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HISTOIRE
GENERALE
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PORT-ROIAL.
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ZcS
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HISTOIUE
GENERALE
D E
PORT-KO I AL.
DEPUIS LA REFORME DE L'ABBAIg
jufqu'a fon entiere deftru&ion,
TOME PR.
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A AMSTERDAM,
Chez JEAN VANDUREN, mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm-
M. DCC. L\fc
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PREFACE.
JL-i A reforme du Monaftere de Port-
roial des Champs par la Mere Ange- lique Arnauld, a fait tant d'eclat dans le dernier fiecle , & elle a eu des flu- tes fi heureufes pour la France en particulier, & pour toute TEgli- ie en general, qiul n'eft perfonne qui ne doive s'intereffer a. l'hiftoire de ce monaftere peut-etre le plus c6- lebre qui fut jamais dans le monde chretien. II a paru depuis quelques annees
plufieurs ecrits en forme de memoi- res & de relations, pour fervir a l'hifloire de P. R.; ces ecrits font remplis d'onftion & de lumiere , & ne refpirent par-tout que la piete chretienne. Les Fideles les ont lus avec un empreffement etonnant. lis les lifent encore avec un extreme plaifir & ne s'en laffent pas. Cepen- dant ils ne font pas pleinement fa- tisfaits, parceque ces ecrits , quel- qu'excellens qu'ils foient , ne for- |
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A
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i) PREFACE.
merit pas une hiftoire complette &
fuivie de P. R. Plufieurs fe plaignent meme de ce que Ton a difFere jufqu'a prefent de leur donner un tel ouvra- ge. {a). Cette plainte , il faut l'a- vouer , eft bien fondee ; ce defir eft legitime , & il feroit a fouhaiter qu'il fe trouvat quelqu'un en etat de pro- curer aces ameschretiennesla jufte fatisfa&ion qu'elles defirent, & que leur pi^te merite. Avanwge Quel avantage ne procureroit-on nimokc de Pas * ces Fideles , en leur donnant rprc-ioiai. une hiftoire fuivie , exa&e & de- taillee de tout ce qui concerne la fainte maifon de P. R- des Champs ? Quelle gloire une telle hiftoire n'ap- porteroit-elle pas a la religion , ft on mettoit au jour la vie & les ver- tus des Vierges chretiennes qui fe font confacrees a Dieu dans ce de- fert, & des perfonnes qui s'y font fancrifiees , ou qui leur ont ete unies par les fentimens , ou par quelque liaifon particuliere ? Ou trouvera- t-on plus de piete fincere jointe a plus de lumiere ; plus de faintete jointe aux plus grands talens de l'ef- ( *) L'Auteur parle ainfi , parcequ'il n'avoit encore
paiu aucuuc hiftoire fuivie de P. R. Jorfiju'U ecrivojt la iicime. |
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PREFACE iij
prit & aux plus rares qualites du
coeur ? Ne pourrions-nous pas merae dire , fans crainte d'exagerer, que ce qu'on eftime davantage parmi les perfonnes confacrees a Dieu dans les plus beaux jours de l'Eglife , ne fur- pafle pas tout ce que P. R. a renfer- me ? N'y a-t-on pas vu dans un me- me tems la penitence des plus aufte- res Anachoretes ; la fcience & la lumiere des Dodeurs les plus eclai- res; la force & le courage des Con- feffeurs les plus genereux ; des per- fonnes de tout age , de tout fexe marcher conftamment dans la voie etroite qui conduit a la vie , &c etre , par l'ardeur de leurs prieres & la faintete de leiu-s moeurs , la con- folation de l'Eglife & le foutien de l'Etat. On entendoit du fond de ce defert une voix femblable a celle qui encourageoit autrefois S. Auguf- tin a embrafler la vertu, laquelle s'e- toit montree a lui avec une multitu- de de Saints qu'elle avoit autour d'elle , & ou il voioit des perfonnes de tout age (a), des enfans, de jeu- (<t)Ibi tot Pueri & Puellx, omnibus ipfa continentia
ibi Juventus multa & om- nequaquam fterilis, fed
nis stas, 8c graves Vidua fcecunaa Mater filiorum.
& Virgines anus, & in L. 8 Confeff. Ch. u.
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a ij
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iv PREFACE.
nes gens, de jeunes filles , des veu-
ves venerables par leur grand age , & des vierges qui avoient vieilli dans la ehaltete. Quoi, difoit la vertu a S. Auguftin , en lui montrant ces modeles , ne pourrez - vous pas ce qui eft poflible a tant d'autres de tout age & de tout fexe ? Tu non pouris quod ijli & ifl& ? Tel etoit le fpeftacle que prefentoit P. R., & la voix qui fe faifoit entendre du fond de ce faint defert. II eft etonnant que parmi un ft
grand nombre d'amis de P. R. fi at- taches a. cette fainte tnaifon, il ne fe foit jufqu'a. prefent trouve perfon- ne qui nous ait donne une hiftoire auffi intereftante. lis ne manquoient afTur<§ment pas de talens pour ecrire, ni de zele pour l'honneur de P. R. a qui une telle hiftoire feroit fi glo- Tieufe ; ni d'ardeur pour le falut du prochain, auquel elle feroit fi avan- tageufe. II eft inutile de penetrer les motifs qu'ils ont eus de garder le fi- lence. Nous ne pouvons cependant que gemir d'etre prives d'un ouvra- ge fi important, & qu'aucune main ne peut aujourd'hui executer com- ine il I'aurojt ere par quelques-uns fie ces grands hommes qui ont eii |
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P R E F A C E. V
Tavantage d'etre lies avec cette fain-
te maifon avant fa deftru&ion. Neanmoins les fecours ne man-
quent pas. Les memoiresde M. Fon- taine , ceux de Mrs Lancelot &c Du- foffe , les relations de la vie de la Mere Angelique , de (cs admirables fceurs & nieces , le necrologe de P. R., & tant d'autres ecrits , foit imprimes , foit manufcrits , faits par des perfonnes qui ont vu , ou appris de temoins oculaires, tout ce qu'ils ont ecrit, font des trefors , 8e four- niffent une ample matiere pour for- mer un corps mivi d'hiftoire. Tout femble prepare; & ces materiaux n'attendent qu'une main habile pour les emploier & les mettre en oeu- vre. Mais ou trouvera-t-on cette main ?
II faut des Athanafes pour ecrire la vie des Antoines ; des Jeromes pour celebrer les Paules , les Marcelles, les Euftoquies. Qui ofera entrepren- dre l'hiftoire de ces perfonnes qui , pour me fervir des expreffions de Theodoret , » ont paffe leur vie » dans (a) des travaux immenfes , ( a ) Qui per innume- Sc affli&ionibus corpus da-
tos labores vitas iter in- muerunt , ac rifus quidem grelli funt, fujloribufijue alicitionem igriorarunt , |
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a ui
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vj PREFACE.
" clompte leurs corps par les fati-
" gues & les aufterites , vecu dans " les larmes &c les gemifTemens, fans « favoir ce que c'eft que les ris ; » pour lefquels les jeiines etoient " des banquets de Sabarie ; qui re- " gardoient les veilles les plus lon- » gues &c les plus penibles comme » un doux fommeil, la terre toute " nue comme un bon lit; qui fai- " foient leurs delices de la priere & " du chant des pfeaumes, dont ils " etoient infatiables ; enfin qui ont » embrafle & pratique routes les " vertus. II n'eft point d'eloquence " qui puiffe y atteindre. Ainu parloit le celebre Theodo-
ret , en fe difpofant a ecrire la vie des Solitaires d'orient. » J'ai be- » foin (b), dit encore le meme Au- |
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pro dignitate collaudetf
Theod. T.;.p.7Si. Hilt. Relig. Proleg. ( b ) Hoc milii quoque
in pra:fentia opus elt au- xilio , qui coner vitam confcribere Sanctorum , qui paulo ante nos , 8c noflris remporibusclarue- ruut, 8c quafdam veluti leges velim , imitari eos cupientibus , proponere. Illorum ergo invocaudae funt preces. |
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inluttu autem 8clacrimis
omncm vitam confumpfe- lunt : qui dclicias Syba- riticas, jejunium exiltima- runc ; fomnum autem fuaviflimum, laboriofas vigilias; molle ftragulum, duritiem foli ; immen- lam 6c inexplebilem vo- luptatem , in orationibus pfalmorumque cantibus verfati. Hos , qui omne genus virtutis complex! Tunc , quis non jure ad- jniretur , yel potius quis |
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P kE F A C E. vij
«> teur , du fecours de la grace , en
»> entreprenant d'ecrife la vie des »> Saints qui ont vecu avec nous , » ou peu avant nous , &c de les pro- » poier pour modeles a ceux qui » veulent les imiter. II faut done » avoir recours a leur interceffion. Si un Ecrivain auffi recommanda- ble par les qualites de l'efprit & du coeur, que Theodoret, a parle de la forte , a combien plus forte raifon devons-nous tenir ce langage , & en- trer dans ces difpofitions , nous qui n'aiant ni fes talens pour ecrire , ni fes lumieres , ni fa vertu, entrepre- nons d'ecrire l'liiftoire de P. R. Trop de complaifance pour des amis ref- pediables , & trop peu de reflexion fur nos forces nous ont engages a entreprendre un ouvrage qui les fur- paffe de beaucoup. C'eft un aveu que la verite demande de nous : & en re- connoifTant le befoin que nous avons de la grace pour reuflir dans cette entreprife , nous avons la conflance de l'obtenir par la puiffante intercef- fion des Vierges chretiennes, en qui cette grace a fait eclater fes admi- rables effets , & des faints Solitaires de ce defert , qui font defendue avec tant de zele & de courage. a iiij
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viij PREFACE.
Qui pourroit, fans ce fecours , faire
Thifloire d un monaftere , qui, de- puis le commencement de fa refor- me a ete comme un fanttuaire , ou Dieu a reuni tons les dons de fa gra- ce & de fon efprit ? Aiant fait de finterieur de la maifon une ecole de piete pour les filles , & de l'exterieur une retraite de faints Penitens, il s'y forma autant d'adorateurs en efprit & en verite , qu'il y avoit de per- fonnes qui habitoient ce faint defert, ou meme qui le frequentoient. Leur vie pure, leur conduite fain-
te , toutes leurs actions ediflantes meritent d'etre confervees a la pof- terite , pour fervir de modele aux perfonnes qui tendent a la perfection. » Dans tous les terns (a), dit Saint |
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< a ) Semper quidem
opere prerium fuit illuf- tre* San&orum defcribere vitas, ut fint in fpcculum & exemplum ac quoddam vcluti condimentum vita: humane fuper terrain. Per hoc enim quodammodo apud nos, etiam poft mor- tem , vivunt, multofque ex iis qui vivcntes mortui funt , ad veram provo- cant & revocant vitam. Verum nunc maxima id requirit raritas fandtita- tis , & noftra plane a?tas iaops virorum. Quam fa- |
ne inopiam fupernos adeo
invaluifTe fentimus , ut nulli fit dubium ilia fen- tenria nos feriri : Qmo- niarn abundavit iniqwtas 9 refrigefcel caritas : tc ut fufpicor ego , aut pra?ftd , aut prope eft , de quo fcriptum eft : Facirm ejus fractdet e^eflas. Ni fallor, Amichriffus eft iftc quem fames aut ftctilitas totius boni, & prajit 8c comita- tur. Sivc igitur nuntia jam prsfentis , five jam jam adfututi pramuntia,egeftas in evident] eft. Tacco vul- |
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PREFACE. ix
w Bernard , il eft bon d'ec'rire les
» vies des perfonnes qui fe font ren-
» dues celebres par leur faintete ,
» afin qu'ils fervent d'exemple, de
»» modele & meme de confolation a.
» ceux qui reftent fur la terre. Par-
» la ils vivent en quelque forte par-
» mi nous apres leur mort; ils re-
» tirent meme de la mort, & rap-
» pellent a une veritable vie plu-
» fieurs qui etoient morts , quoiqu'ils
" paruffent vivans. Mais , continue
" S. Bernard , la rarete de la fain-
» tete Fexige aujourd'hui plus que
" jamais : car notre fiecle eft dans
» une grande difette d'hommes.
" Nous fentons tellement cette di-
» fette , qu'il n'eft perfonne qui
" puiffe douter que nous ne foions
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hubentcx , inquiunt, hit
contcnti fimus. Ubi forma hare ? In libris cernimus earn , fed non in viris... Sed vide quid egimus. Quaerebamus virum opti- mum , liberatorem mul- torum , & ecce labora- mus in invemeiido , qui fe ipfum falvum ftcere polfit. Optimus hodie eft, qui non eft nimis malus. Unde quoniam a tena de- fecit Sanftus , &c. S. Ber~ nardi Pr;ef. in vita S. Mi- lachia:. a v
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gus , taceo vilem hujus
faculi nuilrkudinem ; in ipfas Ecclefia: columnas Toto oculos leves. Quern mihi oftendas vel de illo- rum numero , qui viden- tur dad in lumen gen- tium , non magis de fu- blimi fumantem quam flammantem > .. . . Quem item des mini contentum neceffariis , contempto- tcm fuperfluoTum ? Lex eft tamen prxfixa ab Apofto- lis Apoftolorum succeflb- ribus , Viil»m & ve/lit/im |
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x PREFACE.
» arrives aux tems marques par Cesr
» paroles de Jefus-Chrift : Parceque » I'iniquite (a )Jera montee a/on com- » ble , la chariti de plujiturs Jc nfroi- » dim ; &c comme je le conje&ure, » celui dont il eft ecrit, la (b) difttte » marcht dtvant lui , ou eft deja ar- ,1 rive , on doit arriver inceffam- m merit. Si je ne me trompe , celui => que la faim & la fterilite de tout m bien accompagnent& precedent, " c'eft l'Antechrift. Mais la difette eft » certaine , foit qu'elle foit une mar- » que qu'il eft deja arrive , foit « qu'elle annonce fa prochaine arri- »» vee. Je ne parle pas du peuple , ni » de cette vile multitude des enfans » du fiecle ; je veux que vous jet- » tiez les yeux fur les colomnes me- « mes de l'Eglife. Qui me ferez- » vous voir parmi tous ceux qui » font £tablis pour etre la lumiere » des nations , qui du lieu fublime m on il eft place , ne jette de la fu- » mee au lieu de repandre la clart6 w & la lumiere ? Qui me trouverez- » vous qui foit content du neceffai- » re & meprife le fuperflu ? C'eft w cependant une Loi etablie par les (< > Math. 24-
(4) 3el». 41. |
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PREFACE. xj
m Apotres, pour fervir de regie a
» leurs fucceffeurs : Aiant La nourri- » ture & It vetement, folons contens. " Ou eft cette regie de conduite ? » Nous la voions dans les livres , » mais non dans les hommes.....
» Voiez oil nous en fommes reduits;
» nous cherchions un homme de bien " qui put fervir au lalut de plufieurs, » & nous avons peine a en trouver » un feul qui puifle fe fauver lui-me- " me. C'eft etre aujourd'hui tres bon » que de n'etre pas extremement » mauvais. Optimus hodii ejl, qui non » efi nimis ma/us. Les terns ne font pas meilleurs au-
jourd'hui qu'ils l'etoient lorfque faint Bernard parloit de la forte. He , plut a Dieu qu'ils ne fuffent pas plus mau- vais ! Puifqu'il n'y a done prefque plus de Saints fur la terre , rappel- lons-y en quelque maniere ceux qui font dans le ciel, qui ont vecu de notre terns , ou peu avant nous. Pre- nons-les pour nos modeles. Pouvons- nous en prendre de meilleurs que ces pieux Solitaires , & ces dignes Epoufes de Jefus - Chrift , qui par leur vie edifiante dans le defert de P. R. ont ramene ces terns heureux qui donnerent naiflance a l'Eglife ; a vj
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xij PREFACE.
qui, "Yefnplis de Tefprit de ce pre^
mier age , en ont retrace toute Van- cienne fplendeur par la purete de leur foi, par leur zele pour la veri- te, par leur mortification & leur pe- nitence ; qui pendant l'efpace de cent ans ont ete une image vive & achevee de tout ce qu'il y a eu de plus parfait dans les fiecles prece-. dens? II faut envifager le grand ouvrage
de P. R. dans toute fon etendue, pour ne pas feparer ce que Dieu a reuni. C'eft pourquoi nous embraf- ferons dans cette hiftoire tout ce qui le compofoit, les Savans, les Doc- teurs qui ont eclair^ TEglife par leurs ecrits lumineux , les Solitaires & les Vierges qui l'ont edifiee par leur piete , confolee par leur penitence, ranimee par leurs exemples, foute- nue par leurs prieres , e^onnee par leur conftance a defendre la verite & a eviter tout ce qui pouvoit blef- fer la delicateffe de leur conscience. verm? des La vie des Vierges chretiennes qui dePgiR,f" compolbient la Ste communaute de P.R. etoit plus angelique qu'humaine. Union. yne unjon parfaite qui regnoitentre les foeurs , ne formoit de toutes qu'un coeur 6c qu'une ame. Elle les portoit |
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PREFACE. xtff
a fe prevenir les lines les autres dans
toutes les occasions , les reuniffoit tellement dans les memes fentimens , qu'il n'eft jamais arrive ( chofe re- marquable) que dans les elections de leurs Superieures on ait ete oblige^ d'aller deux fois aux fufFrages. La charite dont elles etoient animees , leur faifoit toujours chercher ce qui pouvoit etre utile & commode aux autres, & jamais a elles-memes. Que ■ dirai - je de l'eloignement qu'elles avoient pour les honneurs & les di- gnites, regardant comme une efpece de facrilege, le defir des moindres offices ; de cette fainte avidite^ pour les humiliations , qui leur faifoit met- Humilitf; tre leur gloire a rechercher avec em- preffement l'etat humiliant de Con- verfe ; de leur noble emulation a s'avancer dans la vertu; de la confian- ce parfaite qu'elles avoient dans leurs dignes Superieures, leur decouvrant jufqu'aux moindres mouvemens de leurs coeurs; de leur detachement fietache^ abfolu de toutes les creatures; de ment* leur charite ingenieufe a foulager les pauvres & les affliges; de leur atta- chement inviolable a la juftice & a la verite , qui leur a attire de fi lon- gues & de fi cruelles perfecutionsi |
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xiv PREFACE.
de leur fenfibilite pour les biens oft
les maux , les nieces ou les malheurs de l'Eglife; du foin infini qu'elles pre- noient pour elever la jeuneffe dans l'efprit du chriftianifme , leur infpi- rer une vive crainte de Dieu & une horreur extreme des moindres fail- tes ? Dtinteref- Quedirai-je de leur defintereffe- i.viu. ment fans exemple ? On ignoroit dans ce faint Monaftere l'art de met- tre a prix ce qui eft un don de la mi- fericorde de Dieu. II ne falloit point de richeffes pour pouvoir acquerir le titre de pauvre evangelique. Ce n'etoit ni la faveur, ni le credit, mais le merite feul , qui ouvroit Tentree de cette fainte retraite. Une fomme de quatre-vingt mille livres ne fut point pour ces Epoufes de Jefus- Chrift un appas capable de les enga- ger a recevoir parmi elles une Dame de qualite qui le demandoit avec inf- tance , & qui portoit raeme deja l'habit de Novice (a). Ce n'eft pas-la le feul exemple ex-
traordinaire du defintereflement des Religieufes de P. R. Parmi un grand nombre d'autres , on n'oubliera ja- mais la generofite avec laquelle el- M Madame de Crevecocut.
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PREFACE. xr
Ics cederent aux Urfulines de Ba-
zas , tout le bien qu'un Gentilhom- me de cette Ville leur avoit laiffe par un Teftament olographe (a). Les motifs de cette donation, ex-
primes dans TAfte , ne font pas moins edifians que la donation elle- meme. (b) " Des perfonnes confacrees a
» Dieu , difent-elles , doivent fe re- » jouir de pouvoir lui temoigner » dans les occalions qu'il leur offre " par fa providence , qu'elles font » tres perfuadees de cette verite for- » tie de la bouche du Sauveur du » monde , qu'*7 y a plus de bonheur » a donntr qua recevoir , & qu'elles » ne fauroient attirer fur elles FerRi- » fion de fes graces, qui font les » richefles du ciel, que par un fince- » re derachement des richeffes dela w terre. Elles ont cru devoir montrer |
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ment fut conhrmc par Ar-
ret du Parlement de Bour- deaux , rendu le 15 Juillet I6r4. Les Religieufes de P. R. etant maitrelTes de ce bien , le cederent ge- nereufement aux UrfuU- nes de Bazas, qui etoient pauvres, par A<Se pafle pardevant le Caron 8c Gallois , Notaires , le premier fept. 1*55. (I) Suppl. duNec. p. 351 |
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(«) M. de Quincat-
non, Gentilhomme de Ba- zas , qui ne connoifloit les Religieufes de P. R. que de reputation , leur laiiTa tout fon bien par un Teftament olographe du if Juillet 164s , a con- dition de s'ecablir dans fa maifon de Bazas. Par tui Codicile du i4Fev. 1647, il les dechargea de cet- te condition. Le TelU- |
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xvj PREFACE.
» leur foi par leurs oeuvres en cette
» occaiion , & fuivre dans leur con- » duke cette maxime evangelique , » fur laquelle eft appuiee toute la » fubfiftance de leur maifon : Que " des perfonnes de leur condition ne ,> manqutnt jamais de biens temporels , » quand el/es ne cherchcnt que les eter- •» nels. C'eft pourquoi , confervant « precieufement &c comme unriche » don de Dieu, le mouvement qu'el- » les ont re$u de fa grace, &c des » confeils de fes ferviteurs , de ne " prendre aucune part en cette fuc- » ceffion , que la joie d'en pouvoir " affifter de rkleles fervantes de « Jefus - Chrift, & de donner par " charite ce qui leur a ete donne paj » la raeme charite , elles ont cede » aux Religieufes Urfulines tous les » droits qui leur appartiennent par » le teftament & le codicile de M. » de Quincarnon. Trouveroit-on ailleurs qu'a P. R.
des exemples d'un tel definterefle- ment, & d'une femblable generofite? obeiflance. Toutes les autres vertus chretien- nes & religieufes n'y etoient pas dans un moindre degre. Avec quelle religion y regardoit-on la fainte loi de l'obeiffance ? C'etoit 1'amour |
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PREFACE. xvij
qui obeiffoit, comme c'etoit auffi l'a-
mour qui faifoit le commandement. Quelle horreur y avoit-on du fiecle, dont on s'etoit eloigne encore plus par la difpofition du coeur , que par la diflance des lieux ? Tous les noms vains & fuperbes en Etoient bannis; on n'y connoiffoit que Dieu pour maitre & pour feigneur; & les noms fi aimables de freres & de foeurs etoient les feuls titres ou Ton mettoit fa gloire. Leur vie etoit toute cachee en Dieu , & elles Etoient mortes a 1'egard de tout le refte. Si une juile neceflite les obligeoit de paroitre de- vant les hommes, ce n'etoit jamais que fous le voile facre , qui etoit le fymbole de leur mort au fiecle, & la marque de la puiflance du celefle Epoux, pour lequel elles vivoient. Jamais il ne fortoit de leur bouche que des paroles edifiantes : toutes plaintes , tous murmures, tout juge- ment temeraire , & generalement tout ce qui pouvoit etre contraire a la charite , etoient abfolument ban- nis ; auffi un des Viliteurs de cette fainte maifon, qui d'ailleurs ne lui ^toit guere favorable , ne put s'em- pecher de leur rendre juftice en di- fant : Que dans beaucoup d'autres mai- |
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Xviij PREFACE,
fons , on avoit bien des affaires d'entert-
dri toutes les plaintes que les foeursfai- foient de leurs Superieures , & les unes des autres ; mais qua P. R. chacune ne fe plaignoit que de foi-meme , & 7lac- cufoit que fes propres fauces. Les momens que la priere & la
meditation de la loi de Dieu laiffoient vuides, etoient remplis non d'amu- femens vains & pueriles , mais d'oo cupations ferieufes & faintes. Ou el- les travailloient de leurs mains pour revetir Jefus-Chrift en la perfonne de fes membres ; ou elles lui for- moient des epoufes & des fervan- tes dans les enfans confies a leurs foins. Leur penitence etoit digne de tems
plus heureux que les notres ; & qui pourroit raconter toutes les faintes rigueurs que ces innocentes vi&imes exercoient fur elles ; Leurs ieiines aufteres & prolonges jufqu'a l'ex- tremite du jour , leurs veilles pref- que continuelles ; & ennn cette vie toujours uniforme , toujours ferieu- fe, fans melange d'aucune de ces confolations qu'on appelle commu- nement innocentes , & qui ne trou- voit de terme que dans la mort ? G> mort precieufe que celle qui couron- |
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T RE FACE. xix
ne une telle vie ! O cendres facrees ,
cachees dans ce vallon ! puiflent les miennes fe joindre a vous au grand jour , &; avoir part a votre gloire ! Puifle-je mourir de la mort de ces Jiiftes , & avoir une fin qui reflem- ble a la leur ! Ce n'eft-la qu'une foible image de
la vertu des Religieufes de P. R. des Champs , &c une legere idee de Tin- terieur de cette fainte maifon. L'ex- terieur de ce facre defert n'etoit pas moins admirable , ni moins edifiant que l'interieur. P. R. n'a pas feulement ete un solitaira*.
monaftere qui a fervi d'afyle a un de P- R' grand nombre de Vierges chretien- nes que Dieu a appellees dans la fo- litiide , pour s'y fandifier par la pra- tique des obfervances de la vie reli- gieufe ; il nous prefente encore au dehors une multitude de pieux Soli- taires de tout age , de toute condi- tion , qui par leur vie auftere & leur fincere penitence ont fait l'admira- tion des hommes Chretiens fur la terre , & la joie des Anges dans le ciel. Nous y voions des Princes &c des Princeffes, des Dues & des Du- chefies , des hommes d'epee & de robe , d'habiles Philofophes , des |
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XX PREFACE.
genies fublimes , de profonds Thfo-
fogiens, des Medecins, &c. pour lefquels ce faint defert a ete , dans l'ordre de la providence , une odeur de vie &c line fource de la vie eter- nelle. Ici fe prefentent a l'efprit les Duchefles de Longueville , les Dues & Ducheffes de Liancourt, les Pont- chateau, les le Maitre, les Sericourt, les Saci, les Pafcal, les Arnauld , les Nicole , les Hillerin , les Hamon , les Dodart , & tant d'autres qu'il fuffit de nommer pour en faire l'elo- ge. He ! quel eft l'homme qui fe foit diftingue dans le dernier fiecle par le merite , la fcience & la piete , qui n'en foit redevable a P. R. , ou par Tavantage qu'il a eu d'habiter ce faint defert, ou par des liaifons particu- lieres avec ces faints Solitaires , ou par la ledure de leurs admirables Ecrits ? Enforte que Fhiftoire de P. R; eft a proprement parler , le plus beau morceau du dix-feptieme fiecle. Ce fiecle , qui eft lui-meme l'un des plus beaux fiecles que l'Eglife ait vus depuis fa naiffance , eft redevable a P. R. de fa gloire & de fa fplendeur. Oui, je ne crains point de le dire , ou plutot de le repeter d'apres un refpettable Auteur : » L'Eglife de- |
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PREFACE. xx j
i> puis fa naiffance (a) , n'a guere
" vii dc fiecle qui fiit plus eclaire ■» que celui-ci; &c M. de Saci a dit » bien des fois, que s'il eiit eu un « liecle a choifir pour y naitre , il » n'en auroit point choifi d'autre &c. » Aufli ce bienheureux defert ren- » fermoit-il en meme terns & tou- »» te la lumiere des plus grands Doc- " teurs, & toute la plus grande fain- » tete des parfaits Solitaires. Frappe du fpe&acle admirable de
P. R., le grand Colbert s'ecrie avec admiration : » Je vois (b) dans les » Solitaires un amour pour la peni- » tence qui me rappelle les plus » grands exemples de Fantiquite ; » dans les Religieufes, un definte- » tenement, une purete , une re- » gularite , qui me frappent. Leurs » conftitutions me paroiffent pleines » de fagefle & de difcretion. Mais » ce que j'admire le plus , c'eft la » fidelite & la conftance a les pra^ .. tiquer. Le fdence, le travail des » mains , la pauvrete , le mepris de •■> foi-meme , Tobeiflance , la priere, » le chant des pfeaumes , tout m'en- (a) Font. Tom. i. p. ?<?.
( b ) M. Colbert, Eveq. de Montp. , Ipitruit. fur
ks Miracles, tome i , p. 52. |
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xxij PREFACE.
» leve. Les aumones continuelles ,'
» la eharite immenfe pour tous
,1 ceux qui font dans le befoin , fains
« &c malades , mille bonnes oeuvres
» connues des hommes , un plus
» grand nombre qui ne font connues
» que de Dieu , des miracles faits
« en certains momens pour tirer
M d'oppreffion celles qu'on veut op-
« primer; tout cela me dit que ce
» n'eft point une Babylone mau-
v dite.
" Dans les ouvrages des Theo-
y, logiens , quelle lumiere, quelle
» beaute , quelle force ! Je les vois
» exceller en tout genre d'ecrire. Us
» m'irllruifent , ils me confolent,
« ils m'ediflent. Ils nfapprennent k
» connoitre la religion, & plus enco-
» re a Taimer : ils la defendent con-
sj tre les ennemis du dehors, ils la
v protegent contre les ennemis du
» dedans. Ils affurent a la grace de
»» Jefus-Chrift fa toute-puiflance fur
» les coeurs. lis rendent a la morale
v fa purete ; a la difcipline fon inte-
" grite, Ils confondent leurs calom-
v niateurs ; ils renverfent les here-*
»» fies ; ils vengent l'innocence op-
» primee. Toujours accufes , & ja-
» mais convaincus. Toujours oppri-
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PREFACE. xxiij
» mis , & toujours vi&orieux. A de
" tels cara&eres peut-on meconnoi- " tre le doigt de Dieu ? Joignons a ce beau temoignage en
faveur de P. R. , la peinture fidele , & l'admirable defcription que fait en peu de mots de cette fainte mai- fon, une Dame celebre par fes Let- tres : » C'eji une Thebaide , s'ecrie avec » admiration cette Dame , c'efl un « Paradis que ce P. R. C'eft un defert, •» oil toute la devotion du chriftianif- » me s'eft rangee ; c'eft une faintete " r^pandue dans tout le Pais , a une m lieue a la ronde. II y a cinq ou fix » Solitaires qu'on ne connoit point, » qui vivent comme les Penitens de » S. Jean Climaque. Tout ce qui les " fert , jufqu'aux Chartiers , aux v Bergers, aux Ouvriers, tout eft " modefte. Je vous avoue que j'ai " ^te ravie de voir cette divine Soli- » tude , dont j'avois oui parler (a). |
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rapporter ce temoignage ;
3i L'eftime , dit - il , de n Mad. de Sevigne pout 31 le Pere Bqurdaloue, ne « diminuoit rien de foil 31 admiration pour les i/- 31 lujlret Solitaires tie Port- 3i ro'ial......Cetoit ,
si dit - il encore , pour
il Madame de Sevigne un si plaifir bien fenfible de |
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("i)On doit favoir ere
a l'Auteur de I'Anae'e Tit- t/raire d'avoir infere ce beau trait Hans fa dixieme Lettre. C'eft une marque 4= Ton bon gout 8c de Ion difcernement dans le choix des Extraits. On re- marque egalement fa de- JicateiTe dans le tour in- g-nieux qu'il prend pour |
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xxiv PREFACE.
La verite brilloit dans cet heureux
fejour , & rien n'en obfcurciffoit l'e- clat, rien n'en affoiblifToit l'efficace. Loin du tumulte du fiecle , elle par- loit, fans etre interrompue , a des efprits qui n'etoient attentifs qu'a fa voix , & rempliflbit des coeurs qui n'etoient ouverts que pour elle. La meditation de la parole de Dieu , .foit dans l'Ecriture , foit dans les ecrits des Peres , occupoit leurs mo- mens les plus doux , & faifoit tou- tes leurs delices. On y avoit horreur de toutes les nouveautes prophanes que l'erreur ou la fuperftition s'effor- cent d'introduire clans tons les terns. On y rappelloit tout aux anciennes regies. On y impofoit le filence aux fens & a la raifon corrompue. Enfin, Dieu feul y parloit , parcequ'on n'cxoutoit que luL v r. a hi ^'eft ^e cette ^a*nte vallee qu'eft
une fourcc de fortie cette brillante lumiere qui a lumiere pour
fEglife.
31 vificer dans lcur rctrai- Paradis , me divine Soli-
» te , apres plulteurs an- tude ; qui regatdoit les
33 nees , des perfonnes Habitans de ce defett,
33 qu'elle avoit connues comme autant de Predefli-
33 dans le monde. Elle en net , ne meritoit-elle pas
33 patle comme d'autant bien la place que les PP.
.3 de Predeftines , dont la Colonia & Patouillet lui
33 vile feule la portoit a ont donnee , l'un dans fa
:-. la vertu. Une Dame Biblivthtatie , l'autre dans
qyi a appelle P. K.. un Col) DiHionnairc jtnftnMti
eclairej
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P R E F A C E. xxv
^claire l'Eglife , & fait une de ies
coniolations les plus fenfibles dans ces trifles jours , ou elle a vu naitre meme dans fon fein tant de monftres d'erreur & de minifbres de la puiffan- ce des tenebres. De-la partoient ces coups fi fenfibles a l'herefie. De-la couloient ces torrens de livres ad- mirables qui renverfoient tout ce qu'une foule de faux Dofteurs s'ef- forcoient d'etablir fur les mines de l'Evangile. Difons-le hardiment, la verite & la reconnoiffance l'exigent, P. 11. eft la fource precieufe de ce qu'il y a aujourd'hui dans l'Eglife de plus purcs lumieres & de plus folides vertus. C'efl aux travaux de ces grands hommes , formes de la main de Dieu pour defendre les plus pre- cieufes verites du Chriflianifine , qu'elle eft redevable de fes vi&oires fur les Lutheriens, les Calviniftes, les nouveaux Pelagiens & les Parti- fans d'une morale plus corrompue que celle du Paganifme. C'eft de ce facre defert que font
forties tant de voix eclatantes, cav- pables de faire refleurir & de renou- veller l'Eglife dans les jours de fa vieillefle, Tome I. h
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xxvj P RE FA C E.
in patti- C'eft a P. R. en particulier que la
Franc fJU J France eft redevable de l'avantage qu'elle a inconteftablement fur tous lespa'isde la Chretiente, d'avoirune foi plus pure , plus degagee des tra- ditions humaines & des fuperftitions ; plus d'attachement a l'ancienne doc- trine, a la morale de l'Evangile., aux faintes regies de la difcipline ; plus de gout pour la ledure des fain- tes Ecritures 6c des livres de piete. Si la France voit fes peuples plus inftruits , fes Pafteurs plus eclaires , fon Clerge plus regie , elle en eft re- devable a Port-roial. C'eft de cette fource que decoule
tout le bien qui fe pratique encore aujourd'hui dans une infinite de mai- fons particulieres, foit dans la ca- pitale , foit dans toute l'etendue du roiaume. La modeftie chrdtienne qui regne dans ces maifons , le gout pour la piete & pour les chofes lain- tas , l'eloignement des fpcctacles , des plaifirs , des inutilites de la vie , l'amour de la juftice & de la verite, tout cela tire fon origine de ce faint lieu ; ou par ['education que quel- ques-uns de la famille y ont recue ; gi\ par leurs liaifons particuljcreg |
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PREFACE. xxvij
avec fes pieux habitans; ou enfin ,
par les avis & les confeils des Di- re&eurs formes dans fon fein ; fans parler de ces excellens livres fans nombre , que cette divine Solitude a produits. Eft-il en effet qnelque genre de lit- *•R-a «-
. '1 \ I T> V " CeIle ei1 t0"'
terature utile a la Religion , que gCnre de lit-
P. R. n'ait cultive , & dans lequel il f™™. »*• n'ait excelle ? La France ne lui eft- elle pas encore redevable de l'avan* tage qu'elle a eu en cela fur toutes les autres Nations ? Qui a plus con- tribue que P. R. a e purer la Theo- logie , en la d^gageant d'un langage barbare & d'une infinite de queftions inutiles & impertinentes , & en ap- prenant a la puifer dans fes verita- bles fources , qui font l'Ecriture & la Tradition ? Qui nous a perfe&ion- ne le gout pour la piete , pour la cri- tique , pour l'hiftoire ? Qui a plus travaille que P. R. a enrichir notre langue, & a nous faciliter les moiens d'entendre & de parler celles des An- ciens & des Etrangers ? Mais la premiere & la principale }* P""e >
occupation de ces pieux Solitai- MS'S; res etoit la priere. Dans ee faint soiicaires. exercice , ils appelloient a leur fe- bij
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xxvilj PREFACE.
cours leurs faintes Saeurs , ces Vier- ges fi pures : alors on vo'ioit ce qu'on avoit vii autrefois a Jerufalem, lorf- que l'Eglife naiffante compofee ties Apotres , des Difciples & des fain- tes Femme , perfeveroit dans un meme efprit en priere : Hi omnts tra.ntpcrfiviran.tts unanimiur in oratio- nt cum mulieribus. Le facrifice de notre falut les raf-
^Leurrccueii fembloit tous en une meme heure Jeur fainte tous les jours. Avec quel refpect & £*"' dans quelle fainte fraieur fe prefentoient- ils devant le trone oil la Majefte di- vine refide fur. la terre ! Dieu pa- roiffoit habiter dans ce defert d'une maniere finguliere ( a ). On fentoit plus qu'ailleurs le Dieu de Sion : une vertu divine rempliffoit ce faint lieu : on y etoit faifi d'une crainte melee d'amour : on refpeftoit jufqu'au feuil de cette fainte maifon. Des qu'on ap* percevoit l'autel, le corps & 1'efprit ie profternoient en meme terns de^ vant l'Agneau; tout trembloit en ia prefence , tout etoit dans une adora- tion profonde. Un filence facre qui regnoit par-tout & n'etoit interrom- pu que par le chant des faints canti* |
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I a) Voiez le premier Ggmiflcment,
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Tf
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P REPACK. xxk
qites , avertiffoit de loin ceux qui
s'approchoient du defert , que Ja terre fur laquelle ils marchoient, etoit une terre fainte , que le lieu etoit terrible , & que cf etoit vrai- ment la maifon de Dieu & la porte du ciel. Combien de larmes le chant des divins cantiques faifoit-il repan- dre aux habitans de cette fainte val- lee ? Tout louoit Dieu : tout tendoit a la gloire de fon nom. Leur voix feule , portant avec elle rimpreffion de la grace qui etoit repandue dans leur coeur par le S. Efprit, excitoit dans ceux qui les entendoient , les fentimens d'une piete tendre,& tiroit les larmes des yeux. P. R. etoit vrai- ment une maifon de prieres , & on ne peut affez admirer comment, en meme terns que Dieu afTembla dans ce celebre defert des Docleurs puif- fans en paroles pour combattre les ennemis du corps & du Tang de Je- fus-Chrifl:, il y forma auifi une fain- te communaute de Vierges remplies de fon amour , qui s'engagea par une loi nouvelle a reparer par des hommages continuels , les outrages que ce grand Myftere y recevoit tons les jours des Heretiques. Qui ne reconnoitra & n'admirera
b iij |
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xxx PREFACE.
»i»"f« tles deffeins de Dieu fur P. R. qui
r. font fi clairement manifeftes aux
hommes par (es oeuvres ? Voulant
dans le dernier fiecle faire de cette
fainte maifon le boulevard de fon
Eglife , il forma & conduifit dans
cette divine Solitude des hommes ,
dans lefquels il avoit reuni tous
les dons & toutes les graces de fon
Efprit pour la defendre contre les
p.R.fufdtS herefies de Luther & de Calvin, &
pour com- , „ ' .
batwe Lu- contre les erreurs de Mohna qui
MoUiwalvin' renouvelloit celles des Pelagiens &C des Semipelagiens. Perfonne n'igno- re le ravage que faifoient dans l'E- glife les herefies des proteftans , lorfque P. R. commen9a a paroitre. Perfonne n'ignore que c'efl: de cette fainte maifon que font fortis tant d'ouvrages , qui ont foudroie les chefs qui foutenoient alors ce puif- fant parti. Les Livres admirables de la Perpetuiti de la Foi , de [Unite de I Eglife , des Prejuges legitimes , des Calvinifles convaincus de fckifme , &C tant d'autres , font des monumens de la fcience & du zele de P. R. pour la defenfe de la Foi: monumens que leurs ennemis ne pourront jamais aneantir : monumens eternels qui fe- ront connoitre dans tous les fiecles |
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PREFACE. xxxj
a venir que Dieu s'etoit choifi ces
grands hommes pour defendre la religion , & les oppofer comme une digue inebranlable a Tefficace d'er- reur prete a inonder la furface de l'Eglife. C'etoit dans le meme terns que
Therefie pelagienne, renouvellee par Molina fous une autre forme encore plus dangereufe, commencoit a pren- dre le deffus 6c a tirer de nouvelles forces de Findulgence des Papes & de la negligence des Pafteurs. Dieu, pour defendre l'Eglife contre tous ces nouveaux aflauts que lui livroient les portes de 1'Enfer , tira comme de fes trefors , rilluftre maifon de Port- roial, qu'il deftina a fervir d'afyle a ceux qu'il avoit choifis pour defen- feurs de la verite. Pour fe conyaincre des deffeins
-que Dieu a eus dans la reforme du moriaftere de P. R. il fuffit d'abord de faire attention a la circonftance du terns ou elle a commence. Ce fut prefqu'au moment que le dogme de la grace recut un coup qu'on pourroit appeller mortel, dans la derniere Congregation de auxlliis. Si la divine Providence permet des maux ■& des fcandales , elle y pre- |
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xxxij PREFACE.
pare des remedes; fi elle permet que l'Eglife & la verite foient attaquees, elle leur fufcite des defenfeurs. Lors done qu'elle permit par un terrible jugement , que Paul V epargnat l'erreur de Molina , & que ce Pon- tife fufpendit la Bulle qui condam- noit les dogmes errones de ce nou- veau Pelage ( & cela contre le (en- timent des Confulteurs, qui dans une congregation tenue trois jours auparavant, le x8 aoiit Fete de S. Auguftin 1607, avoient ete d'avis de la publication ) lors , dis-je , que Dieu permit ce fcandale, il choifit des homines qu'il remplit de fon Efprit, pour le reparer & pour combattre les funeftes erreurs qui venoient d'etre epargnees. II leur prepara une retrai- te dans le defert de P. R. oil il cora- menca des-lors a faire fentir les effets de cette grace toute-puiflante , dont ils devoient etre les defenfeurs. ©rfre ad- Qu'on compare les terns & les cir- ■urabM ae la S, on a
Pi»videncc. conltances , & 1 on reconnoitra cet
. ordre admirable de la Providence &C des defleins de Dieu marques d'une maniere fenfible. On attendoit fur la fin de l'annee 1607 , la publica- tion de la Bulle contre les erreurs de Molina, qui avoient ete difcutees & |
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P R E F A C E. xxxiij
examinees en prefence des parties , ■avec une patience &. un foin au-def- fus de tout ce qui s'eft jamais fait dans l'Eglif'e en ce genre. Les cou- pables avoient ete entendus pendant plufieurs annees ; ils avoient ete con- vaincus &c condamnes une infinite de fois par les Confulteurs. Enfin , 1'ar- ret de leur condamnation , c'eft-a- dire la Bulle etoit toute dreflee , & il ne manquoit plus pour terminer cette grande affaire , que de publier le decret qui condamnoit Terreur. Mais au lieu de le publier, Paul V PaulVepar; le fufpendit par des viies toutes hu- ^ ^"°^ maines ; & en attendant, il fit de- ce. fenfe aux deux partis de fe traiter reciproquement d'heretiques. Qu'au- roit dit S. Auguftin , fi les Papes In- nocent I 6c Boniface avoient agi a Tegard de Pelage & de Celeftius , comme Paul V agit dans cette occa- fion a l'egard de Molina & de fes dif- ciples , auffi zeles pour fes erreurs , que Celeftius pour celles de Pelage ? Mais Dieu prepara de loin des de- nieu leur fenfeurs de la grace ; & la maifon , 5^PT d=s qui devoit leur fervir de retraite , commenca a en fentir les effets. Ce fut,comme nous l'avons deja dit,
fur la fin du mois d'aoiit de Tan 1607, b y
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xxxiv PREFACE.
que la decision que Ton attendoit fur les nouveaux dogmes de Molina fut furfife ; & Dieu toucha , vers la fete de 1'Annonciation de l'annee kjeune'Ab- fuivante , la jeune Abbefle Marie be(Te de p. r. Angelique Arnauld , alors a$>ee de laReforme. l7 ans ■> & mi mit "ans *e C(£UT de
reformer fa maifon, pour fervir d'a-
fyle aux defenfeurs de fa grace. Elle
eut, comme S. Bernard , beaucoup
d'obitacles a vaincre , mais elle en
triompha comme lui, & fut auffi heu-
reufe que ce faint & illuftre refor-
mateur a faire entrer dans fes viies
fes parens , qui les premiers s'y
fefprit de etoient oppofes. Nous la verrons de-
fan" fut "fa venir felon l'efprit la mere de toute
fcmiiie de la fa famille. Nous verrons fes foeurs
rfformatnce. venjr jes unes apr£s ies autres lui de-
mander le voile. Nous verrons fa
mere meme au nombre de fes fllles fpirituelles , cinq foeurs , & grand nombre de nieces , tant du cote pa- ternel que du maternel. Son pere , comme autrefois celui de faint Ber- nard , eprouva auffi Fefprit de grace qui s'etoit repandu fur fa famille , & mourut tres chretiennement. Ses freres en recueillirent les fruits avec M. Amauid abondance. Nous en verrons un fe v^Ui " confacrer a Dieu , & etre dans l'e- |
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PREFACE. xxxv
pifcopat le modele d'un parfait Eve-
que. Nous en verrons un autre clans m. Anuu le monde , allier avec les honneurs d'Andiiu. & les dignites auxquelles fon merite feul Feleva , la modeftie, l'humilite , & l'innocence des moeurs d'un vrai chretien. Mais le plus celebre de tous eft le grand Arnauld , ce docteur in- comparable , qui apres s'etre rempli de la le£ture des livres faints , & des peres de l'Eglife , »• repandra com- « me une pluie, les trefors de fa fa- " ge.fle ( a) &c publiera les inftruc- » tions qu'il aura apprifes , mettra » fa gloire dans la loi de l'alliance » du Seigneur , attaquera les enne- " mis de cette alliance , les confon- » dra , & s'acquerra tant qu'il vi- » vra , par fes vic"toires , plus de re- » putation que mille autres. Si ptr- tnanfirit, nornen dentinqua plus quam , J* i9' mille. De fa plume feconde , com- parable a celle du grand Auguftin , couleront des fleuves de livres, qui jufques dans les fiecles (b) les plus («•) Eccl. c. 39. V. 9. s'eft acquis de la-reputa-
Ipfe tanquam imbres mit- tion par fes vers,& qui au-
tet eloquia Capiendo fua?. roit meme du talent pour
v. 10. Ipfe palam faciei ecrire l'hiftoire , s'il la
difciplinam fapientia; fuas favoit, ou s'il etoit capa-
& in lege teitamenri Do- ble de dire vrai, a avan-
jnini gloriabitur. ce depuis peu , qu'on ne
(&) Un moderne, qui lit plus aujourd'hui les
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xxxvj PREFACE.
recules , feront le fujet cle fad-' miration des hommes fenfes &C line fource inepuilable de lumiere , fur tout pour ceux qui font doux &C humbles de coeur. Que dirai-je des admirables neveux de la Mere An- gelique , du celebre M. le Maitre , qui, apres s'etre fait autant admirer a Paris par fon eloquence , que De- mofthene le flit autrefois a Athenes, & Ciceron a Rome , renonca gene- reufement a une reputation fi flateu- fe & a tous les honneurs qui Tenvi- ronnoient, pour aller recueillir les effets de la grace que Dieu repan- doit dans le defert de P. R. ! Quels fruits n'en recueillirent pas M de S£- ricourt & M. de Saci, dignes freres de ce grand orateur! Jonne^cle Mais leS fmItS de Ia feCOndite fpi-
v. r. dans rituelle de la fainte reformatrice de
a'autres mo-
■aileres.
ecrits de M. Arnauld. ce!a eft vrai , dans le lieu
Pour le coup , voili une ou ce Poete vagabond 2
Anecdote ; & c'clt a tore rc<;u fon education & dans
qu'on reprocl.c a\ 1'Autcur ceux qu'il tYc\|uente , mais
du Steele dt louit XIV de ils font his par les favans,
ne nous en avoir appiis par les fideles, en un mot
aucunc. Voltaire pour liar- par tous ceux qui aiment
dimeot fe vanter , fans le vrai & le folide. Vol-
craindre d'etre dementi , taire pcut s'addrefTer an
d'etre !c pren'ier qui ait Pub'ic , pour lui eft de-
diT qu'' n ne lit / It.s aujuur- manaer des nouvelles, 8c
d'hui is •critt dc M. Ar- attendre que la uuiUiicc
vMUt. On 11c les lit plus, lui dil'c le icfte.
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PREFACE xxxvlj
P. R. ne fe bornent pas a fa famille , ni a Ion monaftere. lis fe font r6pan- dus dans les abba'ies de Maubuiflbn , de Gif, du Lys , du Tard , du Pa- raclet, &c dans plufieurs autres mo nafteres , oil die a travaille par elle- meme on par fes filles. Sans parler des reformes de la.Trappe , de Sept- fonts , d'Orval, de Conques , &c. qui doivent etre regardees comme des fuites de celles de P. R. quels fruits n'a-t-on pas vii s'en repandre de toutes parts dans le roiaume de France & ailleurs, en Italie , en Po- logne (a) , en un mot dans toute TE- glife. Les folitudes peuplees de peni- iffetsfafiv
tens, les faintes regies de la peniten- [f^^ £ ce contre lefquelles la moleffe &c p. r. Tignorance fembloient avoir pref- crit, remifes en honneur ; les epreu- ves neceffaires pour s'affurer de la converfion du coeur , pratique es ; les jfideles inftruits folidement de la reli- gion ; l'ufage de la le&ure de recri- ture-fainte retabli; la force de la gra- ce prechee furies toits ; les dogmes precieux de l'obligation d'aimer Dieu & de lui rapporter toutes nos adions ' (.1) ta R?ine de Fologne etoic en relation avec la
MiK Angeliciue. |
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xxxviij P RE FA CE.
par un principe d'amour, defendus
avec force contre les corrupteurs de la morale chretienne ; les nouveaux Pelagiens refutes par des ecrits di- gnes de la plume de faint Auguftin ; les Pharifiens de la nouvelle loi con- fondus; ces fabricateurs de nouveaux dogmes contraires a 1'Eyangile , mis en deroute ; les abus , les faux pre- juges , les erreurs, les relachemens , tout cela combattu , difcute &l eclair- ci dans un nombre prodigieux d7ad- mirables ecrits; les difpofitions ne- ceffaires pour recevoir dignement le corps & le fang de Jerus-Chrift dans le facrement de FEuchariftie , de- montrees ; TEglife vengee contre les inmltes de fes ennemis du dehors , ceux du dedans demafques ; les uns & les autres mis hors de combat par des ouvrages vittorieux & fans re- plique ; les fideles edifies non-feule- ment par des traductions exaftes & pleines d'onclion des livres faints , mais encore de ceux des Peres de TEglife , de faint Auguftin , de faint Profper , de faint Chryfoftome , & par un grand nombre d'ouvrages de piete , qui renferment tout Fef- prit des faints Dofteurs : ajoutons que c'efl a P. R. que TEglife eft en |
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PREFACE. xxxix
quelque forte redevable de l'edition M. Arnau!d
des ouvrages de ces faints Do&eurs, elnkuains" en particulier de la belle edition des famjf%Fc?m oeuvres de faint Auguftin , qui a fait deefainYAu- tant d'honneur a la congregation de &uftiu- faint Maur, qui a fait fremir les en- nemis de la grace de Jefus - Chrifi: , puifque ce fn.it M. Arnauld qui en donna la premiere idee (a ). II fem- ble que Dieu ait voulu que P. R. fut rinftrument de toutes fortes de biens, foitenle faifant, foit en contribuant au moins par le confeil a ce qu'il ne faifoit point. Tels ont ete en France & dans
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autre corps. II ajoura pltf Vol'ez I'MC-
fieurs autres motifs. La toire de 1st proposition fut goutee par nouvelle edi- D. Viftor Texier & D. tion de fainc Claude Martin. L'affaire Auguftin.^ fut tnifc en deliberation par D. Audebert , alors General, & en confequen- ce l'ouvrage entrepris. Tout le monde fait l'ap- plaudiiTement avec lequel cette nouvelle edition a ete rec;ue du Public , l'a- vantage que l'Eglife en a retire , ainfi que des au- tres editions qui out fuivi & auxquelles elle a don- ne occafion. Aind il eft vrai de dire que l'Eglife ell en quelque forte rede- vable a P. R. de l'edicio» des SS- Doctcucs. |
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( a ) Apres la paix ren-
due a l'Eglife, M. Ar- nauld aiant la liberie de paroitre , il alia un jour confulter un manufcrit de faint AuguiHn dans la bi- bliotheque de faint Ger- main des pres j a cette oc- casion , il parla du befoin qu'on avoir d'une edition des oeuvres de ce faint Docteur plus correcte que celle qu'avoient donnee les Do&eurs de Louvain,quel- que louable que fut leur travail. II reprefenta que cette entreprife etoit vrai- ment digne d'une congre- gation aufli celebte &C il- luftre que celle de faint Maur & que ce travail la rcgaidoit plus qu'aucun |
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*t PREFACE.
route l'Eglife les fruits excellens 5c
les effets falutaires de la reforme de
P. R. A de t-As caracleres , pour parler
encore comme le grand Eveque de
Montpellier , peut-on meconnoicre U
dolgt de Dieu ?
M.deSaint M. de S. Cyran fut le principal
cipai" inSru-inftrument dont Dieu fe fervit pour
mentdeuieu operer de li erandes chofes (a). Cert
pour toures « . ./. , P ..,,}. r ,
«s grandcs lui qui lembie avoir tire le leu lacre
chofes. ju pUits, pour rallumer dans les coeurs l'amour de la verite , & pour y regler la charite. S. Francois de Sales l'avoit precede , comme pour preparer la voie aux verites qui de- voient e..re annoncees , & qui de- voient fervir a remettre 1'ordre dans la charite parune discipline eclairee , & a la refferrer dans de juries bor- nes. Car on peut dire que la charite de S. Francois de Sales fe debordoit un peu trop , &c qu'il ne tenoit pas ce feu facre aflez reflerre dans fori lit. M. de S. Cyran fut envoie pour renouveller la connoifTance des re- gies , des moeurs & de la difcipline. Dieu , qui vouloit fe fervir de lui pour executer ce grand ouvrage , lui mfpira le deflein de vivre pendant plufieurs annees dans une parfaite (<J Lett, du P. Q. 7 aout 171^.
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PREFACE. xlj
retraite, uniquement occupe de la
priere , de la meditation des livres faints , de la le&ure des ecrits des faints Peres & des canons des con- ciles. Ce fat dans ces fources pures qu'il puifa cette immenfe & folide erudition , que Ton admira en lui & qu'il emplo'ia fi utilement , foit en inftruifant les autres de la verite", foit en la defendant contre ceux qui l'attaquoient. Cette fcience du faint, je veux
dire la connoiffance des veritables regies des moeurs & de la difcipline de l'Eglife , fut perfeftionnee par M. Arnauld , qui, comme un autre Eli- zee , herita du double efprit deM. de S. Cyran , & par les autres difci- ciples de ce pieux & favant abbe , qui a ete comme le fondateur de cet edifice fpirituel. Elle fembloit avoir ta fcience ete mife en depot a P. R. d'oii elle %£%£$. s'eft repandue enfuite dans toute l'E- pot 4 p. k. glile de France & ailleurs^par les oeu- vres & par les ecrits , opere &fermone. Deforte que P. R. (a) doit etre re- garde comme le berceau, ou la pu- rete de la morale chretienne , de la difcipline ecclefiaftique & de la vie religieufe a repris naiflance. (a ) Lejt. du P. Q. du ii fcpterabte 171?.
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xlij PREFACE.
11 eft aife de juger par le portrait
fidele que nous venons de tracer ,
combien line hiftoire fuivie , exa&e
& detaill^e de ce faint defert doit
etre glorieufe a la religion , & utile
non - feulement aux perfonnes con-
facrees a. Dieu, mais encore aux
perfonnes du monde ; puifque dans
cette fainte folitude, dans cette mai-
fon de grace & de verite , etoient
raffembles des Saints de tout age,
de tout fexe & de toute condition ;
& que prefque routes les forces de
l'Eglife y ont ete reunies ; la lumie-
re de fes Apotres & de fes Dodreurs,
la conftance de fes Martyrs , la pu-
rete de fes Vierges , la penitence de
fes Anachoretes , le zele & la piete
de fon premier age; jufqu'aux enfans
La kaure y etoient des Prophetes. De forte
t pj'fotr qu'il rfeft point d'age , de fexe , de
£m utifc a condition , qui n'y trouve plufieurs
^•perfoMw! exemples de vertus propres a fon
6tat: les perfonnes qui vivent dans
le monde & a la cour, comme les Re-
ligieux & les Religieufes qui vivent
dans le cloitre ; les Artifans , comme
les grands Seigneurs ; les La'iques ,
comme les Eveques & les Pretres;
les Domeftiques, comme les Mai-
tres, les perfonnes privees , cornrne"
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PREFACE. xliij
les Princes & les Princefles ; tous &c
chacun d'eux y trouveront des regies fures pour leur conduite, & de beaux modeles a fuivre. Ici c'eft une Princeffe du fang Aurpeifo*.
... _. _ , „ ° ncs d im rang
roial, un Due , une Ducheiie , un duimgue.
Seigneur, une Dame du plus haut rang, qui, oubliant leur grandeur, 5c foulant aux pies les refpefts humains, marchent dans la carriere de la pe- nitence , a la lumiere que P. R. re- pand , & apprennent par leur exem- p!e l'ufage qu'on doit faire de fon rang, de fa naiffance , des honneurs, des richefles, & en quoi confifte la veritable grandeur. La , c'eft un couttifan que les charmes & la force de la grace ont defabufe des pompes & des vanites du fiecle , & arrache a la cour & au monde , pour en faire un parfait folitaire &c un vrai penitent. Ici ce font des Eccleiiaftiques qui, Aux tcde-
faifant revivre en leurs perfonnes ,aaiiiues- toutes les vertus de ces hommes apoftoliques des premiers fiecles , expriment par leur conduite ce qu'ils font par leur cara&ere &c leur di- gnity ; qui enfeignent la veritable maniere de conduire les ames , le zele & le d£iintereflenient avec lef- |
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xliV PREFACE.
quels on doit s'en acquitter ; qui
emploient tous leurs talens pour le fervice de l'Eglife, & la defenfe cle la verite & de la juftice; difpofes a foufFrir l'exil, la prifon , & la mort meme , fi la providence l'ordonne , plutot que de les jamais abandonner; qui apprennent le fecret de devenir favans fans donner dans la vanite , & d'allier la charite & Thumilite avec les plus varies etudes. Auxperfon- La , c'eft uii Capitaine qui renon- ncs cngagees ce £ ja miiice (ju fiecle , pour fe fai- d.ms les at- . , . . ■ A' r
mcs ou dans re la guerre a lui-meme en com-
ia tobe. battant fes paffions. C'eft un homme
de robe qui fe cache a la viie du
monde , lorfqu'il admire le plus fes
grands talens , afin de n'etre connu
que de Dieu , & qui fail les plus
grandes charges , pour acquerir l'hu-
milite evangelique.
Au.t vler- Les Vierges chretiennes , qui fans
nes qui vivent ajouter de nouveaux vceux a ceux
dins ie mon-de leur Bapteme , font refolnes de
demeurer dans l'etat que faint Paul
confeille a celles qui veulent vivre
avec piete dans le fiecle , y trouve-
ront de quoi fe fortifier clans leur
refolution , en vo'iant des perfonnes
de leur fexe qui, aiant ete miles cles
leur enfance dans ce faint monafte-
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PREFACE. xlv
re pour y recevoir une education
conforme a la faintete du chriftia- nifme , n'ont jamais pu confentir a s'en voir enlevees , meme pour vt- vre dans des families chretiennes, 6c qui euffent mieux aime faire le facrifice de leur vie , que de fe voir arracher de cet afyle. Elles fentoient les avantages qu'elles retiroient cha- que jour dans cette fainte folitude , & elles craignoient avec raifon d'en perdre au moins une partie en la quittant. Lorfqifon a goute dans la retraite combien le Seigneur eft doux , le monde le plus regie paroit ii imparfait &c d'ailleurs fi rempli d'ecueils & de tentations , qu'on craint de lui confier fa foiblefle. Les perfonnes du iexe qui, apres Aiixpcrfon-
avoir ete engagees dans le mariage , aw^s r"es ont recouvre la liberte , trouveront liens du ma. dequoi s'inftruire dans la conduite de lus"' plulieurs Dames du premier rang & d'un merite diftingue , qui fe font hatees de profiter de la liberte que leur donnoit leur veuvage , pour fe retirer dans ce faint defert, &c s'y edifier dans la compagnie des 6pou- ies de Jefus-Chrift. Ceux qui font dans la necefute de AuxP"("»n*
iervir , trouveront les plus beaux ceffite obiigB 4e fervif,
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xlvj PREFACE.
modeles dans de pieiix domertiques ,
qui dans leur etat de fervitude ont trouve le fecret de devenir libres, de s'enrichir pour le ciel, & de s'y amaffer de precieux trefors. En un mot on peut dire qu'il n'eft point d'a- ge , de fexe , de condition qui ne trouve dans Thirtoire de P. R. des exemples de vertu : exemples qui doivent faire d'autant plus d'impref- iion , que ce ne font pas des actions de Saints qui aient vecu dans des iiecles eloignes du notre & dans des pais recules. Alors on pourroit les regarder , comme il arrive affez or- dinairement, dans une diftance in- finie, &c les confiderer comme des hommes d'un autre monde & d'une conilitution difFerente de la notre: mais ce font les actions de perfonnes qui fe font fandifiees de notre terns , qui ont vecu en quelque maniere fous nos yeux & dans notre propre pais. Ces exemples de vertu doivent au moins fermer la bouche aux la- ches qui n'ont pas le courage de les imiter , & les cbliger d'avouer qu'il ny a que la volonte qui leur man- que , & qu'on peut encore aujour- d'hui, dans cette lie des fiecles , pra- tiquer avec la grace de Jefus-Chrift, |
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" "
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T RE FACE. xlvi}
ce qii'oii admiroit fi communement
dans les beaux jours de l'Eglife. On n'avoit pas , du terns de P. R, un temperamment plus fort, ni plus ro- bufte qu'aujourd'hui. Les moiens de falut n'etoient gueres plus abondans , les contradictions que fouffre la piete etoient les memes. Pourquoi done ne pourrions-nous pas faire ce qu'ils ont fait ? Que chacun de nous fe di- fe a lui-meme pourquoi ne pourrois- je pas faire ce que ceux-ci &c ceux-. la ont fait ? Non potero quod ifli & ijl*? Rien n'eft plus utile que ces exem- a vantage
pies modernes de faintete , Vuee-£SZ qu'ils confondent la lachet^ & la mo- piece. lefTe des chretiens de nos jours; qu'ils foutiennent & animent ceux qui ont de la bonne volonte , en leur met- tant devant les yeux ce que tant d'autres ont fait dans un necle auffi foible & auffi ennemi de la piete que le leur ; qu'ils ferment la bouche aux impies , & qu'ils faflent voir que le bras de Dieu n'erl pas racourci, & qu'il peut, quand il veut, tirer du fein des pierres memes des enfans d'Abraham. Cette remarque fervira de reponfe a ceux qui pourroient fe plaindre qu<? nous svons charge cette |
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xlviij PREFACE.
hiftoire de trop de detail d'a&ions
particulieres & de trop de relations de vies , foit de religieufes, foit de fo- litaires. Les a vantages dont nous venons de parler nous y ont enga- ge , &c les circonftances des terns ont paru Texiger. Plus la piete s'af- foibiit aujourd'hui, plus elle trouve de contradi&eurs ; plus il eft necef- faire de confonclre ceux-ci & de iou- tenir ceux-la. Or rien n'eft plus pro- pre que les details dans lefquels nous entrons & les exemples que nous La piete dcs propofons. Le libertin & le preten- foiimres^de £u ef*prjt forr ? quj regardent la piete fond les li- & la religion comme le partage des
en'nemis^e'i" e^PriIS foibles , pourront-ils le tirer religion, de l'exemple des Pafcal, des le Mai- tre , & autres grands genies qui ont vecu dans une ft grande piete ? Bayle , tout Bayle qu'il etoit, rend BayU Dia. les armes a ce fpe&acle , & avoue que la piete de M. Pafcal, ceft-a- dire dun Fhilofophe , Vun des plus grands Giometres , des plus fubtils Me- taphyficiais & des plus penetrans efprits qui aient jamais iti au monde , defar- me rimpiete. Il faut done que l'im- pie & le libertin s'avouent vaincus , ou donnent afte a toute la terre de leur ignorance &C de leur extrava- gance.. |
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PREFACE. xlix
gance. Oferoient - ils bien comparer
quelqu'un de leurs heros & des pre- miers peres de leur ordre , avec l'in- comparable Pafcal, ou avec le grand Arnauld ? Une feule penfee du pre- mier vaut mieux que toutes les pro- ductions de la plume temeraire qui a ofe l'attaquer (a). Mais laiflbns- la les impies pour parler des faints , & revenons aux Religieufes de Port- ro'ial. Ces faintes filles , dont la me-
moire fera a jamais en benediction dans I'Eglife , fe font rendues re- commandables non - feulement par la faintete de leur vie, plus ange- lique qu'humaine , & par toutes les vertus dont nous avons deja parle , mais encore par la lumiere de leur Les Rcli. foi, qui leur a fait demeler les arti- g'«if« dc p. t- . j i , . , R. audi ccle-
nces que les ennemis de la vente b10s par Ja
emplo'ioient pour les engager clans la lumiere de prevarication ; par la lagelle & la par ieurs vet- force de leurs raifonnemens , qui tus- les ont rendues viftorieufes de toutes les chicanes & de toutes les fubtili- tes des doctrines etrangeres que des Dofteurs memes s'enorcoient de { 4 ) Voltaire , qui ne refpe&e rien , ni fur la terre ,
ni dans le del, a eu la temerice de ctititjuet les penfees «le M. Pafcal. Tome I. £
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1 PREFJCE.
ieiu- fim- leur fake embraffer ; par la candeur
ni'eatC chTi- & la fimplicite vraiment chretiennes ticnnc. avec lefquelles elles font demeurees fermes & inebranlables dans le che- min de la verite , fans s'ecarter ni a. ^Leur forme- droite , ni a gauche ; par la fermete, |
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U".
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le courage & la patience , dont elles
ont donne un fi bel exemple au mi- lieu des perfecutions & des epreuves fi longues & fi dures a la nature , & auxquelles elles ont ete fi fouvent ex- tern invio- pofees; par leur attachement fince- Ubk attache- re & invi0lable a la verite & a la wtite. iincente cnretienne , qui 1 a empor- te en elles fur toutes fortes de con-
iiderations humaines, & auquel elles ont tout facrifle , repos & liberte , biens, maifons, & generalement tout ce qu'elles avoient de plus cher au monde , etant meme pretes a faire le facrifice de leur vie. C'eft-la ce qui a rendu fi celebres les Relitneu^ fes de P. R. & ce qui fait le principal objet de cette hiftoire. i» msifon Cette fainte maifon a toujours ete foufotus'per- en butte & perlecutee par les hommes iizwQc rjr charnels & ennemis des verites de Te- rtant'i™'11" vangile, Desle commencement, les portes de Tenfer fe font elevees con- tre Fceuvre de Dieu & contre fes ou- vriers, Di?u , apres 1'avoir foutejiug |
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PREFACE. lj
pendant un liecle entier , a permis
parun jugementimpenetrable, mais terrible , que ce fanttuaire de la ve- rite Sc de la charite fiit detruit com- me le nld de I'erreur., par les premiers mininres du lieu faint. Comment done, une fainte mai-
fon, qui a ete le berceau ou la fcien- ce du falut a commence a etre fe- rieufement etudiee,, & pratiquee fi- delement, ou la purete de la morale chretienne obfeurcie par l'ignorance & la corruption des moeurs a com- me repris naiffance ; comment, dis- je , une li fainte maifon a- t-elle pu etre appellee h nid de I'kerijie ? Com- outrage fait ment les condufteurs de cette mai- aPo" - roiai fon , dont Dieu s'eflfervi pour ope- duchu^^de rer tant de merveilles , ont - ils pu cet^ fainte etre traites de faux prophetes. ? O prodigieux aveuglement! O etrange corruption du coeur humain ! Qui pourroit la croire , fi l'evangile ne nous apprenoit que Jefus-Chrift iui- meme a ete traite de fedudreur; & cela , felon la remarque de S. Au- guftin , pour la (a) confolation de fes difciples , qui ne doivent pas etre ( a) StduRor Me ': hoc appellabatur nomine Do-
Hiinus Jefus-Chiiftus ad folacium fcrvornm fuo;ui» •j'uiido dicuntut feduftoies. Aug. in pfal. tfj. c a
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li) PREFACE.
furpris que les Pharifiens de la nou-
velle loi les traitent de la raeme ma- niere que leur maitre l'a ete par ceux de l'ancienne. P. R. appelle k nid de Vherefie ! Les conducfeurs de cette fainte maifon traites de feduc- teurs , de faux propheies ! Quel blafpheme ! C'eft un oracle forti de la bouche de la verite meme, que les faux prophetes fe font connoitre parlours ceuvres : afruclibus (a) eorum cognofcetis eos. La marque pour con- noitre un faux prophete eft aufll conftante qiunfaillible. On ne cueille point de raifins fur les epines , ni de figues fur les ronces. Un bon ar- bre ne porte que de bons fruits , &c im mauvais arbre n'en peut produi- re que de mauvais. Qifeft-ce qifun bon fruit, qui fait connoitre la bon- te de l'arbre ? Ce font les fruits de la lumiere & de l'efprit , felon faint Paul. Ce grand Apotre nous apprend que le fruit ( b ) de la lumiere ccnjifie en toute forte de bontl, de JuJIice & de verite : les fruits (c) de Vefprit font , la charite , la joie , la paix , la pa- tience , Vhumaniti , la bonte , la per- feverance afouffrir , la douceur } la foi 3 («) Math. 7. 16. { i) Eph. f. g,
(c) C»l, y. Hi 1$.
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PREFACE. liij
la modejlie , la continence , la chajiete.
Quiconque porte des fruits de cette eipece , & fait des oeuvres de cette nature , peut-il etre regarde comme un mauvais arbre & un faux pro- phete ? Ce font - la neanmoins les fruits qu'ont portes , & les oeuvres qu'ont faites ces hommes de charite & de mifericorde , viri (a) mifericor* dice , qui ont conduit le monafrere de P. R. & peuple ce faint defert. C'e- toient yraiment des hommes puiffans en jufrice , tels que les depeint le Prophete Ifaie , fortes (b) juftitU ; des plants du Seigneur pour lui rendre gloire , plantatio Domini ad glorifi- candum ; qui ont rempli d'edifices les lieux deferts depuis plufieurs fiecles, & releve les anciennes mines , en faifant revivre les regies de l'Eglife & les maximes de l'Evangile , qui etoient prefqu'entierement ignorees des Chretiens, & combattues par une multitude de faux Do&eurs. " Que les ennemis de ce (c) faint
» lieu, s'il y en a encore apres fa » deftruftion , ceflent done de le » decrier & de vouloir le faire paf- » fer pour le nid de rherejie. Si e'efl: ( 4 ) Ecclef. 44. xo. (b ) If. c. (Si , f. 3.
(c) Prcf. du Nectol. p. XII. XIII.
c iij
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Ilv PREFACE.
» par malignite qu'ils ont avanc£ cet
" horrible blafpheme , qu'ils en rou- " giffent aujourd'hui , & qu'ils " voient fans aigreur leur calomnie » confondue. Si c'eft par ignorance, » qu'ils ouvrent enfin les yeux a la '' lumiere de la verite , & qu'ils ' montrent par-la qu'ils meritent ' quelque pardon. " Grand Dieu , s'ecrie le pieux
» Auteur de la Preface du Necrolo- ' ge de P. R. , quel renverfement > dans l'ordre de votre providence ,
' H un lieu , ou Ton a vu regner la ■ douceur, l'efprit de paix &c de
1 charite, la piete la plus eclairie ' & la plus folide, en un mot l'af- 1 femblage de toutes les vertus chre- 1 tiennes &t religieufes,pouvoit etre ' en meme terns le nid de I'here/ie ! ' Mais non , il n'y eut jamais d'al- ' liance entre Jefus-Chrift & Belial, ■ entre la lumiere &c les tenebres ,
' entre la juftice & l'iniquite. Un 1 fan&uaire oil tant de Vierges vi- ' voient dans une purete angelique, ' dans l'attente continuelle de leur • celefte epoux , dans l'attachement
• inviolable a la juftice, a la verite,
■ aux loix de l'Eglife &c de leur infti-
> tut; oil de vrais penitens, morts a
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PREFACE. IV
»> eux-memes & enfevelis dans la re~
" traite & le filence , travailloient « fans relache a fe depouiller du vieil " homme & a faire revivre en eux » l'homme nouveau ; ou Tinnocence » de tant d'enfans a ere a couvert «• de la corruption du fiecle par l'e- » ducation la plus chretienne ; oil » les faintes verites de la grace, de » la penitence , de la piete evan- » gelique ont repris une nouvelle » vie , & d'oii elles fe font repan- " dues bien loin , malgre les oppo- » fitions des hommes charnels; ou " le zele de la maifon de Dieu , » l'efprit du facerdoce de Jefus- » Chrift , l'amour de la hierarchie » ecclefiaffique , ont commence de » revivre en nos jours ; un tel fanc- » tuaire, dis-je , ne paflfera jamais » dans l'efprit des perfonnes judi- » cieufes & equitables pour avoir » ete le nid de- Vhlrejie, Et, pour me » fervir de ce terme , il paflera a. » jufte titre pour k nid de la fcience " & de la faintete. " Pourrions - nous ne pas decou-
» vrir les motifs de Tanimofit^ monf- » trueufe des ennemis de P. R. ? » Que ne pouvons-nous , au moins » pour Thonneur du chriftianifme , c iiij
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lvj PREFACE.
" enfevelir leur nom dans tin eternel
» oubli? Mais quand bien meme nous
* voudrions le diffimuler, la noto
" riete publique trahiroit nos mena-
Prcf.duNc- » gemens. Pour connoitre done la
Moti&'dei'a- " nature des motifs de cette animo-
Himofue des » lite , il fuffit de favoir que ce font
Jcfuites con- 1 „ T'r ■ ■ I 1„
tre p. s.. " *es Jejuites qui ont commence la
» perfecution & confomme la cataf- " trophe. Nous ne dirons rien qui ne » foit notoire &c prouve par leurs " propres principes & par leur con- » duite , lorfque nous ferons obfer- » ver, que leur fenfibilite fur tout » ce qui s'oppofe a eux , ou ne fla- » te pas leurs deffeins ambitieux » ou les opinions dont ils font les " auteurs ou les prote&eurs zeles, " eft extreme ; que le reffentiment » de ces injures pretendues ne meurt » jamais , & que la vengeance qu'ils » en tirent ne connoit point de bor- " nes. Ceft dequoi le public a tou- » tes les preuves neceflaires. » M. Arnauld l'Avocat, Tun des
» hommes de fon fiecle le plus in- »> tegre & le plus attache au bien e'd' mUVaV- " de letat' P«blia en 1602 fon fa-
nauid, Avo- » meux livre intitule It franc & veti-
ThP°iuem " ta^e difiours , pour empecher le
pel des j/fui- » rappel des Jefuites en France ,
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PREFACE. hi]
d'ou. le Roi Henri IV les avoit
honteufement , mais juftement,
chaffes. II n'en fallut pas dayan- tage pour attirer a ce grand hom- me Tindignation de toute la focie- te , qui dans la fuite en fit retom- ber le contre-coup fur P. R. , ou prefque toute la famille de cet il- luftre Avocat s'etoit retiree. Ce fut - la proprement Forigine de cette haine implacable , dont nous verrons les funeftes fuites. » Au bout de 30 ans, on environ, M. du Vergier de Hauranne , Ab- be de S. Cyran, qui paffoit alors pour etre le meme que le celebre Petrus Aunlius, qui avoit fi folide- *"• Ecritsde ment refute les erreurs des Jefui- ian&fes ren- tes fur la hierarchie , a'iant pris timens con" la direction de P. R., fut un ob- erteu" desj£ jet qui reveilla puiffamment les fuites- impreffions de cette haine invete- ree. Sa doflxine fur la contrition, contraire a celle de la fociete, fon attachement a la doftrine de S. Au- guffin , dont il fit venir un grand nombre d'exemplaires de Lou- vain , pour les repandre dans Pa- ris & ailleurs , afin de les oppofer aux progres que faifoient tous les » jours les erreurs de Molina j fa c v
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Iviij PREFACE.
» liaifon particidiere avec M. Jan-<
» fenius Eveque d'Ypres ; le livre " de la frequente Communion que " M. Arnauld le Dodreur & eleve » de M. de S. Cyran fit fuivre de » pres , & dont on pratiquoit les » maximes a P. R.; tout cela forti- " fia de telle forte ces injuries pre- " ventions, que des-lors les Jefuites " fe declarerent ouvertement les en- » nemis de P. R. & de tous ceux qui w y etoient attaches. » Prefqu'auffi-tot parut le grand
» ouvrage de M. d'Ypres, a la fin " duquel il avoit ajoute un jufte pa- " rallele des fentimens de Molina fur *> la grace & la predeftination, avec » les fentimens des Demi-pelagiens " du Ve. fiecle. Ce parallele & le w deflein de tout le livre qui etoit " de faire connoitre la doctrine de » S. Auguftin , apres l'avoir mife » dans un nouveau jour, irriterent » etrangement les Jefuites , qui ju- » rerent des-lors la perte de l'ou- » vrage. On fait quels mo'iens ils " mirent en oeuvre pour en venir a » bout. Cependant la caufe de la « juftice & de la verite enveloppee " dans cette conjuration , engagea » M. Arnauld Sc fes amis retires a |
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..... - ■ -'■ "-' ......I
1
PREFACE. lix
P. R. de prendre en main la de-
fenfe de ce livre , ou plutot celle de route la religion attaquee dans cette affaire. " De-la on paffa naturellement
aux difputes fur la grace , qui s'e- chaufferent plus que jamais ; car fi les Jefuites attaquoient avec paffion & avec chaleur, ils etoient puiffamment repouffes , & l'avan- tage flit toujours du cote de MM. de P. R. La defenfe qu'ils furent }°. La d£- encore obliges de prendre des^e*sevf; points capitaux de la morale de grace & de l'evangile , attaquespar les Jefui- $Z$vt tes comme contraires a leur nou- mm. deP.R. veau fyfleme ; la faintete de vie qui eclaroit dans cette trouppe de Pretres, de Vierges & de Peni- tens qui habitoient ce facre de- fert, & qui etoit une cenfure vi- vante de cette corruption qui me- nagoit d'inonder tout le chriftia- nifme ; la reputation que les ecrits de P. R. s'acqueroient dans le mon- de , ou ils eclipfoient & faifoient J meprifer ceux de la fociete & de fes partifans ; tout cela flit autant de fujets qui aigrirent l'animofit6 jefuitique. Ils regarderent done P. R. comme un ennemi formida- c vj |
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Ix PREFACE.
» hie , qui mettoit le plus d'obfta-
» cles a leurs progres dans le ren- « verfement de la religion , & tour- » nerent contre lui toutes leurs bat- » teries. Mais s'ils n'y euffent point » emplo'ie d'autres armes que leur » plume , nous aurions encore au- « jourd'hui la confolation de voir t> fubfifter P. R. & de le voir jouir » avec gloire du fruit de fes viftoi- » res. » Que fit la fociete pour reuffir
» dans fon projet de conjuration ? » Trop foible pour l'executer par •» elle-meme , mais aflez hardie &C » affez animee pour tenter d'en ve- » nir a bout d'une maniere ou d'au- » tre , elle s'avifa d'ecrafer par des » forces e^rangeres un ennemi , » qu'elle ne pouvoit vaincre par fes us jsfuites » propres forces. Souple , infinuan- ont radreffc „ te , & deia en credit aupres des de faire epou- . ~, ' , , r n. o /•/
fer leurs ime- " puiliances ecclelialhques ot lecu-
ilc!.aux Eva" " lieres , elle fut trouver le fecret |
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ques.
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» de furprendre leur religion , de
» leur faire epoufer fes interets; & » par un tour d'adreffe la plus rafi- » nee,de les faire agir pour fa propre » vengeance , fous pretexte d'ex- . » terminer l'herefie , fans qu'elle pa- » rut elle-meme y mettre la main. |
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PREFACE. hj
Des l'annee 1656 les Jefuites fe-
roient venus a bout de leur cleffein contre P. R., fi Dieu ne les eat ar- retes par tin miracle eclatant qu'il opera. Mais , ni la voix de Dieu qui s'etoit declare fi ouvertement en faveur de fes lervantes , ni le mauvais fucces de tant de calom- nies, dont ils avoient et£ convain- cus , ne purent les rebuter. Aban- donnant les accufations contre les moeurs , qui fe detruifoient par elles- memes , ils eurent recours a d'au- tres artifices. II n'y avoit que les Je- fuites , qui puffent (a) trouver le fecret d'envelopper des filles dans des difputes dogmatiques. Ils avoient le degre de malice neceffaire pour cela ; & ces faintes filles etoient di- gnes de fouffrir pour la grace qui les fancHfioit. Le formulaire, conduit I(s Ia par tant de degres jufqu'au point oil malice d'en- on le vit porte en 1656 par la Conf- £§^es£ titution d'Alexandre VII, acheva de p- k. dans les envelopper dans la persecution ti"0iogi"quS! que fbuffroient tous les vrais defen- feurs de la grace , & mit le comble a leurs fouffrances. M. de Perefixe, Perfecutioo Archeveque de Paris voulut bien f^de ?**. prefer la main a la paffion des Je- ( a ) 3. Gem. aveniff.
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lxlj PREFACE.
fuites. Non - feulement on fit fortir
leurs penlionnaires & leurs novices , mais on enleva meme douze d'en- tr'elles, qui flirent mifes dans des monafteres etrangers, oil elles effuie- rent les traitemens les plus durs. Cel- les qui refterent ne furent pas mieux trances. » Ceft une chofe (a) eton- » nante , difoit l'Apologifte de ces faintes filles, ecrivant pour leur de- fenfe pendant cette violente perfe- cution , « que dans l'Eglife catholi- » que , dans un ro'iaume comme la » France , & dans un fiecle ou Ton " eft fi indulgent aux plus grands » defordres , on ait pu fe porter a » de telles extremites , & traiter » d'une maniere fi etrange toute une w communaute de Vierges religieu- " fes ; qu'on ait fait une affaire d'e- " tat d'opprimer de pauvres filles , « 6c que M. de Paris en ait fait fa » premiere & fa principale occupa- » tion. Mais ce qui eft entierement " incomprehenfible , eft le fujet » qu'on prend pour colorer un pro- » cede fi extraordinaire & fi inoui. » Et il faut avouer que quelqu'idee » que Ton eut de Tinjuftice de l'ef- » prit humain, il n'etoit pas poffible (a) I. Part. p. 7,
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PREFACE. Ixil|
'*# de s'imaginer fieri de pareil.
Qu'auroit done dit cet Auteur ,
s'il avoit vecu jufqu'a la derniere perfecution faite a P. R. , & s'il eiit vii ces faintes lilies arrachees de leurs retraites, le monaftere detruit, les tombeaux violes, les corps exhu- mes , & l'Eglife meme ruinee juf- qu'aux fondemens ? Cell allurement le cas de dire que » quelqu'idee qu'on » eiit de l'injuftice de l'efprit humain » & de 1'animolite des Jeiuires con- » tre P. R., il n'etoit pas poffible de » s'imaginer rien de pareil. Eroit-il poffible de s'imaginer que des Pre- tres , des Religieux , qui lie qualifient de la Sociiie de Jefus , le portaffent a de tels exces ? Si nos yeux ne l'a- voient vii, pourrions-nous le croire } La fureur des ennemis de P. R. ne
put etre appaifee par la patience & la douceur chretienne avec lefquel- les ces faintes filles fouffrirent la cruelle perfecution de M. de Perefl- xe. La paix qui fut rendue a l'Egli- Les RdJJ fe , & a la quelle elles eurent part , gieufes ont leur innocence &c la purete de leurs ^l'EgUft!'* fentimens & de leur foi aiant ete fo- lemnellement reconnues par leurs perfecuteurs mtmes , fans qu'ils exi- gealTent d'elles autre chofe que ce |
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lxiv PREFACE.
qu'elles avoient offert des le com-
mencement ; cette paix, dis-je , ne fit qu'irriter les Jemites. lis virent avec chagrin la maifon dont ils avoient jure la perte , reprendre un nouveau luftre; &c le faint defert qui faifoit l'objet de leur haine im- placable , refleurir & fe repeupler de Solitaires. Leur colere fe ralluma , les calomnies recommencerent bien- tot, & P. R. fi.it perfecute de nou- veau. Le tems de ferenite ne dura Nouveiieper- qu'une dixaine d'annees , & fut fui- ftcution par v[ d'une perfecution , moins vio- M.deHailai. , , r ' ,
lente a la vente que la precedente ,
mais qui ne tendoit pas moins effica- cement a la mine de cette fainte mai- fon. M. de Harlai avoit deffein d y mettre la derniere main , lorfqu'une mort fubite l'enleva pour paroitre an jugement de Dieu. La confom- mation du myftere d'iniquite etoit refervee a fon fucceffeur, qui apres s'etre d'abord declare de vive voix & par ecrit, le prote&eur des Reli- gieufes de P. R., fe laiffa , le dirai- je ? eh , plut-a-Dieu pouvoir FefFa- cer de l'efprit du public en le difli- mulant ! fe laiffa entrainer , (qui pourroit dire par quel enchante- ment}) a favorifer les deffeins des |
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PREFACE. lxV
Je^uites', dont il n'avoit meme jamais
recu que de mauvais offices , & qui devenant le miniftre de leur paflion, executa leurs funeftes deffeins. Tels furent les motifs , tels furent
les progres de la fureur des ennemis de P. R. qui n'a pii etre fatisfaite que par le renverfement de cette fainte maifon. P. R. ne fubfifte done plus ! Les
enfans d'Edom , confus d'avoir et£ tant de fois defaits &c confondus par les Solitaires a qui cette maifon avoit fervi d'afyle , ont tant crie avec les anciens ennemis de Jerufa- lem , exinanita, exinanite nfque ad fundamentum in ea , qu'enfin ils font venus a bout d'executer ce qu'ils de- fuoient depuis li long - terns. Mais que dis-je ? P. R. ne fubfifte plus ! P. R. fubfifte & fubfiftera a jamais. Ce que le monde , ou Tenfer a de- truit, n'etoit que l'ouvrage des hom- mes. Le monaftere, il eft vrai, a ete renverfe de fond en comble ; TEgli- fe meme n'a pas ete epargnee , ni les tombeaux de tant de Vierges chretiennes & de faints Solitaires j dont les corps , qui avoient ete les temples du S. Efprit , repofoient dans ce faint defert; tout cela a ete |
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Ixvj PREFACE.
detruit , renverfe , diffipe ; mais
I'ouvrage de Dieu ne fauroit perin C'eft l'ouvrage de fon Efprit, &c il eft , aufli-bien que fon Efprit , hors des atteintes des hommes charnels. p.^fubfif- Le materiel de P. R. eft detruit , terai jamais, mais Tefprit de P. R. fubfifte : les hommes ont pu renverfer des pier- res arrangees par les mains des hom- mes, mais il n'eftpas en leur pouvoir de detruire Tefprit de P. R. ni de difii* per l'odeur de vie qu'il a repandu , qu'il repand encore aujourd'hui plus que jamais , & qu'il repandra jufqu'a 1* fin des fiecles. Jamais les faintes maximes que P. R. a prechees par fes exemples & fes ecrits ne peri- ront, P. R. fera dans les terns les plus
recules , l'admiration des Chretiens, & fa deftru&ion le fujet de leur eton- nement. Entre les etabliflemens les plus faints, on auroit peine a en trouver qui aient fubfifte long-tems fans degenerer; & l'hiftoire eccle- fiaftique ne nous fournit point d'e- xemple d'une maifon , qui apres un fiecle entier de la plus parfaite regu- larity , ait fini comme P. R. , a caufe de fon attachement inviolable a la fincerite chretienne, C'eft, je le re- |
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PREFACE. fxvi}
pete , ce qui fera l'^tonnement de
tous les iiecles a venir , la honte de {cs deftru&eurs , & la gloire de cet- te fainte maifon, dont le fouvenir ne fera jamais aboli, ni par l'injure des tems , ni par la malice des hommes. » Si je vous oublie jamais ( 6 fainte » maifon de P. R. ) que ma droite " oublie tout ce qu'elle fait faire. " Que ma langue demeure attachee " a mon palais , fi je me ne fouviens » de vous; fi je ne regarde point ce facre defert, comme la fource de ma joie 6c de toutes les lumieres & les benedictions que le Seigneur a rcpandues depuis plus d'un liecle fur ion Eglife. II n'y a point eu de (a) monaftere,
»» ou la difcipline reguliere fe foit » mieux foutenue. Jamais on n'avoit « vu une maifon plus fainte , plus " eloignee de la corruption du mon- m de , plus attentive aux loix de l'E- « glife, plus foumife aux pafteurs, » plus attachee a toutes les re- " gles. » Le voeu de pauvrete s'y obfer-
» voit dans toute fon etendue. Les » foeurs ne pofledoient rien en pro- (*) T. i. obed. cred. c. 9. p. ioi, Portrait de
t. R. par M. dc Petitpied. |
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lxviij PREFACE.
» pre , tout etoit commun parmi
» elles; & encore dans l'ufage de » ces biens qu'elles pofledoient en » commun , quelle admirable fim- » plicite , quelle moderation, quel » eloignement du fafte & de la va- » nite ! Tant qu'il leur a ete permis » de recevoir des filles a la profef- » fion de la vie religieufe , jamais » une riche dot n'a ete le prix du » voeu de la pauvrete , &c leur mai- » fon toujours fermee a la faveur, » a la recommanclation , aux inte- » rets humains , ne s'ouvroit qu'a la » vertu eprouvee & a la vocation » clairement reconnue. On les voioit » pleines de refpeft pour les meres , » mais de ce refpeG; qui produit l'a- » mitie & la confiance. Elles vi- » voient eniemble dans la plus par- s' faite union. Les entretiens avec les " perfonnes du dehors etoient tres « rares, mais fans familiarite , & " toujours fous les yeux d'une aflif- " tante. » On admiroit ce profond filence
« qui regnoit dans la maifon , cette w modeftie ferieufe , cette uniformi- » ti dans les exercices , cette appli- » cation continuelle a la priere, ces » larmes fi douces &c fi confolantes |
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PREFACE. lxix
»» qui en etoient le fruit ;ces le&ures
» egalement pieufes & folides, eloi-
" gnees de toute vaine curiofite ;
" ces aumenes abondantes verfees
» dans le fein des pauvres. La vie
» y etoit auftere tk. frugale , le fom-
» meil court, les veilles longues &
" frequentes , les jeiines foutenus
» jufqu'au foir , la foi pure , l'efpe-
» ranee animee , la charite brulan-
» te. L'interieur de la maifon etoit
" pour les jeiines filles une ecole de
" vertu & de piete ; l'exterieur etoit
» rempli de Laics vertueux, qui s'e-
» xergoient courageufement dans les
» plus rudes travaux de la p^niten-
» ce. Helas ! qui peut dire combien
" il s'y eft forme de Saints , qui ne
» font connus que de Dieu feul, &;
" dont les cendres font cachees dans
" ces lieux jufqu'au terns de la ma-
» nifeftation (a) ?
» Que dirai - je de l'office public
" de TEglife ? Quel concours nuit &
" jour ! Quelle affiduite , quelle per-
» feverance ! Quelle violence , pour
» me fervir de l'expreffion de Ter-
» tullien, ne faifoit-on point a Dieu
» par l'union de ces prieres fi fer-
(a) En 1711 la fureur <ies enncmis alia jufqu'i
faire dcterrer les corps ijui repol'oienc a P. R, |
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lxx PREFACE.
» ventes & fi animees ! Les cere-
» monies sy faifoient avec dignite , » mais fans pompe , & avec line » iimplicite edifiante ; le chant ra- » viffoit : vous auriez era entendre » des anges. C'etoit des voix dou- » ces, diflincles , articulees , har- » monieufes , touchantes , qui at- " tendriffoient jufqu'a faire repan- « dre des larmes , & qui remplif- » foient en meme terns le coeur de " joie & de confolation. » L'augufte majefte de Dieu fe
" faifoit lentir dans ces lieux faints. » Jefus-Chrirt prefent fur 1'autel, y ■» etoit adore continuellement nuit " &c jour fans interruption. Les faints " myfteres y etoient offerts avec " une terrear fainte , religieufe & " pleine de foi. L'ardent amour que » ces pieufes Hlles avoient pour Je- » fus Chrift , leur faifoit deiirer fans » ceffe &c recevoir fouvent la divi- " ne Euchariftie, avec un empreffe- » ment & un feu , dont l'activite » pourtant etoit quelquefois retenue » par un vif fentiment d'humilite &c » de penitence. » O fainte valiee ! 6 facree de-
v meure ! 6 cendres ( a ) des Saints ( a) T. i. c, XVI. p. jtfj,
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PREFACE. Ixxj
t> qui repofent dans ces lieux. ....
» Le monaftere de P. R. pent bien » etre renverfe , mais la pofterite jj faura ce que la flute des fiecles, » ni l'iniquite des hommes ne feront » jamais oublier , que cette maifon » fi fainte a peri enfin , non par au- » cun crime qui s'y fbit commis , » non par Fambition des Religieu- » fes , non par aucun differend fur* »j venu entr'elles, non par de folles „ & exceffives depenfes, non par ■,, des edifices fomptueux , temerai- » rement entrepris, non par le re- » lachement de la diicipline , qui, » depuis cent ans qu'elle a ete eta- >j b!ie dans ce monaftere , s'y eft » toujours egalement fbutenue ; » mais, ce qui eft incroiable , par » un fcrupule religieux , & un atta- » chement inviolable a la fincerite » chretienne. Chofe inouie de nos » jours ! Et quand meme il n'en » refteroit aucun monument ecrit, » les mines memes de ce lieu, fi dir- » gnes de veneration , eleveront, » pour ainfi dire , leur voix , & fer- " viront de temoignage eternel. Tel etoit P. R., dont Dieu n'a
permis la cleftruftion, qu'afin qu'il n'eut pas le malheur d$ degenerer j |
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Ixxij PREFACE.
malheur dont les meilleurs & les
plus faints etabliflemens fe font ref- i'entis ; ou plutot parceque le monde n'en etoit pas digne. Le portrait que nous avons fait
de Tinterieur & de Fexterieur du faint defert de P. R. feroit encore impar- fait, fi nous ne reprefentions les loix & l'efprit par lefquels les Religieufes de ce faint monaftere fe condui- foient; & on ne connoitroit point afTez les grands fervices que les pieux & favans Solitaires ont rendus a l'E- glife , fi nous ne developpions par quelque detail , qnelles font les ve- rites qu'ils ont derendues , les enne- mis qifils ont eus a. combattre, &c l'efprit dont ils etoient animes. Sur le premier article , on en peut
juger par les conftitutions de cette maifon. Leurs conftitutions , dit le grand Colbert, rne paroiffent pleincs dt jageffe & de difcretion. Mais ce que j ad- mire le plus , e'eft la fideliti & la conf- tancca lespratiquer. Ces conftitutions n'ont ete faites que fur ce qui s'ob- fervoit depuis plufieurs ann^es dans l'abba'ie de P. R. Lorfque la Mere Angelique forma , au commence- ment de 1608 , le deffein de faire revivre dans cette maifon le premier |
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PREFACE. Ixxiij
efprit de S. Bernard, elle ne penfa
qu'a faire obferver la regie de S. Be- noit fans aucunes conftitutions parti- culieres. Celles dont nous allons ren- occaaoi dre compte, ne furent dreflees qu'en ^^"p'^ 1647 , dans le terns qu'elles prirent Inhabit du nouvel inftitut du S. Sacre- ment, dont elles obfervoient deja depuis vingt ans toutes les faintes pratiques , par une devotion volon- taire. Ce fut en partie ce qui donna lieu de drefler les conftitutions de P. R. , arm d'arreter les devoirs de cet heureux engagement, auquel il avoit plu a Dieu de les appeller par une finguliere mifericorde , & pour empeeher que le relachement n'alte- rat ce qui s'obrervoit religieulement dans cette maifon. La Mere Agnes, en les dreffant, ne fit que mettre par ecrit ce qu'on pratiquoit depuis long- tems a P. R. M. de Gondi, les aiant fait examiner avec foin , les approu- va, & les conflrma par fon auto- rite. Ce feroit fe tromper, fi on re-
gardoit ces conftitutions feulement comme des Statuts d'une maifon particuliere , qui n'auroient point d'autre ufage que d'en regler la con- duite & les obfervances. C'eft un Tome J. d |
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!»
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lxxiv PREFACE.
Les confti- excellent livre de piete , rempli d'inf- mtions de p. truftions tres ediflantes qui peu- R. font rem- A . .; Z1 i x
piie^ d-inf- vent etre tres utiles, non-leulement
i^f'f?1"0" a toutesles maifons religieufes, mais pres a routes a \ i •
ks ames vrai- meme a toutes les ames vraiment
tiennej.ch^' chretiennes , qui en peuvent tirer des inftru£tions folides pour nourrir leur piete. L'exterieur des pratiques qui y font prefcrites, pent n'etre pro- pre qu'aux Religieufes de P. R. , mais l'interieur , c'eft-a-dire les avis pleins de lumieres , qui font joints aux pratiques exterieures & qui mar- quent les difpofvtions de grace avee lefquelles les Chretiens doivent faire toutes leurs actions ; l'interieur, dis- je, de ces constitutions , peut con- venir & peut etre tres falutaire a tous les fldeles. II n'eft perfonne qui ne puiffe y apprendre a vivre &c a agir en chretien, dans quelque forme de vie oil il fe trouve engage par la providence, II faudroit les tranfcrire en entier , fi Ton vouloit rapporter tout ce qu'elles renferment d'edi- fiant, meme dans les articles qui ne regardent dire&ement que les Reli- gieufes. On y volt par-tout (a) la cha- (a ) Lesconftimrioiis de Reformartice , en a ctabli
P. R. font attributes a la la pratique ; 8c i la Mere
M"re Angelique, parceque Agnes,parcequ'ellc les a re-
f'eft clle qui, en qualitc de cueillies & miles par cent;.
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T RE FACE. lxxv
rite de la fainte Reformarrice, qui cd"fv^'l0Ml
les a diftees, & fon grand amour pour l'Eglife. Des le premier (a) cha- pitre , apres avoir donn£ les instruc- tions les plus folides & les plus edi- fiantes fur les difpofitions avec lef- quelles les Religieufes doivent affif- ter devant le S. Sacrement, elle veut , . . Amour pout
que routes ieurs pneres aient pour l'Eglife.
objet le bien de l'Eglife ; qu'elles de- mandent a Dieu qu'il confonde les ennemis de fa foi; qu'il convertiffe les pecheurs, qu'il envoie des ou- vriers en fa moiflbn.... qu'il renou- velle fon evangile dans 1'ame des fi- deles , & grave dans leur cceur fa loi d'amour ; qu'elles defirent aufli d'attirer les benedictions de Dieu fur N. S. P. le Pape , fur M. l'Archeve- que leur fup^rieur , fur le Roi ; en im mot elle veut que les Religieufes enferment tout le general\ & le particu- Her de l'Eglife dans les prleres qu'elles firont devant le S. Sacrement, ne leur permettant pas meme defe fervir prin- cipalement de ce terns-Id pour penfer a tiles , ni pour faire des reflexions par- liculieresfur leurs fautes ou fur leurs be- foins. Quel refpett pour le fup^rieur!
(.1) Art- i.
dij
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lxxvj PREFACE.
II leur eft ordonne » d'honorer
» tres particulierement leur Arche- •> veque , comme leur feigneur Sc » leur pere ; de lui rendre route for- » te de foumiffion &de reverence , " fuiant avec un extreme foin tou- " tes les occafions de l'offenfer, " jufqu'a en fouffrir meme quelque « perte &c quelque dommage , fi » elles ne le peuvent eviter fans m blefler le refpect qu1 elles lui doi- " vent. Quelle lumiere , quelle fagefle
dans ce qui eft prefcrit touchant la confeffion , la communion , la lec- ture ! Quelle difcretion, quelle cha- rite dans l'article de la conference ! Quelle prudence , quel difcernement dans la reception des novices, pour n'en point admetire qui ne fut verita- Uement appellee de Dieu , quelquefprit, quelque nobleffe , quelque rioheffe quelle put avoir ! Quelles precautions pour s'affurer de leur vocation ! En con- iequence quelles qualites , quelles lumieres, ne falloit-il pas reconnoitre dans une Religieufe pour la charger de Temploi de maitreffe des novices , dont elle devoit eprouver la voca- tion , & qu'elle devoit former pour la religion ? L'article 31 des confli- |
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Gonftimtions
de P. R. Obeisance
au fuperieur. Chap, ;.
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Chap. 6, 7,
8. ConfeSion ,
Communion. Chap. ?.
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Chap. io.
Soin pour
t'afTuier ae La vocation des fujers. |
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PREFACE. lxxvij
tutions qui traite des qualites d'une Conftitutidis
rnaitreffe des Novices, & renferme les inftru&ions fur la maniere de les eprouver &c de les former , eft un des plus beaux & des plus remar- quables. Lorfqu'on devoit admettre une no- cliaP- "•
vice a profeffion , ce qui ne fe faifoit qu'a Tage de zo ans; huit jours avant la ceremonie, l'Abbefle en avertiffoit les Soeurs, leur recommandant de prier Dieu inftamment qu'il les - con- » duisit dans cette adion , purifiant " leur coeur de tout interet, de toute » afFedion , de toute prevention ; » afin que, fans avoir egard aux » avantages temporels qui pouvoient " arriver de fa reception, ou aux » difgraces de fa fortie......elles
» fuffent difpofees a fuivre la pen-
" fee que Dieu leur donneroit. Quel defintereflement dans la re- ih\A.
ception fur l'article de la dot ! Non- Wfintirefl*. r 1, „ „ . ment dans la
leulement elle veut que 1 on recoive reception des
les filles pauvres , qui font partial- n°vi«*. lierement appellees , quand bien meme le monaftere feroit incommo- de ; mais elle defend de rien cxiger, ni taxer ancun prix a Tegard de celles qui font riches , ne recevant que comme aumone ce qu'elles voudront d iij
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Ixxviij PREFACE.
4el.£f,ons bien donner. » Et les Soeurs ne doi-
» vent point delirer de rien recevoir » des feculieres , que par cet efprit » de charite , a fin que tout le bien » du monaftere foit le bien de Dieu, »» & qu'il y vienne par la providence » de fa grace , fansetre defire ni at- " lire par des voies humaines , & »» fans defirer meme que Dieu inf- >» pire perfonne de donner , de peur » que Dieu exaucant le def;.r qu'on " auroit des chofes temporelies , il » ne les donnat au lieu de chofes » fpirituelles qu'il faut chercher uni- - quement. Elle veut encore qu'on refufe tout ce que les fiiles qu'on re- coit & tears parens voudroient don- ner de precieux ou de curieux » com- » me de beaux tableaux , de riches " ornemens , & routes les autres » chofes qui ne conviennent pis a » la fimplicite & pauvrete , dont » elles doivent donner l'exemple a. » celles qui entrent dans leur mo- » naftere , &c non pas fe conformer " a leur condition. r>e b pau- L'amour de la pauvrete" <koit tel- Tretf. lenient grav6 dans le cceur de la
" ap-,?' fainte Reformatrice , qu'elle ordon-
na , en cas que le nombre des Reli-
gieufes que le revenu de la maifon
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PREFACE. Ixxix
pouvoit nourrir , ne fiit pas rempli, p c£nftlt- ie
non - feulement on ne demanderoit rien pour celles qui s'y prefente- roient,mais qu'on nerecevroit ce qui feroit donne charitablement , que pour le diftribuer aux pauvres le plu- tdt qu'il feroit poffible; les aumones n'appartenant qu'a ceux qui fouffrent neceffite. Elle ordonne de meme que s'il reftoit quelque chofe du revenu, » on l'emploie promptement pour » foulager la neceffite des mif'era- » bles , qui font veritablement pau- » vres, parcequ'on doit beaucoup " craindre dans le monaftere ce qui » eft liiperflu , &c qu'on doit le re- " jetter promptement comme des » ordures defquelles la maifon fe- » roit fouillee. Cet amour pour la pauvrete fe fait remarquer par-tout jufques dans les ornemens de l'Egli- fe. II eft aife de conclure quelle etoit la pratique de la pauvrete par rap- port aux particuliers, & quel etoit le depouillement & le detachement des Religieufes. La fainte Reformatrice n'a pas Travail d«
manque de prefcrire le travail des mams" mains par le meme efprit de pauvre- c ap' *'' te , pour imiter notre Seigneur ; & par efprit de penitence, le travail d iv
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Ixxx PREFACE.
etant la premiere peine du peche.
Aufli le travail qu'elle ordonna aux Religieufes , eft-il, non un travail d'amufement, & pour faire des cho- fes curienfes , mais un travail utile & humiliant. C'eft de faire » leurs » habits , fouliers , linge , ruban ; " comme auffi le linge & les orne- " mens de TEglife , le pain a chan- » ter &c les cierges; relier des li- " vres , faire la chandelle, les vi- >j tres, lanternes, chandeliers , &c. Chacune avoit un travail propor- tionne a fes forces, mais aucune n'e- toit oifive. Tout ce qui eft prefcrit dans tous
les autres articles , tant generaux que particuliers , fur TofEce divin , le parloir , le dortoir, le reTe&oire , les offices d'Abbeffe , de Prieure , Sous-prieure , Chantre , Sacriftine , Celeriere , Infirmiere , &c. tous ces articles , dis-je, font accompagnes d'inftruclions ft edifiantes , fi pleines de lumiere & d'onftion, qu'il n'eft pas poffible de les lire fans en etre tou- che , & fans fentir quelqu'impreffion de l'efprit qui les a di&ees. Ce n'eft point une lettre feche qui commande fimplement, mais des avis pleins de lumiere qui 6clairent en comman- |
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PREFACE. Ixxxj
dant , qui s'arretent moins a pref- crire ce qu'il faut faire , qu'a mar- quer les difpofitions chretiennes de foi & de charite avec lefquelles il faut pratiquer ce qui eft prefcrit. Mais fi les conftitutions de P. R. nous paroiffent en elles-memes fipleines de fagefle & de difcretion , fi con- formes a l'efprit de l'evangile & de la regie de S. Benoit, qui en eft la «_ bafe &c le fondement; ce qui merite le plus notre admiration , c'eft la fl- delite &c la conftance des Religieu- fes a les pratiquer fans aucune alte- ration ni affoibliflement. C'eft par-la qu'elles font arrivees a cette perfec- tion , qui a fait l'admiration de l'heu- reux fiecle pendant lequel cette fain- te maifon a fubfifte, & qui fera celle de tous les fiecles a venir. La conduite de ce faint monaftere Efprit de v.
etoit une conduite charitable , cga- R- * le & forte. Elle etoit charitable , pleine de cha-
parceque les perfonnes qui avoient Axi' la fuperiorite , ne prenoient point d'empire fur celles qui etoient fou- mifes. Les premieres n'avoient pour but, comrae S. Benoit l'ordonne , que d'etre utiles aux ames & non de dominer : Studeat plus prodeflc quam praeffe; & les autres ne defiroient |
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lxxxij PREFACE.
L'HpritdeP.que de fe laiffer concluire. La con- duite etoit egale , n'aiant ni haut ni bas : elle etoit forte , les fuperieures n'aiant que Dieu en viie, ne fe laif- fant flechir par aucune crainte ni confideration humaine. La retraite & la lolitude etoient
parfaites : ce qui l'entretenoit, etoit le pen de communication avec les perfonnes du dedans & du dehors , leur eloignement pour le parloir , ou elles n'alloient qu'avec peine & par l'ordre de l'obeiffaiice , meme pour leurs parens qu'elles ne regardoient plus qu'en Dieu & pour les interets de leur falut. Dans le choix des fujets, la vo-
cation de Dieu etoit la feule chofe qu'elles confiderafTent. Les qualites humaines les plus avantageufes ne leur etoient rien,finon en tant qu'il y * avoit apparence que Dieu s'en fer- viroit pour fes fins. Sans cela elles
les regardoient comme des armes contre la religion, plutot que des avantages. Mais lorfqu'elles voioient une vertu folide dans line ame , une grande droiture d'intention , bien qu'elle eiit peu de talens naturels , c'etoit celle-la qu'elles choififlbient, parccque Dieu a choifi les chofes fed- |
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?R£PJC£. fxxxiij
bles de ce monde , pour c'onfbndre t'Efprit de les fortes. Cependant , comme le p- R- plus grand nombre de celles qui veu- lent embrafTer la vie religieufe , n'eft pas compofe d'ames fi droites , qui n'ont que Dieu devant les yeux , Sc qu'il y en a plufieurs autres qui, quoiqu'elles cherchent Dieu , ont d'ailleurs beaucoup de defauts ; les Lej ,,_ Religieufes de P. R. ne croioient fauts nc- pas qu'il fiit permis de reverter ces „°ien„b^°de perfonnes (a), puifque , felon la pa- pour acre re- role de Notre-Seigneur , ce ne font*ues iv-K- pas les fains , mais les malades , qui ont befoin de medecin. Elles les rece- voient done, perfuadees que la reli- gion devoit etre pour elles une mere charitable , entre les mains de la- quelle Dieu mettoit ces malades , non pour les guerir , puifque cela n'appartient qu'a lui,mais pour traiter leurs maladies avec charite,mais fans (a ) Une perfonne de pondit qu'clle n'avoil pas
piece , mora depuis peu , les qua'itcs neceflaires
qui a eu 1'avantage de pour la vie religieufe.
frequenter ce faint monaf- Pourquoi done , reprit la
tere , y aiant vu un jour meme perfonne , l'avez-
ime Demoifelle d'une hu- vous gardee dans la mai-
roeur fort bifarre qui yde- fon depnis (i long-tems i
meuroit depuis plus de 40 c'elt , repliqua I'Abbefle ,
ans , Hemanda a la Mere parcequ'elle etoit belle ,
Abbefle pourquoi cette fit- qu'elle etoit pauvre , 8C
]e ne s'etoit point faite Re- qu'elle avoit beaucouj de
ligieufe ; I'Abbefle lui tt- defauts.
d vj
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hpcxiv PREFACE.
rcprit de rrioleffe. Les defauts n'etoient done
point un obftacle pour etre recues , lorfque les novices qui en avoient,re- cevoient les corre&ions & les reprd- henfions dans un efprit d'humilite , & avec un veritable defir d'en pro- liter. Si les defauts etoient incompa- tibles avec un engagement a la vie religieufe , on exercoit d'une autre maniere la charite , & on portoit a P. R. le delintereffement jufqu'a les retenir & les faire fubfifter dans la maifon. Be quel ocii On regardoit meme a P. R. comme "pT^Mk une chofe avantageufe , non-feule- defauts des ment pour les particulieres de n'etre patticuhercs. p0jnt entierement delivrees de leurs defauts , parceque cela les tenoit dans Fhumilite & le raepris d'elles- memes, mais meme pour la commu- naute , qui etoit d'ailleurs bien re- glee , parceque ces perfonnes impar- faites fervoient de contrepoids , qui Fempechoit de s'elever des vertus des autres. D'ailleurs elles confidd- roient que la religion doit etre plus pour les foibles que pour les fortes, & que Funique fin qu'on doit avoir , en admettant les perfonnes qui fe prefentent, doit etre de contribuer a leur falut, & non de fe prevaloir |
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PREFACE. Ixxxv
tie la perfection qui pourroit etre en elles. C'eft pour cela que les Religieufes
de P. R. ne prenoient point de part a l'eftime dcs creatures , qu'elles etoient dans la difpofition de fouffrir les mepris & les jugemens defavan- tageux , mcme des gens de bien qui quelquefois fe laiflbient prevenir contr'elles , & les condamnoient in- juftement; ce que Dieu permettoit, parceque c'etoit la voie qu'il lui avoit plii de choifir pour eprouver cette fainte maifon , & pour la preferver de l'applaudiflement des hommes. Elles avoient une vive reconr.oii"-
fance de la grace que Dieu leur avoit faite de leur donner des perfonnes qui y enfeignoient des verites foli- des &c des maximes fures pour aller a lui. C'etoit pour elles un fujet d'ac- tions de graces continuelles. Elles tachoient de n'avoir aucune attache trop outree aux chofes les plus fain- tes , corame a la priere , a la com- munion , aux communications fpiri- tuelles. Elles n'avoient que Dieu pour unique fin , le mettant au-deflus de tout le refte , & elles n'attendoient que de fa feule volonte , de fon or- dre & defa conduitefiir elles, ce qui |
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Ixxxvj PREFACE.
p,LZf?m dc ^es devoit faire etre toutes a lui, fans craindre que rien leur manquat pour cela. Elles ne defiroient point avec im-
patience dc avec trop d'inquietude un degre de perfection plus eleve que celui oil elles etoient, ce qui auroit pu etre l'effet de rorgueil Sc de l'amour-propre. Ce n'eft point qu'elles ne travaillaffent avec le plus grand zele , comme tous les Chre- tiens y font obliges , a s'avancer dans la loi de Dieu. Mais elles au- Iroient craint de perdre le fentiment
de leur indignite , ft elles n'euflent fupporte avec patience un etat cora- mun, qui neanmoins peut devenir un etat parfait, fi on eft fidele a com- battre fes imperfe&ions. Amout de Elles avoient un grand amou: pour Upauvtete. ja pauvrete. II fembloit qu'il y eiit entre Dieu & elles un combat, s'il eft permis de fe fervir de cette ex- preffion ; de la part de Dieu qui avoit une providence extraordinaire pour pourvoir a tous leurs befoins j & de la part de ces faintes filles qui ne fe prevaloient point de la libera- lite de Dieu envers elles , & ne s'at- tendoient point qifelle dut conti- Buer, fachant qu'elle etoit toute gra- |
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PREFACE. Ixxxvij
tuite &c qu'elies ne la meritoient P_"rpric de point; ce qui les tenoit dans une difpofition d'indigence , pour man- quer , quand il plairoit a Dieu , de ce qui leur etoit neceffaire. Auffi s'efforcoient - elles d'affifter les pau- vres autant qu'il leur etoit poflible , foulageant tous ceux que Dieu leur prefentoit, fans etre arretees par des raifonnemens humains , & par des prevoiances timides fur Tavenir. Dans la viie d'etre plus en etaf.
de foulager les membres vivans de Jefus-Chrift, elles evitoient dans les ornemens de leur Eglife , une magni- ficence , par laquelle , fous pretexte cFhonorer Dieu , on manque fouvent a la charite. Mais elles avoient d'ail- lenrs grand foin de la decence de la maifon du Seigneur. Elles regardoient l'obligation au
travail comme une fuite du pech6 &c de la pauvrete. II n'y avoit a cet egard aucune difference entre les Re- ligeufes de choeur & les Soeurs con- verfes. L'efprit de P. R. etoit encore nn AmamdtlM
efprit de priere , fonde fur la necef-priere- fite qu'il y a de tout attendre de la grace de Jefus-Chrift , qui accorde ies dons a ceux qui ont recours a lui |
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lxxxviij PREFACE.
LTfptit de par (jes prieres continuelles. Elles
r. r.. r ici • i • >i prereroient la priere commune a la
particuliere. Dans Toffee divin elles
fuivoient une maniere toute fimple de chanter , afin que la curiofite d'entendre des chants qui plaifent a 1'oreille , n'attirat perfonne dans leur Eglife. Et comme dans ce chant me- me tout fimple , il pouvoit encore s'y gliffer de la complaifance , lorf- qu'il fe rencontroit qu'une Religieufe eiit une belle voix , on ne la laiffoit point chanter feule. Devotion a La devotion a la parole de Dieu ,' u parole de c'eft_£_dire a l'Ecriture fainte , etoit une fuite de l'efprit de priere qui re- gnoit a P. R. Elles avoient un grand refpeft pour les livres faints, dont elles prereroient la le£hire a toute autre. Elles tachoient de porter le faint evangile dans leur fein , n'y aiant rien qui leur fiit plus precieux que les paroles que le Verbe eternel a prononcees lui-meme. C'eft pour- quoi elles ne fe lafibient jamais d'en- tendre les Evangiles qui fe lifent le plus fouvent a l'Eglife , & elles les ecoutoient toujours avec une nou- velle attention. Amourdela Les Religieufes de P. R. s'accu- pcaiKnce. f0jent eiies _ memes de leurs fautes |
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PREFACE. Ixxxix
avec la plus grande fincerite ; defi- p#L^nl rant meme d'etre accufees par d'au- tres , parcequ'elles fe tenoient elles- memes pour fufpe&es. Elles avoient un fi grand zele d'y fatisfaire , qu'el- les craignoienr qu'on ne les epargnat. Perfuadees que le bien qui etoit en elles ne venoit que de Dieu , qui pouvoit le retirer felon fon bon plai- fir, 6c que l'humilite feule pouvoit leur obtenir la grace de la perfeve- rance , elles recherchoient les peni- tences & les humiliations fans crain- dre de rougir devant les hommes , pourvu qu'elles evitaflent la confu- iion dont Dieu couvrira les fuper- bes. Elles defiroient d'edifler leurs
Sceurs; & fi elles tomboient dans quelques fautes , elles s'en hurni- lioient & ne s'en troubloient point, la connoiflance de leur foibleffe leur faifant penfer qu'elles avoient befoin de ce contrepoids d'humiliation, pour eviter la vanite capable de les faire perir. Elles avoient pour regie de fuir la
lingularite. Elles defiroient de n'etre ni connues ni appercues dans la mai- fon, Sc d'etre comme cachees fous l'ombre de Dieu, en mettant toute |
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xc PREFACE.
vvl. dc ^eur elperance a demeurer fous fes
ailes , n'y a'iant point de fiirete ail- leurs. Conference. Tout leur divertifTement, qui con- fiftoit dans ce qui s'appelle dans les autres monafleres recreations , fe bornoit a une conference qui fe fai- foit une fois le jour , hors le tems de careme , & plufieurs autres jours de 1'annee , pendant laquelle elles s'en- tretenoient de chofes utiles, evitant avec foin tout ce qui pouvoir bleffer la charite &C ce qui reffentoit Tefprit du monde. Tel etoit l'efprit de P. R. Nous
n'y joignons aucune reflexion. Nous demandons feulement fi Ton pour- roit trouver ailleurs les fondemens d'une piete aaffi folide & auffi eclai- ree, &C fi Ton doit etre furpris que dans un monaflere oil Dieu avoit re- .... pandu un tel efprit, les Religieufes fuflent fi parfaites. Mucation Une des chofes qui a encore beau- ts sntans. coup contribue a la grande reputa- tion du faint monaflre de P. R., e'eft Texcellente education des enfans , fi recommandee dans la regie de faint vies des Benoit. On a admire dans les beaux MS"M< fiecles de cet °rdre>la maniere dont
les jeunes gens y etoient eleves, & |
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PREFACE. xcj
tin pienx Auteur ne craint point d'at-
tribuer la grande benedi&ion que Dieu a repandue fur l'ordre de faint Benoit, a la charite que ce faint Le- giflateur a eue pour un age fi ten- dre. II faut convenir que la reflexion eft jufte & digne de la piete de l'au- teur ; & c'eft fans doute ce qui a attire fur P. R. une fi grande abon- dance de benedictions.* En effet, y eut-il jamais de monaftere au mon- de, ou les enfans aient ete eleves avec tant de foin & de fucces. En Regiemen* ■• . i i i r • . pour Jeur e-
voiant iss reglemens de cette fainte Sucation.
maifon , on auroit peine a croire que le projet d'une femblable education put etre , je ne dis pas execute , mais meme forme ; & on feroit tente de le regarder comme le projet de la repubiique de Platon qui n'exifta ja- mais que dans Fimagination de ce Philofophe. Mais ici c'eft tout le con- traire. Les reglemens de P. R. pour les enfans n'ont point ete faits pour fervir de regie de conduite dans leur education , ils ont ete dreffes fur ce qui s'etoit pratique & obferve depuis plufieiirs annees. C'eft le reck on ^2"^ Thiftoire de la maniere dont on les elevoit, & non des reglemens pour prefcrire de quelle maniere ils de- |
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xcij PREFACE.
voient etre eleves. En un mot, c'eft
une lettre de la maitreffe des enfans, qui rend compte a une perfonne eclairee, de la manieredont elle con- duifoit les enfans , & de ce qu'elle faifoit pour leur conduite fpirituelle 6c corporelle, afln qu'elle remarquat les faiites que cette fainte maitreffe croioit y faire. Cefc un prodige j mais les prodiges n'etonnent plus, Fruirs dune quand il s'agit de P. R. Quels fruits lion. "iuca" ^a France n'a-t-elle pas viis d'une fi excellente education dans les fa- milies qui ont ete affez heureufes pour y faire elever leurs enfans ? J'en attelte furtout la capitale , qui a l'avantage d'en poffeder de pre- cieux reftes qui ont foutenu julqu'a nos jours l'honneur de cette fainte maifon. Dans combien de families les eleves de P. R. n'ont - elles pas portd la benediction , non-feulement a Paris , mais dans tout le ro'iaume , ou elles ont ete la bonne odeur de Jefus-Chrilt, & ont fait par la regu- larite de leur vie, 1'eloge du mo- naftere oil elles avoient recu une fi fainte education ? Que dirai - je de celle que quel-
ques-uns des pieux & fa vans Solitaires qui habitoient au dehors de ce mo- |
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PREFACE. xciij
naftere donnoient a de jeunes gens
de famille , qu'ils inftruifoient dans la religion & les lettres! Celt de _ , , cette ecole admirable que font fortis jeunes gens rant de grands hommes , egalement ?ude!10S du t> ' & monafierc ,
recommandables par la icience ex par ie« soii-
par la piete , & qui fe font diftingues Iakes- par leur merite dans Fetat ecclefiaf- tique & dans la magiitrature , &c. On connoit trop les Tillemont, les Bignons, les Thomas Dufoffe , & autres , pour qu'il foit neceflUire de relever leur merite. Quels avanta- ges la France &c route l'Eglife n'au- roient-elles pas retires de ces faintes ecoles, fi l'envie du demon , qui vo'ioit arracher tant d'ames de fes fi- lets pour les elever dans Tinnocence, n'eiit trouve le moien de diffiper ces faints etabliflemens , par le fecours des nouveaux Gnolimaques (a) } Mais fi Dieu permit, par un terri- (a) Les Gnolimaques ban- la theologie 8c de la mo-
ni(Toient toute etude du rale clirericnne, qui, pour
chriftianifme , ibutenant accreditor leur fcandaleu-
qu'il eft fuperflu de s'oc- fe dottriue , non-feule-
cuper a la recherche des ment excluent route etude
inltructions & des con- du chriftianifme , brulent
npiirancesrenfermeesdans les Hvres , mais qui n'enr
les divines Ecrituies. C'eft feignent pas meme la ne»
ce que S. Theodore Stu- cerfite des bonnes ocuvres
dire traite d'herefie. Ep. que les Gnolimaques r$»
4«. Comniem auroit - il connoifloiein l
jraitc ces corrupteurs de |
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xciv PREFACE.
Dieu fafcite ble jugement que de fi faintes eco-
^lutdeVm- ^es » q1" auroient pii faire refleurir
fe dcs veritcs l'Eglife dans les jours de fa vieillefTe,
Je u grace fuffent detruites , il arreta les efforts
du prince des tenebres & de fes mi-
niftres , en fufcitant contr'eux les
grands hommes de P. R. pour defen-
dre les precieux dogmes de la grace
&c de la morale de l'evangile.
importance L'importance des verites de la
itcesviches. grace ne peut etre ignoree que de
ceux qui n'ont point une veritable
connoiffance de la religion, puifque
la force & l'efficace de la grace fait
proprement la bafe & le fondement
de la foi catholique ( a ) , comme le
reprefentoient autrefois les Domini-
quains dans les Congregations de Au-
xiliis.
Sa neceffite & fon efficace font
etablies dans toutes les pages de l'E- criture , comme le remarque le Pape Innocent I; & cela pour tenir Thorn- me dans Thumilite. L'orgueil a ete le principe des plus grandes revolu- tions qui font arrivees dans le mon- de ; non-feulement il a ete la pre- miere caufe de la chute du genre hu- < a) Divine gratis vir- hift. de auxil. n. 1. Voiez
tus 8c efficacia bafis ac la Verite perfecut6e pac
fundamentum eft. Memo- 1'errcur, r, z. t>. i^t,
jial de la Nufa aJ calceni |
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PREFACE. xcr
main , aufli-bien que des Anges pre-
varicateurs, mais encore de la re- probation de la Synagogue , c'eft-a- dire des Juifs orgueilleux qui ont voulu s'appuier fur leurs forces , au lieu d'avoir recours a celle de Dieu (a). 11 n'v a que la grace qui u8rmr"'!e puiile guenr cette malacne mortelle graude phie de l'homme , en lui infpirant 1'hurni- ^.''^"^V. lite ; & Jefus- Chrifl le fils de Dieu gueii. a bien voulu s'incarner, pour nous procurer le remede a la profonde plaie de l'orgueil. Ne point connoitre les verites de la grace , c'eft done ignorer la redemption de Jefus- Chrifc ; combattre ces verites , e'eft attaquer les fondemens de la religion chretienne. Ceil pour cela que les A" *• Dominiquains n'ont point craint d'a- vancer , qu'en refufant de decider les questions fur la force de la gra- ce , on ebranloit toute la doclxine de la predeftination , de la fcience de Dieu , de la juffiflcation , de la providence, du merite & de la re- demption de Jefus-Chrift, de la ver- tu des Sacremens , & de quantite d'autres points qui ont des liaifons neceffaires avec la grace ; &c que fi ( « ) Ignorances ju/litiam Dei , & fuarn quasrencc*
itatueie , juftitia; Dei uon/ur.t lubjedti. Rom. |
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xcvj PREFACE.
l'Eglife fouffroit qu'on etablit, par
rapport a la grace, de nouveaux fon- demens,on etcit menace de voir cor- rompre tout le corps de la Theo- logie. Rien n'eft exagere dans ce qu'a-
vancent ici les zeles defenfeurs de la grace de Jefus - Chrift ; & ce qu'ils avoient previi, eft malheureufement arrive. On a epargne les erreurs de la nouvelle fe£te qui commenca a fe former dans 1'Eglife fur la fin du fei- zieme fiecle , & on a vii, depuis , un torrent de mauvaifes do&rines , qui Molina a couvert la face de la terre. Moli- *,iefdes"°u' na , qu'on pouvoit appeller la fecon- giens trouble de ame de Pelage , comme le Car- ltghfe. clmal du Perron appelle S. Profper la feconde ame de S. Auguftin ; Mo- lina , dis - je , fut le chef de cette nouvelle fedle. L'Eglife jouiffoit en paix du fruit des viftoires qu'elle avoit remportees fur les ennemis de la grace , lorfque cet orgueilleux Ecrivain vint la troubler dans fa pof- feflion, en enfeignant des dogfnes qu'il avoue lui - racme etre nou- veaux (<*). L'aveu eft impudent, (a) Use noilra ratio conciliandi libertatem arbi-
rrii cum divina prxdertinacione, a nemine quera vi- dcrim hue ufque cradita. Q. ij. Art. 4S;. dil'p, 1. jpemb. u!t. mais
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PREFACE. xcvij
mais au moins eft-il fincere : felon
ce nouveau fyfteme , Fhomme pent fans fcrupule partager avec Dieu la gloire de fon falut, & fe glorifier de la Sjfteme de |
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nouveau
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cooperation de Jon litre arbhrea la gra- JaJj^
ce ; quoique S. Paul nous enfeigne que nous ne devons nous glorifier de rien , parceque nous n'avons rien que nous n'a'ions recu. Selon l'oracle de l'Ecriture & la docTrine conftante de l'Eglife , c'efr Dieu qui difcerne , quis te difcernit; felon Molina , c efl riiomme qui fe difcerne lui-meme ; enforte que de deux homines qui font dans la meme fkuation, & qui ont recu la meme grace , fun fe dif- cerne de fautre , & meme reuflit a furmonter les plus puifTanr.es graces , & a former avec les plus foibles les a£tes de. vertu les plus fervens (a). Selon l'Ecriture, les Peres & les Conciles , la volont6 de Thomme eft entre les mains de Dieu tout - puif- fant, qui le fait agir infailliblement &c librement par la force de fa gra- ' ( a ) Ab insquali cona- ad gratiam ju/tificantem
tu & inflexu liberi arbitrii quam alius ; & ut confe-
provenire poceft ut confe- rente Deo ifdem ina?qua-
rente Deo duobus homi- lia auxilia , a:que operen-
nibus equate auxilium tur ;aut is inceidum plus,
gtatiae adjuvantis , unus qui minori fuffultus eftau-
eorum intenfitis operetur xilio. Mol. Difp. jj. Ed.
raeliufijue fc difponat Ant. p. 161.
Tome I. e
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xcviij PREFACE.
ce ; felon le nouveau fyfteme, Dieu
nous donnc fa touts - puijfance pour nous en fervir , comme on donns une maifon de campagne ou un livre a une perfonne ; Dieu nous foumet fa toute- puiffance (a). Quelle idee ces faux Theologiens ont-ils de la Majefte di- vine ? Comment ofent-ils prononcer le premier article du iymbole , par lequel tout Chretien fait profeffion de croire en un Dieu tout-puiffant ? credo in Deum patrem omnipotentem, Le P. Vaflida rejetta dans les con- gregations de auxiliis , au nom des Peres de la Societe qu'il avoit con- fultes tant en Italie qu'en Eipagne & en France , Particle fuivant forme des propres paroles de S. Auguftin , avance par le Pape Clement VIII , favoir que la grace tire fon efficaciti de la toute - puijfance de Dieu & de rempire que fa majefle fupreme a fur les yolontes des hommes , comme fur tomes les chofes qui font fous le del. L'Ecriture & les Peres nous ap-
prennent que la grace a une force toute - puiffante pour foumettre les |
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( a) Deut donat nobis brum. Deus fubjerit no-
omnipotentiam fuam uc bis fuam o:nnipotemiam.
ea utamur, ficut aliquis Cc-tce pro, ofition a eti douat alteri villainvel H- profcrite Ian 1679,
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PREFACE. xclx
coeurs les plus durs , qu'elle force
tous les obftacles & toutes les refif- tances (a). Molina an contraire en- feigne que la grace eft foumife au lib re arbitre, qui la rend inefficace ou efEcace; que telle etoit la grace qui fur. donnee a S. Paul, a la Mag- deleine , an bon larron : auxilium ( quo permota funt arbitria Pauli , Mag- z daleace & latronis ) quod ad id effet efficax am non , pendens fuit a. Pauli , Magdalen*, , & latronis libera volunta- te , qui in potejlate fua habebant redden illud inefficax. Selon le nonveau fyf- teme , auffi revoltant & oppofe a la raifon que contraire a la parole de Dieu , rhomme , qui n'eft que mi- fere , que foiblefle & peche , a line volonte fi forte , que la plus petite grace fuffit pour lui donner l'equili- bre ; & la grace de Dieu eft fi foi- ble , que la plus puiffante n'a pas la force d'incliner infailliblement la vo- lonte , enforte que la toute-puiflan- ce de l'Etre fouverain n'eft que com- me un inftrument foumis a l'empire du libre arbitre, qui en difpofe a fon (a) Ipfa fuum confummat opus , cui tempus
agendi Semper adeft quae gefta velit, nee motibus illi Fit mora , nee caulis anceps fufpendirur ullis. S. Profp. Carm. de ingr.
eij
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c PREFACE.
gre , comme on difpofe d'une fliai-
ibn de campagne ou d'un livre qu'on a recu. Ainfi la grace eft bien au- deffous de la liberte , puifque c'eft la volonte de l'homme , &£ non la grace de Dieu, qui decide du fa- Jut. Ce n'eft pas ici le lieu de refnter
ces horribles nouveautes ; c'eft le cas de dire avec S. Jerome dans une pareille occafion , parlant des Pela- giens : non indiget refelli quod aperth fclajphemum eft. Quel eft le Chretien qui ne fe bouche les oreilles , a l'e- xemple de S. jPolycarpe , en enten- dant de tels blafphemes ? Pourquoi des erreurs ft monftrueufes & ft dan- gereufes n'ont-elles pas ete frappees d'anatheme & etouffees des le bei> t'otdie <ie ceau ? II faut rendre juftice a l'ordre ^E°m^oZtcIe S' Dominique , qn'il s'eft fignale feVeneuisde en cette occafion , & qu'il a pourfui- ifaMnn, y[ ies erreurs de Molina avec un zele qui lui a fait honneur. On lira tou- jours avec plaifir dans les faftes de 1 Eglife les combats du celebre Pere JLemos contre les ennemis de la gra- ce de Jefus-Chrift. Le grand nombre d'eciits qu'il publiafur ces matieres, les fages & vives remontrances qu'il ftjt pour obtenir la condamnation de |
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PREFACE. c)
font honneur a fes lumie-
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r
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erreur
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res &c a fon zele. Mais tous les efforts Memorial,
que fit ce grand homme furent inu- tiles : en vain il reprefenta tous les tePereL^ maux qui naitroient de Ces propha- ™° vh^fenc nes nouveautes, fi on les epar^noit; les maux quj que toute la theologie feroit bientot n^ei\\ infeftee & corrompue par toutes for- nouveiles «- tes d'erreurs ( a) ; que les fideles ne reu fauroient meme plus ce qu'ils de- vroient demander a Dieu dans leurs |
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(a) Mous avons le mat-
heur de voir atijourd'hui raceomplilTemcni. de cet- te predi&ion. La Theo- logie eft infectee & cor- rompue par toutes fortes d'erreurs , que 1c Molinif- me a enfantees. Tout eft ebranle , jufqu'au myftere de la Trinite. En faut-il d'autre preuve que la fcan- daleufe Hifloire tin Penple de Dieu par le Pere Ifaac Jofepb Bemtyer de la Com- pagnie de Jefu.t f Cet Ecri- vain , apres avoir aneanti daus la premiere partie de fon ouvrage , autant qu'il a ete en lui , le myftere de la grace & de la pre- deftination , Sc detruit lc peche originel , en reali- fant la chimere de 1'etat de pure nature , attaque dans fa feconde partie , par une fuite mutuelle de fes principes , la divinite de Jefus - Chrift. N'ai'anc point ejpargne la parole de |
Dieu fortie de la bouche
des Prophetes , il a et6 afTcz impie pour propha- ner celle qui eft fortie de la bouche du His de Dieu meme. Enfiii il a livre aux Sociniens la divinite du Verbe eternel , en adop- tant toutes les interpreta- tions que ces heretiques donncnt aux textes du nouveau Teitament , qui etablilTent la confubftan- tialite du Fils avec le Pe- re. Voila ou aboutit enfin le Molinifme. II eft la fource , non-feulement de la cotruption de la mora- le & de la theologie , il l'eft encore du Dcifmo meme. Enforte qu'il eft vrai de dire que le fyfteme de Molina a pour le moins fait autant de Deiftes que celui de Spinofa. Ceux d'entr'cux qui , en aban- donnant la religion n'onc pas renonce a la iincerite , 1'avouent ingenuement. e iij
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- - - -—---------------------■ ■ I
cij PREFACE.
prieres, ni dequoi ils devroient lui
rendre graces; qu'il n'y avoit qu'une decifion qui put oter aux pecheurs la vaine conflance qu'ils auroient dans leurs propres forces , tant qu'ils croi- roient qu'il ne tenoit qu'a leur libre arbitre de fe convertir. II ajoivtoit, que le cara&ere des nouveaux Doc- teurs qui vouloient gagner tout le moiide, etoit un nouveau fujet de preffer la decifion. Que pouvoit-on (a) repondre a de
fi folides raifons ? Que les defenfeurs
Raifons de Molina s'etoient tellement multi-
i"p° "our f" plies , qu'il feroit difficile de faire
diipenfet dc mettre a execution une decifion qui
fyfteme de
leur feroit contraire? Comme fi le
Molina. credit & le pouvoir de ceux qui fou- tiennent des erreurs certaines & re- connues telles par un ferieux exa- men , etoit une raifon legitime pour les epargner. On voit ici combien la Societe etoit formidable des - lors , puifque fa puiffance & fon credit em- pechoient de condamner fes erreurs , par la crainte que la decifion ne put etre mife a execution. Si Moife avoit penfe de meme , il auroit laiffe fub- fifter le veau d'or, & il n'auroit eu garde d'entreprendre de le brifer en ( d) Hift. Congrcg. p. 7f{ , &c.
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PREFACE. ciij
prefence de tout un peuple qui de-
voit lui faire craindre qu'il ne s'y op- pofat. A cette premiere raifon , pour fe
difpenfer de condamner les nou- veaux dogmes de Molina , on en ajoutoit encore deux autres , favoir que les Jefuites etoient prefque par- tout charges de Teducation de la jeu- nefle; comme s'il ne vaudroit pas mieux , felon la remarque du P. Le- mos , que la jeunefTe demeurat dans l'ignorance , que d'etre elevee dans l'hereiie , ( imo potius eji juventutem ignaram habere , quant hxreticam ) ; & que d'ailleurs , difoit-on , il ne pa- roiffoit pas a propos de donner une decifion dans un terns oil l'Eglife etoit agitee par tanf d'herefies differentes. Rien au contxaire n'etoit plus propre a faire voir la neceffite de condam- ner le Molinifme, puifque l'accroifle- ment des herefies dont on fe plai- gnoit, etoit une punition de Dieu , qui le permettoit, parceque Ton ne profcrivoit pas les nouveaux dogmes fur la grace , qui detruifent la pafliort & les merites de Jefus-Chrift. Les fa- ges remontrances du P. Lemos ne firent point d'impreffion fur l'efprit du Pape : l'erreur fut epargnee , Sc e iv
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civ PREFACE.
le decret qui devoit la foudroiet
fufpendu. La publication de la Bulle fut toujours differee. Bien plus , on vit paroitre en 1611 un decret de rinquilitionde Rome , date du 2 de- cembre , qui defendoit de la part du Pape , a tons Superieurs de commu- nautes religieufes , aux Univerfites , 6k a tous les Ordinaires , de permet- tre d'ecrire fur les matieres de la grace , fans avoir obtenu prealable- ment une permiffion particuliere de la meme Inquifition. Urbain VIII confirma & etendit ce decret le 22 mai 1625 ; Innocent X fit la meme chofe le 23 avril 1654; & Innocent XII , les 28 Janvier &. 6 fevrier 1694. vmpis du Les fuites de la cruelle indulgence oiuufme. qUe pon a eue p0ur jes erreurs de Molina , en fufpendant la Bulle qui
les foudroioit, & en faifant meme defenfe d'ecrire fur les matieres de la grace, furent telles que les Do- miniquains Favoient prevu & repre* fente dans leurs memoriaux. Le Mo- linifme , & pourquoi ne dirions-nous pas le Demi-pelagianifme , puifque les dogtnes de ce nouveau maitre ne different de ceux des Demi- pela- giens, que dans la maniere de les |
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PREFACE. cv
Cxprimer (a) ; le Molinifme , dis-je,
s'accrat, fe i-epanclit de toutes parts, acquit de jour en jour line nouvelle hardieffe, & entreprit bientot de bannir de l'Egiife l'ancienne foi,pour regner feul fur fes mines. Non-feu- lement la doctrine de la predeftina- tion , de la fcierice de Dieu , de la j unification , de la providence, de la volonte de Dieu , du merite & de la redemption de Jefus-Chrift , de la vertu des Sacremens , fut ebranl^e ; mais encore tout le corps de la theo- logie flit infe&e par toutes fortes de nouveautes fur la morale chretien- ne , les regies des moeurs , & quan- tite de points qui ont des liaifons in- difTolubles avec la grace. Ce fut alors que Dieu oppofa a dibit oppot
l'erreur, trop menagee par les Paf- MrsdeP. r. reurs, le grand ouvrage de P. K., ot gPargn&jp» tous les Theologiens qui s'y attache- lesP»fteut*- rent. • » On a obferve , dit un Ecrivain ,
dont Fautorite ne fera point fufpec- te (b ) , » qu'il croilToit plus de plan- ts tes falutaires dans les pais oil il |
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( a ) Semipelagianifmum , mutatis tantum vocibus ,
jnftautant. AfTtmbUe du. Cleric tenue en 1700. (£) Journal de Tievoux du mois de juillet i7Ji«
* aic e v
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cvj PREFACE.
» fe trotivoit plus de poifons, &
i, Ton remarque aufli que quand la ,, religion eft plus vivement atta- » quee par les impies , le zele & le » favoir fe fignalent pour la defenfe „ des dogmes ; les apologies triom- „ phantes fe multiplient, les lumie- ,> res eclatent de toutes parts. Tout » ceci eft un bienfait de la provi- » dence , un effet de fes attentions => paternelles fur nos befoins. C'eft ce qui eft arrive par rap-
port aux Jefuites. Dans le tems que cette redoutable Societe faifoit tous fes efforts pour etablir les dogmes de Molina, &c fes maximes fcanda- leufes fur les ruines de la grace efli- cace & de la morale chretienne , Dieu lui a oppofe les pieux & favans Theologiens de P. R. Les apologies triomphantes Je font multipliers ,• les lu- mieres one eclate de toutes parts. Tout cela ejl un (a ) bienfait de la.providen- ce , un effet defes attentions paternelles fur nos befoins. Jouijfons , par exem- ple , dans un efprit de reconnoiffance , des apologies triomphantes des faints Peres , defenfeurs de la grace de Jefus-Chrift; Jouiffons avec recon- noiffance des apologies des ecrxts de ( « ) Journal de Trevoux , ibid.
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PREFACE, cvij
Janfenius, & de M. de S. Cyrari, par
M. Arnauld , 8c encore des autres e exits faits pour la defenfe des dog- mes de la grace , par Mrs de Barcos, Delalane , Nicole , &c. Jouijfons dans un efprit de reconnoijfance des ad- mirables Letrres provinciales par M. Palcal; des cenfures multipliees con- tre les horribles relachemens des ca- fuiftes par les Eveques & les Univer- fites ; des ecrits des Cures de Paris & de Rouen , &c. Quel eft le point de dogme ou de morale que les Je- fuites n'aient point attaque , ou que M'5 de P. R. n'aient pas defendu ? Abus trop repandus dans l'Eglife , faux prejuges , erreurs , relache- mens , tout fut difcute , tout fat eclairci dans un nombre de volumes , dont nous ne ferons pas entrer la lifte dans cet ouvrage; nous laiftbns le foin de la dreffer aux Benedidins qui travaillent a Thiftoire litteraire de France. C'eft un ouvrage digne d'eux , & que le Public ne recevra pas avec moins d'applaudiffemens qu'il a recu les belles editions des Peres dont ils ont enrichi l'Eglife. Ces travaux de P. R. font, pour Travaa* 4
me fervir encore des expreffions du Mrs de p. iu Journalifte de Trevoux , un bienfait c vj
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eviij PREFACE.
viiible de la providence , &£. un effet dt
fes attentions paternelles fur nos befoins. Ces grands hommes ne fe font pas contentes de defendre les verites de la grace , mais leur donnant le rang qu'elles meritent entre les autres , ils y ont encore joint toutes les verites qui en clecoulent comme de leur fource ; foiblefle de la volonte de rhomme , force de la grace , gratui- te de la predomination , diftinftion de l'etat d'innocence d'avec l'etat de corruption ou nous vivons , inutilite de l'ancienne alliance par rapport a la juftice , avantages de la nouvel- le, neceflite de 1'amour de Dieu, infuffifance de la crainte , fage rete- nue dans le Sacrement de penitence, vaine terreur des excommunications injuries , folides avantages de l'Egli- fe , falut renferme dans fon fein , liberte de lire l'Ecriture-fainte pour tpus les fideles, toutes ces chofes ont ete Tobjet du zele de P. R., & I*effet des attentions paternelles de la divine providence fur les befoins de foil Eglife. Dira ftoit Dieu, pour rendre Mrs de P. R.
milieu ie capajjies cTune fl grande oeuvre, les
avoit combles de fes dons les plus precieux. II etoit lui-meme au milieu |
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PREFACE. cix
de cette troupe choifie , dans tous
les differens cara&eres de bonte qu'il partageoit autrefois dans tout le corps de fon Eglife. II y etoit l'efprit d'intelligence , de Efprft<ffifi
faintete , d'unite , multiplie dans fes G&p'agt effets, fubtil & penetrant, eloquent i> & fuiv. & difert, pur & fans tache, intre- g£ *£ pide & affure ; efprit cle douceur & c. 7. f. m. d'humilite , efprit ami de tout bien & fecond en fruits de juff.ce , efprit ftable & conftant, tranquille & afe- preuve de tout. Les Theologiens de P. R. ont-ils
ignore quelque chofe de ce que Dieti a revele a. ion Eglife ? Dans quel jour n'ont-ils pas mis fes plus pro- fonds myfteres ? Ennemis des pro- phanes nouveautes , ils ne vouloient etre favans que dans la fcience des Saints. Les Apotres , les Prophetes , les Anciens & les Sages , tous ces grands maifres de TEglife , etoient les leurs. Ils pouvoient, comme un ancien Pere de TEglife , fe glorifier TermliiqK a jufte titre , quant a la doftrine , d'etre les heritiers des Apotres , ha- res fum Apofiolorum. Us ont poffede la fcience des Ecritures , & ils nous l'ont apprife. Ils ont cherche dans tous les ages le depot de notre foi j |
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ex PREFACE.
& ils l'ont mis dans nos mains. lis
ont rendu aux enfans le teftament de leur pere par la traduction de VE- criture-fainte & des offices de l'Egli- fe; ils leur ont enfeigne a prier de coeur avec intelligence , & a enten- dre les oracles du S. ECprit, qui > comme li les Chretiens euffent ete ce peuple abandonne , ne leur par- loit plus qifen une iangue etran- Sere* .
ifprit dc lis etoient faints dans leur doflxi- nztijanc- ne> Rjen qLl; favorifat la nature cor- rompue ; rien d'etranger a TEvangi- le, nul melange de Telprit de l'hom- me. Ils etoient faints dans leur culte & leur religion. L'efprit de charite & d'amour en etoit lui-meme le mo- tif, Tame & la vie. Ils etoient purs dans leurs moeurs & dans leur con- duite. Jamais on ne les vit fe meler dans les aflemblees de pecheurs ; ja- mais on n'entendit parler parmi eux du nom meme de crime : leur feul abord imprimoit du refped. Quicon- que alloit vifiter leur defert, croioit marcher fur une terre fainte , & en revenoit meilleur. La bonne odeur de Jefus - Chrift qu'exhaloit ce faint defert, etoit telle , qu'il fuffifoit de le frequenter, ou d'etre en Haifoa |
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PREFACE. cx|
sivec fes habitans , pour gotiter la
piete & aimer la penitence. Combien de fois ne vit-on pas arriver a P. R. ce qui arrivoit a Clairvaux clu terns de S. Bernard ? Combien de perfon- nes que la feule curiofite avoit con- duces dans cette divine folitude , fe trouvoient ii eprifes de la vie ange- lique qifon y menoit, que fouvent elles l'embrailbient elles - memes ? Dans combien de perfonnes s'eil-il opere a P. R., des changemens aufli extraordinaires que celui que Dieu op£ra dans Onefime par le miniftere de S. Paul ? Ne croit-on pas encore aujourd'hui, en marchant fur les mines de cette fainte maifon , mar- cher fur une terre fainte ? N'y fent- , Troifieme on pas encore quelques etincelles de emi ce feu facre qui y briiloit avant fa deftrudion ? Ces imitateurs des premiers en- Efprft <r*
fans de lEglne avoient en norreur tout ce qui divife les enfans des hommes. Loin d'eux l'ambition, Fa- mour de la prefTeance, desricheiTes & des douceurs de la vie. Quel a ere leur zele pour faire regner par-tout Tefprit de concoide & de paix ! Us ont couru apres les brebis pour les raffembler fous un meme patteur, |
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cxij PREFACE.
dans un meme bercail , par leuf?
ecrits centre les Calviniites; affermi la colonne , colonne unique c!e la ve- rite , contre les effets du fchifme & de l'herefie; confondu, aux yeux de tout lira el, les prophanes imitateurs de Core , Dathan & Abiron , ces nouveaux ufurpateurs des premiers droits de la facrificature ; enfln ils ont eleve avec honneur la chaire des Apotres & de leurs fucceffeurs , & tout reuni dans la chaire de Pierre » comme dans le centre & la fource de toute l'unite facerdotale. Ifprit mul-
A l'un , l'Efprit faint avoit accorde
elb'tt dTf" ^e ^on de parler dans line haute fa- tHsmnifyUx. gefle ; a celui-la , le don de parler avec fcience. Un autre avoit recti le don de guerir les malades ; un autre le don du difcernement des efprits ; un autre le don de parler diverfes langues & de les interpreter ; ,& quelques-uns , celui de faire meme des miracles. ifprit fubtii S'agifToit - il de demeler I'erreur sS^Td d'avec la verite , le culte fuperfti- '*"> "*'• tieux ou le prophane d'avec le fa- cre & religieux ; l'efprk d'adoption d'avec l'efprit de fervitude ; les fon- ges & les vifions des menteurs , d'a- vec les revelations des homines prc^ |
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PREFACE cxiij
phetiques ; de prononcer entre la
lepre & la lepre ; de fuivre les fec- taires dans leurs detours ; de pene- trer le fond de la morale evangeli- que : venez , difoit - on , allons a P. R., a la maifon du Dieu de Jacob, if. i, 5; il nous enfdgnera fes voies , & nous marcherons dans fes fenders. Les bouches de ces faints & favans Efprit Slo-
Solitaires , qui ne parloient qu'apres ^atMiferim. que l'Efprit faint les avoit lui-meme remplies , combien etoient-elles dif- ferentes de celles des Scribes & des Pharifiens ? Quelle force & quelle au- torite dans leurs difcours ! Leurs pa- roles etoient vraiment des paroles de grace ; & leurs ennemis memes, bien loin de pouvoir refifter a leur fageffe & a leur eloquence , fe trouvoient fouvent forces de groffir malgre eux la foule de leurs admirateurs. Leurs ecrits etoient tout bmlans du noble feu qui animoit les Auteurs , & em- brafoit leurs coeurs, Ceux des lec- teurs ne fe fentent-ils pas encore au- jourd'hui tout enflammes au-dedans d'eux-memesen les lifant;Quels fruits ces admira'bles ecrits n'ont-ils paspro- duits , & ne produifent-ils pas encore tons les jours dans ceux qui les lifent? N'ont-ils pas ete,ne ibnt-ilspas encore |
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cxiv PREFACE.
une fource de falut qui fubfiftera jufqu'a la fin des fiecles. E<prit pur Citoiens de la patrie celefte, & & fatis cache, prefque meles parmi les Aneres , ils tm miindm. ne touchoient lci-bas iur la terre , que par oil les Elus font forces d'y toucher , mais ils n'y tenoient pas. L'or n'etoit pour eux que de la boue, a quoi ils craignoient de porter la main. Trop riches en poffedant la grace & la rertu , ils ne penfoient pas que la terre eiit des richefTes pour eux. Mais quel amour pour cette fincerite & cette candeur qui ornent vraiment les ames aux yeux de Dieu! Le deguifement fut tou- jours leur plus mortel ennemi (a) ; & ce fut pour ne pas ceder au men- fonge, que leurs perfonnes furent opprimees par les menteurs , tandis que leurs ecrits en triomphoient. Troirieme Ce n'etoit pas d'une voix timide |'(^.jfc™eni* & entrecoupee , mais avec un pjj&airure.courage invincible, virtues magna, |
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tc /;;;.
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qu'ils rendoient temoignage a Jefus-
Chrift; ni d'une main tremblante qu'ils ecrivoient pour la defenfe de l'Evangile & de l'Eglife, contre fes ennemis du dedans & du dehors. («) Voiez un excellent fous ce titrc: Bffai fut I*-
ierit > ^ui patoit depuis peu itiuti & It fmcitUe Vc. |
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PREFACE. cxv
Auffi puifoient-ils tons, non dans
des citernes entr'ouvertes , non dans des fources corrompues , mais dans les fontaines du Sauvenr , in fond- bus Salvatoris , dans ce grand fleuve de la divine Tradition , qui prenant fa fource aux pies du trone de l'A- gneau , porte fes eaux par un cours non interrompu dans les murs de la ville fainte. Inftruitsparjefus-Chrift queDieu Efprit «is
donne fa grace aux humbles , & *>««"•*— qu'il refifre aux fuperbes , ils n'a- voient tous qu'une bouche pour louer & relever Tempire fupreme que le Tout-puiffant a fur les coeurs, & pour confefTer devant lui, l'indi- gnite , l'impunTance, Sc le neant de toute chair. Les plus eclaires & les plus faints Efprit ami
Pafteurs de l'Eglife (a) fe font fait £ 'SJ^J honneur de tenir a eux par les fruits dejuitt liens dune affedion pure fcrefpec- t'mm^Z tueufe. Si par le privilege de leurs/««»'. carafteres, ces Pafteurs etoient les peres des faints Solitaires de P. R., ils n'ont pas rougi de s'en dire com- la) M. Pavilion Eveque terns , le S. Eveque Ae Se<
d'Alet, M. de Buzanval E- ncz , le grand Colbert Eve
vequs de Beauvais , M. que de Montpellier, M. de
Caulec Eveque de Panvers, Caylus Eveque d'Auxetrc,
tec., & dans ces detniers &c.
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Cxvj PREFACE
me les enfans par la parole de ve-'
rite qu'ils en avoient recue. Quo tant de Pretres, qui dans ces der- niers jours ont ete le fel de la terre & la lumiere du monde , nous ap-* prennent d'oii ils ont tire comme de leur fource , 6c leur fagefle &c leur fcience ? N'eft-ce pas de P. R. ? Que tant d'Anachoretes de Tun & de l'autre fexe , qui ont commence d'habiter les deferts, ou de repeu- pler ceux que leurs peres avoient abandonnes, nous apprennent fur quel modele ils fe font formes ? N'eft-ce pas fur la fainte maifon de P. R. ? Que tous les divers etats de TEglife nous decouvrent d'ou leur font venues tant d'inftru&ions falutai- res qui auroient pu les fanftifier tous? N'eft-ce pas de P. R. ? Que tant de brebis revenues de l'egarement nous parlent de cette voix qui les a rap- pellees; tant de pecheurs qui ont embrafle la penitence, de fages guides qui leur en ont ouvert la voie; tant de juftes qui ont emporte le ciel avec violence , de faints precurfeurs qui ont marche a leur tete; tous d'une voix unanime te- moigneront qu'ils en font redevables |iP.R. |
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PREFACE. cxvij
La conduite de ces hommes ad- Efprit "ztft.
tnirables etoit unie, leur piet6 foil- %J°u*m' tenue. Ni variation , ni inegaiite ; rien qui reffentit le caprice de l'a- mour-propre , on la biiarre legerete de 1'efpri.t humain. Us ne connoif- foient qu'une feule piete e/Tentielle; ils n'en prechoient qu'une feule qui confifte a affermir le coeur par la grace , &c l'enraciner dans la charire, mais dans une charite feconde &c agiflante, Toujonrs attaches a celui en qui Efprit una-
ils avoient une fois cru , jamais ilsS!"llc £< 5 ne fe font dementis ; parmi l'hon- tout.7««r«/, neur & l'ignominie, parmi la bonne & la mauvaife reputation ; corame fedufteurs, quoique finceres & ve- ritables; comme des inconnus, quoi- que tres connus; comme toujonrs mourans , & vivans neanmoins; comme trifles , & toujonrs dans la joie; comme pauvres , & enrichif- fant plufieurs ; comme n'aiant rien, & poffedant tout. Voila l'elite d'Ifrael, que le Sei^
gneur lui avoit refervee pour remet- tre en honneur la loi de fes peres qui etoit foulee aux pies ; pour re- Jever les autels du Dieu vivant en plufieurs lieux ou l'herafie facrileg§ |
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cxviij PREFACE.
les avoient renverfes ; combattre pour l'Eglife dont l'aveugle erreur ie flattoit deja de voir les mines; tirer de l'opprobre TEvangile pref- que enfeveli fous le triomphe des opinions humaines; venger le faint nom du Tout-puifTant des blafphe- mes des fuperbes, qui n'en con- noiffoient plus ni la laintete ni la • puiffance. lis ont rempli les devoirs de la juftice, ont recu l'effet despro- meffes , ont ferme la gueule des lions, ont arrete la violence du feu.... ont ete remplis de force & de cou- rage dans les combats ; ont mis en deroute les armees des etrangers. Voila ceux que Terreur & Timpiete ont pertecutes. lis ont mene' une vie errante, etant ecartes, profcrits, abandcnnes , affiiges, persecutes, fu'ians dans les deferts & les monta- gnes , & obliges de fe retirer dans des terres e^rangeres , eux dont le monde n'etoit pas digne. Les tentes que tons ces enfans d'Abraham avoient habitees dans le defert de P. R. ont ete detruites ; les os mimes & les cendres de ceux qui etoient morts dans le lieu du com- bat , ont ete enlevds & diflip^s. Un mime fiecle a vu naitre tous ces |
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PREFACE.^ cxi*
^grands hommes , &: un meme fiecle
les a vus difparoitre. Tant de lu- mieres ont pafle comme un eclair. Tout s'eft arme pour les eteindre. Enfm ils ne font plus. La pofterite pourra-t-elle croire
qu'une barbare impiete ait pu fe porter jufqu'a cet exces, de renverfer une fi fainte maifon, d'exhumer les corps &c de diffiper les cendres de tant de defenfeurs intrepides de la grace de Jefus-Chrift , de tant de Docleurs que l'Eglife des premiers nes avoit deja recus parmi fes fre- res ? Si c'etoit dans le faint defert de P. R. que Dieu avoit raflemble comme toute la force de fon peu- ple ,1a lumiere de fon Eglife; s'ily YoVezIe.tro? avoit r£uni tous les traits les plus r^ment^'at!". marques de fon ancienne fplendeur; ?• s'il en avoit fait comme un rempart pour tout Ifrael; c'eft done de 1'E- glife que l'ennemi a dechire^ en quel- que forte les membres morts, 8c difperfe les cendres. Oai c'eft l'E- vangile eternel, c'eft la grace, c'eft le fondement de toute folide efpe- rance; c'eft la fource de toute vraie juftice ; c'eft la vie des enfans de Dieu; c'eft la dot &c l'heritage de fon Eglife; c'eft le grand Apotre, |
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cxx PREFACE.
des nations, Paul avec tons fes tra-
vaux , fes chaines , fes combats, & ies conquetes ; c'eft le fang & la couronne des martyrs ; c'eftla croix, lavi&oire, la puifiance, &toutela gloire de Jefus - Chrifl; Notre-Sau- veur, que la Cede ennemie de fon norn fe vante d'avoir mis en pou- dre. Cette cruelle expedition fera regarder a jamais aux yeux de tous Ies fiecles , ceux qui en font Ies au- teurs , comme tous couverts du fang des difciples de la grace de Jefus- Chrifl, ou plutot en quelque forte du fang de toute l'Eglife; puifqiie c'eft a fes plus zeles defenfeurs, a une portion d'elle-meme, qui la rappelloit fi efficacement au modele de fon premier age , que cet outra- ge fanglant a ete fait. Jamais il ne fe commit un exces
fi abominable , je ne dis pas dans tout Ifrael (a), mais dans le monde entier depuis fa creation. La feule Image en fait fremir d'horreur tous Ies efprits. Les barbaresperfecuteurs de P. R- font lesfeuls, quin'enfre- miffent point. Mais faut-il s'etonner que ces nouveaux Apotres , qui (a) Nimquam tantum culum faflum eftin Ifrael.
jjc.'as & tam giaade pia.- Jud. zo, 6. parmi
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PREFACE. cxxj
partni les nations idolatres renclent
des honneurs divins aux cendres des Philofophes paiens , traitent ainft apres leur mort les cendres des dif- ciples de Jeftis-Chrift. Apres avoir donne une idee ge-' pkn & °»
nerale de la fainte maifon de P. R. , fuh^dan'scct il eft a propos d'inftruire le Lecteur ©wage. du plan, de l'ordre , & de la rne- thode que nous avons fuivis dans l'hiftoire que nous lui prefentons , des fources oil nous avons puife ce que nous rapportons , &c de prevenir quelques difficultes qu'on pourroit fa ire. II eft aife de juger par ce que nous
avons deja dit, que notre deftein eft de propofer aux Chretiens de nos jours , les exemples de vertu qu'on a vus dans le defeit de P. R.pour leur fervir demodele, pour les fou- tenir & les animer au milieu des fcandales clont ils font environnes dans ces terns malheureux, oil la piete eft prefque entierement ban- nie de la terre. C'eft pour Vy rap- peller en quelque forte, que nous entreprenons l'hiftoire de ces faintes Filles, de ces pieux Solitaires qui ie font rendus ft celebres par la faintete de leur vie au-deda.is & Tome I. f |
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exxij PREFACE.
au-dehors du faint monaftere de
P. R., depuis que la Mere Angeli- que Arnauld y eut introduit la re- forme. Pour remplir ce deffein , nous fe-
rons le detail des grandes chofes que Dieu fit dans le dernier fiecle , & des fruits admirables que produi- fit la reforme de ce monaftere. La matiere eft abondante , & dans rimpoffibilite de tout rapporter, la difEculte ne confifte que dans le choix; & elle eft d'autant plus gran- de que tout y eft grand, inftrucYif, & cdifiant. Nous ferons cependant en forte de ne rien omettre d'eflen- tiel, pour donner de cette fainte maifon une connoiflance aufti eten- due qu'elle le merite. Nous parle- rons , non-feulement des grandes AbbefTes qui l'ont gouvernee avec une fageffe, dont on trouveroit dif- ficilement l'exemple foutenu pen-, dant tant d'anndes ; mais encore des Religieufes qui , formees par de fi habiles mains, fe font diltinguees parmi les autres par la grandeur de leur foi, leur patience & leur ferr mete dans les perfections qu'elles ont effu'iees. Nous developperons tous les grands evenemens qui font |
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PREFACE. cxxiij
arrives pendant le cours d'un iiecle
entier , toutes les epreuves aux- quelles ces epoufes de Jefus-Chrift ont ete expofees , & tous les com- bats qu'elles ont foutenus pour la defenfe de la verite & de l'innocen- ce, jufqu'au moment que Dieu a per- mis qu'elles fuffent livrees a leurs enilemis, & que le lieu faint fiit prophane. Le Formulaire a'iant ete la pomme Motifs qui
de difcorde , Sc la caufe de la per- ont ensas« * fecution faite aux Religieufes de muiaLe." ° P. R. tant que cette maifon a fub- fifte , il a ete neceffaire de parler de ce qui s'eft pafle en France fur ce fujet dans les affemblees du C!er- ge & a Rome. Nous favons fait avec autant de precifion qu'il a ete poffible, & d'une maniere a. mettre le Le£teur fuffifamment au fait de cette grande afiaire. Je dis grande, par les fuites qu'elle a eues ; car pour le fond , rien n'eft fi petit en foi- meme ; & la pofterite n'apprendra qu'avec etonnement que dans 1'Egli- ie , qui eft la maifon de la fageffe, on ait fait d'une bagatelle , la chofe la plus ferieufe. M. de S. Cyran a'iant et£le prin-
cipal inftrument dont Dieu s'eft fii
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cxxiv P R E FA C E.
fervi pour operer routes lesgrandes chofes qu'on a admirees dans P. R., nous avons cm pouvoir & devoir meme nous etendre fur fon fujet , comme nous l'avons fait, pour faire connoitre ce grand homme. La part qu'il a eue par fes confeils & (qs lumieres aux grands biens qu'on a vus dans le faint defert , & qui lie font communiques a route la Fran^ ce, ne permettoit pas d'en moins dire furun ft vafte fujet, En parlant de ce grand hom-
me , uous entrons quelquefois dans certains details , nous rapportons des faits , des aftions , des avis &c des inftruftions donnees a des Re- ligienfes ou a des Solitaires, que quei- ques-uns pourront regarder comme des digreffions contraires aux regies ^P^^deriiiftoire. Mais ne peut-on pas fe flu on pour- juftifier de ce reproche ? L'hifboire .oiiiiice fur^g p r ^tant plusl'hiftoire du coeur la longueur ' „ r '• i • i\ ■ v
ffc c«te Jiif- que de 1 elpnt ( quoiqu a vrai dire
fPfc' jamais il n'y eut plus d'efprit qu'a P. R.) n'avons-nous pas du rappor-
ter ce qui eft plus pour le cceur que pour l'efprit, plus propre a nour- rir l'un qu'a flatter l'autre ? Quoi d'ailleurs de plus conforme au def- fein que nous nous fommes pro- pgfe en dQ^nant 1'b.iftoire des Reij* |
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PREFACE. -cxxt
gieufes &c des Solitaires de P. R., que de nous etendre dans l'occa- lion fur ce qui a fervi a les faire arriver a ce haut degre de perfec- tion qui fait le fujet de notre admi- ration ? Ceux qui trouveront que nous
nous fommes trop £tendus , pour- ront fe difpenfer de lire ce qui leur paroitra fuperflu , fans blamer ce qui pourra etre du gout des autres. On pent faire l'application de ce que nous difons ici a quelques au- tres endroits de cette hiftoire , par exemple a ceux ou nous parlons du celebre M. IeMakre, deM. Arnauld, de M. Nicole, de M. de Sacy, de M. Pafcal, de M. Hamon , &c. Etoit- il poflible d'en moins dire de ces grands hommes ? Pent - on trouver mauvais qu'on leur donne place dans l'hiftoire de ces Vierges chre"tiennes dont ils ont ere" les apologiftes, qii'ils ont foutenues par leurs con- feils , ediflees par leurs vertus, en- couragees par leurs Merits , &c de- fendues par leurs favantes plumes ? Oil parlera-t-on de M. le Maitre , ii on n'en parle dans l'hiftoire du faint defert, ou la grace l'a con- duit pour Ty fan&ifier , & oil il a fiij
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exxvj PRE FA C E.
termini faintement fa carriere ? Au- roit-on de ce faint defert une con- noiffance fufHfante, fi on ne con- noiffoit les le Maitre , les Sacy , les Ducheffes de Longueville , les Dues de Liancourt, & tant d'autres , que Dieu a attires dans cette terre de benedi&ion pour y repandre fur eux les memes faveurs, qu'il repandoit avec abondance fur les Vierges chre- tiennes qui etoient dans Tinterieur du monaftere. Supprimer ce qui regarde les pieux Solitaires qui ha- bitoient au-dehors , ce feroit retran- cher la moitie de Thiftoire de P. R. ik ne donner au Public qu'un ouvra- ge imparfait. Notre deffein n'eft pas cependant
de parler de tons les grands hommes qui ant habite oufrequente le faint defert de P. R. avec autant d'eten- due qu'ils le meritent, ni d'entrer dans le detail des combats qu'ils ont livres a l'erreur, &c des ouvrages admirables qu'ils ont compofes pour la defenfe de l'Eglife & de fa doc- trine eontre fes ennemis. Ce n'eft point ici le lieu de le faire. Ce tra- vail immenfe n'eft point de notre reffort; il regarde, comme nous l'a- vons deja remarque , les Auteurs de |
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P RE FAC E. cxxvij
1'hiftoire litteraire de France. lis Irouveront dans le defert de P.R.une multitude de vrais Savans qui pour- ront leur fournir la matiere de plu- lieurs volumes. Les fiecles les plus feconds ne leur en fourniront jamais line plus abondante. Ilsy trouveront des Peres de TEglife, des Jeromes, des Auguftins , des Profpers, en un mot des Do&eurs comparables a ceux que TEglife a honores du glo- rieux titre de Peres. II en eft plufieurs qui demanderoient des volumes en- tiers. Qui oferoit fe flatter de pou- voir renfermer, je ne dis pas dans un , mais dans deux volumes , l'hif- toire de la vie, des combats &c des ecrits du grand Arnauld ? Un fi grand detail auroit grofli prodigieu- f'ement Thiftoire de P. R., qui enfin doit aufll avoir fes bornes comme toutes les autres. Trouve-t-on gene- ralement dans l'hiftoire ecclefiafti- que tout ce qui concerne meme les plus faints & les plus grands per- fonnages de l'Eglife tels que S. Gy- prien , S. Athanafe , S. Jerome , S. Auguftin ? Laiflant done a. d'au- tres la partie qui leur appartient dans celle de P. R., nous croions que ce fera fuffifamment remplir nos |
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cxxviij P R E FA C E.
engagemens & fatisfkire al'attente du Public, de rapporter dans un ordre chronologique , les evene- mens qui ecncernent la fainte mai- fon de P. R. depuis fa reforme juf- qu'a fa definition; & de parler avec autant d'etendue que les re- gies de l'hiftoire peuvent le permet- tre , non-feulementdes Vierges chre- tiennes qui s'y font fan&ifiees , mais encore des Solitaires qui ont habite cette folitude ; & des grands homines qui leur ont etc unis. Nous ne pre- tendons pas meme parler detous, mais feulement de ceux qui fe font le plus diftingues. On pourra clans la fuite y fuppleer par un ouvrage en forme de didionnaire qui renfer- meroit generalement par ordre al- piiabetique ou clironologique, toutes les Religieufes &c tons les Solitaires qui ont habite le defert de P. R. , & meme ceux qui fans l'avoir habite y ont eu quelque relation. Quoique l'accueil que les gens de
bien ont toujours fait jufqu'aprefent a tons les ecrits publies fur P. R. , femble etre un garant qu'ils recevront favorablement une hiftoire fuivie de cette fainte maifon depuis Tepoque de fa reforme jufqu'a celle de fa |
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PREFACE. cxxix
deftru£Hon , nous ne nous flattons
pas cependant de reunir tous les fuf- frages. Outre qu'il n'eft pas aife de contenter tout le monde , un cer- tain gout, que le deperiflement des etudes commence a introduire pour les abreges, les precis, les fom- maires; ce gout, dis-je, qui regne aujourd'hui , nous donne lieu de croire qu'il s'en trouvera auxquels cette hifloire ne plaira pas en tout. Nous les prions de vouloir bien faire attention a l'importance du fujet& a l'abondance dela matiere. Etoit-il poifible de reduire en moins de volumes cette multitude de M&- moires concernant P. R., fans par- ler d'une foule de manufcrits qu'on nous a communiques ? N'y auroit-il pas plutot un jufte fujet de feplain- dre des retranchemens que nous avons faits dans la crainte de fur- charger le Public ? Lorfqu'il s'agit de donner la vie
d*un Roi, d'un Conquerant, d'uit Heros, on rapporte dans un grand detail toutes les occafions ou il a fignale fa valeur , les peuples qu'il a dompt^s , les batailles qu'il a gagnees , les villes qu'il a forcees , &c cela avec toutes les circonftances fy
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cxxx PREFACE.
des batailles & des fieges. On n©
craint point de multiplier les volu- mes pour renfermer tousces details ; les perfonnes du fiecle , fans etre arretees ni par le nombre nipar le prix , fe les procurent. Mais s'agit-il d'une hiftoire chretienne , inftrudi- ve , edifiante , fouvent il arrive que les gens de bien meme n'ont pas autant de zele &c d'empreflement pour fe la procurer. On emploie plufieurs volumes,
fans qu'on y trouve a redire, a ecri- re la vie d'un feul homme qui a rempli la terre de fang & de car- nage , & fait perir une grande par- tie du genre humain ; & peut-etre quelqu'un trouvera-t-il mauvais que nous n'a'ions pas fait un precis ni renferme dans un feul volume on dans deux ou trois les actions d'une multitude de Vierges chretiennes, d'epoufes de Jefus-Chrifl, de favans Theologiens, de Heros du chriftia- nifme , qui ont ere le fel de la terre, qui ont brille dans le defert de P. R. ou plutot dans l'Eglife, par leur fcience comme les feux du firma- ment, & en ont inftruit plufieurs dans les voies de la juftice; enfin qui pendant un fiecle ont livr£ des -
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P RE FA C E. cxxxj
Combats fans nombre a l'erfeur , &
fait triompher la verite des portes de l'enfer ? Ces motifs ne devoient- ils pas nous engager a parler d'eux avec quelque etendue ? Si ces raifons ne font pas capables
d'arreter les plaintes de ceux qui pourront nous blamer de nous etre trop etendus, au moins fuffiront- elles pour nous juftifier dans l'efprit de tout Ledeur equitable, qui aura la fatisfacf ion de trouver reuni dans un feul ouvrage ce qui eft difperfe & repandu dans une multitude d'd- crits qu'il eft fouvent difficile de fe procurer. Quand a Tordre que nous avons on fuit l'ot-
fuivi: fordre chronolosique nous a 5*re.cIueBO' paru preferable a plufieurs egards. Cependant nous nenous y attachons pas fi fcrupuleufement que nous ne nous en ecartions jamais. Les grands evenemens font places felon l'ordre des terns ou ils font arrives; mais nous y en joignons fouvent d'autres, qui les ont precedes ou fuivis , arm de ne point partager des chofes qui ont entre elles une liaifon neceflai- re. Nous fuivons la meme methode a l'egard des perfonnes dont nous parlons. Au lieu de rapporter foiK f V
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cxxxij P R E F A C E.
chaque annee ce qui Jes concerne, nous le reuniffons ordinairement fous un feul article, foit lorlque nous avons occafion cle parler de quelque trait important de leur vie , foit lorfque nous parlons de leur mort. sources oil A regard des fources ou nous Jourcompo-av.ons piiife pour former cette hif- fcr ce«e hif-toire, elles ne peuvent etre plus ,oire* pures & plus afuirees ; & il n'eft aucune hiftoire humaine appuiee fur
des monumens audi autentiques &c des fondemens auili certains que celle de P. R. Tels font les relations des Religieufes , les journaux oil elles ecrivoient chaque jour tout ce qui leur arrivoit, leur Necrologe , & quantite d'autres pieces. Nous ne rapporterons rien que fur la foi de plulieurs temoins , qui non-feule- nient ont vu, mais qui ont fouvent eu part a tout ce qu'ils depofent. Tels font Meffieurs Lancelot, Fon- taine , du Foffe , & quantite d'au- tres , qui n'ont ecrit que ce qui s'eft pane fous leurs yeux r & dont chacun d'eux peut dire quorum pars magna fui. II n'eit pas d'ecrivains , j'ofe le dire , plus dignes de foi que ceux-cl $ non-feidement parcequ'ils |
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PREFACE. cxxxuj
emt 6tc temoins de tout ce qu'ils
oni ecrit, mais parcequ'ils font d'une probite & d'une fincerite au-deiTus de tout faupcon , & que l'amour de la verite a tonjours conduit leur plume. Nous partagerons cet onvrage en Divftion de
*• • i- *. r i- •/•' l'ouvrage en
trois parties , qui leront lous-chviiees trois patties.
en plufieurs livres , & les livres en nombres avec des fommaires, qui fans detourner le Lecleur lui annon- ceront ce qu'ils traitent , &: lui fer- viront de repos lorfqu'il voudra s'ar- reter. La premiere partie renfermera
tout cequis'eft paffe depuisle com- mencement de la reforme jufqu'a la mort de la fainte reforrnatrice , arrivee en 1661 , c'eft a-clire juf- qu'au commencement de la grande perfecution. La feconde partie con- tiendra tout le detail de cettecruelle perfecution jufqu'a la paix de Cle- ment IX , qui la termina d'une ma- niere fi glorieufe pour les Religieu- fes. Nous y joindrons encore les dix annees de calme qui fuivirent cette paix, & la nouvelle perfecution qu'on fufcita a P. R. auffi-tot apres la mort de Madame de Longueville ; & nous la terminerons a la mort de |
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exxxiv PREFACE.
la derniere Abbeffequi mourutcom- me la Mere Angelique , apres avoir vu le commencement de la derniere persecution. Cette derniere perfe- cution , qui aboutit enfin a Tentiere deftru&ion de P. R., fera la matiere de la troifieme partie. Nous ne fini- rons pas notre hiftoire a la difper- fion de ces faintes filles arrivee en 1709 ; nous fuivrons encore ces vi&imes de la fincerite chretienne, dans tons les endroits ou elles furent difperfees & transferees , jufquau moment ou Dieu les delivra lui- meme de la main de leurs ennemis en les retirant de ce monde. A la tete du premier volume,
on trouvera un abrege chronologi- que des Abbefles de P. R., depuis la fondation du monaftere jufqu'a la reforme , & depuis la reforme juf- qu'a la deftru&ion de cette fainte maifon , dont nous donnons a la fin du volume une defcription exade & circonftanciee felon l'etat oil elle etoit lorfqu'elle fut detruite. Nous y ajoutons un petit abrege de la fa- mille des Arnauld, qui fait une fi grande figure dans cette hiftoire, & decelle de M/deS. Cyran. A la fin des volumes fuivans nous renyex- |
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PREFACE. dxxxv
rons difFerentes pieces , qui quoique cleja imprimees dans des recueils , doivent avoir leur place ici , tant en confideration de ceux qui n'ont pas ces recueils, que parcequ'elles font partie de l'hiftoire de P. R. Tel eft le plan & la distribution de l'ouvrage que nous prefentons au Public. Comme on n'ecrit les actions des
Saints que pour animer ceux qui les liront ou qui les entendront , a les imiter , on doit s'appliquer a faire en forte que ce que Ton ecrit pour l'utilite de tous , foit auffi a la portee detous (a). C'eft ce que nousavons obferv£. A l'egard du ftyle le Lefteur en
jugera, nous ne ferons la-deflus ni excitfe ni apologie. Notre deffein eft d'inftruire &c d'edifier, & non de chercher a plaire par de vains orne- mens & des difcours etudies, dont la piete & la verite n'ont pas be- foin d'etre parees pour fe faire gou- ter. D'ailleurs, pour peu qu'on foit (<t) Nam cum gefla fummopere fcriptoriut in
fanftorum ob hoc litteris quantum fieri poteft , nul-
mandentur,ut omnium le- litis excedat capacitatem ,
gentium vel audientium quod ad omnium fpeclat
ad imitandum accendatur utilitatem. fitt S. Xo-
intentio, curauduui eft btrti, Mb. Matb. prsJ,
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exxxvj PREFACE.
verfe dans les ecrits qui nous otlf
fervi pour compofer cet ouvrage, on s'appercevra aifement que nous en avons non-feulement tire les faits que nous rapportons, mais que nous en confervons meme fouvent les ex- preiSons. Si le, ftyle des pieux Au- teurs que nous fuivons , a plu dans fa fource, nous avons lieu d'efperer qu'il ne plaira pas moins dans Tu- /age que nous en avons fait pour former une hiftoire fuivie de P. R. S'il plait, il fera utile, prodcrit cnim quibusplacebie.Mais'quand bien meme le ftyle deplairoit, la verite des faits plaira , la memoire route recente de ces grands exemples de vertu plai- ra (a). Car quoique les fideles goii- tent toujours le recit des belles ac- tions, le Le&eur eft neanmoins plus touche de ce qu'on lui remet comme fous les yeux; parcequ'alors la preu- ve des faits di/fipe tons les foupcons qu'il pourroit avoir fur la verite de ce qu'on lui raconte. Faffe le ciel (a) Quod (i etiam pa- bus grata fit recordatie,
mm acurata legentibus vehemencius tamen afficic
dilplicebit oratio.... Pla- auditorcm quod velutfub
ceat faltem Veritas rela- oculis pourum prsbens
tionis, placeatrecensme- probatio fufpicione fal-
moria fanftitatis. Nam fitatis abfolvit. fit, A.
licet in quocumcpie tem- Rub, Pref.
f ore bene gefloium fideii* |
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PREFACE. cxxxvi)
que tant d'excellens modeles de vertus que nous propofons aux hommes de notre fiecle aient l'effet que nous avons en vue , en les leur remettant devant les yeux ; & que l'ouvrage que nous publions, foit de quelque utilite a ceux qui vou- dront bun penfer a eux memes , & apprendre par de fi beaux exemples de quelle maniere Us fe doivent con- duire dans la resolution qu'ils auront prife de regler leur vie felon la loi du Seigneur [a), C'eft le but que nous nous fommes propofe (b); ce font les voeux que nous formons en fa- veur de ceux qui liront cette hiftoi- re. PuirTent-ils , en confiderant quelle a ete la fin de la vie fainte de tant de Vierg;es cbretiennes &: de tant de pieux Solitaires , imiter leurfoi (<:)» II ne nous refte qu'a demander a. nos Letteurs , de vouloir bien en profi- tant de nos travaux, (d) nous ac- («) IHis qui volunt ani- ponentcs. Thcod. hifl.
mum intendere, 8c i!; fcece Relig. cap. ull.
quemadmodum oporccar ( t ) Quorum intimitis inftituere motes , qui fe- txitmn converfationit, imi-
cundum legem Dei Do tamim fidem. Hebr. ij. 7.
mini propofuerint vitam (</) Oro autem LsHoret,. agere. Prol. Eccl. qui aliorttm Inboribus fine
(4) Hac enim de caufa, tabote fruuntur, ut Ubori-
fcriptionis laborem fufce- bus fraes rependtwt.'Xhf.
pimus, utilitatis occalio- ib.
aem, iis qui volunt ap- |
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cxxxviij PREFACE.
corder leurs prieres , afin d'obtenir du Seigneur la grace de marcher nous-memes fur les traces de ceux , dont nous avons fait l'hiftoire. Nous fouhaiterions pouvoir don-
ner ici des marques de notre recon- noi fiance aux perfonnes qui nous ont aides dans notre entreprife , foit par leurs fages avis , foit en nous communiquant les livres & les manufcrits, foit en nous rendarit d'autres fervices importans. Mais c'eft un devoir , dont la reconnoif- fance meme ne nous permet pas de nous acquitter. Toutefois en nous en difpenfant, nous ne craignons point d'etre accufes d'ingratitude. |
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CXXXlX
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LlSTE des Ahbeffes de Port - roial ,
depuis la Fondation di cette Abba'ie
jufqu'a fa Deflruclion,
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jRemberge paroit avoir ete la premiere 12.16.
AbbefTe de P. R. ( 1 ) , aiant hi elue en 1116. Recueil des L'ancien Necrologe l'a nominee la quatrieme, Vies edifiati- fans faire mention de celles qui l'onr prec<£- tes»tom-1IU dde. Elle aura apparemment £t& la quatrieme p* 477' Superieure,& la premiere des quatre qui aient porte le title d'AbbefTe. Elle vivoit encore en 1 ii5. On ignore l'annee de fa mort, qui eft marquee le 4 d'oclobre. I I. Marguerite <?toit AbbefTe en In8 , & vi- ,,
voir encore en HJ4- On ne fait ni l'annee ** "
de Ton election , ni celle de fa mort. I I I. Petrcnette etoit AbbefTe en H4J. L'annee 114?.
de fon Election , & celle de fa mort, font ega- lement inconnues. I V.
Amicie etoit AbbefTe en nffj , felon Mrs 1x61
de Stc Marthe ; en 1164 , felon un Cartulaire de S. Germain des Pres. V. Anne eft nommik la VIIe Abbefle dans
(1 ) Dans les Chartes, Gallia Chrifl'mm mettent
it n'eft fait aucune men- a la tere des AbbefTes ,
tion d'Abbefle avant Pan Madiilde , qui , en itn ,
1116. II yeftparle d'une fit quelqu'cchange avec
Abbefle en certe annee , 1'Abbefle de St Ancoinc
mais le nom eft fupprime. des Champs.
It. Autsius du nouveau |
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cxI Lists des AbSessjs
l'ancien N^crologe , qui, comnle nous venc?n$:
de le voir, marque Erembage pour la qua- tricme. On ne trouve aucun monument qui puirTe fixer le terns de fon gouvcrnement. Sa more eft marquee le 14 fevrien V I. Eujlace , qui eft appellee la VlIIe Abbeflc
dans ce meme N^crologe, ou fa mo it eft mar- quee au %6 avril, vivoit en 12.70 , Sec. V I I. Petronetle de Monlfort, fille d'Amauiri ,
Comte de Montfort, & de Beatrix de Vien- nois , fucceda a Euftace. Sa familTe donna des biens confiderables au monaftere de P. R. , oil une de fes foeurs, & deux de fes nieces fu- rent Religieufes avec elle. Cette AbbefTemou- rutle 5 novembre izyy. VIII.
Philippe de Levis etoit AbbeiTe en 1175 ,
SC vivoit en 1178. On a un acle du 11 no- vembre 119! , dans lequel Philippe de Levis eft nommee prefente avec fa celleriere ; mais on ne lui donne point le ticre d'AbbeiTe. Si e'eft la meme que I'Abbefle de ce nom , il faut qu'elle eutquittd fa dignird : ce qui eft confor- me a ce qu'on lifoit fur fa tombe , qu'elfe avoit it6 autrefois Abbeffe : quondam Alb,i~ tijfa. Sa mort eft marquee au 19 de juillet. Catherine & Yoland de Levis , fes fceurs , ont hi Religieufes avec elle a P. R. Marguerite , fa troifieme foeur, s'y rctira, apres la mort de Mathieu IV de Marli , fon mari, & en fut une infigne bienfaitrice , mais non Religieu- fe. On lui en donna feulement 1'habit dans fa maladie , on a fa mort, felon l'ufage & la devotion des grandes Dames de ce terns ; comme on en voit un illuftre exemple a Mau- feuiiTon , dans la Reine Blanche> mere de. Si. |
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BlPoRT-ROlAI. Cxi}
ILouis. Philippe dc Levis avoit apporte une
fomme confiderable d'argent , qui fut em- ployee a batir un nouveau refeftoire , & a enrichir l'Eglife d'une chafle d'argent , d'un grand calice , d'unc croix & d'un ciboire d'or. I X.
Marthe , etoit AbbeiTe en 1181 & up 1. I1jIi X.
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Mahault de Villeneuve , qui mourut le 1$
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1 zy r.
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novembre 1197 , doit cere la Xe Abberte ,
quoiqu'clle foit marquee la onzieme fur fa tombe. X I.
Philippe de Varenne, foeur de Mathieu de |
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1515-.
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Trie , Marechal de France , fut transferee , en
1198 , de l'Abbaie du Pont - aux - Dames , a celle de P. R. , oii die mourut le 6 decembre 131 j , plufieuts annecs apres avoir abdique. X 1 I. |
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Beatrix de Dreux , fille de Robert IV ,
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ijiff.
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Comte de Dreux , & de Beatrix de Montfort.
<;toit Abbeffe en i;i<> , & fit des donations tonfidetables au Monaftere. Yoland de Dreux, fa foeur , qui fut d'abord Reine d'EcofTe , ( epoufe d'Alexandre III) puis Duchelle de Bretagne , & Comtefle de Montfort, donna cent livres touinois a l'Abbaie. Beatrix mou- C'",'/,>? rut le 15 mai de Pan iji8, felon le Necro- t/„.' i;> ,,
loge iroprime. ' 9n, XIII.
Jaqueline de S. Benoit, appellee la Xlle Ab- 1 j 3 r fociTe de P. R., eft morte le x6 decembre 13)4 ou ijjj. X I V.
Denife de Preaux eft morte , comme l'on ; , , a croit, vers Ian i))6. |
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______________........_____>____ _______ . _. . ..-______ ___ _ .. . -___ .^_.—^ „-. _
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cxlij Liste des Abbesses
x v. a34j. Agnes de Trie, fillc de Mathieu de Va-
rennes , & niece de Philippe de Varcnnes ;
ixow Abbefle en 1543. Elle fit faire de grandes reparations aux lieux reguliers, 8c fit des ac- quifuions confiderables. Elle eft morce le 14 Gall. chr. avril. On ignore l'annee de fa morr. Le mar- Ibid, tyrologe jmpiirne la place vers 1348. XVI.
j,. Tiphaine d'Ardeville vivoit en 13 ji. Sa mort, dont on ignore l'annee , eft marquee
le \ 1 mai dans l'ancien Necvologe , qui ne s'accorde gucre avec lui-mcme dans le rang qu'il donne aux AbbefTes. XVII. ],j. Petronille eft morte le 18 de'cembre 13^3. C'eft tout ce que nous favons de cette Ab-
befle. XVIII.
- Guillemette de Sandrev'dle dtoit treforie- ^" re ou celleriere en 1353. Elle fut elue Ab-
bsfle le 15 juin 1364. Sa mort eft marquee le 18 juillet, mais on ne fait de quelle annee. X I X. 1389. Petronelle de Guillonet ctoit Abbefle en 1380 , 1381 , 1389. Sa mort eft marqude an
5 fevrier , & au n decembre dans l'ancien Necrolowe , qui n'en indique point l'annee. Le fupplcment au Necrologe la place au > fevrier 13^8. ( IJ9T ) *• X X. 1599. Agnes des EJfarts etoic Abbefle au mois de decembre 1 3991
XXI.
1403. Petronelle des EJfarts l'etoit en Janvier 1400 , le 4 decembre 1403 , & en 1404 , le
dernier de juillet. * yoiez le Supplement, page 399.
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de Pout-roi'al, cxliij
XXII.
Emerence de Calonne , ne'e d'unc famille I4°4-
noble , a Arras , fucceda , felon les apparen- , ., ces , en 1404. Elle eft nommee Ab'oelFe en '■■' '
diiFerens adles , dont le dernier eft du 17 avril 1413. Ellefut enfuire Abbeile de S. An- IbiJ- 'JlS- toine de Paris , commc on le voir, par l'ou- vrage intitule , Lilia Ciflercii, page zij.En 14J1, le 5 fcptembre , elle futarretee, avec Ctl. onf, quelques Religieufes, fur un foupcon de conf- "' ? J" piration contre la Ville de Paris , Si mife en prifon. Nous ignorons les Ames de cette affaire ; mais il eft certain qu'Emerence vi^ voit encore en 1437. avec titre d'Abbefle. Elle eft morte le 4 Janvier i43y , felon l'an- eienne maniere de compter. XXIII. Jeanne de Louvain etoit AbbefTe ea 1419. 1419. Elle vivoit encore en 143?. XXIV. Michelle de Langres I'dtojc en 1440 &C ,. .,_ I4H- Elle mourut cette anne'c , ou au plu- tard la fuivante. XXV.
Hugustte Duhamel occupoit le (lege ab- 14.67. foati.il le 11 fevrier 1454, & le n mars [4S7. Les Auteurs du Gallia chrifliana croienn qu'elle fut obligee de fe demettre de fon Ab- ba'j'e , parcequ'on voit qu'en 1478 elle plai- doit au Parremenc pour la recouvrer. XXVI. Jeanne de la Fin, Religieufe de Bonlieu , -,±67 au diocefe de Lyon , fut faitc AbbefTe de P. R. en 1467. Cette Abbaie,alorsbien dechuepar le malheur des tems & des guerres , de I'e'tat flo- rifiant oii idle avoit e^e pendant deux fiecles , avoit befoin , pour fe relever, d'unc AbbefTe *ufli fage que l'croit Jeanne de la Fin. Elle, Sf |
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cxliv Liste des Abbesses.
fa niece , qui lui fucceda , gcuvernerem 1'Ab- ba'ie pendant pres dun fiecle. La premiere , apres avoir beaucoup travaillc pendant 44 ans de gouvernement , a rctablir le tempoiel de cette maifon , dont les biens avoient ece alie- ned ou e^oient incultes , fe demit en favcur de Jeanne de la Fin , fa niece , en 1515. Elle vi- cutencore environ dix ans, &mo*rutle 4de- cembre ifiz, ai'ant toujouis mcni line vie fort religieufe. XXVII.
1413. Jeanne de la Fin fucceda a fa tante en
1415. Elle fit retablir l'Eglife , batii un nou-
veau cloclicr , reparer l'ancien cloitre , le dortoir , finfirmerie, Si plufieurs autres ba- tlmens Elle fit auffi revenir plufieurs biens alienes , & acquit de nouvelles terres. Ce fut elle qui introduifit a P. R. l'ufage de la coule , au lieu du manteau qu'on y portoit aupara- .1//. chrijl. vant. Ce qui prouve que !a discipline rcgulie-
?'7- re etoit en vigucur a P. R. foils cette AbbeiTe,
e'eft que les Religieufes y etoient recues con-
formement aux regies de l'Eglife , fans dot , ou au nioins fans aucune convention. C'eft ce qu'on voit par Facte d'une donation faite par un Bourgeois de Paris, en confideration de ce que fes deux fillcs avoient ete recues gra- tultement. Elle mourut le 17 mai 1 j 58. XXVIII. 15 J8. Catherine de la Vallie fucceda a Jeanne de
la Fin, & fut Ab'oefie pendant environ 17 ans.
Elle refigna fon Abbaie en 1575-, a Jeanne de Boulehait, & fe retira a Collinance, mo- naftere de l'Ordre de Fontevraud , oil elle mourut le 17 fe'vrier 1580. XXIX. j f_. Jeanne de Boulehart piit polTeffion au mois
de decembre 1575 , de 1'Abbaie de P. R. ,
qu'elle
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Listedes Abbesses de P. R. cxlv
qu'elle gpuverna pendant %j ans , fept mois ,
ctant morte le 4 juillet 1601. Elle avoit pris pour Coadjutrice en 15.99 , Jaqueline Marie -Angelicjue Arnauld , alors agee feulement dc 7 ans, quelques mois. XXX.
Jaqueline Marie Angelique Arnauld, agee
de 9 ans environ , prit poiTeffion le r juillet itfoi, de l'Abbaie de P. R. , qui etoit alors dans un triftc e'tat, tant pour le temporel que pour le fpirituel. Quoiqu'elle fut dans un age peu propre a gouverner une Abba'ie, c'etoit iur elle que Dieu avoit jecte les yeux , pour faire les grandes cbofes qu'on ne ceflera ja- mais d'admirer, & pour rendrc Porc-roi'al » la merveille de Ton frede, |
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Tome J. g
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cxlvj
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L l S T E Chronologique des Abbejjis
triennales de Port - roial ,
dtpuis La Reforrne.
Marie An- /VJlArie Angelique Arnauld , fille d'An-
g£Iii|ue Ar- toine Arnauld Sc de Catherine Marion ,
pauld. n£e le 8 feptembre ij?i , pric l'habit de St
Bernard dans 1'Abbaie de St Antoine , faux-
bourg de Paris, le 2 feptembre 1599 '■> fit
profeflion a Maubuiflbn le 29 oclcbre 1600 ;
I^oi. *?? Coadjutrice de Jeanne de Boulehart,
Abbe Me perpdruelle de Port-roial , lui fucce-
da au mois de juillet 1601 ', fut benite par i'A bbe de Citeaux le 19 feptembre de la roe- 1609. me amide ; mit la Reforme 1'an 1609 ; obtint
de nouvelles Bulks datees du 15 novembre; fi: une nouvelle profeflion le 7 mai 1610 ; ctablit I'abftinence de la viande le 4 d'aout ; l^i 8. futenvoieea Maubuiflbn au mois de fevrier
1619. I<18 j prit pour Coadjutrice fa foeur Cathe-
rine Agnes, en vertu de Lettres patentes de
Louis XIII, donncesau mois de juillet 1619 , confirmees par une Bulle du mois de feptem- bre 1620 ; revint a p. R. l'ah 16H. L'an 1614. KS24 , elle obtint dVl'flbbe de Citeaux , une
permifllon datce du 16 decembre, pour ve- nii s'etablir a Paris , dans un endroit nomine1 l6zf. Clagny , fauxbourg S. Jacques : I'Archeveque
de Paris conftntit a ce nouvel etabliflemenc le 24 aout ifiiy, apres l'avoir refufe. Une colonie de P. R. y vint la meme annee. Le %6i6. R°i autorifa cet etablifTement par Lettres pa-
tentes donnees au mois de ddcembre » enre- giftrees an Parlement le 16 ftvrier 1616. La |
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List*, chron. des Abb. de P. R. cxlvij
tncrae annee, tout le refte de la Communaute »
de P. R. fut transfere dans le nouveau Mo-
naftere le 14 d'aoiit. L'an 1617 elle mit \6ff4 fon Abbai'e fous la juridiction de l'Archeve^- que de Paris. L'an \6z$ , elle obtint du Roi , 161^. qui revenoit triomphant du liege de la Ro- clielle , des Lettres patentes, qui font enre- giftrees au grand Confeil le 2,0 fevrier, pout mcttre fan Abbaie en election. Le to Juillet 1630, elle fe demit du titre d'Abbefle , Hi la 16)d. Mere Agnes de celui de Coadjutrice. Les Au- teurs du Gallia chriftiana , qui en general parlentavec eloge de ces deux faintes Abbcf- fes, regardent la d-marche de la Mere Agnes, en cette occalion , comnie la plus grande ac- tion de fa vie (1). Marie Geneviev de St Augufline le Tardif Mar-e Q<,n(„
eft elue Abbeffe triennalc de P. R. le 13 vieve d- sc juillet 1630. Son election eft enregiftree au Auguftin \c grand Confeil le 17 mai 1631. L'an i6}i, Tardtf » pr^_- le Roi donpe , an mois d'o&obre , fes Lettres ^'ZteniJl • patentes pour l'inftitut de l'adoration perpe- dep. j<, tuelle du St Sacrement; elks font enregiftrees au Parlement Hans le mois de mai 1633 , & la **JJ« Mere Angelique entra dans cette Maifon , avec trois Reiigieufes de P. R., quatre Pof- tulantes & une Converfe d*. l'Abbaie du Tard. Le 10 fepcembre 1633 . la Merc Gene- vieve le Tardif eft continuee Abbefle de P. R. (1) Inter alia qtue pra- faux & fcandaleux eloge
tlare*get]1.t,quorum jam alti- du dernier Abbe de Moir-
gimm partem nthd prtxfien~ mom. Nous n'avons gar-
tias epi, quam ciim fororii de d'attribuer ce trait, qur
A-mula virtutis, Coadjulri- ne peut venir que d'une
tit, manns alidkavit. La main etrangere & eflne-
mainquia ecritceci, n'eft mie , d celui qui pre/ids
allurement pas la meme a l'Ouvrage. Gall. Cbriji.
<|ue telle q^ii a ckeile le tome-VII. p. jio.
£ 9
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«xlviij LlSTE CHRONOIOGIQUE
*6$6. fan 1636 , Ia Mere Angelique quitte patf ordre de l'Archeveque , la Maifon du St Sa- ctemeat, & revient a P. R., & la Mere le Ta*- difva prendre fa place. L'Archeveque donne l'habit dece nouve! ordre, tant aux Religieufes profefTes qu'aux poftulantes , & change le fca- pulairc noir en Wane avec une croix rouge. 5<3$. ^'an i638,toutcs les Religieufes de la Maifon du St Sacrernent font transferees au mois de mai dans 1'Abba'ic de P. R. La Mere le Tar- dif mourut fimple Religieufe le 18 mars j j_ Catherine Agnes Arnauld , fceur de la
eatherine Mere Angelique , nee le 31 decembre 1593 ;
Agnes Ar- AbbelTe de St Cyr en 1 $99 ; Profefle de P. R.
nauld. en 1611; Coadjutrice en 1 619 ; AbbelTe trien-
nale de I'Abbai'e du Tard depuis 1631 juf-
iifj* qu'en 1636 , qu'elle revint a P. R.; fut elue
jufqu'en AbbelTe le 19 feptembre 1636; elte fut elue
1641. une feconde fois l'an 1639.
, j] Marie Angelique Arnauld, fut elue Ab-
Marie An- befle , apres les 6 annees de la Mere Agnes ,
gelique Ar- fa fceur , au commencement d'odtobre , 8c nauld. fut comimiee pendant ii ans , jufqu'au ±6 1641 novembre 1654. Elle embralTa . avec fa fceur
'"° la Mere Agnes, l'inftitut du St Sacremenr ,
avec la permiflion du Pape Innocent X , qui
accorda les privileges & les revenus du pre- mier Monaftere du St Sacrernent a celui de P. R. L'Archeveque de Paris donna le 9 avril 1^45 , fon confentement , qui fut con- firme par Arret du Parlement rendu le 4 juin. En confequence , l'Archeveque envo'ia , le 14 ©clobre de la meme annee , Andre du Sauf- fay , pour donner aux Religieufes de P. R. le fcapulaire blanc St la croix rouge , au lieu du fcapulaire noir qu'elles portoient, confor; |
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oes Abbesses de P. K. ctlltf
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ffiement a l'lnftkut de Citeaux. L'argent qu'on
retira de la vente de la Maifon du St Sacre- rnent , fut emploie a, conrtruire la nouvelle Eglife de P. R. , dont les fondemens furent jettes le 10 avril 1646. Taridis qu'on travail- Joit a cec edifice , la Mere Angelique obtint,. le 11 juillet 1647 , de M. l'Archevequc de Pa- Vtfffi}. lis , de retourner au Monaftere de P. R. des
Champs , abandonne depuis 1616 , & de la reublir. Elle y retourna eife&ivement le 13 X64$i mai 1648 , avee 8 Religieufes & 2. Converfes.
Depuis ce terns jufqu'en 1665 , l'une & l'autre maifon , de Paris 3c des champs, ecant fons un meme Inftitut & une meme Abbeffe , fut tres floriilante & tres nombreufe , & donna Ga\i. (fttfflf, un grand exemple de piete & de regularite. tome VIE* L'£g!ife de Paris want achevee , M. de Pa- PaSe 9*&~ ris en fit la dedicace le 7 juin 1648 , fous le titre du St Sacrement Sc de la Ste Vierge. La Mere Angelique commenca le grand dor- teir de P. R. des champs l'an 1651, Cettc fffti annee les Religieufes furent obligees de re-
venira Paris, a caufe de la guerre des Princes. Enfin ,1a Mere Angelique apres s'ettc diftin- guee pendant un gouvernement de douzc G*U'rciiri[$ ans ; mais plus difringuee encore par fes ">**• vertus , clarior virtutibus , pour me fervir de I'expreffion des Auteurs du Gallia chriflianar mourut a Paris , fept ans apres, age'e de To ans , le 6 aout 1661 (%). Son corps eft en- teric dans le chceur de TEglife de P. R. de' Paris, fon cceur futporte a P. R. des Champs , & ptact* au bas de la place que prend l'Ab- belte a Tierce.. "(V) Voi'ez 'e Nectologe de P. R. page 301 , & Ja<
jfcfocc,.page xij. gii}
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cl Listf. Chronologiqui!
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Marie Sui-
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Marie Suireau fut clue Abbefle le 16 tiO-
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vembre 16^4, & fut continuee par unc fe-
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i
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i6<A. ""lie &eclion du 1 decembre 1657. Elle
mourut le 10 decembre de l'annee fuivante.
I6"f8. Son coeur fut pone au Monaftere des champs.
Gait, c'irift. Les Auteurs du Gallia chrijliana parlent dc
tome v 11. cette Sainte AbbefTe avec plus de liberte ,
p.?j|&5>37- dans la lifte des AbbefTes de Maubuiflon , que
dans celle des Abbefles de P. R., & ne crai-
gnent point de dire qu'erant retourrie'e a P. R.
elle y donna pendant 10 ans des marques
de fa fa'ntete', qu'on alTure meme, ajofitent-
ils , qui fut confirmee par des miracles : Inibi
adhuc per decern annos non obfeura fan&itatis
argumenta dedit , quam etiam miraculis com~
probatam aiunt.
Y_ Catherine Agnes Arnauld fut e"!ue Ab-
Catberine beiTe le 17 decembre , fept jours apres la
Agnes Air mort de Marie Suireau. Ce fut fous cette Ab-
uauld. be(k que le Roi donna ordre , fan 16*1 , de
lets. faire fortir routes les Novices & Penfionnai-
res. Elle eft morte le 19 fevrier 1671 , ag^e
de 78 ans, dans le Monaftere de P. R. des
champs , ou elle fut enterree (j).
Madelaine de Ligny , foeur de l'Eveque de
M . J • e Meaux , fut elue le 11 decembre 1661. II & Ligny. n'y avoit Tan 1664 , que 16 Religieufes daps 1661. le Monaftere des champs 5 mais I'anne'e fui- Tante au mois de juillet, les Soeurs de P. R. At Paris , a 1'exception d'un petit nombre de Dyfcoles , ai'ant ete transferees avec leur Ab- befle a P. R. des champs par l'Archeveque de Paris , le nombre fe monta a 71 Religieu- fes , fans y comprervdre 17 Soeurs converfes. Alors l'Archeveque ordonna aux Religieufes qu'il avoit laiiTees a la Maifon de Paris , au (3) Voi'ez le Nkrel. p. ?x, & Je Supplta. p. 411. |
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des Abbesses de P. R. clj
nombre de n environ , d'elire une Abbefle 5
ce qu'elles firent, malgre l'oppofition des Rc- ligieufes de P. R. des champs , qui furentpri- rees du droit de fufuage, Sc mcme de* Sacr*« mens. |
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d'ij LrSTE CHRONOIOGIOlTJI!
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Li S T E chronologique des Abbejjes
de Port - ro'ial des champs ,
depuis la feparation.
WSff. JVlAdelaide i>£ Ligny , fans autre
nouvelle election , continua de gouverner la: Maifon des champs, qui etoit opprimee Sc privee de fon droit de fuffrages , & meme des Sacremens, jufqu'en i 6651 , que M.dePere- fixe les retablit. La Mere deLigny quitta fa place cette annee , apres l'avoir dignement remplie pendant 7 ans & S mois. Elle niouruc le n mai 167c, ag£e de 59 ans , & fut en- tente a P. R. des champs , au bas-core- du chceur , a gauche (1). V I I. Marie dAngennes du fargis , de Ste Ma- Marie du de]ainc t coufine du Cardinal de Retz , Ar-
ar^.'l' cheveque de Paris , Prieure depuis 1660 , fut elue Abbeffe le 15 juillet \$6j , & continues jufqu'au ;o juillet 1678. VIII. Angelique de St Jean , niece de la Mere Angelique Angelique 8c de la Mere Agnes, apres avoir
sYjeTnd fiHe ^9 3nS PrieUre ' fut dlue Abbe(I~e le 3 d'aOUt
de M. d'Aa- 1<s78- t'annee fuivante , M- l'Archeveque de
dilly. Paris lui fignifia , au nom du Roi, une de-
fenfe de reccvoir des Novices , jufqu'a ce que
le nombre des Religieufes , qui etoit de 7} ,
1681. fut reduit a jo. L'an 1681 , elle fut conti-
nuee Abbeffe par une nouvelle election fai-
1684. te le 8 d'aout. El'e mourut le 2.9 Janvier
1(184, agee de jp ans (i). Son corps fut en*
terre a la porte , du coti£ gauche du choeur.
(1) Voi'ez le Necrolo- ( %■) Voi'ez le Necrolo*
ge , p. 191 , & le Supple- ge , p. 48 , & le Suyglir
aientjp.eij. jnont, p. jjS.- |
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des Abbesses df. P. R. clsii
Marie du Fargis fut clue Abbefle le z fe- Marje' <tu
vrier.apresla mort de la Mere Angelique de Sc Fargis. Jean, & continuce pat une feconde election ; 1684. rhaiselleabdiqua. Elle mourut i6mois apres faderniflion , le j juin I 691 , agee de 75 ans , & 50 de profeflion. Elle fu: enterree dans l'aile gauche du chacur (3). „ Anne deSte Thecle Racine fut elue AbbefTe I('
lc 1 fevrier 1690,8c continued 9 ans. Elle mou ■ Anne Raci- rut 1'an 1700 , le 19 mai, agee de 74 ans (4)- nc , jul'qu'en Elizabeth de Ste Anne Boulard de Ninvil- 1699.
tiers , derniere Abbefle triennale, fut dlue x I. le j fevrier 1699 , & mourut le xo avril FlizabetBou- 1706 , agee de 79 ans. Elle fut enterree au la"* lle Nm" bas-cotd du chceur, a gauche , avec la Prieure vlUiets' Francoifc de Ste Julie Baudrand , a la place de laquelle elle avoit nomme- avant que de mou- rn, Louife de Saint Anaftafe Dumefnil. ($). Depuis l'an 1706 , il n'y eut phis d'Abbelfc
a P. R. des champs. Le titre en fut fupprime' par Clement XI, le 17 mars 1708 , a la priere du P.oi , qui donna pour ce fujet le 14 no- vembre de la mane annee , un Diplome, qui fut enregifte le 1 c de decembre au Parle- ment, avec la Bulle de fuppreflion. L'Arche- Teque de Paris, M. le Cardinal de Noailles , qui auroit du fe declarer le pere & le deTen- feur des Epoufes de J. C. , eut fa foiblefTe non-feulement de les abandonner, mais en- core de fe preter a tout ce que Ton defira , ca uniffant, le 11 juillet 1709 , au Monaftere dc Paris , les biens de celui de P. R. des champs, qui fut enfin detruit de fond en comble. (5) Votez le Necrol. p. 104,8c le Supplcm. p. 617.
iifi,!k leSupplem. p. 6;6. (5) Voiez le Necrol. p.
<4) Voiei le Necrol. p. l<3,8t le Supplem. p. 579,
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tliV LlSTE CHRONOtOGIQUB
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Li s T E chronologique des Abbejfes
de Port - rolal de. Paris, dcpuis la fiparation, • D O rot a £ E PerdrEav , Tune des
Pcrdrcau. Religieufes Dyfcolesque l'Archevequede Pa- ris avoit laifiees dans le Monaftere de P. R. \66j. de la Ville , fut elue le \6 novembre 166$ , par fes Religieufes. On nc trouve rien de cecte AbbefTe ( intrufe ) jofqu'au mois de mai 166S. 1668 , que le Roi, rentrant dans Ton droit de nommer , lui donna le brevet de 1'Abbaie. Le Pape confinna cette nomination par une Bulle du mois de juin, qui portoit cette claufe , pourvil qu'tl n'y en eut pas alors une autre qui eut ete elite canoniquement. C'effc la remarque que font les Auteurs dtf Call. thri\l. Gallia chnfliana. Ces memcs Auteurs ajou- tome VII. p. tent, que » quoiqu'il y en cut reellement une P1!' » autre elue , favoit Madelaine de Ligny t » l'Official de Paris , fans avoit egard a cette
s» claufe , publia cette Bulle «. Mais les Re- ligieufes du Monaftere des champs , & fur- tout Catherine Agnes Arnauld , autrefois Coadjutrice , ai'ant fait oppofition , on prit une autre voie. Le Roi , par d'autres Lettres 1669. donnees le 13 mai 1669 , fe"para les deux Communautes , en aflignant la troifieme par- tie des revenus a celle de Patis , & les dcus autres a celle des champs , comme plus rombrcufe ; & ainfi le Roi confirma le titre d'Abbelfe a Dorothee Perdreau, laiflant ait Monaftere des champs la liberte d'clir? lcuj |
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des Abbesses de P. R. civ
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Abbefle. Clement X confirma cet arrange-
ment par une Bulle du 15 feptembre 1671 , 1671. qui fut publiee par l'Archeveque de Paris le to avril 1671, & enregiftre' au grand Con- feil le 21 dccembre. Nous aurons occafion de parler de cette Abbeffe intrufe , qui fut pour les Dyfcoles qui l'avoient elues , ce que fut autrefois Abimelech pour les Habitans de Sichem , qui l'avoient choifi pour les gouver- ner. Elle mourut d'une mort qui portoit le caraftere de la vengeance divine. Elizabeth Marguerite de Harlay de Chan- 1 J.
vallon , defignee Abbeffe de la Virginia , Elizabeth Ordre de Citeaux , Diocefe du Mans , fut^gjf"* transferee a l'Abbaie de P. R. de Paris , ]e 11 ir,g( mars 1685 , & mourut a Paris, ageede70 jafqu'en ans.au commencement de i6^j. 169/. Marie Anne de Harlay de Chanvallon , j T j
Prieure de St Aubin deGournay, fuccedaa fa Mane Anne tante par la nomination du Roi, le n jan-de Harlay , vier 169j , & fut benite dans fon Abbai'e dcP"'s par l'Archeveque de Paris, fon oncle. Elle l69S> quitta cette Abbai'e en 1706, & fut defignee le 8 juin 171 j , AbbeiTe de l'Abbaie-aux-BGis, Tauxbourg dc Paris. Marie Louife Franfoife de Roujfelet de ' Y"
Chdteau-Regnault, fille du Marquis de Cha- ROU|feiet teau Regnault, & de Marie le Gai; Prieure du depuis'
Monaftere de Monfor, Ordre de S. Benoit, 1706
xl'Alencon , depuis le 10 avril i<>94;fut nom- jufqu'en
jnee AbbefTe de P. R. de Paris au mois de Juin 1710.
1706 , & mourut fubitement, a 1'age de jo flns, le 25 aoiit 1710, fans avoir joui des rc- venus de P. R. des champs, dont les bieps vc- |
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Civ) LlSTE CHRONOtOGIQUE , 8CC.
noient d'etre re"unis, par des voics fi injuftes 8£ H criantes, au Monafterc de Pou-voial de Paris, |
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HIST0 IRE
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HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL.
•"--iinririH.....—mi i ii. in mammm.....■mihiimi—mmwi—m0
PREMIERE PARTIE.
LIVRE PREMIER. |
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JL/A b b a i e de Port - Roi'al des 1204.
Champs, pres de Chevreufe, l'une des Fondation plus anciennes de 1'Ordre de Citeaux ,de 1'Abbaie fut fondee l'an 1104. Voici quelle en e Port"R- fut l'occafion. Machieu de Marli, pre- Necrology mier du nom, cadet de la Maifonl7 Ao"c- de Montmorenci, fe difpofant a partir pour l'expedition de la Terrefainte^ Tome I. A |
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Z HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl.
laifla a Mathilde de Garlande, fon
epoufe , une fomme d'argent qu'il avoit deftinee a des oeuvres de piete, afin d'attirer la protection de Dieu fur fa perfonne , & d'obtenir un heureux fucces de fon voiage. Mathilde , avant que de remplir les pieufes intentions de fon Man, confulra, fur ce fujet, Eudes ou Odon de Sully , Eveque de Paris , de la Maifon des Comtes de Champagne , proche parent du Roi Phiiipe-Augufte (i). Ce faint Prelat lui confeiila de fonder un Monaftere de Filles ; & Mathilde , pour fuivre fon avis , commen^a la tondatjon de celui-ci par la donation duFief de Por- rois ou Port-roial (z) , qu'elle acheta deMilon de Voifins , pour l'execution de fon deficit). Ce fut dans ce lieu , fitue dans un Vallon, a fix lieues de Paris vers l'Occident, qu'elle fit batir un Monaftere qui en porta le nom. (i) M. Racine, dans Chccur de Notre - Dame
fon Hiftoire abregee de de Paris.
J>. R., fe trompe en attri- (i) Ce lieu avoit eiS buant a Eudes de Sullj-, npmme Potrois ou Port-
IvSque de Paris, la fonda- roi'al, en memoirede !a
jion de cette Abbai'e ; il grace que Dieu avoit faite
confeiila de la faire, mais auRoi Philippe-Augufle,
jl n' v contribua par au- qui y fut retrouve aprc"s
pune donation. avoir cte perdu dans Is
Eudes eft celui dont on fond d'une foret. Dxfojjc
^voit la tombe elevee de Mem. page jj, '
^.wxpies, £ ytpatt .*»■
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izo4
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I. P A RTIE. LlV. I. p.
Dans les anciennes Chartes , il eft ap-
pelle , Porregium , Porrigium , Porrc- gum , Porreta , Portus Regis , Portus Regius , Porrois , Porrais, Porreal; mais tous ces npms reviennent au meme, c eft-a-dke , a celui de Pokt- ro'ial. Il y avoic dans ce lieu , avant l'cta-
bliflement de la Maifon de P. R , une Chapelle de Saint Laurent. C'eft pour- quoi ce faint Martyr etoit un des Pa- trons de 1'Abbaie : il y avoit un Autel, du cote gauche de la croifee de 1'Eglife, ou rondifoitlagrand'-MefTele jour de fa Fete. Des le mois d'Aout 1204 , 1'Eglife
portoic le nom de Notre- Dame de P. R. Mais on ne voit pas qu'il y ait eu des Religieufes avant Fan 12.08 , que les lieux reguliers furent acheves. Ce ne fut d'abord qu'un Prieure ;
mais peu d'annees apres , Mathilde de Garlande, & fes fils Bouchard I & Mathieu II de Marli , folliciterent les Abbes de Citeaux , de Savigni & des Vaux de Sprnai , afin qu'ils erigeaflent le nouveau Monaftere en Abbai'e. Le concours de ces trois Abbes etoit ne- ceftaire> celui de Citeaux , en qualite de premier Abbe de l'Ordre ; celui des Vaux de Sernai, comme devunt etre , Aii
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4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
comme on dit dans 1'Ordre, Pen im~
medial, parcequ'il etoit le plus proche de P.R;& enfin celui de Savigni , parceque I'Abbai'e des Vaux de Sernai en dependent , ai'ant ete fondee en 11 3 z par le B. Serlon Abbe de Savi- gni , dont la Congregation particuliere a ete unie en i Z4S a 1'Ordre de Ci- teaux. Ces Abbes confentirent a l'e- rection du Monaftere de P. R. en Ab- bai'e ; ceux de Savigni & des Vaux de Sernai, ecrivirent fur ce fujet a Ma- thilde & a fes enfans, ainfi qu'a Pierre de Nemours, Evcque de Paris. Ce Prclat, en fuccedant l'an 1208
a Odon de Sulli , fur le Siege de cette Eglife, avoit herite de fon affeftion pour P. R. II accorda a ce Monaftere le droit de ParoifTe , & fit au mois de Decembre 1114, un accord avec le Cure de Magni, par lequel il lui donna en dedommagement des droits Pa- roifiiaux, cent dix fbls Parifis, pour en acheter un fond a fa Cure. Au mois de Mars fuivant, ( qui etoit de l'annee 1 x 14 , felon le calcul de ce tems ) Pierre de Nemours fit en perfonne une vifite a P. R. pour connoitre 1'etat de la Maifon •, & ai'ant fuppute tous les biens, il trouva qa'il y avoit de quoi fjntretenir treize ou quatorze Religieu- L
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I. Part t e. Liv. I. $
fes. Alors il permit que felon l'inten-
tion des Fondateurs , &c du confente- ment des rrois Abbes , on elut une Ab- beiTe. Cependant il ne paroit pas qu'il y en ait eu avanc Tan 1116. Eremberge femble avoir ete la premiere ; Sc avanc elle, il y avoit eutrois Superieuresou Prieures. La nouvelle Abbai'e recur bientot
de grands accroiilemens par les libe- rahtcs (3) des Rois de France, des Sei- gneurs du voifinage , dequelques Ab- bes & de difrerens Particuliers. Oh compte, parmi les Bienfaiteurs 8c Bienfaitrices , Louis le Jeune , Saint Louis, la Reine Marguerite de Pro- vence , Epoufe de ce faint Roi ; Ma- thieu Seigneur de Meudon ; Philippe de Vaumurier &c Eremberge fafemme; JeanComte de Montfort , fils d'Amau- ri VI, & petit-fils de Simon le Grand ; Marie de Bourbon , Epoufe de Jean , Comte de Dreux -, Renaud de Corbeil , Eveque de Paris, en qualite de Baron de Chevrenfe ; Hugues , Abbe de Saint Germain des Fres; Simon de Braie , |
||||||||
cette Abbai'e. Ces Remar-
ques ont ere imprimees dans le troifieme Volume des Vies interelTantel 8c edifiantes des Religieufes de P. R. p. 46?. A iii
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( ? ) On pent voir le
detail des differences do- nations fakes a P. R. dans les Remarques que le picux M. Blondcl a f'aites fur les premiers terns de |
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6 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
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7TT7 Ecclefiaftique ; Emeline Darenci, faur
de Simon de Braie , & une infinite d'autres. Mais apres les Seigneurs de Marli, qui fe firent un merite de mar- cher fur les traces de Alathilde de Garlande , il n'y en a point eu , qui aient plus fignale leur generofite que les Seigneurs de Chevreufe , de Mont- fort , de Trie & de Dreux. Plufieurs Filles des uns & des autres , comme auffi quelques - unes des Maifons de Marli, de Narbonne & de Levis, attirees par les charmes de cette Soli- tude nouvellemen: habitee , la prefe- rment aux etabliflemens avantageux que leur illuftre naiffance leur offioit dans !e Monde; & en s'y faifant Religieufes , en farent d'infignes Bien- faitnces. Le Nccrologe de P. R. fait mention de quinze Religieufes de ces dirTerentes Maifons. TT- Les Papes concoururent aulli a |
|||||||||
acco
|
rd6sa ce l'augmentation de cette Abbaie deve-
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Monaftere. mie celebre , & lui donnerent des Pri-
122.3. vileges confiderables. Le Pape Honore III , par une Bulle
du 18 Janvierdel'an 12*3, accorda a. la nouvelle Abbaie un grand nombre de Privileges , entr'autres celui d'y celebrer l'Oflice divin , quand meme tout lePais feroit en interdit; il defend, |
|||||||||
I. PAR'TfE. L'lV. t. j
par la mane Bulle, aux Eveques d'em- liZ,
ptcher I'electionreguliere de i'Abbefle , ou d'en depofer une , elue canonique- ment; il annulle toutes les fufpenfes 8c excommunications que les Eveques f'ourraient porrer contr'elles & contre
es perfonries qui leur appartiennent; il excommunie ceux qui troubleront ce Monaftere, qui s'empareront de fes biens , & qui les retiendront ; il per- met auxReligieufes de donner retraite h des Seculiercs , qui degoutees du Monde , & pouvant dilpofer de leurs perfonnes, voudroienr fe retifer dans leur Convent pour fairo penitence fans neanmoins fe lier par des voeux. Le nombre des Reli<zieufes croiflant
tous les jours , & la premiere Eglife fe trouvant trop petite pour les conte- nir, on fut oblige d'en conftruire une plus grande. Gregoire IX, qui avoit pris fous fa protection l'Abbelfe & les ReligieufcsdeP. R, & leursbiens,don- na l'an 1229 , une Bulle pour la Dedi- |
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1229.
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cace de la nouveile Eglife , qui fe fit
le 2.5 Juin de l'annee fuivante. On en celebroit l'Anniverfaire le premier Dimanche de Jui'let. Les biens de P. R. s'etoient telle- c J11." «
, S. Louis eft
ment accrus par les dinerentes dona- recommpout
lions, dont nous avons parle , qu'en J£te^,Fon" A iiij
|
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8 HlSTOIRE DE PORT-ROlAL.
,2, , 113 3 , ils fe trouverent fuffifanspour
entretenir foixante Religieufes. Cette fupputation fat fake par Etienne, Abbe de Savigni, nomine par le Chapitre general de Citeaux pour en faire l'exa- men & la difcuffion. Comme lesprin- cipales donations faites en faveur de cette Abbaie furent confirmees par Saint Louis, qui donna lui-memeauxReli- gieufes , fur fon Domaine , une rente en forme d'aumone, dont celles de Paris jouiffentaujourd'hui, elles ont toujours jegarde ce faint Roi comme un de leurs Fondateurs. A 1'egard du progres fpirituel de
cette compagnie de Vierges chretien- nes, pour en juger, il furat de fe rap- peller qu'elles etoient fous laconduite des Religieux de Citeaux, dans les beaux jours de cet Ordre , qui don- noit alors a la France un fpe&acle aulli edifiant que le donnerent autrefois les Solitaires d'Egypte , retracant dans leur maniere de vivre ces grands exem- pies de penitence & ces aufterites qu'on ne peut lire fans etonnement, dans les vies des uns & des autres. Les Religieufes de P. R. eurent meme l'avantage d'avoir pour Superieur Saint Thibaud Abbe des Vaux de Sernai, fils ainede Bouchard I de Marli, qui prit |
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I. P A R. T I E. LlV. L Cj
un foin particurier d'elles pendant dou- • • -
ze ans. Ce faint Abbe, par affection 2"" pour ce Monaftere , par le devoir de la Charge , 8c a la recommandation de Guillaume d'Auvergne , Eveque de Paris, faifoit quelquefois fa residence a P. R, en qualite de Superieur de la Maifon. Ce hit lui qui ajouta un troi- fieme Religieux, aux deux qui etoient deja prepofes pour la conduire. Les Tombes qui etoient fous le Cloi-
tre de P. R, 8c qui font aujourd'hui difperfees , nous font connoitre quel etoit rhabillement des Religieufes dans ces premiers terns. Eiles portoient le Manteau, au lieu de la Coule , ou Rob- be a. grandes manches, qu'elles repri- rent quelque terns avant la Reforme.On en voi'oit fur ces tombes , qui etoient reprefentees avec une efpece de Maru- ftule , comme aiant etc confacrees par
'Eveque. Surquoi il eft a propos de remarquer, avecl'Auteur du Volasc li- Le *"•*• . l , r ■ ^ Marettes.
turgiquc , qu on coniervoit dans cette
Abbai'e un ancien Nedologe, ou Obi- tuaire , auquel etoit joint le Rit de la Confecration ou Benediction d'une Religieufe , 8c ou on lifoit, entre au- tres chofes , que l'Eveque, qui dans cette ceremonie celebroit la Meffe , &c communioit la Religieufe , confacrois |
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10 HlSTOIRE DE PORT-ROlAI.
pour cela une grande Hoftie , qu'il
rompoit en hint parcelles , de l'une defquelles il communioit la Religieu- fe;apres quoi il lui mettoit dans la main droke , couvcrted'un Dominical, ou petit linge blanc , les fept autres parcelles de la fainte Hoftie done elle devoit fe communier elle-meme du- rant l'octave de fa confecration , oa benediction; comme les Pretres fe communioient pendant les quatre pre- miers jours de leur Ordination. On voi'oit encore, par les tombes
des Abbefles, que fuivant le premier efprit de Saint Bernard , elles ne fe fervoient point de CroiFe. Elles prati- querent la meme chofe depuis la Re- forme. Nous nous bornons a cequi vient d'etre dit des premiers tems de P. R , jufqu'a cette Reforme qui feule eft le fujet de notre Hiftoire. D'ail- leurs , il ne fe trouve pas de monu- mens anciens qui pui (Tent nous inftrui- re des particularites concernant les premiers tems de cette Abbai'e. Nous n'avons pas meme une fuccellion bien fuivie des Abbefles (4); & on ne fait le nom que de vingt-hiut Religteufes quiaient eu ce titre depuis Erembergei (4) On tro lvcra la lifle des Abbeffes a la fix).
<fc cc Volume. |
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I. PartiE. Liv. I. i i
morte le 7 Novembre 1227 , jufqu'a 1Z-,,
Jacqueline Marie-Angelique Arnauld , quifut benie Abbeffe le 29 Septembre 1601 , n'etant agee que d'onzeans. Le Monaftere de P. R. etoit alors _ \v- _ .
, , , 1 iA 1 x EtardeP. R.
tombe dans un grand relachement. La lori^ue u
Regie de Saint Benoic n'y etoit prefque JJ^JfSJjS plus connue , & l'efprit du liecle eneapricpoflef- avoit entierement banni la regularite.hon' Onze Religieufes , dont trois etoient imbecilles , & deux Novices compo- foient toute la Maifon, lorfque la Mere Angelique Arnauld fucceda a. Jeanne de Boulehart. II y avoit peu d'apparence qn'une jeune fille , faite AbbeflTe a l'age d'onzeans, d'une ma- niere fi peu rcguliere, &c qui meme alors negoiitoit nullementfa vocation, dut retablir la rcgularice dans ce Monaftere. // eft difficile, dit Saint Leon , parlant des Prelats qui one obtenuleur dignite centre les regies, que ce qui a eu un mauvais commence- ment , ait une bonne fin (f). La Mere Angelique etoit dans le cas. Mais ce qui paroit difficile, & meme contre toute apparence, arrivera neanmoins ,. parceque celui a. qui rien n'eft difficile r ni impoffible, avoir choifi cette jeuno (5) Difficile eftuibono Vo Cant inchoata prinefc-
jKragamur exitu ({ps p/a- pio. Leo cp. r. No-s. Edit',. A- v^
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Ii HlSTOIRE DE PaR.T-R.OlAI.
Abbeffe pour erre , dans fes mains ,
l'inftrument qui devoit fervir a exe- cuter fes delTeins de mifericorde , non-feulement fur le Monaftere de P. R; mais encore fur la France , &c fur toute l'Eglife. Jacqueline - Marie - Angelique Ar-
.nauld , Reformatrice de l'Abbaie de P. R. des Champs , fille de M. An- toine Arnanld, & de Mademoifelle Marion , vint an monde le 8 Septem- bre 1591 , & Jeanne- Catherine de Sainte-Agnes, fon incomparable fceur, & fa digne Cooperatrice dans ce grand ouvrage , naquit le 3 1 Decembre de Tan 1593(6). A l'exemple de plulieurs Hiftoriens, & en parciculier de Pau- Hn , qui, a la priere de Saint Auguf- rin , a eerie la Vie de Saint Ambroife , nous pourrions rapporter ici quelques traits de l'enfance de ces deux adrni- rables Religieufes qui, dans la fuite , fe font rendues fi celebres dans l'E- glife ; mais nous nous contenterons d'en rappeller un qui a rapport avec celui que Paulin racontedu jeune Am- broife (7),, & avec l'etat dans lequel (<) Vo'iVz la Gcncalo- voi'ant fa mere, fa four,
gie dcs Arnaulds, a la fin & une Vierge qui etoit
du Volume. avec el!es, baifer la main
(7) Lorfque Saint Am- d'un Evcque, il Ieur pre-
broife etoit encore enfant, fen.oit at.ni la fienne pout
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I. Par tie. Liv. I. 13
Dieu a fan&ifie ces deux AbbefTes , 8c -"-*"—"-* les a fait fervir a la fanctification de '"*' plufieurs autres. Dans les premieres annces de leur Vt
enfance , comme on leur difoic qu'el- enftuw, eU* les feroient Religieufes, l'ainee que M. Marion aimoit beaucoup , repon- dit : mon grand Papa » puifque vous voulc\ quejefois Religieufe , je lev tux lien; mais a condition que je ferai slbbeffe. La petite Jeanne , fa fceur, an contraire vouloit bien etre Religieufe, mais elle ne vouloit pas etre AbbefTe. Un joiir elie s'en alia fort ferieufement trouver M. Marion dans fon cabinet , qui lui ai'ant demande ce qu'elle vou- loit : mon grand Papa , lui dit-elle, je viens vous dire que je ne veux pas etre Ablefje , car j'ai oui dire que les Abbejjes rendront compte a Dieu des amts des Religieufes , &j'ai affe^ de la mienne. Sa fceur Jacqueline qui la fui- Premier* voit aiant entendu ceia ,pnt la parole, pai[. R fa. & dit brufquement : Je la veux etre , %e 8> moi , mon grand Papa , & je leur ferai bien [aire leur devoir. En effct Dieu , qui avoit des defleins de mifericorde fur ces deux jeunes Filles , les a ren- dues de parfaites Religieufes & d'ex- la leur faire baiter , en que. Paulin j vit fit S.
kur diftat qu'il fer eit Eve- Ambraij*. |
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14 HfSTOmi! DE PoRT-ROlAt.
J j,500. cellentes AbbefTes, qui ont rempli
leurs obligations , & les ont fait rem- plir a celles qui etoient fous leur con- duite, d'une maniere qui ne permet pas de douter qu'elles n'aient rec^i au. jugement de Dieula reconnpenfe pro- mife au Serviteur fidele , & qu'elles n'aient entendu, de la bouchedu fou- verain Juge , ces paroles confolantes : Matth. 15. O bonnes & Jidelles Sen-antes , parce- quevous ave^ ete fidelles enpeu dechofes, je vous itablirai fur beaucoup plus : entre^ dans la gloire du Seigneur. leur entree M. Marion, Avocat general , ai'ant «n Religion, obtenu l'an 1599 du Roi Henri IV,
par un abus qui n'etoit que trop com- man alors, les Abbai'es de P. R. 8c de Saint Cyr , pour Jacqueline & Jean- ne , fes petites-filles, l'ainee flit fake Coadjutrice de P. R , avec l'agrement de Madame de Boulehart qui avoit refufe la Coadjutorerie a deux de fes Nieces, & qui ne fit aucune difficulte d'agreer la petite Jacqueline Arnauld qui n'avoit que huit ans. Elle n'eut pas plutot donne fon confentemenr que , comme par un efprit de proplie- tie, elle dit a fes Religieufes, qu'elles /7€ favoient pas la bonne affaire qu'elle venoit de conclure pour elles. Jeanne- Catherine fa fceux n'a'iant pas encore |
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I. P ARTIE. Liv. J. OJ
fix ans lorfqu'elle fut nominee a l'Ab-
baie de Saint Cyr, fut mife entre les mains de Madame des Portes, qui pendant le bas age de la jeune Ab- beife , fut chargee d'en faire les fonc- tions. Jacqueline fut mife, vers le meme terns , dans l'Abbaie de Saint Antoine, Fauxbourg de Paris , ou elle prit l'Habit le r Septembre de cette annee 1599, des mains de M. de la Croix , Abbe de Citeaux. Elle n'y de- meura que fix femaines j &c pendant ce petit fejour , elle gagna tous les cceurs. Elle en fortit le 22 06lobre pour aller a Saint Cyr ou elle demeura jufqu'au mois de Juki avec fa fceur, qui prit l'Habit le jour de Saint Jean de 1'annee i<?oo. Les deux petites No- vices avoient quelquefois de plaifantes querelles entr'elles , & lorfque la Mere Angelique avoir fache fa fceur Agnes , celle - ci lui difoit qu'e//e n'avoit que fain quelle fut dans fa Maifon , & qu'elie I'en chajferoit bun qtiand ells youdrolt. On a vu depuis cette fainte Religieufe regretter ces petites vivaci- tes , avec autant de fentiment de douleur, que Saint Auguftin en te- moigne dans fes Confeflions , des peches de fon enfance. Des le lendemain de la prife d'Ha*j-
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\6 HlSTOlAE DE PoRT-ROlAt.
\*QQ— bit de la jeune Jeanne Arnauld , an
' recira fa feur Jacqueline, de Saint Cyr,
Profekon pour la conduire a Maubuiflbn. Elle
ie la Mere fUt confirmee le z 9 Septembre fuivant,
8c changea fon nom de Jacqueline en
celui d'Angelique, afinde redemander
fous un autre nom des Bulles qu'on
Iui avoir refufees, parcequ'elie n'etoit
que Novice. Le 19 Odtobre , un mois
apres avoir re<p la Confirmation , elle
fit Profeflion , n'a'iant encore que neuf
ans.
La Mere Angeliquea raconte depuis
qu'elle trouva fort mauvais alors ceque des perfonnes, qui etoient prefentes a la ceremonie, s'entredifoient comme par pitie : La pauvre Enfant ne fait ce qu'elle fait, &c qu'en elle-meme elle difoit: Suis-je done folle , qu'on crois que je nefais ce que jefais ? je lefais pourtant tres bien. En effet, elle a ete fi perfuadee depuis, qu'elle /avoir ce qu'elle faifoir, tout enfant qu elle fur alors , que lorfqu'elle fut parvenue a un age auquel elle etoit en etat de dif- cerner que fa Profeillon ne l'engageoir pas devant Jes hommes, & qu'elle pouvoit encore , felon les regies meme de l'Eglife , retourner dans le fiecle , elle fe regarda toujours neanmoins comme engagee devant Dieu par les |
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I. P ART I E. Llv. I. 17
promeffesqu'elle luiavoic fakes. Cette ,,~
vue lui cauia d etranges peines avant que Dieu l'eut touchee. D'un cote elle fe voi'oit engagee fans auctine vocation, & fans aucune inclination pour la vie religieufe; de l'autre , elle fe voi'oit en etat de protefter contre des engage- mensque fon extreme jeuneffe rendoit nuls. Elle auroit bien voulu prendre ce parti •, mais elle ne pouvoit s'y re- foudre, par la crainte de deplaire a des parens qu'ells aimoit tendrement. La jeune Coadjutrice demeura a 1 x.
Maubmffon jufqu'a la mort de Mada- Jj^fJ me de Boulehart, Abbefife de P. R, pwnd poflif- qui arriva le 4 Juillet de l'an 1601. {£,£ f™ Elle parcit des le lendemain pour fon vie pendant Abba'ie. Les Religieufes la recurent *£SS avecbeaucoup de joie, dans l'efperance gouveme- qu'on leur avoit donnee, qu'elles enroMlu feroient contentes. Elle fut benie le jour de Saint Michel fuivant, 29 Sep- tembre, par M. de la Croix , Abbe de Citeaux-, & le roeme jour elle fit fa premiere Communion. Telle fut l'en- tree de la Mere Angelique dans 1'Ab- ba'ie de P. R. Les premieres annees, de fon gouvernement y repondirent d'abord. La jeune Abbeffe menoit une vie douce, ne penfant qu'a jouer, qu'i fe promener & a fe divertir, comme |
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iS HlSTCMRE DS PoRT-RO'lAI,.
un enfant da fon- age. Elle faifoic fori-
vent venir de Saint Cyr, fa Sceur Jeanne ( la Mere Agnes) qui jouoit auffi de fort bon cceur ; mais qui ncan- moins etoit tres exa6te a reciter l'Of- fice. Quoique plus jeune , elle mon* troit plus de piece & fe portoit avec tant a affedion aux exercices de reli- gion , qu'a I'agedeneufans elle favoit le Pfeautier par coeur , le chant, & les ceremonies qu'elle obfervoit avec una ponctualite admirable. Quoique , fui- vant inclination des enfans de fon dge , elle aimat fort le jeu , elle in- terrompoit cependant fes divertiffe- mens pour reciter l'Office , & fe retiroit a l'ecart pour vaquer avec plus de re- cueillement a ce faint exercice. Elle n'etoit encore alors que novice , mais elle ne fe laiflbit pas neanmoins en- trainer au mauvais exemple que lui donnoit fa fceur, qui , quoique Pro- fefTe , ne fe genoit pas beaucoap pour reciter l'ofrice -, fouvent meme elle ns lerecitoit point du tour. La Mere Catherine Dupont, Prieure
de P. R, gouvernoit alors la Com- rnunantc qui cheriflbit fort la jeune Abbefle , tant a caufe de fes bonnes manieres , que pour les fervices que lui rendoit fa famille. Il regnoic une |
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I. P ARTIE. L'lV. I. IJ
fi granck paix dans la imifon , & tant .g0
d'ordre pour l'office & les autresob- fervances, que M. Boucherat, Abbe de Ciceaux, en faifant fa vifite , l'an i (Jo 5 , declara qu'il avoit trouve l'Ab- bai'e de P. R, fore reguliere , 6c il ne fit d'autre ordonnanee , finon qu'on augmetfteroit le nombre des Religieu- fes jufqu'a. feize. Cependant route la regular ite fe reduifoit a s'acquitter alTez bien de l'office, aux heures marquees, excepte Marines qu'on difoit a quatre heures du foir, Sc a vivre dans une paix & une union route humaine. Du refte, le jeu, & la promenade qui eroit meme ordonnee par 1'Acte de vifite, fai- foient toute l'occupation de la Com- munaute. La ieune AbbefTe neanmoins ne pre-
noit pas tant de gout au jeu & a la- promenade , qu'elle ne tombat de tems en tems dans une grande melancolie, en fe vo'iant fi engagee dans un etat qu'elle n'avoit point ehoifi , & pour lequel elle n'avoit nulle inclination. A l'eloignement qu'elle avoit par elle- meme.de la vie religieufe , fe joigni- rent encore les follicitations de Mef- dames fes Tantes , qui faifant pro- feffion de la Religion pretendue Re- form.ee , auroient au. avoir rempoud |
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«
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20 HlSTOTRE DE PoRT-ROlAL.
une grande victoire , fi elles avoient
{>u engager la jeune AbbefTe a quitter
e Voile : mais quelque degout qu'elle eiit interieurement de fon etat, quel- qu'averlion qu'elle eiit pour la vie religieufe, dont tout lui deplaifoit jufqu'a l'habit, elle n'en temoignoit rien neanmoins. Elle ne faifoit paroi- tre aucune mauvaife humeur ; & l'e- levation naturelle de fon efprit l'eloi- gnoit des baflefles de tant de Religieu- fes mecontenres, qui tachent d'adoucir la privation de la vanite qu'elles aiment, par mille recherches d'ajufte- mens ridicules jufques fur leurs habits de Religion. Le tems fe pa/Ta ainfi depuis 1602
jufqu'en 1607. La Mere Angelique commencoit alors a connoltre davan- tage les obligations de 1'etat religieux. Elle avoir concu une grande horreur de toute attache aux biens de ce mon- de, &c fentoit le danger auquel on s'expofe de fe perdre eternellement pour des chofes fi meorifables & ii indignes d'une arae qui n'eftfaite que pour Dieu. Elle en geniiflbit dans fon cceur, & elle defiroit que Dieu la delivrat de ces dangers. Mais ces pen- fees falutaires ne produifoient dans fon efprit que beaucoup d'inquietudes |
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I. P ARTIE. LlV. I. ti
Sc de peines, parcequ'alors elle ne , " l
goutoit pas encore le bonheur de fon * erar. Elle etoit pourtant perfuadee
qu'elle ne pouvoit le quitter fans fe {>erdre ; qu'il n'y avoir point de loi qui
a difpenfat d'etre a Dieu; qu'il lui avoit rait trop d'honneur de la prendre pour fon Epoafe, & qu'elle ne pouvoit abandonner fon etat fans une infigne ingratitude. » Je ne fais , dit - elle »j elle-meme, d'ou me pouvoient ve^- » nir ces penfees fur la faintete de ma »» profeflion, vu que j'y menois une vie » toute pai'enne & profane. II eft vrai » que je diftinguois bien ce que je »> devois faire de ce que je faifois , &c " que me venanr auez fouvent de » grandes apprehenfions des jugemens •> de Dieu, je me propofois que, quand » je ferois vieille , je ferois peni- » tence. En attendant , la jeune Abbeffe con-
tinuoit de pafTer le terns au jeu, 4 la promenade, a des vifites. Madame fa mere Pa'tant appris , vint lui faire une le^on digne d'une mere chre- tienne. Elle le fit avec tant de lar- mes, que fa fille en fut touchee, & qu'elle lui promit de vivre avec toute la fagefle & la retenue qu'elle deii- roit. Cette reprima^de & cette pro- |
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12 HlSfOIRE DE PORT-ROIAL.
— mefTe furent fuivies d'une grande me-
lancolie qu'elle chercha en vain a dif- flper par la leiture des vies de Plutar- que & d'autres livres profanes. La triftefle perfevera & fe termina enfin a une grande maladie qui commence le 25 Juillet par une fievre violente. Monfieur & Madame Arnauld, remplis de tendrefle pour leur fille, la firent tranfporter dans leur maifon a Paris , pour en avoir foin. Elle y recur, pen- dant trois mois, tant de marques d'a- mitie de leur part, que pour y repon- dre , elle prit la resolution de perfe- verer dans l'etat oil elle etoit, & de vivre dans la mpdeftie tonvenable a une Religieufe. Ses vues ne fe portoient pas plus
loin alors , & elle ne faifoit aucune attention a fes devoirs envers Dieu. Mais fidelle a fa refolution , pile re- tourna de bonne grace a fon Abbai'e le 3 Decembres & elle y flit recue avec des temoignages d'amitie plus grands que jamais. Elle amena avec elle fa jeune Sceur. Marie Arnauld qui n'ayoir que huit ans, pour Felever en qualite de Penfionnaire; & vers le meme rems, elle attira encore aupres d'elle la Mere Agnes, qui demanda & obtint la permiffion de quitter Saint |
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I. Partii. Llv. I. %i
Cyr pour demeurer avec fa faeur a
P. R. C'eft ainfi que depuis plufieurs annces la Mere Angelique yivoit dans des peines & des inquietudes a-peu- pres femblables a celles qu'eprouva Sainc Auguftin avant fa converfion, & dans des combats interieurs qui la dechiroient, fentant d'un cote une partie de fes obligations , & de 1'autre n'aiant que du degout 8c de l'averfion pour £on etat. |
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1607.
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14 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
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LIVRE SECOND.
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i<Jo8. -»t
, *• . ±N Ous touchons enfin au moment la Mere r* . . , ,
Angeiiqueeft heureux auquel celui qui a pitie de
touches de qUj jj[ veut ^ va fjgnaler fa grande mi- tericorde fur l'Abbeffe & l'Abbaie de
P. R, & fake eclater fa puitTance par
rinftrument dont il fe fervira pour
l'execution de fes defleins de grace &
•de falut. Ce moment heureux, marque
par la Providence , arriva dans le Ca-
remedel'annee 1608 , vers la Fete de
1'Annonciation. Le Pere Bafile , Capu-
cin, futcelui dont Dietifefervitpour
faire eclater la fouveraine puiflance
qu'ilexerce fur les cceurs. Ce Religieux,
etant arrive a P. R. un foir qu'iletoit
prefque nuit, demanda a precher , &
on le lui accorda. Ecoutons la Mere
Angelique raconter €lle-meme 1'efFet
que la grace produifit dans fon cceur
*. Panic, a I'occafion de ce fermon. » Nous
f*5 17«- » allons done au fermon , qu'il etoit
» tout nuit: pendant ce fermon Dieu
» me toucha tellernent, que des ce
« moment je me ttouvai plus heureufe
« d'etre Religieufe que je ne m'etois
»» txouyee malheureufe de l'etre, 8c
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I. Partie. Liv. II, 15
>> je ne fais ce que je n'aurois pas m voulu faire pour Dieu, s'il m'eut « continue le mouvement de grace » qu'il me donna. Dieu fie encore une autre grace a la
Mere Angelique , comme elle le re- connoit. Ce rut de ne point parler en particulier a ce Capucin , ainfi qu'elle en avoit eu la peniee , pour lui com- muniquer fes bons defirs & fe mettre fous fa conduite. Ce fiat en effet un grand trait de la mifericorde de Dieu fur elle •, car ce Religieux etoit un homme livre au defordre. Il avoit deja fait de grands ecarts dans plu- fieurs monafteres , & enfin quelques annees apres , il abandonna la pro- feflion religieufe & la foi catholic que (1). Depuis cet heureux changement que
la grace opera dans la Mere Angeli*- 3ue, elle eut toujours un grand defir
e fervir Dieu; mais elle avoit ties peu de lumieres fur ce qu'elle devoir faire. Des lors toutes fes peines d'efprit, dont fon averfion pour la vie religieufe etoit la fource, fe diffiperent. Elle comment a. aimer fon etat en aimant Dieu •, mais elle entra dans de nou- fi) Dieu eut cependant il lui fit la grace de ren-
pitie de lui dans la fuitejSc tter dans lc fcin de l'Eglife. Tome I. B
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l£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
~~7~Z— velles inquietudes fur ce qu'elle n'e-
I0O8. . i \ iii
toit pas dans le genre de vie le plus
auftere. Pour y fuppleer en quelque forte , elle comment a pratiquer cer- taines aufterites , en lecret. Elle fe levoit toutes les nuits pour aller prier dans un grenier, de peur d'etre ap- percue dans fa chambre. Ce qui lui caufoit le plus d'inquictude , c'etoit fa charge d'Abbeffe. On a appris d'el- le-meme dans une occafion, que des le moment que Dieu la toucha , il lui donna une fi grande averfion pour toute dignite , que ce fut pour elle une cho- _ , . fe infuoportable d'en etre revetue : Relation, I. r
Tome i. pa-» J avois tenement en horreur , dir-
ge l7- » elle , cet engagement, ou je me » trouvois d'avoir charge & autorite, m que je n'avois d'autre penfee dans » l'efprit que de chercher les moi'ens » d'en fortir , & d'aller en tel lieu » qu'il plairoit a Dieu : car il m'etoit » fort indifferent oil ce put etre ; & w il me fembloit que je ferois trop » heureufe par-tout, quand je ferois » delivree de ce fardeau, qui m'e- » toit infupportable. Ce fut dans cette vue qu'elle forma
Je defTein d'etre Capucine , Feuillan- tine , ou de quelqu'autre Ordre , afin 4e fe dpliyrer de fa dignite d'AbbelTe, |
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I. Par tie. Liv. II. 17
6c de vivre dans la dependance. » J'ai » fouhaite plufieurs fois , dit-elle, de » m'en aller a cent lieues , & de ne » voir jamais ni pere , ni mere , ni » parens, quoique je les aimafle ex- » tremement ; d'etre la route fettle « avec Dien, en force qu'ame du mon- " de ne me connut, &c de pouvoir » vivre auffi humble & cachee , fans " avoir d'autre temoin que Dieu, » & d'autre foin que de lui plaire. » Cerrainement, je ne penfois pas » qu'il put y avoir dans le monde » une condition plus heureufe, ni « une felicite plus grande. En un mor, »» je me fouciois fi peuou j'allafle, pour- v vuque jenefuflTe plus AbbeiTe,que » j'eulTe cru qu'il y eut eu pour moi » moins de danger & de peril d'en- » rrer dans une maifon qui n'au- » roit pas ete rcformee , pour y etre » Sceur Converfe, car c'etoit route ma " devotion, (quelquepartque j'euflTe - ete) que de demeurer en charge » dans ma maifon , avec route la »> reforme & tout le bon ordre que » j'euflTe pu y mettre. En efFet, j'avois »> raifon. Car enfin , difois-je, j'en » fais aflTez, & pour etre dans une » maifon oil Ton ne vit pas comme *> Ton doit, cela ne m'empechera Bij
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i8 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAi;
, o » pas de faire moi-meme ce que je
' » dois , & je ne laiflTerai pas d'y etre,
» fi jeveux, pauvre , humble , obeif-
» fante & patiente, & encore avec
»» plus de merite , parceque ce fera
» avec plus de contradiction & moins
» d'exemples.
n- Telles ctoient les difpofitions de
eeiique penfe U Mere Angelique, lorfque Dieu
i nAy0™" ^'euc touc^e» ^ur <lno1 e'^e admiroit
la Providence de Dieu fur elle, en ce que , fans etre inftruite de l'obliga- tion de quitter les charges ou Ton eft entre fans aucune vocation de Dieu, &c contre les regies, Dieu lui avoit infpire le defir de fatisfaire a ce de- voir qu'elle ne connoiflbit pas. Ses premieres penfees furent doncde quit- ter fon Abbaie, & d'aller fe rendre fimple Religieufe aux Feuillantines de Touloufe , qui pour lors etoient in- connues & fort aufteres. Mais le P. Bernard , Capucin , la detourna de cette resolution, C'etoit un vieillard venerable , 8c d'un exterieur grave & fevere. Etant venu a P. R, a la fete de la Pentecote, la Mere Angelique ne l'eut pas plutot vu , qu'elle crut que e'eroit ce qui lui convenoit, &; ne man-qua pas de lui faire part du. tj'.-iTib nu'eile ayoif de reformc-r fotj |
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I. PART IE. I2V. //. ±9
Abbaie. Ce bon Pere la confirma dans ~ K _'o
cette refolution, & precha en conle- quence fur cetce matiere. II le fie avec tant de force , & d'une maniere fi fevere , qu'il choqua quelques-unes des Sceurs, &c fur-tout la Prieure. Cel- le-ci, qui avoit toujours rempli fort exactement les devoirs de la Regie telle qu'elle s'obfervoit alors, ne croi'oit pas avoir befoin d'une Reforme. Elle dit meme dans les premiers mouve- mens de la mauvaife humeur que le Sermon lui avoit caufee, que ce Reli- gieux infpiroit a l'Abbeffe le deffein d'une grande Reforme, dont elle fe kfleroit bientot , & que tout cela n'aboutiroit qu'a cauferdu trouble &' du defordre. La jeune Abbefle, informee de ce
difcours , ne le defapprouva pas , & en conclut qu'elle feroit beaucoup mieux d'aller fe rendre fimple Religieufe dans quelque Maifonbien reglee, que d'entreprendre la Reforme de fon Ab- baie. TJn autre Capucin nomme le Pere Pacifique , etant venu peu de jours apres aP. R, fut d'un autre fen- timentque le Pere Bernard, & entra entierement dans les vues de la Mere Angelique. Elle fe flattoit deja d'etre bientot hors de tout embarras, lorfque B iij
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$Q HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
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i6o8.
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■* le P. Bernard furvint, qui ai'ant ap-
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pris de fon confrere la derniere refo-
lution de la Mere Angelique , fe mit en colere , & la menace d'aller trouver M. Arnauld fon pere , qui l'empeche- roit bien de forcir. La jeune AbbeiTe efFraiee de ce.tte menace, ne penfa qu'a appaifer le P. Bernard en lui pro- mettant de ne faire que ce qu'il vou- droit. in. Le P. Bernard continua de venir ^°ePL°fiMcrea P- R' dePuis h Pentecote jufqu'au
Angelique e- mois de Septembre ; & dans les fre- fe^^fein^e °iuens entretiens qu'il eut avec les Re- lAtitotmi. ligieufes, il en engagea cinq a em- bracer la reforme. Jufques-la la jeune AbbeiTe n'avoic trouve aucune de fes Relieieufes qui entrat dans fes vues, excepte la Soeur la Grange, qui en comprit tons les avantages, des que la Mere Angelique lui en eut fait part. Quelques femaines apres, elle avoit eu la confolation de voir entrer dans fes vues, la Soeur Catherine de Saint- Paul Goulas. C'etok fa premiere No- vice , & elle l'avoit recue a profeffion avant meme que d'etre benie. Cepen- dant celles qui etoient oppofees a la reforme ne firent aucun bruit, 8c elles ne s'ecarterent jamais du refpedt qu'el- les devoient a leur Abbelfe. Celle-ft |
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L P A ft TIE. L'tV..ll. } I
de fori cote les traitoit avec beaucoup '■' :r~o
J J o I ' • " 1605.
de douceur } &c leur temoignoit meme
beaucoup plus d'amitie qu'aux autres. A cette occafion, la Mere Angelique remarque elle-rneme , que celles qui s'oppofoient a la reforme avoienc rou- jours ete les plus regulieres & les plus modeftes dans leurs habits; ce qui faifoit dire a la Prieure , que celles qui avcient tu des vanitis faifoient bien de les reformer ; mats que pour celles qui nen avoient point eues, elles n'avolent rien a changer. La Mere Angelique, vo'iant cette
oppofition de la part du plus grand nombre de fes Religieufes , crut ne ,«r devoir prelfer perfonne , & fecontenta
de donner l'exemple. Elie parloit peu > & prioit beaucoup. Elle penfoit avec raifon qu'il faifoit fupporter avec patience les oppofantes , &c attendre que Dieu leur donnatla meme volon-t te cju'il lui avoit infpiree a elle-meme » & a quelques autres. Ce parti etoic bien le plus fage; mais le Pere Ber- nard , amine d'un zele indifcret, penfa tout gater. II voulut faire des regle- mens. lis etoient bons en eux-memes ; mais ils ne convenoient pas dans les circonftances prefentes , &c n'etoient point proportionnes aux difpofitions Biiij
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Ji HlSTOlRE OF. PoRT-ROlAI.
des Religieufes. II voulut contre l'avis
de FAbbeffe , porter de fa part ces reglemens a M. l'Abbe de Mori- mond , grand Vicaire du General de Citeaux. La jeune Abbeffe avoit prevu le mativais fucces de cette demarche precipitee. EnefFet, M. l'Abbe de Mo- rimond alia trouver M. Arnauld , lui fit part du deffein de fa fille, & des reglemens que le P. Bernard lui avoit remis de fa part entre les mains, & l'afTura qu'il ne feroit dans cette affaire que ce qu'il jugeroit a propos. M. Arnauld, qui n'agreoit pas ce
deflein de reforme, perfuada fans pei- ne a l'Abbe de Morimond tout ce qu'il voulut. La iMere Angelique eprou- va bientot les effets du mecontente- ment de M. fon pere. Etant allee a Andilly pour l'engager a demander de nouvelles Bulles & l'abfolution du faux expofe qti'on avoit fait a Ro- me , en difant qu'elle avoit dix - fept ans, quoiqu'elle n'en eut que neur, M. Arnauld lui parla fur ce qu'il avoit appris de M. l'Abbe de Morimond , & il le fit avec tant de force & de vivacite , qu'il en tomba malade; & il ajouta que s'il mouroit de cette ma- ladie, elle feroit caufe de fa mort. Ces paroles, prononcees par un pere |
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I. P A R T I E. Liv. II. I J
tendrement aime , toucherent fi fort la "7^o¥
jeune AbbelTe, qu'elle lui promir de ne jamais voir le P. Bernard. Elle con- gut elle - meme tant de chagrin de voir les fuites de 1'imprudence de ce bon Pere, qu'elle fur attaquee de la fievre quarte (2). Cette indifpofition ne l'empecha
pas de retourner le 28 0£tobre(3) a fon Abbai'e , fort tritte de rencontrer rant d'obftacles a fes pieux delfeins, &c bien refolue de faire tout ce qu'elle pourroit pour bien fervir Dieu , mais fans rien faire qui put chagriner M. fon pere. L'impofubilite que la Mere Ange-
lique voioit pour lors de reuflir dans fon pieux delfein, la fit refoudre a en fufpendre l'execution , & a n'en plus parler , que Dieu ne lui donnat d'au- tres ouvertures. Elle a dit, depuis , que voiant tant d'oppofiiions a la re- forme , » elle difoit en elle - meme » qu'elle etoit bien malheureufe, &C » que les gens du monde etoient bien » injuftes, puifque, lorfqu'elle etoit (i) Dans la premiere Angelique a Andilly.
Relation, page 31, il eft (j) Ce fut le 11 ou 11
die que !a rievre-quarte Ottohre, felon la pre-
fut une occafion a M. Ar- miere Relation,
nauld, d'emmener la Mere B v
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J4 HXSTOIRE DE PORT-ROIAL.
""» incapable cle faire un choix, ils
» l'avoient engagee & laiflee depuis w dans un etat pour lequsl elle n'a- » voir ni vocation ni gout', & qu'au n moment, que Dieu par fa miferi- » corde avoit repare leur faute, en >» lui donnant l'amour de fon etat, ils » vouloient s'oppofer a fon bonheur , » en l'empechant de fe fauver par » une vie conforme aux devoirs de fa » Profeffiom En confequence des arrangemens
faits par M. l'Abbe de Morimond , de concert avec M. Arnauld , les Capti- ons ne precherent plus a. P. R , & la Mere Angelique ne vit plus le P. Bernard. Mais par un effet partieulier de la Providence, un Bernardin envoie fiar l'Abbe de Morimond pour precher
a fete de la Touflaiat , fe trouva contre Pintention de celui qui l'en- vo'ioit, tres favorable a la reforme , & confirma la jeune Abbefle dans fon pieux deffein. La Mere Angelique le demanda pour ConfefTeur, l'Avent fuivant, a l'occafion d'un Jubile pen- dant lequel elle voulut faire une con- feffion generale , cequ'elle n'avoit pas fait jufqu'alors. Le ConfefTeur fortifia dans leur bonne volonte 1'Abbeffe, &c |
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I. P ARTIE. LlV. II. J 5
celles de fes Religieufes qui vouloient I(,Qo "
bien embracer la reforme (4). Les oppofuions que la Mere Angeli- 1 v.
que eprouvoit dans fes delfeins , tant m^"^""^ de la part de M. fon pere , que de celle Reforme de de la Prieure &c de quelques ancien- ' ' nes , la jettoient dans un abime de chagrin & de triftelTe , qui faifoit craindre pour fa vie. Elle ne voioit aucune ouverture pour venir a bout d'une reforme qu'elle defiroit avec ar- deur. Le fouverain Ma'itre des cceurs fe fervit enfin , au moment marque par fa fagefle , de l'accablement & de la trifteue de la Mere Angelique , pour toucher le cceur des Religieufes oppo- fantes. La Prieure qui aimoit beau- coup fon Abbefle , la vo'iant toujours melancolique & dans la trifteflelui de- manda , un jour de Careme de l'an 1609, quel pouvoic etre le fujet de fon chagrin , ajoutant que c'etoit alTu- rement cette melancolie qui etoit caufe de fa maladie, dont elles etoient toutes tres affligees. La Mere Angelique lui Reu^f£ repondit que fon chagrin venoit decePart.pag.56. qu'elle ne pouvoit fatisfaire le defir (4) Dans la premiere fition a embrafTer la Re-
Retation, page;S, il eft forme. Cependant lePere
ditque jufqu'ici il ne pa- Bernard en avoit gagnfi
roiffoit pas encore dans les cinq.
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Religieufes aucune difpo-
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B v|
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3 6 HlSTOIRE DE PoR.T-n.oi At.
j<fog. qu'eMe avoit de reformer fon AbbaYe;
qu'il ne tenoit qu'a. elle, & a fes adhe- rantes de le faire ceflTer. Madame , lui repliqua cette bonne Prieure, dites- nous ce que vous voide^ que nous faf- Jions , & pourvu que vous fo'ie^ con- tente , je vous promets que nous ferons toutes chofes. v- La ieune Abbefle profitant de ce La Mere •' ', , i
Angeiique e- premier mouvement de bonne volon-
tab,ic!aco!p-te , lui dit qu'elie fouhaitoit que taut munaute des r„ . * _ . 1., «,
Wens. rut mis en commun. La Prieure lalluia
qu'elles le feroient; mais en meme-
tems elle lui reprefenta que cela oc- cafionneroit une augmentation de de- Eenfe , parceque chacune ai'anr fes
ardes a part, elle en prenoit plus de foin , cequi ne feroit plus , lorique rout feroit en commun. La Mere An- gelique qui l'avoit ecoutee avec beau- coup d'attention , lui repondit qu'elie croi'oit ne devoir pas s'arrecer a. cet inconvenient, qu'il importoit peu que la depenfe fat plus confidcrable , pour- vu que les Religieufes fiffent leur fa- lut, en obfervant le vceu de pauvrete qu'elles avoient fait. La Prieure ainfi gagnee entraina avec elle toutes les autres , rant par fon exemple que par fes follicitations. Des le lendemain, toutes vinrent apporter leurs calTettes |
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I. P ARTIE. L'lV. II. 37
£c leurs hardes a Madame l'Abbefle. J5TT......
Une bonne Religieufe fourde 6c muet-
te (5) , a. qui on n'avoit point fait en- tendre cet ordre, parcequ'on jugeoit ?[ue fon infirmite pouvoit Ten diipen- er, voiant toutes les autres apporter leurs paquets ap porta auffi le fien , lorfqu'on lui eut fait entendre de quoi il s'aguToit. Depuis ce jour, qui felon la premiere Relation etoit le jour de Saint Jofeph , 011 le jour de Saint Benoit, felon la Relation de la Mere Angelique, la communaute de biens fut toujours tres bien etablie •, Sc la Mere Angelique fut entierement de- livree de la fievre quarte. Cette "reforme entreprife , par une LY r*. «>
jeune AbbelTe de dix - fept ans , ne cette Refor- manqua pas de faire du bruit dans le !Pe attire P1"* 1 ^ , „,,, .. fieuts Keli-
nionde. Deux Rehgieules de 1 Abbaiegieufesetran-
de S. Antoine au Fauxbourg de Paris ,Bercs * 1>- *• en a'iant entendu parler, prierent le (5) Cette Religieufe s'ap- grands fentimens de pent"
pelloit Anne-Marie Jo- tence , moiennantunTru-
hannet. A caufe de fbn chement qui entendoit fes
infirmite, elle 6toit par- fignes &c fon begaiement
venue jufqu'a l'age de z8 ( car elle n'etoit pas entie-
ans fans avoir cornmunie; tement muctce ). Actcn-
mais fur la dccilion des live a fe corriger tie fes
DoSeurs, voiant qu'elle fames, elle faifoit entcn-
6toit fuftifamuient inftrui- dre qu'elle s'abftenoit de
te , on la tit communier. ce qu'elle favoit deplaire
Des lots elle fit de grands a Uieu. Elle raourut le
ptogres dans la verm. El- Vendredi faiut 14 Avril
le ic confeffoit avec de 1G34.
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3$ HlSTOIRE BE PoRT-ROlAt.
■ 1(Joo Bernardin qui leur avoir fait un reck
fort avantageux de la vertu de cette AbbefTe, de demander pour elles une place dans P. R. II ne fur pas difficile de l'obtenir de la Mere Angelique , qui remplie de rele pour le Talut du prochain , leur accorda de bon coeur ce qu'elles defiroient. Les deux Reli- Motte ie gieufes les Meres de Nouveau & de Mone ie Louvieres aiant obtenu leur obedien- nAoutisi3.ce je m. jg Cireaux, fe rendirent a P. R. vers la fete du S* Sacrement. Elles furent les premieres des Reli- gieufes etrangeres que la Mere An- gelique recur dans fon Abbai'e. Elles y attirerent dans la fuite une de leurs amies , nominee la Mere PaTTart ( 6 ) qui etoit, comme elles , Religieufe de 1'Abbai'e de Saint Antoine. V". La ieune AbbelTe de P. R-pourfui- la Mere An- , ,< • r \ r
eeiique eta- v^nt cequ elle avoit ii heureuiement
6iit la cloture commence } voulut etablir une exa<5te fcaie. cloture. La plus grande difficulte qu'elle rencontroit, etoit de faire fubir cette
loi a M. Arnauld fon pere. Nous allons voir les efforts que 1'amour de l'ordre fit faire dans cette occafion a la Mere Angelique , contre 1'amour le plus fort &: le plus tendre qui foit dans la na- (6) Elle alia a P. R. l'aa iSH , 8c y mourut le 7
Novembre iSjo. |
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I. Partie. Llv. II. 39
ture. EUe declara done a la commu- naute , que les Religieufes ne ver- roiem plus al'avenir leurs parens qu'aa parloir » qu'il n'y auroit aucune excep- tion a cette regie , 8c qu'afin que per- Tonne n'eut a fe plaindre de ce nou- veau reglement, Monfieur 8c Mada- fne Arnauld y feroient compris comme les autres. II fe prefenta bientot une occanon de mettre en pratique une regie fi fage : car peu-apres la fete de Paque , une prife d'Habit ai'ant attire a P. R, une compagnie fort noirr- breufe, on ne lama entrer perfonne dans l'interieur de la maifon. Cette regie parut a plufieurs une nouveautc; ils murmurerent , 8c les Religieufes eurent foin de les appaifer , en leur de- clarant qu'on en agiroit de meme a 1'egard des parens de Madame 1'Ab- be fie. M. Arnauld ne pouvant venir que
rarement a P. R, a caufe de fes af- Faires , la Mere Angelique fnt tranquil- le jufqu'aux vacations du Palais •, e'etoit le terns que fon pere prenoir pour la venir voir. Quand elle vit le terns s'approcher , elle confulta fur ce- qa'dle avoit a faire, le Religieux (7) (7) ^brnmc de Querfaillon ou Begat, depuis
Abbe de Vauciait, |
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4<3 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAt.
uJ(j0 qu'elle avoic fait venir l'Avenc prece-
dent pour confeffer. Ce Religieux fat d'avis qu'elle fit favoir a M. fon pere, qu'elle ne pouvoit plus en confluence lui permettre 1'entree dans fa maifon; qu'elle le priat de ne pas le trouver mauvais , 8c que fi nonobftant cette priere , il ne laiflbit pas de fe prefen- ter, elle lui refufat abfolument route entree. Pour fuivre ce confeil, la Mere Angelique ecrivit X Madame fa me- re (S) , que Dieu lui ai'ant fait la grace d'etablir la reforme & la cloture dans fon Monaftere, elle la fupplioit ainfi queMonfieur fon pere , de n'y point mettre d'obftacle ; 8c de trouver bon qu'elle leur demandat une grace , fa- voir , qu'au cas qu'ils euflent delfcin de lui faire l'honneur de la venir voir aux vacations prochaines , its ne rrou- vaflent pas mauvais qu'elle les recutau parloir , 8c que s'ils ne vouloient point _ (8) la premiere Rela- pas ofe en parler i M.
tion page 42. , Tome I, fon pere , le comenta de
ditquela Mere Angelique Is dire a Madame fa me-
n'ofa ecrire ni a M. fon le, qui repondit qu'elle
pere , ni a Madame fa connoiflbit bien fa fille ,
mere, qu'elle s'adreffa d U qu'elle ne craignoitpas
Madame le Maitre fa qu'elle jouat ce tour i
fceur , qui ctoit aupres fon pere , qu'il etoit inu-
d'eux , afin de menager tile de lui en parler , 8c
l'occafion de leur dire a de le fachet pour une cho-
propos fcs intentions; que fe qui ne feroit pas.
Madame le Maitre n'aiaut |
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I. Par.tie. Liv. II. 41
agreer cette condition , elle les prioit ^ * de la priver plutot de l'honneur de leur ** vifite , parcequ'elle etoit obligee de
les avertir qu'elle feroit dans la ne- ceffite de leur refufer l'entree (9). Madame Arnauld fit part a M. fori
mari de la refolution de la Mere An- gelique ; mais jamais il ne putpenfer que fa fille eut aflez de hardieiTe pour mettre ce deflein a execution. Il prit jour pour aller a P. R. avec fa famine ; favoir , Madame fon epoufe , M. d'An- dilly , Madame le Maitre , &c Made- moifelle Anne Arnauld. La Mere An- gelique qui en fut avertie , fe prepa- ra a ce jour de combat par des prieres 8c par le facrifice des fentimens les plus tendres , mais qui ne furent pas capables d'ebranler fa fidelite envers Dieu. Le jour venu , qui etoit le vendredi vn r.
avant la S. Michel , la Mere Ange- „ Jo"rn^ ** hque eut loin de retirer des le matin les cles de cloture des mains des Re- ligieufes qui en etoient chargees , dans la crainte de furprife. Efle etoit a FEglife pour fe preparer devant Dieu a foutenir 1'arTaut, lorfque vers l'heu- re du diner , le bruit du caroffe lui annonca l'arrivee de la compagnie. (5>) Tome I. fecondc Relation , page tyy.
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4i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" Elle fort alors de 1'Eglife , 8c fe rend
a la porte. La compagnie s'y pre- fente , 8c frappe. La Mere Angelique s'avance & ouvre le guichet. M. Ar- nauld lui commande d'ouvrir. Elle le fupplie de vouloir entrer dans un petit f>arloir a cote de la porte ou elle pourra
ui parler. M. Arnauld furpris , infifte, prelTe , frappe de plus en plus , enfin ll fe fache -, la Mere Angelique repond a tout cela par les memes ^applications. Alors M. Arnauld entre en colere, parle durement a fa fille 8c la traite d'ingrate. M. d'Andilly , jeune hom- me tout de feu , prend le ton encore plus haut, & croiant venger une pre- tendue injuftice faite a M. fon pere 8C a Madame fa mere, l'accable d'outra- ges, jufqu'ala traiter de Monfire d'in- gratitude , de Parricide. &c. L'allarme fe met alors au-dedans & au-dehors , mais la conftance de 1'Abbeife n'en eft pas ebranlee. M. Arnauld variant qu'il n'avan<pit rien, demande qu'on lui rende a l'heure meme fes deux filles , la Mere Agnes & la petite Marie- Claire qui n'avoit alors que neuf ans. La Mete Angelique , auffi tranquille au milieu de tout ce bruit, que fi cela ne I'eut point regardee, donnc fecretement a une Religieufe de con- |
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I. Partie. Liv. II. 4?
fiance la cle de la petite porte qui
donnoit dans l'Eglife , & la charge de faire fortir par-la. fes deux fceurs. M« d'Andilly les voi'ant ventr, va au- devant d'elles dans la cour , s'adrefle a la Mete Agnes , &c commence a. lui faire de grandes plaintes contre fa fceur l'Abbeffe. La Mere Agnes avec fon air grave lui repond que fa fceur n'a point tort, qu'elle ne faifoic que ce qu'elle etoit obligee de faire, 8c ce qui lui etoit ordonne par le Concile de Trente. Ok! vraiment (s'ecrieM. d'Andilly ) nous en tenons, en void encore une qui fe mile de nous allegutr les Canons & les Conciles. Enfin , M. Arnauld prend le parti
de s'en retourner , & fait remettre les chevaux au carofle. II confentit neanmoins d'entrerdansleparloir pour dire un mot a la Mere Angelique qui l'en fupplioit humblement. L'Abbefl'e s'y rend de fon cote, 8c a peine a-t'elle ouvert la grille , qu'elle appercoit dans ce bon pere un iaififlement de dou- leur peint fur fon vifaga , qui en pro- duifit en elle un autre qui ne peut s'ex- firimer. II lui parle en peu de mots »
ui rappelle toutes les bontes 8c la tendreiie qu'il a toujours eues pour elle, lui declare qu'elle ne le verra |
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"44 HlStOIRJ DE PoRT-RoYal?
plus , & finit en la priant de fe confer-
ver elle-meme pour l'amourde lui, 8c de ne pas miner fa fante^ par des aufte- rites indifcretes. Jufqu'ici le courage de la Mere An-
gelique ou plutot la force de la grace que Dieu avoir repandue dans fon cceur, l'avoir foutenue, &c rendue comme infenfible aux reproches , aux injures & aux ourrages. Mais ce der- nier coup, qui n'artaquoit plus la conftance & la fermete qu'elle avoir refolu de temoigner a Dieu dans cetre occafion , mais qui la bleflbir dans l'af- fection la plus fenfible & la plus tendre qu'elle avoir pour un fi bon fiere, ce dernier coup, dis-je, lui perca
e cceur d'une douleur fi vive , que le corps ne pouvant plus fupporrer l'hor- rible combat de fon efprit, elle tomba par rerre, eVanouie &c fans mouve- nienr. A l'inftant rout change de face. M.
Arnauld ne fe fouvient plus qu'il eft ofFenfe, mais qu'il eft pere; &£ dans le doute fi fa fiile etoit encore en vie, il crie , il appelie au fecours pour faire venirles Religieufes. Les Religieufes bien loin d'accourir ou elles enten- doient du bruit prenoient la fuite, & pas une n'ofa venir aux cris de M. |
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I. Partie. Liv. II. 45
Arnauld. On eut bien de la peine a la' fin a leur faire entendre qu'il s'agiflbit de fecourirleur Abbefle. Aufll-toc elles entrent routes au parloir , & la trou- venr par terre fans fentimenc &c fans connoiflance. Etant revenue de fa foi- blefle, & commencant a. peine a ouvrir les yeux , elle vit M. fon pere encore a la grille , & dans une grande inquie- tude \ alors rappellant tous fes ef- prits , elle fait effort pour lui dire ces paroles, quelle ne lui demandoitautre chofejinon qu'il voulut bien ne pas s'en aller cc jour-la. Le palfe etoit deja oublie. M. Ar-
nauld ne penfoit plus qu'a l'etat ou il voioit fa fille, & il lui promic de faire tout ce qu'elle voudroir. On em- f>orta lAbbefle pour la mettre dans fon
it; & M. Arnauld aiant fejourne a P. R. ce jour-la &c le lendemain , la Mere Angelique lui fit entendre paifi- blement £es raifons. Aufll-tot que le calme fut rctabli , on fit rentrer la Mere Agnes & fa fceur, de forte que les chofes demeurerent dans l'etat out elles etoient auparavant. Cell: ainfi que fe palfa cette celebre journee , qui depuis fut appellee la Journee dtt Cuichet. M, Arnauld aiant goute les raifons |
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4<> HrSTOIRE DE PORT-R.OIAL.
~ de fa fille , continua a la venir voir ,
& eut dans la fuite la permiflion d'en- trer dans la mailbn , pour donner or- dre aux batimens & aux jardins , mais fans entrer dans les lieux reguliers. On obtint aufll des Superieurs , la permiflion de faire entrer Madame Arnauld & fes filles quand elles le fouhaiteroient; mais cette Damen'en fit pas fitot ufage , parcequ'elle fe cro'ioit liee par le ferment qu'elle avoit fait dans fa colere , de ne jamais re- rourner a P. R. Ce ne fut qu'un an apres , qu'affiftant le 4 d'aout a un fer- mon chez les Jacobins , elle entendit un Predicateur, qui parlant des fer- mens, enfeigna que ceux qui font des fermens indifcrets , foit dans la colere, foit autrement, ne doivent pas les ac- .complir. Madame Arnauld charmee de fe voir libre du lien , partit aufli-t6t aprcs le diner pour Port-roial. Depuis la memorable journee du
guichet,la Mere Angeiique netrouva plus d'oppofition a fa reforme , peut- etre mcme la fermete qu'elle temoigna en cette occafion lui merita-t'elle ce parfait degagement de toute forte d'at- taches , qu'on a remarque en elle dans ia fuite. Ce degagement etoit fi grand, .que rien de ce qui regardoit fes parens |
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I. Pariie. Liv. II. 47
memes ne la touchoit qu'autant que , "" cela regardoit leur falut. Elle fuppor- toit leur eloignement, & meme Ja perce de leurs perfonnes avec une (I grande foi, tant de fermete , & une n parfaite foumiflion a. la volonte de celui qui regie tous les evenemens , qu'on auroit ete rente de croire qu'elle rmnquoit de naturel & d'affedtion. Mais elle avoit donne des preuves du contraire , & on ne pouvoit attribuer ce changement qu'aux fenritnens de foi, qui etoient en elle bien fuperieurs a ceux de la nature. La cloture ai'ant etc confirmee par La R^orme
une ad-ion auffi genereufe que celle <fc p- R. fe que nous venons de voir, la Mere Perfeaionne' Angelique travailla avec une nouvelle ardeur a ce qui reftoit a faire. Peu-a- peu elle reformoir, &c dans elle & dans fes Religieufes, ce qui n'etoit pas con- forme a la Regie. Pour fervir d'exem- ple a fon troupeau , elle commenca a fe rendre libre de rout interet, afin de n'etre obligee a. aucune complai- fance prejudiciable a fes intentions. En confequence, des le commencement de la reforme , elle prit le parti de ne plus demander des fecours d'argent a M. fon pere. Jufques-la ce tendre pere 1'ayoit engagee a lui faire connoitce |
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48 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
Tfo? fes befoins, 8c aufli - tot il les rem-
plifTbit, plus fouvent metne il les pre- venoit. Elle fouffrit beaucoup d'incom- modites du parti qu'elle avoit pris-, mais elle les foufFroit avec joie, & fa grande maxime etoit que la pauvrete ne miriuroit pas ce nom , ji elle ne donnoit aucune occajion de Jbuffrir. Quoique fouvent dans la difette, on n'a jamais vu qu'elle ait ete nioins at- tentive a pourvoir aux veritables be- foins de fes filles, 8c a contribuer a toutes les charites qui fe prefentoient a faite. Nous ne parlerons pas ici de la fieine inutile que prit M. Arnauld pour
ui perfuader de ne pas 6ter l'ufage du linge. Ce tendre pere croi'ant que fa fille ne portoit des chemifes de ferge Sue parcequ'elle n'avoit pas le moi'en
'avoir de la toile , lui en envoi'a : mais ni les remontrances de M. fon pere , ni celles de la Prieure , qui etoit oppofee a l'ufage de la ferge, ne pu- rentrien gagner fur fa fermete, & elle engagea meme la Prieure 8c les autres Religieufes a fe rendre a ce qu'elle fouhaitoit- X. _ La reforme fe perfectionnoir ainfi CirfaeuTsiedede Jour en Jour > & il ne manquoit
f.R- plus a la Mere Angelique & aux Re- ligieufes que des guides eclaires. Quoi- |
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I. Par.tie. Liv. IL 49
que le Bernardin qu'elle avoit fait ve- l6oo. nir, fut un Religieux craignant Dieu, pieux &c favorable a la reforme, il n'avoit pas neanmoins tout ce qui etoit neceflaire pour la conduite des ames. Il fut meme rappelle le 9 Decembre 1609 Far le Proviieur des Bernardins qui
envoi'a ailleurs , &c le pere Archange, Capucin commen^a a. prendre foin de la maifon. La Mere Angelique lui rend ce temoignage , que c'etoit un des Di- Relation, re6fceursqui Pavoit aidee plusqu'aucun Tome n-Pa' J n > II . r 1 ge i,i.
ae ceux qu elle avoit eus auparavant. Prem Re.
C'etoit un homme d'un efprit ex- lat. n. xi. cellent, dit-elle , d'une mine vene- rable, majeftueufe , & digne de la grandeur de fa naiflance. Il etoit Anglois, fils du Comte de Pembrok , &c il avoit quitte fon Pais pour la Religion catholique. Un de fes Tome ■ amis aiant ere furpris entendant lapase * Q' MefiTe , & pris prifonnier , cela lui fit peut; de forte qu'il vint a Paris , & peu apres .n'aiant encore que vingt ans, il fe fit Capucin. Si ce bon' Pere n'eut point ere nourri dans la lecture des caiuiftes, il ne lui eat rien manque pour etre un parfait Religieux •, mais n'aiant point d'e- tude que celle-la, elle lui afait grand tort. Le pere Archange ne pouvant Tome 1. C |
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JO HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
venir que rarement a P. R. il y fup-
pleoit par fes lemes, & il pria la Mere Angelique de lui aflbcier un bon Di- re&eur 8c un bon Religieux , pour partager avec eux une charge fous la- quelle il fuccomberoit tout feul. La Mere Angelique fuivit ce confeil , 8c lui alTocia M. Gallot 8c le P. E'ufta- die de S. Paul, Feuillant. Tous trois par leurs confeils , rendirent de grands fervices a cette maifon & a rAbbeflb. lis etoient d'ailleurs connus, aime» 8c eftimes de M. Arnauld , pour lequel le General de Citeaux avoit beaucoup de consideration ; de forte que tout etoit en paix- 8c que perfonne n'ofoic fe plaindre. Le plus grand embarras de la Mere
Angelique , etoit d'avoir un bon Con- fefleur ordinaire. Elle etoit obligee de frendre pour cela un Religieux de
Ordre. Celui qu'elle avoit trouve dans l'Abbaie fe retira des qu'il vit la re- Forme s'y introduire, & il allegua pour raifon de fa retraite, qu'il n'etoit pas capable de conduire les Religieules. Dom. Querfaillou lui fucceda, & il fut rappelle en 1609. Apres lui il y en eut fucceffivement deux autres , dont la Mere Angelique n'avoit pas ete con- rente. Cette difette de ConfelTeurs fie |
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I. Part ie. Liv. If. ft
regreter a la Mere Angelique que le
Religieux. Elle etoit perfuadee qu'il
auroit pu leur rendre de grands fer- vices ; elle ne put meme s'empe- cher de le lui temoigner , 8c le Cha- pelain aianc confulte le P. Euftache, fe fie Religieux, & devint Confeffeur de P. R ; mais on ne fut pas auili con- tent du Religieux que du Chapelain. Au milieu de fes travaux pour x r.
etablir une parfaite reforme, la Mere ^yt^"eA^l Angelique n'avoit point- renonce au nouveiie fa deflein qu'elle avoit forme de quitter Profeffion- fon Abbai'e. M. Arnauld avoit fait I^IO« folliciter a Rome de nouvelles Bulles qui arriverent le 13 Novembre 1609. La condition portee par ces nouvelles Bulles etoit que l'Abbefle dxns le terme de fix mois renouvelleroit fa profeflion , ou plutotenferoitune nou- veiie. Cette condition parut a la Mere Angelique tres favorable au deflein qu'elle avoit de fe decharger d'un far- deau qu'elle trouvoit fi pefant, 8c elle efperoit pouvoir laifler pafler les fix mois fansfaire le renouvellement pref- crit. Elle en avoit quelque efperance , 8c il ne reftoit plus que fept jours du terme lorfque le 6 Mai 161 o ,. M. l'Argentier, Abbe de Clairvaux, ar- C i)
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5Z HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
riva a P. R. avec M. Arnauld pour
faire la ceremonie. La Mere Angeli- que qui ne s'y arcendoit pas, voi'ant avec douleur routes fes efperances cvanouies , pafla toute la nuit a fe faire une robe de grofle ferge de Nogent. Le lendemain 7 Mai, elle prononcafes vceux entre les mains de M. l'Abbede Clairvaux avec toutesles ceremonies prdinaires •, mais dans fon cceur elle ne s'engagea envers Dieu que pour les trois vceux elfentiels de Religion; §c elle pretendit ne s'engager nullement envers l'Ordre , & encore moins en- vers la maifon qu'elle fe promettoit de quitter.aufli-t6c que la Providence lui en feroit naitre l'occafion, &c que fes Direfteurs voudroient le lui per- mettre. De nouveau retablie par l'au- torite de ces dernieres Bulles dans la charge qui. lui paroiflbit fi pefante , elle s'appliqua a en diminuer le poids, en faifant croitre dans fon cceur la charite , qui feule couvre les fautes auxquelles les emplois expofent les Su- perieurs. Rien ne fe fit jamais plus remarquer en elle que cette vertu qui fait les Saints. La charite & la mi- fericorde fembloient etre nees avec elle comme avec Job. Elle vifitoit les jnalades ? & les confoloit avec taut |
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I. Parti e. Liv. II. fj
de bonte , qu'elle fembloit fouffrir 1(jIO<
avec elles; quand elle entroit dans l'ln- firmerie , on auroit dit que tout le monde s'y portoit bien : les malades memes etoient fi ravies de la voir , qu'elles fe croi'oient gueries. Elle leur rendoit toute forte de fervices fans diftindtion;, 8c dans cette vue , elle ap- f>rit a faigner, afin d'etre en etat de
es fecounr plus a propos. Son cceur ne fur jamais a. elle, mais a D.eu 8c a tous ceux qui avoient befoin de fon fecours. Sa chambre , fon lit, fes ha- bits , tout ce qui etoit a fon ufage etoit pour ceux qui en avoient befoin, Sa vie n'eft qu'une hiftoire de fa cha- rite envers fes faeurs, 8c envers les pauvres.Cettecharite toujours agilfante ne fe bornoit pas aux fecours exterieurs 8c corporels. Les neceffites fpirituelles excitoient bien autrement fon ardeur 8c fon zele. C'eft a fon ardente chari- te ; c'eft a fes ferventes prieres, que fes cinq fceurs , Madame fa mere , fes freres 8c tant d'autres de fa famille, furent redevables des graces abondan- tes que Dieu repandit fur eirx ; elle fut pour fes parens ce que S. Bernard fut pour les fiens. La Mere Agnes fut la premiere qui
reflentit les efFets de la charite de la l1' C iij
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54 HlSTOIRE DB PoRT-ROlAt.
lfilIi Mere Angelique. A peine la jeune
AbbelTe fut-elle touchce de Dieu,
Hie gagne qu'elle penfa au falut de fa foeur. Elle
IWen&Me-fengagea i demeurer a P. R. & fit
ie Agnes qui 5 fc>. ,
prend rhabit conlentir M. ion pere a ce qu elle re-
ap, r. nonfat a fon Abbaie de S. Cyr, pour refter avec elle. La Mere Agnes ne confentic a cela que par complaifance pour fa fceur ; mais bientot apres elle eut un veritable defir d'etre Religieu- fe. Elle ouvrit fur cela fon cceur a la Mere Angelique, qui. l'eprouva plus d'un an avant que de lui donner l'ha- bit, qu'elle recjutle 28 Janvier 16 ji. La Mere Agnes etoit'des-lors urt fujet admirable. Le P. Archange Pembrok ai'ant remarque dans, un entretien qu'il eut avec elle , lorfqu'elle n'avoit en- core que quatorze ans &c qu'elle etoit fimple Novice; l'elevation de fon ef- prit, fa fagefle, fa gravite, il dit 4 Re!. 11. Part. [a Mere Angelique : Voie%-vouss Ma- ijs, ' dame , votre Jceur ; ce n'eji qu'unefille de quatorze ans , mais j'ofe vous dire
que que/que jour ce fera une dts plus grandes & des plus fainus Religieufes de France. Ces paroles firent compren- dre a la Mere Angelique , qu'elle ne V fe trompoit pas dans le jugement qu'elle portoit elle-meme de la Mere Agnes ; & l'engagerent a l'etablir Mai-? |
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I. Parti fe. Liv. It. $$
trefle des Novices , quoiqu'elle ne fut —- •"
encore que Novice elle-meme. Cequ'il ■ y eut de remarquable, c'eft qu'il n'y cut pas une feuie Religieufe qui le ttouvat mauvais, & l'exadtitude avec laquelle elle remplit tous les devoirs de cer emploi ,ne fit qu'augmenter le refpe£fc qu'on avoir pour elle. Son im- perfection , die la Mere Angelique* etoit l'attache au travail plus que /is forces ne pouvoient le porter, au jeune & a rOffice. O heureufe 'imperfec- fecJd°enVe- tion 1 L'exemple de la Mere Agnes, lation, {ai« & celui des deux Religieufes de l'Ab- * 7' ba'ie de S. Antoine qui etoient venues a P. R. par le defir de pratiquer la reforme , contribua beaucoup a for- tifier les fosurs , & fut d'un grand fecours a la Mere Angelique. Elle donna a Tune le foin de l'lnhrmerie, 8c a l'autre celui des Penfionnaires , |
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a
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tti etoient alors au nombre decinq ou
x. C'eft ainfi que peu-a-peu le Mo- |
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naftere de P. R. s'etablifloit dans le
bien, &c que la reforme faifoit du progres. La Mere Angelique avoir d'abord embrarte avec joie rout ce qu'elk-t avoit connu etre d'obligation , inais il lui falloit du terns pour s'inf- truire de rout ce quelle devoit faire pour parvenir a une reforme parfaite, C iii;
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5 if HlSTOIRE DE PoRT-R.o'lAL.
"T777 fur-tout dans un fiecle ou il y avoir
Gl peu de perfonnes inftruites de ces matieres ; & ou il n'y avoir encore , de tous les anciens ordres , que l'Ab- ba'ie de Montmartre qui eut embrafle la reforme. laMenAtf L'abftinence de la viande prefcri- gciiyue era- te par la regie de S. Benoit n'etoic nence dc li Pas encore etablie a P. R. M. Mau- viaude. gier (1 o) , Abbe de la Charmoie etant venu en i6iz recevoir la profeflion de la Mere Agnes , qu'elle fit le i du mois de Mai, confeillaa la Mere An- gelique d'etablir cette abftinence.Quoi- qu'elle previt bien la peine qu'elle auroit a cet egard , elle ne laifla pas d'en recevoir la proportion avec joie j mais avanc que de la faire a la Com- munaute , elle voulut d'abord com- mon cer par faire elle-meme I'experien- ce de cette pratique. Depuis le com- mencement de Juillet 161 z jufqu'au 4 d'Aout 161 4, elle ne mangea tous les jours qu'un morceau d'omeletre qu'on lui fervoit couvert d'une peau de Mouton, afin qu'on ne s'en ap- (101 Cet Abbe rendit de aroit une rraie charite,
gran-Is fervices a P. R. & qui ne favoic "ce que
jufi.l"i'a f • mori arrivee c'etoit que 1'interet ni la
le r_4 Aofit 16^7. C'etoit jaloufie. Seconde Relation
uti vrai Rt'tgieux , dit la de la I. Part, Tomt I. it.
Mere AlJgelique , qui Jfl, page 184
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I. Part ie. Llv. II. 57
percut pas. Eile ne mangea que cela
loir 8c matin jufqu'au mois d'Aout 1614, qu'elle propofa a la Commu- naute d'etablir cette abftinence. Sa pro- portion fut bieii recue de toutep les Religieufes, &c des le 4 du mois I'abf- tinence de la viande fut generalemenc etablie. La Mere Angelique perfuadee que
l'exemple eft la predication la plus ef- ficace 8c la plus perfuafive du cote des homines, reforma tout ce qu'il y avoir de mondain & de fenfuel dans fes habits 5 elle ne porta plus qu'une chemife de ferge , ne coucha que fur une fimple paillaffe , s'abftint de man- ger de la viande. Mais rempiie de fa- gerTe & de prudence , elle eut grand loin de ne pas allarmer fes Religieu- fes par un trop grand emprefTement a* leur faireembraffer la regie. Contente de donner l'exemple, elle parloit peu , prioit beaucoup , 8c accompagnoit d'un torrent de larmes les exhortations qu'el- le leur faifoit quelquefois. Dieubenit la conduite & la difcretion de cette jeune Abbefla, qui" trienageoit' avec prudence le terns & les efprits. Elie gagna ainfi toutes les Religieufes qui entrerent avec joie dans toutes fes vues> de forte qu'en cinq annees » la^ C v
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58 HlSTOIRE DE P ORT-ROlAt.
" ^ comniunaute des biens , la cloture, le
jeune , l'abftinence de la viande , le
filence , la veille de la nuit, enfin toutes les aufterites de la regie de faint Benoit , futent retablies dans l'Abbaie' de P. R. 8c y fubfifterent avec une egale ferveur jufqu'afa def- tru£Hnn. xiv. Rien n'eft plus propre a donner une p. JU^t&t! idie )ufte de la maifon de P. R. apres
icforme. la reforme, qu'un petit Ecrit que fit en 1640 ou 1641 la Mere Agnes , qui etoit alors Superieure , 8c dans lequel elle reduit a VIII articles , le plan de conduite que Ton defiroic etablir dans la Maifon de P. R. de Paris fur ce qui fe pratiquoit dans celle des Champs. Nous penfons que le Ledfceur fera biert aife de le trouver ici. I. » Ce que nous avons de plus en
» recommandation dans ce monafte- w re, c'eft de conferver le premier « efprit de norre reforme que nous »» avons rec,u en notre maifon des » champs , vivant fort retirees, fe- « parees , 8c ignorees du monde ; en » quoi la fituation de notre ancien » monaftere nous favorifoir beaucoup. » Que fi pour les inconveniens qu'on " nous a reprefentes , nous avons quit- «• te cettechere folitude, ce n'a point |
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I. PARTIE, Liv. II. f$
*> ete pour prendre part a la conver- '
" fation de ceux de qui nous nous " fommes approches , defirant que " notre cceur demeure ou notre corps " n'a pu demeurer ; & pour ne point " donner lieu aux vifites du monde , " nous rachons de ne nous point con- » former a lui, parlant le moins que » nous pouvons a ceux qui nous vien- » nent voir , 8c n'attirant perfonne " par quelque voie que ce foit, non >■> pas meme des filles pour etre Reli- » gieufes , craignant plutot qu'il n'en » vienne de riches 8c de nobles que » nous ne le defirons , pour les fuites » qui accompagnent ces receptions •, « rendant ces maifons celebres, con- s' nues & frequences, & ces filles » pouvant etre un fujet de diminuer « la difcipline quand on fe porte a » les epargner par quelque fecrete: » cupidite d'honneur ou de profit. II. » Nous deiirons aufli nous con-
» ferver dans la pauvrete & la peti- » teflfe , dont nous faifions gloire dans- » notre premier monaftere , tout y » etant vil & abject; mais fort agrea-- « ble a des ames qui ne fe vouloient >» plaire qu'en Dieu. C'eft pourquoi <> regrettant beaucoup la faute que « nous avons faite , de commeneer le- C v}
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Go HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
•> batiment avec tanc de fuperfluite,,
» nous defirons de le continuer quand » Dieu nous en donnera le moi'en, le » plus (implement qu'il nous fera pof- « able. III. " L'experience que nous avons
» faite de la providence de Dieu, de- »> puis nocte reforme , nous oblige » d'y avoir une ferme confiance ; nous » avons vu notre monde augmenter de » trente perfonnes tout a la fois qui m s'etoient jettees entre les bras de no- » tre Mere a fon depart de Maubuif- « fon, qui n'avoient pas toutes enfem- « ble 5 oo livres de pennon , fans avoir » eu peine a les nourrir & entre- » tenir ; la charite qui les avoit fait w recevoir etant caution pour elles , » qu'elles trouveroient en Dieu le foin j> qu'il a de nourrir les oifeaux &c de h vetir les fleurs. C'eft ce qui nous a » ote de l'efprit I'appreheniion de re- »> cevoir des Filks qui manquent de » commodites temporelles , fachant »> bienqu'a ceUes qui cherchent vrai- w ment le roiaume de Dieu & fa jufti- » ce , routes les autres chofes feront « donnees par furcroit. IV. •» Un autre avanrage que nous
*• tirions de notre deYert, ecoit que » notre Egliie n'etant point vilitee. |
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I. Part IE. Liv. II. Si
« nous n'avions point auili la curio- » fite de l'orner & de l'enjohver , '• n'aiant foin quedela proprete &net- « tete qui regarde 1'eftime qu'on fait » du lieu faint. C'eft ce que nous de- » (irons conferver dans notre change- » ment de lieu , y aiant afTez de belles » Eglifes dans Paris, pour y exciter la » devotion de ceux qui les vifitent •> >' outre que notre pauvrete favorifant » notre inftin£t, nous difpenfe de nous >> mettre en peine de parer nos Eglifes « de riches ornemens, mais non pas « d'enrichtr nos ames de l'amour de la » fainte pauvrete, de l'humilite, d'une. » ardente charite , afin qu'elles foient „ nn vrai temple de Dieu. V." Notre eloignement de Paris etoit
« caufe que nous avions peu de com- » munication fpirituelle au-dehors. m de la maifon, ne fe prefentant per- » fonne pour cela que ceux qui en » etoient expreffement fupplies: en. » quo! nous etions heureules, aiant *> trois perfonnes d'elitesqui nous vifi- » toient trois ou quatre fois l'an avec »i grande charit£ , & qui imprimoient » un meme efprit a tomes lesfilles, M d'ou il refultoit une grande union. VI. » La fituation de notre ancien
» monaftere, conforme a l'iniUtuuort |
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Gl HrSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
»> de notre ordre, qui rechetche des
" lieux deferts & qui donnenc quel-
» que forte d horreur aux fens , nous
» avoit imprime l'amour de la retrai-
» te , non - feulement au regard des
n perfonnes du dehors , mais auffi des
» unes avec les autres ; de force que
»» fans aucune contrainte d'efprit, 3c
» comme par une autre nature , nous
» nous etions privees de la recreation ,
» l'aiant reduite a des conferences fpi-
j» rituelles qui fe faifoient trois ou qua-
» tre fois la femaine; a quoi nous a vons
» eprouve tant de facilite & de vraie
» fatisfacT:ion , que ce nous feroit une
» peine d'avoir a nous recreer autre-
» ment que par une ouverture de
» cceur qui fait parler de ce qui doit
» former les penfees utiles , & qui
» fervent adonner de la vigueur &
w non a. eteindre l'efprit.
VII. » II n'y a que nous qui ne nous
» appercevions pas que notre monaf-
» tere etoit trifte 8c mqlancolique ,
» etant dans une profonde vallee, com-
» me fi on euc voulu le cacher aux
>» lieux circonvoifins. Nous aimions fi
»» fort cette demeure fombre &c obfcu-
n re, que nous n'avions pas feulement
» la penfee de nous promener dans nos
w jardins, a moins qu'on n'en eut be- |
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I. Partis. Liv. IT. 6j
" foin •, ce qui nous eft tourne en ha-
" bicude ■, en force que nous nous con- » tentons de favoir que nous avons m un jardin , & de prendre l'air pat » nos fenetres , recompenfant l'exer- » cice que Ton fait en fe promenant »> par quelque travail qui profite au » corps & a. l'ame , quoiqu'il ne foit " pas aufli agreable aux fens. VIII. » L'obligation que nous avions
" etant a la campagne de fubvenir aux " befoins des pauvres de nos villages, » nous avoit donne l'inclination a fai- » re l'aumone felon notre pouvoir qui » ne s'ecend gueres loin , peut-etre par » notre pen de foi : car nous avons » eprouvepluneursfoisqu'ilfautunpeu » fe tromper foi-meme & ne pas tant » penfer au lendemain , quand il fe » prefente des occafions de charite par » lefquelles Dieu nous rente pour voir » (i nous avons la confiance en fa Pro- » vidence divine , 8c etant le Pere » commun de tous , nous commande « de nous regarder tous comme freres , »> & n'a garde de delaiffer ceux qui » pour aflifter les autres , s'appauvrif- » fent eux-memes.. Tel etoit l'efprit de la reforme de
P. R. Reforme qui fut la premiere introduite dans 1'ordrer de Citeaux, |
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(3*4 HlSTOIRE DE PoRT-fto'lAI.
1" ^. " Une entreprife auili eclatante & audi
10 14. - . r 1 r
iainte , ne pouvoit manquer deraire
du bruit &c deprouver des contradic- tions. Les entteprifes ies plus faintes font toujours un fujet de fcandale pour les uns , & d'edification pour les au- tres. L'ennemi du falut des homines ne put voir tranquillement une fimple fille travailler avec tant de rapidite 4 la mine de fon empire : ll louleva con- tr'elle les hommes charneis ; mais tous leurs efforts furent inutiles. La Mere Angelique s'eleva au - deiTus de toutes les contradictions , avec cc cou- rage & cette fermete qu'on a toujours admires en elle > & ia grace fecon- dant & foutenant les qualites natuvelles que Dieu lui avoit donnees , elle vint a bout en peu de tems de peifection- ner la reformc. x v. La bonne odenr que le Monailere Marieclairede P. R. repandoit d; tous cores, y
Arnauldcntre . , • \ , ,. . ,, »
en Religion, amra bientot des iujets excellens.
Deja la Mere Agnes y avoit fait pro- feffion le 1 Mai 16iz. Marie Claire Arnauld , autre fceur de la Mere An- gelique fuivit bientot fon exemple. Tom in C'etoit un prodige d'efprit. Elle n'c- ReUt. 5. de toit pas encore fevree qu'elle parloic oa"1^""6' diftinftement, & entretenoit dans les compagnies toutes les perfonnes qui |
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I. Part ie. Llv. II. 6$
s'amufoient avec elle & prenoient
plaifir a la faire parler. Des l'enfance on vit en elle des marques d'une piece, dans laquelle elle a toujours fait de nouveaux proves tant qu'elle a vecu. Elle fu't elevce a P. R. des l'age de fepr ans , & s'attacha en touc a la Mere Angelique, apres que Dieu lui euc infpire le dellein de la reforme, 6c elle ne s'en fepara jamais quelqu'op- pofition qu'il y eut de la part de fes proches. Quoique naturellement fort delicate , elle arriva a un tel degre de mortification , qu'elle en a ete toute fa vie un exemple dans la mai- fon. Elle avoit des fon bas age un zele incroi'able pour la priere. A l'age de dix ans on lui fit faire fa premiere communion qui produifit en elle un renouvellement Sc un accroidement de piete. La plus grande peine qu'on put lui impofer , lorfqu'elle avoit fait quelque raute , ctoit de la laifferquel- que terns fans ku parler de Dieu. Des fentimens fi chretiens dans un age fi tendre, pouvoient bien des-lors don- ner lieu de penfer que Dieu la defti- noit a la vie religieufe. Cependant ces bonnes difpofitions fe rallentirent confiderablement , pendant un fejour qu'elle _ fit a Andiily; ltiais etant de |
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66 HlSTOITVE DE PoRT-RCHAt.
——------retour a P. R. la Mere Aneelique
T s apperc,ut biencot tie 1 lvraie que
1'homme ennemi avoit jette dans cette bonne rerre , Sc Dieu. lui fit la grace de rentrer dans fon premier etat, & de triompher de cetre rentation qui dura quelque mois. Apres quoi plus fervente que jamais, elle temoigna un fi grand defir d'etre Religieufe, qu'on fut oblige de ceder a urte fi grande ferveur & de la faire entrer au noviciat a Taee de douze ans. Deux ans apres , le 14 Seprembre 1614 , on lui donna l'habit; & elle fit profef- fion le meme jour, l'an 1616 apres deux annees de noviciat. Ce fut pour elle une fi grande fatisfaction qu'elle dit a M. Arnauld fon pere, qu'aprts cette grace il ne lui reftoit rien a de- firer que la mort. xvi. Anne Arnauld,quarriemefille de M. d'Annl"A°r- Arnauld, plus jeune de trois ans que
nauid, autre la Mere Angelique, fetrouva a la ve- MeUre Adngei^ture ^e ^"a ^0EIU Marie Claire •, ce fut
que. pour TAbbetT^ une occafion de la voir, & de lui donner des avis. Elle lui
perfuada de faire une confeflion ge- nerate au P. Euftache •, ce qu'elle fit la veille des Rois \615 avec rantd'exac- 115* titude , & parut fi touchee , que le P. Euftache dit depuis a la Mere |
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I. Par tie. Liv. II. 6j
Angelique , qu'il n'avoir point ete —,
furpris quand il avoir appris qu'elle vonloit erre Religieufe , ai'ant pref- fenri que le fond de vertu & de piece qu'il avoir decouvert en elle , la con- duiroit la. Neanmoins elle n'y pen- foit pas alors ; au contraire , on trai- toit d'un mariage avec un honncte homme , qui deliroit tellemenr de s'allier avec la maifon de M. Arnauld, que , quoique ce mariage fut rompu peu apres, il arrendir a fe marier que Mademoifelle Anne Arnauld eiit fair profeffion , & meme que fa foeur cadecre, ageefeulemenrpour lorsd'en- viron fix ans fur Religieufe. Ce qui porta Mademoifelle Anne Arnauld , a renoncer au monde pour fe con- facrer a Dieu, furent les reflexions qu'elle fit au fujer de la confternation que repandirent les troupes de M. le Prince dans les environs de Paris. Elle fut confirmee (11) dans le defir qu'elle commencoit d'avoir d'etre Religieufe par une Benedictine de la Ville-l'Eve- que , qu'elle avoir connue dans le monde , & qui etoit entree en Reli- gion lorfqu'elle etoir fur le poinr de fe marier. Enfin, elle y fut entierement |
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(n) Tom. I. premiere Relation, pages7. Tome U,
II. Pattie, premiere Relation, n. xjuu. |
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68 HfSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
' jgj^ determinee par une vifion qu'elle euc
dans l'Eglife de Saint Merri fa Pa- roiire. Apres avoir lu les deux lettres de Saint Jerome a Demeniade &c a" Euftoquie (n) fur la virginite , elle entra dans un profond recueillemenr , &c tout-d'un-coup elle fe fentit tranf- portee en efprit. II lui fembla qu'on la prefentoit a Notre-Seigneur Jefus- Chrift, devant lequel s'etant jettee a genoux, il s'approcha d'elle & lui mit une bague dans le doigt , en lui inf- pirant en meme-tems un defir fi ar- dent & fi ferme d'etre Religieufe , Tome n. qu'elle ne fe reconnoiflbit plus elle- peg- 557- m^m6) tanc fes fentimens. etoient
changes. La Mere Angelique qui etoit, comme elle le dit elle-meme , plus eloignee que perfonne de ces voies extraordinaires , a cependant ete perfuadee de la verite de cette vilion que fa fcear lui avoit racontee vingt rois, &c meme ecrite de fa propre main. Quoiqu'il en foit , apres quelques epreuves & quelqu'oppofition de la part de M. Armuld , la vifion fuc (jt)Ilyaici unelegetc j; 8 ; qui confide en ce
difference entre la pre- que celle-la dit que la
miere Relation de la pre- virion eft arrivee aux Ve-
nliere i'artie, Tome I. pres >e jour de la Notre-
pagc 9t , & la preijiere Dame de Septembre ; &
Relation de la feconde felon celle-ci, c'eft a it
Partie, Tome II. page Melle.
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I. Partie. Llv. IT. 69
juftifiee par l'evenement; & M. Ar- « nauld la conduifit lui-meme a P. R. le 7 Oftobre 1616. Avant que de partir , die vit le P. Suffren Jefuite, qui avoic beaucoup de reputation a Paris, &c frequentoit P. R. Ce Pere lui die devant ceux qui etoient piefens, que fa fceur Marie de P. R. etoit une fainte , qu'il la tenoit heureufe tantqut Dieu la lui conferveroit, mais qu'en tout evenement il falloit efp&rer en Dieu, & que Dieu Tie mouroit point. Plut a Dieu que les confreres du P. Suf- fren euflent rendu la meme jufticea la Mere Angelique & a toute fa fa- mille !. Le 9 Odtobre Anne Eugenie entra dans le nionaftere de P. R. 8c fut mife au noviciat, ou elle donna des marques d'une ferveur extraordi- naire , & prit l'habit le jour de Noel, * comme elle l'avoit defue. Le 18 Fe- vrier de l'an \618 elle fit fa pro- feffion entre les mains de M. Bou- cherat Abbe de Citeaux , qui emmena le lendemain la Mere Angelique a Paris pour I'envoier a Maubuiffon. Toutes fes Religieufes etoient dans la douleur & les larmes , & M. de Citeaux qui en fut tcmoin , dit que e'etoit arracher les entrailles a ces Re- ligieufes que de leur enleyer leiir |
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70 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
- ~* ■—■ Mere Marie. La Sreiir Anne Eugenie ,
1 ' ne temoigna aucune douleur , &c die
a celles qui lui en faifoienc un re--
proche : Dieu .me fit trop de graces
hier pour pleurer aujourd hui.
xvit. Le Monaftere de P. R. etoit tres
La Mete , . , .
Angeiique re- pauvre dans ces premiers terns de la
sou piufcurs reforme , &c fouftroit beaucoup d'in- commodites , iur-cout par rapport aux batimens. Les Infirmeries etoient baf- fes & humides comme des caves. Les filles qu'on recevoit, tomboient prefque toutes malades; mais cela ne les degou- toit pas. Dieu en avoit envoie plufieurs qui etoient d'excellens fujets, une en- tr'autres , qui n'a vecu que dix ans pro- felFe, e'etoit la Sceur Claire Martine Pi- not, qui etoit incomparable en toutes les vertus religieufes. On en avoit recu une autre, Sceur Ifabelle Agnes de Clia- teauneuf, qui etoit une fille accom- plie. Dieu l'avoit prevenue de fes fa- veurs, & elle donna des l'inftant de fon entree les plus grands exemples de verm. La Mere Angeiique la mena avec elle a Maubuiflon pour y etre MaitrefTe des Novices , & elle fe com- porta de telle forte , que les anciennes Religieufes la refpectoient comme une fainte. Elle mourut le 4. Juin 162.6 , comme elle avoit vecu, dans |
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I. P A B. T I E. Liv. II. 71
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une humilite &c une confiance mer-
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i<Ji8.
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. veilleufe. On en rec,ut encore quelques
autres qui apportoient peu de chofe > mais la Mere Angelique fe conten- toit de tout. La pauvrete n'etoit point pour elle un pretexte furfifant de les refufer. Elle etoit trop inftruite des loix de l'Eglife , qu'elle avoit fuivies des le commencement, pour n'avoir pas en horreur ces conventions fimo- niaques & facrileges, qui faifoientde fon terns , comme aujourdhui, une des plus grandes marques de vocation , & prefque la feule cic qui puiflfe ouvrir {'entree des cloitres. Une des raifons , pour lefquelles on foufFrit davantage dans les premiers terns de la reforme> c'eft que , comme M. Arnauld ne l'ap- prouvoit pas , la Mere Angelique n'a- voit plus recours a lui comme aupa- ravant dans fes befoins. Mais depuis a'iant reconnu la neceffite &c les avan- rages de cette reforme, il continua de faire du bien a la maifon : il fit rehaulTer les infirmeries d'un etage; & lorfque Madernoifelle Anne Euge- nie fa fille fe fit Religieufe, il fit faire les murs de cloture qui n'e- toient que de terre , & fi bas qu'il ne falloit point d'echelle pour pauer par- delTus.. |
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7i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
' Malgre les contradictions qu'eprou-
va la reforme de P. R. plufieurs mai-
Xpiuficurs^ons> non-feulemenr l'admirerent,
Maifons fe mais refolurent meme de l'embrafler.
ifmoXdeOn ™ par-tout qu'on ne pouvoit
V. R.. reufiir dans une fi fainte entreprife
fans le fecours de l'Abbe(Te de P. R.
Elle eut ordre du General , D. Bou-
cherat homme fage & equitable, de
fe tranfporter dans la plupart de ces
maifons , & d'envoi'er des Religieu-
fes dans tous les couvens ou elle
ne pouvoit aller elle-meme. Elle alia
3 MaubuiiTon , au Lys, a S. Aubin ,
pendant que la Mere Agnes fa foeur ,
&c d'autres de fes Religieufes alloienc
a S. Cyr , a Gomer-Fontaine, au Tard,
aux Illes d'Auxerre , & ailleurs. Toutes
ces maifons , dont nous parlerons
dans la fuite plus en detail, regar-
doient l'Abbefle & les Religieufes de
P. R. comme des Anges envo'ies du
ciel pour le retabliflement de la dif-
cipline. Plufieurs AbbefTes vinrent
paiTer des annees entieres a P. R.
pour s'y inftrnire a loifir des faintes
maximes qui s'y pratiquoient. II y
eut aufli un grand nombre d'Abba'fes
, d'hommes qui fe reformerent fur ce
modele. Ainfi Ton peut dire avec ve-
rite que la maifon de P. R. fut une
fource
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I. Part ie. Liv. III. 73
fource de benedictions pour tout Tor- — ■ ■
dre de Citeaux , ou Ton commenc.a de voir revivre I'efprit de S. Ber- nard , qui y etoit prefque entiere- ment eteint. |
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L1VRE TROISIEME.
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D,
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tous les Monafteres dont nous , T-
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..... la Mere
venons de parler, any en eut point Angelique va
ou la Mere Angelique trouva plus a jj Maubuif" travailler que dans celui de Maubuif- fon- L'AbbefTe qui etoit fceur de Ma- dame Gabrielie d'Eftrees, apres plu- fieurs annees d'une vie fcandaleufe, avoit etc interdite, &c renfermee a Paris chez les Filles penitentes. La Mere Angelique aiant done rei^u. or- drede M. Boucherat de s'y tranfporter, pourgouverner & reformer la maifon , pendant qu'on feroit le proces a l'Ab- beflTe , laifla la Mere Prieure pour gouverner , la Mere Agnes Sous- prieure, 8c partit de P. R. le 19 de fevrier. Elle pafla par Paris , out le General la fit fejourner chez M. fon pere jufqu'au jour de Saint Ma- thias, pour difpofer les Religieufes Tome I. D |
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74 HlSTOIRE DE PbRT-ROlAt.
~ v o— de Maubuiflbn a la recevoir. Le Ge-
neral l'y conduifit lui-meme, & l'e- tablit de fon autorite Commiflaire dans cette maifon , pour y exercer la charge en la place de l'Abbefle ab- fente , Tui donnant plein pouvoir d'or- donner & de difpofer de toutes chofes, tanr pour le temporel que pour le fpi- rieuel. La Mere Angelique avoir ame- ne avec elle quatre Religieufes 5 la Mere de la Croix, une des anciennes qu'elle avoir reformees , & deux jeu- nes profefles , fa fceur Marie Claire, & Ifabelle Agnes de Chareau-neufagee de dix-neuf ans , mais qui etoit un grand fujet. Elle fut etablie Maitrefle des Novices. , tf Les premiers jours fe paflerent a i-atjei'Ab- s'infinuer peu-a-peu dans t'efprit des
bluTpn, Religieufes de Maubuiflbn , qui , des qu'elles apprirent que Madame de P. R. devoir venir chez elles, en furent effrai'ees, par l'idee chimerique & affreufe qu'elles s'croient faite de fa reforme. Cependanr il eft aife de ju- ger qu'une maifon a befoin de refor- me , lorfqu'elle a ete pendanr x 5 ans fous la conduite d'une Abbeffe , qu'on eft force de faire enlever par des Ar- chers , &c de renfermer a caufedefa yie fcandaleufe. Aufli la Mere Ange- |
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I. Partis. Llv. HI. 7 5
lique trouva-r-elle matiere a exercer ~ „
fon zele 8c fa charite dans cette Ab- bai'e compofee d'environ vingt-deux Religieufes , dont la plupart y avoient ete mifes malgre elles , 8c y menoient une vie aufli peu conforme aux de- voirs de leur etat, qu'elles en avoient peu d'amour. Elle ne l'ignoroit pas, & elle en etoit fi perfuadee , qu'elle y prepara les deux jeunes profefTes qu'elle avoit choiiies pour etre fes co- operatrices dans cette penible entre- prife. Elle leur reprefenta que lorf- qu'elles s'etoient donnees a Dieu, elles Jui avoient ofFert leur vie, & que c'etoit ici i'occauon de lui en faire le facrifice pour fervir cette maifon , qui en avoit un fi.gtand befoin. Elle parla en particulier a fa fceur Marie Claire , dont elle connoifloit la ferveur & la delicatetTe, 8c lui dit que dans cette rencontre elle ne lui donnoit point d'autre regie de difcretion a obfer- ver , que celle d'une grande charite , qui les obligeoit toutes d'oublier leurs propres interets 8c leur fante , pour tacher de procurer le falut de ames. Elle ajouta , que dans la connoiHTance qu'elle avoit de fa complexion, elle avoit deja donne fa vie a Dieu ; ou tout au moins elle ne doutoit pas qu'elle |
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7<j HlSTOIRE DE PoRT-ROl'At.
" 77TZ lie dut y perdre fa fante , & que pour
ce fujet , elle lui marquoit fa place & le lit qu'elle lui avoic deja deftine dans une des Infirmeries de P. R. pour y paffer le refte de fa vie lan- guifTante, apres qu'elle auroit epuife fes forces a donner bon exemple a ces pauvres filles , qui avoient befoin d'etre inftruites plutot par anions que par paroles. On peut affurer que cette exhorta-
tion & prediction tout enfemble a eu fon entier effet dans ces deux Re- ligieufes , qui y travailleient avec un zele & une ferveur , qui fut un fujet continuel d'admiration. La Mere Ifa- belle n'eut point de fante depuis , & vrici Umourut le 4 juin 1616 , n'aiant pas >iccrpi. encore vingt-huit ans. Pour la Soeur Marie Claire , elle a avoue que depuis fon entree a. Maubuiflon, elle n'a- voit pafte aucun jour fans avoir la fievre l'apres diner •, ce qui n'a pas empeche que jufqu'a fa mort , arrivee l'an 1641 , elle n'ait continue d'obferver a P. R. ce que la Mere An- gelique ne lui avoir demande que pour Maubuiffon, n'aiant point mis d'au- tres bornes a fa difcretion que celles de fa ferveur & de fa charite , qui alloient fouvent au - dela de fes fori |
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I. Parti s. Liv. 111. 77
ces , 8c qui lui ont enfin abrege les — 9
jours.
• •• iii
La Mere Angelique fe voi'ant ap- taMmAn-
pu'i ee de l'autorite du General, pour geliijue com-
travailler felon fon zele &c fes lumie- "aiii" a U res , au retabliffement de cette maifon, rcforme d^ le dechargea en partie , avec iagre- ment de M. de Citeaux, du temporel fur un Procureur comptable, afin de vaquer plus librement aux befoins fpirimels de ces pauvres Religieufes. Elle eut tant d'adrelTe pour les gagner, qu'en peu de tems , elle feulfit a -etablir la cloture & interdire l'en- tree aux Seculiers ,en faifanr fairedes parloirs 8c mettre des grilles. Les an- ciennes le fouffrirent fans murmurer, quoiqu'apres la liberte done elles avoient joui, elles fe trouvaiTent dans une efpece de captivite •, les autress'y foumirent auffi , & elles avoient deja tant de refpecT: pour la Mere Angeli- que , qu'elles n'ofoient lui refifter en rien. ' v. A pres cette premiere ebauche elle d« NovST
jugea bien que fans de nouveaux Su- jets , il feroit impoffible d'etablir une entiere reforme. On n'ofoit fe pro- mettre d'y aflujettir les anciennes Re- ligieufes , dont les longues habitu- des y ecoient excremement oppofees. D iij
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78 HlSTOlRE tit PokT-fcOlAti
j^jj^ Ainfi il etoit neceffaire de recevoir
de nouvelles filles > qui n'a'i'ant pas encore re^u de mauvaifes impreilions, puflent etre inftruices & formees par fes foins aux exercices d'une vie fainte & religieufe. Elle en obtint la permiflion de M.
de Ciceaux, & meme felon quelques- uns, celle de la Cour que Ton cruc neceffaire , parcequ'elle ne gouvernoic que par commiflion ; & Ton die qu'il lui fut permis de recevoir jufqu'a quarante filles, dans lefqu'elles on n'auroit egard qu'a la vocation & a la folidite de la vertu , fans leur deman- der aucunc dot. Cette condition avoit paru elfentielle a la Mere Angelique, pour avoir la liberte de faire un boa choix. Elle en recuc done en peu de terns
„v- un grand nombre. Car auffi-tot qu'on un Novidat. fat que cette maiion , qui etoit ton- dee pour cent Religieufes, quoiqu'il n'y eut alors que feize profeffes s fe re- formoit, 3c qu'on y recevoir des Sujets gratuitement, il s'en prefenta un grand nombre. Mais comme la plupart n'y etoient conduites que par la cupidite de leurs parens , & par le defir de fe procurer un ctat honorable dans un beau Monaftere bien fondc , la Mere |
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.
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I. Par tie. Liv. lit. 79
Angelique qui avoit le difcernement 1(jIg_ des efprits, fat diftinguer celles qui avoient une veritable vocation, & n'en recut que trente de toutes celles qui s'etoient prefentees. Une Religieu- ie de l'Abbaie de Maubuiflbn, depuis afTociee a celle de P. R. nous a laifie une relation circonftanciee du bel ordre que la Mere Angelique avoit etabli dans ce noviciat, qui Flic con- fic a la Soeur Ifabelle Agnes , fille ties vertueufe & cres capable de former ces novices dans une veritable piete. Elle avoit une tres grande charitepour elles; & prenoit un foin particulier de les inftruire, 8c de faire enforte qu'elles n'euflent aucune communica- tion avec les anciennes. Elle demeu- roit dans un quartier a part; & la Mere Angelique avec fes nouvelles Filles & fes Religieufes faifoient enfemble un refectoire , & tous les exercices de la regie feparement, ex- cepte l'office qui ne pouvoit fe faire ailleurs qu'a l'Eglife; oil il falloit fe joindre au chosur avec les Meres an~ ciennes. La Mere Angelique rravailloit avec w v ** ,
r ■ • C • Li S 1"J J Travai! de
un loin lnratigable a 1 education deiaMere Ang.-
fes novices , les formant a la vertu , I Maubuif- par fes paroles &c parfesexemples. Elle divia. D iiij
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8o HlSTCURE DE PoRT-RO'lAL.
I(jjg fe trouvoit a tout l'office de jour Sc de nuit , & fe donnoit des peines in- finies pour qu'il fat celebre avec la devotion & la decence convenables. En quoi elle fit paroitre une patience 6c une difcretion admirables pendant cinq ans a l'egard des anciennes Reli- gieufes , qui troubloient le chant par leurs voix difcordantes & leur preci- pitation ; car jamais elle ne leur te- moigna la peine qu'elle en avoir, de crainte de fes mecontenter. Trmil des outre l'afuduite a l'office , la Mere Angelique etoit encore tres exafte a fe trouver aux heures du travail ma- nuel avec fes filles. Elle fe mettoit indifferemment a toutes fortes d'ou- vrages , portoit du bois aux cuifines & aux autres lieux de la maifon ; bal- lai'oit l'Eglife, le dortoir , le cloirre, &c. Elle montroit rant de joie & de gaiete en tout cela , qu'elle paroif- foit n'avoir pas de plus grand plai- fir. Ses filles de leur cote , quoique tres delicares pour la plupart , ne fentoient aucune peine dans ces ex- ercices , tant elles etoient animees & encouragees par l'exemple de leur AbbefTe. En formant fes filles au tra- vail , elle avoit grand foin de faire obferver un exacl: filence ; & Tor- |
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I. Par tie. Liv. III. ti
dre etoit fi bien garde , que la con- duite des anciennes Religieufes qui n'etoient pas accoutumees a une dif- cipline fi reguliere , n'y caufoit aucun derangement. Pendant fon fejour a Maubuiflbn . Mortifica-
elle brCdoit du defir de faire revi- vre l'efprit de pauvrete & d'aufterite des premiers Peres de Citeaux. Elle cherchoit tous les moiens imaginables de fe mortifier , 6c d'inlinuer la mor- tification a fes Religieufes par fes exemples &c fes inftructions. La nour- riture approchoit beaucoup de celle de S. Bernard & de fes compagnons. Sa chambre etoit un lieu mai-fain 8c obfeur , oli psrfonne n'avoit loge avant elle , que quelques pauvres Sceurs converfes ou fervances , qu'on ne pouvoit placer ailleurs. Cette cham- bre , difoit elle , etoit fa confolation. II lui fembloit etre dans la grocte de Bethleem dont Jefus-Chrift etoit la lumiere. En toutes chofes, ce qui etoit le plus vil & le plus incommode etoit toujouts pour elle, par le privilege qu'el- leavoitde choilir. Jamais fes fillesde Maubuiflbn n'ont pu gagner fur elle de lui faire porter une robe neuve, Avec quelle peine &C quelle repugnan- ce n'en mit-elle pas une pour recevoit D v
|
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8l HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL*
- ■ , g Madame de Soiflbns a MaubuiiTbn?
Quelle douleur ne temoigna-r-elle pas de s'y voir contrainte en confideration de cette Dame ? Apres avoir travaille avec tant de
vn. zele & de fucces pendant route cette
con^knce an"ee i <J 18 a l'ceuvre a laquelle la
svec s. Fran-providence l'avoit deftinee , Dieu vou-
So« de sales. jut pQUr animer davantage fa charite
io'19. & la recompenfer en quelque forte,
lui donner connoiflance du faint Eve- que de Geneve, qui etoir a Paris au commencement de Tan 1619. Elle avoir on extreme defir de le voir , fur la reputation de fa faintete •, & Dieu lui en facilita le mo'ien par M. de Bonneuil , Introdudceur des Ambaf- fadeurs. La Mere Angelique avoit recu fa fiile ainee , qui etoit avec elle a Maubuifibn depuis quelques mois , Sc qui n'avoit point encore recti la confirmation. La Mere Angelique pria M. de Bonneuil d'amener l'Eveque de Geneve a Maubuifibn pour lui con- ferer ce facrement. II l'amenaaumois d'avril. Ce faint Prelat precha , donna la confirmation & s'en retourna le meme jour. Mais il y revint anx fetes- de S. Barnabee & de S. Alexis de la meme annee, &c y precha encore. Quand il fut prcs de s'en retourner en |
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I. Par tie. Liv.IIL 83
Savoie, il voulut donner plus de terns
a la derniere vifice qu'il fit a Mau- buiffon fur la fin du mois d'aout. Il y fut neuf jours. Il confacra le grand autel le jour de S. Louis , & precha le jour de la decollation de S. Jean. Il partit de Maubuiflon les premiers jours de feptembre , apres avoir te- moigne pendant fon fejour , une cha- rite & une affection finguliere a la Mere Angelique & a fes filles. Il la confola & l'exhorta a ne point s'arTli- ger de voir fl peu de fruits de fes inf- trucTrions dans les anciennes Religieu- fes ; 8c l'aflura que ces femences qui fembloient perdues, porteroient 1111 jour leur fruit. Cette prediction euc fon effet, quoiqu'il y eut alors peu de fujet de l'efperer. Des la premiere entrevue du faint
Eveque de Geneve & dela Mere Ange- lique,Dieu forma une telle liaifon entre ees deux ames qui etoient fi remplies des graces de Dieu , que la Mere Ar.ge- liquene doura point qu'une Ci heureufe rencontre ne fut un effet de la pro- vidence de celui qu'elle adoroir dans le ciel comme fon veritable pere, qui vouloit qu'elle en eat un fur la terre en la perfonne de ce Prelat. Auffi lut-meme de fon cote recut-il avec P vj,
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84 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.'
joie cette nouvelle fille , & il concur
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des-lors pour elle les fentimens d'un
vrai pere, qu'il lui a conferves jufqu'a. la more , ainfi qu'on le peut voir dans les lertres qu'il lui a ecrites (13). Dans une entr'autres (la 43c du je livre), il temoigne 1'opinion qu'il avoit concue de la perfection & de la verm non commune a laquelle il pre- voioit que Dieu la deftinoit. » Je commence (ditil dans cette
vi 11. » lettre qui mcrite d'etre lue en entier)
s.Fra'i^ois^e " Par oil vous finilfez, ma tres chere 6c
sates faifoit., tres veritablement bien aimee fille :
de la Mere i • /* • ■ r r
Ajigeikpe. " car votre derniere hnit ainii : Je
» crois que vous me connoiffe^ bien.
" Or il eft vrai , certes , je vous con-
» nois bien, & que vous avez tou-
>» jours dans le coeur une invariable
» refolution de vivre tout a Dieu;
» mais auffi que cette grande a&ivite
m namrelle vous fait fentir une vi-
w ciffitude de faillies. O ma fille , non,
» je vous prie, ne croi'ez pas que
» l'ceuvre que nous avons entrepris de
»> faire en vous, puifle etre firot faite.
» Les cerifiers portent bientot leur
» fruit, parceque leurs fruirs ne font
» que des cerifes de peu de duree •>
(ij) Ellesfont laplupait adreffees a une Abbeffe,
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I. Part ib. Liv. HI. 85
» mais les palmiers, princes des ar- .
u ir 1 1619.
» bres , ne portent leurs dattes que y
» cent ans apres qu'on les a plantes,
» dit-on. Une mediocre vie fe peut
»» acquerir en un an , mais la perree-
" tion a laquelle nous tendons , (o
» Dieu!) ma chere fille, ne peut
» venir qu'en plufieurs annees, par-
" lant de la voie ordinaire. II nnit
ainfi fa lettre : » Demeurez en paix,
» ma tres chere fille , & priez fouvent
» pour mon amendement, arm que
» je fois fauve, & qu'un jour nous
» trefladlions en la joie eternelle,
» nous rellouvenant des attraits , dont
» Dieu nous a favorifes , & des re-
» ciproques confolations qu'il a voulu
» que nous euflions en parlant de lui en
" ce monde. Du \6 decembre \6i<).
Apres avoir entendu S. Francois de ix.
Sales parler de la Mere Aneelique;,^/limcAdi;'s
ecoutons la Mere Angehque parler deli^ue pours.
S. Francois de Sales. •> Si j'avois eu. 5^"SS°1S iv
» dit elle (14), un grand defir de le
» voir, fa vue m'en donna un plus
>> grand de lui communiquer ma
» confeience. Car Dieu etoit vrai-
» ment & vifiblement dans ce faint
» lJrelat, & je n'avois point encore
(14) Premiere Panic > feconde Relation3 Tomer,
f age } 1 j , n. 17. |
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8<J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» trouve en perfonne ce queje trouvai
» en lui, quoique j'eufle vu ceuxqui
>» avoient le plus de reputation entire
»» les devots. Je lui ecrivis pour le
» fupplier tres humbtement de reve-
» nir. lime l'accorda (15). Mais en
»» attendant je lui ouvris mon cceur
» par lettre , fur une peine que j'avois
» bien grande , qui etoit que je n'a-
* vois rencontre une perfonne en qui
" je puiflTe prendre une confiance en- » tiere, & enfuite y avoir une vraie •■> foumiilion 5 & que je me fervois » pour prendre avis & conduite , de " ceux qui nous afliftoient, felon que » je reconnoilTois qu'ils etoient por- >> tes a ce que je defirois, que je » croi'ois bon & utile pour le bien de »» nos Sceurs , pienant ainfi conduite » par partiede ceux que je croi'ois qui 53 favorifoient mes penfees & mes de- >• firs , ce qui me donnoit beaucoup * d'inquietude , parcequ'en efFet c'e-
» toit me conduite moi - meme. II »» me repondit, qu'il n'y avoit point » de mal a chercher fur plufieurs " fleurs le miel qu'on ne pouvoit » trouver fur une feule , & des juges (i0 Converfation de des Relations, page i<>p, j
la Mere Angelique avec n. ij. M. le Mai ire, Tome z |
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I. Part ie. Liv. III. §7
» favorables a nos inclinations, pour-
» vu qu'erant examinees elles fe trou- » vent bonnes. Lorfque j eus trouve » M. de Geneve , die encore la Mere » Angelique , qae Dieu m'envoia en » ifJip, pour me fortifier dans tout » le bien & dans route la reforms » que j'avois etablie ici, je reconnus w 1'avantage qu'il avoit pour la fain- » tetc , le dctachement & la conduite » des bonnes ames , fur tous les Peres » que j'avois eus pourDire&eurs. Apres »> ion depart, je le confultois par let- » tres. J'en avois un grand nombre » de lui & de tres belles; mais je n'en » donnai que peu , lorfqu'on vouluc » en faire le recueil, parcequ'il par- » loit de moi en tout avec trop d'a- " vantage ; & fi ces lettres euflent etc « imprimces , elles m'eufTent fair » rougir. Celles meme que j'ai don- » nees , quoique ce fuffent les moin- » dres de toutes , m'ont fait de la » peine, lorfque je les ai vues publi- » ques. J'ai garde ces lettres avecfoin » jufqu'a ma demiflion du titre d'Ab- » bene.... II y parle de fon amour » pour P. R. qu'il appelle fon cher » Port-ro'ialy ies cheres delices. Ces » lettres font toutes pleines de te- » moignages de fon eftime &c de ion |
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88 HlSTOIRE DE FoRT-ROlAt.'
t^j » affection pour cette maifon
Dans un autre entretien que la Mere
Liai<bnentre Angelique eut le 18 Mai 1653 avec
b Mere An- M. le Maitre fon neveu , elle lui parla
FranvUois& de ^e S. Francois de Sales dans les ter-
W**- mes fuivans (16). » Dieu m'aiant fait
» connoitreM. de Geneve en 1619 ,
» je trouvai en lui une fi grande fin-
» cerite , accompagnee de tarit de
» graces & de lumieres pour mes be-
>» foins, que je lui mis mon cceur
» entre les mains , fans aucune refer-
» ve , trouvant en lui feul plus que je
w n'avois trouve dans tous les autres.
» II me parla audi avec la ttieme fran-
» chife, & je puis afliirer qu'ilneme
» cachoit rien de fes plus fecretes 8c
» imporrantes penfees fur l'etat ou
» etoit l'Eglife, &c. Ce faint Prelat,
(difoit-el'e a M le Maitre dans une
converfation du 16 Avril 1653) m'a
w fort affi(lee (17), & j'ofe direqu'il
» m'a autant honoree de fon afFec-
» tion &c de fa confiance que Mada-
» me de Chantal. J'etois etonneede
» la liberte & de la bonte avec la-
» quelle il me difoit toutes fes plus
» fecretes penfees , coname je luidi-
» fois & lui avois dit tout d'abord
|
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(is) Tome i . feconde tion, page 300.
Pattie, premiere Kela- (17) Ibid, page 307, |
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I. Pas.tie. Llv. 111. 89
>* toutes les miennes. 11 eft certain— """
" qu'ilavoitbeaucoupplusde lumieres « qu'on ne penfoit pour la conduite » &c la difcipline de l'Eglife. C'etoit » un ceil pur qui voioit rous les maux » & tous les defordres que le rela- » chement a caufes dans les moeurs » des Ecclefiaftiques & des Moines. " Mais il cachoit rout dans le filence , » & couvroir rout de la charite 8c de » l'humilite. II gemifloit, comme M. x r. » de Berulle , des defordres de la s.Francois<l« " Cour de Rome & me les marquoit sales fur les >j en particulier. Puis il me difoit : Ma m^,* pe fille , voild des fujtts de larmes, car d'en parler au monde dans Vetat ou il ejl ,c'efl caufer du fcandale inuiilement. Ces malad^s aiment leurs maux, & ne veulent point guirir. Les Conciks cecu- meniques devroient reformer la tite & les membres , etant certainement au deffus du Pape : mais les Papes s'aigrijfent lorfque l'Eglife ne plie pas toute fous eux , quoique felon le vrdi ordre de Dieu elle foit au-dtffus deux , lorfque le Concile eft univerfellement & canoni- quement afjemble. jefais cela comme les Docteurs qui en parlent , mais la dis- cretion m'empeche d'en parler, parce- que je ne vois pas de fruit a en efpcrer. IIfaut pleurer & prier enfecret que Dieu. |
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-..._. _._... ,-----
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90 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
mette la main ou les hommes nefauroient
"' la mettre • 6* nous devons-nous humi-
lier fous les puiffances ecclejiajliques
auxqu tiles il nous a foumis , & lui
dernander cependant quil les humilie &
les convertiffe par la toute puijfance de
fon efprit , & qu'il reformt les abus ,
qui fe font gliffis dans la conduitt des
Miniflres de I'Eglife, & lui envoie de
faints Pafleurs animes du \ele de Saint
Charles , qui fervent a la purifier par le
feu de leur [tie & de leur fcience , & a
la rendre fans tache&fans rides pour
la difcipline , comme tile I'ejl pour la
foi & la doctrine. » Il fe confoloit en
» me parlanr, comme je fais qu'il fai-
» foit audiavec Madame de Chantal,
» avec laquelle il m'avoit unie audi
»» etroirement qu'on le peut etxe, fans
» nous are jamais vues. La fuite de
cet entretien de la Mere Angelique
avec M. le Maitre fon neveu eft trop
importante pour ne pas ajouter ce
qu'il nous en a conferve fur les maux
de I'Eglife. » M. le Cardinal de Be-
rulle , ajoCua la Mere Angelique,
•j ami intime de M. de Geneve, voioit
» & deploroit ces memes abus de la
» Cour de Rome , & en entretenoit
» M. de Saint-Cyran , qui me difoit
» qu'il voioit une eminence de lu-
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I. Partie. Llv. HI. 91
» mieres 8c de difcernement merveil- " leux en ce faint homme, & qu'ils » fe connrmoient enfemble dans le » filence que les vrais enfans de " l'Eglife devroient garder dans la » viie de ces maux inteirieurs & de w ces plaies inteftines que S. Bernard » a dit, il y a cinq cens ans , etre » incurables ; qu'il falloit couvrir au » moins la nudite de fa mere, lorf- » qu'on voi'oit qu'on ne la pouvoit » guerir de fes maladies , & dire bien » plus aujourd'hui, queS. Gregoire de " Nazianze ne difoit de fon terns : " Nous riavons rien a donntr a VE- » glije que nos larmes. La Mere An- gelique ajouta que M. le Camus, Eveque du Bellay lui avoit dit au re- tour de fon voiage d'ltalie , qu'aiant entretenu Frederic Borromee , Cardi- nal Archeveque de Milan, neveu de S. Charles, Saint lui-meme , & emi- nent en fagelfe & en fcience autant que S. Charles , ce Cardinal lui avoit ait ces niemes paroles : Le %ele & la douleur des difordres de Rome m'apor- te jufqu'a en ecrire un livre e'pais de trois doigts, oil Us etoient prej'que tons reprefentes. Mais apres avoir vu toutes les pones fermees a la reformation de ces abus * & que Dieufeul pouvoit let |
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91 HlSTOIRE DE Port-r Oi At-
tire par les voles extraordinuires defa providence , je brulai It livre , volant que ces virites morales ne feroient que caufer du fcandale , & publier lei ex- ces de ceux qui ne veulent point chan- ger de mceurs , & qui font devenusplus politiques qii' ecclejiajiiques Aulli m'a- joiita-t-elle, » M. de Saint-Cyran m'a » die autrefois que ceux qui aimoient » veritable merit l'Eglife devoient fe » cacher dans les folitudes , pour ne » prendre point de part aux paiTions » de ceux qui deshonorent fa faintete, » & pnerpour elle dans le fecret. C'efl » notre mere , // la faut aimer , il « la faut plaindre , il la faut aider , il „ la faut pleurer, & non lafcandali- » fer & la troubler par un exces de %ele- » quin'eftpas affe{ humble ni affe^fage. » M. de Saint-Cyran etoit tellement « confirme dans ce (ilence de gemiiTe- » ment, que lorfque le Cardinal de » Richelieu fe piqua contre Rome, « & qu'il voulut empecher qu'on n'y » eut recours pour obtenir des Bulles , » il arriva que M. Arnauld , depuis » Eveque d'Angcrs, fut elu Eveque n de Toul canoniquement par le Cha- » pitre , dont il etoit Doien, fans » avoir agi pour cela en aucune fac,on : » M. de Saint-Cyran me dit que rnon |
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I. Partii. Liv. III. 93
» frere etoit le feul Eveque de Fran------
" ce , qui ai'ant ete elu par leChapi- l <'
» tre felon l'ancien droit , put fe fa ire
» facrer fans envoier quenr des Bul-
" les a Rome, 8c que peut-etre le
» Cardinal pourroit l'y porter, mais
» qu'il croi'oit qu'il ne le devoit point
» faire, 8c que dans cette conjon&ure
" cette entreprife cauferoit du fcan-
» dale que la prudence & la charire
" chretienne obligeoient d'eviter. Re-
yenons a S. Francois de Sales qui a
donne occafion a cette digreffion.
On voit par ce que nous avons rappor- x i r.
te de fes entretiens & de fes lettres a la J^i**^^ Mere Angelique, combien il faifoit fous la con- de cas de cette illuftre Abbefle, & com- *"'" de Saint l_ • -l r i a v Fianjois.
bien il en etoit eftime lui-meme. Des
qu'elle le vit pour la premiere fois le 5 d'avril i<Ji 9 , elle defira de fe mettre fous fa conduite. Elle le pria de reve- nir a Maubuiflon , a quoi il confentit. Elle lui fit une conredion generate avec une grande fatisfacl:ion 8c un vrai defir d'entrer tout de nouveau dans la voie de Dieu fous un 11 bon guide. Elle engagea la Mere Agnes, qui etoit a P. R. des champs & gou- vernoit la maifon pendant fon ab- fence , a en faire autant, lorfqu'il iroit porter la benedidion dans ce mo- |
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94 HlSTOIRF. DE PORT-ROIAL.
^jo, naftere , ainfi qu'elle Ten pria : ce
qu'il fit la meme annee. Monfitur &c Madame Arnauld & tout le refte de la famille enrent auffi part a la charite de ce bienheureux Prelat, qui leur fit l'honneur d'aller au commencement de feptembre paffer quelques jours a. An- dilly, ou il donna fa benediction a tous les autres enfans de M. Arnauld (parmi lefquels etoit le jeune Antoine Arnauld devenu depuis fi celebre, age pour lors d'environ fept ans) •, a ceux de M. d'Andilly , &c a ceux de M. le Maitre. Ce fut a cette occafion qu'il predit la mort du petit Francois troi- fieme fils de M. d'Andilly , qui fe portoit tres bien : Voila un bel enfant., dit-il en le voi'ant , mais il a la mort dans les ytux. Trois jours apres il fut attaque de la petite verole, 6c il en mourut. Il predit de meme que la pe- tite Madelaine feroit Religieufe , &c que M. de Trie fecond fils de M. ylr)UiiWdiUy , qui fuivoit alors le barreau ,
feroit d'Eglife; ce qui arriva : Ma fille , dit-il a la Mere Angelique etant a Maubuifibn, Monfieur de Trie apres avoir tourne ga & la, viendra a FEgliJe. Enfin ce fut entre fes mains , que Ma- dame le Maitre feparee depuis quelque terns de fon mari, fit vceu de chaftetc |
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I. Par.tie. Llv. HI. 9$
perpetuelle,lejourde S..Alexis i6\y.—
macherefceur Catherine de Genes. En meme-tems que la Mere Ange- xiri.
lique perfeveroit dans la ferveur ou gdique'penfc elle etoit entree par la communica- a quitter fon tion de M. de Geneve , elle ne perdit „,„'*" dans point de vue le delTein qu'elle avoirlordre de s. forme de fe delivrer du poids de fa sai"ss.0ls e charge. Elle concur encore le delir d'entrer dans l'inftitut de la Visitation, & fupplia le Prelat de vouloir bien l'y recevoir. Il lui en park avec beaucoup de modeftie & d'humilite ; lui difant que ce n'etoit prefque pas une reli- gion. Neanmoins comme elle le pref- foir beaucoup , il trouva bon qu'elle en ecrivit a Rome , pour obtenir la* difpenfe dont elle avoit befoin , patce que l'ordre de S. Bernard etoit plus auftere que celui dans lequel elle vou- loit entrer. Le faint Prelat l'avoit afTez temoigne
par la reponfe qu'il fit a. la Mere An- gelique la premiere fois qu'elle eut l'avantage de le voir. S'etant informc de la maniere de vivre des Religieu- fes, elle lui parut fi auftere , qu'il ne put s'empecher de lui dire : Mafille , ne vaudroit-il pas micux ne pas pren- dre de ji f>ros poijfons t & en prendre da* |
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9<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
vantage. Mais il fut fatisfait de la re-
plique de la Mere Angelique , qui lui die que fi elle eut eu a faire une re- gie , elle penfoit qu'elle l'auroit faite plus douce •, mais que fe trouvant en- gagee dans une regie auftere, elle fe croi'oit obligee de la faire garder au- tant qu'il lui etoit poffible. La Mere Angelique ne reuffit ni dans
Pun ni dans l'autre de ces deux projets : M. Arnauldfon pere fit echouer le pre- mier, en lui faifant donner pour coad- jutrice la Mere Agnes (le Drevet fut expedie au mois de juillet 1619 , les bulles ne le furent qu'au mois de fep- tembre de l'annee luivante) au lieu qu'elle vouloit la faire nommer Ab- beflTe en fe demettant elle-meme , fous pretexte de fon fejour a. Maubuiflon. Pour ce qui eft du defir qu'eut la Mere Angelique d'entrer dans le nouvel inftitut de S. Francois de Sales , il pa- roit que quoique le faint Prelat y eut d'abord confenti, il changea de fenti- mens dans la fuite, & ne voulut point la ravir a fon ordre. Les difficultes qui fe rencontroient dans l'execution de ce defTein, luifaifoient juger que Dieu en avoit de plus grands fur cette ame extraordinaire (iS) : e'eft ce que le (»8; Tome I, page 154.
faint
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I. Partie. Llv. FIT. 97
faint fondateur de la Vifitation fit i
connoltre a la Mere Angelique dans une lettre qu'il lui ecrivit de Savoie , & qu'elle a long- terns gardee (19) , ou, ecoient ces paroles remarquables : Je crois pouvoir vous ajfurer, de la part de Dieu , qu'il Je fervira de vous tour des chofes irnportanus , & d une fa$on extraordinaire , & que vous ave^ jujet d''adorer avec une profonde humitiU Its ordres de Jon admirable providence. L'union fi particuliere qui fe forma xir.
entre la Mere de Chantal & la Mere JJnion/e Ia ... r - . re Men- Ange-
Atigeuque , rut une iiute & un eftetikjue & de
de la connoirTance que cette Abbefle1^^'; de cut le bonheur de faire avec S. Fran- cois de Sales. Elles ne pouvoient pas fe dire filles du meme pere, fans contra&er entr'elles une amitie par- faite. En efTet, elle etoit fi grande, que la Mere de Chantal ecrivant a la Mere Angelique , lui marque que les fentimens qu'elle avoit pour elle , la portoient a. croire qu'elles n'avoient tomes deux qu'un meme coeur. Ce fut au premier voiage que la Mere de Chantal fit a Paris Tan i<Jzo, pour retablifTement du premier monaftere de fainte Marie , qu'elle vint a Mau- <i9) Tomell, feconde Panic, premiere Relaciorij
page }04 ,itid, page jii. Tome /. E
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98 HlSTOIRE DE PoR.T-RO'lAl.
' 77TZ— builTon voir la Mere Angelique, qu'elle
n'avoit encore vue qu'en efprit, SC pour laquelle elle avoir beaucoup d'ef- time. La Mere Angelique avoir de fon core une relle opinion de la vertu de Madame de Cnanral, que cerre fainre Religieufe s'eranr fair faigner de la main de la Mere Angelique , on fir fecher de fon fang pour le garder comme des Reliques. M. de Mau- pas , Eveque du Puy, enfuire d'Evreux, aureur de la vie de Me de Fremior de Chantal, rapporre (zo) que la Mere Angelique la rerinr pluneurs jours a. Maubuiflon pour parler a fes filles &c leur donner des avis. Depuis ce rems- la, il y eur enrre ces deux grandes ames, comme il les appelle , une union etroire, x,, T Pendanr rour ce rems, Madame d'Ef- Madame trees , depuis fon enlevemenr de Mau-
i^vioiTnce buiflbn, n'avoit poinr cefle de plaider, a Maubuif- pour renrrer dans fon Abbaie.Elle droit chaffi u mT- ace que l'oncroir,fur le poinr de gagner «c Angelique. fon proces •, mais par un erTer tout parriculier de la providence, elle de- truifir elle-meme toures les efperances ?[u'elle pouvoir avoir de fon retablif-
ement. Quelques jours apres le deparr de M. de Geneve , elle s'e- (*o; Seconds; Panic, chap. 17, |
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I. Par tie. Liv. III. 95
cbappa des Filles Penitences , & re-
vint a Maubuiflbn le 1 o fepcembre a fix heures du matin, efcortee par le Comte de Sanze , 8c quelques autres jeunes Gentilshommes accoutumes ay venir pafTer leur terns. Une des pottes lui fuc ouverre par
Madame la Serre , l'une des anciennes Religieufes. Le Confeffeur nomme D. Sabbathier qui etoit du parti de Ma- dame d'Eftrees, voulut perfuader a la Mere Angelique de fe retirer, & de ceder a la violence; mais la Mere An- gelique lui repondit avec fa fermete ordinaire , & le traita comme le me- ritoit le perfonnage odieux qu'il n'a- voit pas honte de faire. Enfin la Mere Angelique , apres beaucoup de paroles, de vaines follicitations , de debars , fut forcee de fortir de l'Abbaie. Ma- dame d'Eftrees 8c fa confidente vou- loienr empecher que perfonne ne fortit avec elle, mais leurs efforts furent inutiles. Ses quatre Religieufes de P. 'R. la fuivirent,avec trois des anciennes Religieufes de Maubuiflbn , Madame des Marets, Madame du Puis, Mada- me du Chevet, onze novices a qui la Mere Angelique avoit donne l'habit depuis peu, 8c toutes les poftulan- sces qu'elle avoit revues. Toutes ces Eij
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100 HlST0IR.fi DE PoRT-ROYai.
j£Ig filles fuivirent leur mere , fans que ni la craince, ni les epees nues puf- fent les en feparer. II ne demeura dans la maifon que la feule profefle qu'elle avoit aula rec,ue depuis peu , parcequ'on lui avoit fait entendre qu'elle commettroit un pechc mortel en fortant, a caufe de fon voeu de clo- ture , mais elle fut fi touchee de voir partir la Mere , qu'elle s'evanouit de douleur. Xiv. Apres que la Mere Angelique fut ta Mere An- fortie de l'Abbai'e de Maubuillbn avec
ureli'pntoi-toutes fes filles au nombre de 54 oil fe« j 5, elle fe trouva fans afyle, & fans fa- voir ou aller. Mais celle qui n'avou ja-
mais etc furprife dans les occafions 3ui Tont obligee de dependie de la ivine providence , ne le fut point encore en celle-ci. Apres s'etre adref- fee a Dieu pour lui demander fes lumieres , elle refolut d'aller avec toute fa fuite a Pontoife. Elle fit ranger toutes fes filles en ordre , & les fit marcher comme en proceflion, les poftulantes les premieres , les novices apres, & les fept profefTes les dernieres avec elle5 toutes aiant leurs voiles abaiites & les mains jointes , avec autant de modeftie & de recueillement, v que fi elles eufTent, fait la proceflion |
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I. Par.tie. Ltv. HI. io\
dans leur cloitre. Etant arrivees a Pon-
roife , elles entrerent dans la premiere Eglife qu'elles renconrrerenr. Cetoit celle des Jefuires. Ces bons Peres en ai'ant eu avis , vinrent auffi-tot les re- cevoir avec des temoignages exterieurs de civilite & de refpedl. Elles y direnc les vepres routes enfemble. Le bruit de cette nouvelle s'etanc
repandu , les Carmelites propoferent de retirer routes les Religieufes pro- fefles; les Urfelines demanderenr les onze novices , & l'Hotel-Dieu ofFric de les recevoir toures. Mais la Mere Angelique les remercia tres humble- ment; &c apres avoir delibere fur le parti qu'elle avoit a prendre, elle ac- cepta l'offre de M. le grand Vicaire dePonroife qui leur ceda le vicariat, oil elles allerentproceflionnellement, comme elles avoient fait enarrivanti la ville. Tout le monde fortoit des maifons pour les voir pafler, & la. plupart fe mettoient a genoux pour marquer combien ils etoienr edifies d'un fpe&acle fi nouveau & fi touchant. Elles fe logerent done dans la maifon de M. le grand Vicaire , qui fe retira, pour la leur laifler libre. Des perfon- nes charitables de la ville leur en- voierent des meubles, de la vaifTelle > £ iij
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101 HlSTOIRE DE PoRT-RO*lAt,
' j ^ & de l'argent *, fur quoi la Mere An-
gelique difoit qu'elle avoit eu une
vraie joie de fe voir reduite a recevoir l'aumone en vraie pauvre. En un moment routes ces filles fe
trouverent dans le grand vicariat, aufli tranquilles que dans leur cloitre. Cha- cune prir la place qui lui etoit mar- quee , & y fit fes exercices de piete avec une attention & un filence ad- mirables. Le lendemain on leur dit la MeflTe
dans la Chapelle , & la Mere Ange- lique y communia. Elles chanterenc vepres, auxquelles quantitc de per- fonnes affifterent. Elles firent enfuite l'oraifon; & chacun admiroit la fa- getfe de rant de jeunes filles , qui leur paroiffbient des Anges par leur mo- deftie. On ne pouvoit voir fans eton- nement que tant de fujets de diftracYion ne troublafient point l'efprit de re- traite & de mortification , dont leur digne AbbeflTe leur avoit infpire l'a- mour & la pratique. MeLTi'tre! Pendant qu'elles attendoient dans Maubuilfon. cette profonde tranquillite le fecours
de Dieu , le Portier de Maubuiflbn , que les gens de Madame d'Eftrees avoient maltraite, etoit alle a.Paris in- former M. Arnauldde ce qui fe patient, |
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I. PARTII. Liv. lit. 10$
II ne le trouva pas, parceque comme idy? on etoit en vacances, il avoit pris ce tems pour aller a P. R. ; maisM. de Trie ion fecond fils fit autant de di- ligence qu'auroit pu faire M. fon pere* II s'adrella a la Chambre des Vaca- tions , &c en obtint des le lendemain un Arret pour enlever de nouveau Ma- dame d'Eftrees & retablir la Mere An- gelique. En meme-tems on eut un ordre qui commandoit a M. de Fontis Prevot de l'Ifle , de fe tranfporter in- continent a MaubuilTon avec fes Ar- chers. II arriva le 11 feptembre a cinq heures avec 250 homines & inveftit la maifon de Maubuiflbn, d'oii Ma- dame d'Eftrees avoit trouve le fecret de fortir traveftie , par une porte du jardm. Le Confefteiu , r>. Sabbathier, aianc
fame les murs, alia fe rerugier chez les Jefuites fes bons amis. Le Prevot laifTa 150 hommes defes Archers pour gar- der I'Abbaie, & fe rend'it fur les dix heures du foir a Pontoife avec le refte defaCompagnie , pour rendi° compte de fa commiflion a la Mere Angeli- que : aufll-tot elle donna ordre •* fa filles de partir. Ce fut un nouvtau fpeclracle pour la ville de Pontoift qui y accourut en foule. Tous les Eiiij
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104 HlSTOIRE BE PoRT-RoYaI,
Cures de la ville & les Ecclefiafti-
ques s'y trouverent, & voulurent ac- compagner cette proceflion. Les trente filles de la Mere Angelique y mar- choient en ordre deux a deux, & a cote d'elles deux rangs d'Archers a cheval, qui portoient chacun un flam- beau a la main & le moufquet fur l'epaule. La Mere Angelique marchoit apres, & a cote d'elle le Prevot de l'lfle & un nombre de gardes qui l'efcortoient , parcequ'on craignoic pour fa perfonne la violence de ces Gentilshommes qui tenoient le parti de Madame d'Eftrees. Toute la ville les fuivoit avec des lumieres , Sc Ton ne vit jamais une plus celebre procef- fion que le fut celle-la par la nouveau- re, & la piete des perfonnp* ittl / fetvoient de fpedbrU aux autres. Elle marcha dans cet ordre jufqu'a Mavt- buiflon, ou la Mere Angelique rentra avec routes fes filles. Les Archers , apres une redierche exacle, mais inu- tile ce jour-la , decouvrirent le lende- main Madame la Serre complice de Madane d'Eftrees ; ils fe faifirentde fa perfonne & d'une caflette de Ma- dame d'Eftrees ou il y avoit des pa- pers importans. Le Prevot voiant qu'il n'y avoir plus rien a faire , fe |
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I. Partii. Liv. III. 105
retira au bout de deux jours , & lairta , 50 Archers pour faire garde autourde l'Abbai'e. lis y refterent fix mois Sc ecarterenr peu-a-peu les gens de Ma- dame d'Eftrees, qui venoienc infulter la Mere Angelique , & tiroient nuit Sc jourjufques dans les fenetres; mais la Mere Angelique ne fut entierement hors d'infulte & de danger , que lorf- qu'on eut renferme Madame d'Eftrees. Elle le fut a diverfes reprifes & s'e- vadaautantde fois ; enfin apres avoir mene une vie fcandaleufe, elle mou- rut miferablement dans une petite maifon d'un faubourg de Paris* Apres tant de peines & d'afflictions * v*■ „
par lelquellesDieu avoir eprouve laMe-Amauld. re Angelique, fur la fin de cette annee, il lui enenvoia une autre bien plusfenfi- ble. Ce fut la mort de M. Arnauld fon pere , qui arriva le 19 decembre. Tout P. R. reffentit dans ce trifle evene- ment la perre d'un pere commun. Pen- dant les 3 o jours que dura fa maladie, la Mere Angelique etoit continuelle- ment en prieres, demandant a Dieu fon falut beaucoup plus que fa fame; Elle ne pouvoit prefque prendre de repos ; elle s'eveilloir fouvent la nuit en difant fans cefle : S ahum fac fer- yutn tuum y Seigneur , fauvez votre E v
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IO(J HlSTOIRE M PoRT-ROlAI^
-------— ferviteur •, & autant de fois qu'elle le
l"I9- difoit, la foeur Ifabelle de Chateau-
neuf, qui etoit couchee aupresd'elle , ne manquoic point de repondre, Dcus metis fperantem in te, qui efpere en vous, 6 mon Dieu. Les fentimeiis vraiment chretiens que M. Arnauld £t paroitre au lit de la mort, peuvent bien etreregardescomme les fruits des prieres &c des larmes de la Mere An- gelique; 8c il y a lieu de prefumer que Dieu, qui l'avoit choifie pour etre l'inftrument du falut d'un grand nom- bre , & principalement de fa famille , l'a exaucee par rapport a cet incom- parable pere. Les derniers fentimens de M. Arnauld ont etc recueillis dans une petite relation qui en fut faite. alors fous le titre de Vaux de M. Ar- nauld. xvii. Nous avons deja dit qu'avant fa mort taMere An- j[ avoitobrenu un bref decoadjutorerie gelique via . , . . , rv t» i
p. r. pour de 1 Abbaie de P. R. pour la Mere
faoifeiSondde Agnes > ^es Mfes n'en furent expe-
u coadjmo-diees qu'au mois de feptembre i6zo ,
J"^ * !* Me* a caufe de quelques difhcultes auxquel-
1610. ^es oncroit que les Peres Jefuites eu-
rent bonne part, La Mere Angelique
alia expres a. P. R. pour mettre la Mere
Agnes en poflTeflion de lacoadjutorerie.
On avoir eu befoin de la preparer a
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I. Partie. Liv. iff. 107
accepter cette charge, & le bienheu- "T? _
reux Eveque de Geneve avoit rait pour cela un vo'iage a P. R. des l'an- nee precedente. Cela n'empecha pas que quand le tems fut arrive, elle n'eCtt beaucop de peine a s'y foumettre. Elle prit pofleflion avec les formalites ordin aires ? au grand contentement de toutela maifon. Comme c'eft unedes ceremonies qui s'obfervent, que la Coadjutriceouvre les livres du choeur; par un evenement qui fut regarde comme un heureux prefage , a 1'ouver- ture de l'antiphonaire elle romba fur cette antienne , IJiifunt dux oliva 6* duo candelabra lucentla ante Domi- nium : Ce font deux oliviers & deux chandelier* qui brulent devant le Sei- gneur. Dans le moment la Mere Agnes dit a la Mere Angel ique nous Jewns deux, pour lui faire entendre qu'en la faifant fa coadjutrice, elle ne feroit pas pour cela dechargee de fon Abbaie comme elle fe l'etoit propofc. L'eve- nement repondit afes efperances. Apres que la Mere Agnes eut pris poffellion de la coadjutorerie, la Mere Angelique la laiffa exercer fa nouvelle autorite , dont elle etoit d'autant plus digne 3u'elle avoit appris a obeir avant que
e commander j 8c la Mere Angelique E vj
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IO? HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl."
l620> retourna a MaubuilTon ou elle demeur*
encore trois ans, mais portanttoujours malgre fes repugnances le poids de fa dignited'AbbelTedeP.R. xvm. Enfin apres cinq ans de travail dans eleii5rpe?£cene Abbaie, la Mere Angelique eut a rcioumer a la joie de s'en voir dechargee par la nomination de Charlotte de Bourbon 1613. SoilTons , fille de Charles de Bourbon , Comte de SoilTons &c de Dreux , fils
puine de Louis I, Prince de Conde. La Mere Angelique avoit travaille a cette nomination , pour voir , comme elle le dit, ce quife pourroit ejperer de fa conduite, & pour menagcr douctmtnt Jajcrtie, hant ennu'iee d'etre Ji long-terns en tin lieu ou il y avoit pen d'appa- rence ditablir les cJiofes folidtmenti Des que Madame de SoilTons fut ar- rived a MaubuifTon , la Mere Angeli- que s'appliqua de fon mieux a gagner 1'efprit de cette Dame, afm de la porter a maintenir le commencement de re- forme qu'elle y avoit etabli avec tant de foins & de peines. Mais une Re- ligieufe nominee Madame Bigot en- nemie de la re forme, & qui avoit beau- coup de credit fur 1'efprit de Madame de SoilTons Tempecha d'entrer dans les vues de la Mere Angelique ; ainli tjuoi qu'elle put faire, elle ne reuffit |
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If Par Tie. Llv. 111. 109
point a gagner la confiance de Mada- I^z»,
me de Soiilbns. Sa complaifance 8c fon attention pour elle allerent pour- tant jufqu'a luifervir de garde jour & nuit pendant qu'elleeut la petite verole, & a lui rendre routes fortes de fervices, jufqu'a ce qu'elle-meme fut attaquee de ce mal contagieux. Elle en fut dan- gereufemenr maiade, & il lui en refta un mal fur un ceil, dont elle n'a pu ctre guerie que par miracle- La Mere Angelique voi'anr done cette mefintel- ligence, qui ne venoit pas tant de Madame de Soiflbns que de la Reli- gieufe qu'elle avoit amenee avecelle, demanda permiflion a. M- de Citeaux de fe retirer. Pendant les cinq ans que la Mere xix.
Angelique demeura a MaubuifTon, ^"e a™? elle y recur trente - deux filles aflez r^ues la fui: pauvres des biens de la terre, puif- vem" qu'elles n'avoient routes enfemble que 500 livres de penfion , mais tres riches en vertu & dont la vocarion- etoit bien marquee. Lorfqu'elle fut prete a partir pour retourner a P. R., ces bonnes, filles donr neuf avoiens fait profeflion entre fes mains & dis avoienr re$u i'habit , fe jetterenr a fes pies &c la conjurerenr de les emmener avec elle.Il lui fut impoflible de refufer |
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110 HlSTOIKB DE PoRT-fco'lAL.
"7T\ cette grace a leurs prieres & a leurs
larmes. Elle ecrivit aux Religieufes de P. R. pour s'aflfurer fi elles auroient le courage de faire part de leur pau- vrete a trente filles. Elles repondirent par une lettre fignee de toute la corq- munaute, & qu'il feroit a fouhaiter qu'on eut confervee, qu'elles rece- vroient avec plaifir tout ce qu'elle % leur ameneroit. La Mere Angelique envoi'a cette reponfe a M. de Citeaux en lui demandant permiffion d'em- mener ces trente filles ; ce qui lui fut accorde. Elle fe difpofa done a partir, mais auparavant elle ecrivit a Mada- me fa mere , &c la pria de lui amener tin nombre fuflifant de carofles pour tranfporter ces trente filles. Madame Arnauld ne manqua pas d'arriver au jour marque. Comme la Mere Ange-- lique etoit obligee de paflTer par Paris Sc de s'y arreter en retournant a, P. R. , elle fit partir fes filles devant elle, & de crainte que leur arrivce ne fur un fujet de dimpation dans la mailon, elle leur ordonna qu'auflitot qu'elles appercevroient le haut du clocher de deflus la montagne , elles diflent tou- K. 40. tes enfemble ce verfet , Pone Domi-
ne cufiodiam ori mto & ojlium circum- fiamiee labiis mtis j. mettea, Seigneur,. |
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I. Par tie. Llv. Ill, in
une fentinelle a ma bouche, 8c une ■
garde a la parte demes levres ; &que ^*
des ce moment la porte de leurs le-
vres demeureroit fermee jufqu'a. ce qu'elle-meme la vine ouvrir. Ces bon- nes filles executerent fi poncluellement les ordres de la Mere Angelique, que chacune mit fur fa manche un morceau de papier fur lequel fon nom etoit ecrit, afin qu'on les put connoitre. Elles arrrverent ainfi a P. R. le 5 mars 1623. Elles n'abordoient qu'entrem- blant une maifon qu'elles venoient s pour ainfi dire , affamer. Mais elles y furent revues avec une joie qui leur fit bien voir que la crmrite de la Mere s'etoit communiquee a toutes fes filles. Le jour de leur arrivee a P.R. fut un jour de fete pour la Mere Agnes & pour route la communaute; & on peut dire d'elles en cette occafion ce que S. Paul dit des fideles de Mace- doine, que leur profonde pauvrete re- pandit avec abondance les richeffes de leur charite(incere. Non-feulement elles ouvroient les bras de bon cceur pour recevoir ce grand nombre de filles 3. mais encore, commefi e'eut ete elles- memes, qui euflent rec.u une grace extraordinaire , elles chanterent le 7V JXium. en allant recevoir 6c embracer |
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Ill HlSTOItU BE PoRT-fcOl'At.
,2 " ce prefent que Dieu leur faifoit, pouf
enrichir de plus en plus leur maifort da trefor inepuifable de la pauvrete. |
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LIVRE QUATRIEME.
taMere An- JLj A Mere Angelique fe rendit a P. R.
geiique de re- \e n ou 11 de mars , & fur recue
avec une joie qui ne pent s expn- mer (i). En arrivant elle delia la lan- gue de ces trente muettesquin'avoient pas dit un mot , depuis le moment qu'elle leur avoit ordonne de garder le filence. Ce grand nombre de filles qui augmenta n fubitement la com- munaute de Port-Roial , y caufa un renouvellement & un accroiflsment Fetveut du de ferveur. Le nouveau noviciat de J^'111 e Maubuiflbn ne fe relacha en rien a;
P. R. : au contraire toutes les perfon- nes dont la charite &c les lumieres pouvoient clever les ames a une plus grande perfection^ etant reunies par le retour de la Mere Angelique, de la Soeur Ifabelle Agnes , & de la Sceur Marie Claire, avec la Mere Agnes, elles formerem comme une confpiration de Ji)V«e»UfeeendePactie, prtiai«reR,<lfni»n>8, w
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I. Par tie. Llv. IV. n j
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~*
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fcele , pour porter encore plus loinl'ar- —r—-
deur de leur charite Les trois dernie- *' res s'afTembloient fouvent pour de-
liberer enfemble fur les moiens qui pourroient contribuer a perfe&ionner cette ceuvre de Dieuqui etoit l'unique objet de leurs foins •, & lorfqu'elles avoienc juge que quelque chofe pou- voir y etre utile, elles alloient le propo- fer a la Mere Angelique qui l'approu- voit par fon autorite , ou le modifioit par fa prudence. Elles crurent qu'il etoit a propos de fupprimer les con- ferences qui fe raifoient , quoi- 3u'elles ne fuflent point de la regie e S. Benoit. Les Capucins qui avoienc ^ue' la Mere Angelique au commen- cement de la reforme , les avoient fait etablir , & l'ufage de tous les ordres nouveaux les faifoit croire necelTaires. .Mais l'amour du filence & l'efprit de priere qui regnoient alors dans P.R.Jes rendoient inutiles a des perfonnes, clont la converfation continuelle etoic dans le ciel. Ainfi elles n'eurent au- cune peine a quitter ces entretiens, qui|fontfouventplus a charge a la piete, qu'ils ne foulagent la nature. Outre les filles que la Mere Ange- r n'
l- • i~ y ,, , •rr& "commit*
lique avoir amenees de Maubuillon,name sang-
elie en rejut encore plufieurs autres. mem,' |
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H4 Histoire nt Port-roYai;
A peine fut-elle de retour a P. R. que
cinq Religieufes du Paraclet, ordre de
Citeaux , Diocefe d'Amiens , lui ecri-
virent pour la prier de les recevoir
avec une autre qu'elle avoir deja re-
^ue •, ce qu'elle leur accorda de bon
cceur. Elle en recjut encore trois de
S. Antoine des champs. Enfin le nom-
bre des Religieufes s'accrut jufqu'a,
80 dans une maifon qui n'etoit fondee
que pour douze, & qui d'ailleurs etoit
tres incommode & tres reflferree par
fa fituarion . Mais certe maifon eiroite
& pauvre devint tout d'un coup large
& riche par l'etendue de la charite de
celles qui vouloient bicn Atre incom-
modees pour foulager les aun^a.
» Nous vecumes de la forte trois ans,
« dit la Mere Angelique , ne man-
» quant de rien & aiant plus de fa-
»> cilite a vivre quatre-vingr fans que
» notre revenu rut accru , que nous
»» n'avions n'etant que treize ou qua-
» torze (1). Non-feulement elles ne
manquerent pas du necetTaire, maii
meme elles avoient au-dela de leur
befoin •, ce que la Mere Angelique
prouve par l'exemple fuivant : Aiant
veqxx deux mille hvres de dot d'une
fille qui fit profeflion en ce terns-la. ,
(t) Tome I. fecoade Relation, page jia, n. 1$.
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I. Par tie. Liv. IK 115
la communaute preta cette fomme i - une perfonne de Paris qui leurrendoit *' quelques fervices,pour acheter une mai-
ion qui lui aidat a pourvoir tous fes enfans. Quel prodige 1 une Abbai'e qui n'a que fix mille livres de rente nourric & entretient quatre-vingt Re- ligieufes, & eft en etat de pteter de l'argent -, quel trait de providence 1 Mais Dieu qui avoit fi fort multi- plie le nombre de ces faintes filles , pour eprouver leur foi, le diminua bientot apres •, car en deux ans il en mourut quinze , dont la vie pleine de bonnes oeuvres fut fuivie de la mort la plus edifiante. La generofite avec laquelle la Mere 11 r.
Angelique recut les trente Religieufes con™°lU™ de Maubuiflbn dans fon Abbaie de avec m. de P.R. lui merita une lettre de M. de SaUlt Cj,ran' S.Cyran. Desl'annee 162.0, M. d'An- dilly etant a Poitiers avoir fait con- noiflTance avec lui, 8c l'avoit enrre- tenu depuis. Il paroit mcme,parune lettre de la Mere Angelique, que M. d'Andilly lui avoit des-lors procure cette connoiflance fi avantageufe, qu'elle lui ecrivoit & recevoit de fes lettres : » J'ai recu , dit-elle, ecrivanc a M. d'Andilly le 7 Janvier 1611 y « la lettre de M. de S. Cyran s avec |
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It<J HlSTOIRF. DE PORT-RoYAi;
* TTT", " une fatisfac"tion qui ne fe peut dire.;
»» Je vous remercie de rout mon cceur » de m'avoir procure le bonheur d'une » fi faince connoilTance. Je lui ecris *» un mot que vous lui ferez tenir &c. Ce pieux Abbe connoiflbit aufli Ma- dame Arnauld , & fe trouva avee elle lorfqu'elle re^ut la lettre par laquelle la Mere Angelique la prioit de lui amener des carotfes pour conduire les filles de Maubuiflbn a P. R. Madame Arnauld lui aiant dit les raifons da tranfport de ces filles , il admira cette aftion comme il admiroit toutes les oeuvres de Dieu , & fat fi frappe de la charite de la Mere Angelique qu'il lui ecrivit quel que terns apres pour Ten remercier , comme s'il eut ete le pere de toutes ces filles •, & des-lors , dit la Mere Angelique, Dieu lui don- na de la charite pour rnoi. La lettre eft datee de Chartres du 4 juillet 16 z 3. 11 s'y recommande aux prieres de la Mere Angelique & a celles de fes quatre fceurs Agnes , Marie , Anne, Sc Madelon (3). t v. Celle-ci qui etoit la cadetre de tou- triX^ fourtes > aPr^s avoir d'abord declare qu'elle
ds la Mere ne feroit jamais Religieufe, Forma SadTntout-d-un-coup le derTein de l'etre, £ fe fait Rcli- (,) Tome I. premiere Relation .page i$<j.
gieufc, |
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I. Partie. Llv.lF. 117
1'occafion d'un fonge, dans lequel Sainte Madelaine fa patrone lui ap- parut dans le fond d'un defert tout {)lein d'epines, lui tendant la main, 8c
ui faifant figne de venir a elle; s'en etant approchee elle lui montra unhabic blanc de Religieufe qu'elle tenoit d'une main, & de l'autre du beurre pour marquer la nourriture des Religieufe? qui one embralfe I'abftinence de vian- de (4). La Mere Angelique , qui faic mention de cette viiion dans une 00 cafion ou elle temoigne combien les voies extraordinaireslui font fufpe&es, ne revoque point celle-ci en doute , parce qu'elle a ete juftifice par l'eve- nement 8c connue long-tems auparar vant. Car la petite Madelaine Arnauld, agee pour lors d'environ onze ans ra- contoit fon fonge a. tout le monde, 8c difoit toujours depuis , qu'elle feroit Religieufe, comme elle le fut en effet, On attribua ce changement fubit aux prieres d'une bonne fille qui avoir fort envie d'entrer en religion. Elle etoit femme de chambre de Madams Arnauld qui la mena un jour avec elle a Maubuiffbn, Elle temoigna fon de- fir a !a Mere Angelique 8c lui fit en pleurant de grandes inftances pout /<) Tonic IJ. page 3408c fyfrf |
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tl8 HlSTOIRE DE Port-R.01 Al-
ette re^ue. La Mere Angelique lui dit: *" AUt\ ma fille , pleure^ aupres de Dim, & le prie^ bitn qu'U fajje la grace a ma faur Madelon d'etre Religieufe , alors je vous promets que jt vous rece- vrai avec ellt. Cette fille fut confolee, & fe retira dans le deflfein de bien prier Dieu comme la Mere Angelique lui avoit dit, puifque fon bonheur etoit attache a. cette condition. II y a ap- parence qu'elle le fit avec grande foi, puifque des la nuit meme elle fut exaucee. Car ce fut dans cette meme nuit que la petite Madelon eut cette apparition & qu'elle penfa a etre Re- ligieufe. Madame Arnauld qui favoit ce qui s'etoit paffe a. Maubuillbn ,iiit fort etonnee a fon retour que l'effet eut fitot fuivi le defir de la Mere An- gelique & les prieres de cette bonne fille , qui entta a Port-roial quel- que terns apres la mort de Monfieur Arnauld. Elle y a ere Religieufe fous le nom de Sceur Antoinette de Sainte Eulalie. Pour la petite Arnauld, elle demeura encore deux ans dans le monde depuis qu'elle eut pris la re- folution d'etre Religieufe. Elle y fut autant caredee que jamais , mais rien ne fut capable d'ebranler fa fermete; & elle fit voir comme elle l'avoit af- |
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I. Partie. Liv. IV. tig
fure, par une perfeverance de plufieurs ■ "■"
mois & de plufieurs annees, qu'un 2*'
changement fi prompc n'etoit pas l'ef- fet de la legerere d'un enfant, mais de la puiffance de 1'efprit de Dieu. Elle prit I'habit avec une grande ferveur en 1624 a l'age de quinze ans , & paffa de meme fon noviciat : elle fit profeflion l'annee fuivante 1615, la communaute ecant deja transferee a Paris , ou elle mourut le 3 de fevrier 1649. Peu apres le retour de la Mere An- v.
celique a P. R. M. de Virazel grand ,.^°rme <Je Fredicateur , depuis bveque de Saint Lys. Brieux , &c le P. Euftache de S. Paul Feuillant, vinrent a. P. R. le 17 de juillet de la part de Madame de la TremouilleCoadjutricede 1'Abbai'e du Lys au Diocefe de Sens , demander deux Religieufes ; l'une pour etre Prieure, l'autre pour etre Maitrefle des novices. La Mere Angelique Ar- nauld pleine de zele pour le ialut des ames , donna pour Prieure la Mere Anne Eugenie de l'lncarnation fa fceur, La Mere Eu- & pour Maitrefle des novices la Sceur £e"!!,;le' in* r. . _ . ... carnation Ar»
Marie des Anges Suireau , qui a depuis nauid, & u
ete Abbefle de Maubuiflbn (5). Ces£^n; deux excellentes filles vinrent demeurer fomenvoicet (j) Tome I. douziemc Relation , page 19G,
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fclO' HlSTOIRE DE PoRT-ROiAt."
a P. R. vers le meme cems, & s'y dif-
tinguerent egalement par leur regula- rity &c leur piece. La Mere Marie des Anges Suireau y fut re^ue par un effet particulier de la providence, qui me- rite d'etre rapporte ici. II y avoit a Chartres trois filles de famille aflez riches qui voulurent venir a P. R. La. Mere Marie des Anges, qui n'a- voit que feize ans , & qui avoit de- fire des le berceau d'etre Religieufe > n'ofoit venir avec les autres , parce- que M. fon pere quoique Avocat &C de bonne famille , etoit fort pauvre S>C charge d'enfans. Comme ces trois filles de leur connoilTance alloient partir , quelqu'un lui confeilla (6) d'envoi'er ia fille avec elles , au hafard d'en re- venir. Il le fit, & fuot quelles furenc arrivees a Port - roi'al le 11 avril 1615 , la Mere Angelique fixa fes yeux fur la jeane Suireau , quoiqu'elle marchat la derniere, & a l'inftant ellc dit a une Sceur qu'il n'y avoit que cette petite qui demeureroit; ce que levenement juftifia. Des-lors , dit la Mere Angelique (7), la devotion t la («) Ce fut f felon la avoient fouvent parl£
Relation de la vie de la d'elle a la petite Marie ,
Mere des Anges) des Ca qui donnerent ce confeil.
pucins qui connoifToient (7) Seconde Relation de ia Mere Angelique, ft; Ul. Pjole,T. Ivp. 301.
modejlie £
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I. Partte. Liv. IF. hi
'mode/lie, la douceur & Vhumiliti etoient "Z x peintes Jur Jon vijage , & nouslavons trouvee {elle des le premier jour qu 'elle eft. a pref'ent a Regard de ces vertus. Elle fit profeflion le \G avril \6i-t. M. fon pere mourut pendant fon noviciat. Sa. fille ainee fut fi touchee de fa mort qu'elle refolut d'etre Religieufe, & le fut a P. R. Elle s'appelloit Margue- rite Erifque de l'Afcenfion , elle mou- rut le 3 fevrier 16 5 5. La mere ai'ant ma- rie une troifieme fille qui reftoit, vint a P. R.ou elle fervit en qualitedeTour- riere avec beaucoup d'humilite 8c de charite. Cette fille ai'ant beaucoup de peine d'etre privee de fa bonne mere 8c de la voir comme reduite a fervir, ftrit occafion d'une fievre quarte qui
ui furvint, pour la venir chercher. Des qu'elle fut guerie, elle revint, 8c apprit que Madame Arnauld vouloit etre Religieufe & qu'elle le feroit bientot. Cela lui donna une extreme joie, ai'ant cru jufques-la qu'on ne recevoit point de veuves, fi- tot elle demanda a. etre recue Sceur converfe; ce qui lui fut accorde', 8c elle fut nominee Sceur Marie de Natalie Fref- nol. Lorfqu'elle eut fait fon noviciat dans une humilite & une ferveur in- comparables , elle mourut de mcme Tome I. F |
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IZi HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
neuf jours apres fa profeffion le io
o&obre 1614. Des qu'elle fut entree en religion, elle racontoit a la Mere Angelique , qu'etant enceinte de fa fille Marie des Anges, elle avoit eu des fentimens particulars de devotion, & elle attribuoit cette grace a. fon enfant qu'elle croioit que Dieu aimeroit, De- puis la voi'ant des fon enfance portee a la piete , elle fe confirma dans cette penfee & l'aimoit extremement. Cette chere fille etoit deja au Lys
lorfque fa mere fe fit Religieufe a. P. R. , de forte qu'elle n'eut pas la fa- tisfaction de la voir en religion. Elle n'en temoigna jamais aucun regret ni a la vie ni a la mort, etant toute ab- forbee en Dieu & feparee des creatures. La Mere Marie des Anges alia done
au Lys pour travailler a la reforme de cette inaifon, avec la Mere Anne Eu- fenie de l'lncarnation & y arriva le 18
e juillet 1623 (3). Elles y foufFri- |
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qui on en confia le foin,
He qu'elle prit une cntiere confiance en elle. L* Prieure la gagna a Dieu , 6c elle mourut dans de grands fentimens de re- ligion 8c de confiance en la mifericorde du Sei- gneur , peu apres le depart du Lys de la Mere Eugenie. Tcme I. 4e. Relat, /"<£C }8j <y }8f, n. Jit. |
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(g) Une Religieufe,
nominee Gibert, qui e- toit d'un naturel fort vio- lent , apprehendoit tel- lement la reforme, qu'el- le tomba malade a I'arri- vee des deux Religieufes de P. R. ; enforce qu'elle ne put venir les recevoir avee les autres. Mais Dieu woulut qu'elle fe liat d'af- fsiiion avec la Prieure & |
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_^_o-____yu _.....
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L Part is. Llv.1V. nj
tent pendant trois ans avec patience r
toutes fortes de peines , fur- tout dans les commencemens, que Madame de la Tremoille avoit peu d'autorite , par- ceqa'une ancienne Abbefle lui diibu- toit fes droits. Elles foutenoient la fati- gue de l'office le pur & la nuit, quoi- que ties mal nourries , & obfervoient 1'abftinence qu'on ne gardoitpoint dans cette maifon. La M. Angelique vint elle-meme au
Lysaumoisde fevrier de l'annee 1615 1611, accompagnee de la M. Angelique de S. Agnes de Marie dela Falaire, & de la Mere Genevieve de S. Auguftin Tar- dif (9).Elle ne fepropofoit d'y refter que quelques jours, mais y etant tombee malade , elle rut obligee d'y demeurer jufqu'au mois de mai. Pendant ce fe- jour , elle aida beaucoup de fes confeils Madame de la Tremoille, qui en etoit coadjutrice. Elle avoit un proces au grand Confeil contre l'ancienne AbbefTe dont on vient de parler, qui etoit inter- dite a caufe de fa conduite dereglee, & qui pretendoit neanmoins rentrer dans fes fonclions. M. de Dray Prefident au grand Confeil, & oncle maternel de la M. Angelique etant venu au Lys,elle lui expofa Taffaire de Madame de la Tre- (ff) Tome I. 4e ReIatioa,page3Si. F ii
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1Z4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
moille , dans laquelle il entra fi bien
qu'il' lui fit gagner fon proces. Mais la Mere Angelique n'en demeura pas la •, elle fit entendre a Madame de la Tremoille qu'il falloit reparer les de- fauts de fon entree qui n'etoit point conforme a. l'efprit des faints canonsj & apres lui avoir fait prendre les me- fures necefTaires pour cela, elle lui park avec force fur fes obligations 8c fur la neceffite indifpenfable de les remplir. Madame de la Tremoille, qui aimoit tendrement la Mere Angelique & qui avoit beaucoup d'eftime pour el- le , ecoutoit avec grande attenrion tout ce que fa charite & fon zele lui dic- toient, &c a. la conclufion du difcours , elle lui donna les marques les plus tendres de fa vive reconnoiflance. Pendant le fejour de la M. Angelique
au Lys, une Religieufe que l'ancienne Abbelle avoit re^ue fans vocation, 8c qui refidoit dans un Prieure dont elle etoit pourvue, voulut aller a Paris , parce que la pefte faifoit du ravage dans le village ou etoit fon Prieure. Comme elle etoit en chemin les che- vaux s'arreterent fans qu'on put les faire avancer. La Religieufe (Mada- me Poleau) etonnee de cet evenement, prit la refolution de revenir.au Lys, |
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I. Par tie. Llv. IV- 125
Elleeut le bonheur d'y trouverla Mere l6z5> Angelique qui lui park fortement fur fes devoirs -y &c Dieu lui infpira le def- fein d'y demeurer pour vivre conforme- ment a fon gtat, 8c lui fit la grace de vi- vre dans une fi grande regularite, qu'el- le a ete un exemple de vertu jufqu'a fa mort. L'ancienne AbbefTe du Lys s'e- tant retiree , Madame de la Tremoille demeura maitrefle ; & alors les deux Religieufes de P. R. firent beaucoup de fruit. [Le bien s'y etablit, ainfi que l'etroite obfervance de la regie. Apres que la Mere des Anges eut ainfi tra- vaille au Lys pour la gloire de Dieu , dans l'exercice d'une patience , dune humilite, d'une pauvrete & d'une mor- tification continuelles , elle revint a P. R. fur la fin de 1616 , audi bien que la Mere Anne Eugenie , qui s'etoit rait egalement eftimer & refpe&er pour fa piete pendant fon fejour de trois ans dans cette Abbai'e. La Mere Aneelique qui etoit allee T vr- .
. ri t>. 1 1 . . , La Mere An-
au mois de revner 1025 joindre ces^cliquevirat
deux Religieufes dans l'Abba'ie da*Pari«&ft"'* _ o fe par PoiUjr.
Lys pour prendre part a leurs travaux ,
les avoit quittees au mois de mai de la meme annee pour fe rendre a P. R. A peine y eut-elle pafie quelques jours, qu'elle fut obligee de venir a. F iij
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12.6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl*
Paris. Elle pa(Ta par Poiffy a la priere
tie Madame la Marquife tie Maignelai, pour contnbuer en quelque chofe a la reforme du Monaftere de cette ville , ou il y en avoir 4eja quelque commencement Pendant huit ou dix jours qu'elle y demeura, elle fe fit aimer & refpe&er de rAbbeflfe & des Religieufes , qui prenoient plaifir a l'entendre & qui etoient dans l'admi- ration de tout ce qu'elle difoit. Elle recommandoic fur-tout a l'Abbefle d'avoir recours a Dieu dans routes fes entreprifes , de confulter fon Efprit divin, 8c de ne point s'appuier fur fon induftrie & fes talens naturels. Elle ga* gnoit chaque jour quelque chofe fur Fes Religieufes meme les plus oppo- fees a la reforme -, elle fortifioir celles qui la defiroient , & leur infpiroit un zele admirable : mais toutes , tant les unes que les autres ne pouvoient fe laffer de 1'aVlmirer, & difoient a. la Mere Agnes de Marie de Falaire qui Faccompagnoit dans ce voi'age ; que vous ave[ une admirable Abbejft ! quel efprit! quelle force pour perfuader ! pour moi, difoient quelques - unes , quand elk parle , je ne trouve Tien de fijujle que de faire ce qu'elle die. Que vous etes heureufe d'avoir une Ji bonne Mere , |
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I. P A R T I £. L'lV. IV. I if
difoit 1'AbbeiTe de PoiiTy! Auffi la T,,p -
communauce entiere , tanr 1 Abbeile que fes filles, ne put-elle voir parcir pour Paris la Mere Angelique fans repandre beaucoup de larmes. Ce voiage de la Mere Angelique a.
Paris avoir pour objet un etabiiiTe- menc que Ton projettoit depuis quel-,, .y'1- ques annees. Le grand nombre de Re- dep. r. aPa- ligieufes qui eroienc a P. R. fortref-ris- ferrees, dans un lieu.humide & mal fain ; les maladies qui y etoient de- venues fi frequences , que le monafte- re n'etoit plus qu'une infirmerie, avoienr fait penfer a cet fi o) etablif- fement a Paris. DirTerens obftacles avoienr toujours arrete l'execurion de ce projet. M. l'Archeveque de Paris fe rendoic difficile *, on avoir de la peine a trouver une maifon conve- nable. M. de Gondi , l'Archeve- que , donna enfin fon confentement a la follicitation de la Marquife de Maignelai, & on penfa fcrieufe- ment a chercher une maifon qui put convenir. Apres en avoir vu cent dif- (10) Ccfucle P. Binet approuvee ; mais le pre-
Jefuite qui confeilla le raier etoit mort, & le
premier a la Mere Ange- fecond n'etoit pas encore
lique cette tranllation , le confeil de la Mete An-
que M. de Geneve, ni M. "clique.
de S. Cyran n'auroicnt pas F iiij
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Il8 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAI.
" ferenres, on en trouva une a l'exrre-
mite du fauxbourg S. Jacques dans un lieu appelle Clagny qui parut propre au deflein qu'on avoir. Elle apparre- noit a un Confeiller Clerc qui remoi- gna une grande joie que la maifon i ut changee en un monaftere. Mada- dame Arnauld que Dieu avoit rouchee &c qui n'attendoit que l'execution de ce projer, auquet elle devoir contri- buer plus que rour autre par fes facul- tes , pour pouvoir executer elle-meme le deflein qu'elle avoir d'etre Reli- gieufe,conclurprompremenr le marche. On y mir aula - ror les Ma5ons pour y ajouter quelque peu de batimens Sc difpofer les chofes regulierement. Cela dura jufqu'au 18 mai, veille du S. Sa- crement de la mcme annee 1615, qu'on transferaquinze Religieufes feulement, n'y aiant place alors que pour ce noni- bre : la cloture y fur erablie le 16 juin , que M. l'Archevcque vinr lui-meme merrre le S. Sacremenr dans leur chapelle. Dieu permir que cetre an- nee il mourut douze Religieufes a P. R. des champs , & une grande parrie des autres furenr rres malades-, de forre qu'on en faifoir venir a Paris le plus qu'il eroit poflible, parcequ'on rejer- toit la caufe de ces morts 6c de ces |
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t. P A R T I E. L'lV. IV. Up
maladies fur le mauvais air. Enfin on ,
obtint des Letcres patentes pour trans- ; *' ferer touce la communaute a Paris j
ce qui ne fut execute que l'annee fui- vante. Ces Lettres patentes furent donnees
au mois de decembre 1615. Elles font con$ues en des termes dignes d'un Roi tres chretien &c zele pour la religion. Onpeutles voir a la fin du volume, au recueil des pieces ou nous avons cru devoir les rapporter. On y verra le zele qu'on avoit a la Cour pour main- tenir l'obfervance reguliere dans les monafteres , 8c la prote&ion qu'on y donnoit a ceux ou elle s'obfervoit, bien loin de les detruire. On y voit aufli quelle eftime on faifoit de la vertu de la Mere Angelique. En confequence de ces lettres , elle fe rendit a P. R. des champs au mois de mai pour ame- ner a Paris tout le refte de la commu- naute •, ainfi la translation fur achevee en i<Sz6. On lailfa dans I'ancienne t-Sxf, maifon de P. R. des champs un Cha- pelain pour deffervir l'Eglife Le Saint Sacrement y fut conferve , & meme le droit de Paroifle. Toute la communaute de P.R. ctant Viir.
ainfi reunie dans ce nouvel etabUfre-i.^^r ment,. elles s y arrangerent le mieux ?• R- & e«i». F v.
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13° HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
TT?£ qu'elles purent. On fit une galerie qui
en logeoit une partie ; on fit aufli lam- brifTer tous les greniers , & avant la fin de l'annee toutes y furent logees > mais par tout on etoit tres ferre. Le chceur etoit fi petit, que la quatrieme partie de la communaute n'y pouvoit tenit. Elies dinoient les unes apres les autres au refedtotre. Malgre toutes ces incommodites , les Reiigieufes etoient contends, auffi regulieres & audi filen- cieufes que fi elles euflent ete dans le monaftere le plus vafte &c le plus com- mode. II n'y avoit que la Mere Angeli- que, & celies qui etoient chargees du foin de faire fubfifter la communaute qui fuflent dans l'embarras» parce qu'il falloit emprunter pour faire les batimens necelTaires : cela formoit des rentes qui diminuoient le revenu , quoiqu'eUes euflent plus de peine a * vivre a Paris ou la depenfe etoit plus considerable qu'a la carapagne. Dans cet embarras, toute autre que la Mere Angelique eut ete charmee de trouver une reflburce dans quelque riche dot des filles qui fe prefentoient pour etre Reiigieufes ; mais c'eft a quoi cette digne Abbefle n'eut jamais d'egard. El!e refufa dans ce tems-la trois filles de condition, nieces d'une de leurs |
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I. pARTfE. Liv. IV. IJI
meilleures amies, pour lefquelles on
auroit donncau moins 39000 livres de dot , parcequ'elle fut qu'on vouloit que ces Demoifelles fuflent Religieu- fes afin de marier deux de leurs fceurs plus avantageufement. Ces troisfilles reuffirent dans une bonne maifon ou on les mit. Neanmoins la Mere An- gelique fut perfuadee que ce fut par un trait de la divine providencequ'elle ne les recut pas , » parce qu'apparem- »» ment, dit-elle , les parens de ces » filles qui etoient de condition, & » dont il y en avoit dans la faveur , » euffent voulu prendre connoiflance » de nos affaires & s'intriguer; ce » qui eut fait tort dans tout cequ'il » a plu a Dieu de permettre qui » nous foir arrive^ depviis. Nous avons >> eu le bonheur qu'aucun parent de » nos filles ne s'eft jamais mele de n nos affaires , ce qui nous a ete une » grace particuliere (n). Surla fin de cetteannee, aufli-tot [£-
c . La Mere des
apres que la Mere des Anges ouireau Ange»eftfei-
fut revenue de l'Abbai'e du Lys, Ma- jj cd°;d^t dame de Longueville ( Louife de buUIbn. Bourbon Soiffons premiere femme de Henri II Due de Longueville) vint prier la Mere Angelique de lui donner (rr) Tome I. page 505,
F v)
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I}Z HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
une de fes Religieufes pour la faire
coadjutrice de Madame de Soiflbns fceur naturelle de Madame de Lon- gueville , Abbeffe de MaubuuTon , qui etoit tombee dans une maladie de langueur , dont il paroiilbit qu'elle ne reviendroit pas. La Mere Angelique qui favoit que Mr de Longueville avoic une fille naturelle agee de neuf ans dans cette maifon , penfa audi - tot qu'on pretendoit par ce moien cpnfer- ver cette Abbaie pour cette petite fille. Elle fut choquee de cette propoiition & dit a la Princeffe , que ce n'etoit point a elle qu'il falloit s'adreffer pour avoir des confidentiaires , & qu'il y avoit grande apparence que c'etoit ce qu'elle cherchoit. La Princeffe protefta qu'elle etoit bien eloignee de cette penfee , & que tout fon defir etoit de maintenir la rcforme dans la maifon. Sur la parole de Madame de Longue- ville , la Mere Angelique fe laifTa perfuader, &c lui promit de lui en- vo'ier la Mere des Anges qui avoir ete trois ans maitreffe des novices au Lys. Madame de Longueville l'agrea, 8c ne voulut point d'une autre que la Mere Angelique lui propofa eniuite , quoiqu'elle ne les connut ni l'une ni 1'autre. La Mere Angelique fit eniiute |
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I. Part ie. Liv. IF. 135
ce qu'elle put pour engager la Mere T7T% -■
des Anges a accepter cette charge. Elle lui en parla , & pendant tout fbn difcours la Mere des Anges fe conrenta de 1'ecouter avec beaucoup de douceur, &c de reuandre des tor- rens de larmes. La Mere Angelique ai'ant cefTe de parler , la Mere des An- ges lui demanda fi elle etoit obli- gee de lui obeir dans une chofe ii penible. La Mere Angelique lui re- pondit quelle ne penfoit point qu'elle y fut obligee par fon vreu d'obeiflance, qu'elle croioit cependant que Dieu demandoit d'elle qu'elle acceptat cette charge. Elle y confentit done, mais elle en concut une fi vive douleur qu'elle en romba malade. Neanmoins elle ne laifla pas echapper la moindre plainte> fe contentant de marquer fa douleur par fes larmes. Madame de SoifTbns etant morte EI'e •»
18 decembre 1616 , avantque la Mau^n^ bulle de coadjutorerie flit arnvee, Madame de Longueville obtint de Louis XIII le brevet de l'Abbai'e pour la coadjutrice. II fut accorde fur l'ef- time que le Roi avoit concue d'elle,, & a condition qu'elle travailleroit a. la reforme de fon Abbai'e. Le brevet: expedie , Madame de Longueville alia |
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1J4 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl.
"—a P. R. chercher la Mere des Anges ' pour la mener a Maubuiflbn prendre ppfleffion de fon Abbaie. Cette digne eleve de P. R.> done la
Mere Angelique difoit que la verm itoitune vertuou I'on ne pouvoit troH- ver de dlfaut de quelque cote qu'on la regarddc (u), parcit le 7 de Janvier 1617 accompagnee dela Mere Cathe- rine Agnes Arnauld , pour lors coad- jurrice de P. R. qui demeura environ fix mois a Maubuiflbn, & de huit autres Religieufes que la Mere Ange- lique avoit amenees de ce monaftere lorfqu'elle en fortit pour revenir k P. R. La Mere Angelique en difant adieu a la Mere des Anges , lui donna lesavis fuivans qu'on a rrouves ecrits de fa main : 1 ° d'etre fort charitable envers les pauvres , de leur faire beau- coup d'aumones , parceque les richef- fes de cette grande Abbaie n'avoient ete donnee que pour les affifter. 1°. Qu'elle re^ut les filles fans dot 8c qu'elle ne refufat aucune de celles qui feroient vraiment appellees. 3 °. De ne pas s'engager avec tous les Reli- gieux de Pontoife , tanr Jefuites que Capucins , & de ne les pas lamer (n) Relation fur la yie de la Mere des Angtsy
•age i«, 7.C |
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I. P A R TI E. Liv. IV. 135
converfer avec fes Religieufes. 4*. 162.6.
D'aller trois fois le jour, autant qu'elle
pourroit, devant le S. Sacrement pour s'ofFrir a Jefus-Chrift &c recevoir de lui la grace done elle avoir befoin pour s'acquitcer des devoirs de fa char- ge felon Dieu , Sc pour I'avancement des ames. On rapportera aiileurs de J[uelle maniere cette Sainre Abbefle-
e conduifit pendanr qu'elle gouverna cotte Abbai'e. La maifon de Maubuiflbn ne fut x.
pas la feule a qui le Seigneur fir la maif0nse de srace deprofirerde l'exemjle de P. R. K^ gieufes t ' • J 1 IC 1 font cxciiecs
La reputation de la rerorme que la a [a T^otme
Mere Angelique avoit erablie s'etoit p«r 1'cxemEle deja tort repandue , mais elle nt en- core plus de bruit depuis retablifle- ment a. Paris. C'etoit ineme une des vues de ceux qui avoienr donne le confeil de cette translation , dont le premier avoit etc le P. Binet Jefuite» Plufieurs maifons Benedictines & Ber- nardines defirerent d'embrafTer la re- forme. On demanda de divers en- droits a la Mere Angelique de fes Religieufes, pour alier aider des Su- perieures qui vouloienr l'introduire dans leurs maifons. On envoi'a au mo- naftere des Ifles d'Auxerre,la Sosur Marie de Sainte Claire Arnauld,,&1& |
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\}6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAlJ
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~l6i<$, Soeur Marie de S. Jofeph Midorge.
Madame de Mornay de Villarceaux ,
coadjutrice de Gif, Abbai'e de Bene- dictines (13), vint elle-meme vers le meme tems a. P. R. de Paris pour s'inftruire de la reforme , & y paf- fa quelques mois. Elle fut Abbefle depuis 1619 jufqu'en i<J 37,8c con- ferva toujours une etroite liaifon avec la Mere Angelique, auffi-bien que Madame de Madame fa fceur 8c Madame fa niece JegM. Jf asr qui lui fuccederent dans fa dignite *a|oui. ' d'Abbefle. II y a peu d'Abbaie en Fran- ce ou l'efprit de P. R. fe foir mieux conferve que dans celle de Gif, on il fubfifte encore. Fafle le ciel qu'il s'y conferve malgre la perre irreparable qu'elle vient de faire par la mort d'une admirable Abbefle qui etoit l'exemple & Fame de la regularite. La Mere Agnes alia cette annee a.
l'Abba'ie de Gomerfontaine Diocefe de Rouen dont 1'AbbefTe la defiroit ; mais elle n'y fit pas grand fruit, & elle y trouva le temporel & le fpi- rituel 'dans un fi pitoi'able &at, qu'e- crivant a la Mere Angelique pour lui rendre compte de fon voiage , elle lui mandoit qu'elle penfoit que Dieu (15) Non de l'ordre de Citeaux , comme H eft
<lit Tome I desMemoites, p. lie dans une note. |
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I. Partie. Liv. IV. trf
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1'avoit envoiee en ce lieu la pour ho- i6i<j.
norer l'article du fymbole , defctndit ad inferos: neanmoins fes exemples & fes prieres furent une femence qui a porte du fruit plufieurs annees apres avoir ete jettee en terre. La reforme y fut ecablie dans la fuite. Quoique la Mere Angelique n'ait La Merc As*
pas porce a la reforme ceux d'entre les f^ae 'Tl Religieuxde fon ordre qui l'embraf-refousia ju- ferent , autrement que par le bruit F^1*0? de de celle qu elle avoit etabhe dans la maifon ; il eft certain neanmoins que rous ceux qui vouloient fe reformer venoient la trouver & lui deman- doient fes avis •, & elle etoit dans une fi grande eftime parmi tous ces Reli- gieux, qu'ils l'appelloient la Therefe de Vordre , & ils lui auroient fait re- former & fonder.autant de monafteres qu'en reforma Sainte Therefe, fi elle etoit demeuree fous leur jurifdidtion. II eft erfectivement tres vraifemblable que la reforme dela Mere Angelique auroit fait un plus grand progres dans 1'ordre de Citeaux qu'elle ne l'a fait, fi elle ne fe fut tiree de la jurisdiction de 1'Abbe. Cependant il feroit injufte de blamer en cela la Mere Angelique , dont les intentions etoient pures & droites. Nous ne croi'ons pas qu'il |
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t 3 S HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
foic neceflaire de rapporter ici quan-
tite de fairs avarices par cette fainte AbbefTe dans un memoire qu'elle fie dans le terns pour fa juftification. Ce que la neceffite d'une jufte apologie iui permit alors , devient aujourd'hui pour le moins inutile. II fume de dire que le peu de fecours qu'elle recevoir des Religieux qu'on lui donnoit pour confelteurs, & l'oppofition qu'elle trou- voit quelquefois a fes bons deffeins , lui firent prendre la refolution de fe fouftraire a la jurifdiition de TAb- be de Citeaux , pour fe mettre fous celle de l'Archeveque de Paris. Elle obtint pour cela un bref du Pape Ur- bain VIII du mois de juin \6xj. Le bref porte que , excepte que les Reli- gieilfes feront fous la jurifdidtion de TOrdinaire, elles jouiront de toutes les graces & privileges done jouit & Eourra jouir l'ordre de Citeaux. Ce
ref fut enregiftre au Parlement par Lettres patentes du Roi donnees dans le mois de juillet fuivant. L'Abbai'e du Lys & celle des Illes d'Auxerre firent dans la fuite la meme chofe que la Mere Angelique, & par fon confeil. La Mere Suireau AbbelTe de Mau- buiflbn tint une conduite difFerente comme nous le verrons. En vain on |
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I. Partii. Liv, IV. 139
objectefoit que fi la Mere Angelique
etoit demeuree fous la jurifdidtion de l'Abbe de Citeaux , P. R. fubfifteroic encore. Port-roi'al fubfifteroic , je le veux , mais l'efprit en fubftiteroit-il 3 II y a encore aujourd'hui une Abbaie de P. R. a Paris , qui pofTede meme les reliques de la Mere Angelique 8c jouit des revenusde P. R. des champs ; cette Abbaie eft-elle connue dans Pa- ris meme > La Mere Angelique , a la verite , cherchoit, en fe metrant fous la jurifdi&ion de M. de Paris, un cooperateur dans le bien que la mi- fecicorde de Dieu avoit etabli dans la maifon , mais 1'eVenement ne repon- dit pas a fon intention. Peut-etre aufli Dieu n'a-t'il permis cette demarche de la Mere Angelique que dans la vue de fa gloire , 8c par un efFet de fon amour pour ce monaftere : » Dieu fait, dit » un des grands hommes du dernier » fiecle (14) , avec les maifons & mo- » nafteres qu'il aime, ce qu'il fait » avec les perfonnes qu'il aftectionne » & qui font dans l'election. II les »» ruine pour preVenir les vraies rui- " nes , qui font celles de Tame, qu'el- » les cauferoient elles-memes par un » dereglement de difcipline3 ii elles (14) M. de Saint-Cyran.
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I40 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
» fubfiftoient plus long-tems. EnefFec
P. R. , tout detruit qu'il eft , n'eft-il pas aujourd'hui plus refpectable & plus refpedti par tous les gens de bien , je ne dis pas que P. R. de Paris , mais qu'aucun monaftere de France. Les cendres de P. R. des champs, & les pierres qui reftent dans les ruines de cette fainte maifon, ont comme le fang d'Abel, une voix qui s'eleve vers le ciel, & confervent encore aujourd'hui fur la terre une odeur de piece qui attire une infinite de perfonnes dans ce faint defert. Ces pierres font tres cheres aux ferviteurs de Dieu , comme parle le Prophete , & ils font remplis de tendrefie pour la pouffiere de ce lieu : Placuerunt fervis tuis lapides- ejus , & term ejus miferebuntur (15). (<?) Pf. iai v. if.
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I. Partie. Llv. V. 141
■ HWWIIIHH I.....IM'ilM III Mil lll|i|l——■
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LIVRE CINQUIEME.
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162.6.
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tic. flit peu de tems apres la tranf- j.
lation d'une partie de la communaute L*Mere Art' de P. R. a Paris , faite en 1625 , que la connoiffance Mere Angelique fit connoiflance avec avec ¥'.**" M. Zamet Eveque de Langres & fe de Langres, mit fous faconduite. M. Zamet avoit ete au commencement un Eveque de Cour , Aumonier de la Reine Marie de Medicis , 8c etoit entre dans l'E- pifcopat par faveur. Dieu le toucha dans une grande maladie, & la vue de la mort lui donna une grande hor- reur de la vanite de fa vie paflTee. Etant gueri, il refolut de changer en- tierement de conduite , de quitter la Cour &c de s'appliquer uniquement a faire fon devoir dans fon Diocefe, & a prendre pour modele le zele & la peni- tence de S. Charles. Il eut 1'avantage de connoure le Cardinal de Berulledontil priclesavis,& qui lui donnaunPere de l'Oratoire pour le conduire dans la vie fpirituelle. Tout le monde fut etonne & edifie de ce changement arrive vers Pan 1622 ou 1623. Il faifoit la vifite de fon Diocefe a pies, paflbit beau- |
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141 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
memes , a prier, &c a pleurer devant
Diea fa vie pafiee. La Mere Angeli- que commenga a. le connoitre lorfqu'il etoit encore dans cette premiere fer- veur & en concut une grande idee. Elle l'avoit deja vu a P. R. de champs, & ce qui avoir occafionne cette pre- miere viiite, c'eft que la Mere de Chan- tal en paflant par fon Diocefe lorf- qu'elle s'en retourna en Savoie apres retablifiTement du premier couvent de la Vifnation a Paris , aiant parle de la reforme de P. R. a ce Prclat, qui avoit lui-meme reforme l'Abbai'e de Tard a Dijon , il eut envie de voir la Mere Angelique. 11, Comme elle n'avoit plus perfonne Hie leprend alors en qUi elie eut une partake con-
oour fon con- r ,1 , l
ryl. nance, les uns etant morts comme
S. Francois de Sales, les autres etant
ecarres, elle crut que Dieu lui envoioir M. de Langres, pour lui donner avec une entiere confiance la conduire de fon ame. Elle le pria done de l'aflifter de fes confeils : ceux qu'il lui donna au commencement, comme la Mere Angelique le reconnoit elle-meme (i), ctoient tres faints & lui fervirent beau- (j) Tome J. premiere Paru'e fecoade Relation,
page its. |
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I. Partie. Liv. V. 145
coup fur-tout pour !a detacher des dejirs
opinidtT&s ( ce font fes termes ) qu'elle avoit de fortir de fon ordre , pour en- trer dans un autre; ce qui partageoit fon efpnt & l'empechoit d'etre auffi atten- tive a remplir fes obligations qu'elle le devoir etre. Son pretexte etoit qu'el- le avoit fait profeffion a neuf ans, que cette profeffion avoit ete declaree nulle par le Pape. Elle avoit renou- velle fa profeffion , mais en la renou- vellant elle avoit eu l'intention feule- ment de s'engager aux trois vceux , &c non pas a la regie de S. Benoit, ni a fa maifon. Cette derniere profeffion ainn* faite , etoit un nouveau pretexte pour l'ainufer 8c chercher les moi'ens de fortir •, quoiqu'on put lui dire, elle ne pouvoit rejetter cette penfee. Elle la communiqua a M. de Langres qui s'appliqua a lever ces difficultes &y reuifit. II voulut qu'en communiant dans la chapelle fermee , elle pronon- cat fes vceux tout haut; ce qu'elle fit en fe faifant une auffi grande violence que fi on l'eut forcee a etre Religieu- fe; neanmoins elle demeura en paix depuis & n'eut plus aucune peine, M. de Langres donna dans la fuite d'autres avis a. la Mere Angelique qui n'eurent pas le jmeme lucces » |
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144 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
, , parcequ'ils n'etoient pas aufli fages.
Aufli la Mere Angelique reconnoit qu'elle avoit fait une faute dans la conduite qu'elle avoit tenue en fe liant avec ce Prelat. » Je dois dire pour » faire voir la juftice de Dieu', que » je n'avois point aflez prie avant » que de faire la liaifon que je fis » avec cet Eveque, m'y etant enga- » gee fort legerement par la conduite m & le difcernement de mon efprit, » n'en a'iant pas meme confulte la » Mere Agnes qui etoit a P. R. des » champs (z). in. Ce Prelat etoit rempli de bonnes initiate du intentions & fort zele , mais d'un
S.Sacrement. . . . . . f , , .
Son otigine. elprit tres variable & rort borne. II
avoit forme avec Louife de Bourbon premiere femme du Due de Longue- ville , le deflein d'inftituer un ordre de Religieufes particulierement con- facrees a l'adoration du myftere de l'Euchariftie, qui par leur afllftance continuelle devant le S. Sacrerhent, reparalfent en quelque forte les ou- trages que lui font tons les jours les blafphemes des Proteftans & les com- munions facrileges des mauvais Chre- tiens. M. de Langres , dans unevifite Ci) Premiere Partie, feconde Relation, Tome I.
P*ge 5 3 3- qu'il
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I. PartrE. Liv. V. 145
qu'il rendit a la Mere Angelique & a
la Mere Agnes leur park du defleiu de fori nouvel inftiruc , mais ce n'etoit plus de Religieufes, car (3) le I?relat a plufieurs fois change de delTein a ce ill jet. Il vouloic un ordre de Reli- gieux plus retires encore & plus auf- teres que les Chartreux ; il ie decida en dernier lieu pour des Religieufes. Ce projet fut d autant plus du gout de la Mere Angelique , qu'il y avo'u deja deux ans (4) que cette meme af- fiftance devant le S. Sacrement avoit cte etablie a P. R. d'abord pendant le jour feulement &c enfuite pendant la nuit. La Mere Angelique rapporte ainfi ce qui y donna occafion (5). » Or il eft a remarquer , dit-elle, qua " des que nous etions encore a P. R. » des champs, norre General etant » venu a mourir aufli-tot qu'il nous » eut donne la permiffion de nous » transferer a. Paris (ce qui arriva 1'an » 16x5 , deux ans tout an plus avant »» que M. de Langres parlat de fon inf- » titut a la Mere Angelique) nous »» refolumes , & nous l'efFe&i ames , » d'etre rout le jour tour-a-tour devant (5; Premiere Relation, (5) Premiere Partie ,
I. Parcie , page 111. Torn: 1 feconde Reli-
(4) M Racine dh tj lion, page 31?.
ans, mais ili'etrorope. Tome I. G
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146 HlSTOIRE DF. PoRT-Ro'lAL.
» le S. Sacrement. Et peu apres l'Ab-
» be de Clairvaux , M. l'Argentier , » qui nous etoit favorable venant aufli » a mourir, nous ajoutames la nuic » au jour, afin de prier Dieu qu'il •> lui plut de nous proteger contre les » fucceffeurs de ces Abbes, ennemis » declares de la reforme (6). La Mere Catherine de S.Jean Arnauld le Mai- tre nous die que » l'origine de ce » deffein fe doir prendre dans l'inftinct » que Dieu donna aux Religieufes de m P. R. d'avoir recours au S. Sacre- » ment, & de lui offrir des prieres » continuelles pour la reformation de " l'ordre de Citeaux. Ce qui com- " menca l'an 1624, lors dudeces du » T. K. P. D. Denis l'Argentier (7) , » qui mourut fur la fin de ladite »> annee. Comme e'etoit un Prclat » fort zele pour le retabliflTement de « l'ordre il fut beaucoup regrette ; &c u ces filles craignant que quelqu'aurre » qui n'auroit pas le meme efprit, lui » luccedat, demandoient a. Dieu avec (6) Premiere Partie , contraire; mais e'eft line
fixieme Relation Torac_ I meprife dans la Mere
page 410. Angclj'.;ue , car M. l'Ar-
(7) La Mere Angelique gentier niourut au mois
met la mondeM. deCir d'oftobre iff 14, St. M,
reaux avant cellc deM. de Bouchcrat le 8 mai i«ir,
Clairvaux ; ,& la Mere comme on le peut voir
Saintc Catherine fait le 4ans le Gallia Cbrijlimft,
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I. Par.tie. Liv. V. 147
inftance qu'il pourvut cette maifon —-—
d'un Abbe femblable au defunt, l z7* qui put fortifier le parti de la re- forme qui etoit depourvu de chefs. Cette perte fut fuivie d'une autre encore plusgrande en la mort da reve- rendifTime Abbe de Citeaux M.Bou- cherat General de l'ordre, qui arriva quatre mois apres au commence- ment de l'annee 162 5. II avoit favorife ies Religieufes de P. R. en tout ce qu'elles avoient defirp pour leur reforme, ce qui les fai^ foit vivre fous fa conduite avec paix 8c affurance. Mais ce ne furent plus que craintes, voi'ant les trou- bles , brigues & monopoles qui s'e- leverent en l'ordre pendant la va- cance , ce qui fit redoubler les prieres au monaftere de P. R. out on ajouta a. celles qui fe faifoient fuccelfivement par les Sceurs tout le lorg du jour, les veilles de la ,, nuit, qui fe font toujours conti-
nuees depuis. Touted ces devotions n'aiant pas eu l'effet defiri, & l'elec- tion du General ai'antiece faite d'une perfonne (M. Nivelle ) quin'etoit pas pour la reforme > 1'on v.it bien qu'il ne falloit plus attendre de fe- cours de l'ordre, ce qui fit refoudre G i)
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I48 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAt.
- » la Mere Angelique Arnauld Ab-
» befte de Port-roial de fe meters » fous ['Ordinaire ; & craignant d'etre » travel fie par ceux de l'ordre , elle » penfoit d'alterer en quelque fa^on •> 1'inftitut par quelqu'etabhftemenE » nouveau , pour le metrre a couvert » de la dependance de l'ordre. La pratique de 1'adoration perpe-
tue'L' duS.Sacrementetant deja etablie a P. R. lorfque M. de Langres parla a la Mere Angelique de fon projet , elle le rec^ut avec grande joie , & le fupplia avec inftance de trouver bon qu'elle envoiat a Rome pour avoir permifllon de commencer cec inftitut. On agita beaucoup fi on feroit une maifon nouvelle pour cet inftitut, ou fi on l'etabiiroit a P. R. mane. Les Rei'gieufes le fouhaitoient, & de- mandoient avec ardeur que fans cher- cher d'autres maifons que la leur, on leur permit d'ajouter les pratiques de cet inftitut aux autres pratiques de leur regie , & de joindre en elles le nom glorieux de filles du S. Sacre- ment a celni de filles de S. Bernard. MaHame de Longuevdle etoit d'avis de leur arcorder !eur demande , mais M. de Langres voulut une nouvelle rnaifon avec la regie de S. Augufiin. Son avis l'emporta } §c pn pria Mada- |
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I. Partis. Liv. K 149
trie de Longueville , Louife de Bour- 7771 ""
bon Soiflbns d'agreer qu'on prefentac la fuplique au Pape en fon nom , &C qu'elie s'en dit fondatrice; & M. le Feron Dodteur de Sorbonne fat charge d'aller a Rome follicirer cette affaire. Le Cardinal de Berulle ecrivit au P. Bert in Pretre de l'Oratoire , pour l'en- gager a fe joindre a M. le Feron. Tandis que ce Doc-keur etoit a Rome, le .nouveau General de Citeaux fir des menaces aux Religieufes de P. R. ; ce qui derermina la Mere Angelique a" exccuter le delfein qu'elle avoit depuis queique tems de fe tirer de la ju- rifdiclion de 1'ordre. En confequence on ecrivit a M. le Feron de demander un bref qui mit l'Abbai'e de P. R. fous la jurifdidbion de l'Ordinaire. Ce Do&eur follicira fi vivement les m. le Feron drr ■ , .., . . , obtient deux
eux affaires dont 11 etoit charge , \,iefs t pua
qu'il obtint en peu de tems deux brefs 3ui tire ?• &•
du Pape Urbain VIII, Fun pour fouf- Action |a"c
traire les Religieufes a la jurifdi&ion j;urdmaire ,
de l'Abbe de Citeaux; l'autre pour l-jniticut du
letabliilement de Pinftitut du S. Sa-s-saeremw.
crement. La Bulle de cet inftitut fut
expediee au mois d'aout (8). II y eut
queique difficulte au fujet des Supe-
(S) Sixieme Relation de la premiere Panic, Tome
I. page 415. G nj
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»50 HlSTOIR"E DF. PoRT-ROlAL.
— rieurs *, on en avoit demandetrois, 8c
1 7* il s'agiflbit de les choifir. Apres quel-
ques debats on fe determina a de- mander M. de Gondi Archeveque de Paris, O&ave de Bellegarde Archeve- que de Sens , & M. Zamet Eveque de Langres. M. de Sens fuc demande pour etre undestroisSuperieurs, parce qu'il etoit connu a P. R. a l'occaiion de Madame de la Tremoille AbbelTe du Lys, & de la Mere Marie de Jefus Carmelite d'une grande reputation,qui etoient liees avec la Mere Angelique. Par ces deux perfonnes , M. de Sens eut entree a P. R. II y vint fouvent, & prit part a la conduite de la mai- fon , &c en meme-tems au deiTein de l'etabliilement du nouvel Ordre du S. Sacrement, dont il fat depuis l'en- nemi declare, comme nous le verrons. T V- Cette devotion parciculiere de P. R. ia devotion au S. Sacrement fe repandit, & Ton
au S. Sacre- 1 r ' i
mem fe re- commenca de rrequenter la petite
pand. Gueri- chapelle de P. R. pour y faire des Ion miracu- ' • T l '
leufe de Ma- neuvaines. Le concours augments
demoifeilede fort depuis la guerifon miraculeufe de y' la Demoifelle de Druy. Cette jeune Demoifelle etoit coufine de la Mere
Angelique , etant fille de M. Marion Baron de Druy , frere de Madame Ar- nauld. Elle etoit malade depuis dix- |
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I* Part ie. Llv. V. 151
huit mois , 8c reduite dans un tel etat, qu'on avoit defefpere plufieurs fois de fa vie , & que les Medecins avoienc declare que jamais elle ne marcheroit, 8c que quand elle pourroit marcher, elle feroit Ji tortue &"fi bojfuc-ique ce fe~ roit un monjlre. Une Religieufe aiant: die qu'il falloit la vouer au S. Sacre- menc 8c qu'elle gueriroit, on en parla a la Mere Angelique qui en fit la pro- polition a la malade qui l'accepta avec joie, 8c fit vceu le 19 avril 1628 de communier neuf jours de fuite pour demander a Dieu fa fante , aiant des ce moment une ferme confi'ance qu'elle feroit guerie. Sa confiance ne futpbinc vaine ; le lundi de Paque fuivant, la Mere Angelique s'erant approchee de la malade apres qu'elle eut communie, lui dit, ma fille confie^-vous en Dieu, & 1'aiant prife parla main, elleajouta: Leve^-vous par obeiffance au nom de Nocre-Seigneur Jefiis-Chrijl au S. Sa- crementde I'autel (9). La malade, qui auparavant ne pouvoit mettre fes jambes a terre quand on la levoit, qu'avec de grandes douleurs, quoi- qu'elle ne s'appuiat pas detflis , fe leva fur fes pies , monta a fa cham- (yl Premiere partie des Mcmoires, Tome II. iiua-
totzieme Relation , page 17^. 8c fuivantes. G iiij
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T 5 2- HlSTOlRE DH PoRT-ROlAlT
bre5 8c marcha tout le jour dans le
batiment qu'on faifoit alors , mon- tant &c defcendant par-tout. Ainfi fut accompli ce quelui avoit preditce bon Paifan de Grenoble, en la voiant un jour au parloir ou on l'avoit apportee fur les bras pour la faire voir a M. ("on pere (io) : Petite brebiete de Notre Sei- gneur » le bon Dieufera votn medecin ; ommapetite Jkur, & il repeta plufieurs fois , Ditu fera votre medecin. Ce bon garc,on, nomine frere Antoine , etant venu la voir apres cette guerifon qui attira un grand nombre de perfonnes a la maifon, lui dit avec joie ■, eh bien, ma. petite fceur , petite brebiete du Sei- gneur., ne vous avois-je pas bien dit que Dieu feroit votre medecin. M. de Saint-Cyran , qui vint comme la mi- raculee etoit avec ce bon frere, vou- lant le faire parler pour eprouver fon efprit, lui dit comme s'il avoit im- prouvc le procede de la Mere An- gelique en cette occafion •, » Que dites- « vous , mon frere, de la prefomp- »> tion & de la temerite de Madame » de P. R. qui a voulu faire comme » S. Pierre, difant a cet enfant, levez- v vous au nom de Jefus-Chrift > A (io) Vo'iez les Mcmoires de M. Lane. Tome II.
fage ii. |
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I. Part IE. Llv. V. 15$
quoi il repondit : •» je dis , Monfieur, „ '
« que ce n'a point ete prefomption ,
»» mais fa foi & fa charite qui I'ont » portee a cela. Pres de quatre-vingt Religieufes furent temoins de cette merveille , avec quantite d'autres per- fonnes du dehors , parens, Medecins, &c. qui tous furent perfuades que c'etoit un vrai miracle. Cette fille a depuis eu l'avantage d'etre Religieufe de P. R. fous le nom de Sceur Made- laine des Anges. Le concours qu'attira a la cliapelle v.
j r» t> I t ' J II Dtfautsdan*
de P. R. le bruit de cette merveille, nnnimt du
& la devotion au S. Sacrement qu'elle $■ sacrement, infpira , favorifoient le defTein qu'on avoit d'etablir le nouvel Ordre. Mais , comme le remarque la Mere Angeli- que de S.Jean, Ton y emploi'oitune conduite trop humaine (11). Outre le {bin qu'on prenoit, d'engager des perfonnes puilTantes a s'y intereflTer, on vouloit audi que Dieu fe declarat par des miracles & des revelations. Pour cet efFet on obligeoit toutes les Religieufes , principalemenr celles qui avoient plus de verm , a faire des prie- res, des retraites, &c des penitences extraordinaires, pour obtemr de Dieu qu'il fit connoitre fa volontc , 011 plutoc (11) Premiere Relation, Terncl. page 514.
G v
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I 54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
qu'il larcvelat. Car apres ces exeicices»
on leur faifok rendre compte de tout ce qu'elles avoient connu dans ces re- traites , des vues & des fentimens que Dieu leur avoit donnes. Cette conduite fit beaucoup de tort
a une excellente Religieufe qui fuc depuis Abbefle, &c qui fe noramoit la Sceur Genevieve le Tardif. i Elle etoit des vingt & une novices de Mau- buiflbn, & elle avoit toujours ete d'une vertu fi extraordinaire, que quoiqu'elle n'eut rien d'aillours capa- ble de la faire remarquer, & que la Mere Angelique ne la produisit point, tout le monde 1'eftimoit, & plufieurs l'appelloient la Saintc. Sa reputation etoit fi repandue, que Monfieur,frere du Roi, aiant ete une fois a P. R. des champs , & aiant voulu voir la com- munaute, il demanda a voir la Saintc. Mais la Mere Angelique n'expofoit pas ainfi fes reliques •, & depeur de les perdre, elle avoit grand loin de les cacher. Depuis que la communaute fut trans-
feree a Paris legouvernement avoit ainii change deface. CommelaM6. Angeliq. s'etoitentierementfoumife aM.deLan- gres , dans la penfee qu'elle a tou- jours eue qu'etant mal entree dans fa |
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I. Partie. Liv. V. 155
charge , elle n'y devoit prendre d'au- torite que quand elle ne trouvoit perfonne fur qui elle put s'en dechar- ger, elle laifToit agir ce nouveau Di- redteur &c tous fes aftbcies, comme ils vouloient. Ils lirent un tres grand tort a la Sceur le Tardif qu'ils tirerent de fa fimplicite en la faifant parler fans cefTe de routes fes vues fur ce nouvel Ordre, prenant routes fes penfees pour des re- velations. La Mere Angelique de Saint Jean a tro'uve depuis de fes lettres adrefTees a M. le Feron qui follicitoit a Rome les Bulles de l'inftitut nou- veau , dans lefquelles elle lui mandoic les idees qui lui venoient chaque jour comme des preuves du deflein de Dieu , &c cela d'une maniere fi pi- toi'able que la raeme Mere Angelique de S. Jean , a cru qu'on n'en pouvoit tirer d'autre avantage que d'y appren- dre qu'il faut laiffer les perfonnes dans leurs places , & que le fiience & la retraite eft le feul partage d'une Religieufe (11). Comme on voulur aufli tenter la
voie des miracles , les plus zelees re- folurent de paflTer la nuir en veille, pour demander a Dieu qu'il rendit la parole a uneancienne Religieufe nom- (n) Tome I. premiere Relation, page 117.
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156 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
161$ ln^e Anne Marie Johannet, fourde &
muette, done nous avonsr deja parle. Elles prirenc avec elles cetre bonne fille-qu'elles placerenr au milieu du chceur, environnee de feize cierges ailumes en l'honneur des feize attri- buts de Jefus-Chrift au S. Sacrement, mais elles ne reuiiirent pas. Les per- secutions qu'effuia dans la fuite l'in£- tituc du S. Sacrement peuvent etre re- gardees comme une jufte punition , ou plutor comme un effer de la mi- fericorde de Dieu, qui vouluc par-la purifier les filles de cet inftitut dont l'etablifTement avoir ere melange de tant de defauts. G'eft ainfi que les regarda un grand fervireur de Dieu (M. de Sainr-Cyran ) & ce qui lui fir dire, dans l'etonnement ou il etoir, de voir des procedes fi humains dans une affaire de religion, que le moins que Dieu pouvoit /aire etoit de leur envo'ier de grandes afflictions , jufqu'a le miner entieremeni; en la memefacon qu'il mine le vieil homme en nous pour y etablir le nouveau, & que ce feroit une grande mifericorde, Ji cela. arrivoit ainji. VT Ce fur dans ce meme terns que la Agnes ecrit le Mere Agnes ecrivit le Chaptlu dut
c&ipeiet du 5 Sacrement qui eut des fuites G con- |
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I. P a a tie. Llv. V. 157
fiderables comme nous le verrons, 8c „
qui caufa une fi grande divifion entre "
les promoreurs du nouvel inititut. La
Mere Agnes n'avoit d'aucre deiTein que d'obeir au Pere de Gondren, a qui elle avoit communique quelques-unes de fes difpofitions interieures au fujet d'un autre Chapdtt du S. Sacrement» que M. de Langres avoit fair impri- mer dans ce terns-la, , & fur lequel ce Pere lui demandoit fon fenciment. Comme elle lui temoigna quelle avoid eu des penfees differences de celles li 8c qu'elle avoit peine a les lui expli- quer , il lui ordonna de les ecrire. Elle le fit avec grande fimplicite. M. de Sens fut alors grand admirateur de ce chapelet. Ma;s cinq ans apres , d'au- tres interets l'engagerent a s'en decla- rer ennemi & a. en devenir le premier 8c le plus ardent perfecuteur. Dans la meme annee 1628 Mada- VII
me la Prieure deS. Aubin , Abbai'e de R^f™mc <fe otdre de Clteaux , & quatre autres s. Aubuu
Religieufes vinrent a. P. R. pour y prendre I'efprit de la reforme ; & Fe- te fuivant la Mere Angelique alia; elle-meme a S. Aubin pour l'y etablir. Elle a coujours pris beaucoup de foirr de cette maifon, tant qua vecucette bonne Prieure , Francoife de la Tri- |
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158 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
nite Martinville, qui dans la fuite ai'ant ete amenee a Paris pour s'y faire traiter d'une maladie extraordi- naire , eut la confolation de mourir a P. R. ou elle avoir defire de fe retirer pendant fa maladie , qui ne fink qu'a- vec fa vie le 29 juin 164Z. (13) Au retourdeS. Aubin ,1a Mere Angelique pafla par Gif ou Madame Mornai deVil- larceaux defiroit qu'elle vint pour pren- dre fes avis touchant la reforme *, mais etant tombee malade deux jours apres, elle revint a Paris , laifiant a Gifla Me Suzanne du S. Efprit, fille d'une grande vertu dont on fe promettoit beaucoup, mais qui ne remplit pas les efperan- rances qu'on avoit concues d'elle. » Je confefle , dit la Mere Angelique » -que j'en fuis coupable , pour ne l'a- » voir pas bien conduite & n'avoir » pas bien difcerne fon efprit & la » conduite de Dieu fur elle. Sa ver- » tu, fon humilite, fa douceur 8c » fa mortification m'avoient ebloui j. l'efprit, fans confiderer qu'il y avoit » beaucoup de naturel, & qu'au refte « elle n'avoit pas la qualite necefiaire »» pour la conduite , &c qu'elle n'etoit » bonne que fous le joug de l'obeif- ,, fance d'une fimple Religieufe ; 5C {1 i) Voie7. fon cloge dans le Mcctologe.
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I. Partii. Llv. V. 159
» dans cet etat elle etoit d'un tres grand — »> exemple. Elle avoit edifie toute la l maifon de S. Aubin pendant le terns qu'elle y demeura avec la Mere An- gelique (14). Son efprit prit l'eflbr pendant le fejour qu'elle fit a Gif. Elle en fut rappellee un an apres. La Mere Angelique n'etant plus en charge alors, elle fe livra avec la nouvelle Prieure de P. R. aux devotions iingu- lieres pour lefquelles elle avoit du gout. C'eft la feule chofe que la Mere Angelique avoit remarquee dans la Sceur Suzanne, 5c qui l'avoit choquee pendant fon noviciat , ou on la re- gardoit comme un ange , tant elle etoit irreprehenfible d'ailleurs. Quoi- qu'elle ne temoignat rien de fa no- blefle , elle fit neanmoins une chofe qui deplut a la Mere Angeli que , en demandant peu avant fa profeflion, a M. fon frere un livre de leur Maifon ou etoient peints tous leurs ancetres pour le lui faire voir.Neanmoins je n'en « voulus pas maljuger, dit la Mere » Angelique Pattribuant a fa fimplicitej « mais dans la fuite j'ai reconnu que ce «ver de vanite avoit fait grand tort a « cette ame. Neanmoins je ne doute (14) Seconde Relation dc la premiere Paitje i
Teme I. page 36311, 50. |
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tSa HlSTOIRE DB PdR.T-ft.OlAt.
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""' Z' g « point que Dieu ne lui ait pardonrie *
» car vraiment elle l'aimoit , &c eut » fouffert le martyre pour lui. Il l'a » beaucoup humrliee,rien n'aiant prof- » pere entve fes mains, malgre fes ar- » dens delirs de le fervir. _ vam-. Le grand batiment de P. R. qui Augrand ba- avoit ete commence Ian 1620 rut timeut de acnev£ en 1629. Madame Marie le Prevot femme de M.de Pontcarre, avoit "" occafionne cetce entreprife , qui caufa beaucoup de peines & d'embarras a la Mere Angelique. Cette Dame , qui etoit feparee de fon mari, aiant ete re$ue a P. R. a la priere de quel- qucs perfonnes de consideration, avoit donne a la maifon 24000 livres que M. de Langres voulut qu'on emploiat a batir un grand dortoir , dont Mada- me de Pontcarre mit la premiere pier- re le 21 Janvier 1628 (15). Cette fomme fournit a peine a jetter les fondemens , & il fallut faire desem- prunts coniiderables pour le continuer, ce qui incommoda beaucoup la mai- fon. Mais les maux que caufa dans la fuite Madame de Pontcarre elle-meme par fes liaifons trop etroices avec M. de Langres , par les divifions qu'elle , (n) Voiez la ncuvieme Relation de la premieac
Tartie, Tome 1. page 4?. |
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I. Partii. Llv. V. iSi
fomenta drns la communaute , furent beaucotip plus grands 8c plus funeftes a P. R. La Mere Angelique pour y remedier , offnt genereufement a Ma- dame de Pontcarre de lui rendre les 24000 hvres qu'elle avoir apportees, quoiqu'elle eur mis dans fon conrrat qu'on ne lui rendroir poinr fon ar- gent (1 elle venoit a fortir. L'ofFre de la Mere Angelique fur acceptee 8c la Dame fe retira. Elle fe repenritdepuis d'etre fortie 8c demanda a. rentrer; mais n'a'iant pas voulu accepter les conditions qu'on lui impofoit, elle demeura en fon particuiier 8c mourut chez elle a IfTy le 15 aout i<?44» cinq ans apres fa fortie. II eft difficile d'accorder la conduitede Madame de Pontcarre a l'egard de P. R. avec le titre de bienfaicrice infigne qui lui eft donne dans le Necrologe. Ce titre convient mieux a une genereufe Da- xne nominee Bardeau , riche & fans enfans, qui voulant laifler une partie de fon bien a l'Eglife 8c aux pauvres, 8c ai'ant oui parler du nouvel inftitut qu'on projettoit, a Mademoifelle Feu fon amie & celle de P. R., fit ptier la Mere Angelique de trouver bon qu'elle lui laiflat par teftament 50000 livres , a la charge de jouir du pri- |
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\6l HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
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——— vilege de fondatrice pour les prieres
162.9. feulement, & d'etre enterree dans
1'Eglife du monaftere , que fi elle
mouroit avant que la mailon tut eta-
blie , on apporteroit fon corps a P. R.
en depot , & que l'interet des 30000
livres courroit jufqu'a ce qu'on les
livrat au tems de l'etablifTement* Le
legs fut accepte , & emploi'e a l'achat
de la maifon pour le nouvel ordre du
Saint Sacrement rue du Bouloir. La
Dame alia remercier la Mere Angeli-
que avec plus d'humilite que fi elle eut
recu ce qu'elle donnoit. Elle mouruc
peu de tems apres qu'on eut obtenu la
Bulle. Vo'fez le Necrologe au 6 No-
vembre.
1 x C'eft a ce tems-ci qu'il faut rappor-
a'une^lieqSter une hiftoire au~ez extraordinaire de
eft comme la maniere dont une jeune fille fe MeCrteAngel" rendic Religieufe. La Mere Angelique que a f■: (aire la raconte ainfi : » Quelque tems Religieufe. #> apr£s qUe nous fL"imes etablies a Pa- » iris •, lorfqu'on batnToit notre maifon,
» une fille affez jolie , pleine d'efprit, » & qui n'avoit nulle inclination ni " pour le mariage ni pour la reli- » gion , fe promenant avec une de fes » amies au-dela. de la porte du faux- » bourg S. Jacques , dit en voi'ant » nos batimens : Qui font Us mal- |
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I. Partii. Llv. V. 163
*» heureufes pour qui Von bdtit cettc pri- » fon ? Quelque terns apres , elle vine » voir chez nous une Religieufe de " fa connoiflfance , mais l'aiant trou- » vee partie pour Dijon, je la fis »» venir au parloir , ou je me trouvai » pouflee a lui dire qu'elle menoit une » pauvre vie , & qu'elle devoir pren- » dre parti en fe mariant ou en fe » faifant Religieufe. Ce que je lui » dis, latroubla , & m'en etant apper- » 9iie, je lui dis qu'elle allat prier » Dieu devant le S. Sacremenr. Elle » le fir, & elle etoit fi hors d'elle- » merae qu'elle ne favoit ce qu'elle » difoit, de forte qu'elle difoit: Mori ), Dieu , faius-moi la grace dt ne point 3j /aire voire volonte , quoiqu'elle vou- », lut dire tout le contraire. Elle revint m enfuite au parloir, extraordinaire- „ ment agitee , & je me trouvai faille d'un mouvement ll violent, que je " lui dis qu'elle fe perdroit dans le " monde , qu'elle devoit entrer des " l'heure meme dans la maifon, quoi- " qu'elle ne Kit pas venue pour cela , " qu'elle me crut& qu'elle felanTa fai- » re violence. Elle confentit a mes pa- » roles corame malgre elle , etant tel- » lement troublee qu'en entrant dans m le monaftere , elle fe donna de la »» tete contre la muraille, ne fachafit |
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1<?4 HlSTOIRE DE PoRT-Rd'lAt.
» od elle alloit, ni ce qu'elle faifoit<
» Le trouble &c l'agitation de fon e£* » prit en produific une telle dans fon » corps, qu'il lui prit aulTi-tot une » pleurefie , ou je la faignai cinq fois » en deux jours. Dieu la guerit apres j »> & lorfqu'elle eut pre'que aehevc » fon noviaat , & que je n'etoisplus » AbbelTe, parceque je m'etois demife » de mon Abbaie ( c'etoit en 1630 ) » elle demanda permiffion a la Mere => Genevieve alors Abbefle, de me par- » ler. Elle me dit qu'etant prete de » faire profeffion, & n'etant entree m dans le monaftere que comme pas » force & fur ma parole , elle me » prioit de lui dire, fi je croiois que » Dieu vouliit qu'elle s'y confacrat « pour toute fa vie ; a qnoi je lui re- » pondis fans crainte , dans la vuedes » ordres de Dieu & de la folidite de v fa converfion : Oui ma ftxur,je vous » affure que Dieu le veut. Cette Reli- gieufe nommee Genevieve de linear- nation Pineau s'eft diftinguee par fa regularite , par fon amour pour la veri- te, & par fa fagetfe & fa prudence, pen- dant la perfecution, qui commenca en 1661 (16). (i«) Vo'i'ezfavie, dam tigitufei de P. R. T. *. p.
le Recueil des Vies eiiifmn- 50 8c fiiiv. //. Rel. z. Pate. tti <&■ intereffatiUs tlei Re- T. l.p. jn. |
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I. Parti e. Llv. V. \6$
La meme annee que le batimenc "\ ^ ^~"* de P. R. flu acheve, M. de Langres , qui avoir obtenu un bref pour tirer m. d; iw- l'Abbaie du Tard de la iurifdidion deSr-'% **!** _ . I _ des Religjeu-
Cireauxj vouluc faire 1'union de cerre res de p. k»
maifon avec celle de P. R. a defleinattTw'i' de changer l'efprir de P. R. & d'y in- rroduire celui du Tard. Pour cer effec il envoia au mois de feprembre a Dijon la Mere Agnes avec la Mere Genevieve de S. Auguftin. Lemerite de la Mere Agnes y fur bienror connu, & elle fur fi eftimee , qu'a la premiere election on la nomma Abbeffe, 8c elle fur conrinuee iufqu'a fon rerour. Quelques tems apres, deux aurres Religieufes de P. R. la Sceur Agnes de Marie de la Falaire & la Sceur Marie de fainre Claire Arnauld parrirenr en-r core pour Dijon par les ordres de M. de Langres, qui prenoir plaifir a de- pouiller la Mere Angelique de ce qu'elle.ivoitdemeilleurr, pourerre plus libre de changer le gouvernemenr de P, R- (17)- (17) L'A'iteur de 1'hif- page 478. u Les Superieurs
toire des ordres monadi- s> de P. R. qui prenoienc ques & religieux qui tt'tft « !b'n du nouvel era- pas fort exact fur c;tte » blifTemenl , confide? affaire , parle ainfi d'a- » raiir que la Mere An- pres les Mrrnoires qui lui » gefique etoic fort in- ont £te fournis par les 35 firme , qu*<flie ne pou- Meres du lard , Tom* V. » voir rcliiier a tous les |
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\66 HlSTOIRF. DE PoRT-ROlAL.
Jamais voi'age ne fut entrepris plus
indifcretement c'etoit dans la plus mauvaife faifon de l'annee, 5c ces pauvres Religieufes coururent rif- que de la vie. La Mere Angelique en eut une extreme inquietude, 8c tie dormit point la veille de leur depart; mais elle ne voulut jamais contredire M. de Langres , facrifiant fa foeur a l'obeiflance qu'elle fe croi'oit obligee de rendre a ce Prelat. Enrin le mau- vais tems les obligea de revenir, &c le voi'age de Dijon fat remis a. l'an- nee fuivante. » Les chemins etoient " encore 11 mauvais quand elles par- » tirent, qu'il leur arriva mille ac- » cidens tres facheux , jufques-la |
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33 fit, ajoute-t'on , que
33 M. de Langres crai- 55 gnanr que cela ne cau- 53 sat du trouble 8c de la 53 confulion a P. R. lui 33 oidonna de retourner 33 aDijonavec fesfixfil- 55 les. 11 faut dire au con- traire que M. de Paris vou- lut qu'elle retournat i Dijon , malgre M. de Langres, l'an 1*54 ; il fournit meme 1'argent pour le voi'age ,parceque ceux qui vouloient la re- tenir a Paris, du nombre defquels etoit M. de Lan- gres , reprefenterentque la maifon manquoit d'ai- gent. |
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53 travaux ni s'acquitter
55 exaclement des fonc- 55 tions de fa charge f qui 35 le croira,lorfqu'onver- 35 ra tout ce qu'elle fit 55 depuis ) lui voulurent 35 donner pour la foula- 3) ger, la Reformatricedu 33 Tard (la Mere Jeanne 35 de Pourians) dont ils so connoiflbient le mcri- 35 tc. Us la demanderent 33 au Pape qui la leur 33 accorda par une Bulle 33 du n juin i«30 ; mais 33 quclques perfonnes fi- 5> rent en forte aupres de 3) M. l'Archeveque de 3> Paris qu'elle ne fut tj point adinife, Ce qui |
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I. Partie. Llv. V. i6j
« qu'ai'ant ete obligees de defcendre — " ■"' ■" *> de carofle dans un mauvais chemin '* » a l'entree de la nuit , chacune mar-
« chant fans fe voir , Tune des Reli- » ligieufes ( Agnes de Marie de la » Falaire) fe trouva ii loin de la »» compagnie dc tout-a-fait egaree , » que fans un Gentilhomme a cheval »> qui la rencontra , & qui defcendit j> pour la conduire jufqu'a ce qu'elle » euc rejoint fon carofle, elle etoit » au hazard de fe noi'er ou de fe tuer, » fans parler d'autre accidens , dont ■» Dieu la preferva par cetre rencon- « tre , qui pouvoit ctre fi dangereufe « 8c qui fuc li favorable. Le jour » merae qu'elles arriverent a. Dijon , « elles penferent encore erre noiees (i§). C'eft ainfi que la Mere Angeii- que de S. Jean parle de ce voi'age dans la Relation de la vie de la Sceur Ma- rie Claire (19). La Sceur Agnes de Marie compagne de la Sceur Mario Claire , en parle d'une maniere encor j plus touchante : >> Quand jedirai que « je crois fermement que ce font fes « prieres ( de la Mere Angelique) qui " nous ont preferv^es de la more (18) Troifieme Partie, (is>) Premiere Partie,
"Tome III. Relation cin- Tome I. cinquiemc Rela- quieme , page 453. tion , page 411. |
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t<>8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.'
' j6i9. " par le chemin , je penferai dire tres
»> vrai. Car tout ce qui nous arriva » dans ce voiage n'eft pas croiable, » & fans parler de la maladie que >» j'eus en chemin , dans laquelle je w penfai mourir, aumoinsles Mede- » cins difoient-ils qu'ils ne repon- " doient pas de ma vie, en deuxren- »» contres nous penfames mourir (10). » II fembloit que la Mere previt tous » ces malheurs clans l'extreme peine » qu'elle eut de nous laifler parrir ; » & comme j'ai dit, je fais que Dieu » ne nous en aprefervees queparfes » prieres. Les eaux furent une fois fi » grandes, qu'elles couvrirent la por- » tiere du caroffe ou nous etions , & » fi nous n'eulfions ete deux a retenir » ma Sceur Marie de Saince Claire , » la force de 1'eau l'auroit emportee. » Je ne fais ou je pris alors des forces » pour la retenir, car j'etois dans » des pleurs & dans des angoifles qui » ne peuvent s'imaginer. La devotion » qu'elle avoit a Notre-Dame nous »> fervit bien en cette rencontre, & en n une autre encore plus epouvantable. » Car notre carolfe s'etant embourbe (19I Se!on une Rela- voi'jge , & tin autre let
tion , ccs acciclens arrive- ra^porte ,111 fecond. vetent Jans le picrnier u au
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I. Pas.tie. Llv. P. \6)
*> au milieu des champs, 8c s'etant TTTT
»» rompu, qu 11 etoit deja preiquenuit, » il nous fallut pour le moins faire » deux lieues a pies , feparees les unes » des autres, & nepouvantnous join- s' dre , parcequ'on ne voi'oit goucte. » Mais un Gentilhomme qae nous » rencontrames par le chemin, eut - pitie de nous, 8c me prenant,me con- » duific deux lieues durant jufqu'i « J'hotellerie. Pour ma Sceur Marie de » Sainte-CIaire, elle alloit avec la » Demoifelle qui nous conduifoit, » peut-etre bien loin de moi, & nous » criions queiquefois de toutes nos » forces , pour tacher de nous reunir. » Enfin nous arrivames a l'hotellerie » ou ce bon Gentilhomme , que nous >» avons toujours appelle depuis notre »> bon ange , me laifla avec les autres. Un mois avant que la Sceur Marie de Sainte-CIaire &c la Sceur Agnes de Marie partiiTent pour aller dans l'Ab- baie du Tard, la Mere Jeanne de S. Jofeph de Pourlans qui en avoit etc AbbelTe, & avoit quitte fon titre pour mettre l'Abbai'e en election, etoit venue a P. R. avec une autre Religieufe nominee Marie de la Croix. Le delTein de M. de Langres etoit de ie fervir de la Mere de S. JofepU Tome I. H |
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I70 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
~~~.-------pour gouverner P. R. a la place de
?* 1'AbbefTe qui ne cherchoit qu'a obeir ,
8c qui eut enfin cetre annee la fatis-
fadtion, qu'elle defnoit depuis fi long-
tems, d'etre dechargee du poids de fa
dignite •, ce qui arriva ainfi.
XIT La Mere Angelique craignant qu'a-
la Mere An- pres fa mort & celle de la Mere Agnes
Me'rqeUeA^nes fa coadjutrice , on n'introdiusit quel-
fe demeuent que Abbeffe qui n'aiant pas ece elevee
ti pout'fen- dans la maifon , detruiroit peut-etre
die l'AbbaYc en fix mois de tems tout le bon ordre
Eleaion dela qu eile avoir tant travame a y etabur ,
Mere Gene- penfa a fe demettre de fa dignite pour
Ht\e e "la rendre elective. La Reine Marie
KJ30. de Medicis entra avec bonte dans fes
fentimens : elle en parla au Roi fon
fils dans le terns qu'il revenoit triom-
phant apres le fiege de la Rochelle ,
& lui reprefentant tout ce qu'elle fa-
voit de la faintete de ces filles, elle
toucha tellement fa piete qu'il crut lui-
meme fervir Dieu en confentant que
cette Abbai'e fut elective & triennale ,
& il fit expedier au mois de Janvier
1619 fes Lettres patentes. L'affaire
ai'ant ete confirmee par le Pape Ur-
bain VIII , la Mere Angelique donna
fa demimon pure & fimple au mois
de juillet 1630. La Mere Agnes
jenon^a auffi i fon droit .de coadju-
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I. Paktib. Liv. V. i7«
torerie, mais avec cette referve, que ce —
n'etoit qu'au cas que la reforme fub- x 6 3 °*
fiftar dans P. R. Elle etoit pour lors au monaftere du Tard d'ou elle en- voi'a fa demiflion. Tous ces adbes furent enregiftres au grand Confeil felon les regies ordinaires. La com- munaute elut pour la premiere fois , en prefence d'un grand Vicaire de l'Archeveque de Paris, Genevieve Au- guftin le Tardif, qui fut continuee jufqu'en 16 $ 6. Cecre nouvelle AbbeflTe etoit une xiu.
des novices que la Mere Angelique Changemeiis avoir amenees de MaubuhTon. Elle nouvefie At- avoit ete au monaftere du Tard & en beire< avoit pris l'efprit. Elle avoir pour con- feil la Mere Jeanne de S. Jofeph de Pourlans que M. de Langres avoit faic Prieure de P. R. Ainfi il n'eft point etonnant qu'elle fut toujours prete £ • executer fans examen routes les vo- lonres de ce Prelat qui rrouvoit que la grande docilite, la pauvrete & la fimplicitequiregnoient dans lamaifon, n'etoient pas propres a attirer des filles de condition, &c rendoient les Saurs toute betes. Aufll eut - on grand foin de les exclure dans le nouveau gou- vernement. On mit au tour & a la facriftie les Religieufes les plus im- Hij
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1J1 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
parfaices , & uniquement pour les fa-
tisfaire , parcequ'elles l'avoient de- mands. On ne vouloit plus recevoir de penfionnaires fi elles n'etoient filles de Marquis ou de Comtes. On fe moquoit de la fimplicite des mets qu'on fervoit au refe&oire. A l'Eglife on ne voi'oit plus que parfums, bou- quets , pliflure de linge. On prioit indiftin&ement touces forces de Pre- tres de venir dire la MefTe & de pre- cher. A la recreation, il falloit fe moquer les unes des autres , fe con- trefaire , pour , difoit - on , fe de- niaifer. Avec tout cela on pratiquoit des aufterites extraordinaires , des jeiines au pain & a l'eau, des peni- tences les plus humiliantes. La Mere Angelique voi'ant une fille alTez im- parraite faire une de ces penitences, en Futtouchee , & regarda ce changement comme un miracle de converfion ; mais elle ■ fut bientot defabufee , car elle vit a la recreation du meme jour cette fille rire &c railler autant qu'elle avoir pleure le matin. Une pareille conduite affligeoit extremement la Mere Angelique , fans cependant qu'elle s'en plaignit. Elle fe conten- toit de fe dire a elle-meme : a quoi ban tout celaj ^ elle fe repondoic |
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t. PARfll. LlV. P. 17j
humblemenr, a detruiremon amourpro-
pre. Rien ne toucha plus la Mere An- gelique que ce qui lui arriva auili- ror apres Feledion de I'Abbefle. Les nouvelles Meres en place vinrent lui demander 011 elle avoir pris rrois filles qui eroienr dans la maiion ( donr elle s'etoir chargee pour les rirer du peril ) 8c lui declarerenr qu'elles eroienr re- folues de les renvoi'er d'ouelles eroient venues , parcequ'elles eroienr a charge. La Mere Angelique en fur penerree de la plus vive douleur, &c en pleura en fecrer devanr Dieu avec rant de per- feverance que fes yeux & fon vifage decelerenr fon cceur. On s'apperc.uc qu'on l'avoir rouchee dans l'endroic le plus fenfible , 6c on eur alfez d'hu- manire pour la prefler moins a ce fu- jer , & pour lux donner le rems de chercher elle-meme a bien placer ces }>auvres filles. Malgre la retenue de
a Mere Angelique a ne rien dire conrre le nouveau gouvernemenr, on vir qu'elle n'en approuvoir pas la con- duire •, c'eft ce qui lui fir dire an jour parM. de Langres , quelle luinuifoit. La Mere Angelique lui ai'anr repon- du qu'elle ne parloir poinr, le Prelai repliqua , votre ombre nous nult. En- yole^-moi, lui dit la Mere , ou vous H iij
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174 Histoiri de Port-roYal."
routing, j'y irai. Le Prelat l'auroit fait, s'il n'avoic eu befoin d'elle pour folliciter l'affaire de l'inftitut du Saint Sacrement. Pour la mortifier de plus en. plus j il lui defendit d'ecrire da- vantage a la Mere Agnes fa foeur qui *toit an monaftere du Tard. Elle fe foumit encore fans fe plaindre & un ordre fi rigoureux &c cefia de donnet par ecrit de fes nouvelles a fa foeur , &c de recevoir de fes lettres. Cepen- dant la Mere Angelique s'accoutu- moit a tout , & vivoit en grande union avec l'Abbefle & la Prieure. Elle foumoit avec une humilite &c une foumiinon qui n'a gueres d'exemple , qU'on changeat dans le monaftere de P. R. beaucoup de chofes qu'elle y avoit fagement etablies. Car la Mere Genevieve fe laifToit entierement con- duire par M. de Langres &c les Reli« gieufes qu'il avoit amenees, qui chan- gerent les faintes coutumes de l'ordre & y en introduilirent de nouvelles, fans que la Mere Angelique fe melat de lien. En un mot elle etoit la plus humble & la plus foumife Religieufe de la communaute (n). (11) Il falloit une vcr- tant de patience tout ce
tu audi parfaire que cclle qu'elle eut a fouifirit fou»
de la Mere Angelique untel gouvernement. On
pout fupportcr avec au- lut deux ou troii fois ai»
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I. Parti*, tlv. V. 175
Cette annee on obtint, apres trois
ans de follicitations, les Lettres pa- * $°' rentes pour l'inftitut du S.Sacrement. Lxl.y'v. Voici l'occafion ou elles furent ac- accorde de« cordees. Le Roi Louis XIII etant Lettres Pa~ t / 1 1 \ t o / 1 ' tet«es pour
tombe malade a Lyon , & etant de- l'etablifle-
fefpere des Medecins , demanda & ,ment,delc'inf-
r » . . ntut du Saint
rec.ut avec beaucoup de piete le iaint Sacremem,
Viatique. Il reflentit aufli-tot un fou- Iagement fi confiderable, qu'il fut regarde comme un effet miraculeux. Ce Prince par un mouvement de re- connoiftance, fit voeu de fe rendre fondateur du monaftere du S. Sacre- irient, dont on pourfuivoit alors l'e- tablirTement (22). Il otdonna a M.de Marillac Garde des Sceaux d'en ex- pedier les Lettres patentes. Ce Minif- tre y fait mention de la guerifon mi- tefe&oire une hifloire ri- tefi cTordure. Une autre
dicule qu'on avoit faite fois on la fit venir an
de fa vie. Une fois, com- refeftoite avec un grand
me les enf.ms ( dont elle mafque de papier , & on
eut foin pendant deux ans difoit : Ma Sceuri pn'ea;
apres fa demi.lion ) etoient Dieu pour cette hypocrite ,
au refedtoire on la fit pric\Dieuetu'Ul*convcrtiJJt
lever de table , &c on en verite',&c. La Mere An-
lui pendit au col un pa- gelique foulFroit ces in-
nier plein d'ordures puis fultes avec joie. Mem.
on la mena a toutes les ta- pour VHift. de P. R. P,trt.
blesendifant -.MesSoeurs, II. Tome II. p'ges 411S &
regarded cette pa/ivremife- 417, Relat. I. n, 7-
rails creature qui a Vefprit (11) Dixieme Relation plus rempH de perverja de la premiere Partie,
tpinhni nut ce pattier ne Tome I. page 507.
H nij
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176 HlSTOlRE BE PoRT-ROIAZ.
* ' raculeufe du Roi, de fa reconnoif-
fance pour un fi grand bienfait, &C
du vceu que Sa Majefte avoit fait. m. l'Arche- Apres cer heureux fucces on s'a- AKfafefondre"a a M- de Gondi Archeveque de
confcnte- Paris , pour commencer cec etablifle- ment; mais ce Prelat offenfe de ce que par la Bulle on lui avoit joint pour la fuperiorite de ce monaftefe deux autres Prilats , M. de Sens &c M. de Langres , refufa pendant trois ans fon agrement. Enfin vaincu par les prieres & les follicitations de Ma- dame la DuchelTe de Longueville, il confentit a l'achat d'une maifon , a la- quelle on travailla auffi-tot a donner la forme d'un monaftere. Cetre mai- fon etoit fuuee dans la rue Coquil- liere quartier du Louvre, au plus grand bruit de Paris, environnee de rues & de grandes maifons , fans au- cun moi'en de s'etendre qu'en faifant des depenfes exceflives. Mais on vou- loit le voifinage de la Cour pour y attirer des fil'es de condition. C'etoit le gout de M. de Langres. Ce Prelat dans les premieres annees de fa con- verfion , qui fut le terns auquel la Mere Angelique commenca de le connoitre , ne refpiroit que Dieu 8c paroifloit mort au monde •, fon pre- |
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l. Part it. Liv. V. 177
*nier plan dans l'inftitut du S. Sacre- ment fut, comme nous l'avons deja dit, d'eriger un ordre de Religieux plus retires &c plus aufteres que les Chartreux. Puis il jugea plus a propos que ce flit un ordre de rules. Sa pre- miere vue etoit qu'elles fuflent ex- trcmement pauvres , & que pour mieux honorer le profond abbaiflement de Jefus-Chrift dans l'Euchariftie, elles portalTent fur leur habit toutes les marques d'une extreme pauvrete. En- fuite le fejoiir de Paris , la diffipa- tion des compagnies ai'ant refroidi fa devotion & rallenti fa premiere fer- veur, fes idees changerent aufll par rapport a l'inftitut du S. Sacrement. Il imagina qu'il falloit attirer la ve- neration du Peuple par un habit qui eut quelque chofe de majeftueux •, que les Religieufes portalTent de grands manteaux trainans , un fcapulaire rouge de belle ecarlate, de beau lin- ge ; que l'Eglife fut magnifique; qu'on y dit matines le foir a huit heures , & que tout y fut fi gracieux & fi riant, que rien ne rebutat les filles de la Cour : en fin il vouloit que les Reli- gieufes fuflent polies, civiles6i d'une devotion enjouee. Il avoit fait diffe- rens reglemens, dontla plupart avoient H v
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178 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.'
befoin d'etre rectifies. Pour la clo-
°* ture il la vouloit tres exadte , avec routes les obfervances qui ne cho- quoient pas la politefle. Et comme la Mere Angelique n'etoit pas au juge- ment de M. de Langres aftez fpiri- tuelle pour demeler tout cela, il defiroit fort qu'elle n'en fut pas Su- perieure , quoique la bullela nommat : il avoit jette les yeux fur l'ancienne AbbefTe du Tard-, & dans ce defTein il avoit fait venir un bref de Rome, par lequel il etoit permis a la Mere Jeanne de S. Jofeph d'entrer dans la maifon du S. Sacrement. Mais M. de Paris tint ferme , & voulut abfolu- ment que celle qui etoit defignee par la bulle, fut Superieure , & elle le fuc effedivement. •j,> Le nouveau monaftere de l'inftimt du S. Sacrement fut ainfi etabli, a condition neanmoins qu'on n'y rece- vroit point de filles avant d'avoir fa- tisfait aux intentions de M. de Paris. II demandoit que dans un an on feroit reformer la bulle qui lui aflbcioit deux Prelats dans le gouvernement d'un monaftere de fon diocefe , & qu'en qualitc d'Eveque diocefain, il feroit principal Superieur auquel appartien- droit l'examen .& la profeiuon dej |
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I. Part ie. Llv. V. 179
filles, & autres prerogatives par-deflus —-■•
les autres Superieurs. En confequence * "* de cette tranfa&ion, la maifon rat be- nite par M. Ie Blanc Official & gf and Vicaire de Paris, & le S. Sacrernent y fut mis le 9 mai 1633 par M. 1'Ar- cheveque qui"y officia. II vinf au parloir apres la Mefle, & fouhaita mille benedictions a la Mere Ange- lique & a. fes filles. II leur parla avec beaucoup de bonte, & dit a la Mere qu'il prioir Dieu qu'elle devint une Mere feconde. La Mere Angelique etoit entree la x y.
veille 8 du mois, dans le monaftere Angefiqj^ du S. Sacrernent avec trois Religieu- we dans le fes de P. R., la Sceur Marguerite de ^sUmmm la Sainte Trinite de Mauroy , Sceur le 8 M*i. Agnes de la Mere de Dieu deChouy, SoEiir Anne de S. Paul Arnauld , & quarre poftulantes, Sceur Catherine de Sainte Agnes Arnauld , Madelaine de Saint Agnes de Ligny , Anne de la Nativite Saife , Anne de Jefus de Foifly dite de Chameflbn , &c une Sceur converfe du Tard. Madame de Lon^ueville avoir amene dans fon carofle la Mere Angelique & fes trois profefTes. Madame d'Andilly & Ma- dame de Ligny avoient amene les autres. Les trois Superieurs fembloient Hvj
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I 8<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
alofs etre en aiTez bonne intelligence,
lis allerent tous trois y celebrer la Mefle pontificalement •, M. de Paris le dimanche de l'o&ave, M. de Sens le lundi, M. de Langresle mardi. Ce dernier voiant qu'il n'avoit pas reuni dans fon projet de mettre pour Supe- rieiire du nouveau monaftere l'an- cienne AbbefTe du Tard , affbcia con- tre toutes les regies, a la Mere An- geBque pour le gouvernement de la maifon , une poftulante nominee Sceur Anne de Jefus done il faifoic beaucoup de cas. Ses vues etoient de la former pour etre Superieure aufli- tot qu'elle feroit profefle ; il la croi'oit tres propre pour la conduite , parceque e'etoit une fille de condition, fort bien faite. Elle avoit de l'efprit, quoi- qu'altier & peu folide •, elle parloit bien &c favoit entretenir le monde. Ce fut pour la Mere Angelique une oc- cafion de faire connoitre plus que jamais fa (iinplicite & fon obeiiTance, en s'a(Tujetiliant a, un ordre auffi fin- gulier qu'etoit celui de M. de Lan- gres , qui lui avoit ordonne de ne rien faire fans l'avis de cette poftulante. Elle le fit d'une maniere qui etoit le fttjet de l'admiration de fes filles, quoique ce ne fut pas toujours fans y |
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I. Partih. Lh. V. \%i
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trouver a redire •, parceqae n ai'ant------>—*
pas autanr de docilite & d'humilite l63 3«
que leur Mere , elles fouffroienr Con- vent avec quelqu'im patience , qu'ane fille nouvell&mint entree, en Religion, la derniere de toures , fans experience &c d'une verru mediocre , eiit la con- noiiTance & laconduite de routes cho- fes , & qu'elle s'elevat meme au-dellus de la Mere Angelique, qui etoit con- trainre de lui ceder. La Mere Angelique dans-Ton nou- xvt.
veau monaftere donnoit a fes filles^e^An* l'exemple de routes les vertus. Elle gchque dans &oit exafte a l'office , a l'afliftance feue 1™'' & a la veille devantle S. Sacrement, quoique fujette a degrandes migraines & a de violentes coliques. Elle gar- doit une profonde retraire 8c un ri- goureux filence , fuiant le parloir oil, difoir-elle , les Religieufes perdent toujours , 8c les Seculiers ne gagnent guere a leurs entreriens. Elle aimoit tendrement fes filles & les affiftoir en tour. Quelle attention a prevenir leurs befoins dans certe maifon fi pen com- mode J So. vigilance en ce point etoit ii grande, qu'elle alloit elle meme a la cui- ane pour mettre 1'ordre par-tour. Elle avoir une charite compaufTante pour ies |
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l8i HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
pauvres, dont elle devenoit la mere
par tout ou elle fe trouvoit. La pau- vrete faifoit fes delices , &c elle ne manquoit jamais de choifir pour elle ce qu'il y avoit de plus vil, de plus fale &c de plus incommode. II falloit, felon elle , avoir oublie fa profeffion &c l'obligation de fes vceux , pour agir autrement , & ne pas fe contenter de ce qui eft le plus pauvre. Perfonne ne comprit jamais mieux qu'elle , ce precepte de Notre Seigneur, que cc- lui qui eji It plus grand , dolt devenir le moindrt. Perfuadee, comme elle l'etoit, qu'une Superieure eft chargee de tous les offices, elle fe confideroit par-tout comme la premiere ofhciere. Auffi ne trouvoit-elle rien detropbas ni de trop fatiguant pour elle ; elle cro'ioit que la charite l'obligeoit a tout embracer , fur-tout a l'egard des ma- lades , dont elle prenoir tin foin tout particulier. Elle les vifitoit affidu- ment &c leur rendoit tous les fervices les plus bas , de quelque nature que fuffent les maladies. On l'a vue fix mois apres fon entree dans le nouveau monaftere du S. Sacrement, foigner feule la Sceur S. Paul attaquee d'une petite verole pourpree, tandis qu'elle |
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I. Partie. Llv. V. iSj
ne permettoit pas que les autres Sceurs — ■*'
entrafFent dans fa chambre.Elle y cou- '*" choit & y prenoit fes repas, malgre l'in- fedtion & les reprefentations des Sceurs &desMedecins,qui affuroient quecette maladie etoit auffi contagieufe que la pefte. Ce n'efl: point parceque la Sceur Anne de S. Paul etoit parente de la Me- re Angelique qu'elle avoit un fi grand foin d'elle , puifqu'elle en agiilbit de memo a l'e^ard des autres fans dif- tindtion des converfes. Le moment de la Sceur Anne de xvn.
Sr» 1 ' • ' o \ r • Maladie tS
. Paul etoit arrive, & tous les loins morc je ja
de la Mere Angelique nepurentlui fau- SoeurAnnedo
vie (23). Elle etoit entree a P. R. nauu.
a l'age de vingt-un ans contre la vo- lonte de Meflieurs fes parens. Elle ap- porta 8c conferva dans le cloitre l'in- nocence de fon bapteme, felon le temoignage de M. le Cure de S. Jean en greve , qui l'avoit dirigee des fon enfance , dc avoit entendu fa con- feflion generate a la mort. Elle avoit une ferveur extraordinaire, & etant novice elle demanda permiffion de pafTer l'annee de fon noviciat en foli- (i?) Elle etoit coufine general des reftes , qui
germaine de la Mere An- etoit frere de M. Arnauld
gelique , etant rule de l'Avocat pere de la Mete
M. Ainauld Controleur AngelUiuc.
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I. Par.tib. Liv. V. 185
Mere Angelique , dans une grande ■ ' '
confiance &c une grande joie d'aller a *'" Dieu , apres avoir fait une confeffion generate &c recu le faint Viatiqne avec ce grands fentimens de piete & d'hu- milite. xvitt. L'inftitut du S. Sacrement ne fut peracuttan
f>refque pas plutot etabli , qu'il s'c- ™ntre p- ,R-
^ r r. r. . >■ . * & l'occalio« eva une grande periecution qui penia ju ch^da.
le renverfer. C'eft ici proprement la
premiere periecution contre P. R. Elle ne fut guere moins injtifte de la part des homines que la premiere qu'ef- fui'a autrefois l'Eglife naiffante. De la part de Dieu elle fut un moi'en pour pu- rifier cette maifon, dont l'etablifiement avoit ete mele de tant de defauts. M. de Sens Pun des trois Superieurs de cet inf- titut fut le plus ardent a le traveifer. Le Chapelet du S. Sacrement, qu'il avoit autrefois approuve lui - meme , lui fervit de pretexte. La Cour meme s'en mela : les filles du monaftere du Saint Sacrement y furent decriees comme des heretiques, des vifionnaires; quel- ques-uns allerent jufqu'a les traiter de forcieres. Les Carmelites memeprirent parti contre cet inftitut, & firent voir par leur exemple que les ames les plus fainres ne font pas a Pabri de la |
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l8(J HlSTOIRE DE PORT-Ro'lAt.
prevention (i4).D'ailleurs elles etoient
mecontentes de M. de Langres, avec lequel elles s'etoient brouillees aufujet de la Sceur Marie de Jafus Sous-prieu- re du petit couvent de Paris, parce- que ce Prelat avoir voulu la titer de fon ordre, pour la faire Superieure da nouvel inftitut. Cette bonne fille recevoit beaucoup de vifites des Sei- gneurs & Dames de la Cour , fous pretexte qu'elle avoit le don de ga- gner les ames a Dieu. Une Dame lui aiant demande fon avis touchant une fondation de 18000 liv. qu'elle vou- loit faire aux Carmelites , elle lui confeilla de les donner au monaftere du S. Sacrement. Ce trair de definte- reflfement offenfa fes Sceurs. Elles en avertirent M. de Berulle qui lui in- terdit abfolument le parloir; il alia meme jufqu'a la depofer de fa charge , & la condamna a une folitude tres etroite. Elle s'y foumit avec beaucoup de docilite & mourur dix mois apres. Cet evenement indifpofa M. de Lan- gres contre les Carmelites , dans la perfuafion ou il etoit, qu'elles avoient maltraite injuftement cette fille. Les (14) Vo'i'ez la 6c Relation de la premiere Partie,
Temc I. page 417. n. 7. |
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l8<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
______ prevention (i^.D'ailleurs elles etoient
16}}. mecontentes de M. de Langres , avec
lequel elles s etoient brouillees au fujet de la Soeut Marie de Jefus Sous-prieu- re du petit couvent de Paris, parce- que ce Prelat avoit voulu la titer de fon ordre, pour la faire Superieure du nouvel inftitut. Cette bonne fille recevoit beaucoup de vifites des Sei- gneurs & Dames de la Cour, fous pretexte qu'elle avoit le don de ga- gner les ames a Dieu. Une Dame lui ai'ant demande fon avis touchant une fondation de 18000 liv. qu'elle vou- loit faire aux Carmelites , elle lui confeilla de les donner au monaftere du S. Sacrement. Ce trait de definte- refTement offenfa fes Soeurs. Elles en avertirent M. de Berulle qui lui in- terdit abfolument le parloir; il alia meme jufqu'a la depofer de fa charge , &c la condamna a une folitude tres etroite. Elle s'y foumit avec beaucoup de docilite & mourut dix mois apres. Cet evenement indifpofa M. de Lan- gres contre les Carmelites , dans la perfuafion ou il etoit, qu'elles avoient malttaite injuftement cette fille. Les (14) Voiez la «e Relation de la premiete Partie,
Teme I. page 417. n. 7. |
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I. Parti«. Liv. P. 187
Carmelites de leur cote fe plaignoient —"-"""'
de M. de Langres pour qui elles "" avoient peu d'eftime. M. de Sens qui etoit dans les interets des Carmelites & qui avoit leur confiance, comme M. de Langres avoit celle des fillcs du S. Sacrement, profita decettedivifion pour entreprendre de miner cet Ordre des fa naiflance. Tous ces motifs , ces piques , ces querelles particulieres , ces jaloufies furent la caufe de la pre- miere perfecution que P. R. a efluiee. II etoit d'autant plus important de faire connoitre les differens mobiles de cette perfecution, que la querelle du chapelet a fait plus de bruit, 8c que les ennemis de P. R. ont voulu dans la fuite s'en prevaloir contre ce jnonaftere. Le moi'en qu'emploi'a M. de Sens xix.
pour reulfir dans fon entreprife, fur ch°"^'tne, d'attaquer un petit ecrit de trois oucrct.^ quatre pages qui avoit ete dreffe en 1628 , comme nous l'avons remar- que, avec fimplicire paruneReligieu- fe de P. R. (la Mere Agnes) de la maniere que nous allons dire. La Mere Genevieve le Tardif reci-
toit un jour un chapelet contenant ces trois mocs : Jefus , amour, mifericor- |
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I 58 HiSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
de; il lui vint a l'efprit de dire, a la
place de ces mots, les paroles fuivan- tes : Adoration a Jefus-Chrijl au tres S. Sacrement j honneur a Jefus-Chrijl au tres S. Sacrement j gloire a Jefus- Chrijl au tres S. Sacrement. Elle com- muniqua fa devotion a la Mere Agnes qui la gouta fort, & la Mere Gene- vieve jugea a propos de l'augmenter , ajourant d'autres paroles jufqu'a. feize en Thonneur des feize fiecles qu'il y avoit que le S. Sacrement etoit infti- tue , avec une oraifon a la fin. Ce chapelet fut imprime , & perfonne n'y trouva a. redire. L'autre chapelet qui a fait tant de
bruit tic dont U eft ici queftion, appelle le Chapelet fecret, fut compofe par la M* Agnes, avec aufli peu de deflein que le premier. Cetie Religieufe a'fant eu la penfee de fe fervir d'autres paroles moins ufitees,en parlaau P.deCondren de l'Oratoire , qui lui demanda com- ment elle les entendoit. Elle lui die qu'elle auroit peine a s'expliquer de vive voix , mais qu'il lui fembloit qu'elle l'expliqueroit bien facilement par ecrit. Le P. de Condren lui aianc ordonne de le faire , elle ecrivit fes penfees fans reflexion} comme li elle |
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I. Par. tie. Llv. f. 189
ri*eiit fait que copier quelque chofe : elle a dit depuis & l'a meme ecrit, qu'elle ne pouvoit pas s'en rien attri- buer a elle-meme, parcequ'elle n'a- voir prete que fa main , & qu'un autre efprit que le fieri, lui di<5toit ce qu'elle ccrivoit prefque fans reflexion ; de forte qu'il falloit que ce fut ou l'efprit de verite , ou l'efprit d'illufion qui l'euffent conduite en cela , & qu'il lui fembloit qu'elle-meme n'y avoit point de part. Elle le mit entre les mains du P.deCondren qui l'approuvaavec eloge. La Mere Agnes envoi'a enfuite cet ecrit a M. de Langres, qui lui manda qu'elle devoit reverer ces paroles, non comme venant d'elle , mais comme des peixfees de Jefus-Chrift en elle. On tint neanmoins cet ecrit fort fecret, 8c il ne fut donne au-dehors qua la Mere Marie de Jefus, cette Carmelite dont nous avons parle ci-deiTus; & a quelques autres perfonnes ,quietoient de celles qui travailloient a l'etablif- fement de l'ordre du S. Sacrement. On le niontra a M. de Sens , qui ve- noit alors familierement a P. R,, 8c il l'approuva beaucoup. Madame de la. Tremoille Abbefle du Lys etant venue ^ P. R. on le lui communiqua ,&elle defira d'en avoir une copie qu'on ne |
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l$0 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
— put lui refufer. Il y a apparence que
ce fut cette copie , ou celle de la Mere Mane de Jefus Carmelite qui tomba entre les mains de M. de Sens. Il fe paifa pres de fix ati£ depuis la naiflan- ce de ce chapelet en 1628, jufqu'au commencement de cette querelle en 1633. Dans cet intervalle il ar- riva divers changemens qui difpofe- rent les chofes a l'eclat qu'elles nrent depuis. M. de Langres, comme nous l'avons deja dit, ne conferva pas les fentimens de piete & d'eloignement du monde, dont il avoit ete touche d'abord, & qui avoientdonne a la Mere Angelique tant d'eftime pour lui. Ce relachement influa fur le premier pro- jet qu'il avoit forme de fon nouvel inftitut. Des le commencement»M. de Sens
de fon cote avoit pris beaucoup de part a ce pieux deffein; mais dans la fuite il fe refroidit peu-a-peu a l'oc- cafion de quelques Religieufes de P. R. qui avoient quitte fa direction pour fe mettre fous la conduite de M. de Langres. Enfin il s'en eloigna tout-a- fait, ne pouvant fouffrir que les Re- ligieufes eulTent moins de confiance en lui qu'en ce Prelat. Lorfque l'eta- bliflement fe fit, il ne voulut plus s'en |
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I. Par tie. LivV. 191
■tneler. 11 follicita meme fecretement---------—•
M. de Pans contre l'inftitut; 8c quand l $*'
il fut acheve, fa jaioufie augmenra a la vue du fucces d'une entreprife qui avoit reuffi fans ,lui 8c malgre lui. Alors cherchant a la traverfer, il ne trouva point de moien plus propre a. fes vues , 8c a contrarier M. de Lan- gres, que le chapelet fecret dont il etoit prefque le feul qui fe fouvint, tant on en avoit fait peu d'ufaee. Cet ecnt, dont il avoit ete I act- M jeSeni
mirateur } lui parut alors une devo fait cenferet tion extravagante & pleine d'illufion. fecrttparp™ Il le donna a examiner a M. Duval vai, & fepc Superieur des Carmelites, 8c a feptteUK. autres Dodteurs, fans leur dire qui 1'avoit compofe, en leur faifant en- tendre que c'etoit a cet ecrit que fe re- duifoit toute la devotion du nouvel inftirut. Ces Dofteurs jugeant a la rigueur de certaines expreffions abf- traites 8c relevees, telles que font a-peu-pres celles des myftiques, le con- damnerent par une cenfure datee du j 8 juin 163 3 (15). Cette cenfure fe <i.<j) On fir dans la M. Cornet, qui a depuii
fuite des remarques fut fait tant parler de lui, &
cette cenfure , qui en in- caufe tant de maux dans
firment beaucoup la force, la Faculte de Theologie de
( Il eft a remarquer qu'elle Paris.) II ne fut pas diffi-
Alt fignee par le fameiuc cile de fajre Y«ic qu'il j
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19* HlSTGIRF. DE PoRT-ROIAE.
1633. trouve dans le Recueil de d'Argentre.
C'eft la premiere piece du troifieme
Tome, auquel quelques Dodteurs
de Sorbonne ont travaille. Au lieu
de mettre le chapelet fecret avant la
cenfure , on a mis en la place un
petit ecrit du P. Seguenot, qu'on a
pris pour le chapelet fecret. C'eft unet
des plus legeres fautes dont fourmille
ce Recueil, ou Ton a voulu ramafTer
routes les cenfures contre les pretendus
Janfeniftes.
xxi. M. de Sens ne fe contentant pas de
w. de sens ja cenfure des Do6teurs de Sorbonne ,
lenvoieaRo- ,. . , - v
mc ou ii eft envoia encore le chapelet Jecret a Rome
fuprimfi.mais pOUr [e faire examiner. En meme- Jans aucunc r .
•ejjfiue. terns ii fit publier contre ce chapelet
un petit ecrit, dont on croit que le P. Binet Jcfuite etort auteur. On fit audi courir le bruit que ce chapelet ruinoit la foi , l'efperance , la charite & tous les myfteres; qu'il renouvelloit I'Arianifme & le Neftorianifme. Les demarches de M. de Sens du cote de Rome n'eurent pas tout le fucces qu'il en avoit attendu. La Mere Angelique allarmee de ces bruits, fit chercher »voit beaucoup d'artifice 6toient les principaux au-
8r de malice. On decou- teurs, 8c on fit part au
vrit la mauvaife foi de Public des intrigues dont
ceux qui l'avoient extor- les uns 8c les aucres s'e-
^uce , 8c de. ceux qui eg toient fervis,
ce,
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WBf!^m^rr~-----'-------------------- ~~ ~
I. Partie. Liv. V. 195
ce chapelet , done on ne put trouver * ■
de copie, ni dans la maifon du S. l63J-
Sacrement ni a P. R. Elle fur obligee d'ecrire a la Mere des Anges a qui on fe fouvint d'en avoir donne copie : l'ai'ant eu par certe voie, elle 1'envoi'a a M. de Saint - Cyran par ordre de M. de Langres , pour qu'il I'examinat. Cet Abbe apres avoir pafle quatre heures a I'examiner avec un efprit de cenfeur, fans pouvoir rien trouver qui ne fiit bon & foutenable , le ren- voi'a le foir meme a la Mere Angeli- que qu'il favoit etre inquiete a ce fujet •, & il 1'afTura par fa lettre, qn'a- pres l'avoir lu & examine fans aucune preoccupation , pret a le condamner s'il le meritoit, comme a l'approuver s'il etoit bon, il n'y avoit rien trouvc contre la verite catholique & qui ne fe put tres bien foutenir. M. de Lan- gres & la Mere Angelique eurent une extreme joie, de voir qu'un Theolo- gien auffi eclaire que M de S. Cyran ne trouvoit point d'erreur dans 1'ecric dont on parloit tant dans le monde i & a la Cour , oil on faifoit pafifer les Religieufes du S. Sacrement & de P. R. pour des heretiques , des vifion- naires & meme des forcieres. De plus, M. de Saint-Cyran en ecri-
Tomi I, I
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194 Histoire de PoR.-r-R.oiAr.
, vit a un celebre Do£teur de Louvain,
M. Janfenius fon intime ami , qui le
il eft ap- communiqua a un autre habile Theo-
prouvc par Wien nomme M. Froidmond ou F ro-
les Theolo- •=• . . v I ' v gicns de Lou- mono. 1 ous les deux tres attaches a
vain. I'antiquite & ennemis de toute nou- veaute, approuverent le chapelet fe-
cret avec eloge , 8c declarerent que les expreffions de ce petit ecrit etoienc celles d'unt ame ennivree de ramour de Dieu, &c. Leurs approbations qui furent imprimees , fe voient dans la feconde note que M. Nicole a faite fur le chapelet a la fin de la feizieme let- tve provinciale. L'approbation des Do&eurs de Lou-
vain aiant ete divulguee, ceux de Paris qui avoient figne la cenfure , fe plaignirent comme M. Hallier , qu'on les avoir furpris , en leur donnant a. entendre que les auteurs de cet ecrit etoient des perfonnes qui avoient fait beaucoup de bruit, au lieu qu'ilavoit ete compofe par une Religieufe bien cloignee d'aucun mauvais deffein, qui avoit (implement exprime les difpofi- tions ou elle fe trouvoit. De tous les autres Do&eurs de la Faculte de Pa- ris , les tins approuverent le chape- let par ecrit, les autres declarerent OUYercement qu'il$ n'y rrouvoient rien |
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I. Part ik. Liv. V. 19 j
de mauvais , & que fi on en parloit 16}i.
dans leur aflemblee ,ils en prendroient la defenfe. Apres la cenfure des huic Doc-
teurs, M. de Saint-Cyran ecrivit en 16 3 3 une apologie pour fervir de de- fenfe au chapelet fecret, & pour refu- ter les remarques faites, a ce qu'oti croit, par le P. Binet. Cette apolo- gie fe repandit d'abord manufcrite > mais elle fut imprimee l'annee fui- vante 16349 avec le chapelet &c les remarques qui l'attaquoient (2.6). Pen- dant que les chofes fe paifoienc ainft en France, on apprit le jugement que le Pape avoit rendu fur le chapelet a la follicitation du General des Jaco- bins. Au lieu d'une cenfure & d'une condamnation que les adverfaires du chapelet avoient demandees, ils n'ob- tinrent qu'un decret portant , que le Chapelet ne meritoit ni cenfure ni d'etre mis a l'index; & qui ordonnoit (16) M. de S. Cyran, » choque les huit Doc
die M. Nicole, note fecon- » teurs : ce qu'il fit avec de fur la feizieme lettre » tant de lumiere & de provinciale, » detruifit » nettete' , qu'il fembloit 35 lei accusations de ce » avoir entierement d£- « Pere, & £daircit ce » farme ceux qui ra- sa qu'il y avoit d'obfeur » voientcondamnee.L'ap- 3> dans les paroles de la probation des Do&eurs de » Religieufe , interpre- Louvain fut aufll impri- 3> tant dans un fens ca- mee a la tete de cette de- » tholique cc qui avoit fcufe. I ii
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I9<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
feulement qu'il demeureroit fupprime
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'*" de peur que les fimples n'en abufaf-
fent. Cette difpute paroiflbit s'aflfoupir
lorfque la querelle le renouvella par la publication d'un petit ecrit du P. Seguenot de l'Oratoire , intitule : Elevation d'efprit a Jcfus Chrijl Notre- Seigneur au tres Saint Sacrement, con tenant divers ufages de graces furfes perfections divines. 11 etoit drefle par articles , & fous les memes titles du chapelet fecret. M. de Sens prit de nouveau l'allarme , & croiant avec ceux de fon parti que cet ecrit venoit de la metne fource que le chapelet fecret , il s'echauffa plus que jamais, comme fi les auteurs ou defenfeurs du chapelet euflent contrevenu au decret du S. Siege qui en avoit ordonne la fuppreflion. On donna done un nou- vel ouvrage au Public fous ce titre : Examen d'une apologie qui a etifaite pour fervir de defenfe a un petit livre intitule', le Chapelet fecret du S. Sa* crement, & pour refuter quelques re- marques qui avoient etc faites fur ledit chapelet. On y blame d'abord l'auteur de l'apologie ( M. de S, Cyran) d'e- tre ingenieux a donner un bon fens jinx paroles du chapelet (comme fi |
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I. Par. tie. Llv. V. 197
c'etoit un crime d'avoir de la charite > —~ — qui eft ingenieufe a expliquer en bonne ' " part les actions , les paroles & les ecrits du prochain). A cet examert , M. de S. Cyran fit une reponfe inti- tulee : Refutation d'un examen n'a- guere publie contre la reponfe fake aux remarques d'un Theologien contre U chapelet fecret du S. Sacrement. M. Nicole fait fur ces deux ecrits
la remarque fuivante dans l'endroit deja cite. » L'explication que M. de » S. Cyran avoir donnee du chapelet » (dans fon premier ecrit) parut tel- v ■ lement hors d'atteinte a tout le » mpnde, qu'un auteur qui entreprit » de la refurer par une mauvaife re- « ponfe qu'il intitula : Lexamen, &c. » fut contraint d'avouer que les expli- »j cations que M. de S. Cyran don- »> noit aux expreflions de la fille , qui « avoir fait le chapelet , etoient tres »> catholiques & rres orthodoxes ; & il »> fut reduit a dire feulement que ce » n'etoit point le fens naturel du cha- »> pelet, mais une glofe & un fens » force. M. de S. Cyran ruinaparun « fecond ecrit toutes ces chicanes , 8c » il le fit avec tant de clarte, qu'on »» peut dire qu'il n'a pas laifle la » moindre ombre de dirficulte fur Iiij
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1<>8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
————- » cette matiere. Les livres qui ont
1 5 3 • » etc faits fur cette difpute font tres
w rares, 6c j'ai eu , continue M. Ni-
»» cole, beaucoup cle peine i les trou-
?> ver. Il n'y en a point neanmoins qui
» meritent davantage d'etre rcirapri-
» mes. Car encore que j'aie toujour*
»» beaucoup admire l'elevation d'ef-
»> prit de cet illuftre Abbe , jamais
» il ne m'a paru fi grand que dans
*> ces ecrits , par la maniere dont il
» demele routes les difficultes de cette
»» matiere. II n'eft pas croi'able avec
« quelle lumiere il en dillipe les obf-
t » entires, avec quelle force il ren-
» verfe fon adverfaire, avec quelle
« folidite il repond a. toutes fes ob-*-
» je<5tions.
xxm. Cette affaire en demeura la pour
La difpute \<yi$, Mais Un an apres, la difpute re-
du chapelet TT wir ■ l
kcret fe te- commenc^. Un Jeiuite y donna occa-
aouveiie. gorv en mettant au jour un ecrit fous ce tit re : Difcuffion fommaire d'un li- vnt intitule , le Chapelet fecret du S. Sacrement , & de ce qui a ite ecrit pour en difendre la doctrine. Comme Tauteur de cet ecrit pretendoit dans fa preface que la rupture venoit de M. de Langres & des fiens , qui avoient publie, difoit-il , un eerie fecret defendu par le S. Siege, M. de |
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I. Partie. Lii>. V. 199
S. Cyran le refuta. Mais l'ecrit du Je--------——
fuite ai'ant eu peu de cours, & la - l $5 •
querelle s'aflbupiflant d'elle - meme , on ne fe mit pas en peine de faire im- primer la replique. Ce fut ainfi que fe termina de nouveau cetce conteftation. Les Jefuites qui favent combien ces faits font embrouilles 6c connus de peu de perfonnes , n'ont pas manque de tems en tems d'en renouveller la memoire dans leurs livres pour fletrir la reputation de M. de S. Cyran , done Dieu fe fervit en cette occafion pour jufbifier l'innocence de la Mere Agnes. Dans le tems de cette difpute elle etoit a l'Abbai'e de Tard , d'oii elle "<Scrivit le 7 juin 1634, une lettre de remercimens a fon digne apologifte. Les Jefuites ai'ant depuis calomnie M. de S. Cyran au fujet du chapelet, fur- tout le Pere Brifacier , qui le lui at- tribue dans fon libelle intitule, le Janfenifme confondu , la Mere Agnes fit en 1651 la declaration fuivante, qui fut imprimee alors dans la de- fenfe de la unfurt de M. de Paris contre 1'ouvrage de ce calomniateur public. » Je fouffigne , Sceur Catherine Agnes okiaratie* »> de S. Paul, Religieufe & Prieure d<= U Mere » indigne du monaftere de P. R. du ^Uiet"' m S. Sacrement, reconnois & certifie I iii;
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2 00 HlSTOTRE DE PoRT-Ro'lAt."
" qu'aucune que moi n'a compofc
» l'ecrit intitule, le Chapelet fecret » 4u S. Sacrement; que je l'ai fait » plus de quatre ans avant que je » connufle feu M. de S. Cyran, finon » de reputation, & pour 1'avoir vu y> une feule fois a notre monaftere des » champs, auparavant que nous fuf- " fions etablies en cette ville ; Sc que >f je n'ai eu autre delTein enecrivant » ce chapelet , que de m'exprimer » plus facilement que je ne pouvois " faire de vive voix 3U R. P. de Con- s' dren general de l'Oratoire, auquel " je defirai de communiquer mes » penfees & qui m'ordonna de les » ecrire. Ceft ce que je fis avec grande »» fimplicite , & les envoi'ai auffi-tot » a. M. FEveque de Langres qui gou- « vernoit alors la maifon •, & il me » fit l'honneur de m'ecrire que je de- w vois revcrer ces penfees, non comme » miennes, mais comme penfees de >» Jefus-Chrift en moi. » Ceft ce qui me donna la liberte
» que je n'avois ofe prendre aupara- " vant cette approbation, d'arreter » mon efprit fur ces penfees , fans » que j'aie neanmoins jamais defire » d'etablir fur elles aucune nouvelle » devotion, & encore moins qu'elles |
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I. Par tie, Liv. V. 201
» fuffent en ufage , &c qu'on en fit » aucune pratique , foit en ce mo- *» naftere , foit ailleurs , comme auffi " on n'en a fait aucune. Je puis au » contraire afTurer que j'ai plutot ap- ** prehende que cet ecrit ne vit le » jour, & que c/a ete le fujet qui >' me lui fit donner le titre de Chape- » Utfecret, croiant que ces penfees que *» Dieu, autant que j'en puis juger , — m'avoit donnees en l'oraifon, ne » pouvoient point etre propofees a " d'autres ames pour s'en fervir, de »> peur qu'elles ne la prilfent a contre " fens. » Je declare de plus que les im-
*> pietes & les blafphemes , que quel- ■V ques-uns ont voulu trouver dans « quelques paroles de cet ecrit, en fe •»» perfuadant qu'il ne tendoit qu'a « miner les effets d'amour que Dieu « a temoignes pour nous , j& nomme- »> mentau Sacrement de l'Euchariftie> « & au myftere de 1'Incarnation, ont » toujours ete & font encore par la » grace de Dieu tres eloigncs de mes " lentiraens , de mes intentions & de » mon efprir. ." C'eft ce que je fuis prete d'aifu-
»» rer, meme avec ferment, s'il en »» eft befoin, devant qui que ce foit I v
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2©i Histoirs de Port-ro'ial;
----—— >, &c principalement devanc Monfei-
16J4« » gneur l'Archeveque de Paris notre
« Superieur , m'etant fentie a faire w cette declaration tres veritable &C » tres fincere , parceque j'ai appris *» depuis peu avec douleur que quel- s' ques-uns attribuant fauftement ce « chapelet a M. de S.Cyran, en ont »» fait un des principaux fondemens » des etranges' calomnies , dont ils « s'efforcent de diffamer fa memoire. » Fait au monaftere de P.R. du S. Sa- *> crement du 30 Janvier 1(352. Signe, » Soeur Catherine Agnes de S. Paul. xxiv. Pendant la guerre du chapelet, M.Lle Mate M- \e Maitre neveu de la Mele
a la Mere Agnes, lui ecrivit au fujet des ecrits
jef"deS Udif- ae M. S« de Cyran pour fa defenfe, nne pute fur le lettre qui merite d'avoir place ici. » Vous me louez , ma chere tante > de »• ma bonte de ne vous avoir pas » eftimee heretique , mais cette bonte " n'eft gueres louable. C'eft au con- » traire la malice de nos ennemis » qui eft digne de toutiblame, & l'ap- w probation des perfonnes etraageres » qui eft digne de tout eloge. Pour ce » qui regatde vos parens, comme leur » froicleur ne meriteroit aucun par- » don , teur ailiftance ne merite aucu- » nelouange.C'eft feulementetrehom- |
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I. P A R. T I E. L'lV. V. 2© J
* me que de ne pas offenfer la nature,
» c'eft feulement etre raifonnable que » de ne pas choquerla raifon. Ainfi. »» louer les hommes de ces actions , »» c'eft les louer de n'etre pas betes. » Vous devez, ma chere tante , les
» temoignages de voire eftime & de u votre reconnoiftance pour celui qui » a defendu avec des amies de lw- •» miere , l'innocence & la veritc » qu'on attaquoic avec toutes les ar- « mes de tenebres ; qui a tire de » votre efprit les trefors que le S. » Efprit y avoit caches ; qui a leve le » voile qui couvroit ce lan&uaire ; » qui a penetre dans l'abime de la m grace & a rendu vifibles des myf- » teres, qui a l'exemple de Dieu , » etoient renfermes dans une nuee. w Je n'admire pas moins fon courage » que fa fuffifance. Je ne puis cefler » de m'etonner, qu'en ce fiecle car- s' rompu, il fe trouve un homme » aufli fenfible aux irzterets du ciel « que les autres le font a ceux de la » terre; qui fouffre avec plus darn- s' patience les moindres larcins qu'ort r> fait a Dieu de fes verites divi- » nes, qu'un avare ne fouffriroir les »> plus grands qu'on lui feroit de »> fes richefifes; qui s'oppofe lui feu! Ivi
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204 HlSTOIRE BE PoR.T-R.OlAt.
v a cette armee de paffionnes, de fu-
» perbes & de violens ; &C enfin qui » releve la Vierge d'Ifrael, que la » calomnie avoit fait tomber par terre. » Que fi fa fuffifance & fon cou- » rage font merveilleux , fon humi- *> lite ne l'eft pas moins. Y a-t-il une » modeftie plus louable que celle qui » lui a fait fupprimer fon nom ? .*» N'eft-il pas etrange qu'il ne veuille » etre connu ni des ennemis qu'il ter- " rafTe, ni des amis qu'il defend j »» qu'il n'ofFre point de facrifice a Dieu « que la van ire ne foit tou jours la » premiere vidlime qu'il immole; 8c » qu'en un terns ou vous voi'ez que » les ignorans tirent de la gloire de ,.« leurs erreurs, il n'en veuille pas » tirer de routes les lumieres de fa w doctrine ? Vous avez, certes, raifon » de dire que vous etiez perdue, fi >« vous n'eulllez ete perdue. Ce vous » eft un plus grand bonheur d'avoix » ete defendue (1 puiftamment que f de n'avoir point ete accufce. Dieu » a permis que des hommes vous » aienr attaquee, & il vous a donne » un ange pour vous defendre. Je » puis bien comparer , ma chere » ranre, ce defenfeur a cet ange qui » garda la chafte Suzanne, felon l'o- |
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I. P ARTIE. L'lV. V. i05
° pinion de quelques Peres, puifqu'il —
" a compare lui - meme ces deux '*"
" Scribes &c Pharifiens (deux Jefui-
" tes ) qui vouloient vous deshonorer,
" aux deux Vieiliards qui vouloient
" la perdre.
» Je vous ecrirois davanrage fur ce
" fujet, fi vous ne le quittiez dans " votre lectre, arm de vous juftifier " de ce que vous m'avez ecrit pour me M dctourner dumariage. Penfez-vous, " ma chere tante, que j'aie pu trouver " mauvais des fouhaits auffi faints " que font les votres I Doit-on atren- " dre autre chofe d'une perfonne " religieufe ! On accufa autrefois dans • des declamations une Vierge veftale
» d'incontinence, parcequ'elle avoir " die dans un vers, qu'il etoit doux " de fe marier , & je trouverois » etrange que vous parlaffiez avec • moins de zele de la vie que vous ^
" avez embraffee , & qui a le plus » de rapport a celle des Anges 5 Qui
" ne fait que le mariage remplit la
» terre, & que la virginite remplit ^
»» le ciel ? Et e'eft d'ailleurs often-
» ferla charite, que de ne defiref
m pas a fon prochain l'etat le plus
» faint & le plus parfait. Puifque
» les vicieux portent les autres au
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10<> HlSTOIRE DE PoR.T-R.01 At."
" au vice, 8c ceux qui font mari<&
" au mariage, fans que les uns aient " d'ordinaire d'autres delTeins que " d'avoir des compagnons de leurs " infractions , & les autres de leur " mifere, ne doit-on pas fouffrir que f ceux qui one quitte le monde de " corps 8c de volonte , excitent les " autres a les imirer , & a prendre " part a leurs veritables delices 8c a M leur folide felicite ? » Plut-a-Dieu , ma chere tante , que
" vos exhortations me fufTent auili " utiles, comme elles font excellentes, " & que je devinfle le fils de vos " veeux & de vos prieres , comme " S. Auguftin le fut des larmes de " Sainte Monique. Plut-a-Dieu que " cette voix du Seigneur , qui arreta ■» la flamme du feu , eteignit celle qui * nous confume, 8c qu'elle hriilat " les liens que je ne puis rompre I " Combien lui facrifierois-je volon- " tiers une hoftie de louange ! com- " bien ferois je ravi d'elever pour ja- " mais fur les mines de l'amour pro- " pre , l'edifice incomparable de " l'amour divin ! Mais que peuvenc " produire ces femences du ciel que » vous jettez dans une terre pleine de * ronces? 8c quelle main que celle de |
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I. P ARTIE. LlV. V. 207
» Dieu , peut arracher des epines Ci ~~r
v enracinces ; <• ReconnoifTez qu'il y a diverfes
» fortes de vocations, & qu'elles » font toutes faintes, lorfqu'elles vien- » nent de Dieu. Remerciez-le de « votre force &c ai'ez pitie de notre v foibleffe. Et fi de faints Eveques » fe trouverent autrefois aux noces » de Nebride 8c d'Olimpiade, & fi. » S. Gregoire de Nazianze leur en- »* voia un epithalame, ne me refufez " pas, je vous prie, la prefence de » votre efprit par votre confentement "»» & votre approbation , autrement je » vous declare que je me rendrai ac- « cufateur contre vous en fait de »» nouvelles lumieres, que je ferai » cenfurer votre lettre par huit Doc- »» teurs que vous favez , & que j'em- » ploirai le credit des Nonces & des » Archeveques , pour la faire mettre » a l'expurgatoire. C'eft ma tres chere " tante , &c. De Paris le 10 juint 1634 (17). M. le Maitre en plaifan- (17) Arant que M. le de tout Paris. On lur
Mattre eut ete touche de propofa une honnete Da-
Dieu , on peut iuger que me qui avoit tout ce qu'il
dans la place ou il etoit, deliroit; il penfa a 1'6-
il n'y avoit point de pcre poufer , 8c en ccrivit a la
ni de mere qui a'eiit dt- Mere Angelique.Mais certe
fire d'avoirun gen ire qui Religieufe admirable,
avoit les applaiidilfijiscus craignam que le nwtiaje
|
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103 HlSTOIRE DE PoRT-RoYaI.'
"" 1654. tant Par *es dernieres paroles de f
lectre a la Mere Agnes , fait allufion la querelle fur le chapelet. R6rt«i0n Po.ur dire encore un moc fur ce fu
furieiangrtgejet , il faut remarquer, commelefai tLmyiH~ fagementle Cardinal Bellarmin dan
fa Bibliotheque des Auceurs ecclefiaf
tiques , qu'il arrive fouvent que ceir
qui traitenr de la Theologie myfti
que, font pris dans un bon fens park
ans, & dans un mauvais par d'aurres
loues par les uns , condamnes par le.
autres , c'eft ce qui eft arrive a Thau
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*e roit obftacle au falut
de Con ijeveu , & au def- fein de Dieu fur lui , elte neput y conf'entir ; & lc refufa toujours ( malgre les prelFantes follicitations deM. le Majtre ) jufqu'A lui dire qu'elle ne lc re- garderoit plus I I'avenir 8'il fe marioit , iju'a-vec beaucoHp d'indifference. M. le Maltre fut pique auvif, & repondit & fa tante avec beaucoup de viva cite. 31 Souftrez, dit il 3> dans fa lettre, que » j'examine , noi pas n votre lettre , mais vo- ji tre invective contre » le delfein de me marier. » Vousine dites d'abord y> que ce fera la dirniere « fois que vous m'ccrirez 33 avec ce ritre de iris chtt » neveit j que |e yous |
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ii ferai deformais airfi
5> indifferent que jevou 5) etois cher. . .. Quoi 5> ma chere tante , voir 3> ferai-je indifferent par 55 ceque je feral marie 5> Le mariagc eft-il u; 3> crime > & ne ferai-j 3> plus ni votre neveu, n 3> Chretien, ni vertueur 5> lorfque )e ferai devem 33 mari par mon maria 33 ge! Si j'ai mainccnan 33 quelque probite , fuis si je allure de la perdre 33 & le Sacrement qa 31 peut me rendre digiv i3 des faveurs de Dieu 33 me rendra-t-il indignt si des votres, &x. Cf mariag? n'eut pas lieu , it M. le Maure adepuisbeni bien des fois I'oppolitiop qu'y fit la Mere Angeli que. |
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I. Par tie. Llv. V. 209
lere & a Jean Rufbrok. Le premier eft meprife comme fufpeit dans la foi par Eckius &c loue par Louis Blofiusj le fecond eft combattu par Gerfon , & defendu par Denys le Chartreux. C'eft auffi ce qu'on a vu an fujet du cka- pelet fecret. Mais il faut avouer de bonne foi qu'en confideranc les exces dans lefquels de faux myftiques, connus fous le nom de difciples de Molinos, font tombes fur la fin du dernier fiecle , on ne peur blamer ab- folument des Theologiens qui s'ele- venc concre un langage extraordinaire & inconnu a l'antiquite. En confe- quence » ne feroit-il pas permis de faire quelques reflexions fur la querelle du chapelec fecret fauflement attribue a M. de S. Cyran par les Jefuites : 1w on peut dire , malgre le refpedfc qu'on doit a ceux qui prirent la de- fenfe de cet ecrit, qu'il eft peu im- portant & prefque inintelligible; 1 * ceux qui l'attaquerent vivement, convin- rent que celle qui l'avoit drefle pre- cipitamment & fans avoir intention qii'il fat vu , etoit reconnue pourune fainte fillt; 3 ° il femble qu'il ne me- ritoit pas d'etre attaque &c defendu avec tant de force , &c qu'il n'auroic pas du faire tant de bruit; 4Q fi ceux |
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ZIO HlSTOIRE T)E P0RT-RO1AI.
1634. 1ul defendirent alors la Mere Agnes 5
avoient a ecrire aujourd'hui que ces matieres fonteclaircies , ils evitetoient certaines expreflions favorables a la nouvelle fpiritualite qui a ete con- damnee par l'Eglife , &c qu'on a lieu de croire avoir ete eloignee de leur penfee. C'eft l'obfervation que fait a ce fujet le Theologien (18), qui a prefide a la traduction des Lettres pro- vinciates > d'apres M. Nicole dans la feconde note fur la feizieme lettre. xxvi. La perfecution qu'effui'a le nouvel suep.VR!rife inftitut du S. Sacrement a l'occafion
de ia querdie ^ chapelet fecret, fut plus falutaire par ia ilaifon & avantageufe que nuifible & funefte iju'eiie lui a P. R. ; puifque ce fut le moi'en , procure avec , i ■ ' i*. '•' • 1 • r •
m. de s. Cy- dont la divine providence , qui iait
ran. tirer le bien du mal, fe fervit pour former une efroite liaifon entre la
Mere Angelique & M. de S. Cyran. Quelle fource de benedictions pour P. R. que la liaifon de ces deux gran- des ames; de la Mere Angslique avec ce grand homme, ce fecond Auguf- tin rempli de la doctrine des faints Peres , & le premier homme qui eut ete depuis plufieurs fiecles dans l'E- fi8l Ce Theologieu l'hiftoire de la Conftitu-
jommt Jean Louail. au- tion eft more £ Paris U } teur du premier Tome de mars 1714. |
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I. Part ib. Liv. V. 211
I glife ! Cet homme extraordinaire, ne
avec une folidite & une etendue d'ef- prit prodigieufe,avec de rares talens & une fermete admirable , cultiva ces dons naturels, & fan&ifia fon coeur par une etude profonde de la religion dans les veritables fources, ou Ton doit en puifer la connoiflance. Conf- tamment attache a" tous les dogmes de 1'Eglife, &: parfaitement foumis a fa difcipline, il nit s'elever au-dellus des opinions recentes , & des prati- ques abufives que la plupart des hom- ines fuivoient fans examen. Il s'atta- cha aux regies , foit pour fa propre coftduite , foit pour celle des autres , fans attendre que ces regies fnlTent connues & fuiviespar le grand nombre, ou par ceux qui avoient le plus de reputation. Il s'apperc.ut aifement qu'il y avoit une grande difference entre les faints Peres & les Theologiens mo- dernes ; entre les premiers terns de 1'Eglife , & ceux que le Clerge de France a depuis appelles la lie des Jiectes; entre une vie veritablement chretienne, & celle que menent la plu- part des chretiens 5 entre une piete folide & des pratiques fuperftitieufeB ou fuperficielles •, entre les dignes fcuits de penitence, parlefquels l'E- |
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ttl HlSTOlAE DE PoRT-RoYaI."
glife a toujours exige qu'on s'afTurat d'une converfion effective & durable, & une confeffion accompagnee de la recitation d'une formule de contrition & fuivie d'une abfolution precipitee. 11 yit avec effroi, que prefque tous les Direc"teurs les plus accredited accor- doient fans epreuve la fainte commu- nion a tous ceux qui accufoient des crimes , qui les en rendoient tres in- dignes •, que ceux qui etoient touches du defir de faire penitence , tomboient fouvent entre les mains de gens qui faifoient avorter ces bons defirs; qu'on les portoit indifcretement, fous pre- ,texte de faire penitence , a entrer dans les faints ordres , auxquels pendant douze fiecles on n'avoit admis que les innocens ; qu'on n'attendoit point pour s'y prefenter la vocation legiti- me des Eveques , ou de ceux qui tiennent leur place •, que les monaf- teres memes n'etoient pas exemts de bien des defauts , qui en rendoient fouvent l'entres fimoniaque, & qui reduifoient une vie par elle - meme tres penitente , a des exercices fepares de Pefprit de grace & d'amour , qui peut feul les rendre falutaires. Tels etoient , le genie , le caractere , les vues & les difpofitions de M. de S. |
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I. Partie. Liv. V. 11}
Cyran. Eft-il econnant qu'un homme I(5, ~~
qui avoit des lumieres 11 pures, & dont la conduite condamnoit tanc de perfonnes , ait eu tanc d'adverfaires, (fans parler des Jefuites , dont onpeut dire ce que le premier martyr difoit autrefoisaux Juifs : QucmProphtiarum non flint perfecuti patres vefiri ?) Eft-il eronnant , dis-je , que des Theolo- giens courtifans fe foient declares con- rre lui; que des devots d'une certaine efpece 1'aient pieufement decrie ; que des Ecclefiaftiques fcrupuleux 1'aient regarde comme un homme fufpeft ? Mais malgre ce grand nombre d'en- nemis, fon innocence a triomphe, la purete de fa doctrine a ete reconnue, la fagefle de fa conduite a ete ad- miree , &c fa memoire fera a jamais en benediction. Tel eft l'homme que la guerre du chapelet procura premie- rement pour apologifte, & enfuite pour Dire&eur aux Religieufes de Port-roi'al. Jean du Vergier de Hauranne, Ab- xxvrr.
be de b. Cyran, etoit ne a BayonneM.de s.cy- d'une famille considerable fan 15 81 (*), **»• s« *»•. II alia pour faire fes etudes, par le con- feil de Bertrand d'Efchaux Eveque de (*) Vjoi'ez fa genealogie, & la fin du Volume.
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114 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
• Bayonne , a Louvain, dans le meme
terns que Janfenius y faifoit les fien- nes. M. du Pin fe trompe neanmoins apres Leydeker & Abely, lorfqu'il dit que Jean du Vergier & Janfenius for- merent des-lors une etroite liaifon. Du Vergier etudia la Theologie fous Stapleton dans le College des Jefui- tes, & y foutinc une thefe le %6 avril 1604 dediee a l'Eveque de Bayonne. Jufte Lipfe y affifta & donna de grands eloges au Soutenant, non-feulement de vive voix, mais encore par ecrir, comme on le voit par Panellation fui- vante , qui fe trouve en latin parmi fes lettres melees , a. la fin de la 4ie de la Vecenturie. »» Comme on ne fauroit aimer la
» vertu fans la connoitre, on ne fau- » roit auffi la connoitre fans avoir » beaucoup de paffion de procurer aux " autres le meme bonheur & fans etre »» touche d'une joie fenfible, lorfqu'on » voit augmenter le nombre de fes' » amateurs. Celt la raifon qui m'en- " gage ^ eftimer autant que je le fais » le naturel heureux & porte aux » grandes chofes de Jean du Vergier » de Hauranne originaire de Bayonne. » Je i'ai vu depuis quatre ans envi- " ron dans l'Uiiiverfite de cette ville » |
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I. Part ie. Liv. V. 2.1$
m s'appliqueravecafliduitearetudedes - » bonnes lectres & principalement a » la Theologie a laquelle, commeala » reme des fciences, il a confacre « toute l'etendue & la fubtilite de » fon genie , in genii ignem. Il nous » en a donne des preuves admirables » en une infinite de rencontres, & » entre autres le 26 du mois d'avril » dernier dans une difpute folem- " nelle , ou il repondit publiquement » fur routes les matieres de la Theo- " logie avec tant de vivacite , de de- » licatefTe & de force, qu'il ravit en » meme tems l'efprit & le cceur de » tous ceux qui furent temoins de cette »» action. C'eft dequoi nous portons » un temoignage ties fincere. Je prie » Dieu de perfe&ionner de plus en » plus ce genie fublime qu'il n'a mis' w au monde , autant que nous pou- » vons le prevoir, que pour en rirer » fa gloire & pour le bien & l'utilitc » de toute la Republique chretienne. » Deum precor provehere hoc ingtnium »fuo honori,Reipublicce chrifl.ia.nm bono, » cui natum auguramur. A Louvainle » 12 mai 1604, figne, Jufte Lipfe Pro- » fefleur & Hiftoriographe. M. du Pin pretend qu'apres cetre
thefe, notre Ecudianc fe mit avec |
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2I(J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
"""""-----Janfenius fous la difcipline de Fro-
* ** mond, qui leur infpira un grand
amour pour la dodtrine de S. Auguf- tin , & une grande averfion pour celle de Molina. Mais comment du Ver- gier & Janfenius auroient-ils etudie fous Fromond qui etoit beaucoup plus jeune qu'eux, & qui ne faifoit alors que d'entrer en philofophie J Apres la thefe dont nous avons par-
• le , du Vergier quitta Louvain & re-
vint en France. L'an 1611 il fe retira
a Bayonne avec Janfenius. La liaifon
de ces deux hommes devenus fi ce-
lebres depuis , s'etoit formee non a
Louvain, mais a Paris, ou Janfenius
etoit venu de l'avis des Medecins ,
pour retablir, en changeant d'air, fa
fante alteree par la trop grande etude.
xxvni. L'Eveque de Bayonne donna a du
premiers Vergier un Canonicat dans fa cathe-
M.Vdegs! cy- drale , & a Janfenius fon ami, la Prin-
**»• cipalite du college qu'il avoit erige
dans cette ville. lis paflerent plufieurs
arinees enfemble dans une application
continuelle a la lecture de S. Auguftin
& des autres Peres. L'Eveque de
Bayonne ai'ant ete transfere l'an 1616
a Tours, dont le fiege etoit vacant par
la demiffion de Sebaftien Galigai,
feere de la Marcchale d'Ancre, du
Vergier
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I. Partie. Liv. V. itf
Vergier fuivit fon Eveque a Tours-
Cer Eveque le donna a Henri Louis Chateignier de la Roche-Pofai Eveque de Poitiers, eleve de Scaliger, qui le fit fon grand Vicaire, & fe demit l'an 1620 de l'Abbai'e de S. Cyran en fa faveur (19). » L'Abbe de S. Cyran , » dit M. du Pin, etant encore fort » jeune donna des marques de la » vivacite de fon efprit, dans un petit » traite anonyme qu'il fit fous le »> nom de Quejlion ro'ia/e , parcequ'il » fut fait a l'occafion d'une queftion h que le Roi Henri IV avoit propo- » fee. Ce Prince ai'ant demande a des » Seigneurs de la Cour, ce qu'il euc » fait, fi perdant la bataille d'Arques » donnee en 15 8 9 , au lieu de la ga- « gner comme il fit,il eut ete oblige » de s'enfuir , & que s'embarquant » fur la mer dont il etoit proche,la » tempete l'eut jette bien loin ; ua »» Seigneur lui repondit, qu'il fe feroit » plutot donne a manger lui-meme , » en s'otant la vie qu'il eut perdue » audi peu de terns apres, que de » lailfer mourir fon Roi de faim. La- » deflus le Roi mit en queftion fi. w cela fe pouvoit faire. Le Comte de (19) Hiftoire Ecclefiaftiiue du dix feptierae fiede g
partie II. page 6ji. Tome I, ft
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Jl8 HlSTOIRE DE PORT-ROlAt.
» Cramail qui etoit prefent a ce di£
» cours , etant venu , quelque tems » apres , voir M. de Hauranne , lui » propofa cette queftion, & lViant jj prie de chercher dcs raifons plau- » iibles pour appui'er la penfee de ce » Seigneur qui avoir temoigne tant h d'affection pour fon Prince , M. de » Hauranne qui avoit l'efpric vif, lui » dir fur le champ plufieurs raifons » qui agreerent tellement a ce Comte, w qu'il le fupplia de les mettre par » ecrit. M. de Hauranne pour le con- » tenter fit ce qu'il fouhaitoit de lui, « &c ai'ant mis cet(' At entre les mains » du Comte de Ctimail, celui-ci le » fit imprimer fans nom d'auteur m fous le titre de' Queftion ro'iale, » favoir en quelle extremite le Sujet » pourroit etre oblige de fauver la » vie de fon Prince aux depens de la »» fienne. Ce livre , ajoute M. du Pin, m eft fi rare (30) que nous n'en avon,s " pu recouvrer aucun exemplake pour i' en donner un extrait. M. de S. Cyran etant a Poitiers fit imprimer (50) Ce Hvte n'eft plus raftere, enfin tout-a-f»it
fi rare aujourd'hui, car on femblables aux exemplai-
en a imprime depuis peu res de la premiere edition.
4 Paris quelques exem* C'eft un artifice des Li-
plaires en ties petit nom- braires dont il faut fe
bre , de mcme papier ,• donaex de garde,
Higrne forme, meme c»-. |
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I. Partii, Liv. V. 119
non en 1617 , comme dit M. du Pin , I(j mais en 1615 , un ouvrage fous ce ticre : Apologie pour Henri Louis Cha- teignier de la Roche-Pofai Eveque de Poitiers „ contre ceux qui difent quit 71 eft pas permis aux Ecclejiaftiques d'a- voir recours aux armes. Ce livre fut fait pour la defenfe de cet Eveque de Poitiers qui avoit pris les armes, 8c s'etoit mis a la tete d'une troupe de gens armes pour mettre a la raifon quelques habitans de Poitiers de la Religion pretendue reformee , qui caufoient des brouilleries dans cette ville. Dans cette Apologie , M. de S. Cyran, apres avoir emploie tous les textes & les exemples de l'ancien & du nouveau Teftament qu'il crut con- venir a fonobjet , faifoit, pour juftifier l'Eveque de Poitiers , une grande enu- meration d'Ecclefiaftiques , de Papes, de Cardinaux, d'Eveques, de Moines qui ont porte les armes (ji). II y a beaucoup de recherches & d'erudition tant ecclefiaftique que profane dans cette Apologie. L'extrait qu'en donne M. du Pin eft fort curieux , & eft fuivi d'une reflexion , qui feule fuffiroit pour faire l'apologie de M. de S. Cyran, (; 1) Voi'ez le fecond fiafKque , depuit la page
Tome de l'Hiftoire eccle- 70 jufcju'A 84. Kij
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HO HlSTOIRE DE PORT-RO J At.
■ & le juftifier contre les reproches que
fes ennemis lui ont fairs , & les accu- fations qu'ils ont formees contre lui a l'occafion de ces deux ouvrages. « Ces deux ouvrages de M. de S.
» Cyran , dit M. du Pin parlant de la Queftion roi'ale & de l'Apologie, « doivent etre confideres comme des » declamations de Rheteurs , qui fou- » tiennent des paradoxes par des rai- » fons probables &c par des exemples » illuftres , pour faire valoir leur art w &; leur. eloquence , comme nous s' voi'ons que Ifocrate a fait autrefois » l'eloge d'Helene & de Bufyris; le " Philofophe Favorin,celui de lafievre « quarte ; Synefius celui des teres » chauves; & dans les fiecles pofte- » rieurs , Erafme celui de la folie; w ( Agrippa celui de l'ane) •, & d'au- n tres celui de differentes chofes tres » meprifables & tres incommodes,&c. Si ces premieres productions de M. de S. Cyran lui acquirent la reputa- tion d'un homme d'efprit & d'erudi- rion, ceux qu'il fit dans la fuire, plus folides & plus dignes de lui, firent connoitre combien il etoit profond Theologien, combien fes lumieres ^toient pures, combien fon zele pour ja yerite ecpit ardent, ft fan amour |
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I. Partie. Llv. Vk hi
pour l'Eglife , fincere. C'eft ce quilui —z '* attira une fi grande eftime de la part ' des gens de bien, &c d'un autre cote tant de traverfes & de persecutions de la part de ceux qui n'aiment point la verite. La reputation de fa fcience 8c de fes lumieres etoit telle, que M. Zamet Eveque de Langres dit de lui ces paroles remarquables , meme de- puis qu'il fe fut brouille & qu'il eut rompu tout commerce avec M. de S. Cjrran, dans une lettre du 10 Jan- vier i <J j (J : qu avec fon approbation il n'y avolt nuL fujet de ctaindre , fa iumiere etantji bonne &jlnette. M. de S. Cyran etoit connu de la xxxx.
Mere Angehque avant quelle trans-raentdc iui- ferat fes Religieufes a Paris ; il 1'etoit fon <!eiaMc- aufli de M. d'Andilly fon frere , & de ^ec m. *s Madame fa mere. Il fe trouva chezs-c/rin- elle en 161 3 lorfqu'elle re$ut la lettre par laquelle la Mere Angelique la prioit de lui amenet des carolTes pour conduire fes filles de MaubuilTon a P. R. (32). Il s'en alia peu apres avec M. Bouthillier Eveque d'Aire, qui le f>ria comme fon ami de l'aider a porter
e poids de fa charge; & il y demeura jufqu'a la mort de ce bon Eveque , arrivee au mois de Janvier 1625 (33). (3 i) Mem, Tome I. p. 558. (;j) IM. ,
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Ill HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.'
En revenant a Paris , il pafla a P. R.
des champs. Dans une vifite (34) qu'il rendit a. la Mere Angelique la veille de l'Afcenfion , il l'enrrecint fur ce grand myftere , &dit des chofes admi- rables. » M. de S. Cy,ran , die la Mere » Angelique de S. Jean (35), nous fit » un tres beau difcours fur le fujet » du myftere de l'Afcenfion , dont il » fit voir le rapport admirable avec w celui de PEuchariftie, comme fi » des lors le S. Efprit eut voulu fe " fervir de fon miniftere pour nous " apprendre a appliquer notre piete » au culte de cet augufte Sacrement, « qui eft dans l'Eglife 1'abrege de « toutes les merveilles de Dieu, & »» que nous devions honorer par une " confecration particuliere dans la » fuite des tems, comme il eft arrive « dans retablilTement du nouvel inf- « titut des fiiles du S. Sacrement, » qui fut l'occafion oil Dieu engagea « (douze ans apres) M. de S. Cyran »» a prendre la conduite de la Mere w Angelique 8c de fa communauce , ce » qui arriva en 1635. (j4) Les Relations va- ceeen iffi; , ic dans une
rient fur l'annee de certe autre en 1615.
premiere vifite de M de (jjj Relation Tome I.
S. Cyran A P. R. Dans page 119,
«ae Relation elle eit pl»- |
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I. Partie. Llv. V. it?
» Je reverai des-lors ce faint homme, jg
« comme tres favanc , die la Mere » Angelique (T.J ie Rel. p. 339) •> » mais je ne fus pas afTez heureufe » pour reconnoitre fa faintete telle »> qu'elle etoit, ni de jouir des-lors » du bonheur que Dieu fembloit m'of- « frir de prendre fa conduite. II he » me donna auffi aucune ouverture » pour cela , ce qu'il ne faifoit ja- » mais, ne s'enquerantde rien , & ne - repondant preafement qu'a. ce qu'on » lui demandoit. Du refte il parloit » des matieres generates de devotion » avec une elevation d'efprit admira- » ble , enforte qu'on voioit vifible- » ment que fes paroles partoient plus «• du fond de ion cceur que de fon « efprit. Lorfque la Mere Angelique fut a
Paris , il continua de frequenter la maifon , mais plus pour Madame Ar- nauld , que pour la Mere Angelique. Madame Arnauld prit confeil de lui fur fa vocation. Il la confeflTa l'orf- qu'elle fit profeflion, &c elle lui par- loit avec grande confiance. » Pour » moi, dit la Mere Angelique , je le » refp2£tois beaucoup , 8c le fuppliois » de me venir voir, lorfque j'etois y fort affligee de ne favoir plus qua K iiij
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i*4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlArJ
*■"' ■' ■ " faire pour notre fubfiftance. Je tiff
?"*• » lui difois que fort fuperficiellement » le fujet de ma peine , &: il me con- *> foloit par des paroles toutes de foi » & de charite. Peu-a-peu je le con- » noiffbis davantage , mais je n'ofois » m engager a lui , parceque je 1 e- *> tois ailleurs. Je ne laiflois pas que « d'entrevoir beaucoup de chofes qui » ne fuivoient pas des premieres lu- » mieres que j'avois vues en celui qui " me conduifoit ( M„ de Langres) de » celles qu'il avoir plu a Dieu de me » donner des l'inftant qu'il m'infpira »> le mouvement de le fervir. xxx. Enfin Dieu tira la Mere Angelique J^'Jf. L'T d'embarras, en voulant que M. de
gres fait con- _ » „ ~t
noiflance »- Langres tit lui - meiiie connoiiiance
c'yra" ^t aVeC M" de S> Cyran & ClU'il Pr'C COn'
pric de Dren- fiance en lui. Cette connoiflfance fe fio
mJts.i" (comme le rapp°"e Y Mere Angeli-
Etement. que , Tome I. du Memoire, feconde
Relation, page 341 ), par une ren- contre de quelqu'affaire de l'Eglife Sc du Clerge. » L'Auteur de l'hiftoire de *> l'inftitut du S. Sacrement, Tome I. Memoire de Lane, page 3 9 j , dit que *> M. de Langres ai'ant commence a « le connoitre dans un entretien qu'il » eut avec lui en prefence de la Mere « Angelique > regarda l'acquifition d§ |
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1. P ART IE. Liv. V. 115
u ce fage & vertueux Theologien" \^
t> comme celle d'un grand trefor. Un jour qu'il lui faifoit l'eloge de M. de S. Cyran , il lui die de lui faire voir les conftiturions de la maifon du S. Sacrement qu'il avoir faires. La Mere Angelique en fur furprife , quoiqu'elle en eut beaucoup de joie. Elle lui re- prefenta que M. de S. Cyran difoit franchement fon fenrimenr & qu'elle craignoic que cela ne causar du re- froidilTemenr entr'eux : Ne craigne^ point, repondh It Prilat, jt veux qu'il en foil le maitre. La Mere Angelique les lui communiqua done, mais par refped pour M. de Langres , il j changea tres peu de chofes , quoiqu'il y en eur plufieurs qui ne fufTent point de fon gout. II y en eut une fur-tout qu'il ne put foufTrir , la trouvant con- tre l'ordre de l'Eglife , qui etoit que les filles s'enterraffent fans Pretres. La Mere Angelique l'ai'anr dit au Prelat* il en fur d'abord choque, neanmoins il confentit aux changemens, & cec article en particulier fut retranche. Depuis ce rems il conferva fes fenti- mens d'eftime & d'amitie pour M. de S. Cyran , &c le pria inftamment de prendre foin du nouveau monaftere qu'il venoit d'etablir. Ce pieux Abb* K v
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'k &&& - ..-■-.— -*^
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21 (j HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.'
y venoit de terns en terns parcharit£
pour ces Religieufes , & les inftrui- foit de vive voix & par ecrit fuc les faintes difpofitions oil elles de- voient etre pour commencer un inf- titut , & etre les pierres fondamen- tales d'une maifon de Dieu dans l'E- glife. La Mere Angelique commence alors a connoitre encore plus qu'elle n'avoit fait, que M. de S, Cyran etoit audi fpirituel & audi faint qu'il etoit favant. L'Eveque etoit ravi des foins qu'il prenoit de fes filles , & les exhortoit a lui bien temoigner leur teconnoilTance. Les fentimens d'efti- me pour M. de S. Cyran augmenterent encore dans M. de Langres , par le fervice qu'il lui rendit dans l'affaire du chapelet, ou il etoit perfonnellement interefle. Il fut charme d'avoir trouve un defenfeur (i genereux & Ci eclaire. Ainfi a mefure que M. de Langres connoiiToit plus particulierement M. de S. Cyran , il etoit plus epris de fa rare piete & de fes grandes lumieres ; tc comme il n'avoit rien plus a cceur que de porter les filles du S. Sacre- ment a la plus haute perfedion, il jugea que perfonne ne pouvoit mieux l'aider dans ce deffein que ce grand ferviteur de Dieu. Peu apres l'Eveque |
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I. Part ie. Liv. K ny
s'en retourna dans fon Diocefe > & en lui recommandant fes filles , il leur ordonna de lui obeir. IL le pria de les precher & de les confeuer. M. de S. Cyran refufa d'abord de les confef- fer. II fui'oit naturellement ces fortes d'emplois , fe tenant le plus renfermc qu'il pouvoit dans fon cabinet, oil il {>a{Toit , pour ainfi dire, les jours &
es nuits, partie a prier, partie a com- pofer des ouvrages qui puffent etre utiles a l'Eglife. Enfin les inftances rei- terees de rEveque lui paroiflant com- me un ordre de Dieu, il refolut d'a- bord de precher •, ce qu'il faifoit au parloir, parceque M. l'Archeveque de Paris ne vouloit pas qu'on prechat dans l'Eglife. Et ce fut un trait de la providence fur cette maifon, dit la Mere Angelique , car outre qu'il n'eut pas pu , -en prcchant publiquemenr, donner des inftrudions particulieres & convenables a des Religieufes , quantite de perfonnes auroient voulu les precher , & elles n'euflent pas eu M. de S. Cyran audi fouvent. Il ne manquoit pas de precher les dimanches 6c les fetes, & il n'affiftoit a fes fer- mons que trois Pretres du voifinage & deux Dames. Ces perfonnes etoient ravies, & difoient qu'il n'apparte- K vj
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ii8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.'
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I^ia," nolt clu*^ cer homme de precher la
•*A' parole de Dieu. M. l'Abbe Amelotte I'un de ces trois Pretres, Docteur de Sorbonne , ( qui eft entre depuis a I'O- ratoire, & a voulu fe diftinguer en ecrivant concre les prctendus Janfe- niftes) difoit alors qu'il viendroit de cinquante lieues pour entendre de pa- reils difcours. En effet, felon le te- moignage public qu'a rendu a M. de 5. Cyran, un Prelat (3 6) auffi recom- jnandable par fa piece que par fa naif- fance , » ce favant homme n'avoit " point d'autres fentimens que ceux »> qu'il avoit puifes dans l'Ecriture *> fainte & dans la tradition de l'E- »» glife. Sa fcience n'etoit que celle *» des faints Peres. II ne parloit point *> d'autre langage que celui de la » parole de Dieu; & bien loin de »> conduire les ames par des voies par^ » ticulieres & ecartees , il ne favoit »» point d'autre chemin pour les mener *■ a Dieu que celle de la penitence 2Z " de la charite. 5TXXI. » Il y avoit environ 15 mois, dit M. m dcomSt " Lancelot, T. I. p. 40i,qu'il avoit com.
de confeffir »» mence a nourrir des maximes evan- | £% " geliques les Religieufes du S. Sa- cremem. » crement, lorfque Dieu ai'ant com, (36) M. de Ural Er&juedefe Roehetfe, |
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I. Par.tie. Llv. V. 119'
'** mence a faire un grand changenient"
»» dans ce monaftere, infpira a toutes *> les Religieufes le mouvement de » faire a M. de S. Cyran une con- » felTion generate, &c de fe mettre «> fous fa conduite. Jufqu'alors la Me- w re Angelique les avoir en vain ex- *> hortees a cela : la grande exactitude " de ce pieux Abbe leur faifoir peur. II y a quelques differences entre ce recit de M. Lancelot & les Relations, fur cet article. Mais fans nous arreter, a les concilier , admirons feulemenc de quelle maniere la divine providence difpofe les chofes. Les Religieufes avoient ete quelque tems fans fe de- terminer a fe confeiTer a M. de S. Cyran, malgre les exhortations de la Mere Angelique par l'apprehenfion qu'il ne fut trop fevere •, & d'un autre cote M. de S. Cyran avoir refufc d'exercer ce miniftere. Mais dans le moment que Dieu infpira aux Reli- gieufes la refolution de lui donner leur confiance , le pieux Abbe y con- fentit (57'). Cet heureux concert fit voir quel'efprit de Dieu leconduifoit, en ne lui hiettant au cceur d'enrendre les confeffions des Religieufes , que lorfqu'il toucha ceux de ces filles pour (37) PkienwRelauoaj Tome I. p. j*^ |
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1J0 HlSTOIRE DB PoRT-RO'lAt.
' le deurer (38), Elles voulurent tou*
tes lui faire une confeilion gene- rale. Ce fur a Tentree du Careme qu'el- les commencerent; & elles rec,urent l'abfolution pour communier le jeudi fainr. Quelques-unes l'aiant prie de les laiifer plus long-tems dans la pe- nirence, & de bur permerrre de fe renir encore feparees de la commu- nion, il ne le voulur pas , & repondic i 1'une d'elles , qu'elle fe laiftat con- duire & ne s'en privat pas pour lors , qu'il pourroir venir un tems , ou on Ten priveroir peut-etre plus de tems qu'elle ne le voudroit. Ge qui eft ar- rive depuis (39)- La Mere Angelique fut la derniere qui s'adrelTa a M. de S. Cyran , quoiqu'elle y exhortat les autres. » Je fus , dit-elle , la derniere »» qui me confelTai a M. de S. Cyran, » apprehendant la grande droiture " de ce ferviteur de Dieu, quoique « je le reverafTe extremement, 8c » qu'en efFet Dieu m'eut donne la »> meme idee de la veritable devotion » & de la vie religieufe des le mo- ss ment qu'il me toucha par le fermon " du Capucin dont j'ai parle.^ar je vis » aufll-tot la neceflite de la vraie obeif- (?8) Relations, Tonte (39) Dixicme Relation,
tl. page j4j. I. Part. Teme II. p. j vj. |
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I. P ARTIE. Liv. V. %\\
»» fance, du mepris de la chair & de \G\ s«
» tousles plaifirs fenfuels,& le me-
» rite de la vraie pauvrete•, & Dieu
»» me donna tant d'affedtion pour ces
»> vertus , que je ne refpirois que de
» trouver les maiens de les pouvoir
»» pratiquer. Mais ma mifere , ma
»» legerete , le peu d'affiftance que j'a-
» vois eue, pour correfpondre a cette
» premiere grace , quoique cette
» volonte foit demeuree rerme au
» fond de mon cceur pour chercher les
» mo'iens de la fuivre , m'ont fait
» commettre de grandes fautes & in-
» fidelites, dont j'avois fouvent des
» remors de confcience qui me met-
w- toient en d'extremes angoi(Tes. Je
« me reprenois, & incontinent je re-
« tournois dans mes langueurs. Je
» craignois done ce qu'en effet j'ai-
» mois & defirois, qui etoit la forte ,
» fainte, droite tk eclairee conduite
w de ce ferviteur de Dieu. Je la re-
» gardois comme la mort de ma vo-
» lonte , de mon difcernement & de
w mon propre fens dont j'avois juf-
» qu'alors conferve la plus grande
» partie. Je ne le voulois pas tromper
»j ni abufer de la grace que Dieu me
» faifoir, apres avoir tant defire de
»> txouver un homme, dont la force
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r
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Ijl HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.'
■'"■------ » de l'efprit dans la verite accablae
■*'' •» le mien. Sa grande fageiTe me fai-
» foit apprehender de liu faire con- » noitre tant de fottifes •, & fa faintete, »' tant d'infidelites &c de peches. Cette " peine ecoit fi grande que d'abord " que je lui dis , qu'encore que j'eufle » une vraie volonte de lui faire » connoitre tout l'etat de mon ame, " Dieu m'y obligeant, dans la creance " qu'il m'aideroit a fortir de mes mi- »> ieres dont le poids m'etoit fi pe- " nible , neanmoins il m'etoit, ce me » fembloit, impoffible de me confef- » fer, fi Dieu ne me faifoit une grace *» extraordinaire que je le fuppliois » ties humblement dedemander pour « moi. » D'abord il me dit que je ne de-
»> vois point violenter mon efprit, 8c " 8c que lui aiant dit que j'avois » fait plufieurs confeflions generales , m il n'etoit pas befoin que j'en re- *> commen^aUe une -, mais il ne me » le put perfuader , parceque le trou- » vant fi faint dans fa conduite, 8c c Dieu me donnant un delir tout » nouveau de fuivre fidelement les » premieres penlees qu'il lui avoit plu » de me donner, de vivre en vraie f> Religieufe , &i dans un etat pluj |
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I. Partie. Liv. V. 233
•' avantageux que je n'avois jamais
*» ete, etant dechargee de l'Abbaie , & " cette fuperiorite de la maifon du S. " Sacrement n'etant que pour un terns, '» j'avois grand defir de me fervir de la " grace que Dieu me faifoit d'avoir » rencontre ce fainthomme, m'aban- " donnant abfolument a fa conduite, 8c " renoncant a mon propre efprit & a " mon propre fens qui m'avoient tant » fait fairede fautes.Pour celajecroi'ois » les lui devoir faire connoitre exadfce- " ment; &c s'il m'eiu ete poffible de » les lui fairevoir, commejelesvoiois » fans les dire , je me fuiTe eftimee » trop heureufe. Mais la parole m'e- " toit interdite , & il me fembloit » impoiTible de prononcer ce que je " voi'ois avec tant de peine. « En effet dans le premier entre-
»' tien que j'eus fur ce fujet avec lui w &C qui dura deux heures , je ne lui » dis que mes difpofitions generates " & les proteftations du defir que j'a- » vois de lui obeir comme Dieu m'y » obligeoit, le fuppliant de m'aider » &C de me faire faire fans aucune re- » ferve tout ce que Dieu lui feroit « connoitre que je devrois faire pour •< le fatisfaire. u Peu de jours apres, il revint, 8c
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iJ4 HlSTOIRE BE PoRT-RO lAI.'
» je crois qn'il m'obcint par fes prie-
» res la grace de furmonter mon ex- » treme repugnance a me confefler, « 1'aiant fait alors fans grande peine. >, Je demeurai fi fatisfaite 8c n con- » tente qu'il me fembloit etre une » autre creature; & quoique Dieu me » fit fentir de la douleur de mes pe- s' ches , je puis dire n'avoir jamais eu » tant de veritable & meme de fi » fenfible confolation en toute ma » vie , &c que jamais je n'avois eu » tant de plaifir a ma divertir &c a » rire > que j'en avois a pleurer. » Je ne devrois paint dire ceci, n'e- » crivant que ce qui concerne la con- ty duite & la providence de Dieu fur » cette mkifon : mais je le dis parce- jj que routes nos Sceurs, a la refervc M de deux, etoient en la meme dif- » pofitioa de penitence 8c de joie. » C'etoit une union fi etroite de tous u nos cceurs, que dans un filence tres » exact, il fembloit que nos Sosurs » s'enrreparloient pour s'entreconfir- » mer dans le defir de la perfection » teligieufe. Inexactitude a toutes les » obfervances etoit tres grande. A la M conference, quand celle qui nous m etoit contraire n'y etoit pas (40), par Uo) La Soeur Anne dc Jefus de Chameffon Cha-
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I. Partie. Liv. V. 13J
» fon tour de l'affiftance devant le S.
" Sacrement ou par quelqu'autre oc- » cafion, nous n'y parlions que de » notre bonheur , & de Pa&ion de |
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noineffe de Remiremont,
qui etoit tombee entre les mains de M. de Langres par la molt de Madame fa mere(*) qui etoit defon Diocefe , & qu'il avoit afliilee a la mort. Nous avons deja parlr de cette fille que M. de Langres avoit donnee a la Mere Angelique pour avoir fom des poitulantes , q'loi- qu'elle ne tut que novice clle-meme I**) aj Peut- 3> etre , dit la Mere An- » gelique i T. I. desRel. 55 page . • 4 ) que (l elle k eut ete alkz heureufe » pour encrer ton-a-fait 35 dans la condui'edeM. » de S. Cyran, elle efltpu » etre bonne Reli >ieufe. D'abotd elle le gouta fort ficadmiroit fa chari.e, la prudence 5c rO'i unifor- mite. EUe vo:ilut comme les autres lui faire un renouvellcment £l!e fe plaignit de ce que n'etant encore que (ecu liere 8c route nouvclle dans la religion , on lui avoit donne le foin des novices : M. de S. ^.yran Jui dit iju'elle a/oit raiibn & lui confeilla de deman- |
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der a s'en d£charger, ce
qui lui fut accorde par la Mere Ang lique, de l'avis de M. de Langres a qui elle en ecrivit. Llle tut (1 piquee d'etre prife au mot qu'e'le n'acheva pas fon renouvellement Elle hit mene de fort mauvai- fe humeur contre M. de 1 angr s. Ce Prelat etant revenu a Paris , s'appercut de 1'etar de cette fill* , mais elle le gagna bientot dans un entrelien de trois heures qu'il eut avec elle , apres lcquel !a Mere A n- geliquele vit 8c le trouva tout autre. Cette Hlle con» trihua bcaucoup a mdif- poi'er M de Langres &C Madame de Longueville contre M. de S. Cyran , la Mere Angelique & firiF titut du S. Sacrement; de forte que torfeju'elle eut quite la maifon , la Ducbeife de Longue- ville qui avoit pns le titre de fondatrice n'y remit plus le pie, non plus que M. de Langres, qui commenca a publier fes accufations contre M» de S. Cyran. |
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(*) la Bdromtt d'O-trs en Champagne*
I**) yo>i\ U t&tauit des fitctt, page 4;;, |
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1J<J HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
* jg » graces & de fidelite que nous de-
« vxons a Dieu, 8c de la grace qu'il
•> nous avoit faite de connoure la ve-
» rice de nos obligations.
xxxii. >» Madame de Ligni, qui etoit no-
Wnidiaion „ tre bienfaicrice & qui entroit dans
pana fut le ■ la mailon , aiant rait un voiage de
S'"!itece,-'le " quelques mois a la campaene , fut
M.de S. C.y- J . 1 r & »
tan, dans !e» li lurprile a ion retour de voir le
s! sacremenU " changement de la maifon qu'elle en '» etoit tome ravie , fur tout a l'e- » gard de fa fille qui etoit jeune , » delicate, &£ qui quoiqu'elle fut Re- »> ligieufede ties bon coeur avoit en- " core l'efprit du monde , etoit fufri- » fante & recevoit librement les petits w accominodemens. Mais fitotqu'el- »> le eut fait fon renouvellement a » M. de S. Cyran , il n'y en avoit pas m une plus humble, ni qui aimat plus » la mortification & lapauvrete (40). La Mere Angelique fit ce renou- vellement avec une ferveur extraordi- naire , dans la retraite la plus etroite , jufqu'a ne voir aucun de fes parens, & joignant a cela les jeunes , les ma- cerations & tous les traitemens les plus rigoureux. Elle ecrivit fur un papier que la providence a conferve, (40) Voi'ez la deujcierne Relation, premiere Partie ,
jnajjc i+f & fuiv. |
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I. Part ie. Liv. V. 2.37
les resolutions qu'elle avoit faices - pendant fa retraite, enfuite de fon renouvellement. " 1 ".Tons les matins, je prierai Dieu
» de vivre & de mourir dans la pe- » nitence. " i°. Je procurerai par routes les
» voies qui me feront permifes , de » fortir de charge , & quand Dieu » m'aura fair cette grace , j. n'en ac- » cepterai jamais d'autre. » 30. Tandis qu'il lui plaira que
» j'y demeure , je n'enrreprendrai ja- " mais rien pour la conduite fpiri- » tuelle ni remporelle fans obeiflance. " 40. JeconverferaiavecmesSceurs
« avec la plus grande humilite queje » poiitrai. Je ne les reprendrai jamais » de leurs fautes a l'heure meme » qu'elle les feront, ni pour la pre-* » miere fois , ni qu'auparavanr je « n'aie prie Dieu qu'il me fafTe la »« grace de le faire par fon efprit 8c » qu'elles le regoivenrde meme. '" 5 ° • Je me feparerai del'application
» inutile que j'ai accoutume d'a- m voir fur leurs actions , efperant plus » a la conduite de Dieu qu'a des foins « fuperflus. » 6°. Je parlerai le moins qu'il me
» fera poffible, J'aurai foin d'ecrjro |
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i$8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" plutot, quand il fe pourra , 8c me
" fervirai de fignes ou je le pourrai. » 7°. J'eviterai autant qu'il me
" fera poffible d'aller au parloir, 8c " quand je ferai hors de charge , je " n'y irai point du tout , pas meme " pour mes parens. Quand je ferai " obligee d'y aller , je parlerai le " moins que je pourrai, ne m'enquer- " rerai jamais de nouvelles , &c evite- ^ rai qu'on m'en dife. » 8°. Quand je ferai hors de char-
" ge' je tacherai d'etre en folitude " toute ma vie. " 9*. Je fouffrirai mes maladies
" fans y chercher du foulagement, 8c " n'appellerai jamais le Medecin fans " permiilion exprelTe. Si Dieu m'6te " mes maladies, je ferai tous les jours " quelque penitence , felon qu'il me " fera permis. » io°. J'efTaierai de vivre dans la
" plus grande pauvrete qu'il me fera " poffible pour la nourriture , ne pre- » nant que ce qui me fera precife- » ment neceflaire, & du pire. Je ne -.» prendrai jamais de .fruit, falade , » ou autre chofe qui ne foit pas ne- » cefTaire a la vie. Au vetir & cou- » cher, j'obferverai auffi la plus grande ,»> pauvrete que je pourrai. |
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I. Partii. Liv. V. z$j
»» n". Je n'ecrirai point de lettres
»> que des neceflaires, & je ferai en » iorte, autant que je pourrai, d'ou- » blier les creatures & d'en etre ou- » bliee. Quand j'ecrirai, je le ferai » le plus (Implement que je pourrai, " & quand ll m'arrivera de mettre » quelque chofe de trop affedte dans » quelque lettre, J'en ferai une autre. » ii8. Je me fouviendrai tous les
» jouts qu'ai'ant abufe de tout , je » dois me priver de tout. Que fi les » perfonnes innocentes facrifient a » Dieu toutes les chofes dont elles » n'ont point abufe, pour lui plaire » davantage, combien , l'ai'ant ofFenfe » en toutes chofes , ne fuis-je pas » obligee de m'en feparer? Jefupplie » le Seigneur de me donner le coura- » ge de ne recevoir jamais aucune fa- « tisfaction fenfible ni fpirituelle, que » dans l'efperance de fes mifericordes. Du jour de l'Aflbmption de la fainte Vierge 163 5. La Mere Madelaine de Ligny a fait
elle-meme le recit des fruits adrnira- bles de la direction de M. de S. Cy- ran , dans fa Relation qui eft la dixie- nie de la premiere Partie , Tome I. » Apres ces renouvellemens , dit-
»j elle page 5 3 }, que les Sceurs firent |
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Z40 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,?
'*-—-------" entre les mains de M. de S. Cy-
* ?)• » ran, ellesentendoienttoutesfes avis
" en particulier , & fes exhortations " en general avec toute une autre dif- " pofition que celle ou elles etoient » auparavant. On avoit le meme " refpect & la meme docilite pour " notre chere Mere, & on peut dire " qu'il fe fit dans cette maifon une " Pentecote, qui changea & renou- " vella le cceur de routes les Sosurs, " excepte de la Soeur Anne de Jefus, " qui fembloit n'etre dans le monaf- " tere que pour exercer la patience de w la Mere Angelique. » M. de S. Cyran & !a Mere An-
» gelique nous exhorterent deretracer
" en nous une petite image de la pre-
" miere Eglife de Jerufalem. On nous
» donna particulierement pour devo-
" tion , d'imiter les difciples en trois
" chofes : iQ. la docilite pour la parole
" de Dieu ; 2 e. la feparation du mon-
" de •, 3°.l'union des unes avec les
" autres. Et on peut dire avec verite
" qu'il n'y avoit entre nous qu'un
» coeur & qu'une ame, comme il fe
" lit des premiers chretiens. Il ne fe
" pouvoit rien ajouter a l'union, a la
>> tendreflfe que Ton avoit les unes
» pour les autres, qui etoit generale
pour
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I. Pahtii. Llv. V. 241
» pour routes , fans que pas une te- "* » moignat avoir d'amitie particuliere, »» ce qui detruit d'ordinaire la vraie » charite. » Cecte union qui etoit enrre nous
•> etant route de charite , faifoit que »» chacun reflentoit les biens & ies » maux des autres , comme s'ils lui » euffent ete propres. Je veux dire » qu'on compatifloit a leurs afflictions » 8c a leurs maladies , & qu'on fe » rejouiflbit de leur avancement dans » la vertu. Cette charite paroidbit » auffi lorfqu'on fe trouvoit enfemble » dans quelque travail ou obeiffiance, »> fur-tout aux conferences , par le " fupport, le refpecl: , la deference » qu'on fe rendoit les unes aux au- " tres , auffi bien que par le foin » qu'on avoit de fatisfaire fincere- » ment aux moindres fautes, qui " avoient pu blefTer ou mal edifieu » quelqu'une des Sceurs ; ce qui fe " faifoit d'une maniere qu'on nepou- >» voit douter qui ne viae de la pic- m nitude du cceur. » On s'entrerenoit aux conferences
»» avec charite & cordialite de quel- « que chofe d'edification; on y repe- <u toit les conferences que M. de S. w Cyran nous faifoit au parloir : or* Tome I, jL |
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i4i Histoire de Port-roYai.'
1 • » y parloir de la grace que Dieu nous 3 5 • „ avoir faire de nous donner une fi » bonne conduire, & de la recon- » noilfance que nous en devions avoir. » On s'y encourageoir enfemble a la » perfection religieufe , a embracer j) la penirence &c la morrification , a « pratiquer l'humilire, a ne vouloir 3> rien de fuperflu , a aimer que les » barimens & rout ce qui apparrient » an monaftere, reiTentiifent la fim- » plicite & la pauvrete. La Mere An- » geliquey lifoit ordinairemenr quel- s' qu'hiftoire de l'Ecriture-fainte qu'el- » le expliquoit d'une maniere qui » touchoir le cceur en meme-rems » que l'efprit en etoit eclaire •, ou bien » elle donnoic a fes filles quelqu'autre jj inftrudtion felon les rencontres : ce „ qu'elle faifoit fi agreablement &c en ,y perfuadant fi forrement ce qu'elle ,, difoit, que bien loin qu'on trouvat .. quelque contrainte & quelqu'ennui » dans ces difcours fi ferieux , Ton » palfoit ce tems avec une fatisfadtion » finguliere , & on en fortoir avec uhe » nouvelle ardeur pour le fervice de » Dieu. » Le filence etoit fi exactement
»> obferve, qu'excepte le rems de la » conference on pafibit fouvent les |
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I. Partie, Llv. V. 14^
»> Jours entiers fans parler , & lorf- |
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qu'on etoit oblige de rompre le fi- I"35*
»> lence pour des chofes neceflaires , ™ on le faifoit avec grande circonf- „ pection. Notre Mere nous avoit » appris qu'il ne le falloit jamais raire ». avec precipitation, & qu'avant de „ commencer a parler , ll falloit y « penfer quatre fois pour voir s'il jj etoit bien neceflaire , & clever fon, » cceur & Dieu pour tacher de con- » noitre s'il l'approuvoit (41). Elie » nous faifoit fouvenir fouvent de » cette parole du Prophete : le Jiltncc if.it.-f, iji „ entrecient la jujlice Lorfqu'on tra- „ vailloit enfemble dans les obeiilan- u ces , on tachoit d'imiter les pre- „ miers Religieux de Clairvaux, done „ il eft rapporte dans la vie de S. „ Bernard qu'on n'entendoit point „ d'autre bruit dans le monaftere , „ que celui des outils dont ils fe fer- „ voient pour leur travail. » On nous avoit appris auffi que
„ dans ce filence, arm qu'il ne me „ pas oifif, il falloit avoir foin de „ parler a Dieu & de l'ecouter; „ de forte qu'encore qu'on fur fore u occupe, on ne laiftbit pas d'entre- »» tenir dans le travail l'efprit de re- (41) Dixieme Relation du Tome I. pagefjtf.
L i;
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144 HlSTOIRE T)V. P ORT-ROlAt.
„ cueillement&de prieres; parcequ'ert
„ meme-terns qu'on fe taifoit les lines „ a l'egard des autres, on s'entrete- » noit avec Dieu & on meditoit quel- » que chofe de fa divine parole. » On nous infpiroit auifi un grand
» amour pour la retraite & la folitu-
» de, enforte que les Sceurs qui etoienc
>! auparavant les plus attachees a leurs
»? parens > fe portoient d'elles-memes
« a fe retrancner les parloirs autant
»> qu'elles pouvoient, & prioienc la
» Mere de les en difpenfer. On n'y
» alloit que pour la fatisfacfcion des
« perfonnes qu'on ne pouvoit refu-
« fer, ou celles que la charite enga-
» geoit de voir & de confoler, fur-
jj tout les pauvres & les affliges.Notre
m Mere nous faifoit mettre a genous
« avant que d'entrer au parloir, pour
»» demander a Dieu qu'il nous pre-
„ fervat de l'efprit du monde , & de
» meme au fortir , pour le prier d'ef-
» facer de notre efprit tout ce que
» nous venions d'entendre , de peur
« que ce ne nous fut un fujet de dif-
» tradtion dans nos prieres. Elle le
w pratiquoit audi elle - meme.
» Elle nousdifoit que S. Benoit avoir
» grande raifon de vouloir que les u Religieux qui fpxtoient du nxmaf- |
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1. Par.Tie. Liv. V. 245
V* tere , ufaflent d'une fi grande pre- » caution pour faire mourir en eux- *) memes ce qu'ils avoient vu 8c en- *» tendu dehors, qu'il leur defend j, expreflement d'en parler aux aucres , „ parceque la corruption du monde „ eft fi grande , que ces fortes de dif- », cours font capables de repandre ur» „ venin dans notre coeur & dans celui „ des autres, en y introduifant l'ef- u prit & les fentimens du monde , &C „ que c'etoit fouvent la caufe du re- „ lachement & de la mine des mo- „ nafteres. C'eft pourquoi elle defiroit „ qu'on obfetvat exadfcement cette M regie, de ne parler jamais de ce „ qu'on avoit appris au parloir , fi ,, ce n'eft qu'on demandat permiffion „ de dire quelque chofe qui pouvoit a, edifier. » Toutes les Sceurs tachoient a fe
„ rendre exaifces a leur devoir, fans „ fe meler de tout ce qui ne les re- „ gardoit pas ni y faire attention , M de forte qu'on ne favoit pas meme „ ce qui fe paifoit dans la maifon i, hors de fon obeiflance , & qu'on ne ». s'appercevoit pas fouvent de chofes „ qu'il n'y auroit eu qu'a lever les „ yeux pour les voir. Tout cela fe u faifoit avec tant de douceur &c f% L iij
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i4<J HlSTOIRF. BE PoRT-ROlAI.
» librement, qu'il n'y paroiflbit au-
» cune contrainte. Telles furent les fuites heureufes
de la direction de M. deS.Cyran dans le monaftere du S. Sacremenr. » Ce a> n'etoit point, dit la Mere Angeli- »> que , que ce faint homme portat les » perfonnes pat aucune force ni con- » trainte dans 1'efprit de penitence , « ni qu'il ordonnat de grandes morti- »> fications & aufterites. Mais Dieu lui *> faifoit la grace par la force des fo- il lides verites de toucher tellement ,-» les cceurs de l'amotir & du refpecT: « qu'on dpvoit a Dieu , qu'il faifoic » naitre la douleur de l'avoir ofFenfe « & un fi grand defir de lui fatis- » faire, qu'on vouloit toujours plus n faire qu'il ne vouloit. Il avoir un, » foin merveilleux de retrancher tou- » tes les occafions du peche, & pour m cela il remarquoit dans les confef- » fions les moindres circonftances, » afin de reconnoitre les inclinations » & la pente du cceur. Son exac~titu- => de n'etoit point penible aux ames. n Au contraire comme on la voi'oio »> proceder , non point d'un efprit »> fevere ni fcrupuleux , mais d'une » veritable charite & droiture, elle i> donnoit aux perfonnes grande con- |
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I. Par Tin. Liv. V. 247
« folation 8c efperance , que Dieu les------------
« vouloit guerir, les a'fant fait tomber I!^3 5'
5j entre les mains d'un fi bon mede- •> cin (41). Madame de Ligny en etoit (\ ravie xxxti.
qu'-elle difoit fouvent a la Mere An- v^y fefcima aelique : // /2r«* awe ce£ homme ait tine temtite dans & n jc- j ■ /2 /• lamaifon du
grace &• K/K COndUlte tOlltt apojtouque s_ increment.
/?o#r faire dt tels changemens dans les \
ames. Cette Dame vint faire une re- traite dans la maifonduS. Sacremenr, & elle euc bien voulu la faire fous la djre&ion de M. de S. Cyran ; mais comme elle etoit fous celle d'une au-» tre perfonne de grande reputation , elle n'ofa le quitter. Apres qu'elle l'eut faite , elle fupplia la Mere An- geliqueau nomde Dieu, d'obtenir de M. de S.Cyran qu'il voulut bien la con- duire, & qu'il lui fit faire un renouvel- lement. La Mere Angelique luiai'ant dit que M. de S. Cyran auroit de la peine a fe charger d'elle, parcequ'elle etoit riche 5 Madame de Ligny lui repondit : Je lui dirai tout mon Men, &j'en difpoferaifelon fes ordres. Cette Dame tomba malade des le lende- c, „„., main de ia lortie, &c mourut tres chretiennc chretiennement au mois de Janvier (4t) Scconde Relation, premiere Partie , Toms j,
page 34*. L nij
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i.^% HlSTOlRE OT PoRT-ROlAl."
i6$6. C'etoir une perfonne d'un tres
bonefprit, d'une grande verm, & a
qui Dieu avoit fait connoitre la ne-
ceffite de la penitence chretienne. ElLe
etoit tres detachee des biens &c des
vanites de ce monde j & pendant fa
retraite elle difoit fouvent a la Mere
Angel ique , que je plains mon frere
(le Chancelier Seguier) je prie Dieu
qu'il fob chaffe de la Cour, car je ne
Jals comme il fera pojjibk qu'il fe Jauvt
auinment. Pendant que Madame de
Ligny etoit dans la maifon du S. Sa-
crement, on 1 avertit qu'il y avoit une
Abbai'e de ioooo liv. vacante, &
qu'elle pouvoit la faire demander par
M. le Chancelier fon frere pour M. fon
fils, depuis Evcque de Meaux : elle
remercia la perfonne qui lui donnoit
cet avis, & dit qu'elle ne vouloit
point demander cette Abbai'e , parce-
qu'elle craignoit que ce ne fut un
engagement a M. fon fils pour de-
meurer dans l'etat Ecclefiaftique , &c
qu'elle ne dcfiroit point qu'il le fut a
moins que Dieu ne l'y appellat. On
xapporta un jour a Madame de Ligny
que quelques perfonnes de grande con-
uderatton trouvoient a redire, qu'aiane
la reputation d'etre fi fage , elle laiflat
fa nile dans une maifon aula decriee.
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I. Par tii. Llv. V. 449
(C'etoit clans le fort de la perfecution ,
da chape] et.) Elle repondit que fi ce ■** n'etoit pas afTez pour temoigner l'ef-
time qu'elle faifoit de la Mere Ange- lique &c de la conduite de cette mai- fon , d'y laMer fa fille , elle y entre- roit elle-meme. En effet, dans le tems que la mort l'enleva , elle penfoit a ie donner entierement a Dieu , & elle temoigna a la Soeur Madelaine des Anges de Ligny, qu'elle alloit met- tre fes affaires en etat pour fe recirer au plutot dans la maifon du S. Sacre- ment. N'ai'ant pu executer fon deiTem elle demanda a etre enterree parmi les Religieufes, ce qui lui fut accorde. Apres la mort de Madame de Ligny, xxxiiy.
arriveeau mois de Janvier 1636, la lf,^leteA'f Mere Angehque penla a le retirer de I fe rearer <le la maifon du S. Sacrement pour ter- |f maifon £° ..- .r S. Sacrement.
miner toutes lesdilputes. Nousavons
deja dit que la Butle de l'inftitut du l»3^» S. Sacrement donnoit la fuperiorite de la maifon a trois Prelats > Meffieurs de Paris , de Sens & de Langres. Le , premier fourFroit cela avec beaucoup de peine; & quoiqu'a force de folli-
citations & par consideration pour Ma- dame de Longueville , qui avoit pris le titre de fondatrice, il eut laifle pren- dre poiTeflion de la maifon, il permit L v
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2. JO HlSTOIRE 0f. PoRT-ROlAI.
-~T~7 feulement de dire I'office dans le choeur,
• ' mais 11 ne voulut point qu on y pre- chat , ni qu'on donnat l'habit a au- cune fille , afin que les tenant ainfi en fufpens , elles fufTent obligees de le reconnoitre pour feul Superieur. Il y avoir deja pres de trois ans que la mai- fon eroit dans cet etat. M. de Sens , l'un des Prelats Superieurs , par un coup de la divine providence s'etoit entierement retire des le commence- ment de l'etablitTement. M. de Lan- gres s'indifpofoit de jour en jour conrre M. de S. Cyran, qu'il avoit tant eftime & dont il avoit loue la conduite jufqu'a le vouloir prendre pour coadjuteur & pour dire&eur (43). Ce Prelat voiant que les Religieufes du S. Sacrement avoient plus de con- fiance en M. de S. Cyran qu'en lui, en conCjiu une telle jaloufie qu'il ne put en guerir fon efprit. Semblable a Saiil, 3ui s'etoit rejoui avec tout fon Peuple
e tant de fervices fignales qu'il avoit rectus de David 5 puis aveugle pat fa paflion, il ne regarda plus ce Servi- |
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Ui) M. de Langres faveur. M. de S. Cyran
j>re(Ta M. de S. Cyran , & dit quil etoit trop vieux ,
le fit piefTer par ties amis, M. de tangres repondit
entr'autres par M. Mole , ce que dit S. Ambroifedc
de confentir qu'il fe de- Slmplicien, Smcx eji ftd
mic de fon Evedic ea fa bonus.
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I. Partii. Liv. P. 251
teur fidele que comme un ennemi qui 1(j,^ meritoit la more M. de Langres avoit reconnu ( dans XXXI,y\
1 1 P • 11 Jaloufie de
des letrres ecrites pendant le cours M.deLangres
meme de l'annee 1635) que its pen- coe M- det* sees de M.de S. Cyran itoient des pen- ' ^ fees de Dieu que les filles du S. Sa~ crement navoient qu'a fuivre , puifqut Dieu Le Leur avoit donni pour les con- duire a I'etat de perfection. II biniffoit Dieu de ce qu'il leur avoit mis en main- line perfonne qui joignant la chariti a Vautorite etoit capable de faire des mer- veilles ; tel etoit M. de S. Cyran aux yeux de M. de Langres , avant que la paffion I'eiit aveugle. Mais la jaloufie s'etant une fois emparee de l'efprit de ce Prelat , cet homme dont les penfe.es itoient les penfies de Dieu ne fat plus a fes yeux , qu'un novateur qu'il falloic pourfuivre , & qu'il pourfuivit en effet comme nous le verrons. Trifle exemple du ravage que la jaloufie eft capable de faire dans le ccsur de l'hom- me 1 celui qui faifoit la joie de M. Zamet fit fon tourment; & (on ami devint fon bourreau en lui difant la verite : Dieu m'a donne cet homme , (dit plufieurs fois M. de Langres, par- lant de M. de S. Cyran a la Mere L vj
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251 HiSTOIRt BE PoRT-ROlAlr'
Angelique , peu avant qu'elle fordft
de la maifon du S. Sacrement) pour Sire mon bourreau , car il me fait con- noitre La virile par lui & je riai pas la force de lafuivre. Ctla me tue. Pa- roles remarquables, qui en meme- tems qu'elles renferment la juftifica- tion de M. de S. Cyran & l'aveu de l'injufte procede du Prelat, decouvrent le motif de fa haine implacable con- tre ce pieux Abbe. 11 etoit pour M. de Langres , ce qu'etoit pour un Roi dlfrael , ce Prophete, de la bouche duquel on pouvoit apprendre la vo- lontc de Dieu : maisje le hais, difoit ce Prince , parcequ'il ne me pridit point de bien, mats toujours du rnal (44). M. Zamet etoit perfuade que c'etoit un homme de Dieu , mais il concur de l'avetiion pour lui, parcequ'il ne le flattoit point, parcequ'il lui parloic de la refidence & de l'obligation pout un Eveque de ne pas faire de longs fejours hors de fon Diocefe. Tant il eft rare de trouver, meme parmi ceux ?uiont de la piete, quelqu'un qui fouf-
re patiemment qu'on lui dife la ve- tite lorfqu'elle lui reproche fes defauts. S'il eft rare de trouver des Nathan {44) Patilip. liv. 1. ch, !?. f. 7.
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I. Partie. Llv. P. 25j
& des Ambroifes , il 1'eft encore plus Kj2<s.
de trouver des David &c des Theo- dofes. La mauvaife humeuf de M. de Lan-
gres etoit encore fomenree par la Sceur Anne de Jefus de Chameflon , fa pe- nitenre. Elle lui marquoir un jour dans unelettre (que la Mere Angelique lut, contre fa courume) que Madame de Longueville lui avoir dir avoir ap- pris de Madame de Pontcarre , qu'il (M. de Langres) n'avoir plus de credit dans la maifon , & qu'il n'y etoit plus que le Chapelain de S. Cyran. Nean- moins depuis cecte lettre , M. de Lan- gres park encore a la Mere Angelique avec beaucoup d'eftime de cet Abbe, & il lui ecrivit la lettre fuivante le zijuillet x<f 3 5 , au fujet de quelque chofe qui s'etoir fait dans la maifon par Pavis de M. de S. Cyran : » La » penfee eft de Dieu, & je le benis jj de vous avoir donne une perfonne » capable d'en produire tous les jours » de nouvelles & de plus importan- >y tes a. votre perfection. J'aime l'en- " gagementquefabontemedonnea vo- « tre maifon, non-feulement pourmon » bien particulier , mais parceque ce » vous eft un fujet d'en tirer plufieurs » de la conduite de celui que Dieu |
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154 HlSTOIRE DB PoRT-ROl'At;
t ~7~l— » vousamis en main. M. deLangreS
3 ' n'a plus vu M. de S. Cyran depuis cette lettre , dans laquelle il lui rend encore un temoignage li avantageux: par confequent routes les accufations d'erreurs, de mauvais fencimens , qu'il a depuis formees contre cet Abbe > doivent etre regardees comme injuries, faufTes , & uniquemenc enfantees par la pailion. Comment auroit-il recon- nu de mauvais fentimens & des er- reurs dans ce faint homme depuis 3u'il l'avoit perdu de vue, puifque
ans le tems qu'il le voioit, c'etoit un homme qui avoit des penfees de Dieu, & qui n'avoit que des fenti- mens faints & raifonnabks ? xxxv. Cependant la Mere Angelique con- gd^e'prtnd fidero.it d'une Part 9ue la divifion qui
d«s mefures regnoit entre les deux Prelats Supe-
L0ma™durieurs (Meffieursde Paris & de Lan-
s. sacrement gres) rendoit l'etat de fa maifon
maim dleM. toujours incertain •, elle voioit de
ie Paris. l'autre l'indifpofition de M.. de Lan-
gres contre M. de S. Cyran 8c contre
elle-meme, fes egards pour Made-
moifelle de ChamefTbn , qui s'oppofoit
a. tout bien , quoiqu'elle parut l'approu-
ver, lorfque la M. Angelique le lui pro-
pofoit.Enfin toutes les dillimulations
de cette fille la decouragerent, &c lui
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I. P A R T I E. L'lV. V. 255
fcterent route efperance d'etablir le
bon ordre , rant qu'elle refteroit fous la conduite de M. de Langres. Elle refolut done , pour procurer a fa mai- fon un etabliifement folide, de la mettre entre les mains de M. de Pa- ris. Apres en avoir parle aux Sceurs qu'elle trouva du meme avis , elle penfa aux moi'ens d'executer ce delTein fans qu'elle parut fe feparer de M. de Langres. Voici ce qu'elle imagina y & qui reuffit. M. de Paris n'avoit don- ne fon confentement a 1'inftitut du S^ Sacrement , qu'a condition qu'on ob- tiendroit dans trois ans un bref qui reformeroic les articles qui lui deplai- foient dans la Bulle , comme contrai- res a fes droits. Or ce bref n'etoic fioint encore obtenu. La Mere Ange-
ique fit done fecretement propofer a M. de Paris de demander le bref qu'on lui avoir promis, finon qu'il remettroit la maifon fous fon obeif- fance conformement*a la condition fous laquelle il avoir confenti a fon etablilfement; & que fur le refus qu'en feroit la Mere Angelique , il lui or- donneroit de retourner a P. R. pour mertre a fa place la Mere Genevieve qui en etoit AbbefTe , laquelle n'ai'anc point d'engageraent avec M. de Laa» |
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I
2.56 HtSTOIRE D* PoRT-Ro'lAI.
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* 6 j <3 .
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gres, remettroit fans difficulte la
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maifon I M. de Paris : routes ies Re-
ligieufes y 6toient difpofees , a l'ex- ceprion d'une feule. La Mere An- gelique confulta M. de S. Cyran , qui approuva ce projet apres l'avoir bien examine •, & il fut execute fi fecrere- xnent, que M. de Langres n'en euc aucune connoiflance. M. de Paris en- tra d'autant plus volontiers dans les vues de la Mere Angelique, qu'elles etoient conformes aux fiennes. Il fit ce dont on etoit convenu , & demanda le bref qu'il favoit bien qu'onnepou- voit lui donner, puifqu'on ne l'avoit pas. Alors il chargea un grand Vicaire aaller prendre la Mere Genevieve a P. R. & de la conduire a. la maifon de l'inftitut. Lorfqu'ils arriverent, la Mere Angelique fe trouva a la porte. Elle fit entrer la Mere Genevieve, & fortit elle-meme le 10 fevrier 1636 pour retourner a P. R, M. de Langres fut extremement furpris , quand il apprit une heure apres etre forti de la maifon du S. Sacrement, que la Mere Angelique etoit retournee a P. R. , & que la Mere Genevieve etoit venue prendre fa place : il en fut cependant bien aife , dans l'efperance qu'il gou- yerneroit cette nouvelle Superieure ft* |
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I. Partis. Llv. V. 157
comme il voudroit. Le Prelat & fa Poftulante ( Mademoifelle de Chamef-
fon) firenc de grandes careffes a la Mere Genevieve , lui difant que Dieu lui avoit referve l'accompliflement de cette oEuvre. Mais malgre les protef- tations de foumiffion de la Poftulante , la Mere Genevieve s'appercut bientoc que c'etoit un fujet peu propre pour le cloitre, & l'auroit renvoiee n M« de Langres n'e&t intercede pour elle. Elle en ecrivit a la Mere Angelique qu'elle informoit de tout,lui avouant qu'elle s'etoit laiflee gagner par cette nlle, qui l'avoit trompee» & fur la reponfe qu'elle recut, elle dir A Made- moifelle de Chameflon, qu'elle ne pouvoit la garder. Celle-ci, qui avoit le casur haut, ne fe le fit pas dire deux fois, & en avertit auili-tot l'Eveque & la DuchelTe de Longueville, qui la vint prendre elle-meme a la porte au mois de juillet 1656 , fans entrer dans la maifon. Elle n'y eft jamais venue depuis, non plus que M. de Langres. Une Soeur converfe , qui etoit venue de l'Abbai'e du Tard avec les autres Religieufes, vo'iant cette fille fortie voulut la fuivre, 8c on la lailla partir. C'eft ainfi que tous ceux 1 qui avoient d'abord ete les plus ar-« |
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ij8 HfSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
"' j 2 j <J. ^ens Pour cet etabliffement, &: qui avoient tant travaiile a cet erTet, fans pouvoir confommer cet ouvrage , fa- rent ecartes, & que la maifon demeura en paix au-dedans , car au-dehors il s'eleva un grand orage. xxxvi. M. de Langres attribuant la fortie o"|e1S<K& Poftnlante i M. de S. Cyran , m. de s. cy- qui n'y avolt d'autre part que celle de l'avoir retardee quelque tems , &c pi- que d'ailleurs , quoique fans fujet con- tre cet Abbe, commence des-lors a debiter fes accufations contre lui. Ma- demoifelle de Chamelfon de fon cote irritee au point qu'on peut fe l'imagi- ner , fe joignant a Madame de Pont- carre > tenoit dans toutes les compa- gnies ou elle fe trouvoit, des dif- couts tres defavantageux contre M. de S. Cyran , qu'elle ctoioit auteur de fa forrie. Cette Demoifdle & Madame de Pontcarre alleLent aux Carmelites ou elles erTraierent la Mere Anne de Jefus, foeur de M, le Chancelier Se- guier , en lui parlant de la pretendue mauvaife conduite de M. de S. Cyran, & en lui rendant fes fentimens fuf- pe£ts. La Mere Anne de Jefus ainfi. trompee , craignit pour la Sceur Ma- delaine de Lignyfa niece, fille de Ma- dame de Ligny & jettal'allarme dans t< |
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I. Part ie. Llv.V. 259
la famille , en informant M. l'Eveque -
d'Auxerre & M. Ie Chancelier fes fre- res de ce qu'elle avoit appris. Le def- fein des ennemis de M. de S. Cyran etoit de l'eloigner d'une maifon,;ou il avoit fait tant de fruit,& ils reuffirent. Car ces Meilieurs le firent prier de ne plus voir la Saeur de Ligny M. le Chancelier meme affura que s'il con- tinuoit d'aller en cette maifon, il re- tireroit fa niece. M. de S. Cyran crut alors que Dieu lui ouvroit une voie legitime de fuivre la penfee qu'il avoit depuis quelque terns de fe retirer, fans manquer a la regie qu'il avoit apprife de l'Ecriture , de n'abandonner jamais les ames que Dieu lui avoit adreffees, & de les fervir jufqu'au bout , fans avoir ^gard aux inconveniens & aux difgraces qui en pouvoient arriver. Il fe retira done au mois d'aout \6$6. Mais fa charite ne lui permit pas d'a- bandonner entierement des filles qui avoient ete fous fa conduite. Outre les prieres qu'il faifoit a Dieu pour elles, & les avis qu'il leur donnoic par quelques perfonnes interpofees , lorf- qu'on lui en demandoit, il leur pro- cura un autre lui-meme dans la per- fonne de M. de Singlin, fon ami , ^ pour les confefTer. Ce faint Pretre, |
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1<?0 HlSTOIRS M P0R.T-R.0lAt7
dont nous aurons fouvent occafion da
parler, confeflbit deja. a P. R. les no- vices & quelques autres perfonnes *. il voioit meme au S. Sacrement deux penfionnaires , l'une fceur , & l'autre coufine de M. Felix Vialart Eveque de Chalon fur Marne , qui avoit beau- coup d'eftime pour M. Singlin avec qui il avoit fait des millions. La Me- re Angelique , qui etoit auili fort per- fuadee de fon merite & de fa piete , fut charmee qu'il fe chargeat de la conduite des filles du S. Sacrement. Elle ecrivit a la Mere Genevieve que M. de S. Cyran eftimoit beaucoup ce faint Ecclefiaftique , & qu'il recon- noiffoir en lui de grands talens pour la conduite •, quel'humilite de ce faint Abbe lui faifoit meme croire qu'il en etoit plus capable que lui •, & enfin Sue c'etoit un homtne tout rempli
e l'efprit de Dieu. La Mere Angeli- que a dit fouvent depuis , parlant de M de Singlin , que c'etoit un Elifee, qui avoit recu le double efprit de fon maitre. Les filles du S. Sacrement re- connurent bientot par experience que tout ce qu'on leur avoit dit de lui, etoit veritable. Malgre le management qu'eut M.
de S. Cyran, en fe retirant de 1% |
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I. P A R T IK. L'lV. V. t6t
maifon du S. Sacrement, M. le Chan- — «■
celier etoit fi prevenu contre lui &c * contre ce monaftere , qu'il prit la re- folution de faire enlever de la mai- fon, la Sceur de Ligny. Mais M. l'E- veque fon frere ne voulut point y confentir. II lui dit qu'il ne pouvoit fouffrir qu'on traitat ainfi fa niece , 6c qu'il fe chargeoit de menager cette affaire 8c de lui perfuader de fortir d'elle-meme. II y vint en effet dans ce deflein •, mais la Soeur de Ligny lui repondit avec fermete qu'elle ne feroit jamais Religieufe que dans ce monaftere , ou dans celui de P. Rf dont l'efprit etoit le meme , & qu'elle n'ctoit attachee a ces deux maifons qu'a. caufe de la bonne conduite qui y etoit etablie &c de la purete de la doctrine qu'on y enfeignoit. L'Eveque s'ouvrit entierement a fa niece du def- fein qu'on avoit de la retirer ; 8c il avoua tout ce qu'on lui avoit fait en- tendre , ainfi qu'a M. le Chancelier, pour leur rendre fufpedt M. de S. Cyran , particulierenient au fujet de la fainte communion , dont on difoit qu'il detournoit les ames. xxxvrr, La Sceur de Ligny defabufa fon tlgny^uftifie
oncle, en lui rendant un compte'a c™lliB
* exa£t de la conduite qu'il avoit gar-cyraul e$'
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l6l HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.'
dee avec elle ; des avis qu'il donnoit
aux Sceurs pour communier fouvent, 8c des cas auxquels il confeilloit de s'en priver quelquefois. Ce qui n'e- toit jamais pour long-tems 5 parceque c'etoit une de fes maximes, que pour- vu qu'on eut foin d'interpofer une humble 8c fidele penitence entre fa faute 8c la communion , on s'en de- voir bientot rapprocher. C'eft pour- quoi il avertifioit d'avoir foin de rem- plir les vuides que certe privation faifoit dans Tame , par une plus gran- de vigilance fur foi-meme , une plus grande fidelite a la priere , au filence, a la mortification , 8c particulierement a la meditation de la parole de Dieu qu'il faifoit con fiderer comme une des principales nourritures de Tame, 8c qui avoit beaucoup de rapport a l'efprit 8c au corps de J. C. II difoit que toutes ces chofes etoient comme des miettes qu'on devoit avoir foin de ramafler, a l'exemple de la Cananee, ne fe ju- geant pas dignes de manger le pain des enfans. La Sceur de Ligny donna enfuitequelquesexemples a M. fon on- cle des fautes,pour lefquelles les Sceurs fe privoient de la communion quel- ques-uns des jours qu'elle etoit mar- quee. i°. Quand il arrivoit de faire i |
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I. Par.tie. Liv. F. %6$
quelque -fame confiderable contre la charite ou l'obeifTance. i9. Quand on s'etoit relache notablement du filence. 3°. Pour les fautes d'habitude dont on n'avoit pas aflez de foin de fe cor- riger, ou lorfqu'on negligeoit volon- taire merit quelque chofe de fori de- voir. L'on communioit ordinairement dans cette maifon toutes les fetes 8c lee dimanches , le ieudi & quelquefois le famedi quand il n'y avoit point eu de fetes. Apres cette longue conference, ou
M. l'Eveque s'eclaircit amplement fur tout ce qu'on lui avoit fait craindre , il s'en alia pleinement fatisfair, approu- vant fort la conduite de M. de S. Cy- ran , &c confentant que fa niece de- meurat dans la maifon. Il la conjura avec tendrelfe de l'aimer toujours &c de prier pour lui. Tout ceci eft rap- porte par la Sceur Madelaine de Ligny dans une de £es Relations, qui eft la dixieme de la premiere partie , tome I. Elle ajoute que M. fon oncle alia voir la Mere Angelique , qui l'informa encore plus paniculierement des fen- timens & des maximes de M. de S. Cy- ran, & lui expliqua les chofes fur lefquelles on l'accufoit a tort. Ilprit jt beaucoup de plaifir a l'entendre, §{■ |
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2«4 HlSTOIRE BE PoRT-Ro'lAt.'
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w J ^ ' ce quelle lui dit. Etant retourne au.
S. Sacrement, il dit a la Sceur de Li-
gny , qu'il avoit vu la Mere Angeli-
que , qu'il etoit tres fatisfait de fon
entretien , &c qu'ilsetoientplus grands
amis que jamais. La Sceur de Ligny
manda tout cela a la Mere Angeliquc
qui lui fit reponfe, que, fi tous ceux
qui etoient prevenus contre M. de S.
Cyran n'avoient pas plus de paflion,
&c avoient autant d'equite que M. fon
oncle, tout feroit bientot en paix.
xxxvin. On trouva encore heureufement la
M-de^atis meme equitc dans M. de Paris. Ce
envoieM.de 1 .
comes pour Prelat a qui on avoit tache de rendre
^^^fufped M. de S. Cyran , envoi'a d'a- M-des. cy-bord M. de Contes Chancellier de tan au mo- Notre-Dame, Superieur de la maifon naftere du S. r
sacrement,f< du o. bacrement , pour s mtormer de
»Imir1Ui"la conduite qu'avoit tenue cet Abbe, lorfqu'il etoit charge de la direction des Religieufes. Il hit ties fatisfait de tout ce qu'il y vit, 8c de la maniere dont on repondit a toutes les queftions qu'il jugea a propos de faire , enforte qu'il rendit un temoignage tres avanta- geux de M. de S. Cyran a M. I'Archev, pour lequel cet Abbe avoit toujours inf- pire un grand refpecSt auxReligieufes.M. i'Archeveque vim lui-meme au S, Sa- % |
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crement
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a
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i
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I. Partie. Liv. V. 2.6$
crement, & interrogea les Poftulantes qui devoient recevoir l'habit. Apres les avoir interrogees au-dehors 8c en particulier , il demanda au parloir la Mere Genevieve 8c les autres Pro- feiles, a. qui il dit .."que ces Poftu- j. lantes etoient fort bien inftruites, » 8c qu'il n'avoic point trouve qu'on » leur eut enfeigne aucune mauvaife » do&rine , comme on en avoit fait » courir le bruit •, mais qu'il ne l'a- » voit point cru 8c qu'il etoit allure » que fa chere fille Angelique n'etoic » imbue d'aucune erreur. Il parla » d'elle avec affection 8c eftime. Il » dit entr'autres chofes , que c'etoit » une fainte fille & d'un grand exem- » pie, & qu'elle etoit une des pre- ss mieres Abbefles qui avoient donne » l'exemple aux autres de fe reformer » 8c de vivre religieufement. II loua » fon oheiflance & fon amour fincere j. pour fes Superieurs , difant aufli » que c'etoit ce qui !a lui faifoit ai- » mer, 8c que fi elle fe fut rrouvee a » cet etabliffement, la fete auroit etc » accomplie , &c. II leur dit auffi que » pour ce qui etoit de M. de S. Cy- » ran, il cro'ioit que c'etoit un hom- » me de grande probite & fcience, « qu'il etoit capable de rendre de Tome I, M |
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%6(* HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
I(j ^ " » grands fervices a l'Eglife , & qu'il
» Tavoit meme deja fait par un livre
» ( Petrus Aurelieus) qui etoit rendu
3> public ; que fes maximes ecoienr ca-
« tholiques, & qu'il n'en vouloit
» point d'autres preuves que les dif-
s» pofitions de fes cheres filles qu'il
3. venoit d'interroger •, qu'il en avoit
» interroge beaucoup d'autres depnis
w qu'il etoit dans fa charge , mais qu'il
« n'en avoit point vu qui euflent une
» meilleure vocation &: qui fuifent
» mieux intimites que celles-la. Il
3> ajouta que M. le Chancelier de
=> Notre-Dame lui avoit rendu un fort
» bon tcmoignage de toutes les Sceurs
« apres les avoir vues en particulier ,
» Sf que c'etoit pourquoi il n'avoit
» rien a leur dire , finon qu'il les con-
» juroit de continuer a vivre toujours
» en bonnes Religieufes , comme elles
» avoient commence (45). Il leur don»
na fa benediction, & promit de venir
dormer Thabit aux filles qu'il venoit
d'interroger. 11 choifit pour cela le 16
feptembre.
xxxix. Le jour etant arrive , M, de Paris le
dc'nne [^abii donna de fa main a fix filles , trois de
du nouvej choeur, favoir, Sceur Catherine de
Ptdre,
(45) Dixieme Relation de la premiere Panic ,
WBie I. page 571, |
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I. Partie. Liv. V- 167
Sainte Agnes Arnauld d'Andilly, 16 $6. Sosur Anne de la Nativite Halley , &c Soeur Madelaine de Sainte Agnes de Ligny; &c trois converfes , Soeur Anne de S. Paul Renard , Sceur Anne de la Croix Herve, dc line rroiueme qui n'a pas perfevere. II donna dans la meme ceremonie Ie fcapulaire blanc & la croix rouge a la Mere Genevieve & a deux Profeflfes. Apres leur avoir te- moigne une grande fatisfadtion de cette ceremonie, il leur promit la con- tinuation de fa bienveillance &c de fa protection. La Mere Angelique avoit prie cpa'on prit 1'habit avec les orne- mens les plus nmples ; ce qui ne s'e- loit pas encore pratique, meme a. P. R. ou les filles avoient ete parees jufques- la comme ailleurs. Voila de quelle maniere cet eta-
bliflement, auquel on travailloit de- puis plufieurs annees, fut enfin acheve au moment qu'on s'y attendoit le moins, & par des voies toutes diffe- rentes de celles qu'on s'etoit propofees ; fans que ceux qui s'y ctoient intereffes y euflent aucune part. Rien ne fait mieux fentir que la Providence difpofe de tout, & que les hommes ne font que des inftrumens dans la main de Dieu , qui s'en fert pour l'execution M i)
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I
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. _.
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*Z68 HiSTOIRE DE PoR.T-R.OlAI.
X(j2<j. de fes defTeins, autant qu'il juge a
propos.
xl. Le noviciat du S. Sacrement fe
feft'ptopoferfoutenoit dans la ferveur. On efpe-
aux fiiics du roit que les novices feroient profef-
3Jta?2£ fion au bout de Ian & elles s'y pre-
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autre maifon parerenr par une retraite de fix femai
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»ct
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re our- ne^ Comme les profefles prenoient
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part a. cette grace , qui devoir con-
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fommer I'etabliiTement de la maifon
elles firent aufli une retraire des plus exactes. Mais lorfque tout etoit dif- pofe pour la ceremonie de la profef- fion , elle fut retardee par le delTein qu'on eut de changer de maifon , a caufe de l'incommodite de celle ou elles etoient, qui manquoit d'air , & ou la plupart des Religieufes torn- boient malades, M. l'Archeveque en- voi'a M. de Chenoife fon ami & celui des filles du S. Sacrement, pour leur propofer de fa part le choix d'acheter promptement une maifon plus com- mode pour s'y etablir & y faire pro- feffion , ou de retourner a P. R, en attendant qu'on en trouvat une plus Elies pren- eonvenable. Ce dernier parti parut le pem ce dec- pjus aVantageux , & apres avoir con- ptf pdt {a\t& Dieu dans la priere , & implore fes lumieres par la pratique de route? fprtes de bonnes ceuvres, elles Perm |
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1. Par.tie.LV. V. i6$
brafTerent avec une joie d'autant plus vi- ve que cela favorifoit le defir qu'elles avoient toutes que l'inftitut du S. Sa- crement s'etablit a P. R. ; car toutes avoient etc appellees a cette maifon , toutes etoient fingulierement attachees a Li reele de S. Benoit. La feule chofe qu elles craignoient , etoit que retour- nant a P. R., ou il y avoit un grand nombre de Religieufes , elles n'euilent pas a caufe de la multitude , la fatis- raction d'avoir entr'eiles une auffi parfaite union que celle qui regnoit dans leur petite maifon. M. Singlin leur ai'ant rendu vilite , quelques-unes lui dirent cette difficulte , qu'il leva en leur difant : Que la ou etoit Vefprit de Dieu , comme il etoit a P. R. , Vunion & la paix y etoient toujours , Jans que la multitude des perfonnes y put mettre empechement. N'ai'ant done plus rien a apprehender , elles atten- doient avec joie ce retour. La Mer« Angelique l'approuvoit fort, 8c toute fa communautc le defiroit. Ce ne fut que le 16 mai 1638 qu'arriva ce changement, dc que les filles du S. Sacrement quitterent leur maifon pour fe retirer a P. R. Elles y furent re- vues par la Mere Agnes qui en etoit Abbefle , par la Mete Angelique done M iij
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170 HlSTOIRl- DE PoRT-RoYaI.
-----——— elles fe regardoient toutes comme
' les enfans, & qui etoit maitreiTe des
novices , avec la plus grande charite &c l'amitie la plus tend re. xl 1. Nous ne devons pas omettre ici Schln- deax vifltes que les filles du S. Sacre-
ial rend a ment recurrent de la Mere de Chantal, Vcih'ue6 *£'tiont la Mere de Ligny fait ainfl le
a«x filles du recit. » Pendant que nous etions au UaaBMn,% S. Sacrement , la Mere de Chantal
» nous a fait la grace de nous y viit-
" ter deux fois. La premiere fois la
» Mere Angelique y etoit encore.
« Elle y entra , 8c il me femble meme
» qu'elle y coucha. Elles eurent de
" fort longs entretiensenfemble, avec
» une ouverture de cceur &c une con-
» folation toute particuliere. Il n'eft
» pas croiable combien elles fe te-
» moignerent Tune a 1'autre d'affec-
» tion, d'eftime &c de confiance,
» marquant qu'il y avoir long-terns
" qu'elles fouhaitoient cette occafion
» de fe voir. La Mere de Chantal
» eut auffi la bonce de voir la com-
" munaute , & de nous fouhaiter a
» routes , en general &c en particulier,
» toutes fortes de benedictions, & elle
» pria Dieu de nous multiplier. Elle
» difoit a notre Mere , qu'elle aimoit
« cette petite communaute 8c cetta
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I. P Artie. Liv. V. yi7i
.si petite maifoti, parcequ'elle etoit » pauvre &c fimple. Cette vifite de « la reverende Mere de Chantal re- » nouvella l'union qui etoit depuis » long-tems fort grande entre ces »deux Meres, 8c que S. Francois => avoit lui - meme faite ; n'y ai'ant « perfonne, excepte cette bienheu- « reufe , pour qui il temoignat tant » d'affedrion &c de tendrefle que pour » notre Mere Angelique. Il leur avoit » dit qu'il lui fembloit qu'elles ne » faifoient totites deux avec lui qu'un " meme efprit 8c un meme cceur. » Audi notre Mere nous difoit-elle » qu'elle fe trouvoit fi etroitement » unie avec eux , qu'il lui fembloit » qu'ils lui etoient toujours prefens » comme fon bon Ange, fur-tout » quand elle s'alloit presenter devanc " Dieu. » La deuxieme fois que nous avons
» eu la confolation de voir la Mere » de Chantal dans notre monaftere » du S. Sacrement, fut apres que la » Mere Angelique en fut fortie. Cette » reverende Mere nous ai'ant toutes »> embraflees avec bien de la bonte, » nous dit: J'ai voulu venir che^ vous « avant que d'allcr rendre vi/ite a ma n chere Mere Angelique , car elle riau~ M iiij
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XJ1 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
i(J3 (J. " to'u pas ete contente jije n'avoispas
» vu fes cherts filles , & que je ne pujjc » pas lui en dire des nouvelUs. La Mere de Chantal, qui retourna
en Savoie l'an 1637, etant revenue pour la quatrieme fois a Paris l'an 1641 , ne manqua pas de voir la Mere Angelique, comme elle avoit deja fait des fon premier voiage •, & meme peu de terns avant fon depart de Paris, elle alia a. P. R. &c y demeura deux jours. Ce fut alors que pour la der- niere fois , ces deux grandes amess\n- tretinrent avec benediction & une Joie Jinguliere de part & d'autre , dit M. 1'EvequeduPuy dans la viede Madame Chantal. Cette venerable Mere emporta avec elle dans le Ciel la con- folation fenfible que lui donnoit l'u- nion qu'elle voi'oit regner alors entre P. R. & fes filles de la Vifitation : car peu de femaines avant fa mort, qui arriva le 1 3 decembre 1641 ,elle ecrivit a la Mere Angelique la letrre fuivante : Vive Jefus.
» Ma bonne & tres chere Mere, » fouffrez - moi ce petit billet, qui » vous va dire encore adieu. Adieu » done ma route bonne & chere Me- » re; a Dieu qui eft invariable, foi'ons- |
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I. P ART I E. L'lV. V. 175
» nous unies. Je fuis plus confolee x(,i(,.
» que je ne puis dire, de la fainte
» 8c cordiale union de nos coeurs. Il
» m'eft avis que notre bon Dieu y
» ajoiite quelque chofe de fort intime.
» Je vous envoie nos livres : helas I
» Aurions-nous bien quelque referve
» pour vous 2 Non certes )e ne le
» pourrois fouffrir. Quand vous mour-
» rez, ai'ez foin qu'ils foient rendus
» ici, finon que vous jugiez a propos
» de les laifler en la maifon de nos
» bonnes Soeurs. Je fuis confolee de
» voir le defir que nos Superieures
(du nombre defquelles etoit la fa-
meufe Mere Eugenie, qui fit dans
la fuite tant de mal a P. R.) 8c ma
>, Sceur Heleine Angelique l'Hullier,
» ont de vivre tres cordialement 8c
» unanimement avec vous. Je falue
» nos tres cheres Sceurs , 8c le bon
» ferviteur de Dieu ( M. de S. Cy-
» ran ), faites que Ton prie fort pour
» celle qui eft tout-a-fait votre &c
» Dieu foit beni.
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M v
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*74
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Description de VAbbdie. deP.R.
des champs. Situation. V~jE t t e celebre Abbaie etoit comme
enfevelie & cachee aux yeux des liommes, dan? un vallon ^troit environne' de bois de tous cotes, fitude fur le bold d'un petit erang de figure quarrde , dont la digue lui fervoit de cloture. Sut cette digue etoit un moulin, & les eaux de l'dtang qui le fai- fohnt aller , pafTant enfuite a travers l'Ab- baie , formoient dans le jardin un petit canal d'enviton deux toifes de large & de douze ou quinze de long. ( Ce moulin 8c cjuelque refte de batimens pour loger celui qui en a foin , le colombier , les murs dc cloture , le canal , c'eft tout ce qui fubfiftft aujourd'hui de ce faint monaflere ). Toutc 1'enceinte d^s murailles qui fenfer-
moient les cours , l'Eglife , les batimens , les jardins , & meme l'hotel de Longueville , formoient un quarre long furce terrein , qui defcend du couchant au levant. Ce lieu eft folitaire & defevt; & fans le chcmin de Clievreufe & de Dampierre a Verfailles , qui ' eft le long d'une partie des murs de 1'enclos , en n'y verroit jamais que ceux qui y ont
affaire.Une perfonne celebre (Madame de Se- vigne) qui avoitvuee lieu & qui l'admiroit, en a fait en deux mots une defctiption fort jufte en l'appellant, un difert affreux tout propre a infpirer le gout pour fair e fonfalut. Mart de Les murailles de cloture , encore fubfif- clonire, tantes, font garnies , de diftance en diftance, de tourdles qui fe commandent l'uue l'autre.
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»E P. R. DES CHAMPS. %Jt
Elks furent ccnftruites dans les guerres des
Princes , les Religieufes etant a Paris, pour garantir la maifon de 1'infulte du foldat. La principale pone pour entrerdtoit pref- Porte el'cn-
que dans Tangle du mur joignant la digue tree. de I'dtang du cote du feptentrion. Elle etoit ceintree en pointe. Au cote- droit e"toit unc autre petite porte quarrde. Deflus Sc aux deux cote's de cette porte , fc trouvoientdes logemens pour le Portier & autres Domefti- ques. Enfuite de la chambre du Portier ap- Different 13» pellee le corps-de-garde, droit une autre timeas. chambre oii Ton faifoit les knives ; puis deux cordonneries , puis un magafinpour les cuirs. Apres , un petit corps de logis , le plu? ancien de la maifon , dans lequel avoit loge S. Thibaud Superieut de P. R. & les Con- feffeurs de la maifon , qui dans ce tems-la etoient Religieux des'Vaux de Cernai. Ce batiment confiftoit en une grande falle
ou chambre , appellee la chambre rouge , qui fervoit d'infirmerie aux Domeftiques. Une petite chambre a c6td, trois au-deilus , & des greniers. Au pid de ce batiment etoit on petit jaidin quarrel de demi-arpent ; a cotd duquel fe trouvoit un autre petit corps de logis, dont le premier dtage avoit dtd bati par M. de Beaurepaire ; le fecond par M. de Sainte Marthe : a cote droit un grand preflbir , dont les uftenciles avoient dte por- tds aux granges ; au-deffus un grenier a bid, &c a cote une tonnellerie. La grande cour du dehors beaucoup plus „ ■»..
longue que large, setendoit du couchant au dehors. levant Sur la droite en y entrant on voi'oit un grand colombier rouge a pid ( on ne la point ddtruit ). II y avoit quelques arbres cn deck, & au milieu de la cour un grand M v;
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•ljG Descript. de l'Abba'ie
ormc. En continuant fur la droite, on trou-
voit une grande portc peinte en jaune , qui <lonnoit entree dans une des corns du de- dans oii etoient les ctabks & vacheries. Les caux de la cour , & celles qui y enttoienc defccndant du vallon , s'ecouloient par-def- fous cette porte. Enfuite on trouvoit un petit corps de lo-
gis bati en faillie dans la cour, oii etoient les parloirs de S. Denis au premier etage; de S. Auguflin au fecond j de S. Pierre Sc S. Paul au troifieme , & de S. Michel au quattieme. Apres ce batiment on trouvoit le cimetieredu dehors , le long delanefde l'Eglife , ou plutot du bas cote appell£ S. Laurent, a caufe de l'aile de la croifee de l'Eglife od£toit la chapelle de ce Saint, qui terminoit le cimetiere. On y vo'ioit plufieurs epitaphes & de petitcs croix plantees fur les fortes des defunts , femblables a celles du cimetiere du dedans, fur lefquelles leurs noms etoient dctits. C'eroit par le bout de cette aile qu'on entroit dans l'Eglife , en montant deux degres. Enfuite de cette aile , qui avan^oit ainft
dans la cour , il y avoit un autre petit bati- ment moderne bati en long, dont le bas fervoit de falle a manger pour les notes ; Sc au-de(Tus il y avoit quelques chambres en deux etages. Sous ce batiment etoit le paflage pour alter au tour Si a la principale porte de cloture. A gauche de ce paflage , on trou- voit un petit batiment d'une chambte & an- tichambre pour la premiere Tourtiere avec «n petit jardin derriere. Ce tour auffi-bien que les falles a. manger
des Domeftiques du dehors , dtoit un vieux batiment aflez ferre , oii fe trouvoit encore |
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KE P. R. DES CHAMPS. 277
le parloir de S. Mathieu fous celuF de S* Jean
qui etoit en haut. De 1'aucre cote a gauche en entrant dans
la cour , on trouvoit d'abord tine menuiferie, une ferrurie & trois e^curies , le tout voure, des chambres a b\i au-deffus & des greniers au-deffus de ces chambres. Puis fur la menie Appattemenji ligne & vis avis de l'Eglife le corps de des hotes. logis des hotes 011 etoient les appartemens des hommes & des femmes , fcpares , aiant chacun leur efcalier , qui commencoient dans la cour pat une rampe en faillie. Derriere ce corps de logis, qui avoit trois etages , en y comprenant le rez-de-chaufiee, & dix ou onze croifees de face , etoit un jardin aifez propre termine par la muraille du monaftere. Au long de cette cour etoit placd l'hotel „. . .
de Longueville , qui avoit fon entree par le j_origU^vjn.e. dehors (ur le bord du grand chemin par une porte cochere. Cet Hotel £toit compofe" de deux corps de logis joints enfemble par deux pavilions fur une merne ligne prefque courbe. II etoit bati a la moderne, de bonnes pierres de grais & de briques , & couvert de tuiles. II avoit une aflez grande cour , & un petit jardin derriere en teirade aiant vue fur celui du monaftere , dans lequel on avoit pratique une entree par quelques galeries haut & bas. Cetoic la tout ce qui fe pouvoit voir al'exterieur. L'Eglife, tournee a l'orient, avoit etc rfgfi/y
batie au commencement du trei7ieme fiecle, & dediee le 1$ juinit30, fous le pontificat de Grcgoire IX, fous l'invocation de la. Sainte Vierge. Elle etoit compofee d'une tete qui avoit deux arcades , des deux brain tlics ou ailes de la croix qui avoit aufU deux |
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xy% Descript. de i'AbbaYb
arcades, & de la nef qui en avoh fix, ave<!
deux contreallees , ou corridors ou bas-cotes, l'un a droite, l'autre a gauche. Ces arcades ctoient ccintrees en pointe , & dans le haut de chacune il y avoit une fenetre ccroite beaucoup plus haute que large. Il y avoit fur la pone une grande fenetre compofee de deux ceintres d'un rond qui dclairoit toure cetic nef. Dans les cinq premieres arcades de l'E- glife fe trouvoient le chceur & l'avant-chceur des Religieufes. La fixieme arcade etoit hor9 la grande grille. Sur cette arcade , proche la croix ou croifee de l'Eglife, etoit bati un clocher, pointu , couvert d'ardoifes , dans lequel it n'y avoit que deux moiennes clo- ches. Une des ailes de la croifee , favoir l'aile du cote de l'epitre droit entierement bouchde ; & on y avoit pratique au dedans lc nouveau chapitre , le noviciat & quelques tribunes qui avoient des ouvertures dans l'E- glife. L'autre aile, appellee de S. Laurent etoit du cote du nord. Tel etoit l'edifice de l'Eglife. Quand a la diftribution au dedans , il y en avoit une partie pour les Religieufes, & une partie pour le dehors. La partie du dehors etoit la premiere arcade de la tete on du chevet de TEglife, & l'arcade de la nef fur laquelle etoit ie clocher, & l'aile ou croifee gauche qui etoit au feptentrion. Dans la premiere arcade du chevet , la plus pro- che de la croifee etoit lc fan&uaire, ou ot» montoit pat deux degrds ; il etoit ferine par un baluftre de bois a hauteur d'appui tird a fleur des deux piliers de la croifee. Dans cc fanftuaire etoit le manre-aurel, de bois fimple, mais fort propre; au delTiis etoit une fufpenfion en forme de croix de bois. On Vo'ioit fur le ictable ua beau tableau, de la |
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DE P. R. DES CHAMPS. 17*
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main de Champagne, rcpreTcntant la ce-
ne (a), Aux deux cords etoient deux autres tableaux du meme Peintte , l'un de la Sainte Vierge du cote de l'Evangile, i'autre de S, Jean- gaptifte du core; de l'Epitre. II n'y avoid ricn fur l'autel qu'un crucifix; ies quatre chandeliers de bois etoient aux deux cotes. Derriere cet autel , & dans 1'efpacc de la
dernicre arcade du chevet, fe trouvoient la facriftie & le tour. Dans la premiere arcade du cotd de l'Evangile etoit la tribune de Madame de Longueville , qui avoit vue fur, 1c fanctuaire. Ces deux arcades dtoicnt eclai- rees du cote du midi ou de l'e'pitre , par deux grandes fenetres. La chapelle de la Vietge etoit pratique'e
fous la demiere arcade de la contre-alle'e du cote de l'Evangile , & avoit une porte qui donnoic dans le cimetiere exterieur. Ce ci- mctiere s'ecendoit tout le long de la nef de l'Eglife en dehors, depuis la croifee du fep- tentrion jufqu'au bas de la nef. 11 etoit fer- ine du cote de la cour par tine muraille. La chapeile de S. Laurent etoit dans 1'aile
de la croifee du meme cot^, adofl'ee du meme fens que le grand autel, au mur de la croifee J'a plus proche du fanftuaire, & entoure-e d'un baluftre de bois fervant d'appui. Lc retable de cet autel etoit de bois fimple , & il y avoit au milieu un beau tableau repre- fentant lc martyre du Saint. Au bout de cette atle , du cote de l'Evangile & du fepten- trion , dtoit la grande porte d'entrde dans l'Eglife , dans laquelle on entroit de fa cour du dehors en moirtant deux ou trois mar- fa) L'original de ce ta- Paris, & la copie fur fe bleau eft a prefenc dam le rcrable de lew maitre-m- cjioeut des Religieul'es de te.l, |
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ijjo Desciupt. de l'AbbaYb
ches. Cctte porte avoit fon tambour en de-
dans , a cote duquel etoit a main gauche en entrant un confeflional ferm£ , I'unique qu'il y eut dans l'Eglife. Sur la muraille dc cette porte etoient deux tableaux, l'un des pelerins d'Emmaiis a table avec notre Sei- gneur , I'autre de la Sainte Vierge. On vo'ioit aux deux cotes de l'arcade dc
la nef la plus proche de la croifee ( cette arcade etoit encore du dehors de l'Eglife ) deux pottes vis-a-vis l'une de l'autie. Celle du cote de l'epitre ou du midi etoit la porte des Sacremens, ainfi appellee parceque e'e- toit par cette porte qu'on defcendoit an chceur pour porter les Sacremens aux mala- des , & pour faire la proceffion de la fete da S. Sacrement : fur cette porte dtoit un ta- bleau reprefentant Notre-Seigneur charge: d'une brcbis 8c marchant fur des epines. Cette porte etoit vis-a-vis de la chapelle de la Vierge. Sur I'autre porte, du cote du feptenttion , il y avoit un tableau qui re- ptefentoit une Religieufe couronnee d'epi- nes priantdebout devantle crucifix. L'Eglife de P. R. itoit fans otnemens d'ar-
chitecture en dedans 8c au dehors. En 1651 on avoit rehaurfe le rez-de-chauffee d'envi- ron douze pies; en forte que les piliers Etoient enterres jufqu'a trois!piespres delacor- niche. Tout ce qui compofoit l'Eglife du dehors, etoit les deux arcades du chevet, oii etoient le fanftuaire 8c la facriftie, le milieu de la croifee , avec l'aile du cote du fepten- ttion ou itok la chapelle de S. Laurent, 8c l'arcade proche de la croifee , avec la contre- allee du raeme cote du feptentrion ou etoit la chapelle de la Vierge. Les chaiies da chain etoient ties belles. |
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BE P. R. DF.S* CHAMPS. 2 S1
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Elles avoient coute 1180 liv. en 155 J , que
Jeanne de la Fin feconde Abbefle de ce nom les fit faire. Les Bernardins du college dc Paris les pofTedent actuellement, les a'iant achetees 400 liv. On entroit dans l'interieur du monaftere interieur Jo
par deux portes placets aux deux bouts de monaftere. l'Eglife. La porte jaune proche le lieu od e"toit autrefois le grand portail, donnoit entre'e dans une affez grande cour remplic d'anciens batimens fur la droite , & en face , qui fervoient de fournis, d'etables a vache & de poulaillier , & od ecoit le grand lavoir pour les leffives. C'etoit dans cette cout qu'on amaiTbit le bois neceflaire pour 1c chauffage & l'ufage de rinfirmerie qui avoic un efcalier au fond de cette cour ; a. la gau- che fous le veftibule qui donnoit entree au chceur des Religieufes, fe trouvoit une ehambre deftinee a la vitrerie. La porte du tour &oit a l'autre bout de
l'Eglife , & communiquoir dans une autre cour od Ton trouvoit a gauche le tour Sc les deux cuifines pour le dehors ; enfuite lc -• Jieu de l'obeiflance pour la chandelle , celui pour la tifleranderie 5 puis la chambrc S.
Anne pour recevoir & panfer les pauvres malades du dehors ; aupres de laquelle fe trouvoit le laboratoire avcc piufieurs four- neaux pour faire les remedes , & une autre ehambre pour les uftenciles. Au de/Tus de ces chambres e'toient 1'apoticairerie & la frui- terie. Le fond de cette cour etoit termind par le mur du jardin, fur lequel il y avoic une petite gallerie appellee la gallerie de S. Antoine , qui paflbit de ce premier dtage an grand corps de logis bati a neuf. A droite dc cette ffltrac cour, on trouvoit un petic |
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iSz Descript. de l'Abbai'e
batiment & un efcalier pout monter au tout de la facriftie ; cnfuite la pone du chapitre , celles des caves & da lieu ou itoh autre- fois une partie de l'ancien chapitre , celles des cuifines, enfin cellc du refedtoire. On amaflbit dans cette cour tout le bois necef- faire pour les cuifines tant du dedans que du dehors. Le cloitre 6toit un periftyle a-peu-pres
quarr(f , foutenu d'arcades revctues de bri- ques (a). II y en avoit dix du cote qui etoit adoiTe a l'Eglife : ce cote avoit cinquantc pas de longueur. Le cote oppofe, qui etoit celui du midi dtoit plus long d'une arcade. Les deux autres faces, du couchant & du levant, avoient chacune treize arcades &: foixante-quatrepasde longueur. Dans l'efpacc vuide de ce periftyle etoit un prdau qui fer- voit de cimetiere aux Religieufes. II etoit partag£ en quatte compartimens par deux allees qui fe croifoient. Au milieu etoit unc affex grande croix de bois e^evee fur trois petites colomnes de pierre. II y avoit encore filufieurs autre* petites croix qui marquoient
es fepultures & les noms des Religieufes mortes. Pres les galleries ( ou cotede cloitre) adoilees contre le grand batiment etoit un puits. C'eft dans ce prdau , fous ce cloitre , & dans le lieu de l'ancien chapitre & dans l'Eglife , que Ton vo'ioit les ancknnes &: nouvelles tombes & epitaphes. On lifoitdans les ceintres des arcades des quatre angles , & fur les murailles de ce cloitre, les inf- criptions fuivantes en lettres noires mou- ses. (<i) Ce cloitre , tel que M. de S:vigne , qui y fut
nous ledecrivonsici, avoit eatctte en 1S71S. etc uubli en 1S70 par |
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DE P. R. DES CHAMPS. l8$
Les richejjes ruinent les maifons religieu- Maih. X.
fes, & la vraie pauvrete les edifie & les conferve. Celui qui perfeverera jufqu'a la fin /era
fauve. Vous aurci des afflictions dans le monde ,
mats a'ie^ eonfiance ,j'ai vaincule monde. Nous avons hi enfevelis avec Jefus-Chrifl
par le bapteme, pour mourir au pechi, afin que comme il eft reffufcite d'entre les morts par la puiffance de Jon Pere , nous marchions aujjl dans une nouvelle vie. Que fe nous fommes morts avec Jefus-
Chrijl, nous croions que nous vivrons avec Jefus- Chrijl. 11 y a heaucoup d'appelie's, maispeu d'e-
lus (a). Le grand batiment neuf, qui avoit trois , .y
etages , e:toit bati fur 1'ancien chapkre & fur t;m^lt.
le reTeftoire qui en faifoient le bas. II s'6- tendoit en long depuis le bout du bras de la croife'e de l'Eglife , fur la metre ligne juf- qu'a 80 pas de longueur , fur 30 pies de roi de largeur. Il etoit par confequent de if ou 16 pas plus long que le cloitre. Le haur de ce batiment etoit un grand grenier dc toute la longueur & largeur du batiment, dont la charpente etoit tres belle , & qui fervoic a dtendre le linge & a differens ou- (<t)Ily avoitdepareilles metiere &c. Voi'ez les Me-
fentences en differens en- moires furladellru&ionde
droits de la maifon, fur les l'Abbai'e de P. R,, pages
portesdesdonoirs > de l'E- loj & fuiv.
gliie, du chapkre, du oi- |
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2?4 Descript. de l'AbbaVs
vrages , auxquels les Religieufes s'appli- quoknt. Lc fecond & troifieme etages de ce grand
batiment focmoient deux dortoits de 40 cel- lules chacun ; ce qui faifoit 80. Dans chaque dottoir il v avoir un corridor de dix pids de large 6c vingt chambres de chaque coci, de dix pies de long fur cinq ou fix de large. Celles du cote du couchant ctoient carrelees, les autres avoknt un plancher d'ais de fapin. Les fenetres de ces chambres etoient au cou- chant fur le cloitie & le jardin, & au levant fur la cour int^tieure & le jardin; car ce bailment <!toir plus long que la cour & que le cloitre. Le fecond etage t?toit compofe d'une gal-
lerie de dix pies de large , qui regnoit rout le long du batiment, & dont les if fenetres du cotd du couchant Ctoient en partie fur le preau. II y avoir dans cette galleric huit chambres , dont les fenetres donnoient fur la cour & le jardin. Chaque chambre etoit de dix neuf pie's de long & de dix de large ; Sc avoit deux fenetres , une cheminde entre ces deux fenetres, deux petites armoires de fa- pin pratiquees audefious & dans l'embrafurc de ces fenetres, plus une porte de communi- cation d'une chambre a l'autre. La premiere & lajfeconde de ces chambres
etoient deftinees pour 1'oWiflance de la fa- criftie ; la troifieme & la quatrieme pour la roberie. La cinquieme , fixieme & feptieme fervoient pour les infirmes. La huitiemc quarrde avec un plancher de fapin , etoit apparemment celledel'AbbefTe. II y en avoit une neuvieme a cinq croifees qui occupoit toute la largeur du batiment; elle n'avoit ccpendant point de yue fur le couchant, |
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BE P. R. DES CHAMPS. l§t
parceque ce cote ctoit bouche" par 1c bout
an dortoir de S. Benoit adofTe au grand ba- ilment neuf. Cette neuvieme chambie droit celle de communautd & le chauffoir. Vers le milieu de la grande gallerie, Sc
pres de l'endroit od il y avoir un baluftrede fdparation , & oil Ton defcendoit un ddgre, fe trouvoit une porte de communication au dortoir de S. Benoit , qui n'avoit que la hr.uteur d'un dtage du grand bariment. II etoit compote de chambres fur le devant & d'une gallerie fur le prdau du cloitre , qui conduifbit au batiment de l'infirmerie bati fur la meme ligne au dela du cloitre. Dans le bas du grand batiment que nous R«cftoire,
venons de decrire , droit le refedtoire , que M. de Sevignd avoir fait reparer & acgran- dir apres la paix de Clement IX , en faifant mettre les cuifines , qui en occupoicnt aupa- ravant une partie , dans l'ancien chapitre. II y avoir fix grandes fenetrcs du core du levant,, Sc quarrc dans le fond du cote du midi op- pofe au chapitre & aux cuifines. Le plancher droit foutenu par cinq piliers, fur chacun defquels il y avoit des inferiptions. Sur le premier , Ma nourriture eft defaire la jean , rh.
volonte de celui quim'aenvgie ; & del*autre4> v- 54- cote: Travailk^ pour avoir, non lanourri ch. 6.f.ty. ture qui petit , tnais celle qui demeure pour la vie eternelle. Sur le fecond , Le pain deDieu eft celui Ihid.f.n.
qui ejl defcendu du del & qui donne la vie au monde ; de i'autre cote : Heureux celui Luc, 14, if. qui manger a de ce pain dans le ro'iaume de J->ieu, Sur le troifiemc , Heureux ceux qui ont Apoc. i?-
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- imn^iftMiTliiiif'n/iiiiii-
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x$6 Desciupt. de l'Abba'ii
hi appellis all fouper des noces de VAgneau ;
S' Paul. de l'autrc cote ? Soit que vous mangle^,foil que vous buvie^ , faites tout pour la gloire de Dieu. Math. vi. Sur le quatrieme , C/ierc/ie^ premierement
le ro'iaume de Dieu &Ja juflice , & tout le refle vous /era donni par augmentation ; de S. Paul. l'autre coxi : C'eft une grande richejfeque la
moderation d'un efprit qui fe contente de ce quifuffit. II n'y avoit rien au cinquiemc pilier,
mais on voioir fnr les murailles plufieurs au-
tresfcntences de l'Ecriture. Ce refeftoire etoit
garni de fix tables , dont deux longues re-
gnoienr des deux cotes, & joignoient ceile dti
bout pofee en travers j plus deux autres plus
petites de long , & une autre en travers , avec
des bancs de bois fervant de (ieges. La princi-
pale porte de ce refectoire etoit prefque dans
1'angle de la gallerie du cloitre adoflde a ce
batiment en dap du petit efcalier du dortoir
de S. Benoit.
Grand cfca- L'entrde du grand efcalier du grand bati-
lier. ment dtoit dans l'autre angle oppofe de la
meme gallerie du cloitre du cote de l'Eglife ,
dans lequel angle etoit auili la principale
porte du nouveau chapitre & la porte des
Sacremens, qui donnoient dans la gallerie
du cloirre adoffee a l'Eglife.
Chapitre. Ce nouveau chapitre etoit dans l'ailc de
l'Eglife du coti de PEpitre , a Tangle qui
joignoit cette aile au grand batiment. C'etoic
un efpace quan e & voute, avec un pilier
de pierre dans le milieu. II y avoit deux fe-
netres fur la cour, dans laquelle on defcen-
rfoit par une petite porte faite dans le bas de
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de P. R» des champs; 187
l\ine de ces fenetres. Tont autour du chapitre
regiioient deux gradins de bois de fapin tres Cmple , qui en formoient les fieges. Le pre- mier giadin avoir un perit marche-pie e"lev£ de deux ou trois pouces. Le plancher etoit auffi de bois de fapin. La chaire de l'Abbefle -toil adoflee con ere la muraille de l'Eglife. On y voioit plufieurs rableaux l'un d'un mira- cle de la fainre Epine fair par Champagne , & reprefenraiu fa fille fur laquelle il avoit ete opere; un S. Benoir, un S. Bernard; les porrraits des Meres Marie Angelique premiere Abbeile depuis la reforme , 6- Angelique de S. Jean* L'Auteur de YHlfloire abregie de la der- Tome
niere perfecution de Portroial croir que e'e- pagj 4j3. toit en cet endroic, qu'etoit un rableau qui reprefentoit la Mete Angelique afllfe , don- nant les conftitntions a la Merc Agnes qui etoit a genoux le vifage tourne vers un cru- cifix plac- fur une table couverte d'un tapis de turquie, au milieu duquel le Peintre ( M. Champagne ) avoic reprcfente , comme pour orner le tapis , la tete de M. l'Abbe" de S. Cyran au naturel, grande comme la pau- me de la main. Le meme Auteur rapporte a ce fujet un fait particulier concernant ce ta- bleau , qu'il t-moigne favoir de fclence cer- talne. En 1701 , 1'AbbefTe de P. R. & les anciennes appr<*hendant que fi on verioit faire quelque nouvelle vifite a P. R., comme elks en etoient menacees , on ne trouvat matiere a glofcr fur le tableau, firent oter le portrait de M. de S. Cyran. Ce fut Made- moifelle de Boulogne , foeur du farneux Pein- tre de ce nom , & tres habile elle-meme , qui -tant allee a P. R. pour cet effet, otale portrait de M. de S. Cyran , mit a la pla.ee , |
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2.88 Desciupt. de l'Abbaie
de la toile fur laquelle clle continua le tapis de
turquie, Sc emporta en s'en retournant le por- trait. La fceur de cette Demoifelle a herite du portrait, & l'a donne a une perfonne qui a raconte a. l'Autewl que nons venons de citer.tous cesfaits, & lui a fait voir le portrait. Au-deiTus du nouveau chapitre , dans l'aile du batiment adorTe dn cote de l'Epitre , etoit le petit chocur pour l'affiftance devant le S. Sacremcnt pendant la nuit , & le noviciat od les novices & poftulantes, & depuis les filles qu'elles prirent pour les aider au chant du.chceur, s'affembloient pour le travail Sc l'inftruction. L'inflrmerie etoit un corps de batiment a
deux etages , avec deux grands greniers au- deilus , & un petit donjon quarre & vine. Ce batiment , long d'environ (So pas , fur 1$ pies de roi de large , s'etendoit du couchant au levant, d'un bout a une galletie batie fur les arcades du cloitre oppofee a I'Eglife , 8c aboutiffant de l'autte prefque fur la levee de l'etang. Cette gallerie s'appelloit le dortoir de S. Eenoit, au boutduquelcn entroit dans l'inflrmerie en montane quelques marches , parceque ce dortoir £toit plus bas. II y avoit dans ce dortoir une cleifon d'un bout a l'autre, pour former un paffa^e , & le refte de l'cf- pace etoit partagi en plufieurs chambres , qui ne fervoicnt que de cellules aux fervantes de la maifon appellees Us filles a cornettes. Ces chambres n'eroient fepar^es la plupart que par des morceaux de tapifTerie. Une dc ces chambres, qui etoit celle du bout du cote de l'efcalier , avoit une cheminee; les fe- netres etoient fur le jardin. Sur les arcades du cloitre oppofees au grand batiment, & qui avoient leur face au levant, ^toit auffi une
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BE P. R. DES CHAMPS. Z?c>
tine autre gallerie qui fervoit de refeifloire
pour 1'infitmeric , & auparavant d'appacte- ment pour les grandes penfionnahes. Le bas de ce bacjment d'infirmerie eroic
rempli de chambres > qui fervoieiu a (errer, les grains. Au premier etage etoient deur • grandes chambres a plufieurs lies , & deux aurrespour les maladies qui demandoient que les malades fuffent apart. Le fecond etage etoit compofe de cinq on
fix chambres an(li deflinees aux infirmes , 8c qui dans la fuite ne fervirent plus que dc garde meubles. Ces chambres avoient des renecres fur le jardin du cote du midi. Tels etoient les bacimens de P. R. Tout
bicn confidere, on trouvetoit peu de mai- fons religieufes mieux diftribuies pour tou- tes les commodkes d'une grande commu- naut^ , quoique tout y fut pratique avec une grande fimplicite , pauvrete & modeftie. Le jardin etoit en face du mur de la cour, jjr<j£-
du bout du grand batiment qui avancoic dans ce jardin, du dortoir de S. Benoit 8c de l'infitmerie, & au midi de tous ces bati- mens. II ecoit partage en de-ux dans fa lon- gueur du coucliant au levant.par une muraille. La partie la plas prochc des batimens etoit proprement le jardin , qui ecoit rempli d'ar- bres fruitiers plantes fans beaucoup d'ordre , & de quarres de legumes. La partie de l'autre cote du mur , appellee la folitude , ^toit remplie d'arbres de haute-futaie , & fervoit de promenade aux Religieufes. Du cote du couchant, au-dela d'un folTe qui fervoit d'i- coulement pour les eaux de l'etang , lorf- qu'elles etoient trop abondantes, on avoic pratique ou creufe une grotte entouree dc iieges de pierres, ou les Religieufes s'afTem- Tome I, N |
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i^o Descript. de l'Abba'ie
bloient a la recreation ou conference , pen-
dant laquelle elles travailloient. Dejlription des granges.
Apres avoir fait la defcription du mona£.
tere de P. R. , il eft neceflaire de faire celle des granges ou habitoient ces picux & favans Solitaires , qui out rendu ce defert (i celebre. Stir la hauteur de P. R. entre le nord Si
le couchant , eft une grande ferme depen- dante de l'Abbaie , que l'on appelle les Gran- ges. Cette ferme fait partie du dehors dc P. R. & du meme fief que l'Abbaie , qui a moienne 8c balfe Juftice. Ce n'etoit lors de la fondation qu'une grange pout ferrer Jes grains des terres qui fe trouvent fur la hau- teur au nord 8c au couchant. Cette maifon confifte en une grande cour
qui contient environ troisarptns.hors doeuvre.
tile eft percee de quaere grandes portes , &
d'une autre petite appellee la porte du Friche ,
pour aller a l'Abbaie. En entrant par cette porte
a droite , eft un grand batiment compofe de
deux grandes falles qui ont vue fur la cour 8c
fur un grand jardin ■> d'un premier etage qui
a quatre grandes chambres ; d'un fecond
femblable, & au-derTus font des greniets.
Les Solitaires avoient partage ces grandes
falles en plufieurs pctites chambres pour fe
loger. Cette diftribution fubfifte encore au-
jourd'hui en partie ; mais ce qui avoit fervi
de retraite a tant de Saints , ne fert aujouc-
d'hui qu'a ferrer les grains & les fruits du
Fermier. On a aufli detruit les appartemens
ou cellules que quelques-uns avoient fait
conftruire autour de la cour.
A cote1 du grand batiment eft l'ancien , qui
confifte en une gra-jde cuifine . un fournil , |
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deP. R. des champs. 191
une depenfc; au premier etage deux cham- bres , un cabinet , & trois autres chambres ; audeirous rrois autres , done deux avecche- xninces. Enfuite de ce bailment eft la pone du jar-
din qui a environ un arpent. La maifon du JarJinier ticnt a cette porte. Au bout du jar- din eft un grand enclos, planed autrefois dc •vigncs & d'arbres fruitiers . qui defcend juf- qu'aupres de la porte de I'Abbaie , n'y ai'anc que le chemin entre deux. Ce clos , qui eft dc cinq arpens , eft aujourd'hui prefque torale- Oient inculte. La porte de la mare pour abrever les bef-
tiaux ; cette mare ne tarit prefque jamais que quand on la peche. A cote de cette porte eft la grange a avoine contenant trois travels; puis deux ecuries pour les chevaux de felle & de labour; enfuite deux Stables pour mettre 40 vaches : deux bergeries pour mettre 400 betes a laine, & tout le long de ces etables & ecuries, des grenieis pout ferrer les pailles. On trouvoit enfuite la porte des champs,
ou droient autrefois deux berceaux de verjus , au milieu defquels il y avoit un bailment compofe par le bas d'une grande cuifine qui dtoit celle des Domeftiques; trois pctites chambres au-deffus & les grenieis. Puis la charonnerie pour le Charon; la tonnellerie , pour les Tonneliers dans la faifen du via & du cidre, & la grange des foins de trois travdes & demie. La porte du grand Friche, oil fe tro'ive le
prefToir 8c la mare pour les cidres , la fou- lerie pour les vins. Plus haut que cette fou- leiic font les poulailliers & autres enables. A cote du preflbir eft la grande grange a
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A9i Df.script. de l'Abea'i'e de P.R.
ble , compofee de fix travees , & deux aires
avec quatre grandes portes pour faire encrcr & fortir les charcttes chargees de bl£ , done deux font dans la cour Sc les deux autres fur le grand friche. Sous cecte grange font des caves , dans lefquelles on peut mettre juf- qu'a fepc ouliuit cens tonneaux de cidre. Enfuite de cette grange eft la grande char-
tierie qui confifte en fix travels. Enfin Ton xetrouve la petite pone du friche dont nous avons deja parle , par laquelle on defcendoic a l'Abbaie. On voit que cette cour eft toutc entouiee de batimens. Au milieu eft un grand puits couvert , de
27 toifes de profondeur. Par le moien d'une machine inventee par M. Pafcal, un enfant de douze ans pouvoit monter & defcendre*. en meme-terns deux feaux qui tenoicnt cha- cun neuf feaux ordinaires, l'un etant pleia & l'autre vuide. Tout le tertein de l'Abba'ie eft evalue a
3 60 arpens de terie labonrable en une feule piece du cote du nord , Outre xy arpens dans la vallee; 800 arpens de bois taillis en une piece au midi & au couchant, & 100 arpens dans la valine . zj arpens dans le pare de Vaumurier , & 40 arpens de pies en uns piece, 1»*
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*95
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HlSTOIRE A B R E G E E
dc la fatnilU des Arnaulds.
M 4A famille des Arnaults eft » une fa-
sj mille , dit un des beaux efprits du dernier Balzac, Let- « fiecle , qui doit etre cliere a la France , & tre^, du 14 33 qui eft nee pour la eloire du nom Fran- ao,ur. > *™a" 33 cois.. .. Tout railonne, tout preche , tout i. , x1jj_ =3 perfuade en cette maifon , & un Arnauld 33 vaut une douzaine d'Epictete ( 1) Le fa~ >3 voir , l'eloquence , l'amour de la juftice , » le zele 8c la piete , ont egalement delate 33 dans les perfonnes de cette maifon , qui 33 ont ^te , ou dans l'Eghfe, ou dans 1'etat re- 33 ligieux , ou dans la robe. Ceux qui ont 33 fait profeftion des armes, fe font fignales »3 par mille cxemples de val.eur , &c ont glo- 33 rieulement foutenu par leur courage , la « noblefTe dc leur fang. Une integrite in- » violable & un entier defuuerefTement one 33 ete les caraotercs particulicrs de ceux qui 33 ont it6 emploies dans les Finances. Ceux 33 que la fortune a encore tleves plus haut, » commc malgte eux , ont fait paroitre un li 33 grand detachement, ou pour mieux dire, 33 un fi grand mepris de tout ce dont elle a 33 coutume de flatter les autres , qu'on le re- 33 garde encore avec etonnemenc. Enfin il n'y m a point d'etat que quelqu'un de cette nom- 33 breufe famille n'ait rendu eclebre par quel- n que talent extraordinaire ". La famille des Arnaulds , qui s'eft rendue
fi celebre, vient originairement de Provence; (1) Journal des Savans, du mois de feptenibre
j*7j > edit. d'Holl. p. 14^. N iij
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.194 r Am ml'
& l'hiftoire fait mention de quelques Gen-
tilshotntnes de ce nom dcs le XII ou XUI fiecle (i). La Blanche de ceux qui vintent s'e- tablir en Auvergne , eft la plus celebre. I. Gracieux Arnauld fe trouva en 13 40
dans I'armee de Philippe de Valois (3). Ses defcendans commandcrent ce qu'on appel- loit alors une Compagnie d'hommes d'armes. II. Henri Arnauld ( fils de Michel qui
vecut 104 ans ) etoit Capitaine Chatelain au Chateau d'Hevman , dans la haute Auver- gne (4). II laifTa deux enfans de Catheri- ne Barjot fon epoufe , Jean , Commandant d'Herman , qui mourut fans enfans , Sc An- toine , qui fuit. Antolm , (fils de Henri Arnauld , ) SeU
fneur de la Mothe , Chateau pris de Riom ,
oinme dun me-vite extraordinaire , qui , du- rant les guerres civilcs fervoit le Koi a la tete d'unc Compagnie de Chevaux legers; &C pendant la paix , il exercpic la charge de Pro- cureur du Roi de Riom ( f )• 11 vint, l'an 1 547 , s'et.iblir a Paris, ou la Reine Catheri- ne de Medicis , qui l'eftimoit a caufe de fon merite , le fit fon Procureur general- 11 mou- rut l'an 153?, dans la Communion de rEgli- fe , aptes s'etre d'abord laifTd entrainer aux erreurs de Calvin. II eut de fa premiere fem- me Marguerite Meunier niece du Chancelier du'Bourg , Jean de la Mothe, qui par fa va- leur conferva PAuvergne a Henri IV. II fut tue au fervice du Roi en i59t, & ne lailfa qu'une fille. Antoine Arnauld eut d'Anne For- get fa feconde femme , 7 fils , tous d'un meri- <i) Mcmoires d'Andil- (4) Diftion. de Bay-
ly , part. I, p. l & ;. le, article d'Arnauld. ( 5 1 Regiit. de la Cham- ( 5 ) 'hid. &c Memoires
fcrc dcs Comptes. d'Andilly , p. } Sc fuiv.
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of. s Arnabids, 195
re extraordinaire , & 4 filles. Lcs fils font,
i°. ( 6 ) Antoine , dont nous parlerons ci-def- fous : i°. Ifaac , Confeillet d*Etat & Inten- ds nt des Finances , qui mourut en \6\y , laif- fant deux fils , dont l'un appelle llaac , fut M.irechal de Camp , Gouverneur de Philis- bourg , &c. & trois filles : 30. David, Con- trol'eur general des Reftes , qui eut un fils Confeiller au Parlement de Metz , & une fille Religieufe a P. R., fous le nom de Saeur An- ne de S. Paul. David mourut le uSeptembre i(?i; : 40. Benjamin , tue en 1589 devant Gergeau , aux pi£s & pour le fervice du Roi Henri III: 50. Claude , TreTorier general de France , mort en ifiox : 6". Louis, Secretaire du Roi , & Controieurgdneral des Rcftes 7) : 7". Pierre, Meftre de Camp , General des Ca- rabins de France , &c. qui fut un homme (i extraordinaire dans le metier de la guerre , qu'il a peur etre e^e l'unique dans fon efpece depuis pluficurs fiecles (8). II mourut le 14 feptembre 1A2.4. IV. Antoine, ( fils d'Antoine Arnau.ld )
l'aine du fecond lit , nanuit a Paris le 6 aout ijrto. On peut voir dans les memoires pour fervir a l'hiitoire de la Mere Angelique (9), auffi-bien que dans ceux de M. d'Andilly fon fils, plufieurs circonftances de fa vie. II fuc- ceda a fon pere dans la charge de Procureur general & de Confeiller de la Reine Catheri- ne de Medicis, qu'il pofleda jufqu'a la mort de cette PrincefTe. Comme le Barreau faifoit fes delices (10) , il quitta celle d'Auditeur des («) Memoires d'Andil- Arnauld , tome prelimi-
\y , Part. I. p. 8 & fuiv. naire , pages 4 8c fuiv. (7) fb'd. p. 8 & fuiv. ( 10 ) Memoires de la l8) Memoires du tcms. Mere Angelique , pages
(?) Juftifkarion de M. 176 & fuiv. N iiij
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Z9<> F A M I L L E
Comptes & de Controleur des Reftes , & re!-
fufa celles de Secretaire d'Etat, d'Avocat ge- neral au Parlement de Paris, & de premier President au Parlement de Provence (i i),pour fe donner tout entier a la profeflion d'Avocat, ©d il s'acquit une grande reputation d'elo- quence 8c de probite. II epoufa en 1583 , Catherine , fille unique du celebre M. Ma- rion, Baron de Druy, Avocar general au Par- Icmenr de Paris. L'an 1594 , il plaida la caufe de l'Univerfite de Paris contre les Jefuites , 8c adrefTa en 1601 , au Roi Henri IV , le franc & veritable Difcours , &c. pour empecher le rappel de ces Peres , qui avoient ete chartes de France a caufe de rallaffinat commis en la perfonne du Roi, par Jean Chatel leur Dif- ciple. C'eft- la , chez les Jefuites , le peche originel des Arnaulds , que nul facrement n'a pu effacer , & la premiere caufe de la haine que ccs Peres ont tonjours eue contre le Mo- naftere de P. R. , auquel la plus grande partic Je cette famiUe droit tres attached , & ou Ma- dame Amauld , fes fix filles , 6c cinq petites- fillcs , furent Religieufes. Antoine Arnauld muurut le 29 decembre 1S19 , agdde $9 ans , ( & non 10; ans , comme le marque le necro- loge de P. R.) avec une tres grande piete,dans la communion de VEglife catholique , dans laquelle il dtoit ne & avoit tonjours vecu ; quoi qu'en aient dit les JeTuites dans difRrenS Merits , 1'. dans VApologie pour Jean Chatel execute a mart, & pour les Peres ty ecoliers de la Societi de Jefits , bannis du Roiaume de France , & contre I'Arret du Parlement , donne contre eux a Paris le 29 Decembre J j 94, divifee en cinq parties , par Francois de (11) Mcmoitet dAndilly , I. pattie , pages iv 8c
fuivantes. |
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D E S A R N A V I D S. i97
• ferone Conflantln : Le norn A'Arnauld, felon
cet ecrit infame , vient du rnot grcc Jtfrwfc«j* qui fignifie renter & apoflafilr , Sc il approche de celui d'AntechriJl. Dan* cetce apologie , ces paroles du Pleaume J7 font mifes an bas de la page : Deus conuret dentes eorum in ore ipforum ; molas leonum confringet Domi- nus : Dieu brifera leurs dents dans leur bou- che ; le Seigneur brifera les machoires des lions. Abus faciilege de I'Ecrirure , par" la- quelle on attribue a Dieu \c deteftable parri- cide par lequel le miferable Chatel avoir calfe une dent au Roi Henri IV. x°. Dans rAmphitheatre d'honneur du P.Charles Scri- bani, Jefuite : }°. Dans l'lmage du premier fiecle , M. Arnauld eft appelle Calvinifte. M. Dupleix , bon ami des JeTuites , l'avoit trai- te de meme fur leur parole ; mais il s'eft re- trace , p. 106 , Henri IV : la veriteeft , dit- il, qu'il ne le fut jamais. II a la'Jfe des en- fans tres vertueux & tres [Mis a la Reli- gion catholique. Quand les JeTuites feront- ils le meme aveu ! II leur feroit plus glorieur de fuivre l'exemple de M. Dupleix, qu'il nc l'a ete a cet Hiftorien de fuivre le leur. Enfans de M. Antoine Arnauld.
_L/Ifu repandit une telle benediction fur le
Mariage de M. Antoine Arnauld & de Made- moifelle Marion , qu'il en fortit vingt enfans, onze garcons & neuf filles; dix moururent au- de(Tous de trois ans , & dix lui furvecurent, favoir quatre fils & fix filles. I. Robert Arnauld d'Andilly, ne en 1588 ,'
peut £tre regards comme i'aine ; le premier de fes freres ne avant lui n'ai'ant vecu que trois jours. II epoufa en 161; Catherine Ic N v
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108 FAMItLE'
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Fevre de la Bodetie . fille de cehii qui fut
Ambaflfadeur en Angleterre. Elle apporta pour
dot la Terre de Poraponne. M. d'Andilly cue
divers emplois , qui l'attacherent a la Couc
& a la fuite du Roi pendant plus de io ans;
fut quoi Ton peut voir les Memoircs qu'il a
ecrits a la piiere de M. le Marquis de Pom-
ponnc fori fils. Le cava&ere de M. d'Andilly
a ete parfaitement depeint par Balfac , qui a
dit de lui que e'etoit un homme qui pojpidoit
les vertus morales cv les vertus chretitnnes ,
de rnaniere qu'il ne droit point vanite des tines,
& ne rougijfoit point des autres. 11 eut de fa
femme , qu'il perdit le 2.4 aoiit 1657 , quinze
enfans, dont on pailera ci-apres. En 164J
on 1646 , il fe retira a P. R. des champs ,
pour y vivre dans la penitence. Ce fut la qu'il
compofa plufieurs ouvrages de piete^, & des
Ncerol. de traductions , qui ont ete recueillis en 8 vol.
' in-fol. La perfecution qu'on excita contre
P. R. I'obligea de fortit deux fois de fa foii-
tude & de fe retirer a Pomponne. II y revint
audi-tot qu'on le lui permit, & il y eft niort
tres faintement le 17 fcptembre 1674 , age de
85 ans.
II. Henri Arnauld, qu'on appella dans fa
jeunelFe M. de Trie , vint au monde en J 5 97.
II fuivit d'abord le Barreau , mais enfuite
il entra dans l'Etat ecclefiaftique vers 1'an
1611 (it). Il alia a Rome avec le Cardinal
Bentivoglio, 8c y demeura 5 ans (13). Le Roi
le nomma pendant ce terns-la » Abbe de S.
•Nicolas d'Angcrs (14). En 1657 , il fut elu
Eveque de Toul, mais il fe demit volontaire.
ment de fon droit, a caufe de la conteftation
(n) Mcmoires d'And. tome III. pages 190 &
pages 6f & fuiv. fuiv. (15) Mcmoires Ang. (14) Memoiresdu tems.
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DES ArNAUIDS, I99
qui ctoit alors entre le Pape Sc le Roi an
iujet de cet Eveche. En 1645 , il alia une feconde fois a Rome , en qnalite d'Envoie cxcraordinaire , Sc y foutint avec force les in- terets de la famille Barberine , contre Inno- cent X. Le Prince de Paleftrine , & les Car- dinaux Antoine , Francois & Charles Barbe- riu , en reconnoiflance des fervices que leur avoit rendus Henri Arnauld , firent non-feu- Jentent frapper une Medaille de lui 8c ti- rer fon Portrait, dont ils remplirent toutes leurs maifons , mais meme ils lui erigerenc une ftatue dans leur palais de Rome , be fai- fant allufion aux armes des Arnaulds ( qui font une montagne furmontee d'un clievron & de deux palrnes ) 8c a leur Patrie , ils firent mertre deflbus , ce Vets compofe par Foiru- ,nat pour Gregoire de Tours : Montibus Arvernis veniens
Moris altior ipfe eft. A fon retour , il fut nomme . en 1 ^49 , Eve-
que d'Angers , 8c il fe fit facrer a Port - roial le 19 juin 1650. On fait afTez 'qu'il prit en toute occafion , la dtfcnfe de la bonne caufe , Sc qu'il fut 1'un des IV Eveques oppofes a. ]'exa£tion de la fignature pure 8c fimple du Formulairc , Sc en faveur defquels fe fit la paix de l'Eglife en 1668. Enfin apres avoir re'lide continuellement dans fon Diocefe pen- dant 40 ans d'Epifcopat,il y mourut enodcur de faintete , le 8 juin 1691 , age de 9J ans. III. Simon Arnauld, ne Ian 1605 , d'un
naturel donx , mais courageux , ctoit Lieute- nant & Meftre de camp des Carabins , lorf- qu'il fut tue aupres de Verdun , le 1 juillet 16)9.
IV. Antoine , le dernier , mais le plus ce*
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JOO F A M I L L E
lebre des vingt enfans dAntoine Arnauld , fa
gloire de eette famille & dc Ton fiede , ne le 6 fdvrier 1611, fut baptif<£ le lendcmain fur les Fonts de S. Mcri, Paroilfe de fon pere. II renonca par le confeil de Madame fa mere K de M. de S Cyran, a l'^tude du Droit canon , pour s'appliquer a celle de la Thcolo- gie , & emra dans l'Etat eccleTiaftique. II re- c,ut le bonnet de Dofteur au mois de decem- bre 1641. Perfonne n'ignore quelle etoit la profonde Erudition de ce grand homme , Sc le nombre prodigieux d'exrits qu'il a faits pendant jo ans, pour defendre tome verite. M. Arnauld etant oblige de fortir de France en 1679 , il fe retira dans les Pais - bas, II eft mort a Bruxelles le 8 aoiit 1694. , age de 8x ans. Son cceur fut apporte^ a Port - roial des champs, dont il avoit hi ConfefTeur pertr dant plufieurs anne'es. Les Filles de M. Antoine Arnauld ( iy ) ,'
fours du Dodteur , furent, I. Catherine Ar- nauld, nee le 9 juin j 590 , mariee l'an 1605 , a M. Ifaac le Maine, Conf iller du Roi & Maitre des Cornprcs , dont elle fut feparee a caufe de la mauvaife conduite du inari. Apres la mort, elle fit profeflion a P. R. Ie ij Jan- vier 1644, & y mourut le 2.1 Janvier 16$ 1, agee de 60 ans. II. Jaaueline Marie Angelique , fi celebre
par la reforme qu'tlle mit a P. R. , & qui a ea de fi grandes fuites , vint au monde le 8 feptembre if 91 ; fut pourvue , a llige de 8 ans de l'Abbaie de P. R. , fit profeflion a Maubuiflon le 19 octobre 1600 , fut touchde de Dieu en 160% , commenca a etablir la r^- (15) Voiez lesMemoires , tome IH. pages }JJ &
flUYMKCS.
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DES ARNAU1DS. J6f
/brme en 1609 ; mourut a Paris le 6 aout
\66i , agee de 70 ans. Son corps y fut enter- 16 , & Ion cceur fut pone1 a la Maifon des champs. III. Jeanne Catherine Agnes {16) , nee le
31 decembre 1$ 9 3, AbbjiTi: de S. Cyr en 1 y^y, qtiitta fon Abbai'e pour fe faire Religieufe a P. R ; fut faite Coadjutrice en ifixo ; renon- 9a a fon droit en 1630; fut envoide au Mo- naftere de Tard a Dijon , qu'elle gouverna 6 ans ; fut AbbefTe de I'. R. depuis 15 5 6 juf- qii'en 1641, & depuis irt?8 jufqu'en 1661. Elle mourut a P. R. des champs le 19 fevrier 1671, apres avoir donne, en toutes occa- sions , des marques d'une vertu parfaite. IV. Anne Arnauld (17), fe fit Religieufe
a P. R. le 18 fevrier 1618 , Sc aida beaucoup fes deux foeurs dans toutes les bonnes ceuvrcs que Dieu leur fit entreprendre. Elle mourut a Paris , dans la Maifon de P. R. , lc I Janvier 1653. Elle fe nommoit Soeur Anne Eugenie de l'lncarnation. V. Marie Arnauld (18), nee en 1600 ,
Religieufe de P. R. en \f-\d , mouvut a Paris le 15 juin 1641. Elle fe nommoit de Ste Claire. VI. Maddaine Arnauld, dite de Sainte
Chrifline (19) , nee l'an 1 f>07 , fe fit Religieu- fe en 1615 , & mourut dans la Maifon de Paris j le 3 fevrier 1649. (i« ) Mem. tome III. (18) Mem. tome III.
-ages ioi , &c. page 419.
(17) Mem. tome III. (19) Mem. tome III,
pages 560, &c. page 486.
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JOZ F A M I t t E
En fans de M. d'Jndilly.
. MR d'Andiliy a eu 15 Enfans, dont y
font morts en dtat d'innocence : les 10 autres font 4 gar^ons & 6 filles (10). I. M. ( N. ), ne en 1614 , fervit d'abotd
dans les Troupes, & enfuite entra dans l'Etat ecclefiaftique ; il ftit pourvu de l'Abbaie de Chomes. II fe retira a Angers aupres de Hen- 4 xi Arnauld fon oncle , dont il ne parolt pas qu'il ait imite la piete , comme on le voit pat
plufieurs lettres de M. Arnauld le Dofteur. II mourut en 1698. II. Simon , connu fous le nom de Mar-
quis de Pomponne , ne' en 1618 , tut emploie' dans des negociations importantes des 1'age de 15 ans. En 1671 , il rut fait Miniftre &C Secretaire d'Etat , mais on le remercia en 1679. II fut rappclle a la Cour & remis dans le miniftere en 1691. Il mourut le %6 fep- rembre 1S99, II avoit epoufe Catherine , fills de Nicolas Ladvocat, Maitre des Comptes , dont il a eu fept enfans. III. Charles Henri de Lu^ancy (11) ,
n^ en i«i? , fut d'abord Page de M. le Car- dinal de Richelieu , puis il prit le parti des armes ; mais Dieu l'aiant attird a lui, il fe retira en 1641 a P. R. des champs, d'ou il ne fortit que malgre lui. Il mourut a Paris le iofevrier 1684, & fon corps fut apporte^ ou fon cceur avoit toujours ete depuis fa con- verfion. IV. Jules , furnomme de Villeneuve ( n ) ,'
( %c ) M.moires d'An- pages ;;8 & fuiv.
<)illy,tom. II. p. 1^4. (11) Lancelot, torn. I. _ til) Lancelot, torn. I. p. 3J;e Dufoile, p. ix?.
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DES ARNAULDS. 305
fut mis fort jeune avec les Mrs qui demeu-
roient a P. R. des champs : il y demeura une quinzaine d'annees , & en fortit en 16 5 6 , lorfqu'on en chaiTa les Solitaires & les enfans. II prit alors le parti des armes, mais il mou- rut a fa premiere campagne. Ir« fille , Catherine, dite de Ste Agnes ,
nee en 161$ , fe fit Religieufe a P. R. des champs ( 13 ), & y mourut le 1} decembre 164$ , j. l'age de 18 ans. I I. Angelique de S. Jean ( 14) , nee le
a 8 novembre i6i4,elcv(£e des l'age de fix ans , fous les yeux de fes adrhirables tames , & formee par dies dans toutes les vertus , dont elles ont donne un fi bel exemple ; fit profeffion le 15 Janvier 1644 , & fut un pro- dige d'efprit & de piete. Elle mourut le ij Janvier 1684 , ag^e de jp ans. III. Marie Charlotte de Ste Claire (t j ),
nee en 1617 , elevee a P. R. , fit profeffion le 2.8 novembre 1647 , & mourut en la Maifon des champs le 9 feptembre 1678. IV. Marie Angelique de Ste Therefe {16},
nee en 16 j o, Religieufe a P. R. le 11 novem- bre 1654, mourut dans la Maifon des champs le 8 janviet 1700. V. Anne Marie, nie en 1651 , Profeffe
a P. R. en 1658 , y mourut le 7 oilobre 1660. VI. Elizabeth mourut penfionnaire de
T. R. de Paris , agee de 15 ans. di) Mem. tome III. page 489.
(14I Mem. tome III. page 498. (it) liiiJ. page 591. (16, laid, page 59J. |
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'504 FabiiU
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Enfans de M. de Pomponne.
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Icolas Simon , Brigadier des Ar-
mies du Roi , marie en 1694 avec Conftance de Harville , qui lui apporta la terre de Pa- laifeau , eft mort en 173 5 , ne lailTant qu'une fille , Catherine Conftance Emilie , marine a Jean Joachim Rouault, Marquis de Cayeufe. Tons les autres enfans etoient morts jeunes. M. Nicolas Simon de Pomponne obtint , l'an 1710 , lorfqu'on exhuma les corps apies la deltruction de P. R. , ceux de fa famille qu'on put reconnoitre. lis furent depofes d;ins I'E- glife de Palaifeau , en attendant qu'on les tranfportat dans celle de Pomponne •, mais !c 30 feprembre i7ij 1 on les inhuma a Palai- feau , dans le caveau de la Chapelle qui eft pres du grand autel du coii de l'Epitre. II pa- xoit par l'^pitaphe , qu'on y a mis les corps ou les reftes precieux , i" de la Mere Cathe- rine Agnes de S. Paul: i°. de la Mete Angeli- que de S. Jean; 50. de M. Robert Arnauld d'Andilly , de M. Charles Henri Arnauld de luzancy fon fits : de Demoifelle Catherine Ang^lique Arnauld de Pomponne ; & les cccurs de la Mere Marie Angelique de Ste Madelai- ne , de M. Antoine Arnauld le Docteur, & de Demoifelle Marie Emmanuelle Arnauld de Pomponne. Les corps de Mrs Antoine & Ifaac le Maitre furent tranfportes dans l'Eglife dc St Etienne du Mont a Paris. II. Antoine Jofepfi , Chevalier de Malthe
& Colonel de Dragons , mort a Mons en 1693. III. Henri Charles , Abbe de S. Medard
de SoiiTons , Aumorusr ordinaire du Roi, |
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DBS A R N A TT L D S. JOJ
Confeiller d'Etat, encore aujourd'huj ( 17j 5 )
vivant. Labranchede lafamillc des Arnaulds, qui defcend d'An oineArnauld , Avocat, doit s'eteindre a M l'A'obe de Pomponne Peut- etre y at il encore des Arnaulds en Proven- ce , Au moins paroit-il certain qu'il en reftc en Auvergne ; car en 1671 , tin Arnauld , fur- nomme d'Epines , vint rendre vifite a P. R. des champs , & fut reconnu par M. Arnauld le Dodleur pour etre de fes parens. > Ire fille , Marie Emmanuelle , elevee a P. R. , mourut a Pomponne le 14 feptembre
1686 , agee de z; ans. Son cceur fut apporte a P. R. des champs. II. Une autre fille , qui fe fit Religieufc
aGif. III. Catherine Angilique , morte le n
avril 1676, agee de 5 mois. Son corps fut porte a P- R. des champs. IV. Catherine FHicite , qui dpoufa en
1696 Jean Haprifte Colbert, Marquis de Tor- ci , frere du celebre Eveque de Montpellier , vivante en 1749. |
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Enfans de Madame le Maitre.
C/ Atherine Arnauld , femme de M.
le Maitre , eut cinq enfans. L Antoine le Maitre, ne le i mai 1S08 ,
fe donna au Barreau , & plaida avec un fucces extraordinaire. II fut fait Confeiller d'Etat en 16 j<>, maisl'annee fuivantc, Pieu I'ai'ant tou- che, il renonca au monde , & fe retira a P. R. pour y vivre dans la penitence. On l'obligea deux fois d'en fortir ; mais il eut la confo- lation d'y mourir le 4 novembre 1658. II. Jean, furnomme de S. Elme, fut elevi
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$06 t A M I L L E
a P. R. II fe matia en i6ji avec Louife de
Boignes , dont il a eu trois filles , qui out cue ^levees a P. R. i°. Marie Catherine Angeli- que , qui mourut agee de n ans , le 18 no- venibre 1664. 2". Olympiade Dorothea , qui mourut a P. R des champs le 6 Janvier 1707 , ag<»e dc4z ans. 3*. Une autre fillequi a dpou« fe en 1679 Auguftin Thorr.as , frere de M. du, Folfe' , qui vivoit encore en 1741. Pour M. de S. Elme , il mourut vers l'an 1 6yO. Ill S'rmon , connu (bus le nom de Siri- ^>
court, ne l'an 16 11 , porta d'abord les armes.
II dtoit Major de Philisbourg fous le Gouver- nemetit d'lfaac Arnauld Ton oncle , lorfque cette ville fut prife en \6\\. lis furent faits prifonniers & fe fauverent tous deux. M. de Sericourt continua de fervir ie Roi ; mais la conversion d'Antoine )e Maitre , fon frere , l'aiant toucW , il fe confacra commc Iui an fervicede Dieu. 11 mourura P. R. des champs le 4 oftobre iSjo , & y fut enterre\ IV. Ijaac , appelle M, de Saci, ne" le 19
mars 1 Si 5 , emhrafla 1'Ecat ecclefiaftique , & fut fait Pretre a la fin de l'an 1649. Au mois de mai 1666 , il fut mis a la Baftille , & y fie la traduction francoife de la Bible pendant fa prifon , qui fut de deux ans & demi. Dans la fuite , il donna d'excellentes explica- tions. L'an 1679 , la perfecution l'obligea de fortir du MonaPcere de P. R. des champs , dont il etoit Direcleur; mais il ne ceffa de le conduire jufqu'a fa mort, arrivtfe le 4 Jan- vier 1684.. Son corps y fut apporte de Pom- ponne , ou il s'dtoit retire. V. Charles , furnomme de Vallemont ,
, mourut pieufement , an - dehors de P. R. de Paris, le 1} juin i6j%. |
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DES ARNAULDS. 307
JAmais famille , fans en excepter celles des
Bafiles , des Gt^goires de Nazianze , des Ber- nards , ne fur. plus favorifee du Ciel que le fuc celle de la Ste Reformatrice de Port roial dans lefiecle precedent. Ecoutonsun des plus grands ornemens de cette illuftre Maifon, fake , avec aftion de graces , le derail Sc remuneration de celles que Dieu , par un efFet de fa miferi- corde, rdpandit avec abondance fur fes pa- rens , fes freres , fes foeurs , fes enfans. » ( 17 ) Je ne faurois , dit le celebre M. d'An- » dilly , rendre trop de graces a Dieu d'avoir » exauce la priete que ma mere , qui etoit » une fennme veVkablement cbr^tienne , lui »9 faifoit fans ceiTe , de renverfer la fortune » temporelle de fes enfans , pour e'rablir fur s> fes mines une fortune Iternelle ; puifqu'a n confiddrer les chofes felon la foi , quelle » autre famille eft plus heureufe ! De vingr, •> enfans que mon pere a eus de cette ver- sa tucufe fern me , dix font morts en age din- » nocence, & par confequent dternellement » heuieux. Des dix autres , fix fiiles ont fini *> ou fimront leurs jours dans la fainte Mai- n fon de P. R. ; & de quatre freres que nous » Prions , mon frere l'Eveque d'Angers , & j> mon frere le Dofteur , marchanc comme n ils font dans la voie e'troite , & combat- so tant le boil combat, fe metrent par l'af- » fillance de Dieu , en etat d'etre couron- h nes un jour de fa main. J-'ai fujet d'efpe- » rer que Dieu aura fait mife'ricorde au troi- s3 feme , qui fut ta& aupres de Verdun 5 & » quelque grand pecheur que je fois , fon » infinie bonte me fait attendre de lui la 23 meme grace. Quant a mes enfans , de (17) Memoires, tome II, a la fin. |
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308 Famuie bes ArnA(jlds.
33 quinze que Dieu m'a donnds , cinq Tone
»3 morts en etat d'innocence j trois des fix 33 de mes filles , Religieufes a V. R. , font 33 mortes faintement , & je ne faurois trop « louer Dieu de ce que les trois autres mar- 33 client fur leurs pas. Le dernier de mes 33 quatre fils , mort jeune a l'armee , avoir 33 ete eleve d'une maniere (I chretienne, 8c » M. Ic Marechal Faber qui m'avoic fait as l'honneur de vouloir en prendre autant dc 33 foin que s'il eut ete fon propre fils , l'avoic ^ 33 confirm^ de telle forte dans fes bons fen-
3» timens , que j'ai fujet de croire que Dieu 33 l'a retire du monde pour ne l'y pas laifler » corron-pre. Celui qui eft compagnon de »o ma folirude , avoic . comme je l'ai dit, »3 renonce au fiecle avant moi , par l'efpe- 33 rarvce du fiecle a venir ; & Dieu feta , s'il 3> lui plait , h grace aux deux autres de ne pas 33 fourFrir que [cars ouinds foient plus avan- >3 tag;'s qu'eux dans le partage de l'heritage 33 celefte. C'eft ce bien veritable que je leur s> fouhaite avec ardeur, Sc a mes petits-fils , »3 que j'exhorte a confide* er la vertu comme si le plus grand de tous les ttefors , & a fe M mectre continuellement devant les yeux x cette merveilleufe parole fortie de la pro- is pre bouche de Jefus Chrift: Que ferviroit a x I'homme de gagntr toutItmon&e, s'ilperdoit x Jon ame ? |
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Cenealogie de M. du Vergier,
dc Hauranne , Abbe de S, Cyran.
de Ste Marthe , dans Ie bel eloge
' qu'ils ont fait de ce favant Abbe , le font def- cendre d'une famille noble. Les du Vergiers font originates de Touloufe ( I ). Deux frc- res de ce nom furent envoies pat le Roi a Bayonne , pout y etablir la monnoie. Us s'y triarieient 1 an & l'autte , & y acquitent, dit- on , de glands biens. Cette famille forma dans la fuite trois branches. La branche at- nee , qui en a depuis formd deux, fubfifte en- core a Bayonne, ou cette famille eft des plus confideree. On en a tire , il y a quelques an- nees , le Maire de la ville. La troifieme bran- che a fini par une fille , qui etant riche de qua- trc-vingt mille icas , fut mariee au Vicomte d'Orthe , pete du Vicomte d'Orthe d'aujout- d'hui, 8c de la mere du Vicomte d'Urtabic. La deuxieme branche eft celle dont defcen-
doit l'Abbe de S. Cyran. Son pere , nomme Pierre du Vergier de Hauranne , ( Hauranne eft le nom d'une terre , ) eut au moins, a ce qu'il paroit, cinq enfans , favoir deux fils (i) & trois filles: I". Jean du Vergier de Hauran- |
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11 iece agee de 7 ans, il pa •
roit que M. de S. Cyran eut trois freres, le pre- mier , qui a ete Cordelier, dont il ell parle dans la lettre I. de Janfenius ; le fecond , qui a ete pere de cette petite niece njorte £ l'age dc 7 aus, lequel eioit more avaot cjle, comras. |
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(i) Mem. de Lancelot,
tome I. part. II. note , page 37f-
(i) Selon une note qui
fe trouvepage 144 du Re- cueil de pieces, imprime en 1740 , faite fur la let- tre que M. de S. Cyran jctivit a la Meie Angeli- a«e fur la mort d'une |
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5 jo Gemeaiogis
ne , ne en i 581 , Abbe de S. Cyran en igio;
mort a Paris eti 164?. i°. N. du Vergier de Hauranne, qui etoit dans le commerce , &c qui niourut a Bayonnc en 1664. )". Une fille mariee a N. de Baccos , pere de Martin de Barcos , Abbe" de S. Cyian apres Ton on- •cle, & mort dans fon Abbaie en 1678 , & d'une fille qui fut Religieure. 40. Une fille , qui epoufa N. d'Arguibel , pere de M. d'Arguibel , qui ecudia a Louvain avec M. de Barcos , & qui rnourut a Paris en i6ji. 5 ". Une autre fille , qui Epoufa apparemment N. de Haitze , pere de ce M. de Hairze done M. Lancelot parle fouvent dans fes Me^moi- res. 6". Ce neveuque M. de S. Cyran mena chez les Capucins de la Province de Toulou- fe, parmi lefquels il fe diftingua , etoit peut- etre enfant d'un troifieme fils , ou d'une qua- trieme fille de Pierre du Vergier. M. du Vergier de Hauranne , frere de M.
de S. Cyran , paroit avoir cu quatre enfans : 1*. Le jeune M. de Hauranne , dont M. de S. Cyran fait un cas particulier. II mourut jeune vers l'an 1631 , au cloitrc de Notre- Dame , od M. de Saint Cyran demeuroit alors. C'etoit un petit Saint , au jugement de ceux qui l'avoient connu ; il n'avoit au- cune inclination pour le monde , ni d'autres foins que d'avancer vers Dieu. Etant a Saint Cyran , cu fon oncle l'avoit envoic pafler les vacances pour prendre l'air , avec M. de Haitze fon coufin , il lui difoit quelquefois : 33 Mon coufin , allez vous en a la chaiTc pour 33 vous divertir , pour moi je ne puis y alkr ia Icttre de M. de St Cy- le fils aine , qui avoit re-
~ran I'infinue ; le troifieme fufe en 1C4J un Cano-
fut celui qui mourut a nicat de Soiftnns, mourut
Baypnneen 1664, Oc dout a Talis en HC\,
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DE M. DE S. C YR.A N. JIf
» ni fortir aujourd'hui «. Et il s'en alloic en-
fuite fe renfermer dans un grenier, ou il prenoic la difcipline. M. Lancelot avoit ap- pris tous ces faits , & d'autrcs encore qu'il rapporte , d'une perfonne digne de foi ( ; )• M. de Hauranne fut dprouve de Dieu, qui permit qu'il fut obfede5 pendant quelque- tems , ainfi que le meme M. Lancelot l'avoit appris d'un jeune liomme qui fervit depuis M. de S. Cyran dans fa prifon. » Les efprits 5> venoient quelquefois la nuit tirer fes ri- » deaux , faifant du bruit dans fa chambre , » & le tourmenter. « Ef comme un autre petit-coufin, qui couchoit au meme lieu, avoit peur, il le rafluroic en difant « Mon 33 coufin , n'a'iez point peur , faites le figne j3 de la croix. Si vous aimez bien Dieu , ils » ne pourront vous rien faire «. Quelque- fois il chantoit d'une voix il melodieufe , qu'il charmoit tout le monde , quoique de lui meme il ne fut pas chanter. » D'autres fois » il lui prenoit des contortions fi violentcs, jj que trois hommes n'auroient pu l'arreter 53 ni le retenir. Sou vent il difoit aux dom-'f- » tiques leurs penfees , & les avertiflbit de *> prendre garde a des deTauts interieurs qui « ecoient en eux & qu'ils avouoient etre 53 vrais. D'autres fois il difoit des chofes ft » releve-es & fi merveilleufes , que M. de >j S. Cyran faifoit mettre M. d'Arguibel au- 53 pres de fon lit pour les ecrire. Mais lorf- j3 qu'il le voi'oit dans fes convulsions , il en 53 etoit extremement afflige , & en pleuroit, 53 Cependant il etoit bien allure du fond da 53 fa piete ; il le faifoit communier tous les 53 huit jours. Un jour que fes maux & fes 33 contorilons le prirenc , M. de S. Cyran en (j) Mem. de Lancelot, tome I. pages j«j ?c fuir, |
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J11 GbEAIOGIH
» etant perc<5 de douleur , s'en alia dire 1st
*> MefTe pour lui a i>. Jean le Rond , ou il hi » difoit toujours. Durant la Meife le malade « fut gueri ; & revenant a foi , demanda ou » etoit M. de S. Cyran ; on lui dit qu'il <itoit » jille dire la Meffe pour lui : il repondit , » Alle^ lui dire que je le prie de remercier »> Dieu, & que je Juis gueri. En efFet il ne ref- n fentit jamais plus rien de femblable depuis ; » ce qu'on attribue au metite & aux prieres » de M. de S. Cyran «. M. Lancelot attcftc tous ces faits , qu'il a appris de gens dignes de foj. Le fecond tils du frere de M, de S. Cyran fut Jean du Vergier de Hauranue , devenu l'aine par la mort du precedent. 11 mourut a Paris en 1664 , age a-peu-pres de 40 ans , au retour d'un voiage de Bayonne. II avoit palfe pies de 50 annees dans la retraite & dans l'e- tude , dans la le&ure des bons livres , & dans une converfation continuelle avec des gens de bien , d'une fcience Si d'une vertu confoni- mee. Neanmojns il paroiiToit moins depouille du vieil homme que foil frere le cadet. 50. Le troilieme fils de M. du Vergier , frere de M. de S. Cyran , s'appelloit Pierre. Son pere , qui fondoit fur lui toutes fes efpdrances , ne l'a- voit point voulu faire etudier , de peur qu'il lie fe donnat a Dieu , & qu'il ne choisit une vie retiree comme avoit fait fon frere ; mais qui peut refifter a la volonte de Dieu ! Pierre fe ddgoiita peu-a-peu du Negoce , ou fon pere l'avoit engage , quoiqu'il y reulfit parfaite- ment felon le monde ; & Dieu le toucha tel- ment, qu'il y renonija entierement, & fe reti- ra a Saint Cyran dans le deffein de s'y faire Jleligieux. II l'eut etc infailliblement , l'aiant dcmande plulieurs fois a M. de Barcos , II Dieu ne fe fut contente de fa bonne volonte, en
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D £ M. D E ST C Y R. A N. J I J
co le retirant du monde apres 18 mois cm
environ de retraite, & d'une vie toute de pe- nitence & de mortification , qu'il a continuee, jufqu'a la fin avcc an zele & une fctveur in- fatigables, nonobftant fes infirmites & fa gran- de ddbilite d'eftomach , etant d'ailleurs poul- monique. On pouvoit dire de lui ce qui eft dir de St Fulgence, qu'il etoit d'autant plus abflinent qu'il etoit foible. Dans fa derniere maladie, fon frere ( Jean ) le voi'ant s'affoi- blit de jour en jour , lui demanda fi on ne fe- roit pas venir un Medecin, & ajouta qu'il alloit danner ordie pour cela. » Un Mede- » cin , mon frere , lui dit-il, en le regardant » de travers, je ne fuis venu ici que pout » mourir. Si Dieu me veut faire la grace de " m'appeller a lui plutot que je ne penfois , » je vous prie , ne vous y oppofez pas «. II mourut le 13 mai 1S58. Confummntus in brevi explev'u tempora multa. Le quatrieme enfant du frere de M. de St
Cyrar. fut vraifemblablement cette petite nie- ce a qui il e'crivit de Vincennes plufieuis let- ties qui font admirables par la (implicit^. Elle mourut, comme une Sainte, a P. R., l'ati I641 , agee d'environ fixou fept ans. » J'aime »• plus cette petite creature , dit M. de St Cy- » ran , lettre 95 , parlant de cette niece, par- n cequ'elle eft ma fill- par le Bapteme dans » l'Eglife, que parcequ'elle eft ma niece dans » le monde. C'etoit toutft ma paflion , dit-il » dans la 111 lettre , que de rendre fervante » de Jefus-Chrift a jamais une petite parente m que j'avois fait mettre dans P. R. , a def- » fcin de la confacret toute a Dieu , & en m fon corps, qui etoit agtdable ; 8c en fca » efprit , qui etoit bon j Sc en fes biens , qui. » netoient pas petitr, Mais Dieu l'a enlevc-e T<,mt I. O |
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314 G i N I A I 0 G I E
» du monde pour ma confolation , au mo9 33 menc que le monde vouloit l'enlever a 33 Dieu par violence & par proces (4). Ellc » m'a fair, dit-il,lettre 1 j , avant que d'etre » malade , quelques reponfes qui pafloient » fon age , & m'a declare qu'elle vouloit ab- « folument etre Religieufe. II eft certain que » la peur qu'elle a eue de retourner au mon- » de , l'a rendue malade , & enfuite l'a fait » mourir. Ce qu'elle a dit pour fe defendrc x de fa mere , qui la vouloit tirer du Mo- » naftere ,fuffiroit pour fanftifier le plus grand w pecheur. Elle a foutenu tellement contre x> elle fon defTcin ferme d'etre toute a Dieu , » que j'ai cru la devoir moderer & la re- w prendre comme d'un exces ; & elle fe cor- m rigea li bien par la lettre qu'elle m'e'crivit, » que je nc pouvois croire que ce fut elle »s qui eut parld ; & je ne l'ai jamais cru for- 33 tement jufqu'a ce que j'aie fu les repon- 33 fes qu'elle a faites aux demandes que lui 33 firent les Confeilkrs du Parlement qui 1'in- »3 terrogerent«. M. de St Cyran a encore eu d'autres ne-
veux & d'autres nieces: i°. M. d'Arguibel, fils d'une de fes fceurs , etoit un genie le plus capable de gouverner un Roiaume qu'eut ja- mais vu M. de St Cyran , qui regarda fa mort comme la plus grand/ perte qu'il eut faite. M. de St Cyran gaida longtcms un petit eerie copie de la main de ce neveu , qu'il difoit lui etre pte'eieux. II mourut au mois de Mai %6\ t. i°. M. Haitze, autre neveu de M. de St Cyran , ne repondit pas ft" bien a fes foins. /pres uou 15 ans d education fous fon 011- clc , qui avoi' pris tous. les foins ima^inablcs pour le gagnsr , il fe retira , n'ai'ant pas ta (4) J-aafclqc, torqe I. page 571. Note,
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deM, deStCyran. 3ij
force de refifter a M. fon Pere , qui lui orFroit
vine Cure confidErable. 30. M. de Barcos , fils d'une fceur de M. de St Cyran , fut un de ceux qui lui donnerenr le plus de fatisfa&ion, & qui tira le plus de fruit de fa bonne Educa- tion. M. de St Cyran difoic de lui qu'i/meri- toit un Eveche. II fit fes Etudes a Louvain , avec M. d'Arguibel fon coufin , aupres dc Janfdnius , qui parle d'eux avec eftime dans quelques- unes de fes lettres , que les Jefuites ont fait imprinter avec plufieurs autres; & ils y demeurerent jufqu'en lAii, que M. de Sc Cyran prit M. d'Arguibel aupres de lui , & donna M. de Barcos a M. d'Andilly pour avoir foin de Mrs fes fils , tant il eftimoit important cet emploi de chariti, & tant etoic grande fa tendrefle pour ces enfans II vou- lut temoigner en cela a M. d'Andilly l'eftime qu'il faifoit de fon amitie , & combien il pre- noit de part a la bonne education de fes en- fans , lui donnant pour ce fujet fon propre neveu , en un terns ou le Cardinal de Riche- lieu , alors tout puiflant en France , le tui avoit fait demander pour le mettre aupres de lui ( y )• C'eft un fait que M. Lancelot allure avoir appris de M. d'Andilly. Ce fut audi M. d'Andilly qui fit toutes les follicitations pour lui faire avoit l'Abbaie de St Cyran apres la mort de fon oncle , aiant porte la Princeflc de GuimenE & M. de Chavigny a joindre leurs prieres aupres de la Reine , avec les fiennes. M. de Barcos fe retira a fon Abbaie en 1650, pour executer le projet qu'avoit forme fon oncle d'y Etablir la reTorme. II commenca par reuxttre en Etat l'Eglife & les lieux rEguliers , & donna toujours l'exem- (5) Lancelot, tome I. part. II. pages j«7 > >''*•
Voiei au.U la Note, Oij
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3i<> Genealog ie
pic de l'obfervation de la Regie felon le pre-
mier efprir de St Benoit, ne diffHrant des au- tres que par l'habit & par de plus grandes aulterites. II bannit les cellules feparies , re- xnit en pratique les dortoirs communs , $C retablit l'ufage de jtuner jufqu'au foir, fui- vant l'ancienne coutume de l'Eglife. En un mot, on vit regner a Saint Cyran un efpric de retraite , de mortification & de penitence digne de ces anciens Reformateurs du xi &c du xn flecks. II s'en fallut peu que M. dc Barcos ne perdit fon Abbaie, parcequ'il re- fnfa de figner le Formulaire ; mais la paix de Clement IX, qui furvint en 1668 , empe- cha l'Abbe de Vic , qui en avoit eu le brevet, d'en obrenir les bulks. Enfin, epuife par la penitence , il mourut le u. aout 1678. Auffi- tot les Jefuites s'appliquerent a ruiner le faint etabliffcment pour lequel il avoit tant tra- vaille. Les meilkurs Religieux , du nombre defquels etoit M. Lancelot , 8c les plus ca- pables de foutenir la Reforme , furent exi- les ; & de mauvais fujecs , chafRs de diffe- rens Ordres , furent mis a leur place. II fe- roit fort a fouhaiter qu'on donnat au Public i'Hiftoire de la reforme de St Cyran , & de la deftru&ion de cette Abbaie , qui meiite d'autant plus d'etre connue , qu'elle renferme une infinite d'excmples edifians de la plus fe- vere penitence , & de la conftance la plus hd- roique. La Manfe abbatialc eft aqjourd'hui reunie a l'Eveche de Nevers , & la Manfe rnonachak l'eft au Seminaire des Jefuites , qui oi!t fait une maifon de plaifance de ce Mo- naftere , le plus ancien qui fut en France. Dieu ai'ant permis que le St Sepulchre , oil a repofe le Corps de fon Fils , tomb.it entre les mains des Infideles, qui en font ks |
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3*7
maitres depuis tant de fiecles, devons-nbus
etre furpris s'il pcrmet qu'un Monaftere defti- ne a la priere , a la retraite , a la mortifica- tion , a la penitence , devieime la maifon de plaifir & de divertiffement des Jefuites ? Les tableaux , les chafles de Reliques , les orne- mens d'Eglife , & tout ce qui compofoic 1c treTor de la facriftie de cette Abba'ie , a 6t6 vendu a l'encan le 10 fevrier 1740 , a l'ex- ception des reliques, que M. de Nevers a retenues. Les livres qui reftnient , ont hi achetcs par les Benddiftins de I'Abbaie de St Sulpice de Bourses, lefquels out encore ac- quis, de cette refpectable ddpouille , un or- nement complet, d'autant plus pre'eieux qu'il eft de la fa^on des Religieufes de Port-roial. Outre la petite niece de M. de St Cyran,
morte a P. R. a 1'agc de 7 ans , on vojt par la lettre qu'il ecrh'it a un jeune horame , nomme Davi , qu'il avoit une autre niece Re- ligieufc , d'un merite diftinguc {(,). II eft fait mention dans les informations priftendues fai- tes centre M. de St Cyran , & pubises par les Jefuites , de deux parens de M. de St Cyran. Le premier eft un M. d'Arguibel , fans doute frere de celui dont nous avons parle\ II re- tourna de Paris a Bayonne l'an 1657. L'autre eft M. d'Arcangue , qui droit coufin de M. de St Cyran. II demeuroit a P. R. des champs 6111638, lorfque M. de Laubardemont vint interroger les Solitaires qui y etoient, & leur fignifia un ordre du Roi d'en fortir. (<) Ibid, page 31S9.
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O iij
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3,8 ____
Letires pauntts du Roi Louis XIII ,
pour La truijlation tie Port-roial
des Champs en la villi de Paris.
I lOUIS , PAR LA GRACE DE DiEU , ROI DE
Fkance et de Navarre , A tous nos prefens
&avenir, Salut. Encore que touces les ac- tions qui tendent a la gloire de Dieu & a l'a- ranccment de fon fervice, foient grandement a eftime r, celles qui fortent de Perfonnes il- lufttes font d'autant plus recommandables que leur condition eft plus eminente. Et quand ceux que Dieu dleve aux dignitesfouveraines, s'ein- ploient en deft bonnes ceuvres , la divine Via- jefte eft beaucoup plus glorifiee , & l'edifica- tion plus grande entre les peuples , a caufe que ceux qui font au comble des profperitds temporelles, rendent par cette reconnoiflan- ce un fingulier honneut a Dieu , aux pie's dupel jIs offrent les grandeurs qu'ils ont re- vues de lui, & attirent fes benedictions fur leur regne; & la force de ces exemples oblige les fujets par une douce contrainte a 1'inu- tation de la pietd qu'ils voient reluire dans leurs Princes. C'eft pourquoi nous aiant eti repreTente par la Reine , notre ties honorde Dame & Mere , que pour reconnoitre aucu- nement les graces que Dieu lui a faites, elle procureroit volontiers que la dtfcipline regu- liere & l'ancienne piete fut retablie dans tous les Ordres , meme en celui de St Bernard , au- quel elle a une devorion particuliere , & fpe- cialement es Maifons des Religieufes dudic Ordre , la reTorme defquelles commence a s'avancer, de telle forte qu'il y a fujet d'ef- perer dans peu de terns un tres grand pre. |
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gres , s'il nous pi nit d'appui'er de notre pro-
te<5tiou le zele & le foin des perfonnes qui s'y emploient, entre lefquelles il n'y en a aucunc qui ait plus dignement & heureufement tra- vaille" a retablir 1'ecroite obfervance de la re- gie dudit Ordre, que notre chere & bien ame'e Sceur Angeliqiue Arnauld, Abbeffc de Notre- Dame de Port-roi'al , laquelle par fa condui- te & piete , a remis l'Abbai'e en une entiere rcforme ; ce qui nous dnnnc fujec d'en louer Dieu , & de maincnir une fi bonne ceuvre. Mais d'autant que ladite Abbaie eft fituee an milieu des bois, en lieu fort marecageux U fi mal fain , que la plupart d?s Religieufes nc peuvent ^uere vivre , eloigners de maifons , de villages, d'afliftance , & font exposes a tons les accidens d'un lieu defert, m£me aux defordres des gens de guerre ; notredite tres honorde Dame & Mere nous a fait entendre qu'elle diffiroit , fuivant les conftitutions ca- noniques, faire tranfporter en cette ville de Paris, ou aux fauxbourgs d'icelle , ladite Abbaie & les Religieufes de Port-roial , & y fonder & faire conftruire un Monaftere avec l'Eglife , batimens & offices n^cefTaires , fi notre bon plaifir etoit de le lui permettre ; fa- voir faifons , qu'inclinant volontiers a la fup- plication de notre tres honore'e Dame & Me- re , & de notre grace fp^ciale , pleine puif- fance & autorite ro'iale, par ces preTentes fi- gne'es dc notre main , nous lui avons permis & permcttons , du confentement de notre ame & f<*al l'Archeveque de Paris , d'eYiger & faire £riger, batir & ddifier ledit Monaftere & Abbaie en cette ville dc Paris , ou aux faux- bourgs d'icelle , & y faire tranfporter lefdites Religieufes, AbbeiTe & Couvent de Notre- Came de Port • roial. Youlons & nous plait O iij
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J20
«jue laditc Abbaic continue d'etre dite, tenue
& eftimee de fondation roiale , & qu'elle jouifle de tous &: chacun des droits & privi- leges , dont jouiflent les autres maifons & families religieufes, fondees par les Rois nos Predecefleurs & Nous , laquelle , des a pre- fent , avec tous les biens , droits , rentes , levenus & heritages , qui lui appartiendront ci-apres , nous avons pris & mis , prenons & mcttons,en none fauvegarde fpeViale ; de- fendons a toutes perfonnes , de quelque de- gre , qualite & condition qu'elles foient , de donner empechement a la fondation & arren- tcment de ladite Abbaie , & confkruftion des lieux qui lui feront neceflaires, fous quelque prdtexte & occafion que ce foit. Si donnons en mandement a nos ames & fdaux les Gens tenant notre Coat de Parlement de Paris , Prevot dudit lieu , ou fon Lieutenant, & a tous nos autres Juges & Officiers qu'il ap- partiendra , que ces preTentcs ils faffent lire , publier & enregillrer , & du contcnu en icel- les , jouir & ufer ladite AbbelTe, les Reli- gieufes & Couvent, ceflant, faifant cefler tous troubles & empechemens au contraire. Car tel eft notre plaifir. Et arm que ce foit chofe ferme & ftable a toujours, nous avons fait mettre notre feel a cefdites prefentes > fauf en autres chofes , notre droit, & l'au- trui en toutes. Donne a Taris , au mois de decembre , l'an de grace \6t$ , & de notre Regne le 16. Signe ,LOUIS. Et fur le repli, Par i e Roi,
Signi , Le Mercief , avec paraphe. Et enfuite , Regiflrces , oui le Procttreur general dn
Kci ,pour jouir pur Us impeir antes , de I'efjet & contcnu e» utiles , aux charges, claufes &• conditions porte'es par lis confentemens bailie's par ledit Sr Archevcqm de Paris - IS- le General de VOtdre. fait a Paris , en Parlement, It Ufevritt i6it, Signe, DU TILLET, avecjparajhs* |
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I •
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3ii
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Lettres patentes de la Rcine , Mere du
Roi , par lefquellts elle fe declare Fondatrice du Monajlere de Port- roial , transfere a Paris au Faux- bourg St Jacques. JVIaRIE, PAR IA GRACE DE DiEU , REINE
pe France et de Navarre , Mere du Roi :
A tous prefens & a venir, Salut. Ne pouvanc avoir un plus digne foin que de nous emploi'er aux chofes qui regardent la gloirede Dieu , & l'avancement de la piete en ce Roi'aume, nous avons toujours ardemment recherche les occa- fions d'en produire des efFets, pour te'moi- gner quelque reconnoiflance des graces fingulieres qu'il a plu a fa divine bonte dc nous d^partir , & exciter par ce moi'en la pie- te" & la devotion de tant de peuples, qui ne font jamais plus fenGblement touches que par l'exemple des perfonnes que Dieu dleve fur eux dans les plus grandes & les plus impor- tantes dignites ; ce qui nous a toujours fait avoir en tres grande recomrnandation les Re- ligieux & Religieufes, qui s'emploient a la leforme de leur Ordre , & particulierement ceux qui par leur bonne vie & l'alliftance dc la grace de Dieu y font heureufement parve- nus , ainfi que notre chere & bien amee Sceur Angelique Arnauld , Abbefle de Notre-Dame de Port-ro'ial , laquelle a non-feuleraent mis fon Abbaie en tel point, qu'elle fert d'exem- ple a celles qui veulent embrafler l'e'troite ob- fervance de leur regie; mais a auffi e^e" or- donnne"e pour la reforme d'autres Moniftc- rcs, ou elk s'eft eroplo'iee avec tant de, zelc |
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; . , ■ ■ ■■'■;■-
& de pliti; que I'eftime que nous avons de
fa vertu , & de celle qui fe pratique par fes Religieufes, nous convie a prendre un foin. fpecial d'une Maifon en laquelle Dieu eft fi bien fervi. Et d'autant que ladite Abbai'e de Poit-roi'al eft fitu^e au milieu des bois. & en un endroit fi marecageux & fi maf fain , » que la pluparc des Religieufes n'y peuvenc long-tems vivre , eloignee de villages , d'af- fiftance, & expose a tous les accidens d'urt lieu defert, meme aux infolences des gens dc guerre , nous avons eftime' , fuivant les conf- tittvtions canoniques , qu'il ^toit neceflaire de tranfporter ladite Abbai'e en cette ville de Patis, ou aux fauxbourgs d'icelle , afin que la furete des lieux , & la facile communica- tion avec les perfonnes doftes & vertueufes puifient conferver ladite reTormeen fa perfec- tion. Ce qu'aiant fait entendre au Roi, notre tres honord Sieur & lils , il a approuve notre intention & volonti , & a voulu qu'elle foit efFectu^e, & que ladite Abbaie , ainfi tranf- fitie , continue a etre tenue & rdputie de fondation roiale , pour jouir , par ladite Ab- befle & les Religieufes, de tous les droits , franchifes & privileges , dont les Maifons fondees par les Rois ont accoutume de jouir , comme il eft contenu par les Lettres patentes du Roi, notre Sieur & Fils , fur ce expWie'es !e preTent mois de decembre. En confluence defquelles , & du confentement donne1 a cec effet par le Sr Archeveque de Paris , Nous , a ces caufes , & autres a ce nous mouvantes , de notre pure & liberate volonti , nous nous fommes conftitu^es & conftituons par ces pre*- fentes , fignees de notre main , Fondatrice cte ladite Abba'ie de Notre-Dame de Port-roial, transferee a Paris, pom etre ladite Abba'ie te |
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Monaftere, Edifies & conftruits au fauxbourg
5c Jacques , au lieu die Clagny , fous le metric nom de Notre - Dame de Port-ro'ial, en z6- moin de quoi nous avons fait mettre notre feel a cefdites prefentes. Donne a Paris , au mois de decembre , i'an de grace 1615. Signi, MARIE.
,'£tfur It repli, par la Rhine , Mere du Rol,'
Signe, Bocthu.lj.ir , avce paraphe. |
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r
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TABLE
ALPHABETIQUE
Des princjpales Matieres
contenues en ce premier Tome. |
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A
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}~Rnavid{M.'),
pere de la Mere An- ge'lique i fa mott fit\xCc,page ioj, jirnauld ( Agnes ) , ReligieufedeP. R ; fa naiflance, ix. Trait de fon enfaji- ce, 15, 1 j. Son entre'e en religion , 15. Elle eft nom- inee a 1'Abba'ie de S. Cyr , 14 , 1 J. Elle renonce a fon Abbaie & prend l'habit de P. R.; Hit de fa vertu ; elle eft ctablie rnat- trefle des novices, 54. Elle prend pof- feffion de la eoad- jutorerie de P. R. 106. Elle lent le Chapelet du S. Sa- trement, i;6. Elle |
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eft envoie'e par M.
Zamet Eveque de Langres au mo- naftere du Tard a Dijon; elle en eft elue Abbefle, i6j. Arnauld ( Aneili- que ) , Abbefle de P. R.; fa naiflance, 11. Trait de fon enfance , 13. Elle entre en religion, & eft faire coadju- trice de 1'Abbefle de P. R. 14. Saprofef- fion, 16. Elle eft biinitc Abbefle , prend pofleflion de fon Abba'ie ; fa vie pendant les pre- mieres annees de fon gouvernement, I7j&c. Elle eft tou- ched de Dieu , 14. Sesdiverfesrefolu- tions |
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ATIERES. 11$
(ionne plufieurs au-
tres, il. Elle eft envoiec a 1'Abbaie deMaubuiffonpour ■ la reformer , 73. Etat dans lequel el- le trouvecette Ab- baie ; exhortations qu'elle fait aux deux Religieufes qu'elle emmene avec elle , 74 , &c. Elle commence la reforme de Mau- buifTon ; elle y re- volt des novices ; ordre dansle novi- ciat, 77 , &c. Ses travaux dans cette maifon ; office di- vin , 79. Travail des mains , 80. Mortification ,81. Elle y fait connoif- fance avec S. Fran- cois de Sales, 81. Eftime reciproque de l'tin pour 1'au- tre, 84, &c Elle raconte a M. le Maitre les fenti- mens de S. Fran- cois & autres per- fonnesfur lesmaux del'Eglife, 88,&c. Elle fe met fous la conduitede S.Fran- cois de Sales, j>}. |
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TABLE DES M
tions apres fa con-
version , 15 , &c. Elic penfe a refor- mer fon Abbaie , 18. Oppositions qu'elle rencontre , 19 , Sec. Elle com- mence la reforme, ic etablit la com- munaute des biens, 3 5,&c. Elle etablit la cloture malgre les oppositions de M.Arnauldfon pe- te ; journdedugui- chet, 58 , &c. Elle perfeftionne la re"- ibrme, 47. Ses pre- miers diredfeurs apres la reforme, 48 , &c. Ellerenou- velle fa profession; raifonsde ce renou ■ vellement, 51 ,&c. Elle attire a Dieu prefque route fa fa- mille , yj. Elle Eta- blit l'abftinence de la viands; fa con- duite prudente & exemplaire dans les commencemens de fa reforme, 56, &c. Elle recoit plufieurs novices; fon de'fin- tereSTement en ces occafions ,70. Sa reforme en occa- |
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L E
naire , fes raifonj pour cela , 137 , &c. Elle fait con- noiflance avec M. Zimet Eveque de Langres ,141. EUe le prend pour fon confeil , 141. El- le reconnolt avoir fait une faute dans la conduiie qu'elle avoit tenue en Ct liant avec ce t'r£- lat , 144- Elle va au monaftere de S. Aubin pour y tra- vailler a la refor- me, 157- Elle fe demet de fa digniri d'AhSefle pour ren- dre l'Abbaie £\t(X'i- ve , 170. Elle eft faite Supdrieure da monaftere du S. Sa- cremenr, 178. Elle y entre ; la condui- te qu'elle y tient, 179 , &c. Ellepen- fe a fortir de la maifon du S. Sa- crementjpourquoi, 149. Elle prend des mefures pour re- mertre la maifon entre les mains de M. l'Archeveque dc Paris, ij4, 15 j. Arnauld, ( Anne dt. |
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Ji< TAB
Ellc veut quitter
fon AbbaYe & en- trer dans l'ordre de la Vifitation , ?j. Son union avec la Mere de Chantal, 97. Ellc eft chaffee de Ma^ibuifTon par M,)dame d'Eftre'es & fe retire avec fes filles a Pontoi- fe , 98 , &c. Elle rentre a Maubuif- fon j (in de Mada- me d'Eftrees, lot, &c. Elle revient a P. R. avec les filles qu'elle avoir revues a Maubui(Ton,io8, &c Elle fair con- noilTance avec M. de S. C) ran ,115, &c. Elle va an Lye; tra'r particulier de la Providence fur une Relig;ieufe du lys pendant le Ci- jour qu'elle y fait, 113 , &c. Elle re- vient a Paris Sc palfe par PoilTy, 115 , 116. Trait de fou ddfinterefle- ment dans un etat dc difette , > 30. Elle met fon Ab- baie fous la jurif- dit"toon de 1'ordi- |
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TIERES. 317
fus de ) ; fon hiftoi-
re , 134 . note. El- le entre dans le mo- naftere du S. Sacre- ment , 179- Son caraiftete , 180 , xj 3 , 154. Elle eft priee de forth' du mouaftere, 157. Chantal{la Mere de),
rendvifite a la Me- re Angilique&aux filles du S. Sacre- ment, 2.70. Cnape let fee ret ( Li-
vredu): originede cetdcrit, 187, &c. M. l'Archevequede Sens fait cenfuret le Chapelet fecret par plufieurs Doe- teurs, 191. 111'en- voie a Rome pout l'y faire condam- ner, & publie un dcrit concre, ijt. Ce Livre eft ap- prouve' par M. de S. Cyran & des Thdologiens de Louvain, I9},i94- II n'eft pas cenfure a Rome , 195. La difpute fur le Cha- pelet fecret fe re- nouvelle ; on fait plufieurs Merits de patt& d'autrepovu |
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DES MA
5. Paul) ; fes ver-
ms & fa mori, 183, 184. 'Arnauld (Anne Eu-
genie de VIncarna- tion ) ; fa conver- fion , 66 , &c. Elle prend l'habit a P. R. 69 Elle eft en- voiee au l.ys pour travailler a la ri- forme de ce mo- naftere, 119. Arnauld ( Madelai-
nc ) ; elle fe fait religieufe a P. R. ; occafion de fon en- tire en religion , 16 , &c. 'Arnauld {Marie Clai-
re ) ; idee de fa ver- ru d£s fon enfance, 64. Elle entre en religion , 66. Elle eftenvoideauTard par M. de Langres, i {5.Perilsaufquels elle eft expofee dans ce voiage , i«8. B X5 Ardeau ( Ma-
dame ) , bienfaitri- trice de P. R. 161. r c
KjH A M £ S S O AT
(Saur Anne de Je~
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L E
P
JL In E AV ( Ge-
nevieve de I'Incar- nation ) : fon en- tree finguliere en religion , 16} , &c. Pontcarre ( Madame
de ) ; elle fe re- tire a Port-roial, 160. Elle en fort, 161. Portro'ial ( Abba'ie
de ) > fafondation , 1 , &c. Ses privile- ges, 6, 7. Sesbien^ faiteurs , j , &c. Etat de cette Ab- ba'ie lorfque la Me- re Angelique Ar- nauld en prit pof- fertion, 11. Ce mo- naftere eft refor- ms, 3 j , &c. Le bruit de fa reTorme y attire plufieurs Religieufes etran- geres,37. Image de P. R. apres fa re- forme , j 8 , &c. Fervcur du novi- ciat de P. R. in. EtablifTement de P. R. a Paris, 117, &c. Plufieurs mai- font religieufes |
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jzS T A
le jufbifier & pour
le blamer , 196 , &c. II eft fauife- ment attribue' a M. de S. Cyran j de- claration do la Me- re Agnes a ce fujet, 199. Lettre de M. le Mairre a la Mere Agnes fur cette dif- pure , 101 , &c. Reflexions fur le Chapelet fecret Sc fur le langage des myftiques , 108. L
NY ( Madame
de ) ; clle fait une retraite dans la maifon du S. Sa- erement; fa mort, fa pie'te' , 7.4,7 , &c. Ligny { Madelaine de Ste Agnes de ) ; clle eft emmenee par la Mere Ange'- Jique au monaftere du S. Sacrement, 179, On vein l'o- bliger de fortir de certe maifon acau- fe de M. de S. Cy- ran;elle le refufe.Sc jnfiifie la conduite de ce S. Abbe, 161, |
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IERES. $1,
me ) Etat des Reli-
gieufes de P.R. a Paris , leur conten- tement au milieu des plus gtandcs in- commodite's, 119, &c. S
AcREMENT
{lnflitutdu Saint) : origine de cet inf- titut, 144. DeTauts dans l'etablitfement de cet ordre , 1J5 , &c. Lettres paten- tee pour 1'etabIifTe- ment de cet ordre , 17J. M. l'Archeve- que de Paris tefufe d'abovd fon confen- tement, 176. Con- ditions qu'il exige en y confentant , vaincu parlesfolli- citations de la Du- cheffc de Longue- ville , 176 , 178. II envoie a ce mo- naftere M. de Con- tes pour s'y infor- mer de la conduite de M. de S. Cyran dans cette maifon , 1*4. II y va lui- meme ; £loge qu'il fait de la Mere An- gdlicjue & de M. dc |
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DES MA
font excises a la reTorme paiTexem- ple de P. R. 135, 136. A Alliance per- petuelle devant le S. Sacrement eta- blie a P. R. 145 , &c. La devotion de P. R. au S. Sacre- ment fe repand ; guerifon miracu- leufe de Mademoi- fellede Druy, 1 jo. Trait d'un bon Pat- fan de Grenoble a 1'cgard de cette guerifon , ifz. Conftru&ion du grand batimcnt de P. R. 1 So. Premie- re petfccution con- tre P. R. 18 j , &c. Avantage que P, R. tire de la difpu- te fur le Chapelet ftcret , rio. Port roial( Religieu- fes de ) : genre de vie des premieres Religieufes deP.R. 8 & juiv. Elles fe multiplient , 113. Tcmoignages de la Cour en faveur de ces religieufeSjiij. Voie^ Lettres pa- tentesdeLouisXIII a la fin de ce yolu- |
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L E
frit ; fes ventre,
fesdefauts, Ij8. T
X Abdit ( Gene-
vieve de S. Auguf- tin le) i elle eft elue Abbefle de P. R. 171 Elle fait des changemens dans le gouvernemenr, par infpiration de M- de Langres ; depeViflemenc de la piete pendant fon premier triennal > 171. Chagrins cau- fes a la Mere Ang&- lique, 175. Elle eft envoiee par M. l'Archeveque au monaftere du S. Sacrement pour en etre Supeiieure , iS6. V
V E R G I E R de
Hauranne{ M .du)
Abbe de S. Cyran ; fa naiflance ; fes Etudes, 21} , &c. Ses lumieres, 110, Sec. II fe lie d'ami- tie' avec M, Janfe- nius, x\6. Scs pre- miers ouvrages , |
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|58 TA
S. Cyran,t<f4, iSy.
II y donne 1'habic du S. Sacrcment , 16 6. 11 rait propo- fcr aux Rtiigieufes d'acheter unc autre maifon , ou de re- tournera P.R.zftS. Les Religieufes du S. Sacres.ent pren- nent le parti de re- tourner a P. R. 168 , 169. Singlin ( M. ) ; il
confeife a P. R. & eft envois au mo- nafterc du S. Sacrc- ment pour y tenir ia place de M. de S. Cyran , 160. Suireau ( Marie des
Anges ) ; Ton en- tree en religion , no. Elle eft en- vo'iee au Lys, 119, 111. Sa mere & une de fes fceurs fe font religieufes a P. R. in. Eliede- vient coadjutrice de MaubuifTon , 1 ? 1. Enfuite Ab- befle , 135. Avis qu'elle recoit de la Mere Angelique en partant pour Mau- buiflon , 134. Suzanne du S. FJ-
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DES MA
QucJIion roiale, 5*
Apologie pour VE- veque de Poitiers , ii 6, &c. Sentiment de M. Dupin fur ces deux ouvrages, no. M deS. Cy- ran fe lie avec la famille de M. Ar- nauld , no, Sec. II preche a la mai- fon du S. Sacre- ment , 117. Senti- ment du P. Ame- lotte fur fes predi- cations ; temoigna- ge public rendu a M. de S. Cyr.in par M. de Laval Eve- que de la Rochcllc, 118 II confent de IeonfeiTer les Reli-
gieufes duS. Sacre- ment; conduite de la Mere Ange'ique en cette occafion , 118 , Sec. Benedic- tions que Dieu ri- pand fur fon minif- tere , i)< > Sec. Defcription des fruits de cette di- rection par la Mere Madelaine de Li- guy , 159 i Sec. II s'eleve un orage centre M de S. Cy- tau j pn iadifpok |
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TIERES. j3i
contre lui le Chan-
celicr Sdguier, pour l'obliger de s'eloi- gner de la maifon. du S. Sacrement, ij8 , &c. |
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1/ A m e T ( M. )
Eveque de Lan- gres ; fa conver- fion , I4I. II de- vient ]e confeil de la MercAngelique, 141. II envoie des Religieufes de P. R. au Tard ; dangers auxquels elles font exposes dans cc voi'age , i6( , Sec. II fait venir des Re- ligieufes du Tard a P. R. pour gouver- ner la maifon & ea changer l'efprij , 169. Idees de M. Zamet fur l'inftitut du S. Sacrement, 177. II fait'eon- noilfance avec M. de S. Cyran ; efti- me qu'il en fait, 114. II le prie dc prendre (oin des Filles du S. Sacre- ment , ii5. Sa ja- loufie contre M. |
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f)i TABLE DES MATIERES.
de S. Cyran , xyi. ChamefTon & Ma-
Elle eft fomente'e dame de Pontcat-
par la Sccur de r£, if).
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firt <fc /<» r«jWe </« Matures.
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ERRATA.
x Age t, dans la note , dont on voit, lifer
dont on vo'ioit autrefois. Page 10 , dans la note ,dlafin, lif. i /a tele.
Page 94 , ligne i; , effacez. d' Andilly , lif.
Arnauld. Page I j 3 , note , 324 , lif. 554.
Page 114 , lig. 11, du memoire , lif. its mi-
moires. Page 177 , lig. 18 , Au. long , lif. Au bout.
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