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_■ ~^
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL.
-ocr page 2-
ZcS
HISTOIUE
GENERALE
D E
PORT-KO I AL.
DEPUIS LA REFORME DE L'ABBAIg
jufqu'a fon entiere deftru&ion,
TOME PR.
A AMSTERDAM,
Chez JEAN VANDUREN,
mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm-
M. DCC. L\fc
-
-ocr page 3-
PREFACE.
JL-i A reforme du Monaftere de Port-
roial des Champs par la Mere Ange-
lique Arnauld, a fait tant d'eclat dans
le dernier fiecle , & elle a eu des flu-
tes fi heureufes pour la France en
particulier, & pour toute TEgli-
ie en general, qiul n'eft perfonne
qui ne doive s'intereffer a. l'hiftoire
de ce monaftere peut-etre le plus c6-
lebre qui fut jamais dans le monde
chretien.
II a paru depuis quelques annees
plufieurs ecrits en forme de memoi-
res & de relations, pour fervir a
l'hifloire de P. R.; ces ecrits font
remplis d'onftion & de lumiere , &
ne refpirent par-tout que la piete
chretienne. Les Fideles les ont lus
avec un empreffement etonnant. lis
les lifent encore avec un extreme
plaifir & ne s'en laffent pas. Cepen-
dant ils ne font pas pleinement fa-
tisfaits, parceque ces ecrits , quel-
qu'excellens qu'ils foient , ne for-
A
-ocr page 4-
i)            PREFACE.
merit pas une hiftoire complette &
fuivie de P. R. Plufieurs fe plaignent
meme de ce que Ton a difFere jufqu'a
prefent de leur donner un tel ouvra-
ge. {a). Cette plainte , il faut l'a-
vouer , eft bien fondee ; ce defir eft
legitime , & il feroit a fouhaiter qu'il
fe trouvat quelqu'un en etat de pro-
curer aces ameschretiennesla jufte
fatisfa&ion qu'elles defirent, & que
leur pi^te merite.
Avanwge Quel avantage ne procureroit-on
nimokc de Pas * ces Fideles , en leur donnant
rprc-ioiai. une hiftoire fuivie , exa&e & de-
taillee de tout ce qui concerne la
fainte maifon de P. R- des Champs ?
Quelle gloire une telle hiftoire n'ap-
porteroit-elle pas a la religion , ft
on mettoit au jour la vie & les ver-
tus des Vierges chretiennes qui fe
font confacrees a Dieu dans ce de-
fert, & des perfonnes qui s'y font
fancrifiees , ou qui leur ont ete unies
par les fentimens , ou par quelque
liaifon particuliere ? Ou trouvera-
t-on plus de piete fincere jointe a
plus de lumiere ; plus de faintete
jointe aux plus grands talens de l'ef-
( *) L'Auteur parle ainfi , parcequ'il n'avoit encore
paiu aucuuc hiftoire fuivie de P. R. Jorfiju'U ecrivojt
la iicime.
-ocr page 5-
PREFACE            iij
prit & aux plus rares qualites du
coeur ? Ne pourrions-nous pas merae
dire , fans crainte d'exagerer, que
ce qu'on eftime davantage parmi les
perfonnes confacrees a Dieu dans les
plus beaux jours de l'Eglife , ne fur-
pafle pas tout ce que P. R. a renfer-
me ? N'y a-t-on pas vu dans un me-
me tems la penitence des plus aufte-
res Anachoretes ; la fcience & la
lumiere des Dodeurs les plus eclai-
res; la force & le courage des Con-
feffeurs les plus genereux ; des per-
fonnes de tout age , de tout fexe
marcher conftamment dans la voie
etroite qui conduit a la vie , &c etre ,
par l'ardeur de leurs prieres & la
faintete de leiu-s moeurs , la con-
folation de l'Eglife & le foutien de
l'Etat. On entendoit du fond de ce
defert une voix femblable a celle
qui encourageoit autrefois S. Auguf-
tin a embrafler la vertu, laquelle s'e-
toit montree a lui avec une multitu-
de de Saints qu'elle avoit autour
d'elle , & ou il voioit des perfonnes
de tout age (a), des enfans, de jeu-
(<t)Ibi tot Pueri & Puellx,    omnibus ipfa continentia
ibi Juventus multa & om-   nequaquam fterilis, fed
nis stas, 8c graves Vidua    fcecunaa Mater filiorum.
& Virgines anus, & in   L. 8 Confeff. Ch. u.
a ij
-ocr page 6-
iv             PREFACE.
nes gens, de jeunes filles , des veu-
ves venerables par leur grand age ,
& des vierges qui avoient vieilli dans
la ehaltete. Quoi, difoit la vertu
a S. Auguftin , en lui montrant ces
modeles , ne pourrez - vous pas ce
qui eft poflible a tant d'autres de
tout age & de tout fexe ? Tu non
pouris quod ijli & ifl& ? Tel etoit le
fpeftacle que prefentoit P. R., & la
voix qui fe faifoit entendre du fond
de ce faint defert.
II eft etonnant que parmi un ft
grand nombre d'amis de P. R. fi at-
taches a. cette fainte tnaifon, il ne
fe foit jufqu'a. prefent trouve perfon-
ne qui nous ait donne une hiftoire
auffi intereftante. lis ne manquoient
afTur<§ment pas de talens pour ecrire,
ni de zele pour l'honneur de P. R.
a qui une telle hiftoire feroit fi glo-
Tieufe ; ni d'ardeur pour le falut du
prochain, auquel elle feroit fi avan-
tageufe. II eft inutile de penetrer les
motifs qu'ils ont eus de garder le fi-
lence. Nous ne pouvons cependant
que gemir d'etre prives d'un ouvra-
ge fi important, & qu'aucune main
ne peut aujourd'hui executer com-
ine il I'aurojt ere par quelques-uns
fie ces grands hommes qui ont eii
-ocr page 7-
P R E F A C E.             V
Tavantage d'etre lies avec cette fain-
te maifon avant fa deftru&ion.
Neanmoins les fecours ne man-
quent pas. Les memoiresde M. Fon-
taine , ceux de Mrs Lancelot &c Du-
foffe , les relations de la vie de la
Mere Angelique , de (cs admirables
fceurs & nieces , le necrologe de
P. R., & tant d'autres ecrits , foit
imprimes , foit manufcrits , faits par
des perfonnes qui ont vu , ou appris
de temoins oculaires, tout ce qu'ils
ont ecrit, font des trefors , 8e four-
niffent une ample matiere pour for-
mer un corps mivi d'hiftoire. Tout
femble prepare; & ces materiaux
n'attendent qu'une main habile pour
les emploier & les mettre en oeu-
vre.
Mais ou trouvera-t-on cette main ?
II faut des Athanafes pour ecrire la
vie des Antoines ; des Jeromes pour
celebrer les Paules , les Marcelles,
les Euftoquies. Qui ofera entrepren-
dre l'hiftoire de ces perfonnes qui ,
pour me fervir des expreffions de
Theodoret , » ont paffe leur vie
» dans (a) des travaux immenfes ,
( a ) Qui per innume- Sc affli&ionibus corpus da-
tos labores vitas iter in- muerunt , ac rifus quidem
grelli funt, fujloribufijue alicitionem igriorarunt ,
a ui
-ocr page 8-
vj             PREFACE.
" clompte leurs corps par les fati-
" gues & les aufterites , vecu dans
" les larmes &c les gemifTemens, fans
« favoir ce que c'eft que les ris ;
» pour lefquels les jeiines etoient
" des banquets de Sabarie ; qui re-
" gardoient les veilles les plus lon-
» gues &c les plus penibles comme
» un doux fommeil, la terre toute
" nue comme un bon lit; qui fai-
" foient leurs delices de la priere &
" du chant des pfeaumes, dont ils
" etoient infatiables ; enfin qui ont
» embrafle & pratique routes les
" vertus. II n'eft point d'eloquence
" qui puiffe y atteindre.
Ainu parloit le celebre Theodo-
ret , en fe difpofant a ecrire la vie
des Solitaires d'orient. » J'ai be-
» foin (b), dit encore le meme Au-
pro dignitate collaudetf
Theod. T.;.p.7Si. Hilt.
Relig. Proleg.
( b ) Hoc milii quoque
in pra:fentia opus elt au-
xilio , qui coner vitam
confcribere Sanctorum ,
qui paulo ante nos , 8c
noflris remporibusclarue-
ruut, 8c quafdam veluti
leges velim , imitari eos
cupientibus , proponere.
Illorum ergo invocaudae
funt preces.
inluttu autem 8clacrimis
omncm vitam confumpfe-
lunt : qui dclicias Syba-
riticas, jejunium exiltima-
runc ; fomnum autem
fuaviflimum, laboriofas
vigilias; molle ftragulum,
duritiem foli ; immen-
lam 6c inexplebilem vo-
luptatem , in orationibus
pfalmorumque cantibus
verfati. Hos , qui omne
genus virtutis complex!
Tunc , quis non jure ad-
jniretur , yel potius quis
j*>
-ocr page 9-
P kE F A C E.            vij
«> teur , du fecours de la grace , en
»> entreprenant d'ecrife la vie des
»> Saints qui ont vecu avec nous ,
» ou peu avant nous , &c de les pro-
» poier pour modeles a ceux qui
» veulent les imiter. II faut done
» avoir recours a leur interceffion.
Si un Ecrivain auffi recommanda-
ble par les qualites de l'efprit & du
coeur, que Theodoret, a parle de la
forte , a combien plus forte raifon
devons-nous tenir ce langage , & en-
trer dans ces difpofitions , nous qui
n'aiant ni fes talens pour ecrire , ni
fes lumieres , ni fa vertu, entrepre-
nons d'ecrire l'liiftoire de P. R. Trop
de complaifance pour des amis ref-
pediables , & trop peu de reflexion
fur nos forces nous ont engages a
entreprendre un ouvrage qui les fur-
paffe de beaucoup. C'eft un aveu que
la verite demande de nous : & en re-
connoifTant le befoin que nous avons
de la grace pour reuflir dans cette
entreprife , nous avons la conflance
de l'obtenir par la puiffante intercef-
fion des Vierges chretiennes, en qui
cette grace a fait eclater fes admi-
rables effets , & des faints Solitaires
de ce defert , qui font defendue
avec tant de zele & de courage.
a iiij
-,..
-ocr page 10-
-r—---------------—"—■-------------------------------------------'
viij        PREFACE.
Qui pourroit, fans ce fecours , faire
Thifloire d un monaftere , qui, de-
puis le commencement de fa refor-
me a ete comme un fanttuaire , ou
Dieu a reuni tons les dons de fa gra-
ce & de fon efprit ? Aiant fait de
finterieur de la maifon une ecole de
piete pour les filles , & de l'exterieur
une retraite de faints Penitens, il s'y
forma autant d'adorateurs en efprit
& en verite , qu'il y avoit de per-
fonnes qui habitoient ce faint defert,
ou meme qui le frequentoient.
Leur vie pure, leur conduite fain-
te , toutes leurs actions ediflantes
meritent d'etre confervees a la pof-
terite , pour fervir de modele aux
perfonnes qui tendent a la perfection.
» Dans tous les terns (a), dit Saint
< a ) Semper quidem
opere prerium fuit illuf-
tre* San&orum defcribere
vitas, ut fint in fpcculum
& exemplum ac quoddam
vcluti condimentum vita:
humane fuper terrain. Per
hoc enim quodammodo
apud nos, etiam poft mor-
tem , vivunt, multofque
ex iis qui vivcntes mortui
funt , ad veram provo-
cant & revocant vitam.
Verum nunc maxima id
requirit raritas fandtita-
tis , & noftra plane a?tas
iaops virorum. Quam fa-
ne inopiam fupernos adeo
invaluifTe fentimus , ut
nulli fit dubium ilia fen-
tenria nos feriri : Qmo-
niarn abundavit iniqwtas 9
refrigefcel caritas : tc
ut
fufpicor ego , aut pra?ftd ,
aut prope eft , de quo
fcriptum eft : Facirm ejus
fractdet e^eflas.
Ni fallor,
Amichriffus eft iftc quem
fames aut ftctilitas totius
boni, & prajit 8c comita-
tur. Sivc igitur nuntia jam
prsfentis , five jam jam
adfututi pramuntia,egeftas
in evident] eft. Tacco vul-
-ocr page 11-
PREFACE.             ix
w  Bernard , il eft bon d'ec'rire les
»  vies des perfonnes qui fe font ren-
»  dues celebres par leur faintete ,
»  afin qu'ils fervent d'exemple, de
»»  modele & meme de confolation a.
»  ceux qui reftent fur la terre. Par-
»  la ils vivent en quelque forte par-
»  mi nous apres leur mort; ils re-
»  tirent meme de la mort, & rap-
»  pellent a une veritable vie plu-
»  fieurs qui etoient morts , quoiqu'ils
"  paruffent vivans. Mais , continue
"  S. Bernard , la rarete de la fain-
»  tete Fexige aujourd'hui plus que
"  jamais : car notre fiecle eft dans
»  une grande difette d'hommes.
"  Nous fentons tellement cette di-
»  fette , qu'il n'eft perfonne qui
"  puiffe douter que nous ne foions
hubentcx , inquiunt, hit
contcnti fimus.
Ubi forma
hare ? In libris cernimus
earn , fed non in viris...
Sed vide quid egimus.
Quaerebamus virum opti-
mum , liberatorem mul-
torum , & ecce labora-
mus in invemeiido , qui
fe ipfum falvum ftcere
polfit. Optimus hodie eft,
qui non eft nimis malus.
Unde quoniam a tena de-
fecit Sanftus , &c. S. Ber~
nardi Pr;ef. in vita S. Mi-
lachia:.
a v
gus , taceo vilem hujus
faculi nuilrkudinem ; in
ipfas Ecclefia: columnas
Toto oculos leves. Quern
mihi oftendas vel de illo-
rum numero , qui viden-
tur dad in lumen gen-
tium , non magis de fu-
blimi fumantem quam
flammantem > .. . . Quem
item des mini contentum
neceffariis , contempto-
tcm fuperfluoTum ? Lex eft
tamen prxfixa ab Apofto-
lis Apoftolorum succeflb-
ribus , Viil»m & ve/lit/im
■-■
-ocr page 12-
x            PREFACE.
» arrives aux tems marques par Cesr
» paroles de Jefus-Chrift : Parceque
» I'iniquite (a )Jera montee a/on com-
» ble
, la chariti de plujiturs Jc nfroi-
» dim ; &c comme je le conje&ure,
» celui dont il eft ecrit, la (b) difttte
» marcht dtvant lui , ou eft deja ar-
,1 rive , on doit arriver inceffam-
m merit. Si je ne me trompe , celui
=> que la faim & la fterilite de tout
m bien accompagnent& precedent,
" c'eft l'Antechrift. Mais la difette eft
» certaine , foit qu'elle foit une mar-
» que qu'il eft deja arrive , foit
« qu'elle annonce fa prochaine arri-
»» vee. Je ne parle pas du peuple , ni
» de cette vile multitude des enfans
» du fiecle ; je veux que vous jet-
» tiez les yeux fur les colomnes me-
« mes de l'Eglife. Qui me ferez-
» vous voir parmi tous ceux qui
» font £tablis pour etre la lumiere
» des nations , qui du lieu fublime
m on il eft place , ne jette de la fu-
» mee au lieu de repandre la clart6
w & la lumiere ? Qui me trouverez-
» vous qui foit content du neceffai-
» re & meprife le fuperflu ? C'eft
w cependant une Loi etablie par les
(< > Math. 24-
(4) 3el». 41.
-ocr page 13-
PREFACE.            xj
m Apotres, pour fervir de regie a
» leurs fucceffeurs : Aiant La nourri-
» ture & It vetement, folons contens.
"
Ou eft cette regie de conduite ?
» Nous la voions dans les livres ,
» mais non dans les hommes.....
» Voiez oil nous en fommes reduits;
» nous cherchions un homme de bien
" qui put fervir au lalut de plufieurs,
» & nous avons peine a en trouver
» un feul qui puifle fe fauver lui-me-
" me. C'eft etre aujourd'hui tres bon
» que de n'etre pas extremement
» mauvais. Optimus hodii ejl, qui non
» efi nimis ma/us.
Les terns ne font pas meilleurs au-
jourd'hui qu'ils l'etoient lorfque faint
Bernard parloit de la forte. He , plut
a Dieu qu'ils ne fuffent pas plus mau-
vais ! Puifqu'il n'y a done prefque
plus de Saints fur la terre , rappel-
lons-y en quelque maniere ceux qui
font dans le ciel, qui ont vecu de
notre terns , ou peu avant nous. Pre-
nons-les pour nos modeles. Pouvons-
nous en prendre de meilleurs que
ces pieux Solitaires , & ces dignes
Epoufes de Jefus - Chrift , qui par
leur vie edifiante dans le defert de
P. R. ont ramene ces terns heureux
qui donnerent naiflance a l'Eglife ;
a vj
-ocr page 14-
xij           PREFACE.
qui, "Yefnplis de Tefprit de ce pre^
mier age , en ont retrace toute Van-
cienne fplendeur par la purete de
leur foi, par leur zele pour la veri-
te, par leur mortification & leur pe-
nitence ; qui pendant l'efpace de
cent ans ont ete une image vive &
achevee de tout ce qu'il y a eu de
plus parfait dans les fiecles prece-.
dens?
II faut envifager le grand ouvrage
de P. R. dans toute fon etendue,
pour ne pas feparer ce que Dieu a
reuni. C'eft pourquoi nous embraf-
ferons dans cette hiftoire tout ce qui
le compofoit, les Savans, les Doc-
teurs qui ont eclair^ TEglife par leurs
ecrits lumineux , les Solitaires & les
Vierges qui l'ont edifiee par leur
piete , confolee par leur penitence,
ranimee par leurs exemples, foute-
nue par leurs prieres , e^onnee par
leur conftance a defendre la verite
& a eviter tout ce qui pouvoit blef-
fer la delicateffe de leur conscience.
verm? des La vie des Vierges chretiennes qui
dePgiR,f" compolbient la Ste communaute de
P.R. etoit plus angelique qu'humaine.
Union. yne unjon parfaite qui regnoitentre
les foeurs , ne formoit de toutes qu'un
coeur 6c qu'une ame. Elle les portoit
-ocr page 15-
PREFACE.       xtff
a fe prevenir les lines les autres dans
toutes les occasions , les reuniffoit
tellement dans les memes fentimens ,
qu'il n'eft jamais arrive ( chofe re-
marquable) que dans les elections de
leurs Superieures on ait ete oblige^
d'aller deux fois aux fufFrages. La
charite dont elles etoient animees ,
leur faifoit toujours chercher ce qui
pouvoit etre utile & commode aux
autres, & jamais a elles-memes. Que ■
dirai - je de l'eloignement qu'elles
avoient pour les honneurs & les di-
gnites, regardant comme une efpece
de facrilege, le defir des moindres
offices ; de cette fainte avidite^ pour
les humiliations , qui leur faifoit met- Humilitf;
tre leur gloire a rechercher avec em-
preffement l'etat humiliant de Con-
verfe ; de leur noble emulation a
s'avancer dans la vertu; de la confian-
ce parfaite qu'elles avoient dans leurs
dignes Superieures, leur decouvrant
jufqu'aux moindres mouvemens de
leurs coeurs; de leur detachement fietache^
abfolu de toutes les creatures; de ment*
leur charite ingenieufe a foulager les
pauvres & les affliges; de leur atta-
chement inviolable a la juftice & a
la verite , qui leur a attire de fi lon-
gues & de fi cruelles perfecutionsi
-ocr page 16-
xiv           PREFACE.
de leur fenfibilite pour les biens oft
les maux , les nieces ou les malheurs
de l'Eglife; du foin infini qu'elles pre-
noient pour elever la jeuneffe dans
l'efprit du chriftianifme , leur infpi-
rer une vive crainte de Dieu & une
horreur extreme des moindres fail-
tes ?
Dtinteref- Quedirai-je de leur defintereffe-
i.viu. ment fans exemple ? On ignoroit
dans ce faint Monaftere l'art de met-
tre a prix ce qui eft un don de la mi-
fericorde de Dieu. II ne falloit point
de richeffes pour pouvoir acquerir
le titre de pauvre evangelique. Ce
n'etoit ni la faveur, ni le credit, mais
le merite feul , qui ouvroit Tentree
de cette fainte retraite. Une fomme
de quatre-vingt mille livres ne fut
point pour ces Epoufes de Jefus-
Chrift un appas capable de les enga-
ger a recevoir parmi elles une Dame
de qualite qui le demandoit avec inf-
tance , & qui portoit raeme deja
l'habit de Novice (a).
Ce n'eft pas-la le feul exemple ex-
traordinaire du defintereflement des
Religieufes de P. R. Parmi un grand
nombre d'autres , on n'oubliera ja-
mais la generofite avec laquelle el-
M Madame de Crevecocut.
-ocr page 17-
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------—————------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ ■— - - — -
PREFACE.           xr
Ics cederent aux Urfulines de Ba-
zas , tout le bien qu'un Gentilhom-
me de cette Ville leur avoit laiffe par
un Teftament olographe (a).
Les motifs de cette donation, ex-
primes dans TAfte , ne font pas
moins edifians que la donation elle-
meme. (b)
" Des perfonnes confacrees a
» Dieu , difent-elles , doivent fe re-
» jouir de pouvoir lui temoigner
» dans les occalions qu'il leur offre
" par fa providence , qu'elles font
» tres perfuadees de cette verite for-
» tie de la bouche du Sauveur du
» monde , qu'*7 y a plus de bonheur
» a donntr qua recevoir , & qu'elles
» ne fauroient attirer fur elles FerRi-
» fion de fes graces, qui font les
» richefles du ciel, que par un fince-
» re derachement des richeffes dela
w terre. Elles ont cru devoir montrer
ment fut conhrmc par Ar-
ret du Parlement de Bour-
deaux , rendu le 15 Juillet
I6r4. Les Religieufes de
P. R. etant maitrelTes de
ce bien , le cederent ge-
nereufement aux UrfuU-
nes de Bazas, qui etoient
pauvres, par A<Se pafle
pardevant le Caron 8c
Gallois , Notaires , le
premier fept. 1*55.
(I) Suppl. duNec. p. 351
(«) M. de Quincat-
non, Gentilhomme de Ba-
zas , qui ne connoifloit
les Religieufes de P. R.
que de reputation , leur
laiiTa tout fon bien par un
Teftament olographe du
if Juillet 164s , a con-
dition de s'ecablir dans fa
maifon de Bazas. Par tui
Codicile du i4Fev. 1647,
il les dechargea de cet-
te condition. Le TelU-
_
-ocr page 18-
xvj           PREFACE.
» leur foi par leurs oeuvres en cette
» occaiion , & fuivre dans leur con-
» duke cette maxime evangelique ,
» fur laquelle eft appuiee toute la
» fubfiftance de leur maifon : Que
" des perfonnes de leur condition ne
,> manqutnt jamais de biens temporels ,
» quand el/es ne cherchcnt que les eter-
•» nels. C'eft pourquoi , confervant
« precieufement &c comme unriche
» don de Dieu, le mouvement qu'el-
» les ont re$u de fa grace, &c des
» confeils de fes ferviteurs , de ne
" prendre aucune part en cette fuc-
» ceffion , que la joie d'en pouvoir
" affifter de rkleles fervantes de
« Jefus - Chrift, & de donner par
" charite ce qui leur a ete donne paj
» la raeme charite , elles ont cede
» aux Religieufes Urfulines tous les
» droits qui leur appartiennent par
» le teftament & le codicile de M.
» de Quincarnon.
Trouveroit-on ailleurs qu'a P. R.
des exemples d'un tel definterefle-
ment, & d'une femblable generofite?
obeiflance. Toutes les autres vertus chretien-
nes & religieufes n'y etoient pas
dans un moindre degre. Avec quelle
religion y regardoit-on la fainte loi
de l'obeiffance ? C'etoit 1'amour
-ocr page 19-
-------,---------,--------------------------------------------
PREFACE.       xvij
qui obeiffoit, comme c'etoit auffi l'a-
mour qui faifoit le commandement.
Quelle horreur y avoit-on du fiecle,
dont on s'etoit eloigne encore plus
par la difpofition du coeur , que par
la diflance des lieux ? Tous les noms
vains & fuperbes en Etoient bannis;
on n'y connoiffoit que Dieu pour
maitre & pour feigneur; & les noms
fi aimables de freres & de foeurs
etoient les feuls titres ou Ton mettoit
fa gloire. Leur vie etoit toute cachee
en Dieu , & elles Etoient mortes a
1'egard de tout le refte. Si une juile
neceflite les obligeoit de paroitre de-
vant les hommes, ce n'etoit jamais
que fous le voile facre , qui etoit le
fymbole de leur mort au fiecle, & la
marque de la puiflance du celefle
Epoux, pour lequel elles vivoient.
Jamais il ne fortoit de leur bouche
que des paroles edifiantes : toutes
plaintes , tous murmures, tout juge-
ment temeraire , & generalement
tout ce qui pouvoit etre contraire a
la charite , etoient abfolument ban-
nis ; auffi un des Viliteurs de cette
fainte maifon, qui d'ailleurs ne lui
^toit guere favorable , ne put s'em-
pecher de leur rendre juftice en di-
fant : Que dans beaucoup d'autres mai-
-ocr page 20-
Xviij       PREFACE,
fons , on avoit bien des affaires d'entert-
dri toutes les plaintes que les foeursfai-
foient de leurs Superieures , & les unes
des autres ; mais qua P. R. chacune ne
fe plaignoit que de foi-meme , & 7lac-
cufoit que fes propres fauces.
Les momens que la priere & la
meditation de la loi de Dieu laiffoient
vuides, etoient remplis non d'amu-
femens vains & pueriles , mais d'oo
cupations ferieufes & faintes. Ou el-
les travailloient de leurs mains pour
revetir Jefus-Chrift en la perfonne
de fes membres ; ou elles lui for-
moient des epoufes & des fervan-
tes dans les enfans confies a leurs
foins.
Leur penitence etoit digne de tems
plus heureux que les notres ; & qui
pourroit raconter toutes les faintes
rigueurs que ces innocentes vi&imes
exercoient fur elles ; Leurs ieiines
aufteres & prolonges jufqu'a l'ex-
tremite du jour , leurs veilles pref-
que continuelles ; & ennn cette vie
toujours uniforme , toujours ferieu-
fe, fans melange d'aucune de ces
confolations qu'on appelle commu-
nement innocentes , & qui ne trou-
voit de terme que dans la mort ? G>
mort precieufe que celle qui couron-
-ocr page 21-
T RE FACE.            xix
ne une telle vie ! O cendres facrees ,
cachees dans ce vallon ! puiflent les
miennes fe joindre a vous au grand
jour , &; avoir part a votre gloire !
Puifle-je mourir de la mort de ces
Jiiftes , & avoir une fin qui reflem-
ble a la leur !
Ce n'eft-la qu'une foible image de
la vertu des Religieufes de P. R. des
Champs , &c une legere idee de Tin-
terieur de cette fainte maifon. L'ex-
terieur de ce facre defert n'etoit pas
moins admirable , ni moins edifiant
que l'interieur.
P. R. n'a pas feulement ete un solitaira*.
monaftere qui a fervi d'afyle a un de P- R'
grand nombre de Vierges chretien-
nes que Dieu a appellees dans la fo-
litiide , pour s'y fandifier par la pra-
tique des obfervances de la vie reli-
gieufe ; il nous prefente encore au
dehors une multitude de pieux Soli-
taires de tout age , de toute condi-
tion , qui par leur vie auftere & leur
fincere penitence ont fait l'admira-
tion des hommes Chretiens fur la
terre , & la joie des Anges dans le
ciel. Nous y voions des Princes &c
des Princeffes, des Dues & des Du-
chefies , des hommes d'epee & de
robe , d'habiles Philofophes , des
-ocr page 22-
XX         PREFACE.
genies fublimes , de profonds Thfo-
fogiens, des Medecins, &c. pour
lefquels ce faint defert a ete , dans
l'ordre de la providence , une odeur
de vie &c line fource de la vie eter-
nelle. Ici fe prefentent a l'efprit les
Duchefles de Longueville , les Dues
& Ducheffes de Liancourt, les Pont-
chateau, les le Maitre, les Sericourt,
les Saci, les Pafcal, les Arnauld ,
les Nicole , les Hillerin , les Hamon ,
les Dodart , & tant d'autres qu'il
fuffit de nommer pour en faire l'elo-
ge. He ! quel eft l'homme qui fe foit
diftingue dans le dernier fiecle par le
merite , la fcience & la piete , qui
n'en foit redevable a P. R. , ou par
Tavantage qu'il a eu d'habiter ce faint
defert, ou par des liaifons particu-
lieres avec ces faints Solitaires , ou
par la ledure de leurs admirables
Ecrits ? Enforte que Fhiftoire de P. R;
eft a proprement parler , le plus
beau morceau du dix-feptieme fiecle.
Ce fiecle , qui eft lui-meme l'un des
plus beaux fiecles que l'Eglife ait vus
depuis fa naiffance , eft redevable a
P. R. de fa gloire & de fa fplendeur.
Oui, je ne crains point de le dire ,
ou plutot de le repeter d'apres un
refpettable Auteur : » L'Eglife de-
-ocr page 23-
PREFACE.            xx j
i> puis fa naiffance (a) , n'a guere
" vii dc fiecle qui fiit plus eclaire
■» que celui-ci; &c M. de Saci a dit
» bien des fois, que s'il eiit eu un
« liecle a choifir pour y naitre , il
» n'en auroit point choifi d'autre &c.
» Aufli ce bienheureux defert ren-
» fermoit-il en meme terns & tou-
»» te la lumiere des plus grands Doc-
" teurs, & toute la plus grande fain-
» tete des parfaits Solitaires.
Frappe du fpe&acle admirable de
P. R., le grand Colbert s'ecrie avec
admiration : » Je vois (b) dans les
» Solitaires un amour pour la peni-
» tence qui me rappelle les plus
» grands exemples de Fantiquite ;
» dans les Religieufes, un definte-
» tenement, une purete , une re-
» gularite , qui me frappent. Leurs
» conftitutions me paroiffent pleines
» de fagefle & de difcretion. Mais
» ce que j'admire le plus , c'eft la
» fidelite & la conftance a les pra^
.. tiquer. Le fdence, le travail des
» mains , la pauvrete , le mepris de
•■> foi-meme , Tobeiflance , la priere,
» le chant des pfeaumes , tout m'en-
(a) Font. Tom. i. p. ?<?.
( b ) M. Colbert, Eveq. de Montp. , Ipitruit. fur
ks Miracles, tome i , p. 52.
-ocr page 24-
xxij            PREFACE.
»  leve. Les aumones continuelles ,'
»  la eharite immenfe pour tous
,1  ceux qui font dans le befoin , fains
«  &c malades , mille bonnes oeuvres
»  connues des hommes , un plus
»  grand nombre qui ne font connues
»  que de Dieu , des miracles faits
«  en certains momens pour tirer
M  d'oppreffion celles qu'on veut op-
«  primer; tout cela me dit que ce
»  n'eft point une Babylone mau-
v  dite.
" Dans les ouvrages des Theo-
y,  logiens , quelle lumiere, quelle
»  beaute , quelle force ! Je les vois
»  exceller en tout genre d'ecrire. Us
»  m'irllruifent , ils me confolent,
«  ils m'ediflent. Ils nfapprennent k
»  connoitre la religion, & plus enco-
»  re a Taimer : ils la defendent con-
sj   tre les ennemis du dehors, ils la
v  protegent contre les ennemis du
»  dedans. Ils affurent a la grace de
»»  Jefus-Chrift fa toute-puiflance fur
»  les coeurs. lis rendent a la morale
v  fa purete ; a la difcipline fon inte-
"  grite, Ils confondent leurs calom-
v  niateurs ; ils renverfent les here-*
»»  fies ; ils vengent l'innocence op-
»  primee. Toujours accufes , & ja-
»  mais convaincus. Toujours oppri-
-ocr page 25-
PREFACE.        xxiij
» mis , & toujours vi&orieux. A de
" tels cara&eres peut-on meconnoi-
" tre le doigt de Dieu ?
Joignons a ce beau temoignage en
faveur de P. R. , la peinture fidele ,
& l'admirable defcription que fait
en peu de mots de cette fainte mai-
fon, une Dame celebre par fes Let-
tres : » C'eji une Thebaide , s'ecrie avec
» admiration cette Dame , c'efl un
« Paradis que ce P. R. C'eft un defert,
•» oil toute la devotion du chriftianif-
» me s'eft rangee ; c'eft une faintete
" r^pandue dans tout le Pais , a une
m lieue a la ronde. II y a cinq ou fix
» Solitaires qu'on ne connoit point,
» qui vivent comme les Penitens de
» S. Jean Climaque. Tout ce qui les
" fert , jufqu'aux Chartiers , aux
v Bergers, aux Ouvriers, tout eft
" modefte. Je vous avoue que j'ai
" ^te ravie de voir cette divine Soli-
» tude
, dont j'avois oui parler (a).
rapporter ce temoignage ;
3i L'eftime , dit - il , de
n Mad. de Sevigne pout
31 le Pere Bqurdaloue, ne
« diminuoit rien de foil
31 admiration pour les i/-
31 lujlret Solitaires tie Port-
3i ro'ial......Cetoit ,
si dit - il encore , pour
il Madame de Sevigne un
si plaifir bien fenfible de
("i)On doit favoir ere
a l'Auteur de I'Anae'e Tit-
t/raire
d'avoir infere ce
beau trait Hans fa dixieme
Lettre. C'eft une marque
4= Ton bon gout 8c de
Ion difcernement dans le
choix des Extraits. On re-
marque egalement fa de-
JicateiTe dans le tour in-
g-nieux qu'il prend pour
-ocr page 26-
xxiv        PREFACE.
La verite brilloit dans cet heureux
fejour , & rien n'en obfcurciffoit l'e-
clat, rien n'en affoiblifToit l'efficace.
Loin du tumulte du fiecle , elle par-
loit, fans etre interrompue , a des
efprits qui n'etoient attentifs qu'a fa
voix , & rempliflbit des coeurs qui
n'etoient ouverts que pour elle. La
meditation de la parole de Dieu ,
.foit dans l'Ecriture , foit dans les
ecrits des Peres , occupoit leurs mo-
mens les plus doux , & faifoit tou-
tes leurs delices. On y avoit horreur
de toutes les nouveautes prophanes
que l'erreur ou la fuperftition s'effor-
cent d'introduire clans tons les terns.
On y rappelloit tout aux anciennes
regies. On y impofoit le filence aux
fens & a la raifon corrompue. Enfin,
Dieu feul y parloit , parcequ'on
n'cxoutoit que luL
v r. a hi ^'eft ^e cette ^a*nte vallee qu'eft
une fourcc de fortie cette brillante lumiere qui a
lumiere pour
fEglife.
31 vificer dans lcur rctrai-    Paradis , me divine Soli-
» te , apres plulteurs an-    tude ; qui regatdoit les
33 nees , des perfonnes    Habitans de ce defett,
33 qu'elle avoit connues    comme autant de Predefli-
33 dans le monde. Elle en    net , ne meritoit-elle pas
33 patle comme d'autant    bien la place que les PP.
.3 de Predeftines , dont la    Colonia & Patouillet lui
33 vile feule la portoit a    ont donnee , l'un dans fa
:-. la vertu. Une Dame     Biblivthtatie , l'autre dans
qyi a appelle P. K.. un     Col) DiHionnairc jtnftnMti
eclairej
-ocr page 27-
P R E F A C E.           xxv
^claire l'Eglife , & fait une de ies
coniolations les plus fenfibles dans
ces trifles jours , ou elle a vu naitre
meme dans fon fein tant de monftres
d'erreur & de minifbres de la puiffan-
ce des tenebres. De-la partoient ces
coups fi fenfibles a l'herefie. De-la
couloient ces torrens de livres ad-
mirables qui renverfoient tout ce
qu'une foule de faux Dofteurs s'ef-
forcoient d'etablir fur les mines de
l'Evangile. Difons-le hardiment, la
verite & la reconnoiffance l'exigent,
P. 11. eft la fource precieufe de ce
qu'il y a aujourd'hui dans l'Eglife de
plus purcs lumieres & de plus folides
vertus. C'efl aux travaux de ces
grands hommes , formes de la main
de Dieu pour defendre les plus pre-
cieufes verites du Chriflianifine ,
qu'elle eft redevable de fes vi&oires
fur les Lutheriens, les Calviniftes,
les nouveaux Pelagiens & les Parti-
fans d'une morale plus corrompue
que celle du Paganifme.
C'eft de ce facre defert que font
forties tant de voix eclatantes, cav-
pables de faire refleurir & de renou-
veller l'Eglife dans les jours de fa
vieillefle,
Tome I.                        h
-ocr page 28-
xxvj         P RE FA C E.
in patti- C'eft a P. R. en particulier que la
Franc fJU J France eft redevable de l'avantage
qu'elle a inconteftablement fur tous
lespa'isde la Chretiente, d'avoirune
foi plus pure , plus degagee des tra-
ditions humaines & des fuperftitions ;
plus d'attachement a l'ancienne doc-
trine, a la morale de l'Evangile.,
aux faintes regies de la difcipline ;
plus de gout pour la ledure des fain-
tes Ecritures 6c des livres de piete.
Si la France voit fes peuples plus
inftruits , fes Pafteurs plus eclaires ,
fon Clerge plus regie , elle en eft re-
devable a Port-roial.
C'eft de cette fource que decoule
tout le bien qui fe pratique encore
aujourd'hui dans une infinite de mai-
fons particulieres, foit dans la ca-
pitale , foit dans toute l'etendue du
roiaume. La modeftie chrdtienne
qui regne dans ces maifons , le gout
pour la piete & pour les chofes lain-
tas , l'eloignement des fpcctacles ,
des plaifirs , des inutilites de la vie ,
l'amour de la juftice & de la verite,
tout cela tire fon origine de ce faint
lieu ; ou par ['education que quel-
ques-uns de la famille y ont recue ;
gi\ par leurs liaifons particuljcreg
-ocr page 29-
PREFACE.        xxvij
avec fes pieux habitans; ou enfin ,
par les avis & les confeils des Di-
re&eurs formes dans fon fein ; fans
parler de ces excellens livres fans
nombre , que cette divine Solitude a
produits.
Eft-il en effet qnelque genre de lit- *•R-a «-
.                              '1        \ I         T> V "                                CeIle ei1 t0"'
terature utile a la Religion , que gCnre de lit-
P. R. n'ait cultive , & dans lequel il f™™. »*•
n'ait excelle ? La France ne lui eft-
elle pas encore redevable de l'avan*
tage qu'elle a eu en cela fur toutes
les autres Nations ? Qui a plus con-
tribue que P. R. a e purer la Theo-
logie , en la d^gageant d'un langage
barbare & d'une infinite de queftions
inutiles & impertinentes , & en ap-
prenant a la puifer dans fes verita-
bles fources , qui font l'Ecriture &
la Tradition ? Qui nous a perfe&ion-
ne le gout pour la piete , pour la cri-
tique , pour l'hiftoire ? Qui a plus
travaille que P. R. a enrichir notre
langue, & a nous faciliter les moiens
d'entendre & de parler celles des An-
ciens & des Etrangers ?
Mais la premiere & la principale }* P""e >
occupation de ces pieux Solitai- MS'S;
res etoit la priere. Dans ee faint soiicaires.
exercice , ils appelloient a leur fe-
bij
-ocr page 30-
xxvilj PREFACE.
cours leurs faintes Saeurs , ces Vier-
ges fi pures : alors on vo'ioit ce qu'on
avoit vii autrefois a Jerufalem, lorf-
que l'Eglife naiffante compofee ties
Apotres , des Difciples & des fain-
tes Femme , perfeveroit dans un
meme efprit en priere : Hi omnts
tra.ntpcrfiviran.tts unanimiur in oratio-
nt cum mulieribus.
Le facrifice de notre falut les raf-
^Leurrccueii fembloit tous en une meme heure
Jeur fainte tous les jours. Avec quel refpect &
£*"' dans quelle fainte fraieur fe prefentoient-
ils devant le trone oil la Majefte di-
vine refide fur. la terre ! Dieu pa-
roiffoit habiter dans ce defert d'une
maniere finguliere ( a ). On fentoit
plus qu'ailleurs le Dieu de Sion : une
vertu divine rempliffoit ce faint lieu :
on y etoit faifi d'une crainte melee
d'amour : on refpeftoit jufqu'au feuil
de cette fainte maifon. Des qu'on ap*
percevoit l'autel, le corps & 1'efprit
ie profternoient en meme terns de^
vant l'Agneau; tout trembloit en ia
prefence , tout etoit dans une adora-
tion profonde. Un filence facre qui
regnoit par-tout & n'etoit interrom-
pu que par le chant des faints canti*
I a) Voiez le premier Ggmiflcment,
-ocr page 31-
Tf
P REPACK.          xxk
qites , avertiffoit de loin ceux qui
s'approchoient du defert , que Ja
terre fur laquelle ils marchoient,
etoit une terre fainte , que le lieu
etoit terrible , & que cf etoit vrai-
ment la maifon de Dieu & la porte
du ciel. Combien de larmes le chant
des divins cantiques faifoit-il repan-
dre aux habitans de cette fainte val-
lee ? Tout louoit Dieu : tout tendoit
a la gloire de fon nom. Leur voix
feule , portant avec elle rimpreffion
de la grace qui etoit repandue dans
leur coeur par le S. Efprit, excitoit
dans ceux qui les entendoient , les
fentimens d'une piete tendre,& tiroit
les larmes des yeux. P. R. etoit vrai-
ment une maifon de prieres , & on
ne peut affez admirer comment, en
meme terns que Dieu afTembla dans
ce celebre defert des Docleurs puif-
fans en paroles pour combattre les
ennemis du corps & du Tang de Je-
fus-Chrifl:, il y forma auifi une fain-
te communaute de Vierges remplies
de fon amour , qui s'engagea par
une loi nouvelle a reparer par des
hommages continuels , les outrages
que ce grand Myftere y recevoit
tons les jours des Heretiques.
Qui ne reconnoitra & n'admirera
b iij
-ocr page 32-
xxx         PREFACE.
»i»"f« tles deffeins de Dieu fur P. R. qui
r.            font fi clairement manifeftes aux
hommes par (es oeuvres ? Voulant
dans le dernier fiecle faire de cette
fainte maifon le boulevard de fon
Eglife , il forma & conduifit dans
cette divine Solitude des hommes ,
dans lefquels il avoit reuni tous
les dons & toutes les graces de fon
Efprit pour la defendre contre les
p.R.fufdtS herefies de Luther & de Calvin, &
pour com-                                               ,             ' .
batwe Lu- contre les erreurs de Mohna qui
MoUiwalvin' renouvelloit celles des Pelagiens &C
des Semipelagiens. Perfonne n'igno-
re le ravage que faifoient dans l'E-
glife les herefies des proteftans ,
lorfque P. R. commen9a a paroitre.
Perfonne n'ignore que c'efl: de cette
fainte maifon que font fortis tant
d'ouvrages , qui ont foudroie les
chefs qui foutenoient alors ce puif-
fant parti. Les Livres admirables de
la Perpetuiti de la Foi , de [Unite de
I Eglife ,
des Prejuges legitimes , des
Calvinifles convaincus de fckifme , &C
tant d'autres , font des monumens de
la fcience & du zele de P. R. pour
la defenfe de la Foi: monumens que
leurs ennemis ne pourront jamais
aneantir : monumens eternels qui fe-
ront connoitre dans tous les fiecles
-ocr page 33-
PREFACE.           xxxj
a venir que Dieu s'etoit choifi ces
grands hommes pour defendre la
religion , & les oppofer comme une
digue inebranlable a Tefficace d'er-
reur prete a inonder la furface de
l'Eglife.
C'etoit dans le meme terns que
Therefie pelagienne, renouvellee par
Molina fous une autre forme encore
plus dangereufe, commencoit a pren-
dre le deffus 6c a tirer de nouvelles
forces de Findulgence des Papes &
de la negligence des Pafteurs. Dieu,
pour defendre l'Eglife contre tous
ces nouveaux aflauts que lui livroient
les portes de 1'Enfer , tira comme de
fes trefors , rilluftre maifon de Port-
roial, qu'il deftina a fervir d'afyle a
ceux qu'il avoit choifis pour defen-
feurs de la verite.
Pour fe conyaincre des deffeins
-que Dieu a eus dans la reforme du
moriaftere de P. R. il fuffit d'abord
de faire attention a la circonftance
du terns ou elle a commence. Ce
fut prefqu'au moment que le dogme
de la grace recut un coup qu'on
pourroit appeller mortel, dans la
derniere Congregation de auxlliis. Si
la divine Providence permet des
maux ■& des fcandales , elle y pre-
-ocr page 34-
xxxij PREFACE.
pare des remedes; fi elle permet que
l'Eglife & la verite foient attaquees,
elle leur fufcite des defenfeurs. Lors
done qu'elle permit par un terrible
jugement , que Paul V epargnat
l'erreur de Molina , & que ce Pon-
tife fufpendit la Bulle qui condam-
noit les dogmes errones de ce nou-
veau Pelage ( & cela contre le (en-
timent des Confulteurs, qui dans
une congregation tenue trois jours
auparavant, le x8 aoiit Fete de S.
Auguftin 1607, avoient ete d'avis
de la publication ) lors , dis-je , que
Dieu permit ce fcandale, il choifit des
homines qu'il remplit de fon Efprit,
pour le reparer & pour combattre les
funeftes erreurs qui venoient d'etre
epargnees. II leur prepara une retrai-
te dans le defert de P. R. oil il cora-
menca des-lors a faire fentir les effets
de cette grace toute-puiflante , dont
ils devoient etre les defenfeurs.
©rfre ad- Qu'on compare les terns & les cir-
■urabM ae la S,                  on                        a
Pi»videncc. conltances , & 1 on reconnoitra cet
. ordre admirable de la Providence &C
des defleins de Dieu marques d'une
maniere fenfible. On attendoit fur
la fin de l'annee 1607 , la publica-
tion de la Bulle contre les erreurs de
Molina, qui avoient ete difcutees &
-ocr page 35-
P R E F A C E. xxxiij
examinees en prefence des parties ,
■avec une patience &. un foin au-def-
fus de tout ce qui s'eft jamais fait
dans l'Eglif'e en ce genre. Les cou-
pables avoient ete entendus pendant
plufieurs annees ; ils avoient ete con-
vaincus &c condamnes une infinite de
fois par les Confulteurs. Enfin , 1'ar-
ret de leur condamnation , c'eft-a-
dire la Bulle etoit toute dreflee , &
il ne manquoit plus pour terminer
cette grande affaire , que de publier
le decret qui condamnoit Terreur.
Mais au lieu de le publier, Paul V PaulVepar;
le fufpendit par des viies toutes hu- ^ ^"°^
maines ; & en attendant, il fit de- ce.
fenfe aux deux partis de fe traiter
reciproquement d'heretiques. Qu'au-
roit dit S. Auguftin , fi les Papes In-
nocent I 6c Boniface avoient agi a
Tegard de Pelage & de Celeftius ,
comme Paul V agit dans cette occa-
fion a l'egard de Molina & de fes dif-
ciples , auffi zeles pour fes erreurs ,
que Celeftius pour celles de Pelage ?
Mais Dieu prepara de loin des de- nieu leur
fenfeurs de la grace ; & la maifon , 5^PT d=s
qui devoit leur fervir de retraite ,
commenca a en fentir les effets.
Ce fut,comme nous l'avons deja dit,
fur la fin du mois d'aoiit de Tan 1607,
b y
-ocr page 36-
xxxiv PREFACE.
que la decision que Ton attendoit
fur les nouveaux dogmes de Molina
fut furfife ; & Dieu toucha , vers la
fete de 1'Annonciation de l'annee
kjeune'Ab- fuivante , la jeune Abbefle Marie
be(Te de p. r. Angelique Arnauld , alors a$>ee de
laReforme. l7 ans ■> & mi mit "ans *e C(£UT de
reformer fa maifon, pour fervir d'a-
fyle aux defenfeurs de fa grace. Elle
eut, comme S. Bernard , beaucoup
d'obitacles a vaincre , mais elle en
triompha comme lui, & fut auffi heu-
reufe que ce faint & illuftre refor-
mateur a faire entrer dans fes viies
fes parens , qui les premiers s'y
fefprit de etoient oppofes. Nous la verrons de-
fan" fut "fa venir felon l'efprit la mere de toute
fcmiiie de la fa famille. Nous verrons fes foeurs
rfformatnce. venjr jes unes apr£s ies autres lui de-
mander le voile. Nous verrons fa
mere meme au nombre de fes fllles
fpirituelles , cinq foeurs , & grand
nombre de nieces , tant du cote pa-
ternel que du maternel. Son pere ,
comme autrefois celui de faint Ber-
nard , eprouva auffi Fefprit de grace
qui s'etoit repandu fur fa famille , &
mourut tres chretiennement. Ses
freres en recueillirent les fruits avec
M. Amauid abondance. Nous en verrons un fe
v^Ui " confacrer a Dieu , & etre dans l'e-
-ocr page 37-
PREFACE.       xxxv
pifcopat le modele d'un parfait Eve-
que. Nous en verrons un autre clans m. Anuu
le monde , allier avec les honneurs d'Andiiu.
& les dignites auxquelles fon merite
feul Feleva , la modeftie, l'humilite ,
& l'innocence des moeurs d'un vrai
chretien. Mais le plus celebre de tous
eft le grand Arnauld , ce docteur in-
comparable , qui apres s'etre rempli
de la le£ture des livres faints , & des
peres de l'Eglife , »• repandra com-
« me une pluie, les trefors de fa fa-
" ge.fle ( a) &c publiera les inftruc-
» tions qu'il aura apprifes , mettra
» fa gloire dans la loi de l'alliance
» du Seigneur , attaquera les enne-
" mis de cette alliance , les confon-
» dra , & s'acquerra tant qu'il vi-
» vra , par fes vic"toires , plus de re-
» putation que mille autres. Si ptr-
tnanfirit, nornen dentinqua plus quam
, J* i9'
mille.
De fa plume feconde , com-
parable a celle du grand Auguftin ,
couleront des fleuves de livres, qui
jufques dans les fiecles (b) les plus
(«•) Eccl. c. 39. V. 9.    s'eft acquis de la-reputa-
Ipfe tanquam imbres mit-    tion par fes vers,& qui au-
tet eloquia Capiendo fua?.    roit meme du talent pour
v. 10. Ipfe palam faciei    ecrire l'hiftoire , s'il la
difciplinam fapientia; fuas    favoit, ou s'il etoit capa-
& in lege teitamenri Do-    ble de dire vrai, a avan-
jnini gloriabitur.                   ce depuis peu , qu'on ne
(&) Un moderne, qui    lit plus aujourd'hui les
-ocr page 38-
xxxvj PREFACE.
recules , feront le fujet cle fad-'
miration des hommes fenfes &C
line fource inepuilable de lumiere ,
fur tout pour ceux qui font doux &C
humbles de coeur. Que dirai-je des
admirables neveux de la Mere An-
gelique , du celebre M. le Maitre ,
qui, apres s'etre fait autant admirer
a Paris par fon eloquence , que De-
mofthene le flit autrefois a Athenes,
& Ciceron a Rome , renonca gene-
reufement a une reputation fi flateu-
fe & a tous les honneurs qui Tenvi-
ronnoient, pour aller recueillir les
effets de la grace que Dieu repan-
doit dans le defert de P. R. ! Quels
fruits n'en recueillirent pas M de S£-
ricourt & M. de Saci, dignes freres
de ce grand orateur!
Jonne^cle Mais leS fmItS de Ia feCOndite fpi-
v. r. dans rituelle de la fainte reformatrice de
a'autres mo-
■aileres.
ecrits de M. Arnauld.    ce!a eft vrai , dans le lieu
Pour le coup , voili une    ou ce Poete vagabond 2
Anecdote ; & c'clt a tore    rc<;u fon education & dans
qu'on reprocl.c a\ 1'Autcur    ceux qu'il tYc\|uente , mais
du Steele dt louit XIV de    ils font his par les favans,
ne nous en avoir appiis    par les fideles, en un mot
aucunc. Voltaire pour liar-    par tous ceux qui aiment
dimeot fe vanter , fans    le vrai & le folide. Vol-
craindre d'etre dementi ,    taire pcut s'addrefTer an
d'etre !c pren'ier qui ait    Pub'ic , pour lui eft de-
diT qu'' n ne lit / It.s aujuur-    manaer des nouvelles, 8c
d'hui is •critt dc M. Ar-    attendre que la uuiUiicc
vMUt. On 11c les lit plus,    lui dil'c le icfte.
-ocr page 39-
PREFACE xxxvlj
P. R. ne fe bornent pas a fa famille ,
ni a Ion monaftere. lis fe font r6pan-
dus dans les abba'ies de Maubuiflbn ,
de Gif, du Lys , du Tard , du Pa-
raclet, &c dans plufieurs autres mo
nafteres , oil die a travaille par elle-
meme on par fes filles. Sans parler
des reformes de la.Trappe , de Sept-
fonts , d'Orval, de Conques , &c.
qui doivent etre regardees comme
des fuites de celles de P. R. quels
fruits n'a-t-on pas vii s'en repandre
de toutes parts dans le roiaume de
France & ailleurs, en Italie , en Po-
logne (a) , en un mot dans toute TE-
glife.
Les folitudes peuplees de peni- iffetsfafiv
tens, les faintes regies de la peniten- [f^^ £
ce contre lefquelles la moleffe &c p. r.
Tignorance fembloient avoir pref-
crit, remifes en honneur ; les epreu-
ves neceffaires pour s'affurer de la
converfion du coeur , pratique es ; les
jfideles inftruits folidement de la reli-
gion ; l'ufage de la le&ure de recri-
ture-fainte retabli; la force de la gra-
ce prechee furies toits ; les dogmes
precieux de l'obligation d'aimer Dieu
& de lui rapporter toutes nos adions
' (.1) ta R?ine de Fologne etoic en relation avec la
MiK Angeliciue.
-ocr page 40-
xxxviij P RE FA CE.
par un principe d'amour, defendus
avec force contre les corrupteurs de
la morale chretienne ; les nouveaux
Pelagiens refutes par des ecrits di-
gnes de la plume de faint Auguftin ;
les Pharifiens de la nouvelle loi con-
fondus; ces fabricateurs de nouveaux
dogmes contraires a 1'Eyangile , mis
en deroute ; les abus , les faux pre-
juges , les erreurs, les relachemens ,
tout cela combattu , difcute &l eclair-
ci dans un nombre prodigieux d7ad-
mirables ecrits; les difpofitions ne-
ceffaires pour recevoir dignement le
corps & le fang de Jerus-Chrift dans
le facrement de FEuchariftie , de-
montrees ; TEglife vengee contre les
inmltes de fes ennemis du dehors ,
ceux du dedans demafques ; les uns
& les autres mis hors de combat par
des ouvrages vittorieux & fans re-
plique ; les fideles edifies non-feule-
ment par des traductions exaftes &
pleines d'onclion des livres faints ,
mais encore de ceux des Peres de
TEglife , de faint Auguftin , de faint
Profper , de faint Chryfoftome , &
par un grand nombre d'ouvrages
de piete , qui renferment tout Fef-
prit des faints Dofteurs : ajoutons
que c'efl a P. R. que TEglife eft en
-ocr page 41-
PREFACE. xxxix
quelque forte redevable de l'edition M. Arnau!d
des ouvrages de ces faints Do&eurs, elnkuains"
en particulier de la belle edition des famjf%Fc?m
oeuvres de faint Auguftin , qui a fait deefainYAu-
tant d'honneur a la congregation de &uftiu-
faint Maur, qui a fait fremir les en-
nemis de la grace de Jefus - Chrifi: ,
puifque ce fn.it M. Arnauld qui en
donna la premiere idee (a ). II fem-
ble que Dieu ait voulu que P. R. fut
rinftrument de toutes fortes de biens,
foitenle faifant, foit en contribuant
au moins par le confeil a ce qu'il ne
faifoit point.
Tels ont ete en France & dans
autre corps. II ajoura pltf Vol'ez I'MC-
fieurs autres motifs. La toire de 1st
proposition fut goutee par nouvelle edi-
D. Viftor Texier & D. tion de fainc
Claude Martin. L'affaire Auguftin.^
fut tnifc en deliberation
par D. Audebert , alors
General, & en confequen-
ce l'ouvrage entrepris.
Tout le monde fait l'ap-
plaudiiTement avec lequel
cette nouvelle edition a
ete rec;ue du Public , l'a-
vantage que l'Eglife en a
retire , ainfi que des au-
tres editions qui out fuivi
& auxquelles elle a don-
ne occafion. Aind il eft
vrai de dire que l'Eglife
ell en quelque forte rede-
vable a P. R. de l'edicio»
des SS- Doctcucs.
( a ) Apres la paix ren-
due a l'Eglife, M. Ar-
nauld aiant la liberie de
paroitre , il alia un jour
confulter un manufcrit de
faint AuguiHn dans la bi-
bliotheque de faint Ger-
main des pres j a cette oc-
casion , il parla du befoin
qu'on avoir d'une edition
des oeuvres de ce faint
Docteur plus correcte que
celle qu'avoient donnee les
Do&eurs de Louvain,quel-
que louable que fut leur
travail. II reprefenta que
cette entreprife etoit vrai-
ment digne d'une congre-
gation aufli celebte &C il-
luftre que celle de faint
Maur & que ce travail la
rcgaidoit plus qu'aucun
-ocr page 42-
*t           PREFACE.
route l'Eglife les fruits excellens 5c
les effets falutaires de la reforme de
P. R. A de t-As caracleres , pour parler
encore comme le grand Eveque de
Montpellier , peut-on meconnoicre U
dolgt de Dieu ?
M.deSaint M. de S. Cyran fut le principal
cipai" inSru-inftrument dont Dieu fe fervit pour
mentdeuieu operer de li erandes chofes (a). Cert
pour toures « .         ./. , P             ..,,}. r ,
«s grandcs lui qui lembie avoir tire le leu lacre
chofes. ju pUits, pour rallumer dans les
coeurs l'amour de la verite , & pour
y regler la charite. S. Francois de
Sales l'avoit precede , comme pour
preparer la voie aux verites qui de-
voient e..re annoncees , & qui de-
voient fervir a remettre 1'ordre dans
la charite parune discipline eclairee ,
& a la refferrer dans de juries bor-
nes. Car on peut dire que la charite
de S. Francois de Sales fe debordoit
un peu trop , &c qu'il ne tenoit pas
ce feu facre aflez reflerre dans fori
lit. M. de S. Cyran fut envoie pour
renouveller la connoifTance des re-
gies , des moeurs & de la difcipline.
Dieu , qui vouloit fe fervir de lui
pour executer ce grand ouvrage , lui
mfpira le deflein de vivre pendant
plufieurs annees dans une parfaite
(<J Lett, du P. Q. 7 aout 171^.
-ocr page 43-
PREFACE.             xlj
retraite, uniquement occupe de la
priere , de la meditation des livres
faints , de la le&ure des ecrits des
faints Peres & des canons des con-
ciles. Ce fat dans ces fources pures
qu'il puifa cette immenfe & folide
erudition , que Ton admira en lui &
qu'il emplo'ia fi utilement , foit en
inftruifant les autres de la verite",
foit en la defendant contre ceux qui
l'attaquoient.
Cette fcience du faint, je veux
dire la connoiffance des veritables
regies des moeurs & de la difcipline
de l'Eglife , fut perfeftionnee par M.
Arnauld , qui, comme un autre Eli-
zee , herita du double efprit deM.
de S. Cyran , & par les autres difci-
ciples de ce pieux & favant abbe ,
qui a ete comme le fondateur de cet
edifice fpirituel. Elle fembloit avoir ta fcience
ete mife en depot a P. R. d'oii elle %£%£$.
s'eft repandue enfuite dans toute l'E- pot 4 p. k.
glile de France & ailleurs^par les oeu-
vres & par les ecrits , opere &fermone.
Deforte que P. R. (a) doit etre re-
garde comme le berceau, ou la pu-
rete de la morale chretienne , de la
difcipline ecclefiaftique & de la vie
religieufe a repris naiflance.
(a ) Lejt. du P. Q. du ii fcpterabte 171?.
-ocr page 44-
xlij         PREFACE.
11 eft aife de juger par le portrait
fidele que nous venons de tracer ,
combien line hiftoire fuivie , exa&e
& detaill^e de ce faint defert doit
etre glorieufe a la religion , & utile
non - feulement aux perfonnes con-
facrees a. Dieu, mais encore aux
perfonnes du monde ; puifque dans
cette fainte folitude, dans cette mai-
fon de grace & de verite , etoient
raffembles des Saints de tout age,
de tout fexe & de toute condition ;
& que prefque routes les forces de
l'Eglife y ont ete reunies ; la lumie-
re de fes Apotres & de fes Dodreurs,
la conftance de fes Martyrs , la pu-
rete de fes Vierges , la penitence de
fes Anachoretes , le zele & la piete
de fon premier age; jufqu'aux enfans
La kaure y etoient des Prophetes. De forte
t pj'fotr qu'il rfeft point d'age , de fexe , de
£m utifc a condition , qui n'y trouve plufieurs
^•perfoMw! exemples de vertus propres a fon
6tat: les perfonnes qui vivent dans
le monde & a la cour, comme les Re-
ligieux & les Religieufes qui vivent
dans le cloitre ; les Artifans , comme
les grands Seigneurs ; les La'iques ,
comme les Eveques & les Pretres;
les Domeftiques, comme les Mai-
tres, les perfonnes privees , cornrne"
-ocr page 45-
PREFACE.       xliij
les Princes & les Princefles ; tous &c
chacun d'eux y trouveront des regies
fures pour leur conduite, & de beaux
modeles a fuivre.
Ici c'eft une Princeffe du fang Aurpeifo*.
...            _.                   _ ,          ° ncs d im rang
roial, un Due , une Ducheiie , un duimgue.
Seigneur, une Dame du plus haut
rang, qui, oubliant leur grandeur, 5c
foulant aux pies les refpefts humains,
marchent dans la carriere de la pe-
nitence , a la lumiere que P. R. re-
pand , & apprennent par leur exem-
p!e l'ufage qu'on doit faire de fon
rang, de fa naiffance , des honneurs,
des richefles, & en quoi confifte la
veritable grandeur. La , c'eft un
couttifan que les charmes & la force
de la grace ont defabufe des pompes
& des vanites du fiecle , & arrache
a la cour & au monde , pour en
faire un parfait folitaire &c un vrai
penitent.
Ici ce font des Eccleiiaftiques qui, Aux tcde-
faifant revivre en leurs perfonnes ,aaiiiues-
toutes les vertus de ces hommes
apoftoliques des premiers fiecles ,
expriment par leur conduite ce qu'ils
font par leur cara&ere &c leur di-
gnity ; qui enfeignent la veritable
maniere de conduire les ames , le
zele & le d£iintereflenient avec lef-
-ocr page 46-
xliV       PREFACE.
quels on doit s'en acquitter ; qui
emploient tous leurs talens pour le
fervice de l'Eglife, & la defenfe cle
la verite & de la juftice; difpofes a
foufFrir l'exil, la prifon , & la mort
meme , fi la providence l'ordonne ,
plutot que de les jamais abandonner;
qui apprennent le fecret de devenir
favans fans donner dans la vanite ,
& d'allier la charite & Thumilite avec
les plus varies etudes.
Auxperfon- La , c'eft uii Capitaine qui renon-
ncs cngagees ce £ ja miiice (ju fiecle , pour fe fai-
d.ms les at- .                           , . . ■ A' r
mcs ou dans re la guerre a lui-meme en com-
ia tobe. battant fes paffions. C'eft un homme
de robe qui fe cache a la viie du
monde , lorfqu'il admire le plus fes
grands talens , afin de n'etre connu
que de Dieu , & qui fail les plus
grandes charges , pour acquerir l'hu-
milite evangelique.
Au.t vler- Les Vierges chretiennes , qui fans
nes qui vivent ajouter de nouveaux vceux a ceux
dins ie mon-de leur Bapteme , font refolnes de
demeurer dans l'etat que faint Paul
confeille a celles qui veulent vivre
avec piete dans le fiecle , y trouve-
ront de quoi fe fortifier clans leur
refolution , en vo'iant des perfonnes
de leur fexe qui, aiant ete miles cles
leur enfance dans ce faint monafte-
-ocr page 47-
PREFACE.          xlv
re pour y recevoir une education
conforme a la faintete du chriftia-
nifme , n'ont jamais pu confentir a
s'en voir enlevees , meme pour vt-
vre dans des families chretiennes,
6c qui euffent mieux aime faire le
facrifice de leur vie , que de fe voir
arracher de cet afyle. Elles fentoient
les avantages qu'elles retiroient cha-
que jour dans cette fainte folitude ,
& elles craignoient avec raifon d'en
perdre au moins une partie en la
quittant. Lorfqifon a goute dans la
retraite combien le Seigneur eft
doux , le monde le plus regie paroit
ii imparfait &c d'ailleurs fi rempli
d'ecueils & de tentations , qu'on
craint de lui confier fa foiblefle.
Les perfonnes du iexe qui, apres Aiixpcrfon-
avoir ete engagees dans le mariage , aw^s r"es
ont recouvre la liberte , trouveront liens du ma.
dequoi s'inftruire dans la conduite de lus"'
plulieurs Dames du premier rang &
d'un merite diftingue , qui fe font
hatees de profiter de la liberte que
leur donnoit leur veuvage , pour fe
retirer dans ce faint defert, &c s'y
edifier dans la compagnie des 6pou-
ies de Jefus-Chrift.
Ceux qui font dans la necefute de AuxP"("»n*
iervir , trouveront les plus beaux ceffite obiigB
4e fervif,
-ocr page 48-
xlvj        PREFACE.
modeles dans de pieiix domertiques ,
qui dans leur etat de fervitude ont
trouve le fecret de devenir libres,
de s'enrichir pour le ciel, & de s'y
amaffer de precieux trefors. En un
mot on peut dire qu'il n'eft point d'a-
ge , de fexe , de condition qui ne
trouve dans Thirtoire de P. R. des
exemples de vertu : exemples qui
doivent faire d'autant plus d'impref-
iion , que ce ne font pas des actions
de Saints qui aient vecu dans des
iiecles eloignes du notre & dans des
pais recules. Alors on pourroit les
regarder , comme il arrive affez or-
dinairement, dans une diftance in-
finie, &c les confiderer comme des
hommes d'un autre monde & d'une
conilitution difFerente de la notre:
mais ce font les actions de perfonnes
qui fe font fandifiees de notre terns ,
qui ont vecu en quelque maniere
fous nos yeux & dans notre propre
pais. Ces exemples de vertu doivent
au moins fermer la bouche aux la-
ches qui n'ont pas le courage de les
imiter , & les cbliger d'avouer qu'il
ny a que la volonte qui leur man-
que , & qu'on peut encore aujour-
d'hui, dans cette lie des fiecles , pra-
tiquer avec la grace de Jefus-Chrift,
-ocr page 49-
--------------
" "
T RE FACE.        xlvi}
ce qii'oii admiroit fi communement
dans les beaux jours de l'Eglife. On
n'avoit pas , du terns de P. R, un
temperamment plus fort, ni plus ro-
bufte qu'aujourd'hui. Les moiens de
falut n'etoient gueres plus abondans ,
les contradictions que fouffre la piete
etoient les memes. Pourquoi done
ne pourrions-nous pas faire ce qu'ils
ont fait ? Que chacun de nous fe di-
fe a lui-meme pourquoi ne pourrois-
je pas faire ce que ceux-ci &c ceux-.
la ont fait ? Non potero quod ifli &
ijl*?
Rien n'eft plus utile que ces exem- a vantage
pies modernes de faintete , Vuee-£SZ
qu'ils confondent la lachet^ & la mo- piece.
lefTe des chretiens de nos jours; qu'ils
foutiennent & animent ceux qui ont
de la bonne volonte , en leur met-
tant devant les yeux ce que tant
d'autres ont fait dans un necle auffi
foible & auffi ennemi de la piete que
le leur ; qu'ils ferment la bouche aux
impies , & qu'ils faflent voir que le
bras de Dieu n'erl pas racourci, &
qu'il peut, quand il veut, tirer du
fein des pierres memes des enfans
d'Abraham. Cette remarque fervira
de reponfe a ceux qui pourroient fe
plaindre qu<? nous svons charge cette
-ocr page 50-
xlviij        PREFACE.
hiftoire de trop de detail d'a&ions
particulieres & de trop de relations de
vies , foit de religieufes, foit de fo-
litaires. Les a vantages dont nous
venons de parler nous y ont enga-
ge , &c les circonftances des terns
ont paru Texiger. Plus la piete s'af-
foibiit aujourd'hui, plus elle trouve
de contradi&eurs ; plus il eft necef-
faire de confonclre ceux-ci & de iou-
tenir ceux-la. Or rien n'eft plus pro-
pre que les details dans lefquels nous
entrons & les exemples que nous
La piete dcs propofons. Le libertin & le preten-
foiimres^de £u ef*prjt forr ? quj regardent la piete
fond les li- & la religion comme le partage des
en'nemis^e'i" e^PriIS foibles , pourront-ils le tirer
religion, de l'exemple des Pafcal, des le Mai-
tre , & autres grands genies qui ont
vecu dans une ft grande piete ?
Bayle , tout Bayle qu'il etoit, rend
BayU Dia. les armes a ce fpe&acle , & avoue
que la piete de M. Pafcal, ceft-a-
dire dun Fhilofophe , Vun des plus
grands Giometres , des plus fubtils Me-
taphyficiais & des plus penetrans efprits
qui aient jamais iti au monde
, defar-
me rimpiete. Il faut done que l'im-
pie & le libertin s'avouent vaincus ,
ou donnent afte a toute la terre de
leur ignorance &C de leur extrava-
gance..
-ocr page 51-
PREFACE.         xlix
gance. Oferoient - ils bien comparer
quelqu'un de leurs heros & des pre-
miers peres de leur ordre , avec l'in-
comparable Pafcal, ou avec le grand
Arnauld ? Une feule penfee du pre-
mier vaut mieux que toutes les pro-
ductions de la plume temeraire qui
a ofe l'attaquer (a). Mais laiflbns-
la les impies pour parler des faints ,
& revenons aux Religieufes de Port-
ro'ial.
Ces faintes filles , dont la me-
moire fera a jamais en benediction
dans I'Eglife , fe font rendues re-
commandables non - feulement par
la faintete de leur vie, plus ange-
lique qu'humaine , & par toutes les
vertus dont nous avons deja parle ,
mais encore par la lumiere de leur Les Rcli.
foi, qui leur a fait demeler les arti- g'«if« dc p.
t-                    .                            j i         , . , R. audi ccle-
nces que les ennemis de la vente b10s par Ja
emplo'ioient pour les engager clans la lumiere de
prevarication ; par la lagelle & la par ieurs vet-
force de leurs raifonnemens , qui tus-
les ont rendues viftorieufes de toutes
les chicanes & de toutes les fubtili-
tes des doctrines etrangeres que
des Dofteurs memes s'enorcoient de
{ 4 ) Voltaire , qui ne refpe&e rien , ni fur la terre ,
ni dans le del, a eu la temerice de ctititjuet les penfees
«le M. Pafcal.
Tome I.                      £
-ocr page 52-
1            PREFJCE.
ieiu- fim- leur fake embraffer ; par la candeur
ni'eatC chTi- & la fimplicite vraiment chretiennes
ticnnc. avec lefquelles elles font demeurees
fermes & inebranlables dans le che-
min de la verite , fans s'ecarter ni a.
^Leur forme- droite , ni a gauche ; par la fermete,
U".
le courage & la patience , dont elles
ont donne un fi bel exemple au mi-
lieu des perfecutions & des epreuves
fi longues & fi dures a la nature , &
auxquelles elles ont ete fi fouvent ex-
tern invio- pofees; par leur attachement fince-
Ubk attache- re & invi0lable a la verite & a la
wtite.
         iincente cnretienne , qui 1 a empor-
te en elles fur toutes fortes de con-
iiderations humaines, & auquel elles
ont tout facrifle , repos & liberte ,
biens, maifons, & generalement tout
ce qu'elles avoient de plus cher au
monde , etant meme pretes a faire
le facrifice de leur vie. C'eft-la ce
qui a rendu fi celebres les Relitneu^
fes de P. R. & ce qui fait le principal
objet de cette hiftoire.
i» msifon Cette fainte maifon a toujours ete
foufotus'per- en butte & perlecutee par les hommes
iizwQc rjr charnels & ennemis des verites de Te-
rtant'i™'11" vangile, Desle commencement, les
portes de Tenfer fe font elevees con-
tre Fceuvre de Dieu & contre fes ou-
vriers, Di?u , apres 1'avoir foutejiug
-ocr page 53-
PREFACE.            lj
pendant un liecle entier , a permis
parun jugementimpenetrable, mais
terrible , que ce fanttuaire de la ve-
rite Sc de la charite fiit detruit com-
me le nld de I'erreur., par les premiers
mininres du lieu faint.
Comment done, une fainte mai-
fon, qui a ete le berceau ou la fcien-
ce du falut a commence a etre fe-
rieufement etudiee,, & pratiquee fi-
delement, ou la purete de la morale
chretienne obfeurcie par l'ignorance
& la corruption des moeurs a com-
me repris naiffance ; comment, dis-
je , une li fainte maifon a- t-elle pu
etre appellee h nid de I'kerijie ? Com- outrage fait
ment les condufteurs de cette mai- aPo" - roiai
fon , dont Dieu s'eflfervi pour ope- duchu^^de
rer tant de merveilles , ont - ils pu cet^ fainte
etre traites de faux prophetes. ? O
prodigieux aveuglement! O etrange
corruption du coeur humain ! Qui
pourroit la croire , fi l'evangile ne
nous apprenoit que Jefus-Chrift iui-
meme a ete traite de fedudreur; &
cela , felon la remarque de S. Au-
guftin , pour la (a) confolation de
fes difciples , qui ne doivent pas etre
( a) StduRor Me ': hoc appellabatur nomine Do-
Hiinus Jefus-Chiiftus ad folacium fcrvornm fuo;ui»
•j'uiido dicuntut feduftoies. Aug. in pfal. tfj.
c a
-ocr page 54-
li)            PREFACE.
furpris que les Pharifiens de la nou-
velle loi les traitent de la raeme ma-
niere que leur maitre l'a ete par
ceux de l'ancienne. P. R. appelle k
nid de Vherefie !
Les conducfeurs de
cette fainte maifon traites de feduc-
teurs , de faux propheies ! Quel
blafpheme ! C'eft un oracle forti de
la bouche de la verite meme, que
les faux prophetes fe font connoitre
parlours ceuvres : afruclibus (a) eorum
cognofcetis eos.
La marque pour con-
noitre un faux prophete eft aufll
conftante qiunfaillible. On ne cueille
point de raifins fur les epines , ni
de figues fur les ronces. Un bon ar-
bre ne porte que de bons fruits , &c
im mauvais arbre n'en peut produi-
re que de mauvais. Qifeft-ce qifun
bon fruit, qui fait connoitre la bon-
te de l'arbre ? Ce font les fruits de
la lumiere & de l'efprit , felon faint
Paul. Ce grand Apotre nous apprend
que le fruit ( b ) de la lumiere ccnjifie
en toute forte de bontl, de JuJIice &
de verite : les fruits (c) de Vefprit font
,
la charite , la joie , la paix , la pa-
tience , Vhumaniti
, la bonte , la per-
feverance afouffrir , la douceur } la foi 3
(«) Math. 7. 16.                { i) Eph. f. g,
(c) C»l, y. Hi 1$.
-ocr page 55-
_
PREFACE.          liij
la modejlie , la continence , la chajiete.
Quiconque porte des fruits de cette
eipece , & fait des oeuvres de cette
nature , peut-il etre regarde comme
un mauvais arbre & un faux pro-
phete ? Ce font - la neanmoins les
fruits qu'ont portes , & les oeuvres
qu'ont faites ces hommes de charite
& de mifericorde , viri (a) mifericor*
dice ,
qui ont conduit le monafrere de
P. R. & peuple ce faint defert. C'e-
toient yraiment des hommes puiffans
en jufrice , tels que les depeint le
Prophete Ifaie , fortes (b) juftitU ; des
plants du Seigneur pour lui rendre
gloire , plantatio Domini ad glorifi-
candum ;
qui ont rempli d'edifices les
lieux deferts depuis plufieurs fiecles,
& releve les anciennes mines , en
faifant revivre les regies de l'Eglife
& les maximes de l'Evangile , qui
etoient prefqu'entierement ignorees
des Chretiens, & combattues par
une multitude de faux Do&eurs.
" Que les ennemis de ce (c) faint
» lieu, s'il y en a encore apres fa
» deftruftion , ceflent done de le
» decrier & de vouloir le faire paf-
» fer pour le nid de rherejie. Si e'efl:
( 4 ) Ecclef. 44. xo.          (b ) If. c. (Si , f. 3.
(c) Prcf. du Nectol. p. XII. XIII.
c iij
-ocr page 56-
Ilv           PREFACE.
» par malignite qu'ils ont avanc£ cet
" horrible blafpheme , qu'ils en rou-
" giffent aujourd'hui , & qu'ils
" voient fans aigreur leur calomnie
» confondue. Si c'eft par ignorance,
» qu'ils ouvrent enfin les yeux a la
'' lumiere de la verite , & qu'ils
' montrent par-la qu'ils meritent
' quelque pardon.
" Grand Dieu , s'ecrie le pieux
» Auteur de la Preface du Necrolo-
' ge de P. R. , quel renverfement
>   dans l'ordre de votre providence ,
' H un lieu , ou Ton a vu regner la
■   douceur, l'efprit de paix &c de
1 charite, la piete la plus eclairie
' & la plus folide, en un mot l'af-
1 femblage de toutes les vertus chre-
1 tiennes &t religieufes,pouvoit etre
' en meme terns le nid de I'here/ie !
'
Mais non , il n'y eut jamais d'al-
' liance entre Jefus-Chrift & Belial,
■  entre la lumiere &c les tenebres ,
' entre la juftice & l'iniquite. Un
1 fan&uaire oil tant de Vierges vi-
' voient dans une purete angelique,
' dans l'attente continuelle de leur
•  celefte epoux , dans l'attachement
•  inviolable a la juftice, a la verite,
■  aux loix de l'Eglife &c de leur infti-
>  tut; oil de vrais penitens, morts a
-ocr page 57-
PREFACE.         IV
»> eux-memes & enfevelis dans la re~
" traite & le filence , travailloient
« fans relache a fe depouiller du vieil
" homme & a faire revivre en eux
» l'homme nouveau ; ou Tinnocence
» de tant d'enfans a ere a couvert
«• de la corruption du fiecle par l'e-
» ducation la plus chretienne ; oil
» les faintes verites de la grace, de
» la penitence , de la piete evan-
» gelique ont repris une nouvelle
» vie , & d'oii elles fe font repan-
" dues bien loin , malgre les oppo-
» fitions des hommes charnels; ou
" le zele de la maifon de Dieu ,
» l'efprit du facerdoce de Jefus-
» Chrift , l'amour de la hierarchie
» ecclefiaffique , ont commence de
» revivre en nos jours ; un tel fanc-
» tuaire, dis-je , ne paflfera jamais
» dans l'efprit des perfonnes judi-
» cieufes & equitables pour avoir
» ete le nid de- Vhlrejie, Et, pour me
» fervir de ce terme , il paflera a.
» jufte titre pour k nid de la fcience
" & de la faintete.
" Pourrions - nous ne pas decou-
» vrir les motifs de Tanimofit^ monf-
» trueufe des ennemis de P. R. ?
» Que ne pouvons-nous , au moins
» pour Thonneur du chriftianifme ,
c iiij
-ocr page 58-
lvj           PREFACE.
" enfevelir leur nom dans tin eternel
» oubli? Mais quand bien meme nous
* voudrions le diffimuler, la noto
" riete publique trahiroit nos mena-
Prcf.duNc- » gemens. Pour connoitre done la
Moti&'dei'a- " nature des motifs de cette animo-
Himofue des » lite , il fuffit de favoir que ce font
Jcfuites con- 1 „ T'r                                                     I 1„
tre p. s.. " *es Jejuites qui ont commence la
» perfecution & confomme la cataf-
" trophe. Nous ne dirons rien qui ne
» foit notoire &c prouve par leurs
" propres principes & par leur con-
» duite , lorfque nous ferons obfer-
» ver, que leur fenfibilite fur tout
» ce qui s'oppofe a eux , ou ne fla-
» te pas leurs deffeins ambitieux
» ou les opinions dont ils font les
" auteurs ou les prote&eurs zeles,
" eft extreme ; que le reffentiment
» de ces injures pretendues ne meurt
» jamais , & que la vengeance qu'ils
» en tirent ne connoit point de bor-
" nes. Ceft dequoi le public a tou-
» tes les preuves neceflaires.
» M. Arnauld l'Avocat, Tun des
» hommes de fon fiecle le plus in-
»> tegre & le plus attache au bien
e'd' mUVaV- "  de letat' P«blia en 1602 fon fa-
nauid, Avo- »   meux livre intitule It franc & veti-
ThP°iuem "   ta^e difiours , pour empecher le
pel des j/fui- »  rappel des Jefuites en France ,
-ocr page 59-
PREFACE.           hi]
d'ou. le Roi Henri IV les avoit
honteufement , mais juftement,
chaffes. II n'en fallut pas dayan-
tage pour attirer a ce grand hom-
me Tindignation de toute la focie-
te , qui dans la fuite en fit retom-
ber le contre-coup fur P. R. , ou
prefque toute la famille de cet il-
luftre Avocat s'etoit retiree. Ce
fut - la proprement Forigine de
cette haine implacable , dont nous
verrons les funeftes fuites.
» Au bout de 30 ans, on environ,
M. du Vergier de Hauranne , Ab-
be de S. Cyran, qui paffoit alors
pour etre le meme que le celebre
Petrus Aunlius, qui avoit fi folide- *"• Ecritsde
ment refute les erreurs des Jefui- ian&fes ren-
tes fur la hierarchie , a'iant pris timens con"
la direction de P. R., fut un ob- erteu" desj£
jet qui reveilla puiffamment les fuites-
impreffions de cette haine invete-
ree. Sa doflxine fur la contrition,
contraire a celle de la fociete, fon
attachement a la doftrine de S. Au-
guffin , dont il fit venir un grand
nombre d'exemplaires de Lou-
vain , pour les repandre dans Pa-
ris & ailleurs , afin de les oppofer
aux progres que faifoient tous les
» jours les erreurs de Molina j fa
c v
-ocr page 60-
Iviij        PREFACE.
» liaifon particidiere avec M. Jan-<
» fenius Eveque d'Ypres ; le livre
" de la frequente Communion que
" M. Arnauld le Dodreur & eleve
» de M. de S. Cyran fit fuivre de
» pres , & dont on pratiquoit les
» maximes a P. R.; tout cela forti-
" fia de telle forte ces injuries pre-
" ventions, que des-lors les Jefuites
" fe declarerent ouvertement les en-
» nemis de P. R. & de tous ceux qui
w y etoient attaches.
» Prefqu'auffi-tot parut le grand
» ouvrage de M. d'Ypres, a la fin
" duquel il avoit ajoute un jufte pa-
" rallele des fentimens de Molina fur
*> la grace & la predeftination, avec
» les fentimens des Demi-pelagiens
" du Ve. fiecle. Ce parallele & le
w deflein de tout le livre qui etoit
" de faire connoitre la doctrine de
» S. Auguftin , apres l'avoir mife
» dans un nouveau jour, irriterent
» etrangement les Jefuites , qui ju-
» rerent des-lors la perte de l'ou-
» vrage. On fait quels mo'iens ils
" mirent en oeuvre pour en venir a
» bout. Cependant la caufe de la
« juftice & de la verite enveloppee
" dans cette conjuration , engagea
» M. Arnauld Sc fes amis retires a
-ocr page 61-
..... - ■ -'■ "-' ......I
1
PREFACE.            lix
P. R. de prendre en main la de-
fenfe de ce livre , ou plutot celle
de route la religion attaquee dans
cette affaire.
" De-la on paffa naturellement
aux difputes fur la grace , qui s'e-
chaufferent plus que jamais ; car
fi les Jefuites attaquoient avec
paffion & avec chaleur, ils etoient
puiffamment repouffes , & l'avan-
tage flit toujours du cote de MM.
de P. R. La defenfe qu'ils furent }°. La d£-
encore obliges de prendre des^e*sevf;
points capitaux de la morale de grace & de
l'evangile , attaquespar les Jefui- $Z$vt
tes comme contraires a leur nou- mm. deP.R.
veau fyfleme ; la faintete de vie
qui eclaroit dans cette trouppe de
Pretres, de Vierges & de Peni-
tens qui habitoient ce facre de-
fert, & qui etoit une cenfure vi-
vante de cette corruption qui me-
nagoit d'inonder tout le chriftia-
nifme ; la reputation que les ecrits
de P. R. s'acqueroient dans le mon-
de , ou ils eclipfoient & faifoient
J meprifer ceux de la fociete & de
fes partifans ; tout cela flit autant
de fujets qui aigrirent l'animofit6
jefuitique. Ils regarderent done
P. R. comme un ennemi formida-
c vj
-ocr page 62-
.—.-----.-----.—.------.------------.—-—___-------------
Ix            PREFACE.
» hie , qui mettoit le plus d'obfta-
» cles a leurs progres dans le ren-
« verfement de la religion , & tour-
» nerent contre lui toutes leurs bat-
» teries. Mais s'ils n'y euffent point
» emplo'ie d'autres armes que leur
» plume , nous aurions encore au-
« jourd'hui la confolation de voir
t> fubfifter P. R. & de le voir jouir
» avec gloire du fruit de fes viftoi-
» res.
» Que fit la fociete pour reuffir
» dans fon projet de conjuration ?
» Trop foible pour l'executer par
•» elle-meme , mais aflez hardie &C
»
affez animee pour tenter d'en ve-
» nir a bout d'une maniere ou d'au-
» tre , elle s'avifa d'ecrafer par des
» forces e^rangeres un ennemi ,
» qu'elle ne pouvoit vaincre par fes
us jsfuites » propres forces. Souple , infinuan-
ont radreffc „ te , & deia en credit aupres des
de faire epou-             . ~,           '        , , r n.             o /•/
fer leurs ime- " puiliances ecclelialhques ot lecu-
ilc!.aux Eva" " lieres , elle fut trouver le fecret
ques.
» de furprendre leur religion , de
» leur faire epoufer fes interets; &
» par un tour d'adreffe la plus rafi-
» nee,de les faire agir pour fa propre
» vengeance , fous pretexte d'ex- .
» terminer l'herefie , fans qu'elle pa-
» rut elle-meme y mettre la main.
-ocr page 63-
™-----------------■——- - ———---------------------------------------------------------------1—--------------------■------------------------------                                          '
PREFACE.           hj
Des l'annee 1656 les Jefuites fe-
roient venus a bout de leur cleffein
contre P. R., fi Dieu ne les eat ar-
retes par tin miracle eclatant qu'il
opera. Mais , ni la voix de Dieu
qui s'etoit declare fi ouvertement
en faveur de fes lervantes , ni le
mauvais fucces de tant de calom-
nies, dont ils avoient et£ convain-
cus , ne purent les rebuter. Aban-
donnant les accufations contre les
moeurs , qui fe detruifoient par elles-
memes , ils eurent recours a d'au-
tres artifices. II n'y avoit que les Je-
fuites , qui puffent (a) trouver le
fecret d'envelopper des filles dans
des difputes dogmatiques. Ils avoient
le degre de malice neceffaire pour
cela ; & ces faintes filles etoient di-
gnes de fouffrir pour la grace qui
les fancHfioit. Le formulaire, conduit I(s Ia
par tant de degres jufqu'au point oil malice d'en-
on le vit porte en 1656 par la Conf- £§^es£
titution d'Alexandre VII, acheva de p- k. dans
les envelopper dans la persecution ti"0iogi"quS!
que fbuffroient tous les vrais defen-
feurs de la grace , & mit le comble
a leurs fouffrances. M. de Perefixe, Perfecutioo
Archeveque de Paris voulut bien f^de ?**.
prefer la main a la paffion des Je-
( a ) 3. Gem. aveniff.
-ocr page 64-
lxlj         PREFACE.
fuites. Non - feulement on fit fortir
leurs penlionnaires & leurs novices ,
mais on enleva meme douze d'en-
tr'elles, qui flirent mifes dans des
monafteres etrangers, oil elles effuie-
rent les traitemens les plus durs. Cel-
les qui refterent ne furent pas mieux
trances. » Ceft une chofe (a) eton-
» nante , difoit l'Apologifte de ces
faintes filles, ecrivant pour leur de-
fenfe pendant cette violente perfe-
cution , « que dans l'Eglife catholi-
» que , dans un ro'iaume comme la
» France , & dans un fiecle ou Ton
" eft fi indulgent aux plus grands
» defordres , on ait pu fe porter a
» de telles extremites , & traiter
» d'une maniere fi etrange toute une
w communaute de Vierges religieu-
" fes ; qu'on ait fait une affaire d'e-
" tat d'opprimer de pauvres filles ,
« 6c que M. de Paris en ait fait fa
» premiere & fa principale occupa-
» tion. Mais ce qui eft entierement
" incomprehenfible , eft le fujet
» qu'on prend pour colorer un pro-
» cede fi extraordinaire & fi inoui.
» Et il faut avouer que quelqu'idee
» que Ton eut de Tinjuftice de l'ef-
» prit humain, il n'etoit pas poffible
(a) I. Part. p. 7,
-ocr page 65-
PREFACE.          Ixil|
'*# de s'imaginer fieri de pareil.
Qu'auroit done dit cet Auteur ,
s'il avoit vecu jufqu'a la derniere
perfecution faite a P. R. , & s'il eiit
vii ces faintes lilies arrachees de
leurs retraites, le monaftere detruit,
les tombeaux violes, les corps exhu-
mes , & l'Eglife meme ruinee juf-
qu'aux fondemens ? Cell allurement
le cas de dire que » quelqu'idee qu'on
» eiit de l'injuftice de l'efprit humain
» & de 1'animolite des Jeiuires con-
» tre P. R., il n'etoit pas poffible de
» s'imaginer rien de pareil. Eroit-il
poffible de s'imaginer que des Pre-
tres , des Religieux , qui lie qualifient
de la Sociiie de Jefus , le portaffent a
de tels exces ? Si nos yeux ne l'a-
voient vii, pourrions-nous le croire }
La fureur des ennemis de P. R. ne
put etre appaifee par la patience &
la douceur chretienne avec lefquel-
les ces faintes filles fouffrirent la
cruelle perfecution de M. de Perefl-
xe. La paix qui fut rendue a l'Egli- Les RdJJ
fe , & a la quelle elles eurent part
, gieufes ont
leur innocence &c la purete de leurs ^l'EgUft!'*
fentimens & de leur foi aiant ete fo-
lemnellement reconnues par leurs
perfecuteurs mtmes , fans qu'ils exi-
gealTent d'elles autre chofe que ce
-ocr page 66-
lxiv            PREFACE.
qu'elles avoient offert des le com-
mencement ; cette paix, dis-je , ne
fit qu'irriter les Jemites. lis virent
avec chagrin la maifon dont ils
avoient jure la perte , reprendre un
nouveau luftre; &c le faint defert
qui faifoit l'objet de leur haine im-
placable , refleurir & fe repeupler de
Solitaires. Leur colere fe ralluma ,
les calomnies recommencerent bien-
tot, & P. R. fi.it perfecute de nou-
veau. Le tems de ferenite ne dura
Nouveiieper- qu'une dixaine d'annees , & fut fui-
ftcution par v[ d'une perfecution , moins vio-
M.deHailai.             , , r                     '            ,
lente a la vente que la precedente ,
mais qui ne tendoit pas moins effica-
cement a la mine de cette fainte mai-
fon. M. de Harlai avoit deffein d y
mettre la derniere main , lorfqu'une
mort fubite l'enleva pour paroitre
an jugement de Dieu. La confom-
mation du myftere d'iniquite etoit
refervee a fon fucceffeur, qui apres
s'etre d'abord declare de vive voix
& par ecrit, le prote&eur des Reli-
gieufes de P. R., fe laiffa , le dirai-
je ? eh , plut-a-Dieu pouvoir FefFa-
cer de l'efprit du public en le difli-
mulant ! fe laiffa entrainer , (qui
pourroit dire par quel enchante-
ment}) a favorifer les deffeins des
-ocr page 67-
--------.....-----------------------------
PREFACE.           lxV
Je^uites', dont il n'avoit meme jamais
recu que de mauvais offices , & qui
devenant le miniftre de leur paflion,
executa leurs funeftes deffeins.
Tels furent les motifs , tels furent
les progres de la fureur des ennemis
de P. R. qui n'a pii etre fatisfaite
que par le renverfement de cette
fainte maifon.
P. R. ne fubfifte done plus ! Les
enfans d'Edom , confus d'avoir et£
tant de fois defaits &c confondus par
les Solitaires a qui cette maifon
avoit fervi d'afyle , ont tant crie
avec les anciens ennemis de Jerufa-
lem , exinanita, exinanite nfque ad
fundamentum in ea ,
qu'enfin ils font
venus a bout d'executer ce qu'ils de-
fuoient depuis li long - terns. Mais
que dis-je ? P. R. ne fubfifte plus !
P. R. fubfifte & fubfiftera a jamais.
Ce que le monde , ou Tenfer a de-
truit, n'etoit que l'ouvrage des hom-
mes. Le monaftere, il eft vrai, a ete
renverfe de fond en comble ; TEgli-
fe meme n'a pas ete epargnee , ni
les tombeaux de tant de Vierges
chretiennes & de faints Solitaires j
dont les corps , qui avoient ete les
temples du S. Efprit , repofoient
dans ce faint defert; tout cela a ete
-ocr page 68-
Ixvj           PREFACE.
detruit , renverfe , diffipe ; mais
I'ouvrage de Dieu ne fauroit perin
C'eft l'ouvrage de fon Efprit, &c il
eft , aufli-bien que fon Efprit , hors
des atteintes des hommes charnels.
p.^fubfif- Le materiel de P. R. eft detruit ,
terai jamais, mais Tefprit de P. R. fubfifte : les
hommes ont pu renverfer des pier-
res arrangees par les mains des hom-
mes, mais il n'eftpas en leur pouvoir
de detruire Tefprit de P. R. ni de difii*
per l'odeur de vie qu'il a repandu ,
qu'il repand encore aujourd'hui plus
que jamais , & qu'il repandra jufqu'a
1* fin des fiecles. Jamais les faintes
maximes que P. R. a prechees par
fes exemples & fes ecrits ne peri-
ront,
P. R. fera dans les terns les plus
recules , l'admiration des Chretiens,
& fa deftru&ion le fujet de leur eton-
nement. Entre les etabliflemens les
plus faints, on auroit peine a en
trouver qui aient fubfifte long-tems
fans degenerer; & l'hiftoire eccle-
fiaftique ne nous fournit point d'e-
xemple d'une maifon , qui apres un
fiecle entier de la plus parfaite regu-
larity , ait fini comme P. R. , a caufe
de fon attachement inviolable a la
fincerite chretienne, C'eft, je le re-
-ocr page 69-
PREFACE.          fxvi}
pete , ce qui fera l'^tonnement de
tous les iiecles a venir , la honte de
{cs deftru&eurs , & la gloire de cet-
te fainte maifon, dont le fouvenir ne
fera jamais aboli, ni par l'injure des
tems , ni par la malice des hommes.
» Si je vous oublie jamais ( 6 fainte
» maifon de P. R. ) que ma droite
" oublie tout ce qu'elle fait faire.
" Que ma langue demeure attachee
" a mon palais , fi je me ne fouviens
» de vous; fi je ne regarde point ce
facre defert, comme la fource de
ma joie 6c de toutes les lumieres &
les benedictions que le Seigneur a
rcpandues depuis plus d'un liecle fur
ion Eglife.
II n'y a point eu de (a) monaftere,
»» ou la difcipline reguliere fe foit
» mieux foutenue. Jamais on n'avoit
« vu une maifon plus fainte , plus
" eloignee de la corruption du mon-
m de , plus attentive aux loix de l'E-
« glife, plus foumife aux pafteurs,
» plus attachee a toutes les re-
" gles.
» Le voeu de pauvrete s'y obfer-
» voit dans toute fon etendue. Les
» foeurs ne pofledoient rien en pro-
(*) T. i. obed. cred. c. 9. p. ioi, Portrait de
t. R. par M. dc Petitpied.
-ocr page 70-
lxviij       PREFACE.
» pre , tout etoit commun parmi
» elles; & encore dans l'ufage de
» ces biens qu'elles pofledoient en
» commun , quelle admirable fim-
» plicite , quelle moderation, quel
» eloignement du fafte & de la va-
» nite ! Tant qu'il leur a ete permis
» de recevoir des filles a la profef-
» fion de la vie religieufe , jamais
» une riche dot n'a ete le prix du
» voeu de la pauvrete , &c leur mai-
» fon toujours fermee a la faveur,
» a la recommanclation , aux inte-
» rets humains , ne s'ouvroit qu'a la
» vertu eprouvee & a la vocation
» clairement reconnue. On les voioit
» pleines de refpeft pour les meres ,
» mais de ce refpeG; qui produit l'a-
» mitie & la confiance. Elles vi-
» voient eniemble dans la plus par-
s' faite union. Les entretiens avec les
" perfonnes du dehors etoient tres
« rares, mais fans familiarite , &
" toujours fous les yeux d'une aflif-
" tante.
» On admiroit ce profond filence
« qui regnoit dans la maifon , cette
w modeftie ferieufe , cette uniformi-
» ti dans les exercices , cette appli-
» cation continuelle a la priere, ces
» larmes fi douces &c fi confolantes
-ocr page 71-
..._—_---_—_--------------------------          —
PREFACE.           lxix
»»  qui en etoient le fruit ;ces le&ures
»   egalement pieufes & folides, eloi-
"   gnees de toute vaine curiofite ;
"  ces aumenes abondantes verfees
»   dans le fein des pauvres. La vie
»   y etoit auftere tk. frugale , le fom-
»  meil court, les veilles longues &
"  frequentes , les jeiines foutenus
»  jufqu'au foir , la foi pure , l'efpe-
»  ranee animee , la charite brulan-
»  te. L'interieur de la maifon etoit
"  pour les jeiines filles une ecole de
"  vertu & de piete ; l'exterieur etoit
»  rempli de Laics vertueux, qui s'e-
»  xergoient courageufement dans les
»  plus rudes travaux de la p^niten-
»  ce. Helas ! qui peut dire combien
"  il s'y eft forme de Saints , qui ne
»  font connus que de Dieu feul, &;
"  dont les cendres font cachees dans
"  ces lieux jufqu'au terns de la ma-
»  nifeftation (a) ?
» Que dirai - je de l'office public
"  de TEglife ? Quel concours nuit &
"  jour ! Quelle affiduite , quelle per-
»  feverance ! Quelle violence , pour
»  me fervir de l'expreffion de Ter-
»  tullien, ne faifoit-on point a Dieu
»  par l'union de ces prieres fi fer-
(a) En 1711 la fureur <ies enncmis alia jufqu'i
faire dcterrer les corps ijui repol'oienc a P. R,
-ocr page 72-
lxx           PREFACE.
» ventes & fi animees ! Les cere-
» monies sy faifoient avec dignite ,
» mais fans pompe , & avec line
» iimplicite edifiante ; le chant ra-
» viffoit : vous auriez era entendre
» des anges. C'etoit des voix dou-
» ces, diflincles , articulees , har-
» monieufes , touchantes , qui at-
" tendriffoient jufqu'a faire repan-
« dre des larmes , & qui remplif-
» foient en meme terns le coeur de
" joie & de confolation.
» L'augufte majefte de Dieu fe
" faifoit lentir dans ces lieux faints.
» Jefus-Chrirt prefent fur 1'autel, y
■» etoit adore continuellement nuit
" &c jour fans interruption. Les faints
" myfteres y etoient offerts avec
" une terrear fainte , religieufe &
" pleine de foi. L'ardent amour que
» ces pieufes Hlles avoient pour Je-
» fus Chrift , leur faifoit deiirer fans
» ceffe &c recevoir fouvent la divi-
" ne Euchariftie, avec un empreffe-
» ment & un feu , dont l'activite
» pourtant etoit quelquefois retenue
» par un vif fentiment d'humilite &c
»
de penitence.
» O fainte valiee ! 6 facree de-
v meure ! 6 cendres ( a ) des Saints
( a) T. i. c, XVI. p. jtfj,
-ocr page 73-
■ ■■ ■------------------------------------------------------------------------------------------------------------------                                                                  --------------------------------------------------------------------------------------------------------
PREFACE.       Ixxj
t> qui repofent dans ces lieux. ....
» Le monaftere de P. R. pent bien
» etre renverfe , mais la pofterite
jj faura ce que la flute des fiecles,
» ni l'iniquite des hommes ne feront
» jamais oublier , que cette maifon
» fi fainte a peri enfin , non par au-
» cun crime qui s'y fbit commis ,
» non par Fambition des Religieu-
» fes , non par aucun differend fur*
»j venu entr'elles, non par de folles
& exceffives depenfes, non par
■,, des edifices fomptueux , temerai-
» rement entrepris, non par le re-
» lachement de la diicipline , qui,
» depuis cent ans qu'elle a ete eta-
>j b!ie dans ce monaftere , s'y eft
» toujours egalement fbutenue ;
» mais, ce qui eft incroiable , par
» un fcrupule religieux , & un atta-
» chement inviolable a la fincerite
» chretienne. Chofe inouie de nos
» jours ! Et quand meme il n'en
» refteroit aucun monument ecrit,
» les mines memes de ce lieu, fi dir-
» gnes de veneration , eleveront,
» pour ainfi dire , leur voix , & fer-
" viront de temoignage eternel.
Tel etoit P. R., dont Dieu n'a
permis la cleftruftion, qu'afin qu'il
n'eut pas le malheur d$ degenerer j
-ocr page 74-
Ixxij        PREFACE.
malheur dont les meilleurs & les
plus faints etabliflemens fe font ref-
i'entis ; ou plutot parceque le monde
n'en etoit pas digne.
Le portrait que nous avons fait
de Tinterieur & de Fexterieur du faint
defert de P. R. feroit encore impar-
fait, fi nous ne reprefentions les loix
& l'efprit par lefquels les Religieufes
de ce faint monaftere fe condui-
foient; & on ne connoitroit point
afTez les grands fervices que les pieux
& favans Solitaires ont rendus a l'E-
glife , fi nous ne developpions par
quelque detail , qnelles font les ve-
rites qu'ils ont derendues , les enne-
mis qifils ont eus a. combattre, &c
l'efprit dont ils etoient animes.
Sur le premier article , on en peut
juger par les conftitutions de cette
maifon. Leurs conftitutions , dit le
grand Colbert, rne paroiffent pleincs dt
jageffe & de difcretion. Mais ce que j ad-
mire le plus , e'eft la fideliti & la conf-
tancca lespratiquer.
Ces conftitutions
n'ont ete faites que fur ce qui s'ob-
fervoit depuis plufieurs ann^es dans
l'abba'ie de P. R. Lorfque la Mere
Angelique forma , au commence-
ment de 1608 , le deffein de faire
revivre dans cette maifon le premier
-ocr page 75-
PREFACE.         Ixxiij
efprit de S. Bernard, elle ne penfa
qu'a faire obferver la regie de S. Be-
noit fans aucunes conftitutions parti-
culieres. Celles dont nous allons ren- occaaoi
dre compte, ne furent dreflees qu'en ^^"p'^
1647 , dans le terns qu'elles prirent
Inhabit du nouvel inftitut du S. Sacre-
ment, dont elles obfervoient deja
depuis vingt ans toutes les faintes
pratiques , par une devotion volon-
taire. Ce fut en partie ce qui donna
lieu de drefler les conftitutions de
P. R. , arm d'arreter les devoirs de
cet heureux engagement, auquel il
avoit plu a Dieu de les appeller par
une finguliere mifericorde , & pour
empeeher que le relachement n'alte-
rat ce qui s'obrervoit religieulement
dans cette maifon. La Mere Agnes,
en les dreffant, ne fit que mettre par
ecrit ce qu'on pratiquoit depuis long-
tems a P. R. M. de Gondi, les aiant
fait examiner avec foin , les approu-
va, & les conflrma par fon auto-
rite.
Ce feroit fe tromper, fi on re-
gardoit ces conftitutions feulement
comme des Statuts d'une maifon
particuliere , qui n'auroient point
d'autre ufage que d'en regler la con-
duite & les obfervances. C'eft un
Tome J.
                        d
-ocr page 76-
■,!■-'.—              --                   --- - -------------                     —----------------------------------------~-
lxxiv PREFACE.
Les confti- excellent livre de piete , rempli d'inf-
mtions de p. truftions tres ediflantes qui peu-
R. font rem-             A             .         .;                    Z1 i x
piie^ d-inf- vent etre tres utiles, non-leulement
i^f'f?1"0" a toutesles maifons religieufes, mais
pres a routes a            \                       i                               
ks ames vrai- meme a toutes les ames vraiment
tiennej.ch^' chretiennes , qui en peuvent tirer
des inftru£tions folides pour nourrir
leur piete. L'exterieur des pratiques
qui y font prefcrites, pent n'etre pro-
pre qu'aux Religieufes de P. R. ,
mais l'interieur , c'eft-a-dire les avis
pleins de lumieres , qui font joints
aux pratiques exterieures & qui mar-
quent les difpofvtions de grace avee
lefquelles les Chretiens doivent faire
toutes leurs actions ; l'interieur, dis-
je, de ces constitutions , peut con-
venir & peut etre tres falutaire a tous
les fldeles. II n'eft perfonne qui ne
puiffe y apprendre a vivre &c a agir
en chretien, dans quelque forme de
vie oil il fe trouve engage par la
providence, II faudroit les tranfcrire
en entier , fi Ton vouloit rapporter
tout ce qu'elles renferment d'edi-
fiant, meme dans les articles qui ne
regardent dire&ement que les Reli-
gieufes. On y volt par-tout (a) la cha-
(a ) Lesconftimrioiis de    Reformartice , en a ctabli
P. R. font attributes a la    la pratique ; 8c i la Mere
M"re Angelique, parceque    Agnes,parcequ'ellc les a re-
f'eft clle qui, en qualitc de    cueillies & miles par cent;.
-ocr page 77-
T RE FACE.          lxxv
rite de la fainte Reformarrice, qui cd"fv^'l0Ml
les a diftees, & fon grand amour
pour l'Eglife. Des le premier (a) cha-
pitre , apres avoir donn£ les instruc-
tions les plus folides & les plus edi-
fiantes fur les difpofitions avec lef-
quelles les Religieufes doivent affif-
ter devant le S. Sacrement, elle veut
,                 .             .                      Amour pout
que routes ieurs pneres aient pour l'Eglife.
objet le bien de l'Eglife ; qu'elles de-
mandent a Dieu qu'il confonde les
ennemis de fa foi; qu'il convertiffe
les pecheurs, qu'il envoie des ou-
vriers en fa moiflbn.... qu'il renou-
velle fon evangile dans 1'ame des fi-
deles , & grave dans leur cceur fa
loi d'amour ; qu'elles defirent aufli
d'attirer les benedictions de Dieu fur
N. S. P. le Pape , fur M. l'Archeve-
que leur fup^rieur , fur le Roi ; en
im mot elle veut que les Religieufes
enferment tout le general\ & le particu-
Her de l'Eglife dans les prleres qu'elles
firont devant le S. Sacrement
, ne leur
permettant pas meme defe fervir prin-
cipalement de ce terns-Id pour penfer a
tiles , ni pour faire des reflexions par-
liculieresfur leurs fautes ou fur leurs be-
foins.
Quel refpett pour le fup^rieur!
(.1) Art- i.
dij
-ocr page 78-
lxxvj PREFACE.
II leur eft ordonne » d'honorer
» tres particulierement leur Arche-
•> veque , comme leur feigneur Sc
»
leur pere ; de lui rendre route for-
» te de foumiffion &de reverence ,
" fuiant avec un extreme foin tou-
" tes les occafions de l'offenfer,
" jufqu'a en fouffrir meme quelque
« perte &c quelque dommage , fi
» elles ne le peuvent eviter fans
m blefler le refpect qu1 elles lui doi-
" vent.
Quelle lumiere , quelle fagefle
dans ce qui eft prefcrit touchant la
confeffion , la communion , la lec-
ture ! Quelle difcretion, quelle cha-
rite dans l'article de la conference !
Quelle prudence , quel difcernement
dans la reception des novices, pour
n'en point admetire qui ne fut verita-
Uement appellee de Dieu
, quelquefprit,
quelque nobleffe , quelque rioheffe quelle
put avoir ! Quelles precautions pour
s'affurer de leur vocation ! En con-
iequence quelles qualites , quelles
lumieres, ne falloit-il pas reconnoitre
dans une Religieufe pour la charger
de Temploi de maitreffe des novices ,
dont elle devoit eprouver la voca-
tion , & qu'elle devoit former pour
la religion ? L'article 31 des confli-
Gonftimtions
de P. R.
Obeisance
au fuperieur.
Chap, ;.
Chap. 6, 7,
8.
ConfeSion ,
Communion.
Chap. ?.
Chap. io.
Soin pour
t'afTuier ae La
vocation des
fujers.
-ocr page 79-
PREFACE.        lxxvij
tutions qui traite des qualites d'une Conftitutidis
rnaitreffe des Novices, & renferme
les inftru&ions fur la maniere de les
eprouver &c de les former , eft un
des plus beaux & des plus remar-
quables.
Lorfqu'on devoit admettre une no- cliaP- "•
vice a profeffion , ce qui ne fe faifoit
qu'a Tage de zo ans; huit jours avant
la ceremonie, l'Abbefle en avertiffoit
les Soeurs, leur recommandant de
prier Dieu inftamment qu'il les - con-
» duisit dans cette adion , purifiant
" leur coeur de tout interet, de toute
» afFedion , de toute prevention ;
» afin que, fans avoir egard aux
» avantages temporels qui pouvoient
" arriver de fa reception, ou aux
» difgraces de fa fortie......elles
» fuffent difpofees a fuivre la pen-
" fee que Dieu leur donneroit.
Quel defintereflement dans la re- ih\A.
ception fur l'article de la dot ! Non- Wfintirefl*.
r 1,                                                           . ment dans la
leulement elle veut que 1 on recoive reception des
les filles pauvres , qui font partial- n°vi«*.
lierement appellees , quand bien
meme le monaftere feroit incommo-
de ; mais elle defend de rien cxiger,
ni taxer ancun prix
a Tegard de celles
qui font riches , ne recevant que
comme aumone ce qu'elles voudront
d iij
-ocr page 80-
-------------,-----------------------------------
Ixxviij PREFACE.
4el.£f,ons bien donner. » Et les Soeurs ne doi-
» vent point delirer de rien recevoir
» des feculieres , que par cet efprit
» de charite , a fin que tout le bien
» du monaftere foit le bien de Dieu,
»» & qu'il y vienne par la providence
» de fa grace , fansetre defire ni at-
" lire par des voies humaines , &
»» fans defirer meme que Dieu inf-
>» pire perfonne de donner , de peur
» que Dieu exaucant le def;.r qu'on
" auroit des chofes temporelies , il
» ne les donnat au lieu de chofes
» fpirituelles qu'il faut chercher uni-
- quement. Elle veut encore qu'on
refufe tout ce que les fiiles qu'on re-
coit & tears parens voudroient don-
ner de precieux ou de curieux » com-
» me de beaux tableaux , de riches
" ornemens , & routes les autres
» chofes qui ne conviennent pis a
» la fimplicite & pauvrete , dont
» elles doivent donner l'exemple a.
» celles qui entrent dans leur mo-
» naftere , &c non pas fe conformer
" a leur condition.
r>e b pau- L'amour de la pauvrete" <koit tel-
Tretf.         lenient grav6 dans le cceur de la
" ap-,?' fainte Reformatrice , qu'elle ordon-
na , en cas que le nombre des Reli-
gieufes que le revenu de la maifon
-ocr page 81-
PREFACE.       Ixxix
pouvoit nourrir , ne fiit pas rempli, p c£nftlt- ie
non - feulement on ne demanderoit
rien pour celles qui s'y prefente-
roient,mais qu'on nerecevroit ce qui
feroit donne charitablement , que
pour le diftribuer aux pauvres le plu-
tdt qu'il feroit poffible; les aumones
n'appartenant qu'a ceux qui fouffrent
neceffite. Elle ordonne de meme que
s'il reftoit quelque chofe du revenu,
» on l'emploie promptement pour
» foulager la neceffite des mif'era-
» bles , qui font veritablement pau-
» vres, parcequ'on doit beaucoup
" craindre dans le monaftere ce qui
» eft liiperflu , &c qu'on doit le re-
" jetter promptement comme des
» ordures defquelles la maifon fe-
» roit fouillee. Cet amour pour la
pauvrete fe fait remarquer par-tout
jufques dans les ornemens de l'Egli-
fe. II eft aife de conclure quelle etoit
la pratique de la pauvrete par rap-
port aux particuliers, & quel etoit le
depouillement & le detachement des
Religieufes.
La fainte Reformatrice n'a pas Travail d«
manque de prefcrire le travail des mams"
mains par le meme efprit de pauvre- c ap' *''
te , pour imiter notre Seigneur ; &
par efprit de penitence, le travail
d iv
-ocr page 82-
Ixxx       PREFACE.
etant la premiere peine du peche.
Aufli le travail qu'elle ordonna aux
Religieufes , eft-il, non un travail
d'amufement, & pour faire des cho-
fes curienfes , mais un travail utile
& humiliant. C'eft de faire » leurs
» habits , fouliers , linge , ruban ;
" comme auffi le linge & les orne-
" mens de TEglife , le pain a chan-
» ter &c les cierges; relier des li-
" vres , faire la chandelle, les vi-
>j tres, lanternes, chandeliers , &c.
Chacune avoit un travail propor-
tionne a fes forces, mais aucune n'e-
toit oifive.
Tout ce qui eft prefcrit dans tous
les autres articles , tant generaux
que particuliers , fur TofEce divin ,
le parloir , le dortoir, le reTe&oire ,
les offices d'Abbeffe , de Prieure ,
Sous-prieure , Chantre , Sacriftine ,
Celeriere , Infirmiere , &c. tous ces
articles , dis-je, font accompagnes
d'inftruclions ft edifiantes , fi pleines
de lumiere & d'onftion, qu'il n'eft pas
poffible de les lire fans en etre tou-
che , & fans fentir quelqu'impreffion
de l'efprit qui les a di&ees. Ce n'eft
point une lettre feche qui commande
fimplement, mais des avis pleins de
lumiere qui 6clairent en comman-
-ocr page 83-
PREFACE. Ixxxj
dant , qui s'arretent moins a pref-
crire ce qu'il faut faire , qu'a mar-
quer les difpofitions chretiennes de
foi & de charite avec lefquelles il
faut pratiquer ce qui eft prefcrit.
Mais fi les conftitutions de P. R. nous
paroiffent en elles-memes fipleines
de fagefle & de difcretion , fi con-
formes a l'efprit de l'evangile & de
la regie de S. Benoit, qui en eft la «_
bafe &c le fondement; ce qui merite
le plus notre admiration , c'eft la fl-
delite &c la conftance des Religieu-
fes a les pratiquer fans aucune alte-
ration ni affoibliflement. C'eft par-la
qu'elles font arrivees a cette perfec-
tion , qui a fait l'admiration de l'heu-
reux fiecle pendant lequel cette fain-
te maifon a fubfifte, & qui fera celle
de tous les fiecles a venir.
La conduite de ce faint monaftere Efprit de v.
etoit une conduite charitable , cga- R-
          *
le & forte. Elle etoit charitable , pleine de cha-
parceque les perfonnes qui avoient Axi'
la fuperiorite , ne prenoient point
d'empire fur celles qui etoient fou-
mifes. Les premieres n'avoient pour
but, comrae S. Benoit l'ordonne ,
que d'etre utiles aux ames & non de
dominer : Studeat plus prodeflc quam
praeffe;
& les autres ne defiroient
-ocr page 84-
lxxxij PREFACE.
L'HpritdeP.que de fe laiffer concluire. La con-
duite etoit egale , n'aiant ni haut ni
bas : elle etoit forte , les fuperieures
n'aiant que Dieu en viie, ne fe laif-
fant flechir par aucune crainte ni
confideration humaine.
La retraite & la lolitude etoient
parfaites : ce qui l'entretenoit, etoit
le pen de communication avec les
perfonnes du dedans & du dehors ,
leur eloignement pour le parloir , ou
elles n'alloient qu'avec peine & par
l'ordre de l'obeiffaiice , meme pour
leurs parens qu'elles ne regardoient
plus qu'en Dieu & pour les interets
de leur falut.
Dans le choix des fujets, la vo-
cation de Dieu etoit la feule chofe
qu'elles confiderafTent. Les qualites
humaines les plus avantageufes ne
leur etoient rien,finon en tant qu'il y
*
            avoit apparence que Dieu s'en fer-
viroit pour fes fins. Sans cela elles
les regardoient comme des armes
contre la religion, plutot que des
avantages. Mais lorfqu'elles voioient
une vertu folide dans line ame , une
grande droiture d'intention , bien
qu'elle eiit peu de talens naturels ,
c'etoit celle-la qu'elles choififlbient,
parccque Dieu a choifi les chofes fed-
-ocr page 85-
?R£PJC£. fxxxiij
bles de ce monde , pour c'onfbndre t'Efprit de
les fortes. Cependant , comme le p- R-
plus grand nombre de celles qui veu-
lent embrafTer la vie religieufe , n'eft
pas compofe d'ames fi droites , qui
n'ont que Dieu devant les yeux , Sc
qu'il y en a plufieurs autres qui,
quoiqu'elles cherchent Dieu , ont
d'ailleurs beaucoup de defauts ; les Lej ,,_
Religieufes de P. R. ne croioient fauts nc-
pas qu'il fiit permis de reverter ces „°ienb^°de
perfonnes (a), puifque , felon la pa- pour acre re-
role de Notre-Seigneur , ce ne font*ues iv-K-
pas les fains , mais les malades , qui
ont befoin de medecin. Elles les rece-
voient done, perfuadees que la reli-
gion devoit etre pour elles une mere
charitable , entre les mains de la-
quelle Dieu mettoit ces malades ,
non pour les guerir , puifque cela
n'appartient qu'a lui,mais pour traiter
leurs maladies avec charite,mais fans
(a ) Une perfonne de    pondit qu'clle n'avoil pas
piece , mora depuis peu ,    les qua'itcs neceflaires
qui a eu 1'avantage de    pour la vie religieufe.
frequenter ce faint monaf-    Pourquoi done , reprit la
tere , y aiant vu un jour    meme perfonne , l'avez-
ime Demoifelle d'une hu-    vous gardee dans la mai-
roeur fort bifarre qui yde-    fon depnis (i long-tems i
meuroit depuis plus de 40    c'elt , repliqua I'Abbefle ,
ans , Hemanda a la Mere    parcequ'elle etoit belle ,
Abbefle pourquoi cette fit-    qu'elle etoit pauvre , 8C
]e ne s'etoit point faite Re-    qu'elle avoit beaucouj de
ligieufe ; I'Abbefle lui tt-    defauts.
d vj
-ocr page 86-
hpcxiv PREFACE.
rcprit de rrioleffe. Les defauts n'etoient done
point un obftacle pour etre recues ,
lorfque les novices qui en avoient,re-
cevoient les corre&ions & les reprd-
henfions dans un efprit d'humilite ,
& avec un veritable defir d'en pro-
liter. Si les defauts etoient incompa-
tibles avec un engagement a la vie
religieufe , on exercoit d'une autre
maniere la charite , & on portoit a
P. R. le delintereffement jufqu'a les
retenir & les faire fubfifter dans la
maifon.
Be quel ocii On regardoit meme a P. R. comme
"pT^Mk une chofe avantageufe , non-feule-
defauts des ment pour les particulieres de n'etre
patticuhercs. p0jnt entierement delivrees de leurs
defauts , parceque cela les tenoit
dans Fhumilite & le raepris d'elles-
memes, mais meme pour la commu-
naute , qui etoit d'ailleurs bien re-
glee , parceque ces perfonnes impar-
faites fervoient de contrepoids , qui
Fempechoit de s'elever des vertus
des autres. D'ailleurs elles confidd-
roient que la religion doit etre plus
pour les foibles que pour les fortes,
& que Funique fin qu'on doit avoir ,
en admettant les perfonnes qui fe
prefentent, doit etre de contribuer
a leur
falut, & non de fe prevaloir
-ocr page 87-
PREFACE. Ixxxv
tie la perfection qui pourroit etre en
elles.
C'eft pour cela que les Religieufes
de P. R. ne prenoient point de part
a l'eftime dcs creatures , qu'elles
etoient dans la difpofition de fouffrir
les mepris & les jugemens defavan-
tageux , mcme des gens de bien qui
quelquefois fe laiflbient prevenir
contr'elles , & les condamnoient in-
juftement; ce que Dieu permettoit,
parceque c'etoit la voie qu'il lui avoit
plii de choifir pour eprouver cette
fainte maifon , & pour la preferver
de l'applaudiflement des hommes.
Elles avoient une vive reconr.oii"-
fance de la grace que Dieu leur avoit
faite de leur donner des perfonnes
qui y enfeignoient des verites foli-
des &c des maximes fures pour aller
a lui. C'etoit pour elles un fujet d'ac-
tions de graces continuelles. Elles
tachoient de n'avoir aucune attache
trop outree aux chofes les plus fain-
tes , corame a la priere , a la com-
munion , aux communications fpiri-
tuelles. Elles n'avoient que Dieu
pour unique fin , le mettant au-deflus
de tout le refte , & elles n'attendoient
que de fa feule volonte , de fon or-
dre & defa conduitefiir elles, ce qui
-ocr page 88-
------------------------------------------------------
Ixxxvj PREFACE.
p,LZf?m dc ^es devoit faire etre toutes a lui, fans
craindre que rien leur manquat pour
cela.
Elles ne defiroient point avec im-
patience dc avec trop d'inquietude
un degre de perfection plus eleve
que celui oil elles etoient, ce qui
auroit pu etre l'effet de rorgueil Sc
de l'amour-propre. Ce n'eft point
qu'elles ne travaillaffent avec le plus
grand zele , comme tous les Chre-
tiens y font obliges , a s'avancer
dans la loi de Dieu. Mais elles au-
Iroient craint de perdre le fentiment
de leur indignite , ft elles n'euflent
fupporte avec patience un etat cora-
mun, qui neanmoins peut devenir
un etat parfait, fi on eft fidele a com-
battre fes imperfe&ions.
Amout de Elles avoient un grand amou: pour
Upauvtete. ja pauvrete. II fembloit qu'il y eiit
entre Dieu & elles un combat, s'il
eft permis de fe fervir de cette ex-
preffion ; de la part de Dieu qui
avoit une providence extraordinaire
pour pourvoir a tous leurs befoins j
& de la part de ces faintes filles qui
ne fe prevaloient point de la libera-
lite de Dieu envers elles , & ne s'at-
tendoient point qifelle dut conti-
Buer, fachant qu'elle etoit toute gra-
-ocr page 89-
- I---------1--------------------------------------------—-------------------------------------------------f"'
PREFACE. Ixxxvij
tuite &c qu'elies ne la meritoient P_"rpric de
point; ce qui les tenoit dans une
difpofition d'indigence , pour man-
quer , quand il plairoit a Dieu , de
ce qui leur etoit neceffaire. Auffi
s'efforcoient - elles d'affifter les pau-
vres autant qu'il leur etoit poflible ,
foulageant tous ceux que Dieu leur
prefentoit, fans etre arretees par des
raifonnemens humains , & par des
prevoiances timides fur Tavenir.
Dans la viie d'etre plus en etaf.
de foulager les membres vivans de
Jefus-Chrift, elles evitoient dans les
ornemens de leur Eglife , une magni-
ficence , par laquelle , fous pretexte
cFhonorer Dieu , on manque fouvent
a la charite. Mais elles avoient d'ail-
lenrs grand foin de la decence de la
maifon du Seigneur.
Elles regardoient l'obligation au
travail comme une fuite du pech6 &c
de la pauvrete. II n'y avoit a cet
egard aucune difference entre les Re-
ligeufes de choeur & les Soeurs con-
verfes.
L'efprit de P. R. etoit encore nn AmamdtlM
efprit de priere , fonde fur la necef-priere-
fite qu'il y a de tout attendre de la
grace de Jefus-Chrift , qui accorde
ies dons a ceux qui ont recours a lui
-ocr page 90-
-------
lxxxviij PREFACE.
LTfptit de par (jes prieres continuelles. Elles
r. r..         r ici • i •                        >i
prereroient la priere commune a la
particuliere. Dans Toffee divin elles
fuivoient une maniere toute fimple
de chanter , afin que la curiofite
d'entendre des chants qui plaifent a
1'oreille , n'attirat perfonne dans leur
Eglife. Et comme dans ce chant me-
me tout fimple , il pouvoit encore
s'y gliffer de la complaifance , lorf-
qu'il fe rencontroit qu'une Religieufe
eiit une belle voix , on ne la laiffoit
point chanter feule.
Devotion a La devotion a la parole de Dieu ,'
u parole de c'eft_£_dire a l'Ecriture fainte , etoit
une fuite de l'efprit de priere qui re-
gnoit a P. R. Elles avoient un grand
refpeft pour les livres faints, dont
elles prereroient la le£hire a toute
autre. Elles tachoient de porter le
faint evangile dans leur fein , n'y
aiant rien qui leur fiit plus precieux
que les paroles que le Verbe eternel
a prononcees lui-meme. C'eft pour-
quoi elles ne fe lafibient jamais d'en-
tendre les Evangiles qui fe lifent le
plus fouvent a l'Eglife , & elles les
ecoutoient toujours avec une nou-
velle attention.
Amourdela Les Religieufes de P. R. s'accu-
pcaiKnce. f0jent eiies _ memes de leurs fautes
. . . _ .._.-
.
-ocr page 91-
——------------------------------------
PREFACE. Ixxxix
avec la plus grande fincerite ; defi- p#L^nl
rant meme d'etre accufees par d'au-
tres , parcequ'elles fe tenoient elles-
memes pour fufpe&es. Elles avoient
un fi grand zele d'y fatisfaire , qu'el-
les craignoienr qu'on ne les epargnat.
Perfuadees que le bien qui etoit en
elles ne venoit que de Dieu , qui
pouvoit le retirer felon fon bon plai-
fir, 6c que l'humilite feule pouvoit
leur obtenir la grace de la perfeve-
rance , elles recherchoient les peni-
tences & les humiliations fans crain-
dre de rougir devant les hommes ,
pourvu qu'elles evitaflent la confu-
iion dont Dieu couvrira les fuper-
bes.
Elles defiroient d'edifler leurs
Sceurs; & fi elles tomboient dans
quelques fautes , elles s'en hurni-
lioient & ne s'en troubloient point,
la connoiflance de leur foibleffe leur
faifant penfer qu'elles avoient befoin
de ce contrepoids d'humiliation, pour
eviter la vanite capable de les faire
perir.
Elles avoient pour regie de fuir la
lingularite. Elles defiroient de n'etre
ni connues ni appercues dans la mai-
fon, Sc d'etre comme cachees fous
l'ombre de Dieu, en mettant toute
-ocr page 92-
: j-------------------—---------------—,w.iiii».wji-------------
xc             PREFACE.
vvl. dc ^eur elperance a demeurer fous fes
ailes , n'y a'iant point de fiirete ail-
leurs.
Conference. Tout leur divertifTement, qui con-
fiftoit dans ce qui s'appelle dans les
autres monafleres recreations , fe
bornoit a une conference qui fe fai-
foit une fois le jour , hors le tems de
careme , & plufieurs autres jours de
1'annee , pendant laquelle elles s'en-
tretenoient de chofes utiles, evitant
avec foin tout ce qui pouvoir bleffer
la charite &C ce qui reffentoit Tefprit
du monde.
Tel etoit l'efprit de P. R. Nous
n'y joignons aucune reflexion. Nous
demandons feulement fi Ton pour-
roit trouver ailleurs les fondemens
d'une piete aaffi folide & auffi eclai-
ree, &C fi Ton doit etre furpris que
dans un monaflere oil Dieu avoit re-
.... pandu un tel efprit, les Religieufes
fuflent fi parfaites.
Mucation Une des chofes qui a encore beau-
ts sntans. coup contribue a la grande reputa-
tion du faint monaflre de P. R., e'eft
Texcellente education des enfans , fi
recommandee dans la regie de faint
vies des Benoit. On a admire dans les beaux
MS"M< fiecles de cet °rdre>la maniere dont
les jeunes gens y etoient eleves, &
-ocr page 93-
--------------------------------------— __ -----_
PREFACE.          xcj
tin pienx Auteur ne craint point d'at-
tribuer la grande benedi&ion que
Dieu a repandue fur l'ordre de faint
Benoit, a la charite que ce faint Le-
giflateur a eue pour un age fi ten-
dre. II faut convenir que la reflexion
eft jufte & digne de la piete de l'au-
teur ; & c'eft fans doute ce qui a
attire fur P. R. une fi grande abon-
dance de benedictions.* En effet, y
eut-il jamais de monaftere au mon-
de, ou les enfans aient ete eleves
avec tant de foin & de fucces. En Regiemen*
■• . i                i                     i                   r • . pour Jeur e-
voiant iss reglemens de cette fainte Sucation.
maifon , on auroit peine a croire que
le projet d'une femblable education
put etre , je ne dis pas execute , mais
meme forme ; & on feroit tente de
le regarder comme le projet de la
repubiique de Platon qui n'exifta ja-
mais que dans Fimagination de ce
Philofophe. Mais ici c'eft tout le con-
traire. Les reglemens de P. R. pour
les enfans n'ont point ete faits pour
fervir de regie de conduite dans leur
education , ils ont ete dreffes fur ce
qui s'etoit pratique & obferve depuis
plufieiirs annees. C'eft le reck on ^2"^
Thiftoire de la maniere dont on les
elevoit, & non des reglemens pour
prefcrire de quelle maniere ils de-
-ocr page 94-
xcij        PREFACE.
voient etre eleves. En un mot, c'eft
une lettre de la maitreffe des enfans,
qui rend compte a une perfonne
eclairee, de la manieredont elle con-
duifoit les enfans , & de ce qu'elle
faifoit pour leur conduite fpirituelle
6c corporelle, afln qu'elle remarquat
les faiites que cette fainte maitreffe
croioit y faire. Cefc un prodige j
mais les prodiges n'etonnent plus,
Fruirs dune quand il s'agit de P. R. Quels fruits
lion. "iuca" ^a France n'a-t-elle pas viis d'une fi
excellente education dans les fa-
milies qui ont ete affez heureufes
pour y faire elever leurs enfans ?
J'en attelte furtout la capitale , qui
a l'avantage d'en poffeder de pre-
cieux reftes qui ont foutenu julqu'a
nos jours l'honneur de cette fainte
maifon. Dans combien de families
les eleves de P. R. n'ont - elles pas
portd la benediction , non-feulement
a Paris , mais dans tout le ro'iaume ,
ou elles ont ete la bonne odeur de
Jefus-Chrilt, & ont fait par la regu-
larite de leur vie, 1'eloge du mo-
naftere oil elles avoient recu une fi
fainte education ?
Que dirai - je de celle que quel-
ques-uns des pieux & fa vans Solitaires
qui habitoient au dehors de ce mo-
-ocr page 95-
----------—-----------------------------------------------
PREFACE.        xciij
naftere donnoient a de jeunes gens
de famille , qu'ils inftruifoient dans
la religion & les lettres! Celt de _ , ,
cette ecole admirable que font fortis
jeunes gens
rant de grands hommes , egalement ?ude!10S du
t>                                     ' &                      monafierc ,
recommandables par la icience ex par ie« soii-
par la piete , & qui fe font diftingues Iakes-
par leur merite dans Fetat ecclefiaf-
tique & dans la magiitrature , &c.
On connoit trop les Tillemont, les
Bignons, les Thomas Dufoffe , &
autres , pour qu'il foit neceflUire de
relever leur merite. Quels avanta-
ges la France &c route l'Eglife n'au-
roient-elles pas retires de ces faintes
ecoles, fi l'envie du demon , qui
vo'ioit arracher tant d'ames de fes fi-
lets pour les elever dans Tinnocence,
n'eiit trouve le moien de diffiper ces
faints etabliflemens , par le fecours
des nouveaux Gnolimaques (a) }
Mais fi Dieu permit, par un terri-
(a) Les Gnolimaques ban-    la theologie 8c de la mo-
ni(Toient toute etude du    rale clirericnne, qui, pour
chriftianifme , ibutenant    accreditor leur fcandaleu-
qu'il eft fuperflu de s'oc-    fe dottriue , non-feule-
cuper a la recherche des    ment excluent route etude
inltructions & des con-    du chriftianifme , brulent
npiirancesrenfermeesdans    les Hvres , mais qui n'enr
les divines Ecrituies. C'eft    feignent pas meme la ne»
ce que S. Theodore Stu-    cerfite des bonnes ocuvres
dire traite d'herefie. Ep.    que les Gnolimaques r$»
4«. Comniem auroit - il    connoifloiein l
jraitc ces corrupteurs de
-ocr page 96-
xciv       PREFACE.
Dieu fafcite ble jugement que de fi faintes eco-
^lutdeVm- ^es » q1" auroient pii faire refleurir
fe dcs veritcs l'Eglife dans les jours de fa vieillefTe,
Je u grace fuffent detruites , il arreta les efforts
du prince des tenebres & de fes mi-
niftres , en fufcitant contr'eux les
grands hommes de P. R. pour defen-
dre les precieux dogmes de la grace
&c de la morale de l'evangile.
importance L'importance des verites de la
itcesviches. grace ne peut etre ignoree que de
ceux qui n'ont point une veritable
connoiffance de la religion, puifque
la force & l'efficace de la grace fait
proprement la bafe & le fondement
de la foi catholique ( a ) , comme le
reprefentoient autrefois les Domini-
quains dans les Congregations de Au-
xiliis.
Sa neceffite & fon efficace font
etablies dans toutes les pages de l'E-
criture , comme le remarque le Pape
Innocent I; & cela pour tenir Thorn-
me dans Thumilite. L'orgueil a ete
le principe des plus grandes revolu-
tions qui font arrivees dans le mon-
de ; non-feulement il a ete la pre-
miere caufe de la chute du genre hu-
< a) Divine gratis vir-   hift. de auxil. n. 1. Voiez
tus 8c efficacia bafis ac   la Verite perfecut6e pac
fundamentum eft. Memo-   1'errcur, r, z. t>. i^t,
jial de la Nufa aJ calceni
-ocr page 97-
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------........~"~
PREFACE.           xcr
main , aufli-bien que des Anges pre-
varicateurs, mais encore de la re-
probation de la Synagogue , c'eft-a-
dire des Juifs orgueilleux qui ont
voulu s'appuier fur leurs forces , au
lieu d'avoir recours a celle de
Dieu (a). 11 n'v a que la grace qui u8rmr"'!e
puiile guenr cette malacne mortelle graude phie
de l'homme , en lui infpirant 1'hurni- ^.''^"^V.
lite ; & Jefus- Chrifl le fils de Dieu gueii.
a bien voulu s'incarner, pour nous
procurer le remede a la profonde
plaie de l'orgueil. Ne point connoitre
les verites de la grace , c'eft done
ignorer la redemption de Jefus-
Chrifc ; combattre ces verites , e'eft
attaquer les fondemens de la religion
chretienne. Ceil pour cela que les A" *•
Dominiquains n'ont point craint d'a-
vancer , qu'en refufant de decider
les questions fur la force de la gra-
ce , on ebranloit toute la doclxine
de la predeftination , de la fcience
de Dieu , de la juffiflcation , de la
providence, du merite & de la re-
demption de Jefus-Chrift, de la ver-
tu des Sacremens , & de quantite
d'autres points qui ont des liaifons
neceffaires avec la grace ; &c que fi
( « ) Ignorances ju/litiam Dei , & fuarn quasrencc*
itatueie , juftitia; Dei uon/ur.t lubjedti. Rom.
-ocr page 98-
xcvj        PREFACE.
l'Eglife fouffroit qu'on etablit, par
rapport a la grace, de nouveaux fon-
demens,on etcit menace de voir cor-
rompre tout le corps de la Theo-
logie.
Rien n'eft exagere dans ce qu'a-
vancent ici les zeles defenfeurs de la
grace de Jefus - Chrift ; & ce qu'ils
avoient previi, eft malheureufement
arrive. On a epargne les erreurs de
la nouvelle fe£te qui commenca a fe
former dans 1'Eglife fur la fin du fei-
zieme fiecle , & on a vii, depuis , un
torrent de mauvaifes do&rines , qui
Molina a couvert la face de la terre. Moli-
*,iefdesu' na , qu'on pouvoit appeller la fecon-
giens trouble de ame de Pelage , comme le Car-
ltghfe. clmal du Perron appelle S. Profper
la feconde ame de S. Auguftin ; Mo-
lina , dis - je , fut le chef de cette
nouvelle fedle. L'Eglife jouiffoit en
paix du fruit des viftoires qu'elle
avoit remportees fur les ennemis de
la grace , lorfque cet orgueilleux
Ecrivain vint la troubler dans fa pof-
feflion, en enfeignant des dogfnes
qu'il avoue lui - racme etre nou-
veaux (<*). L'aveu eft impudent,
(a) Use noilra ratio conciliandi libertatem arbi-
rrii cum divina prxdertinacione, a nemine quera vi-
dcrim hue ufque cradita. Q. ij. Art. 4S;. dil'p, 1.
jpemb. u!t.
mais
-ocr page 99-
-.-          .        —
PREFACE.        xcvij
mais au moins eft-il fincere : felon
ce nouveau fyfteme , Fhomme pent
fans fcrupule partager avec Dieu la
gloire de fon falut, & fe glorifier de la Sjfteme de
nouveau
cooperation de Jon litre arbhrea la gra- JaJj^
ce ; quoique S. Paul nous enfeigne
que nous ne devons nous glorifier de
rien , parceque nous n'avons rien
que nous n'a'ions recu. Selon l'oracle
de l'Ecriture & la docTrine conftante
de l'Eglife , c'efr Dieu qui difcerne ,
quis te difcernit; felon Molina , c efl
riiomme qui fe difcerne lui-meme ;
enforte que de deux homines qui
font dans la meme fkuation, & qui
ont recu la meme grace , fun fe dif-
cerne de fautre , & meme reuflit a
furmonter les plus puifTanr.es graces ,
& a former avec les plus foibles les
a£tes de. vertu les plus fervens (a).
Selon l'Ecriture, les Peres & les
Conciles , la volont6 de Thomme eft
entre les mains de Dieu tout - puif-
fant, qui le fait agir infailliblement
&c librement par la force de fa gra-
' ( a ) Ab insquali cona-    ad gratiam ju/tificantem
tu & inflexu liberi arbitrii    quam alius ; & ut confe-
provenire poceft ut confe-    rente Deo ifdem ina?qua-
rente Deo duobus homi-    lia auxilia , a:que operen-
nibus equate auxilium    tur ;aut is inceidum plus,
gtatiae adjuvantis , unus    qui minori fuffultus eftau-
eorum intenfitis operetur    xilio. Mol. Difp. jj. Ed.
raeliufijue fc difponat    Ant. p. 161.
Tome I.                           e
-ocr page 100-
Wf
----——
xcviij       PREFACE.
ce ; felon le nouveau fyfteme, Dieu
nous donnc fa touts - puijfance pour
nous en fervir , comme on donns une
maifon de campagne ou un livre a une
perfonne ; Dieu nous foumet fa toute-
puiffance
(a). Quelle idee ces faux
Theologiens ont-ils de la Majefte di-
vine ? Comment ofent-ils prononcer
le premier article du iymbole , par
lequel tout Chretien fait profeffion
de croire en un Dieu tout-puiffant ?
credo in Deum patrem omnipotentem,
Le P. Vaflida rejetta dans les con-
gregations de auxiliis , au nom des
Peres de la Societe qu'il avoit con-
fultes tant en Italie qu'en Eipagne
& en France , Particle fuivant forme
des propres paroles de S. Auguftin ,
avance par le Pape Clement VIII ,
favoir que la grace tire fon efficaciti
de la toute - puijfance de Dieu & de
rempire que fa majefle fupreme a fur les
yolontes des hommes , comme fur tomes
les chofes qui font fous le del.
L'Ecriture & les Peres nous ap-
prennent que la grace a une force
toute - puiffante pour foumettre les
( a) Deut donat nobis   brum. Deus fubjerit no-
omnipotentiam fuam uc   bis fuam o:nnipotemiam.
ea utamur, ficut aliquis Cc-tce pro, ofition a eti
douat alteri villainvel H-    profcrite Ian 1679,
-ocr page 101-
PREFACE.          xclx
coeurs les plus durs , qu'elle force
tous les obftacles & toutes les refif-
tances (a). Molina an contraire en-
feigne que la grace eft foumife au
lib re arbitre, qui la rend inefficace
ou efEcace; que telle etoit la grace
qui fur. donnee a S. Paul, a la Mag-
deleine , an bon larron : auxilium
( quo permota funt arbitria Pauli , Mag- z
daleace & latronis ) quod ad id effet
efficax am non , pendens fuit a. Pauli
,
Magdalen*, , & latronis libera volunta-
te , qui in potejlate fua habebant redden
illud inefficax. Selon le nonveau fyf-
teme , auffi revoltant & oppofe a la
raifon que contraire a la parole de
Dieu , rhomme , qui n'eft que mi-
fere , que foiblefle & peche , a line
volonte fi forte , que la plus petite
grace fuffit pour lui donner l'equili-
bre ; & la grace de Dieu eft fi foi-
ble , que la plus puiffante n'a pas la
force d'incliner infailliblement la vo-
lonte , enforte que la toute-puiflan-
ce de l'Etre fouverain n'eft que com-
me un inftrument foumis a l'empire
du libre arbitre, qui en difpofe a fon
(a) Ipfa fuum confummat opus , cui tempus
agendi
Semper adeft quae gefta velit, nee motibus illi
Fit mora , nee caulis anceps fufpendirur ullis.
S. Profp. Carm. de ingr.
eij
-ocr page 102-
*——---------------------------------------------------------------------------------------___---------------------------------------------------------------------------------------■ . .                              - . . -
c           PREFACE.
gre , comme on difpofe d'une fliai-
ibn de campagne ou d'un livre qu'on
a recu. Ainfi la grace eft bien au-
deffous de la liberte , puifque c'eft
la volonte de l'homme , non la
grace de Dieu, qui decide du fa-
Jut.
Ce n'eft pas ici le lieu de refnter
ces horribles nouveautes ; c'eft le
cas de dire avec S. Jerome dans une
pareille occafion , parlant des Pela-
giens : non indiget refelli quod aperth
fclajphemum eft.
Quel eft le Chretien
qui ne fe bouche les oreilles , a l'e-
xemple de S. jPolycarpe , en enten-
dant de tels blafphemes ? Pourquoi
des erreurs ft monftrueufes & ft dan-
gereufes n'ont-elles pas ete frappees
d'anatheme & etouffees des le bei>
t'otdie <ie ceau ? II faut rendre juftice a l'ordre
^E°m^oZtcIe S' Dominique , qn'il s'eft fignale
feVeneuisde en cette occafion , & qu'il a pourfui-
ifaMnn, y[ ies erreurs de Molina avec un zele
qui lui a fait honneur. On lira tou-
jours avec plaifir dans les faftes de
1 Eglife les combats du celebre Pere
JLemos contre les ennemis de la gra-
ce de Jefus-Chrift. Le grand nombre
d'eciits qu'il publiafur ces matieres,
les fages & vives remontrances qu'il
ftjt pour obtenir la condamnation de
-ocr page 103-
PREFACE.              c)
font honneur a fes lumie-
r
erreur
res &c a fon zele. Mais tous les efforts Memorial,
que fit ce grand homme furent inu-
tiles : en vain il reprefenta tous les tePereL^
maux qui naitroient de Ces propha- ™° vh^fenc
nes nouveautes, fi on les epar^noit; les maux quj
que toute la theologie feroit bientot n^ei\\
infeftee & corrompue par toutes for- nouveiles «-
tes d'erreurs ( a) ; que les fideles ne reu
fauroient meme plus ce qu'ils de-
vroient demander a Dieu dans leurs
(a) Mous avons le mat-
heur de voir atijourd'hui
raceomplilTemcni. de cet-
te predi&ion. La Theo-
logie eft infectee & cor-
rompue par toutes fortes
d'erreurs , que 1c Molinif-
me a enfantees. Tout eft
ebranle , jufqu'au myftere
de la Trinite. En faut-il
d'autre preuve que la fcan-
daleufe Hifloire tin Penple
de Dieu par le Pere Ifaac
Jofepb Bemtyer de la Com-
pagnie de Jefu.t f
Cet Ecri-
vain , apres avoir aneanti
daus la premiere partie de
fon ouvrage , autant qu'il
a ete en lui , le myftere
de la grace & de la pre-
deftination , Sc detruit lc
peche originel , en reali-
fant la chimere de 1'etat
de pure nature , attaque
dans fa feconde partie ,
par une fuite mutuelle de
fes principes , la divinite
de Jefus - Chrift. N'ai'anc
point ejpargne la parole de
Dieu fortie de la bouche
des Prophetes , il a et6
afTcz impie pour propha-
ner celle qui eft fortie de
la bouche du His de Dieu
meme. Enfiii il a livre aux
Sociniens la divinite du
Verbe eternel , en adop-
tant toutes les interpreta-
tions que ces heretiques
donncnt aux textes du
nouveau Teitament , qui
etablilTent la confubftan-
tialite du Fils avec le Pe-
re. Voila ou aboutit enfin
le Molinifme. II eft la
fource , non-feulement de
la cotruption de la mora-
le & de la theologie , il
l'eft encore du Dcifmo
meme. Enforte qu'il eft
vrai de dire que le fyfteme
de Molina a pour le moins
fait autant de Deiftes que
celui de Spinofa. Ceux
d'entr'cux qui , en aban-
donnant la religion n'onc
pas renonce a la iincerite ,
1'avouent ingenuement.
e iij
-ocr page 104-
-                                                                                       -                                   -                                                                                      -—---------------------■ ■ I
cij            PREFACE.
prieres, ni dequoi ils devroient lui
rendre graces; qu'il n'y avoit qu'une
decifion qui put oter aux pecheurs la
vaine conflance qu'ils auroient dans
leurs propres forces , tant qu'ils croi-
roient qu'il ne tenoit qu'a leur libre
arbitre de fe convertir. II ajoivtoit,
que le cara&ere des nouveaux Doc-
teurs qui vouloient gagner tout le
moiide, etoit un nouveau fujet de
preffer la decifion.
Que pouvoit-on (a) repondre a de
fi folides raifons ? Que les defenfeurs
Raifons de Molina s'etoient tellement multi-
i"p° "our f" plies , qu'il feroit difficile de faire
diipenfet dc mettre a execution une decifion qui
fyfteme de
leur feroit contraire? Comme fi le
Molina. credit & le pouvoir de ceux qui fou-
tiennent des erreurs certaines & re-
connues telles par un ferieux exa-
men , etoit une raifon legitime pour
les epargner. On voit ici combien la
Societe etoit formidable des - lors ,
puifque fa puiffance & fon credit em-
pechoient de condamner fes erreurs ,
par la crainte que la decifion ne put
etre mife a execution. Si Moife avoit
penfe de meme , il auroit laiffe fub-
fifter le veau d'or, & il n'auroit eu
garde d'entreprendre de le brifer en
( d) Hift. Congrcg. p. 7f{ , &c.
-ocr page 105-
PREFACE.        ciij
prefence de tout un peuple qui de-
voit lui faire craindre qu'il ne s'y op-
pofat.
A cette premiere raifon , pour fe
difpenfer de condamner les nou-
veaux dogmes de Molina , on en
ajoutoit encore deux autres , favoir
que les Jefuites etoient prefque par-
tout charges de Teducation de la jeu-
nefle; comme s'il ne vaudroit pas
mieux , felon la remarque du P. Le-
mos , que la jeunefTe demeurat dans
l'ignorance , que d'etre elevee dans
l'hereiie , ( imo potius eji juventutem
ignaram habere , quant hxreticam ) ;
&
que d'ailleurs , difoit-on , il ne pa-
roiffoit pas a propos de donner une
decifion dans un terns oil l'Eglife etoit
agitee par tanf d'herefies differentes.
Rien au contxaire n'etoit plus propre
a faire voir la neceffite de condam-
ner le Molinifme, puifque l'accroifle-
ment des herefies dont on fe plai-
gnoit, etoit une punition de Dieu ,
qui le permettoit, parceque Ton ne
profcrivoit pas les nouveaux dogmes
fur la grace , qui detruifent la pafliort
& les merites de Jefus-Chrift. Les fa-
ges remontrances du P. Lemos ne
firent point d'impreffion fur l'efprit
du Pape : l'erreur fut epargnee , Sc
e iv
-ocr page 106-
—'-------       ---,———--———-—----—------
civ            PREFACE.
le decret qui devoit la foudroiet
fufpendu. La publication de la Bulle
fut toujours differee. Bien plus , on
vit paroitre en 1611 un decret de
rinquilitionde Rome , date du 2 de-
cembre , qui defendoit de la part du
Pape , a tons Superieurs de commu-
nautes religieufes , aux Univerfites ,
6k a tous les Ordinaires , de permet-
tre d'ecrire fur les matieres de la
grace , fans avoir obtenu prealable-
ment une permiffion particuliere de
la meme Inquifition. Urbain VIII
confirma & etendit ce decret le 22
mai 1625 ; Innocent X fit la meme
chofe le 23 avril 1654; & Innocent
XII , les 28 Janvier &. 6 fevrier
1694.
vmpis du Les fuites de la cruelle indulgence
oiuufme. qUe pon a eue p0ur jes erreurs de
Molina , en fufpendant la Bulle qui
les foudroioit, & en faifant meme
defenfe d'ecrire fur les matieres de
la grace, furent telles que les Do-
miniquains Favoient prevu & repre*
fente dans leurs memoriaux. Le Mo-
linifme , & pourquoi ne dirions-nous
pas le Demi-pelagianifme , puifque
les dogtnes de ce nouveau maitre ne
different de ceux des Demi- pela-
giens, que dans la maniere de les
-ocr page 107-
~-----—~------------——--------"---' --------       .......      -----—'
PREFACE.            cv
Cxprimer (a) ; le Molinifme , dis-je,
s'accrat, fe i-epanclit de toutes parts,
acquit de jour en jour line nouvelle
hardieffe, & entreprit bientot de
bannir de l'Egiife l'ancienne foi,pour
regner feul fur fes mines. Non-feu-
lement la doctrine de la predeftina-
tion , de la fcierice de Dieu , de la
j unification , de la providence, de
la volonte de Dieu , du merite & de
la redemption de Jefus-Chrift , de la
vertu des Sacremens , fut ebranl^e ;
mais encore tout le corps de la theo-
logie flit infe&e par toutes fortes de
nouveautes fur la morale chretien-
ne , les regies des moeurs , & quan-
tite de points qui ont des liaifons in-
difTolubles avec la grace.
Ce fut alors que Dieu oppofa a dibit oppot
l'erreur, trop menagee par les Paf- MrsdeP. r.
reurs, le grand ouvrage de P. K., ot gPargn&jp»
tous les Theologiens qui s'y attache- lesfteut*-
rent.
                                 
» On a obferve , dit un Ecrivain ,
dont Fautorite ne fera point fufpec-
te (b ) , » qu'il croilToit plus de plan-
ts tes falutaires dans les pais oil il
( a ) Semipelagianifmum , mutatis tantum vocibus ,
jnftautant. AfTtmbUe du. Cleric tenue en 1700.
(£) Journal de Tievoux du mois de juillet i7Ji«
* aic
e v
-ocr page 108-
cvj           PREFACE.
» fe trotivoit plus de poifons, &
i, Ton remarque aufli que quand la
,, religion eft plus vivement atta-
» quee par les impies , le zele & le
» favoir fe fignalent pour la defenfe
des dogmes ; les apologies triom-
phantes fe multiplient, les lumie-
,> res eclatent de toutes parts. Tout
» ceci eft un bienfait de la provi-
» dence , un effet de fes attentions
=> paternelles fur nos befoins.
C'eft ce qui eft arrive par rap-
port aux Jefuites. Dans le tems que
cette redoutable Societe faifoit tous
fes efforts pour etablir les dogmes
de Molina, &c fes maximes fcanda-
leufes fur les ruines de la grace efli-
cace & de la morale chretienne ,
Dieu lui a oppofe les pieux & favans
Theologiens de P. R. Les apologies
triomphantes Je font multipliers
,• les lu-
mieres one eclate de toutes parts. Tout
cela ejl un
(a ) bienfait de la.providen-
ce , un effet defes attentions paternelles
fur nos befoins. Jouijfons ,
par exem-
ple , dans un efprit de reconnoiffance ,
des apologies triomphantes des faints
Peres ,
defenfeurs de la grace de
Jefus-Chrift; Jouiffons avec recon-
noiffance
des apologies des ecrxts de
( « ) Journal de Trevoux , ibid.
-ocr page 109-
—-—-————                                              .....--------------------------------------------                                                                                           ■■"■■■■■
PREFACE,        cvij
Janfenius, & de M. de S. Cyrari, par
M. Arnauld , 8c encore des autres
e exits faits pour la defenfe des dog-
mes de la grace , par Mrs de Barcos,
Delalane , Nicole , &c. Jouijfons
dans un efprit de reconnoijfance des ad-
mirables Letrres provinciales par M.
Palcal; des cenfures multipliees con-
tre les horribles relachemens des ca-
fuiftes par les Eveques & les Univer-
fites ; des ecrits des Cures de Paris
& de Rouen , &c. Quel eft le point
de dogme ou de morale que les Je-
fuites n'aient point attaque , ou que
M'5 de P. R. n'aient pas defendu ?
Abus trop repandus dans l'Eglife ,
faux prejuges , erreurs , relache-
mens , tout fut difcute , tout fat
eclairci dans un nombre de volumes ,
dont nous ne ferons pas entrer la
lifte dans cet ouvrage; nous laiftbns
le foin de la dreffer aux Benedidins
qui travaillent a Thiftoire litteraire
de France. C'eft un ouvrage digne
d'eux , & que le Public ne recevra
pas avec moins d'applaudiffemens
qu'il a recu les belles editions des
Peres dont ils ont enrichi l'Eglife.
Ces travaux de P. R. font, pour Travaa* 4
me fervir encore des expreffions du Mrs de p. iu
Journalifte de Trevoux , un bienfait
c vj
-ocr page 110-
eviij        PREFACE.
viiible de la providence , &£. un effet dt
fes attentions paternelles fur nos befoins.
Ces grands hommes ne fe font pas
contentes de defendre les verites de
la grace , mais leur donnant le rang
qu'elles meritent entre les autres , ils
y ont encore joint toutes les verites
qui en clecoulent comme de leur
fource ; foiblefle de la volonte de
rhomme , force de la grace , gratui-
te de la predomination , diftinftion
de l'etat d'innocence d'avec l'etat de
corruption ou nous vivons , inutilite
de l'ancienne alliance par rapport a
la juftice , avantages de la nouvel-
le, neceflite de 1'amour de Dieu,
infuffifance de la crainte , fage rete-
nue dans le Sacrement de penitence,
vaine terreur des excommunications
injuries , folides avantages de l'Egli-
fe , falut renferme dans fon fein ,
liberte de lire l'Ecriture-fainte pour
tpus les fideles, toutes ces chofes
ont ete Tobjet du zele de P. R., &
I*effet des attentions paternelles de la
divine providence fur les befoins de foil
Eglife.
Dira ftoit Dieu, pour rendre Mrs de P. R.
milieu ie capajjies cTune fl grande oeuvre, les
avoit combles de fes dons les plus
precieux. II etoit lui-meme au milieu
-ocr page 111-
PREFACE.            cix
de cette troupe choifie , dans tous
les differens cara&eres de bonte qu'il
partageoit autrefois dans tout le
corps de fon Eglife.
II y etoit l'efprit d'intelligence , de Efprft<ffifi
faintete , d'unite , multiplie dans fes G&p'agt
effets, fubtil & penetrant, eloquent i> & fuiv.
& difert, pur & fans tache, intre- g£ *£
pide & affure ; efprit cle douceur & c. 7. f. m.
d'humilite , efprit ami de tout bien
& fecond en fruits de juff.ce , efprit
ftable & conftant, tranquille & afe-
preuve de tout.
Les Theologiens de P. R. ont-ils
ignore quelque chofe de ce que Dieti
a revele a. ion Eglife ? Dans quel
jour n'ont-ils pas mis fes plus pro-
fonds myfteres ? Ennemis des pro-
phanes nouveautes , ils ne vouloient
etre favans que dans la fcience des
Saints. Les Apotres , les Prophetes ,
les Anciens & les Sages , tous ces
grands maifres de TEglife , etoient
les leurs. Ils pouvoient, comme un
ancien Pere de TEglife , fe glorifier TermliiqK
a jufte titre , quant a la doftrine ,
d'etre les heritiers des Apotres , ha-
res fum Apofiolorum.
Us ont poffede
la fcience des Ecritures , & ils nous
l'ont apprife. Ils ont cherche dans
tous les ages le depot de notre foi j
-ocr page 112-
ex             PREFACE.
& ils l'ont mis dans nos mains. lis
ont rendu aux enfans le teftament
de leur pere par la traduction de VE-
criture-fainte & des offices de l'Egli-
fe; ils leur ont enfeigne a prier de
coeur avec intelligence , & a enten-
dre les oracles du S. ECprit, qui >
comme li les Chretiens euffent ete
ce peuple abandonne , ne leur par-
loit plus qifen une iangue etran-
Sere* .
ifprit dc lis etoient faints dans leur doflxi-
nztijanc- ne> Rjen qLl; favorifat la nature cor-
rompue ; rien d'etranger a TEvangi-
le, nul melange de Telprit de l'hom-
me. Ils etoient faints dans leur culte
& leur religion. L'efprit de charite
& d'amour en etoit lui-meme le mo-
tif, Tame & la vie. Ils etoient purs
dans leurs moeurs & dans leur con-
duite. Jamais on ne les vit fe meler
dans les aflemblees de pecheurs ; ja-
mais on n'entendit parler parmi eux
du nom meme de crime : leur feul
abord imprimoit du refped. Quicon-
que alloit vifiter leur defert, croioit
marcher fur une terre fainte , & en
revenoit meilleur. La bonne odeur
de Jefus - Chrift qu'exhaloit ce faint
defert, etoit telle , qu'il fuffifoit de
le frequenter, ou d'etre en Haifoa
-ocr page 113-
..... '                    —      ---- —       ----
PREFACE.            cx|
sivec fes habitans , pour gotiter la
piete & aimer la penitence. Combien
de fois ne vit-on pas arriver a P. R.
ce qui arrivoit a Clairvaux clu terns
de S. Bernard ? Combien de perfon-
nes que la feule curiofite avoit con-
duces dans cette divine folitude , fe
trouvoient ii eprifes de la vie ange-
lique qifon y menoit, que fouvent
elles l'embrailbient elles - memes ?
Dans combien de perfonnes s'eil-il
opere a P. R., des changemens aufli
extraordinaires que celui que Dieu
op£ra dans Onefime par le miniftere
de S. Paul ? Ne croit-on pas encore
aujourd'hui, en marchant fur les
mines de cette fainte maifon , mar-
cher fur une terre fainte ? N'y fent- , Troifieme
on pas encore quelques etincelles de emi
ce feu facre qui y briiloit avant fa
deftrudion ?
Ces imitateurs des premiers en- Efprft <r*
fans de lEglne avoient en norreur
tout ce qui divife les enfans des
hommes. Loin d'eux l'ambition, Fa-
mour de la prefTeance, desricheiTes
& des douceurs de la vie. Quel a ere
leur zele pour faire regner par-tout
Tefprit de concoide & de paix ! Us
ont couru apres les brebis pour les
raffembler fous un meme patteur,
-ocr page 114-
cxij         PREFACE.
dans un meme bercail , par leuf?
ecrits centre les Calviniites; affermi
la colonne , colonne unique c!e la ve-
rite , contre les effets du fchifme &
de l'herefie; confondu, aux yeux de
tout lira el, les prophanes imitateurs
de Core , Dathan & Abiron , ces
nouveaux ufurpateurs des premiers
droits de la facrificature ; enfln ils
ont eleve avec honneur la chaire des
Apotres & de leurs fucceffeurs , &
tout reuni dans la chaire de Pierre »
comme dans le centre & la fource
de toute l'unite facerdotale.
Ifprit mul-
A l'un , l'Efprit faint avoit accorde
elb'tt dTf" ^e ^on de parler dans line haute fa-
tHsmnifyUx. gefle ; a celui-la , le don de parler
avec fcience. Un autre avoit recti le
don de guerir les malades ; un autre
le don du difcernement des efprits ;
un autre le don de parler diverfes
langues & de les interpreter ; ,&
quelques-uns , celui de faire meme
des miracles.
ifprit fubtii S'agifToit - il de demeler I'erreur
sS^Td d'avec la verite , le culte fuperfti-
'*"> "*'• tieux ou le prophane d'avec le fa-
cre & religieux ; l'efprk d'adoption
d'avec l'efprit de fervitude ; les fon-
ges & les vifions des menteurs , d'a-
vec les revelations des homines prc^
-ocr page 115-
PREFACE           cxiij
phetiques ; de prononcer entre la
lepre & la lepre ; de fuivre les fec-
taires dans leurs detours ; de pene-
trer le fond de la morale evangeli-
que : venez , difoit - on , allons a
P. R., a la maifon du Dieu de Jacob, if. i, 5;
il nous enfdgnera fes voies , & nous
marcherons dans fes fenders.
Les bouches de ces faints & favans Efprit Slo-
Solitaires , qui ne parloient qu'apres ^atMiferim.
que l'Efprit faint les avoit lui-meme
remplies , combien etoient-elles dif-
ferentes de celles des Scribes & des
Pharifiens ? Quelle force & quelle au-
torite dans leurs difcours ! Leurs pa-
roles etoient vraiment des paroles de
grace ; & leurs ennemis memes, bien
loin de pouvoir refifter a leur fageffe
& a leur eloquence , fe trouvoient
fouvent forces de groffir malgre eux
la foule de leurs admirateurs. Leurs
ecrits etoient tout bmlans du noble
feu qui animoit les Auteurs , & em-
brafoit leurs coeurs, Ceux des lec-
teurs ne fe fentent-ils pas encore au-
jourd'hui tout enflammes au-dedans
d'eux-memesen les lifant;Quels fruits
ces admira'bles ecrits n'ont-ils paspro-
duits , & ne produifent-ils pas encore
tons les jours dans ceux qui les lifent?
N'ont-ils pas ete,ne ibnt-ilspas encore
-ocr page 116-
■----------------------------------------------------------------------------
cxiv PREFACE.
une fource de falut qui fubfiftera
jufqu'a la fin des fiecles.
E<prit pur Citoiens de la patrie celefte, &
& fatis cache, prefque meles parmi les Aneres , ils
tm miindm. ne touchoient lci-bas iur la terre ,
que par oil les Elus font forces d'y
toucher , mais ils n'y tenoient pas.
L'or n'etoit pour eux que de la boue,
a quoi ils craignoient de porter la
main. Trop riches en poffedant la
grace & la rertu , ils ne penfoient
pas que la terre eiit des richefTes
pour eux. Mais quel amour pour
cette fincerite & cette candeur qui
ornent vraiment les ames aux yeux
de Dieu! Le deguifement fut tou-
jours leur plus mortel ennemi (a) ;
& ce fut pour ne pas ceder au men-
fonge, que leurs perfonnes furent
opprimees par les menteurs , tandis
que leurs ecrits en triomphoient.
Troirieme Ce n'etoit pas d'une voix timide
|'(^.jfceni* & entrecoupee , mais avec un
pjj&airure.courage invincible, virtues magna,
tc /;;;.
qu'ils rendoient temoignage a Jefus-
Chrift; ni d'une main tremblante
qu'ils ecrivoient pour la defenfe de
l'Evangile & de l'Eglife, contre fes
ennemis du dedans & du dehors.
(«) Voiez un excellent fous ce titrc: Bffai fut I*-
ierit > ^ui patoit depuis peu itiuti & It fmcitUe Vc.
-ocr page 117-
—-—■ -.......                                                                                                                   ■ ■■ ■ ------------------------------------------------
PREFACE. cxv
Auffi puifoient-ils tons, non dans
des citernes entr'ouvertes , non dans
des fources corrompues , mais dans
les fontaines du Sauvenr , in fond-
bus Salvatoris ,
dans ce grand fleuve
de la divine Tradition , qui prenant
fa fource aux pies du trone de l'A-
gneau , porte fes eaux par un cours
non interrompu dans les murs de la
ville fainte.
Inftruitsparjefus-Chrift queDieu Efprit «is
donne fa grace aux humbles , & *>««"•*—
qu'il refifre aux fuperbes , ils n'a-
voient tous qu'une bouche pour louer
& relever Tempire fupreme que le
Tout-puiffant a fur les coeurs, &
pour confefTer devant lui, l'indi-
gnite , l'impunTance, Sc le neant de
toute chair.
Les plus eclaires & les plus faints Efprit ami
Pafteurs de l'Eglife (a) fe font fait £ 'SJ^J
honneur de tenir a eux par les fruits dejuitt
liens dune affedion pure fcrefpec- t'mm^Z
tueufe. Si par le privilege de leurs/««»'.
carafteres, ces Pafteurs etoient les
peres des faints Solitaires de P. R.,
ils n'ont pas rougi de s'en dire com-
la) M. Pavilion Eveque    terns , le S. Eveque Ae Se<
d'Alet, M. de Buzanval E-    ncz , le grand Colbert Eve
vequs de Beauvais , M.    que de Montpellier, M. de
Caulec Eveque de Panvers,    Caylus Eveque d'Auxetrc,
tec., & dans ces detniers    &c.
-ocr page 118-
Cxvj         PREFACE
me les enfans par la parole de ve-'
rite qu'ils en avoient recue. Quo
tant de Pretres, qui dans ces der-
niers jours ont ete le fel de la terre
& la lumiere du monde , nous ap-*
prennent d'oii ils ont tire comme de
leur fource , 6c leur fagefle &c leur
fcience ? N'eft-ce pas de P. R. ?
Que tant d'Anachoretes de Tun &
de l'autre fexe , qui ont commence
d'habiter les deferts, ou de repeu-
pler ceux que leurs peres avoient
abandonnes, nous apprennent fur
quel modele ils fe font formes ?
N'eft-ce pas fur la fainte maifon de
P. R. ? Que tous les divers etats de
TEglife nous decouvrent d'ou leur
font venues tant d'inftru&ions falutai-
res qui auroient pu les fanftifier tous?
N'eft-ce pas de P. R. ? Que tant de
brebis revenues de l'egarement nous
parlent de cette voix qui les a rap-
pellees; tant de pecheurs qui ont
embrafle la penitence, de fages
guides qui leur en ont ouvert la
voie; tant de juftes qui ont emporte
le ciel avec violence , de faints
precurfeurs qui ont marche a leur
tete; tous d'une voix unanime te-
moigneront qu'ils en font redevables
|iP.R.
-ocr page 119-
PREFACE.       cxvij
La conduite de ces hommes ad- Efprit "ztft.
tnirables etoit unie, leur piet6 foil- %J°u*m'
tenue. Ni variation , ni inegaiite ;
rien qui reffentit le caprice de l'a-
mour-propre , on la biiarre legerete
de 1'efpri.t humain. Us ne connoif-
foient qu'une feule piete e/Tentielle;
ils n'en prechoient qu'une feule qui
confifte a affermir le coeur par la
grace , &c l'enraciner dans la charire,
mais dans une charite feconde &c
agiflante,
Toujonrs attaches a celui en qui Efprit una-
ils avoient une fois cru , jamais ilsS!"llc £< 5
ne fe font dementis ; parmi l'hon- tout.7««r«/,
neur & l'ignominie, parmi la bonne
& la mauvaife reputation ; corame
fedufteurs, quoique finceres & ve-
ritables; comme des inconnus, quoi-
que tres connus; comme toujonrs
mourans , & vivans neanmoins;
comme trifles , & toujonrs dans la
joie; comme pauvres , & enrichif-
fant plufieurs ; comme n'aiant rien,
& poffedant tout.
Voila l'elite d'Ifrael, que le Sei^
gneur lui avoit refervee pour remet-
tre en honneur la loi de fes peres
qui etoit foulee aux pies ; pour re-
Jever les autels du Dieu vivant en
plufieurs lieux ou l'herafie facrileg§
-ocr page 120-
cxviij PREFACE.
les avoient renverfes ; combattre
pour l'Eglife dont l'aveugle erreur
ie flattoit deja de voir les mines;
tirer de l'opprobre TEvangile pref-
que enfeveli fous le triomphe des
opinions humaines; venger le faint
nom du Tout-puifTant des blafphe-
mes des fuperbes, qui n'en con-
noiffoient plus ni la laintete ni la
• puiffance. lis ont rempli les devoirs
de la juftice, ont recu l'effet despro-
meffes , ont ferme la gueule des
lions, ont arrete la violence du feu....
ont ete remplis de force & de cou-
rage dans les combats ; ont mis en
deroute les armees des etrangers.
Voila ceux que Terreur & Timpiete
ont pertecutes. lis ont mene' une
vie errante, etant ecartes, profcrits,
abandcnnes , affiiges, persecutes,
fu'ians dans les deferts & les monta-
gnes , & obliges de fe retirer dans
des terres e^rangeres , eux dont le
monde n'etoit pas digne. Les tentes
que tons ces enfans d'Abraham
avoient habitees dans le defert de
P. R. ont ete detruites ; les os
mimes & les cendres de ceux qui
etoient morts dans le lieu du com-
bat , ont ete enlevds & diflip^s. Un
mime fiecle a vu naitre tous ces
-ocr page 121-
PREFACE.^ cxi*
^grands hommes , &: un meme fiecle
les a vus difparoitre. Tant de lu-
mieres ont pafle comme un eclair.
Tout s'eft arme pour les eteindre.
Enfm ils ne font plus.
La pofterite pourra-t-elle croire
qu'une barbare impiete ait pu fe
porter jufqu'a cet exces, de renverfer
une fi fainte maifon, d'exhumer les
corps &c de diffiper les cendres de
tant de defenfeurs intrepides de la
grace de Jefus-Chrift , de tant de
Docleurs que l'Eglife des premiers
nes avoit deja recus parmi fes fre-
res ? Si c'etoit dans le faint defert de
P. R. que Dieu avoit raflemble
comme toute la force de fon peu-
ple ,1a lumiere de fon Eglife; s'ily YoVezIe.tro?
avoit r£uni tous les traits les plus r^ment^'at!".
marques de fon ancienne fplendeur; ?•
s'il en avoit fait comme un rempart
pour tout Ifrael; c'eft done de 1'E-
glife que l'ennemi a dechire^ en quel-
que forte les membres morts, 8c
difperfe les cendres. Oai c'eft l'E-
vangile eternel, c'eft la grace, c'eft
le fondement de toute folide efpe-
rance; c'eft la fource de toute vraie
juftice ; c'eft la vie des enfans de
Dieu; c'eft la dot &c l'heritage de
fon Eglife; c'eft le grand Apotre,
-ocr page 122-
cxx           PREFACE.
des nations, Paul avec tons fes tra-
vaux , fes chaines , fes combats, &
ies conquetes ; c'eft le fang & la
couronne des martyrs ; c'eftla croix,
lavi&oire, la puifiance, &toutela
gloire de Jefus - Chrifl; Notre-Sau-
veur, que la Cede ennemie de fon
norn fe vante d'avoir mis en pou-
dre. Cette cruelle expedition fera
regarder a jamais aux yeux de tous
Ies fiecles , ceux qui en font Ies au-
teurs , comme tous couverts du fang
des difciples de la grace de Jefus-
Chrifl, ou plutot en quelque forte
du fang de toute l'Eglife; puifqiie
c'eft a fes plus zeles defenfeurs, a
une portion d'elle-meme, qui la
rappelloit fi efficacement au modele
de fon premier age , que cet outra-
ge fanglant a ete fait.
Jamais il ne fe commit un exces
fi abominable , je ne dis pas dans
tout Ifrael (a), mais dans le monde
entier depuis fa creation. La feule
Image en fait fremir d'horreur tous
Ies efprits. Les barbaresperfecuteurs
de P. R- font lesfeuls, quin'enfre-
miffent point. Mais faut-il s'etonner
que ces nouveaux Apotres , qui
(a) Nimquam tantum culum faflum eftin Ifrael.
jjc.'as & tam giaade pia.- Jud. zo, 6.
parmi
-ocr page 123-
PREFACE.        cxxj
partni les nations idolatres renclent
des honneurs divins aux cendres des
Philofophes paiens , traitent ainft
apres leur mort les cendres des dif-
ciples de Jeftis-Chrift.
Apres avoir donne une idee ge-' pkn & °»
nerale de la fainte maifon de P. R. , fuh^dan'scct
il eft a propos d'inftruire le Lecteur ©wage.
du plan, de l'ordre , & de la rne-
thode que nous avons fuivis dans
l'hiftoire que nous lui prefentons ,
des fources oil nous avons puife ce
que nous rapportons , &c de prevenir
quelques difficultes qu'on pourroit
fa ire.
II eft aife de juger par ce que nous
avons deja dit, que notre deftein
eft de propofer aux Chretiens de nos
jours , les exemples de vertu qu'on
a vus dans le defeit de P. R.pour
leur fervir demodele, pour les fou-
tenir & les animer au milieu des
fcandales clont ils font environnes
dans ces terns malheureux, oil la
piete eft prefque entierement ban-
nie de la terre. C'eft pour Vy rap-
peller en quelque forte, que nous
entreprenons l'hiftoire de ces faintes
Filles, de ces pieux Solitaires qui
ie font rendus ft celebres par la
faintete de leur vie au-deda.is &
Tome I.
                      f
-ocr page 124-
exxij        PREFACE.
au-dehors du faint monaftere de
P. R., depuis que la Mere Angeli-
que Arnauld y eut introduit la re-
forme.
Pour remplir ce deffein , nous fe-
rons le detail des grandes chofes
que Dieu fit dans le dernier fiecle ,
& des fruits admirables que produi-
fit la reforme de ce monaftere. La
matiere eft abondante , & dans
rimpoffibilite de tout rapporter, la
difEculte ne confifte que dans le
choix; & elle eft d'autant plus gran-
de que tout y eft grand, inftrucYif,
& cdifiant. Nous ferons cependant
en forte de ne rien omettre d'eflen-
tiel, pour donner de cette fainte
maifon une connoiflance aufti eten-
due qu'elle le merite. Nous parle-
rons , non-feulement des grandes
AbbefTes qui l'ont gouvernee avec
une fageffe, dont on trouveroit dif-
ficilement l'exemple foutenu pen-,
dant tant d'anndes ; mais encore des
Religieufes qui , formees par de fi
habiles mains, fe font diltinguees
parmi les autres par la grandeur de
leur foi, leur patience & leur ferr
mete dans les perfections qu'elles
ont effu'iees. Nous developperons
tous les grands evenemens qui font
-ocr page 125-
PREFACE. cxxiij
arrives pendant le cours d'un iiecle
entier , toutes les epreuves aux-
quelles ces epoufes de Jefus-Chrift
ont ete expofees , & tous les com-
bats qu'elles ont foutenus pour la
defenfe de la verite & de l'innocen-
ce, jufqu'au moment que Dieu a per-
mis qu'elles fuffent livrees a leurs
enilemis, & que le lieu faint fiit
prophane.
Le Formulaire a'iant ete la pomme Motifs qui
de difcorde , Sc la caufe de la per- ont ensas« *
fecution faite aux Religieufes de muiaLe." °
P. R. tant que cette maifon a fub-
fifte , il a ete neceffaire de parler
de ce qui s'eft pafle en France fur
ce fujet dans les affemblees du C!er-
ge & a Rome. Nous favons fait
avec autant de precifion qu'il a ete
poffible, & d'une maniere a. mettre
le Le£teur fuffifamment au fait de
cette grande afiaire. Je dis grande,
par les fuites qu'elle a eues ; car pour
le fond , rien n'eft fi petit en foi-
meme ; & la pofterite n'apprendra
qu'avec etonnement que dans 1'Egli-
ie , qui eft la maifon de la fageffe, on
ait fait d'une bagatelle , la chofe la
plus ferieufe.
M. de S. Cyran a'iant et£le prin-
cipal inftrument dont Dieu s'eft
fii
-ocr page 126-
cxxiv P R E FA C E.
fervi pour operer routes lesgrandes
chofes qu'on a admirees dans P. R.,
nous avons cm pouvoir & devoir
meme nous etendre fur fon fujet ,
comme nous l'avons fait, pour faire
connoitre ce grand homme. La part
qu'il a eue par fes confeils & (qs
lumieres aux grands biens qu'on a
vus dans le faint defert , & qui lie
font communiques a route la Fran^
ce, ne permettoit pas d'en moins
dire furun ft vafte fujet,
En parlant de ce grand hom-
me , uous entrons quelquefois dans
certains details , nous rapportons
des faits , des aftions , des avis &c
des inftruftions donnees a des Re-
ligienfes ou a des Solitaires, que quei-
ques-uns pourront regarder comme
des digreffions contraires aux regies
^P^^deriiiftoire. Mais ne peut-on pas fe
flu on pour- juftifier de ce reproche ? L'hifboire
.oiiiiice fur^g p r ^tant plusl'hiftoire du coeur
la longueur         ' r '• i        • i\          ■ v
ffc c«te Jiif- que de 1 elpnt ( quoiqu a vrai dire
fPfc'
         jamais il n'y eut plus d'efprit qu'a
P. R.) n'avons-nous pas du rappor-
ter ce qui eft plus pour le cceur
que pour l'efprit, plus propre a nour-
rir l'un qu'a flatter l'autre ? Quoi
d'ailleurs de plus conforme au def-
fein que nous nous fommes pro-
pgfe en dQ^nant 1'b.iftoire des Reij*
-ocr page 127-
------,------------------------------------
PREFACE. -cxxt
gieufes &c des Solitaires de P. R.,
que de nous etendre dans l'occa-
lion fur ce qui a fervi a les faire
arriver a ce haut degre de perfec-
tion qui fait le fujet de notre admi-
ration ?
Ceux qui trouveront que nous
nous fommes trop £tendus , pour-
ront fe difpenfer de lire ce qui leur
paroitra fuperflu , fans blamer ce
qui pourra etre du gout des autres.
On pent faire l'application de ce
que nous difons ici a quelques au-
tres endroits de cette hiftoire , par
exemple a ceux ou nous parlons du
celebre M. IeMakre, deM. Arnauld,
de M. Nicole, de M. de Sacy, de
M. Pafcal, de M. Hamon , &c. Etoit-
il poflible d'en moins dire de ces
grands hommes ? Pent - on trouver
mauvais qu'on leur donne place dans
l'hiftoire de ces Vierges chre"tiennes
dont ils ont ere" les apologiftes,
qii'ils ont foutenues par leurs con-
feils , ediflees par leurs vertus, en-
couragees par leurs Merits , &c de-
fendues par leurs favantes plumes ?
Oil parlera-t-on de M. le Maitre ,
ii on n'en parle dans l'hiftoire du
faint defert, ou la grace l'a con-
duit pour Ty fan&ifier , & oil il a
fiij
-ocr page 128-
■-------------------------------------------                                                                                                                                                         -■ ■ —........                                                                     ■ ■                                                           ......."""                                                             ' ■"""■                                                              ^
exxvj PRE FA C E.
termini faintement fa carriere ? Au-
roit-on de ce faint defert une con-
noiffance fufHfante, fi on ne con-
noiffoit les le Maitre , les Sacy , les
Ducheffes de Longueville , les Dues
de Liancourt, & tant d'autres , que
Dieu a attires dans cette terre de
benedi&ion pour y repandre fur eux
les memes faveurs, qu'il repandoit
avec abondance fur les Vierges chre-
tiennes qui etoient dans Tinterieur
du monaftere. Supprimer ce qui
regarde les pieux Solitaires qui ha-
bitoient au-dehors , ce feroit retran-
cher la moitie de Thiftoire de P. R.
ik ne donner au Public qu'un ouvra-
ge imparfait.
Notre deffein n'eft pas cependant
de parler de tons les grands hommes
qui ant habite oufrequente le faint
defert de P. R. avec autant d'eten-
due qu'ils le meritent, ni d'entrer
dans le detail des combats qu'ils ont
livres a l'erreur, &c des ouvrages
admirables qu'ils ont compofes pour
la defenfe de l'Eglife & de fa doc-
trine eontre fes ennemis. Ce n'eft
point ici le lieu de le faire. Ce tra-
vail immenfe n'eft point de notre
reffort; il regarde, comme nous l'a-
vons deja remarque , les Auteurs de
-ocr page 129-
P RE FAC E. cxxvij
1'hiftoire litteraire de France. lis
Irouveront dans le defert de P.R.une
multitude de vrais Savans qui pour-
ront leur fournir la matiere de plu-
lieurs volumes. Les fiecles les plus
feconds ne leur en fourniront jamais
line plus abondante. Ilsy trouveront
des Peres de TEglife, des Jeromes,
des Auguftins , des Profpers, en un
mot des Do&eurs comparables a
ceux que TEglife a honores du glo-
rieux titre de Peres. II en eft plufieurs
qui demanderoient des volumes en-
tiers. Qui oferoit fe flatter de pou-
voir renfermer, je ne dis pas dans
un , mais dans deux volumes , l'hif-
toire de la vie, des combats &c des
ecrits du grand Arnauld ? Un fi
grand detail auroit grofli prodigieu-
f'ement Thiftoire de P. R., qui enfin
doit aufll avoir fes bornes comme
toutes les autres. Trouve-t-on gene-
ralement dans l'hiftoire ecclefiafti-
que tout ce qui concerne meme les
plus faints & les plus grands per-
fonnages de l'Eglife tels que S. Gy-
prien , S. Athanafe , S. Jerome ,
S. Auguftin ? Laiflant done a. d'au-
tres la partie qui leur appartient
dans celle de P. R., nous croions
que ce fera fuffifamment remplir nos
-ocr page 130-
cxxviij P R E FA C E.
engagemens & fatisfkire al'attente
du Public, de rapporter dans un
ordre chronologique , les evene-
mens qui ecncernent la fainte mai-
fon de P. R. depuis fa reforme juf-
qu'a fa definition; & de parler
avec autant d'etendue que les re-
gies de l'hiftoire peuvent le permet-
tre , non-feulementdes Vierges chre-
tiennes qui s'y font fan&ifiees , mais
encore des Solitaires qui ont habite
cette folitude ; & des grands homines
qui leur ont etc unis. Nous ne pre-
tendons pas meme parler detous,
mais feulement de ceux qui fe font
le plus diftingues. On pourra clans
la fuite y fuppleer par un ouvrage
en forme de didionnaire qui renfer-
meroit generalement par ordre al-
piiabetique ou clironologique, toutes
les Religieufes &c tons les Solitaires
qui ont habite le defert de P. R. ,
& meme ceux qui fans l'avoir habite
y ont eu quelque relation.
Quoique l'accueil que les gens de
bien ont toujours fait jufqu'aprefent
a tons les ecrits publies fur P. R. ,
femble etre un garant qu'ils recevront
favorablement une hiftoire fuivie de
cette fainte maifon depuis Tepoque
de fa reforme jufqu'a celle de fa
-ocr page 131-
PREFACE. cxxix
deftru£Hon , nous ne nous flattons
pas cependant de reunir tous les fuf-
frages. Outre qu'il n'eft pas aife de
contenter tout le monde , un cer-
tain gout, que le deperiflement des
etudes commence a introduire pour
les abreges, les precis, les fom-
maires; ce gout, dis-je, qui regne
aujourd'hui , nous donne lieu de
croire qu'il s'en trouvera auxquels
cette hifloire ne plaira pas en tout.
Nous les prions de vouloir bien
faire attention a l'importance du
fujet& a l'abondance dela matiere.
Etoit-il poifible de reduire en moins
de volumes cette multitude de M&-
moires concernant P. R., fans par-
ler d'une foule de manufcrits qu'on
nous a communiques ? N'y auroit-il
pas plutot un jufte fujet de feplain-
dre des retranchemens que nous
avons faits dans la crainte de fur-
charger le Public ?
Lorfqu'il s'agit de donner la vie
d*un Roi, d'un Conquerant, d'uit
Heros, on rapporte dans un grand
detail toutes les occafions ou il a
fignale fa valeur , les peuples qu'il
a dompt^s , les batailles qu'il a
gagnees , les villes qu'il a forcees ,
&c cela avec toutes les circonftances
fy
-ocr page 132-
!--------------™—------~^                                                                                                                                                                                  -------------------'
cxxx       PREFACE.
des batailles & des fieges. On n©
craint point de multiplier les volu-
mes pour renfermer tousces details ;
les perfonnes du fiecle , fans etre
arretees ni par le nombre nipar le
prix , fe les procurent. Mais s'agit-il
d'une hiftoire chretienne , inftrudi-
ve , edifiante , fouvent il arrive que
les gens de bien meme n'ont pas
autant de zele &c d'empreflement
pour fe la procurer.
On emploie plufieurs volumes,
fans qu'on y trouve a redire, a ecri-
re la vie d'un feul homme qui a
rempli la terre de fang & de car-
nage , & fait perir une grande par-
tie du genre humain ; & peut-etre
quelqu'un trouvera-t-il mauvais que
nous n'a'ions pas fait un precis ni
renferme dans un feul volume on
dans deux ou trois les actions d'une
multitude de Vierges chretiennes,
d'epoufes de Jefus-Chrifl, de favans
Theologiens, de Heros du chriftia-
nifme , qui ont ere le fel de la terre,
qui ont brille dans le defert de P. R.
ou plutot dans l'Eglife, par leur
fcience comme les feux du firma-
ment, & en ont inftruit plufieurs
dans les voies de la juftice; enfin
qui pendant un fiecle ont livr£ des
-
-ocr page 133-
P RE FA C E. cxxxj
Combats fans nombre a l'erfeur , &
fait triompher la verite des portes
de l'enfer ? Ces motifs ne devoient-
ils pas nous engager a parler d'eux
avec quelque etendue ?
Si ces raifons ne font pas capables
d'arreter les plaintes de ceux qui
pourront nous blamer de nous etre
trop etendus, au moins fuffiront-
elles pour nous juftifier dans l'efprit
de tout Ledeur equitable, qui aura
la fatisfacf ion de trouver reuni dans
un feul ouvrage ce qui eft difperfe
& repandu dans une multitude d'd-
crits qu'il eft fouvent difficile de fe
procurer.
Quand a Tordre que nous avons on fuit l'ot-
fuivi: fordre chronolosique nous a 5*re.cIueBO'
paru preferable a plufieurs egards.
Cependant nous nenous y attachons
pas fi fcrupuleufement que nous ne
nous en ecartions jamais. Les grands
evenemens font places felon l'ordre
des terns ou ils font arrives; mais
nous y en joignons fouvent d'autres,
qui les ont precedes ou fuivis , arm
de ne point partager des chofes qui
ont entre elles une liaifon neceflai-
re. Nous fuivons la meme methode
a l'egard des perfonnes dont nous
parlons. Au lieu de rapporter foiK
f V
-ocr page 134-
cxxxij P R E F A C E.
chaque annee ce qui Jes concerne,
nous le reuniffons ordinairement
fous un feul article, foit lorlque
nous avons occafion cle parler de
quelque trait important de leur vie ,
foit lorfque nous parlons de leur
mort.
sources oil A regard des fources ou nous
Jourcompo-av.ons piiife pour former cette hif-
fcr ce«e hif-toire, elles ne peuvent etre plus
,oire*
          pures & plus afuirees ; & il n'eft
aucune hiftoire humaine appuiee fur
des monumens audi autentiques &c
des fondemens auili certains que
celle de P. R. Tels font les relations
des Religieufes , les journaux oil
elles ecrivoient chaque jour tout ce
qui leur arrivoit, leur Necrologe ,
& quantite d'autres pieces. Nous ne
rapporterons rien que fur la foi de
plulieurs temoins , qui non-feule-
nient ont vu, mais qui ont fouvent
eu part a tout ce qu'ils depofent.
Tels font Meffieurs Lancelot, Fon-
taine , du Foffe , & quantite d'au-
tres , qui n'ont ecrit que ce qui s'eft
pane fous leurs yeux
r & dont
chacun d'eux peut dire quorum pars
magna fui.
II n'eit pas d'ecrivains ,
j'ofe le dire , plus dignes de foi que
ceux-cl $ non-feidement parcequ'ils
-ocr page 135-
PREFACE.         cxxxuj
emt 6tc temoins de tout ce qu'ils
oni ecrit, mais parcequ'ils font d'une
probite & d'une fincerite au-deiTus
de tout faupcon , & que l'amour de
la verite a tonjours conduit leur
plume.
Nous partagerons cet onvrage en Divftion de
*•            • i-        *. r          i- •/•' l'ouvrage en
trois parties , qui leront lous-chviiees trois patties.
en plufieurs livres , & les livres en
nombres avec des fommaires, qui
fans detourner le Lecleur lui annon-
ceront ce qu'ils traitent , &: lui fer-
viront de repos lorfqu'il voudra s'ar-
reter.
La premiere partie renfermera
tout cequis'eft paffe depuisle com-
mencement de la reforme jufqu'a
la mort de la fainte reforrnatrice ,
arrivee en 1661 , c'eft a-clire juf-
qu'au commencement de la grande
perfecution. La feconde partie con-
tiendra tout le detail de cettecruelle
perfecution jufqu'a la paix de Cle-
ment IX , qui la termina d'une ma-
niere fi glorieufe pour les Religieu-
fes. Nous y joindrons encore les dix
annees de calme qui fuivirent cette
paix, & la nouvelle perfecution
qu'on fufcita a P. R. auffi-tot apres
la mort de Madame de Longueville ;
& nous la terminerons a la mort de
-ocr page 136-
exxxiv PREFACE.
la derniere Abbeffequi mourutcom-
me la Mere Angelique , apres avoir
vu le commencement de la derniere
persecution. Cette derniere perfe-
cution , qui aboutit enfin a Tentiere
deftru&ion de P. R., fera la matiere
de la troifieme partie. Nous ne fini-
rons pas notre hiftoire a la difper-
fion de ces faintes filles arrivee en
1709 ; nous fuivrons encore ces
vi&imes de la fincerite chretienne,
dans tons les endroits ou elles furent
difperfees & transferees , jufquau
moment ou Dieu les delivra lui-
meme de la main de leurs ennemis
en les retirant de ce monde.
A la tete du premier volume,
on trouvera un abrege chronologi-
que des Abbefles de P. R., depuis
la fondation du monaftere jufqu'a la
reforme , & depuis la reforme juf-
qu'a la deftru&ion de cette fainte
maifon , dont nous donnons a la fin
du volume une defcription exade &
circonftanciee felon l'etat oil elle
etoit lorfqu'elle fut detruite. Nous y
ajoutons un petit abrege de la fa-
mille des Arnauld, qui fait une fi
grande figure dans cette hiftoire, &
decelle de M/deS. Cyran. A la fin
des volumes fuivans nous renyex-
-ocr page 137-
PREFACE. dxxxv
rons difFerentes pieces , qui quoique
cleja imprimees dans des recueils ,
doivent avoir leur place ici , tant
en confideration de ceux qui n'ont
pas ces recueils, que parcequ'elles
font partie de l'hiftoire de P. R.
Tel eft le plan & la distribution de
l'ouvrage que nous prefentons au
Public.
Comme on n'ecrit les actions des
Saints que pour animer ceux qui les
liront ou qui les entendront , a les
imiter , on doit s'appliquer a faire
en forte que ce que Ton ecrit pour
l'utilite de tous , foit auffi a la portee
detous (a). C'eft ce que nousavons
obferv£.
A l'egard du ftyle le Lefteur en
jugera, nous ne ferons la-deflus
ni excitfe ni apologie. Notre deffein
eft d'inftruire &c d'edifier, & non de
chercher a plaire par de vains orne-
mens & des difcours etudies, dont
la piete & la verite n'ont pas be-
foin d'etre parees pour fe faire gou-
ter. D'ailleurs, pour peu qu'on foit
(<t) Nam cum gefla    fummopere fcriptoriut in
fanftorum ob hoc litteris    quantum fieri poteft , nul-
mandentur,ut omnium le-    litis excedat capacitatem ,
gentium vel audientium    quod ad omnium fpeclat
ad imitandum accendatur    utilitatem. fitt S. Xo-
intentio, curauduui eft    btrti, Mb. Matb. prsJ,
-ocr page 138-
exxxvj PREFACE.
verfe dans les ecrits qui nous otlf
fervi pour compofer cet ouvrage,
on s'appercevra aifement que nous
en avons non-feulement tire les faits
que nous rapportons, mais que nous
en confervons meme fouvent les ex-
preiSons. Si le, ftyle des pieux Au-
teurs que nous fuivons , a plu dans
fa fource, nous avons lieu d'efperer
qu'il ne plaira pas moins dans Tu-
/age que nous en avons fait pour
former une hiftoire fuivie de P. R.
S'il plait, il fera utile, prodcrit cnim
quibusplacebie.Mais'quand
bien meme
le ftyle deplairoit, la verite des faits
plaira , la memoire route recente de
ces grands exemples de vertu plai-
ra (a). Car quoique les fideles goii-
tent toujours le recit des belles ac-
tions, le Le&eur eft neanmoins plus
touche de ce qu'on lui remet comme
fous les yeux; parcequ'alors la preu-
ve des faits di/fipe tons les foupcons
qu'il pourroit avoir fur la verite de
ce qu'on lui raconte. Faffe le ciel
(a) Quod (i etiam pa-   bus grata fit recordatie,
mm acurata legentibus   vehemencius tamen afficic
dilplicebit oratio.... Pla-   auditorcm quod velutfub
ceat faltem Veritas rela-    oculis pourum prsbens
tionis, placeatrecensme-    probatio fufpicione fal-
moria fanftitatis. Nam    fitatis abfolvit. fit, A.
licet in quocumcpie tem-    Rub, Pref.
f ore bene gefloium fideii*
-ocr page 139-
:
PREFACE. cxxxvi)
que tant d'excellens modeles de
vertus que nous propofons aux
hommes de notre fiecle aient l'effet
que nous avons en vue , en les leur
remettant devant les yeux ; & que
l'ouvrage que nous publions, foit
de quelque utilite a ceux qui vou-
dront bun penfer a eux memes ,
&
apprendre par de fi beaux exemples
de quelle maniere Us fe doivent con-
duire dans la resolution qu'ils auront
prife de regler leur vie felon la loi du
Seigneur [a),
C'eft le but que nous
nous fommes propofe (b); ce font
les voeux que nous formons en fa-
veur de ceux qui liront cette hiftoi-
re. PuirTent-ils , en confiderant quelle
a ete la fin de la vie fainte de
tant de
Vierg;es cbretiennes &: de tant de
pieux Solitaires , imiter leurfoi (<:)»
II ne nous refte qu'a demander a. nos
Letteurs , de vouloir bien en profi-
tant de nos travaux, (d) nous ac-
(«) IHis qui volunt ani-    ponentcs. Thcod. hifl.
mum intendere, 8c i!; fcece    Relig. cap. ull.
quemadmodum oporccar ( t ) Quorum intimitis
inftituere motes , qui fe-    txitmn converfationit, imi-
cundum legem Dei Do      tamim fidem. Hebr. ij. 7.
mini propofuerint vitam (</) Oro autem LsHoret,.
agere. Prol. Eccl.                  qui aliorttm Inboribus fine
(4) Hac enim de caufa,    tabote fruuntur, ut Ubori-
fcriptionis laborem fufce-    bus fraes rependtwt.'Xhf.
pimus, utilitatis occalio-    ib.
aem, iis qui volunt ap-
-ocr page 140-
cxxxviij PREFACE.
corder leurs prieres , afin d'obtenir
du Seigneur la grace de marcher
nous-memes fur les traces de ceux ,
dont nous avons fait l'hiftoire.
Nous fouhaiterions pouvoir don-
ner ici des marques de notre recon-
noi fiance aux perfonnes qui nous
ont aides dans notre entreprife ,
foit par leurs fages avis , foit en
nous communiquant les livres & les
manufcrits, foit en nous rendarit
d'autres fervices importans. Mais
c'eft un devoir , dont la reconnoif-
fance meme ne nous permet pas de
nous acquitter. Toutefois en nous
en difpenfant, nous ne craignons
point d'etre accufes d'ingratitude.
-ocr page 141-
CXXXlX
LlSTE des Ahbeffes de Port - roial ,
depuis la Fondation di cette Abba'ie
jufqu'a fa Deflruclion,
jRemberge paroit avoir ete la premiere 12.16.
AbbefTe de P. R. ( 1 ) , aiant hi elue en 1116. Recueil des
L'ancien Necrologe l'a nominee la quatrieme, Vies edifiati-
fans faire mention de celles qui l'onr prec<£- tes»tom-1IU
dde. Elle aura apparemment £t& la quatrieme p* 477'
Superieure,& la premiere des quatre qui aient
porte le title d'AbbefTe. Elle vivoit encore en
1 ii5. On ignore l'annee de fa mort, qui eft
marquee le 4 d'oclobre.
I I.
Marguerite <?toit AbbefTe en In8 , & vi-            ,,
voir encore en HJ4- On ne fait ni l'annee ** "
de Ton election , ni celle de fa mort.
I I I.
Petrcnette etoit AbbefTe en H4J. L'annee 114?.
de fon Election , & celle de fa mort, font ega-
lement inconnues.
I V.
Amicie etoit AbbefTe en nffj , felon Mrs 1x61
de Stc Marthe ; en 1164 , felon un Cartulaire
de S. Germain des Pres.
V.
Anne eft nommik la VIIe Abbefle dans
(1 ) Dans les Chartes,    Gallia Chrifl'mm mettent
it n'eft fait aucune men-    a la tere des AbbefTes ,
tion d'Abbefle avant Pan    Madiilde , qui , en itn ,
1116. II yeftparle d'une    fit quelqu'cchange avec
Abbefle en certe annee ,    1'Abbefle de St Ancoinc
mais le nom eft fupprime.    des Champs.
It. Autsius du nouveau
-ocr page 142-
cxI Lists des AbSessjs
l'ancien N^crologe , qui, comnle nous venc?n$:
de le voir, marque Erembage pour la qua-
tricme. On ne trouve aucun monument qui
puirTe fixer le terns de fon gouvcrnement. Sa
more eft marquee le 14 fevrien
V I.
Eujlace , qui eft appellee la VlIIe Abbeflc
dans ce meme N^crologe, ou fa mo it eft mar-
quee au %6 avril, vivoit en 12.70 , Sec.
V I I.
Petronetle de Monlfort, fille d'Amauiri ,
Comte de Montfort, & de Beatrix de Vien-
nois , fucceda a Euftace. Sa familTe donna des
biens confiderables au monaftere de P. R. , oil
une de fes foeurs, & deux de fes nieces fu-
rent Religieufes avec elle. Cette AbbefTemou-
rutle 5 novembre izyy.
VIII.
Philippe de Levis etoit AbbeiTe en 1175 ,
SC vivoit en 1178. On a un acle du 11 no-
vembre 119! , dans lequel Philippe de Levis
eft nommee prefente avec fa celleriere ; mais
on ne lui donne point le ticre d'AbbeiTe. Si
e'eft la meme que I'Abbefle de ce nom , il faut
qu'elle eutquittd fa dignird : ce qui eft confor-
me a ce qu'on lifoit fur fa tombe , qu'elfe
avoit it6 autrefois Abbeffe : quondam Alb,i~
tijfa.
Sa mort eft marquee au 19 de juillet.
Catherine & Yoland de Levis , fes fceurs , ont
hi Religieufes avec elle a P. R. Marguerite ,
fa troifieme foeur, s'y rctira, apres la mort de
Mathieu IV de Marli , fon mari, & en fut
une infigne bienfaitrice , mais non Religieu-
fe. On lui en donna feulement 1'habit dans
fa maladie , on a fa mort, felon l'ufage & la
devotion des grandes Dames de ce terns ;
comme on en voit un illuftre exemple a Mau-
feuiiTon , dans la Reine Blanche> mere de. Si.
-ocr page 143-
BlPoRT-ROlAI.       Cxi}
ILouis. Philippe dc Levis avoit apporte une
fomme confiderable d'argent , qui fut em-
ployee a batir un nouveau refeftoire , & a
enrichir l'Eglife d'une chafle d'argent , d'un
grand calice , d'unc croix & d'un ciboire
d'or.
I X.
Marthe , etoit AbbeiTe en 1181 & up 1.
         I1jIi
X.
Mahault de Villeneuve , qui mourut le 1$
1 zy r.
novembre 1197 , doit cere la Xe Abberte ,
quoiqu'clle foit marquee la onzieme fur fa
tombe.
X I.
Philippe de Varenne, foeur de Mathieu de
1515-.
Trie , Marechal de France , fut transferee , en
1198 , de l'Abbaie du Pont - aux - Dames , a
celle de P. R. , oii die mourut le 6 decembre
131 j , plufieuts annecs apres avoir abdique.
X 1 I.
Beatrix de Dreux , fille de Robert IV ,
ijiff.
Comte de Dreux , & de Beatrix de Montfort.
<;toit Abbeffe en i;i<> , & fit des donations
tonfidetables au Monaftere. Yoland de Dreux,
fa foeur , qui fut d'abord Reine d'EcofTe ,
( epoufe d'Alexandre III) puis Duchelle de
Bretagne , & Comtefle de Montfort, donna
cent livres touinois a l'Abbaie. Beatrix mou-
         C'",'/,>?
rut le 15 mai de Pan iji8, felon le Necro- t/„.' i;> ,,
loge iroprime.
                                              ' 9n,
XIII.
Jaqueline de S. Benoit, appellee la Xlle Ab- 1 j 3 r
fociTe de P. R., eft morte le x6 decembre
13)4 ou ijjj.
X I V.
Denife de Preaux eft morte , comme l'on ; , , a
croit, vers Ian i))6.
______________........_____>____ _______ . _. . ..-______                          ___                     _ .. .                    -___ .^_.—^               „-. _
-ocr page 144-
cxlij Liste des Abbesses
x v.
a34j.           Agnes de Trie, fillc de Mathieu de Va-
rennes , & niece de Philippe de Varcnnes ;
ixow Abbefle en 1543. Elle fit faire de grandes
reparations aux lieux reguliers, 8c fit des ac-
quifuions confiderables. Elle eft morce le 14
Gall. chr. avril. On ignore l'annee de fa morr. Le mar-
Ibid,
            tyrologe jmpiirne la place vers 1348.
XVI.
j,.
            Tiphaine d'Ardeville vivoit en 13 ji. Sa
mort, dont on ignore l'annee , eft marquee
le \ 1 mai dans l'ancien Necvologe , qui ne
s'accorde gucre avec lui-mcme dans le rang
qu'il donne aux AbbefTes.
XVII.
],j.
           Petronille eft morte le 18 de'cembre 13^3.
C'eft tout ce que nous favons de cette Ab-
befle.
XVIII.
-
           Guillemette de Sandrev'dle dtoit treforie-
^" re ou celleriere en 1353. Elle fut elue Ab-
bsfle le 15 juin 1364. Sa mort eft marquee
le 18 juillet, mais on ne fait de quelle annee.
X I X.
1389.
         Petronelle de Guillonet ctoit Abbefle en
1380 , 1381 , 1389. Sa mort eft marqude an
5 fevrier , & au n decembre dans l'ancien
Necrolowe , qui n'en indique point l'annee.
Le fupplcment au Necrologe la place au >
fevrier 13^8. ( IJ9T ) *•
X X.
1599.
         Agnes des EJfarts etoic Abbefle au mois
de decembre 1 3991
XXI.
1403.
         Petronelle des EJfarts l'etoit en Janvier
1400 , le 4 decembre 1403 , & en 1404 , le
dernier de juillet.
* yoiez le Supplement, page 399.
-ocr page 145-
de Pout-roi'al, cxliij
XXII.
Emerence de Calonne , ne'e d'unc famille I4°4-
noble , a Arras , fucceda , felon les apparen-
            , .,
ces , en 1404. Elle eft nommee Ab'oelFe en '■■' '
diiFerens adles , dont le dernier eft du 17
avril 1413. Ellefut enfuire Abbeile de S. An- IbiJ- 'JlS-
toine de Paris , commc on le voir, par l'ou-
vrage intitule , Lilia Ciflercii, page zij.En
14J1, le 5 fcptembre , elle futarretee, avec Ctl. onf,
quelques Religieufes, fur un foupcon de conf- "' ? J"
piration contre la Ville de Paris , Si mife en
prifon. Nous ignorons les Ames de cette
affaire ; mais il eft certain qu'Emerence vi^
voit encore en 1437. avec titre d'Abbefle.
Elle eft morte le 4 Janvier i43y , felon l'an-
eienne maniere de compter.
XXIII.
Jeanne de Louvain etoit AbbefTe ea 1419. 1419.
Elle vivoit encore en 143?.
XXIV.
Michelle de Langres I'dtojc en 1440 &C ,. .,_
I4H- Elle mourut cette anne'c , ou au plu-
tard la fuivante.
XXV.
Hugustte Duhamel occupoit le (lege ab- 14.67.
foati.il le 11 fevrier 1454, & le n mars [4S7.
Les Auteurs du Gallia chrifliana croienn
qu'elle fut obligee de fe demettre de fon Ab-
ba'j'e , parcequ'on voit qu'en 1478 elle plai-
doit au Parremenc pour la recouvrer.
XXVI.
Jeanne de la Fin, Religieufe de Bonlieu , -,±67
au diocefe de Lyon , fut faitc AbbefTe de P. R.
en 1467. Cette Abbaie,alorsbien dechuepar le
malheur des tems & des guerres , de I'e'tat flo-
rifiant oii idle avoit e^e pendant deux fiecles ,
avoit befoin , pour fe relever, d'unc AbbefTe
*ufli fage que l'croit Jeanne de la Fin. Elle, Sf
-ocr page 146-
cxliv Liste des Abbesses.
fa niece , qui lui fucceda , gcuvernerem 1'Ab-
ba'ie pendant pres dun fiecle. La premiere ,
apres avoir beaucoup travaillc pendant 44 ans
de gouvernement , a rctablir le tempoiel de
cette maifon , dont les biens avoient ece alie-
ned ou e^oient incultes , fe demit en favcur de
Jeanne de la Fin , fa niece , en 1515. Elle vi-
cutencore environ dix ans, &mo*rutle 4de-
cembre ifiz, ai'ant toujouis mcni line vie
fort religieufe.
XXVII.
1413.          Jeanne de la Fin fucceda a fa tante en
1415. Elle fit retablir l'Eglife , batii un nou-
veau cloclicr , reparer l'ancien cloitre , le
dortoir , finfirmerie, Si plufieurs autres ba-
tlmens Elle fit auffi revenir plufieurs biens
alienes , & acquit de nouvelles terres. Ce fut
elle qui introduifit a P. R. l'ufage de la coule ,
au lieu du manteau qu'on y portoit aupara-
.1//. chrijl. vant. Ce qui prouve que !a discipline rcgulie-
?'7-         re etoit en vigucur a P. R. foils cette AbbeiTe,
e'eft que les Religieufes y etoient recues con-
formement aux regies de l'Eglife , fans dot ,
ou au nioins fans aucune convention. C'eft ce
qu'on voit par Facte d'une donation faite
par un Bourgeois de Paris, en confideration
de ce que fes deux fillcs avoient ete recues gra-
tultement. Elle mourut le 17 mai 1 j 58.
XXVIII.
15 J8.          Catherine de la Vallie fucceda a Jeanne de
la Fin, & fut Ab'oefie pendant environ 17 ans.
Elle refigna fon Abbaie en 1575-, a Jeanne
de Boulehait, & fe retira a Collinance, mo-
naftere de l'Ordre de Fontevraud , oil elle
mourut le 17 fe'vrier 1580.
XXIX.
j f_.           Jeanne de Boulehart piit polTeffion au mois
de decembre 1575 , de 1'Abbaie de P. R. ,
qu'elle
-ocr page 147-
Listedes Abbesses de P. R. cxlv
qu'elle gpuverna pendant %j ans , fept mois ,
ctant morte le 4 juillet 1601. Elle avoit pris
pour Coadjutrice en 15.99 , Jaqueline Marie
-Angelicjue Arnauld , alors agee feulement dc
7 ans, quelques mois.
XXX.
Jaqueline Marie Angelique Arnauld, agee
de 9 ans environ , prit poiTeffion le r juillet
itfoi, de l'Abbaie de P. R. , qui etoit alors
dans un triftc e'tat, tant pour le temporel que
pour le fpirituel. Quoiqu'elle fut dans un age
peu propre a gouverner une Abba'ie, c'etoit
iur elle que Dieu avoit jecte les yeux , pour
faire les grandes cbofes qu'on ne ceflera ja-
mais d'admirer, & pour rendrc Porc-roi'al »
la merveille de Ton frede,
Tome J.                                  g
-ocr page 148-
cxlvj
L l S T E Chronologique des Abbejjis
triennales de Port - roial ,
dtpuis La Reforrne.
Marie An- /VJlArie Angelique Arnauld , fille d'An-
g£Iii|ue Ar- toine Arnauld Sc de Catherine Marion ,
pauld.          n£e le 8 feptembre ij?i , pric l'habit de St
Bernard dans 1'Abbaie de St Antoine , faux-
bourg de Paris, le 2 feptembre 1599 '■> fit
profeflion a Maubuiflbn le 29 oclcbre 1600 ;
I^oi.        *?? Coadjutrice de Jeanne de Boulehart,
Abbe Me perpdruelle de Port-roial , lui fucce-
da au mois de juillet 1601 ', fut benite par
i'A bbe de Citeaux le 19 feptembre de la roe-
1609. me amide ; mit la Reforme 1'an 1609 ; obtint
de nouvelles Bulks datees du 15 novembre;
fi: une nouvelle profeflion le 7 mai 1610 ;
ctablit I'abftinence de la viande le 4 d'aout ;
l^i 8. futenvoieea Maubuiflbn au mois de fevrier
1619.        I<18 j prit pour Coadjutrice fa foeur Cathe-
rine Agnes, en vertu de Lettres patentes de
Louis XIII, donncesau mois de juillet 1619 ,
confirmees par une Bulle du mois de feptem-
bre 1620 ; revint a p. R. l'ah 16H. L'an
1614. KS24 , elle obtint dVl'flbbe de Citeaux , une
permifllon datce du 16 decembre, pour ve-
nii s'etablir a Paris , dans un endroit nomine1
l6zf. Clagny , fauxbourg S. Jacques : I'Archeveque
de Paris conftntit a ce nouvel etabliflemenc
le 24 aout ifiiy, apres l'avoir refufe. Une
colonie de P. R. y vint la meme annee. Le
%6i6. R°i autorifa cet etablifTement par Lettres pa-
tentes donnees au mois de ddcembre » enre-
giftrees an Parlement le 16 ftvrier 1616. La
-ocr page 149-
List*, chron. des Abb. de P. R. cxlvij
tncrae annee, tout le refte de la Communaute              »
de P. R. fut transfere dans le nouveau Mo-
naftere le 14 d'aoiit. L'an 1617 elle mit \6ff4
fon Abbai'e fous la juridiction de l'Archeve^-
que de Paris. L'an \6z$ , elle obtint du Roi , 161^.
qui revenoit triomphant du liege de la Ro-
clielle , des Lettres patentes, qui font enre-
giftrees au grand Confeil le 2,0 fevrier, pout
mcttre fan Abbaie en election. Le to Juillet
1630, elle fe demit du titre d'Abbefle , Hi la 16)d.
Mere Agnes de celui de Coadjutrice. Les Au-
teurs du Gallia chriftiana , qui en general
parlentavec eloge de ces deux faintes Abbcf-
fes, regardent la d-marche de la Mere Agnes,
en cette occalion , comnie la plus grande ac-
tion de fa vie (1).
Marie Geneviev de St Augufline le Tardif Mar-e Q<,n(
eft elue Abbeffe triennalc de P. R. le 13 vieve d- sc
juillet 1630. Son election eft enregiftree au Auguftin \c
grand Confeil le 17 mai 1631. L'an i6}i, Tardtf » pr^_-
le Roi donpe , an mois d'o&obre , fes Lettres ^'ZteniJl •
patentes pour l'inftitut de l'adoration perpe- dep. j<,
tuelle du St Sacrement; elks font enregiftrees
au Parlement Hans le mois de mai 1633 , & la **JJ«
Mere Angelique entra dans cette Maifon ,
avec trois Reiigieufes de P. R., quatre Pof-
tulantes & une Converfe d*. l'Abbaie du
Tard. Le 10 fepcembre 1633 . la Merc Gene-
vieve le Tardif eft continuee Abbefle de P. R.
(1) Inter alia qtue pra-    faux & fcandaleux eloge
tlare*get]1.t,quorum jam alti-    du dernier Abbe de Moir-
gimm partem nthd prtxfien~    mom. Nous n'avons gar-
tias epi, quam ciim fororii    de d'attribuer ce trait, qur
A-mula virtutis, Coadjulri-    ne peut venir que d'une
tit, manns alidkavit. La    main etrangere & eflne-
mainquia ecritceci, n'eft    mie , d celui qui pre/ids
allurement pas la meme    a l'Ouvrage. Gall. Cbriji.
<|ue telle q^ii a ckeile le    tome-VII. p. jio.
£ 9
-ocr page 150-
«xlviij LlSTE CHRONOIOGIQUE
*6$6. fan 1636 , Ia Mere Angelique quitte patf
ordre de l'Archeveque , la Maifon du St Sa-
ctemeat, & revient a P. R., & la Mere le Ta*-
difva prendre fa place. L'Archeveque donne
l'habit dece nouve! ordre, tant aux Religieufes
profefTes qu'aux poftulantes , & change le fca-
pulairc noir en Wane avec une croix rouge.
5<3$. ^'an i638,toutcs les Religieufes de la Maifon
du St Sacrernent font transferees au mois de
mai dans 1'Abba'ic de P. R. La Mere le Tar-
dif mourut fimple Religieufe le 18 mars
j j_            Catherine Agnes Arnauld , fceur de la
eatherine Mere Angelique , nee le 31 decembre 1593 ;
Agnes Ar- AbbelTe de St Cyr en 1 $99 ; Profefle de P. R.
nauld.          en 1611; Coadjutrice en 1 619 ; AbbelTe trien-
nale de I'Abbai'e du Tard depuis 1631 juf-
iifj*         qu'en 1636 , qu'elle revint a P. R.; fut elue
jufqu'en AbbelTe le 19 feptembre 1636; elte fut elue
1641. une feconde fois l'an 1639.
, j]           Marie Angelique Arnauld, fut elue Ab-
Marie An- befle , apres les 6 annees de la Mere Agnes ,
gelique Ar- fa fceur , au commencement d'odtobre , 8c
nauld.
          fut comimiee pendant ii ans , jufqu'au ±6
1641         novembre 1654. Elle embralTa . avec fa fceur
'"°           la Mere Agnes, l'inftitut du St Sacremenr ,
avec la permiflion du Pape Innocent X , qui
accorda les privileges & les revenus du pre-
mier Monaftere du St Sacrernent a celui de
P. R. L'Archeveque de Paris donna le 9
avril 1^45 , fon confentement , qui fut con-
firme par Arret du Parlement rendu le 4 juin.
En confequence , l'Archeveque envo'ia , le 14
©clobre de la meme annee , Andre du Sauf-
fay , pour donner aux Religieufes de P. R.
le fcapulaire blanc St la croix rouge , au lieu
du fcapulaire noir qu'elles portoient, confor;
-ocr page 151-
oes Abbesses de P. K. ctlltf
ffiement a l'lnftkut de Citeaux. L'argent qu'on
retira de la vente de la Maifon du St Sacre-
rnent , fut emploie a, conrtruire la nouvelle
Eglife de P. R. , dont les fondemens furent
jettes le 10 avril 1646. Taridis qu'on travail-
Joit a cec edifice , la Mere Angelique obtint,.
le 11 juillet 1647 , de M. l'Archevequc de Pa-
        Vtfffi}.
lis , de retourner au Monaftere de P. R. des
Champs , abandonne depuis 1616 , & de la
reublir. Elle y retourna eife&ivement le 13
         X64$i
mai 1648 , avee 8 Religieufes & 2. Converfes.
Depuis ce terns jufqu'en 1665 , l'une & l'autre
maifon , de Paris 3c des champs, ecant fons
un meme Inftitut & une meme Abbeffe , fut
tres floriilante & tres nombreufe , & donna Ga\i. (fttfflf,
un grand exemple de piete & de regularite. tome VIE*
L'£g!ife de Paris want achevee , M. de Pa- PaSe 9*&~
ris en fit la dedicace le 7 juin 1648 , fous
le titre du St Sacrement Sc de la Ste Vierge.
La Mere Angelique commenca le grand dor-
teir de P. R. des champs l'an 1651, Cettc
        fffti
annee les Religieufes furent obligees de re-
venira Paris, a caufe de la guerre des Princes.
Enfin ,1a Mere Angelique apres s'ettc diftin-
guee pendant un gouvernement de douzc G*U'rciiri[$
ans ; mais plus difringuee encore par fes ">**•
vertus , clarior virtutibus , pour me fervir de
I'expreffion des Auteurs du Gallia chriflianar
mourut a Paris , fept ans apres, age'e de
To ans , le 6 aout 1661 (%). Son corps eft en-
teric dans le chceur de TEglife de P. R. de'
Paris, fon cceur futporte a P. R. des Champs ,
& ptact* au bas de la place que prend l'Ab-
belte a Tierce..
"(V) Voi'ez 'e Nectologe de P. R. page 301 , & Ja<
jfcfocc,.page xij.
gii}
-ocr page 152-
cl Listf. Chronologiqui!
Marie Sui-
Marie Suireau fut clue Abbefle le 16 tiO-
vembre 16^4, & fut continuee par unc fe-
i
i6<A. ""lie &eclion du 1 decembre 1657. Elle
mourut le 10 decembre de l'annee fuivante.
I6"f8. Son coeur fut pone au Monaftere des champs.
Gait, c'irift. Les Auteurs du Gallia chrijliana parlent dc
tome v 11. cette Sainte AbbefTe avec plus de liberte ,
p.?j|&5>37- dans la lifte des AbbefTes de Maubuiflon , que
dans celle des Abbefles de P. R., & ne crai-
gnent point de dire qu'erant retourrie'e a P. R.
elle y donna pendant 10 ans des marques
de fa fa'ntete', qu'on alTure meme, ajofitent-
ils , qui fut confirmee par des miracles : Inibi
adhuc per decern annos non obfeura fan&itatis
argumenta dedit , quam etiam miraculis com~
probatam aiunt.
Y_             Catherine Agnes Arnauld fut e"!ue Ab-
Catberine beiTe le 17 decembre , fept jours apres la
Agnes Air mort de Marie Suireau. Ce fut fous cette Ab-
uauld.          be(k que le Roi donna ordre , fan 16*1 , de
lets. faire fortir routes les Novices & Penfionnai-
res. Elle eft morte le 19 fevrier 1671 , ag^e
de 78 ans, dans le Monaftere de P. R. des
champs , ou elle fut enterree (j).
Madelaine de Ligny , foeur de l'Eveque de
M
. J • e Meaux , fut elue le 11 decembre 1661. II
& Ligny. n'y avoit Tan 1664 , que 16 Religieufes daps
1661. le Monaftere des champs 5 mais I'anne'e fui-
Tante au mois de juillet, les Soeurs de P. R.
At Paris , a 1'exception d'un petit nombre de
Dyfcoles , ai'ant ete transferees avec leur Ab-
befle a P. R. des champs par l'Archeveque
de Paris , le nombre fe monta a 71 Religieu-
fes , fans y comprervdre 17 Soeurs converfes.
Alors l'Archeveque ordonna aux Religieufes
qu'il avoit laiiTees a la Maifon de Paris , au
(3) Voi'ez le Nkrel. p. ?x, & Je Supplta. p. 411.
-ocr page 153-
I                                                                                                                                                                                               ------------------------------------------------------------------------------
des Abbesses de P. R. clj
nombre de n environ , d'elire une Abbefle 5
ce qu'elles firent, malgre l'oppofition des Rc-
ligieufes de P. R. des champs , qui furentpri-
rees du droit de fufuage, Sc mcme de* Sacr*«
mens.
-ocr page 154-
d'ij LrSTE CHRONOIOGIOlTJI!
Li S T E chronologique des Abbejjes
de Port - ro'ial des champs ,
depuis la feparation.
WSff. JVlAdelaide i>£ Ligny , fans autre
nouvelle election , continua de gouverner la:
Maifon des champs, qui etoit opprimee Sc
privee de fon droit de fuffrages , & meme des
Sacremens, jufqu'en i 6651 , que M.dePere-
fixe les retablit. La Mere deLigny quitta fa
place cette annee , apres l'avoir dignement
remplie pendant 7 ans & S mois. Elle niouruc
le n mai 167c, ag£e de 59 ans , & fut en-
tente a P. R. des champs , au bas-core- du
chceur , a gauche (1).
V I I.
         Marie dAngennes du fargis , de Ste Ma-
Marie du de]ainc t coufine du Cardinal de Retz , Ar-
ar^.'l' cheveque de Paris , Prieure depuis 1660 , fut
elue Abbeffe le 15 juillet \$6j , & continues
jufqu'au ;o juillet 1678.
VIII.
         Angelique de St Jean , niece de la Mere
Angelique Angelique 8c de la Mere Agnes, apres avoir
sYjeTnd fiHe ^9 3nS PrieUre ' fut dlue Abbe(I~e le 3 d'aOUt
de M. d'Aa- 1<s78- t'annee fuivante , M- l'Archeveque de
dilly.           Paris lui fignifia , au nom du Roi, une de-
fenfe de reccvoir des Novices , jufqu'a ce que
le nombre des Religieufes , qui etoit de 7} ,
1681. fut reduit a jo. L'an 1681 , elle fut conti-
nuee Abbeffe par une nouvelle election fai-
1684. te le 8 d'aout. El'e mourut le 2.9 Janvier
1(184, agee de jp ans (i). Son corps fut en*
terre a la porte , du coti£ gauche du choeur.
(1) Voi'ez le Necrolo-       ( %■) Voi'ez le Necrolo*
ge , p. 191 , & le Supple- ge , p. 48 , & le Suyglir
aientjp.eij.
                  jnont, p. jjS.-
-ocr page 155-
des Abbesses df. P. R. clsii
Marie du Fargis fut clue Abbefle le z fe- Marje' <tu
vrier.apresla mort de la Mere Angelique de Sc Fargis.
Jean, & continuce pat une feconde election ; 1684.
rhaiselleabdiqua. Elle mourut i6mois apres
faderniflion , le j juin I 691 , agee de 75 ans ,
& 50 de profeflion. Elle fu: enterree dans
l'aile gauche du chacur (3).
                                     
Anne deSte Thecle Racine fut elue AbbefTe I('
lc 1 fevrier 1690,8c continued 9 ans. Elle mou ■ Anne Raci-
rut 1'an 1700 , le 19 mai, agee de 74 ans (4)- nc , jul'qu'en
Elizabeth de Ste Anne Boulard de Ninvil- 1699.
tiers , derniere Abbefle triennale, fut dlue x I.
le j fevrier 1699 , & mourut le xo avril FlizabetBou-
1706 , agee de 79 ans. Elle fut enterree au la"* lle Nm"
bas-cotd du chceur, a gauche , avec la Prieure vlUiets'
Francoifc de Ste Julie Baudrand , a la place de
laquelle elle avoit nomme- avant que de mou-
rn, Louife de Saint Anaftafe Dumefnil. ($).
Depuis l'an 1706 , il n'y eut phis d'Abbelfc
a P. R. des champs. Le titre en fut fupprime'
par Clement XI, le 17 mars 1708 , a la priere
du P.oi , qui donna pour ce fujet le 14 no-
vembre de la mane annee , un Diplome, qui
fut enregifte le 1 c de decembre au Parle-
ment, avec la Bulle de fuppreflion. L'Arche-
Teque de Paris, M. le Cardinal de Noailles ,
qui auroit du fe declarer le pere & le deTen-
feur des Epoufes de J. C. , eut fa foiblefTe
non-feulement de les abandonner, mais en-
core de fe preter a tout ce que Ton defira , ca
uniffant, le 11 juillet 1709 , au Monaftere dc
Paris , les biens de celui de P. R. des champs,
qui fut enfin detruit de fond en comble.
(5) Votez le Necrol. p. 104,8c le Supplcm. p. 617.
iifi,!k leSupplem. p. 6;6. (5) Voiez le Necrol. p.
<4) Voiei le Necrol. p. l<3,8t le Supplem. p. 579,
-ocr page 156-
tliV LlSTE CHRONOtOGIQUB
Li s T E chronologique des Abbejfes
de Port - rolal de. Paris,
dcpuis la fiparation, •
D O rot a £ E PerdrEav , Tune des
Pcrdrcau. Religieufes Dyfcolesque l'Archevequede Pa-
ris avoit laifiees dans le Monaftere de P. R.
\66j. de la Ville , fut elue le \6 novembre 166$ ,
par fes Religieufes. On nc trouve rien de
cecte AbbefTe ( intrufe ) jofqu'au mois de mai
166S. 1668 , que le Roi, rentrant dans Ton droit de
nommer , lui donna le brevet de 1'Abbaie.
Le Pape confinna cette nomination par une
Bulle du mois de juin, qui portoit cette
claufe , pourvil qu'tl n'y en eut pas alors
une autre qui eut ete elite canoniquement.
C'effc la remarque que font les Auteurs dtf
Call. thri\l. Gallia chnfliana. Ces memcs Auteurs ajou-
tome VII. p. tent, que » quoiqu'il y en cut reellement une
P1!'
             » autre elue , favoit Madelaine de Ligny t
» l'Official de Paris , fans avoit egard a cette
s» claufe , publia cette Bulle «. Mais les Re-
ligieufes du Monaftere des champs , & fur-
tout Catherine Agnes Arnauld , autrefois
Coadjutrice , ai'ant fait oppofition , on prit
une autre voie. Le Roi , par d'autres Lettres
1669. donnees le 13 mai 1669 , fe"para les deux
Communautes , en aflignant la troifieme par-
tie des revenus a celle de Patis , & les dcus
autres a celle des champs , comme plus
rombrcufe ; & ainfi le Roi confirma le titre
d'Abbelfe a Dorothee Perdreau, laiflant ait
Monaftere des champs la liberte d'clir? lcuj
-ocr page 157-
des Abbesses de P. R. civ
Abbefle. Clement X confirma cet arrange-
ment par une Bulle du 15 feptembre 1671 , 1671.
qui fut publiee par l'Archeveque de Paris le
to avril 1671, & enregiftre' au grand Con-
feil le 21 dccembre. Nous aurons occafion
de parler de cette Abbeffe intrufe , qui fut
pour les Dyfcoles qui l'avoient elues , ce que
fut autrefois Abimelech pour les Habitans de
Sichem , qui l'avoient choifi pour les gouver-
ner. Elle mourut d'une mort qui portoit le
caraftere de la vengeance divine.
Elizabeth Marguerite de Harlay de Chan- 1 J.
vallon ,
defignee Abbeffe de la Virginia , Elizabeth
Ordre de Citeaux , Diocefe du Mans , fut^gjf"*
transferee a l'Abbaie de P. R. de Paris , ]e 11 ir,g(
mars 1685 , & mourut a Paris, ageede70 jafqu'en
ans.au commencement de i6^j.
                     169/.
Marie Anne de Harlay de Chanvallon , j T j
Prieure de St Aubin deGournay, fuccedaa fa Mane Anne
tante par la nomination du Roi, le n jan-de Harlay ,
vier 169j , & fut benite dans fon Abbai'e dcP"'s
par
l'Archeveque de Paris, fon oncle. Elle l69S>
quitta cette Abbai'e en 1706, & fut defignee
le 8 juin 171 j , AbbeiTe de l'Abbaie-aux-BGis,
Tauxbourg dc Paris.
Marie Louife Franfoife de Roujfelet de     ' Y"
Chdteau-Regnault, fille du Marquis de Cha- ROU|feiet
teau Regnault, & de Marie le Gai; Prieure du     depuis'
Monaftere de Monfor, Ordre de S. Benoit,     1706
xl'Alencon , depuis le 10 avril i<>94;fut nom-    jufqu'en
jnee AbbefTe de P. R. de Paris au mois de Juin     1710.
1706 , & mourut fubitement, a 1'age de jo
flns, le 25 aoiit 1710, fans avoir joui des rc-
venus de P. R. des champs, dont les bieps vc-
-ocr page 158-
Civ) LlSTE CHRONOtOGIQUE , 8CC.
noient d'etre re"unis, par des voics fi injuftes
H
criantes, au Monafterc de Pou-voial de
Paris,
HIST0 IRE
-ocr page 159-
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL.
•"--iinririH.....—mi i ii. in mammm.....■mihiimi—mmwi—m0
PREMIERE PARTIE.
LIVRE PREMIER.
JL/A b b a i e de Port - Roi'al des 1204.
Champs, pres de Chevreufe, l'une des Fondation
plus anciennes de 1'Ordre de Citeaux ,de 1'Abbaie
fut fondee l'an 1104. Voici quelle en e Port"R-
fut l'occafion. Machieu de Marli, pre- Necrology
mier du nom, cadet de la Maifonl7 Ao"c-
de Montmorenci, fe difpofant a partir
pour l'expedition de la Terrefainte^
Tome I.
                          A
-ocr page 160-
Z HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl.
laifla a Mathilde de Garlande, fon
epoufe , une fomme d'argent qu'il
avoit deftinee a des oeuvres de piete,
afin d'attirer la protection de Dieu fur
fa perfonne , & d'obtenir un heureux
fucces de fon voiage. Mathilde , avant
que de remplir les pieufes intentions
de fon Man, confulra, fur ce fujet,
Eudes ou Odon de Sully , Eveque de
Paris , de la Maifon des Comtes de
Champagne , proche parent du Roi
Phiiipe-Augufte (i). Ce faint Prelat
lui confeiila de fonder un Monaftere
de Filles ; & Mathilde , pour fuivre
fon avis , commen^a la tondatjon de
celui-ci par la donation duFief de Por-
rois ou Port-roial (z) , qu'elle acheta
deMilon de Voifins , pour l'execution
de fon deficit). Ce fut dans ce lieu ,
fitue dans un Vallon, a fix lieues de
Paris vers l'Occident, qu'elle fit batir
un Monaftere qui en porta le nom.
(i) M. Racine, dans    Chccur de Notre - Dame
fon Hiftoire abregee de    de Paris.
J>. R., fe trompe en attri- (i) Ce lieu avoit eiS
buant a Eudes de Sullj-,    npmme Potrois ou Port-
IvSque de Paris, la fonda-   roi'al, en memoirede !a
jion de cette Abbai'e ; il    grace que Dieu avoit faite
confeiila de la faire, mais    auRoi Philippe-Augufle,
jl n' v contribua par au-   qui y fut retrouve aprc"s
pune donation.                   avoir cte perdu dans Is
Eudes eft celui dont on    fond d'une foret. Dxfojjc
^voit la tombe elevee de    Mem. page jj,             '
^.wxpies, £ ytpatt .*»■
izo4
-ocr page 161-
I. P A RTIE. LlV. I.            p.
Dans les anciennes Chartes , il eft ap-
pelle , Porregium , Porrigium , Porrc-
gum , Porreta , Portus Regis , Portus
Regius , Porrois , Porrais, Porreal
;
mais tous ces npms reviennent au
meme, c eft-a-dke , a celui de Pokt-
ro'ial.
Il y avoic dans ce lieu , avant l'cta-
bliflement de la Maifon de P. R , une
Chapelle de Saint Laurent. C'eft pour-
quoi ce faint Martyr etoit un des Pa-
trons de 1'Abbaie : il y avoit un Autel,
du cote gauche de la croifee de 1'Eglife,
ou rondifoitlagrand'-MefTele jour de
fa Fete.
Des le mois d'Aout 1204 , 1'Eglife
portoic le nom de Notre- Dame de
P. R. Mais on ne voit pas qu'il y ait
eu des Religieufes avant Fan 12.08 ,
que les lieux reguliers furent acheves.
Ce ne fut d'abord qu'un Prieure ;
mais peu d'annees apres , Mathilde de
Garlande, & fes fils Bouchard I &
Mathieu II de Marli , folliciterent les
Abbes de Citeaux , de Savigni & des
Vaux de Sprnai , afin qu'ils erigeaflent
le nouveau Monaftere en Abbai'e. Le
concours de ces trois Abbes etoit ne-
ceftaire> celui de Citeaux , en qualite
de premier Abbe de l'Ordre ; celui des
Vaux de Sernai, comme devunt etre ,
Aii
-ocr page 162-
4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
comme on dit dans 1'Ordre, Pen im~
medial,
parcequ'il etoit le plus proche
de P.R;& enfin celui de Savigni ,
parceque I'Abbai'e des Vaux de Sernai
en dependent , ai'ant ete fondee en
11 3 z par le B. Serlon Abbe de Savi-
gni , dont la Congregation particuliere
a ete unie en i Z4S a 1'Ordre de Ci-
teaux. Ces Abbes confentirent a l'e-
rection du Monaftere de P. R. en Ab-
bai'e ; ceux de Savigni & des Vaux de
Sernai, ecrivirent fur ce fujet a Ma-
thilde & a fes enfans, ainfi qu'a Pierre
de Nemours, Evcque de Paris.
Ce Prclat, en fuccedant l'an 1208
a Odon de Sulli , fur le Siege de cette
Eglife, avoit herite de fon affeftion
pour P. R. II accorda a ce Monaftere
le droit de ParoifTe , & fit au mois de
Decembre 1114, un accord avec le
Cure de Magni, par lequel il lui donna
en dedommagement des droits Pa-
roifiiaux, cent dix fbls Parifis, pour en
acheter un fond a fa Cure. Au mois
de Mars fuivant, ( qui etoit de l'annee
1 x 14 , felon le calcul de ce tems )
Pierre de Nemours fit en perfonne une
vifite a P. R. pour connoitre 1'etat de
la Maifon •, & ai'ant fuppute tous les
biens, il trouva qa'il y avoit de quoi
fjntretenir treize ou quatorze Religieu-
L
-ocr page 163-
I. Part t e. Liv. I.          $
fes. Alors il permit que felon l'inten-
tion des Fondateurs , &c du confente-
ment des rrois Abbes , on elut une Ab-
beiTe. Cependant il ne paroit pas qu'il y
en ait eu avanc Tan 1116. Eremberge
femble avoir ete la premiere ; Sc avanc
elle, il y avoit eutrois Superieuresou
Prieures.
La nouvelle Abbai'e recur bientot
de grands accroiilemens par les libe-
rahtcs (3) des Rois de France, des Sei-
gneurs du voifinage , dequelques Ab-
bes & de difrerens Particuliers. Oh
compte, parmi les Bienfaiteurs 8c
Bienfaitrices , Louis le Jeune , Saint
Louis, la Reine Marguerite de Pro-
vence , Epoufe de ce faint Roi ; Ma-
thieu Seigneur de Meudon ; Philippe
de Vaumurier &c Eremberge fafemme;
JeanComte de Montfort , fils d'Amau-
ri VI, & petit-fils de Simon le Grand ;
Marie de Bourbon , Epoufe de Jean ,
Comte de Dreux -, Renaud de Corbeil ,
Eveque de Paris, en qualite de Baron
de Chevrenfe ; Hugues , Abbe de Saint
Germain des Fres; Simon de Braie ,
cette Abbai'e. Ces Remar-
ques ont ere imprimees
dans le troifieme Volume
des Vies interelTantel 8c
edifiantes des Religieufes
de P. R. p. 46?.
A iii
( ? ) On pent voir le
detail des differences do-
nations fakes a P. R.
dans les Remarques que le
picux M. Blondcl a f'aites
fur les premiers terns de
-ocr page 164-
6 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
7TT7 Ecclefiaftique ; Emeline Darenci, faur
de Simon de Braie , & une infinite
d'autres. Mais apres les Seigneurs de
Marli, qui fe firent un merite de mar-
cher fur les traces de Alathilde de
Garlande , il n'y en a point eu , qui
aient plus fignale leur generofite que
les Seigneurs de Chevreufe , de Mont-
fort , de Trie & de Dreux. Plufieurs
Filles des uns & des autres , comme
auffi quelques - unes des Maifons de
Marli, de Narbonne & de Levis,
attirees par les charmes de cette Soli-
tude nouvellemen: habitee , la prefe-
rment aux etabliflemens avantageux
que leur illuftre naiffance leur offioit
dans !e Monde; & en s'y faifant
Religieufes , en farent d'infignes Bien-
faitnces. Le Nccrologe de P. R. fait
mention de quinze Religieufes de ces
dirTerentes Maifons.
TT-             Les Papes concoururent aulli a
acco
rd6sa ce l'augmentation de cette Abbaie deve-
Monaftere. mie celebre , & lui donnerent des Pri-
122.3. vileges confiderables.
Le Pape Honore III , par une Bulle
du 18 Janvierdel'an 12*3, accorda a.
la nouvelle Abbaie un grand nombre
de Privileges , entr'autres celui d'y
celebrer l'Oflice divin , quand meme
tout lePais feroit en interdit; il defend,
-ocr page 165-
I. PAR'TfE. L'lV. t.           j
par la mane Bulle, aux Eveques d'em- liZ,
ptcher I'electionreguliere de i'Abbefle ,
ou d'en depofer une , elue canonique-
ment; il annulle toutes les fufpenfes
8c excommunications que les Eveques
f'ourraient porrer contr'elles & contre
es perfonries qui leur appartiennent;
il excommunie ceux qui troubleront ce
Monaftere, qui s'empareront de fes
biens , & qui les retiendront ; il per-
met auxReligieufes de donner retraite
h des Seculiercs , qui degoutees du
Monde , & pouvant dilpofer de leurs
perfonnes, voudroienr fe retifer dans
leur Convent pour fairo penitence
fans neanmoins fe lier par des voeux.
Le nombre des Reli<zieufes croiflant
tous les jours , & la premiere Eglife
fe trouvant trop petite pour les conte-
nir, on fut oblige d'en conftruire une
plus grande. Gregoire IX, qui avoit
pris fous fa protection l'Abbelfe & les
ReligieufcsdeP. R, & leursbiens,don-
na l'an 1229 , une Bulle pour la Dedi-
1229.
cace de la nouveile Eglife , qui fe fit
le 2.5 Juin de l'annee fuivante. On
en celebroit l'Anniverfaire le premier
Dimanche de Jui'let.
Les biens de P. R. s'etoient telle- c J11." «
,                                  S. Louis eft
ment accrus par les dinerentes dona- recommpout
lions, dont nous avons parle , qu'en J£te^,Fon"
A iiij
-ocr page 166-
8        HlSTOIRE DE PORT-ROlAL.
,2, , 113 3 , ils fe trouverent fuffifanspour
entretenir foixante Religieufes. Cette
fupputation fat fake par Etienne, Abbe
de Savigni, nomine par le Chapitre
general de Citeaux pour en faire l'exa-
men & la difcuffion. Comme lesprin-
cipales donations faites en faveur de
cette Abbaie furent confirmees par Saint
Louis, qui donna lui-memeauxReli-
gieufes , fur fon Domaine , une rente
en forme d'aumone, dont celles de Paris
jouiffentaujourd'hui, elles ont toujours
jegarde ce faint Roi comme un de
leurs Fondateurs.
A 1'egard du progres fpirituel de
cette compagnie de Vierges chretien-
nes, pour en juger, il furat de fe rap-
peller qu'elles etoient fous laconduite
des Religieux de Citeaux, dans les
beaux jours de cet Ordre , qui don-
noit alors a la France un fpe&acle aulli
edifiant que le donnerent autrefois
les Solitaires d'Egypte , retracant dans
leur maniere de vivre ces grands exem-
pies de penitence & ces aufterites
qu'on ne peut lire fans etonnement,
dans les vies des uns & des autres.
Les Religieufes de P. R. eurent meme
l'avantage d'avoir pour Superieur Saint
Thibaud Abbe des Vaux de Sernai, fils
ainede Bouchard I de Marli, qui prit
-ocr page 167-
I. P A R. T I E. LlV. L              Cj
un foin particurier d'elles pendant dou- • • -
ze ans. Ce faint Abbe, par affection 2""
pour ce Monaftere , par le devoir de
la Charge , 8c a la recommandation de
Guillaume d'Auvergne , Eveque de
Paris, faifoit quelquefois fa residence
a P. R, en qualite de Superieur de la
Maifon. Ce hit lui qui ajouta un troi-
fieme Religieux, aux deux qui etoient
deja prepofes pour la conduire.
Les Tombes qui etoient fous le Cloi-
tre de P. R, 8c qui font aujourd'hui
difperfees , nous font connoitre quel
etoit rhabillement des Religieufes dans
ces premiers terns. Eiles portoient le
Manteau, au lieu de la Coule , ou Rob-
be a. grandes manches, qu'elles repri-
rent quelque terns avant la Reforme.On
en voi'oit fur ces tombes , qui etoient
reprefentees avec une efpece de Maru-
ftule , comme aiant etc confacrees par
'Eveque. Surquoi il eft a propos de
remarquer, avecl'Auteur du Volasc li- Le *"•*•
. l              ,                  r           ■ ^                        Marettes.
turgiquc , qu on coniervoit dans cette
Abbai'e un ancien Nedologe, ou Obi-
tuaire , auquel etoit joint le Rit de la
Confecration ou Benediction d'une
Religieufe , 8c ou on lifoit, entre au-
tres chofes , que l'Eveque, qui dans
cette ceremonie celebroit la Meffe , &c
communioit la Religieufe , confacrois
-ocr page 168-
10 HlSTOIRE DE PORT-ROlAI.
pour cela une grande Hoftie , qu'il
rompoit en hint parcelles , de l'une
defquelles il communioit la Religieu-
fe;apres quoi il lui mettoit dans la
main droke , couvcrted'un Dominical,
ou petit linge blanc , les fept autres
parcelles de la fainte Hoftie done elle
devoit fe communier elle-meme du-
rant l'octave de fa confecration , oa
benediction; comme les Pretres fe
communioient pendant les quatre pre-
miers jours de leur Ordination.
On voi'oit encore, par les tombes
des Abbefles, que fuivant le premier
efprit de Saint Bernard , elles ne fe
fervoient point de CroiFe. Elles prati-
querent la meme chofe depuis la Re-
forme. Nous nous bornons a cequi
vient d'etre dit des premiers tems de
P. R , jufqu'a cette Reforme qui feule
eft le fujet de notre Hiftoire. D'ail-
leurs , il ne fe trouve pas de monu-
mens anciens qui pui (Tent nous inftrui-
re des particularites concernant les
premiers tems de cette Abbai'e. Nous
n'avons pas meme une fuccellion bien
fuivie des Abbefles (4); & on ne fait
le nom que de vingt-hiut Religteufes
quiaient eu ce titre depuis Erembergei
(4) On tro lvcra la lifle des Abbeffes a la fix).
<fc cc Volume.
-ocr page 169-
I. PartiE. Liv. I.           i i
morte le 7 Novembre 1227 , jufqu'a 1Z-,,
Jacqueline Marie-Angelique Arnauld ,
quifut benie Abbeffe le 29 Septembre
1601 , n'etant agee que d'onzeans.
Le Monaftere de P. R. etoit alors _ \v- _ .
, , ,                           1 iA 1                 x EtardeP. R.
tombe dans un grand relachement. La lori^ue u
Regie de Saint Benoic n'y etoit prefque JJ^JfSJjS
plus connue , & l'efprit du liecle eneapricpoflef-
avoit entierement banni la regularite.hon'
Onze Religieufes , dont trois etoient
imbecilles , & deux Novices compo-
foient toute la Maifon, lorfque la
Mere Angelique Arnauld fucceda a.
Jeanne de Boulehart. II y avoit peu
d'apparence qn'une jeune fille , faite
AbbeflTe a l'age d'onzeans, d'une ma-
niere fi peu rcguliere, &c qui meme
alors negoiitoit nullementfa vocation,
dut retablir la rcgularice dans ce
Monaftere. // eft difficile, dit Saint
Leon , parlant des Prelats qui one
obtenuleur dignite centre les regies,
que ce qui a eu un mauvais commence-
ment , ait une bonne fin (f).
La Mere
Angelique etoit dans le cas. Mais ce
qui paroit difficile, & meme contre
toute apparence, arrivera neanmoins ,.
parceque celui a. qui rien n'eft difficile r
ni impoffible, avoir choifi cette jeuno
(5) Difficile eftuibono Vo Cant inchoata prinefc-
jKragamur exitu ({ps p/a- pio. Leo cp. r. No-s. Edit',.
A- v^
-ocr page 170-
Ii HlSTOIRE DE PaR.T-R.OlAI.
Abbeffe pour erre , dans fes mains ,
l'inftrument qui devoit fervir a exe-
cuter fes delTeins de mifericorde ,
non-feulement fur le Monaftere de
P. R; mais encore fur la France , &c
fur toute l'Eglife.
Jacqueline - Marie - Angelique Ar-
.nauld , Reformatrice de l'Abbaie de
P. R. des Champs , fille de M. An-
toine Arnanld, & de Mademoifelle
Marion , vint an monde le 8 Septem-
bre 1591 , & Jeanne- Catherine de
Sainte-Agnes, fon incomparable fceur,
& fa digne Cooperatrice dans ce grand
ouvrage , naquit le 3 1 Decembre de
Tan 1593(6). A l'exemple de plulieurs
Hiftoriens, & en parciculier de Pau-
Hn , qui, a la priere de Saint Auguf-
rin , a eerie la Vie de Saint Ambroife ,
nous pourrions rapporter ici quelques
traits de l'enfance de ces deux adrni-
rables Religieufes qui, dans la fuite ,
fe font rendues fi celebres dans l'E-
glife ; mais nous nous contenterons
d'en rappeller un qui a rapport avec
celui que Paulin racontedu jeune Am-
broife (7),, & avec l'etat dans lequel
(<) Vo'iVz la Gcncalo-    voi'ant fa mere, fa four,
gie dcs Arnaulds, a la fin   & une Vierge qui etoit
du Volume.                       avec el!es, baifer la main
(7) Lorfque Saint Am-   d'un Evcque, il Ieur pre-
broife etoit encore enfant,    fen.oit at.ni la fienne pout
-ocr page 171-
I. Par tie. Liv. I. 13
Dieu a fan&ifie ces deux AbbefTes , 8c -"-*"—"-*
les a fait fervir a la fanctification de '"*'
plufieurs autres.
Dans les premieres annces de leur Vt
enfance , comme on leur difoic qu'el- enftuw, eU*
les feroient Religieufes, l'ainee que
M. Marion aimoit beaucoup , repon-
dit : mon grand Papa » puifque vous
voulc\ quejefois Religieufe , je lev tux
lien; mais a condition que je ferai
slbbeffe.
La petite Jeanne , fa fceur, an
contraire vouloit bien etre Religieufe,
mais elle ne vouloit pas etre AbbefTe.
Un joiir elie s'en alia fort ferieufement
trouver M. Marion dans fon cabinet ,
qui lui ai'ant demande ce qu'elle vou-
loit : mon grand Papa , lui dit-elle,
je viens vous dire que je ne veux pas
etre Ablefje , car j'ai oui dire que les
Abbejjes rendront compte a Dieu des
amts des Religieufes , &j'ai affe^ de la
mienne.
Sa fceur Jacqueline qui la fui- Premier*
voit aiant entendu ceia ,pnt la parole, pai[. R fa.
& dit brufquement : Je la veux etre , %e 8>
moi , mon grand Papa , & je leur ferai
bien [aire leur devoir.
En effct Dieu ,
qui avoit des defleins de mifericorde
fur ces deux jeunes Filles , les a ren-
dues de parfaites Religieufes & d'ex-
la leur faire baiter , en que. Paulin j vit fit S.
kur diftat qu'il fer eit Eve- Ambraij*.
-ocr page 172-
14 HfSTOmi! DE PoRT-ROlAt.
J j,500. cellentes AbbefTes, qui ont rempli
leurs obligations , & les ont fait rem-
plir a celles qui etoient fous leur con-
duite, d'une maniere qui ne permet
pas de douter qu'elles n'aient rec^i au.
jugement de Dieula reconnpenfe pro-
mife au Serviteur fidele , & qu'elles
n'aient entendu, de la bouchedu fou-
verain Juge , ces paroles confolantes :
Matth. 15. O bonnes & Jidelles Sen-antes , parce-
quevous ave^ ete fidelles enpeu dechofes,
je vous itablirai fur beaucoup plus :
entre^ dans la gloire du Seigneur.
leur entree M. Marion, Avocat general , ai'ant
«n Religion, obtenu l'an 1599 du Roi Henri IV,
par un abus qui n'etoit que trop com-
man alors, les Abbai'es de P. R. 8c
de Saint Cyr , pour Jacqueline & Jean-
ne , fes petites-filles, l'ainee flit fake
Coadjutrice de P. R , avec l'agrement
de Madame de Boulehart qui avoit
refufe la Coadjutorerie a deux de fes
Nieces, & qui ne fit aucune difficulte
d'agreer la petite Jacqueline Arnauld
qui n'avoit que huit ans. Elle n'eut
pas plutot donne fon confentemenr
que , comme par un efprit de proplie-
tie, elle dit a fes Religieufes, qu'elles
/7€ favoient pas la bonne affaire qu'elle
venoit de conclure pour elles.
Jeanne-
Catherine fa fceux n'a'iant pas encore
-ocr page 173-
I. P ARTIE. Liv. J.          OJ
fix ans lorfqu'elle fut nominee a l'Ab-
baie de Saint Cyr, fut mife entre les
mains de Madame des Portes, qui
pendant le bas age de la jeune Ab-
beife , fut chargee d'en faire les fonc-
tions. Jacqueline fut mife, vers le
meme terns , dans l'Abbaie de Saint
Antoine, Fauxbourg de Paris , ou elle
prit l'Habit le r Septembre de cette
annee 1599, des mains de M. de la
Croix , Abbe de Citeaux. Elle n'y de-
meura que fix femaines j &c pendant
ce petit fejour , elle gagna tous les
cceurs. Elle en fortit le 22 06lobre
pour aller a Saint Cyr ou elle demeura
jufqu'au mois de Juki avec fa fceur,
qui prit l'Habit le jour de Saint Jean
de 1'annee i<?oo. Les deux petites No-
vices avoient quelquefois de plaifantes
querelles entr'elles , & lorfque la Mere
Angelique avoir fache fa fceur Agnes ,
celle - ci lui difoit qu'e//e n'avoit que
fain quelle fut dans fa Maifon , &
qu'elie I'en chajferoit bun qtiand ells
youdrolt.
On a vu depuis cette fainte
Religieufe regretter ces petites vivaci-
tes , avec autant de fentiment de
douleur, que Saint Auguftin en te-
moigne dans fes Confeflions , des
peches de fon enfance.
Des le lendemain de la prife d'Ha*j-
-ocr page 174-
\6 HlSTOlAE DE PoRT-ROlAt.
\*QQ— bit de la jeune Jeanne Arnauld , an
' recira fa feur Jacqueline, de Saint Cyr,
Profekon pour la conduire a Maubuiflbn. Elle
ie la Mere fUt confirmee le z 9 Septembre fuivant,
8c changea fon nom de Jacqueline en
celui d'Angelique, afinde redemander
fous un autre nom des Bulles qu'on
Iui avoir refufees, parcequ'elie n'etoit
que Novice. Le 19 Odtobre , un mois
apres avoir re<p la Confirmation , elle
fit Profeflion , n'a'iant encore que neuf
ans.
La Mere Angeliquea raconte depuis
qu'elle trouva fort mauvais alors ceque
des perfonnes, qui etoient prefentes a
la ceremonie, s'entredifoient comme
par pitie : La pauvre Enfant ne fait
ce qu'elle fait, &c
qu'en elle-meme elle
difoit: Suis-je done folle , qu'on crois
que je nefais ce que jefais ? je lefais
pourtant tres bien.
En effet, elle a ete fi
perfuadee depuis, qu'elle /avoir ce
qu'elle faifoir, tout enfant qu elle fur
alors , que lorfqu'elle fut parvenue a
un age auquel elle etoit en etat de dif-
cerner que fa Profeillon ne l'engageoir
pas devant Jes hommes, & qu'elle
pouvoit encore , felon les regies meme
de l'Eglife , retourner dans le fiecle ,
elle fe regarda toujours neanmoins
comme engagee devant Dieu par les
-ocr page 175-
I. P ART I E. Llv. I.         17
promeffesqu'elle luiavoic fakes. Cette ,,~
vue lui cauia d etranges peines avant
que Dieu l'eut touchee. D'un cote elle
fe voi'oit engagee fans auctine vocation,
& fans aucune inclination pour la vie
religieufe; de l'autre , elle fe voi'oit
en etat de protefter contre des engage-
mensque fon extreme jeuneffe rendoit
nuls. Elle auroit bien voulu prendre
ce parti •, mais elle ne pouvoit s'y re-
foudre, par la crainte de deplaire a
des parens qu'ells aimoit tendrement.
La jeune Coadjutrice demeura a 1 x.
Maubmffon jufqu'a la mort de Mada- Jj^fJ
me de Boulehart, Abbefife de P. R, pwnd poflif-
qui arriva le 4 Juillet de l'an 1601. {£,£ f
Elle parcit des le lendemain pour fon vie pendant
Abba'ie. Les Religieufes la recurent *£SS
avecbeaucoup de joie, dans l'efperance gouveme-
qu'on leur avoit donnee, qu'elles enroMlu
feroient contentes. Elle fut benie le
jour de Saint Michel fuivant, 29 Sep-
tembre, par M. de la Croix , Abbe de
Citeaux-, & le roeme jour elle fit fa
premiere Communion. Telle fut l'en-
tree de la Mere Angelique dans 1'Ab-
ba'ie de P. R. Les premieres annees,
de fon gouvernement y repondirent
d'abord. La jeune Abbeffe menoit une
vie douce, ne penfant qu'a jouer, qu'i
fe promener & a fe divertir, comme
-ocr page 176-
iS HlSTCMRE DS PoRT-RO'lAI,.
un enfant da fon- age. Elle faifoic fori-
vent venir de Saint Cyr, fa Sceur
Jeanne ( la Mere Agnes) qui jouoit
auffi de fort bon cceur ; mais qui ncan-
moins etoit tres exa6te a reciter l'Of-
fice. Quoique plus jeune , elle mon*
troit plus de piece & fe portoit avec
tant a affedion aux exercices de reli-
gion , qu'a I'agedeneufans elle favoit
le Pfeautier par coeur , le chant, & les
ceremonies qu'elle obfervoit avec una
ponctualite admirable. Quoique , fui-
vant inclination des enfans de fon
dge , elle aimat fort le jeu , elle in-
terrompoit cependant fes divertiffe-
mens pour reciter l'Office , & fe retiroit
a l'ecart pour vaquer avec plus de re-
cueillement a ce faint exercice. Elle
n'etoit encore alors que novice , mais
elle ne fe laiflbit pas neanmoins en-
trainer au mauvais exemple que lui
donnoit fa fceur, qui , quoique Pro-
fefTe , ne fe genoit pas beaucoap pour
reciter l'ofrice -, fouvent meme elle ns
lerecitoit point du tour.
La Mere Catherine Dupont, Prieure
de P. R, gouvernoit alors la Com-
rnunantc qui cheriflbit fort la jeune
Abbefle , tant a caufe de fes bonnes
manieres , que pour les fervices que
lui rendoit fa famille. Il regnoic une
-ocr page 177-
I. P ARTIE. L'lV. I.          IJ
fi granck paix dans la imifon , & tant .g0
d'ordre pour l'office & les autresob-
fervances, que M. Boucherat, Abbe de
Ciceaux, en faifant fa vifite , l'an
i (Jo 5 , declara qu'il avoit trouve l'Ab-
bai'e de P. R, fore reguliere , 6c il ne
fit d'autre ordonnanee , finon qu'on
augmetfteroit le nombre des Religieu-
fes jufqu'a. feize. Cependant route la
regular ite fe reduifoit a s'acquitter alTez
bien de l'office, aux heures marquees,
excepte Marines qu'on difoit a quatre
heures du foir, Sc a vivre dans une
paix & une union route humaine. Du
refte, le jeu, & la promenade qui eroit
meme ordonnee par 1'Acte de vifite, fai-
foient toute l'occupation de la Com-
munaute.
La ieune AbbefTe neanmoins ne pre-
noit pas tant de gout au jeu & a la-
promenade , qu'elle ne tombat de tems
en tems dans une grande melancolie,
en fe vo'iant fi engagee dans un etat
qu'elle n'avoit point ehoifi , & pour
lequel elle n'avoit nulle inclination.
A l'eloignement qu'elle avoit par elle-
meme.de la vie religieufe , fe joigni-
rent encore les follicitations de Mef-
dames fes Tantes , qui faifant pro-
feffion de la Religion pretendue Re-
form.ee , auroient au. avoir rempoud
«
-ocr page 178-
20 HlSTOTRE DE PoRT-ROlAL.
une grande victoire , fi elles avoient
{>u engager la jeune AbbefTe a quitter
e Voile : mais quelque degout qu'elle
eiit interieurement de fon etat, quel-
qu'averlion qu'elle eiit pour la vie
religieufe, dont tout lui deplaifoit
jufqu'a l'habit, elle n'en temoignoit
rien neanmoins. Elle ne faifoit paroi-
tre aucune mauvaife humeur ; & l'e-
levation naturelle de fon efprit l'eloi-
gnoit des baflefles de tant de Religieu-
fes mecontenres, qui tachent d'adoucir
la privation de la vanite qu'elles
aiment, par mille recherches d'ajufte-
mens ridicules jufques fur leurs habits
de Religion.
Le tems fe pa/Ta ainfi depuis 1602
jufqu'en 1607. La Mere Angelique
commencoit alors a connoltre davan-
tage les obligations de 1'etat religieux.
Elle avoir concu une grande horreur
de toute attache aux biens de ce mon-
de, &c fentoit le danger auquel on
s'expofe de fe perdre eternellement
pour des chofes fi meorifables & ii
indignes d'une arae qui n'eftfaite que
pour Dieu. Elle en geniiflbit dans fon
cceur, & elle defiroit que Dieu la
delivrat de ces dangers. Mais ces pen-
fees falutaires ne produifoient dans
fon efprit que beaucoup d'inquietudes
-ocr page 179-
- --■
I. P ARTIE. LlV. I.          ti
Sc de peines, parcequ'alors elle ne , " l
goutoit pas encore le bonheur de fon
           *
erar. Elle etoit pourtant perfuadee
qu'elle ne pouvoit le quitter fans fe
{>erdre ; qu'il n'y avoir point de loi qui
a difpenfat d'etre a Dieu; qu'il lui
avoit rait trop d'honneur de la prendre
pour fon Epoafe, & qu'elle ne pouvoit
abandonner fon etat fans une infigne
ingratitude. » Je ne fais , dit - elle
»j elle-meme, d'ou me pouvoient ve^-
» nir ces penfees fur la faintete de ma
»» profeflion, vu que j'y menois une vie
» toute pai'enne & profane. II eft vrai
» que je diftinguois bien ce que je
»> devois faire de ce que je faifois , &c
"
que me venanr auez fouvent de
» grandes apprehenfions des jugemens
•> de Dieu, je me propofois que, quand
» je ferois vieille , je ferois peni-
» tence.
En attendant , la jeune Abbeffe con-
tinuoit de pafTer le terns au jeu, 4
la promenade, a des vifites. Madame
fa mere Pa'tant appris , vint lui faire
une le^on digne d'une mere chre-
tienne. Elle le fit avec tant de lar-
mes, que fa fille en fut touchee, &
qu'elle lui promit de vivre avec toute
la fagefle & la retenue qu'elle deii-
roit. Cette reprima^de & cette pro-
-ocr page 180-
'
12 HlSfOIRE DE PORT-ROIAL.
— mefTe furent fuivies d'une grande me-
lancolie qu'elle chercha en vain a dif-
flper par la leiture des vies de Plutar-
que & d'autres livres profanes. La
triftefle perfevera & fe termina enfin
a une grande maladie qui commence
le 25 Juillet par une fievre violente.
Monfieur & Madame Arnauld, remplis
de tendrefle pour leur fille, la firent
tranfporter dans leur maifon a Paris ,
pour en avoir foin. Elle y recur, pen-
dant trois mois, tant de marques d'a-
mitie de leur part, que pour y repon-
dre , elle prit la resolution de perfe-
verer dans l'etat oil elle etoit, & de
vivre dans la mpdeftie tonvenable a
une Religieufe.
Ses vues ne fe portoient pas plus
loin alors , & elle ne faifoit aucune
attention a fes devoirs envers Dieu.
Mais fidelle a fa refolution , pile re-
tourna de bonne grace a fon Abbai'e
le 3 Decembres & elle y flit recue
avec des temoignages d'amitie plus
grands que jamais. Elle amena avec
elle fa jeune Sceur. Marie Arnauld qui
n'ayoir que huit ans, pour Felever en
qualite de Penfionnaire; & vers le
meme rems, elle attira encore aupres
d'elle la Mere Agnes, qui demanda &
obtint la permiffion de quitter Saint
-ocr page 181-
I. Partii. Llv. I.         %i
Cyr pour demeurer avec fa faeur a
P. R. C'eft ainfi que depuis plufieurs
annces la Mere Angelique yivoit dans
des peines & des inquietudes a-peu-
pres femblables a celles qu'eprouva
Sainc Auguftin avant fa converfion,
& dans des combats interieurs qui la
dechiroient, fentant d'un cote une
partie de fes obligations , & de 1'autre
n'aiant que du degout 8c de l'averfion
pour £on etat.
1607.
-ocr page 182-
14 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
LIVRE SECOND.
i<Jo8. -»t
, *• . ±N Ous touchons enfin au moment
la Mere r*                                       .                       . , ,
Angeiiqueeft heureux auquel celui qui a pitie de
touches de qUj jj[
veut ^ va fjgnaler fa grande mi-
tericorde fur l'Abbeffe & l'Abbaie de
P. R, & fake eclater fa puitTance par
rinftrument dont il fe fervira pour
l'execution de fes defleins de grace &
•de falut. Ce moment heureux, marque
par la Providence , arriva dans le Ca-
remedel'annee 1608 , vers la Fete de
1'Annonciation. Le Pere Bafile , Capu-
cin, futcelui dont Dietifefervitpour
faire eclater la fouveraine puiflance
qu'ilexerce fur les cceurs. Ce Religieux,
etant arrive a P. R. un foir qu'iletoit
prefque nuit, demanda a precher , &
on le lui accorda. Ecoutons la Mere
Angelique raconter €lle-meme 1'efFet
que la grace produifit dans fon cceur
*. Panic, a I'occafion de ce fermon. » Nous
f*5 17«- » allons done au fermon , qu'il etoit
» tout nuit: pendant ce fermon Dieu
» me toucha tellernent, que des ce
« moment je me ttouvai plus heureufe
« d'etre Religieufe que je ne m'etois
»» txouyee malheureufe de l'etre, 8c
-ocr page 183-
I. Partie. Liv. II, 15
>> je ne fais ce que je n'aurois pas
m voulu faire pour Dieu, s'il m'eut
« continue le mouvement de grace
» qu'il me donna.
Dieu fie encore une autre grace a la
Mere Angelique , comme elle le re-
connoit. Ce rut de ne point parler en
particulier a ce Capucin , ainfi qu'elle
en avoit eu la peniee , pour lui com-
muniquer fes bons defirs & fe mettre
fous fa conduite. Ce fiat en effet un
grand trait de la mifericorde de Dieu
fur elle •, car ce Religieux etoit un
homme livre au defordre. Il avoit
deja fait de grands ecarts dans plu-
fieurs monafteres , & enfin quelques
annees apres , il abandonna la pro-
feflion religieufe & la foi catholic
que (1).
Depuis cet heureux changement que
la grace opera dans la Mere Angeli*-
3ue, elle eut toujours un grand defir
e fervir Dieu; mais elle avoit ties peu
de lumieres fur ce qu'elle devoir faire.
Des lors toutes fes peines d'efprit,
dont fon averfion pour la vie religieufe
etoit la fource, fe diffiperent. Elle
comment a. aimer fon etat en aimant
Dieu •, mais elle entra dans de nou-
fi) Dieu eut cependant il lui fit la grace de ren-
pitie de lui dans la fuitejSc tter dans lc fcin de l'Eglife.
Tome I.                           B
-ocr page 184-
l£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
~~7~Z— velles inquietudes fur ce qu'elle n'e-
I0O8.           .              i          \                       iii
toit pas dans le genre de vie le plus
auftere. Pour y fuppleer en quelque
forte , elle comment a pratiquer cer-
taines aufterites , en lecret. Elle fe
levoit toutes les nuits pour aller prier
dans un grenier, de peur d'etre ap-
percue dans fa chambre. Ce qui lui
caufoit le plus d'inquictude , c'etoit
fa charge d'Abbeffe. On a appris d'el-
le-meme dans une occafion, que des
le moment que Dieu la toucha , il lui
donna une fi grande averfion pour toute
dignite , que ce fut pour elle une cho-
_ , . fe infuoportable d'en etre revetue :
Relation,                I. r
Tome i. pa-» J avois tenement en horreur , dir-
ge l7- » elle , cet engagement, ou je me
» trouvois d'avoir charge & autorite,
m que je n'avois d'autre penfee dans
» l'efprit que de chercher les moi'ens
» d'en fortir , & d'aller en tel lieu
» qu'il plairoit a Dieu : car il m'etoit
» fort indifferent oil ce put etre ; &
w il me fembloit que je ferois trop
» heureufe par-tout, quand je ferois
» delivree de ce fardeau, qui m'e-
» toit infupportable.
Ce fut dans cette vue qu'elle forma
Je defTein d'etre Capucine , Feuillan-
tine , ou de quelqu'autre Ordre , afin
4e fe dpliyrer de fa dignite d'AbbelTe,
-ocr page 185-
I. Par tie. Liv. II. 17
6c de vivre dans la dependance. » J'ai
» fouhaite plufieurs fois , dit-elle, de
» m'en aller a cent lieues , & de ne
» voir jamais ni pere , ni mere , ni
» parens, quoique je les aimafle ex-
» tremement ; d'etre la route fettle
« avec Dien, en force qu'ame du mon-
" de ne me connut, &c de pouvoir
» vivre auffi humble & cachee , fans
" avoir d'autre temoin que Dieu,
» & d'autre foin que de lui plaire.
» Cerrainement, je ne penfois pas
» qu'il put y avoir dans le monde
» une condition plus heureufe, ni
« une felicite plus grande. En un mor,
»» je me fouciois fi peuou j'allafle, pour-
v vuque jenefuflTe plus AbbeiTe,que
» j'eulTe cru qu'il y eut eu pour moi
» moins de danger & de peril d'en-
» rrer dans une maifon qui n'au-
» roit pas ete rcformee , pour y etre
» Sceur Converfe, car c'etoit route ma
" devotion, (quelquepartque j'euflTe
- ete) que de demeurer en charge
» dans ma maifon , avec route la
»> reforme & tout le bon ordre que
» j'euflTe pu y mettre. En efFet, j'avois
»> raifon. Car enfin , difois-je, j'en
» fais aflTez, & pour etre dans une
» maifon oil Ton ne vit pas comme
*> Ton doit, cela ne m'empechera
Bij
-ocr page 186-
i8 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAi;
, o »  pas de faire moi-meme ce que je
' »  dois , & je ne laiflTerai pas d'y etre,
»   fi jeveux, pauvre , humble , obeif-
»  fante & patiente, & encore avec
»»  plus de merite , parceque ce fera
»  avec plus de contradiction & moins
»  d'exemples.
n-          Telles ctoient les difpofitions de
eeiique penfe U   Mere Angelique, lorfque Dieu
i nAy0™" ^'euc touc^e» ^ur <lno1 e'^e admiroit
la Providence de Dieu fur elle, en
ce que , fans etre inftruite de l'obliga-
tion de quitter les charges ou Ton eft
entre fans aucune vocation de Dieu,
&c contre les regies, Dieu lui avoit
infpire le defir de fatisfaire a ce de-
voir qu'elle ne connoiflbit pas. Ses
premieres penfees furent doncde quit-
ter fon Abbaie, & d'aller fe rendre
fimple Religieufe aux Feuillantines de
Touloufe , qui pour lors etoient in-
connues & fort aufteres. Mais le P.
Bernard , Capucin , la detourna de
cette resolution, C'etoit un vieillard
venerable , 8c d'un exterieur grave &
fevere. Etant venu a P. R, a la fete
de la Pentecote, la Mere Angelique
ne l'eut pas plutot vu , qu'elle crut
que e'eroit ce qui lui convenoit, &;
ne man-qua pas de lui faire part du.
tj'.-iTib nu'eile ayoif de reformc-r fotj
-ocr page 187-
I. PART IE. I2V. //.         ±9
Abbaie. Ce bon Pere la confirma dans ~ K _'o
cette refolution, & precha en conle-
quence fur cetce matiere. II le fie
avec tant de force , & d'une maniere
fi fevere , qu'il choqua quelques-unes
des Sceurs, &c fur-tout la Prieure. Cel-
le-ci, qui avoit toujours rempli fort
exactement les devoirs de la Regie
telle qu'elle s'obfervoit alors, ne croi'oit
pas avoir befoin d'une Reforme. Elle
dit meme dans les premiers mouve-
mens de la mauvaife humeur que le
Sermon lui avoit caufee, que ce Reli-
gieux infpiroit a l'Abbeffe le deffein
d'une grande Reforme, dont elle fe
kfleroit bientot , & que tout cela
n'aboutiroit qu'a cauferdu trouble &'
du defordre.
La jeune Abbefle, informee de ce
difcours , ne le defapprouva pas , & en
conclut qu'elle feroit beaucoup mieux
d'aller fe rendre fimple Religieufe
dans quelque Maifonbien reglee, que
d'entreprendre la Reforme de fon Ab-
baie. TJn autre Capucin nomme le
Pere Pacifique , etant venu peu de
jours apres aP. R, fut d'un autre fen-
timentque le Pere Bernard, & entra
entierement dans les vues de la Mere
Angelique. Elle fe flattoit deja d'etre
bientot hors de tout embarras, lorfque
B iij
-ocr page 188-
$Q HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i6o8.
■* le P. Bernard furvint, qui ai'ant ap-
pris de fon confrere la derniere refo-
lution de la Mere Angelique , fe mit
en colere , & la menace d'aller trouver
M. Arnauld fon pere , qui l'empeche-
roit bien de forcir. La jeune AbbeiTe
efFraiee de ce.tte menace, ne penfa qu'a
appaifer le P. Bernard en lui pro-
mettant de ne faire que ce qu'il vou-
droit.
in.
         Le P. Bernard continua de venir
^°ePfiMcrea P- R' dePuis h Pentecote jufqu'au
Angelique e- mois de Septembre ; & dans les fre-
fe^^fein^e °iuens entretiens qu'il eut avec les Re-
lAtitotmi. ligieufes, il en engagea cinq a em-
bracer la reforme. Jufques-la la jeune
AbbeiTe n'avoic trouve aucune de fes
Relieieufes qui entrat dans fes vues,
excepte la Soeur la Grange, qui en
comprit tons les avantages, des que la
Mere Angelique lui en eut fait part.
Quelques femaines apres, elle avoit
eu la confolation de voir entrer dans
fes vues, la Soeur Catherine de Saint-
Paul Goulas. C'etok fa premiere No-
vice , & elle l'avoit recue a profeffion
avant meme que d'etre benie. Cepen-
dant celles qui etoient oppofees a la
reforme ne firent aucun bruit, 8c elles
ne s'ecarterent jamais du refpedt qu'el-
les devoient a leur Abbelfe. Celle-ft
-ocr page 189-
L P A ft TIE. L'tV..ll.           } I
de fori cote les traitoit avec beaucoup '■' :r~o
J J                     o I             '                           "             1605.
de douceur } &c leur temoignoit meme
beaucoup plus d'amitie qu'aux autres.
A cette occafion, la Mere Angelique
remarque elle-rneme , que celles qui
s'oppofoient a la reforme avoienc rou-
jours ete les plus regulieres & les plus
modeftes dans leurs habits; ce qui
faifoit dire a la Prieure , que celles qui
avcient tu des vanitis faifoient bien de
les reformer ; mats que pour celles qui
nen avoient point eues, elles n'avolent
rien a changer.
La Mere Angelique, vo'iant cette
oppofition de la part du plus grand
nombre de fes Religieufes , crut ne
              ,«r
devoir prelfer perfonne , & fecontenta
de donner l'exemple. Elie parloit peu >
& prioit beaucoup. Elle penfoit avec
raifon qu'il faifoit fupporter avec
patience les oppofantes , &c attendre
que Dieu leur donnatla meme volon-t
te cju'il lui avoit infpiree a elle-meme »
& a quelques autres. Ce parti etoic
bien le plus fage; mais le Pere Ber-
nard , amine d'un zele indifcret, penfa
tout gater. II voulut faire des regle-
mens. lis etoient bons en eux-memes ;
mais ils ne convenoient pas dans les
circonftances prefentes , &c n'etoient
point proportionnes aux difpofitions
Biiij
-ocr page 190-
Ji HlSTOlRE OF. PoRT-ROlAI.
des Religieufes. II voulut contre l'avis
de FAbbeffe , porter de fa part ces
reglemens a M. l'Abbe de Mori-
mond , grand Vicaire du General de
Citeaux. La jeune Abbeffe avoit prevu
le mativais fucces de cette demarche
precipitee. EnefFet, M. l'Abbe de Mo-
rimond alia trouver M. Arnauld , lui
fit part du deffein de fa fille, & des
reglemens que le P. Bernard lui avoit
remis de fa part entre les mains, &
l'afTura qu'il ne feroit dans cette affaire
que ce qu'il jugeroit a propos.
M. Arnauld, qui n'agreoit pas ce
deflein de reforme, perfuada fans pei-
ne a l'Abbe de Morimond tout ce
qu'il voulut. La iMere Angelique eprou-
va bientot les effets du mecontente-
ment de M. fon pere. Etant allee a
Andilly pour l'engager a demander
de nouvelles Bulles & l'abfolution
du faux expofe qti'on avoit fait a Ro-
me , en difant qu'elle avoit dix - fept
ans, quoiqu'elle n'en eut que neur,
M. Arnauld lui parla fur ce qu'il avoit
appris de M. l'Abbe de Morimond ,
& il le fit avec tant de force & de
vivacite , qu'il en tomba malade; & il
ajouta que s'il mouroit de cette ma-
ladie, elle feroit caufe de fa mort.
Ces paroles, prononcees par un pere
-ocr page 191-
I. P A R T I E. Liv. II.        I J
tendrement aime , toucherent fi fort la "7^o¥
jeune AbbelTe, qu'elle lui promir de
ne jamais voir le P. Bernard. Elle con-
gut elle - meme tant de chagrin de
voir les fuites de 1'imprudence de ce
bon Pere, qu'elle fur attaquee de la
fievre quarte (2).
Cette indifpofition ne l'empecha
pas de retourner le 28 0£tobre(3) a
fon Abbai'e , fort tritte de rencontrer
rant d'obftacles a fes pieux delfeins,
&c
bien refolue de faire tout ce qu'elle
pourroit pour bien fervir Dieu , mais
fans rien faire qui put chagriner M. fon
pere.
L'impofubilite que la Mere Ange-
lique voioit pour lors de reuflir dans
fon pieux delfein, la fit refoudre a en
fufpendre l'execution , & a n'en plus
parler , que Dieu ne lui donnat d'au-
tres ouvertures. Elle a dit, depuis ,
que voiant tant d'oppofiiions a la re-
forme , » elle difoit en elle - meme
» qu'elle etoit bien malheureufe, &C
» que les gens du monde etoient bien
» injuftes, puifque, lorfqu'elle etoit
(i) Dans la premiere    Angelique a Andilly.
Relation, page 31, il eft       (j) Ce fut le 11 ou 11
die que !a rievre-quarte   Ottohre, felon la pre-
fut une occafion a M. Ar-    miere Relation,
nauld, d'emmener la Mere
B v
-ocr page 192-
J4 HXSTOIRE DE PORT-ROIAL.
""» incapable cle faire un choix, ils
» l'avoient engagee & laiflee depuis
w dans un etat pour lequsl elle n'a-
» voir ni vocation ni gout', & qu'au
n moment, que Dieu par fa miferi-
» corde avoit repare leur faute, en
>» lui donnant l'amour de fon etat, ils
» vouloient s'oppofer a fon bonheur ,
» en l'empechant de fe fauver par
» une vie conforme aux devoirs de fa
» Profeffiom
En confequence des arrangemens
faits par M. l'Abbe de Morimond , de
concert avec M. Arnauld , les Capti-
ons ne precherent plus a. P. R , & la
Mere Angelique ne vit plus le P.
Bernard. Mais par un effet partieulier
de la Providence, un Bernardin envoie
fiar l'Abbe de Morimond pour precher
a fete de la Touflaiat , fe trouva
contre Pintention de celui qui l'en-
vo'ioit, tres favorable a la reforme , &
confirma la jeune Abbefle dans fon
pieux deffein. La Mere Angelique le
demanda pour ConfefTeur, l'Avent
fuivant, a l'occafion d'un Jubile pen-
dant lequel elle voulut faire une con-
feffion generale , cequ'elle n'avoit pas
fait jufqu'alors. Le ConfefTeur fortifia
dans leur bonne volonte 1'Abbeffe, &c
-ocr page 193-
I. P ARTIE. LlV. II.         J 5
celles de fes Religieufes qui vouloient I(,Qo "
bien embracer la reforme (4).
Les oppofuions que la Mere Angeli- 1 v.
que eprouvoit dans fes delfeins , tant m^"^""^
de la part de M. fon pere , que de celle Reforme de
de la Prieure &c de quelques ancien- ' '
nes , la jettoient dans un abime de
chagrin & de triftelTe , qui faifoit
craindre pour fa vie. Elle ne voioit
aucune ouverture pour venir a bout
d'une reforme qu'elle defiroit avec ar-
deur. Le fouverain Ma'itre des cceurs
fe fervit enfin , au moment marque par
fa fagefle , de l'accablement & de la
trifteue de la Mere Angelique , pour
toucher le cceur des Religieufes oppo-
fantes. La Prieure qui aimoit beau-
coup fon Abbefle , la vo'iant toujours
melancolique & dans la trifteflelui de-
manda , un jour de Careme de l'an
1609, quel pouvoic etre le fujet de
fon chagrin , ajoutant que c'etoit alTu-
rement cette melancolie qui etoit caufe
de fa maladie, dont elles etoient toutes
tres affligees. La Mere Angelique lui Reu^f£
repondit que fon chagrin venoit decePart.pag.56.
qu'elle ne pouvoit fatisfaire le defir
(4) Dans la premiere    fition a embrafTer la Re-
Retation, page;S, il eft   forme. Cependant lePere
ditque jufqu'ici il ne pa-   Bernard en avoit gagnfi
roiffoit pas encore dans les   cinq.
Religieufes aucune difpo-
B v|
-ocr page 194-
3 6 HlSTOIRE DE PoR.T-n.oi At.
j<fog. qu'eMe avoit de reformer fon AbbaYe;
qu'il ne tenoit qu'a. elle, & a fes adhe-
rantes de le faire ceflTer. Madame , lui
repliqua cette bonne Prieure, dites-
nous ce que vous voide^ que nous faf-
Jions , & pourvu que vous fo'ie^ con-
tente , je vous promets que nous ferons
toutes chofes.
v-
           La ieune Abbefle profitant de ce
La Mere            •'                                ', ,                   i
Angeiique e- premier mouvement de bonne volon-
tab,ic!aco!p-te , lui dit qu'elie fouhaitoit que taut
munaute des r         .             *                       _ .        1., «,
Wens.         rut mis en commun. La Prieure lalluia
qu'elles le feroient; mais en meme-
tems elle lui reprefenta que cela oc-
cafionneroit une augmentation de de-
Eenfe , parceque chacune ai'anr fes
ardes a part, elle en prenoit plus
de foin , cequi ne feroit plus , lorique
rout feroit en commun. La Mere An-
gelique qui l'avoit ecoutee avec beau-
coup d'attention , lui repondit qu'elie
croi'oit ne devoir pas s'arrecer a. cet
inconvenient, qu'il importoit peu que
la depenfe fat plus confidcrable , pour-
vu que les Religieufes fiffent leur fa-
lut, en obfervant le vceu de pauvrete
qu'elles avoient fait. La Prieure ainfi
gagnee entraina avec elle toutes les
autres , rant par fon exemple que par
fes follicitations. Des le lendemain,
toutes vinrent apporter leurs calTettes
-ocr page 195-
I. P ARTIE. L'lV. II.         37
£c leurs hardes a Madame l'Abbefle. J5TT......
Une bonne Religieufe fourde 6c muet-
te (5) , a. qui on n'avoit point fait en-
tendre cet ordre, parcequ'on jugeoit
?[ue fon infirmite pouvoit Ten diipen-
er, voiant toutes les autres apporter
leurs paquets ap porta auffi le fien ,
lorfqu'on lui eut fait entendre de quoi
il s'aguToit. Depuis ce jour, qui felon
la premiere Relation etoit le jour de
Saint Jofeph , 011 le jour de Saint
Benoit, felon la Relation de la Mere
Angelique, la communaute de biens
fut toujours tres bien etablie •, Sc la
Mere Angelique fut entierement de-
livree de la fievre quarte.
Cette "reforme entreprife , par une LY r*. «>
jeune AbbelTe de dix - fept ans , ne cette Refor-
manqua pas de faire du bruit dans le !Pe attire
P1"*
1 ^                          ,                      „,,, .. fieuts Keli-
nionde. Deux Rehgieules de 1 Abbaiegieufesetran-
de S. Antoine au Fauxbourg de Paris ,Bercs * 1>- *•
en a'iant entendu parler, prierent le
(5) Cette Religieufe s'ap-    grands fentimens de pent"
pelloit Anne-Marie Jo-    tence , moiennantunTru-
hannet. A caufe de fbn    chement qui entendoit fes
infirmite, elle 6toit par-    fignes &c fon begaiement
venue jufqu'a l'age de z8     ( car elle n'etoit pas entie-
ans fans avoir cornmunie;    tement muctce ). Actcn-
mais fur la dccilion des    live a fe corriger tie fes
DoSeurs, voiant qu'elle    fames, elle faifoit entcn-
6toit fuftifamuient inftrui-    dre qu'elle s'abftenoit de
te , on la tit communier.     ce qu'elle favoit deplaire
Des lots elle fit de grands    a Uieu. Elle raourut le
ptogres dans la verm. El-    Vendredi faiut 14 Avril
le ic confeffoit avec de     1G34.
-ocr page 196-
3$ HlSTOIRE BE PoRT-ROlAt.
1(Joo Bernardin qui leur avoir fait un reck
fort avantageux de la vertu de cette
AbbefTe, de demander pour elles une
place dans P. R. II ne fur pas difficile
de l'obtenir de la Mere Angelique ,
qui remplie de rele pour le Talut du
prochain , leur accorda de bon coeur
ce qu'elles defiroient. Les deux Reli-
Motte ie gieufes les Meres de Nouveau & de
Mone ie Louvieres aiant obtenu leur obedien-
nAoutisi3.ce je m. jg Cireaux, fe rendirent a
P. R. vers la fete du S* Sacrement.
Elles furent les premieres des Reli-
gieufes etrangeres que la Mere An-
gelique recur dans fon Abbai'e. Elles y
attirerent dans la fuite une de leurs
amies , nominee la Mere PaTTart ( 6 )
qui etoit, comme elles , Religieufe de
1'Abbai'e de Saint Antoine.
V".
         La ieune AbbelTe de P. R-pourfui-
la Mere An-                       , ,<             • r \             r
eeiique eta- v^nt cequ elle avoit ii heureuiement
6iit la cloture
commence } voulut etablir une exa<5te
fcaie.
           cloture. La plus grande difficulte qu'elle
rencontroit, etoit de faire fubir cette
loi a M. Arnauld fon pere. Nous allons
voir les efforts que 1'amour de l'ordre
fit faire dans cette occafion a la Mere
Angelique , contre 1'amour le plus fort
&: le plus tendre qui foit dans la na-
(6) Elle alia a P. R. l'aa iSH , 8c y mourut le 7
Novembre iSjo.
-ocr page 197-
I. Partie. Llv. II. 39
ture. EUe declara done a la commu-
naute , que les Religieufes ne ver-
roiem plus al'avenir leurs parens qu'aa
parloir » qu'il n'y auroit aucune excep-
tion a cette regie , 8c qu'afin que per-
Tonne n'eut a fe plaindre de ce nou-
veau reglement, Monfieur 8c Mada-
fne Arnauld y feroient compris comme
les autres. II fe prefenta bientot une
occanon de mettre en pratique une
regie fi fage : car peu-apres la fete de
Paque , une prife d'Habit ai'ant attire
a P. R, une compagnie fort noirr-
breufe, on ne lama entrer perfonne
dans l'interieur de la maifon. Cette
regie parut a plufieurs une nouveautc;
ils murmurerent , 8c les Religieufes
eurent foin de les appaifer , en leur de-
clarant qu'on en agiroit de meme a
1'egard des parens de Madame 1'Ab-
be fie.
M. Arnauld ne pouvant venir que
rarement a P. R, a caufe de fes af-
Faires , la Mere Angelique fnt tranquil-
le jufqu'aux vacations du Palais •,
e'etoit le terns que fon pere prenoir
pour la venir voir. Quand elle vit le
terns s'approcher , elle confulta fur ce-
qa'dle avoit a faire, le Religieux (7)
(7) ^brnmc de Querfaillon ou Begat, depuis
Abbe de
Vauciait,
-ocr page 198-
4<3 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAt.
uJ(j0 qu'elle avoic fait venir l'Avenc prece-
dent pour confeffer. Ce Religieux fat
d'avis qu'elle fit favoir a M. fon pere,
qu'elle ne pouvoit plus en confluence
lui permettre 1'entree dans fa maifon;
qu'elle le priat de ne pas le trouver
mauvais , 8c que fi nonobftant cette
priere , il ne laiflbit pas de fe prefen-
ter, elle lui refufat abfolument route
entree. Pour fuivre ce confeil, la Mere
Angelique ecrivit X Madame fa me-
re (S) , que Dieu lui ai'ant fait la grace
d'etablir la reforme & la cloture dans
fon Monaftere, elle la fupplioit ainfi
queMonfieur fon pere , de n'y point
mettre d'obftacle ; 8c de trouver bon
qu'elle leur demandat une grace , fa-
voir , qu'au cas qu'ils euflent delfcin
de lui faire l'honneur de la venir voir
aux vacations prochaines , its ne rrou-
vaflent pas mauvais qu'elle les recutau
parloir , 8c que s'ils ne vouloient point
_ (8) la premiere Rela-   pas ofe en parler i M.
tion page 42. , Tome I,    fon pere , le comenta de
ditquela Mere Angelique    Is dire a Madame fa me-
n'ofa ecrire ni a M. fon   le, qui repondit qu'elle
pere , ni a Madame fa   connoiflbit bien fa fille ,
mere, qu'elle s'adreffa d   U qu'elle ne craignoitpas
Madame le Maitre fa   qu'elle jouat ce tour i
fceur , qui ctoit aupres    fon pere , qu'il etoit inu-
d'eux , afin de menager    tile de lui en parler , 8c
l'occafion de leur dire a    de le fachet pour une cho-
propos fcs intentions; que    fe qui ne feroit pas.
Madame le Maitre n'aiaut
-ocr page 199-
I. Par.tie. Liv. II. 41
agreer cette condition , elle les prioit ^ *
de la priver plutot de l'honneur de leur
         **
vifite , parcequ'elle etoit obligee de
les avertir qu'elle feroit dans la ne-
ceffite de leur refufer l'entree (9).
Madame Arnauld fit part a M. fori
mari de la refolution de la Mere An-
gelique ; mais jamais il ne putpenfer
que fa fille eut aflez de hardieiTe pour
mettre ce deflein a execution. Il prit
jour pour aller a P. R. avec fa famine ;
favoir , Madame fon epoufe , M. d'An-
dilly , Madame le Maitre , &c Made-
moifelle Anne Arnauld. La Mere An-
gelique qui en fut avertie , fe prepa-
ra a ce jour de combat par des prieres
8c par le facrifice des fentimens les
plus tendres , mais qui ne furent pas
capables d'ebranler fa fidelite envers
Dieu.
Le jour venu , qui etoit le vendredi vn r.
avant la S. Michel , la Mere Ange- „ Jo"rn^ **
hque eut loin de retirer des le matin
les cles de cloture des mains des Re-
ligieufes qui en etoient chargees , dans
la crainte de furprife. Efle etoit a
FEglife pour fe preparer devant Dieu
a foutenir 1'arTaut, lorfque vers l'heu-
re du diner , le bruit du caroffe lui
annonca l'arrivee de la compagnie.
(5>) Tome I. fecondc Relation , page tyy.
-ocr page 200-
4i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" Elle fort alors de 1'Eglife , 8c fe rend
a la porte. La compagnie s'y pre-
fente , 8c frappe. La Mere Angelique
s'avance & ouvre le guichet. M. Ar-
nauld lui commande d'ouvrir. Elle le
fupplie de vouloir entrer dans un petit
f>arloir a cote de la porte ou elle pourra
ui parler. M. Arnauld furpris , infifte,
prelTe , frappe de plus en plus , enfin
ll fe fache -, la Mere Angelique repond
a tout cela par les memes ^applications.
Alors M. Arnauld entre en colere,
parle durement a fa fille 8c la traite
d'ingrate. M. d'Andilly , jeune hom-
me tout de feu , prend le ton encore
plus haut, & croiant venger une pre-
tendue injuftice faite a M. fon pere 8C
a Madame fa mere, l'accable d'outra-
ges, jufqu'ala traiter de Monfire d'in-
gratitude ,
de Parricide. &c. L'allarme
fe met alors au-dedans & au-dehors ,
mais la conftance de 1'Abbeife n'en eft
pas ebranlee. M. Arnauld variant qu'il
n'avan<pit rien, demande qu'on lui
rende a l'heure meme fes deux filles ,
la Mere Agnes & la petite Marie-
Claire qui n'avoit alors que neuf ans.
La Mete Angelique , auffi tranquille
au milieu de tout ce bruit, que fi
cela ne I'eut point regardee, donnc
fecretement a une Religieufe de con-
-ocr page 201-
I. Partie. Liv. II. 4?
fiance la cle de la petite porte qui
donnoit dans l'Eglife , & la charge de
faire fortir par-la. fes deux fceurs. M«
d'Andilly les voi'ant ventr, va au-
devant d'elles dans la cour , s'adrefle
a la Mete Agnes , &c commence a. lui
faire de grandes plaintes contre fa
fceur l'Abbeffe. La Mere Agnes avec
fon air grave lui repond que fa fceur
n'a point tort, qu'elle ne faifoic que
ce qu'elle etoit obligee de faire, 8c
ce qui lui etoit ordonne par le Concile
de Trente. Ok! vraiment (s'ecrieM.
d'Andilly ) nous en tenons, en void
encore une qui fe mile de nous allegutr
les Canons & les Conciles.
Enfin , M. Arnauld prend le parti
de s'en retourner , & fait remettre
les chevaux au carofle. II confentit
neanmoins d'entrerdansleparloir pour
dire un mot a la Mere Angelique qui
l'en fupplioit humblement. L'Abbefl'e
s'y rend de fon cote, 8c a peine a-t'elle
ouvert la grille , qu'elle appercoit dans
ce bon pere un iaififlement de dou-
leur peint fur fon vifaga , qui en pro-
duifit en elle un autre qui ne peut s'ex-
firimer. II lui parle en peu de mots »
ui rappelle toutes les bontes 8c la
tendreiie qu'il a toujours eues pour
elle, lui declare qu'elle ne le verra
-ocr page 202-
"44 HlStOIRJ DE PoRT-RoYal?
plus , & finit en la priant de fe confer-
ver elle-meme pour l'amourde lui, 8c
de ne pas miner fa fante^ par des aufte-
rites indifcretes.
Jufqu'ici le courage de la Mere An-
gelique ou plutot la force de la grace
que Dieu avoir repandue dans fon
cceur, l'avoir foutenue, &c rendue
comme infenfible aux reproches , aux
injures & aux ourrages. Mais ce der-
nier coup, qui n'artaquoit plus la
conftance & la fermete qu'elle avoir
refolu de temoigner a Dieu dans cetre
occafion , mais qui la bleflbir dans l'af-
fection la plus fenfible & la plus
tendre qu'elle avoir pour un fi bon
fiere, ce dernier coup, dis-je, lui perca
e cceur d'une douleur fi vive , que le
corps ne pouvant plus fupporrer l'hor-
rible combat de fon efprit, elle tomba
par rerre, eVanouie &c fans mouve-
nienr.
A l'inftant rout change de face. M.
Arnauld ne fe fouvient plus qu'il eft
ofFenfe, mais qu'il eft pere; dans
le doute fi fa fiile etoit encore en vie,
il crie , il appelie au fecours pour faire
venirles Religieufes. Les Religieufes
bien loin d'accourir ou elles enten-
doient du bruit prenoient la fuite, &
pas une n'ofa venir aux cris de M.
-ocr page 203-
I. Partie. Liv. II. 45
Arnauld. On eut bien de la peine a la'
fin a leur faire entendre qu'il s'agiflbit
de fecourirleur Abbefle. Aufll-toc elles
entrent routes au parloir , & la trou-
venr par terre fans fentimenc &c fans
connoiflance. Etant revenue de fa foi-
blefle, & commencant a. peine a ouvrir
les yeux , elle vit M. fon pere encore
a la grille , & dans une grande inquie-
tude \ alors rappellant tous fes ef-
prits , elle fait effort pour lui dire ces
paroles, quelle ne lui demandoitautre
chofejinon qu'il voulut bien ne pas s'en
aller cc jour-la.
Le palfe etoit deja oublie. M. Ar-
nauld ne penfoit plus qu'a l'etat ou il
voioit fa fille, & il lui promic de
faire tout ce qu'elle voudroir. On em-
f>orta lAbbefle pour la mettre dans fon
it; & M. Arnauld aiant fejourne a
P. R. ce jour-la &c le lendemain , la
Mere Angelique lui fit entendre paifi-
blement £es raifons. Aufll-tot que le
calme fut rctabli , on fit rentrer la
Mere Agnes & fa fceur, de forte que
les chofes demeurerent dans l'etat out
elles etoient auparavant. Cell: ainfi
que fe palfa cette celebre journee , qui
depuis fut appellee la Journee dtt
Cuichet.
M, Arnauld aiant goute les raifons
-ocr page 204-
"
4<> HrSTOIRE DE PORT-R.OIAL.
~ de fa fille , continua a la venir voir ,
& eut dans la fuite la permiflion d'en-
trer dans la mailbn , pour donner or-
dre aux batimens & aux jardins , mais
fans entrer dans les lieux reguliers.
On obtint aufll des Superieurs , la
permiflion de faire entrer Madame
Arnauld & fes filles quand elles le
fouhaiteroient; mais cette Damen'en
fit pas fitot ufage , parcequ'elle fe
cro'ioit liee par le ferment qu'elle avoit
fait dans fa colere , de ne jamais re-
rourner a P. R. Ce ne fut qu'un an
apres , qu'affiftant le 4 d'aout a un fer-
mon chez les Jacobins , elle entendit
un Predicateur, qui parlant des fer-
mens, enfeigna que ceux qui font des
fermens indifcrets , foit dans la colere,
foit autrement, ne doivent pas les ac-
.complir. Madame Arnauld charmee de
fe voir libre du lien , partit aufli-t6t
aprcs le diner pour Port-roial.
Depuis la memorable journee du
guichet,la Mere Angeiique netrouva
plus d'oppofition a fa reforme , peut-
etre mcme la fermete qu'elle temoigna
en cette occafion lui merita-t'elle ce
parfait degagement de toute forte d'at-
taches , qu'on a remarque en elle dans
ia fuite. Ce degagement etoit fi grand,
.que rien de ce qui regardoit fes parens
-ocr page 205-
I. Pariie. Liv. II. 47
memes ne la touchoit qu'autant que , ""
cela regardoit leur falut. Elle fuppor-
toit leur eloignement, & meme Ja
perce de leurs perfonnes avec une (I
grande foi, tant de fermete , & une
n parfaite foumiflion a. la volonte de
celui qui regie tous les evenemens ,
qu'on auroit ete rente de croire qu'elle
rmnquoit de naturel & d'affedtion.
Mais elle avoit donne des preuves du
contraire , & on ne pouvoit attribuer
ce changement qu'aux fenritnens de
foi, qui etoient en elle bien fuperieurs
a ceux de la nature.
La cloture ai'ant etc confirmee par La R^orme
une ad-ion auffi genereufe que celle <fc p- R. fe
que nous venons de voir, la Mere Perfeaionne'
Angelique travailla avec une nouvelle
ardeur a ce qui reftoit a faire. Peu-a-
peu elle reformoir, &c dans elle & dans
fes Religieufes, ce qui n'etoit pas con-
forme a la Regie. Pour fervir d'exem-
ple a fon troupeau , elle commenca a
fe rendre libre de rout interet, afin
de n'etre obligee a. aucune complai-
fance prejudiciable a fes intentions. En
confequence, des le commencement de
la reforme , elle prit le parti de ne
plus demander des fecours d'argent a
M. fon pere. Jufques-la ce tendre pere
1'ayoit engagee a lui faire connoitce
-ocr page 206-
48 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
Tfo? fes befoins, 8c aufli - tot il les rem-
plifTbit, plus fouvent metne il les pre-
venoit. Elle fouffrit beaucoup d'incom-
modites du parti qu'elle avoit pris-,
mais elle les foufFroit avec joie, & fa
grande maxime etoit que la pauvrete
ne miriuroit pas ce nom , ji elle ne
donnoit aucune occajion de Jbuffrir.
Quoique fouvent dans la difette, on
n'a jamais vu qu'elle ait ete nioins at-
tentive a pourvoir aux veritables be-
foins de fes filles, 8c a contribuer a
toutes les charites qui fe prefentoient
a faite. Nous ne parlerons pas ici de la
fieine inutile que prit M. Arnauld pour
ui perfuader de ne pas 6ter l'ufage du
linge. Ce tendre pere croi'ant que fa
fille ne portoit des chemifes de ferge
Sue parcequ'elle n'avoit pas le moi'en
'avoir de la toile , lui en envoi'a :
mais ni les remontrances de M. fon
pere , ni celles de la Prieure , qui etoit
oppofee a l'ufage de la ferge, ne pu-
rentrien gagner fur fa fermete, & elle
engagea meme la Prieure 8c les autres
Religieufes a fe rendre a ce qu'elle
fouhaitoit-
X. _ La reforme fe perfectionnoir ainfi
CirfaeuTsiedede Jour en Jour > & il ne manquoit
f.R- plus a la Mere Angelique & aux Re-
ligieufes que des guides eclaires. Quoi-
-ocr page 207-
I. Par.tie. Liv. IL 49
que le Bernardin qu'elle avoit fait ve- l6oo.
nir, fut un Religieux craignant Dieu,
pieux &c favorable a la reforme, il
n'avoit pas neanmoins tout ce qui etoit
neceflaire pour la conduite des ames. Il
fut meme rappelle le 9 Decembre 1609
Far le Proviieur des Bernardins qui
envoi'a ailleurs , &c le pere Archange,
Capucin commen^a a. prendre foin de
la maifon. La Mere Angelique lui rend
ce temoignage , que c'etoit un des Di- Relation,
re6fceursqui Pavoit aidee plusqu'aucun Tome n-Pa'
J               n > II             .         r 1                 ge i,i.
ae ceux qu elle avoit eus auparavant. Prem Re.
C'etoit un homme d'un efprit ex- lat. n. xi.
cellent, dit-elle , d'une mine vene-
rable, majeftueufe , & digne de la
grandeur de fa naiflance. Il etoit
Anglois, fils du Comte de Pembrok ,
&c il avoit quitte fon Pais pour la
Religion catholique. Un de fes Tome ■
amis aiant ere furpris entendant lapase * Q'
MefiTe , & pris prifonnier , cela lui
fit peut; de forte qu'il vint a Paris ,
& peu apres .n'aiant encore que vingt
ans, il fe fit Capucin. Si ce bon'
Pere n'eut point ere nourri dans la
lecture des caiuiftes, il ne lui eat
rien manque pour etre un parfait
Religieux •, mais n'aiant point d'e-
tude que celle-la, elle lui afait grand
tort. Le pere Archange ne pouvant
Tome 1.
                           C
-ocr page 208-
JO HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
venir que rarement a P. R. il y fup-
pleoit par fes lemes, & il pria la Mere
Angelique de lui aflbcier un bon Di-
re&eur 8c un bon Religieux , pour
partager avec eux une charge fous la-
quelle il fuccomberoit tout feul. La
Mere Angelique fuivit ce confeil , 8c
lui alTocia M. Gallot 8c le P. E'ufta-
die de S. Paul, Feuillant. Tous trois
par leurs confeils , rendirent de grands
fervices a cette maifon & a rAbbeflb.
lis etoient d'ailleurs connus, aime» 8c
eftimes de M. Arnauld , pour lequel le
General de Citeaux avoit beaucoup de
consideration ; de forte que tout etoit
en paix- 8c que perfonne n'ofoic fe
plaindre.
Le plus grand embarras de la Mere
Angelique , etoit d'avoir un bon Con-
fefleur ordinaire. Elle etoit obligee de
frendre pour cela un Religieux de
Ordre. Celui qu'elle avoit trouve dans
l'Abbaie fe retira des qu'il vit la re-
Forme s'y introduire, & il allegua pour
raifon de fa retraite, qu'il n'etoit pas
capable de conduire les Religieules.
Dom. Querfaillou lui fucceda, & il fut
rappelle en 1609. Apres lui il y en
eut fucceffivement deux autres , dont
la Mere Angelique n'avoit pas ete con-
rente. Cette difette de ConfelTeurs fie
-ocr page 209-
I. Part ie. Liv. If. ft
regreter a la Mere Angelique que le "
Chapelain de la Maifon ne flit pas
         "*
Religieux. Elle etoit perfuadee qu'il
auroit pu leur rendre de grands fer-
vices ; elle ne put meme s'empe-
cher de le lui temoigner , 8c le Cha-
pelain aianc confulte le P. Euftache,
fe fie Religieux, & devint Confeffeur
de P. R ; mais on ne fut pas auili con-
tent du Religieux que du Chapelain.
Au milieu de fes travaux pour x r.
etablir une parfaite reforme, la Mere ^yt^"eA^l
Angelique n'avoit point- renonce au nouveiie fa
deflein qu'elle avoit forme de quitter Profeffion-
fon Abbai'e. M. Arnauld avoit fait I^IO«
folliciter a Rome de nouvelles Bulles
qui arriverent le 13 Novembre 1609.
La condition portee par ces nouvelles
Bulles etoit que l'Abbefle dxns le
terme de fix mois renouvelleroit fa
profeflion , ou plutotenferoitune nou-
veiie. Cette condition parut a la Mere
Angelique tres favorable au deflein
qu'elle avoit de fe decharger d'un far-
deau qu'elle trouvoit fi pefant, 8c elle
efperoit pouvoir laifler pafler les fix
mois fansfaire le renouvellement pref-
crit. Elle en avoit quelque efperance ,
8c il ne reftoit plus que fept jours
du terme lorfque le 6 Mai 161 o ,. M.
l'Argentier, Abbe de Clairvaux, ar-
C i)
-ocr page 210-
5Z HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
riva a P. R. avec M. Arnauld pour
faire la ceremonie. La Mere Angeli-
que qui ne s'y arcendoit pas, voi'ant
avec douleur routes fes efperances
cvanouies , pafla toute la nuit a fe faire
une robe de grofle ferge de Nogent.
Le lendemain 7 Mai, elle prononcafes
vceux entre les mains de M. l'Abbede
Clairvaux avec toutesles ceremonies
prdinaires •, mais dans fon cceur elle
ne s'engagea envers Dieu que pour les
trois vceux elfentiels de Religion; §c
elle pretendit ne s'engager nullement
envers l'Ordre , & encore moins en-
vers la maifon qu'elle fe promettoit
de quitter.aufli-t6c que la Providence
lui en feroit naitre l'occafion, &c que
fes Direfteurs voudroient le lui per-
mettre. De nouveau retablie par l'au-
torite de ces dernieres Bulles dans la
charge qui. lui paroiflbit fi pefante ,
elle s'appliqua a en diminuer le poids,
en faifant croitre dans fon cceur la
charite , qui feule couvre les fautes
auxquelles les emplois expofent les Su-
perieurs. Rien ne fe fit jamais plus
remarquer en elle que cette vertu qui
fait les Saints. La charite & la mi-
fericorde fembloient etre nees avec
elle comme avec Job. Elle vifitoit les
jnalades ? & les confoloit avec taut
-ocr page 211-
I. Parti e. Liv. II. fj
de bonte , qu'elle fembloit fouffrir 1(jIO<
avec elles; quand elle entroit dans l'ln-
firmerie , on auroit dit que tout le
monde s'y portoit bien : les malades
memes etoient fi ravies de la voir ,
qu'elles fe croi'oient gueries. Elle leur
rendoit toute forte de fervices fans
diftindtion;, 8c dans cette vue , elle ap-
f>rit a faigner, afin d'etre en etat de
es fecounr plus a propos. Son cceur
ne fur jamais a. elle, mais a D.eu 8c
a tous ceux qui avoient befoin de fon
fecours. Sa chambre , fon lit, fes ha-
bits , tout ce qui etoit a fon ufage
etoit pour ceux qui en avoient befoin,
Sa vie n'eft qu'une hiftoire de fa cha-
rite envers fes faeurs, 8c envers les
pauvres.Cettecharite toujours agilfante
ne fe bornoit pas aux fecours exterieurs
8c corporels. Les neceffites fpirituelles
excitoient bien autrement fon ardeur
8c fon zele. C'eft a fon ardente chari-
te ; c'eft a fes ferventes prieres, que
fes cinq fceurs , Madame fa mere , fes
freres 8c tant d'autres de fa famille,
furent redevables des graces abondan-
tes que Dieu repandit fur eirx ; elle fut
pour fes parens ce que S. Bernard fut
pour les fiens.
La Mere Agnes fut la premiere qui
reflentit les efFets de la charite de la l1'
C iij
-ocr page 212-
54 HlSTOIRE DB PoRT-ROlAt.
lfilIi Mere Angelique. A peine la jeune
AbbelTe fut-elle touchce de Dieu,
Hie gagne qu'elle penfa au falut de fa foeur. Elle
IWen&Me-fengagea i demeurer a P. R. & fit
ie Agnes qui        5 fc>.                                              ,
prend rhabit conlentir M. ion pere a ce qu elle re-
ap, r. nonfat a fon Abbaie de S. Cyr, pour
refter avec elle. La Mere Agnes ne
confentic a cela que par complaifance
pour fa fceur ; mais bientot apres elle
eut un veritable defir d'etre Religieu-
fe. Elle ouvrit fur cela fon cceur a la
Mere Angelique, qui. l'eprouva plus
d'un an avant que de lui donner l'ha-
bit, qu'elle recjutle 28 Janvier 16 ji.
La Mere Agnes etoit'des-lors urt fujet
admirable. Le P. Archange Pembrok
ai'ant remarque dans, un entretien qu'il
eut avec elle , lorfqu'elle n'avoit en-
core que quatorze ans &c qu'elle etoit
fimple Novice; l'elevation de fon ef-
prit, fa fagefle, fa gravite, il dit 4
Re!. 11. Part. [a Mere Angelique : Voie%-vouss Ma-
ijs,
         ' dame , votre Jceur ; ce n'eji qu'unefille
de quatorze ans , mais j'ofe vous dire
que que/que jour ce fera une dts plus
grandes & des plus fainus Religieufes
de France.
Ces paroles firent compren-
dre a la Mere Angelique , qu'elle ne
V fe trompoit pas dans le jugement
qu'elle portoit elle-meme de la Mere
Agnes ; & l'engagerent a l'etablir Mai-?
-ocr page 213-
I. Parti fe. Liv. It. $$
trefle des Novices , quoiqu'elle ne fut —- •"
encore que Novice elle-meme. Cequ'il ■
y eut de remarquable, c'eft qu'il n'y
cut pas une feuie Religieufe qui le
ttouvat mauvais, & l'exadtitude avec
laquelle elle remplit tous les devoirs
de cer emploi ,ne fit qu'augmenter le
refpe£fc qu'on avoir pour elle. Son im-
perfection ,
die la Mere Angelique*
etoit l'attache au travail plus que /is
forces ne pouvoient le porter, au jeune
& a rOffice.
O heureufe 'imperfec- fecJd°enVe-
tion 1 L'exemple de la Mere Agnes, lation, {ai«
& celui des deux Religieufes de l'Ab- * 7'
ba'ie de S. Antoine qui etoient venues
a P. R. par le defir de pratiquer la
reforme , contribua beaucoup a for-
tifier les fosurs , & fut d'un grand
fecours a la Mere Angelique. Elle
donna a Tune le foin de l'lnhrmerie,
8c a l'autre celui des Penfionnaires ,
a
tti etoient alors au nombre decinq ou
x. C'eft ainfi que peu-a-peu le Mo-
naftere de P. R. s'etablifloit dans le
bien, &c que la reforme faifoit du
progres. La Mere Angelique avoir
d'abord embrarte avec joie rout ce
qu'elk-t avoit connu etre d'obligation ,
inais il lui falloit du terns pour s'inf-
truire de rout ce quelle devoit faire
pour parvenir a une reforme parfaite,
C iii;
-ocr page 214-
5 if HlSTOIRE DE PoRT-R.o'lAL.
"T777 fur-tout dans un fiecle ou il y avoir
Gl peu de perfonnes inftruites de ces
matieres ; & ou il n'y avoir encore ,
de tous les anciens ordres , que l'Ab-
ba'ie de Montmartre qui eut embrafle
la reforme.
laMenAtf L'abftinence de la viande prefcri-
gciiyue era- te par la regie de S. Benoit n'etoic
nence dc li Pas encore etablie a P. R. M. Mau-
viaude. gier (1 o) , Abbe de la Charmoie etant
venu en i6iz recevoir la profeflion
de la Mere Agnes , qu'elle fit le i du
mois de Mai, confeillaa la Mere An-
gelique d'etablir cette abftinence.Quoi-
qu'elle previt bien la peine qu'elle
auroit a cet egard , elle ne laifla pas
d'en recevoir la proportion avec joie j
mais avanc que de la faire a la Com-
munaute , elle voulut d'abord com-
mon cer par faire elle-meme I'experien-
ce de cette pratique. Depuis le com-
mencement de Juillet 161 z jufqu'au
4 d'Aout 161 4, elle ne mangea tous
les jours qu'un morceau d'omeletre
qu'on lui fervoit couvert d'une peau
de Mouton, afin qu'on ne s'en ap-
(101 Cet Abbe rendit de    aroit une rraie charite,
gran-Is fervices a P. R.    & qui ne favoic "ce que
jufi.l"i'a f • mori arrivee    c'etoit que 1'interet ni la
le r_4 Aofit 16^7. C'etoit    jaloufie. Seconde Relation
uti vrai Rt'tgieux , dit la    de la I. Part, Tomt I. it.
Mere AlJgelique , qui    Jfl, page 184
-ocr page 215-
I. Part ie. Llv. II. 57
percut pas. Eile ne mangea que cela
loir 8c matin jufqu'au mois d'Aout
1614, qu'elle propofa a la Commu-
naute d'etablir cette abftinence. Sa pro-
portion fut bieii recue de toutep les
Religieufes, &c des le 4 du mois I'abf-
tinence de la viande fut generalemenc
etablie.
La Mere Angelique perfuadee que
l'exemple eft la predication la plus ef-
ficace 8c la plus perfuafive du cote des
homines, reforma tout ce qu'il y
avoir de mondain & de fenfuel dans
fes habits 5 elle ne porta plus qu'une
chemife de ferge , ne coucha que fur
une fimple paillaffe , s'abftint de man-
ger de la viande. Mais rempiie de fa-
gerTe & de prudence , elle eut grand
loin de ne pas allarmer fes Religieu-
fes par un trop grand emprefTement a*
leur faireembraffer la regie. Contente
de donner l'exemple, elle parloit peu ,
prioit beaucoup , 8c accompagnoit d'un
torrent de larmes les exhortations qu'el-
le leur faifoit quelquefois. Dieubenit
la conduite & la difcretion de cette
jeune Abbefla, qui" trienageoit' avec
prudence le terns & les efprits. Elie
gagna ainfi toutes les Religieufes qui
entrerent avec joie dans toutes fes
vues> de forte qu'en cinq annees » la^
C v
-ocr page 216-
58 HlSTOIRE DE P ORT-ROlAt.
" ^         comniunaute des biens , la cloture, le
jeune , l'abftinence de la viande , le
filence , la veille de la nuit, enfin
toutes les aufterites de la regie de
faint Benoit , futent retablies dans
l'Abbaie' de P. R. 8c y fubfifterent
avec une egale ferveur jufqu'afa def-
tru£Hnn.
xiv.
         Rien n'eft plus propre a donner une
p. JU^t&t! idie )ufte de la maifon de P. R. apres
icforme. la reforme, qu'un petit Ecrit que fit
en 1640 ou 1641 la Mere Agnes , qui
etoit alors Superieure , 8c dans lequel
elle reduit a VIII articles , le plan de
conduite que Ton defiroic etablir dans
la Maifon de P. R. de Paris fur ce qui
fe pratiquoit dans celle des Champs.
Nous penfons que le Ledfceur fera biert
aife de le trouver ici.
I. » Ce que nous avons de plus en
» recommandation dans ce monafte-
w re, c'eft de conferver le premier
« efprit de norre reforme que nous
»» avons rec,u en notre maifon des
» champs , vivant fort retirees, fe-
« parees , 8c ignorees du monde ; en
» quoi la fituation de notre ancien
» monaftere nous favorifoir beaucoup.
» Que fi pour les inconveniens qu'on
" nous a reprefentes , nous avons quit-
«• te cettechere folitude, ce n'a point
-ocr page 217-
I. PARTIE, Liv. II.         f$
*> ete pour prendre part a la conver- '
" fation de ceux de qui nous nous
" fommes approches , defirant que
" notre cceur demeure ou notre corps
" n'a pu demeurer ; & pour ne point
" donner lieu aux vifites du monde ,
" nous rachons de ne nous point con-
» former a lui, parlant le moins que
» nous pouvons a ceux qui nous vien-
» nent voir , 8c n'attirant perfonne
" par quelque voie que ce foit, non
>■> pas meme des filles pour etre Reli-
» gieufes , craignant plutot qu'il n'en
» vienne de riches 8c de nobles que
» nous ne le defirons , pour les fuites
» qui accompagnent ces receptions •,
« rendant ces maifons celebres, con-
s' nues & frequences, & ces filles
» pouvant etre un fujet de diminuer
« la difcipline quand on fe porte a
» les epargner par quelque fecrete:
» cupidite d'honneur ou de profit.
II. » Nous deiirons aufli nous con-
» ferver dans la pauvrete & la peti-
» teflfe , dont nous faifions gloire dans-
» notre premier monaftere , tout y
» etant vil & abject; mais fort agrea--
« ble a des ames qui ne fe vouloient
>» plaire qu'en Dieu. C'eft pourquoi
<> regrettant beaucoup la faute que
« nous avons faite , de commeneer le-
C v}
-ocr page 218-
Go HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
•> batiment avec tanc de fuperfluite,,
» nous defirons de le continuer quand
» Dieu nous en donnera le moi'en, le
» plus (implement qu'il nous fera pof-
« able.
III.  " L'experience que nous avons
» faite de la providence de Dieu, de-
»> puis nocte reforme , nous oblige
» d'y avoir une ferme confiance ; nous
» avons vu notre monde augmenter de
» trente perfonnes tout a la fois qui
m s'etoient jettees entre les bras de no-
» tre Mere a fon depart de Maubuif-
« fon, qui n'avoient pas toutes enfem-
« ble 5 oo livres de pennon , fans avoir
» eu peine a les nourrir & entre-
» tenir ; la charite qui les avoit fait
w recevoir etant caution pour elles ,
» qu'elles trouveroient en Dieu le foin
j> qu'il a de nourrir les oifeaux &c de
h vetir les fleurs. C'eft ce qui nous a
» ote de l'efprit I'appreheniion de re-
»> cevoir des Filks qui manquent de
» commodites temporelles , fachant
»> bienqu'a ceUes qui cherchent vrai-
w ment le roiaume de Dieu & fa jufti-
» ce , routes les autres chofes feront
« donnees par furcroit.
IV.  •» Un autre avanrage que nous
*• tirions de notre deYert, ecoit que
» notre Egliie n'etant point vilitee.
-ocr page 219-
I. Part IE. Liv. II. Si
« nous n'avions point auili la curio-
» fite de l'orner & de l'enjohver ,
'• n'aiant foin quedela proprete &net-
« tete qui regarde 1'eftime qu'on fait
» du lieu faint. C'eft ce que nous de-
» (irons conferver dans notre change-
» ment de lieu , y aiant afTez de belles
» Eglifes dans Paris, pour y exciter la
» devotion de ceux qui les vifitent •>
>'
outre que notre pauvrete favorifant
» notre inftin£t, nous difpenfe de nous
>> mettre en peine de parer nos Eglifes
« de riches ornemens, mais non pas
« d'enrichtr nos ames de l'amour de la
» fainte pauvrete, de l'humilite, d'une.
» ardente charite , afin qu'elles foient
nn vrai temple de Dieu.
V." Notre eloignement de Paris etoit
« caufe que nous avions peu de com-
» munication fpirituelle au-dehors.
m de la maifon, ne fe prefentant per-
» fonne pour cela que ceux qui en
» etoient expreffement fupplies: en.
» quo! nous etions heureules, aiant
*> trois perfonnes d'elitesqui nous vifi-
» toient trois ou quatre fois l'an avec
»i grande charit£ , & qui imprimoient
» un meme efprit a tomes lesfilles,
M d'ou il refultoit une grande union.
VI. » La fituation de notre ancien
» monaftere, conforme a l'iniUtuuort
-ocr page 220-
Gl HrSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
»>   de notre ordre, qui rechetche des
"   lieux deferts & qui donnenc quel-
»   que forte d horreur aux fens , nous
»   avoit imprime l'amour de la retrai-
»   te , non - feulement au regard des
n   perfonnes du dehors , mais auffi des
»   unes avec les autres ; de force que
»»   fans aucune contrainte d'efprit, 3c
»    comme par une autre nature , nous
»   nous etions privees de la recreation ,
»   l'aiant reduite a des conferences fpi-
   rituelles qui fe faifoient trois ou qua-
»   tre fois la femaine; a quoi nous a vons
»   eprouve tant de facilite & de vraie
»   fatisfacT:ion , que ce nous feroit une
»   peine d'avoir a nous recreer autre-
»   ment que par une ouverture de
»   cceur qui fait parler de ce qui doit
»   former les penfees utiles , & qui
»   fervent adonner de la vigueur &
w   non a. eteindre l'efprit.
VII. » II n'y a que nous qui ne nous
»   appercevions pas que notre monaf-
»   tere etoit trifte 8c mqlancolique ,
»   etant dans une profonde vallee, com-
»   me fi on euc voulu le cacher aux
   lieux circonvoifins. Nous aimions fi
»»   fort cette demeure fombre &c obfcu-
n   re, que nous n'avions pas feulement
»  la penfee de nous promener dans nos
w jardins, a moins qu'on n'en eut be-
-ocr page 221-
I. Partis. Liv. IT. 6j
" foin •, ce qui nous eft tourne en ha-
" bicude ■, en force que nous nous con-
» tentons de favoir que nous avons
m un jardin , & de prendre l'air pat
» nos fenetres , recompenfant l'exer-
» cice que Ton fait en fe promenant
»> par quelque travail qui profite au
» corps & a. l'ame , quoiqu'il ne foit
" pas aufli agreable aux fens.
VIII. » L'obligation que nous avions
" etant a la campagne de fubvenir aux
" befoins des pauvres de nos villages,
» nous avoit donne l'inclination a fai-
» re l'aumone felon notre pouvoir qui
» ne s'ecend gueres loin , peut-etre par
» notre pen de foi : car nous avons
» eprouvepluneursfoisqu'ilfautunpeu
» fe tromper foi-meme & ne pas tant
» penfer au lendemain , quand il fe
» prefente des occafions de charite par
» lefquelles Dieu nous rente pour voir
» (i nous avons la confiance en fa Pro-
» vidence divine , 8c etant le Pere
» commun de tous , nous commande
« de nous regarder tous comme freres ,
»> & n'a garde de delaiffer ceux qui
» pour aflifter les autres , s'appauvrif-
» fent eux-memes..
Tel etoit l'efprit de la reforme de
P. R. Reforme qui fut la premiere
introduite dans 1'ordrer de Citeaux,
-ocr page 222-
(3*4 HlSTOIRE DE PoRT-fto'lAI.
1" ^. " Une entreprife auili eclatante & audi
10 14. - .               r                                    1 r
iainte , ne pouvoit manquer deraire
du bruit &c deprouver des contradic-
tions. Les entteprifes ies plus faintes
font toujours un fujet de fcandale pour
les uns , & d'edification pour les au-
tres. L'ennemi du falut des homines
ne put voir tranquillement une fimple
fille travailler avec tant de rapidite 4
la mine de fon empire : ll louleva con-
tr'elle les hommes charneis ; mais
tous leurs efforts furent inutiles. La
Mere Angelique s'eleva au - deiTus de
toutes les contradictions , avec cc cou-
rage & cette fermete qu'on a toujours
admires en elle > & ia grace fecon-
dant & foutenant les qualites natuvelles
que Dieu lui avoit donnees , elle vint
a bout en peu de tems de peifection-
ner la reformc.
x v.
          La bonne odenr que le Monailere
Marieclairede P. R. repandoit d; tous cores, y
Arnauldcntre .        , • \        ,         ,. .                  ,, »
en Religion, amra bientot des iujets excellens.
Deja la Mere Agnes y avoit fait pro-
feffion le 1 Mai 16iz. Marie Claire
Arnauld , autre fceur de la Mere An-
gelique fuivit bientot fon exemple.
Tom in C'etoit un prodige d'efprit. Elle n'c-
ReUt. 5. de toit pas encore fevree qu'elle parloic
oa"1^""6' diftinftement, & entretenoit dans les
compagnies toutes les perfonnes qui
-ocr page 223-
I. Part ie. Llv. II. 6$
s'amufoient avec elle & prenoient
plaifir a la faire parler. Des l'enfance
on vit en elle des marques d'une piece,
dans laquelle elle a toujours fait de
nouveaux proves tant qu'elle a vecu.
Elle fu't elevce a P. R. des l'age de
fepr ans , & s'attacha en touc a la Mere
Angelique, apres que Dieu lui euc
infpire le dellein de la reforme, 6c
elle ne s'en fepara jamais quelqu'op-
pofition qu'il y eut de la part de fes
proches. Quoique naturellement fort
delicate , elle arriva a un tel degre
de mortification , qu'elle en a ete
toute fa vie un exemple dans la mai-
fon. Elle avoit des fon bas age un zele
incroi'able pour la priere. A l'age de
dix ans on lui fit faire fa premiere
communion qui produifit en elle un
renouvellement Sc un accroidement
de piete. La plus grande peine qu'on
put lui impofer , lorfqu'elle avoit fait
quelque raute , ctoit de la laifferquel-
que terns fans ku parler de Dieu. Des
fentimens fi chretiens dans un age fi
tendre, pouvoient bien des-lors don-
ner lieu de penfer que Dieu la defti-
noit a la vie religieufe. Cependant
ces bonnes difpofitions fe rallentirent
confiderablement , pendant un fejour
qu'elle _ fit a Andiily; ltiais etant de
-ocr page 224-
---------------------             '
66 HlSTOITVE DE PoRT-RCHAt.
------retour a P. R. la Mere Aneelique
T s apperc,ut biencot tie 1 lvraie que
1'homme ennemi avoit jette dans cette
bonne rerre , Sc Dieu. lui fit la grace
de rentrer dans fon premier etat, &
de triompher de cetre rentation qui
dura quelque mois. Apres quoi plus
fervente que jamais, elle temoigna un
fi grand defir d'etre Religieufe, qu'on
fut oblige de ceder a urte fi grande
ferveur & de la faire entrer au
noviciat a Taee de douze ans. Deux
ans apres , le 14 Seprembre 1614 , on
lui donna l'habit; & elle fit profef-
fion le meme jour, l'an 1616 apres
deux annees de noviciat. Ce fut pour
elle une fi grande fatisfaction qu'elle
dit a M. Arnauld fon pere, qu'aprts
cette grace il ne lui reftoit rien a de-
firer que la mort.
xvi.
         Anne Arnauld,quarriemefille de M.
d'Annl"A°r- Arnauld, plus jeune de trois ans que
nauid, autre la Mere Angelique, fetrouva a la ve-
MeUre Adngei^ture ^e ^"a ^0EIU Marie Claire •, ce fut
que.
          pour TAbbetT^ une occafion de la voir,
& de lui donner des avis. Elle lui
perfuada de faire une confeflion ge-
nerate au P. Euftache •, ce qu'elle fit la
veille des Rois \615 avec rantd'exac-
115* titude , & parut fi touchee , que le
P. Euftache dit depuis a la Mere
-ocr page 225-
-------------------------------,--------- --------
I. Par tie. Liv. II. 6j
Angelique , qu'il n'avoir point ete —,
furpris quand il avoir appris qu'elle
vonloit erre Religieufe , ai'ant pref-
fenri que le fond de vertu & de piece
qu'il avoir decouvert en elle , la con-
duiroit la. Neanmoins elle n'y pen-
foit pas alors ; au contraire , on trai-
toit d'un mariage avec un honncte
homme , qui deliroit tellemenr de
s'allier avec la maifon de M. Arnauld,
que , quoique ce mariage fut rompu
peu apres, il arrendir a fe marier
que Mademoifelle Anne Arnauld eiit
fair profeffion , & meme que fa foeur
cadecre, ageefeulemenrpour lorsd'en-
viron fix ans fur Religieufe. Ce qui
porta Mademoifelle Anne Arnauld ,
a renoncer au monde pour fe con-
facrer a Dieu, furent les reflexions
qu'elle fit au fujer de la confternation
que repandirent les troupes de M. le
Prince dans les environs de Paris. Elle
fut confirmee (11) dans le defir qu'elle
commencoit d'avoir d'etre Religieufe
par une Benedictine de la Ville-l'Eve-
que , qu'elle avoir connue dans le
monde , & qui etoit entree en Reli-
gion lorfqu'elle etoir fur le poinr de fe
marier. Enfin, elle y fut entierement
(n) Tom. I. premiere Relation, pages7. Tome U,
II. Pattie,
premiere Relation, n. xjuu.
-ocr page 226-
68 HfSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
' jgj^ determinee par une vifion qu'elle euc
dans l'Eglife de Saint Merri fa Pa-
roiire. Apres avoir lu les deux lettres
de Saint Jerome a Demeniade &c a"
Euftoquie (n) fur la virginite , elle
entra dans un profond recueillemenr ,
&c tout-d'un-coup elle fe fentit tranf-
portee en efprit. II lui fembla qu'on
la prefentoit a Notre-Seigneur Jefus-
Chrift, devant lequel s'etant jettee a
genoux, il s'approcha d'elle & lui mit
une bague dans le doigt , en lui inf-
pirant en meme-tems un defir fi ar-
dent & fi ferme d'etre Religieufe ,
Tome n. qu'elle ne fe reconnoiflbit plus elle-
peg- 557- m^m6) tanc fes fentimens. etoient
changes. La Mere Angelique qui
etoit, comme elle le dit elle-meme ,
plus eloignee que perfonne de ces
voies extraordinaires , a cependant ete
perfuadee de la verite de cette vilion
que fa fcear lui avoit racontee vingt
rois, &c meme ecrite de fa propre main.
Quoiqu'il en foit , apres quelques
epreuves & quelqu'oppofition de la
part de M. Armuld , la vifion fuc
(jt)Ilyaici unelegetc    j; 8 ; qui confide en ce
difference entre la pre-    que celle-la dit que la
miere Relation de la pre-    virion eft arrivee aux Ve-
nliere i'artie, Tome I.    pres >e jour de la Notre-
pagc 9t , & la preijiere    Dame de Septembre ; &
Relation de la feconde    felon celle-ci, c'eft a it
Partie, Tome II. page    Melle.
-ocr page 227-
I. Partie. Llv. IT. 69
juftifiee par l'evenement; & M. Ar- «
nauld la conduifit lui-meme a P. R.
le 7 Oftobre 1616. Avant que de
partir , die vit le P. Suffren Jefuite,
qui avoic beaucoup de reputation a
Paris, &c frequentoit P. R. Ce Pere
lui die devant ceux qui etoient piefens,
que fa fceur Marie de P. R. etoit une
fainte , qu'il la tenoit heureufe tantqut
Dieu la lui conferveroit, mais qu'en
tout evenement il falloit efp&rer en Dieu,
& que Dieu Tie mouroit point.
Plut a
Dieu que les confreres du P. Suf-
fren euflent rendu la meme jufticea
la Mere Angelique & a toute fa fa-
mille !. Le 9 Odtobre Anne Eugenie
entra dans le nionaftere de P. R. 8c
fut mife au noviciat, ou elle donna
des marques d'une ferveur extraordi-
naire , & prit l'habit le jour de Noel, *
comme elle l'avoit defue. Le 18 Fe-
vrier de l'an \618 elle fit fa pro-
feffion entre les mains de M. Bou-
cherat Abbe de Citeaux , qui emmena
le lendemain la Mere Angelique a
Paris pour I'envoier a Maubuiffon.
Toutes fes Religieufes etoient dans
la douleur & les larmes , & M. de
Citeaux qui en fut tcmoin , dit que
e'etoit arracher les entrailles a ces Re-
ligieufes que de leur enleyer leiir
-ocr page 228-
70 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
- ~* ■—■ Mere Marie. La Sreiir Anne Eugenie ,
1 ' ne temoigna aucune douleur , &c die
a celles qui lui en faifoienc un re--
proche : Dieu .me fit trop de graces
hier pour pleurer aujourd hui.
xvit. Le Monaftere de P. R. etoit tres
La Mete                     ,                                .                         , .
Angeiique re- pauvre dans ces premiers terns de la
sou piufcurs reforme , &c fouftroit beaucoup d'in-
commodites , iur-cout par rapport aux
batimens. Les Infirmeries etoient baf-
fes & humides comme des caves. Les
filles qu'on recevoit, tomboient prefque
toutes malades; mais cela ne les degou-
toit pas. Dieu en avoit envoie plufieurs
qui etoient d'excellens fujets, une en-
tr'autres , qui n'a vecu que dix ans pro-
felFe, e'etoit la Sceur Claire Martine Pi-
not, qui etoit incomparable en toutes
les vertus religieufes. On en avoit recu
une autre, Sceur Ifabelle Agnes de Clia-
teauneuf, qui etoit une fille accom-
plie. Dieu l'avoit prevenue de fes fa-
veurs, & elle donna des l'inftant de
fon entree les plus grands exemples
de verm. La Mere Angeiique la mena
avec elle a Maubuiflon pour y etre
MaitrefTe des Novices , & elle fe com-
porta de telle forte , que les anciennes
Religieufes la refpectoient comme
une fainte. Elle mourut le 4. Juin
162.6 , comme elle avoit vecu, dans
-ocr page 229-
----------------------------------T----------, -----
I. P A B. T I E. Liv. II.        71
une humilite &c une confiance mer-
i<Ji8.
. veilleufe. On en rec,ut encore quelques
autres qui apportoient peu de chofe >
mais la Mere Angelique fe conten-
toit de tout. La pauvrete n'etoit point
pour elle un pretexte furfifant de les
refufer. Elle etoit trop inftruite des
loix de l'Eglife , qu'elle avoit fuivies
des le commencement, pour n'avoir
pas en horreur ces conventions fimo-
niaques & facrileges, qui faifoientde
fon terns , comme aujourdhui, une des
plus grandes marques de vocation , &
prefque la feule cic qui puiflfe ouvrir
{'entree des cloitres. Une des raifons ,
pour lefquelles on foufFrit davantage
dans les premiers terns de la reforme>
c'eft que , comme M. Arnauld ne l'ap-
prouvoit pas , la Mere Angelique n'a-
voit plus recours a lui comme aupa-
ravant dans fes befoins. Mais depuis
a'iant reconnu la neceffite &c les avan-
rages de cette reforme, il continua
de faire du bien a la maifon : il fit
rehaulTer les infirmeries d'un etage;
& lorfque Madernoifelle Anne Euge-
nie fa fille fe fit Religieufe, il fit
faire les murs de cloture qui n'e-
toient que de terre , & fi bas qu'il ne
falloit point d'echelle pour pauer par-
delTus..
-ocr page 230-
7i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
'          Malgre les contradictions qu'eprou-
va la reforme de P. R. plufieurs mai-
Xpiuficurs^ons> non-feulemenr l'admirerent,
Maifons fe mais refolurent meme de l'embrafler.
ifmoXdeOn par-tout qu'on ne pouvoit
V. R.. reufiir dans une fi fainte entreprife
fans le fecours de l'Abbe(Te de P. R.
Elle eut ordre du General , D. Bou-
cherat homme fage & equitable, de
fe tranfporter dans la plupart de ces
maifons , & d'envoi'er des Religieu-
fes dans tous les couvens ou elle
ne pouvoit aller elle-meme. Elle alia
3 MaubuiiTon , au Lys, a S. Aubin ,
pendant que la Mere Agnes fa foeur ,
&c d'autres de fes Religieufes alloienc
a S. Cyr , a Gomer-Fontaine, au Tard,
aux Illes d'Auxerre , & ailleurs. Toutes
ces maifons , dont nous parlerons
dans la fuite plus en detail, regar-
doient l'Abbefle & les Religieufes de
P. R. comme des Anges envo'ies du
ciel pour le retabliflement de la dif-
cipline. Plufieurs AbbefTes vinrent
paiTer des annees entieres a P. R.
pour s'y inftrnire a loifir des faintes
maximes qui s'y pratiquoient. II y
eut aufli un grand nombre d'Abba'fes
, d'hommes qui fe reformerent fur ce
modele. Ainfi Ton peut dire avec ve-
rite que la maifon de P. R. fut une
fource
-ocr page 231-
I. Part ie. Liv. III. 73
fource de benedictions pour tout Tor- — ■ ■
dre de Citeaux , ou Ton commenc.a
de voir revivre I'efprit de S. Ber-
nard , qui y etoit prefque entiere-
ment eteint.
L1VRE TROISIEME.
D,
tous les Monafteres dont nous , T-
.....                                    la Mere
venons de parler, any en eut point Angelique va
ou la Mere Angelique trouva plus a jj Maubuif"
travailler que dans celui de Maubuif-
fon- L'AbbefTe qui etoit fceur de Ma-
dame Gabrielie d'Eftrees, apres plu-
fieurs annees d'une vie fcandaleufe,
avoit etc interdite, &c renfermee a
Paris chez les Filles penitentes. La
Mere Angelique aiant done rei^u. or-
drede M. Boucherat de s'y tranfporter,
pourgouverner & reformer la maifon ,
pendant qu'on feroit le proces a l'Ab-
beflTe , laifla la Mere Prieure pour
gouverner , la Mere Agnes Sous-
prieure, 8c partit de P. R. le 19
de fevrier. Elle pafla par Paris , out
le General la fit fejourner chez M.
fon pere jufqu'au jour de Saint Ma-
thias, pour difpofer les Religieufes
Tome I.                        D
-ocr page 232-
74 HlSTOIRE DE PbRT-ROlAt.
~ v o— de Maubuiflbn a la recevoir. Le Ge-
neral l'y conduifit lui-meme, & l'e-
tablit de fon autorite Commiflaire
dans cette maifon , pour y exercer
la charge en la place de l'Abbefle ab-
fente , Tui donnant plein pouvoir d'or-
donner & de difpofer de toutes chofes,
tanr pour le temporel que pour le fpi-
rieuel. La Mere Angelique avoir ame-
ne avec elle quatre Religieufes 5 la
Mere de la Croix, une des anciennes
qu'elle avoir reformees , & deux jeu-
nes profefles , fa fceur Marie Claire,
& Ifabelle Agnes de Chareau-neufagee
de dix-neuf ans , mais qui etoit un
grand fujet. Elle fut etablie Maitrefle
des Novices.
, tf
          Les premiers jours fe paflerent a
i-atjei'Ab- s'infinuer peu-a-peu dans t'efprit des
bluTpn, Religieufes de Maubuiflbn , qui ,
des qu'elles apprirent que Madame de
P. R. devoir venir chez elles, en
furent effrai'ees, par l'idee chimerique
& affreufe qu'elles s'croient faite de fa
reforme. Cependanr il eft aife de ju-
ger qu'une maifon a befoin de refor-
me , lorfqu'elle a ete pendanr x 5 ans
fous la conduite d'une Abbeffe , qu'on
eft force de faire enlever par des Ar-
chers , &c de renfermer a caufedefa
yie fcandaleufe. Aufli la Mere Ange-
-ocr page 233-
—-------------- _
I. Partis. Llv. HI. 7 5
lique trouva-r-elle matiere a exercer ~ „
fon zele 8c fa charite dans cette Ab-
bai'e compofee d'environ vingt-deux
Religieufes , dont la plupart y avoient
ete mifes malgre elles , 8c y menoient
une vie aufli peu conforme aux de-
voirs de leur etat, qu'elles en avoient
peu d'amour. Elle ne l'ignoroit pas,
& elle en etoit fi perfuadee , qu'elle y
prepara les deux jeunes profefTes
qu'elle avoit choiiies pour etre fes co-
operatrices dans cette penible entre-
prife. Elle leur reprefenta que lorf-
qu'elles s'etoient donnees a Dieu, elles
Jui avoient ofFert leur vie, & que
c'etoit ici i'occauon de lui en faire le
facrifice pour fervir cette maifon , qui
en avoit un fi.gtand befoin. Elle parla
en particulier a fa fceur Marie Claire ,
dont elle connoifloit la ferveur & la
delicatetTe, 8c lui dit que dans cette
rencontre elle ne lui donnoit point
d'autre regie de difcretion a obfer-
ver , que celle d'une grande charite ,
qui les obligeoit toutes d'oublier leurs
propres interets 8c leur fante , pour
tacher de procurer le falut de ames.
Elle ajouta , que dans la connoiHTance
qu'elle avoit de fa complexion, elle
avoit deja donne fa vie a Dieu ; ou tout
au moins elle ne doutoit pas qu'elle
-ocr page 234-
------m-----------------------------------------~-*~*~
7<j HlSTOIRE DE PoRT-ROl'At.
" 77TZ lie dut y perdre fa fante , & que pour
ce fujet , elle lui marquoit fa place
& le lit qu'elle lui avoic deja deftine
dans une des Infirmeries de P. R.
pour y paffer le refte de fa vie lan-
guifTante, apres qu'elle auroit epuife
fes forces a donner bon exemple a ces
pauvres filles , qui avoient befoin
d'etre inftruites plutot par anions que
par paroles.
On peut affurer que cette exhorta-
tion & prediction tout enfemble a
eu fon entier effet dans ces deux Re-
ligieufes , qui y travailleient avec un
zele & une ferveur , qui fut un fujet
continuel d'admiration. La Mere Ifa-
belle n'eut point de fante depuis , &
vrici Umourut le 4 juin 1616 , n'aiant pas
>iccrpi. encore vingt-huit ans. Pour la Soeur
Marie Claire , elle a avoue que depuis
fon entree a. Maubuiflon, elle n'a-
voit pafte aucun jour fans avoir
la fievre l'apres diner •, ce qui n'a
pas empeche que jufqu'a fa mort ,
arrivee l'an 1641 , elle n'ait continue
d'obferver a P. R. ce que la Mere An-
gelique ne lui avoir demande que pour
Maubuiffon, n'aiant point mis d'au-
tres bornes a fa difcretion que celles
de fa ferveur & de fa charite , qui
alloient fouvent au - dela de fes fori
-ocr page 235-
I. Parti s. Liv. 111. 77
ces , 8c qui lui ont enfin abrege les — 9
jours.
                         ••                         iii
La Mere Angelique fe voi'ant ap- taMmAn-
pu'i ee de l'autorite du General, pour geliijue com-
travailler felon fon zele &c fes lumie- "aiii" a U
res , au retabliffement de cette maifon, rcforme d^
le dechargea en partie , avec iagre-
ment de M. de Citeaux, du temporel
fur un Procureur comptable, afin de
vaquer plus librement aux befoins
fpirimels de ces pauvres Religieufes.
Elle eut tant d'adrelTe pour les gagner,
qu'en peu de tems , elle feulfit a
-etablir la cloture & interdire l'en-
tree aux Seculiers ,en faifanr fairedes
parloirs 8c mettre des grilles. Les an-
ciennes le fouffrirent fans murmurer,
quoiqu'apres la liberte done elles
avoient joui, elles fe trouvaiTent dans
une efpece de captivite •, les autress'y
foumirent auffi , & elles avoient deja
tant de refpecT: pour la Mere Angeli-
que , qu'elles n'ofoient lui refifter en
rien.
                                                             ' v.
A pres cette premiere ebauche elle d« NovST
jugea bien que fans de nouveaux Su-
jets , il feroit impoffible d'etablir une
entiere reforme. On n'ofoit fe pro-
mettre d'y aflujettir les anciennes Re-
ligieufes , dont les longues habitu-
des y ecoient excremement oppofees.
D iij
-ocr page 236-
----------------------------1----------—-------------------------'-----------
78 HlSTOlRE tit PokT-fcOlAti
j^jj^ Ainfi il etoit neceffaire de recevoir
de nouvelles filles > qui n'a'i'ant pas
encore re^u de mauvaifes impreilions,
puflent etre inftruices & formees par
fes foins aux exercices d'une vie fainte
& religieufe.
Elle en obtint la permiflion de M.
de Ciceaux, & meme felon quelques-
uns, celle de la Cour que Ton cruc
neceffaire , parcequ'elle ne gouvernoic
que par commiflion ; & Ton die qu'il
lui fut permis de recevoir jufqu'a
quarante filles, dans lefqu'elles on
n'auroit egard qu'a la vocation & a la
folidite de la vertu , fans leur deman-
der aucunc dot. Cette condition avoit
paru elfentielle a la Mere Angelique,
pour avoir la liberte de faire un boa
choix.
Elle en recuc done en peu de terns
v- un grand nombre. Car auffi-tot qu'on
un Novidat. fat que cette maiion , qui etoit ton-
dee pour cent Religieufes, quoiqu'il
n'y eut alors que feize profeffes s fe re-
formoit, 3c qu'on y recevoir des Sujets
gratuitement, il s'en prefenta un grand
nombre. Mais comme la plupart n'y
etoient conduites que par la cupidite
de leurs parens , & par le defir de fe
procurer un ctat honorable dans un
beau Monaftere bien fondc , la Mere
.
-ocr page 237-
I. Par tie. Liv. lit. 79
Angelique qui avoit le difcernement 1(jIg_
des efprits, fat diftinguer celles qui
avoient une veritable vocation, &
n'en recut que trente de toutes celles
qui s'etoient prefentees. Une Religieu-
ie de l'Abbaie de Maubuiflbn, depuis
afTociee a celle de P. R. nous a laifie
une relation circonftanciee du bel
ordre que la Mere Angelique avoit
etabli dans ce noviciat, qui Flic con-
fic a la Soeur Ifabelle Agnes , fille ties
vertueufe & cres capable de former
ces novices dans une veritable piete.
Elle avoit une tres grande charitepour
elles; & prenoit un foin particulier
de les inftruire, 8c de faire enforte
qu'elles n'euflent aucune communica-
tion avec les anciennes. Elle demeu-
roit dans un quartier a part; & la
Mere Angelique avec fes nouvelles
Filles & fes Religieufes faifoient
enfemble un refectoire , & tous les
exercices de la regie feparement, ex-
cepte l'office qui ne pouvoit fe faire
ailleurs qu'a l'Eglife; oil il falloit fe
joindre au chosur avec les Meres an~
ciennes.
La Mere Angelique rravailloit avec w v ** ,
r ■ • C • Li S 1"J                     J Travai! de
un loin lnratigable a 1 education deiaMere Ang.-
fes novices , les formant a la vertu , I Maubuif-
par fes paroles &c parfesexemples. Elle divia.
D iiij
-ocr page 238-
----------------------------------------------.....
8o HlSTCURE DE PoRT-RO'lAL.
I(jjg fe trouvoit a tout l'office de jour Sc
de nuit , & fe donnoit des peines in-
finies pour qu'il fat celebre avec la
devotion & la decence convenables.
En quoi elle fit paroitre une patience
6c une difcretion admirables pendant
cinq ans a l'egard des anciennes Reli-
gieufes , qui troubloient le chant par
leurs voix difcordantes & leur preci-
pitation ; car jamais elle ne leur te-
moigna la peine qu'elle en avoir, de
crainte de fes mecontenter.
Trmil des outre l'afuduite a l'office , la Mere
Angelique etoit encore tres exafte a
fe trouver aux heures du travail ma-
nuel avec fes filles. Elle fe mettoit
indifferemment a toutes fortes d'ou-
vrages , portoit du bois aux cuifines
& aux autres lieux de la maifon ; bal-
lai'oit l'Eglife, le dortoir , le cloirre,
&c. Elle montroit rant de joie & de
gaiete en tout cela , qu'elle paroif-
foit n'avoir pas de plus grand plai-
fir. Ses filles de leur cote , quoique
tres delicares pour la plupart , ne
fentoient aucune peine dans ces ex-
ercices , tant elles etoient animees
& encouragees par l'exemple de leur
AbbefTe. En formant fes filles au tra-
vail , elle avoit grand foin de faire
obferver un exacl: filence ; & Tor-
-ocr page 239-
I. Par tie. Liv. III. ti
dre etoit fi bien garde , que la con-
duite des anciennes Religieufes qui
n'etoient pas accoutumees a une dif-
cipline fi reguliere , n'y caufoit aucun
derangement.
Pendant fon fejour a Maubuiflbn . Mortifica-
elle brCdoit du defir de faire revi-
vre l'efprit de pauvrete & d'aufterite
des premiers Peres de Citeaux. Elle
cherchoit tous les moiens imaginables
de fe mortifier , 6c d'inlinuer la mor-
tification a fes Religieufes par fes
exemples &c fes inftructions. La nour-
riture approchoit beaucoup de celle de
S. Bernard & de fes compagnons.
Sa chambre etoit un lieu mai-fain 8c
obfeur , oli psrfonne n'avoit loge avant
elle , que quelques pauvres Sceurs
converfes ou fervances , qu'on ne
pouvoit placer ailleurs. Cette cham-
bre , difoit elle , etoit fa confolation.
II lui fembloit etre dans la grocte de
Bethleem dont Jefus-Chrift etoit la
lumiere. En toutes chofes, ce qui etoit
le plus vil & le plus incommode etoit
toujouts pour elle, par le privilege qu'el-
leavoitde choilir. Jamais fes fillesde
Maubuiflbn n'ont pu gagner fur elle
de lui faire porter une robe neuve,
Avec quelle peine &C quelle repugnan-
ce n'en mit-elle pas une pour recevoit
D v
-ocr page 240-
8l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL*
- ■ , g Madame de Soiflbns a MaubuiiTbn?
Quelle douleur ne temoigna-r-elle pas
de s'y voir contrainte en confideration
de cette Dame ?
Apres avoir travaille avec tant de
vn. zele & de fucces pendant route cette
con^knce an"ee i <J 18 a l'ceuvre a laquelle la
svec s. Fran-providence l'avoit deftinee , Dieu vou-
So« de sales. jut pQUr animer davantage fa charite
io'19. & la recompenfer en quelque forte,
lui donner connoiflance du faint Eve-
que de Geneve, qui etoir a Paris au
commencement de Tan 1619. Elle
avoir on extreme defir de le voir , fur
la reputation de fa faintete •, & Dieu
lui en facilita le mo'ien par M. de
Bonneuil , Introdudceur des Ambaf-
fadeurs. La Mere Angelique avoit
recu fa fiile ainee , qui etoit avec elle
a Maubuifibn depuis quelques mois ,
Sc qui n'avoit point encore recti la
confirmation. La Mere Angelique pria
M. de Bonneuil d'amener l'Eveque
de Geneve a Maubuifibn pour lui con-
ferer ce facrement. II l'amenaaumois
d'avril. Ce faint Prelat precha , donna
la confirmation & s'en retourna le
meme jour. Mais il y revint anx fetes-
de S. Barnabee & de S. Alexis de la
meme annee, &c y precha encore.
Quand il fut prcs de s'en retourner en
-ocr page 241-
I. Par tie. Liv.IIL 83
Savoie, il voulut donner plus de terns
a la derniere vifice qu'il fit a Mau-
buiffon fur la fin du mois d'aout. Il
y fut neuf jours. Il confacra le grand
autel le jour de S. Louis , & precha
le jour de la decollation de S. Jean. Il
partit de Maubuiflon les premiers
jours de feptembre , apres avoir te-
moigne pendant fon fejour , une cha-
rite & une affection finguliere a la
Mere Angelique & a fes filles. Il la
confola & l'exhorta a ne point s'arTli-
ger de voir fl peu de fruits de fes inf-
trucTrions dans les anciennes Religieu-
fes ; 8c l'aflura que ces femences qui
fembloient perdues, porteroient 1111
jour leur fruit. Cette prediction euc
fon effet, quoiqu'il y eut alors peu de
fujet de l'efperer.
Des la premiere entrevue du faint
Eveque de Geneve & dela Mere Ange-
lique,Dieu forma une telle liaifon entre
ees deux ames qui etoient fi remplies
des graces de Dieu , que la Mere Ar.ge-
liquene doura point qu'une Ci heureufe
rencontre ne fut un effet de la pro-
vidence de celui qu'elle adoroir dans
le ciel comme fon veritable pere, qui
vouloit qu'elle en eat un fur la terre
en la perfonne de ce Prelat. Auffi
lut-meme de fon cote recut-il avec
P vj,
-ocr page 242-
,-----------------------------------
84 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.'
joie cette nouvelle fille , & il concur
des-lors pour elle les fentimens d'un
vrai pere, qu'il lui a conferves jufqu'a.
la more , ainfi qu'on le peut voir dans
les lertres qu'il lui a ecrites (13).
Dans une entr'autres (la 43c du je
livre), il temoigne 1'opinion qu'il
avoit concue de la perfection & de la
verm non commune a laquelle il pre-
voioit que Dieu la deftinoit.
» Je commence (ditil dans cette
vi 11. » lettre qui mcrite d'etre lue en entier)
s.Fra'i^ois^e " Par oil vous finilfez, ma tres chere 6c
sates faifoit., tres veritablement bien aimee fille :
de la Mere                              i •          /* • ■ r r
Ajigeikpe. " car votre derniere hnit ainii : Je
» crois que vous me connoiffe^ bien.
" Or il eft vrai , certes , je vous con-
» nois bien, & que vous avez tou-
>» jours dans le coeur une invariable
» refolution de vivre tout a Dieu;
» mais auffi que cette grande a&ivite
m namrelle vous fait fentir une vi-
w ciffitude de faillies. O ma fille , non,
» je vous prie, ne croi'ez pas que
» l'ceuvre que nous avons entrepris de
»> faire en vous, puifle etre firot faite.
» Les cerifiers portent bientot leur
» fruit, parceque leurs fruirs ne font
» que des cerifes de peu de duree •>
(ij) Ellesfont laplupait adreffees a une Abbeffe,
..
-ocr page 243-
I. Part ib. Liv. HI. 85
» mais les palmiers, princes des ar- .
u                                 ir 1                     1619.
» bres , ne portent leurs dattes que         y
» cent ans apres qu'on les a plantes,
» dit-on. Une mediocre vie fe peut
»» acquerir en un an , mais la perree-
" tion a laquelle nous tendons , (o
» Dieu!) ma chere fille, ne peut
» venir qu'en plufieurs annees, par-
" lant de la voie ordinaire. II nnit
ainfi fa lettre : » Demeurez en paix,
» ma tres chere fille , & priez fouvent
» pour mon amendement, arm que
» je fois fauve, & qu'un jour nous
» trefladlions en la joie eternelle,
» nous rellouvenant des attraits , dont
» Dieu nous a favorifes , & des re-
» ciproques confolations qu'il a voulu
» que nous euflions en parlant de lui en
" ce monde. Du \6 decembre \6i<).
Apres avoir entendu S. Francois de ix.
Sales parler de la Mere Aneelique;,^/limcAdi;'s
ecoutons la Mere Angehque parler deli^ue pours.
S. Francois de Sales. •> Si j'avois eu. 5^"SS°1S iv
» dit elle (14), un grand defir de le
» voir, fa vue m'en donna un plus
>> grand de lui communiquer ma
» confeience. Car Dieu etoit vrai-
» ment & vifiblement dans ce faint
» lJrelat, & je n'avois point encore
(14) Premiere Panic > feconde Relation3 Tomer,
f age } 1 j , n. 17.
-ocr page 244-
8<J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
»  trouve en perfonne ce queje trouvai
»  en lui, quoique j'eufle vu ceuxqui
  avoient le plus de reputation entire
»»  les devots. Je lui ecrivis pour le
»  fupplier tres humbtement de reve-
»  nir. lime l'accorda (15). Mais en
»»  attendant je lui ouvris mon cceur
»  par lettre , fur une peine que j'avois
»  bien grande , qui etoit que je n'a-
*   vois rencontre une perfonne en qui
"
  je puiflTe prendre une confiance en-
»
  tiere, & enfuite y avoir une vraie
•■>  foumiilion 5 & que je me fervois
»
  pour prendre avis & conduite , de
"
  ceux qui nous afliftoient, felon que
»
  je reconnoilTois qu'ils etoient por-
>>  tes a ce que je defirois, que je
»
  croi'ois bon & utile pour le bien de
»»  nos Sceurs , pienant ainfi conduite
»
  par partiede ceux que je croi'ois qui
53
  favorifoient mes penfees & mes de-
>•
  firs , ce qui me donnoit beaucoup
d'inquietude , parcequ'en efFet c'e-
»
  toit me conduite moi - meme. II
»»  me repondit, qu'il n'y avoit point
»
  de mal a chercher fur plufieurs
"
  fleurs le miel qu'on ne pouvoit
»
  trouver fur une feule , & des juges
(i0 Converfation de des Relations, page i<>p, j
la
Mere Angelique avec n. ij.
M. le Mai ire, Tome z
-ocr page 245-
I. Part ie. Liv. III. §7
» favorables a nos inclinations, pour-
» vu qu'erant examinees elles fe trou-
» vent bonnes. Lorfque j eus trouve
» M. de Geneve , die encore la Mere
» Angelique , qae Dieu m'envoia en
» ifJip, pour me fortifier dans tout
» le bien & dans route la reforms
» que j'avois etablie ici, je reconnus
w 1'avantage qu'il avoit pour la fain-
» tetc , le dctachement & la conduite
» des bonnes ames , fur tous les Peres
» que j'avois eus pourDire&eurs. Apres
»> ion depart, je le confultois par let-
» tres. J'en avois un grand nombre
» de lui & de tres belles; mais je n'en
» donnai que peu , lorfqu'on vouluc
» en faire le recueil, parcequ'il par-
» loit de moi en tout avec trop d'a-
" vantage ; & fi ces lettres euflent etc
« imprimces , elles m'eufTent fair
» rougir. Celles meme que j'ai don-
» nees , quoique ce fuffent les moin-
» dres de toutes , m'ont fait de la
» peine, lorfque je les ai vues publi-
» ques. J'ai garde ces lettres avecfoin
» jufqu'a ma demiflion du titre d'Ab-
» bene.... II y parle de fon amour
» pour P. R. qu'il appelle fon cher
» Port-ro'ialy ies cheres delices. Ces
» lettres font toutes pleines de te-
» moignages de fon eftime &c de ion
-ocr page 246-
88 HlSTOIRE DE FoRT-ROlAt.'
t^j » affection pour cette maifon
Dans un autre entretien que la Mere
Liai<bnentre Angelique eut le 18 Mai 1653 avec
b Mere An- M. le Maitre fon neveu , elle lui parla
FranvUois& de ^e S. Francois de Sales dans les ter-
W**-          mes fuivans (16). » Dieu m'aiant fait
» connoitreM. de Geneve en 1619 ,
» je trouvai en lui une fi grande fin-
» cerite , accompagnee de tarit de
» graces & de lumieres pour mes be-
>» foins, que je lui mis mon cceur
» entre les mains , fans aucune refer-
» ve , trouvant en lui feul plus que je
w n'avois trouve dans tous les autres.
» II me parla audi avec la ttieme fran-
» chife, & je puis afliirer qu'ilneme
» cachoit rien de fes plus fecretes 8c
» imporrantes penfees fur l'etat ou
» etoit l'Eglife, &c. Ce faint Prelat,
(difoit-el'e a M le Maitre dans une
converfation du 16 Avril 1653) m'a
w fort affi(lee (17), & j'ofe direqu'il
» m'a autant honoree de fon afFec-
» tion &c de fa confiance que Mada-
» me de Chantal. J'etois etonneede
» la liberte & de la bonte avec la-
» quelle il me difoit toutes fes plus
» fecretes penfees , coname je luidi-
» fois & lui avois dit tout d'abord
(is) Tome i . feconde tion, page 300.
Pattie, premiere Kela- (17) Ibid, page 307,
-ocr page 247-
I. Pas.tie. Llv. 111. 89
>* toutes les miennes. 11 eft certain— """
" qu'ilavoitbeaucoupplusde lumieres
« qu'on ne penfoit pour la conduite
» &c la difcipline de l'Eglife. C'etoit
» un ceil pur qui voioit rous les maux
» & tous les defordres que le rela-
» chement a caufes dans les moeurs
» des Ecclefiaftiques & des Moines.
" Mais il cachoit rout dans le filence ,
» & couvroir rout de la charite 8c de
» l'humilite. II gemifloit, comme M. x r.
» de Berulle , des defordres de la s.Francois<l«
" Cour de Rome & me les marquoit sales fur les
>j en particulier. Puis il me difoit : Ma m^,* pe
fille , voild des fujtts de larmes, car
d'en parler au monde dans Vetat ou il
ejl ,c'efl caufer du fcandale inuiilement.
Ces malad^s aiment leurs maux, & ne
veulent point guirir. Les Conciks cecu-
meniques devroient reformer la tite & les
membres , etant certainement au deffus
du Pape : mais les Papes s'aigrijfent
lorfque l'Eglife ne plie pas toute fous
eux
, quoique felon le vrdi ordre de
Dieu elle foit au-dtffus deux , lorfque
le Concile eft univerfellement & canoni-
quement afjemble. jefais cela comme les
Docteurs qui en parlent , mais la dis-
cretion m'empeche d'en parler
, parce-
que je ne vois pas de fruit a en efpcrer.
IIfaut pleurer & prier enfecret que Dieu.
-ocr page 248-
-..._.                _._...                         ,-----
90 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
mette la main ou les hommes nefauroient
"' la mettre • 6* nous devons-nous humi-
lier fous les puiffances ecclejiajliques
auxqu tiles il nous a foumis , & lui
dernander cependant quil les humilie &
les convertiffe par la toute puijfance de
fon efprit , & qu'il reformt les abus ,
qui fe font gliffis dans la conduitt des
Miniflres de I'Eglife, & lui envoie de
faints Pafleurs animes du \ele de Saint
Charles , qui fervent a la purifier par le
feu de leur [tie & de leur fcience , & a
la rendre fans tache&fans rides pour
la difcipline , comme tile I'ejl pour la
foi & la doctrine. » Il fe confoloit en
» me parlanr, comme je fais qu'il fai-
» foit audiavec Madame de Chantal,
» avec laquelle il m'avoit unie audi
»» etroirement qu'on le peut etxe, fans
» nous are jamais vues. La fuite de
cet entretien de la Mere Angelique
avec M. le Maitre fon neveu eft trop
importante pour ne pas ajouter ce
qu'il nous en a conferve fur les maux
de I'Eglife. » M. le Cardinal de Be-
rulle , ajoCua la Mere Angelique,
•j ami intime de M. de Geneve, voioit
» & deploroit ces memes abus de la
» Cour de Rome , & en entretenoit
» M. de Saint-Cyran , qui me difoit
» qu'il voioit une eminence de lu-
-ocr page 249-
I. Partie. Llv. HI. 91
» mieres 8c de difcernement merveil-
" leux en ce faint homme, & qu'ils
» fe connrmoient enfemble dans le
» filence que les vrais enfans de
" l'Eglife devroient garder dans la
» viie de ces maux inteirieurs & de
w ces plaies inteftines que S. Bernard
» a dit, il y a cinq cens ans , etre
» incurables ; qu'il falloit couvrir au
» moins la nudite de fa mere, lorf-
» qu'on voi'oit qu'on ne la pouvoit
» guerir de fes maladies , & dire bien
» plus aujourd'hui, queS. Gregoire de
" Nazianze ne difoit de fon terns :
" Nous riavons rien a donntr a VE-
» glije que nos larmes.
La Mere An-
gelique ajouta que M. le Camus,
Eveque du Bellay lui avoit dit au re-
tour de fon voiage d'ltalie , qu'aiant
entretenu Frederic Borromee , Cardi-
nal Archeveque de Milan, neveu de
S. Charles, Saint lui-meme , & emi-
nent en fagelfe & en fcience autant
que S. Charles , ce Cardinal lui avoit
ait ces niemes paroles : Le %ele & la
douleur des difordres de Rome m'apor-
te jufqu'a en ecrire un livre e'pais de
trois doigts
, oil Us etoient prej'que tons
reprefentes. Mais apres avoir vu toutes
les pones fermees a la reformation de
ces abus
* & que Dieufeul pouvoit let
-ocr page 250-
91 HlSTOIRE DE Port-r Oi At-
tire par les voles extraordinuires defa
providence , je brulai It livre , volant
que ces virites morales ne feroient que
caufer du fcandale , & publier lei ex-
ces de ceux qui ne veulent point chan-
ger de mceurs , & qui font devenusplus
politiques qii' ecclejiajiiques
Aulli m'a-
joiita-t-elle, » M. de Saint-Cyran m'a
» die autrefois que ceux qui aimoient
» veritable merit l'Eglife devoient fe
» cacher dans les folitudes , pour ne
» prendre point de part aux paiTions
» de ceux qui deshonorent fa faintete,
» & pnerpour elle dans le fecret. C'efl
» notre mere , // la faut aimer , il
« la faut plaindre , il la faut aider , il
„ la faut pleurer
, & non lafcandali-
» fer & la troubler par un exces de %ele-
» quin'eftpas affe{ humble ni affe^fage.
» M. de Saint-Cyran etoit tellement
« confirme dans ce (ilence de gemiiTe-
» ment, que lorfque le Cardinal de
» Richelieu fe piqua contre Rome,
« & qu'il voulut empecher qu'on n'y
» eut recours pour obtenir des Bulles ,
» il arriva que M. Arnauld , depuis
» Eveque d'Angcrs, fut elu Eveque
n de Toul canoniquement par le Cha-
» pitre , dont il etoit Doien, fans
» avoir agi pour cela en aucune fac,on :
» M. de Saint-Cyran me dit que rnon
-ocr page 251-
------------------------------------------------------------------
I. Partii. Liv. III. 93
» frere etoit le feul Eveque de Fran------
" ce , qui ai'ant ete elu par leChapi- l <'
» tre felon l'ancien droit , put fe fa ire
» facrer fans envoier quenr des Bul-
" les a Rome, 8c que peut-etre le
» Cardinal pourroit l'y porter, mais
» qu'il croi'oit qu'il ne le devoit point
» faire, 8c que dans cette conjon&ure
" cette entreprife cauferoit du fcan-
» dale que la prudence & la charire
" chretienne obligeoient d'eviter. Re-
yenons a S. Francois de Sales qui a
donne occafion a cette digreffion.
On voit par ce que nous avons rappor- x i r.
te de fes entretiens & de fes lettres a la J^i**^^
Mere Angelique, combien il faifoit
fous la con-
de cas de cette illuftre Abbefle, & com- *"'" de Saint
l_ •        -l          r                     i              a              v Fianjois.
bien il en etoit eftime lui-meme. Des
qu'elle le vit pour la premiere fois le
5 d'avril i<Ji 9 , elle defira de fe mettre
fous fa conduite. Elle le pria de reve-
nir a Maubuiflon , a quoi il confentit.
Elle lui fit une conredion generate
avec une grande fatisfacl:ion 8c un
vrai defir d'entrer tout de nouveau
dans la voie de Dieu fous un 11 bon
guide. Elle engagea la Mere Agnes,
qui etoit a P. R. des champs & gou-
vernoit la maifon pendant fon ab-
fence , a en faire autant, lorfqu'il iroit
porter la benedidion dans ce mo-
-ocr page 252-
94 HlSTOIRF. DE PORT-ROIAL.
^jo, naftere , ainfi qu'elle Ten pria : ce
qu'il fit la meme annee. Monfitur &c
Madame Arnauld & tout le refte de la
famille enrent auffi part a la charite
de ce bienheureux Prelat, qui leur fit
l'honneur d'aller au commencement de
feptembre paffer quelques jours a. An-
dilly, ou il donna fa benediction a
tous les autres enfans de M. Arnauld
(parmi lefquels etoit le jeune Antoine
Arnauld devenu depuis fi celebre, age
pour lors d'environ fept ans) •, a ceux
de M. d'Andilly , &c a ceux de M. le
Maitre. Ce fut a cette occafion qu'il
predit la mort du petit Francois troi-
fieme fils de M. d'Andilly , qui fe
portoit tres bien : Voila un bel enfant.,
dit-il en le voi'ant , mais il a la mort
dans les ytux.
Trois jours apres il fut
attaque de la petite verole, 6c il en
mourut. Il predit de meme que la pe-
tite Madelaine feroit Religieufe , &c
que M. de Trie fecond fils de M. A'An-
ylr)UiiWdiUy , qui fuivoit alors le barreau ,
feroit d'Eglife; ce qui arriva : Ma
fille ,
dit-il a la Mere Angelique etant
a Maubuifibn, Monfieur de Trie apres
avoir tourne ga & la
, viendra a FEgliJe.
Enfin ce fut entre fes mains , que Ma-
dame le Maitre feparee depuis quelque
terns de fon mari, fit vceu de chaftetc
-ocr page 253-
I. Par.tie. Llv. HI. 9$
perpetuelle,lejourde S..Alexis i6\y."ll
Celt elle qu'il nomme dans fes lettres, l l^'
macherefceur Catherine de Genes.
En meme-tems que la Mere Ange- xiri.
lique perfeveroit dans la ferveur ou gdique'penfc
elle etoit entree par la communica- a quitter fon
tion de M. de Geneve , elle ne perdit „,„'*" dans
point de vue le delTein qu'elle avoirlordre de s.
forme de fe delivrer du poids de fa sai"ss.0ls e
charge. Elle concur encore le delir
d'entrer dans l'inftitut de la Visitation,
& fupplia le Prelat de vouloir bien l'y
recevoir. Il lui en park avec beaucoup
de modeftie & d'humilite ; lui difant
que ce n'etoit prefque pas une reli-
gion. Neanmoins comme elle le pref-
foir beaucoup , il trouva bon qu'elle
en ecrivit a Rome , pour obtenir la*
difpenfe dont elle avoit befoin , patce
que l'ordre de S. Bernard etoit plus
auftere que celui dans lequel elle vou-
loit entrer.
Le faint Prelat l'avoit afTez temoigne
par la reponfe qu'il fit a. la Mere An-
gelique la premiere fois qu'elle eut
l'avantage de le voir. S'etant informc
de la maniere de vivre des Religieu-
fes, elle lui parut fi auftere , qu'il ne
put s'empecher de lui dire : Mafille ,
ne vaudroit-il pas micux ne pas pren-
dre de ji f>ros poijfons t & en prendre da*
-ocr page 254-
9<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
vantage. Mais il fut fatisfait de la re-
plique de la Mere Angelique , qui lui
die que fi elle eut eu a faire une re-
gie , elle penfoit qu'elle l'auroit faite
plus douce •, mais que fe trouvant en-
gagee dans une regie auftere, elle fe
croi'oit obligee de la faire garder au-
tant qu'il lui etoit poffible.
La Mere Angelique ne reuffit ni dans
Pun ni dans l'autre de ces deux projets :
M. Arnauldfon pere fit echouer le pre-
mier, en lui faifant donner pour coad-
jutrice la Mere Agnes (le Drevet fut
expedie au mois de juillet 1619 , les
bulles ne le furent qu'au mois de fep-
tembre de l'annee luivante) au lieu
qu'elle vouloit la faire nommer Ab-
beflTe en fe demettant elle-meme , fous
pretexte de fon fejour a. Maubuiflon.
Pour ce qui eft du defir qu'eut la Mere
Angelique d'entrer dans le nouvel
inftitut de S. Francois de Sales , il pa-
roit que quoique le faint Prelat y eut
d'abord confenti, il changea de fenti-
mens dans la fuite, & ne voulut point
la ravir a fon ordre. Les difficultes qui
fe rencontroient dans l'execution de
ce defTein, luifaifoient juger que Dieu
en avoit de plus grands fur cette ame
extraordinaire (iS) : e'eft ce que le
(»8; Tome I, page 154.
faint
-ocr page 255-
I. Partie. Llv. FIT. 97
faint fondateur de la Vifitation fit i
connoltre a la Mere Angelique dans
une lettre qu'il lui ecrivit de Savoie ,
& qu'elle a long- terns gardee (19) , ou,
ecoient ces paroles remarquables : Je
crois pouvoir vous ajfurer
, de la part
de Dieu , qu'il Je fervira de vous tour
des chofes irnportanus , & d une fa$on
extraordinaire , & que vous ave^ jujet
d''adorer avec une profonde humitiU Its
ordres de Jon admirable providence.
L'union fi particuliere qui fe forma xir.
entre la Mere de Chantal & la Mere JJnion/e Ia
...               r                - .                      re Men- Ange-
Atigeuque , rut une iiute & un eftetikjue & de
de la connoirTance que cette Abbefle1^^'; de
cut le bonheur de faire avec S. Fran-
cois de Sales. Elles ne pouvoient pas
fe dire filles du meme pere, fans
contra&er entr'elles une amitie par-
faite. En efTet, elle etoit fi grande,
que la Mere de Chantal ecrivant a la
Mere Angelique , lui marque que les
fentimens qu'elle avoit pour elle , la
portoient a. croire qu'elles n'avoient
tomes deux qu'un meme coeur. Ce fut
au premier voiage que la Mere de
Chantal fit a Paris Tan i<Jzo, pour
retablifTement du premier monaftere
de fainte Marie , qu'elle vint a Mau-
<i9) Tomell, feconde Panic, premiere Relaciorij
page }04 ,itid, page jii.
Tome /.                        E
-ocr page 256-
98 HlSTOIRE DE PoR.T-RO'lAl.
' 77TZ— builTon voir la Mere Angelique, qu'elle
n'avoit encore vue qu'en efprit, SC
pour laquelle elle avoir beaucoup d'ef-
time. La Mere Angelique avoir de
fon core une relle opinion de la vertu
de Madame de Cnanral, que cerre
fainre Religieufe s'eranr fair faigner
de la main de la Mere Angelique , on
fir fecher de fon fang pour le garder
comme des Reliques. M. de Mau-
pas , Eveque du Puy, enfuire d'Evreux,
aureur de la vie de Me de Fremior de
Chantal, rapporre (zo) que la Mere
Angelique la rerinr pluneurs jours a.
Maubuiflon pour parler a fes filles &c
leur donner des avis. Depuis ce rems-
la, il y eur enrre ces deux grandes
ames
, comme il les appelle , une union
etroire,
x,, T
         Pendanr rour ce rems, Madame d'Ef-
Madame trees , depuis fon enlevemenr de Mau-
i^vioiTnce buiflbn, n'avoit poinr cefle de plaider,
a Maubuif- pour renrrer dans fon Abbaie.Elle droit
chaffi u mT- ace que l'oncroir,fur le poinr de gagner
«c Angelique. fon proces •, mais par un erTer tout
parriculier de la providence, elle de-
truifir elle-meme toures les efperances
?[u'elle pouvoir avoir de fon retablif-
ement. Quelques jours apres le
deparr de M. de Geneve , elle s'e-
(*o; Seconds; Panic, chap. 17,
-ocr page 257-
I. Par tie. Liv. III. 95
cbappa des Filles Penitences , & re-
vint a Maubuiflbn le 1 o fepcembre a
fix heures du matin, efcortee par le
Comte de Sanze , 8c quelques autres
jeunes Gentilshommes accoutumes ay
venir pafTer leur terns.
Une des pottes lui fuc ouverre par
Madame la Serre , l'une des anciennes
Religieufes. Le Confeffeur nomme D.
Sabbathier qui etoit du parti de Ma-
dame d'Eftrees, voulut perfuader a la
Mere Angelique de fe retirer, & de
ceder a la violence; mais la Mere An-
gelique lui repondit avec fa fermete
ordinaire , & le traita comme le me-
ritoit le perfonnage odieux qu'il n'a-
voit pas honte de faire. Enfin la Mere
Angelique , apres beaucoup de paroles,
de vaines follicitations , de debars ,
fut forcee de fortir de l'Abbaie. Ma-
dame d'Eftrees 8c fa confidente vou-
loienr empecher que perfonne ne fortit
avec elle, mais leurs efforts furent
inutiles. Ses quatre Religieufes de P.
'R. la fuivirent,avec trois des anciennes
Religieufes de Maubuiflbn , Madame
des Marets, Madame du Puis, Mada-
me du Chevet, onze novices a qui la
Mere Angelique avoit donne l'habit
depuis peu, 8c toutes les poftulan-
sces qu'elle avoit revues. Toutes ces
Eij
-ocr page 258-
—--------------------------
100 HlST0IR.fi DE PoRT-ROYai.
Ig filles fuivirent leur mere , fans que
ni la craince, ni les epees nues puf-
fent les en feparer. II ne demeura
dans la maifon que la feule profefle
qu'elle avoit aula rec,ue depuis peu ,
parcequ'on lui avoit fait entendre
qu'elle commettroit un pechc mortel
en fortant, a caufe de fon voeu de clo-
ture , mais elle fut fi touchee de voir
partir la Mere , qu'elle s'evanouit de
douleur.
Xiv.
        Apres que la Mere Angelique fut
ta Mere An- fortie de l'Abbai'e de Maubuillbn avec
ureli'pntoi-toutes fes filles au nombre de 54 oil
fe«               j 5, elle fe trouva fans afyle, & fans fa-
voir ou aller. Mais celle qui n'avou ja-
mais etc furprife dans les occafions
3ui Tont obligee de dependie de la
ivine providence , ne le fut point
encore en celle-ci. Apres s'etre adref-
fee a Dieu pour lui demander fes
lumieres , elle refolut d'aller avec toute
fa fuite a Pontoife. Elle fit ranger
toutes fes filles en ordre , & les
fit marcher comme en proceflion, les
poftulantes les premieres , les novices
apres, & les fept profefTes les dernieres
avec elle5 toutes aiant leurs voiles
abaiites & les mains jointes , avec
autant de modeftie & de recueillement,
v que fi elles eufTent, fait la proceflion
-ocr page 259-
I. Par.tie. Ltv. HI. io\
dans leur cloitre. Etant arrivees a Pon-
roife , elles entrerent dans la premiere
Eglife qu'elles renconrrerenr. Cetoit
celle des Jefuires. Ces bons Peres en
ai'ant eu avis , vinrent auffi-tot les re-
cevoir avec des temoignages exterieurs
de civilite & de refpedl. Elles y direnc
les vepres routes enfemble.
Le bruit de cette nouvelle s'etanc
repandu , les Carmelites propoferent
de retirer routes les Religieufes pro-
fefles; les Urfelines demanderenr les
onze novices , & l'Hotel-Dieu ofFric
de les recevoir toures. Mais la Mere
Angelique les remercia tres humble-
ment; &c apres avoir delibere fur le
parti qu'elle avoit a prendre, elle ac-
cepta l'offre de M. le grand Vicaire
dePonroife qui leur ceda le vicariat,
oil elles allerentproceflionnellement,
comme elles avoient fait enarrivanti
la ville. Tout le monde fortoit des
maifons pour les voir pafler, & la.
plupart fe mettoient a genoux pour
marquer combien ils etoienr edifies
d'un fpe&acle fi nouveau & fi touchant.
Elles fe logerent done dans la maifon
de M. le grand Vicaire , qui fe retira,
pour la leur laifler libre. Des perfon-
nes charitables de la ville leur en-
voierent des meubles, de la vaifTelle >
£ iij
-ocr page 260-
------------------------,--------------------------
101 HlSTOIRE DE PoRT-RO*lAt,
' j ^        & de l'argent *, fur quoi la Mere An-
gelique difoit qu'elle avoit eu une
vraie joie de fe voir reduite a recevoir
l'aumone en vraie pauvre.
En un moment routes ces filles fe
trouverent dans le grand vicariat, aufli
tranquilles que dans leur cloitre. Cha-
cune prir la place qui lui etoit mar-
quee , & y fit fes exercices de piete
avec une attention & un filence ad-
mirables.
Le lendemain on leur dit la MeflTe
dans la Chapelle , & la Mere Ange-
lique y communia. Elles chanterenc
vepres, auxquelles quantitc de per-
fonnes affifterent. Elles firent enfuite
l'oraifon; & chacun admiroit la fa-
getfe de rant de jeunes filles , qui leur
paroiffbient des Anges par leur mo-
deftie. On ne pouvoit voir fans eton-
nement que tant de fujets de diftracYion
ne troublafient point l'efprit de re-
traite & de mortification , dont leur
digne AbbeflTe leur avoit infpire l'a-
mour & la pratique.
MeLTi'tre! Pendant qu'elles attendoient dans
Maubuilfon. cette profonde tranquillite le fecours
de Dieu , le Portier de Maubuiflbn ,
que les gens de Madame d'Eftrees
avoient maltraite, etoit alle a.Paris in-
former M. Arnauldde ce qui fe patient,
-ocr page 261-
I. PARTII. Liv. lit. 10$
II ne le trouva pas, parceque comme idy?
on etoit en vacances, il avoit pris ce
tems pour aller a P. R. ; maisM. de
Trie ion fecond fils fit autant de di-
ligence qu'auroit pu faire M. fon pere*
II s'adrella a la Chambre des Vaca-
tions , &c en obtint des le lendemain
un Arret pour enlever de nouveau Ma-
dame d'Eftrees & retablir la Mere An-
gelique. En meme-tems on eut un
ordre qui commandoit a M. de Fontis
Prevot de l'Ifle , de fe tranfporter in-
continent a MaubuilTon avec fes Ar-
chers. II arriva le 11 feptembre a cinq
heures avec 250 homines & inveftit
la maifon de Maubuiflbn, d'oii Ma-
dame d'Eftrees avoit trouve le fecret
de fortir traveftie , par une porte du
jardm.
Le Confefteiu , r>. Sabbathier, aianc
fame les murs, alia fe rerugier chez les
Jefuites fes bons amis. Le Prevot laifTa
150 hommes defes Archers pour gar-
der I'Abbaie, & fe rend'it fur les dix
heures du foir a Pontoife avec le refte
defaCompagnie , pour rendi° compte
de fa commiflion a la Mere Angeli-
que : aufll-tot elle donna ordre •* fa
filles de partir. Ce fut un nouvtau
fpeclracle pour la ville de Pontoift
qui y accourut en foule. Tous les
Eiiij
-ocr page 262-
104 HlSTOIRE BE PoRT-RoYaI,
Cures de la ville & les Ecclefiafti-
ques s'y trouverent, & voulurent ac-
compagner cette proceflion. Les trente
filles de la Mere Angelique y mar-
choient en ordre deux a deux, & a
cote d'elles deux rangs d'Archers a
cheval, qui portoient chacun un flam-
beau a la main & le moufquet fur
l'epaule. La Mere Angelique marchoit
apres, & a cote d'elle le Prevot de
l'lfle & un nombre de gardes qui
l'efcortoient , parcequ'on craignoic
pour fa perfonne la violence de ces
Gentilshommes qui tenoient le parti
de Madame d'Eftrees. Toute la ville
les fuivoit avec des lumieres , Sc Ton
ne vit jamais une plus celebre procef-
fion que le fut celle-la par la nouveau-
re, & la piete des perfonnp* ittl /
fetvoient de fpedbrU aux autres. Elle
marcha dans cet ordre jufqu'a Mavt-
buiflon, ou la Mere Angelique rentra
avec routes fes filles. Les Archers ,
apres une redierche exacle, mais inu-
tile ce jour-la , decouvrirent le lende-
main Madame la Serre complice de
Madane d'Eftrees ; ils fe faifirentde
fa perfonne & d'une caflette de Ma-
dame d'Eftrees ou il y avoit des pa-
pers importans. Le Prevot voiant
qu'il n'y avoir plus rien a faire , fe
-ocr page 263-
---- -----------------
I. Partii. Liv. III. 105
retira au bout de deux jours , & lairta ,
50 Archers pour faire garde autourde
l'Abbai'e. lis y refterent fix mois Sc
ecarterenr peu-a-peu les gens de Ma-
dame d'Eftrees, qui venoienc infulter
la Mere Angelique , & tiroient nuit
Sc jourjufques dans les fenetres; mais
la Mere Angelique ne fut entierement
hors d'infulte & de danger , que lorf-
qu'on eut renferme Madame d'Eftrees.
Elle le fut a diverfes reprifes & s'e-
vadaautantde fois ; enfin apres avoir
mene une vie fcandaleufe, elle mou-
rut miferablement dans une petite
maifon d'un faubourg de Paris*
Apres tant de peines & d'afflictions * v*■ „
par lelquellesDieu avoir eprouve laMe-Amauld.
re Angelique, fur la fin de cette annee,
il lui enenvoia une autre bien plusfenfi-
ble. Ce fut la mort de M. Arnauld fon
pere , qui arriva le 19 decembre. Tout
P. R. reffentit dans ce trifle evene-
ment la perre d'un pere commun. Pen-
dant les 3 o jours que dura fa maladie,
la Mere Angelique etoit continuelle-
ment en prieres, demandant a Dieu
fon falut beaucoup plus que fa fame;
Elle ne pouvoit prefque prendre de
repos ; elle s'eveilloir fouvent la nuit
en difant fans cefle : S ahum fac fer-
yutn tuum y
Seigneur , fauvez votre
E v
-ocr page 264-
-------------------------------------------
IO(J HlSTOIRE M PoRT-ROlAI^
-------— ferviteur •, & autant de fois qu'elle le
l"I9- difoit, la foeur Ifabelle de Chateau-
neuf, qui etoit couchee aupresd'elle ,
ne manquoic point de repondre, Dcus
metis fperantem in te
, qui efpere en
vous, 6 mon Dieu. Les fentimeiis
vraiment chretiens que M. Arnauld £t
paroitre au lit de la mort, peuvent
bien etreregardescomme les fruits des
prieres &c des larmes de la Mere An-
gelique; 8c il y a lieu de prefumer
que Dieu, qui l'avoit choifie pour etre
l'inftrument du falut d'un grand nom-
bre , & principalement de fa famille ,
l'a exaucee par rapport a cet incom-
parable pere. Les derniers fentimens
de M. Arnauld ont etc recueillis dans
une petite relation qui en fut faite.
alors fous le titre de Vaux de M. Ar-
nauld.
xvii. Nous avons deja dit qu'avant fa mort
taMere An- j[ avoitobrenu un bref decoadjutorerie
gelique via . , . .             , rv t»                    i
p. r. pour de 1 Abbaie de P. R. pour la Mere
faoifeiSondde Agnes > ^es Mfes n'en furent expe-
u coadjmo-diees qu'au mois de feptembre i6zo ,
J"^ * !* Me* a caufe de quelques difhcultes auxquel-
1610. ^es oncroit que les Peres Jefuites eu-
rent bonne part, La Mere Angelique
alia expres a. P. R. pour mettre la Mere
Agnes en poflTeflion de lacoadjutorerie.
On avoir eu befoin de la preparer a
___
-ocr page 265-
------------------              -------------------------------------------------~
I. Partie. Liv. iff. 107
accepter cette charge, & le bienheu- "T? _
reux Eveque de Geneve avoit rait
pour cela un vo'iage a P. R. des l'an-
nee precedente. Cela n'empecha pas
que quand le tems fut arrive, elle
n'eCtt beaucop de peine a s'y foumettre.
Elle prit pofleflion avec les formalites
ordin aires ? au grand contentement de
toutela maifon. Comme c'eft unedes
ceremonies qui s'obfervent, que la
Coadjutriceouvre les livres du choeur;
par un evenement qui fut regarde
comme un heureux prefage , a 1'ouver-
ture de l'antiphonaire elle romba fur
cette antienne , IJiifunt dux oliva 6*
duo candelabra lucentla ante Domi-
nium : Ce font deux oliviers & deux
chandelier* qui brulent devant le Sei-
gneur.
Dans le moment la Mere Agnes
dit a la Mere Angel ique nous Jewns
deux,
pour lui faire entendre qu'en
la faifant fa coadjutrice, elle ne feroit
pas pour cela dechargee de fon Abbaie
comme elle fe l'etoit propofc. L'eve-
nement repondit afes efperances. Apres
que la Mere Agnes eut pris poffellion
de la coadjutorerie, la Mere Angelique
la laiffa exercer fa nouvelle autorite ,
dont elle etoit d'autant plus digne
3u'elle avoit appris a obeir avant que
e commander j 8c la Mere Angelique
E vj
-ocr page 266-
IO? HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl."
l620> retourna a MaubuilTon ou elle demeur*
encore trois ans, mais portanttoujours
malgre fes repugnances le poids de fa
dignited'AbbelTedeP.R.
xvm. Enfin apres cinq ans de travail dans
eleii5rpe?£cene Abbaie, la Mere Angelique eut
a rcioumer a la joie de s'en voir dechargee par la
nomination de Charlotte de Bourbon
1613. SoilTons , fille de Charles de Bourbon
               ,
Comte de SoilTons &c de Dreux , fils
puine de Louis I, Prince de Conde.
La Mere Angelique avoit travaille a
cette nomination , pour voir , comme
elle le dit, ce quife pourroit ejperer de
fa conduite, & pour menagcr douctmtnt
Jajcrtie, hant ennu'iee d'etre Ji long-terns
en tin lieu ou il y avoit pen d'appa-
rence ditablir les cJiofes folidtmenti
Des que Madame de SoilTons fut ar-
rived a MaubuifTon , la Mere Angeli-
que s'appliqua de fon mieux a gagner
1'efprit de cette Dame, afm de la porter
a maintenir le commencement de re-
forme qu'elle y avoit etabli avec tant
de foins & de peines. Mais une Re-
ligieufe nominee Madame Bigot en-
nemie de la re forme, & qui avoit beau-
coup de credit fur 1'efprit de Madame
de SoilTons Tempecha d'entrer dans
les vues de la Mere Angelique ; ainli
tjuoi qu'elle put faire, elle ne reuffit
-ocr page 267-
If Par Tie. Llv. 111. 109
point a gagner la confiance de Mada- I^z»,
me de Soiilbns. Sa complaifance 8c
fon attention pour elle allerent pour-
tant jufqu'a luifervir de garde jour &
nuit pendant qu'elleeut la petite verole,
& a lui rendre routes fortes de fervices,
jufqu'a ce qu'elle-meme fut attaquee
de ce mal contagieux. Elle en fut dan-
gereufemenr maiade, & il lui en refta
un mal fur un ceil, dont elle n'a pu
ctre guerie que par miracle- La Mere
Angelique voi'anr done cette mefintel-
ligence, qui ne venoit pas tant de
Madame de Soiflbns que de la Reli-
gieufe qu'elle avoit amenee avecelle,
demanda permiflion a. M- de Citeaux
de fe retirer.
Pendant les cinq ans que la Mere xix.
Angelique demeura a MaubuifTon, ^"e a™?
elle y recur trente - deux filles aflez r^ues la fui:
pauvres des biens de la terre, puif- vem"
qu'elles n'avoient routes enfemble
que 500 livres de penfion , mais tres
riches en vertu & dont la vocarion-
etoit bien marquee. Lorfqu'elle fut
prete a partir pour retourner a P. R.,
ces bonnes, filles donr neuf avoiens
fait profeflion entre fes mains & dis
avoienr re$u i'habit , fe jetterenr a fes
pies &c la conjurerenr de les emmener
avec elle.Il lui fut impoflible de refufer
-ocr page 268-
_„_______-----------,------1-----------------——'--------'-------                           T"?
110 HlSTOIKB DE PoRT-fco'lAL.
"7T\ cette grace a leurs prieres & a leurs
larmes. Elle ecrivit aux Religieufes
de P. R. pour s'aflfurer fi elles auroient
le courage de faire part de leur pau-
vrete a trente filles. Elles repondirent
par une lettre fignee de toute la corq-
munaute, & qu'il feroit a fouhaiter
qu'on eut confervee, qu'elles rece-
vroient avec plaifir tout ce qu'elle %
leur ameneroit. La Mere Angelique
envoi'a cette reponfe a M. de Citeaux
en lui demandant permiffion d'em-
mener ces trente filles ; ce qui lui fut
accorde. Elle fe difpofa done a partir,
mais auparavant elle ecrivit a Mada-
me fa mere , &c la pria de lui amener
tin nombre fuflifant de carofles pour
tranfporter ces trente filles. Madame
Arnauld ne manqua pas d'arriver au
jour marque. Comme la Mere Ange--
lique etoit obligee de paflTer par Paris
Sc de s'y arreter en retournant a, P. R. ,
elle fit partir fes filles devant elle, &
de crainte que leur arrivce ne fur un
fujet de dimpation dans la mailon,
elle leur ordonna qu'auflitot qu'elles
appercevroient le haut du clocher de
deflus la montagne , elles diflent tou-
K. 40. tes enfemble ce verfet , Pone Domi-
ne cufiodiam ori mto & ojlium circum-
fiamiee labiis mtis j.
mettea, Seigneur,.
-ocr page 269-
I. Par tie. Llv. Ill, in
une fentinelle a ma bouche, 8c une           
garde a la parte demes levres ; &que          ^*
des ce moment la porte de leurs le-
vres demeureroit fermee jufqu'a. ce
qu'elle-meme la vine ouvrir. Ces bon-
nes filles executerent fi poncluellement
les ordres de la Mere Angelique, que
chacune mit fur fa manche un morceau
de papier fur lequel fon nom etoit
ecrit, afin qu'on les put connoitre.
Elles arrrverent ainfi a P. R. le 5 mars
1623. Elles n'abordoient qu'entrem-
blant une maifon qu'elles venoient s
pour ainfi dire , affamer. Mais elles y
furent revues avec une joie qui leur
fit bien voir que la crmrite de la
Mere s'etoit communiquee a toutes
fes filles. Le jour de leur arrivee a P.R.
fut un jour de fete pour la Mere Agnes
& pour route la communaute; & on
peut dire d'elles en cette occafion ce
que S. Paul dit des fideles de Mace-
doine, que leur profonde pauvrete re-
pandit avec abondance les richeffes de
leur charite(incere.
Non-feulement elles
ouvroient les bras de bon cceur pour
recevoir ce grand nombre de filles 3.
mais encore, commefi e'eut ete elles-
memes, qui euflent rec.u une grace
extraordinaire , elles chanterent le 7V
JXium. en allant recevoir 6c embracer
-ocr page 270-
Ill HlSTOItU BE PoRT-fcOl'At.
,2 " ce prefent que Dieu leur faifoit, pouf
enrichir de plus en plus leur maifort
da trefor inepuifable de la pauvrete.
LIVRE QUATRIEME.
taMere An- JLj A Mere Angelique fe rendit a P. R.
geiique de re- \e n ou 11 de mars , & fur recue
avec une joie qui ne pent s expn-
mer (i). En arrivant elle delia la lan-
gue de ces trente muettesquin'avoient
pas dit un mot , depuis le moment
qu'elle leur avoit ordonne de garder
le filence. Ce grand nombre de filles
qui augmenta n fubitement la com-
munaute de Port-Roial , y caufa un
renouvellement & un accroiflsment
Fetveut du de ferveur. Le nouveau noviciat de
J^'111 e Maubuiflbn ne fe relacha en rien a;
P. R. : au contraire toutes les perfon-
nes dont la charite &c les lumieres
pouvoient clever les ames a une plus
grande perfection^ etant reunies par le
retour de la Mere Angelique, de la
Soeur Ifabelle Agnes , & de la Sceur
Marie Claire, avec la Mere Agnes, elles
formerem comme une confpiration de
Ji)V«e»UfeeendePactie, prtiai«reR,<lfni»n>8, w
-ocr page 271-
------------         ------------------
I. Par tie. Llv. IV. n j
~*
fcele , pour porter encore plus loinl'ar- —r—-
deur de leur charite Les trois dernie-
          *'
res s'afTembloient fouvent pour de-
liberer enfemble fur les moiens qui
pourroient contribuer a perfe&ionner
cette ceuvre de Dieuqui etoit l'unique
objet de leurs foins •, & lorfqu'elles
avoienc juge que quelque chofe pou-
voir y etre utile, elles alloient le propo-
fer a la Mere Angelique qui l'approu-
voit par fon autorite , ou le modifioit
par fa prudence. Elles crurent qu'il
etoit a propos de fupprimer les con-
ferences qui fe raifoient , quoi-
3u'elles ne fuflent point de la regie
e S. Benoit. Les Capucins qui avoienc
^ue' la Mere Angelique au commen-
cement de la reforme , les avoient fait
etablir , & l'ufage de tous les ordres
nouveaux les faifoit croire necelTaires.
.Mais l'amour du filence & l'efprit de
priere qui regnoient alors dans P.R.Jes
rendoient inutiles a des perfonnes,
clont la converfation continuelle etoic
dans le ciel. Ainfi elles n'eurent au-
cune peine a quitter ces entretiens,
qui|fontfouventplus a charge a la piete,
qu'ils ne foulagent la nature.
Outre les filles que la Mere Ange- r n'
l-                                    i~ y ,, , •rr& "commit*
lique avoir amenees de Maubuillon,name sang-
elie en rejut encore plufieurs autres. mem,'
-ocr page 272-
H4 Histoire nt Port-roYai;
A peine fut-elle de retour a P. R. que
cinq Religieufes du Paraclet, ordre de
Citeaux , Diocefe d'Amiens , lui ecri-
virent pour la prier de les recevoir
avec une autre qu'elle avoir deja re-
^ue •, ce qu'elle leur accorda de bon
cceur. Elle en recjut encore trois de
S. Antoine des champs. Enfin le nom-
bre des Religieufes s'accrut jufqu'a,
80 dans une maifon qui n'etoit fondee
que pour douze, & qui d'ailleurs etoit
tres incommode & tres reflferree par
fa fituarion . Mais certe maifon eiroite
& pauvre devint tout d'un coup large
& riche par l'etendue de la charite de
celles qui vouloient bicn Atre incom-
modees pour foulager les aun^a.
» Nous vecumes de la forte trois ans,
« dit la Mere Angelique , ne man-
» quant de rien & aiant plus de fa-
»> cilite a vivre quatre-vingr fans que
» notre revenu rut accru , que nous
»» n'avions n'etant que treize ou qua-
» torze (1). Non-feulement elles ne
manquerent pas du necetTaire, maii
meme elles avoient au-dela de leur
befoin •, ce que la Mere Angelique
prouve par l'exemple fuivant : Aiant
veqxx deux mille hvres de dot d'une
fille qui fit profeflion en ce terns-la. ,
(t) Tome I. fecoade Relation, page jia, n. 1$.
-ocr page 273-
I. Par tie. Liv. IK 115
la communaute preta cette fomme i -
une perfonne de Paris qui leurrendoit
         *'
quelques fervices,pour acheter une mai-
ion qui lui aidat a pourvoir tous fes
enfans. Quel prodige 1 une Abbai'e
qui n'a que fix mille livres de rente
nourric & entretient quatre-vingt Re-
ligieufes, & eft en etat de pteter de
l'argent -, quel trait de providence 1
Mais Dieu qui avoit fi fort multi-
plie le nombre de ces faintes filles ,
pour eprouver leur foi, le diminua
bientot apres •, car en deux ans il en
mourut quinze , dont la vie pleine de
bonnes oeuvres fut fuivie de la mort
la plus edifiante.
La generofite avec laquelle la Mere 11 r.
Angelique recut les trente Religieufes con™°lU
de Maubuiflbn dans fon Abbaie de avec m. de
P.R. lui merita une lettre de M. de SaUlt Cj,ran'
S.Cyran. Desl'annee 162.0, M. d'An-
dilly etant a Poitiers avoir fait con-
noiflTance avec lui, 8c l'avoit enrre-
tenu depuis. Il paroit mcme,parune
lettre de la Mere Angelique, que M.
d'Andilly lui avoit des-lors procure
cette connoiflance fi avantageufe,
qu'elle lui ecrivoit & recevoit de fes
lettres : » J'ai recu , dit-elle, ecrivanc
a M. d'Andilly le 7 Janvier 1611 y
« la lettre de M. de S. Cyran s avec
i
-ocr page 274-
-----------------------------------------------------------------------.----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------■ - - --------------------------------------
It<J HlSTOIRF. DE PORT-RoYAi;
* TTT", " une fatisfac"tion qui ne fe peut dire.;
»» Je vous remercie de rout mon cceur
» de m'avoir procure le bonheur d'une
» fi faince connoilTance. Je lui ecris
*» un mot que vous lui ferez tenir &c.
Ce pieux Abbe connoiflbit aufli Ma-
dame Arnauld , & fe trouva avee elle
lorfqu'elle re^ut la lettre par laquelle
la Mere Angelique la prioit de lui
amener des carotfes pour conduire les
filles de Maubuiflbn a P. R. Madame
Arnauld lui aiant dit les raifons da
tranfport de ces filles , il admira cette
aftion comme il admiroit toutes les
oeuvres de Dieu , & fat fi frappe de
la charite de la Mere Angelique qu'il
lui ecrivit quel que terns apres pour
Ten remercier , comme s'il eut ete le
pere de toutes ces filles •, & des-lors ,
dit la Mere Angelique, Dieu lui don-
na de la charite pour rnoi. La lettre
eft datee de Chartres du 4 juillet 16 z 3.
11 s'y recommande aux prieres de la
Mere Angelique & a celles de fes
quatre fceurs Agnes , Marie , Anne, Sc
Madelon (3).
t v.
           Celle-ci qui etoit la cadetre de tou-
triX^ fourtes > aPr^s avoir d'abord declare qu'elle
ds la Mere ne feroit jamais Religieufe, Forma
SadTntout-d-un-coup le derTein de l'etre, £
fe fait Rcli- (,) Tome I. premiere Relation .page i$<j.
gieufc,
-ocr page 275-
I. Partie. Llv.lF. 117
1'occafion d'un fonge, dans lequel
Sainte Madelaine fa patrone lui ap-
parut dans le fond d'un defert tout
{)lein d'epines, lui tendant la main, 8c
ui faifant figne de venir a elle; s'en
etant approchee elle lui montra unhabic
blanc de Religieufe qu'elle tenoit d'une
main, & de l'autre du beurre pour
marquer la nourriture des Religieufe?
qui one embralfe I'abftinence de vian-
de (4). La Mere Angelique , qui faic
mention de cette viiion dans une 00
cafion ou elle temoigne combien les
voies extraordinaireslui font fufpe&es,
ne revoque point celle-ci en doute ,
parce qu'elle a ete juftifice par l'eve-
nement 8c connue long-tems auparar
vant. Car la petite Madelaine Arnauld,
agee pour lors d'environ onze ans ra-
contoit fon fonge a. tout le monde, 8c
difoit toujours depuis , qu'elle feroit
Religieufe, comme elle le fut en effet,
On attribua ce changement fubit aux
prieres d'une bonne fille qui avoir
fort envie d'entrer en religion. Elle
etoit femme de chambre de Madams
Arnauld qui la mena un jour avec elle
a Maubuiffbn, Elle temoigna fon de-
fir a !a Mere Angelique 8c lui fit en
pleurant de grandes inftances pout
/<) Tonic IJ. page 3408c fyfrf
-ocr page 276-
tl8 HlSTOIRE DE Port-R.01 Al-
ette re^ue. La Mere Angelique lui dit:
*" AUt\ ma fille , pleure^ aupres de Dim,
& le prie^ bitn qu'U fajje la grace a
ma faur Madelon d'etre Religieufe
,
alors je vous promets que jt vous rece-
vrai avec ellt.
Cette fille fut confolee,
& fe retira dans le deflfein de bien prier
Dieu comme la Mere Angelique lui
avoit dit, puifque fon bonheur etoit
attache a. cette condition. II y a ap-
parence qu'elle le fit avec grande foi,
puifque des la nuit meme elle fut
exaucee. Car ce fut dans cette meme
nuit que la petite Madelon eut cette
apparition & qu'elle penfa a etre Re-
ligieufe. Madame Arnauld qui favoit
ce qui s'etoit paffe a. Maubuillbn ,iiit
fort etonnee a fon retour que l'effet
eut fitot fuivi le defir de la Mere An-
gelique & les prieres de cette bonne
fille , qui entta a Port-roial quel-
que terns apres la mort de Monfieur
Arnauld. Elle y a ere Religieufe
fous le nom de Sceur Antoinette de
Sainte Eulalie. Pour la petite Arnauld,
elle demeura encore deux ans dans le
monde depuis qu'elle eut pris la re-
folution d'etre Religieufe. Elle y fut
autant caredee que jamais , mais rien
ne fut capable d'ebranler fa fermete;
& elle fit voir comme elle l'avoit af-
-ocr page 277-
-------------------------------------_-. -------------------------------_-----------------»—
I. Partie. Liv. IV. tig
fure, par une perfeverance de plufieurs ■          "■"
mois & de plufieurs annees, qu'un 2*'
changement fi prompc n'etoit pas l'ef-
fet de la legerere d'un enfant, mais de
la puiffance de 1'efprit de Dieu. Elle
prit I'habit avec une grande ferveur
en 1624 a l'age de quinze ans , &
paffa de meme fon noviciat : elle fit
profeflion l'annee fuivante 1615, la
communaute ecant deja transferee a
Paris , ou elle mourut le 3 de fevrier
1649.
Peu apres le retour de la Mere An- v.
celique a P. R. M. de Virazel grand ,.^°rme <Je
Fredicateur , depuis bveque de Saint Lys.
Brieux , &c le P. Euftache de S. Paul
Feuillant, vinrent a. P. R. le 17 de
juillet de la part de Madame de la
TremouilleCoadjutricede 1'Abbai'e du
Lys au Diocefe de Sens , demander
deux Religieufes ; l'une pour etre
Prieure, l'autre pour etre Maitrefle
des novices. La Mere Angelique Ar-
nauld pleine de zele pour le ialut des
ames , donna pour Prieure la Mere
Anne Eugenie de l'lncarnation fa fceur, La Mere Eu-
& pour Maitrefle des novices la Sceur £e"!!,;le' in*
r. .                      _ .                      ... carnation Ar»
Marie des Anges Suireau , qui a depuis nauid, & u
ete Abbefle de Maubuiflbn (5). Ces£^n;
deux excellentes filles vinrent demeurer fomenvoicet
(j) Tome I. douziemc Relation , page 19G,
-ocr page 278-
fclO' HlSTOIRE DE PoRT-ROiAt."
a P. R. vers le meme cems, & s'y dif-
tinguerent egalement par leur regula-
rity &c leur piece. La Mere Marie des
Anges Suireau y fut re^ue par un effet
particulier de la providence, qui me-
rite d'etre rapporte ici. II y avoit a
Chartres trois filles de famille aflez
riches qui voulurent venir a P. R.
La. Mere Marie des Anges, qui n'a-
voit que feize ans , & qui avoit de-
fire des le berceau d'etre Religieufe >
n'ofoit venir avec les autres , parce-
que M. fon pere quoique Avocat &C
de bonne famille , etoit fort pauvre S>C
charge d'enfans. Comme ces trois filles
de leur connoilTance alloient partir ,
quelqu'un lui confeilla (6) d'envoi'er
ia fille avec elles , au hafard d'en re-
venir. Il le fit, & fuot quelles furenc
arrivees a Port - roi'al le 11 avril
1615 , la Mere Angelique fixa fes
yeux fur la jeane Suireau , quoiqu'elle
marchat la derniere, & a l'inftant ellc
dit a une Sceur qu'il n'y avoit que
cette petite qui demeureroit; ce que
levenement juftifia. Des-lors , dit la
Mere Angelique (7), la devotion t
la
(«) Ce fut f felon la    avoient fouvent parl£
Relation de la vie de la   d'elle a la petite Marie ,
Mere des Anges) des Ca     qui donnerent ce confeil.
pucins qui connoifToient (7) Seconde Relation de
ia Mere Angelique, ft;   Ul. Pjole,T. Ivp. 301.
modejlie £
-ocr page 279-
I. Partte. Liv. IF. hi
'mode/lie, la douceur & Vhumiliti etoient "Z x
peintes Jur Jon vijage , & nouslavons
trouvee {elle des le premier jour qu 'elle
eft. a pref'ent a Regard de ces vertus.
Elle
fit profeflion le \G avril \6i-t. M. fon
pere mourut pendant fon noviciat. Sa.
fille ainee fut fi touchee de fa mort
qu'elle refolut d'etre Religieufe, & le
fut a P. R. Elle s'appelloit Margue-
rite Erifque de l'Afcenfion , elle mou-
rut le 3 fevrier 16 5 5. La mere ai'ant ma-
rie une troifieme fille qui reftoit, vint
a P. R.ou elle fervit en qualitedeTour-
riere avec beaucoup d'humilite 8c de
charite. Cette fille ai'ant beaucoup de
peine d'etre privee de fa bonne mere 8c
de la voir comme reduite a fervir,
ftrit occafion d'une fievre quarte qui
ui furvint, pour la venir chercher.
Des qu'elle fut guerie, elle revint, 8c
apprit que Madame Arnauld vouloit
etre Religieufe & qu'elle le feroit
bientot. Cela lui donna une extreme
joie, ai'ant cru jufques-la qu'on ne
recevoit
point de veuves, fi- tot elle
demanda a. etre recue Sceur converfe;
ce qui lui fut accorde', 8c elle fut
nominee Sceur Marie de Natalie Fref-
nol. Lorfqu'elle eut fait fon noviciat
dans une humilite & une ferveur in-
comparables , elle mourut de mcme
Tome I.
                              F
-ocr page 280-
----------------------------------------------
IZi HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
neuf jours apres fa profeffion le io
o&obre 1614. Des qu'elle fut entree
en religion, elle racontoit a la Mere
Angelique , qu'etant enceinte de fa
fille Marie des Anges, elle avoit eu des
fentimens particulars de devotion, &
elle attribuoit cette grace a. fon enfant
qu'elle croioit que Dieu aimeroit, De-
puis la voi'ant des fon enfance portee
a la piete , elle fe confirma dans cette
penfee & l'aimoit extremement.
Cette chere fille etoit deja au Lys
lorfque fa mere fe fit Religieufe a.
P. R. , de forte qu'elle n'eut pas la fa-
tisfaction de la voir en religion. Elle
n'en temoigna jamais aucun regret ni
a la vie ni a la mort, etant toute ab-
forbee en Dieu & feparee des creatures.
La Mere Marie des Anges alia done
au Lys pour travailler a la reforme de
cette inaifon, avec la Mere Anne Eu-
fenie de l'lncarnation & y arriva le 18
e juillet 1623 (3). Elles y foufFri-
qui on en confia le foin,
He qu'elle prit une cntiere
confiance en elle. L*
Prieure la gagna a Dieu ,
6c elle mourut dans de
grands fentimens de re-
ligion 8c de confiance en
la mifericorde du Sei-
gneur , peu apres le depart
du Lys de la Mere Eugenie.
Tcme I. 4e. Relat, /"<£C
}8j <y }8f, n. Jit.
(g) Une Religieufe,
nominee Gibert, qui e-
toit d'un naturel fort vio-
lent , apprehendoit tel-
lement la reforme, qu'el-
le tomba malade a I'arri-
vee des deux Religieufes
de P. R. ; enforce qu'elle
ne put venir les recevoir
avee les autres. Mais Dieu
woulut qu'elle fe liat d'af-
fsiiion avec la Prieure &
_^_o-____yu _.....
-ocr page 281-
L Part is. Llv.1V. nj
tent pendant trois ans avec patience r
toutes fortes de peines , fur- tout dans
les commencemens, que Madame de
la Tremoille avoit peu d'autorite , par-
ceqa'une ancienne Abbefle lui diibu-
toit fes droits. Elles foutenoient la fati-
gue de l'office le pur & la nuit, quoi-
que ties mal nourries , & obfervoient
1'abftinence qu'on ne gardoitpoint dans
cette maifon.
La M. Angelique vint elle-meme au
Lysaumoisde fevrier de l'annee 1615 1611,
accompagnee de la M. Angelique de S.
Agnes de Marie dela Falaire, & de la
Mere Genevieve de S. Auguftin Tar-
dif (9).Elle ne fepropofoit d'y refter que
quelques jours, mais y etant tombee
malade , elle rut obligee d'y demeurer
jufqu'au mois de mai. Pendant ce fe-
jour , elle aida beaucoup de fes confeils
Madame de la Tremoille, qui en etoit
coadjutrice. Elle avoit un proces au
grand Confeil contre l'ancienne AbbefTe
dont on vient de parler, qui etoit inter-
dite a caufe de fa conduite dereglee, &
qui pretendoit neanmoins rentrer dans
fes fonclions. M. de Dray Prefident au
grand Confeil, & oncle maternel de la
M. Angelique etant venu au Lys,elle lui
expofa Taffaire de Madame de la Tre-
(ff) Tome I. 4e ReIatioa,page3Si.
F ii
___._
-ocr page 282-
1Z4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
moille , dans laquelle il entra fi bien
qu'il' lui fit gagner fon proces. Mais
la Mere Angelique n'en demeura pas
la •, elle fit entendre a Madame de la
Tremoille qu'il falloit reparer les de-
fauts de fon entree qui n'etoit point
conforme a. l'efprit des faints canonsj
& apres lui avoir fait prendre les me-
fures necefTaires pour cela, elle lui
park avec force fur fes obligations 8c
fur la neceffite indifpenfable de les
remplir. Madame de la Tremoille, qui
aimoit tendrement la Mere Angelique
& qui avoit beaucoup d'eftime pour el-
le , ecoutoit avec grande attenrion tout
ce que fa charite & fon zele lui dic-
toient, &c a. la conclufion du difcours ,
elle lui donna les marques les plus
tendres de fa vive reconnoiflance.
Pendant le fejour de la M. Angelique
au Lys, une Religieufe que l'ancienne
Abbelle avoit re^ue fans vocation, 8c
qui refidoit dans un Prieure dont elle
etoit pourvue, voulut aller a Paris ,
parce que la pefte faifoit du ravage
dans le village ou etoit fon Prieure.
Comme elle etoit en chemin les che-
vaux s'arreterent fans qu'on put les
faire avancer. La Religieufe (Mada-
me Poleau) etonnee de cet evenement,
prit la refolution de revenir.au Lys,
-ocr page 283-
I. Par tie. Llv. IV- 125
Elleeut le bonheur d'y trouverla Mere l6z5>
Angelique qui lui park fortement fur
fes devoirs -y &c Dieu lui infpira le def-
fein d'y demeurer pour vivre conforme-
ment a fon gtat, 8c lui fit la grace de vi-
vre dans une fi grande regularite, qu'el-
le a ete un exemple de vertu jufqu'a fa
mort. L'ancienne AbbefTe du Lys s'e-
tant retiree , Madame de la Tremoille
demeura maitrefle ; & alors les deux
Religieufes de P. R. firent beaucoup
de fruit. [Le bien s'y etablit, ainfi que
l'etroite obfervance de la regie. Apres
que la Mere des Anges eut ainfi tra-
vaille au Lys pour la gloire de Dieu ,
dans l'exercice d'une patience , dune
humilite, d'une pauvrete & d'une mor-
tification continuelles , elle revint a
P. R. fur la fin de 1616 , audi bien que
la Mere Anne Eugenie , qui s'etoit rait
egalement eftimer & refpe&er pour fa
piete pendant fon fejour de trois ans
dans cette Abbai'e.
La Mere Aneelique qui etoit allee T vr- .
. ri t>. 1         1 . . ,                La Mere An-
au mois de revner 1025 joindre ces^cliquevirat
deux Religieufes dans l'Abba'ie da*Pari«&ft"'*
_                    o                                                       fe par PoiUjr.
Lys pour prendre part a leurs travaux ,
les avoit quittees au mois de mai
de la meme annee pour fe rendre a
P. R. A peine y eut-elle pafie quelques
jours, qu'elle fut obligee de venir a.
F iij
-ocr page 284-
12.6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl*
Paris. Elle pa(Ta par Poiffy a la priere
tie Madame la Marquife tie Maignelai,
pour contnbuer en quelque chofe a
la reforme du Monaftere de cette
ville , ou il y en avoir 4eja quelque
commencement Pendant huit ou dix
jours qu'elle y demeura, elle fe fit
aimer & refpe&er de rAbbeflfe & des
Religieufes , qui prenoient plaifir a
l'entendre & qui etoient dans l'admi-
ration de tout ce qu'elle difoit. Elle
recommandoic fur-tout a l'Abbefle
d'avoir recours a Dieu dans routes fes
entreprifes , de confulter fon Efprit
divin, 8c de ne point s'appuier fur fon
induftrie & fes talens naturels. Elle ga*
gnoit chaque jour quelque chofe fur
Fes Religieufes meme les plus oppo-
fees a la reforme -, elle fortifioir celles
qui la defiroient , & leur infpiroit un
zele admirable : mais toutes , tant
les unes que les autres ne pouvoient fe
laffer de 1'aVlmirer, & difoient a. la
Mere Agnes de Marie de Falaire qui
Faccompagnoit dans ce voi'age ; que
vous ave[ une admirable Abbejft ! quel
efprit! quelle force pour perfuader ! pour
moi,
difoient quelques - unes , quand
elk parle , je ne trouve Tien de fijujle
que de faire ce qu'elle die. Que vous
etes heureufe d'avoir une Ji bonne Mere
,
-ocr page 285-
I. P A R T I £. L'lV. IV.       I if
difoit 1'AbbeiTe de PoiiTy! Auffi la T,,p -
communauce entiere , tanr 1 Abbeile
que fes filles, ne put-elle voir parcir
pour Paris la Mere Angelique fans
repandre beaucoup de larmes.
Ce voiage de la Mere Angelique a.
Paris avoir pour objet un etabiiiTe-
menc que Ton projettoit depuis quel-,, .y'1-
ques annees. Le grand nombre de Re- dep. r. aPa-
ligieufes qui eroienc a P. R. fortref-ris-
ferrees, dans un lieu.humide & mal
fain ; les maladies qui y etoient de-
venues fi frequences , que le monafte-
re n'etoit plus qu'une infirmerie,
avoienr fait penfer a cet fi o) etablif-
fement a Paris. DirTerens obftacles
avoienr toujours arrete l'execurion de
ce projet. M. l'Archeveque de Paris
fe rendoic difficile *, on avoir de la
peine a trouver une maifon conve-
nable. M. de Gondi , l'Archeve-
que , donna enfin fon confentement
a la follicitation de la Marquife
de Maignelai, & on penfa fcrieufe-
ment a chercher une maifon qui put
convenir. Apres en avoir vu cent dif-
(10) Ccfucle P. Binet   approuvee ; mais le pre-
Jefuite qui confeilla le    raier etoit mort, & le
premier a la Mere Ange-    fecond n'etoit pas encore
lique cette tranllation ,    le confeil de la Mete An-
que M. de Geneve, ni M.    "clique.
de S. Cyran n'auroicnt pas
F iiij
-ocr page 286-
Il8 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAI.
" ferenres, on en trouva une a l'exrre-
mite du fauxbourg S. Jacques dans un
lieu appelle Clagny qui parut propre
au deflein qu'on avoir. Elle apparre-
noit a un Confeiller Clerc qui remoi-
gna une grande joie que la maifon
i ut changee en un monaftere. Mada-
dame Arnauld que Dieu avoit rouchee
&c qui n'attendoit que l'execution de
ce projer, auquet elle devoir contri-
buer plus que rour autre par fes facul-
tes , pour pouvoir executer elle-meme
le deflein qu'elle avoir d'etre Reli-
gieufe,conclurprompremenr le marche.
On y mir aula - ror les Ma5ons pour
y ajouter quelque peu de batimens Sc
difpofer les chofes regulierement. Cela
dura jufqu'au 18 mai, veille du S. Sa-
crement de la mcme annee 1615, qu'on
transferaquinze Religieufes feulement,
n'y aiant place alors que pour ce noni-
bre : la cloture y fur erablie le 16 juin ,
que M. l'Archevcque vinr lui-meme
merrre le S. Sacremenr dans leur
chapelle. Dieu permir que cetre an-
nee il mourut douze Religieufes a P. R.
des champs , & une grande parrie des
autres furenr rres malades-, de forre
qu'on en faifoir venir a Paris le plus
qu'il eroit poflible, parcequ'on rejer-
toit la caufe de ces morts 6c de ces
-ocr page 287-
t. P A R T I E. L'lV. IV.        Up
maladies fur le mauvais air. Enfin on ,
obtint des Letcres patentes pour trans-
        ; *'
ferer touce la communaute a Paris j
ce qui ne fut execute que l'annee fui-
vante.
Ces Lettres patentes furent donnees
au mois de decembre 1615. Elles font
con$ues en des termes dignes d'un Roi
tres chretien &c zele pour la religion.
Onpeutles voir a la fin du volume,
au recueil des pieces ou nous avons
cru devoir les rapporter. On y verra le
zele qu'on avoit a la Cour pour main-
tenir l'obfervance reguliere dans les
monafteres , 8c la prote&ion qu'on y
donnoit a ceux ou elle s'obfervoit,
bien loin de les detruire. On y voit
aufli quelle eftime on faifoit de la vertu
de la Mere Angelique. En confequence
de ces lettres , elle fe rendit a P. R.
des champs au mois de mai pour ame-
ner a Paris tout le refte de la commu-
naute •, ainfi la translation fur achevee
en i<Sz6. On lailfa dans I'ancienne t-Sxf,
maifon de P. R. des champs un Cha-
pelain pour deffervir l'Eglife Le Saint
Sacrement y fut conferve , & meme
le droit de Paroifle.
Toute la communaute de P.R. ctant Viir.
ainfi reunie dans ce nouvel etabUfre-i.^^r
ment,. elles s y arrangerent le mieux ?• R- & e«i».
F v.
-ocr page 288-
13° HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
TT?£ qu'elles purent. On fit une galerie qui
en logeoit une partie ; on fit aufli lam-
brifTer tous les greniers , & avant la
fin de l'annee toutes y furent logees >
mais par tout on etoit tres ferre. Le
chceur etoit fi petit, que la quatrieme
partie de la communaute n'y pouvoit
tenit. Elies dinoient les unes apres les
autres au refedtotre. Malgre toutes ces
incommodites , les Reiigieufes etoient
contends, auffi regulieres & audi filen-
cieufes que fi elles euflent ete dans le
monaftere le plus vafte &c le plus com-
mode. II n'y avoit que la Mere Angeli-
que, & celies qui etoient chargees du
foin de faire fubfifter la communaute
qui fuflent dans l'embarras» parce
qu'il falloit emprunter pour faire les
batimens necelTaires : cela formoit des
rentes qui diminuoient le revenu ,
quoiqu'eUes euflent plus de peine a
* vivre a Paris ou la depenfe etoit plus
considerable qu'a la carapagne. Dans
cet embarras, toute autre que la Mere
Angelique eut ete charmee de trouver
une reflburce dans quelque riche dot
des filles qui fe prefentoient pour etre
Reiigieufes ; mais c'eft a quoi cette
digne Abbefle n'eut jamais d'egard.
El!e refufa dans ce tems-la trois filles
de condition, nieces d'une de leurs
-ocr page 289-
I. pARTfE. Liv. IV. IJI
meilleures amies, pour lefquelles on
auroit donncau moins 39000 livres de
dot , parcequ'elle fut qu'on vouloit
que ces Demoifelles fuflent Religieu-
fes afin de marier deux de leurs fceurs
plus avantageufement. Ces troisfilles
reuffirent dans une bonne maifon ou
on les mit. Neanmoins la Mere An-
gelique fut perfuadee que ce fut par
un trait de la divine providencequ'elle
ne les recut pas , » parce qu'apparem-
»» ment, dit-elle , les parens de ces
» filles qui etoient de condition, &
» dont il y en avoit dans la faveur ,
» euffent voulu prendre connoiflance
» de nos affaires & s'intriguer; ce
» qui eut fait tort dans tout cequ'il
» a plu a Dieu de permettre qui
» nous foir arrive^ depviis. Nous avons
>> eu le bonheur qu'aucun parent de
» nos filles ne s'eft jamais mele de
n nos affaires , ce qui nous a ete une
» grace particuliere (n).
Surla fin de cetteannee, aufli-tot [£-
c .             La Mere des
apres que la Mere des Anges ouireau Ange»eftfei-
fut revenue de l'Abbai'e du Lys, Ma- jj cd°;d^t
dame de Longueville ( Louife de buUIbn.
Bourbon Soiffons premiere femme de
Henri II Due de Longueville) vint
prier la Mere Angelique de lui donner
(rr) Tome I. page 505,
F v)
-ocr page 290-
I}Z HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
une de fes Religieufes pour la faire
coadjutrice de Madame de Soiflbns
fceur naturelle de Madame de Lon-
gueville , Abbeffe de MaubuuTon , qui
etoit tombee dans une maladie de
langueur , dont il paroiilbit qu'elle ne
reviendroit pas. La Mere Angelique
qui favoit que Mr de Longueville avoic
une fille naturelle agee de neuf ans
dans cette maifon , penfa audi - tot
qu'on pretendoit par ce moien cpnfer-
ver cette Abbaie pour cette petite fille.
Elle fut choquee de cette propoiition
& dit a la Princeffe , que ce n'etoit
point a elle qu'il falloit s'adreffer pour
avoir des confidentiaires , & qu'il y
avoit grande apparence que c'etoit ce
qu'elle cherchoit. La Princeffe protefta
qu'elle etoit bien eloignee de cette
penfee , & que tout fon defir etoit de
maintenir la rcforme dans la maifon.
Sur la parole de Madame de Longue-
ville , la Mere Angelique fe laifTa
perfuader, &c lui promit de lui en-
vo'ier la Mere des Anges qui avoir ete
trois ans maitreffe des novices au Lys.
Madame de Longueville l'agrea, 8c
ne voulut point d'une autre que la
Mere Angelique lui propofa eniuite ,
quoiqu'elle ne les connut ni l'une ni
1'autre. La Mere Angelique fit eniiute
-ocr page 291-
I. Part ie. Liv. IF. 135
ce qu'elle put pour engager la Mere T7T% -■
des Anges a accepter cette charge.
Elle lui en parla , & pendant tout
fbn difcours la Mere des Anges fe
conrenta de 1'ecouter avec beaucoup
de douceur, &c de reuandre des tor-
rens de larmes. La Mere Angelique
ai'ant cefTe de parler , la Mere des An-
ges lui demanda fi elle etoit obli-
gee de lui obeir dans une chofe ii
penible. La Mere Angelique lui re-
pondit quelle ne penfoit point qu'elle
y fut obligee par fon vreu d'obeiflance,
qu'elle croioit cependant que Dieu
demandoit d'elle qu'elle acceptat cette
charge. Elle y confentit done, mais
elle en concut une fi vive douleur
qu'elle en romba malade. Neanmoins
elle ne laifla pas echapper la moindre
plainte> fe contentant de marquer fa
douleur par fes larmes.
Madame de SoifTbns etant morte EI'e •»
18 decembre 1616 , avantque la Mau^n^
bulle de coadjutorerie flit arnvee,
Madame de Longueville obtint de
Louis XIII le brevet de l'Abbai'e pour
la coadjutrice. II fut accorde fur l'ef-
time que le Roi avoit concue d'elle,,
& a condition qu'elle travailleroit a.
la reforme de fon Abbai'e. Le brevet:
expedie , Madame de Longueville alia
-ocr page 292-
— ---------------------,---------.
T
1J4 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl.
"—a P. R. chercher la Mere des Anges
' pour la mener a Maubuiflbn prendre
ppfleffion de fon Abbaie.
Cette digne eleve de P. R.> done la
Mere Angelique difoit que la verm
itoitune vertuou I'on ne pouvoit troH-
ver de dlfaut de quelque cote qu'on la
regarddc
(u), parcit le 7 de Janvier
1617 accompagnee dela Mere Cathe-
rine Agnes Arnauld , pour lors coad-
jurrice de P. R. qui demeura environ
fix mois a Maubuiflbn, & de huit
autres Religieufes que la Mere Ange-
lique avoit amenees de ce monaftere
lorfqu'elle en fortit pour revenir k
P. R. La Mere Angelique en difant
adieu a la Mere des Anges , lui donna
lesavis fuivans qu'on a rrouves ecrits
de fa main : 1 ° d'etre fort charitable
envers les pauvres , de leur faire beau-
coup d'aumones , parceque les richef-
fes de cette grande Abbaie n'avoient
ete donnee que pour les affifter. 1°.
Qu'elle re^ut les filles fans dot 8c
qu'elle ne refufat aucune de celles qui
feroient vraiment appellees. 3 °. De
ne pas s'engager avec tous les Reli-
gieux de Pontoife , tanr Jefuites que
Capucins , & de ne les pas lamer
(n) Relation fur la yie de la Mere des Angtsy
•age i«, 7.C
-ocr page 293-
---------------------------------------- ---- ----
I. P A R TI E. Liv. IV. 135
converfer avec fes Religieufes. 4*. 162.6.
D'aller trois fois le jour, autant qu'elle
pourroit, devant le S. Sacrement pour
s'ofFrir a Jefus-Chrift &c recevoir de
lui la grace done elle avoir befoin
pour s'acquitcer des devoirs de fa char-
ge felon Dieu , Sc pour I'avancement
des ames. On rapportera aiileurs de
J[uelle maniere cette Sainre Abbefle-
e conduifit pendanr qu'elle gouverna
cotte Abbai'e.
La maifon de Maubuiflbn ne fut x.
pas la feule a qui le Seigneur fir la maif0nse de
srace deprofirerde l'exemjle de P. R. K^ gieufes
t          '                       J 1          IC                          1 font cxciiecs
La reputation de la rerorme que la a [a T^otme
Mere Angelique avoit erablie s'etoit p«r 1'cxemEle
deja tort repandue , mais elle nt en-
core plus de bruit depuis retablifle-
ment a. Paris. C'etoit ineme une des
vues de ceux qui avoienr donne le
confeil de cette translation , dont le
premier avoit etc le P. Binet Jefuite»
Plufieurs maifons Benedictines & Ber-
nardines defirerent d'embrafTer la re-
forme. On demanda de divers en-
droits a la Mere Angelique de fes
Religieufes, pour alier aider des Su-
perieures qui vouloienr l'introduire
dans leurs maifons. On envoi'a au mo-
naftere des Ifles d'Auxerre,la Sosur
Marie de Sainte Claire Arnauld,,&1&
-ocr page 294-
-----
\}6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAlJ
~l6i<$, Soeur Marie de S. Jofeph Midorge.
Madame de Mornay de Villarceaux ,
coadjutrice de Gif, Abbai'e de Bene-
dictines (13), vint elle-meme vers
le meme tems a. P. R. de Paris pour
s'inftruire de la reforme , & y paf-
fa quelques mois. Elle fut Abbefle
depuis 1619 jufqu'en i<J 37,8c con-
ferva toujours une etroite liaifon avec
la Mere Angelique, auffi-bien que
Madame de Madame fa fceur 8c Madame fa niece
JegM. Jf asr qui lui fuccederent dans fa dignite
*a|oui. ' d'Abbefle. II y a peu d'Abbaie en Fran-
ce ou l'efprit de P. R. fe foir mieux
conferve que dans celle de Gif, on il
fubfifte encore. Fafle le ciel qu'il s'y
conferve malgre la perre irreparable
qu'elle vient de faire par la mort d'une
admirable Abbefle qui etoit l'exemple
& Fame de la regularite.
La Mere Agnes alia cette annee a.
l'Abba'ie de Gomerfontaine Diocefe
de Rouen dont 1'AbbefTe la defiroit ;
mais elle n'y fit pas grand fruit, &
elle y trouva le temporel & le fpi-
rituel 'dans un fi pitoi'able &at, qu'e-
crivant a la Mere Angelique pour lui
rendre compte de fon voiage , elle
lui mandoit qu'elle penfoit que Dieu
(15) Non de l'ordre de Citeaux , comme H eft
<lit Tome I desMemoites, p. lie dans une note.
-ocr page 295-
------------
I. Partie. Liv. IV. trf
1'avoit envoiee en ce lieu la pour ho- i6i<j.
norer l'article du fymbole , defctndit
ad inferos:
neanmoins fes exemples &
fes prieres furent une femence qui a
porte du fruit plufieurs annees apres
avoir ete jettee en terre. La reforme y
fut ecablie dans la fuite.
Quoique la Mere Angelique n'ait La Merc As*
pas porce a la reforme ceux d'entre les f^ae 'Tl
Religieuxde fon ordre qui l'embraf-refousia ju-
ferent , autrement que par le bruit F^1*0? de
de celle qu elle avoit etabhe dans la
maifon ; il eft certain neanmoins que
rous ceux qui vouloient fe reformer
venoient la trouver & lui deman-
doient fes avis •, & elle etoit dans une
fi grande eftime parmi tous ces Reli-
gieux, qu'ils l'appelloient la Therefe
de Vordre ,
& ils lui auroient fait re-
former & fonder.autant de monafteres
qu'en reforma Sainte Therefe, fi elle
etoit demeuree fous leur jurifdidtion.
II eft erfectivement tres vraifemblable
que la reforme dela Mere Angelique
auroit fait un plus grand progres dans
1'ordre de Citeaux qu'elle ne l'a fait, fi
elle ne fe fut tiree de la jurisdiction
de 1'Abbe. Cependant il feroit injufte
de blamer en cela la Mere Angelique ,
dont les intentions etoient pures &
droites. Nous ne croi'ons pas qu'il
-ocr page 296-
t 3 S HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
foic neceflaire de rapporter ici quan-
tite de fairs avarices par cette fainte
AbbefTe dans un memoire qu'elle fie
dans le terns pour fa juftification. Ce
que la neceffite d'une jufte apologie
iui permit alors , devient aujourd'hui
pour le moins inutile. II fume de dire
que le peu de fecours qu'elle recevoir
des Religieux qu'on lui donnoit pour
confelteurs, & l'oppofition qu'elle trou-
voit quelquefois a fes bons deffeins ,
lui firent prendre la refolution de fe
fouftraire a la jurifdiition de TAb-
be de Citeaux , pour fe mettre fous
celle de l'Archeveque de Paris. Elle
obtint pour cela un bref du Pape Ur-
bain VIII du mois de juin \6xj. Le
bref porte que , excepte que les Reli-
gieilfes feront fous la jurifdidtion de
TOrdinaire, elles jouiront de toutes
les graces & privileges done jouit &
Eourra jouir l'ordre de Citeaux. Ce
ref fut enregiftre au Parlement par
Lettres patentes du Roi donnees dans
le mois de juillet fuivant. L'Abbai'e
du Lys & celle des Illes d'Auxerre
firent dans la fuite la meme chofe que
la Mere Angelique, & par fon confeil.
La Mere Suireau AbbelTe de Mau-
buiflbn tint une conduite difFerente
comme nous le verrons. En vain on
-ocr page 297-
I. Partii. Liv, IV. 139
objectefoit que fi la Mere Angelique
etoit demeuree fous la jurifdidtion de
l'Abbe de Citeaux , P. R. fubfifteroic
encore. Port-roi'al fubfifteroic , je le
veux , mais l'efprit en fubftiteroit-il 3
II y a encore aujourd'hui une Abbaie
de P. R. a Paris , qui pofTede meme
les reliques de la Mere Angelique 8c
jouit des revenusde P. R. des champs ;
cette Abbaie eft-elle connue dans Pa-
ris meme > La Mere Angelique , a la
verite , cherchoit, en fe metrant fous
la jurifdi&ion de M. de Paris, un
cooperateur dans le bien que la mi-
fecicorde de Dieu avoit etabli dans la
maifon , mais 1'eVenement ne repon-
dit pas a fon intention. Peut-etre aufli
Dieu n'a-t'il permis cette demarche de
la Mere Angelique que dans la vue de
fa gloire , 8c par un efFet de fon amour
pour ce monaftere : » Dieu fait, dit
» un des grands hommes du dernier
» fiecle (14) , avec les maifons & mo-
» nafteres qu'il aime, ce qu'il fait
» avec les perfonnes qu'il aftectionne
» & qui font dans l'election. II les
»» ruine pour preVenir les vraies rui-
" nes , qui font celles de Tame, qu'el-
» les cauferoient elles-memes par un
» dereglement de difcipline3 ii elles
(14) M. de Saint-Cyran.
-ocr page 298-
I40 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
» fubfiftoient plus long-tems. EnefFec
P. R. , tout detruit qu'il eft , n'eft-il
pas aujourd'hui plus refpectable & plus
refpedti par tous les gens de bien , je
ne dis pas que P. R. de Paris , mais
qu'aucun monaftere de France. Les
cendres de P. R. des champs, & les
pierres qui reftent dans les ruines de
cette fainte maifon, ont comme le fang
d'Abel, une voix qui s'eleve vers le
ciel, & confervent encore aujourd'hui
fur la terre une odeur de piece qui
attire une infinite de perfonnes dans
ce faint defert. Ces pierres font tres
cheres aux ferviteurs de Dieu , comme
parle le Prophete , & ils font remplis
de tendrefie pour la pouffiere de ce
lieu : Placuerunt fervis tuis lapides-
ejus , & term ejus miferebuntur
(15).
(<?) Pf. iai v. if.
-ocr page 299-
~r---------------------------------------------------......... ■'_--------------------------'—"---------------------------------
I. Partie. Llv. V. 141
■ HWWIIIHH I.....IM'ilM III Mil lll|i|l——■
-«——i^w^m^— 1          ———■■in ■■■—■—^-rmtm
LIVRE CINQUIEME.
162.6.
tic. flit peu de tems apres la tranf- j.
lation d'une partie de la communaute L*Mere Art'
de P. R. a Paris , faite en 1625 , que la connoiffance
Mere Angelique fit connoiflance avec avec ¥'.**"
M. Zamet Eveque de Langres & fe
de Langres,
mit fous faconduite. M. Zamet avoit
ete au commencement un Eveque de
Cour , Aumonier de la Reine Marie
de Medicis , 8c etoit entre dans l'E-
pifcopat par faveur. Dieu le toucha
dans une grande maladie, & la vue
de la mort lui donna une grande hor-
reur de la vanite de fa vie paflTee.
Etant gueri, il refolut de changer en-
tierement de conduite , de quitter la
Cour &c de s'appliquer uniquement a
faire fon devoir dans fon Diocefe, & a
prendre pour modele le zele & la peni-
tence de S. Charles. Il eut 1'avantage de
connoure le Cardinal de Berulledontil
priclesavis,& qui lui donnaunPere de
l'Oratoire pour le conduire dans la vie
fpirituelle. Tout le monde fut etonne
& edifie de ce changement arrive vers
Pan 1622 ou 1623. Il faifoit la vifite
de fon Diocefe a pies, paflbit beau-
-ocr page 300-
141 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
           coup de terns les jours, &c les nuits
memes , a prier, &c a pleurer devant
Diea fa vie pafiee. La Mere Angeli-
que commenga a. le connoitre lorfqu'il
etoit encore dans cette premiere fer-
veur & en concut une grande idee.
Elle l'avoit deja vu a P. R. de champs,
& ce qui avoir occafionne cette pre-
miere viiite, c'eft que la Mere de Chan-
tal en paflant par fon Diocefe lorf-
qu'elle s'en retourna en Savoie apres
retablifiTement du premier couvent de
la Vifnation a Paris , aiant parle de la
reforme de P. R. a ce Prclat, qui
avoit lui-meme reforme l'Abbai'e de
Tard a Dijon , il eut envie de voir la
Mere Angelique.
11,
          Comme elle n'avoit plus perfonne
Hie leprend alors en qUi elie eut une partake con-
oour fon con- r             ,1             ,              l
ryl.          nance, les uns etant morts comme
S. Francois de Sales, les autres etant
ecarres, elle crut que Dieu lui envoioir
M. de Langres, pour lui donner avec
une entiere confiance la conduire de
fon ame. Elle le pria done de l'aflifter
de fes confeils : ceux qu'il lui donna
au commencement, comme la Mere
Angelique le reconnoit elle-meme (i),
ctoient tres faints & lui fervirent beau-
(j) Tome J. premiere Paru'e fecoade Relation,
page its.
-ocr page 301-
I. Partie. Liv. V. 145
coup fur-tout pour !a detacher des dejirs
opinidtT&s
( ce font fes termes ) qu'elle
avoit de fortir de fon ordre , pour en-
trer dans un autre; ce qui partageoit fon
efpnt & l'empechoit d'etre auffi atten-
tive a remplir fes obligations qu'elle
le devoir etre. Son pretexte etoit qu'el-
le avoit fait profeffion a neuf ans,
que cette profeffion avoit ete declaree
nulle par le Pape. Elle avoit renou-
velle fa profeffion , mais en la renou-
vellant elle avoit eu l'intention feule-
ment de s'engager aux trois vceux , &c
non pas a la regie de S. Benoit, ni a fa
maifon. Cette derniere profeffion ainn*
faite , etoit un nouveau pretexte pour
l'ainufer 8c chercher les moi'ens de
fortir •, quoiqu'on put lui dire, elle ne
pouvoit rejetter cette penfee. Elle la
communiqua a M. de Langres qui
s'appliqua a lever ces difficultes &y
reuifit. II voulut qu'en communiant
dans la chapelle fermee , elle pronon-
cat fes vceux tout haut; ce qu'elle fit
en fe faifant une auffi grande violence
que fi on l'eut forcee a etre Religieu-
fe; neanmoins elle demeura en paix
depuis & n'eut plus aucune peine,
M. de Langres donna dans la fuite
d'autres avis a. la Mere Angelique
qui n'eurent pas le jmeme lucces »
-ocr page 302-
144 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
, , parcequ'ils n'etoient pas aufli fages.
Aufli la Mere Angelique reconnoit
qu'elle avoit fait une faute dans la
conduite qu'elle avoit tenue en fe liant
avec ce Prelat. » Je dois dire pour
» faire voir la juftice de Dieu', que
» je n'avois point aflez prie avant
» que de faire la liaifon que je fis
» avec cet Eveque, m'y etant enga-
» gee fort legerement par la conduite
m & le difcernement de mon efprit,
» n'en a'iant pas meme confulte la
» Mere Agnes qui etoit a P. R. des
» champs (z).
in.
         Ce Prelat etoit rempli de bonnes
initiate du intentions & fort zele , mais d'un
S.Sacrement.          .        .           . . .             f       ,          , .
Son otigine. elprit tres variable & rort borne. II
avoit forme avec Louife de Bourbon
premiere femme du Due de Longue-
ville , le deflein d'inftituer un ordre
de Religieufes particulierement con-
facrees a l'adoration du myftere de
l'Euchariftie, qui par leur afllftance
continuelle devant le S. Sacrerhent,
reparalfent en quelque forte les ou-
trages que lui font tons les jours les
blafphemes des Proteftans & les com-
munions facrileges des mauvais Chre-
tiens. M. de Langres , dans unevifite
Ci) Premiere Partie, feconde Relation, Tome I.
P*ge 5 3 3-
qu'il
-ocr page 303-
I. PartrE. Liv. V. 145
qu'il rendit a la Mere Angelique & a
la Mere Agnes leur park du defleiu de
fori nouvel inftiruc , mais ce n'etoit
plus de Religieufes, car (3) le I?relat a
plufieurs fois change de delTein a ce
ill jet. Il vouloic un ordre de Reli-
gieux plus retires encore & plus auf-
teres que les Chartreux ; il ie decida
en dernier lieu pour des Religieufes.
Ce projet fut d autant plus du gout
de la Mere Angelique , qu'il y avo'u
deja deux ans
(4) que cette meme af-
fiftance devant le S. Sacrement avoit
cte etablie a P. R. d'abord pendant
le jour feulement &c enfuite pendant
la nuit. La Mere Angelique rapporte
ainfi ce qui y donna occafion (5).
» Or il eft a remarquer , dit-elle, qua
" des que nous etions encore a P. R.
» des champs, norre General etant
» venu a mourir aufli-tot qu'il nous
» eut donne la permiffion de nous
» transferer a. Paris (ce qui arriva 1'an
» 16x5 , deux ans tout an plus avant
»» que M. de Langres parlat de fon inf-
» titut a la Mere Angelique) nous
»» refolumes , & nous l'efFe&i ames ,
» d'etre rout le jour tour-a-tour devant
(5; Premiere Relation, (5) Premiere Partie ,
I. Parcie , page 111.            Torn: 1 feconde Reli-
(4) M Racine dh tj    lion, page 31?.
ans, mais ili'etrorope.
Tome I.                           G
-ocr page 304-
146 HlSTOIRE DF. PoRT-Ro'lAL.
» le S. Sacrement. Et peu apres l'Ab-
» be de Clairvaux , M. l'Argentier ,
» qui nous etoit favorable venant aufli
» a mourir, nous ajoutames la nuic
» au jour, afin de prier Dieu qu'il
•> lui plut de nous proteger contre les
» fucceffeurs de ces Abbes, ennemis
» declares de la reforme (6). La Mere
Catherine de S.Jean Arnauld le Mai-
tre nous die que » l'origine de ce
» deffein fe doir prendre dans l'inftinct
» que Dieu donna aux Religieufes de
m P. R. d'avoir recours au S. Sacre-
» ment, & de lui offrir des prieres
» continuelles pour la reformation de
" l'ordre de Citeaux. Ce qui com-
" menca l'an 1624, lors dudeces du
» T. K. P. D. Denis l'Argentier (7) ,
» qui mourut fur la fin de ladite
»> annee. Comme e'etoit un Prclat
» fort zele pour le retabliflTement de
« l'ordre il fut beaucoup regrette ; &c
u
ces filles craignant que quelqu'aurre
» qui n'auroit pas le meme efprit, lui
» luccedat, demandoient a. Dieu avec
(6) Premiere Partie ,    contraire; mais e'eft line
fixieme Relation Torac_ I   meprife dans la Mere
page 410.                          Angclj'.;ue , car M. l'Ar-
(7) La Mere Angelique    gentier niourut au mois
met la mondeM. deCir   d'oftobre iff 14, St. M,
reaux avant cellc deM. de   Bouchcrat le 8 mai i«ir,
Clairvaux ; ,& la Mere    comme on le peut voir
Saintc Catherine fait le   4ans le Gallia Cbrijlimft,
-ocr page 305-
I. Par.tie. Liv. V. 147
inftance qu'il pourvut cette maifon —-—
d'un Abbe femblable au defunt, l z7*
qui put fortifier le parti de la re-
forme qui etoit depourvu de chefs.
Cette perte fut fuivie d'une autre
encore plusgrande en la mort da reve-
rendifTime Abbe de Citeaux M.Bou-
cherat General de l'ordre, qui arriva
quatre mois apres au commence-
ment de l'annee 162 5. II avoit
favorife ies Religieufes de P. R.
en tout ce qu'elles avoient defirp
pour leur reforme, ce qui les fai^
foit vivre fous fa conduite avec
paix 8c affurance. Mais ce ne furent
plus que craintes, voi'ant les trou-
bles , brigues & monopoles qui s'e-
leverent en l'ordre pendant la va-
cance , ce qui fit redoubler les
prieres au monaftere de P. R. out
on ajouta a. celles qui fe faifoient
fuccelfivement par les Sceurs tout
le lorg du jour, les veilles de la
         ,,
nuit, qui fe font toujours conti-
nuees depuis. Touted ces devotions
n'aiant pas eu l'effet defiri, & l'elec-
tion du General ai'antiece faite d'une
perfonne (M. Nivelle ) quin'etoit
pas pour la reforme > 1'on v.it bien
qu'il ne falloit plus attendre de fe-
cours de l'ordre, ce qui fit refoudre
G i)
-ocr page 306-
I48 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAt.
- » la Mere Angelique Arnauld Ab-
» befte de Port-roial de fe meters
» fous ['Ordinaire ; & craignant d'etre
» travel fie par ceux de l'ordre , elle
» penfoit d'alterer en quelque fa^on
•> 1'inftitut par quelqu'etabhftemenE
» nouveau , pour le metrre a couvert
» de la dependance de l'ordre.
La pratique de 1'adoration perpe-
tue'L' duS.Sacrementetant deja etablie
a P. R. lorfque M. de Langres parla a
la Mere Angelique de fon projet ,
elle le rec^ut avec grande joie , & le
fupplia avec inftance de trouver bon
qu'elle envoiat a Rome pour avoir
permifllon de commencer cec inftitut.
On agita beaucoup fi on feroit une
maifon nouvelle pour cet inftitut, ou
fi on l'etabiiroit a P. R. mane. Les
Rei'gieufes le fouhaitoient, & de-
mandoient avec ardeur que fans cher-
cher d'autres maifons que la leur, on
leur permit d'ajouter les pratiques de
cet inftitut aux autres pratiques de
leur regie , & de joindre en elles le
nom glorieux de filles du S. Sacre-
ment a celni de filles de S. Bernard.
MaHame de Longuevdle etoit d'avis
de leur arcorder !eur demande , mais
M. de Langres voulut une nouvelle
rnaifon avec la regie de S. Augufiin.
Son avis l'emporta } §c pn pria Mada-
-ocr page 307-
I. Partis. Liv. K 149
trie de Longueville , Louife de Bour- 7771 ""
bon Soiflbns d'agreer qu'on prefentac
la fuplique au Pape en fon nom , &C
qu'elie s'en dit fondatrice; & M. le
Feron Dodteur de Sorbonne fat charge
d'aller a Rome follicirer cette affaire.
Le Cardinal de Berulle ecrivit au P.
Bert in Pretre de l'Oratoire , pour l'en-
gager a fe joindre a M. le Feron.
Tandis que ce Doc-keur etoit a Rome,
le .nouveau General de Citeaux fir des
menaces aux Religieufes de P. R. ; ce
qui derermina la Mere Angelique a"
exccuter le delfein qu'elle avoit depuis
queique tems de fe tirer de la ju-
rifdiclion de 1'ordre. En confequence
on ecrivit a M. le Feron de demander
un bref qui mit l'Abbai'e de P. R.
fous la jurifdidbion de l'Ordinaire.
Ce Do&eur follicira fi vivement les m. le Feron
drr ■           ,           .., . .         , obtient deux
eux affaires dont 11 etoit charge , \,iefs t pua
qu'il obtint en peu de tems deux brefs 3ui tire ?• &•
du Pape Urbain VIII, Fun pour fouf- Action |a"c
traire les Religieufes a la jurifdi&ion j;urdmaire ,
de l'Abbe de Citeaux; l'autre pour l-jniticut du
letabliilement de Pinftitut du S. Sa-s-saeremw.
crement. La Bulle de cet inftitut fut
expediee au mois d'aout (8). II y eut
queique difficulte au fujet des Supe-
(S) Sixieme Relation de la premiere Panic, Tome
I. page 415.
G nj
-ocr page 308-
»50 HlSTOIR"E DF. PoRT-ROlAL.
          rieurs *, on en avoit demandetrois, 8c
1 7* il s'agiflbit de les choifir. Apres quel-
ques debats on fe determina a de-
mander M. de Gondi Archeveque de
Paris, O&ave de Bellegarde Archeve-
que de Sens , & M. Zamet Eveque de
Langres. M. de Sens fuc demande pour
etre undestroisSuperieurs, parce qu'il
etoit connu a P. R. a l'occaiion de
Madame de la Tremoille AbbelTe du
Lys, & de la Mere Marie de Jefus
Carmelite d'une grande reputation,qui
etoient liees avec la Mere Angelique.
Par ces deux perfonnes , M. de Sens
eut entree a P. R. II y vint fouvent,
& prit part a la conduite de la mai-
fon , &c en meme-tems au deiTein de
l'etabliilement du nouvel Ordre du
S. Sacrement, dont il fat depuis l'en-
nemi declare, comme nous le verrons.
T V-
         Cette devotion parciculiere de P. R.
ia devotion au S. Sacrement fe repandit, & Ton
au S. Sacre-                            1 r '                   i
mem fe re- commenca de rrequenter la petite
pand. Gueri- chapelle de P. R. pour y faire des
Ion miracu-        ' •             T              l           '
leufe de Ma- neuvaines. Le concours augments
demoifeilede fort depuis la guerifon miraculeufe de
y'
        la Demoifelle de Druy. Cette jeune
Demoifelle etoit coufine de la Mere
Angelique , etant fille de M. Marion
Baron de Druy , frere de Madame Ar-
nauld. Elle etoit malade depuis dix-
-ocr page 309-
I* Part ie. Llv. V. 151
huit mois , 8c reduite dans un tel etat,
qu'on avoit defefpere plufieurs fois de
fa vie , & que les Medecins avoienc
declare que jamais elle ne marcheroit,
8c que quand elle pourroit marcher,
elle feroit Ji tortue &"fi bojfuc-ique ce fe~
roit un monjlre.
Une Religieufe aiant:
die qu'il falloit la vouer au S. Sacre-
menc 8c qu'elle gueriroit, on en parla
a la Mere Angelique qui en fit la pro-
polition a la malade qui l'accepta avec
joie, 8c fit vceu le 19 avril 1628 de
communier neuf jours de fuite pour
demander a Dieu fa fante , aiant des
ce moment une ferme confi'ance qu'elle
feroit guerie. Sa confiance ne futpbinc
vaine ; le lundi de Paque fuivant, la
Mere Angelique s'erant approchee de
la malade apres qu'elle eut communie,
lui dit, ma fille confie^-vous en Dieu,
& 1'aiant prife parla main, elleajouta:
Leve^-vous par obeiffance au nom de
Nocre-Seigneur Jefiis-Chrijl au S. Sa-
crementde I'autel
(9). La malade, qui
auparavant ne pouvoit mettre fes
jambes a terre quand on la levoit,
qu'avec de grandes douleurs, quoi-
qu'elle ne s'appuiat pas detflis , fe
leva fur fes pies , monta a fa cham-
(yl Premiere partie des Mcmoires, Tome II. iiua-
totzieme Relation , page 17^. 8c fuivantes.
G iiij
-ocr page 310-
T 5 2- HlSTOlRE DH PoRT-ROlAlT
bre5 8c marcha tout le jour dans le
batiment qu'on faifoit alors , mon-
tant &c defcendant par-tout. Ainfi fut
accompli ce quelui avoit preditce bon
Paifan de Grenoble, en la voiant un
jour au parloir ou on l'avoit apportee
fur les bras pour la faire voir a M. ("on
pere (io) : Petite brebiete de Notre Sei-
gneur
» le bon Dieufera votn medecin ;
ommapetite Jkur
, & il repeta plufieurs
fois , Ditu fera votre medecin. Ce bon
garc,on, nomine frere Antoine , etant
venu la voir apres cette guerifon qui
attira un grand nombre de perfonnes a
la maifon, lui dit avec joie ■, eh bien,
ma. petite fceur , petite brebiete du Sei-
gneur., ne vous avois-je pas bien dit
que Dieu feroit votre medecin.
M. de
Saint-Cyran , qui vint comme la mi-
raculee etoit avec ce bon frere, vou-
lant le faire parler pour eprouver fon
efprit, lui dit comme s'il avoit im-
prouvc le procede de la Mere An-
gelique en cette occafion •, » Que dites-
« vous , mon frere, de la prefomp-
»> tion & de la temerite de Madame
» de P. R. qui a voulu faire comme
» S. Pierre, difant a cet enfant, levez-
v vous au nom de Jefus-Chrift > A
(io) Vo'iez les Mcmoires de M. Lane. Tome II.
fage ii.
-ocr page 311-
I. Part IE. Llv. V. 15$
quoi il repondit : •» je dis , Monfieur,          „ '
« que ce n'a point ete prefomption ,
»» mais fa foi & fa charite qui I'ont
» portee a cela. Pres de quatre-vingt
Religieufes furent temoins de cette
merveille , avec quantite d'autres per-
fonnes du dehors , parens, Medecins,
&c. qui tous furent perfuades que
c'etoit un vrai miracle. Cette fille a
depuis eu l'avantage d'etre Religieufe
de P. R. fous le nom de Sceur Made-
laine des Anges.
Le concours qu'attira a la cliapelle v.
j r» t> I t ' J                              II Dtfautsdan*
de P. R. le bruit de cette merveille, nnnimt du
& la devotion au S. Sacrement qu'elle $■ sacrement,
infpira , favorifoient le defTein qu'on
avoit d'etablir le nouvel Ordre. Mais ,
comme le remarque la Mere Angeli-
que de S.Jean, Ton y emploi'oitune
conduite trop humaine (11). Outre le
{bin qu'on prenoit, d'engager des
perfonnes puilTantes a s'y intereflTer,
on vouloit audi que Dieu fe declarat
par des miracles & des revelations.
Pour cet efFet on obligeoit toutes les
Religieufes , principalemenr celles qui
avoient plus de verm , a faire des prie-
res, des retraites, &c des penitences
extraordinaires, pour obtemr de Dieu
qu'il fit connoitre fa volontc , 011 plutoc
(11) Premiere Relation, Terncl. page 514.
G v
-ocr page 312-
I 54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
qu'il larcvelat. Car apres ces exeicices»
on leur faifok rendre compte de tout
ce qu'elles avoient connu dans ces re-
traites , des vues & des fentimens que
Dieu leur avoit donnes.
Cette conduite fit beaucoup de tort
a une excellente Religieufe qui fuc
depuis Abbefle, &c qui fe noramoit
la Sceur Genevieve le Tardif. i Elle
etoit des vingt & une novices de Mau-
buiflbn, & elle avoit toujours ete
d'une vertu fi extraordinaire, que
quoiqu'elle n'eut rien d'aillours capa-
ble de la faire remarquer, & que la
Mere Angelique ne la produisit point,
tout le monde 1'eftimoit, & plufieurs
l'appelloient la Saintc. Sa reputation
etoit fi repandue, que Monfieur,frere du
Roi, aiant ete une fois a P. R. des
champs , & aiant voulu voir la com-
munaute, il demanda a voir la Saintc.
Mais la Mere Angelique n'expofoit
pas ainfi fes reliques •, & depeur de les
perdre, elle avoit grand loin de les
cacher.
Depuis que la communaute fut trans-
feree a Paris legouvernement avoit ainii
change deface. CommelaM6. Angeliq.
s'etoitentierementfoumife aM.deLan-
gres , dans la penfee qu'elle a tou-
jours eue qu'etant mal entree dans fa
-ocr page 313-
I. Partie. Liv. V. 155
charge , elle n'y devoit prendre d'au-
torite que quand elle ne trouvoit
perfonne fur qui elle put s'en dechar-
ger, elle laifToit agir ce nouveau Di-
redteur &c tous fes aftbcies, comme ils
vouloient. Ils lirent un tres grand tort a
la Sceur le Tardif qu'ils tirerent de fa
fimplicite en la faifant parler fans cefTe
de routes fes vues fur ce nouvel Ordre,
prenant routes fes penfees pour des re-
velations. La Mere Angelique de Saint
Jean a tro'uve depuis de fes lettres
adrefTees a M. le Feron qui follicitoit
a Rome les Bulles de l'inftitut nou-
veau , dans lefquelles elle lui mandoic
les idees qui lui venoient chaque jour
comme des preuves du deflein de
Dieu , &c cela d'une maniere fi pi-
toi'able que la raeme Mere Angelique
de S. Jean , a cru qu'on n'en pouvoit
tirer d'autre avantage que d'y appren-
dre qu'il faut laiffer les perfonnes
dans leurs places , & que le fiience &
la retraite eft le feul partage d'une
Religieufe (11).
Comme on voulur aufli tenter la
voie des miracles , les plus zelees re-
folurent de paflTer la nuir en veille,
pour demander a Dieu qu'il rendit la
parole a uneancienne Religieufe nom-
(n) Tome I. premiere Relation, page 117.
G vj
i
-ocr page 314-
156 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
161$ ln^e Anne Marie Johannet, fourde &
muette, done nous avonsr deja parle.
Elles prirenc avec elles cetre bonne
fille-qu'elles placerenr au milieu du
chceur, environnee de feize cierges
ailumes en l'honneur des feize attri-
buts de Jefus-Chrift au S. Sacrement,
mais elles ne reuiiirent pas. Les per-
secutions qu'effuia dans la fuite l'in£-
tituc du S. Sacrement peuvent etre re-
gardees comme une jufte punition ,
ou plutor comme un effer de la mi-
fericorde de Dieu, qui vouluc par-la
purifier les filles de cet inftitut dont
l'etablifTement avoir ere melange de
tant de defauts. G'eft ainfi que les
regarda un grand fervireur de Dieu
(M. de Sainr-Cyran ) & ce qui lui
fir dire, dans l'etonnement ou il etoir,
de voir des procedes fi humains dans
une affaire de religion, que le moins
que Dieu pouvoit /aire etoit de leur
envo'ier de grandes afflictions , jufqu'a
le miner entieremeni; en la memefacon
qu'il mine le vieil homme en nous
pour y etablir le nouveau
, & que ce
feroit une grande mifericorde
, Ji cela.
arrivoit ainji.
VT
            Ce fur dans ce meme terns que la
Agnes ecrit le Mere Agnes ecrivit le Chaptlu dut
c&ipeiet du 5 Sacrement qui eut des fuites G con-
-ocr page 315-
I. P a a tie. Llv. V. 157
fiderables comme nous le verrons, 8c         
qui caufa une fi grande divifion entre            "
les promoreurs du nouvel inititut. La
Mere Agnes n'avoit d'aucre deiTein
que d'obeir au Pere de Gondren, a qui
elle avoit communique quelques-unes
de fes difpofitions interieures au fujet
d'un autre Chapdtt du S. Sacrement»
que M. de Langres avoit fair impri-
mer dans ce terns-la, , & fur lequel ce
Pere lui demandoit fon fenciment.
Comme elle lui temoigna quelle avoid
eu des penfees differences de celles li
8c qu'elle avoit peine a les lui expli-
quer , il lui ordonna de les ecrire. Elle
le fit avec grande fimplicite. M. de
Sens fut alors grand admirateur de ce
chapelet. Ma;s cinq ans apres , d'au-
tres interets l'engagerent a s'en decla-
rer ennemi & a. en devenir le premier
8c le plus ardent perfecuteur.
Dans la meme annee 1628 Mada- VII
me la Prieure deS. Aubin , Abbai'e de R^f™mc <fe
otdre de Clteaux , & quatre autres s. Aubuu
Religieufes vinrent a. P. R. pour y
prendre I'efprit de la reforme ; & Fe-
te fuivant la Mere Angelique alia;
elle-meme a S. Aubin pour l'y etablir.
Elle a coujours pris beaucoup de foirr
de cette maifon, tant qua vecucette
bonne Prieure , Francoife de la Tri-
-ocr page 316-
158 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
nite Martinville, qui dans la fuite
ai'ant ete amenee a Paris pour s'y
faire traiter d'une maladie extraordi-
naire , eut la confolation de mourir a
P. R. ou elle avoir defire de fe retirer
pendant fa maladie , qui ne fink qu'a-
vec fa vie le 29 juin 164Z. (13) Au
retourdeS. Aubin ,1a Mere Angelique
pafla par Gif ou Madame Mornai deVil-
larceaux defiroit qu'elle vint pour pren-
dre fes avis touchant la reforme *, mais
etant tombee malade deux jours apres,
elle revint a Paris , laifiant a Gifla Me
Suzanne du S. Efprit, fille d'une grande
vertu dont on fe promettoit beaucoup,
mais qui ne remplit pas les efperan-
rances qu'on avoit concues d'elle.
» Je confefle , dit la Mere Angelique
» -que j'en fuis coupable , pour ne l'a-
» voir pas bien conduite & n'avoir
» pas bien difcerne fon efprit & la
» conduite de Dieu fur elle. Sa ver-
» tu, fon humilite, fa douceur 8c
»
fa mortification m'avoient ebloui
j. l'efprit, fans confiderer qu'il y avoit
» beaucoup de naturel, & qu'au refte
« elle n'avoit pas la qualite necefiaire
»» pour la conduite , &c qu'elle n'etoit
» bonne que fous le joug de l'obeif-
,, fance d'une fimple Religieufe ; 5C
{1 i) Voie7. fon cloge dans le Mcctologe.
-ocr page 317-
I. Partii. Llv. V. 159
» dans cet etat elle etoit d'un tres grand —
»> exemple. Elle avoit edifie toute la l
maifon de S. Aubin pendant le terns
qu'elle y demeura avec la Mere An-
gelique (14). Son efprit prit l'eflbr
pendant le fejour qu'elle fit a Gif.
Elle en fut rappellee un an apres. La
Mere Angelique n'etant plus en charge
alors, elle fe livra avec la nouvelle
Prieure de P. R. aux devotions iingu-
lieres pour lefquelles elle avoit du
gout. C'eft la feule chofe que la Mere
Angelique avoit remarquee dans la
Sceur Suzanne, 5c qui l'avoit choquee
pendant fon noviciat , ou on la re-
gardoit comme un ange , tant elle
etoit irreprehenfible d'ailleurs. Quoi-
qu'elle ne temoignat rien de fa no-
blefle , elle fit neanmoins une chofe
qui deplut a la Mere Angeli que , en
demandant peu avant fa profeflion, a
M. fon frere un livre de leur Maifon
ou etoient peints tous leurs ancetres
pour le lui faire voir.Neanmoins je n'en
« voulus pas maljuger, dit la Mere
» Angelique Pattribuant a fa fimplicitej
« mais dans la fuite j'ai reconnu que ce
«ver de vanite avoit fait grand tort a
« cette ame. Neanmoins je ne doute
(14) Seconde Relation dc la premiere Paitje i
Teme I. page 36311, 50.
-ocr page 318-
tSa HlSTOIRE DB PdR.T-ft.OlAt.
""' Z' g « point que Dieu ne lui ait pardonrie *
» car vraiment elle l'aimoit , &c eut
» fouffert le martyre pour lui. Il l'a
» beaucoup humrliee,rien n'aiant prof-
» pere entve fes mains, malgre fes ar-
» dens delirs de le fervir.
_ vam-. Le grand batiment de P. R. qui
Augrand ba- avoit ete commence Ian 1620 rut
timeut de acnev£ en 1629. Madame Marie le
Prevot femme de M.de Pontcarre, avoit
"" occafionne cetce entreprife , qui caufa
beaucoup de peines & d'embarras a la
Mere Angelique. Cette Dame , qui
etoit feparee de fon mari, aiant ete
re$ue a P. R. a la priere de quel-
qucs perfonnes de consideration, avoit
donne a la maifon 24000 livres que
M. de Langres voulut qu'on emploiat
a batir un grand dortoir , dont Mada-
me de Pontcarre mit la premiere pier-
re le 21 Janvier 1628 (15). Cette
fomme fournit a peine a jetter les
fondemens , & il fallut faire desem-
prunts coniiderables pour le continuer,
ce qui incommoda beaucoup la mai-
fon. Mais les maux que caufa dans la
fuite Madame de Pontcarre elle-meme
par fes liaifons trop etroices avec M.
de Langres , par les divifions qu'elle
, (n) Voiez la ncuvieme Relation de la premieac
Tartie, Tome 1.
page 4?.
-ocr page 319-
I. Partii. Llv. V. iSi
fomenta drns la communaute , furent
beaucotip plus grands 8c plus funeftes
a P. R. La Mere Angelique pour y
remedier , offnt genereufement a Ma-
dame de Pontcarre de lui rendre les
24000 hvres qu'elle avoir apportees,
quoiqu'elle eur mis dans fon conrrat
qu'on ne lui rendroir poinr fon ar-
gent (1 elle venoit a fortir. L'ofFre de
la Mere Angelique fur acceptee 8c la
Dame fe retira. Elle fe repenritdepuis
d'etre fortie 8c demanda a. rentrer;
mais n'a'iant pas voulu accepter les
conditions qu'on lui impofoit, elle
demeura en fon particuiier 8c mourut
chez elle a IfTy le 15 aout i<?44»
cinq ans apres fa fortie. II eft difficile
d'accorder la conduitede Madame de
Pontcarre a l'egard de P. R. avec le
titre de bienfaicrice infigne qui lui eft
donne dans le Necrologe. Ce titre
convient mieux a une genereufe Da-
xne nominee Bardeau , riche & fans
enfans, qui voulant laifler une partie
de fon bien a l'Eglife 8c aux pauvres,
8c ai'ant oui parler du nouvel inftitut
qu'on projettoit, a Mademoifelle Feu
fon amie & celle de P. R., fit ptier
la Mere Angelique de trouver bon
qu'elle lui laiflat par teftament 50000
livres , a la charge de jouir du pri-
-ocr page 320-
\6l HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
——— vilege de fondatrice pour les prieres
162.9. feulement, & d'etre enterree dans
1'Eglife du monaftere , que fi elle
mouroit avant que la mailon tut eta-
blie , on apporteroit fon corps a P. R.
en depot , & que l'interet des 30000
livres courroit jufqu'a ce qu'on les
livrat au tems de l'etablifTement* Le
legs fut accepte , & emploi'e a l'achat
de la maifon pour le nouvel ordre du
Saint Sacrement rue du Bouloir. La
Dame alia remercier la Mere Angeli-
que avec plus d'humilite que fi elle eut
recu ce qu'elle donnoit. Elle mouruc
peu de tems apres qu'on eut obtenu la
Bulle. Vo'fez le Necrologe au 6 No-
vembre.
1 x            C'eft a ce tems-ci qu'il faut rappor-
a'une^lieqSter une hiftoire au~ez extraordinaire de
eft comme la maniere dont une jeune fille fe
MeCrteAngel" rendic Religieufe. La Mere Angelique
que a f■: (aire la raconte ainfi : » Quelque tems
Religieufe. #> apr£s qUe nous fL"imes etablies a Pa-
» iris •, lorfqu'on batnToit notre maifon,
» une fille affez jolie , pleine d'efprit,
» & qui n'avoit nulle inclination ni
" pour le mariage ni pour la reli-
» gion , fe promenant avec une de fes
» amies au-dela. de la porte du faux-
» bourg S. Jacques , dit en voi'ant
» nos batimens : Qui font Us mal-
-ocr page 321-
I. Partii. Llv. V. 163
*» heureufes pour qui Von bdtit cettc pri-
» fon ? Quelque terns apres , elle vine
» voir chez nous une Religieufe de
" fa connoiflfance , mais l'aiant trou-
» vee partie pour Dijon, je la fis
»» venir au parloir , ou je me trouvai
» pouflee a lui dire qu'elle menoit une
» pauvre vie , & qu'elle devoir pren-
» dre parti en fe mariant ou en fe
» faifant Religieufe. Ce que je lui
» dis, latroubla , & m'en etant apper-
» 9iie, je lui dis qu'elle allat prier
» Dieu devant le S. Sacremenr. Elle
» le fir, & elle etoit fi hors d'elle-
» merae qu'elle ne favoit ce qu'elle
» difoit, de forte qu'elle difoit: Mori
), Dieu , faius-moi la grace dt ne point
3j /aire voire volonte , quoiqu'elle vou-
», lut dire tout le contraire. Elle revint
m enfuite au parloir, extraordinaire-
„ ment agitee , & je me trouvai faille
d'un mouvement ll violent, que je
" lui dis qu'elle fe perdroit dans le
" monde , qu'elle devoit entrer des
" l'heure meme dans la maifon, quoi-
" qu'elle ne Kit pas venue pour cela ,
" qu'elle me crut& qu'elle felanTa fai-
» re violence. Elle confentit a mes pa-
» roles corame malgre elle , etant tel-
» lement troublee qu'en entrant dans
m le monaftere , elle fe donna de la
»» tete contre la muraille, ne fachafit
-ocr page 322-
1<?4 HlSTOIRE DE PoRT-Rd'lAt.
» od elle alloit, ni ce qu'elle faifoit<
» Le trouble &c l'agitation de fon e£*
» prit en produific une telle dans fon
» corps, qu'il lui prit aulTi-tot une
» pleurefie , ou je la faignai cinq fois
» en deux jours. Dieu la guerit apres j
»> & lorfqu'elle eut pre'que aehevc
» fon noviaat , & que je n'etoisplus
» AbbelTe, parceque je m'etois demife
» de mon Abbaie ( c'etoit en 1630 )
» elle demanda permiffion a la Mere
=> Genevieve alors Abbefle, de me par-
» ler. Elle me dit qu'etant prete de
» faire profeffion, & n'etant entree
m dans le monaftere que comme pas
» force & fur ma parole , elle me
» prioit de lui dire, fi je croiois que
» Dieu vouliit qu'elle s'y confacrat
« pour toute fa vie ; a qnoi je lui re-
» pondis fans crainte , dans la vuedes
» ordres de Dieu & de la folidite de
v fa converfion : Oui ma ftxur,je vous
» affure que Dieu le veut.
Cette Reli-
gieufe nommee Genevieve de linear-
nation Pineau s'eft diftinguee par fa
regularite , par fon amour pour la veri-
te, & par fa fagetfe & fa prudence, pen-
dant la perfecution, qui commenca en
1661 (16).
(i«) Vo'i'ezfavie, dam tigitufei de P. R. T. *. p.
le Recueil des Vies eiiifmn- 50 8c fiiiv. //. Rel. z. Pate.
tti <&■ intereffatiUs tlei Re- T. l.p. jn.
-ocr page 323-
I. Parti e. Llv. V. \6$
La meme annee que le batimenc "\ ^ ^~"*
de P. R. flu acheve, M. de Langres ,
qui avoir obtenu un bref pour tirer m. d; iw-
l'Abbaie du Tard de la iurifdidion deSr-'% **!**
_ .         I                 _                des Religjeu-
Cireauxj vouluc faire 1'union de cerre res de p.
maifon avec celle de P. R. a defleinattTw'i'
de changer l'efprir de P. R. & d'y in-
rroduire celui du Tard. Pour cer effec
il envoia au mois de feprembre a
Dijon la Mere Agnes avec la Mere
Genevieve de S. Auguftin. Lemerite
de la Mere Agnes y fur bienror connu,
& elle fur fi eftimee , qu'a la premiere
election on la nomma Abbeffe, 8c
elle fur conrinuee iufqu'a fon rerour.
Quelques tems apres, deux aurres
Religieufes de P. R. la Sceur Agnes de
Marie de la Falaire & la Sceur Marie
de fainre Claire Arnauld parrirenr en-r
core pour Dijon par les ordres de M.
de Langres, qui prenoir plaifir a de-
pouiller la Mere Angelique de ce
qu'elle.ivoitdemeilleurr, pourerre plus
libre de changer le gouvernemenr de
P, R- (17)-
(17) L'A'iteur de 1'hif-    page 478. u Les Superieurs
toire des ordres monadi-
    s> de P. R. qui prenoienc
ques & religieux qui tt'tft
    « !b'n du nouvel era-
pas fort exact fur c;tte
    » blifTemenl , confide?
affaire , parle ainfi d'a-
    » raiir que la Mere An-
pres les Mrrnoires qui lui
    » gefique etoic fort in-
ont £te fournis par les
    35 firme , qu*<flie ne pou-
Meres du lard , Tom* V.
    » voir rcliiier a tous les
-ocr page 324-
\66 HlSTOIRF. DE PoRT-ROlAL.
Jamais voi'age ne fut entrepris plus
indifcretement c'etoit dans la plus
mauvaife faifon de l'annee, 5c ces
pauvres Religieufes coururent rif-
que de la vie. La Mere Angelique en
eut une extreme inquietude, 8c tie
dormit point la veille de leur depart;
mais elle ne voulut jamais contredire
M. de Langres , facrifiant fa foeur a
l'obeiflance qu'elle fe croi'oit obligee
de rendre a ce Prelat. Enrin le mau-
vais tems les obligea de revenir, &c
le voi'age de Dijon fat remis a. l'an-
nee fuivante. » Les chemins etoient
" encore 11 mauvais quand elles par-
» tirent, qu'il leur arriva mille ac-
» cidens tres facheux , jufques-la
33 fit, ajoute-t'on , que
33 M. de Langres crai-
55 gnanr que cela ne cau-
53 sat du trouble 8c de la
53 confulion a P. R. lui
33 oidonna de retourner
33 aDijonavec fesfixfil-
55 les. 11 faut dire au con-
traire que M. de Paris vou-
lut qu'elle retournat i
Dijon , malgre M. de
Langres, l'an 1*54 ; il
fournit meme 1'argent
pour le voi'age ,parceque
ceux qui vouloient la re-
tenir a Paris, du nombre
defquels etoit M. de Lan-
gres , reprefenterentque la
maifon manquoit d'ai-
gent.
53 travaux ni s'acquitter
55 exaclement des fonc-
55 tions de fa charge f qui
35 le croira,lorfqu'onver-
35 ra tout ce qu'elle fit
55 depuis ) lui voulurent
35 donner pour la foula-
3) ger, la Reformatricedu
33 Tard (la Mere Jeanne
35 de Pourians) dont ils
so connoiflbient le mcri-
35 tc. Us la demanderent
33 au Pape qui la leur
33 accorda par une Bulle
33 du n juin i«30 ; mais
33 quclques perfonnes fi-
5> rent en forte aupres de
3) M. l'Archeveque de
3> Paris qu'elle ne fut
tj point adinife, Ce qui
-ocr page 325-
------------------------------------------------------------------------1
-------------
I. Partie. Llv. V. i6j
« qu'ai'ant ete obligees de defcendre — " ■"' ■"
*> de carofle dans un mauvais chemin
          '*
» a l'entree de la nuit , chacune mar-
« chant fans fe voir , Tune des Reli-
» ligieufes ( Agnes de Marie de la
» Falaire) fe trouva ii loin de la
»» compagnie dc tout-a-fait egaree ,
» que fans un Gentilhomme a cheval
»> qui la rencontra , & qui defcendit
j> pour la conduire jufqu'a ce qu'elle
» euc rejoint fon carofle, elle etoit
» au hazard de fe noi'er ou de fe tuer,
» fans parler d'autre accidens , dont
■» Dieu la preferva par cetre rencon-
« tre , qui pouvoit ctre fi dangereufe
« 8c qui fuc li favorable. Le jour
» merae qu'elles arriverent a. Dijon ,
« elles penferent encore erre noiees
(i§). C'eft ainfi que la Mere Angeii-
que de S. Jean parle de ce voi'age dans
la Relation de la vie de la Sceur Ma-
rie Claire (19). La Sceur Agnes de
Marie compagne de la Sceur Mario
Claire , en parle d'une maniere encor j
plus touchante : >> Quand jedirai que
« je crois fermement que ce font fes
« prieres ( de la Mere Angelique) qui
" nous ont preferv^es de la more
(18) Troifieme Partie, (is>) Premiere Partie,
"Tome III. Relation cin- Tome I. cinquiemc Rela-
quieme , page 453.
             tion , page 411.
-ocr page 326-
t<>8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.'
' j6i9. " par le chemin , je penferai dire tres
»> vrai. Car tout ce qui nous arriva
» dans ce voiage n'eft pas croiable,
» & fans parler de la maladie que
>» j'eus en chemin , dans laquelle je
w penfai mourir, aumoinsles Mede-
» cins difoient-ils qu'ils ne repon-
" doient pas de ma vie, en deuxren-
»» contres nous penfames mourir (10).
» II fembloit que la Mere previt tous
» ces malheurs clans l'extreme peine
» qu'elle eut de nous laifler parrir ;
» & comme j'ai dit, je fais que Dieu
» ne nous en aprefervees queparfes
» prieres. Les eaux furent une fois fi
» grandes, qu'elles couvrirent la por-
» tiere du caroffe ou nous etions , &
» fi nous n'eulfions ete deux a retenir
» ma Sceur Marie de Saince Claire ,
» la force de 1'eau l'auroit emportee.
» Je ne fais ou je pris alors des forces
» pour la retenir, car j'etois dans
» des pleurs & dans des angoifles qui
» ne peuvent s'imaginer. La devotion
» qu'elle avoit a Notre-Dame nous
»> fervit bien en cette rencontre, & en
n une autre encore plus epouvantable.
» Car notre carolfe s'etant embourbe
(19I Se!on une Rela- voi'jge , & tin autre let
tion , ccs acciclens arrive- ra^porte ,111 fecond.
vetent Jans le picrnier
u au
-ocr page 327-
-....... ----------------..............---
I. Pas.tie. Llv. P. \6)
*> au milieu des champs, 8c s'etant TTTT
»» rompu, qu 11 etoit deja preiquenuit,
» il nous fallut pour le moins faire
» deux lieues a pies , feparees les unes
» des autres, & nepouvantnous join-
s' dre , parcequ'on ne voi'oit goucte.
» Mais un Gentilhomme qae nous
» rencontrames par le chemin, eut
- pitie de nous, 8c me prenant,me con-
» duific deux lieues durant jufqu'i
« J'hotellerie. Pour ma Sceur Marie de
» Sainte-CIaire, elle alloit avec la
» Demoifelle qui nous conduifoit,
» peut-etre bien loin de moi, & nous
» criions queiquefois de toutes nos
» forces , pour tacher de nous reunir.
» Enfin nous arrivames a l'hotellerie
» ou ce bon Gentilhomme , que nous
>» avons toujours appelle depuis notre
»> bon ange , me laifla avec les autres.
Un mois avant que la Sceur Marie de
Sainte-CIaire &c la Sceur Agnes de
Marie partiiTent pour aller dans l'Ab-
baie du Tard, la Mere Jeanne de
S. Jofeph de Pourlans qui en avoit
etc AbbelTe, & avoit quitte fon titre
pour mettre l'Abbai'e en election,
etoit venue a P. R. avec une autre
Religieufe nominee Marie de la Croix.
Le delTein de M. de Langres etoit de
ie fervir de la Mere de S. JofepU
Tome I.
                          H
..
-ocr page 328-
I70 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
~~~.-------pour gouverner P. R. a la place de
?* 1'AbbefTe qui ne cherchoit qu'a obeir ,
8c qui eut enfin cetre annee la fatis-
fadtion, qu'elle defnoit depuis fi long-
tems, d'etre dechargee du poids de fa
dignite •, ce qui arriva ainfi.
XIT           La Mere Angelique craignant qu'a-
la Mere An- pres fa mort & celle de la Mere Agnes
Me'rqeUeA^nes fa coadjutrice , on n'introdiusit quel-
fe demeuent que Abbeffe qui n'aiant pas ece elevee
ti pout'fen- dans la maifon , detruiroit peut-etre
die l'AbbaYc en fix mois de tems tout le bon ordre
Eleaion dela qu eile avoir tant travame a y etabur ,
Mere Gene- penfa a fe demettre de fa dignite pour
Ht\e e "la rendre elective. La Reine Marie
KJ30. de Medicis entra avec bonte dans fes
fentimens : elle en parla au Roi fon
fils dans le terns qu'il revenoit triom-
phant apres le fiege de la Rochelle ,
& lui reprefentant tout ce qu'elle fa-
voit de la faintete de ces filles, elle
toucha tellement fa piete qu'il crut lui-
meme fervir Dieu en confentant que
cette Abbai'e fut elective & triennale ,
& il fit expedier au mois de Janvier
1619 fes Lettres patentes. L'affaire
ai'ant ete confirmee par le Pape Ur-
bain VIII , la Mere Angelique donna
fa demimon pure & fimple au mois
de juillet 1630. La Mere Agnes
jenon^a auffi i fon droit .de coadju-
-ocr page 329-
■ ——"-*— -
I. Paktib. Liv. V. i7«
torerie, mais avec cette referve, que ce — ......*'
n'etoit qu'au cas que la reforme fub- x 6 3 °*
fiftar dans P. R. Elle etoit pour lors
au monaftere du Tard d'ou elle en-
voi'a fa demiflion. Tous ces adbes
furent enregiftres au grand Confeil
felon les regies ordinaires. La com-
munaute elut pour la premiere fois ,
en prefence d'un grand Vicaire de
l'Archeveque de Paris, Genevieve Au-
guftin le Tardif, qui fut continuee
jufqu'en 16 $ 6.
Cecre nouvelle AbbeflTe etoit une xiu.
des novices que la Mere Angelique Changemeiis
avoir amenees de MaubuhTon. Elle nouvefie At-
avoit ete au monaftere du Tard & en beire<
avoit pris l'efprit. Elle avoir pour con-
feil la Mere Jeanne de S. Jofeph de
Pourlans que M. de Langres avoit faic
Prieure de P. R. Ainfi il n'eft point
etonnant qu'elle fut toujours prete £ •
executer fans examen routes les vo-
lonres de ce Prelat qui rrouvoit que
la grande docilite, la pauvrete & la
fimplicitequiregnoient dans lamaifon,
n'etoient pas propres a attirer des filles
de condition, &c rendoient les Saurs
toute betes.
Aufll eut - on grand foin
de les exclure dans le nouveau gou-
vernement. On mit au tour & a la
facriftie les Religieufes les plus im-
Hij
-ocr page 330-
1J1 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
parfaices , & uniquement pour les fa-
tisfaire , parcequ'elles l'avoient de-
mands. On ne vouloit plus recevoir
de penfionnaires fi elles n'etoient filles
de Marquis ou de Comtes. On fe
moquoit de la fimplicite des mets
qu'on fervoit au refe&oire. A l'Eglife
on ne voi'oit plus que parfums, bou-
quets , pliflure de linge. On prioit
indiftin&ement touces forces de Pre-
tres de venir dire la MefTe & de pre-
cher. A la recreation, il falloit fe
moquer les unes des autres , fe con-
trefaire , pour , difoit - on , fe de-
niaifer. Avec tout cela on pratiquoit
des aufterites extraordinaires , des
jeiines au pain & a l'eau, des peni-
tences les plus humiliantes. La Mere
Angelique voi'ant une fille alTez im-
parraite faire une de ces penitences, en
Futtouchee , & regarda ce changement
comme un miracle de converfion ;
mais elle ■ fut bientot defabufee , car
elle vit a la recreation du meme jour
cette fille rire &c railler autant qu'elle
avoir pleure le matin. Une pareille
conduite affligeoit extremement la
Mere Angelique , fans cependant
qu'elle s'en plaignit. Elle fe conten-
toit de fe dire a elle-meme : a quoi
ban tout celaj ^ elle fe repondoic
-ocr page 331-
t. PARfll. LlV. P.       17j
humblemenr, a detruiremon amourpro-
pre.
Rien ne toucha plus la Mere An-
gelique que ce qui lui arriva auili-
ror apres Feledion de I'Abbefle. Les
nouvelles Meres en place vinrent lui
demander 011 elle avoir pris rrois filles
qui eroienr dans la maiion ( donr elle
s'etoir chargee pour les rirer du peril )
8c lui declarerenr qu'elles eroienr re-
folues de les renvoi'er d'ouelles eroient
venues , parcequ'elles eroienr a charge.
La Mere Angelique en fur penerree de
la plus vive douleur, &c en pleura en
fecrer devanr Dieu avec rant de per-
feverance que fes yeux & fon vifage
decelerenr fon cceur. On s'apperc.uc
qu'on l'avoir rouchee dans l'endroic
le plus fenfible , 6c on eur alfez d'hu-
manire pour la prefler moins a ce fu-
jer , & pour lux donner le rems de
chercher elle-meme a bien placer ces
}>auvres filles. Malgre la retenue de
a Mere Angelique a ne rien dire
conrre le nouveau gouvernemenr, on
vir qu'elle n'en approuvoir pas la con-
duire •, c'eft ce qui lui fir dire an jour
parM. de Langres , quelle luinuifoit.
La Mere Angelique lui ai'anr repon-
du qu'elle ne parloir poinr, le Prelai
repliqua , votre ombre nous nult. En-
yole^-moi
, lui dit la Mere , ou vous
H iij
-ocr page 332-
174 Histoiri de Port-roYal."
routing, j'y irai. Le Prelat l'auroit
fait, s'il n'avoic eu befoin d'elle pour
folliciter l'affaire de l'inftitut du Saint
Sacrement. Pour la mortifier de plus
en. plus j il lui defendit d'ecrire da-
vantage a la Mere Agnes fa foeur qui
*toit an monaftere du Tard. Elle fe
foumit encore fans fe plaindre & un
ordre fi rigoureux &c cefia de donnet
par ecrit de fes nouvelles a fa foeur ,
&c de recevoir de fes lettres. Cepen-
dant la Mere Angelique s'accoutu-
moit a tout , & vivoit en grande
union avec l'Abbefle & la Prieure. Elle
foumoit avec une humilite &c une
foumiinon qui n'a gueres d'exemple ,
qU'on changeat dans le monaftere de
P. R. beaucoup de chofes qu'elle y
avoit fagement etablies. Car la Mere
Genevieve fe laifToit entierement con-
duire par M. de Langres &c les Reli«
gieufes qu'il avoit amenees, qui chan-
gerent les faintes coutumes de l'ordre
& y en introduilirent de nouvelles, fans
que la Mere Angelique fe melat de
lien. En un mot elle etoit la plus
humble & la plus foumife Religieufe
de la communaute (n).
(11) Il falloit une vcr-    tant de patience tout ce
tu audi parfaire que cclle    qu'elle eut a fouifirit fou»
de la Mere Angelique   untel gouvernement. On
pout fupportcr avec au-   lut deux ou troii fois ai»
-ocr page 333-
I. Parti*, tlv. V. 175
Cette annee on obtint, apres trois
ans de follicitations, les Lettres pa- * $°'
rentes pour l'inftitut du S.Sacrement. Lxl.y'v.
Voici l'occafion ou elles furent ac- accorde de«
cordees. Le Roi Louis XIII etant Lettres
Pa~
t /           1 1 \ t                 o /              1 ' tet«es pour
tombe malade a Lyon , & etant de- l'etablifle-
fefpere des Medecins , demanda & ,ment,delc'inf-
r                                               » .                     . ntut du Saint
rec.ut avec beaucoup de piete le iaint Sacremem,
Viatique. Il reflentit aufli-tot un fou-
Iagement fi confiderable, qu'il fut
regarde comme un effet miraculeux.
Ce Prince par un mouvement de re-
connoiftance, fit voeu de fe rendre
fondateur du monaftere du S. Sacre-
irient, dont on pourfuivoit alors l'e-
tablirTement (22). Il otdonna a M.de
Marillac Garde des Sceaux d'en ex-
pedier les Lettres patentes. Ce Minif-
tre y fait mention de la guerifon mi-
tefe&oire une hifloire ri-    tefi cTordure. Une autre
dicule qu'on avoit faite    fois on la fit venir an
de fa vie. Une fois, com-    refeftoite avec un grand
me les enf.ms ( dont elle    mafque de papier , & on
eut foin pendant deux ans    difoit : Ma Sceuri pn'ea;
apres fa demi.lion ) etoient    Dieu pour cette hypocrite ,
au refedtoire on la fit    pric\Dieuetu'Ul*convcrtiJJt
lever de table , &c on    en verite',&c. La Mere An-
lui pendit au col un pa-    gelique foulFroit ces in-
nier plein d'ordures puis    fultes avec joie. Mem.
on la mena a toutes les ta-    pour VHift. de P. R. P,trt.
blesendifant -.MesSoeurs,    II. Tome II. p'ges 411S &
regarded cette pa/ivremife-    417, Relat. I. n, 7-
rails creature qui a Vefprit (11) Dixieme Relation
plus rempH de perverja    de la premiere Partie,
tpinhni nut ce pattier ne    Tome I. page 507.
H nij
-ocr page 334-
176 HlSTOlRE BE PoRT-ROIAZ.
* '            raculeufe du Roi, de fa reconnoif-
fance pour un fi grand bienfait, &C
du vceu que Sa Majefte avoit fait.
m. l'Arche- Apres cer heureux fucces on s'a-
AKfafefondre"a a M- de Gondi Archeveque de
confcnte- Paris , pour commencer cec etablifle-
ment; mais ce Prelat offenfe de ce
que par la Bulle on lui avoit joint
pour la fuperiorite de ce monaftefe
deux autres Prilats , M. de Sens &c
M. de Langres , refufa pendant trois
ans fon agrement. Enfin vaincu par
les prieres & les follicitations de Ma-
dame la DuchelTe de Longueville, il
confentit a l'achat d'une maifon , a la-
quelle on travailla auffi-tot a donner
la forme d'un monaftere. Cetre mai-
fon etoit fuuee dans la rue Coquil-
liere quartier du Louvre, au plus
grand bruit de Paris, environnee de
rues & de grandes maifons , fans au-
cun moi'en de s'etendre qu'en faifant
des depenfes exceflives. Mais on vou-
loit le voifinage de la Cour pour y
attirer des fil'es de condition. C'etoit
le gout de M. de Langres. Ce Prelat
dans les premieres annees de fa con-
verfion , qui fut le terns auquel la
Mere Angelique commenca de le
connoitre , ne refpiroit que Dieu 8c
paroifloit mort au monde •, fon pre-
-ocr page 335-
l. Part it. Liv. V. 177
*nier plan dans l'inftitut du S. Sacre-
ment fut, comme nous l'avons deja
dit, d'eriger un ordre de Religieux
plus retires &c plus aufteres que les
Chartreux. Puis il jugea plus a propos
que ce flit un ordre de rules. Sa pre-
miere vue etoit qu'elles fuflent ex-
trcmement pauvres , & que pour mieux
honorer le profond abbaiflement de
Jefus-Chrift dans l'Euchariftie, elles
portalTent fur leur habit toutes les
marques d'une extreme pauvrete. En-
fuite le fejoiir de Paris , la diffipa-
tion des compagnies ai'ant refroidi fa
devotion & rallenti fa premiere fer-
veur, fes idees changerent aufll par
rapport a l'inftitut du S. Sacrement.
Il imagina qu'il falloit attirer la ve-
neration du Peuple par un habit qui
eut quelque chofe de majeftueux •, que
les Religieufes portalTent de grands
manteaux trainans , un fcapulaire
rouge de belle ecarlate, de beau lin-
ge ; que l'Eglife fut magnifique; qu'on
y dit matines le foir a huit heures , &
que tout y fut fi gracieux & fi riant,
que rien ne rebutat les filles de la
Cour : en fin il vouloit que les Reli-
gieufes fuflent polies, civiles6i d'une
devotion enjouee. Il avoit fait diffe-
rens reglemens, dontla plupart avoient
H v
-ocr page 336-
------------------------—--------
178 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.'
befoin d'etre rectifies. Pour la clo-
°* ture il la vouloit tres exadte , avec
routes les obfervances qui ne cho-
quoient pas la politefle. Et comme la
Mere Angelique n'etoit pas au juge-
ment de M. de Langres aftez fpiri-
tuelle pour demeler tout cela, il
defiroit fort qu'elle n'en fut pas Su-
perieure , quoique la bullela nommat :
il avoit jette les yeux fur l'ancienne
AbbefTe du Tard-, & dans ce defTein
il avoit fait venir un bref de Rome,
par lequel il etoit permis a la Mere
Jeanne de S. Jofeph d'entrer dans la
maifon du S. Sacrement. Mais M. de
Paris tint ferme , & voulut abfolu-
ment que celle qui etoit defignee par
la bulle, fut Superieure , & elle le fuc
effedivement.
•j,> Le nouveau monaftere de l'inftimt
du S. Sacrement fut ainfi etabli, a
condition neanmoins qu'on n'y rece-
vroit point de filles avant d'avoir fa-
tisfait aux intentions de M. de Paris.
II demandoit que dans un an on feroit
reformer la bulle qui lui aflbcioit deux
Prelats dans le gouvernement d'un
monaftere de fon diocefe , & qu'en
qualitc d'Eveque diocefain, il feroit
principal Superieur auquel appartien-
droit l'examen .& la profeiuon dej
-ocr page 337-
-                        - -       - - - ----------------
I. Part ie. Llv. V. 179
filles, & autres prerogatives par-deflus —-■•
les autres Superieurs. En confequence * "*
de cette tranfa&ion, la maifon rat be-
nite par M. Ie Blanc Official & gf and
Vicaire de Paris, & le S. Sacrernent
y fut mis le 9 mai 1633 par M. 1'Ar-
cheveque qui"y officia. II vinf au
parloir apres la Mefle, & fouhaita
mille benedictions a la Mere Ange-
lique & a. fes filles. II leur parla avec
beaucoup de bonte, & dit a la Mere
qu'il prioir Dieu qu'elle devint une
Mere feconde.
La Mere Angelique etoit entree la x y.
veille 8 du mois, dans le monaftere Angefiqj^
du S. Sacrernent avec trois Religieu- we dans le
fes de P. R., la Sceur Marguerite de ^sUmmm
la Sainte Trinite de Mauroy , Sceur le 8 M*i.
Agnes de la Mere de Dieu deChouy,
SoEiir Anne de S. Paul Arnauld , &
quarre poftulantes, Sceur Catherine
de Sainte Agnes Arnauld , Madelaine
de Saint Agnes de Ligny , Anne de
la Nativite Saife , Anne de Jefus de
Foifly dite de Chameflbn , &c une
Sceur converfe du Tard. Madame de
Lon^ueville avoir amene dans fon
carofle la Mere Angelique & fes trois
profefTes. Madame d'Andilly & Ma-
dame de Ligny avoient amene les
autres. Les trois Superieurs fembloient
Hvj
_
-ocr page 338-
I 8<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
alofs etre en aiTez bonne intelligence,
lis allerent tous trois y celebrer la
Mefle pontificalement •, M. de Paris le
dimanche de l'o&ave, M. de Sens
le lundi, M. de Langresle mardi. Ce
dernier voiant qu'il n'avoit pas reuni
dans fon projet de mettre pour Supe-
rieiire du nouveau monaftere l'an-
cienne AbbefTe du Tard , affbcia con-
tre toutes les regies, a la Mere An-
geBque pour le gouvernement de la
maifon , une poftulante nominee
Sceur Anne de Jefus done il faifoic
beaucoup de cas. Ses vues etoient de
la former pour etre Superieure aufli-
tot qu'elle feroit profefle ; il la croi'oit
tres propre pour la conduite , parceque
e'etoit une fille de condition, fort bien
faite. Elle avoit de l'efprit, quoi-
qu'altier & peu folide •, elle parloit
bien &c favoit entretenir le monde. Ce
fut pour la Mere Angelique une oc-
cafion de faire connoitre plus que
jamais fa (iinplicite & fon obeiiTance,
en s'a(Tujetiliant a, un ordre auffi fin-
gulier qu'etoit celui de M. de Lan-
gres , qui lui avoit ordonne de ne rien
faire fans l'avis de cette poftulante.
Elle le fit d'une maniere qui etoit le
fttjet de l'admiration de fes filles,
quoique ce ne fut pas toujours fans y
-ocr page 339-
—_,—^^- —
I. Partih. Lh. V. \%i
trouver a redire •, parceqae n ai'ant------>—*
pas autanr de docilite & d'humilite l63 3«
que leur Mere , elles fouffroienr Con-
vent
avec quelqu'im patience , qu'ane
fille nouvell&mint entree, en Religion,
la derniere de toures , fans experience
&c d'une verru mediocre , eiit la con-
noiiTance & laconduite de routes cho-
fes , & qu'elle s'elevat meme au-dellus
de la Mere Angelique, qui etoit con-
trainre de lui ceder.
La Mere Angelique dans-Ton nou- xvt.
veau monaftere donnoit a fes filles^e^An*
l'exemple de routes les vertus. Elle gchque dans
&oit exafte a l'office , a l'afliftance feue 1™''
& a la veille devantle S. Sacrement,
quoique fujette a degrandes migraines
& a de violentes coliques. Elle gar-
doit une profonde retraire 8c un ri-
goureux filence , fuiant le parloir oil,
difoir-elle , les Religieufes perdent
toujours , 8c les Seculiers ne gagnent
guere a leurs entreriens. Elle aimoit
tendrement fes filles & les affiftoir en
tour. Quelle attention a prevenir leurs
befoins dans certe maifon fi pen com-
mode J So. vigilance en ce point etoit ii
grande, qu'elle alloit elle meme a la cui-
ane pour mettre 1'ordre par-tour. Elle
avoir une charite compaufTante pour ies
-ocr page 340-
l8i HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
pauvres, dont elle devenoit la mere
par tout ou elle fe trouvoit. La pau-
vrete faifoit fes delices , &c elle ne
manquoit jamais de choifir pour elle
ce qu'il y avoit de plus vil, de plus
fale &c de plus incommode. II falloit,
felon elle , avoir oublie fa profeffion
&c l'obligation de fes vceux , pour agir
autrement , & ne pas fe contenter de
ce qui eft le plus pauvre. Perfonne
ne comprit jamais mieux qu'elle , ce
precepte de Notre Seigneur, que cc-
lui qui eji It plus grand , dolt devenir
le moindrt.
Perfuadee, comme elle
l'etoit, qu'une Superieure eft chargee
de tous les offices, elle fe confideroit
par-tout comme la premiere ofhciere.
Auffi ne trouvoit-elle rien detropbas
ni de trop fatiguant pour elle ; elle
cro'ioit que la charite l'obligeoit a tout
embracer , fur-tout a l'egard des ma-
lades , dont elle prenoir tin foin tout
particulier. Elle les vifitoit affidu-
ment &c leur rendoit tous les fervices
les plus bas , de quelque nature que
fuffent les maladies. On l'a vue fix
mois apres fon entree dans le nouveau
monaftere du S. Sacrement, foigner
feule la Sceur S. Paul attaquee d'une
petite verole pourpree, tandis qu'elle
-ocr page 341-
I. Partie. Llv. V. iSj
ne permettoit pas que les autres Sceurs — ■*'
entrafFent dans fa chambre.Elle y cou- '*"
choit & y prenoit fes repas, malgre l'in-
fedtion & les reprefentations des Sceurs
&desMedecins,qui affuroient quecette
maladie etoit auffi contagieufe que la
pefte. Ce n'efl: point parceque la Sceur
Anne de S. Paul etoit parente de la Me-
re Angelique qu'elle avoit un fi grand
foin d'elle , puifqu'elle en agiilbit de
memo a l'e^ard des autres fans dif-
tindtion des converfes.
Le moment de la Sceur Anne de xvn.
Sr» 1 '                • ' o               \ r           Maladie tS
. Paul etoit arrive, & tous les loins morc je ja
de la Mere Angelique nepurentlui fau- SoeurAnnedo
vie (23). Elle etoit entree a P. R. nauu.
a l'age de vingt-un ans contre la vo-
lonte de Meflieurs fes parens. Elle ap-
porta 8c conferva dans le cloitre l'in-
nocence de fon bapteme, felon le
temoignage de M. le Cure de S. Jean
en greve , qui l'avoit dirigee des fon
enfance , dc avoit entendu fa con-
feflion generate a la mort. Elle avoit
une ferveur extraordinaire, & etant
novice elle demanda permiffion de
pafTer l'annee de fon noviciat en foli-
(i?) Elle etoit coufine   general des reftes , qui
germaine de la Mere An-   etoit frere de M. Arnauld
gelique , etant rule de    l'Avocat pere de la Mete
M. Ainauld Controleur    AngelUiuc.
-ocr page 342-
I. Par.tib. Liv. V. 185
Mere Angelique , dans une grande ■ ' ' '"**
confiance &c une grande joie d'aller a *'"
Dieu , apres avoir fait une confeffion
generate &c recu le faint Viatiqne avec
ce grands fentimens de piete & d'hu-
milite.
                                             xvitt.
L'inftitut du S. Sacrement ne fut peracuttan
f>refque pas plutot etabli , qu'il s'c- ™ntre p- ,R-
^         r r.             r. .            >■ .           * & l'occalio«
eva une grande periecution qui penia ju ch^da.
le renverfer. C'eft ici proprement la
premiere periecution contre P. R.
Elle ne fut guere moins injtifte de la
part des homines que la premiere qu'ef-
fui'a autrefois l'Eglife naiffante. De la
part de Dieu elle fut un moi'en pour pu-
rifier cette maifon, dont l'etablifiement
avoit ete mele de tant de defauts. M. de
Sens Pun des trois Superieurs de cet inf-
titut fut le plus ardent a le traveifer. Le
Chapelet du S. Sacrement,
qu'il avoit
autrefois approuve lui - meme , lui
fervit de pretexte. La Cour meme s'en
mela : les filles du monaftere du Saint
Sacrement y furent decriees comme des
heretiques, des vifionnaires; quel-
ques-uns allerent jufqu'a les traiter de
forcieres. Les Carmelites memeprirent
parti contre cet inftitut, & firent voir
par leur exemple que les ames les
plus fainres ne font pas a Pabri de la
-ocr page 343-
l8(J HlSTOIRE DE PORT-Ro'lAt.
prevention (i4).D'ailleurs elles etoient
mecontentes de M. de Langres, avec
lequel elles s'etoient brouillees aufujet
de la Sceur Marie de Jafus Sous-prieu-
re du petit couvent de Paris, parce-
que ce Prelat avoir voulu la titer de
fon ordre, pour la faire Superieure
da nouvel inftitut. Cette bonne fille
recevoit beaucoup de vifites des Sei-
gneurs & Dames de la Cour , fous
pretexte qu'elle avoit le don de ga-
gner les ames a Dieu. Une Dame lui
aiant demande fon avis touchant une
fondation de 18000 liv. qu'elle vou-
loit faire aux Carmelites , elle lui
confeilla de les donner au monaftere
du S. Sacrement. Ce trair de definte-
reflfement offenfa fes Sceurs. Elles en
avertirent M. de Berulle qui lui in-
terdit abfolument le parloir; il alia
meme jufqu'a la depofer de fa charge ,
& la condamna a une folitude tres
etroite. Elle s'y foumit avec beaucoup
de docilite & mourur dix mois apres.
Cet evenement indifpofa M. de Lan-
gres contre les Carmelites , dans la
perfuafion ou il etoit, qu'elles avoient
maltraite injuftement cette fille. Les
(14) Vo'i'ez la 6c Relation de la premiere Partie,
Temc I. page 417. n. 7.
-ocr page 344-
l8<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
______ prevention (i^.D'ailleurs elles etoient
16}}. mecontentes de M. de Langres , avec
lequel elles s etoient brouillees au fujet
de la Soeut Marie de Jefus Sous-prieu-
re du petit couvent de Paris, parce-
que ce Prelat avoit voulu la titer de
fon ordre, pour la faire Superieure
du nouvel inftitut. Cette bonne fille
recevoit beaucoup de vifites des Sei-
gneurs & Dames de la Cour, fous
pretexte qu'elle avoit le don de ga-
gner les ames a Dieu. Une Dame lui
ai'ant demande fon avis touchant une
fondation de 18000 liv. qu'elle vou-
loit faire aux Carmelites , elle lui
confeilla de les donner au monaftere
du S. Sacrement. Ce trait de definte-
refTement offenfa fes Soeurs. Elles en
avertirent M. de Berulle qui lui in-
terdit abfolument le parloir; il alia
meme jufqu'a la depofer de fa charge ,
&c la condamna a une folitude tres
etroite. Elle s'y foumit avec beaucoup
de docilite & mourut dix mois apres.
Cet evenement indifpofa M. de Lan-
gres contre les Carmelites , dans la
perfuafion ou il etoit, qu'elles avoient
malttaite injuftement cette fille. Les
(14) Voiez la «e Relation de la premiete Partie,
Teme I. page 417. n. 7.
-ocr page 345-
I. Parti«. Liv. P. 187
Carmelites de leur cote fe plaignoient —"-"""'
de M. de Langres pour qui elles ""
avoient peu d'eftime. M. de Sens qui
etoit dans les interets des Carmelites &
qui avoit leur confiance, comme M.
de Langres avoit celle des fillcs du
S. Sacrement, profita decettedivifion
pour entreprendre de miner cet Ordre
des fa naiflance. Tous ces motifs , ces
piques , ces querelles particulieres ,
ces jaloufies furent la caufe de la pre-
miere perfecution que P. R. a efluiee.
II etoit d'autant plus important de
faire connoitre les differens mobiles
de cette perfecution, que la querelle
du chapelet a fait plus de bruit, 8c
que les ennemis de P. R. ont voulu
dans la fuite s'en prevaloir contre ce
jnonaftere.
Le moi'en qu'emploi'a M. de Sens xix.
pour reulfir dans fon entreprife, fur ch°"^'tne,
d'attaquer un petit ecrit de trois oucrct.^
quatre pages qui avoit ete dreffe en
1628 , comme nous l'avons remar-
que, avec fimplicire paruneReligieu-
fe de P. R. (la Mere Agnes) de la
maniere que nous allons dire.
La Mere Genevieve le Tardif reci-
toit un jour un chapelet contenant ces
trois mocs : Jefus , amour, mifericor-
-ocr page 346-
I 58 HiSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
de; il lui vint a l'efprit de dire, a la
place de ces mots, les paroles fuivan-
tes : Adoration a Jefus-Chrijl au tres
S. Sacrement j honneur a Jefus-Chrijl
au tres S. Sacrement j gloire a Jefus-
Chrijl au tres S. Sacrement.
Elle com-
muniqua fa devotion a la Mere Agnes
qui la gouta fort, & la Mere Gene-
vieve jugea a propos de l'augmenter ,
ajourant d'autres paroles jufqu'a. feize
en Thonneur des feize fiecles qu'il y
avoit que le S. Sacrement etoit infti-
tue , avec une oraifon a la fin. Ce
chapelet fut imprime , & perfonne n'y
trouva a. redire.
L'autre chapelet qui a fait tant de
bruit tic dont U eft ici queftion, appelle
le Chapelet fecret, fut compofe par la M*
Agnes, avec aufli peu de deflein que
le premier. Cetie Religieufe a'fant eu
la penfee de fe fervir d'autres paroles
moins ufitees,en parlaau P.deCondren
de l'Oratoire , qui lui demanda com-
ment elle les entendoit. Elle lui die
qu'elle auroit peine a s'expliquer de
vive voix , mais qu'il lui fembloit
qu'elle l'expliqueroit bien facilement
par ecrit. Le P. de Condren lui aianc
ordonne de le faire , elle ecrivit fes
penfees fans reflexion} comme li elle
-ocr page 347-
■■■ - ■>■ ■■■■■-------------------------------------------------------------------------------------------------
....
I. Par. tie. Llv. f. 189
ri*eiit fait que copier quelque chofe :
elle a dit depuis & l'a meme ecrit,
qu'elle ne pouvoit pas s'en rien attri-
buer a elle-meme, parcequ'elle n'a-
voir prete que fa main , & qu'un autre
efprit que le fieri, lui di<5toit ce qu'elle
ccrivoit prefque fans reflexion ; de
forte qu'il falloit que ce fut ou l'efprit
de verite , ou l'efprit d'illufion qui
l'euffent conduite en cela , & qu'il lui
fembloit qu'elle-meme n'y avoit point
de part. Elle le mit entre les mains du
P.deCondren qui l'approuvaavec eloge.
La Mere Agnes envoi'a enfuite cet
ecrit a M. de Langres, qui lui manda
qu'elle devoit reverer ces paroles, non
comme venant d'elle , mais comme des
peixfees de Jefus-Chrift en elle. On
tint neanmoins cet ecrit fort fecret,
8c il ne fut donne au-dehors qua la
Mere Marie de Jefus, cette Carmelite
dont nous avons parle ci-deiTus; & a
quelques autres perfonnes ,quietoient
de celles qui travailloient a l'etablif-
fement de l'ordre du S. Sacrement.
On le niontra a M. de Sens , qui ve-
noit alors familierement a P. R,, 8c
il l'approuva beaucoup. Madame de la.
Tremoille Abbefle du Lys etant venue
^ P. R. on le lui communiqua ,&elle
defira d'en avoir une copie qu'on ne
-ocr page 348-
-------
l$0 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
— put lui refufer. Il y a apparence que
ce fut cette copie , ou celle de la Mere
Mane de Jefus Carmelite qui tomba
entre les mains de M. de Sens. Il fe
paifa pres de fix ati£ depuis la naiflan-
ce de ce chapelet en 1628, jufqu'au
commencement de cette querelle
en 1633. Dans cet intervalle il ar-
riva divers changemens qui difpofe-
rent les chofes a l'eclat qu'elles nrent
depuis. M. de Langres, comme nous
l'avons deja dit, ne conferva pas les
fentimens de piete & d'eloignement
du monde, dont il avoit ete touche
d'abord, & qui avoientdonne a la Mere
Angelique tant d'eftime pour lui. Ce
relachement influa fur le premier pro-
jet qu'il avoit forme de fon nouvel
inftitut.
Des le commencement»M. de Sens
de fon cote avoit pris beaucoup de
part a ce pieux deffein; mais dans la
fuite il fe refroidit peu-a-peu a l'oc-
cafion de quelques Religieufes de P. R.
qui avoient quitte fa direction pour
fe mettre fous la conduite de M. de
Langres. Enfin il s'en eloigna tout-a-
fait, ne pouvant fouffrir que les Re-
ligieufes eulTent moins de confiance
en lui qu'en ce Prelat. Lorfque l'eta-
bliflement fe fit, il ne voulut plus s'en
-ocr page 349-
I. Par tie. LivV. 191
■tneler. 11 follicita meme fecretement---------—•
M. de Pans contre l'inftitut; 8c quand l $*'
il fut acheve, fa jaioufie augmenra a
la vue du fucces d'une entreprife qui
avoit reuffi fans ,lui 8c malgre lui.
Alors cherchant a la traverfer, il ne
trouva point de moien plus propre a.
fes vues , 8c a contrarier M. de Lan-
gres, que le chapelet fecret dont il
etoit prefque le feul qui fe fouvint,
tant on en avoit fait peu d'ufaee.
Cet ecnt, dont il avoit ete I act- M jeSeni
mirateur } lui parut alors une devo fait cenferet
tion extravagante & pleine d'illufion. fecrttparp™
Il le donna a examiner a M. Duval vai, & fepc
Superieur des Carmelites, 8c a feptteUK.
autres Dodteurs, fans leur dire qui
1'avoit compofe, en leur faifant en-
tendre que c'etoit a cet ecrit que fe re-
duifoit toute la devotion du nouvel
inftirut. Ces Dofteurs jugeant a la
rigueur de certaines expreffions abf-
traites 8c relevees, telles que font
a-peu-pres celles des myftiques, le con-
damnerent par une cenfure datee du
j 8 juin 163 3 (15). Cette cenfure fe
<i.<j) On fir dans la    M. Cornet, qui a depuii
fuite des remarques fut   fait tant parler de lui, &
cette cenfure , qui en in-   caufe tant de maux dans
firment beaucoup la force,    la Faculte de Theologie de
( Il eft a remarquer qu'elle   Paris.) II ne fut pas diffi-
Alt fignee par le fameiuc   cile de fajre Y«ic qu'il j
-ocr page 350-
19* HlSTGIRF. DE PoRT-ROIAE.
1633. trouve dans le Recueil de d'Argentre.
C'eft la premiere piece du troifieme
Tome, auquel quelques Dodteurs
de Sorbonne ont travaille. Au lieu
de mettre le chapelet fecret avant la
cenfure , on a mis en la place un
petit ecrit du P. Seguenot, qu'on a
pris pour le chapelet fecret. C'eft unet
des plus legeres fautes dont fourmille
ce Recueil, ou Ton a voulu ramafTer
routes les cenfures contre les pretendus
Janfeniftes.
xxi.        M. de Sens ne fe contentant pas de
w. de sens ja cenfure des Do6teurs de Sorbonne ,
lenvoieaRo-           ,.                  . ,               -         v
mc ou ii eft envoia encore le chapelet Jecret a Rome
fuprimfi.mais pOUr [e faire examiner. En meme-
Jans aucunc r          .
•ejjfiue. terns ii fit publier contre ce chapelet
un petit ecrit, dont on croit que le
P. Binet Jcfuite etort auteur. On fit
audi courir le bruit que ce chapelet
ruinoit la foi , l'efperance , la charite
& tous les myfteres; qu'il renouvelloit
I'Arianifme & le Neftorianifme. Les
demarches de M. de Sens du cote de
Rome n'eurent pas tout le fucces qu'il
en avoit attendu. La Mere Angelique
allarmee de ces bruits, fit chercher
»voit beaucoup d'artifice    6toient les principaux au-
8r de malice. On decou-    teurs, 8c on fit part au
vrit la mauvaife foi de    Public des intrigues dont
ceux qui l'avoient extor-    les uns 8c les aucres s'e-
^uce , 8c de. ceux qui eg   toient fervis,
ce,
-ocr page 351-
WBf!^m^rr~-----'-------------------- ~~                                            ~
I. Partie. Liv. V. 195
ce chapelet , done on ne put trouver           *
de copie, ni dans la maifon du S. l63J-
Sacrement ni a P. R. Elle fur obligee
d'ecrire a la Mere des Anges a qui on fe
fouvint d'en avoir donne copie :
l'ai'ant eu par certe voie, elle 1'envoi'a
a M. de Saint - Cyran par ordre de
M. de Langres , pour qu'il I'examinat.
Cet Abbe apres avoir pafle quatre
heures a I'examiner avec un efprit de
cenfeur, fans pouvoir rien trouver
qui ne fiit bon & foutenable , le ren-
voi'a le foir meme a la Mere Angeli-
que qu'il favoit etre inquiete a ce
fujet •, & il 1'afTura par fa lettre, qn'a-
pres l'avoir lu & examine fans aucune
preoccupation , pret a le condamner
s'il le meritoit, comme a l'approuver
s'il etoit bon, il n'y avoit rien trouvc
contre la verite catholique & qui ne
fe put tres bien foutenir. M. de Lan-
gres & la Mere Angelique eurent une
extreme joie, de voir qu'un Theolo-
gien auffi eclaire que M de S. Cyran
ne trouvoit point d'erreur dans 1'ecric
dont on parloit tant dans le monde i
& a la Cour , oil on faifoit pafifer les
Religieufes du S. Sacrement & de
P. R. pour des heretiques , des vifion-
naires & meme des forcieres.
De plus, M. de Saint-Cyran en ecri-
Tomi I,                           I
-ocr page 352-
—----------
—-------.—-——--------------------------------
194 Histoire de PoR.-r-R.oiAr.
,         vit a un celebre Do£teur de Louvain,
M. Janfenius fon intime ami , qui le
il eft ap- communiqua a un autre habile Theo-
prouvc par Wien nomme M. Froidmond ou F ro-
les Theolo- •=•
                     .         .             v              I ' v
gicns de Lou- mono. 1 ous les deux tres attaches a
vain.
          I'antiquite & ennemis de toute nou-
veaute, approuverent le chapelet fe-
cret avec eloge , 8c declarerent que
les expreffions de ce petit ecrit etoienc
celles d'unt ame ennivree de ramour
de Dieu, &c.
Leurs approbations qui
furent imprimees , fe voient dans la
feconde note que M. Nicole a faite fur
le chapelet a la fin de la feizieme let-
tve provinciale.
L'approbation des Do&eurs de Lou-
vain aiant ete divulguee, ceux de
Paris qui avoient figne la cenfure , fe
plaignirent comme M. Hallier , qu'on
les avoir furpris , en leur donnant a.
entendre que les auteurs de cet ecrit
etoient des perfonnes qui avoient fait
beaucoup de bruit, au lieu qu'ilavoit
ete compofe par une Religieufe bien
cloignee d'aucun mauvais deffein, qui
avoit (implement exprime les difpofi-
tions ou elle fe trouvoit. De tous les
autres Do&eurs de la Faculte de Pa-
ris , les tins approuverent le chape-
let par ecrit, les autres declarerent
OUYercement qu'il$ n'y rrouvoient rien
-ocr page 353-
--------------------____-----------.------------
I. Part ik. Liv. V. 19 j
de mauvais , & que fi on en parloit 16}i.
dans leur aflemblee ,ils en prendroient
la defenfe.
Apres la cenfure des huic Doc-
teurs, M. de Saint-Cyran ecrivit en
16 3 3 une apologie pour fervir de de-
fenfe au chapelet fecret, & pour refu-
ter les remarques faites, a ce qu'oti
croit, par le P. Binet. Cette apolo-
gie fe repandit d'abord manufcrite >
mais elle fut imprimee l'annee fui-
vante 16349 avec le chapelet &c les
remarques qui l'attaquoient (2.6). Pen-
dant que les chofes fe paifoienc ainft
en France, on apprit le jugement que
le Pape avoit rendu fur le chapelet a
la follicitation du General des Jaco-
bins. Au lieu d'une cenfure & d'une
condamnation que les adverfaires du
chapelet avoient demandees, ils n'ob-
tinrent qu'un decret portant , que le
Chapelet ne meritoit ni cenfure ni
d'etre mis a l'index; & qui ordonnoit
(16) M. de S. Cyran,    » choque les huit Doc
die M. Nicole, note fecon-
    » teurs : ce qu'il fit avec
de fur la feizieme lettre
    » tant de lumiere & de
provinciale, » detruifit
    » nettete' , qu'il fembloit
35 lei accusations de ce
    » avoir entierement d£-
« Pere, & £daircit ce
    » farme ceux qui ra-
sa qu'il y avoit d'obfeur
    » voientcondamnee.L'ap-
3> dans les paroles de la
   probation des Do&eurs de
» Religieufe , interpre-
    Louvain fut aufll impri-
3> tant dans un fens ca-
   mee a la tete de cette de-
» tholique cc qui avoit
   fcufe.
I ii
----^^
-ocr page 354-
I----------------,----------------------,-------------—-----------------------
I9<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
feulement qu'il demeureroit fupprime
'*" de peur que les fimples n'en abufaf-
fent.
Cette difpute paroiflbit s'aflfoupir
lorfque la querelle le renouvella par
la publication d'un petit ecrit du P.
Seguenot de l'Oratoire , intitule :
Elevation d'efprit a Jcfus Chrijl Notre-
Seigneur au tres Saint Sacrement
,
con tenant divers ufages de graces furfes
perfections divines.
11 etoit drefle par
articles , & fous les memes titles du
chapelet fecret. M. de Sens prit de
nouveau l'allarme , & croiant avec
ceux de fon parti que cet ecrit venoit
de la metne fource que le chapelet
fecret , il s'echauffa plus que jamais,
comme fi les auteurs ou defenfeurs du
chapelet euflent contrevenu au decret
du S. Siege qui en avoit ordonne la
fuppreflion. On donna done un nou-
vel ouvrage au Public fous ce titre :
Examen d'une apologie qui a etifaite
pour fervir de defenfe a un petit livre
intitule', le Chapelet fecret du S. Sa*
crement, & pour refuter quelques re-
marques qui avoient etc faites fur ledit
chapelet.
On y blame d'abord l'auteur
de l'apologie ( M. de S, Cyran) d'e-
tre ingenieux a donner un bon fens
jinx paroles du chapelet (comme fi
-ocr page 355-
----------------------
I. Par. tie. Llv. V. 197
c'etoit un crime d'avoir de la charite > —~ —
qui eft ingenieufe a expliquer en bonne ' "
part les actions , les paroles & les
ecrits du prochain). A cet examert ,
M. de S. Cyran fit une reponfe inti-
tulee : Refutation d'un examen n'a-
guere publie contre la reponfe fake aux
remarques d'un Theologien contre U
chapelet fecret du S. Sacrement.
M. Nicole fait fur ces deux ecrits
la remarque fuivante dans l'endroit
deja cite. » L'explication que M. de
» S. Cyran avoir donnee du chapelet
» (dans fon premier ecrit) parut tel-
v ■ lement hors d'atteinte a tout le
» mpnde, qu'un auteur qui entreprit
» de la refurer par une mauvaife re-
« ponfe qu'il intitula : Lexamen, &c.
» fut contraint d'avouer que les expli-
»j cations que M. de S. Cyran don-
»> noit aux expreflions de la fille , qui
« avoir fait le chapelet , etoient tres
»> catholiques & rres orthodoxes ; & il
»> fut reduit a dire feulement que ce
» n'etoit point le fens naturel du cha-
»> pelet, mais une glofe & un fens
» force. M. de S. Cyran ruinaparun
« fecond ecrit toutes ces chicanes , 8c
» il le fit avec tant de clarte, qu'on
»» peut dire qu'il n'a pas laifle la
» moindre ombre de dirficulte fur
Iiij
---       __     ......        .....    __,_      . ...._.     ___
-ocr page 356-
1<>8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
———- » cette matiere. Les livres qui ont
1 5 3 • » etc faits fur cette difpute font tres
w rares, 6c j'ai eu , continue M. Ni-
»» cole, beaucoup cle peine i les trou-
?> ver. Il n'y en a point neanmoins qui
» meritent davantage d'etre rcirapri-
» mes. Car encore que j'aie toujour*
»» beaucoup admire l'elevation d'ef-
»> prit de cet illuftre Abbe , jamais
» il ne m'a paru fi grand que dans
*> ces ecrits , par la maniere dont il
» demele routes les difficultes de cette
»» matiere. II n'eft pas croi'able avec
« quelle lumiere il en dillipe les obf-
t          » entires, avec quelle force il ren-
» verfe fon adverfaire, avec quelle
« folidite il repond a. toutes fes ob-*-
» je<5tions.
xxm. Cette affaire en demeura la pour
La difpute \<yi$, Mais Un an apres, la difpute re-
du chapelet                             TT wir ■            l
kcret fe te- commenc^. Un Jeiuite y donna occa-
aouveiie. gorv en mettant au jour un ecrit fous
ce tit re : Difcuffion fommaire d'un li-
vnt intitule , le Chapelet fecret du
S. Sacrement , & de ce qui a ite ecrit
pour en difendre la doctrine.
Comme
Tauteur de cet ecrit pretendoit dans
fa preface que la rupture venoit de
M. de Langres & des fiens , qui
avoient publie, difoit-il , un eerie
fecret defendu par le S. Siege, M. de
-ocr page 357-
I. Partie. Lii>. V. 199
S. Cyran le refuta. Mais l'ecrit du Je--------——
fuite ai'ant eu peu de cours, & la - l $5
querelle s'aflbupiflant d'elle - meme ,
on ne fe mit pas en peine de faire im-
primer la replique. Ce fut ainfi que fe
termina de nouveau cetce conteftation.
Les Jefuites qui favent combien ces
faits font embrouilles 6c connus de
peu de perfonnes , n'ont pas manque
de tems en tems d'en renouveller la
memoire dans leurs livres pour fletrir
la reputation de M. de S. Cyran , done
Dieu fe fervit en cette occafion pour
jufbifier l'innocence de la Mere Agnes.
Dans le tems de cette difpute elle
etoit a l'Abbai'e de Tard , d'oii elle
"<Scrivit le 7 juin 1634, une lettre de
remercimens a fon digne apologifte.
Les Jefuites ai'ant depuis calomnie M.
de S. Cyran au fujet du chapelet, fur-
tout le Pere Brifacier , qui le lui at-
tribue dans fon libelle intitule, le
Janfenifme confondu ,
la Mere Agnes
fit en 1651 la declaration fuivante,
qui fut imprimee alors dans la de-
fenfe de la unfurt de M. de Paris contre
1'ouvrage de ce calomniateur public.
» Je fouffigne , Sceur Catherine Agnes okiaratie*
»> de S. Paul, Religieufe & Prieure d<= U Mere
» indigne du monaftere de P. R. du ^Uiet"'
m S. Sacrement, reconnois & certifie
I iii;
-ocr page 358-
2 00 HlSTOTRE DE PoRT-Ro'lAt."
" qu'aucune que moi n'a compofc
» l'ecrit intitule, le Chapelet fecret
» 4u S. Sacrement; que je l'ai fait
» plus de quatre ans avant que je
» connufle feu M. de S. Cyran, finon
» de reputation, & pour 1'avoir vu
y> une feule fois a notre monaftere des
» champs, auparavant que nous fuf-
" fions etablies en cette ville ; Sc que
>f je n'ai eu autre delTein enecrivant
» ce chapelet , que de m'exprimer
» plus facilement que je ne pouvois
" faire de vive voix 3U R. P. de Con-
s' dren general de l'Oratoire, auquel
" je defirai de communiquer mes
» penfees & qui m'ordonna de les
» ecrire. Ceft ce que je fis avec grande
»» fimplicite , & les envoi'ai auffi-tot
» a. M. FEveque de Langres qui gou-
« vernoit alors la maifon •, & il me
» fit l'honneur de m'ecrire que je de-
w vois revcrer ces penfees, non comme
» miennes, mais comme penfees de
>» Jefus-Chrift en moi.
» Ceft ce qui me donna la liberte
» que je n'avois ofe prendre aupara-
" vant cette approbation, d'arreter
» mon efprit fur ces penfees , fans
» que j'aie neanmoins jamais defire
» d'etablir fur elles aucune nouvelle
» devotion, & encore moins qu'elles
-ocr page 359-
I. Par tie, Liv. V. 201
» fuffent en ufage , &c qu'on en fit
» aucune pratique , foit en ce mo-
*» naftere , foit ailleurs , comme auffi
" on n'en a fait aucune. Je puis au
» contraire afTurer que j'ai plutot ap-
** prehende que cet ecrit ne vit le
» jour, & que c/a ete le fujet qui
>' me lui fit donner le titre de Chape-
» Utfecret, croiant que ces penfees que
*» Dieu, autant que j'en puis juger ,
m'avoit donnees en l'oraifon, ne
» pouvoient point etre propofees a
" d'autres ames pour s'en fervir, de
»> peur qu'elles ne la prilfent a contre
" fens.
» Je declare de plus que les im-
*> pietes & les blafphemes , que quel-
■V ques-uns ont voulu trouver dans
« quelques paroles de cet ecrit, en fe
•»» perfuadant qu'il ne tendoit qu'a
« miner les effets d'amour que Dieu
« a temoignes pour nous , j& nomme-
»> mentau Sacrement de l'Euchariftie>
« & au myftere de 1'Incarnation, ont
» toujours ete & font encore par la
» grace de Dieu tres eloigncs de mes
" lentiraens , de mes intentions & de
» mon efprir.
." C'eft ce que je fuis prete d'aifu-
»» rer, meme avec ferment, s'il en
»» eft befoin, devant qui que ce foit
I v
-ocr page 360-
2©i Histoirs de Port-ro'ial;
----—— >, &c principalement devanc Monfei-
16J4« » gneur l'Archeveque de Paris notre
« Superieur , m'etant fentie a faire
w cette declaration tres veritable &C
»
tres fincere , parceque j'ai appris
*» depuis peu avec douleur que quel-
s' ques-uns attribuant fauftement ce
« chapelet a M. de S.Cyran, en ont
»» fait un des principaux fondemens
» des etranges' calomnies , dont ils
« s'efforcent de diffamer fa memoire.
» Fait au monaftere de P.R. du S. Sa-
*> crement du 30 Janvier 1(352. Signe,
» Soeur Catherine Agnes de S. Paul.
xxiv. Pendant la guerre du chapelet,
M.Lle Mate M- \e Maitre neveu de la Mele
a la Mere Agnes, lui ecrivit au fujet des ecrits
jef"deS Udif-
ae M. S« de Cyran pour fa defenfe, nne
pute fur le lettre qui merite d'avoir place ici.
» Vous me louez , ma chere tante > de
»• ma bonte de ne vous avoir pas
» eftimee heretique , mais cette bonte
" n'eft gueres louable. C'eft au con-
» traire la malice de nos ennemis
» qui eft digne de toutiblame, & l'ap-
w probation des perfonnes etraageres
» qui eft digne de tout eloge. Pour ce
» qui regatde vos parens, comme leur
» froicleur ne meriteroit aucun par-
» don , teur ailiftance ne merite aucu-
» nelouange.C'eft feulementetrehom-
-ocr page 361-
I. P A R. T I E. L'lV. V.         2© J
* me que de ne pas offenfer la nature,
» c'eft feulement etre raifonnable que
» de ne pas choquerla raifon. Ainfi.
»» louer les hommes de ces actions ,
»» c'eft les louer de n'etre pas betes.
» Vous devez, ma chere tante , les
» temoignages de voire eftime & de
u votre reconnoiftance pour celui qui
» a defendu avec des amies de lw-
•» miere , l'innocence & la veritc
» qu'on attaquoic avec toutes les ar-
« mes de tenebres ; qui a tire de
» votre efprit les trefors que le S.
» Efprit y avoit caches ; qui a leve le
» voile qui couvroit ce lan&uaire ;
» qui a penetre dans l'abime de la
m grace & a rendu vifibles des myf-
» teres, qui a l'exemple de Dieu ,
» etoient renfermes dans une nuee.
w Je n'admire pas moins fon courage
» que fa fuffifance. Je ne puis cefler
» de m'etonner, qu'en ce fiecle car-
s' rompu, il fe trouve un homme
» aufli fenfible aux irzterets du ciel
« que les autres le font a ceux de la
» terre; qui fouffre avec plus darn-
s' patience les moindres larcins qu'ort
r> fait a Dieu de fes verites divi-
» nes, qu'un avare ne fouffriroir les
»> plus grands qu'on lui feroit de
»> fes richefifes; qui s'oppofe lui feu!
Ivi
-ocr page 362-
204 HlSTOIRE BE PoR.T-R.OlAt.
v a cette armee de paffionnes, de fu-
» perbes & de violens ; &C enfin qui
» releve la Vierge d'Ifrael, que la
» calomnie avoit fait tomber par terre.
» Que fi fa fuffifance & fon cou-
» rage font merveilleux , fon humi-
*> lite ne l'eft pas moins. Y a-t-il une
» modeftie plus louable que celle qui
» lui a fait fupprimer fon nom ?
.*» N'eft-il pas etrange qu'il ne veuille
» etre connu ni des ennemis qu'il ter-
" rafTe, ni des amis qu'il defend j
»» qu'il n'ofFre point de facrifice a Dieu
« que la van ire ne foit tou jours la
» premiere vidlime qu'il immole; 8c
» qu'en un terns ou vous voi'ez que
» les ignorans tirent de la gloire de
,.« leurs erreurs, il n'en veuille pas
» tirer de routes les lumieres de fa
w doctrine ? Vous avez, certes, raifon
» de dire que vous etiez perdue, fi
>« vous n'eulllez ete perdue. Ce vous
» eft un plus grand bonheur d'avoix
» ete defendue (1 puiftamment que
f de n'avoir point ete accufce. Dieu
» a permis que des hommes vous
» aienr attaquee, & il vous a donne
» un ange pour vous defendre. Je
» puis bien comparer , ma chere
» ranre, ce defenfeur a cet ange qui
» garda la chafte Suzanne, felon l'o-
-ocr page 363-
I. P ARTIE. L'lV. V. i05
° pinion de quelques Peres, puifqu'il —
" a compare lui - meme ces deux '*"
" Scribes &c Pharifiens (deux Jefui-
" tes ) qui vouloient vous deshonorer,
" aux deux Vieiliards qui vouloient
" la perdre.
» Je vous ecrirois davanrage fur ce
" fujet, fi vous ne le quittiez dans
" votre lectre, arm de vous juftifier
" de ce que vous m'avez ecrit pour me
M dctourner dumariage. Penfez-vous,
" ma chere tante, que j'aie pu trouver
" mauvais des fouhaits auffi faints
" que font les votres I Doit-on atren-
" dre autre chofe d'une perfonne
" religieufe ! On accufa autrefois dans
•   des declamations une Vierge veftale
» d'incontinence, parcequ'elle avoir
" die dans un vers, qu'il etoit doux
" de fe marier , & je trouverois
» etrange que vous parlaffiez avec
•   moins de zele de la vie que vous          ^
" avez embraffee , & qui a le plus
»   de rapport a celle des Anges 5 Qui
"   ne fait que le mariage remplit la
»   terre, & que la virginite remplit ^
»»   le ciel ? Et e'eft d'ailleurs often-
»   ferla charite, que de ne defiref
m  pas a fon prochain l'etat le plus
»  faint & le plus parfait. Puifque
»  les vicieux portent les autres au
-ocr page 364-
10<> HlSTOIRE DE PoR.T-R.01 At."
" au vice, 8c ceux qui font mari<&
" au mariage, fans que les uns aient
" d'ordinaire d'autres delTeins que
" d'avoir des compagnons de leurs
" infractions , & les autres de leur
" mifere, ne doit-on pas fouffrir que
f ceux qui one quitte le monde de
" corps 8c de volonte , excitent les
" autres a les imirer , & a prendre
" part a leurs veritables delices 8c a
M leur folide felicite ?
» Plut-a-Dieu , ma chere tante , que
" vos exhortations me fufTent auili
" utiles, comme elles font excellentes,
" & que je devinfle le fils de vos
" veeux & de vos prieres , comme
" S. Auguftin le fut des larmes de
" Sainte Monique. Plut-a-Dieu que
" cette voix du Seigneur , qui arreta
■» la flamme du feu , eteignit celle qui
* nous confume, 8c qu'elle hriilat
" les liens que je ne puis rompre I
"
Combien lui facrifierois-je volon-
" tiers une hoftie de louange ! com-
" bien ferois je ravi d'elever pour ja-
" mais fur les mines de l'amour pro-
" pre , l'edifice incomparable de
" l'amour divin ! Mais que peuvenc
" produire ces femences du ciel que
» vous jettez dans une terre pleine de
* ronces? 8c quelle main que celle de
-ocr page 365-
I. P ARTIE. LlV. V.        207
» Dieu , peut arracher des epines Ci ~~r
v
enracinces ;
<• ReconnoifTez qu'il y a diverfes
» fortes de vocations, & qu'elles
» font toutes faintes, lorfqu'elles vien-
» nent de Dieu. Remerciez-le de
« votre force &c ai'ez pitie de notre
v foibleffe. Et fi de faints Eveques
» fe trouverent autrefois aux noces
» de Nebride 8c d'Olimpiade, & fi.
» S. Gregoire de Nazianze leur en-
»* voia un epithalame, ne me refufez
" pas, je vous prie, la prefence de
» votre efprit par votre confentement
"»» & votre approbation , autrement je
» vous declare que je me rendrai ac-
« cufateur contre vous en fait de
»» nouvelles lumieres, que je ferai
» cenfurer votre lettre par huit Doc-
»» teurs que vous favez , & que j'em-
» ploirai le credit des Nonces & des
» Archeveques , pour la faire mettre
» a l'expurgatoire. C'eft ma tres chere
" tante , &c. De Paris le 10 juint
1634 (17). M. le Maitre en plaifan-
(17) Arant que M. le   de tout Paris. On lur
Mattre eut ete touche de   propofa une honnete Da-
Dieu , on peut iuger que    me qui avoit tout ce qu'il
dans la place ou il etoit,    deliroit; il penfa a 1'6-
il n'y avoit point de pcre   poufer , 8c en ccrivit a la
ni de mere qui a'eiit dt-    Mere Angelique.Mais certe
fire d'avoirun gen ire qui    Religieufe admirable,
avoit les applaiidilfijiscus   craignam que le nwtiaje
-ocr page 366-
103 HlSTOIRE DE PoRT-RoYaI.'
"" 1654. tant Par *es dernieres paroles de f
lectre a la Mere Agnes , fait allufion
la querelle fur le chapelet.
R6rt«i0n Po.ur dire encore un moc fur ce fu
furieiangrtgejet , il faut remarquer, commelefai
tLmyiH~ fagementle Cardinal Bellarmin dan
fa Bibliotheque des Auceurs ecclefiaf
tiques , qu'il arrive fouvent que ceir
qui traitenr de la Theologie myfti
que, font pris dans un bon fens park
ans, & dans un mauvais par d'aurres
loues par les uns , condamnes par le.
autres , c'eft ce qui eft arrive a Thau
*e roit obftacle au falut
de Con ijeveu , & au def-
fein de Dieu fur lui , elte
neput y conf'entir ; & lc
refufa toujours ( malgre
les prelFantes follicitations
deM. le Majtre ) jufqu'A
lui dire qu'elle ne lc re-
garderoit plus I I'avenir
8'il fe marioit , iju'a-vec
beaucoHp d'indifference.
M.
le Maltre fut pique auvif,
& repondit & fa tante
avec beaucoup de viva
cite. 31 Souftrez, dit il
3> dans fa lettre, que
» j'examine , noi pas
n votre lettre , mais vo-
ji tre invective contre
» le delfein de me marier.
» Vousine dites d'abord
y> que ce fera la dirniere
« fois que vous m'ccrirez
33 avec ce ritre de iris chtt
» neveit j que |e yous
ii ferai deformais airfi
5> indifferent que jevou
5) etois cher. . .. Quoi
5> ma chere tante , voir
3> ferai-je indifferent par
55 ceque je feral marie
5> Le mariagc eft-il u;
3> crime > & ne ferai-j
3> plus ni votre neveu, n
3> Chretien, ni vertueur
5> lorfque )e ferai devem
33 mari par mon maria
33 ge! Si j'ai mainccnan
33 quelque probite , fuis
si je allure de la perdre
33 & le Sacrement qa
31 peut me rendre digiv
i3 des faveurs de Dieu
33 me rendra-t-il indignt
si des votres, &x. Cf
mariag? n'eut pas lieu , it
M. le Maure adepuisbeni
bien des fois I'oppolitiop
qu'y fit la Mere Angeli
que.
-ocr page 367-
I. Par tie. Llv. V. 209
lere & a Jean Rufbrok. Le premier eft
meprife comme fufpeit dans la foi par
Eckius &c loue par Louis Blofiusj le
fecond eft combattu par Gerfon , &
defendu par Denys le Chartreux. C'eft
auffi ce qu'on a vu an fujet du cka-
pelet fecret.
Mais il faut avouer de
bonne foi qu'en confideranc les exces
dans lefquels de faux myftiques,
connus fous le nom de difciples de
Molinos, font tombes fur la fin du
dernier fiecle , on ne peur blamer ab-
folument des Theologiens qui s'ele-
venc concre un langage extraordinaire
& inconnu a l'antiquite. En confe-
quence » ne feroit-il pas permis de
faire quelques reflexions fur la querelle
du chapelec fecret fauflement attribue
a M. de S. Cyran par les Jefuites :
1w on peut dire , malgre le refpedfc
qu'on doit a ceux qui prirent la de-
fenfe de cet ecrit, qu'il eft peu im-
portant & prefque inintelligible; 1 * ceux
qui l'attaquerent vivement, convin-
rent que celle qui l'avoit drefle pre-
cipitamment & fans avoir intention
qii'il fat vu , etoit reconnue pourune
fainte fillt; 3 ° il femble qu'il ne me-
ritoit pas d'etre attaque &c defendu
avec tant de force , &c qu'il n'auroic
pas du faire tant de bruit; 4Q fi ceux
-ocr page 368-
ZIO HlSTOIRE T)E P0RT-RO1AI.
1634. 1ul defendirent alors la Mere Agnes 5
avoient a ecrire aujourd'hui que ces
matieres fonteclaircies , ils evitetoient
certaines expreflions favorables a la
nouvelle fpiritualite qui a ete con-
damnee par l'Eglife , &c qu'on a lieu
de croire avoir ete eloignee de leur
penfee. C'eft l'obfervation que fait a
ce fujet le Theologien (18), qui a
prefide a la traduction des Lettres pro-
vinciates > d'apres M. Nicole dans la
feconde note fur la feizieme lettre.
xxvi.
        La perfecution qu'effui'a le nouvel
suep.VR!rife inftitut du S. Sacrement a l'occafion
de ia querdie ^ chapelet fecret, fut plus falutaire
par ia ilaifon & avantageufe que nuifible & funefte
iju'eiie lui a P. R. ; puifque ce fut le moi'en ,
procure avec ,          i ■ ' i*. '•'                 • 1                    r •
m. de s. Cy- dont la divine providence , qui iait
ran.
          tirer le bien du mal, fe fervit pour
former une efroite liaifon entre la
Mere Angelique & M. de S. Cyran.
Quelle fource de benedictions pour
P. R. que la liaifon de ces deux gran-
des ames; de la Mere Angslique avec
ce grand homme, ce fecond Auguf-
tin rempli de la doctrine des faints
Peres , & le premier homme qui eut
ete depuis plufieurs fiecles dans l'E-
fi8l Ce Theologieu l'hiftoire de la Conftitu-
jommt Jean Louail. au- tion eft more £ Paris U }
teur du premier Tome de mars 1714.
-ocr page 369-
I. Part ib. Liv. V. 211
I glife ! Cet homme extraordinaire, ne
avec une folidite & une etendue d'ef-
prit prodigieufe,avec de rares talens &
une fermete admirable , cultiva ces
dons naturels, & fan&ifia fon coeur
par une etude profonde de la religion
dans les veritables fources, ou Ton
doit en puifer la connoiflance. Conf-
tamment attache a" tous les dogmes de
1'Eglife, &: parfaitement foumis a fa
difcipline, il nit s'elever au-dellus
des opinions recentes , & des prati-
ques abufives que la plupart des hom-
ines fuivoient fans examen. Il s'atta-
cha aux regies , foit pour fa propre
coftduite , foit pour celle des autres ,
fans attendre que ces regies fnlTent
connues & fuiviespar le grand nombre,
ou par ceux qui avoient le plus de
reputation. Il s'apperc.ut aifement qu'il
y avoit une grande difference entre
les faints Peres & les Theologiens mo-
dernes ; entre les premiers terns de
1'Eglife , & ceux que le Clerge de
France a depuis appelles la lie des
Jiectes;
entre une vie veritablement
chretienne, & celle que menent la plu-
part des chretiens 5 entre une piete
folide & des pratiques fuperftitieufeB
ou fuperficielles •, entre les dignes
fcuits de penitence, parlefquels l'E-
-ocr page 370-
ttl HlSTOlAE DE PoRT-RoYaI."
glife a toujours exige qu'on s'afTurat
d'une converfion effective & durable,
& une confeffion accompagnee de la
recitation d'une formule de contrition
& fuivie d'une abfolution precipitee.
11 yit avec effroi, que prefque tous les
Direc"teurs les plus accredited accor-
doient fans epreuve la fainte commu-
nion a tous ceux qui accufoient des
crimes , qui les en rendoient tres in-
dignes •, que ceux qui etoient touches
du defir de faire penitence , tomboient
fouvent entre les mains de gens qui
faifoient avorter ces bons defirs; qu'on
les portoit indifcretement, fous pre-
,texte de faire penitence , a entrer dans
les faints ordres , auxquels pendant
douze fiecles on n'avoit admis que les
innocens ; qu'on n'attendoit point
pour s'y prefenter la vocation legiti-
me des Eveques , ou de ceux qui
tiennent leur place •, que les monaf-
teres memes n'etoient pas exemts de
bien des defauts , qui en rendoient
fouvent l'entres fimoniaque, & qui
reduifoient une vie par elle - meme
tres penitente , a des exercices fepares
de Pefprit de grace & d'amour , qui
peut feul les rendre falutaires. Tels
etoient , le genie , le caractere , les
vues & les difpofitions de M. de S.
-ocr page 371-
I. Partie. Liv. V. 11}
Cyran. Eft-il econnant qu'un homme I(5, ~~
qui avoit des lumieres 11 pures, &
dont la conduite condamnoit tanc de
perfonnes , ait eu tanc d'adverfaires,
(fans parler des Jefuites , dont onpeut
dire ce que le premier martyr difoit
autrefoisaux Juifs : QucmProphtiarum
non flint perfecuti patres vefiri ?)
Eft-il
eronnant , dis-je , que des Theolo-
giens courtifans fe foient declares con-
rre lui; que des devots d'une certaine
efpece 1'aient pieufement decrie ; que
des Ecclefiaftiques fcrupuleux 1'aient
regarde comme un homme fufpeft ?
Mais malgre ce grand nombre d'en-
nemis, fon innocence a triomphe, la
purete de fa doctrine a ete reconnue,
la fagefle de fa conduite a ete ad-
miree , &c fa memoire fera a jamais
en benediction. Tel eft l'homme que
la guerre du chapelet procura premie-
rement pour apologifte, & enfuite
pour Dire&eur aux Religieufes de
Port-roi'al.
Jean du Vergier de Hauranne, Ab- xxvrr.
be de b. Cyran, etoit ne a BayonneM.de s.cy-
d'une famille considerable fan 15 81 (*), **»• s« *»•.
II alia pour faire fes etudes, par le con-
feil de Bertrand d'Efchaux Eveque de
(*) Vjoi'ez fa genealogie, & la fin du Volume.
-ocr page 372-
114 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
• Bayonne , a Louvain, dans le meme
terns que Janfenius y faifoit les fien-
nes. M. du Pin fe trompe neanmoins
apres Leydeker & Abely, lorfqu'il
dit que Jean du Vergier & Janfenius for-
merent des-lors une etroite liaifon.
Du Vergier etudia la Theologie fous
Stapleton dans le College des Jefui-
tes, & y foutinc une thefe le %6 avril
1604 dediee a l'Eveque de Bayonne.
Jufte Lipfe y affifta & donna de grands
eloges au Soutenant, non-feulement
de vive voix, mais encore par ecrir,
comme on le voit par Panellation fui-
vante , qui fe trouve en latin parmi fes
lettres melees , a. la fin de la 4ie de la
Vecenturie.
»» Comme on ne fauroit aimer la
» vertu fans la connoitre, on ne fau-
» roit auffi la connoitre fans avoir
» beaucoup de paffion de procurer aux
" autres le meme bonheur & fans etre
»» touche d'une joie fenfible, lorfqu'on
» voit augmenter le nombre de fes'
» amateurs. Celt la raifon qui m'en-
" gage ^ eftimer autant que je le fais
» le naturel heureux & porte aux
» grandes chofes de Jean du Vergier
» de Hauranne originaire de Bayonne.
» Je i'ai vu depuis quatre ans envi-
" ron dans l'Uiiiverfite de cette ville »
-ocr page 373-
I. Part ie. Liv. V. 2.1$
m s'appliqueravecafliduitearetudedes -
» bonnes lectres & principalement a
» la Theologie a laquelle, commeala
» reme des fciences, il a confacre
« toute l'etendue & la fubtilite de
» fon genie , in genii ignem. Il nous
» en a donne des preuves admirables
» en une infinite de rencontres, &
» entre autres le 26 du mois d'avril
» dernier dans une difpute folem-
" nelle , ou il repondit publiquement
» fur routes les matieres de la Theo-
" logie avec tant de vivacite , de de-
» licatefTe & de force, qu'il ravit en
» meme tems l'efprit & le cceur de
» tous ceux qui furent temoins de cette
»» action. C'eft dequoi nous portons
» un temoignage ties fincere. Je prie
» Dieu de perfe&ionner de plus en
» plus ce genie fublime qu'il n'a mis'
w au monde , autant que nous pou-
» vons le prevoir, que pour en rirer
» fa gloire & pour le bien & l'utilitc
» de toute la Republique chretienne.
» Deum precor provehere hoc ingtnium
»fuo honori,Reipublicce
chrifl.ia.nm bono,
» cui natum auguramur. A Louvainle
» 12 mai 1604, figne, Jufte Lipfe Pro-
» fefleur & Hiftoriographe.
M. du Pin pretend qu'apres cetre
thefe, notre Ecudianc fe mit avec
-ocr page 374-
2I(J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
"""""-----Janfenius fous la difcipline de Fro-
* ** mond, qui leur infpira un grand
amour pour la dodtrine de S. Auguf-
tin , & une grande averfion pour celle
de Molina. Mais comment du Ver-
gier & Janfenius auroient-ils etudie
fous Fromond qui etoit beaucoup plus
jeune qu'eux, & qui ne faifoit alors
que d'entrer en philofophie J
Apres la thefe dont nous avons par-
• le , du Vergier quitta Louvain & re-
vint en France. L'an 1611 il fe retira
a Bayonne avec Janfenius. La liaifon
de ces deux hommes devenus fi ce-
lebres depuis , s'etoit formee non a
Louvain, mais a Paris, ou Janfenius
etoit venu de l'avis des Medecins ,
pour retablir, en changeant d'air, fa
fante alteree par la trop grande etude.
xxvni. L'Eveque de Bayonne donna a du
premiers Vergier un Canonicat dans fa cathe-
M.Vdegs! cy- drale , & a Janfenius fon ami, la Prin-
**»•          cipalite du college qu'il avoit erige
dans cette ville. lis paflerent plufieurs
arinees enfemble dans une application
continuelle a la lecture de S. Auguftin
& des autres Peres. L'Eveque de
Bayonne ai'ant ete transfere l'an 1616
a Tours, dont le fiege etoit vacant par
la demiffion de Sebaftien Galigai,
feere de la Marcchale d'Ancre, du
Vergier
-ocr page 375-
I. Partie. Liv. V. itf
Vergier fuivit fon Eveque a Tours-
Cer Eveque le donna a Henri Louis
Chateignier de la Roche-Pofai Eveque
de Poitiers, eleve de Scaliger, qui le
fit fon grand Vicaire, & fe demit l'an
1620 de l'Abbai'e de S. Cyran en fa
faveur (19). » L'Abbe de S. Cyran ,
» dit M. du Pin, etant encore fort
» jeune donna des marques de la
» vivacite de fon efprit, dans un petit
» traite anonyme qu'il fit fous le
»> nom de Quejlion ro'ia/e , parcequ'il
» fut fait a l'occafion d'une queftion
h que le Roi Henri IV avoit propo-
» fee. Ce Prince ai'ant demande a des
» Seigneurs de la Cour, ce qu'il euc
» fait, fi perdant la bataille d'Arques
» donnee en 15 8 9 , au lieu de la ga-
« gner comme il fit,il eut ete oblige
» de s'enfuir , & que s'embarquant
» fur la mer dont il etoit proche,la
» tempete l'eut jette bien loin ; ua
»» Seigneur lui repondit, qu'il fe feroit
» plutot donne a manger lui-meme ,
» en s'otant la vie qu'il eut perdue
» audi peu de terns apres, que de
» lailfer mourir fon Roi de faim. La-
» deflus le Roi mit en queftion fi.
w cela fe pouvoit faire. Le Comte de
(19) Hiftoire Ecclefiaftiiue du dix feptierae fiede g
partie II. page 6ji.
Tome I,                       ft
-ocr page 376-
Jl8 HlSTOIRE DE PORT-ROlAt.
» Cramail qui etoit prefent a ce di£
» cours , etant venu , quelque tems
» apres , voir M. de Hauranne , lui
» propofa cette queftion, & lViant
jj prie de chercher dcs raifons plau-
» iibles pour appui'er la penfee de ce
» Seigneur qui avoir temoigne tant
h d'affection pour fon Prince , M. de
» Hauranne qui avoit l'efpric vif, lui
» dir fur le champ plufieurs raifons
» qui agreerent tellement a ce Comte,
w qu'il le fupplia de les mettre par
» ecrit. M. de Hauranne pour le con-
» tenter fit ce qu'il fouhaitoit de lui,
« &c ai'ant mis cet(' At entre les mains
» du Comte de Ctimail, celui-ci le
» fit imprimer fans nom d'auteur
m fous le titre de' Queftion ro'iale,
» favoir en quelle extremite le Sujet
» pourroit etre oblige de fauver la
» vie de fon Prince aux depens de la
»» fienne. Ce livre , ajoute M. du Pin,
m eft fi rare (30) que nous n'en avon,s
" pu recouvrer aucun exemplake pour
i' en donner un extrait. M. de S.
Cyran etant a Poitiers fit imprimer
(50) Ce Hvte n'eft plus    raftere, enfin tout-a-f»it
fi rare aujourd'hui, car on   femblables aux exemplai-
en a imprime depuis peu   res de la premiere edition.
4 Paris quelques exem*   C'eft un artifice des Li-
plaires en ties petit nom-   braires dont il faut fe
bre , de mcme papier ,•    donaex de garde,
Higrne forme, meme c»-.
-ocr page 377-
I. Partii, Liv. V. 119
non en 1617 , comme dit M. du Pin , I(j
mais en 1615 , un ouvrage fous ce
ticre : Apologie pour Henri Louis Cha-
teignier de la Roche-Pofai Eveque de
Poitiers „ contre ceux qui difent quit
71 eft pas permis aux Ecclejiaftiques d'a-
voir recours aux armes.
Ce livre fut
fait pour la defenfe de cet Eveque de
Poitiers qui avoit pris les armes, 8c
s'etoit mis a la tete d'une troupe de
gens armes pour mettre a la raifon
quelques habitans de Poitiers de la
Religion pretendue reformee , qui
caufoient des brouilleries dans cette
ville. Dans cette Apologie , M. de S.
Cyran, apres avoir emploie tous les
textes & les exemples de l'ancien &
du nouveau Teftament qu'il crut con-
venir a fonobjet , faifoit, pour juftifier
l'Eveque de Poitiers , une grande enu-
meration d'Ecclefiaftiques , de Papes,
de Cardinaux, d'Eveques, de Moines
qui ont porte les armes (ji). II y a
beaucoup de recherches & d'erudition
tant ecclefiaftique que profane dans
cette Apologie. L'extrait qu'en donne
M. du Pin eft fort curieux , & eft fuivi
d'une reflexion , qui feule fuffiroit pour
faire l'apologie de M. de S. Cyran,
(; 1) Voi'ez le fecond fiafKque , depuit la page
Tome de l'Hiftoire eccle- 70 jufcju'A 84.
Kij
-ocr page 378-
HO HlSTOIRE DE PORT-RO J At.
■ & le juftifier contre les reproches que
fes ennemis lui ont fairs , & les accu-
fations qu'ils ont formees contre lui a
l'occafion de ces deux ouvrages.
« Ces deux ouvrages de M. de S.
» Cyran , dit M. du Pin parlant de la
Queftion roi'ale & de l'Apologie,
« doivent etre confideres comme des
» declamations de Rheteurs , qui fou-
» tiennent des paradoxes par des rai-
» fons probables &c par des exemples
» illuftres , pour faire valoir leur art
w &; leur. eloquence , comme nous
s' voi'ons que Ifocrate a fait autrefois
» l'eloge d'Helene & de Bufyris; le
" Philofophe Favorin,celui de lafievre
« quarte ; Synefius celui des teres
» chauves; & dans les fiecles pofte-
» rieurs , Erafme celui de la folie;
w ( Agrippa celui de l'ane) •, & d'au-
n tres celui de differentes chofes tres
» meprifables & tres incommodes,&c.
Si ces premieres productions de M.
de S. Cyran lui acquirent la reputa-
tion d'un homme d'efprit & d'erudi-
rion, ceux qu'il fit dans la fuire, plus
folides & plus dignes de lui, firent
connoitre combien il etoit profond
Theologien, combien fes lumieres
^toient pures, combien fon zele pour
ja yerite ecpit ardent, ft fan amour
-ocr page 379-
I. Partie. Llv. Vk hi
pour l'Eglife , fincere. C'eft ce quilui —z '*
attira une fi grande eftime de la part '
des gens de bien, &c d'un autre cote
tant de traverfes & de persecutions de
la part de ceux qui n'aiment point la
verite. La reputation de fa fcience 8c
de fes lumieres etoit telle, que M.
Zamet Eveque de Langres dit de lui
ces paroles remarquables , meme de-
puis qu'il fe fut brouille & qu'il eut
rompu tout commerce avec M. de
S. Cjrran, dans une lettre du 10 Jan-
vier i <J j (J : qu avec fon approbation
il n'y avolt nuL fujet de ctaindre , fa
iumiere etantji bonne &jlnette.
M. de S. Cyran etoit connu de la xxxx.
Mere Angehque avant quelle trans-raentdc iui-
ferat fes Religieufes a Paris ; il 1'etoit fon <!eiaMc-
aufli de M. d'Andilly fon frere , & de ^ec m. *s
Madame fa mere. Il fe trouva chezs-c/rin-
elle en 161 3 lorfqu'elle re$ut la lettre
par laquelle la Mere Angelique la
prioit de lui amenet des carolTes pour
conduire fes filles de MaubuilTon a
P. R. (32). Il s'en alia peu apres avec
M. Bouthillier Eveque d'Aire, qui le
f>ria comme fon ami de l'aider a porter
e poids de fa charge; & il y demeura
jufqu'a la mort de ce bon Eveque ,
arrivee au mois de Janvier 1625 (33).
(3 i) Mem, Tome I. p. 558. (;j) IM.            ,
-ocr page 380-
Ill HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.'
En revenant a Paris , il pafla a P. R.
des champs. Dans une vifite (34) qu'il
rendit a. la Mere Angelique la veille
de l'Afcenfion , il l'enrrecint fur ce
grand myftere , &dit des chofes admi-
rables. » M. de S. Cy,ran , die la Mere
» Angelique de S. Jean (35), nous fit
» un tres beau difcours fur le fujet
» du myftere de l'Afcenfion , dont il
» fit voir le rapport admirable avec
w celui de PEuchariftie, comme fi
» des lors le S. Efprit eut voulu fe
" fervir de fon miniftere pour nous
" apprendre a appliquer notre piete
» au culte de cet augufte Sacrement,
« qui eft dans l'Eglife 1'abrege de
« toutes les merveilles de Dieu, &
»» que nous devions honorer par une
" confecration particuliere dans la
» fuite des tems, comme il eft arrive
« dans retablilTement du nouvel inf-
« titut des fiiles du S. Sacrement,
» qui fut l'occafion oil Dieu engagea
« (douze ans apres) M. de S. Cyran
»» a prendre la conduite de la Mere
w Angelique 8c de fa communauce , ce
» qui arriva en 1635.
(j4) Les Relations va-   ceeen iffi; , ic dans une
rient fur l'annee de certe   autre en 1615.
premiere vifite de M de      (jjj Relation Tome I.
S. Cyran A P. R. Dans   page 119,
«ae Relation elle eit pl»-
-ocr page 381-
I. Partie. Llv. V. it?
» Je reverai des-lors ce faint homme, jg
« comme tres favanc , die la Mere
» Angelique (T.J ie Rel. p. 339) •>
» mais je ne fus pas afTez heureufe
» pour reconnoitre fa faintete telle
»> qu'elle etoit, ni de jouir des-lors
» du bonheur que Dieu fembloit m'of-
« frir de prendre fa conduite. II he
» me donna auffi aucune ouverture
» pour cela , ce qu'il ne faifoit ja-
» mais, ne s'enquerantde rien , & ne
- repondant preafement qu'a. ce qu'on
» lui demandoit. Du refte il parloit
» des matieres generates de devotion
» avec une elevation d'efprit admira-
» ble , enforte qu'on voioit vifible-
» ment que fes paroles partoient plus
«• du fond de ion cceur que de fon
« efprit.
Lorfque la Mere Angelique fut a
Paris , il continua de frequenter la
maifon , mais plus pour Madame Ar-
nauld , que pour la Mere Angelique.
Madame Arnauld prit confeil de lui
fur fa vocation. Il la confeflTa l'orf-
qu'elle fit profeflion, &c elle lui par-
loit avec grande confiance. » Pour
» moi, dit la Mere Angelique , je le
» refp2£tois beaucoup , 8c le fuppliois
» de me venir voir, lorfque j'etois
y fort affligee de ne favoir plus qua
K iiij
-ocr page 382-
i*4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlArJ
*■"' ■' ■ " faire pour notre fubfiftance. Je tiff
?"*• » lui difois que fort fuperficiellement
» le fujet de ma peine , &: il me con-
*> foloit par des paroles toutes de foi
» & de charite. Peu-a-peu je le con-
» noiffbis davantage , mais je n'ofois
» m engager a lui , parceque je 1 e-
*> tois ailleurs. Je ne laiflois pas que
« d'entrevoir beaucoup de chofes qui
» ne fuivoient pas des premieres lu-
» mieres que j'avois vues en celui qui
" me conduifoit ( M„ de Langres) de
» celles qu'il avoir plu a Dieu de me
» donner des l'inftant qu'il m'infpira
»> le mouvement de le fervir.
xxx. Enfin Dieu tira la Mere Angelique
J^'Jf. L'T d'embarras, en voulant que M. de
gres fait con-                     _ »                            ~t
noiflance »- Langres tit lui - meiiie connoiiiance
c'yra" ^t aVeC M" de S> Cyran & ClU'il Pr'C COn'
pric de Dren- fiance en lui. Cette connoiflfance fe fio
mJts.i" (comme le rapp°"e Y Mere Angeli-
Etement. que , Tome I. du Memoire, feconde
Relation, page 341 ), par une ren-
contre de quelqu'affaire de l'Eglife Sc
du Clerge. » L'Auteur de l'hiftoire de
*> l'inftitut du S. Sacrement, Tome I.
Memoire de Lane, page 3 9 j , dit que
*> M. de Langres ai'ant commence a
« le connoitre dans un entretien qu'il
» eut avec lui en prefence de la Mere
« Angelique > regarda l'acquifition d§
-ocr page 383-
1. P ART IE. Liv. V. 115
u ce fage & vertueux Theologien" \^
t>
comme celle d'un grand trefor. Un
jour qu'il lui faifoit l'eloge de M. de
S. Cyran , il lui die de lui faire voir
les conftiturions de la maifon du S.
Sacrement qu'il avoir faires. La Mere
Angelique en fur furprife , quoiqu'elle
en eut beaucoup de joie. Elle lui re-
prefenta que M. de S. Cyran difoit
franchement fon fenrimenr & qu'elle
craignoic que cela ne causar du re-
froidilTemenr entr'eux : Ne craigne^
point, repondh It Prilat, jt veux qu'il
en foil le maitre.
La Mere Angelique
les lui communiqua done, mais par
refped pour M. de Langres , il j
changea tres peu de chofes , quoiqu'il
y en eur plufieurs qui ne fufTent point
de fon gout. II y en eut une fur-tout
qu'il ne put foufTrir , la trouvant con-
tre l'ordre de l'Eglife , qui etoit que
les filles s'enterraffent fans Pretres. La
Mere Angelique l'ai'anr dit au Prelat*
il en fur d'abord choque, neanmoins
il confentit aux changemens, & cec
article en particulier fut retranche.
Depuis ce rems il conferva fes fenti-
mens d'eftime & d'amitie pour M. de
S. Cyran , &c le pria inftamment de
prendre foin du nouveau monaftere
qu'il venoit d'etablir. Ce pieux Abb*
K v
'k &&& - ..-■-.— -*^
-ocr page 384-
21 (j HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.'
y venoit de terns en terns parcharit£
pour ces Religieufes , & les inftrui-
foit de vive voix & par ecrit fuc
les faintes difpofitions oil elles de-
voient etre pour commencer un inf-
titut , & etre les pierres fondamen-
tales d'une maifon de Dieu dans l'E-
glife. La Mere Angelique commence
alors a connoitre encore plus qu'elle
n'avoit fait, que M. de S, Cyran etoit
audi fpirituel & audi faint qu'il
etoit favant. L'Eveque etoit ravi des
foins qu'il prenoit de fes filles , & les
exhortoit a lui bien temoigner leur
teconnoilTance. Les fentimens d'efti-
me pour M. de S. Cyran augmenterent
encore dans M. de Langres , par le
fervice qu'il lui rendit dans l'affaire du
chapelet, ou il etoit perfonnellement
interefle. Il fut charme d'avoir trouve
un defenfeur (i genereux & Ci eclaire.
Ainfi a mefure que M. de Langres
connoiiToit plus particulierement M.
de S. Cyran , il etoit plus epris de fa
rare piete & de fes grandes lumieres ;
tc comme il n'avoit rien plus a cceur
que de porter les filles du S. Sacre-
ment a la plus haute perfedion, il
jugea que perfonne ne pouvoit mieux
l'aider dans ce deffein que ce grand
ferviteur de Dieu. Peu apres l'Eveque
-ocr page 385-
I. Part ie. Liv. K ny
s'en retourna dans fon Diocefe > & en
lui recommandant fes filles , il leur
ordonna de lui obeir. IL le pria de
les precher & de les confeuer. M. de
S. Cyran refufa d'abord de les confef-
fer. II fui'oit naturellement ces fortes
d'emplois , fe tenant le plus renfermc
qu'il pouvoit dans fon cabinet, oil il
{>a{Toit , pour ainfi dire, les jours &
es nuits, partie a prier, partie a com-
pofer des ouvrages qui puffent etre
utiles a l'Eglife. Enfin les inftances rei-
terees de rEveque lui paroiflant com-
me un ordre de Dieu, il refolut d'a-
bord de precher •, ce qu'il faifoit au
parloir, parceque M. l'Archeveque de
Paris ne vouloit pas qu'on prechat
dans l'Eglife. Et ce fut un trait de la
providence fur cette maifon, dit la
Mere Angelique , car outre qu'il n'eut
pas pu , -en prcchant publiquemenr,
donner des inftrudions particulieres
& convenables a des Religieufes ,
quantite de perfonnes auroient voulu
les precher , & elles n'euflent pas eu
M. de S. Cyran audi fouvent. Il ne
manquoit pas de precher les dimanches
6c les fetes, & il n'affiftoit a fes fer-
mons que trois Pretres du voifinage
& deux Dames. Ces perfonnes etoient
ravies, & difoient qu'il n'apparte-
K vj
-ocr page 386-
ii8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.'
I^ia," nolt clu*^ cer homme de precher la
•*A' parole de Dieu. M. l'Abbe Amelotte
I'un de ces trois Pretres, Docteur de
Sorbonne , ( qui eft entre depuis a I'O-
ratoire, & a voulu fe diftinguer en
ecrivant concre les prctendus Janfe-
niftes) difoit alors qu'il viendroit de
cinquante lieues pour entendre de pa-
reils difcours. En effet, felon le te-
moignage public qu'a rendu a M. de
5. Cyran, un Prelat (3 6) auffi recom-
jnandable par fa piece que par fa naif-
fance , » ce favant homme n'avoit
" point d'autres fentimens que ceux
»> qu'il avoit puifes dans l'Ecriture
*> fainte & dans la tradition de l'E-
»» glife. Sa fcience n'etoit que celle
*» des faints Peres. II ne parloit point
*> d'autre langage que celui de la
» parole de Dieu; & bien loin de
»> conduire les ames par des voies par^
» ticulieres & ecartees , il ne favoit
»» point d'autre chemin pour les mener
*■ a Dieu que celle de la penitence 2Z
" de la charite.
5TXXI.
          » Il y avoit environ 15 mois, dit M.
m dcomSt " Lancelot, T. I. p. 40i,qu'il avoit com.
de confeffir »» mence a nourrir des maximes evan-
| £% " geliques les Religieufes du S. Sa-
cremem. » crement, lorfque Dieu ai'ant com,
(36) M. de Ural Er&juedefe Roehetfe,
-ocr page 387-
I. Par.tie. Llv. V. 119'
'** mence a faire un grand changenient"
»» dans ce monaftere, infpira a toutes
*> les Religieufes le mouvement de
» faire a M. de S. Cyran une con-
» felTion generate, &c de fe mettre
«> fous fa conduite. Jufqu'alors la Me-
w re Angelique les avoir en vain ex-
*> hortees a cela : la grande exactitude
" de ce pieux Abbe leur faifoir peur.
II y a quelques differences entre ce
recit de M. Lancelot & les Relations,
fur cet article. Mais fans nous arreter,
a les concilier , admirons feulemenc
de quelle maniere la divine providence
difpofe les chofes. Les Religieufes
avoient ete quelque tems fans fe de-
terminer a fe confeiTer a M. de S.
Cyran, malgre les exhortations de la
Mere Angelique par l'apprehenfion
qu'il ne fut trop fevere •, & d'un autre
cote M. de S. Cyran avoir refufc
d'exercer ce miniftere. Mais dans le
moment que Dieu infpira aux Reli-
gieufes la refolution de lui donner
leur confiance , le pieux Abbe y con-
fentit (57'). Cet heureux concert fit
voir quel'efprit de Dieu leconduifoit,
en ne lui hiettant au cceur d'enrendre
les confeffions des Religieufes , que
lorfqu'il toucha ceux de ces filles pour
(37) PkienwRelauoaj Tome I. p. j*^
-ocr page 388-
1J0 HlSTOIRE DB PoRT-RO'lAt.
' le deurer (38), Elles voulurent tou*
tes lui faire une confeilion gene-
rale. Ce fur a Tentree du Careme qu'el-
les commencerent; & elles rec,urent
l'abfolution pour communier le jeudi
fainr. Quelques-unes l'aiant prie de
les laiifer plus long-tems dans la pe-
nirence, & de bur permerrre de fe
renir encore feparees de la commu-
nion, il ne le voulur pas , & repondic
i 1'une d'elles , qu'elle fe laiftat con-
duire & ne s'en privat pas pour lors ,
qu'il pourroir venir un tems , ou on
Ten priveroir peut-etre plus de tems
qu'elle ne le voudroit. Ge qui eft ar-
rive depuis (39)- La Mere Angelique
fut la derniere qui s'adrelTa a M. de
S. Cyran , quoiqu'elle y exhortat les
autres. » Je fus , dit-elle , la derniere
»» qui me confelTai a M. de S. Cyran,
» apprehendant la grande droiture
" de ce ferviteur de Dieu, quoique
« je le reverafTe extremement, 8c
»
qu'en efFet Dieu m'eut donne la
»> meme idee de la veritable devotion
» & de la vie religieufe des le mo-
ss ment qu'il me toucha par le fermon
" du Capucin dont j'ai parle.^ar je vis
» aufll-tot la neceflite de la vraie obeif-
(?8) Relations, Tonte (39) Dixicme Relation,
tl. page j4j.
                      I. Part. Teme II. p. j vj.
-ocr page 389-
I. P ARTIE. Liv. V. %\\
»» fance, du mepris de la chair & de \G\
» tousles plaifirs fenfuels,& le me-
» rite de la vraie pauvrete•, & Dieu
»» me donna tant d'affedtion pour ces
»> vertus , que je ne refpirois que de
» trouver les maiens de les pouvoir
»» pratiquer. Mais ma mifere , ma
»» legerete , le peu d'affiftance que j'a-
» vois eue, pour correfpondre a cette
» premiere grace , quoique cette
» volonte foit demeuree rerme au
» fond de mon cceur pour chercher les
» mo'iens de la fuivre , m'ont fait
» commettre de grandes fautes & in-
» fidelites, dont j'avois fouvent des
» remors de confcience qui me met-
w- toient en d'extremes angoi(Tes. Je
« me reprenois, & incontinent je re-
« tournois dans mes langueurs. Je
» craignois done ce qu'en effet j'ai-
» mois & defirois, qui etoit la forte ,
» fainte, droite tk eclairee conduite
w de ce ferviteur de Dieu. Je la re-
» gardois comme la mort de ma vo-
» lonte , de mon difcernement & de
w mon propre fens dont j'avois juf-
» qu'alors conferve la plus grande
» partie. Je ne le voulois pas tromper
»j ni abufer de la grace que Dieu me
» faifoir, apres avoir tant defire de
»> txouver un homme, dont la force
-ocr page 390-
r
----------------------,—_-------------------------------------------------------1------------------------------------------------                     ! •*
Ijl HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.'
■'"■------ » de l'efprit dans la verite accablae
■*'' •» le mien. Sa grande fageiTe me fai-
» foit apprehender de liu faire con-
» noitre tant de fottifes •, & fa faintete,
»' tant d'infidelites &c de peches. Cette
" peine ecoit fi grande que d'abord
" que je lui dis , qu'encore que j'eufle
» une vraie volonte de lui faire
» connoitre tout l'etat de mon ame,
" Dieu m'y obligeant, dans la creance
" qu'il m'aideroit a fortir de mes mi-
»> ieres dont le poids m'etoit fi pe-
" nible , neanmoins il m'etoit, ce me
» fembloit, impoffible de me confef-
» fer, fi Dieu ne me faifoit une grace
*» extraordinaire que je le fuppliois
» ties humblement dedemander pour
« moi.
» D'abord il me dit que je ne de-
»> vois point violenter mon efprit, 8c
" 8c
que lui aiant dit que j'avois
» fait plufieurs confeflions generales ,
m il n'etoit pas befoin que j'en re-
*> commen^aUe une -, mais il ne me
» le put perfuader , parceque le trou-
» vant fi faint dans fa conduite, 8c
c
Dieu me donnant un delir tout
» nouveau de fuivre fidelement les
» premieres penlees qu'il lui avoit plu
» de me donner, de vivre en vraie
f> Religieufe , &i dans un etat pluj
-ocr page 391-
I. Partie. Liv. V. 233
•' avantageux que je n'avois jamais
*» ete, etant dechargee de l'Abbaie , &
" cette fuperiorite de la maifon du S.
" Sacrement n'etant que pour un terns,
'» j'avois grand defir de me fervir de la
" grace que Dieu me faifoit d'avoir
» rencontre ce fainthomme, m'aban-
" donnant abfolument a fa conduite, 8c
"
renoncant a mon propre efprit & a
" mon propre fens qui m'avoient tant
» fait fairede fautes.Pour celajecroi'ois
» les lui devoir faire connoitre exadfce-
" ment; &c s'il m'eiu ete poffible de
» les lui fairevoir, commejelesvoiois
» fans les dire , je me fuiTe eftimee
» trop heureufe. Mais la parole m'e-
" toit interdite , & il me fembloit
» impoiTible de prononcer ce que je
" voi'ois avec tant de peine.
« En effet dans le premier entre-
»' tien que j'eus fur ce fujet avec lui
w &C qui dura deux heures , je ne lui
» dis que mes difpofitions generates
" & les proteftations du defir que j'a-
» vois de lui obeir comme Dieu m'y
» obligeoit, le fuppliant de m'aider
» &C de me faire faire fans aucune re-
» ferve tout ce que Dieu lui feroit
« connoitre que je devrois faire pour
•< le fatisfaire.
u Peu de jours apres, il revint, 8c
-ocr page 392-
iJ4 HlSTOIRE BE PoRT-RO lAI.'
» je crois qn'il m'obcint par fes prie-
» res la grace de furmonter mon ex-
» treme repugnance a me confefler,
« 1'aiant fait alors fans grande peine.
>, Je demeurai fi fatisfaite 8c n con-
» tente qu'il me fembloit etre une
» autre creature; & quoique Dieu me
» fit fentir de la douleur de mes pe-
s' ches , je puis dire n'avoir jamais eu
» tant de veritable & meme de fi
» fenfible confolation en toute ma
» vie , &c que jamais je n'avois eu
» tant de plaifir a ma divertir &c a
» rire > que j'en avois a pleurer.
» Je ne devrois paint dire ceci, n'e-
» crivant que ce qui concerne la con-
ty duite & la providence de Dieu fur
» cette mkifon : mais je le dis parce-
jj que routes nos Sceurs, a la refervc
M de deux, etoient en la meme dif-
» pofitioa de penitence 8c de joie.
» C'etoit une union fi etroite de tous
u nos cceurs, que dans un filence tres
» exact, il fembloit que nos Sosurs
» s'enrreparloient pour s'entreconfir-
» mer dans le defir de la perfection
» teligieufe. Inexactitude a toutes les
» obfervances etoit tres grande. A la
M conference, quand celle qui nous
m etoit contraire n'y etoit pas (40), par
Uo) La Soeur Anne dc Jefus de Chameffon Cha-
-ocr page 393-
I. Partie. Liv. V. 13J
» fon tour de l'affiftance devant le S.
" Sacrement ou par quelqu'autre oc-
» cafion, nous n'y parlions que de
» notre bonheur , & de Pa&ion de
noineffe de Remiremont,
qui etoit tombee entre les
mains de M. de Langres
par la molt de Madame fa
mere(*) qui etoit defon
Diocefe , & qu'il avoit
afliilee a la mort. Nous
avons deja parlr de cette
fille que M. de Langres
avoit donnee a la Mere
Angelique pour avoir fom
des poitulantes , q'loi-
qu'elle ne tut que novice
clle-meme I**) aj Peut-
3> etre , dit la Mere An-
» gelique i T. I. desRel.
55 page . • 4 ) que (l elle
k eut ete alkz heureufe
» pour encrer ton-a-fait
35 dans la condui'edeM.
» de S. Cyran, elle efltpu
» etre bonne Reli >ieufe.
D'abotd elle le gouta fort
ficadmiroit fa chari.e, la
prudence 5c rO'i unifor-
mite. EUe vo:ilut comme
les autres lui faire un
renouvellcment
£l!e fe plaignit de ce que
n'etant encore que (ecu
liere 8c route nouvclle
dans la religion , on lui
avoit donne le foin des
novices : M. de S. ^.yran
Jui dit iju'elle a/oit raiibn
& lui confeilla de deman-
der a s'en d£charger, ce
qui lui fut accorde par la
Mere Ang lique, de l'avis
de M. de Langres a qui
elle en ecrivit. Llle tut
(1 piquee d'etre prife au
mot qu'e'le n'acheva pas
fon renouvellement Elle
hit mene de fort mauvai-
fe humeur contre M. de
1 angr s. Ce Prelat etant
revenu a Paris , s'appercut
de 1'etar de cette fill* ,
mais elle le gagna bientot
dans un entrelien de trois
heures qu'il eut avec elle ,
apres lcquel !a Mere A n-
geliquele vit 8c le trouva
tout autre. Cette Hlle con»
trihua bcaucoup a mdif-
poi'er M de Langres &C
Madame de Longueville
contre M. de S. Cyran ,
la Mere Angelique & firiF
titut du S. Sacrement;
de forte que torfeju'elle
eut quite la maifon ,
la Ducbeife de Longue-
ville qui avoit pns le
titre de fondatrice n'y
remit plus le pie, non
plus que M. de Langres,
qui commenca a publier
fes accufations contre M»
de S. Cyran.
(*) la Bdromtt d'O-trs en Champagne*
I**) yo>i\ U t&tauit des fitctt, page
4;;,
-ocr page 394-
1J<J HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
* jg          » graces & de fidelite que nous de-
« vxons a Dieu, 8c de la grace qu'il
•> nous avoit faite de connoure la ve-
» rice de nos obligations.
xxxii.         Madame de Ligni, qui etoit no-
Wnidiaion „ tre bienfaicrice & qui entroit dans
pana fut le ■ la mailon , aiant rait un voiage de
S'"!itece,-'le " quelques mois a la campaene , fut
M.de S. C.y- J . 1                                             r & »
tan, dans !e» li lurprile a ion retour de voir le
s! sacremenU " changement de la maifon qu'elle en
'» etoit tome ravie , fur tout a l'e-
» gard de fa fille qui etoit jeune ,
» delicate, qui quoiqu'elle fut Re-
»> ligieufede ties bon coeur avoit en-
" core l'efprit du monde , etoit fufri-
» fante & recevoit librement les petits
w accominodemens. Mais fitotqu'el-
»> le eut fait fon renouvellement a
» M. de S. Cyran , il n'y en avoit pas
m une plus humble, ni qui aimat plus
» la mortification & lapauvrete (40).
La Mere Angelique fit ce renou-
vellement avec une ferveur extraordi-
naire , dans la retraite la plus etroite ,
jufqu'a ne voir aucun de fes parens,
& joignant a cela les jeunes , les ma-
cerations & tous les traitemens les
plus rigoureux. Elle ecrivit fur un
papier que la providence a conferve,
(40) Voi'ez la deujcierne Relation, premiere Partie ,
jnajjc i+f & fuiv.
-ocr page 395-
I. Part ie. Liv. V. 2.37
les resolutions qu'elle avoit faices -
pendant fa retraite, enfuite de fon
renouvellement.
" 1 ".Tons les matins, je prierai Dieu
» de vivre & de mourir dans la pe-
» nitence.
" i°. Je procurerai par routes les
» voies qui me feront permifes , de
» fortir de charge , & quand Dieu
» m'aura fair cette grace , j. n'en ac-
» cepterai jamais d'autre.
» 30. Tandis qu'il lui plaira que
» j'y demeure , je n'enrreprendrai ja-
" mais rien pour la conduite fpiri-
» tuelle ni remporelle fans obeiflance.
" 40. JeconverferaiavecmesSceurs
« avec la plus grande humilite queje
» poiitrai. Je ne les reprendrai jamais
» de leurs fautes a l'heure meme
» qu'elle les feront, ni pour la pre-*
» miere fois , ni qu'auparavanr je
« n'aie prie Dieu qu'il me fafTe la
»« grace de le faire par fon efprit 8c
» qu'elles le regoivenrde meme.
'" 5 ° • Je me feparerai del'application
» inutile que j'ai accoutume d'a-
m voir fur leurs actions , efperant plus
» a la conduite de Dieu qu'a des foins
« fuperflus.
» 6°. Je parlerai le moins qu'il me
» fera poffible, J'aurai foin d'ecrjro
-ocr page 396-
i$8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" plutot, quand il fe pourra , 8c me
" fervirai de fignes ou je le pourrai.
» 7°. J'eviterai autant qu'il me
" fera poffible d'aller au parloir, 8c
"
quand je ferai hors de charge , je
" n'y irai point du tout , pas meme
" pour mes parens. Quand je ferai
" obligee d'y aller , je parlerai le
" moins que je pourrai, ne m'enquer-
" rerai jamais de nouvelles , &c evite-
^ rai qu'on m'en dife.
» 8°. Quand je ferai hors de char-
" ge' je tacherai d'etre en folitude
" toute ma vie.
" 9*. Je fouffrirai mes maladies
" fans y chercher du foulagement, 8c
"
n'appellerai jamais le Medecin fans
" permiilion exprelTe. Si Dieu m'6te
" mes maladies, je ferai tous les jours
" quelque penitence , felon qu'il me
" fera permis.
» io°. J'efTaierai de vivre dans la
" plus grande pauvrete qu'il me fera
" poffible pour la nourriture , ne pre-
» nant que ce qui me fera precife-
» ment neceflaire, & du pire. Je ne
-.» prendrai jamais de .fruit, falade ,
» ou autre chofe qui ne foit pas ne-
» cefTaire a la vie. Au vetir & cou-
» cher, j'obferverai auffi la plus grande
,»> pauvrete que je pourrai.
-ocr page 397-
I. Partii. Liv. V. z$j
»» n". Je n'ecrirai point de lettres
»> que des neceflaires, & je ferai en
» iorte, autant que je pourrai, d'ou-
» blier les creatures & d'en etre ou-
» bliee. Quand j'ecrirai, je le ferai
» le plus (Implement que je pourrai,
" & quand ll m'arrivera de mettre
» quelque chofe de trop affedte dans
» quelque lettre, J'en ferai une autre.
» ii8. Je me fouviendrai tous les
» jouts qu'ai'ant abufe de tout , je
» dois me priver de tout. Que fi les
» perfonnes innocentes facrifient a
» Dieu toutes les chofes dont elles
» n'ont point abufe, pour lui plaire
» davantage, combien , l'ai'ant ofFenfe
» en toutes chofes , ne fuis-je pas
» obligee de m'en feparer? Jefupplie
» le Seigneur de me donner le coura-
» ge de ne recevoir jamais aucune fa-
« tisfaction fenfible ni fpirituelle, que
» dans l'efperance de fes mifericordes.
Du jour de l'Aflbmption de la fainte
Vierge 163 5.
La Mere Madelaine de Ligny a fait
elle-meme le recit des fruits adrnira-
bles de la direction de M. de S. Cy-
ran , dans fa Relation qui eft la dixie-
nie de la premiere Partie , Tome I.
» Apres ces renouvellemens , dit-
»j elle page 5 3 }, que les Sceurs firent
-ocr page 398-
------------------------------------'---------------------
Z40 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,?
'*-—-------" entre les mains de M. de S. Cy-
* ?)• » ran, ellesentendoienttoutesfes avis
" en particulier , & fes exhortations
" en general avec toute une autre dif-
" pofition que celle ou elles etoient
» auparavant. On avoit le meme
" refpect & la meme docilite pour
" notre chere Mere, & on peut dire
" qu'il fe fit dans cette maifon une
" Pentecote, qui changea & renou-
" vella le cceur de routes les Sosurs,
" excepte de la Soeur Anne de Jefus,
" qui fembloit n'etre dans le monaf-
" tere que pour exercer la patience de
w la Mere Angelique.
» M. de S. Cyran & !a Mere An-
» gelique nous exhorterent deretracer
" en nous une petite image de la pre-
" miere Eglife de Jerufalem. On nous
» donna particulierement pour devo-
" tion , d'imiter les difciples en trois
" chofes : iQ. la docilite pour la parole
" de Dieu ; 2 e. la feparation du mon-
" de •, 3°.l'union des unes avec les
" autres. Et on peut dire avec verite
" qu'il n'y avoit entre nous qu'un
» coeur & qu'une ame, comme il fe
" lit des premiers chretiens. Il ne fe
" pouvoit rien ajouter a l'union, a la
>> tendreflfe que Ton avoit les unes
» pour les autres, qui etoit generale
pour
-ocr page 399-
I. Pahtii. Llv. V. 241
» pour routes , fans que pas une te- "*
» moignat avoir d'amitie particuliere,
»» ce qui detruit d'ordinaire la vraie
» charite.
» Cecte union qui etoit enrre nous
•> etant route de charite , faifoit que
»» chacun reflentoit les biens & ies
» maux des autres , comme s'ils lui
» euffent ete propres. Je veux dire
» qu'on compatifloit a leurs afflictions
» 8c a leurs maladies , & qu'on fe
» rejouiflbit de leur avancement dans
» la vertu. Cette charite paroidbit
» auffi lorfqu'on fe trouvoit enfemble
» dans quelque travail ou obeiffiance,
»> fur-tout aux conferences , par le
" fupport, le refpecl: , la deference
» qu'on fe rendoit les unes aux au-
" tres , auffi bien que par le foin
» qu'on avoit de fatisfaire fincere-
» ment aux moindres fautes, qui
" avoient pu blefTer ou mal edifieu
» quelqu'une des Sceurs ; ce qui fe
" faifoit d'une maniere qu'on nepou-
>» voit douter qui ne viae de la pic-
m nitude du cceur.
» On s'entrerenoit aux conferences
»» avec charite & cordialite de quel-
« que chofe d'edification; on y repe-
<u toit les conferences que M. de S.
w Cyran nous faifoit au parloir : or*
Tome I,
                           jL
-ocr page 400-
i4i Histoire de Port-roYai.'
1 • » y parloir de la grace que Dieu nous
3 5 • avoir faire de nous donner une fi
» bonne conduire, & de la recon-
» noilfance que nous en devions avoir.
» On s'y encourageoir enfemble a la
» perfection religieufe , a embracer
j) la penirence &c la morrification , a
« pratiquer l'humilire, a ne vouloir
3> rien de fuperflu , a aimer que les
» barimens & rout ce qui apparrient
» an monaftere, reiTentiifent la fim-
» plicite & la pauvrete. La Mere An-
» geliquey lifoit ordinairemenr quel-
s' qu'hiftoire de l'Ecriture-fainte qu'el-
» le expliquoit d'une maniere qui
» touchoir le cceur en meme-rems
» que l'efprit en etoit eclaire •, ou bien
» elle donnoic a fes filles quelqu'autre
jj inftrudtion felon les rencontres : ce
qu'elle faifoit fi agreablement &c en
,y perfuadant fi forrement ce qu'elle
,, difoit, que bien loin qu'on trouvat
.. quelque contrainte & quelqu'ennui
» dans ces difcours fi ferieux , Ton
» palfoit ce tems avec une fatisfadtion
» finguliere , & on en fortoir avec uhe
» nouvelle ardeur pour le fervice de
» Dieu.
» Le filence etoit fi exactement
»> obferve, qu'excepte le rems de la
» conference on pafibit fouvent les
-ocr page 401-
—---------------7"--------------------------------'-----------------------"            ™
I. Partie, Llv. V. 14^
»> Jours entiers fans parler , & lorf-
qu'on etoit oblige de rompre le fi- I"35*
»> lence pour des chofes neceflaires ,
™ on le faifoit avec grande circonf-
pection. Notre Mere nous avoit
» appris qu'il ne le falloit jamais raire
». avec precipitation, & qu'avant de
commencer a parler , ll falloit y
« penfer quatre fois pour voir s'il
jj etoit bien neceflaire , & clever fon,
» cceur & Dieu pour tacher de con-
» noitre s'il l'approuvoit (41). Elie
» nous faifoit fouvenir fouvent de
» cette parole du Prophete : le Jiltncc if.it.-f, iji
„ entrecient la jujlice
Lorfqu'on tra-
vailloit enfemble dans les obeiilan-
u ces , on tachoit d'imiter les pre-
miers Religieux de Clairvaux, done
„ il eft rapporte dans la vie de S.
„ Bernard qu'on n'entendoit point
d'autre bruit dans le monaftere ,
que celui des outils dont ils fe fer-
„ voient pour leur travail.
» On nous avoit appris auffi que
dans ce filence, arm qu'il ne me
pas oifif, il falloit avoir foin de
parler a Dieu & de l'ecouter;
de forte qu'encore qu'on fur fore
u occupe, on ne laiftbit pas d'entre-
»» tenir dans le travail l'efprit de re-
(41) Dixieme Relation du Tome I. pagefjtf.
L i;
-ocr page 402-
144 HlSTOIRE T)V. P ORT-ROlAt.
„ cueillement&de prieres; parcequ'ert
meme-terns qu'on fe taifoit les lines
a l'egard des autres, on s'entrete-
» noit avec Dieu & on meditoit quel-
» que chofe de fa divine parole.
» On nous infpiroit auifi un grand
» amour pour la retraite & la folitu-
» de, enforte que les Sceurs qui etoienc
>! auparavant les plus attachees a leurs
»? parens > fe portoient d'elles-memes
« a fe retrancner les parloirs autant
»> qu'elles pouvoient, & prioienc la
» Mere de les en difpenfer. On n'y
» alloit que pour la fatisfacfcion des
« perfonnes qu'on ne pouvoit refu-
« fer, ou celles que la charite enga-
» geoit de voir & de confoler, fur-
jj tout les pauvres & les affliges.Notre
m Mere nous faifoit mettre a genous
« avant que d'entrer au parloir, pour
»» demander a Dieu qu'il nous pre-
fervat de l'efprit du monde , & de
» meme au fortir , pour le prier d'ef-
» facer de notre efprit tout ce que
» nous venions d'entendre , de peur
« que ce ne nous fut un fujet de dif-
» tradtion dans nos prieres. Elle le
w pratiquoit audi elle - meme.
» Elle nousdifoit que S. Benoit avoir
» grande raifon de vouloir que les
u Religieux qui fpxtoient du nxmaf-
-ocr page 403-
1. Par.Tie. Liv. V. 245
V* tere , ufaflent d'une fi grande pre-
» caution pour faire mourir en eux-
*) memes ce qu'ils avoient vu 8c en-
*» tendu dehors, qu'il leur defend
j, expreflement d'en parler aux aucres ,
„ parceque la corruption du monde
„ eft fi grande , que ces fortes de dif-
», cours font capables de repandre ur»
„ venin dans notre coeur & dans celui
„ des autres, en y introduifant l'ef-
u prit & les fentimens du monde , &C
„ que c'etoit fouvent la caufe du re-
„ lachement & de la mine des mo-
„ nafteres. C'eft pourquoi elle defiroit
„ qu'on obfetvat exadfcement cette
M regie, de ne parler jamais de ce
„ qu'on avoit appris au parloir , fi
,, ce n'eft qu'on demandat permiffion
„ de dire quelque chofe qui pouvoit
a, edifier.
» Toutes les Sceurs tachoient a fe
„ rendre exaifces a leur devoir, fans
„ fe meler de tout ce qui ne les re-
„ gardoit pas ni y faire attention ,
M de forte qu'on ne favoit pas meme
„ ce qui fe paifoit dans la maifon
i, hors de fon obeiflance , & qu'on ne
». s'appercevoit pas fouvent de chofes
qu'il n'y auroit eu qu'a lever les
„ yeux pour les voir. Tout cela fe
u faifoit avec tant de douceur &c f%
L iij
-ocr page 404-
i4<J HlSTOIRF. BE PoRT-ROlAI.
» librement, qu'il n'y paroiflbit au-
» cune contrainte.
Telles furent les fuites heureufes
de la direction de M. deS.Cyran dans
le monaftere du S. Sacremenr. » Ce
a> n'etoit point, dit la Mere Angeli-
»> que , que ce faint homme portat les
» perfonnes pat aucune force ni con-
» trainte dans 1'efprit de penitence ,
« ni qu'il ordonnat de grandes morti-
»> fications & aufterites. Mais Dieu lui
*> faifoit la grace par la force des fo-
il lides verites de toucher tellement
,-» les cceurs de l'amotir & du refpecT:
« qu'on dpvoit a Dieu , qu'il faifoic
» naitre la douleur de l'avoir ofFenfe
« & un fi grand defir de lui fatis-
» faire, qu'on vouloit toujours plus
n faire qu'il ne vouloit. Il avoir un,
» foin merveilleux de retrancher tou-
» tes les occafions du peche, & pour
m cela il remarquoit dans les confef-
» fions les moindres circonftances,
» afin de reconnoitre les inclinations
» & la pente du cceur. Son exac~titu-
=> de n'etoit point penible aux ames.
n Au contraire comme on la voi'oio
»> proceder , non point d'un efprit
»> fevere ni fcrupuleux , mais d'une
» veritable charite & droiture, elle
i> donnoit aux perfonnes grande con-
-ocr page 405-
----------------------------------------------------------------------
I. Par Tin. Liv. V. 247
« folation 8c efperance , que Dieu les------------
« vouloit guerir, les a'fant fait tomber I!^3 5'
5j entre les mains d'un fi bon mede-
•> cin (41).
Madame de Ligny en etoit (\ ravie xxxti.
qu'-elle difoit fouvent a la Mere An- v^y fefcima
aelique : // /2r«* awe ce£ homme ait tine temtite dans
& n jc-                    j ■                         /2 /•        lamaifon du
grace &• K/K COndUlte tOlltt apojtouque s_ increment.
/?o#r faire dt tels changemens dans les \
ames.
Cette Dame vint faire une re-
traite dans la maifonduS. Sacremenr,
& elle euc bien voulu la faire fous la
djre&ion de M. de S. Cyran ; mais
comme elle etoit fous celle d'une au-»
tre perfonne de grande reputation ,
elle n'ofa le quitter. Apres qu'elle
l'eut faite , elle fupplia la Mere An-
geliqueau nomde Dieu, d'obtenir de
M. de S.Cyran qu'il voulut bien la con-
duire, & qu'il lui fit faire un renouvel-
lement. La Mere Angelique luiai'ant
dit que M. de S. Cyran auroit de la
peine a fe charger d'elle, parcequ'elle
etoit riche 5 Madame de Ligny lui
repondit : Je lui dirai tout mon Men,
&j'en difpoferaifelon fes ordres.
Cette
Dame tomba malade des le lende- c, „„.,
main de ia lortie, &c mourut tres chretiennc
chretiennement au mois de Janvier
(4t) Scconde Relation, premiere Partie , Toms j,
page 34*.
L nij
-ocr page 406-
i.^% HlSTOlRE OT PoRT-ROlAl."
i6$6. C'etoir une perfonne d'un tres
bonefprit, d'une grande verm, & a
qui Dieu avoit fait connoitre la ne-
ceffite de la penitence chretienne. ElLe
etoit tres detachee des biens &c des
vanites de ce monde j & pendant fa
retraite elle difoit fouvent a la Mere
Angel ique , que je plains mon frere
(le Chancelier Seguier) je prie Dieu
qu'il fob chaffe de la Cour, car je ne
Jals comme il fera pojjibk qu'il fe Jauvt
auinment. Pendant que Madame de
Ligny etoit dans la maifon du S. Sa-
crement, on 1 avertit qu'il y avoit une
Abbai'e de ioooo liv. vacante, &
qu'elle pouvoit la faire demander par
M. le Chancelier fon frere pour M. fon
fils, depuis Evcque de Meaux : elle
remercia la perfonne qui lui donnoit
cet avis, & dit qu'elle ne vouloit
point demander cette Abbai'e , parce-
qu'elle craignoit que ce ne fut un
engagement a M. fon fils pour de-
meurer dans l'etat Ecclefiaftique , &c
qu'elle ne dcfiroit point qu'il le fut a
moins que Dieu ne l'y appellat. On
xapporta un jour a Madame de Ligny
que quelques perfonnes de grande con-
uderatton trouvoient a redire, qu'aiane
la reputation d'etre fi fage , elle laiflat
fa nile dans une maifon aula decriee.
-ocr page 407-
------------------.---------------------,-------                ,
I. Par tii. Llv. V. 449
(C'etoit clans le fort de la perfecution ,
da chape] et.) Elle repondit que fi ce
         ■**
n'etoit pas afTez pour temoigner l'ef-
time qu'elle faifoit de la Mere Ange-
lique &c de la conduite de cette mai-
fon , d'y laMer fa fille , elle y entre-
roit elle-meme. En effet, dans le tems
que la mort l'enleva , elle penfoit a
ie donner entierement a Dieu , &
elle temoigna a la Soeur Madelaine
des Anges de Ligny, qu'elle alloit met-
tre fes affaires en etat pour fe recirer
au plutot dans la maifon du S. Sacre-
ment. N'ai'ant pu executer fon deiTem
elle demanda a etre enterree parmi les
Religieufes, ce qui lui fut accorde.
Apres la mort de Madame de Ligny, xxxiiy.
arriveeau mois de Janvier 1636, la lf,^leteA'f
Mere Angehque penla a le retirer de I fe rearer <le
la maifon du S. Sacrement pour ter- |f maifon £°
..-                .r                  S. Sacrement.
miner toutes lesdilputes. Nousavons
deja dit que la Butle de l'inftitut du l»3^»
S. Sacrement donnoit la fuperiorite de
la maifon a trois Prelats > Meffieurs
de Paris , de Sens & de Langres. Le
,
          premier fourFroit cela avec beaucoup
de peine; & quoiqu'a force de folli-
citations & par consideration pour Ma-
dame de Longueville , qui avoit pris
le titre de fondatrice, il eut laifle pren-
dre poiTeflion de la maifon, il permit
L v
-ocr page 408-
---------, -
2. JO HlSTOIRE 0f. PoRT-ROlAI.
-~T~7 feulement de dire I'office dans le choeur,
• ' mais 11 ne voulut point qu on y pre-
chat , ni qu'on donnat l'habit a au-
cune fille , afin que les tenant ainfi en
fufpens , elles fufTent obligees de le
reconnoitre pour feul Superieur. Il y
avoir deja pres de trois ans que la mai-
fon eroit dans cet etat. M. de Sens ,
l'un des Prelats Superieurs , par un
coup de la divine providence s'etoit
entierement retire des le commence-
ment de l'etablitTement. M. de Lan-
gres s'indifpofoit de jour en jour
conrre M. de S. Cyran, qu'il avoit
tant eftime & dont il avoit loue la
conduite jufqu'a le vouloir prendre
pour coadjuteur & pour dire&eur (43).
Ce Prelat voiant que les Religieufes
du S. Sacrement avoient plus de con-
fiance en M. de S. Cyran qu'en lui,
en conCjiu une telle jaloufie qu'il ne put
en guerir fon efprit. Semblable a Saiil,
3ui s'etoit rejoui avec tout fon Peuple
e tant de fervices fignales qu'il avoit
rectus de David 5 puis aveugle pat fa
paflion, il ne regarda plus ce Servi-
Ui) M. de Langres    faveur. M. de S. Cyran
j>re(Ta M. de S. Cyran , &    dit quil etoit trop vieux ,
le fit piefTer par ties amis,    M. de tangres repondit
entr'autres par M. Mole ,    ce que dit S. Ambroifedc
de confentir qu'il fe de-    Slmplicien, Smcx eji ftd
mic de fon Evedic ea fa    bonus.
-ocr page 409-
I. Partii. Liv. P. 251
teur
fidele que comme un ennemi qui 1(j,^
meritoit la more
M. de Langres avoit reconnu ( dans XXXI,y\
1 1               P •                  11                       Jaloufie de
des letrres ecrites pendant le cours M.deLangres
meme de l'annee 1635) que its pen- coe
M- det*
sees de M.de S. Cyran itoient des pen- ' ^
fees de Dieu que les filles du S. Sa~
crement navoient qu'a fuivre
, puifqut
Dieu Le Leur avoit donni pour les con-
duire a I'etat de perfection. II biniffoit
Dieu de ce qu'il leur avoit mis en main-
line perfonne qui joignant la chariti a
Vautorite etoit capable de faire des mer-
veilles ;
tel etoit M. de S. Cyran aux
yeux de M. de Langres , avant que la
paffion I'eiit aveugle. Mais la jaloufie
s'etant une fois emparee de l'efprit de
ce Prelat , cet homme dont les penfe.es
itoient les penfies de Dieu
ne fat plus
a fes yeux , qu'un novateur qu'il falloic
pourfuivre , & qu'il pourfuivit en
effet comme nous le verrons. Trifle
exemple du ravage que la jaloufie eft
capable de faire dans le ccsur de l'hom-
me 1 celui qui faifoit la joie de M.
Zamet fit fon tourment; & (on ami
devint fon bourreau en lui difant la
verite : Dieu m'a donne cet homme ,
(dit plufieurs fois M. de Langres, par-
lant de M. de S. Cyran a la Mere
L vj
-ocr page 410-
251 HiSTOIRt BE PoRT-ROlAlr'
Angelique , peu avant qu'elle fordft
de la maifon du S. Sacrement) pour
Sire mon bourreau , car il me fait con-
noitre La virile par lui & je riai pas
la force de lafuivre. Ctla me tue.
Pa-
roles remarquables, qui en meme-
tems qu'elles renferment la juftifica-
tion de M. de S. Cyran & l'aveu de
l'injufte procede du Prelat, decouvrent
le motif de fa haine implacable con-
tre ce pieux Abbe. 11 etoit pour M.
de Langres , ce qu'etoit pour un Roi
dlfrael , ce Prophete, de la bouche
duquel on pouvoit apprendre la vo-
lontc de Dieu : maisje le hais, difoit
ce Prince , parcequ'il ne me pridit
point de bien, mats toujours du rnal
(44).
M. Zamet etoit perfuade que c'etoit
un homme de Dieu , mais il concur
de l'avetiion pour lui, parcequ'il ne
le flattoit point, parcequ'il lui parloic
de la refidence & de l'obligation pout
un Eveque de ne pas faire de longs
fejours hors de fon Diocefe. Tant il
eft rare de trouver, meme parmi ceux
?uiont de la piete, quelqu'un qui fouf-
re patiemment qu'on lui dife la ve-
tite lorfqu'elle lui reproche fes defauts.
S'il eft rare de trouver des Nathan
{44) Patilip. liv. 1. ch, !?. f. 7.
-ocr page 411-
I. Partie. Llv. P. 25j
& des Ambroifes , il 1'eft encore plus Kj2<s.
de trouver des David &c des Theo-
dofes.
La mauvaife humeuf de M. de Lan-
gres etoit encore fomenree par la Sceur
Anne de Jefus de Chameflon , fa pe-
nitenre. Elle lui marquoir un jour dans
unelettre (que la Mere Angelique lut,
contre fa courume) que Madame
de Longueville lui avoir dir avoir ap-
pris de Madame de Pontcarre , qu'il
(M. de Langres) n'avoir plus de credit
dans la maifon , & qu'il n'y etoit plus
que le Chapelain de S. Cyran. Nean-
moins depuis cecte lettre , M. de Lan-
gres park encore a la Mere Angelique
avec beaucoup d'eftime de cet Abbe,
& il lui ecrivit la lettre fuivante le
zijuillet x<f 3 5 , au fujet de quelque
chofe qui s'etoir fait dans la maifon
par Pavis de M. de S. Cyran : » La
» penfee eft de Dieu, & je le benis
jj de vous avoir donne une perfonne
» capable d'en produire tous les jours
» de nouvelles & de plus importan-
>y tes a. votre perfection. J'aime l'en-
" gagementquefabontemedonnea vo-
« tre maifon, non-feulement pourmon
» bien particulier , mais parceque ce
» vous eft un fujet d'en tirer plufieurs
» de la conduite de celui que Dieu
-ocr page 412-
154 HlSTOIRE DB PoRT-ROl'At;
t ~7~l» vousamis en main. M. deLangreS
3 ' n'a plus vu M. de S. Cyran depuis
cette lettre , dans laquelle il lui rend
encore un temoignage li avantageux:
par confequent routes les accufations
d'erreurs, de mauvais fencimens , qu'il
a depuis formees contre cet Abbe >
doivent etre regardees comme injuries,
faufTes , & uniquemenc enfantees par
la pailion. Comment auroit-il recon-
nu de mauvais fentimens & des er-
reurs dans ce faint homme depuis
3u'il l'avoit perdu de vue, puifque
ans le tems qu'il le voioit, c'etoit
un homme qui avoit des penfees de
Dieu, & qui n'avoit que des fenti-
mens faints & raifonnabks ?
xxxv.
         Cependant la Mere Angelique con-
gd^e'prtnd fidero.it d'une Part 9ue la divifion qui
d«s mefures regnoit entre les deux Prelats Supe-
L0ma™durieurs (Meffieursde Paris & de Lan-
s. sacrement gres) rendoit l'etat de fa maifon
maim dleM. toujours incertain •, elle voioit de
ie Paris. l'autre l'indifpofition de M.. de Lan-
gres contre M. de S. Cyran 8c contre
elle-meme, fes egards pour Made-
moifelle de ChamefTbn , qui s'oppofoit
a. tout bien , quoiqu'elle parut l'approu-
ver, lorfque la M. Angelique le lui pro-
pofoit.Enfin toutes les dillimulations
de cette fille la decouragerent, &c lui
-ocr page 413-
I. P A R T I E. L'lV. V.       255
fcterent route efperance d'etablir le
bon ordre , rant qu'elle refteroit fous
la conduite de M. de Langres. Elle
refolut done , pour procurer a fa mai-
fon un etabliifement folide, de la
mettre entre les mains de M. de Pa-
ris. Apres en avoir parle aux Sceurs
qu'elle trouva du meme avis , elle
penfa aux moi'ens d'executer ce delTein
fans qu'elle parut fe feparer de M. de
Langres. Voici ce qu'elle imagina y
& qui reuffit. M. de Paris n'avoit don-
ne fon confentement a 1'inftitut du S^
Sacrement , qu'a condition qu'on ob-
tiendroit dans trois ans un bref qui
reformeroic les articles qui lui deplai-
foient dans la Bulle , comme contrai-
res a fes droits. Or ce bref n'etoic
fioint encore obtenu. La Mere Ange-
ique fit done fecretement propofer a
M. de Paris de demander le bref
qu'on lui avoir promis, finon qu'il
remettroit la maifon fous fon obeif-
fance conformement*a la condition
fous laquelle il avoir confenti a fon
etablilfement; & que fur le refus qu'en
feroit la Mere Angelique , il lui or-
donneroit de retourner a P. R. pour
mertre a fa place la Mere Genevieve
qui en etoit AbbefTe , laquelle n'ai'anc
point d'engageraent avec M. de Laa»
-ocr page 414-
I^g-M^ll .WWW        .....»        II. . ■■■------------------------------------
2.56 HtSTOIRE D* PoRT-Ro'lAI.
* 6 j <3 .
gres, remettroit fans difficulte la
maifon I M. de Paris : routes ies Re-
ligieufes y 6toient difpofees , a l'ex-
ceprion d'une feule. La Mere An-
gelique confulta M. de S. Cyran , qui
approuva ce projet apres l'avoir bien
examine •, & il fut execute fi fecrere-
xnent, que M. de Langres n'en euc
aucune connoiflance. M. de Paris en-
tra d'autant plus volontiers dans les
vues de la Mere Angelique, qu'elles
etoient conformes aux fiennes. Il fit
ce dont on etoit convenu , & demanda
le bref qu'il favoit bien qu'onnepou-
voit lui donner, puifqu'on ne l'avoit
pas. Alors il chargea un grand Vicaire
aaller prendre la Mere Genevieve a
P. R. & de la conduire a. la maifon de
l'inftitut. Lorfqu'ils arriverent, la
Mere Angelique fe trouva a la porte.
Elle fit entrer la Mere Genevieve, &
fortit elle-meme le 10 fevrier 1636
pour retourner a P. R, M. de Langres
fut extremement furpris , quand il
apprit une heure apres etre forti de la
maifon du S. Sacrement, que la Mere
Angelique etoit retournee a P. R. , &
que la Mere Genevieve etoit venue
prendre fa place : il en fut cependant
bien aife , dans l'efperance qu'il gou-
yerneroit cette nouvelle Superieure ft*
-ocr page 415-
I. Partis. Llv. V. 157
comme il voudroit. Le Prelat & fa
Poftulante ( Mademoifelle de Chamef-
fon) firenc de grandes careffes a la
Mere Genevieve , lui difant que Dieu
lui avoit referve l'accompliflement de
cette oEuvre. Mais malgre les protef-
tations de foumiffion de la Poftulante ,
la Mere Genevieve s'appercut bientoc
que c'etoit un fujet peu propre pour
le cloitre, & l'auroit renvoiee n M«
de Langres n'e&t intercede pour elle.
Elle en ecrivit a la Mere Angelique
qu'elle informoit de tout,lui avouant
qu'elle s'etoit laiflee gagner par cette
nlle, qui l'avoit trompee» & fur la
reponfe qu'elle recut, elle dir A Made-
moifelle de Chameflon, qu'elle ne
pouvoit la garder. Celle-ci, qui avoit
le casur haut, ne fe le fit pas dire deux
fois, & en avertit auili-tot l'Eveque
& la DuchelTe de Longueville, qui
la vint prendre elle-meme a la porte
au mois de juillet 1656 , fans entrer
dans la maifon. Elle n'y eft jamais
venue depuis, non plus que M. de
Langres. Une Soeur converfe , qui
etoit venue de l'Abbai'e du Tard avec
les autres Religieufes, vo'iant cette
fille fortie voulut la fuivre, 8c on la
lailla partir. C'eft ainfi que tous ceux
1 qui avoient d'abord ete les plus ar-«
-ocr page 416-
ij8 HfSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
"' j 2 j <J. ^ens Pour cet etabliffement, &: qui
avoient tant travaiile a cet erTet, fans
pouvoir confommer cet ouvrage , fa-
rent ecartes, & que la maifon demeura
en paix au-dedans , car au-dehors il
s'eleva un grand orage.
xxxvi. M. de Langres attribuant la fortie
o"|e1S<K& Poftnlante i M. de S. Cyran ,
m. de s. cy- qui n'y avolt d'autre part que celle de
l'avoir retardee quelque tems , &c pi-
que d'ailleurs , quoique fans fujet con-
tre cet Abbe, commence des-lors a
debiter fes accufations contre lui. Ma-
demoifelle de Chamelfon de fon cote
irritee au point qu'on peut fe l'imagi-
ner , fe joignant a Madame de Pont-
carre > tenoit dans toutes les compa-
gnies ou elle fe trouvoit, des dif-
couts tres defavantageux contre M. de
S. Cyran , qu'elle ctoioit auteur de fa
forrie. Cette Demoifdle & Madame
de Pontcarre alleLent aux Carmelites
ou elles erTraierent la Mere Anne de
Jefus, foeur de M, le Chancelier Se-
guier , en lui parlant de la pretendue
mauvaife conduite de M. de S. Cyran,
& en lui rendant fes fentimens fuf-
pe£ts. La Mere Anne de Jefus ainfi.
trompee , craignit pour la Sceur Ma-
delaine de Lignyfa niece, fille de Ma-
dame de Ligny & jettal'allarme dans t<
-ocr page 417-
I. Part ie. Llv.V. 259
la famille , en informant M. l'Eveque -
d'Auxerre & M. Ie Chancelier fes fre-
res de ce qu'elle avoit appris. Le def-
fein des ennemis de M. de S. Cyran
etoit de l'eloigner d'une maifon,;ou il
avoit fait tant de fruit,& ils reuffirent.
Car ces Meilieurs le firent prier de ne
plus voir la Saeur de Ligny M. le
Chancelier meme affura que s'il con-
tinuoit d'aller en cette maifon, il re-
tireroit fa niece. M. de S. Cyran crut
alors que Dieu lui ouvroit une voie
legitime de fuivre la penfee qu'il avoit
depuis quelque terns de fe retirer, fans
manquer a la regie qu'il avoit apprife
de l'Ecriture , de n'abandonner jamais
les ames que Dieu lui avoit adreffees,
& de les fervir jufqu'au bout , fans
avoir ^gard aux inconveniens & aux
difgraces qui en pouvoient arriver. Il
fe retira done au mois d'aout \6$6.
Mais fa charite ne lui permit pas d'a-
bandonner entierement des filles qui
avoient ete fous fa conduite. Outre
les prieres qu'il faifoit a Dieu pour
elles, & les avis qu'il leur donnoic par
quelques perfonnes interpofees , lorf-
qu'on lui en demandoit, il leur pro-
cura un autre lui-meme dans la per-
fonne de M. de Singlin, fon ami ,
^ pour les confefTer. Ce faint Pretre,
-ocr page 418-
1<?0 HlSTOIRS M P0R.T-R.0lAt7
dont nous aurons fouvent occafion da
parler, confeflbit deja. a P. R. les no-
vices & quelques autres perfonnes *.
il voioit meme au S. Sacrement deux
penfionnaires , l'une fceur , & l'autre
coufine de M. Felix Vialart Eveque
de Chalon fur Marne , qui avoit beau-
coup d'eftime pour M. Singlin avec
qui il avoit fait des millions. La Me-
re Angelique , qui etoit auili fort per-
fuadee de fon merite & de fa piete ,
fut charmee qu'il fe chargeat de la
conduite des filles du S. Sacrement.
Elle ecrivit a la Mere Genevieve que
M. de S. Cyran eftimoit beaucoup ce
faint Ecclefiaftique , & qu'il recon-
noiffoir en lui de grands talens pour
la conduite •, quel'humilite de ce faint
Abbe lui faifoit meme croire qu'il en
etoit plus capable que lui •, & enfin
Sue c'etoit un homtne tout rempli
e l'efprit de Dieu. La Mere Angeli-
que a dit fouvent depuis , parlant de
M de Singlin , que c'etoit un Elifee,
qui avoit recu le double efprit de fon
maitre. Les filles du S. Sacrement re-
connurent bientot par experience que
tout ce qu'on leur avoit dit de lui,
etoit veritable.
Malgre le management qu'eut M.
de S. Cyran, en fe retirant de 1%
-ocr page 419-
I-----------------------------------------------------------------------—-~
I. P A R T IK. L'lV. V.       t6t
maifon du S. Sacrement, M. le Chan- — «■
celier etoit fi prevenu contre lui &c *
contre ce monaftere , qu'il prit la re-
folution de faire enlever de la mai-
fon, la Sceur de Ligny. Mais M. l'E-
veque fon frere ne voulut point y
confentir. II lui dit qu'il ne pouvoit
fouffrir qu'on traitat ainfi fa niece ,
6c qu'il fe chargeoit de menager cette
affaire 8c de lui perfuader de fortir
d'elle-meme. II y vint en effet dans
ce deflein •, mais la Soeur de Ligny
lui repondit avec fermete qu'elle ne
feroit jamais Religieufe que dans ce
monaftere , ou dans celui de P. Rf
dont l'efprit etoit le meme , & qu'elle
n'ctoit attachee a ces deux maifons
qu'a. caufe de la bonne conduite qui
y etoit etablie &c de la purete de la
doctrine qu'on y enfeignoit. L'Eveque
s'ouvrit entierement a fa niece du def-
fein qu'on avoit de la retirer ; 8c il
avoua tout ce qu'on lui avoit fait en-
tendre , ainfi qu'a M. le Chancelier,
pour leur rendre fufpedt M. de S.
Cyran , particulierenient au fujet de
la fainte communion , dont on difoit
qu'il detournoit les ames.
                      xxxvrr,
La Sceur de Ligny defabufa fon tlgny^uftifie
oncle, en lui rendant un compte'a clliB
* exa£t de la conduite qu'il avoit gar-cyraul e$'
-ocr page 420-
l6l HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.'
dee avec elle ; des avis qu'il donnoit
aux Sceurs pour communier fouvent,
8c des cas auxquels il confeilloit de
s'en priver quelquefois. Ce qui n'e-
toit jamais pour long-tems 5 parceque
c'etoit une de fes maximes, que pour-
vu qu'on eut foin d'interpofer une
humble 8c fidele penitence entre fa
faute 8c la communion , on s'en de-
voir bientot rapprocher. C'eft pour-
quoi il avertifioit d'avoir foin de rem-
plir les vuides que certe privation
faifoit dans Tame , par une plus gran-
de vigilance fur foi-meme , une plus
grande fidelite a la priere , au filence,
a la mortification , 8c particulierement
a la meditation de la parole de Dieu
qu'il faifoit con fiderer comme une des
principales nourritures de Tame, 8c qui
avoit beaucoup de rapport a l'efprit
8c au corps de J. C. II difoit que toutes
ces chofes etoient comme des miettes
qu'on devoit avoir foin de ramafler,
a l'exemple de la Cananee, ne fe ju-
geant pas dignes de manger le pain
des enfans. La Sceur de Ligny donna
enfuitequelquesexemples a M. fon on-
cle des fautes,pour lefquelles les Sceurs
fe privoient de la communion quel-
ques-uns des jours qu'elle etoit mar-
quee. i°. Quand il arrivoit de faire i
-ocr page 421-
I. Par.tie. Liv. F. %6$
quelque -fame confiderable contre la
charite ou l'obeifTance. i9. Quand on
s'etoit relache notablement du filence.
3°. Pour les fautes d'habitude dont
on n'avoit pas aflez de foin de fe cor-
riger, ou lorfqu'on negligeoit volon-
taire merit quelque chofe de fori de-
voir. L'on communioit ordinairement
dans cette maifon toutes les fetes 8c
lee dimanches , le ieudi & quelquefois
le famedi quand il n'y avoit point eu
de fetes.
Apres cette longue conference, ou
M. l'Eveque s'eclaircit amplement fur
tout ce qu'on lui avoit fait craindre ,
il s'en alia pleinement fatisfair, approu-
vant fort la conduite de M. de S. Cy-
ran , &c confentant que fa niece de-
meurat dans la maifon. Il la conjura
avec tendrelfe de l'aimer toujours &c
de prier pour lui. Tout ceci eft rap-
porte par la Sceur Madelaine de Ligny
dans une de £es Relations, qui eft la
dixieme de la premiere partie , tome I.
Elle ajoute que M. fon oncle alia
voir la Mere Angelique , qui l'informa
encore plus paniculierement des fen-
timens & des maximes de M. de S. Cy-
ran, & lui expliqua les chofes fur
lefquelles on l'accufoit a tort. Ilprit
jt beaucoup de plaifir a l'entendre, §{■
-ocr page 422-
----             ----------------
2«4 HlSTOIRE BE PoRT-Ro'lAt.'
-*■ "*' -— demeura fort edifie &c content de tout
w J ^ ' ce quelle lui dit. Etant retourne au.
S. Sacrement, il dit a la Sceur de Li-
gny , qu'il avoit vu la Mere Angeli-
que , qu'il etoit tres fatisfait de fon
entretien , &c qu'ilsetoientplus grands
amis que jamais. La Sceur de Ligny
manda tout cela a la Mere Angeliquc
qui lui fit reponfe, que, fi tous ceux
qui etoient prevenus contre M. de S.
Cyran n'avoient pas plus de paflion,
&c avoient autant d'equite que M. fon
oncle, tout feroit bientot en paix.
xxxvin. On trouva encore heureufement la
M-de^atis meme equitc dans M. de Paris. Ce
envoieM.de                   1 .
comes pour Prelat a qui on avoit tache de rendre
^^^fufped M. de S. Cyran , envoi'a d'a-
M-des. cy-bord M. de Contes Chancellier de
tan au mo- Notre-Dame, Superieur de la maifon
naftere du S.                                      r
sacrement,f< du o. bacrement , pour s mtormer de
»Imir1Ui"la conduite qu'avoit tenue cet Abbe,
lorfqu'il etoit charge de la direction
des Religieufes. Il hit ties fatisfait de
tout ce qu'il y vit, 8c de la maniere
dont on repondit a toutes les queftions
qu'il jugea a propos de faire , enforte
qu'il rendit un temoignage tres avanta-
geux de M. de S. Cyran a M. I'Archev,
pour lequel cet Abbe avoit toujours inf-
pire un grand refpecSt auxReligieufes.M.
i'Archeveque vim lui-meme au S, Sa- %
crement
a
i
-ocr page 423-
I. Partie. Liv. V. 2.6$
crement, & interrogea les Poftulantes
qui devoient recevoir l'habit. Apres
les avoir interrogees au-dehors 8c en
particulier , il demanda au parloir la
Mere Genevieve 8c les autres Pro-
feiles, a. qui il dit .."que ces Poftu-
j. lantes etoient fort bien inftruites,
» 8c qu'il n'avoic point trouve qu'on
» leur eut enfeigne aucune mauvaife
» do&rine , comme on en avoit fait
» courir le bruit •, mais qu'il ne l'a-
» voit point cru 8c qu'il etoit allure
» que fa chere fille Angelique n'etoic
» imbue d'aucune erreur. Il parla
» d'elle avec affection 8c eftime. Il
» dit entr'autres chofes , que c'etoit
» une fainte fille & d'un grand exem-
» pie, & qu'elle etoit une des pre-
ss mieres Abbefles qui avoient donne
» l'exemple aux autres de fe reformer
» 8c de vivre religieufement. II loua
» fon oheiflance & fon amour fincere
j. pour fes Superieurs , difant aufli
» que c'etoit ce qui !a lui faifoit ai-
» mer, 8c que fi elle fe fut rrouvee a
» cet etabliffement, la fete auroit etc
» accomplie , &c. II leur dit auffi que
» pour ce qui etoit de M. de S. Cy-
» ran, il cro'ioit que c'etoit un hom-
» me de grande probite & fcience,
« qu'il etoit capable de rendre de
Tome I,
                               M
-ocr page 424-
%6(* HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
I(j ^ " » grands fervices a l'Eglife , & qu'il
» Tavoit meme deja fait par un livre
» ( Petrus Aurelieus) qui etoit rendu
3> public ; que fes maximes ecoienr ca-
« tholiques, & qu'il n'en vouloit
» point d'autres preuves que les dif-
s» pofitions de fes cheres filles qu'il
3. venoit d'interroger •, qu'il en avoit
» interroge beaucoup d'autres depnis
w qu'il etoit dans fa charge , mais qu'il
« n'en avoit point vu qui euflent une
» meilleure vocation &: qui fuifent
» mieux intimites que celles-la. Il
3> ajouta que M. le Chancelier de
=> Notre-Dame lui avoit rendu un fort
» bon tcmoignage de toutes les Sceurs
« apres les avoir vues en particulier ,
» Sf que c'etoit pourquoi il n'avoit
» rien a leur dire , finon qu'il les con-
» juroit de continuer a vivre toujours
» en bonnes Religieufes , comme elles
» avoient commence (45). Il leur don»
na fa benediction, & promit de venir
dormer Thabit aux filles qu'il venoit
d'interroger. 11 choifit pour cela le 16
feptembre.
xxxix. Le jour etant arrive , M, de Paris le
dc'nne [^abii donna de fa main a fix filles , trois de
du nouvej choeur, favoir, Sceur Catherine de
Ptdre,
(45) Dixieme Relation de la premiere Panic ,
WBie I. page 571,
-ocr page 425-
I. Partie. Liv. V- 167
Sainte Agnes Arnauld d'Andilly, 16 $6.
Sosur Anne de la Nativite Halley , &c
Soeur Madelaine de Sainte Agnes de
Ligny; &c trois converfes , Soeur Anne
de S. Paul Renard , Sceur Anne de la
Croix Herve, dc line rroiueme qui
n'a pas perfevere. II donna dans la
meme ceremonie Ie fcapulaire blanc &
la croix rouge a la Mere Genevieve &
a deux Profeflfes. Apres leur avoir te-
moigne une grande fatisfadtion de
cette ceremonie, il leur promit la con-
tinuation de fa bienveillance &c de fa
protection. La Mere Angelique avoit
prie cpa'on prit 1'habit avec les orne-
mens les plus nmples ; ce qui ne s'e-
loit pas encore pratique, meme a. P. R.
ou les filles avoient ete parees jufques-
la comme ailleurs.
Voila de quelle maniere cet eta-
bliflement, auquel on travailloit de-
puis plufieurs annees, fut enfin acheve
au moment qu'on s'y attendoit le
moins, & par des voies toutes diffe-
rentes de celles qu'on s'etoit propofees ;
fans que ceux qui s'y ctoient intereffes
y euflent aucune part. Rien ne fait
mieux fentir que la Providence difpofe
de tout, & que les hommes ne font
que des inftrumens dans la main de
Dieu , qui s'en fert pour l'execution
M i)
I
. _.
-ocr page 426-
*Z68 HiSTOIRE DE PoR.T-R.OlAI.
X(j2<j. de fes defTeins, autant qu'il juge a
propos.
xl.           Le noviciat du S. Sacrement fe
feft'ptopoferfoutenoit dans la ferveur. On efpe-
aux fiiics du roit que les novices feroient profef-
3Jta?2£ fion au bout de Ian & elles s'y pre-
autre maifon parerenr par une retraite de fix femai
»ct
re our- ne^ Comme les profefles prenoient
part a. cette grace , qui devoir con-
fommer I'etabliiTement de la maifon
elles firent aufli une retraire des plus
exactes. Mais lorfque tout etoit dif-
pofe pour la ceremonie de la profef-
fion , elle fut retardee par le delTein
qu'on eut de changer de maifon , a
caufe de l'incommodite de celle ou
elles etoient, qui manquoit d'air , &
ou la plupart des Religieufes torn-
boient malades, M. l'Archeveque en-
voi'a M. de Chenoife fon ami & celui
des filles du S. Sacrement, pour leur
propofer de fa part le choix d'acheter
promptement une maifon plus com-
mode pour s'y etablir & y faire pro-
feffion , ou de retourner a P. R, en
attendant qu'on en trouvat une plus
Elies pren- eonvenable. Ce dernier parti parut le
pem ce dec- pjus aVantageux , & apres avoir con-
ptf pdt {a\t& Dieu dans la priere , & implore
fes lumieres par la pratique de route?
fprtes de bonnes ceuvres, elles Perm
-ocr page 427-
1. Par.tie.LV. V. i6$
brafTerent avec une joie d'autant plus vi-
ve que cela favorifoit le defir qu'elles
avoient toutes que l'inftitut du S. Sa-
crement s'etablit a P. R. ; car toutes
avoient etc appellees a cette maifon ,
toutes etoient fingulierement attachees
a Li reele de S. Benoit. La feule chofe
qu elles craignoient , etoit que retour-
nant a P. R., ou il y avoit un grand
nombre de Religieufes , elles n'euilent
pas a caufe de la multitude , la fatis-
raction d'avoir entr'eiles une auffi
parfaite union que celle qui regnoit
dans leur petite maifon. M. Singlin
leur ai'ant rendu vilite , quelques-unes
lui dirent cette difficulte , qu'il leva
en leur difant : Que la ou etoit Vefprit
de Dieu
, comme il etoit a P. R. ,
Vunion & la paix y etoient toujours ,
Jans que la multitude des perfonnes y
put mettre empechement.
N'ai'ant done
plus rien a apprehender , elles atten-
doient avec joie ce retour. La Mer«
Angelique l'approuvoit fort, 8c toute
fa communautc le defiroit. Ce ne fut
que le 16 mai 1638 qu'arriva ce
changement, dc que les filles du S.
Sacrement quitterent leur maifon pour
fe retirer a P. R. Elles y furent re-
vues par la Mere Agnes qui en etoit
Abbefle , par la Mete Angelique done
M iij
-ocr page 428-
170 HlSTOIRl- DE PoRT-RoYaI.
-----——— elles fe regardoient toutes comme
' les enfans, & qui etoit maitreiTe des
novices , avec la plus grande charite &c
l'amitie la plus tend re.
xl 1.
          Nous ne devons pas omettre ici
Schln- deax vifltes que les filles du S. Sacre-
ial rend a ment recurrent de la Mere de Chantal,
Vcih'ue6 *£'tiont la Mere de Ligny fait ainfl le
a«x filles du recit. » Pendant que nous etions au
UaaBMn,% S. Sacrement , la Mere de Chantal
» nous a fait la grace de nous y viit-
" ter deux fois. La premiere fois la
» Mere Angelique y etoit encore.
« Elle y entra , 8c il me femble meme
» qu'elle y coucha. Elles eurent de
" fort longs entretiensenfemble, avec
» une ouverture de cceur &c une con-
» folation toute particuliere. Il n'eft
» pas croiable combien elles fe te-
» moignerent Tune a 1'autre d'affec-
» tion, d'eftime &c de confiance,
» marquant qu'il y avoir long-terns
" qu'elles fouhaitoient cette occafion
» de fe voir. La Mere de Chantal
» eut auffi la bonce de voir la com-
" munaute , & de nous fouhaiter a
» routes , en general &c en particulier,
» toutes fortes de benedictions, & elle
» pria Dieu de nous multiplier. Elle
» difoit a notre Mere , qu'elle aimoit
« cette petite communaute 8c cetta
-ocr page 429-
I. P Artie. Liv. V. yi7i
.si petite maifoti, parcequ'elle etoit
» pauvre &c fimple. Cette vifite de
« la reverende Mere de Chantal re-
» nouvella l'union qui etoit depuis
» long-tems fort grande entre ces
»deux Meres, 8c que S. Francois
=> avoit lui - meme faite ; n'y ai'ant
« perfonne, excepte cette bienheu-
« reufe , pour qui il temoignat tant
» d'affedrion &c de tendrefle que pour
» notre Mere Angelique. Il leur avoit
» dit qu'il lui fembloit qu'elles ne
» faifoient totites deux avec lui qu'un
" meme efprit 8c un meme cceur.
» Audi notre Mere nous difoit-elle
» qu'elle fe trouvoit fi etroitement
» unie avec eux , qu'il lui fembloit
» qu'ils lui etoient toujours prefens
» comme fon bon Ange, fur-tout
» quand elle s'alloit presenter devanc
" Dieu.
» La deuxieme fois que nous avons
» eu la confolation de voir la Mere
» de Chantal dans notre monaftere
» du S. Sacrement, fut apres que la
» Mere Angelique en fut fortie. Cette
» reverende Mere nous ai'ant toutes
»> embraflees avec bien de la bonte,
» nous dit: J'ai voulu venir che^ vous
« avant que d'allcr rendre vi/ite a ma
n chere Mere Angelique , car elle riau~
M iiij
-ocr page 430-
XJ1 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
i(J3 (J. " to'u pas ete contente jije n'avoispas
» vu fes cherts filles , & que je ne pujjc
» pas lui en dire des nouvelUs.
La Mere de Chantal, qui retourna
en Savoie l'an 1637, etant revenue
pour la quatrieme fois a Paris l'an
1641 , ne manqua pas de voir la Mere
Angelique, comme elle avoit deja
fait des fon premier voiage •, & meme
peu de terns avant fon depart de Paris,
elle alia a. P. R. &c y demeura deux
jours. Ce fut alors que pour la der-
niere fois , ces deux grandes amess\n-
tretinrent avec benediction & une Joie
Jinguliere de part & d'autre
, dit M.
1'EvequeduPuy dans la viede Madame
Chantal. Cette venerable Mere
emporta avec elle dans le Ciel la con-
folation fenfible que lui donnoit l'u-
nion qu'elle voi'oit regner alors entre
P. R. & fes filles de la Vifitation :
car peu de femaines avant fa mort,
qui arriva le 1 3 decembre 1641 ,elle
ecrivit a la Mere Angelique la letrre
fuivante :
Vive Jefus.
» Ma bonne & tres chere Mere,
» fouffrez - moi ce petit billet, qui
» vous va dire encore adieu. Adieu
» done ma route bonne & chere Me-
» re; a Dieu qui eft invariable, foi'ons-
-ocr page 431-
I. P ART I E. L'lV. V.      175
» nous unies. Je fuis plus confolee x(,i(,.
» que je ne puis dire, de la fainte
» 8c cordiale union de nos coeurs. Il
» m'eft avis que notre bon Dieu y
» ajoiite quelque chofe de fort intime.
» Je vous envoie nos livres : helas I
» Aurions-nous bien quelque referve
» pour vous 2 Non certes )e ne le
» pourrois fouffrir. Quand vous mour-
» rez, ai'ez foin qu'ils foient rendus
» ici, finon que vous jugiez a propos
» de les laifler en la maifon de nos
» bonnes Soeurs. Je fuis confolee de
» voir le defir que nos Superieures
(du nombre defquelles etoit la fa-
meufe Mere Eugenie, qui fit dans
la fuite tant de mal a P. R.) 8c ma
>, Sceur Heleine Angelique l'Hullier,
» ont de vivre tres cordialement 8c
» unanimement avec vous. Je falue
» nos tres cheres Sceurs , 8c le bon
» ferviteur de Dieu ( M. de S. Cy-
» ran ), faites que Ton prie fort pour
» celle qui eft tout-a-fait votre &c
» Dieu foit beni.
M v
-ocr page 432-
---------,——--------------------------------—
*74
Description de VAbbdie. deP.R.
des champs.
Situation. V~jE t t e celebre Abbaie etoit comme
enfevelie & cachee aux yeux des liommes,
dan? un vallon ^troit environne' de bois de
tous cotes, fitude fur le bold d'un petit
erang de figure quarrde , dont la digue lui
fervoit de cloture. Sut cette digue etoit un
moulin, & les eaux de l'dtang qui le fai-
fohnt aller , pafTant enfuite a travers l'Ab-
baie , formoient dans le jardin un petit
canal d'enviton deux toifes de large & de
douze ou quinze de long. ( Ce moulin 8c
cjuelque refte de batimens pour loger celui
qui en a foin , le colombier , les murs dc
cloture , le canal , c'eft tout ce qui fubfiftft
aujourd'hui de ce faint monaflere ).
Toutc 1'enceinte d^s murailles qui fenfer-
moient les cours , l'Eglife , les batimens ,
les jardins , & meme l'hotel de Longueville ,
formoient un quarre long furce terrein , qui
defcend du couchant au levant. Ce lieu eft
folitaire & defevt; & fans le chcmin de
Clievreufe & de Dampierre a Verfailles , qui
'
                 eft le long d'une partie des murs de 1'enclos ,
en n'y verroit jamais que ceux qui y ont
affaire.Une perfonne celebre (Madame de Se-
vigne) qui avoitvuee lieu & qui l'admiroit,
en a fait en deux mots une defctiption fort
jufte en l'appellant, un difert affreux tout
propre a infpirer le gout pour fair e fonfalut.
Mart de Les murailles de cloture , encore fubfif-
clonire,
        tantes, font garnies , de diftance en diftance,
de tourdles qui fe commandent l'uue l'autre.
-ocr page 433-
»E P. R. DES CHAMPS.       %Jt
Elks furent ccnftruites dans les guerres des
Princes , les Religieufes etant a Paris, pour
garantir la maifon de 1'infulte du foldat.
La principale pone pour entrerdtoit pref- Porte el'cn-
que dans Tangle du mur joignant la digue tree.
de I'dtang du cote du feptentrion. Elle etoit
ceintree en pointe. Au cote- droit e"toit unc
autre petite porte quarrde. Deflus Sc aux
deux cote's de cette porte , fc trouvoientdes
logemens pour le Portier & autres Domefti-
ques. Enfuite de la chambre du Portier ap- Different 13»
pellee le corps-de-garde, droit une autre timeas.
chambre oii Ton faifoit les knives ; puis
deux cordonneries , puis un magafinpour les
cuirs. Apres , un petit corps de logis , le plu?
ancien de la maifon , dans lequel avoit loge
S. Thibaud Superieut de P. R. & les Con-
feffeurs de la maifon , qui dans ce tems-la
etoient Religieux des'Vaux de Cernai.
Ce batiment confiftoit en une grande falle
ou chambre , appellee la chambre rouge ,
qui fervoit d'infirmerie aux Domeftiques.
Une petite chambre a c6td, trois au-deilus ,
& des greniers. Au pid de ce batiment etoit
on petit jaidin quarrel de demi-arpent ; a
cotd duquel fe trouvoit un autre petit corps
de logis, dont le premier dtage avoit dtd
bati par M. de Beaurepaire ; le fecond par
M. de Sainte Marthe : a cote droit un grand
preflbir , dont les uftenciles avoient dte por-
tds aux granges ; au-deffus un grenier a bid,
&c a cote une tonnellerie.
La grande cour du dehors beaucoup plus „ ■»..
longue que large, setendoit du couchant au dehors.
levant Sur la droite en y entrant on voi'oit
un grand colombier rouge a pid ( on ne la
point ddtruit ). II y avoit quelques arbres
cn deck, & au milieu de la cour un grand
M v;
-ocr page 434-
•ljG Descript. de l'Abba'ie
ormc. En continuant fur la droite, on trou-
voit une grande portc peinte en jaune , qui
<lonnoit entree dans une des corns du de-
dans oii etoient les ctabks & vacheries. Les
caux de la cour , & celles qui y enttoienc
defccndant du vallon , s'ecouloient par-def-
fous cette porte.
Enfuite on trouvoit un petit corps de lo-
gis bati en faillie dans la cour, oii etoient
les parloirs de S. Denis au premier etage;
de S. Auguflin au fecond j de S. Pierre Sc
S.
Paul au troifieme , & de S. Michel au
quattieme. Apres ce batiment on trouvoit
le cimetieredu dehors , le long delanefde
l'Eglife , ou plutot du bas cote appell£ S.
Laurent, a caufe de l'aile de la croifee de
l'Eglife od£toit la chapelle de ce Saint, qui
terminoit le cimetiere. On y vo'ioit plufieurs
epitaphes & de petitcs croix plantees fur les
fortes des defunts , femblables a celles du
cimetiere du dedans, fur lefquelles leurs noms
etoient dctits. C'eroit par le bout de cette
aile qu'on entroit dans l'Eglife , en montant
deux degres.
Enfuite de cette aile , qui avan^oit ainft
dans la cour , il y avoit un autre petit bati-
ment moderne bati en long, dont le bas
fervoit de falle a manger pour les notes ; Sc
au-de(Tus il y avoit quelques chambres en
deux etages. Sous ce batiment etoit le paflage
pour alter au tour Si a la principale porte de
cloture. A gauche de ce paflage , on trou-
voit un petit batiment d'une chambte & an-
tichambre pour la premiere Tourtiere avec
«n petit jardin derriere.
Ce tour auffi-bien que les falles a. manger
des Domeftiques du dehors , dtoit un vieux
batiment aflez ferre , oii fe trouvoit encore
-ocr page 435-
KE P. R. DES CHAMPS. 277
le parloir de S. Mathieu fous celuF de S* Jean
qui etoit en haut.
De 1'aucre cote a gauche en entrant dans
la cour , on trouvoit d'abord tine menuiferie,
une ferrurie & trois e^curies , le tout voure,
des chambres a b\i au-deffus & des greniers
au-deffus de ces chambres. Puis fur la menie Appattemenji
ligne & vis avis de l'Eglife le corps de des hotes.
logis des hotes 011 etoient les appartemens
des hommes & des femmes , fcpares , aiant
chacun leur efcalier , qui commencoient
dans la cour pat une rampe en faillie.
Derriere ce corps de logis, qui avoit trois
etages , en y comprenant le rez-de-chaufiee,
& dix ou onze croifees de face , etoit un
jardin aifez propre termine par la muraille
du monaftere.
Au long de cette cour etoit placd l'hotel „. . .
de Longueville , qui avoit fon entree par le j_origU^vjn.e.
dehors (ur le bord du grand chemin par une
porte cochere. Cet Hotel £toit compofe" de
deux corps de logis joints enfemble par
deux pavilions fur une merne ligne prefque
courbe. II etoit bati a la moderne, de bonnes
pierres de grais & de briques , & couvert de
tuiles. II avoit une aflez grande cour , & un
petit jardin derriere en teirade aiant vue fur
celui du monaftere , dans lequel on avoit
pratique une entree par quelques galeries haut
& bas. Cetoic la tout ce qui fe pouvoit voir
al'exterieur.
L'Eglife, tournee a l'orient, avoit etc rfgfi/y
batie au commencement du trei7ieme fiecle,
& dediee le 1$ juinit30, fous le pontificat
de Grcgoire IX, fous l'invocation de la.
Sainte Vierge. Elle etoit compofee d'une
tete qui avoit deux arcades , des deux brain
tlics ou ailes de la croix qui avoit aufU deux
-ocr page 436-
xy% Descript. de i'AbbaYb
arcades, & de la nef qui en avoh fix, ave<!
deux contreallees , ou corridors ou bas-cotes,
l'un a droite, l'autre a gauche. Ces arcades
ctoient ccintrees en pointe , & dans le haut
de chacune il y avoit une fenetre ccroite
beaucoup plus haute que large. Il y avoit
fur la pone une grande fenetre compofee de
deux ceintres d'un rond qui dclairoit toure cetic
nef. Dans les cinq premieres arcades de l'E-
glife fe trouvoient le chceur & l'avant-chceur
des Religieufes. La fixieme arcade etoit hor9
la grande grille. Sur cette arcade , proche la
croix ou croifee de l'Eglife, etoit bati un
clocher, pointu , couvert d'ardoifes , dans
lequel it n'y avoit que deux moiennes clo-
ches. Une des ailes de la croifee , favoir
l'aile du cote de l'epitre droit entierement
bouchde ; & on y avoit pratique au dedans
lc nouveau chapitre , le noviciat & quelques
tribunes qui avoient des ouvertures dans l'E-
glife. L'autre aile, appellee de S. Laurent
etoit du cote du nord. Tel etoit l'edifice de
l'Eglife. Quand a la diftribution au dedans ,
il y en avoit une partie pour les Religieufes,
& une partie pour le dehors. La partie du
dehors etoit la premiere arcade de la tete on
du chevet de TEglife, & l'arcade de la nef
fur laquelle etoit ie clocher, & l'aile ou
croifee gauche qui etoit au feptentrion. Dans
la premiere arcade du chevet , la plus pro-
che de la croifee etoit lc fan&uaire, ou ot»
montoit pat deux degrds ; il etoit ferine par
un baluftre de bois a hauteur d'appui tird a
fleur des deux piliers de la croifee. Dans
cc fanftuaire etoit le manre-aurel, de bois
fimple, mais fort propre; au delTiis etoit une
fufpenfion en forme de croix de bois. On
Vo'ioit fur le ictable ua beau tableau, de la
-ocr page 437-
DE P. R. DES CHAMPS.        17*
main de Champagne, rcpreTcntant la ce-
ne (a), Aux deux cords etoient deux autres
tableaux du meme Peintte , l'un de la Sainte
Vierge du cote de l'Evangile, i'autre de S,
Jean- gaptifte du core; de l'Epitre. II n'y avoid
ricn fur l'autel qu'un crucifix; ies quatre
chandeliers de bois etoient aux deux cotes.
Derriere cet autel , & dans 1'efpacc de la
dernicre arcade du chevet, fe trouvoient la
facriftie & le tour. Dans la premiere arcade
du cotd de l'Evangile etoit la tribune de
Madame de Longueville , qui avoit vue fur,
1c fanctuaire. Ces deux arcades dtoicnt eclai-
rees du cote du midi ou de l'e'pitre , par deux
grandes fenetres.
La chapelle de la Vietge etoit pratique'e
fous la demiere arcade de la contre-alle'e du
cote de l'Evangile , & avoit une porte qui
donnoic dans le cimetiere exterieur. Ce ci-
mctiere s'ecendoit tout le long de la nef de
l'Eglife en dehors, depuis la croifee du fep-
tentrion jufqu'au bas de la nef. 11 etoit fer-
ine du cote de la cour par tine muraille.
La chapeile de S. Laurent etoit dans 1'aile
de la croifee du meme cot^, adofl'ee du meme
fens que le grand autel, au mur de la croifee
J'a plus proche du fanftuaire, & entoure-e
d'un baluftre de bois fervant d'appui. Lc
retable de cet autel etoit de bois fimple , &
il y avoit au milieu un beau tableau repre-
fentant lc martyre du Saint. Au bout de cette
atle , du cote de l'Evangile & du fepten-
trion , dtoit la grande porte d'entrde dans
l'Eglife , dans laquelle on entroit de fa cour
du dehors en moirtant deux ou trois mar-
fa) L'original de ce ta- Paris, & la copie fur fe
bleau eft a prefenc dam le rcrable de lew maitre-m-
cjioeut des Religieul'es de te.l,
-ocr page 438-
ijjo Desciupt. de l'AbbaYb
ches. Cctte porte avoit fon tambour en de-
dans , a cote duquel etoit a main gauche en
entrant un confeflional ferm£ , I'unique
qu'il y eut dans l'Eglife. Sur la muraille dc
cette porte etoient deux tableaux, l'un des
pelerins d'Emmaiis a table avec notre Sei-
gneur , I'autre de la Sainte Vierge.
On vo'ioit aux deux cotes de l'arcade dc
la nef la plus proche de la croifee ( cette
arcade etoit encore du dehors de l'Eglife )
deux pottes vis-a-vis l'une de l'autie. Celle
du cote de l'epitre ou du midi etoit la porte
des Sacremens, ainfi appellee parceque e'e-
toit par cette porte qu'on defcendoit an
chceur pour porter les Sacremens aux mala-
des , & pour faire la proceffion de la fete da
S. Sacrement : fur cette porte dtoit un ta-
bleau reprefentant Notre-Seigneur charge:
d'une brcbis 8c marchant fur des epines.
Cette porte etoit vis-a-vis de la chapelle de
la Vierge. Sur I'autre porte, du cote du
feptenttion , il y avoit un tableau qui re-
ptefentoit une Religieufe couronnee d'epi-
nes priantdebout devantle crucifix.
L'Eglife de P. R. itoit fans otnemens d'ar-
chitecture en dedans 8c au dehors. En 1651
on avoit rehaurfe le rez-de-chauffee d'envi-
ron douze pies; en forte que les piliers
Etoient enterres jufqu'a trois!piespres delacor-
niche. Tout ce qui compofoit l'Eglife du
dehors, etoit les deux arcades du chevet, oii
etoient le fanftuaire 8c la facriftie, le milieu
de la croifee , avec l'aile du cote du fepten-
ttion ou itok la chapelle de S. Laurent, 8c
l'arcade proche de la croifee , avec la contre-
allee du raeme cote du feptentrion ou etoit
la chapelle de la Vierge.
Les chaiies da chain etoient ties belles.
-ocr page 439-
BE P. R. DF.S* CHAMPS. 2 S1
Elles avoient coute 1180 liv. en 155 J , que
Jeanne de la Fin feconde Abbefle de ce nom
les fit faire. Les Bernardins du college dc
Paris les pofTedent actuellement, les a'iant
achetees 400 liv.
On entroit dans l'interieur du monaftere interieur Jo
par deux portes placets aux deux bouts de monaftere.
l'Eglife. La porte jaune proche le lieu od
e"toit autrefois le grand portail, donnoit
entre'e dans une affez grande cour remplic
d'anciens batimens fur la droite , & en face ,
qui fervoient de fournis, d'etables a vache
& de poulaillier , & od ecoit le grand lavoir
pour les leffives. C'etoit dans cette cout
qu'on amaiTbit le bois neceflaire pour 1c
chauffage & l'ufage de rinfirmerie qui avoic
un efcalier au fond de cette cour ; a. la gau-
che fous le veftibule qui donnoit entree
au chceur des Religieufes, fe trouvoit une
ehambre deftinee a la vitrerie.
La porte du tour &oit a l'autre bout de
l'Eglife , & communiquoir dans une autre
cour od Ton trouvoit a gauche le tour Sc
les deux cuifines pour le dehors ; enfuite lc
-•
           Jieu de l'obeiflance pour la chandelle , celui
pour la tifleranderie 5 puis la chambrc S.
Anne pour recevoir & panfer les pauvres
malades du dehors ; aupres de laquelle fe
trouvoit le laboratoire avcc piufieurs four-
neaux pour faire les remedes , & une autre
ehambre pour les uftenciles. Au de/Tus de ces
chambres e'toient 1'apoticairerie & la frui-
terie. Le fond de cette cour etoit termind
par le mur du jardin, fur lequel il y avoic
une petite gallerie appellee la gallerie de S.
Antoine , qui paflbit de ce premier dtage an
grand corps de logis bati a neuf. A droite
dc cette ffltrac cour, on trouvoit un petic
-ocr page 440-
iSz Descript. de l'Abbai'e
batiment & un efcalier pout monter au tout
de la facriftie ; cnfuite la pone du chapitre ,
celles des caves & da lieu ou itoh autre-
fois une partie de l'ancien chapitre , celles
des cuifines, enfin cellc du refedtoire. On
amaflbit dans cette cour tout le bois necef-
faire pour les cuifines tant du dedans que du
dehors.
Le cloitre 6toit un periftyle a-peu-pres
quarr(f , foutenu d'arcades revctues de bri-
ques (a). II y en avoit dix du cote qui etoit
adoiTe a l'Eglife : ce cote avoit cinquantc
pas de longueur. Le cote oppofe, qui etoit
celui du midi dtoit plus long d'une arcade.
Les deux autres faces, du couchant & du
levant, avoient chacune treize arcades &:
foixante-quatrepasde longueur. Dans l'efpacc
vuide de ce periftyle etoit un prdau qui fer-
voit de cimetiere aux Religieufes. II etoit
partag£ en quatte compartimens par deux
allees qui fe croifoient. Au milieu etoit unc
affex grande croix de bois e^evee fur trois
petites colomnes de pierre. II y avoit encore
filufieurs autre* petites croix qui marquoient
es fepultures & les noms des Religieufes
mortes. Pres les galleries ( ou cotede cloitre)
adoilees contre le grand batiment etoit un
puits. C'eft dans ce prdau , fous ce cloitre ,
& dans le lieu de l'ancien chapitre & dans
l'Eglife , que Ton vo'ioit les ancknnes &:
nouvelles tombes & epitaphes. On lifoitdans
les ceintres des arcades des quatre angles ,
& fur les murailles de ce cloitre, les inf-
criptions fuivantes en lettres noires mou-
ses.
(<i) Ce cloitre , tel que M. de S:vigne , qui y fut
nous ledecrivonsici, avoit eatctte en 1S71S.
etc uubli en 1S70 par
-ocr page 441-
DE P. R. DES CHAMPS. l8$
Les richejjes ruinent les maifons religieu- Maih. X.
fes, & la vraie pauvrete les edifie & les
conferve.
Celui qui perfeverera jufqu'a la fin /era
fauve.
Vous aurci des afflictions dans le monde ,
mats a'ie^ eonfiance ,j'ai vaincule monde.
Nous avons hi enfevelis avec Jefus-Chrifl
par le bapteme, pour mourir au pechi, afin
que comme il eft reffufcite d'entre les morts
par la puiffance de Jon Pere , nous marchions
aujjl dans une nouvelle vie.
Que fe nous fommes morts avec Jefus-
Chrijl
, nous croions que nous vivrons avec
Jefus- Chrijl.
11 y a heaucoup d'appelie's, maispeu d'e-
lus (a).
Le grand batiment neuf, qui avoit trois ,         .y
etages , e:toit bati fur 1'ancien chapkre & fur t;m^lt.
le reTeftoire qui en faifoient le bas. II s'6-
tendoit en long depuis le bout du bras de la
croife'e de l'Eglife , fur la metre ligne juf-
qu'a 80 pas de longueur , fur 30 pies de roi
de largeur. Il etoit par confequent de if
ou 16 pas plus long que le cloitre. Le haur
de ce batiment etoit un grand grenier dc
toute la longueur & largeur du batiment,
dont la charpente etoit tres belle , & qui
fervoic a dtendre le linge & a differens ou-
(<t)Ily avoitdepareilles    metiere &c. Voi'ez les Me-
fentences en differens en-    moires furladellru&ionde
droits de la maifon, fur les    l'Abbai'e de P. R,, pages
portesdesdonoirs > de l'E-    loj & fuiv.
gliie, du chapkre, du oi-
-ocr page 442-
2?4 Descript. de l'AbbaVs
vrages , auxquels les Religieufes s'appli-
quoknt.
Lc fecond & troifieme etages de ce grand
batiment focmoient deux dortoits de 40 cel-
lules chacun ; ce qui faifoit 80. Dans chaque
dottoir il v avoir un corridor de dix pids de
large 6c vingt chambres de chaque coci, de
dix pies de long fur cinq ou fix de large.
Celles du cote du couchant ctoient carrelees,
les autres avoknt un plancher d'ais de fapin.
Les fenetres de ces chambres etoient au cou-
chant fur le cloitie & le jardin, & au levant
fur la cour int^tieure & le jardin; car ce
bailment <!toir plus long que la cour & que
le cloitre.
Le fecond etage t?toit compofe d'une gal-
lerie de dix pies de large , qui regnoit rout
le long du batiment, & dont les if fenetres
du cotd du couchant Ctoient en partie fur le
preau. II y avoir dans cette galleric huit
chambres , dont les fenetres donnoient fur la
cour & le jardin. Chaque chambre etoit de
dix neuf pie's de long & de dix de large ; Sc
avoit deux fenetres , une cheminde entre ces
deux fenetres, deux petites armoires de fa-
pin pratiquees audefious & dans l'embrafurc
de ces fenetres, plus une porte de communi-
cation d'une chambre a l'autre.
La premiere & lajfeconde de ces chambres
etoient deftinees pour 1'oWiflance de la fa-
criftie ; la troifieme & la quatrieme pour la
roberie. La cinquieme , fixieme & feptieme
fervoient pour les infirmes. La huitiemc
quarrde avec un plancher de fapin , etoit
apparemment celledel'AbbefTe. II y en avoit
une neuvieme a cinq croifees qui occupoit
toute la largeur du batiment; elle n'avoit
ccpendant point de yue fur le couchant,
-ocr page 443-
- —i-------------------------------------------------------------------------------------—— -. I. ■■»._
BE P. R. DES CHAMPS. l§t
parceque ce cote ctoit bouche" par 1c bout
an dortoir de S. Benoit adofTe au grand ba-
ilment neuf. Cette neuvieme chambie droit
celle de communautd & le chauffoir.
Vers le milieu de la grande gallerie, Sc
pres de l'endroit od il y avoir un baluftrede
fdparation , & oil Ton defcendoit un ddgre,
fe trouvoit une porte de communication au
dortoir de S. Benoit , qui n'avoit que la
hr.uteur d'un dtage du grand bariment. II
etoit compote de chambres fur le devant &
d'une gallerie fur le prdau du cloitre , qui
conduifbit au batiment de l'infirmerie bati
fur la meme ligne au dela du cloitre.
Dans le bas du grand batiment que nous R«cftoire,
venons de decrire , droit le refedtoire , que
M. de Sevignd avoir fait reparer & acgran-
dir apres la paix de Clement IX , en faifant
mettre les cuifines , qui en occupoicnt aupa-
ravant une partie , dans l'ancien chapitre. II y
avoir fix grandes fenetrcs du core du levant,,
Sc quarrc dans le fond du cote du midi op-
pofe au chapitre & aux cuifines. Le plancher
droit foutenu par cinq piliers, fur chacun
defquels il y avoit des inferiptions.
Sur le premier , Ma nourriture eft defaire la jean , rh.
volonte de celui quim'aenvgie ; & del*autre4> v- 54-
cote: Travailk^ pour avoir, non lanourri ch. 6.f.ty.
ture qui petit , tnais celle qui demeure pour
la vie eternelle.
Sur le fecond , Le pain deDieu eft celui Ihid.f.n.
qui ejl defcendu du del & qui donne la vie
au monde ;
de i'autre cote : Heureux celui Luc, 14, if.
qui manger a de ce pain dans le ro'iaume de
J->ieu,
Sur le troifiemc , Heureux ceux qui ont Apoc. i?-
- imn^iftMiTliiiif'n/iiiiii-
-ocr page 444-
x$6 Desciupt. de l'Abba'ii
hi appellis all fouper des noces de VAgneau ;
S' Paul. de l'autrc cote ? Soit que vous mangle^,foil
que vous buvie^ , faites tout pour la gloire
de Dieu.
Math. vi. Sur le quatrieme , C/ierc/ie^ premierement
le ro'iaume de Dieu &Ja juflice , & tout le
refle vous /era donni par augmentation ;
de
S. Paul. l'autre coxi : C'eft une grande richejfeque la
moderation d'un efprit qui fe contente de ce
quifuffit.
II n'y avoit rien au cinquiemc pilier,
mais on voioir fnr les murailles plufieurs au-
tresfcntences de l'Ecriture. Ce refeftoire etoit
garni de fix tables , dont deux longues re-
gnoienr des deux cotes, & joignoient ceile dti
bout pofee en travers j plus deux autres plus
petites de long , & une autre en travers , avec
des bancs de bois fervant de (ieges. La princi-
pale porte de ce refectoire etoit prefque dans
1'angle de la gallerie du cloitre adoflde a ce
batiment en dap du petit efcalier du dortoir
de S. Benoit.
Grand cfca- L'entrde du grand efcalier du grand bati-
lier.             ment dtoit dans l'autre angle oppofe de la
meme gallerie du cloitre du cote de l'Eglife ,
dans lequel angle etoit auili la principale
porte du nouveau chapitre & la porte des
Sacremens, qui donnoient dans la gallerie
du cloirre adoffee a l'Eglife.
Chapitre. Ce nouveau chapitre etoit dans l'ailc de
l'Eglife du coti de PEpitre , a Tangle qui
joignoit cette aile au grand batiment. C'etoic
un efpace quan e & voute, avec un pilier
de pierre dans le milieu. II y avoit deux fe-
netres fur la cour, dans laquelle on defcen-
rfoit par une petite porte faite dans le bas de
-ocr page 445-
- I --------------------—-----------------------_____------------_
de P. R» des champs; 187
l\ine de ces fenetres. Tont autour du chapitre
regiioient deux gradins de bois de fapin tres
Cmple , qui en formoient les fieges. Le pre-
mier giadin avoir un perit marche-pie e"lev£
de deux ou trois pouces. Le plancher etoit
auffi de bois de fapin. La chaire de l'Abbefle
-toil adoflee con ere la muraille de l'Eglife.
On y voioit plufieurs rableaux l'un d'un mira-
cle de la fainre Epine fair par Champagne ,
& reprefenraiu fa fille fur laquelle il avoit
ete opere; un S. Benoir, un S. Bernard; les
porrraits des Meres Marie Angelique premiere
Abbeile depuis la reforme , 6- Angelique de
S. Jean*
L'Auteur de YHlfloire abregie de la der- Tome
niere perfecution de Portroial croir que e'e- pagj 4j3.
toit en cet endroic, qu'etoit un rableau qui
reprefentoit la Mete Angelique afllfe , don-
nant les conftitntions a la Merc Agnes qui
etoit a genoux le vifage tourne vers un cru-
cifix plac- fur une table couverte d'un tapis
de turquie, au milieu duquel le Peintre
( M. Champagne ) avoic reprcfente , comme
pour orner le tapis , la tete de M. l'Abbe" de
S. Cyran au naturel, grande comme la pau-
me de la main. Le meme Auteur rapporte a
ce fujet un fait particulier concernant ce ta-
bleau , qu'il t-moigne favoir de fclence cer-
talne.
En 1701 , 1'AbbefTe de P. R. & les
anciennes appr<*hendant que fi on verioit
faire quelque nouvelle vifite a P. R., comme
elks en etoient menacees , on ne trouvat
matiere a glofcr fur le tableau, firent oter
le portrait de M. de S. Cyran. Ce fut Made-
moifelle de Boulogne , foeur du farneux Pein-
tre de ce nom , & tres habile elle-meme ,
qui -tant allee a P. R. pour cet effet, otale
portrait de M. de S. Cyran , mit a la pla.ee ,
-ocr page 446-
2.88 Desciupt. de l'Abbaie
de la toile fur laquelle clle continua le tapis de
turquie, Sc emporta en s'en retournant le por-
trait. La fceur de cette Demoifelle a herite
du portrait, & l'a donne a une perfonne qui
a raconte a. l'Autewl que nons venons de
citer.tous cesfaits, & lui a fait voir le portrait.
Au-deiTus du nouveau chapitre , dans l'aile
du batiment adorTe dn cote de l'Epitre , etoit
le petit chocur pour l'affiftance devant le S.
Sacremcnt pendant la nuit , & le noviciat
od les novices & poftulantes, & depuis les
filles qu'elles prirent pour les aider au chant
du.chceur, s'affembloient pour le travail Sc
l'inftruction.
L'inflrmerie etoit un corps de batiment a
deux etages , avec deux grands greniers au-
deilus , & un petit donjon quarre & vine.
Ce batiment , long d'environ (So pas , fur 1$
pies de roi de large , s'etendoit du couchant
au levant, d'un bout a une galletie batie fur
les arcades du cloitre oppofee a I'Eglife , 8c
aboutiffant de l'autte prefque fur la levee de
l'etang. Cette gallerie s'appelloit le dortoir
de S. Eenoit, au boutduquelcn entroit dans
l'inflrmerie en montane quelques marches ,
parceque ce dortoir £toit plus bas. II y avoit
dans ce dortoir une cleifon d'un bout a l'autre,
pour former un paffa^e , & le refte de l'cf-
pace etoit partagi en plufieurs chambres , qui
ne fervoicnt que de cellules aux fervantes de
la maifon appellees Us filles a cornettes.
Ces chambres n'eroient fepar^es la plupart
que par des morceaux de tapifTerie. Une dc
ces chambres, qui etoit celle du bout du
cote de l'efcalier , avoit une cheminee; les fe-
netres etoient fur le jardin. Sur les arcades
du cloitre oppofees au grand batiment, &
qui avoient leur face au levant, ^toit auffi
une
-ocr page 447-
BE P. R. DES CHAMPS. Z?c>
tine autre gallerie qui fervoit de refeifloire
pour 1'infitmeric , & auparavant d'appacte-
ment pour les grandes penfionnahes.
Le bas de ce bacjment d'infirmerie eroic
rempli de chambres > qui fervoieiu a (errer,
les grains. Au premier etage etoient deur
grandes chambres a plufieurs lies , & deux
aurrespour les maladies qui demandoient que
les malades fuffent apart.
Le fecond etage etoit compofe de cinq on
fix chambres an(li deflinees aux infirmes , 8c
qui dans la fuite ne fervirent plus que dc
garde meubles. Ces chambres avoient des
renecres fur le jardin du cote du midi.
Tels etoient les bacimens de P. R. Tout
bicn confidere, on trouvetoit peu de mai-
fons religieufes mieux diftribuies pour tou-
tes les commodkes d'une grande commu-
naut^ , quoique tout y fut pratique avec une
grande fimplicite , pauvrete & modeftie.
Le jardin etoit en face du mur de la cour, jjr<j£-
du bout du grand batiment qui avancoic
dans ce jardin, du dortoir de S. Benoit 8c
de l'infitmerie, & au midi de tous ces bati-
mens. II ecoit partage en de-ux dans fa lon-
gueur du coucliant au levant.par une muraille.
La partie la plas prochc des batimens etoit
proprement le jardin , qui ecoit rempli d'ar-
bres fruitiers plantes fans beaucoup d'ordre ,
& de quarres de legumes. La partie de l'autre
cote du mur , appellee la folitude , ^toit
remplie d'arbres de haute-futaie , & fervoit
de promenade aux Religieufes. Du cote du
couchant, au-dela d'un folTe qui fervoit d'i-
coulement pour les eaux de l'etang , lorf-
qu'elles etoient trop abondantes, on avoic
pratique ou creufe une grotte entouree dc
iieges de pierres, ou les Religieufes s'afTem-
Tome I,                                 N
-ocr page 448-
i^o Descript. de l'Abba'ie
bloient a la recreation ou conference , pen-
dant laquelle elles travailloient.
Dejlription des granges.
Apres avoir fait la defcription du mona£.
tere de P. R. , il eft neceflaire de faire celle
des granges ou habitoient ces picux & favans
Solitaires , qui out rendu ce defert (i celebre.
Stir la hauteur de P. R. entre le nord Si
le couchant , eft une grande ferme depen-
dante de l'Abbaie , que l'on appelle les Gran-
ges. Cette ferme fait partie du dehors dc
P. R. & du meme fief que l'Abbaie , qui a
moienne 8c balfe Juftice. Ce n'etoit lors de
la fondation qu'une grange pout ferrer Jes
grains des terres qui fe trouvent fur la hau-
teur au nord 8c au couchant.
Cette maifon confifte en une grande cour
qui contient environ troisarptns.hors doeuvre.
tile eft percee de quaere grandes portes , &
d'une autre petite appellee la porte du Friche ,
pour aller a l'Abbaie. En entrant par cette porte
a droite , eft un grand batiment compofe de
deux grandes falles qui ont vue fur la cour 8c
fur un grand jardin ■> d'un premier etage qui
a quatre grandes chambres ; d'un fecond
femblable, & au-derTus font des greniets.
Les Solitaires avoient partage ces grandes
falles en plufieurs pctites chambres pour fe
loger. Cette diftribution fubfifte encore au-
jourd'hui en partie ; mais ce qui avoit fervi
de retraite a tant de Saints , ne fert aujouc-
d'hui qu'a ferrer les grains & les fruits du
Fermier. On a aufli detruit les appartemens
ou cellules que quelques-uns avoient fait
conftruire autour de la cour.
A cote1 du grand batiment eft l'ancien , qui
confifte en une gra-jde cuifine . un fournil ,
-ocr page 449-
deP. R. des champs. 191
une depenfc; au premier etage deux cham-
bres , un cabinet , & trois autres chambres ;
audeirous rrois autres , done deux avecche-
xninces.
Enfuite de ce bailment eft la pone du jar-
din qui a environ un arpent. La maifon du
JarJinier ticnt a cette porte. Au bout du jar-
din eft un grand enclos, planed autrefois dc
•vigncs & d'arbres fruitiers . qui defcend juf-
qu'aupres de la porte de I'Abbaie , n'y ai'anc
que le chemin entre deux. Ce clos , qui eft dc
cinq arpens , eft aujourd'hui prefque torale-
Oient inculte.
La porte de la mare pour abrever les bef-
tiaux ; cette mare ne tarit prefque jamais
que quand on la peche. A cote de cette
porte eft la grange a avoine contenant trois
travels; puis deux ecuries pour les chevaux
de felle & de labour; enfuite deux Stables
pour mettre 40 vaches : deux bergeries pour
mettre 400 betes a laine, & tout le long
de ces etables & ecuries, des grenieis pout
ferrer les pailles.
On trouvoit enfuite la porte des champs,
ou droient autrefois deux berceaux de verjus ,
au milieu defquels il y avoit un bailment
compofe par le bas d'une grande cuifine qui
dtoit celle des Domeftiques; trois pctites
chambres au-deffus & les grenieis. Puis la
charonnerie pour le Charon; la tonnellerie ,
pour les Tonneliers dans la faifen du via
& du cidre, & la grange des foins de trois
travdes & demie.
La porte du grand Friche, oil fe tro'ive le
prefToir 8c la mare pour les cidres , la fou-
lerie pour les vins. Plus haut que cette fou-
leiic font les poulailliers & autres enables.
A cote du preflbir eft la grande grange a
N ij
-ocr page 450-
■ ———----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
A9i Df.script. de l'Abea'i'e de P.R.
ble , compofee de fix travees , & deux aires
avec quatre grandes portes pour faire encrcr
& fortir les charcttes chargees de bl£ , done
deux font dans la cour Sc les deux autres fur
le grand friche. Sous cecte grange font des
caves , dans lefquelles on peut mettre juf-
qu'a fepc ouliuit cens tonneaux de cidre.
Enfuite de cette grange eft la grande char-
tierie qui confifte en fix travels. Enfin Ton
xetrouve la petite pone du friche dont nous
avons deja parle , par laquelle on defcendoic
a l'Abbaie. On voit que cette cour eft toutc
entouiee de batimens.
Au milieu eft un grand puits couvert , de
27 toifes de profondeur. Par le moien d'une
machine inventee par M. Pafcal, un enfant
de douze ans pouvoit monter & defcendre*.
en meme-terns deux feaux qui tenoicnt cha-
cun neuf feaux ordinaires, l'un etant pleia
& l'autre vuide.
Tout le tertein de l'Abba'ie eft evalue a
3 60 arpens de terie labonrable en une feule
piece du cote du nord , Outre xy arpens dans
la vallee; 800 arpens de bois taillis en une
piece au midi & au couchant, & 100 arpens
dans la valine . zj arpens dans le pare de
Vaumurier , & 40 arpens de pies en uns
piece,
1»*
I
-ocr page 451-
---------------------                               --------                   __ w
*95
HlSTOIRE A B R E G E E
dc la fatnilU des Arnaulds.
M 4A famille des Arnaults eft » une fa-
sj mille , dit un des beaux efprits du dernier Balzac, Let-
« fiecle , qui doit etre cliere a la France , & tre^, du 14
33 qui eft nee pour la eloire du nom Fran- ao,ur. > *™a"
33 cois.. .. Tout railonne, tout preche , tout i. , x1jj_
=3 perfuade en cette maifon , & un Arnauld
33 vaut une douzaine d'Epictete ( 1) Le fa~
>3 voir , l'eloquence , l'amour de la juftice ,
» le zele 8c la piete , ont egalement delate
33 dans les perfonnes de cette maifon , qui
33 ont ^te , ou dans l'Eghfe, ou dans 1'etat re-
33 ligieux , ou dans la robe. Ceux qui ont
33 fait profeftion des armes, fe font fignales
»3 par mille cxemples de val.eur , &c ont glo-
33 rieulement foutenu par leur courage , la
« noblefTe dc leur fang. Une integrite in-
» violable & un entier defuuerefTement one
33 ete les caraotercs particulicrs de ceux qui
33 ont it6 emploies dans les Finances. Ceux
33 que la fortune a encore tleves plus haut,
» commc malgte eux , ont fait paroitre un li
33 grand detachement, ou pour mieux dire,
33 un fi grand mepris de tout ce dont elle a
33 coutume de flatter les autres , qu'on le re-
33 garde encore avec etonnemenc. Enfin il n'y
m a point d'etat que quelqu'un de cette nom-
33 breufe famille n'ait rendu eclebre par quel-
n que talent extraordinaire ".
La famille des Arnaulds , qui s'eft rendue
fi celebre, vient originairement de Provence;
(1) Journal des Savans, du mois de feptenibre
j*7j > edit. d'Holl. p. 14^.
N iij
-ocr page 452-
.194             r Am ml'
& l'hiftoire fait mention de quelques Gen-
tilshotntnes de ce nom dcs le XII ou XUI
fiecle (i). La Blanche de ceux qui vintent s'e-
tablir en Auvergne , eft la plus celebre.
I. Gracieux Arnauld fe trouva en 13 40
dans I'armee de Philippe de Valois (3). Ses
defcendans commandcrent ce qu'on appel-
loit alors une Compagnie d'hommes d'armes.
II. Henri Arnauld ( fils de Michel qui
vecut 104 ans ) etoit Capitaine Chatelain
au Chateau d'Hevman , dans la haute Auver-
gne (4). II laifTa deux enfans de Catheri-
ne Barjot fon epoufe , Jean , Commandant
d'Herman , qui mourut fans enfans , Sc An-
toine , qui fuit.
Antolm , (fils de Henri Arnauld , ) SeU
fneur de la Mothe , Chateau pris de Riom ,
oinme dun me-vite extraordinaire , qui , du-
rant les guerres civilcs fervoit le Koi a la
tete d'unc Compagnie de Chevaux legers; &C
pendant la paix , il exercpic la charge de Pro-
cureur du Roi de Riom ( f )• 11 vint, l'an
1 547 , s'et.iblir a Paris, ou la Reine Catheri-
ne de Medicis , qui l'eftimoit a caufe de fon
merite , le fit fon Procureur general- 11 mou-
rut l'an 153?, dans la Communion de rEgli-
fe , aptes s'etre d'abord laifTd entrainer aux
erreurs de Calvin. II eut de fa premiere fem-
me Marguerite Meunier niece du Chancelier
du'Bourg , Jean de la Mothe, qui par fa va-
leur conferva PAuvergne a Henri IV. II fut
tue au fervice du Roi en i59t, & ne lailfa
qu'une fille. Antoine Arnauld eut d'Anne For-
get fa feconde femme , 7 fils , tous d'un meri-
<i) Mcmoires d'Andil- (4) Diftion. de Bay-
ly , part. I, p. l & ;.
      le, article d'Arnauld.
( 5 1 Regiit. de la Cham- ( 5 ) 'hid. &c Memoires
fcrc dcs Comptes.              d'Andilly , p. } Sc fuiv.
-ocr page 453-
of. s Arnabids, 195
re extraordinaire , & 4 filles. Lcs fils font,
i°. ( 6 ) Antoine , dont nous parlerons ci-def-
fous : i°. Ifaac , Confeillet d*Etat & Inten-
ds nt des Finances , qui mourut en \6\y , laif-
fant deux fils , dont l'un appelle llaac , fut
M.irechal de Camp , Gouverneur de Philis-
bourg , &c. & trois filles : 30. David, Con-
trol'eur general des Reftes , qui eut un fils
Confeiller au Parlement de Metz , & une fille
Religieufe a P. R., fous le nom de Saeur An-
ne de S. Paul. David mourut le uSeptembre
i(?i; : 40. Benjamin , tue en 1589 devant
Gergeau , aux pi£s & pour le fervice du Roi
Henri III: 50. Claude , TreTorier general de
France , mort en ifiox : 6". Louis, Secretaire
du Roi , & Controieurgdneral des Rcftes 7) :
7". Pierre, Meftre de Camp , General des Ca-
rabins de France , &c. qui fut un homme (i
extraordinaire dans le metier de la guerre ,
qu'il a peur etre e^e l'unique dans fon efpece
depuis pluficurs fiecles (8). II mourut le 14
feptembre 1A2.4.
IV. Antoine, ( fils d'Antoine Arnau.ld )
l'aine du fecond lit , nanuit a Paris le 6 aout
ijrto. On peut voir dans les memoires pour
fervir a l'hiitoire de la Mere Angelique (9),
auffi-bien que dans ceux de M. d'Andilly fon
fils, plufieurs circonftances de fa vie. II fuc-
ceda a fon pere dans la charge de Procureur
general & de Confeiller de la Reine Catheri-
ne de Medicis, qu'il pofleda jufqu'a la mort
de cette PrincefTe. Comme le Barreau faifoit
fes delices (10) , il quitta celle d'Auditeur des
(«) Memoires d'Andil- Arnauld , tome prelimi-
\y , Part. I. p. 8 & fuiv. naire , pages 4 8c fuiv.
(7) fb'd. p. 8 & fuiv.
           ( 10 ) Memoires de la
l8) Memoires du tcms. Mere Angelique , pages
(?) Juftifkarion de M. 176 & fuiv.
N iiij
-ocr page 454-
Z9<>              F A M I L L E
Comptes & de Controleur des Reftes , & re!-
fufa celles de Secretaire d'Etat, d'Avocat ge-
neral au Parlement de Paris, & de premier
President au Parlement de Provence (i i),pour
fe donner tout entier a la profeflion d'Avocat,
©d il s'acquit une grande reputation d'elo-
quence 8c de probite. II epoufa en 1583 ,
Catherine , fille unique du celebre M. Ma-
rion, Baron de Druy, Avocar general au Par-
Icmenr de Paris. L'an 1594 , il plaida la caufe
de l'Univerfite de Paris contre les Jefuites , 8c
adrefTa en 1601 , au Roi Henri IV , le franc
& veritable Difcours , &c.
pour empecher le
rappel de ces Peres , qui avoient ete chartes
de France a caufe de rallaffinat commis en la
perfonne du Roi, par Jean Chatel leur Dif-
ciple. C'eft- la , chez les Jefuites , le peche
originel des Arnaulds , que nul facrement n'a
pu effacer , & la premiere caufe de la haine
que ccs Peres ont tonjours eue contre le Mo-
naftere de P. R. , auquel la plus grande partic
Je cette famiUe droit tres attached , & ou Ma-
dame Amauld , fes fix filles , 6c cinq petites-
fillcs , furent Religieufes. Antoine Arnauld
muurut le 29 decembre 1S19 , agdde $9 ans ,
( & non 10; ans , comme le marque le necro-
loge de P. R.) avec une tres grande piete,dans
la communion de VEglife catholique , dans
laquelle il dtoit ne & avoit tonjours vecu ;
quoi qu'en aient dit les JeTuites dans difRrenS
Merits , 1'. dans VApologie pour Jean Chatel
execute a mart, & pour les Peres ty ecoliers
de la Societi de Jefits
, bannis du Roiaume
de France , & contre I'Arret du Parlement ,
donne contre eux a Paris le
29 Decembre
J j 94, divifee en cinq parties , par Francois de
(11) Mcmoitet dAndilly , I. pattie , pages iv 8c
fuivantes.
i
-ocr page 455-
D E S A R N A V I D S. i97
ferone Conflantln : Le norn A'Arnauld, felon
cet ecrit infame , vient du rnot grcc Jtfrwfc«j*
qui fignifie renter & apoflafilr , Sc il approche
de celui d'AntechriJl. Dan* cetce apologie ,
ces paroles du Pleaume J7 font mifes an
bas de la page : Deus conuret dentes eorum in
ore ipforum ; molas leonum confringet Domi-
nus :
Dieu brifera leurs dents dans leur bou-
che ; le Seigneur brifera les machoires des
lions. Abus faciilege de I'Ecrirure , par" la-
quelle on attribue a Dieu \c deteftable parri-
cide par lequel le miferable Chatel avoir
calfe une dent au Roi Henri IV. x°. Dans
rAmphitheatre d'honneur du P.Charles Scri-
bani, Jefuite : }°. Dans l'lmage du premier
fiecle , M. Arnauld eft appelle Calvinifte. M.
Dupleix , bon ami des JeTuites , l'avoit trai-
te de meme fur leur parole ; mais il s'eft re-
trace , p. 106 , Henri IV : la veriteeft , dit-
il, qu'il ne le fut jamais. II a la'Jfe des en-
fans tres vertueux & tres [Mis a la Reli-
gion catholique.
Quand les JeTuites feront-
ils le meme aveu ! II leur feroit plus glorieur
de fuivre l'exemple de M. Dupleix, qu'il nc
l'a ete a cet Hiftorien de fuivre le leur.
Enfans de M. Antoine Arnauld.
_L/Ifu repandit une telle benediction fur le
Mariage de M. Antoine Arnauld & de Made-
moifelle Marion , qu'il en fortit vingt enfans,
onze garcons & neuf filles; dix moururent au-
de(Tous de trois ans , & dix lui furvecurent,
favoir quatre fils & fix filles.
I. Robert Arnauld d'Andilly, ne en 1588 ,'
peut £tre regards comme i'aine ; le premier
de fes freres ne avant lui n'ai'ant vecu que
trois jours. II epoufa en 161; Catherine Ic
N v
*
-ocr page 456-
108             FAMItLE'
'                                                                                                                                                                            <*
Fevre de la Bodetie . fille de cehii qui fut
Ambaflfadeur en Angleterre. Elle apporta pour
dot la Terre de Poraponne. M. d'Andilly cue
divers emplois , qui l'attacherent a la Couc
& a la fuite du Roi pendant plus de io ans;
fut quoi Ton peut voir les Memoircs qu'il a
ecrits a la piiere de M. le Marquis de Pom-
ponnc fori fils. Le cava&ere de M. d'Andilly
a ete parfaitement depeint par Balfac , qui a
dit de lui que e'etoit un homme qui pojpidoit
les vertus morales cv les vertus chretitnnes ,
de rnaniere qu'il ne droit point vanite des tines,
& ne rougijfoit point des autres. 11 eut de fa
femme , qu'il perdit le 2.4 aoiit 1657 , quinze
enfans, dont on pailera ci-apres. En 164J
on 1646 , il fe retira a P. R. des champs ,
pour y vivre dans la penitence. Ce fut la qu'il
compofa plufieurs ouvrages de piete^, & des
Ncerol. de traductions , qui ont ete recueillis en 8 vol.
'               in-fol. La perfecution qu'on excita contre
P. R. I'obligea de fortit deux fois de fa foii-
tude & de fe retirer a Pomponne. II y revint
audi-tot qu'on le lui permit, & il y eft niort
tres faintement le 17 fcptembre 1674 , age de
85 ans.
II. Henri Arnauld, qu'on appella dans fa
jeunelFe M. de Trie , vint au monde en J 5 97.
II fuivit d'abord le Barreau , mais enfuite
il entra dans l'Etat ecclefiaftique vers 1'an
1611 (it). Il alia a Rome avec le Cardinal
Bentivoglio, 8c y demeura 5 ans (13). Le Roi
le nomma pendant ce terns-la » Abbe de S.
•Nicolas d'Angcrs (14). En 1657 , il fut elu
Eveque de Toul, mais il fe demit volontaire.
ment de fon droit, a caufe de la conteftation
(n) Mcmoires d'And. tome III. pages 190 &
pages 6f & fuiv.
               fuiv.
(15) Mcmoires Ang. (14) Memoiresdu tems.
-ocr page 457-
DES ArNAUIDS,       I99
qui ctoit alors entre le Pape Sc le Roi an
iujet de cet Eveche. En 1645 , il alia une
feconde fois a Rome , en qnalite d'Envoie
cxcraordinaire , Sc y foutint avec force les in-
terets de la famille Barberine , contre Inno-
cent X. Le Prince de Paleftrine , & les Car-
dinaux Antoine , Francois & Charles Barbe-
riu , en reconnoiflance des fervices que leur
avoit rendus Henri Arnauld , firent non-feu-
Jentent frapper une Medaille de lui 8c ti-
rer fon Portrait, dont ils remplirent toutes
leurs maifons , mais meme ils lui erigerenc
une ftatue dans leur palais de Rome , be fai-
fant allufion aux armes des Arnaulds ( qui
font une montagne furmontee d'un clievron
& de deux palrnes ) 8c a leur Patrie , ils firent
mertre deflbus , ce Vets compofe par Foiru-
,nat pour Gregoire de Tours :
Montibus Arvernis veniens
Moris altior ipfe eft.
A fon retour , il fut nomme . en 1 ^49 , Eve-
que d'Angers , 8c il fe fit facrer a Port - roial
le 19 juin 1650. On fait afTez 'qu'il prit en
toute occafion , la dtfcnfe de la bonne caufe ,
Sc qu'il fut 1'un des IV Eveques oppofes a.
]'exa£tion de la fignature pure 8c fimple du
Formulairc , Sc en faveur defquels fe fit la
paix de l'Eglife en 1668. Enfin apres avoir
re'lide continuellement dans fon Diocefe pen-
dant 40 ans d'Epifcopat,il y mourut enodcur
de faintete , le 8 juin 1691 , age de 9J ans.
III. Simon Arnauld, ne Ian 1605 , d'un
naturel donx , mais courageux , ctoit Lieute-
nant & Meftre de camp des Carabins , lorf-
qu'il fut tue aupres de Verdun , le 1 juillet
16)9.
IV. Antoine , le dernier , mais le plus ce*
N vj
-ocr page 458-
JOO            F A M I L L E
lebre des vingt enfans dAntoine Arnauld , fa
gloire de eette famille & dc Ton fiede , ne le
6 fdvrier 1611, fut baptif<£ le lendcmain fur
les Fonts de S. Mcri, Paroilfe de fon pere.
II renonca par le confeil de Madame fa
mere K de M. de S Cyran, a l'^tude du Droit
canon , pour s'appliquer a celle de la Thcolo-
gie , & emra dans l'Etat eccleTiaftique. II re-
c,ut le bonnet de Dofteur au mois de decem-
bre 1641. Perfonne n'ignore quelle etoit la
profonde Erudition de ce grand homme , Sc
le nombre prodigieux d'exrits qu'il a faits
pendant jo ans, pour defendre tome verite.
M. Arnauld etant oblige de fortir de France
en 1679 , il fe retira dans les Pais - bas, II
eft mort a Bruxelles le 8 aoiit 1694. , age de
8x ans. Son cceur fut apporte^ a Port - roial
des champs, dont il avoit hi ConfefTeur pertr
dant plufieurs anne'es.
Les Filles de M. Antoine Arnauld ( iy ) ,'
fours du Dodteur , furent, I. Catherine Ar-
nauld,
nee le 9 juin j 590 , mariee l'an 1605 ,
a M. Ifaac le Maine, Conf iller du Roi &
Maitre des Cornprcs , dont elle fut feparee a
caufe de la mauvaife conduite du inari. Apres
la mort, elle fit profeflion a P. R. Ie ij Jan-
vier 1644, & y mourut le 2.1 Janvier 16$ 1,
agee de 60 ans.
II. Jaaueline Marie Angelique , fi celebre
par la reforme qu'tlle mit a P. R. , & qui a
ea de fi grandes fuites , vint au monde le 8
feptembre if 91 ; fut pourvue , a llige de 8
ans de l'Abbaie de P. R. , fit profeflion a
Maubuiflon le 19 octobre 1600 , fut touchde
de Dieu en 160% , commenca a etablir la r^-
(15) Voiez lesMemoires , tome IH. pages }JJ &
flUYMKCS.
-ocr page 459-
DES ARNAU1DS. J6f
/brme en 1609 ; mourut a Paris le 6 aout
\66i , agee de 70 ans. Son corps y fut enter-
16 , & Ion cceur fut pone1 a la Maifon des
champs.
III.  Jeanne Catherine Agnes {16) , nee le
31 decembre 1$ 9 3, AbbjiTi: de S. Cyr en 1 y^y,
qtiitta fon Abbai'e pour fe faire Religieufe a
P. R ; fut faite Coadjutrice en ifixo ; renon-
9a a fon droit en 1630; fut envoide au Mo-
naftere de Tard a Dijon , qu'elle gouverna
6 ans ; fut AbbefTe de I'. R. depuis 15 5 6 juf-
qii'en 1641, & depuis irt?8 jufqu'en 1661.
Elle mourut a P. R. des champs le 19 fevrier
1671, apres avoir donne, en toutes occa-
sions , des marques d'une vertu parfaite.
IV.   Anne Arnauld (17), fe fit Religieufe
a P. R. le 18 fevrier 1618 , Sc aida beaucoup
fes deux foeurs dans toutes les bonnes ceuvrcs
que Dieu leur fit entreprendre. Elle mourut a
Paris , dans la Maifon de P. R. , lc I Janvier
1653. Elle fe nommoit Soeur Anne Eugenie
de l'lncarnation.
V.   Marie Arnauld (18), nee en 1600 ,
Religieufe de P. R. en \f-\d , mouvut a Paris
le 15 juin 1641. Elle fe nommoit de Ste Claire.
VI.   Maddaine Arnauld, dite de Sainte
Chrifline
(19) , nee l'an 1 f>07 , fe fit Religieu-
fe en 1615 , & mourut dans la Maifon de
Paris j le 3 fevrier 1649.
(i« ) Mem. tome III.      (18) Mem. tome III.
-ages ioi , &c.               page 419.
(17) Mem. tome III.      (19) Mem. tome III,
pages 560, &c.               page 486.
-ocr page 460-
JOZ             F A M I t t E
En fans de M. d'Jndilly.
. MR d'Andiliy a eu 15 Enfans, dont y
font morts en dtat d'innocence : les 10 autres
font 4 gar^ons & 6 filles (10).
I.   M. ( N. ), ne en 1614 , fervit d'abotd
dans les Troupes, & enfuite entra dans l'Etat
ecclefiaftique ; il ftit pourvu de l'Abbaie de
Chomes. II fe retira a Angers aupres de Hen-
            4
xi Arnauld fon oncle , dont il ne parolt pas
qu'il ait imite la piete , comme on le voit pat
plufieurs lettres de M. Arnauld le Dofteur. II
mourut en 1698.
II.   Simon , connu fous le nom de Mar-
quis de Pomponne , ne' en 1618 , tut emploie'
dans des negociations importantes des 1'age
de 15 ans. En 1671 , il rut fait Miniftre &C
Secretaire d'Etat , mais on le remercia en
1679. II fut rappclle a la Cour & remis dans
le miniftere en 1691. Il mourut le %6 fep-
rembre 1S99, II avoit epoufe Catherine , fills
de Nicolas Ladvocat, Maitre des Comptes ,
dont il a eu fept enfans.
III.   Charles Henri de Lu^ancy (11) ,
n^ en i«i? , fut d'abord Page de M. le Car-
dinal de Richelieu , puis il prit le parti des
armes ; mais Dieu l'aiant attird a lui, il fe
retira en 1641 a P. R. des champs, d'ou il
ne fortit que malgre lui. Il mourut a Paris
le iofevrier 1684, & fon corps fut apporte^
ou fon cceur avoit toujours ete depuis fa con-
verfion.
IV.  Jules , furnomme de Villeneuve ( n ) ,'
( %c ) M.moires d'An- pages ;;8 & fuiv.
<)illy,tom. II. p. 1^4.
         (11) Lancelot, torn. I.
_ til) Lancelot, torn. I. p. 3J;e Dufoile, p. ix?.
1
-ocr page 461-
DES ARNAULDS. 305
fut mis fort jeune avec les Mrs qui demeu-
roient a P. R. des champs : il y demeura
une quinzaine d'annees , & en fortit en 16 5 6 ,
lorfqu'on en chaiTa les Solitaires & les enfans.
II prit alors le parti des armes, mais il mou-
rut a fa premiere campagne.
Ir« fille , Catherine, dite de Ste Agnes ,
nee en 161$ , fe fit Religieufe a P. R. des
champs ( 13 ), & y mourut le 1} decembre
164$ , j. l'age de 18 ans.
I I. Angelique de S. Jean ( 14) , nee le
a 8 novembre i6i4,elcv(£e des l'age de fix
ans , fous les yeux de fes adrhirables tames ,
& formee par dies dans toutes les vertus ,
dont elles ont donne un fi bel exemple ; fit
profeffion le 15 Janvier 1644 , & fut un pro-
dige d'efprit & de piete. Elle mourut le ij
Janvier 1684 , ag^e de jp ans.
III.   Marie Charlotte de Ste Claire (t j ),
nee en 1617 , elevee a P. R. , fit profeffion le
2.8 novembre 1647 , & mourut en la Maifon
des champs le 9 feptembre 1678.
IV.  Marie Angelique de Ste Therefe {16},
nee en 16 j o, Religieufe a P. R. le 11 novem-
bre 1654, mourut dans la Maifon des champs
le 8 janviet 1700.
V.   Anne Marie, nie en 1651 , Profeffe
a P. R. en 1658 , y mourut le 7 oilobre
1660.
VI.   Elizabeth mourut penfionnaire de
T. R. de Paris , agee de 15 ans.
di) Mem. tome III. page 489.
(14I Mem. tome III. page
498.
(it) liiiJ. page 591.
(16, laid, page 59J.
-ocr page 462-
'504         FabiiU
Enfans de M. de Pomponne.
Icolas Simon , Brigadier des Ar-
mies du Roi , marie en 1694 avec Conftance
de Harville , qui lui apporta la terre de Pa-
laifeau , eft mort en 173 5 , ne lailTant qu'une
fille , Catherine Conftance Emilie , marine a
Jean Joachim Rouault, Marquis de Cayeufe.
Tons les autres enfans etoient morts jeunes.
M. Nicolas Simon de Pomponne obtint , l'an
1710 , lorfqu'on exhuma les corps apies la
deltruction de P. R. , ceux de fa famille qu'on
put reconnoitre. lis furent depofes d;ins I'E-
glife de Palaifeau , en attendant qu'on les
tranfportat dans celle de Pomponne •, mais !c
30 feprembre i7ij 1 on les inhuma a Palai-
feau , dans le caveau de la Chapelle qui eft
pres du grand autel du coii de l'Epitre. II pa-
xoit par l'^pitaphe , qu'on y a mis les corps
ou les reftes precieux , i" de la Mere Cathe-
rine Agnes de S. Paul: i°. de la Mete Angeli-
que de S. Jean; 50. de M. Robert Arnauld
d'Andilly , de M. Charles Henri Arnauld de
luzancy fon fits : de Demoifelle Catherine
Ang^lique Arnauld de Pomponne ; & les cccurs
de la Mere Marie Angelique de Ste Madelai-
ne , de M. Antoine Arnauld le Docteur, & de
Demoifelle Marie Emmanuelle Arnauld de
Pomponne. Les corps de Mrs Antoine & Ifaac
le Maitre furent tranfportes dans l'Eglife dc
St Etienne du Mont a Paris.
II.   Antoine Jofepfi , Chevalier de Malthe
& Colonel de Dragons , mort a Mons en
1693.
III.  Henri Charles , Abbe de S. Medard
de SoiiTons , Aumorusr ordinaire du Roi,
-ocr page 463-
-                                                      . .— — ------------
DBS A R N A TT L D S. JOJ
Confeiller d'Etat, encore aujourd'huj ( 17j 5 )
vivant. Labranchede lafamillc des Arnaulds,
qui defcend d'An oineArnauld , Avocat, doit
s'eteindre a M l'A'obe de Pomponne Peut-
etre y at il encore des Arnaulds en Proven-
ce , Au moins paroit-il certain qu'il en reftc
en Auvergne ; car en 1671 , tin Arnauld , fur-
nomme d'Epines , vint rendre vifite a P. R.
des champs , & fut reconnu par M. Arnauld
le Dodleur pour etre de fes parens.
>
               Ire fille , Marie Emmanuelle , elevee a
P. R. , mourut a Pomponne le 14 feptembre
1686 , agee de z; ans. Son cceur fut apporte
a P. R. des champs.
II.  Une autre fille , qui fe fit Religieufc
aGif.
III.   Catherine Angilique , morte le n
avril 1676, agee de 5 mois. Son corps fut
porte a P- R. des champs.
IV.   Catherine FHicite , qui dpoufa en
1696 Jean Haprifte Colbert, Marquis de Tor-
ci , frere du celebre Eveque de Montpellier ,
vivante en 1749.
Enfans de Madame le Maitre.
C/ Atherine Arnauld , femme de M.
le Maitre , eut cinq enfans.
L Antoine le Maitre, ne le i mai 1S08 ,
fe donna au Barreau , & plaida avec un fucces
extraordinaire. II fut fait Confeiller d'Etat en
16 j<>, maisl'annee fuivantc, Pieu I'ai'ant tou-
che, il renonca au monde , & fe retira a P. R.
pour y vivre dans la penitence. On l'obligea
deux fois d'en fortir ; mais il eut la confo-
lation d'y mourir le 4 novembre 1658.
II. Jean, furnomme de S. Elme, fut elevi
-ocr page 464-
----------------------------------------------------
$06             t A M I L L E
a P. R. II fe matia en i6ji avec Louife de
Boignes , dont il a eu trois filles , qui out cue
^levees a P. R. i°. Marie Catherine Angeli-
que , qui mourut agee de n ans , le 18 no-
venibre 1664. 2". Olympiade Dorothea , qui
mourut a P. R des champs le 6 Janvier 1707 ,
ag<»e dc4z ans. 3*. Une autre fillequi a dpou«
fe en 1679 Auguftin Thorr.as , frere de M. du,
Folfe' , qui vivoit encore en 1741. Pour M. de
S. Elme , il mourut vers l'an 1 6yO.
Ill S'rmon , connu (bus le nom de Siri-           ^>
court, ne l'an 16 11 , porta d'abord les armes.
II dtoit Major de Philisbourg fous le Gouver-
nemetit d'lfaac Arnauld Ton oncle , lorfque
cette ville fut prife en \6\\. lis furent faits
prifonniers & fe fauverent tous deux. M. de
Sericourt continua de fervir ie Roi ; mais la
conversion d'Antoine )e Maitre , fon frere ,
l'aiant toucW , il fe confacra commc Iui an
fervicede Dieu. 11 mourura P. R. des champs
le 4 oftobre iSjo , & y fut enterre\
IV. Ijaac , appelle M, de Saci, ne" le 19
mars 1 Si 5 , emhrafla 1'Ecat ecclefiaftique , &
fut fait Pretre a la fin de l'an 1649. Au mois
de mai 1666 , il fut mis a la Baftille , & y fie
la traduction francoife de la Bible pendant fa
prifon , qui fut de deux ans & demi. Dans
la fuite , il donna d'excellentes explica-
tions. L'an 1679 , la perfecution l'obligea de
fortir du MonaPcere de P. R. des champs ,
dont il etoit Direcleur; mais il ne ceffa de le
conduire jufqu'a fa mort, arrivtfe le 4 Jan-
vier 1684.. Son corps y fut apporte de Pom-
ponne , ou il s'dtoit retire.
V. Charles , furnomme de Vallemont ,
,
mourut pieufement , an - dehors de P. R. de
Paris, le 1} juin i6j%.
-ocr page 465-
DES ARNAULDS. 307
JAmais famille , fans en excepter celles des
Bafiles , des Gt^goires de Nazianze , des Ber-
nards , ne fur. plus favorifee du Ciel que le fuc
celle de la Ste Reformatrice de Port roial dans
lefiecle precedent. Ecoutonsun des plus grands
ornemens de cette illuftre Maifon, fake , avec
aftion de graces , le derail Sc remuneration
de celles que Dieu , par un efFet de fa miferi-
corde, rdpandit avec abondance fur fes pa-
rens , fes freres , fes foeurs , fes enfans.
» ( 17 ) Je ne faurois , dit le celebre M. d'An-
» dilly , rendre trop de graces a Dieu d'avoir
» exauce la priete que ma mere , qui etoit
» une fennme veVkablement cbr^tienne , lui
»9 faifoit fans ceiTe , de renverfer la fortune
» temporelle de fes enfans , pour e'rablir fur
s> fes mines une fortune Iternelle ; puifqu'a
n confiddrer les chofes felon la foi , quelle
» autre famille eft plus heureufe ! De vingr,
•> enfans que mon pere a eus de cette ver-
sa tucufe fern me , dix font morts en age din-
» nocence, & par confequent dternellement
» heuieux. Des dix autres , fix fiiles ont fini
*> ou fimront leurs jours dans la fainte Mai-
n fon de P. R. ; & de quatre freres que nous
» Prions , mon frere l'Eveque d'Angers , &
j> mon frere le Dofteur , marchanc comme
n ils font dans la voie e'troite , & combat-
so tant le boil combat, fe metrent par l'af-
» fillance de Dieu , en etat d'etre couron-
h nes un jour de fa main. J-'ai fujet d'efpe-
» rer que Dieu aura fait mife'ricorde au troi-
s3 feme , qui fut ta& aupres de Verdun 5 &
» quelque grand pecheur que je fois , fon
» infinie bonte me fait attendre de lui la
23 meme grace. Quant a mes enfans , de
(17) Memoires, tome II, a la fin.
--------------—.....               ._
-ocr page 466-
308 Famuie bes ArnA(jlds.
33 quinze que Dieu m'a donnds , cinq Tone
»3 morts en etat d'innocence j trois des fix
33 de mes filles , Religieufes a V. R. , font
33 mortes faintement , & je ne faurois trop
« louer Dieu de ce que les trois autres mar-
33 client fur leurs pas. Le dernier de mes
33 quatre fils , mort jeune a l'armee , avoir
33 ete eleve d'une maniere (I chretienne, 8c
» M. Ic Marechal Faber qui m'avoic fait
as l'honneur de vouloir en prendre autant dc
33 foin que s'il eut ete fon propre fils , l'avoic
            ^
33 confirm^ de telle forte dans fes bons fen-
3» timens , que j'ai fujet de croire que Dieu
33 l'a retire du monde pour ne l'y pas laifler
» corron-pre. Celui qui eft compagnon de
»o ma folirude , avoic . comme je l'ai dit,
»3 renonce au fiecle avant moi , par l'efpe-
33 rarvce du fiecle a venir ; & Dieu feta , s'il
3> lui plait , h grace aux deux autres de ne pas
33 fourFrir que [cars ouinds foient plus avan-
>3 tag;'s qu'eux dans le partage de l'heritage
33 celefte. C'eft ce bien veritable que je leur
s> fouhaite avec ardeur, Sc a mes petits-fils ,
»3 que j'exhorte a confide* er la vertu comme
si le plus grand de tous les ttefors , & a fe
M mectre continuellement devant les yeux
x cette merveilleufe parole fortie de la pro-
is pre bouche de Jefus Chrift: Que ferviroit a
x I'homme de gagntr toutItmon&e, s'ilperdoit
x Jon ame ?
-ocr page 467-
3 ©9
Cenealogie de M. du Vergier,
dc Hauranne , Abbe de S, Cyran.
de Ste Marthe , dans Ie bel eloge
' qu'ils ont fait de ce favant Abbe , le font def-
cendre d'une famille noble. Les du Vergiers
font originates de Touloufe ( I ). Deux frc-
res de ce nom furent envoies pat le Roi a
Bayonne , pout y etablir la monnoie. Us s'y
triarieient 1 an & l'autte , & y acquitent, dit-
on , de glands biens. Cette famille forma
dans la fuite trois branches. La branche at-
nee , qui en a depuis formd deux, fubfifte en-
core a Bayonne, ou cette famille eft des plus
confideree. On en a tire , il y a quelques an-
nees , le Maire de la ville. La troifieme bran-
che a fini par une fille , qui etant riche de qua-
trc-vingt mille icas , fut mariee au Vicomte
d'Orthe , pete du Vicomte d'Orthe d'aujout-
d'hui, 8c de la mere du Vicomte d'Urtabic.
La deuxieme branche eft celle dont defcen-
doit l'Abbe de S. Cyran. Son pere , nomme
Pierre du Vergier de Hauranne , ( Hauranne
eft le nom d'une terre , ) eut au moins, a ce
qu'il paroit, cinq enfans , favoir deux fils (i)
& trois filles: I". Jean du Vergier de Hauran-
11 iece agee de 7 ans, il pa •
roit que M. de S. Cyran
eut trois freres, le pre-
mier , qui a ete Cordelier,
dont il ell parle dans la
lettre I. de Janfenius ; le
fecond , qui a ete pere de
cette petite niece njorte £
l'age dc 7 aus, lequel eioit
more avaot cjle, comras.
(i) Mem. de Lancelot,
tome I. part. II. note ,
page 37f-
(i) Selon une note qui
fe trouvepage 144 du Re-
cueil de pieces, imprime
en 1740 , faite fur la let-
tre que M. de S. Cyran
jctivit a la Meie Angeli-
a«e fur la mort d'une
-ocr page 468-
5 jo Gemeaiogis
ne , ne en i 581 , Abbe de S. Cyran en igio;
mort a Paris eti 164?. i°. N. du Vergier de
Hauranne, qui etoit dans le commerce , &c
qui niourut a Bayonnc en 1664. )". Une
fille mariee a N. de Baccos , pere de Martin
de Barcos , Abbe" de S. Cyian apres Ton on-
•cle, & mort dans fon Abbaie en 1678 , &
d'une fille qui fut Religieure. 40. Une fille ,
qui epoufa N. d'Arguibel , pere de M.
d'Arguibel , qui ecudia a Louvain avec M.
de Barcos , & qui rnourut a Paris en i6ji.
5 ". Une autre fille , qui Epoufa apparemment
N. de Haitze , pere de ce M. de Hairze done
M. Lancelot parle fouvent dans fes Me^moi-
res. 6". Ce neveuque M. de S. Cyran mena
chez les Capucins de la Province de Toulou-
fe, parmi lefquels il fe diftingua , etoit peut-
etre enfant d'un troifieme fils , ou d'une qua-
trieme fille de Pierre du Vergier.
M. du Vergier de Hauranne , frere de M.
de S. Cyran , paroit avoir cu quatre enfans :
1*. Le jeune M. de Hauranne , dont M. de
S. Cyran fait un cas particulier. II mourut
jeune vers l'an 1631 , au cloitrc de Notre-
Dame , od M. de Saint Cyran demeuroit
alors. C'etoit un petit Saint , au jugement
de ceux qui l'avoient connu ; il n'avoit au-
cune inclination pour le monde , ni d'autres
foins que d'avancer vers Dieu. Etant a Saint
Cyran , cu fon oncle l'avoit envoic pafler les
vacances pour prendre l'air , avec M. de
Haitze fon coufin , il lui difoit quelquefois :
33 Mon coufin , allez vous en a la chaiTc pour
33 vous divertir , pour moi je ne puis y alkr
ia Icttre de M. de St Cy-   le fils aine , qui avoit re-
~ran I'infinue ; le troifieme   fufe en 1C4J un Cano-
fut celui qui mourut a   nicat de Soiftnns, mourut
Baypnneen 1664, Oc dout   a Talis en HC\,
-ocr page 469-
DE M. DE S. C YR.A N. JIf
» ni fortir aujourd'hui «. Et il s'en alloic en-
fuite fe renfermer dans un grenier, ou il
prenoic la difcipline. M. Lancelot avoit ap-
pris tous ces faits , & d'autrcs encore qu'il
rapporte , d'une perfonne digne de foi ( ; )•
M. de Hauranne fut dprouve de Dieu, qui
permit qu'il fut obfede5 pendant quelque-
tems , ainfi que le meme M. Lancelot l'avoit
appris d'un jeune liomme qui fervit depuis
M. de S. Cyran dans fa prifon. » Les efprits
5> venoient quelquefois la nuit tirer fes ri-
» deaux , faifant du bruit dans fa chambre ,
» & le tourmenter. « Ef comme un autre
petit-coufin, qui couchoit au meme lieu,
avoit peur, il le rafluroic en difant « Mon
33 coufin , n'a'iez point peur , faites le figne
j3 de la croix. Si vous aimez bien Dieu , ils
» ne pourront vous rien faire «. Quelque-
fois il chantoit d'une voix il melodieufe ,
qu'il charmoit tout le monde , quoique de
lui meme il ne fut pas chanter. » D'autres fois
» il lui prenoit des contortions fi violentcs,
jj que trois hommes n'auroient pu l'arreter
53 ni le retenir. Sou vent il difoit aux dom-'f-
» tiques leurs penfees , & les avertiflbit de
*> prendre garde a des deTauts interieurs qui
« ecoient en eux & qu'ils avouoient etre
53 vrais. D'autres fois il difoit des chofes ft
» releve-es & fi merveilleufes , que M. de
>j S. Cyran faifoit mettre M. d'Arguibel au-
53 pres de fon lit pour les ecrire. Mais lorf-
j3 qu'il le voi'oit dans fes convulsions , il en
53 etoit extremement afflige , & en pleuroit,
53 Cependant il etoit bien allure du fond da
53 fa piete ; il le faifoit communier tous les
53 huit jours. Un jour que fes maux & fes
33 contorilons le prirenc , M. de S. Cyran en
(j) Mem. de Lancelot, tome I. pages j«j ?c fuir,
.. _.
......
-ocr page 470-
J11           GbEAIOGIH
» etant perc<5 de douleur , s'en alia dire 1st
*> MefTe pour lui a i>. Jean le Rond , ou il hi
» difoit toujours. Durant la Meife le malade
« fut gueri ; & revenant a foi , demanda ou
» etoit M. de S. Cyran ; on lui dit qu'il <itoit
» jille dire la Meffe pour lui : il repondit ,
» Alle^ lui dire que je le prie de remercier
»> Dieu, & que je Juis gueri. En efFet il ne ref-
n fentit jamais plus rien de femblable depuis ;
» ce qu'on attribue au metite & aux prieres
» de M. de S. Cyran «. M. Lancelot attcftc
tous ces faits , qu'il a appris de gens dignes de
foj. Le fecond tils du frere de M, de S. Cyran
fut Jean du Vergier de Hauranue , devenu
l'aine par la mort du precedent. 11 mourut a
Paris en 1664 , age a-peu-pres de 40 ans , au
retour d'un voiage de Bayonne. II avoit palfe
pies de 50 annees dans la retraite & dans l'e-
tude , dans la le&ure des bons livres , & dans
une converfation continuelle avec des gens
de bien , d'une fcience Si d'une vertu confoni-
mee. Neanmojns il paroiiToit moins depouille
du vieil homme que foil frere le cadet. 50. Le
troilieme fils de M. du Vergier , frere de M.
de S. Cyran , s'appelloit Pierre. Son pere , qui
fondoit fur lui toutes fes efpdrances , ne l'a-
voit point voulu faire etudier , de peur qu'il
lie fe donnat a Dieu , & qu'il ne choisit une
vie retiree comme avoit fait fon frere ; mais
qui peut refifter a la volonte de Dieu ! Pierre
fe ddgoiita peu-a-peu du Negoce , ou fon pere
l'avoit engage , quoiqu'il y reulfit parfaite-
ment felon le monde ; & Dieu le toucha tel-
ment, qu'il y renonija entierement, & fe reti-
ra a Saint Cyran dans le deffein de s'y faire
Jleligieux. II l'eut etc infailliblement , l'aiant
dcmande plulieurs fois a M. de Barcos , II
Dieu ne fe fut contente de fa bonne volonte,
en
-ocr page 471-
D £ M. D E ST C Y R. A N. J I J
co le retirant du monde apres 18 mois cm
environ de retraite, & d'une vie toute de pe-
nitence & de mortification , qu'il a continuee,
jufqu'a la fin avcc an zele & une fctveur in-
fatigables, nonobftant fes infirmites & fa gran-
de ddbilite d'eftomach , etant d'ailleurs poul-
monique. On pouvoit dire de lui ce qui eft
dir de St Fulgence, qu'il etoit d'autant plus
abflinent qu'il etoit foible. Dans fa derniere
maladie, fon frere ( Jean ) le voi'ant s'affoi-
blit de jour en jour , lui demanda fi on ne fe-
roit pas venir un Medecin, & ajouta qu'il
alloit danner ordie pour cela. » Un Mede-
» cin , mon frere , lui dit-il, en le regardant
» de travers, je ne fuis venu ici que pout
» mourir. Si Dieu me veut faire la grace de
" m'appeller a lui plutot que je ne penfois ,
» je vous prie , ne vous y oppofez pas «. II
mourut le 13 mai 1S58. Confummntus in
brevi explev'u tempora multa.
Le quatrieme enfant du frere de M. de St
Cyrar. fut vraifemblablement cette petite nie-
ce a qui il e'crivit de Vincennes plufieuis let-
ties qui font admirables par la (implicit^. Elle
mourut, comme une Sainte, a P. R., l'ati
I641 , agee d'environ fixou fept ans. » J'aime
»• plus cette petite creature , dit M. de St Cy-
» ran , lettre 95 , parlant de cette niece, par-
n cequ'elle eft ma fill- par le Bapteme dans
» l'Eglife, que parcequ'elle eft ma niece dans
» le monde. C'etoit toutft ma paflion , dit-il
» dans la 111 lettre , que de rendre fervante
» de Jefus-Chrift a jamais une petite parente
m que j'avois fait mettre dans P. R. , a def-
» fcin de la confacret toute a Dieu , & en
m fon corps, qui etoit agtdable ; 8c en fca
» efprit , qui etoit bon j Sc en fes biens , qui.
» netoient pas petitr, Mais Dieu l'a enlevc-e
T<,mt I.
                                 O
-ocr page 472-
314 G i N I A I 0 G I E
» du monde pour ma confolation , au mo9
33 menc que le monde vouloit l'enlever a
33 Dieu par violence & par proces (4). Ellc
» m'a fair, dit-il,lettre 1 j , avant que d'etre
» malade , quelques reponfes qui pafloient
» fon age , & m'a declare qu'elle vouloit ab-
« folument etre Religieufe. II eft certain que
» la peur qu'elle a eue de retourner au mon-
» de , l'a rendue malade , & enfuite l'a fait
» mourir. Ce qu'elle a dit pour fe defendrc
x de fa mere , qui la vouloit tirer du Mo-
» naftere ,fuffiroit pour fanftifier le plus grand
w pecheur. Elle a foutenu tellement contre
x> elle fon defTcin ferme d'etre toute a Dieu ,
» que j'ai cru la devoir moderer & la re-
w prendre comme d'un exces ; & elle fe cor-
m rigea li bien par la lettre qu'elle m'e'crivit,
» que je nc pouvois croire que ce fut elle
»s qui eut parld ; & je ne l'ai jamais cru for-
33 tement jufqu'a ce que j'aie fu les repon-
33 fes qu'elle a faites aux demandes que lui
33 firent les Confeilkrs du Parlement qui 1'in-
»3 terrogerent«.
M. de St Cyran a encore eu d'autres ne-
veux & d'autres nieces: i°. M. d'Arguibel,
fils d'une de fes fceurs , etoit un genie le plus
capable de gouverner un Roiaume qu'eut ja-
mais vu M. de St Cyran , qui regarda fa mort
comme la plus grand/ perte qu'il eut faite.
M. de St Cyran gaida longtcms un petit eerie
copie de la main de ce neveu , qu'il difoit lui
etre pte'eieux. II mourut au mois de Mai
%6\ t. i°. M. Haitze, autre neveu de M. de
St Cyran , ne repondit pas ft" bien a fes foins.
/pres uou 15 ans d education fous fon 011-
clc , qui avoi' pris tous. les foins ima^inablcs
pour le gagnsr , il fe retira , n'ai'ant pas ta
(4) J-aafclqc, torqe I. page 571. Note,
-ocr page 473-
deM, deStCyran. 3ij
force de refifter a M. fon Pere , qui lui orFroit
vine Cure confidErable. 30. M. de Barcos ,
fils d'une fceur de M. de St Cyran , fut un de
ceux qui lui donnerenr le plus de fatisfa&ion,
& qui tira le plus de fruit de fa bonne Educa-
tion. M. de St Cyran difoic de lui qu'i/meri-
toit un Eveche.
II fit fes Etudes a Louvain ,
avec M. d'Arguibel fon coufin , aupres dc
Janfdnius , qui parle d'eux avec eftime dans
quelques- unes de fes lettres , que les Jefuites
ont fait imprinter avec plufieurs autres; & ils
y demeurerent jufqu'en lAii, que M. de Sc
Cyran prit M. d'Arguibel aupres de lui , &
donna M. de Barcos a M. d'Andilly pour
avoir foin de Mrs fes fils , tant il eftimoit
important cet emploi de chariti, & tant etoic
grande fa tendrefle pour ces enfans II vou-
lut temoigner en cela a M. d'Andilly l'eftime
qu'il faifoit de fon amitie , & combien il pre-
noit de part a la bonne education de fes en-
fans , lui donnant pour ce fujet fon propre
neveu , en un terns ou le Cardinal de Riche-
lieu , alors tout puiflant en France , le tui
avoit fait demander pour le mettre aupres de
lui ( y )• C'eft un fait que M. Lancelot allure
avoir appris de M. d'Andilly. Ce fut audi M.
d'Andilly qui fit toutes les follicitations pour
lui faire avoit l'Abbaie de St Cyran apres la
mort de fon oncle , aiant porte la Princeflc
de GuimenE & M. de Chavigny a joindre
leurs prieres aupres de la Reine , avec les
fiennes. M. de Barcos fe retira a fon Abbaie
en 1650, pour executer le projet qu'avoit
forme fon oncle d'y Etablir la reTorme. II
commenca par reuxttre en Etat l'Eglife &
les lieux rEguliers , & donna toujours l'exem-
(5) Lancelot, tome I. part. II. pages j«7 > >''*•
Voiei au.U la Note,
Oij
-ocr page 474-
3i<> Genealog ie
pic de l'obfervation de la Regie felon le pre-
mier efprir de St Benoit, ne diffHrant des au-
tres que par l'habit & par de plus grandes
aulterites. II bannit les cellules feparies , re-
xnit en pratique les dortoirs communs , $C
retablit l'ufage de jtuner jufqu'au foir, fui-
vant l'ancienne coutume de l'Eglife. En un
mot, on vit regner a Saint Cyran un efpric
de retraite , de mortification & de penitence
digne de ces anciens Reformateurs du xi &c
du xn flecks. II s'en fallut peu que M. dc
Barcos ne perdit fon Abbaie, parcequ'il re-
fnfa de figner le Formulaire ; mais la paix
de Clement IX, qui furvint en 1668 , empe-
cha l'Abbe de Vic , qui en avoit eu le brevet,
d'en obrenir les bulks. Enfin, epuife par la
penitence , il mourut le u. aout 1678. Auffi-
tot les Jefuites s'appliquerent a ruiner le faint
etabliffcment pour lequel il avoit tant tra-
vaille. Les meilkurs Religieux , du nombre
defquels etoit M. Lancelot , 8c les plus ca-
pables de foutenir la Reforme , furent exi-
les ; & de mauvais fujecs , chafRs de diffe-
rens Ordres , furent mis a leur place. II fe-
roit fort a fouhaiter qu'on donnat au Public
i'Hiftoire de la reforme de St Cyran , & de
la deftru&ion de cette Abbaie , qui meiite
d'autant plus d'etre connue , qu'elle renferme
une infinite d'excmples edifians de la plus fe-
vere penitence , & de la conftance la plus hd-
roique. La Manfe abbatialc eft aqjourd'hui
reunie a l'Eveche de Nevers , & la Manfe
rnonachak l'eft au Seminaire des Jefuites , qui
oi!t fait une maifon de plaifance de ce Mo-
naftere , le plus ancien qui fut en France.
Dieu ai'ant permis que le St Sepulchre , oil
a repofe le Corps de fon Fils , tomb.it
entre les mains des Infideles, qui en font ks
-ocr page 475-
3*7
maitres depuis tant de fiecles, devons-nbus
etre furpris s'il pcrmet qu'un Monaftere defti-
ne a la priere , a la retraite , a la mortifica-
tion , a la penitence , devieime la maifon de
plaifir & de divertiffement des Jefuites ? Les
tableaux , les chafles de Reliques , les orne-
mens d'Eglife , & tout ce qui compofoic 1c
treTor de la facriftie de cette Abba'ie , a 6t6
vendu a l'encan le 10 fevrier 1740 , a l'ex-
ception des reliques, que M. de Nevers a
retenues. Les livres qui reftnient , ont hi
achetcs par les Benddiftins de I'Abbaie de St
Sulpice de Bourses, lefquels out encore ac-
quis, de cette refpectable ddpouille , un or-
nement complet, d'autant plus pre'eieux qu'il
eft de la fa^on des Religieufes de Port-roial.
Outre la petite niece de M. de St Cyran,
morte a P. R. a 1'agc de 7 ans , on vojt par
la lettre qu'il ecrh'it a un jeune horame ,
nomme Davi , qu'il avoit une autre niece Re-
ligieufc , d'un merite diftinguc {(,). II eft fait
mention dans les informations priftendues fai-
tes centre M. de St Cyran , & pubises par les
Jefuites , de deux parens de M. de St Cyran.
Le premier eft un M. d'Arguibel , fans doute
frere de celui dont nous avons parle\ II re-
tourna de Paris a Bayonne l'an 1657. L'autre
eft M. d'Arcangue , qui droit coufin de M. de
St Cyran. II demeuroit a P. R. des champs
6111638, lorfque M. de Laubardemont vint
interroger les Solitaires qui y etoient, & leur
fignifia un ordre du Roi d'en fortir.
(<) Ibid, page 31S9.
#
O iij
-ocr page 476-
3,8                     ____
Letires pauntts du Roi Louis XIII ,
pour La truijlation tie Port-roial
des Champs en la villi de Paris.
I lOUIS , PAR LA GRACE DE DiEU , ROI DE
Fkance et de Navarre , A tous nos prefens
&avenir, Salut. Encore que touces les ac-
tions qui tendent a la gloire de Dieu & a l'a-
ranccment de fon fervice, foient grandement
a eftime r, celles qui fortent de Perfonnes il-
lufttes font d'autant plus recommandables que
leur condition eft plus eminente. Et quand ceux
que Dieu dleve aux dignitesfouveraines, s'ein-
ploient en deft bonnes ceuvres , la divine Via-
jefte eft beaucoup plus glorifiee , & l'edifica-
tion plus grande entre les peuples , a caufe
que ceux qui font au comble des profperitds
temporelles, rendent par cette reconnoiflan-
ce un fingulier honneut a Dieu , aux pie's
dupel jIs offrent les grandeurs qu'ils ont re-
vues de lui, & attirent fes benedictions fur
leur regne; & la force de ces exemples oblige
les fujets par une douce contrainte a 1'inu-
tation de la pietd qu'ils voient reluire dans
leurs Princes. C'eft pourquoi nous aiant eti
repreTente par la Reine , notre ties honorde
Dame & Mere , que pour reconnoitre aucu-
nement les graces que Dieu lui a faites, elle
procureroit volontiers que la dtfcipline regu-
liere & l'ancienne piete fut retablie dans tous
les Ordres , meme en celui de St Bernard , au-
quel elle a une devorion particuliere , & fpe-
cialement es Maifons des Religieufes dudic
Ordre , la reTorme defquelles commence a
s'avancer, de telle forte qu'il y a fujet d'ef-
perer dans peu de terns un tres grand pre.
-ocr page 477-
gres , s'il nous pi nit d'appui'er de notre pro-
te<5tiou le zele & le foin des perfonnes qui s'y
emploient, entre lefquelles il n'y en a aucunc
qui ait plus dignement & heureufement tra-
vaille" a retablir 1'ecroite obfervance de la re-
gie dudit Ordre, que notre chere & bien ame'e
Sceur Angeliqiue Arnauld, Abbeffc de Notre-
Dame de Port-roi'al , laquelle par fa condui-
te & piete , a remis l'Abbai'e en une entiere
rcforme ; ce qui nous dnnnc fujec d'en louer
Dieu , & de maincnir une fi bonne ceuvre.
Mais d'autant que ladite Abbaie eft fituee an
milieu des bois, en lieu fort marecageux U
fi mal fain , que la plupart d?s Religieufes nc
peuvent ^uere vivre , eloigners de maifons ,
de villages, d'afliftance , & font exposes a
tons les accidens d'un lieu defert, m£me aux
defordres des gens de guerre ; notredite tres
honorde Dame & Mere nous a fait entendre
qu'elle diffiroit , fuivant les conftitutions ca-
noniques, faire tranfporter en cette ville de
Paris, ou aux fauxbourgs d'icelle , ladite
Abbaie & les Religieufes de Port-roial , & y
fonder & faire conftruire un Monaftere avec
l'Eglife , batimens & offices n^cefTaires , fi
notre bon plaifir etoit de le lui permettre ; fa-
voir faifons , qu'inclinant volontiers a la fup-
plication de notre tres honore'e Dame & Me-
re , & de notre grace fp^ciale , pleine puif-
fance & autorite ro'iale, par ces preTentes fi-
gne'es dc notre main , nous lui avons permis
& permcttons , du confentement de notre
ame & f<*al l'Archeveque de Paris , d'eYiger &
faire £riger, batir & ddifier ledit Monaftere
& Abbaie en cette ville dc Paris , ou aux faux-
bourgs d'icelle , & y faire tranfporter lefdites
Religieufes, AbbeiTe & Couvent de Notre-
Came de Port • roial. Youlons & nous plait
O iij
i
-ocr page 478-
J20
«jue laditc Abbaic continue d'etre dite, tenue
& eftimee de fondation roiale , & qu'elle
jouifle de tous &: chacun des droits & privi-
leges , dont jouiflent les autres maifons &
families religieufes, fondees par les Rois nos
Predecefleurs & Nous , laquelle , des a pre-
fent , avec tous les biens , droits , rentes ,
levenus & heritages , qui lui appartiendront
ci-apres , nous avons pris & mis , prenons
& mcttons,en none fauvegarde fpeViale ; de-
fendons a toutes perfonnes , de quelque de-
gre , qualite & condition qu'elles foient , de
donner empechement a la fondation & arren-
tcment de ladite Abbaie , & confkruftion des
lieux qui lui feront neceflaires, fous quelque
prdtexte & occafion que ce foit. Si donnons
en mandement a nos ames & fdaux les Gens
tenant notre Coat de Parlement de Paris ,
Prevot dudit lieu , ou fon Lieutenant, & a
tous nos autres Juges & Officiers qu'il ap-
partiendra , que ces preTentcs ils faffent lire ,
publier & enregillrer , & du contcnu en icel-
les , jouir & ufer ladite AbbelTe, les Reli-
gieufes & Couvent, ceflant, faifant cefler
tous troubles & empechemens au contraire.
Car tel eft notre plaifir. Et arm que ce foit
chofe ferme & ftable a toujours, nous avons
fait mettre notre feel a cefdites prefentes >
fauf en autres chofes , notre droit, & l'au-
trui en toutes. Donne a Taris , au mois de
decembre , l'an de grace \6t$ , & de notre
Regne le 16.
                 Signe ,LOUIS.
Et fur le repli, Par i e Roi,
Signi , Le Mercief , avec paraphe.
Et enfuite , Regiflrces , oui le Procttreur general dn
Kci ,pour jouir pur Us impeir antes , de I'efjet & contcnu
utiles , aux charges, claufes &• conditions porte'es par
lis confentemens bailie's par ledit Sr Archevcqm de Paris
- IS- le General de VOtdre. fait a Paris , en Parlement, It
Ufevritt i6it, Signe, DU TILLET, avecjparajhs*
I
......___
-ocr page 479-
3ii
Lettres patentes de la Rcine , Mere du
Roi
, par lefquellts elle fe declare
Fondatrice du Monajlere de Port-
roial , transfere a Paris au Faux-
bourg St Jacques.
JVIaRIE, PAR IA GRACE DE DiEU , REINE
pe France et de Navarre , Mere du Roi :
A tous prefens & a venir, Salut. Ne pouvanc
avoir un plus digne foin que de nous emploi'er
aux chofes qui regardent la gloirede Dieu , &
l'avancement de la piete en ce Roi'aume, nous
avons toujours ardemment recherche les occa-
fions d'en produire des efFets, pour te'moi-
gner quelque reconnoiflance des graces
fingulieres qu'il a plu a fa divine bonte dc
nous d^partir , & exciter par ce moi'en la pie-
te" & la devotion de tant de peuples, qui ne
font jamais plus fenGblement touches que par
l'exemple des perfonnes que Dieu dleve fur
eux dans les plus grandes & les plus impor-
tantes dignites ; ce qui nous a toujours fait
avoir en tres grande recomrnandation les Re-
ligieux & Religieufes, qui s'emploient a la
leforme de leur Ordre , & particulierement
ceux qui par leur bonne vie & l'alliftance dc
la grace de Dieu y font heureufement parve-
nus , ainfi que notre chere & bien amee Sceur
Angelique Arnauld , Abbefle de Notre-Dame
de Port-ro'ial , laquelle a non-feuleraent mis
fon Abbaie en tel point, qu'elle fert d'exem-
ple a celles qui veulent embrafler l'e'troite ob-
fervance de leur regie; mais a auffi e^e" or-
donnne"e pour la reforme d'autres Moniftc-
rcs, ou elk s'eft eroplo'iee avec tant de, zelc
-ocr page 480-
; . , ■ ■                                                                                                                                                                            ■■'■;■-
& de pliti; que I'eftime que nous avons de
fa vertu , & de celle qui fe pratique par fes
Religieufes, nous convie a prendre un foin.
fpecial d'une Maifon en laquelle Dieu eft fi
bien fervi. Et d'autant que ladite Abbai'e de
Poit-roi'al eft fitu^e au milieu des bois. &
en un endroit fi marecageux & fi maf fain , »
que la pluparc des Religieufes n'y peuvenc
long-tems vivre , eloignee de villages , d'af-
fiftance, & expose a tous les accidens d'urt
lieu defert, meme aux infolences des gens dc
guerre , nous avons eftime' , fuivant les conf-
tittvtions canoniques , qu'il ^toit neceflaire de
tranfporter ladite Abbai'e en cette ville de
Patis, ou aux fauxbourgs d'icelle , afin que
la furete des lieux , & la facile communica-
tion avec les perfonnes doftes & vertueufes
puifient conferver ladite reTormeen fa perfec-
tion. Ce qu'aiant fait entendre au Roi, notre
tres honord Sieur & lils , il a approuve notre
intention & volonti , & a voulu qu'elle foit
efFectu^e, & que ladite Abbaie , ainfi tranf-
fitie , continue a etre tenue & rdputie de
fondation roiale , pour jouir , par ladite Ab-
befle & les Religieufes, de tous les droits ,
franchifes & privileges , dont les Maifons
fondees par les Rois ont accoutume de jouir ,
comme il eft contenu par les Lettres patentes
du Roi, notre Sieur & Fils , fur ce expWie'es
!e preTent mois de decembre. En confluence
defquelles , & du confentement donne1 a cec
effet par le Sr Archeveque de Paris , Nous ,
a ces caufes , & autres a ce nous mouvantes ,
de notre pure & liberate volonti , nous nous
fommes conftitu^es & conftituons par ces pre*-
fentes , fignees de notre main , Fondatrice cte
ladite Abba'ie de Notre-Dame de Port-roial,
transferee a Paris, pom etre ladite Abba'ie te
-ocr page 481-
Monaftere, Edifies & conftruits au fauxbourg
5c Jacques , au lieu die Clagny , fous le metric
nom de Notre - Dame de Port-ro'ial, en z6-
moin de quoi nous avons fait mettre notre
feel a cefdites prefentes. Donne a Paris , au
mois de decembre , i'an de grace 1615.
Signi, MARIE.
,'£tfur It repli, par la Rhine , Mere du Rol,'
Signe, Bocthu.lj.ir , avce paraphe.
r
-ocr page 482-
>*4
c ; " ,.-■'„ , g               gggT
TABLE
ALPHABETIQUE
Des princjpales Matieres
contenues en ce premier Tome.
A
}~Rnavid{M.'),
pere de la Mere An-
ge'lique i fa mott
fit\xCc,page ioj,
jirnauld ( Agnes ) ,
ReligieufedeP. R ;
fa naiflance, ix.
Trait de fon enfaji-
ce, 15, 1 j. Son
entre'e en religion ,
15. Elle eft nom-
inee a 1'Abba'ie de
S. Cyr , 14 , 1 J.
Elle renonce a fon
Abbaie & prend
l'habit de P. R.;
Hit de fa vertu ;
elle eft ctablie rnat-
trefle des novices,
54. Elle prend pof-
feffion de la eoad-
jutorerie de P. R.
106. Elle lent le
Chapelet du S. Sa-
trement,
i;6. Elle
eft envoie'e par M.
Zamet Eveque de
Langres au mo-
naftere du Tard a
Dijon; elle en eft
elue Abbefle, i6j.
Arnauld
( Aneili-
que
) , Abbefle de
P. R.; fa naiflance,
11. Trait de fon
enfance , 13. Elle
entre en religion,
& eft faire coadju-
trice de 1'Abbefle de
P. R. 14. Saprofef-
fion, 16. Elle eft
biinitc Abbefle ,
prend pofleflion de
fon Abba'ie ; fa
vie pendant les pre-
mieres annees de
fon gouvernement,
I7j&c. Elle eft tou-
ched de Dieu , 14.
Sesdiverfesrefolu-
tions
-ocr page 483-
ATIERES. 11$
(ionne plufieurs au-
tres, il. Elle eft
envoiec a 1'Abbaie
deMaubuiffonpour ■
la reformer , 73.
Etat dans lequel el-
le trouvecette Ab-
baie ; exhortations
qu'elle fait aux
deux Religieufes
qu'elle emmene
avec elle , 74 , &c.
Elle commence la
reforme de Mau-
buifTon ; elle y re-
volt des novices ;
ordre dansle novi-
ciat, 77 , &c. Ses
travaux dans cette
maifon ; office di-
vin , 79. Travail
des mains , 80.
Mortification ,81.
Elle y fait connoif-
fance avec S. Fran-
cois de Sales, 81.
Eftime reciproque
de l'tin pour 1'au-
tre, 84, &c Elle
raconte a M. le
Maitre les fenti-
mens de S. Fran-
cois & autres per-
fonnesfur lesmaux
del'Eglife, 88,&c.
Elle fe met fous la
conduitede S.Fran-
cois de Sales, j>}.
TABLE DES M
tions apres fa con-
version , 15 , &c.
Elic penfe a refor-
mer fon Abbaie ,
18. Oppositions
qu'elle rencontre ,
19 , Sec. Elle com-
mence la reforme,
ic etablit la com-
munaute des biens,
3 5,&c. Elle etablit
la cloture malgre
les oppositions de
M.Arnauldfon pe-
te ; journdedugui-
chet, 58 , &c. Elle
perfeftionne la re"-
ibrme, 47. Ses pre-
miers diredfeurs
apres la reforme,
48 , &c. Ellerenou-
velle fa profession;
raifonsde ce renou ■
vellement, 51 ,&c.
Elle attire a Dieu
prefque route fa fa-
mille , yj. Elle Eta-
blit l'abftinence de
la viands; fa con-
duite prudente &
exemplaire dans les
commencemens de
fa reforme, 56, &c.
Elle recoit plufieurs
novices; fon de'fin-
tereSTement en ces
occafions ,70. Sa
reforme en occa-
-ocr page 484-
L E
naire , fes raifonj
pour cela , 137 ,
&c. Elle fait con-
noiflance avec M.
Zimet Eveque de
Langres ,141. EUe
le prend pour fon
confeil , 141. El-
le reconnolt avoir
fait une faute dans
la conduiie qu'elle
avoit tenue en Ct
liant avec ce t'r£-
lat , 144- Elle va
au monaftere de S.
Aubin pour y tra-
vailler a la refor-
me, 157- Elle fe
demet de fa digniri
d'AhSefle pour ren-
dre l'Abbaie £\t(X'i-
ve , 170. Elle eft
faite Supdrieure da
monaftere du S. Sa-
cremenr, 178. Elle
y entre ; la condui-
te qu'elle y tient,
179 , &c. Ellepen-
fe a fortir de la
maifon du S. Sa-
crementjpourquoi,
149. Elle prend des
mefures pour re-
mertre la maifon
entre les mains de
M. l'Archeveque dc
Paris, ij4, 15 j.
Arnauld, ( Anne dt.
Ji<                  TAB
Ellc veut quitter
fon AbbaYe & en-
trer dans l'ordre de
la Vifitation , ?j.
Son union avec la
Mere de Chantal,
97. Ellc eft chaffee
de Ma^ibuifTon par
M,)dame d'Eftre'es
& fe retire avec
fes filles a Pontoi-
fe , 98 , &c. Elle
rentre a Maubuif-
fon j (in de Mada-
me d'Eftrees, lot,
&c. Elle revient a
P. R. avec les filles
qu'elle avoir revues
a Maubui(Ton,io8,
&c Elle fair con-
noilTance avec M.
de S. C) ran ,115,
&c. Elle va an Lye;
tra'r particulier de
la Providence fur
une Relig;ieufe du
lys pendant le Ci-
jour qu'elle y fait,
113 , &c. Elle re-
vient a Paris Sc
palfe par PoilTy,
115 , 116. Trait
de fou ddfinterefle-
ment dans un etat
dc difette , > 30.
Elle met fon Ab-
baie fous la jurif-
dit"toon de 1'ordi-
-ocr page 485-
TIERES.          317
fus de ) ; fon hiftoi-
re , 134 . note. El-
le entre dans le mo-
naftere du S. Sacre-
ment , 179- Son
caraiftete , 180 ,
xj 3 , 154. Elle eft
priee de forth' du
mouaftere, 157.
Chantal{la Mere de),
rendvifite a la Me-
re Angilique&aux
filles du S. Sacre-
ment, 2.70.
Cnape let fee ret ( Li-
vredu):
originede
cetdcrit, 187, &c.
M. l'Archevequede
Sens fait cenfuret
le Chapelet fecret
par plufieurs Doe-
teurs, 191. 111'en-
voie a Rome pout
l'y faire condam-
ner, & publie un
dcrit concre, ijt.
Ce Livre eft ap-
prouve' par M. de
S. Cyran & des
Thdologiens de
Louvain, I9},i94-
II n'eft pas cenfure
a Rome , 195. La
difpute fur le Cha-
pelet fecret
fe re-
nouvelle ; on fait
plufieurs Merits de
patt& d'autrepovu
DES MA
5. Paul) ; fes ver-
ms & fa mori, 183,
184.
'Arnauld (Anne Eu-
genie de VIncarna-
tion
) ; fa conver-
fion , 66 , &c. Elle
prend l'habit a P.
R. 69 Elle eft en-
voiee au l.ys pour
travailler a la ri-
forme de ce mo-
naftere, 119.
Arnauld ( Madelai-
nc ) ;
elle fe fait
religieufe a P. R. ;
occafion de fon en-
tire en religion ,
16 , &c.
'Arnauld {Marie Clai-
re ) ;
idee de fa ver-
ru d£s fon enfance,
64. Elle entre en
religion , 66. Elle
eftenvoideauTard
par M. de Langres,
i {5.Perilsaufquels
elle eft expofee
dans ce voiage ,
i«8. B
X5 Ardeau ( Ma-
dame ) , bienfaitri-
trice de P. R. 161.
r c
KjH A M £ S S O AT
(Saur Anne de Je~
-ocr page 486-
L E
P
JL In E AV ( Ge-
nevieve de I'Incar-
nation
) : fon en-
tree finguliere en
religion , 16} ,
&c.
Pontcarre ( Madame
de
) ; elle fe re-
tire a Port-roial,
160. Elle en fort,
161.
Portro'ial ( Abba'ie
de
) > fafondation ,
1 , &c. Ses privile-
ges, 6, 7. Sesbien^
faiteurs , j , &c.
Etat de cette Ab-
ba'ie lorfque la Me-
re Angelique Ar-
nauld en prit pof-
fertion, 11. Ce mo-
naftere eft refor-
ms, 3 j , &c. Le
bruit de fa reTorme
y attire plufieurs
Religieufes etran-
geres,37. Image de
P. R. apres fa re-
forme , j 8 , &c.
Fervcur du novi-
ciat de P. R. in.
EtablifTement de
P. R. a Paris, 117,
&c. Plufieurs mai-
font religieufes
jzS                   T A
le jufbifier & pour
le blamer , 196 ,
&c. II eft fauife-
ment attribue' a M.
de S. Cyran j de-
claration do la Me-
re Agnes a ce fujet,
199. Lettre de M.
le Mairre a la Mere
Agnes fur cette dif-
pure , 101 , &c.
Reflexions fur le
Chapelet fecret Sc
fur le langage des
myftiques , 108.
L
NY ( Madame
de )
; clle fait une
retraite dans la
maifon du S. Sa-
erement; fa mort,
fa pie'te' , 7.4,7 , &c.
Ligny { Madelaine de
Ste Agnes de
) ;
clle eft emmenee
par la Mere Ange'-
Jique au monaftere
du S. Sacrement,
179, On vein l'o-
bliger de fortir de
certe maifon acau-
fe de M. de S. Cy-
ran;elle le refufe.Sc
jnfiifie la conduite
de ce S. Abbe, 161,
-ocr page 487-
IERES.          $1,
me ) Etat des Reli-
gieufes de P.R. a
Paris , leur conten-
tement au milieu
des plus gtandcs in-
commodite's, 119,
&c.
S
AcREMENT
{lnflitutdu Saint) :
origine de cet inf-
titut, 144. DeTauts
dans l'etablitfement
de cet ordre , 1J5 ,
&c. Lettres paten-
tee pour 1'etabIifTe-
ment de cet ordre ,
17J. M. l'Archeve-
que de Paris tefufe
d'abovd fon confen-
tement, 176. Con-
ditions qu'il exige
en y confentant ,
vaincu parlesfolli-
citations de la Du-
cheffc de Longue-
ville , 176 , 178.
II envoie a ce mo-
naftere M. de Con-
tes pour s'y infor-
mer de la conduite
de M. de S. Cyran
dans cette maifon ,
1*4. II y va lui-
meme ; £loge qu'il
fait de la Mere An-
gdlicjue & de M. dc
DES MA
font excises a la
reTorme paiTexem-
ple de P. R. 135,
136. A Alliance per-
petuelle devant le
S. Sacrement eta-
blie a P. R. 145 ,
&c. La devotion de
P. R. au S. Sacre-
ment fe repand ;
guerifon miracu-
leufe de Mademoi-
fellede Druy, 1 jo.
Trait d'un bon Pat-
fan de Grenoble a
1'cgard de cette
guerifon , ifz.
Conftru&ion du
grand batimcnt de
P. R. 1 So. Premie-
re petfccution con-
tre P. R. 18 j , &c.
Avantage que P,
R. tire de la difpu-
te fur le Chapelet
ftcret ,
rio.
Port roial( Religieu-
fes de ) :
genre de
vie des premieres
Religieufes deP.R.
8 & juiv. Elles fe
multiplient , 113.
Tcmoignages de la
Cour en faveur de
ces religieufeSjiij.
Voie^ Lettres pa-
tentesdeLouisXIII
a la fin de ce yolu-
-ocr page 488-
L E
frit ; fes ventre,
fesdefauts, Ij8.
T
X Abdit ( Gene-
vieve de S. Auguf-
tin le)
i elle eft elue
Abbefle de P. R.
171 Elle fait des
changemens dans
le gouvernemenr,
par infpiration de
M- de Langres ;
depeViflemenc de la
piete pendant fon
premier triennal >
171. Chagrins cau-
fes a la Mere Ang&-
lique, 175. Elle eft
envoiee par M.
l'Archeveque au
monaftere du S.
Sacrement pour en
etre Supeiieure ,
iS6.
V
V E R G I E R de
Hauranne{ M .du)
Abbe de S. Cyran ;
fa naiflance ; fes
Etudes, 21} , &c.
Ses lumieres, 110,
Sec. II fe lie d'ami-
tie' avec M, Janfe-
nius, x\6. Scs pre-
miers ouvrages ,
|58                   TA
S. Cyran,t<f4, iSy.
II y donne 1'habic
du S. Sacrcment ,
16 6. 11 rait propo-
fcr aux Rtiigieufes
d'acheter unc autre
maifon , ou de re-
tournera P.R.zftS.
Les Religieufes du
S. Sacres.ent pren-
nent le parti de re-
tourner a P. R.
168 , 169.
Singlin ( M. ) ; il
confeife a P. R. &
eft envois au mo-
nafterc du S. Sacrc-
ment pour y tenir
ia place de M. de
S. Cyran , 160.
Suireau ( Marie des
Anges
) ; Ton en-
tree en religion ,
no. Elle eft en-
vo'iee au Lys, 119,
111. Sa mere &
une de fes fceurs fe
font religieufes a
P. R. in. Eliede-
vient coadjutrice
de MaubuifTon ,
1 ? 1. Enfuite Ab-
befle , 135. Avis
qu'elle recoit de la
Mere Angelique en
partant pour Mau-
buiflon , 134.
Suzanne du S. FJ-
-ocr page 489-
DES MA
QucJIion roiale, 5*
Apologie pour VE-
veque de Poitiers ,
ii 6, &c. Sentiment
de M. Dupin fur
ces deux ouvrages,
no. M deS. Cy-
ran fe lie avec la
famille de M. Ar-
nauld , no, Sec.
II preche a la mai-
fon du S. Sacre-
ment , 117. Senti-
ment du P. Ame-
lotte fur fes predi-
cations ; temoigna-
ge public rendu a
M. de S. Cyr.in par
M. de Laval Eve-
que de la Rochcllc,
118 II confent de
IeonfeiTer les Reli-
gieufes duS. Sacre-
ment; conduite de
la Mere Ange'ique
en cette occafion ,
118 , Sec. Benedic-
tions que Dieu ri-
pand fur fon minif-
tere , i)< > Sec.
Defcription des
fruits de cette di-
rection par la Mere
Madelaine de Li-
guy , 159 i Sec. II
s'eleve un orage
centre M de S. Cy-
tau j pn iadifpok
TIERES.         j3i
contre lui le Chan-
celicr Sdguier, pour
l'obliger de s'eloi-
gner de la maifon.
du S. Sacrement,
ij8 , &c.
1/ A m e T ( M. )
Eveque de Lan-
gres ; fa conver-
fion , I4I. II de-
vient ]e confeil de
la MercAngelique,
141. II envoie des
Religieufes de P. R.
au Tard ; dangers
auxquels elles font
exposes dans cc
voi'age , i6( , Sec.
II fait venir des Re-
ligieufes du Tard a
P. R. pour gouver-
ner la maifon & ea
changer l'efprij ,
169. Idees de M.
Zamet fur l'inftitut
du S. Sacrement,
177. II fait'eon-
noilfance avec M.
de S. Cyran ; efti-
me qu'il en fait,
114. II le prie dc
prendre (oin des
Filles du S. Sacre-
ment , ii5. Sa ja-
loufie contre M.
-ocr page 490-
f)i TABLE DES  MATIERES.
de S. Cyran , xyi.        ChamefTon & Ma-
Elle eft fomente'e        dame de Pontcat-
par la Sccur de        r£, if).
firt <fc /<» r«jWe </« Matures.
ERRATA.
x Age t, dans la note , dont on voit, lifer
dont on vo'ioit autrefois.
Page 10 , dans la note ,dlafin, lif. i /a tele.
Page 94 , ligne i; , effacez. d' Andilly , lif.
Arnauld.
Page I j 3 , note , 324 , lif. 554.
Page 114 , lig. 11, du memoire , lif. its mi-
moires.
Page 177 , lig. 18 , Au. long , lif. Au bout.