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HiSTOIRE
GENERALE
■ ' D E * "
PORT-ROIAL.
-ocr page 2-
HISTOIRE
GE NERAL E
D E
PORT-RO I AL,
DEPUIS LA REFORME DE L'ABBAIE
jufqu'a fon entiere deftruftion.
TOME DIXIEME,
A AMSTERDAM,
Chei JEAN VANDUREN,
M. DCC. LVII.
-ocr page 3-
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL.
TROISIEME P2RTIE.
^■■■■■i—.■■! "■■i—i..............mm— —............m
LIVRE TROISIEME.
->>*<,
E s Religieufes de Port-Roi'al de
Fans qui avoient concouru avec ces i.
Reverends Peres a la deftru&ipn de de p AbbeTe
la fainte maifon des Champs, s'em-Pads fait
preflerent d'en recueillir des depouil- S^SS^
les plus folides. Madame de Chateau-
Renaud leur Abbeffe , fit d'abord ve-
nir a Paris , le 19 novembre, quaere
charretes chargees de livres, de ta-
Tome X.
                         A
-ocr page 4-
1       HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
1700. bleauoc, &c. par le fieur Defponty fon
homme d'affaires, a qui on remit ce
jour-la les cles de la maifon, en me-
me - tems que la Garnifon que M.
d'Argenfon y avoit mife en fortit.
ii.
            Le 17 du meme mois , la Dame
JILtn? Abbeffb vint elle-meme a P. R. des
lcffion de Champs prendrepoffemon de fon nou-
ch»mps. deS ve^ heritage , & en- faire tranfporter
les meubles-qu'eMe jugeroit a propos ,
& vendre le refte fur les lieux. Elle
etoit accompagnee de deux religieu-
fes ,..dont une etoit fa fceur , du Pere
Cyret de l'Oratoire fon confident &
fon premier homme d'affaires , & du
fieur Defponty. Elle prit fon loge-
nient, non dans la chambre de l'Ab-
beffe, mais hors de la cloture dans
1'appaTTement des femmes qui etoient
au-dehors. Le lendemain le Pere Cy~
ret "alia vifiter la maifon avec le fieur
Marquant, que M. d'Argenfon avoit
«tabli: gardien j & afin de rendre a
i'Abbefle la folitude moms ennui'eufe
pendant les trois femaines de fejour
qu'elle fitaPJL, il lui procura la com-
pagnie d'une Dame , qui s'etoit reti-
ree a quatre lieues de la.
Ttlnfport Madame lAbbeffe & fes deux re-
des effet de ligjeufes mangeoient avec cette Da-
cbampsiPa- aie ,, avec le Pare Cyret, 8c avec M,
IIS.
-ocr page 5-
III. P A R T I V. LlV. III.        3
la Londe Chapelain, qui fe retira peu ~~T-jqq.
apres, voiant le peu d'egards qu'on
avoir pour lui.
Pendant fan fejour , l'Abbefle fit
tranfporter dans fon monaftere de
Paris tons Ies meubles, les uftenfile*,
lesprovifions, les omemens , les vafes
d'Eglife.Centcinquante charettes fuffi-
rent a peine pour ce tranfport, fans
parler de ce qu'ellevendirfur leslieux.
Parmi ces effets il y- avoir de belles
tapifferies de haute-lifJe , dont Ma-
demoifelle de Vertus avoir rait pre-
fent a P. R. des Champs, pour fervir
a la proceffion du Saint Sacrement qui
fe faifoit rous les ans dans le cloitre
le jour de l'odtave.
II reftoit encore les reliqifes a tranf- iv.
porter. M. Poller depute pour faire dJ^^t
ce tranfport, vinta P. R. des Champs
avec deux litieres du Roi, dans lef-
quelles elles furent portees a Paris.
Apres les avoir depofees dans le cha-
pitre de P. R. de Paris. il fit un dif-
cours digne de lui, fur le refped avec
lequel ces religieufes devoient rece-
voir un depot fi precieux ; il preten-
dit que celles qui le pofledoienr au-
paravanr, s'etoient rendues indignes
par leur defobeifTance a l'Eglife de le
pofleder plus long-terns. «
Aij
-ocr page 6-
4       HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.'
Madame I'Abbefle , avant fon re >
tour, fie degrader plufieurs chofes en
divers endroits de la maifon ; ce qui
faifoit connoitre qu'elle comptoit peu
fur le bruit qui s'etoit repandu qu'on
alloit vendre P. R.de Paris , & qu'on
en tranfporteroit la communaute a
P. R. des Champs. On ajoutoit meme
que les Jefuites acheteroient la mai-
fon de Paris pour en faire un Semi-
naire. Mais Madame de Chateau-Re-
nauld & fes religieufes n'etoient pas
aflfez mortes 'au monde pour quitter
le fejour de Paris , & aller s'enfermer
dans un defert tel que celui de P. R.
des Champs. Quant au projet d'un
nouveau Seminaire en faveur des Je-
fuites , quoique M. de Noailles eut
fi bien fervi ces RR. Peres dans la
deftruition de P. R. des Champs , il
n'etoit cependant pas afTez leur ami
pour confentir a ce nouvel etabliflfe-
ment. D'ailleurs il y auroit eu des
obftacles de la part des autres Semi-
naires, & en particulier des Sulpi-
ciens , qui, dit-on , prenoient deja
l'allarme (i).
(i) Meffieurs de faint    de P. R. des Champs, en
Sulpice , & ce qu'on pre-    lui reprefentant que fi on
tend, optinrent par le    le laiflbit fubliiler, les
credit de Madame de    tems pouvant changer,
Maintenon la demolition   les Janfeniftes pourioient
-ocr page 7-
IH. Partie. Liv. III. 5
1710.
v.
les difficultes les eufTent obliges d'y confeil'd'E™
m
tat pour la
renoncer
on iugea que P. R. des
dellruaion
des
audi y revenir & retablir
leurseireurs. Mais feus ce
pretext? de religion , un
autre motif les faifoit a-
gir. lis faroient que les
Jefuites de/iroient depuis
long-tems d'avoir un Se-
miiuire i Paris, & Mef-
lieurs de faint Sulpice
ceoient bien peifuades que
(i jamais les Jefuites reuf-
fifloient dans leur projet,
il leur faudroit fermer le
Seminaire de faint Sul-
pice. Pour detourner le
coup, i!s emploi'erent le
credit de Madame de
Maintenon, en lui faifant
entendre que tant que les
batimens de P. R. des
Clumps fubfifteroient, il
reiteroit toujours uneidee
qui reveilleroit telle du
Jasifenifme. Cela fait
voir que ce n'eft pointaux
Jefuites qu'il faut attri-
buer la demolition des
batimens de P. R. des
Champs, non qu'ils n'en
fuffent capables , mais
parceque cela etoit con-
traire a letirs defieins 8c
A leurs interets. lis a-
voient l'ambition d'avoir
un Seminaire i Paris, &
la maifon de P. R. de
Paris leur eut fort conve-
nu, en en faifanc trans-
ferer les religieufes a P. R.
des Champs. De plus, ils
: prete en differeris 4^ P-
:s fommes confide- CharoPs
avoient
terns des (
rabies aux religieufes de
P. R. de Paris ; il eut
etenaturel de leur donner
pour paiement la maifon
qu'elles auroient quittec.
Auffi pourfuivirent - ils
alors leurrembourfemenr.
De tout cela , il faut con-
clure que les Jefuites ont
ete la dupe'des Sulpicicns.
Mademoifelle de Joncoux
contribua audi contrefon
intention , & la dcftrudtioil
de P. R. en vouiant le
conferver. Ai'ant appris
le deffein qu'alljient les
Jefuites de fe former a
Paris un Seminaire felon (
le plandont nous venons
de parler , elle crut ne
pouvoir y mettre un obf»
tacle plus invincible ,.
qu'en y intereilant Mef-
fieurs de faint Sulpice, qui
veutent bien quelque con-
formite avec les Jefuites
pour la doctrine , mais
point de concurrence pour
les Seminaires. On vit
dans cette occalion ce
qu'eft capable de faire V£-
mulation des Corps,
dont
le Pere Berruyer parle ft
favamment. T. ;.p. 515.
C'eft A cette emulation
qu'on peut attribuer la
deftru&ion dos batimens
de P. R. des Champs.
A iij
-ocr page 8-
6        HtSTGIkE M PoRT-RplAX.
Champs n'etoit plus bona, rien , & le
Confeil d'Etat donna le % i janv. 171 o
un Arret pour le demolir. Par-la on
executa a la lettre ce que Clement XI
avoit ordonne par la Bulle de fup-
preffion de cette Abba'ie j Penitus
evellatur ac eradicetur 3
qu'il foit en-
tierement detruit & deracine.
I -a raifon que rend 1' Arret du Co n-
feil pour la demolition de ce nio-
naftere, eft que l'entretien & repa-
ration des batirnens oecauonneroient
trop de depenfe I P. R. de Paris, &
que la vente des matetiaux pourroit
fcurnir de quoi rembourfer les crean-
ciers. Sa Majefte declare dans lArret,
dont el'le commet 1'execution a M.
d'Argenfon , qu'elle veut que ce qui
fera ordonne par ledit fieur d'Argen-
fon pour 1'execution du prefent Arret
foit poncluellement execute , nonobf-
tant toute oppofition. Gonformement
a cet Arret, M. d'Argenfon donna le*.
8 fevrierune ordonnance , pour etre
precede devant lui le jpremier Mars,
en fon Hotel lis cul-de-fac de la
vieille rue du Temple , a la publica-
tion & reception des encheres des ma-
teriaux du monaftere de P. R- des
Champs. Cette demolition , fuivant
le projet de M. le Lieutenant de Po*.
-ocr page 9-
IH. Parti*. Lk>. It J. y
lice , devoir etre achevee en moins 1710.
de fix mois, a compter du premier
Mars j toutefois die dura plus d'un
an , parcequ'on eut de la peine a
trouver des adjudicatakes.
Avant la demolition de P. R. M. _. vr- ,
i»»           r                                           u 1 Eftampes de
u Argenion aiant appris que Magde- p. r. failles.
leine Hortemels, fille d'un Librake
de ce nom, avoit grave en taille-
tlouce en fix petites eftampes l'Eglife
de cette Abbai'e, le chceur des reli-
gieufes, le Chapitre , les Cloitres_, le
Refe&oke, & une vue «de tou-s les
batimens enfemble , envoi'a faifir
toutes ces eftampes avec les planches.
La mere de cette fille en aiant porte
fes plaintes au Magiftrat, iUluidk,
que Sa Majefte aiant ordonne la de-
molition de ce monaftere , on ne de-
voit pas le reprefenter en eftampes.
Cependant il les fit rendre quelque
terns apres a Magdeleine Hortemels ,
& lui fit meme donner quelque chofe
pour la dedommager de la perte qu'on
lui avoit pu earner en les lui enle-
vant.
Pour revenk a la demolition, quoi-
que l'Eglife ne fur point comprife
dans 1'Arret, ou plutot, quoiqu'elle
femblat avoir ere exceptee par la
claufequi referve un batiment pour
A iiij
-ocr page 10-
HlSTOIRI DE PoRT-ROlAt.
1710. leChapelain pour deffervir I'Eglife on
Chapelle,
neanmoins on prit auffi la
refolution de l'abattre (2). Cette re-
folution fut apparemment prife dans
le meme terns que, par un attentat
contre l'humanite meme , & par un
outrage fait au faint Efprit, on for-
ma le deiTein de detruire les cimetie-
res & d'exhumer les faints corps dans
lefquels il avoit habite, afin de ren-
dre la totalite de ce lieu prophane ,
& d'oter l'idee qu'il y etit jamais eu la
un monaftere.
vn- . La fureur des ennemis de P. R.
trs ennemis ,,                                     r . r
de p. r. ob- n etant pas encore iatisraite par tout
tiennent un
ce qu'ils avoient fait jufqu'ici, foit
Hiiumc/Tei en faifant enlever les religieufes , foit
«orps.
         en 0btenant un Arret pour la demo-
lition des batimens; ils en follicite-
rent & obtinrent encore un autre
dans la meme annee, pour exhumer
& deterrer tous les corps qui repo-
foient dans les cimetieres tant dude-
dans que du dehors , & les tranfpor-
ter a faint Lambert petite Paroifle
pres de P. R. Non contens d'avoir
devore Jacob, ils remplirent de de-
folation le lieu de fa demeure (3). Sur
(1) Les batimens tant    fut demolie qu'en 1711.
' interieurs qu'exterieurs (3) Comedecunt Jacob,
furent detruits en 1710 8c    & locum ejus defolave-
J711, mais I'Eglife ne   turn. Pf7«.
-ocr page 11-
III. P A R T I E. L'lV. III.       9_______
quel pretexte les ennemis de P. R. 1719.
purent-ils furprendre un ordre du
Roi j pour faire une execution fi bar-
bare , fi oppofee a l'humanite , fi con-
traire aux loix les plus facrees de la
nature & refpeclrees des nations mems
les plus barbares, parmi lefquelles on
regarde les lepulcres, comme quel-
que chofe d'inviolable , & ceux qui
les violent & les degradent, comme
des gens qui ont depouille tout fen-
timent d'humanite ? fur quel pretex-
te , dis-je , les ennemis d^e P. R. ont-
ils pu folliciter un tel Arret ? c'eft ce
que nous ignorons. Mais ce que nous
iavons, c'eft qu'on ne trouvera dans
aucune hiitoire l'exemple d'une ac-
tion audi barbare, fi ce n'efl^dans le
Roi'aume de Maroc (4); & nous leur
faifons hardiment le defi de citer
aucun Tyran , aucun General d'une
(4) Les corps des Chre-
tiens furcnt traites de la
meme fa^on par Mouley
Ifmael Roi de Maroc &
de Fez. Le P. Dominique
Bufnor Trinitaire, rap-
potre ce qui fuit, dans
I'hiftoire du regne de ce
Prince, imprimei a Rouen
chez Guiliaume Behourt
eni7i4,p. i<s8 , chap. 6.
s> Enfin, lsur patience
» (des efclaves Chretiens)
3> fut encore ces derniereS
a? annees exercees par le
3> deffein que le Roi fe
» mit en rete de joindre
» le cimetiere des chte-
» tiens a fes jardins. Cat
3i fa loi lui faifant regar-
» der cette terre cornme
» prophane, il la fit creu-
3) fer a la profondeur de
» plus de fix pies, 8f
Ay
L
-ocr page 12-
10 HlSTOIRE DE PoRT-Roi'Al.
1710. armee victorieufe , qui ait ufe des.
droits de fa vi&oire & porte la ven-
geance & la fureur jufqu'a faire ex-
humer des corps morts. Apres tout,
qu'il foil permis de le dire, cette
execution qui revoke la nature , ne
doit point nous fnrprendre , en la
confiderant du cote des ennemis de
P. R. des Champs. Devons-nous en
efFet etre furpris , que de nouveaux
Apotres , qui rendent des honneurs
divins aux cendres des impies, vio-
lent & prophanent celles des Saints ?
JL               M.
Pouvons - nous nous attendre que
celui qui rend a Confucius le culte
qui n'eft du qu'a Dieu, refpectera des
corps qui pendant leur vie ont ete
les temples du faint Efprit? Pelage
refpe&era-t-il les cendres d'Auguftin?
Les corrupteurs de la morale chre-
tienne refpederont-ils les oiTemens
de ces Dodteurs celebres , qui les ont
confondus parleuts admirables ecrits?
Hefpe&eront-ils les tombeaux de ces
vierges chretiennes , qui condam-
noient la corruption de leur do&rine
par la purete de leur vie; & qui ,
55  tranfporter toute la     => qui ne dura que neuf
»  terre jufqu'i troii   :> jours, il y en eut cin-
»  quarts de lieue loin.    » quante qui'inoururent
*>  De cinq miiie efclares    » de l'mfectron Hes corps
»  emploies & ce trayail    » nouyelleraeut enterics.
-ocr page 13-
III. Partie. Liv. Ill- 11
tomme Mo'ife, levoient les mains au
ciel, pendant que les Arnaulds , les
Pafcals, les Nicoles } combattoient
ces ennemis de Dieu ?
1710.
Quoique 1'Arret pour l'exhumation
VIII.
M. de Pom.
des corps rut obtenu des 1 an 171 o , p0Jine „(,.
il ne fut execute que dans les mois de t'ent F"^'
novembre &c de decembre de l'annee tranfpouer
fuivante , apparemment parcequ'on lesf5°^se de
vouloit achever auparavant la demo^
lition des batimens, & attendre llhir
•ver. Pendant cet intervalle quelques^
unes des families de ceux qui avoient
des parens enterres aP. R. penferen-t
a en mettre les corps a l'abri de la
tempete qui les menacoit. M. le Mar-
quis de Pomponne fit presenter un
placet au Roi par fon Eminence Moa.-
-feigneur le Cardinal de Noailles, par
lequel il demandoit la permiffion de
faire tranfporter les corps .de {es .pau-
rens, qui etoient a P. R. des Champs,
dans l'Eglife de faint Mederic a Pa-
ris , ou etoit la fepulture de fes an-
cetres, ou dans celle de Pomponne-
On choifit ce dernier lieu preferable-
ment au premier , par la crainteque
l'on eut que cette tranflation n'excitat
quelque murmure , fi les corps euffent
cte apportes a Paris dans l'Eglife de
faint Mederic. Cefutauifi pour cette
A vj
-ocr page 14-
I 2. HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
raifon que Sa Majefte eut de la peine
a accorder cette permifllon, & elle
recommanda que tout fe fit de nuit.
M. de Noailles en declarant k. per-
miflion , recommanda la meme cho-
fe (5). On lit dans un Memoire ma-
nufcrit, que M. de Pomponne avoit
ajoute dans fon placet, pour un des
motifs de fa demande , " qu'il defiroit
» tranfporter les corps de fes parens,
« afin que fa pofterite perdit la me-
» 'moire (6) qu'ils avoient ete enter-
*> res dans un lieu, qui avoit eu le
« malheur de deplaire a Sa Majefte «•.
Ces paroles ( fi elles font reelles) font
bien dignes d'un courtifan, mais en
meme-tems bien indignes d'un petit
neveu du grand Arnauld, & d'un
petit-fils du celebre Arnauld d'An-
dilli. M. de Pomponne auroit mieux
fait de laifTer les corps de fes illuftres
pout leut confolation.
(6) La mott enlevaife
jeune Comte de Pompon-
ne filFainedece Marquis
le 17 juillet 1711 a 1'age
de 14 ou 1 f ans. Le Che>
valier de Pomponne ,
l'unique fils qui lui refloir,
mouruti l'age de 10 ans
le 11 avril 1715. Ainfi
toute la pofteritl de M.
de Pomponne a ete tedui-
te a unefeulefille.
(5) Cette ptecaution
etoit fage j cat celui qui
eut ordte ties les faire ex-
humet pout les tranfpor-
*et , a dit qu'il autoit eu
de la peine a l'executer, fi
les PaiTans des environs ,
& fur-tout les Pauvtes,
en avoient ete infotmes.
Ces bonnes gens ctioient
fans ce(Te qu'ils n'avoient
plus que ces ptecieufes
mines , & les reliques
qu'elles renfeirnoient ,
-ocr page 15-
HI. Par tie. Ltv. Ill- x?
parens dans le lieu ou ils repofoient, 1710.
que de demander la permiffion de les
tranfporter ailleurs &de l'obtenirpar
une fi lache rlatterie, & fi indigne
de fon nom. On lit dans le meine t-<
Memoire que M. de Noailles en lifant
cet article, fe mit a fourire 8c dit *
que cet endroit etoit bien imagine ,
que c'etoit un bon moien pour reuffir
8c obtenir la grace qu'il demandoir.
Les reliques precieufes que M. de rx.
Pomponne obtint permiffion de tranf- desT™^H
porter a Palaifeau, pour y etre en Atnauids 4
depot, jufqu'a ce qu'on put leur pre- Palaifeau*
parer une fepulture a Pomponne ,
etoient fix corps 8c trois cceurs des
Arnaulds.
i°. Le corps de la mer«*Agnes
morte le 19 fevrier i6jr.
iQ. De la mere Angelique de Sr
Jean fa niece , fille de M. d'Andilli,
morte le 19 Janvier 1684.
5°. De M. Robert Arnauld d'An-
dilli , mort le 2.7 feptembre 1674.
4Q. De M. Charles Arnauld de
Luzanci fon fils, mort le 1 o fevrier
1684.
50. De Demoifelle Catherine An-
gelique Arnauld agee de trois mois ,
morte le navril 1676, elle etoit fille
deM. de Pomponne & de Dame Ca-
therine l'Avocat,
-ocr page 16-
14 HISTOIRE DE PoRT-ROlAl.
6°. De Demoiselle Anne Conftan-
ce Simone, morte le 29 avril 1695 *
agee de cinq mois; elle etoit fille
de M. de Pomponne & de Dame
Conilance de Harville de Pataifeau.
7°. Lecoeur de la mere Angelique
reformatrice de P. R. morte le 6 aout
i66t.
8°. Le caeur de M. Arnauld le
Do6beur, mort le 8 aout 1694.
9°. Le cceur de Demoifelle Marie
Emmanuel fille de M. de Pomponne,
morte agee de 2 5 ans , le 14 feptem-
bre 168 6.
Ces precieufes reliques furent
tranfportees de P. R. des Champs a
Palaifeau (7) la nuit du 13 au 14 fep-
tembre 1710 pour y etre en depot.
(7) Outre Ies corps qui    Maitre, morte le zi jan-
furent tranfportes a Pa-    vierifiji.
kifeau , il en refta encore        30. Celui de la fceur
plufieurs a Port-roial des    Anne-Marie de Sainte
Champs de la famille des    Eugenie Arnauld d'Andil-
Arnaulds , n'etant pas    li, morte le 7 oclobre
pfflibledelesdemelerpar-    zSfio.
mi ceux avec lefquels ils        40. Celui de la fceur
etoient confondus dans    Charlotte de Sainte Claire
ie Cimetiere. Ces corps    Arnauld d'Andilli, morte
font:                                     Iej feptembre 1678.
1". Celui de la fceur        f". Celui de la fceur
Catherine de Sre Chriftine    Marie Aiigelkjue de Sainre
Arnauld, morte Ie 3 fe-    Therefe Arnauld d'An-
vrier 1649.                           dilli, la'derniere des re-
i°. Celui de la fceur    ligicufes de ce nom, morte
Catherine Angeliquede    le 8 Janvier 170c
iaiat-Jean Arnauld , le
-ocr page 17-
III. Part i«. Liv. III. ij
Qtunze ans apres, elles onr ere in- 1710*
humees
dans cette meme Eglife, le
•3 o feprembre 1715.
Pour ne pas feparer ces precieux Inhuxmatioir
reftes de la morralire de ranr dnluf- de ces pre-
tres perfonnes, on avoir prepare une p^TesaPa.
grande bierre de bois de chene parta- laifeau.
gee en fix efpaces pour les fix corps.
Dans chaque efpace on avoir cloue
un morceau de parchemin fur le- A
quel etoir ecrit ce qui y etoir renferme.
Les trois boites, qui conrenoienr les
cceurs de la mere Angelique , de M.
Arnauld , & de Maderhoifelle de
Pomponne furenr mis dans cecre bier-
re , que Ton defcendit dans une fofle
faite dans la Chapelle fourerraine. Au-
dellhs de la fepulture , on arracha au
mur une «pitaphe ., dans laquelle eft
detaille ronr ce que la bierre renfer-
me. Ce fur M. le Blanc , Miniftre de
la guerre , qui Anna occafion a certe
inhumation. Se rrouvanr un jour a ,
Palaifeau , & ai'anr vu ces corps qui
n'etoient que fuE des <treraux dans la
chapelle fouretraine ou ils eroienr en
depot, ilfit remarquer a M. de Pom-
ponne , qu'ils couroient rifque d'etre
difperfes ou meme prophanes par quel-
que Cure, qui auroit des fentimens
differ ens de ceux qu'avoit M. Aucler,
-ocr page 18-
\6 HlSTOlRE DE PORT-ROlAt,"
j 710. qui l'etoit pour lors. II ajouta qu'il
feroit plus fage de mettre ces corps
& ces cceurs en furete ; que la Cha-
pelle fouterraine ou ils etoient en
depot j prefentoit une fepulture toute
naturelle. M. de Pomponne fuivit un
avis fi fage , & chargea M. le Cure de
Palaifeau au mois d'aout 1725 de
Fexecution. Ce qu'il fit (8).
xi.
           L'acle d'inhumation eft ainfi concju:
rinhumade " Le 3 ° feptembre 1715 , a la requi-
uon.
          fuion de Monfeigneur le Marquis
» de Pomponne & de Palaifeau, ont
» etc inhumes dans la Chapelle bafle
» de ce lieu , apres quinze annees de
m depot depuis leur exhumation &
» tranfport fait le 14 feptembre 17 i 0
».- du monaftere de P. R. des Champs,
» fi celebre dans l'Eglife par la pietd
» eclairee & edifiante des religieufes
« & des folitaires qui s'y etoient re-
s' tires, detruit cepfendant en ladite
» annee 171 o, les corps &c. L'inhu-
» mation faite en prefence de M. Jac~
» ques Loyfeleur , Pretre , Vicaire de
» cette Paroifle; de M. Remi Loulie,
(8) Vo'i'ez la ceremonie    de quatorze Ecclefiaftj-
de ['inhumation dans le    ques , trois Laics, une
Supplement auNecrologe    Dame 8c quatre Demoi-
de P. R. p. 108 , le dif-    felles, qui etoient prefens
ccurs que le P. d'Albizi    a cette pieufe cerenionie*
Dominicain prononca en    Voiez les Mem. hift, T,
cette occafion enpiefeace    6.p. i8s.Sc Aiiv#
-ocr page 19-
111. P A R T I E. LlV. III. I 7
« Pretre, Chapelain tjtulaire en la- 1710.
» dice Eglife , & de M. Andre-Jofeph
» Berthin, bourgeois de Paris, foulll-
» gnes. Signe , Loyfeleur , R. Loulie,
» & Sieur Aucler , Cure de Palai-
» feau (9).________
L'exhumation des autres corps qui 1711.
etoient a P. R. commenca fur la fin 3II-
, ,,        ,                ~           3 .               ,        Tranfport
de 1 annee 1711. Un porta le coeur de des autres
corps en dif-
,, .                       fercnA en-;
011 on 1 avoir vu eni7io j,.0;ts
8c 1715. Cetce translation
qui fur fake par les foins
& le.zele d'un Gentil-
homme pleinde religion ,
ell conftatee par deuxac-
tesauchentiqucs fignts de
huit perfonnes qui y a-
voienr afliite. L'un de ces
acres fut depofe chez les
Notaires. L'autre refta
entre les mains de celui
qui fit faire cettt rranfla-
rion. Le certificar porre ,
que par refpect pour Us
mefures que nous venons
de rapporrer, pour mettre
ces temples du S. Efprit
a l'abri de la profanation,
en fir prendre de nouvelles
en 1748 , pour lesdefen-
drc plus long-tems contre
la corruption. Le Samedi
10 juillet de cette annee ,
on les tira de la bierre
de chene , pour les mer-
tre dans nne auge de pier-
re , qu'on fubftitua a la
bierre qui fe rrouva pref- faintes reliques de P. R,
que totalement pourrie. 33 enfermees dans la Cha-
Les olfemens de chagurff33 pelle baffe de Palai-
corps furent d'abord mis 33 feau , 8c pour la con-
dans des boeres deplonb, 33 fervation d'icelles , lef-
que Ton avoir prepared , ;> dites reliques aiant etc
8c enfuite depofees dans
1'auge de pierre , dansle
meme ordre ouils etoient
dans la bierre de chene .
8c on fit attacher a cha-
que boete une plaque de
cuivre rouge , fur laquelle
etoit grave de qui etoit oil
les oltemens , ou le cceur.
Celui de M. Arnauld fc
wouvadans le memeetat
» tirees de la caiiTe 8c
33 grande botte de bois
3> prefque pourrie oii
aj elles etoient depofees,
33 ont ete remifes dans le
33 meme ordre , 8c en ob-
33 fervant les memes nu-
33 meros dans les boires
33 de plomb , chargees
33 chacune d'une etiquet-
j) tedecuivie,8ic.
-ocr page 20-
I 8 HlSTOtRE DE PoRT-ROlAt; ""
Madame la Ducheflfe de Longueville
a S. Jacques du haut-pas: les entrail-
les de Madame la PrincefTe de Conri
(Martinozzi) a Saint Andre des Arcs:
le corps de Mademoifelle de Vertus
a Malnoue.
Les corps de Monfieur le Mai-
tre, de Monfieur de Saci fon frere,
',e du celebre Racine a S. Etienne du
Mont. Le z decembre , par les foins de
Mademoifelle Iflali (io), qui en ob-
tint la permiffion, & condition que
ces tranfpom fe feroient de nuit &
fans eclat, Le corps de M. le Maitre,
& celui de M. de Saci qu'on allure
s'etre trouve entier , furent inhumes
a 11 heures du foir dans la cave de la
Chapel le de S. Jean-Bap tifte •, & celui
de M. Racine pres de M. Pafcal. II
n'eft point fait mention dans 1'acte
do) Suzanne Fran;oife   jcette Demoifelleen 171?,
IfTali , foicee de fortir du    elle porta tout le poids de
noviciat de P. R. des    la follicitude pour ces
Champs en 1679 , quoi-    faintes filles, & pour ceux
qu'elle fut admife pour    qui foutfroient pour la
recevoir inceflamment    verite. Vivant en reiigieu-
l'habit,&queM.deHarlai    fe de P. R. au milieu du
y eut confenti lui meme ,    monde , elle en conferva
conferva dans le monde    non- feulemcnt l'efprit,
l'efpritdecette fainte mai-    mais elle en pratiqua les
fon. Unie avec Mademoi-    aufterites, meme pout le
lelle de Joncoux , elle    coucher, la nourriture,
partagea avec ellelefoin    &c. Elle mourut le 1 jan-
des exiles , & particulie-    vier 17x7 , & fut enter-
rement des religieufes de    ree & faint Etienne du
P. R. des Champs. Reftee    Mont, oii eft la fepuktue
fculc, apres la molt de    de fafamille.
-ocr page 21-
III. P A B. T I E. B.V. HI. if _______
de tranfport, du ereur de M. Mali , 1711,
qu'on ne put fans doute decouvrir j
ndn plits que du corps de M. de Se-
ricourt, qui vraifemblablement eft ref-
te , ainfi que plufieurs autres, ( c'eft-
a-dire, tous ceux qui on.tete enterres
avant qu'on eut renauffe le fol de l'E-
elife de huit pieds ), fous les ruines
de certe fainte maifon.
Ce n'eft point ici une conjecture ^\tM
hafardee fans fondement. II paroit beaucoup &
conftant que tous les corps inhumes '^'J™'"
avant Pan 16 51 que Ton rehaufla. 1'E-K.deichstmpf
glife , repofent encore en ce lieu \
1 *. parceque de tous ceux qui ont ete
exhumes, il n'y en a aucun qui foit
de perfonne morte avant cette epo-
que. i°. Parceque pour exhumer les
coxps des perfonnes mortes avant
\.6 5 2 , comme celui de Madame de
Luynes morte en 1651 , de M. de Se-
ricourt mort en 16j o, &c. il auroit
faDu creufer la terre a dix ou douze
pieds deprofondeur, ce qu'on ne prit
pas la peine defaire. Mais une preuve
conv.aincante que tous les corps ne
furent pas exhumes , & par confe-
quent qu'il en refte encore , c'eft que
la fieche du cloeher en tombant vers
la fin de l'annee ,1712 fur le cimetiere
du dehors en decouvrit un qu'uij ov±-
-ocr page 22-
2"0 HlSTOIRE DE PoRT-Roi'At.
iii.             i ... ..
1711. vrier fit voir a une perfonne, de qui
on a appris ce fair. Le coeur de M.
le Tourneux fur rerire par un pieux
Fxclefialtique (M. Vion Diacre de
Rouen) qui en avoit, dir-on , obrenu
la permiffion.
Le corps de M. Guillaume du Gue,
fl celebre par fa penirence , fa charite
& fa faintete , confirmee par plufieurs
miracles eclatans , fut rraniporte la
nuit du 4 au 5 decembre a la Paroifie
de S. Jean des Troux, diftanre d'en-
viron deux lieues de P. R. ouil avoir
fait batir une Eglife qu'il fir eriger
en ParoiiTe. On tranlporta encore qua-
tre corps de fa famille : favoir, 1y.de
Dame Gabrielle Feydeau fon epoufe ,
morte le 10 juin 1648. 20. De De-
moifelle Gabrielle du Gue leur fille,
decedee le premier novembre 16,86.
30. De M. Bernard du Gue (deMe-
liclon) decede le 18 novembre 1681.
40. De Dame Madeleine - Elifabeth-
Fran^oife Charon Menars, epoufe de
M. Dreux Auguftin du Gue Bagnols,
Maitre des Requetes, decedee le 20
feptembre 1706.
Tranfport Lorfqu'on exhuma le corps de M.
w. CdepSBa- Guillaume du Gue, mort le 15 mai
gnois, pro- 1657, c'eft-a-dire , plus de 53 ans
digeartm. aUparavant fon cercueil s'etant un
-ocr page 23-
III. P A R T I E. LlV. III. 21
peu defloude par le pied , il en fortit
du fang jufqu'a la quantite d'une pin-
te. Deux chaiTeurs ,_que la curiofite
avoit attires a P. R. virent de leurs
yeux ce prodige & l'attefterent de vive
voix j une perfonne de probite a allu-
re par ecrit en avoir ete temoin. Enfin
les FofToyeurs eux-memes certiherent
ce fait. Le mane prodige fe renou-
vella a. Saint Jean des Troux. A peine
le corps de ce faint homme fut-il de-
pofe dans l'Eglife , que le fang coula
du cercueil fur le banc, qui en eft refte
tachc jufqu'a ce jour (i i). Le Cure de
Saint Jean des Troux ecrivit le jour
meme du tranfport a M. du Gue fils ,
Seigneur des Troux, & attefta dans fa
lettre fignee de cinq temoins oculai-
res , avoir vii dans la ParoifTe des
Troux fous le cercueil de M. Guillau-
me du Gue de Bagnols, & fur le banc
fur lequel fon cercueil fut pofe , la
quantite de demi-feptier, mefure de
Paris, de fang aufli vermeil & liquide
qu'un fang recemment tire des veines
d'un homme vivant, fans aucune mau-
vaife odeur. M. Audiger (c'eft le nom
(u)M. le Cure de S.    ere, il nous monrra le
Jean des Troux nous a    banc encore reint du fang
taconte a nous-memes    fortiducercueildeM.de
cctte merveille, l'an 1747,    Bagnols,
& pour nous en convain-
-ocr page 24-
21 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
77" tlu Cure des Troux) ai'ant eu la cu-
riofite de lever le plomb du cercueil
pour voir le corps, il reconnut auffi-
tot M. de Bagnols , dont il avoit vu
fouvent le portrait dans une falle par-
mi ceux de fa famille. Les autres per-
fonnes le reconnurent egalement, fur-
tout a fes cheveux. Son corps fe trouva
fain , & tel qu'il pouvoit etre en 16 5 7.
On mit ce precieux depot avec les au-
tres corps dans une fofTe qu'on avoit
fait creufer fous le degre du maitre
autel. Us y refterent jufqu'en 1735
que M. Dreux Auguftin du Gue Ba-
gnols , petit-fils de M. de Bagnols,
ies en fit tirer pour les mettre dans
un caveau qu'il avoit fait conftruire
pour fervir de fepulture a fa famille.
Le corps de M. de Bagnols fe trouva
encore alors fain & entier; & on vit
encore couler une liqueur fanguiue ,
qui rendoit ainfi que le corps une
odeur agreable. Quelques perfonnes
mirent meme des vafes fous le corps
pout recueillir de ee fang. Enfin ea
17 5 z , lorfqu'on defcendit dans le ca-
veau le corps de M. Dreux Auguftin
du Gue , qui avoit demande a etre
mis aupres de fon faint ai'eul, quel-
ques perfonnes qui y entrerent mal-
gre les precautions qu'avoit prifes M.
-ocr page 25-
III. Partie. Liv. III. ij
Midorge pour en empecher, trduve- 17 j j.
rent le corps dans le meme etat oii il
etoit en 173 5 , fain , entier , exhalant
une odeur agreable , &la liqueur cou-
loit encore.
L'Eglife de Magni-Leflarr poftede XIV-
0            i- J ' I 1 J           r ■ r         Tranfport
une pame conhderable des precieuies de piufeurs
depouilles de P. R. qui y furent portees cotPs , &
, 1                   111                     c cceurs a Mi-
les 16 & 17 de decembre 1711 , la- gni,
voir, quaere corps, feize cceurs enfer-
mes dans des boices de plomb • &:
deux autres boites qui paroifloient
renfermer des entrailles.
Les quatre corps, font: 1 °. le corps
de M. Grenet, Cure de Saint Benoit
& Superieur de P. R. zu. Le corps de
M. de la Potherie , qui avoir donne
aux religieufes la Sainte Epine, qui
fut Pinftrument de tant de merveil- '
les. Ces deux corps font enterres dans
Paile de la Chapelle de la Vierge, &c
fur leurs tombes font gravees des bier-
res. -5°. Le corps de M. de Pontcha-
teau.4°.Celui du Chevalier deCoif-
lin fon neveu. Ces deux corps font
enterres pres Pun de Pautre devant
Pautel de la Vierge fous la totnbe qui
couvroit celui de M. de Pontchateau
a P. R. des Champs. Samain qui avoic
ete feparee de fon corps & mife dans
une boite, eft placee fous Pautel.
-ocr page 26-
14 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1711. Parmi les ccEurs, fept etoientavec
xv infcripcion , favoir ceux : i°. de M.
creurs avcc Akakia (du Pleffis) mort le 12 avril
brctiption. 170Sii,,DeM, Antoine Baudri de
Saint-Gilles d'AfTon , mort le 30 de-
cembre 1668. 30. De Catherine An-
gran , veuve de M. de Beliii, morte le
24 mai 1701. 4". De M. Francois
Bouilli, Chanoine , mort le 8 avril
1668 , dont le corps repofoit a. Ma-
gni. 5°. De Catherine Ricouard, veu-
ve de M. Benoife , morte le 17 mai
1699. 6", De la reverende mere Sui-
reau , dite la mere des Anges , Ab-
beffe de Maubuiflbn, puis de P. R.,
morte le 1 o decembre \6 5 8. 7^.De M.
Fr. Retard, Cure de Magni ou fon
corps repofe , mortle 30 mars 1663.
^ Cflcurs fans Les autres coeurs, au nombre de 9 ,
cnpuon. ^tojent fans inscription, de forte qu'on
ignore de qui ils font. L'Auteut des
Memoires hiftoriques de P. R. (u)
entre dans un grand detail fur ce fujet,
pour decouvrir dequi peuvent etre ces
cceurs. Ce qui augmente la difficulte,
eft que de vingt-neuf coeurs enterres a
P. R. depuis 1658, nous n'en voions
que vingt-deux qui aient ete retires
lors de l'exhumation j iavoir trois de
la famille des Arnauld j deux de Lon-
(11) T.7. p. 114. 8t Aiiv.
gueville,
-ocr page 27-
III. Par tie. Llv. III. 15
gueville , de la Duchefle & dir Due
fon fils; celui de M. le Tourneux;
& les feize de Magni. Ainu" en
voila fept qui manquent, foit qu'ils
foient reftes fous les mines de P. R. ,
foit qu'ils aient ete enleves furtive-
ment, ce quine permet pas de desi-
gner quels font les neuf caeurs fans
infeription tranfportes a Magni. Mal-
gre cette difficulte , on peut croire
avec l'Auteur des Memoires , qu'ils
font certainement de quelques - unes
des perfonnes qui fuivent. i°. D'ln-
nocent Fai, dont les religieufes vou-
lurent avoir le coeur dans 1'interieur
de leur Eglife. i°. De Pierre Benoife,
Confeiller au Grand Confeil, mort le
11 avril KJ99. 30. De M. Singlin,
mort le 17 avril 1664.. 40. De M.
Hillerin, Cure de Saint Merri, mort
le 14 avril \66<). 50. De M. Guil-
laume Thierfault , petit - fils de M.
Angran deBelifi , mortle 7 juin 167 5.
6°. De M. de Pontchateau, mort le
Z7 juin 1(390. 70. De Jeanne Bernar-
dot, morte le 14juillet 1684* S°.De
Madeleine Potier de Buzenval, morte
le 30 juillet 1671. 90. De Jean Mali,
Avocat au Parlement, mort le 3 o juil-
let 1707. io°. De Charles Benoife,
Confeiller Clerc au Parlement, more
Tome X,                        B
-ocr page 28-
X6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
le 4 novembre 166 j. 119. De Pierre-
Thomas du FoiTe , mort le 4 novem-
bre 1698. i2°. De Jeanne Brigalier,
epoufe de M. Couturier, morte le 13
mars 1685. 13°. De Chriftophe le
Couturier , mort le 31 mars 1685.
14°. De Pierre le Couturier, mortle
13 decembre 168 5. 15 °. De Sufanne
Angelique Bignon , morte le xz de-
cembre 1680.
Les 16 cceurs transferes a Magni
font inhumes dans l'aile de la Chapelle
de la Vierge , couverts chacun d'une
pierre fur laquelle eft grave un ccEur,
afinqu'on lesdiftingue(i 3) d'un nom-
(ij) tes tombes fu- rens autres endroics , dans
rent Vendues coramc le des mailons bourgeoifes ,
tefte des materiaux & dif- & jufqucs dans des caba-
"perfees decote 6c d'autte. retsde Tiape, village dif-
II y en a beaacoup dans tant d'une lieue de Vet»
FFglife de Magni{*). Mais failles,
il s'en trouve dans dlffe-
(*) i. Celle de M. deTontchateau.
2.  Celle de M. le Charron d'Epinoy.
3.  Celle, a ce qu'on croit, de M. Arnauld le
Pere.
4.   Celle du cceur de. Catherine Angran, femme de
Barthelemi de Belifi. *
7- Celle du coeur de Catherine Maflon , veuve
d'Edouard Olier.
6.   Celle du cceur de M. Hillerin Cute de faint
Mederic.
7.  Cel!e du cceut deFraneoisEouilli, Fretre.
8.   Celle du chceur de la mete Magdeleinede Ligni
Abbelle de P. R.
9.   Celle du cceut de la mere Sainte-Thecle Racir.e,
Abbeffe.
jo. Celle du cceut de FtansRis Retard Cure &<:
Magnj.
-ocr page 29-
III. Pariie. Llv. III. x-j
bre d'autres tombesdeP.R.quifurent I7II<
achetees lors de la demolition & for-
ment aujourd'hui le fol de l'Eglife,
& de quelques folitaires ou domefti-
ques de P. R. qui furent enrerres a
Magni pendant la grande perfecution.
Outre les quatre corps & les feize
coeurs, on porta encore a Magni deux
boe'tes ou barils qui renferment les
entrailles d Alexandre de Bournon- *
ville , mort le 8 mars 1684 , & celles
du Comte de Henin fon frere , mort
le 1 8 aoiit 1687.
M. de Vaucocourt, Cure de Magni,
Pafteur zele , recommandable par fes
lumieres, fa naiflance & fa piete , a
donne, a tous ces precieux reftes de
P. R. une fepulture convenable dans
l'aile de la Chapelle de la Vierge, ,
lorfqu'il a fait reparer fon Eglife j &c
a par-la repare l'outrage qui leur avoit
etc fait par fon predeceifeur dans le
proces verbal du tranfport (14).
Lesautres corps demeurerent con- xvr.
fondus & meles enfemble. C'etoient &* "tuTes
corps.
(14) M. Davril frere    jjiftresdela Paroifle, fut
d'un t'ameux Jefuire , Cu-    i'ur le point dc le dechirer
ix de Magni lots du tranf-    dans le premier mouve-
port, en drefla un adte f\    ment.fi M. de Vaucocourc
plein de foreur, que M.    ne l'avoitarrete , en lui
Goulard grand Vicaire de    reptefentant fagement les
M. de Noailles, l'a'iant    confequences d'une telle
vu en examinam les re-    demarche.
B ii
-ocr page 30-
28 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
i j 11. les corps d'un grand nombre de Pre-
tres , de Solitaires, de Vierges chre-
tiennes, dont la vie pourroit remplir
dignement les Annales de l'Eglife ;
fans compter plufieurs Domeftiques ,
dont la vie n'a pas ete moins fainte
& moins edifiante que celle des Soli-
taires. On peut juger de la quantite
des corps qui etoient enterres a P. R.
des Champs, par le Necrologe impri-
me a Amfterdam, quoique tous n'y
foientpas, a beaucoup pres , detail-
les, & par le fupplement qui ne fup-
plee pas la moitie de ceux qui font
omis dans le Necrologe.Tous ces corps
etoient enterres en quatre ou cinq en-
droits dirTerens • les uns dans l'Eglife
interieure , les autres dans l'Eglife
exterieure hors la cloture , d'autres
fous le cloitre; la plupart l'eroient
dans le preau de ce meme cloitre.
M. le Cardinal de Noailles avoit
charge un Pretre de faint Nicolas
nomme le Doux, de veiller a ce que
l'exhumation fe fit avec quelque or-
dre & quelque decence. Mais outre
qu'un Pretre feul ne pouvoit fufKre a.
tout, fa prefence n'etoit gueres ca-
pable de faire impreffion fur des ou-
vriers , qui n'etoient en etat d'ecouter
M h raifon , ni la nature a caufeds
-ocr page 31-
'
III. Par-tie. Liv. HI. 19
I'exces du vin qu'ils prenoient. pour 1711.
travailler a un pareil ouvrage.
On a fu quelques circonftances de
cette etrange expedition par unelettre
dont on conferve l'original, qui fut
ecrite alors par un temoin oculaire.
II n'eft pas difficile de fe reprefenter
tout ce qu'on y rapporte de ce fpecta-
cle d'horreur : Des corps que Von tire
de terre, les wis entlerement confumes^
*
les autres demipourris , les autres dans
leur entier, & tout cela confondu pile
mele en un gros monceau 3 dans Ven-
droit oh etoit le chapitre
j pour etre
enfuite tranjportes ailleurs avec des
charettes ; les Fojjb'ieurs qui ne pren-
nent pas la peine de lever un corps en-
tier
, quand Us le trouvent 3 mais qui
le hachent a coups de beche.
Deux ChafTeurs qui etoient aux en- xvn.
viions de 1J. R. s etant detournes pour i-exhuma-
aller voir en quel etat etoient les cho- tion- Q^1
fes, eurent la curiofite d'entrer dans tojt.ac e
l'Eglife , ouils virent tirer de terre un
corps aum* entier que s'il venoit d'y
etre mis. »II etoit revetu d'une foutane
» & d'un furplis, & tenoit entre fes
» mains une petite croix de bois. Les
» travailleurs le depouillerent 8c le
» trainerent par les pieds le long de
?> l'Eglife julqu'au chapitre j la avec
B iij
-ocr page 32-
JO HlSTOIRE 0E PoRT-ROIAL.
» des pioches & de femblables 011-
n tils , ils mirent en pieces ce corps
» que la more meme avoi t refpecte ,
» & des chiens en mangerent les en-
w trailles. Les Chafleurs apres avoir
» chafle les chiens , Torment faifis
» d'indignation & d'horreur d'un tel
" fpe&acle , & l'un d'enx conferva la
■» croix que Ton avoir trouvee entre
•» les mains de ce faint Ecclefiafli-
« que «. M. Blondel rapportant ce
fait dans fon Supplement manufcrit
au Necrologe de P. R. paroitle fonder
fur le rapport des deux Chafleurs. On
trouva encore deux autres corps en- I
tiers; celui de la mere Boulard der-
mere Abbefle, qui paroiflbit non com-
me
morte , mats comme endormie ,/ans
qu'il parut rien de la mort fur fon yifa-
ge ;
& celui de Jean Laifne^, ferru-
rier de P. R. mort le 14 fevrier 1705?.
Les ouvriers le reconnoiflant, malgre
l'ivrefle, s'ecrierent: ah te voila done _,
Laifne ! & l'un d'eux le depouilla.
Nous n'entrerons pas dans un plus
grand detail, afin d'epargner au Lec-
teur l'horreur d'un tel fpe&acle , qui
doit tirer des larmes de fang, a qui-
conque le coniiderera avec les yeux de
la foi. On peut confulter le troifieme
gemiflement qui en fait une peinture
-ocr page 33-
III. Parti e. Liv. HI. ?i
tres vive ; & les Memoires , oil Ton 17n.
en fait un grand detail. T. 7 p^ 84 &
fuivantes.
Apres I'exhumation generale , on *vm;
>                          . . q . '              Tranfport
tranlporta au mois de Janvier 1712 des corps ra-
tous les reftes informes de ces corps j1"1"6.5 d.ans
nacnes, au cimetiere de S. Lambert, de s. iam-
ou on les jetta pele - mele dans une be"*
grande foiTe creufee du cote du midi.
On voir aux quatre coins de cette
folfe quatre pierres , en forme de bor-
nes, qui la feparent du refte du ci-
metiere. Dans le milieu de la foiTe
eft une autre pierre, dans laquelle
quelques fideles qui alloient en pe-
lerinages par refpedt pour ces precieux
reftes, mirent une croix de bois. Mais
elle a difparu , chacun s'empreflant
d'en avoir quelques morceaux.
Nous ne devons pas oublier les eve-
nemens extraordinaires dont cette ex-
humation fut accompagnee. lis annon-
$oient la colere de Dieu , & la ven-
geance qu'il fe refervoit de 1'outrage
fait aux corps de fes Saints. Sans par-
ler du prodige du fang qui fortit en
grande quantite d'un corps mort de-
puis plusde 50 aris (15); fans parler
de plufieurs autres corps qu'on trou-
(if) M. Dugvjp de Bagnols etoit mort en 1557.
B iiij
-ocr page 34-
Jl HlSTOIRE DE PoRT-Ito'lAl."
~~xjTx, va entiers & fans corruption (16); le
jour qu'on avoir pris pour transpor-
ter a S. Lambert l'amas d'offemens 8c
de frontons de cadavres qui etoient
dans le chapitre, il s'eleva un orage
epouvantable qui fe fit fentir par
route la France (17), & rompit les
mefures qu'on avoit prifes ; enforte
que ceux qui etoient charges de faire
cette lugubre translation , rarent obli-
ges de la difFerer, & de ceder , au
moins pour qiielque terns , a Dieu
qui fe declaroit pour fes Saints,
xix.
           A tous ces prodiges, on pent, avec
Trodiges qui l'Auteur du troifieme Gemiffement
cS"a"res du fur la destruction de P. R. en ajouter
dojgcdeDieu encore d'autres , qui portent vifible-
] injure faite ment les caracteres du doigt de Dieu.
ifes saints. Cesprodiges qui marquent clairement
la vengeance divine » font la defaite
sj de nos armees, la prife de nos vil-
« les, la defolation de nos campa-
j> gnes par l'exces fucceffif du chaud &
:» du froid , le derangement des fai-
» fons , la mort de nos Princes 5 tous
» malheurs qui paroiffent avoir pris
m leur naiffance du commencement
» de la derniere perfecution qu'a fouf-
*• fert P. R., qui fe font fuivis, les
(is) Celui de la dernie- d'un Senurier, nomme
re Abhefle Anne Boulatd Laifne.
mortsl'sn >70ff,Sj celui (»7) Janyiet_i7ii.
-ocr page 35-
III. P A R T I E. LlV. III. } $
*» derniers furpaflfant toujours les pre- "
>• miers, a proportion que les coups
» qu'on portoit a P. R. etoient plus
« violens, & qui fe font miferable-
»» ment termines a ce grand deuil
» qu'on a vu dans toute la France ,
» comme autrefois celui de l'Egypte,
» quand elleperdit les premiers nes.
» Peu apres la demolition de P. R.
» le premier ne du Prince tomba a.
" cote du trone meme (t8). Onar-
" rache les fondemens , on ouvre les
» tombeaux, & le fecond heritier de
» la Couronne eft enfeveli avec ion
" epoufe dans le meme tombeau( 19).
» On ordonne que le temple meme
» loit riune j & celui, qui a peine
» venoit de recevoir le titre de fon
» augufte efperance, expire & fe trou-.
» ve enveloppe dans un meme deuil«.
Ce troilieme Dauphin (20) mourut le
8 mars , vers le tems qu'on fit I'adju-
dication des materiaux de I'Eglife ,
qu'on avoir aufli refolu d'abbatre ) 21)
(i3) Le grand Dauphin    toitmorte fix jours aupa-
moutut le 14 avtil 1711,    ravant, le 11 du meme
peu apres la demolition    mois.
des batimensdeP. R.               (zo) Le Due de Breta-
(19) Le fecond Dau-    gne. „. .
phin mourut le 18 fevner        (11) 4pfes la deftruc-
pen apres l'exhumation.     tiondesbatimensde P. £U
Madame la Dauphine e-
-Bv4
-ocr page 36-
?4 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAX,
" comme on avoit deja abbatu les air*
tres batimens , afin qu'il ne reftat au-
cune trace du monaftere de P. R. La
liaifon de ces malheurs que Dieu a
fait fouffrir a la France pendant la per-
fecution qu'on faifoit a P. R. ne per-
met pas de meconnoitre le doigt du
Tout - PuifTant qui vengeoit l'inno-
cence de ces vierges chretiennes, &
ic l'exhumationdes corps, en ceuvre , ajoutoient les
on prit encore la refolu- calomnies les plus crian-
tion de demolir 1'Eglife ,    res centre les religieufcs,
quoique l'Artet du Con-    debitant fans pudeur que
feil du mois de Janvier e'etoit pour caufe de U-
1710 femblat indiquer le    bertinage qu'elles eioienc
contraire , en ordonnant    traireesde la forte&qu'o«
qu'on conferveroit un lo-    renvetfoit leur maifon.
gement pour le Chape-    33 Ces rel'gieufes, dit un
lain. Mais on ne voulut    des Ouvriers a un particu-
pas qu'il reflac rien de    lier , qui etoit alle a P.
certe fainte maifon. La    R. pour acheter quelques
difficulte de irouver des    debris , » font bien mal-
Adjudicataires retarda    33 heuteufes, il eftvrai,
I'execution, qui ne corn-    33 mais e'eft un peu de
menca qu'au mois de fep-    33 leur faute. On a de*
tembre 1711 , & ne nit    33 couvert que des gens
achevee que 1'annee fui-    33 de la Cour venoient fe
vanre qu'on emploia la    w d-ivertir avec elles , &c
poudre pour faire fauter    » qu'ils y paffoient des
Jes murs de 1'Eglife. Les    33 huit jours de fuite ;
iBernardins de Paris ache-    33 qu'outre cela elles e-
terent l'aurel , laboiferic     33 toient d'une autre re-
«tu tour du fanftuaire 8c    33 ligion &c Senifles. Le
les ftales. Il ne fe com-    Particulier, a'iant dit £
mit pas moins d'indecen-    1'Ouvrier , que e'eroie
ce , d'exces & de propha-    peut-etre Moliniftes qu'il
nations dans cette der-    vouloit dire; e'eji cela ,
aiere expedition que dans    repliqua-t-il , je ne me
fes precederites. Les Ou-   fouvenois pas bien du.
Triers inftruirs fans dome    nom. Mem. hift. T. 7.
pa* ceva 0,111 ks meuoiem   g. up.,
-ocr page 37-
III. PartiI. Liv. III. 55
puniiToit I'outrage fait a fes Saints. ijiz.
Non - feulement les perfonnes de
piece eclairees par la lumiere de la
foi en jugerent ainii, mais a la Cour
meme on en penfa de la forte. Ce fu-
rent ces marques reiterees de la co-
lere de Dieu qui firentdire a Mada-
me la Duchefle douairiere d'Orleans
ces paroles remarquables : On n'a
point donni de coups a cette maijbn
,
dont nous n'a'ions fend le contre-coup.
Avant meme la deftruction de P. R. xx.
Madame regardoit les malheurs qui t«ma">«ifs
p.                                           1 arrives a la
arnvoient a la rrance comme unepu- Fiance , re
union de Tinjuftice qu'on faifoit aux f?ld" \ '*
!•           r        »J T         L-         '              11 ' x C0Ur memc
religieules. M. Lauthier etant alle a comme une
Verfailles le 9 juin 1709 , & l'aiant 0$Z£
vue en particulier pourquelques afFai- de p. r.
res, lui parla de celles de ces reli-
gieufes jfur quoi Madame lui dit(n):'
" Ces pauvres filles croient peut-etre
» que je fuis contre elles, parceque
» je vais a P. R. de Paris; mais je
" fuis tout-a-fait pour elles. Mada-
» me de Grammont m'a dit tant de
" chofes a leur fujet, que je fuis pe-
s' netree de Pinjuftice qu'on leur fait^
» & je crois que tous les malheurs
(til Lettre de Made- Prieure. M. S. in-^"^
moifelle de Joncoux du Part. i. p. 199.
jc juin ijopii la mere
                                                 „.
B vj
-ocr page 38-
J(r HlSTOIRE DE PoRT-ROJAt;
1712. " qui arrivent a la France, feme
» une punition de l'injuftice qu'on
» leur fait «. Monfieur Lauthier lui
aiant demande dans la fuite de la
converfation , fi elle vouloit lire la
letcre des religienfes : » Non , die
« Madame, cela m'attendriroit trop
j> & me perceroit le coeur: je ne pour-
» rois pent - etre m'empecher de le
jj dire au Roi, & il ne le trouveroit
» pas bon j mais vous m'obligerez de
» leur faire favoir , fans trop me com-
» promettre , que je mis fort touchee
" de leur etat, & que je fuis entiere-
» ment pour elles".
x T
           Les malheurs dont la France fut ac-
Maiiieurs cablee depuis la derniere perfecution
4epdsFru"oCnde P- R" °nt "^ deS V°iX fenfiDlesr
eat jure la par lefquelles Dieu a parle. » Tout
pette de p.r. u je monde , dit un Anonyme dans-
» une lettre a M. de Noailles que
« nous avons deja citee , & qui me-
» rite d'etre encore rappellee ici, eft
« frappe de ce que depuis qu'on a
m jure la perte de P. R. if n'y a,
w plus que deconcertement dans nos
» Confeils , que lachete dans nos Ge-
*> neraux, que foiblelTedans nosTrou-
» pes , que defaites dans nos batail-
» les, de forte qu'il paroit que Dieu
» nous a rejettes, & qu'il ne jnarche
-ocr page 39-
III. Par tie. Liv. III. ?7
* "plus a la tete de nos armees autre-
» fois fi redoutees 8c toujours vi&o-
» fieufes jufqu'd la refolution prife
» pour la ruine de cette maifon «.
Qu'on jette les yeux fur les dernieres
annees de Louis XIV \ qu'on parcoure
les evenemens qui ont precede le def-
fein de detruire P. R., & qu'on les
compare avec ceux qui ont fuivi ce
funefte deflein , & Ton verra que c'eft
la 1'epoque de la fin des beaux jours
de ce Prince fi glorieux jufqu'alors.
Oui, nous pouvons le dire , depuis
la perfecution faite a P. R., les armees
Francoifes autrefois victorienfes ont
ete vaincues & mifes en fuite par des
ennemis qui auparavant ne pouvoient
foutenir leurs regards (2.3). Romanus
exercitus
_, victor orbis & dominus 3 ab
his vincitur y hospavet
, horum terretur
afpeclu
, qui ingredi non valtnt ? qui fi
terrain tetigerint ,fe mortuos arbitran-
tur.
Ne cherchons pas ailleurs que
dans la perfecution des epoufes de
Jefus-Chrift la caufe de la defaitc de
nos armees & la prife de nos villes,
Reconnoiflbns avec faint Jerome, &
ne1 faifons pas difficulte de dire ce
que difoit autrefois ce Pere; nos en-
nemis font viftorieux & nos armees
iH) Hisr, ad Heliod. de moite Nej>ot.
% *
-ocr page 40-
£§ HlSTOIRE DE PoRT-ROtAt;
font defaites, parceque Dieu a; voultff
punk nos peches -. Nojlris peccatis ,
Barbari fortes funt i nojlris vitiis Ro~
manus fuperatur exercitus.
Voila la
fource du courage & de la force de
l'Allemand 8c de l'Anglois , voila la
caufe de la foibleffe du Francois. Cell
la ce qui a rendu le premier vi&o-
rieux a Hofchtec, a Ramilly , a. Mal-
plaquet,&c. Voila ce qui leur a cu-
vert les porres de Tournay, de Lille ,
de Mons, de Douai & de tant d'au-
tres villes. La prife de P. R. par M.
d'Argenfon a plus fait perdre de ba-
tailles & de villes aux Francois , qu'il
n'y avoit de religieufes dans ce faint
monaftere. En un mot , on peut dire
qu'on a vii dans les evenemens arri-
ves depuis la persecution deP. R. l'ac-
compliifement de cet otacle du Saint
Efprit: Kuina eft homini devorare fanc-
tos [Proverb, to
15 }. Oui, fi nous
voulons decouvrir la veritable caufe
des malheurs qui accablerent alors la
France, ne la cherchons pas ailleurs
que dans la perfecution fake a P. R,
Les Rois de la terre 3 dit Jeremie apres
avoir fait une vive peinture des mal-
heurs de Jerufalem , n'auroient jamais
cru que les ennemis de cette ville &
eeux qui la ha'iffbient
j dujjent entrer
-ocr page 41-
III. Par tie. Liv. lit $9
parfes pones (14). Cela eft arrive_, -iyiz,
ajoute le faint Prophete , k caufe des
peches de fes
(faux) Prophetes } & a
caufe des iniquites de fes Pretres qui oni
repandu au milieu d'elle le fang desjuf-
tes ;
c'eft-a-dire, des mauvais Pretres,
qui abufoient de leur pouvoir pour
perfecutercruellementles juftes, com-
me on le vit en la perfonne meme
de Jeremie.
La vengeance divine a eclate, (qu'il x-jht.
foit permis de le dire) d'une maniere divine a'Su*
encore plus terrible fur celui qui a c« f«r cu-
dt ij i                      1 / •                r ' merit XT.
onne 1 ordre pour demure ce laint
lieu , & qui l'a traite de nid de I'er-
reur.
Car peut-on regarder autrement
que comme un jugemenr terrible de
Dieufur Clement XI , d'avoir etc
abandonne jufqu'a donner une Bulle
qui frappe d'anatliemes 101 verites ,,
qui font proprement l'ame de la Re-
ligion chretienne ; Bulle qui a rnis le
feu dans 1'Eglife de France, le fchifme
dans 1'Epifcopat, le trouble dans les
confcienceSjla divifion dans les Eglifes
voifines , dans les Communautes ec-
(14) Non crediderunt    P'rophetarurn ejus & ini--
Reges terra 8c univerfi    quitatesSucerdotum ejus,
habitatores orbis , quo-    qui effuderunt in medio
niam ingrcderetur hoftis    ejus fanguinem Juftorum.,
& iniinicus perponas Je-    Lam. Jer. c. 4. yerf. Vf
lufafcm, Propter peccata    &i}'                           /
-ocr page 42-
%6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt^!
"471.2. clefiaftiques &c religieufes, St memd
dans les families; & qui enfin a caufe
tant d'autres maux infinis, lefquels
en annoncent encore de plus grands,
& donnent jufte fujet aux ames chre-
tiennes de craindre que Dieu ne nous
enleve le flambeau de la foi pour l&
porrer chez d'autres nations.
La vengeance divine a encore ecla->
Sutl'Abefle tc en plufieurs autres manieres fur
JJfe it les perfecuteurs de Port-Roial : i°.
n.ae Paris, fur Madame de Chateau-Renaud,
qui mourut fans Sacremens le vingt-
cinq aour 1710 d'une mortaiTez fu-
bite , n'aiant pas joui un an entier
du fruit de fon ufurpation (15).
2=. Elle aeclatefur 1'Abba'iedeP. R.
de Paris, dont le temporel fut encore
dans un plus grand derangement de-
puis la deftrucHon de Port-Roial des
Champs qu'il ne l'etoit auparavanr.
sut m. le 3". EUe a eclate fur M. le Cardinal
jwilies. de Noailles , qui eut le deplaifir de
perdre pour toujours les bonnes gra-
ces du Roi, dans l'efprit duquel les
Jefuites le firent palter pour Janfe-
nifte; & c'eft avec raifon que des per-
fonnes de diftinction ont dit a ceCar-
•,
         dinal, parlant a Son Eminence desde-
(if)' Voi'ez ce qui eft la derniere perfecution j
die fur fa mort, hift. de T. 5. p. 46,
-ocr page 43-
III. Partii. Liv. III. 41
boirs qu'elle eiTui'oit, que citoient les
pierres de P. R. qui retomboient fur fa
tete.
4Q. Enfin die a eclatefur les Je-
fujtes eux-memes qui n'ont jamais ere
plus humilies, ni mieux demafques
que depuis la deftru&ion de P. R. ,
done on pent dire avecplus de fonde-
ment encore que de M. de Noailles ,
que les pierres retombenr fur leurs
tetes j & il faut efperer qu'elles y
tomberont jufqu'a ce qu'elles les aient
enfin ecrafes, ou que Dieu par un,
ejfet'de fa mifericorde, & decette
grace route puiflante dont ils font les
ennemis, eclaire leur efprit & tou-
che leurs cceurs rebelles , pour leur
faire connoitre & aimer la verite
qu'ils combattent. Jamais , dis-je,les
Jefuites n'ont ete plus humilies , ni
mieux demafques que depuis la def-
trudion de P. R. Ce fut le 15 feptem-
bre 1710 que Clement XI les con-
vainquit a la face de toute la terre ,
d'etre des fauteurs obftines de l'ido-
latrie de la Chine, puifque cefut ce
jour-la qu'il condamna derechef les
fuperftitions Chihoifes. Ce fut le 14
odbobre de l'annee fuivante 1711 qu'il
prononca en pleinConfiftoire un dif-
cours a la louange de M. le Cardinal
de Tournon mort a Macao dans un»
-ocr page 44-
41 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
prifon , on il etoit depuis cinq an§
fous la garde des Jefuites. Ce fut apres
la deftru&iort de P. R. que les Jefui-
tes furent couverts de confufion &
convaincus a la face de l'Univers par
Meffieurs des Miffions etrangeres *
d'autorifer l'idolatrie Chinoife, &de
le faire avec une opiniatrete invin-
cible , rtialgre les decrees du fouve-'
rain Pontife. Ceft ce qui eft demoh-
rre dans la deuxiene lettre de MM.
des Miffions du 10 fevrier 1710 8c
dans Ieurs derniers Memoires publies
en 171 o & 1711.
Nous pourrions encore rapporter
ici les malheurs arrives dans la famille
de 1'Architect (2 6) qui avoit entre-
pris la demolition de P. R. , la mort
malheureufe de plufieurs des ouvriers
qui travaillerent a cette demolition ,
Sc une infinite de circonftances qui
etoient autant de voix par lefquelles
Dieu fe faifoit entendre aux hommes.
Mais au lieu d'entendre des voix fi
eclatantes , & de reconnoitre le doigt
d'un Dieu qui venge le fang inno-
cent , les perfecuteurs de P. R. de-
meurerent dans leur endurcifTement.
Tandis qu'ils faifoient renverfer le
monaftere d'oii ils avoient arrache d&
.**U«) Vo'iez les Mem. hift, T. 7. p. iy, & fuiv,
-ocr page 45-
III. Parti?. Liv. III. 4?
faintes religieufes , 8c qu'ils detrui- 1-711,
foient le fan&uaire ou ces vierges
chretiennes chantoient jour & nuit
les louanges du Seigneur , ces impla-
cables ennemis travailloient encore
d'un autre core a ruiner l'amour de la
verite & de la fincerite- dans le cceur
de ces pauvres filles difperfees. Au
lieu de les laifler au moins tnourir
tranquillemenr dans les prifons oi\
ils les avoient fair enfermer, ils em-
ploi'oient coutes fortes de moiens pour
les feduire.
Les Eveques des Diocefes 8c les x*m'
Superieures des monafteres ou elles f,,j/aux"'ei£
etoientreleguees, entrant dans les vues gieufei a«>rt»
des cruels periecuteurs de ces lain-fi0n pout let
tes filles, les tourmentoient pour leur c"ce c£ntt* -
arracher une miferable fignature; &
les traitoient avec la plus grande ri~
giteur, les privant des Sacremens, Se-
les
menacant de les en priver a la
mort. Dans cet etat affreux , elles n'a-
voient pas la confolation qu'on ne re-
fufe pas meme aux plus grands fcele-
rats dans les cachots , ou ils out la
liberte de voir les perfonnes charita-
bles qui les vifitent. Elles nevoioient
foit en fante foit en maladie , que des
fedu&eurs & des fedudtrices , qui par
toutes fortes de moiens tachoient da
I
-ocr page 46-
44 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
1712. les abbattre. Qu'on juge par un tel
etat du cas qu'il faut faire des figna-
tures arrachees a de pauvres hlles
captives & quelquefois mourantes,
par des Eveques, des Grands-Vicaires,
des Dire&eurs , des Superieurs , qui
tantot les traitoient de rebelles a l'E-
glife,d'excommuniees, & leur crioient
aux oreiiles qu'elles etoientdamnees;
tantot parune tendreffe inconnue aux
vrais pafteurs , mais propre aux ftduc-
teiirs, les exhortoient a figner en vou-
lant bien prendre fur leur compte le
peche qu'il pouvoit y avoir dans leur
fignature (27).
xxiv. Lorfqu'une fois ils avoient arrache
M01 ns em- par menaces par artifices & par
plows poutr                 •• / 1 1 1 1            r v
[« fidwre. d autres moiens lemblables, une iigna-
rure a quelqu'une de ces pauvres pri-
fonnieres, c'etoit un triomphe pour
ces fedudteurs. Ils propofoienta cel-
les qui demeuroient encore fermes,
l'exemple de cedes qu'ils avoient en-
gagers dans leurs filets; ils dreffbient
(17) La foeur Annede    33 fieurs vifites. La pre-
Saince Marine exilee a S.    33 miere me fut un pen
Julien d'Amiens, raconte    33 fenfible , atcendu qu'it
ainfi de quelle maniere    3) me brufqua pour me
elle fe laiifa aller a figner    33 faire Uglier le Formu-
le Formulaire. 33 Monfei-    33 laire , ce que j'ai fait
53 gneur, notre tres di-    33 en le chargeant, aulji
53 gne Prelat (M. Saba-     33 bien que le Confejpur
» rhier) m'a fait l'lion-    33 de la malfon , de mort
S> neur de me rendre plu-    » falut devant Dieu*
-ocr page 47-
111. P A R T I E. L'lV. III. 45
ties proces verbaux a leur fa§on , ou
ils inferoient tout ce qu'ils jugeoient
a proposes). Apres quecet acle etoit
figne , on faifoit encore figner une
lettre pour M. de Noailles , par la-
quelle la religieufe feduite annon-
<pit a Son Eminence fa foumiffion ,
en Iui demandant pardon de fa pre-
tendue defobeiffance, & priant qu'on
lui accordat la participation des Sa-
cremens. L'Eveque , ou le Grand-
Vicaire qui avoit rec,u la fignature ,
fe faifoit un merite & un honneur
d'ecrire a M. le Cardinal pour lui an-
noncer la conversion operee par fon
miniftere. Si M. le Cardinal etoit con-
tent des pieces , la religieufe etoit re-
tablie dans la participation des Sacre-
mens ; mais elle ne recouvroit pas
pour cela la liberte , enforte qu'on ne
pouvoit favoir d'elleaujufte ce qu'elle
avoit figne, & a quoi elle s'etoit en-'
gagee ; fi c'etoit a la creance du fait
ou feulement a celle du droit; fi la
(18) Les Jefuires ne    fous le titre de Re'ponfe
demeuroienf point oififs    d'unc Religieufe de fain?
pendant ce terns , ils    Julien d'JZmiens a Vj4b~
jouoient leur perfonnage    bejji de P. R. de Paris.
& ecrivoient des lectves.    On trouve dans cetre let-
te Pete Lallemand entre    tre tout ce qu'on peut at-
autres en ecrivic une fur    tendre d'un Ecrivain de
la ptetendue fignature de    cetre robe , qui ne reuflit
la freur Anne de Sainte    jamais a fe cachef.
Cccjle cle Boisceivoife,
-ocr page 48-
46 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
creance du fait, en cas qu'on Feut exi-
gee , etoit une creance divine ou hu-
maine. Voila en general quelle fut la
conduite que Ton tint a. l'egard des
religieufes de P. R. pour les engager a
iigner. II y en eut deux que rien ne
put abbattre ; la mere Prieure 8c la
foBur Gertrude du Valois, qui par leur
foi triompherent de tous les efforts
des perfecuteurs. Les autres fe rendi-
rent, fi Ton en croit ces perfecuteurs
de vierges chretiennes, qui non con-
tens d'avoir mis en ceuvre pour les
feduire, tout ce que 1'efpHtd'erreur eft
capable d'infpirer, emploierent encore
toutes les rufes & les artifices du men-
fonge, pour tromper le public & lui
perniader que ces religieufes captives
avoient figne. Mais quelle foi meri-
tent de tels temoins ? Les lettres , les
a£fces, les certificats qu'ils ont pro-
duits , depofent contre eux - memes ,
rant par les cara&eres de fuppofition
qu'ils portent, que par les fauiTetes
&: les contradictions qu'ils renfer-
ment(ts>).
(19I VoVez l'ouvrage    ces par des remarquesge-
<jue M. Fouillou , alors    nerales fur les fignatures;
retire en Hollande, pu-    mais perfonne n'a mieux
blia en 1711 fous le litre    reufli a devoiler tout le
d'Avenijjimcnt , ou il fi     myiteie d'iniquite , fk &
voir 1'illuiion de ces pie-    uie;ite le vrai dans tout
-ocr page 49-
III. P ARTIE. Lh. III. 47
• Pour groffir la lifte des fignatures ,
on eut loin de faire ligner les con-
venes _ quoiqu'elles n'euffent aucune
connoiflance de toutes ces affaires. M.
de Noailles ne les avoit point com-
piles pour ce fujet dans l'interdit
des religieufes du chceur; leur igno-
rance a cet egard eft meme atteftee
par des ades publics. La Superieure
de la Congregation de Compiegne
ou la four Aurelie Noifeux converfe
etoit exilee , parle ainfi de cette re-
ligieufe dans la lettre qu'elle ecrivit
pour certifier fa foumiffion. Ceft une
bonne file qui n'efi jamais entree dans
tout ce qui s'efi fait a P. R. Elle en
etoit fipeu inftruite que tout ce qu'elle
enpouvoit dire 3:d'eft qu'elle avoit vil
depuis peu bien du mouvement dans
leur maifon......Elle ne fait pas feu-
lenient de quoi il s'agit: Les autres con-
verfesn'etoientpas plus inftruites que'
la four, Aurelie, parcequ'on les ele-
vqit a; P. R. dans une grande fimpli-
cite. Quelle matiere de triornphe pour
' des i Grands-Vicaires , des Eveques,
& nit-me pour un Cardinal, que d'a-
voir fait figner le Formulaire & la
£>n jour quel'Autejir de* a. faites de chaquefigna-
Memoircs hiftoriques, par ture en particulier & d«
'"ailcuffionsexactesciu'ii focirconftances.
-ocr page 50-
48 HlSTOIRE DE PoRT^ROlAt.
Bulle, Vineanij a des fours conver-
fes! Egregiam verb laudem & Jpolia.
ampla refenis!
Doit - on rire ou ge-
mir de voir des Eveques s'applaudir
d'une telle vidtoire ? Apres tout, une
telle vi&oire etoit la feule a laquelle ils
puflent pretendre. Elle eft digne des
Sabatiers , des Merinvilles, des Cha-
millards , des Biffis , & proportionnee
aux lumieres de ces Prelats.
Nous avons vix Penlevement des
religieufes de P. R. des Champs , 8c
le renverfement de leur fainte mai-
fon. Nous avons vu conduire ces pau-
vres filles dans des terres etrangeres
pour y etre reduites en fervitude; &
nous avons meme deja rapporte en
general de quelle maniere on les a trai-
tees pour les engager a figner. Suivons
encore ces vicnmes de la fincerite
chretienne comme nous nous y fom-
mes engages , & entrons dans le de-
tail des epreuyes par lefquelles la di-
vine Providence permit qu'elles paf-
faffent apres leur difperfion , &.dans
l'examen de chaque ngnature eh par-
ticulier. Nous ne repeterons point ici
ce qui a ete dit ailleurs de trois an-
ciennes , favoir , la fceur Anne de
Sainte-Ceeile de Boifcervoife, morte
agee de quarte-vingt-un ans, le 7 no-
vembre
-ocr page 51-
III. P A R T I E. LlV. III. 49
vembre 1709 j la four de Sainte Eu- "TtTTT""
phrofie Robert, morte au mois d'avril
1711, agee de qnatre-vingt-iix ans ;
la four Anne de Sainte Appolline le
Juge , morte le premier juin 1710 ,
agee de foixante-douze ans. 11 en ref-
toit encore douze, dont deux, la mere
Prieure & la four de Sainte-Gertrude
refuferent conftamment de figner. A
l'cgard des autres , leur fignature fera
toujours regardee comme tres fufpecle
par toute perfonne equitable & de
bon fens. On en jugera par l'examen
que nous allons en faire.
La four Marie de Sainte-Anne xxv- ,
-~,                          1          ' J                   j                     Examen de
Couturier reieguee dans un des cou- ia fignature
vents des Urfulines de Nevers iignade la fceuc
1                                               o x >r t»            1 / Couturier.
le 4 janvier 1710 j & M. oargede
Eveque de Nevers ecrivit le 7 du me-
me mois a M. de Noailles pour lui
annoncer la parfaite & entiere conver-
Jion
de cette religieufe. Elle n'ecrivit
point a M. de Noailles: » Je ne pou- '
» vois pas , ce me femble , dit-
» elle (30) , allier la croiance 011 nous
» etions d'avoir fuivi le fentiment
» de notre propre confcience en dif-
» ferant de figner , avec celui de de-
(30) Troifieme Lettrea niere perfecution, T. 3,"
Mademoifclle de Jon- p. 54.
coux , hiftoire de la der-
Tome X.                          C
-ocr page 52-
50 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» mander pardon «. Apres fa figna-
ture on lui fit figner une lettre a fes
fceurs poiu* les exhorter a faire la
meme chofe. On lui fait dire dans
cette lettre, qu'ilya long-tems qu'elle
auroit fait Jon devoir
_, Ji on lui eut ex~
plique les chofes comrne on a fait.
Ces
paroles trahiflent les perfecuteurs &
ieducleurs de cette vierge chretien-
ne. Car enfin ii c'eft la maniere done
on lui a explique la chafes,
qui l'a
engagee a figner & a confentir a ce
qu'elle avoit refufe , cette explication
du Formulaire etoit done difterente
de celle qu'on lui avoit donnee juf-
qu'alors. On lui fit done entendre que
fa fignature ne tomboit que fur le
droit, & non fur le fair. Mais ce n!eft
point ici une conjecture \ e'eft un fait
certain que nous apprenons de Ma-
demoifelle de JoncouXj ii celebre par
fon attachement a P. R. ($ i), ou plu-
t ; i ) Mademoifelle
Francoife Marguerite de
Joncoux , n'tle de M. de
Joncoux , Gentiihomnie
d'Auvergne , d"une probi-
ty & d'une vertu tres
rare, & de Dame Gene-
vieve Dodun, Tune des
plus chreiiermes veuves
de fon fiecle, fu$a lapi;-
te avec le lait. Une fainte
educaiion jointe a tuus
les talens naturels les plus
lieurcux, la firent regar-
der comme un prodige
dans un petit corps. Ells
apprit parfairement le la*
Ml dans le deiiein de
nourrir fa piete par l'inT
telligence de ce que I'E-
glil'e chante dans fes offi-
ces. Ceil a elle que Ton
eft redtvab.'e de ia tra-
duction des notes de W en-
-ocr page 53-
III. Par tie. Liv. III. 51
toe que nous apprenons de cette re-
ligienfe elle - meme dans les lertres
qu'elle ecrivit a cette Demoifelle , &
que la prudence ne permettoit pas
pourlors depublier, parcequ'on l'au-
roit expofee a une nouvelle tentation,
1712.
drok fur les Provinciates.
Des fes plus tendtes an-
nees elle fut intimemenr
lice avec P. R. & elle eut
toujours pour cette fainte
maifon , une tendreffe de
mere. Elle ne cefla pen-
dant route fa vie de
t'endre aux religieufes,
avec uii zele infatigable ,
tous les fervices qu'elle
put. Lorfque la derniere
perfecution commenca ,
el!e travailloit a la tra-
duction des difquifitions
de Paul Irenee , mais elle
ahandonna ce deffein ,
pour ne plus penfer qu'd
fe livrer route entiere au
fervice des epoufes de Je-
fus-Chrifl, qui lui furent
redavables de leur fub-
(iflaiice dans les demic-
res annees ou tous leurs
biens etoient faiils a la
requete des religieufes de
Paris. EUe trouva moi'en
de connoitre par avance
tousles coups qu'onvou-
loit leur porter , 8c le
fecret de les parer, tant
qu'elles futent en Juflice
reglee, en quoi elle fut
conduite par les bo.ns con-
(*) Vo'iez rhiftoire de
T. 5. p. 64, & les Mem.
feils de M. le Barbier
d'Aucourr. Elle ne cefTa.
de follicicer en leut fa-
veur les Puiflances, les
Magiltrats , M. d'Argen-
fon , dont elle eroil fort
connue , & M de Noail-
les meme. Souvent eile
padoit jufqu'a deux ou
troisheures avec fon Emi-
nence dans fen cabinet,
pour plaider la caufe des
religieufes de P.R. (* ).
Apres leur difperfion, el-
le chercha tous les moi'ens
de rendre fervice a. ces ,
innocenres viftimes. Elle
parvint meme a avoir un
commerce de lettres avec
plufieurs d'emre elles j ce
qui lui fut fort utile pour
decouvrir & pour faire
connoitte a toute 1 Eglife
les mauvaifes voies &c la
mauvaife foi qu'on em-
ploi'a pour arracher de ces
pauvres religieufes de pre-
tendues fignatutes & re-
tractations. Ce fut elle
qui engagea M. Fouillou
a ecrire centre le recueil
de ces prerendues fignatu-
res publie par les Jefuites,
& elle lui ffoumitde bons
la derniere perfecntjon,
hill. T. 7. p. 113, Sc i'uiv-
C ij
-ocr page 54-
51 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
& qu'on auroit commis des perfon-
nes qu'il falloit menager. Quoiqu'il
foit dit dans le recueil des lignatures,
que la four Couturier a 'figne le
Formulaire & la Bulle, Mademq.ifelle
de Joncoux ne craint point d'affurer,
quelle n'a certainement fait ni Pun n't
memokes pour refuter
les impoftures de ce re-
cueil , ce qu'il fit par un
excellent ecrit, qui a pour
titre , divertijfement fur
les pretendues retraila-
lions des religieufes de
T. R.
Lorfqu'elle eut lu
un autre recueil publie
par M. de Noailles , elle
fut indignee d'y voir les
memes impoflures que
dans celui des Jefuites, Sc
elle ecrivit encore a M.
Fouillou pour Vengager a
en refuter routes les abfur-
dites & les faux raifonne-
mens de la bonne maniere.
Hie lui marquoit , que
3) la Providence avoir
3) permis qu'elle eut en-
3; core des preuves des
33 fauiletes avanccesdans
3> le recueil (publie par
33 M. de Noailles) « ,
c'etoit cinq lettres qu'elle
avoir revues d'une de ces
pauvres filles
( la fceur
Marie de Sainte Anne
Couturier ). Mademoi-
selle de Joncoux s'appli-
qua toujours a foulager
les religieufes de P. R.
dans rous let lieux de leur
captivire, oil fa charite
la fit p£netrer. Elle en
ufa de meme 3 l'egard de
rous ceux qui foutftoient
pour la meme) caufe. Ce
fut dans ces faints exer-
cices de charite qu'elle
confomma fa courfr.
Car apres s'etre donne
mille mouvetuens pour
faire rendre la liberie a
ceux a qui leur amour
pour la verite l'avoit fait
perdre , & erant arrivee a
cette fin fi defiree , an
commencement de la
Regence , apres la mort
de Louis XIV , elle fut
elle-meme delivree de la
prifon de cette chair mor-
relle , & paffa a la liberte
bienheureufe des enfans
de Dieu le 17 feptembre
1715 , a l'age de 47 ans,
( £tant nee a Paris le ij
ottobre is«8 ), & fut en-
terree a fainr Etienne du
Mont fa Paroiffe. 11 fe-
roit a fouhaiter qu'on
donnat au Public la vie
d'une Demoifelle (i ver-
rueufe , qui n'a ete oc-
cupee que de bonnes cru-
vres, & qui feta a jamais
le modele des pcrfonnes
de fon fexe, qui aimeiir.
-ocr page 55-
III. Partil L'iv. III. 53
Vautre (31) , mais qu elle figna feule- ijtii
merit un papier qu'elle ecrivit elle-me-
me , & qui contenoit ajfurement une
difiinclion du fait & du droit bien nette
& bien claire.
Pour engager cette reli-
gieufe a figner, on lui dit qu'on ri'ett
demandoit pas davantage.
Telle ecoit la fourberie & i'arur ^JJj,,
fice , dont on fe fervoit pour les fur- maaiere on
prendre: c'eft ce qui doit ^prendreJ^gSSk
quel jugement on doir porter de ces des %natu-
pretendues fignarures , & quel cas on j£„j|!f r
en doit faire. Ecoutons la four Cou- pesSSes.
turier ; elle nous inftruira elle-rheme,
vstitablcment Jefus-Chrift    ge & dans la verite , les
& fort Eglife. L'epitaphc    vertus.de cettevierge chre-
fuivante dreflee a fa me-    tienne.
moire , renferrae en abre-
Sub hoc marmore quiefcit
Virgo nobilis Francifca Margarita de Joncoux,
Virginum in fsculo degen'ium decus ,
Prxftanti fagacique iagenio pra:dita ,
Tempore quo abundabat iniquitas ,
Non refriguit, fed etfetbuit ejus caritas.
Pro juftitia, & veritate agonifautibus ,
Fugitivis, captivis aut exulibus
Mira dexteritate admit,
Summa benignitate confuluit.
Sanftimonialium in extremis politaruro
Arnica fidelis, mater provida , ultrix impayida,
His atque aliis opcribus intenta ,
Supremum diem obiit,
V Kal. oft. an. M DCC XV , anat. XLVII.
t«*J tettre de Made- i7ie. hift. de la dern.
moifelle de Joncoux au perfec. T.;. p. 4.1.
P- Quefnel, .7 ottobre
C iij
-ocr page 56-
54 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt,
1712. Voici de quelle maniere elle tend
compte de fa iignature dans une let-
tre a Mademoifelle de Joncoux (33):
»   on m'envoia quelque terns apres que
•»  je fus arrivee ici le Confeileur des
«   filles de la Vifitation de cette ville,
»  qui avoit ete du tems dans la me-
"  me difficulte que nous, qui fair tout
»  ce qui s'eft pafTe fur les marieres
»  dont il s'agit, & qui a meme vu
»  tous les ecrits de parr & d'autre,
   a ce qu'il m'a dit. Apres l'avoir
»  enrretenu plufieurs fois, malgre que
■»  je le priois forr de ne fe point don-
«  ner la peine de venir fi fouvent inu-
»  tilement', enfin un jour, apres m'a-
  voir parle d'une grande Force fur
»  la peine que je devois avoir d'etre
«  feparee des Sacremens &c des prie-
«  res de l'Eglife , & que je ne parti-
"   cipois a rien , je fis beaucoup de
»  reflexions fur tout cela. Mais au
"   lieu de m'affoiblir, je me forrifiai
j>   fi bien de plus en plus , que quand
"  je le revis , je lui dis qu'apres avoir
«  bien confidere tout ce qu'il m'avoit
0;) Let're a Made-    la focur Couturier font
moifelle de Joncoux, hift.    rapportees plus correfle-
de la dern. perlec. T. 3.    ment pour le texte, &;
p. 60. Voi'ei fur-tout les    plus exattement pour les
Mem. hift. T. 6. p. 474   dates.
& fuiy. ou les lettres de
-ocr page 57-
III. Par tie. Liv. III. <,S
H
dit, je concluois qu'il falloit plu- rU,
" tot paffer pour feparee de l'Eglife
i> aux yeux des hommes qu'aux yeux
a de Dieu , en faifant une chofe a
" l'exterieur qui ne fe rapportoit pas
« a l'interieur ; que je n'etois nulle-
» ment difpofee a faire un jugement,
*> ni capable noil plus. II me repon-
« dit a cela i on ne volis le demande
» pas non plus s mats que vous voiis
» foumettie^feulement a celui qu'afait
» l'Eglife.
Alors toutes mes difficultes
» cefferent entierement. Jem'enallai
» apres me jetter entre les mains dit
» bon Dieu , lui demandant avec
» inftance de ne rien faire en tout
» cela centre ma conference , & qu'il
» ne permit pas que j'euflTe jamais de
» paix , fi je faifois une chofe que je
» ne duffe pas faire. II ne me reve-
» noit apres cela d'autre penfee que
" celle que je ne pouvois pas refu- '
» fer cette foumiflion : je fignai trois
» femaines apres. J'ai bien du regret
» de n'avoir pas copie de notre figna-
» ture, car elle eft bien differeme de
» celle qui eft imprimie (3^4) j & j'ai
(54) S^lon le proces    » Formulaire dans l'ef-
verbal dreile par M de    » frit & dans toute l'e-
Bargede , la fceur Coutu-    ■» tendue que le demande
rier , affura ■» qu'elle 6-    ■» notre faint Pere le Pa-
» toic prete a %uer le    » pe Clement XI ,8c elle
C iiij
-ocr page 58-
5<J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
» fouvear dit que fi nos fceurs l'a-
» voient vue , elles n'auroient pas de
» peine a la faire de meme ".
Ce fut ainfi que la fceur Couturier
fe laiflfa engager a la fignature , mais
a une fignature bien differente de cel-
le qu'on publia enfuite fous fon nom.
Cell ainfi 5 dis-je, qu'on trompoit ces
pauvres filles; c'eft pour cela qu'on
ne leur lailTbit point de copie de ce
qu'elles avoient figne j & apres cela
on faifoit pafler fous leurs noms des
chofes auxquelles elles n'avoient ja-
mais penfe , & qui ecoient non-feule-
ment rontraires a leurs difpofitions
interieilres , mais meme aux fignatu-
33 demanda pardon &    gne fourberie , on Iui Eft
35 Dieu , au Roi , 8c a M.    un formulaire qui n'etoir.
33 Ie Cardinal de Noail-    point mauvais. ( Si toute-
33 les, du refus qu'elle    ibis il peut y en avoir un
3> avoit fait de fe fou-    qui ne le foit pas) , 8c
» mectre aux Conftitu-    qu'on lui enfitfigner un
33 tions des Souverains    autre. La furprife ou elta
33 Pontifes..... elle pria    fut en voiant imprime Ie
33 ce Prelat de recevoir    Formulaire qu'elle avoit
33 fa fignature, qu'elle a    figne, eft une prcuve fen-
3) jure etre fincere , libre    fible de ce que nous a-
33 8c volontaire , 8c fur le    vancons. M. de Bargede
33 champ elle a figne le-    ne manqua pas d'annon-
dk Formulaire«. Ce For-    cer cette pretendue vic-
mulaire , qui eft joint au    toire k M. de Pontchar-
proces verbal, eft epou-    train , qui de fon cote fe
valuable, 8c par confe     preffa d'en faite part aux
quent ne peut etre celui    Eveques, comme il fai-
que la fceur Couturier    foit dans routes les occa-
crur (igner. Ainfi il eft    lions femblables.
vifible que par uue iufi-
-ocr page 59-
III. Partie. Liv. lit 57
res qu'on leur avoir arrachees. C'eft 1712.
f)our cela encore qu'on ne vouloit pas
eur permettre de dire les raifons qui
les avoient determinees a figner, dans
les letrres qu'on leur faifoit ecrire ,
parceque ces raifons auroient decou-
vert la fourberie & les arrifices done
on s'etoit fervi pour les furprendre.
Ecoutons encore fur ce fujet la freur
Couturier (35). » Je fouhaiterois ,
» dit-elle , pouvoir envoi'er la ligna-
» ture que j'ai faite, mais il ne m'eft
» pas permis de l'avoir,$a ete raon
» Confefleur qui la drefla avec M.
» l'Eveque, qui ne l'a jamais voulu
» faire voir a la Cour. II en a faic
» une , comme il a voulu apparent
» ment, quand on la lui a demandee
« pour nietrre dans cet ecrit (c'eft- '
» a-dire, dans le recueil des figna-
» tures) comme font celles de nos
» fcEiirs. La fceur Couturier ajoute :
» mais ma fenfible douleur eft d'avoir
» confenti , quoiqu'avec bien des
» combats & des refiftances, a ecri-
» re une lettre qu'on m'avoit com-
» pofee pour routes nos fecurs. L'on
» ne voulutpoint m'accorder ce que
(jy) Lettre de la foeur la derniere perfecutioa,
Couturier a Mademoifelle T. 3. p. 49-
de Joncoiu , hiftoire de
Cv
-ocr page 60-
5 8 Histoire de Port-roiAl.
jyi2> " je fouhaitois ,qui etoit deleur dire
» {implement comme Ton m'avoit
» perfuadee de me foumettre , &c
» qu'on m'afTuroit que ce que j'avois
» fait, etoit moins fort que ce qui
» etoit dans la declaration de M. de
» Peiefixe. C'eft pourquoi, ce queje
" mandois a nos Jceurs ne saccordoit
» ras a ce que j'av oh fait, ce qui m'a
« donne un regret mortel, & ce que
» Ton a fait me donne fujet de le
" reflentir de plus en plus«.
xxvii. On decouvre dans ces paroles tout
on's'di re°r"i le myftere des fignatures pretendues j
pour fun-ren- & l'artifice qu'on emploioit pour les
tu?e dc^di arracher , c'etoit de donner aux reli-
gieufes dif- gieufes une nouvelle explication du
Formulaire, de le prefenter fous une
autre face, en leur faifant croire qu'on
leur demandoit moins que ce qui
etoit dans la declaration de M. de
Perefixe, & qu'on ne les engageoit
point a la creance du fait. Maisapres
leur avoir furpris la fignature par cet
artifice , on ne vouloit pas leur per-
mettre dedire les raifons par lefquel-
les on les avoit perfuadees de fe fou-
mettre. Pourquoi faire un myftere de
ces raifons ? Pourquoi les cacher, fi
elles etoient bonnes ? Vit - on jamais
rien de fi fingulier que de faire ecrire
-ocr page 61-
HI. P a r t i e. Liy. III. 55;
tine lettre a une religieufe pour ex- ~\-jTt.
horter fes fours a fe loumettre , & a
faire la meme demarche qu'elle a
faire, & de ne lui pas permertre de
dire les raifons qui Vont perfuadee de
faire certe demarche, & de fe fou-
metrre ? En faur-il davanrage pour
devoiler la mauvaife foi, avec la~
quelle on agilloit a l'egard des reli-
gieufes de P. R. des Champs pour
Ieur arracher des fignatures ?
C'eft pourquoi lorfque ces pau-
vres filles virent dans le recueil de;
leurs fignarures que les Jefuires pu-
blierenr, la tournure qu'on donnoit
aux demarches qu'on les avoit enga-
gers de faire, & les confluences-
qu'on en tiroir, en leur attribuant
des chofes auxquelles elles n'avoient
jamais penfe , elles furentpenetrees
de la plus vive douleur, & dans une
furprife qui ne peut s'exprimer.
» Voi'ant les chofes, dit la fceur xxvrrr.
« Couturier (3^ fur ce que l'on dosuSf*
» nous fait connoitre de routes les teat coum-
" conjedures que Ton tire de tout ^"qu'on'lui
" ce que nous avons fair, je ne puis avoit fait fi-
-> me confoler de la lettre que j'ai «^ft&
" ecrite , & que Ton m'avoit com-par les jefui-
i tes,
U*) lettre a Made- de la dern. perfec, T. *.
moiicilc Joncoux , hill. p. jj, jz.
C vj
-ocr page 62-
60 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.'
~"~ » pofee pour nos foeurs j mais encore
» plus de celle de M. l'Eveque de
.« Nevers , que je ne puis pas dire
» que je ne l'aie pas faite , dont je
» fuis dans une furprife terrible d'a-
» voir exprime des fentimens fi con-
« traires a mesveritablesdifpofitions,
« comme je l'ai remarque dans ce
» que j'aiectit; & ce qui m'eft arri-
» ve en a bien donne des preuves ici,
« car j'ai ere tellement renverfee
" apres avoir vu cette lettre dans
« l'imprime, &c qu'effe&ivement le
" fens qu'on y donnoit, paroirTbit
» etre celui que j'avois eu, que je
» fus une journee fi etourdie, que
m je ne pouvois marcher. Car Ton
» m'avoit dit ce que Ton en difoit,
» & j'avois repondu qu'il n'etoit
» pas poffible que j'eufTe ecrit des
» chofes (i eloigners de ce qui etoit
» dans mon coeur «. Le meme jour
la fceur Couturier aunt rencontre la
religieufe qui la gar doit avant qu'elle
eut figne, elle lui dit qu'elle etoit
bien etonnee comment elle trouvoit
fa fignature dans cet ecrit, que ft
elle 1'avoit fait ainfi , elle la vouloit
retrafter , & qu'il n'y avoit qu'a le
. dire a M. l'Eveque de Nevers. Dans
une autre lettre a Mademoifelle de
-ocr page 63-
III. P A R T 1 E. LlV. HI- 61_______n
Joncoux, du 12 decembre 1710 » l71**
la four Couturier temoigne la dou-
leur qu'elle a de la lettre qu'on l'avoit
forcee d'ecrire a fes fours, & dit
que fi elle avoit prevu ce qu'il lui en
a coute depuis , jamais elle ne l'au-
roit fair. Puis parlant du recueil des
fignatures , qu'elle qualifie de libelie,
elle dit qu'on eft fort etonne dans l'en-
droitmeme oii elle eft, de ce qu'on y
dit d'elle, parceque les religieufes/oret
timoins que cela n'efl point veritable j
elles ne fauroient s'en taire , ajoute la
four Couturier, & le difent^ mime
tout hautement au parloir.
Qu'on juge
parte de la bonne foi, qui regne dans
ler ecueil des pretendues fignatures
des religieufes de Port-Roial , & du
fond qu'on doit faire fur un tel
ecrit.
On en jugera encore mieux par ce x»* ^
que la four Couturier ecnvit a ce la fa,ur Coa.
fujet (37). »J'aiunefenfible doulsur, «f«« j™,™
» dit-elle, d'un ecrit qui court, oil ^-oniuifait
» Von nous fait dire bien des chafes &£*"» *
» que nous n'avons point dites 3 &
» parriculierement d'une lettre qu'on
*> m'a forcee d'ecrire a nos fours,
» que 1'on m'avoit compofee, a quo i
(37) Ibid. p. 57.
-ocr page 64-
\
6t HlSTOIRE VE P'ORT-ROlAi,
» je me fuis rendue a mon grand re-
« gret aptes bien des combats, en
» difam que j'av'oisplus de peine a le
» faire dans ces termes que Ton me
» prefcrivoif, qu'a fignerle Formu-
» laire. Car Ton ne voulut point
» accorder ce'que je demandoisavec
» inftance , qui etoit de leur expli-
» quer de moi-meme , comment Ton
» m'avoit perfuadee que je pouvois
» figner fans blefTer ma conicience j
" que nous ne derogions point a la
» declaration de M. de Perefixe, que
» je n'avois ete non plus qu'elles fous
» une autre obeiflance que celle de
*> l'Eglife, ainliil n'etoit pas befoin
» de les inviter a y rentrer. Je n'au-
» rois jamais confenti a cette lettre „
» fi j'avois prevu ce qu'il m'en a cou-
» te, & ce qu'il m'en coute prefen -
» tement, voi'ant ce que je vois. Si
» j'ai dit dans celle de M. PEveque ,
» que je foubaitois racheter le terns
" perdu , ce n'eft pas que je n'aie cm
» avoir toujours ete dans une bonne
« voie; mais il eft vrai que je m'y
5' fuis tres mal expliquee j & certai-
*> nement je n'avois point le deiTein
» d'y mettre le fens qu'il paroit f.
» avoir , car il feroit tout-a-fait a
* condamner; & je fuis tres. facliee
-ocr page 65-
III. Parti*. Uv. III. 6$_______
»  de ne m'etre pas mieux expliquee, 1712.
»  II me donne l'honneur de dire beau-
m  coup de belles chofes auxquelles je
»  n'ai pas penfe. Je n'ai point du tout
"  regarde la communion que j'ai fai-
n  te apres la (ignature, comme la pre-
»  miere , ni n'ai point fait de confef-
»  lion generale. Je n'ai point vu de'
»  cierge. II feroir bien a fouhaiter'
»  qu'on nous donnat a toutes la li~
»  berte de dire en public ce que nous;
»  penfons fur ce beau libelle. La pre-
»  miere fois que je vis M. l'Eveque
»  quelque terns apres avoir figne , il
»  me dit qu'on etoit fort content de
»  moi a la Cour fur tout ce qu'il avoit
»  mande. Je lui repondis que je
»  voiois bien qu'il m'avoit fait plus
»  d'honneur qu'il ne m'en etoit du ,.
»  en lui temoignant qu'il m'avoit •
»  bien fait parler; & meme que je
»  me regardois a l'egard de ce qu'on
*  louoit en moi, comme une hypocri-
"   te, puifque Ton admiroit ce qui
»  n'en etoit pas. II auroit etc bien a
»  fouhaiter qu'on m'eut laifTee dans
»  le filence apres ma fignature , com-
»  me je le denrois de tout mon cceur,
»  fans m'avoir forcee a le rompre
«  comme on a fait, & a mon grand
»  regret -y & je crois etre bien obE-
-ocr page 66-
64 HlSTOmE DE PoR.T-R.01AI,.
1711. " gee de demander pardon k Dieu I
"
a l'Eglife , & a nos foeurs, d'avoir
» confenti a le rompre en la maniere
>> que Ton me l'a fait faire, en don-
» nant fujet de parler contre la ve-
» rite & la charite, & a nos fceurs
» une fenlible douleur.
» Pour ce qui eft du catalogue ,
» dont on parle , nous ne favons du
» tout ce que c'eft, ni, a ce que je
» crois, pas une de celles qui font
» vivanres. Je n'ai point vu nonplus
» les oraifons a P. R. qu'on a mis
» dans cet ecrit. II y avoit des ta-
» bleaux en grande quantite & des
« images de tous ceux que l'Eglife
» honore & revere, & il n'y a rien
» de plus faux que tout ce qui eft dit
m fur cet article,auffibien qu'en beau-
» coup d'autres.
« J'ai ete bien furprife de ma fi-
» gnature comme elle y eft, tout-
» a-fait autrement que celle que j'ai
" faite, que Ton a apparemment chan-
» gee , quand on l'a demandee pour
» la faire imprimer avec les autres.
" Car devant cela on ne me l'avoit
» point envoi'ee : ce que j'aurois fou-
« haite de tout mon cceur que Ton
» eut fait, c'eft que 1'on n'y Chan-
s' geat rien. Je vois bien que i'on.
-ocr page 67-
III. Par tie. Liv. III. 6$
eft fache a prefent de ce que j'ai ijn,
vu cet ecrit j mais il a ere prefque
impoffible de me refufer de voir
une chofe dont Ton parloit beau-
coup dans Nevers, que les reli-
gieufes apprenoient au parloir, &c
dont elles me demandoient Impli-
cation fur ce que Ton difoit qui
etoir dedans. II y a plufieurs per-
fonnes a qui il ne fera pas 1'effet
> que l'Auteur s'eft propofe. II fem-
ble qu'il eft bien etrange de dire
des faufletes pour prouver qu'on ne
foutient que la verire «.
Tel eft le jusement que la foeur xxx.
Anne Couturier porta du recueil tUner retrae-
des fignatures ; routes les autres reli- K fa "PJ"0'
r                       r              J          a             c re, & dela-
gieuies en penierent de meme , & ieVoue l«f«h*
plaignirent qu'on leur avoit fait dire fjancjs JJ"
beaucoup de chofes auxquelles elles v«s.
n'avoient jamais penfe. Mais la fceur
Couturier ne fe conrenra poinr de
temoigner de vive voix & dans des
lettres particulieres ce qu'elle penfoit
de cet ecrit, elle fit le 16 Janvier 1711
une relation en forme de fa fignature,
& un defaveu formel des fairs qui la
concernoienr, & fur-rour de ceux que
M. Bargedi avoir avances dans fa let-
tre a M. de Ponrcharrrain. Nous al-
lons les mettre fous les yeux du Lec-
teur.
                             ^
-ocr page 68-
66 MlSTOIRE DE PoRT-ftOlAt;
1714.
Lettre de M. de
Nevers a M. de
Pontchartrairu
f janv. 1710.
Defaveu de lafaur
Couturier.
ssjanv. 1711.
vJUr les instances J~<E livre intitule,
feiterees que la foeur Recueil de pieces con-
Marie-Anne le Cou- cernant les religieufes
turier religieufe de de P. R. qui fe font
V.
R. , me faifoit de- foumifes i'l'Ega/i ,
puis quelque tems imprime a Paris dc
pour lui permettre de rimprimerie ro'iale
figner le Formulaire, en 17so, etant par-
i'allai hier aux Urfu- venu jufqu'a moi. jc
lines du Fauxbourg, Be puis m'empechcr
& apres l'avoir encore de marquer la tres
examinee & eonnu grande furprife ou je
tout de nouveau, que luis de ce que Ton dit
Dieu l'avovt touchde, de moi dans f article
je lni pfefentai 1c qui me regarde. Bien
Formulaire tel que Coin d'avcir figni a-
j'ai l'honneur de vous vec une joie infinie ,
Fenvoier , & elle le & d'avoir protefleque
Jigna avec une joie in- je navdis jamais run
finie ,proteftant quel- fait plus librement &
le n'avoit jamais rien plus volontairement,
f.lit plus librement & eotnmeil e(lpone dans
plus volontairement. ce recueil , j'aurois
Enfuire je dreflai le fouhaite qu'on m'eiit
proces-veibal qu'elle accordilesSacremens,
figna ; apres quoi, fans m obliger afigncr.
eomme elk me de- 11 n eft point vrainon
mandaen grace de la plus que j'aie deman-
tonduire a la commu- de en grace , d'etre
naute des religieufes eonduhe a la commu-
pour dctnander en leur nauti des religieufes „
-ocr page 69-
III. P ARTIE, LlV. III. 6f
pre1 fence pardon a pour demdnder pardon
Dieu , a VEglife, au en leur prifence a
Roi, & a M.le Car- Dieu , au Roi &> a
dinal de Noailles, de M. le Cardinal de
fa defobeijfance, nous Noailles de ma difo-
defcendimes a la falle beiffance , ni que j'aie
avec elle.
La elle fe condamne ma condui-
mit a genoux , & dit te pajfee , comme il efl
des chofes fort tou- pone par cette lettre.
chances fur ce qu'elle
venoit de faire , s'hu-
miliant devant Dieu ,
condamnant fa con-
duite paflee ....
Elle fe retira dans // n'efl point vral
fa chambre , oil elle non plus que j'aie e-
icrivit , felon fon ge- crit felon mon genie ,
nit, une lettre a tou- la lettre quej'ai icrite
tis fes faun.                a nos fimrt. Von me
I'avoit compofe'e , &
I'on m'a forcle dehur
e'crire malgri moi , &
dans laquelle on n'a
jamais voutu (oufFiir
que je marquafTe les
raifonsqui m'avoieiit
determinee a figner ,
&e.
Environ uii mois Enfin,il n'efl point
apres, elle fit une con- vrai que j'aie fait une
fejfion generate & confefpon generate,
eornmunia, aiant un que j'aie comtminiiun
cierge a la main ; a cierge a la main , que
la fin de la Mejfe on j'aie appelle cette c£--~
clianta le Te Deum , remonie ma premiere
& elle appella cette communion,
ceremonie , fa premie,.
re communion*
-ocr page 70-
68 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
II n'eft pas poffible de donrier mi
dementi puts net & plus formel que
l'eft celui que la four Couturier don-
ne a M. de Nevers fur tous les arti-
cles de fa lettre. Cette religieufe aflu-
re meme que toute la maifon peut
rendre temoignage de la fauflete de
ces faits. »Apres avoir nie tous ces faits3
» de lafaujfete dejquels toutes les re-
» ligieufes de cette maifbn peuvent ren-
» dre temoignage ( ce font les paroles
>■> de la four Couturier) elle deman-
» de pardon a Dieu , a TEglife, & a.
» fes fours du fcandale qu'elle leur
» a caufe par fa fignature , & par les
» deux lettres qu'elle avoit ecrites,
» Tune a M. de Nevers, l'autre a fes
» fours «. A l'egard de fa fignature,
elle dit qu'elle ne croioit nidlement en
avoir figure arte telle qu'on Pa publiee ;
puis elle ajoute ,je declare done de tout
rnon exur que je la ritracle.
Elle re-
trade audi la lettre qu'on I'avoit for-
cee d'ecrire a fes fours ; & meme celle
qu'elle avoit d'elle-meme ecrite a M.
de Nevers, parcequ'elle s'y eft mal
expliquee. Je retracle done encore cette
lettre
, dit-elle, par rapport aux mau-
vaisfens que Von peut donner aux ex-
prejflons dontje me fuis fervie.
Apres ces retractations , la four
-ocr page 71-
III. Parth. L'iv. III. 6$
Couturier continue ainfi: » voild ce 1712.
» que ]e me crois obligee en conf-
». ciencede declarer par cec a£te pour
» etre un temoignage de mes verita-
» bles fentimens , & des faufletes que
^ Ton a avancees dans ce recueil.....
" Je remets ma retractation entre les
» mains de mes amis , pour en faire
" tout ce qu'ils jugeront a propos.
" S'ils trouvent quelque moi'en pour
» la faire favoir au public , je ne m'y
» oppofe pas, ne fouhaitant en cela
» que d'acccomplir la volonte de
» Dieu, n'ofant pas moi-meme ex-
" pofer ma foiblelFe, au moins pour
« le prefent, apres les epreuves que
» j'en ai faites «,
Le Lecleur fera telle reflexion qu'il
jugera fur ce qui s'eft pafle a l'egard
I de la fceur Couturier. La fincerite
des religieufes de Port-roi'al, qui eft
fi bien etablie, ne le laiflfera pas long-
terns en fufpens fur le parti qu'il a •
a prendre, en voiant d'une part des
faits avances par M. de Bargede , 8c
de Pautre ces memes fairs contredits
& dementis par la fceur Couturier.
II n'aura pas de peine a croire qu'un
Prelat, qui eft parvenu a l'Epifcopat
en faifant figner une demiffion a ion
predecefleur qui croi'oit figner un de-
-ocr page 72-
70 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
miflbire , n'eft pas incapable d'a-
vancer des faits peu conformes a. la
verite. D'ailleurs on fait de quoi un
Jefuite (38) , qui lui fervoit de Secre-
taire , & qui etoit fon homme de
confiance, eft capable.
Du refte, la fceur Couturier fut af-
fez bien traitee dans le lieu de fon
exil, tk. elle s'en loue dans fa lettte
du 1 z decembre 1710. » J'ailebon-
« heur , dit-elle , d'etre dans une
» maifon , oil toutes generalement
» ont des bontes pour moi que je ne
" puis exprimer. Mais , ajoute-t-el-
« le (39) , peut-il y avoir une verita-
» ble confolation pour de pauvres exi-
" lees comme nous lefommes , qu'au
« pie de la Croix , pour y repandre
" nos cceurs penetres de tant de for-
» tes d'afflidions, pour nous refu-
jj gier dans les plaies d'un Dieu qui
« ne les a ouvertes que pour nous y
3) recevoir. Mais je vous avoue que
=> ce n'eft pas fans craindre de n'en
» etre pas digne , & d'etre rejettee
comme une vierge folle , pendant
» que nos fours qui font demeurees
j> fermes, & que je n'eftime point
» du tout qui foient hors de la fainte
(58) LeP.Braflin.           perfec. T. j*.p. ff, Mem,
(j«j Hift. de la (ton. hill. T, 6. p. 477.
-ocr page 73-
111. P A R T I E. LlV. III. 71
h Eglife, feront recues de 1'Epoux , 1712.
» auquel elles apprehendent rantde
w deplaire. Mais helas ! que peut-on
v faire autre chofe au milieu des epaif-
« fes tenebres 011 Ton vir aprelenr,
« que de fe jetter avec mi profond
« aneantifTement entre les bras de ce-
» lui qui promer qu'il n'abandonnera
" point ceux qui mettent toute leur
" confiance en lui ?
Les plaintes que la foeur Cou-
turier fit enfuite de vive voix &
par lettres eontre les faufletes avan-
cees dans ce Recueil de pieces , la ren-
dirent fufpe&e , & refroidireht a Ton
egard les reli'gieufes, quoiqu'elles fuf-
fent perfuadees elles - memes de la
juftice de fes plaintes. La prifonniere
effu'ia de nouvelles attaques. M. de
Nevers s'etant fait ecrire une lettre
par M, de Pontchartrain, de la part
du Roi , pour s'ailurer de fes fenti-
mens , envoia le 17 novembre 1711
le fameux Pere Braffin lui en faire
lecture. Le depute s'acquitta de fa
commiflion, maisil ne put rien tirer
d'elle, finon qu'elle etoit dans les fen-
timens ou elle devoir etre, & dans
lefquels elle avoir toujours ete. Sans
vouloir entrer dans aucune difcuilion
avec le Jefuite , elle fe contenta de
-ocr page 74-
7* HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
1711. lui dketjefuis & ferai roujours fdk
de VEglife.
Un mois environ apres ,
aiant en occafion de voir le meme P.
Braffin
dans le terns qu'elle cherchoit
tous les moiens de reparer la faute
qu'elle avoit faite par fa fignature &
fes deux lettres , elle lui dit » qu'elle
» fe croioit obligee en confeience de
» lui declarer fes veritables fenti-
« mens plus clairement qu'elle n'a-
» voit fait le jour qu'il les lui avoit
» demandes ; qu'elle avoit bien eu du
» regret de ne l'avoir pas fait alors;
" mais que pour marque de fa fince-
« rite , elle lui remettoit en main
» l'acte qu'elle avoit fait auffi - tot
» qu'on lui eut montre fa fignature
=» telle qu'elle etoit. Je ne crois pas,
« dit la fceur Couturier, parlant de
» cette demarche , pouvoir trouver de
1
          » medleurmo'ien que celui-la\\o) pour
" m'acqmtter de mon devoir «. Depuis
ce terns elle fut plus reiTerree , & me-
me privee des Sacremens, a ce que
Ton croit. Elle eut une maladie dan-
gereufe , dans laquelle on n'epargna
rien pour la faire changer , mais elle
triompha de tous les efforts du feduc-
teur. Nous verrons dans la fuite cette
religieufe transferee de Nevers dans
(40) Lettce du ijih.tfll,
l'Abbai'e
-ocr page 75-
III. Partii. Liv. III. 1\
lAbbai'e de Malnoue (41), &y finit i71i, ""
heureufement fa carriere dans unar-
tachement inviolable a la verite.
La foeur Marie Madeleine de Sain- xxxr.
te Cecile Berrrand, releguee a la Vifi- la
aTnaxmc
tation d'Amiens , figna le Formulaire <*e Ia fa:u*
&la Bulle Vineam , leiy mars 1710,
& elle ecrivir le mcme jour a M. de
Noailles. L'Auteur de l'hiftoire abre-
gee de la derniere perfecurion de P.R.
parlanrde la fignarure de la Sr. Cecile
Berrrand, dir (42) qu'onn'en marque
poinr les morifs. Voici de quelle ma-
niere elle raconte elle-meme la chofe
dans une lettre a Mademoifelle de
Joncoux , du 16 aour 1711. Apres
avoir dir qu'elle avoit donne beaucoup
de peines & de fatigues pendant cinq
mois a M. d Amiens 3 qui riavoit
rien ipargne pour la faire rendre a ■
Jon devoir 3 & qu'elle lui avoit tou-
jours rejiftd, ne voulant point fe rendre
a fes charitables exhortations t elle
continue ainfi: »
Enfin la fere de Pa-
» que etant proche, Sa Grandeur me
(41) L'Auteur des Me-   qu'aTant ete transferee a
moires hiftoriques, T. 6.
    Malnoue aumoisdefep-
p- 497 , nous apprend que
   tembre 171S , elle y pro-
le nom de cetie religieufe
   tefta contre la violence
fe trouve parmi ceux des
   qu'on lui avoit faite , &c
IMulines de Nevers dans
   r£traQa ce en quoi elle
uu afle d'acceptation de
    avoit pu avoir part.
ia Bulle Uatgeuuut , & (41) T. 3. p. 19.
Tome X.                        D
-ocr page 76-
74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» fit l'honneur de me venir voir , &
" de me donner la Bnlle de Sa Sain-
» tete , que j'avois deja lue plufieurs
" fois fans qu'elle me fit aucune im-
» predion; ll m'ordonna de la lire
« avec attention & de confiderer ce
" qu'elle demande , & les peines dont
» elle menace les perfonnes defobeif-
" fantes qui refufent de fe foumettre
» a l'Eglife. Je confiderai done de-
» vant Dieu toutes ces chofes, 8c le
» priai inftamment de me faire con-
» noitre fa fainte volonte , & ce qui
» etoit plus utile pour fa gloire &
» pour mon falux. Aiant pane quinze
» jours dans un combat qui ne fe
» peut exprimer, & voi'ant le pour
« & le contre de cette affaire , Sc
» l'impuifTance ou je fuis d'en favoir
» la verite par moi-meme, etant un
" livre latin auquel je n'entens rien 3
« j'ai cru etre obligee en confeience
« de me foumettre de bonne foi a
» ce que demandoit de moi la fainte
» Egiife ma mere, & de croire ce
" que me difent mes Superieurs ec-
» cleiiaftiques & legitimes , prefe-
» rant leurs lumieres & leur juge-
» ment a ce que je pouvois favoir.
« je me fuis foumife de bon cceur,
« etant dans une douleur extreme de
-ocr page 77-
III. P A R T I E. LlV. III. 75
•> ma longue refiftance, & du fcan- TZ
« dale que j'ai donne a l'Eglife. J'en
« demande tres humblement pardon
» a Dieu & a mes Superieurs. Voila,
» Mademoifelle, ce qui s'eft pafTe
» dans ce qui regarde ma fignature».
On voit par cet expofe , que cette
pauvre fille s'eft laiflee enrrainer a
figner , fans aucune connoiflance dif-
tindte , ni perfuafion certaine de ce
qu'elle fignoit, &: Jans/avoir la veritd
par elle - mime ,
comme elle le dit,
mais feulement eblouie par des raifon-
nemens. vagues de l'obeiiTance qu'elle
devoir a l'Eglife & a (es Superieurs
ecclefiaftiques. Nous ne repeterons
pas ce que nous avons dit en tant
d'endroits fur l'obeiiTance que les in-
ferieurs doivent a l'Eglife fur la de-
cifion des fairs , dans laquelle elle
peut fe tromper j nous nous conten-
tons de faire remarquer le motif qui
porta cette religieufe captive a fe fou-
mettre a ce qu'elle avoit refufe etant
en liberte. Aufli l'eblouiiTement ne
dura-t-il qu'autant qu'elle fut en cap-
tivite ; & elle n'eut pas plutot recou-
vre une demie liberte , qu'elle recon-
nut la faufle demarche dans laquelle
on l'avoit engagee , & qu'elle repara
fa fame en retractant fa fignature.
Drj
-ocr page 78-
7£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
Comme elie portoit toujours cette
retractation , elle tomba lift joiir de
fa poche, dans le terns qu'elle etoit
a P. R. de Paris, foit avec deflein ,
foit fans deiTein , & fut portee a Ma-
dame de Montperoux Abbelfe de P. R.
qui en fit tant de bruit, que la fceur
Bertrand fut obligee de quitter cette
maifon ou elle avoit etc- transferee en
1718 (43) ,& fut mife a Malnoue le
27 mars 1723. Pendant quatre ans
I71 *■•
.xxxir.
Sa retract*
lion , fa
molt.
(4;) Cette rcligieufe
tefufa en 1715 apres la
mort de Louis XIV d'etre
transferee comme la plii-
part de fes fceurs, dans
un monailcre ou cllesau-
roit eu plus de liberte que
dans celui de la Vifita-
tion d'Amieus. Apres a-
■voir refufa cette tranfia-
tion dans lc tems qu'elle
lui avoit eti offerte , elle
la demanda en 1717 , &
euc lieaucoup de peine a
1'obtenir. Ce tie fut .'mime
qu'a condition qu'elle en-
treroit a P. R. de Paris,
ou elle entra , dit-on,
contre fon gre au com-
mencement 2e juin 1718.
y etant amenee pat les or-
ires de M. le Cardinal de
Noailles. Deux mois a-
pres, comme c'etoit une
fille de beaucoup de meri-
te, on la fit niaitreffe des
novices : mais elle ne le
fut pas long-terns. Sa re-
jraftation aiant ete ponce
a Madame de Montpe-
roux , elle l'obligea de
fortir. M. de Noaillcs
voulut appaifer 1'AbbefTe,
mais il ne put y reuffir.
Tel fut le fujet de la for-
tie de la fceur Bertrand
4e P. R. de Paris, felon
l'Auteur de l'hiftoire de
la dernieie perfccution,
Au contraire, l'Auteur du
recueil de pieces in-iz de
1740 marque cUns une
note fur la xiv piece pa-
ge 5 J 9 > que la fceur Ber-
trand en fortit par le cre-
dit de Madame la Prin-
ceffe de Conti, qui etant
ators en dirlerend avec fon
mari, etoit releguee dans
cette Abbaie. ia fceur
Bertrand avoit-elle he-
foin de credit, pour ob-
tenir de fortir d'une mai-
fon , d'ou l'Abbeffe la
vouloit faite forrir, mcme
malgre M. le Cardinal de
Noailles >
-ocr page 79-
111. Par tie. Liv. Hi- 77
qu'elle vecut dans cette derniereAb- 1712.
bate , elle edifia beaucoup par fa
regularite, fon amour pour la pau-
vrete, fa droirure , fa fimplicite , fon
humilite , fori obeiifance , fa patien-
ce , en un mot, par la pratique de
routes les vertus chretiennes & reli-
gieufes. Elle mourut a Mainoue le
25 decembre 1727 agee de foixante-
neufans. Elle labia en mourant une
odeur de vertu qui a fubfifte aufant
que la maifon. Les vertus qu'on a le
plus admirees en elle, etoient l'exac-
titude aux obfervances religieufes &c
l'amour de la pauvrete. Elle avoir tant
d'eioignement du vice de propriete,
que quoiqu'elle fut dans une maifon
etrangere , elle vouloit tout avoir en
commun, mettant exa&ement au de-
pot tout ce qu'elle recevoit. La droi-.
ture & la fimplicite faifoient encore
fon caradtere particulier j elle y joi-
gnoit une profonde humilite , voulant
dans les moindres chofes dependre de
TAbbeiTe & des uperieures de la mai-
fon.
La fceur Fran$oife de Sainte Aga- xxxin.
the le Juge ^xilee dans le monaftere i^Lt
de la Vifitation de Chartres , figna le de la f^ur le
* 3 avril 171 o. M. de Merinville Eve- Jugt"
que de Chartres drelfa un proces ver-
D iij
-ocr page 80-
________7^ HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
j 71 z. bal de cette fignature , le fir figner par
plufieurs temoins, & L'envoia a M. de
Noailles accompagne d'une lettre ,
dans laquelle il marqua a Son Emi-
nence que c'etoit la quatrieme conver-
Jion que Dieu venoit d'operer dans Jon
Dioeefe.
( II parle ainfi parceque la
fceur Robert & deux converfes exilees
dans ion Dioeefe avoient dejafigne).
Quelles converfions! Celle de la fceur
Agathe le Juge ne fut pas perfeve-
ranre, ou pour parler plus jufte, la fe-
duftion ne fut pas de longue duree.
Elle ne fut eblouie que quelques mo-
rnens
, comme elle le dir elle-meme
dans uhe lettre du 8 feptembre 1710a
Mademoifelle deJoncoux.Apeine eut-
ellefigne, qu'elle fur penetree de dou-
leur de fa faute \ & des le lendemain
a4 avril elle la repara aurant qu'elle
put par une retra&ation qu'elle drefla
en forme d'amende honorable, done
elle fit trois copies le memejour par
la crainte d'etre pre venue par la mort.
Elle en portoit roujours une fur elle ;
les deux aurres furent remifes a des
amis. Elle en drelTa une nouvelle plus
deraillee le 18 mai fuivanr, elle fit-
part de fes difpofitions a la fceur du
, . Valois qui gemiflbit de fa chute, &
la pria de lui drefler elle-meme une.
-ocr page 81-
HI. Pa itie. Ik, III. fo _____
retractation en forme , ce qu'elle fit, \-jix,
8c
la foeur le Juge la figna le 20 mai.
Depuis le moment que Dieu lui eut
fait connoitre fa faute, c'eft-adire,
depuis le 24 avril, elle ne ceflfa de la
pleurer , de faire pour la reparer tout
ce qui dependoit d'elle, & de prefer
qu'on rendit fa retractation puBlique.
C'effc ce qu'on voit par toutes les let-
ties qu'elle ecrivit depuis fa chu-
te (44). La fceur Agathe le Juge fut
transferee le 12 mai 1716 dans l'Ab-
bai'e de Malnoue , Ordre de S. Be-
noit Diocefe de Paris , oii elle fit pa-
roitre beaucoup de piete^fur-tout une
grande affiduite al'Office divin. Elle
v eft morte agee de foixante-huit ans,
le 10 juillet 1728.
La fceur Madeleine de Sainte - Ide xxxiv.
le VavafTeur, envoiee d'abordchez les ^ig°^e'
Urfulines de Nevers,transferee au mois vavafleur.
d'avril 1710 chez les Filles de Sainte-
Marie au Diocefe d'Autun , figna le
17 juillet 171 o , avec la declaration
qui lui avoit ete fuggeree, dit-on,
par le Pere Gerberon , favoir qu'elle
fe foumettoit pqur rendre a l'Eglife
la foumifllon que tous les vrais fide-
7(44) Vo'iezla chute, les des Mem. hift. p. jii,
leiraftations .8c les lcttres 54j.
•wlafocut le juge, T. 6.
D iiij
-ocr page 82-
8o HlSTOJRE DE PoR.T-R.OlAt.
les lui doivent. L'Abbe Languet, alors
Grand-Vicaire, devenu fi Fameux fur
Is Siege de Soifions,&: depuis fur celui
de Sens , par fes fophilmes, par le
roman de Marie Alacoque , par fes
declamations contre le grand precepte
de l'amour de Dieu, &c. l'Abbe Lan-
guet , dis-je , Grand-Vicaire & Offi-
cial fe fit honneur dans le tems de la:
chute de cette religieufe.
II eft a propos de remarquer que le
Pere Gerberon bien loin d'engager
la religieufe a la creance du fait, pre-
tendoit l'exclure par la claufe qu'il
lui avoit fuggeree, parceque l'Eglife
n'etant point infaillible dans la deci-
lion des faits non reveles , elle n'a pas
droit d'en exiger, & n'en exige en effet
point la creance , ni par fa decifion ,
ni par fes preceptes. II eft certain que
le Pere Gerberon n'avoit pas d'autre
fentiment (45), ni d'autre intention
dans l'avis qu'il donna a la fceur Ide
le Vavafleur qu'on avoit engagee a le
confulter (46). Mais quelqu'intention
<4f) Voi'ez l'avertifli-    de Joncoux au P. Qucfnet
ment fur les retractations   dans Thiftoire de la dern.
des religieufes de P. R.    perfec. T. 3. p.41.
impiime en 1711, p. <o       (46) Elle le confulta
&c fuivantes3 hiltoite de   pat une lettre qui lui fue
la derniere perfecution,    ponee par l'Abbe Bochard
T. 3. p. 35, & fuivantes.    de Saron, Treforier de
lettre deMademoifelU:    Vinceanss. Le MeiTaget
-ocr page 83-
HI. P a'r t i £. Liv. III. 81 _____
qu'eutle P. Gerberon , cela etoittrop 1712,
enveloppe pour que la fceur Ide le Va-
vaffeur put compreridre le yrai. fens de
Cet avis 5 d'ailleurs cette claufeetoit
equivoque & irifuffifante. Si le P. Ger-
beron avoir ere en pleine liberie , oil
s'il avoit ecrit lui-meme, il eft a croi-
re qu'il fe feroir exprime autremenr.
Pour ce qui eft de la fceur Ide leVavaf-
feur , elle crut que la decifion du P.
Gerberon etoit que tous les fideles
doivent la foumiffion de creance aux
fairs decides par l'Eglife ; & que l'E-
glife ai'ant decide le fair de Janfenius ,
elle etoit obligee de le croire. Elle
figna dans cette perfuafion le 17 juil-
let 171 o , & ecirivit le meme joUr a
M. de Noailles une lerrre qui fiit en-
voi'ee a fdn Eminence avec le proces
verbal de la fignarure , qu'elle n'a-
point retra&ee. Elle prit meme de
telle forte l'efprit des Filles de la Vi-
preta fa main pout la re-    Triforier de Vincennes de
ponfe au Pcre Gerberon ,
    ripondre. Ce Treforier en
qu'une paralylie fur le
   repondanr au nom du Pere
j"s. mett0't hors d'etat
   Gerberon , n'a c il pas pu
»"re.J 8c peut-erre la
   le faire au gout de fes
preta-t-il aux vues dsfes
   bons amis' Uafairpreu-
aticieris confreres (les Je-
   ve de fon favoir faire pour
fuites ) en tournant la
   les fervir; ainfi nous ne
reponfe a fa fac,on. Car il
   Penfons pas que ce foup-
paroit par les termes de
    <pn puiile etre regardS
la lertre , que le P. Get-
   comme un jugemenr te-
uton le chargea de la
    mciaire de notrc part.
Mac : /, prierai Mt u
D v
*
-ocr page 84-
M. HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
ijix. litation qu'elle vouluttoujours refter
chez elles , quoiqu'apres la mort de
Louis XIV tomes les autres exilees
profitaflent de la liberte , queues eu-
rent de revenir dans t le Diocefe de
Paris. II paroit neanmoiris par une
lettre de fa fceur de Sainte - Ide (47)
ecrite le 11 feptembre 1718 a Ma-
demoifelle de Flefcelles fur la mort
de la foeur Francoife- Agathe le Juge,
qu'elle entretenoit toujours commer-
ce de lettres &c confervoit de l'eftime
&c de l'amitie pour fes foeurs refiden-
tes a Malnoue. Elle mourut a Mou-
lins agee d'environ quatre-vingt-cinq
ans, le z 5 decembre 1735 > Fr a*n^
elle furvecut a. toutes fes fours (48).
xxxv.
         La foeur Pepin qui etoit releguee
u fignamre chez les religieufes de la Vifitation
ff .ia fccut d'Autun etant tombee daneereufe-
ment malade de la petite verole, on
fe fervit de cette occafion pour l'en-
gager a figner. La petite vdrole 3 dit
M. du Feu , ejl le mo'ien efficace dont
il a plu a la divine mifericorde de fe
fervir pour I'obliger afon devoir
(49).
Cette pauvre captive effra'iee de la me-
nace que Ton lui fit de jetter, fitot
{47) Hift. de Ia dern. hift. T. <S.p. 5S7, ?8f.
{•erfec. T. j.p.307.
               (49) Lettre de M. da
(48) Voiez les Mem. feu, du }. de juin 1710.
-ocr page 85-
III. Partii." Liv. III. 83
qu'elle feroit morte , fon corps dans
un jardin , fe foumir (50), & promit
que fi elle revenoit en fanti elle don -
neroir toutes les declarations qu'on
defiroit;, &c qu'elle ecriroit a M. le
Cardinal de Noailles. Sur cette pro-
meflfe elle recut le S. Viatique. Lorf-
qu'elle fut relevee de fa.maladie elle
ecrivit a M. de Noailles une lettre
afTez anibigiie, & dans laquelle elle
ne s'humihoit pas afiTez au gre de fon
Eminence. ( Effedtivement la lettre eft
plutot une apologie de la fceur Pepin
qu'un defaveu &c une foumiffion ).
Elle y faifoit une peinture alTez vive
1712.
le milieu du mois de juil-
lec : Elle efl depuis peu de
jburs attaquee de la petite
verole,
dit le meme M.
du Feu, dans une lettre a
M. de Beaufort datee du
15 de juillet. Les pieces'
produites par M. de Noail-
les dans le recueil qu'il
publia eu i7«l, cOntre-
difent manifeilement cel-
les du recueil Jefuitique :
& rebus & verbis pugnan-
tia inter fe pronuntiant,
comme le difoit autrefois
faint Irenee, lib. i. c, xi.
n. X. D'pil viennent ces
contradictions ? le Lec-
teur le comprend aifemenc
& en tirera les confequen-
ccs.
(50) La premiere figna-
ture de la fosur Pepin eft
du 1 de juin , felon la
premiere lettre de M. du
Feu Grand Vi;aire,datee
du ; de juin. L'afte , par
lequel elle fe foumet de
cceur & de bouche a la
Conflitution de Clement
XI fur le cas de confcien-
ce contre le Janfenifme,
eft de meme date. Cell
dans la premiere lettre
du j de juin , produite
dans le recueil des Jefui-
tes, qu'il efl dit, que la
petite verole efl le mo'ien
dont Dieu s'eft fervi
pour I'obliger a fin de-
voir.
Cependant la fceur
Pepin ne fut attaquee de
J* petite verole que vers
Dvj
-ocr page 86-
84 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI."
des mauvais traitemens qu'elle avoir
efiiries, &c n'y marquoitpas beaucoup
de foumiffion & de regret. C'eft pour-
quoi M. de Noailles fit ecrire a M.
du Feu Grand-Vicaire d'Autun qu'il
n'etoit pas content, &c qu'il vouloit
une autre foumiffion de la part de la
fceur Pepin. Elle la fit le z 5 aout, en
declarant que » pour ne laifler aucun
» doute de fon obeiflance, elle fe fou-
» mettoit de cceur & de bouche, fans
jj aucune referve , ni reftri&ion , a la
» Conftitution de Notre-Saint Pere
« le Pape Clement XI fur le cas de
» confcience contre le Janfenifme,
" du 15 juillet 1705 , comnie auffi
m au Mandement de Son Eminence
w Monfeigneur le Cardinal de Noail-
» les, Archeveque de Paris, fon Su-
« perieur, pour la publication de la-
m dite Conftitution ». La foBur Pepin
ccrivit enfuite a Son Eminence une
lettre datee du 18 aout 171 o pour lui
temoigner qu'elle etoit fachee que fa
premiere ne lui eut pas ete agreable ,
& de ce que fes paroles n'avoient pas
bien exprime les fentimens de fon
cceur. Elle ajouta que l'a&e joint a fa
lettre y fuppleeroit. Le tout fut en-
YOie a M. de Noailles par M.'duFen,
-ocr page 87-
III. Partie. Liv. Ill 85 _____
& accompagne d'une petite lettre de 1711,
ce Grand-Vicaire (51). La fceur Pe-
pin a retra&e depuis cette fignature,
dont elle a gemi toute fa vie. Ses Pa-
rens obtinrent en 1711 qu'elle flic
transferee a Orleans a. caufe de fa fan-
re. Elle y fut mife chez les religieu-
fes de la Visitation , d'ou elle vint
enfuite a Liefle, monaftere de l'Ordre
de Saint Benoit faubourg de S. Ger-
main a Paris. Elle y entra le 20 mai
1716, & y refta jufqu'au 3 fevrier
1719 que M. de Noailles la fit for-
th de ce monaftere pour la mettre
dans celui des Chanoinefles regulie-
res de Picpus au fauxbourg Saint An-
toine. Elle edifia beaucoup la com-
munaute par fa vertu , fa prudence ,
& fur-tout par la patience avec la-
quelle elle fouffrit, fans jamais fe
plaindre , les douleurs d'un cancer ,'
dont elle mourut le 25 fevrier 1720,
agee de foixante - trois ans , apres a-
voir recu les Sacremens avec beau- ,
coup de piete. On conferve a Picpus
un gros ouvrage in 40. qu'elle a com-
pofe fur les Pfeaumes : il eft divife
en trois colomnes , dont la premiere
contient le Texte , la feconde une
(51) Voi'ez toutes ces letttes, T. i, des Menu
kift-F-54J>&fov.
-ocr page 88-
8<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
"xjiz. Paraphrafe, & la troifieme fes Refle-
xions,
xxxvi. ^a ^oeur Marie de Sainte-Catherine
Examen de Iflali Celeriere exilee chez les Ur-
deSfaurasTfulines de Meauxfigna le 10 aout
raii&Benoi- 1710 j & deux jours apres la fceur
(e'
            Celinie Benoife exilee chez les reli-
gieufes de la Visitation de la meme
villefigna le Formulaire & la Bulle
Vineam. Ni l'une ni l'autre n'ecrivit
f»our lors a M. le Cardinal de Noail-
es. La premiere n'etoit pas en fitua-
tion de le faire, etant malade. Ce fut
ce qui occafionna fa fignature, n'aiant
pu obtenir les Sacremens qu'a cette
condition. Encore ne lui accorda-t-on
d'abord qu'une demie confeflion , &
non une confeflion entiere & en de-
tail ,ni les autres Sacremens , parce-
qu'on n'avoit pas la permiflion de M.
le Cardinal. M. Chevalier Grand-
Vicaire de Meaux , & depuis Chanoi-
ne de Notre-Dame de Paris, qui a-
voit recu les fignatures des deux re-
ligieufes, fe chargea d'ecrire pour elles
a Son Eminence : il le fit le 1 3 aout en
envoiant les proces-verbaux qa'il en
avoit drefles. M. de Noailles ne voiant
point de lettres de la part des deux
religieufes , & d'ailleurs n'etant pas
apparemment content des proces ver-»
-ocr page 89-
III. Par tie. llv. 111. %-j
baux voulut de plus grands eclair- iyix,
cifTemens. M. Chevalier pour raflurer
Son Eminence fit ecrire les deux re-
ligieufes le 27 aoik , & ecrivit lui-
memeune lettte datee du meme jour,
dans laquelle il rend compte de la
maniere dont les chofes fe font paf-
fees. C'eft par cette lettre qu'on ap-
prendquela fceurlfTali etant menaces
a'un tranfport au cerveau elle deman-
da ^ fe confefTer, a quoi M. Cheva-
lier ajoute, qu'on ne lui accorda meme
la confejjion qu'en la remettant pour les
autres Sacremens y
& pour faire une
confejjion plus entiere & plus detaillee
lorfqu'on auroit recu les permijjions
convenables & qu'elle SE TROUVEROtt
DANS UN ETAT PLUS LIBRE. Elle
n'etoit done pas dans un etatbienli-
bre lorfqu'elle figna. Quel cas doit-on
faire d'une fignature faite par une •
perfonne qui n'a pas l'efprit libre, &
qui eft menacee d'un tranfport au cer-
veau ? Ajoutons a cela que M. Che-
valier fit entendre aux religieufes exi-
lees a Meaux , que la fignature qu'on
leur demandoitregardoit proprement
le droit j & que pour le fait, tout
^'engagement qu'elles prenoient fe re-
duiioit a une deference pleine de ref-
pe£tj qu'il etoit allure par la deci-
w
*
-ocr page 90-
88 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE
fion du Papequele Saint Siege n'exl-
geoit la croiance que pour le droit,
& que c'etoit tout ce qu'on deman-
doit par la Bulle Vineam.
M. Chevalier qui avoit catechife
les deux religieufes fur la fignature ,
infinue lui-meme ce que nous venons
de dire dans fa premiere lettreaM.
de Noailles , en difant (51) qu'elles
m avoient Fait injure a l'Eglife en don-
» nant lieu de penfer par leurs mau-
» vais fcrupules qu'elles cro'ioient cet-
« te epoufe de Jefus - Chrift capable
» d'exiger de fes enfans une foumif-
» fion qui pouvoit les engager dans
» le menfonge &c meme dans le par-
» jure «. 11 eft certain que la foumif-
fion dont M. Chevalier parle en ces
termes, eft celle qui regarde le fait,
puifque les religieufes n'avoient au-
cune peine fur le droit. C'eft done
de cette foumiffion fur le fait, qu'il
dit : » que c'eft faire injure a l'E-
» glife de la croire capable d'exiger
» de fes enfans une foumiffion qui
» pourroit les engager dans le men-
» fonge «. Ainfi, felon M. Cheva-
lier , l'Eglife eft incapable d'exiger
fur le fait une telle foumiffion. Elle
ne le pourroit, que dans la fuppofi-
(ji) Hift. de U detn. pctfec. T. j. p. 75.
.......J
-ocr page 91-
III. Part ie. Liv. III. 89
tlon qu'elle fut infaillible dans la de-
cifion des faits > or M. Chevalier ne
reconnoilToit point en elle d'infaillibi-
lite fur la decifion du fair. ClementXI
luiavoit declare a lui-meme que cen'e-
toitpoint lalebut de fa Bulle, & qu'il
avoiteu des raifonsjuperieureSjf oui ne
point fe rendre aux follicirations de
quelques Eveques, qui lui avoient ecrit
de tres belles lettres pour le prier de
prononcer fur I'infaillibilite de CEglife
dans les faits
; il eft done clair par la
lettre meme de M. Chevalier, que les
deux religieufes exilees fignerent fur
le principe que l'Eglife n'exigeoit
point d'elles la creance du fait \ 8c
que ce fut par ce principe que M.
Chevalier lesengagea a figner, en leur
culant, que l'Eglife netoit pas capable
d'exiger a leur egard une foutnijfwn qui
put les engager dans le menfonge &
meme dans le par/ure.
II eft certain,
dis-je, que fi l'Eglife exigeoitla crean-
ce d'un fait avec ferment, fans etre
infaillible dans la decifion de ce fait,
elle pourroit engager dans le men-
fonge & le parjure : or l'Eglife eft
incapable d'engager fes enfans dans
le menfonge & le parjure; elle eft
done incapable d'exiger la creance du
fait,
*
-ocr page 92-
5N5 ttlSTOIRE DE PoRT-ROlXli
1-7I2>"~ Lafceur IiTali ai'ant vu ce qui etoit
xxxvif. rapporte d'elle dans le recueil des fi-
tafcraruftii gnatures, que Mademoifelle fafceur
ut%t££ «£ fit voir> dit que lonl'avoit ttbm-
pee.
            pee, & que Ton lui avoit fait enten-
dre que fa fignature ne tomboit que fur
le droit & non fur le fait: que d'ail-
leurs elle avoir figne etant fort tnal,
&fachant a peine ce qu'elle faifoit;
ai'ant ete deux jours fans connoiflan-
ce (53). Mademoifelle IiTali vitauffi
la foeur Benoife , mais comme e'etoit
en prefence de la Superieure, cette
pauvre religieufe ne put s'expliquer
fur fa fignature, & elle ne fit que
pleurer pendant tout le tems qu'elle
pit au parloir.
xxxviti. La fear de Sainte Syncletique de
Examen de Remicourt Souprieure de P. R. refifta
la lignatme                    r          l             -,               . r
aeUfaurde courageulement pendant piuneurs
ftinte sya- annees, malgre les mauvais traite-
e" mens qu'elle eifuia de la part de Ma-
dame de Saint-Pierre Abbeffe ou
Prieure de Bellefond, & malgre les
vives exhortations de M. d'Aubigne
Archeveque de Rouen. Enfin , apres
cinq ans de combat, le bruit fe repan-
dit apres Paque de l'annee 171 5 que
(fi) Cetre religieufe rnourut le i} decembra
'fut transferee dans le mo- 1713,
naftere de Lieife, ou elle
-ocr page 93-
III. Parti t. Liy. III. 91
la captive s'etoit rendue , & qu'elle 171 i.
avoit ete admife a la participation
des Sacremens. Mais cette vidroire
fur une pauvre fille plus que feptua-
senaire, affoiblie par les annees 8c
les rigueurs d'une longue captivite ,
eft d'autant plus fufpe&e que les
vi&rorjeux n'ont pas ole produire les
litres de leur triomphe} & la capti-
ve fut toujours depuis fa pretendue
foumifllon auffi reflerree & meme plus
qu'elle ne l'avoit ete auparavant.
On voit par tout ce que nous
avons dit jufqu'ici fur les fignatures
des religieufes, qu'on les engageoit
a figner, foit en abufant de letat
ou.elle's. etoient reduites par l'arroi-
blifTement d'efprit & par la maladie ;
foit par des menaces de privation de
facremens & de fepulture ecclefiafti-
que, foit en leur faifant entendre que
la fignature qu'on leur demandoit,
ne regardoit pas le fait ; on leur fai-
foit meme fcrupule a Meaux d'avoir
penfe qu'on avoit exige d'elles une
croiance telle qu'elle fe 1'etoient ima-
gines , & on les accufoit d'avoir fait
injure a I'Eglife en dormant lieu de
penfer par leurs fcrupules
_, qu'elles
■ croioient cette epoufe de Jefus-Chrift
capable d'exigerde Jfes enfans uhefou-
*
-ocr page 94-
()2 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
" mijjlon qui pourroit les engager daris
le menfonge & dam It par jure.
Cefut
ainfi qu'otl eftgagea dix religieufes
du chceur a figner le Formulaire & la
Bulle Vineam, & lorfqu'on eutobtenu
les fignatures, on les rendit auffi-tot
publiques ; & afin de groffir la lifte ,
on y joignit les fignatures de fix con-
verfes , qui n'avoient pas la moindre
connoiffance de toutes ces affaires.
Aufli n'eut-on garde de faire connoi-
tre leur qualite de converfes , car les
fignatures furent publiees fouslenom
de feize religieufes de P. R. fans dif-
tinction. L'impreffion fe fit au Lou-
vre a l'lmprimerie roi'ale, en deux
formes in-4.0 & in~i z. Elle parut des
le commencement du mois de fep-
tembre 171 o , & on eut foin d'en en-
voi'er dans les monafteres 011 il y avoir
des religieufes de P. R. qui refiftoient
encore (54).
Le detail dans lequel nous fommes
(f4) Ccfut M.de Pont-    d'une fignature arraches
chartrain qui Jes envoia.    a quelque pauvre fille
Jamais Mmiftre le plus    prifonniere 8c quelquefois
zele pour la gloire & les    nioribonde, le flattoir
/ interets de foil Souverain,    plus que fi on lui avoir
ne s'y appliqua avec au-   annonce le gain d'une
cant d'ardeur, que M. de   bataille, ou la prife d'une
Pontcharcrain en temoi-   place audi importance
gna pour faire figner le   que l'eft celle de Port-
Formulaire aux rcligieu-   MahoB, OU d'Ofvego,
frade P. R. lanouveile
-ocr page 95-
III. Part ie. Liv. III. 9$ ____^i
entires fur les. fignatures fuffit pour I7i2,
donneruneid.ee-de ce recueil •■, nean- xxxrx#
rrioins il eft a propos d'en dire encore Id&t da re-
ici quelque chofe, pour mieux raire
gnatures des
comprendre ce que c'etoit que cet religieufes de
ecrit, le plus fade, le plus ridicule, p' K"
& le plus ennuieux qui fut jamais.
Le corps de l'ouvrage contient les
acres de foumiffion des religieufes
captives , avec les lettres qu'on leur
faifoit ecrirea M. de Noailles, &
celles des Eveques , des Grands Vi-
caires & autre* qui avoient eu part
aux eonverfions. Quel coup d'ceil que
la production de tant de tetes dirte-
rentes ! Quelle eft l'infomnie qui put
refifter 1 des pieces fi admirables,
fur tout des Evcques & des Grands
Vicaires , qui annoncoient a M, de
Noailles la converfion pretendue de 16
pauvres religieufes captives , dans des
termes auffi pompeux que s'ils euflent
annoncela converfion de tousles peu-
pies qui n'ont pas entendu parler de
Jefus-Chrift , ou celle de routes les
nations qui ont eu le malheur de fe
feparer de l'Eglife par le fchifme & -
l'her'efie? Les lettres de faint Auguf-
tin Apotre d'Angleterre a faint Gre-
goire le grand •, celles de faint Boni-
face Apotre d'Allemagne a Gregoi-
-ocr page 96-
94 HlSTOIRE DE PoRT-kOlAL.
i jiz. re II, fur le fucces de leur million ,
ne renferment rien qui puifle etre
compare aux lettres , dans lefquelles
les Languets , les Merinvilles & au-
tres exaltent leurs travaux apofto-
liques pour arracher la fignatured'un
fait a des religieufes captives, quel-
quefois malades, & accablees de mau-
vais traitemens.
Le recueil d'a&es & de pieces eft
precede d'un avertiflement deftine a.
juftifier la publication des pieces qu'il
renferme , par les fins "qu'on s'y eft
propofees. Ces fins font (non la gloi-
re de Dieu), mais la gloire du Roi
dans la converfion des religieufes de
P. R. j Pedification & la confolation
des bonnes ames ; enfin , la conver-
fion future des religieufes, qui ne s'e-
toient pas encore foumifes, & que
l'exemple de leurs fceurs pourroit y
engager.
A la fin du recueil, on trouve quel-
ques extraits pris au hafard des ecrits
trouves entre les mains des religieu-
fes , fur lefquels il y a des remarques
dignes de ceux a qui le Public attri-
bue ce libelle; c'eft-a-dire des Je-
fuites , & fpecialement du P. l'Alle-
mand, qui etoit pour lors chefdu
bureau de la Societe.
-ocr page 97-
III. P A R T I E. L'lV. III. $ J
M. de Noailles , pour dormer plus 1712.
depoids a ce recueil, voukit bien le xl.
revetir de I'autorite epifcopale , en ft ^^
atteftant lui-meme la verite de cesm«;re fon
ades&de ces lettres (5 5)-Maisquoi-^e'cudU
que M. de Noailles foit, fans aucune
comparaifon , plus digne de foi que
les Jefuites, ion autorite ne peut
changer la nature de ces actes, ni
par confequentles rendre plus authen-
tiques. Son Eminence a bien pu at-
telter qu'on lui a envoi'e reellement
& veritablement les a&es & les let-
tres contenues dans ce recueil, mai$
a-t-elle pu conftater la verite des faits
enonces dans ces actes 8c dans ces
lettres , contre lefquelles nous avons
vu les religieufes reclamer & fe plain-
dre qu'o/2 leur a fait dire bien des cho-
fes
j auxquelles elles n'ont jamais pen. •
fe.
D'ailleurs , que difent ces actes ^
ces lettres ? On y voit les noms j»
certain nombre de religieufes a 1
du Formulaire , ou d'un proces
(5!) l-e te&eur trou-    feconde donnee au oom-
vera des differences confi-    mencement de 1711 par
deriblcj entre les deux   fon Eminence, qui de
Editions de ce recueil.    fon core, a fupprimc
Dans la premiere publiee    celles a M. de Pontcbar-
par les Jefuites , les lettres    train & quelques autres,
Writes i M. de Noailles   ainfi que les proces ver-
parles religieufes foumi-   baux concernant tejrell-
fts onr ete fupprimees.    gieufes qui ne lui ecriyi-
Elles fe trouvenc dans la   rem poinr.
-ocr page 98-
' 9£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1711, verbal, qui pone qu'elles Tone fi-
gne. Mais on ne fait pas qu'elles
etoient les difpofitions interieures de
celles qui ont figne , ni a quoi elles
fe font engagees en fignant j favoir,
fi elles fe font engagees a la creance
du fait) fi cette creance eft une foi
divine , ou une foi hutraine j fi e'eft
une foumiflion interieure , ou fi elle
confifte feulement a garder lefilence, I
par refpecl: pour le Pape & par amour
pour la paix. II etoit cependant ne-
ceffiiire que tout cela fut marque,
ainfi que les raifons qui avoient en-
gage les religieufes a figner , pour
juger des motifs & des difpofitions
de celles qui avoient figne , & de
fobjet de leur fignature & de leur
foumiflion. L'affe&ation qn'on a eu
de garder le fdence la-defliis j la cap-
tivite dans laquelle on a retenu les
religieufes, meme depuis leur figna-
ture , en les empechant de parler,
d'ecrire, & de recevoir des lettres,
forment des foup^ons fur leur con-
verfion, que l'autorite de M. de
Noailles , ni meme celle de tout le
facre College ne diffiperont jamais.
Xll. - II eft encore important de remar-
"Ntillite des                   >                   1                    t<           r >
figuaturesdssquer quaucunede ces rehgieuies n a
wiigieufes. fait mention en fignant, de facte
qu'elles
-ocr page 99-
III. P ARTIE. LlV. 111. - 97
"•
qu'elles avoient figne enfemble avant I-rl2
leur dilperfion, par lequel elles de-
favouoient toute fignature qu'on
pourroit leur furprendre. Cet acte
n'aiant point ete revoque , il fubfifte
dans toute fa force. Ainu" toutes les
fignatures qu'elles ont faites depuis
en captivite , doivent etre regardees
comme nulles , en verm de 1'acte fait
en pleine liberte par tine fage pre-
voi'ance, dans lequel elles declarent
d'avance qu'on ne doit avoir aucun
egard a tout ce qu'on pourroit leur
arracher dans la fuite.
Son Eminence M. le Cardinal de xtir,
Noailles , voulant auffi avoir part au ?*• de
Noai.r"
• ,                  .           ...r.        x les rompt le>
tnomphe de ceux qui travailloient a fiience a lew
la converfion des religieufes de P. R. egacd'
rompitenfin le fiience qu'il avoittou-
jours garde a leur egard, ne leur aiant
jamais ecrit , ni fait de reponfe a
aucune de leurs lettres depuis fix
ans qu'on les perfecutoit. II ecrivit
alors une grande lettre (56) a celles
qui n'etoient pas encore foumifes
pour les engager a la foumiflion par
Pexemple de leurs fceurs. La chariti
de Jejus-Chrift le prejffa de faire en-
M) Cmt lettre en- dente (1710), fe trouve
voiee des le mois de de- a la tete du recueil publie
ccmbre de i'annee ptece- pat M. de Noailles.
Tome X.                          E
-ocr page 100-
98 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAEV
core cet effort pour les porter a l'o«v
beiffance & a la foumiffion qu'elles
devoient a. l'Eglife.
» La charite de Jefus-Chrift , dit
» fon Eminence , me prefle de faire
" encore un effort (57) pour vous
» porter a l'obeiffance & a la fou-
« million que vous devez a l'Eglife ,
« mes tres cheres filles, qualite que
»> je pourrois vous refufer , puifque
" vous ne m'avez pas traite comme
» votre pere (58) , mais quejeveux
" bien cependant vous donner. Ou-
» tre les grands motifs qu'on vous
»» prefente depuis fi long-tems , en
» voici un nouveau , que la miferi-
» corde de Dieu vous donne , par le
» changement qu'elle vient d'operer
r> dans' le cceur de vos fceurs (59).
17 ix.
XLII*.
lettredeM.
rde Noailles
aux religieu-
fes de P. R.
deplac£. Nous fommes
faclies de le dire , ce re-
proche tombe fur iui-
meme, Carenfin , en quoi
s'eft-il montre le pere de
ces religiu'es! les a-t-
il jamais ttaitees comme
fes fills > Au contraire les
religieufes ont toujours
eu pour lui toU' le refpeel:
& la veneration due a un
Supcrieur.
(?9) L'exemple de feize
religieufes tant de chceur
que converfes , auxquelles.
on avon arraclie une fir
gnature a force de me-
(57) Peut-on n'etre pas
etonae d'entendre parler
ainfiM. de Noailles, qui
depuis fix ans qu'il tour-
mentoit les religieufes de
P. R.., ne leur avoit j -
mais eerie ni parle , ni
fait de reponfes a tant de
lettrcs 8c de requetes ! ju
etoit alois ce te chariti
qui le prejje aujourd'hui
d'ecrire > Voi'ez le, lettres
de Mademoifelle de Jon-
coux. Hid. de la dern.
perf. T, j. p. 48 8c ffj.
58) M. de Noailles
fill id un reproche bien
-ocr page 101-
III. P ARTIE. LlV. III. 99
*-• Vous l'avez appris par les a&es de
» leur foumiffion qui vous ont ete
» communiques.
l/IZ.
fimi in Ecclefia , in illam
partem tranfierunt ?
Com-
bien de fois n'avons-nous
pas entendu le meme lan-
gagc ? Poutquoi ce!ui-ci,
pourquoi celle-la, qui
etoient R oppofcs a la
fignature , ont ils figne »
Mais Tertullien repond ,
qu'il n'efl point furpre-
nant que celui qui a bicn
penle, tombe. Et hoe
mirum , opinor, ut pro-
batus aliquis retro pofted
excidat ?
11 le fait voir
par plufieurs exemples;
puis il ajoute , que quand
un Eveque , un Diacre,
une Veuve , une Vierge,
un Dofteur, 8c meme un
Martyr tomberoit, leur
chute ne doit point nous
ebranler, parceque nous
ne devons point juger dc
la foi par les perfoiines »
mais des perfonnes par la
fbi. Quid, ergo , ft Epif-
copus
, tfi Diaconus M fi
Vidua, fi. Virgo ,fi Doc-
tor
j fi etiam Martyr lap-
fus a regula fuerit, idea
Harefes veritatem vide-
buntur obtinere ? Ex per
fonts probamus filem
, an
ex fide perfonas ?
Voila la
reponfe que l'on doit faire
a ceux qui veulent nous
engager par l'exemple
des au;res a tigner ce qui
eft contraire a la verte Sc
a la (incerite chretienne.
Vert. I. de priftr. c. 5,
£ ij
aaces &de mauvais traire-
mens,pendant la maladie,
dans un terns oil elles e-
toieiit captives,8c fouvent
meme pen libres d'efprit,
ne fait pas en faveurdela
iignaiure, une grande au-
torite. D'ailleurs la (igna-
ture etant mauvaife, com-
me elle l'eft, ni le nombte,
Hi la qualite de ceux qui fi-
gnent, ne peuvent enga-
ger a les imiter. Ce n'efl
point par les perforates ,
comme le dit Tertullien ,
que nous devons juger de
lafoi ,m2is par lafoi que
nous devons juger des hom-
ines. Ex perfonis proba-
mus fidem , an ex fide
perfonas ?
Ce celebre e-
ctivain ( qui a fi raal pro-
iite des excetlentes lemons
qu'il a donnees aux au-
ires, mais qui par un
eflet de la Providence a
prevenu le fcandale qu'il
devoit donner lui-meme
par fa chute ) fe moque
de ceux qui fe laiffent en-
trainer dans l'erreur en
imitant l'exemple des per-
fonncs qui changent de
fentimens. Pourquoi ce-
lui ci, pourquoi celle-la,
leur fa^t il dire , ont-ils
embraffe ce parti! Solent
quidem ifii myriones de
quibufdam abhxrefi captis
<tdificari in ruinam, Quare
Me vsl ilia, fideliifimi
,
vrudtmiffimi , & ufitatif-
-ocr page 102-
100 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE."
* j                Apres ce charitable & tendre de-
but , M. de Noailles declare le motif
qui l'a porte a revetir de fon autorite
Epifcopale les a&es de foumiflion de
leurs fceurs & les lettres qu'elles lui
ont ecrites comme a leur legitime
Pafteur. II les exhorte a lui donner
la confolation parfaite de les voir
routes reunies dans les inemes fenti-
mens. II leur demande fi elles peu-
vent refifter a la voix de tant de Pa-
pes _, de tant d'Eveques, de toute l'E-
glife memo , qui depuis tant d'annees
ne cedent de les prelTer. II leur pro-
pofe l'exemple des communautes fe-
culieres & regulieres , des Facultes
de Theologie , & fpecialement ce-
lui de leurs fours , qui apres avoir
refifte long - tems fe font enfin fou-
mifes.
Jfun.
         II entreprend enfuite de refoudre
ks enae-" ^es difficultes des religieufes, qui crai-
piend de re-gnoierit en fignant, i°.de s'engager
ibudre les &               f         0           ?-,,, ,         . » »
di*cuites des par un ierment terrible a croire que
«ligieuf« le Livre de Janfenius contient des
tiire^&ulesberefies fur la grace & fur laliberte.
elude, au lieu t<i, £)e condamner par contre - coup
y lepon ie. ^ vraje grace Je Jefus _ Chrift & la
dodrine de S. Auguftin. 3U. Decon-
damner un Eveque innocent, & de
sommettre un parjure en alTurant aveg
-ocr page 103-
III. Partib. Liv. III. iol
ferment fur les faints Evangiles un 1712.
fait dont elles doutoient. Pour lever
ces difficultes M. de Noailles fuppofe
par-tout que c'eft l'Eglife qui agit
dans cette affaire. Pour ce quiregarde
la grace de Jefus-Chrift, ll dit que
les religieufes qui ont figne ont com-
pris que l'Eglife Catholique loin de vou-
loir opprimer la grace la foutient de
tomes fes forces.. .. que l'Eglife e'toit
toujours remplie de veneration pour S.
Augufiin
j & le regardoit comtne un
homme fufciti de Dieu pour ladefenfe
j
ou felon VexpreJJion de faint Paul ,pour
Vhonneur & pour la gloire de fa grace.
M. de Noailles elude ici la difficulte
au lieu d'y repondre. He qui feroit
aflez infenfe pour croire que l'Eglife
voulut opprimer la grace ? Mais ne
peut - il pas fe trouver dans l'Eglife
des ennemis de la grace, qui vou-
droient Popprimer & aneantir la doc-
trine de S. Auguftin ? Ne les connoit-
on pas ces ennemis de la grace qui
lui font la guerre depuis plus de deux
fiecles? Jamais l'Eglife n'a voulu du
terns de l'arianifme opprimer la doc-
trine de la Confubftantialite , mais il
y avoit des ennemis de Jefus-Chrift
qui vouloient ravir au Verbe Eternel
ia divinite , fa parfaite egalite avec
E iij
-ocr page 104-
10Z HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
fon Pere. Jamais les religieufes dff
P. R. n'ont eu la penfee extravagante
que l'Eglife voult.it opprimer la grace
de Jefus-Chriftj mais elles ontpenfe
qu'il y avoit des JeTuites ennemis de
cette grace , qui a la faveur du For-
mulaire vouloient etablir leur Pela-
gianifme fur les mines de la grace
efficace & de la doctrine de S. Auguf-
rin. M. de Noailles elude done dans
fa lettre la difficulte, & il abufedu ter-
me d'Eglife. C'eft pourquoi tous les
raifonnemens qu'il fait, & routes les
conclusions qu'il tire de fa faufTe fup-
pofition , tombent j 8c les objections
des religieufes confervent toute leur
force. En vain Son Eminence dit que
les objections qu'on leur avoit appris
a faire, & les difEcultes qui les ar-
retoient tombent d'elles-memes : i* La
» crainte du parjure, la delicateffe
w de la confeience dans la condam-
« nation d'un pieux Eveque dont el-
j) les ne connoiflbient pas les fautes j
" le facrifice de la raifon fous toute
» autre aurorite que celle de la foi » ,
non ces objections & ces difficultes
ne tombent pas d'elles-memes, elles
fubfiftent au contraire dans toute leur
force.
La fuppofition que l'Eglife agit
-ocr page 105-
lit. V A R T 1 E. ItV. ///• I 0 J
dans 1'affaire du Formulaire , apres 171*.
avoir fervi a M. de Noailles pour re- xliv.
foudre , felon lui , la difficulte que iettur'e &, M,
faifoient les religieufes au fujetdelade Noailles
grace & de la doctrine de iaint Au- fes qui n'e-
suftin; cette faufle fnppofltion , dis- ">ient.r Pai
je, iert encore a son Eminence pour
repondre a leur difficulte capitale,
qui etoit la crainte qu'elles avoient
de commettre un parjure en afturant
avec ferment un fait doutetix. » L'E-
glife , dit-il j peut-elle tomber dans
cette erreur, elle qui eft l'inter-
prete & la depofitaire de la loi de
Dieu ? Peut-elle vous propofer de
la violer ? Et ne devez - vous pas
croire que tout ce qu'elle vous or-
donne eft bon , jufte , & faint ? Ne
devez - vous pas vous y foumettre
fans raifonnement & fans repli-
que, comme Jefus - Chrift vouloit
que les Juifs fiiTent meme a l'egard
des Scribes & des Pharifiens , par-'
cequ'ils etoient affis fur la chaire
de Moife « (69) ? M. de Noailles
emploie par - tout la meme fuppofi-
tion , que c'eft l'Eglife qui a juge &
decide ; comme fi cette epoufe de Je-
(60) Lorfque les Scri-   n'etoit pas Ie Meffie &C fe
bes 8c les Pharifiens firent   foumettre a leur decilion,
mourir Jefus-Chrift , fal-   parcequ'ils etoient affis
Joit-U done croke iju'il   furlachaire dc Moifc !
,:>.-'                                      E iiij
-ocr page 106-
I ©4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAU
fus-Chrift pouvoit ordonner de com-
mettre un parjure, & de prendre le
nom de Dieu en vain, en alfurant
avec ferment une chofe aiifli inutile
que le fait de Janfenius. Non ce n'eft
point l'Eglife qui ordonne la figna-
ture du Formulaire : ce qu'elle ordonne
ejl bonyjuJle & faint:
elle n'a jamais
ordonne la ilgnature de la Formule
de Rimini. Ce n'eft point d'elle que
font emanees de telles decifions : le
formulaire , la Bulle Vineam, &c. ne
font non plus l'ouvrage de l'Eglife que
1'etoient la Formule de Sirmich, la
condamnation de faint Athanafe par
Xibere : a Dieu ne plaife que nous
regardions jamais comme des deci-
fions de l'Eglife de pareilles Formu-
les. Si M. le Cardinal de Noailles s'e-
toit donne la peine de faire attention
aux conditions d'un jugement & d'un
commandement de l'Eglife , comme
il l'a fait depuis en expliquant & eta-
bliffant ces conditions dans fa belle
Inftruclion paftorale du 14 Janvier
3719, il auroit pu s'appercevoir de
la fauflete de la fuppofition par la-
quelle il pretend que c'eft l'Eglife qui
ordonne la fignature du Formulaire.
Monfieurr de Noailles paroit en-
fuite vouloix yenir au vrai point de
-ocr page 107-
^
III. P A R T I E. L'lV. III. IO J _______
la queftion : » mais , dit-il, puifque 1711.
» votre obeiflance eft trop foible pour
» aller jufques-la.... voions ce que
» porte le ferment qu'on vous de-
» mande«. C'eft effeftivement ce
qu'il faut voir. Les religieufes voioient
que par la fignature & le jugement
qu'on exigeoit d'elles, on leur deman-
doit une creance, finon divine , au
moins humaine d'un fait dont elles
doutoient; & qu'elles priftent Dieu
& le faint Evangile a temoin de la
verite de ce fait. C'etoit la ce que
voioient les religieufes & ce qui fai-
foit leur difficuke. Mais M. de Noail-
les bien loin d'y repondre la met a
l'ecart, & fuppofe que la peine que
les religieufes avoient de figner ve-
noit de deux autres caufes. 1". 11 feint
qil'elles s'imaginoient qu'on leur de-
mandoit qu'elles juraffent qu'elles fa-
voient que les V Propontions etoient
dans le Livre de Janfenius. z°. Qu'on •
exigeoit qu'elles crufTent ce fait de
foi divine; & il s'erforce de lever
ces deux difficultes en leur difant
qu'on ne leur demande ni Tune ni
Pautre de ces deux chofes.» Veut-on,
» dit-il, que vous juriez que vous
» favez par votre propre lumiere que
•» ies Propontions condamnees font
Ev
-ocr page 108-
IO<J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
» dans le Livre de Janfenius ?..-.< J
» Non fans doute , mais on veut que
=> vous adheriez au jugement de l'E-
" glife, qui l'a lu , qui l'a juge. On
» veut que vous prereriez fes lumie-
« res non - feulement aux votres ft
i>
vous en avez, mais auffi a celles de
» vos do&eurs. On veut que fur la
j) parole de l'Eglife vous difiez en
33 meme-tems anatheme a la dodrine
" qu'elle a condamnee , 8c au livre
» oil elle Fa rrouvee «. Son Eminence
prouve enfuite par un long paflage
de faint Auguftin , de utilitate ere-
dendi, cap. n & 12 ,
contre les Mani-
cheens, » qu'il ne faut pas reftrein-
»> dre fa creance a ce qu'on fait par
» foi-meme, que fans cela tout feroit
» renverfe dans la fociete civile ; que
j> les enfans ne pourroient reconnoi-
» tre leurs parens, & leur rendre ce
» que la nature & la religion deman-
jj dent d'eux > puifqu'ils n'en ontcon-
33 noiflance que par le temoignage
3j des fages-femmes , des nourrices ,
3> des domeftiques, tous temoigna-
33 ges faillibles , qui quelquefois fe
33 font trouves faux ; que les fujets
>3 n'obeiroient pas a leurs fouverains
3' legitimes ; car par ou favent - ils
v qu'ils font
des fouverains legitU
-ocr page 109-
III. P A R T I E. L'lV. 111. tof
« tties, & que la naitfance , ou Pe- ' \-ji
» ledtion leura donne veritablement
» cette qualite « ? M. de Noailles con-
clad deli que les religieufes de P. R.
doivent a plus forte raifon croire le
fait de Janfenius fur le temoignage
de PEglife, d'autant plusqu'elles n'ont
par elles-memes aucune lumiere , ni
aucune evidence prife du propre fond
de leur confcience. II pretend enfuite
» que ce n'eft point bleifer la charite
» que de condamner un favant 8c
» pieux Eveque mort dans la com-
» munion de PEglife, que c'eft aa
» contraire fuivre fes intentions, <S*
» faire veritablement honneur a fa mi-*
» moire, que de fe foumettre au ju-
" gement auquel il s'etoit foumis lui-
» meme d'avance..... Qu'il n'y a.
» qu'une charite mal-entendue dans
» ce rnenagement pour fa memoire j
*   qu'il y a meme de Pinjuftice , puif-
*  qu'on ne peut avoir ce management .
» fans accufer de foiblerfe , d'igno-
» ranee , de prevarication , les Doc-
" teurs, les Eveques, les Papes me-
» mes. Doit-on plus , ajoute - t - il *
» refpecter la reputation a un Eveque
" particulier qui a eu le malheur
» d'hafarder une mauvaife doctrine ,.
» que eelle de tous les Pafteurs de
E vj
mm
-ocr page 110-
#"
Io8 HrSTOIRE DE PoRT-ROlAE.''
i7iz~~ » l'Eglife« ? C'eft ainfi que M. de
Noailles repond a la premiere diffi-
culte. Par un tel raifonnement les
Ariens auroient demontre la necelfite
de fe joindre a Libere pour condam-
ner faint Athanafe.
A l'egard de la deuxieme qui re-
garde la foi divine , voici ce qu'il
dit :* » Craindrez-vous encore qu'on
» ne vous engage a. croire d'une foi
« divine un fait qui n'eft point re-
» vele ? Apres les eclairciffemens que
w vous ont donnes mes predeceflfeurs ,
» & que j'ai confirmed , vous ne pon-
s' vez plus avoir ce fcrupule «. Les.
religieufes favoient fort bien que M.
le Cardinal ne leur demandoit pas
la foi divine du fait, ni qu'elles le
cruflfent fur leur propre lumiere j ainfi
il etoit inutile qu'il entreprit de les
Suerir d'un fcrupule & de lever des
ifficultes qu'elles n'avoient point. IL
etoit queftion de lever celles qu'elles
avoient fur cette foi humaine inte-
rieure & certaine, fondee uniquement
fur une autorite faillible. M. de Noail-
les ne devoir point fubftituer de fauf-
fes difficultes que les religieufes n'a-
voient point, a celles qu'elles avoient
veritablement. M. de Perefixe avoit
fait la meme chgfe que M. de Noail-
b
**»■
-ocr page 111-
III. P A R T I E, t'lV. III. 10«>
les. » Afin , difoit-il , aux religieufes
» de lever vos fcrupules , je vous
jj declare bien volontiers que la fi-
» gnature du Formulaire que je vous
» ordonne, n'eft point un temoignage
» ni un jugement que je veuille que
» vous rendiez par vous - memes fur
» la dodtrine de Janfenius, parceque
« vous en fetes incapables , mais que
» je defire feulement que par une
» foumiflion fincere , refpe&ueufe &c
" de bonne foi, vous acquiefciez a la
» condamnation & au jugement qu'a
w rendu le Saint Siege de fa dodrine,
" auquel je vous commande d'obeir.
Voila ce que propofoit M. de Pe-
refixe de fon tems , c'eft precifement
ce que M. de Noailles propofe dans
fa lettre pour guerir les religieufes
des fcrupules qu'elles n'ont point.
» Voila un etrange remede , difoit-
» on au premier j je fuis en peine ,
» parceque je crois que M. l'Arche-
» veque me demande par fon ordon-
" nance une perfuafion & un juge-
v ment interieur de la verite du fait,
» fonde fur 1'autorite des Superieurs
» qui l'ont decide j & pour me lever
» cette peine , il me declare qu'il
H ne me demande pas un jugement
» que je forme par moi-meme, c'eft-
-ocr page 112-
p
110 HlSTOIRE 08 PoRT-ROlAt;
171z. " a-dire, qui foitfondefur ma pro-
» pre connoiffance \ mais ce n'eft pas
» lama maladie. Jen'ai jamais cru
» que le fait fut veritable, il eft inu-
» tile de me declarer cela. Mais je
» crois qu'on me. demande que je
» juge dans mon cceur , & que je
« temoigne apres le Pape, que je
» crois que ce fait eft vrai 5 & com-
» me fen doute apres le jugement
» du Pape , je ne puis temoigner que
» je le crois, que je le juge vrai &
» que j'en fuis perfuade. Voila ma
» peine & mon fcrupule , fur quoi
» on ne me declare rien , 8c ce que
» Ton feint meme de ne pas enten-
» dre «.
xtv.
         M. le Cardinal croiant avoir ecarte
deRifkmeles difficult^s qui arretoient les re-
de m. de ligieufes , leur declare de quelle ma-
oai "" niere il veut qu'elles croient le fait
de Janfenius. » On n'a jamais pre-
w rendu , dit - il, que vous fuffiez
» obligees de croire de la meme cer-
» ritude de foi les verites catholi-
« ques &le fait contenu dans leFor-
» mulaire : on a voulu feulement y
" qu'apres avoir captive votreenten-
« dement fous l'obeiffance de la foi
» & fous l'infaillibilite de l'Eglife
» pour tout ce qui regarde le dogme,
-ocr page 113-
III. Partte. L'iv. III. m
i> vous fuffiez veritablement &inte- ijiz,-
» rieurement foumifes a fon autorite
» pour le fait; non par un fimple fi-
» lence refpectueux , qui ne fert qu'a
» couvrir un fentiment oppofe a celui
» de l'Eglife, mais par un fincere ac-
» quiefcement d'efprit & de cceur a
» fes decifions «. La creance qu'exige
M. de Noailles pour le fait eft , com-
me on le voit, une creance humaine
qui tient le milieu entre la foi divine
& le filence refpe&ueux j elle eft au^
defTous de la foi divine, 8c au-deflus
du filence refpe&ueux. Cette creance
qu'il leur demande eft diftinguee des
deux autres qu'il a ecartees , par fon
motif & fon fondement, car elle n'eft
fondee ni fur l'evidence propre 8c
perfonnelle, ni fur la parole & la re-
velation de Dieu _, mais {implement
fur l'autorite de la decifion qu'il dir
que l'Eglife a faite de la queftion de
fait par fa propre lumiere humaine.
Quoique l'autorite de l'Eglife en ce
point foit faillible , cette autorite tou-
te faillible qu'elle foit, etant la plus;
grande qu'il y ait fur la terre, elle
doit Pemporter fur l'autorite de tous
les particuliers qui fur le fait difent
le contraire de ce que M. de Noail-
les pretend que l'Eglife a decide ^.etv?
-ocr page 114-
"Ill HiSfolRE BE PoRf-ROlAi:
forte que toutes les raifons qu'orf
pourroit avoir de douter du fait, pri-
les de l'autorite & du temoignage des
particuliers , doivent ceder a l'autori-
te de 1'Eglife.
Puifque M. deNoailles demandok
aux religieufes une foi humaine ou
ecclefiaftique du fait , comme un de-
voir du a 1'Eglife, qu'il fuppofoit l'a-
voir decide , Son Eminence auroit du
s'appliquer a leur prouver par des
raifons claires & certaines, qu'elles
etoient obligees d'avoir cette foi hu-
maine , & leur alleguer des motifs de
certitude pour l'appui'er. Or c'eft ce
qu'il ne fait point. II leur allegue
bien , a la verite, la decifion de 1'E-
glife , mais cette preuve eft defectueu-
fe par deux endroits : i°. parcequ'il
eft faux que 1'Eglife ait decide le fait
de Janfenius , &c qu'elle ait comman^
de de le croire: c'eft Alexandre VII
qui l'a decide, & qui a fuppofe qu'on
le cro'ioit. Mais Alexandre VII & quel*
ques Eveques de France n'etoient pas
1'Eglife. Pour decider ce fait en Juge,
il faut avoir lu & examine le Livre:
or 1'Eglife ne l'a point lu ni examine j
par confequent on ne peut point dire
que 1'Eglife ait juge & decide le fait
de Janfenius. z°. Quand bien meme
-ocr page 115-
III. P A R T I E. L'lV. III. I I J
1'Eglife auroit lu & examine le Livre
& decide le fait, comme elle n'eft
point infaillible dans la decifiondes
fairs, il ne reftoit a, M. de Noailles
pour faire valoir fon jugement, que
d'entrer dans la difcuffion 8c le detail
de ce jugement, & de faire voir par
les circonftances qui 1'avoient accom-
pagne reellemenr, que les Juges de ce
fait y avoient apporte toute Texadti-
tude , toute la fcience & tout le de-
fintereffement & la fincerite poffible;
en forte que quoiqu'ils ne fuflent pas
infaiilibles, on pouvoit etre morale-
ment certain qu'ils avoient bien oris
le fens du Livre & de l'Auteur. Cela
meme n'auroit peut-etre pas encore
tout-a-fait fuffi pour exiger la creance
& le ferment fur un fait il obfcur, fi
embarraffe , fi contefte • mais enfin
c'auroit ete agir avec quelque forte
de raifon , & c'auroit ete aux reli-
gieufes a repondre aux fairs allegues
par Son Eminence en faveur de l'e-
quite de ce jugement.
Mais M. le Cardinal ne propofoit
pas ainfi aux religieufes le pretendu
jugement de 1'Eglife fur le fait j il n'y
envifageoit que la decifion toute nue
& l'autorite du tribunal auquel il 1'at-
.tribuoit j enforte que felon lui il fu&
-ocr page 116-
114 HlSTOlRE DE PoTiT-ROlAi;;
fifoit de favoir feulement que c'etoit
l'Eglife ou le Pape qui avoit decide
le rait, pour etre oblige de le croire,
& pour avoir un motif fuffifant de
creance: en un mot, c'etoit une obeif-
fance & une creance aveugle qu'il de-
mandoit aux religieufes a l'egard de
l'autorite qui avoit decide, fans qu'eU
les eulfent droit de s'informer, fi dans
cette decifion on avoit garde les regies
des jugemens canoniques, ni de dou-
rer qu'on les y eut gardees. C'eft la
l'efpece d'obeiflance qu'on exigeoit de
ces religieufes. II eft evident par 14
que ce motif de creance eft infuffi-
fant j puifque I'Eglife etant faillible
dans la decifion des faits, on ne peut
pas avoir une affurance aftez grande
u'eile ne s'eft pas trompee en deci-
,
ant un fait pour en jurer, a moins
qu'on ne facne par les circonftances
de ce jugemenr qu'il a ete rendu avec
toute la maturite poffible. Alors on
peut prefumer que le jugement eft
equitable, fi Ton n'a point de con-
noiifance contraire.
Mais fi on a des doutes fur la qua-
lite meme du jugemenr, fondes fur les
circonftances qui l'ont accompagne ,
alors on ne peut avoir cette preTom-
ption j &: on peut encore moins que
-ocr page 117-
III. Partii. Liv. III. i i 5
jamais alleguer pour motif, de croire
la chofe jugee , le jugement meme
confidere en lui-meme & par la feule
autorite du Juge.
Or c'etoit-la le cas ou fe rrouvoienr
les religieufesde Port-Roial: i". elles
nioient que ce fut l'Eglife qui eut de-
cide le fait de Janfenius, & qui en
exigeat la creance. i°. Elles favoient
que , quand bien meme l'Eglife l'au-
roit decide , n'etant point infaillible
en ce point, ellene pouvoit exiger
la creance du fait en confideratiorr
de fon autorite toute nue. 3". Elles
favoient qu'Alexandre VII, qui avoit
decide ce fait, avoit juge avec beau-
coup de partialite & fans examem
4g. Elles favoient que ce fait etoir
contefte par de pieux & favans Theo-
logiens. 50. Elles favoient que lespar-
tifans de la fignature etoient divifes
de principes entr'eux , les uns exi-
geant la roi humaine , d'autres la foi
divine. 6°. Elles n'ignoroient pas que
toute cette affaire etoit le fruit des
intrigues des Jefuites. Ce feul article
devoit etre plus que fuffifant pour
rleur donner une repugnance invinci-
ble a la fignature. C'etoit-la les diffi-
cultes que M. de Noailles devoit le-
*rer , & ne point fuppofer ce qui n'e-
-ocr page 118-
I 16 HlSTOIRE DE■ PoR-T-RdlAt."
1712. toit pas en queftion. Mais au lieu
d'entreprendre de refoudre ces diffi-
culties reelles , il les laifTe a l'ecart 8c
en refout de chimeriques. II etablic
une foi humaine qu'il place entre la
foi divine & le iilence refpectueux,
& pretend qu'elle eft due a l'egard
du rait en vertu de la decilion de l'E-
glife a qui il l'attribue ; principe ega-
lement faux dans le droit & dans le
fait: faux dans le droit, puifque I'E-
glife etant faillible dans la decifion
d'un fait, on ne pent etre oblige de
le croire en vertu de fa feule auto-
rite 5 faux dans le fait, puifque ce
n'eft point l'Eglife qui a decide le
fait de Janfenius. M. de Noailles
propofe ce principe ruineux avec une
confiance etonnante fans meme l'ap-
puier d'aucune raifon j & comme 11
c'etoit une de ces verites qui ri'ont
pas befoin de preuves & qui ne peu-
vent etre combattues: il s'en fert pour
repondre a. tout , pour dire tout ce
qu'il juge a propos, pour declamer
contre les religieufes &t leurs Di-
recleurs, comme fi c'etoient des gens
convaincus de revoke contre l'Egli-
fe. Sur ce meme principe il enve-
nime tout ce qu'on a dit aux religieu-
ies contre la ugnature pour les rorti-
-ocr page 119-
III. P ARTIE. LlV. III. 117 ______
fier & pour les confoler dans la per- iyi%$:
fecution qu'elles foufFroient a. cefujet.
II leur prete la-defTus des idees contre
les Pafteurs,qu'elles n'ont jamais eues:
il les epouvante par ce moien pour leur
faire naitre des fcrupules fur le refus
qu'elles font de figner. En tout cela
iln'ya aucun principe de lurniere \ 8c
toute la lettre depuis le premier juf-
qu'au dernier mot ne tendoit qu'a
etourdir ces pauvres filles captives
par des principesqui n'ont aucune ap-
plication au fujet(6i).
Neanmoins cette lettre ne laifla.
pas de faire impreffion & de ren-
verfer deux religieufes, du nombre
des cinq qui refufoient de figner 5
favoir la fceur Madeleine de Sainte-
Sophie de Flefcelles exilee chez les
Urfulines de Mont-cenis, &c la fceur
de Sainte - Marthe releguee a Blois
chez les Chanoinefles de Sainte Ve- ■
ronique.
La premiere figna le xj decembre xtvr:
1         n             °i            1 11 r /• La fceur Fief-
1710 un acre par lequel elle le lou- cencs figlie.
mit de tout fon coeur & fans aucune EUe kj" . £
reftriclion (6x) aux Confiitutions a"In- ies'.
nocent X„ d'Alexandre VII, de Cle-
(si) Voi'ez la lettre en-    p. 5, 8c fui'v.
tiere dans l'hiftoire de la («i) Hid. de la dera.
derniere perfecudon , &    perfec. T. j. p ?;6. Mem.
dans les Mem. hilt, t. 7.    hilt, T. 7. p. 47, & fuiv.
-ocr page 120-
?l8 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
ment XI _, au Mandement de M. le
Cardinal
, & ce taut fur la quejlion de
fait que fur celle de droit,
reconnoif-
fant que l'Eglife avoit droit de lui
demander cette foumiffion qu'elle lui
rendoit de tout fon cceur fans aucune
vue humaine , mais feulement pour
fatisfaire a fa confcience. Cette pre-
miere demarche fut fuivie de plu-
Heurs autres. La fceur de Flefcelles
ecrivit le meme jour a M. le Cardi-
nal pour fupplier Son Eminence de
lui pardonnerfalongue reflftance qu'elle
ne peut attribuer qua fes pechis.
Elle
lui dit _, qu'il falloit une aujfi grande
charite que celle de Monfeigneur pour
produire la difpofltion d'une profonde
foumiffion & d'un regret d'avoir tant
tarde afe rendre a un devoirfi effentiel
aux vrais enfans de l'Eglife.
La four So-
phie ecrivit auffi a M. du Feu, Grand-
Vicaire d'Autun , pour lui annoncer
1'erfet qu'avoit ptoduit fur elle la let-
tre qu'il lui avoit envoiee de la part
de M. de Noailles. Elle lui demande
pardon de fa conduite paflfee, & le
fupplie delui procurer par fes faintes
prieres la grace de reparer le fcandale
qu'elle a caufe, & la mifericorde de
jDieu pour en obtenir le pardon.
La mere Superieure des Urfulines
-ocr page 121-
III. Partie. Liv. HI. 119
de Mont-cenis (Bureau de Sainte Ro- \-j\z.
fe) nemanqua pas d'informer de fon
cote M. le Grand-Vicaire de la con-
version de la Sr. Sophie (63), & delui
faire quelque detail de la maniere
dont elle s'etoit operee. Elle rapporte
qu'aiant remis la lettre de M. de
Noailles 8c celle de M. du Feu a la
four Sophie de Flefcelles, elle les ou-
vrit elle-meme, & pria la mere Prieu-
re de lui en faire la lecture ; ce qu'elle
fe donna la peine de faire pofement _,
paroijjant tauchee de ce que la charite
faifoh faire a nos Pafleurs vourle bien
des ames.
( II falloit effecHvement
une grande charite pour ecrire une
lettre a ces religieufes difperfees, aux-
quelles M. de Noailles n'avoit ni par-
le, ni ecrit depuis fix ans qu'il les
tourmentoit). La fcuur Sophie iccuta
avec defrequens fiupirs qui furentfui-
vis de larmes.
La mere Prieure Tin-
vita d'y faire de ferieufes reflexions ,
aftn de pouvoir repondre a. M. de
Noailles & a M. du Feu de fes fenti-
mens: a quoi elle repondit qu'il fal-
loit du terns, & elle off rit fes lettres
& l'imprime pour les faire voir a. la
■ (*j) I.etrre deb Sup?- T. ;. p. 139. Mem.hiil.
*ieu>e des Urfuliecs a M. T, 7. p. 60.
du Feu, Hilt, de la peclec.
.
-ocr page 122-
110 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
communaute. Mais la mere Supe-
rieure les refufa , en lui difant, que,
pour le prefent il nefalloit point qu'elle
fe lajfdt de la lire avec toute I'atten-
tion dont die e'toit capable & que de-
mandoit une affaire de cette impor-
tance.
La foeur Sophie fe kirTa tou-
cher a la lettre de fon Prelat , 8c
" ouvrant fon cctur a. la grace (64), dit
*> la foeur Bureau , elle ecoura fa voix
» qui 1'invitoit a fe foumettre a l'E-
» glife. Enfin elle prononca ce oui,
» qu'elle avoit envie de dire depuis
» plus d'une heure (65) , mais que
« mille confiderations, apparemment
» humaines, retenoient captif fur le
r> bord de fes levres «. On fe fepara
a l'inftant pour en aller rendre gra-
ces au Pere des mifericordes j & peu
apres M. de Truchis revint pour con-
venir avec elle de lamaniere dont elle
feroit fa foumifllon j & la fceur Sophie
le laifTa le maitre de i'exprimer dans
les termes qu'il voudroit. Cette con-
verfion que M. de Truchis regarde
comme le premier fruit de la lettre tou-
(54) Cette expreffion    converfions de la nature
eft afTez aflbttie an fujet.    de celle de la foeur So-
C'eit la grace qui ouvre    phie.
le coeur de l'homme dans       s6j);iettrede M.deTru-
la veritable conversion,   chisaM.dufeu.Hift.de la
mais c'eft 1'homrae qui   dem perfec. T. 3.p. 141,
ouvre fin cxur dans les    Mem. hill. T. 7. p. 58.
te
........
-ocr page 123-
i
III. Partih. Llv. III. 111
tedecharite que Son Eminence atoit 1711.
adreflee aux religieufes de P. R. qui
ne s'etoient pas encore foumifes, rut
un fujec de joie d'autant plus grande
que Yobfiination de la fceur Sophie
paroiQbh invincible a la mere Supe-
rieure des Urfulines. « Mais den
" n'eft impoffible au bon Dieu, dit-
« elle (66), quand on fe confie en
» lui & qu'on perfevere dans la
» priere ». C'eft ce que la commu-
naute des Urfulines failoit avec affi-
duite pour la fceur Sophie, qui par
fa longue refiftance rendit j'requentes &
ameres
les larmes de ces bonnes Ur-
fulines (67), & leur couta bien des
prieres & des bonnes ceuvres pour fa
converfion. Cette converfion fut Fou-
vrage de beaucoup de monde, comme
l'on voit.Ce fut particulierement Pou-
vrage de M. de Noailles, la fceur
Sophie n'aiantpu tenir contre les rai-
Jons fifolides & fiprejfantes de la lettre
de cette Eminence (68). Elle fut ce-
lui de M. de Truchis , qui aiant vu
que ces raifons avoient fait impref-
fion fur l'efprit de la religieufe , vint
(«5) Lettre de la mere   Hift. de la dern. p rlec.
Bureau , du 17 decembre    Mem. hift. T. 7. p 64.
iU.daVea,ibid.
                   (68) Lettre de M. de
(67) Lettre de la meme   Truchis.
18 decembre. T.j. p. 144,
Tome X.                          F
-ocr page 124-
Hi HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE."
le lendemain , s'attacha a lui faire
fentir 1'obligation qu'elle avoit de
ne point difterer , & 1'engagea enfin
a prononcer ce oui : les Urfulines
eurent aulli beaucoup de part a cette
converfion par les larmes freqiientes &
ameres
_, & par les prieres qu'elle levr
couta.
En un mot, on peut dire, fans
etre Pelagien ni demi-Pelagien , que
ce fut une converfion toute due aux
hommes , & a laquelle la grace n'eut
aucune part.
Le Grand-Vicaire d'Autun ecrivit a
M. de Noailles (65)) , tant pour lui
annoncer le bon & heureux nieces de
fa lettre , que pour lui demander fes
ordres fur l'ufage des facremens pour
la fixur Sophie, qui en attendant fa
reponfe , fe prepara a fe confeiTer
pour communier a la fete de l'Epi-
phanie (70). C'eft ce que manda la
mere Bureau dans une lettre du z8
decembre 171 o qu'elle ecrivit a Ma-
demoifelle de Flefcelles 1'aine.e, a la
priere de la foeur Sophie, pour lui
(69)  19 dec. 1710. Hift.    nous apprenons d'une fe-
delaperfec. T. ;. p. 141.
    conde lettre di 10 fevrier
Mem. hift. T. 7. p. 57.
        1711 , que la mere Bu-
(70)   Elle ne tommunia    reau ecrivit a Mademai-
que le 18 Janvier, apres
    felle de Flefcelles la c**
en avoir rec/i la permiifion
    dette. Hift. de la dera.
de M. le Cardinal de
    peifec. T. 3. p. 144.
Noailles. C'eft ce que
-ocr page 125-
HI. P A R. T I E. Lip. III. ft}
apprendre que fa fceur, apres bien \jn,
des combats j s'itoit enfin determinie
a fe foumettre a I'Eglife
(71). Elle lui
marque qu'elle a ligne le Formulaire
librement &fans contrainte _, que ce ne
font point les mauvais traitemens } ni
la perfecution j comme pourrontje I'i-
maginer les perfonnes du parti
, qui
font portee a cette foumijjion Ji jujle,
mais le ben Dieu par la voix de fes
Pajleurs.
La mere Bureau fink fa let-
tre par ces paroles remarquables, qui
peuvent faire connoitre la libert£
qu'on donnoit aux religieufes capti-
ves , lors meme qu'on leur avoit ar-
rache la fignature. » Je vous invite,
» ma chere Demoifelle , a ne lui
» rien ecrire de contraire a fa fage
» conduite, pas un mot d'entente 3
» vos lettres ne lui feront pas ren-
» dues ".
Quoique la fceur de Sainte-Sophie xLVir,
fin fort aimee a Moncenis, & qu'on \*
feeur So»
des
y eut pour elle beaucoup d egard & peine*, fur r»
d'attention, elle demanda neanmoins f*™*^?! E!*
peu de tems apres la lignature a etre
transferee dans un autre monaftere.
Le pretexte dont elle fe fervit fut le
mauvais air du Pais ou elle etoit,
qui lui caufoit de frequentes mala-
(71) Ibid, hift.de la dern. perftc. p. 144.
Fij
-ocr page 126-
IJ4 HlSTOlRE DE PoRT-RO*lAI..
,/:17I2> dies j mais elle avoit une autre raifon
fecrette , favoir des inquietudes qu'el-
le n'ofoit faire paroitre fur fa iigna-
ture. Comme ce n'etoit point des
raifons de lumiere qui l'avoient per-
fuadee de la verite du fait, ni des
motifs certains d'evidence qui l'a-
voient engagee a figner le Formulaire
& la Bulle , mais des principes con-
fus fur I'obenTance due aux Paftenrs ,
& la crainte qu'elle avoit d'ofFenfer
Dieu & de fe feparer de l'Eglife en
refufant la foumiffion qu'on lui de-
mandoit, fes premieres idees revin-
rent bientot &c lui cauferent des
doutes fur fon etat & des peines d'au-
tant plus vives, qu'elle ne pouvoit
les conner a perfonne. L'efperance
d'avoir plus de liberte dans un autre
mon after e , & de trouver quelques
moi'ens de lever fes difficultes , lui fit
folliciter ce changement pendant trois
ans.
xlviii. Dans cet intervalle elle trouva
Elle trouve ■• j>/                          I                   j          i
moien d'ecri- moien d ecnre une lettre , dans la-
re unc lettre quelle elle expofoit ainfi fes peines
f"fes peines. & fes inquietudes. >» Mademoifel-
« le (ji) , on prend la liberte de
« s'adrener a vous , pour obtenir un
(71) Cette lettre fans date fut adreffee a Mads-
uioifelle de Joncoux.
-ocr page 127-
III. Partis. Liv. JH. \i\
» mot touchant les difficultes qui fe
» prefentent fur la foumiffion qu'on
» a era ne pouvoir refufer fans fe
« feparer de l'Eglife. Les idees qui
« avoient iti donnees fur cela , re-
» viennenr j on demande fi Ton doit
» s'y arreter ; & fi l'obeifTance & la
» crainte d'offenfer Dieu en refiftant
» aux Pafteurs de l'Eglife , ne doit
» pas donnerune jufteconfiance pour
" metrre la confidence en repos. On
» demande fi. on ne devroit pas, fi on
" fe trouvoit malade a la mort, en
» demandant pardon des fautes de
» fa vie , & de la refinance ou Ton
» a ete , protefter que ce n'a ete que
» par la crainte d'offenfer Dieu, Sc
» que e'eft la meme crainte qui a fait
" qu'on s'eft foumis , regardant com-
» me un grand mal la feparation de
» cette fainte Mere des tideles. On
» croit qu'il eft de la prudence de ne
» pas faire paroitre fes domes, Sc
» qu'il fuffit que Dieu voie dans
» le cceur qu'on ne veut que lui
" obeir (73) «. Telle etoit la fitua-
tion de la fceur Sophie apres fa figna-
ture. Cette lettre fut mife entre les
mains d'un ami fidele. La fceur So-
phie avoit fait une liaifon particu-
(73) Voiea cette lettte. Ibid. p. 14s-
f iij
-ocr page 128-
X%6 HlSTOIRE DE PoRT-RoVaI.
■ ijix. Here avec une religieufe Urfuline de
Moncenis, nommee Madame de Saint
Francois , qui vouloit bien la fervir
pour ecrire 8c recevoir des lettres fans
qu'elles paiTafTent par les mains de la
Superieure. C'eroit une reflource pour
elle; mais elle ne l'empecha point de
continuer a folliciter fon changement,
dans l'efperance d'avoir plus de li-
berie ailleurs. Quoique M. Languet,
Grand-Vicaire d'Autun appuiat fes
raifons aupres du Pere Tellier, elle
ne l'obtint qu'au bout de trois ans,
& fut transferee a. Soiflbns au mois
d'avril 1714 , chez les religieufes de
la Congregation de Notre-Dame, 011
elle fut un peu plus libre qu'elle n'a-
voit ete a Moncenis.
xux.
         Elle profita de cette liberte pour
La fccur ,            l              r          t \       ' ' *
soph c trans- ecouter une perlonne (74) qui vmt
f.ree a Soil- ^& parjs pour }a voir ^ &; eUe fe fel>
confiihe m. vit de cette occafion pour confulter
louaii, & pa]- ^crit M. Louail. Elle kit auffi
ttaaaUol . lu relation de la captivite de la mere
Angelique de Saint-Jean , que le Pere
Quefnel avoir fait imprimer en 1711.
Tout celalui fit prendre la refolution
de faire unq retractation publique,
& elle pria M. Louail de lui en en-
C74) Mademoifelle de Joncoux , qui alia de Pari*
ij Soiflbns pour yojt lafceur, Elefcelles,
-ocr page 129-
III. P A R T I E. L'lV. HI. 117
VOi'er un modele , quoiqu'elle en eut ijn.
deja elle-meme dreife un projet, qui
revenoit prefque au meme que celui
qu'on lui envoi'a. M. Louail ne fut
cependanr pas d'avis qu'elle fit une
retractation publique j mais il lui
confeilla d'attendre que la volonte
de Dieu fe manifeftat davantage par
quelque occaiion qu'il feroit naitre ^
& en attendant, d'ecrire & de ilgner
fa retra&ation qu'elle mettroit entre
les mains de perfonnes fages qui la
feroient paroitre lorfqu'elles le juge-
roient a-propos. C'eft fur cela qu'elle
ecrivit le 17 juillet 1714 a une de fes
fours la lettre fuivante, danslaquelle
elle lui parle de la maniere dont elle
lit fa fignature.
» Je vois bien , lui dit-elle, qu'il, r L,_, ,
r r r 1             a             i /t ■                 /■ " 'CEUr *'e''
» raut luipendre notre deilein , & ie c'eiies ecrk a
» foumettre au fage confeil que je ",ie dJ %|
» repots , julqu a ce qu il plane a (igaauire.
" Dieu de faire connoitre plus clai-
» rement ce qu'il veut de nous , car
" je fens une inclination du cote
» contraire. Je me fuis foumife etant
» preffee par la lettre du Cardinal;
» mais ce fut avec bien du combat,
» & dans la vue que j'eus que s'il
» etoit vrai, comme on s'effor^oit
P de me le perfuader , que je refif-
F iiij
-ocr page 130-
Ii8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
tois a l'Eglife,je m'expofois a un ter-
rible malheur. Je penfois auffi que les
Savans pouvoient foutenir fuivant
leurs lumieres , & que la foumif-
fion que nous devons pouvoit nous
excufer. J'ai vu la relation denotre
mere dans fa captivite j elle regar-
de cette action coinme un crime.
Je fupplie tres humblement l'ami
qui me temoigne une fi ilncere cha-
rite, d'emploi'er fes faintes prie-
res pour m'obtenir la grace , dont
je fuis perfuadee que je ne fuis pas
digne , 1'afTurant de ma tres hum-
ble reconnoiflance, &c.
Voici la retractation que la fceur
Sophie fit de fa fignature.
Au nom du Pere , du Fils
& du Saint-Efprit.
If II.
tl.
RSrraftation „
<de la foeur
Suphie Fief- »
ceUes.
" Moi, Sceur Madeleine de Sainte-
Sophie Flefcelles Religieufe dePort-
roial des champs, m'etant repre-
» fentee devant Dieu ce qu'on m'a
» oblige de faire dans le couvent des
m Urfulines de Moncenis , qui etoit
» pour lors le lieu de mon exil, fa-
» voir l'acte que Ton m'a fait figner
» le 27 decembre 1710, & que Ton
» a fait imprimer depuis, & la lettre
w du meme jour que Ton me lit ecrir$
-ocr page 131-
III. Par tie. Liv. III. 119
'1, a M. le Cardinal de Noailles , que 171
t> l'on a faitpareillement imprimer ;
;. & confiderant devant Dieuque par
» ces deux adtes , je me fuis laiflee
» aller a condamner la conduiteque
» nos meres_, nos fours, & moi-
» meme avons conftamment tenue
» jufqu'au jour de notre reparation ,
i> comme n nous avions manque par
» la a. rendre a l'Eglife, au Pape, &c
i>
a M. le Cardinal de Noailles notre
m Archeveque la foumifllon qui leur
» eft due, je me fens par-la obligee
» aujourd'hui , pour fatisfaire aux
» juftes reproches de ma confcience,
» de declarer que je renonce a mon-
» dit acte , & a madite lettre du 27
» decembre 1710, & que je m'en
» tiens aux chafes que nous avons
» fignees en commun avant notre fe-
» paration. C'eft pourquoi je con-
» tinue a condamner les V Propofi-
» tions condamnees par l'Eglife. Ec
« pour ce qui eft de favoir (1 Janfe-
» nius d'Ypres a enfeigne dans fon
» Livre lefdites proportions, je m'en
» tiens a ce qui a ete regie a notre
» egard par notre S. P. le Pape Cle-
» mentlX, & par l'Ordonnance don-
s' nee en confequence par M. de
» Perefixe , par laquelle il retablit
F v
-ocr page 132-
IJO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
~ i7Iit » nos meres dans la participations
» des Sacremens. Je ne crois point
« que ni nos meres ni nous aions
» manque en rien a. l'obeifTance que
» nous devons a l'Eglife & a nos Su-
» perieurs, tant que nous en fommes
» demeurees dans les bornes ou je
» demeure encore aujourd'hui, 8c
» fouhaite demeurer le refte de ma
» vie. Je fupplie qu'on n'ait aucun
» egard a ce qu'on m'a fait iigner par
" fuS8eftwn -> & ^ans av°ir affezcom-
m pris ce que l'on exigeoit de moi
» par ledit a&e du 27 decembre
» 1710 , demandant pardon a, Diea
» de toat mon cceur, & i l'Eglife, de-
» la part que j'ai pu avoir au fcanda-
w le que lefdits actes ont pu caufer.
» En foi de quoi , je remets la pre-
» fente declaration entre les mains
» de perfonnes fages, pour la faire
» paroitre lorfqu'ils le jugeront a-?
» propos , pour fatisfaire a l'Eglife
« dans le fein de laquelle je veux vi-
» vre & mourir. Fait ce 8 feptembre
» 1714. Signi j Sceur Madeleine de
. » Sainte-Sophie Flescelles.
tir.
          Elle conferva toujours une R vive
fe«°soph'edouleur de la faufTedemarche quelle
HieXcdies. avoit faite en fignant ,qu'elle la pleu-
ra jufqu'au dernier moment de fa,
-ocr page 133-
III. P A R T I f. Lip. III. I 3 I
vie, la regardant comme une fame 1712.
qui avoit eteint la lampe que la ve-
nte lui avoit mife en main. C'eft ce
que. nous apprenons du P. RoufTeau.
de l'Oratoire fon Confeffeur (75).
Deux jours avant fa mort il la vint
voir dans l'Abbai'e de Sainte Perine
de la Villette pres Paris , ou elle avoit
ete transferee. Comme elle etoit tres
mal , il lui dit en s'approchant d'elle :
Voilk , ma chere feeur 3 la voix de I'e-
poux qui fe fait entendre j il vient au-
devant de vous. Ah, mon Pere 3
re-
pondit la malade j puis-je efperer que
c'eft dans fa mifericorde , ou plutot ne.
dois-je pas tout craindre. Vous fave^
par quelle faute j'ai eu le malheur d'e-
teindre la lampe que la veritd m'avoit
mife en main. Quelle apparence que je
puiffe aller avec confiance au-devant de
I'Epoux. Elle n'en dit pas davantage
,
ajoute le Pere RoufTeau, un torrent de
larmes forth de fes yeux.
Elle mourut
deux jours apres , le 27 Janvier 1724
dans de grands fentimens de piete ,
dont la communaute fut fi edifiee Sc
fi touchee, que toutes les religieufes
n'avoient qu'un meme defir de pou-
,(7r)] Lettre aux telv- Malnoue. Hift. -de-la'dern.
gieufei de P. JL.|exiUes i perfec. T. 3- E- i-24»
E vj
-ocr page 134-
I 32 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI':
voir mourir comme elle dans la pal*
du Seigneur.
La feconde religieufeque la lettre de
M. de Noaillesrenverfa,fut la Sr. Fran-
§oife Agnes de S . Marguerite de Ste.
Marthe exilee chez les Chanoinefles
regulieres de Blois. M. David Nico-
las Berthier , Eveque de cette Ville,
avoit rente plufieurs fois inutilement
de l'engager a la fignarure (76), mais
« a cette fois il ne fallut que repre-
■» fenter a la Sr. de Ste.Martne l'extte-
» mebonte &charitedefonEminence
» qui vouloit bien la rechercher en-
» core elle & fes fceurs rebelles apres
» tant de refus reiteres. La fceur de
» Sainte-Marthe fe mit a genoux ,
31 demanda pardon a M. Berthier de
» fa reiiftance a. tout ce qu'il luiavoic
*> dit, en temoignant tout l'emprefle-
ment poffible d'obtenir le pardon
» de fon Eminence par toute la fou-
■» million qu'elle lui devoit, & qu'el-
» le etoit prete de rendre «. Le Pre-
lat content de ce bon mouvement,
examina a fond fes fentimens & fes
difpofitions, & il trouva une fimplici-
*e& une candeur dans cette bonne fille
(7«) Lettre de M. de Blois a M. de Noailles,
du 8 janviet 1711.
-ocr page 135-
III. Partis. Up. III. 13$_______
'•qui le chartna. C'eft ainfi que M. 1712.
Berthier Eveque de Blois raconte la
converiion operee par la lettre de M.
de Noailles. II en informa auffi-toc
fon Eminence , & lui envoia la lettre
que la four de Sainte-Marthe lui
ecrivoit ( pour fe conformer au ce-
remonial ) , & il y joignit l'a&ede la
fignature du Formulaire & de laBulle
Vineam. II offrit d'en drefTer un proces
verbal,
en faifant reitirer a la four
de Sainte-Marthe fa Jignature } a la-
quelle il joindroit fon feing & celui de
plufieurs autres.
MaisM. de Blois crut
que le plus preflTe etoit que la four
de Sainte-Marthe s'acquittat envers
fon Eminence de ce qu'elle lui de-
voit, pour miriter d'etre reflituie par
elle a la participation des Sacremens.
C'eft la grace que M. de Blois lui
demande pour cette bonne religieufe , .
en l'arTurant quelle merite qu'elle ne
lui foit pas retardee.
Rien n'eft plus propre a fake iuger un.
1,           1 1 jf r ■         J         1          1            lettre dela
du trouble d elprit, dans lequel on freur de Ste
jettoit les pauvresreligieufes captivesMarthe sm.
' 1             r /           1 ft , 1 V         de Noailles,
en Jeur exagerant la pretendue raute
qu'elles faifoient de refufer la figna-
ture du Formulaire , que la lettre de
la four de Sainte Marthe a M. de
Noailles : la voici. » Monfeigneur,
-ocr page 136-
I J4 HlSTOIRE DE PoK.T-R.01AI,,
» je recois avec toute forte de forr-
» million la lettre qu'il a plu a V. E»
» de me faire rendre par le canal
" de M. PEveque de Blois. J'y re-
» connois parfaitement les traits d'une
» bonte toute paternelle pour nous,
» jointe a un vrai zele pour nous ren-
» dre foumifes a l'Eglife , dont pour
" notre malheur nous n'avons pas
» aflez connu ni refpe£te l'autorite &c
» le jugement. Je m'en repens fince-
» rement & en demande pardon a
" Dieu & a Votre Eminence , dont
» les bontes fingulieres ne m'ont ja-
" mais fait perdre de vue, malgre
» notre rebellion, que vous etiez ve-
■ ritablement mon pere , mon legi-
» time Superieur & mon Eveque. Si
» j'ai eu le malheur de me laiiler aller
- au torrent d'une multitude aveugle
» & entetee , ma fimplicite & meme
« mon ignorance fur les points con-
" teftes pourront m'excufer aupres de
» Votre Eminence. Accoutumee a,
» obeir depuis long - terns aveugle-
«• ment, je ne voiois que par les yeux
» des autres , je ne decidois que par
» leurs decifions , & me croi'ois en
" furete de confcience de tenir leurs-
M fentimens. Mais enfin le jour eft
* venu oil la grace vient de me de-
-ocr page 137-
III. Parti % Ilv. Ill- i J $
» filler les yeux * & renoncjant pout
» jamais a. tous mes prejuges, je me
» foumets au jugement du Pape &
» des Eveques 5 ye penfe 3 j evade j
» & j'ecris enjin comme l'Eglife ); y
» delirant vivre & mourir dans fa
« croiance > deteftant de bonne foi
" tout ce qu'elle condamne & rejette.
» Voila. les fentimens de celle qui
» fera toujoursttesrefpe&ueufement,,
» Monfeigneur , votre tres humble ,,
» obeifTante & foumife fille & fer-
» vante. Signe , Sceur Francoife Agnes-
» de Sainte-Marguerite , religieufe
" de Port-roial des Champs.
Voila un langage bien extraordi-
naire. Quand ratine l'Eglife auroit
decide le fait de Janfenius, pourroit-
on dire que des religieufes , qui par
delicatefle de confcience n'ont pu fe
refoudre a, figner le Formulaire , dans
h. crainte de commettre un parjure
en affurant avec un ferment terrible
on fait dont elles doutoient, un fait
dans la deeifion duquel l'Eglife meme
auroit pu fe tromper , n'etant point,
infaiilible en ee point: pourroit-on ,,
dis-je , regarder ces religieufes com-
me hors du fein de l'Eglife & comme;
des rebelles , parcequ'elles n'auroient
i>as eu une. croiance humaine de ce
»
-ocr page 138-
\iji HlSTOIRE DE PoRT-ROl'A'r.
fait? Ce manque de foi humaine 1
l'egard d'un fait douteux , fut-il me-
me decide par l'Eglife , peut-il deve-
nir un crime & une rebellion contre
l'Eglife
digne d'etre punie a la vie &C
a la mort par la privation des Sacre-
mens , en un mot digne des peines
eternelles ? Reconnoit-on l'efprit de
FEglife & la charite des veritables
pafteurs dans la conduite qu'on a te-
nue a l'egard de ces pauvres filles ,
en leur faifant un monftre d'un man-
que de creance pour un fait douteux
qui n'interelle ni la foi ni les bon-
nes moeurs ? Mais fuppofons, fi Ton
veut, que ce foit une faute ; eft-elle
de nature a meriter la privation des
Sacremens & Pexcommunication ? Ce-
lui qui par delicatefle de cpnfcience
refule d'afliirer avec ferment un fait
dont il doute avec fondement, rae-
rite-t-il d'etre traite comme celui qui
combattroit un dogme de foi, & qui
refuferoit opiniatrementde fe foumet-
tre a une decifion de l'Eglife fur la foi?
N'y a-t-il plus de diftinc"tion entre
les fautes ? C'etoit l'herefie des Nova-
tiens j e'eft par cet artifice que Ton
engageoit les religieufes de P. R. a
figner le Formulaire & la Bulle Vi-
neam.
II fuffit de lire la lettre de 1*
-ocr page 139-
III. P ARTIE. LlV. IH. I?7
four Sainte-Marthe a M. de Noailles
pour s'en convaincre. La chute ae
cette religieufe paroit avoir ete fans
retour. Du moins nous ne voions au-
cune marque quelle fe foit retradtee.
Elle mourut dans le lieu de fon exil
chez les Veroniques de Blois, le 8
avril 1716 agee de foixante-fept ans.
Quelle gloire, quel triomphe pour
ce Cardinal & pour M. de Blois, que
la vidoire remportee par ces deux
Prelatsfur cette pauvrefille captive!
Egregiam vero laudem, fpolia ampla refertis ,
Pontificum una dolo fi femina vitta duorum
eft!
Faut-il etre furpris que des filles
qui craignent Dieu , qui font plemes
de refped pour l'Eglife , qui aiment
leur ialut, qui ont horreur du peche
mortel, foient troublees & renverfees
en entendant des Eveques qui par-
lent avec tout le poids de leur auto-
rite , qui les menacent des jugemens
de Dieu & de la damnation eter-
nelle? Faut-il etre furpris que ces re-
ligieufes captives, quelquerois mou-
rantes, fuccombent a ces menaces &
fignent, dans le trouble &c dans la
frai'eur qu'on leur infpire, tout ce>
-ocr page 140-
I}8 HlSTOIRE BE PoB.T-R.OlAt.
" ijn, qu'on leur fait entendre etre necef-
faire pour leur falut ?
Nous mettrons ici a la fuite de ces
fignatures une excellente lettre ecrite
fur la fin de 1710 (76) & publiee en
1711 . oil Ton en fait voir 1'illuiion,
& la vanite du triomphe de ceux qui
les ont arrachees aux religieufes de
P. R. Cette lettre etoit adrerTee a une
Dame de piete (77) , qui etoit affli-
gee de la deftruction du monaftere de
P. R. des Champs.
t,v; , » VousetesafHis;ee, Madame, de
deftruSion » la deltructjon de P. K. & vous le-
m''sSdcsg"c- "   tes avec ra^on- Une maifon ou
).g cufts de »  Dieu a ete connu, fervi & adore
p,i*"          »   en efprit & en verite, merite bien
»   qu'on foit fenfible a une fin fi trifte
»   & fi etrange. Les ferviteurs de
«   Dieu cheriffoient jufqu'aux picrres
«   de Sion , & etoient touches de
»  compaflion en voiant cette terre
»  fainte ruinee 8c deferte. L'Anti-
»   quite ne nous fournit pas de lieu ,
»  ou Ton ait vu des exemples d'une
»  regularite plus exadte & mieux fou-
«  tenue dans fa ferveur , & d'une
»  piete plus eprouvee & plus folide s
(76)  Par leP.Quefnel.
(77)   A Madame de Vieuxbourg,
-ocr page 141-
III. Par tie. Liv. III. 159 ______
» d'une penitence plus fincere & plus 1712.
» parfaite que ceux qu'on a vus a
» P R. dans le fiecle entier de fa re-
» forme. Cependant c'eft ce lieu faint
" contre lequel on empioie des vio-
» lences inouies. II ne refta pas pierre
» fur pierre du Temple de Jcrufalem,
» parceque cette Ville ingrate ne vou-
" lut pas reconnoitre la vifite de fon
» Liberateur • & Ton rafe la maifon
» de P. R. de fond en comble, par-
» ceque penetrees d'une vive recon-
» noiffance pour la grace de ce divin
» Sauveur , ces faintes religieufes ont
» toujoms voulu lui rendre la gloire
» due a, l'Auteur de leur falut. Que
» vos jugemens , 6 mon Dieu , quoi-
" que toujours formes par la meme
■ juftice , font neanmoins different
" en apparence pour l'efprit de l'hom-
» me j qui n'en pent connoitre tous
» les refforts & tous les defTeins!
" L' in juftice des hommesrend auf-
» fi leur conduite egalement extraor-
" dinaire & incomprehenfible. On a
» procede contre des Moines que
" ion a reconnus coupables des der-
» niers exces , a-t-on ainfi rafe leur
" couvent ? Les a-t-on ainfi conduits
u en exil, & menes prifonniers dans,
*» des maifons etrangeres ? On, s'eft*
-ocr page 142-
140 HlSTOIRE DE Pott.T-R01At;
" on ccntente d'en envoi'er cinq ott
» fix par obedience dans d'autres mai-
» fons de bur Ordre ? & Un Moine
" nouvellemenr furpris dans le crime
" & ramene a onze heures ou minmt
" dans certe maifon , prouve aflfez
" qu'on n'en a pas ore tout le mau-
" vais levain. On fair les defordres
" commis depuis peu dans l'Abbaie
" de. ... & clans celle de.... routes
» deux du Diocefe de Paris , fans
" parler de quelques autres. A-t-on
" puni ces dereglemens horribles par
" le renverfement de ces maifons fcan-
" daleufes ? On croit beaucoup faire
" dans l'une d'y reformer un peu les
" parloirs & d'en renforcer les gril-
" les; & dans l'aurre d'en ecarter
" deux religieufes 8c de les envoi'er
" ailleurs pour s'y decharger du fruit
" de leur iniquite. Bien loin de faire
" une punition exemplaire de ces in-
" famies , on prend foin de ne les
" pas approfondir & d'etouffer tout
" ce qui en auroit augmente 1'hor.-
" reur. II n'y a que P. R., qui uni-
» verfellement reconnu d'une regu-
» larite exade & perfecute pour un
" phantome , ne merite pas qu'on
" garde aucune mefure dans l'exem-
.« pie qu'on veut faire de fa preten^
-ocr page 143-
III. Parti e. Liv. HI. 141
» due delobeiiTance. II faut detruire"
» jufqu'aux fondernens un monaftere
» qui eioitl'edification de I'Eglife &
» l'afile des pauvres; miner un tem-
» pie oii les louanges de Dieu ont
" ete chantees depuis cinq cents ansj
» fruftrer l'intention des fondateurs ,
» violer & profaner leur fepulture &
» celles de tant de perfonnes illuf-
» tres j & ne laifTer ancun veftige
» d'une maifon , oil Ton a ofe ne pas
" baiiTer le con fous le joug d'une do-
» mination fur les conferences inter-
s' dite aux Apotres.
« Mais, Madame , que nous doit
» apprendre la deftrudbon d'un lieu
» (1 faint, finon que ce n'eft point
» dans ce qui eft periiTable & pafla-
» ger que Dieu met fa veritable gloi-
» re ? Ces faintes maifons , ces edi-
" fices facres, que le Seigneur livre
» ainfi quelquefois a la paflion des
" hommes, ne doivent done point
» faire ni l'objet de notre atrache-
» ment pendant qu'ils fubfiftent, ni
» le fujet d'une trop grande douleur
» lorfque nous en voions les mines.
» Ce n'eft qu'un avancement d'une
« deftrudion qui doit arriver tot ou
« tard , & ce.tainement avant la fin
» dumonde.
-ocr page 144-
I4I HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" L'etat de routes ces religieufes
» eft bien plus digne de companion
» que celui de leur monaftere. Leur
« difperfion eft vraiment aftligeante ,
» &c par la captivire ou elles font re-
» duites, & par les fuites de cette
•» captivite. Pendant qu'elles demeu-
n roient enfemble , ['union que la
» charite formoir entr'elles les ren-
m doit inebranlables dans les memes
» fentimens. La lumiere des unes fai^-
» foitremarquerauxautres les pieges
» que leur candeur n'appercevoit pas.
» Des fre res foutenus par leurs freres
» deviennent line v'dle imprenable.
» Deux redflent a des attaques aux-
» quelles unefeuleperfonnefitccombe,
» lorfquelle eft fans fecours
(7<j).C'eft
» pour cela que Ton a pris ie violent
» deftein de les feparer les unes des
» autres j & plufieurs , comme vous
» le favez , onr deja eprouve que c'e-
» toit le plus pernicieux moien qu'on
w put emploi'er contre elles. Des fil-
»» les routes agees ou infirmes , la
» plupart fort fimples & fort peu inf-
« truites du fond deschofes , privees
» de tout confeil en qui elles avoient
» grande confiance, livrees a des per-
s> Tonnes devouees a. leurs ennemis t
(78) Prov. 18. i». tstht>4. tit-
-ocr page 145-
III. P A R T I E. LlV. III. *4$
» qui ne cherchent qu'a furprendre
« leur iimplicite & a profiter de leur
» foibleffe j des lilies , dis-je , dans
« une fituation fi violence ne pou-
v voient pas aifement echapper a cet
» ecueil.
« II s'en faut beaucoup que routes
» aient les memes lumieres pour evi-
» ter la furprife. Toures n'onrpas
» recu un egal don de force pour
" foutenir de il etranges traitemens.
« Souffrir ce n'eft pas pour des Cure-
s' tiens un etat a plaindre.. lis ont
» appris de Jefus - Chrift a regarder
" comme un bonheur les fouffrances
»» de ce monde. Mais ce n'eft qu'a la
» perfeverance que la couronne eft
» promife, & la perfeverance n'eft
» pas donnee a tous ceux-memes qui
» ont commence genereufement cette
w penible carriere, Le Seigneur en
" fait un difcernement, 011 nous ne
» pouvons qu'adorer fes jugemens
" impenetrables; c'eft poiirquoi nous
» devons toujours prier notre Pere
" celefte de ne nous pas expofer a
" la tentation.
» Mais puifque la foiblelTe humai-
" ne eft ii graudc , & que la grace
" de la perfeverance eft d'autant plus
" rare qu'elle n'eft due a perfonne ,
»
-ocr page 146-
144 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
» ni accordee a tous , doit-on s'eton-
» ner qu'entre ces filles accableespar I
» une 11 longue fuite de peines, pri-
» vees de tout fecours du cote des 1
» hommes, depourvues de toutes les I
» confolations qui pourroient adou-
jj cir les peines de leur etat, chargees
» de reproches & d'infultes par tou-
» tes les perfonnes qui les voient,
w & intimidees par des menaces des
» plus rigoureux traitemens, il s'en
trouve qui cedent a de telles vio-
« lences. Helas! il faut bien plutot
>j s'etonner de ce qu'elles n'y ont pas
» encore toutes fuccombe. Mais j'ef- I
» pere de la mifericorde & de la
35 toute - puiflance du Dieu tres fort
55 d'Ifrae'l, qu'il nele permettra pas,
>5 & qu'il rera eclater fa puiflance
» dans le nombre qu'il s'eft choili.
55 A I'egard de celles qui ont figne
» je ne puis pas les excufer toutes,
55 comme je le fouhaiterois. Celles
» qui l'ont fait, en perdant,faute d'un
55 Courage perfeverant , la couronne
55 d'une patience qui etoit fi admira-
55 ble, iont encore plus a plaindre
» devant Dieu, que leur capnvite &
>5 leurs fouffrances ne font deplora-
»5 bles aux yeux des hommes. Car je
>> ne puis vous dire autre chofe fur
55 leur
-ocr page 147-
III. Par tie. Liv. III. 145:
» leur fujet que ce que me die le S. T7T1
»
Efprit: Malheur a ceux qui man-
<> qiient de courage
j qui ne Je fient
» point a Dieu, & que 'Dieu pour
» cette raifon ne protege plus j mal-
» heur a ceux qui ont perdu la patien-
<> ce , qui ont quitti les voies drones
» & qui Je font detournis dans des
» routes egare'es. Et queferont-ils, lorf-
" que le Seigneur commencera. a exa-
» miner toutes chofes ?
Ces religieufes
» etoient convaincues qu'elles de-
» voient s'attacher aux principes de
" leurs anciennes meres, & ne pren-
» dre point de pare dans un juge-
» ment, oix leur ignorance 8c leur
» condition ne leur permettoient pas
•' d^entrer, pour ne pas commettre
» un parjure en faifant un ferment
» fur un fait qu'elles ignorent.
» Quand la chafe feroit auffi vraie
'» qu'elle eft au moins doutenfe, fl
" elles n'ont pas une entiere certi-
» tude de cette pretendue verite, il
" ne leur eft pas permis de l'attefter
>> avec ferment, fur quelque autorite
" que ce foit, fi ce n'eft pas une au-
" torite infaillible & incapable d'er-
" reur ; autorite qui fe trouve uni-
" quement dans les points que Dieu
15 a reveles a fon Eglife. C'eft fur ce
Tome X.                            G
*
-ocr page 148-
I4<£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» principe inconteftable qu'on doit
» juger de la demarche qu'elles ont
» faite.
» Mais quelle gloire, quel avan-
» tage leurs perfecuteurs peuvent-ils
» tirer de fignatures extorquees de
j) cette forte? Eft-ilfurprenantqu'on
» puilTe reuffir a tromper des filles
" dans l'etat effro'fable oh Ton reduit
» celles-ci ? Des violences beaucoup
« moins grandes firent autrefois fouf-
» crire a 1'erreur les Eveques de la plus
» grande partiede l'Eglife.Que fit-on
" aux Eveques aflembles a Rimini ,
» qui ait quelque comparaifon avec
« les duretes inouies que Ton exerce
» contre les religieufes deP.R. ?L'Em-
»> pereur Conftance zele fauteur de
» i'Arianifme fe contenta de les te-
la nir eloignes de leurs Diocefes , de
» les fatiguer par les incommodkes
» du fejour de Rimini,& de leur faire
jj croire qu'ils n'en fortiroientjamais,
» s'ils ne fe rendoieut a fa volonte
« en s'accordant avec les Ariens.
» Une perfecution fi legere ebranla
» la conftance de 400 Eveques , Sc
v
leur fit abandonner ce qu'ils avoient
» fait pour foutenir la foi. La plu-
» part des Eveques Catholiques, dit
» Severe Sulpice , quelques - uns fe-
-ocr page 149-
III. Partis. Liv. III. 147
» dints par la foibleffe de leur genie ,
» d'autres laffes par un fejour fi en-
" nui'eux, fe rangerent du cote des
» ennemis de la foi ; & des qu'un
» certain nombre eut perdu courage ,
» les autres fe rendirent en foule au
» Parti oppofe. II n'y en eut que lo
» qui refolurent de tenir ferme. Ces
"io memes voulant mettre fin a cet-
» te affaire , fe laifferent tromper par
» la fubtilite des Ariens, de.forte que
» 1'erreur fut en apparence pleine-
» ment vi&orieufe.
» Deux annees d'exil avoient fait
» tomber lePape Libere quelque-tems
» auparavant 5 & celui qui avoir pa-
s' ru une des plus fermes colonnes de
» l'Eglife, devint auffi foible qu'un
» roleau en fe laiffant aller a l'ennui.
» La vue de quelques foldats , les
» menaces de quelques Officiers de
» 1'Empereur Theodofe II, $c l'exem-
» p!e du mauvais trairement fait a
" S. Flavien Patriarche de Conftantif
» nople porterent les Eveques d'O-
" rient a condamner la foi dans la
» faux Concile d'Ephefe.
» Mais fans recourir a des terns fi
» eloignes, que n'a-t-on pas vu dans
" ces dernieres annees ? Quarante
" Dodeurs fignent la decifion d'un
G ij
-ocr page 150-
I48 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
^tTi! " cas c^e confcience , qui ne leur pa-
" roifioit pas foufTrir de difficulte.
» Certe fignature fait du bruit, on
« menace ces Do&eurs, plus de 3 6
» fe retractent aiifli-tot : on en exile
» -quatre qui refufoient de fe retracter;
» *& de ces quatre urt feul demeure
» ferme , & cherche fa furete dans la
» fuite (79).
» Faut-il done s'etonner que des
" moiens beaucoup plus forts 8c plus
" violens emploies contre des reli-
» gieufes, que leur fexe & leur igno-
» ranee devoient rendre plus foibles,
» puiffent enfin emporter quelque cho-
» fe fur des efprits abattus par la trif-
" tefle,par la longueur & l'ennui d'une
» prifon que tant de rigueurs excef-
» fives rendroient infurportable aux
» plus forts efprits ? Qui ne s'eton-
" nera au contraire qu'on ait pu
» fe refoudre a avoir recours a des
" moiens fi indignes 8c fi inutiles
" tout enfemble ?
« Car enfin, peut - on douter que
» tout ce que ces filles font dans cet
» etat de captivite , ne foit entiere-
« ment nul, puifqu'elles ont defavoue
w d'avance tout ce qu'on pourroit ob-
» tenir d'elles par cette voie? Tomes
(7?) M. Pempiedt
-ocr page 151-
Ill Par.tie. Liv. HI. 149
» les loix ordonnent , qu'on n'ait au- 171 %.
» cun egard a des aftes fairs par une
» conrrainre fi. vifible. Qu'on les reu-
» niife roures enfemble, qu'on leur
» laifle une liberte enriere de decla-
» rer leurs fentimens, & Ton verra
» fi elles en onr verirablement chan-
» ge. II n'y a perfonne ailez peu |u-
" dicieufe & afTez peu equirable pour
« n'avoir pas infinimenr plus d'e-
.» gards aux declarations libres & vo-
" lontaires qu'elles ont fakes de leurs
» fentimens pendanr qu'elles etoient
» libres , qu'a ces fignatures qu'on
" arrache d'elles par furprife , lorf-
» qu'elles font arToiblies par les dure-
» tes qu'elles eprouvent deja , & par
» les menaces d'un traitement encore
" plus rude.
» L'arToiblilTement de celles qui
" ont iigne doit done moins vous fur-
" prendre, Madame , que la conftan-
." ce de celles qui demeurent fermes.
» Et permettez-moi de vous dire que <•
" yous n'avez pas raifon de pretendre
" qu'il auroit mieux valu pour elles
" de ligner d'abord dans leur mai-
» fon que de figner prefentement
" dans leur exil. Que leur auroit fer-
" vi cette fignature il y a trois ans ?
" Vous vous imaginez qu'elles au-
G iij
-ocr page 152-
rjo Histoirb de PoRT-ao'iki.
1712. » roient par-la conferve ieur maifon y
» a la mine de laquelle vous etes trop
» fenfible. Non , Madame , elles ne
" l'auroienr pas confervee. Ceux qui
« le favent mieux que vous, aflurent
« le contraire. M. le Cardinal de
" Noailles dit lui - meme deilors £
» leur ConfefTeur, que fi elles euffent
» obei elles auroienr fatisfait a ce
» qu'il pretendoit etre de leur de-
" voir, mais qu'elles n'auroient pas
» arrete les deffeins qu'on avoit pris
» contre elles, &'que leur mine etoit
» refolue (80). Ainfifouhaiter qu'elles
» l'euflent prevenue par leur figna-
» ture, c'eft fouhaiter qu'elles euifent
t> marque encore une plus grande
3> foibleflfe. On ne doit pas trouver
» non plus etrange que de fi faintes
» religieufes aient ere capables de
« faire dans leurs prifons ce qu'elles
» afluroient dans leur maifon ne pou-
.» voir accorder avec leur confcience.
* j> II y a peu de religieufes qui aient
» autant de piete & de vertu que les
(80) Voi'ez dans 1'hif-    n'auroiteu aucun gretexte ■
toire de la derniere perfe-    d'attaquet P. R. fi les IV
cuticm de P. R. T.;. p.    Evequesavoienc tenu fer-
174, une lettre d'un Be-    me , & n'avoient pasfa-
nedift'n dans laquelle il    crifie leurs Mandemens a
recherche la caufe de la    un amour impatient de U
deftruftlon de cette fainte    paix.
waifon, & croic qu'on
-
-ocr page 153-
111. P ARTIE, tiv. 111. i$t
premieres filles de fainte Therefe 17
en avoient. Elle les reprefente elle-
meme comine des perfonnes par-
faitement detachees de toutes les
chofes du monde, & qui n'etoient
pofledees que du defir de plaire k
Dieu. De fi vertueufes filles fe Iaif-
ferent neanmoins aller a figner des
chofes faufTes & defavantageufes a
leur propre mere dans l'apprehen-> ■
fion d'etre excommuniees. Et Dieu
le permit ainfi afin que ce fut a la
pofterite un exemple de la fragilite
humaine, &c du peu d'egard que
Ton doit avoir a des fignatures ar-
rachees par cette voie. Le monaf-
tere de Seville fonde par fainte The-
refe fouffrit deux gran des perfecu-
tions 5 la premiere dans le tems
que la Sainte y etoit -y & la feconde
depuis qu'elle fut retournee a. Avila. -
Les Cannes chaufles etant alors
rentres dans leur jurifdiclion vou-
lurent prendre connoiflance de ce *
monaftere des Carmelites dechauf-
fees. Auili-tot qu'ils fe virent en
autorite , ils y changerent toutes
chofes. Ils depoferent la Prieure Sc
en elurent une autre. Ils informe-
rent contre quelques religieufes an-
ciennes, & contre la Sainte nieme.
-ocr page 154-
I5i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
» Cette Sainte fut mife entre les
» mains du Nonce , qui eleva une
m grande tempete & une grande per-
" fecution contre fa reforme.
» Cependant cette information
» pleine de menfonges &: de calom-
» nies etoit fignee des religieufes de
» Seville , queces Cannes qui etoient
» alors Superieurs , menacerent d'ex-
" communier , fi elles ne fignoient
" ces fauflfetes, comme fainte The-
» refe le marque elle-meme dans fa
" iettre XVII. Ces pauvres files j dit-
» elle, ont bien manque de quelqu'un
=> qui leur donnai confeil. Les Avocats
" de ce pais font etonnes des chofes
" qu'on leur afaitfignerpar la crainte
■» des excommunications. J'apprehende
» beaucoup qu'elles n'aient dit plu-
" jieurs chofes contre leur confcience ;
» peut-etre qu'elles ne fe font pas bien
=> expliquees. II eft certain qu'ily avoit
» dans leurs depofitions des chofes tout-
» a-fait fauffes. J'etois alors dans le
" couvent 3 & pareille chofe n'y eftja*
« mais arrivee. Mais je ne m'etonne
» pas qu'on leur ait fait dire tant de
» fauffetes & tant d'extravagances ,
» d'autant plus qu'il y eut certaines
» religieufes qui furent examinies & in-
» terrogees Jix heuresdurant }& qu'imc
i'7'iz.
-ocr page 155-
III. P ARTIE. L'lV. III. 153
a de celles-la jfaute de jugement ,■ aura x 712.
a figni tout ce au'iis auront voulu.
» Si fainte Therefe ne s'etonne pas*
» que des religieufes tres bonnes d'ail-
» leurs , interrogees pendant fix lieu-
» res par un Superieur-, qui les pretle,
" qui les embarafie qui les menace ,
» depofent & fignent des extravagan-
" ces & des faufTetes , doit-on etre
» furpris, non pas qu'un pareil in-
>• terrogatoire de fix heures, rriais
» tant de vifites & de difputes ou
» Ton a emploi'e routes les menaces,
» les rufes & les artifices imaginables j
" qu'un etat violent qui dure depuis
» plufieurs annees; qu'une perfecucion
» ouverte tant de fois reiteree , tan-
» tot avec plus, tantot avec moins de
» rtgueur j non une fimple menace
» d'excommunication , mais une
» reelle feparation des Sacremens ,
" meme a la mort, une fi longue
» privation de liberte 5 une fi dure,
" & fi longue captivite , accompa-
" gnee de tourmens plus durs pour
" des ames timorees & religieufes,
" que les genes & les tortures, fafient
" enfin tourner la tete a. quelques
" filles, & les engagent a faire ce
" qu'elles ont toujours juge contraire
» a leur confcien.ee , tant qu'elles
G v
-ocr page 156-
I 54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAll
" » l'ont pu confiderer d'une vue tran*
« quille & a couvert de toutes ce&
» contraintes ?
" O le vain triomphe pour les ac-
». teurs de cette cruelle tragedie!
« Qu'ils examinenr foijgneufemenc
« devant Dieu ce qu'ils feroient eux-
« memes , s'ils etoient a l'epreuve de
» la moindre partie de ces rourmens,
» & ils cefleront de s'en glorifier.
» Quelque zeles qu'ils foient pour
« extorquer cette fignature , quoi-
» qu'ils affectent de paroitre convain-
m. cus de fa neceffite , quelqu'em-
« prefTement qu'ils aient, quelques
» raifons qu'ils emploient pour la
» perfuader ; on fait afTez que fi
w le Pfince changeoit d'inclination
» 8c leur ordonnoit de changer de
» conduite, ils n'attendroient pas la
m fimple menace d'une difgrace,
» moms encore la privation ou l'ex-
» clufion des Eveches ou des Benefi-
» ces, le depouillement entier de
» leurs biens, & une dure captivite
« pour figner le contraire dece qu'ils
» prechent avec un zele fi ardent. En-
** tre pres de no Eveques qu'ily a
m en France , il ne s'en trouveroit
». peut-etre pas un feul qui fit la moin-
e» dre; rciiftance, & qui ne juftifiat
-ocr page 157-
III. Partie. Liv. III. 15 5:
*s> l'innocence de celles que Ton re- 171,2.
» prefente & que Ton traite aujour-
« d'hui comme des criminelles & des
» rebelles a l'Eglife. Tant d'exemples
» de ces terns plus heureux que les
» notres , les variations continuelles
» de la conduite & des fentimens des
» Evequesprouvent certainement que
» ce n'eft point ici un jugement te-
» meraire.
» Si Ton examine le caracTrere & l'e--
» tat des religieufes de P. R. dont on
» publie les fignatures , rien ne fait
» mieux voir la vanite du triomphe.
» On foutient d'abord que l'hiftoire
» de la fignature de la four Anne de
» Sainte - Cecile de Boifcervoife ,
» morte prefqu'a. fon arrivee au lieu
» de fon exil & de fa prifon , eft ab-
» folument deftituee de toute preuve .
" legitime. Celle de la four Euphra-
" fie Robert eft plus que ridicule. Que
" peut-on penfeir de ce que Ton a fait
■ faire a une fille agee de quatre-
» vingt-fix ans , paralytique depuis-
*  plufieurs annees, qui ne peut ni
» lire , ni ecrire, a qui diverfes atta-
»■ ques d'apoplexie ne laiffent pas l'u-
'» fage libre de la raifon, & qui eft
*  incapable d'entendre, ou de dire lai ■
" moindre chofe qui foit tant foie
te peufuivLe.£                   G v|
-ocr page 158-
1 5<J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
» A 1'egard de la fceur Apolline
» le Begue , c'eft peut-etre l'efprit le
» plus borne qu'on puifle imaginer.
» On lui a promis que s'il y avoit
» du peche dans fa lignature on s'en
» chargeoit, elle n'a pas eu befoin
» d'une plus grande conviction.
" On publie encore la lignature
» de plufieurs autres religieufes, mais
« on ne publie pas la maniere dont on
» la leur a extorquee. Celles qu'on ne
» peut ebranler par des menaces , on
?> les attaque par d'autres voies qu'on
» n'avoit pas encore mifes en ufage.
» On convient avec elles qu'on ne
" peut pas les obliger a la croiance
» d'un fait non revele, & on leur dit
»> que ce n'eft pas non plus l'inten-
« tion de l'Eglife. On afTure meme
» qu'on va jufqu'a leur donner a£te
» de cette declaration par ecrit, ou
» plutot apparemment a leur permet-
» tre de declarer elles - memes dans
■» un ecrit particulier qu'elles ne s'en-
" 8a8ent Point par ^ur lignature a
« une telle croiance.
» M. Chevalier Grand-Vicaire de
.»' Meaux a fait ainfi figner les deux
» religieufes de P. R. qui font dans
» cette ville , en leur reprefentant
.» qu'il etoit allure par la declaration
-ocr page 159-
III. Par tie. Liv. III. 157
meme du Pape , que le Saint-Siege 171 i.
n'exigeoit la cro'iance que pour le
droit, 8c que c'etoit tout ce qu'on
demandoit par la derniere Bulle
de Clement XI. Qui ne fe laiflerok
furprendre par une telle fedudrion
en ce qu'on veut bien recevoir leur
fignature dans cette difpofition oil
elles ont toujours ete, & que nean-
moins on fupprime les declarations
qu'on leur a faites, ou qu'on a re-
cues d'elles, pour ne recevoir que
leur fignature qui ne l'exprime pas ?
Sont - ce done la. les depofitaires
de la fincerite chretienne ? Eft-ce-
la la fimplicite de la colombe dans
les points ou elle eft le plus necef-
faire ? N'eft-ce pas plutot la dupli-
cite de cet ancien ferpent qui eft ap-
pelle Diable & Satan 3 quifeduit tout
le monde
? Tous moiens paroifTent
bons a certaines gens pourvu qu'ils
viennenr a bout de leurs delTeins:
ils fe fraient par-la les voies pour
arriver au but ou tend leur ambi-
tion , ou leur complaifance pour les
volontes & les preventions des Puif-
fances.
' Mais helas! fera-ce eequijuftifiera.
devant Dieu les violences inouies
exercees contre ces vierges, les ar-
-ocr page 160-
158 HlSTOIKE DE PoRT-ROlAt.           i
~ » tifices indignes qu'on emploie pour
« les feduire, la mine d'une fi fainte-
» maifon, le renverfement d'une des
w plus vertueufes communautes de
» l'Eglife ? Mais fans cefler, Mada-
» me , de pleurer fur des objets (i
» dignes de nos larmes , emploions-
w les auffi a. deplorer l'aveuglement
» de ceux qui font ou les auteurs &
» les fauteurs, ou les complices d'une
» injuftice n" criante.
" Une morr fubite vient d'entraJ-
■n ner au jugement de Dieu l'Abbelfe
« de P. R. de Paris (Madame deCha-
» teau-Renaud qui avoit toujours
» langui depuis une attaque d'apo-
» plexie qu'elle avoit eu dans le terns
» qu'elle fut a P. R. pour en enlever
» les meubles ) , pour y rendre ua
» compte terrible d'une ufurpation,
» que ni 1'autorite ecclefiaftique , ni
« la puifTance feculiere ne pourront
» jamais faire pafler pour legitime.
» Si la juftice divine differe a punir
m les autres, fa patience ne rendra
« pas leur fort plus favorable , s'ils
« ne reparent leur injuftice par d&
» dignes fruits de penitence.
" Et qui, a la vue de ce jugement
» redoutable,peut penfer fans frai'eur
» a la lachete criminelle. de ces. idoles. 1
-ocr page 161-
III. Pah tie. Llv. III. 159 _______(
» de Pafteurs , de ces chiens muets , 1712.,
» comme dit le Prophete , qui voient
» les loups entrer dans la bergeri&
» & la dilperfion de tout le troupeait
» fans jetter le moindre cri, ou qui
»> ne crient que pour heurler avec les
» loups. Je mis, &c. ".
II eft a propos de donner ici a nos iv-
Le&eurs une certaine connoiflance de viJcH pett
la vie du P. Gerberon, que la fceur le Gerberon.
T7. rr                 r ,            ' ^                     1,          Ses ecriSS.
Vavafleur confulta , comme nous Ia-
vons rapporte , & qui d'ailleurs s'eft
rendu li celebre. D. Gabriel Gerberon
ne le 12 d'aout 1628 a Saint Calais ,
petite ville dans le bas Vendomois ,
- entra dans la Congregation de faint
Maur _, ou il fit profe'ffion le 11 no-
vembre 1649 dans l'Abbai'e de Saint
Melaine de Rennes. II s'y diftingua
bientot par fes talens , & enfeigna .
fucceffivement la Rhetorique, la Phi-
lofophie & la Theologie dans les Ab-
bai'es de Bourgueil, de S. Denis en
Trance , &c. Comme D. Gerberon
etoit un Theologien de bon gout &
eclaire , il s'eleva au-deflus des pre-
juges du tems , & puifa, non dans les
Scliolaftiques, mais dans la Tradition,
dans l'Ecriture , les Conciles & les
Peres, ce qu'il enfeignoit. Des efpritsi-,
tnal difpofes, ou peu eclaires, en fi-
*eat contre lui. des. plaintes, qui hiu
-ocr page 162-
l£0 HlSTOIRE DE PORT-ROlAi;           !
1712. font honneur, difant qu'il enfeignoit
la Pofitive & non la Scholaftique. En
1666 il recut ordre du Chapitre ge-
neral de fe rendre a Paris, ou il pu-
blia I'annee fuivante l'apologie pout
Rupert, qui fut bientot fuivie de beau-
coup d'autres ecrits. De ce nombre
font, Le Miroir de lapieti &c., ouvra- |
ge excellent, qui contient en abrege
toutes les verites de la grace, tirees des
ecrits de faint Auguitin ; le Miroir
fans cache
; le Combat des deux clefs ;
VAbbe Commendataire , &c.
Etant a S.
Germain il publia les ceuvres de faint
Anfelme, & fut un de ceux qui ap-
plaudirent au delfein de donner l'e-
dition des ouvrages de faint Auguf-
tin , & en prefla l'execution.
En 1682 , fur la delation de trois I
faux freres qui ont ete depuis chafles I
de la Congregation , un Exemt accom -
pagne d'Archers arriva a Corbie le 14
de Janvier pour l'enlever. D. Gerbe-
ron informe de Tarrivee de cet Exemt,
& fe doutant que ce pouvoit bien
etre pour lui, prit le parti de la fui-
te -, & etant parti de grand matin il
echappa a l'Exemt, arriva a Amiens
& de-la fe retira en Flandre. M. I'E-
veque de Caftorie fachant qu'il etoit
a Bruxelles lui fit dire d'aller en Hoi-
-ocr page 163-
III. Part il. Liv. III. iG\
lande , & il fe rendit a Delft , ou
M. Arnauld lui fit l'honneur de Tal-
ler voir auffi-tot qu'il apprit fon ar-
rivee. M. de Caftorie lui-meme prit
la peine de venir l'y trouver , & lui
donna tout pouvoir d'adminiftrer les
Sacremens & d'aider les Pafteurs qui
auroient befoin de lui. On peut bien
croire que D. Gerberon ne derheura
pas oifif j & qu'il publia plufieurs ou-
vrages dans un pais de liberte. Effec-
tivement il en compofa un grand nom-
bre -y ce qui fait dire au Pere Da-
vrigni dans fes Memoires, t. 4 p. 15 o,
qu'il repandit un deluge d'icrits fur les
matieres de la grace.
Ajoutons qu'il
parle dans tous ces ecrits d'une ma-
niere fi exade fur les verites de la
grace & de la predeftination, que le
fougueux Jefuite qui l'accufe de n'a-
voir fait aucun ecrit, ok il n'enfeignat'
a dicouvert les opinions condamnees
,
voulant en donner des exemples , ne
releve en lui que les propres expref-
fions & la pure doctrine de faint Au-
?;uftin , comme il nous feroit aife de
e faire voir j tant il eft vrai que les
Jefuites n'ont eu d'autre deflein en
faifant condamner les V Propofitions,
que d'envelopper dans la condamna-
tion la doctrine de faint Auguftin.
-ocr page 164-
I<Ji HlSTOIRE BE PoRT-ROlAt."
Les principaux ouvrages que fit Dont
Gerberon font : La virite catholique
yiclorieufe
, &c. , qui eft une apolo-
gie de la grace & de la predeftination_,
contre les erreurs du Pere Hazart Je-
fuite : Reflexions chretiennes contre un
fermon que le meme Jefuite avoir
fait imprimer a Anvers: Difenfe de
VEglife Romaine
touchant les verites
de la predeftination & de la grace effi-
cace : Le iufie difcernement 3 &c. Non
content de defendre les verites de
la grace & de la predeftination contre
les Jefuites , D. Gerberon fit plufieurs
ecrits contre d'autres ennemisdel'E-
glife. II refuta par un gros ouvrage
celuideJurieu , intitule : Prejugi con*-
tre i'Eglife Romaine , &c
mit hors de
combat ce Miniftre Francois qui fut
reduit au filence. Ce fot dans ce tems
que la guerre s'etant allumee entre
la France & la Hollande, D. Gerbe-
ron pour pouvoir refter en fiirete dans
cette terre etrangere , ou il avoir ete
force de fe retirer , fe fit naturaliier a.
Rotterdam fous le nom d'Auguftin
Kergre.Avant ce tems,outre latraduc-
tionde l'ouvrage intitule : Mpnita fa*
lutaria
, il avoit compofe plufieurs pe-
tits ecrits d'une folide piete, tels que,
Le veritable devot a la Vierge, & Qc-
-ocr page 165-
III. P A R T I E. Liv. III. I 63
cupation interieurependant la Meffe &c.
Vers Pan 1690 , il donna une edi-
tion tres intereflante des ouvrages de
michel Bams , l'un des plus excellens
Theolog'iens des derniers tems, im-
primee a Bcuxelles. II acheva dans
cetce ville l'hiftoire entiere du Janfe-
nifme , a laquelle il ajouta les pieces
juftificatives. II feroit a fouhaiter qu'on
donnat au public cette importante
hiftoire qui n'a point encore paru.
L'hiftoire du Janfenifme en trois vo-
lumes n'eft qu'un abrege de cette
grande hiftoire , qui formeroit deux
volumes in folio. Le Pere Gerberon
fit cet abrege en fran^ois en faveur
de Mademoifelle de Stempuis, a
qui il avoit beaucoup d'obligation.
Plufieurs autres ecrits folides & edi-
fians fortirent encore de la plume fe-
conde du P.Gerberon: les Traiteshiftc-'
riques
, ouil montre la tradition de la
Predeftination gratuite & de la Grace
efficace, & prouve que cette doctrine
eft de foi. Cet ouvrage fitt imprime
a Bruxelles , ainfi que les lettres de
Janfenius avec des remarques theo-
logiques & hiftoriques de fa fa^on:
Lettreaun Seigneur d'Angleterre tou-
chant la miffion des Jefuites: plufieurs
Merits contre le Formulaire ; la cort-
-ocr page 166-
I<?4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1712. duke & la do&xine de l'Archeveque
de Malines: Meditations Chrhiennes
fur la providence de Dieu al'egarddu
falut des hommes
: La Confiance chre-
tienne , &c.
contre ceuxquipretendent
que la do&rine de la Predeftination
mene au defefpoir. Le Chretien defa-
huji
, oil il rapporte la Doftrine ca-
tholique touchant la Grace. Nouvelle
Logique enfrancoi:,
par dialogue. Trois
Dialogues ou Conferences de Dames
favantes
contre le P. Alexandre. Nous
ne pretendons pas donner ici une lifte
exafte desouvrages du P. Gerberon :
mais un des plus folides & des plus
inftru&ifs que nous ne devons pas
omettre, eft celui qui porte pour titre:
La Regie des rrmnrs.
L'an 1703 , Dom Gerberon quirta
Roterdam pour aller a Bruxelles, par
la crainte que Jurieu contre lequel il
avoit ecrit, n'exckat quelque perfecu-
tion contre lui j mais il ne fit pas at-
tention qu'il avoit d'autres ennemis,
qui n'etoient pas mains dangereux pour
lui a Bruxelles, a Malines & ailleurs,
que Jurieu l'etoit a Roterdam. Le 3 0
de mai de cette annee , un Grand-
Vicaire qui avoit trois freres Jefuites
enleva lm-meme Dom Gerberon , le
conduifit dans la prifon de l'Arche-
-ocr page 167-
III. Part ie. Liv. III. itSy
spie de Malines , & faifit fes livres
& papiers. L'Archeveque apres lui a-
voir rait fubir trois interrogatoires,
prononca le 7 feptembre une fenten-
ce , dont l'accufe ou plutot l'innocent
opprime, appella de vive voix, ne
pouvarit le faire autrement, car on lui
avoir refufe Avocat, Procureur & tout
ce qu'on accorde aux plus criminels.
Tout ce qu'il put faire, car que peut
l'innocence contre la force & la vio-
lence ? fut de dormer procurarion
par ecrir pour appeller au Pape , qui
recut fon appel & nomma l'Abbe de
Sainre Gertrude de Louvainpour con-
noitre de fa caufe. Le Juge nomme
donna trois decrets , par lefquels il
ordonna que l'Archeveque lui remit
entre les mains tout le proces & tous
les papiers & autres meubles qu'il
avoit enleves. Mais le Prelat n'y eut
aucun egard. Le Pere Davrigni pre*
tend que ceux qui ont Id les charges
du proces ,/ont bien eloignes de trou-
ver la Sentence aujji vwlente & aujji
injufte que I'ont publie les partifans du
Pere Gerberon.
Perfonne n'ignore de
quel poids eft Fautorite d'un Jefuite
en pareil cas •, il aflure qu'il fut con-
yo-incu d'avoir enfeigni hautemem
The*
refie, c'eft-a-dire, d'avoir enfeigne la
-ocr page 168-
iSS HlSTOIRE DE PORT-ROIAI,;
ijii. do&rine de faint Anguftin contreles
Pelagiens. Jamais leP. Gerberon n'eut
d'autre crime, & n'enfeigna d'autre
herefie. Pour ce qui eft d'avoir fubfli-
tud un ha^it feculier a celui de faint
Benoit,
le fait eft vrai. Mais feroit-
ce un plus grand crime pour le Pere
Gerberon d'avoir fubflitue un habit fe-
culier a celui de faint Benoit
pour fau-
ver, finon fa vie, du moins fa liberte;
feroit-ce , dis-je , un plus grand cri-
me dans le Pere Gerberon que dans
un Jefuite , de fubfiituer un habit de
Mandarin a la robe de Saint Ignace
pour s'enrichir des depouilles de Is
Chine ?
tvn. En mil fept cent quatre,le Confefleur
caiomniei <je Louls XIV engagea ce Prince a re-
fur les fenti- demander le Pere Gerberon comme
GeXton r's^on fujetj en cbnfequence il fut tranf-
font confon fere de la prifon de Malines a la Ci-
Gerberonm^ tadelle d'Amiens, ou il fut traite avec
me.
           bonte par M. de Broue Prelat pacifi-
que , qui occupoit alors ce Siege. Ce
rut fans doute ce qui engagea fes im-
placables enneniis a le faire transferer
d'Amiens au Chateau de Vincennes,
ou il arriva le 6 Janvier 1707, & fut
*•
           G. refTerre qu'il ne voi'oit perfonne que
ceux qui lui apportoient a manger.
m La prifon & la folimde, dit le Pere
-ocr page 169-
III. p ARTIE. Liv. III. 16j
■>■>. Davrigni, fans parler des aurres in- 171 i,
« commodites qui fuivent la perte de
» la liberte , ne furent pas capables,,
» les premieres annees, d'amollir le
» ccEur ou d'ouvrir les yeux de ce
» vieillard o&ogenaire, & Ton ne
» dontoit plus qu'il ne dut mourir
» dans l'herefie , impenitent & ex-
» communie , lorfquepar une grace des
» plus fpeciales il fe fentit change &
» convent. Qu'on dife a prefent que
lesjefuites ne reconnoiflent pas degra-
ces. Un vieillard age de quatre-vingr-
cinq ou quatre-vingt-fix ans , apres
fept ans d'un etroite captivite iigne
le Formulaire; c'eft au jugement du
Pere Davrigni 1'efFet d'une grace des
plus fpeciales : voila ce que les Jefui-
tes appellent des graces fpeciales.
» II demande avec empreffement,'
» continue le Jefuite, a figner le For- •
» mtilaire , ce qu'il fit le 18 avril
>• 1710 j retractant la doctrine de
" tous fes livres, & temoignant beau-
» coup de douleur de l'attachement
" opiniatre qu'il avoit eu aux erreurs
>• condamnees «. II faut avoir de la
patience pour foutenir la lecture de
tant de fauffetes , & du courage pour
les tranfcrire; mais nous les rappor-
tons a defTein,pour faire voir que l'ek
*
-ocr page 170-
I(J8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
prit de menfonge tient par - tout le
meme langage,qu'il conduit la plume
des ecrivains de la Societe ; & pour
faire connoitre fpecialement celle du
P. Davrigni,quienparlant du P.Ger-
beron ne fait que copier les faulletes
qu'on mettoit dans la bouche des reli-
gieufes de P.R. acres les avoir feduites.
Ecoutons prefentement le P.Gerberon:
il va donner lui-memele dementi a
ce Jefuite fur tous les faits qu'il avance
avec tant de hardietTe. » L'Archeve-
?> que de Paris ( dit-il dans un abre-
ge qu'il a fait de fa vie, dont nous
avons en main une copie) " s'avifa
» le mois de mars de Pannee 1710
» de me contraindre, en me menafant
« de me laifler mourir fans Sacre-
" mens & de me faire enterrer com-
" me un chien , de figner non-feule-
» ment le Formulaire , mais encore
» plufieurs articles. Je le fis en de-
" clarant expreffement, que je ne le
« faifois que pour rendre a l'Eglife
" la foumiffion que fes enfans lui doi-
» vent j & ce Cardinal me fit dire
» qu'il ne demandoit de moi de fou-
» million interieure que pour la doc-
» trine condamnee dans les V Propo-
» fitions". C'eft done contre toute
yerite que le Jefuite Davrigni avance
que I
-ocr page 171-
III. Partie. Liv. III. 169
que le Pere Gerberon demanda avec tyi t[
empreffement d Jigner le Formulaire ,
fmifqu'il ne le figna , comme il le die
ui-meme, que contraintpariesmena~
ces
du Cardinal de Noailles, lequel
lui fit dire qu'il ne demandoit de lui
de foumiflion interieure que pour la
doctrine condamnee dans les V Pro-
pofitions. Bien loin que le Pere Ger-
beron eut beaucoup de regret , comme
le dit le Pere Davrigni, d'avoir eu de
l'atcachement a des erreurs condam-
nees, perfuade qu'il n'avoit jamais eu
d'attachement que pour la verite , il
ne regretta que d'etre forti de Vincen-
nes.
C'eft encore le Pere Gerberon qui
va donner lui - meme ce dementi au
Jefuite qui le calomnie. ■» Apres tou-
tes ces fignatures, dit-il _, le Roi ac-
corda ma liberte j & vers le com- .
» mencement du mois de mai de
l'annee 1710 , le R. P. de Sain-
te Marthe avec le P.. .. me vint
tirer de la prifon de Vincennes 8c
me mena a l'Abbaie de Saint Ger-
main , d'ou apres environ un mois,
notre Reverend Pere General m'en-
voia a l'Abbai'e de Saint Denis
fous le R P. de Loo , oil je regrette
tous les jours d'etre forti de la prifon
•> de Vmccnies.
Tome X.
                             H
-ocr page 172-
170 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
Achevons de confondre le Pere
Davrigni & de renverfer tomes les
fauffetes qu'il a avancees touchant le
Pere Gerberon. » Je fupplie routes
» les perfonnes qui liront ces figna-
» tures que M. I'Archeveque a .ren-
» dues publiques (c'eft le P. Gerbe-
sj ron qui parle) de remarquer: i °. que
» j'y ai declare en tennes expres que
» je ne fignois que pour rendre al!E-
» glife la loumiilion que fes enfans lui
» doivent: & tous ceux qui font eclai-
» res favent qu'on ne doit de fou-
» miffion interieure que pour ce que
» Dieu a revele. iQ. Que M. l'Arche-
» vcque m'a fait dire tres pofitive-
" ment qu'il ne demandoit de moi
» nulle foumiffion interieure que
» pour ce qui a ete condamne dans
» les V Propofitions. 30. Que je n'ai
■point reconnu , nifigne que j'eujje ja-
mais enfeigni de doctrine qui jut ve'~
ritablement une erreur.
C'eft done en-
core une calorhnie de la part du P.
Davrigni de dire que le Pere Gerbe-
ron figna , retraclant la doctrine de tons
fes livres.
Enfin ajoutons encore un
fait que nous tenons de bonne main >
& qui fait voir que , malgre la foi-
blefle que le Pere Gerberon eut de
fe prefer a une fignature, qui ne nous
-ocr page 173-
III. Partie, Liv. III. 171
parent pas affez conforme a. la fince- 7' . 7
me chretienne , 11 demeura toujours
attache a. la verite & ne renonca ja-
mais a fes fentimens. Ai'ant appris
1'ufage que M. de Noailles avoitfait
de fa fignature , en la rendant publi-
que, il fit un ecrit qu'il intitula :
Vain triompke du Cardinal de Noailles.
Mais etant oblige de fe fervir d'une
main etrangere , parcequ une paraly-
lie qui lui etoit tombee fur le bras
droit pendant fa captivite de Vincen-
nes, ne lui laiffoit pas la liberte d'e-
crire, il fut trahi par celui qui ecri-
voit fous fa di&ee , & l'ecrit fupri-
me. D. Gerberon mourut le 15 Jan-
vier de l'annee fuivante 171 x , dans
i'Abbai'e de S. Denis, ovl il repofe.
Fin du Livre Troifieme.
H
-ocr page 174-
171 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
L1VRE QUATR1EME.
1715.
1. JLjEs religieufes de P. R. demeure-
chaiipment rent ,jans l'etat violent dont nous ve-
mottdeLouis nons de faire le detail , jufqu'a la
xiv. Frojet mort Je Louis XIV, arrivee l
de reumr les
e pre-
:, dans
religieufes mier feptembre 1715. Ce Prince
dans un mi- jes demiers momens de fa vie, dit a
ceux a qui il avoit eu le malheur de
donner fa confiance (les Cardinaux
de Rohan & de Biffy & le P. Tellier
Jefuite) ces paroles remarquables :
jefuis de la meilleure foi du monde, fi
vous m'ave\ trompe , vons ites bien
coupables
, car je ne cherche que le bun
de I'Eglife.
L'on voit ici la droiture
du cceur de ce grand Roi, & on voit
en meme terns un trifte exemple qui
apprendra a la pofterite qu'avec la
meilleure foi du Monde
& les meilleu-
res intentions, un excellent Monarque
peut faire de grandes fautes, en don-
nant fa confiance a des perfonnes qui
en abufent pour le tromper jufqu'au
dernier moment. Apres fa mort le
credit des fedudeurs de ce Prince
etant diminue , les affaires de l'Eglife
commencerent a prendre une autre
face, 8c Ton ofoit meme efperer le
-ocr page 175-
III. Par tie. Uv. IF. 17$
retabliflement de P. R. Ce qui don- 1715.'
noit lieu de concevoir une telle ef-
perance , etoit de voir M le Due
d'Orleans Regent du Roiaume, rap-
peller d'exil, & faire fortir des pri-
sons tous ceux 5 qui fous le-regne pre-
cedent avoient ete perfecutis pour la
caufe de la verite.
Les prifonniers qui etoient retenus
a la Baftille furent delivres , lorfque
Louis XV revenant le 12 feptembre
du Parlement ou il avoit term' fon
Lit-de-Juftice , paffa devant cette pri-
fon pour retourner a Vincennes. Les
jours fuivans , les lettres de cachet fu-
rent revoquees par l'ordre du Prin-
ce, dont Dieu avoit tourne le caeur
a la douceur en faveur des defenfeurs
de fa caufe. Les Superieurs majeurs
des Benedictins & autres Congrega-
tions eurent ordre de rappeller ceux
de leurs religieux qui par lettres, ou
des obediences forcees, avoient ete
obliges de. fortir de Paris. On vit alors
revenir des endroits les plus eloignes
du Roiaume & fortir des cachots les
plus fombres, une multitude de con-
fefTeursdeJefus-Chrift, ue leurs liens
& tout ce qu'ils avoient fouftert pour
«juflice & la verite, rendoient encore
phis recommandables aupres de tou-
Hiij
*
V
-ocr page 176-
174 HlSTOrRE DE FoRT-ROlAt.
tes les perfonnes qui avoient de la foi
& de la piece. La liberte fuc rendue a
tons les Corps, aux Parlemens , aux
Univeriltes, aux Congregations fecu-
lieres & regulieres.
Les religieufes de Port - Ro'ial
difperfe*es , exilees , captives pour
la meme caufe , meritoient fans dou-
te la meme grace ou plutot la me-
me juftice. Leurs amis s'intereflToient
beaucoup a cette affaire j & comme
leur monaftere etoit rafe & leurs biens
donnes a leurs perfecutrices, on pen-
fa a reunir routes les captives dans
un meme lieu, qui fe trouva bientot
{prepare, comme on le voit par das
ettres ecrites a cefujet. Les religieu-
fes de P. R. ne defiroient rien avec
tant d'ardeur que cette reunion. » Je
» rends graces au Pere des mifericor-
» des, difoit l'une d'entre elles (i),
» ecrivant a fa fceur, & au Dieu de
" toute confolation des bonnes nou-
» velles que vous m'aprenez par vo-
j> tre derniere lettre ; & je prie Dieu
v de tout mon cceur de repandre fe_s
» benedictions fur le Prince qui re-
» donne a. l'Eglife cette paix apres la-
" quelle nous foupirions depuis rant
(i) La foeur Sophie de Flefcelles, le 8 noyembre
'7'f-
-ocr page 177-
III. P a a. t r e. Uv. IV. *7J
>>  d'annees. La liberte rendue a tant "~"
"  de gens de bien me fait efperer
»  que mes meres & mes foeurs difper-
»  fees par les furprifes faites a la pie-
«  te de notre defunt Roi, pourroient
»  avoir part aux graces & aux bon-
»  tes du Prince qui nous gouverne
»  aujourd'hui. C'eft tout l'objet de
»  mes defirs & de mes prieres,de leut
»  etre reunie, pour reparer en leur
»  compagnie & par leur fecours tout
»  ce que j'ai perdu depuis que j'en
»  ai ete feparee , & que je n'ai plus
»  ete foutenue de leurs exemple}.
»  Cette feparation a ete la plaie la
»  plus proronde de routes celles dont
«  il a plu au Seigneur de punir mes
»  infidelites. Plut a Dieu que je pufTe
»  les rejoindre dans le refte de vie
»  que fa patience & fa mifericorde
»  m'a conferve , & que je pulTe mou-
»  rir au milieu d'elles ! j'oublierois
>»,  bientot tous mes maux. Vous me
»  donnez quelque confiance, mais
»  mon emprefTement n'en deviept
»  que plus vif. C'eft ce qui fait, ma
»  chere , que je vous prie de ne rien
»  oublier , auffi bien que nos cheres
"  foeurs aupres de Dieu & aupres des
»  PuiiTances auxquels nous fommes
»  foumiles j pour obtenir la grace de
H iiij
-ocr page 178-
Xj6 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAI,.
1715. " notre reunion & de notre rappel.
» Mandez-moi tout ce que vous en
» pourrez apprendre, & priez Diea
» que mes peches ne foient point un
» obftacle a la grace que nous lui
» demandons , d'avoir part a la paix
» de fon Eglife.
Placl't pre- P°ur parvenir a cette reunion des
ftntea m. lereligieufes de P. R. il etoit neceflaire
otfcnlr laTe- d'avoir l'agrement du Prince Regent
uiron des re- & de M. de Noailles. Les perfonnes
ligieufes deP. * s* / rr •            v ■                n
K. difperfees. I111 s mtereiioient a cette artaire com-
m. de Noa l- mencerent par preparer un lieu pour
eonftnte- °" raflembler les religieufes difperfees,
•»«'•          afin de lever d'abord les difficultes
qu'on pourroit leur faire a ce fujet.
Ce lieu etant prepare, M. de Billy (2.)
prefenta un placet a M. le Regent.,
pour le fupplier A'agrcer qu'on rajfem-
(1) Jean de Billy, Pre     il avoir conriu la vertu &
rre de- la ParoilTe d'Yve-    l'innocence , & leur ren-
tor, Diocefcde Coutance,    dit tous les fcrvices qui
avoit connu P. R. par le    dependirent de lui, avant
moi'en de M. Hamelinie    & apres leur difperfion.
jeune , qui 1'avoit choifi    Ce tut lui qui prefema a
pour Precepteur de fes    M. le Regenr 8c cnfuite
deux fils. M. de Billy y    an Cardinal de Noailles
dit fa premiere Meffe le    les Placets 8c Memoires
Dimanche 14 aout 1 '94,    pour leur reunion. Ce
& y alia l'annee fuivante    faint Pretre mourut le 9
lemplir la place de Sa-    aout 1759 , age de 75 ans,
criftain. II en fortit en    & repofe a S. Germain
170? , l'an de la retraite    1'Atixerrois, ou il etoit
forcee de M. Euftace , &    Pretre habitue , & 1'edi-
demeura toujours uni aux    fication de la Paroine,
faintes religieufes, done    Mem. hid. T. f. p. $3$■
-ocr page 179-
III. Par tie. Llv. IF- 177________
Mat les religieufes difperfees dans un 171c.
mime lieu prefque tout prepare. Le pla-
cet fut favorablement recu par le
Prince (3) qui le renvoi'a a M. de
Noailles alors chef du confeil de conf-
cience, comme etant une affaire fpi-
rituelle qui le regardoit particuliere-
ment tant en qualite d'Archeveque
de Paris, que par rapport a la grande
part qu'il avoit eue dans tout ce qui
etoit arrive a. ces religieufes. Dieu
offroit par-la a M. le Cardinal de
Noailles un moien de reparer au moins
en partie la faute qu'il avoit commi-
fe a leur egard : mais il n'en profita
point j & malgre les plus preffantes
follicitations, il refufa de donner fon
confentement a la reunion des reli-
gieufes de P. R. , & fit echouer ce
charitable projet , qui ne dependoit
plus qUe delui feul.
                          _ -
Parmi les raifons qu'avoit fon Eml- "** ,
nence de soppoler au projet de reu-M. deNoar-
nion dans un meme lieu, on dit qu'il [eessrdeeR^^
avoit un autre deffein, qui lui paroif- difperiees
foit plus fur pour les religieufes, St^J^
moins expofe a l'envie : c'etoit de de Pa™. o;f-
faire entrer tout ce qui reftoit des re- ^j^ dc ec
(3) QuelqtKs Merits   des Mem. hift. T. 7. p.
portent que ce Placet fut   zij , croit qu'il {eft plus
prefente pen aptes la   vraifemblable qu'il ne
"wh du, R.oi. L'Auteur   fut prefente qu'en 171S,
Hv
-ocr page 180-
I78 HlSTOIRE DE PoRT-R01A£
ligieufes de P. R. des Champs , dans
le monaftere de P. R. de Paris. La
vue de M. de Noailles etoit de met-
tre la reforme dans ce monaftere, a
quoi les religieufes difperfees pou-
voient beaucoup contribuer par l'e-
xemple de leur regularite. Son Emi-
nence etoit tellement prevenue de
cette idee , & fur-tout qu'il valoit
mieux reformer un monaftere deja
fubiiftant que d'en etablir un nou-
veau, qu'il ne fut pas poffible de la
lui 6ter de l'efprit , ni de lui fake
comprendre que fa maxime n'avoit
point d'application dans le cas pre-
sent. Elle n'en avoir effe&ivement an-
cune , puifqu'il ne s'agiftbit pas d'e-
tablir un nouveau monaftere , mais
d'en tetablir un ancien des plus faints
qu'il y eut jamais eu dans l'Eglife,
&c qui n'avoit ete detruit que de-
puis peu d'annees par la plus grande
de tomes les injuftices. Ce retabliiTe-
ment n'etoit pas une grace , mais une
reftitution commandee par toutes les
loix naturelles, divines, & humaines.
D'ailleurs la maniere dont M.de Noail-
les pretendoit que les religieufes dif-
perfees retournaffent a P. R. de Paris,
n'etoir nullement propre au deftein
qu'il avoitde reformer ce mcnafiere
-ocr page 181-
III. P Artie. Liy. IV- 179____
paifqu'elles y feroient jphtrees com- 1715.
me fimples religieufes, foumifes a une
Abbefie perpetuelle , & par confe-
quent fans pouvoir &c fans autorite.
Or comment auroient-elles pu eta-
blir folidement le bien dans une
maifon , ou 1'AbbeiTe 8c les religieu-
fes non reformees auroient ete les
maitrelTes & leur auroient fufcite
chaque jour mille traverfes ? Si les
Reformateurs mane , lorfqu'ils font
revems de l'autorite , ont beaucoup
de peine a vaincre les difficultes qui
fe trouvent toujours a l'etabliffement
du bien; qu'eft-ce qu'auroient pu faire
dans P. R. de Paris , dix pauvres
religieufes fans credit, fans autorite,
la plupart agees & infirmes , & qui
plus eft , decriees depuis long-tems
comme des Janfeniftes ? Quel bien ,
dis-je, auroient-elles pu faire dans un
Couvent extremement prevenu cen-
tre les pretendus Janfeniftes ? Auroit-
onfouffert qu'elles y euftent introduit
l'efprit de defintereiTement, l'amour
de la retraite & du filence, une piete
folide & eclairee, la lecture des oons
livres, debons Dire&eurs ? &c. L'Ab-
befle de P. R. de Paris & fes religieu-
fes auroient-elles ete deciles a ecou-
ter les inftru&ions de ces faees ti&x-
-ocr page 182-
l8o HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
j -j i j, matrices, 3|U les mettre en prati-
que ?
IV:
           C'eft pour de tels motifs que les re-
icligkufes ligieufes difperfees furent bien eloi-
difpcrfees gnees d'entrer dans le deffein de M.
confemit a de Noailles , & refuferent d'y con-
Ian reunion fentir lorfqu'on le bur propofa. Elles
aans la mat- r                      r •                        1 • i
fon de p.r. lavoient parraitementcombien lamai-
de Paris. fon je paris} depuis fon fchifme , s'e-
toit ecartee de l'efprit de fon etat, 8c
qu'elles auroient elles-memes plus de
peine a. s'y foutenir dans la piete,
que dans les maifons etrangeres , ou
elles etoient prifonnieres. Elles etoient
convaincues du peu de fruit qu'elles
pouvoient y faire, fur le pied que M.
de Noailles vouloit les y faire entrer.
Quel fruit, en effet, pouvoient-elles
fe flatter de faire dans une maifon,
dont les religieufes etoient leurs en-
nemies declarees & leurs perfecu-
crices ; qui les avoient fait chaffer
de leur monaftere pour envahir leurs
biens ? Comment pouvoit-on meme
propofer a ces pauvres filles de venir
demeurer dans une telle maifon, pour
y vivre fous la domination de celles
qui les avoient traitees d'une maniere
ii c uelle , en les decriant dans l'ef-
prit de toutes les Puiffances, en ecri-
vant contte elles. au Pape & anRoi»
-ocr page 183-
III. P ARTIE. L'lV. IP'. l8l
en les accufant d'etre heretiques & ijiQ.
rebelles a l'Eglife , enfin en leur enle-
vant leur maifon & leurs biens , &
les reduifant en captivite ?
Pour ce qui eft des religieufes de
Paris, elles confentoient que les reli-
gieufes difperfees vinlTent demeurer
dans leur maifon , parcequ'elles y *
trouvoient leur avantage, en ce qu'el-
les auroient ete par-la dechargees des
pennons qu'elles pai'oient pour elles
dans des monafteres etrangers. Ces
penfions confiftoienten 300 liv. pour
chaque religieufe , & 200 liv. pour
les converfes.
Quoique ce projet n'ait pas eu fon Des' Amfs
execution , nous ne laifTerons pas de conftiHentl»
...                  .               * „ reunion-
rapporter ici les tentatives que ion
fit, & les moi'ens que Ton emploia
pour le faire reuflir. Madame de
Montperoux , qui avoient ete tranf-
feree de l'Abbaie du Paraclet dans
le diocefe d'Amiens , a celle de P. R.
de Paris apres la mort de Madame
de' Chateau-Renaud, & en avoit pris
poiFeffion au mois de juin 1711 , pa-
tut en 1716 avoir d'aflez bonnes in-
tentions (4}. M. de Noailles , qui
eomme nous l'avons deja remarque^
(4) R.ec. de pieces en 1740 , p. 5,37-
»
-ocr page 184-
l8l HtSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
avoit refufe de confentir au rerablif-
fement de la maifon de P. R. des
Champs , fur l'idee qu'il avoit con-
$ue de reformer, celle de Paris s qui
en avoit effedivement grand befom ,
eut fort fouhaite que les religieufes
difperfees qui avoient conferve tou-
tes les vertus de leur etat , euflent
confenti a cette reunion. Le Prelat &
lAbbeife ne negligerent rien pour les
y engager , mais par des vues bien
differentes. Son Eminence vouloit le
bien ; & l'Abbefie , conduite par les
Jefuites , vouloit en reunilfant rou-
tes ces prifonnieres dans fa maifon ,
etouffer leur voix & leur reclamation
cohere les violences qui leur avoient ete
faites. Celles-ci ne le laiiferent point
eblouir par les propofitions qu'on leur
fit & refuferent unanimement & conf-
tamment , malgre les offres, les pro-
meifes, lesfollicitations qui leur furent
faites. On continua de les folliciter
pour cette reunion , meme depuis leur
rappel dans differens monafteres du
Diocefe de Paris. Et il y eut des amis
alfez peu clairvoians, qu'il foit per-
mis de le dire , & aflez imprudens
pour tacher de les y engager. A les
entendre la maifon de P. R. de Paris
-ocr page 185-
III. P ARTIE. Lh'. IV. l8j
etoit changee de face, parceque les 1716,
Peres Fouquet (5) & Pouget (6) de
l'Oratoire y furent introduit en 1717,
& que le P. TerraiTon en fur etabli
Superieur (7). II fembloit ■ que l'Ab-
belle ne fe conduisit que par les avis
de ces hommes fages & eclaires, quoi-
que dans la realite elle ne fuivit que
ceux des Jefuites. On difoit meme
que la moitie de la communaute deli-
roit d'entrer dans la pratique des
Conftitutions de P. R. des Champs
& temoignoit en vouloir prendre I'ef-
Les chofes etoient dans cet etat, Madame is
lorfque Madame de Montperoux fie Momperoax
f k                ,             • u a                             'ait propolec
lavoir vers le mois daouc 1717 aux aux reiigieu-
relisieufes qui vivoient encore , qu'el-f" *fperf&»
1 JP . , . * • r 1 1                                    "e vemr a
le leroit men aiie de les avoir,routes p. R.de Pa-
avec elle , les allurant qu'elle les trai- tis; rEUes •"
'.                      , K                           r refufent.
teroit & les regarderoit comme les
religieufes. Ces faintes filles , qui
etoient alors prefque toutes dans
des monafteres du Diocefe de Paris,
(?) 11 etoit fits du Sue-    ques & fa penitence ; &
T.tendant des Finances.        qui enfin affoibli par la
W Auteur du Cathe-    prifon, eft devenu un tiif-
cliifmede Montpeliier.         te exemple de la fraglite
(7) Celebre d'abord a    humaine par une chute
Pans par fes predications;    audi deplorable que celle
etifui e a Tveigni , Cure    du grand Ofius, II ell
du Diocefe d'Auxerre ,    mort en 1751.
par fti travaux apolloli-
-ocr page 186-
184 Histoire de PoRT-RoiAr.
1716, ou on avoit pour elles les egard*
qu'ellesmeritoient, remercierent Ma-
dame de Montperoux de fes offres*
en lui marquant leurs raifons avec
autant de fermete que d'humilite.
C'eft ce que Ton voit par la reponfe
que deux religieufes (la fceur Coutu-
rier &c la foeur le Juge), qui etoient
alors a Malnoue firent a un ami, qui
venant a l'appui de l'Abbefle de P. R.
les follicitoit de donner leur confen-
tement. » Pour repondre , Monfieur,
» difent-elles ( 8 ) , a la propofition
» qu'on vous a prie de nous faire,
» elle feroit bien de notre gout, fi
« les chofes etoient dans le meme
» etat qu'elles etoient autrefois. Car
» nous n'avons point de plus grande
» paffion que de nous voir toutesreu-
» nies enfemble; mais nous croions
» ne pouvoir le defirer ni y confen-
» tir qu'aux conditions de nous faire
» en meme-tems rentrer dans tous
» les droits de juftice qu'on nous doit.
» Nous ne pouvons meme regarder
m Madame de Montperoux comme
» etant AbbefTe de P. R. de Paris r
»
non plus que fes religieufes, puif-
» que toutes les oppofitions qu'on a
(S) Lettre d'u 15 aout 1717. Mem. bift. T. 7*
f. j,j,i. Supjl. du Necr. g. xey
-ocr page 187-
III. Parth. Liv. IF. 185 ________
» faites a. Rome a la prife de pofTef- 171 <S.
» fion de la fceur Dorothee ne font
» point levees & par confequent fub-
» fiftent toujours , aiant declare en
» communaute & fignifie que nous
» regardions comme nul tout ce qu'on
» feroit a P. R. de Paris contre nos
» droits. Ainfi ce feroit confentir a
» l'injuftice, que d'y aller, & nous
» croirions attirer la maledi&ion de
» Dieu plutot que fa benedi&ion &
» nous rendre complices de la mine
» de notremaifon. 11 ne tientqu'aux
» perfonnes qui ont la puifTance &
» nos interets dans leurs mains , de
» prendre les moi'ens d'agir avec
" nous avec equite , & alors nous y
» confentirons de tout notre casur.
" Voila tout ce que nous pouvons
» dire avec notre fimplicite ordinai-
" re , vous afTurant, Monfieur , que
» nous ne manquerons pas de redou-
" bier nos prieres, concevant l'im-
" portance de cette affaire, en fup-
» pliant le Seigneur d'cclairer &
" d'infpirer les perfonnes qui peu-
" vent contribuer a cette ceuvre , &c»
» Nous fommes tres obligees a,
" Madame de Montperoux de l'ofFre
" qu'elle a la bonte de nous fake.
" Nous avons trop d'eftime de fan
-ocr page 188-
I§<? HlSTOlUE DE PoRT-ROlAti
fj\S. " ta^ti'te pour croire qu'elle ait fii
» routes les chofes comme elles font,
» avant que de confentir a une char-
» ge ou elle ne pouvoit entrer legi-
" timement, non plus que celles qui
« ont ete avant elle. C'eft pourquoi
" nous ne doutons point qu'elle n'en-
» tre dans les railons que nous lui
» reprefentons, qui lui peuvenr fai-
>> re comprendre celles que nous
» avons de craindre d'appefantir fon
" fardeau. Nous prions Dieu qu'il
» lui donne toutes les lumieres ne-
» cefTaires pour prendre les veritables
» moiens d'attirer fur la maifon ou
» elle eft, les benedictions du Ciel
» & la profperite fpirituelle & tem-
" porelle «. De toutes les religieufes
difperfees, il n'y en eut qu'une feu-
le (9) qui pour fe rirer de l'oppreffion
ou elle etoit chez les filles de fainte
Marie d'Amiens , confentit malgre
elle d'aller a P. R. l'an 1718.
vin.          On follicita de nouveau cette an-
uiks "confui- n^e > & on ptefta chacune des re-
tent le Peie ligieufes en particulier , de la part de
teponfe. Madame de Montperoux, de le reu-
nir toutes dans l'Abbaie de P. R. de
Paris. Ce fut ce qui engagea la foeut
Couturier & la fceur le Ifuge , aux-
(?) La fceur Benraad,
-ocr page 189-
III. P A R T I E. Lh. IV. 1 87. _______
quelles on avoit joint la foeur Noi- \-\6.
leux,a confulter le P. Quefnel par une
lettre qu'elles lui ecrivirent le 15 juil-
let 1718 (10). Elles lui demandoient
fi malgre 1'appel qu'elles avoient fait
a Rome contre toutes les entreprifes
de la fceur Dorothee & de la foeur
Flavie , elles pouvoient aller demeu-
rer a P. R. de Paris , oh nous pajfe-
rons
peKt-errfjajoutoient-elles, le refie
de nos fours dans une dure captivite.
Car la precendue converjion de cette
maifon nous ejl un peu fufpecte.
Le P.
Quefnel jConfultant plus font cceur que
fon efprit, leur confeilla, par le delir
qu'il avoit duretabliffement de P. R.,
de confentir ace qu'ondefiroit d'elles.
» C'eft une ouverture , leur difoit-il,
' » dans fa lettre du 5 o&obre (1 i),qui
»> me paroit venir de la Providence }
» elle peut avoir de fi heureufes fui-
» tes, que je craindrois de me rendre
» coupable devant Dieu, fi je vous
» en detournois.
Les religieufes qui confultoient, ne ix.
furent point fatisfaites de cette deci- ^'autres
~          r              .         11 1 r " amis detotir-
iion j au contraire, elle leurntnaitre nentles rcii-
denouvelles difficultes. Elles s'adref- g^ctdi
fe reunir k
(10) Voi'tz cette lettre.
        (n) Suppl. p. i7>. cellcs de P.
Suppl. du Meet. p. 170. Mem. p. 348.                   R. dePari:.
Mem. hift. T. 7. p. j}?«
-ocr page 190-
I S8 HlSTOIftE DE PoRT-ROlAL.
J7I(j# ferent done a quelques autres des an~
ciens amis de leur maifon. L'un d'eux
repondit a leur derhande & a la lettre
du P. Quefnel par un memoire date
du 24 juin 1719 (12). L'Auteur (*)
rapporte d'abord les principaux faits
qui regardent les perfecutions faites
aux religieufes de P. R. , & expofe
quels ont etc les motifs de leur con-
duite , enfuite il parle en ces termes.
» II eft etonnant que des perfonnes
» qui leur paroiflent affe&ionnees,
» quin'ontpas blame leurs protefta-
» tions precedentes, qui ont meme
» gemi avec leurs anciens Direiteurs
» de la divifion qa'on a faite des deux
» maifons, .... que ces perfonnes ,
» dis-je,oubliant des faits fimemora-
» bles (13), ne faflent pas difficuke
» maintenant d'entrer dans les vues
» de quelques amis du monaftere de
» Paris, qui pour couvrir fa honte &
» faire difparoitre l'injuftice & Fu-
» furpation qui le rendent odieux &
« meprifable , s'efForcent de perfua-
» der a celles que cette communautc
»
a depouillees , de s'alTocier avec de
(n) Vo'iezce memoire ,    me"m. hift. T. 7. p. ??7>
fuppl. du Necr. p. 175.    in'line pour ce dmiier.
Mem. hift. T 7. p. 358.
            dO Recueil des pieces
(*) M. Louail, on M.    in-n. cie 1740 , p. 54° *
des Effarcs. L'auteur des    ftjivantej.
-ocr page 191-
111. P ARTIE. LlV. IF.      189
» telles ufurpatrices,d'en obtenir quel- 1716.
» que part dans les biens qu'elles re-
» uennent & qu'elles ne voudroient
» pas reftituer ; & de les alTujectir a
» un gouvernement dont le ritre eft
» injufte & qu'elles ne fauroient re-
» connoitre pour legitime.
" Un desamis(i4) des religieufes
» difperfees , continue l'Auteur du
» Memoire , demeure d'accord dans
» falettredu 5 oclobre, qu'onnepeut
" affe:i pkurer 1& deftruclion de leur
» fainte•maifon. II avoue que le mc-
» najlere de Paris ejl leur propre mai-
» fin. II veut bien regarder les reli-
» gieufes ufurpatrices camme fxurs de
» celles qu'elles ont depouillees, mais
» ilne peut leur epargner le titre d'il-
» legitimes ; il leur permet de ne re-
» garder I'Abbeffe de la maifon ufur~
» pee y que comme elles ont regardi
» jufqua prefent les Superieures des
» maifons ok on les a difperfees.
II ne
» nie pas en confiderant ce qui s'y
»
pourroit faire pour Dieu, que c'ejl
» une communaute1que le monde a ufur^
» pee fur lui.
II ne diffimqle pas que
» les vexations & (eductions ont ete caU' v
" fes de I'affoiblijfement des religieufes
» difperfees & captives 3 enfignant pref-
(H) Le P. Quefnel
I
-ocr page 192-
190 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
u i-Kj, " que tomes le Formulaire. IIn'ignore
» pas la douleur qu'elles en ont 3 il
„ approuve la penitence qu'elles en
„ jeront
_, & les retractations qu'elles en
„ ont fakes
, & dont elles defirent don-
„ ner connoijjance au Public.
II pre-
voit aflez qu'elles auront encore a
„ fouffrir de mauvais traitemens pour
„ expier leur faute.
II reconnoit par
„ confequent qu'en quelque lieu qu'el-
„ lesjoient) elles feront expofees aux
„ vexations & /eductions qui ont deja
,s caufi leur chute.
Et cependant il
„ confent a la propofition qu'on leur
„ fait d'une reunion a la communaute
» qui s'eft elevee fur les mines de la
3> leur, & qui perfifte dans cette in-
w juftice. Quelle contradiction ! com-
» ment les religieufes qui ont iigne
» pourront - elles pleurer leur faute ?
» comment pourront - elles en faire
» penitence ? comment eviteront-
» elles les vexations & les fedu&ions
n dans une maifon telle que celle
« de Paris« ?
*• f
          Sur les motifs allegues dans le me-
Aat (ftm^r- moire contre la reunion, les religieu-
«on deP.R. fes de Port-Roial des Champs refu-
vaaouic. •ferent d'accepter les offres qu'on leur
faifoit, & la fuite fit bien voir qu'el-
les avoient raifon. On ne tarda pas
,>
-ocr page 193-
III. P A R T I E. Lfa. IF- 19 I
a connoitre que la converfion de la 17KJ,
maifon de Paris h'etoit rien moins
qu'une converfion veritable , & que
M. de Noailles s'etoit trop flatte en
croianr pouvoir y mettre la reforme,
L'experience apprit peu apres a ce Car-
dinal combien il avoit ere trompe.
L'etat deplorable ou il trouva cette
Abbai'e , tant pour le temporel que
pour le fpirituel , aiant exige de liii
qu'en qnalite de Pafteur il y apportat
remede , Madame de Montoeroux,
cette Abbeiie qui avoit temoigne de-
fner la reforme , & les religieuies dont
M. de Noailles avoit autrefois tant
vante la docilite & la foumiilion aux
decifions de l'Eglife, lorfqu'il s'agif-
foit de depouiller &: d'opprimer les
faintes filles de P. R. des Champs,
rnepriferent fa voix & s'eleverent con-
tre fes ordonnances par des factums,
des appels & des requetes. Les Lec-
teurs curieux trouveront dans le VII'
torne des Memoires hiftoriques, fous
les annees 1715 , 17245c 172.5 , les
pieces, l'arret du Parlement, &c des
details fort intereflans fur cette ma-
tiere. Quel fujet de reflexion pour
M. de Noailles en voi'ant un tel de-
loi'dre dans une communaute qu'il
avoit protegee, &c en faveur de la-
-ocr page 194-
191 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
~^iji<S, quelle il avoit renverfe la plus fainte
maifon qui fut en France , & la mieux
reglee tant pour le fpiriruel que pour le
temporel! Le P. TerrafTon qu'il avoit
donne a P. R. de Paris pour Superieur,
ne puty faire aucun bien,non plus que
la Sr. Bertrand qui y entra en 1718 , &
y rempl.it meme pendant quelque-tems
l'emploi de MaitreiTe des novices. On
s'eleva bientot contre elle a l'occa-
fion de la retractation dont nous a-
vons parle. Depuis ce terns , elle
fut privee des Sacremens , & fouffrit
une alTez rude perfecution jufqu'au
jour qu'elle en fortit ( le 27 mars
1723) pour aller dans FAbbai'e de
Malnoue.
xlv Le confentement des religieufes de
accordee aux Pans a la reunion , uniquement roncle
3uj$fad.for des vues d'interets,ne pouvok
rev nir dans lever les folides difficultes qui fe ren~
Paris?^fe de controient dans le projet de M. de
Noailles. Mais quoique ce Cardinal
ne voulut point confentir qu'on raf
femblat dans une meme maifon les
religieufes difperfees , fi ce n'etoit
dans*elle de P. R, de Paris, fon Emi-
nence ne s'oppofa pas neanmoins
qu'on les fit revenir dans fon Dio-
cefe y &c on n'eut pas de peine a ob-
tenir de M. le Due d'Orleans Regent
dtf
-ocr page 195-
III. Partie. Liv. IV. isiy-
da
Roi'aume, l'agrement pour leur rap- iji6.
pel. On y travailla au commence-
ment de 1716; & comme la Cour ne
vouloit pas les y forcer, les ordres
qu'elle donna pour cela n'etoient que
des permifllons accordees aux reli-
gieufes de fortir des monafteres oil elles
etoient , pour venir dans le Diocefe
de Paris. Lorfque les religieufes ap-
parent que ce n'etoit plus pour etre
reunies dans un meme lieu pour y
faire corps de communaute, qu'on
vouloit les rappeller, elles jugerent
que cela ne valoit pas la peine de
quitter les couvents dans lefquels el-
les etoient releguees, & oii plufieurs
etoient aimees & confiderees, pour
rentrer dans de nouveaux monafteres
du Diocefe de Paris , fans favoir de
quelle maniere elles y feroient trai-
nees.
Leurs amis au contraire, elperant xir.
que tout confidere, les religieufes dif- exhortcmTes
perfees feroient mieux dans le Dio- reiigicufo i
cefe de Paris qu'ailleurs , & que dans cecreTermlf-
la fuite ce feroit un moi'en de les reu- G°n; EH«» fe
nir plus facilement, leur ecrivirent aVj,,rn
pour les y determiner : ils envoie-
rent meme fur les lieux des perfonnes
pour les y engager & les ramener. La
four Ide le VavafTeiir qui avoir ere
Tome X.
                           I
-ocr page 196-
194 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
transferee de Nevers chez les religieu-
fes de Sainte- Marie de Moulins au
Diocefe d'Autun, le refufa , difant :
fil'Abba'ie de P. R. fubfijloit_, & qu'il
me fut permis £y retourner, volontiers
jefortirois de la maifon oh la Provi-
dence maplacee ; maisje ne la quitte-
rai pas pouraller dans une autre.
Ainil
elle refta a. Moulins ou elle mourut
en 1735. On le fit refufer , comme
nous le verrons ci-apres , a la foeur de
Sainte Syncletique. La fceur Forger,
converfe, qui etoit alors dans l'Ab-
bai'e duParaclet au Diocefe d'Amiens,
ne fut point rappellee , fans qu'on en
fache la raifon , peut - etre fut - elle
oubliee. Elle fut dans la fuite trans-
feree a FHotel-Dieu de la meme ville,
& y mourut le 24 feptembre 1738 ,
aiant furvecu a toutes les religieu-
fes difperfees. Les autres religieufes
cederent aux raifons qu'on leur alle-
gua j & revinrent les unes plutot les
autres plus tard , felon qu'il plut a
M. le Cardinal. Nous difons, felon
qu'il plut a M. le Cardinal, parceqiwl
ne nous paroit pas } ainil qu'a l'Auteur
des Memoires niftoriques (t 5) , qu'il
puifTe y avoir d'autre eaufe de la grande
difference qui fe trouve par rapport a
(i'J Mem. hift. X. 7. p. 17^. & fuiy.
-ocr page 197-
III. Partie. Liv. IV. 195
l'epoquedu retour de chaquereligieu- \-i\G.
fe en particulier. Si le rappel avoir ece
abfolu, elles feroient routes revenues
dans le meme terns a quelques jours
pres j 8c il n'y auroit pas des diffe-
rences d'un, de deux , &c meme de
trois ans. Laplupart furent rappellees
dans le cours de l'annee 1716. La foeur
Bertrand ne le fut qu'en 1718 , parce-
que M. de Noailles, dont l'agrement
etoit neceffaire, & de qui il falloit
obtenir obedience , ne voulut l'accor-
der qu'a la condition qu'elle iroit k
P. R. a quoi elle avoit beaucoup de
repugnance. La fceur Noifeux, con-
verfe,ne revint qu'au moisdbctobre
1717 -y 8c la fceur Damon que dans
celui "de decembre 1719. Lenombre
de ces pauvres filles captives etoit di-
minue confiderablement , plufieurs
etant mortes dans les lieux de leur
exil (16)) de forte qu'il n'y en eutque
(16) Des 15 religieufes   pour leur retour , la mere
du choeur difperfees en
   Prieure le 10 mars 171s,
1709 j les trois anciennes
  M$. 1$ fceur de Sainte Mar-
etoient mortes, la fceur
   the le 8 avril. Des fept -
de Boicervoife a Amiens
   converfes exilees , trois
1: 8 novembre 1709; la
    etoient mortes , la fceur
fceur le Bcgued Compie-
   Barat a Loigni le 5 de-
gnele premier juin 1711 j
    cembre 1711 i la fceur
•a fceur Robert a Mantes
    Aurelie Noifeux 4 Com-
ic is avril 1711. Deux au-
   piegne le 15 feptembre
ties moururent a Blois,
    1714 ; la foeur Marine
pendant les pourfuites
    Laime a Amiens le 18 jau-
I
:;
-ocr page 198-
\<)6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
"._,/- dix , tant de chceur que converfes, qui
revinrent. Cinq rurent transferees en
different terns dans l'Abbai'e des Be-
nedi&ines de Malnoue, l'une des plus
refpedtables communautes du Roiau-
rae par la regularite , l'efprit de pau-
vrete & de retraite _, 1'union & la cha-
rite qui y regnoient, & qui y ont tou-
jours regne jufqu'a ce que 1'ambition
d'une Abbeffe peu remplie de l'efprit
de fon etat eft venue a bout d'en faire
transferer toutes les religieufes, mal-
gre leurs larmes & leur proteftation ,
dans un monaftere etranger.
tefreUgieu- Les religieufes de Malnoue recju^
fes de p'. r. rent celles de P. R., comme on doit
i« coiuinuei recevoir les Saints , felon ce que faint
Edification Paul recommande aux Romains (*).
a Malnoue. .                , ,                     , „ _          , ,
vier 1715. II taut encore la tour Berttand exi
y joindre la tour Sainte   lee a Amiens , transferee
Opportune Mouchotmor-   a P. R. en 1718 , futobli-
te le iSo&obre 1715. Ain-   gee d'en forriren 1713,8c
11 il n'en reftoit plus que   envoiee a Malnoue , ou
treize, dont trois ne re-    elle mourut le 1; decem-
vinrent point, fa voir la    bre 1717.
tour de Saiiite Syncleti-       La tour de Sainte Ba-
<jue , la tour le Vavaf-    filiMe Noifeux , arriva de
feur , &c la tour Forget   Beauvais a Malnoue le 17
converfe.                           o&obre 1717 & y mourut
La tour le Juge arriva    le n decembre 171S.
de Chai tres a Malnoue le       Lafaur Damon, tranf-
jz mai 1716, & y mou-    feree le ij decembre 1719
rut le 10 juillet 1718.         de Senlis a Malnoue , y
La tour Couturier exi-    mourut le 5 decembre
lee a Nevers arriva a Mai-    1710.
Jioue le premier feptem-       (*) Rom. c. if. v. 1.
bre 1716 6c y mourut le    Vt earn fufcipiatis in Dq*
is juin 171^1-                   initio digns fanUis.
-ocr page 199-
III. Partie, Liv. IV. 197
Ces religieufes furent accueillies d'une T^TiiT
maniere capable de leur faire oublier
les maux pailes, fi le fouvenir de la
deftruction de leur fainte maifon n'a-
voit renouvelle leur douleur. Elles
formoient dans l'Abbai'e de Malnoue
comme un petit P. R., dont la four
Couturier etoit la Superieure autant
par 1'exemple de la regularite que par
l'anciennete. Pour Faire cormoitre
combien on fut edifie a Malnoue de
ces faintes filles , nous rapporterons
ici la lettre d'une religieufe de cette
Abbaie , a laquelle on s'etoit addrefle
pour apprendre quelque detail fur les
religieufes de P. R. Voici cette lettre:
» je n'ai eu l'honneur de connoi-
» tre ces faintes religieufes, que chez
» nous. Elles etoient fi humbles qu'el-
» les ne nous ont jamais rien dit des
» peines & des vexations qu'on leur
» a faites dans les lieux de leurs exils.
» Elles auroient eu peur d'en perdre
» le merite , fi elles avoient commu-
» nique tout ce.qu'elles ont fourTerr.
» Vous jugez en confequence que
» nous ne pouvons vous doilner au-
» cun detail la-defllis. Nous tachions
» qu'elles ne fouffrifTent chez nous
»> que du cote de la privation d'etre
» dehors de leur maifon , & de la
Iixj
-ocr page 200-
1^8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
~7~ » deftru&ion totale des batimens qui
» leur otoit route efperance d'y re-
» tourner.
» Leur fejour chez nous a ete un
» fujet conrinuel de grande edifica-
« rion par une vie rres uniforme , fi-
» lencieufe, prieres, lectures affidues,
« exa&es a rous nos regremens, a.
» 1'office , oraifon, refectoire. Elles
w eroienr rres penirenres, fans rien
» faire d'extraordinaire. Un air de
x> fimplicire , une candeur d'ame &c
» une grande humilire ; fe croiant 8c
m fe difanr les plus imparfaires : elles
« etoienr de grandes religieufes , fans
» rien faire de remarquable , mais
« elles etoienr fidelles dans les plus
« petires chofes.
" Ce qui eft petit eft petit; mais
» etre toujours fidele dans les plus
« petites chofes eft quelque chofe de
» rres grand. La mere Couturier etoit
» paralyrique d'un cote, marchant
» avec difficulte j. mais cek ne l'a pas
» empechee de fe trainer a tout ce
» qu'elle pouvoit , tant au chceur
■» qu'aux autres obfervances. Elle etoit
» extremement fourde , elle avoir
» une charire arrectueufe pour fon
a prochain &c pour fes faintes fceurs.
» Elle eroir comme la Superieure de
»» routes, & avoir un grand amour
-ocr page 201-
HI. Par tie. Lh. IV. i$$
» pour la regularite. Elle me parloit
» fouvent de la grande & refpedable
» mere Angelique , & tkhoit de Pi-
» miter dans routes fes vertus. Ces
» fceurs ne perdoient pas la prefence
.. de Dieu de vue. Voilatout ce que
» je puis en dire. Tout etoit interieur,
» n'aimant que Dieu &c ne s'entrete-
» nant que de lui ".
Nous avons dit plus haut que la
fasur de Sainte Synctetique exilee au
Prieure de Bellefond a Rouen, ne re-
vint point dans le Diocefe de Paris,
lors du rappel des autres religieufes.
II eft necefTaire d'en rapporter la cau-
fe. L'Auteur de 1 hiftoire de la der-
niere perfecution avance (17) qu'elle
le refufa, mais cet Ecrivain ne paroit
pas avoir ete bien informe. La foeur
de Sainte Syncletique etoit une fille
d'efprit & de merite, & la feule de
celles qui reftoient qui eut vu la pre-
miere perfecution. C'eft pourquoi on
auroit Fo« fouhaite qu'elle fut revenue
dans le Diocefe de Paris. On fit lout
ce que l'on put pour l'y engager ; on
obtint meme deux lettres de cachet
datees du 24 odobre 1716 (18).
Park premiere adrefleeal'AbbelTe
(17) T. ;. p. n?.
U8) M6m. hift. T. 7. p. i«o,i«i.pii
I iiij
»
-ocr page 202-
200 HlSTOIRE DE PORT-ROlAL.
" i jits. de Bellefond, le Roiluinotifie qu'il
XIy permet a lajkur Anne Julie de Sainte
on obiient Syncletique j religieufe de I'Ordrs de
lTsUnc%an-Citea"x -> qui eft acluellement dans VAb-
tiecique la ba'ie de Bellefond de Rouen _, ok elle eft
venifl01^! religuie par lettre de cachet, defere-
pus.           titer de cette maifonpourfe rendre dans
celle des Chanoineffes de Picpus au
Diocefe de Paris , ou dans tel autre
monajiere que fes Supirieurs naturels
efiimeront a propos de lui indiquer.
Nous vous faifons cette lettre pour yous
dire que notre intention eft. que vous la
laijjle^ a cette finfortir de ladite mai-
fon^fans lui faire a ce fujet aucun em-
pechement ni difficulte. La feconde
lettre de cachet ne renfermoit que la
jneme permiffion. M. le Cardinal
donna en confequence une obedience
a la foeur de Sainte Syncletique. Une
Demoifelle qui avoit demeure a P.R.
pres de trois ans, fous le nom de
Sr. Benedi&e (19), partit pour Rouen
munie de toutes ces pieces, dont elle
fit le&ure a l'Abbeue de Bellefond le
4 novembre 1716 en prefence de deux
temoins (*): mais TAbbefle n'eut au-
(19) Mademoifelle de   laifeau.
la Renardiere, morte le     (*) Louis Laurent Lefai-
11 Janvier 1751, dans la   lier , Garde-du corps, &
quatrc-vingt-fixieme an-    Romaiu Jacques Bout»
nee de ("on age, elle re po-   geois, de Rouen,
fe dans le cimetiere de Pa»
-ocr page 203-
III. Partis. Liv. IF. zoi
am egard a la lettre par laquelle Sa iji6.
Majefte lui avoir marque que fon in-
tention etoit qu'elle ne fit aucun em-
pechementni difficultia
la forrie dela
four de Sainte Syncletique \ & la pau-
vre captive, affoibliepar l'age, les in-
firmites & les mauvais traitemens ,
n'eur pas alfez de force d'efprit pour
profiter de l'occafion favorable que la
Providence lui offroit pour fortir
de captivite. Etant venue a la grille
accompagnee d'uhe religieufe , elle
commenca par dire a la Demoifelle
de la Renardiere, qu'on avoit bien
foin d'elle , qu'on ne l'avoit point con-
trainte dans ce qu'elle avoit fait, &c.
La Demoifelle de la Renardiere lui
aiantfait connoitre. qu'elle eroit de fes
amies, lui fit ledluredesordres.qu'elle
portoit j fur quoi la four de Ste Syn-
cletique temoigna qu'elle etoit prete a
obeir aux ordres de fes Superieurs , 8c
qu'elle feroit bien aife de revoirM.Ro-
bert, M. de S. Claude & M.Hecquet:
car j dit- ellej ihfont mes bans amis.
Ai'antappris qu'il y avoit un carofle a
la porte,elle dir , d'un air content,
qu'elle alloit faire fon paquet feule-
ment de fes livres qui eroient en petit
nombre , la plus grande partie lui
ai'ant ete otee. Auffitot la religieufe
. . *,.
-ocr page 204-
2.02 HlSTOIRE DE PORT-ROIAE.'
1716.. de Bellefond qui accompagnoit la pri-
fonniere dit a la Demoifelle la Renar-
diere,que la fceur de Remicourt n'etoit
Eoint en etat de s'en aller , etant ma-
tde. La Demoifelle la Renardiere-
prenant la parole, dit qu'elle ne fe
plaignoit point d'etre malade, qu'il
ne paroifToit point qu'elle le rut (10),
ajoutant qu'on ne leur avoit pas tate le
pouls pour lesfaire fbrtir de leur mai-
fon.
La prifonniere s'etant retiree, on
entendit beaucoup de bruit & de mou-
vement dans la maifon ; une heure &:
demie fe palTa fans qu'on vitperfon-
ne reparoitre. Enfin l'Abbene etant
defcendue au parloir, elle demanda
la lettre de cachet a la Demoifelle la
Renardiere , qui offrit de la donner
jfi elle vouloit en donner la recon-
noifTance. Sur cela 1'AbbeiTe dit qu'el-
le ne le pouvoit pas ; & etant remon-
tee a fon cabinet, amena avee elle les.
Superieurs (*)., & une douzaine de
religieufes, au milieu defquelles etoit
la prifonniere route tremblante. Un
des deux Ecclefiaftiques nomme Couf-
tey , demanda la lettre de cachet a la;
Demoifelle la Renardiere qui la lui
donna. II dit I l'Abbefle que c'etoit a.
elle qu'elle s'adreiToit & qu'il alloit
UoJ.lbsd. p. i««, (*)_Les SieuriU Loads & Coufe^--
-ocr page 205-
III. Par tie. Llv. IF. 205
en faire la lecture j apres quoi la fceur \-j\6,
de Sainte Syncletique fe mit a genoux
& dit quelques paroles fi bus qu'elles
ne furent entendues ni de la Demoi-
felle la Renardiere ni des temoins.
Le fieur Couftey dit enfuite que Ma-
dame 1'AbbelTe ecoir prete a obeir au
Roi ,8c qu'elle lui donnoir la reli-
gieule. LaDemoifelle repondit qu'il
ralloir la lui dormer a la porte,ne pou-
vant pafter au travers d'une grille. Le
fieur Couftey s'adrefTant a la fceur qui
etoit a genoux 3 lui demanda fi elle
vouloit fortir ? Elle repondit d'une
voix bafte & entrecoupee que non. La
Demoifelle la Renardiere temoigna
fa furprife de ce changement , rap-
porta ce que lui avoit dit la prifon-
niere deux heures auparavant en pre-
fence de temoins. Le fieur Couftey de-
manda a l'un d'eux qui etoit refte feul,
fi ce que difoit la Demoifelle etoit ,
vrai ? II repondit qu'oui , & ajouta
que la fceur de Sainte Syncletique avoit
repete plufieurs fois qu'elle feroit
bien aiie de revoir fes amis , dont
elle avoit nomme plufieurs. La pau-
vre prifonniere dit en tremblant,
qu'elle croioit que c'etoit un ordre ,
mais qu'on lui avoit dit que c'etoit
une permifllon. La Demoifelle la Ret* •
*
-ocr page 206-
Z04 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
\y 16. nardiere lui fit fentir que la difference
qu'elle vouloit mettre entre un ordre
& une permiffion , ne faifoit rien a la
diipofition dans laquelle elle avoit
para d'etre contente de fortir. L'Ab-
befTe demanda encore la lettre de ca-
chet qu'on lui offrit, fi elle vouloit
dormer une decharge j puis elle temoi-
gna douter du contenu, a quoi on
lui repondit qu'elle ne pouvoit en
douter, puifque la le&ure venoit de
lui en etre faite par fes propres Su-
perieurs , & qu'on prenoit toute fa
conduite pour un refus d'obeir aux
ordres du Roi. L'Abbefie dit que la
fceur de Sainte Syncletique ne vouloit
pas fortir. La Demoifelle la Renar-
diere demanda qu'on la lui mit a la
porte, 8c qu'on la laiflat un moment
ieule avec elle j ce qui lui fut refufe,
& on lui ferma la grille. En vain elle
fit de nouvelles tentatives pour obte-
nir de voir la prifonniere ; elle fut
conftamment refufee , ainfi que les
perfonnes qu'elle avoit priees de la
voir. La Demoifelle la Renardiere ,
apres avoir paffe par devant Notaire
une declaration datee du 9 novem-
bre, de tous ces flits, voi'ant l'obfti-
nation de l'Abbefle a retenir la fceur
, de Sainte Syncletique y lui fit fignifier
-ocr page 207-
III. Partie. Liv. IV. 205
le meme jour apres midi, les ordres , 171<?.
permiflion & obedience, avec fom-
mation &proteftation (21). Larepon-
fe de 1'AbbefTe a la fommation, fut
Quelle ne connoijfoit point I'ordre du
Roi; &c qu'elle etoit bien confeillee
de faire ce qu'elle avoit fait. L'Ab-
be(Te fit fignifier le lendemain 1 o no-
vembte un a6te, dans lequel elle pre-
tendoit que l'Huifller avoit mal en-
tendu fa reponfe , en lui faifant dire
qu'elle ne connoijfoit point les ordres
du Roi -y elle avance dans cet aire que
les ordres du Roi ne lui ont jamais ete
mis en main. Mais n'en avoit-elle pas.
entendu la lecture ? N'avoient ils pas
ete communiques ? Pour fe jurciner
du refus de rendre la fceur de Sainte
Syncletique , elle dit, quetant charges
de ladite faur Anne-Julie par lettre de
cachet de feue Sa Majefte 3 elle nepou-
voitla remettre que parune autre lettre
de cachet, qui defigneroit la perfonne en-
tre les mains de qui on la remettroit,,
pour fa decharge. L'Exemt qui avoir
amene de la fceur de Ste Syncletique
a Bellefond, etoit-il defigne dans lx
lettre de cachet ? II paroit par cet
afte , que la faeur Sainte Syncletique
fut prefentee a la porte , qu'elle de-
Ui)lbid. 170.
* . .
-ocr page 208-
XQ>6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAX.
" 17I(j# c'.ara qu'elle etoit bien dans ce mo
naftere tant pour le temporel que pour
le fpirituel qu'elle defiroit y finir fes
jours, & qu'elle n'avoit point requis
ces ordres. On voit par tout ce recit
peu de droiture dans 1'Abbeffe & peu
de tete dans la pauvre prifonniere,
qui prefere une dure fervitude aune
fainte liberte , & qui moutut captive
le 2.4 Janvier 1718. Tous ces faits
font conftates par des acfes authenti-
ques, que nous avons obligation a
l'auteur des memoires hiftoriques d'a-
voir donnes au public. C'eft de cette
fource que nous avons tire tout ce
que nous rapportons de la fceur de
Sainte Syncletique.
*v-
          Dans le tems qu'on travailloit a
*Heure de obtenir les ordres de la Cour , pour
Jes" " ^"al faire revenir les religieufes de P. R-
son cxii. des Champs dans le Diocefe de Paris,
la mort en enleva deux qui etoient
exilees a Blois, favoir la mere Priea-
re , & la fceur Francoife-Agnes de
Sainte Marthe. L'ordre pour faire re-
venir la mere Prieure dans le Dioce-
fe de Paris, etoit deja donne lorfque
Dieu la retira dans fon fein , apres
l'avoir rendue par fa grace , vifto-
rieufe de tous les efforts que firent les
homines pour la feduirc Le triom-
-ocr page 209-
III. P ARTIE. LlV. IV. 207 _______
plie de cette vierge chretienne , la iyi<j.
vie edifiante qu'elle menoit dans le
lieu de fon exil, la fermete avec la-
quelle elle repoufla tous les traits en-
flammes de l'ennemi, enfin les cir-
conftances de fa bienheureufe mort,
exigent de nous que nous entrions
dans un detail qui eft trop intereflant
pour etre omis.
Cette fille admirable fut enlevee xvr,
comme les autres religieufes de P. R...tg, fa'&aer
le 2.9 octobre 1709 , & conduite a .«*•
Blois, ou elle fut mife chez les Ur-
fulines de cette ville. La communau-
te dirigee par les Jefuites, & pre-
venue contre elle, la regarda d'abord
a-peu pres comme une damnee; mais
fa fageife, fon humilite, fa douceur,.
fa piete & fes autres vertus lui atti-
rerent bientot l'admiration de fes h6-
tefles. Elles ne purent meme s'empe-
cher de le temoigner aux Reverends
Peres , qui repondirent charitable-
ment que hors de l'Eglife il n'y avoir
f>oint de vertu,(ces ReverendsP. en re-
connoiftent cependant dans lesPai'ens}?
que cette fille etoit excommuniee „
& meme heretique j que tout au plus,
elle pouvoit etre l'objet de leur com-
panion &de leurs prieres , mais qu'il
ae falloit ni L'admirer, ni lui parley
-ocr page 210-
208 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1716. Malgre les preventions ou etoienc
xvii. Ies Urlulines de Blois , & les fenti-
ies urfu- mens que des Diretteurs tels que les
lines ne peu- 1'/; .•           '•                 it t 1 *' • t>
vent s'empe- Jeluites, ecoient capables deleunnf-
chet, maigi-6 pirer a l'egard de la mere Dumefnil,
Jeurs preven-.               .. °              , ,              , ,            »
tions.d'admi-nous voions par des lettres de la mere
rer fa verm. Infirmiere a M. fon neveu , que la
Sa maniere                          , , . ,,.,., , ,' »
ck vivredans communaute etoit edifiee de la vertu
facapdvue. & de l'exemple de cette prifonniere.
» La Dame , dont vous demandez
» des nouvelles, mon cher neveu,
» difoit cette Infirmiere (22), eftune
" perfonne fort accomplie , d'une
» vertu eminente, & dont l'exemple
» nous edifie beaucoup «. Nous ap-
prenons par la meme lettre le plan de
vie que cette priforiniere dej. C.fui-
voit dans fa captivite. Elle fe levoit a
quatre heures du matin,difoit fon bre-
viaire jufqu'a fix , qu'elle affiftoit a la
demie heure d'oraiion des religieufes.
Elle difoit avec elles le chapelet, &c
les quatre petits Offices de la Vierge,
ce qui duroit jufqu'a huit heures.
Enfuite elle fe retiroit dans fa cham-
bre, ou on lui allumoit du feu en hy-
ver; mais comme elle fe mortifioit en
tout, elle l'auroit eteint fi 1'obeifTan-
ce ne l'eut retenue. Elle travailloit des
(n) Premiere lettre, T. 5. de la deraiere petfectf-
tioa, p. iu.
-ocr page 211-
III. Pariie. Liv. IF. io^
mains, s'occupant a coudre ou a filer
jufqu'a onze heures qu'on lui portoit
fon diner. Elle jeiinoir route l'annee ,•
excepte les Dimanches 8c le terns Paf-
chal, & faifoit toujours niaigre. Apres
fon repas la Prieure, ou la Souprieure,
qui feules avoient permiflion de la
voir, paflfoient une heure de terns avec
elle. Lorfqu'elles s'etoient retirees , la
prifonniere lifoit ou travailloit jufqu'a
trois heures qu'elle alloit dcvant le
Saint Sacrement, ou elle paflbit cinq
quart d'heures avant les Vepres de la
communaute. A fix heures on lui por-
toit fa collation , apres laquelle les
rnemes religieufes l'entretenoient un
peu. Elle fe couchoit a huit heures ,
& fe relevoit routes les nuits pour
donner un tems confiderable a Tado-
ration du faint Sacrement. » fon ef-
prit etoit doux j tranquille & ferme ;elle
paroiJJbitfenfible& tendre pourfes amis
& d'une grande tranquillite d'efprk &
de cceur.
La mane fceurlnfirmiere, dans une
feconde lettre a M. fon neveu fait
encore Peloge de la vie edifiante 8c
auftere que la mere Prieure de P. R.
des Champs avoit menee chez elle
pendant fix ans 8c trois mois , c'eft-a-
dire, jufqu'A fa mart. Elle lui rend
-ocr page 212-
210 HlSTOIRE DE P0RT-R01AI.V
1716. ce temoignage , que la mere Sainte-
Anaftafie a toujours vecu chez elle
» d'une maniere tres edifiante & tres
» auftere , ai'ant obferve fa regie avec
» autant d'exaclitude & de fidelite,que
» fi elle eut ete dans foii monaftere ,
" 1'Office de nuit, les jeunes , le fi-
" lence, & jufqu'a. la confeffion de
" fes fames qu'elle ne manquoitpas
" de faire tous les vendredis aux
» pieds d'un Crucifix «.
J!??]' , Pendant une eaptivite de plus de
Elle fait re--                   .               - r                       r
f hni'e a ia let-iix ans , rien ne rut capable a ebranler
Noai!!«' du ^ d'afroiblir cette vierge chretienne.
»z dkembreLa lettre de M. deNoaillesdu 12 de-
cembre 1710, qui avoit fait tomber
x de fes fceurs^& meme celle qui etoit
a Blois, ne fit aucune impreflion fur cet
efprit folide qui y demela aifement
le faux des raifonncmens, bien loin
d'en etre eblouie. Elle la recut nean-
moins avec le refpecl du a l'autorite
dont elle etoit emanee ; & l'ai'ant lue
avec 1'attention dont elle etoit capa-
ble , elle y fit une reponfe vraiement
digne d'une epoufe de Jefus-Chrift &
remplie de fon efprit. Elle commence
par temoigner a M. de Noailles, que
puifque c'eft le defir de fon falutqui'
a engage Son Eminence a lui ecrire,
elle ne fouhaite uniquement que ce
-ocr page 213-
III. P ARTIE. LlV. IV, III
qu'il lui defire, & qu'elle n'a point 1716.
d'autre but dans tout ce qu'il lui plait
de qualifier de defobeiflance a. l'Egli-
fe , denotement, d'attachementa des
Directeurs. Apres cette fincere pro-
teftation, elle avoue ingenuement que
les motifs allegues dans la lettre de
M. de Noailles, favoir, 1 °. l'autorite
de l'Eglife fur la decifion des faits,
i°. & Pexemple de fes foeurs qui s'e-
toient foumifes , ne lui paroiffent
point capables de lever la difficulte
qui l'a toujours empecbee de figner.
Cette difficulte confiftoit en ce qu'elle
avoit toujours cm (& qu'elle croioit
encore) que 1'on ne pouvoit , fans
blelTer la fincerite chretienne & fans
fe parjurer, figner le Formulaire ou
aucun acte equivalent, a moins qu'on
ne fiit perfuade de la verite du fait
de Janienius, & qu'on n'en eut une
creance ferme fondee fur la certi-
tude. Elle ne voioit que deux motifs
qui puffent obliger a la creance du
rait contefte & non revele. i°. Ou
l'evidence de ce fait par l'examen
qu'on auroit fait du Livre de Janfe-
nius. 20. Ou l'autorite de l'Eglife dans
« decifion fur le fait. Voila le prin-
cipe furlequel la mere de Sainte Anaf-
tafieditque les religieufes de P. R. Cst
-ocr page 214-
nz Histoi're de PoR-r-RoiAi.
T font toujours conduites; d'oii il eft aire
de conclure qu'elle eft fort eloignee
de figner, puifque les deux motifs ne-
celfaires pour obliger a la creance du
fait de Janfenius lui manquent. Car
d'un cote elle ne reconnoit point l'in-
faillibilite de l'Eglife dans la decifion
des faits douteux & non reveles; &
de l'autre l'evidence lui manque &
lui manquera toujours. Sur quoi elle
demande a M. de Noailles la permif-
iion de lui dire que tous les raifon-
nemens qui ne detruifent point ce
principe , lui paroiffent tout - a - fait
etrangers & l'affaire dont il s'agit.
( C'eft-a-dire, que tous les raifonne-
mens de la lettre de M. de Noail-
les portoient a faux). La mere Sainte
Anaftafie reconnoit cependant qu'il
y a beaucoup de faits qu'on croit avec
une certitude entiere , quoiqu'on n'en
ait pas l'evidence par foi-meme; mais
ce ne font pas les faits douteux &
conteftes , comme eelui de Janfenius;
ce font des faits notoires, evidens
tellement avoues de tout le monde,
qu'on n'en pourroit douter fans extra-
vagance. Elle eft don*perfuadee que
leurs actes, lettres , & les requetes des
religieufes de P. R., auxquelles ja-
mais Son Eminence n'a repondu, con-
*
-ocr page 215-
III. Partie. Liv. IF. nj
tiennent route la foumiflion que Pan
peut exiger des Fideles fur la decifion
des fairs. Elle prie enfuite M. de
Noailles de trouver bon qu'elle rap-
pelle ces a&es qui contiennent leurs
veritabies fentimens , qu'elles ont fairs
en pleine liberte , en fuiyant unique-
ment le mouvemenr de leur conferen-
ce, & fans y etre conrraintes par au-
cun de ces Doclcu s, donr Son Emi-
nence parle tanr dans fa lerrre. C'eft
» peu Paurorire de ces Do&eurs qui
arretejamere de Sainre Anaftafie 8c
Pempeche de figner le Formulaire con-
tre Janfenius, que s'il etoir queftion
d'en figner un autre ou il faudroit
attefter que les V Propofirions ne font
pas dans Janfenius , elle refuferoit
egalement de le figner ; parcequ'elle
n'auroit pas plus d'evidence de ce
rait, qu'elle en a de celui qui caufe
«epms fi long-tems tant de troubles
dans PEglife.
. Enfuire la mere de Sainte Anaftafie
vient a Pexemple de Ces fceurs que M.
e Noailles lui propofoir pour Penga-
ger a figner , & elle parle ainfi a Son
Eminence.
" Les fignarures de mes fcrurs peu-
" venr bien m'affliger , mais elles ne
- font pas- capables de m'ebranler,
-ocr page 216-
214 HlSTOIRE DE PORT-ROlAL.
» parceque de tels exemples ne de-
» truifent point le principe qui me
» fait agir. Et puis , Monfeigneut,
» quand ces fignatures feroient auffi
" reelles que vous les fuppofez , de
« quelle autorite peuvent-elles etre,
» etant extorquees par des menaces
» & une importunite de raifonne-
» mens captieux &c d'entretiens fans
»» fin , qiu feroient capables de faire
» devenir folles de pauvres filles fim-
w pies , infirmes, quelques-unes me-
» mes dangereufement malades, pri-
» veesde toutesperfonnes &retenues
» dans une tres dure captivite. Car
« on me permertra, dit-elle , de ju-
» ger de la conduite qu'on tient a l'e-
» gard de mes foeurs, par celle qu'on
» tient avec moi. Un acte dans une
» matiere civile arrache de cette ma-
» niere d'un captif, ou d'un mou-
» rant, ne feroit d'aucune valeur j &
» celui qui l'auroit pafle feroit bien
» fonde a. revenir contre, en prou-
» vant la captivite & la fuggeftion •'•
La mere de Sainte Anaftane eft pef'
fuadee que fi fes foeurs etoient niifes
en liberte , elles retraclreroient bien-
tot de telles fignatures. Elle declare
que les lettres qu'on leur a fait figner
etant une fuite de leur captivite , on
_.^
-ocr page 217-
III. Par tie. Lip. IV. 115
ne doit pas y avoir plus d'egard qu'a
leurs fignatures; & que l'autorite ref-
pe&able dont elles font revetues par
M. de Noailles,qui les a publiees & les
lui a envoi'ees , n'empeche pas que de
telles fignatures ne foient tres fufpec-
tes de n'avoir pas etc fait.es avec ce
fincere acqaiefcetnent d'ejprit & de cceur
que M. de Noailles demandoit pour
la decifion du fait.
La lettre de M. le Cardinal & Pe-
xeraple des fignatures qu'il propofoit
a la mere de Sainte Anaftafie ne fu-
rent pas neanmoins fans effet. Elle
exprime ainfi elle-meme celui qu'elles
produifirent far elle. » Je ne puis
» vous diflimuler, Monfeigneur, que
=> 1'imprellion que me font les figna-
» tures de mes foeurs , a etc de de-
»• mander a Dieu avec inftanee qu'il
» ne permette pas que j'imite jamais
» leur exemple j & la crainte oii me
" jettent pour moi - meme les afFoi-
" blifTemens des autres , me fait nai-
" tre la penfee de defavouer ici par
» avance route fignature contraire a
« nos a6tes, qu'on pourroit extorquer
» de moi foit dans la fante foit dans
» la maladie , vous proteftant que
" mon intention eft , fi je tombois
» dans un tel malheur, que ma figna-
-ocr page 218-
2I(> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
iyI(j> » ture ne put etre regardee que com-
» me un efFet de la furprife qu'on
» m'auroit faire , ou de l'accablement
« dans lequel je pourrois etre redui-
» te , foit par la maladie , foit par la
» conduite que Ton tient a mon e-
» gard. Ce font la les fentimens dans
» lefquels je fuis , & dans lefquels
" j'efpere que Dieu me fera la grace
» de mourir «.
Enfin elle finit en repondant a un
reproche que M.. de Noailles faifoit
dans fa letrre au fujet de cerraines
maximes qu'on avoit frouvees dans
les lettres des religieufes de P. R. M.
de Noailles rapportoit celle-ci entre
autres : qu'il faut fouffrir en paix /<*
privation des Sacremens.... . , a quol
il oppofoit ces paroles de faint Chry-
foftome: I'unique douleur des Fideles
doit itre d'etre prives de la Chair & du
Sang de Jefus
- Chrifi. La mere de
Sainte Anaftafie repond a cela que,
» la paix & la tranquillite avec la-
s' quelle on fupporte la privation des
» Sacremens , lorfqu'on n'y a pas
»» donne lieu , s'accorde tres bien
» avec une vive douleur d'en etre
» feparees «. Puis elle ajoute , *> j'°fe
» vous fupplier de faire attention,
»> que ces paroles de faint Chryfof-
tome
-ocr page 219-
III. P A R T I E. LlV. IV. 117
» tome que Votre Eminence nous 171 <f. """
« applique , ne peuvent regarder les
« perfonnes, qui comme nous en font
» feparees malgre elles, & fans au-
» cun fondement legitime. Dieufait
» la peine que je refTens de cette
" privation ; mais vous favez, Mon-
» feigneur, que ce feroit une devo-
» tion tres rrral entendue, que de
» faire une chofe qu'on croit mau-
» vaife, pour obtenir la liberte de
» s'approcher de Jefus-Chrift«.
On voit par cette lettre quelle*
etoient les lumieres & la fermete de
la mere de Sainte Anaftafie ; & on
reconnoit a ces traits une digne eleve
des meres du Fargis & Angelique de
Saint Jean. Dieu lui fit la grace de
perfeverer jufqu'a la fin , & de triom-
pher dans fa derniere maladie de tous
les efforts que l'Eveque de Blois 8c
fon Grand-Vicaire firent fucceffive-
ment, pour arracher une fignature a
cette vierge chretienne.
Elle fut attaquee des le mois de Derniere
Janvier 1716 d'un gros rhume fur lama,adiecdela
' . .           '";■', 1. ° a                                  r mere S'uutc
poitnne , quelle traina environ liXAnaiUfie.
femaines \ apres quoi fe trouvant fou-
lagee, elle fe crut en etat de faire le
careme, & elle jeuna fort exa&ement
Tome X.
                              K .
-ocr page 220-
21 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
(j> jufqu'au vendredi de la feconde fe-
maine, 13 du raois de mars, qu'elle
fe fentit fort incommodee. La nnit
du famedi au Dimanche, la maladie
fe declara plus ouvertement par une
grofFe fievre jointe a un vomiflement.
On la fit voir le lendemain au Me-
decin, qui 1'ai'ant fait faigner, jugea
pur fon fang,que la maladie etoit dan-
gereufe. Auflitot la mere Prieure des
Urfulines en donna avis a M. de
Blois, qui envoial'Official Superieur
de la maifon pour la voir. » II l'ex-
=> horta de fon mieux , dit la mere
« Infirmiere (13) j n'aiant pu. la fle-
" chir, il lui dit de faire reflexion
« qu'elle alloit bientot paroitrs de-
« vant Dieu. Monfieur, lui repondit
» la mere Sainte Anaftafie j mes re-
» flexions font toutes fakes _, j'enai eu
" tout le terns
». Apres l'Official, le
Confefleur de la maifon entra dans la
chambre de la malade, & la fatigua
long-tems, fans autre fucces que d'au-
gmenter le mal de tete de cetrepau-
vre fille, qui le pi'ia de vouloir bien
parler plus bas, ajoutant que tout ce
qu'il diroit ne ferviroit de rien , fa
(xj) D;uxieme lettre T. 3. derniere petficutioj
|>. 113 8c zi6.
-ocr page 221-
III. Partie Llv. IV. 219
confcience criant plus haut, & tie lui ' x ^J"
permettant pas de fe rendre a ce qu'il
difoit.
M. de Blois vint lui-meme le 17 xx.
exercer fon zele, & etant entre chez vjjmi.exhwt.
la malade il lui dit d'un ait de bon- t« i la figna-
1            ~k g r             .                                     • cure , mats
te : » Ma lceur , je viens vous voir ; fans fUCCes.
» prions Dieu enfemble qu'il m'inf-
» pire ce que je dois vous dire. Prions,
" Monfeigneur,
dit la malade, je le
» veux de tout mon cceur. Le Prelat
» fe mit a genoux; & ai'ant fait fa
» priere, il fe le-ra & lui dit: je viens
» de demander a Dieu qu'il vous
» eclaire. Je lui ai fait la meme prie-
" re pour vous & pour moi , Mon-
» feigneur, car je ne fouhaite rien
» tant que de connoitre la verite. Le
» Prelat s'etant affis aupres de fon
» lit, lui dit: ma foeur, voila l'Eglife
" qui vient au - devant de vous, au
» lieu que c'eft a vous a aller au-
» devant d'elle. Ah! Monfeigneur,
» dit-elle , je ne crois pas l'avoir
» quittee j j'ai vecu 8c je veux vivre
" & mourir dans fon fein, hors du-
» quel je crois qu'il n'y a point de
" falut. Cependant vous ne croi'ez
" pas tout ce qu'elle croit, dit l'E-
» veque. Moi, Monfeigneur , je ne
" crois pas tout ce que croit l'Eglife !
K ij
-ocr page 222-
HO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
J 71 <S. " Pouvez - vous le penfer ? Je fuis
» prete a faire ma profefficn de ioi
» devant vous. Je crois tout ceque l'E-
» glife croit; je veux vivre & mourir
» dans fa foi. Mais eft-ce pour rien (dit
»» le Prelat) qu'elle vous a retranche
« les Sacremens ? Ce n'eft pas elle,
*> Monfeigneur (dit la malade) ce font
» les hommes, & Dieu y a fupplee
*> par fa grace. Au moins, ma foeur,
*> ce n'eft pas moi qui vous ai inter-
« dite, je ne fuis pas votre Superieur,
» c'eft M. de NoMles. Je l'honore,
jj lui repondit-elle , je le refpedte,
« c'eft un bon Prelat pour qui je ne
» ceflfe de prier & de demander a
w Dieu qu'il le foutienne dans la
*> defenfe de la verite. II y a long-tems
» que Dieu le purifie \ s'il a fait quel-
» ques fautes, j'efpere que Dieu les
=> lui pardonnera. La-defTus elle vou-
« lut lui faire un narre de la paix de
« l'Eglife , & comment la maifon de
» P. R. avoit ete retablie dans la par-
»
ticipation aux Sacremens : il n 'eft
» pas queftion de cela j repartit le
» Prelat _, il faut vous foumettre a
^ tout ce que l'Eglife demande de
« vous. Oh de tout mon cceur, dit-
31 elle, je vous l'ai deja dit, je fuis
t> fon enfant. Mais embrafTez - vous
-ocr page 223-
III. Par tie Llv. IV. ill
« toutes fes decifions ? Je vous l'ai i
» deja dit , Monfeigneur , que je
» crois tout ce qu'elle croit. Vous ne
» ine repondez pas, lui dit le Pielat,
w je vous demande fi vous vous fou-
» mettez a toutes fes decifions ? Com-
» me elle ne repondit rien , il reprit:
» qui eft-ce done, ma four , qui vous
" prefentera a Jefus-Chrift ? Ce ne
» fera pas 1'Eglife , ce ne fera pas
» moi , puifque vous n'en etes pas
» un membre. La plus part de vos
» fours font rentrees dans fon fein ;
» il n'y aura done que vous, fur qui
» le mauvais fort fera tombe , & qui
" porterez feule la peine devant
» Dieu de leur avoir infpire votre
» defobeiflance & votre entetement.
" Monfeigneur, lui dit-elle d'un air
" tranquille, les jugemens de Dieu
» font bien differens de ceux des hom-
•> mes j enfuite elle ajouta ces paro-
» les :inte, Domine j fveravi _, non
" confundarin Aternum.
Oh , mafceur,
" que je plains votre aveuglement!
" ce font mes peches qui font caufe
>» que vous etes ici, & qui attirent
" ce fleau fur ce Diocefe.
Tel fut Pentretkn de M. de Blois
avec la mere de lainte Anaftafie au
«t de la mort. La mere infirmiere des
Kiij ,
-ocr page 224-
222 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
jj# Urfulines , de qui nous apprenons
tout ce detail , ajoute que le Prelat
dit plufieurs autres paroles de cette
force , qui excitoient les larmes de
celles qui etoient a la porte de la
chambre ; mais qu'elles ne virent au-
cun retour dans la malade , ce qui les
penerra de douleur , parcequ'elles l'ai-
moient beaucoup. Si les preventions
avoient laiiTe aux Urfulines le libre
ufage de leur raifon , au lieu de ver-
fer des larmes fur la religieufe mou-
rante , elles en auroient verfe fur
elles-memes & fur le Prelat qui avoit
la durete de refufer les Sacremens a
une epoufe de Jefus-Chrift , dont la
verm etoit un fujet d'admiration &
d'ediiication pour route leur commu-
naute : elles auroient juge que cette
fainte nlle, traitee dune maniere u
cruelle, n'etoit coupable d'aucun cri-
me ni d'aucune erreur , puifque le
Prelat lui-meme avec tous fes grands
termes , par lefquels il tachoit de t'i-
tourdir, n'ofa lui propofer aucun ar-
ticle de foi a croire qu'elle ne crut
point , ni l'accufer d'aucune erreur
a laquelle elle fut attachee. Quelle
injuftice, quelle barbarie , quelle in-
humanite , de priver des Sacremens,
de perfecuter , 8c de regarder comm^
-ocr page 225-
III. P A R T I E. LlV. IV. 113
hprs du fein de l'Eglife , une vierge ~7tT<J^
chretienne d'une piete reconnue par
fes ennemis memes j qui fait proref-
fion de croire tout ce que l'Eglife
croit, qu'on n'ofe meme accufer de
rejetter aucun dogme , ni d'etre atta-
chee a aucune erreur !
La privation des Sacremens , dans xyjk-r l
laquelle la mere fainte Anaftafie vi- ae cette vier-
voit depuis plufieurs annees , etoit se chr&ienne
* r <*t 1 \                             i / •             a la privation
tres ienhble a cette vierge chretienne. ass sacrem.
Elle ne pouvoit meme s'exprimer fur
cela, fans repandre des larmes j mais
elle ne put fe refoudre a acheter cette
faveur aux depens de fa confcience.
L'amour de la verite , le refpe£t pour
le faint nom de Dieu , rendirent cette
ame vraiment chretienne vi&orieufe
de tous les efforts, de tousles artifices
& de toutes les menaces que M. de
Blois emploi'a pour l'abbatre. Les
longs & ennuieux raifonnemens de ce
Prelat, repetes fans fin , purent bien
fatiguer la malade, mais ils ne purent
affoiblir fa conftance, ni diminuer la
ferme confiance qu'elle avoit , que
Dieu fuppleeroit par fa grace au de-
faut des Sacremens (14). C'eft pour-
(14) Les faits Ativans Anaftafie faite an mois de
font tires d'une relation mai 171S, par une per-
°e la more de la mere Ste fonne qui alia fur les lieux,
K iiij
-ocr page 226-
2J4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1716. quoi, fatiguee de tous ces raifonne-
mens vagues & imporruns, elle pria
le Prelat de la laifler mourir en paix.
u ™kai» ^" ^e ^lois voi'ant que tout etoit
tonfusdci'i- inutile, & qu'iln'y avoit pas d'appa-
prMiratfcf/" rence de la pouvoir perfuader, ior-
dcfead de tit tout en colere,& defendit de Ten-
1*
%tm tow!" terrer en terre fainte. Dans ce mo-
ment le Medecin entra ; & le Prelat
voulant favoir ce qu'il penfoit de l'e-
tat de la ma lade refta encore quel-
que tems. On ne fait pas bien fi ce
fut le Medecin , qui lui expofa le pre-
mier le danger prefiant ou etoit la
malade, & la neceffite de lui donner
promptement Ies Sacremens ; ou fi
d'abord ce Prelat marqua la refolu-
tion ou il etoit de ne les lui point
accorder qu'elle n'eut obei. Mais on
fait que le Medecin lui demanda
d'un ton afTez vif, en quelle confcien-
ce il pouvoit refufer les derniers Sa-
cremens a une fi fainte religieufe &
pour un fujet fi frivole; qu'il ne com-
prenoit pas comment il pouvoit vivre
en repos en tenant une conduite, ou
il paroiflbit fi peu d'equite , de chari-
te & de douceur. On n'a pu favoir
& s'informa exaftement la derniere perftcut. T- 3*
dausla maifon de tout ce p. zu , 8cc,
gu'elle rapporte, Hift. de
-ocr page 227-
III. P ARTIE. LlV. IV. 12 5
ce que M. de Blois repondit a de fi 1716.
juftes reproches. II eft feulement cer-
tain qu'il demanda, combien il refioit
encore a la maladc de terns a vivre
:
a quoi le Medecin repondit, qu'elle
pourroit aller jufqu'au troifieme jour ;
mats une converfe qui avoir toujours
etc aupres de la malade, affiira qu'elle
n'avoir pas un jour a vivre. On dit
que M. de Blois fe fiant fur i'avis du
Medecin, avoit defTein de la faire
communier fans rien exiger d'elle da-
vantage , mais il fut trompe.
Avant de palTer outre , il ne faut xxhi.
pas oublier une circonftance confide- cJ^ffs \a
rable qui fera encore plus connoitre Wiquemenc
la vertu de cette fainte religieufe. Se
trouvant fort mal , & voiant qu'il
n'y avoit pas d'apparence qu'on lui
donnat les Sacremens , elle voulut
elle-meme y fuppleer, en faifant en
prefence de plufieurs religieufes , oil
ffieme de la communaute , une con-
feffion publique de fes peches. Elle le
fit avec tant d'humilite , que routes
les affiftantes en furent extremement
tdifiees malgre leurspreventions. Une
aclion fi chrerienne, qui montre fi
vifiblement que l'efprit de Dieu etoit
le principe de fa conduite , fe trou-
ve foutenue dans tout le refte de fa
Kv •
-ocr page 228-
ltd HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
tjisT" vie '■> car l'exces de fon mal ne chan-
gea rien dans l'egalite de fon ame.
xxrv.
         Depuis la vinte du Prelat , fon
Mort de la i 1                   i
mere sainte mal augmenta beaucoup , ce qui ne
Aoaftafic. 1'empecha point de s'occuper de
Dieu prefque fans relache. Elle
recitoit , ou fe faifoit reciter des
Pfeaumes avec une prefence d'efprit
etonnante. C'eft dans ces faints exer-
cices qu'elle attendoit le moment au-
quel l'epoux fraperoit , afin de lui
ouvrir aufli-tot j ce qui arriva le mer-
credi 18 mars vers une heure apres
minuit. Elle mourut ( dans une paix
diii nous fit trembler 3
dit la mere in-
firmiere, paix toutefois d'une bonne
confcience , qui auroit du. au contrai-
re les toucher &c les faire revenir de
leurs preventions ), fans agonie ,
dans tous les fentimens de piete,..
qu'on pouvoit attendre d'une perfon-
ne qui n'avoit ete toute fa vie occu-
pee que de Dieu , & qui avoit recu
de fa main dans une parfaite foumif-
ilon , toutes les peines, toutes les hu-
miliations, 8c toutes les epreuves, par
lefquelles il avoit voulu la purifier &
perfectionner fa vertu.
xxv.
          Apres fa mort, la communaute en-
nes pit m. de voia le ConfefTeur de la maifon pour
Biota pour fa annoncer cette nouvelle a M. de Blois*
Kpuiumv
J
-ocr page 229-
III. P ARTIE. £iv. IK. IZf
Le Prelat parut etonne , & ordonna
qu'on I'enterrat en terre fainte, mais
clans un lieu fepare des autres reli-
gieufes, & qu'on fit les funerailles
fans chanr & fans fon de cloches. Ce
qui fut execute le meme jour fur les
csnq heures du foir par le Chapelain
de la maifon. Son corps fur po§re au
ehceur dans le cercueil couvert j la
comrnunaute s'affembla , recita les
Vepres des marts & chanta un Libera.
Apres quoi on la porta dans 1'ancien
cimetiere proche de l'enclos, oh font
inhwnies plujieursfaintcs religieufes de
nosfaurs,
dit la mere infirmiere dans
fa feconde lettre (15). Le confefTeur
fit l'enterrement a voix balTe , fans
dire aucune oraifon particuliere pour
elle. Toutes les oraifons qu'il dit
etoient du comnmn , fans y join-
dte,/ororis noflrs.. » 11 eft dit dans
» une relation _, que le Chapelain en
" la mettant en terre chanta le Libera,
"
n'ai'ant qu'un petit garcon qui por-
" toit la croix, pour itti repondre».
Cependant une autre relation porte,
" qu'on avoit permis aux religieufes
» qui le voudroient (z<J) d'aflifter a
,t*ri Seconde lettre de 1'lnfitmiere. T. j. p. 218.
Rift, de laderniere perftcution.
-ocr page 230-
Il8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
1716Y " l'enterrement «. Et la mem e rela-
tion ajoute, que, » d'environ qua-
» tre-vingt religieufes , il y en eut
» trente qui eurent le courage de voir
» inhumer une fille excommuniee «.
On ne laifTa pas neanmoins de faire
dire plulieurs Melles pour elle.
xxvi. l„ mere Anaftafie laiiTa en mou-
Temo.gna-          *
ge rendu a la rant dans toute la mailon , quelque
L"re Atft£ Revenue qu'elle fut, une grande ef-
fic par ksur-time pour favertu, & on lui rendit
Biois!S unanimement ce temoignage , qu'on
n'avoit remarque aucun defaut en elle,
mais au contraire un attachement in-
violable a tous fes devoirs , une dou-
ceur qui la rendoit aimable a tout le
monde , une charite attentive a tout
ce qui pouvoit faire plaifir , un grand
amour pour la pauvrete 8c la peni-
tence , dont elle fut la victime. Lorf-
qu'elle mourut , l'ordre etoit donne
pourla faire fortir de Blois. Elle avoit
ere tres fenllblement touchee, de voir,
pendant que tous les exiles & les pri-
ibnniers fortoient de leurs exils & de
leurs prifons , apres la mort de L ouis
XIV , que les religieufes de P. R-
fuflfent les feules qu'on eut oubliees
& qui ne jouiifent point d'une faveur
commune a tous les autres. Mais
neanmoins elle ne voulut jamais faire
-ocr page 231-
III. Par tie. Lh. IV. 119
la moihdre demarche pour fe delivrer 171 <j,
de la captivite, & fe procurer la li-
berie. Elle attendoir avec parience
les motnens de Dieu , ne croiant pas
qu'il fur permis de prevenir fes def-
feins toujours adorables ; & elle Iui
abandonnoit entierement le foin de
ce qui la regardoit, ne s'occupanrque
de celui de lui obeir en routes chofes.
On apprir a Paris la morr de cette xxvir.
fainte nlle le jour meme (17) que ,"* ^Noai'-
Mademoifelle Dumefnil fa fceur de-
point qu'on
voir fe rendre a l'hotel de Madame la ™Yp. r?
PrmceiTe de Conde qui la proregeoit,
pour en recevoir l'ordre qu'elle avoir
obtenu du Roi pour la rranfporter a
l'Abbaie de l'Etree (z8). L'AbefTe de
P. R. ( Madame de Monrperoux }
dans le deflein qu'elle avoir d'etein-
dre les penfions des exilees, en les re-
cevanr dans le monaftere de P. R.
voulut dans certe occafion donner
quelques marques d'affection pour el-
les, arm de parokre entrer dans les
vues de M. de Noailles & dans le
projer qu'avoit cetre Eminence de les
y reunir pour rerablir la reforme. En
confequence elle voulur faire un fer~
vice pour la Prieure ; mais en aiant
(17)  11 mars.
(18)  Suppl. du Nect.
-ocr page 232-
_________1HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i7i6. demande la permiffion au Prelat, if
repondit de ne rien faire , foit par
la crainte de l'eclat qu'aaroit fait ce
fervice, auqael tout Paris, fe feroit
prefle d'aflifter ; foit a caufe de la re-
ponfe ferine & vigoureufe que cette
vierge chretienne avoir faite autre-
xxviw.            d la letcre de fon Eminence.
Mondeia Ce ™t cette lettre qui occafionna,
faur^de stc comme on l'a vu, la chute dela four
Francoife-Agnes de Sainte Margue-
rite de Sainte Marthe , transferee en
1709 a Blois avec la mere Prieure,
& releguee chez les Chanoineffes de
cette yille : elle mourut le 8 avril
1716 agee de foixante-fept ans. C'eft
tout ce que nous pouvons dire de
cette religieufe, n'ai'ant aucune con-
noilTance de ce qui la concerne de-
puis la funefte epoque de fa fiena*
ture.
                                              6
XXTX              t
Recour'des r68 autres religieufes difperfees ,
autres reii- qui comme la four de Sainte Mar-
gieuks dans „i                       i t ri t •            ,,               < r
des monafte-tne avoient ete fediutes, s etoient de-
tesdu Dioce- ja relevees dans les lieux memes oii
K oe Pans, ' 11 , •                                     ' -,
elles etoient retenues pnfonnieres ,
& en fortirent toutes a 1'exception
de trois, pour revenir dans differens
monafteres du Dioeefe de Paris. Nous
. ne repeterons point ici ce qui regar-
ds cinq de ces religieufes. difpsriees?
-ocr page 233-
III. Par tie. Liv. IV. x;r
qui furent transferees dans l'Abbai'e
de Malnoue. Nous ajouterons feule-
ment pour ce qui concerne les cinq
autres prifonnieres, que deux furent
transferees chez les Chanoineffes de
Sainte Perrinede la. Villette(i9) pres
de Paris, la foeur Flefcelles & la four
Benoife : elles y font mortes fainte-
ment l'une & l'autre j la premiere le
27 Janvier 1724, la feconde le 24
Janvier 1725. Deux autres furent
transferees dans le monaftere des Bene-
dictines de Lieffe , la four Pepin & la
four IfTally. La premiere y entra le
20 mai 1716 , & en fortit le 17 avril
1719 pour aller chez les Chanoinef-
fes de Picpus ou elle mourut le 25
fevrier 1720, dans la foixante-qua-
trieme annee de fon age , la quaran-
te-troifieme de fa profeffion.
La four IfTally etoit entree a Lieffe
le premier mars 1716, 8c y mourut
le 13 decembre 1723 agee de 66 ans,
dansfes premiers & anciens feritimens ,
comme on l'a appris des religieufes
de Lieffe. Ce qui fait voir , quoique
nous n'aions point de retractation d'el-
le, qu'elle n'a point perfevere dans
la fignature qu'on lui avoit furprife.
' (19' Ce monaftere eft.aujaurd'huidetniit, comma
bien d'auues..
-ocr page 234-
2$ 2 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
17 l 6. en lui faifant entendre lorfqu'on Ten"
gagea a figner dans une maladie }'
ainli qu'elle le dit a Mademoifelle
IlTally fa fdeur, qu'elle ne figneroit que
le droit.
Peut-etre eft ce la raifon
pour laquelle elle ne fit point de re-
tractation.
Mais la plus celebre de toutes les
religieufes difperfees qui furent rap-
pellees, etoit la foeiir de Sainte Ger-
trude du Valois , a qui Dieu avoit
fait la grace finguliere , ainfi qu'a la
mere Prieure, de refifter a. toutes les
epreuves qu'elles eut a eiTui'er dans fa
captivite a. Cfiartres & a Mantes , Sc
de conferver fa main pure , fans l'a-
voir fouillee par aucune fignature.
C'eft ce qui nous engage a entrer dans
le detail- de la vie de cette vierge
chretienne.
xxx.
          La faeur Magdeleine de Sainte Ger-
ftwr'VV*- truc^e ^u Valois eut a peine goute le
lois.
           monde, qu'elle en connut la vani-
te (30): fur le point de contrader uti
engagement qui l'auroit mife dans la.
trifle neceffite de partager fon cceur,
elle refolut de fe donner a Dieu fans
partage. La connoifTance qu'elle eut
de M. Arnauld , & la lefture qu'elle
fjo) Hifloire de la dctniere petftcution. T- )•
p. 173 & fuiv.
-ocr page 235-
III. Partie. Liv. IF. 133
■fit des Conftiturions de P. R. lui inf- i 71 <s.
pirerent le defir d'entrer dans ce mo-
naftere. Elle s'y prefenta remplie d'ar-
deur de fe confacrer a Jefus-Chrift.
La peinture vive que la mere Ange-
lique de Saint Jean, alors maitrefTe
des novices, lui fit des faintes rigueurs
de ce monaftere ne fit qu'enflammer
fon zele. Elle y entra avec une joie &
une fermete , qui firent prefumet
qu'une vocation fi folide ne pouvoit
avoir que d'heureufes fuites. En effet
tomes les difhcultes s'applanirent de-
vant elle j le filence , les veilles , l'o-
beiffance , les humiliations , devin-
rent fes devices. Elle porta fi loin l'a-
mour de la penitence , qu'elle obtint
la permiffion de continuer les jeunes
du careme qui etoit commence j
lorfqn'elle entra a P. R. comme on
les obfervoit dans cette fainte mai~
fon. Elle ne put fourfrir que dans ce
commencement d'epreuve , on ufat
d'aucun adouciflement a fon egard.
Cependant quelque grand que futfon
courage , il fallut ceder ; les forces de
fon corps ne repondant point a fon
zele, elles furent bientot epuifees.
Peu de tems apres fon entree , elle *XX1-
rut attaquee d une groile nevre & gra„ae mala-
d'une fluxion de poitrine, qui la cpu-<*<«♦
-ocr page 236-
iJ4 HlSTOIRE DE PoRT-RCHAt."
duifirent aux portes du tombeau. Elle
etoit en cet etat dans une paix & una
tranquillite qui faifoient connoitre
combien elle etoit foumife a celui
qui eft maitte de la vie & de la mort.
Elle fe prepara a, ce terrible paflage
avec route la foi & la religion pofli-
bles. Elle accepta la mort en elprit
de penitence , recut tous fes Sacre-
mens, & attendit en paix le moment
de fon facrince. II n'etoit pas encore
arrive , & le danger pafla aflez promp-
tement. Mais fa poitrine alteree nit
long-tems a fe retablir $ elle demeura
languuTante , & Ton douta meme d
jamais elle pourroit porter le poids
de la Regie Cette raifon fir impref-
fion ; & quoique Mademoifeile dii
Valois eut d'ailleurs routes les quali-
tes qu'on pent defirer , fa delicareue
efFraia, & Ton balanca fur ce que Ton
feroit a fon egard. La jeune Poftulan-
te vivement affligee de ce que Ton
penfoit a. l'exclure d'une fi fainte mai-
fon , alia repandre fon cceur aux pieds
des Autels, & demanda a Jefus-Chrift
avec toute l'atdeur poffible de la tire1'
de cette vie plutot que de permettre
qu'elle retournat dans le fiecle. Ses
vceux furenr exauces. M. Arnauld,
qui vint a P. R. raflura les efprits }
-ocr page 237-
III. Parti e. Liv. IF. i J 5
&apres l'avoir entretenue, il lui die 171 <j.
qu'il aimeroit mitux la voir porter en
terre, que de la voir fortir de ce faint
afyle. II affiira la mere Angelique &:
1'AbbefTe , que fon infirmite ne feroit
que pafTagere, & qu'elle foutiendroit
toute l'aufterite de la regie.
Peu de terns apres , elle recouvra la *jKXI1-
r / 'r.        - in t • 1 .          1 r •         E"e P"
iante, & pnt 1 habit le jour de iaint rhabit.
Simon & faint Jude 1677 , avec une
piete & une ferveur extraordinaire.
Elle pafla le tems de fes epreuves
avec toute la fidelite que Ton pou-
voit defirer j & lorfqu'elle fut fur le
point de confommer fon facrifice, la
mere Angelique de Saint Jean alors
Abbefle, lui reprefenta avec force les
perils auxquels le monaftere de P. R.
etoir expofe, les combats qu'elle fe-
roit peut-etre obligee de foutenir :
elle lui dit qu'il falloit une foi non
commune pour s'expofer a de tels
dangers, qu'elle fondat bien fes for-
ces devant Dieu , & qu'elle ne s'en-
gageat pas temerairement a ce qu'elle
ne pourroit pas foutenir. La foeur du
Valois toute brulante de zele, repon-
dit fans balancer , qu'elle mettroit
fon bonheur & fa gloire a partager
de telles fouffrances , & qu'elle le
trouveroit heureufe de repandr^ fon
-ocr page 238-
ijf? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1716. fang pour Jefus-Chrift. Ce fut dans
des difpofitions fi faintes, qu'elle fe
confacra au Seigneur a l'age de 22
ans le 8 novembre 1678. II ne pou-
voit manquer de repandre fes bene-
dictions les plus abondantes fur une
victime qu'il s'etoit lui-meme pre-
pared,
scs proves Les preuves en furent fenfibles de-
dans iavmu. puis l'heureux moment de fon enga-
gement. L'on vit en elle routes les
vertus reunies enfemble. Elle ne mit
de bornes a fa penitence que celles
que l'obeiflance lui prefcnvoit j &.
fouvent meme fon zele & le defir d'i-
niiter fon celefte epoux 1'emporroient
fans reflexion dans des aufterites ,
que les perfonnes du monde qui n'ont
point l'efprit de Jefus-Chrift, regar-
deroient comme des indifcretions
condamnables, mais que Dieu rece-
voit comme un facrifice agreable a
fes yeux , puifque c'etoit fon efprit
qui le lui mfpiroit. On l'a vue pen-
dant des hi vers tres rigoureux , non-
feulement fe priver d'approcher du
feu, mais s'expofer meme pendant la
nuit aux injures de l'air pour fentir
toutes les rigueurs de la faifon, cou-
• cher fur le plancher de fa chambre,
fe priver du fommeil, ne repofant
-ocr page 239-
III. PARTIEiXzV. IV. 2,37
fouvent que cinq hemes. Quoique \-j\6.
d'une complexion foible & delicate ,
el!e embraflbit avec joie les travaux
les plus pembles & les plus humilians.
L'humilite 8c Pamour des humilia-
tions , fans lefquels la penitence &
les aulterites font des vices traveftis,
n'etoient ni moins vifs, ni moins
agiflans chez elle. Elle ne fe conten-
toit pas de s'aneantir devant Dieu
dans le fouvenir de fes infidelites
qui lui etoient toujours prefentes ,
elle en etoit fi touchee qu'elle embraf-
foit avec joie toutes fortes d'humilia-
tions pour y fatisfaire : elle cher-
choit a fe rendre meprifable a fes
fceiirs. Ce fut dans ce fentiment 11
humble, qu'elle demanda avec inf-
tance a la mere Angelique de S. Jean,
quelques annees apres fa profeffion ,
de faire une revue au Chapitre en
prefence de la communaute, de toutes
les infidelites qu'elle avoit commifes
depuis qu'elle etoit religieufe; exem-
ple d'humilite qui n'etoit pas rare a
P. R. Telle fut la fceur du Valois pen-
dant les vingt-cinq ans que Dieu lui
conferva la fame. Elle remplit tous
e s devoirs avec une ferveur toujours
nouvelle.
                                                 xxxiv.
Dans un terns de perfecution , ow 0per?eue"fu"
* cflc.
-ocr page 240-
2 3? HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
~"f—UT" ^eu ^oxtlt de fon fecret pour faire
connoitre 1'innocence des religieufes
de P. R., il choifit la fqsur du Valois
pour faire eclater fa route puiflance
fur elle par une guerifon miraculeufe
le £aout 1689. C'etoit le jour de l'an-
niverfaire de la mort de la M. Angeli-
que, a. laquelle notre religieufe faifoit
une neuvaine pour obtenir la gueri-
fon d'un pied , dont elle etoit eftro-
piee par une faignee mal faite. Cecte
merveille eft conftatee non feulement
dans une relation du 30 aout 1689
faite par la fceur du Valois elle-me-
me , mais encore par les atteftations
des Medecins ( Meflieurs Hecquet &
Dodard) & le temoignage de toutes
les religieufes de P. R. date du 17
avril 1690 , & figne d'elies au nom-
bre de quarante-huit (31).
3ra«r fait ■^'a^s ^ ^eu a ^a" eclater & tou"
Materfagra- te - puiflance fur la foEur du Valois
ce en e e. ^
une gU^rjfon corporelle , il a fi-
gnale la puiflance de fa grace en
elle d'une maniere encore plus ecla-
tante paries victoires qu'il lui a fait
remporter dans les combats & les
epreuves auxquelles ilapermis qu'el-
le fut expofee pendant une captivi-
(51) Vo'fez toutes ces pieces. T. ;. p. 151- 8c M"
Yances de l'hift. de la derniere perfecmion.
-ocr page 241-
III. Parti e. Liv. IV- %}$
te & une perfecution de fept ans. 1716.
Tandis que les colomnes eroient
ebranlees 8c meme renverfees par
l'effort de l'orage, le Seigneur for-
tifia fon epoufe & lui conferva la main
&; la conscience pures au milieu de la
perfecution la plus violente. Elle fe vit
arrachee d'une maifon qu'elle avoit
regardee comme un port de falut,
feparee de la compagnie de fes meres
& de fes fceurs, privee du fecours de
leurs exemples, captive dans une mai-
fon etrangere, perfecutee par les per-
fonnes du dehors , fans foutien ni
confolation au - dedans , infirme. &
manqiiant de tout dans fon infirmite,
dans une folitude affreufe. Mais qui
peut arracher des mains de Jefus-
Chrift ceux que fon Pere lui a don-
nes ? Et qui peut les feparer de fon
amour ? La violence de la perfecution
ne fert qu'a faire briller d'une nou-
velle lumiere les elus de Dieu. Celt
l'effet qu'elle produifit dans la fceur
du Valois, qui fe fit egalement ad-
mirer & aimer dans les deux maifons
ou elle fut exilee fucceflivement. Elle
v edifia par fa piete, & gagna tous
les cceurs par fa bonte & fa douceur
malgre les preventions qu'on avoic
contr'elle.
*
-ocr page 242-
I40 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
i7i<S, Aiant ete enlevee de Port-Roial
xxxvi des Champs le 29 odbobre 1709 jour
Elle eft exi- de la difperfion generate, jour mal-
Ue a chat- neiireux pour la France , elle fut con-
tres, ou cue . . . J,                                   , . ,
eft reduke a duite a Cnartres, ©centra a nuit neu-
'diCm^'T-m. res ^U ^0*r ^ ^eux novembre chez les
pour le tem- Filles-Dieu, lieu de fon exil. Elle y
porel que manqua Jg tout tant p0ur le tem-
pourlefpin-
          Jl                       » . . r
wei.          porel que pour le lpirituel. Un peut
juger de I'ecat ou elle fut reduite pour
les befoins temporels, aiant pafle I*hi-
ve*
de 171 o fans avoir d'habit de la
faifon , n'aiant rec,u fon paquet que
huit mois apres fon depart. Quelqu'un
lui aiant donne de la laine pour fe fi-
ler des chemifes , elle n'en eut qu'a-
pres les avoir filees.
xxxvii. A l'egard du fpirituel, c'etoit en-
son tot core pjs puifqu'elle etoit privee de
pour le fpitt-           f -nT                    • f T ' r 1
tuel , peine 1 huchariitie j ce qui tailoit la plus
feUnf1Cde "la gran(^e & meme fon unique peine.
privation de Void de quelle maniere elle s'en ex-
J'Euchatiftie. pliqUe elle-meme. » La privation ou
» je me trouve m'afflige fenfible-
» ment. Je me remets dans l'efprit
» tout ce que je puis pour m'en con-
» foler , & je dis a Notre-Seigneur:
» vous voiez 1'impuilTance ou Ton
« me met de participer a ce banquet
» facre ou je trouverois toute ma
» confolation , & ou je trouverois
,, routes
-ocr page 243-
III. P A R T I E. LlV. IF. 241
toutes les autres fouffrances dou-
ces. Cependant je regarde cette
peine dans l'ordre de Dieu , & je
tache de m'y conformer. J'efpere
que fa bonte regardera ma dou-
leur,& que par elleje communierai
aux fouffrances de Jefus-Chrift qui
font tous nos merites, parcequ'eiles
font la fource de toutes les graces
que nous recevons. C'eft par elles
que nous fommes les membres vi-
vans de Jefus - Chrift, & c'eft par
l'union a ce divin chef que Ton eft
un meme corps 8c une meme hof-
tie avec lui. II eft vrai qu'il y a
quelques-uns de fes membres qui
ne participent pas exterieurement
a cette vi£time divine, parceque
Dieu les met dans un etat 011 ils
ne peuvent pas manger avec les
autres l'Agneau fans tache , qui eft
1'etat oix je me trouve. Mais fa tres
grande mifericorde me fait voir 8c
me fait fentir que Ton n'en recoit
pas moins l'efprit de facrifice que
ceux qui y participent felon la chair;
» car n'eft-il pas vrai que ceux qui
dans Pancienne loi offroient a Dieu
>  un holocaufte, ne mangeoient point
de la victime parcequ'elle etoit toute
» confumee par le feu ? Ce facrifice
Tome X.                    L ,
-ocr page 244-
%\1 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
» n'etoit pas neanmoins fans fruit
» pour eux j car s'ofFrant eux-memes
» avec leurs vi£kimes, ils devenoient
»> eux-memes un holocaufte & un fa-
s' crifice d'une agreable odeur, dont
» 1'efFet etoir leur fanc"tiiication,ce qui
» eft aufli le fruit de la communion.Je
» tache done , lorfque j'ai le bonheur
» d'aflifter a la fainte mefle , de m'im-
» moler a Dieu en me donnant toute
« a lui, en lui demandant la grace
» de ne me referver rien pour l'ufage
» de l'amour propre & du vieil hom-
» me j & je crois avec cette difpo-
» fition communier, non au Corps
» mais a l'Efprit de mon Sauveur. Je
u tache aufli de penfer que ne pou-
» vant communier commeles autres,
« je dois ofFrir le facrifice pour le
» peche , auquel ceux qui l'offroient
« ne participoient point. La feule
« partqu'ilsyavoient, etoitcelle que
}> la douleur de leurs peches leur don-
« noit, laquelle leur en obtenoit le
» pardon : e'eroit la fin de leur obla-
« tion. J'efpere pouvoir obtenir de
»> la mifericorde du Seigneur la me-
» me grace , en ofFrant Jefus-Chrift la
» vraie victime pour l'expiation du
=> peche , en y uniflant la douleur de
» l'avoir offenfe j qui plus elle feia
» grande , plus elle m'obuendra de
-ocr page 245-
III. Partii. Liv. IF. 243
forces pour ne le plus offenfer, ce ijkS.
>
qui ne m'obtiendra pas moins de
graces que ceux qui ccrnmunientj
non que je ne defirafTe de toute
l'etendue de mon cceur de le faire
reellement, & que je n'eftime tres
heureufes celles qui ont ce bon-
heur -y mais je m'occupe de cette
maniere pour moderer la douleur
que je fens d'en etre privee ; & je
tache de trouver dans ma mifere
de quoi me rendre heureufe en
communiant a 1 Efprit vivifiant de
Jefus-Chrift. Je me fouviens que
la Madeleine ne cherchoit dans le
tombeau que le Corps de Jefus-
Chrift ; 8c ne l'y trouvant pas
elle s'affligea & fe troubla, par-
ceque fa roi n'etoit pas aflez vive
pour la faire fouvenir que, fi les
nommes lui avoient ote fon Corps,
ils ne pouvoient lui oter fon Dieu,
qu'elle aimoit & qu'elle avoit dans
fon cceur. C'etoit cet amour qui la
refloit de le chercher dans le tom-
eau ou il n'etoit point; ce qui lui
fit meriter de le trouver vivant &
relTufcite lorfqu'elle le croi'oit per-
du pour elle. C'eft ce que j'efpere
pour moi: fi j'aime Dieu que je
defire de pofieder, & ne le trouve
-ocr page 246-
£44 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAr..
pas dans l'Euchariftie ou il eft com-
me mort a. mes fens, je le trouve-
rai dans le Ciel, je l'y verrai, je
l'y aimerai, & l'y louerai pendant
tome l'eternite. Cette verite calme
toutes mes inquietudes, & me fait
porter en paix les peines de l'etat
ou je fuis. Je tache de me nourrir
d'un pain de larmes, & je dis avec
le Prophete : mes larmes m'ontfervi
de pain le jour & la nuit , lorfque
j'entens qu'on me dit
, ok ejl votre
Dieu ?
Je dis pendant la commu-
nion le pfeaume IV , profternee &
tres affligee de n'y pas participer,
Mais je me confole par la penfee
du Centenier , qui fe reconnoiflant
indigne que Jefus - Chrift entrat
dans fa maifon , merita par fon hu-
milite qu'il entrat dans fon coeur,
& obtint la guerifon de fon fervi-
teur «.
On voit par la la vive douleut
qu'avoit la fceur de Sainte Gertn
d'etre privee de l'Euchariftie. Mais
quelque grande que fut fa douleur>
elle auroit mieux aime en etre fep3'
ree le refte de fes jours, que d'achetet
cette grace par la moindre demar-
che oppofee a la verite &: a la chants
u S'il faut, difoit-elle(j2), la rece-
j 16.
-ocr page 247-
III. Partie. Llv. IF. 245
ji voir au prix d'un menfonge & d'un \-i\($.
» par jure, c'eft ce que j'efpere ne faire
» jamais. Ce feroit une terrible dif-
» poiidon que celle qu'on exige pour
» recevoir celui qui eft la fouveraine
» verite ". Et fur ce qu'on lui difoit
qu'elle etoit dans l'erreur, & qu'elle
devoit reformer fa confcienee , elle
repondoit : » ce n'eft point fur Topi-
» nion des homines que je dois for-
» mer ma confcienee. Si cela etoit j
" il faudroit changer a tout moment,
» & avoir une confcienee verfatile
» qui tournat a tous les vents de la
» doctrine des hommes: ce feroit une
» plaifante confcienee que d'etre tou-
» jours changeante , 8c de n'avoir
» d'autres principes que ceux de la
» politique & de l'inreret. Je fuis
» perfuadee que la verite feule , qui
" eft Dieu meme , eft le fondement
« inebranlable de notre foi ; elle ne
» change point: c'eft fur ce fonde-
» ment qu'il faut batir ; tout autre
» fondement eft ruineux , parcequ'il
» n'eft pofe que fur le fable mouvant
» de l'opinion des hommes. Voila. ce
" que jepenfe lorfque je m'entens dire
" qu'il faut reformer ma confeien-
» ce ; c'eft ce que Dieu me met dans
» l'efprit. Peut-il y avoir, dit-ell©
L iij
-ocr page 248-
24<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1716. " dans un autre endroit, du peche
» mortel dans une action qu'on ne
» fait pas dans la crainte de com-
» mettre un menfonge , un parjure,
» une calomnie ? «
Elle fait une Malgre le courage dont on voit
proteitatioa qUe [a four du Valois etoit animee,
conttetoucce £ 1               r                     > 11                              1
qu'on pour- & la conhance qu elle avoit en la
roic lui faire grace toute-puilTante de fon Sauveur,
faire pat fur- °lt         ■,          t ,            . ,                   r
ptife.         elle redoutoit neanmoins beaucoup la
propre fbiblefle. Elle ne croioit pas
pouvoir prendre trop de precautions
contre la fragilite & les artifices qu'elle
craignoit qu'on n'emploiat pour la
feduire. Ce fut ce qui l'engagea a faire
devant Dieu, feul temoin des fenti-
mens de fon cceur , une proteftation
contre tout ce qu'on pourroit lui faire
faire par furprife; 8c a renouveller la
proteftation folemnelle qu'elle avoit
faite le 8 mai 1707 avec la commu-
naute: elle etoit con$ue en ces ter-
mes.
» Je fouffignee fceur Marie Made-
« leine de Sainte Gertrude du Valois,
» religieufe profefTe de P. R. des
» Champs, Ordre de Citeaux, de
» prefent releguee a. Chartres , mo-
» naftere des Filles-Dieu , par lettre
» de cachet fignifiee par M. d'Ar-
" genfon Lieutenant general de pc~
-ocr page 249-
III. Par tie. Liv. IV. 247
lice le 29 octobre 1709 , declare
que l'amour de la verite que Dieu
m'a donne , me faifant craindre
ma foiblefTe naturelle , augmentee
par la prifon ou je fuis renfermee
& par la persecution continuelle
que j'y fouffre, ou par quelque fur-
rife dans laquelle je pourrois tom-
er en cas de maladie, n'etant pas
» alors affez forte d'efprit pour de-
» couvrir les pieges que Ton me ten-
" droit pour m'obliger a figner le For-
» mulaire, ou quelqu'autre a&e que
" Ton me prefenteroirpourderogera*
» celui que nous avons fait en plein
» chapitre . & avec une entiere li-
» bene dans notre monaftere de P. R.
» des Champs le 8 mai 1707 , & le-
» galife le meme jour par les Notai-
» res de Chevreufe «.... Apres avoir
rapporte cet a£te , la focur du Valois
continue ainfi : » c'eft en adherant a
" cet atte que j'ai figne avec toutes
» mes fceurs, & que je figne encore
» aujourd'hui apres y avoir mure-
» ment penfe devant Dieu, en revo-
" quant des a prefenr, comme alors,
" tout ce que Ton me feroit figner
" qui pourroit y etre contraire. De-
" clarant cependant que je veux vi-
» vre & mourir dans la foi dc l'E-
L iii|
-ocr page 250-
248 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
« glife catholique , Apoftolique &
« Romaine , etant perfuadee que
» hors de fon fein il n'y a point de
A falut. C'eft dans cette union que
». j'efpere obtenir de Dieu fa grace
» en cette vie & fa gloire dans le
» ciel. Et apres avoir lu 8c relu cette
« declaration de ma derniere volon-
» te , je perlifte a vouloir qu'elle foit
» tenue pour vraie & que Ton y ajou-
» te foi. Fait a Chartres dans le mo-
" naftere des Filles-Dieu, le 24 mat
» 1711. Signe j Sceur Marie Made-
« leine de Sainte Gertrude duValois,
" religieufe de P. R. des Champs.
Elle portoit toujours cet ecrit fur
elle , & elle le renouvelloit fouvent
aux pies des autels pour effacer de fa
memoire ce que des perfonnes qui
fervoient de miniftres aux ennemis de
la verire , tachoient vainement de lui
infpirer..C'etoit au fortir de ces con-
verfations il onereufes, qu'elle repan-
doit fon cceur devant Dieu, &
qu'elle
lui demandoit avec larmes de mounr
plutot que de manquer de fidelite a la
verite , & qu'elle reprenoit de nou-
velles forces pour combattre ceux qui
en etoient les ennemis. Les injures ,
les menaces, les traitemens les plus
durs ne l'ebranlerent jamais, parce-
-ocr page 251-
III. Par tie. Liv. IV. 249
qu'elle ne tenoit qu'a. Dieu & a la 1716.
verite. » Faites tout ce qu'il vous
plaira , difoit- elle a M. de Char-
tres, j'eipere que la verite me de-
livrera de tout j fi on me met en
prifon, elle y defcendra avec moi;
11 on me fait mourir, elle me deli-
vrera & me couronnera «. Par ref-
ped pour ce Prelat on fupprime ici
les paroles injurieufes dont il tachoit
de l'accabler, auffi bien que les pro-
ftierTes pueriles qu'il lui faifoit pour
l'engager a trahir fa confcience. Un
jour , apres avoir fait 6ter toutes les
images de fes breviaires , il lui difoit
fadement :figne\ & je vous rendrai vos
images.
La religieufe captive repondit
gravement, » qu'on l'avoit reduite a.
faire bien d'autres facrifices , & 3
fouffrir de plus dures privations ,
8c que pourvu. qu'elle eut la liber- ,
te de dire fon Pater, qu'on ne
pouvoit lui 6ter, cela lui fufHfoit».
Elle fut fort fatiguee dans le com- xxxix.
men cement de fa captivite par les fre- J^6"^."
quentes vifites de ce Prelat (3 3). Com- cours de m.
me il ne faifoit que rebattre les me- ^prmd'fo
mes chofes, elle prit le parti de ne Parti d.e n,e
(;?) Voiez dans leT. 6.    voit ce iju'elle eut i ef- poncilc
des Mem. hid. 1'extrait de    finer de la part de ce Pre-
plufieurs letcres de la    Iat. p. no&fuiv.
fceur da Valois, ou Ton
Lv.
-ocr page 252-
IjO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1716. plus repondre ; & lorfqu'il venoit k
voir , elle portoit fa quenouille pour
filer tandis qu'il parloit. Qielquefois
le Prelat la menacoit de l'envoier
dans les lieux les plus recules j alors
il la trouvoit difpofee a obeir a ces
fortes d'ordres. D'autres fois il la me-
nacoit de la privation des Sacremens
a la mort, & de fepulture. » Pourvu
» que mon ame foit dans le ciel, di-
» foit-elle, qu'importe ou foit mon
» corps ; le fouverain Juge faura bien
» me le rendre au dernier jour, je
« n'en fuis point en peine ; & fi Ton
» me prive injuftement en ce terri-
» ble pafTage des fecours que l'Eglife
» donne a fes enfans , Dieu y fup-
» pleera 'y fa puiffance n'eft point fi-
»> mitee par la volonte des hommes.
» II vaut mieux que je meure fans
» Sacremens, que d'acheter cette gra-
» ce par un parjure«. S'il lui annon-
coif la flgnature de quelques-unes de
fes foeurs, alors oubliant fes propres
maux , & accablee de la plus vive
douleur, elle ne s'exprimoit que par
fes larmes, mais fans etre afroiblie.
S'il la prefToit de fuivre l'exemple de
celles qui avoient figne , elle repon-
doit avec courage & fermete que ,
quand tout le monde abandonneroit
-ocr page 253-
III. Par tie. Liv. IV. 25'f
la verite, ce ne feroit pas une raifon
pour elle de lui manquer de fidelite,
qu'elle eiperoir que Dieu lui feroir
la grace de plutot mourir que de tra-
hir fa confcience. Son efperance ne
fut pas vaine. M. de Chartres voiant
Ie neu de fucces de fon entreprife, fe
laffa & cefTa de la voir, ou du moins
la vit plus raremenr. Mais il envoi'a.
a fa place un Grand - Vicaire , qui
par fes difcours & par la lefture qu'il
lui fit fare d'un ecrit fur la fignature
du Formulaire , ne fit que 1'afFermir
de plus en plus dans fes fenrimens.
Quelque terns apres , le Prelat reprit
courage \ & la vi&oire qu'il remporta
le 2 3 avril 171 o fur la fceur le Juge
exilce a la Vifitation de Chartres , lui
donnant efperance qu'il en pourroit
remporter une femblable fur la fceur
du Valois , il ranima fon zele, & re~
doulla fes Joins pour cette cinquieme
brebis igarie qui rietoit point touchie de
I'exemple defes quatrefzurs que S. M.
avoir placdes dans fon Diocefe.
Ce font
ies expre/TIons du Prelat dans la let-
tre qu'il ecrivit a M. de Noailles pour
lui annoncer la pretendue converfion
de la fceur Francoife de Sainte Aga-
the le Juge j mais il eur Ie chagrin de
voir encore echouer tous fes efforts.
Lvi '
-ocr page 254-
1$X HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt:
i -j 1 <j. Alors defefperant de pouvoir faire
XL. cette conquete , & fe rendant juftice,
M. de char- il penfa qu'il falloit mettre la fceur
tres juecanc 1 ir 1 •                 1            • i>
qu'ii iertuf- du Valois entre les mains duneper-
firok jamais forme qui auroit plus de talent que lui,
a faiie dener                r tr 1                                 -r
la focur du pout reuliir dans une entrepriie qui
vaio_s,iafait eto'lt au-deffus de fes force-., La mere
Mantes. Catherine Chartonnet des Seraphins,
Superieure des Urfulines de Mantes,
pafToit pour avoir un don particulier
pour perfuader la fignature. Elle en
avoit donne une preuve admirable a.
l'egard de la fceur de Sainte Euphrafie
Robert, paralyrique, agee de quatre-
vingt-fix ans, qu'elle avoit fait figner
en lui conduifant la main, parcequ'elle
n'etoit pas en hat de figner feule ,
comme portoit le proces verbal de
cette fignature. Ce rut fur cette four
Chartonnet que M. de Chartres jetta
les yeux pour qu'elle apprit a figner
a la fceur du Valois , qui en confe-
quence fut envoiee a Mantes. Mais
comme la fceur du Valois n'etoit ni
paralyrique, ni agee de quatre-vingt-
fix ans , & qu'elle avoit toute fa rai-
fon & beaucoup de lumiere & de re-
ligion _, la mere Superieure des Urfu-
lines n'eut pas le meme fucces qu'elle
• avoit eu a l'egard de la fceur de Sainte
Euphrafie Robert.
-ocr page 255-
III. Partie. Liv. IV. 155
Dans le voiage de Chartresa Man- \-j\G.
tes la fceur du Valois eut une avan- XLi,
ture extraordinaire , que nous ne . Rencontre
r                     »• cr 1 ' 1                        • • finguliere de
terons pas dimculte de rapporter ici , ia °[aat ju
en laifiant au Le&eur la liberte d'en ,VaIois»<*™s
, .                         ,..            i T la route de
porter tel jugement quil voudra. La chartres 4
four du Valois l'a racontec elle-meme Mantes,
a une perfonne tres digne de foi (34).
Un foir etant arrivee a l'auberge avec
la perfonne qui la conduifoit & la
gardoit a vue comme une prifonniere,
on vit arriver dans la meme auberge
en grand equipage une jeune Demoi-
selle d'environ dix-fept ans. Elle de-
manda a. parler a la religieufe deP. R.
qui venoit d'arriver. Comme cette-
Demoifelle etoit vetue magnifique-
ment, richement paree ? & ornee de
pierreries & de diamans a. fa coefFure,
& qu'ainfi elle paroiilbit d'une grande
diftinftion , perfonne n'eut la har- .
dieffe de s'oppofer a fa demande. Elle
entra done dans la ehambre 011 etoit
la fceur du Valois , fans fe foueier de
fa garde qui s'etoit j'ettee fur un lit
pour fe repofer j & ai'ant tire la reli-
gieufe en particulier y elle commenca
a lui parler avec une telle dignite de
(34) M» Pinault affiire"   meme en 171*, pendant1
tenir ce fait d'une perfon-
   le fejour qu'elle fit a Pa-
ne a qui la fceur du Va-
   ris. Hift. de la derniere
lois l'avoit raconte elle-
   perftcution. T.3- p-14*-
«
-ocr page 256-
________ 254 HlSTOIRE DE FoRT-ROlAL.
1716. toures les affaires de l'Eglife, que h
four du Valois en eWt dans l'admi-
ration , rant pour fon air majeftueux ,
que pour la grace avec laquelle elie
parloit, & pour les chofes qu'elle di-
ioir. Cette admiration fut £ grande
dans la religieufe qu'elle n'ofa Iui re-
pondre ni 1'interroger fur ce qu'elle
lui difoit, ni meme pour favoir qui
elle etoit, quel etoit le motif qui l'a-
voit portee a venir, & autres chofes
femblables dont il etoit naturel de
s'informer en pareil cas.
Comme la four du Valois avoir
ete retenue dans une fi grande capti-
vite aux Filles-Dieu de Chartres,
qu'elle ne favoit rien des affaires de
l'Eglife , ni meme de P. R. depuis
environ quatre ans qu'elle en etoit
fortie , la Demoifelle les Iui apprit
routes en fubftance , jufqu'a lui dire
des nouvelles de la Bulle (35) Uni°t-
nitus ,qui etoit arrivee depuis veu (}6).
Elle confola en meme - terns la reii-
jjf) Ibid. p. 242.            Ainfi |a per(-onne qm- a
(J<) L Auteur des Ml-    parle a la four du Valois
«<«ra,h1ft.T.7.p.170j    dao, fa route, »'a pfi
fcxe11,arrives de la foeur    lui dire des nouvelles de
da Valois a Mantes, le 6    cere Bulle comme etanr
leptembre j7,1: fj ceia    ^^ depuis peu, mais
«lt, la Bulle qui n'a £,£    feulement comme d'iine
donnee que 1« jj feptem-    piece , <fo« OR parloit
'         • '/'I ' n'^roit point   fburdemeia depuis pea.
arrivee depuispeu , com-    Ceftainfi qu'on lit ce faic
we le du M. Pinaulc.     dans les Memoires biito-
-ocr page 257-
III. Partie, Llv. IV. i5j
gieufe & l'exhorra a demeurer ferme iyi<j.
dans le refus qu'elle faifoir de figner.
Elle difoir routes ces chofes comme
en eranr parfaitement inftruite, &
avec rant de zele pour la verire, que
la four du Valois s'en trouva route
confolee & encouragee. Et meme dans
la fuire elle n'avoit qu'a fe fouvenir
de cette Demoifelle pour fe fentir
forrifiee dans les peines & les com-
bats qu'elle eur encore a efluier a Man-
tes pendanr rrois ans.
L'idee qu'eur la foeur du Valois de
cew demoifelle, fur que c'eroir une xirr.
perfonne qui avoir ere envoiee par les vatoisihitiey
amis de P. R. & de la verire pour l'inf- <kHeei de 1*
i             r \ » i»                         Communau-
rruire , la conloler & 1 encourager. ci &Mantes,
Dans cetre idee, lorfqu'elle vinra Pa- & encft Ie~
ris en i j 16, elle en demanda des nou- & v«w.
velles , la depeignanr par fon age, fa
figure & rour le refte. Mais perfonne
ne la connoiiroir, &c la demoifelle eft
demeuree inconnue jufqu'a prefenr.
La foeur du Valois apres certe ren-
conrre ilinguliere 8c exrraordinaire ,
continua fa roure & arriva a Manres ,
tiques; 8c il eft n;ce.(Taire   point une chofc Hen-met"
de lire de cere force (i
   veilleufe que la Demot-
ion adinet la verire de
    felle euc parle A la <ceur
cette rencontre; a moius
   du Valiis de la Bulle
qu'oa ne place l'arrivee de
    Unigenitus, & cette Bulle
la Prifonniere a Mantes
    eroit artivee. Elle ne lui
apres le S feptembre 1715.
    auroit dit que ce que tour
Mais alors ce ne feroic
    autre eut jm lui dice*
»
-ocr page 258-
i$6 Histoire de Port-rotal.
oii pendant pres de trois ans de cap-
tivite elle fut l'exemple de la com-
munaute par fa verm , & en fit les
delices par fon heureux naturel & fes
grandes qualites. Voici le portrait
qu'en fait une religieufe. » Quand
» Madame du Valois (5 7) fut envoiee
jj aux Urfulines de Mantes , on la
» propofa comme une perfonne qui
» n'embarrafleroit point , qui etoit
» d'une humeur commode & aifee a
« vivre. En efFet fon application fut
» de fe conformer en tout aux regies
» & aux ufages de la maifon , fe con-
» ciliant la bienveillance des grands
" & des petits. Elle pouvoit remer-
» cier Dieu comme Salomon,d'avoir
» rec,u une bonne amepar fort, & fon
» heureux naturel etoit perfeition-
» ne par un long exercice de vertu.
» Elle fe trouvoit exaclement a l'E-
» glife avec les religieufes pendant
» la fainte MeiTe , elle ne manquoit
» jamais de s'y profterner tout le terns
» que Ton communioitj & il etoit aife
» de penetrer fes fentimens interieurs
" qu'elle accompagnoit de beaucoup
» de larmes. Elle fortoit la derniere
" de l'Eglife & y faifoit de frequen-
(37) Lettre d'une reli- ta demiete perfec. T. J>
gieufe de Mantes fur !a p, z^j.
ftxut du Valois. Hift. de
-ocr page 259-
III. P a r t r e. Liv. IV. 257
S» tes profternations. Ordinairement 1716.
» apres Vepres elle difoit le petit
» Office de PAnge gardien , quantity
« d'oraifons pour toutes les necefiltes
» de PEglife &c des membres qui la
» compofent. Elle ymettoit fes en-
" nemis au meme rang que fes amis ,
» priant tous les jours en particulier
» pour les uns & pour les autres.
" Elle ne manquoit point a. dire le
" grand Breviaire, & a fe relever a
>' deux heures de nuit, a moins qu'elle
" ne fut tout-a-fait malade. Les jours
" de grande fete ou la communaut^
" dit le grand Office, elle ne fe levoit
" qu'a quatre heures pour fe trouver
" a la demie a PEglife, corpmen^ant
» avec les religieufes par trois quarts
" d'heure d'oraifon , & Papres midi
" demie heure tous les jours; & com-
" me fi les terns deftines a la priere
" ne lui fuffifoient pas , elle en fai-
" foit encore de particulieres dans
" fa chambre.Les pfeaumes lui etoient
" familiers. Elle etudioit fa regie
" tous les jours dans fes constitutions.
" Pour les jeunes & abftinences ,
" elle pafloit fes forces. Patiente dans
" ks maux , elle les fouffroit avec
" resignation , ne fe plaignant jamais
" de la nourriture, mais feulement
" qu'on avoit trop d'egards pout
<
-ocr page 260-
I58 HlSTOlRE CE PoRT-ROlAt.
» elle. Qu'onlafervitfroidouchaud,
« tot ou tard , on la trouvoit toujours
» la meme. Elle fe rendoit tous les
» fervices qu'elle pouvoit , faifant
» fa charabre avant qu'on eut pu le
» prevoir ; 8c etoit auffi utile a la
» fceur qui la fervoit qu'elle le pou-
» voit etre, induftrieufe a prevenir
» fes befoins, bonne , familiere SC
»
reconnoiffante , en forte que cette
» pauvre fille croi'oit avoir tout per-
» du quand Madame du Valois la
» quitta. Son refpect pour la Supe-
» rieure etoit accompagne d'un ait
» de deference qui ne fe dernentoit
» jamais. Elle ne fe pardonnoit pas
" les plus petites fautes a fon egard ;
» quand elle croi'oit l'avoir contrif-
" tee en la moindre chofe, elle lui
» en demandoit humblement pardon
" a genoux ; & fans y regarder de
" trop pres , elle le faifoit meme a
» d'autres perfonnes ; rant elle avoit
» d'amour pour la paix , expiant ainfi
" fes fautes les plus involontaires. Sa
" charite embrafloit egalement tout
" le monde ; chacune croi'oit avoir
» une egale place dans fon cceur.
» Son plus grand plaifir etoit d'en
" faire ; naturellement prevenante &Z
"
polie, mais fans affe&ation dans
» l'efprit de l'Evangile, bonne & par~
-ocr page 261-
III. Par tie. Liv. IF. 159
» fake amie ; elle aimoit la retraite 1716,
» & fa chambre ; on ne la voi'oit
» point aller & venir dans la maifon,
» fi ce n'etoit pour la confolation
» des malades. Elle avoir uh talent
» particulier pour entrer dans les pei-
» nes des perionnes fans affoiblir leur
» vertu. On favoit y etre bien recue
» & on n'en fortoit que plus confo-
» lee, fortifiee & plus portee a fon
" devoir ; ce qu'elle faifoit avec une
» douceur & une moderation qui a
» toujours fait fon caractere particu-
" Her. Tout etoit bien regie en elle
» jufqu'au fon de fa voix. Elle avoit
» fame droite, le cneur excellent, le
» difcernement jufte , mais porte a
" excufer le prochain & a y compa-
» tir. Sa devotion n'avoit rien de fa-
» rouche \ & toute folide qu'elle e-
» toit, les enfans l'approchoient aife-
» ment. Elle fe privoit des douceurs
" qu'elle pouvoit avoir, pour leur
» donner. Dan» les jours de fetes
» qu'on la menoit a la communaute ,
» ou elle etoit demandee 8c defiree ,
» elle en faifoit la joie & 1'edifica-
" tion \ loin d'y apporter la contrain-
" te, on la trouvoit a redire ou elle
" n'etoit pas. Un cceur fi bon ne pou-
55 voit pas fe refufer aux fiens, audi
" regardoit-elie fes parens comma
-ocr page 262-
X<So HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
»  fes premiers prochains, leur rea-
» dant tous les fervices d'ami tie qu'el-
»  Je pouvoit, fouvent dans la vue de
"   leur parler de Dieu & de les fou-
» tenir dans les peines de la vie. Les
»  lettres qu'elle ecrivoit, ecoient tou-
"   tes chretiennes. Elle fe louoit de
»   tout le monde, etoit extremement
<>   refervee a parler des peines qu'elle
•>  pouvoit avoir , non pas par diffi-
>   mulation , mais de crainte de don-
«
  ner trop a la nature. Affidue au tra-
>   vail des mains elle ne perdoit point
>   de terns , filant ou travaillant a
>   quelque ouvrage de devotion ,
» qu'elle fe faifoit im plaifir de dif-
» tribuer, n'ai'ant rien a elle. On s'y
" adrefToit en toute occafion, fachant
" qu'elle n'avoit acception de perfon-
» ne. Enfin la conduite qu'elle a te-
» nue, pent fervir d'exemple aux re-
» ligieuies, qui font obligees de vi-
» vre hors de leurs maifons. Quand
» elle fortit _, la confolation etoit
" qu'elle devoit etre heureufe par
» tout, ce qu'avoit penfe la mailon
» qui avoit ete obligee de la eeder a
" Mantes. Son depart y fut tres fen-
» fible. Chaque religieufe croioit per-
» dre fa mere & fa foeur , & Ton
» conferve a fa memoire , le refpecT:
» 8c l'attachement qui lui eft du.
-ocr page 263-
III. Partie, Liv. IV. 161
Apres lamort de Louis XIV , com- \-j\G.
me on travailloit a faire revenir les xnir.
religieufes de Port - Roi'al dans le' i»Princef-
D° i r f -n ■             »•             /T                 fe douaine-
loceie de Paris, on s interrella parti- Ie de conde
culierement a la four du Valois, s'""en:effe
/               , r i             l           • 1                     Pour la f<EUC
qui etoit la leule , depuis la mort duValois,&
de la mere Prieure , qui demeuroit ohu^ fon
privee des oacremens , parcequeile
avoit conftament refufe de figner j ce
qui faifoit craindre qu'on ne put ob-
tenir pour elle ce qu'on follicitoit
pour les autres. Mais Dieu lui fuf-
cita une puiflante protectrice dans la
perfonne de Madame la Princefle
douairiere de Conde. Ce flit une des
Demoifelles d'honneur de la Prin-
cerTe , qui procura a la four du Va-
lois cette puiflante protection; com-
me nous l'apprenons d'une lettre de la
four du Valois (38) auP. Quefiiel,
Cette Princefle , &c les autres per-
fonnes qui prenoient les interets de
cette religieufe captive , firent tant
aupres de Monlieur le Regent &c
du Cardinal , qu'ils confentirent l'un
& l'autre a fon rappel. Mais fon
Eminence n'ai'ant pas voulu qu'elle
vint dans fon Diocefe , elle lui
fit expedier 1111 ordre pour aller de-
meurer dans l'A'bbai'e de Notre-Da-
me de l'Etree , Diocefe d'Evreux j
(38) Hift. de lajderniefe perfec. T. j. p. xfS.
-ocr page 264-
l6l HlSTOIRE DE PoRT-ROIAL.
I7i6, ordre qui n'etoit pas fi rigour eux ,
que M. le Cardinal ne fut le maitre
de la mettre par-tout ailleurs oii il
voudroit. On manda cela a la four
du Valois, fans lui dire ce que c'e-
toit que cette maifon , qui eft de l'or-
dre de Citeaux & fous la jurifdic-
tion de l'Abbe, & fans lui appren-
dre fi fon Eminence laretabliroit dans
la participation des Sacremens , ou
non. En confequence elle lui ecrivit
la lettre fuivante pour lui demander
la communion.
xtlV-         » Monfeigneur , on m'a donne
Letue de » avis que votre Eminence avoit eu
vaJuilt - la bonte de penfer a moi, &qu'el-
m. le card. » le avoit meme bien voulu prendre
pour'iu'i "e- " ^e f°'n de faire expedier les ordres
mandet la „ necefTaires pour me transferer a
communion. ^ rAbba»e Je pg^ mhs , ou
j)  m'envoie-t-on ? Mais comme j'ap-
»  prens auffi que ces ordres laiuent
»  a votre difpofition de me mettre
j>  ailleurs, ne pourrois-je pas , Mon-
5>  feigneur, obtenir de votre Eminen-
=>  ce la grace d'etre placee dans quel-
  que maifon de votre Diocefe ?
» Si elle avoit la bonte de m'ac-
jj  corder cette grace , j'aurois fujet
»  d'efperer que votre charite pafto-
. «  rale ne me refuferoit pas celle de
«  me retablir dans la participation
-ocr page 265-
111. P A R T IE. L'lV. IV. i.6$
» des Sacremens dont je fuis privee \-j\d,
» depuis plus de neuf ans. Vous fa-
» vez , Monfeigneur , quelle dou-
» leur me doit caufer une fi longue
» privation, &c je puis aflurer votre
» Eminence que c'eft l'unique que
» j'aie reffentie dans l'etat ou je fuis
» reduite. Non, Monfeigneur, rien
» ne m'a ete fenfible que cette priva-
« tion, & rien ne me peut confoler
» dans la douleur qu'elle me caufe ».
j. Permettez-moi done de me jet-
» ter aux pieds de votre Eminence,
» pour la conjurer au nom de Jefus-
» Chrift que vous offrez tous les
» jours a fon Pere pour la fandifica-
»> tion des juftes &c pour la conver-
» lion des pecheurs de votre Dioce-
» fe : je fuis done bien affiiree que
» vous m'y offrez , puifque j'ai le
» bonheur d'etre une des brebis de
" votre bercail: permettez done a
» cette pauvre brebis de vous de-
» mander par fes belemens, par fes
cris & par fes larmes, le pain fans
>» lequel elle ne peut vivre , ni com-
" me un des enfans de Dieu , ni
» comme une des epoufes de J. C.
» Donnez-lui done ce pain , Mon-
feigneur , afin qu'elle puilfe man-
" ger a la table de fon divin Epoux.
» Vous feul la pouvez admettre dans
-ocr page 266-
Z<?4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
5 »> la falle du feftin. Ne la laiflez pas
» pluslong-tems a la porte , nelui en
refufez pas Fentree. Accordez-lut
» cette grace , Monfeigneur , afin
qu'elle foit plus en etat de prier
» avec plus d'inftance le prince des
» Pafteurs pour la confervation & la
» fandfcification du pafteur que Dieu
u lui a donne dans fa mifericorde.
» Mais fi je fuis afTez malheureu-
» fe de voir que vous n'ecoutiez pas
la voix de mes gemiflemens , je
» prendrai la liberte de reprefenter
» a votre Eminence, qu'il feroir inu-
» tile que je changeafle de maifon,
» puifque je ne ferois pas plus heu-
» reufe ailleurs , etant privee par-
tout de la feule chofe qui peut faire
» mon bonheur , & mon unique con-
» folation.
» Profternee a vos pieds , Mon-
« feigneur, je conjure les entrailles
» de votre charite paternelle , d'a-
» voir compaffion d'une pauvre re-
» ligieufe, qui fe fouvient toujours
« devant Dieu qu'elle eft votre fille.
» Ecoutez done fa voix, exaucez fa
m priere j elle vous demande le pain
» de vie, 8c la grace de refter dans
s» votre Diocefe. Si vous me Faccor-
w dez cette grace, ce fera un nouvel
w engagement
-ocr page 267-
III. Parti e. Lb. IF. nS$
»> engagement pour moi de vou's aflu- \-j\^
» rer que je ferai route ma vie , &c.
Cette lettre eft un monument bien
authentique de la tendre piete de la
four du Valois , de ia flerniete ine-
branlable dans Pamour de la verite ,
& de fon attachement a la fincerite
chretienne. On n'y voit aucun affoi-
blifTement; 8c quelque defir qu'elle
eut de recevoir fon divin Epoux dans
l'Euchariftie , il ne lui echappe aucu-
ne parole, qui marque qu'elle vouliit
acheter la communion, en fe rela-
chant tant foit peu de fes premiers
fentimens. Elle demande la partici-
pation aux Sacremens, mais fans au-
cune condition. Aufli M. deNoailles
n'eut garde de joindre cette lettre a"u
recueil qu'il avoit fait imprimer en
1711 j mais jugeant par-la , & par la
longue patience de la fceur du Va-
lois , de l'extreme & infurmontable
repugnance qu'elle avoit pour leFor-
Riulaire, il lui rendit la participation
aux Sacremens fans rien exiger d'elle,
comme nous le verrons. La Princeflfe
douairiere de Conde contribua beau-
coup par fes follicitations a lui ob-
tenir cette grace , ou plurot cette juf-
tice , de M. de Noailles. Ce fut dans
cette vue , que la PrincefTe prote&ri-
Tome X.                          M
»
-ocr page 268-
i.66 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
iji6. ce demanda & obtint que la religieu- |
fe prifonniere en fortant de Mantes, 1
pafieroit par Paris & y feroit quelque I
iejour , avant de fe rendre a l'Abbaie f
de 1'Etree. La femme d'un Avocat fe 1
chargea avec plaifir d'aller a Mantes J
pour l'amener a Paris. Cette Dame fe 1
trouva flattie, & avec raifon, d'une I
telle commiffion , & de concourir a I
tirer de l'oppreulon une religieufe de I
P. R. & meme celle de routes , qui
ai'anr ete la plus fidelle a. Dieu etoit la I
plus opprimee. Les reiigieufes de
Mantes firenr d'abord quelque diffi- |
culte de laifTer fortir la fceur du Va-
lois , difant qu'il falloit en avertir
M. de Chartres. Mais la Dame re-
ponditavec fermete qu'on n'avoit que
faire de l'Eveque de Chartres, quand
le Roi declaroit fa volonte par une
Lettre de cachet, & qu'il falloit lui
remettre la religieufe entre les mains.
Ce qui fut faitle z novembre 171^,
a huit heures du matin. La Dame
remena ainfi la fceur du Valois a Pa-
ris , ou elle la garda trois jours chez
elle : le fecond jour elle re^utordre de
ne la laiffer voir ni parler a perfonne ,
hors elle & Mefdemoifelles fes filles
qui lui tenoient compagnie.
Au bout de ces trois jours elle fut
-ocr page 269-
III. Par tie. Liv. IF. z6j
transferee aux Hofpitalieres de faint 171 <y. "
Marceau, 011 elle paifa encore fept
011 hint jours au-denors, ians que per- Ene eft 3d-
fonne le fut , que la Superieure & mife a la Par-
r-T^                     11           r                   '          ticipation ess
une 1 ounere de confiance qui avoit saacmens.
foin d'elle. Pendant qu'elle y etoit ,
M. de Noailles la mit entre les mains
du P. Polinier (39)5 & en le char-
geant de fa conduite , il voulut lui
dire quelque chofe fur la religieufe.
Mais l'Abbe , qui avoit de la tete ,
pria M. le Cardinal de le laiffer entie-
rement le maitre, & de fe contenter
de lui donner les pouvoirs. L'Abbe
l'alla voir aux Hofpitalieres j & ai'ant.
pris jour avec elle pour l'entendre ,
il la confeffa , l'abfout, fans exiger
aucune retra&ation ni fignature , &c
lui donna jour pour venir communier
a fainte Genevieve a quatre heures
du matin. Quoiqu'une telle heure fut
fort peu commode dans le mois de
novembre , il s'y trouva beaucoup
de perfonnes qui vinrent expres a
fainte Genevieve pour etre temoins
de cet evenement, & joindre leurs
actions de graces a celle de cette bon-
ne religieufe.
La joie qu'eut la fceur du Valois
(?9) Mort Abbe de fainte Genevieve au mois de
"'MS J 717,
M ij .
--...
-ocr page 270-
l$% HlSTOIRE DE PoR.T-K.OlAi.'
~j«j(jf de participer au divin Sacrement de
nos Autels, apres avoir ete Ci long-
tems nourrie d'un pain de douleur
&c de larmes , ne fe pent exprimer.
C'eft alors, qu'etant au comble de fes
vceux, elle die a Dieu dans l'effufion
de fon coeur , qu'elle ne defiroit que
le moment de fa difTolution , afin
qu'apres l'avoir poflede fur la terre,
eile put s'unir a lui pour l'eter-
nite. II differa neanmoins d'exaucer
fon deflr ; il voulut qu'elle edifiat
encore l'Abbai'e de l'Etree par fa pie-
te , qu'elle y repandit la bonne odeur
de Jefus-Chrift, & qu'elle y attirac
plufieurs perfonnes au fervice de ce
aivin Maitre.
XLVI>
          Madame la PrincefiTe fa proteclri-
tafosurdu ce voulant l'avoir aupres d'elle, dans
JSJiT* le refte du terns qu'elle devoit de-
jours au cai- meurer a Paris , avoit demande la
lembouJg1^ Permiffi°n de la faire conduire au Cal-
eiie reSoit les vaire du Luxembourg. C'eft pourquoi
fieuts petfon- lnimediatement apres Ion action de
«*
            graces , elle la fit reconduire dans fon
earofTe aux Hofpitalieres , d'ou elle la
fit mener 1'apres midi au Calvaire.
Ce fut-la qu'elle recut les vifites &C
congratulations d'un grand nombre
de perfonnes diftinguees par leur naif
fance , leur piete & leur merite. Tous
-ocr page 271-
I           111. P ARTIE. Uv. IV. 1<?9
intent edifies de fa modeftie, de fon
amour pour le filence, ne parlant que
pour repondre aux queftions qu'on
j lui faifoit , de fa retenue en parlant
de fes persecutions & de fes perfecu-
teurs , des maifons ou elle avoit ete
prifonniere. Cette retenue n'etoit pas
particuliere a. la fceur du Valois : on
a remarque que toutes les autres reli-
gieufes de P. R. onr eu cela de com-
raun , de ne jamais fe plaindre des
maifons ou elles ont ete: exilees. Bien
plus , il ne leur echappoit meme au-
cune plainte de la deftruction de la
maifon qui leur etoit fi chere ; 6c leur
Bumilite leur faifoit regarder cette
deftruclion , moins comme un efFet
de la haine de leurs ennemis , que
comme une jufte punition de leurs
infidelites, & un effet de la miferi-
corde de Dieu , qui vouloit les pu-
rifier , pour les rendre plus con-
formes a l'image de fon Fils.
Au Calvaire la fceur Gertrude da
Valois s'informa qui etoit cette jeune
Demoifelle qui lui avoit parle dans
fon voiage de Chartres a Mantes ;
mais on ne put lui en donner aucu-
ne connoiflance. Elle demanda des
nouvelles de toutes fes fceurs , & elle
aila voir celles qui etoient revenues
M iij .
-ocr page 272-
%-JO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
ijt6, a Paris & aux environs. Elle alia aufll
dans quelques monafteres, entre au-
tres dans celui des Carmelites de faint
Jacques, on la PrincefTe prote&rice
la conduiiit elle-meme.
Tel fut le rappel de la fceur du j
Valois apres fept annees de captivite; '
tel fut fon retabliflement dans la par- I
ticipation des Sacremens , apres une
privation de neuf annees ; tel fut le
triomphe de cette vierge chretienne,
apres tant d'annees de combats j
triomphe qui ne peut etre attribue
qu'a la puiffante grace de J. C. II
falloit en effet que cette vierge chre-
~r          tienne , reduite dans une affreufecap-
tivite, privee non-feulement des Sa-
cremens , mais generalement de tout
fecours exterieur, fut foutenue d'une
grace bien puiffante pour refifter aux
violentes attaques qu'elle efluia pen-
dant tant d'annees, de la part de tant
de perfonnes, furtout revetues d'une
autorite refpedtable en elle-meme,atta-
ques d'autantplus dangereufes,qu'elles
renverfent fous le pretexte meme de
piete , d'humilite & d'obeilfance ;
attaques qui firent tomber, comme
nous 1'avons vu , fes fours difperfees.
C'eft done ici, qu'on peut dire avec
iaint Auguftin, magna gratia opus eft*
-ocr page 273-
III. Par tie. Liv. IV. 171
Mais il eft bon de remarquer que 1715-.
la grace de Jefus-Chrift, qui a fou- XLV1I,
term la fceur du Valois dans fes zeie de u
epreuves & fes combats , l'y avoit f*g\da^l
preparee par le zele qu'elle lui avoit s'infttime
infpire,de s'inftruire par la ledure. p^nla dl1"
Elle le faifoit en fecret, parceque la
mere Prieure ne vouloit pas, meme
depuis 1706, permettre a fes religieu-
(es de lire les ecrits fur les matieres
comeltees, cro'i'ant qu'il leur fuffifoit
de favoir en general que ces clifputes
ne les regardoient pas , & qu'elles n'y
devoient prendre aucune part , foit
par la creance du fait, foit par la 11-
gnature des Formules qui atteftent ce
rait. La fceur du Valois n'en jugea pas
de meme j & , perfuadee que cette
fimplicite a I'egard du Formulaire ,
qui auroit ete bonne dans un tems de
paix , etoit dangereufe dans un tems
de guerre , elle mit une partie de fa
piete a s'inftruire par la lecture des
ecrits qu'on lui apportoit en fecret.
Un autre ecueil tres dangereux que ^"I"^!*-
la fceur du Valois eut la fage precau-".
tion d'eviter , fut de ne pas ecouter
ceux qui l'exhortoient a faire une
chofe qu'elle etoit bien perfuadee
qu'on ne pouvoit point faire. Quand
on eft. une fois allure qu'on a l'avan-
M iiij
-ocr page 274-
_________ 47* HlSTOIRB DE PoRT-ROlAt
if 16. tage d'etre dans le parti de la verke ;
line faut plus rien ecouter, ni entrer
en difpute avec ceax qui penfent au-
rrement, & qui veulent nous engager
dans leursfentimens. II eft inutile aux
forts, & dangereux pour les foibles,
d'ecouter le menfonge , quelquefois
deguife fous de belles couleurs. Cela
Dorte a dourer,puis a deliberer, enfin
a renoncer a la verke. Quand on
connoit le fruit defendu , & qu'on
ne veut point en manger, il ne faut
poinr s'amufer a le regarder, ni entrer
en converfarion avec le ferpent. » II
» ne faut plus de curiofite , dit Ter-
" tullien, apres avoir re$u les inf-
» mictions de Jefus-Chrift, ni de re-
« cherche apres l'Evangile. Lorfque
» nous croions , nous ne defirons
» point de croire quelque chofe au-
*> dela. Car nous croions d'abordque
» nous ne devons plus rien croire de
» plus que ce que nons croions. Mais,
» difent-ils, il eft ecrit, cherche^ &
» vous trouverei...
il faut chercher juf-
» qu a ce que vous aiez trouve , lorf-
=» que vous avez trouve , il faut croi-
» re ; lorfque vous croiez , il ne faut
» plus penfer qu'a conferver ce que
» vous croiez. Car fi lorfque je crois
, n ce que je dois croire, je penfe qus
........
-ocr page 275-
lit. PahTii*. Liv. IV. 273
je dois encore faire de nouvelles ijks.
*>
recherches , j'ai l'efperance de trou-
w ver quelque chofe de nouveau ; ik
« je n'aurois point cette efperance,
» fi ce n'eft que , ou je ne croi'ois pas,
» quoique je paruffe croire , ou que
» j'ai cefle de croire. Ainfi j'abandon-
» ne la foi & je m'en joue. En un mot,
» perjonne ne cherche que ce qu'il n'a
" jamais eu
j ou ce qu'il a perdu (40).
C'eft ce que la fceur du Valois eut la
prudence d'eviter , & ce qui, avec la
grace, la rendit vi&orieufe.
Apres qu'elle eut demeure quinze
jours ou trois femaines au Calvaire
du Luxembourg , elle partit pour l'E-
tree , accompagnee de la dame qui
l'avoit amenee de Mantes a Pans,
& de Mademoifelle fa fille. La fceur
duValois, toujours foumife aux ordres
(40) Nobis curiofitate    At enim fi quod debut
opus non eft poft Chriftum    credere , credidi , & aliud
Jefum , nee inquifitione    denuo puto requirendum,
poft Evangelium. Cum   fpero utique & aliud ejfe
credimus , nihil defidera-    inveniendum , nullo mo~
mus ultra credere. Hoc    do fperaturus iftud, nifi
enim prius credimus non    quia aut non credideram t
ejfe quod ultra credere de-    qui videbar credidijfe, aut
beamus. Scriptum eft ,    defii credidijfe. Itafidcm
mquiunt, qu<erite & in-    meam deferens nugator
venietis. Quterendum eft    inventor Semel dixerim,
donee invenias , & ere-    nemo quxrit y nifi qui aut
dendumubi inveneris s &    non habuit, aut perdidit.
nihil amplius nifi cufto-    Tettul. de prefcript. c. 8.
diendum quod credidlfti.    & ?,
Mv
-ocr page 276-
i74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAr.
~ iji6, de la Providence, quitta cette grandc
ville ou elle avoit ete rappellee, &
ou Dieu permit qu'elle re^ut des hon-
neurs extraordinaires , avec aurant
d'indifFerence que fi elle n'y avoit
connu perfonne. Ravie de s'enfevelir
de nouveau avec Jefus-Chrift, tout le
tems qu'elle fut obligee de refter a
Paris elle ne cefToit de foupirer vers
le defert, qui fut le lieu de fa der-
niere retraite.
XLIX
         L'Abbaie de PEtree etoit compo-
Etat de i-Ab-fee de trente-cinq religieufes, dont
fcai"e ile l'E |        1 * /           • . °
tree, la fceur la PlllS agee *YOl\ trente " ""9. anS >
du vaiois y & PAbbeffe ou Prieure n'en avoit que
eft bien re- •           t t t •                                    i>
sue.          vingt. JLes Jeluites , qui, comme 1 on
fair, ont une paffion demefuree de
s'introduire par-tout, avoient tente
3uelque-tems auparavant des'ingerer
ans la direction de eette commu-
naute , mais PAbbefle s'en etoit excu-
fee avec efprit. Les religieufes etoient
la-de(Tus dans les memes fentimens
que leur Abbelle, ce qui devoit etre
un prefage que la fceur du Vaiois
feroit bien recue dans une maifon oil
Pon avoit de Peloignemenr pour les
Jefuites. Neanmoins elles parurent
d'abord furprifes qu'on leur envoiat
une religieufe de P. R. Mais la Da-
me qui accompagnoit la fceur du Va-
-ocr page 277-
III. P A R T I E. LlV. IV. ZJ"f
lois s'en etant appercue , elle les eat "j^kJ.**
bientot railurees en leur faifant con-
noitre les excellences qualites de la
religieufe qu'elle leur amenoir. Inex-
perience qu'elles en firent elles - me-
mes , leur fit bientot connoitre la ve-
rite de ce que la Dame leur avoit dit,
de forte qu'elles refpederenr la fceur
du Valois , s'eftimerent heureufes de
la poffeder, & tacherent de lui faire
outlier par les bons traitemens qu'el-
les lui firent, tous les mauvais qu'elle
avoit efluies pendant fa longue cap-
tivite. Elles lui laifTerent route liber-
te , foit pour les Sacremens , foit pour
les livres, foit pour les lettres, 8c la
traiterent en routes chofes comme
l'une d'entr'elles.
Dieu les en recompenfa , car la ElledeVient
fceur du Valois fur pour leur maifon lf bjn^!''c"
, . , ,         r . ,, ,              tion de 1E-
ce qu avoir ete autrefois 1 arche pour tree.
celle d'Obededom : elle en devint la
benediction, &fut 1'inftrument dont
Dieu fe fervit pour y repandre la con-
noiiTance & l'amour de la verite, non
feulement par rapport aux difputes
prefentes , mais encore par rapport
aux obligations chretiennes & reli-
gieufes. Les religieufes de l'Etree
etoient de bonnes filles qui n'avoienc
aucune oppofition a la verite & au
M vj '
-ocr page 278-
1-J6 HlSTOIRE DE PoRT-ROl^t;
1716. bien , mais fans lnmiere. Le fejour dc
la fceur du Valois leur fut utile. Ses
exemples, fes converfarions edifian-
tes , les relations qu'elle leur fit,
firent une impreffion vive fur elles.
Elles devinrent tout autres. M. de
Noailles changea lui - mcme entiere-
ment de difpofition a fon egard ; il
fe faifoit recommander a fes prieres,
lui envoi'a quelques-uns de fes ouvra-
ges, fpecialement fon appel & fa belle
Instruction de 1719 j il devint fon
prote&eur, de perfecuteur qu'il avoir
ete.
*•!•
           Ce fut lui qui avec Madame la
lesdevient U Princelle arreta le faux zele de M. le
p-o edeur de Norinand Eveque d'Evreux , qui dans
la fceur du .                                 -1            , ■ r i
valois, &at-le commencement saviia de trouver
iere le faux mauvais que la fceur du Valois ap-
Noimand. prochat iibrement des bacremens ians
avoir rien figne. Madame la Prin-
cefTe & M. de Noailles lui firent dire
que cette religieufe etoit fous leur
. protection , & qu'il ne fe melat point
de fes affaires , puifqu'elle etoit dans
ton monaftere indep;hdant de fa ju-
rifdi&ion. Cela modera le zele de M.
le Normand.
■u?"' • Quelque-tems apres que la fceur du
an p.* Quef-Valois hit a l'Erree , elle apprir qup
a~l            le P. Quefnel avoic remereie la Prin-
-ocr page 279-
III. P A R T I E. L'lV. IV. X77_______
cefiTe de la protection dont elleavoit 1716,
bien voulu l'honorer ; cela l'engagea
a ecrire a ce Pere , pour lui en faire
fes tres humbles remercimens (41).
Elle lui dit dans fa lettre , qu'etant
membre d'une communaute qu'il a
honoree de fa bienveillance , elle ef-
pere qu'il ne lui refufera pas le fe-
cours de fes faintes prieres, dans lef-
quelles elle a une parfaire confiance,
& auxquelles elle attribue la grace
que Dieu lui a faite de la foutenir y le
pliant de les lui continuer, afin qu'elle
ne fe rende pas indigne de ces gran-
ges mifericordes de Dieu fur elle. Elle
lui marque les obligations qu'elle a
a une des Demoifelles d'honneur de
la PrincefTe protec"brice de la maifon
ou elle etoit, qui avoit mille bontes
pour elle. Cette Demoifelle dtoitMa-
demoifelle d'lliers, qui connoiflfoit &
honoroit le Pere Quefnel. La foeur
du Valois lui temoigne que s'il vou-
loit bien marquer la reconnoiffance
a Madame la PrincefTe & a cette chere
Demoifelle,cela feroit bien , & qu'el-
le lui en auroit une grande obliga-
tion. Pour elle, quoiqu'elle denrar
ardemment un mot de fa main , elle
n'ofe , dit-elle, fe flatter de cet hon-
(4J) Hift. de la derniere perftc. T. ). p. i««.
-ocr page 280-
278 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1 1716. neur , dont elle auroit crop de con-
folation. Enfin elle marque au Pere
Quefnel la part qu'elle a prife a tout
ce qu'il a foufFert, l'aflurant qu'elle
l'a toujours eu prefent devant le Sei-
gneur , qu'elle continue a. lui deman-
der de le defendre, qu'elle Pen prie-
ra route fa vie, eftimant infiniment
le bonheur qu'il a de foufFrir pour la
verite.
tin.
          Le Pere Quefnel ne recut cette let-
ndeiui'faitre-tre qui etoit datee du 15 juillet 1717,
ponfe. que le 21 feptembre fuivant, & y fit
reponfe le 25. II lui parle d'une
maniere trop touchante & trop chre-
tienne de la deftruction de P. R. pour
ne pas rapporter ce qu'il dit a. ce fu-
jet.
» Jene fuis pas capable,dit-il (42),
« ni de vous oublier, ni de negliger
» rien de ce qui a appartenu a la
n fainte maifon qui n'eft plus. Mais
« je ne pourrois vous ecrirefans vous
" en parler, & je fuis accable quand
» je penfe a ce que l'Efprit de Dieu y
» avoit fait & foutenu durant un fiecle
» entier , & que l'efprit du monde Sc
» 1'enfer y ont detruit.
" On s'en confoleroit, dit le Pere
m Quefnel, fi on ne confideroit que
(•(i) Hift. de la derriiere perfec. T. j. p. J.6&
/
-ocr page 281-
III. Far tie. Llv. IV. 279
»  le paflfe. Les murs & tout l'ediflce 1716,
»  materiel font renverfes, a la verite,
"  mais les pierres qui en ont com-
»  pofe l'edince fpirituel ont ete tranf-
»  portees de la terre , apres y avoir
»  ete polies , tunfionibus plurimis ,
»  dans la celefte Jerufalem, pour y
»  etre mifes chacune a leur place, 8c
"  compofer avec les autres elus le
»  temple eternel ou Dieu doit etre a
"  jamais adore. Rien n'eft plus con-
»  folant 5 & 1'efperance que vous a- >
»  vez, ma tres chere mere , d'etre a
»  votre tour tranfportee dans cette
v  region des vivans, & d'y remplir
»  la place que la mifericorde de
»  Dieu vous a preparee dans fon
»  temple, femble devoir efiiii'er tou-
»  res vos larmes. Cependant, quand
»  on jette les yeux fur 1'avenir, &
»  que Ton confidere les biens infinis
»  qui pouvoienc encore lortir de
»  cette fource \ quelle douleur de la
»  voir fermee & detruite , toutes les
"  efperances eteintes & arrachees
"  jufqu'a la racine!
" Mais a quoi penfai-je, ma reve-
"  rende mere , de r'ouvrir vos plaies
'*•  8c de vous remettre devant les
*•  yeux Pobjet de votre douleur ? Car
»  quoique ce foit une fainte triitefTe,,
-ocr page 282-
*§0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt?
» une heureufe mifere , head qui nunc I
fleas, que de gemir fur les peches !
» & fur les pecheurs, & d'affliger fon I
« cceur fur les maux de l'Eglife, il
» eft neanmoins de la charite d'en \
» adoucir l'amertume j & le Saint- I
« Efprit, qui nous doit conduire & I
» animer, a voulu pour notre inftruc- I
» tion, s'appeller l'Efprit de confola- I
» tion,qui confole ceux qui font dans J
» l'abbatement & dans l'hurriiliation. |
" Je le fupplie done , ma reveren-
» de mere, de continuer a repandre j
» abondammentfes confolations dans I
" votre coeur , & je lui rends graces
" de celles qu'il vous a donnees en
" particulier en relachant un peu
» vos liens , 8c en vous rendant la
» liberte de vous nourir & de vous
« confoler par la communion du
« Corps & du Sang adorable de no-
* tre divin Sauveur. Vous avez ac-
« quis, pour ainfi dire , un nouveau
" droit d'y communier, en commu-
" niant^comme vous avez fait durant
» tant d'annees, a fes foufFrances &
» a fa mort j & je ne doute pas qu'en
« vous rafTafiant des delices que les
« faintes ames goutent a la fainte
« Table , vous ne vons foi'ez recriee
»> avec 1'Apotre : ficut abundant pafi
-ocr page 283-
III.Par.tie. Liv.IF. 1S1
'» Jiones Chrifti in nobis , ita & per 171 <j.
» Chrijtum abundat confolatio nofira.
» Sicut focii pajfwnum ejiis ,Jic eritis
» & confolationis.
" C'en eft une grande que de n'a-
» voir eu devant les yeux que la vo-
» lonte de Dieu , d'etre toujours de-
» meuree attachee a Jefus-Chrift, le
» temoin fidele, & d'avoir tache d'i-
» miter fa fidelite , en ne prenant
» aucune part a ce qui eft contraire a
» fa verite. Que toute la gloire lui
>> en foit donnee , & rendez - lui - en
» graces en lui ofFrant fans ceffe le
» facrifice d'une humble reconnoif-
» fance & d'une humilite xeconnoif-
» fante, en lui difant, comme l'Eglife
» le fait dire aujourd'hui aSteThe-
» cle, tenuijii manum dexter am meant
» Domine
_, & in voluntate tua dedu-
» xijli me
j dans Pefperance d'y ajou-
» ter avec cette fainte : cum gloria.
» fufcepijli me
«.
Le Pere Quefnel ajoute, que ces
paroles ont deja leur verite par rap-
port a la glorieufe protection que
Dieu lui a procuree dans la perfonne
de la fereniffime Princeffe de Conde j
qu'il en a eu de la joie non-feulement
pour elle , mais encore pour cette <?p-
fait
nereufe prote&rice dont Dieu a
-ocr page 284-
i8i HlSTOIRE DE PoRT-KOlAL.
~£~ choix comme d'un inftrument de faf
{•rovidence 8c de fa mifericorde 3 pour
ui en faire fentir les effets dans fon
befoin \ que c'eft une marque fingu-
liere de la bonte de Dieu fur les
Grands, lorfque celui qui a eu def-
fein en fa naifiance de rendre fa gran-
deur humaine meprifable, & de met-
tre les richefles de la terre au decri
en naiflant pauvre , en s'aneantiflant
dans fa chair , femble faire une exce-
ption de faveur & dejjraces pour une
PrincefFe en la choififfant entre tou-
tes afin de la faire fervir a quelqu'une
de fes ceuvres , & a relever , pour
ainfi dire , de la pouffiere une arne
que les Grands & les Puiffances de la
terre avoient humiliee ; que cette gra-
ce eft peut-etre la femence d'une plus
grande : que ce grain de feneve de-
viendra un grand arbre, & pouffera
de fi grandes branches que les oifeaus
du ciel repoferont fous fon ombre.
Quoique le pais (la Hollande) oil
fe trouvoir le Pere Quefnel, & les af-
faires auxquelles il avoit part, le dif-
penfafTent de beaucoup de devoirs,
8c femblalfent meme les ltd interdi-
re , fur - tout a l'egard des perfonnes
d'un rang eleve, il marque a la fceur
du Valois qu'il tachera de paffer fur
-ocr page 285-
III. P ARTIE. LtV. IV. 1% j
cette confideration, puifque cela lui \-j\6.
fait plaifir & qu'elle le croit utile d
1'egard de la fereniffime PrincefTe &
de Mademoifelle d'llliers, fa demoi-
felle d'honneur , dont il connoit de-
puis long-tems la piete , le zele & fa
Donte pour lui.
Enfin il finit en remoignant qu'il
eft confus des fentimens que la cha-
rite de la four du Valois lui infpire
fur fon fujet \ qu'il craint fort pour
lui ce reproche du Sauveur a l'Eve-
que de Sardes : vous ave% la reputation
d'etre vivant
, & vous etes mort: mais
qu'il efpere que Dieu ecoutera le cri
que fa charite pouffera pour lui vers
le ciel.
La fceur du Valois fut un exemple liv.
de verm dans l'Abba'ie de l'Etree de- . vie ,de,/a
puis le moment de ion arnvee julqu a lois .dans
celui de fa mort: elle porta avec edi- f.wf* de
fication tout le poids des obfervances
de cette maifon. On la trouvoit tou-
jours la premiere a tout. Sa memoire
Yfera a jamais en benedi&ion. Tou-
jours on fe fouviendra qu'elle etoit
la confolation des affligees & la force
des foibles. Les trois dernieres an-
nees de fa vie fe paflferent dans des
foaffrances continuelles. Dieu la vou-
lut fan&ifier en la faifant paflTer par
-ocr page 286-
i. 84 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAfc>
j7I(j# toures fortes d'epreuves. Elle etoitltt-
jette ades coliqaes d'une violence ex-
traordinaire , qui ne lui donnerent
prefque plus de relache j les acces en
etoient longs & violens, & la met-
toient toujours en peril de mort. lis
etoient fi frequens qu'elle ne paflbit
quelquefois pas quinze jours fans ref-
fentir quelqu'une de ces violentes at-
taques, qui duroient fouvent trois &
quatre jours avec un vomiflemenc
continuel. Elles etoient quelquefois
moins longues , mais toujours egale-
ment violentes & dangereufes j meme
dans les intervalles que lui donnoit
le mal, elle en refientoit toujours
quelque douleur.
Cette maladie , qui la mit abfolu-
ment hors d'etat de fuivre la regulari-
re, l'affligea beaucoup ; elle ne cefToit
de fe reprocher les foulagemens que
fes infirmites l'obligeoient de prendre.
Elle difoit fouvent qu'elle n'etoit plus
religieufe , que fes meres qui l'avoient
prec^dee ne voudroient plus la re-
connoitre. Souvent, malgre la Ian-
gueur ou elle etoit reduite, elle fe
trainoit au chceur pour s'unir avec
des perfonnes qu'elle croi'oit plus
agreables a Dieu qu'elle. Elle a fou-
vent ete a Matines , meme depuis
-ocr page 287-
III. P A R. T I E. LlV. IF.      185
qu'ofi les a dites a deux heures dans x-x ^
cette communaute , avec un com-
mencement d'attaque de colique 8c
ai'ant prefque la mort peinte fur le
vifage. Elle a pone cet etat d'infir-
mite avec une patience invincible ; &
an plus fort de fes douleurs qui etoient
cruelles , elle n'ouvroit la bouche que
pour prier Dieu de la foutenir. Telle
a ete la fceur du Valois , aufli edifian-
te dans fes etats de fouffrance par fa
patience & fa foumiflion a. la volonte
de Dieu , que par fon exactitude lorf-
qu'elle etoit en fante.
Enfin apres trois annees de fouf- tv.
frances continuelles Dieu voulut finir maiadfe"'^
les travaux de fa fervante, & couron- m°" de •*
net fes dons en recompenfant les me- i0is,
rites de cette fainte religieufe. Elle
tomba dans une fievre continue avec
une oppreffion de poitrine & les dou-
leurs de fa colique. Sa maladie qui
dura fix femaines fut tres doulou-
reufe j elle fut douze jours aux portes
de la mort, mais fa foi la rendit tou-
jours fuperieure a fes maux 5 & com-
rc»e , des qu'elle fut attaquee de cette
ttaladie, elle fe fentit frappee a mort,
ion unique application hit de fan£ti-
fier fes dernieres fouffrances en les
ftniflant a celles de notre divin Re-
-ocr page 288-
286 HlSTOIRE DE PoRT-ROMX.
dempteur. Au plus fort de fes doit-
leurs elle n'ouvrit pas la bouche
pour fe plaindre. Elle s'oublioit en
quelque forte elle - meme & routes
fes fouffrances, pour ne s'occuper que
de 1'eternire. Elle fit paroirre un de-
tachement parfait de routes les cho-
fes de la terre & routes £es penfees e-
toient dans le ciel. Elle re^ut imme»
diarement avant l'Extreme - onclion,
le Saint Viatique avec une foi & un
amour que toute expreflion ne fau-
roit exprimer ; & pendant douze jours
qu'elle fut pour ainfl dire a 1'agonie ,
toute fa confolation etoit de jetter
les yeux fur un Crucifix qui eroit rou-
jours fur fon lit, & d'en baifer les
pieds avec foi. Elle fe faifoit lire
de terns en tems quelque chofe de la
Paffion de Notre Seigneur, ou des
pfeaumes, 6c elle alloir fans eerie au-
devant de fon celefte epoux par l'ar-
deur de fes defirs. Que ce dernier mo-
ment ejl long a venir !
difoit-elle; Sei-
gneur , ne me delivrere\-vous pas bien-
tot ?
Elle eut une parfaire connoif-
fance jufqu'a la mort, & elle ne cefla
de faire a Dieu le facrifice de fa vie.
La furveille de fa mort, fe croi'ant
plus proche de fa fin, elle fe fit dire
hs prieres de 1'agonie arm d'avoir la.
-ocr page 289-
III. Pas.tie. liv.IV. z$j
confolation de les fuivre. Elle confo- ~T~~r~m
loit & foutenok les perfonnes qui s'af-
fligeoient defa mort,d'une maniere
egalement forte &chretienne , & Ton
n'ofoi c prefque paroitre attendri de fon
etatdevantelle. Sa paix & fa tranquil-
lite ont ete fi conftantes, qu'on ne peut
les regarder que comme un heureux
prefage de celle dont elle jouit mainte-
nant dans le fein de Dieu meme. Elle
mourut faintement, a l'age de foixante
&: fept ans , fept mois & dix - huit
jours, le 7 novembre 1722, veille
du jour auquel 40 ans auparavant elle
s'etoit confacree a. Jefus - Chrift par
les voeux de la religion 5 & elle alia
s'unir a fon celefte epoux , & celebrer
fes noces dans l'eternite bienheureufe.
Si les autres religieufes de P. R. tvi.
exilees n'eurent pas l'avantage de per- au^e°rt J".
leverer comme la fceur du Valois dans gieufes'de p.
les fentimens qui leur etoient com-R"
muns avant leur difperfion , Dieu
leur fit la grace de fe relever, comme
nous 1'avons vu, &: de reparer la
faulTe demarche qu'elles avoient fai-
te (43). Elles ont edifie par leurpiete
(43)H faut excepter la   miere par gout, la fecon-
fffiar le VavafTeur , 8c   de parceque 1'AbbelTe de
Peut ecre la foeur de Ste   Bellefond s'oppofa a fa
tyncletique , qui refterenr   fortie.
daus leur c&il , la pre-
-ocr page 290-
l88 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
"TT77 & leur reeularite toutes les commii-
J71"-              > •■ u c                   c i           \
nautes ou elles rurent transferees aprcs
la mort de Louis XIV, & elles ont
termine leur carriere par une mort
auffi fainte que leur vie l'avoit ete.
Rien n'eft plus edifiant que les mo-
numens & les relations qui nous ref-
tent de la mort de quelques-unes.
Le Pere RoiuTeau de l'Oratoire , qui
demeuroit dans la maifon des Ver-
tus , nous a conferve, dans deux let-
tres ecrites aux religieufes de P. R.
exilees a Malnoue , les circonftances
de la derniere maladie & de la mort
de deux de ces faintes lilies, dont il
etoit le Diredeur ; favoir , de la four
de Flefcelles morte le 17 Janvier 1714
dans l'Abbai'e de fainte Perine pres de
Paris; & de la four de Sainte Celi-
nie Benoife , morte dans la mcme
Abba'ie le 14 Janvier 1725. Nousne
repeterons point ici ce que nous
avons dit ailleurs de chacune en par-
ticulier, en parlant de leur exil, de
leur fignature & de leur rappel.
lvii.          Pour ce qui eft des converfes, il
CoLnverfeUrS &*« d ajouter a ce qui en a deja ete
n'ont ^ pas dit, qu'elles n'edifierenr pas moins les
S» Ui teU. communautes ou elles furent mifes,
gieufes de que [es religieufes de choeur. La four
chaur• Catherine dAfflon de Sainte Thar-
file
-ocr page 291-
III. Partie. Liv> IF, %%9_______
file aiarit ete transferee de la Prefen- I71£g
tation de Senlis dans l'Abbai'e de
Malnoue le 13 decembre 1719, y
mourut le 5 decembre de l'annee fui-
vante. Pendant l'efpace d'une an-
nee (44) qu'elle y vecut, » eiie edifia
par fa fimplicite , fon huniilite &c
fa piete ( ce font les termes dans
lefquelles il eft parle d'elle dans un
memoir* qui vient de l'Abbai'e de
Malnoue). Elle avoitde TefpritSc
des lumieres au-dellus des filles da
fon etatj mais fon attention etoit de
n'en rien faire paroitre, & de ne
laiiler voir que ce qui convenoit a
la fimplicite d'une religieufe con-
verfe , 8c pour cela elle ne parloit
que pour les chofes abfolument
neceffaires. Lorfqu'elle approchoit
des Sacremens , c'etoit avec une
piete capable d'en infpirer aux au-
tres & de ranimer leur foi & leur
devotion. Sa mort ne fut pas moins
edifiante que fa vie.
Une autre converfe nominee De- Tvnr
nife Noifeux de Ste Bafilifle, tranf- u feut S*
feree de l'Abbai'e de S. Paul de Beau- S*f£*fiu#
vaisa Malnoue, le 27 odobre 1717, e
(44) Elle avoit deman- qu'elle avoit faite eu fi-
de a Dieu une annee pom gnant.
"ire penitence de la faute
                               
Tome X.                        N
-ocr page 292-
IfO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
i7I(j, edifia pendant neuf ans qu'elle y de-
meura,par fon afliduite a remplir tous
les devoirs de fon etat, par fon amour
pour le travail & pour la retraite
qu'elle gardoit fi exa&ement qu'on
ne favoit qu'elle etoit dans la maifon,
qu'en la voi'ant a l'Eglife. Elle mou-
rut le ii decembre 1716 agee dej}
ans.
tIX#         La four Agnes de Sainte Blandine
la focur-                           b              r
i-orgtt. Forget, autre convene, partagea avec
fes fours tout ce qu'elles eurent a
foufFrir , l'exil , les mauvais traite-
mens, les follicitations des fcducFeurs;
mais il y eut cette difference que fes
fouffrances furent plus longues , &
qu'elle n'eut pas comme fes fours dif-
perfees la fatisfacFion d'etre rappellee,
fatisfacFion qui fivt un adouciffement
confiderable pour ces faintes filles. La
four Forget apres avoir ete d'abord
mife en depot a S. Denis , lors de la
difperfion , fut transferee a Rouen ,
puis dans l'Abbaie du Paraclet, Dio-
cefe d'Amiens , oii elle eut beaucoup
a foufFrir depuis fon entree Tan 1714
dans une maifon extremement preve-
nue contre P. R. jufqu'en 1731 qu'on
la transfera le u du mois d'aotit a
l'Hotel-Dieu de la meme ville. Elle
y fut recue & traitee avec beaucoup de
-ocr page 293-
III. Partie. Llv. IF. 19r
charite par les religieufes, dont elle I7i<j,
fut edifiee & qu'elle edifia elle-meme.
Ce fuc fon dernier exil: elle y confom-
ma fon facrifice le 24 leptembre 1738
a Page de quatre-vingt- qaatre ans ,
dont foixante de profeilion, ai'ant fur-
vecu a toutes les religieufes de P. R.
rant du choeur que converfes.
Nons nous etions engages a fuivre
ces victimes de la fincerite chretienne
dans tous les endroits ou elles ont et6
transferees depuis la difperfion gene-
rale en 17051, jufqu'au moment ou
Dieu les a delivrees lui-meme de la
main des hommes en les retirant de
ce monde. Nous voila arrives a notre
but par la mort de la derniere reli-
gieufe de P. R. qui doit etre le terme
de cette hiftoire.
Fin du Line Quatrieme\
Nij
-ocr page 294-
2<?2 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
LIVRE CINQU1EME.
I7i6.
Nous croi'ons neanmoins devoir
encore entrer dans quelques details
fur la vie edifiante de plufieurs do-
meftiques qui furent chafles lors de
la difperiion, & dont nous n'avons
point parle afin de ne pas interro'nv
pre la fuite de notre hiftoire. Ce
que nous rapporterons de ces faints
domeftiques, quelqu'abrege qu'il foit,
fervira a faire connoitre a la pofte-
rite, qu'il n'y avoitrien a. P. R. qui ne
repandit la bonne odeur de jefus-
Chrift, & qui ne rappellat lapiete des
j. fideles des beaux jours de l'Eglife.
AbiegeJe la Louis l'Epargneur, ne en Thierra,-
l-Epargncu"',8 che 5 cordonnier de P. R. des Champs
cordonnier pendant plus de dix ans , fut un des
de P. R. desr,         •» r,            , , J       • / V c J»
champs , plus grands modeles de piete &c de
mort le n toutesles vertuschretiennes (4<)-Pen-
dan- ion travail 11 avoit toujours ion
nouveau Teftament ouvert devant
lui fur un pulpitre, & fon pfeautier
qu'il recitoiten travaillant. II les avoit
fi fouvent lus & avec tant d'atten-
tion qu'il les favoit par cceur. Jamais
(41) Hill, de !a derniere perfecution. T. }• p. 3*7'
Mem. hift. T. 7. P. j»8.
-ocr page 295-
III. Partib. Liv. F. l$i
ll ne parloit que par neceffite &par 1716.
charite. GhalR de P. R. en 1709 , if fe
retira a Ste-Pelagie dans le fauxbaurg
de S. Marcel a. Paris, ouil continuala
meme maniere de vivre. Mais l'amoar
de la retraitelui fit quitter cette mai-
fon a caufe de la dillipation que lui
occcafionnoit l'emploi de portier , &
il alia demeurer dans la rue de la
Truanderie chez les Freres Cordon-
niers, qu'il edifia jufqu'a. fa mort ar-
rivee le 11 juin 1711?, jour de la fete
du Saint Sacrement. II repofe dans le
cimetiere des Saints Innocens.
Bouchier ( dit le grand Pierre) ne
a GrefTet village de Gafcogne, vigne- Abregi d£ u
ron de profeilion , remplifToit dans ™ ^'"^
cet etat tous les devoirs d'un verita-
ble Chretien (46). Les jours ouvriers
il travailloit en efprit de penitence ;
& fan&ifioit les Dimanches 8c les
jours de fetes en alliftant r^guliere-
ment aux offices. II s'affocia trois ou
quatre jemnesgarcons, fifflples comme
lui, d'un meme efprit. lis avoient tous
une faim infatiabie de la parole de
Dieu , qu'ils devoroient, pour ainfi
dire , lorfqu'ils en trouvoient l'occa-
fion. Elle fe prefentoit rarement, le
(4«) Hift.dela dermce perfecution. T. ;.p. 31&.
M«n. hift. T. 7. p. }>7.
                            ,
N iij
-ocr page 296-
J(?4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1720. Cure du lieu ne prechant jamais j de
forte qu'ils n'avoient d'inftruction que
lorfqu'il etoit malade oil abfent. Alois
quelque Pretre venant tenir fa place
lifoit le faint Evangile & prechoit.
Dans cette famine fpirituelle ils ne
ceffoient de demander a Dieu la gra-
ee de le fervir felon le veritable ef-
prit de l'Evangile.
_ ni.
          Cette penfee etoit toute la confo-
foUun'hom" lation de Pierre dans fes travaux con-
jne apoftoii tinuels. Toute fon ambition etoit de
2'sVttaci?e!e connoitre l'Evangile: ce fut dans cet-
te vue qu'il entreprit a l'age de trente
ans d'apprendre a lire. Pour cela il
s'adrenoit a ceux de fon village qui
pouvoient lui donner des lemons. Ne
pouvant pas y donner beaucoup de
terns a caufe de la neceflite ou il etoit
de travailler pour gagner fa vie, il
n'avanc,oit pasbeaucoup. Lorfqu'il eut
un peu appris a lire, il lifoit l'Evan-
gile a fes compagnons & s'en entre-
tenoit avec eux, foit pendant le tra-
vail , foit apres , fe reunilfant enfem-
ble pour ce faint exercice fans perdre
un inftant pour s'inftruire.
Enfinil pluta la bonte de Dieu de
leur envoier un homme apoftolique
pour leur rompre le pain de fa divine
parole 8c les en nourrir pleineraent.
-ocr page 297-
III. P ARTIE, liv. V. 295
Ce Miniftre dont Dieu fe fervit etoit TTtol
le Pere Vincent Comblar Cordelier ,
qui rempli d'un zele eclaire alloit de
village en village precher l'Evangile,
Ce zele , & fur-tout la purete des ma-
ximes qu'il annoncoit conformement
a l'Evangile , lui attira fouvent des
perfecutions tant de la part de fes
propres confreres que de celle des
Ecclellaftiques. Dieu Pa'fant conduit
a GreflTet, Pierre & fes compagnons
furent des plus ardens a profiter de
cette grace , regardant le Pere Vin-
cent comme un Ange envoie de Dieu,
& fes inftructions comme une manne
dont ils ne laiiToient pas perdre une
miette. Ce bon Miffionnairenon con-
tent de precher tous les jours des le
matin , & le foir lorfque chacun etoit
revenu de fon travail, alloit encore
pendant la journee a la campague ,
tant pour travailler lui - meme que
pour inftruire les Ouvriers. Pierre en
fut fi touche qu'il ne voulut plus
quitter le Pere Vincent, & s'attacha
a lui, le fuivant par-tout. Pierre tra-
vailloit a ce qu'il pouvoit dans les
lieux oii il fe trouvoit j le Pere Vin-
cent travailloit aufli lui-meme lorf-
qu'il n'etoit pas occupe a inftruire les
peuples. Ainu" tous les deux vivoient
N iiij
-ocr page 298-
%<)6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
xjzo. du travail de leurs mains pour n'etre
a. charge a perfonne. Une conduite fi
definterefTee edifia beaucoup & pro-
cura grand nombre de converfions,
Dieu repandant fa benediction fur
des travaux fi apoftoliques.
lv;
          Le Pere Vincent etant oblige de
II vient &            ■ \ p.                                      ,                  B .
t. r. aye: le vemr a Fans pour quelque affaire ,
«^Wfcr?nt ne maiKlua Pas d'aller s'edifier a P. R.
des Champs, & y mena Pierre , qui
fe crut dans un nouveau monde, ou
la juftice habitoit, ou la verite etoit
connue & adoree , & ou la charite
xegnoit plus qu'en aucun lieu du
monde. II en fortit a regret , mais
w: dans l'efp4sa&ce d'y revenir tin jour,
, & continua d'accomp^gher le Pere
Vincent jufqu'a ce que ce faint horn-
me fut refferre dans un Couvent de
fon ordre par fes Supetieurs , qui lui
interdirent la predication.
Alors force de quitter fon cher
maitre , fon cceur le porta a P. R. &
il y alia avec quelques-uns de fes an-
ciens compagnons. 11 y fut recu avec
la charite qui faifoit le cara&ere par-
ticulier de ce faint monaftere. On le
chargea du foin du moulin ; & dans
les momens qu'il n'y etoit pas occu-
pe, il travailloit au jardin. Dans cette
occupation il fut un fujet d'edificatjon
-ocr page 299-
- III. P ARTIE. LlV. V-      197
pour route la maifon. Apres fon tra- 1710.
vail il etoit uniquement occupe a la
p"iere, ou a la mediation des fain-
tes emtures; il s'en entretenoir avec
fes tompagnons, & elles lui etoient
fi pre'.'entes qu'il fembloir les avoir
etudiees route fa vie.
On ne peut porter plus loin le de-- v.
rachement que Pierre le portoit. Ja- So° <^fin*
-i »              1 •                         -i tereflement.
mais il n a voulu nen recevoir des
religieufes que la nourrirare & le ve-
tement; il recevoir encore moins des
autres. Quelqu'inftance qu'on lui fir,
il ne fut pas poffible de lui faire ac-
cepter vingt-cinq ecus que M. le Dau-
phin avoit ordonne qu'on lui donnat
pour le recompenfer de ce qu'il
avoir fair forrir de l'etang un cerf que
le Prince charToit. II repondit que;
» les fainres religieufes qu'il avoir le
» bonheur de fervir , prevenoient
» rous fes befoins avec rant de cha-
» rire que rien ne lui manquoit ;
» ajoutant que la Providence ne l'a~
» voit jamais abandonne , qu'il fe re-
» pofoit fur elle ; que tant qu'il fe-
» roit fidele a Dieu , elle ne l'a-
» bandonneroit jamais «. Les OfE-
ciers du Prince pleins d'admirarion
le prefferent encore 8c lui dirent, que
s'il n'avoit pas befojn de cet argent,
N v
-ocr page 300-
29S HlsTOIRE DE PoRT-ROlAI.
"liio. ^ pouvoir le donner aux pauvres.
« vous pouvez , dit-il , le donner
« vous-m;ine , cela fera m eux.
Dans une autre occafion , Pierre
ai'ant ece force par le Comte de Tou-
loufe, auquel il avoir rendu fervice
en lui facilitanr la prife de ce qu'il
pourfuivoit, de recevoir de l'argent^
il alia fur-le-champ le porter au rour
du monaflere , & dit : je n'ai que
fai~e de cet argent
_, cell rri'embaraffe,
achecez en du beure fi vous voulez.
Enfin fon detachement alia fi loin,
qu'il ne voulut jamais que les religieu-
fes de P. R. qui prevoioient ce qui
pouvoit arriver a leur maifon, lui af~
fiirafTent une petire penfion : il rc-
pondit ^enereufement que » quoi-
» qu'il fut devenu caduc, & dans un
» age tres avance, la Providence ne
» feroir jamais detruite, qu'elle etoit
» plus afluree que tout ce qu'on vou-
» droit lui donner ; que fon Pere , qui
» etoit dans le ciel, avoit foin des
» petits oifeaux, & qu'il ne lui man-
» queroit pas; que le faint Evangile
» etoit fa caution j que fon unique
» inquietude etoit de n'etre pas aflez
» fidele a Dieu , qui lui avoit fait
» tant de graces , & particulierement
» celle. d'ayoir pu apprendre a lire
-ocr page 301-
III. Partie. Liv. V. 199'
r> le faint Evangile & d'avoit connu 172.0.
» la maifon de Port-Roi'al.
Son recueillement continuel & fa vi.
modeftie edifioient & charmoient .Sa
rmof!ef*
• ,          ...           T r ,., tie, fa riew..
tous ceux qui le voioient. Lorfquil
alloit a la lainte table , il otoit fes
fouliets pour marquer fon profond
refped pour nos faints Myfteres. La
condune de cette homme admirable
etoit telle , qu'on ne pouvoit le voir
fans fe rappeiler ces paroles de notre
Seigneur , dont on voioit l'accomplif-
fement parfait en lui : je vous rends
graces > Seigneur
_, Pere du del & de la
terre j de ce que vous ave\ cache ces
chofes aux fages & aux prudens du fie-
cle
_, & que vous les ave% decouvertes
aux fvnples & aux peats*
II y avoit pres de trente ans que
Pierre demeuroit a P. R. lorfque Ten- Ses demie-
nemi de tout bien vint a bout de de- »s ana6es »
mure ce fanctuaire. II en fut chafTe a
en 1709 , ainfi que tous les domef-
tiques, 6c on lui oftrit pour trente an-
nees de fervice , la fomme de cin-
quante fols, qu'il refufa. II fe retira
chez un ami de P. R. au Fauxbourg
Saint Antoine a Paris , ou il refta
cinq ans, menant la meme vie qu'il
avoit menee a P. R. Les religieufes
de Notre-Dame de Lieflfe ai'ant tc-
N v^
-ocr page 302-
}0O KlSTOIRE DE PoRT-ROIAE;
' ,-io ' moigne du defir d'avoir chez elle cer
homme refpe<5table , fon hote n'ofa
$?y oppofer. Mais il regard a la fortie
de Pierre comme une perce confide-
rable & comme une punition den'a-
voir pas aiTez piofite de (es exemples.
Pierre fur traite a Lie.Te avec toute
h. charite & la confiderarion qui
etoit due a fa piete. II y travailla au
jardin aucant que fes forces le lui per-
mirent pendant environ quatre ans;
apres quoi on lui procura une place
aux Incurables ; oii il porta la bonne
odeur de Jefus-Chrift, & edifia rou-
te la maifon pendant trois ans envi-
ron qu'il y vecut. Enfin plein d'ar-
deur pour aller jouir de la presence
de Dieu , apres lequel il foupiroit
depuis tant d'annees, & qu'il avoit
fervi avec tant de fidelite, il termina
faintement fa carriere au mois de
decembre 1720, age de pres de qua-
tre-vingts ans.
V1^-
         Moliac, (dit le Petit Pierre ), ne
(«?ie d'pier-doit pas etre fepare de Pierre Bou-
se Moliac. chier, dont Dieu s'etoit fervi pour
le gagner. L'un & l'autre furent
difciples du Pere Vincent (47). L'un
& l'autre eurent l'avantage de demeu-
rer a P. R. Lors de la deftruction de
U7) Hift. die la derniere perfec. T. j» p. &fo
-ocr page 303-
III. Partte. Llv. V. jot
cette faince maifon, Pierre Moliac fe 1724,
retira , avec deux autres domeftiques
chaiTes comme lui de P. R., chez un
ami qui logeoir au Fauxbourg Sainr
An tome j oil apres avoir refte quel--
que tems , iis fe feparerent. Pierre
Moliac refta avec cet ami , qui le
mena avec lui dans une maifon atte-
nant l'Eglife de Saint Nicolas des"
Champs , dont il fit l'acquifition. It
J fut attaque du fcorbut 8c transfere „
malgte fori charitable hote, a l'Hotel-
Dieu, dans l'efperance qu'il y trouve-
roit des remedes plus convenables que
chez un particulier : il y edifia les
religieufes & tous ceux qui le voioientr
par fapiete, & mourut le 25 juillet-
1724, dans les fentimens d'un vrai
chretien , qui a toujours ete nourri
de l'Evangile. L'ami prit foin de le-
faire enterrer aux Saints Innocens ,
ou on lui fit un fervice. Ce faint
Jardinier avoit fait un teftament qui
eft trop edifiant pour ne pas le rap-
porter ici.
Au nom du Pere , & du Fils, &
du Saint Efprit. Ainfi foit-il.
~ Je foufllgne , Pierre Moliac an- TJ^(Bt
» cien Jardinier de l'Abbaie de P. R.aePieiteMo-
•p des Champs, jouiiTant d'une fynte fae*
-ocr page 304-
JOl HlSTOIRE OS PoRT-KOIAt.
"1724. » p.irfaite , & occupe ferieufement ?
» vu mon grand age , du ccmpte que
» je dois rendre au tribunal de J. C.
n mets en ecrit mes dernieres vo-
» lontes & les eonfacre a la gloire
» de la tres fainte & adorable Trim-
» te , d un feul vrai Dieu en trois
» Perfonnes , Pere } Fils , & Saint
» Efprit , avec un tres grand defir
s» d'etre par fa mifericorde dans rou-
» re l'eternite avec Jefus-Chfift 8c
» par Jefus-Chrift, l'adorateur de ce
» myftere ineffable.
» J'ofFre a la Majefte de Dieu ma
» mort, comme un facriflce de jufti-
» ee, dont je lui fuis redevable &
» la derniere penitence qui par fa
*> grace detruira en moi le peche
»> pour jamais. Je me foumets aux
» arrets de la divine Providence
m pour le lieu , le terns , l'heure 8c
» la maniere de mourir , quelques
r> rigoureux qu'ils puifTent etre a mon
" egard. Profterne de coeur & d'ef-
» prit aux pieds de mon Sauveur Je-
» fus-Chrift, mon Diea & mon Ju-
« ge, je condamne par avance tout
» ce qu'il condamnera en moi. Je
» fuis comble des dons de fa grace:
» qu 11 n'entre point en jugement
» avec foa ferviteur fur les abusque-
-ocr page 305-
III. Partie. Liv. V. 30?
» j'en ai faits \ mais qu'il fe fouvien- iji^,
» ne qu'il m'a tout remis pour la
» louange de fa meme grace dans
" l'ouvrage de mon falut. Je fupplie
» la fainte Vierge Mere de Dieu de
» prier pour moi Notre Seigneur fon
" Fils a f'heure de ma mort. J'implore
» a cette derniere heure de ma vie , la
» protection de S. Michel archange,,
» de mon S. Ange Gardien, de faint
" Pierre mon patron, contre les pie-
» ges & les tentations du Demon
» notre ennemi commun. Je fupplie
» tous les Saints & Saintes du Para-
- radis j en particulier les Saints &c
» Saintes, qui par la grace de No-
» tre Seigneur Jefus-Chrift fe font
» fandtifies dans la maifon religieufe
" oil la Providence m'a fi heureufe-
» ment conduit pour etre inftruit de
» ma religion, & edifie par tant de
" bons exemples , de s'unir a moi,
" pour obtenir de la clemence de no-
» tre bon Dieu , par les merites 8c
» palfion de fon Fits Notre Seigneur,
» Ie pardon de mes peches & la vie
» eternelle dans la fociete des Bien-
» heureux.
» Je demande inftamment dans
» ma derniere maladie , a la fainte
p Eglife catholique , apoftoliqug Sc
-ocr page 306-
5°4 HlSTOIRE Dfi PoRT-Ro'lAt.'
~ " Romaine ma me-e , dan- le feirf
» de liquelle je veux vivre & mou-
» nr, les dermers Sacremens de Pe-
» nitence, d Extienie-on&ion & de
*> Viarique.
» Si lors de ma mort je dois quel-
» que chofe a quelqu'un , je defire
» qu'on le paie , & la depenfe de ma
" fepulture. Apres ma mort, je veux
» que mon corps foit en terre dans
» le cimetiere de la ParoirTe comme
» celui d'un pauvre , & qu'il foit ce-
>> lebre, autant qu'il fe pourra , une
» Mefle bafTe, mon corps prefent a"
" 1'Eglife , & vingt MelTes baffes
» pour le repos de mon ame, dont
» fa derniere fe dira au jour de 1'an-
» niverfaire de ma mort.
,/ « » Je donne aux Pauvres, comme le
» fruit de mon travail, ce qu'on trou-
« vera m'appartenir d'argent , avec
« les efFets, livres , linge, hardes , &C
» generalement quelque chofe que
f je puifle donner, afin que la valeur
« du tout foit emploiee pour la plus
» grande gloire de Dieu , & pour les
» plus preflans befoins des pauvres
» felon le jugement de la perfonne
que je prierai ci-deflbus d'executer
m mon prefent teftament.
» Je fouhaitefois toutefois que 1*
-ocr page 307-
. III. Par.tie. Liv. V. 305
» valeur du total de ce que je laiffe- 172,4.
» rai, quelque modique qu'il foit,
» fut emploie pour acheter des nou-
» veaux Teftamens pour etre diftri-
» bues gratuitement dans les Paroif-
m fes des Villes , ou de la Cam-
" Pagfie du Roi'aume, ou elle croira
» qu'ils feront plus neceffaires pour
» l'inftrudtion & la confolation des
» pauvres. Si elle pouvoit en faire
» paffer dans le Diocefe de Bazas ,
» dont je fuis originaire, j'y aurois
» de l'inclination. Je laifte cet article
» precedent comme les autres a fa
» difpofition.
» Je nomme & prie M. Potherie }
>» Rretre de la paroiffe, Sainte Mar-"
» guerite , fauxbourg faint Antoine,
» oii je refide a&uellement, de vou-
» loir bien fe charger de l'execution de
» mon prefent teftament. Les mar-
» ques d'affecTrion & de charite qu'il
» m'a toujours donnees me font ef-
» perer qu'il ne me refufera pas cette
» grace en faveur des pauvres.
» Voila mes dernieres volontes,
» & je revoque tout autre teftament
» que je pourrois avoir fait. line me
» refte plus que de prier Notre Sei-
>» gneur Jefus-Chrift de recevoir mon
p ame en paix, d'attendre avec pa.-
-ocr page 308-
$06 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI,
1756. " tience fa venue. Fene^ Seigneur
» Jefus.
Amen. Fait a Paris, ce 14
» Janvier de l'an 1713. P. Moliac.
aiw de Leonard Fournier ne le vingt mai
la vie de Leo-1669 a Vauvrai fur Loire , ParohTe
nT«,faFp°4r6du Di°cefe de Tours fans inftruc-
des fes pre- tion,& plongeedans l'ignorance & la
mieres an-
nees.
corruption des mceurs, conferva par
un eftet de la grace l'innocence de
fon bapteme, quoique prive des fe-
cours qui fervent a conferver ce pre-
cieux trefor. Dans un age oii les en-
fans font le jonet de leurs paffions ,
il etoit fidele a, obferver ce qu'il con-
noiiToit de la loi de Dieu. II refpedtoit
fes parens , leur etoit foumis & leur
obeiffoit en ce qui etoit felon le Sei-
gneur(48), fans jamais s'ecarter en rien
du refped qui leur eft du , quoiqu'ils
fuffent d'une humeur difficile, qu'ils
euflent peu d'amitie pour lui & qu'ils
le maltraitalTent (*). II les honoroit
par paroles, par adions & par routes
fortes de patience j & perfuade que
la benediction du pere affermit la
maifon des enfans, il fe jettoit quel-
quefois aux pieds du fien, le conju-
rant au nom de Dieu de le benir. II
' (48) Eph. S. f. i.Filii (*) VoYez fa vie T. 3.
Vbedne parctttibus veftris de I'hifroire de la derniere
%a Dawno^                      petfemtion. g. ;jo»
. J
-ocr page 309-
III. Part ie. Liv. V. 507
fat le feul de fa farnille qui l'affifta 1736.
dans fes dernieres annees j & il re-
gardoit cette grace que Dieu lui avoit
Faite, comme la fource de celles qu'il
re§ut depuis de fa divine mifericorde.
A l'age de trente ans on fongea xi.
a le marier, & on lui avoit trou- J^^'mSI
ve un para tort convenabie 5 mais bue fon biea
dans le moment que le manage al-aux Pauvres'
loit fe conclure , il prit la refolu-
tion de vivre dans le celibat, afin
de ne point divifer fon cceur , & de
s'occuper uniquement du foin de plai-
re au Seigneur. En confequence ii
prit le parti, pour fe fouftraire a la
tentation , d'abandonner fa patrie , &c
vendit le peu de bien qu'il avoit, &c
en diftribua aux pauvres tout l'ar-
gent, qui montoit a la fomme de cinq
cents livres j il s'en referva feulement
deux fols pour fon vo'fage , mais ai'ant
rencontre un pauvre il les lui donna.
II ne quitta point comme faint Pau-
lin des biens immenfes , mais a. l'e-
xemple des Apotres il quitta tout} &c
comme la veuve de PEvangile, il don-
na de fon indigence meme tout ce
qui lui reftoit pour vivre (*).
Decharee du fardeau des chofes de xtr.
0                                                            Rencont**!
(**) Omnem vitiumjuum g««n habuit mifit. Luc* finSuli«e-
*». if. 4,-
                                                              *•?.•■
-ocr page 310-
J 68 HlSTOIRE DE PoRT-AOlXt.
^T~ la terre pour fuivre plus librement
Jefus - Chrift , & etant ford de foil
pais comme Abraham , fans favoir
ou il alloit, il eut comme Jacob la
rencontre d'un Ange confolateur. Un
liomme habille en paifan l'aborda , fit
une partie du chemin avec lui. & Fen-
tretint de Dieu d'une maniere fi roa-
chante , que le coeur de Leonard etoit
tout bmlant en lui en l'entendant
parler. Cet homrne l'inftruifit fur le
myftere de Jefus-Chrift, fur la necef-
fite , la gratuite & la force de la gra-
ce ; & apres l'avoir defrai'e' dans une
auberge le quitta fans que Leonard
s'appercut de ce qu'il devint. Le Lec-
. teur penfera ce qu'il voudra de cette
rencontre; mais ce que nous ne de-
vons pas omettre , c'eft que Leonard
qui n'etoit point credule, & qui etoit
auffi fage dans le bien queiimple dans
le mal, croioit qu'il y avoit quelque
chofe d'extraordinaire dans cet eve-
nement. Penetre de reconnoiflance
pour toutes les perfonnes qui lui a-
voient ete utiles pour fon falut, il
s'expliquoit volontiers fur leurfujet;
mais il fe repentoit d'avoir fait con-
noitre cette circonftance de fa vie ,
8c il rougiffoit lorfqu'on la lui rap-
pelloit.Depuis cet entretien il eut uner
-ocr page 311-
TIL P A R T 1 E. LlV. V.       % 09
eonnoiflance tres etendue des plus fu- 1736.
blimes venres de la religion, qu'il
connoifTok peu lorfqu'il fortit de fon
pais.
La Providence le conduifit a Beau-
genci, ou il arriva le 29 mai 1700, HvaaBeau-
veille de la Pentecote, pafTa la nuit pe.nci- .Ce iui
lous un portique, le conreila le len-
demain au Prieur de faint Firmin , &
fe prefenta a la Sainte - Table pour
communier. Une femme qui l'avoit
pris pour un fou, parceque Leonard
l'aiant rencontree la veille difputant
avec beaucoup de chaleur , lui avoir
reprefente que c'etoit fort mal fe dif-
pofer a recevoir le Saint Efprit, fit
avertir le Prieur que celui qui fe pre-
fentoit n'avoit pas afTez de raifon
pour recevoir la Sainte Euchariftie.
Sans autre examen, le Prieur le palTa
deux fois j mais aiant remarque le
recueillement & la modeftie, avec
kquelle il avoit efluie cet affront, il
le fit venir apres la MefTe & fe de-
fabufa par l'entretien qu'il eut avec
lui. Comme il deraanda entr'autres
cliofes a Leonard ce qu'il avoit penfe
du refus qui lui avoit ete fait , il
repondit qu'il s'en etoit humilie de-
vant Dieu , lachant qu'il etoit un
grand pecheur & bien indigne d'une
L
-ocr page 312-
$IO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
fi grande grace. Le Prieur le renvois,
en lui dormant deux fols qu'il par-
tagea auditor avec les pauvres, ne
s'en refervant que la moitie pour foil
diner. II refta quelque-tems a Beau-
genci, ou le meme Prieur le fit tra-
vailler a une terrafle. Lorfque l'ou-
vrage fut acheve , Leonard ne voulut
rien recevoir, difant que c'etoit aifez
d'avoir ete nourri. Comme on infifta,
il demanda par maniere d'aumone
une chemife & de quoi avoir une
faucille pour travailler chez de pau-
vres gens qui neferoient point en etat
de paier un moiffonneur. Il executa
ce projet chez une pauvre veuve de
la Paroifle de Crevan , ou fa patience
fut eprouvee par la mauvaife humeur
du fils de cette veuve. Mais il fut
dedommage par l'avantage qu'il eut
de faire connoifiance avec Francois
Compagnon (49) j qui commence par
(49) franco's Compa-   du nouveau Teftament,
gnon, etoit un Vigneron    ( voi'ez fa vie dans l'hif
du Village de Baule , Dio-   toire de la derniere perfe-
cefe d'Orleans , d'une   cution. T. 5. p. jfo &
grande piete, fort inftruit   fuiv. ). C'etoit quelque
de fa religion , dont Dieu   chofe de merveilleux "e
s'etoit fervi pour artirer   voir la maniere de viyre
a fon fervicc un grand   de ces pauvres gens. Rien
nombre de perfonnes, en   n'approche plus de la fim*
leur infpirant le gout de   plicice, de la piete & de la
la parole de Eieu par la   foi des premiers Chretiens,
le&ure qu'il leur faif»it   lis jeunoient exa&emeat
-ocr page 313-
HI. P ART IB. LtV, V- JII
lui apprendre a lire , le mit fous la ijt6.
conduue du Pere de Gabaret Cha-
noine regulier de Pamiers , exile pour
1'afFaire de la Regale , a qui M. de
de Coiflin , Eveque d'Oileans , avoit
confie la Cure de ChafTonville, & le
placa en qualite de ferviteur chez un
rermier de fes amis, nomme Pierre
Fleuri de la ParoiiTe de Poilly. Leo-
nard trouva de grands fecours pour
la piece dans cette maifon , 011 Ton
faifoit des prieres & des le&ures de
piece marin & foir & lorfqu'on ecoit
ralFemble pour diner. Fleuri regardoit
Leonard comme fon frere, & Leo-
nard obeififoic a fon mairre avec crain-
te & refpe£fc dans la fimplicite de
fon cosur comme a. Jefus-Chrift me-
me. II emploi'oir fidelement fon
terns, afin que le Demon le trou-
vant toujours occupe eut moins de
prife fur lui. Les famedis au foir,
apres avoir fini fon ouvrage, ilalloit
quoiqu'ocupes des travaux    la charite, & I'amour de
penibles de la campagne.    la leclure de l'Ecriture
I)es enfars de dix a douze    Sainte. Cette lefiure fai-
ans vouloient jeuner en-   foit tout leur repos &
tierement le careme.    leur dclafTement pendant
Grand nombte de jeunes    la journe'e. Dans les in-
Rens de l'un & i'au're    tervalks de leurs occupa-
ftxe ne penfoient plus au   tions, on voioit les Vi-
fariage. Mais ce que Ton    guerons au milieu de
remarquoit 8c ce qui edi-   leurs vignes le nouveait
£ oit le plus, etoit l'union,    Teftamem, a la maim
-ocr page 314-
$11 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
chez Francois Compagnon , y palTok
la nuit & fe rendoit ie lendemain
avec grand nombre de perfonnes de
Baule a Meun qui en eft eloigne d'une
lieue , pour y entendre fur les cinq
heures la conference de M. Pacori (5 o).
ve; fans qu'il ait jamais
eu lieu , a-t-il dit depuis,
de s'en repentir , tant il
recevoit de Dieu de lumie-
res 6c de difcernement
pour juger fainement. M.
Pacori a procure non-feu-
lemem au DioceTe d'Or-
Icans, mais meme a tou-
te 1'Eglife , des biens con-
fiderables, par l'etablifle-
ment d'un grand nombre
d'excellentes Ecules qui
ne fubfiftent plus, par ft-
ducation des pauvres
Clercs, 8c par une multi-
tude d'ouvrages de piece,
qu'il n'a cede de dormer
an public , fur-tout de-
puis que la mort deM.de
Coiflin l'eut oblige de for-
tit duDiocefe d'Orleans.
Il a vei u vingt-trois ans
depuis fa fortie dans une
grande retraite , n'etant
prefque connu que de
Dieu feul, Il eft mort age
de quatre-vingt un ans,
le ii fevtier 1750 , 8c a
ere enterre a S. Jacques
du Haut pas fa paroi/Te.
M. Pacori n'etoit que
Diacre , la haute idee
qu'il avok du facerdoce
Ten ai'ant toujours eloi-:
gne.
({ o) Ambroife Pacori ,
Diacre, ne a Ceauce dans
le bas Maine , fit fes pre-
mieres etudes dans le Col-
lege nouvellement eta-
bli dans fa patrie , puis il
fit fa Philofophie 8c fa
Theologie a Angers; ou
il fe forma fous les yeux
de M. Henri Arnauld,
qui en etoit Eveque, dans
le gout de la folidepiete &
de la vraie fcience. A 1'age
de vingt-trois ans il fut fait
Principal du College de
Ceauce pat M. Treilan,
Eveque du Mans , 8c y
epuifa fes forces par fes
travaux, fa penitence 8c
les perfections qu'il ef-
fui'a; ce qui l'aiatit oblige
de quitter, il fe retira en
Anjou. Ce fut dans ce
tems que M. de Coiflin
Eveque d'Orleans,le choi-
fit pour elever dans un
Seminairc des Sujets pro-
pres a inflruire les pau-
vres de la campagne, &
l'obligea enfuite de con-
duke fes Clercs jufqu'au
faccrdoce. 11 fe pafta en-
viron dix ans avant qu'il
en prefentat un.feul aux
Ordres; 8c ilen renvoioit
an grand nombre apres
plunVdis annees d'epreu-
ApreS
-ocr page 315-
III. P A R T IE. LlV. V. 313
Apres cela ils revenoient enfemble \ji6.
entendre la grande MefTe a Baule.
Apres Vepres Leonard affiftoit aux
inftruclrions & aux le&ures que Com-
pagnon faifbit chez lui avec la per-
miffion de fes Superieurs , & s'en re-
tournoit enfuite chez fon maitre.
II y demeura iufqu'au mois de mai XIV_
1704 que Madame de Fontpertuis Fowni« va
1 envoia a 1J. K. des Champs en qua- Port. Rovai
lite de jardinier. Compagnon voulut<*« champs,
l'y conduire lui meme. Les religieu- uons.°CCUpl"
fes de P. R. edifiees de fa vertu ne
tarderent pas a remercier cette Dame
du trefor qu'elle leur avoit procure.
Pour le conferver on lui propofa de
faire un engagement reeiproque, par
lequel il s'obligeroit a reiter roujours
dans la maifon pour y rendre fervice,
& la maifon s'engageroit a le nourrii:
&: l'entretenir le refte de fes jours.
Mais on eut de la peine a le faire en-
trer dans cet engagement , parcequ'il
craignoit qu'une telle precaution ne
fut contraire a la confiance que Ton
doit avoir a la providence.
II emploi'oit tout le terns que fon
travail lui laiffbit libre a prier & a fe
former a la ledure. Mais comme il
ne lifoit alors que fort imparfaite-
ment & avec peine, lorfqu'il retjcon-
Tome X.                         O
-ocr page 316-
3I4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
g- troit quelqu'un il lui prefentoit fon
nouveau Teftament, le priaht de lui
en lire quelque chofe, & ecoutoit a
genoux avec de grands fentimens d'a-
mour & de reconnoifTance , & un
profond refpe6t pour la parole de
Dieu. II mettoit en pratique les inf-
tru&ions qu'il entendoit, & il don-
noit de grands exemples de vertus, en
meme-tems qu'il etoit attentif a pro-
filer de ceux qu'il voi'oit dans cette
fainte maifon. II merita d'avoir part a
la perfecution : car un Eccleliaftique
envoi'e par M. de Noailles a P. R. des
Champs , lui refufa l'abfolution a. Pa-
que de l'annee 1709 a caufe de fon
attachement inviolable aux religieu-
fes de P. R. dont il foutenoit l'inno-
cence. Ai'ant ete chaflfe du faint de-
fer t au mois d'odtobre de la meme
annee, il paffa d'abord quelques jours
' chez un Cure des environs , puis fix
mois dans une maifon qu'avoit M.
de Champfleuri pres de Poiffi ; mais
rebute de voir fi peu de piete dans la
famille du jardinier, il quitra ce fejour
& alia rejoindre fon cher ami Francois
Compagnon a. Baule, oil il arriva le
neuf juin 1710. Quelle joie pour ces
deux faints amis de fe revoir apr^s
fix ans de feparation ! Compagnon fit
-ocr page 317-
III. Partie. Liv. V. 515
enrrer Leonard chez Pierre Fleuri fon 1 j$6.
anciea maitre , ou il rut attaque peu
apres d'une maladie qui le priva de
la confolation de recueillir les der-
niers foupirs de fon ami & de l'affif-
ter a la mort (51).
L'annee fuivante Leonard fut recu
le 1 1 fevrier (171 j ) jardinier dans
II eft re$u
l'Abbai'e de Voifins au Diocefe d'Or-en i?3;-* °f
1                 N           ,            .           .                 , JaMmiei a
leans _, ou pendant vingt-cmq ans devoiims , fa
fejour il mena une vie qui fit Pad-pi6t6,
miration de tous ceux qui le voi'oient,
fur - tout par l'unifbrmite de fa con-
clude. II marcha toujours d'un pas egal
(ti) Francois Compa- jufqu'au dernier foupir ,
gnon mourut le ijaout avec une foi & une gene-
1710, dans la trente-fixie- rofiteque tous les afltftans
me anne; de fon age. Sa admirerent, fit fon facri-
mort fat auffi fainte que fice avec une conftance 8c
l'avoit ete une vie pail'ee une refolution quifurpri-
daas 1'innocence, dans la rent encore d'avantage.
penitence & dans les bon- 5) II eft vrai, mon Dieu , '
nes oeuvres. Ce faint Gar- r> difoit cette genereufe
con etoit d'une humilite » femme, comparable a
fiprofonde qu'ilne croioit « !ameredesMachabe>s,
p,ss qu'il y eut dans le » & a celles des faints
monde un auffi grand pe- y> martyrs Simphorien &
cbeur que lui. La foi & le « Melithon, que je perds
courage de la mere de j> un Saint, mais e'etoit
Compagnon furent un » de vous que je l'avois
fpeftacle digne d'admira- » rec,u ; jc vous le rends
tion , qui attendrit les » a-prefrnr, puifque vous
coeurs les plus durs , & » mt le redernandez , &
fit repandre des larmes a j> e'eft avec plaifir que je
tous ceux que la faintete « vous en fais un facrih-
du malade avoir attires a r> ce «. Ce fut dans ces
la maifon. Cette femme fentimens qu'elle ferma
vraiment cbretienne, a- les yeux a fon fils.
pres avoir exhotte fon fils
Oij
-ocr page 318-
ll6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1-72,6. da«s> chemin de la verm, & avec
une terveur qui fe renouvelloit de jour
en pur & qui ne fe d^menrit jamais,
loutes les heures de la nuir on l'en-
tendoit pner lorfqu'on paflbit devant
la chambre. Car il prioit a haute voix,
croianrn'etre point entendu parcequ'il
couchou dans un endroit tres <karte.
• li confacroit principalement a ce faint
exercice les Dimanch.es & les fetes
quilpafToitdans l'Eglife, dont il ne
iortoit que pour prendre fes repas.
xvi.           Les jours.ordinaires, il emploi'oit
sa Pri„e a la leclure & a la priere le terns erne
•ontrauelle. |~c -„,„„ • j- • * ,            wans que
les autres jardiniers donnent aufom-
meil apres le diner. Le travail meme
ne 1 en detournoit pas : tout le rappel-
loit A Dieu. Ce que le Seigneur fait
dans lordre de la nature etoir pour
lui une vive image qui lui reprefen-
toit les merveilles incomparablement
plus grandes qti'il opere dans l'ordre
de la grace. II voioit dans la ftekilite
de certains arbres , celle dun ccEur
qui fans Jefus-Chrift & kifK a lui-
meme, ne pent rien fake ; dans la fe*-
condite d'autres arbres ,'la mifencor-
de de Dieu qui fait porter par fa grace
des fruits de juftice a fes ferviteurs
qu il a choifis pour les creer dans de
bonnes ceuvresj dans la difficult* d'ar-
-ocr page 319-
III. Partie. Liv. V, 317
racher de mauvaifes herbes, la peine TT*%
que nous eprouvons a deraciner de
nos cceurs la concupifcence.
Comme le travail ne prejudicioit xvn.
en nen a iapriere, la pnere auili nepour je [ra.
faifoitque fan&ifier fon travail fans vail> le Pre-
1 interrompre. Un 1 a vu metne reruier prjt de peni-
la permiilion qu'on lui oflfroir d'affifter tence>
a une partie de l'Office les jours 011-
vriers. II s'excufoit fur ce que le tra-
vail etoit la penitence que Dieu lui
avoit impofee. Car il etoit fortement
occupe de la fentence qui condamne
riiomme a manger fon pain a la fueur
de fon front. Ce travail aflidu & pe-
nible ne l'empechoit pas de fe mor-
tifier en tout ce qu'il pouvoit. Son
fommeil etoit fort court, & (es jeu-
nes fi aufteres qu'il fe refufoit une
goute d'eau dans les plus grandes cha-
leurs de l'ete , perfuade que celui qui
jeune doit fouffrir de la foif comme
de la faim. Tout ce qui ne lui paroif-
foit pas abfolument neceflaire , etoit
rettanche de fon entretien & de fa
nourriture. 11 recevoit memecet etroit
necefTaire avec une humble reconnoif-
fance & comme une aumone. Jamais
il ne fe plaignoit que de ce qu'on le
traitoit trop delicatement. Les biens
& les maux de cette vie 3 difoit-il feu--.
Oiij
-ocr page 320-
J }6 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
ij $6. vent ,fint troppeu de chofes pour qu'on
s'en occupe. Si le terns de la vieprefente
ejl un terns de noces pour les pecheurs
j
il en doit etre un de jeune & de peni-
tence pour les Chretiens.
F.fpiit de Attentif a ne rien faire pour le plai-
nioitifica- fir, & a refufer les moindres fatisfac-
lions a fes fens, il paffoit tous les hi-
vers fans fe chauffer,. quoiqu'il rut
rres fenfible au froid. II ne fortoit ja-
mais de l'enclos de la maifon. Son de-
tachement de fes parens etoit tel,
qu'aiant ere trois fois dans fa patrie
pour le fervice du monaftere, il ne
voulut jamais faire un pas pour voir
fa farnille. La curiofue aapprendre ce
qui ne le regardoitpas paroifTok etein-
te en lui. II ne parloit jamais que de
Dieu, ou de ce qui avoit rapport a
fon emploi. On eut aurant de peine
a Voifins qu'on en avoit eu a P. R.
pour le faire confentir que Ton s'en-
gageat a, le garder route fa vie. Enfin
on peut dire qu'il etoit mort a tout
defir du fiecle; qu'il etoit crucifie
au monde , & que le monde avec fes
richelfes , fes grandeurs & (es plai-
firs, etoit crucifie pour lui.
Autant il etoit dur a lui-meme,
Sa charity
fon huin.lici.
autant il etoit tendre &" compatilfant
pour le prochain. II eut voulu fe char-
-ocr page 321-
HI. Par tie. Liv. V. J19
ger feul de ce qu'il y avoit de plus TjJisT"
penible , pour en decharger les autres.
11 excufoit leurs defauts, & fouffroit
fans fe plaindre la mauvaife humeur
& les railleries de ceux avec qui il
avoit a vivre. Toujours porte a juger
favorablement du prochain , il s'edi-
fioit du bien qu'il voioit. line jugeoit
& ne condamnoit que foi - meme : il
ne parloit de foi que pour s'accufer.
II exageroit fes fautes & pleuroir ame-
reraent les plus legeres. II fe regardoit
comme le plus indigne & le plus mi-
ferable des pecheurs. Et comme la pla-
ce la plus rabaiffee eft celle qui con-
vientle plus au pecheur , il aimoitfon
ecat humble & pauvre , ne cherchant
qu'a, fe cacher & a fe faire oublier.
Continuellement en garde conrre les
furprifes de l'amour propre , il crai-
gnoit les moindres diftinctions. Une
profonde humilite faifoit fon carac-
tere j & a la vue de la grandeur & de
la faintete de Dieu il s'abimoit pro-
fondement dans la vue de fon neant
& de fon indignite.
II avoit puife ces grandes idees dans xx.
la ledture & la meditation aflidue du Son zeIe
T-. n                     ti >         ■ /- pout la lettti-
nouveau 1 eitament. 11 n avoit lur- re du nou-
monte les peines qu'il lui avoit falluveau Tdlav
efluier pour apprendre a lire j que pour
O iiij •
-ocr page 322-
________ 3i0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
17 3 6. trouver tous les jours dans la lecture
de ce faint Livre la nourriture defon
ame. II y ecoutoit Jefus-Chrift qui lui
parloit: & avec quelle attention, quel
refpe6t & quel amour ne Pecoutoit-il
pas ? II avoir recu dans un haut degre
1'mtelligence de ces paroles vivifian-
tes; 8c il les cachoit dans fon caeur
pour en fake la regie de fa conduite.
II y avoir appris la faintete de la re-
ligion , la dignite & les devoirs du
Chretien, & la grandeur des biens
qui lui font prepares. Quand il en
parloit, c'etoit avec des tranfports
que Ton ne peut exprimer.
XfXI|ibr Un homme qui fait fe bonheur qu'il y
it I™™™ J d "re par le bapteme enfant de l'Egli-
derEgiife. fe,nepeut etre infenfible auxmauxqui
Son attache- „(f\;                       r                       ^         ^
mem pour P.
amigent cette iainte mere. Ces maux
K.
            faifoient le fujet continuel des larmes
de Leonard, & il prioit Dieu avec
inftance d'y apporter remede. II s'in-
terreffoit particulierement a la caufe
de la grace toute-puiffante de Dieu ,
& des autres verites efTentielles a la
religion , defendues avec tant de cou-
rage par MM. de P. R. & par ceux
qui font entres dans leurs travaux.
Le fouvenir de P. R. demeura tou-
jours grave dans fon cceur.Une demie
fceure avantfamort, lorfqu'il avoic
-ocr page 323-
III. Partii. Liv. V. 321
deja perdu la parole , au feul nom de 1736.
P. R. qu'il entendit prononcer , il
fembla reprendre une nouvelle vi-
gueur j & levant les mains au ciel il
donna des fignes de cette profonde
veneration dont il fut toujours pene-
tre pour une maifon qui le meritoit
a tant de titres.
Enfin , le moment auqnel une vie xxir.
Sa mort
aux
fi fainte devoit etre couronnee, etant pr^
arrive , il fut attaque d'une fluxion de yeux du s«
poitrine & d'une fievre continue qui gneur'
le conduilit au tombeau. Les premiers
jours la violence du mal abforboit
toute fon attention j mais il fuffifoit
de lui parler de Dieu pour le faire re-
venir de fon afloupiflement. Les deux
jours fuivans il eut toute la liberte
de fon efprit, & il ne s'en fervit que
f>our s'occuper de Dieu &c du defir de .
e pofleder. II recut les derniers Sa-
cremens avec fa piete ordinaire , &
demeura dans un grand filence , a'iant
le cceur & les yeux eleves vers le ciel
jufqu'au moment qu'il pafla de cette
vie a une meilleure , le cinquieme
jour de fa maladie, 20 juin 1736. II
etoit age de 6j ans.
La majefte qui parut fur fon vifage
apres fa mort infpiroit du refpedt a
ceux qui le voioient. Ses yeux ^ui fe
O v
-ocr page 324-
yil HliTOIRE DE PoRT-ROlAI.
- g rouvrirent , confervoient route leur
vivacite & leur douceur ordinaire.
Les perfonnes qui etoient prefenres _,
& que fa vie & fa mort avoient ega-
lement edifiees, s'empreilerent d'avoir
quelque chofe qui lui eur apparrenu.
II fut inhume au bas de l'Eglife pres
de la grille , a un demi pied du mur
du cote gauche. C'etoit l'endroit out
il fe pla9oit ordinairement, ou il of-
froit aDieu fes ferventes prieres, &
qu'il avoir fi fouvent arrofe de fes lar-
mes.
Qui ne s'ecriera avec faint Auguf-
tin (51): Qu'ejl - ce que nous venons
d'entendre ? Quoi des ignorans s'ele-
vent & s'emparent du Ciel, & nous avec
toute notre fcience nous fommes affe\
miferables & affe\ laches pour demeu-
rer abimes dans la boue & dans lefang?
Ejl-ce que j parceque de tels gens ont
pris le devant 3 nous avons honte de
les fuivre & defaire ce qu'ils ont fait?
M.y/Lnt Nous joindrons encore aux faints
Claude, abre- domeftiques y dont nous venons de
sc e ivie- parler, un folitaire des derniers rems,
qui merire par fon inviolable arrache-
ment pour les religieufes de P. R.,
par les fervices qu'il leur a rendus ,
Sc par la part qu'il a eue a leurs fouf-
($1) Aug. 1. 8. Com. c. 8. n.. i&.
-ocr page 325-
III. Par tie. Liv. V* fi.$
fiances , d'avoir une place dans leur 1742.
hiftoire. Nous parlons de M. le Noir,
dit de S. Claude, mort en odeur de>
faintete le 30 decembre 1741, age
d'environ quatre - vingts ans, apres
avoir furvecu non-feulement a toutes
les religieufes, mais meme prefque
a tous les folitaires. II eft d'autant
plus flatteur pour nous d'avoir a par-
ler de ce St. nomme, que nous avons
eu l'avantage de le connoitre, d'etre
temoins de fa vie exemplaire , & no-
notes de fon amitie, dont nous re-
connoiflbns tout le prix : Bead qui te
viderunt
j & in amicitia tua decorati
funt.
M. de S. Claude etoit encore , dit xxm.
t-                    m 1 / \ i                      Sa maniere
un hcnvain celebre (53), dont nous de vivre a i\
empruntons la plume pour faire fon R*
eloge , un de ces hommes cherts de ,
Dieu ,
qui ont donne dans la folitude
de P. R. des exemples de penitence &
de vertu fi precieux a l'Eglife. Aiant
quitte le Barreau a l'age de trente-trois
a trente-quatre ans pour fe confacrer
entierement a la retraite & a la piece
dans cettefainte maifon, il y remplit
avec une conftante regularite tous les
devoirs d'un parfait folitaire. II alloic
(f5) L'Auteui des nouvelles Ecclefiaftiques ii»
macs 1744.
                                               
O v|
-ocr page 326-
_________ 3M HlSTOIRE DE PoRT-ROlAlJ
. 1741. a deux heures a Marines, paflbit plu-
fieurs heures a. l'Eglife, & ne fe re-
couchoit point. Tout le tems qui lui
reftoit apres la priere, la lecture & la
meditation des Livres faints, etoit
emploi'e ou a recevoir les hotes ou a
diftribuet les abondantes aumones qui
fe faifoient dans cette maifon, ou au
travail des mains. L'hurnilite, la dou-
ceur , & je ne fais quoi d'admirable &
de touchant, dont routes fes actions
etoient accompagnees, faifoient de-
couvrir en lui, malgre lui , quelque
chofe de plus que ce que fon exterieur
de fimple domeftique annon^oit. Sa
piete avoit fpecialement le caraelere
decifif de 1'uniformite. C'eft un temoi-
gnage que lui ont rendu ceux qui
avoient eu l'avantage d'habiter avec
lui cet heureux fejour. Le voir un jour
c'eroit le voir toute l'annee. On peut
dire auffi pourabreger fon eloge, qu'il
fuffit de favoir la vie des premiers fo-
litaites de ce faint defert; pour favoir
celle de M. de S. Claude pendant les
onze ou douze annees qu'il lui fut per-
xxtV; mis d'y faire fes delices du filence, de
j,,s reiigieufes la priere & des humiliations.
<ie p.r., eft jrn 1707 il fe ttouva oblige de re-
iiaBaftiiie'ie prendre en quelque forte fon ancienne
xo novembre fbn&ion d'Ayocat. pour defendre les
-ocr page 327-
III. P A R T I E. Liv. V.       }l$
religieufes de P. R. a qui on fe difpo- 1741.
foit de porter le dernier coup, & que
Ton alloit enfin immoler a la paffion
des Jefuites leurs implacables enne-
mis. Les charitables demarches que fit
en cette occafion le genereux defen-
feur de ces vierges opprimees , le ren-
dirent digne de participer a leur op-
preflion (54). II avoit entrefes mains
les titres de l'Abbai'e: on fe faifit de
lui 8c de fes papiers ; 8c on le con-
duifit a la Baftille, 011 il a ete enfer-
me jufqu'a la morr de Louis XIV ,
c'eft-a-dire , fept ans 8c plus. Ce n'e-
toit pour tin penitent comme lui que
changer de folitude. Sa piete augmen-
ta dans cette longue prifon jufqu'a lui
attirer le refpe£t & 1'admiration de
ks perfccuteurs. Tout fon terns n'y
fut pas moins rempli qu'a P. R. quoi- -
qu'il fallut le partager tout entier en-
tre la le&ure & la priere, & qu'il en
accordat tres peu au fommeil, ne fai-
fant fouvent qu'appui'er fa tete fur fon
lit fans fe coucher. II eft fi exa&emene
vrai qu'il ne lui reftoit pas un moment
(H) Vo'i'ez la 4. col.        Mem. hift. T. 4. pag,.
desHex. T. 1. p. 4tfj.         J23.
Hift. du Cas de conf.        Apel. eel. p. .550.
t. 7. p. j66.                            Hift. Ecclef. de Racine,
Hift. de la dern.per-    T. it, p. 467. ibid. £»
fre.T, 1, p. jr8.                  $<j. •
-ocr page 328-
Jitf HlSTOIRE DE FoitT-ROlAt,
1741. de vuide , que feu M. d'Argenfbri
( alors Lieutenant de police) lui aiant
permis de fe promener une heure par
jour dans la cour 8c fur les terrafTes,
M. de S, Claude le remercia , en lui
difant qu'il n'en auroit pas le loifir j
Sc en erfet il ne fit jamais ufage de
certe permiflion (55). Audi le meme
Magiftrat qui le voi'oit quelquefois
par confideration pOur fa vertu, di-
foit-il, qu'il n'avoit jamais vu un pa-
red prifonnier : il ajoutoit en bon
connoifTeur qu'il n'y en avoit point
de femblable dans le monde. Le trait
fuivant fera voir combien le juge-
ment de M. d'Argenfon etoit fonde.
xxv.
         ^ y avoit dans le meme terns a la
Hcftrinf-Baftilleun Calvinifte . d'un cara&ere
Dieu ft fen" reroce &c ii brutal, que perionne
pour conyer-n'ofoit l'approcher. II ne parloit que
nr im Calvi-           r        rr              ,, ,f,            1„,
sifte,         par lermens & par blafphemes ; &
routes les refTburces pour 1'humani-
fer, paroiiTbient epuifees , lorfque le
Gouverneur propofa a Moniieur
de
Saint Claude de fe charger de
cette bonne ceuvre. II s'en defendit
d'abord avec humilite. Le Gouver-
neur infifta . & le pieux Captif re-
pondit que s'il le lui ordonnoit ab-
folument il obeiroit , le regardant
<5S) Voi'ez ce qui a etc dit de lui fur l'annee 1707-
-ocr page 329-
III. Partii. Llv. V. $i-f
(difoit-il ) comme un fuperieur, en- 1742-
Jre les mains de qui la Providence
''avoit mis. Le Gouverneur qui ne
refpe&oit pas moins M. de Saint-
Claude que rous ceux qui le connoif-
foienr, ufa de tres bonne grace de la
voie qui lui etoit ouverte : il ordon-
ne , & Fhumble prifbnnier fur enfer-
me avec cette efpece de leopard. Ce-
lui-ci 1'accueillit par les maavais trai-
temens que fa ferocite lui put infpi-
rer jufqu'aux coups inclufivemenr..
Tant que cela dura, c'eft-a-dire_, tour
le terns que ce furieux fut intraira-
ble, le fllence , la patience & la dou-
ceur furent la feule defenfe exterieu-
re de l'homme de Dieu : fes ferven-
tes prieres firent le refte. Le monftre
s'adoucir , &c bientot le charitable
Miffionnaire le vit a. fes pieds , le
confola, Pinftruifit , le convainquit
meme de la neceflite de rentrer dans
le fein de l'Eglife , 8c le mit ainff
dans la voie du fahir. A peine cette
oeuvre d'une charire digne des plus
beaux jours de l'Eglife, fut-elle ebau-
Aee, que le Calvinifte eut fa liberte.
Mais ne pouvant fe refoudre a fe fe-
parer du trefor qu'il avoir trouve
dans fa prifon , il n'en voulbit pas-
forth-. Surquoi M. de Saint-Claude
.
-ocr page 330-
3 2.8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
• lui ai'ant reprefente que la volonte de
'* ' Dieu fe declaroit, il s'y conforma ,
& le faint Prifonnier l'adrefla a M.
le Noir fon frere, Chanoine de No-
tre-Dame de Paris, fous la conduite
6c par les foins duquel le Proteftant
fit fon abjuration.
C'eft de c-e dernier que Ton tient
cette anecdote. On l'auroit apparem-
ment ignoree fans lui j car M. de
Saint-Claude etoit l'homme du raon-
de le plus difcret & le plus referve
fur fes bonnes ceuvres. Outre le Cha-
noine de Notre-Dame , il avoit en-
core un autre frere appelle M. le
Noir du Roule , qui au commence-
ment de ce fiecle fut envoie par
Louis XIV a l'Empereur d'Ethiopie,
& que le Roi de Sannaar fit mafla-
crer, comme on le voit dans la rela-
tion hiftorique d'Abiffinie par le
PereLobo , traduite par M. le Grand,
&c imprimee a Paris en 172.7, chez
Couftelier & Guerin.
xxvi. A Pavenement de Louis XV a la
Baftuu. deCouronne, notre refpe&able Prifon-
nier fortit de la Baftille avec tous
ceux qui y etoient detenus pour les
affaires de PEglife ( & dont on peut
voirlalifte. §-45. du premier Tome
de l'Hiftoire des Reflexions morales
-ocr page 331-
III. Partib. Liv. V. 319
& de la Conftitution). II fe retira
alors chez Ion frere le Chanoine qui
avoit ete comme lui fort attache a
P. R. (56). Apres la mort de ce di-
gne frere , il alia loger au College de
Laonavec un pieux vieillard (57) qui
(f6) Melfire Jacques le
Noir , Chanoine de No-
tte-Dame, mourut le ii
Janvier i -17 , age de foi-
xante-trois ans. 33 Sa me-
» inoire , dit l'Aweur du
:> Necro'.ogedeP. R.doic
» ctre en benediction
» dans tojce la potlerice
» pour les fecours qu'il
» a procures en touces
» forces d'occafions aux
11 gens de bien petfecut£s ,
» qui trouvoient tou-
i) jours dans l'abondance
» de fa chatite une four-
» ce de confolation a
» leurs difgraccs. Nocre
i> monafterc , dont il
» etoit ami particulierSc
» bienfaitteur , a fouvenc
» fenti les effets de fa
» pieufe generofite & a
» ece temoin de fon atta-
» chement a la verite &
» a la jullice «. M. le
Noir avoit neanmoins fi-
gne en 1S97, purement 8c
(implement le Formulai-
k; ce qui donna occa-
fion a pluffeurs Lettres.
Les uns blaroerent, les au-
tres defendirent ce Cha.
noine. D'autres enfin ,
comme M. de Tillemont,
& M. Tronchai taciieieiu
par un efprit de paix &
pour empecher la divifion
entre les amis , de dimi-
nuer fa faute , fans ap-
prouver la (iguature. M.
Chertems , Chanoine dc
Saint Thomas du Louvre,
moins indulgent que M,
de Tillemont, fie une rr-
ponfe a fa lettre. ( Suppl.
du Ne\:r. p. 304. ) L'Au-
teur des Mem. hill, nous
apprendT. 7. p. i;c,que
ce fut a l'occalion de M.
le Noir , que M. Eullace
drelTa le premier article
du fameux cas de conf-
erence.
(57) Ce pieux Vieillard
etoit M. DefefTarts, » Pre-
33 tre habile 8c pieux , die
j> I'Auteur des Mem. hid.
33 T. 7. p. 470, excluJ
33 par le moien du P. la
33 Chaife du monaftere
33 de Juvigny , 011 depuis
33 dix ans qu'il le coudui-
33 foit, il avoit etabli une
3> grande regularite 8c un
33 grand defimereiTement.
33 Retire avecM. Arnauld
33 a Bruxelles, il le fou-
33 lageoit en ecrivant
fous lui «.. Ce qu'Ufait de
tris bon Cfxur 3
ectivoic
M. Arnauld 1 m<m txil
-ocr page 332-
t, } 0 HlSTOlR.fi DE PORT-R.01 At.
"'""■*""— avoir afllfte M. Arnauld dans les der-
nieres annees de fa vie , & que fon
grand atrrair pour l'hofpiralire avoir
fair furnoiftmer le Pete aux hotes. II
perdir encore ce precieux ami (5 8): &
ce qui etoir pour lui une perre rour au-
tremenrprejudiciable,ilfurroralement
prive de la vue , que Fhumidite defa
prifon avoir aftbiblie au poinr de ne
plus appercevoir que les plus gros ob-
jets, & de voir a peine pour fe con-
duire des le rems qu'il en forrir.
xxvn. Dans cer erar il fe rerira en fon
11 peed la particulier; car fon cceur fe porroic
tu« , it fe te- r                    . ', ,                 r , r
tits en fon roujours a la plus proronde rerraire.
^s^tfe*dJ- *"a P"ere & quelques le&ures qu'il
fiaote. fe faifoit faire , devinrenr abfolu-
tranfporta chez M. Defef-
farts, au College de laon,
l'obligea de declarer oil
etoiem les Livres du Pere
Quefuel, dora il etoit le
depofitaire , 8c y mit le
fccllc. Ce fut lui qui en
1701S confeilla a la der-
niere Abbeffe de P. R. qui
etoit au lit de la mort de
nommer une Prieure.
(t8) On ne fait ni le
jour , ni l'annee de la
mort de M. Defeflarts ,
ni le lieu de fa fepulture,
L'Auteur des Mem. hift.
ctoit qu'il eft mort en
1717 , & qu'il repofe 4
Saint Etienne du Mont>
m'efl bien plus doutc de-
puis qu'il e/l avec mat 3
c'ejl un de mes anciens
amis .
M. Defeflarts apres
avoir recueilli lesderniers
foupirs de M. Amauld ,
accompagna M. Ruth-
d'Ans en 1694, lorfqu'il
apporta a P. R. le cceur
de ce grand homme. Il
eat part en 1701 au pre-
mier article du cas de
confeience. En 170^, le
77 mai, un CommifTaire
accompagne d'unExemt,
& d'un pretendu Bour-
geois de Paris, nomme
Lallemant, autrefois cor-
te&mt des Jefuites , fe
-ocr page 333-
III. P a a t i e. Liv. V- $$i
ment fes uniques occupations. Pour 1742,
fe rendre neanmoins autant qu'il etoit
en lui utile a fes freres , il faifoit
acheter des Livres de piete pour les
diftribuer aux pauvres. Mais Thorn-
me ennerai traverfa bientot cette
bonne ceuvre. On fit une defcente
chez lui:, & on lui enleva non-feu-
lement les Livres deftines aux pau-
vres , quoiqu'imprimes avec privi-
lege & approbation ^ mais meme une
partie afiez confiderable de fa propre
bibliotheque. Cette vexation fut la
derniere a laquelle il fut expofii, &
fa vie devint de plus en plus touts
cachee en Dieu. II ne paroiflbit que
pour aller a 1'OfEce les Dimanches
& les Fetes a Saint Etienne du Mont
fa paroiffe , & les jours ouvriers d
Sainte Genevieve \ ce qu'il n'a jamais
interrompu jufqu'au dernier jour de
fa vie. On voi'oit ce venerable Vieil-
lard affifter aux catechifmes des en-
fans avec une humilite 8c une fim~
plicite qui faifoient proprement fon
caraclere : vetu comme un artifan,
donnant tout aux pauvres , recitant
des Pfeaumes en allant a. PEglife -y y
attirant lorfqu'il y etoit, le refpecV
He l'attention religieufe des fideles
I par fon recneillement j autant pe#ie-
-ocr page 334-
Jjt HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi;
"" r-rAt tr^ de la grandeur de Dieu que de
I742> c , &
                                /r- r
Ion neant j menant une vie aulii aul-
tere qu'uniforme, couchant fur la du-
re j ne s'accordant aucune recreation j
toujours occupe de fes miferes \ &
l'entendre & a n'en juger que par fes
profonds gemiiTemens,iln'etoit qu'un
grand pecneur qui n'avoit point pro-
fite des exemples de vertu qu'il avok
vus a p. r.
xxvin. Quoiqu'il fut prefque ignore dans
Combien i            1* -       >       ir -r r *
i! etou lenfi- le monde , & qu en ettet 11 ne le me-
¥e4"5ux lat point de ce qui s'y paffoit, il etoit
infiniment fenfible aux maux de l'E-
glife , & ne negligeoit point de fe
mettre au fait de tout ce qui y arrivoit
d'interefTant. II repetoit fouvent d'a-
pres M. Godeau Eveque de Vence ,
que » CEgliJe Jeroit toujours dans Id
» douleur , tant qu'elle porteroh les
" Jefuites dans Jon fein
«. Toute di-
vifion parmi les amis de la verite lui
percoit le coEur. II difoit (8c on le
favoit d'ailleurs ) qu'un des principes
de P. R. etoit d'etre en garde contre
les voies extraordinaires: & la folide
piete qu'il avoit puifee dans cette
fource II pure , lui infpiroit une op-
pofition tres declaree a tout ce qui
eft contraire aux bonnes regies lors
meme que des cvenemens furnaturels
paroiflent l'autorifer.
-ocr page 335-
III. Partij. Liv. V. 353                _
Une fi fainte vie pouvoit-elle n'e- 1742.
tre pas fuivie d'une fainte mort ? M. XXIX.
de Saint-Claude etoit deja fort in- sa fainte
commode pendant les Fetes de Noel
1742 j & il n'en alia pas moins a la
Meffe de minuit de fa paroiife, oii il
communia. II affifta pareillement a
tous les Offices des quatre Fetes.
Noel etoit cette armee-la le mardi.
Le famedi 25? , on s'appercut qu'il
etoit fort mal , & on le fit coucher
le foir de bonne heme. Cette nuit-la-
ffieme il rec^ut fes Sacremens avec
toure fa prefence d'efprit &c avec fa
ferveur ordinaire, repondant a tout,
&temoignant qu'il n'envifageoit dans
cette circonftance decifive d'autre ob-
jet que la grande mifericorde de Dieu,
dont l'infinie faintete faifoit difpa-
toitre a fes propres yeux routes fes
bonnes ceuvres. II mourut ainfi de la
rnorr des Juftes a cinq heures du ma-
tin de ce meme jour.
Des que le bruit en fut repandu , xxx.
le concours fut fi grand & fi continuel . Con"'ur?
dans la chambredu defunt, qu'il fal-fa~moit.
loit atcendre long-tems pour y pene-
trer. Cette devotion, que celui qui
fait les Saints, infpiroit aux Fideles,
engagea de le laiffer aflis fur fon lit,
»e vifage decouvert jufqu'au lende-
-ocr page 336-
3 34 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
main midi qu'il fut inhume dans le
petit cimetiere de Saint Etienne. II
etoit deja en quelque forte canonife
pat la voix publique , comme les
Saints l'etoient dans les premiers tems.
L'emprefTement univerfel d'avoir de
fes reliques , fit mettre en pieces tout
ce qui avoit touche a fon corps. On
ne lui laifla pas un feul de les che-
veux. Ses draps , la planche fur la-
quelle il coucnoit, le matelas fur le-
quel il avoit celfe de vivre, tout ce
qu'on put enfin enlever , fut faift
avec une pieufe avidite. On baifoit
refpectueufement les pieds du fervi-
teur de Dieu •, on y faifoit toucher
des livres, des images, des chape-
lets : une voix univetfelle le combloit
de benedictions , & Ton n'entendoit
que des Cantiques d'actions de gra-
ces. La pfalmodie y fut continuelle,
mais on recitoit le Pfeautier de fuite
ou Ton choifiiToit des Pfeaumes d'al'
legrefle qui annon^oient plutot un
jour de fete qu'un jour de deuil. Per-
fonne ne put fe refoudre a dire pout
lui les prieres que l'on a coutume ae
dire pour les morts ; & fans qu'on ft
fut concerte fur cet article comme fut
tout le refte, tout le monde fe txou-
va porte a implorer fa protection au- !
pres de I)ieu,
-ocr page 337-
7
III. Part is Liv. V. 335
Que dirons-nous davantage (59) ? 1742.
Le terns nous manquera fi nous vou-
lons parler de quantite d'autres per- EjFec qUe
fonnes qui fe font fanctifiees dans le do>tpr°duire
J/- Jnrj                                      , ... en nous les
deleft de P. 1\. ou qui ont eu des hai- exempies de
fons avec cette fainte maifon. II n'eft vertus sue
, /r. .          ., - .        A         r nous avons
point neceliaire , 11 leroit meme lu- vfis dans «t-
perflu, d'entrer dans un plus grand de-te h»ft°we«
tail. Les exempies que nous avons
propofes en tout genre font fuffifants
pour ceux qui voudront en profi-
tet (60). II n'eft perfonne de quel-
qu'etat & condition qu'il foit , qui
ne trouve des modeles a imiter. Qu'il
nous foit done permis d'adrefler a nos
Le6beurs,en finifiant,ces paroles qu'a-
drefloit autrefois Saint Paul aux He-
breux , apres leur avoir remis devant
les yeux les anciens Peres, les Patriar-
ches & les Prophetes, qui par leur
foi fe font rendus agreables a. Dieu ,
& ont recu un temoignage Ji avanta-
geux (<Ji). Puis done que nous fommes
environnes d'uneji grande nuie de te~
moins, d'un fi grand nombre de vier-
ges chretiennes, de pieux Solitaires,
(5?) Quidadhucdicam?    tafunt , ut voti compotes
deficit' enim me tempus    fiant.
enarrantem. Heb. n. }i.        \6i) Inhac enim I, fids)
(60) Us enim , qui uti-    tejlimonium confecuti funt
litatem aliquam capere cu-   ftnes.
P'tmt, fufficiunc qua die-                                t
-ocr page 338-
3 3<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
~ de faint Penitens , de favans Doc-
reurs , de faints domeftiques, qui fe
font fanctifies dans la retraite & la
penitence , & ont tout facrifie pour
la verite , degageons-nous de tout ce
qui nous appefantit, & des liens dupe-
che j qui nous ferre Ji etroitement
, &
courons par la patience dans cette
carriere qui nous ejl ouverte
; jettant
les yeitx fur J ejus 3 comme Jur VAu-
teur & le ccnfomtnateur de lafoi;
qui
au lieu de la vie tranquille & heureu-
fe dont il pouvoit jouir 3 a Jbuffert la
croix
j en meprifant la home & I'igno-
minie
, etant maintenant ajjls a la droi-
te du trone de Dieu (61).
PuifTent les Lecteurs, en voi'ant de
II grands exemples de vertus & de
penitence, & en lifant des chofesfi
merveilleufes arrivees depuis fipeu de
terns , & prefque de nos jours, dans la.
vraiefoi & dans la religion catholique,
entrer dans les difpofitions ou etoit
Auguftin avant fa converfion , & fen-
tir en eux-memes ce qu'il fentoit en
entendant ce que lui racontoit Po-
(61) Ideoque & nos tan-        slfpUientes in auSo-
tam habentes nubcm tef    rem jidei & conjummato'
xlum , deponentes omne    rem Jefum , qui propofito
pondus & circumjlans pec    Jibi gaudio fujlinuit cru-
catumper patienticm cur*    cem, &c. Heb. c. !*•
ramus ad propofuum no-     f. i & i.
its certatmn.
• mien
-ocr page 339-
III. P a r t i e. Liv. V. 337
tirien de la vie de Saint Antoine &
i74*«
des autres Solitaires d'Egypte (63)!
Mais ce n'eft point aflez d'etre rem-
plis d'admiration en entendant, ou ce n'eft point
en lifant les merveilles que la grace ~fei diladf™j
a operees dans le defert de P. R., il imiter ces
faut qu'elles nous fervent de modeles, J*?*"*exem"
1                                     _                                      ■                    piGS«
& que les actions de ces grands ler-
viteurs de Dieu & des epoufes de
Jefus - Chrift foient comme une lu-
miere , a la clarte de laquelle nous
obfervions l'irregularite de notrevie,
nos defaut & nos imperfections, afin
de concevoir de la haine de nous-
mimes en nous comparant a eux. Celt
I'effet que faint Auguftin encore alors
eloignede Dieu, tira des merveilles
qu'il entendoit raconter des premiers
Peres des deferts (64). » Mais vous,
» Seigneur, pendant qu'il (Pontitien)
» nous parloit ainfi, vous me rame-
» niez a moi-meme, & vous m'ex-
» pofiez a ma propre vue, afin que
» je vifle combien j'etois laid, fale
» &c difforme......Que fi je m'effor-
» c,ois de detourner ma penfee de mes
» peches , vous vous ferviez des pa-
fS; ) Stupcbamus autetn catholica Ecchfia. Aug.
audientes tarn recenti me- Lib. 8. conf. c. 6. n. 14.
moria & prope noftris tem- (64) Ibid, c. 7. n. i«
porous tefiatijfima mire- & 17.
hilia tua in fide retia &
Tome X.                        P *
-ocr page 340-
338 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1742-
» roles de Pontitien dans la fuite de
» fa narration , pour m'oppofer de
» nouveau moi-meme a moi-meme ,
» & me reprefenter a. mon efprit tel
w que j'etois. Alors plus je me fen-
» tois touche d'un ardent amour pour
« ces Chretiens dont j'entendois ra-
» conter des mouvemens de piete fi
» faints & fi falutaires , & qui s'e-
" toient mis entierement entre vos
j> mains pour recevoirleur guerifon,
" plus en me comparant a eux je con-
» cevois une horrible averfion de
» moi-meme «.
xxxui. Nous ne devons done pas nous con-
C eft
ieP&tenter d'etre des admirateurs fteriles
nos aaions, de P. R. il faut marcher fur les traces
&: non par <Je C£ux (font }a y[Q nous paroit fi ad-
nos paroles
                                                    r
& nos dif- mirable , en y conrormant la notre ,
nou" devonlen aimant ^a verite & en la pratiquant.
lairevoirl'ef-C^lui-la. feul aime la verite qui la
ro;fde0p!pratique par la charite : fans celaon
R.
            ne fait que fe rendre plus coupable.
Que fert-il d'honorer P. R., d'en en-
tendre parler avec joie, de temoigner
par fes difcours de la veneration pour
cette fainte maifon; de vifiter par ref-
pe6fc le defert ou elle etoit, la re-
garder comme le berceau ou la pure-
• te de la morale chretienne , de la dif-
ppline ecclefiaftique §c de la vie re-
_-=
-ocr page 341-
III. P Ar t ie. Liv. f. 539
ligieufe , a repris naifTance , comme "
un lieu ou le Saint Efprit s'eft mani-
fefte par des operations 8c des reuvres
eclatantes de vertu ; que fert-il, dis-
je, d'avoir dans l'efprit & dans la
bouche tous ces fenrimens de P. R.
s'ils ne font dans le cceur 8c dans les
osuvres ? Louons ces grands hommes,
louons-les , mais que ce ne foit pas
par nos difcours feulement, louons-
les par la conformite de nos mceurs.
Que notre langue les loue , mais
louons-les par une vie qui refTemble
a la leur {64). Malheur a nous li nous
ne profitons pas des grands exemples
de vertu que P. R. nous a donnes , 8c
fi nous ne fommes que de fteriles ad-
mirateurs de ces grands modeles. Mal-
heur a nous, fi nous ne marchons pas
fur les traces de ces grands ferviteurs
de Dieu & de ces fidelles epoufes de
Jefus-Chrift! Les fentimens d'eftime
que nous avons pour les uns 8c. les
autres, les eloges que nous faifons de
leur vertu ne ferviront au jugement
de Dieu qu'a notre condamnation. Le
Seigneur nous dira alors comme a ceux
qui auront prophetife fans mener la
(<;) Laudemus, laude- Laudet lingua , laudet vi«
mus ; fed non folis voci- ta. Aug. Serm. 154.
*<«. laudemus & mor'tbus. T. 5. p- ioyo. •
P ij
-ocr page 342-
34° HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
" 1741. vie des Prophetes : jamais je ne vous
ai connus : nunquam novi vos.
xxxiv. Penfons ferieufement que fi c'eft un
Motifs qui avantage pour nous de connoitre les
fnglger"0"! afticms & la vie fainte des religieufes
profiret de & des falitaires de P. R., ii cette con-
«« temples. noj{fance ne fert point a notre falut,
elle tournera a notre condamnation,
» Dieu ne fort pas moins de fon fe-
m cret lorfqu'il reflufcite en quelque
» forte les miracles de fa grace, en
» permettant que Ton faffe revivre
u ceux qui en ont ete les objets , par
« le recit de leurs actions & de leurs
» verrus , que lorfqu'il eclate par des
« operations furnaturelles.Or de quel-
« que maniere qu'il forte de fon fe-
« cret, il ne le fait jamais envain j &
« quelque nom que l'on donne a ces
» merveilles , on doit en conclure
jf qu'elles endurciront fi elles ne con-
» vertitTent pas (65).
xxxv. Hatons-nous d'eviter ce malheur,
,.VnnePcuten profitant des grands exemples de
ahegsier au-      r       .           r°              -, * _
<sia ptetexte vertu qui nous lont propoles. fccotlr
pour fe dif- tons ia vo[x qUi fe fait encore enten-
penlerdimt- .: , _ „ * „         .               ,.
mi ccs mode- dre de P. K., & qui nous cut ce que
ft de peni- ja vertu elle-meme difoit autrefois a
teac
S. ^.uguftin ; Qiioi, ne pourre\ - vous
(6<) Pitface flit les vies des religieufes de ?qtf,
-ocr page 343-
III. Partie Liv. V. 341
pas faire ce que ceux-ci & celles-la ont ' 1741.
fait ? Non poteris quod ifti & ifix, ?
Etes-vous d'un temperamment plus
foible , avez-vous ete eleve plus deli-
catement que tant de perfonnes du
plus haut rang qui ont habite ce da-
ferr, & qui ont fait une fi dure peni-
tence ? Avez-vous moins befoin de la
faire qu'eux ? Etes-vous moins coupa-
bles & moins redevables a la juftice
divine, que ces vierges chretiennes
qui ai'ant apporte leur innocence dans
ce fandtuaire, n'ont pas laiffe d'exer-
cer fur elles routes les faintes rigueurs
de la plus fevere penitence ?
. Que cette voix falutaire nous re- xxxvr.
veille done de notre fommeil, & nous doiTfor-
nous falfe fortir de notre lethargie. "*'? f* vie
T                .                  r               1                       fur ces beaux
Jettons les yeux lur ces beaux mo- modeies, en
deles de vertus qui fe prefentent dans fh.oifi(ra.mce;
,            r             j          r A                        lui qui lui
des perlonnes de tout age , de tout convient.
fexe , de toute conditon {67). Que
(S7) Idcirco enim di-    pi&otes in archerypum
verfas vitas expofuimus,    intuentes, 8c oculos itni-
& feminavum narratio-   tantur , 8c nafum, 8c os ,
nem ad eas qua; virorum   8c genas, & aures Scvul-
erant adjecimus; ut ha-    tus, 8c ipfos capitis bar-
beant & fenes Scjuvenes,    basque pilos, ac praiteiea
8c femina: , exemplaria   felTionem 8c ftationem, 8c
philofophiac, gratamque    geftus ipfos oculorum vel
fibi vicam quifque expri-    hilares vel rervibiles : fie
mens, vita; fua: regulam    eorum , qui fcriptionera
ac normam habeat earn    hanc legunt, unumquem-
qua: in narratione conti-   que oportet , ubi vitam
netur. Et queraadmodum   aliquam imitandam fibi
P iij .
-ocr page 344-
J4Z HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
iy4Z cnacun de nous s'arrete a celui qui
lui plait davatitage, &c s'eftorce de
lui devenir femblable; a l'exemple
des peintres qui voulanc copier un
original,le confiderent attentivemenr,
afin d'en imiter parfakement toutes
les parties , les yeux, le nez, la bou-
che, les joues, les oreilles , le vifage ,
les cheveux, la barbe , l'attitude du
corps, le regard gracieux ou terrible.
C'eft ainfi qu'en lifant cette hiftoire,
chacun doit faire choix du modele
qui eft propre a fon etat, & y confor-
mer fa vie en corrigeant fes propres
defauts, & en imitant les vertus de
fon modele.
xxxvn. " Le fruit des bons exemples que
rm.ls des„ £)ieu demande de nous (68) n'cft
bons exem-                                 . .            , .,v ' ,r
pks que Dieu » pas une admiration fterile & out-
lemande de „
ye ? majs une ficelle & courageufe
nous
»» imitation des Saints «• Tous doi-
vent entrer dans ces difpofitions j
mais s'il en eft quelques-uns qui doi-
vent y entrer d'une maniere plus par-
propofuerit , ad illam    imitari velit, earn fibi re-
quam delegit, fuam ipfius   guls loco applicare , ac
conformare. Et quemad-   vitii quod redundat am-
modum fabri qui ad a-   putare, & virtutis qua; de-
muilim tabulas dirigunt,    funt apponere- Theod.
& ufque fnperflua detra-   hlft. Relig. cap. ult. T. )•
hunt , quoad appofita;   p. 896-
regula: tabulam confenti-       (*8) Refl. Mor. Ep. ad
re videanc; fie ilium opor-   Heb. C. it. f. i>
tet , qui vitam aliquam
-ocr page 345-
III. Partis, th. V. 34$
ticuliere , ce font ceux auxquels Dieu *"
a fait la grace de les appeller a la de-
fenfe des grandes verites que P. R. a
defendues avec tant de courage con- „
tre les nouveaux Pelagiens & les cor-
rupteurs de la morale de l'Evangile.
Ce font encore ceux, qui en lifant
cette hiftoire auront la fatisfa&ion &
l'avantage perfonnel de reconnoitre
parmi les faintes epoufes de Jefus-
Chrift , ou parmi les folitaires & les
amis de cette fainte maifon , des per-
fonnes de leur famille. C'eft pour
ceux - ci fpecialement une nouvelle
obligation & un nouveau motif d'i-
miterces exemples de vertus, qui de-
viennent pour eux des exemples do-
meftiques qu'ils doivent perpetuer
dans leur famille , en faifant voir par
leur conduite qu'ils n'ont point deger
nere de la vertu de leurs ancetres,
& qu'ils font les enfans des Saints
felon l'expreffion du faint homme To-
bie(<?'9). Autrement, ce qui fait au-
jourd'hui leur gloire fera un jour leur
confufion , & ces faints parens s'eleve-
ront eux - memes contr'eux au juge-
ment de Dieu , s'ils n'ont point ete
leurs imitateurs.
II ne nous refte plus qu'a renou-
(«?) Tob. z. f. 18, Filii San&orwrifumus,
P iiij
-ocr page 346-
544 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
j_ % veller la priere que nous avons deja
faite a nos Lecteurs, de vouloir bien
en profitant de nos travaux (69), de-
mander a Dieu qu'il nous faife la gra-
ce de marcher nous-memes fur les
traces de ceux dont nous avons fait
l'hiftoire pour I'inftrudion & l'edifi-
cation de nos freres. Puiffent ces ad-
mirables vierges chretiennes , ces Sts
folitaires, ess zeles defenfeurs de la
grace de Jefus-Chrift, jetter du fein
d'Abraham ou ils repofent, un re-
gard favorable fur celui qui a ofe en-
treprendre d'ecrire leur vie, tout indi-
gne & incapable qu'il fut d'un tel ou-
vrage ! Puiuent-ils lui obtenir de l'Au-
teur de tout don parfait,l'efprit depe-
nitence , 1'amour de la verite & le
zele pour fa defenfe , dont ils ont ete
animes pendant leur vie mortelle, 8c
(70) Oro autem lefto-    nas folum opes laudeni,
res , qui aliotum labori-
    fed ipfe etiam laudis ma-
bus fine labore fruun-
    teriara aliquam confe-
tur , ut laboribus preces
    quae , opere , verbis ,
rependant. Simul & illos
    mentc glorificans univer-
precor , quorum vitam
    forum fervatorem Chrif'
conf.ripfi ne me procul a
    turn Deum noftrum, cum
Ipiiituali eorum chorea
    quo Patri gloria , cum
pofitum defpiciant , fed
    f'anito Spiritu , nunc 8c
infra jacentem rrahant &
    femper & in fscula fai-
ad culmen virtutis per-
    culorum. Amen. Theod.
ducant , choroque fuo
    hifl. Relig. cap. ult.
adjungant, ut non alie-
   p. 8<>tf.
-ocr page 347-
III. Par tie. Liv. V. 345
qui les ont fait arrivera ce Roi'aume 174Z.
qui a pour roi la verite , pour loi la
charite , 8c pour duree l'eternite.
Ainfi foit-il.
FIN.
P %
-ocr page 348-
P R I E R E
A Voccafion de la difperfion & capti-
vitd des Religieufes de Port-ro'ial
des Champs arrivee le 2q d'oclobre
1/op
: avec des Reflexions dries de
VEcriture & des Peres de I'Eglife-
I.
\^j Onfiderez, Seigneur , ce qui vient d'ar-
river a la plus pure & a la plus precieufe
portion de votre troupeau. Vous etes le bon
Pafteur : vous connorflez vos ouailles , elles
vous connoiffent: fouvenez-vous d'elles. Re-
gardez l'opprobre dont le monde accable ici
vos chers enfans. Votre heritage & votre
maifon paffent a ceux d'un autre pais. Vos
filles font devenues comrne des orphelines,
vos vierges font devenues captives. L'ennemi
n'a donne aucun repos a celles qui etoient
Causes de vieilleffe : c'eft pourquoi la joie
de nos cantiques eft changee en lamenta-
tions fur ce que Sion eft defoke , que les
renards y courent en furete. Et notre feule
confolation au milieu de nos pleurs , c'eft
que vous demeurez eternellement, que vo-
tre trone fubfiftera dans la fuite de tous les
fiecles.
Pafteur d'Ifrael, vous vous paiflez vous-
mjsme; pourquoi maltraitez-vous raon trou-
Comment votre Sion autrefois fi folenv!
-ocr page 349-
Priere.                  ?47
tielle eft-elle maintenant folitaire & defoleeJ
Nous ne ceffons point de pleurer duranc
la nuit, & nos joues font trempees dc
nos larmes. Les perftcuteurs de la ve'rite ,
les ennemis de la charite fe font empares de
vos vietges au tems de notre extreme dou-
leur. Les voies de Sion pleurent parcequ'il
n'y a perfonne qui vienne a fes folemnites ,
& que le voifinage eft prive de fa lumiere.'
Yos Pretres ne font plus que g^mir: les peu-
ples d'alentour font dans Tamertume : les
filles font toutes defigurees par l'exces de
leur douleur, & tous vos faints accables fous
un poids fi pefant. Vos ennemis cependant
triomphent au-dehors ; ils s'elevent tous les
jours contre l'Eglife. Ceux qui haiflent la
faintete de votre juftice s'enrichirTent de
leurs depouilles. Les vierges qui font vos
enfans font menees captives devant 1'enne-
mi qui leschafle. Seigneur, confiderez no-
tre affliction , parceque l'ennemi s'eleve con-
tre vous avec orgueil.
Pafteur d'Ifrael, vous mangez le lait de
mon troupeau , vous vous couvrez de fa
laine, & vous ne vous mettez pas en peine
de defendre vos ouailles.
III.
Vous tous qui paflez par les fentiers de
Sion , confiderez, & vol'ez s'il y a une dou-
leur pareille a la fienne. L'ennemi du Sei-
gneur l'a traitee dans ce jour du monde
comme une vigne vendangee par des archers
& des foldats. On l'a route defolee, j'en
fuis epuifee de triftefle pendant le jour; je
fonds en pleurs toutelanuit ; mes yeux re-
pandent des ruifleaux de larmes. Le Partem
P vj
-ocr page 350-
348                 Priere.
vifible que vous m'avez donne , Seigneur, me
devoit confoler , & c'eft lui qui m'a frappee
le premier, au lieu de me proteger & de me
rendre la vie. II s'eft retire de moi quand
il a vu votre ennemi dans fa force. Com-
ment a-t-il oublie de chercher en vous feul
fon appui ? Pourquoi faut-il qu'il ait com*
pte fur un bras de chair ? c'eft la d'oii vient
fa foiblefle. Peuples ecoutez tous, je vous
en conjure, confiderez ma douleur. De fain-
tes vierges , l'ornement de l'Eglife, font
menees en captivite, & leur pere ne s'eft
pas mis en devoir de defendre leur caufe. It
les a abandonnees aux loups raviffans.
Pafteur d'Ifrael, vous n'avez point tra-
vails a fortifier mes brebis qui etoient foi-
bles : vous n'avez pas gueri celles qui etoient
malades : vous n'avez pas bande les plaies
de celles qui Etoient bleffees. Vous vous
etes contente de les dominer avec une rigueur
fevere & pleine d'empire.
I V.
Seigneur,, confiderez que je fuis dans I'af-
flidHon; mes entrailles font emues, mon cceur
eft renverfe dans moi meme, parceque je fuls
lemplie d'un breuvage d'amertume. La puif-
fance du monde ecrafe vos enfans au-dehors,
& Ton voit au - dedans une image de la
mort. Vos ennemis ont fait tout le mal, ils
fe rejouiflent de m'avoir reduite en cet etat.
Quand arrivera le jour que vous devez me
confoler ? jufqu'a ce terns mes foupirs fe re-
doublent fans ceffe, & mon cceur eft acca-
ble dc douleur.
Pafteur d'Ifrael, mes brebis ont ete difper-
ftes , parceque vous n'avez point fait la
fon&ion de Pafteur. Elles ont ete difperfees
-ocr page 351-
Pr'iere.                  $4.$
en divers lieux } & font devenues la proie
de toutes les betes farouches.
V.
Seigneur, vous avez renverfe au-dehors
ce qu'il y avoit de plus faint & de plus beau
dans la maifon de Jacob : car vous vous
etes referve' pour vous-meme leurs ames St
leurs coeurs. L'ennemi n'a rien epargne de
ce qui tombe fous les fens ; mais la beaute
de la maifon de Juda eft int^rieure. Le De-
mon voudroit ravager dans fa fureur cette
fainte maifon, profaner fon roiaume, brifer
dans le tranfport de fa rage toute la force
d'Ifrael. II a beau tendre fon arc centre fon
ennemi , repandre fa colere comme un feu :
s'il a pu renverfer la maifon exterieure d'une
maniere deplorable, enfoncer fes portes ,
brifer fes barrieres , perfecuter les princefles
du fang de l'Epoux , bannir fes nlles , les
confondre parmi les nations, ilne detruira
pas ce que vous avez edifie dans le cceur de
Sion; vous en etes le fondement folide.
Pafteur d'Ifrael, mes troupeaux ont err£
par-tout fur les montagnes 8c fur les collines
tlevees; mes brebis ont £te difperfees fur
la face de la terre, fans que vous vous foiea
mis en devoir de les aller chercher.
V I.
Pretres du Seigneur, qui dans une vive
foi courbes en terre , demeurez en filence ,
adorez les voies de Dieu fur fes Saints ; fit
dans ces jours vous couvrez vos tetes de
cendres ; fi vous vous revetez de cilices,
Voiant la mine de fes murailles, vous favez
*
-ocr page 352-
3 5 o                 Priere.
que le Seigneur fe batit des temples & des
xnaifons dans les coeurs. Ses fondemens font
dans le Ciel, la main de rhomme n'y peut
atteindre ; c'eft ce qui nous confole dans les
mauxprefents , quoique femblables au-dehors
au debordement d'une mer.
Pafteur d'Ifrael, je jure par moi-meme qne,
puifque mes troupeaux ont ete devores n'aiant
plus de Pafteur, je viendrai bientot moi-
meme chercher mes brebis.
V I I.
Voi'ez neanmoins, Seigneur, & confiderez
quel eft le peuple que votre ennemi ravage
de cette forte. II le perfecute fans aucune
companion. Tous fes adverlaires ont ouvert
la bouche contre lui, ils ont die : nous le
devorerons; voici le jour que nous atten-
dions, nous l'avons trouve; nous l'avons vu :
fouvenez-vous de la pauvrete deleurcoeur;
delivrez-le des maux dans lefquels 1'ennemi
voudroit le plonger. Vous etes l'objet de leur
foi, vous etes leur amour : vous etes le fou-
venir continuel qu'ils ont de vos anciennes
mifeiicordes. Ce fouvenir entretient en leur
coeur la reconnoiffance, & devient le fujet
de leurs efpe'rances.
O Pafteur d'Ifrael, puifque mes brebis
font devenues la proie des betes farouches 5
puifque vous n'avez pas deTendu mes trou-
peaux , vous paiflant vous-meme, je xepren-
drai mes brebis d'entre vos mains.
VIII.
' Vous nous avez fait, Seigneur , tous les
jours de notre vie de nouvelles graces. Vous
-ocr page 353-
Priere.                 3 51
etes fidele dans vos promeffes: vous etes no-
tre partage, difent nos ames en nous-me-
mes; c'eft pour cela que nous vous atten-
drons. Vous etes bon a ceux qui efperent
en vous : vous etes mifeiicordieux a 1'ame
qui vous cherche. II eft bon d'attendre en
pais & en filence le falut que vous promet-
tez. Je m'afleoirai done , je me tiendrai foli-
taite , & je me tairai. Je tendrai la joue a
celui qui mefrappe; je me raflafieiai d'op-
probres jufqu'a votre jour. Car vous ne nous
rejetterez pas pour toujours : vous aurez com-
panion de nous felon la multitude de vos
mifericordes.
Pafteur d'Ifrael, dit le Seigneur, je ferai
que vous ne vous paitrez plus vous-me'me >
je delivrerai mon troupeau de la violence
des loups j il ne deviendra plus leur proie.
I X.
Seigneur , vous ne favez ce que e'eft que
de perdre ceux que vous aimez d'un amour
eternel. Le monde ne peut rien contre ceux
qui font a vous, fans que vous lui aiez com-
mand^. Les biens & les maux fortent de vo-
tre bouche. Comment ne ferions-nous pas
en paix au milieu des traverfes de cette vie
fi nous fommes a vous ? Elevez de plus en
plus nos cceurs & nos mains vers vous:
qu'elles foientpures en votre preTence. Si nos
yeux repandent des ruifleaux de larmes, qu'el-
les procedent d'une vive reconnoiflance. Il
vous plait de detruire en nous ce qui pour-
roit y refter d'humain , & cela jufqu'au fon-
fement. Mon ceil, ne t'afflige done plus; que
mon ame fe taife & fe repofe ; puifque vous
avez jette" les yeux fur nous, Seigneur, &
-ocr page 354-
J 51                     Priere.
que vous nous regardez du plus haut des
Cieux.
Pafteur d'Ifrael, void ce que dit le Sei-
gneur : je viendrai moi-meme chercher mes
brebis, 8c je les vifiterai.
X.
Si mon ceil pleure, ce fera fur le malheur
de ceux qui me perfecutent. Je ne ceflerai
point de prier pour ceux qui me haiffent
fans fiijet. J'invoquerai votre nom, Seigneur ,
du plus profond de mon coeur , quoiqu'ils
m'aient pris pour me jetter dans leurs filets
comme un oifeau qu'on prend a la chafle.
Entendez ma voix , je vous en conjure. Ne
detournez pas vos oreilles de mes cris &c de
mes gdmiflemens. Vous avez dit: ne craignez
point : adorez mes voies, elles font juftice
& miftricorde. Et moije vousdis, Seigneur,
approchez-vous d'eux au jour que je vous
invoque pour eux.
Pafteur d'Ifrael, comme un Pafteur vifite
fon troupeau, lorfqu'il fe trouve au milieu
de fes brebis, je vifiterai mes ouailles , je les
delivrerai de tous les lieux ou elles avoient
etd difperfees pendant les jours de nuages
& d'obfcurite.
X I.
O Seigneur, que vois-je ! vous prenez la
defenfe de la caufe de mon ame, vous qui
etes le rddempteur de ma vie. Vous avez vu
1'injuftice des hommes contre moi; faites-
vous voits-meme raifon,leur faifant voir leur
iniquite. Vous avez vu toute leur fureur, 1"
mauvais traitemens &C les defleins pervert
qu'ilstramentdepuis tant d'anneescontie moi#
-ocr page 355-
Priere.                 353
Vous avez entendu les injures qu'ils m'oiit
faites & tout ce qu'ils ont dit contre leurs
penfees. Vous avez oui les paroles de ceux
qui m'ont perfecutee, & ce qu'ils out medite
contre moi pendant tout le jour. Confide-
rez-les, & vous trouverez que je fuis devenue
leur jouet. Ne repandez pas fur eux ni vo-
tre fureur ni l'indignation de votre colere :
ne les pourfuivez pas felon la juftice de leuts
oeuvres ; mais convertiifez-les dans votre mi-
fericorde.
Et vous Pafteur d'Ifrael, fachez que jc
reviendrai bientot ; je retirerai mes brebis
d'entre les peuples; je les raffemblerai de di-
vers pais , Sc les ferai revenir dans leur pro-
pre terre.
X I I.
Qui eut jamais cru que les ennemis de Je-
rufalem Sc ceux qui la haiffent duffent an
jour entrer par fes portes; C'etoit un lieu de
terreur pour l'enfer; cela eft arrive1, mais
c'eft pour accomplir les mifericordes de Dieu
fur les pierres vivantes de fon fancluaire. Si
Ton a tcndu des pieges dans le defert aux
vierges de Sion, c'eft pour perfe&ionnerl'ou-
vrage du Seigneur en elles. Faffe aujourd'hui
fa bonte' que dans le meme defert les loups
foient changes en agneaux. Que l'effufion
de vos mifericordes, dont vous gratifiez qui
il vous plait, y fafle gemir ces pecheurs de
lcurs injuftices.
Pafteur d'Ifrael, je ferai paitre mes brebis
fur les montagnes d'Ifrael, le long des ruif-
fcaux & dans tous les lieux du pais les plus
habites.
XIII.
Pour vos Juftes , Seigneur, que vpus
'
-ocr page 356-
j j 4                Priere.
avez formees dans votte juftice , qu'ellcs
foient la beaute de votre temple eternel ;
qu'elles vivent en vous , vous etes leur re-
compenfe; leur penfee & leur volonte eft en
vous : votre grace qu'elles ont airnee plus
que leur vie, eft en elle. Vous les avez pro-
tegees de votre droite , vous les defendez
toujours par la force de votre bras : elles re-
cevront de votre main le roiaume (kernel;
vous leur en avez deja donne les arrhes St
les premices. Si les confolations dont vous
les gratifiez ici-bas font fi fenfibles a l'ame,
quelles feront celles que vous leur diftribue-
rez dans le Ciel ? L'oeil n'a point vu, l'oreille
n'a rien entendu , il n'eft rien entr£ dans
le coeur de l'homme qui egale ce que vous
avez prepare a ceux qui vous aiment. Re-
jouilTez-vous done , juftes , dans le Seigneur,
& mettez en lui toute votre gloire.
Pafteur d'Ifrael, je menerai mes brebis
dans les paturages les plus fertiles , & les
plus hautes montagnes d'Ifrael feront leur
pature.
XIV.
Apres tant de travaux 8t de perfections
fouffertes , la charite de Jefus - Chrift vous
lemplira fans fin : vous jouirez de la verite ,
qui eft Dieu meme. Vous vivrez en lui, &
lui en vous , fans crainte de le perdre: le terns
de votre bonheur fera l'eternitd. Le com-
prennequi pent le comprendre, quelle felicite
d'avoir pourRoi la verite , pour loi la cha-
rite , pourdur^e i'^ternite. Notre Roi fe com-
muniquera a nous dans l'etendue de fon a-
mour. Bien different de l'homme, il ne fera
point de commandement impoffible. Il n'exi-
gera de nous que le meme amour dout il
-ocr page 357-
Priere.                 355
nous aime dans fon eternit^. Vous vivre^
dc fon Efprit, & du fang de l'Agneau fans
tache , marque fur les portes de vos cceurs >
pour vous preferver de la mort; fcellees de
ce fceau vous ne ferez point dans l'oubli,
lorfque l'Ange exterminaceur frappera la
terre de l'Egypte.
Pafteur d'lfrael, voici ce que dit le Sei-
gneur : mes brebis fe repoferont fur l'herbe
verte; je les ferai coucher moi - meme , dit
le Seigneur notre Dieu.
X V.
Dieu nous a predeftine'es en fon Fils bien-
aime' pour etre conformes a fon image. II eft
en nous comme le premier ne entre les freres;
il efluiera nos larmes, il nous donnera la
paix apres taut de travaux & de peines.
Soions en repos dans les mains du Seigneur ,
la les tourmens ne penetrent pas jufqu'a
l'ame.
Pafteur d'lfrael, je ferai paitre moi-meme
mes brebis, je les ferai coucher moi-meme ,
dit le Seigneur notre Dieu.
XVI.
S'il eft permis a la Bete de nous faire la
guerre encore pour peu de terns, elle fera
bientot enchainee. Soions fermes dans le Sei-
gneur : c'eft ici oii doit eclater la patience
des SS. Gardons les pre'ceptes de l'Agneau.
Confions-nous au Seigneur : contemplons 8c
aimons fa v^rit£. Rendons - nous y par fa
chatit^. Pofledons nos ames vidtorieufes des
^uifTances du monde. Les elus de Dieu ne
travaillent poinc en vain 5 c'eft le pliant
-ocr page 358-
3j<?                   Priere.
& le germe du Seigneur; c'eft le fiuit Sc
l'ouvrage de fes mains ; 8c c'cft en quoi ecla-
tent les richefTes de fa gloite.
Pafteur d'Ifrael, j'irai chercher celles que
par votre condnite vous cherchez a perdre ;
je defendrai celles que vous expofez a tom-
be-r.
XVII.
Le Dragon mis en liberte pour peu de
tems n'ert pas a craindre , ft Ton poflede
dans fon cceur le temoignage de Jefus Chrift.
Si l'ennemi peut faire la guerre , nous favons
que les Saints vainqueronr a caufe du fang
de l'Agneau; c'eft la joie du Ciel & de la
terre. Le Seigneur aura foin de fes elus, il
les delivrera de la tribulation. II fera juftice
de fes Saints, & reprendra dans fon jugement
les impies. II jettera dans 1'etang de foufFre
& de feu les laches , les timides avec les abo-
minables.
Tafteur d'Ifrael, rentrez dans mes voies,
fans vous je banderai les plaies de celles que
vous avez blcfiees : je fortifierai celles qui
feront foibles :je conferverai celles qui feront
graffes & fortes. Je les conduirai dans la droi-
ture & la juftice. Appreliendez que je n'ote
le chandelier de fon lieu.
XVIII.
Nous poffederons le ro'iaume que Dieu
nous a prepare avant la conftitution du rnon-
de , fi nous gatdons fur nos fronts le nom
du Fils bien-aime , portant fa croix dans nos
cceurs. Et vous anges de Dieu qui prefentez
devant le Seigneur Tencens & les prieres des
-ocr page 359-
Prlere.                 357
Saints furl'autel, portcz-y nos vocux. Vous
etes fpeitateurs des vicloires de la grace;
vous procegez ceux qui ne fe glorifient qu'en
elle.
Pafteur d'lfrael, apres tvoir bu de l'eau
claire , pourquoi avez - vous trouble le refte
avec vos pieds ?
X I X.
La gloire du Seigneur paroit en ce jour a
toute la terre. Car le feu de la charite con-
fomme l'holocaufte. V entablement le Sei-
gneur habitoit ce lieu , & le monde ne l'a
pas connu. C'etoit la maifon de Dieu &c la
porte du Ciel. Les pierres n'avoient aucune
faintete : ceux &c celles qui habitoient ces
lieux etoient la faintete du Tout- puiffant par
Habitation du S. Efprit; leurs corps a caufe
de lems ames, la maifon a caufe des corps
faints qu^ y habitent & qui y repofent.
Pafteur d'lfrael, ne favez - vous pas ces
chofes ? que mes brebis y etoient dans tin bon
paturage 3 pourquoi avez - vous foule aux
pieds ce que mes brebis paiffoient ? pourquoi
avez- vous avec vos pieds trouble l'eau qu'elr
les buvoient.
X X.
La deftruction exterieure de cette maifon
de Dieu eft une confervation de fa maifon
interieure. Le Seigneur abandonne a des etran-
gers les murailles de Sion. Nous ne favons
quelles en feront les fuites : peut-etre ache-
ve-t-il la confommation de fes elus : peut-
etre la difperfion de ces reftes precieux d'une
pidce fi eclatante eft-elle une lenience d'en-
fans de la verite.
Pafteur d'lfrael, voici ce erne dit le Sei*
-ocr page 360-
3 5 8                    Priere.
gneur : je viens juger moi-meme & difcerner
les brebis graffes que vous egorgez , & les
brebis maigres que vous laiffez.
XXI,
Peut-etre n'eft-ce point alTez pour ces vier-
ges d'avoir renonce a tout le monde pour
fijivre Jefus-Chrift dans le defert & fur la
Croix. Elles tenoient peut-etre a leur chere
folitude ; mais pour les purifier encore da-
vantage , Dieu les tranfporte en d'autres lieux
inconnus pourqu'elles n'y voient plus que
lui des yeux de la foi. O veritablement vous
e"tes un Dieu jaloux, vous qui etes la por-
tion , le feul veritable heritage de vos Saints.
Vous privez ces vierges , des initructions ex-
t^rieures, parceque vous voulez vous-meme
les inftruire dans le cceur , du plus haut du
Ciel. Vous leur otez la participation vifible
du Sacrernent augufte du Corps de votre Fils:
mais vous les nourrifTez de votre Efprit & de
fon corps , comrae nous le ferons pour ainfi
dire dans le Ciel. C'eft vous qui etes le con-
fervateur de ce pain divin.
Pafteur d'Ifrael, vous avez frappe mes
brebis , fouffert qu'elles fuflent frappees SC
chaflees dehors , parcequ'elles etoient mai-
gres , dites-vous: mais je fauverai mon trou-
peau, je vous Toterai des mains , & la terre
verra qu'elles etoient grafTes.
X XI I.
Sans croix on nc fuit point le Seigneur;
fans l'ondtion interieure de la grace, on ne
fupporte pas le poids des fouffrances. Mais ,
Seigneur , puifque vous xegniez dans le cceur
-ocr page 361-
Priere.                  359
de vos epoufes avant cette tribulation , c'eft:
une marque que vous ne voulez pas mettre
la lampe fous le boifleau mais fur le chan-
delier. II eft tems qu'elle ^claire les hommes
qui font dans les tenebres.
Pafteur d'lfracl, je fauverai mon troupeau,
il ne fera plus expofe en proie. Je jugerai
entre les brebis & les brebis.
XXIII.
Nous admirons , mon Dieu , vos bene-
dictions fur vos fervantes. Donnez-nous de
fuivre les voies par ou vous les perfeclion-
nez : aidez nos infirmites. S'il faut quitter
des maifons faites par la main des hommes ,
gravez dans nos cocurs cette verite, que no-
tre habitation eft en Jefus-Chrift; qu'il nous
tient lieu de maifon, qu'il eft notte nourri-
ture , notre feul & unique bien; que c'eft lui
qui fait none unique bonheur; puifque c'eft
par lui & en lui feul que nous fommes a
vous & avec vous.
Pafteur d'Ifrael, je fufciterai mes ouailles.
Le Pafteur unique , a .votre defaut, en aura
foin : il aura foin de les paitre : il leur tiendra
lieu lui-meme de Pafteur vifible.
XXIV.
Comprens bien aujourd'hui, mon ame,
fi Dieu daigne t'en faire la miftricorde , ne
l'oublie jamais : comprens que la demeure
d'un Chretien eft dans les Cieux ; que toute
la terre eft pour lui un exil : que la mali-
gnite de I'homme ne peut atteindre la oil tu
I dois fixer le lieu de ton repos. Mais pour lc
comprendre, & le comprendre autant qu'il Is
-ocr page 362-
560                Prierct "
faur pour tout fouffrir, 6 , mon Dieu! re-
pandez aVec plenitude votre fandification
au milieu de nous, etabliflez toujours votre
tabernacle au milieu de nos cceurs : fandi-
fiez le tabernacle avec l'autel: foiez en nous
■vous - meme la vidime & l'holocaufte par
Jefus - Chrift. Habitant ainfi au milieu de
nous comme avec vos vrais enfans, dont
Ifrael n'etoit que la figure, toute la terre
reconnoitra le Seigneur qui nous fandifie.
Pafteur d'Ifrael, fachez que c'eft moi qui
fuis le Tout-puiflant. Je ferai leurDieu,&
le vrai David fera au milieu d'elles comme
leur Prince. Ceft moi qui fuis le Seigneur
«jui ai parle.
XXV.
Vierges rachetees par le Sang du Seigneur,
courez vers la veritable Sion , dont la vc-
tre n'etoit que la figure. La il n'y aura plus
ni douleurs , ni gemiffemens, ni clameur, ni
mort. Toutes ces chofes feront paflees. Heu-
rcufes alors d'avoir conferve la purete du
cceur3 puifque la vous verrez Dieu. Plus de
tchiebres, parceque Dieu fera votre lumiere
en fon plein jour. On ne le connoit ici
quimparfaitement, la on le connoitra en
lui-meme. La les Juftes refplendiront de
gloire , ils jugeront les nations , le Seigneur
regncra en eux. Ils font ici fouies dans le
prelloir de douleur , meprifes , juges injufte-
ment. Le Seigneur viendta bientot dans fa
gloire: notre Dieu viendra juger le monde
& fa juftice. Tous les Saints viendront avec
lui.
Pafteur d'Ifrael, je ferai avec mes brebis
une alliance de pais ; j'exterminerai de la
tetre les betes les plus cruelles. Celles qui
habitoieni;
-ocr page 363-
Priere. '                 ■$&!
bitoient dans le deiert dormiront en aflu-
ranee ail milieu des bois.
XXVI.
Celui qui eft de toute eternite vient bien-
tot. II a donne fon jugement a fes Saints.
Le terns approche , & ies Saints entrent en
pofledion de fon roiaume. II fe repofera
dans fon jugement, afin de donner au peu-
ple de fa faintete le regne , la puiffance, &
la grandeur de fon empire. AneantifTez-vous,
Fideles, devant le trone du Seigneur. Penetre's
d'une vive reconnoiflance , adorez celui qui
eft dans tous les fiecles. Vous , 6 Lion de
la Trib'u de Juda, ouvrez bientot les fceaux
du Livre, vous qui feul etes digne de les ou-
vrir, vous qui etes en vos Saints le victo-
rieux du monde.
Pafteur d'Ifrael,je comblerai mes brebis
de benedictions autour dc la colline ou j'ha-
bite. Je ferai tomber des pluies, ce feront
des pluies de benedictions £c d'abondance.
XXVII.
L'Agneau mis a mor,tdebout au milieu du
trone prendra le Livre de la main de celui qui
y eft affis ; il l'ouvrira , il portera fon juge-
ment dans Tequite\ Plus de paffions, plus de
timidite, plus d'aveuglement. II rendra a
cliacun felon fes oeuvres. Enfans de verite ,
chantons avec les faints vieillards ce Canti-
que nouveau : » Vous etes digne, Seigneur,
» de recevoir & d'ouvrir les fceaux du Livre,
» parceque vous avez ete mis a mort, 8c
» que vous nous avez rachetds pour Dieu
« au prix de votre fang, de toute tribu , de
Tome X.                         Q »
-ocr page 364-
3<?i                   Priere.
u toute langue , de toute nation ; que vous
»> nous avez fait pour etre le regne & le fa-
33 cerdoce de Dieu. Nous regnerons avec
j) vous dans votre roiaume cc.
I Pafteur d'Ifrael, alors les arbres des champs
porteront leur fruit dans leur maturite ; leur
terre fera feconde ; mes brebis habiteront
fans crainte dans leur pais , & vous faurez
que je fuis leur Seigneur.
xxyiii.
Beni foit Dieu qui nous a choifis en Jefus-
Chrift pour entrer dans fon corps d'eledtion
& de predeftination. 11 l'a tire de la mafTe
des enfans d'Adam , pour le faire faint & fans
fouillure dans fa charit£. II nous a crees de
nouveau en fon Fils bien - aime. II nous a
choifis dans 1*adoption de fes enfans a la
louange de l'honneur de fa grace , en laquelle
il nous a gr tcifies.
Pafteur d'Ifrael , je briferai les chaines
dont vous avez voulu charger mon trou-
peau; je romprai le joug que vous avez
voulu lui impofer. Je les arracherai d'en-«
tre les mains de ceux qui vouloient leg
dominer avec empire.
XXIX.
Etant enfans des Saints, nous attendons
cette vie que Dieu doit dormer a ceux qui
pe s'ecartent point de la fidelite qu'ils lui
doivent. Ceil pourquoi nous rendons graces
a Dieu le Pere , qui nous eclairant de fa lu-
piiere, nous a rendus dignes d'avoir part au
fort & a l'hdritage des Saints. C'eft lui qui
tgous a ajtrjches ds la puiifjUlce. dss tfrebre^
-ocr page 365-
Priere.                     3 G $
pour nous transferer dans le roi'aume de fon
Fits bien-aime, de fon Fils qui nous a ra«
ctietes par fon Sang en nous m^ritant la re-
million de nos pecnes.
Pafteur d'Ifrael, mes brebis ne feront plus
en proie aux nations. Les betes de la terre
ne les devoreront plus. Elles habiceront bien-
tot dans une pleine affurance fans avoir plus
rien a craindre.
XXX.
Race d'ele&ion , Sacerdoce roi'al, Nation,
fainte, Peuple d'acquifition, vous annonce-
rez etemellement les vertus de celui quivousr
a appelles dans fa lumiere admirable. II vous
a aim£s d'un amour eternel, il vous a fait
fon Regne Sc fon Sacerdoce. C'eft lui qui a
lave vos vetemens d?ns fon Sang ; audi fe-
rez-vpus devant le trone de Dieu, vous le
fervirez jour & nuit dans fon temple. Celui
qui eft affis fut le trone vous fervira lui—
meme de maifon pour vous couvrir; il n'y
aura plus ni faim nl foif; le foleil ni fes ar-
deurs ne vous incommoderont plus. I/Agneau
du milieu du trone feta votre Pafteur : II
vous conduira aux fontaines des eaux vivan-
i:es. Dieu effuier^ tputes les larmes de vos
yeux.
Pafteur d'Ifrael, mes brebis ne feront plus
confumees par la famine fut la terre. Jo
leur fufciterai parmi elles une plante d'un
grand nom.
XXXI,
Tout fera confommc' en Jefus-Chrjft lorf*
qu'il aura reuni fon roi'aume a Dieu fon Pere,
Jout empire fera detiuit, toute domination
Q1)
-ocr page 366-
3/?4                Pr'iere.
& toute puiflance. Alors ces corps corrupt!-
blcs pour qui nous apprehendons feront re-
vetus de l'incorruptibilit£. Ceifons de craindre.
les maux d'ic'i-bas. Bientot cette parole de
l'Ecriture fera accomplie : La mott a e^e ab-
forbee &c detruite par une entiere vicloire.
C'eft dans cette foi, que nous travaillons de
plus en plus a l'ceuvre de Dieu : c'eft dans
cette foi, que nous favons que notre travail
ne fera pas fans recompenfe devant le Sei-
gneur.
Pafteur d'lfrael, je ferai que mes brebis
ne feront plus en opprobre parmi les nations;
qu'elles feront regardees comme la plus chers
portion de mon heritage.
X X X 1 I.
Inconnus aux fiecles paffifs, connus de
Dieu , nous vivrons comme n'etant pas de ce
monde : nous y ferons comme des citoiens du
Ciel par l'Efprit de la fagefle du Pere de gloi-
le. Et vous, mes brebis, dit le Seigneur,
vous qui etes le troupeau de mon paturage,
■vous l'ouvrage de mes mains : je fuis votre
Seigneur & votre Dieu, vous etes mon tem-
ple , je me repoferai en vous.
Pafteur d'lfrael, cherchez ma force, & pleu-
rez amerement. Je ferai le Pafteur de mes
brebis : je ferai avec elles ,moi qui fuis leur
Seigneur & leur Dieu; elles font mon peu-
ple, elles qui font de la maifon d'lfrael. An-
noncez-le a ceux qui l'ignorent : parlez avec
un front d'airain a ceux qui les accablenr.
Ce changement fera le grand miracle la grace.
XXXIII.
Bienheureufe Cite de Jerufalem , c'eft en
-ocr page 367-
Priere.                   365
VouS que nous voi'ons la paix. Votre fonde-
menr & votre edifice eft dans les Cieux :
vous n'etes conftruite que de pierres vivan-
tes : vos forterefles font la veiite : vos murs
font la charite : vos fondemens , c'eft l'hu-
milite : votre hauteur & votre etendue , c'eft
l'erernite. La foi en couvte les portes , la
perfe'cution & les fotiffrances taillent les co-
tonnes de cet edifice. Architecte divin.d'une
eonftruttion fi fainte , ouvrez les yeux de
nos Coeurs fur ce qui vient d'arriver: faites
que nous voiions quelle eft l'efperance de no-
tre vocation , & qu'entrant dans la conftruc-
tion de la Sion celefte, nous gofttions quelle
eft la gloire de votre heritage dans vos saints
in aternum. Amen.
QiO
-ocr page 368-
TABLE
ALPHABETIQUE,
Par les noms de bapteme & de religion 2
des Religieufes de Port-Ro'ial
j tant
di chceur que converfes 3 depuis la
reforme.
[ Les Ledteurs qui potirroient hit embar-
rafles pour diftinguer de quelles families font
les Religieufes de Pore - RoYal, dont lis ne
trouvent, en lifant leurs Ades , leurs Reque-
tes, leurs Relations , que les noms de reli-
gion qui font communs a plufieurs , leveront
aifement leurs difficultes en confultant cette
Table, dans laquelle on a joint les noms de
famille a ceux de bapteme & de religion.
C'eft le but qu'on s'eft propofe , fans d'ail-
ieurs pretendre que cette lifte folt fi exacte
qu'elle renferme toutes les Religieufes fans
exception : il feroit difficile, quelque recher-
che que Ton fit, d'en donner une qui cut
cette exactitude; le Necrologe, le Supple-
ment , les Obituaires manufcrits ne les ren-
ferment pas toutes ].
A
i^ (S u R Agnes de Sainte' Blandine Forget;
converfe, morte le i4feptembre 1758.
Agnes de la Mere-Dieu Chouy de Penfieres ,
morte le 16 dexembre                     1687.
Agnes de Sainte Thecle Racine , Abbefle de
P. R. morte le 19 mai                 1700,
-ocr page 369-
Table alphabetique.          $67
Angelique de Sainte Agnes de Marie de. la
Falaire , morte le 9 oftobre             1698.
Angelique de Saint Alexis d'Hecaucourt de
Charmont, morte le 11 o&obre        1671.
Angelique de S, Jean, feconde fille de M.
Arnauld d'Andilly, morte le z<> Janvier
1684.
Anne de Sainte Agathe le Bon, morte le 19
mars
                                                1^79-
Anne-Catherine de Saint Jofeph MuirTon ,
morte le 17 feptembre
                    1686.
Anne de Ste. Cecilt de Boifcervoife , morte
li 8 nov.                                                1709.
Anne de Sainte Chriftine Graillet , morte le
11 octobre
                                       1683,
'Anne de Saint Denis .. .., converfe, morte
le 18 avril
                                       1649.'
Anne de Sainte Eugenie Boulogne de Saint
Ange, morte le 13 decembre
            1667.
Anne - Eugenie de l'lncarnation Arnauld ,'
morte le premier Janvier
                  1653-
Anne-Francoife de la Mere de Dieu le Gai ,
morte le 30 avril
                             16JO.
Anne de Sainte Genevieve du Boulai, morte
le 14 feptembre
                                i6J><5.
Anne-Gertrude de Saint Auguftin Gamier,
morte le 11 novembre
                    1669.
Anne de Sainte Gertrude Robgrt, morte le
9 oftobre
                                         1694.
Anne-Julie de Sainte Syncletique de RemH
court, morte le 14 Janvier
               1718.
Anne de Sainte Lidie Levi, converfe , morte
le 13 avril
                                       1700.
Anne de Sainte Madeleine Halley, le 14
fevrier
                                             165 f.
Anne de Sainte Marie Johannet ^ morte le
14 avril
                                          1634.
Anne-Marie de Sainte Agathe Soupl^t, mor-
Q iv
-ocr page 370-
5 68                  Table
te le i4feptembre                            i£J7«
Anne-Marie de Sainte-Eugenie Arnauld ,
cinquieme fille de M. d'Andilly , morte le
7 oftobre                                         1660.
Anne-Marie de Sainte Euftoquie de Ilefcclles
de Bregy , morte le premier avril 1684.
Anne de Sainte Marine Laime- , converfe ,
morte le 18 Janvier                           171 J.
Anne de Sainte Monique Nicole , converfe,
morte le 3 Janvier                             1657.
Anne de Saint Paul Arnauld, coufine de la
mere Angelique, morte le 11 feptembre
Anne, de S. Paul Renard , converfe , morte
le Jo Janvier
                                     1670.
Anne de Sainte Ringarde Ferrier, morte le
19 mars
                                           I70y.
Anne de Sainte Thccle Thomas, morte le pre-
mier janvier
                                    1661.
Anne de Ste. Urfule purer, converfe , morte
le 14 mars
                                       1704.
Antoinette Catherine de S. Jofeph de Beau-
clair de S. Cyr, morte le 18 aout 1669.
Antoinette de Sainte Chriftine de Rebergues,
morte le 11 mars
                            1766.
Antoinette Euphrafie de Saint Auguftin le
Gros, morte le A decembre                  1666.
Antoinette de Jefus le Chapelain , morte le
13 decembre
                                    j (<3 5.
Antoinette de Saint Robert le Sueur, morte
le 5 juin
                                            1641.
B
B
Rigitte de Ste Maure Pichard, morte
le z6 avril
                                       1699.
C
C
Atheriiie Agnes de Saint Paul Arnaulcf«
-ocr page 371-
Alphabetique.               369
AbberTe , morte le 1.9 fevrier 1671,
Catherine de Sainte Agnes Arnauld d'Andil-
iy , premiere fille de M. d'Andilly , mortc
le 13 decembre                                1*43.
Catherine de Sainte Agnes Couteau , conver-
fe, morte le iSavril                       1660.
Catherine de Saint Alexis Marion de Drui,
morte le 7 decembre                        ifi34-
Catherine de Ste Angelique du Pont, Prieu-
re, morte le I7feptembre                i6iy.
Catherine de FAflbrnption Guillard, morte
le 4 juin                                           1657.
Catherine de Sainte Eugeni'e Guellart, con-
verfe , siorte le 30 Janvier              1664.
Catherine de Sainte Eulalie Veillard, morte
le 14 fevrier                                   1684.
Catherine de Sainte Fabronie des Cofteaux,
converfe, morte le $ Janvier           1704.
Catherine de Sainte Fe'licite Marion , veuve
de M. Antoine Arnauld , morte religieufe
de P. R. le 2.8 fevrier                       1641.
Catherine de Sainte Gabrielle de Nouveau ,
morte le n mars                             1617.
Catherine Hcnriette de Saint Auguftin de ,
Lorraine d'Elboeuf, morte le n odrobre
Catherine de Sainte Hildegarde Fontaine ,
morte len feptembre
                     1676.
Catherine de Saint Jean Arnauld, veuve de
M. Ifaac le Maitre, & fa;ur de la mere
Angelique, morte religieufe de P. R. le
xi Janvier
                                       Jtfyi.
Catherine de la Paffion Lanternier , morte le
6 decembre
                                      i*)3-
Catherine de Saint Paul Goulas, morte le
xi mai
                                            1667.
Catherine de Sainte Sufanne Champagne ,
, morte le 16 mars
                          ' 1686.
Q v
-ocr page 372-
370                  Table
Catherine de Sainte Tharfile d'Aflon , con-5
vetfe, mortc le 5 decembre
              1710.
Catherine de Saint Theodore Corbillon, con-
verfe, morte le i avril
                     1678.
Charlotte de Saint Bernard de Saint Simon ,
morte le 10 Janvier
                       1671.
Charlotte de Herelle, converfe , quinevou-
lut pas embrafler la reforme, morte le
6 mars
                                            1*17.
Claire de Sainte Martine de Maurifle , m. le
15 Janvier
                                        1694.
Claire de Sainte Martine Pinot, morte le zj
decembre
                                         1610.
Claude Louife de Sainte Anaftafie du Mef-
nil, derniere Prieure de P. R., morte le
18 mars
                                           1716,
D
D
Enife de Sainte Anne Coflart de Flan ,
morte le z6 decembre                     l69h
Denife de Sainte BafiliffeNoifeux, converfe,
', morte le 11 octobre                         1716.
E
Ji Lifabeth de Sainte Agnes leFeron , mor-
te le 16 avril
                                  1706.
Elifabeth de Sainte Anne Boulard , derniere
Abbefle de P. R., morte le 10 avril 1706.
Elifabeth de Sainte Claire Cottier , poftu-
Iante converfe, morte le zo Janvier 1707.
Elifabeth de Sainte Genevieve le Baftier,
morte le 19 novembte
                     i6$t.
Elifabeth de Sainte Ludgarde Maitteland,
morte le 9 fevrier
                           16$6.
Elifabeth de Sainte Ludgarde Odierne, con-
verfe, morte le 17110V.
                    \<>%6.
Elifabeth Ludgarde de Saint Alexis Pajot,
moite leiojuin
                              i<m*
-ocr page 373-
'Alphaletique.             371
' Elifaheth Madeleine de Saint Luc Midorge ,
morte le 3 janviet                           1707.
Elifabeth de Sainte Marcelline Walon , morte
le 18 decembre                                1681.
JT Rancoife de Ste. Agathe le Juge , morte
le 10 juillet                                          1718.
Francoife de Sainte Agathe de Sainte Mar-
the , morte le 6 feptembre               16jf.
Francoife de Sainte Agnes Rouvet, morte
le premier Janvier                            1665.
Francoife Agnes de Sainte Marguerite de Ste.
Marthe , morte le 8 avril                171*?.
Francoife de Sainte Beatrix Foi, morte le 18
mars                                                170 }•
Francoife de Sainte Catherine Fatiere , con-
verfe , morte le premier Janvier ifij j.
Francoife de Sainte Catherine , Simonain ,
converfe , morte le 15 mai              1676.
Francoife de Sainte Claire Soulain, morte le
iy avril                                            166J.
Francoife de la Croix de Villume de Bar-
mont, morte le 8 juillet                  1^84.
Francoife de Sainte Darie Walon, morte le '
z? mars                                    \6tz.
Francoife Louife de Sainte Claire le Camus
de Bulloyer de Romainville , morte le 17
mai                                                 l679-
Francoife de Sainte Ludgarde Robert, le 7
feptembre                                        i666i
Francoife Madeleine de Sainte Ide le Va-
vaifeur, morte le zj decembre 17 jy.
Francoife Madeleine de Sainte Julie Bau-
drand, morte le ix avril               1706,
Francoife de Sainte Marthe Bouteroue, con-
verfe, morte le 10 Janvier
               167s.
Fian^oife Msi'the de Tous lcs Saints Cheron,
Q vj. ■
^—^—_
-ocr page 374-
37z                  Table
converfe, mortele H fevrie'r            16^6.
Iran^oife de Saint Paul le Fevre Chante-
reau , morte le 17 mai                    1676'.
Irancoife Scholaftique de Sainte Barbe Ge-
nin , converfe , morte le 30 Janvier 16$6.
Francoife de Ste. Theodore Mezieres, morte
lei! Janvier                                       1617.
Francoife de Sainte Therefe Maignart de
Bernieres , morte le 14 avril            1706.
G
G
Abriellle de Saint Francois de Ruben-
tel, morte le 5 octobre
                    1638.
Gabrielle Marie de Sainte Catherine Houel ,
morte le 16 feptembre
                    170?.
Gabrielle Marie de Sainte Juftine de Confeil,
morte lei 1 mars
                             1664.
Genevieve de Sainte Darie , poftulante con-
verfe , morte le n mars
                   169 j.
Genevieve de Ste. Domiulle Dadeflb, morte
le 9 aoftt
                                          i^zj.
Genevieve de Sainte Dorothee Lombert,
morte le 11 novembre
                    1697.
Genevieve Euphemie de Saint Jofeph Nico-
las , morte le zi fevrier
                    i&]6.
Genevieve de l'lncarnation Pineau , morte
le premier decembre
                        1681.
Genevieve de Sainte Madeleine de la Haye ,
mortele n avril
                             I679-
GenevieVe de Sainte Thecle Midorge , morte
lei j decembre
                                 1676-
Genevieve de Sainte Therefe du Yal, morte
le zj Janvier
                                  i<88.
H
JtlElene de Sainte Agnes de Savonieresj
aflbciee a P. R., morte le 17 decembre
-ocr page 375-
Alpkabetique.            57$
Helene de Ste. Demetriade, Benoife, mortc
le 19 avril
                                      1699
J Acqueline de Sainte Euphemie Pafchal j
morte le 4 oftobre
                           1661.
Jeanne de Sainte Aldegonde des Champs des
Landes, m. le %y fept.
                      1676.
Jeanne Antoinette de Sainte Azelle le Cou-
turier , m. le i janv.
                         1701.
Jeanne de Sainte Appolline le Begue , m. le
premier juin
                                    1711.
Jeanne de Sainte Colombe Leuillier, m. le
2. aout
                                             1698.
Jeanne de la Croix Moriii
Jeanne de Sainte Domitille Perfbnne , m. Ie
19 av.                                              1694.
Jeanne de Sainte Julienne Guerin, converfe5
m. le 16 aout                                   1669.
Jeanne Marie de Sainte Perp^tue Hurlot, m.
le 30 aout                                        1678.
Jeanne de Sainte Pelagie Veillard, converfe,
m. le 17 janv.                                 1691..
Jeanne dePilliers, m. le 18 mars           itfn.
Jeanne Radegonde de Sainte Fare Lombard ,
m. le 19 av.                                      1671.
Jeanne Urfule de Saint Andre1 Gueret, m.
le 16 fev.                                         1656.
I
X Sabelle de Sainte Agnes de Chateau-neuf,
m. le 4 juin                                    1616.
Ifabelle de Sainte Chriftine de Ronfieres , m.
le ifinovembre                               162.J.
Ifabelle Marie de la Trinite de Murat, m.
le 8oftob,                                    t 16 J4.
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$74              rulle
L
JLl lee Magdeleine de Sainte Elifabeth Bo-
chart de Champigni de Chaze, m. le 6
decemb.
                                           1669.
Louife du Hameau de la Charonniere , m.
le 24 mai
                                        1 £7}.
Louife de Sainte Barthelmi Fortier , conver-
fe , m. le 16 janv.
                           1670.
Louife de Sainte Eugenie Girard , m. le 11
aout
                                                1706.
Louife de Sainte Pare de la Bocnerie , m.
le ii mars
                                      1690.
Louife de Sainte Julienne Robert, m. le 6
feptemb.
                                           1701.
Louife de Sainte Juftine Barat, converfe ,
m. le j decemb.
                              1711.
Louife de Sainte Madeleine Boyeau de Vicri,
m. le 1 fepc.
                                    1691.
Louife de Sainte Madeleine le Camus de Bul-
loyer de Romainville, m. le if Janvier
164.(1.
Louife de Sainte Praxede de Lamoignon, m.
le i«>janv.
                                       i6}8.
Louife Therefe de l'Afcenfion Fortier, con-
verfe j m. le x} fev.
                           1641.
M
M
Adeleine de Sainte Agnes de Ligni,
AbbefTe de P. R., m. le 11 mai 167 f.
Madeleine de Sainte Alexis de la Grange ,
m. le 3. odtob.
                                 1641.
Madeleine des Anges Marion de Drui, m.
le 17 av.
                                         1671.
Madeleine de Sainte Aurelie Noifeux, con-
verfe, m. le ij fept.
                       1714-
Madeleine de Sainte Caniide le Cerf, m, 1c
-ocr page 377-
Alphahetique.                J7f
premier mars                                    168?.
Madeleine de Sainte Chriftine Arnauld, m.
le 3 fev.                                         1641;.
Madeleine de Sainte Chriftine Briquet, m.
le 30 novemb.                                 1689.
Madeleine de Sainte Chriftine Vialart, m.
le 28 janv.
                                          1 619.
Madeleine de Sainte Eulalie , converre , m.
le 21 mars                                        1690.
Madeleine de Sainte Euphrafie Cocherel, m.
le zo juillet                                      l6?3-
Madeleine de Sainte Hildegarde de Combes,
foeur au voile blanc , m. le 11 mars 1707.
Madeleine de Jefus-Chrift du Ruble , m. le
5 fev.                                              1633.
Madeleine Marthe de Louvieres , m. le onze
fev.                                                 1613.
Madeleine de Sainte Meltide Thomas , m. le
15 odtob.                                         1696.
Madeleine de Sainte Monique Bergevin , pof-
tulante converfe , m. le 1 fev.           1684.
Madeleine de Ste. Opportune Rouftel, con-
verfe novice , m. le 18 janv.
             1670.
Madeleine Scholaftique de la Croix , m. le 7
decemb.                                              1(1-9.
Madeleine de Sainte Scholaftique Graillet,
m. le 18 odtob.                               1670.
Madeleine de Sainte Sophie de Hefcelles,
m. le 17 janv.                                 i'I7l4.
Marguerite Agnes de Sainte Julie Hamelin ,
m. le 11 juin                                  1701.
Marguerite Agnes de la Trinite Mauroi, m.
le 18 o&ob.                                     1*44.
Marguerite de Saint Benoit Boulai, converfe.
m. le 16 janv.                                 I6J7.
Marguerite de Sainte Blandinede la Grange,
m. le 15 odob.                                162-4.
Marguerite de Sainte Cki" is Sueur j w, le
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37<?                   Table
i& fev.                                            i6;6.
Marguerite du Saint Efprit Girouft des Tour-
. neiles, morte le ii fept.                1691.
Marguerite de Sainte Euphrofine de Creil,
m. le 12. janv.                                 i6$6.
Marguerite de Sainte Gertrude Boucher, m.
le 1 j av.                                         161J.
Marguerite de Sainte Gertrude du Pre , m. lc
5 juillet                                           1666.
Marguerite de Sainte Irene Hucqueville , m.
le 9 juin                                          I6yu
Marguerite de Sainte Juftine Lancelot, pof-
tulante converfe , m. le 19 decemb. 1676.
Marguerite de Sainte Luce Gamier , m. le
15 janv.                                          1670.
Marguerite de Sainte Luce Legros, m. le 13
mars                                               1616.
Marguerite de la Paffion Guimar, m. le $
o&ob.                                              iff 80.
Marguerite Prifque de l'Afcenfion Suireau ,
m. le 3 fev.                                      l6$5-
Marguerite de Sainte Romaine Levi, con-
verfe, m. le 17 aovit
                       1709.
Marguerite de Sainte Thecle JofTe, m. le 4
janv.                                                Iftji.
Marie de Sainte Agathe DefTeaux , m. le zj
mars                                                1690.
Marie de Sainte Agnes de Rubentel, m. le 3
feptemb.                                          1677.
Marie Aim^e de Sainte Pelagie Choart de
Buzenval, m. le j av.                       1697.
Marie de Sainte Albine Auvri, converfe %
m. le 4 nov.                                   1690.
Marie de Sainte Aldegonde des Pommares ,
m. le 4 janv.                                   i£f7-
Marie Angelique de Saint Bernard de Joigny ,
m. le zi juin                                  1641.
Marie Angelique de Sainte Madeleine Ag»
-ocr page 379-
Alphabetique.              Uj
iiauld , AbbefTe & ReTormatrice de P. R.
morte le 6 aout                                1661.
Marie Angelique de Saint Paulde Thou de
Bonoeil, m. le 10 av.                        ifi57>
Marie Angelique de Sainte Therefe Arnauld,
quatrieme fille de M. d'Andilly , m. le 8
janv.                                                1700.
Marie des Anges Suireau, AbbefTe de Mau-
buiflbn & de P. R., m. le to dec. ifijSS.
Marie des Anges Feu, m. le zi odob. 1646.
Marie de Sainte Anne Couturier, m. le 16
juin                                                  1719.
Mane de 1'Annonciation Sandoine, conver-
m. le 14 av.                                   1657.
Marie Antoinette de Blond , m. le 6 janv.
16J4.
Marie Auguftine de Sainte Genevieve Gi-
rard de Helm, m. le 17 av.           1663.
Marie de Sainte Beatrix de Neufbourg, m.
le 18 mai                                        i«33-
Marie de Sainte Benedifte Foucher , m. le
11 nov.                                            !^95-
Marie Catherine de Sainte Celinie Benoile ,
m. le 14 janv.                                 1715.
Marie de Sainte Catherine Iflaly , m. le ij
decembre                                         i7ij.
Marie Charlotte de Sainte Claire Arnauld ,
troifieme fille de M. d'Andilly, m. le 9
feptemb.                                          1678.
Marie de Sainte Claire Arnauld , m. le ij
juin                               ,                  1641.
Marie de la Croix Hervd , converfe, m. le
x8 janv.                                            1671.
Marie Dorothee de l'lncarnation le Comte ,
m. le 17 decemb.                          J'i74-
Ivlarie de Sainte Elifabeth du Belloy, m. le
14 aout                                           1^34.
Marie de Sainte Elifabeth Coneath-Mazuel,
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■f]t                      Table
convetfe, morte le 17 o&ob.            1708.'
Marie de Sainte Euphrade Robert, m* le
16 av.
                                                   1711.
Marie Fran^oife de Sainte Fare d'Anquetil
de Ruvai, m. le 18 fept.
                   '679.
Marie de Saint Francois Grimoult, m. le
z; mars
                                               161J.
Marie de Saint Gabriel de la Barre, m. le 19
fev.
                                                        1656.
Marie Genevieve de Saint Auguftin le Tar-
dif, premiere Abbeffe triennale de P. R.
m. le 18 mars
                                       164S.
Marie de Sainte Genevieve Philippe, poftu-
lante converfe, m. le 15 mars
           '703.
Marie de Sainte Genevieve Racine, m. le 31
mai
                                                        1687.
Marie de Sainte Genevieve Richer, in. le £
fev.
                                                        1659.
Marie de Sainte Ignace Pougin , converfe,
m. le 14 fev.
                                        1684..
Marie de Saint Jofepli Loifonne , converfe,
m. le xi av.
                                        1689.
Made de Saint Jofeph Midorge , m. le 4
juin
                                                        1656.
Marie de Sainte Leocade Chevalier, poltu-
Iante converfe, m. le 11 nov.
            1696.
Marie de Sainte Leocade de Neuilly, con-
verfe , m. le 4 juillet
                          167 j-.
Marie de Saint Louis Bernard, m. le 11 av.
1657.
Marie de Sainte Luce le Fevre , m. le 1 mai
ifijS.
Marie Ludgarde de Saint Benoit Lallemand,
m. le 1} mai                                       iiJjo.
Marie de Sainte Madeleine d'Angennes da
Fargis , Abbeffe de Port - Ro'ial, m. le 5
juin                                                       1691.
Marie Madeleine de Sainte Agathe Choart
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^Iphaleuque'.               5 79
it Buzenval, morte le 14 avril         15<jiJ
Marie madeleine de Saint Auguftin Renau-
dot, m. le 10 av.                            1657.
Marie Madeleine de Sainte Ce'cile Berttand ,
m. le 15 decemb.                              1717-
Marie Madeleine de Sainte Gertrude du Va-
lois , m. le 7 nov.                             1711.
Marie Madeleine de Sainte Marthe Charon ,
converfe , m. le % mai                    1670.
Marie Madeleine de Saint Paulin Baron ,
m. le f mars                                   1656'.
Marie Madeleine de Sainte Vicloire Tron-
chai, m. le 5 fev.                             1684.
Made Marguerite de Sainte Lucie Pepin, m.
le x; fev.,                                        1710.
Marie de Sainte Marcelle Bernardin , con-
verfe , m. le ij fev.
                        i6j£.
Marie Marche de Saint Jerome Lafnier, m.
le 18 aout                                        1640.
Marie de Sainte Maxime Friquot, conYerfe,
m. le 29 mai                                     1700.
Marie Michelle de Sainte Catherine le Va-
vafleur , m. le t? decemb.                1708.
Marie de Sainte Natalie Frefnot , converfe ,
m. le 10 o&ob.                           \6tj.
Marie de Sainte Natalie de Rubentel, veuve
de M. le Camus , Seigneur de Buloyer,
m. le 19 juillet                               i6y8.
Marie Nicole de Sainte Eugenie Cuvillier %
m. le ; 1 Janvier                               1689.
Marie de Sainte Opportune Mouchot, con-
verfe , m. le 18 ocTrob.
                     171 j.
Marie de Sainte Theodore de Mezieres, m.
le 8 janv.                                        1617,
Michelle de Sainte Melanie Aniquet, m. le
■li decemb.                                       1666.
Michelle de Sainte Suzanne Aubrai, m. le 10
mai                                                 i6jj.
-ocr page 382-
3 So                Table
v
J. Hilippe de Sainte Engracie Palfart, m. le
7 nov.                                                   1630.
S
^ Ufanne de Sainte Cecile Robert, m. le y
novembre                                        1669.
Sufanne Julienne de Saint Pauldes Moulins,
m. le 30 juillct                                i«47-
Sufanne de Sainte Julienne Olier, m. le 13
juillet                                              1705-.
Sufanne Tlierefe de Saint Auguftin de la
Pailleterie , m, le 6 nov.                   1691.
T
HP
J, Herefe de Saint Denis des Emetets,
eonvetfe, m. le 11. oftob.                16 \1,
Louife de Sainte Valerie - Sur - Seine, poftu-
lantcconverfe, in. le 14 fept.           1689.
TIN dela Table Alphabetltjiie par les noms
de bapteme
6* de religion.
-ocr page 383-
L I S T E
ALPHAB ETIQUE,
Des Religieufes de Port - Ro'ial des
Champs j depuis la re forme jufqu'a
la dejlruclion
_, par les noms dt leurs
families.
Vj Ette feconde Lifte he fera pas inutile
au Le&eur. Les religieufes y font placets fe-
lon l'ordre alphabetique des noms de fa-
irulle. Voici l'explication des lettres qui fc
trouvent a cote des noms.
P. marque les religieufes qui compofoient
les deux maifons de P. R. Pan 1664 lorfque
M. de Perefixe commenca la cruelle perftcu-
tion qui dura plus de quatre ans.
P *. Les religieufes qui furent arrachees
de la maifon par ce Prelat pour etie reunites
en fervitude dans des monafteres etrangers.
S. Celles qui fignerent.
R. Celles qui apres avoir figne fe retrafte-
rent. On ne trouvera pas dans cette Lille les
feptou huit difcoles, qui a'iant abandonne la
verite & trahi leurs fceurs, fe rendirent mai-
trelTes de la maifon de Paris, d'ou eft fortie
cette racine amere qui a fait perir P. R. des
Champs.
PP. marque les religieufes du terns de la
perfecution de 1664, quivirentle commen-
cement de la derniere perfecution, & mou-
rurent avant la difperfion.
P. D. P. Les religieufes du terns de la perfe-
cution de 1664 qui vecurent jufqu'a la dif-
-ocr page 384-
38z               Wfte
perfion en 1709 , & fureat difpetfees elles^
memes.
D. p. Les Religieufes difperfees en 1709,
A
J\. Llemand, Sr. Marie de Ste.Ludgardc de
Saint Benoit, morte le 15 mai
            1650.
P. Angennes du Fargis ( Marie de Sainte Made-
leine ), Abbefle de P. R. des Champs,
m. le 5 juin
                                        1691.
P. Aniquet, Sr. Michelle de Sainte Melanie m.
le zi decemb.
                                     i66(,
Anquetil de Ruval, Sr. Marie Francoife de
Sainte Fare d' , m. le 18 fept.
            1 <>7S'
Arnauld , Sr. Anne de Saint Paul, coufine de
la mere Angelique, m. Ie 11 fept. i*3J.
Arnauld, Sr. Catherine de Saint Jean (Mada-
me le Maitre ), premiere fille de M. Ar-
nauld, m. le zi janv.
                         16ji.
Arnauld, Sr. Jacqueline Marie Anglique ,
Reformatrice de P. R. , lecpnde fille de
M. Arnauld,
                                   *i66i.
P*. Arnauld, Sr. Jeanne Catherine de Ste. Agnes
de Saint Paul, Abbefle de P. R. troifieme
fille de M. Arnauld , m.
                     1671.
Arnauld, Sr. Anne Eugenie de l'lncarnation ,
quatrieme fille de M. Arnauld , m. 165 J.
Arnauld, Sr. Marie de Sainte Claire , cin-
quieme fille de M Arnauld, m. 1641.
Arnauld , Sr. Madeleine de Sainte Chriftine ,
fixieme fille de M. Arnauld , m.
         1*49.
Arnauld , Sr. Catherine de Sainte Agnes,
premiere fille de M. d'Andilly,m. 1645.
p *, Arnauld, Sr. Angelique de Saint Jean, fe-
conde fille de M. d'Andilly , Abbelfe de
P. R. m.                                               T6S4-
*. S. R. Arnauld, Sr. Marie Charlotte de Sainte Clai>;
-ocr page 385-
Alphabebique.               J 8 j'
re , troifieme fills de M. d'Andilly , m»
1678.
Arnauld, Sr. Marie Angelique de Sainte The- p*. S. R,
refe , quatrieme fille de M. d'Andilly m.
1700.
Arnauld, Sr. Anne Marie de Sainte Eugenie,
cinquieme fille de M. d'Andilly , m. 1660.
Aubray,Sr.Michelle deSte.Sufanne,m. 1653.
Auvri, Sr. Marie de Sainte Albine , conver-
fe, m.                                             1630.
B
B
Arat, four Louife de Sainte Juftine , D. P.
converfe , m. le 5 decemb.                1711.
Baron, Sr. Marie Madeleine de Saint Pau-
lin, m. le 5 mars                              i£j£.
Barre, Sr. Marie de Saint Gabriel de la , m.
le 19. fev.                                       16$6.
Baftier , Sr. Elifabeth de Sainte Genevieve le,
m. le 19 nov.                                   1691.
Baudrand, Sr. Franqoife Madeleine de Sainte pp.
Julie, m. le 11 av.                            1706.
Beaaclair , Sr. Antoinette Catherine de Saint         P.
Jofeph de Saint Cyr , m. le 8 aout I66y.
Begue,Sr. Jeanne de Sainte Appoline, m. £>, P. S.
le 1 juin                                          171 r.
Belloi, Sr. Marie de Sainte Elifabeth du ,
m. le 14 aout                                   1634.
Bcnoife , Sr. Helene de Sainte Demetriade ,
m. le 1$ av.                                     l699-
Bcnoife , Sr. Marie Catherine de Sainte Ce- D. P. S. R.
linie, m. le 14 janv.                        I'/iJ.
Bergevin , Sr. Madeleine de Sainte Monique ,
poftulante converfe, m le z fev. 1684.
Bernard, Sr. Marie de Saint Louis, m, le
nav.                                              16 f 7.
jBernardin , Sr. Marie de Sainte Marcelle ,
jPftyerfe, m. le j.^ fev,                   \b}6.
-ocr page 386-
"
? 8 4                  Lijle
D. P. S. R. Bertrand , Sceur Marie Madeleine de Sainte
Cecile, morte le ij decemb.            1717.
Blond, Sr. Marie Antoinette le, m. le 6
janv.                                                I6J4-
p.           Bochart de Chanipigni de Chaze , Sr. Lie'e
Madeleine de Sainte Elifabeth , m. le 6
decemb.                                           1669.
P. D. *. P. Boifcervoife, Sr. Anne de Sainte Cdcile de ,
m. le H nov.                                    1609.
P.           Bon, Sr. Anne de Sainte Agathe le, m. le
19 mars                                           1679.
P.           Bonnerie , Sr. Louife de Sainte fare , m. le
11 mars                                           1690.
Boucher, Sr. Marguerite de Sainte Gertrude ,
m. le 15 av.                                   161J.
Boulai, Sr. Marguerite de Saint Benoit, con-
verfe, m. le 16 janv.                    1657.
Boulai, Sr. Anne de Sainte Genevieve du
m. le 14. fept.                                i6H6.
PP.         Boulard, Sr. Elifabeth de Sainte Anne, m.
le 10 av.                                         170^.
P *.         Boulogne de Saint Anges, Sr. Anne de Sainte
Eugenie , m. le 15 de"cemb.           1667.
Bouteroue , Sr. Francoife de Sainte Marthe,
converfe , m. le 10 janv.               1 ^7J.
Boyau de Vitry, Sr. Louife de Sainte Made-
.,             leine, m. le 1. fept.                          1691.
r ' Briquet, Sr. Madeleine de Sainte Chriftine ,
m. le 50nov.                                  1689.
c
Amus de Eulloyer de Romainville ,"
Sr. Louife de Sainte Madeleine le, m. le
                ij janv.                                          1646.
Camus de Bulloyer de Romainville, Sr. Fran-
coife Louife de Sainte Claire , m. le 17
p#
                mai                                                  1679.
1 • a- k. Cer£-} Sr Madeleine de Ste. Candide le, m. Ie
premier
-ocr page 387-
'Atphabetique.              385
premier mars                                1683
Champagne , Sr. Catherine de Sainte Sufan- P.'
ne , morte le 16 mars                    1686.
Champs des Landes , Sr. Jeanne de Sainte P.
Aldegonde des, m. le 17 fept.         1676.
Chapelain, Sr. Marie Anne le, morte le 18
aout                                                  itfji
Chapelain , Sr. Antoinette de Jefus lc , m. le
xj decemb.                                      16)5.
Charon, Sr. Marie Madeleine de Sainte Mar-
the , converfe , m. lei mai            1S70.
Chateauneuf, Sr. Ifabelle de Sainte Agues ,
m. Ie4juin                                      1*16.
Cheron , Sr. Fran^oife Marthe de tous les
Saints, converfe, morte le 1 6 fev. 1656.
Chevalier, Sr. Marie de Sainte Leocade ,
poftulante converfe, m. le 11 nov. i6t>6.
Choart de Buzenval, Sr. Marie Madeleine p_
de Sainte Agathe,m. le 14 av. 1691.
Choart de Buzenval, Sr. Marie Aimee de p, s R
Sainte Pelagie , m. le 3 av.              M<?7-
Chouy de Penfieres, Sr. Agnes de la Mere- p #
de Dieu , m. le 16 decemb.             1687.
Cocherel, Sr. Madeleine de Sainte Euphra-
fie , m. le to juillet                          l63 3- *
Combes , Sr. Marie de Sainte Hildegarde de,
poftulante de choeur , m. le 10 fev. 1707.
Comte , Sr. Marie Dorothee de lTncarnation „ ^
le, m. le 17 decemb.                        1674.
Conheath Mazuel, Sr. Marie de Sainte Elifa- pp
beth , converfe, m. le 17 oftob.        1708.
Confeil, Sr. Gabrielle Marie de Sainte Jufti-
ne de, m. le n mars                       1664.
Corbillon , Sr. Catherine de Saint Theodore,
converfe, m. lc i av.                       1678.
CofTart de Flan , Sr. Denife de Sainte Anne, p
m. le 16 decemb.                     . 1693-
Cofteaux, Sr. Catherine de Sainte Eabronie
Tome X.                        R
-ocr page 388-
3 86                 Lijk
des , m. le y janv.                            *7«4."
Cottier , Sr. Elifabeth de Sainte Claire, pof-
tulante converfe, morte le 10 janv. 1707.
Coutteau, Sr. Catherine de Sainte Agn£s ,
converfe , m. le irav.                     1660.
D. P. S. R. Couturier, Sr. Marie de Sainte Anne , m.
le 16 juin                                        1719'
Couturier, Sr. Jeanne Antoinette de Sainte
Azclle le , m. le 1 janv.                 1701.
P. S. R. ^re''» ^r- Marguerite de Sainte Euphrofine
de, m. le 11 janv.                             i6%6.
Croix , Sr. Madeleine Scholaftique de la , m.
le 7 decemb,                                     1619.
Cuvillier , Sr. Marie Nicole de Ste Eugenie,
m. le 31 janv.                                  i68j,
D.
D
Adeflb, Sr. Genevieve de Sainte Domi-
tille, m. le 9 aout                             161s.
P. p, Daflon , Sr. Catherine de Sainte Thariile ,
m. le j decemb.                             1710,
Darie, Sr. Genevieve de Sainte, poftulante
converfe j m. le n mars                  1695.
Denis, Sr. Anne de Saint Denis, converfe,
m. le 18 av.                                   1649.
pt * Defleaux, Sr. Marie de Sainte Agathe , m. le
2? mars                                           1690.
Defemerets, Sr. Therefe de Saint Denis,
converfe, m. le 22 oftob.               165y.
p           Duval, Sr. Genevieve de Sainte Therefe , m.
le 13 janv.                                       1688,
F-
E
tiere, Sr. Francoife de Sainte Cathe*
rine, converfe , m. le 1 janv.          165 J *
J>P, Feron , Sr. Elifabeth de Sainte Agnes le, m.
lezfiav.                                          170*.
Ferrkr, Sr. Anns de Sainte Rhingarde, m»
-ocr page 389-
Alphabetique.                387
!e ij mars                                      1709-
Feu , Sr. Marie des Anges de, morte le 11
o&obre                                           \6±6.
Fevre , Sr. Marie de Sainte Luce le, m. le
1 mai                                                   1656.
Fevre Chantereaux , Sr. Francoife de Saint
Paul le,m. le x"i mai                     1676.
Flefcelles, Sr. Madeleine de Sainte Sophie de, p# p. $. R;
m. le 17 janv.                                  I?24-
Flefcelles de Bregy, Sr. Anne Marie de Sain- p *#
te Euftoquie de , m. le 1 av.           1684.
Foi, Sr. Francoife de Sainte Beatix, m. le p^
18 mars                                           1705-
Fontaine, Sr. Catherine de Sainte Hilde- pp_
garde, m. le 11 fept.                     1676,
Forget , Sr. Agnes de Sainte Blandine , con- -q. P.'
verfe,m.lez4 fept.                        1738.
Fortier, Sr. Louife Therefe de TAfcenfion ,
converfe,m. le i;fev.                   1641.
Fortier, Sr. Louife de Saint Barthelemi, con-
verfe,m. le i( janv.                     1670.
Foucher , Sr. Marie de Sainte Benedide , P.
m. le 11 nov.                                1693.
Frefnot, Sr. Marie de Sainte Natalie , con-
verfe, m. le 10 octob.                     ifiij.
Friquot, Sr. Marie de Sainte Maxime , con-
verfe, m. le 19 mai                        1700.
Furet, Sr. Anne de Sainte Urfule , converfe ,
m. le 14. mars                              1704.
G.
G
_rAi,Sceur Anne Francoife de la Mere
deDieulc, m. le 30 av.
                 i6;o.
Gamier j Sr. Anne Gertrude de Saint Auguf- p_
tin, ro.le n nov.                           1669,
Gamier , Sr. Marguerite de Sainte Luce , m. p#
le 19 janv.                                      1^70.
Genio > Sr. Francoife Scholaftique de Sainte
R ij
-ocr page 390-
j88                    Lijle
Batbe, converfe, morte le ;o janv. \6J6.
Girard, Sr. Louife de Sainte Eugenie, m. lc
ii aout                                           170S.
Girard de Helin , Sr. Marie Auguftine de Ste.
Genevieve, m. ie 17 av.                  1665.
Girouil: des Tournelles , Sr. Marguerite du.
Saint Efprit, m. le 12 fept.             1691.
Goulas, Sr. Catherine de Saint Paul, m. le
11 mai                                            1667,
Graillet, Sr. Madeleine de Sainte Scholafri-
que , m. le 18 o&ob.                       1670.
Graillet, Sr. Anne de Sainte Chriftine, m. le
11 oclob.                                         i68y.
Grange , Sr. Marguerite de Sainte Blandine ,
de la,m. le iy oclob.                    1614.
Grange, Sr. Madeleine de Sainte Alexis de la ,
m. le 3 oftob.                                   1641.
Grimoult, Sr. Marie de Saint Francois, m. le
15 mars                                           i6ij.
Gros, Sr. Marguerite de Sainte Luce le , m.
2} mars                                           itfitf.
Gros , Sr. Antoinette Euphrafie de Saint Au-
guftin le , m. le 8 decemb.                1666.
Guellart, Sr. Catherine de Sainte Eugenie ,
converfe , m. le 30 janv.                 1664.
Gueret , Sr. Jeanne Urfule de Saint Andr£,
m. le 16 fev.                                  i6;tf.
Guerrin,Sr. Jeanne de Sainte Julienne, con-
verfe, m. le \6 aout
                         1669.
Guillard, Sr. Catherine de rAflbmption , m.
le 4 juin                                          1657.
Guimar , Sr. Marguerite de la Paffion , m. le
8oftob.                                           1680.
H.
H
Alley, Sr. Anne de Sainte Madeleine ,
m. le 14. fev.                                  1&S5-
Hameau de la Charonniere, Sr. Louife du »
aftulante converfe, m. le 14 mai . 161 ~
-ocr page 391-
rAlphabettque.                  385
Hamelin, St. Marguerite Agnes de Sainte Ju-
lie, m. le iz juin
                             1701.
Haye, St. Genevieve de Sainte Madeleine de
la, m. le 11 av.
                                i&79-
Hecaucourt de Chaimont, Sr. Aftgelique de
Saint Alexis d', m. le 11 o#ob.
        1671.
Herelle, Sr. Charlotte de, converfe, m. le
6 mars
                                            1617.
Herve, Sr. Marie de la Croix , converfe,
m. le 18 janv.
                                 1671.
Houel, Sr. Gabrielle Marie de Sainte Cathe-
rine, m. le 16 fept.
                          170J.
Hucqueville , Sr. Marguerite de Sainte Irene ,
m. le 9 juin
                                         *<>95-
Hurlot, Sr. Jeanne Marie de StePerpetue,
m. le 30 aoijt
                                   1678.
J.
J
Ohannet, Sr. Anne de Sainte Marie , rri.'
le 14 av.                                          1634.
Joigni Boutheaume , Sr. Marie Angelique de
Saint Bernard , m. le it juin            1641.
JofTe, Sr. Marguerite de Sainte Thecle , m. le
4 janv.                                            1691.
Juge , Sr. Fran^oife de Sainte Agathe le, m.
le io juillet                                      1718.D
I.
J. Sfali, Sr. Marie de Sainte Catherine , m.
le 13 decemb.
                                  171.3.
L.
L
Aime , Sr. Anne de Sainte Marine , con-
verfe , m. le 18 janv.
                        1715.
Lamoignon, Sr. Louife de Sainte Praxedede,
m. le 19 janv. 1638
Lancellot, Sr. Marguerite de Sainte Juftine
R ii)
-ocr page 392-
39°                ■ Lifie
poftulante converfe, m. le 19 dec. I £74?;
Lanterniet, Sr. Catherine de la Pafllon, m.
le fidecemb. '                              1633.
Lafnier, Sr. Marie Marthe de Saint Jerome ,
m. le 18 aout                                  1440.
Levi , Sr. Marguerite de Sainte Romaine ,
converfe, m. le 17 aout                   1709.
Levillier, Sr. Jeanne de Sainte Colombe j m.
leiaour                                          1698.
Ligni, Reverende mere Madeleine de Sainte
Agnes de , m. le 11 mai                   i^7f-
Limoges , Sr. Madeleine de Sainte Eulalie de,
converfe, m. le n mars                  1650.
Levi, Sr. Anne de Sainte Lidie, converfe ,
m. le n av.                                     1700.
Lombard, Sr. Jeanne Radegonde de Sainte
Fare,m.lei9 av.                           1*71.
Lombert,Sr. Genevieve de Ste. Dorothea, m.
le n nov.                                        i697-
Lorraine d'Elboeuf, Sr. Catherine Henriette
de S. Auguftin de , m. le n oft. i<4J.
Lorfonne, Sr. Marie de Saint Jofeph, con-
verfe, m. le ti av.
                          1689.
Louvieres, Sr. Madeleine Marthe de, m. le
11 aout ltftj.
M.
M Aignart de Bernieres, Sr. Francoife de
Sainte Therefe , m. le 14 av..
           170$.
Maitteland , Sr. Elifabeth de Sainte Ludgar-
de , m. le 9 fev.
                               16 $6,
Marion , Sr. Catherine de Saint Alexis, m.
le 7 decemb.
                                     ?*.'*"
Marion, Sr. Catherine de Sainte Felicit^,
veuve de M. Arnauld & mere de fix lilies
religieufes, m. le 18 fev.
                 1641.
Marion de Drui, Sr. Madeleine des Anges,
in. 1c 17 ay.
                                    1*7 *•
-ocr page 393-
Alphabetique.              $$t
Marie de la Falaire , Sr. Angelique de Sainte P.
Agnes de, m. le 9 oftob.               i6j8.
Marthe , Sr. Francoife de Sainte Agathe de P.
Sainte, m. le 6 fept.                        1^75.
Marthe, Sr. Fran cone Agnes de Sainte Mar- D. P.
guerite de Sainte , m. le 8 av.          17115.
MaurifTe, Sr. Claire de Sainte Martine de ,
m. le 1J janv.
                                  16114.
Mauroi, Sr. Marguerite Agnes de la Trini-
te , m. le 18 o&oc.
                           1644.
Mefnil, Sr. Claude Louife de Sainte Anafla- D. P.
fie du , derniere Prieure de Fort-Roial des
Champs , m. le 18 mars
                   1716.
Mezieres, Sr. Franqoifede Sainte Theodore
de , m. le 8 janv.
                            1617.
Midorge, Sr. Marie de Saint Jofeph, m. le
4 juin
                                              1656.
Midorge, Sr. Genevieve de Sainte Thecle , p_
m. le 1 j decemb.                             1676.
Midorge, Sr. Elifabeth Madeleine de Saint p
Luc, m. le 3 janv.                          170;.
Morin, Sr. Jeanne de la Croix , m. lei8 fept.
1664. D. P.
Mouchot, Sr. Marie de Sainte Opportune ,
convcrfe, m. le iS oftob.
                '71?-
Moulins , Sr. Sufanne Julienne de Saint Paul
des, m. le jojuillet                        1647. P.
MuhTon , Sr. Anne Catherine de Saint Jo-
feph , m. le 17 fept.
                       1686.
Murat, Sr. Ifabelle Marie de la Trinire ,
m. le 8 o&obre .
             1634.
N.
N
Eufbourg, Sr. Marie de Sainte Beatrix
de , m. le 18 mai                            1633.
Neuilly, Sr. Marie de Sainte Lcocade de,
converfe, m. Ie4 juillet                      1675-
Nicolas, Sr. Genevieve Euphemie de Saint
R iiii
-ocr page 394-
391                  Lijle
Jofeph , m. le 11 fev.                      l6$6l
Nicole , Sr. Anne de Sainte Monique, con-
verfe, m. le 3 janv.
                        r^J7"
tj p_ Noifeux , Sr. Madeleine de Sainte Aur^lie ,
converfe , m. le ij fept.
                 1714-
jj p Noifeux, St. Denife de Sainte Baiiliffe , con-
verfe, m. le 11 octob.
                     i-ji6.
Nouveau , Sr. Catherine de Sainte Gabrielle
de, m. le n mars
                         1617.
o.
o
Dierne, Sr. Elifabeth de Sainte Lud-
garde, converfe, m. le 17 nov. 1686.
P,           Olier, Sr. Sufanne de Sainte Julienne, m.
leijjuillet                                      i7°5-
P.
P
Ailleterie , Sr. Sufanne Therefe de Saint
Auguftin de la , m. le 6 nov.           1691.
Pajot, Sr. Elifabeth Ludgarde de St. Alexis ,
m. le 10 juin                                   i*54-
Pafcal, Sr. Jacqueline de Sainte Euphemie ,
m. le 4 odob.                     .            l66t.
Parian, Sr. Philipe de Sainte Engracie, m.
le 7 novemb.                                   1630.
S. R. D. P. Pepin , Sr. Marie Marguerite de Sainte La*
cie , m. leijfev.                            1719.
P.           Perfonne, Sr. Jeanne de Sainte Domitille,
m. le 19 av.                                     i^94-
Philippe , Sr. Marie de Sainte Genevieve ,
poftulante converfe, m. le 1; mars 1703.
Pichard , Sr. Brigitte de Sainte Maure , m.
le z6 av.                                         1699.
Pilliers , Sr. Jeanne de ,m. le 18 mars i6iz.
p           Pineau , Sr. Genevieve de l'lncarnation, m.
le premier decemb.                         1681.
Pinot, Sr. Claire de Sainte Martine, ro. le
-ocr page 395-
- -
Alphabetique.               J 9 3
t} decemb.                                      I610.
Pommares, Sr. Marie de Sainte Aldegonde
des , m. le 4 janv.                            '6j7.
Pont, la mere Catherine Angelique du,Prieu-
re deP. R. ,m. le 17 fept.                ifizy.
Pougin, Sr. Marie de Saint Ignace , conver-
fe , m. le 14 fev.                              1*84.
Pre", Sr. Marguerite de Sainte Gertrude du , p #, 5. %i
m. le j juillet                                1666.
R
Acine, Sr. Marie de Sainte Genevieve ,"
m. le 31 mai                                   1687.
Racine , Sr. Agnes de Sainte Thecle , Ab- p.
befle de Port-roial, m. le 19 mai 1700.
Rebergues, Sr. Antoinette de Sainte Chrifti-
nede, m. le umars
                        1706.
Remicourt, Sr. Anne Julie de Sainte Syncle- D. P. S."1
tique de , m. le 14 janv.                  1718.
Renard , Sr. Anne de Saint Paul, convcrfe ,
in. le 10 janv.                                  1670.
Renaudot, Sr. Marie Madeleine de Saint Au-
guftin , m. le 10 av.                         l6S7~
Richer, Sr. Marie de Sainte Genevieve , m.
le 6 fev.                                           1659.
Robert, Sr. Fran^oife de Sainte Ludgarde > p;
m. le 7 fept.                                  1666.
Robert, Sr. Sufanne de Sainte Cecile, m. le P.
6 no v.                                              1669.
Robert, Sr. Anne de Sainte Gertrude, m. le p. S. R.1
9 odobre                                         I^M-
Robert, Sr. Louife de Sainte Julienne , m. le p.
6 fept.                                             1701.
Robert, Sr. Marie de Sainte Euphrafie , m. P. D. P.
le 16 av.                                         1712.
Ronfieres, Sr. Ifabelle de Sainte Chriftine de,
m. le 16 novembre                         161J.
-ocr page 396-
m              Lift*
Rouftel, Sr. Madeleine de Sainte Opportune t
converfe novice', m. le 18 janv. 1670.
Rouvet, Sr. Fran$oife de Sainte Agnes , m.
le t janv.                                        1663.
Rubentel, Sr. Gabiielle de Saint Francois de,
m. le 5 odtob.                                 1638.
Rubentel , Sr. Marie de Sainte Natalie de,
veuve de M. le Camus Seigneur de Bou-
loyer,m. le 1.9 juillet                       K58.
_            Rubentel, Sr. Marie de Sainte Agnes de, m.
™'               le 3 fept.                                          1677.
Ruble , Sr. Madeleine de Jefus - Chrift du ,
m. le ) fev.                                      163 3.
S.
O Andoine , Sr. Marie de l'Annonciation ,
converfe , m. le 14 av.                      i<> J7.
p^ - Savoniere , Sr. Helene de Sainte Agnes de ,
aflociee a P. R. des Champs , renvo'iee
apres fa fignature dans fa maifon , oil elle
eit morte le 17 dec                         1681.
P.           Simon , Sr. Charlotte de Saint Bernard de S.
m. le zo janv.                                 1671.
Simonain , Sr. Fran^oife de Sainte Catherine,
converfe, m. le 15 mai                   1676.
P.           Soulain, Sr. Fran^oife de Sainte Claire , m.
le If av.                                          1665.
Souplet, Sr. Anne Marie de Sainte Agathe;
m. le 14 fept.                                   1657.
Sueur , Sr. Antoinette de Saint Robert le ,
m. le c juin                                    1641-
Sueur, Sr. Marguerite de Sainte Claire le,
m. lei<5 fev.                                y liS6-
Suireau , Sr. Marguerite Prifque de l'Afcen-
fion , m. le 3 fev.                            '^5 J*
Suireau , la rdverende mere Marie des Anges,
AbbefTe de Maubuiflon & de Port-roial ,
m. le lodecembre                           J658«
-ocr page 397-
'
"
Alfhabetique,             395
T.
T
Ardif, la reverende mere Marie Gene-
vieve de Saint Auguftin le , premiere Ab-
befle triennale de Port - loial, morte le
x8 mars
                                           1646.
Thomas , Sr. Anne de Sainte Thecle , m. le
premier janv.
                                  \66i.
Thomas , Sr. Madeleine de Sainte Melthide, * p- s- R»
m. le ir oftob.
                               1696. '. R>
Thou de Bonceil, Sr. Marie Angelkjue de
Saint Paul de , m. le 10 av.
             1657.
Tronchai , Sr. Marie Madeleine de Sainte
Vi&oire,m. le 5 fev.
                      1*84,
v
Alerie fur-Seine , Sr. Louife de Sainte ,
poftulante converfe , m. le 14 fept. 1689.
Valois , Madeleine de Sainte Gertrude du , jj_ po
m. le                                               i7ix.
Vavafleur, Sr. Marie Michelle de Sainte Ca-
therine le, m. le 1 J decemb.
          1708.
Vavafleur, Sr. Francoife Madeleine de Sainte D-P- &•'
Ide le , m. le if ddcemb.                  17??.
Veillard , Sr. Catherine de Sainte Eulalie, P«
m. le 14 fev.                                    1684.
Veillard , Sr. Jeanne de Sainte Pelagie , con-
verfe, m. Iei7 janv.
                       1691.
Vialar , Sr. Madeleine de Sainte Chriftine ,
m. le 18 janv.
                                 1619.
Villume de Barmonte , Sr. Francoife de la P *»
Croix de, m. le 8 juillet                  1684.
Wallon , Sr. Francoife de Sainte Darie , con-
verfe , m. le 19 mars
                         1681.
Wallon , Si. Elifabeth de Sainte Marcelline ,
m. le 1 % decemb.
                             16% 1.
FINde in Lijie Alphabellque des Rdig'uufes
de Pp R. par Us noms de kurs families,
-ocr page 398-
3+W++++^+++£:T*^^^?T^Fj;?
I
|l-**^*li^^*J-JL±fcfc*:*+++**+++-f-+1''
TABLE
ALPHABETIQUE
Des principals Matieres contenues
dans ce Volume.
c.
A.
ateau-Renaud, Ab-
genfon (deVoyer d',
beffe de P. R. de Paris,
fait tranfporter a Paris tou»
les effets 6c meubles de
P. R. des Champs, 1 , i :
prend pofTeffion de P. R.
des Champs, z. faittranf-
porter les Reliques , 5 :
y fait degrader plufieurs
cliofes, 4 : la vengeance
divine eclate fur elle ,
40.
Compagnon (Francois)
ce qu'il etoit, fa vie edi-
fiante , jio , note : f»
morr, 515 , note.
Couturier ( Marie de
Sainte Anne ), examen de
fa fignature, 49-65: re-
trace fa fignature, Sc de-
favoue les fairs avances par
l'Eveque de Nevers, 65 ,
&c.
eftcommis pour fairede-
molirlesbatimens deP.R.
des Champs, 6. Fait faifir
les eftampes de P. R. des
Champs, 7.
B
Jj Enoife ( Matie Cathe-
rine de Ste Celinie) examcn
de fa fignature , 86, 90.
Bertrand ( Marie Made-
leine de Ste. Cecile), exa-
men de fa fignature , 73-
75 : fa retractation , fa
mort , 76,
Billy ( Jean de ) ami de
P. R., notice de fa vie ,
fa mort, 171? , note.
Bouchier, dit le grand
Pierre , domeflique de P.
R.; abregede fa vie, 193:
Dieu lui envoie un hom-
mc apoftolique , 194: il
vient a P. R. avec Ie Pere
Vincent Cordelier , 196 :
fon defintereffenient, 197:
fa modcftie , ra piete, fes
ierniercs annees, fa m. i ? j.
D
EfefTarts, traits de fa
vie , 31? , note 57.
-ocr page 399-
' r'fT^W
-
MATIERES. j'97
priere continuelle , 3 r 6
fon ardeur pour le tra-
vail ,517: fon efprit de
mortification , 318 : fa
charite , fon humilite ,
318 : fon zele pour la lec-
ture du nouveau Tefta-
menr, 319: fa feniibilit£
aux mauxde l'Eglife , fon
attachement pout P. R,,
3 to : fa mort ,311.
G
VJ Erberon f Dom Ga-
briel ) , abrege de fa vie ,
fes ecrits n<> : confeil
qu'on lui fait donner a la
foeur Ide le Vavafleur ,
79, 80, 81 : eft calom-
nie fur fes fentimens pat
les Jefuites; ils font con-
fondus pat le Pere Gerbe-
ron mSme , 1S6 , 8cc. fa
mort, 171.
J
J Oncoux ( Francoife-
Marguerite de ) , amie de
P. R., abrege de fa vie ,
fervices importans qu'elle
a rendus a P. R., <o, note.
Juge( Fran9oife de Stc.
Agathe le ) , examen de fa
fignature , 77 : eft tranf-
firee a Malnoue, fa mort,
79-
I
J. Sfali (Marie de Sainte
Catherine) , examen de fa
fignature, H6 , 89: decla-
re qu'elle a ere trompee ,
jo.
Iflali ( Fran$oife Su-
fanne j, [anecdotes de fa
vie , fa moit ,18. Note.
TABLE DES
E           A
E*
Pargneut ( Louis 1') ,
cordonmerdeP. R., abre-
ge de fa vie , fa more ,
F
J7 Lefcelles (Madeleine
de Sainte Sophie de ) , (i-
gne ; ecrit a M. de Noail-
les, 117 : a des peines fur
fa fignature , confulce ,
115: trouve mo'ien d'ex-
pofer fes peines pat ecrit,
114 : transferee a Soiflons
confulte M. Louail, figne
une retractation , 116 :
ictit
a une de fes fceurs
fur fa fignature, 117 : fa
retractation , 118 : tranf-
feree a la Villette,fa mort,
IJO.
Forget, Agnes de Sain-
te Blandine) , ce qu'elle
a eu a fouffrir dans fes
differens exils, fa mort,
190.
Fournier ( Leonard ) ,
domeftique de P. R., fa
piete des l'enfance, 30S:
quitte fa patrie; diftribue
ion bien anx pauvres, 507:
rencontre finguliere qu'il
fait en route, 507 ( va &
Beaugenci; ce qui lui ar-
rive , 309 : fecours qu'il
rrouve pour la piete, 31 r:
fon ardeur pour entendre
la parole de Dieu , 311:
va demeurer a P. R. des
Champs, fes occupations,
513 : on lui refufe l'abfo-
lution pour fon aitache-
mentaux Reljeieufes, 314:
eft challe Am. R. 314 :
va etre jardinier a Vot-
fins , fa piete , j 1 j ; fa
-ocr page 400-
j?s               t a :
M
JV1 Arthe ( Francoife
Agnes de Sainte Margue-
rite de Sainte ), eft fe-
duite, pat quels moieris,
iji, &c. fa lettte i M.
de Noailles, i j 3 : fa more,
137. *3°-
Mefnil ( Louife de Ste.
Anaftafte du) , Prieure de
P. R. des Champs, fa
captivite , fa fermeie, zo6,
107: fa vettu eft admi-
ree pat fes geolieres, fa
maniere de vivte dans fa
captivite , xo8 : refute la
lettte de M. de Noailles
aux religieufes captives,
no , &c. fa detniete ma-
Jadie, i«7 : fon entretien
avec l'Evequc de Blois fut
lafignatute, 119 ,&c. fa
fenfibilitS a la ptivation
des Sacfemens, 113. L'E-
veque outte de n.avoir pu
la gagner pour la fignu-
tute defend de l'enterret
en terrc fainte, Z14: elle
fe confefle publiquement,
125 :famortn«. Ordres
donnes pat M. de Blois
pour fa fepulture, 116 :
temoignage rendu a fa
vertu pat fes geolietes ,
118 M. de Noailles em-
peche qu'on fafle un fet-
vice pour elle a P. R. de
Patis, 119.
Moliac (Pietre ), abre -
ge de fa vie, 300: fon
teftament, 301, &c.
Montperoux, Abbefle
deP. R. de Paris, fait pro-
pofer aux religieufes de
V. R. des Champs difpei-
fees de venir a P. R. de
Paris, 18 j; hipocrifie de
! L E
fes defleins de tcforme i
N
N
Oailles (Louis An-
toine de), Archeveque de
Paris, la vengeance divi-
ne eclate fur lui pour la
perfecution faite a P. R. ,
40: publie le Recueil des
aftes & pieces concernans
les iignatures des religieu-
fes non foumifes , 95 :
rompt le filence a leur e-
gard , 97 : fa lettre aux
teligieufes captives, 98 ,
&c. la refutation de fa let-
tre , 1 io» 6cc. no, tefufe
de confentir a la reunion
des religieufes de P. R. dif-
perfees, 177 : fon deficit!
de les mettre a P. R. de
Paris,i77: il permetqu'on
les fafle revenir dans des
couvens de fen Diocefe,
ifi : s'oppofe a ce qu'o»
fafle un i'ervice a P. R. de
Paris pour la mere Prieure
morte en exil a Blois,
119 : admet a la participa-
tion des Sactemens la Sr.
du Valois, 165, 167 ■ de-
vient le protedeut de 1*
fceur du Valois, tjS,
Noir ( le ) dit de Saint
Claude, folitaire de P. R.
fa maniete de vivre a P.
R., 3x3 : rendfervice aux
religieufes , eft arrete 8c
mis a la baftille, 314 : eft
l'infttument dont Dieu fe
fctt pout convettir un
Calvinifte, 3 zS : fort de la
baftille, 318: perd la vue;
fa vie privee & retiree ,
31 j , 8cc. combien il e-
toit fenlible aux maux de
l'Eglife, }jti fa fawts
-ocr page 401-
■■■■■.■■■.                                                        ■ ■■-
TIE RES. is?
reperl, 10 , &c. tranfport
de p'ufieurs corps & cceurs
a Magni, zj , &c. exhu-
mation des corps confon-
dus enfembles , 17 : defor-
dre de l'exhumation ; quel
fpedtacle, 18 , &c. tranf-
port des corps exhumes
dans le cimetiere de Saint
Lambert, 31 : prodigesqui
portent les caracteres du
doigt de Dieu qui venge
1'injure faite a fes Saints,
31 , 8cc. les malheurs ar-
rives a la France , regarded
a la Cour meme comme
unepunition de ladeftruc-
tion de P. R. , 35 : mal-
heurs de la France depuis
qu'on eutjute la pette de
P. R., 3«, &c. la ven-
geance divine eclateifur
Clement XI, 3ji:furl'Ab-
beffe 8c les religieufes de
P. R. de Paris, 40 : fur le
Cardinal de Noailles , 40 :
fur les Jefuites, 41.
Port - Roi'al (les Reli-
gieufes de) des Champs ;
traitemens qu'on leur fait
apres leur difperfion pour
les faite figner,4; : mo'i'ens
employs pour iesfeduire,
44, Sec. J3 , &c. 91 : idee
du Recueil de leurs figna-
turcs, 95, £cc. nuUite de
leurs fignaiures, $6, 138,
&c. Projet de les reunir
dans un meme lieu, 171,
&c. placet prefente a M.
le Regent pour obtcnir cet-
te reunion, le Cardinal de
Noailless'y oppofe, 176:
M. de Noailles veut les
reunir a P. R. de Paris ,
diftkulte de ce projet ,
177: elles refufent: leuts
motifs, 1S0 : des amis leur
DES MA
mort; concours de mon-
de & fon deces, 5)5.
Noit (Jacques le ),ami de
P.R.; anecdotes de fa vie ,
fa mort, 519 , note f S.
*>Joifeux ( Denifede Ste.
BafililTe ) , eft transferee a
Malnoue ; fon afEduite a
rsmplir tous fes devoirs,
famoit, iSj , zjo.
P
JL Acori ( Ambroife ) ,
fommaire de fa vie, fa
mort, in ,Note.
Pepin (Lucie) examen
de fafignature, 8i, 8cc.
retradle fa (ignaturc , fes
differentes tranflations, fa
moti , 8f.
Pomponne ( Nicolas-
Simon ) obtient permif-
fion de faire tranfporter i
Pomponne les corps &
cceurs de fa famille inhu-
mes I P. R. des Champs;
11 : flatterie lache & indi-
gne de fon nom par la-
quelle il obtient cette per-
miflion ,11.
Port Roi'al des Champs,
ondemolit cette Abbai'e,
jL, 6, 7: les corps y font
exhumes, 8, &c. les corps
& cceurs des Arnaulds
transfers iPalaifcau,13:
inhumation decesprccieu.
fes depouilles a Palaifeau,
j ?: a&e de 1'inhumation,
16: transports des autres
corps en diffirensendtoits,
17 : corps de Meflteuts lc
Maitre , 18 : beaucoup de
corps font relies fous les
ruines ,19: tranfport du
orps de M. du Guet de
cagnols; ptodige auive 5c
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.
'400                  T A :
confeillent cette reunion,
181: l'AbbefledeP. R. de
Paris la leur propofc, elks
la refufent , 185 : elles
confultent le P. Quefnel,
fa reponfe, 18s : elles en
font d^tournees par des
amis, 187: il leur eft ac-
corde de revenir dans le
Diocefe de Paris , 191 :
leurs amis les exhortent a
profiler de cette permif-
fion; elles fe rendent a cet
avis, 19j : eelles qui one
£te transferees a Malnoue
y ont ere un fujet d'edifi-
cation , 196 , Sec. retour
de quelques Religieufes
dans le Diocefe de Paris,
130 : mort de plufieurs
d'entre elles , 187 : les
eonverfes n'ont pas moins
cdific que les Religieufes
de choeut, 188.
Porr - Roi'al (les Reli-
gieufes de) de Paris, fe
metttent en po*Teflion de
P. R. des Champs, 1 , &c.
leur pretendue convetfion,
j8z: leur converfion s'e-
vanouit, 1 «o : fe foule-
vent contre le Cardinal de
Noailles, 191.
R
R
Emicourt (Anne Ju-
lie de Sainte Syncleiique
de ) 5 examen de fa figna-
ture , 90 : on obtient per-
miffion de la faire revenir
dans le Diocefe de Paris,
199 : l'Abbefle de Belle-
fonds refufe de la rendrc;
artifices dont on fe fert
pour la retenir dans les
fers, 100 > 8cc.
I L E
T
X Erraflbn , Cure de
Treigny au Diocefe d'Au-
xerre, Superieur de P. R.
de Paris, celebre par fes
predications, afFoibli par
la prifon , fa chute deplo-
rable , 183 , note 7.
V
V Alois ( Marie Made-
leine de Sainte Gertrude
du), fa vie ijx : fon ar-
deur pour prendre l'habic
de religion a P. R. 13} :
on le lui donnne, 135 :
les progres dansiavertu,
ljs: guerifon operee fur
elle,x37: la grace eclate
en elle, 138 : eft exilee a
Chartres; difetre ou ellc
s'y trouve pour le fpiri-
tuel & le tempotel, 140 ,
&c. protelle contre tout
ce qu'on pourroit lui faire
faire par furprife , 14* :
prend le parti de ne plus
repondre a M.de Chartres,
249 : eft transferee a Man-
tes, 151: rencontre fingu-
liere qu'elle fait dans la
route, ij3 : fait les deli-
ces de la communaute de
Mantes, & en eft l'exem-
ple par fa vertu , z 1 f, Sec.
on obtient fon rappel,
z<Si : fa lettre a M. le Car-
dinal pour lui demander
la communion , z«z : eft
admife a la participation
des Sacremens, Z67: palfe
quelques jours au Calvaire
du Luxembourg, y re$oit
les vifii.es de plufieurs per~
fonnes, z«8 : fon zele
pour s inftruire avant la
difperfion, 171: fa pru-
acne*
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D E S M A
dence, ibid, eft envoVee &
l'Etree, etat attuel de cetie
AbbaVe, 174 i en eft la
benediction 27; : a pour
protedteur M. de Noailles,
Z7« : ecrit au P. Quefnel ,
ibid,
en recoit reponfe ,
17* : fa vie dans l'Abbai'e
T I E R E S. 401
de l'Etree, 185 : fa der-
niere maladie , fa more,
185.
Vavafleur ( Madeleine
de Ste. Ide le ) , elle figne ,
79: refte dans lelieu de foil
exil, fa more, 82.,
C O N C L U S 1 0 N.
ter de ces grands mode les,
340. On ne peut alleguer
aucun pretexte pour fe dif-
penfer de les imiter, 340.
Chacun doit choifir celui
qui lui convient pour y
confotmer fa vie , 341.
Fruits des bons exemples
que Dieu demande de
nous, 341.
Priere de l'Auteur aux
Lefteurs, 343.
Priere fur la deftru&ion
de Port-Roi'al, 34s.
J2j Ffet que doivent pro-
duire en nous les exem-
ples de vertus qu'a donnes
P.R. 335. On ne doit pas
fe concenter de les admi-
rer , il faut les imicer,
337. C'eft par la vie & les
actions, & non pas feule-
ment par des paroles que
Ton doit faire voir l'efti-
me que Ton doit avoir
pour P.R. ,338.Motifs qui
doivent engager & profi-
FIN de la Table des Matieres.
Tome X.                           S
-ocr page 404-
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Fautes a corriger dans ce dixiemc
Volume.
X Age 18. ligne 10. efface^ Upoint.
Page 46. not. col. 1. ligne j.fi, Ufa ,fit.
Page 49. ligne 4. Anne, Ufa Jeanne. Ibid, ligne J 4
Juge,Ufa Begue. 1710, i/ej 1711.
Page ffl.Iig. 17. lerecueil, Ufe% le recueil.
Page 76. not. col. 1. ligne 6. elles, /i/ej elle.
Page 79. ligne 14. Marie , ajouter de Moulins.
Poge 118. ligne 13. reprefent£e , life reprefence.
Page i8j. not. col. i. ligne 3. tiifte, Ufa trifle.
Page zoj. ligne 16. dela , Ufa la.
Page 3 37. ligne 13. defaut, Ufa defauts.
Page 348. ligne if. fuls, Ufa fuis.
Page 3y«. ligne 29. Die, tify Dieu.
Page 361. ligne 13. mor, t tifataottn
Page 3157. ligne 1. i«;8 ,Ufej i6jS.
'