire que la claufe rap-
portee. Quoique M. de
NoaiUei traite (i dure-
ment les religieufes de
Pcrt-roial, a caufe du re-
fus de rettancher cetre
claufe, i! ne la qualifie
ni d'heretique , ni d'erro-
nee , ni- r>eme de faulTe.
Oii feroit en eiFet l'he-
refie ,. l'erreur ou la fauf-
fete de dire nu'on ne veut
pas deroger a ce qu'a fait
Clement IX pour la paix
de l'Eglife , il ce que ce
Fapc a fait n'cft ni her£-
tique , ni errone, ni faus?
M. de Noailles n'a done
pas ofe dire que cette
e'aufe fut fauffe j au con-
traire, il a lueme fupgofe
-ocr page 257-
III. Partie. Liv. I. 2.55
» tre que la mere Elifabeth cle fainte
» Anne, AbbeiTe cludit monaftere ,
» nous a ecrite ledit jour 11 mars ,
« pour nous certifier la reception cle
*> ladite Conftitution & de notre
» Man dement, avec lafufdite clanfe
« & reftricHon : autre lettre du zo
" juillet 1706,par laquellc les Prieure
» & religieufes nous marquent, que
qu'elle etoit vtaie en elle-
meme , puifqu'elle fe ik-
duit a ne vouloir point
deroger au Btef de Cle-
ment IX-, & qu'il fuppo-
fe dans le meme endroit
qu'il n'y a lien que de
vrai dans le Bref de Cle-
ment IX du 15 Janvier.
Comment done une clau-
fe qui rappelle un Bref
dans lequel il n'y a rien
que de vrai , pourroic-
elle etre fauffe ! Pat la
meine raifon on ne pent
point dire , comrne le fait
M. de Noailles, que eette
claufe foit illufoite , te-
meraire , injurieufe an
faint Siege , ni qu'elle ca-
che des fentimens con-
traires a la Bulle Vineam.
Mais les Jefuites ennemis
declares des Arnauld Sc
de P. R. d'ou etoient
fortis tant dlecrits acca-
blants pour eux, avoient
jure fa peite , Sc avoient
perfuade a Louis XIV que
cette maifon etoit Janfe-
niite. M. le. Cardinal iio'a
malheureufement persua-
de qu'il y avoir des JanL
fcniltes , £c envifageoit
comrne relies les religieu-
fes de P. R. L'envie d'ex-
tirper dans P. R. cette
chimerique bereiie , 5c de
deferer aux volontes da
Roi en fatisfaifant a fa
ccnfcience erronee fur cet
article , lui fit voir l'er-
reur dans le fein de la
faintete 8c de l'orthodcr-
xie ; 8c fans s'affujettic
fcrupuleufement aux for-
mality , il fit quelques
procedures informed pour
parvenu a fevircontre ces
fainres filles. Heureux,s'il
eut examine par lui - ma-
me , mais Dieu permit
qu'il s'en rapportat a des
ignorans ou a des gens
feduits 8c gagnes , 8c la
droiture de ies intentions
ne fervit qu'a le rendre
le perfecuteur d'un Mo-
naftereprecieux aux yeux
des hommes 8c de Die.U:
meme.
-ocr page 258-
2 5 6 HlSTOIRE DE PoRT-KOlAI.
1707. " quoique le fieur Gilbert leur Sir--
» perieur & norre Vicaire general %
» leur ait ete envoi'e de notre part
» pour les exhorter a re'cevoir ladite
» Conftitutiou purement & fimple-
»• ment & fans aucune reftridtion
» quelconque , cependant elles ne
» peuvent en conscience .la recevoir
» fans l'exception & reftridtion fiif"
» dite : lettre du 30 Janvier 1707 ,
» par laquelle lefdites Prieure & re~
» ligieufes paroiflent toujours dans
» la merae difpofition 5 le Bref de
» Clemenr IX du 19 Janvier 1 G6<) :
r, l'Ordonnance de M. de Perefixe ,
« un de nos predc-cefleurs du 17 fe-
» vrier 1669 : le proces-verbal de
» viiite fait par le fieur Vivant,
« Dodteur de Sorbonne , penitencier
« de notre Eglife de Paris , & notre
?> grand Vicaire , que nous avons
» commis pour viiiter ledit monaf-
» tere, tant au fpirituel qu'autempo-
» rel, qui a reprefente fortement aux-
» dites relig+eufes , que fi elles ne
« joignent a leur purete & a leurs-
» mortifications & aux autres vertus
» de leur etat qu'elles pratiquent*"
r> exadtement, une obeifTance parfai-
» te & une fouimffion entiere a la
» dodtrhie de l'Eglife\ leurs. lampes-
-ocr page 259-
III. P A R. TI E. Liv. I.         157
fe trouveroient eteintes a 1'arrivee
de l'epoux, elles n'entrerpnt point
avec lui aux noces , & la porte leur
fera fermee : oui le rapporr du fieur
Pollet, Vicaire de faint Nicolas du
Chardonnet, que nous avons en-
voie plufieurs fois audit monafte-
re pour continuer les exhortations
commencees par nofdits Vicaires
generaux , donner auxdites reli-
gieufes des confeils de falut & tous
les fecours neceffaires, & en cas de
refus de fe foumettre a ladite Conf-
titution, les fommer de notre part
de larecevoir fous les peines y con-
tenues : vu le proces-verbal que le-
dit fieur Pollet a fait a fon dernier
voi'age les 7 & 8 de ce mois, par
lequel il paroit que nonobftant les
fommations & monitions reiterees
par led. fieur Pollet, lefdites Prieu-
re & religieufes perfiftent dans leur
reiiftance , & que par un aveugle-
ment deplorable elles croient ne
pouvoir en confcience & fans of-
fenfer Dieu obeir a ceux qu'il leur
a donne lui-meme pour conduire
leurs confciences 5 l'afte capitulai-
re defclites religieufes & commu-
naute du 2 novembre fignifie le
mane jour, par lequel a6te lefdites
1707.
sanii-.T
-ocr page 260-
1 5 8 HlSf OIRE t>t PoRT-ROlAI..
»  religieufes coniirment avec une
»  nouvelle opiniatrete leur premiere
»  resolution , la Conftitution de no-
»  tre S. Pere le Pape Clement XI, du
»   16 juillet 170 5, notre Maildement
"  en confequence du 30 feptembre
" !7°5 '■>
» ReconnoilTant par tomes ces pie-
» ces, & encore pins paries propres
» adtes des religieufes qui tous ne
» marquent que de la prefomption
« & de l'entetement, aulieude Fhu-
m milite & de 1'obeiiTance que leur
» profeffion demande d'elles; qu'elles
« refufent de fe foumettre purement
« &MTipIement a ladite Conftitution,
33 comme ont fait routes les commu-
« nautes de notre Diocefe, meme la
« Facnlte de Theologie de Paris, fi
» remplie de fcience & de piete, &i
" depuis , toutes les Univerfites du
>' Roiaume & toutle Clerge deFran-
« ce j que la reftridtion que lefdites
« religieufes ont mife a ladite Conf-
» titution eft illufoire , puifqu'elle
« ne tend qu'a. eluder la loi (31),
(31) La claufe des reli-    &: ne tend point a eluier
gieufes de P. R. qui rap-
    la loi , c'eft a-dite la Bul-
pelle la paix de l'Eglife
    le Vineam, a moins qu'on.
fous Clement IX , n'eft
    ne fuppofe que cetce Bul-
poinc illufoire comme le
    le ell contraite au Bref de
pretend M. de Noaiiks ,
    Clement IX , mais M. it.
-ocr page 261-
III. P ARTIE. LlV. I.        10
» temeraire (33), injurieufe au faint
» Siege (34) puifqu'elle fuppofe qu'il
» y a de la contradiction (35) entre
1707.
Cardinal allure apres le
Pape , qu'il y a line par-
faite conformite entre ces
deux aitcs ; rappeller Fun
de ces a£tes dans une clau-
fe , n'eft done pas eluder
l'autre fuivant M, le Car-
dinal lui-menie.
(5 j) La qualification de
temeraire ne convient pas
plus a la claufe des reli-
gieufes de P. R. que celle
d'illufoire : comme il n'y
a point d'illufion a rap-
peller le principe du Bref
de Clement IX &c de la
paix de l'Eglife , il n'y a
point de temerite a rap-
peller ce meme principe
qui avoit ete approuve
par le Pape agiilant avec
grande fageffe &c circonf-
pefiion, comme Clement
IX avoit agi dans ceue
affaire.
(54) Comment une clau-
fe , qui marque le ref-
pe& des retigieuf.s pour
le Saint Siege , a t-e!le pu
erre regardee par fon Emi-
nence comme injurieufe
au Saint Siege ?
(;(} Il ell faux ( qu'il
foit permis de le dire )
que cette claufe fuppofe
de 'a contradiction entre
le Bref 8c la Bulle ; mais
ce qu'elle fuppofe e'eft que
la Bulle n'eft pas Ci claire
que le Bref dans fon pro-
jionce, 6c qu'on pent abu-
fer de cette obfeurite com-
me effe&ivement on en
abufoit, 8c comme on en
abufe encore aujourd'hui,
en pretendant que la
creance du fait eft necef-
faire pour rendre aux
Conftitutions la foumif-
fion qui teur eft due. M.
de Fenelon en abufoit
pour etablir la pretendue
infaillibilite de l'Eglife
dans la decifion des faits
doctrinaux. Mais quand
bien meme la claufe au-
roit fuppofe de la con-
tradiction , feroit-ce un
crime allez grand pouc
imerdire les Sacremens a
des Vierges chretier.nes ?
Les Papes font ils incapa-
b]es de fe contredire ?
manque t-on d'exemples
qui prouventle coutraire >
Cependant les religieufes
n'ont point fuppofe de
contradiction entre le Bref
de Clement IX 8c la Bulle
de Clement XI , car 6.
elies I'avoient fuppofe el-
les n'auroient point recti
la Bulle j elies n'etoient
pas filles a deguifer 8c a
mentir en recevaut une
Conftitution qu'elles au-
roient cru contraire a un
Bref qu'elies refyecloient.
Lorfque M. de Noailles
publia fon appel de la
Bulle Unigenitus, le X4
feptembre 1718, piufieui's
-ocr page 262-
l6o HlSTOlRE DE PoRT-ItOlAt.
»  le Bref de Clement IX du 19 jan-
»  vier 1669 , &: la Conftitution de
»  Clement XI, quoique le Pape de-
»  clare qu'il y a une conformite par-
«  faite entre ces deux a(5tes & tous
»  ceux qui font emanes du S. Siege
»  apoftolique fur cette affaire , dont
»»  la Bulle eft une confirmation. En-
«  fin que fous cette reftri&ion lefdi-
*>  res religieufes cachent des fenti-
"  mens manifeftement contraires a
w  ladite Conftitution (36) : na po'u-
corps y adhirerent; plu-
fieursle fircnt avec cette
claufe , fins deroser d lew
adhejion a I'appeldes qua-
trc Eveques ;
la Sorbon-
ne le fit ainfi. Cependant
fon Eminence ne s'eft
point choquee de cette
ciaufe comme S e!le eut
ete injurieufe & fon fiegc
ou & (a perfonne, ou com-
me fi on eut voulu dire
que fon appel etoit con-
tradicioire & celui des qua-
tte Eveques. Cela vouloit
dire feulement qu'il etoit
moins fort & moms clair
contre les defauts inuin-
feques de la Conftirution
que celui des quatre Eve-
ques.
(;6) M. de Noaillesn'a
pu accufer les religieufes
de P. R. de cacher des
fentimens manifeftement
tontraires a la Bulle de
Clement XJ,, qu'en fup-
pofant que cette Bulle de-
cidoit manifeftement I'o-
bligation de croire le fait;
car fon Eminence ne pou-
voit ignorer que e'eroit le
refus feul de s'engager a
la creance de ce fait, qu'cl-
les cachoient fous la clau-
fe fins deroger. Ces fain-
res titles n'auroient jamais
fait aucune difficulte fur
le droit. Toutes les pei-
nes qu'elles avoient fur
cette Conftitution. ne re-
gardoient que le fait, He
{'obligation qu'elles ap-
prehendoient qu'on ne
voulut leur impofer de
croire ce fait. Pourquoi
M. de Noailies, au lieu-
de s'envelopper dans de
grands tetmes generaux r
ne leur parloit-il pas clai-
rement dans ce qu'il de-
mandoit d'elles > Ou ce
Prelat croi'oit la creance
du fait d'obligation » qul
-ocr page 263-
III. P AR TTE. LtV. I.         2tTl
■>» vant plus efperer que des ames ,
» qui s'appuient fur leur propre pru-
" dence contre le confeil de Salo-
» mon , & fonr fages a leurs propres
" yeux, fe foumerrent aux lumieres
" 8c a la fagefle de 1'Eglife, a qui
» elles refufent une foumiffion qu'el-
" les rendent a. des Do&eurs que
» Dieu ne leur a point donnes, qu'el-
» les n'ont eu que par leur propre
» choix, & qu'un efprit de revoke
» leur fait preferer a leurs Pafteurs le-
» gitimes (-37) ; apres avoir epuife
» tous les moiens que lacharite (38)
il ■ne la croi'oit pas d'obli-
gation. S'il la croi'oit d'o-
bligation , que ne le di-
foit-il neitemenc & fans
detour> S'il ne la croi'oit
pas d'obligation, que ne
difoit-il a ces faintes fil-
lcs que ce n'etoit point la
creance du fait qu'il exi
geoit d'elles > Poutquoi
donne-t-il lieu pav ces ter-
mcs generaux de ctoire
qu'il exigc la creance du
fait ?
(47) Les rctnarques pre-
cedences fuffifent pour
faire voir ce qu'on doit
penfer de ces accufations
d'ejprit de revoke , &c.
que M. deNoailles forme
centre les religieufes de
P. R.
()S) On ne voir pas
comment M, de Noailles
a pu dire qu'il a epuife A
I'egard des religieufes de
P. K. tous les moiens que
la cliarite qu'il doit aux
ames confiees a fes foins
lui a infpires. Tout ce
qu'il a fait fe reduit i
avoir envoi'e a P. R. MM.
Gilbert, Vivant, 8c Pol-
let ; nous avons vu ce que
ces MM. y ont fait &. die
de fa part. Ces MM. ne
d'.foient pas meme preci-
fement en quoi M. de
Noailles trouvoit con-
damnable la claufe fins
derogct:
D'un autte cote
foil Eminence ne vouloic
point s'expliquer; a-t-elle
meme jamais fait reponfe
a aucune des lettres dont
il fait l'enumetation dans
fon ordonnance > II eft
furprenant ,
difenc a ce
-ocr page 264-
i6i Histoire de Port-roial.
" que nous devons aux ames confiees
» a nos foins , nous a infpires, &at-
i> tendu inutilement avec toute la
» patience que notre cara&ere exige
» de nous , que lefdites religieuies
» rentrafTent en elles-memes ;
» Le faint nom de Dieu invoque,
» & pris l'avis de plufieuxs Theolo-
w giens egaleraent pieux <k favans,
» nous declarons lefdites Prieure &
v religieufes contumaces & defobeif-
» fantes aux Conftitutions apoftoli-
" ques, & comme telles incapables
» de participer aux Sacremens de l'E-
» glife (39). Defendons a tous Pre-
fujet les religieufes de P.
R. , ecrivant a fyi. de
Noailles, quenous riaeons
pu favoir de vocre Emi-
nence ce auelle condamne
dans cette claufe. Elle na
fas jugt d-propos de nous
en ecrire , ni de repondre a
nos lettres.
Qu'on juge
par-la li foil Iminence a
epuife ,
comme elle le
ait, tous les moiens que
la charite quelle doit aux
ames confiees a fes foins ,
lui a infpires.
(39) Comment tin Pre-
lat lei que M. de Noail-
les , a-t-il pu priver des
Sacremens pour un fujet
fi leger , la plus fainte
Communaute de vieiges
chre:iennes , qui futdar.s
1'Eglife > Quand bien me-
rae elles auroient eu tort,
ce qui n'eft pas, de ne
pas vouloir rerrancher la
claufe fans deroger , etoit-
ce-la une faute qui meti-
tat d'etre punie par la pri-
vation des Sacremens clans
de faintes filles, dont la
foi etoit aulH pure que les
mccurs. Qu'auroien1- pen-
fe d'une telle conduite les
Peres du grand Concile
d'Orleans, tenu l'an 549 ,
par orccre du Roi Cliilde-
berr I > Ces fages Pielats
defendirent autrefois a
tout Evequc ou Pretre, de
priver de la Communion
pour des caufes legeres
aucun de ceux dont la foi
eft pure , 8c d'aller plus
loin que les faints Peres ,
qui out determine les fan-
-ocr page 265-
III. P ARTIE. Jlv. I.         %6$
tres feculiers & reguliers, meme 1707.
a ceux qui ont pouvoir de nous,
de confeffer les religieufes, de leur
adminiftrer aucun Sacrement juf-
qu'a ce qu'elles fe foient foumifes
a ladite Conftitution,qu'eIIes l'aient
recue purement &funplement,fans
exception ni reftridtion quelcon-
que , & fans une permiffion ex-
preflfe de nous & par ecrit. Decla-
1 rons de plus lefdites religieufes in-
■ capables de voix active & paffive
>   dans les elections , leur faifons de-
• fenfes exprefles de s'alTembler pour
>   elire une Abbeffe , & voulons que
>   norre prefente Ordonnance foit
ses pour lefquelles on doit
ecre fepare de la Cornmu-
nion de I'Eglife : Ut nul-
lum Sacerdotum quemquam
red* fidtl hominem pro
parvis & Uvibus caufis
a communione fufpendat
,
prater eas culpas tpro qui-
bus SanUt Patres ah Ec-
clefid arceri jujferimt com-
mittenus.
Les Saints Pe-
res auro:ent-i!s ptive de
la Communion des vicr-
g:'s chrec enncs audi f.iiu-
tes que las religieufes de
P. R. pour un fujet audi
ftivole que celui pour Is-
quel M. de Noailles les
en a prsvees ? Et pliit d
Dieu que ce Prelat n'eiir.
pas eu rant d'imitafeurs
d'une conduite fl irr£gu-
liere & fi oppofee a cclle
des Peres j nous ne ver-
rions pas rant de troubles
dans I'Eglife & dans l'E-
tat.
De plus , comment M.
de Noailles a-t il pu in-
fliger une telle peine par
une iimple ordonnance ,
au lieu de le faire par une
voie jjdiciaire , fervato
juris ordine
, comme le
prefcrit Innocenc III, 8c
comme la nature de la
peine le demandoit! Car
ce n'etoit point-la le re-
fus d'une grace lion due ,
mais l'interdit d'tin droit
aquis.
-ocr page 266-
2(?4 HlSTOIRE DE P0RT-ROIAL.
»  executee fous peine d'excommuni-
»  cation. Donne a Paris dans norre
m  Palais Archiepifcopal le 18 no-
s>  vembre 1707. Signe Louis-An-
»  toine , Cardinal de Noaiiles , Ar-
v  cheveque de Paris , & plus bas,
"  par fon Eminence , Chevalier.
»  Signifie le it novembre 1707 ; 8c
»  bailie copie auxdites religieufes ,
»  en parlanr a la Prieure, par Fran-
«  gois Berrin, Vicaire de la paroifle
»  de Magni l'EfTart, en prefence de
»  Julien Efcolan Pretre, demeurant
n  dans ladite Abbai'e , & de Francois
»  Lagneau, Bourelier de Magni (40).
(40) n L'etonnement, la
31 home,8c la douleunpour
nous fervirdesexpreffions
energlques de 1'Auteur des
memoires hijloriques fur
P. R. des Champs ,
T.
4. p. 541 ) j> fe livrent
3j ici un mutuel combat,
31 8c fourniffentune mul-
33 ticude de reflexions. On
31 ne fait fi on a lu jufte ,
33 011 fi Ton a mal ptis le
3j fens de cette ordcnnan-
33 ce, qui falfifie les let-
3) tres des religieufes , &
33 leur fait dire ce qu'on
j> ne irouve point dans
33 leurs ectis. On ne peut
3> s'imaginer qu'elle ait
33 ete vue 8c examinee par
si le Cardinal de Noail-
» les avail! de la ligner ,
33 Sc on eft reduit a de-
33 liter avec un Auteur
33 cite dans les Memoires
33 fur la deftruction de
31 P. R.. , imprimis en
33 1711, qu'il fut arrive a
33 cet Archeveque apres
33 avoir rendu cette or-
33 donnance, ce qui ar-
31 riva autrefois a 1'Eve-
3i que Prudence , l'un de
33 fes PredecelTeurs , qui
33 devint muet pour avoir
33 faitfoueter injuftement
31 8c par envie un jeune
33 Clerc de fon Eglife ,
33 age de 10 ans. Pru-
33 dence lui avoir defcn-
31 du de chanter; l'Archi-
33 diacre qui avoit foin
31 de ces Clercs lui or-
31 donua au contrairc de
Tandis
-ocr page 267-
III. P ARTIE. L'lV. I.         itfj
Tandis que M. l'Archeveque de iy0j.
Paris privoit ces vierges chretiennes cxix.
de la nourritiue fpirirueUe de Fame , ,f* ^f^;
en leur interdifant les Sacremens j des reiigku-
d'un autre cote leurs parties (les reli- ^ Cha^tf,"
gieufes de P. R. de Paris ) leur arra-
choient la nourriture du corps , &
fembloient avoir forme ie deuein de
les faire perir de faim. Elles avoient
obtenu , comme nous l'avons vu , un
Arret du 9 fevrier de cette annee ,
qui ordonnoit un fequeftre de 6000
hv. par an du revenu des religieufes
de P. R. des Champs , a quoi fe re-
duifoit prefque tout ce qu'eiles avoient
de revenu clair & net , toutes char-
ges deduites. Elles formerent oppo-
sition a l'execution de cet Arret *, mats
leurs parties obtinrent le 11 mai un
nouvel Arret qui deboutoit les reli-
gieufes de P. R. des Champs de leur
oppofition. Depuis cet Arret leurs
parties firent faifir leur revenus , pour
etre pai'ees de ces 6000 liv. fous le
npm de fequeftre. Car cet argent leur
t» faire fa fon&ion, & fl    ■» impericufe que s'arro-
jj chanta. L'Eveque fit    31 gent trop fouvent les
s> punir l'enfant, mais il    « Superieurs eccleliafti-
» devint muet aulfi-:6t.    ■» ques. S. Mattel, jeu-
5> Dieu montiant pat cet    s> ne CIerca!ors,pria pour.
» exempli l'horrear qu'il    » cet Eveque, qui fut de-
K a pour la domination    9 livre de cette affliftion.
Tome IX.                     M
-ocr page 268-
1
166 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1707, etoit deftine , quoique l'Arret ne le
portat pas. En verm de cette faifie, les
biens de P. R. des Champs furent
comme mis au pillage & livres en
proie ; & quand les domeftiqaes de
cette maifon vouloient s'y oppofer ,
ils eto'lent maltraites par les gens da
leurs parties , qui exercoient impune-
ment toutes fortes de violences &de
brigandages.
cx$.          On ne voit pas que les faintes fil-
fiikf "fouf- ^es de ?• R« des Champs aient jamais
iticnj Icjs plus ouvert la bouche pour fe plaindre de
pran.ies in-         • • n-          o                >              f          *
juiiiccs fans ces injustices & pour s y oppoier me-
i> plaindre. me par VGie de juftice , depuis l'Ar^
ret du 11 mai. On les voit feulement
rompre le iilence a l'occafion d'un
Arret du Confeil d'Etat du 8 o&o-
bre de cette ann^e, que les religieu-
fes dp Paris avoient obtenu contre M.
Tero & M. de S. Claude. La juftice
&■ l'equit^ exigeant qu'elles ne laif-
faflent pas opprimer deux charitables
amis, qui fe facrifioient pour elles ,
^elles intervinrent (41) &fepourvurent
411 Confeil en leur faveur, le 15 d'oc-
fobre. L'ade qu'elles firent en cette ocT
(41) Voicz la re^uere   44S. Voi'ez ib. p. 449 ,
d* W Tero & de M. faint   VIntervention, des reli'gieu?
Cjaude , du t? cftobre ,    fe? de P. R. des Champs.
*/. 4i des Mem. hift. p.
-ocr page 269-
III. P ARTIE. Liv.I.         l6-J
cafioii, les mit dans la neceffite d'en 1707.
faire un autre au fujet de 1'Arret du
4 odobre precedent, obtenu par les
religieufes de Paris, afin de detrom-
per le Roi , dont on avoit furpris la
religion \ ce fut le motif qui les en-
tagea a prefenter une requete a Sa
lajefte le 20 de ce mois (41). Du
refte, les religieufes de Port-Ro'ial des
Champs fouffioient dans un profond
fdence toutes les injuftices & les
mauvais traitemens de cedes de Pa-
ris. Enfin elles etoient traitees avec
tant d'inhumanite que M. Pollet lui-
meme en fut touche & en porta des
plaintes a M. de Chartres. Ce Prelat
en fit meme du bruit , & dit haute-
ment que M. de Noailles en fouffrant
tela faifoit tort a la bonne caufe. Ce
fut fans doute ce qui engagea fon
Eminence a charger M. Pollet de de~
mander aux religieufes des memoires
fur cette affaire. M. Pollet en patla
a. la mere Prieure \ mais elle lui re-
pondit genereufement que M. VAr-
cheveque leur otant le pain du del
_,
elles fe mettoient peu en peine qu'on
leur otat le peu de pain temporel quel-
les pouvoient avoir.
                                  CXXT.
La perfecution ne fe borna pas en- ^tT^aux
(4t) Voi'cicette Requete, ib. p. 454, 4S4.             <lul ^oient
-ocr page 270-
i.68 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'l At.
\-jQ-j, core la. II fembloit que tout ce qui
appartenoit, ou avoit quelque rela-
tion avec cette fainte maifon , due
participer a. fes difgraces. Par cette rat-
ion , M. le Noir .( M. de S. Claude)
4ie pouvoit manquer d'y avoir plus
de part qu'aucun autre , n'y ai'ant pet>
fonne qui fut plus attache a ces fain-
tes filles que cet homme de bien. II
demeuroit depuis quatorze ans chez
filles , dans la maifon qui portoit
le nom de Monfieur de fainte Maiv
ihe (43). 11 y menoit une vie tres rer
tiree & tres penitente a l'exemple des
premiers foluaires de P. R. auxquels
il avoit fuccede. 11 prenoit en meme
temsfoin du temporel des religieufes,
.&etoit£ommeleur homme d'affaires.
En cette qualite il avoit parii pour
.elles & eii leur nom dans le dernier
proces qu'on leur avoit fufcite , & y
avoit defendu leurs interets, ce qui
lui attira d'a.bord une lettre de cachet
qui l'exiloit a Gien. Mais cette pu-
jiition ne paroiflant pas aux perfecu-
teurs atlez grande pour un tel crime,
on changea auditor fonexil en une pri-
son j & le Dimanche 20 novembre
,0:1 enyoiaa P.R.un Exempt, un Ca-
(4;) Hi!l. de la dern. perfec. T. i.p. 318. Hift.«
i« Css <k cwofcieoce. T. 7. p. 36c.',
-ocr page 271-
III. P A R f I E-. LlV. I.        Z6<)
pi'taine de brigade, trois Hoquetons 1707.
8c trois Archers, pour fe faifir de lui
& de fes papiers, & le conduire a la
Baftille.
II fut arfetc au fortir de- l'Eglife cxxir.
dans la cour de P. R. 011 il y avoir ^diZ
quelques paifans qui attendoientqu'on thi & coa-
dn la MelTe pour y affifter. Ces bon-Jg#4taBaC"
nes gens voiant avec peine enlever
tin homme pour lequel ils etoient
pleins de veneration , voulurent a
lexemple de S. Pierre , frapper les
Archers , non avec des epees mais
avec de groifes buches qu'ils trouve-
rent fous leurs mains j mais ce faint
Solitaire imitant Jefus-Chrift fon mai-
rre leur dit de remettre ces buches a
leur place , & les appaifa le mieux
qu'il-puf; apres quoi il traita ceux
qui- venoient pour l'arreter avec la
meme politerfe que faint Policarpe
traita autrefois les Archers qui le
vinrent prendre pour le conduire au
martyre. Apres que Monfieur de S.
Glaude les e ut fait dejeuner,il partit
avec eux. On rapporte de lui, que
s'etant un peu attendri en fortant de
la maifon , ou dans le chemin , &
ai'ant verfe quelques larmes , l'Exempt
qui les attribuoit a toute autre caufe
qu'a la veritable, voulut le confoler
M iij
-ocr page 272-
170 HlSTOIRE M PoRT-ROlAL.
en l'affiirant qu'il feroit bien rraite i
je ne pleure point de ce que vous pen-
fe\ j
luidit M. de Saint Claude, mais
de joie & de reconnoiffance de la grace
que D'teu me fait aujourd'hut defouf-
frir pour une Ji bonne caufe.
II fur ainfi
amene chez M. de Ponrcharrrain ,
puis chez M. d'Argenfon, par les Ar-
chers , qui marchoient autour de lui
le long du chemin , comme s'ils euf-
fent craint qu'on ne le leur enlevat
de force. Enfin il fut conduit a la
Baftille.
Cet illuftre prifonnier a paffe tout
le tems de cette epreuve, qui a dure
f>res de huir ans, c'eft-a-dire , jufqu'a
a mort de Louis XIV, dans les exer-
cices continuels de la priere & de
la le&ure, & a ete le fujet d'une edi-
fication extraordinaire pour le Gou-
\erneur, qui quoique fortprevenu,
ne pouvoit fe laiTer d'admirer une ver-
tu n egale, & une patience fi conftan-
te. II venoit quelquefois trouver M.
de S. Claude pour lui propofer de
prendre l'air & de fe promener , com-
me on le permet de tems en tems aux
prifonniers. Mais le faint prifonnier
le prioit de Ten difpenfer, en lui re-
prefentant que tout fon tems etanc
regie depuis quaere heures du matin
-ocr page 273-
III. Par tie. Liv.I. ifi _____ .
Cjh'il fe levoit jufqu'au foir ^ celui x jQ~,, '
qu'il emploieroit a la promenade le
cierangeroit, & qu'il feroit oblige de
le reprendre fur le fommeil pour va-
quer a fes exercices ordinaires. Le
Gouverneur avoir peine a compren-
dre cette excufe, n'etant pas accoutu-
me d'entendre dire aux prifonniers de
la Baftille , qu'ils etoient tellement
Occupes, qu'ils ne pouvoient trouver
le moment pour fortir de leur prifon
&: profirer de la permiffion qu'on leur
offroit de prendre un peu Fair , &
diillper ou plutot diminuer un peu
l'ennui qu'un ll trifte fejour caufe
naturellement. Ce faint. Prifonnier
eut dans fa captivite une confolation
femblable a ceiie qu'eut autrefois
faint Paul dans fa prifon , ai'ant ete
1'inftrument dont Dieu fe fervit pour
converrir un Proteftant, qui joignoit
a 1'herefie les paffions les plus vio-
lentes.* Nous nous refervons a parler
ailleurs plus amplement de ce faint
homme.
En enlevant aux religieufes de P. R. cxxin.
des-Champs , 1'homme de confiance ,Les re!w=u-
, ,,            l .                                 i-i            les oppnmees
qu elles avoient pour condiure leurs appeilont i. h
affaires, dans la perfonne de M. de PriniaJai=d"
c r^\ 1            l         7-                                             Lyon de 1 or- 1
o. Claude,on leur otoit un des moiens donnance de
des plus necefTaires pour fe defendre \ de
Noai1"
M iiij
-ocr page 274-
1J1 HrSTOIRE M PoRT-ROIAt;
1707. liberre qu'on lie refufe pas aux plus
grands criminels, & aux plus grands
fcelerats. Ces faintes filles qu'on trai-
toit d'une maniere fi cruelle & fi con-
traire a routes les regies de L'equite
natucelle. 5c mcme de i'humanite , ne
laiiTerent pas de faire toutes les de-
marches qui dependoient d'elles, en
reclamant contre l'injuftice. Pour ne
pas manquer a. ce qu'elles devoient
pour la defenfe de leur caufe , elles
appellerentle premier decembre 1707
ala Primatie de Lyon,del'Qrdonnan-
ce de M. de Noailles du 18 novembre
par laqnelle fon Eminence leur avoit
interdit les Sacremens. Leurs parties
procedoient deja a cette Primatie fur
1'appel de la Sentence de l'Official de
Paris du 3 aout, & comparoiflbient
par leur Procureur nomine Defchamps,
& Gillet leur Avocat.
-----------Comme l'Official de Lyon differa
17°°- long-rems a donner aux religieufes
Elks prcfcn- de P. R. des Champs un relief fur
tcm requite l'appel qu'elles avoient interjette de
pour avoir la . i * . l                 , - , . -T '...         ,
communion 1Ordonnance de M. de JNoailles du
Pafcaie. 1 g novembre, elles lui firent plufieurs
desreiigieufts fommations: elles prefenterent auffi
Jans leurs e-reqU^te pour 0t)tenir la Communion
pteuves.
             K. . r                                                     .
Palchale pour 1 annee 1708. Mais
i'Officiai lailfa pafler la fete de Pa-
-ocr page 275-
III. PArtie. Up: I. 273
que, qui cette annee la arrivoir le 8
avril, fans relever leur appel, & fans
repondre- a leur requete \ enfor.te qu'el-
les furent privees de la communion
pafchale.
Au milieu de ees epreuves & dans
l'atrente de l'avenir , les religieufes fe
foutenoient avec beaucoup de ferine-
te fur-tout leurdigne Prieure, qui joi-
gnoit une profonde humilite a fon
grand courage. Voici de qu'elle ma-
niere elle parle d'elle-meme &: de fa
Communaute dans une letcredu 13 fe-
vrier 1708 a un ami (44) , >> je ne
» puis me plaindre de la fterilite de
» notre defert , puifque vous m'y
» nourifTez de rems en terns d'une
j> maniera fi folide qu'elle pent
» foutenir les plus foibles. Je vous
» en remercie tres humblement y
" & des prieres dont vous Faecom-
« pagnez, qui attireront fur moi la
»» grace d'en profiter. Mes filles &
» moi joniflbns d'une aflfez bonne
» fame. Tout paroit biert dilpofe a
»- fnpporter le mal, lorfqu'il plaira a
» Dieii de laitTer les hommes maitres
» de notre fort. Mais que font nos
» refolutions les plus fermes, quand
» les fecours d'en haut nous qmttent
ifti M. Mabille,
M v
-ocr page 276-
174 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
' » un moment , & que nous ceflbns
» de trembler en voiant notre foi-
» blefTe ? C'eft cette foiblefTe que je
» crains : nous n'avons encore rien
»> fouffert en notre corps. Tout fe
« pafle exterieurement, & le foin que
» la Providence a eu jufqu'icide nos
n befoins nous aexemptees d'une ten-
» tation alTez difficile a porter gala-
s' quelle j'anprens avec douleur que
" des gens plus forts que nous , iuc-
>j combenttous les jours (45)- Cepen-
" dant nous avons aflez de confiance
» en la mifericorde de Dieu , qu'il ne
» nous abondonnera pas, en quelque
» fituation que fon ordre nous met-
" te. II y va de tout , puifqu'il y va
" de la verite -y & je dis fouvent a ma
" famille & encore plus a. moi-me-
» me, que fi nous perdions cette oc-
» cafion, il n'y auroit plus de falut
w pour nous «. Voila les veritables
difpofitions oii doivent etre ceux a qui
Dieu fait la grace de connoitrela ve-
rite , & qu'il appelle au glorieux mi-
niftere de la defendre. II faut toujoiirs
qu'ils aient devant les yeux le befoin de
f on fecours pour remplir cette honora-
ble fon&ion, le dear d'y etre fideles, &
Utf Elle yeat parlet de M. le Cute de Cheyreufey
-ocr page 277-
III. Parti e. Liv. J. 175
la vue de leur foiblefle 8c de leurim- \-j0!&7~
puilTance fans ce fecours.
Telles etoient les difpofitions des cxxv.
religieufes de P. R. des Champs. C'eft c°»^|f
ce qui faifoit leur force &c ce qui lesnon - feuie-
foutenoit dans l'etat 011 elles eroientj)^^"*
reduites, privees de tout fecours fpi- mais meme a
It                                       / t 1 1         leurs DoiUwf-
rituel. La communion paichale leur ti _
fut refufee cette annee , comms nous
l'avons dit. Les Pretres de faint Ni-
colas executoient a la lettre les ordres
rigoureux de M. de Noailles , & les
traitoient avec la plus grande durete,
jufqu'a refufer meme la communion
a leurs domeftiques. C'eft: ce que fit
M. Efcolan le troifieme Dimanche de
careme, au nomine Laifne qui fe pre-
fenta a la fainte Table 5 & apres la
MelTe il lui dit qu'il avoit ordre de
ne le point communier jufqu'a ce qu'it
fin a qui il alloit a. confeiTe. Le meme
M. Efcolan dit au jardinier nomme
Leonard, qu'il ne lui donneroit pas
          *
les Sacremens , parcequ'il ne vouloit
pas declarer qu'il condamnoit les
fceurs , & il refufa de le confefler par cxxvr,
cette raifon. Trouveroit-c/n quelque Depart cfe
exemple d'une pareille tyrannie ?
         ^rcouT.'
Ce M. Efcolan quitta P. R. desles rcl^icu-
Champs le itfaviiL Son compagnon |"jsonf^;^
'              ties.
-ocr page 278-
IJ6 HrSTOIRE DEpORT-ROlAt.
nomme Cerot (46) avoitquitte quin-
ze jours auparavant, veille des Ra-
meaux. lis ne donnerent ni l'un nf
l'autre, lieu de les regretter. Apres le
depart de M. Efcolan , les religieufes
fe trouverent fans aucun Pretre pour
leur dire la MeflTe. Huit jours apres „
le 1 3 avril, la mere Prieure ecrivit a
M. de Noailles- pour le prier de trou-
ver bon qu'elles lui prefentafTent un
Pretrefelon le droit qu'elles en avoient,
Elle dit qu'elle eft perfuadee que ce
n'eft pas l'intention de fon Eminence
qu'elles demeurent privies de tout fe-
cours.
Elle ecrivit en meme-tems a
M. Gilbert, pour le prier de prefen-
ter fa lettre a M. TArchevcque. M.
Gilbert fut charge par le Prelat de
repondre qu'il leur enverroit bientot
nn Pretre , & qu'en attendant elles
f'ouvoient fe fervir des Vicaires de
eur voifinage. On dit que le deiTem
de M. de Noailles etoit de leur en~
voi'er un Pretre Iriandois qui n'enter:-
dit point lefrancois 3 afin
_, difoit fon
Eminenc x qu'il tieJe gacat pas avec
elles.
(46) ta fonftion du   de Otvir d'efpion aa Car-
fieur Cerot a P. R, de-    dinal, & de I'informer
puis !e commencement de   des perfonnes qui yenokat
I'ianh i^u'il y vim, etok   * la maifon.
-ocr page 279-
111-. P ART 11. LlV. I.       277
Enfin , apres que M. de Noaillcs 1708.
eut laifle pendant plus de deux mois cxxvn.
les religieufes de P. R. fans Piretre l oniie ^e(,r&,
pour leu r dire la Meflfe , M. Tron- « a rendre
1. .                        Tr. .        -j                         iervue a IV
chai trouva un Vicaire ae campagne b. &,eit agree
nomme la Londe , qui voulut bien fe Par **■ d<*
prefer a venir rendre ferviee a lamai-
fon. 11 fut agree de M. de Noailles,
& fe rendit a P. R. dans la femaina
d'apres l'octave du S. Sacrement. La
communaute aiant voulu ( contre l'a-
vis de la mere Prieure) que cet Ec-
clefiaftique demandat aM. de Noail-
les, de qu'elle maniere il fe condui-
roit envers les religieufes profeiTes err
cas de maladie dancereufe , il alia a,
Paris, & propofa fa queftion a M. le
Cardinal qui repondir charitablement-
qu'il ne falloit point qu'il adminiftrac
ies Sacremens j c'eit ce qtie fon Emi-
nence confirma dans la fuite & ce
qu'elle fit executer a la rigueur. Car.
au mois d'aout fuivant, une religieu-
fe etant tombee dangereufement ma-
lade , M. la Londe ecrivit a fon Emi-
nence pour expofer le danger , & elle
fit reponfe le 3 aout qu'elle n'avoit exxvirr.
rien a dire que ce qu'elle avoil deja. , Mim'.,ire
d-ll.                                                                      fts fur Ieitv
Quelques jours apres le depart de $££*$
Momieur Efcolan, done nous avons i^ pnvoit &•
Sfttremera^
-ocr page 280-
1J% HlSTOIftE E>E P0R.T-E.01At;
parle ci-defTus,lesreligieufes de P. R-
des Champs au nombre de dix-fept
de chceur , qui compofoient la com-
munaure , ngnerent le 29 avril uit
ample & excellent memoire qui avoit
etc dreiTe pour etre produit a Lyon ,
&
inftruire rOfficial qui devoit ju-
gerleurappel de 1'Ordonnance deM.
de Noailfes du 18 novembre de l'an-
nee precedente , par laquelle il leur
avoit interdit les Sacremens.
Ces faintes filles commencent par
temoigner la douleur qu'elles ont de
fe voir obligees de-rompre le fdence,
pour fe juftifier contre l'Ordonnan-
ce de M. l'Archeveque de Paris , par
laquelle il l«ur a interdit les Sacre-
mens (47). Plus elles ont de refpe£fc
& de foumiffion pour les ordres de
kur Archeveque , plus elles ont de
peine a entreprendre une defenfe ou
elles ne pourront fe difpenfer de fai-
re voir les furprifes qui ont ete faite
a fa religion , en le portant a les trai-
rer comme des lilies contumaces & de-
fobdijfantes aux Confiitutions apojlo-
liques, & comme teltes incapables de
participer aux Sacremens de I'Eglife.
S'il n'etoit queftion que de la perte
(47) Memoires fur la deftrnflion , p. x\S. hift.
ft la dein. perf, T. j. p. }<)«. Mem, bift. T. 4 p. 4j»
-ocr page 281-
III. P ARTIE. LlV.I.         275J
ties biens temporels, elles aimeroient 170S.
mieux fuivre le confeil de l'Evangile,.
Ji quelqu'un veut vous oter votre robbe ,
donne^-lui encore votre manteau,
que
de fe plonger par la pourfuite d'un pro-
ces dans mille foins qui conviennent
peu a leur etat & encore moins a leur
inclination. Mais le bien fpirituel
dont on les prive, eft de nature £ ne
pas permettre de l'abandonner. On
leur Ate le fecours des ConfeflTeurs ~y
on leur arrache ce pain celefte qui
faifoit leurs plus cheres delices , &
dont la privation feule fait leur. uni-
que douleur. La feule idee d'un trai-
tement li fenfible a des ames chre-
tiennes , & fur-tout a des perfonnes
confacrees a Dieu d'une maniere par-
ticuliere par leur etat, feroit capable
de les faire fremir d'horreur. Elles fe
croiroient done tres criminelles , ii
elles ne faifoient pas tout ce qui eft
en leur pouvoir pour detruire les ac-
cufations qui ont fervi de motifs a
l'interdit des Sacremens.
Apres ce modefte debut, les reli- exxix.
r                          r                             1          La premiere
gieuiesrapportentlommairementdans -ante duMe-
leur memoire , tout ce qui a precede m°irc &*«
l'Ordonnance de M. de Noailles, de- ^°ae rordon-
puis le mois de mars 1706 que la nance deM.
JJuIle Fineam leur tut envoiee avec quant a I* for-
me.
-ocr page 282-
l8o HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI.
' 1708, ^e Manderaent de fon Eminence &:
le-modeledu certific-at qu'on exigeoit
d'elles , jufqu'au 18 novembre 1707 ;
enfuite elles entrent en matiere pour
fe juftifter centre les accufations de-
ladite Ordonnance. Pour le-faire aveo
plus d'ordre & de nettete , elles di-
vifent leur ecrit en deux parties ,
dont la premiere expofe les nullites
de l'Ordonnance par rapport a la for-
me j .& la feconde en demon trei'in-
juftice quand au fond.
L'Eglife, attentive a preveilir les"
furpriles dont elle fait que fes Minif-
tres les plus faints ne font pas tou-
jours exempts, & regardant l'interdir
des Sacremens comme- tine • des plus ■
fenfibles p'eines dont on pmfTe punir
les fideles , a' etabli de certaines re-
gies pour 1'impofer , qu'aucun Eveque
ne pent fe difpenfer d'obferver j &
en violant ces faintes regies,-on fe
rend fufped & incapable de rendre
un jugement legitime fur une caufe
tres importante.
exxx. Ces regies veulent que l'Eveque he
Les regies                          °c                         ,,•l , • ■*, v
*Kibites par porte une Sentence d intercut qu apres
rtgiife jou des informations juridiques, & apres
canoniques , pluheurs procedures etablies par les
onr etc vio- Can0ns. Le Promoteur doit, (e met-
lees a leur e-                          r                                 .            . ,.
jard.          tre cauie comme parae pubhque
-ocr page 283-
III. P A R T I E. LlV. I.         tt I
Be neceffaire. C'eft a fa requete que
Ton fait les monitions & fommations
canoniques, dont on dreffe des pro-
ces-vetbaux , qui doivent etre figni-
fies aux parties avec les delais conve-
nables. Rien detour cela n'a precede
l'Oidonnance qui interdit les Sa-
cremens aux religieufes de P. R. des
Champs j c'eft ce qu'elles demontrent
d'une maniere inconteftable par l'ex-
pofe des faits, des cornmiffions, des
pieces, en.faifantvoir qu'il rt'jrarien
qui ptiiffe etre regarde comine urie
procedure reguliere , dans rout ce qui
a ete fait par MM. Gilbert , Vivant,
Poller envo'ies a. P. R. par M. de
Noailles. Les religieufes ne peuvent
s'empecher d'admirer en cela la divi-
ne Providence , qui a permis que dans
une chofe qu'elles regardent comma
tres injufte dans le fond , on ait eu
fi peu de foin d'obferver les regies
qui regardent la forme. Maisce n'eft
pas fur cela qu'elles inftftent princi-
palement; & fi l'Orddnnance etoit
auili jufte au fond qu'elle eft defec-
tueule dans la forme, le.refpect qu'el-
les ont pour M. I'Archeveque auroit
pu les porter a pafTer pardeflus les
defauts de formalites, qui auroient
cte en quelque fa^on repares par U
-ocr page 284-
i8i Hisxoire 6e Port-roiXl.
*" j-.0g"#. juftice du fond. Mais TOrdonnancd
rendue contre elles eft encore moins
foutenable au fond qu'elle ne Teft
dans la forme. C'eft ce qu'elles prou->
vent dans la deuxieme partie.
exxxi. L'Ordonnance accufe les religieu-
totsdT panie fes de P. R. des Champs d'avoir mis
du Mimoire, 4 ja Constitution une reflriclion illu~
les tcligieufes r .                  .                    ,            , ,J. , , , .
•Umomrem Joire y qui ne tend qu a eiuaer La Lot 3
linjuftice de timeraire . injurieufe au S. Siege.. . <
I oiuoiinsn"*
ce quant au /o«J laquelle elles cachent des fentimens
fonds.
         manifeflement contraires a ladite Conf-
ikution, i9. en confequence de cette
accufation on les y declare contuma-
ees & difobiijfantes aux Conjlitutions
apoftaliqu.es} & cotnme telles incapa-
bles de paniciper aux Saeremens de
I'Eglifc,
Voila ce qui fait ie fond
de l'Ordonnance & ce que les reli-
gieufes detruifent dans la feconde
partie de leur menioire , en faifant
voir rinjuftice des accufations for-
mees contre elles au fujet de la clau-
fe, qui rappelle la paix de Clement
IX , & en juftifiant invinciblement
cette meme claufe : elles rapportent
les principaux a<5fces de cette paix ,
favoir la declaration envo'i'ee au Pape
Clement IX par M, l'Eveque de Cha-
lons j le Bref du meme Pape aux
quatre Eveques, l'Ordonnance de M.
-ocr page 285-
HI. PartirI/v. /• i»J
de Perefixe du 17 fevrier 1669, ren-
due en faveur des religieufes de P. R.
Ces differens aclres font foi que la
bafe & la condition de la paix de
Clement IX etoit le filence refpeo
tuenx fur le fait , dont ce Pape etoit
fatisfait : il fut parfaitement content
des fentimens des quatre Eveques j Sc
M. de Perefixe ne le fut pas moins de
ceux des religieufes de Port-Roi'al des
Champs, qu'il regarda comme autori-
fes par le S. Siege , & les retablit dans
leurs droits. La fimpie leclure de ces
adtes fuffit pour la juftification des
religieufes. Pour trouver de 1'oppofi-
tion entre les actes fur lefquels eft ap-
pm'ee la paix de Clement IX , & le
certificat que les religieufes ont don-
ne de Tacceptation de la derniere
Bulle , il faudroit que ce certificat
renfermat quelque chofe dont on pat
conclure raifonnablement , qu'il eft
contraire aux fentimens exprimes dans
la declaration envoiee a. Rome en
1668 , & approuvee par le Bref de
Clement IX, & par l'Ordonnance de
de M. de Perefixe : or on ne peut fans
renverfer les veritables notions des
rermes, tirer cette confequence d'un
certificat, qui bien loin de contenir
rien de contraire a ces acftes, eft lui-
meme un temoignage clair & precis
-ocr page 286-
2^4 HlS-fOIREDE PoRT-ROl'At.
1708. qjae les religieufes y adherent, qu'el-
ks s'y conferment entierement , &
qu'elles y font inviolablement atta-
ehees : or c'eft ce qu'elles ont voukx
temoigner par ce term'e fimple, >ans
dimmer,
qu'elles ont joint aleur cer-
[cxxxi'r. tificat.
vof!^^! .. II eft ^tonnant que M. de Noailles
de Noailles interdife les Sacremens aux religieu-
toe'oppofte ^es ^e P". R, des Champs fur le vu
i ce!ic de des pieces qu'elles ont rappellees pour-
Clement IX, 1 r , ,, J- . •          I ■ 1 f
& de m. de *eur derenie bien loin de les vou-
Perefixe. l0jr contredire, & fur lekj'uelles un
des ptedecelTeurs de M. de Noailles-
leva autrefois l'interdit qu'il avoit au-
paravant porte contre elles. Allure-
ment fon Eminence paroit avoir eta
bien mal confeillee de donner le nom
de rejiriclion illujoire'3 temeraire, in*
jurieufe au S. Siege,
a un certificat
fur deux a&es dont la lecture feule
fufEt pour autorifer ce certificat , &
le mettre a couvert de tout reproche.
On pourroit a plus jnfte titre repro-
cher a. M. de Noailles, qu'il- tientune
conduite tome oppofee a ce qui a etc
fait en 166<) par le Pape ClementIX,
& par M". de Perefixe. En effet le Papa
declara par un Btef qu-'il etoit tres
content des fentimens des quatre Eve-
ques , fentimens qui etoient pour lors
$c qui ont toujours etc depuis fans
-ocr page 287-
"III. "P A R T I E. L'lV. I.        ZS 5          __
ftucune variation ceux des religieufes 1708..
tie P. B.. ties Champs. M. de Perefl-
xe declara de mime par une Ordon-
nance , qu'il approuvoit & recevoit
leurs fentimens comme recus & ap-
prouves pir le Bref de Clement IX;
que leur obeiflance au S. Siege etoit
entiere & veritable, & enfin qu'il les
retabliflpit dans la participation des
Sacremens , parcequ'elles en font di-
gnes :
& aujourd'hui par une condui-
te route oppofee , M. de Noailles at-
tribue aux religieufes de Port-Roi'al
des Champs des fentimens contrai-
res a ceux de l'Eglife , fur les me-
mes acles (quel contrafte ! ) qui ont
fait approuver leurs fentimens j & il
ote a ces vierges chretiennes les Sa-
cremens fur les memes ades qui les
leur ont fait rendre.
PafTant enfuite a la Bulle Vineam cxxxwr,
£l au Mandernent deM. de Noailles, E,Ies fon*
les religieufes font voir , que ni l'un B°ifeq^n^n»
ni l'autre ne font oppofes a leur cer- ni le Man4e-
tincat. i . Pour ce qui regarde la de NoaMc*
Bulle, le Pape y -condamne deux for-nef.moppo-
I          r               11               r      a I1-"1 cel>
tes de perlonnes, dont les unes lou- tificat.'
tiendroient que pour rendre aux Conf-
titutions apoftoltques I'obeifTance qui
leur eft due, il n'eft pas neceffaire de
fondamner in^erieuremenp les cinq
-ocr page 288-
2 8<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
propofitions comme heretiques, mais
qu'il fuffit fur cela de garder un filen-
ce refpe<5bueux j les autres oubliant la
fincerite chretienne, pretendentqu'on
peut figner le formulaire purement &
fimplement, quoi qu'on foit perfuade
que le Livre de Janfenius ne contient
fioiut les erreurs condamnees dans
es cinq propofitions. Voila les deux
fortes de perfonnes que la Bulle Vi-
neam
condamne. Les religieufes de
P. R. n'examinent pas, fi ceux qui ont
follicite cette Bulle , ont ete bien on
mal fondes a faire entendre a Sa Sain-
tete, comme il paroit qu'ils l'ont ex-
pofe , qu'il y avoit beaucoup de per-
fonnes en France, engagees dans Tune
ou l'autre de ces mauvaifes maximes,
c'eft-a-dire , qui croi'oient ne devoir
aux Conftitutions apoftoliques qu'un
(ilence refpeilueux } & n'etre point obli-
gees a condamner interieurement les
cinq propofitions
; ou qui fignoient le
formulaire fans juger interieurement
que le Livre de Janfenius contint une
doctrine herdtique ;
les religieufes ,
dis-je , n'examinent point fi l'expofe
fait au Pape eft jufte, mais elles affu-
rent a la face du ciel & de la terre ,
qu'elles ne font point du nombre de
ces deux fortes de perfonnes que la
-ocr page 289-
III. Part ie. Liv. I. 287
Biille condamne , & qu'on ne peut 1708,
avec juftice leur attribuer de rels fen-
timens. Elles declarent qu'elles ont
toujours cru & qu'elles croient encore
que le fdence refpe&ueux ne fuffit
pas pour rgndre aux Conftitutions
apoftoliques d'Innocent X & d'Ale-
xandre VII, 1'obeiiTance qui leur eft
due 5 & qu'on eft oblige -non - feule-
ment de les refpe&er , mais encore
de coftdamner fincerement, fans ex-
ception , ni reftriction quelconque,
les erreurs des cinq proportions que
le S. Siege y a condamnees , le filen-
ce & le refpect ne pouvant fuifire
touchant ce qui regarde la foi : elles
croient de meme , que e'eft commettre
un parjure que de figner le formulai-
re purement & funplement fans croL-
re interieurement que le Livre de
Janfenius contient une doctrine here-
tique. Tels font & tels ont toujours
ete les fentimens des religieufes de
P. R. , &c e'eft ce qu'elles ont voulu
temoigner en rappellant ce qui s'eft
pafte a la paix de l'Eglife 5 oil Ton
approuva fi folemnellement la fince-
rite avec laquelle elles avoient con-
damne les cinq proportions-, & la
imcerite avec laquelle elles s'etoient
fxpliquees fur ^'attribution de ces er-
-ocr page 290-
aS-8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1708. reurs au Livre de Janfenius.
II faudroit done pour qualifier leur
certificat, de rejlnction ilhifoirt a te-
meraire
, injurleufe au S. Siege j faire
voir que les religieufes y donnent lieu
de les accufer ou de n'accorder aux
Conftitutions apoftoliques que le fi-
lence refpectueux ,011 d'etre pretes de
figner le formulaire purement & fim-
plement, fans croire que le Livre de
Janfenius contienne une doctrine he-
retique ; or e'eft ce qu'on tenteroit
inutilement. I.eur certificat ne mar-
que autre chofe, finon qu'en recevant
la. Conftitution de Clement XI, elles
ont rappelle le Bref de Clement IX,
pour temoigner qu'elles font dans les
fentimens de ceBref que laderniere
Bulle elle-meme rappelle, loinde les
condamner. Eft-ce la foutenir que Ton
rend aux Conftitutions apoftoliques
l'obeiflance qui leur eft due, par le
feul filence refpectueux , fans con-
damner interieurement les erreurs
qu'elles condamnent ? Eft-ce la dire
qu'on peut figner le formulaire pure-
ment & (implement, fans croire que
le Livre de Janfenius contienne une
doctrine heretique ? On ne pourroit
tirer une telle confequence qu'en pre-
tendant, que le Bref de Clement IX
Sc
-ocr page 291-
111. P ART IE. L'lV.I.         i§9
Be l'Qrdonnance de M. de Perefixe 1708.
que les religieufes rappellent par leur
certificat , autorifent les fennmens
que la Bulle Vineam de Clement XI
condamne.
II n'y a point de milieu. II faut exxxtv.
neceilairement , ou avouer que les ment fans re-
qualifications queM. de Noailles don- f'VK c,°,?»a
ne dans Ion Ordonnance aucertmcat tionsdo-.m^w
des religieufes de P. R. , ne lui con- ^ai": ^
viennent en aucun fens , & que e'eft certificat des
sales.
fans fondement qu'on les y declare
contumaces & defob<ei(j"antes aux Confu-
tations apofloliques ;
ou demeurer d'ac-
cord que la Conftitution de Clement
XI condamne le Bref de Clement
IX, & rOrdonnance de M. de Pere-
fixe. Mais les religieufes de P. R.
font perfuadees , qu'un Archeveque
revetu de la pourpre romaine ne fera
jamais cette injure a une Conftitution
qu'il a acceptee a la tete du Clerge
de France , de la croire contraire a
un Bref qui eft cite avec eloga dans
cette Conftitution, & a une Ordon-
nance d'un de fes predeceffeurs entie-
rement conforme a ce Bref. Ce feroit
d'ailleurs s'expofer au reproche de
fuppofer de la contradiction entre le
Bref de Clement IX & la Bulle de
Clement XI.
Tome IX.                            N
-ocr page 292-
15)0 HlSTOIRE DE PoRT-R-OlAt.
1708. A l'egard du Mandement de fon
Eminence pour la publication de la
Bulle , les religieufes ont fatisfait
exaitement a tout ce qu'il prefcrit, par
la lecture qui en a ete faite a la grille,
car il n'oblige a rien autre chofe. On
ne peut done s'en fervir contre elles,
a moins que de pretendre que leur
certificat eft contraire aux fentimens
de ce Mandement. Mais fon Eminen-
ce y ai'ant declare qu'elle fe renferme
ahjolument dans la dicifion contenue
dans la Constitution ,
& le certificat
ne contenant rien de contraire a cette
decifion, comme elles l'ont demon-
tre, il ne peut rien contenir de con-
traire au Mandement.
exxxv. Apres une juftification fi parfaite qui
de*xP°objec- ^enable nerien laifler a defirer ,les reli-
tions.
          gieufes, pour lever jufqu'aux moindres
auLacertificat ioupcons , repondent encore a deux
neft point objections qu'on pouvoit faire. La
une reftiic-                     r                      1
tion
premiere lur ce que les pieces, par
rapport auxquelles elles ont examine
leur certificat, condamnant toute ref-
tri&ion, la claufe qu'elles ontajoutee
audit certificat, pourroit etre regar-
ded comme une reftricKon. La deu-
xieme objection eft que , puifque les
religieufes pretendent que la claufe
ne contient rien de contraire a la Conf-
-ocr page 293-
III. Partie. Liv. I. 191
tkution,elle eft done inutile, &le refus
de F6ter un entetement de leur parr.
La premiere objection tombe par
ce raifonnement fimple , qui fait une
veritable demonftration. On ne peut
nommer reftricHon aux Conftimtions
apoftoliques une claufe , qui par elle-
merne n'exprime autre chofe que la
conformite du fentiment des reli-
gieufes avec le Bref de Clement IX,
ik avec FOrdonnance de M. de Pe-
refixe, a. mo ins que le Bref & FOr-
donnance ne contiennent eux-memes
quelque reftriction a ces memes Conf-
timtions : or ces deux a£tes ne contien-
nent aucune reftridtion aux Conftim-
tions apoftoliques, puifque Clem. IX
& M. de Perefixe, latisfaits de la de-
claration des quatre Eveques & de ceU
le des religieufes y declarent exprefTe-
ment qu'ils n'auroient jamais admis
aucune reftriction dans la condamna-
tion des cinq propofitions, & que d'ail-
leurs Clem. XI cite avec eloge dans u
Conftitution le Bref de Clement IX :
done la claufe des religieufes ne peut
etre nominee une reftricHon. Com-
ment M. de Noailles peut-il apres
cela qualifier cette claufe , non-feu-
lement de rejlricilon , mais de rejlric-
tion. illufoire, qui ne tend gu'a eluder
-ocr page 294-
XJl HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1708. ^al j teme'raire 3 injurieu/e au S. Sie-
ge ?
Comment fort Eminence a-t-elle
pu encore imputerauxreligieufes,com-
me elle femble le faire , de l'avoir
qualifiee elles-memes de reftridion,
quoiqu'elles aient toujours declare ,
loit dans leurs ades, foit dans leurs
lettres a M. l'Archeveque, qa'elles con-
damnoient les cinq propolitions fans
exception, ni reftridion quelconque.
'cxxxvi. Quant a la deuxieme objedion ,
Reponfeala qU'on pourroit faire en pretendant
fcconde ob- T.           r                    .                 r
jxtioafurli- que la claule eit inutile , des quelle
iimitite de la contient rien de contraire a la
clauie. Uull-             .
tj de la dan- Gonftitution , qu'ainn le rerus de 1 o-
u ^oAduil: ter , quoique M. l'Archeveque le fou-
des reii^ieu- haite & l'ordonne, ne peut venir que
d'un entetement condamnable ; les
religieufes pourroient, difent-elles ,
fe difpenfer de repondre a. cette ob-
jedion , jufqu'a. ce qu'on leur eut bien
{>rouve , qu'il eft permis d'interdire
es Sacremens a toute une commu-
naute , de la priver de voix adive,
de lui defendre d'elire une AbbelTe ,
& enfin de la traiter avec la meme
rigueur que fi elle foutenoit des er-
reurs manifeftes , pour avoir feule-
ment ajoute a un ade une claufe uni-
quement inutile. Mais pour montrer
qu'elle n'eft pas inutile , & pour fe
-ocr page 295-
III. P A ft t i t. Liv. /. i$)$
jtiftifier clu reproche d'entetement, 170S,
elles expofent les circonftances & les
motifs cle leur concluite, & les rai-
fons qu'eiles ont eues d'ajouter cette
claufe : elles les reduifent a cinq. 1 °.
On s'effor<joit depuis long terns de
renouveller les anciennes difputes ,
dans lefquelles les religieufes de P. R.
avoient ete engagees tnalgre elles, 8c
qui avoient ete neureufement termi-
nees par la paix rendue a l'Eglife par
le concours des deux puiffances en
1668 & 1669. z°. Les ennemis
de cette paix travailloient a en mi-
ner le fruit , ils en revoquoient en
doute la verite , ils accufoient de dif-
fimtilation & de mauvaife foi ceux
qui y avoient eu part, & ils autori-
foient memeleur temeritepar defauf-
fes interpretations qu'ils donnoient
a la nouvelle Conftitution : 30. Quoi-
que cette Conftitution eut ete recue
avec beaucoup de refpecl par tous les
Eveques de France , ils ne conve-
nient pas tous dans 1'explication de
ce qu'elle condamnoit. : 40. On ne
demandoit aux religieufes de P. R.
un acre particulier de la reception de
cette Conftitution , que' parcequ'on
avoir pris foin de rendre leurs fenti-
inens fufpe&s, quoiqu'elles n'en euf-
N iij
-ocr page 296-
2>?4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1708. fent donne aucun fujet, &c que l'Or-
donnance de M. de Pereflxe en leur
faveur , qui etoit une fuite du juge-
ment de Clement IX, due les metcre
entierement hors d'atteinte. 5°* Cette
fingularite dont on ufoit a leur egard,
etoit un piege de la part de leurs en-
nemis , qui ne cherchoient qu'un
pretexte, tel qu'il fut, pour leur faire
perdre le fruit de la paix qui leur
avoit ete rendue , & rendre inutile
l'approbation que le Pape & leur Ar-
cheveque avoient donnee a leurs fen-
timens. Comme ces ennemis fecrets
abufoient de la nouvelle Conftitiv-
tion pout publier fans fondement
qu'elle condamnoit ces fentimens ,
il leur auroit ete encore plus aife d'a-
bufer d'un certificat concu en termes
vagues & generaux , pour pretendre
qu'elles avoient renonce elles-memes
a tout ce qui avoit ete regie en leur
faveur au terns de la paix de 1669.
iuifon qui Apres avoir bien peie routes ces
a determine raifons, les relieieufes penferent qu'el-
Jesichgicules .         ,                             i>          i              i
a donnc-f ce les n avoient que i un de ces deux par-
ceccificat & a tis ^ prendre ; ou de refufer abfolu-
ajouter la            r, , '                   • r
eUufe.         ment de donner ce certincat, comme
etant une fingulariti qui leur eroir
injurieufe, ce que leur profond ref-
ped pour M. 1'AichevSque qui ie de-
-ocr page 297-
III. P A R T I E. LtV. .t       29 J
inandoit , tie leur permettoit pas de
faire j ou d'y ajouter la claufe qu'elles
y ont mife , aftn de ne pas s'expofer
au foupcon d'avoir abandonne des
fentimens ou le S. Siege & leur Ar-
clieveque les avoient fixees en 1669 ,
au-dela. defquels elles ne voioient
rien que d'incertain & de confus ; &c
d'avoir ainfi autorife la temerite de
ceux qui pour y donner atteinte , re-
nouvelloient les anciennes difpnres,
conteftoient la verite de la paix ren-
due a l'Eglife , 8c abufoient meme
de la nouvelle Conftitution. Pour
eviter ces pieges , elles jugerent que
le plus fur pour elles, etoit de rap-
peller dans leur certificat le Bref de
Clement IX rappelle par Clement XL
Mais bien loin de vouloir marquer
qu'il y a de la contradiction entre le
Bref & la Bulle , elles ont voulu au-
contraire temoigner qu'il n'y en avoit
point j bien eloigners en cela de la
conduite de ceux , qui par cette fauf-
fe fuppofition , veulent miner la paix
de l'Eglife. II leur parut meme que ce
moien etoit le plus propre pour arre-
ter les mauvais defleins de leurs en-
nemis; & qu'il n'etoit pas a prefu-
.mer qu'ils ofaffent leur faire un cri-
me , de ce qu'elles temoignoient dans
N iiij
-ocr page 298-
%<)6 HistoiredePort-roial.
J70g_ un acte qu'on leur avoir demande,
leur fincere attachement au jugement
que le Pape Clement IX avoit deja
porte fur cette affaire , & auquel Cle-
ment XI ne donne point d'arteinte.
Voila les juftes motifs qui out por-
te les religieufes de P. R. a ajouter
au certificat qu'on leur dernandoit,
une elaufe qui eft une preuve fans
replique de leur perfeverance dans des
fenrimens approuves par le S. Siege.
En faut-il davantage pour les juftiner
du reproche d'entetement ?
cxxxvni. Le memoire dont nous venons de
Les cnnemis          1                                        t,.                          *
de p. r. fans rendre compte , met 1 innocence des
attend™ le religieufes de P. R. des Champs, &
j'Vimat, Por-l'injuftice de l'Ordonnance de M. de
aRom''l ™ Noailles contre elles , dans une evi-
mwifs. dence , a laquelle il eft impoffible,
qu'un efprit fenfe fe refufe. Ce me-
moire avoit ete dreffe pour etre pre-
fente au tribunal du Primat, & pour
faire conno'itre a. leurs Juges les rai-
fons qu'elles avoient eu d'appeller de
l'Ordonnance de leur Archeveque.
Mais l'affaire ne rut pas plaidee a. la
Primatie. Les ennemis de Port-Roial
etoient trop impatiens de voir cette
fainte maifon detruite , pour fouffrir
rant de delais, & fuivre les loix & les
canons qui ont regie Pordre des ju-
-ocr page 299-
III. Partii. Liv. I. 197
gemens & les differens degres de ju- 1708.
rifdi6tion dans la jiiftice contentieu-
fe , ou 1'afFaire de P. R. avoit ete por-
tee. lis eurent recours a Rome, pour
executerplus protnptement leur mau-
vais defteins, en coupant court a tous
les obftacles , qui pourroient fe ren-
contrer. En cela les ennemis de ces
faintes filles etoient d'autant plus
coupables & d'autant plus inexcufa-
bles, qu'ils violoient l'ordre judiciai-
re fans en retirer d'autre avantage que
celui de fatisfaire plutot leur paffion.
En effet que rifquoient-ils, s'ils euf-
fent attendu le jugement de la Pri-
matie de Lyon ? avoient-ils fujet de
craindre qu'il ne leur fut pas favora-
ble ? avoient-ils affez bonne opinion
de l'Archeveque de Lyon , pour croi-
re que ce Prelat pourroit avoir le cou-
rage de fe declarer en faveur de Pin-
nocence, & refifter a la Cour, qui
avoit pris malheureufement des en-
gagemens dans cette affaire ? Si Cle-
ment XI accorda une Bulle contre les
religieufes de P. R. des Champs, 8c
dit pour raifon a leur Agent , qu'iL
n'avoit pii la refufer a un aujji grand
Prince que le Roi de France
, y avoit-
il lieu de craindre que l'Archeveque
de Lyon refufat aux ennemis de ces
Nv
-ocr page 300-
198 HistoiredePort-roiai:
.                  j
1708. faintes filles, appuies de tout le cre-
dit de ce grand Prince dont Ton
avoit furpris la religion, de rendre un
jugement tel qu'ils le defiroient ? II
n'y avoit allurement aucun rifque a
courir de ce cote. La conduite de ce
Prelat fur l'article du Fonnulaire &
de la Bulle etoit un prejuge favora-
ble pour eux , ou plutot un garant
allure de ce qu'il feroit en cette oc-
caiion (48). Mais le proces a l'Officia-
lite de Lyon auroir pu dnrer long-
temps , & la cupidite n'aime point
les delais. Louis XIV etoit vieux, il
falloit fe prefler pour proliter de l'oc-
cafion favorable , qui pouvoit echap-
per, de perdre P. R. Ainfi on paffa
par delTus les formalites ; & fans at-
tendre le jugement duPrimat, onfol-
licita une Bulle pour l'extin&ion de
l'Abbai'e de P. R. des Champs , &
la reunion de fes biens a P. R. de Pa-
ris. Si l'autorite de M. de Noailles
avoit ete furlifante pour cette reu-
nion , pourquoi recourir a Rome pour
(48) Ce PrJlat au com-    vu le parti qu'avoit. prij
mencement de l'affaire du    la Cour , il changea de
cas de confc'ence , s'etoit    conduite , 8c la fit lire &
declare affez publique-    figner danstouteslesCom-
men- en faveur du. pre-    munautes de l'un 841'antre
mier a. ticle , mais depuls    fexe.
la Bulle yintam , aianr
-ocr page 301-
III. P ARTIE. LlV. L          l^O
tela ? C'etoit done reconnoitre fon
incompetence, & juftifier lesreligieu-
fes cle P. R. des Champs , qui en
avoient appelle par ce motif. C'etoit
reconnoitre la validite de leur appel,
& la nullite de la fentence de TOffi-
cial de fon Eminence. Mais ces con-
tradictions n'embaraffoient pas les
adverfaires de P. R. des Champs ,
pourvu qu'ils vinfTent a bout de leurs
deflems.
Pour y reuffir plus facilement, ils
firent encore deux chofes plus irregu-
lieres, & qui furent peut-etre la prin-
cipale raifon pour laquelle ils voulu-
rent fe fouftraire au tribunal de Lyon.
Ce frit i°. d'empecher que les religieu-
fes des Champs ne fuffent entendues
par le Pape; i°. d'avoir la liberte de
dire an Pape tout ce qu'ils voudroient
fous le nom des religieufes de Paris ,
fans craindre d'en etre dementis. Ils
ne pouvoient pas avoir cet avantage
a Lyon , oil les chofes devant fe flat-
ter en juftice reglee , ils ne pouvoient
empecher que les parties ne fuffent
entendues contradictoirement. Mais
ils traiterent autrement l'affaire a
Rome.
Ils folliciterent done une Bulle a
1'infu des religieufes de P- R. des
N vj
-ocr page 302-
■JOO HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1708. Champs , qui en aiant ete informees ,.
ecrivirent la lettre fuivante au Pape.
cxxxix. u Tres S. P. nous avons apptis avec
Xcs rclf{;ieu-                                                         if
fes de i\ r. » une extreme douleur que les reh-
SntChJ!3! » eieufes de Paris on t engage le Roi
aiant appis ?/.,,..               > , ° o
qirun foiiid- » a ioluciter aupres de votre iainte-
wcBuUe"omn! " la foppreffion du titre de notre
tree!les,<;cri. » Abbaie & la reunion de nos biens.
Ttan.au Pa- „ s ^ ^ Nqus ayons tQut fujet de
» craindre qu'apres avoir furpris la
» religion de fa Majefle , elles n'aient
>» encore ufe de leurs artifices ordi-
» naires pour furprendre celle de vo-
» tre Saintete, en lui deguifant le
» veritable etat des chofes , & nous
» reprefentant comme des filles re-
» belles & defobeiffantes au faint
» Siege.
» C'eft ce qui nous oblige, T. S. P.
» de nous profterner tres humble-
" ment aux pieds de votre Saintete
9 pour la prier de ne nous pas con-
» damner fans nous avoir entendues.
» Nous favons que celui que nous
» avons charge d'agir pour nous au-
» pies de votre Saintete, neveutplus
» fe meler de nos affaires dans f'ap-
# prehenfion de s'attirer quelque dif-
» grace. Cette nouvelle n'a pas dii
" nous furprendre, une longue expe-
>> rience nous aiant fait eprouver
-ocr page 303-
III. Pahtih. Liv. I. 50 r
»  plufieurs fois combien il eft diffi- iyoS1*
m  cile de trouver quelqu'un qui ofe
»  prendre la defenfe des innocens ,
«  quand ils ont pour parties des per-
"  ioniies accreditees aupres des Puif-
»  fances. Mais une telle conduite
«  nous met dans la neceffite d'avoir
«  recours a la juftice de votre fain—
»  tete, en lni demandant tres hum-
»  blement en grace de ne pas termi-
»  ner une affaire fi importante pour
»  nous, avant que nous aions pu trou-
»  ver un autre Agent, qui,inftruit de
»  toutes les raifons juftes & legiti-
"  mes que nous avons de nous op-
»  pofer a la demande des religieufes
»  de P. R. de Paris , puifTe en infor-
«  mer votre Sain tete des qu'il nous
»  fera libre de comparoitre devanc
»  fon tribunal. Car votre Saintete
"  n'ignore pas que nous fommes-
»  dans une facheufe conjonclure ,
»  norre affaire etant encore devant le
»  Primat de Lyon. Le defir que nous- .
»  avons qu'elle y foit promptement
»  jugee, nous a fait faire toutes les
»  diligences pombles & neceffaires.
»  pour l'obtenir , mais rros parties
»  plus ecoutees que nous, n'oublient
»  rien pour l'empecher.
» Nous, avons trop de confiancs
-ocr page 304-
3 02 HlSTOIRE M PoRT-ROlAt.
» en votre bonte paternelle, T. S. P.
» pour craindre que votre Saintete
» condamne la liberte que nous pre-
» nons de la fupplier de vouloir bien
» ne rien decider qu'elle ne foit exac-
» tement informee , & nous ofons
» meme lui reprefenter que les ecrits
« que nous avons ete obligees de
» faire , felon les occasions, 8c qui
.» aiant cte imp rimes peuvenr etre
« tombes entre fes mains , ne doi-
» vent etre regardes que comme de3
» preliminaires qui peuvent feule-
.» ment donner quelque idee au pu-
» blic de notre affaire, & non l'inf-
» truire entierement. lis ne contien-
» nent point , T. S. P. , tous nos
» moiens de defenfe & les raifon3
^ efTentielles que nous nous refer-
» vons d'expofer a votre faintete ,
» quand il s'agira du fond de l'af-
.*> faire , & que nous ferons aflez heu-
« reufes de pouvoir comparoitre de-
» vant elle & lui produire nos ritres,
» qui font adluellement devant le
3> Primat.
» Si nous ne craignions point, T.
» S. P. , de fatiguer vorre Saintete
» par un trop long detail, nous pi-en-
s' drions encore la liberie d; lui ex-
m pofer le irifce etat ou l'on nous a
-ocr page 305-
III. P A R T I E, LlV. I.         }0$
» reduices, & nous fommes perfua-
« dees que fes entrailles en feroient
» emues de companion , notre op-
» predion etant generale & fans coii-
" folation d'aucun cote. Car nous
« fommes dans une privation entie-
» re de tous fecours temporels &
" fpirituels ; privees de pain mate-
" nel & obligees de vivre d'aumo-
" nes, , les religieufes de P. R. de
» Paris s'etant mifes en poffeflion de
« tous nos revenus ; privees des per-
" fonnes qui nous feroient les plus
« neceffaires pour la conduire de nos
» affaires, par l'emprifonnement d'un
» homme (49) qui nous rendoit de
.» grands fervices depuis longtemps ,
» & par la retraite d'un autre (50) ,
» dont nousavons mieux aime nous
« paffer que de le voir expofe a un
» pareil traitement y privees enfin y
» & c'eft ce qui nous eft plus fenii-
« ble que tout le refte, du pain du
" ciel , par une ordonnance de fon
« Eminence M. le Cardinal notre
» Archeveque , qui nous interdit l'u-
» fage des Sacremens fur de famTes
(49) M. de S. Claude.     femblable a celur de M.
i 0) Apparemmem M.    de Saint Claude. Nobs le
Tero , qui s'etoit retire   verrons reparoitre daas. i*.
pour cviter uu uaitcnuui    flute.
-ocr page 306-
504 HistoiredePort-koia£,
1708. " fuppofitions , fans aucun fonde-
" ment legitime , & contre toutes les
» formes canoniques , comme nous le
" demontrerons devant le Primat, out
» l'affaire eft pendante;
»> Si quelque chofe peut adoucir
» nos pemes , T. S. P., c'eft l'efpe-
» ranee ou nous fommes que votre
« faintete en fera touchee, & que
" quand nous pourrons nous, jufti-
" fier devant elle , elle fera tres con-
« vaincue de l'injuftice de la deman-
» de des religieufes de P. R. de Pa-
« ris, de la purete de nos fentimens,
» de notre attachement an faint Sie-
» ge , & de notre fincere refpect pour
» les decifions. C'eft avec ces fenti-
=' mens , T. S. P. , que nous nous
» profternons aux pieds de votre fain-
w tete , pour lui demander humble-
» ment fa benediction Apoftohque ,.
« en 1'afTurant que rien ne fera ca-
» pable de diminuer notre profonde
» veneration pour elle , ni la confian-
» ce que nous avons en fa juftice &
» fa bonte pour des filles tres foumi-
» fes, tres obeiflantes, & tres aftli-
" gees ".
Cetre lettre etoit clatee du 18 mars.
Xes religieufes 1'adrelTerent par une
autre lectre au Cardinal Sacripanti,
-ocr page 307-
III. P A R T I E. Ihl. 1. |05 ________
En meme-temps elles firent renouvel- 170S,
!er Toppofition qu'elies avoient deja
formee a la Datterie.
Avant cette lettre , les religieufes
de P. R. n'avoient fait aucune demar-
che aupres du Pape , pour arreter les
Sourfuites & les procedures de M. de
Toadies concre elles. La raifon pour
laquelle on n'avoit pas informe fa
Saintete de ce que M. le Cardinal fai-
foit contre fon autorite dans cette af-
faire, c'eft qu'on penfoit que le Pape
craignant que M. de Noailles ne de-
ferat pas a fes plaintes (51) , & vou-
lant mettre fon autorite a couvert, of-
friroit de lui donner tous les pouvoirs
necefTaires pour terminer comme deli-
gue du faint Siege } ce quit avoit com-
mence de fa propre autorite1
(52). Ce
qui auroit mis les religieufes hors
d'etat de pouvoir jamais revenir par
voie d'appel du jugement que M. de
Noailles auroit rendu contre elles.
(yi) Premiere lettre de    foils I'adreffe de Made-
M. du Vaucel, du 14 juin    moifelle Petit, qui etoit
1707.                                    la celcbre Mademoifelle-
Seconde lettre du me-    de Joncoux. On fait que
me,du 19 juillet 1707.       M. Valoni etoit M. du
((l) Tous ces faits font    Vaucel, qui s'interoifToit
atteitts par M. Valoni,    aux religieufes de P. R.»
dans les lettres qu'il ecri-    des Champ:.
voic de Kome a MJ.ouail3
-ocr page 308-
$o£ HlSTOtRl DP. PoRT-ROlAt.
L 1708. Cette raifon empechoit d'agir aupres
du Pape , qui d'ailleurs etoit prevent!
contre les religieufes, au point que
des le commencement que cette affai-
re eclata , il avoit ete d'avis que M.
de No-ulles devoit les excommunier,
Cepeadant fon Eminence lui aiant
fait reprefenter les raifons pour lef-
quelles elle ne croi'oit pas devoir en
venir a eette extremite , Sa Saintete"
panic les approuver.
cxt.
          Les religieufes de P. R. ne deman-
Les relieieu- , .                 P.                      .             .               ,
fes de p. r. cloient, comme on le voit par leur
des champs letcre au pape qUe ce qu[ eft fa droit
fontcondam-                .                      
nees fans kre nature!, & ce que Kome paienne ne
emeaducs. refufoit pas aux accufes , favoir de
n'etre pas eondamnees fans avoir ete
entendues (53). Cela leur fut nean-
moins refufe, comme nous le verrons,
&c comme la copie de la Bulle envoi'ee
a rOfficial en rait foi. Le Pape ne fit
pas dire6tement reponfe aux religieu-
fes de P. R., mais il dit a leur Agent
qu'il leur rendroit juftice. Cette pro-
meffe n'empecha pas Sa Saintete de
(?jl Nontfi confuetudo    qui accufatur, prajintes
Romanis , difoit autre-    habeat accufatores,locum-
fois Feftus aux Juifs qui    que defendendi accipiat
voutoient faire mourit S.    ad abluenda crimina. A£t»
Paul , damnare aliquem    Apoft, c. 15. f 16,
hominem , priufqtmm is
-ocr page 309-
III. P A r. t i e. Liy. I.         307
dormer le 27 mars 1708 (ii meme el-
le ne l'avoit pas deja donnee (54) ,
une Bulle contre ces faintes filles. Elle
die a ce meme Agent, qu'elle n'avoit
pu la refufer aux foHi citations d'un
aujji grand Prince que le Roi de France.
On n'avoit cependant rien ou-
{54) I-a lettre des reli-
eieufes eft du 18 mars, &
la Bulle du i8. Il ne pa-
roit pas que le Pape ait
rec,u la lettre avant de
donner la premiere Bul-
le , mais il l'avoit re$ue
avant la feconde , datea
du meme jour que 'a pre-
miere , 6c avoit faital'A-
gent la reponfe que nous
avons rapportee. II faut
croire que le Pape avoit
deftein , lorfqu'il la fit ,
de rendre juftice aux re-
.ligieufes,. que dans la fui-
te il n'eut pas le courage
de refifter aux folliclca-
tions qu'on lui fit contre
elles. foes 1707 , M. Va-
loni ( du Vaucel > qui etoit
alors a Rome, ecrivit le 8
o&obre a Pads, 8c man -
da qn'a'iant envo'ie 1*A-
gent a deux Orfiders du
Pape , pour decouvrir' ii
l'avis qu'on lui avoit don-
ne fur P. R. etoit vrai,
ces Offi-ies lui avoient
dit que 1'aSaire etoit fi-
nie , Sc que fa faintete
avoit accorde la fuppref-
fion ou reunion, a la prie-
jre du Roi; que tout ce
qu'avou fait 1'Agent ne
S'empccheroit point, par-
ceque fa faintete s'y etoit
engagee. VAgent ai'ant dit
qu'il avoit mis un nihil
tranfeat
a la Datterie , 8c
qu'ainfi fa faintete ne pou-
voit accorder ce qu'on lui
demandoit de la part du
Roi', fans citer fa pattie
8c Scourer fes taifons; le
Sous - Dataite repliqua
qu'on les ecouteroit, mais
que cela n'empecheroit
pas que ce que le Roi avoit
demaiide ne fut accorde.
33 J'ai toujour1; cru , ajou-
33 te M. Valoni, 011 pour
33 micux dire, j'ai tou-
33 jours apprehende, qu'a
3) la fin on prendroit ce
33 parti , pour ruiner la.
33 fa'nte famille (le mo-
33 nalteredeP R.) & que
3) le Pape , qui eft d'ait-
3j leurs prevenu contre
33 elles, y donneroir les
33 mains- Il le fera d'au-
33 tant plus facilement
33 qtt'il croiia que sll
33 n'y confentoit pas, la
33 chofe fe f roit fans lui ,
33 par la frule autorite de
33 i'Ordinaire ou du Roi.
Trorfieme lettre MS. du
8 otlobre 1707.
-ocr page 310-
308 HlSTOIRE DE PoRT-R01AL.:
" J708, blie (55), ni rien neglige des qu'ott
cxli. fut que les religieufes de Paris agif-
Toutcs iesf0ient ^ Rome pour inftruire le Pape
demarches                                          r,                  . , _. . ^
qu'on fait a & pour s oppoier aux mjuihees &
Rome font pr(ivenir ies furprifes. On follicita
n'y a aucunoa baintete, on lui communiqua des
egard. ecrits fur ce fujet entre autres un,
dans lequel on prouvoit » que les
*> Papes ne peuvent & ne doivent
» accorder des Bulles de cette nam-
» re fans le confentement des parties,
» & que ce confentement eft necef-
« faire en France pour qu'elles foient
» recues «. Le nihil tranfeat fut re-
nouvelle exactement (56). On fit rou-
tes les demarches neceffaires pour
s'oppofer a cette affaire & tacher de la
faire echouer ou du moins de la trai-
ner (57) en longueur a Rome : elle
y fouffroit de grandes difficultes.
L'Agent des religieufes parla avec
beaucoup de force & de vigueur au
Pape en leur faveur dans une longue
audience; & comme il dit au Pape
que les Jefuites etoient les grands
adverfaires de P. R., Sa Saintete lui
repondit, qu'il n'etoit pas queftion
(5c) Cinquieme lettte    M. du Vaucel, du 14 d6-
de M. du Vaucei,du 11    cembre 1707.
■novembre.                             (57) Septieme lettrc deM..
(i«) Sixieme lettre de    Valoni, du 14 janv. 17Q&+
-ocr page 311-
III. P A R T I E. Liy. I. 309
de Jefuites dans cette affaire, & que "T^sT"
ces Peres, operava.no in quejlo , (fa-
voir dans l'affaire du Janfenifme)
fxnta mente e con retta intentione. Le
Soudataire fie auffi entendre , que
quand meme le Pape auroit rerafe
ce qu'on lui demandoit , l'autorite
lai'que l'auroit execute , 8c qu'il en
etoit informe de bonne part. II dit a"
l'Agent qui faifoit valoir les raifons de
P. R. des Champs: vole refifiere alia
monorchia della Francia 3 a un Re tan-
to potente.
Ce Soudataire traita la
claufe des religieufes d'extravagante
8c intolerable.
' II eft aife de juger par la quel foe- Ldes
ces leur affaire pouvoit avoir a la religieufes de
Cour de Rome , ou leur Agent meme ckamm deft
refufa d'agir pour elles depuis la re- imimide par
primande qui lui fut faite par le Car- ^ faar-rre-
dinal de la Tremoille. Ce Cardi- moiiie, &
nal ai'ant ete informe du nihil tran- p^ufeiies?81'
feat , du memorial prefente par M.
le Vage (e'eft le nom de l'Agent)
8c de tout ce qu'il avoit dit en raveur
des religieufes (58), » l'envoi'a cher-
» cher le 15 Janvier 1708 , 8c lui
» fit uneverte reprimande dece qu'il
» ofoit faire contre les interets du
(5") Hiiitieme lectrc de M. du Vaucel, du 11 ja*»
vier 1708.
-ocr page 312-
JIO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» Roi fon maltre , qu'il avoit li fort
» a coeur qu'il avoit reitere fes or-
» dres pour obtenir la Bulle, & qu'il
» fe plaignoit dans fa derniere let-
» tre que fon Eminence tenoit en
" main , qu'elle ne fiit pas encore
» expedite, quoiqu'elle dut l'etre de-
» puis trois mois ". Le Cardinal
n'ecouta aucune des raifons de l'A-
gent(55>), & l'effraia tellement qu'il
s'engagea a ne plus fe meler de cette
affaire. L'Agent craignoit qu'on ne
maltraitat fes parens, qui etoient a
Dinan. Ce fut ce qui occafionna la
lettre que les religieufes de P. R. des
Champs ecrivirent au Pape le 18
mars, par le confeil de M. Valoni ,
pour prier Sa Saintete de ne pas ter-
miner cette affaire , avant qu'elles
euflent trouve un autre Agent. M. le
Vage reconnut peu apres qu'il s'etoit
engage mal a propos avec le Cardi-
nal de la Tremoille, & ne parut pas
s'eloigner de faire une demarche d
laqueile M. Valoni voulut le porter.
Mais la peur l'ai'ant repris, il renon-
$a entierement a l'afraire des reli-
gieufes de P. R. des Champs (60), &
refufa de faire ce que M. Valoni lui
({?) Neuviemc lettre du 5 fevrier.
<so) Dixieme lettte du 5 mars.
-ocr page 313-
III. P A R T I E. L'lV. I.          jll
propofoit. Un homme de bien {61)
voulut bien y fuppleer, & rendre aux
religieufes de P. R. les memes fervi-
ces qu'il avoit tache de rendre aux
filles de l'Enfance.
Les egards que l'on avoit a Rome
( non a la verite pour M. de Noail-
les, qui malgre tout ce qu'il faifoit,
pafToit encore pour Janfeniite, & con-
tre lequel on etoit pique a caufe de ce
qui s'etoit pafle dans l'aflemblee ou il
(<fi) Cet homme de
1 :en etoit Meffire touis
Mai'le , Pretre du Dioce-
fe d'Aix , & Direfteur du
Seminaire , a qui fon z<"le
•8c fa charge pout la de-
fenfe des filles de l'enfan-
ce , avoient attire un I au-
nilfement de France pour
fept ans. S'etant refugie a
Rome, il y remplit avec
un applaudiiTement ge-
neral 8c l'approbation
nieme de Clement XI ,
une Chaire de Profeffeur
de l'Hiftoire ecclefiaftique
a la Sapience. II y eut
pour difciple & dans la
fuite pour protecteur ,
l'Abbe Lambcrtini, au-
jourd'hui Pape ( Benoir
XIV ). Ce fut lui qui fit
fortir le to juillet 1715 ,
M. Maille du Chateau S.
Ange , ou les Jefuitcs l'a-
voienj fait enfermer en
1710, pour fc vanger de
ce qu'il avoit fait, tain
dans les iftkires du Quie-
tifme & des ceremonies
ou plutot des Idolatries
Chinoifes, auxqucllcs les
Jcfuites font fi opiniatre-
ment attaches, qu'en qua-
lite d'Agent pour les reli-
gieufes de P. R. L'inno-
cence deM. Maille ai'ant
ete reconnue par un de-
cret du S. Office, il repa-
rut avec eclat dans fa
Chaire de PtofclTeur. En
171s , il courut rifque d'e-
tre arrete de nouveau , a
caufe de fes liaifons avec
M. Chevalier , envo'ie a
Rome pour les affaires de
la Bulle ; mais il fut aver-
ti a terns, & quitta l'lta-
lie pour revenir en Fran-
ce , ou il mourut retire a
la Doctrine chrerienne, le
3 aout 1758 , ag6 de Si
ans. 11 legua une partie
de fes Livres au Cardinal
Lambertini, fon protec-
teur. Nouv. Ecclef. z%
nov. 1758. Mem, h<ft;
T-
7-i7- 5J7. •
-ocr page 314-
JIZ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
i7o8. prefidoit, pour la receptionde la Bui--
le Vtneam), les egards , dis-je, qu'on.
avoit pour le Roi de France & fbn
Miniftre (le Cardinal de la Tremoil-
le) l'emporterent dans l'efprit du Pa-
pe fur tout autre motif, & le deter-
minerent a accorder la Bulle qu'il
follicitoit contre les religieufes de
P. R. des Champs. C'eft pourquoi el-
le fut accordee en forme gracieufe,
& ad inftantiam R.egis, malgre routes
les raifons les plus folides.
F cxLin. La perfuafion ou Ton etoit a Ro-
contre
les re. me, que l'affaire fe confommeroit a
ligicufes deP. paris fans la participation du S. Sie-
eft accordTeP! ge (61) , i\ le Pape refufoitplus long
adinftanuam tems d'accorder ce qu'on demandoit,
^on a'ofe fut la principale raifon qui determi-
parier a Ro- na Clement XI a pafler outre. Com-
me en raveur           .. ,,             . ,. >■              , ,                .
des reiigieu- me ll s etoit deja engage de parole ,
fo de p. r. &- qU'on le prellbit vivement, il ne
desChamps. r l            ,, *                   ,..                   J. . ,
taut pas s etonner qu il ait conlenti a
ce qu'on defiroit. D'ailleurs M. du
Vau«,el ne put trouver perfonne qui
ofat parler a Sa Saintete , pour lui
dire vrai. Et quand il auroit trouve
quelqu'un , cela auroit ete inutile ,
parceque quiconque lui auroit parle
le feroit rendu fufped , & fe feroit
<«i) Douzicme lettre de M. da Vaucel , du 14
avril 1708.
peut-etre
-ocr page 315-
III. P A R T I t. LlV. I. } I J
peut-etre attire quelque mortifica- ~I708,
tion. ties Miniftres etoient encore
moins traitables que le Pape; le Da-
taire dit nettement a l'Agent, qu'il
ne falloit avoir aucune communica-
tion avec les Janfeniftes. M. du Vau-
eel lui-meme auroit eti perdu fans ref-
fource
(63), comme il le dit, ft on avoit
fit ou'il fe melat de cette affaire:
il ne
laiffoit pas d'agir fecretement, & de
faire tout ce qu'il pouvoit.Mais malgre
routes les peines qu'il fe donna , &
quelque diligence qu'il fit, il ne put
trouver perfonne qui voulut paroitre
dans cette affaire, pour parler en fa-
veur de Finnocence opprimee.
                      /
En France les amis de P. R. n'e- cxtrV.
toient pas mieux traites. II s'en trou- donnl fa'j^f
voit neanmoins en qui la probite &mie,re B»He
la religion prevaloient fur les crain-raj" ,u70!j7
tes & les vues humaines. Les uns vou-Eile, cft e!-
loient bien preter leur miniltere , & ce
qUi [a pot. •
d'autres emploier leur credit pour lateauRoi.
defenfe de ces vierges chretiennes
opprimees par leurs ennemis. Non-
feulement ils agiffoient en France,
imis ils tachoient encore de le faire
a Rome en cherchanrles moi'ens d'a-
voir acces aupres du Pape, & en lui
faifant prefenter des ecrits & des me- ,
(Sj) Quinzieme lettre du 4 Septembre 1708.
Tome IX.                         O
-ocr page 316-
J I 4 HlSTOIRE DE PoRT-ROl AL.
moires. Mais rout fut inutile,, & le
Pape donna le 17 mars uneJBulle oii
Bref addrefle a l'Official, .pour reunir
les biens de P. R. des Champs a
P. R. de Paris. II ordonnoit qu'on
donneioit 100 liv. de penfion a cha-
cune des religieufes , lefquels refte-
roient dans leur monaftere de P. R.
des Champs , dont on auroit fain
d'entretenir les hatimens, jufqu'a ce
que la derniere fut morte. Le Nonce
aiant re^ule Bref le 11 mai, le porta
au Roi, a qui on le traduifit fur-le-
champ rant bien que mal. Sa Majefte
en parut tres mecontente, difant que
s'il recevoit ce Bref » qui ordonne
» que jufqu'a la derniere converfe ,
» toutes les religieufes mourront dans
« le monaftere , il n'auroit pas le
" plaifir de voir durant fa vie la def-
trutlian de P. R. «. Si ce Prince a
tenu un tel langage , il falloit qu'on
lui eut inipire d'etranges preventions
contre P. R. II ne determina cepen-
dant rien , &c envo'ia le Bref au Car-
dinal de Noailles , avec ordre de le
iaire traduire exa&ement. Ce Bref
etoit accorde en forme gracieufe adinfi
tantiam Regis.
Les religieufes de P. R.
des Champs n'y etoient chargees d'au-
cune accufation. Le Pape mettok
-ocr page 317-
III. P a a t i e. Liv. I. 315
feulement, rationabilibus caujis nobis 170S.
cognhis. Sa Saintete y fuppofoit qu'il
y avoir une Abbefle a Port-Roi'al des
Champs. II faut remarquer que le
Pape n'envoia qu'une copie collation-
nee de certe Bulle & non l'original;
& ce fut fur ce fondement que les
Italiens dirent que ce n'etoit qu'un
projet.
Dans cetce premiere Bulle, le Pape cxlv.
fuppofoit comme un fait certain que nren^ere"u!-
l'union & la fuppreflion requifes ,le
> les «-
etoient utiles, parceque ians cela 1 un Pf R. je,
& l'autre monaftere periroient; celui champs font
1 t\ ' r          1 1 ^          1                traitees avec
de Paris, raute de biens : ( pqurquoi moins ae ri.
Pavoient - elles diflipe ? ). Celui des gueut«
Champs , faute de novices, ( pour-
quoi les empechoit-on d'en recevoir ?)
En confequence, le Pape fans ordon-
ner felon l'ufage , une information
de commodo & incommodo , eteint &
fupprime le monaftere des Champs;
il en reunit les biens au monaftere de
Paris, a la charge de donner aux re-
ligieufes qu'ildepouilledeleurs biens,
zoo liv. de penfion a chacune, d'en-
tretenir les lieux reguliers, & ce qui
etoit du fervice divin. Quelqu'injufte
que fut cette Bulle , elle laiflbit au
moins aux religieufes des Champs
la confolation de mourir dans le lieii
O ii
-ocr page 318-
^
3 I 6 HlSTOIRE DE PORT-RO'lAl.
" i-t03." ou elles avoient fait a Dieu leur fa-
crifice , & de pouvoir l'y fervir juf-
qu'a la mort. Elles n'etoient point
traitees de rebelles aux Conftitutions
apoftoliques j &c pour ce qui eft du
tempore! , leur condition auroit ete
plus avantageufe qu'elle ne l'etoit au-
paravant. Etant vingt-fix religieufes,
dix-fept de choeur & neuf converfes,
& ai'ant chacune zoo liv. de penfion ,
elles auroient eu 5000 liv. fans etre
chargees de depenfes pour l'entretien
des batimens & des domeftiques, ce
qui faifoit un revenu plus confidera-
ble que celui dont leur monaftere
jouifloit , au moi'en de quoi elles au-
roient pu vivreplus commodement.
cxlvi. II ue faut pas s'etonner fi cette Bul-
ie»emts le ne fut pas du gout des ennemis de
for.c pas con- P. R. La fatisfadion dont ils defi-
tei 5 de la roient depuis fi long-tems de jouir ,
Bu'le & en             ., r              r o                     I
foiudtem u- en voiant renverler cette lainte mai-
»e autre. fon ^ 1'objet de leur haine , auroit ete
trop reculee, s'il eut fallu attendre
pour cela la mort de toutes les reli-
gieufes qui reftoient encore. Ainli ils
lolliciterent vivement, com me nous
le verrons , une autre Bulle. Le
Pape la refufa long-tems , mais enfin
apres quelques mois de refiftance , il
teda aux injuftes & preflantes follici-
. .
-ocr page 319-
III. Par. t i.e. Liv. I. 317 _______
tations,& en accorda une nouvelie' 1708.
Des le 9 o&obre , on apprit a Paris
que la minute de la Bulle etoit fignee.
Nous ne pouvons en fixer la date, par-
ceque le Saint Pere lui en donna une
faiuTe (64) , en la datant du meme
jour que celle du 27 mars precedent.
C'eft toutefois le moindre de fes de-
fauts. Mais ce qui eft contraire a rou-
tes les loix divines & humaines, c'eft
d'avoir donne cette Bulle fans que les
religieufes de P. R. euftent ete appel-
lees ni entendues, ni qu'elles euuent
donne leur confentement a la fup-
preflion de leur Abbai'e. Le Pape le
declare lui-meme dans fa premiere
Bulle envoiee a l'Official , qui. porte
cette claufe ( qu'on a retranchee dans
la feconde adreffee a M. de Noail-
les) » Nous voulons qu'on ne puifle
» fur quelque fondement que ce foit...
» attaquer , revoir & contefter en
» droit les perfonnes.... fous pretexte
» d'obreption, fubreption, nullite....
» ou parceaue les Abbeffes & reli-
» gieufes du monaftere de P. R. des
» Champs n'auroient point ete appel-
" lies ou entendues
, ou que les parties, -
» interejfees n'y auroient point donni
(64) Lettte de Madame de Vieuxbourg du ? oc;
tobre , a Mademoiselle Joiicoux.
O iij
-ocr page 320-
3 I 8 HlSTOIRE DE POR.T-R.01AI.
1708. " ?eur confentement«. Sa Saintete don-
ne par ces paroles a£te a tome la pof-
terite de fon injuftice , & reconnoit
que les religieufes de Port-Roial des
Champs n'ont point ite appellees ni
entendues
: il ne veut pas meme qu'une
injuftice fi criante ferve de fondement
pour revenir contre fa Bulle , & il
leur defend de fe juftifier.
Non-feulement les religieufes de
P. R. des Champs ne furent point en-
tendues , & ne donnerent point leur
confentement, mais elles furent me-
me horriblemenr calornniees dans la
fupplique pleine d'obreption & de fu-
breption ,
des religieufes de Paris. II
eft dir entre autres chofes dans cette
fcandaleufe fupplique que les religieu-
fes deP.R. des Champs cm fait voir leur
chjlination
, & leur attach ement opinici-
tre a fomenter I'herifie Janfenienne.
gxlvii. Ce fut fur une telle fupplique, pre-
adreiicc "ae fentee par les ennemis & les parties
rofficial eft des religieufes de P. R. des Champs,
vaU?qiJr«h que Clement XI donna contre elles
tre>
            fans les avoir entendues (65) la pre-
miere Bulle du 27 mars 1708 , qui
toute injufte qu'elle fut, etoit cepen-
dant moins mauvaife comme on l'a
deja remarque, que celle qui fut adref-
(65) Lcttre de M. Valoni du 31 mats 1708.
-ocr page 321-
III. P ARTIE. L'lV. I.       fl?
fee depuis a M. l'Areheveque de Paris. 1708.
Car i°. le Pape tt'y attaquQit point cxlviii.
1 c • -• 1 rr -tr         1 v •         BulIedePaul
la roi, m la iounfiiiHon des rehgieu- u fui raii(,.
fes aux Conftitutions apoftoliques j »ation &*
x°. il les confervoit, leur vie durant, CiM^nes ,
dans leur monaftere , avec la liberte fm m°mn'-
dy oblerver leur regie, dy celebier&c,
l'oflice divin , & d'y fatisfaire a l'in-
tention des fondateurs. 30. II leur
laiiToir l'ufage libre de Ieurs biens
meubles, & pourvoi'oit a leurs befoins
fur le revenu des immeubles, dont il
leur otoit injuftement 1'adminiftra-
rion. 40. II ouvroit meme a I'Ofricial
une porte pour ne point executer fa
Bulle, en lui propofant ce que pret-
erit Paul II dans fa Bulle du 1 o mai
1465 , fur l'alienation des biens eo
clefiaftiques. » Si Ton eft oblige, dit
" ce Pape , de fuiv re les regies de la
» juftice , &: d'agir avec une conf-
" cience pure dans tous les jugemens
» que Ton rend , cette obligation
» devient encore plus etroite, lorf-
« qu'il eft queftion d'ordonner Pa-
» lienation des biens ecclefiaftiques,
» parce qu'alors il ne s'agit pas de
" difpofer du bien propre de quel-
« queparticulier, mais duparrimoi-
" ne de Jefus-Chrift , & d'un bien
« qui doit etre diftribue aux pauvre*.
O iiij
-ocr page 322-
3 io Histoire de Port-ro'i'al.
» C'eft pourquoi les Juges ecclefiaf-
» tiques, que le S. Siege apoftolique
« deiegue pour examiner les caufes
» de ces fortes d'alienations , dont il
» charge leur confidence avec cette
» claufe/? I'utiliti en e(l evidente, doi-
» vent bien prendre garde que la fa-
" veur ne gagne rien fur eux , que la
" crainte ne leur arracherien, & que
" l'efperance des recompenfes ne leur
" faffe violer la juftice & bleCTer la
" confcience. Nous avertiifons done
" tous nos Commiffaires & delegues
» pour ces fortes d'affaires , & nous
» leur enjoignons tres etroitement,
" en les menacant du jugement de
« Dieu , d'apporter une . attention
" particuliere aux raifons expofees
« par les fuppliques qui font conte-
*> nues dans les Lem/es apoftoliques,
» de les examiner & de les appro-
" fondir avec tout le foin poflible ,
» d'entendre les temoins, de rece-
» voir leurs preuves fur la verite des
" faits allegues , n'aiant que Dieu
» feul en vue , & fe mettant au-def-
" fus de tout motif de crainte; & de
» ne porter aucun decret qui puifTe
« bleffer leurs droits, on leur caufer
33 quelque prejudice. Et s'il arrive
»• qu'un Commiffaire ou Deiegue ne
-ocr page 323-
"~
111. P A r t i e. Liv. I. 32 r~"
» comptant pour rien de trahir fa \-oi
« confcience , ait confenti par crain-
» te , par faveur , ou par un fordide
» interet, a une alienation onereufe
ft: & prejudiciable a une Eglife , qu'ii
ait fur cela porte quelque decret,
» on interpofe fon autorite, s'il eft
" dans un degre inferieur a un Evc-
» que , il encourra la peine d'ex-
« communication ; s'il eft Eveque ,
« ou fuperieur a l'Eveque , qu'il fa~
" che qu'il eft fufpens pour un an
« des fondtions de fon miniftere, 8c
»
qu'il fera de plus condamne a repa-
» rer le tort qu'il aura fait a cette
» Eglife j & que fi etant aufli cou-
» pable , il s'ingere d'exercer les
« forxStions pendant la fufpenfe , il
" tombera dans l'irregularite , done
» il ne pourra etre abibus que par le
» fouverain Pontife. Et celui qui par
» dol , ou fraude, ou fciemment aura
« procure une alienation prejudicia-
» ble aux Eglifes, ou qui par argent
» ou par violence aura extorque un
» decret d'alienation , encourra la
« peine d'excommunication, dont il
" ne pourra etre abfous que par le
» fouverain Pontife ; & des qu'il au-
» ra ete convaincu de ce que delTus,
» il fera encore condamne a la reftl-
O v
-ocr page 324-
521 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1708, " tution des biens ainfi alienes , Sc
» des fruits qui en fsroient provenus.
» Nous voulons que lefdits Delegucs
« & Commiflaires foient fpeciale-
« ment avertis des peines portees
» par notre prefente Conftitution ,,
» qui fera inferee dans route lettre
» portant pareille commiflion. Que
w perfonne ne foit aflez hardi pour
» enfreindre ce decret, ni aflez te-
» meraire pour s'y oppofer. Et ft
« quelqu'un ofe y donner atteinte,
» qu'il fache qu'il encourra l'indi-
" gnation du Dieu tout-puiflant &
■» de fes Apotres S. Pierre & S.Paul.
» Donne a Rome a S. Pierre , Tan de
*> notre Seigneur 146 5 , le 1 o mai,
" la premiere annee de notre Pon-
» tificat.
exnx, II faut avouer que cette Bulle de
dei^'ii uUeft Paul II, rappellee par celle de Cle-
une bdie ic ment XI, etoit une belle leeon pour
Jon pour ceux r\cr • \                   • ■ < l i*
quidetruirent un Official qui auroit aime le bien y
fes Monafte- &- qu'elle lui donnoit beau champ
res.                      t:              .           .            .                 -/r
pour ne point executer la commiflion
donr il etoit charge par la Conftitu-
tion de Clement XI. Qu'il fbit per-
rnis d'ajouter ici que cette Bulle de
Paul II meriteroit bien d'etre propo-
fee. dans les. malheureux fiecles ou
nous vivonSia. certains Prelats qui
-ocr page 325-
III. P A R T I E. LlV. L         J 2 J _____
font aufli ardens aujourd'hui adetruire , 70g.
les monafteves, que l'etoient autrefois
les SS. Eveq. des beaux jours de l'Eglife,
a etablir & a fonder ces aziles deftines
a mettre l'innocence a. couvert de la
corruption du fiecle, ou a la reparer
par une ferieufe penitence. Mais on
ne doit pas etre mrpris qu'apres avoir
condamne lesfaintes maximes de l'E-
glife fur la penitence, on detruife les
lieux deftines a k faire.
On ne fait pas attention que c'eft
adopter & approuver le fyfteme de
l'Auteur de Vefprit des loix, de Vol-
taire , & de tant d'autres impies ,
qui voient avec plaifir les Miniftres
du Sanduaire preter leurs mains a
l'execution de leur projet, & mettre
en pratique ce qu'ils n'ont enfeigne
qu'en fpecularion dans leurs libelles
contre la religion chretienne. Les
gens de bien en gemiflent, en fe rap-
pellant que c'eft par la deftru&ion des
monafteres qu'on a commence a de-
truire la religion dans an roiaume
voifin dela France, qui eft aujourd'hui
plonge dans les plus epaifles tenebres, ex.
& dans l'ombre de la nuit.
                   iwennenrff
La Bulle de Clement XI a l'Offi- tiennent une
cial de Paris parut imprimee en latin f^V^^
qc
en rrancois au commencement de .ikdiee a m~
-ocr page 326-
_______ 3*4 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI;
I708. juillet 1708 j mais les menagemetis
que le Pape y gardoit a l'egard des
religieufes de P. R. des Champs,,
deplurent comme nous l'avons dit,
a leurs ennemis , qui fe voioient
trop genes , par les conditions que
nous avons rapportees, & arretes dans
les detTeins qu'ils avoient de renver-
fer cette fainte maifon. C'eft pour-
quoi ils folliciterent avec ardeur , &
obtinrent enfin une Bulle telle qu'ils
la fouhaitoient. Cette Bulle. adreilee
a M. l'Archeveque de Paris ;, & datee
comme la precedente (par une fauflete
fnanifefte ) devint publique a Paris
au mois de novembre (66). On peut
la divifer en trois parties , dont la
premiere contenoit la fuppliqne des
religieufes de P. R. de Paris, qui eft
pleine de deguifemens & de fauftetes
qui font voir que le Pape avoit ete
trompe , mais en mane terns qu'il
avoit eu tort de ne pas vouloir enten-
dre les religieufes de la maifon des
(6S) Cette feconde Bui-    R. its Champs le 17 ou
te fut fignee & expedite a    18 de ce mois pour luj
Rome au mois de feptem-    dire qu'il y avoit un Bre£
bre, & envo'ieepeu a pres,   contre elles. Mais ce Bref
en France en forme de    n'£toit encore alois connuv
Bref. On commen9a & en    que de la Cour & de ceuxr
parler au mois d'o&obre.    qui avoient travaille a
M. de Noailles fit meme    l'obteuir ; mais bien-to,t:
■veair le Chapclain de P.    on ea eut des copjss.
-ocr page 327-
!
III. P A R T I E. LlV. I.         ]Z f
Champs , qui auroient pu detromper
Sa Saintere en lui expofant la verite
des chofes. La feconde partie contienr
la difpofition que fait le Pape du titre
de l'Abbai'ede P.R. des Champs qu'il
fupprime*, de fes biens qu'il ote aux
religieufes qui les poflfedoient legiri-
mement, pour les dormer a celles qui
n'y avoient aucun droit ; enfin des
religieufes memes de Port-Roial des
Champs qu'il fuppofe coupables fans
preuves, qu'il chaiie de leur maifon ;
livrant ces innocentes vicftimes a la,
fureur de leurs ennemis, & les aban-
donnant a la difcretion de Monfieur de
Noailles, pour les difperferou il juge-
roit a propos. » Et afin, dit le Pape,
" que cettefuppreflion &cette appli-
» tation aientpluspromptement leur
" effet , & que le nid oii l'erreur a
*> pris de fi pernicieux accroiflemens,
» foit entierement ruine & deraci-
» ne (67) j (c'eft ainfi que Clement
(S7) Ut nidus , in qua    » reur , comme on fait,
trror prava fufcepit in-    «  tin Monaftere qui a ete
crementa , penitus ev'ella-    n  comme le berceau , ou
tur & eradicetur. Le nid    »  la- purete de la morale
de l'erreur .'difons plutot,    »  chretienne ,. de la dif~
te nid de la verite, le nid    «  cipline ecclMaftique &
oii- la Tourterelle avoic    »  de la vie religieufe a
place fes petis , oii tant    »  reprisnatflance; unlieu
de Colombes g£mi!Toient    r>  qui a fetvi de retraite
dans 1'attentedu Seigneur.    »  aux defenfeurs de la
» Appellor le nidde I'er-    »  grace de:J. C.,. & a ua
-ocr page 328-
J2<j HlSTOfRE DE PoRT-ROlAT..
» Xlqualifioit la faints maifon de
» P. R. des Champs) 5 les religieufes,
" rant du chceur que converfes qui
.. font prefentement au monaftere de
» P. R. des Champs, peuvent & doi-
» vent Stre transferees
enfemble, ou
» feparemenr, dans le terns , la ma-
» niere & la forme que vous jugerez
» a propos, fuivant votre difcretion
» & confcience, en d'autres maifons
" religieufes ou monafteres que vous
» choifirez , &c «. Les fiecles a venir
pourront-ils croire que le Succefleur
de faint Pierre , le Vicaire de Jefus-
Chrift ait rendu un tel jugement con-
tre des vierges chretiennes, fans avoir
voulu meme les entendre ? La troifie-
me partie de la Bnlle contient une
ample derogation a routes les loixna-
turelles & humaines, qui prefcrivent
les conditions & formalites , qui doi-
» fi grand nombre de    » foit un nioindre hlaf-
3j faints folitaires 8c d'il-    33 pheme que celui que'
33 luftrcspenitens; unlicu    33 les Scribes & les Pha-
n ou le S. Efprit s'eft ma-    » rifiens commetioient %
3> nifefte en tant de ma-    33 en attribuant au De-
33 nieres & par des ope-    3> mon l'operation di-vine
33 rations & des ocuvrcs    33 du S. Efprit, qui chaf-
33 ii eclatantes de fa ver-    33 foir les Demons des-
33 tu ; qu'on ofe , dis-je ,    33 corps qu'ils poile-
33 appeller le nid de I'tr-    33 dcieut. Lettre du Pere
33 reur ce fanttuaire de la    Quefnel du 17 fepttmbr&
33- vcrite & de la chariie ,    1715.
» k ne uois pas que ce
-ocr page 329-
III. P A R T I E. LlV. I.         327____
vent eftentiellement preceder de pa- 1708,
reils jugemens. Le Pape poar y fup-
f>leef , declare qu'il deroge a routes
es loix qui les prefcrivent. L'expe-
dient eft admirable.
La conduite du Pape a l'egard des Ctr.
religieufes P. R.des Champs eft d'au- foancg°enJu£
rant plus furprenanre , que ces filles clement xi &
          a                       1 /                         l'esard des re-
ne pouvoient etre regardees comme lig]eufes dc:
coupables d'aucune faute dans l'affai- ?• R. de»
re pour laquelle on les perfecutoit ft c am£S*
eruellement. En effet M. de Noailles
ne les avoit privees des Sacremens ,
& ne leur avoit fait tous les autres
traitemensinhumains dontnous avons.
parle, que parcequ'elles avoient ajou-
tc la claufe Jans deroger a ce qui avoit
ete fait en leur faveurala paix de Cle-
ment IX,
dans le certificat qu'on leur
avoit demande. Or M. de Noailles
avoit pafle fes pouvoirs, & etoit alle-
au-dela de ce qui etoit porte par la
Bulle Vineam , en exigeant des reli-
gieufes de P. R. une fignature & un
certificat que cette Bulle n'exigeoit
pas. z°. La claufe qu'il rejettoit etoit
une marque du profond refpecT: que
les religieufes de P. R. coniervoient
pour tout ce qu'avoit fait un fouve-
rain Pontife predecefleur de Clement
XI j & fon Eminence en les privanr
-ocr page 330-
528 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
1708. des Sacremens pour cette pretendtie
faute, puni(Toit line exa&e obeiifance
aux decifions des fouverains Pontifes.
30. Le Pape ai'ant defendu d'ajouter
a fa Conftitution , de l'interpreter &
d'aller au-dela de ce qu'elle prefcrit,
il etoit en droit de fe plaindre de M.
de Noailles, & de lui demander par
quelle autorite il avoit excommunie
des fitlles qui avoient obei a cette
Conftitution comme les autres com-
munautes du Roi'aume , & qui avoient
meme ete plus loin qu'il n'etoit pref-
crit par la Bulle, le certificat qu'el-
les avoient donne pour obeir a leur
Archevcque etant inutile , puifquele
S. Siege ne l'exigeoit pas. Qui ne s'e-
tonnera que des raifons li folides
n'aient fait aucnne impreflion fur l'ef-
prit du Vicaire de Jefus-Chrift,& qu'il
ait livre les epoufes de ce divin Sau-
veur a la fureur de leurs ennemis, au
lieu d'etre touche des ttaitemens bar-
bares & inhumains qu'on leur faifoit
foufFrir fi injuftement, & de prendre
la defenfe de l'innocence opprimee
dans leur perfonne ? Qui ne s'eton-
nera, que non content d'avoir donne
fon confentement a la fuppreffion de
leur monaftere, il ait encore ordonne
qu'on enlevat clepauvres filles foibles
-ocr page 331-
III. P A R T I E. LlV. L          }±9
&infirmes, accablees la purpart par
le poids des annees & des innrmites,
d'un lieu ou elles s'etoient confacrees
a Dieu dans l'efperance d'y finir leurs
jours , pour les difperfer de cote &
d'autres dans des monafteres Gran-
gers , & les reduire dans une dure
captivite fous des Superieures ou pre-
venues contre elles , ou pour le moins
indifferentes a leurs maux & a leurs
befoins ? Qui ne s'etonnera du mepris
qu'a fait le Pape par une telle Bulle ,
du vceu de ftabilite fi religieux & fi
faint, de 1'impuiflance ou il a reduit
de faintes filles de garder leurs regies
& leurs Conftitutions j de l'extinction
de tout fervice divin dans un monaf-
tere , ou il fe faifoit avec tant de di-
gnite & d'edification ? Qui ne s'eton-
nera , quele fouverain Pontife ait aim!
traite des vierges chretiennes, qui
n'etoient coupables que parcequ'elles
avoient des ennemis puiflans qui ne
pouvoient fouffrir l'eclat de leurs ver-
ms , & de malheureufes fceurs qui
vouloient envahir leurs biens, & ne
vouloient pas attendre leurmortpour
s'en emparer ? Qui ne s'etonnera en-
fin que le Miniftre de Jefus-Chrift fur
terre, ait ete le miniftre d'une li gran-
de injuftice , & ait fait une chofe 11
-ocr page 332-
$}0 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAI.
L h-708. contraire a fes obligations , dont la
principale confifte a proteger la piete
& la verm lorfqu'elles font oppri-
mees(<J8}?"
cm.         Avant que cette feconde Bulle pa-
Letreano-                      . 1                ,, r .             ,. -.. ,l ,
nymekiitearut3 on-homme d eiprit & deplete,
m. de Noail-touche de voir M. de Noailles s'en-
gager de plus en plus dans cette mal-
heureufe affaire, lui ecrivit unelet-
tre des plus folides & des plus rou-
chantes (69) pour tacher de lui ou--
vrir les yeux fur les fauffes demarches
qu'on lui faifoit faire. « Ce qui me
■• fait trembler, dit 1'auteur de cette
» lettre , c'eft de voir votre Eminence
: ........... .
(«8) Voi'cz cette fecon-    ibid. Nous nous conten-
de Bu'Ie( ainfi|que U pre-
    tons d'indiquer ce" pieces
miere) dars les Mcmoi-
    qui font ties im['or>an-
res fur la deihu&ion de
    tes, n'etant pas poffible
P. R. dans l'hifloire dela
    de leur donner place dans
derniere perfecutiim , oil
    une hiiloire , ni nieme
dies fe ttouvent en latin
    d'en donnet des extraits.
& en fran<;ois, 8c dans les (C?) Voi'ez cette lettre
M^moires hift. T. <j , cu
    en entier , patmi les pie-
elles font fculement en
     ces fur la deftru&ion de
francois, mais accompa-
     P. R. p. 440. I/Auteur
pnees d'examens , de con-
    Acs Memoires hill. 1'a in*
fiderations , ou Memoire
    fereedans fon 5T. p. n8>
fur la feconde Bulle tou-
    13 -, & il nous apprend
chant la fuppreffion de
    dans une note , p. 131 >
VAhbait de P. R. des
    qu'elle a ere ecrite pat
Champs , par MM. Ala-
    MM, Mabille 8c Berlin ,
bille & Benin. Les exces
    qui avoient foin de re-
de cette Bulle y font ex-
    cueillir tout ce qui fe paf-
pofes 8c reduits a dix-huit
    foit fur cette gtande af-
ettentats , ibid, p. i«i ,
    faire.
541. Reflexion gene'rale ,
-ocr page 333-
III. P A K T I E. L'lV. I.          JJI
engagce avecfes propres ennemis _, pour
la confommation de cette ceuvre de te-
nures'
II lui remet devant les yeux
la trifle fin de fes deux predeceffeurs,
dont le premier qui avoir en parrie
repare le tort qu'il avoit fait, etoit
mort dans des regrets cuifans de ce
qu'il avoit fait contre les religieufes
de P. R. ;•& l'autre au moment qu'il
meditoit l'execution de fes cruels &
injuftes defTeins contre elles, avoit ete
frappe d'une mort fi terrible qu'elle
fit horreur aux perfonnes les moins
touchees de religion. » Quel juge-
» ment, continue l'auteur de la let-
»> tre, ces deux morts portent-eiles
» contre vous, Monfeigneur, fi vous
» mortez la derniere main a ce qui
» peut-etre a fait le fceau de leur
» condamnation ? Depuis plus d'un
» an votre Eminence prive des Sa-
» cremens des vierges faintes , qui
" font la bonne odeur de Jefus-Chrift
» dans tout le monde chretien, &
» qui, pour me conformer a. ce que
» vous m'avez dit autrefois, font la
» plus faine partie de votre trou-
» peau «. Tout eft mis en ceuvre
dans cette lettre , pour tacher de tou-
cher le Prelat : on emploie la vue du
jugement de Dieu s auquel il alls-
-ocr page 334-
3 J i HlSTOrRE DE PoRT-ROlAt.
j 708. guera en vain fa pretendue impuif-
lance de faire ce qu'il fouhaiteroit
pour l'appui de l'innocence j on lui
reprefente » que la timidite eft un
» defaut dans un Eveque des plus en-
s' minels & des plus dangeieux pour
" les fuites; que fa foiblefTe ferr de
» fondement a fes ennemis pour le
« decner dans l'efprit du R01 j que
" par fa fermete il leur fermeroit la
» bouche; qu'en fatisfaifant a fa conf-
» cience & au devoir de fon minifte-
» re, il fe feroic un honneur infini j
» que l'hiftoire de cette affaire fera
» ecrite,&qu'ellecouvrirad'uneeter-
" nelle ignominie , tous ceux qui au-
» ront prete leur miniftere a une fi hor-
» rible injuftice; qu'il attirera far lui
" la malediction de Dieu, en perfecu-
» tant & detruifant la maifon la plus
» reglee & la plus edifiante,non-feule-
»• ment de fon Diocefe,mais peut-etre
■» de tout le Roiaume & de toute l'E-
" glife de Dieu ; qu'on abandonne a
" fa difcretion le choix des moi'ens
» pour detruire cette maifon, arm de
" rejetter fur lui toute l'horreur d'une
» entreprife fi odieufe; que les obf-
» tacles & les difficultes qui fe ttou-
» vent dans l'execution de tous Les
» moi'ens qu'on a pris jufqu'a prefent,
-ocr page 335-
,,U»L|Uf|),J
■ III. P A R T I E. L'lV. I.         J}} _______
font autant de voix qui lui crient 1708.
quele doigt de Dieueft laj que c'eft
une chofe digne de l'attention de
fon Eminence de voir un petit
nombre de perfonnes fans force 8c
fans appui, invincibles aux mena-
>   ces, aux attaques & aux efforts des
1 demons encore plus que 'des hom-
■ mes ^ que ce font des voix qui fe
' font entendre a tous ceux qui veil-
lent les ecouter ; & malheur a ceux
1 qui ferment les oreilles; que Dieu
» parle aujourd'hui, & que peut-etre
>   il ne parlera pas demain. L'Auteur
joute que » les malheurs dont la
>   France eft accablce font encore
>   d'autres voix qui ne font pas moins
>   fenfibles; que tout le monde a la
>   cour & a la ville eft frappe de ce
>   que depuis qu'on a jure la perte de
>   P. R., il n'y a plus que deconcer-
>   tement dans nos Confeils , que la-
>   chete dans nos Generaux , que foi-
>   bleffe dans nos troupes , que defai-
>   te dans nos batailles 5 qu'il paroit
>   que Dieunousarejettes, & qu'il ne
>   marche plus a la tete de nos ar-
>  mees, autrefois fi redoutees & tou-
' jours vidorieufes jufqu'a la refolq-
>' tion prife pour la ruine de cette
" maifon «. Qu'il feroit a fouhaitec
-ocr page 336-
3 34 HlSTOIRE DE PoRT-ROl AL.
1708. <llie M. de Noailles eut profite des
lages avis que cette lettre contient!
Mais la fuire ne nous fera que nop
voir le conrraire, clans la conduite
qu'il tint a l'egard des innocentes vic-
times de la jmeur du Molinifme ,
&
dans l'execution de la feconde Bulle
qui lui fat adreifee.
ciiii.         Les religieufes de Port-Ro'ial des
testeligteu-                         o.                                     n~             j
Us de p. r. Champs aiant eu connoiliance de
tape.
*" cette Bulle , par une copie que la me-
re Prieure en recur le xo novembre ,
elles fe preparerent a confommer leur
facrifice (70), tandis que celles de Pa-
ris fe rejouiifoienr comme font des
viclorieux qui partagent des depouil-
les apres avoir remporte la vi£toi-
re (71). Quoique ces faintes filles ne
doutaffent point que la mine de leur
maifon ne flit arretee, & que toutes
les demarches qu'elles pourroient fai-
re ne fuflent fans fucccs , elles ecrivi-
rentle 25 de novembre au Pape (72}
(70)  Lettre de la mere    tnent applaudie , & clle
Prieure a Mademoifellefa
    eprouva de la conuadic-
l'ucur. Mem. hift. T. 5 ,
    tion , mime de la part de
p. 190.
                                  quelques gens dc hien qui
(71)  On dit qu'il y eut    trouverent a redire A la
un Tt Deum chants a ce
    declaration que les reli-
fujet a P R de Paris.
         gieufes y faifoient deleurs
(71) Voi'ez cette lettre    l'entimens , pretendant
T. j. p. 169, 180 , des    qu'elle etoit obfcure, 8£
Mem. hift. la lettre au    renfermoit des expreflions
I'ape ne fut pas generale-    qui pouvoient cue wai
-ocr page 337-
III. P A r t i JL Llv. I. 335
une lettre dans laquelle apres s'etre 1708.
juftifiees, elles conjurent Sa Saintete
par les entrailles de Jefus-Chrift de
ne pas permettre qu'on derruife un
monaftere de religieufes, le premier
de l'Ordre dedteaux qui air pris la
rcforrae en France, dans lequel par
la grace de Dieu, la regirlarite fe
maintient encore en vigueur •, qui
dans roures les occafions a donne des
preuves inconteftables de la purete
de fa foi & de fon refpect uucere
{iour le S. Siege, & contre lequel el-
es defient qui que ce foit de pouvoir
allcguer une feule caufe canonique
fur laquelle on pii'iife appui'er 1'gxtuic-
tion du tirre de leur Abbaie. Les re-
ligieufes finifloient leur lettre en fup-
pliant Sa Saintete de raifiirer le Roi
contre les faufles allarmes qu'il a pri-
fes a leur fujet, en lui temoignant
qu'elle eft contente de leurs fenti-
mens & convaincue de leur innocen-
ce par tout ce qu'elles viennent de
lui expofer. Les raifons convaincan-
tes par lefquelles les religieufes re-
pouuoient les accufations formees
contre elles & juftirloient leur con-
intcrpt£tees.Ma:s la Prieu- 1709. foi'ej ib. p, 181,
re leva leurs difficulty par &s,
line kvtti du 15 feyrier
-ocr page 338-
}}6 HlSTOIRE DF. PoRT-ROlAt;
1708. duite& la purete de leur foi, ne fu-
rent pas capables de toucher le Pape,
ni de le leur rendre favorable. La ca-
bale de leurs ennemis etoit 11 puiffan-
te qu'on ne daignoit pas meme les
ecouter.
LeftdTgicu- Quelqu'engagement que M. de
fcs de v. r. Noailles eut pris contre les religieu-
de"Noaiiies' ^es de P- R* des Champs, elles ne
&auRoi. laiflferent pas de lui envoier la lettre
qu'elles avoient ecrite au Pape pour
fe juftifier contre l'accufation d'he-
refie formee contre elles. Elles ecri-
virent en meme-tems a Son Eminen-
ce (73) , & joignirent a leur lettre
celle qu'elles avoient ecrite a SaMajef-
te (74); mais qu'elles n'avoient point
encore ofe faire prefenter, ne fachant
fi cette demarche convenoit dans l'e-
tat oii etoient les chofes. » Le vif
» fentiment de leur innocence , di-
» fent ces faintes filles, les a obli-
» gees de faire ces demarches, afin
" de n'avoir rien a fe reprocher. Car
« quoique les juftifications paroiffent
(7 j) Cetre lettre fe trou-    bre. M. de Noailles afTu-
ve dans les Mem. bifti T.    ta depuis,le Cardinal d'Ef-
5. p. 19; , 500.                    trec6 , qu'il l'avoii remife
(74) Voi'ez la lettre au    au Roi; mais les treyen-
Roi, ib. p. :oo, 104 El-    tions de ce grand Prince
le eft du meme jour que    etoient fi grandes, qu'il
fdle au Pape, ij noyera-    n'en lint comptc.
aflez
-ocr page 339-
HI. P artie. Llv.I. 337
aflez inutiles , quand les differen- "TtoST"
tes paffions des hommes fe reunif-
fent tellement pour obfcurcir la
verite & lui fermer tout acces au-
pres des puiflances, qu'elle tie trou-
ve plus de defenfeur qui ofe s'ex-
pofer pour elle; cependant dans ce
cas-la meme les perfonnes accufees
n'en font pas moins obligees de
faire tout leur poffible pour faire
connoitre leur innocence. Elles
ajoutent que fi les cris redoubles
de ceux qui abufent de la confian-
ce des Princes les plus pieux, etouf-
fent leurs voix , elles auront au
moins la confolation d'avoir prou-
ve a toutes les perfonnes deiinte-
reflees & non pre/enues, qu'elles
fouffirent fans etre coupables 5 8c
que leurs juftes defenfes , rejettees
ici-bas, feront portees au tribunal
de Dieu, ou tout fera juge au poids
du fan£buaire; qu'on pourra bien
detruire un Monaftere ou elles
ofent dire que Dieu a ete fervi en
efprit & en verite depuis cent ans
que la reforme y eft etablie j mais
que les cendres de tant de faints
qui y repofent, demanderont fans
ce(Te au tribunal du Dieu vivant
juftice d'une telle vexation ; qu'e -
Tome IX.                          P
-ocr page 340-
5 3 S HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
» les auront toujours cette confola-
" tion qu'il ne.fera detruit, & qu'el-
» les n'en feront chaffees , ni pour
» s'etre relachees dans leurs mceurs,
» ni pour avoir laifTe aftoiblir la dif-
■>■> cipiine reguliere , ni pour avoir
•> fait aucunes depenfes faftueufes &
» fuperflues.... mais feulement par-
» ceque les religieufes de Paris , en-
« vieufes de la benediction qu'il a
" phi a Dieu de repandre fur la mai-
m fon de P. R. des Champs, jugent
» a-propos d'emploi'er routes fortes
» d'artifices pour reparer les ruines
» de la leur par la deftruction de cel-
» le des Champs. Helas ! quel trifte
>> partage pour les religieufes de Pa-
» ris , que cette grailTe de la terre !
» 11 n'y a rien que celles de P. R. des
y> Champs ne fuftent pretes de faire
» & de foufFrir pour obtenir que
» Dieu leur ouvrit les yeux & leur
m fit concevoir que la diffipation de
» leurs biens , fans parler de tout le
» refte, eft une punition vifible de
» la maniere dont elles les ont eus ,
» & de leur feparation d'avec leurs
« fours. C'eft-la ce qui touche plus
» fenfiblement les religieufes de P. R.
» des Champs ; car au fond , difent-
» elles, etantprefque toutes a la pone
-ocr page 341-
III. P A R T t E. LlV. L         |J9
s> de I'eternite par leurs infirmites & 1708.
» par leur age , il leur importe afTez
» peu de quelle maniere elles ache-
s' veront leur courfe , pourvu que
» Dieu leur fafle la grace de lui etre
» fidelles jufqu'au bout j mais elles
» ne fauroient etre infenfibles au
j> tort que leurs fceurs qui fe font fe-
" parees d'elles , fe font elles-memes,
'j & au trefor de colere qu'elles s'a-
» malfent pour le jour de la ven-
« geance «.
Une lettre fi rouchante ne fit au- civ.
cune impreffion fur l'efprit de M. de SaSe^md"
Noailles, & il eut la durete de faire une reiigieu-
refufer les Sacremens a une religieu- e mouiantt
fe qui mourut peu apres. Cette reli-
gieufe etoit la foeur Marie Michelle
de Sainte Catherine le VavafTeur ,
paralytique depuis long-tems.
Des le mois d'aout precedent, M.
de la Londe avoit ecrit a M. Vivant
pour favoir fi on la laiflTeroit mourir
fans Sacremens. M. Vivant envo'ia
la lettre a. M. le Cardinal, qui 6toit a
Conflans. Sa reponfe fut qu'il n'avoh
rien a dire que ce qu'il avoit deja dit.
M. Vivant en rendant cette reponfe
au Domeftique , a qui il la donna par
ecrit , lui dit de prier Dieu pour la
converfion des faun.
Le Domeftique
Pij
-ocr page 342-
34° HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1708. plus fage (75) & plus equitable que
I'Ecclehaftique qui lui parloit de la
force , repondit humblement qu'il at-
tendoit Ja converfion de leurs prieres.
La malade languit jufqu'au 8 decern-
bre fuivant, qu'elle retoraba en apo-
plexie & dans une efpece de lethar-
gie. Le Chapelain en ecrivit a M.
Gilbert, Superieur de la Maifon , qui
ai'ant re$u la lettre partit aufll-t6t pour
Conflans. Son Eminence fit reponfe
qu'i'Z falloit la laijfer mourir fans Sa-
cremens , a moins qu'elle ne fignctt , &
qu'il riy avoit rien d ejperer de lui tant
que les religieufes demeureroient dans
I'etat ok ellesietoient.
L'Auteur de l'hif-
toire de la derniere perfecution de
P. R., apres avoir dit que M. le Car-
dinal fut inflexible & ne voulut ja-
mais permettre qu'on lui adminiftrat
les Sacremens , ajoute que la Provi-
dence y fupplea, & que la malade eut
la confolation de les recevoir par le
{75) Ce Domeftique ,    che toute la nuit autour
nomme Jean Laifnc , fer-    de Paris fans pouvoir y
voit a P. R. en qualite    entrer , a quoi il ajoii'A
de Serrurier. Lorfqu'il y    que Dieu le vouloit a P.
vint, il etoit d'un carac-    K On fe laiiTa flechir par
tere (I difficile qu'on flit    fes larmes , il fut recu , &
oblige de le renvoYer.    donna depuis ce jour juf-
Mais on fut fort etonne    qu'au derniet moment da
de lc voir revenir le len-    fa vie un exemple admi-
demain , & de lui enten-    rable dc douceur, de rno-
dre dire qu'il avoit mar-    deftie , d'humilite, d'Q'
-ocr page 343-
III. P ARTIE. L'lV. I.        J4i
lno'i'en d'un bon Pretre (76), qui ren-
du quelqiie-rems apres le meme fer-
vice a line autre religieufe (77). II
eft difficile de concilier ce fait avec
l'etat de la malade , qui etant tombee
en apoplexie & en lethargic le 8 , ne
pouvoit recevoir les Sacremens , ii ce
n'eft celui de rExtreme-ondion. Elle
avoit de quitter fa chere
folitude qui le faifoit pleil-
rer. L'ami en fut edifie Sc
le renvois. Ontrouvafon
corps entier lots de l'ex-
humarion.
(76) Ce bon Pretre etoit
M. Jaques Gres, du Dio-
cefe de Bayeux , Chape-
lain de S. Jaques de i'Ho-
pital, ami de P. R. Il fut
oblige de s'enfuir pout
avoir adminiftre les Sa-
cremens a ccs faintes fil-
les, qui en etoient injuf-
tement privees, & alia fe
confacter au fervice des
pauvres de l'Hopital de
laval , oii il refta 11 ans
fans etre connu. Force
par I'ennemi de tout bien
d'en fortir , il fe refugia a
.Palis , oii il eft mort le 1 i
mars 1744 > & repofe au
Cimetiere de S. Eticnne
du Mont. Mem. hijt. T.
6. p. 606. T. 7. p. 543.
Nouv. EccUf, 13 juillet
1744.
(77)  La Soeur de Sainte
Ringarde Ferrier , morte
le 1^ mars 170?.
Piij
beifTance , de penitence ,
en un mot de routes les
Venus < hretiennes. ll don-
noit aux pauvres lout ce
qu'il avoit, en forte qu'on
tut oblige de donner ks
gages a une perfonne pour
tas lui garder. Pendant
fon travail il etoit tout
occupe de la priere ; 6c
lorfqu'il ne pouvoit le
quitter pour venir a l'E-
gl'.fe , lorfqu'il entendoit
lonnet la Meile , i} y.af-
iiftoit en efprit. Si quel-
qu'un venoit lui par'er
pendant ce tems, laiffe%-
moi
, je vous prie, difoit-
il , j'entens la Meffe. Il
mourur le ij fevr. 1709 ,
age de 58 ans, dont il en
avoit paffe is a P. R.
(ans en fortir, rant il avoit
de gout pour cette fa'nte
folitude. Un jour qu'on
1 avoit charge de condui-
le a Paris un ami, lorf-
qu'il fut a quelque diftan-
ce de la maifon , l'ami
s'apperc;ut qu'il pleuroit;
& lui en aiant demande
le fujet, Laifne lui avoua
que e'etoit le regret qu'il
-ocr page 344-
J4* HlSTOIRE DE PoR.T-R.01AI..
ijo$. n'etoit point non plus en etat de fi-
gner les lettres a M. de Noailles &
au Cardinal d'Etrees , quoique fon
nom fe trouve parmi les aurres : c'eft
une meprife de la part de 1'Auteur de
l'Hiftoire de la derniere perfecution.
t^iLVI' .• Dans le meme-tems que les reli-
vent le 14 gieufes de P. R. des Champs ecnvi-
SVtrent a M- de Noailles , elles fe cru-
uces.
          rent obligees de rendre compte a M.
le Cardinal d'Etrees de leur lettre au
Pape , en confideration des foins qu'il
s'etoit donnes autrefois , etant Eveque
de Laon, pour la confommation de
la paix de l'Eglife en 166S. Elles lui
parlent dans leur lettre de cette paix
& lui temoignent le defir qu'elles
ont que ce foit encore par fon moien
que Dieu falfe connoirre la verite ,
comme il fit en i G6<) que la purete
de leur foi & leur innocence fut
folemnellement reconnue. Elles lui
marquent qu'il fuffiroit peut-etre que
fon Eminence fe fervit de leur lettre
au Pape pour faire connoitre qu'etant
encore dans les memes fentimens qui
avoient ete 11 folemnellement approu-
ves , on ne pouvoit les traiter comme
on les traitoit fans miner une paix
qui avoit fait tant d'honneur au Saint
Siege & au Roi, & qui avoit ete fi
-ocr page 345-
III. Partis. Llv. I. J43________
utile a l'Eglife. C'eft fur quoi elles 1700.
n'ofent cependant rien demander a
fon Eminence, ne fachant ce qui peut
lui convenir ; mais elles font trop
perfuadees de fon equite & de fes
lumieres pour ne pas efperer qu'elle
leur rendra au moins dans les occa-
fions qui fe prefenteront toute la
juftice qu'elles ont lieu d'attendre
de fa piete & de fa generoiite (78).
Le Cardinal fut touche & attendri
de cette lettre , & fon cceur le portoit
a fe preter au fecours de l'innocence,
mais la crainte de deplaire au Roi
1 arreta.
Tandis que les religieufes de P. R. Slvlh
des Champs juftifioient leur innocen- ment de u
ce , leurs Parties appuiees de l'auto- Bulls du 017
rite des 1'uiHances contmuoient de pour la ftm-
travailler a leur deftrudion. Elles p1?S°" ¥
.               .                              ,                  lAbbaie de
avoient obtenu ie 14 novembre des p. r. des
Lettres patentes pour faire enregiftrer chamPs<
au Parlement de Paris la Bulle du 27
mars 1708 , qui fupprimoit l'Abbai'e
de P. R. des Champs & en reunifTcit
les biens a P. R. de Paris. Les Let-
tres patentes pour l'enregiftrement de
la Bulle furent fcellces le 9 decem-
bre, malgre les abus & les attentats
(78) Voi'ez cette lettre, T. 5. des Mem, hift. p.
30T » uo.
P iiij
-ocr page 346-
5 44 Histoire de Port-R. oi At.
de cette Bulle contre les libertes de
l'Eglife Gallicane, & malgre la refif-
tance du Chancelier ( de Pontchar-
train) qui relifta long-tems. On avoit
expofe ces abus & ces attentats dans
un memoire qui frit mis dans l'anti-
chambre de ce Magiftrat le 30 no-
vembre. On lui envoi'a encore le me-
me jour (79) un memoire ou on lui
reprefentoit l'obligation qu'il avoit
comme chef de la juftice , d'emploier
fon autorite pour que les loix de l'E-
glife & du Roi'aume ne fulfent pas
violees dans 1'afFaire des religieufes
de P. R. des Champs. En vain ce Ma-
giftrat reprefenta au Roi l'injuftice
fake aux religieufes de P. R. des
Champs par une Bulle qui les con-
damnoit fans qu'elles euflent ete en-
tendues, & qui les diffamoit. En vain
il lui remontra qu'elle renfermoit des
abus intolerables jufqu'a deroger aux
Conciles (Ecumeniques. Rien ne fut
ecoute , tant on avoit prevenu l'efprit
du Roi ; & l'iniquite prevalut. Le
Chancelier fe rendit & fcella les Let-
tres patentes qui furent envoi'ees avec
(79) On croit que ce    court mais tres folick.
fut Madame la Marquife    Vdi. Mem. hift. T. %• p>
de Vicux-bourg , qui en-    187.
voi'a ce Memohe , qui eft
-ocr page 347-
III. P ARTIE. LlV. I.         345
la Bulle le 9 decembre a P. R. de Pa-
ris , 011 on chanta le Te Deum.
Ces religieufes etant munies des
Lettres patentes qu'elles avoient ob-
renues , prefenterent requete a la
Grand'Chambre du Parlement le 14
decembre fuivant, demandant l'enre-
giftrement de la Bulle & des Lettres
patentes. Sur cette requete (80) , M.
d'AguerTeau, Procureur general, (de-
puis Chancelier) donna des conclu-
fions favorabies (81). Sur ces conclu-
fions, la Cour donna le 19 decem-
bre 1708 un Arret , qui ordonnoit
l'enregiftrement de la Bulle & des
Lettres patentes pour jouir par les im-
petrantes de l'effet y contenu (82).
Le Requifitoire du Procureur ge-
708.
(80) Mem. hift. T. 5.
P- in.
C81) Les religieufes cie
P. R. des Champs avoient
fait remettre le 9 decem-
bre a ce Magiftrar le Mi-
moire des ahus
c? atten-
tats
, Jonr le Chancelier
avoir ete frappe ; mais le
Procureur general ne le
fur poinr , du moins il
ri'y eut aurun egard. On
le porta auffi le 18 de ce
mois, veille de l'enrcgif-
trement, a\i Premier Pre-
sident , au Raporteur , &
auttes. Mais tow cela filt
inutile.
(Si> Voi'ez ces- Lettrej
patentes, ib. p. ; 1 j ; l'at-
ret d'enrcgiftrement, ib.
p. 528 II eft bon de re-
mirquer que l'enregiftre-
ment fe fit avec la mo-
dification fuivante : Sans
approbation de la claufe ,
portant derogation aux
Conciles generaux, &fans
que ladite claufe puiffe en
aucun cas etre tiree d con-
Jequence
, comme aujfifans
prejudice de Vautorite &■
jurifdittion desOrdinaires
& des liberies de I'EgliJe
Gallicane.
V v
-ocr page 348-
J4<j HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
""".jVoST" neral etoit ainfi con$u : » Requiert
» pour le Roi que la Bulle du xy
»
mars 1708 , &c les Lettres patentes
» de Sa Majefte, foient enregiftrees
» au Greffe de la Cour pour etre exe-
» cutees felon leur forme & teneur ,
» fans prejudicier neanmoins aux
» droirs & privileges de la Couron-
» ne & aux libertes de l'Eglife Cat-
si licane «. Nous ne voions pas que
les religieufes de P. R. des Champs
aient forme opposition a l'enregiftre-
ment des Lertres patentes. Cepen-
dant on en trouve une parmi les pa-
piers des religieufes , que l'Aureur
des Memoires hiftoriques a inferee
dans fon cinquieme Tome , p. 321.
Peut-etre qu'apres l'avoir drefTee , on
aura cru devoir la fupprimer.
CLvni. Le courage de ces vierges chretien-
rehgieufes Ines "oit admirable dans la cruelle fi-
ta vue dcstuation oil elles fe trouvoienr , a la
X" font me-veille d'etre difperfees & reduites en
«acees. captivite dans des monafteres etran-
gers & preVenus contre elles. Mais
la vue des maux dont elles etoient
menacees ne les abbattoit point. Le
fouvenir des mifericordes de Dieu ,
Joint a l'efperance qu'il ne les aban-
donneroit point, & qu'il ne permet-
uoit point qu'elles fuffent ten tees au-
■■■»■—
-ocr page 349-
■ '
III. P A R t i e. Liv. I. H7'
deli de leur force , les foutenoit (83). 1708. '
Leur confiance etoit telle , qu'elles .
croioient devoir attendre de pied -fer-
ine tous les plus mauvais traitemens
rmxquels elles pouvoient etre expo-
fees , plutot que les eviter par la fui-
te, comme un ami le leur propofa
dans un ecrit qu'il avoit fait pour les
foutenir dans leur epreuve. Malgre
les exemples qu'on y alleguoit, ce par-
ti ne leur paroifToit convenir , ni a
leur fexe , ni a leur vosu. Je vols des
exemples confiderables
, dit la mere
Prieure a qui. cet ecrit avoit ete en-
voie & qui le trouvoit trks beau &
tres folide; mais 3
ajoute-elle , il me
femble qu'il y a encore bien de la diffe-
rence par le fexe & par le vxu. Atten-
dons & ne cedons qu'a la violence.
» J'efpere que Dieu nous foutiendra,
» puilque nous ne pouvons en cette
" affaire chercher que lui. II eft le
" moderateur de routes chofes, & ne
» pennettra pas qu'on nous rente au- ^ctlx; „,
w deia de nos forces.
                           aux reiigieu-
L'ecrit dont nous avons parle etoit foSrttur \
bien propre a fortifier les religieufes dans Jeg&rL
dans de h faintes difpofitions, par les °"J% ™Jl
belles maximes que l'auteur y propo- mis aune re-
liaeufe fie fe
(8;) Lettre de la mere Prieure du 17 dfcembre. fouftraire a la
Mem. bift, T. j. p. 514.
                                        perf-cucion
p vj               parlafuiic
-ocr page 350-
.
34& HlSTOIRE DE P0RT-R0lAt:
1708. f°it d'abord & par l'exemple de leurs
anciennes meres qu'il leur remettoit
devant lesyeux (84). Enfutte M. Ma-
bille ( c'eft le nom de Fauteur) , fupo-
fanr que les religieufes auxquelles iL
parle., avoient les memes fentimens
de droiture , de fincerite , de fou-
miffion & de patience , leur dir ,
» qu'elles n'ont plus qu'a ajouter les
« maximes de prudence que la necef-
» fire prefente les oblige de mettre
» en pratique dans l'extremite 011 on
■» les reduit « j fur quoi il entre dans
le detail de la maniere dont elles
doivent fe conduire , i°. a l'egard
des perfonnes qui blament leur con-
duite & les trairent d'opiniatres &c
d'entetees, z°. a l'egard de leur Ar-
cheveque auquel elles ne doivent que
l'obeiflance generate comme a leur
Eveq. diocefain &leurfuperieur,rnais
qui ne concerne point leur affaire prer
fentQ , fur laquelle il ne peut rien leur
prefcrire etant appellantes de fes Or-
donnances. 30. enfin par rapport aux
traitemens qu'on pourroit leur faire
fubir en vertu de la Bulle. » Com-
» me les rigueors de cette Bulle font
»- exceflives, dit-il, & qu'elles font
(84) On- rapportoit dans l'ecrit un long extrait cfe
EaQe llgnele. usaoiu ifi^j, pat les religieufes de P. R»
-ocr page 351-
III. Partie. Liv. I. 349_______
» conformes a celles que prefcrit le 1708.
» Tribunal de l'inquilition romaine
>. en fait d'herefie, qui eft le crime
» qui fert de principal fondement a
» cette Bulle, il peut venir dans 1'ef-
» prit des religieufes condamnces,
" des reflexions capables de leur don-
" ner une jufte crainte d'etre expo-
" fees aux plus grandes foufFrances «.
Apres avoir rapporte ces reflexions,
notre Auteur continue ainli. » Tout
" cela done peut former dans l'efprit
» une crainte capable d'ebranler les
» plus conftantes, & de leur faire
» prendre la refolution de fe fouf-
» traire a une 11 grande vexation , fi
« l'occafion s'en prefentoit «. Mon-
fieur Mabille , bien loin de> blavner
celles qui prendroient une telle refa-
lution, dit , qu'on n'a rien a oppofer
qui puijje abfolument condamner ces
fortes de forties.
II remarque que e'eft
un exces dans Tertulien, dans lequei
cet Auteur n'eft tombe qu'apres ctre
devenu Montanifte , d'avoir fonte-
nu qu'il n'eft pas permis de fair dans
la perfecution , & qu'il avoit recon-
nu etant catholique , dans fon livre
de la patience, que cela eft permis.,
» On peut remarquer de plus _, dit-il•„
« que les religieufes, ne font pas plus.
-ocr page 352-
3 50 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» obligees a leur cloture s ni a leur
" Jiabilite j que les Eveques a la con-
» duke immediate de leur troupeau,
» Or i'on fait que faint Cyprien con-
» fiderant que les paiens avoient une
» haine toute particuliere pour lui, &
» que fa presence au lieu de fervir a
« ion troupeau lui nuiroit plutot, ne
» fit pas difriculte de fe retirer.
M. Mabille , apres avoir cite plu-
iieurs autres exemples d'Evcques, qui
ont fui pour fe fouftraire a la perie-
cution , tire cette conclufion :
" Par routes ces confiderations ,
» on ne voudroit pas blamer la con-
» duite d'une des religieufes dont il
» s'agit, ii elle prenoit la refolution
" de mettre fa perfonne en furete
» par ces motifs-ci, favoir r
» i°. Parceque ce font des vexa-
» tions d'un genre tout particulier ,
» & qui peuvent etre pouflees jufqu'a
» routes les peines qu'on fait fouf-
» frir aux heretiques condamnes.
» i°. Parceque ce font des vexa-
» tions qui dureront toute la vie , &
m dont on ne peut voir la fin fans
» miracle.
" 3°. Parceque Ton peut craindre
?> de fuccomber a la fin par ennui ,
*> par la privation abfolue de toute
-ocr page 353-
III. P A R TIE. L'lV. I.         J 51
5. confolation fpirituelle & tempo-
» relle.
» 4°. Parceque ce petit etre pour
» avoir plus de moi'en d'etre utile aux
» autres , de les fecourir par foi-me-
» me on par autrui, & de faire tout
« ce qui fera neceffaire pour le bien
« de cette affaire , s'il y a quelqu'oc-
j; cafion.
=> 5*. Que la cloture & la ftabilite
» font rompues par la violence &
-» par une force etrangere.
» 6°. Parceque ce n'eft pas pour
« rentrer dans une vie feculiere,
•» mais pour fe renfenner auflltor
» qu'on le pourra dans une cloture
» inconnue , mais reguliere, ou Ton
» puifTe etre attentive a tout ce qui
» fe prefente pour le bien des per-
il fonnes dont on eft feparee.
» 70. Parcequ'il n'y a point de
» fcandale a l'egard des perfonnes
» qu'on quitte, puifqu'on en fera fe-
» pare malgre qu'on en ait, &c.
» 8°. Parceque les etrangers qui en
» pourront prendre fcandale , font
« des gens qui font fcandalifes de
» la pretendue opiniatrete oil ils:
» croient que ces religieufes penlf-
» tent, qui leur en font un crime ,
» & qui ne cefleront pas de fe. fcan.-
-ocr page 354-
351 Histoir^dePort-RoYal.
» dalifer , quand elles fouffriroient
» le martyre & la mort.
» 5>°. Parceque cette refolution
« n'eft prife qu'a la derniere extremi-
» te,& lorfque tous les autres-moiens
» humains manquent.
" Qui douce done, concluc Man-
» fieur Mabille , qu'en ce cas une
« telle conduite nefoithors debla-
»> me, & qui feroit aflez imprudent
» pout la blamer ? «■ Les circonftan-
ces des terns prefens 3 ou tant de vier-
ges chretiennes gemiflent dans l'op-
preflion & les cachots , 8c ou plufieurs
memes ont eu le malheur de fuo-
combet j ces circonftances , dis-je ,
exigeoient que nous rendiffions comp-
te d'un ecrit ou fe trouve juftifiee la
conduite de celles qui ont pris le
parti de la fuite , par la crainte de
leur foiblefTe. Mais fi l'amour de la
verite les a forcees a une demarche ii
extraordinaire , elles ne doivent ja-
mais perdre de vue les obligations
de leur etat, 1 attention a en confer-
ver l'efprit, & le defk d'y rentrer.
Aucune des religieufes de P. R. des
Champs ne crut devoir fe fouftraire
par la fuite aux vexations dont elles
etoientmenacees j & elles attendoient
toutes. dans une grande tranquillite.,
-ocr page 355-
III. P ARTIE. Liv. I.         35*
que Dieu difpofat d'elles. Les parens 1708.
de quelques-unes fkent des demar-
ches aupres du Cardinal pour obte<
nir la liberte de les mettre dans quel-
ques couvens a leur choix. De ce nom-
bre farent MM. Benoife & Robert ,
Confeillers au Parlement , qui de-
manderent cette grace pour leurs
foeurs mais fans leur participation:
fon Eminence repondit que cela ne
preflbit pas, & qu'elle -auroit egard
a leur demande. Le premier etoit
d'avis, comme il le temoigna dans
une vifite qu'il fit a P. R., qu'on laif-
fat agir le Cardinal fans faire d'op-
pofition , pretendant qu£ ce feroit le
moien d'eviter la difperfion. Mais la
mere Prieure penfoit bien differem-
ment. llfautfie difendre jufiqu'a la fin,
& faire Jon devoir, dit-elle dans une
lettre du 31 decembre. Nous eprou-.
vons depuis troh ans 3 qu'on eft trop
heureux dans quelqu'etat que les hom-
ines riduifent
, quand la confidence ne
reproche rien. J'ai repondu
j difoit-elle
dans une autre lettre (85) que je ne
portois pas fit loin I'amour £une maifion
de pierre ; que nous etions obligees de
faire voir qu'on nous accufioit injufte-
(80 Lettre du premier Janvier £ MademoifeUe
fie Joncoux.
-ocr page 356-
J J 4 HlSTOIRE DE PoRT-K.01 At.
1708. merit fur notre foi} & que nous feroiu
notre devoir jufqu'au dernier Jdupir.
Ces difpofitions n'^toient point par-
ticulieres a la Prieure , elles fe trou-
voient dans routes les religieufes, qui
attendoient avec un courage & une
tranquillite admirables le moment au-
quel elles devoient etre facrifiees.
L                  Les difficultes que le confeil deM.
cix. " de Noailles trouvoit a l'execution de
Bdie Lettre la Bulle contre les religieufes de P. R.
im'1 M.C°"e des Champs cauferent de l'embarras,
Noailles fur & fufpendirent quelque terns les ope-
lamalheureu- ■         i-»                              11           
fe affaire ou rations. Dans cet intervalle un mcon-
" . Carnalnu attache a la maifon de Noailles,
etoit engage. .,              ,..                        .                r a.
croiant qu il» manqueroit au reipect
& a la reconnoiflance que devoit a
fon Eminence un de fes anciens fer-
viteurs, s'il ne lui parloit avec liberte
fur l'affaire de P. R. lui ecrivit une
longue & excellente lettre , qui fut
remife au Prelat le 3 de Janvier 1709.
Cet inconnu , quel qu'il foit (86) , lui
donne avec beaucoup d'efprit des avis
trcs fages , & fait des reflexions bien
judicieufes fur la malheureufe affaire
011 il s'etoit engage , & dans laquelle
en avanc,ant par degre , il s'eroit deja
porte aux memes extremites que M.
(8s) On croit que e'eft l'Auteur du Memoire des
(tix-huic attentats de la Bulk.
-ocr page 357-
___ ——
III. Parti e. Liv. I. } $$
de Perefixe. II infinue d'abord avec 1703.
beaucoupde delicateffe, que fon Emi-
nence pardes confidlrations defamille,
s'etoittrop relachee de la fa mete qu'elle
auroit peut-etre eue plus grande fans
cela dans les affaires ecclefiafiiques de-
puis fon elevation fur le Siege de Pa-
ris
: il lui fait envifager que la Pro-
vidence divine Ten a deja puni, en
lui enlevant un frere, dont I'age n'e-
toit pas trop avanci.
Paflant enfuite a ce qui concerne cxxi,
le monaftere de P. R. il lui fait envi- fait ennvCj°"gec
fager le fort de M. de Marca, qui &Monfleurde
inourut lans pouvoir le mettre en poi- fortdefcsPti-
feilion du Siege que fon Eminence i*«ffea*i.
occupe : les tourmens que fe donna
M. de Perefixe , qui avouoit que cette
affaire le faifoit mourir , & qui fut
enleve de ce monde lorfqu'il eut re-
tabli les religieufes de P. R. corame
fi Dieu ne lui eut accorde la vie que
fiour juftifier celles qu'il avoit fi cruel-
ement perfecutees: enfin la trifte fin
de M. de Harlai , opiifinitfes jours
la veille de celui qu'il avoit definipour
mettre la derniere main a fon injufie
czxti.
entreprife contre la maifon de P. B. , R^^ions
•La leconde renexion de notre-ln- futknouvei.
connu eft fur la nouvelle Bulle 4^\?BHV&
Rome & la commiffion adreflee a fon a
fon Emi^
ncnce.
I
-ocr page 358-
3 $6 HlSTOIRE DE PoRT-RcUAL.
"" x-70a. Eminence pour fon execution. Apr£s
avoir releve les defauts de la Bulle,
qui font tels, qu'on ne pent afje^ s'c~
tonner
_, dit-»il , qu'elle ait pit etre en-
regijlree au Parlement 3 nonobjtant des
raifons fi importantes qui ne perniet-
toient pas de la recevoir
, il fait voir
combien elle eft injurieufe a fon Emi-
nence par la commiffion qu'elle lui
donne de la faire executer au mepris
de fa qualite d'Ordinaire & de Tap-
pel interjette a Lyon par les religieu-
fes de P. R. des Champs.
AwJ tifle- " La troifieme reflexion regarde
xion ds l'n-» l'interet que M. deNoailles prend
» fans doute a tout ce qui concerne
» TEglife de France , fur-tout le dio-
» cele dont la Providence divine
" lui a donne la conduite «. En con-
fequence il ne doit point concourir
a procurer aux Jefuites , par la def-
truftion de P. R., une maifon oil ils
etabliroient bien-tot im Seminaire ,
& formeroient de jeunes ecclefiafti-
ques auxquels ils infpireroient des
fentimens contraires a la doctrine de
l'Eglife fur les mceurs & anos libertes.
Cette reflexion eft fondee fur le def-
fein qu'avoient les Jefuites d'acheter
la maifon de P. R. de Paris, pour y
former un Seminaire,
-ocr page 359-
III. Part ie. Liv. I. $57
A certe reflexion , l'lnconnu en 1709
joint une autre qui en eft la fuite \
" elle confifte en ce que fon Eminen-
» ce, par les termes de la commiffion,
» a entierement en fa liberte le choix
» du terns , des lieux & de tous les
» autres moiens propres a executer la
» tranflation des religieufes de P. R.
» des Champs 5 de forte qu'en diffe-
» rant fous differens pretextes l'exe-
" cution d'une commiffion fi defa-
» greable , il fe dechargeroit envers le
" public d'une par tie de la haine
que
» ces executions violentes ne man-
» quent pas d'exciter,non-feulement
» centre les auteurs, mais auffi con-
» tre tous ceux qui font obliges d'y
» prendre part (87).
Le refus des Sacremens fait aux re- clxitw
ljgieufes par une Sentence qui les de- ae rLcbnnu
clare contumaces & defobeiflantes ,{"* le refus
r          ■ \                   t                    1                        des Sacre-
rournit a notre Inconnu la matiere raens fait aux
d'une reflexion particuliere, & lui ou-r1eli6ie"fe!.,»
vre un valte champ pour julhher ces momre l'ia-
faintes filles ; ce qu'il fait de la ma-"0™'
niere la plus evidente , en rappor-
tant lliccintement tout ce qui s'eft
pafle a leur egard depuis le premier
Mandement des grands Vicaires de
(87) Voi'ezcetcc Lettre en enticr, Mem. hift. T. j,
P'*fO, 380.
-ocr page 360-
3 J 8 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
jyop. " Paris jufqu'a cette derniere affaire.
Mais une lettre fi touchante, fi capa-
ble de perfuader , rant par la folidite
& la jufteffe des reflexions , que par
la moderation, les egards & les me-
nagemens avec lefquels elle etoit ecri-
te , n'eiit pas plus d'effet fur M. de
Noailles qu'en eut autrefois dans une
femblable occafion, celle de M. d'An-
gers fur M. de Perefixe. Son Eminen-
ce perfifta dans la resolution de fui-
vre fa pointe, & fe chargea de l'exe-
cution d'une Bulle pleine d'abus ef-
fentiels , qui le rendoit juge dans fa
propre caufe , &c dont le but etoit de
detruire le plus faint monaftere de la
France.
clxv. Les Avocats de fon confeil (88),
v£cVatsfur1aPour epargner a fon Eminence la
manure d-e- home de n'agir que comme com-
2" lamiffaire du Pape , deciderent qu'en
agiifant, il joindroit fa qualite d'Or-
dinaire a celle de delegue. Pour ce
qui eft des autres difficultes , l'avis
fut que l'autorite du Roi les leve-
roit, qu'elle fuppleroit a tout, dans
ce qui regardoit les procedures , &
feroit agreer a Rome ce qui pour-
roit lui deplaire dans la maniere dont
fa Bulle s'executeroit en France. Plu$
(88) Le Maite 6c Nouet.
-ocr page 361-
111. P ARTIE. L'lV. I.       359
d'un mois de deliberation fut em- j-0„ "
ploie a la decouverte d'un fi rare ex-
pedient. Voila ce qui retardoit les
operations contre les religieufes de
P. R. des Champs.
Ces faintes fill es ne favoient quelle clxvi.
pouvoit etre la caufe de ce filence, des^rXgieu-
mais elles demeuroient tranquilles fe fes en atten-
a        \             /                            ti dant leut
tenant pretes a tout evenement. » 11 fort>
■» y a plus de trois femaines, ecri-
» voir la mere Prieure (8 9), que nous
" fommes ici renfermees fans enten-
'■ dre aucune nouvelle du proces. On
» ne fait ce qui peut caufer ce grand
» filence de la part de 110s parties
» apres un Arret rendu avec tant de
» precipitation. Le terns nous apren-
» dra le tout & les deffeins de Dieu.
« La communaute eft toujours tran-
» quille & plus portee a l'efperance
» qu'a la crainte. II eft vrai,difoitune
'> autre religieufe (90), qu'a regarder
" les chofes humainement, c'eft une
^ affaire bien terrible que 1'injuftice
» avec laquelle on nous traite, & il
■» femble que naturellement on ne
» pourroit pas porter la vue d'un
» etat fi penible. Cependant nousfom-
(89) Lettre du n jan- Ccllcriece. Lettre du 1}
vien
                                jaavier.
(?.i) La four Iflaly,
-ocr page 362-
$60 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
1709. " tnesdans line palx qui me Jurpreni
» quelquefois. Ce font fans doute les
» prieres des bonnes perfonnes, qui
« gemiiTent pour nous aupres de
« Dieu. Nous ne favons pas ce qu'on
m medite depuis un mois qu'on ne dit
« plus rien. Nous attendons rout ce
5. qu'il plaira a Dieu, etant fures qu'il
jj preiide a tout, & qu'il ne permet-
» tra pas que nous foi'ons ten tees au-
» dela de nos forces.
clxvii. La mort enleva dans ces circonf-
Requete des tances \e p\us cruel etinemi de Port-
rehgieufes de        ,            r                   . ,
p. r, de i;a Roial (91), qui avoit declare qu ll ne
ris'
            mourroit content qu'apres avoir vu
Port-Roial detruit. Iln'eutcependant
pas cette fatisfaction , Dieu l'aiant
cite a fon tribunal le zo de Janvier
de cette annee. Mais fa mort n'ap-
porta aucun changement aux affaires,
parcequ'il s'etoit choifl un fuccefTeur
digne de le remplacer & capable de
confommer l'ouvrage qu'il avoit com-
mence (92.).
Les difficultes qui avoient arrete
pour l'execution de la Bulle, etant
levees de la maniere qu'on vienr de
le rapporter , les ennemis de P. &•
(91) Le P. la Chaife , (91) LeP. Tellier, l'on
Confeileur de Louis XIV des plus violens Jefuites
depuis trejjee-cinq ans. qu'ait eu la Societe.
des
-ocr page 363-
!----
III. Par tie. Liv. /. $6i
des Champs rompirent le filence. Le 1709
25 ianvier les religieufes de Paris
prefenterent requete a M. l'Arche-
veque(93) > 4 ce <\vl'i1 lui plut accep-
ter la commiflion portee par la Balle
du z7 mars 1708 adreflee a Son Emi-
nence , & ordonner que conforme-
ment a fon Ordonnance du zz mars
1707 j il fitt fait defcente par M. Vi-
vant dans les deux maifons, arm que
les parties appellees , il fut informe
de commodo & incommodo des fup-
preffion & reunion , & qu'il dreflat
proces-verbal de ladite information
& enquete. La requete etoit fignee de
la Dame de Chateau-Renaud Abbefle,
& de trente & une religieufes (94).
Quoique les appels portes a Lyon cixvnr.
par les religieufes de Port-Roial des d°r'm ""'de
Champs , tant de fon Ordonnance Noailles pour
du 18 novembre 1707, que de la±£& %
Sentence de fon Official du 3 2.0m.,incommodo.
ne fuflent pas encore juges , M. de
Noailles ne fit cependant point diffi-
culte d'accepter la commiflion de cet-
te Bulle. Enconfequence il rendit le
meme jour , tant en vertu de la
(95) Voi'ez cette reque-    ze jours, la trr.rt erueva
te , T. 5. des Memoires   huit ou neuf des religieu-
hift. p. 584.                      fes qui avoient figne cette
(?4) E" moins de quia-   requete.
Tcme IX.                  Q
-ocr page 364-
$6l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
commiffion que lui clonnoit la Bulle,
que de fon autorite d'Ordinaire , une
Ordonnance portant qu'il feroit fait
defcentedans les deux maifonsparle
fleur Vivant, pour informer de com-
modo & incommodo
defdites fuppref-
fion & reunion.
Cette nouvelle procedure remet-
toit l'affaire au meme point qu'elle
ctoit au xx de mars deux ans aupa-
ravant, lorfque fon Eminence ordon-
na que le proces-verbal feroit fait par
M. Vivant.
Convenoit-il a un Archevcque de
Paris de fe charger d'une commillion
f»orcee par une Bulle contraire a tous
es droits de l'Eglife Gallicane, qui
demandenc qu'apres le jugement de
Lyon , l'affaire foit portee a Rome ,
d'ou Ton envoie des CommifTaires
fur les lieux ? Quant a l'autorite d'Or-
dinaire , M. de Noailles ne pouvoit
connoitre de cette affaire , puifqu'il
avoit les mains liees par l'appel des
religieufes. Enfin cette nouvelle pro-
cedure etoit contraire aux difpofitions
memes de la Bulle fur laquelle on
vouloit la fonder. Mais rien n'arre-
toit les ennemis de P. R. L'autorite
levoit toutes ces difficultes, & d'ail-
leurs la Bulle derogeoit a toutes 'es
-ocr page 365-
HI. Partie. Liv.I. 36}
loix , meme aux Conciles generaux. 1709.
Pour 1'execution de la nouvelle clxtx.
Ordonnance de M. de Noailles , des £"/„£"
les religieufes de Paris prefenterent fts de Paris.
Ie 11 fevrier une requete au delegue
de fori Eminence, le fieur Vivant, qui
en rendit une le meme jour , portant
permiffion d'affigner les parties a com-
paroitre le 15 du mois en la falle du
grand parloir de P. R. de Paris. Le
13 fevrier fuivant, elles firent figni-
fier aux religieufes de Port-Roi'al des
Champs la Bulle , les Lettres paten-
tes , 1 Arret d'enregiftrement, la nou-
velle commiffion donnee au fieur Vi-
vant par M. l'Archevcque, &c l'Or-
donnance du fieur Vivant, & les affi-
gnerent a comparoitre a. P. R. de Pa-
ris le 25 fevrier (95).
L'Ordonnance que M. Vivant avoit ^{j*^
rendue le 11 fevrier fur la requete des d'un incoami
religieufes de Paris , par laquelle il * M- Vlvanc«
acceptoit la commiffion de M. de
Noailles, icelle acceptant avec refpeci 3
lui attira une tres belle lettre dat.ee du
18 du meme mois ecrite par un Doc-
teur en Theologie , (C'eft la qualite
(95) Voiez dans les    iS fevrier, fur les affaires
Mem. hift. T. f. p. 410 ,    de P. R. Elle eroit accom-
une converfation de Ma-   pagnee de Mademoifelle
demoifelle de Joncoux   Iflali.
avec M, de Noailles. du
-ocr page 366-
J(?4 HlSTOIR.EDEPoRT-R.01AI,.
que prend l'Auteur de la lettre). Ce
Do£teur en Theologie , qui vrai-fem-
blablement eft le meme qui avoit
ecrit le 3 Janvier a M. de Noailles
l'excellente lettre dont nous avons
parle , communique dans celle-ci a
M. Vivant les reflexions que Von fait
Jurfa conduite a Vigard de la commif-
jion qu'il vient d'accepter contre les re-
ligieufes de P. R. des Champs.
La pie-
ce eft tres belle & merite d'etre
lue {96).
Tandis que les ennemis de P. R.
des Champs confpiroient enfemble
a l'aide des Puiflances, a detruire
cette fainte maifon , les vierges chre-
tiennes qui l'habitoient jouiflfoient,
comme on l'a vu , de la paix que don-
ne une bonne confcience , ne penfant
qu'a mettre Dieu de leur cote , & a
remplir toute juftice en faifant ce qui
dependoit d'elles pour s'oppofer a I'm-
juftice.
Le principal, difoit la merePrieu-
re (97) , eft de mettre Dieu de notre
cote1pour nous foutenir contre tout eve*
nement 3 qui /era toujours favorable fi
nous demeuwns attachies a la verite,
(9<0 Voi'ez cette Lettre T. j. des Mem. hill. pp.
J9S > 3S>8-
jgp Lettte du 8 fevriet,
-ocr page 367-
III. Partie. Liv. I. 565
Les menaces qu'on faifoit a des per- 1709.
fonnes en qui la grace avoit mis de
relies difpofitions , n'etoient pas ca-
pables de les empecher de faire leur
devoir & de s'oppofer autant qu'il
dependent d'elles, a. la violence & a
l'iniquite.
Les religieufes de P. R. des Champs exxxr.
firenc done fignifier leur oppofition a des ^Jjgieu*
la nouvelle procedure , le 2,1 fevrier fes de p. r.
au lieur Vivant > & aux rehgieules sentence a=
de P. R. de Paris, tant a leur domi- m- l'Atche-.
cile que chez leur procureur , & la ve'lue,
fbnderent fur l'incompetence dujuge,
tant en fa qualite de Commiffaire qui
le rendoit juge & partie , qu'en fa
qualite d'Ordinaire,attendu les appels
a Lyon qui fubfiftoient.
M. l'Archeveque renvoia l'oppoil-
tion devant fon Official, & rendu le
2 2 fevrier fur requete des religieufes
de Paris , une Ordonnance portant
que la commiffion par lui donnee art
fieur Vivant yfera executie nonobftant
I'oppofition des religieufes de P. R. des
Champs
j & Jans y prejudicier. Cette
Ordonnance eft digne d'un juge char-
ge de l'execution d'une Bulle qui de-
rogeoit a toutes les loix de l'Eglife ,
fans en excepter les Conciles geniraux.
Le lendemain i$ fevrier les reli-
Qiij
-ocr page 368-
$66 HlSTOIRE DE PoK.T-R.01Al.
jy0o# gieufes de P. R. de Paris firent en
confequence afligner les religieufes
de P. R. des Champs pardevant l'Of-
ficial , les fommant d'abondant de
comparoitre le x 5 dans le grand par-
loir de Paris , pour proceder a l'exe-
cution de la Bulle & de la commif-
fion, avec declaration qu'il fera paff£
outre tant en prefence qu'en abfence.
CLXxii. Pendant le tems de ces procedures,
feur Wngar- Dieu mit en fared ( c'eft l'expref-
*■
           fion (98) de la mere Prieure) la four
Ringarde en la retirant a lui le 19
mars. » Nous n'en avons aucune in-
» quietude, ajoute la mere Prieure j
3> car elle etoit toujours prete a par-
si tir, & ne defiroit que d'etre unie a
» Dieu. La veille de fa mort je lui
» dis : je viens me rejouir avec vous 3
» car en vous trouveplus mal j & ilpa-
» roit aue vous avance^ vers votre pa-
« trie. Elle me repondit en fouriant,
s> oui ". 11 faut avoir bien de la foi
pourfaire un pareil compliment a une
perfonne malade, & il faut que la
malade en ait beaucoup pour le rece-
yoir de la forte. La mere Prieure lui
dit enfuite; qu'il n'y avoit pas lieu
d'efperer qu'on lui accordat les Sacre-
(<>8) iettre du 10 mars.
-ocr page 369-
III. P A R T I E. LlV. I.        $67
tnens dans les conjonctures prefentes j
a qnoi elle repondit » que cela etoit
>> facheux , mais qu'il valoit encore
» mieux aller a Dieu , que de refter
» en ce monde. C'etoit une fille mor-
» tifiee generalement en toutes cho-
» fes,qui aimoit la pauvrete & les pau-
» vres a un point qu'elle fe feroit de-
» pouillee de tout pour les affifter,fi on
» le lui avoit permis «. Et dans l'etat
ou la maifon etoit reduite , fa plus
grande & fon unique peine etoit de
ce qu'elles ne pouvoient plus donner
aux pauvres ce qu'elles leur donnoient
auparavant. Autant elle etoit auftere
pour elle-meme, autant elle etoit in-
uulgente pour fes foeurs , craignant
toujours qu'elles ne nunquaiTent de
quelque cnofe (99). C'etoit a. de telles
filles que M. de Noailles faifoit refu-
fer les Sacremens a la mort.
Le ix mars les religieufes deP.R.
des Champs appellerent de nouveau
a Lyon de l'Ordonnance de M. l'Ar-
cheveque de Paris du 22 fevrier , &
en aiant obtenu un relief d'appel de
M. PArcheveque de Lyon lui-meme ,
elles le firent ngnifier le 30 mars aux
<??) Voiez le Suppl. au Necr,
Q iiij
-ocr page 370-
5^8 HlSTOIRE DE PoUT-ROlAt."
" 1709. Parties intereflees & en particulier X
M. Vivant (1).
clxxiii. Le fieur Vivant conrinuoit cepen-
te CfnrVt dant fon information a P. R. de Pa-
vant fait fes .                      #
informations ns , malgre les appels & oppohtions,
a p. r. de Pa- ^ fans a as rouche des reflexions
qu'on faifoit fur fa conduite , & qu'il
ne pouvoit ignorer. Pour l'arreter, les
religieufes de P. R. des Champs firent
intimer le Promoteur de 1'OfKcialite
de Paris, le premier d'avril, lui de-
clarant que ce n'etoit que pour l'obli-
ger de requerir , que la procedure cef-
fat a raifon de l'appel. Le Promoteur
n'avoit garde de raire cette requifi-
tion. M. Vivant continua done fon
proces-verbal d'information a. P. R.
de Paris, & tes religieufes de ce mo-
naftere en firent flgnifier le finito a
celles des Champs le 9 avril, portant
continuation Vindication de feance
en la maifon de P. R. des Champs,
au famedi 13 du meme mois d'a-
vril (1). Mais les religieufes deP. R.
(1.) Ce relief d'appel de-    par M. de Torcy, Secr£-
vint inutile aux religieu-    taire & Miniftre d'Etat,
fes opprimees , parceque    intimida tellement l'Of-
leurs ennemis qui avoient    ficial primatial, qu'il ne
furpris la religion du Prin-    voulut plus fe meler de
ce , firent ccrire de ta part    cette affaire,
de Sa Majefte une lettre & (i) Voi'ez la fignifica-
J'Archeveque de Lyon, en    tion de la vifite a P. R.
faveur des religieufes de    des Champs. Mem. bift),
Jaris. Cette lettte ecrite    T. 5. p. 403.
-ocr page 371-
III. Par tie. Liv. I. }^9
3es Champs firent fignifier les 11 & * 7°5>-
11 d'avril oppofition a cette Ordon-
nance du fieur Vivant.
Nonobftant cetre oppofition , le ^x^'nt
fieur Vivant fe tranfporta a P. R. des va a'p.R. dc»
Champs le 13 avril (3). II arriva a chamls-
huit heures du matin , avec le Vice-
promoteur ( Thomaffin &c le Greffier
Decombes). lis monterent au parloir
ou M. Vivant fit aflembler la com-
munaute, &c lui expofa fa commiffion,
La mere Prieure dit a M. Vivant ,
qu'elles avoient eu toutes bien de la
joie d'etre entre fes mains , que ce-
pendant elles etoient affligees qu'il
fut charge d'une telle commiffion. M.
Vivant fit voir par fa reponfe qu'il
n'y trouvoit point d'inconvenient ,
He! pourquoi j dit-il, s'affliger ? je ne
prens point de part a tout cela 3 ce ne
font que des formalitis qui ne font rien.
D'ailleurs etant a la place oil je fids
_,
ilfaut bien quej'obeiffe a M. le Cardi-
nal.
(Avec de tels principes on peut
mettre fa confidence bien au large).
11 s'etendit enfuite beaucoup fur l'o~
beifTance due aux PuifTances : & il
(3)LeDoaeurenTheo-   qu'il alia a P. R. des
logie qui avoit ecrit une   Champs. Elle eft audi in-
Iettre a M. yivant le 18    tere flame que la premie-
Jevtier, lui enectivit une   re, & fe trouve dams Is*
feconde le uieine jour   Mem. hift. T. y. p. 410,
-ocr page 372-
' ^
$70 HlSTOIRE DePoRT-Ro'iA£.
17o<?. temoignaque la fienne etoitfi grande,'
que s'll avoit lii un Livre dans lequel
il n'auroit rien trouve de condamna-
ble, il le croiroit mauvais , & en fi-
gneroit la condamnation , fi M. l'Ar-
cheveque le condamnoit. ( cela s'ap-
pelleetrede bonne compofition). La
mere Prieure fe contenta de lui dire ,
que la raifon etoit done un meuble bien
fitperflu }puifqu'il n'en falloit plus [ai-
re ufage j & que S. Paul a eu tort de
dire que I'obeijfance doit etre fondle
fur la raifon.
clxxv. Apres que M. Vivant eut parle de
oppofition l'0beifl*ance fur ce ton, & fait fes ef-
fes de p. r. rorts pour engager la Communaute
fiacCommff! d fe foumettre, il notifia fa commif-
fion de m. fion. La Communaute lui dit qu'elle
VlYant* avoit prie la mere Prieure de repon-
dre au nom de toutes, & qu'elle fa-
voit leurs fentimens fur cette affaire.
Enfuite elles lui prefenterent un acte ,
le priant de le fake inferire fur fon
proces-verbal , apres quoi elles le fi-
gneroient. II y confentit , lut Facte
tout haut, le fit ecrire par le Greffier ,
& apres l'avoir relu, il le paffa aux
religieufes qui le fignerent. L'adte
portoit » qu'aiant interjette appel de
» l'Ordonnance de M. de Paris du
« xx fevrier dernier, en ce que le-
-ocr page 373-
III. Partie.IzV./. tft
»> dit Seigneur Archeveque renvoi'ant 1705?.
»» par cette Ordonnance a fon OfE-
»> cialite l'oppofition par elles for-
» mee le 19 fevrier pour etre fur
» icelle ftatue , ordonne cependant
» que fans prejudice a ladite oppofi-
» tion,il fera pafle outre au proces-
» verbal de la defcente j lequel ap-
» pel a ete fignifie & releve parde-
» vant M. TArcheveque de Lyon ,
» donr le relief a ete fignifie pareil-
» lenient le 3 o mars audit fieur Vi-
» vant , elles s'etonnent que ledit
» fieur Commiffaire ait pane outre,
» & foit venu pour continuer fon
» proces-verbal , nonobftant encore
» Ieur oppofition fignifiee les 11 Sc
» 1 z a fon ordonnance , qui indique
» cette feance j lefquels appels & op-
» pofitions elles reiterent autant que
» de befoin, & en ajoutant a ladite
» oppofition , elles ajoutent qu'elles
» proteftent de nullite en cas qu'on
» pafle outre , attendu qu'il n'y a
» rien de provifionnel , ni qui re-
» garde la difcipline , s'agiflant au
" contraire d'un appel fonde fur la
» competence , laquelle aux termes
» de l'Ordonnance , doit etre termi-
» nee avant qu'on puifTe pafler outre
» a l'inftrudion du proces-verbal,
Qvj
-ocr page 374-
3.71 HlSTOIRE DE PoRT-RCTlAi;
1.709.
& qu'elles fe pourvoiront contr£
ce qui a ete fait ou pourroit erra
fair par la fuite au prejudice def-
dites oppofirions & appel,par les
voies de droit & par les autres
mo'iens qu'elles deduiront en tems
& lieu.
CmXvVI- t ^a mere Prieure pria encore M.
en donne ac- Vivant de leur en donner ac~te par
te. n emend une COp'ie entiere fignee de lui. II fit
les temoins. ,             r                            P         , ,
leurs depofi- cl abord quelque dirhculte , mais u
t,ons" Tem°b l'accorda enfuite. Le Promoteur des
rendem aux parties demanda que nonobftant les
tchgieufes. oppofitions, on paflat outre au pro-
ces-verbal ; fa requifition fut ecrite
par le Greffier, & fa demande accor-
dee par M. Vivant. Enfuite le Com-
milTaire demanda aux religieufes fi
elles vouloient lui faire ouvrir leurs
portes, & lui faire voir leurs papiers.
La mere Prieure repondit qu'elles ne
pouvoient faire ni l'un ni l'autre,
& qu'elles n'avoient rien de plus a.
dire que ce qu'elles avoient iigne. Sa
reponfe fut ecrite au nom de route la
Communaute qui etoit prefente. On
paffa le proces-verbal a la mere Prieu-
re qui figna fa reponfe, apresl'avoir
bien lue. Cela dura jufqu'a onze heu-
res & demie que M. Vivant alia dire
la MefTe j apres laquelle il entendit,
-ocr page 375-
.;.T-^;.-^--7^:~T-
..._- -
III. P ARTIE. L'lV.I.         37$
inalgre l'a&e qui lui avoir ete figni- 1709*
fie , les temoins affignes pour depo-
fer fur le commotio aut incommode lis
etoient au nombre deneuf (4). Les te-
moins depoferent, » en general pour
« le plus grand nombre , qu'ils ne
» voioient poinr pourquoi on vou-
y> loit detruire cerre maifon j que les
» religieufes vivoienr avec beaucoup
" d'edification & de piete, & qu'el-
» les etoient ties necelTaires au lieu
« par l'edification, les aumones &
» charites abondantes qu'elles y fai-
» foienr «. M. le Cure de S. Lambert
comparut le premier , on ne fait
qu'elle f tit fa depolition , non plus que
celle de M.. de Beauregard, qui fur
interroge le fecond j on fait feulement
que celui-ci etoit tin honnete horome,
& par confequent que fa depofition
dut etre favorable a Port-Roi'al des
(4) On avoir affigne    entre Milon & S. Lam-
pout depofer , les Cure &
    bert; la Chapelle.Fermier,
Vicaire de Magni , les
    demeurant a la Broffe,
Cute 8c Vicaire de Mon-
    Les Depofans furent les
tigni, le Cure de Voifins,
    Cures du Mefnil, S, De-
qui alia demander a P. R.
    nis , de Montigni , de
des Champs ce qu'ilavoit
    Voifins , de S. Lambert,
a faire pour rendre fervi-
    M. de Beauregard , Du-
ce a la maifon , le Cure
    clos Chirurgien de la
de Trappes , le Cure -de
    maifon , & la Chapellt ,
S. Lambert, M. de Beau-
    Fermier. Les Cures de Ma-
regard , Gentilhomme ,
    gni 8c de Trappe ne cow-
qui vivoit de fon bien ,
    parurent point.
-ocr page 376-
J74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
J70o, Champs. M. le Cure de Voifins renJ
dit un temoignage tres avantageux
aux religieufes. Celui de Montigni
fit la meme chofe , & s'etendit da-
vantage fur les grandes charites qu'el-
les faifoient , difant que fans el-
les , les pauvres mourroient de faim
& de mifere ; que c'etoient elles qui
les habilloient, les nourriflbient, les
chauffoient, leur fournillbient les re-
medes, & qu'on fentoit deja bien ,
l'impoffibilite ou elles etoient de con-
tinuer ces charites. M. Vivant l'in-
terrompit en lui difant, que ce n'etoit
pas ce dont il s'agijfoit s mats qu'on
lui demandoh s'il etoit d propos de
faire la reunion. C'efi 3
repondit-il ,
ce que je laiffe aux Puiffances. On en-
tendit enfuite le Chirurgien, a qui
on demanda fi l'air etoit bon. II re-
pondit qu'a la verite il avoit vu mou-
rir a. Port-Roi'al des religieufes fort
jeunes, mais qu'il en avoit aufll vu
mourir de fort agees. (il y en avoit
meme encore alors). II parla enfuite
de leur charite, & dit qu'elle s'eten-
doit a. plus de vingt lieues a la rondej
qu'il lui feroit aife d'en donner des
preuves;qu'etant Chirurgien, il voioit
tous les jours des pauvres qui venoient
quelquefois de plus de vingt lieues le
-ocr page 377-
III. Partit.Liv.I. *75
trouver; que les uns lui difoient qu'on
leur donnoit a P. R. du pain , d'au-
tres du linge , d'autres de l'argent,
d'autres des remedes ; & qu'il voioic
tous les jours cela. Le fermier de la
BrofTe , dit bonnement a M. Vivant,
qu'il ne favoit pas ce que c'etoit que le
commodo &c Yincommodo , mais que
les religieufes avoient une charite qui
paflbit tout ce qu'on pouvoit dire j
qu'il l'avoit eprouvee lui-meme dans
fes befoins, & en toute forte d'occa-
fions. Ellesfont de meme a tout le mcn-
de j
a)outa-t-il, & on n'en dit par-tout
que du bien.
Qu'on juge par ces depositions fi le
monaftere de P. R. etoit une maifon
qu'il rut avantageux de detruire, 8C
qui le meritat. Quel compte au juge-
ment de Dieu pour ceux qui aiant etc
temoins de ces depositions auffi glo-
rieufes pour ces faintes filles en fa-
veur delquelles elles etoient rendues ,
que veritables en elles-memes, & fin-
ceres de la part des temoins qui les
rendoient ; quel compte , dis-je, au
jugement de Dieu, pour ceux qui ont
concouru a la deftruftion d'une d
fainte maifon , etant convaincus de
la regularite qui y regnoit 8c de la
charite qui s'y exer^oie plus qu'eii
-ocr page 378-
11& HlSTOIRE DE PoRT-ROlAli
1700. aucune autre maifon religieufe etui
monde chretien ! Ces depositions ne
favorifoient pas le deffein que Ton
avoit de fupprimer P. R. des Champs
& de reunir les biens a la maifon
de Paris. Auffi M. Vivant dit-il aux
temoins, que ce n'etoit pas la ce qu'on
leur demandoit j qu'il s'agijfoit de fa-
voir s'il n'etoit pas convenable de reu-
nir les biens de P. R. des Champs a la
maifon de P. R. de Paris.
Les temoins
repondirent, que ne connoifjant point
les religieufes de Paris, ils n'avoient
ni bien ni mal a dire
_, mais qu'ils s'en
tenoient a ce qu'ils avoient depofe.
ctxxvii. Toutes ces operations faites,on pref-
M.n"evivant ^a M. Vivant & fa compagnie de di~
ayec les ieliner. lis le refuferent d'abord ( par de-
licatefTe de confeience ) a caufe de
leur qualite de Juges , puis ils l'ac-
cepterent. Apres le diner , M. le Com-
miflaire monta fur les deux hemes
au parloir , ou il trouva la merePrieu-
te avec toute la Communaute. Com-
me la mere Prieure lui avoit temoi-
gne le matin fa furprife de ce qu'il
avoit accepte une pareille commif-
fion, il les afTura que s'il avoit cru
qu'il y eut la moindre injuftice dans
cette affaire , il ne s'en meleroit pas.
M. Vivant les exhorta enfuite a conien-
-ocr page 379-
III. P a r t i e. lav. I. 577
tit a la reunion de leurs biens , en di-
fant que leur maifon alloit s'etein-
dre , puifqu'elles ne recevoient point
de fujets , & qu'elles etoient toutes
agees; qu'il etoit plus convenable de
donner leurs biens a ces pauvres filles
de Paris
, que de laifler ces biens ex-
poles au pillage; que M. le Cardinal
en feroit une fl fage diftribution que
tout le monde feroit content. Le bon
homme difoit tout cela avec tout le
feu qu'il faifoit paroitre en chaire ,
lorfqu'il debitoit fes mauvais fermons.
La mere Prieure lui repondit, qu'a-
pres leur mort M. le Cardinal feroit
tel uf;^|e & telle diftribution de leurs
biens qu'il jugeroit a propos. " Mais
» repnt M. Vivant, M. le Cardinal
» n'eft pas allure de vivre afTez long-
» terns, & il m'a dit de vous aflfurer
» qu'il aura foin de vous donner
" toutes chofes en abondance. II m'a
v meme ordonne de vous demander
» fi vous ne manquiez de rien.
Quelle tendrefle ! cependant de-
puis deux ans que les biens de P. R.
etoient faifis , & qu'on leur avoir
tout ote, jamais elles ne s'etoient ap-
per^ues que M. de Noailles eut pris
part a l'etat ou elles etoient reduites.
C'eft ce que la mere Prieure repondit
a M. Vivant.
-ocr page 380-
tf% HlSTOmE DE PoK.T-ft.01 At.
j 709. Ce Commiffaire reromba fur it
foumiffion, & fit tout ce qu'il put
pour perfuader les religieufes qu'elles
devoienr fe foumettre. De leur cote
les religieufes preflerent le Commif-
faire, fans fucces malgre la folidite
de leurs raifons , de changer de
fentimens. La converfation s'etant
ainfi engagee, elle fut aflez longue
pour donner le terns a. l'Huiffier Lieu-
vin de dreflfer une fignification qu'il
devoit faire a M. Vivant avant fon
depart, 8c meme d'en faire un dou-
ble , qui fur figne de routes les foeurs,
fans que M. Vivanr s'en apper^ut.
Du refte tout fe paffa avec b<J|Mcoup
de politeffe de part & d'autre. M. le
Vice-promoteur vint enfuite , & tout
fe pafia comme auparavant forr civi-
lement. Celui-ci dit tout bas a la me-
re Prieure en la quirranr, qu'il auroit
bien voulu avoir une demie heure
d'audience pour l'entretenir , mais
qu'il n'y avoit pas d'apparence ; qu'au-
refte il la prioit d'etre perfuadee qu'il
n'avoit aucune parr a cette affaire &C
qu'il n'avoit point ere confulte la-
defTus.
AaTd-appel Lorfque M. Vivant fut fur le point
de la conti- de parrir, ai'ant apper^u l'Huiffier qui
?aae!n de k veille au foir lui avok %nifie l'op-
-ocr page 381-
III. Parti e. Liv. I. 37?
fiofition a la vifite, il fe roit a rire &
ui die : je penfe que vous me Juivre^
par-tout. C'eft vous } Monfitur
, repon-
dit I'Huiffier, qui me mene\ par-tout.
Cefont des peines que vous m'epargne-
ries{ bienfi vous voulie\.
Lieuvin figni-
fia enfuite au nom de la Communau-
te un nouvel appel au Commiflaire ,
de la continuation qu'il venoit de
faire du proces-verbal au prejudice de
l'ade qu'il y avoit infere.
Cet acte des religieufes rec^u parM.
Vivant, prouvera eternellement que
dans cette violente procedure on a fou-
le aux pieds toutes les regies. Apres la
vifite de M. Vivant, les religieufes
ai'ant rec,u un nouveau relief d'appei
de POfficial Prima rial de Lyon date du
8 avril & une commiffion du meme
datee du 1 o , portant defenfe de paf-
fer outre, & qui ordonnoit cepen-
dant que les chofes demeureroienten
etat y elles les firent fignifier le 1 5
avril a leurs parties.
Mais les religieufes de P. R. de
Paris ne s'accommodant point du
tout d'une procedure reguliere & ne
voulant pas plaider a Lyon, elles ap-
pellerent comme d'abus au Parlement
de Paris non - feulement dudit relief
d Appel delivre par l'Oificial de Lyon*,
-ocr page 382-
380 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
' 1709. pretendant que ce Juge avoit paflS
fon pouvoir, a caufe que l'Ordon-
nance, done etoit appel, etoit emanee
non d'un autre Official, mais d'un
Eveque ou Archeveque , auquel cas
il n'appartient qu'a 1'Archeveque de
Lyon de juger l'Appel, ce qui eft
en effet un fentiment affez fuivi de-
puis ce tems-la ; mais elles appelle-
rent encore de la Bulle de Clement X,
du 13 feptembre 1671 , portant repa-
ration des deux maifons de P. R. &
confirmation du partage des biens
ordonne par PArret du Confeil d'E-
tat du 13 mai 1669. Elles obtinrent
deux Arrets du Parlement (5), qui
les recevoient appellantes comme d'a-
bus fur ces deux chefs j & elles les
firent fignifier les 8 & 1 o de mai aux
religieufes de P. R. des Champs,
qu'elles aflignerent pour proceder a
la quinzaine.
"™;e Ce fut pendant le cours de ces pro-
emploie pour cedures du mois d'avril, que pour en
yeS'x^du p" impofer au public,& juftifier a les yeux
blic les vio- la conduite violente qu'on tenoit a
cTcs" comre 1'egard des religieufes de P. R. des
Jes religieufes
deP. R.                                                                              , ,
(5) Ces deux Arrets fu- avoir ete communiques *
lent rendus les 13 avril & celles de Poi't-roi'al des
3 mai, fur les Requetes Champs.
<le P. R. de Paris, fans
-ocr page 383-
III. Partie. Liv, J. 381
Champs, on entrepritde les fairepaf-
fer pour des perfonnes qui etoienr
reellement dans l'erreur. Le ftratage-
me dont on fe fervit pour les en con-
vaincre , fut de publier une vieille
lettre que M. Bomiet avoit ecrite (6)
dans fa ieunefle (fi toutefois il l'avoit
jamais ecrite ) a l'AbbelTe &: aux re-
ligieufes de P. R. par laquelle il vou-
loit refoudre leurs difficultes fur la
creance du fait, & la fignature pure
& fimple du Formulaire, & faire voir
qu'elles avoient tort de refufer l'un
& 1'autre. Comme les religieufes de
P.R. ne ceflbient de rdclamer la paix
dc Clement IX , en faveur de leurs
anciennes meres , declarant toujours
qu'elles n'avoient point d'auties fen-
umens qu'elles, on fe flattoit de per-
fuader au public qu'elles ecoient dans
1'erreur , en faifant voir que leurs an-
ciennes meres, & par confequent el-
les-memes,avoient des fentimens con-
traires a ceux d'un homme celebre, qui
s'etoit acquis une grande reputation
par fes folides ecrits contre les hereri-
ques des derniers fiecles. Mais ce qui
(6) M. Vivant dit un    qui etoit de cc tems , af-
mot de cette lettre dans    fura qu'elle n'avoic ja-
I'encretien qu'il eut avec    raais yu M. l'Abhe Bof-
lcs religieufes de P. R. le    fuet a P. R., ni aueune
); avril, avant fon de-    lettre de lui.
part. La l'ccur Syncletiq,ue
-ocr page 384-
... .. . .
j8i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
derangea ce projet,c'eftque i °. la let-
tre etoit, non du grand Bofluet Eve-
que de Meaux, n connu par fes ex-
cellens ouvrages contre les Calvinif-
tes , mais du jeune Abbe Bofluet, qui,
depuis qu'il fut Eveque de Meaux ,
& eut acquis ces grandes lumieres
qui ont rendu fon nom immortel,
ne rappella jamais cette production
de fa jeunefle , foit qu'elle ne fut pas
de Jui (7), comme plufieurs raifons
1709-
L'Auteur de la lettre te-
moigne ette connu de P.
R., & il eft certain que
les religieufes ne connoif-
foient point l'Abbe Bof-
fuet dans le terns que la
lettre , qu'on lu' attribue,
a ete ecrite. Il y a beau-
coup d'apparence que ja-
mais cette lettre n'a 6te"
envoiee aux religieufes de
P. R. des Champs. Eft-i!
poffible que fi elles l'euf-
fent re$ue , cl'es n'en euf-
fent jamais fait mention
dans aucune de leurs let-
ttes & de leurs relations!
Eft ■ il poflible qu'elles
n'euflent jamais parle d'u-
ne tongue conference , que
l'Auteur de la lettre dit
avoir eue avec elles !
L'exaft;ttide prodigieufe
iiu'avoier.t les religieufes
de V. R. a ecrire tcut ce
qui regardoit l'affaire du
Formulaire , ne permet
pas de croire qu'elles euf*
(7) Perfonne n*a ja-
mais patle de cette lettre
avant 1709 , c'eft-a-dire,
quarante-cinq ans depuis
qu'elle a ete ecrite. z°.
On ne ptoduit aucun ori-
ginal autbentique de cet-
te piece. L'original n'au-
roit-il pas du fe trouver,
on a P. R. de Paris, ou a
P. R. des Champs , ou
parmi les papiers de M.
Bofluet > Cette lettre eft
publiee fans qu'on dife
fur quel original , fur
quelle copie, fur quel
brouillon; en un mot ,
fans indiquer aucune per-
fonne connue , des mains
de laquelle on l'ait rec.ue.
30. II y avoit encore a
P. R. iorfqu'on publia
cette lettre , quatre an-
ciennes religieufes du
terns de l'epoque de la
lettre , mais aucune d'el-
les n'avoient connoiflan-
ce qu'on 1'eut recjue. 40.
-ocr page 385-
III. Part
pourroient le perl
Hefavouat dans la
fent manque de rapporter
une longue conjerence
qu'elles auroient eue avec
l'Abbe Bolluer , & une
gr.mde lertre qu'elles au-
roient re$ue cie lui. Cell
ce qu'onneperfuadera ja
rnais a quiconque aura
vu l'exacticude des reli-
gieufes de P. R. fur cer
artitie. Avec quel derail,
par exemple , ne rappor-
tentelles pas roures leuts
conferences avec M. Cha-
millaid, &c. Ce n'eft pas
cepcnriai.r , il fauc l'a-
vouer , que M. l'Abbe
BofTuct ne Fut capable a-
lors d'ecrire une fembla-
ble letrre aux religieu-ee
de P. R., puifqu'il en ex-
horra peu a-pres une a la
fignature , Sc qu'd reuilit
malheureufement a faire
comber la fceur Angeli-
que de fainre Therefe Ar-
nauld, avec laqaelle il
eur pour cela , de ia ;arr
de M. de Perefixe , un en-
tretien de trois heures
pour lui perfuader la ne-
ceflite de fe rendre a I'o-
benTance. Mais en accor-
dant que M. l'Abbe Bof-
fuet a pil , etant jeune
Do&eur , avoir ecrir cetre
lertre , la caufe des reli-
gieufes n'en devienc pas
plus mauvaife. Nous ad-
mirons, nous rcconnoif-
fons les grands talens de
M. Bollu-t, les grands
Services qu'il a rendus a
i e. Liv. I. j 8 3
iader , foit qu'il la
iiite & la renon^at
l'Eglife par fes adrrirables
ecri:s conrre 'es Froref-
tans depuis fon Epifco-
pac ; mais cela ne doic
juftifier ni cerre lertre is'il
l'a ecrire) ni les confe-
rences qu'il a eues pout
exhorter a Iafcnarure du
Formulaire. 1 eitime que
Ton a pour les grands
hommes ne nous oblige
pas d'approuver tout cc
qu'ils ont fait, ecrir , ou
dit. Quelque mente que
Ton reconnoilie dans le
Cardinal du Perron , urj
Francois , un fidele l'ujet
de fon Prince , approuve-
ra-r-il jamais la haran-
gue que ce Cardinal fit
dans fa vieilleffe aux E»
rsrs de 1615 , 8c lesprin-
cipes qu'il y avance,fi con»
traires a l'autorite rorale ,
8c a l'independance des
Souverains par rapporr a
leur couronne 8c au rem-
porel > L'eftime que me-
rite M. de Meaux ne doit
done point non plus nous
engager a adopter une
lertre qu'il femble qu'il a
defavouee lui meme par
le'filence quM a garde
pendant quarante ans ,
e'eft-i-dire peniant tout
le refte de fa vie , 8c qui
l'auroit defavouee fans
dome plus expreffement,
fi on 1'eut fair paioitre de
fon vivant, 8c qu'on cut
voulu en faire l'ufage
qu'ena pretendu faire H..
-ocr page 386-
3$4 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
comme indigne de fa plume, &con-
traire aux lumieres qu'il acquit de-
puis. 2°. La lettre decoree du nom de
M. BofTuet, n'a pu ecre ecrite qu'en-
tre le 15 juillet 1664 &c le 21 du mois
le Cardinal de Noailles.
II n'auroit pas masque
furtout de defavouer le
faux principe avance dans
cette lettre , toucham l'o-
bligation de croite un
fait fur la decifion d'une
autorite qui peut fe trom-
per. Ce que nous venous
de dire elt iurrifant pour
apprendre au Lecteur ce
qu'il doit penfer de la
lettre publiee avec l'ap-
probacion de M. le Car-
dinal de Noailles fous le
nom de M. Boffuet. Ceux
qui defireront quelque
chofe de plus etendu &
de plus approfondi, peu-
vent confulter l'examen
que M. Pinault a fait de
cet eerie dans fes Memoi-
res pour l'Hittoire de la
derniereperfecution deP.
R. 8c les Memoires hilto-
riques, T. 5. p. 438 8c
fuiv. Quant au fond de
la !ettre,leLe£teur en con-
noitra tout Ie merite par
les eclaircijfemens qui fu-
renr envoi'cs aux religieu-
<"es le 18 avril, fur le
Mandement de M. de
Noailles , 8c fur la lettre
attribute a M. Boffuet,
ib. p. 4?i , 497. Ajou-
tons pour ce qui concet-
ne l'Auteur de la lettre,
que M. Boffuet, a qui el-
le eft at^ri: uee par M de
Noailles , n'a jamais a-
vance dans fes ouv ages,
qui font en ii grand nom-
brc, les Maximes 8c les
principes etablis dans cet-
te lettre; au contraire, il
en a coujours etabli de
tout eppofes. Mais ce qui
doit frapper , Ceft que M.
Bolluet qui vit renaitre
les difputes fur la figna-
ture, a l'occaiion du cas
de confeience , n'y ptic
aucune part 8c ne publia
point de Mandement,
quelqu'attache qu'il fut i
M. de Noailles , qui etoit
fori Metropolitan!. Ce fi-
lence dans une telle oc-
cafion peut a jjfte title
etrc regarde comme un
defaveu de la lettre, d'au-
cant que M. Boffuet ne
prit le parti de Is garder
qu'apres avoir examine
les pieces dont il pouvoit
tirer des lumieres fur cette
affaire ,8c s'etre convain-
cu par lui - meme de la
verite. L'Auteur des Me-
moites hiftoriques , T. ?.
p. 4S4 , rapporte a ce fu-
jet une anecdote confide-
ruble,
d'aout
-ocr page 387-
III. Partie. Liv. I. „ 3S5
d'aoftt fuivant, c'eft - a - dire , dans Tjo'f.
le plus grand feu de la perfecution
contre P. R., & par confequent avant
la paix rendue a l'Eglife & aux reli-
gieufes, dont l'innocence & la purere
de la foi fut folemnellement recon-
nue j or cette epoque renverfe de rond
en comble routes les confequences
qu'on pourroit tirer de cette lettre
contre les religieufes de P. R., & fuf-
fit pour lui faire perdre route fa for-
ce j d'autant que le fond & le but de
cette lettre font entierement oppofes
au principal article de la paix.
Le but de l'Auteur de cette lettre
eft de prouver aux perfonnes aux-
quelles elle eft adredee, que lacrean-
ce huinaine que M. de Perefixe leur
demande fur l'autorite feule de la
decifion du Pape, & la fignature pu-
re & fimple du Formulaire, n'eft point
mauvaife en foi, que ce n'eft point
un peche ; d'ou il conclud qu'elles
font obligees de figner avec cette foi
humaine.
Tel eft le grand objet de la
lettre de x 3 pages , imprimee fous le
nom de M. Boffuet, cinq ans apres fa
mort. Le but de cette lettre eft done,
comme Ton voit, entierement oppo-
fe a la principale condition de la
paix rendue a l'Eglife ; de meme
Tome IX.
                          R
-ocr page 388-
3 8(J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
que les pieces produites avant la de-
cifion d'une affaire deviennent fans
force lorfque l'arret eft rendu.
M. le Cardinal de Noailles , fans
fake affez d'attention a ces raifons &
a d'autres qu'on pouvoit oppofer a
cette lettre fans date, fans conclufian,
& fans fignature & qui ne pouvoit au
plus etre regardee que comme un pro-
jet de lettre, en permit &en ordonna
meme I'impreffion par fon Mandement
du 15 avril 1709.
» Louis-Antoine de Noailles, &c.
" Quelques Communautes religieu-
» fes,& autres perfonnes depiete,plei-
» nes de refpect & d'obeiffance pour
» l'autorite de l'Eglife, defirant pour
» fortifier en elles cette difpofition
» fi jufte & fi neceffaire, s'inftruire da-
» vantage des motifs qui doivent por-
ter fes vrais enfans a. une foumif-
fion parfaite a fes decifions , ont
decouvert une lettre (8) qui com-
mence a fe repandre dans le pu-
blic , fous le norri de feu M. l'E-
veque de Meaux , & l'o'nt lue avec
beaucoup de confolation & dedi-
cation. Mais comme les amas fim-
1709.
CI.XXX.
Mandement
de Monlieur
de Noailles ,
Hrcheveque
de Paris, por-
tant permif-
iion d'impri-
mer unc let-
tre de feu M.
de Mcaux ,
dans laquelle
il declare re-
connoitre fa
doctrine en-
tiere & celle
de fes Pcede-
ceireurs.
(8 ) Pourquoi ne pas nes de pietS qui avoient
faire connoitre ces Com- fait cette decouverte.
munautes & les perfoa-
-ocr page 389-
III. P ARTIE. LlV.I.       387
» pies & foumifes craignent toujours
» & fur-tout dans les terns de conten-
» tion & de difpute d'etre trompees
» fur la doctrine , elles nous ont prie
» d'examiner cette lettre pour la re-
» connoitre & l'autorifer fi nous le
» jugions a propos (9).
» Le feul nom de l'auteur , dont
" on peut dire, felon les termes de
» faint Paul , que la louange eft re-
» pandue dans toutes les Eglifes, &c
»
qui etoit un il grand ornement de
» notre province, fuffifoit pour nous
» en donner une grande idee j mais
» la lecture que nous en avons faite
» avec toute l'attention qu'elle meri-
» te par elle - raeme & par la ma-
" tiere qui y eft traitee, a furpalfe
" tout ce que la prevention que nous
" avons pour l'Auteur, nous en fai-^
» foit attendre (to). Nous y avons
» crouve partout une lumiere , une
» force , une douceur, une charite
(?) M. de Noailles en   lettre, a laquelle M. de
reconnoiflant & en auto-
   Noailles donne de fi gtan-
rifant cette lettre , auroit
   des louanges , on peut
dii donner des preuves
   bien aflurer que jamais
qu'elle eft une veritable
   fon nom n'auroit ete re-
production de M. Bof-
   pandu dans toutes les
fuet. Cell ce qu'il ne fait
   Eglifes , & quU feroit
Pas-
                                 aujourd'hui enfeveli dans
• (id) Si M. BolTuet ne
   loubli avec fon Succef-
s'etoit fignale que par des
   feur.
ccrits de l'efpece de la
Rii
-ocr page 390-
'"-—-
388 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
"  capable de convaincre tous les ef-
"  prits, &c de toucher tous les coeurs
"   que l'orgueil ou une prevention
"  deplorable n'aura pas endurcis.
"  Nous y reconnoijjbns notre doctrine
"  tome entiere. Nous y trouvons ton-
»  tes les maximes que nous avons
3j   enfeignees dans nos Mandemens
«  fur la loumiflion due a tous les ju-
»  gemens de l'Eglife , & nous y
»  voi'ons avec une extreme confola-
"   tion, que notre doctrine eft: celle
n   de nos predecefTeurs fondee fur
"  une tradition claire & conftante
»   dans notre Eglife (n).
(n) Trouveroit - on    ligieufes de P. R. des
bicn dans la tradition    Champs la croi'ance du
claire 8c conftante de I'E-    fait, 8c a abandonne la
glifc de Paris depuis fa   fot humalne done il n'a
fondation dans le troifie-    plus ete queftion depuis
me fiecle jufqu'en 1664 ,    cette paix. Que devienc
quelque cxemple de la    done le fyfteme de M. de
conduite qu'on a tenue a    Noailles? Evanefcit. Ce
regard des religieufes de    n'eft pas tout j en adop-
P. R. > Trouveroit -on    tant la doctrine de M. de
qu'avant M. d: Perefixe    Perefixe comme fa fienne,
on ait voulu oSliger des    M. de Noailles s'en rend
religieufes a ailurer avec    refponfable , ainii il faut
ferment un fait douteux    qu'il reponde a tous les
done elles ne pouvoiene    cents qui out ete fails
avoir connoifiancc pat    contte lui, au ttaite de
elles - memes ? De plus,    la foi humaine, aux ima-
cette ptetendue tradition    ginaites , a l'apulogie
a ete interrompue , puif-    pour les religieufes de P.
que M. de Perefixe lui-    R , aux lettres qui lui fu-
meme qui en etoit Tin-    rent ecrites pour la de-
ventcur, n'a plus cxige. a    fenfc de ces faintes filk s,
ia paix de l'Eglife, des re-    par MM. les Evcques
-ocr page 391-
III. pARTlE.Zw /•       585>
» Car l'Auteur cle cetce lettre qui
» n'etoit alors que Pretre & Doc-
» teur, mais des ce terns diftingue
>, par un merite extraordinaire , ne
d'Aleth & d'Angers. Voi- En 16C9 le PtiHt l'aban-
la bien de l'ouvrage , dc donna lui-meme , & rcn-
dit la paix Sc les Sacre-
mens aux religieufes qui
en ont joui depuis, fans
avoir lafoi humainc pen-
dant quarante ans , tant
fous le refte de l'Epifco-
pat de M. de Perefixe ,
que pendant tout celui de
M. de Harlai, &c les pre-
mieres annees dc M. de
Noailleslui-meme. Com-
ment fon Emm. fe tireta-
t-elle encore de ce pas J
Les religieufes de P. R*
ont ete pendant quarante
ans fans avoir la foi hu-
mainc ;
etoient-elles obli-
gees de l'avok ? Si on les
y a ctues obligees, pour-
quoi ne la leur a-t-on pas
demandee ? Si ellcs n'y e-
toient pas obligees, pour-
quoi M. de Noailles la
leur detnande -1- il >. Si la
doctrine queM. de Noail-
les adopte par fon Man-
dement eft la regie de la.
foumifion que tons les fi-
dcles doivent aux dici-
fions de I'Eglife
dans les
faits contends , comment
cette regie a-t-elle ete in-
connue jufqu'a M. de
Perefixe , l'invenreur de
cette regie ? comment eft-
elle morte avec lui, &
meme avant lui ? Car ce
Prelat a furvecu quelques
annees a la foi humaine.
R iij
plus que toutie facte Col-
lege reuni enfetr.ble n'en
pourroit faite. En adop-
nnt lafoi humaine de M.
de Perefixe, comme la tra-
dition claire & conjlante
de fon Eglife
, il faut que
M. de Noaillrs la fatfe
temonter depuis M. de
Perefixe jufqu'aux pre-
miers fiecles de 1'E^life.
Comment fera t i! ? puif-
que M. de Perefixe eft le
premier qui ait exrge cet-
te foi humaine ? Comment
fera M de "Noailks jour
faire enfaite d:fcenire
ceite tradition depuis M.
de Perefixe jufqu'd fon
Eminence} puifque M, dc
Perefixe apres avoir ete le
feul Eveque qui la fou-
tint , l'abandonna en
ifi^j. F.n fait de tradi-
tion fur le dogine , U ne
peut y avoir 3'interrup-
tion. Il ne s'agit pas ici
d'un point v.iria' lededif-
cipline, mais d'un point
invariable de dogme ; fa-
voir (i Ton doit la foi hu-
maine
, oufion ne la doit
pas aux fails non-reveles
decides. M. de Perefixe
voulut l'exiger d'abord 8c
perfecuta ctuellement les
religieufes de P. R. fur le
refus qu'elles firent d'a-
voir cette foi humainc.
-ocr page 392-
3 9° HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
> fait qu'etablir dans cet ouvrage la
■ dodirine de M. de Perefixe alors
Archeveque de Paris ; il parle en
fon nom & par fon ordre expres,
pour tacher de foumettre des filles
qui ne vouloient pas entendre la
voix de leur Pafteur , & il ramafle
dans cette lettre tout ce qu'il leur
avoit dit inutilement dans plufieurs
conferences , & ce que M. de Pe-
refixe lui-meme lui avoit expofe
auparavant. Elle ne fit pas fur elles
Pimpreffion qn'elle devoir faire ,
parcequ'elles n'eurent pas d'oreil-
les pour entendre. Mais elle en a
tant fait fur les autres perfonnes
qui Pont vue , que nous efperons
qu'elle fera grand bien dans le pu-
blic ; qu'eiie confolera & fortifiera
les ames foumifes,&ramenera a leur
devoir celles qui ne le feroient pas
encore ailez.
» A ces caufes non-feulementnous
en permettons Pimpreffion , mais
nous Pordonnons , la regardant
comme un ouvrage qui appartient
d'une maniere particuliere a notre
Diocefe j enjoignons a notre Pro-
moteur d'en faire diftribuer les
exemplaires avec notre Man de-
ment a toutes les Communautes de
-ocr page 393-
III. Partie. Liv.I. 391
a religieufes , foit difant exemptes
» ou non exemptes , comme etant
» principalement faite pour les per-
» fonnes de leur etat & de leur fexe ;
» & recommandons a routes les Ab-
=> beffes & Superieures de la faire lire
» en prefence de leurs Communau-
» tes & la garder avec foin comme
» contenant la Doctrine qui a tou-
» jours ete enfeignee dans notre Dio-
» cife , & la regie *de la foumiffion
» que les fideles doivent a fes deci-
" lions dans les faits conteftes.
>■ Plaife a Dieu que celles pour qui
» cette lettre a ete faite , ouvrent en-
» fin les yeux a la verite, & qu'elles
w comprennent qu'il n'y a de furete
" pour les brebis qu'en ecoutant la
» voix de leur Pafteur ; que c'eft re-
» noncer a la qualite d'enfans de l'E-
" glife que de ne vouloir pas fe fou-
» mettre a fes jugemens j que J. C.
» ne reconnoit plus pour fes epoufes
» celles qui ont fecoue le joug de
» 1'obeirTance, qui meprifent l'auto-
» rite de fes Miniftres, & qui font
» venues a un tel exces d'obftina-
» tion , que d'ofer fe glorifier d'etre
» les feules qui ne font pas foumifes
" aux Conftitutions des Papes. Nous
» ne cefTons de prier celui qui parle
R iiij
-ocr page 394-
39* HistoiredePort-roiai,.
1709. " au coeur , & en connoit les difpo-
" fitions les plus cachees, de leur fai-
» re connoitre a quoi les expofe un
» pareil egarement, & nous exhor-
" tons routes les bonnes ames de join-
« dre leurs prieres aux notres pour
« obtenir le retour de celles qui fe
» feparent ainfi malheureufement du
" reile de l'Eglife. Donne a Paris
« dans notre Palais Archiepifcopal
" le 15 Avril '1709. L. A. C. de
" Noailles , Archeveque de Paris.
clxxxi. Les religieufes de Port-roi'al des
rcii'gVcufes de Champs ne croiant pas devoir garder
v. r. des le filence fur un Mandement dans le-
<ieiai>jPoailies 1ue^ e^es etoient fi durement & fiin-
au fujet de juftement traitees, ecrivirent le 30
menu *" *' avi'ii 'a lettre fuivante a M. de Noail-
les.
» Monfeigneur , nous avons lu le
« Mandement que votre Eminence
» vient de publier pour autorifer &
» pour adopter une lettre fans date
« & fans fignature , que Ton attribue
» a feu M. Bofluet , Eveque de
appart
»  de penetrer les raifons particulie-
»  res qui ont pu porter votre Emi-
"  nence a donner cette lettre au pu-
»  blic, mais nous ne faurions vous
»  diffimuler, Monfeigneur , que nous
-ocr page 395-
HI. Partie. Liv. I. 39 3 ___
a fommes tres furprifes de voir que 17057.
» nous fervons de pretexte a la pu-
» blicatipn d'un ecrit dont on tie
» fauroit rien conclure contre nous.
» Nous vous fupplions de faire at-
>. tendon que fi cecte lettre eft veri-
» table , elle n'a pu nous etre adref-
» fee que dans la plus grande cha-
» leur des conteftations : qu'elle n'e-
» claircit point la difticulte qui nous
» a toujours arretees, & qui confifte
» a favoir fi on peut attefter avec fer-
» ment la verite d'un fait douteux &
» non revele dont on n'a aucune con-
» noiffance.
» Que dans les exemples rappor-
« tes dans cette lettre , il ne s'agif-
" foit point de fignatures accompa-
» gnees du ferment j qu'on ne de-
" mandoit ces fignatures que fur la
>> notoriete des faits qu'on fuppofoit
" evidens ; qu'on ne les demandoit
" qu'a des perfonnes qui pouvoient
" avoir connoiflance de ces faits, 8c
"
qu'on ne les exigeoit point des fil-
» les, qui par leur etat font difpen-
» fees d'entrer dans ces difcuffions.
» Qu'on ne peut recevoir le prin-
» cipe etabli dans cette lettre qui
» fuppofe que le ferment n'eft point
» une affaire d'intelligence 3 tnais une
Rv
-ocr page 396-
5>!4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAr..
» affaire de foumiffion & d'humiliti 3
» fans s'ecarter de la droiture qui
» nous apprendqu'on doit jurer dans
» la virile _, I'iquiti } & lajujllce. Je-
» rem. 4.
» Qu'errfin cetre lettre roule toute
» fur /a /of humaine que le Mande-
» ment de M. de Perefixe exigeoit, &
» qui fut folidement refute par une
" infinite d'ecrits publics, furtout par
» le traite de la roi humaine de M.
» Nicole , & par nos apologies qui
» font demeurees fans reponfe. On
» peut encore remarquer que fi la
" lettre eft vraie &c quelle nous ait
•» ete adreflee , nos meres fans dome
» & les perfonnes qui fe joignent a
» nous pour nous defendre en ont en
» connoiifance. Ainu on ne fauroit
» douter qu'on n'y ait fait alors une
» reponfe particutiere , qui vraifem-
» blablement aura ere confervee dans
» les papiers de M. de Meaux.
" Mais ce qui eft certainement de-
al cifif pour nous, Monfeigneur, c'eft
» ce qui fe pafla depuis a la paix de
» i'Eglife, oil le S. Siege n'autorifa
» point la foi humaine oeM. de Pe-
» refixe , mais la foumiffion expliquee
" dans la declaration des Eveques &
» des Docteurs , envoiee a Rome par
-ocr page 397-
III. P a r t 11. Liv. I. }$<;
i> feu M. Vialard votre Predeceflfear 1703.
de fainte memoire dans I'Evecbc
de Chalons, & fignee de lui & de
» M. Arnauld , en prefence de M.
» de Harlai votre PredecefTeur im-
» mediat dans le fiege de Paris. Cet-
J3 re. declaration qui contenoit les
" lentimens des Eveques contenoit
» audi les notres , & des qu'elle fut
i) rec,ue par le S. Siege, M. de Pere-
» fixe chars gea en tout de conduite a
» notre fujet; car au lieu que depuis
» qaelques anneesil nous privoit des
» Sicremens , nous regardant , ainli
» que fait aujourd'hui votre Eminen-
» ce, comme defobeilfantes aux Conf-
» titutions Apoftoliques , parceque
» nous perfiftions dans les fentimens
» exprimes dans cette declaration ,
» il nous rendit ce temoignage par
» une ordonnance du mois de fe-
» vrier 166y , que nous rendons au
» S. Siege toute la deference & l'o-
» beiiTance qui lui eft due , que notre
»> obeilfance eft veritable & entiere ,
« que la declaration que nous lui
» avons prefentee eft en effet la me-
» me que celle qui a ete recue &c
"
approuvee par le S. Siege ; qu'en
" fuivant l'exemple de notre S. Pere,
» il re^oit & approuve notre decla-
R vj
-ocr page 398-
}<)6 HistoiredePort-roiai.
» ration, & qu'y ai'ant egard il nons
» reftitue a la participation cles Sa-
il cremens.
» Ce font, Monfeigneur, ces ac-
" tes fi publics & ii authentiques ren-
» dus apres une difcuflion exacle de
" toutes les queftions qui agitoient
» l'Eglife de France depuis ii long-
« terns, qui doivent, preferablement
" a la lettre de M. Bofliiet, etre re-
» gardes comme contenans la doclri-
» ne qui a toujours hi enfeignee dans
» votre Diocefe, & la regie de lafou-
" miffion que wits les fideles doivent
" aux decijions de l'Eglife dans les
« faits contefies. Car il eft d'une en-
» tiere notoriete que la paix de l'E-
" glife , comme nous venons de le
" remarquer, n'a point ete faite fur
» le Mandement cfe M. de Perefixe ,
" mais fur la declaration envoi'ee a
» Rome j que ce Prelat en agiiTant
» lui-meme contre fon Mandement,
» lui fit perdre toute autorite , & que
» la tradition en fut fi peu fuivie , que
» lafoi humaine qui avoit paru nou-
" velle la premiere fois qu'elle fut
" propofee dans le Mandement en
" 1664, fut entierement abandonnee
» des 1668 , & qu'ainfi elle n'eut pas
» plus de duree que l'infeparabilite
-ocr page 399-
III. P A r 11 e. liv. I. 3 97_______
» du fait & du droit, enfeignee par 1709,
" M. de Marca fori PredeceiTeur j a
" quoi Ton peut encore ajouter que
» M. de Harlai etant ArcheVeque de
" Paris , engagea M. l'Eveque de
" Coutances en 1675 , de recevoir la
" fignature de M. Vibert, Cure de
" fon Diocefe, entierement confor-
» me a la declaration envoiee au
« Pape.
» II eft difficile apres cela , Mon-
» feigneur, de concevoir qu'une let-
" tre fans date, fans fignature, fans
» marque d'authenticite , & qui dans
" une telle forme ne feroit pas foi en
» juftice, puifie etre alleguee comme
» jaifant preuve de la Doctrine qui a
" toujours ice enfeignee dans votre
» Diocefe ,
etant evident qu'elle ne
" prouve rien , fi-non que fous M,
" de Perefixe on n'y exigeoit point la
" foi divine pour les faits tels que
" celui de Janfenius.
" Nous fommes pe;"fuadees, Mon-
» feigneur , que fi M. l'Eveque de
» Meaux vivoit encore, fon refpecl
» pour le Bref du Pape Clement IX
» aux 4 Eveques & pour la memoire
» de M. de Perefixe, ne lui permer-
" troit pas de donner au public un
» ecrit dctruit par un fi grand Pape,
-ocr page 400-
35)8 HlSTOIRE DE PoK.T-R.OlAt.
» & par une Ordonnance du Prelat
» meme qui l'avoit engage a le com-
" pofer. Nous ofons meme avancer
» que n'y ai'anr pas lieu de douter
w qu'il ne fe foit conforme, ainfi que
" M. de Perefixe, aux fenrimens re-
» cus & approuves par le S. Siege ,
» il n'eut alTez de droiture pour ne
» pas foufFrir que Ton fir aucun ufa-
» ge de ceux qu'il avoir eus dans fa
» jeuneflfe.
» L'eftime qu'il a toujours eue
» pour MM. Arnauld , Nicole , de-
» puis la paix de PEglife, & furtout
» depuis qu'il a ete eleve a l'Epifco-
» par, la liaifon qu'il a confervee
» avec eux jufqu'a leur morr, le cas
» qu'il faifoir de leurs lumieres, les
» confulranr fur les ecrirs qu'il- a pu-
» blies conrre les heretiques, la de-
» mande que ces MM. avoienr faire
» au Roi de 1'avoir avec le Cardinal
» le Camus pour Examinareur de
« leurs ouvrages conrre les Protef-
« rans ; l'approbarion pleine d'elo-
» ges qu'il a donnee a leurs Livres ,
» font autant de preuves qu'il ne
« croioit pas qu'ils fe feparajfent mal-
» heureufement de VEglife
, quoiqu'il
» fur de nororiete publique qu'ils
» perfiftoient dans les memes fenti-
j
-ocr page 401-
III. Part ie. Liv. I. 399
mens que nous, oppofes veritable-
lnent a fes premiers fenrimens ex-
primes dans fa lettre, mais approu-
ves folemnellement par le S. Siege ,
par notre Archeveque &c par Sa
Majefte meme fuivant l'Arret du
Confeildu 23 06tobre 1668.
» Nous croi'ons, Monfeign eur, que
ce que nous prenons la liberte de
vous reprefenter, fuffirpour effacer
les mauvaifes impreffions que des
perfonnes iimples & peu inftruites
pourroient prendre conrre nous a
t'occaiion d'un ecrit publie fous le
nom d'un Eveque recommandable
par fa grande erudition , & autori-
fe par un Mandement expres de
Votre Eminence. Nous ofons me-
me efperer que pour peu que Ton
fafle reflexion, rien ne juftiliera da-
vantage nos fentimens & notre
conduite, que la neceflite 011 Ton
eft d'avoir recours, pour nous con-
damner, a des ecrits fondes fur des
opinions ruinees prefque des leur
naiflance par des lettres que les 19
Eveques ecrivirent pour la defen-
fe du Mandement des 4 Eveques ,
011 ils declarent qu'il n'y a rien dans
ces Mandemens qui s'iloigne tant
foit peu de la regie de la Dcclrine
-ocr page 402-
4-00 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAl.
» catholique ou de la reverence due k
" la Chaire de S. Pierre _, & par le
» jugement que le S. Siege rendit en
» confequence de ces lettres & de k
» declaration dont nous avons parle
» ci-de(fus.
" Ce n'eft pas un petit avantage
" pour nous, Monfeigneur , que no-
» tre caufe foit tellement liee a tout
" ce qu'il y a de plus grand dans l'E-
» pifcopat, & meme aux decisions
» du S. Siege, qu'on ne puifTe nous
» trouver criminelles & pretendre
» que nous nous feparons du refie de
» VEglife,
fans faire retomber cette
jj accufation fur le Pape Clement IX,
» qui autorifa nos fentimens par fon
« Bref aux 4 Eveques, fur M. de Pe-
» refixe & fur tous les autres Eve-
" ques qui fe conformerent au juge-
» ment du S. Siege.
» Ne peut - on pas dire , Monfei-
» gneur, que cette accufation retom-
» be auffi fur les celebres Cardinaux
» & les favans Jefuites qui font nom-
» mes dans les a&es que nous venons
» de citer, & qui avant ces difputes
» ont cru pouvoir contefter par des
" ecrits publics (commenous appre-
» nons qu'on le fait encore tous les
» jours dans les Thefes de Sorbonne )
-ocr page 403-
III. P A R T I E. LtV. L        401
» des faits femblables a celui de Jan-
» fenius & decides meme par des
» Conciles generaux.
» Nous ne doutons point, Monfei-
" gneur, que fi on vous eut fair faire
» attention a ces confequences , qui
» fuivent naturellemenr du reproche
» que Vorre Eminence nous fait dans
» fon Mandement, que nous nousfe-
» pawns de I'Eglife
j elle n'auroir ja -
" mais voulu emplo'fer contre nous
» une telle expremon.
" Si on compare la conduite de ces
» grands hommes a la notre, on les
» trouvera beaucoup plus criminels
» que nous, puifqu'ils conteftoient la
» verite de ces faits & foutenoient
» que I'Eglife s'etoit rrompee j au lieu
" que nous demeurons a cet egard
» dans le filence, & que tout ce qu'on
» pent nous obje6ter fe reduit au re-
» fus que nous avons fait dans tous
» les terns d'atefter par ferment un
" fait dont nous n'avons aucune con-
» noifTance, 8c fur la decifion duquel
» vous reconnoiflez vous - meme ,
" Monfeigneur, que I'Eglife a pu fe
" tromper.
» Oferions-nous ajouter , Monfei-
" gneur, que fuivant ce principe no-
» U'e refus eft hautement juftifie par'
-ocr page 404-
402 HlSTOmE DE PoRT-ROlAL.
» les Ordonnances d'un Prekt (12)
» qui condamne en termes tres forts
(12.) Les re'igUufes en- » ait & qu'on jure une
33 creance entiete des
3) points qu'elle decide
s> fans infaillibiUte ; elle
33 n'exige cette creance
33 entiere aiteltee par tin
33 ferment . que pour les
33 po nts fur lefquels elle
33 ell inf'aillible C'eft
3) pourquoi il n'eft pas
3; poffibl qu'elle falfe ju-
33 ret les deux contradic-
tendent ici M. de Cam-
brai. Ce Prelat raifonne
julte en ce point, lorf-
qu'il qual:fie de maxune
inouie & incroiable
, la
maxime de la letcre de
M. BolTuet, art. 10. non-
Jeulement qu'on peut crot-
re & jurer une croiance
d'un fait fur la feule au-
torite de i'Eglife , qu'on
fuppofe faillible & tombee 3> toirrs .... Cet abus du
dans I'erreur, mais mime 33 S. nom de Dieu pour-
qu'on efl dans I'obligation 11 roitneanmoinsarriver,
d'avoir cette creance en'
tiere & de la jurer. M
de Cambrai remarque
qu*on n'eft guere avance
contre ceux qu'il appelle
Janfenifles , avec cette
maxime inouie , qu'ils re-
jettent avec raifon :
apres
avoir montre par quel-
que exemple , qu'en fup-
pofanc le ptincipe de 3a
lercre de M. Boftuet , qui
allie l'obligaiion d'. cioi-
>•• &c de jurer un fail avec
la faillibilite de I'Eglife,
il pourrok arrivcr qu'on
exigeat d'uiie meme per-
fonne des fermens con-
31 continue M. de Cam-
33 brai, ii on vuloit fai-
3) re application de la
33 maxime de l'art. 10 ,
33 au fait de Janfenius.
33 L'erreur defait, dit cet
33 article , ne doit dimi-
33 nuer en rien Vautoriti
3) des jugemens de I'E-
33 glife, ni par confe'quent
33 t'obligation qu'vnt tou-
33 jours euefes enfans d'y
33 prendre une entiere
33 creance. Voi'a les fl-
33 diles obliges a '-roire
3> encierement & a jurer
33 l'erreur du fait. Sup-
3) pofons que I'Eglife
tradictuires, doml'unpar-    33 mieux informee de-
confequent aflirmeroit le    33 couvre fon erreur , en
menfonge , ilajoute : 33 a    33 ce cas elle portra un
53 Dieu ne plaife que l'E-    33 jugement contradic-
33 glifc oblige jamais a    33 roire au premier , 8c
33 appeller Dieu en t6-    33 fes enfans feront obli-
33 moignage du menfon-    33 ges d'y avoir une en-
» ge comme de la verite j    33 tiere creance , & de la
S3 elle n'exige pas qu'on    33 jurer, car ils ne fetoat
-ocr page 405-
III. Partie. Liv. I. 40$
if les fignatures qu'on exige touchant
» les faits non reveles , mr d'autres
» principes que celui de l'infaillibi-
» lite de 1'Eglife.
» Avant de finir cette lettre, pet-
s' metcez nous , Monfeigneur , de
» nous plaindre d'un autre reproche
« que nous faitVotre Eminence, d'e-
» tie venues a un tel exces d'obflina-
» don j que d'ofer nous glorifier d'etre
» les feules qui ne Jo'ions pas foumifes
» aux Conjiiiutions des Paves; nous
» ne pouvons deviner, Monfeigneur,
» fur quel fondement on a avance
» une telle faufTete a Votre Eminen-
» ce. Elle peut retire nos lettres, nos
" requetes, nos actes; elle n'y trou-
« vera rien qui ne foit eloigne d'une
» difpofition fi fcandaleuie. Nous
" nous glorifions aucontraire d'etre
33 pas moins obliges d'a-    » vre de Janfenius , 8c
33 voir une entiere crean-    33 demain la catholtci-
33 ce au jugemenc qui eft    53 te «. Ces raifonnemens
33 fans erreur, qu'au ju-    font accablans conrre
3) gement ou il y auroit    ceux qui fignent le For-
33 eu par futprife, de l'er-    mulaire, quoiqu'ils foieat
33 reut de fait. L'Eglife    perfuades que 1'Eglife n'eft
33 felon cette maxirae    pas infailtible dans les
33 pourroit done obliger    fails non reveles 4. Tnflr.
S3 I croire &c a jurer fuc-    1. Part.... Lettres du me-
3) ceffivement le oui 8c le    me contre les Reflexions
33 noa , le vrai & le faux,    fur le Manlement de M.
33 en un mot les deux    de Noailles du « aout
33 contradi&oires.aujour-    170? , 8c imprime en
J3 d'hui l'hetencite du Li,    1710.
-ocr page 406-
404 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
" i70g. " tres foumifes au Saint Siege, ainfi*
» qu'il eft porte dans l'Ordonnance
» de M. de Perefixe j & bien loin
» d'affe&er de nous diftinguer par
» des fentimens particuliers , nous
» fommes perfuadees que tons ceux
» qui aiment la paix & qui favent
» fur quel fondement elle a ete ren-
» due a l'Eglife , ne peuvent avoir
» d'autres fentimens que nous. Nous
» ne pouvons meme nous empecher
» d'efperer que Votre Eminence, tou-
» chee de nos tres humbles remorv
» trances & du trifte etat ou nous out
» reduites des calomnies trop ecou-
» tees , fuivra en fin l'exemple de M.
» de Perefixe , qui revinr de fes an-
» ciens prejuges , & nous rendit la
» participation des Sacremens , dont
" nous avons toujours joui fous M.
» de Harlai. Nous fommes, &c.
cLxxxn. Quoique cette lettre des religieu-
roeiu JteM. fes ^e ?• $■• des Champs contienne
de Noaii:csune pleine & folide refutation du
par un'ano-Mandement de M. de Noailles , il
jiyme.
         fllt encore attaque par un anonyme 5
qui publia le 8 d'aout des Reflexions
Jur le Mandement
dans un ecrit de 3 9
pages (13). Outre la refutation de la
(ij) Vo'fezcct Ecrit, T. 4. des Mem. hift. p. J00»
Si fuivances.
-ocr page 407-
III. Par.tie. £iv. it 405
pretendue Tradition atteftee par M. 1709.
de Noailles, on fe fervoit adroite-
ment dans cet ecrit de la contrariete
des principes de la lettre adoptee par
M. le Cardinal avec ceux de M. de
Cambrai, pour les combattre les uns
les autres & renverfer les uns par les
autres. M. de Cambrai fondoit, com-
me Ton fait, l'obligation de croire le
fait fur l'infaillibilite qu'il attribuoit
a l'Eglife dans les faits , & il traitoit
meme de tyrannie l'obligation de croi-
re le fait, fi on la fondoit fur une
autorite faillible. La lettre de M.
BofTuet adoptee par M. de Noailles
enfeignoit au contraire que l'Eglife
eft faillible & peut fe tromper dans
la decifion des raits non reveles j mais
l'Auteur de cette lettre pretendoit que
cela n'empechoit point qu'on ne fut
oblige de la croire , foit qu'elle fe
trompat ou non j principe fort etran-
ge que M. de Cambrai traitoit avec
raifon de tyrannie.
L'Auteur de I'Ecrit fur le Mande- clxxxiii.'
ment de M. de Noailles tire de ces Raif?,n?S:
ct 1             ri                    ment d:.iiif
principes oppoies , des coniequences, en favear de
& fait un raifonnement decifif pour ""x V$ r£
la juftification des religieufes de P. R. gn^r le For-.
& de tous ceux qui font difficulte de n^"-
croire interieurement le fait de Jan-
-ocr page 408-
406 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
fenius. » L'obligation, dit-il, de croi-
» re interieurement le fait en vertu
» de 1'autorite de l'Eglife , ne peut
» etre fondee que fur l'infaillibilite
j> de l'Eglife dans ces fortes de juge-
» mens j c'eft ce que M. de Cambrai
firouve invinciblement dans toute
a feconde partie de fa quatrieme
» Inftru&ion paftorale : or l'Eglife
» n'eft point infaillible fur ies raits
» de la nature de celui dont il s'a-
" git ; M. de Paris vient d'en faire
» un aveu authentique : done, con-
» clut l'Auteur des Reflexions, quel-
>i que decifion de l'Eglife qu'on alle-
" gue fur le fait de Janfenius, on
» n'eft point oblige de le croire inte-
» rieurement. Ainfi, ajoute-t-il, les
" religieufes de P. R. fe trouvent
» pleinement juftifiees par les pnnci-
» pes des deux Prelats qui leur font
» egalement oppofes; & pour fe de-
» fendre contre eux deux 8c contre
» leurs femblables , elles n'ont qu'a
» reunir leurs principes & repondre
» par le principe de M. de Cambrai
» a ceux qui leur parlent comme le
» Cardinal de Noailles ; & par le
» principe de cette Eminence, a ceux
» qui leur parlent comme M. de
» Cambrai«. C'eft ainfi que l'inno-
-ocr page 409-
111. Partie. Liv. I. 407
cence eft juftifiee par la bouche de ~~Tjo^T
fes ennemis.
II faut encore remarquer que quoi- clxxxiv.
que ces deux adverfaires , partialis cL0"tS"
de la fignamre , femblent fe reunir «s de ceux
pour accufer ceux qui refufent de^j'Tnt
croire le fait; cependant ils les iufti-rfcure do&it
6e          1                        dc Janfenius,
ent , parceque ce iont deux crimes toBtnem ;.ga-
direrens dont ils les accufent: de forte lement a la
1.1             ,                              , iultificacion
que chacun de ces deux partis, en les de ceux ^ui
accufant, les declare innocens du cri- tefiifem cette
creance.
me dont l'autre parti les accufe. M.
de Cambrai & ceux, qui comme lui,
pretendent que l'Eglife eft infaillible
dans la decition des faits, accufent
ceux qui n'ont pas la croiance inte-
rieure du fait de Janfenius , de ne
pas rendre a l'autorite divine la fou-
mifllon qui lui eft due j & ils avouent
en meme-tems que fi l'Eglife eft fail-
lible dans la decifion des faits, on a
tort de vouloir obliger de les croire :
ainli ils ne croient pas coupables du
pecbe contre la foumiffion due a l'au-
torite humaine, ceux qui refufent de
croire les faits decides. D'un autre
cote les Partifans de la foi humaine ,
qui conviennent que l'Eglife n'eft pas
infaillible dans les faits, & accufent
feulement ceux qui refufent de croire
le fait de Janfenius, de ne pas rendre
-ocr page 410-
408 HistoiredePort-roial.
*" 1700." * l'autorite humaine la foumiffion qui
lui eft due, les dechargent du crime
dont M. de Cambrai les charge, en
les accufant de manquer de foumif-
fion a l'autorite divine. De cette for-
te les religieufes de P. R. & ceux qui
refnfent de croire le faitde Janfenius,
ne font coupables d'aucun crime. lis
ne pechent point contre la foumiffion
due a l'autorite humaine , felon M.
de Cambrai, puifqu'une autorite fail-
lible ne peut point exiger la creance
d'un fait fur lequel elle peut fe trom-
per. lis ne pechent point non plus
contre la foumiffion due a l'autorite
divine, felon M. de Noailles &c 1'Au-
teur de la lettre qu'il a adoptee, puif-
qu'en refufant de croire le fait, ils ne
refufent pas de fe foumettre a l'auto-
rite divine, l'Eglife n'a'i'ant point re-
£U de Dieu une autorite infaillible
pour juger de ces fortes de faits.
clxxxv. Quelle confufion ! quelle contra-
tJondes Par- didtion parmi les partifans de la fi-
tifans de la fi- gnature ! lis font allurement moins
fondufion d'accord entre eux , qu'ils ne le font
i]u'on doit en avec ceux qUi refufent cette fignatu-
tirerell,que                   ,.. »            ,                       1 , >„rt.
le parti le re j ou s ll y a quelque accord, ce n eit
pint rage efl que £}e nom qU'ils conviennent com-
%ner.         me autrefois les Moliniftes & les Tho-
miftes, au fujet du terme de grace
fuffifante ,
-ocr page 411-
III. Par.tie. Liv. I. 409_______
fuffifante , & de pouvoir prochain. 170^.
Les uns exigent une foi liumaine ,
les autres une foi divine a 1'egard du
fait de Janfenius : ceux-ci exigent
une foi divine, fur le principe que
1'Eglife eft infaillible dans la deci-
sion de ces faits ; ceux-la convenant
que 1'Eglife petit fe tromper dans la
decifion des faits de cette nature , fe
contentent d'une foi humaine. Cette
contradiction n'eft pas. une iimple di-
verfite de fentimens qui puiiTefecon-
cilier ; elle confifte dans ce qu'il y a
de plus eftentiel, favoir i°. 1'objet
mane du commandement de ligner,
qui confifte dans la difpofition d'ef-
prit, qui en eft le principal objet 5
i°. dans la nature de robeiftance que
fon exige, laquelle eft un facrifice
rendu a Dieti ou a I'homme fuivant
les differens fyftemes 5 a Dieu, li 011
exige une foi divine 5 ou aux hommes
fionn'exige qu'une foi humaine. j°.
Dans le motif fondamental de cette
obeiflance & le principe de l'obliga-
tion qu'il y a de croire ; qui felon les
nns eft une autorite infaillible , felon
les autres une autorite faillible. Cette
contradiciion des partifans de la fi-
gnature infiue dans tout ce qu'ils di-
fent fur cette affaire j de forte que ce
Tome IX.
                            S
-ocr page 412-
410 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
que Tun entend dans un fens, l'autre
l'entend dans un autre j l'un tire un$
confequence l'autre une autre j ce
qui paroit vrai a. l'un paroit faux a
l'autre. A qui faut-il croire ? Que
conclure d'une telle contradi&ion ?
Quel parti prendre ? C'eft de prier les
partifans de la fignature de s'accorder
enfemble avant que de les ecouter:
ou de les refuter les uns par les autres
en prenanc acte de ce qu'il y a de yrai
dans les principes de chacun ; & de
conclure enfin, que le parti le plus fur
eft de ne point attefter avec ferment
un fait inutile au falut , fur lequej.
l'Eglife meme peut fe tromper , felon
M. de Noailles & l'auteur de la lettrej
& dont elle ne peut point exiger la
croi'ance , felon M. de Fenelon, fi el-
le peut fe tromper.
C'eft le parti fage que les religieu-
fes de P, R. des Champs out toujour?
pris dans cette affaire , ou on les a
engagees malgre elles, en les forcant
de parler , lorfqu'elles ne penfoient
qua garder un profond filence.
Reprenons la fuite des procedures
•faites par l'ordre de M. le Cardinal
de Noailles contre ces faintes fides.
M. Vivant charge par fpn Eminent
eg de fake les informations de corn*
-ocr page 413-
III. P A R T I E. LlV. I.        411
wodo & incommodo, s'etoit tranfpor- 1709.
te a P. R. des Champs le 1 $ Avril, clxxxvi.
pour entendre les deponnons des te- pt0c6duret
moins qu'il avoit fait aflignet, fur connep. r.
lavantage ou 1 inconvenient de la t6moins fu-
fuppreffion de l'Abba'i'e de P. R. des homk'
Champs, & de la reunion de fes biens
a P. R. de Paris. Mais ces premieres
depositions n'etant pas conformes au
delfein qu'avok pris Jezabel de s'em-
parer de la vigne de Naboth, on fit
encore affigner les 11 & 12 de juin
les Cures de Dampierre, Levi, faint
Forget , S. Remi, Magni , Trappes
( ces derniers avoient deja ete aflignes
le 13 avril , mais ils n'avoient pas
comparu) pour aller encore depofer
fur le commodo & incommodo a Paris
chez le fieur Vivant. Mais pour ne
pas tornber dans le meme inconve-
nient d'une declaration fincere & na-
turelle de ce qu'ils pouvoient penfet
fur cet article, telle que les premiers
temoins l'avoient faite , on donna a
chaque temoin ailigne fa lecon par
ecrit. La le^on etoit ainfi eoncue.
» Dire que le bien qui eft a. P. R.
" des Champs a ete demembre du
» titre qui a ete transfere a P. R» de
» Paris. Que les religieufes des
» Champs font defobeiilantes a tou~
Sij
■ ... .....
-ocr page 414-
41 % HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1709, " tes les puiflances, au Pape, au Roi,
» & a M. l'Archevtque. Que leur
» defobeiffance leur a attire des de-
» fenfes de ne recevoir deformais
» aucune fille, & qu'elles n'en one
» point effectivement recu depuis
» tres long-tems. Qu'il y a apparen-
« ce qu'etant toutes vieilles & cadu-
" ques , cette maifon va bientot tom-
" ber, & qu'il eft plus jufte que leurs
" biens qui ont ere demembres de P. R,
" de Paris , y foient reunis qu'a des
» etrangers qui pourroient s'en em-
w parer , & qu'ainfi la reunion def-
" dits biens eft tres raifonnable ".
Telle etoit la lecon que porta auxte-
moins aflignes, l'homme d'affaire des
religieufes de P. R. de Paris. II ajou-
toit nieme de vive voix, que e'etoit
de la part de M. le Cardinal de Noaii-
les. Nous avons peine a croire que
M. le Cardinal ait eu part a une ao
tion fi oppofee a la juftice : & 1'hom-.
me d'aftaire a pu parler ainfi fans fa
clxxxvii. participation,
gisufts des Quoi qu'il en foi.t, les religieufes de
champs de- p r jes Champs ai'ant la preuve de
mandent par ■                        . 1 , .1             r
une Requete la mbornation de temoins , prelen-
la permiflion terent requete a M. le Comte, Lieu-
d informer                       \ . .                     . .
comre la fu- tenant criminel , pour obtenir per-
le!antn50,lJcS "Jiffi0" d'en informer. La Prieure. U4
-ocr page 415-
III. P A R T I E. ZiV. /.         41 J
ecrivit meme deux fois ice fujet. Le 1705J.
Lieutenant criminel embarafTe de cet-
te requete , dit d'abord qu'il ne pou-
voit la repondre fans en ecrire 1 M.
Voifin , dont la reponfe fut que lb
Lieutenant criminel ne devoit point
fe meler de cette affaire , & qu'il de-
voit la renvoi'er au Parlement ou a
l'Officialite, ou ces religieufes avoienc
des inftances. M. le Comte fuivant
cet avis repondit enfin la requete en
mettant au bas que l'affaire etant au
Parlement & a TOfEcialite , ces reli-
gieufes devoient fe pourvoir a l'un on,
a l'a'utre Tribunal. II fe tira ainfi
d'embarras par un deni de juftice,
qui mit les religieufes de P. R. des
Champs hors d'etat de fe pourvoir
contrela fubornation (14).
(n) Voiezla lettre de refus de repondre la r«K
la mere Prieure au Lieu- quete. Mem. hill. T. j»
tenant criminel, fur fon- p. 458.
%^
S iij
...
-ocr page 416-
414 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAlJ
J70?.
LIVRE DEUXIEME.
»«renduii le Cardinal de Noailles rendit le n
Juillct i7op ....                            11,             • / 1 r>
E6creta-;fuj)-juillet 1709, de 1 autorite du rape
F-Abbaie de & ^e'^ &enne>*°n Secret portant ex-
p. r. des unction du titre de l'Abbai'e de P. R.
champs. fes Champs , & reunion de fes biens
a celle de Paris. Apres un long narre
du cours du proces & le vu des pie-
ces (1) , M. de Noailles prononce
ainfi. » Et tout confidere, le S. Norn
m de Dieu invoqut! , Nous Archeve-
••» que de Paris, tant de notre auto-
» rite 'ordinaire, que dm faint Siege
w apoftolique , avons fupprime &
« eteint , fupprimons & eteignons
»• par ces prefentes, a perpetuite, le
•w titre de ladite Abbaie & monaftere
» de P. R. des Champs,' & en con-
» fequence avons reuni & applique,
» reuniflbns 8c appliquons par ces
« memes prefentes , a. l'Abbai'e &
» monaftere de P. R. de Paris, tons
w les biens meubles & immeubles &C
ti revenus generalement quelconques
(i ) Vo'iez la piece en entier, T. 5. dej McMi
tift. p.
J74, Co}.
-ocr page 417-
Hi P artie. Liv. II. 41 J' ______
*'» de ladite Abbaie & monaftere de 1709.
" P. R. des Champs, tant ceux qui
y> Iui ont ete ailignes par ledit par-^
» tage ordonne par Arret du Confeil
« du 13 mai 1669 , que tous autres'
» que lefdites religieuies de P. R. des
» Champs pofledent, foit qu'ils leur
» aient ete legues, ou donnes, ou £
"
leur maifon, ou a l'Eglife , par tefta-
» ment, donation, ou autre a&e de
» quelque maniere que ce foit , ou
" qu'elles les aient acquis de quel-
s' que autre fa^on, ou a quelqu'au-
» tre titre que ce puifle etre } pour
» qua Pavenir POffice canonial du-
* dit monaftere des Champs puifle
» etre acquite dans celui de Paris,
» &c jouir par ledit monaftere de Pa-
» ris de tous lefdits biens & droits
« ainfi reunis \ a la charge par lefidi-
" tes Abbeffe & religieufes de P. R.
» de Paris, d'acquitter ou faire ac-
» quiter confotmement a ladite Bui-
» le, les Mefles & autres fondations
» particulieres faites depuis la fe-
" paration defdites deux maifons
» qui ne pourront etre aequittees pat
" le Pretre ci-apres denomme, defler-
» vant l'Eglife dudit monaftere desi
" Champs, & generalement de pa'i'ef
routes les autres charges, comm©
S iiij
-ocr page 418-
4l£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
.1705. » les dixmes & taxes du Clerge , &
. » tous aurres dont lefdits biens reu-
» nis peuvent etre tenus j & qu'il fe-
" ra pris & diftrait par preference fur
» les fruits & revenus defdits biens
» &c revenus, pour la nourriture, en-
s' tretien , & autres befoins defdites
" religieufes qui reftent en ladite
" maifon de P. R. des Champs , a fa-
s' voir, pour chacune religieufe de
» chceur la fomme de 300 liv. par
» chacun an j .& pour chacune des
m converfes 200 liv. auffi par chacun
» an j & que lefdites Abbefle & re-
in ligieules de P. R. de Paris, leur
» paieront ou leur feronr tenir en
" quelque lieu, qu'elles foient leur
w vie durant de quartieren quartier
« & par avance ; h ce n'eft que lef-
?> dites religieufes des Champs euf-
*> fent des penllons de leurs families
*» de pareilles fommes, auquel cas le
» monaftere de.Paris en fera dechar-
« ge ; & arrivant que lefdites pen-
s' fions fe trouvafTent au-deflbus de
w ladite fomme de 300 liv. pour les
» religieufes de chceur & de 200 liv.
« pour les converfes, le furplus leur
» fera fourni par lefdites AbbelTe &
» religieufes de Paris; & lorfque def-
jp dites religieufes des Champs 4
-ocr page 419-
w
III. P A R T I E. LlV. II. 417
viendra a en mourir quelqu'une, 1709.
fa penfion demeurera eteinte au
profit de ladite Abbai'e de P. R. de
Paris. Comme auffi qu'il fera pris
fiar chacun an , par preference
efdits fruits & revenus, autre fom-
me de 300 livres pour l'entretien
d'un Pretre feculier chapelain refi-
dant audit P. R. des Champs, le-
quel fera tenu de dire tous les
jours la MefTe en ladite Eglife des
Champs pour les fondateurs & bien-
faiteurs: plus z 5 o 1. pour l'entretien
d'un jardinier, 2 001. pour l'entretien
d'un portier ou concierge j 150
livres pour l'entretien a une fer-
vante j lefquels chapelain , portier
ou concierge , jardinier & fervante
feront agrees par nous, & demeu-
reront audit P. R. des Champs juf-
qu'a ce que nous y ai'ons autrement
pourvu. Ordonnons qu'aufli-tot
apres la fignification de notre pre-
fent decret, il fera fait audit P. R.
des Champs, en prefence dudit le
' Normand notre Official (1) , que
1 nous commettons a cet eft'et , &
>   d'une autre perfonns qui fera de-
i putee par ladite Abbefle & reli-
>   gieufes de P. R. de Paris, deux in-
(1) Il fut recompenfe de l'£veche d'Evreux. t
S V
-ocr page 420-
41 8 MlSTOIRE DE PoRT-RoiAt:
» ventaires exacts , un de tous les tU
» tres, chartres , papiers & enfeigne-
»» mens que lefd. religieufes de P. R.
» des Champs ont en leur pouvoir,
» concernans les biens , droits & re-
» venus dudit monaftere des Champs j
» lefquels titres 8c papiers feront de-
» livres a l'inftant audit depute de
» l'Abba'ie de P. de Paris, pour etre
» remis & gardes dans les Archives
» d'icelle \ duquel inventaire copie
» nous fera fournie , pour esfe gar-
» dee dans norre fecretariat , & f
*> avoir recours quand befoin fera y
» l'autre,de tousles vafes facres Sc
*> prophanes j reliquaires , argenterie,
» pierreries , joiaux , tableaux , li-
» vres, linges & ornemens d'Eglife,
» meubles meublans , uftenfiles &
« autres efFets , duquel auffi copie
5> nous fera fournie , pour icelle vue,
» etre ordonne 8c ftatue fur ce, ce
» que nous jugerons devoir refter en
» la pafTeilion defdites religieufes
» des Champs pour leur ufage j nous
» refervant am. furplus de ftatuer en
» terns & lieu fur les autres chofes
» portees par ladite Bulle 8c autres
~* *ainfi que de raifon. Donned Paris
-*» en notre Palais Archiepifcopal le
» onzieme :jour de juillec 170?. Signi
-ocr page 421-
.._. ..--..
III. P A R. T I E. LlV. II. 41 9
ift Louis-Antoine Card. de Noailles, 1709.
» Archeveque de Paris , & plus bas ,
» par fon Eminence , fignd Cheva-
» lier , avec paraphe.
Tel fut le decret rendu pour 1'ex- IT-,
tindfcion du faint monaftere de P. R. otaei de m.
des Champs par M. de Noailles : & de
Noaiile*,
, i *             A                    ' / quant a la for-
ce qui doit encore etre remarque , me & quaus
c'eft qu'il le rendit ai'ant les mains au ioad-
liees par l'appel porte a la Primatie
deLyon,tant al'egard defon autorite
ordinaire , qu'al'egard de fon autorite
de Delegue, & apres que I'Official de
Lyon eut re$u 8c releve l'appel, &C
defendu' de pafifer outre -y enfin avant
meme que l'appel comme d'abus, que
les religieufes de P. R. avoient in-
terjerte au Parlement de l'Ordonnan-
ce de I'Official de Lyon, eut ete. juge"
ai contradi£toirement, ni par defjtutj
car l'Arret par defaut qui juge qu'il y a
abus, nefut rendu que le 3 aout 1709.-
Ainlile decret deM. de Noailles eft mil
de plein droit, non-feulementiparce-
qu'd eft rendu fur une' enquete, par-
tie contraireau decret, partie vicieu-
fe , partie frauduleufe ; mais encore
parceque le Juge qui l'a rendu, avoit
les mains liees par des appels legiti-
mes , & par des defenfes du Juge fti»
peaeur non declarees abufives.
Sv)
-ocr page 422-
"410 HlSTOIRE BE PoRT-Rd'/At.
jjop, Mais,quand meme routes les forma.'
lites poffibles auroienr ere obfervees
dans le decret de M. de Paris, il y a
un aurre defaut que la plus exa&e
obfervarion de toures les regies &
formalites humaines ne peur couvrir.
C'eft le defaut de caufe ou de crime
dans les religieufes de Porr-Roial des
Champs. Toute peine infligee contre
des innocens eft injufte , quand on
y obferveroit toures les formalites
imaginables i or les religieufes de P. R.
des Champs eroienr innocenres &
avoient ete jugees relies par Clement
IX,'& par M.de Perefixe dans le point
meme, fur lequel on vouloir les rrou-
ver coupables j ainfi le decret de fon
Eminence eft nul tant pour le fond
que pour la forme.
hi.
          Quelques jours apres le decret, M.
S«ES-*e Noailles alia a P. R. de Paris, fis
ligieufes de aiTembler la Communaute , & apres
ehampS, p^ avoir dit que le decret de reunion
m. deNoaii etoit pret, & que l'Official alloirfi-
nir, if leur fouhaita autant de. regula-
rite
& de vertu qu'en avoient les reli-
gieufes des Champs ,.qui itoient de hon*
nesfilles & Men r2gulieresyen qui,,a I'ex*
ception deleur defbbeijjance
<& leuropi-
niatreti il n'y auroit rien que delouable*
Sou Eminence wuloit engager les leg
-ocr page 423-
III. P A R. T I E. LlV.lL 4*-%
ligieufes de Paris a vendre leur mai- 1705.
Ion pour fe retirer dans celle de P. R.
des Champs •> mais il ne put rien ga-
gner fur l'efprit de ces filles,qui avoienc
ti'op de gout pour le fejour de la ville ,
pour confentir a vivre dans un defert
qu'elles regardoient comme I'exil.le
plus affreux.
L'injufte decret de.M. de Noailles iv.
futfignifie auxreligieufes de P. R. desd-f^X«
Champs par un Huiffier du Chatelet lemew coa-4
nomme Marquanr , refidant a Che-tte p* ^
vreufe, le 7 aoiit, c'eft-a-dire, le me-
me jour qu'on leur fignifia 1'Arret par.
defaut, que le Parlement avoit rendu
contre elles le 3 de ce mois a, la pour-
fuite des religieufes de Paris. Celles-
ci avoient, comme nous Pavons dit,
appelle cornme d'abus au Parlement,,
du premier relief d'appel de 1'OfH-
eial de Lyon, & de la Bulie de Cle-
ment X du 23 feptembre 1671J 8t
elles en avoient obtenu deux Arrets
qui les recevoient appellantes de ces
deux chefs (3): elles firent fignifier le
8 mai ces deux Arrets , aux religieu-
fes de P. "R. des Champs, les~ faifant
(■)) L'Arret du Patle-   1'atrSt du 3 aofit de Ik
ment de Paris du ij a-    meme annee declare It
»ril en faveur des reli-   defaut bien & duement ob-
gieufes de Paris etoit un   tenu,                            **
airgc £ar defaut puif<jue
-ocr page 424-
4i£ HlSTOIRE DEpORT-ROlAl.'
en meme terns afligner pour proc£-
der a la quinzaine. Mais les religieu-
fes de P. R. des Champs voi'ant bien
qu'elles ne feroient pas mieux trai-
tees a ce Tribunal qu'aux autres, laif-
ferent ecouler tous lesdelais pourga-
grfer les vacances , dans l'efpefance
que le tems pburroit apporter quel-
que changement. Tous lesdelais etant
ecoules fans qu'elles eufTent comparu,
le Pari, renditle 3 aout arret par defaut
qui declare qu'ily a abus dansl'Ordon,
& cornmiffion de l'Official Primatial
de Lyon des 8"' & 1 o avril 1709 , en ce
que ledit Official recevant l'appel de
l'Ordonnance de l'Archeveque de Pa-
ris du 22 fevrier 1707 , ordonne que
cependant les chofes demeureront en
&at. Le meme Arret declare aufli,
que fur l'appel comme d'abus de la
fulmination 5c execution de la Bulls
du 23 feptembre 1671 , (qui avoit
fepare les biens) il a ete mal, nulle--
ment & abufivement execute (4) j ce
faifant ordonne que lefdires Abbefle
& religieufes de-P. R, de Paris feront
U) Comment un Par-    fante<, foirtement follid-'
lement autfi eclaire que    te a Rome pat les ordres
eelui de i'aris a-[-i( pu    du 'oi , accotde par Iff
declarer nulls & abttfive    Pape comme juitc 8C 1**^
ee qui avoit ere fait par    foiiiMblet'
k contours des deux guif-
-ocr page 425-
III. Part in. Liv. II. 41 f
&: demeureront dans la pofTeffion & 1705*,
jouiffance de tous les biens , droits ,
revenus dudit fnoriaft-ere de P. R. des-
Champs, pour en joilir & les admi-
niftrer comme les autres Mens & re-
venus de ladite Abbaie de P. R. de
Paris, fuivant les Lerrres patentes du-
mois de decembre 161^ regiftrees en.
la Cour le 16 fevrier i6£6, cotntri&r'
aufli maintenues dans la polTeffion ,
dans laquelle elles etoient avant la-
dite Bul'le & fnlmination d'icelle,
d'exercet la jurifdidtion &: autorite
fpirituelle fur le monaftere de P. R»
des Champs (5).
Les re'ligieufes des Champs firent r.
oppofition a. cet Arret par defaut dans aftflfj*
la huitaine y ce qui fufpendoit fon des champ*
execution felon les regies du Palais j J^gJ °^
& l'affaire devoit etre plaidee contra-1'Arret.
diftoirement le iendemain de la faint
Martin , ne pouvant l'etre avant les
vacances. On ne pouvoit done agir
regulierement en verm d'un Arret,
auquel 1'oppofition faite dans la hui-
taine avoit ote toute fa force, fi les
Arrets par defaut pouvoient en avoir
If ) M. de Noaifles    ment donne la jurifdic~
avoit des le n juiflet    tion & autorite fpiritue'l-
precedent eteint 8c fuppri-    le fur ce monaliere fup-
me le monaftere de P. R.    prime 8c eteint , i l'£|j-
&sChamjjs, &; hS&kr_ beffedep, R.ds Paris/
-ocr page 426-
'
414 HlSTOlRE DE PoRT-RdlAt.
ii-joy. quelqu'une , etant toujours rendus
pour l'ordinaire au gre comme a la
requifition de lapartie qui les obtienc
D'ailleurs il eft dit dans cet Arret,
qu'il y a des abus confiderables dans
la Bulle de Clement X 5 mais ces abus
bien loin d'etre prejudiciables aux re^
ligieufes de P. R. des Champs fe tour-
noient contre celles de Paris j & fi le
Parlement avoir juge cette affaire
contradidtoiremenr, il auroit du, en
declarant cette Bulle abufive , decla-
rer en meme tems le monaftere & les
religieufes de P. R. de Paris foumifes
a 1'AbbefTe ele&ive , & aux Officieres
refidentes a. P. R. des Champs, & refti-
ruer a celles-ci le monaftere de Paris,
en aneantilTant la Communaute de
Paris qui ne faifoit Communaute in-
dependante de P. R. des Champs
qu'en vertu d'une Bulle que le Par-
lement declare abufive par fon Ar-
ret. Ainfi des qu'il aneantifloit ce
qui avoit ete fait par cette Bulle de
Clement X en 1671 , en la.declarant
abufive , la Communaute de Paris
etoit detruite & aneantie $, & 1'Ab-
befTe ele&ive de P. R. des Champs
avec fes religieufes devoient rentrer
en pofleflion de tous leurs droits &
«le tous leurs biens, & par confequent
-ocr page 427-
III. Par tie. Liv. II. 41 J'
clans le monaftere de Paris , dont M. 1709
de Perefixe ne les avoit fait fortir
pour les envoier dans celui des
Champs, qu'a caufe de leur preten-
due defobeiflance. Comme ce Prelat
les avoir lui-meme juftiriees authen-
tiquement par fa Sentence du 17 fe-
vner 1669 , avant la Bulle, elles au-
roient du des ce moment y renrrer.
Mais la Bulle de 1671 leur 6ta injuf-
tement le tiers des biens pour le don-
nera fept religieufes revoltees,qui n'a-
voient d'autre titre pourfaire commu-
naute que cette Bulle. Puis done que le
Parlem. aneantiffoit par fon Arret,cet-
te Bulle & la feparation desdeux mai-
fonsde domaine du rout devoitrevenir
aux religieufes de P. R. des Champs
auxquels_tout appartenoit auparav ant.
Les religieufes de P. R. des Champs vr.
voiant que M. de Noailles par fon {£*£??'£
Ordoiinance du n millet, qui leur appeilem a la
f^ r • r 1 1                r,                              /1 Prirnatie de
ut fignifiee le 7 aout , avoit juge le. Lypn de ror.
fond du pvoccs & fupprime leur Ab- doaaance de
baie, qu'ii les en avoit rake chaffies £.de NoaiU
&les avoit depouillees de leurs biens,. ,Dfei d«
crurent devoir s'oppofer en confeien- i^el'gitS
ce a une telle injuftice par routes les f:s s"mma-
voies que la juftice leur permettoit. "uffidair
files n'en avoient point d'autres que
celle d'interjetter appel a la Prima-.
-ocr page 428-
A,.iS HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;'
tie de Lyon. Elles interjetterent done*
cer appel , & firent prefenrer a cet
eflfer requete a l'Official de Lyon par
M. Madignier leur Procureur. Mais
le Juge ecclefiaftiq ue qui avoit rec^u
des plaintes de la Cour (6) du relief
qu'il avoit accorde aux religieufes de
P. R. des Champs les 8 & jo avril
precedens, ne voulut pas s'expofer &
de nouvelles plaintes, & refufa d'ac-
corder le relief qu'on lui demandoit
fur ce nouvel appel. Ce qui obligea
M. Madignier de lui faire des fom-
macions les 28 aout, Sen feptembre.
L'Official repondit alors a la requete
& a la fomrhatioii, qu'il fe recufoit
comme fufpect aux parties.-
Le Procureur ai'ant refute cette re-
ponfe dans une feconde requete, fom-
ma derechef l'Official le 2 fepteni-
bre d'aecorder le relief d'appel & lui
declara qu'il prendroit fon refus pour
un deni de juftice. Nonobftant cela,
(f) M. de Torci avoit    fenrer une requite £ M.
tctit par ordre de ia Ma-
   l'Archeveque de ■ Lyon
je^te , dans le mois d'a-
   pout qu'il uommic un
Vril precedent , a l'Ar-
    autre Official pour cette
cheveque de Lyon, en fa-
    affaire , que pour lui il
veur des religieufes de
   ne vouloit pas fe faire des
Paris , ce qui avoit telle-
   affaires. Lettre de Made-
merit intimide l'Official
   moifelle dejoncouxal*
qu'il ditnettement que les
    mere Sainte Anaftafie dll I
religieufes de P. R. des
    j juin 170$,
Champs pouyoieiu pee
-ocr page 429-
III. Partis. Liv. It 41 f -
rOiFicial perfifta dans fon refus \ 8c il Vj,&ij„
ajouta a fa. premiere raifon , que s'a-
giifant d'une union faite des biens
d'une Abbaie a une autre par M. l'Ar-
chevcque de Paris , c'etoic a M. l'Ar-
cheveque de Lyon qu'il falloit s'a-
drelTer & 11011 a lui.
Par ce deni formel de juftice les re- vrf.
lieieufes de P. R. des Champsne pu- *•«reikietf*
D ,                  ,. .          ,                    1 \ T           fes font dgni-'
rent plus pourimvre leur appel a Lyon»fier 4 ieuij
pardevant l'Official Primatial; & ne v/'^s . le*
r .                   1 r        lie          fomma ions
jouvant raire autre choie, elles firent qU-eres a-
e 11 feptembre un ade capitulaire ,y°f"£ .fa.",e*
dans lequel elles expolent qu aiant Lyoa,_
prefente requete a .I'Orncial de Lyon
a ce qu'il lui plut les recevoir oppo-
fantes de rQrdonnance.de M. leCar--
dinal de Noailles du 11 juillet, il n'a-
voit pas voulu l'appointer, ce qui les
avoit obligees de lui faire des fom-
mations malgre lefquelles il auroit
perfifte dans fon refus , qui eft un de-
ni de juftice, & qu'ami de juftifier de
leurs diligences aupres de l'Official.
de Lyon, elles auroient refolu de fai-
re fignifier & denoncer lefdites fom-
mations a fon Eminence M. le Card,
de Noailles, a M.leNormand Official
diocefain de Paris , au Promoteurs
aux religieufes de P. R. de Paris ,
jifervazu a fe pourvoir centre U re*
-ocr page 430-
--
Ifi8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
j 709. fus & deni de juftice de l'Official de
Lyon.
En effet des le lendemain iz fep-
tembre , elles firent fignifier par un-
Huiflier , cet a£te capitulaire (7) &
les fommations faites a l'Officiai de
Lyon, plutot afin de ne rien omet-
tre de ce qui etoit en leur pouvoir
pour fe defendre , & ne pas paroicre
^onfentir a la perre de leur Abbaie &
de leurs droits , qu'afin d'arreter leurs
adverfaires, que les regies les plus in-
violables de la juftice ne pouvoient
arrerer ni pour le fond ni pour la
forme.
                  u
VIIJ- . Dans le meme terns les religieufes
Requete des ■. n .           ....                      °<
religieufes de de iJaris,qui chercnoient routes lesoc-
Pai.is co"tte cafions d'opprimer celles des Champs,
champs. prefenterent contre elles une requete
au Roi,difant qu'elles avoientcoupe
beaucoup plus de bois qu'il ne leur
en falloit pour leur chauffage ( voita
jufqu'ou alloit la fureur de leurs par-
ties contre elles), & qu'elles avoient
auffi coupe quantite d'arbres , noiers,
&c. fous pretexte qu'ils etoient morts.
Elles demandoient qu'il plut au Roi
d'ordonner aux religieules de P. R-
des Champs de rendre compte ae
(7) Voiez ces aftes, H;ftoire de la derniere ipeife-
iqjtion, T. 1. p. 117. Memoires hift. T. e.
-ocr page 431-
'
trnvfinm*------
111. P A R T I E. L'lV. II. 419 ______
1'emploi des bois coupes & vendus, 1709,
& leur defendre d'en couper vifs ou
morts. Sa Majefte rendu fur cela un
Arret conforme aux conclufions des
fuppliantes , qui le firent fignifier le
18 feptembre. Cet article fit un pen
de peine aux religieufes des Champs,
comme le marquoit la mere Prieure
ecrivant a un ami , mais cependant
elles efferent
, dit-elle, que le Seigneur
aura Join de tout 3 comme il a fait
jufqu'a prifent.
Les affaires etoient en cet etat , ps»
lorfque Madame de Chateau-Renaud je Pi R, jc
AbbeiTe de P. R. de Paris, fe croiant Pai«s va i
fuffifarhment autorifee pour prendre champ's pour
pofTeflion du monaftere de P. R. des prendre pc^
Champs, par l'Ordonnance de M. de maifon.
Noailles dont il y avoit appel , &
par un Arret par defaut auquel on
avoit forme^ oppofition dans la hui-r
taine, prefenta requete a M. le Car-
dinal pour lui demander permiflion
de fortir de fon monaftere a cette fin.
on Eminence fe donna la peine d'al-
er elle-meme en perfonne a P. R. de
Paris le famedi 28 de feptembre,
iour donner fes ordres & prendre des.
nefiues pour le voiage. II fut conclu
jue Ton devoit garder un grand fe-
;rer, de crainte, dit Madame de Cha-,
-ocr page 432-
*
430 HistoiredePort-roui.
j 705). teau-Renaud dans fa relation , que le
parti de P. R. des Champs ne dreflat
quelques obftacles qu'elle craignoit,
& on fit des prieres pour detourner
ces obftacles. ( Voila une crainte &
des prieres bien deplacees).
■a.            Madame de Chateau-Renaud arri-
I-aS' de va d P- R- des Champs le 1 odtobre
p. a. de Paris aunt avec elle dans un caroflTe deux
champs'. " religieufes de fa maifon, la Celeriere
Relation de & la Sous-maitreflTe des novices, une
•eau-renaudT religieufe Bemardine (8) & une fille
ieculiere (9). II y avoit dans un autre
caroflTe des homines, dont deux etoient
Notaires , les fieurs Mac,on & Bou-
ron. lis fe prefenterent les premiers
fur les onze heures , & annoncerent
^Madame 1'AbbeiTe de P. R. La mere
Prieure en etant avertie , fe rendit au
parloir , 011 elle n'ouvrit point le chaf-
lis de la grille ; ce qui donna occafion
a Madame TAbbefle de lui demander
s'il n'y avoit pas moien de fe voir ,
. &: elle la pria d'ouvrir. La mere Prieu^
re lui dit, que la regie ne le permet-
toit pas , & la pria de Ten difpenfer.
L'Abbefte repondit ( comme elle le
lapporte dans fa relation de prife de
pofleffion) que les regiesn'etoieni point
,<8) Sa Sccur.
If) SaFeramedeChamtwa,
-ocr page 433-
III. Parti!. Liv. II. 451
pour les Abbeffes de P. R. (il falloic 1705^
ajouter de Paris). Elle avoit raifon
de parler ainfi, car fa conduite a l'e-
gard des faintes filles de P. R. des
Champs ne verifioit que trop fes pa-
roles. Les oracles ont quelquefois die
des verites contre leur intention, 5c
fans les entendre. Caiphe ne compre-
noit pas tout le fens de cette parole ,
il ejt utile qu'un homme meure pour
tout le peuple.
La mere Prieure aVant dit qu'elle
avoit entendu des voix d'hommes, ce
qui Tavoit engagee a en ufer ainfi ,
la Dame Abbeue les fit retirer auffi-
lot j apres quoi la mere Prieure ou-
vrit la toile de la grille , & leva for*
voile.
La. mere Prieure avoit une parole
a(fe% tremblante{io),
dit la Dame de
Chateau- Renaud , qui ajoute que
pour elle de fon cote , elle n'etoit me-
re plus ajfuree
_, mais qu'elle fe fit efir
fort pour furmonter fa timidite {11).
» La Dame AbbetTe lui expliqua _ *'T- .
> 11                                        1 ri {1 Imwtiea de
■*' qu elle venoit avec un or are de M. Madame de
£haieau - re-
# . ,                ,.              ,, ,„ , , ,,         naud avec la
,<io) II n'cfl pas furpre- dcpouiHe de lears biens , mere pt e.,re
Pint iiu'une Brebis foic    charge de calorunies hor- feion]a ^eU-
.tremblante a la gusule du    riides, & enfin qui vient t;Qfe p_ u
loup.,                                  charter de leur maifon des              »»*>*
In) Vaine timidke    vierges jchtcliennM.,
<Up$ urte peifonoe ^itj
-ocr page 434-
431 Histoire de Port-roiai.
» l'Archeveque de Paris, qui, enfuite
» de la requete qu'elle lui avoit pre-
» fentee, lui avoit permis de fortir
» de fon monaftere , &c enjoignoit
•> aux religieufes des Champs de la
» recevoir comme Abbeffe. Elle lui
» demanda en merae tems, fi elle 8c
» fa communaute n'etoient pas dans
» la difpofition d'obeir a leur Supe-
u rieur commun.
» La mere Prieure repondit , que
« la communaute etoit appellante a
3> Lyon de tout ce qui avoit ere or-
*> donne a leur prejudice dans 1'afFai-
« re dont il etoit queftion^qu'elles n'i-
*> gnoroient pas l'obeiflance qu'elles
)' devoient a leurs Superieurs & en
» particulier a M. l'Archeveque, &c
»
qu'elles ne s'en ecarteroient jamais;
» mais que dans les affaires conten-
» tieufes les faints canons & les loix
» oht regie les devoirs des inferieurs
» envers les Superieurs, & de quelle
» maniere ils fe doivent conduire les
» uns envers les autres.
» La Dame Abbelfe dit alors ,
« qu'elle n'etoit pas feulement pour-
>» vue du decr§t de M. l'Archeveque
» de Paris , mais qu'elle etoit auto-
»> rifce par un Arret du Parlement,
j» <jue la communaute ne pouvoit
,> pas
-ocr page 435-
III. P A R TIE. L'lV. II. 43 J
» pas ignorer puifqu'il lui avoit ete
« fignine (le 7 aout) que cet Arret
» etoit du 3 aout dernier j & qu'aiant
» declare la Bulle de notre S. P. le
» Pape Clement X de 1'annee 1671 ,
» mal & abufivementobtenue, &c tout
» ce qui s'etoit fait en confequence
» nul & abufif, le partage des deux
» monafteres ne fubfiftoit plus , & les
n chofes avoient ete remifes au me-
» me etat qu'elles <!toient avant cette
m Bulle; enfin que les deux tiers de
« l'Abbaie etant reunis prefentement
<> en fa perfoline , elle vehoit en vet-
s' tu de cette Arret prendre poflef-
» Hon de ce. monaftere , & qu'elle
» prioit la mete Prieure d'alTembler la
» communaute, afin qu'etant recon-
»» nue en cette qualite d'AbbefTe, elle
w put faire inventaire de tout ce qu'il
» y avoit dans la maifon.
" La mere Prieure repliqua , en
■•> remarquant que P Arret , dont la
» Dame AbbefTe avoit parle , n'avoit
» ete obtenu que par defaut, & que
» fa communaute y avoit fait oppo-
» fition «. (il eft bon de fe rappeller
ici ce que nous avons dit de cet
Arret).
» Oui ma mere, reprit la Dame
" Abbefle ; mais toutes vos prbce-
Tome IX.
                          T
-ocr page 436-
434 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI.
" » dures ne valent rien, & votre op-
» pofitipn n'eft pas dans les formes,
»j c'eft pourquoi nous ne laifTerons
" pas depafTer outre. La merePrieu-
» re repondit, que leurs procedures
» etoient fort bonnes , & que les
»» Juges en decideroient quand on
w voudroit les ecouter.
» Sur les nouvelles inftances que
» fit l'AbbeflTe d'aiTembler la commu-
» naute (12) pour fa voir fes difpo-
» fitions : ia mere Prieure lui die
»» qu'elle connoiiToit les difpofitions
jj de toutes les religieufes , qu'elle
" pouvoit repondre pour toutes, etant
» toutes tres unies ; & qu'elle s'op-
»> pofoit en fon nom & en celui de
» toute la communaute, a ce que la
» Dame AbbefTe entreprenoit pour fe
[705;.
j> accompagne fes dif-
» cours d'un air obli-
3) geant & des manieres
33 nobles, tout cela peut
33 plaire a cettaines pet-
33 fonnes, leur faire faire
3> des reflexions , & les
si tenter de fe foumettre >
33 non pas a figner, mais
33 a fubir le joug d'une u
33 bonne Dame. Une feu-
i3 le qui tomberoit pour-
33 roit en entrainer d'au-
33 tres : on fe lalfe quel-
33 quefois de fon etat, 8C
» on voudroit un Rot,
(iz) La raifon pour la-
quelle la mere Prieure ne
crut pas devoir faire ve-
nir la Communaute, c'eft
que , ditclle , (lettre a
Mademoifelle de Jon-
coux du 3 oclobre 1709 )
53 quand on voir une Ab-
s> beffe de qualite dont
53 l'exterieur paroit ref-
53 pe&able , qui dit qu'el-
s> le vient avec des en-
53 trailles de mere ,qu'el-
s> le veut fe conduire a-
5) yec cordialite, chari-
■ te 8c amitic , & qui
-ocr page 437-
III. Partie. Llv. IT. 4$ 5
fake reconnoitre. Elle ajouta nean- 1709.
moins qu'elle favoit rendre ce qui
eft du. a. des perfonnes de fa qualite
& de fa condition, qu'elle avoit oui
parler de fon merite j & que fi Ton
pouvoit feparer Madame de Cha-
teau-Renaud d'avec l'AbbefTe de
P. R , & mettre a. part fes preten-
tions , elle fe feroit un plaifir &
un honneur de la prier d'entrer
dans la maifon , & de l'y recevoir
com me on a coutume de recevoir
les AbbefTes. Ho ! pour cela non ,
reprit la Dame Abbefte \ auffitot
elle fit entrer les Notaires, &c le
prenant d'un ton plus haut, parla
de fon autorite , & du pouvoir
qu'elle avoit de depofer la mere
Prieure , comme il lui plairoit. Elle
l'accufa de prendre plus d'empire
qu'elle ne devoit fur la commu-
naute , & elle lui reprocha en ter-
mes durs & amers d'etre opiniatre
& de ne vouloir fe foumettre a. au-
cune autorite ni Ecclefiaftique ni
feculiere.
» La mere Prieure ne repondit
rien , fi-non que tout le monde ne
voi'oit pas les chofes de la meme
> maniere ; elle dit encore que l'Ab-
» baie de P. R. des Champs etoit
Taj
-ocr page 438-
""'<
4$£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
« elective, que c'eroir fous une Ab-<
». befle de ce titre & non perperuel-
» le, quetouce la Communaure avoir
« fair vceu ; & que pour elle, fi l'Ab-
» baie de P. R. n'avoir pas ere fous
» ce gouvernemenr , elle ne fe feroir
» pas faire religieufe.
Madame de Chareau-renaud vo'ianr
que la Prieure renoir ferme dans le
refus d'aiTembler la Communaure ,
lui dir » qu'elle eroir furprife qu'une
» Prieure qu'elle pouvoir revoquer,
u quand il lui plairoit (13), repondir
» feule pour une Communaure fans
» 1'aiTembler pour prendre fes avis;
»
que ce gouvernemenr lui paroif-
» foit bien defporique; que pour el-
" le qui eroir AbbeiTe rirree, & qui
» par confequenr avoir plus d'auro-
« rire & de pouvoir, elle ne vou-
" droir pas en des chofes bien moins
» imporranres agir fans prendre avis
,8c confeil de fes fceurs «. Enfuire
elle dir a la Prieure » qu'elle voi'oir
» avec douleur que dans les chofes
< 15) Cette focon de    n'eft p.is permis dans l'B-
parler ne s'accorde gue-   glife de commander pat
res avecl'Evangile& avec   autorite.c'eft a dire , fans
ce que difent les Peres   autre raifon que l'autoij-
touchant le gouverne-    re, 8c parcequ'il plait ain-
aicnt Ecclefiafticjue, Il   fi a celuj qui commands.
-ocr page 439-
III. Parti e. Lb. II. 437
les plusfimples (14), elles (les re-
ligieufes de P. R. des Champs )
ne vouloient reconnoitre aucun Su-
perieur ni EccleTuftique ni Secu-
lier. Elle ajoute dans fa relation
qu'elle trouva toujours le meme ef-
prit d'opiniatrete, dont les racines
prifes depuis fi longtems etoient trop
profondes pour pouvoir efperer de
les arracher. Elle dit encore a la
Prieure (15) qu'il etoit bien trifte que
par leur defaut de foumiffion, elles
rendiflent inatiles tant d'a&ions de
piete & de regularity & de faintes
pratiques & d'aufterites de vie. La
mere Prieure ai'ant repondu que
tout le monde n'en jugeroit pas de
meme , la Dame Abbeile ne voulur
rien repartir, de crainte , dit-elle ,
1709.
(14) Madame de Cha-
teau-renaud a-t-elle pu
etre aflez fimple & alfei
ignorante pour regatder
comme une chafe des plus
fimples
de renverfei: un
rnonaftete , de charger de
calomnles de faintes fil-
les , de les decrier dans
l'efptic des Princes, fou-
ler aux pieds toutes les
loix, pour venir a bout
de les opprimer , afm de
s'enrichir de leuis de-
pcuilles? Elle a bonne gra-
ce apres cela de calom-
niet les relif.ieufes de P.
R. parcequ'elles refufent'
de fe preter k toutes ccs
injullices.
(if) II eft dit dans !a
relation de P. R. que ce
fut au Sacrilrain que l'Ab-
belfe paria ainli de la re-
gularity des religicufes ;
on voit pat-la que les en-
nemis meme de P. R.
etoient forces de parler de
la piete qui y regnoic
comme on en parloit pat-
tout.
T iij
-ocr page 440-
438 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
"  de s'emharquer dans une controver-
sy fe de Iaquelle elle pouvoit fe met-
»
  tre en etat de fe tirer trop mal ,
m
  cela etant au-deiTus de la capacite
»
  de fon fexe & de fa portie particu-
»
  Here (16), & d'ailleurs n'ai'ant nul-
»
  le liaifon avec le fujet qui la faifoic
1709.
xit.
» Les Notaires commencerent a.
LesNotaires „  dreflTer leur Proces-verbal, & apres
dreflent leur        ,,         . r .                 ,.          ,.. ,, *
iToces - yer- »  1 avoir am, aiantdit qu lis s etoient
bai
»  tranfportes au Monaftere de P. R.
»
  des Champs, la Dame AbbefTe les
»
  interrompit pour dire qu'il n'y
«
  avoit point deux P. R. differens ,
»
  mais qu'il n'y en avoit plus qu'un
«
  (17) dont elle etoit AbbefTe, & el-
s'
  le voulut leur fuggerer d'autres
»
  termes. lis lui reprefenterent que
elle pas craint d'y entrer
dans fa fupplique au Pa-
pe, contre les religieufes
de P. R. des Champs!
(17) L'oracle parte en-
core ici fans entendre la
force de ce qu'il die : H
n'y a point deux Port-
roial
, driy en a qu'un.
Si Portroial de Paris fub-
fifte , ce ne font que les
pierres; mais pour Port-
roial des Champs , tout
detruit qu'il foit, il fub-
(iftera eternellement, 8c
fa memoire (era a jamais
en veneration.
(is) Voila qui eftbien
modefte, mais cela etoit-
il bien fiacere > Les pro-
cedes de cette AbbefTe
en font juger. Elle fait
ici la modefle & ne veui:
point s'embarquer dans
une controverfe
,- elle qui
n'a point craint d'accufer
les religieufes de P. R.
des Champs d'objlination,
d'attachement a fomenter
Vhirifie Janfenienne,
8cc.
Si la Dame de Cbateau-
renaud cralgnoir de s'em-
barquer dans la contro-
verfe , pourquoi n'avoic
-ocr page 441-
III. P ARtie. Lh. If. 449
»»  cela ne fe pouvoit mettre autre-
»  ment j apres en avoir donne la rai-
»  fon , ils continuerent de lire & fi-
«  rent mention de rompre les portes
»  pour faire entrer la Dame AbbefTe,
»  fur le refus que la mere Prieure fai-
»  foit de la recevoir a la maniere
»  qu'elle pretendoit. Mais la Dams
»  AbbefTe fe recria, & dit la-defTus ,
»  qu'elle venoit avec des entrailles
«  de charite ; que ces manieres ne
«  convenoient point au cara&ere de
»  fon efprit j que puifqu'on en pou-
»  voit prendre de plus douces avec
»  autant de furete , elle les prioit de
"  vouloir bien s'en fervir , qu'il ne
"  falloit point faire de fcandale.
Quelle moderation!
» On demanda enfuite a la mere
»  Prieure qui etoit demeuree dans
"  an grand iilence pendant tout ce
»  qu'avoient fait les Notaires, fi elle
"  avoit quelque chofe a. dire , & fi
»  elle figneroit ce qu'elle voudroit
»  repondre, apres la lefture qu'elle
»  venoit d'entendre. Elle repondit
»  qu'elle figneroit fa reponfe pourvu
"  qu'on lalui fit voir apres qu'elle
»  feroit ecrite. Les Notaires y ac-
»  quiefcant & ai'ant dit que cela etoit
»  de droit, elle fit fon oppofition
- T iiii
-ocr page 442-
440 HlSTOIRE DE PoRT-ROUZ.
1703. »  pour elle & pour fa Communaute,
»   & les requit de lui en laifier co-
»  pie , apres quoi elle figna.
» Une des religieufes qui accom-
»  pagnoient la Dame Abbefle de-
»  manda alors a voir les foeurs. La
"  mere Prieure ne put repondre qu'un
v  mot pour s'en excufer , parcequ'en
»  ce terns la Dame Abbefle fe red-
»  roitaffligee, difoit-elle, de voir que
"  ces religieufes voulufTent fe perdre.
» Elle alia de ce pas a l'Eglife y
xni> »  prendre pofleffion des principaux
pofferoH de "  endroits qu'elle toucha, & en der-
Porcnialdes.,,  nier lieu elle fit la ceremonie de
Champs par r             1 1 1 t~\               1
Madame de " lonner la cloche. Lomme les gens
chateau - re- „ de fa fuite prirent apres elle cette
m cloche , & le mirent a la lonner a
» tours de bras, un domeftique de la
» maifon monta au clocher & coupa
» la corde , de crainte qu'ils ne caf
» faflent la cloche enfonnantfifortj
w apres les avoir avertis..
" Ce fut-la lafeule marque de viva->
» cite1, dit la Dame de Chateau-re-
» naud dans fa relation , qui me pa->
" rut dans cette rencontre
j car du ref-
" te j ajoute t-elle j toutfe pajfa avec
» douceur & avec une Igale modern-^
» t'wn
j & jufqu'aux domejliques tout
« fut dans un grand JUence. Aucun
-ocr page 443-
III. P A R T i e. Liv. II. 441
n mouvement tie fe fit remarquer qui
» iroublat tantfoit peulapaix.
(Voi-
la un aveu bien glorieux aux religieu-
fes de P. R. des Champs dans la
bouche d'une ennemie ) » ce qui me
» fit juger que Ji cesfilles avoient la
» foumijfwn a I'EgliJe _, elles feroient
•> capables de beaucoup edifier.
Auffi ont-elles beaucoup edifie , &
quoiqu'en puiffe dire Madame de
Chateau - renaud , perfonne n'avoit
lus de refpedt & de foumiffion pout
Eglife que ces fainres filles.
« La Dame Abbefle alia enfuite
« prendre poflTeffion des appartemens
» de la cour , & ai'ant rencontre M.
« le Chapelain nomine de la Londe ,
'■• elle l'informa du fujet pour lequel
« elle etoit venue, & lui dit qu'il
» etoit bien difficile de ne pas ref-
" fentir beauconp de peines , de ce
" que tant d'aufterites 8c de faintes
" pratiques qu'il y avoit dans cette
*> maifon, etoient inutiles aux reli-
" gieufes par leur defobeiffance.
» Apres cela les Notaires etant
» montes alachambredu Chapelain,
» le prierent de figner comme te-
» moin , leur proces-verbal ; mais il
» s'en excufa , non-feulement fur ce
» qu'il n'avoit pas etc. prefent a ces
")                                     T v
-ocr page 444-
44Z HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
» qui s'etoit pafTe, mais auffi parce-
» qu'etant venu avec l'approbation
» de M. l'Archeveque, a condirion
»» qu'il ne fe meleroit que de dire la
» Merle dans le monaftere, y confet-
ti fer les perfonnes qui lui etoient defi-
» gnces, il fe croi'oit oblige de s'en te-
« nir a ce qui lui etoit prefcrit.
» La Dame Abbefie fortit alors
jj &c monta a la ferme des Granges ,
» pour en prendre auffi pofleffion:
» elle y dina j & lorfque les Notaires
» eurenr fait copie de leur proces-
» verbal, ils revinrent l'apporter a la
» mere Prieure fur les cinq heures
" du foif. Elle leur prefenta en me-
» me-tems un adte figne de toutes les
» religieufes de la communaute, por-
» tant qu'elles confentoient a l'oppo-
»> fition faite en leur nom. La mere
» Prieure requit les Notaires de le
» recevoir & de l'ajouter a leur pro-
» ces-verbal j ce qu'ils refuferent,
» parcequ'il etoit conclu.
» La Dame Abbefle partit des,
■» Granges a cette meme heure, &
» alia coucher a. Saint Cyr , 011 le len-
» demain elle rendit compte a Ma-
» dame de Maintenon de ce qu'elle
•> avoir fait la veille a l'Abbai'e de
» P. Pv. des Champs , d'une maniere
1709.
XIV.
Madame de
Chateau - re-
jiaud va a S-
Cyr, ou elle
ini'orme Mad.
«ie Maimenon
<ie cc cju'eHe
a fait a P.R.
deiChajitps.
-ocr page 445-
111. P A A TIE. LlV. 11. 44$
» conforme a fes preventions & a fes
» interets ». Madame de Main tenon
demanda a Madame de Chateati-Re-
naud (* ), fi elle avoit fend a P. R.
des Champs 3 cette onciion que I'on di-
foit s'y trouver; je lul repondis
j dit
la Dame Abbeffe , que je n'itois pas
ajje\ bonne pour avoir de ces fortes de
mouvemens
j & je lul dis que je n'avois
run fend de vardculier.
La vertu, lorf-
qu'elie excelle & qu'elle eft conftante 8c
uniforme , laiile une odeur & une efti-
me qui gagne le cceur de ceux qui en
ont connoifTance, e'eft en ce fens que
Saint Paul parlant de lui-meme & des
autres Apotres, dit i nous fommes de-
vant JDieu la bonne odeur de J. C.
Les
SS. PP. parlant des Vierges facrees ,
les appellent les lys de l'Eglife & la
bonne odeur de Jefus-Chrift. Qu'y a-
t-il done d'etrange , que Ton ait dit
de l'Abbai'e de Port-roi'al, depuis fa
reforme , qu'on y trouvoit une Donne
odeur & une onciion qui edifioit?
Y a-t-il jamais eu de monaftere plus
cdifiant, & ou on ait vu une piece
plus folide, plus eclairee, plus conf-
tante & plus uniforme ? Une Dame
(Madame de Sevigne ) d'auffi bon
gout & qui avoit autant d'efprit que
V*) Relation de Madame deChatea'.i-miaud.
Tvi
-ocr page 446-
444 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
j -703. Madame de Maintenon & que Mada-
me de Chateau-renaud , n'a-t-elle pas
dit en parlant de P. R. par l'experien-
ce qu'elle en avoir faire & fur ce
qu'elle y avoir vu & fend , que » c'e-
« roir un paradis ou toure la devo-
« rion du cnriftianifme s'eroir rangeej
» que c'etoir une fainrete repandue
» dans rour le pais a une lieue a la
•» ronde ? Si Madame de Chateau-
Renaud n'a rienfenti de paniculier ,
& fl la bonne odeur de P. R. 11 long-
tems & ll generalement repandue ne
Va point touchee
, c'eft que la preven-
tion & l'interet font les plus grands
obftacles qui fe trouvent a rendre aux
autres la juftice qu'on leur doit, &
a voir en eux le bien qui y eft efte&i-
vement. Mais c'eft qu'elle n'etoit pas
affe\ bonne,
comme elle le' dit, pour
avoir de ces fines de mouvemens.
Madame de CMteau-Renaud ajou-
ta, en repondanta Madame de Main-
tenon , » qu'elle pouvoit avoir l'hon-
» neur de lui dire & de L'ajfurer fans
" flatterie, qu'elle avoir trouve dans:
» Saint Cyr veritablement cette onc-
» don ,. en voi'ant la modeftie, le
»» iilence, le recueillement de tant
» de perfonnes aflemblees , & la
*>. maniers edifiante avec laquella
-ocr page 447-
III. P A R TIE. LlV.- IT. 445;
%> Dieu eft fervi.... & par l'ordre mer- Tjoy',
•■> veilleux qui y regne , & fe fait re-
« marquer par-tout, on eft perfuade
» que celle qui a forme & conduit
» cet ouvrage, eft un des genies fu-
w perieurs qu'a peine un fiecle peut
» produire •>. Ainh" parloit Mada-
me de Chateau - renaud a Madame
de Maintenon. II feroit a fouhai-
ter pour l'honneur de cette Ab-
belfe qu'elle eiit laifle a d'autres ces
baffes flatteries, on du moins qu'elle.
ne les eiit pas emploiees en cette oc-
cafion. Non que ces chofes ne puiflent
etre vraies a un certain point & qu'el-
Ies ne foient eftimables; mais parce-
que l'oppofition qu'elle en fait eft
odieufe & injufte. Quoi qu'il en foit,
le bien que Dieu a fait par fa grace
dans le monaftere de Port-roial des
Champs, & celui qu'on peut remarquer
dans S. Cyr, font des chofes indepen-
dantes l'une de l'autre > & qui ne font
pas de leur nature incompatibles.
Voila de quelle maniere les chofes , XY.:. .
fe pafferent le mardi premier oclobre fes de p. r,.
a la prife de poffeffion de P. R. des ^ f«gg
Champs par Madame de Chateau-
un actc d*op—
Renaud (18). La mete Prieure y avoit jS^}*?
ii$) Le tecit que nous en avons fail eft tire ds.I».
-ocr page 448-
■■-■-■-:■ ■■'■--^-•■.-
44(j HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
1705." fait oppofition , comme nous 1'avons
vu, tant en fon nom qu'en celui de
fa Communaute. Neanmoins comme
les Notaires avoient refufe de rece-
voir l'a&e figne de toute la Com-
munaute & d'en donner adte, fous
. pretexte que leur Proces-verbal etoit
conclu, les religieufes de P. R. des
Champs firent fignifier le 2 du meme
niois d'octobre a l'Abbeffe & aux re-
ligieufes de Paris un a6te en forme,
fortant qu'aiant forme oppofition a
Arret du Parlement du 3 aout pre-
cedent , elles proteftoient contre tout
ce qui avoit ete fait & pourroit etre
fait au prejudice de cette oppofition.
xvi.
           L'Abbeffe de P. R. de Paris pre-
Corfe!" qui fenta de fon cote fa requete au Con-
*tdonne aux feil, ou elle expofa le refus qu'on Iui
pe. is;'r" "de, avoit fait a P. R. des Champs de la
champs de reconnoitre pour AbbefTe , & l'oppo-
reconnoure r                  < 1 .. . r                    t '
Madame de lition que les religieuies avoient rai-
chaceau - re- te 4 fa prife ^e poffeffion les premier
Abbcfle. & fecond o&obre. Sur fon fimple ex-
relation des religieufes    res fur la relation de Ma-
de P. R. des Champs 8c
    dame de Chateau-renaud,
de celle dt Madame de
   p. 77 8c fuiv. On pevft
Chateau-renaud. Le Lee-
    encore confulter l'Hiltoi-
reur peut les confultei
   re de la derniere perfecu-
dansfes Memolres fur la
    tion, T. %.. p. no 8c fuiv.
deitruttion de P. .R.. fies
    5c les Mem. hill, T. 6-
Champs, ainfi que les re-
    14, &c,
marques qui ont ece far-
-ocr page 449-
III. P A R TIE. Liv. II. 447
pofe , elle obtint Ie 8 un Arret qui
enjoignoit & ordonnoit a la Prieure
&aux religieufes deP.R. des Champs-
de reconnoitre pour Abbeffe & Supe-
rieure la Dame de Chateau-renaud ,
&c en cette qualite lui ouvrir les por-
tes, lui remettre les clefs des Archi-
ves & du depot, & lui obeir. L/Ab-
beffe fit fignifier cet Arret le 19 oc-
tobre aux religieufes de P. R. des
Champs j & en confequence dudic
Arret 8c de fa prife de poffeflion du
premier octobre, elle fit publier fur
les lieux que tous les Fermiers deP. R.
euffent a fe rendre a Paris pour re-
nouveller leurs Baux, & en meme-
tems on publia trois coupes de bois a
vendre. ( On avoit fignifie des le
18 feptembre aux religieufes de P. R.
des Champs un Arret du Confeil d'E-
tat, portant qu'elles rendroient com-
pte de l'emploi des bois coupes &c
vendus , avec defenfe d'en couper
vifs ou morts. Le 15 juillet prece-
dent on leur avoit deja fignifie un
Arret qui ordonnoit que la fomme ,
qui devoit leur revenir du legs de feu
M. de Pont-chateau (19), feroit mife.
(19) M. de i'ont-chat-    elles en avm:tit recite
teau avoit lcgue aux reli-    ijoao liv., ii :ie reftoit
gieufes de Port-roial des    plus queSooo liv. a iete-
Champs nooo liv. fur    voir.
I'Ifte (te NQotfttajid, dortc
-ocr page 450-
448 HlSTOrRE DE P'oRT-ROlA-t,
~'x-joy. en fequeftre entre les mains du fieuf
Defcure Notaire , pour l'emploier a
l'acquifition d'un fond ;. on prit les
memes precautions par rapport a ce
qui devoir leur revenir de l'affaire de
llfle deNoorftrand). C'eftainfi qu'on
accabloit d'Arrets du Confeil d'Etat
les pativres religieufes de P. R. des
Champs,
xvii.
          Ces faintes filles , voiant que la're-
Ihi'df pf"! Solution de les opprimer etoit irrevo-
des champs cablement prife , jugerent qu'il etoit
wute^esp""- inutile d'y former davantage oppofi-
rfdures pour tion , & mane de prefenter des Re-
ne plus pcnfcr a
            r> • o 11                r
qu'a fouifdr quetes au Roi, & elles ne pemerent
tapak. plus qU'^ foufFrir en patience l'injuf-
tice & la 'perfecution. Elles ne firent
done aucune oppolition a l'Arret du
8 oftobre qui leur avoir ere fignifie
le 19 ; & elles attendirent en paix &
en patience ce que la divine Provi-
dence voudroit faire d'elles. Cepen-
dant la nature ne laiflbit pas que de
foufFrir de violentes fecoufles dans
1'incertitude ou elles etoient de ce
qui pourroit leur arriver j mais elles
s'abandonnoient entierement entre les
mains de Dieu. » Nous fimmes entre
» fes mains „ difoit une d'elles (io)j.
(io> La. foEiir Sophie Fiefcelles. Mem. hift, T»
-ocr page 451-
III. P A R. t i e. liv. II. 449
» il efl un bon pere 3 tl faut efperer
» que s'il nous frappe , cefera pour
» nous guerir.... Nous tie pouvons rien
» prevoir j ilfaut fuivre Dieu & s'a-
» bandonner a lui, efperant qu'il n'a-
» bandonnera pasfes enfans quife con-
» fient en fa providence. Nous ne pou-
» vons mieux faire que de le prier beau-
» coup qu'il nous donne les forces ni-
» cejfaires pour accomplir fes dejfeins
» fur nous, afin qu'ils tournent a notre
» falut.
Xelles etoient les difpofitions des
religieufes de P. R. des Champs dans
1'incertitude & l'attente des evene-
mens dont elles etoient menacees.
L'orage etoit pre-t a fondre. Louis
XIV , prevenu depuis long-tems con-
tre la roi de ces faintes filles par les.
calomnies de leurs ennemis , fans
avoir jamais vonlu les entendre , re-
folut de diffiper entierement cette
Communaute. La relation faite pea
apres la deftrudion , attribue cette re-
folution aux intrigues du Pere le Tel-
lier. Ce Pere avoir engage Madame
de Chateau-Renaud a prendre pofTef-
fion de P. R. des Champs , comme
elle fit le premier octobre de la ma-
niere dont nous l'avons rapporte. Le,
Pere ConferTeur dit devotement au
7
-ocr page 452-
45o HrsToiRfi t>fi PoRT-Rc*iAt;
1709. Roi j que Madame de Chateau-renauc!
n'ofoit retourner a P. R. des Champs,
perfuadee qu'elle y trouveroit encore
des obftacles, & que ces filles ente-
tees , defobeiffantes & rebelles , fe
moqueroient de l'Arret du Confeil du
Roi, comme elles avoient deja fait de
celui du Parlement J & qu'a moins
que Sa Majefte ne voulut bien accor-
der des ordres precis &c emploier tou-
te fon autorite^ pour les dilperfer , on
ne pourroit jamais en venir a. bout.
Le Roi prefle de cette forte accorda
enfin au R. P. Confeffeur , la grace
que la Societe follicitoit depuis fi long-
tems, 8c la refolution de detruire en-
tierement P. R. des Champs fut ar-
retee felon leur defir. L'Arret portoit
que le Roi a'iant rifolu pour des con-
Jiderations importantes qui regardent le
bien de fon fervice & la tranquilliti de
fon Etat
, de releguer en differens lieux
les religieufes qui compofent la Cotntnu-
naute de P.R. des Champs
_, &c. Ceft
ainfi qu'on trompe les meilleurs Prin-
ces , & qu'on leur fait regarder com-
me le bien & la tranquilliti de I'Etat, ce
qui en eft la mine, & ce qui eft capable
de le renverfer. Le Roi avoit, dit-on ,
fi fort a cceur la deftruclion de P. R-,
que peu de jours avant d'en venir
-ocr page 453-
III. Part m.Liv.II. 451
aux efFets , il dit, qu'ilavoit rifolu une 1709.
chofe, apres quoi il auroit I'efprit & la
confcience en repos
(z 1). Quelle paix!
Pour executer fans delai cetce re- xvin.
folution , le Roi tint le 16 odtobre Con(eT d'E-
un Confeil d'Etat, ou il rendit un Ar- tat du i« oc-
ret contre le Monaftere de P. R. des aifperlon de»
Champs , par lequel il donnoit com- reiigieufesde
miifion a M. d'Argenfon Lieutenant champs,
de Police , de fe tranfporter fans de-
lai a P. R. des Champs , d'y entrer
de gre ou de force , y vifiter toute la
maifon , en particulier les Archives,
s'y faire reprefenter les titres & pa-
piers, & en drefTer Proces-verbal.
Apres quoi Sa Majefte ordonnoit que
dans le jour meme de cette vifite, les
reiigieufes fortiroient du Monaftere
pour etre conduites en differens Dio-
cefes, &y etre mifes feule a feule dans
des Couvents fepares.
- On drefla le meme jour , fi cela n'e- xix.
toit deja fait, la lifte de tous les Cou- cachet? "
vens ou Ton devoit envoi'er les reii-
gieufes ; & M. de Pontchartrain, Se-
cretaire d'Etat, eut ordre d'envoi'er
des lettres de cachet, & d'ecrire lui-
meme en fon nom, tant aux Supe-
rieurs des monafteres qu'aux Eveques
des Diocefes ou etoient ces Monafte-
(u) Mem. fur la deftr. p. 149.
-ocr page 454-
45 * HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl."
1709. res , avec un Memoire ; le tout con-
cernant les Dames religieufes &
la maniere dont on devoit fe com-
porter a leur egard. Toutes ces Let-
tres etoient datees du 16 odtobre
1709. Les originaux furent mis entre
les mains de M. d'Argenfon , qui de-
voit les remettre a chaque Exemt con-
dudteur des religieufes, pour les ren-
dre a leurs adrefles. 11 eft a. propos de
tranfcrire ici ces lettres & le Memoi-
re inftrudtif, pour juger de la fervi-
tude dans laquelle on vouloit reduire
ces pauvres filles , 8c oil elles furent
en efFet reduites.
!««« du " Chere & bien araee , ai'ant donne
Roi a la su- „ mes ordres pour couduire en votre
Sionafcre. " " monaftere fceur. . . . religieufe de
» l'ordre de Citeaux, nous vous man-
» dons & ordonnons de l'y recevoir &
» retenir jufqu'a nouvel ordre, vous
» avertiflant qu'il fera regulierement
» pourvu au paiement de fa pennon
» par l'Abbai'e de P. R. de Paris. Si
» n'y faites faute; car tel eft notre
» plaifir. Donne a Verfailles , le 16
» odtobre.
M. de Pontchartrain joignit a cette
lettre de cachet la fuivante en fon
nom , quoique par ordre du Roi.
w Le Roi ai'ant juge a propos. ,
-ocr page 455-
"
III.Partib. Liv. II. 45j
Madame, de relegner dans votre 1709.
couvent la fceur.....religieufe XXJ-
de l'ordre de Citeaux , Sa Majefte cr/taire d'E-
m'ordonne de vous recommander tataiamerae
de fa part ce qui fuit : 1 °. de tenir up"
une cnambre prete pour ladite re-
ligieufe , done Sa Majefte aura foin
que la penfion vous foit pai'ee par
l'Abbefle de P. R. de Paris. 2 °. D'a-
voir foin de traiter & faire traiter
ladir* religieufe avec douceur 8c
charite , mais de ne la laifler par-
ler a perfonne du dehors , fans une
permiffion expreiTe de M. PEveque
de.... j°. De prendre l'ordre de lui
fur la maniere dont vous devez en
ufer a l'egard de votre religieufe;
& fi vous decouvriez dans la fuire
qu'elle eut lie quelque commerce
avec quelques perfonnes du de-
hors dire&ementouindire&ement,
vous en donnerez avis a ce Prelat,
afin que Sa Majefte puifle en etre
informee par lui.
Que les Princes font a plaindre !
Louis XIV veut etre informe de la
conduite qu'on tient, ou plutot de
la perfecution qu'on fait a une quin-
zaine de pauvres filles injuftement
opprimees, apres avoir refufe d'ecou-
ter leurs juftes plaintes & les raifons
-ocr page 456-
454 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
ij0a, par lefquelles elles faifoient voir leur
innocence ! Quel malheur pour ce
Prince feduit! Quelle occupation,dans
un terns ou la famine defoloit fon
Roiaume j ou par un jufte jugement
de Dieu , les Ennemis aiant force les
barrieres , ravageoient les Provinces
& menac,oient meme la capitale !
Outre ces deux lettres, it y en avoit
une adreffee a l'Eveque diocefain :
voici celle a l'Eveque de Chartres.
'XXI'-. » Monfieur, le Roi aiant juge a
vcque Dioce-» propos de releguer dans le monaf-
fam.
           „ tere des religieufesde laVifitation
» de Chartres , la fceur Frangoife de
» Sainte Agathe le Juge j dans le cou-
m vent des Carmelites de la meme
» Ville , la fceur Marie de Sainte
» Opportune Mouchot j dans le cou-
» vent des Filles-Dieu , la fceur Ma-
5. rie-Magdeleine de Sainte Gertrude
» du Valois; & dans celui des Bene-
» dictines de Loigny, fceur Louife
» de Sainte Juftine Barrat, routes
» quatre de l'Ordre de Citeaux ; Sa
» Majefte m'a commande de vous le
» faire favoir, & de vous recomman-
» der de donner par ecrit a la Supe-
» rieure de chacun defdits Monafte-
» res, les ordres que vous jugerez
»» convenables a ce que ces perfonnes
-ocr page 457-
III. P A r.ti e. Liv. II. 455
»>  n'aient aucun commerce avec les 1705.
»  perfonnes du dehors capables de
w  romenter leur obftination, & qu'el-
»»  les ne puifTent rien gater dans les
»  couvens ou elles feront envoiees.
»  Sur quoi Sa Majefte s'etant fait lire
»  le memoire cy-joint, elle a ete d'a-
«  vis que je vous l'envoie, faufa vous
»  d'augmencer aux articles qu'il con-
»  tient, ce que vous trouverez de-
»  voir prefcrire de furplus pour les
»  fins fufdites. Le Roi fe promet de
»  votre zele pour la religion & pour
»  fon fervice (2.*), que vous appor-
«  terez tous vos foins a. ce qu'il fou-
»  hake de vous en cette occafion ,
»  d'autant plus que vous devez de-
»>  formais regarder ces religieufes
«  comme du nombre de vos ouailles,
"  1'intention de S."M. etant qu'elles
«  demeurent pour toujours dans vo-
»  tre diocefe, Sec.
Le memoire joint a cette lettre xxur.
prefcrivoit aux eeolieres de ces pau- M61™"™^
o                               r        la mamere
vres lilies la mamere dont elles les de- done les reii-
voient traker.
                                   |ieuff * p;
s^.           1 •               r ,(• .           R- devoient
» i °. Un ne doit point iouftnr que erre naitees
dans leur cap-
(11) Pour le fervice de ment rrompS, qu'il op- tivitf.
la Religion , du Roi, & primoit l'inuocence & at-
de l'Etac, un Eveque ze- tiroit par-li fur fon Etat
16 auroit du reprefencer a toutes les catamites done
« Prince maliieureufe- le poids l'accabloit alors.
>
-ocr page 458-
456 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
« cette religieufe parle a perfonne du
« dehors , foit a la grille ou ailleurs t
» fans un ordre expres du Prelat,
» notifie a la Superieure par ecrit.
» x°. On doit defendre tres feve-
" rement aux tourieres, aux facrifti-
w nes & autres religieufes de rendre
» a cette religieufe quoi que ce foit
» qui vienne du dehors j & fi quel-
» qu'une fe trouve 1'avoir fait, elle
» doit etre reprimee d'une maniere a
» l'empecher elle & les autres de
» tomber dans une pareille faute.
» 3°. Si cette religieufe , au juge-
» ment du Prelat, ne fe rend pas in-
» digne par fa conduite de tout com-
» merce avec celles du monaftere, la
w Superieure deputera pour 1'entrete-
» nir dans le terns de recreation per-
» mife , quelques religieufes des plus
» difcretes , & qu'elle faura n'etre
» pas fufceptibles des mauvaifes im-
» preffions qu'elle pourroit leur don-
» ner , fans permettre a cette reli-
» gieufe de parler aux autres, ni a
>• elles de lui parler.
» 4°. II faut recommander a celles
» qui lui parleront, qu'elles evitent
» furtout dans les commencemens de
» lui parler des matieres conteftees,
» de s'engager entr'elles dans des dif-
» putes 1
-ocr page 459-
III. Partie. Liv. IL 457
»  putes qui pourroient ne fervir qu'a
"  aigrir fori efprit & la rendre plus
»  indocile. Qu'elles laifl"ent a leur
»>   Prelat le foin de l'inftruire & de
"   l'exhorter fur cela, ou par lui-me-
»  me , ou par les perfonnes qu'il de-
»  putera pour cet effet dans le tems
•>   &c de la maniere qu'il jugera con-
»  venable.
» 50. Le refus fcandaleux que fait
»   depuis deux ans cette religieufe de
»  fe foumettre, comme le refte de
"  l'Eglife , a la Bulle de notre Saint
»  Pere le Pape Clement XI fur la fi-
»  gnature du Formulaire , ai'ant obli-
»  ge M. le Cardinal de Noailles,
»  Archevcque de Paris a lui inter-
»   dire les Sacremens , Sa Majefte
"  fuppofe qu'aucun des Prelats ne la
"  relevera de l'interdit, qu'elle n'ait
"  donne des preuves de fa foumiffion,
»   c'eft-a-dire , qu'elle n'ait figne pu-
»  rement & {implement le Formulai-
»  re au pie & dans le fens de la Conf-
>>   titution de Clement XI, & qu'el- ■
"   le n'ait ete eprouvee affez long-
"  tems (13), enforte que Ton puiue
(1;) L'epreuve qu'on    hommage h la verite de
demande ici pour s'afTu-    cette propofition , c'eft
rer de la fincerite du cha:>    une conduite pleine de fa-
gement eft remarquable.    gejfe , de tumiere & de
Enlaprefcrivant, on tend    charite , de donner aux
Tome IX.                      V
-ocr page 460-
45 S HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
» s'aifurer que fa foumiffiom fera fin-
» cere & fa conversion fans retour.
» 6°. En attendant cela, M. 1'E-
» veque prefcrira ce que ladite reli-
» gieufe doit pratiquer des obfervan-
m ces de la maifon ou elle fera me-
» nee , fans lui faire violence, & plu-
» tot par la voie de perfuafion que
»> d'autorite.
Ce font-la les lemons que les Jefui-
tes donnoient, fous le nom & l'au-
torite du Roi, aux Eveques , pour
perfecuter &feduireles religieufes de
P. R. des Champs.
Qu'un Prince puifTe etre trompe
jufqu'au point ou Pa ete Louis XIV,
cela n'eft pas furprenant j mais que
les Eveques foient les auteurs & les
miniftres de la perfecution , qu'ils fe
chargent de l'horrible commiffion de
tourmenter des epoufes de J. C., &
cela parcequ'ils font fervilement de-
vours a. une fociete redoutable , c'eft
ce qu'on auroit peine a croire , (i l'e-
vidence n'y for^oit.
A quel fiecle fommes - nous refer-
ves ! ou font ces anciens prote&eius
ames le terns de porter    mencer au moins de fatis-
avec humilite & de fentir   faire a la jujlice de Vieu
Vitat du pichi, de deman-    avant que de les reconci~
der I'efprtt de pinitence &    Her. prop. 87.
de coiftrition , if de com-
-ocr page 461-
III. P A R T I E. LlV. II. 459
des Vierges chretiennes , ces peres 1700.
des orphelins , ces defenfeurs des veu-
ves ? ou font ces faints Prelats qui
portoient leur zele & leur charite paf-
totale jufqu'a aller trouver les Ju-
ges , fe jetter a leurs pies pour obte-
nir la grace du criminel, du voleur
meme & de l'homicide ? Ou font les
Ambroifes, les Auguftins , &c. ? Que
diroient-ils , s'ils voioient des vierges
chretiennes privees des Sacremens ,
chaflees de leurs maifons , perfecu-
tees , livrees entre les mains de geo-
lieres impitoi'ables , traitees meme
de la forte par des Eveques, & cela ,
parcequ'elles craignent de blefler leur
confcience en aflurant avec un fer-
ment terrible un fait douteux , un
fait dont elles ne peuvent avoir con-
noifTance , un fait enfin inutile a leur
falut ?
C'eft-la leur feul crime, crime ce- xxiv.
pendant pour lequel nous verrons ces 'Bftifirattea
1 • r,-                   1 / 1 1         des religieu-
mnocentes vichmes arracnees as leurs fes de p. r.
maifons & trainees en camivite , fans'1" champs,
que perionne ole le prelenter pourres de lews
eansmii.
les fecourir & pour les delivrer. Ce-
lui qui fufcita autrefois Daniel pour
delivrer Sufanne de la mort, femble
endormi & laifle triompher la ca-
lomnie j mais leur innocence n'en
Vi)
-ocr page 462-
4<?0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
fera pas mains prouvee , & leur con-
duite fera juftiftee par leurs perfecu-
teurs memes. Separons ces calomnia-
teurs , a Texemple de Daniel : de-
ma ndons-leur quel eft le crime de
ces religieufes de P. R. des Champs ?
demandons-le a M. le Cardinal de
Noailles. Vous qui les acciifez de
n'etre pas foumifes a l'Eglife , preten-
dez-vous qu'elles font rebelles a l'au-
torite de Dieu ?
» Non , repond foil Eminence , ce
« n'eft point la leur crime, & ce ne
» peut l'etre. Dieu n'a pas parle dans
« le fait dont il s'agit j mais elles rc-
» fiftent a l'autorite des hommes j ils
» peuvent a la verite fe tromper , ce-
»> pendant elles doivent les croire.
w Qu'elles atteftent, en invoquant le
« nom du Dieu vivant, qu'elles
» croient dans le fond du cceur ce
» que leurs pafteurs aflurent : des
« qu'elles le refufent, elles font cou-
« pables.
Demandons a prefent a M. de Cam-
brai quel eft le crime des religieufes
de Port-Roial ? » Elles font coupa-
» bles d'herefie , dit-il j elles refufent
" de fe foumettre a l'autorite de Dieu:
» elles refiftent a Dieu & a fon ef-
» prit, en refufant de croire There-
-ocr page 463-
III. Partie. Liv. IT. 4<fi
s- ticite du livre de Janfenius, com-
« me elles croient i'hereticite des
« propositions. Dieu a parle fur l'un
» comme fur l'autre. S'il n'y avoir
" que les homines, elles ne pour-
» roient fans temerite leur rendre
» l'homage d'une croi'ance qu'elles ne
» doivent qu'a Dieu, & elles refu-
■•> feroient avec juftice le ferment que
" Ton leur demande, de peur de
» tomber dans le parjure «.
L'on voit, par ces deux reponfes dif-
ferentes, les religieufes de P.R. pleine-
ment juftifiees des accufations formees
contr'elles. Par la reponfe de M. de
Noailles , elles font juftifiees de l'ac-
cufation formee contr'elles par M. de
Cambrai j & par la reponfe de M. de
Cambrai, elles font reconnues inno-
centes du crime dont M. de Noailles
les accufe. En un mot, elles ne font
coupables ni de revolte contre l'auto-
rite divine, felon M. de Noailles,
puifque Dieu n'a point parle dans le
rait qu'on veut les obliger d'attefter
par ferment ; ni de revolte contre
I'autorite des Pafteurs , felon M. de
Cambrai, puifque les Pafteurs n'ont
pas droit d'exiger d'elles qu'elles at-
teftent un fait fur lequel ils ont pu fe
tromper. Comment les perfecuteurs
-ocr page 464-
«
462. HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
"iy0o. des religieufes de P. R., qui fe com-
battent ainfi les uns les autres par leurs
depofirions , ont-ils pu faire femblant
d'etre d'accord pour condamner ces
faintes filles? C'eft done juftement que
leur menfonge devroit retomber fur
leur tete. Mais non; quelqu'evidente
que foit leur injuftice a l'egard de ces
religieufes, quelque certaine que foit
l'innocence de ces Vierges chretien-
nes, quelqu'exemplaire que foit leur
vie par la putete de leurs mceurs ,
leur regulante & leur aufterite , leur
perte eft juree , l'arret en eft pronon-
ce , il va etre mis a. execution,
xxv.
         Les ennemis de P. R. aiant obtenu
fM'ch«Kce 1uils defiroient depuis pres d'un
[:ex6cuadon ' fiecle, par l'arret du Confeil du 16
<i2 x-ht&i du Q^obrg iis ne differerent pas long-
cowre p. R. tems a le faire executer. L arret rut
mis entre les mains de M. d'Argen-
fon, choifi pour le mettre a execu-
tion. M. de Pontchartrain lui remit
en meme tems vingt lettres de cachet
& les autres pieces dont nous avons
parle. Ce Miniftre , en lui recom-
maiidant d'executer ponctuellement
les ordres du Roi , lui dit cependant
de traiter les religieufes avec route la
douceur & la charite poflibles, fi elles
ne refiftoient pas aux commandemens
.. '•
-ocr page 465-
III. P A R T IE. LlV. H. 46}
de Sa Majefte. II ajouta que fi elles 1705?.
refufoient & refiftoient, il devoit agir
a force ouverte.
La eonduite que les religieufes de
P. R. des Champs avoient renue, eon-
duite qu'elles tinrent 11 conftamment
dans cette derniere revolution, auroit
du difpenfer M. de Pontchartrain de
tenir tin pared difcours.
M. d'Argenfon , muni de l'arret & Mx^en
des lettres de cachet, fe mit en de- fon' fairies
voir d'executer fa commiiKon- II fit F*Para"fs
,                  ,              ,             ■ r 1 r Pour executec
pour cela tous les preparatirs necel- fa commif-
faires & non necefiaires. Je dis non fion-
necejfaires , car qu etoit-il befoin de
faire marcher environ trois cens hom-
mes (14) pour enlever & difperfer une
vingtaine de pauvres religieufes, qui
n'avoient pas plus de defenfe qu'en
auroient eu vingt brebis contre trois
cens loups ? Mais il falloit que ces
epoufes de Jefus-Chrift euflent ce
(14) L'Auteur de l'a      ?.oo Cavaliers qui inveftl-
brege de l'Hiltoite de P.     rent leMonaftere-M.d'Ar-
R. dit qu'il y avoit pres    genfon avetric aufii les
de joohommesen comp-    Commifiaires Cailli & le
tant les Exempts 8c les    Breton , ou Borthon , 8c
Archers, qui accompa-    le (ieur Gaudion, Gteffiet
gnoient M. d'Argenfon.    des commiffions extraor-
Selon le Supplement, la    dinaires de fe tenir prets
Marechaufiee avoit ete    pour le 18 cctobre , jour,
commandee avec d'autres    fixe pour l'expedition.
gens de main , & environ
V iiij
-ocr page 466-
4<?4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
1709. tralt de conformite avec leur divin
epoux.
xxvir. Le dimanche ij oftobre , M. oAr-
il va a i'At-oenfon ana a lArcheveche , ou il flit
longtems en conference avec son Emi-
nence (z 5),qui lui donna lapermiffion
d'entrer dans tous les lieux reguliers de
lAbbai'e de P. R. des Champs pour
y executer les ordres du Roi : ce qui
montre que M. de Noailles rut infor-
me de cette fanglante execution, a
laquelle il avoit malheureufement
tant de part. Neanmoins quelques
jours apres 1'enlevement, Son Emi-
nence parut furprife que toutes les
religieufes eufTent ete enlevees , &
elle dit a MM. Robert & Benoife ,
Confeillers du Parlement , qui lui
demandoient 011 etoient leurs fceurs,
. qu'elle ignoroit cela , & qu'elle avoit
feulement fu qu'on en devoit enlever
trois ou quatre. Cela eft encore plus
difficile a concilier avec ce que M.
d'Argenfon dit aux religieufes , que
Son Eminence lui avoit donne leurs
obediences j il eft vrai que ce Mi-
giftrat ne les montra pas, & que per-
(15) H eft dit dans line    M. U Cardinal de NoaiU
relation faite peu apres la    les, Archeveque de Paris x
defltuction , que M. d'Ar-    qui refufa de dormer unt.
genfon eut plufiews con-    obedience pour la difper-
ferences tres tongues avec   fion..
-ocr page 467-
III. P A a t i e. Liv. II. 465
j fonne ne les a jamais vues ; ce qui x
fait dourer qu'il les ait eues par
ecrit.
M. d'Argenfon aiant fait tous fes
preparatifs avec un grand fecret, 8c
pris tomes fes mefures pour executer
fa commiffion , voulut, au jour qu'il
avoit marque pour cela , faire fon ex-
pedition ; c'etoitle lundi 2.8 o&obre,
fete de S.Simon &S. Jude. Mais Dieu
les arreta d'abord, non en les renver-
fant par teire,comme il avoit renverfe
autrefois les Archers envoies pour fe
faifir de J. C., mais en faifant tomber
du ciel une fi grande quantite de pluie,
que le Chef de l'execution fut oblige de
difFerer au lendemain. C'eft pourquoi
il envoia des ordres de fejour aux
Exemts & aux Archers qui etoient
partis felon les premiers ordres. Les
caroffes furent places le plus adroite-
ment qu'on put fous difrerens pretex-
tes , les uns a Magni, les autres a
Montigni, &c. Les Gardes, les Ar-
chers & plufieurs Exemts paflerent la
nuit dans le bois de P. R. , & firent
grand feu en attendant le jour j pen-
dant que les Vierges condamnees , ne
fachant rieil de ce qu'on tramoit con-
tr'elles, paffoient la nuit aux pies de
Jefus-Chrift. Cette meme nuit, les
V v
-ocr page 468-
4&6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
"1709. ^eux lampes du dortoir fe trouverent
eteintesaufortirdeMatines;cequin'e-
toit jamais arrive dans ce monaftere.
xxvin. Enfin, le moment etant venu au-
Aruvee de        . ,^. *             .               .              , ,.
m. d'Atgen- quel Uieu avoit permis que le lieu
fon a p. r. famt fut profane , & que les Vierges
des Champs. r .              r.             > . 1                       &
laintes qui I habitoient rutlent enle-
vees & difperfees , M. de Voyer d'Ar-
genfon , Lieutenant de Police, arri-
va a P. R. le 29 odfcobre fur les fept
heures & demie du matin avec d'am-
ples pouvoirs pour cette trifte expe-
dition. La Communaute ne faifoit
que de fortir du Chapitre , oil elle
venoit de dire le Preuofa j felon la
coutume , & de finir la lecture du
Necrologe } ce qui avoit ete precede
de la MefTe, qui fe difoit ordinaire-
ment apres Primes depuis qu'elles
n'eurent plus qu'un feul Ecclefiafti-
que. Une fi grande diligence du Ma-
giftrat donna lieu de croire qu'il avoit
couche a Verfailles ou dans quelqu'en-
droit du voifinage ( z6).
xxrx. II fe prefenta a la porte de l'Abbai'e
de^'d'Ar- ^"ans ^ane & &ns equipage; en for-
EfafonaP.R. te que fon caroile n'entra qu'apres
**ch8mf lui (27), lorfqu'il eut donne le fignal
(is) It avoit couche a ques relations qu'il entra
Trappes, ou i Montigni. dans fon catoffe a fixche-
UZ) II eft dit dans, quel- vaux*.
-
-ocr page 469-
III. Partie. Liv. II. 4<5/
pour fe faifir de cette porte , & qu'il 1.709.
eut pofe des Gardes a tous les en-
droits de la cour qui avoient com-
munication avec le dedans. En en-
trant il fit donner la cle du dehors £
un Garde qu'il y etablit. II prit en-
fuite le nom & la fonction des Do-
meftiques qu'il rencontra , leur or-
donnant en meme- terns de ne pas
branler du lieu qu'il leur marquoit.
II alia enfuite au tour demander la
Prieure , Souprieure & Celleriere ,
fans dire fon nom , mais dit feule-
ment qu'il venoit de la part du Roi.
On le conduifit au grand parloir oii
ces religieufes fe rendirent. La mere
Prieure n'ouvrit d'abord que les vo-
lets de la grille, & ne tira point le
rideau. M. d'Argenfon s'en etant
plaint & s'etant nomme , la mere
Prieure tira auffi-totle rideau, & lui fit
fes gxcufes de ne l'avoir pas fait d'a-
bord,parcequ'elle ne le connoiffoit pas.
M. d'Argenfon fit enfuite lire le xxx.
commencement de 1'Arret du xG oc- ""otI
tobre , par lequel il etoit ordonne aux
religieufes, de la part du Roi, de lui
ouvrir les partes & de lui remettre
entre les mains tous le'urs titres & pa-
piers. Aiant demande a entrer dans la,
maifon pour executer fes ordres » la,
V vj
-ocr page 470-
4^8 HlSTOIRE DEPoRT-ROtAt.
1709. Prie'ure lui repondit qa'elles etoieiit
pretes a obeir aux ordres du Roi, 8c
qu'elles les recevoient avec refpect.
Elle le pria de defcendre a la porte
du tour & alia l'y recevoir. 11 entra
avec les deux CommilTaires (Cailli &
Breton) & le Greffier (Gaudion)qui
portoit une calTette.
xxxi.
         M. d'Argenfon monta de-la auCha-
11 fe faifitpjtre gr orcJonna qu'on fit alTembler la
:spapiers. r                                1
Communaute. loutes les rehgieuies
s'etant rendues au Chapitre avec leurs
grands voiles baiflfes , il les compta
plulleurs fois & fe placa dans la chai-
re de FAbbelTe. Les CommilTaires fe
.mirent a fes cotes. 11 dit qu'il ne ve>-
noit point revetu d'une puiflfance ec-
elefiaftique , mais feulement de l'au-
torite du Roi: il expofa le fujet de fa
commiffion , ne lifant toutefois de
PArret que ce qu'il ayoit deja fait lire
au parloir ; c'eft-a-dire , l'endroit ou
le Roi ordonnoit aux religieufes de
lui remettre tous les titres & papiers.
II ajouta qu'il declareroit la volonte
du Roi fur le refte, lorfqu'on auroit
fatisfait a cet article , & demanda fi
.Pon n'avoit point detourne de pa-
piers. La Prieure lui repondit que
non 5 & que s'il vouloit fe donner la
peine de fe tranfporter ou ils etoiexit»
-ocr page 471-
III. P A R T I E. Liv. It       469
elle les lui remettroit; ce qui fut fait. 1703.
On le mena done a 1'armoire ou
etoient ces papiers, & il y mit le feeb-
le. II fit tranfporter trois cofFres rres
lourds dans le petit choeur au - deflus
du Chapitre , ou il appofa auffi le
fceile de meme qu'au coffre fort. II
demanda alors a la Prieure fi elle vou-
droit figner fon Proces-verbal ; elle
lui dit que, s'il vouloit lui en don-
ner une copie, elle le figneroit. M.
d'Argenfon lui dit que ce n'etoit pas
la coutume d'en donner , & qu'on fe
pafleroit bien de fa fignature \ ce qui
fit plaifir a la Prieure fort contente de
ne rien figner.
Pendant cette premiere expedition xxxrr.
il n'y eut que la Prieure, la Souprieu- ^"chaS
re & la Celleriere qui fuflfent prefen- Tierceenfem-
T           1 ■ • /•                 j        V            ble pour la
tes. .Les religieuies entendant ionner dernjere fois_
l'heure de Tierce s'en allerent les di- M- d'Argen-
.             r r •                            fonleurfigni"
re an chosur , ians iavoir encore que fie roidre du
e'etoit pour la derniere fois qu'elles Roidelesdi£-
y chanteroient les louanges de Dieu.
Apres Tierces elles fe retirerent les
unes a leurs obediences, les antres a
leurs cellules (18). A peine y furent-
elles arrivees que M. d'Argenfon fit
rappeller la Communaute. II les-
. (18) Il eft dit dans une relation, iju'eUes etoient
encore au choeur.
-ocr page 472-
470 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
1709. compta encore & fit venir auffi les
Converfes (19). Lorfqu'elles furent
Mates alTemblees au nombre de vingt-
deux , il leur dit qu'il avoit fujet de
fe louer de la foumiifion avec laquel-
le elles avoient obei aux ordres du
Roi, mais que c'etoit avec peine qu'il
fe trouvoit contraint de leur declarer
qu'il y en avoit de beaucoup plus ri-
goureux & plus penibles dont le fa-
crifice leur couteroit davantage , a
quoi il falloit neanmoins fe rendre.
Puis il fit lire la fuite de PArret qui
portoit que le Roi pour plufieurs rai-
fons blcn confiderees y & pour le Men de
fori Etat
j ordonnoit que toutes les re-
ligieufes de P. R. des Champs feroient
incejfamment fepare'es les unes des au-
tres , & difperfees dans des maifons re-
ligkufes hors du Diocefe de Paris.
xxxin
         *"a Prieure prit la parole & temoi-
ta Prieure gna fa peine fur deux chofes , 1 °. fur
temoigne fa [eur difperfion hors du Diocefe de
peinelurdeux          .         i- , ,.                      , . -
chofes.        Fans , & elle dit qu elle etoit lurpn-
ou leur don- f          M j Cardinal etant leur Su-
ne un demi-         >                                      ,.A ,           
quart d'heure peneur , il les envoiat dans d autres
wiSrDioctfes- M< d'Argenfon repondit
(19) Ce qui eft dit dans    tre airs , favoir que M»
nne relation au fujet de    d'Argenfon la fit apporrer
la fccur Euphralte Robert,    au Chapiire, ne paroic pas.
%ce de quatK-vingr.-qusi-    etre viai*
-ocr page 473-
III. P A R T18. Liv. II. 471
qu'il y avoir des raifons pour cela. i-joy,"*
z°. La Prieure dit qu'elle croioit
qu'on les auroit du mains mifes deux
a deux etanr vieilles & infirmes. M*
d'Argenfon repondir que cela ne fe-
roit pas ainfi pour le prefenr ] qu'au
refte elles pouvoienrforrir fans peine,
parcequ'il avoir poufle le fcrupule li-
defTus jufqu'a aller demander leur obe-
dience a M. le Cardinal, qui la lui
avoir donnee. La Prieure lui deman-
da quand ce feroir, & quel rems on
leur donneroir pour fe preparer a urr
rel voiage. LeMagiftrar repondir que
ee feroir fans delai.
Quelques religieufes lui reprefen-
rerenr qu'a peine avoienr - elles pu
monrer a leur chambre depuis la Mef-
fe, 8c qu'elles avoienr befoin de quel-
que -rems pour prendre ce qui leur
eroir necelTaire. M. d'Argenfon fe laif-
fa flechir jufqu'a leur accorder un de-
mi-quarr-d'heure -y mais il dir qu'il les
fuivroir pour voir ii elles n'empor-
roienr poinr de papiers , car les pa-
piers lui tenoienr forr au cceur.
Voila de quelle fa'con cerre difper- XXXIV\
-             • „ * ' 1 r                   ' Vertu «e»
lion ennere & generale rur annonces religieufes de
fans nul menagemenr & fans efpoirj!,- R- d"
o                     A         r       Champs &
de retour* comme a ion eur compreieur conftan-
uniquement fur la vertu & la pari en- S^^a
-ocr page 474-
471 HlSTOIRE DEPoRT-ROlAI,.
ce de ces faintes filles, & que Ton ne
crut pas devoir dourer de leur par-
fake difpofition a rour endurer fans
fe plaindre & fans ceffer de benir
Dieu dans leurs maux : (on avoir, a
la verire , fujer de le prefumer). Elles
re^urenr en effer cette nquvelle ii du-
re &: fi douloureufe plutot comme
un Arrer de la Providence & un de-
cret du Ciel, que comme un juge-
ment des homines; & elles s'y fou-
mirenr avec un calme & une paix
qui roncherenr celui meme qui en
etoir l'executeur. II leur avoua qu'il
reffentoir combien ce calice devoir
leur erre amer, & qu'aiant deja fair a
Dieu plufieurs facrifices , il leur ref-
toir & faire le plus grand de rous (30).
Cependanr elles demeuroienr roures
dans le meme etar qu'auparavant &
dans la meme modeilie , c'eft-a-dire ,
entieremenr cachees fous leurs grands
voiles. On n'entendir ni murmures,
ni gemiftemens, on ne vit meme au-
cunes larmes. En un mot on peur di-
re qu'eiles imiterent toutes & accom-
plirenr a la lertt e- ce que l'Eglife chan-
re a la gloiredes Martyrs, dans 1'Hym-
ne qui leur eft commune..
(3.0) Mem. fut la deftr. Second rich touchant I'en-
levement des religieufa
j, g. 114,, 148.
%
-ocr page 475-
III. P a r t i E. Liv. II. 47 3
» Plus doux que des brebis, ils 1709.
« fouffrent en filence.
Pendant que toutes ces chofes fe x*xv-
paflbient au-dedans du Monaftere & paiToit a re*
dans le Chapitre, ce qui fe pafToit **ri?"1 dc u
au-dehors n etoit pas moins etrange
ni moins touchant. A peine M. d'Ar-
genfon fut-il entre dans l'Abbaie que
touce la montagne fe trouva couverte
d'un grand nombre de Cavaliers dont
une partie s'etendit le long des mars
du Monaftere, pour en occuper toutes
les avenues. Ainfi il parut tout-a-
coup invefti comme une place qu'on
venoit attaquer ou comme une retrai-
te de voleurs qu'il auroit fallu forcer.
(Un grand Seigneur (31) qui en ren-
contra plufieurs corps en chafTant dans
ces quartiers-la , fut furpris d'appren-
dre le fujet pour lequel ils etoient
commandes & ne put retenir quel-
ques marques de fa companion pour
ces faintes filles.) 11 etoit arrive dans
ce meme-tems plufieurs caroiTes def-»
tines pour l'enlevement j & comme
leur pafTage & celui de tant d'Archers
& d'Exempts qui les accompagnoient,
avoient atare de la Campagne une
foule de Paifans qui accouroient de-
tous les lieux circonvoifins, toutes les
(3 j) Le Comte de Touloufe.
-ocr page 476-
474 HlSTOIRE DE PoRT-AOlAt.
1700. hauteurs etoient bordees de monde ,
de forte que dans la Situation ou Ton
voi'oit routes ces perfonnes, il fem-
bloit qu'elles fuffent affemblees pour
un fpedtacle pareil a ceux ou Ton fait
fouffrir le dernier fupplice.
X?2f-I*' Cette multitude s'etoit encore ac-
Amichons                               . , .                             • i \
«ies pauvres. crue par quantite de pauvres, qui des
le matin etoient venus avec leurs
pots pour recevoir le potage & le pain
qu'on avoit coutume de leur diftri-
buer. Leur affliction etoit extreme ,
voiant que ces fecours leur alloient
manquer. lis etoient aupres des murs
ou fur la mcntagne , & crioient : mi-
fericorde
j il faui done que nous mou-
iions de faint.
Ces plaintes dont les
Bois retentifToient fe faifoient enten-
dre dans la maifon , & cela dura
ainfi jufqu'au dernier carofTe. Repre-
nons la fuite de ce qui fe pafla au-
dedans.
M. d'Argenfon , apres avoir figni-
fie aux religieufes leur difperlion , ou-
vrit la caflette qu'il avoit apportee ,
d'ou il tira la lifte des Villes & des
lieux d'exils : il y avoit audi de l'ar-
gent pour pai'er le premier quartier
de la penfion des religieufes, & les
frais de voi'age. La mere Prieure
voiant que ce Magiftrat commen^oit
-ocr page 477-
III. P A a t i e. Liv. II. 47 5
a donner fes ordres pour le depart &c 1709.
preflbit beaucoup , lui demanda s'il
n'etoit pas a-propos que les fours al-
laflent au Rereclroire pour prendre un
peu de nourriture (j»). 11 repondit
que non , mais qu'elle pouvoit faire
apporter a manger. La Prieure lui re-
prefenta que cela ne fe pouvoit, par-
ceque les fours converfes etoient-li
afTemblees avec elles 5 mais il n'y eut
aucun egard, & dit qu'on apportat ce
qui fe trouveroit. D'aurres foins qui
regardoient les hardes faifant oublier
celui - la , on apporta feulemenr dans
la fuite un pain & un peu de vin y
dont perfonne ne prit que la Soii-
f>rieure , que M. le Lieutenant de Po-
ice prefTa de le faire , parcequ'elle fe
trouvoit mal.
M. d'Argenfon travailloit a regler xxxvrr.
le depart de chacune ; & tenant deux fon' regie le*
liftes, l'une des berfonnes & l'autreV6"?dcl£xil
1 *V \f o h>                    -1 r dechaque re-
des Dioceles & L-ouvents , il le mit ligieufe.
a dreiTer un etat des lieux ou chaat-
ne devoit etre envoi'ee. La mere Prieu-
re qui prevoioit combien ce voi'age
feroit incommode aux plus agees a"
(51) Ce qui eft dit fur    cachet, ic dans l'abrege'
l'article de la nourriture    d'hiftoire il eft dit que ce
eft marqu6 dans une au-   fut lorfque les religieufes
tre relation apres la dif-   etoient fur le point da
Uibution des Lettres de    partir.
-ocr page 478-
47^ HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
caufe de leurs infkmites, lui repre-'
fenta la difficulte qu'il y auroit de les
tranfporter trop loin. 11 recut favora-
blement cet avis & lui dit qu'il y au-
roit egard. Comme les lettres de ca-
chet n'etoient pas remplies des noms
des perfonnes , M. d'Argenfon qui
avoit la liberte de les remplir comme
il jugeroit a-propos , offrit a la Prieu-
re de choifir pour elle & pour les au-
tres, les lieux qn'elle croiroit conve-
nir a chacunes. Elle repondit , que
des que la Communaute etoit feparee
& difperfee , il lui etoit indifferent
en quel endroit on 1'envoiat , puif-
qu'elle efperoit trouver Dieu partout,
qu'elle penfoit feulement qu'il etoit
a-propos que les infirmes fufTent mi-
fes dans les maifons les moins eloi-
gners , afin qu'elles fufTent moins fati-
guees du voi'age j que pour elle , elle
etoit prete d'aller partout. » He bien,
» dit M. d'Argenfon , mettons Blois
» & ce fera au Couvent des Urfuli-
» nes ". Comme il y avoit encore
une foeur qui devoit etre envoiee dans
la meme ville , M. le Lieutenant de
Police continua de demander a la
Prieure quelle feroit l'autre qui iroit
avec elle. La maniere dont il s'expri-
ma donna lieu, a la Prieure de lui dire
-ocr page 479-
III. Partie. Liv. II. 477
que s'il avoir une grace a lui accox- i-joy.
<ler, il lui feroir beaucoup de plaifir
de lui donner la fceur Francoife-Agnes
de Sainre - Marrhe •, il y confenrir ,
mais non de la merrre dans le mane
Couvenr. 11 remplir enfuire routes les
autres lerrres de cacher. Ces pauvres
filles etoient-la a atrendre leurs Sen-
rences, comme autrefois les Confef-
feurs devant les Prefers du Pretoire
& les Gouverneurs des Provinces ,
fans dire un feul mor & fans meme
avoir la liberre de fortir du Chapirre.
Voici quelle fut la diftribution des
Couvens & des Diocefes.
Lijle des exilies , des Diocefes , & des
Monajleres ok elles font envo'iies.
i La mere Louife de Sainte Anaf- xxxvur.
tafie Dutnefnil, Prieure .... chezug^cJ5 "J
les Urfulines de Blois.
                     chaur.
2   La fceur Francoife de Sainte-Mar-
i
the ,. . .. chez les, Veroniques de
Blois.
3   Anne Julie tie Ste Syncletique de
Remicourr , Souprieure .. .. chez
les Benedictines de Belle-fonds, a
Rouen.
4   La fceur Marie de Sainre Gerrrude
du Valois .... chez les Urfulines
de Chartres.
-ocr page 480-
478 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
5,. La fceur Francoife de Sainte Aga-
the le Juge .... chez les religieufes
de la Vifitation de Chartres.
6    Soeur Marie de Sainte Euphrafie-
Robert.... chez les Urfulines de
Mantes , Diocefe de Chartres.
7  Sceur Marie de Sainte Catherine
Iflali, Celleriere .... chez les Ur-
fulines de Meaux.
8    Sceur Marie-Catherine de Sainte
Celinie Benoife.... chez les filles
de Sainte Marie de Meaux.
9   Sceur Anne de Sainte Cecile de Boif-
cervoife .... a S. Julien du Tiers-
ordre de S. Francois, a Amiens.
I o Soeur Marie-Magdeleine de Sainte
Cecile Bertrand.... chez les filles
de Sainte Marie , a Amiens.
II  Soeur Jeanne de Sainte Apolline le
Begue.......chez les filles de Sainte
Marie de Compiegne , Diocefe de
Soiflons.
11 Soeur Marguerite de Sainte Lucie
Pepin.... chez les filles de la Vifita-
tion, a. Autun.
13 Sceur Marie-Magdeleine de Sainte
Sophie Flefceles .... a Moncenis,
Diocefe dAutun.
j 4 Soeur Magdeleine de Sainte Ide le
Vavafieur.....chez les Urfulines de
Nevers.
-ocr page 481-
III. P A r t i e. £z'v. II. 479
S 5 La fceur Anne Couturier .... aux 1109.
Urfulines du Fauxbourg de Nevers.
Lifle des Saurs Converfes.
1 Soeur Anne de Sainte Marine Laif- xxxrx.
me , deftinee pour les Annonciades Exil de*
de Saint Denis.
z Soeur Agnes de Sainte Blandine
Forget.... aux Urfulines de Saint
Denis , Diocefe de Paris.
3   Soeur Catherine de Sainte Tarfdle
dAfflon , aux Urfulines de Saint
Denis, Diocefe de Paris.
4  Louife de Sainte BafilifTe Noi-
feaux .... chez les filles de Sainte
Marie de S. Denis.
5   Soeur Magdeleine de Sainte Aure-
lie, fa foeur .... chez les filles de
Sainte Marie de S. Denis.
Marie de Sainte Opportune Mou-
chot.... chez les Carmelites de
Chartres.
7   Louife de Sainte Juftine Barat....
dans l'Abbai'e de Loigni, Diocefe
de Chartres.
Apres que les liftes furent dreflees xt.
& que les relieieufes eurent appris Lesreiigieu-
, • f         ii-ii             m         r^i fes fe font le
chacune le lieu de leur exu , » elles'detniet adieu.
» fe reunirent comme un petit trou-
» peau fans pafteur , fe difant reci-'
-ocr page 482-
480 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAl,.
» proquement adieu jufques dans
» l'Eternite (33) , s'embraflant ten-
» drement, & fe mettant a genoux
» pour fe demander humblement par-
» don les unes aux autres, s'animant
» avec une foi vive , une charite ar-
w dente & une ferme efperance , qui
» devoit etre tout leur foutien , fe
» recommandant a une parfaite union
" de coeur , & a. leurs prieres reci-
» proques, perfuadees qu'ctant bien
» unies en Dieu & pour Dieu, elles
» trouveroient P. R. par-tout ". M.
d'Argenfon ne put s'empccher d'e-
tre attendri d'un fpecT:acle fi tou-
chant (34). He! qui pourroit ne le pas
etre ? Elles etoient toujours au Chapi-
tre , fans avoir la liberte d'en fortir.
Deux fe trouverent mal, la foeur
Apolline, qui Bit attaquee d'une co-
lique j & la foeur Fran^oife de Sainte
Agathe, qui perdoit fon fang (elle
avoit ete iaignee le jour precedent,
& fon bras s'etoit r'ouvert); ce qui
obligea M. dArgenfon de leur per-
mettre de fortir, & a. quelques autres
fours avec elles , pour les foulager.
(33)  Hiftoire de lader-    que M. d'Argenfon euc
nierc perfecution. T. z. p.
    fouffert que les religieu-
1*4.
                                      fes cuffem tenu de tels
(34)  L'Auteur dts Me-    difcouis en fa prefence.
ftioiies hiftoiiques dome
Lorfqu'il
-ocr page 483-
•III. P ARTIE. LlV. II. 481
Lorfqu'il eut marque l'exil de cha- 1709.
que religieufe, il demanda les reli- xli.
ques. La Prieure lui dit que s'il voo-^^SSS
loir prendre la peine d'aller au lieu les Reiiques.
ou elles etoient, elle l'y conduiroir.
w Dieu me garde, dit- il, de mettre
» la main a l'encenfoir, mais faites
» venir votre Ecclefiaftique , a qui
" vous montrerez toutes chofes «.
En meme-terns il dit a un Commif-
faire d'accompagner l'Ecclefiaftique.
Cet homme ne put s'empecher de te-
moigner a la religieufe qui le condui-
foit, qu'il etoit feniiblement touche
de leur etat 8c de la peine qu'on leur
faifoit (35).
Les religieufes eurent enfin la li- xlii.
berte de fortir du Chapitrepour a^erfeLsefo1f'ii-uU*
prendre leurs hardes dans leurs cellu- paquets.
les (36). M. d'Argenfon fe tint dans
(}f) Nous trouvons la   ■» quelques religieufes le
chofe rapportee de cette    » fuivirent. On lui ou- i
forte dans une autre rela-   s> vrit Us retables des
tion : « Ce fut apres avoir    » deux Autels 6c les ar-
j) acheve cette Lifte de la   » moires d'en - bas ; 8c
3> difperfion des iz pro-    » apres avoir examine ce
=> fefles qui compofoient   » qui y etoit contenu , it
3> encore la Communau-    » en chargea fon Proces-
3i te , que M. le Lieute-   » verbal. Mim. fur Id
3> nant de Police voulut   dejlr. de P. R. i Recit,
» aller voir la Chapelle   p. 135.
s> des Reiiques dans le (36) M. Pinault rap«
» veftibute, qui eft au-   porte que la Cellerierc
» devant du-chceur, ou   ( Marie-Catherine Iflali)
» la mere Prieure avec   etaut fortie comme les
_ Tome IX*                       X
-ocr page 484-
4$i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
" 1709.' ^ parage du Dortoir , & dit qu'il vi-
fiteroit les paquets. Ces pauvres fil-
les etoient accablees d'un tel coup, &
il prellees qu'elles ne prirent pas la
moitie de ce qui leur etoit le plus ne-
cefTaire. M. le Lieutenant de Police,
dont les ordres prefTans ne permet-
toient pas de mieux faire, s'appercut
de l'incommodite qu'en recevoient
les fceurs , & il dit qu'on y remedie-
roit par la fuite. Ce fut en cette oc-
cafion principalement, & en d'autres
encore, qu'il temoigna etre fache d'a-
voir a executer des ordres fi rigou-
reux (37). II ajouta qu'il les adouci-
roit autant qu'il lui feroit poflible ,
& qu'il etoit edifie de la modeftie &
de la tranquillite ou il avoit trouve la
Communaute. Enfin il dit qu'il ren-
droit compte a Sa Majefte du refpecl:
qu'on avoit temoigne pour tout ce
qui avoit ete ordonne de fa part } &
autres pout faire fon pa-    ne a la maifon. Mais
quec , voiant qu'illui ref-    cette Touriere a'l'ant ou-
toit un fac d'environ 400    blie de prendre cet argent,
liv. le porta au tour , &    il tomba entre les mains
dit & la Touriere du de-    des Archers qui le parta-
hors de partager cet at-    gerent entre eux. L'Au-
gent a ceux de Ieurs Do-    teut des Memoires hifto-
meiliques qui n'avoient    riques combat ce fait, que
point de gages, 6c qui    nous ne garantiiTbns pas.
vrai-femblablement ne fe- (17) Mem. fut la deftr.
roient pas recompenses du.    p. ijff,
terns qu'ils avoisnt don-
-ocr page 485-
III. P A R TIE. L'lV, II.        483
de la foumiilion avec laquelle on y 1709.
avoir obei.
Les religieufes avant de partir, al- ^'"udic
loient faire leur priere a l'Eglife de-
maniere elles
vant le Saint Sacrement pour s'y of- <°lKnt *
rnr a J. t. en lacnnce j puis elles re- tere.
venoient au Chapitre , ou fe jetrant
aux pieds de la Prieure elles lui fai-
foient le dernier adieu, & lui de*
mandoient fa benediction. La mere
Prieure les relevoir en les embraf-
fant avec beaucoup de tendrefle ;
mais neanmoins, pour ne les pas a£-
foiblir, elle ne mettoit dans les pa-
roles rien de trop tendre, & les ex~
hortoit feulement avec une grande
fermete a etre fidelles a leur regie , a
leur confcience, & a. ne fe pas laifler
abbatre par les afflictions (38).
Quelque fenfibles que dMent lui
etre ces adieux, elle les foutint avec
la meme egalite & la meme conftan-
ce jufqu'au bout, etant partie la der-
niere. Cette fermete etonna les Ar-
chers memes qui etoient prefens a un
fpe£fcacle fi touchant. Mais fi ce fpec-
tacle etoit fi touchant pour des etran-
gers, fi les forets & les montagnes
retentifloient des cris des pauvres
qui fe voioient enlever leurs meres ,
(38) Ibid, pp. j 37 , j 38,
X ij
-ocr page 486-
-                                                                                                                                             .                                     ;                                 ■-,,,-.
484 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
" i7oo. combien cette journee dut- elle etre
dure & penible pour ces faintes fil-
les , qu'on arrachoit fi cruellement &
pour toujours de leur cher P. R. fans
Iefperance d'y revenir ni de jamais fe
revoir ? Pour ne point fe laifler aller
a aucune plainte contre un traitement
fi cruel, & contre les auteurs d'une
injuftice ii criante , il falloit qu'elles
fufTent exercees a regarder en tout la
volonte de Dieu de quelque manie-
re qu'il la fit connoitre, & de quel-
que inftrument qu'il fe fervjt pour
Texecuter : il falloit qu'elles fufTent
bien foumifes a tous les evenemens,
quelque facheux qu'ils fufTent , &
qu'elles eufTent bien profite des excel-
lentes lecons qu'elles avoient recues
dans cette fainte ecole.
xliv.
         La Prieure appella enfuite la Cel-
trifte11SfiCtu"-leriere & la mena a M- d'Argenfon ,
tion les reii- qui lui demanda ce qu'on devoit aux
Iftfoubte domeftiques. Elle le lui die. La Prieu-
pas kut ch»- re l'ecrivit & lui en donna le memoi-
me ordinal- {^ Leur ^tat ne Jeur £r pomt oublier
leur charite ordinaire, ni perdre l'at-
tention aux befoins des autres. Elles
parlerent a M. d'Argenfon d'une pau-
vre femme impotente nommee Char-
lotte Tardiveau , attachee a la mai-
fon depuis cinquante ans. » Cela eft
-ocr page 487-
III. Partii. Llv. II. 48 5
» facheux , dit-il , que faire d'une
» femme comme cela ? II faudra tou*
» jours la mettre dehors, & puis Ton
» vena. «. II ajouta qu'il y avoitune
litiere pour la foeur Euphrafie Ro-
bert , & qu'elle pourroit lui fer-
vir (39).
Elles lui parlerent encore d'une
vieille fille infirme qui avoit ete au
fervice de Mademoifelle de Vertus ,
a qui cette Demoifelle avoit donne
un appartement dans la maifon qu'el-
le avoit fait batir a P. R. II demanda
ou etoit cet appartement, & dit » nous
» verrons cela quand vous ferez par-
s' ties j mais je voudrois bien qu'on
» fe depechat «1 11 demanda enfuite
les livres de compte. La Prieure le
mena au tour , ou laCelleriere les lui
remit. En meme-tems il prit les cles
de la porte de cloture, & les mit en-
tre les mains d'un Archer qui ouvroic
& fermoit felon fes ordres ; en forte
que les fceurs n'eurent plus de com-
munication avec le dehors que pour
etre enlevees d'une maifon 011 leur
age & leur regie leur avoient fait efpe-
rer de fervir Dieu le refte de leurs;
jours.
(; 9) Elle fervit en effet a la tranfponer a Montignf,
ce qui fe fit le meme jour apres le depart des_ religieufesi
X iij
-ocr page 488-
4$ 6 HistoiredePort-roiai,.'
_ 1-709. Jufqu'a cette heure les caroffes
xlv. etoient demeures dehors j mais auffi-
acSnt°"tot que M- le Lieutenant de Police
siies.
         eut dit qu'on les fit defcendre , toute
la cour en fut remplie auffi-bien que
d'Archers & d'Exempts & meme de
quelques femmes (40) que ce Magif-
trat avoit eu la precaution de faire
venir pour accompagner quelques-
unes des fceurs dans le voiage. M.
d'Argenfon rentra enfuite dans le
Chapitre, & avec lui une troupe de
fes Archers & Exempts. On y en
compta jufqu'a trente. Les religieufes
fe voi'ant fi pres de fortir & tous ces
Archers entrer en foule dans leur
Chapitre pour les enlever , quelques-
unes s'approcherent de la Prieure &
lui demanderent fi elles fortiroient
ainfi fans protefter & fans faire au-
cun a&e : elle leur repondit que com-
me tout fe faifoit par lettres de ca-
chet , il n'y avoit point de protefta-
tion a faire, & que le feul parti qu'el-
les avoient a prendre etoit d'obeir
avec foumiflion.
(40) Il eft parlS de ces    netes femmes, dont quef-
femmesd'unemanierepen   ques - unes meme rendl-
avantageufe , dans le fe-    rent de fort bons offices
cond recit des Memoires   aux religieufes, & firent
fur la deftruftion de P. R.    l'eloge de ces faintes lilies
p. 157. Mais c'eft mal-i-   a leur retour.
proposj c'etoieat d'hon-
-ocr page 489-
III. Par tie. Liv.II. 437
f M. d'Argenfon contiiiuoit de don- J709.
her fes ordrespour faire parcir promp- xlvi.
tement les exilees. Mais malgre fon pre^r"cl-
activite , l'operation du depart neroflepowAu-
commenga que vers les onze neures s tnn*
ou meme fur le midi. (Car les me-
moires varient fur l'heure, & plufieurs
la mettent plus tard). Tout etant dif-
pofe , ces pauvres prifonnieres forti-
rent proceflionnellement du Chapitre
& allerent a la porte de cloture , ou
M. d'Argenfon fit d'abord venir la
voiture qui devoit en conduire
deux dans le Diocefe d'Autun. Ces
deux religieufes furent les fceurs So»
phie de Flefcelles, agee de 5 8 ans, &
la fceur Lucie Pepin, agee de 5 3. El-
les entrerent dans le carofle comme
de pauvres viclimes qui ignoroient ou
on les alloit mener
(41).
La premiere en difant adieu a fes
fceurs leur cria : » Allans, mes fceurs ,
« armons~nous du houclier de la foi «.
M. d'Argenfon chargea un Exempt
deles conduire, &recommandaqu'on
en eut bien foin , qu'on les conduisit
a petites journees, & qu'on ne les laif-
fat manquer de rien. II leur oflrit
de plus les fervices d'une femme qu'il
(41) Lettre de la faut Pepin du n Janvier
1710.
X iiij
-ocr page 490-
488 HlSTOlRE DE PoRT-Ro'lAI..'
leur prefenta, les aflurant qu'elle eroit
de bonnes mceurs. Mais les fceurs le
remercierent & dirent qu'etant accou-
tumees a fe fervir elles-memes , elles
n'avoient befoin de perfonne (41). II
eut la bonte de leur repondre qu'il
ne vouloit pas les contraindre , & que
cette femme iroit avec un autre ca-
rofle. Ainfi il n'y eut que la femme
de l'Exempt qui les accompagna. Si-
tot qu'elles furent montees dans leur
carofle on les entendit non pas fe
plaindre ni murmurer, mais fe dif-
pofer a dire Sextes enfemble, parce^
qu'elles n'avoient pas eu la liberte de
les dire a l'heure ordinaire. L'Exempt
qui les accompagnoit fut charge des
lettres dont nous avons parle , favoir
de k lettre adreflee a la Superieure
du Monaftere dans lequel on les en-
voioit, de celle de M. de Pont-char-
train adreffee a l'Eveque du Diocefe ,
& du memoire pour fervir a ce
Prelat de regie de conduite a l'egard
de ces pauvres filles pour les perfecu-
ter & les feduire. II y a apparence
que c'etoient-la les obediences que
M. d'Argenfon avoir dit qu'il leur
donneroit, ear il n'en montra point
(41) Second reciu Memoite fur la deftru&ion. p;
538.
-ocr page 491-
III. Pariie. Liv. II. 489
d'autres. A mefure que les carofles 1709.
parcoient (43) , un Exempt venoit
chercher ces obediences que M. d'Ar-
genfon lui remettoit. II y avoit au-
pres de lui un homme qui tenoit ua
fac de cuir , d'ou ce Magiftrat tiroit
a chaque fois deux petits paquets
d'argent qu'il donnoit a chaque
Exempt (44) j dans l'un etoit le pre-
mier quartier de la penfion des fosurs ,'
& dans l'autre la fomme neceflaire
pour les frais de voiage. » M. d'Ar-
" genfon conduifoit & accompagnoit
« lui-meme les religieufes a chaque
» carolFe pour voir fi tout alloit
» bien (45), & il fe comportoit en-
» vers elles avec beaucoup d'honne-
» tete. 11 les recommandoit aux
« Exempts &: autres perfonnes entre
» les mains defquelles il les mettoit ,
" afin qu'on eut bien foin d'elles (46)*
» Outre les Exempts &c autres Cava-
» Hers ou Archers , c'etoient d'honne-
(45) Les relations ne (46) On voft par-la que
s'accordent point fur rot-    fi M. d'Argenfon hoit
dre qu'on garda dans le    cl)at'g£ d'une mauvaife
depart des exilees ; mais    commilfion , au moins il
cela n'eft pas fort impor-    ne s'en acquittoit pas avec
tant.                                      une mauvaife volonte.
(44)  Ibid.                          C'eft une jufticc qu'il me-
(45)  Hiftoire de la det-    rite exclufivement d tous
Eicre perfecution. T. i.
    ceux qui euretit part £
v.
172-.
                                cette cruclte expedition,
X v
-ocr page 492-
490 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
"" » tes femmes qu'il avoit fait venir
». pour les accompagner dans le ca-
» rofle le long du chemin pendant le
» voi'age. II parloit auili au Cochec
» pour l'avertir d'eviter les dines &
« les couches dans les lieux trop ex-
» pofes au grand monde (47), fur-
» tout dans les paflages voifins de
» P. R., comme Vemilles. En tout
» cela, il ne paroifloit inquiet que
» lorfqu'il furvenoit quelque retarde-
» ment au depart des religieufes j car
» alors il paroiflbit chagrin & impa-
» tient. Il fortoit du Cnapitre, ou il
*705>.
(47) Le dcflein de ce
Magiftrat 6toit d'eviter,
aucant qu'il lui etoit pof-
fible , 1'eclat qu'une ex-
pedition de cette nature
ne pouvoit manquer de
faite ; mais quelque pre-
caution qu'il pnt, etoit-
il poflible , je ne dis pas
d'empecher , mais de di-
minuer tant foit peu l'e-
clat d'un eVenement <i ex-
traordinaire?Le fujet 8c les,
circonftances de la deduc-
tion de cette fainte Maifon
font trop frapans pour
pouvoir etre derobes a la
connoiflance du public ,
& il pafferont a celle de
la pofterite la plus recu-
Jee. Quelque precaution
done que prit M. d'Ar-
genfon par fes arrange-
imens en executant cette
terrible commiflion , it
n'en empecha, ni meme ,
n'en diminua l'folat. Il
femble meme que la des-
truction de ce faint Mo-
naflcre n'ait fait qu'aug-
menter la bonne odeur
qu'il repandoit, comme
lorfqu'on brife un vafe
qui renferme des parfums,
il remplit toute la cham-
bre de fa bonne odeur.
Toute la France , pour ne
pas dire tout le monde
Chretien , ne l'a-t-elle pas
£te de la bonne odeur de
P. R. > Les faints qui ont
habite ce defert ont-ils
jamais ete plus en vene-
ration aux gens de bien &
plus redoutables aux en-
nemis de la verit6, qu'ils
le font encore aujouir
d'hui,
-ocr page 493-
III. P A R T I E. LlV. IT.      4<)t
» fe tenoit ordinairement, pour aller 1709.
» voir dans la cour ce qui empechoit
» qu'on ne parrit, afin d'y mettre or-
» dre, puis il y revenoit.
» Les religieufes de leur cote, apres
» avoir faitleurs adieuxaux fceurs&:
v leurs paquets.... lorfqu'elles etoient
» fur Ie point de partir , alloient fai-
» re leur priere a. l'Eglife devant le
» Saint Sacrement, pour s'oftrir a J.
» C. en facrifice , enfuite elles reve-
w noient au Chapitre fe jetter aux:
» pieds de la mere Prieure pour lul
» dire adieu , 8c lui demander fa be-
» nedi&ion (48) , comme nous l'a-
» vons deja rapporte.
Apres avoir parle de ce qui regar- xlvit;
de en general le depart des carofles , sophfe ?i"r-
reprenons ce qui les regarde en parti-ceIles & tu-
V         /-> 1 • j'A                                          cie Pepin font
culler. Celui d Autun , comme nous envo\ees, u
I'avons dit, partit le premier. Auffi p^miere i
, .              . .*               • 1 1 j 1 Mont-ccms ,
etoit-ce celui qui avoit le plus de che- ja record- 4
min a faire. Les fceurs Flefcelles & AutU11,
(48) Nous rappellons   ficile de croire que M.
ici cette circonftance edi-    d'Argenfon , qui preffoit
fiante, parceque c'eft la   beaucoup le depart, ait eu
place qui lui eft donnee   ,1a patience de petmettre
dans l'hiftoire de la der-   cette eeremonie d'allet a
niere petfecution, 8c qui   TEglife , de revenir an
lui conviertt allez , fi tou-   Chapitre prendre la bene-
tefois on pouvoit la con-   diction de la Prieure , ce
eitier avec les auttes cir-   qui retardoit beaucou-p»
eonilances; cat it eft dif-
Xv|
-ocr page 494-
4?2 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.*
1709. Pepin , qui etoient dans ce carofTe J
vinrent a Paris ce jour-la fous la con-
duite de l'Exempt Pelletier , qui les
logea dans fa maifon pres la porte de
Montmartre. Le lendemain elles par-
tirent pour Melun , & continuerent
leur route. La veille de la TourTaint,
la foeur Pepin demanda a la femme
de l'Exempt qui les conduifoit, fi el-
les n'entendroient pas la Mefle le
jour de la Fete. Elle en parla a. fon
mari qui lui dit qu'il n'avoit pas cou-
tume de faire entendre la Meffe aux
prifonniers qu'il conduifoit. Sur cette
reponfe la fceur Pepin rendit graces
a Dieu de la faveur qu'il lui faifoit
d'avoir part a la qualite de prifonnie-
re, que fon fils avoit bien voulu fu-
bir pour notre falut. La femme de
l'Exempt en ai'ant reparle a fon mari,
il y confentit, & convint qu'elles en-
tendroient la MeiTe avant de partir ,
ce qu'elles firent dans I'Eglife de Vil-
leneuve la Guerre. Elles Fentendirent
encore le trois du mois a- Auxerre
dans I'Eglife de Saint Germain. Enfin
elles arriverent a Autun le fix novem-
bre. Le lendemain la foeur Lucie Pe-
pin entra dans le Monaftere de la
Vifrtation, ou elle trouva, dit-elle ,
was abondance de chariti x tout le lot-.
-ocr page 495-
III. Partie. Liv. II. 49}
fir de fie repofier de fesfatigues } & non i-ioy.
la fin defies peines, cela ne dependant
pas defies charitables hotefifes
(49).
L'apres midi ces deux pauvres fil-
les eurent encore un facririce a faire
en fe feparant l'une de l'autre, parce-
que la foeur Flefcelles devoit etre con-
duite a Montcenis.L'adieufut des plus
tendies de part & d'autre, meme du co-
te de la foeur Lucie Pepin qui etoit d'un
naturel pius froid , mais qu'elle ne
fit nullement paroitre en cette occa-
fion. Mais quoique feparees , elles
eurent au moins la confolation de
rece\oir reciproquement des nouvel-
les l'une de l'autre. La proximite des
lieux & la bonne volonte des Supe-
rieures pour elles confpiroient a leur
procurer cette fatisfaction. La foeur
Sophie Flefcelles ecrivantaMademoi-
felle fa foeur lui marque qu'elle fie trou~
veavec de bonnes religieufies qui ne de~
Jirent que de faire tout ce qui ejl en leur
pouvoir pour adoucirfies maux par une-
vraie charite.
Dans une autre lettre
elle rend ce temoignage , quon s'in-'
commoderoit plutot que de la laiffier
manquer.
D'un autre cote la Superieu-
re (Marie de fainte Rofe Bureau) fe
(4?) Lettre du U [anyier 1710, a MademoUelle &
fiK«tt»
-ocr page 496-
■ ■
494 HlSTOIRE 0E PoKT-ROTAI.
1 j -joyT louoit beaucoup de cette religieufe I
& elle marquoit dans une lettre (du
31 decembre 1709 , a Mademoifelle
Flefcelles } que la Providence qui leur
deftinoit une de ces Dames de P. R.
les avoit partagies heureufement dans
la perfonne defa cherefxur.
Dans une
lettre du 11 feptembre 171 o, elle di-
foit, que Jl lafoumijjion que Von de-
mandoitalafxur de fainte Sophie etoit
jointe a fes autres bonnes qualites
, on
nc pourroit rien ajouter a [on merite.
^ifbJrfion Apres le depart du carofle pour Au-
des teiigieu- tun , on en fit partir deux autres pour
ttoiriemeldc£ conduire a faint Denis cinq Conver-
tofc pour fes : i°. la foeur Anne de fainte Ma-
foquWn>ine Laime , agee de 74 ans, au Con-
duit a s. De- yent des Annonciades celeftes. 20. La
,is cu France. fcEUr j^^ d& ^^ g^fo Noj_
feux , agee de 56 ans. }°. La fceur
Marie-Magdeleine de fainte Aurelie
Noifeux fa four, agee de 64 ans , a
la Vifitation. 40. La freur Agnes de
fainte Blandine Forget, agee de 5^
ans. 50. La foeur Catherine de fainte
Tarlille dAfflon , agee de 57 ans, aux
Urfulines (50)*
(to) Parmi les gens qui   (lite. Cet Officier etant
etoient venus avec M.    arrive a Montigni, vo'iant
d'Argenfon ,. it y en avoit   qu'on prenoit la route de
un nomme d'Afflon frete   P. R-., craignit qu'on ne
de la foeur de Saints Tat -    le menat pour quelquc ex»
-ocr page 497-
III. P A R t i e. Liv. II. 49 f
On ne laifla pas long-temps ces
cinq Converfes dans le Diocefe de
Paris y & des le mois de decembre
fuivant, on les en fit fortir. iff. La
fceur Anne de Sainte Marine Laime
fut transferee chez les Cordelieres
d'Amiens, oil elle entra le z8 novem-
bre. 2°. La fceur Aurelie , chez les
filles de la Congregation de Compie-
ne, Diocefe de Soiffons. 30. La fceur
e fainte Bafiliife Noifeux, fceur de
la precedente, dans lAbbaie des Be-
nedictines de S, Paul, pres Beauvais.
4°. La fceur de fainte Tharfille d'Af-
flon a la Prefentation de Senlis. 50.
La fceur de fainte Blandine Forget ,
chez les religieufes de la Vifitation
de Rouen. Ces exilees ne furent pas
fi bien traitees dans les Couvents ou
on les transfera, que l'avoient ete £
faint Denis celles qui furent envoiees;
chez les Urfulines (51). Car on com-
pfdition violente contre    bord qu'on I'eur refufat
te Monaftere, &c fit prier    les Sacr'emens ; mais le
M. dArgenfon de le dif-    Vifiteur homme fage 8c
penfer de continuer fa    prudent, ftant alle a S»
route. Ce Magifttat le lui    Denis en l'abfence du Su-
accorda , 8c arec fa per-    pfrieur qui etoit rnalade ,,
million il refta a Monti-    s'y oppofa , & dit que
gni.                                       M. l'Archeveque les leur
(51) Le Confcfleur du    ai'ant permis i P. R., oru
Couvent des Urfulines ou    ne pouvoit faire diflficul-
l'on avoit mis deux de    te de les leur adminiftreri
ces Akuis , vouloic d'a-    11 exhorta les religieuiss
-ocr page 498-
49<S HlSTOIRE 0E PoR.T-R.OtAl."
1709. men§a par les priver des Sacremens I
&c
on les en tint privees jufqu'a. ce
qu'on les eut forcees de figner.
xlix.         sj [es fffiUrs Converfes le laiflerent
Sccur Lai- T                      -                        .,          r
tnc.j           abattre & lignerent, 11 ne taut point
en chercher d'aurres caufes que les
mauvais traitemens que Ton fit fouf-
frir a. ces pauvres filles, & fur-tout la
privation des Sacremens. M. de Ponr-
chartrain fe rend ridicule lorfqu'il
dit dans fa lettre circulaire du r 2 fe-
vrier 1710 , qui a ete inferee dans le
recueil des Jefuites , que la fceur Lai-
me fut fi frapee de la lecture qu'elle
entendit faire a table de la relation de
la converfion de lafaurfainte Cecile 3
qu'elle ne fut pas long-terns fans fe ren*
de la Maifon a ne leur    les autres. Mais on igno-
parler de rien Sc a les    re ft ce changement fe Pre
Iaifler dans l'etat ou el-    par l'avis de M. de Noail-
les 6toient Iorfcju'on les    les, ou par l'ordre de M.
leur avoit envoiees. L'e-    de Pontchartrain , que
tatdecesreligieufcschan-    M. de Chartres confulta
gea dans les monafteres    fur ce fujet. Ce Miniftre
ou elles furent transferees,    s'adrefla a M. de Noail-
On les y traita conforme-    les; & ai'anr rec,u fa re-
ment aux Inftruitions &    ponfe , it en envoia copie
aux Memoires envoies    a I'Eveque; afin , dit le
aux Ev£ques & aux Supe-    Miniftre , que vous en
rieures des monafteres ou    puijjie^ faire I'ufage que
les religicufes du chceur    vous jugerey d -propos.
avoient £te exilees. II n'y    Ces paroles infinuent que
eut plus alors de difte-    fon Eminence ne deci-
rence , & on crirt la ft-    doir paslaqueftion. Quoi
gnaturc necefTaire de nS-    qu'il en foit, les Conver-
eeflite de falut pour les    fes furent priyees des Sa*
Ccnyerfes comme pour,    creraens.
-ocr page 499-
III. P A R T I E. LlV. II. 497
dre elle-meme. La fceur Laime man-
1709.
geoit dans fa cellule & non a la table
des religieufes , comment auroit-elle
entendu la le&ure qui fe faifoit a ta-
ble ? cette foeur effrai'ee des menaces
de l'excommunication dont on lui
faifoit fentir les effets par la priva-
tion des Sacremens, figna avec beau-
coup de repugnance le z decembre
1709 , fe decnargeant devant Dieu
fur la confcience du Prelat & du
ConfefTeur (51). Elle n'ecrivit point
a M. de Noailles. Cette religieufe fut
l'edification des Cordelieres de faint
Julien d'Amiens , ou elle mourut le
18 Janvier 1715 , agee de 79 ans.
Nous ne voi'ons point de fignature t.
de la foeur Aurelie Noifeux. II eft ***£™°-
feulement dit dans la lettre fans date
de la Superieure de la Congregation,
ou cette Converfe eft reprefentee com-
me une bonne jille _, d'une efprit doux
& paifible
, qui n'eft jamais entree dans
ce qui s'eft pajfe a P. R.
_, & qui en eft
peu inftruite 3
que M. de SonTons si-
tant affure de fa foumijjion a I'Eglife _,
lui permit L'ufage des Sacremens
(53).
Ce Prelat qui etoit un homme fenfe
n'exigea point de fignature d'une Con-
(52,) M^motte hiftorique , T. 6. p. 434.
(}})/Wi. pp. 449,450,
-ocr page 500-
" " .
498 HlSTOIREDEPoRT-ROlAt.
1709. verfe (peut-etre meme rien du tout)
& ne crut pas devoir ecrire a M. de
Pont-char train fur un fujet fi frivole.
Ce Miniftre, dont le zele etoit extre-
me , furpris de ce fdence lui ecrivit
jufqu'a trois fois , le 4, le 9 , & le
1 5 Janvier, pour /avoir de lui ce qui
s'etoit pajfi a I'egard des deux religieu-
fes de P. R.
qui etoientaCompiegne,
le priant de vouloir blen lui en faire
favoir le detail le plutot qu'ilfe pour-
roit. 11 n'eft point fait mention de la
fceur Aurelie Noifeux dans le recueil
de M. de Noailles, non plus que de
la fasur Laime , parceque ni l'une ni
l'autre n'ecrivirent a cette Eminence.
Cette religieufe mourut a. Compie-
gne le 2 5 feptembre 1714, dans la
foixante - neuvieme annee de fon
age , la trente-nxieme de fa profef-
fion.
11. . Dans le Proces-verbal de la figna-
SnU(fSNnteture ^e ^a ^0EUr ^en^e de fainte Ba-
feux! e iiliffe Noifeux du 15 avril 171 o , il
eft dit que cette foeur a declare ne
favoir ecrire ni figner aifement; plus
bas on ajoute , qu'elle a fait fa figna-
ture quoiqu'imparfaitement
, du mieux
quelle a pu.
Cependant M. Pinault,
homme droir & fincere , temoigne
avoir yu defoa icriture affe\ bienfoi-.
-ocr page 501-
III. P A r. t i E. Liv. II. 499
te (54), » fur-tout dans une lettre du "^
» 2 5 juillet 1718 ecrite au P. Quef-
>» nel conjointement avec deux de fes
» foeurs du choeur, avec lefquelles el-
» le demeuroit alors a Malnoue «.
Que conclurons-nous de-la ? M. Pi-
hault eft fort pond a croire qu'on vio-
lenta
cette foeur. L'Auteur des Me-
moires hiftoriques 3 apellant les cho-
fes par leurs noms , ne balance pas a
prononcer que le Proces-verbal eft
faux. Effedtivement il en porte par
lui-meme les caracteres ; & de plus la
foeur Sainte BafilifTe en donne a&e
par fa lettre a Mademoifelle de Jon-
coux de la fin de cette annee, ou elle
lui parle ainfi : vousfave^fans douce
que prefque tomes nosfceursfe fontfou-
mifes a ce que Von fouhaitoit ctelles.
Von m'a laiffee participer aux Sacre-
mens fans me tourmenterni me chican-
ner comme mes compagnes
,. & fur-tout
mafceur
_, ce qui m'a fait bien plaifir.
La foeur BafilifTe ne parleroit pas de
la forte fi on I'avoit cnicannee & obli-
gee de figner pour participer aux Sa-
cremens. (On fait que ce n'etoit point
I'efprit du Cardinal de Janfon Eve-
que de Beauvais, ni celui des Bene-
(t4) Hift. de la dem. perf. T. 3. p. »o. Mem. bift.
T. 6.f. jio.
-ocr page 502-
5<30 HlSf OIRE DE PoRT-ROlAl."
1705). dictines de S. Paul, ou la foeur de
Sainte Bafiliffe etoit releguee, de tour-
menter une religieufe pour un tel fu-^
jet). Elle n'a done point figne ni par-
faitementni imparfaitement, comme
il eft dit dans le Proces - verbal, qui
confequemment avance faux, a moins
qu'on n'en accufe la fceur <le Sainte
BafilifTe. Mais la fincerite des religieu-
fes de P. R. la met a l'abri de tout
foupcon. Celle-ci fut transferee a
Malnoue le 27 oetobre I7i7,&yeft
morre le 11 decembre 172,6.
in.
          La foeur Catherine de Sainte Tar-
dea*"'fille d'Afflon releguee au Monaftere
fiun.
           de la Prefentation de Senlis, figna le
4 odobre 171 o le Formulaire, la Bul-
le Vmeam ■> & une lettre a M. le Car-
dinal de Noailles. M. Chamillard
tout triomphant de cette conquete ,
envoi'a a Ion Eminence Vabjuration
de la foeur Tarfille
_, de laquelle il de-
fefperoit (55).
tin.
          La fceur de Sainte Blandine Forget
tasirurde fat feduite par un Jefuite, qui lui re-
Sainte Blan-           <•                   *■. -            »£ • t V 1
<iine Forget, prelenta que riennetoit plus ltmple
3ue ce qu'on exigeoit d'elle. Ce fe-
udteur apres lui avoir dit pour la
tromper, que Janfenius etoit un faint
& favant Eveque, qu'elle avoit raifon
(jj) Mem. hift. T. 7. p. 44 8c fuiyv
-ocr page 503-
III. Pa r. t i e. Llv. //. 501
de le regarder comme tel, 8c de re-
fufer de le condamner, il ajouta que
ce n'etoit point ce qu'on lui deman-
doit, & qu'on exigeoit feulement
d'elle une marque de fon obeiflance
a l'Eglife. La fceur Blandine ne fir
aucune difficulte de donner cette mar-
que. Ceci fe pafTa fur la fin de mars
1710. M. l'Archeveque de Rouen
( d'Aubigne) qui etoit alors malade,
ne fut pas plutot releve de fa mala-
die , qu'il alia trouver la prifonniere
pour mettre la derniere main a. ce
que le Jefuite avoit commence, 8c lui
prefenta la Bulle Vineam a lire. La
iceur Forget le refufa, difant qu'elle
n'y entendoit rien , 8c qu'elle fe con^-
tentoit de donner la marque d'obeif-
fance a laquelle on difoit qu'elle etoit
obligee ($<>)• L'a&e de fignature
du Formulaire 8c de la Bulle Vineam,
drefle fans doute d'avance , fut auffi-
tot figne le 18 avril 171 o, & copie
envoiee a M. de Pont-chartrain avec
une lettre du Prelat. La fceur deSainte
Blandine fut dans la fuite transferee
de Rouen dans 1'Abbaie du Paraclet
a. Amiens, maifon fort prevenue con-
tre P. R., 8c du Paraclet a 1'Hotel-
Dieu de la meme Ville, oil elle effc
fjS) Mem, hift. T. S. p. Ji8.
-ocr page 504-
50t HlSTOIRB DE PoR.T~R.OlAL.
"1705. morte le 24 feptembre 1738 (57).
Voila de quelle maniere furent
traitees les Converfes. Reprenons la
fuite de la difperfion & du traitement
fait aux autres religieufes.
~1V-. La four Anne de Ste Cecile de Boif-
caroire, d'A- cervoife agee de 81 ans, Profefle du 11
miens. juin 1656, & la four Marie-Magde-
Boifcervoife leine de Sainte Cecile Bertrand, agee
& la foeur jg -1 ans partirent enfemble dans
Mort de la le quatneme carofle, qui les condui-
premiete. flt ^ Amiens ; la premiere dans le
Monaftere de Saint Julien , ordre de
S. Fran$ois; la feconde dans celui des
religieufes de la Vifitation. La four
Boifcervoife qui avoir vu la premiere
perfecution de 1664, & y avoit eu
part, ai'ant accompagne la mere de
Ligni Abbefle dans fon exil, crai-
gnoit beaucoup cette difperfion. Elle
hit fi fatiguee du chemin, & d'une
chute, qu'etant arrivee a Amiens le
2 novembre, elle tomba malade le 4
ou le 5 d'une fluxion de poitrine ,
dont elle mourut a quatre neures du
matin, le 8 du mois. M. Pierre Sab-
bathier, Eveque d'Amiens, la vit trois
fois pendant fa maladie. II la trouva
les deux premieres fois fort objli"
(S7) Ibid. T. 7. p. iou
-ocr page 505-
III. P A R T I E. L'lV. II. 50 J
ttee (58), c'eft-a-dire fort eloignee de
route fignature. Mais il n'en fut pas
de meme a la troifieme vifite qu'il lui
rendit le 7 novembre , fi Ton en croit
le Prelat. La religieufe l'attendoit
avec grande impatience, & difpofee a
faire tout ce qu'elle avoit refufe juf-
qu'alors. Le zele Prelat lui griffona
y he fur un motceau de papier
ce qu'el-
le devoit dire, pour fatisfaire a la Bul-
le du Pape & au Mandement de M.
le Cardinal; la religieufe l'aiant lu 8c
entendu, le figna, apres quoi M. Sab-
bathier lui accorda les Sacremens &
lui donna fa benedidion. Pour juger
de la demarche de cette religieufe 8c
apprecier au jufte fa fignature , il fau-
droit avoir vu le griffhnage qu'elle
figna , 8c favoir les circonftances &
les motifs qui purent Fy engager.
Quelque refpecl; que nous ai'ons pour
le cara&ere epifcopal , nous favons
que , parmi ceux qui en font revetus,
il en eft qui font capables de faire
ufage des figures de Rhetorique (59),
((8) Lettre de M. d'A-    d'avoir fuppofe unc lettre
miens aM.Pollet.du i?    des Cures & Chanoines
novembte.                        d'Auxetre , n'a pas trou-
(59) M. Languet, Ar-   v6 d'autre moien que de
cheveque de Sens, vou-   dire que c'etoit une figure
Uut fe juftifier de l'accu-   derhitorique.
faiion fotmee contte lui,
-ocr page 506-
-■ - __________________________________________________________________
504 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
& qu'au moi'en de ces figures on peut
fuppofer & avancer bien des chofes
peu conformes a la verite. Ce qui
augmente ici nos foupgons, ce font
les variations & memes les contradic-
tions qui fe trouvent dans las diffe-
rentes lettres que M. d'Amiens ecri-
vit alors fur cette converjion (60).
Ce Prelat rapporte encore un fait
qui, outre qu'if auroit befoin de con-
firmation & d'explication en le fup-
pofant vrai, eft fufceptible d'une bon-
ne interpretation. Le Prelat ajoute
que la religieufe aiant demande fon
Breviaire, elle en tira une image qui
etoit le portrait de M. Arnauld , &
qu'elle pria la religieufe qui avoit
loin d'elle de le bruler. La mourante
cees dans le recueil de
pieces; tout celay eft dif-
cute , developpe, & mis
dans une evidence qui
convainc tout homme
lenfe & qui couvre de
confulion tous ceux qui
ont eu part ^ cette ccuvre
d'iniquite : e'eft le cas de
leur dire ce qu'ecrivoit
autrefois S. Cyprien au
Pape S. Corneille : Atqi:e
hac eft vera dementia now
cogitate nee fcire quad
mendacia non diufallant
,
noctem tandiu cjje donee
illufcefcat dies.
fit
f<Ir>) Ce que nous di-
fons ici des variations &
contradictions qui fe trou-
vent dans les difRrentes
Jettres de M. d'Amiens ,
eft demontre dans le fixie-
me volume des Memoi-
res hiftoriques, dans le-
tjuet l'Auteur diicute les
iignatures des religieufes
d'une manierequi nelaif-
fe rien a defirer. L'illu-
fion de ces fignatures, les
fourljeries & les moi'ens
indignes qu'on a emploi'es
pour les arracher a de
pauvres filles captives,
enfin les fauiTetes avan-
-ocr page 507-
III. P A R T I E. LlV. II. 50 J
fit alTez connoitre quel eroit foil mo- *" i70o.
tif, par ce qu'elle ajouta en ces termes
rapportes par M. d'Amiens lui - me-
me : Afin 3 dit-elle, que cela ne don-
nat pas lieu de parler apresfa mort [6
1).
C'etoit done pour eviter les mauvais
difcours & les mauvaifes reflexions
que des religieufes prevenues pour-
roient faire , foit contre M. Arnauld
a l'occafion de fon portrait, foit con-
tre les religieufes de P. R. a. l'occa-
fion des fentences qui pouvoient etre
ecrites derriere ce portrait, comme
c'etoit leur ufage. Rien n'eft done
moins certain que le changement de
la mere de Boifcervoife , ni plus equi-
voque que fa pretendue conversion mi-
raculeufe ,
quelque trophee que M.
d'Amiens & les Jefuites en aient vou-
lu faire en la publiant partout, me-
me dans le Mercure galant _, en 1'afE-
chant dans les Sacrifties par des bil-
(fii) M. Bignon, Con-    33  toujouts pour M. Ar-
fciller d'Etat, die dans le    33  nauld l'eftime 6c la
terns a Mademoifelle Du-    33  confldetation qu'il me-
mefnil foeur de la mete    3)  limit, maisqu'ellepre-
Ptieute de P. R. , qu'il    33  noit cetce precaution
avoit vu tine lettte ecrite    33  afin que cette eflampe
d'Amiens , dans laquelle    33  ne combat pas entte les
on marquoit que la fecur    33  mains de gens qui
de Boifcervoife avoit fait    33  pourroient la traiter
jetter au feu cette eftam-    33  indigucment «. Mem.
pe, en difant 33 que ce    hift. T. 6. p. 550.
53 n'ctoit pas qu'elle n'eut
Tome IX.                            Y
-ocr page 508-
$0(J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1705). lets imprimes, & en faifant (61) la
relation dans un ecrit public, impri-
me avec permiffion de M. d'Argen-
fon, approbation du fameux Tourne-
li, & aux frais du Chevalier de Pont-
carre (63),
Apres la mort de la fceur de Boif-
cervoife , M. d'Amiens s'empreiTa
d'annoncer a. la Cour la victoire qu'il
avoit remportee , & ecrivit le meme
(St) lettre d'une reli-
gieufi
( du Pere Lalle-
mand Jefuite ) de S. Ju-
lien d'jimiens a Madame
V^Lbbeffe de P. R.fur la.
mort d'une de fesjilles
,
decidee dans ledit monas-
ter e de S. Julien le
8 no-
vembre
jto? , chez Simon
langtois. Un Pretre de S.
Etienne-du-Mont , nom-
ine Saint Come en fut le
Colporteur.
(63) M. le Chevalier de
Pontcarre s'etant converti
ji Malthe i l'occauon de
la mort d'un ami, dont
Dieu fe fervitpour le tou-
cher , s'attacha dans le
commencement de fa con-
verfiona MM. de P. R.,
8c alloit meme faire des
retraites dans le faint de-
fert. Mats lis conferences
qu'il eut dans la fuite avec
un Jefuite a l'Hotel-Dieu
.ou ii alloit tcJgulietement
deux fois le jour fcrvir les
tjauvrcs , lui tournerent
tellement I'efprit, qu'on
ne vit jamais parmi les
Laics un homme fi eppo-
fe a P. R. , 8c li devoue a
la Societe, Son zele etoit ii
outre contre les pretendus
Janfeniftes, qu'il dit un
jour a un Pretre, qu'il fe-
roit d-prepos de faire une
croifade contre les Janje-
niflts pour les exterminer,
C'etoit patler en brave
Chevalier de Malthe,dont
la vocation eft de faire la
guerre contre les Infide-
les. II avoit des efpions
qu'il pai'oit bien pour al-
ler & la decouverte des
Janfeniftes. II fut ravi de
joie a la nouvelle de la
deftruaion de P. R. Il y
furvecut peu , etant mort
le 17 novembre fuivant,
Apres avoir re<;u les Sacre-
mens dans de grands fen-
timens d'humilite & de
piete. Car il faut lui reo-
dre cette juftice , qu'il
avoit d'ailleurs beaucoup
de pi£t£.
-ocr page 509-
III. P A R. T I E. LlV. II.       507 1
jour a M. de Pontchartrain. Le zjle 1709.
Prelat ne manqua. pas d'en porter la
nouvelle a fa compagne , la freur Ce-
cile Bertrand qui etoit au Couvent
de la Vifitation , & de lui apprendre
la pretendue converfion miraculeufe
avec les circonftances : mais cela fit
peu d'impreflion fur fon efprit, com-
me le Prelat le marque dans fa lettre
a M. Poller. Elle perfevera jufqu'au
mercredi-faint 27 mars 1710 , que le
defir de faire la communion Pafcale
la porta a figner le Formulaire & la
Bulle V'meam entre les mains de M.
d'Amiens , & a ecrire a M. le Cardi-
nal de Noailles pour lui demander par-
don defa difobeiffance.
M. Sabathier
envoi'a la lettre de cette religieufe a
fon Eminence, & lui ecrivit aum,
mais il garda l'original de la figna-
ture-               ,                                      lv.
Aprcs le depart du carofTe pour cinquieme
Amiens , on en fit partir deux pour j^sieme c*"
Chartres, pour y conduire quatre re- Pour char-
ligieufes , deux du choeur , 8c deux tte; r
o               '                                        *                              I_a 1 ecu *
Converfes. Les religieufes du chceur Gertrude du
etoient la foeur Marie de Sainte Ger- Y '2 &'*
trude au V alois, agee de 5 3 ans , & le juge.
la fceurFrancoife de Sainte Agathe le ™£u£
Juge, agee de 50 ans. La premiere chot, & la
etoit deftinee pour le Couvent des *£&££
Y ij          «f.
.
-ocr page 510-
508 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl. *'
j ,7Qo# Filles-Dieu ; la feconde pour celui de
la Visitation. Comrpe la fceur Agathe
avoit beaucoup de peine a. marcher ,
a caufe de la quantite de fang qu'elle
avoit perdu, comme nous l'avons dit,
M. d'Argenfon qui prefloit le depart,
dit : hi bicn qu'on la pone.
Lorfque ces deux religieufes furent
montees dans le caroflfe , on les arre-
ta plus d'une demie-heure a la porte
pour attendre les deux Converfes ,
qui devoient audi aller a Chartres ;
favoir la fceur Oportune Mouchot ,
Agee de 80 ans , & la fceur Louife de
Sain re Juftine Barat, agee de 60 ans,
profelTe par permiffion exprefTe du
Roi, obtenue avec beaucoup de pei-
nes & d'inftances par Madame la Du-
chefTe de la Feuillade , fceur du Due
de Roannez. Elle etoit deftinee pour
les Benedidtines de Loigny , dans le
Perche 5 & i'autre , la fceur Oportune
Mouchot pour les Carmelites, ( d'ou
elle fut transferee le zp novembre fui-
vant aux Hofpitalieres de la Provi-
dence dans le ineme Diocefe ). Elle
fut fort long-temps a defcendre du
Chapitre, ce qui impatienta beaucoup
M. d'Argenfon, qui voiantqu'ellene
pouvoit fe fbutenir que fur des be^
quilles en eut pitie, he demandaune
-ocr page 511-
III. P A R T I E. LiV. II.       509
Couverture pour l'envelopper (64) , 1709.
repetant plufieurs fois qu'oii en eut
grand foin.
Lorfque ces quatre religieufes arri-
verent a Chartres, une perfonne qui
avoit dn bien pres de P. R. (65) vou-
lut leur parler, & leur offrir fes fer-
vices pour les befoins qu'elles pou*
voient avoir , mais il ne put en avoir
la liberie. Les deux fceurs Converfes
furent traitees comme les religieufes
du choeur, &c privees des Sacremens ,
jufqu'a ce qu'on leur eut arrache la
iignature du Formulaire & de la Bul-
le. La foeur Mouchot fe foumit le 7
de mars 171 o , & declara ne favoir
figner. Une fille agee de 80 ans ,qui
declare ne favoir ftgner , etoit-elle
bien inftruite des matieres fur lef-
quelles on lui faifoit rendre temoi-
gnage ? En verite il faut avoir perdu
toute pudeur pour faire trophee d'une
pareille fignature. Cette bonne fille
mourut le 18 odtobre 1715 , agee de
8<J ans, chez les fllles de la Providen-
ce , qu'elle avoit beaucoup edifiees ,
8c 011 elle ne ceflTa de regretterya ben-
( 64) Elle ctoit nus   qu'oa put de cette pet**
Fieds 8c avoit coutume de    epaigne foulager quelquc
£'re , afin , dtfoit-elle ,    pauvre.
fie moins ufet dc bis, 8c       («;) M. de Coubmiu,
Yiij
-ocr page 512-
510 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAL,
tie mere Angelinue de Saint Jean 3 dont
les morales
, difoit-elle , etoient bon-
nes (66).
La four Barat feduite par
M. Vivant, qu'elle avoit confulte ,
figna le 6 du mois de mars de la me-
me annee. C'etoit d'ailleurs une tres
bonne religieufe qui edifia les reli-
gieufes de Loigny par fon humilite ,
fa patience, fon amour pour Dieu ,
jufqu'a fa mort arrivee le 5 decembre
1712. La fceur Agathe le Juge figna
le 13 avril fuivant, & ecrivit le len-
demain a M. le Cardinal de Noail-
les. M. de M^rinville, nomme Eve-
que de Chartres , ecrivit le meme jour
a fon Eminence en lui envoi'ant le
Proces-vcrbal, & lui marqua que c'e-
toit la quatrieme converfion que Dieu
yenoit d'opirer dans fon Diocefe.
II y
eomprenoit celle de la fceur Euphrafie
Robert exilee a Mantes , dont nous
parlerons. Quant a la fceur Sainte
Gertrude du Valois ( qui fut depuis
transferee aux Urfulines de Mantes)
tous les efforts du Prelat echouerent
contre le courage de cette vierge chre-
tienne , qui fut inebranlable aux ca-
reffes , aux exhortations , aux mena-
ces & aux raifonnemens du feduc-
teur : enfin Dieu lui a fait la grace de
(«<) M£m. hifl, T. «. p. Joo.
-ocr page 513-
111. PaktH. Llv. 1L $u
perfeverer jufqu'a la fin fans fouiller 1709.
la main par aucune fignature.
Le carofle de Nevers partit enfuite, ivi.-
Be conctuifit la four Fran$oife - Ma- 6itoff^l\t
deleine de Sainte Ide le Vavafleur fStmt de s.im-
£ 1 1                         r                              1 1 1 te Ide le Va-
agee de 5 9 ans, tort incommodee des vaffeur t ia
yeux : &c la feur Marie de Sainte An- f«"r A"ne !f
s-i'                                       1 i,                         Couturier,*
ne Couturier, attaquee d une para- Nevers.
lyfie au bras $ pour etre mifes chacune , calomnies
dans un Couvent des Urfulines. Peu apras leut at-
apres leur arrivee a Nevers , on fittlv4e"
courir un bruit dans cette Ville qu'on
avoit trouve dans ledrs hardes des
Romans, des Comedies , & autres
mauvais Livres. Cela fut meme man-
de a Paris. C'eft ainfi que non content
de perfecuter de pauvres filles , on
cherchoit encore a noircir leur repu-
tation par d'horribles calomnies. Peut-
etre cela venoit-il aufli du petit peu-
ple , qui ne pouvoit pas s'imaginer
qu'on put traiter de la forte des reli-
gieufes , fi elles n'etoient coupables
de quelque grand crime. La fceur An-
ne le Couturier figna le Formulaire
& la Bulle V'meam le 4 Janvier 1710.
M. Bargede ecrivir a M. de Noail-
les pour lui annoncer la parfaite &
entiere converfion de cette religieu-
fe , qui etoit fon ouvrage. La foeur de
Sainte Ide le VavafTeur fut transferee
Y iiij
-ocr page 514-
5 11 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
i yoy. de Nevers a Moulins, Diocefe d'Au-
tun ou elle fe foumit le 17 juillet
171 o , ( par une declaration verbale
faite au Parloir , & qu'elle ecrivit le
meme jour pour l'envoi'er a M. de
Noailles) aux Bulles d'Innocent X ,
d'Alexandre VII, & de Clement XI,
rant fur le fait que fur le droit.
La chute de cette religieufe paroit
avoir ete fans retour, aiant renonce
aux fentimens & a l'efprit de P. R.,
pour prendre l'efprit des filles de la
Vifitation , chez lefquelles elle eft
reftee.
ivn.         II reftoit encore quatre carofTes a
caro"e'.tl=ILa/aire Partir ce jour-la. Le premier qui
four saintc fe mit en route fut celui de Rouen ,
sememe; de(ilni * conduire la fceur Anne-Julie
cnvoice a de Sainte Syncletique Souprieure ,
Rouen* De * i j -              „ \ : c
oaelUmanie- agee ae ^9 ans & tres inhrme , au
re eiie y eftPrieure de Bellefond, ordre de Saint
*«cae & trai- d » t           i         • '               l
^,Ci             ±5enoJt. La prevention contre les re-
ligieufes de P. R. etoit fi grande dans
ce monaftere, qu'on refufa de la re-
cevoir , & il fallut que M. d'Aubigne
Archeveque-, leur envoia dire qu'elles
ne pouvoient fe difpenfer d'obeir aux
ordres du Roi. On peut juger par-la
de Paccueil qui lui fut fait , & de
l'agrement qu'elle eut pendant fon
fejour dans cette maifon. Nous ayons
-ocr page 515-
HI. P A R. T I E. L'lV. II.       515
entre les mains une lettre qui nous 1705;.
met en etat d'apprendre au Lecleur
quelques particularites fur les traite-
mens que la four de Sainte Syncleti-
que efiuia a Bellefond. Nous les rap-
porterons fur le temoignage d'une
Dame refpectable , alors Penfionnaire
dans cette maifon, qui eft encore ac-
tuellement pleine de vie.
» L'Abbefle ou Prieure , nommeer.'%■
» Madame de Saint Pierre , apres Pa-
» voir recue avec beaucoup de diffi-^
» culte, comme on l'a dit, la fit lo-
" ger dans une petite maifon feparee
» du monaftere. Elle y fut tellement
» renfermee, qu'elle ne voi'oit que la
» Converfe qui lui apportoit a. man-
» ger. Aucune religieufe ne lui par-
» loit ; elle etoit privee de tous les
» offices & de la Metfe, par confe-
ss quent de livres , de papier , plume
» & encre, de chandelle, de feu, &c.
« On ne lui permettoit pas de pren-
» dre Pair, elle n'en avoir que par la
» cheminee. Enfin dans un hiver tres
» rigoureux, la Converfe n'ofant pas
» lui apporter du eharbon de la cui-
» fine, pria les penfionnaires de re-
« ferver la braife de leurs cheminees
» & de l'eteindre pour la lui porter
» en cachette > mais fans dire a ces
Y v
-ocr page 516-
p4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt:
j 709. " Demoifelles l'ufage qu'elle en vou-
» loit faire. Elles s'imaginoient que
» c'etoit pour dormer a des pauvres
» du dehors. Mais elles ne rarderent
» pas a favoir l'ufage qu'en faifoit
" cette Converfe , parcequ'elle fut
» decouverte & mife en penitence «.
Nous ajouterons a ces faits une fcene
qui fe pafifa a Bellefond entre PAb-
beflfe & les Penfionnaires, au fujet
des traitemens faits a la prifonniere.
» L'AbbefTe etant un jour venue a la
» recreation avec les Penfionnaires ,
» apres avoir caufe familierement
» avec ces jeunes filles, s'avifa de
» leur demander fi elles n'avoient
, » point envie de fe faire religieufes
*> dans cette maifon, 8c exalta le bon-
» heur de cet etat. La plupart repon-
« dirent felon les vues de PAbbefTe.
w Mais une d'entre elles (qui eft au-
» jourd'hui une Dame tres ehretien-
» ne) repondit un non bien pofitif.
» L'AbbefTe Iui en demanda la rai-
w fon. La jeune fille repondit fans
« hefiter que c'etoit parcequ'elle &
» fes religieufes n'avoient point de
» charite. La Dame furprife deman-
» da explication. On lui repondit en
» montrant la prifon de la religieu-
» fe de Pk, R., qu'il y avoir la-dedans
--
-ocr page 517-
III. Parti*, tiv. If. ftf______
a une religieufe enfermee depuis 1705.
» longtems, que Ton ne menoit ni a
» la Mefle ni a l'Office , que perfon-
» ne ne vifitoit, fi ce n'etoit fa foeur
» Converfe qui lui apportoit a man-
» ger j que Ton ne laiflbit point for-
» tir pour prendre l'air; que les be-
» tes les plus farouches etoient de
» terns en terns tirees de leur loge
» pour le prendre j qu'on I'avoir pri-
» vee de feu pendant rout l'hiver
» precedent, qui avoit ere fort long
» & fort rude. Comment favez-vous
» cela ma fille ? dit 1'AbbefTe. Mada-
»» me, repondit la jeune fille, c'eft
» que j'ai entendu dire que .le feu ne
» va pas fans fumee , Sc nous n'ert
» avons ni vu ni fenti mes Compa-
» gnes 8c moi. Enfin les barbares les
» plus craels, aputa-t-elle, ne tsai-
» tent pas leurs efclaves de la facort
» dont vous traitez une religieufe
» comme vous , qui doit etre une
« grande fainte , puifque des trathe-
« mens fi inhumains ne Yoat pas por-
» tee au defefpoir.
» Ce difcours mortifia fort l*Ab-
n befle, qui chercha a s'exeufer fur
» les ordres du Roi, de M. PArehe-
» veque , &c. Mais les autres Peft-
i> fionnaiies s etaot f»ifes de kt partie,
Yvj
-ocr page 518-
5 I 6 HtSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» l'Abbefle fut obligee de fe retirer,
» Le lendemain elle donna la liberte
»j a la fceur de Sainte Syncletique de
» fortir & de fe promener a l'heure
" de la recreation avec ces jeunes fil-
» les , qui l'examinerent, comme on
" peut le penfer, depuis la tete juf-
» qu'aux pies; elle leur fit des ami-
» ties & des politefles , mais fans
» leur parler , craignant qu'il ne lui
» fut tendu quelque piege.
» Le lendemain on ne la laifla
» point paroitre devant les Penfion-
» naires, a qui on voulut faire croire
>» qu'elles avoient encouru l'excom-
» munication pour lui avoir parle,.
"■ parceque cette religieufe etoit ex-
« communiee , heretique , &c. Mais
» les jeunes filles s'en moquerent. On
» la fit cependant fortir a d'autres
» heures, & elle eut la liberte d'al-
» ler a l'Eglife, mais dans une tri-
» bune>
M. d'Aubigne vint la precher art
commencement, mais avec fi peu de
fucces qu'il defefpera quafi de fa con-
verfion. Effedivement elle refifta plu-
fieurs annees , & elle fut la derniere
qui fe rendit \ fi toutefois elle fe ren-
du , car jamais on n'a ofe produire
I'a&e. de fa prerendue foumiffionu
-ocr page 519-
III. P ARTIE. LlV.lL ■ 517
Apres la Souprieure , M. d'Argen- 1709*
fon fit partir la four Jeanne de Sainte Lvni.
Apolhne le Begue, agee de jt ans , caro(re. La
pour aller a la Vifitation de Compie-fcc"1<ie.Sain-
gne , Diocefe de Soiflbns. Cetre bon- B^u^aConv
ne four, qui etoit d'un efprit tres p«gne.
borne , figna le Formulaire le 17 de-
cembre 1709 , fur l'afliirance que kit
donna M. de Silleri, Eveque de Soif-
fons , que s'il y avoit du peche _, il le
prenoit fur lui.
Ce motif de lignature
apprend le cas qu'on en doit faire.
On publia, peu apres, quelle avoit
eerit a. M. de Noailles le 24 du me-
me mois , pour lui demancter pardort
de fa refiftance & la permiffion de
communier , mais on ne fit point pa-
roitre cette lettre. On fuppofe enfuite
qu'elle en ecrivit une a la four Pe-
pin , pour l'inviter a fuivre fon exem-
ple, & qu'elle en envoi'a des copies a
cbacune de fes fours. Peut-etre les
figna-t-elle , c'eft tout ce qu'elle put
faire. Le Re&eur des Jefuites de
Compiegrie eut auffi part a cette con-
verfion ; & parlant de la four le Be-
gue , il dit 1 qu'il n'y avoit trouve au~
cun entetement
_, mais feulement une
crainte humble d'offenfer Dieu par un
menfbnge
_, & qu'il.regrettoitla dejlruc—
tion d'une maifon ok ily avoit de,$,.
-ocr page 520-
J I 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1705?. faintes filles (67). Eft-ce-la le langagei
d'nn Jefuite ? Efaii prend ici la voix
de Jacob.
lix.
          Le caroffe de Meaux fuivit celui
to
fleSf^de^Compiegne & conduifit deux re-
rt
iflaii, & ia ligieufes , la faeur Marie de Sainte
iMeaux.°ife'Catherine IfTali Celleriere , agee de
5 x ans , & tres infirme, chez les Ur-
fulines de Meaux j & la foeur Marie-
Catherine de Sainte Celinie Benoife,
agee de 50 ans , chez les Filles de
Sainte Marie de la meme ville. La
fceur Mali etoit fi infirme &: fi incom-
modee d'un deboitement des deux
hanches , qu'elle ne pouvoit fe met-
tre a genoux ni fa relever fans fe-
cours. Neanmoins malgre fon infir-
mity continuelle elle travailloitatout,
pourvu qu'elle fut affife & que fes
migraines accompagnees de fievre la
laiffafTent libre. Elle etoit meme in-
fatigable pour le travail. Elle faignoit,
faifoit des onguents pour les mala-
des & pour les pauvres , s'oecupoit a*
la cire, a la chandelle , &c. C'^toit
un efprit jufte, folide, au-deflus des
vains fcrupules. Lorfqu'elle fentoit
qu'elle avoit befoin d'etre a la vie
commune, elle ne faifoit point dif-
ficulte de demander la nourriture quer
<«7) Aveitiflement, page 106.
J
-ocr page 521-
III. Partib. Liv. II. 519
la regie de S. Benoit permet aux ma-
lades & aux infirmes. Sa raifon etoit y
ainfi qu'elle le difoit, qu'il faut evi-
ter d'augmenter fes infirmites
, afin d'e-
tre mains a charge aux autres.
Aufli-
tot que ces prifonnieres furent arri-
vees a Meaux , M. de Bifly ne man-
qua pas d'aller exercer fon zele. Mais
cette conquete etoit refervee a M.
Chevalier fon grand Vicaire , qui
vint a bout de les faire figner, en les
aflurant que le Pape Clement XI lui
avoit declare a lui-meme etant a Ro-
me , Iorfqu'il fut a fon audience peu
apres la publication de la Bulle V't-
neam
, que le Saint Siege n'exigeoit
la creance que pour le droit, 8c que
c'etoit tout ce qu'on demandoit par
cette Bulle. La iceur de Sainte Celi-
nie Benoife figna la premiere, le 8
aoiit 1710 ; & la foeur Mali le 10 du
meme mois (<J8). Ce fut la condition
fous laquelle elle obtint la permiflion
de fe confefTer dans une grande ma-
ladie , dont elle fut attaque*e au com-
(«8) t'Auteut de l'hif-   auparavant. Selon l'Au-
teire de la derniere peif£-   teut des Mem. hid. T. 6.
cuciou, T. 5. p. 69 , pla-    p. 588 , la foeur IffaH fe
ce la iignature de la foeur   foumit It 10 t 8c la fcear
lflali le 10 d'aout, &    Benoife... fe ditermina d
ajautccpie la foeur Benpi-   fuivte. cat exatfU U ij,
k avoit figiie deux jours   aoiit.
-ocr page 522-
$10 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
iy0qt mencement d'aoiit : circonftance qui
releve encore le merits de cette figna-
ture.
lx.
          Enfin le dernier caroiTe qui partit
roffi-? Lanie-le jour de l'enlevement 29 o&obre ,.
re Prieure &c fin celui qui etoit deftine a conduire
saint?" Mar- Ja mere. Louife de Sainte Anaftafie
the, a Biois. du Mefnil, Prieure, agee de 60 ans ,
chez les Urfulines de Blois , & la
fceur Francoife-Agnes de Sainte Mar-
the , agee de Go ans, chez les Chanoi-
nefTes regulieres de la meme ville. Le
Prevot de la Marechaufiee , nomme
d'Auvergne, accompagnoit a cheval
les priionnieres, & la belle-fceur etoit
dans le carofle avec elles. M. dAr-
genfon recommanda que Von eut tou-
tes les honnetetes pojjlbles pour la Re-
virende mere Prieure;
c'eft ainfi qu'il
la nomma toujours , ne pouvant, fans-
doute , s'empecher de refpe&er &c
d'eftimer une perfonne qui montroit
tant de courage & de fermete, avec
tant de foumiffion a des ordres aufll
rigoureux que ceux dont il etoit char-
ge. Cette vierge chretienne compara-
ble a la mere des Machabees par la
conftance avec laquelle elle vit arra-
cher d'entre fes bras fes filles fpiri-
tuelles pour etre conduites dans des
terres etrangeres, ne s'abbatit point j
-ocr page 523-
III. P A R T I E. LlV. 11.       5II
& fa foi la rendant fuperieure aux
impreffions des fens , elle vit avec
tranquillire l'enlevement de fes reli-
gieufes & le renverfement de fa fain-
te Maifon. Sa foi fut meme mife a
une plus grande epreuve que celle
de la mere des Machabees , par la
jufte crainte qu'elle pouvoit avoir que
ces pauvres filles que Ton arrachoit fi
cruellement de leur fainte retraite ,
ne fuffent livrees a des loups & a des
fedudeurs qui leur enleveroient le
precieux treior de la verite & de la
fincerire chretienne, dont elles etoient
les vi&imes.
Apres done que la mere Sainte
Anaftafie eut vu partir fes religieufes,
& qu'elle eur deja fouftert dans fon
cceur autant de fois la peine de l'e-
xil qu'on avoir enleve a fes yeux de.
fes filles , elle parrir avec le meme
courage dont elle avoir donne taht
de marques dans cette terrible jour-
nee. II etoir pres de cinq heures du
foir lorfque la mere Prieure partir :
on la mena ce foir-H coucher a Ver-
failles , d'ou M. d'Argerifon recom-
manda bien qu'on la fit partir de
grand matin, afin que cela ne fur point
appercu. Les deux prifonnieres arri-
verent a Blois le. 4 de novembre , 6c.
-ocr page 524-
$iZ iJlSTOIRE DE PoRT-lLoTAt*
1709. eonime il etoit de bonne heure, M.
d'Auvergne vouloit les conduire dans
leurs couvens ce jour-la , mais elles-
le prierent d'attendre au lendemain \
ce qu'il leur accorda. Ainfi elles paf-
ferent encore cette nuit enfemble. Le
lendemain la Prietire alia- aVec fa
compagne aux Veroniques , qui la
recurent avec bonte. La fceur de Sain-
te Marthe en fe feparant de fa Prieu-
re, fe jetta a fes pieds pour lui de-
mander une derniere benedi&ion. Ce
fut ainfi qu'elles fe quirterent pour ne
fe Jamais revoir. La mere Pneure fe
rendit enfuire aux Urfulines , ou fa
regularite & fes autres vertus lui atti-
rerent l'eftime & l'admiration , mais
fans rien faire changer aux rigoureux
traitemens qu'on lui fit fouftrir juf-
qu'a la mort, comme nous le ver-
rons ailleurs.
II ne reftoit plus a Port-roial des
La tocur de Champs que la fceur Marie de S^inte
phrafie Ro- Euphrafie Robert, la plus ancienne
bsrc.          de la maifon , agee de $6 ans. Elle
avoit eu plufieurs attaques d'apople-
xie , qui l'avoient rendue paralyrique.
Cette paralyfie jointe a fon grand age ,
lui avoit prefque ote entierement l'u-
fage de la raifon , totalement celui de
lire & d'ecrire, & encore plus celui
-ocr page 525-
III. P ARTIE. LlV. II. 52 J
de marcher. M. d'Argenfon , qui 1709.
avoit pourvu a tout, avoit fait venir
une litiere pour la tranfporrer. Elle
n'etoit point en etat, comme on voit,
d'aflifter au Chapitre, lorfque M. le
Lieutenant de Police Ies fit aflem-
bler. II recommanda meme qu'on ne
dit rien a cette religieufe des ordres
dont il etoit charg£ & qu'il avoit
fignifies, fe refervant a le faire lui-
meme : elle fut neanmoins I'enleve-
ment general avant le depart des ca-
rofies, & eut aflez de prefence d'ef-
prit pour dire : c'eft aujourd'hui le
jour de I'homme , bien-tdt viendra le
jour de Dieu.
On ne fit partir la fceur
de Sainte Euphrafie que le lendemain
de l'enlevement general, comme nous
le rapporterons apres avoir acheve le
recit de la journee du 29 o&obre.
Lorfque toutes les religieufes fu-r.,1?1/'
rent parties , M. d Argenlon emploia fon congedie
le refte du jour a faire fortir les do- 5csdomefti"
meftiques qu'on avoit retenus prifon- n dcpeche
niers route la journee. En vain ils re-£n0^uti"en
prefenterent qu'ils ne favoient ou
fe retirer , n'y ai'ant pas pour trois
quarts d'heure de jour , il fallut for-
tir. Pour les fervantes , celles qui
avoient dans le voifinage quelques
parents ou quelques lieuxpour fe re~
-ocr page 526-
■ '
5I4 HlSTOIRE DE PoRT-n.b'lAl.
1709. tirer, furent congediees •, &: pour eel*
les qui n'en avoient point, M. dAr-
genfon leur affigna une chambre hors
* de la cloture des lieux ieguliers pour
y pafler la nuit. Aufli-tot apres que
les domeftiques eurent ete congedies,
ce Magiftrat depecha un Courier en
Cour pour porter la nouvelle de l'ex-
pedition qu'il venoit de faire, comme
feroitun General d'armee apres la pri-
fe d'une ville.
txin.
          Le lendemain il fit partir la fceur
UD^u"eu- Enphrafie Robert dans la litiere qui
fehra(ie Ro- lui etoit deftinee , dans laquelle on
plac,a la femme de Pommereuil , qui
devoit la conduire a. Mante. Comme
la femme de cet Exempt no ponvoit
aller en arriere, elle prit le fond de
la litiere , & la religieufe fut mife fur
le devant. Malgre cette precaution
elle fe trouva fort mal, & la religieu-
fe encore plus mal , ce qui fut caufe
qu'a la feconde journee on les fit chan-
f;er de place. Ilfaut rendre juftice a
'Exempt & a fa femme. Us eurent
pour la foeur Robert tous les egards
poflibles. Elle arriva aux Urfulines
de Mantes le 31 o£fcobre fort tard, &c
fi fatiguee du voiage, qu'elle penfa
mourir en entrant dans le Couvent,
& qu'il fallut faire venir le Medecirx
-ocr page 527-
HI. Partie, Liv. II. 515
entre dix & onze heures du foir. Mais
elle revint de certe foiblefTe les jours
fuivans, & on ne manqua pas de pro-
firei" du peu de terns qu'elfe avoit en-
core d vivre, pour lui arracher le 17
novembre une fignature malgre l'etat
ou elle etoit. Cette fignature ne pa-
roilfant pas fuffifante , on lui prefenta
le 14 du meme mois un papier qu'on
lui fit figner , la mere'- Chartonnet lui
conduijant la. main \,
ainfi que le Pro-
ces-verbal de cette fignature en fait
foi en ces termes : Et actendu que la-
dite mere Robert ne s'ejl pas trouvee
en etat de figner Jeule
, elle a prie la
Dame mere fuperieure de lui conduire
la main.
Comment cette pauvre fille
paralytique & en enfance auroit-elle
ete en etat de figner feule ? C'eft ici
le cas de dire avec S. Auguftin : Dor-
mientes
tefl.es adhibes _, tu vere obdor-
mifti.
On ne craint pas neanmoins
d'attefter dans ce Proces-verbal, figne
de la mere Chartonnet & de deux
Ecclefiaftiques, que la fceur Robert
etoit fame d'efvrii & de jugement. La
meme chofe eft atteftee dans un acTre
du 21 decembre, par lequel on lui
fit ratifier fa fignature du 14 novem-
bre. Le lefteur doit remarquer ici trois
a-des differens. Dans le premier du 17
-ocr page 528-
5 Z6 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
J70n novembre , la four Robert figne fan* .
qu'il foit parle qu'on lui ait conduit
la main. Dans le fecond, du 14, elle
prie la Superieure de lui conduire la
main.
Dans le troifieme, du z 1 decem-
bre, elle declare ne le pouvoir faire a
caufe de fon grand age & foibleffe de
main droite.
Quel fond peut-on faire
fur des pieces de cette nature qui fe
contredifent fi groffierement , dans
lefquelles on refpeile fi peu la verite,
& 011 Ton avance des raits notoire-
ment faux & dementis par des ecrits
publics, qui font demeures fans re-
plique ? M. de Merinville envoi'a ce~
pendant fon Proces - verbal en Cour
comme une preuve de fon zele pour
faire rentrer dans la voie Jure de I'o-
beiffance
les religieufes de P. R. exi-
lees dans fon diocefe. M. de Pont-
chartrain en fit promptement tenir
des copies aux Eveques qui etoient
dans le meme cas, & les accompagna
d'une lettre oii il leur difoit grave-
ment : je vous I'envoie par qrdre du
Roi
j afin que vous puijjie^ vous enfer-
yir en la maniere que vous jugere% a-
propos, pour exciter celles qui font dans
votre diocefe afuivre unji bon exemple.
Voila de quoi s'occupoient des Mi-
niftres dans un terns ou les ennemis
-ocr page 529-
IIL P A R TIE. L'lV. II.        517
vi&orieux , apres avoir force les bar- 1709.
rieres de la France, mena^oient la
Capitale meme.
Apres avoir conduir toutes les re- >lxiv.
ligieufes dans leur exil , revenons adOI^erfliqeue
P. R. pour voir ce qui s'y fit apres congedies.
leur depart. M. d'Argenfon y refta
encore deux jours , & acheva de net-
toier la maifon. II avoit congedie le
29 prefque tous les domeftiques j le
lendemain il congedia le refte , ex-
cepte quelques malades , pour qui il
falloitdes voitures. Ce meme jour 30
octobre, les domeftiques qui avoient
ete congedies la veille revinrent pren-
dre leurs hardes & leurs meubles , &c
fe retirerent, ainfi que ceux qui etoient
reftes , emportans ce qu'on voulut
bien leur laiffer, car on ouvrit &c on
vifita leurs paquets. Les Archers voi'ant
Jue la plupart avoient beaucoup de
,ivres de piete , les maltraitoient de
paroles, les traitant de fripons , de
FriponeSjs'imaginantqu'ils les avoient
voles aux religieufes. M. d'Argenfon
lui-meme ne pouvoit fe perfuader
qu'une des fervantes (Marie de For-
ge ) fille de l'ancien jardinier , eut
tant de chofes a elle : mais elle lui dit
qu'etant depuis fon enfance a P. R.,
elles les avoit amaflees peu-a-peu. U
-ocr page 530-
5 2.8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlA!.
170?.
lui permit de les charger fur tine cha-
rette qu'elle avoir fait venir pour ce-
la , ce qui n'empecha pas les Archers
de la chicaner & d'en retenir une
partie.
Madame Botttard faeur dtt fanieux
Dofteur Dumas, aufli attachee a Port-
roi'al ou elle avoit occupe une cham-
bre au-dehors, que fon frere l'etoit
attx Jefuites , eut beaucoup de peine
a retirerfes meubles (69). Mademoi-
felle de Chambors, pennonnaire au-
dehors , fit emporter les liens le 31.
L,xv# , Le Cordonnier de P. R., & Jean-
Depart du         T           i              .            . , ,
Cordonnier ne Lancelot qui avoit ete portiere
de p. r. , & (}u dehors , etant tous les deux mala-
de la Pome- ,                               r . ,                , ,,
re. Mort de «es, ne purent iortir le jour de 1 en-
run & de Jevement, & furent obliges d'atten-
are une voiture , qu lis prirent a leurs
depens pour fe raire tranfporrer a
Paris. Le Cordonnier fe fit porter a.
l'H6tel-Dieu , oil il fut refpecte com-
me tin homme dont la vertu faifoit
connoitre la fainte ecole oil il avoit
ete inftruit. Malgre les foins qu'on
prit de lui, on ne put le guerir, & il
mourut faintement parmi les pauvres,
ai'ant vecu de meme parmi les faints.
(£9) Cette refpeitable Dame fe retira fur la Paroifle
de Saint Rod) , ou elle mourut le ii decembre fui-
T*nt.
Jeanne
-ocr page 531-
III. P A R TIE. Liv. IL 519
Jeanne Hibert, veuve Lancelot, agee 1709,. '
d'environ jx ans , fe fit defcendre au
Faubourg Saint Jacques dans la mai-
fon ou elle demeuroit avant de fe re-
tirer a P. R. Elle y mourut trois jours
apres. M. Defmoulins , fon Cure , lui
adminiftra les Sacremens , & ne put
retenir fes larmes en voiant l'etat ou
on l'avoit reduite.
Telle fut la fin du faint Monaftere
de P. R. » C'eft ainfi que finit cette
maifon (70), dont Dieu s'etoit fer-
vi pour repandre une odeur de vie
dans fon Eglife. Dieu, apres s'en
etre fervi pour executer fes def-
feins, l'enleva du milieu d'un fie-
cle qui n'en etoit pas digne ; &
en permettant qu'elle fut immolee
a la verite & a la fincerite, il la
preferva des relachemens qui fuc-
cedent aux oeuvres les plus ecla-
tantes &c qui les deshonnorent.
Cette conduite de Dieu, qui eft fi
incomprehenfible aux yeux de la
chair, eft, quand on la confidere
des yeux de la foi, le comble 8c
comme le couronnement des mife-^
ricordes de Dieu fur P. R.
               txvI
Pendant le tems que M. d'Argen-* m. d'Argen-
r           rT                  S li ■ t» • 1 : ° fon reite ti ois
fon palla encore a P. R., il invento- j0urs $ P. R.
(70) Catal. hiftor. T. 1. p. 141.                           «« q"''1 Z
Tome IX.                       Z hlu
-ocr page 532-
530 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
ria les papiers & acheva de faire fon
Proces-verbal. II fit auili inventaire
des principales chofes avec le Gref-
iier, les Commiflaires , les Exempts
8c les Archers qu'il avoit gardes au-
pres de lui, pour la furete de fa per-
fonne , comme s'il avoit eu des enne-
mis a craindre. II fit enfuite partir
pour P. R. de Paris trois charettes
chargees de livres , de papiers j de
tableaux , d'eftampes 5 & il fit mettre
le refte des livres , hardes & meubles
Eortatifs par paquets dans une cham-
re , ou il mit fon fcelle , aufli-bien
qu'a. la Bibliotheque. II etablit le fieur
Marquant , Huimer de Chevreufe ,
gardien de tout ce qui etoit dans la
cloture, & une garnifon compofee de
deux Exempts, & de douze Archers ,
pour garder toute l'Abbai'e au-dedans
& au-dehors.
II fit auffi refter le Chapelain, qui
confomma le 4 novembre , par ordre
de M. de Noailles , toutes les hofties,
tant celles de la fufpenfion que celles
du tabernacle , afin que le S. Sacre-
ment ne reftat plus dans une maifon
ou depuis le 29 octobre, il fe com-
mettoit autant d'irreverences & de
licences qu'il s'y etoit auparavant pra-
tique d'actes de religion & de peni •
tence.
-ocr page 533-
III. P ARTIE. LlV. II.      531
Enfin , M. d'Argenfon aunt mis I70(, "
ordre a tout, partit de P. R. le ven- lxvii.
dredi jour de la Touflaint apres la/.M,d'AtSena
it re a 11 1 r ■ \it /--if              lonvaaVer-
Meiie , & alia le loir a Verfailles ren- failles rendre
dre compte au Roi de fa commiffion. cc°Xtffio«'*
II lui raconta avec quelle foumiflion au Roi.
les religieufes avoient obei aux or-
dres de Sa Majefte , qui en parut ,
dit-on , touchee. Mais il ne paroit
pas que ce Prince foit jamais revenu
des preventions qu'on lui avoit inf-
pirees contre ces faintes filles.
M. d'Argenfon fut recu a Verfail- lxviu.
les comme s'il eut rendu le fervice le p^bi™contre
plus important a l'Etat , en fe ren- le traitemenr
dant maitre de P. R., & en difper- JffiT p"
fant vingt deux pauvres filles infir-R-
mes , qui par leurs prieres & la fain-
tete de leur vie, attiroient la bene-
diction fur le Roiaume ? Le Due de
Guife rendit-il jamais un ii grand fer-
vice a la France en chafTant les An-
glois de Calais ? Les gens de bien n'en
penferent cependant pas de meme, &
les cris du public contre cette expe-
dition , au moment qu'il en fut inror-
rae, firent aflez connoitre qu'il ne la
regardoit ni comme glorieufe au Roi,
ni comme avantageufe a fon Etat.
Les plus indifFerens memes en furent
touches.
Zij
-ocr page 534-
5Jl HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI."
En effet: Quel fpeclacle, pour nous
fervir des expreflions de ces grands
Magiftrats que la France & toute 1JE-
glife a eu la confolation de voir dans
ce ilecle elever courageufement leurs
voix contre de femblables fcandales ,
&c en porter des plaintes aux pies du
trone : Quel fpectacle affligeant pour
la religion , tou chant pour I'humani-
te (71)..... que la difperfion d'une mul~
titude infiiie de religieufes arrachees a.
ces afiles /acres dont elles avoient fait
a Dieu le vceu de ne jamais fortir, con-
duites avecfcandale de ville en ville, de
province en province 3 jufqu'aux extre-
mites du ro'iaume j gimiffantes dans la
captivite la plus dure
, de la privation
de ces biens precieux pour lefquels elles
avoient renonce a tous les autres
, re-r
duites en mourant afe voir refufer, mal-
gre leur entiere foumiffion a I'Eglife &
I'innocence de leurs mxurs 3 tous lesfe-
cours fpirituels, ceux memes qu'on ne
refufe pas aux criminels avant leurfup-
plice !
M. d'Argenfon en executant la trif-
te commiffion dont il etoit charge „
avoir fait, corame nous l'avons deja
remarque, tout fon poffible pour en
derober la connoiflTance & eviter
(71) Rem. du Pari, de 17;3, p. 141.
-ocr page 535-
III. PaRtie. Liv. IL $}}
1'eclat. II avoit fait partir les carofTes
l'un apres 1'autre , &c recommande aux
Exempts de ptendre des mefures pout
ne fe pas rencontrer, & de choifir des
lieux peu connus (72) pour s'y arre-
ter. Mais etoit-il poflible avec toutes
ces precautions de cacher aux yeux du
public un evenement fi extraordinai-
re ? Oa etoit-il poffible qu'aiant con-
noifTance d'un traitement fi barbare
fait a vingt-deux pauvres filles infir-
mes , dont la moms agee avoit plus
de cinquante ans, il n'en fut point
indigne & revoke ? Auffi le mur-
mure & l'indignation eclaterent juf-
qu'a Verfailles meme. Un homme de
qualite qui s'y trouva le jour meme
de l'expedition , etant alle chez un
grand Officier de la Couronne ( M.
d'Armagnac) comme il venoit d'ap-
{irendre qu'on avoit vu pafTer des re-
igieufes de P. R. dans deux caroflTes ,
il lui demanda ce qu'il penfoit de cet
enlevement ? Le Gentilnomme un peu
(71) lorfque le dernier    droit dans les derrieres oa
caroiTe qui etoic celui de    I'on pouvoit toucher fans
Blois partit, M. d'Argen-   fe faire remarquer ; M.
fon demanda au Conduc-    d'Argenfon lui die , hi
teur ou il iroit coucher ee    bien parte? - en done de
foir-la, & fur ce qu'il lui    grand matin , & tdchej
repondit qu'i/ ne pouvoit    qu'on ne vous apperco've
aller qua Verfailles, mais   pas,
,if.*;/ Cnv" "» vetit en—
*7 Mi
-ocr page 536-
534 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL,
1709. embarralTe de la demande repondit
fimplement que la chofe ne lui pa-
roiflbir pas trop bonne, au moins en
partie. Dices hardiment 3 reprit le
grand OfEcier, que tout cela ne vaut
rien. Ces filles font des faintes.
Non-feule- Si dans Verfailles meme il fe trou-
ment les a- voit des perfonnes qui penfoient ainli
"e'ufp^de l'enlevement des religieufes de
fonnes les p. R. & enparloient de la forte , on
rentes en font Peut bien croire que par-tout ailleurs
touchees. Cn n'en avoit pas une opinion plus
avantageufe , fur-tout a Paris, ou la
nouvelle rut fue des le premier jour ,
8c meme d'afTez bonne heure (73).
Cette nouvelle s'etant repandue en
peu de terns, on ne peut dire com-
bien tous les honnetes gens en furent
furpris 8c affliges. Ceux meme qui ne
connoiiToient pas auparavant d'une
maniere partieuliere le monaftere de
P. R. s'etant inftruits a cette occafion
de ce que c'etoit, joignirent leur dou-
leur a celle des amis de cette fainte
maifon. Leur difgrace & leur enle-
(75) Au moment de   valiers & les carofles, il
l'atrivee de M. d'Argen- . revint fur fes pas pour en
fon , la Celleriere envoi'a    dormer avis a la maifon ,
a Paris un Pai'fan pour   mais n'a'iant pu entrer
apptendre cette nouvelle   parceque la porte etoit
a quelques amis ; ce Pai-   deja gardee par les Ar-
fan fe mit en route , &    chers, il alia a Paris de-
alhnt appercu tous les Ca-   biter toutes <■<•» »™w"-"
-ocr page 537-
III. P Artie. Liv. It. 535
vement toucherent les plus indiffe-
rens, & fouleverent tour le monde
contre les Auteurs (les Jefuites ) d'un
traitemenc fi criant & ii injufte , fait a
de fi faintes filles. On n'entendit par-
tout que plaintes & gemiflemens , on
ne vit que Vaudevilles & autres Pie-
ces j temoignages de Peftime & de la
compaffion du public pour les faintes
religieufes de P. R., & de fon indi-
gnation contre leurs perfecuteurs.
D'autres repandoient leur cceur dans
la priere & gemiflbient devant Dieu
de ce que les prophanes etoient entres
dans fon heritage , l'avoient ravage ,
& avoient fait de cette precieufe por-
tion du partage du Seigneur un de-
fert affreux. De - la font venus les ge~
miffemens d'une ame vivement touchee
de la deflruclion du faint monaflere de
P. R. des Champs.
De-la cette priere
& ces effufions de cceur fur I'enlevement
des religieufes de P. R. des Champs.
Ce font des pieces auxquelles nous
renvo'ions (74) non pour y apprendre
ce qui s'eft paffe a la deftrucKon de
P. R., mais pour s'y inftruire de quel-
le maniere des chretiens doivent en-
vifager de pareils traitemens, & dans
quelles difpofitions ils doivent etre'
{74) Hift. de la dern. petfec. T. i. pp. M*» 5«7>
Z iiii
-ocr page 538-
53^ HlSTOIRE DE PoRT-ROtAE.!
~~ijoy. * 1'egard de femblables evenemens.
lxx.          II manqueroit quelque chofe a l'hif-
tfer notami toue <*e l'enlevemenr des religieufes
Madot va a de P. R. des Champs & du pillage
trompe' m. ^e ce rnonaftere , fi nous ne parlions
d'Argenfon. pas du perfonnage que fit en cette oc-
cafion un certain avanturier qui vint
trouver M. d'Argenfon , fe difant en-
voi'e de la part de M. Voifin , pour
chercher & examiner les papiers qui
pouvoient etre a P. R. Cet avanturier
etoit un Pretre, nomme Madot, hom-
me d'apetit pour les benefices, inquiet
de cara&ere, brouillon pour les affai-
res , envo'i'e, comme Ton croit, par le
P. Doucin Jifuite, & non par M. Voi-
fin. Peut-etre meme venoit-il de fon
propre mouvement regardant la def-
traction de P. R. des Champs comme
une occafion de faire une fortune fem-
blable a celle de fon frere, Evcque du
Bellai, mort dermis peu Eveque de
Chalons-fur-Saone. Quoi qu'il en foit,
il eut le talent de tromper M. d'Ar-r
genfon. A ne juger de cet Abbe que
par ce trait, on peut dire que lAbbe
Madot n'etoit pas un fot : il etoit
parti de Paris des le 29 odtobre , jour
de l'enlevement, & alia coucher a
Saint Lambert. Comme il etoit pret
d'y arriver fur le foir , il rencontra
-ocr page 539-
III. Partie. Llv. II. 5J7
quelques fervantes de P. R. qu'on ve- " 1709.
noit de congedier , & qui alloient fe
retirer a S. Lambert, chez une femme
de leiir connoilTance. L'Abbe Madot
accofta ces femmes , leur fit plufieurs
queftions, & leur parla comme un
homme qui leur portoit companion
& aux religieufes. Lorfque ces fervan-
tes revinrent le lendemain chercher
leurs hardes, elles furent fort furpri-
fes de voir ce meme Abbe avec M.
d'Argenfon , & dans* le premier trans-
port elles s'ecrierent: Voila le fripon
qui vouloit hier nous faire croire qu'il
itoit ami de la maifon
(75).
M. d'Argenfon trompe par L'Abbe LXXT\
Madot lui donna plein pouvoir de de lAbbe
faire tout ee qu'il trouveroit bon , & Madot.
meme de fe fervir de fes gens. Auffi-
tot i'Abbe alia fureter par-tout dans
les cellules des religieufes , dans les
obeifTances ou offices , mais fur-tout
dans la chambre de Madame de Lon-
gueville, ou il efperoit faire quelque
decouverte importante. Rien ne lui
echappoit, il ramaffoit avec foin les
(75) Le Revifeur des    te de cet homme, mats it
Memoires fur la deftruc-
    ne nous a point apris. te-
non de cette jibbaie ,
dit
   fecret de nepoin: voir ce:
l'Auteur des; M6moircs
    qui eft »uffi clair que Ur-
Hftoriques, T. 6. p. 11 j,
    jour..
«- voulu diminuer. Viniqui-
-ocr page 540-
538 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
T700. P^us petits chiffons de papier qu'il
trouvoit dans les cellules & ailleurs.
Mais il avoua lui-meme qu'il avoir
trouve bien des chofes auxquelles il
ne s'attendoit pas, & qui l'avoient
edifie , comme des chapelets , des
images de la Sainte Vierge , & diffe-
rens inftrumens de penitence.
II fit un grand degat dans les cham-
bres des obeiffances ou offices. Com-
me la communaute avoit ete autre-
fois fort nombreufe, & qu'on y tra-
vailloit a toutes fortes d'ouvrages, on
avoit conferve dans les armoires tout
ce qui concernoit ces ouvrages. II
voulut tout voir, & mit tout en de-
fordre , par la crainte de laiffer quel-
que chofe d'important. II faifoit en-
foncer les portes des armoires , vui-
doit les boites & les corbeilles pour
voir s'il n'y avoit point de papiers
caches , deplioit les hardes, & jettoit
tout pele mele dans les chambres.
II vifitoit les livres, & fe faififloit
des petites fentences qu'il y trouvoit.
II declamoit contre la verfion du
Nouveau Teftament de Mons , con-
tre l^s Reflexions morales, & l'imi-
ration de Jefus-Chrift de M. de Beuil.
Les po traits d; M. Arnauld , de M.
de Saint Cyran , des meres Angeli-
-ocr page 541-
III. P Ar tie. Liv. II. 539
que & Agnes lui faifoient lever les 1709.
epaules j on dit meme qu'il en dechi-
ra plufieurs. U faifoit ouvrir les pa-
quets des domeftiques, & rien ne
pouvoit fortir fans fon vifa. Enfin
apres avoir furete par-tout, il empor-
ta tous les papiers qu'il put trouver.
Mais comme il n'avoit rien trouve lxxii.
de ce qu'il efperoit, & n'avoit pas vi- Cherchedc de
fite quelques appartemens des feculie- I'Abbi Ma-
res , il demanda quelque - tems apres °:"
a M. d'Argenfon permiffion de reve-
nir faire une nouvelle vifite. L'aiant
obtenue , il vint accompagne d'Ar-
chers , enfon§a toutes les ferrures des
portes, des armoires , des bureaux ,
des coffres des feculieres , qui avoient
des appartemens dans la maifon. II
defit les paquets, bouleverfa tout ,
prit tout ce qu'il lui plut d'emporter ,
& laifTa le refte expofe au pillage.
Mais il ne trouva point ce qu'il
cherchoit, ce qui lui fit dire en
s'en allant : lis font plus fins que
nous.
II trouva dans le cabinet d'une Da-
me qui avoit un appartement dans le
dehors du monaftere , une petite boi-
te quarree ou il y avoit des morceaux
de linges teints du fang de M. de
Saint Cyran } on dit qu'il en fit grand
z r
-ocr page 542-
540 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAir
j 705?. bruit, mais on ne marque pas s'il
emporta ou laifla la boite.
ixxni. Le fruit de ces recherches fe re-
v^PSrrAb- duifit i°. a quelques petits papiers ,
beMadot. fur lefquels les religieufes avoient
jscherches. ^crit ^es reponfes qu'elles devroient
faire a ceux qui leur precheroient la
fignature. 20. A quelques billets ou
elles avoient ecrit des fentences des
Peres fur L'obeirTance qu'on doit a
Dieu preferablement aux hommes.
30. A de petits Calendriers ou Necro-
loges, ou elles avoient place a cer-
tains jours les noms des principales
f>erfonnes de P. R. , les graces fingu -
ieres que Dieu leur avoir fai tes , com-
me le miracle de Mademoifelle Pe-
rier & autres evenemens confidera-
bles. 40. A quelques reliques ou ef-
tampes des principales religieufes de
P. R. & des principaux amis de la
maifon. Voila a quoi fe reduifit tout
le butin que TAbbe Madot put faire
a P. R. Car tous les reproches que les
Jefuites ont fait a P. R. des Champs,
dans les libelles qu'ils ont publies de-
puis l'enlevement des religieufes , fe
bornent a ces quatre articles, comme
on peut le voir par la leclure du re-
cueil des retractations de feize de ces
religieufes qu'ils firent imprimer an.
-ocr page 543-
■ ■
III. P ARTIE. LlV. II. 54f
Louvre, fur-tout dans rAvertilTement
qui eft a. la tete , & dans les remar-
ques aftez courtes qu'ils ont ajoutees
a la fin.
II eft bien certain que fi les Jefui-
tes avoient trouve dans les papiers
que l'Abbe Madot enleva , d'autres
reproches a faire aux religieufes , ils
n'auroient pas garde le filence. Ainfi
ce filence eft une preuve convaincan-
te qu'ils n'ont rien trouve de plus.
Nous ne croions pas qu'il y ait per-
fonne au monde qui penfe que les
Jefuites ont voulu epargner les reli-
gieufes & les Theologiens de Port-
roial (76).
1709.
{?«) L'infame Auteur
du DiUionnaire Janfemf
n
, ouvrage qui n'.eH
qu'un tiffu d'erreurs & de
calomnies , comme s'il
vouloit mettte le comble
a l'iniquite de les Peres,
vient de renouveller rou-
tes celles qu'ils publie-
rent contre P. R. aptes
la deftruclion de cette
fainte maifon , & il en
ajoute encore de nouvel-
les. Remontant rneme
plus haut , il rerablit la
fable de l'lmprimerie.
s> Il y avoit,, dit-il T. »..
» p. 187 , une Imprime-
» tie qui n'etoit emploi'ee
» que pour les ouvrages
5> du patti U gout d'in.-
33 jurieux libelles. Les
33 chambres des religieu-
33 fes, lorfqu'on les vifi-
33 ta apres le depart de
33. ces filles- rebelles , fe
33 trouverent abonrlam-
33 ment pourvues de tous
33 ces pernicie.ux ecrits «.
L'inutilite des recherches
de l'Abbe Madot, & l'a-
veu que fit cet Efpion de
la Societe, donne ici le
dementi au Calomniateur
8c le couvre d'opprobre.
Il continue cependant, 8c.
ajoute, 33 qu'on remar-
33 qua aulfi des reliquai-
33 res attaches au chevet
33 du lit de ces faufTes
33 devotes avec des inf-
» criptions " qui mai-
-ocr page 544-
54z HlSTOIRE DE PORT-ROlAL &C.
» quoieat que c'etsit du    le-meme, 8c qui n'a d'au-
3> fang de S. Cyran ou de    tre fondement que la ma-
« M. Arnauld. Mais,    lignite de celui qui l'a-
» dit il, ce qui furpric le   vance. Mais en fuppofant
« plus, ce fut de trouver   meme le fait vrai, feroit-
s> dans l'Eglife meme un   ce a l'Auteur du Diclion-
j) grand reliquaire avec    naire Janfenifte a y trou-
j> une image du Sauveur
» au milieu , dans la-
3i quelle on avoit ecrit :
3> Cette pate eft du fang
ij de M. Singlin.
Attifi-
a> ce impie pour faire ren-
3j dre a ce Dofteur les
3) honneurs qui ne font
3> dus qu'a Dieu «. 11
n'eft pas neceftaire de s'ar-
reter a detruire une ca-
lomnie qui fe dettuit d'el-
ver a redire ! Seroic-ce t
dis je , a un Jefuite mem-
bre d'une Societe oil Ton
defend les idolatries Chi-
noifes, & oil on enfeigne
qu'on peut legitimement
rcndre d un Philofophe
pai'en le culte qui n'eft du
qu'a Dieu , a faire de
femblables reflexions & a
former de telles accufa-
lions contte Port-roial I
Fin du Tome neuvieme.
-ocr page 545-
\
P R I E R E
De la Sctur Frangoife de Sainte Iherefe
Maignard de Bernieres j pour obte-
nir de Jejiis-Chrijl la force & le cou-
rage dans la perfecution
, afin de
demeurer fidelle jufqu'a la fin dans
I'amour & I'attachement a la verite
aux depens mime deja vie
(i).
Gloire a Jesws au Tres S.
Sacrement.
M O N Seigneur Jefus - Chrift, qui nous
avez dit : Venez a moi, vous tous qui etes
charges, & je vous foulagerai, & qui avez,
choifi les chofes les plus foibles pout con-
fondre les plus fortes, je viens a vous dans
l'extreme befoin oii je fuis , que votre grace
toute - puiflante m'affermifle & me fortifie
dans la volont^ que vous me donnez de mar-
cher toute ma vie dans le chemin de la v6-
rite", dans lequel il vous a phi de nous enga-
ger par une mife^ricorde finguliere: faites-moi
la grace d'y etre fidelle juiqu'au dernier fou-
pir de ma vie , fans qu'aucune tentation ou
furprife me puiffe rien faire faire contre la
volonte" que vous me donnez ( Sc que je re-
mets entre vos mains, de peur qu'elle ne
s'affoiblifle entre les miennes ) de ne jamais
obeir au commandement que Ton nous a
faitde fignetle Formulaite , parceque je vous
dois obeir plutot qu'aux hommes. Que sil
(i) Vies edifiantes , T. i. p. 4S1.
-ocr page 546-
J44                Priere.
atrivoit par quelque maniere que ce puiffe
etre, foit dans la maladie , ou a la mort,
©udans la fame, foit dans la captivite, ou.
dans la liberte , foit par contraintc ou par
furprife , ou de bonne volonte , que je fiffe
quelque chofe tant foit peu contraire a la
verite ou a la juftice pour laquelle on nous
perfecute , ( ce que je vous fupplie tres hurii-
blement dene pas permetttre ), j'y renonce
dcs a prefent devant vous , mon Dieu, &
vous fupplie de toute l'affedtion de mon coeur
de ne me le point imputer, & de n'entrer
point en jugement avec votre fervante. Je
le retratte & le defavoue. Je declare audi,
a tout le monde que je veux qu'il foit tenu
pour nul, Sc protefte de nullite comme j'ai
Seja fait & figne avec toutes mes meres Sc
mes fceurs, auxquelles je defire avec votre
fainte grace etre toujours parfaitement unie
dans l'amour de votre verite. Je vous fupplie.
ties humblement d'agreer que je m'offre a vous
pour en etre une vidtime en la maniere qu'il
vous plaira. Rendez-moi digne d'un fi grand
bonheut. Je vous fupplie de me faire la gra-
ce de conferver toute ma vie une tres gran-
de horreur du peche que je commettrois en.
affvuant par une fignature a la face de l'Eglife,
une chofe coeteftee, que je ne puis favoir
par moi-nieme , & que je ne crois point,
Sc qui eft fi defavantageufe a l'honneur d'un
faint Eveque. Je vous demande la grace de
fouffrir plutot jufqu'a la fin de ma vie tou-
tes fortes d'afflictions & de peines de corps
Sc d'efprit, que de confentir jamais a cette
infidelite, qui me rendroit coupable d'un
faux temoignage, d'un menfonge & d'un
parjure, & de prendre vptre faint nom en
\ain % & tout cela.fui les faints Evangilesj,
-ocr page 547-
Priere.                    545
oil vous m'apprenez que vous etes la veri-
rite , de forte qu'en l'abandonnant je vous
abandonnerois vous-meme. Ne permettez
pas que je profane ainfi ce Livre facre,
dans lequel vous m'enfeignez encore que
vous etes la voie. Je vous conjure done de
me faire marcher &c courir dans cette divine
voie qui eft celle de vos commandemens
pour arriver a la veritable vie que vous etes
encore vous-meme. Vous etes aufli la lu-
miere qui illumine tous les hommes, mais
qui n'eu point connue par les perfonnes qui
fuivent les maximes & la fageite du monde
qui ne font que des folies devant vous. Pre-
tervez-moi de cette fauffe fageffe qui ne fer-
viroit qu'a me mettre au nombre des men-
teurs & des timides qui auront leur part
dans l'etang de feu & de foufFre avec les
idolatres, les meumkrs & les execrables.
Prefervez-moi des artifices du pere du men-
fonge, qui n'a point perfevere dans la vd-
rite, qui pourroient m'eblouir & nVdbranler,
pour me faire tomber dans I'abime de l'er-
reur 8c du menfonge. Je vous fupplie auffi
de me donner des forces proportionndes aux
occafions od vous permettrez que je fois en-
gagee, &c la fidelite que je vous dois en
toutes chofes. Que ce foit votre Efprit Saint
qui parle en moi; & pour mdriter cette
grace , faites que je ne le fafle point inutile-
ment, mais que je me tienne toujours au-
tant qu'il fe pourra dans la retraite & dans
le filence que je dois tacher de ne jamais
rompre , que lorfque la v£rite ou la charitd
le demanderont de moi, afin que ne par-
lant point aux creatures je m'entretienne
fans ceffe avec vous. Que ce filence foit la
pourriture & la force, la joie, la paix 8c
■ ■■- - ...
-ocr page 548-
54<?                  Priere.
l'entretien de mon ame 4 qui ne fera jamais
feule & abandonnde tant qu'elle prendra plai-
fir a demeurer avec vous, qui parlez ail
coeur de vos epoufes dans la folitude.
Faices que je reconnoifle veritablement la .
grace fi extraordinaire que vous faites a ce
monaftere , & que je n'en perde jamais le
fouvenir: retiiez-moi du monde plutot que
de permettre que je fafle rieu de contraire
a la fidelity que je dois a la verite. Que je
fois audi ferme dans les plus perites rencon-
tres de l'etat ou ncus fornmes que dans les
plus grandes : que je n'aie jamais d'autre
crainte que celle de vous ofFenfer jufques
dans les moindres chofes , etant tres afluree
que rien ne me pourra jamais dbranler , tant
que votre grace fera avec moi^ que je ferai
auffi contente dans une prifon comme dans la
plus grande liberte, & que les langueurs 8c
les maladies ne me pourront etre un fujet
d'affoibliiTement. Vous feul me pouvez te-
nir lieu de toutes chofes, au lieu que rien
ne me pourra jamais etre utile , fi vous n'e-
tes avec moi : que s'il vous plait de ren-
dre mon coeur pur & droit devant vous, je
vous ferai beaucoup mieux unie etant fepa-
ree des Sacremens meme a la mort, que fi
je m'en approchois fans cette droiture & cette
fimplicite de coeur, qui ne regarde que vous
en toutes chofes, fans avoir aucun dgard
aux creatures; & qui fait juger de toutes
chofes, non pas felon qu'elles paroiffent ,
msis felon qu'elles font devant vous, c'eft-
a-dire, dans la verite , qui nous enfeigne
que ce qui paroit grand devant les hommes
eft une abomination en votre preTence : qu'il
faut etre humiliee en ce monde pour etre
&evee en l'autre; que c'eft uu bonheur qu'on
-ocr page 549-
Priere.                  547
ne peut aflez comprendre & affez eftimer,
que d'avoir quelque conformity avec vous ,
mon Sauveur, 8c d'etre ha'i du monde com-
me vous l'avez ere , & que ceux qui vivent
felon fes maximes ne penfent a nous que
pour nous maltraicer & nous Eloigner d'eux.
Cell encore la lumiere que nous donne la
meme verity , qui nous fait reconnoitre que
l'dtat oii nous lommes eft le plus avantageux
I
ue nous paiflions fouhaiter , toutes les cho-
s qui nous y arrivent e"tant autant de moiens
pour nous approcher de vous, & pour faire
notre falut, & non pas des fcandales pour
nous faire tomber, comme ils nous le de-
viendroient v^ritablement, fi nous les regar-
dions d'une maniere toute humaine & con-
forme aux inclinations de la nature. Vous
nous faites la grace, mon Dieu, de per-
fe£tionner les vceux de notre profeilion ;
a'iant fait celui de la pauvretd, vous nous
mettez en un etat qui nous rend plus depen-
dantes de votre Providence que les plus pau-
vres. Vous nous faites pratiquer celui de
l'obeiflance, en nous mettant en etat de la
rendreavos commandemens, aux dipens de
tous nos interets & de notre propre vie.
Nous avons quitte nos parens, & vous per-
mettez que nous ne puiffions pas meme fa-
voir de leurs nouvelles. Rendez-nous dignes
de recevoir le centuple que vous promettez
a ceux qui quitteront quelque chore pour l'a-
mour de vous, dont les perftcutions font
une partie : faites-nous les regardertoujours
en cette maniere par une vraie foi, qui nous
faffe comprendre & croire certainement que
cc ^ue le monde appelle des maux font des
ve'ritables biens pour ceux qui font £clair^s
de cecte divine lumiere, qui fait que ne nous
.
-ocr page 550-
548                 Priere.
arretant point aux chofes paflageres, nous
ue regardons que les eternelles & le roiaume
des Cieux qui appartient aux pauvres d'ef-
prit & a ceux qui fouffrent pour la juftice ,
& qui eft ravi par ceux qui fe font violen-
ce. Faites-nous la grace de remporter par cet-
te merne foi la viftoire du monde, & de re-
fifter par elle a ce lion rugiflant qui tourne
fans cefle autour de nous pour nous empe-
cher de profiter de tout ce que vous per-
mettez qui nous arrive , &-qui s'efforce de
nous ravir la couronne qui n'eft donnee qu'a.
ceux qui perfeverent jufqu'a la fin. Faites-
nous la grace de tenir toujours ferme la con-
feflion de notre efperance, afin que la mul-
titude des rencontres de cette vie , & les
experiences de notre propre foiblefle, nc
nous empechent point d'efperer de la pou-
voir obtenir.
Fait a Port - Roial des Champs , dans no-
tre cellule ce 15 juin mil fix cent foixante-
fix, Sceur Franqoife be Sainte Therese ,
Religieufe indigne du monaftere de Port-
Roial du Saint Sacrement.
%#"
-ocr page 551-
MAN DEMENT
DE M. LE CARDINAL
DE NOAILLES,
ARCHEVEQUE DE PARIS,
Pour la publication de la Bulk Vineam
contrele Janfenifme.
» JLiOUIS-ANTOINE...... Nous
» avons vu avec une veritable douleur les
m efforts que des efprits inquiets ont faits
33 depuis quelques annees pour renouveller
» les contestations fur ie Janfenifme, & pour
=5 affoiblir par des Merits remplis de fauffe-
» tes & de dangereufes maximes l'autorite'
m des Conftitutions des Souverains Ponti-
33 fes, qui doivent apres l'acceptation fo-
» lemnelle que le Corps des Pafteurs en a
» faite, etre regardees comme la loi & le
M jugement de toute l'Eglife. D'abord que ces
so Merits ont paru dans notre Diocefe, nous
33 les avons condamnes comme nous de-
33 vions : quelques autres Eveques en ont fait
33 autant dans leurs Diocefes.
s? Mais pour 6ter tome occafion de rap-
si peller les erreurs profcrites par l'Eglife,
33 il itoit a. propos que les Conititutions
» des Papes Innocent X & Alexandre VII ,
3> auxquelles on vouloit donner atteinte,
33 fuffent confirmees & renpuvellees par la
33 decifion du Saint Siege. II falloit pour
jj leunir tous les efprits, que la meme au-
-ocr page 552-
-
5 jo              Mandement
m torite qui avoit condamne', dans la naif-
m fance de ces conteftations, les V Propo-
3j fitions extraites du Livre de Janfenius
» ( dans lequel elles font invifibles ) , con-
33 damnat encore aujourd'hui les detours 8c
m les fubtilites que Ton avoit inventus pour
» mettre la docirine de ce Livre a couvert
» des cenfures de TEglife.
M Pierre a done parle par la bouche de
33 fon digne fuccefTeur. Celui qui doit affer-
33 mir la foi de fes freres a rejette' toutes
» les nouveautes profanes, qui pouvoient
3. alterer la verite & troubler la paix. Le Chef
» des Pafteurs, excite par les prieres du Roi,
i3 a diffipe par fa Constitution du 16 juillet
33 dernier tous les vains pretextes auxquels
n on avoit recours pour fe difpenfer d'oWir
» aux decisions de l'Eglife. II rappelle les
33 Brefs de Clement IX 3c d'Innocent XII ,
n dont il fait voir la parfaite conformite
»> avec les Bulles d'Innocent X & d'Alexan-
»3 dre VII «. Sa Saintete prononce en ces
termes , que, ne pas condamner intirieure-
ment comme heretique le fens du Livre de
Janfenius', condamne dans les cinq Propor-
tions y mais pretendre que lefilence refpeilueux
fuffit , ce n'efl pas renoncer a I'erreur
, mais
la cacher; ce n'eft point obe'ir a l'Eglife,
mais s'en mocquer.
J3 Sa Majefte a'iant fait
n l'honneur a rAffemblde du Clergd de
M lui envoi'er cette Conftitution , les Eve-
» ques qui la compofoient , ont reconnu
33 dans la decision du Souverain Pontife
33 la doftrine que le Clerge de France a
» toujours fuivie, & la conduite que l'E-
33 glile a gardee dans tous les tems. C'eft
»» dans cet efptit qu'ils l'ont re^ue avec ref-
m pecT: & foumiflion,& d'un confentement
-ocr page 553-
de M. de Noailles.        5 51
» unanime. Et le Roi, toujours attentif a ce
» qui peuc aflurer la paix de l'Eglife , nous
» a fait l'honneur de nous ecrire pour nous
» exhorcet a faire publier & executer cette
35 Bulle dans notre Diocefe.
*> ^A ces caufes , aprcs avoir fait de fe-
m rieufes reflexions fur cette importante af-
*> faire , & le faint Nom de Dieu invoque ,
» nous declarons par notre prefente Ordon-
s> nance , que nous nous conformons au ju-
» gement que les Eveques aflembles ont
33 deja porte ; que nous acceptons comme
» eux avec refpect & foumiflion la Confti-
" tution du Saint Siege , & en nous renfer-
»j mant abfolument, a leur exemple, dans
33 la decifion qu'elle contient.
33 Nous declarons qu'on ne fatisfait
»j point par le filence refpeftueux a l'obeif-
33 fance qui eft due aux Conftitutions des
33 Souverains Pontifcs Innocent X & Ale-
33 xandre VII; qu'il faut s'y foumettre inte-
33 rieurement; rejetter non - feulement de
»3 bouche , mais meme de coeur, & condam-
33 ner comme heretique le fens du Livre de
33 Janfenius condamue dans les V Propofi-
33 tions. C'eft la dodtrine que nous avions
33 deja enfeignee par notre Ordonnance du
33 ii fcvrier 170 5 ; & nous avons la con-
33 folation de la voir en tout conforme a la
33 Conftitution de N. S. P. le Pape. Nous
33 declarons de plus, que nous procederons
33 par les voies de droit contre ceux qui ofe-
33 ront parler , enleigner, oil ecrire contre
33 la prefente Conftitution, & que nous de-
33 cemerons contr'eux les peines qui y font
33 portees. Enfiu , nous ordonnons que la
33 Bulle de N. S. P. le Pape, avec no-
3» tre prefente Ordonnance, foit enregiftr^e
-ocr page 554-
5 5s- Mandement deM. deNoa'dles*
33 au Greffe de none Officialite, afin qu'oti
53 s'y conforme dans les jugemens ecclefiaf-
»3 tiques.
33 Que le difpofitif de ladite Conftitution
» foit lu avec notre Ordonnance aux Pro-
as nes des MeiTes Paroiffiales; & qu^l'on.
33 fafle la ledture de la Bulk en fon encier
33 dans toutes les communaut^s fecuiieres
33 & regulieres de notre Diocefe , foit difant
»3 exemtcs ou non exemtes. Si mandons aux
M Archipretres , &c. d'envo'ier & lignifier ces
33 prefentes a tous Abbe's, &c. a ce que nul
33 n'en prekende caufe d'ignorance. Donne
33 a Paris le trente feptembre mil fept cent
33 cinq «.
ANECDOTE
Importante touchant M. Boffuet,tiree des Me-
moires hiftoriques
6* chronologiques ,fur
VAbbaie de Port-Roial.
M . Boffuet touche de ce qu'il voi'oit 8c de ce
53 qu'il lifoit (a l'occafion du Cas de confcience ) s'a-
3) drefTa cinq ou fix mois avant fa more au Secretaire
» d'Etat depofitaire des papiers 8c des pieces qui pou-
33 voient lui donner des lumieres furcette affaire.
33 La conviftion de la verite des chofes 8c de la ma-
5j niere dont elles s'etoient paffees le perfuada. II prit
33 auffitot la refolution de ne point donner de Man-
3> dement contre le Cas de confcience, 8c effefiive-
33 ment quoique tres lie avec le Cardinal de Noailles
33 iln'en donna point, C'etoit en 1703 , 8c il mourut
» le 11 avril 1704 On tient ce fait d'une perfonne
33 qui.eioit prefentc lorfqueM. Bolluer remit les pa-
ss piers auMiniitreS; luiparla de fes fentimens 8c de
9> fa refolution. Mdmoires hifl. T.^.p, 500.
Fin des Pieces du neuvieme Tome.
T A B L E
-ocr page 555-
TABLE
ALPHABETIQUE
Des principales Matieres contenues
dans ce Volume.
jf\ F F l o N , { Catheri-
ne de Ste Tarfille d') eft
transferee d'abord a Saint
Denis en France , 494.
enfuite releguee a Senlis
au monaftere de la Pre-
fentation, figne le Formu-
laire , . la liulle Vintam
Domini
, s/00.
Argenfon,( de Voyer d')
Lieutenant de Police, eft
charge de l'execution de
1'Arret portant la difper-
lion des Reiig. de P. R. ,
4S1. fait fes preparatifs
pour executer fa co.nmif-
fion, 4*;- a plulieurs
conferences a ce fujet avec
M. de Noailles, 464. fait
inveftir P. R., 4«5 , 473-
arrive a P. R., 466. Com-
mencement de foil expe-
dition < 4*6- fignifie une
partie des ordtes du Roi,
4S7. fe faifit des papiers,
468. notifie l'ordre pour
les difperfer , 469. accor-
de un demi-quart d'heure
aux Relig. pour feprepa-
Tome IX.
rer k partir, 470. Precau-
tions qu'il avoir prifes
pour la difperfion, 474.
regie les lieux de l'exil de
chaque Religieufe , 47^.
eft attendri des adieux que
les Relig. fe font, 480.
demande les Reliques ,
Temoignage qu'il rend
aux Relig. 481. fe faifir
des livres de comptes 8c
des cles de cloture ,485.
fait partir les exiles; fa
conduite envers elles,487.
&c. veut eviter l'edat,
490. congedie les Domef-
tiques, 51?. depeche un
Courier en Cour pour
porter la nouvelle de fon
expedition , 514. fait par-
tir la fceur Robert dans
une litiere, 514. acheve
l'expulfion des domefti-
ques ,, 5x7. refte trois
jours i P. R. apres la dif-
perfion , ce qu'il y fair ,
f Z9. va a Verfailles ren-
dre compte de fa commif-
fion au Roi, 551. eft
Aa
-ocr page 556-
B I %
mort , 89. Ivenemenr
merveilleux arrive a 1^
nrort, 90, fon cotjs ell
trouve fans corruption
J ans apres fa fepuluire,
fon epitaphe donne otcar
fion de former une accu-
fation grave contre les
Religieufes, 91.
C
Vj Hateau - Renaud ,"
Prieure ou.Abbelle de
Monfors a Alencon , eft
nommee Abbefle de P. R.
de Paris, eft obligee de
rccommcncer fon Novj-
ciat, 198. va a P. R. des
Champs prendre pollef-
fion de la maifon , 429.
fon entretien avec la
Prieure des Champs, 450.
8cc. fait drefler Proces-
verbal de fa pnfe de pof-
fellion de Pprr - Roial das
Champs, 438, &c. va a
S. Cyr , informe Mad. di
Maintenon de ce qu'elle a
fait a P. R. des Champs ,
441. fades adulations de
cette AbbefTe pour Mad.
de Maintenon , 44 j, pre-
fertte rcijuete au Confeil
pour expofer le refut
qu'on lui a fait a P. R.
des Champs de la recon-
noitre pour AbbelTe, 445.
obtienr Arret conformc 4
fa requete , ibid.
Chcvrolat, Pretre du
Seminaire de S. Nicolas,
eft envoi's pour Confeffeur
aP.R- des Champs, 114;
Confcience, ( Cas de )
eft l'origine de la deihuc»
tion de P.R. Abrege de lua
iiiUoire, 7. .. )i.
554                  T A
trompe par un Avan-
mrier liomme Madot,
B
JO A rat, (touife de Ste
Juftine ) eft exilee chez
les Benedi&ines de Loi-
gny , jo3. feduitepar M.
Vivant, figne le Formu-
laire , no.
Baftier, ( Marguerite )
ft retire a P. R. ou elle
fett de Tourriere, fa
mort ,151. note 7?.
Baudran , ( Fran$oife-
Madcleine de Ste Julie )
i'a vie, fa mort, 94.
Segue , ( Jeanne de Ste
Appolline le ) fori exil ,
ft lignature du Formulai-
r'e ; circonftances de fa
chute, 517.
Bv-noife , ( Marie-Ca-
tlierine de S:e Celinie ) fa
verm , fon exil, 518. fe-
tjuite , figne le Formulai-
re, 519-
Bernieres, ( Francolfe
ie Ste Theiefe ) fa vie, fa
verm , fa morr, 86.
Bertrand, ( Marie-Ma-
deleine de Ste Cecile ) fon
exil a Amiens, ?oi. figne
Je formulaire 5c la Bullc
Vineatn, pour faire la
£ommun. Fafchale, 507.
Boifcervoife , ( Anne
»}e Sainte Cecile ) eft rcle-
guee a Amiens, eft fedui-
(c dans fa derniere mala-
<lie, fa mort, 501, 503.
Billiard, (Elizabeth de
$te Anne ) derniere Ab-
fcelle de P. R. fon zele
pour la regularite , fon
juaoui pour la vi'tite, fa
-ocr page 557-
DES MAT
CoUtutier, ( Marie de
$te Anne ) ell exilee a Ne-
Vcr$ j calomnies repan-
duescontr'elle , f 11. ligne
1e Forroulaire , ibid.
£
iLuftace, Confeffeurde
Pore - Koial , caufe la
«lerniere perfecution con-
tre ce Monaftere , 4«-
fe retire a Vttri-le-Fran-
c,ois, ejiftmc a Orval, ou
H eft mort, 47. note jfi.
F
jL,Erc.n,(Ifab=llele)f»
Tie , fa mort, 96 8cc.
Ferrier, ( Sceur de Sre
Ringarde ) fa vertu , fa
uiort, j«<>,
Flefcelles, ( Sophie de)
eft exilee , fon courage en
dtfaat adieu a fes fecurt ,
487. Circonftances de fon
roiage a Autun , lieu de
foil exil, 491, &c.
Forget, ( Agnes de Ste
Blandine ) fon exil, 494.
feduite par un Jefuite ,
figne le Formulaire 6c la
Bulle Vineara; transferee
i Amiens, 500, jqi.
G
VJ Ilbert, Superieut de
P. K.., envoie aux Relig.
la Bulle yinsam & l'Or-
donnanpe de M de Noail-
les, en exige !a leaure 6c
un certifeat, qu'clles re-
joivent avec re pe<3 , 48.
49. eft prie de faire agteer
au Cardinal la ciaufe fans
dgrvger ,
{*< Yient a P. R.,
IERES.          fff
& prefTe les Religieufe*
de rctranchercetteclaufcj
53.   en demande l'explt-
cation , on la lui donne,
54.   fes divers en retien*
avec les Rebgieuies, ff.
eft envoi's a 1' K. pout
rcpondre de vive voix i
une lettre dss Religieufes
au Cardinal, 115.il de-
clare la refolution prifo
de drtruire P. R. ifi;.
Gies, {Jacques) Cha-
pclain de i Jacques l'Ho-
pital, ami de P. R. rend
icrvice aux Religieufes ,
341. fa mort, ibid, note
Grenet, Cure de Saint
Benoit, Superieurde P. R.
Beau temoignage cju'il
rend aux Relig. de P. R,
57 » &=•
J
J Oncoux , (Francoife-
Marguerite de) amie de
P. R. Confeil qu'elle don-
ne aux Religieufes pout
la reception de deux Ni-
colaires qu'on leur donne
pour ConfeiTcut , 11 j.
note.
iffili, ( Jean) Avocat
au Parlement; Trait de
foiblelTe de fa part, fa
Tie, fon cloge , fa mort,
81 & ibid. note.
Iflati, ( Marie de Ste
Catherine ) fon ardeut
pour lc travail *, fon exit
a Meaux , si*, fa chute
caufee pat I'Abbe Cheva-
lier, 519.
Jugc , ( Franjoife do
Ste Agathe le ) eft enlevfe
pout ecre conduite en exil
A a ij
-ocr page 558-
5J(J                      TABLE
a Chartres, 507. fa figna- vice a Rome aux Rctig*'
ture du Formulairc, 510. de P. R. , fa vie, fa more,
ibid. note.
L
                           Marignier , fuccede 4
LM. Euftace pour etreCon-
Aime , ( Anne de Ste feiTeur de P. R. , 47. j33.
Marine ) eft exilee , 494- eft mande a Paris par or-
figne par la menace de drede M. de Noailles , eft
l'cxcommunication , eft charge de porter la Bulle
l'edification du Couvent Vintam & le Mandemenc
oil elle eft releguee , fa de l'Archeveque,8c de les
jnon , 496 , 497.
                  lire aux Religieufes , 48.
Laifne , ( Jean ) Do- prcpofe im accommode-
roel'tique de P. R. fa vie- nient, 75. eft mande a
edifiante , fa fainte mort, Paris par M. de Noailles,
34D,nore.
                             qui lui annonce d'avance
Lancelot , ( Jeanne ) la perte de P. R. 12.1.
Portiere a P. R. eft chaf- prend la defenfe des Reli-
iee de ce lieu apres la dif- gieufes, 114. fa vie, 134.
perlion des Religieufes , remoignage cju'il rend a
51S.
                                       ['innocence des Religieu-
Lancri, (Marie ) veuve fes , 13 3 &c. 11 a un pref-
Huaut, fe retire a P. R. , fentiment de fa mort , fa.
fa vie chretienne , fa mort fainte ,135.
mort, 151. note.
                      Marthe , ( Franc;oife-
Londe , ( de la ) Pre: re Agnes de Sainte ) relegate
fe prete a rendre fervice a a Blois, 510. fe jette aux
V. R., eft agree de M. de pies de la Prieure , $c lui
Noailles, 177.                     demande fa benedi&ion ,
511.
M                          Mefnil , ( Louife de Ste
MAiialtafic du ) eft nominee
Abille , (Nicolas) Prieure pari' Abbeflemou-
ami de P. R. , fa vie , fa rante , fon affliction de
mort, 51 ,note. confeille cette nomination , 93.
aux Religieufes d'ajouter ecrir a M. de Noailles,
Ja claufe fans d&roger , pour lui denwndet l'elec-
jo.
                                        rion de l'Abbeffe , 1:6,
Madot, Avanturier qui 109. fa coriduitelorsdela
va a P. R. lors de la dif- vitite de M. Voilm ordon-
perfion 8c rrompe M. nee par leRoi, 147. fafoi
d'Argenfon , 536. fa pre- en cette occaiion , i4f.
jiiiere recherche dans le Reponfesdignes de fa f'oi,
monaftere, 537. fa fecon- 353. fes enrretiens aveg
de recherche, 538. pa- M Vivant , 349 , &c.
piers qu'il y trouve ; fruit 37S , &c. comment elle
de fes recherches, 540. rc^oit l'Abbcfie de P. R.
MiUk,(Lo»isj rendf«- de Paris, 439. fes etwie-
-ocr page 559-
TlERES.
DES MA
titns avecelle , 4)1 &c.
re^oit M. d'Atgenfon qui
va les entever, 467. fa
condulte , fon courage
dans ce trifle moment,
468 &c. fe voit arracher
toutes fes filles ; fa conf-
tsnce , 485 , &c. eft con-
duite a Blois, fon voi'a-
ge,fio.
Morelle , { Philibcrtc
de Ste Madeleine ) Rdig.
difcole de P. R. , a le
roalbeui de fe trouver a
la tete de celles.qui de-
mandent la deftruclion de
V. R. des Champs , 140.
Mouchot, ( Opportu-
ne ) exilee a Chartres ,
508. fe foumet au joug
du Formulaire ; cas qu'on
peut faiie de cette ugna-
ture, joj.
N
,l\ Oailks , ( Ixuis-
Anroine de) Archev. de
Paris. Part qu'il prend au
fameux Cas do Confckn-
11. . . .53. protege d a-
bord P. R. & l'abandoiine
en'ui:e , 41. ex'ge la li-
gnature de la Iiulle Fi
neam,
des Relig. de P.R.
4!!. dcl'approuve la Claufe
Jans dirogir, 71. rejette
i'accommodcment propo-
fe par M Matigniet, 77.
occalioune l'arret du Con-
feii qui defend de rece-
yoir des Novices a P. R.
101. rcfufe l'elettion d'li-
ne Abbeffe , 106 , 109,
115. confeil fingulier qu'il
donne a Mad. de Chi-
teau-Renaud , 109. en-
yoje a P. R. M. Gilbert,
tsf
pour faire de vive voix
fes reponfes aux Lettre3
des Religieufes, ri-f. re-
volt une lcttre apologeti-
que des Relig. 116. man-
de M. Marignier , fait des
plaintes de la conduite des
Relig. 111. declare la mi-
ne prochaine de P. R. ,
111. Etrange raifonne-
ment de cette Eminence ,
114. reproches quil laic
aux Religieufes,i$o. rend
line Ordonnance pour in-
former de commodo & in-
commodo
fur la fuppref-
fion demandee de Port-
Roial des Champs, J7r.
renvoie les oppositions
c\i:s Relig. des Champs
par-devant fon Official,
187. ell embarrafle par
la fermete des Religieu-
fes de Port - Roial des
Champs, i8<». envoie a
P. R. des Champs M.
Vivant faire line viji.ee
pretenduc paftorale, 107.
ore aux Religieufes leurs
Confefleurs, leut envoie
deux Kicolaites ,111. re-
fufe M. Boiftel pour Cou-
feikur des Relig. ills or-
donne pat ecrit de rece-
voir les deux Nicolai'te's ,
comme fes Subdelegues ,
11 j. fait frgnifier aux Re-
ligieufes un interdit des
Sacremens, 111. fa lettie
a M. Pollet contre les
Relig. 114. fait faire des
fommations aux Relig. ;
la commiilion en eft don-
nee a M. Pollet, 144. reni
une Ordonn. par laquelle
il les prive des Sacremens,
155. fait refufcr les Sa-
cremens a leurs domelti-
A aiij
-ocr page 560-
5l E
Noifeux , ( Benlfe «S
Ste Baiiliie) enlevee de
P. R. 494. examen de fa,
fignatute , 498. eft tranf-
feree a Malnoue, fa moil,
500.
P
JL Epin , ( Lucie) foil
exil au Didcefe d'Amun ,
487. circonftances de fori
voiage,49t.
Pitant, [ Marie ) fe re-
tire a P. R, , fa mort,
'H-
Pollet, { Firmin ) SupC-
ricur du Seminaire de Si
Nicolas, envoie a P. R.
par M. de Noailles ,114.
comment il s'y annonce,
115 , &c. flgnifie aux Re-
Hgieufes un interdit des
Sacremens, xu.refufede
les adminiftrer , fur quo!
fonde , ii;. recoit uric
lettre anonyme qui l'ex-
horte a ne pas vreter fon
miniftere a la perfeciuion
faiteaP.R 118 eftcohi-
mis par M. de Noailles
pour faire des fomma>
tions aux Relig. de P. R,
144. nullites de fes forri*
mations , 14s. refufe de
donner copie de fon pro-
ces-verbal, 1^7. fe retire
de P. R. 148 , note 16.
Pontcarr6, (le Cheva-
lier de ) fa conversion, fe»
liaifons avec les gens de
bien , enfuite avec les Je*
fuites, fa niort, toS, note
«3-
Port-Roial, (les Reli-
gieufes de ) des Champs,
font prefque toujouts per-
fctmccs , i, Dcilcin de le»
jj$-                 *r a :
ques , ty%> spit M. de
la Lalonde pour deilfervir
l'Eglife de P. R 177. ac-
cepte la commillion du
?ape pour la deflru&ion
<JeIJ. R. 314, )«i. re^oit
une let re anonyme fur fa
conduits contre P. R- ,
330 , 5)4 , &c fait refu-
fer les Sacremens a une
.Rclig. mourante , 339.
Avis des Avocats de Ton
Confeil fur fa commif-
iion , 358. ordonne qu'il
fera informe de commodo
ft incommodo
de la fup-
preffion de Port Roial des
Champs, 361. rend une
Sentence dans fa propre
caufe , 3<S{ ftratageme
qu'il cmploie pour jufti-
fier aux yeux i!u Public fa
conduite contre P. R. ,
380. fon Mandem. pour
publierune pre:enJue let-
ire deM.de Mcaux, 3S<>.
fon decret de fuppreflion
de 1'Abbai'e de P R. des
Champs, 414. nullire de
ce decret, 419. rend te-
moignage aux Religleufes
qu'il vient de condamner,
4to.
Noir, fie ) ditde Saint
Claude , prend la defenfe
des religieufes de P. R. ,
14* , 150 ,168. fa vie pe-
nitentc ; eft peifecute ,
a«8. arrete & conduit a
la Baftille , 169. Circonf-
tance de fa detention, 170.
Confolation que le Sei-
gneur lui donne, Z7i.
Noifeux , ( Marie-Ma-
deleine de Ste Aurelie) eft
enlevee de P. R. 494. An-
te de fon Hiftoire , fa
-ocr page 561-
..... ....
feES lVtATIERES, $f$
Ifitruire; defenfe de rece-
Voir des Novices, i. leurs
enncmis lcs voient fub-
fifter a regret, its en vien-
fient a la force ouverte,
4. tour confpire contre
elles, 5. Origine de la
derniere perfecution con-
tr'elles, 7 &c. font perfe-
eutees a caufe de leur pie-
te, 33. Beau temoignage
qu'on leur rend, 37...41.
font d'abord protegees,
enfutte abandonnees par
M.de Noailles, 4Z , &c.
On commence a les per-
fecuter , 46. on leur de-
mande la fignature de la
Uulle Vintam Dohiini^y.
conduite qu'elles tiennent
a cet egard, 49. re<;oi-
Venr la Bulle & le Man-
dement de M. de Noail-
les , en donrient certificar,
en ajoiitanr la claufe yanj
deroqer , 50, &c. leur fer-
mete a ne point retran-
icher cette claufe , 5 3 &c.
donnerit explication de la
claufe , {4. leurs divers
entretiens avec M. Gil-
bert, cf. Juftification de
la claufe fans deroger, ?6,
&c. leur conduite eil ap-
prouvee du P. Quefnej,
SI.. . . 71. leur Abbefle
ecrit a M. de Noailles,
jour lui faire agreer la
claufe ; juftifie leur con-
duite par un raifonnement
fans replique , 7! , Sec.
elles confentent avec re-
pugnance a un accommo-
«lement propofS par Mon-
fieur Marignier, 7f. Qua-
ttieme lettre de l'Abbelle
a Monfieur de Paris fur
la claufe , 77. Extreme
affliaion des Religieufcs y
79. font abandonnees de
leurs parens 8c folliciteei
par de faux amis , 80.
vexees par leuts ennemij
de toute maniere, 8f.
perdent, par la more ,
quatre de leurs fecurs,
ibid. Arret du Confeil qui
leur defend de recevoir
des Novices, 101. elles
ecrivent & M. de Noailles
pour demarider 1'eleition
d'une Abbefle , i0«. Le»
deux maifons de P. R.
fans Abbefle ; ce qui rend
nul tout ce qui s'y eft fait
pendant la vacance , 107.
Les Relig. des Champs re-
nouvellent leurs inftances
pour l'eleaion d'une Ab-
befle, & fe juftifient fur
toutes les accufatidns de
leurs ennenvs, 109, &c.
Lettre apologetique de
leur conduite a M. de
Noailles, 116, &c. elles
jcrivent a Clement XI,
pour lui faire connoltre ,
leur innocence ,115, Sec.
donnent procuration pour
faire toute pourfuite 4
Rome en leur nom , 130.
Temoignage qui leur eft
rendu par Monfieur Mari-
gnier ,, n5, 134. £crj_
vent de nouveau a M.
de Noailles fur la reponfc
verbale qu'il avoit raite A
leur lettre par le canal de
M. Marignier ,137 font
attaquees de nouveau pat
leurs Sceurs de Paris ,139,
&c. recoivent une vifite
de leur monaftere of-
donn£eparun Arret, 144.
ce qui fe piffe dans Cette
rifite , 147. Plaintcs elf
A a iii]
-ocr page 562-
"^1
fgo
TABLE
M de Noailles contr'el-
les , no elles repondenr
i ces plaiutes ,151, &c.
leur requete an Roi au
fujet de deux Arrets du
Confeil rendus conrr'ef les,
ijf. invent a M. de
Noadles, pour le prier de-
les foutenir contre Ieurs
ennemis, 160. Arret du
Cofifeil contt'elles qui les
prive d'tlnepartie de leurs
biens , & leur ordonne de
faire fortir tout's les per-
fonnes feculieres ; elk's
font condamntes fans
avoir ete entendues, i<>;.
Xifte des perfonnes qui
fore'renr alors de leur
maifon, 166. leur fou-
miffion a cet ordre de la
Providence, 168. Leurs
Sceurs de Paris prefentent
requete a M de Noailles
contr'elles, 170. Reponfe
qu'elles font tant a cette
requete qu'a celle prtfen-
tec au Roi ,171. On afifi-
che un placa'd i la porte
de leui monaltcre, 173.
forment oppofirion a l'e-
xecution des Arrets du
Confeil & prefentent re-
quete au Roi, 175. font
figuifler a leurs Sceurs de
Paris leur oppoficion,i8o,
&c. Senrence par defaut
contr'elles •, font debou-
tees de leur oppofition par
Arret du Confeil , 185.
leur oppofition a l'Or-
donnance par defaut du 9
Mai, 18s. leur fermete
embarrafle M. de Noail-
les, 189. proceftent con-
tre route fignature qu'on
jpourroir extorquer d'elles,
i%?, See, leur affaire eft
renvoi'ee par-devant l'OF-
ficial, 197. Ieurs moiens
d'oppofitions, 197. pu-
blienr un Memoire juftifi-
catif, 198. recufent les
deux Promoteurs, 199.
M. Hebcrr plaide leur
caufe contre M. Nivel le
jeune : difcours qui fe
riennenr a. l'Auctience,
zoo, &c. injuftice de leurs
Jugt-s, 104, 10c. elles
font deliouteej de leurs
oppositions, icf. inter-
jettentappel de la Senten-
ce , 107. re'eoiyenr M.
Vivant pour faire line vi-
fite pretendue paftorale ,
107, &c. On leur ote leur
ConfefTeur; on' leur en-
voic deux Nicola'i'tes.l 11.«
demandent des Confeff, ,
font refufees, m. recoi-
vent les deux Prettes de
S; Nicolas. On leur figni-
fie verbalement un inter-
dir des Sacremens, 11 r.
e'les fe foumetrent a cette
defenfe injuite , 113. fonr
traitees indignement dans
une lettre deM.de Noail-
les , 114. leur requete a
M. de Noailles au fujet
de 1'ordre donne de leur
refafer les Sacremens :
raifons qu'elles ont cues
d'ajouter la claufe fans
deroger , x^6 ,
&c. Paral-
lele de la condtiite de
l'Eglife envers fes enfans ,
H de celle qu'on a tenue
a l'egard des Religieufes
de P. R. 141. Elles effuient
un refus public des Sacre-
mens, 143. On leur fait
des fommations pour leur
interdire par Sentence leg
Sactcmens, 144. Nuliitc
-ocr page 563-
■ ■
DES MA'
des fommations , 146.
nullite du proccs- verbal,
147. elles font un afle ca-
pitulaire pour expofer
leurs vrais fentimens,
148 , Sec. On leur fignifie
une Ordonnance qui les
privedesSacremens, 15 j>
&cc. on pille Ictus biens ,
16c. elles (buffrent les
plus grandes injuft ces
fans (e plaindre , 166.
leurs amis meme font in
quieres, 1S7. elles appel-
lent a la Primatie de Lyon
de l'Ordonnance de M. de
Noailles , 171. prefentent
requete au Hoi pour avoir
la Communion pafchale;
leur courage dans les
epreuves, 171, &c. On
refufe la Communion i
leurs domeftiques, 175.
elles font deux mois fans
avoir de Prcttes , ibid.
Leur memoire fur leut ap-
pel de l'Ordonnance qui
les privoil des Sacremens,
177. prouvent la nullite
de l'Ordonnance quant a
la forme , 179. font voir
que toutcs les regies pour
les jugemens caiioniques
ont etc violees a leur
egard , 180. demontrent
l'injufticc de l'Ordonnan-
ce quant au fond.iSi. que
M. de Noailles tient a
leur egard une conduite
oppofee a celle de Cle-
ment IX &: de M. de Pe-
refixe, 184. que leut cer-
tificat n'eft oppofe ni a la
Bulle Vintam, ni au Man-
dement du Cardinal, 185,
&c. J unification pleine &
entiere du certificat des
JUligieufes, iS?. Kcpoa-
' IE R E S.           \it
fe a deux objections qu'on
pent faire contre : la clau-
fe du certificat n'eft point
une reittictron , 190. uti-
lite de la clauie ; motifs
de la conduite des Relig.
i$x. raifon qui les a de-
terminccs a donner le cer-
tificat & a ajouter la clau-
fe , X94. leur affaire eft
portce a Rome ; motifs
de leurs enncmis en cela ,
196. leurs enncmis folli-
citent une Bulle contr'el-
les, 199. elles ecrivenr au
Pape a ce fujet, 300, &c.
elles font condamn£es
fans etre entendues, 306.
routes les demarches fai-
tes pour elles a Rome font
iuutiles; on n'y a aucun
egard, 30S. leur Agent,
intimidc , refufe d'agir
pour elles, 309. la Bulls
contr'elles eft accordee ad
infiantiam Regis
3 on n'o-
fc parlcr a Rome en leur
faveur, 311. premiere
Bulle de Clement XI con-
tr'elles ,313. elles y font
traitees moins tigoureufe-
rnent que dans la fecond*,
315 , 318. leurs ennemis
n'en font pas contens, en
follicitent une autre, 316.
Bulle de Paul II fur 1'alie-
nation des biens ecclefiaf-
tiques , 319. Reflexions
fur cette Bulle, 311. Les
ennemis des Religieufes
de P. R. des Champs ob-
tiennent une nouv. Bulle,
; 1;. Injuftice qu'on com-
met contre elles a ce fu-
jet , 317. elles ecrivenr de
nouveau au Pape , 334. 4
M. de Noailles & au Roi,
jj6. en refufe les S»cre«
-ocr page 564-
L E
la continuation dti pro**'
ces-veibal du Commiffai-
re, 379. On entreprentt
de IcS faire paffer pout
Ass perfonnes reellemenc
dans I'etrcur, 380. on pu-
blie pbtir cela une lettre
pretendue de M. 1'Abbe
Boffuet aux Relig. de P.
R. des Champs; Hiftoire
de cette lettre , 381, ice.
ecriveht a M dc Nuaillej
au fujet de fon Mande-
ment pour la publication
de la letrre , 3 91 On fu-
borne des Tenloins cori«
tr'elles ,411. elles deman*
defit par requete d'infor-
mer centre cette fuborna-
tibn, 4'1- leur Sentence
eft prononcee contre rou-
tes les regies, 414. nullite
du decret de fuppreffion ,
419 Temoignage qui leur
eft tendu pal- M. de Noail-
les apres fon decret ini-
que, 4J0. On obtient con-
tr'elles un Arret par de-
faut coritre leiirs appels &
oppofmons , qui donne
gaiii de caufe aux Relig.
He Paris, 411. elles fof-
ment eppofi ion & cet Ar-
ret, 413. appellent a la
Primaie de Lyon du de-
cret de fuppreflibn de M.
de Noailles i on refufe de
recevoir leur appel; pour-
quoi, 41 j, 415. elles font
fignifier a leurs I arties les
fommations faites a l'Of-
ficial de Lyon , 417. l'Ab>
befle de Port-Roial de Pa-
tis prend poffeflion de
leur monaftere; ce qui fe
paira alors enrre ladire
Abbeffe & la Prieure des
Champs j 430, ficc. lost
)*t                 T A :
mens i tine Relig. mou-
tante ; 559- ecrivent ill
Cardinal d'Etrees , 3*1.
La Bulle de leur mine eft
enregifttee , 34;. elles
Font remettre a M. d'A-
gueffeau , Procureut Ge-
neral , un Memoire des
abus 5c des fttcchtats com-
mis contr'elles ,545. le'ttt
fermete. £ la vue des
iii.iux qui vont les acca-
bler, 346. elles iec;oivent
une lettre anonyme ten-
dame a les fortifier , & &
leur faire voir qu'il eft
permis a tine Religieufe
de fc fouftraire & la per-
fection par la faite j
347, 8cc. leur tranquilli-
te dans l'attente de leur
fort, 359. On leur figni-
fie la Bulle , les Lettres-
patefires, l'Arret d'enre-
giftrement, la nouvelle
eommiflion donnee au
fieur Vivant., 5«5- elles y
font oppofition, 36*. el-
les en font deboutees in-
juftement, J6<. font afli-
gnees pardevant l'Official
par les Relig. de Paris ,
3««. appellent de nou-
veau a Lyoh de rordonrt.
de M. de Noailles, 367.
Malgre leur appel, le fieur
Vivant fe tranfpotte daris
leur monaftere pi ur exe-
cuterfa eommiflion, 369.
•Uesfbrment oppofition &
la eommiflion du fieur
Vivant, 370. s'en font
donnera&e, 371. Seiiti-
rnens des TembinS afli-
gnes, fiir P. R. des Ch.,
373, tec. leur entretien
»vec le fieur Vivant, 37S;
font un nouvel appel de
-ocr page 565-
rlERES.          fff
epreuve, 47 r. ce qui fef
paiToir au - dehors de lit
maifon, 475- Affliction1
des pauvres, 474. Lifte des
Exilees.des Diocefes 8c des
monafteres o'li elles font
envoiees ; les Relig. de
Chceur , 477- les Conver*
fes, 479. Elles fe font !e
dernier adieu , ibid. La
Prieure rriontre le lieu oil
font les Reliques, 481.
elles font leurs paquers,
ibid, de quelle maniere
elles fortent dc leut 1110-
naftere ,48}; leur chari-
te ordinaire n'eft poini!
oubtiee dans cette trifle
ficuation , 484. elles font
difperfees, 48 s. depart des1
carofTes, 487...513. leurs
domeltiques font conge-
dies apres leur difperfion ,
<i; , itCi Murmiire dec
Public centre le ttaite-
ment qui leur eft fait, 551.
les perfonnes memes les
plus indifferentes en font
touchees , n4-
Pott-Roial, ( les Reli-
gieufes de ) dc Paris fer-
vent d'infttument pout la
ruine de Port-Roi'al dei
Champs, 6. deviennent
Partie contre les Relig.
des Champs, 159 , 8cc.
demandent la deftruction
du monaftere des Champs'
par unc requete au Roi ,
141. ArtSt du Confeil qui
ordonne une vidte dans
les deux maifons, 144.
ptefentent nouvelle requ4J
te au Roi pour la fuppref-
lion de P R- des Champs,
itx. obttennentun Arret
qui depouille leurs fcelirg
de lews bieas, iSj. ptc*
D E S M A
•ppoficion par leur Prieu-
re a la prife tie poileffion,
440. f\>nt figiiifiet aux Re-
ligieufes dc Paris un afte
en forme , porrant pro-
tefta.ion 8c oppofition a
tout ce qui s'etoit fait au
prejudice de leuis appels ,
44-;. 11 leur eft ordonni
par tin Arret du Confeil
de reconnoi.re l'Abbefl~e
de P. R. dc Paris, 44S.
elles abandorment toutes
les procedures pour ne
plus penfer qu'a fouftrir
en paix , 448. Arret du
Confeil qui ordonne leur
difperfion , 4(1. Lettres
de cachet pour les enle-
vtr , ibid. Lettre du Rol
A la Superieure du monaf-
tere oil on les envois ,
4?i. Lcttre du Secretaire
d'Etat a la meme Supe-
rieure , 4<;. Lettre du
meme ;i l'Eveque Dioce-
fain , 454. Memoire de
la maniere dont elles de-
voient etre traitees dans
leur captivite, 4^5. Elles
font juftifices par les re-
ponfes de leui'S ennemis,
459. on leur ilgnifie les
ordres du Roi; elles lej
feijoivent avec refpeft ,
4S7. elles livtent leurs pa-
piers au Commiifaire d6-
IegUe , 4S8. chantent
Tierces enfctnble pour la
derniefe fois , 4*9. on
leur notifie l'crrdre pour
leur difperfiort , 470. La
Prieure tcmoigne fa peine
fur deux chofes : elles ont
Un demi - quart d'heufe
pour fe preparer a partir,
ibid. Leut vettu & leur
tonftancc daus uue telle
-ocr page 566-
JG4                    T A
fentent requete a M. de
Noailles contt'elles, 171.
obtiennent fur requete un
Arret du Confeil, qui de-
boute de leur oppoiltion
les Relig. de P. R. des
Champs, i8f , 188. pre-
fentent requete a l'Archc-
Veque contre l'oppolition
des Relig. des Champs a
l'Ordonnance par defaut
du 9 mai, 18*. obtiennent
un defaut contre celles des
Champs, 197. font plai-
dcr leur caufe parM.Ni-
vel Ie jeune , 200 .. 104.
fe rejouiiTeat de la ruine
prechaine de leurs fceurs;
prefentent requete au Par-
lement pour demandet
l'enregiftiement de la Bul-
le & des Lettrespatentes
obtenues contre P. R. des
Champs, 54;. prefentent
requete a M. de Noailles
tendante a le fupplier d'e-
xecuter la Bulle a lui
adreilee contre P. R. des
Champs, 360. pourfui-
vent leurs intrigues con-
tre leurs fceurs, & leur
font iignifier la Bulie , les
Lettrespatentes & l'enre-
giftrement d'icelles , &c.
363. font affigner celles
des Champs pour proce-
der a l'execution de la
Bulle , 366. elics obtien-
nent deux Arrets du Par-
lemenr contre les appels
& oppolitions des Relig.
des Champs ,379. ptefen-
tent nouv. requete au Roi
contre celles des Champs,
418. prennent pofTeffion
de P. R. des Champs par
leur AbbeflTe , 419. ce qui
qui fe pafTa en cette OC-
calion, 430, Sec,
BLE
R
R
Ebergues, ( Antoi-
nette de Ste Chriftine de )
fa mort , 8j, 6c ibid,
note
43.
Remicourt , ( Anne-
Julie de Ste Synclctique
de) eft exilee a Rouen au
Prieure de Bellefond j
mauvais traitemens qu'el-
le y efliiie , f 11, See.
Robert , ( Marie de Ste
Euphrafie ) fon etat d'in-
firmite lots de la difper-
fion , fii. eft exilee a
Mantes, 514. examen de
fa pretendue fignatuie ,
V
V Alois, ( Marie de Ste
Gertrude du ) exilee a
Amiens, ^07.
VavafTeur, (Francoife-
Madeleine de Ste Ide le )
eft exilee a Nevers ; ca-
lomnies repandues contre
elles, 11 .transferee a Mou-
lins, fe foumet aux Bul-
ks d'innocent X , &c.
jii.
Vivant , ancien Cure
de Saint Leu , accepte la
commiffion dc proceder
contre P. R.*, 171, 174.
eft envoi'e a P. R. pour
y faite une viiite preten-
due paftorale, 107. refufe
d'en donner une carte ,
109 recoit une lettre ano-
nime fur fon acceptation
de la commiffion contre
P. R. , 563. fait fes in-
formations a Port-RoVal
de Paris, 368, vales fairs
-ocr page 567-
DES MATIERES-           jCj
a P. R. des Champs ,    ligieufes > 376.
jSj. Faux pliacipes de ce       Voilin , Confeillcr d'E-
Dotteur, 369, 570. don-    tat; fa vitite a P. R. or-
ne ade aux Religieafes de    donnee par le Roi en fon
Icur op^oiition a fa com-   Confeil, 144, 147 , &c.
million, 372. emend les   Aveu qui! fait fur la re»
Temoins allignes , 383.    folution de detrnire P. R.
fon cattetien avec les Re-    16c.
Fin de la Table des Matieres
de ce Folume.
-ocr page 568-
Fautesa corriger dans leneuviemc
Volume.
X Age 81 , ligne S , leur , lifi-{ leur|.
Pag. Si. ligne y , reduife , lifi-r fedmfe.
Pag. 91, not. col. 1 ligne 11, accuierei.t, fc/ij nfaCq
cufalTent.
Pag. i)o, nor. col. 1 , ligne 16 , Maill, lift\ Maille,.
lb. col. 1 , lig. 7 , Maill.fi/lj Maille.
Pag 147 , lig. y , crus, uft\ trues.
Pag, 151, lig. 10 , elles, lifey eile.
?*$■ i" j, dcrniere ligne , a l'Egliii , lifey : ainfi cetts
Lettre pad toute fa force par la paix rcndtn 4
I'Eglifc.
■*. !