.. .
|
||||||
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROiAL.
|
||||||
3 o s~.7 o
HISTOIRE
GE NERAL E
D E
PORT-RO I AL-
DEPUIS LA REFORME DE L'ABBAIE
jufqu'a fon entiere deftruttion,
TOME II.
|
||||||
A AMSTERDAM*
Chez JEAN VANDUREN*
<■———■—immmp
M. DCC. LV.
|
||||||
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL.
|
||||||||||||||||
PREMIERE PARTJE.
|
||||||||||||||||
LIVRE SIXIEME.
|
||||||||||||||||
i Ous avons vu de quelle maniere i6$6.
la Mere Angelique forcic le 10 fe- T vrier \G^G de la maifon du S. Sacre- Eut de U ment pour rerourner dans cAls de J^[fS>rf«ms P. R.-, il eft a propos de donner une u Mere au- |
||||||||||||||||
idee de l'etar ou eroir alors ce mo- ?
|
touma.
|
Y '*'
|
||||||||||||||
naftere. Pour cela il faut remonter un
peu plus haur. Sous la Mere Gene- vieve de S. Auguftin le Tardif, qui Tome II, A
|
||||||||||||||||
i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
fe laillbit gouverner par la Mere Jean-
ne de Pourlans & par les autres Reli- gieufes du monaftere du Tard, on avoit fait beaucoup de changemens a P. R.; on avoit retranche la plupart des obfervances de l'Ordre , pour y en fubftituer d'autres contraires a la ilmplicite &c a la pauvretc. On com- menca a. dire Marines a neuf heures du foir , au lieu qu'elles fe difoient auparavanc a deux heures du matin , fuivant la regie de S. Benoit. Ces changemens s'etoient faits dans le premier triennal de la Mere Genevie- ve , elue AbbelTe l'an 1630; & la Mere Angelique avoit eu la douleur deles voir , n'etant allee a la maifon de l'inftitut du S. Sacrement qu'en l'an 16 3 j ; mais Dieu procura, com- me nous le verrons , a 1'AbbelTe fous laquelle ces changemens, ou plutot ces abus , s'etoient introduits, le moi'en de remettre elle-meme fous fon fe- cond triennal une partie des chofes dans l'ordre. Trois mois apres que la Mere Angelique fut fortie de P. R. pour aller a la maifon du S. Sacre- ment , M. l'Archev. de Paris, ordonna a l'Abbefle de renvo'ier laMere Prieure & ies autres Religieufes du Tard dans leur monaftere. En vain on tacha de |
||||
I. Partii. Llv. VI. 5
parer ce coup , qui derangeoit tout le fyfteme de M. de Langres. Dieu ren- dit M. de Paris inflexible , & meme pour lever routes difficulties, il donna 300 liv. pour les frais du voiage. Et commele premier triennal de la Mere Genevieve finit en ce terns, & que M. de Paris fut qu'on avoit deilein de faire tomber l'eledion fur cette Mere Prieure qu'il vouloit renvoi'er, on la fit differer jufqu'a ce que les Religieufes fuflent parties (1). On fit l'elecHon apres leur depart, & la Me- re Genevieve fut elue une feconde fois Abbefle le 10 feptembre 1633, & la SoEur Suzanne du S. Efprit ( qui fuccedaa la Mere des Anges dans l'Ab- bai'ede Maubuiflbn ) devint Prieure. Si-tot que les Religieux'de I'ordre
de Citeaux, fur-tout un certain Abbe de Prieres , virent ces deux lilies a la tete du monaftere de P. R., ils y venoient frequemment , entretenoient 1'Abbefle & la Prieure des coutumes de l'Ordre , enforte qu'ils leur infpi- rerentle defir de les reprendre. L'Ab- (1) Cette fonie eft pla- avant la feconde eleftioa
cec par la Mere Antique de la Mere Genevieve ,
de S Jean dans fa Chro- comme la Mere Do othee
nologie en Tan i«j4i au del'Iucarnationle Crime,
lieu que la Mere Angeli- Neuyieme Relat. p. 4??.
<iue la place en i«jj Aij
|
||||
4 HlSTOIR* DE PoRT-ROlAI.
1(j>6, befTe en park a M. de S. Cyran qui
prenoit la peine de les venir voir , 8c il approuva qu'elles renrraflent dans les premieres obfervances. Il lui don- na une regie de S. Benoit, & lui dit qu'il la falloit obferver fans y rien meler de celle des Carmelites , comme avoient fait les Religieufes du Tard a Dijon & a P. R. La Mere Abbelfe, apres avoir recommande a Dieu cette affaire, la propofa au cha- pitre au mois de juillet i(?3 5,fecon- duifant en tout par l'avis de M. de S. Cyran. On recommen^a cette meme annee i<>35 le 11 juillet, jour de la tranflation de S. Benoit, a dire Ma- rines a deux heures du matin. C'etoit une des principales obfervances qu'on avoir retranchees; ce qui incommo- doit fort les Sceurs, qui etant laffes du travail de la journee , fe trou- voientaccableesdu fommeil, & avoient peine de reciter cet office le foir. Les Religieux de l'Ordre vouloient de plus qu'elles rentraffent fous leur junfdiction , mais M. de S. Cyran defapprouva ce deffein. Ce fut la une des fources de la haine de I'Abbe de Prieres contre M. de S. Cyran. L'Ab- beffe confulta la Mere Angelique, qui la detourna aufli de rentrer fous la |
||||||
I. Par.tie. Uv. VI. J
jurifdiftion de Citeaux, & elle n'y x(>^,
penfa plus. Mais la Prieure , la Mere Suzanne du S. Efprir , avoir ere relle- menr perfuadee par les Religieux, qu'elle n'euc poinr de paix qu'elle ne fut fortie de la maifon. » Ce fur, » dir la Mere Angelique, un effetde » la divine providence. Car certe » fille qui etoit forr auftere, ver- » rueufe & douce , faifoit tour ce « qu'elle pouvoit pour perfuader les » Sceurs , & fi elle fut demeuree dans » les divifions qui arriverenr depuis, » elle eur fait tres grand tort. Voiant done qu'il n'y avoir pas moi'en de venir a bout de fon detfein de remer- tre la maifon fous la jurifdic~tion des Religieux, elle fit enforte par leur entremife qu'une jeune Abbefle de l'Ordre , Madame d'Argenfoles, au Diocefe de Soiifons , la demandat pour l'aider a reformer fon monaftere. Lorfqu'on communiqua cette affaire a la Mere Angelique, qui etoit pour lors dans la maifon du S. Sacremenr, elle s'y oppofa, parcequ'elle aimoit beaucoup certe fille , & qu'elle croi'oit que la maifon ou elle etoit Prieure & maitreffe des novices y perdroit beaucoup. Elle pria M. de S. Cyran de la voir : il fa vit, & fit ce qu'il |
||||
C HlSTOIRE BE PoRT-ROlAL.
1636. Pat Pour ^ul ^lte fentir l'obligation
qu'efle avoit de garder fon vceu de ftabilite. Elle fie femblant d'acquiefcer a fes raifons, mais fon efprit n'en fur nullement touche, & elle alia a Ar- genfoles. II. La fortie de la Mere Suzanne pro- ves r^emduifit un bon effet; car la Mere An-
<tu Tatd agelique vo'i ant qu'il ne reftoic plus que la Mere Genevieve qui put fervir la maifon , elle pria M. de Langres , apres avoir demande l'avis de M. de S. Cyran, de faire revenir la Mere Agnes du monaftere ou il l'avoit en- voiee, puifqu'il vo'i'oit bien qu'elle etoit abfolument necefTaire a P. R. Il 1'accorda, quoique cela ne lui plut {>as; &c aufli-tot la Mere Angehque
'envoi'a chercher alvec les autres Reli- fieufes de P. R. Elles re^urent Tor- re de parrir avec une grande dou- leur , fur-tout la Sceur Marie Claire, dont le zele foutenu par fon naturel ardent l'attachoit fi fort a tout ce qu'el- le petifoitqui la pouvoit porter a Dieu, qu'il lui fembloit qu'on l'eloignoit de lui, en Pobligeant de quitter un pais , ou elle croi'oit qu'il etoit mieux fervi que dans celui ou on la rappelloit. La Mere Agnes arriva avec cinq
Religieufes le 20 novembre 16} 5, 8c |
||||
!' 1 V
|
|||||||
■
|
|||||||
I. Par.Tie. Llv. VI. 7
defcendit au monaftere du S. Sacre- 16^6.
ment. La Mere Angelique la trouva j x u fi pre venue contre M. de S. Cyran ,* Preventions r I. ». „ 1 . 1 , « la Mere
contre elle-meme Sc contre les cnan- Agnis & ^
eemens qu'on avoit faits a P. R. (z)'»"«<* Reii- D > 11 1 • r gieufes qui
quelle lui parut une autre perionne. avoienteteau
Neanmoins elle parloit avec douceur monaftere du & lageile ; mais les autres ctoient ex- M. je s. Cy. tremement paffionnees. Leurs preven- ran- tions venoient du mauvais efprit de Madame de Pontcarre , qui etant elle- meme indifpofee tresinjuftement con- tre M. de S. Cyran , Ie decrioit, & ecrivoit au Tard tout ce qui fe faifoit a P. R. par fes avis , en donnant des tours malins & ridicules aux ac- tions & aux' changemens les plus fages & les plus avantageux. La Mere Angelique en fat extremement affli- gee, & ecirivit a la Mere AbbefTe de P. R. pour la prevenir, afm qu'elle ne s'etonnat & ne s'aftligeat point de trouver ces filles dans de telles difpo- fitions, & en difant adieu a la Mere Agnes, elle lui dit qu'elle efperoit avant fix mois la voir dans d'autres * '
(il Ces changemens avoir ete elle-mfme tres
confiltoient a avoir remis attachee , 8c qui avoient
Marines a deux hcures , ete changces par M. de
& retabli d'autres obfer- Langres, & les Meres du
vances de t'Ordre, aux- Tard.
quelles la Merc Agnes A iiij
|
|||||||
8 HlSTOIHE DK PoRT-ROlAt.
7777 fentimens; ce qui arriva plutot qu'elle
n'avoit ofc l'efperer. iv. L'Eveque cle Langres ne tarda pas Anne* review * a^er " • ^" Pour vo^r ^a Mere Agnes
Jefesptev«n-8c les autres Religieufes revenues du Tard. Ce fut de grandes careffes de fa part, & de l'autre beaucoup de larmes d'avoir eu le malheur de fortir de fon Diocefe. La Mere Angelique pria M. de S. Cyran de voir la Mere Agnes, be l'avertit de fon change- ment. II s'en excufa d'abord; mais la Mere Angelique lui aiant reprcfente qu'il y etoit oblige, puifqu'il avoit deja pris'fa defenfe dans 1 affaire du chapelet, il le promit, & la vit deux ou trois fois. Quelques jours apres , la Mere Agnes ecrivit a la Mere An- gelique , lui marqua que fix jours avoient fuffi pour la detronvper, au lieu de fix mois; qu'elle avoir vu M. de S. Cyran, & qu'elle croi'oit pou- voir dire , fans faire de comparaifon, que jamais homme n'avoit parle com- ine celui-la. V. La Mere Angelique fut penetree de crfften""" )°'e ^ ^e reconnoiffance, en appre-
core quelque nant par la lettre de fa foeur, que lean vttvea- ^*eu avoit daigne lui ouvrir les yeux. tionsfur tout Mais les autres Soeurs qui etoient re- ilecSre^ VetlUeS ^U ^ard aVeC e^e ' ^en ^om
|
||||
I. Par.tib. Liv. VI. 9
de p'rofiter de cet exemple, en prirent
un fujet de fcandale. Elles la quitte- rent pour s'unir a Madame de Pont- carre, chez laquelle elles s'affem- bloient pour murmurer. L'Eveque de Langres les venoit voir au parloir de cetre Dame qui lui faifoit tenir leurs lettres. Le P. Vigne de l'Oratoire, ami de l'Eveque, y venoit audi. La Sceur Marie Claire etoit la plus paf- fionnee de toutes, dans la forte per- fuafion ou elle etoit, qu'il n'y avoit pas de plus grand Saint au monde que M. de Langres. Elle ne l'avoit pas vu depuis leur depart de Paris , de forte que les vifites de ce Prelat a P. R. rallumerent encore le zele de ces filles, & les engagerent a prendre part a la divifion qui etoit entre lui & M. de S. Cyran ; ce qui commence de for- mer une efpece de parti, & meme 'de fchifme dans P. R. La Sceur Marie Claire regardoit fes fceurs comme les plus infideles qui pulfent jamais ette a la grace que Dieu leur avoit faite , de leur donner un fi faint Dire&eur que M. de Langres. De forte que cette pauvre fille prioit Dieu jour & nuit avec ferveur & beaucoup de larmes , qu'il lui plut de les detromper.D'ailleurs la grande devotion de la Sceur Marie A v
|
||||
lO HlSTOIRF. BE PoRT-ROlAL.
Claire , fon exactitude aux obfervan-
ces de la regie , fa grande charite pour tout le monde , fur-tout pour les ma- lades, la faifoient refpe£ter dans la mai- fon, & en attiroient quelques-unes a fon parti. Elle etoit d'autant plus propre a feduire, que fa conduite ex- terieure ne changea en rien ; car ex- cepte fes preventions contre M. de S. Cyran , au fujet duquel elle etoit dans l'erreur , & fon attachement a la conduite de M. de Langres, qui lui infpiroit la defunion avec fes Supe- rieures, elle etoit ties exemplaire, vivant meme dans une entiere depen- dance; & quoiqu'elle eut toute forte de facilites pour ecrire a M. de_ Lan- gres , elle ne le faifoit jamais fans apporter fes lettres a la Superieure. Comme elle penfoit defendre une boitne caufe , elle voulut le faire fain- *ement. Elle foufFroit au milieu de tout cela une peine inconcevable. Per- fonne n'a jamais eu un meilleur na- turel qu'elle : elle etoit extremement • attachee a la Mere Angelique •, elle n'aimoit pas moins la Mere Agnes, qui apres fon retour du Tard , fut faite Prieure par la Mere Genevieve , puis clue AbbeiTe. Elle avoit dans la maifon fa mere Religieufe & fes au- |
||||
I. Par tie. Llv. VI. 11
tres foeurs , routes reunies fous la T^msT"
conduite, a laquelle elle feule de toute fa famille fe trquvoit oppofee. Son cceur etoit done continuellement de- cline , 8c elle s'etonnoit elle-meme comment elle pouvoit vivre dans le tourment d'efprit qu'elle fouffroit. Tel etoit l'etat des chofes a P. R. VI.
lorfque la Mere Angelique quitta le g,*f' dej£i 10 fevrier 163 6 la mailon du S. Sa-mence a ctre crement pour y revenir. On lui donna ae°nRe%teu- la charge des novices, & jugeantfaikP'R. qu'elle avoit befoin pour les conduire d'un autre fujet que celui que M. de Langres avoit donne,qui n'avoitaucune des qualites neceflaires a cet emploi, elle pria la Mere Agnes devenue Su- perieure par l'abfence de la Mere Ge- nevieve , qui etoit entree danslamai- fon du S. Sacrement le meme jour que la Mere Angelique revint a P. R. d-'en demander un autre a M. de S. Cyran. \ II leur envoia M. Singlin , qui etoit alors Confeffeur a l'Hopital de la Pitie , 011 Madame famere s'e- ton confacree au fervice des pauvres. Aufli-tot la Mere Angelique lui mit routes les novices entre les mains , & celles des penfionnaires qu'on vouloit preparer a la fainte communion pour Paque. On s'apper^ut bientot du fruit A vj
|
||||
-
|
||||||
■
|
||||||
IX HlSTOIRF. DE PoRT-ROlAL.
1636. qu'on tireroit des talens de ce bon Ec-
clefiauique.
Y11- Les compagnes de la Mere Agnes Agnes eft 6iucn'etoient point encore revenues de
Abbefle, leurs preventions , lorfqu'on fit' au mois de feptembre 16 $6 l'eledion d'une nouvelle Abbefle. Appiuees de l'Eveque de Langres & de Madame de Pontcarre , elles firent tout ce qu'elles purent , pour empscher que le choix ne tombat fur la Mere Agnes. Le grand Vicaire, qui y devoir prefider de la part de M. de Paris, flu gagne ; de forte qu'on etoit dans une grande crain- te qu'il n'arrivat de la divifion. Mais Dieu diflipa le projet des dyfcoles , & la Mere Agnes fut elue Abbefle , mal- gre cette petite cabale , le 19 feptem- bre , avec une telle pluralite de voix, que le President tout en colere fut oblige de prononcer qu'elle etoit le- gitime , ce qui caufa une tres grande joie a toutes les Sceurs, excepte quatre ou cinq. Cependant les dyfcoles re- vinrent peu-a-peu , & plufieurs de celles qu'elles avoient feduites & qui les avoient fuivies dans leur egare- ment, les imiterent dans leur retour. II y en eut deux neanmoins qui refifte- rerrtplus long-tems. La plus opiniatre etc it la Sceur Marie Claire. Elles fe |
||||||
I. Partii. Llv. VI. 13
fortifioient de plus en plus dans leur nj^fj,
rebellion par la communication qu'el- les avoient toujours avec M. de Lan- gres. Enfin , apres que cette divifion eut ^,pKa&
dure quatorze mois, la Mere Agnes ies moiens de qui etoit pour lors AbbefTe , comme ^fof"^- nous venons de voir , jugeant qu'on fee pat Us ne pouvoit efperer de faire cefTer en- dyfcolei- tierement ce defordre, tant que les vifites du Prelat entreciendroienc ces efprits dans la revoke, prit la refo- lution de le fupplier de ne plus venir a P. R. Elle lui ecrivit pour cefujet avec beaucoup de refpect, mais avec beaucoup de fermete ; en meme-tems elle defendit a ces filles de parler a Madame de Pcmtcarre, dont l'appar- tement & le parloir fervoient de ren- dezvous aux mecontentes pour voir M. de Langres , entretenir les plaintes & les murmures , &c lui faire tenir leurs lettres. On peut juger combien Madame de Pontcarre fut piquee de cette defenfe. M. de Langres cefla de venir a. P. R.; mais les lettres reci- proques continuoient toujours. La Mere Agnes ne voulant rien epargner pour arieter ce mal , par la crainte de charger fa confcience , fit defenfe a la Sceur Marie Clai*e & aux autres de |
||||
..-_- .. - -J
|
|||||
14 HlSTOIRE DE PoR.T-Ro'lAt;
lui ecrire. Ce fat un furcroir de doit-
leur pour la Sceur Marie Claire. Mais ce qui peut faire connoitre que Dieu etoit cependant cache dans la nuee au milieu de cette tempete , c'eft qu'elle ne regarda toujours que lui dans fon afflidion. Elle prioit fans cefle, & veilloit beaucoup fur fes paroles , afin qu'il ne lui en echappat aucune contre Dieu & contre le refpecT: qu'elle de- voir aux perfonnes qui le reprefen- toient. Ce remede emploie par la Mere Agnes , etoit violent, mais ne- eeflaire, & quoique violent, il n'eut pas un prompt efFet; car quoique la Sceur Marie Claire n'ofat plus avoir aucune relation avec M. de Langres , elle confervoit le meme devouement a fon efprit & a fes maximes. Neanmoins les autres, n'etant plus foutenues par les entretiens du Prelat & de la Dame de Pontcarre, commencerent a regarder d'un autre ceil le reglement de la maifon & a en gouterla conduite. Enfin Dieu jetta un regard de mifericorde fur elles , ce qui peur etre regardecomme refFet des prieres de la Mere Angeli- que , de la Mere Agnes, & de la Sceur Catherine de Sainte Felicite leur me- re , qui pleuroient & prioient avec une ardeur extreme pour la Sceur Ma- |
|||||
-
I. Part in. Ltv. VI. 15
lie Claire. Le Maitre abfolu des cocurs i6}6.~~
toucha celui de ces filles , diffipa les tenebres de leur efprit, leur fit con- noitre leur faute, leur infpira un defir fi vif de la reparer , qu'on eut plus befoin de moderer leur zele que de les exhorter a la penitence. Les unes fe feparerenr de la communaute par une tres etroite & tres longue retraite. Une autre reprit 1'habit de novice qu'elle porta long-tems. La Soeur Ma- rie Claire defira d'en porter les mar- ques route fa vie en embraflant l'erat ae converfe. Le changement de la Saeur Marie „, Ix;
Claire elt rrop remarquable & trop de la sceur marque au doigt de Dieu pour n'erreM*rie*'laile, pas rapporte dans un plus grand detail & avec fes circonftances. Les Meres ne voi'ant point de jour a la gu^rir, emploi'oient pour elle le plus puiflant de tous les remedes , comme dit S. Benoit, qui eft celui de la priere , 8c Dieu les ecouta en mettant au cceur de M. d'Andilly , frere de la Soeur Marie Claire de lui parler avec confiance & liberte. II ne gagna rien dans le pre- mier entretien , ni dans le fecond qu'il eut huit jours apres. Ces premieres Ten- tative? n'ai'ant fair aucune impreflion favorable , il fe fentitporte a lui dire |
||||||
\6 HlSTOIRI DE PoRT-ROlAL.
qu'il vo'i'oit bien que ce qu'il lui de-
mandoit, n'etoit point l'ouvrage de la parole d'un homme, & qu'il falloic que ce fut 1'efFet de la grace route- fiuifTanre que le S. Efprit repand dans
e cceur, qu'il la prioit de fe mettre a genoux avec lui, & qu'ils prieroient Dieu enfemble qu'il lui pl&t de parler a fon cceur. lis s'y mirent & demeu- rerent l'un & l'autre quelque rems 4 prier. On vit en cette occafion l'ac- complhTement de ce que dit l'Ecriturej que la priere d'un homme qui s'humi- lie,percera les nues (3). Le tresHauc les regarda & les exau$a (i prompte- ment > que la Sceur Marie Claire en finiflant fa priere , fe trouva une nou- relle creature. Elle comprit le danger de l'etat ou elle s'etoit engagee, & en temoigna fon regret par les larmes. Ai'ant defire de rentrer dans fon de- voir , en rentrant dans l'union avec fes Superieures , & dans la foumiffion quelle leur devoit, on les fit appel- ler. Quand elles furent venues au meme parloir , elle fe jetta a leurs pies, & remit de nouveau fon ame entre leurs mains, en leur demandant (?) Oratio humiliantis confolabitur, 8c non dif-
k nubes penetrabit; 8c cedct , donee aUiflimiis 4onec propioquet non afpiciac. Ecde. 35, u. |
||||
1. V A R. T 11. L'lV. VI. 17
pardon de fa revoke paflee , & en les
aflurant qu'elle fe foumettoit pour l'a- venir a la conduite de la maifon & a tout ce qu'il leur plairoit de demander d'elle. Il reftoit neanmoins encore quelques tenebres par la veneration qu'elle. confervoit pour les fentimens & les lumieres de fon premier Direc- teur; mais ces tenebres furent entie- rement difllpees le jour de la fete de l'AfTomption de la Sainte Vierge, qu'elle avoit invoquee route fa vie dans toutes fes peines , & qui lui obtint un changement fi foudain & fi parfait, que des ce jour-la il n'en refta plus aucune trace dans fon efprit. Depuis cet heureux moment elle ne celfa de pleurer les egaremens de fon faux zele avec aurant de douleur, que fi elle eut paffe fa vie dans les defor- dres les plus criminels. C'eft pourquoi elle emprunta les paroles de l'Enfant prodigue en commencant une lettre qu'elle ecrivit ce jour-la a la Mere Agnes fon AbbeflTe , ou elle repandoit fon cceur avec fes larmes, pour eifacer toutes les traces de fa defobeiflance. Depuis ce terns, perfonne ne goiita filus qu'elle les maximes falutaires de
a penitence, dont M. de S. Cyran avoit rappelle la connoiflance dans un |
||||
.
|
|||||
18 HlSTOIKE Dfi PoRT-Ro'lAI.
io?6, fiecle, ou elles etoient entierement
ignorees. Comme c'ctoit preciiement a ce point de la dodfcrine de M. de S. Cyran , qu'elle & les autres avoient eu plus d'oppofition ; ce fut auffi celui qu'elle eniDrafla avec plus d'ardeur des le moment que Dieu l'eut touchee. Elle fouhaita auffi tot de mettre fon ame entre les mains de ce fage Di- recteur , afin d'apptendre de lui-meme fes faintes ptatiques. Elle demanda a lui faire une confeffion generate , & lui ecrivit le jourde S. Louis 15 d'aout la lettre fuivanre : x. » Monpere , j'avois deffein de celer Lettre do la „ }e puiffanc defir que je recus en com-
Scrut Mane i . i i «? • ,,•
claire a m. » muniant le jour de la Sainte Vier-
ics. Cyran. „ „e ^ je mettre mof, ame entre vos » mains, & de vous fupplier par la
» mifericorde divine de me montrer
» les voies de la veritable penitence ;
» parceque reconnoiffant le mepris
" que j'ai fait de cette grace dans le
» terns de l'aveuglement de mon ef-
« prit 8c de I'enaurciflTement de mon
» cceur, je me trouvois injufte de
» pretendre feulement a ce bien,
» confeffant devant Dieu que la pri-
» vation m'en etoit due. Mais je vous
» avoue, mon Pere, que le filence
»> que j'avois refolu de garder, m'eft
|
|||||
I. Pa!r.tie. Liv. VI. 19
»> impoflible, puifque le mouvement
5. qui me prefle de me convertir, ne
» me permet aucun retardement. Vous
» ctes libre de me refufer , mais je
» ne le fuis pas de me retirer; & vous
» me commanderez de le faire, au-
» paravant que je cefTe de vous im-
" portuner. J'ai peii d'efperance d'e-
" tre recjie de vous , & toutes fortes
» de raifons me portent a craindre
« que vous ne vous chargiez pas d'une
» ame fi miferable & qui en verite n'a
»> point de pareille en malice. Nean-
" moins je ne defefpere pas du-tout,
» parceque je fais que les mifericordes
" de Dieu font immenfes , & qu'il fe
•» pourra pofiible faire qu'il vous obli-
" gera a cette action fi extraordinaire
3> de charite. J'ai quelque fujet de
» l'efperer de fa bonte , voiant l'etat
« d'ou il m'a tiree. Je le regarde
»» avec effroi, & toute ma vie eft fi
" criminelle , que je n'oferois prefque
»» me promettre la grace de la peni-
" tence. Je fais que Dieu peut me
» fauver : mais quelle obligation a-
» t-il de faire ce miracle ? J'adore le
» jugement qu'il fera de moi, avec
» tremblement & tranquillite ; & ce
» qu'il vous plaira de faire enfuite de
» celle-ci, avec foumiffion & reye-
|
||||
XO HlSTOIRE DE P0R.T-S.Ol At.
l6 6 » rence , voulant etre, quoiqu'il e»
» foit, mon Pere, votre tres humble
» & tres obeifTante rille & fervante >
» Soeur Marie Claire.
xi. M. de S. Cyran voulant eprouver
Hie prend Ja folidite de fon changement, la
eonverfe 8Ue laifla fix mois fans lui accorder ce
porte trois qu'elle fouhaitoit, & ne la vit que
pru iePp6ni-l'annee fuivante, la veille delaPurifi-
fcnce. cation de la Sainte Vierge , dont toutes
I"37- les fetes fembloient etre des jours ae
grace pour elle. Elle commenca , peu
ae jours apres, fa confeffion generale
avec des fendmens d'une fi profonde
humiliation & d'une fi grande dou-
leur , que M. de S. Cyran fut oblige
de moderer fon ardeur. Elle demanda
qu'on la reduisit au rang de Sceur
converfe pour touts fa vie , pour etre
la fervante & la derniere de la com-
jnunaute. Cela lui fut accorde pour
trois mois feulemenr, & elle paha ce
tems,dont leCareme fitunepartie,dans
le travail de la cuifine qui etoit joint
a celui du jeune, de la veille qu'elle
faifoit chaque nuit pendant deux heu-
res devant le S. Sacrement, & de
plufieurs autres aufterites corporelles ,
que la douleur dont elle etoit pene,-
tree , lui faifoit compter pour rien.
Jamais perfonne ne le crut plus cri-
|
||||
I. Par.tie. Liv. VI. %i
minelle & plus redevable a la juftice' j<j,7>"
divine. Elle ne voi'oit rien dans fa vie qu'elle ne crut meriter fes larmes. Elle ne quitta qu'a. regret l'etat &c l'ha- bic de convetfe, dans lequel elle auroit voulu paffer le refte de fes jours, fiM.de Paris & fes Superieures euffent voulu y confentir. Elle eut foin de recueillir &c de mettre fur le papier tous les avis que M. de S Cyran lui donna pour fa conduite dans le terns qu'elle fit fa confeffion generate , afin de n'en rien oublier. La premiere fois que M. de S. xit.
Cyran vit la Soeur Marie Claire, il je s.'cynm i lui dit d'abord ces paroles : » Je n'a- l» sirur Ma- • i / r • j re ■ J rie Claire.
» vois m dehr , ni dellein de vous
» voir, je fuis venu dans une autre »> penfee •, mais etant alle a l'Eglife, » je me fuis trouve .oblige de vous » demander. Vous n'en avez obliga- » tion qu'a Dieu. Il eft aujourd'hui » S. Ignace martyr, c'eft un Saint re- » marquable. Eh bien que defirez- » vous > Je fuis pour vous guerir * » monttez vos plaies. Apres qu'elle l'eut entretenu de l'e-
tat .011 elle avoit ete, il lui park ainfi : » Il faut voir devant Disu , ft » vous avez ete vraiement ce que >* vous avez fait paroitre. Quelque- |
||||||
22 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» fois l'extravagance emporte l'efprit
» a dire ce qu'il ne croit pas, & a. » fuivre ce qu'il n'approuve pas. II faut » faire ce difcernement. II faut que » les ceuvres exterieures de la peni- » tence procedent du reiTentiment » interieur, & qu'il y ait un rapport » de l'un a l'autre. Car il faut fe » garder de temoigner plus de fen- » timent au-dehors, que Ton n'en a » veritablement au-dedans. » Je loue Dieu de vous voir reve-
»> nir a lui en verite. Cell une grace >» de laquelie vous n'eftimez pas afTez »» la raretc. De miile ames il n'en " revient pas quelquefois une. Je vous » ai cru inconvertible. Si vous fuf- » iiez morte , vous n'euffiez pu pre- » tendre grande part au ciel. Jevous » donne ces paroles : Mifericordias " Domini in aternum cantabo. Dieu » s'eft fouvenu , die la Sainte Vier- » ge, de fa mifericorde qu'il fembloit » avoir oubliee pendant quatre mille » ans. Il s'en eft reffouvenu pour vous » tirer de cette vie dangereufe. En » ce que vous avez ete, vous recon^ » noifl'ez ce que vous etes , & en votre » changement ce qu'il eft. Lorfqu'elle commenca fa confeffion,
il lui dit : » Dieu eft efprit & les |
||||||
I. Partii, Liv. VI. 2
w peches de l'efprit 1'ofFenfent beau- j
« coup plus que les corporels. Vos
" reflentimens fur ce point font juf-
" tes. Gardez-vous de l'exageration.
« II y a plus d'humilite a fe confeilec
» fimplement.
» II n'eft point befoin d'examen
»> pour fe confeffer des peches d'im-
" portance. Leur impreflion ne s'ef-
» face point, parcequ'elle tient de
" l'immortalite de l'ame. Tenez-vous
" devant Dieu fans penfees & fans
" paroles, il vous entendra bien •, je
" vous lailfe avec ces paroles de l'E-
" vangile de la femaine : Les der-
" niers feront les premiers. Aux pre-
" miers fiecles , les pecheurs deman-
» doient avec une extreme humilite
" d'etre rectus a penitence, & s'efti-
" moient indignes d'approcher feu-
" lement des Pretres.
» II faut venir vivante a la peni-
" tence. C'eft la raifon pour laquelle
» }e vous ai lailTee attendre fi long-
♦» terns. Je vous ai laitfee vivre. Il y
' a cinq mois que vous vivez d'une
» vie fpirituelle.
» La premiere pointe de l'aurore
> s'appelle jour, encore qu'ellen'ef-
> face pas les tenebres de la nuit;
> ainli la premiere etincelle de la ve-
|
||||
14 HlSTOIfcE m PoRT-ROlAt.
— » ritable lumiere que Dieu envoie Cut
' » une ame, fe doit appeller grace ,
» encore qu'elle foit environnee des
» ombres que le peche porte apres
" lui.
» C'eft un abus extreme de con-
» duire routes les ames d'une raeme
« forte 5 chaque ame doit avoir fes
» regies. Plufieurs chofes peuvent fe
" faire fans danger par des ames in-
» nocentes, lefquelles feroient dan-
»> gereufes a des ames bleflTees par le
»» peche , qui quoique gueries par la
» penitence ne font pas exemptes
» des foiblefTes que leurs bleflures
» leur ont caufees. Un foldat qui a
» ete dangereufement blefle , fe ref-
» fent le refte de fa vie , quoique fes
» plaies foient bien gueries, des chan-
» gemens de terns, & ne s'expofe
»» pas,s'il aime fa fante, auxbrouil-
» lards & aux neiges, comme un,
» autre pourroit faire fans peril. Je
»» ne puis done pas vous lailler dans
>» vos libertes de confeience , fi vous
» ne voulez que je vous trompe ,
» comme ceux qui ont attribue vos
» peines a d'autres caufes. Moi qui
» connois vos plaies , je les dois
» guerir. Je fuis le medecin , qui dois
" venir au remede : il eft dans le
retranchement
|
||||
I. Parti e. Llv. VI. 25
*' retranchement que vous defirez. La "
" voie eft etroite , c'eft tromperie " de s'en former une large. Enfin " c'eft. la premiere regie de la peni- " tence > que celui qui a pedis en fai- " fant des chofes lllieites, fe doit " abftenir des licites. » Que votre penitence foit accom-
" pagnee de filence, de patience,
" d'abftinence: j'entends celle de I'ef-
■ prit, qui porte feparation de routes
» chofes, je ne veux point de douleur
» qui fe repande dans les fens : pre-
» nez garde a vos larmes. Je ne veux
» point de mines , de foupirs ni de
» geftes , mais un filence d'efprit qui
>» retranche tout gefte. Priez Dieu Sc
» foi'ez a Dieu fans affectation. Dites
« le Miferere, 8c remarquez cette pa-
»» role : Secundum magnam mifericor-
m diam mam. La grande mifericorde
»> eft celle qui fe fait apres le bapteme.
»> Dites les Pfeaumes de la penitence;
» toutes les paroles qui y font conte-
» nues ont une vertu particuliere
» pour guerir les blefTures de fame.
,y La penitence de David y eft expri-
u mee. C'eft une merveille de ce que
w etant un Roi, il en a pu faire une
» telle. Vous etes heureufe de vous
„ trouver Religieufe. Si vous etiez
Tome II. B
|
||||
Z6 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
» dans le monde , il feroit difficile
»> de vous faire faire la penitence dont « vous avez befoin. Mais vocre cloitre « favorife ce deffein , & votre cloitre »» & la garde de vos regies fonc la " meilleure penitence que vous puif- » fiez faire. »> Il faut accomplir les chofes qui
•» font d'obligation , devant celles qui » font au-dela. Vous n'avez pas du. »» me faire la proposition pour la pe- « nitence, que votre papier pone, fans » un mouvement de grace, & je ne » vous dois pas repondre que par le « mouvement de Dieu : je lui recom- m manderai. « Voici votre confeflion conclue,
" il faut venir aux remedes , & afin » que vous ne me reprochiez rien »» au jugement, puifque vous avez « rendu foumiffion a. Dieu en ma per- » fonne, je vous dois fervir en veri- »» te. Nous vous ferons Sceurconverfe » ce careme. Anciennement on chan- « geoit d'habit en careme, qui etoit " le terns d'une tres grande abftinen- » ce, qui fefaifoit pour difpofer les » Cathecumenes au bapteme. Vous » ferez dans le travail, mais fans » exces, afin que vous puiffiez per- » feverer. C'eft contre 1'humilite, de |
||||
I. Pahtie. Liy. PL 17
* vouloir faire des chofes extraordi— " naires. Noas ne fommes pas faints, » pour vouloir faire comme les Saints. " II fe faut tenir humblement dans la » mediocrite & vivre dans un certain » deguifement qui ne fade rien voir » en nous que de commun. Vous vous » rendrez egale aux Sceurs converfes » en routes chofes. Seulement vous " tacherez d'etre la plus humble. Vous » ferez la derniere de la maifon pour »» obeir a Jefus-Chrift, qui nous aver- » tit dans l'Evangile , fi nous fommes " appelles aux noces , que nous y choi- » ll/Iions le dernier lieu. C'eft une « noce que la penitence, a laquelle « Dieu vous appelle par fa bonte \ » vous y tiendrez done le dernier » rang. Un Saint dit, que cehii-la » n'eft pas bien dans l'Eglife, qui eft » ce grand banquet ou fe mange le » corps de Jefus-Chrift, s'il ne s'y w confidere comme le dernier , quel- » que rang qu'il y tienne ; y fut-il le » premier en dignite. » J'approuve ce que votre papier
» porte , de n'avoir aucune commu- » nication ayec qui que ce foit, les » renfermant toutes en la feule direc- w tion & confufion. Mais je n'approu- » ve pas que vous attendicz que je Bij
|
||||
2.8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
- vous appelle. Il faut venir quand
» les befoins de votre confidence le » demandeiont. Gardez le filence & la » folirude interieure 8c exterieure » tant que vous pourrez , retranchanc " toutes les occasions de divertifle- » ment 8c de fatisfa£tion , fortanc » s'il eft pofllble , des lieux oil Ton au- » roit ouvert un difcours du monde , « ou le detournant, s'il eft en votre " pouvoir. Pour ce que vous defirez » dans les maladies, j'en laifTe la »» difpofition au jugement de la Mere. » Je m'etonne des mifericordes que n Dieu vous a faites. C'eft une mer- » veille quand on revient de tels ega- » remens. 11 faur benir Dieu, 8c lui » facisfaire par la penitence. Vous » voila maintenant dans la penitence , » & dans un habit 8c une condition » qui temoignent le defir que vous » avez de la faire, il faut a cette " heure nous parler par adtions.. Ce » fera aftez d'etre ce que vous etes , » 8c de perfeverer en la fouffrancede " cet etat avec humilite. Ancienne- »» ment les penitens changeoient d'ha- »» bit, 8c plufieurs innocens par hu- » milite faifoient de meme , fe me- « lant parmi les coupables; & les » Peres difent que la penitence ctoit |
||||
I. Partie. Liv. VI. if
*» le remede des uns & la gloire des
» autres. La Soeur Marie Claire aiant eu quel-
que peine d'abord dans ce changement
d'etat, elle en rendit compte a M. de
S. Cyran , qui lui die : » Je ne fuis
» point etonne de votre peine, je le
» ferois plutot, s'il ne vous en etoit
» point arrive. Cela doit etre ainfi:
" Fili, accedens ad fervitutem Dei,
« prepara animam tuam ad tmtatio-
» nem. C'eft une rufe de votre ennemi:
» ce feroit favorifer fon deflfein de
» vous retirer de votre etat. Il fe fa-
« che de voir dans 1'abbaiiTement
» une ame qu'il vouloit elever •, il
»> faut demeurer ferme dans cette tra-
» verfe. Quand nous avons entrepris
»> uneosuvre pour Dieuavec bon con-
»> feil, il la faut pourfuivre fans re-
m garder fes peines. C'eft un objet de
« triftefle mal fonde que celui que
m vous donne l'abfence du chosur; en
■ n'y affiftant pas, vous y etes prefente
w par le defir du casur que Dieu en-
» tend : Praparatiomm cordis eorum
» audivit auris tua.
» L'Eglife ceffe de chanter alleluia
»> durant le tems de careme, qui eft »> celui de fa penitence; & pour la *> faire , vous avez interrompu votre Biii
|
||||
JO HlSTOIRE DE PORT-Ro'lAE?
» chant ordinaire. Il fai.it foufFrir cetre
» privation avec patience par peni- " tence. Vous avez peine d'un eiprit » qui vous afflige» & je vous en defi- » rerois quatre qui. vous exercaffent » inceirainment ; ce fupport vous ren- »■ droit propre a quelque chofe. Vous » etes plus obligee qu'une autte a la » tolerance , par refpect de ce que » Dieu en a eu une incomparable » pour vous. Tolerez done toutes for- » tes d'humeurs ; travaillez avec joie " & tant de douceur, que vous ga- m gniez tous les coeurs. C'eft une » grace de l'Evangile » de faire habi- » rer le loup &c 1'agneau enfemble ; » confervez la paix, la joie & la. « patience. Que votre oraifon foic » d'a&ion ; fouvenez-vous de ce Pfeau- " me: Levavimanus measadmanda- » ta tua. Regardez Dieu dans votre " action ; priez-le en levant & baif- » fant vos yeux par le fdence , & par m. la parole, fi fon efprit en forme » en vous; finon demeurez fans mou- *> vement aux pies de Jefus-Chriffc » avec fainte Madelaine, quia com- »» menee fa penitence par le filence » qui eft la part des penitens , 8c » l'lnterieur encore plus que. l.'exte- » rieur. |
||||
1. Part IE. Liv. VI. ft
» II faut oublier le paile , lui die
M une autrefois M. de S. Cyran, pour » la foutenir dans une autre peine \ yf s'll falloit penfer aux peches conj- » mis , nul ne feroit heureux. Je ne » me contente nullement d'une ef- » perance qui ne s'etend qu'a empe- » cher le deiefpoir : il en faut une » ferme &c conftante en Dieu, qui » eft aufll infiniment doux aux ames » qui font dans la vraie voie, qu'il » eft infiniment terrible & rigoureux » aux ames qui en fuivent une faufle. » Lui qui nous a commands de ne » pas regarder en arriere, aiant mis la » main a la charue , fait ce qu'il faut » que nous faflions-, il ne regarde » pas les peches pafles d'une ame qui » recherche fon roiaume. Si vous >» mourriez a cette heure , je vous » abfoudrois avec joie, & aurois »> une audi grande efperance de votre » falut, que j'en ai jamais eu de per- >* fonne. Les peches defquels on fait » penitence , font oublies de Dieu. » Vous devez etre contente de votre
« accufation, lui dit-il une autrefois; m il ne doit rien y avoir qui n'y foit » compris & que je ne connoiffe par » lumiere , non-feulement divine, » comrae vous dites , mais meme-' B iiij
|
||||
J 2 HlSTOIRE Bf. PoRT-ROlAt.'
» humaine. De la moindre partiede
» la penitence on en fait le principal; » Ton s'arrete a la pondtualite de la. » confeffion , 8c Ton neglige les re- » medes. C'efl: une chofe inutile a. " un malade d'etre exact a raconter 3> les accidens d'un mal a. un Mede- » cin qui en connoit la fource; il » faut feulement fuivre fon ordon- » nance; accomplitfez la votre , c'efl » aflez. La Sceur Marie Claire lui aiant temoigne qu'elle de/iroit vivre route fa vie dans l'etat de Sceur con - verfe , il lui repondic : » Vous voulez » que je vous aflfure votre condition , » je n'aime pas cette demande. Des m ames qui font a Dieu , ne doivenc » avoir ni aflurance ni prevoi'ance , » elles doivent agir par la foi, qui n'a » ni clarte ni aflurance dans la fuite » des bonnes ceuvres. Elles regardent » Dieu, le fuivent a tout moment, » dependant des rencontres que fa » providence fait naitre. Je ne vou- » drois pas fa voir ce que je ferai quand » je ferai defcendu d'ici. Nousavons « obligation de ne demander a Dieu » notre pain, c'eft-a-dire fa grace , »> que pour chaque jour, mais je » voudrois le demander pour chaqua » heure. Il faut une flexibility non- |
||||
1. Partis. Liv. VI. 33
* pareille & univerfelle a une ame 1637. » chretienne. II faut qu'elle fache » pafler du repos au travail, du tra- « vail au repos , de l'oraifon a l'ao » tion , de l'adtion a l'oraifon; n'ai- » mant rien, ne tenant rien , fachant » tout faire , & fachant auffi ne rien »> faire quand la maladie ou l'obeif- » fance l'arrete , demeurant inutile » avee paix & joie. La Sceur Marie Claire ai'antdeman- xnr.:
de a M. de S. Cyran fa benedidion JftufZ le jour de l'Annonciation ; apres la s. Cyran a i» lui avoir donnee, il s'etendit fur §5,,*** les louanges & les grandeurs de la Vierge, & lui ajouta : » Tous les » matins, apres avoir adore Jefus- » Chrift comme Juge des vivans 8c » des morts, &' accepte le decret » eternel de votre vie & de votre » mort, & fait amende honorable k » fa majefte de tous les crimes que « vous avez faits en votre vie ; fakes » un adte vers la Vierge , vous direz; » un dixain de votre chapelet, felon » l'ordre que j'en ai drefle. Sur la fin du careme , la Sceur
Marie Claire etanc tombee malade d'une grande fluxion , il lui parla ainfi j *> C'eft une bonne penitence que celle t> que Dieu nous impofe. Soufftex |
||||
£4 HiSTOIRE DE P68.T-K.OlAl;.
» votre douleur avec patience & hu»-
» milite\ ce fera aflTez.. Vous n'etea » pas digne de fouffrir avec joie com- » me ont fait les Martyrs, lefquels » n'avoient ni oris ni plaintes dans » leurs douleurs. 11 n'eft pas jufteque » vous afpitiez a la charite des Mar- w tyrs, vous ferez trop heureufe d'a- » voir une charite de. penitens., II lui donna encore les avis fuivans pour s'occuper dans cet etat : » La vraie » fanctification. des fetes, c'eft d'e- » viter toute forte de peches, parce- » que c'eft vraiment operer des ceu- w. vres fervilesque depecher. Le terns », que Ton dit la Melle , fe doit em- « ploier a piier. Vous pourrez em- it, ploier ces paroles : Exi a me Do- », mine. La sceur Marie Claire apres avoir recueilli tous fes avis les envoia a,M. de S.'. Cyran., qui les lui renvoia avec le- billet fuivant : » Je vous »> renvoie les pen fees que vous m'a- ». vez dit avoir recueillies de quel- « ques difcours que je vous aitfaits » pendant votre penitence. Puifque m , vous croiez. qu'elles vous pourronc jj. fervir a vous conferver dans votro m, premiere ferveur , je ne trouve pas » mauvais que vous. les, gardiez , »*' poiuvuque YousaieztQujoursdeyane. |
||||
-----------------------
|
|||||
I. Partie. Llv.VT. 35
»» les yeux ce que S. Paul a tant'de " »> foin de nous reprefenter, que ce »» n'eft point dans les hommes qui •> ne font que planter & arrofer, mais « en Dieu i'eul qui donne 1'accroifle- » ment, que nous devons mettre notre m confiance. Lorfque M. de S. Cyran fe difpo-
foit a la reconcilier , elle lui en te- moigna de la peine ; les fentimens de penitence , dont Dieu avoit rempli fon cceur , lui faifant croire que les peches meritoient une plus longue 8c men plus grande fatisfadion , fur quoi il lui dit : » II faut penfer a fe » rapprocher de Jefus-Chrift; il faut « avoir de la Hexibilite , & fe rendre " a ce que je vous propofe. L'Eglife " n'a point donne de tems prefixe ■ m pour la penitence. Les penitens fe » condamnent eux-memes , dit S. Au- » guftin, en fe feparant de Jefus- » Chrift, mais c'eft pour s'en mieux " rapprocher. S. Paul etant fur la terre,. » difoit qu'il converfoit au ciel. Le » penitent peut dire que fa conver- - » fation eft a l'autel, quoiqu'il en' » foit retire en efFet; ce fera done: » pour la Pentecote. L'efprit de Dieu faifoit prevoir h
M.de S. Cyran , fans qu'il y pensaj; B-vj.
|
|||||
$6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
~~T------peut-etre , qu'il ne pourroit s'appli-
1 f?" qUer plus long-tems a la conduite de»
cette ame ; car il fui arrete pnfonnier le lendemain de l'Afcenfion de cette annee ( 14 mai 1638), & la Sceur Marie Claire ne l'a pas vu depuis, etant morte pres d'un an avant qu'il fortit de Vincennes ; mais elle mic fi bien en pratique les avis qu'elle avoir recus de lui, & marcha avec une fi grande ardeur dans la bonne voie ou il l'avoit mife , qu'elle fit les plus grands progres dans la vertu & fiit Pexemple & le modele de la com- munaute jufqu'au dernier moment de fa vie. Il n'eft pas poflible d'exprimer 3uelle etoit fa charite pour fon prq-
lain , fon zele pour fervir & obliger, fon attention a fe mortifier & a fa retrancher tout ce qui pouvoit lui donner quelque fatisfa&ion, & fon hu- njilitc. Elle avoir un foin admirable des malades a qui elle etoit d'un grand fecours, aiant acquis une par- faite connoiflance des remedes, qu'elle favoit preparer. Elle ne vouloit point •Ui'aucune autre qu'elle,prit cette peine. Sa mortification s'etendoit a tout; a Ik nourriture , ne vivant que des reftes de. la eomnrunaute ; au fomme.il, cou- *«&ant. dans une petite cellule, froide. |
||||||
I. Par.tie. Liv. VI. 37
& mal-faine qui etoit fur un efcalier on Ton pafToit jour & nuit •, a la priva- tion du parlour, jufqu'd ne pas meme y aller pour voir Meflleurs fes freres. Tout la portoit a. Dieu , fa priere ctoic continuelle : voici ce que nous appre- nons des difpofitions interieures de cette fainte Religieufe par une lettre dans laquelle elle en rend compne a" M. Singlin qui le lui avoit ordonne : elle eft du mois de fevrier 164a. 3. Il n'y a rien > mon Pere, de quoi
» je parle plus obfcurement que de » mon oraifon , parceque j'ignore » quelle elle eft. Je ne fais aucune » diftin&ion entre celle que je fais » dans I'Eglife, 8c celle que je fais » en marchant par le monaftere. En » l'une ni en l'autre je nem'attache, a » aucun fujet: je re$ois ce qui m'eft » donne, 8c le porte le plus fimple- » ment qu'il m'eft polfible. Mon oral- » fon change audi fouvent que mes » difpofitions-, car ce font elles qui « forment mon oraifon. J'en ai poux- » tant quelques-unes ordinaires qui fe » fuccedent fans que je les appelle , » 8c que je prens quand elles fe pre- M fentent. Je leur vais donner des » noms pour vous les faire entendre. >*. J'en ai une d'invocation 8c de ai |
||||||
?8 HiSTOiiu de Port-roVai.
7"* " qui fe faic dans une inftance que » je ne puis exprimer ; une de ge- » mitfement ou je ne fuis que ge- n mifTante fous le poids du peche qui » m'opprime; une autre ou je n'ai » rien de prefent , finon ces paroles : m Domini ante te omne dejiderium » meum; Seigneur , vous voiez out v tendent tons mes defirs, & celle- » ci : O Dieu , qui connoijje^ lefond i} de tous les ceurs , qui voie^ a nud » Vinterieur de toutes les volontes , <S* » a qui rien de fccret ne peut itre ca* » eke , me laillant a la vue & a la jj connoifTance divine, de laquelle » j'approuve & j'adore le jugement » fans dire mot. D'autres fois je fuis » fort feche & fort fterile , me trou- » vant dans une entiere impuiflance « de prier , & portanr feulement l'ex- » perience qu'il m'eft impoffible dc » rien faire pour attirer la grace que » je vois loin de moi : dans cet etat » je ne fais que fouffrir. Quelqu'au- » trefois je fuis fi efFraiee de me trou- » ver devant Dieu que j'ai fi fort » offenfe, que je ne puis fubfiftir. » Mon recours eft de m'aneantir fous » la juftice de Dieu *, car ne pouvant »> pas faire que mes pechss ne foienc *»' uas commis j je m'abandonne a lui |
||||||
L Pah tie. Llv. VT. 5*
» pour en palTer par oil il lui plaira,
» J'ai piine , mon Pere , a vous
„ dire le refte, rant il eft different. » Je le ferai neanmoins avec fince- » rite. J'ai done quelquefois une „ oraifon de paix & de jouiffance, „ ce qui ne m'arrive ordinairement „ qu'apres quelque tempete , dans « laquelle j'ai invoque la Sainte Vier- „ ge. Car je. vous dois dire que tou- ,, tes mes invocations s'adreflent a „ elle, n'ofant du tout entreprendre de ». parler a Dieu , depuisqu'il m'arap- „ pellee. J'ai, toujours eu cette ap- „ prehjnfion ,. & je ne lui demande „ que par la Sainte Vierge , que je ,i crois etre la feule voie , par laquelle „ je puifle obtenir mifericorde de „ Dieu. Je fuis la plupart du terns „ toujours occupee d'elle , ne vivant „ que fous Ion ombre •, mais aufli-tot „ que je me fens attiree ailleurs, je n laifle" librement cette occupation. » Ce qui m'arriva dimancha eft un » example de tout ceci. Je fortis de 3> confeife troublee , a caufe que j'a- » vois eu la penfee de vous parler ,> de quelque point de ma vie palfee „ qui me revint a l'efprit; & que ,,. je. n'avois ofe faire.de peur de vous „,importuner., Je penfois dans cette,- |
||||
uj.0 HlSTOIRS DI PaR.T-ft.OLAI.'
---------, » inquietude que je ne devois pas
*6>7' » communier ; je me recommandai a
» la Saince Vierge , afin qu'elle eclai- » rat mes tenebres , & je me trouvai » enfuire tout-a-fait fans fcrupule» » dans la croi'ance qu'il me devoic » fuflSre que ma vie eut ete jugee » comme tres mauvaife , touce dans » l'erreur 8c le peche , & qu'apres ■» cette connoiflance, ces petices parri- » cularitesque j'avois voulu dire, n'e- >• roient pas confiderables. Je re^us » la fainte communion enfuire dans w une confianee merveilleufe , aiant » fortement prefentes dans le fenti- » ment ces paroles de l'Apotre : Ha- " bemus redemptionem per fanguinem » ejus remijjionem peccatomm. Je re- s' gardois Jefus - Chrift comme la » fource unique de fanctification , je » voiois rous les hommes perdus en » Adam , &c fauves par Jefus-Chrift, » & par une fi pure mrfericorde que » j'en etois ravie &c forte dans 1'ef- » perance que je ferois auili un jouj; » fauvee par lui. . » II eft vrai que j'ai des momens
* fi heureux, qu'il n'y a rien de fi »■ doux en la terre ; mais la premiere » faute que j'ai faite apres ces graces, m en efface l'impreilion a me jette dan* |
||||
I. Partii.' Liv. VI. 41
» les tentations, & me rend plus crain- \6x-j\ » tive. Er ce qui m'etonne, c'eft que » tout pafTe , fans que je puiffe rap- s' peller la difpofition d'un jour pour »» l'autre, etant dans une perpetuelle » indigence de grace, de force & de » lumiere, fans laquelle je ferois tous » les peches du monde. x r v Cette onction du dedans rejaillif- More de la
foit au-dehors & lui donnoit un amour ^u.'e !vUrie Sc une afliduite infatigable pour tous les exercices de piete : elle avoit un refpeit fingulier pour Porfice divin : » Je ne fai, difoit-elle, quelle grace » nous pouvons rendre a Dieu de » 1'honneur qu'il nous fait de nous *> permettre de paffer tous les jours » fept 011 huit heures a le louer. Elle avoit les memes fentimens a l'egard de l'afliftance devant le S. Sacrement. Mais tout etoit regie dans fa piete, &c elle en favoit accorder tous les de- voirs. Sa devotion poui les exercices interieurs ne diminuoit rien de l'a- mour du travail. Dans fes dernieres annces , une de fes occupations fur de tranfcrire les lettres de M. de S. Cy- ran , alors prifonnier au Chateau de Vincennes. Elle paffa ainfi fa vie dans la penitence & les exercices de piete depuis fon renouvellement jufqu'a fa |
||||
4Z Histoire m. Port-roiai.
mort. Elle re^ur la veille de la Pen- tecote les Sacremens. Apres les avoir re9us, elle die a la Mere Agnes fa foeur , qu'elle n'aimoit plus que Dieu; qu'elle ne defiroit plus que la mort 8c le purgatoire, I'une pour finir fes peches, l'autre pour en effacer les ref- tes. Lorfqu'on lui mit le cierge beni en main , elle le prit avec joie pour aller au-devant de l'Epoux avec la ltt- mierede la foi, & l'ardeur de la cha- rite. La Sceur Catherine de S. Jean , furprife que la maladie eut tournee fi promptement a la mort, dit dans fon etonnement: Eh ma foeur, qu'eji- ee done que ceci ? Ma foeur , lui r^pon- dit la malade , d'un ton ferme, c'eflla mort, il faut partir, jemen vats me jetter aux pits de Dieu comme unepau- yre qui nyejpere quen fa mifericorde. » Elle ajouta , j'ai toujours eu ma » confiance dans rinterceifion de la » Sainte Vierge; des ma petite jeu- » nefTe elle m'a aidee quand je l'ai » invoquee. J'efpere qu'elle m'affiftera » a cette derniere heure. Elle pria les Sceursqui etoient prefentes , de 1'aider a remercier Dieu de la grace qu'il lui avoit faite d'avoir connu M. de S. Cyran , &c d'avoir appris de lui des virites fi peii connues, 8c les regies. |
||||
I. Par.tie. Liv. VI. 45
d'une veritable penitence > & elle pria ~
la Sosur Catherine de S. Jean de lui ecrire pour lui demander inftamment fes prieres pour elle apres fa mort. Le Confeffeur ( M. Singlin) etant ar- rive , elle lui dit ces paroles, mon Pere ferai-je fauvee ? II lui repondit felon la confiance qu'il en avoit, & l'exhorta a demeurer ferme dans fon efperance. Enfuite elle fe confefla tout haut de deux petites fautes, & parut encore avoir quelque apprehenfion fur foci fa- lut; ce qu'elle regarda elle-meme coni- me une tentatian. Elle fit reciter quelques prieres a la Sainte Vierge , & fon vifage devenant tout calme, elle dit avec un fentiment d'adrniration i Que cefl une grande choft de mourir dans I'efperance de la vie Iternelle I Le Confeileur lui prefentant la croix , elle la prit, & elevant la voix elle dit d'un ton haut & anime : Nos autem gloriari eportet in cruce Domini nojlri Jefu. Chrifli , in quo eft falus , vita & rejur- reclio no/Ira , per quern falvaii & Libt- ratifumus , &c. Enfin un quart d'heu- re apres avoir perdu eonnoiffance ,. elle expira , fut fes quatre heures du matin, le 15. juin , jour de la Trinitc 1641. La Soeur Catherine de S. Jean soanda, fa mort i M, de. Saint C^- |
||||
44 HlSTOIRE DB PORT-Ro'Ul.
ran , qui lui fit la reponfe fuivarf-
|
||||||||
l6^' te:
x v. „ J'avoiie qu'on a dii regretter la
tTcy^n" defunte, etant ce quelle etoit ,
fur la more de „ parcequ'il eft difficile de rencontrer
lie cCire. *" " dans la religion de telles ames. Je
» voiois que les bonnes qualires qu'el-
« le avoir , etoient telles qu'elles me
w moderoient pour leur excellenee ; de
« peur que fi je lui eufle temoigne
" le fentiment que j'en avois , je 1'euf-
» fe rendue trop afFecHonnee en moil
m endroit; ce que je tachois d'eviter,
» la voulant aimer comme Ton aims
» les bienheureux , plus da coeur que
w de la bouche , & plus par des fen-
»» timens que par des expreffions trop
» fortes, fur lefquelles elle eut tou-
« jours rencheri.
» Elle eft du nombre de ces ames
» dont on doit etre allure qu'elles font » a Dieu , foit qu'il lui reftequelque » chofe a purgeren cette vie ou non ; » car on ne fait que dire de ces efprits » qui font exceilifs dans l'amour de »» la verite & dans l'exercice de la » penitence & de la charite , tel qu'e- w toit fans doute le lien. Un feul de » ces aftes parfaits eft quelquefois » capable d'effacer tout ce qu'il y a » d'impiir dans 1'ame. Je vous plains |
||||||||
\
|
||||||||
I. Part ie. llv. VI. 45
'» clone, & non pas die, parcequ'e- '
" tant ou je la crois , elle eft bien-
»» heureufe, & nous ne trouverons pas
" une ame qui puilfe remplir le vmde
» qu'elle a fait dans le monaftere. Il
" eft certain que les vuides du ciel
" font toujours remplis par les ames
» qui y arrivent , mais ceux qu'elles
" font dans la terre , demeurent long-
» terns a remplir •, & je ne vois pas
» de novice qui y pniiTe pretendre
" que vous , ma Sceur, a qui je defire
» lorfque vous ferez prorefTe , que
» Dieu departe ks graces qu'il avoit
w faites a la defunte.
» L'amour de la verite, 1'exercice
» de la charite, 6c l'inflexibilite a
" maintenir la penitence & la reli-
« gion etoient fes dons. Jeles deman-
,. de a Dieu pour vous , & vous prie
« de les lui demander vous meme
» avec moi au jour de votre profef-
» fion. J'y en ajouterois une quatrie-
» me fi je n'y etois interefle , & fi je
» ne favois qu'il n'eft pas befoin que
» vous I'empruntiez d'elle , 8c que
» vous n'aimez pas moins ceux par
» qui Dieu vous a appris la verite ,
» fans laquelle il eft difficile en ce
v rems-cj, a moins que d'etre dans
|
||||
46 HiSTOIRE DE PoRT-ROl'At.
» la fimplicice & l'innocence du ba-
» teme , de pouvoir devenirune vraie
» Religieufe. C'eft ce qui vous oblige
" de vous rejouir de la grace que
» Dieu lui a faite & a vous auffi - &
« qui donne fujer de vous dire, que
» ii elle eut moins connu la vente,
" elle eut ete , uonobftant fa fervcur,
« moins bonne Religieufe : mais
» apres la vie qu'elle a menee , & le
» bon exemple qu'elle a laifle a route
» la maifon & a moi en particulier ,
» nous pouvons efperer de la revoir
»» un jour dans le ciel, & d'etre heu-
» reux avec elle dans la compagnie
« de Dieu.
» Quand on peut parler ainli d'une
» ame feparee de ion corps , il n'y » a nul fujet de la regretter : je n'en " fais gueres de qui je voulude ainii » parler dans le monde , oil tout me »> femble perir par la mort aufli bien " devant Dieu que devant les horn- s' mes. Ce qui nous doit etre un fe- » cond fujet de joie , lorfque parmi » l'afflidtion que nous caufe la mort » de nos amis, nous fentons en fe- » cret cette confolation dans notre « coeur pour ceux que nous pleurons. » Ce font des confolations" veritables |
||||
I. Pari ie. Llv. VI. 47
« que je vous donne & que je prens 777Z—
« aufli pour moi. Car toutes les ames
» qui font a Dieu, comme etoit celle-
» la , me tiennent lieu de freres &
" de fceurs , & vous ne fauriez avoir
» eu de fentimens de douleur pour
» elle , que je n'en aie eu de iem-
« blables, mais la joie fenfible de la
m foi les a amoindris en moi, comme
» je defire qu'elle ait fait en vous.
La meme annee que la Sceur Marie xvi.
Claire fe mit fous la direction de M. d^'l"^J- de S. Cyran,ce digne miniftre fit fur tic celebca le monde une conquete, qui fait bien Avocau voir qu'il n'y a point de charmes qui ne cedent a. ceux de la grace , parce- que rien ne refifte au Tout-puifTant. M. le Maine , fi celebre par fon elo- quence , mais plus celebre encore par fa penitence, rut enleve au monde par ce faint Abbe au milieu de tout ce qui etoit le plus capable de l'y re- tenir & de l'y attacher. Son merite lui avoit deja obcenu un brevet de Confeiller d'Etat a l'age de 27 ans.il en avoit pour lors trente. Il etoit I'o- racle du Barreau par fes lumieres, 8c l'admiration de tout Paris par fon eloquence. Les jours qu'il plaidoit, les Predicateurs abandonnes etoienfi |
||||
48 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAI.
" l6 ,-,, obliges de defcendre de leurs chaires,
& alloient augmenter la foule des Auditeurs de ce grand Avocat. Les (>lus fameux demandoient eux-memes
a permiffion de ne point precher les jours qu'il plaidoic, afin de pouvoir i'entendre. Quels perils pour cet homme ainfi
admire de tous 1 Et de combien de dangers etoit-il environne, dans une profeflion ou il etoit fi en etat d'expo- fer les autres en alterant l'innocence Font. Mem. & la juftice l <> Car il eft bien difficile, Tomei.page,, dans cet etat, difoit-il depuis a >' M. Fontaine , qu'on foit afTez fcru- » puleux pour refufer a un ami fon » affiftance ; & quand on a refolu une » fois de le fervir , on fait paroitre » innocent ce qui ne l'eft pas , & Ton » rend blanc par artifice , & pour le »> dire ainfi, par le charme de fes » paroles , ce qui eft noir. On je#e » de la poudre aux yeux des Juges, » & on leur fait rendre des Arrets qui » ne font pas juftes. Quel eft le cri- minel, dit faint Jerome dans un en- droit, ou il femble que ce Pere fade la peinture de M. le Maine, qu'un tel apolo^fte n'edt reufli pat les charmes de fbn eloquence a faire abfoudre
|
||||
I. Parti e. Liv. VI. 49
a&foudre Sc declarer innocenr. Un---------—•
rnouvement du pie, un regard de x"37»
fes yeux , un gefte de fa main , une Mem. ae
parole de fa bouche , tout etoit capable Font- 'tw-
de faire illufion aux Juges (4). Les ap-
plaudiiTemens que recevoit quelque-
fbis M. le Maitre , etoient fi exceffifs ,
que peut-ctre jamais Avocat n'en a
recu de femblables. Sur quoi un des
amis de M. le Maitre aiant un jour
aflifte a fon plaidoier, dit a M. de
Sacy avec admiration & tout hors de tanc.T. f.
lui-meme i» Monfieur, je vousavouep 5'"
» que la reputation de M. le Maitre
» eft montee aujourd'hui fi haut, que
» j'aimerois mieux jouir des applau-
" difTemens qu'il arecus , que de toute
» la gloire de Monfeigneur le Cardi-
« nal ( Richelieu) •, parce que tout le
jj monde voit bien que Pun eft toute
» la recompenfe d'un jufte merite , &c
4&que l'autre eft fouvent l'objet de la
« haine & de l'envie.
Voila l'etat oil etoit M. le Maitre.
Madame fa Mere pleine de foi, ne fe lanTa point eblouir comme tanc d'autres par cet eclat. Elle en reconnut ("4) Quern criminofum diifet oculos , jaaafTet
non hujus fervaflet ora- raanum , verba tonallet ,
tio , decujus ore totve- tencbr3s illico ob oculot
neres flrnint > Nam fi ap- incendiirut judicibus.
plaudiirec pede , inten- Tome II. C
|
||||
JO HlSTOIRE PE POR.T-8.OtAt.
' l6,7 toute la vamte Elle regarda cette
gloire comme un obftacle au lalut de fon fils, Elle regardoit de meme ceil la faveur de tous les Grands du Roiaume, «ntr'autre celle de M. le Chancelier Se- guier , qui honoroit M. fon fils d'une affection paniculiere. Dieu exauca les vceux que cette mere chretienne fai- foit tous les jours, en rompant les liens qui tenoient fon fils attache au mon- de, & en lui infpirant de le quitter pour paffer fa vie dans la retraite & la penitence. En voici l'occafion. xvm. Me d'Andilly, chez qui demeuroic la conyerfion avec &s enfans , Madame le Maitre, de m. k Mai-qUe la mauvaife conduite defonmari avoit obligee de fe feparer de lui, etant tombee malade, M. de S. Cyran, ami intime de M. d'Andilly, s'acquitta dans cette occafion de tout ce que Tamine & la charite exigeoient de lui. II rendoit fouvent vifite a la malade, & chaque fois il difoit a la mourante tout ce qu'il pouvoit pour la confoler, & a ceux qui l'ecoutoienr, du nombre defquels etoit M. le Mai- tre , tout ce qui etoit capable de les efFrai'er & de letir faire voir dans cet exemple le neant du monde. M. le Maitre etoit tres attentif, comme il le dip depuis, a examiner ce qui fe paf- |
||||
I. Partis. Liv. VI. 51
foit dans la malade , mais il l'eroit ■-------—-
encore davantage a ecoucer ce que di- l6i7'
foit I'homme de Dieu. Il etoit iurpris Mem- ie d'entendire une voix fans comparaifon Font. t. i.p. plus puiffante , qui fe rendoit mai:re 5I,8c u,v* de fon cceur. 11 eroit furpris qu'un homme parlant doucemenc aupres d'une malade terralfat les cceurs , fans qu'ils filfent de refinance ; & cet eton- nement le tenant dans un profond filence , les larmes qui tomboient de fes yeux, etoient comme les preuves du changement que Dieu commeti- coit alors a operer en lui. Se confide- rant a. la place de la mourante, il concut une telle frai'eur des jugemens de Dieu, qu'il en demeura penetre. Ouand on coramena a dire les prie- TII'1"C- T> r* res de la recommandation de 1 ame, joy. & que M. de S. Cyran vint a pro- noncer ces paroles, 6 ame ckretienne jpartei de ce monde au nom de Dieu tout-puiffant qui vous a crtit, il fondit en larmes & ne pouvoit fe foumrir lui-meme , voVant la confufion 011 il fe trouveroit lorfqu'on lui prononceroit ces paroles econnantes, & qu'il fa adroit paroitte en la prefence de Dieu , &c cl'un Dieu li pur & fi terrible. Il for- tifioit ncanmoins fa foibleffe par la conn" deration des mifericordes de Cij
|
||||
yi HiSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI,.
*Y~------Dieu , & 1c conjuroit de lui appli-
''' quer, autant qu'a la mourante , les
paroles que proferoit fon ferviteur lorfqu'il difoit fur elle : Mlfenre, Do- mine , gemituum,■ dkir p'uie, Seigneur, de fes gemijfemens & de fes larmes, 6* recevei a la grace de la re'concilia- s lion avec vous celle qui n'a de con- fiance que dans voire mifericorde. La malade etant expiree , clans l'emotion ou il etoit, il fe retira comme S. Au- guftin au moment qui preceda fa converfion , dans le jardin, ou il repandit fon ame en la prefence de Dieu , & prit la refolution de quitter le Barreau & le monde avec toutes fes efperances. xix. La mort de Madame d'Andilly , Tl,femetetl"arrivee le 24 d'aoiu 1657 acheva ce
trc les mams r it- • /
de m. de s. que la maladie avoit commence, 8c
cyran. procura a M. le Maitre la veritable Lane. ibid. vie. Il declara a M. de S. Cyran tout f' ii0< ce qui fe palfoit dans fon interieur , &c lui die qu'il ecoit refolu de renon- cer au monde & a tout ce qu'il pou- voit en attendre , pour ne plus penfer a l'avenir qu'a fervir Dieu dans la pe- nitence & la retraite •, & que du mo- ment qu'il lui parloit, il difoit adieu au Palais, & qu'il le prioit de l'aider dans ce defTein &c de l'aflifter de fes cpnfeils, |
||||
i. p a r t i e. Liv. vi. 5 i
M. de S. Cyran eut beaucoup de 1637.
joie de voir de telles difpofuions ,8c x x prevoi'ant des-lors les fuites qu'auroir Conduite cette retraire, a caufe de la grande J3f £ reputation de M. le Maitre , 8c de m. de s. Cy- la confiance que les Grands avoient en ^"m. l^Mai- lui , lefquels ne manqueroient pastre- de s'irrirer de ce qu'on leur enlevoit un tel homme , il lui dit: Je prevois bien ok Dieu me mene en me chargeant de votre conduite; mats il nimporu ,< il le faut fuivre , jufqu'a laprifon & a la more II ne penfa done, fans s'in- quieter des fuites, qu'd ce nouveau converti, & raifembla rout ce qu'il avoir de lumiere pour conduite fage- nient une a£tion 11 importante. Il cori- feilla a M. le Maitre de ne rien pre- eipiter ; & il le conduifit a fon egard comme S. Ambroife a l'egard de S. Au- guftin,en lui faifant attendre pour I'exc- cution de fon delTein , que les vacances fuffent arrivees : il lui reprefenta que cela feroir moins d'eclat, 8c qu'il irriteroit bien moins le monde , avec lequelil ne romproir pas brufquement •> qu'ainfi il valoit beaucoup mieux, qu'il pretat encore fa langue a fa pro- feffion ordinaire, en attendant paifi- blement le jour qui le delivreroit en- cierement d'un emploi dont Dieu avoic: |
||||
54 HlSTOIRE DE PoK.T-H.oi'At." ■
16,-7. deja fi heureufement degage Ton
cceur. xxi. M. Ie Mairre fe rendu aim avis fi M. le Maine r „ J I J
qmuc ie bar-lage , & continua de plaider en at-
«su. tendant ies vacances , mais ce n'ecoic plus avec le mcrne feuqu'auparavaur,
parcequ'il avoit I'efprit plein de fes nouveiles resolutions: lorfqu'il jettoit les yeux fur un crucifix qui etot ex- ib'J P°^ devant lui, & auquel il ne faifoit g. j^&fuiv. anparavanc guere d'attention , il fe fentoit atrendri & plus difpofe apleu- rer qu'a parler. Cela fut remarque, & M. Talon , qui avoit une fecrete jaloufie contre M. le Mairre, dit un jour a fes amis, que pour cetce fois , au lieu de plaider il ne faifoic que dormir. M. le Maitre l'ai'anc appris, paria huit jours apres avec plus de feu & de vigueur que jamais, a'iant tou- jours les yeux fur M. Talon, ne fe rournant jamais que vers lui : ce fur pour la derniere fois qu'il plaida, Sc il fie en ce jour a Dieu le facrifice de ce talent & de tous les plaifirs du fie- cle. Madame le Mairre rendit au Sei- gneur fes actions de graces de la con- verfion de fon fils , & concerta avec M. de S. Cyran les moi'ens qu'il fal- loic emploi'er pour rendre le deffein de ce nouveau penitent aife a executer, |
||||
---------------------------
I. Partis. Liv. VI. 55
& facile a foutenir dans la fuite. M. —-------
le Maitre a avoue depuis, que fa con- 1 ' ?*
Verfion dans l'etat ou il fe trouvoit
alors, lui paroiffbit auffi difficile que
celle d'un Roi qui renonceroit a. fon
roiaume. Cela s'accorde avec lapenfee
de S. Paulin , qui prcferoit la retraite
de S. Severe Sulpice a la fienne , quoi-
qu'on comparat les grands biens de
S. Paulin a un roiaume. » Le miracle de
» vorre conversion , difoic-il a fon
» ami, eft bien plus eclatant que le
» mien , etant jeune comme vous
» etes , dans l'eftime de tout le mon-
» de , & dans l'admiration du Bar-
» reau ou vous commenciez a paroitre
» comme furun grand theatre (5).
L'avis de M. ae S. Cyran & de
Madame le Maitre, fut que la retraite ctoit abfolument neceffaire a ce nou- veau converti ; c'eft pourquoi certe mere tranfportee de joie concut le (5)S. PaulinEp. 5.n. ?. Nee minoris domefticis
Ad Dominum miraculo opibus ingenii facultatis
majore convetfus es , laudein abhominibus non
qui state florentior , lau- accipiens , 8c inanis gto~-
dibus abuudantior , & in riK fublimiter negligens ,
ipfo adhuc raundi theatro, pifcatorum praedicationes
id eft , fotti celebritate Tullianis omnibus & tuis
divetfans 8c facundi no- Htteris prstuli(1i. Confu-
minis palmam tenens , re- gifti ad pietatis lilcnti'Jm ,.
pentino impetu difcuiiifti ut evadetes iniouicatis tu-
fervile peccati jugum , H multum. Mutefcere vo-
lethalia carnis 8c fangui- luifti, ut ore puro divina-
jlis viatla rupifti.... loqueretis.
C iiij,
|
||||
5 6 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAI."
j65 defTein de faire batir un logis a l'ex-
tremite du fauxbourg S. Jacques,a P. II. , pour y recirer M. le Maitre avec Meffieurs fes freres , penfant elle- meme a fe retirer au-dedans du mo- lioaftere. Tout ceci fe pafla fort fe- crecement & fans eclat. M. le Mai- tre ne penfoit qu'a fe fortifier de plus en plus dans fes resolutions par les entretiens qu'il avoit avec M. de S. Cyran, dans le logis oil il fe retira d'abord devant les Chartreux. Il ne fiat fe refoudre a entrer chez ces Re-
igieux, comme M. de S. Cyran lui propofoit, tant a caufe du maigre que pour d'autres raifons. xxii. Cependant les vacances du Parle- iiecritaM.menl: fin{(fQnt . Jes Chambres s'ou- Je Chancelier '. . , , , *
pour Tinfor-vrent; on ne volt point M. le Maitre,
met-de fa re- Qn Jg cllerche Je roug COCeS fans le
loluuon. . ,, . ■ , pouvoir decouvrir. Quancl on com-
menca a s'appercevoir de fon abfence,
tout le Palais parut en deuil, &c on
ne pouvoit fe refoudre a le croire.
M. de S. Cyran lui confeilla d'infor-
mer M. le Chancelier de fa refolution,
il le fit par la lettre fuivante au mois
■^ de Janvier 1638.
»» Monfeigneur , Dieu m'a'iant tou-
« che depuis quelques mois , & fait
» refoudre a changer de vie , j'ai crit
|
||||
I. Parti e. Liv. VI. 57
**' que je manquerois au refpect que *» je vous dois , & que je ferois cou- »» pable d'ingratitude , fi apres avoir »» recu de vous tant de faveurs ex- " traordinaires , j'executois une refo- " Union de telle importance fans vous ** rendre compte de mon changement. » Je quitte , Monfeigneur , non-feu- » lemenc ma proftflion que vous m'a- " vez rendue fi avantageufe, mais » aufii tout ce que je pouvois efperer » ou deiirer dans le monde , &c jeme " retire dans une [folitude pour faire » penitence & fervir Dieu le reftede » mes jours , apres avoir emploi'e dix » ansa fervir les hommes. » Je ne crois pas etre oblige a me
» juftifier de cette action, puifqu'elle' » eft bonne en foi , & neceflaire a »> un pecheur tel que je fuis. Mais je *» penfe qu'afin de vous eclaircir en- »> tierement fur tous les bruits qui » pourront courir de moi , je dois « vous decouvrir mes plus fecretes » intentions , & vous dire que jere- « nonce audi abfolument a toutes: " .charges ecclefiaftiques comme aux: „ civiles ; que je ne veux pas feule- » ment changer d'ambition , mais; w n'en avoir point du tout; que je-' » fuis encore plus eloigne de recevoir-" |
||||
jS HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI..
~" » les ordres de la prerrife , & des be-
» nefices , que de reprendre la condi- " tion que j'ai qtiittee , & que je " me tiendrois indigne de la miferi- » corde de Dieu , fi apres tant d'in- » fidelites que j'ai commifes contre » lui, j'imitois un fujet rebelle, qui » au lieu de flechir fon Prince par » fes foumiffions & fes larmes , fe- " roit aflfez preTomptueiix pour s'ele- » ver de lui - meme aux premieres » charges du Roiaume. » Je faibien,Monfeigneur, que dans
» le cours du fiecle ou nous fommes, » on croira me traiter avec faveur, »» que de m'accufer d'etre fcrupuleux; » mais j'efpere que ce qui paroitra » une folie devant les hommes ne le » fera pas devant Dieu: 8c que ce » me fera une confolation a la mort, »» d'avoir fuivi les regies les plus pu- " res de l'Eglife & la pratique de rant » de fiecles. » Que (1 cette penfee me vient de
« ce que j'ai moins de lumieres , ou " plus de timidite que les autres , » j'aime mieux cette ignorance crain- » tive & refpe&ueufe , qui a ete em- » brafTee par les plus grands hom- » mes duChriftianifme,qu'une fcien- »»> ce plus hardie & qui me feroitphij. |
||||
T. P ar.tie. Liv. VT. 5y
» perilleufe. Quoiqu'il en foit, Mon- ,
» leigneur , je ne demande a Dieu " autre chofe que de vivre & de » mourir en fon fervice , de n'avoir " plus de commerce , ni de bouche , " ni par ecrit, avec le monde qui " m'a penfe perdre, & de pafler ma »* vie dans la folitude, comme fi - j'etois dans un monaftere.
» Voila., Monfeigneur , une decla-
» ration toute entiere de la veritede " mes fentimens. Les extremes obli- " gations dont je vous fuis redeva- » ble, ne me permettoient pas de » vous en faire une moins exprefle - Sc moins fidele •, & l'honneur d'une-
" bienveillance auffi particuliere que »» celle que vous m'avez temoignee , » m'engageoit a. vous afliirer que je ne » pretends plus de fortune que dans: »» l'autre monde qui dure toujours, »» arm que votre affedtion pour moi » ne vous porte plus a m'en procurer «< dans celui-ci dont la figure pafife » fi-tot. Mais quelque folitaire que » je fois , je conferverai toujours le « fouvenir de vos faveurs , & je ne » ferai pas moins dans le defertque- " j'ai ete dans le monde , votre, Sec. Le defir qu'eut M. le Maitre, que;
Texemple de fa converfion fit quei-=- |
||||
6o HlSTOIRE DE PoRT-ROlAr.
|
||||||
.,----------qu'imprellion fur M. fon pere , &
J 63 7. contribuat a. le retirer du dereglement
cle fa vie, le porta auffi a lui ecrire la lettre qui fuic : " Monfieur mon pere, Dieu s'e-
tant fervi de vous , pour me mettre au monde, & m'aiant oblige de vous rendre tout le refpect qu'on doit a un pere , je violerois l'ordre de fa providence &c les devoirs de la nature, fi je ne vous faifois fa- voir la refolution qu'il m'a fait pren- dre par fa bonte infinie , 8c queje n'ai executee que depuis quatre heures feulement, II y a plus de trois mois , que j'avois deffein de quitter ma profefllon , pour me retirer dans une folitude & y palTer le refte de mes jours a fervir Dieu; mais mes amis m'aiant empeche de me declarer des-lors, pour eprou- ver fi c'etoit un mouvement du ciel ou de la terre , qui me portoit a ce changement, ils one reconnu enfin avec moi que le terns arTermiilant cette penfee dans mon cceur au lieu de la detruire , elle venoit de celui qui feul eft maitre de nos volontes,. & qui les change quand bon lui femble. " J.e. qiiirte. le monde,. comme il 1*; |
||||||
■ -^
|
||||||
I. Part i£. Llv. VI.- 6-x
" veut, comme voo.s-meme lequit-
» teriez s'd le vouloic ; & fans que » j'aie eu de revelation particuliere " oudevifion extraordinaire, je fuis »» feulementla voix qui ra'appelie dans » l'Evangile a faire penitence de mes » pech.es. Car je votis declare comme " a mon pere , que je ne quitte point » le Palais pour me mettre dans l'E- " "life , & m'elever aux charges que " la vertu & l'cloquence ont acquife »' a tant deperfonnes. Je n'entre point » audi dans un monaftere , Dieu ne " m'en ai'ant point infpire la volon- » te ; mais je me retire dans une mai- » fon particuliere , pour vivre fans » ambition, & tacher de flechir par la » penitence, le Dieu & le juge devant " qui tous les hommes doivent com- » paroitre. » Ce deffein vous etonnera fans
» doute , & je ne le trouve nullement » etrange. II y a fix rnois que j'etois «• audi peu difpofc ale prendre , que » vous l'etes aujourd'hui; & fans que » nul homme de la terre m'en ait m parle, fans qu'aucun de mes amis M s'en foit pu douter , avant que je » lui aie dit, je me fentis perfuade- » par moi-meme, & pour mieux dire » par le fentiment que Dieu qui parle; |
||||
<?i HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
» aux cceurs 8c non pas aux oreilles
» des horames , a mis en moi.
» Si l'exemple d'un fils aine, qui
» quitte le monde n'ai'ant que trente
» ans , lorfqu'il vivoit avec plus d'e-
» clat dans une profeifion honorable ,
» lorfqu'il avoit diverfes apparences
» d'une fortune tres avantageufe,
m lorfqu'il etoit honore d'une afFec-
« tion particuliere de quelques Grands
» du Roiaume ; fi , dis-je, cet exem-
» pie vous pouvoic toucher, j'en au-
" rois une plus grande joie que celle
« que vous elites , lorfque je naquis ;
» mais c'eft a. Dieu a faire ce miracle..
» Mes paroles ne fervent de rien , &c
" vous favez d'ailleurs que je n'ai
» jamais fait le predicateur avec vous.
» Je vous dirai feulement ce que
» vous favez fans doute mieux que
»» moi, que ce n'eft pas foiblelfe d'ef-
» prit d'embrafler la vertu chretienne,
» puifqu'une perfonne qui n'a point
»> palfe jufcju'ici pour foible , ni pour
« fcrupuleufe, & qui eft encore la
» meme qu'elle etoit, lorfqu'elle eut
» I'honneur de vous voir la derniere
» fois, fe refout de changer ces belles
3ualites d'Orateur & de Confeiller
'Etat, en celle de fimple ferviteur »»- de J.efus-Chrift. |
||||
I. Part ie. Liv. VI. Si
|
|||||||
Ces deux lettres font comme le ma-
|
16}T
|
||||||
nifefte de M. le Maitre contre le mon-
de, & la declaration publique du
divorce qu'il faifoit avec lui.
M. le Maitre n'oublia pas nonplus xxin\
d'informer MefTieurs fes parens de fes fe Retire dans nouvelles resolutions, & d'en ecrire une maifon a ceux qui etoient eloignes de Pans, lis en furent fort furpris. Les uns re- garderent cela comme une ferveur de jeune homme,qLii ne dureroit pas long- tems. Les autres plus modercs,com- me M. Henri Arnauld alors Abbe de S. Nicolas d'Angers le prierent dene rien precipiter, & de penfer a fe mettre dans l'Eglife. Mais M. d'An- dilly , & les faintes tantes que M. le Maitre avoir a P. R. , furent au con- traire tranfportes de joie de cette con- version. Lorfque le batiment auquel Madame fa mere faifoit travailler, fut rendu logeable par les ais de fapin dont on revctit toutes les murailles , M. le Maitre y entra le jour de la fete de S. Paul premier Hermite, 10 Janvier 1638 , pour vivre retire 8c I £$,*»• Penitent. II ne crut pas , comme nous
avons dvt, ponvoir trouver une per- fonne plus propre pour le conduire > que celle , donr Dieu s'etoit fervi pour le toucher Sc le convertir.. IL |
|||||||
64 Hl'STOIRH DE PoRT-ROlAt.
fupplia done M. cte S. Cyran de Iui:
'J* rend re quelques vifites dans fa r&- traite , a quoi le zele &: la charite de ce piffiux Abbe fe preterent avec em- preirement. Madame le Maure etoit au comble de fes defirs de voir fon fils fe foumettre ainfi an jong de Jefus^ Chrift. Elle ecartoit avec un foin ad- mirable tout ce qui pouvoit troubler le repos de ce nouveau folitaire. xxiv. Quoiqu'il eiit quitte le monde , le M. ic Miiitre rnonde ne pouvoit confentir a le per-
garuc une re- , -\ i r r • j i
twite c.aftedre, cc ne deieiperant point de Je
maigre ies gainer, il emploi'a, pour le remettre efforts ties R » / i a r j-£-/ ' i
homines pour dans les chaines , difterentes bngues
ikniuer. ^ meme l'autorite du Roi, dont ce foldat de Jefus-Chrift fut fe defendre. Les perfonnes qui avoient eu rela- tion avec lui pour leurs affaires tem- porelles auroient fouhaite , com me il en etoit inftruit pleinement , d'avoir feulement une conference avec lui, mais fa pieufe mere eloignoit tout ce qui pouvoit lui rappeller l'idee des affaires de {on ancienne profeffion, difant que M. le Maitre etoit mort a; tout cela. Un bon Religieux d'une province eloignee, faifant plus d'efforts que les autres , penetra jufqu'au fo- litaire , 8c obtint de lui les eclaircif- feroens qu'il demandoit. M. le Mai,-- |
||||||
■""
|
|||||
I. Part ie. Liv. VI. #5
tre, apres les inftrudions ncceflaires i<j>8~
fur 1'afFaire pour laquelle il le eonful- toit, lui parla d'une maniere ii rou- chante de la profeffion religieufe , de la faintete des voelix qu'il avoir fairs, de l'amour de la retraire, que ce Re- ligieux , qui dans le fond avoir de la piece » rut furpris, & publia par- tout , queM. le Mairre ne parloit plus en homme du Palais , mats en hommc de I'Evangile. Il avoua qu'il lui avoir divert les yeux fur fon etat , & qu'il n'avoir appercu que dep.iis fes avis-, que voulanr mener la vie d'un bon Religieux , il y mertoir 1111 grand em- pcchement par fa demeure a Paris, 8c arrctoit par-la le cours des graces de Dieu. M. le Maine vo'ianr i'erFet qu'avoienr produit fes avis fur ce Re- ligieux , fe fenrit penetre de recon- noifTance envers Dieu , qui daignoit fe fervir d'un novice dans la viefpi- riruelle , pour infpirer aux autres l'a- mour de la folirude. Il donna encore a ce meme Religieux d'autres avis, & fpecialement fur la maniere d'atti- rer l'efprit de Dieu dans fa maifon & d'en bannir celui du monde. M. le Mairre donna une grands
preuve de fon amour pour la retraire >", par la reponfe qu'il fie a la lettre, que. |
|||||
66 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAI.
lui avoic ecrite M. Drifdolle fon irr-
time ami, & homme d'un rare mc- rire, pour lui demander la permiffion d'aller le confuker fur une affaire d'im- porcance. » Monfieur, j'ai tache de recon-
noitre devant Dieu comme je de- vois, le defir que vous me temoi- gnez avoir , de nous venir voir en norre nouvelle vie , & la modeftie qui vous a empeche de le faire. J'ai recu le premier comme une preuve de votre bienveillance, & le fecond comme ime marque de votre affection envers Dieu. Je me re- jouis, Monfieur, de ce que vous. aimez mieux pratiquer la civilite chretienne , qui confide a laiffer vivre les Hermites dans le defert, ' que celle du monde qui porte a les vifiter. Puifque nous ne devons- plus nous connoitre felon la chair, nous ne devons plus nous voir qu'en efprir, fi la charite ne nous y oblige; & comme il y a de la vertu a ne pas detourner les Ec- clefiaftiques des occupations faintes ou Dieu les engage , il y a dn » merite a ne pas troubler l'oifivete > fainte des folitaires. Votre office , » Monfieur , eft d'agir & de parler j |
||||||||
16
|
||||||||
X X V.
letcrj Je M. le Maitrt a M. Drifdolle foil ami. |
||||||||
I. Partie. Liv. VI. 6j
a le notre eft de contempler &c de I(j,^# » nous taire. Vous pnez en travail- » lam pour Dieu ik pour fou Eglife , w & nous travailions en priant. C'eft » ainfi que je prendrai deformais pare » au projet que vous me propofez. Je » n'y puis guere contnbuer que par » les vceux & les prieres , lefquelies » je fouhaiterois etre audi pures que » les actions . . . je vous en dirois » davanrage . . . (I je ne devois avoir » autanc de ibin de reprendre le filen- « ce . . . que vous avez de retenue » pour ne pas interrompre notre foli- »» cude. Je fuis avec relpect, &c. La refolution de carder une entiere
& parfaite retraite rut fi ferme dans ce faint folitaire, que M. de S. Cy- ran lui-meme , follicite par des per- fonnes d'un grand rang , lui ai'ant ecrit pour l'engager a. confentir de voir ces perfonnes qui avoient befoin de fon fecours , fut refufe ; & M. le Maitre lui donna des raifons fi rou- chantes de fon refus dans une lettre qu'il lui ecrivit, qu'il en verfa des larmes & y applaudir. M. le Maitre ne fut pas feul dans xxvi.
fon hermitage. II eut pour compa- Ia"^j gnon M. de Sericourt fon frere , a m. da sic qui Dieu infpira le meme d^K&j |
||||
tf8 HlSTOIRE DE PoR.T-R.dlAt.
*'. , ,17~ qu'a lux. La maniere dont la divine
providence retira des mams des AI- lemands ce jeune Officier pour en faire un parfair folitaire , etanr route miraculeufe , merite d'erre rapporree. tanc.T.i-. PliiiiTbourg oli M. de Sericourt eroit j. 300, ic AiajorlousIegouvernementdeM.Iiaac
Arnauid, frere du fameux Anroine Arnauid pere de la Mere Angelique Sc de Madame le Maitre, fur furpris par les Allemands la nuic du 23 au 24 Janvier 1635 , & a la faveur des glaces, quoiqu'on eur eu foin de les caller jufqu'a rrois fois durant la nuic, n e/i fai-tla ville fur prife. Le Gouverneur no prifonnier i hid'a. pas de fe defendre vaillam-
menr dans une maiion parnculiere , 011 il s'etoir rerranche avec ce qu'il y avoir d'Qfliciers & de gens d'elite dans la garnifon. Senranr enfin qu'il eroit impoflible de renir da vantage-, ils fe rendirent par compofirion , a la charge qu'il leur feroir libre de fc retirer en Fiance. Mais contre la pa- role donnee, on fe failit d'eux, & on les menat dans une ville plus avancee dans le pais pour y erre gardes plus furement. M. Arnauid voi'ant qu'on lui man-
quoit de parole , penfa de fon cote a fe titer des. mains des ennemis. Pour |
||||
I. Partie, Liv. VI. 6$
cela, il engagea fes gardes a jouer ~"V."^~~"
tons les loirs avec lui au Rat, qui eft un jeu oil il faut beaucoup de cordes > & il avoit foin , apres avoir joue , de faire ferrer celle qui avoit fervi , arm que le lendemain elle ne fe trouva pas -, on faifoit femblant d'ignorer ce qu'elle etoit devenue, & il donnoit de l'argent pour en avoir d'autre, dans le deflein d'en amafler tous les jours de nouvelles. Quand il en eut aflez , il prit la resolution avec ceux qui etoient avec lui de defcendre chacun de fa chambre par les fenetres qui donnoient fur les reraparts de la ville, & de-la dans les foiTes , qu'il eut foin de faire fonder par un de fes foldats qui etoit du village d'Andilly & des plus braves de l'armee. Tout etant difpofe , M. Arnauld fe retira dans fa chambre, feignant de s'aller coucher. M. de Sericourt logeoit au-delTus de lui : il lui dit de fe defcendre le pre- mier avec la corde qu'il avoit pnfe, & fe preparoit a le fuivre bientot apres. Comme M. de Sericourt s'etoit n s'cchappe
dechauflTe , pour marcher plus douce- dcla Prifo;l<'
ment & fe mettrefur la fenetre d'ou il devoir defcendre , il laifla par mal- heur tomber un de fes fouliers fur le pkncher. Un des gardes aiant entendu |
||||
70 HlSTOIRE DE PoRT-RoVa!.
le bruit monte aufli-tor en hautpour
voir ce que ce pouvoic etre; inais par .un efret de la providence, ll ne monta pas jufqu'a la chambre de M. de Sericourt, qu'il euc trouve deja paiTe fur la fenetre ou les cordes etoient attachees , & pret a defcendre. II s'ar- rera a la chambre de M. Arnauld , 8c heurta a la porte. M. Arnauld lui aiant demande ce qu'il vouloit; il re- pondir qu'il avoir entendu du bruit, & qu'il venoit voir s'il eroit dans fa chambre. M. Arnauld le renvoi'a en lui difant de le lahTer repofer ; en meme-rems il pric fes mefures pour defcendre com me M. de Sericourt avoit fair. lis defcendirent enfuice les remparrs &c pafTerent le gue. Quel- ques foldats Allemands, qui avoient fervi fous M. Arnauld & qui etoient prifonniers comme eux , mais qui avoient la liberte de fortir , s'etoient evades de jour pour les venir trouver au rendez-vous. lis marcherent cette nuit & les fuivames par des chemius ecartes : etant obliges de pafTer par un endroit oil il y avoit fentinelle, ils furenr arretes ", mais les foldats Al- lemands qui etoient avec M. Arnauld a'iant repondu en langue allemande, au qui va la, on les laifTa pafler , les |
||||
I. P ARTIE. Llv. VI. 71
|
||||||||
prenant tous pour des Allemands qui
|
i6i$.
|
|||||||
alloient joindre l'armee de l'Empe-
reur. » Vous avez bien fait de parler, » leur die-on, lorfqu'on les vint re- » connoitre avec des flambeaux pour » les faire entrer dans la ville ; parce- *» que nous avons eu des nouveiles que « le Gouverneur de Philifbourg s'eft » fauve avec les fiens , & nous avons » charge d'arreter tous les etrangers " qui pafferonr. M. Arnauld fe fauva ainti heureufement avec les liens •, & ils arriverent a Venife , ou ils appri- rent que le Gouverneur qui les avoir lailTe paffer, avoit eu la tetecoupee. M. Arnauld revint en France avec M. de Sericourt, & fe juftifia du re- proche qu'on lui fit d'etre caufe de la prife de Philifbourg. M. de Sericourt commencoit a erre xxvn.
^branle , en confideianr les perils qu'il J £J3J avoit courus , &c dont Dieu l'avoit par la vuc des tire d'une maniere fi extraordinaire : ^"f'k'lTic il fut aufli touche par le recit que lui uie. fit un Gentilhomme de leur compa- gnie, qui s'erant arrete derriere une haie pour quelque befoin , fut furpris paries ennemis, quile depouillerent &c le maltraiterent tellement qu'ils le laif- ferent pour morr. Il en revint nean- moins par les foins d'une bonne fern- |
||||||||
71 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" j5 ,yt me , qui le fecourut. Il fe trouva la
cavnpagne fuivante au fiege de la Capelle, oii il raconta lui-meme fon avanture a M. tie Sericourt , qui en fut etonnc & admira la conduite de Dieu fur iesames. M. de Sericourt fut encore frappe de l'exemple de M. de Saci fon frere, qui commencoit deja a faire paroitre beaucoup de vertu fous la conciuite de M. de S. Cyran , fous laquelle il s'etcit mis peu apres la pnfe de Philifbourg. Car apres ce defaftre, M. de S. Cyran erant venu voir Madme le Ma? tre a P.R. oilelle etoit deja retiree, pour la confoler, apres plu- iieurs difcours elle lui die : J'aiun fits , rexcmpi.e »• parlant de M. de Sacy , que j'ejpere JUM.deSacy „ devoir fe donner a Dieu; c'efl l'u-
quis'eioitrais . J r •/r>
iois la con- " mque conjoLation que vous puij/ie^
duitedeM.de „ mt Conner d-prefent, que d'avoir la S. Cyran le . , • c » j r •
frappe forte- » bonu de le voir <y d en prendre join.
|
|||||||||
ment.
|
|||||||||
M. de S. Cyran la vo'iarrt fi affligee
lui repondit : » Dans fetat ou vous » etes , je ne puis rien vous refufer , » envo'ie^-le moi, & je le verrai. Ainfi Dieu , dont la grace a des fecrets mer- veilleux , fe fervit de la piere d'une mere affligee & du malheur de M. de Sericourt, pour attirer M. de Sacy a fon fervice; comme il fe fervit en- fuite de fes ptieres , & de fon exem- ple,
|
|||||||||
I. Pah tie. Llv. VI. 7?
pie pour y attirer M. de Sericourt ""T^TS—' lui-meme. M. de S. Cyran n'eut pas plutot connu M. deSacy , qu'il i'aima 8c l'eftima. ^ Car quelque -tems apres , etant tombe fort malade , Madame fa mere aiant dit dans l'exces de fa dou- leur a M. de S. Cyran , qu'ellen'en ef- peroit plus rien , il lui repondit : Comment n'en efptrer plus rien J Save{- vous bienque ce feroit peut-itre la plus grandeperte que I'Eglije put /aire ? M. de Sericourt , deja ebranle,
commenous venons dele dire , par la conduite extraordinaire de Dieu a fon egard, & par lexemple de M. de Sacy , fut tellement touche de celui de M. le Maitre fon aine , qui avoir renonce au Barreau pour fervir Dieu dans la retraite , qu'il renonca lui- meme a la profeffion des armes pour fe joindre a fon frere , &c ne le quitta plus depuis. » Dieu, dit M. Fontaine (6), qui XXVII.
» fait les chofes avec une admirable V****fk » fagefle, avoit prepare a M. le Maitre «££ M£ » dans fon defert, une merveilleufeS?suecM-de '« confolation dans M. de Sericourt s'rico'm- » fon frere. L'exemple de la conver- > » fion d'un Avocat fi fameux , & qui
„ avoit jette un fi grand eclat, eut («1 Tome I. page 7, & fuiy.
Tome II. j)
|
||||
74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
»» neanmoins dans le Palais peu de
» perfonnes qui le fuivirent. Peu de » ces Savans 8c de ces Sages de ce, » monde, de ces Doctes & de ces » Orateurs , fe rendirent a cette voix, " pour fe foumettre humblement au " joug de Jefus-Chrift, Ilfut plusaife " de trouver dans la profeflion des - armes des imitaceurs de fa peni- •» tence. " Dieu dans le commencement de
» fes nouveaux defTeins , prevoiant,
»» comme il fit d'abord a la naiifance
«» du nouveau monde, qu'il n'etoit
»» pas bon que cet humble penitent,
» qu'il vouloit rendre comme le pere
» de plufieurs folitaires , demeurat
»» feul , fufcita M. deSericourt d'en-
**. tre fes freres pour lui tenir compa-
•» gnie .... Aux premieres nouvelles
•» qu'il rec^it, etant a l'armee, du chan-
» gement ii furprenant & fi peu at-
»» rendu de M. fon frere, il n'en fut
» pas moins furpris que tout Paris
•» 1'avoit ete. Il eut fouhaite d'etre a
» portee de voir ce qu'il enrendoit;
» mais il lui fallut attendre que les
» troupes prilTent leur quarrier d'hi-
» ver , & pendant ce terns il roulok
» bien des penfees dans fon cceur.
» Des qu'il fut de retour a Paris »
|
||||
I. Par tie. Liv. VI. 75
il vintau plus vice voir ce cher frere I(J,^ qu'il aimoit tendremenc. Quand xxvin" il vit M. le Maitre dans cette ef- Encrevuede pece de tombeau , 011 ils'etoit enfe- M- ie.stc\~ r .. . . . court K de
veh tout vivant, &c dans un air lugu- m. le Maine.
bre de penitence qui l'environnoit, il
en futfaifi, & avec des yeuxetonnes
il cherchoit M. le Maitre dans la
perfonne qu'il voioir, & il ne le
trouvoit pas. M. le Maitre remar-
qua fon etonnemenr, & d'un air
gai, mais tout de feu, il lui die
en I'embraflanr, eh ! me reconnoiiTez-
vous bien , mon frere J Voila M.
11 le Maitre d'autre fois. 11 ejl mart
au monde, & il ne cherche. plus qua
mourir a lui-meme; j'ai affe{ parle aux
hommes dans le public , je ne cherche
plus qua parler a Dieu. Je me fuis
tourmente fort inutilement a plaiderla
caufe des autres ; je ne plaide plus
que la mienne aujourd'hui , dans le fe-
cret & le repos de ma rettaite. J'ai
re nonce a tout, il n'y a plus que mes
proches qui partagent encore mon cceur.
Je voudrois bien qu'il plut a Dieud'e-
tendrefur eux les graces qu'il m'afaites.
Vous , mon frere , qui paroifft^fi fur -
oris de me voir dans cet etat, me/ere^-
vous le mime honneur que quelques-uns
mi font dans U monde, qui croient 6*
d y
|
||||
76 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
*TT~o publient que jefuis devenu fou ? » Non
» furement mon frere, dit M. de Seri- al court, je ne vous ferai point cet » honneur. Nous avons ete eleves « d'une maniere n* chretienne , que » nous ne pouvons ignorer qu'il y a » de fages folies. Je mets la votre » de ce nombre. Des qu'on m'a dit " cette nouvelle a. 1'armee , j'ai fou- « hake bien des fois de pouvoir vous » imiter. Je ne vous cele pas que je » venois ici plus qu'a. demi rendu , » mais ce que je vois, acheve tout. Que pretendois-je avec toutc mon elo- quence , ajouta M. le Maitre, & que pritende^-vous auffi de mime avec tous vos travaux & tous vos combats ? J'a- mais je ne me fuis trouve plus heu- reux que depuis que je nai plus en- dojje ma robe. Vous eprouvere^furement le meme bonheur ,Jivous vouh[ renoncer a L epee. xxix. Pendant cet entretien, Dieu ache- ewmakure va en fecret ce <p'il avolt commence
fes femimens d'operer dans le cceur de M. de Seri- ^M.fonfte-court t & it t^moigna a fon frere qu'il |
||||||||
li
|
||||||||
ne penfoit plus a la guerre. Il avoit
deja pafle huit ans dans la profeffion des armes , & traitoit alors d'une charge dans un vieux Regiment. Par une refolution fi foudaine & fi gene- |
||||||||
I. Part ie. Liv. VI. 77
reufe , il combla de joie un frere qui —~— defiroit fa converfion avec ardeur , & 3 une mere admirable qui avoit tache mi lie &c mille fois de l'enfanter a Jefus-Chrift , comme etant celui de tous fes enfans pour qui elle avoit toujours reirenti une tendrefte parties Here. M. Fontaine rapporte dans fes Memoires la lettre fiuvante de M. de Sericourt a M. de S. Cyran , pour lui faire (7) part de fes difpofitions 8c du deffein qu'il avoit d'imiter l'exemple de fon frere. » Monfieur , fi }e pouvois avoir x x x.
» le bonheur de vous voir, je meaJtwcotirU » jetterois a. vos eenoux , & mettroisM- dc «• <-v 1 t \ • 1 ran.
»> mon epee a vos pies comme mon
« frere y a mis fa plume. Je fuis re- s' folu d'imiter l'exemple qu'il me « donne , & de marcher fur fes pas. *» Je n'ai plus d'autre penfee que de « fuivre Jefus-Chrift comme mon » general , le chef & le prince des " penitens & de tous ceux qui fe » fauvent par la penitence. C'eft dans " ce deffein que je fuis refolu de » quitter le monde & de m'enfermer » dans la folitude , pourvu, Mon- » fieur, que vous le jugiez a propos , » ne voulant rien faire que par vos »» avis & ceux de M. Singlin. (7) Tome 1. p. 81. D U) |
||||
78 HlSTOIRE DE P0RT-RO1AI.'
» Comme la converfion de mon
» frere a beaucoup contribue a la » mienne___je manquerois a la re- .
» connoiffance que )e vous dois , u
v mon frere vous etant ii redpvable " de la grace que Dieu lui a faite » par votre entremife , je ne recon- » noiflbis de meme l'obligation que " je vous ai de ma converfion qui eft " une fuite de la fienne. Si je pou- » vois obtenir de vous la grace d'a- » greer que j'allalTe m'enfermer avec » vous dans votre prifon , pour vous w y rendre tous mes humbles fervi- »> ces, j'efpere que vous verriez avec » quel cceur je le feiois .... Que fi « je ne merite pas cette faveur , troa- " vez bon du moins que je me retire » avec mon frere pour profiter de " fes exemples. Je iai combien vous M l'avez dans le cceur , & je m'efti- " merois bien heureux, fi vous ne >j vouliez point feparer de votre cha- « rite ceux que la nature a deja fi » etroitement unis, & que j'efpere que » la grace unira encore davantage. Cette lettre fuppofe que M. de S.
Cyran etoit alors a Vincennes, ce qui eft faux , puifqu'il vit M. de Sericourc avant fa detention, qu'il leplacalui- meme avec M. le Maitre aux Char- |
||||
I. Par.tie. Llv. Ft. jt>
treux ; & lorfque ces deux folitaires x <S 3 S - eurent quitte cette premiere retraire pour habiter lelogemenr que Madme le Maitre leur mere leur avoir fair batir a P. R. de Paris , ce pieux Abbe leur rendoir de frequenres vifites (8). Ce font des fairs certains , atteftes par M. Lancelot remoin oculaire. Ainu il faur croire que M. Fontaine , qui n'a ecrir fes Me moires que fur la fin de fes jours, s'eft rrompe , & que fa me- moire ne lui a pas ere fidelle en cetre occafion. Le fupplement au Diction- naire de Moreri a fait la mime faute que M. Fontaine fur l'epoque de la converfion de M. de Sericourr , en la mettant apres la detention de M. de S. Cyran , quoiqu'elle l'ait certai- nement precedee. M. le Maitre & M. de Sericourt xxxi.
vivoient dans leur retraire , ne pen- n^rSdfoiimi fant plus qu'a fe fandifier par les exer- res de p. r. cices de la penitence. Us avoient avec eux M. Singlin , M. Lancelot, qui s'e- toient joints a eux le zo Janvier 1638, dix jours apres qu'ils furent entres dans leur hermirage pres de P. R. 8c M. Gaudon, a qui Dieu ne fit pas la grace de donner la perfeverance. M. le Maitre & M. de Sericourt vivoient (8) Lane. Tome I. p. 3i. Tome II. page 171.
D iiij
|
||||
So HlSTOIRE DE PoRT-ROlAi.
chacun feparement dans leur chafn-
bre comme des Chartreux. On ne les voi'oit que la nuit, qu'ils venoienc dans la chambre de M. Singlin pour dire les Matines tous enfemble, une heure apres minuit. lis difoient le Tc Deurn tout haut, & le refte a voix bafle en pfalmodiant. M. de S. Cyran etoit charme de ,
voir ce petit nombre de perfonnes , qui n'avoient d'autres penfees que de fervir Dieu en efprit & en verite , dans un tems ou cette grace etoit Ci rare : & ces folitaires paroillbient eux- memes combles de joie, tant etoit grande l'abondance des graces dont il plaifoit a Dieu de les favorifer , & la paix dont il rempliflbit leurs coeurs (9)^ » J'etois extremement touche , die
31 M. Lancelot , de la charite de M. » le Maitre, de la douceur de M. de » Sericourt , & de Fhumilite de M. » Singlin •, mais fur-tout la pauvrete » des Religieufes me raviuoit. Car » fouvent elles n'avoient pas un quart » d'ecu pour envoi'er au marche; &c » n'etant riches qu'en vertus , elles » menoient une vie toute celefte dans » un fi grand eloignement du mon- i> de, que leur maifon n'etoit prefquc if) Lane. Tome I. page 36,
|
||||
I. Parti e. Liv. VI. Si
» pas connue, 8c qu'il n'y Venoic
t» prefque perfonne. C'etoit en ce » tems-la que Dieu leur avoic fait la « grace de fe reunir parfaitement par » Pentremife de M. de S. Cyran , m apres ces petites divifions qui » avoient ece caufees par M. de Lan- »» gres , peut-etre plutot faute de lu- >» miere que par mauvaife volonte. » Vous favez , mon Sauveur , conti- 3j nue M. Lancelot, combien je fus » penetre de voir la ferveur avec la- s' quelle des filles foibles rentroient » dans l'humiliation & Paufterite de m la penitence, par le defir de fe »» renouveller devant vous. Car c'e- >» toit alors le tems favorable pour m cette fainte maifon , auquel Dieu » avoit determine de repandre abon- » damment la rofee dans route fon »» aire, jufqu'a la faire paffer au-de- »» hors du monaftere & i en corn- er bier meme les enfans du dehors 8c » du dedans qui y etoient eleves. L'un de ces enfans qu'on elevoit au- p dehors , etoit M. Bignon depuis Avo- cat general , fils & heritier des vertus comme de la charge de Jerome I. fon pere. Au dedans etoit Mademoifelle Catherine Henriette de Lorraine fceur du Due d'Elbceuf, laquelle quoique D x
|
||||
8 l HlSTOIRE" DE PoRT-ROlAI.
T~Z— tres jeune s'exercoit dans les offices les
plus bas du monaftere , & oublioit fa
qualite de PrinceiTe , jufqu'a faire les
fouliers des Religieufes (10).
xxxii. M. de S. Cyran prenoit la peine de
preSnoitSMqdeeVenirde deUX )'OUrS rUn i P' R; °"il
s. cyran pour voiott quelques-unes des Religieufes.
Pl R' II alloit auffi entretenir les folitaires
chacun dans leur chambre. II voioic
meme quelquefois les enfans, pour
favoir comment tout alloit, & leur
dire quel que parole d'inftruction : un
jour les trouvant qui etudioient leurs
vers de Virgile , il leur dit : » Voi'ez-
» vous cet Auteur la• Il s'eft damne.
» Oui, il s'eft damne en faifant ces
3j beaux vers, parcequ'il les a faits
j> par vanite & pour plaire au monde •,
» mais vous il faut que vous vous fanc-
» tifiiez en les apprenant , parcequ'il
m faut que vous les appreniez pour
« plaire a Dieu, & pour vous rendre
33 capables de fervir l'Eglife. C'efl
33 pourquoi il faut toujours ofFrir vo-
« tie etude X Dieu , & etre fideles a
33 emploi'er ce terns : car tout ce que
33 nous n'en rempliiTons pas pour
3, Dieu , eft pour le Diable , & il le
(to) Elle mourut agee P. R. page 407 , & la
ic 11 ans 1'an t«4< a lettre ?j que M. de S.
P.R. etant encore novice. Cyran lui ecrivit de fa
Voi'ez le Necrologe de prifon.
|
||||
I. Partii. Ltv. VI. 83
» prend pour lui. Il difoit aux foli- taires, qu'il n'y a point de plus gran- de charite, que celle qu'on rend aux en fans, parceque c'eft l'age le plus tendre & le plus facile a fe deregler: mais qu'il y falloit une grande charite, une grande patience , une grande fa- geffe , & une grande affiduite , 8c qu'il falloit continuellement les appli- quer au bien , pour les empecher de tomber dans le mal, en imitant la conduite de Dieu fur fes Elus, qui ne font le bien qu'autant qu'il les y ap- plique par fa Penfez-vous, » difoit-il un jour a M. Lancelot, *» parceque vous voiez ici le fils de 3» M. Bignon, que ce foit en confi- " deration de fon pere , ou feulement » parceque c'eft mon ami; Ce n'eft « point pour cela. C'eft pour tacher » de l'elever chretiennement, & de » conferver fon innocence •, & il » ajoutoit : Voila mes neveux , pour- » quoi les ai-je pris chez moi ; Eft-ce " uniquement parcequ'ils font mes » neveux ? Nous avons , Dieu merci, » des penfees plus relevees , & il nous » fait la grace de ne regarder que « lui. S'il arrivoit que M. de S. Cyran
fut incommode ou qu'il ne put venir D vi
|
||||
8 4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
■—— a. P. R., il avoit foin d'envoier cher-
' cher les folitaires pour leur dire quel- que chofe de bon, & pour favoir s'il n'y avoit rien qui leur firpeine. Car ia charite le tenoit fans cefle occupe aux foins des ames que Dieu lui avoit confiees. Lorfqu'on etoit chez lui, &c qu'on n'avoit rien de particulier a lui dire , il ouvroit fa bible , & lifoit lui- meme quelque chofe •, car les entre- tiens inutiles n'avoient pas lieu avec lui. Le jour qu'il venoit a P. R., il lifoit le livre de S. Auguftin de la ve- ritable Religion avec M. le Maitre & .M. de Sericourt. Il difoit a M. Lan- celot que cela etoit contre fa maxime de faire lire des livres fi elevesaceux qui commencent, mais que M. le Maitre etoit un efprit fort, & qu'il avoit ete plein de la fcience du mon- de , qu'ainfi il avoit juge a propos de lui donner quelque chofe de plus ele- ve, afin qu'il apprit a meprifer les autres fciences. Il ajoutoit a M. Lan- celot , que s'etant trouve avec M. le Maitre , cela l'avoit engage a lui don- ner les memes lectures. Il lui faifoit audi lire les ouvrages de S. Auguftin contre les Pelagiens, avec M. Hai'tze fon fecond neveu , M. Singlin & M. Gaudon. Il voulut meme pour cet efFet |
||||
I. Parti?.. Liv. VI. 8 5
que M. Lancelot re$ut de fa main les i(j?8,
opufcules de ce Pere contre les Pela- giens. Cetouvrage etoit extremement rare , n'y ai'ant pour lors que l'edition de Louvain, que M. de S. Cyran avoit prefque toute enlevee. M. Lan- celor , qui l'avoit cherche inutilement par tout Paris, depuis qu'un ami lui avoit infpire une eftime particuliere pour cet ecrit, fut fort furpris quand M. de S. Cyran eut la bonte de lui faire ce prefent, 8c il admira en cette occafion la conduite de Dieu &c fa providence , qui lui faifoient trouver aupres de ce faint Abbe tout ce qu'il pouvoit defirer , comme pour lui faire connoitre qu'il etoit entre les mains de celui par l'entremife duquel il avoit deflein de lui departir fes graces. Outre ces le&ures , M. de S. Cy- xxxin.
ran leur faifoit audi des conferences ; m. des. cy- fes difcours etoient fi edifians & fi conferences pleins d'on&ion , fur-tout lorfqu'il *"* foUuitw, expliquoit quelqu'endroit de l'Evan- gile , que M. le Maitre &M. Singlin en etoient ravis. Ces difcours n'etoient point etudies , & ne venoient que de fa grande plenitude; audi avoit-il coutume de dire , qu'il n'y avoit rien de plus dangereux que de parler de Dieu par memoire plutot que par U |
||||
tS HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
mouvement du cceur. Il reprit une fois M. Singlin de ce qu'il faifoit trop de mouvement dans fes fermons, lui difant qu'il devoir craindre qu'il ne s'y melat quelque chofe de trop hu- main. Pour lui, il ne donnoit jamais que de fon abondance comme S. Ber- nard ; & ce qu'il difoit, n'etoit qu'une effiifion continuelle de fon cceur qui fe repandoit fur fes Audireurs. Sa maniere de lire l'Evangile etoit fim- ple, il n'y apportoit qu'une grande pu- rete de cceur , & une grande foumif- fion a l'Efprit faint qui y parle. La lifant avec de telles difpoiitions , il y decouvroit fouvent des verites fi fu- blimes , qu'il difoit alors par une ef- pece de tranfporr : J'ai irouvi au- Jourd'hui un paj/agc quejene donmrois pas pour dix milk ecus, parcequ'il n'avoit point d'autre dcfir que de s'avancer dans la connoilTance de la verite. Si M. de S. Cyran touchoit fi fort
le cceur , c'eft que fon efprit n'etoit pas moins attentif a Dieu en parlant qu'en erudiant , afin de ne recevoir que de lui ce qu'il vouloit dire. On Pa vu fouvent , apres s'etre eleve comme une aigle , s'arreter tout court, 8c de peur que cela ne furprit, il di- |
||||
I. Par tie. Llv.Vl. tf
foic: » Ce n'eft pas que je ne trouve » rien a dire , mais c'eft au contraire » parcequ'il fe prefente trop cle cho- » fes a mon efprir, &c je regarde » Dieu pour voir ce qu'il eft a propos » que je vous dife. Ainfi fes paroles , auffi-bien que fes lectures, en un mot, toute fa vie devenoit une oblation continuelle au Seigneur , ne faifant 8c ne difant rien de lui meme, & penfant toujours a l'Efprit faint avec une humilite profonde , afin de n'agir qu'en lui & par lui. II fit une confe- rence admirable le jour delaconver- fion de S. Paul : M. Lancelot qui y avoit affifte, voulut en ecrire quelque chofe •, ce qu'un des folitaires aiant rapporte a M. de S. Cyran, il lui rcpondit : » Comment auroit-il pu « le faire , puifque quand j'ai ete ici » de retour , j'ai voulu moi-meme » en mettre quelque chofe fur le pa- » pier, & je ne l'ai pu? L'efprit de « Dieu , difoit - il , eft quelquefois » vadens & non rcdiens, un efprit » qui paflfe & ne revient plus. Il a » fes heures , ou pour mieux dire , » fes moraens. C'eft a nous a l'a- » dorer & a le fuivre quand il fe » prefente. Il avoic accoutume de regarderfes
|
||||
$8 HlSTOIRE DE PoRTROlAE.
"'.s,* difcours & fes ouvraees, comme ii
1635., • i / i. ° /->»/■ XXXIV auroitregarde ceux dun autre. C etoir
M.des. cy-fa maxime , que quand une chofe
ran nc regar- ^t0[t fcte u lafalloh ptrdn en Dieu, doit point , , > , i J
fes ouvragesen n yjpeniant plus que pour y adorer
comme cunt fe$ £om . Jg fone ^'^ parl0ic jn_
differemment de ce qui venoit de lui,
parcequ'il ne le regardoit pas comme etant plus a lui qu'a un autre, par l'entremife duquel Dieu l'auroit fait. C'eft, dit M. Lancelot, ce qui peut fervir de reponfe a ceux qui ont re- marque que M. de S. Cyran parloit fouvent de lui-meme dans fes lettres ; car Tame qui eft veritablement unie a Dieu fent bien que tout vient de lui, & que c'eft a lui feul qu'il en faut rendre toute la gloire. D'ailleurs M. de S. Cyran n'ecrivoit ainfi qu'a fes amis fans s'imaginer qu'on rendroit fes let- tres publiques ; & il yabeaucoup de chofes qu'il ne leur difoit que pour leur propre confolation & pour mo- derer la douleur qu'ils avoient de fa captivite , par la part qu'il leur faifoit de la fermete que Dieu lui donnoit , & des fentimens d'une generofite chre- tienne dans laquelle il le faifoit vivre. - M. de S. Cyran mettoit auffi fur le papier les penfees qu'il plaifoit a Dieu de lui donner, foit dans l'oraifon, |
||||
I. Parti*. Liv. VI. 89
foit dans les autres rencontres , Sc il difoit une fois : » helas ! je ne les » regarde prefque jamais , mais je » loue Dieu en les ecrivanr, & je lui » fais un facrifice de ce qu'il me don- " ne. A quoi il appliquoit quelquefois ces paroles du Pfalmifte : Reliquiae cogitationis diem fejium agent tibi : Seigneur , le fouvenir des penfees que vous aurez donnees a l'homme , le tiendra dans une reconnoillance & com me dans une fete continuetle de- vant vous (11). Enfin M. de S. Cyran etoit comme
un depofitaire & un difpenfateur fi- dele , qui ne s'approprie jamais les biens de fon maitre, mais qui a grand foin de les faire profiter. De-la eft tenu ce grand nombre de lettres qu'il a ecrites a tant de perfonnes de toutes conditions qui s'adreflbient a lui pour le confulter 5 cette multitude de pen- fees fur toutes fortes de fujets, fur les fetes, fur les dimanches, fur la Sainte Vierge , furies Saints, furies Martyrs; cette quantite de points fur la mort , fur la pauvrete , fur le Sacer- doce , & fur une infinite d'autres fu- jets. Les lumieres que Dieu lui donnoit fur tant de points differens font voir • (;i) Pfeaume 75.
|
||||
---------------■
|
|||||
f)0 HlSTOlRE DE PoRT-ROIAf..'
-——-—que Dieu l'avoit choifi, corame ufi
16 3 ° • autre Elie , pour renouveller routes chofes dans fon Eglife. En effet, il a cte comme la premiere fource de tout le renouvellement qui seft rait en France dans la connoKTance des Veri- tas de la grace, & dans la pratique de la Penitence. La verite etoit fi peu. connue que prefque perfonne n'en parloit, que Ton n'en decouvroit au- cune trace dans la pratique , & qu'il falloit l'annoncer par parties pour ne pas rebuter. » Quoique Ton nous donnat de fort
» belles inihu&ions, dit M. Lancelot, » on ne nous decouvroir la verite a » nous-memes que par parties, pour » fe pioportionner a nos foibleiTes , » & pour ne nous pas etonner. Ainfi » je fus long terns fans favoir en " quoi confiftoit le principal de la » penitence : & l'ai'ant plus dans le » coeur que dans l'efprit, je m'ima- » ginois qu'il n'y avoit qu'a faire » beaucoup d'auiterites , lefquelles " neanmoins on ne vouloit me per- » mettre qu'avec beaucoup de mode- » ration. Je ne cms pas meme m'etre » confefTe en me confeiTant la pre- » miere fois, parceque cela ne fe fit » que par forme d'entretien, M. de |
|||||
I. Pas.tie. Liv. VI. 91
'■» S. Cyran m'aiant feulement temoi- *> gne qu'il etoit necelfaire pour me » conduire qu'il fut le general de ma » vie (12). » La premiere fois que je decou-
» vris quelque chofe de la penitence, » fut comme on nous lifoit quelques » homelies de S. Cefaire Archeveque » d'Arles , 011 il marque clairement » la feparation de l'Eucharircie ■, je me m mis a dire : Hi doit vient quon » ne fait plus cela? Que ne travaille- » t-on comme. on faifoit alors ? Pour » moi il me femble que j'en aurois « de la confolation. M. Singlin vo'iant M. Lancelot dans cette difpofition, le laifia faire, & confentit qu'il ne communiat point a la fete de la Puri- fication ; il paffa de meme le carcme pratiquant avec joie tout ce qu'il pou- voit decouvrir de la veritable peni- tence. 11 vouloit meme pafTer un terns plus long dans la feparation de l'Eu- charifte, mais M. de S. Cyran s'yop- pofa, & le fit communiet le Jeudi faint. M. Lancelot avoue qu'il ne ref- fentit jamais plus de joie, & jugea par-la que Dieu fe plaifoit a lui faire gouter ce que c'etoit que de recevoir fe corps de fon Fils apres la preparation (11) Tome I. page 50.
|
||||
J 2 HlSTOIRE DE PoRT-RoYAI.'
Kjjg. de quelque petite penitence.
M. de S. Cyran continua toujours a
venir voir les folitaires jufqu'a fa prifon, foit pour les entretenir en particulier , foit pour leur faire des conferences en commun. II vit M. Lancelot le jour de Paque , &c voulut qu'il communiat a. la grand'Mefle de P. R. ce jour-la & les fetes fuivan- tes , & luii ordonna de continuer a le faire fetes 8c dimanches , ce qu'il pra- tiqua toujours depuis. xxxy. Le demon ne put fouffrir tanc unIo^>c™-<^'exemP'es devercus,& s'irrita bien-
ue m. de s. rot contre cette nouvelle force de fb- yrin" litaires , done il craignoit pour fon empire la bonne odeur qu'ils repan- doient. Pour les traverfer , il fit ce . qu'il a toujours fait en pared cas , il s'attaqua au chef, qu'il regardoit comme la caufe de tant d'effets qui lui deplaifoient. Il ouvrit beaucoup de bouches, & arma beaucoup de perfonnes contre lui. On publia que e'etoit un homme qui troubloit les confeiences , qui innovoit dans l'E- glife, qui r^pandait en fecret des maximes pernicieufes, qui vouloit renouveller la pratique de la peni- tence publique , & cent autres chofes femblables que la calomnie ne man- |
||||
I. Paxtii. Liv. VI. 9j
que pas d'emploier. On fe plaignoit
au Chancelier de ce qu'il avoit' ravi M. le Maitre an Barreau & arrache d'entre fes bras un Avocat fi celebre. Ces plaintes groffiflbient, & un grand n ombre de faux devots cabalerent contre lui. Enfin on s'adrefla au Car- dinal de Richelieu, qui avant que d'etre dans la fouveraine puiflance ou il etoit elevc, avoir connu & eftime le merite de M. de S.Cyran. Il avoir meme fouvent rente de le gagner, mais inutilement, parceque e'etoit un homme fans prife , que ni les careffes ni les menaces n'ebranloient. Cette fermete inflexible avoir deplu a un homme qui vouloit que tout pliat fous lui, & il n'eut pas beaucoup de peine a entrer dans les vues des en- nemis de cet Abbe. Voila. l'orage forme, il ne tarderapas a fondre. Quelques jours avant l'Afcenfion,
comme i'on eut avis par M. d'An- dilly & par M. l'Abbe de S. Nicolas d'Angers fon frere, que Ton formoir quelque deflein contre la perfonne de M. de S. Cyran, ii s'appliqua plus particulierement a. inftruire les loli- taires , ne fachant combien il lui reftoit encore de terns a le faire. Il vint encore dire la Mefle a P. R. le |
||||
94 HlSTOIRE DF. PORT-ROlAI.
i6iS. iour ^e l'Afcenfion. II fit le meme
jour jufqu'a trois conferences , imi- tant le fils de Dieu , qui voi'ant ap- procher l'heure ou il devoit etre pris, fit a fes difciples des difcours plus longs & plus releves ; & a l'exemple de l'Apotre S. Paul, qui paiTant pres d'Ephefe, & prevoiant ce qui devoit lui arriver, fit appeller a Milet les Pre- tres de cette Eglife & les Eveques voifins , & paiTa la nuit a leur donner des inftructions utiles. Il y a apparence que M. de S.
Cyran avoit quelque presentiment de fa detention, car ce meme jour , par- lant a M. leMaitre, il lui dit : pour aujourd'hui il ejl trop bon jour, mats pour demain jc ritn reponds pas. Le foir comme il faifoit toujours lire chez lui un chapitre de lEcriture , on tomba fur cet endroit de Jeremie ; Ecce in manibus vejlris fum , facite quod bonum & rectum efi in oculisvejiris, c. z6. v. 14. Je fuis entre vosmains, faites-moi ce qu'il vous plaira; & il dit, voila pour tnoi. xxxvi. ^n effet •> des deux heures apres mi- M.ieS.cv-nuit, fon logis fut invefti par les Ar- an e arret ■ c^eI:s ju chevalier du Guet. Il femble qu'on leur eut donne la meme de- fiance de M. de S. Cyran, que Judas |
|||||
\
|
|||||
I. P A rt ie. Liv. VI. 95
*voit donne aux Juifs touchant Jefus- ~ Chrift; car comme s'ils euflent eu lb')0' peur qu'il ne leur echappat, ils vin- rent au nombre de vingt-deux, & fe mirent en fentinelles de tous cotes dans les jardins d'alentour; niais comme ils virent que rien ne remuoit dans cecte maifon, qui etoit une maifon de paix & de priere, ils vinrent fur les fix heures frapper a la porre & demanderent a parler a M. de S. Cy- ran. Dans ce moment meme il lifoit S. Auguftin avec fon neveu , & etant tombe fur quelques pafiages qui re- gardoient la contrition , qui etoit le pretexte dont on fe fervoit pour l'op- primer , il die : Voila pour nous, voila. de quoi nous difindre. Ji on nous attaque. A peine eut-il acheve que le Chevalier duGuet entxa, & apres avoir fait fon compliment avec beaucoup de civilue a M. de S. Cyran , il lui dit d'un ton bas l'ordre qu'il avoir de le faire monter dans un carofle qui lattendoit. M. de S. Cyran re- i,eftcondlll, ^onair quu ie foumettoit voloutiers A vice innes- a cet ordre , & fans paroitre furpris en aucune maniere , il le prit par la main, & lui dit dune voix ferme • » Allons, Monfieur, ou Ie Roi me » commande d'aller, je n'ai poinc |
||||
96 HlSTOIRE DE P0R.T-R.OlAt.
l^,2, » de plus grande joie que lorfqu'il
» fe prefente des occafions d'o- » beir. C'etoit le vendredi 14 mai 1638, le lendemain de l'Afcenfion. M. d'Andilly qui etoit venu le jour de cette fete dire adieu a M. de S. Cy- ran, pour s'en aller le lendemain dans fa maifon de Pomponne , le rencontra heureufement dans le pare de Vin- cennes , 011 on le menoit. S'etant ap- proche du caroiTe , & ne fe defiant de rien , parceque les Gardes avoient re- tourne leurs cafaques, ce qui faifoit qu'on ne voi'oit pas que ce rut un pri- fonnier d'Etat , il dit gaiement a M. m. d'Andii- de S. Cyran -, Ou alUt~vous mener tous ly rencontre ces geris-ci ? il lui repondit: Ce font ^n_e y eux au contraire qui me menent; je me regarde plutot commt prifonnier de Dleu , que comme prifonnier des horn- mes. Aurefte, ajouta-t-il, ilsfonttel- lement precis , que je n'ai pu prendre un livre. M. d'Andilly avoit a la main les confeflions de S. Auguftin, & il lui dit, tene^ , en void un , dont vous m'avei fait prefent autrefois, il faut que je vous le rende. Enfuite le Che- valier du Guet, qui etoit ami de M. d'Andilly, leur permit de s'entretenir enfemble, apres quoi ils s'embrafTe- rent, comme ne devant plus fe revoir, &
|
||||
I. Partie. Liv. FT. 97
6c M. de S. Cyran fut conduit dans 1638,
le Chateau & misau donjon. M. d'An- dilly etoit des-lors (1 connu &c fi con- fident a la Cour meme pour fa vertu & fon integrite , que lorfque la refo- lution darreter M. de S. Cyran fut prife entre le Cardinal de Richelieu, le P. Jofeph Capucin , & M. Sublet des Noyers Secretaire d'Etat,l'un d'eux dit: mais qu'iti dira M. d'Andill-j ? cant la vertu eft redoutable aux medians , quoiqu'elle ne les retienne pas tou- jours , comme on le voit par phuleurs exemples. Depuis long-terns forage fe for- ^,xxyn-,
moit contre M. de S. Cyran, &c n IVmpiifon^ fembloit que toutes fortes de perfon- f"u^e M' nes euflent jure la perte. Mais les me- chans font obliges malgre eux d'at- tendre les momens ou Dieu leur per- met de mettre a l'epreuve la vertu de ceux quiluiappartiennent. L'heure eft venue & le ferviteur de Dieu doit etre eprouve dans le creufet des fouffrances 8c des tribulations. Ce faint Abbe Premier ai- comptoit jufqu a dix-fept caufes demc" fon emprifonnement, toutes auffi in- juftes les unes queries autres; M. d'Andilly, qui en a.marque plud^urs dans un papier figne de fa main , fem- ble, dit M. Lancelot, n'avoir pas con- Tomt II. E« |
||||
98 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
nu les principales. » L'on peut bien
„ dire en general,, que ce Cardinal » apprehendoit la generofue d'un m Iiomnie , qu'il n'avoit jamais vu » afl~ez intereffe pour lui donner ef- » perance de le pouvoir acquerir (1 j). « Mais la veritable raifon qui l'em- » porta , fut la crainte que fon Emi- » nence avoit, que M. de S. Cyran » n'ecrivit contre lui , parcequ'il n'i- » gnoroir pas que ce pieux Abbe fa- » voit de certaines particularites de » fa vie, qui n'etoient pas connues » du public. Mais les penfees des » ferviteurs de Dieu font bien dirFe- » rentes de celles des autres hommes •, »> & ce qui les peut faire gemir devant » Dieu , ne les fait pas pour cela » parler devant le monde. M. de S. Cyran avoit connu le Cardinal de Richelieu des le terns qu'il etoit Eve- que de Lucon (14) , parceque M. de Lugon venoit fouvent fe divertir chez M. de la Roche-Pofay Eveque de Poi- tiers , dans la maifon duquel demeu- roit M. du Vergier de Hauranne. Dieu fe fervit meme de M. de Lucon pour procurer a .M. l'Abbe de la Cochere (15) Lane. Tome I. de lu^on a l'age de it
f*Se Tf> acs en 1607. l»4) 11 fut fait Evfjuc
|
||||
I. Part ie. Liv. VI. ^
depiris Eveque d'Aire , frere de M. Ie —TIT"
Bouthillier & oncle de M. de Cha- 3 vigny, la connoiffance de M. de S. Cyran : ce fut enfuite M. de la Co- chere, qui fit l'union de M. de S. Cy- ran & de M. d'Andilly. Enfin M. d'Andilly procura a fa famille cec homme de Dieu , qui fut pour elle 8c pour P. R. la fource ineltimable de tant de biens. M. de Luc,on n'eut pas plutot vu xxxvm.
M. de S. Cyran chez M. de Poitiers Eftime que fon ami, qu'il admira la vivacitc de £'jcheaiJeU a- fon efprit & de £es lumieres. II ne voir d'abori pouvoit s'empecher de relever fon /"cy'Lu?.' " merite 8c d'en dire beaucoup de bien, II n'y avoit que fon amour pour la folirude & les livres qui lui deplai- foit. L'Eveque de Lucon etant de- venu maitre de tout en France, crut devoir donner a M. de S. Cyran des marques de la confideration qu'il avoit eue pour lui avant fon elevation. C'eft f>ourquoi lorfqu'on dreflfa en 1625
'etat de la maifon de la Reine d'An- glererre (Henriette Marie de France epoufe de Charles I.) il le fit nommer fon premier Aumonier. M. deS. Cy- ran ne crut pas devoir accepter cec emploi. Le Cardinal de Richelieu, qui ambicionnoit d'attirer a lui toutes les Eij
|
||||
100 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
perfonnes de merite qui etoient dans
le Roiaume pour en faire fes creatu- res , le fir encore nommer a l'Eveche de Clermont & a diverfes Abbaies. II voulut auffi le faire Eveque de Bayon- ne. Mais, dit M. Racine, page 29, fon extreme humilite , & cette ejpece de fainte korreur quil euttoutefa xicpour les fonclions de [Epifcopat , l\mpe- cherent daccepter ces offres. Ce fur, ajoute M. Racine , le premier fujet du mecontentement que ce Miniflre eut contrt lui. Le Cardinal voulant s'j prendre d'une autre fac,onpour tachcr de ga- gner ce grand homme , lui faifoit des carefles extraordinaires, & un jour le reconduifant au travers de fes fales, il dir en le montrant a fes courtifans s & lui touchant fur l'epaule : Mejjieurs, vous voie^ la le plus Javant homme de I'Europe. C'eft ainfi qu'il effaioit d'a- molir la fermete de ce faint Abbe, dont les fentimens ne s'accordoient pas avec les vues defa politique. Lorf- que le bruit des mauvais fervices , que lui avoit rendus aupres de fon Eminence le fameux P. Jofeph , fut public , quelques-uns de fes amis lui dirent qu'il pourroit lui oter par une feule vifite les mauvaifes impreffions qu'on lui avoit dorinees contre lui: |
||||
I. P A R T I E. Lh. VI. 1 01
M. Vincenc etoit de cet avis , &aflu- Kjjg.
roit que cela lui avoit reuffi en pa- reille occafion. M. de S. Cyran fuivit l'opinion contraire. II paroit que M. le Cardinal etoit mecontent de ce que M. de S. Cyran', qu'il avoit voulu s'attacher en lui temoignant tant d'af- fe&ion, ne lui faifoit pas la cour comme les autres. Jamais il ne fut perfuade qu'unhomme dont la fcience &c la piece lui etoient audi connues, tint les opinions extravagances &inv pies dont on l'accufoit; mais il crai- gnoit la force d'une plume qu'il n'a- voit pugagner. Le fecond crime de M. de S. Cy- ******.
ran a l'egard du Cardinal de Riche- me dTu.4% lieu , fut de paiTer pour ne pas ap- ?• cJfran, A prouver la condamnanon du manage cardinal dc de Gallon d'Orleans frere de Louis Richelieu. XIII avec Marguerite de Lorraine , qu'il avoit fait caller par Arret du Parlement en 1634, & enfuite par l'AUemblee du Clerge de France, fous pretexte qu'il avoit ete contradti fans le confentement du Roi. De plus fon Eminence avoit forme le delTein de faire un Patriarche en France •, & quoiqu'il affectat de ne pas faire pa- roitre grande paflion pour cela , te- moignant plutot que ce n'etoit qu$ E iij
|
||||
-_—---------------------------
101 HlSTOIRE DE PoRT-ROUt.
" 1(j,s. Pour k"re Peur ^ Rome , il eft cer-
tain neanmoins que c'etok ce qui 1© pofTedok le plus alors, & ce qui tiattok davantage fon ambition. Le mariage l'avok a la verke fort occupe, mais c'etok une affaire terminee. Le Parlement , la Soibonne , & le Clerge meme avoient fait tout ce qu'il avoic voulu. Mais le Patriarchat ctoit le but de fes defirs •, il le regardoit coram* le comble de fes efperances, s'ima- giriant que rien ne le pouvoit rendre plus conuderable en France , plus re- doutable a Rome , & plus glorieux dans la pofterke : ainfi il croioit qu'il ctoit de la derniere importance pour lui de s'aflurer de la plume d'un Mi- niftre de Jefus-Chrift , qu'il favoit fctre inferrfible a tout , excepte aux interets de l'Eglife. M. le Maitre a appris, depuis la more du Cardinal, le detail particulier de ce projet, & quelles ctoient les perfonnes qui conf- piroient pour cela , entre lefquelles il nomma a M. Lancelot le premier Pre- fident le Jay , & le Sunntendant de Bullion. Le troifieme crime de M. de S.
Cyran etoit de croire que l'amour de Dieu eft ncceftaire pour reconcilier h pecheur avec Dieu dans le, facre.r |
||||
I. Par.tie. Llv. VI. 10$
fnent de penitence , au lieu que le kj'.jj.
Cardinal, qui fe piquoit de Theolo- gie comme de Politique , avoir enfei- gne dans fon Catechifme de Lucon, que l'attririon formee par la feule crainte de l'enfer etoit fuffifante. Tels etoient les principaux griefs x t.
du Cardinal contre M. de S. Cyran. ,.*£*!?.* . . A /la detention
Mais pour faire arreter une perfonne de m. de s.
d'un merite auffi generalemenr re-Cyran' connu il falloit un pretexte. II le trouva dans la rencontre du livre du P. Seguenot de I'Oratoire. C'etoit une traduction du livre de la Virginiti (15) de S. Auguftin que ce Pere avoir faite a la priere de Me de Brienne & de la Alere Angelique Superieure des Car- melites de S. Denis. Il y avoir ajoute quelques notes qui paroifibient un peu hardies ", parlant foiblement des vceux , & fortement de la contririon, £c y melant diverfes chofes peu exac- tes, & qu'il paroiflbit n'entendre pas aiTez. Il y avoir alors de la divifioa dans l'Oraroire. Les uns vouloient in- (15) M. Dupin fe Anguflin , itvec des notes ,
trompe , lorfqu'il die To- p<" le P. Seguenot. Non-
me II page 85, de l'hif- Fculement il ne l'avoit
toire Ecclefiaftique du dix- pas approuve , mais il
feptierae fiecle , que M. y avoic meme plufieurs
de S. Cyran avoit ab- chofes peu exaftes qu'il
|
||||||||
prouvc —
vre de U yirginitc deS. vre.
|
pprouvoit dans ce H-
|
|||||||
E iiij
|
||||||||
104 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
troduire les vceux pour affermir la
Congregation , les autres s'y oppo- foient. Le P Seguenot ne fongeanc qu'a favorifer les oppofans aux voeux , choqua extremement les autres, qui firent du bruit. lis s'appmerent de la {irotedion de la Cour, & defererent
e livre au Cardinal, en~tui faifanc voir pour le rendre odieux , qu'il eta- bliflbit touchant la contrition une opinion contraire a ce qu'il avoit en- feigne dans fon catechifme. Le Cardi- nal en fit des plaintes au General de l'Oratoire ( le P. Condren fucceifeur du Cardinal de Berulle). Le P. Con- dren embatrafle a caufe des circonf- tances 011 fe trouvoit fa Congregation, & penfant plus aux interets de fon Corps; qu'a ce qu'il devoir a la verite & a l'e- quite , facrifia pour le mettre a cou- vert, un de fes meilleurs amis , M. de S. Cyran , & fit entendre au Cardinal qu'il etoit auteur de l'ouvrage en quef- tion, auquel le P. Seguenot n'avoic fait que preter fon nom. Quelque. faulTe que fut cette accufation & meme eontraire a la vraifernblance , le Car- dinal en profita pour avoir un pretext© de s'aflTurer de M. de S. Cyran , & de. faire vifiter tous fes papiers. Il com- mence par faire cenuuer le livre d«t |
||||
*
|
|||||
I. P A A T I E. LlV. VI. 10)
V. Seguenot, & prit la chofe fi fort a ifixgT*
coeur , qu'il la fit folliciter de porte en porte par M. 1'Abbe de Beaumont, de- puis Archeveque de Paris fous le nom, <ie Perefixe , & par l'Abbe de la Motte Houdancour qui parvint a etre Ar- cheveque d'Auch. Le P. Seguenot fut enleve a Saumur oii iletoit Supeneur , & conduit a la Baftille ou il eft de- meure jufqu'a. la mort du Cardinal, qui croioit ce preliminaire necelTaire avant que d'en venir a M. de Saint-Cy- ran. Il faut avouer neanmoins , que xtr.
ciuoique le Cardinal craicnit M. de .La ial6"^ ^ _L .. ,i ..rf0- du P.Jofeph
S. Cyran, il ne le haiiioit pas-, au conwe Mr. do
contraire il avoit beaucoup d'inclina- s.cyran, & . . or • 'a name act
tion pour ce grand nomine , oc lentoit jefukes con-
qu'il avoit un certain afcendant fur °^?J il f* fon efprit, mais un afcendant fem- blable a celui que- S. Jean avoit fur Herode qui craignoit Jean , fachant que c'etoit un homme jufte &T faint. Il feroit a fouhaiter que la verite per- mit d'ajouter , que le Cardinal fe coft- duifoit en plufieurs chofes par fes avis, & audito to multa fac'ubat. Il y a lieu'- de croire que le Cardinal, malgre les griefs qu'il avoit contre M. de S. Cy^ ran , auroit pu balancer encore long- serns a. fe porter a cette extremite,, E- *
|
|||||
vOG. HlSTOIRE DE P0RT-R01At..
" J(j o * s'il n'avoit ete pouffe par quelqil*
chofe de plus violent encore qu'He- rodiade, par les Jefuites &c le P. Jo- feph. Celui-ci avoit conc,u une jalou- fie extreme contre M. de S. Cyran , depuis qu'il eut vu que les filles du Calvaire d'aupres du Luxembourg, que ce ferviteur de Dieu voulut biert conduire pendant quelque tems a fa priere, avoient pris une confiance par- ticuliere en lui. Les Jefuites d'un autre cote ne lui avoient pas pardonne la refutation de la Somme de leur con- frere GarafFe , ni le celebre ouvrage de Pctrus Aurdius* xtn. Mais rien ne contribua plus a de- leraine' da- terminer 'e Cardinal , qu'une autre
yantage le affaire qui le touchoit fenfibleme nt, tSSSL dl& v* m^rite d'avoir ici fa Place- n
faire arretcr faut la reprendre de plus haut. On fait
„n< c s* Cy~ que Louis XIII n'aimoit pas le Car- dinal de Richelieu , 8c qu'il a fouvenc cherche l'occafion de s'en defaire. On fait audi les intrigues qu'il y avoit eu pour cela a la Cour, & dans lefquelles Mlle de la Fayette, qui etoit le plus, dans les bonnes graces du Roi , em- barqua meme le P. Cauflin Jefuite Confeffeur du Roi. Un jour que le Roi s'entretenoit de ce deflein avec quelques-uns.de fes confidens> quel- |
|||
I. Partie. Liv. VI.- toy
tju'un vine a dire, parlant du Cardi-
nal : Mais qui mettra-t-on a fa place? Le Roi auffi-cot repondit, Monjieur d Angouleme (Charles de Valois, fils naturel de Charles IX). Incontinent le Pere Cauffin trop fimple pour un Jefuire de Cour (16), croiant fe fake un merite aupres de celui qu'il regardoit deja comme premier Miniftre , lui en alia porter la nouvelle. Mais M. d'An- fjouleme, qui etoit rompu dans routes
es intrigues du monde , ne pouvant s'imaginer qu'une affaire de cette im- portance put etre traitee avec fi peu de precaution , entra en defiance que ce ne fut un piege que lui tendoit le- Cardinal , ou pour le fonder ou pour le perdre ; de forte que ne trouvant rien de meilleur que d'ufer de contre- rufe , il alia lui-meme trouver le Car- dinal , pour lui donner des marques; de fa fidelite , & lui raconta l'affaire. Le Cardinal prit auffi-tot feu , & re- folut de perdre le P. Cauffin. Neanrnoins pour agir avec adrefle, il
joignita ce mecontentement l'affaire de-
la. Reine mere Marie de Medicis , done
favoit que le Pere confeffeur folli-
itoit le retour , difant fouvent au>
(iiS) C'eft un reproche auquel les Jefuites ne don*-
jicntpas fouvem occafiyn. E v\j
|
||||
I08 HlSTOIRE DT- P ORT-Ro'lAE.'-
Roi que Sa Majefte y etoit obligee e*
confidence. Le Cardinal prit doncfon terns pour en parler au Roi; & pour effacer cette premiere impreffion de fon efprit, il lui dit quil n'y avoic rien de plus facile que de convaincre ce Pere de peu de lumieres , &. qu'il n'y avoit qu a mettre cette affaire en deliberation devant les plus celebres Docteurs de Sorbonne •, qu'il etoit aife de les afTembler , & que Sa Majefte auroit la fatisfadtion de voir qu'ils approuveroient fa conduite. Le Car- dinal en manda quelques-uns, & le P. Cauffin eut ordre de s'y trouver. Ce Pere s'etant prefente d'afiez bonne heure , le Cardinal lui fit dire qu'on ne commenceroit pas fi-tot, que les Docteurs n'etoient pas encore arrives, que s'il vouloit entrer dans une cham- bre , il auroit le tems de fe repofer , & qu'il le feroit avertir ; mais au lieu de cela, il le fit enfermer par le d e- hors , & quand les Docteurs eurenc attendu quelque tems chez le Roi ,, le Cardinal dit a Sa Majefte, qu'af- furementce bon homme avoit trouve fon opinion trop infoutenable pour fe prefenter devant ces Meffieurs, & qu'il n'ofoit pas venir. Cette parole* indifpofa l'efpru du Roi; ainfi il fu* |
||||
I. Part ie. Liv.Vl. 10?
aife aa Cardinal & aux Do&eurs-------^—*
qu'il avoir choifis a fon gre, de le *
tourner comme ils vouhirenr. Le Car- dinal croi'ant avoir affez de pretexte pour perdre ce Pere, manda les prin- cipaux des Jefuires, & leur dit apres des plainresforraigres, qu'ils n'avoienr qu'a choifir , ou de forrir de France , ou de chaffer de leur Compagnie ce Pere , comme un brouillon. Les Jefuires bien embarraiTes par
une relle propofirion , repondirent modeftementque le Pere Cauflinavoit fair fon quarrieme vceu , & qu'ils ne pouvoient plus le metrre dehors ; &C on ajoure qu'ils fe mirenr a genoux en cerre rencontre pour s'offrir a for- tir du RoYaume, fi fon Eminence vouloir porter les chofes a l'exrremire> plutoc que d'abandonner leur confrere. Quoiqu'il en foir, apres quelques ne- gociations , l'efprir du Cardinal fe radoucir, & l'affaire fe termina par 1'exil du P. Cauffin, qui fur releguc a Quimper le 31 decembre 1(537. Telle eroir la face de la Cour 8c
I'erar du pauvre P. Cauffin , lorfque le iivre du P. Seguenot parut au ca- reme de l'an 1638. II fur dcfere en Sorbonne peu apres Piques : cette |
||||
110 HrSTOlRE DE PoRT-ROlAI^
affaire faifant da bruit a caufe de k part qu'y prenoit le Cardinal, on en parloit beaucoup a la ville & a la Cour. Un jour qu'on en parloit de- vanr le Roi, il voulut voir lui-meme 1'endroir ou le P. Seguenot parloit de la contrition. L'aiant lu , il commenga a dire avec quelque forte de fenti- ment: Mon bon homme (parlant du P. Cauflln ), meledifoit bun aujji; & il ne manquoit pas aujji de mefairefaire des acles £ amour de Dieu , toutes les fois qu'il me conftffoit. Cette parole qui ne venoit que de la bonte du Roi » qui confervoit toujours quelque in- clination pour ce Jefuite , fut aufli-tot rapporteeau Cardinal. Comme il etoit naturellement cruel & timide, il n'en fallut pas davantage pour renouveller toutes fes craintes paffces du retour de la Reine mere, & pour le porter a pouffer les chofes aux dernieres extre^ mites, Il fit conclure la cenfuredu livre, 8c emprifonner TAuteur : non content de cela, il fit arreter M. de S. Cyran , foit par la crainte qu'il n'ecrivit con- tre la cenfure, foit pour donner par la detention d'un homme fi cclebre, plus d'horreur d'un fentiment que Sa Majefte regardoit comme etant celui |
||||
------------------
|
-
|
||||||
I. Part ie. Liv. FT. in
de fon Confefleur ■■, foir enfin pour "'Ig»8»T
rendre ce Jefiute fufpect d'erreur (i7)> &: empecher a jamais fon retour qu'il regardoit comme une planche pour celui de la Reine mere. Pour mieux reuflir dans fon projet, il fit valoir ce que lui avoir die le P. Condren , contre route verite , que M. de S. Cyran etoit le veritable auteur du li- vre qui paroiflbit fous le nom du P. Seguenot. Cela foit voir combien les puifiances des tenebres, felon la remarque de M. Lancelot, font jouer de reflorrs, pour affliger un homme jufte quand leur heure eft venue, 8c que Dieu leur en donue le pouvoir.. La premiere chofe que fir M.'de xtiir.
S. Cyran, lorfqu'il fur entre dans fa „„'ft me/a prifon , fut de fe mettre a eenoux , genoux en * i i \ r-v- 1 J> entrant en
pour demander a Dieu ia grace d en prifon pout
faire un bon ufase , pour s'offrir a lui demander 4 . ~ «" t "■-•"■ i > • • Dieu la etace
en Ucrifice , & le prier de n avoir point d'en bitn *>,
d'autre volonte que la fienne dans les fer- deffeins qu'il avoit fur lui, regardant cet etat de caprivite & de fouffrance ,. comme une faveur finguliere. Il e- eriVit meme a une Dame , a qui il fit tenir de l'argent, pour la prier de don- ner en actions de graces de fa deten- (17) He pIut-i-Dieu qu'ils fulfent tous coupablw-
it c«te etreur rjietendutli |
|||||||
»
in Histoid de Pokt-ko'iai:
^~l6 '.'s. tion de quoi faire tecevoir une fille Religieufe , en marier une aucre , 8c delivrer un prifonnier. XLIV- Cependant Dieu ne lailTa pas que vrpat'T; d'exercer fon ferviteur dans les pre- pcincs hue-miers jours par des peines inrerieures tres fenfibles, qui venoienc de la de- licarefTe de fa confcience , & de la crainre qu'il avoir d'avoir commis quelque faure qui eur centribue a le reduire dans l'etat ou il fe voioir. ll fur pendanr une quinzaine de jours tourmente par des images horribles , par des fraieurs des jugemens de Dieu, qui lui cauferenr des peines inconce- vables. Tour ce qu'il lifoit dans l'E- crirure , ne conrribuoit qu'a reffraier, S'il rrouvoir qu'un aveugle qui con- duir des aveugles tonibe dans la foffe avec eux, il croi'oit que cerre parole s'adrelTbir a lui. S'il romboir fur cetre aurre : Toute plante que mon pere n'a point plantie fera arrackee , il s'ima- ginoir que ce tems eroir venu pour lui, 8c que fa prifon en devoit etre le commencemenr. Il fembloit que Dieu l'eut abandonne pour un tems , & que le demon, pour parler le lan- gage de 1'Evangile , eur obcenu la per- miffion de le cribler. Enfin il ne voi'oit: |»ar-tout que des awets de coudamna.- |
|||||||
_=__
|
|||||||
I. P A R T I E. L'lV. VI. I I J
tion & de more contre lui. Mais mal- \(,,%~
gre coutes ces peines, qui font, com- me il le die en differens endroits , Us plus grandes par UfqudUs Duueprou- ve lesjiens en ce monde pour les pu- rifier , il fe tint ferine, & s'arma du cafque de la foi & de la cuiralfe du falut. Le calme revint apres la tern- pete , ic Dieu le cotnbla de confola- tion pendant tout le tems de fa cap- tiyite. • II fut neanmoins encore inquiet x l v.
pendant quelque tems au fujetdefes dif'cLdinat papiers, & de fes amis que fa cha- de Richelieu *• / i • • J' LI- voat mettrc
rue ne lui permettoit pas doubher. iaie?ot i>ep
II n'etoit pas poflible de le foulaeer pt't^e M.de dr ^ • i \ j S.Cyrantou-
ans les inquietudes, parcequ on ne clunt fcs a.
pouvoit aborder de lui. Mais la pro- mis & fe! E*s
1 . i r ■ ■• o r Piers, vidence en rourmt un moien , & ie
fervit meme du Cardinal de Riche- lieu pour ce!a. Comme il meditoic alors de grands projets, il etoit bien aife de penetrer les penfees de fori prifonnier. Il choifit Madame la Du- chelTe d'Aiguillon fa niece , qui avoit beaucoup defprit, pour la charger de cette commimon; & arm de mieux jouer fon perfonnage, il lui confeilla de mener avec elle M. d'Andiliy qu'il favoit etre fort lie avec M. de S- Cyran , qui profita de cette rencontre' |
||||
114 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
------;— pour informer M. de S. Cyran de ce
16ib' qui regardoit fes amis & fes papiers,
8c le delivrer ainfi de fes inquietudes : de quoi M. de S. Cyran louant Dieu dit: Je donnerois mille vies pour re- mercier Dieu de la conduite qu'il a tenut a mon igard, & d'une Ji vifible pro- tection. On avoit detourne , & mis en fu-
rete les papiers qui inquieroient M. de S. Cyran , qui regardoient fon grand ouvrage centre les heretiques. Pour les autres qui n'avoient poinr de rapport a cet ouvrage , ils fiirent abandonnes aux Archers, qui les en- leverent & les porterent a M. le Chan- celier. M. Lancelot dit avoir appris de M. le Maitre, qu'il y en avoit bien la valeur de trente ou quarante volu- mes in-(olio j foit de recueils des Peres, foit de divers traites de Theo- logie , foit de recueils de diverfes pen- fees. M. le Chancelier en fut epou- vante, & voiant feulement l'un des comes dans lequel il n'y en avoit qu'une partie , il dit au Chevalier du guet, he comment / je ne vous avois pas donne ordre de prendre fes livres t tnais feulement fes papiers : a quoi le Chevalier repondit : Monfeigneur , je riai point paffe mon ordre , & vous en |
||||
I. Par tie. Liv. VI. uj
demeurere^ daccord quand vous verrez encore un autre coffre plus grand que celui-ci, oil il riy a de menu que des papers. M. le Chancelier fut etonne qu'un homme put tant ecrire. 11 die quelque terns apres a M. d'Andilly qu'il avoit fait tranferite plufieurs de ces papiers qu'il appelloit des Me- ditations, & qu'il ttouvoit admitables. Plufieurs en firent de meme, a fon exemple •, ainfi Dieu , dont les voies font admirables, fit triomphet la ve- ritepar le moi'en meme par lequel on vouloit l'etouffer. Il y avoit une fi grande quantite de
papiers , que les foldats, las d'enlever , ou peut-etre aveugles par Dieu meme, laifterent des chofes tres confidera- bles; encr'autres deux ou trois volu- mes de differentes penfees fur le S. Sacrement, qui regardoienr fon prin- cipal ouvrage. M. de Barcos , les aiant appends quelques jours apres, & crai- gnant qu'il ne tombafifent entre les mains des ennemis de M. de S. Cy- ran , jetta au feu le premier qui lui vint en main : mais aiant regarde les autres , il fut touche , & fe fit un fcrupule de perdve tant de tichetfes fpirituelles. M. de S. Cyran l'ai'anc appris j die que e'etoit la plus grande |
||||
Il6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt".'
perte qu'il eat jamais faite ; & qu'a^
ores celie-la, il n'en avoir point a. craindre. On trouva parmi les papiers qui
furenr enleves, l'epirre dedicaroire de la refutation de la Somme du P. Ga- rafFe corrigee de la main de M. de S. Cyran (18). Le Cardinal avoir ete fi. charme de cerre epirre (qui fur re- garded comme une des plus cloquen- tes pieces qui eur paru jufqu'alors dans norre langue, & qui peur fervir de modele pour les louanges qu'on peur dormer aux Grands fans les flat- ter , parcequ'elle ne regarde dans le Cardinal de Richelieu que ce qu'il j avoir de louable en lui) , le Cardinal, dis-je,avoir ete fi charme de cerre epirre qu'il temoigna qu'il ne manquoit a. fa fatisfaftion qued'en decouvrir l'auteur, afin de pouvoir le recompenfer.Onlui a meme enrendu dire pluiieurs fois qu'il (18) La Somme Jcs-ve- niverfite pat Ic Rc&eur ,
yitc't cafitales de la Religion & cenfure malgre les mou-
Chretienne par le P. Ga- vemens que fe donnerenc
rafte Jefuite parut en les Jefuites pour arreter
1S1S. M. de S. Cyran y la cenfure. lis relegue-
aiant remarque un nom- rent cependant leur con-
bre prodigieux de textes frete a Poitiers, ou s'e-
de l'Ecnture fallifies, tant confacre dans un ho-
tronques, 8c plufieuts pto- pitalau fervicedes pauvres,
politions heretiques & il mourur fort pieufement
impies , ctut qu'il devoir de la pefte en 16 j 1, apres-
entteprendre delarefutcr. avoir paru fe repentir da
te livre fut deferi i 1'U- fcs etreucs.
- |
||||
I. Part if.. Lev. VI. 117
auroit voulu avoir donne dix mille l6,3> L
ecus &c favoir qui l'avoit faite. Nean- moins cette decouverte ne fie aucune impreflion fur l'efprit de fon Emi- nence , & il retint roujours M. de S. Cyran dans une etroite prifon. Tous les gens de bien gemirent de xtvr.
voir un fi faint Pretre traite de la forte, sentiment M. Bignon Avocat general , a qui M. bien furl'era- Lancelot en porta la nouvelle , en futPd!o™ei"cnl extrcmement furpris ; apres plufieurs c>tan. exclamations , elevant les yeux au ciel , il dit entr'autres chofes , qu'il n'avoit jamais vii un homme fi at- tache a. l'Eglife , & qui eut des fentimens plus purs & plus catholi- ques, &c. M. de Gondi (Pere du Cardinal de
Retz , qui fucceda a Jean Francois de Gondi Ion oncle, au fiege de Paris) fi connu dans le monde , & fi eitime pour fa vertu , depuis qu'il eut quitte la charge de General des Galeres pour fe retirer dans l'Oratoire, en park en- core avec plus de force, & dit afiez plaifamment a ceux qui lui en par- loient, qu'il condamneroit M. de S. Cyran quand il l'auroit vu condamne par un Concile, encore, ajouta-t-il, voudrois-je etre ajfure qu'il auroit il$ libre. |
||||
11 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
M. Charpenrier (19) Superieur des
Prctres du Mont Valerien , die haute- menc qu'il s'eftimeroit heureux d'etre en la place de M. de S. Cyran, parce- qu'il le regardoit comme un faint ,-y aiant plus de trente ans qu'il le con- noiiroit. Et pour temoigner la part qu'il vouloit prendre a l'affli£tion de fes amis, & particulierement a celle des filles de P. R. qui le regardoient comme leur Pere , il vint Iui-meme les confefTer durant quelque terns pour remplir en partie le vuide que caufoit une fi dure feparation. Le P. TariiTe Superieur general de
la Congregation de S. Maur , vint aufli en temoigner fa douleur a M. de Barcos , & lui dit entr'autres chofes qu'il s'etonnoit qu'on put imputer a M. de S. Cyran de certaines erreurs , dont on commencoit a parler dans le monde , puifqu'il lui avoir vu foutenir formellement le contraire. Plufieurs Eveques memes > quoi-
qu'ordinairement plus timides, par- lerent en faveur de M. de S. Cyran , (19) M. Charpenrier loin , le Cardinal de Ri-
itoic un faint Pr£tre qui chelicu l'engagea "a venir
aroit d'abord etabli en s'etablir pres de Paris ail
Hcauce une Congregation Mont Valerien. On lui
de Pretres du calvaire. accorda pour cela des
La bonne odeur de fa Lettrcs patentcs en i«i3.
gicte s'aant rtpandue au |
||||
I. Parti b. Liv. VI, 119
fur-tout M. Cofpean alors Evequede
Nantes , enfuite de Lizieux.
La Mere de Chantal , premiere
Superieure de la Vifitation, honora
les chaines de M. S. Cyran, comme
celles d'a/z homme tout apojlolique qui
Jbuffrolt pour la virite & la jujlice. G'eft ainfi qu'elle parloit dans fes
lettres.
M. Vincent de Paul , Superieur &
Inftituteur de la Congregation de S.
Lazare , vint temoigner a M. de Bar-
cos fa douleur de la detention de fon oncle , & lui rendit plufieurs vifites, dans lefquelles il lui difoit fouvent, date locum irce > l'exhorrant a lahTer paflfer le terns de la violence & de l'animofite de fes ennemis, & a at- tendre humblement le fecours de Dieu (10). Quelque terns apres ai'ant ete interroge avec ferment par le fa- - meux Laubardemont, de la part d'un Miniftre qui faifoit tout trembler, M. Vincent rendit temoignage a. 1'in- nocence de M. de S. Cyran, & pre- vent les mauvaifes impreiuons que fes ennemis auroient pu prendre de quel- (1.0) Voi'ez fa declara- deferjede M. fincent &c.
tion imprimee en 1740, contre les faux difcours de
avec une lettre de M. de fa vttJpnMutpar M. Abe
MontpellieraM.de Mar- /j.
fiiUe. Voi'ez encore U |
||||
. _ . ,----— — —
IIS HlSTOfRE DE PoRT-ROlAt.
c l6,3# ques-unes de fes expreffions. II rend it
le meme temoignage parlant au Car- dinal lui-meme , qui l'interrogea fur ce qu'il penfoit de M. de S. Cyran» dans l'efperance qu'il tireroit de lui quelque chofe de plus que Laubarde- mont •, mais fon efperance fur fruftree. Lorfqu'il fuc qu'on devoit interroger M. de S. Cyran dans fa prifon, il lui fit donner un bon avis, done il auroic ete a fouhaiter qu'il eiit profite. C'e- toit de fe faire lire fon interrosiatoire avant de le figner. Enfin M.Vincent temoigna toujours beaucoup d'eftime pour ce faint Abbe, xtvn. Mais perfonne ne fe declara avec ptmd Udh-tant ^e ze'e Pour M. ^e **• Cyran , &
tenft de m. ne prit plus chaudement fa defenfe s- cyran. qUg ^ Mathieu Mole Procureur ge- neral alors , depuis premier Prefident au Parlement de Paris en 1641 , en- fuite Garde des Sceaux en 16 51. Il reprefenta au Cardinal que M. de S. Cyran etoit bien eloigne d'avoir des fentimens peu catholiques, puifque lorfqu'il fut pris, il travailloit a de- fendre la foi de l'Eglife contre les Miniftres. II follicita plus d'une fois pour lui, preffa fi vivement le Car- dinal , que ne pouvant s'en defaire, il lui dit un jour en le prenant par le
|
||||
I. P A R. T I E. Liv. VI. I Z I
le bras , M. Mole ejl honnite homme,
mais il tfl entier. Quelques-uns vou- *•!•• lane meler des raifons d'Etat dans la violence exercee envers M. de S. Cy- " ran , ainfi que firent les Juifs a l'e- gard de Jefus-Chrift , centime les perfecuteurs des premiers chretiens , 8c comme les heretiques ont fait de- puis a Tegard des Athanafes , des Hi- laires & des plus zeles defenfeurs de la foi, M. Mole les arreta en leur declarant qu'il avoit en main de quoi faire voir combien M. de S. Cyran etoit fidele fujet du Roi & attache aux incerets de la France. Il entendoit par- ler d'un ecrit de M. de S. Cyran. contre un ouvrage tres injurieux au Roi & a. la France, fait par un Je- fuite Allemand , attribue par les uns au P. Eudemon Joannes Jefuite , & par d'autres au P. GararFe : l'ouvrage du Jefuite qui avoit pour titre, Ad- monitio ad Regem, fat condamne par Arret du Parlement le 30 odtobre i 615 a la requifition de l'Avocat ge- neral Servin ; M. de S. Cyran zele pour fon Prince & fa patrie , compofa contre cet ecrit un ouvrage fous ce titre > Admonitio ad Impcratorem „ dans lequel il femble avoir predirune partie des malheurs qu'on a vus depuis r Tome II. F |
||||
Ill HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1(j, g tomber fur la maifon d'Autriche. If
fit voir cette piece a M. Mole, qui la trouva admirable , & la voulut faire imprimer. Mais le Traite de Ratifbonne s'etant fait en 1630 , M. de S. Cyran la retira des mains de M. Mole &c la jetta au feu , ignorant que M. Mole avoit eu foin d'en tirer une copie avant que de lui rendre l'ori- ginal. ■gvnn. M, le Maitre , apres avoir digere
M.le Maitre , J i r 1 J
ccric a m. de quelque terns dans le iecret la dou-
s, cyran. leur qu'il avoit de la detention de
M. de S. Cyran , la lui temoigna par
une lettre. Ce faint Abbe qui etoit
garde a vue jour & nuit, & qui de
plus n'avoit guere la volonte d'ecrire ,
ne penfant qu'a gemir fous la main
de Dieu qui le frappoit, fe crut nean-
moins oblige de le faire pour confoler
M. le Maitre, & trouva moien de lui
faire tenir le billet fuivant.
xiporife de „ Moniieur , ie me rejouis de ce
M. de Cyran v ' '
a m. le Mai-" que vous dues <lue votre retraite
rec- » a donne lieu a mon emprifonne-
» ment. S'il m'arrivoit cent occa-
» fions pareilles, je ne faurois faire
» auirement, & je me tiens oblige a
» la grace de Dieu, de ce qu'il m'a
» fait fuivre a votre egard les regies
» de la foi, me fermant les yeux au
|
||||||
I. PART IE. Liv. VI. IIJ
« futur &: au pa lie ; ce qu'il m'eut
» ete facile d'appercevoir & d'eviter »» fi. j'eulTe voulu emploier la lumiere « de la raifon. Si j'eulTe manque a » Dieu dans cette rencontre , j'etois » mine fans reflburce. Si cela a ece » la vraie caufe de ma prifon , je fuis « le plus heureux de tous les hommes >» du monde... Plur-d-Dieu qu'il s'of- » frit a moi de pareilles perfonnes , & » qui fuflfent dans les memes difpofi- » tions de me croire ou Dieu vous » avoit mis. Je leur donnerois le " meme confeil, ou pkitbt je les con- » firmerois dans la refolution qu'ils » auroient deja, comme vous, prife » d'eux-memes, & avec encore plus » de hardielTe , quand je ferois allure » d'etre condamne au feu. Je n'ai pas « doute que votre retraite ne fut un » des chefs de mon accufation. ... » Je n'ai garde de m'en plaindre , » puifque cette accufation me flatte »> un peu, 8c me donne lieu plus que » jamais d'efperer en la mifericorde » de Dieu. Je n'admire rien tant en » tout ceci, que de voir dans la lu- «» miere de L'Eglife , que la fonda- » rpentale verite de l'Evangile, qui » eft de fe feparer du monde , foic »« prife pour un abus de l'Evangile, F ij
|
||||
124 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
j^jS, » ou pour un exces de devotion. Si
» le meme Evangile ne me confoloit .» en predifant que tout cela arrive- » roit dans l'Eglife > je vous avoue " que je dirois pene mod fum pedes » mei. Cecte lettre ecrite dun lieu de fouffrance , donna a M. le Maitre un nouveau feu de penitence, &c un vio- lent defir d'une folitude encore plus grande , & quoiqu'il n'eut plus aucun commerce avec Paris , fon nom feul &: fa feule vue lui etoit infupportable. " Ainfi confiderant, dit M. Fontaine, » ou il pourroit etre plus retire, il » jettales yeux fur P. R. des champs, » qui etoit alors abandonne. xtix. Si tous les gens de bien gemirent, Lapartqiiccomme nous i'avons dit, du traite- les Solitaires
& ks ReU-ment rait a M. de S. Lyran, on peut
RicuftrenncntJu§er aifement quelle part y prit cette A fa detention troupe de folitaires raffembles par fes |
|||||||||
Cjtan.
|
: s> foins & diriges par fes confeils; &
|
||||||||
combien en mrent touchees les faintes
filies de P. R. & celles de la maifon del'inftitut du S. Sacrement, qui deux jours apres fon emprifonnement, quit* terent ieur maifon pour venir a. P. R. fe reunir a la Mere Angelique. Ce fut pour elles un coup d'autant plus fenfi- ble, qu'elles 5'etoient propofe en fe determinant a revenira P, R. d'avoij: |
|||||||||
I. Partie. Liv. VI. 115
la confolation de revoir M. de S. Cy-
ran qui avoit cefle d'aller dans la mai- fon de l'inftitut da S. Sacrement, pour menager la foibleffe d'efprit de M. de Langres. « Nous atundions avec joie » ce rctour, dit la Mere de Ligny; » la Mere Angelique qui l'approuvoit » fort, 8c route la communaute de » P. R. nous attendoit auffi avec beau- *» coup d'affe&ion. Mais Dieu permit » que certe joie fut troublee par une » affliction bien fenfible, M. de S. » Cyran ai'ant ete arrere & mis au » bois de Vincennes deux jours avant » notre rerour. Nous efperions de le » revoir a P. R. 011 il alloit toujours , « 8c ou il avoit beaucoup contribue » avec la Mere Angelique & la Mere « Agnes a faire un entier renouvelle- « ment de toute cette maifon que nous » trouvames dans une entiere ferveur » 8c dans une exactitude a tous les de- » voirs de la religion , toute autre que » celle ou nous l'avions laiffee fous la „ conduire de M.de Langres, principa- ls lement en ce qui regardoit la fim- „ plicite, la pauvrete , le recueille- » ment & lenience (zi). Lorfque les filles du S. Sacremenr arriverent a P. R. elles furent revues avec beau- (11) Dixieme Relation, Tome I. p. 58;.
F iij
|
||||
-—
|
||||||
1X6 HlSTOIRE DE PORT-RO'IAI.
|
||||||
1638. coup d'affabilite par la Mere Agnes
qui etoit Abbelfe. La Mere Angelique qui les regardoit routes comme fes enfans & les portoit dans fon cceur » ne pouvoit aifez leur temoigner la )oie qu'elle avoit de les revoir aupres d'elle. Comme elle etoit maitrefle des novices, les Sceurs profelTes qui etoient revenues de la maifon du S. Sacre- ment, lui demanderenr a rentrer au noviciar , ce qu'elle leur accorda. On ne penfa plus au detfein de l'inftitut du S. Sacremenr jufqu'en 164(7. tesroiitdm Les Pieux folitaires que M. de S.
«5oiv:ntor-Cyran avoit rauembles au nombre de
dc'p^juX^'x ou douze ' parmi lefquels etoit M.
Paris. de Sacy avec Meifieurs de S. Elme 8c
Vallemont fes freres , ne relierenr en-
femble dans la maifon ou ils habi- toient que peu de jours. Ils etoient tous dans une grande confternarion de -fe voir fepares de leur fage conduc- teur. Chacun d'eux auroit fouhaite qu'il lui fut permis de partager avec lui l'horreur de fa prifon , & de s'y enfermer pour le fervir. J'aurois he charrni, dit M. Lancelot, quon eut jette les yeux fur moi, je my offris » & d'autres encore, mais on fe contenta de notre bonne volonte. Chaque jour t>n ailoic s'informer des oouvelles dw |
||||||
I. Partie. Liv. VI. 117
fefpectable prifonnier, mais on ne lui parloit point, 8c il falloit s'en rapporcer a la parole du Geolier. M. Lancelot y etant alle a fon tour, M. de S. Cyran lui fit dire par le Garde qu'il fe portoit bien , & ajouta : Dites- lui quit prie bien Dieu pour rr.oi, & qu'il fe fouvienne toujours de tout ce que je lui ai die. Le Garde s'acquitta de fa commiffion, & dit a. M. Lancelot, que M. de S. Cyran etoit un Saint. II etoit allurement regarde comme tei par les Chanoines , les Soldats , les Pauvres , les Grands , par les Minimes du Pare de Vincennes , en particulier par le P. Poinerel Corre&eur, e'eft-a- aire Superieur de la maifon, qu'il avoir pris pour fon confelTeur ; en un mot, tout le mondeen general & en parti- culier , au-dedans & au-dehors de cette place, avoient de la veneration pour ce prifonnier & le regardoient comme un Saint, jufqu'aux prifonniers de guerre, du nombre defquels etoit le tameux Jean de Wert. On fait , & on n'oubliera jamais le bon mot qu'il dit a ce fujet a l'occafion de la quef- tion qui lui fut faite tonchant !a ma- gnificence du ballet reprefente le foir du 14 Janvier 1641 au Palais du Car- dinal. Son Eminence qui avoit fait |
||||
Il8 HlSfOIRE DE PoRT-ROlAt."
des preparatifs qui furpaflbient tout
ce qu'on avoit jamais vu en ce genre r voulut que les Generaux etrangers y afliftaiTent pour en repandre enfuite le bruit dans leur pais •, & comme il leur fit demander par des perfonnes apoftees ce qu'ils penfoient de tout cet appareil; Jean de Wert repondit agreablement que tout lui avoit paru merveilleux, mais qu'il y avoit une chofe qui I'avoit plus furpris que tout le refte. Cette reponfe a'iant excite da- vantage la euriofite de celui qui lui par- loit, il le fupplia de lui dire ce que c'etoit. C"efl , lui dit-il, de voir qu en un Ro'iaume tres chrkien comme la Fran- ce , les Eveques foient a. la comedie , pendant que les Saints font en prifon. Les folitaires aiant rec^i ordre de M. l'Archeveque de fortir de la mai- fon de P. R. ils obeirent , les uns avant les fetes de la Pentecote, les autres apres. Ils fe retirerent a P. R. des champs , qui etoit un lieu de- fert, maf-fain , couvert d'epines &c d'infe&es , depuis que les Religieu- fes 1'avoient quitte pour s'etablir a Paris. M. le Maitre & M. de Seri- court continuerent de vivre aux champs comme ils avoient fait a la ville , demeurant & mangeant icpa- |
||||
I. Partib. Llv. VI. 129
rement comme des Chartreux. Les m autres mangeoient enfemble , a'iant 1638. quelques enfans dont ils etoient char- ges , enrr'autres M. Bignon, M.Vit- tard, M. de Seaux , &c. Tous di- foient enfemble Marines la nuir, 8c le refte des heures en particulier. Cha- cun pratiquoir dans une plenitude de cceur les inftru6tions faintes qu'il s'ef- timoir heureux d'avoir apprifes de la bouche de M. de S. Cyran. Comme le fond de l'Abbai'e etoit
tres mal-fain , a caufe que le lieu etoit defert 8c que les eaux n'avoienr point de cours, on montoit le foir fur les montagnes pour prendre l'air, & on y difoit complies , que M. Singlin fai- foit quelquefois chanter tout haut. Les folitaires pafTerent ainfi quelques mois dans une vie tranquille 8c remplie de charite , ne penfant qu'a. s'avancer vers Dieu. Mais Fennemi de la paix ne pouvant fouffrir une union fi douce 8c fi fainte, infpira au Cardinal de Ri- chelieu de difperfer les brebis , apres avoir frappe le pafteur. II envoi's pour ce fujet Laubardemont homme d'une mince fuffifance, & extreme- -^ ment fier : il vint deux fois en un
jour, pour interroger les folitaires r la derniere fois il interrogea jufqu'a des enfans de dix ans, f v |
|||||
:_._
|
|||||
--------------,-------------
|
|||||
i$0 HlSTOIRE DE PoRT-RoYaE.'
——r— Les Jefuites one eu foin de faire im-
1 ^ ' primer a leur facon l'interrogatoire de
L '• ces enfans. Celui de M. le Maitre ,.
toiredes°^ainfi que celui de M. Lancelot n'ont
litaires de p. pojnt £t£ rapportes fidelement. M.
R. par Lau- J . ,. rr, , r ,
J-atdemonc. Lancelot dit meme dans les memoi-
res (it), que Laubardetnont fe facha. contre lui pluheurs fois, parcequ'ii lui reprefentoit que le proees-verbal ne rapportoit pas exactement fes re- ponfes. Pour M. le Maitre , en hom- me du metier, il traita Laubarde- mont avec toute fa fierte en vrai no- vice. II le manioit, le tournoit & retournoir comme un enfant. Entre plufieurs queftions badines que le CommifTaire roi'al eut l'imprudence , de faire a ce celebre Avocat, il lui demanda s'il n'avoit pas des vijlons. M. le Maitre lui dit froidement qa'oui; que quand il ouvroir une des fenetres de fa chambre » qu'il lui montra du » doigt, il voi'oit le hameau de Vau- » murier ; que quand il ouvroitl'au- » tre, il voi'oit le Village de S. Lam- >j bert; que e'etoient la toutes fes *> vifions. Le but de ces informations etoit de trouver quelques griefs contre M. de S. Cyran. Apres avoir fait fubir des interrogatoires aux folitaires &c meme aux enfans. retires a Port-roial {**J Lane..Tome I. pag, n^ llt.
|
|||||
I. Pa sit ie. Llv. VI. 151
ides champs , on voulut audi donner
ordre a Laubardemont d'aller a. Port- ' '
roi'al de Paris pour interroger la
Mere Angelique •, mais M. l'Archeve-
que s'y oppola , & promit de le faire
par lui-meme. On attendoit tous les
jours cette vifite , & l'on croi'oit qu'elle
ne finiroit que par 1'enlevement de la
Mere Angelique. On avoir un exem-
ple tout recent d'un pareil traitement
dans la Superieure du Val-de-Grace,
qui etant foupc,onnee d'etre en quel-
que commerce de lettres avec la Reine
mere , qui avoir quitte la France pour
fe retirer dans les Pai's-bas, fur exilee
a. Nevers. Mais M. l'Archeveque ne
pouvant fe refoudre a cette violence »
traina la chofe en longueur , & peu
a-peu les bruits s'aflbupirenr. On in-
terrogea encore plufieurs perfonnes
de l'un & de l'aurre fexe, des Reli-
gieux & Religieufes , des Eccleliafti-
ques. Tout rat mis en ceuvre contre
l'homme de Dieu. On rroubloit & ore
intimidoit ceux qu'on obligeoit de
parler -, on retenoit dans le filence ceux
qui n'auroient parle que pour juftifier
l'innocent. Il y eut meme des Eccle-
fiaftiques afTez vertueux , entr'au-
tres (ijj M. Cauletdepuis Evequede
(15) M. Caulet r£p«a dans la fuire cette faute
F vj
|
||||
Ijl HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.'
8,~ Pamiers , qui depoferent contre M»
de S. Cyran. Mais quels egards me- ritoient des informations faites de- vantun homme telque Laubardemont, publiees par des ennemis, faites par des perfonnes dont les noms feuls feroient la juftification de l'accufe, Audi les temoins ne furent ni reeoles ni confronted ; on ne parla pas meme a M. de S. Cyran de ces informations dars fon interrogatoire , & elles ne furent pas achevees. M. Lefcoc les aiant prefentees de la part du Cardi- nal de Richelieu a M. le premier Pre- sident , ce Magiftrat dit que ce n'etoient qu informations , & quil ne doutoit point qu tilts ne s'tn allajfent en fume'e, tn apptouvant en 1471 » pour la marque d'une
avcc dix-fept de fes con- 33 veritable piece, fuivanc
fteres , les inftruclions 33 cet oracle de S.Paul:
tirees des lettres de M. de 33 Tons ettix qui ■vetdent
5. Cyran. 33 It declare , 33 vi-vre atjsc pic'tcen fc-
» que fi la contradi&ion » fus-Chrift fouffrinnt per-
y> que M. de S. Cyran 3> petition ; n'etant venu,
33 avoir fouftette pendant 33 ajoute-t-il , en quel-
3) fa vie 1 avoit forme » ques uns que d'un zele
33 quelqu'opinion defa- 33 precipite qui n'etoit pas
33 vantageufe de la pure- 33 felon la fcience ; & en
33 te de fa foi & de fa 33 d'autres , de ce que ne
» conduite , 9'avoit ete 33 vivant pas de la foi, &
33 dans 1'efprit de ceux 33 ne jugeantpas des cho-
3» qui n'en avoient paj 33 fes par fes regies tou-
33 aiTcz conlidere le prin- 33 tes divines, lis ont con-
33 cipe ; 8c que cette 33 damne en lui ce qui
33 contradiflion an con- 3> choquoit leur pruden-
» traite devoit etre prife „ deuce de chair, &c.
|
||||
I. Par tie. Llv. VI. 13$
dh qu on viendroit a la confrontation, s, o Ou ea feroienc les Jefuites , s'il fuffi- foit d'etre accufe d'herefie pour en me convaincu ? Onc-ils oubhe ce qu'ils rapportent eux-memes de S. Ignace leur Fondateur (14) , qiiii fut enplu- Jzeurs litux accuje d'hirl/ie au Tribunal de rinquijition .. . meme par des pef- fonnes de piece , dont It [ele etoit im~ prudentl lis ajoutent qu'il luifutdefendu d'injlruirependant quatre ans. Jamais on n'a fait une pareille defenfe a M. de S. Cyran : au contraire on a reconnu fon innocence en lui rendant la li- berie a. la mort du Cardinal, comme nous le verrons; ce qui fait voir que tout fon crime & toute fon herefie etoient d'avoir deplu a. cette Eminence. Ce fut dans ce meme terns que M. M.^'ita-
de Langres adrefla au Cardinal de Ri-gres pr£fente chelieu an Memoire contre M. de S. SjJfjtS Cyran, auquel M. le Maitre fe crut s. cyran. oblige de repondre, tandis que M. Arnauld entreprit de faire voir la foiblefTe & rimpuiflance des autres informations. Ces deux ecrits ferment la feconde & la quatrieme partie de VApologie de M. de S. Cyran. Lorf- qu'bn les fit imprimer , on y ajouta les deux autres parties , la premiere (14) Imago fsculi primi, lib. 4. c. 1.
|
||||
154 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
.
l6>$- en \6^ cette Apologie, qui couvre
de confufion les calomniateurs , S<- qui eft reftee fans rlponfe. Jufques-li on s'etoit contente de faire voir a. di- verfes perfonnes cesecrits qui n'ont pa- ru qu'apres la mort de M. de S. Cyran , mais alors on ne put fe difpenfer de donner au public fon Apologie , parce- que les Jefuites avoient deja fait im- firimer plufieurs fois les extraits de
a (25) pretendue information , & le Memoire de M. de Langres , meme contre le gre de ce Prelat. li 11. M. de Langres finit fon Memoire L'AbM de en renVoi'ant a D. Jouand Abbe de Pneres caufe . . _ . ,
dc-iaperfccu-rneres , qui rat interroge par Lau-
£°ndef*™ * bardemont, lequel envenima toutes »»n. fes reponfes. Cet Abbe avoit vu M. de S. Cyran a MaubuifTon 1'an 1635,
& par une baffe jaloufie, qui lui fit craindre que ce grand homme ne lui enlevat la confiance des Religieu- fes (16), il commentja a prendre en un mauvais fens tout ce qu'il lui en- tendoit dire. Il peut erre regarde com- (iy] Les premiers Au- exces indignes de fa pro^
leuirs de l'cxtraic pretendu feffion , fur feverement
des informations, furenc chati6 dans fon ordre.
ieax Capucins , dont (16) Voiez V Apologie
I'un mouruc en le fai- de M. de S. Cyran , air.
faat; 8c l'autre, pour des ; j , 47,. Sec-
|
||||
—
I. P ARTIE. L'lV. VI. 15.;
me la principale caufe de la perfecu- i$z%~
tion contre le premier homme de fon fiecie, & par confequent l'auteur de tous les Troubles arrives depuis dans l'Eglife (27). Un encretien qu'ils eurent a Mau-
buiiTon cecre meme annee 1635 , fut I le pretexte de la premiere accufatiort qu'on forma contre M. de S. Cyran
des 1'annee fuivante 1636. Comme M. Mauguier Abbe de la Charmoye fe plaignoit que les filles ne s'amen- doient point, M. de S. Cyran dit a l'Abbe de Prieres de prendre garde fi ces ames ne s'appuioient pas plus fur la pondtualite de la confeflion que fur la penitence. Il ajouta qu'on pouvoit ne leur pas lailTer ignorerque les opi- nions etoient partagees entre les Doc- teurs, qu'il y en avoir qui tenoient 3ue l'abfolution fuppofoit la remifllon
u peche, & etoit une efpece de de- claration juridique que fait lePretre, que le peche eft deja remis par la con- trition qu'ils croi'oient neceflaire ; 8c ilcitafur cela le Maitre des Sentences, mais fans dire que ce fut fon fenti- mentpropre. Ce que M. deS. Cyran (17) Dc'fenfe de M. K Partie, fixieme Rela-
Viment, chap. to. Re- tion , Tome I. page 446,
cueil tie pieces imprime & fuiv.
en 1740 page 42 : premie- |
||||
-----------------------.----------------- — ---------- -----r--------
\$6 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.'
_______avoir die, fans pretendre en faire ua
itfjS. principe &c une regie de conduite,
fervit quelque terns apres de bale 8c de fondement aux calomnies de l'Ab- be de Prieres. II trouvoit mauvais que M. de S. Cyran n'eut point parle avan- tageufement des Jefuites fes chers maitres *, il etoit fache qu'il n'approu- vat point les vues qu'il avoit de faire rentrer les Religieufes de P. R. fous la jurifdiction de l'ordre de Citeaux. 11 ne lui en falloit pas davantage pour le decrier comme un homme qui en- feignoit des points de dodrine con- traries au Concile de Trente. M. de S. Cyran fut averti jufqu'a deux fois > fans fe mettre en peine de fe juftifier ; neanmoins pour empecher que cette calomnie ne causat du fcandale, il fie parler a. l'Abbe de Prieres par M. Do- nadieu de Griet Eveque de Commin- ges. Ce Prelat lui reprefenta qu'il avoit tort de blamer une opinion foutenue par d'habiles Dodeurs , outre qu'on n'alleguoit celle-ci que pour infpirer plus de retenue aux ames qui fe re- pofent entierement fur l'abfolution , & ne penfent point a remedier a leurs plaies , comme fi on pouvoit les guerir par une feule parole. L'Abbe de Prie- res fut furpris qu'on le connut pour. |
||||
I. P ARTIE. Liv. VI. 137
auteur de ces bruits , & parut touche de la remontrance du Prelat: il alia voir M. de S. Cyran : mais au lieu de reparer le mal done il etoit deja coupa- ble, il fe laifTa emporter a fa paflion , &: l'accufa d'avoir avance une erreur. M. de S. Cyran lui die qu'il lui par- donnoir a caufe de fori ignorance, he qu'il lui falloit trente ans pour con- noitre la face de l'Eglife dans les livres de l'antiquite. Apres cette entrevue l'Abbc de Prieres recommencaafemer les memes bruits , & fc joignit a. tous ceux qu'il croi'oit etre mecontens de M. de S. Cyran. En meme tems que M. de S. Cyran pria M. deCommin- ges de parler a l'Abbe de Prieres , il drelTa un petit ecrit, ou il fait voir que Suares (iB) meme traite problemati- quement cette queftion, fans jamais la taxer d'aucune note •, il donna cet ecrit au Prelat, pour lui faire connoi- tre la juftice de fa caufe, en lui re- commandant de ne le faire voir a perfonne qu'a l'Abbeffe de P. R. qui avoit decouvert la manoeuvre de l'Ab- be de Prieres. Cependant le Prelat communiqua l'ecrit au P. de Condren General de l'Oraroire qu'il favoitetre ami de M. de S. Cyran. MaiscePere <i8) Auteur Jcfuitc , 8c non fulpefl.
|
||||
Ij8 HISTOIR.B DE PoRT-Ro'lAl.
------— mecontent de M. de S. Cyran , parce-
^ qu'il n'etoit pas de meme avis que
lui fur le mariage du Due d'Orleans , profica de l'abfence du Prelat pour divulguer l'ecrit; & un Pere de la meme Congregation etant venu voir la Mere Superieure de P. R. lui dir qu'il avoit appris en divers lieux & dans leur maifon , qu'elle etoit f heretique , & qu'elle renoit que
l'abfolutioni n'etoit qu'une declara- tion &c. La Mere Superieure &c la Mere Angelique ecrivirent au P. de Condren pour fe plaindre de cette imputation calomnieufe ; les lettres lui furent remifes par M. le Feron Do&eur de Sorbonne, a qui le P. Con- dren dit qu'il tie croi'oit pas que la propofition fiit heretique. Quelques jours apres, il fit ecrire par le P. Vi- gnier, une lettre a l'AbbeiTe de P. R. dans laquelle il pretendoit que l'ecrit en queftion contenoit des opinions contraires a la dodtrine de TEglife. Le P. Vignier envoi'a cette lettre fans cachet a Madame dePontcarre qui etoit encore a P R. On voit ici la fource & l'origine de la persecution contre M. de S. Cyran, mais on ne pent , fans en etre afflige , voir un Abbe la commencer, un General d'ordre y |
||||
I. P ART IK. Liv. VI. t 39
concourir avec plufieurs membres d'une I(j,g= 4
Congregation audi celebre, & meme
violer fans fcrupule une amide d'au-
tant plus etroite qu'elle duroit depuis
plufieurs annees. Des-lors , plufieurs
perfonnes fe declarerent contre M.de
S. Cyran. Madame de Longueville,
voulant l'exclure du monaftere duS.
Sacrement, fit entendre a. M. Lefcot
confeireur du Cardinal, qu'il eloi-
gnoit les ames de l'ufage des Sacre-
mens , & avoit des maximes particu-
lieres. Mais cette Princefie reconnut
avant fa mort arrivee le 9 fejptembre
1647 la faute qu'elle avoit faite, en
croiant legerement &c en debitant les
calomnies qui fe repandoienc contre
M. deS. Cyran.
Pour revenir aux folitaires , Lau- , hlY; .
. v . . . , Les folicaires bardemont, apres les avoir interroges, ont crdre de
leur fignifia l'ordre de forrirde P. R.^1!!* 1 1 b / \ Tl C des champs.
des champs (2.9). Us en lortirent tous
le 14 juillet 1638. M. le Maitre, comme pour dire adieu a fa chere fo- litude, fit en s'en allant ces quatre (z<>) M. Fontaine met p. 8f- Cependant, M.
huit jouts d'intervaHe Lancelot femble marquer
entre l'interrogatoire & que l'ordre fuivit im-
l'ordre donne a M. le mediatement rintcrroga-
Maine & a M. de Seti- toire.
foun de fe retirer , T. I. |
||||
|
|||||||
I40 HlSTOIRI DF. PoRT-ROlAl.'
"1638. vers, qu'il repeta plufieurs fois efi
verfant des larmes. Lieux charmans, prifons volontaires ,
L'on mebannit en vain devos facrcs dcfetts: le fupreme Dieu , que je fers, Fait par tout de vrais folitaires. L v Ces folitaires ne penfoient dans
m. de sacy leur retraite qu'a fe cacher, a pleurer
tombe mak" & A g^mir devanc Dieu. Mais la ma- lice des hommes ne put les y laifler tranquilles. Aiant done ete forces de la quitter, ils vinrent a Pat is & fe retirerent au fauxbourg S. Jacques, ou ils logerent a la Barbe d'or. lis y de- meurerent huit ou dix jours , jufqu'a. ce que chacun eut trouvea fe placer. M. de Sacy tomba malade dans cette
hotellerie , ce qui obligea Madame fa mere a le faire tranfporter fecrete- ment a P. R. pour en avoir plus de foin (30). Quandil fut retabli, M. de S. Cyran trouva bon qu'il fe retirat dans fa maifon auptes defesneveux, |
|||||||
(jo) M. Fontaine fe avanture feroit-il venu
trompe lorfqu'il dit, tombet malade dans l'h6-
tome I. page 87 , aptes tellerie , ou les folitaires
avoir rapporte la fortie challes de P. R. vinrent
de M. le Maitre de P. R. loger , s'il n'avoit et£
& fa retraite a la Ferte1 tui-meme un de ces folitai-
Milon , que M. de Sacy res > Ce fait d'ailleurs eft
e'toit encore chc\ M. d'An- rapporte par M. Lancelot,
iilly [an oncle. Par quelle qui etoit aveceux.
|
|||||||
I. Par.tie. Llv. VI. 141
pour fe former plus particulierement a la fcience ecclefiaftique , & il y a de- meure plufieurs annees avec M. de Barcos, meme depuis la mort de M. de S. Cyran. M. de Sacy ecoit d'une pi^c^ ae j^ fi grande piece des fon enfance , que de s»cy dcs M. Hillenn en etoit edifie, en le foIlc"!a""- voi'anc regulierement affifter a fa Mefle de Paroilfe. Lorfqu'il eat appris les Ses premie.
belles lettres, il fit fa Philofophie, rcs-6tudes-
mais fans y prendre de goat; la foli-
dite de fon efprit le rendoit propre a
quelque chofe de plus grand. Il fe
plaifoit a demeurerau logis ,8c s'exer-
goit de terns en terns fur quelque fu-
jet de poefie. M. Fontaine nous a
conferve la premiere piece qu'il fit au
nom de Meflleurs fes freres, pour re-
mercier Madame leur Mere du prefent
qu'elle leur avoit fait a. chacun d'une
bourfe de fa fagon. Madame le Mai-
tre fut fort furprife de ce remerci-
ment auquel elle ne s'attendoit pas.
Elle voulut cultiver ce talent,& priafon
fils de lui traduire en vers franc,ois une
hymne de l'Eglife qu'elle lui marqua.
Lorfqu'elle fut faite, elle la goiita
beaucoup 8c lui demanda les autres
fucceflivement. De cette forte M. de
Sacy traciuifit en vers frangois routes
les hymnes de l'Eglife, que Ton re-
|
||||
141 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAl.
________ cueillit enfuite , & qu'on imprima
1638. dans les heures latines & francoifes
de P. R. Telles etoient les occupa- tions de M. de Sacy dans fa plus tendre jeunefle. » O homme vrai- » men: vertueux , s'ecrie M. Fon- ■>, raine , dont tous les momens ont » ete fi utiles a l'Eglife , & qui de >• puis fa premiere enfance jufqu'a fa .. derniere vieilleffe lui a confacre 1, de faints travaux... La poefie de- „ venue route prophane devint route » fainte entre fes mains. 11 l'a arra- » chee en quelque forre a l'idolarrie, „ a la volupre, a l'erreur, a la de- » bauche , pour la faire fervir a la j. piete (31). C'etoir ainfi que M. de Sacy s'elevoir fous les ailes d'une mere fi chretienne, & que Dieu fe formoit de loin un digne miniftre de fes autels. Madame fa mere le mit de bonne heure fous la conduire de M. de S. Cyran , qui par la penetrarion de fon efprit decouvrit tout-d'un-coup les rares talens de ce jeune homme. II prit foin de regler fa vie & fes etudes, de lui faire faire de grands progres dans la fcience & la piete, mais en- core plus dans la piete que dans la fcience. On auroit peine a croire juf- <5«) Tome I. page fit.
|
||||
1. Par.tie. Liv. VI. 14j
qu'ou alloit la foumiffion du difciple l6 ,g_ pour le maitre. Il ne faifoit pas un pas , il n'ouvroit pas un livre , il n'e- crivoit pas une ligue fans en avoir rec.ii l'ordre. Ainfi commencoit une vie j dont tout le cours devoit etre ft faint 8c fi glorieux. Il fuivit tou- jours le meme plan , fans jamais s'en ecarter. Apres fon cours de Philofophie , il tvi.
ne put fe refoudre a etudier en Sor- tthu^iTli- bonne a caufe de l'eloignement qu'il tu<UerenSor- avoit pour les difputes. Ni les pref- fantes follicitations de Meffieurs fes parens, ni Pexemple fi puiflant de la coutume , ni celui de M. Arnauld fon oncle avec lequei il avoit jufques-la fait fes etudes, ne purent l'y deter- miner ni vaincre fa repugnance , fon- dee principalement fur ce qu'il falloit etre Pretre pour etre Dodteur. Il s'a- dreila a M. de S. Cyran , qui ne vou- lant rien decider , lui confeilla d'ecrire a M. le Maitre fon frere , quietoitde meme avis que les autres : il le fit, 8c lui expofa les motifs de fa refiftance. „ Ce qu'il faut fur-tout confiderer en „ ceci, lui difoit-il , c'eft que vou- „ loir etre Do&eur, c'eft vouloir etre " Pretre. Ainfi pour croire que Dieu .-, m'appelle a etre Do£leur, il fauc |
||||||
144 HlSTOIK-E DB PoRT-ROlAt.
» que je m'affiire auparavant qu'il
„ m'appelle a etre Pretre. Mais com- „ ment puis-je prendre cette aflu- » ranee, lorfque jeconfultelalumiere » que Dieu m'a fair voir de la di- » gnite de la Pretrife , de l'innocence » attachee aurrefois au facerdoce, i. de la grandeur des peches apres le » bapteme, & de la neceffite de la .. penirence &c de la vocarion V II fut encore frappe de la more d'un jeune Bachelier nomine Chaffi , qui apres s'erre prepare long-tems a foucenir un ade , & avoir porre fes thefes a fes amis, mourur le jour meme qui ecoit marque pour l'adte. » J'avoue, dit >j M. de Sacy dans un billet qu'il ecri- « vit a l'occafion de cet evenement, » que l'equivoque de nos noms ( Sacy » & Chaffi ) m'a fait peur. Je crain- « drois fort, (\, aulieu de m'attendre » a repondre dans un acle devant les » hommes, dont on attend des louan.- » ges , je me voiois tout-d'un-coup » furpris & oblige d'aller repondre » de mes actions devant Dieu, dont » on doit attendre une rigoureufe >. juftice. Cet homme m'effraie, lorf- » que je vois qu'au lieu de les prier » de venir voir foutenir une thefe , " il euc mieux fait de les prier de » venir
|
||||
-----„-------- - -
I. Par.tie* Liv. VI. 145
*> venir a fonenterrement. Cesgrands 1(j,g# "
» coups patient, &c fi les jeunes gens " n'en profitent, ils font bien foutds » a la voix de Dieu. La lettre que M. de Sacy avoit ecrite Mr JJs'cy.
a M. le Maitre eut fon efFet. M. le ran approuve Maitre & les autres parens de M. de *.**£/? Sacy , touches de la folidite de fes raifons, ne le prelTerent pas davanta- ge; tous s'en rapporterent a M. de S. Cyran , qui jugea qu'il ne falloit pas lui faire violence , ni porter une ame fi humble a fortir de cette difpo- fition. M. de Sacy craignant done faintement la pretrife, qui eft une dignite toute divine , s'eloigna du doclorat , qui eft un titre purement humain , auquel on aflervit le facer- doce de Jefus-Chrift; mais Dieu, pour recompenfer le fage difcernement que fon humilite fut faire des-lors, lui donnera dans la fuite la plus au- gufte de ces qualites fans 1'autre. Ai'anr apprehende d'etre Dodleur de peur d'etre Pretre , il le fera Pretre fans etre Do&eur. Les freres de M. de Sacy , apres tvm.
l'ordre de fortir de P. R. eurent peine J££££ a. trouver une retraite , fur-tout M. trouvcr une le Maitre. Chacun craignoit d'irriter te":a"e, les PuiiTances, en le retirant. Le$ Tome II. G
|
||||||
*'■•
|
||||||
_____
|
||||||
I4<J HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
" l6,y " Charcreux de Paris a qui il fit deman-
det un logis en paiant, & feulement la liberte d'aller a Marines &c a l'office du jour, repondirent qu'ils etoient obliges de menager la Cour. Ceux de Bourg-Fontaine , & les Religieux de S, Germain des Pres , firent prefque la meme reponfe. 11 n'y eut que les Cha- noines de S. Victor qui fe montrerent un peu moins timides , dit M. Lan- celot en remarquant cette fermete comme un refte de celle qu'ils temoi- gnerent autrefois dans la perfecution fufcitee a. S. Thomas de Cantorbery , & qu'ils ont fait voir en d'autres oo cafions femblables. 11X Apres avoir inutilement jettc les m.Lancelot yeux fur beaucoup d'endroits &c de
eft envoie a/- j i
la Fene-Mi- perlonnes, on ne trouva nen de plus
ion, ou m. le convenable qu'une retraite eloignee
de setkouct d'environ feize lieues de Paris •, e'etoit
fe retiiem i la Ferte-Milon au logis de M. Vit-
tard. M. Lancelot y avoit deja etc
envoie avec le fils de M. Vittard age
de 12 ou 13 ans, pour continuer de
prendre foin de fon education. La
maxime de M. de S. Cyran etoit de
n'abandonner jamais aucime bonne
ceuvre commencee •, e'eft ce qui avoit
fait prendre des moi'ens , nonobftant
h perfecution , pour continuer I'edu*
|
||||
I. Par tie. Liv. VI. 147
cation des enfans, dont on s'etoit trouve charge ; & j'avoue , dit M. Lancelot, que c'efl ce qui niedifia le plus en cute rencontre. II fut charge pour fa part du petit Vittard, & ie rendit a la Ferte-Milon, bien reiolu de l'elever chretiennement , autant qu'il en feroit capable. II s'attendoit a demeurer feul jufqu'a ce qu'il plut a Dieu de changer l'etat des affaires. Il fut bien etonne de voir arriver peu de jours apres, M. Ie Maitre & M. de Sericourt, avec M. Singlin qui les amenoit. Les deux freres continuerent a vivre en hermites ; mais quelque retires qu'ils fuffent, la bonne odeur de leur piete fe rcpandit bientot, & on difoit par-tout que jamais on n'a- voit vu de perfonnes d'un fi grand merite. Cependant ce n'etoit pas ce qui paroihoit aux yeux des hommes qui etoit le plus edifiant; mais ce qui fe pailbit dans le fecret. M. Lance- lot , toujours fi modefte, parlant de la maniere dont ils vecurent enfemblc pendant un an dans une profonde re- traite , croit pouvoir dire, pour ho- norer Dieu dans fes dons, qu'il leur donnoit quelque part a la grace de ce- lui qui difoit; pour nous , nous vivons deja dans U del. Ils ne voi'oient per- G ij
|
||||||
I48 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
fonne qu'un valet qui leur portoit i
manger j M. Lancelot meme n'avoit pas de converfation avec eux, lis ne iortoient que pour aller a la MefTe Ies fetes 8c dimanches, & ils alloient l'entendre chez les Bernardins de S. Lazare, eloignes de plus d'un quart de lieue. Le Prieur etoit le R. P. Varnier , celui qui avoit commence la reforme de fon monaftere, & qui aida meme la Mere Angelique lorf- qu'elle entreprit celle de fa maifon. Ce Pere compofa un livre pour la
juftification de Madame Catherine de Lorraine (31), lorfqu'elle entreprit de pratiquer la regie de S. Benoit a la iettre & dans toute fon etendue. Il y fait voir qu'il n'y a rien de plus fage ni de mieux ordonne que cette regie , 8c qu'elle eft beaucoup plus utile pour s'avancer dans la piete 8c plus mo- deree en elle-meme , que ce qu'on y a ajoute depuis •, 8c il l'avoit fait pra- tiquer ainfi dans S. Lazare. Ce bon Religieux temoignoit toute forte d'af- fe&ion aux folitaires. On peat jugei" de l'eftime qu'il en faifoit par la let- (51) Quoirju'elle fuc contradictions qu'elle ef-
petite fille de France 8c fuia de la part des Cha-
jirur de trois Souverains, noinefles 1'obligerent de
elle ne put ctablir la refor- fe retirer en 1S43 a Paris,
aie a Remirempnt, I.cs oiielle rrjourut en 1S48',
|
||||
t. Par.tie. Llv.Vl. 149
tre qu'il ecrivit a la Mte Angelique.J'ai j^jS. * i> ete ravi de joie, dit-il, ma reverende . » Mere de voir Meffieurs vos bons ne- " veux en I'etat, dont il plait a Dieu " de les honorer. Je ne vois rien en ft nous tous qui approche de leur me- » rite, & je puis dire en verite que m nous ne fommes point Religieux a « leur egard. II nous refte un feul w deplaifir , qui eft la privation de » leurs pieufes conferences qu'ils nous „ denient a raifon de leur retraite jj fans relache , &c. M. Lancelot ne perdant jamais de
vue fon ecolier, alloit a la Mefle a la ParoilTe , & vivoit de fon cote fi re- tire qu'il n'avoit aucune connoi fiance dans la ville. lis continuerent les uns 6c les autres de dire matines la nuit, inais feparement, de peur de faire du bruit ; ils fe contentoient de s'unir en efprit & de fe repandre devant Dieu, qui etoit le feul temoin de la devor tion qu'il leur infpiroit. Tandis que de pieux la'ics menoient 1 x.
dans la retraite une vie fi fainte , Dieu Jofcph c*t«- appella a lui un Religieux qui en cin, yetitaf 11 • / i- 3'CC'-.__Z„ o, teurdeM.de
avoit mene une bien dinerente, oc s c„rin,
qni avoit joue un grand role dansle rnonde. C'eft le fameux P. Jofeph le Clerc duTremblai Capucin, le bras G iij
|
||||
I JO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
droit & le confident du Cardinal de
Richelieu, qui Pemploioit dans les affaires les plus importantes. On peut juger de fon talent pour l'intrigue , par ce qu'il fit Tan 1630 a Ratiibonne, & qui donna occafion a l'Empereur Ferdinand de dire & de repeter plu- fieurs fois, qu'un pauvre Capucin I'a- voit defarme avec fon chapelet, & que tout etroit que fut fon coqueluchon , 11 avoit fit y fiiire entrer fix bonnets Elec- coraux. Mais quoique plonge dans les; affaires du fiecle, il fa piquoit d'etre: un fort grand maitre dans la vie fpi- rimelle , & vouloit etre feul Direc- teur des Religieufes du Calvaire, done m on peut le regarder comme le Fonda- teur ou Inftituteur apres Antoinette d'Orleans (33). Un jour neanmoins (53) Antoinette d'Or- ctrecoadjutrice d'Eleonot
leans etant demeuree veu- de Bourbon la tante £c Ye a l'age de 15 ans , lui fucceder apres fa mort. quitta la Cout vers l'an Elle refufa long tems, 1558, 8c renomja tout- mais enfin il fallut fe cfun-ceup au monde pour rendre , lorfque le Pape fe confacrer a Dieu dans Clement VIII le lui eut le monaftere des Ftuil- ordonne fous peine d'ex- lantines de Touloufe , le communication. Satante plus pauvre &c le plus'aufte- etant morte, elle follicita re de France. Quelques tellement Sa Saintete de annees apres, fa vertu lui permettre de fortir de- fut mlfe a une rude epreu- Fontevrauld, que le Pape tc. On voulut l'obliger y confentit, louche des <le venir a Fontevrauld, raifons que lui donna 1'une des plus riches Ab- cette Princefle (i humble. ba'ies de France, pour £llc alia s'hablir a Pol- |
||||
I. PaAtijs. Liv. VI. 151
le voi'anl fur le point d'entreprendre |
||||||||||||||||||
I638.
|
||||||||||||||||||
tiers, a la fin de 1^17 ,
dans le deflein d'y prati- 3tier ettoitemenr la regie
e S. Benoir avec quel- ques Religieufes , a l'une defquelles elle fe foumit apres 1'avoir fait etablic Superieure. Elle mourut en odeur de faintete le if avril 1*18. On peut voir ce que difem de cette admirable PrincelTe M. d'Anditly , dans le dif- cours qui eft a la tete du premier volume des vies ties Peres du deferc, n. xvi u , & M. de S. Cy- tan Jettre 9-. , chap. 1S. L'un £c 1'auire l'avoient connue particulieremenr. Comme le monaftere qu'Antoinette d'Orleans etablit a Poitiers , pafte pour le berceau de l'ot- dre du Calvaire , cetre Priacelle en eft regardee comme la Fondatrice. Ce- |
||||||||||||||||||
ferant a tout, aux ref-
pefts humains, aux inte- rets temporels de fon corps, a la liberte, 8c a la vie meme , qu'elle a perdue en captivite pour* la rccouvrer dans le fein de Dieu ), les Religieu- fes, dis-je de cetOrdre, rcconnoiirent auili pour leui Inftituteur le fameux P. Jofepli, £c avec taifon. Car ce Capucin agiiTanc pat rommidionjdes Papes Paul V 8c Gregoire XV, leur donna apres la mort d'Antoinette d'Orleans, dont it avojj laconfiance, le nom de Fi'les de Notre- Dame du Calvaire, 8e leur drefla des Conftitu- tionsqui font principalc- ment tirees de la regie de S. Benott. A fa confide - ration , la Reine Marie de Medicis fit venir de ces Religieufes a Paris, 8c les |
||||||||||||||||||
pendant les Religieufesde etablit en Kir pres du
cet otdre ( deventi au- Palais du Luxembourg |
||||||||||||||||||
qu'elle venoit de faire
batir. Le P. Jofeph vou- laut afrermir davantage cette Congregation , fon- da en 16j 5 un nouveau monaftere auquartierdu Marais. C'eft oil refide la Generale de l'Ordre. La mat fon 8c 1'Eglife ne fit- rent batiesqu'en i6}8, des liberalites du Roi, du Cardinal dc Richelieu, 8c de la DuchefTe d'Aiguil- lon. Le cceur du P. Jo- feph fut apporte dans cet- te Eglift apres fa mutt. G iiij
|
||||||||||||||||||
plus celebre
|
||||||||||||||||||
j
|
||||||||||||||||||
qu'il ne l'a jamais ere ,
par fa reclamation en favour de la foi contre la Bullc [fmginitui, 8c par la fermete admirable de Madame de Coaquen Ge- nerate de fa Congregation qui a donne un ii bel exemple a tous les Chefs 8c Superieurs generauxd'Or- dre , mais qti'aucun n'a ftiivi , du zelc 8c de l'a- rnour qu'on doit avoir pour la verite en lui fa- critiaiu tout, en la pre- |
||||||||||||||||||
Iji HlSTOIRE DI PORT-ROIAI.
un long voi'age pour les affaires du
Roi, il alia trouver l'Abbe de S. Cyran, pour lui recommander fes cheres filles du Calvaire , & obtint de lui qu'il les confefleroit en fon ab- fence. A fon retour il fut charme du progres qu'elles avoienc fait; mais il crut s'appercevoir bientot qu'elles avoient lend I'extreme difference qu'il y a d'un Dire&eur partage entre Dieu & la Cour , a un Dire6teur unique- ment occupe du falut des ames. Il en concut un fort grand depit, 8c ne lui pardonna , non plus que l'Eveque de Langres, cette diminution de fon credit fur l'efprit de fes penitentes. II mourut d'apoplexie le 18 decembre i (J3 8 dans le chateau de Ruel. L'on a remarque que le mal le prit au mo- ment que le Cardinal de Richelieu: l'avoir envoie chercher pour aller a. la comedie. Mais il n'eft pas moins re- marquable qu'il en reflentit les pre- mieres attaques la femaine mcme de la detention de M. de S. Cyran , a laquelle il avoit eu tant de parr. Com- me il avoit ete un des plus pailionnes Le Cardinal de Richelieu ete nomme par le Roi
voulut qu'on lui rendit pour etre Cardinal a la
a fa fepnlture les memos premiere promorion qua
lionneurs qu'aux Cardi- ie Pape devoit faire.
naux , parcequ'il avoit |
||||
I. Partii. Liv. VI. 15j
centre le ferviteur de Dieu , les amis" i(;j8. de M. de S. Cyran crurenc que fa more pourroit bien apporter quelque changement > & redoublerent leurs inftances aupres du Cardinal, perfuades que fi cette Eminence avoit quelque refte de bonne volonte pour cet Abbe, elle ne feroit pas fachee de rejecter fur cette tete morte ce qu'il y avoic d'odieux dans cette affaire. M. Mole & M. Bignon> l'un Procureur gene- ral & l'autre Avocat general , offrirent de fe rendre cautions pour M. de S. Cyran. M. Sponde Eveque de Pa- iniers s'y voulut joindre pour troi- fieme : la dignite des repondans etonna le perfecuteur fans leconvertir. M. le Maitre imitant le zele de tXTi
ces Hermites qui oublioient leur fo- M.ieMaln* litude pour aflifter les Confelfeurs , cardinal *dtr voulut aulli contribuer en quelque Richelieu i» chofe a la juftification du faint Pri- Memofee de fonnier. II ecrivit de fa retraite une M- de La*" longue lettre au Cardinal de Riche- 6 lieu datee du zj decembre, par laquelle il lui adrefloit la reponfe qu'il avois faire au Memoire de M. de Langres. Mais comme on vit bien qu'il n'y avoit rien a faire , on ne jugea pas a. propos de la remettre au Cardinal. M. Mole aiant neanmoins parle afon Eminence G v
|
||||
15 4 Histoihe de PbRT-ftOiAt.
i6\ 8.~ c*e ^a r^Pon^e au Memoire de M. de
Langres, le Cardinal frappe fans doute de l'ingratitude de M. Zamec & de I'abfurdite des calomnies , repondit qu'il avoit eu une opinion peu avan- tageuje de ct Memoire, qiton n'avoit eu aucun egard a ces bruits dans F affaire de M. de S. Cyran , & qu'il n'etoicpas necejfaire d'y faire aucune riponfe. Quoique la lettre de M. le Mai ere ne fut point prefentee , on la conferva, 8c elle fut des-lors imprimee par quelque Libraire entre les mains de qui elle tomba (34). 1x11. M. le Maitre, apres avoir fait en Mdfieurs le cette occafion ce qUe fa charite & fon Maitre 8c de T - . A
Sericoutt re- attachement pour un iaint Fretre m-
plcl"£nt r juftement opprime fembloient exiger champs. de lui, rentra dans le filence & con- rinua de vivre dans la retraite & la penitence. Comme Pair de la Ferte n'etoit pas trop fain dans le bas de la ville, ou logeoient les folitaires , M. Lancelot y tomba malade jufqu'a deux fois; M. le Maitre non-feulement n'oublia rien de ce qui pouvoit con- tribuer au foulagement & a la confo- Iation du malade, mais il voulut (■54) EHe fe trouvedauj page 508 ,& eft la fuie-
le premier volume des me piece du recueil. Memoir e s Je M. Lancelot,
|
||||
I. Partie. Liv. VI. 155
encore fe charger du foin & des le- ~I(j,.t
$ons de fon eleve, le jeune M. Vit- tard. L'ete fuivanr de l'annee 1635), on jugea a propos que les folitaires allaftent prendre l'air enfemble fur la montagne apres leur fouper. Il falloic pafler un quarcier de la ville pour fbrrir , mais ils le faifoienr fans ja- mais parler a perfonne ; 8c lorfqu'ils revenoient le foir vers les neufheures, ils alloient Tun apres l'aurre en filence difanr leur chapeler. Tour le monde qui etoit aux porres, felon la courume en Ete , fe levoir par reipedt, pour les faluer. On etoir plein d'eftime & de veneration pour ces Melfieurs, qui repandoient dans ce pais la bonne ocfeur de Jefus Chrift , qui s'y eft per- petuee long-tems , & y a produit des effets falutaires. Sur la fin de l'ete, M. le Maitre & M. de Sericourt ju- geant que l'orage, qui les avoit fait forrir de P. R. des champs , etoit un peu appaife, crurent pouvoir retourner dans cette folitude , ou leur coeur etoit toujours demeur£. La nouvelle du depart de ces Mef- txnn
fieurs, fut un fujet de deuil pour ^ Affia^ toute la ville. Mais les Dames depiete j epart de
qui les avoienr retires chez ellesFttt*'
iurent iaifies jufqu'au; fond du coeur , G vj
|
||||
I 56 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAL.
lorfqu'elles fe virent fur le point de
perdre de tels notes ,. dont la vue feule &c le filence leur fevroit d'initru6tion. Ne pouvant fe refoudre a les quitter , elles allerent trouver M. le Maitre & fondant en larmes lui patlerent en ces termes : » II nous eut prefque mieux m valu ne vous avoir jamais connus , -j que de voir qu'auffi-tot prefque que i> nous comprenons notre bonheur, » on vous arrache ainfi de nous. Par- m donnez a notre douleur, & pec- s' mettez nous de vous dire , que nous » ne pouvons plus nous refoudre a » vivre fans vous. Nous ne favons » peut etre , ma foeur & moi , ce que » nous difons, & nous fuivons plus >• notre coeur que notre raifon. Mais " fi vous avez vu en nous quelque n zele pour vous fervir, permettez- n nous de vous dire que puifque Dieu m vous a envoies ici , ou vous y der " meurerezavec nous, ou nous vous » fuivrons par-tout ou il vous plaira, « d'aller. Nous n'avons garde de faire » les favantes avec vous , mais vous " favez qu'il y a des enchamemens ad- » mirables dans les trefors de la Pro- » vidence. Qui fait fi Dieu n'a point » permis que vous trouvaffiez parmi » nous un azyle pour vos perfonnesaafiai |
||||
I. Parti?.. Liv. VI. 157
» que nous en trouvaflions un pour ■
» nos ames! Pour nous nous n'en l639*
» doutons point. Ce que nous avons
» deja eprouve par le pafle , nous re-
" pond de l'avenir. Enfin vous ferez
» ce qu'il vous plaira, mais nous vous
» declarons que nous ne vous quit-
» terons jamais. Elles s'en tinrent la
en laiffant dire le refte a leurs yeux.
Mais ce fage penitent, ne crut point
pouvoir demeurer davantage a la Fer- te, ni qu'il fut de la bienfeance de confentir que ces Dames le fuiviflenr a P. R. „ J'admire ici, dit M. Fon- » taine, la conduite de Dieu & la „ force actirante de la bonne odeur , „ qui fortoit de ces folitaires. Car „ qui ne fut pas attire a Dieu par „ leurs bons exemples , & combien de » perfonnes 'ont pris alors la refolu- „ ti on de le fervir ? Mais fans parler „ d'eux en particulier , 1'admirable » Abbefle , qui gouverne aujourd'hui » avec tant de vigilance , ne vient- „ elle pas de-la comme de fa premiere ,, fource (35)? M. Fontaine parle ici de la Mere Agnes de Sainte Thecle Racine , tante du celebre Poete de ce nom ; elle etoit de la Ferte-Milon , 8c fut AbbefFe depuis le 2. fevriex - 'jj.jj Temcl. page 100.
|
||||
- — ■ — - .....
|
|||||
I58 ffrsTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
~" 1689 jufqu'a fa mort arrivee le 1?
mai 170a. Ces Dames trouvant tant de reTif-
tance dans M. le Maitre , s'adrefTe- rent a Madame le Mairre fa mere & a la Mere Angelique, qui fe croianc obligees a ces bonnes Dames des fer- vices qu'elles avoient rendus aux fo- litaires pendant leur fejour a la Ferte , ne purent leur refufer un petit logis qui etoit fur la porte de P. R. M. le Maitre de retour a P. R. informa M. de S. Cyran de tout cela, & en rec,ut la lettre fuivante. » Monfieur, j'ai » toujours eu dans l'efprit, depuis que » vous quittates P. R. & que vous » futes oblige d'aller a la Ferte, de » vous dire que cela me fit peine de » favoir que vous etiez dans un logis >► ou il y avoit des femmes , quoique » je fufle qu'elles etoient tres bonnes 3 » tres fages , & tres honnetes. Quand » Dieu nous auroit aflures par une « revelation certaine , que jamais » nous ne perdrions notre virginite , » cela n'empecheroit pas que nous ne w fulTIons plus obliges qu'auparavant » de fuir les occafions , & particulie- « rement la vue des femmes, comme iJ ont fait plufieurs Saints a qui Dieu » avoit donno cette alTurance , ainfi |
|||||
L Parti e. Liv. VI. 159
n qu'on le die de Saint Thomas. » Je loue Dieu de ce qu'il vous a
» fait vivre dans ce lieu avec cdifi- j» cation ... mais par la liberte que » je me fens avoir avec vous ... je » dois vous dire que cette peine s'eft » renouvellee dans mon efprit, lorf- .} que j'ai fu que ces memes perfonnes »» s'etoient approchees de vous. C'efl: » pourquoi je vous prie de trouvec » bon que je vous fupplie pour don- » ner Bon exemple au monde, &C » oter route occalion au demon d'ex- » citer des calomnies , de vous tenir » toujours fort fepare d'elles dans » votre maifon , 6c de n'avoir au- »» cun entretien avecelles que dans la » necefllte. Faites une ferme refolu* u tion de ne leur jamais parler hors » le befoin. Ce fera alors que vous » ferez un vrai folitaire , & que vous » donnerez une bonne edification. » Quand les perfonnes feroient pu-
» res & faintes comme des Anges , n vous le devriez faire ainfi. Car aux m gens de bien, qui veulent vivre >y fans reproche , on leur dit , Cum- sr fim'mis fermo rarus; mais aux (o- » litaires, on leur dit, Cum ftminis n fermo nullus.. Je vous avoue que » pour moi je connois un peu le ma; |
||||||
-------------------------------------------------------------------------■■«'." **.»■*.■!, "^9!^^
|
|||||||||||
l6o HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
» lin efprit, que Tertullien dit n'etre
|
|||||||||||
'•"" » connu que des vrais chretiens
>* Je puis dire comme l'Apotre: No-
j) vimus cogitationes ejus. La feule vile » d'une femme lui fuffit. Il n'a pris » David que par-la ... Il faut etre » vieux dans ce metier pour en fa- » voir les rufes... Les avis qui re- m gardent le bien de l'ame font tou- » jours bons, quoiqu'ils foient fu- » perflus , & j'ofe le dire , quoiqu'ils » foient donnes mal-a-propos, &c. exrv. M. le Maitre re^ut cet avis de , °c,a;?'"'°n M. de S. Cyran avec une fi parfaite ue dans faioumiilion, qu il lui marqua qua |
|||||||||||
Ktraice.
|
|||||||||||
etoit refolu non-feulement de ne par-
ler jamais a aucune femme, mais de fe faire une regie generate de ne parler a perfonne. M. de S. Cyran jugeant cette refolution dangereufe , modera fon zele , dans la reponfequ'illui fit^ & M. le Maitre toujours founds, s'y conforma, fe tenant enferme dans fa chambre, quoique fans opiniacrete. Il s'occupoit a la traduction de quel- ques paffages des Peres fur la peni- tence-, mais fur-tout a. la le&ure de I'Ecriture fainte , & particulierement a. celle des Pfeaumes. Il en traduifit quelques-uns qu'il envcA'a a M. de $. Cyran pour Ten rendre juge. M. |
|||||||||||
-------------»-------------------------—
I. Partie. Liv. Ft, 161
Ae S. Cyran lui ai'ant temoigne qu'il
ctoit difficile de reuffir dans cette en-
treprife fans le fecours de la langue
hebrai'que , il forma le detfein de
l'apprendre , & M. de S. Cyran l'ap-
prouva par une lettre dans laquelle
il lui donne plufieurs avis , & le prie
de lui envoi'er fes traductions: » Vous
» me ferez plaifir , lui dit-il, de m'en-
» voier quelques pfeaumes a mefure
■» que vous les traduirez. Je chante
» volontiers les pfeaumes dans ma
» prifon dans la langue de l'Eglife ,
» & je ferai bien aife de les chanter
» en notre langue. Je trouve tres ex-
" cellente la difpofition oii vous etes-
" de donner principalement tout cela
» a votre propre edification. Si dans
» mes penibles etudes j'avois toujours
» eu la meme fin que vous avez,
w j'en ferois plus fage dans l'ame,
» 6c plus fain dans le corps. Mais je
» rends graces a Dieu de m'avoir
» appris par ma propre experience ,
» que le neant des chofes du monde
m fe ttouve plus dans l'etude & dans
,x la fcience des chofes faintes, quand
» elle n'eft pas reglee felon la verite,
„ que dans la vanite des richeffes, des
„ plaifirs & des honneurs du monde^
» II y a plufieurs annees qu'il a pi it
|
||||||
------- _
|
||||||||||||
I <ji HlSTOIRE DE PoRT-RdlAt.
jj.'o, » a Dieu de me corriger peu-a-pei*
» des faures que j'ai commifes en
„ cela. Mais plus j'entre dans la Theo-
» logie &c dans l'etude des chofes
» faintes, plus je vois clairement ,
jj qu'il n'y a aucune fcience, quel-
m qu'clevee qu'elle foit, qui ne nuife
» a un homme , qui ne croit pas en
» charite, a mefure qu'il croit en in-
|
||||||||||||
» telli
|
*&~
|
nce des chofes de Dieu.
|
||||||||||
txv^ M. Lancelot ne palla pas cette an-
•va a rAbbaie n^e avec ^es Solitaires a P. R. des- des. Cyraa. champs. On l'envoia avec deux au- tres fur la fin d'octobre 1^39 dans l'Abbaie de S. Cyran , ou ildemeura un an entier. Le Prieur etoit frere de M. Singlin , & profes de I'Abbai'e de S. Germain des Pres. Comme il n'e- toit point engage dans la nouvelle Congregation de S. Maur , il confen- tit, au refus de fon frere , d'aller de- meurer dans I'Abbai'e de S. Cyran pour retablirla regularite, & s'yrendic au commencement de l'an 1634. Quel que terns apres il commentja ;l faire batir un petit dortoir avec des cellules, 8c a remettre un peu l'Ab- baie. Il y attira depuis un autre Re- ligieux de S. Germain des Pres nom- ine le Bret, qui y mourut peu de terns apres : c'eft a lui que M. de S. Cyran |
||||||||||||
.
|
||||||||||||
- ^
|
|||||||||
—-----------1-------------------------------------------------
|
|||||||||
I. Par.tie. Liv. PI. i6$
a ecrit la lettre 145 adreflee a un \6\<)T Rclig'uux de S. Benoit, qui s'etoit re- tire dans un monajtere de- la campa- gne, pour y vivre d'une manien plus conforme a fon inft'uut. Ce fut done M. Singlin , Prieur de S. Cyran , qui re^ut M. Lancelot avec fes deux com- pagnons , lorfqu'il arriva dans cette Abbai'e. Mais au bout d'un an , lorf- qu'il commenooit a gouter la douceur de la vie qu'il menoit, dans une grande exactitude aux offices de nuit & de jour, il recut ordre de M. de S. Cy- ran de revenir a. Paris au mois d'oc- tobre 1640. C'etoit pour prendre foin de M. Bignon, depuis Avocat general & de M. fon frere , qui a eteaans la fuite premier Prefident du grand Con- feil. La difficulte qu'il y a de trouver des gens capables de reuffir dans l'e- ducation chretienne des enfans, fai- foit , romme il le difoit quelquefois , qu'il auroit ere pour cela chercher un homme jufqu'au bour du monde. Il ne fallut rien moins que l'aurorite de M- de S. Cyran pour faire revenir M. Lancelot , qui outre le gout qu'il avoit deja pris pour cette folitude, ap- prehendoit beaucoup le changement, fachant qu'il n'y a rien oil Ton doive ctre plus referve, a moins qu'on net |
|||||||||
I<?4 HlSTOIRE DE PORT-RO'IAL.
'1(j foit allure que c'eft Dieu qui le faie
faire. C'eft une maxime qu'il avoit
apprife de M. de S. Cyran. Get Abbe dans une, lettre qu'il lui ecrivit, lorf- qu'apres avoir quitte fes eleves, il l'engagea a la facriftie de P. R. de Paris, lui marque de fe tenir ferme dans ces emploi, jufqu'a ce que Dieu Ten retire par une voix auffi claire que celle qu'en- tendit Samuel par trois fois , fans s'aflurer que ce rut Dieu qui lui par- loit qu'a la troifieme. txvi. M. de S. Cyran touche cettememe rsm'eftciian- v^rite en divers endroits , & il en
parle admirablement fur - tout dans breaVmccn-une <Je fes lem-es au fujet J'lln chan-
|
||||||||
HCS
|
||||||||
gement de chambre qu'on lui fit faire
en le tirant du donjon de Vincennes, Eour le mettre dans une autre cham-
re ou 1'air fut moins vif. Il en fortit le 3 de decembre , pour habiter dans un galetas qu'on appelloit deS. Louis, ou il ne fut guere mieux. II y fut en- core plus veille qu'auparavant, ai'ant eu jufqu'a douze Gardes pour voir s'il n'ecrivoit point, & tacner de le furprendre. Il avoit feulement la li- berte de la cour & du jardin •, rnais fes amis nepouvoient avoir celle de le voir que tres rarement. M. d'Andilly & M. Singlin y allerenr plufieursfois. |
||||||||
I. Partie. Liv. Vl. 165
M. te Maitre trouva le moien d'y aller ^ * une fois, M. le Due de Liancourt le vit deux fois , & quelques autres en- core. M. de S. Cyran fut malade en ce lieu a l'extremite, & rec,ut plus d'une fois les Sacremens , fans que fes amis meme le fulTent. Le Gouverneur de Vincennes etoit Lxvn.
M. de Chavigny qui auroit ete bien ttn& «&*{* aife de fervk M. de S. Cyran , s'il eut ftmme du pu gagner quelque chofe fur 1'efprit vuTceojwV du Cardinal. Mais il y avoir un Lieu- renanr dans la Place , donr la femme le maltraitoit jufqu'a lui retrancher rous les jours quelque chofe du ne- celfaire. M. de S. Cyran rendant le bien pour le mal, conformement a l'Evangile, fit recevoir a. P. R. une fceur de ce Lieutenant qui y fut bonne Religieufe. Il prit encore foin de deux de fes fi'is, auxquels il joignit 1'enfant d'une pauvre femme. Ce der- nier l'aiant emporte fur les deux au- tres , la femme du Lieutenant en con- ceit une fi grande jaloufie , qu'elle fit defenfe a M. de S. Cyran de voir des enfans , fous pretexte qu'il pourroit leur infpirer de mauvaifes maximes. M. de S. Cyran oblige de quitter cette bonne ceuvre, envoi'a le fils de la pauvre femme dans fon Abbaie, oil |
||||
\GG HlSTOIRE DE PoR.T-H.OlAL.
"^jo. etoit alors M. Lancelot, Sc le fit re-
venir a Paris quelque tems apres •, mais il repondit mal a ces foins & fe derangea entierement, de forte que tout le zele de M. de S. Cyran ne put le faire rentrer dans la bonne voie, tant il eft difficile de ramener les en- fans , lorfqu'ils one une fois fait nau- frage. lxviii. Apres que M. de S. Cyran eut ete M.deS. cy-pjus d'un an en prifon , fans qu'on lui iran eft inter- r A 1 • > ■ r r j > >ogc par m. eut dit un mot, on s avila enhn d en-
Leicoc. voVer a. Vincennes Laubardemont pour l'interroger, conime il avoit fait Van- nee precedente les folitaires de P. R. des champs. Mais M. de S. Cyran refufa conftamment de lui rcpondre , parcequ'il n'etoit pas juge Ecclefiafti- que. Alors le Cardinal de Richelieu chargea de cette commiffion le Doc- teur Lefcot Chanoine de Notre-Dame fon confetfeur , depuis Eveque de Chartres. Il commence cette fon&ion lei4mai 16}9 (munide la commif- fion de M. l'Archeveque qui eut la foiblefle de la donner). Il interrogea M. de S. Cyran jufqu'a douze fois, ce qui dura plus de trois femaines. Le faint Priibnnier commenca par decla- rer les raifons pour lefquelles il re- pondoit a 1'interrogatoire. » La pre- |
||||
I. Par tie. Liv. VI. 167
15 miere eft , que s'agiflant de points —77™
» de foi, l'Apotre lobligeoit de re-
•' pondre a quiconque l'interrogeroit.
" La feconde, parceque le Fils de
»> Dieu, apres avoir die qu'il n'etoit
" point oblige de pa'ier le tribut, a
■■> voulu faire une action extraordi-
" naire pour avoir de quoile paier,
»» afin de ne point donner occauon de
» fcandale. La troifieme, qu'il avoit
" volontiers embrafle cette occafion ,
» pour faire voir combien il eroit
» attache a l'Eglife & pret a fe fou-
« mettre a fon autorite , proteftant
» etre pret de repondre a M. Lefcot,
" fans neanmoins, ajouta-t-il, deroger
» aux privileges ecclefiaftiques ($6).
(56) Les Jcfuites ont quelque chofe par le canal
lapporte tres infidelement des Jefuites : bonne four-
cc commencement de ce ! Le P. Pinchereaudans
I'inrerrogaroire de M. de fon libelle intitule, Prt-
S. Cyran. M. Lefcot ca- grci dujxnfc'nifme, donna
clia tant qu'il vtcut, pour en ififj le commence- 4
fon honneur & pour ce- ment de l'interrogaroire ,
lui du Cardinal qui l'a- mais tout derigure. Ce
voir mis en ccuvre, cet Jefuite en dediant au
interrogatoire , enforce Chancelier Seguier les pre.
que jamais M. Mole, Pro- tendues pieces du proces
cureur general n'en put de M. de S. Cyran , tient
avoir communication , ce langage furieux.» Plut-
malgre les rccherches » a-Dieu,Monfeigneur,
qu'il fit. Mais il en c©n- => qu'on eut fuivi vos
clurque e'etoitunc bonne » confeils. . . Le fuppli-
marque pour le prifon- » ce de cet hertfiarque au-
iiier. Ce ne fut que plus « roit etele falut de tout
de douze ans apres qu'on » le Roi'aume , 8c nous
commenca a en avoir » aurions remporti 1»
|
||||
-------,---.----------------,----
|
|||||||||||
l6t HlSTOIRE DE PoB.T-ROlAI,r
II eft certain , dit M. Lancelot,
|
|||||||||||
l6y).
|
|||||||||||
35 gloire d'avoir etouffe
5> nous-memes unc hete- 5> lie naUI'ante parmi 55 nous, fans que jamais aj les Nations etrange- 55 res cuiTent ete tc- 35 mollis de notre home, 35 ni obligees de changer 35 l'opinion que jadis ils 35 avoient concue avanta- 35 geufement de cetteCou- 35 ronne, qu'il n'y a que la 35 feulc France qui ne peuc 35 enfanter 8c nourrir des 53 monllres. Comment mi Pretre , un Religieux peut-il parler avec cette ntreut ! Ignoroit - il que Calvineroit ne en France? L'annce fuivante 165s, M. Lefcot etant mort, on trouva aChartres pat- nii fe.s papiers l'interro- gatoire de M. de S. Cy- ran , qui tout fallifie qu'il foit par la malignite de fes ennemis, fufliroit pour la juitification de ce pieux Abbe. Si M. de S. Cyran avoir fuivi l'avis que lui fit donner M.Vincent de Paul , qui etoir de dicier lui-meme fes reponfes au Secretaire , dc pent qu'on ne les alterar, il auroit evite cet inconvenient. M. Mole lui donna audi un fott bon confeil dont il ne fit pas norr plus d'u- fage , 8t qui peut-etve ne parvint pas jufqu'a lui, favoir, de parapher rou- tes les pages de foil in- ttrcogatoire depuis le |
|||||||||||
haut des marges iufqu'en
bas, de peur qu'il ne s'y glidat quelque chofe qui ne fur pas de lui : car il a, difoit-il, affaire a d'etran- ges gent. Voila l'idee que les gens de bien avoient de ceux qui agilToienc contre M de S. Cyran , 8c de quoi on les jugeoit capables; & ce qui c(l facheux , e'eftqu'ilsn'ont que nop juftifie cette idee. Ccpendant l'inrer- rogatoire tel qu'il eft, avec la zizanie qu'y a fe- me rhomme ennemi, 8c avec les melanges Gran- gers , peut le juitifier. Les Jefuites qui n'ont jamais ofe le publicr en entier, en onttoujours parte avec une infigne mauvaife foi: on en peut volt des excmples dans YHifloirc du Bayamfmt duP. du Chef- ne; dans les lettres fur la Morale fpcudative des Janfenifles du P.Daniel; 8c dans d'autres libelles, mais fur-tout Jans l'ef- pece d'analyfe que pre- tend en faire le P. d'A- viigny, page 106 8c fuiv. defej Mc'moires cbronologi- ques imprimes en 1710 en 4 vol. in-i 1. Ce Pere par- le ainfi Tome II. p. 107, 3> quand on reprocha a 35 lAbbe de S. Cyran la s» maniere indigne avec 55 laquelle il parloit du 55 Concile de Trentc , 8c 5> plulkuvs cm-urs raa- qui
|
|||||||||||
I. Partii. Liv. VI. \6*>
(qui a tire tout ce qu'il dit de Tin- I(j^o." terrogacoire de M. de S. Cyran, de trois ou quaere relations que M. de Lancelot, S. Cyran ecrivit lui - meme alors ) &Vuiv^' '4$ que le deflein de M. de S. Cyran etoit de s'humilier beaucoup dans cet inter- rogatoire , comme il l'a temoigne plufieurs fois , pour honorer lhumi- lite avec laquelle Jefus-Chnft avoit bien voulu paroitre devant Pilate. M. Lefcot, devant qui panic & s'abaitTa fi fort M. de S. Cyran , etoit un hom- me d'un efprit fort borne , d'une ca- pacite tres mediocre , ne fachant gue- re que la Scolaftique ; ainfi il fe trou- voit prefque toujours dans an pai's jj nifeftes qu'il avoit a- leut* aiherans II faut
a> vancees , il repliqua avoucr que qiclqu'accou-
»i rantot qu'il avoit ufe tume qu'on foit aenten-
3» d'un exits de paroles , dre les Jefuites fe dcchai-
« tantot qu'il avoit patle ncr contte M. de S. Cj-
j> pat catacbrefe : quecet- ran, on eft neanmoiut
3> te figute lui etoit fort etorme de [voir le ten
s> familiere , fans que d'Avrigny potter lesclio-
3> pour cela il eutdeflein fes a l'exces eu il les porta
3, de blefTcr laveriie .. . ici, lorfqu'on lit (*) dans
v, M. le Maitre , ajoute l'intcrrogatoite de M. dc
33 le Pere d'Avrigny , n'a S. Cyran , te! m'rae quit
3» rien toucbe de tout cela eft forti de mains enne-
»» dans I'apologie qu'il a mies, avec quelle dignite
3) faite de fon Dircdteur : ce pieux Abbe parla du
comme fi M. le Maitre Concile de Trent*, &
pouvoit tefuter une ca- quelles preuves il donna
lomnie que les Auteurs dc fon refpeft & de foa
teuoient fecrete & ne attachement pour cette
communiquoient qu'a aiTcmblee.
<*) yo'ic\cet interrcgatoirs dam le Recited de fitctt
de 174° » W I7 <** /"'""•
Tome II. H
|
|||||
%
|
|||||
17© HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
inconnue , lorfque M. de S. Cyranle
rappelloic a l'antiquite & a la Theolo- gie des Peres. M.Lefcots'en vengea en difant au Cardinal qu'il avoit trouve un homme a qui la grande lecture avoit tourne la tete (comme Feftus le di- foic autrefois de S. Paul, infants PauU, multoz te litttrz ad infaniam convert tunc (37). II ajouta meme qu'on pou- voit faire quelque reproche d'igno- rance a M. de S. Cyran , ce qui fit dire a celui ci cette parole d'un an- cien ; il nous a prevenus , & a gagni les devants. » Car pour ce qui eft de « l'ignorance , ajouta-t-il, j'aurois eu » droit de la lui reprocherle premier, » li la modeftie , & le deflein que j'ai » de tout foufTrir , ne m'en euflent » empeche jufqu'a-prefent. C'eft pourquoi vo'iant qu'on abufoit de fa patience , il fe crut oblige de marquer dans un papier , que M. Lancelot a eu entre les mains , une trentaine d'i- gnorances groflieres de M. Lefcot, fans les autres , dit-il, qu'il avoit ou- bliees. » Je trouve bon, dit M. de » S. Cyran dans cet ecrit , qu'on v m'attribue toute forte d'ignorances , »» hormis celle qui rend coupable de- u vant Dieu un Pretre & un Direc- » teur, comme dit S. Gregoire de iiy) 43. ^oft. cap is. v. 14, |
||||
I. P A R.T I E. L'lV. VI. 171
» Nazianze, dans l'eloge de S. Atha-
»» nafe (3 8). Au refte cet interrogatoire fe pafla
de la part de M. Lefcot, en pointil- leries , en artifices, en menaces; ce qui obligea le prifonnier de jefus- Chrift de lai dire avec gravite & mo- deftie, qu'il y avoit grande difference entre un juge ecclefiaftique & un )uge feculier; que l'autorite de l'un devoic etre couverte par la charice, & la charite de l'autre par 1'autoTite. C'eft tout ce que M. de S. Cyran dit de plus fort; en quoi je rrouve qu'il eft plus aife d'admirer fa patience que de f'imiter. Le but deM. Lefcot etoit de tirerde
M. S. Cyran quelqu'efpece de retracta- tion pour flatter le Cardinal, qui auroit juftifie fon precede en le fai- fant pafler pour un homme qui auroic eu des opinions dangereufes- Mais ce grand ferviteur de Dieu etoit nop eclaire pour ne pas voir toutes leurs rufes; 8c fe confiderant entre la vie 8c la mort, comme il dit a M. de Chavigny , il etoit pret de s'immoler a. tout moment pour la verite. Apres que Lefcot eut termine fon
interrogatoire, en prenant conge de (j8> Otat. ti.
Hij
|
||||
......— ----------------.......----------------------------"-—'------------------------------------------------'---------------------------------------—---------------- ■"■—-
iyt HlSTOIR_E DF. PoRT-Ro'lAI.
—T7~7~ M. de S. Cyran , il lailfa un ecrit ou
1639. . . 1 , , r ,., il exigeoic entr autres choies, qu il con-
Lc Doa.Lef- damnat le fentiment de la contrition ,
cocpropofei juj faifant touiours entendre que fa
M. deS.Cyr. . . , '. Jl^if-
de condam-iortie ne dcpendoit que de-la. Mais
ncriacomri- M_ cje s. Cyran le ret"ufa; & lui die tion, comme . . ' r . . . _ ,. .
une condi- leulement, que li M. le Cardinal voli-
tion pour ob- }0jt \ni permettre de fe retirer chez icmr la liber- r . .
tc. lui pour quatre ou cinq mois , en lui
dormant caution, il s'ofFroit d'ecrire
contre le Miniflre du Moulin, d'une maniere qui eclairciroit toutes les dif- ficulties , & de lui dedier l'ouvrage. Le Cardinal n'agrea point cette propofi- tion. Alors M. de S. Cyran jugea qu'il n'y avoit plus rien a faire, & ne voulut plus qua les amis travail- Titux fen- lafTent a. lui procurer la liberte. » Il timens de M. r ■ ]•/■ • •« r
is s. Cyran. " ne izat point , diloit-il , ie mettre
„ en peine , mais lailfer agir Dieu,
» qui nous fait trop de graces, de
)> nous faire faire penitence dans la
» prifon. Tous les moi'ens humains
» de ma dclivrance etant epuifes, il
» faut que lui feul me delivre de
» mon juge , pour aller a Paris ou en
» paradis. Je ne voudrois pour rien
» du monde avoir dit la moindre
» parole qui ne tut dans l'ordre deDieu
f> & de fa grace pour fortir d'ici , qu.
» je fuis prct a tout commandement
|
||||
ft Fartii. Llv. Vl. iH
'*> &C a tout evenement. Car c'eft la _/ " difference de ceux qui eombattent »> pour Jefus-Chrift , 6c de ceux qui - »' eombattent pour des interets hii- » mains, que ceux-ci peuvent bien " fe relacher comme bon leur fem- " ble, au lieu que les autres n'eri >> font pas les maitres. lis favent qu'ils * ont la verite en depot, & qu'il » leur eft recommande de conferver « le depot qui leur a ete confie. Car » fans cela comment oferoient - ils » paroitre devant le Souverain , de qui i> ils ne font que les Miniftres? Ils » favent que le Souverain a qui ils » appartiennent, eft tout-puiflant, ■» qu'il peut les delivrer de la main » des hommes , & que quand il ne « le f eroit pas , cela ne doit jamais » les porter a s'affoiblir. Ils difent » avec une foi vive comme les trois » jeunes hommes de la fotirnaife : Ecce Deus nofter, quern colimus , pottjl tripere nos de camino ignis ardentis , & de manibus tuis, 6 Rex, liberare.Quod Ji noluerit, notum fit tibi f Rex deos tuos non colimus , & flatuam quam erexijli non adoramus ($9). C'eft M la difpofition ou etoit M. de S. Cyran , apres une annee entiere de la plus dure captivite. (j,?JDan. 3. 17. 18. H llj
|
||||
------.-------------------------
|
|||||||||
174 HlSTOlIU DE PoST-RO'lAt.'
Le Cardinal n'avoit aucune envi«
de le delivrer •, neanmoins pour amu- |
|||||||||
i (540.
|
|||||||||
L X X
Profeffion. fer fes amis qui preflbient toujours
foi de m. fa delivrance , apres l'avoir laifle en- S.Cyranquil / r .
met cntre les core un an lans lui nen dire , n en-
UfoCdc M* vola ^e nouveau le Dofteur Lefcot a Vincennes. Il y alia le 19 avril 1640. Ce jour la. M. de S. Cyran avoit pris une medecine qui Favoit beaucoup affoibli; cependant lorfque M. Lefcot fe fit annoncer , il fe trouva plein de force & dans une liberte d'efprir ad- mirable comme on le verra par l'en- tretien qu'il eut avec ce Do&eur 5 il drefTa la profeffion de foi fuivanre : •> Je protefte devant Dieu & fes An- " ges » clue )e n&l > n* n'a* jamais eu,
a. d'opinions particulieres , & je n'en »> veux jamais avoir d'autres que celles » de l'Eglife Catholique , Apoftolique m & Romaine, a laquelle je veux « toute' ma vie adherer jufqu'aux » moindres franges & filets de fa ro- » be , & nommementau faint Concile » de Trente, tant aux canons qui » enferment les dogmes & la doc- » trine, qu'aux decrets qu'il a fails n touchant la difcipline & l'adminif- » tration des Sacremens , fachant que » c/a ete le fujet principal de l'AiTem- *> blee, aufli-bien que la premiere |
|||||||||
I. PAMm. Llv. Vt. 17J
»» caufe de la plainte des heredques, 1(j.0 ~ »> ainii qu'il eft rapporte a la fin du w meme Concile. M. de S. Cyran dit enfuite a M. lxxi.
Lelcot, qu aunt eu dans lelpnt deM. Lefcot s'humilier beaucoup dans les reponfes avec M- de 11. / ' 'j -i > • S. Cyran.
de 1 annee precedence , n n avoir pas
voulu parler aufll fortemenr qu'il au- roir pu faire , & qu'il s'eroit meme rerenu par force en parlant du Concile de Trenre , parcequ'il voioit claire- ment que toute la difcipline de la penitence y ecoit concenue •, qu'ainfi perfonne n'avoit ete plus injuftement accufe de ne pas recevoir ce Concile} & que neanmoins ce qui etoit plus furprenanc , c'etoit de voir que rous fes accufaceurs etoient gens de bien & devots , entre lefquels il y en avoir un dont il auroic eu plus de fujer de fe plaindre que de rous les aurres. C'eroir du P. de Condren General de l'Oracoire qu'il vouloit parler: il ajoura 3u'oubliant rout ce qu'il venoit de
eclarer , il ne fe regardoit que cornme le prifonnier de Dieu , qu'il nevou- loir etre delivre de fa prifon que par fon ordre, & qu'il ne fouhairoir que de rencontrer quelqu'occafion de lui donnerfa vie , meme fur un echafaur, £ c'etoit fa volonte, H iiij
|
||||
l-j6 HlSTOIRF. DE P0R.T-R61AI.
M. Lefcot lui repondit qu'il favoil
bien que M. le Cardinal avoir toujours eu de l'inclination pour lui 5 fur quo* M. de S. Cyran lui repliqua avec beau- coup de recenue , car il ne craignoit rien tanr que de ramper rrop , & de ne pas trouver des expreflions aflez juftes, en fe mettant en peine d'en chercher d'afTezciviles. Il en avoir ufc de mane dans plutieurs autres rencon- tres , ou on eroit venu lui faire quel- que complimenr de la part du Car- dinal •, & il ajoutoit que s'll eut feu- lement dit qu'il etoit fon ferviteur, ou quelqu'autre parole d'engagement, il eut crufe perdre & fe brifer dtvant Dieu (ce font les termes de M. de S. Cyran parlant a M. le Maitre dans une vifite que celui-ci lui rendit an mois de mai 1641) M. le Maitre lui ai'ant replique; mait, Monjienr, que faire done? encore fiutil bien repondre. quel- que chofe. M. de S. Cyran repondit: bdiffer les. yeux, 6- adorer Dieu. Avantque de fe feparer, M. deS.
Cyran dit a M. Lefcot , que jamais perfonne n'avoit ete plus reflerre que lui, ai'ant ete un an entier fans parlec a perfonne-, & que quand il auroit ete le plus criminel du monde , on n'auroit pas pu le traicer antiemetic t |
||||
I. Partie. Liv. PL 177
qu'il falloit etre prifonnier comme il \6±o, 1'avoit ete depuis deux 'ans, pour de- venir favant en toutes chofes , & que jamais il n'avoit mieux connu , ni Us verites, ni les hommcs. M. Lefcot die a. M. de S. Cyran en le quittant , que s'il eut voulu donner cet eerie l'annee precedence , fon affaire eut ete faite. M. de S. Cyran lui repondit , que s'il le lui eut demande, il n'au- roit pas fait difliculte de le donner. Sur quoi Ton peut remarquer i°, que ce que M. Lefcot vouloit exiger de lui lorfqu'il l'interrogea , etoit diffe- rent de ceci, & que fon deffein etoit de l'engager a des chofes qu'il ne pouvoit accorder : i° que ce que M. de S. Cyran aecordoit alors, etoit fuffifant pour le j unifier au jugement de M. Lefcot. D'oii il s'enfuit, qu'il n'y a point d'injuftice plus criante & plus manifefte que celle que le Car- dinal commit alors , ni rien qui faffe mieux voir que la detention de M. de S. Cyran n'etoit qu'une affaire d'intrigue & de politique toute fondee fur les defiances continuelles oil vi- voit le Cardinal. Car peu de terns avant ceci , on commence a voir quelques pieces, qui bien qu'elles ne- fuiTent pas hors de prife, ne laiffoient H v
|
||||
I78 HlSTOIRF. DE P0RT-R(3'lAt.
T7~l pas de l'incommoder, puifqu'il fut
oblige d avoir recours a 1 auconte du Parlement contre le livre intitule; Optatus gallus de cavendo fchifmatt , dans lequel Charles Herfent , qui fe retira a Rome , pretendoit que l'E- glife de France etoit pres de tomber dans le fchifme a caufe du Patriar- chat auquel le Cardinal penfoit. Le Parlement rendit le z 3 mars an Arret contre cet ouvrage , qui rut lacere 8C bruleala Greve le 28 par la main du Bourreau. tx xii. Peu-a-apres que M. Lefcot fut parti Prudence de de Vincennes, M. Moulin Lieutenant tan vis-a-vis de la Place vint pour fonder M. de juLieutenants. Cyran fous pretexte de iui rendre tteVincennes. ■ r o i ■ i ■ »1 t /*_ .. 1 2
vilite , & lui dit que M. Lelcot lui
avoit fait entendre qu'il etoit vemt pour lui faire figner un ecrit , & qu'a cette heure il ne tiendroit plus qu'a lui qu'il ne fortit. M. de S. Cyran entrevit bien par les paroles du Lieu- tenant , qu'il leroit homme a aller publier qu'il avoit retrade quelques opinions pour lefquelles on l'avoit arrete, & il lui repondit agreable- ment : » Je vous prie, Monfieur, » dites-moi, 11 aiant ete mis a la Baf- « tille pour des crimes dont on vous u auroit accufe, & fi etant interroge |
||||
I. Par tie. Liv. VI. 179
*» utt an apres & trouve innocent, on " vous venoit propofer apres une fe- » conde annee, que pour fortir vous » n'avez qu'a. declarer par ecrit que « vous avez toujours ete & que vous » voulez etre encore a l'avenir fidele »» au Roi, ne le feriez-vous pas ? A quoi le Lieutenant aiant repondu qu'af- furement il le feroit, M. de S. Cy~ ran ajouta : >» C'eftauffi, Monfieur, « ce que j'ai fait, & c'eft tout ce que » j'ai donne a M. Lefcot. Ce DocT;eur tacha encore une autre
fois de lui faire mettre quelque chofe de l'attrition dans cet ecrit, mais M. de S. Cyran perfifta toujours a lui temoigner combien il etoit eloigne de toutes ces conteftations de l'Ecole, fe contentant de dire que pour etre juftifie , il falloit , felon les Peres , avoir une douleur fincere de fes pe- ches , formee dans Tame par le mou- vement du S. Efprit , fans fe mettre en peine de difcuter trop quel nom il lui falloit donner. II ajoute dans l'ecrit , que nous avons de lui , » je » crois que fi je l'eufle fait par foi- » blefTe , je fufle mort fur le champ; « Dieu ne m'a pas voulu tant aban- » donner & je teconnois deplusqu'il v m'a fait une infigne faveur de n'a- H vj
|
|||||
_____^__.__ _..
|
|||||
----------------------------------------------------------------------------------------------------------—------------------------------------------------■——------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- -
iSO. HlSTOIRE BE PoRT-ROlAI.
I(j40, » voir pas permis que j'aie ere deli--
» vie des l'annee paCTee par cette voie, » m'eftimant trop heureux de ce qu'iL " me fait faire un peu de penitence , " pour maintenir la penitence. Paroles veritablement dignes du premier hom- me de ces derniers terns T dit M.Lan- celot , & qui avoit merite des le mo- ment de fa detention d'etre appellepar M. Ferrand , l'un des plus eciaires Ec- clefiaftiques qui fuflfent alors, le martyr de la penitence & de la charite; puif- qu'on ne le tourmentoit que parce- qu'il ne croi'oit pas, qu'il put y avoir de veritable penitence fans aimer Dieu.. rxxm. M. Lefcot prefenta la petite pro-
le.cardinal feffion de foi de M. de S. Cyran que le Richelieu , V^ J- i
a'a aucun e- nous avons rapportee , au Cardinal.
feirf ri'dT"^ ^t°^t ^ ^ar'S ' ^"Ur ^ P°^nt ^e Partir
de m. de s. pour le fiege d'Arras qui fut com-
cyran, li de- menc£ le j j, juin> Mais elle n'eut au- jnande qu ll ^ ' '. j, -. , . ,
j'expiique fur cun ettet, & le Cardinal prit pretexte
|
||||||||
ratinuon.
|
||||||||
de ce que M. de S. Cyran n'y parloit.
pas de la contrition, pour le tenir plus reflerre que jamais. Pour fe debar- ralTer deM.de Chavigny , & lui faire croire qu'il aveit encore la volonte d'elargir le prifonnier , il lui dit qu'iL obtiendroit fa liberte , s'il vouloit de- clarer que la fimple attrition avec. le Sacrement pouvoit produire lagrar-.. |
||||||||
I. Par.tie. Liv. VI. iSi
|
|||||
ce ; ce qu'il appelloit l'opinion que kJao»
Ton fuit ordinairement dans l'Eghfe. M. de Chavigny ecrivit a ce fujetune lettre a M. d'Andilly daree du i1 mai. Ce fut en confequence de cecce lettre, qui ne fe trouve plus , qji'on engagea M. de S. Cyran a en ecrire une en reponfe a M. de Chavigny; elle eft datee du 14 du me me mois. On euc bien de. la peine a l'y determiner, main enfin il ceda aux inftances rei- terces de fes am is,qui foutenoient qu'il pouvoit aller jufques-la fans blefler la verite. Ce fut fon neveu qui drefla- le corps de la lettre. M. de S. Cyran y fit quelques additions,puis il la tranf- crivit , & la leur donna , en les aflu- rant qu'elle ne produiroit rien , mais- qu'il defiroit faire voir qu'il n'etoit pas attache a fon fens, & qu'il vou- loit bien accorder quelque chofe a fes amis , pourvu que cela ne bleffat pas la verite. Voici la lettre , telle qu'elle fur envoiec » Monfieur , fi je n'avois l'avantage lxxivy
» que peu de perfonnes de ma conc"-d^es"^ drea^ « tion peuvent pretendre , d'etre par- m. dechavi- » fakement connu de vous *-je^^to*SlEl^SSd3o5 »» oblige de vous dire beaucoifp de^l-aitriuq^ *» choirs pour vous aflurer du reuen,^ |
|||||
l8z HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
~~~ » timent que j'ai de l'honneur de vo-
» tre bienveillance , & de la fincerire lT'1, » avec laquelle je defire vous ouvrir
» le fonds de mon cceur , apres vous » avoir remercie tres humblemenr du » foin qu'il vous a plu de prendre de » ce qui me touche. Si par l'ecrirque » j'ai donne a M. Lefcot, M. le Car- » dinal n'a pas ete pleinement eclairci » de mes fentimens en ce qui regar- » de l'attrition que je cro'iois avoir » afTez expliquee en lui declarant que » je m'attache entierement au Con- - cile de Trente , je vous puis dire
« avec franchife devant Dieu qu'ils - font tels.
» Comme difciple de l'Eglile ca-
» tholique , je fais profeflion de la
»» fuivre en routes chofes: ainfi puif-
» qu'elle n'a point decide ce point,
» & qu'elle a laifTe a fes enfans la
»» liberte d'en tenir ce qu'ils vou-
» droient, comme le temoigne affez
»M.de Geneve, je ne crois pas de- » voir prevenir ce jugement, mais
5> plutot lai(Ter cette queftion au me-
» me etat ou- elle l'a la1 (Tee, recon-
« noiflant avec elle que toutes Us deux
» opinions font probables , fgavoir I'une
»» que la contrition eft necejjaire, Pau-
|
||||
I. Paatte. Llv. VI. 18$
» tre que I''attrition eft fuffijante avec h
» Sacremem (60).
» II eft tres veritable que dans la
» pratique j'ai fuivi l'une & l'autte,
>> m'accommodant a la difpofition
» des penitens , fans leur demander
» autre chofe, finon qu'ils euffent
» une douleur fincere d'avoir ofFenfe
» Dieu , & un vrai defir de changer
» de vie, les abfolvant apres cela,
» fans aucune crainte, fachant que
" cela doit etre decide devant le tri-
» bunal de Dieu , & non devant le
»> tribunal des Pretres •, puifque ce
|
||||||||
peut Stte appclle par Iej
uns Attrition, & par le! autres Contriti.n , fans qu'on puifle abfolument condamner ni les uns ni les autres, puifque l'E- glife n'a rien decide 11- dertus , & que les hom- ines ne peuvent pas deter- miner jufqu'a quel degri eft parvenu cet amour dont la grandeur n'eft connueque de Dieu feul, & dont lis ne peuvent ju- ger que par les effets ; en quoi il etablit meme la necelliite de fufpendre fou- vent l'abfolution, puif- que cette difpofition, qui renferme une vraie con- verlion , ne peut bien fe connoitrequ'avecdu terns & par un changeraent, reel dans la conduite. |
||||||||
(60) Cette attrition
Jj'eft pas celle qui n'eft fondee que fur une crain- te touts fervile 8c qui n'a pour objet que des maux qui peuvent nous arriver ; mais M. de S. Cynn entend une attti- tion qui renferme la r6- folution de ne plus pecher avec l'efperance du pat- don comrae patle le Con- cile de Trente , puifqu'il la fait confifter dans une douleur fincere d'avnir of- ftnfe Dieu, & dins un t/rtti ctefir de changer Ae vie. Qiiand M. de S. Cy- ran dit que tontei is deux chinivns lont probables , il ne veut dire autre chofe , finon que le com nence- ment d'amour pour la yalidite du Sacrement |
||||||||
184 HrsToiRj de PoRT-RoiAt.'
" font des mouvemens interieurs de » la grace de Dieu , que lui feul eft " capable de connoitre & de difcer- " ner, la lumiere des hommes ne pou-- » vant aller plus loin que d'en difcer-- " ner les objets. » Er pour vous parler , Monfieur »
" plus clairement, 8c vous faire voir " que je fuis tres eloigne de vouloir » rien deguifer a fon Eminence, je " vous repeterai que L'opinion de »» ceux qui croient que l'attricion » fuffit j eft probable , comme eel-- » le de ceux qui croient qu'elle ne " fuffit pas •, ne voulant juger ni de » l'une ni de 1'autre , puifque l'Eglife '* n'en a pas encore juge , 8c je fuis », fi eloigne de condamner ceux qui » tiennent pour l'attrition, que je " condamne meme ceux qui les con- " damnent, parcequ ils agnTent con- » tre 1'unite" de l'Eglife , qu'ils la » troublent & la divifent, en jettanr » des fcrupules dans les confeiences , » lorfqu'ils entreprennent de decider »• ce qu'elle n'a pas encore decide , 8c » que je fuis pret d'einbralTer auffi-tor » qu'elle le dira. » J'honore trop S. Auguftin, pour
» ne demeurer pas dans cette mode- » ration j puifqu'il nous apprend pat, |
||||
I. Paktie. Liv. VI. 185
*> des livres entiers , en une femblable » contention fur un Sacrement, qu'il * » faut rendre cette deference a l'Egli- » fe , de n'alterer jamais fon unite " fous quelque pretexte que ce foir. » S. Cyprien nous l'a auffi enfeigne » avant lui, en la caufe du bapteme » des heretiques, par un exemple fi » remarquable que cela feul fumroit » pour m'apprendre a ne condamner " jamais les pratiques communes de » 1'Eglife. y, J'ai din autrefois ces chofes a
>* M. Lefcot, &c je les lui euife re- » dites la demiere fois que je le vis , » s'il flit entre plus avant dans ce » difcours •, mais m'ai'ant feulement »» demandc, lorfque j'avois la plume » a la main, fi je ne voulois rien » ecrire touchant I'attrition & la con- » trition, je lui repondis en ces pro- » pres termes , qu'il favoit quejen'e- » tois nullement contentieux, & que » s'il vouloit, je parlerois du Concile >» de Trente *, ce que je fis, & il parut w en etre fatisfait. » Voila , Monfieur » comme fi j'e-
» tois devant Dieu , la verite de mes » fentimens que je ne fais point u dillimuler , &c que je diifimulerois » moins i fon Eminence qu'a touts |
||||
I 86 HlSTOIRE DB PoR.T-R.OlAt.
» autre perfonne du monde, fachant
» le tres humble refped que je lui » dois. Je vous fupplie , Monfieur} » de Ten alTurer, & de croire que je ne » perdrai jamais le fouvenir des obli- » gations que je vous ai, non plus » que de vous temoigner par tout le » devoir & les fervices que je ferai » capable de vous rendre , que je fuis » fincerement, &c. Du Bois de Vin- cennes ce i4mai 1640. Comme M. de S. Cyran temoigne
dans cette lettre avoir dit autrefois les memes chofes a M. Lefcot,il eft bon d'ajouter ce qu'il en ecrivit lui-meme apres fon interrogatoire en 16} 9. » Au rcfte je lui ai dit & redit, que » mon opinion etoit celle de la tra- » dition & non celle de la declara- « tion , & que s'enquerir fi la con- » trition eft neceftaire ou non , c'eft »» une matiere d'ecole & non de pro- " cbs; ce qui le facha. Je luidisauffi, » que comme je ruinois l'herefie par w la regie de la fucceffion de la doc- » trine, je tachois auffi de condtfire » les ames des Catholiques par la » meme regie, de peur que Dieu ne » me reprochat par le Prophete, que »» je me ferois fervi de deux regies »» differentes & inegales. En un autre |
||||
I. Par.tib. Liv. VI. 187
endroic il die , » lui ai'ant avoue que \C^o,
» dans la pratique , I'attrition furfi-
" foit avec l'abfolution , & que j'a-
» vois fouvent admire les grands
» changemens que Dieu faifoit dans
» le tribunal, il me fit une reponfe
» qui temoignoit clairement qu'il ne
" favoit pas que dans les predications
» & les confeflions, Dieu frappe des
» coups qui font extraordinaires &
» hors de l'ordre commun.
II faut avouer que la lettre de M. ML?XSV'C
de S. Cyran a. M. de Chavigny n'eft ran'a lUi'm- pas claire ; il s'y trouve meme quel- ^niixudf »» ques decours , il parle dunemaniereiettreaM.de obfeure de I'attrition, fans dire net- chavigny. tement fi elle renferme un commen- cement d'amour de Dieu, ce qui etoit le point de la queftion entre lui 8c M. le Cardinal. Ce qu'il dit de la probabilite de I'opinioii qui pretend qu'elle fufHt avec le Sacrement, eft equivoque , &c parent favorifer l'erreur qui dominoit alors. Il n'eft done pas furprenant que les fentimens aientete partages fur cette lettre. Les uns l'ont regardee comme une foiblefte & une tache a la memoire de M. de S. Cy- ran , les autres l'ont admiree comme un effet de fa grande moderation. Il eft vrai que dans des tems d'ignorance |
||||
S 88 HlSTOIRE DE PoRT-RdlAt.:
I(J il eft quelquefois difficile d'allier la
fermete aveG la moderation pour ne pas trahir la verite , 8c ne pas irriter les efprits prevenus. Car u c'eft un devoir indifpenfable de confeiTer la verite , il eft audi de la prudence chre- tienne d'eviter tout exces dans la ma- niere de la defendre , fans cependann ufer de certains menagemens, que la prudence de la chair n'infpire que trop. Mais en meme-terns que nous avons tout a craindre de notre propre foibleife, nous devons tout attendre de Dieu , qui nous a promis fon affif- tance lorfqu'il permettroit que nous fuffions expofes a lui rendre temoi- gnage devant les hommes. M. de S. Cyran ne fut pas long-
terns fans inquietude au fujet de cette
lettre. Il craignit de n'avoir pas parle
aftez fortement , & d'une maniere
proportionate a la grandeur dela caufe
pour laquelle il avoit la gloire de
fouffrir. Peii de jours apres il ecrivit
a M. d'Andilly la lettre fuivante ,
dans laquelle il lui decouvre fes pei-
nes avec une effufion de cceur digne
ixxvi. des premiers Peres & des plus grands.
leiuc do m. Martyrs de l'Eglife.
4 m! dAn- " Je ne puis m'empecher, dit-il „
%l fut " "' *** vous dire 1ue Je fuis dans Vka%
|
|||
f. P A R T I E. LlV. yi. X 8 9
» ou Dieu veut que je fois, & que i<j.9,
• je n'ai nulle peine dans ce dernier
" evenement que j'ai prevu des le
»» commencement, fi je ne l'ai dit
" a tout le monde. Mais il faut faire
» dans ces fortes de prevoiances, qui
» font toutes renfermees dans un ef-
» prit particulier, ce que Ton fait
« quand on eft bien conduit dans les
» revelations particulieres que Dieu
» meme nous envoie. C'eft que Ton
» n'y a nul egard, & en quelque
» condition de vie 011 Ton foit, on
« agit comme auparavant ; car elles
>» n'entrent jamais dans le commerce
» des actions humaines, ni ne peu-
» vent y etre emplo'i'ees , fans cau-
3. fer de grands troubles 8c renver-
» fer l'ordre de Dieu & du mon-
*' » Tout ce qui m'eft refte dans
» l'efprit depuis votre depart , c'eft « un fecret mecontentement de n'a- « voir pas parle auffi fortement qu'il « le falloit, &£ defendu plus ouver- »■» terpent Sc avec plus d'etendue la » verite. Je vous avoue que vos louan- (Si) Ce premier arti- uns lui ont voulu faire
cle de la 'lettte de M. de de fe conduire par des
S, Cyran fait pleinemcnt revelations On yoit ici
fa juftification contre le combien il en 6toit eloii
reproche que <juel<iues- gni. t
|
||||
19© HlSTOIRE DB PoRT-ROl'At.'
""■*- " ges & les remperamens que vous
» donnez aux paroles , ne s'accordent
" poinc bien avec l'eloquence des
» penfees , des actions &c des mou-
" vemens que dorme la verite divine
- a celui qui la connoic & qui l'aime.
» Les raifonnemens & les trop
» grandes mefures de paroles n'ap-
" pardennent qu'aux Philofophes &
" aux Courtifans ; mais ceux de notre
" profetlion, qui ne regardencpas tant
" les hommes a qui lis parlent, que
" Dieu de qui ils parlent, font ani-
" mes d'un autre efprit, qui leur four-
" nit un autre langage. Sans vous ,
» qui m'avez peut-ecre trop humilie,
" pour ne pas dire trop rabaiflTe , je
" n'en eulle pas ufe de la forte en
" cette occafion, &c peu s'en faut
>> que je ne m'en repente. Pour le
" moins vous avouerai-je que c'eft la
» feule peine d'efprit que j'aie refTen-
»' tie depuis vous avoir obei. Car
" qu'etoit-il befoin de faire autre-
» ment, fachant fur - tout qu'ils ne
" nous traiteront pas mieux, apres
" que nous nous ferons humilies >
» Nous aurions rendu plus d'honneur
•» a la verite, & peut-ecre excite par
" la force de nos expreflions quelque
» tendrelTe dans leur efprit, qui de-
|
||||
i
I. Par tie. Llv.Vl. 191
» meurera plus endurci a caufe de la .—
»» douceur de nos paroles, qui leur i<M°'
» perfuadera peut-etre qu'ils ont rai-
» fon, 8c que nous ne vifons qu'a
" une delivrance indigne, je ne dis
" pas d'un Pretre , mais du moindre
» des Chretiens , s'il eft en la grace
»» de Dieu , 8c qu'il agiffe par fon ef-
» prit. Cela eut fait eclat, & eut
»» reveille un nombre de perfonnes ,
•» qui par fimplicite ou par ignorance
» croient qu'ils ont raifon, 8c que c'eft
« nous qui avons tort.
» Je vous demande pardon de ma
» liberte , 8c vous prie de pardonnet » cela a. mon zele &c au bouillonement " que j'ai reftenti en moi, 8c qui me » dure encore. Car je ne puis regar- » der ceux qui me font la guerre, » que l'epee a la main , ou comme un » homme qui ne demande qu'a com* » battre pour la verite a peine d'y » perdre la vie. Quand il n'y auroit » autre chofe , finon qu'on m'inter- » roge entre quatre murailles , fans •> parties, fans temoins, 8c contre » tout l'ordre de la juftice , 8c parti- » culierement contre cette Sentence » de l'Apotre : Ne receve^ point d'ac- » cufation contre un Pritre fans deux » ou trois temoins, ils ont fujet de |
||||
ipz HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
» craindre les jagemens de Dieu, def-»
" quels je voudrois les preserver par •» mes prieres. Je vous declare que » je fuis a lui jufqu'i la mort. Et li - S. Cyprien a aime l'Eglife en de- »» fendant une mauvaife caufe qu'il » croi'oit bonne , a plus force raifon " en en defendant une bonne contre " une mauvaife a mon avis , quoique " je l'appelle probable , parcequ'elle » n'efl; pas encore decidee. Si je meurs " je fuis heureux que Dieu m'ait fait » la grace de faire penitence en de- " fendant la penitence , & empechant » que Ton n'acheve de la miner en- " tierement, car e'eft de quoi il s'a- " gitje nefais fi je l'exprimerai par un " ecrit que Ton pourra vous commu- " niquer. Je pourrois vous dire quel- " que chofe de particulier pour vous >' faire voir le tort qu'ils fe font plus » qu'a moi; mais il fuffit que vous le " voi'ezdans le ciel, fi Dieu ne vent » pas que j'aie l'honneur de vous voir » avant que de mourir , fans ofFenfer » les Puifiances. Je ne fuis nullement » d'avis que vous l'entrepreniez main- » tenant : il y auroit danger que Ton " ne vous fermat la porte ; car ce que » Ton vous a ecrit, eft une efpece de » cqmmandenient de vous retirer , & vous
|
||||
I. Par.tie. Llv.VI. 195
vous & M. de Liancourt, que je x6±o~~
vous fupplie d'affurer de mes tres humbles fervices, & de lui dire que (1 Dieu eut permis que j'eufTe eu l'honneur de le voir, je fuis tres allure qu'il fiit demeure d'ac- cord de tout ce que je lui eufle dit. Je continuerai de le fervir devanc Dieu, auquel feul il appartienc de mettre les caeurs en erat d'une par- faite conversion , s'etant refervc cetce puifTance. » Votre peine & vos foins me de-
meureront pour gage de votre af- fection , qui fe renouvelle 8c fe ra- jeunit en quelque forte dans les occafions , encore qu'elle foit an- cienne. Le fucces de la lettre a M. deCha- Lxxvrr.
vieny fut tel que l'avoit credit M.de,^'ett^,de S. Cyran. Le Cardinal a qui M. deviguyeftfaw Chavigny la fit voir a Dlerincourt, aeltet* fix lieues de Noyon oil il refta juf- qu'au 17 juin , n'y eut aucun egard. Il ne vouloit pas fe defaifir d'un pri- fonnier dont it redoutoit la plume ; il fit meme affez connoitre que c'etoit la fa raifon par la reponfe qu'il fit a M. le Prince Henri de Bourbon , qui voulut bien lui parler en faveur de M. deS. Cyran : » Savez-vous bien, Tome II. I |
||||
194 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
'j6 » dit leCardinal au Prince , de quel
» homme vous me parlez > II eft plus
» dangereux que fix armees. Voiez » mon Cathechifme qui eft fur ma ra- t> ble , il a ete imprime vingt-deux » fois •, j'y dis que l'attrition fuffit »> avec la confeffion, & lui il croic j> que la contrition eft neceflaire. Et » dans le mariage de Monfieur , toute m la France s'eft rendue a mondefir, » & lui feul a eu la hardielTe d'y etre » contraire. M. le Prince redit cela quelque tems apres a M. d'Andilly , &c le repeta en memes termes en pre- fence de M. de S. Cyran , lorfqu'a- pres etre forti de Vincennes, il lui manda par M. Boutaud Eveque d'E- vreux qu'il le vouloit voir. M. d'An- dilly l'accompagna dans cette vifite , & fon Altefte aiant entretenu fort long-terns M. de S. Cyran , fut fi fa- tisfaite de lui , qu'elle dit entr'autres chofes qu'il falloit le faire Confefleur du Roi. txxvm. ^" ^e ^* Cyran toujours captif a" Eftec admi- Vincennes , faifoit voir que la parole ^evidence1* de Difu & la chari^ ne peuvent etre
fur le Baron enchainees. 11 etoit attentif a profiter
f "' de routes les occafions que la divine
Providence lui prefentoit d'exercer
fon zele pour les bonnes ceuvres. Bien
|
||||
I. Pariie. Liv. Ft. 195
lie le prouve mieux que ce qui arriva jg40,"" dans la prifon cecte annee 1640 au Baron d'Enkenfort Ce General ai'ant ete fait prifonnier, fuc mis a Vin- cennes 011 il refta depuis le zj mai 16 3 8 jufques au 15 mars 1640 , qu'il en forcit pour etre echange avec M. de Feuquieres pour lors prifonnier a Thionville. Mais dans cet intervalle M. de Feuquieres etant mort, le Baton d'Enkenfort qui etoit a Paris fur fa bonne foi pour dire adieu a quelques amis , fut reconduit a. Vincennes le 17 mars , dans la meme femaine que les Princes Palatins & le Prince Cafimir en fortirent. Ce Baron revenu dans fa prifon , prit une telle confiance en M. de S. Cyran , qu'il fe mit fous fa con- duite , & lui fit un renouvellement general de toute fa vie. Ainfi fa difgrace devint pour lui une fource de falut. Mais , en admirant ici d'un cote la ixxnc.
miferioprde de Dieu fur le Bacon t&te&tp«e d'Enkenfort, qui ne fera d'un autre de Mk Ma£- cote effraie du jugement terrible qu'il e* exer<ja vers le meme terns fur M. le Maitre. Cet homme , quoique mari d'une femme qu'on peut appeller une Sainte , & pere de plulieurs enfans qui peuvent etre regardes comme des Saints, eft abandonne de Dieu 8c |
||||
I5>6 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAI,.
~~7------meurt livre a l'herefie & aux plus
grands defordres.
Madame le Maitre apres avoir pleu-
re ce mari infidele avec autant de tendrelfe, que fi elle edt re$u de lui les meilleurs traitemens , fuivit le confeil de S. Paul; & prohtant de l'ex- perience de fon premier manage , elle n'eut plusde paffion que pour pren- dre l'habit a P. R. txxx. Elle etoit i'ainee des filles de M. Naiffanseac Arnauld , etant nee le 9 juin 1 590.
Madame le Elle avoit eu des 1 enrance un gouc
Mauc. decide pour le cloitre : elle n'aimoit
rien tant dans les recreations qu'elle pouvoit avoir , que de venir a P. R. des champs, depuis que fa fceur en fuc Abbefle , pour affifter au chceur 6c chanter l'oflice avec les Religieufes ; mais fes parens, par un ufage qui n'eft que trop ordinaire, fans confulter Dieu la deftinerent au monde, Sc deux de fes fceurs pour etre Abbeifes, Elles auroient ete les unes & les autres fort malheureufes dans des etats aux- quels elles ne paroiiToient point ap- pellees , fi Dieu par fa mifericorde n'eut repare ce choix temeraire des parens , en leur preparant divers re- medes , pour les faire arriver a une rneme fin, & les reunir dans la merae |
||||
T. Partie. Llv. VI. tyy
voie , enlesrendantdefaintes8c veri-" i<$40, tables Religieufes. Des 1'age de dix ans la petite Ca-
therine avoit l'efprit li avance qu'elle conduifoit toute la maifon. Elleetoit d'un cara&ere vif 8c gai •, car elle tenoit de M. Arnauld, donr les enfans etoient de caracteres differens; les uns lui reflemblant beaucoup dans fon temperamment ardent , 8c les autres tenant de la froideur de M. Marion par leur mere. M. d'Andilly , Mdme le Maitre , la Mere Angelique fe reflem- bloient d'un cote avec M. Arnauld le Docteur : M. d'Angers, la Mere Agnes &c la Sceur Eugenie de l'autre. Catherine Arnauld epoufa a I'age ixxxr.
de quinze ans M. le Maitre. lis de- wEl.Ic *P°I,fe ■I , . .- .. M. lc Maitre,
meurerent dans la mailon paterneue & en eft fi-
les trois premieres annees de leur ma- P-"'ce\ riage. Rien ne paroiiloit plusheureux que les commencemens. Mais ce bon- heur ne flit pas de longue duree , 8c M. le Maitre ne tarda pas a faire fen- tir fa mauvaife humeur a fon epoufe , qui eprouvoit tous fes mauvais trai- temens fans s'en plaindre, 8c fans en rien faire paroitre. Elle foufFrit avec une vertu & une fageffe merveilleufe pendant fept ans. M. Arnauld inform© de 1'etat de fa fille& des dereglemens 1 »i
|
||||
198 HlSTOIRS OK PoB.r-R.OlAt.
de fon mari, entreprit de la retirer
d'avec lui. II intenta proces a M. le Maitre , qui declara qu'il etoit de la Religion proteftante ; il le poufTa fi vivement, que malgre la protection du Chancelier de Vair , en dix jours il obtint fept Arrets , & retira fa fille avec fes enrans , qui demeurerent tou- jours depuis avec lui. Depuis que Madame le Maitre fut
feparee de fon mari , ce qui arriva vers Tan 1615 ou i6\6 , jufqu'a fon entree en Religion, elle fe conduifit en vraie veuve, par la modeftie dans les habits, une vie retiree, une ap- plication continuelle a toutes fortes de bonnes ceuvres , joint au foin de fa famille & de l'education de cinq en- fans (62), dont elle etoit chargee , fans aucun bien du cote de fon mari , qui l'avoit entierement diflipe. Elle eut part a l'heureufe connoiflance (65) que la Mere Angelique fit du B. Fran- cois de Sales Eveque de Geneve ; elle imita fa fceur en fe mettant fous fa \€i) Mefficurs !e Mai- tome 1 des Relations,
tre, de Sericourt, de Sacy, qu'elle fit voeu de chaftetfe
de Saint Elme, de Vallc- entte fes mains le jour
room. de Saint Alexis 1619. Me-
«3) Il eft dit dans une moites, Tome II. page
Mote, a la page 151, joi.
|
||||
-------__-------------------------------.-----_^.------,----_---------- -------- ------- - 'i'WIfW
)
I. P a R t i E. Liv. VI. 199
conduite, lui fit une confeffion gene- 1640. ~
rale 8c prit fes avis. Apres la tranflation de P. R. des
champs a Paris, Mdme le Maitre s'y retira avec Madame Arnauld fa mere. Elle etoit d'un grand fecours pour la Mere Angelique , qui trouvoit en elle tout ce que \S. Bernard trouvoit dans fon frere Gerard , fur qui il fe dechargeoit 4es affaires exterieures. Car outre les grandes qualites du coeur,Mdmu le Mai- tre avoir audi celles de l'efprit; elle entendoit tres bien les affaires , avoit la connoifTance des arts, etoit tres adroite & tres laborieufe , & par con- fequent tres propre a. foulager la Mere Angeliquequigemifloit fous lepoidsde beaucoup d'affaires occafionnees par la tranflation. Elle prit part a la devotion du nouvel inftitut du S. Sacrem. Mdme le Maitre connut aufii M. de S. Cy- ran ; & des qu'elle eut commence de le connoitre , elle ne tarda pas a faire le difcernement de l'avantagede facon- duite fur celle de toutesles autres. Ainfi elle s'y donna entierement; elle em- braffa la penitence , fit un renouvelle- menc entre les mains de ce faint Ab- be ; & ne pouvant pas etre Religieufe parceque fon mari vivoit, elle en pratiqua exactement tous les exercices; I iiij
|
||||
200 HlSTOIRE DE PoRT-RO*IAt.
elle prlt l'habit de poftulante , afin
d'etre plus en etat d'ailifter de jour & de nuit au chaeur , & a toutes les ob- fervances ou elle fe rendoit auffi exacte que la derniere novice. Elle eroit la premiere a toute forte de travail, & ne fe difpenfoit d'aucune aufterite , foit pour la nourriture foit pour le ve- tement. Elle eut nne joie incro'iable, lorf-
qu'elle vit fes deux aines quitter , l'un le Barreau ou il brilloir, l'autre la profefTion des armes, pour fe confa- crer a Dieu dans la retraite. Elle en rendit a Dieu des actions de graces infinies, & pour favorifer leur deffein, elle fit batir dans la cour du dehors de P. R. de Paris un petit logement joignant l'Eglife, ou ils pouvoient entrer dechez eux fans etre vus. Ce ba- timent commence au mois d'odt. KJ37, fut acheve a la fin de la meme annee. La Mere Madelaine de Sainte Agnes
de Licny , parlant de Madame le Mai-- tre , die en general d'elle (64) qu'elle n'a jamais connu perfonne qui eutun coeur plus genereux & plus charitable , & cela en tout terns & en toute occa- fion. On l'a vue, avant qu'elle fut Re- ligieufe, facrifier fon amour pour la («4) Troifieme P«ttie , Relation III. page 317.
|
||||
-------------------------------- - .
I. P ARTIE. LlV. VI. 10T.
retraite, pour aller a I'Horel de Lon-
gueville fe charger, a la priere de * * Madame la DuchefTe & de la Mere Angelique , de l'education de Made- moiielle de Longueville ( c'eft celle qui eft morte Ducheffe de Nemours en 1707 ). On I'a vue y retourner encore pour prendre foin de Madame la Du- chefie , qui etoit grofTe de trois mois & malade a l'extremite : la Princefle accoucha d'un fils , qui vine au monde a trois mois , tout couvert de petite verole ; &c neanmoins il vecut aflez pour etre baptife avec routes les cere- monies de FEglife & meme confirme. Ce qui fut regarde comme l'effet des prieres de la Mere Angelique & des Filles du S. Sacrement : ce petit Prin- ce , appelle le Comte de Dunois > mourut quelques heures apres fa naif- fance : comme il avoit ere voue aa S. Sacrement, on lui en fit porter en quelque facon l'habit le premier, car on mit fur lui un petit poele de fatin blanc avec une croix rouge. Ce n'etoit pas feulement a l'egard
des perfonnes de qualite comme Ma- dame de Longueville , que Madame le Maitre avoir rant de bonne volonte" & de charite; elleafliftoit avec autant de foin & d'afFe&ion les moindres Iv
|
||||||
201 HlSTOlRE DE PoRT-Ro'lAL.
1640. perfonnes. Lorfqu'elle fut revenue a
P. R. elle n'en temoigna pas moins a toutes les Religieufes qu'elle regar- doit comme fes Sceurs. Elle vifitoit, veilloit & fervoit les malades avec tant de bonte & d'une maniere fi gra- cieufe qu'elle les rejouiflbit , & les encourageoit a porter avec joie leur etat. Elle rendoit aux pauvres toutes les aftiftances qu'elle pouvoit, leur dormant de l'argent, du linge , des habits. Elle difoit qu'il n'y avoit pas au monde une fatisfadtion plus grande que celle de donner a ceux qui etoient dans le befoin ; mais elle regardoit encore comme un plus grand bonheur de fe mettre en etat de ne pouvoir plus tien donner. Et c'eft celui qu'elle choi- fit, en embrafTant la pauvrete volon- taire, audi toe qu'il lui fut libre de le faire , e'eft-a dire aufli-tot apres la mort de fon mari. ixxxtt. Elle regagna par une ferveur in- Madame le croiable ce qui avoit manque a fes l'haWtde Re- premieres annees. Elle pnt 1 habit le Mgieufe a p. 1 j odobre 1640. M. le Maitre ne fe trouva pas a cette ceremonie ; ce qui fut fans doute un des plus grands fa- crifices que fon amour de la retraite luiaitfaitfaire.M.de S. Cytan informe de tout ce qui fe paffoit, partagea fa |
||||
I. Part ie. Liv. VI. ioj
joie entre ia mere & le fils , & ecrivit ~~r"~"~~
au fils une lettre des plus couchantes, ' + ' dans laquelle il fait l'eloge de la mere. » Je n'ai garde , lui dit-il, d'oublier lxxxtii.
« la Soeur Catherine de S. Jean votre ^ettte de M> » bonne mere. Je fuis tres fatisfaitd'elle m. le Maftre, »> &de toutes les reponfes qu'ellea fai- ^ m***™ |
||||||||||||
\ mere .
|
||||||||||||
\ i i~ . i iamcic , qui
» tes a toutes les lettres que je lui ai Venoit d'en-
m ecrites. J'eftime extremement fa tr.e^ au n* » docilite , & connoiflant tout ce qui m eft du fonds de fon coeur, & ce •> que le commerce du monde lui a » pu lahTer de defedhieux , qui n'ont » paru que lorfque la grace de Dieu » s'eft fi fort repandue en elle , je t> vous avoue qu'elle eft dans mon » cceur. Je n'ai guere vu un meilleur *» noviciat d'une veuve. La grace y » eft route manifefte & fi fervente » pour lui faire embrafler la vie refi- ll gieufe, que je n'ai guere vu une »» refolution pareille a la fienne. Je u repondrois volonriers pour fon obeif- w fance & la foumiflion de fon efprit » qui me plait beaucoup , fans crain- n are que ce qu'elle voit de defe&ueux »> en elle , & a caufe de la prompti- » tude de fon naturel, & a caufe de » la bonte de fon efprit, & de Tac- * coutumance que Ton prend dans le |
||||||||||||
»
|
||||||||||||
monde de juger de toutes chofes,
1 vj
|
||||||||||||
204 HlSTOIRE DE PoRT-R01A£.
» diminue en rien la facilite qu'elle at
w a fe foumettre & a obeir. Dieu eft » le maitre de routes les ames &c le » vrai auteur & promoteur de leur " vertu... II faut efperer que Diea m qui a tout fait en elle... achevera » lui feul l'ocuvre de fa grace qu'il a » commence... Eftimez - vous heu- » reux d'avoir une telle mere, 8C » d'attendre de fes prieres, quand elle » fera profefle , un renouvellement de » la grace que Dieu vous a faite , &: » a laquelle vous avez droit de pre- " tendre , parceque vous etes fon fils » & difpole a la recevoir. » Elle nous apprend par fon exem-
« pie, quelle eft maintenant dana » l'Eglife la voie la plus courte &c la " meilleure pour parvenir a la per~ *» fe&ion de la vertu. Card faut avouer »> qu'elle (la voie ) change felon les m terns, a caufe de la decadence de n la difcipline & de I'imperfe&ion. » generate des chretiens. Elle a teller » ment cette voie empreinre dans fon » cceur, que je puis dire hardiment " que tous les hommes de bien de la » terre & tous les anges du ciel ne » Ten fauroient detourner , ni lui en m faire choifir une autre. Elle compte w les mois de fon noviciat, avecuoe |
||||
I. Part ie. Llv. VI. 105
» fainte impatience qui me fait quel-
*> quefois rke de la peur qu'elie a de
u mourir avant que d'etre profelfe...
» II fe pent dire d'elle & de vous
x qu'elie s'eft fanctifiee par vous , &C
« que vous vous fan£fcifiez par elle j
» etant certain qu'elie n'a jamais bran-
»> le, lors meme que vous etiez dans
" lesplus belles efperances d'une gran-
» de fortune , en la fainte affection
» qu'elie vous a portee, a vous en
» particulier, & a tous fes enfans en
» general , pour les fauver Je n'ai
» jamais remarque en perfonne , au
" moins en pareille circonftance , rien
» de femblable; & tout ce qu'elie a
» fait enfuite de votre converlion ,
» vous batiffant une maifon, & faifant
» delfem d'y ajouter des galenes &
» des terralfes „ ne tendoit qu'a faire
» tout ce qu'elie pourroit pour vous
» y confirmer par les contentemens
» d'une folitude agreable, autant
„ qu'elie le peut etre dans une ville,'
m 8c que les moiens lui permettoient
» de le faire. Vous voiez l'arFe&ion
» que Dieu m'a donnee pour elle ,
,, & pour la vraie vertu , qui me ravit
„ en tous ceux qui la pofledent. II
,, n'y en a aucun d'eux qui ne foit mort
» maitre, quelque foit la perfonne
|
||||
- I — .--------------------------------------------------------------------------_------------------------
10<> HlSTOIRE DF. PORT-ROIAL.
m,0- » par fa naiflance , bafTe ou noble ,
» pauvre ou riche , car je n'y puis ap-
» porter de diftin&ion. Je fuis au his
» & a la mere , &c.
txxxiv. Madame Arnauld fur au comble de
Mort de fa ;0ie & je fes ^fns , lorfqu'elle vie
Madame Ac- -,', i ■» # a ' » r :__
nauid, appei- Madame le Maitre reume a ies cinq
ifc en tell- autres mles & meme a fes petites- caTherine^e filles , toutes Religieufes a P. R. » ^jnwFciici-Cette incomparable mere avoir eu plufieurs annees auparavant le courage 1 4I" de fuivre leur exemple , en embraflanr elle-meme cet etat, & devenant ainfi, felon l'efprit, la fille de celle dont elle etoit la mere felon la chair. Apres avoir accompli tous les devoirs d'une verirable Religieufe , & avoir fupplee au precieux trefor de la virginite par une fi heureufe fecondite , elle mourut cette annee 164.1 , dans de fi grands fentimens de piete , qu'elle laifia fes enfans dans l'incertitude s'ils devoient pleurer une telle morr, ou s'ils de- voient s'en rejouir. Ce fut la difpofition en particulier de M. de Sacy ,1 encore jeune alors, comme on le peut voir par la lettre fuivante qu'il ecrivit a M. le Maitre fon frere, pour lui don- ner avis de cette mort bienheureufe. » Mon tres cher frere, je ne dome a> point que vous n'aiez deja appris |
|||||
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------. ....——--------------------------------1 ——
I. Par.tie. Liv. VI. xoj
» la more de Madame Arnauld notre » ai'eule, fi neanmoins Ton peut don- ^ *
» ner le nom de mort, a une mort » que l'immortalite fuit de fi pres. Je »> m'aflure que dans votre folitude , » vous vous ecriez fouvent comme » moi, en penfanr a elle : O heu- »» reufe femme, qui par l'amour infini » qu'elle a temoigne a Dieu & a fes »» enfans , a augmente la douleur que » nous avions de fa perte , & en » meme-tems l'a adoucie! Sa foi m etoit fimple , fon efperance ine- » branlable & fa charite fans bornes. » Elle a temoigne une patience invin- » cible. dans fes douleurs, & non » tant une attente paifible , qu'une » fiinte impatience & comme une » avidite de la mort , goutant deja * par avance la joie d'une eternelle *» vie , dont lui repondoit en quelque » forte fa ferme efperance. Comment » done ne pas pleurer une mort fi » fainte ? Mais d'ailleurs aufli, com- » ment pleurer une femme fi heureu- » fe ? Je ne vous en dis pas davantage. »> Quand on ecrit a un folitaire tel » que vous etes, il faut que les let- « tres non-feulement foient graves, » mais encore qu'elles foient courtes. » Je fuis, dec. |
||||
------------------,—.----------------------1—------------—.-------------------------------------1-------------1------------------------------------------
|
|||||||||||||
108 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
Quoique ce que nousavonsditendiffe-
rens enchoits touchant Mdme Arnauld *, |
|||||||||||||
1041.
|
|||||||||||||
AbicgS de puifle donner une jufte idee de cette
h. vie deMa- fainte femme, il eft a propos d'entrer dame Ar- ' ,r X r
aauld. dans un plus grand detail lur ce qui
regarde une des plus fecondes &c des
plus heureufes meres qui aient peut- etre jamais ere. Madame Arnauld, dire en religion Sceur Catherine de Sainte Felicite, etoit fille de M.Simon Marion , Baron de Druy , Confeiller du Roi en fes Confeils d'Etat & Prive, & Avocat General au Parlement , &c de Damoifelle Catherine Pinon. Elle vint au monde le 13 Janvier 1573 , & fut elevee avec grand foin dans la vertu & la crainte de Dieu. Elle epoufa a l'age de douze ans M. Ar- nauld , dont le nom devint depuis fi celebre au Parlement de Paris. Dieu repandit une abondante benediction fur ce mariage , d'ou font fortis vingt enfans , parmi lefquels il y en a de comparables aux plus grands hommea de l'antiquite, foit pour la fcience & l'e- tendue de genie , foit pour la piete 8c les vertus chretiennes. Les bons exem- ples de M& Arnauld, ne contribuerenc pas peu a former fes enfansalavertu,& a attirer fur euxlesbenedi&ions duciel. * Voiet la Rel. de fa Madame le Maitre fa filtey
Tie gc de fes vettus, par Tome III. p. 175-305. ' |
|||||||||||||
I. Partie. Liv. VI. 109
La chaftete, la modeftie dans les
habits, le refpe6t pour M. fon pere
oc Madame la mere, la patience dans ses vertm
les epreuves , fur-tout clans des grof-<jans le mo»-
feifes tres facheufes 6c des accouche-
mens tres perilleux, la foumiflion aux
ordres de Dieu, la confiance en fa
divine providence , l'education de fes
enfans , un zele ardent pour leur fa-
lut, furent les vertus de Madame Ar-
nauld dans le monde. Beau modele
pour les meres de famille! La gene-
rofite avec laquelle elle fournit long-
tems aux beloins des Religieufes de
P. R. fait bien' voir que fon intention
& celle de M. Arnauld fon mari,
n'avoit pas ete de fe decharger de leurs
enfans , en faifant Religieufes Ange-
lique &c Agnes. Elle eut beaucoup de
repugnance de voir que M. Marion
fon pere leur procurat achacune une
Abbai'e; & il n'y eut que le refpect
u'elle avoit pour lui , qui l'empccha
|
||||||||
A
|
||||||||
e s'y oppofer- D'ailleurs elle redoubla
|
||||||||
fes foins 3c prit toutes les precautions
qu'elle put, pour que ces deux jeunes
AbbeflTes fulTent elevees dans la crainte
de Dieu. Sa charite ne s'etendoit pas
feulement a fon mari, a fes enfans, a
fes domeftiques , mais encore aux pau-
vres de fes terres & de fa paroifle i
|
||||||||
IIS HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
•—;-------ellealloit les chercher dans lesHopitaux
& dans leurs maifons pour les foulager
-•Perfonne ne mandioit a Andilly , txxxvii. par les foinsqu'elle avoit de fournir MntoTon le neceiTaire a ceux qui ne pouvoient humiiitc. rravailler, & en occupant ceux qui etoient en etat de gagner leur vie. Son digne epoux entroit dans fes vues, & la fecondoit: Ma femme , difoit-il, riifipoint brave, &faime bien mieux qu'elle donnc auxpauvres , que de de- penfer en affiquets. Son humilite etoit ii grande , qu'aiant un jour donne occafion a une fervante qu'elle avoit reprife , de fe mettre en colere-, elle fe jetta a fes genoux, & lui demanda pardon. Lorfqu'elle rat Religieufe, elle fe fouvint d'avoir fait de la peine a une de fes fervantes , par un trop grand amour de la proprete ; elle de- manda permiflion de l'envoier cher- cher , fe mit a genoux devant elle a la grille, & la pria de lui pardonner. Le trait fuivant eft encore plus frap- pant & montre combien rhumilite etoit eminente dans cette femme , vraie difciple de Jefus-Chrift. L'on a fu de la Mere Agnes qu'avant le de- part de la Mere Angelique pour Mau- builfon, Madame Arnauld ai'ant par fes avis pris la refolution de faire une |
||||
I- Partie. Liv. VI. in
confeflion generale , apres qu'elle l'euc —-------
ecrite, elle l'envoi'a de Paris a fa * 4I'
( fille par un expres , afin qu'elle la vie, la corrigear, & lui marquar ce qui avoir befoin d'eclairciflemenr. Tanr de verrus & de bonnes ceuvres dans certe mere fi chretienne, onr ere une fource de graces pour fes enfans , & lui ont merite les plus douces confo- larions. Qui pourroir exprimer la joie qu'elle relfentit en voiant une de fes filles etablir la reforme dans fon Abbai'e a l'age de lyans \ une aurre quitter a 14 ans une Abbai'e dont elle etoir pourvue> pour embracer la reforme que fa foeur avoir erablie. Elle avu routes fes filles, aunombrede fix devenirfucceflivemenr Religieufes &c etre des modeles de verru. Elle a vu fon fils aine (M. d'Andilly ) vivre dans une piete exem- plaire au milieu de la corruprion du iiecle, & comme Lot au milieu de Sodome. Pour tout dire en un mot, elle fut mere du grand Arnauld, la gloire de l'Eglife de France, & le fleau des hcretiques & de rous les fa- bricateurs de nouveaux dogmes. Elle vir encore trois de fes perits-enfans , dont l'aine (M. le Maitre ) renon9a a tous les avanrages qu'un homme de fa condition pouvoit fouhaiter , |
||||||
ill HlSTOIRE DE PoRT-fco'lAl*
"" 6 L quitter le monde pour fe dormer en-
tierement a Dieu.
Lxxxvni. La refignation de cette femme forte pieuluiinf-gc fa fbumifllon aux ordres de Dieu , pile le defir r \ r 1 "
d'etre Reli-parurent lur-tout , lorique la mort lui
gieufe. enleva le z? decembre 1619 M. Ar-
nauld, le meilleur mari qu'il y eut
au monde. Elle ne fut point abbattue
de cette perte, la plus grande qu'elle
{iut faire. Aiant ete vertueufe dans
e mariage, elle le fut encore plus dans fon veuvage, & fut du nom- bre de celles que S. Paul veut qu'on honore , parcequ'elles font vraiment veuves. Elle fe retira en 161} avec fes filles a P. R. des champs, apres avoir obtenu du Superieur la permif- flon d'y entrer. Jufques - la Mduie Ar- nauld n'avoit jamais penfe a entrer en religion. Le jourde Sainte Genevieve 1614, aiant allifte a un fermon qu'on fit pour la profeilion d'une Religieufe, elle fut tellement touchee de Dieu , qu'apres la ceremonie , elle alia prier la Mere Angelique de lui faire faire une retraite & la prit pour fa direc- trice. Le lendemain elle vint fe jetter aux pies de fa fille, lui demandant pardon de s'etre fachee contre elle , de ce qu'etant dans une maifon pauvre , elle recevoit des Religieufes fans dot j |
||||
I. Partij. Liv. VI. 11}
Dieu lui infpira le jour memede Sain- Z ' te Genevieve , le defir d'etre Reli- gieufe qu'elle ne perdit jamais depuis. Elle entra dans le nouveau monaftere de P. R. de Paris avec les Religieufes qui furent transferees de P. R. des champs , le 23 mai 1625 , & y pric l'habit le jour de S. Mathias 24 fe- vrier 16x6, a Page de 5 3 ans. Elle fut l'exemple de la maifon par fa fer- veur & fa regularite pendant tout fon noviciat qui dura trois ans ; fes affai- res ne lui ai'ant pas permis de faire plutot profellion. Le teffcament qu'elle fit alors , eft lxxxix.
trop edifiant pour ne pas en rapporter niefaitfon un extrait. » Au nom du Pere & du » Fils Sc du Saint Efprit. Apres avoir » adore mon Sauveur concu dans la » Vierge comme un homme, naif- » fant comme un enfant, dans une » etable, &c vivant comme un Dieu « more dans le Saint Sacrement ; » Sc apres avoir invoque la Vierge »> comme la mere de mon ame rege- » neree , mon Ange gardien , & Sain- » te Catherine ma protectrice , & :. toure la compagnie des Anges & » des Bienheureux, comme y aiant » une particuliere confiance apres „ Dieu; je choifis ce jour pour fair© |
||||
_-------------1—I—,------------------------------------------------------I -"■"'
|
|||||||
114 HlSTOIRB DE PORT-ROIAI.
"77777" " mon teftament, & declarer a mes
» enfans , en faifant la difpofition des
" biens de mon corps, Petat prefent de
" mon ame.
» Je reconnois premieremenc 1'in-
" finie mifericorde , dont Dieu a ufe
» en mon endroir, de m'avoir fait
» naitre apres l'incarnation de fon
» Fils; de m'avoir dans un rems d'he-
" refie, fait el ever dans Punite de
" fon Eglife; de m'avoir tire des
" ignorances de ma jeuneffe , & de
>> m'avoir fait connoitre par l'expe-
" rience des chofes qui fe font paflees
» en ma famille , que tous les avan-
» tages des hommes & les belles ap-
" parences des forrunes de la terre ne
» font rien que vanite.
» Je le loue & benis avec un ref-
» fentimenr indicible , d'avoir deja
» fait reuflir en partie le defir que
» j'ai eu toure ma vie de procurer
» le falur de Pame de mes enfans ,
» aiant attire par la puiflance de fa
» grace, fans que j'aie apporte au-
»» cune fuggeftion, fix de mes filles i
» fon fervice dans la fainte religion;
» &c d'avoir a la fin daigne etendre
v cette grace fur mon ame, pour me
» rendre participante de ces admira-
u bles qualites de la Sainte Viergs
|
|||||||
I. Partii. Liv. VI. 215
» qui etoit fille & mere de fon Fils , —------
»« en me rendant fille & mere d'une
" perfonne que j'ai portee en mes " flancs , que je defire, pour rendre » un hommage particulier au myfte- » re de l'lncarnation , elire pour ma » Superieure& ma Mere au jour de » ma profeffion. " Je vous fupplie, mon Dieu, qu'en
" ce jour oii j'ordonne de mes biens » temporels par un teftament, & me " prepare a mourir civilement au » monde , il vous plaife me faire la » grace de deparcir au refte de mes » enfans males , cer efprit qu'il vous » a plu me donner en m'appellant a » vous ; comme au jour de votre tef- » tamenc, & a la veille que vous vous » prepariez a mourir corporellement « au monde, il vous plut, ordon- » nant de vos biens fpirituels, dif- .» tribuer votre faint corps a vos Dif- i> ciples. On voit par-la. les faintes. difpofi- x c.
tions dans lefquelles Madame Arnauld *jj* fa't fit fa profeflion le 4 fevrier 1 ^29. Elle pt0 e la fit entre les mains de fa fille, & pronon9a fes vceux avec une voix aulfi • forte & aufli intelligible que fi elle n'eut eu que quinze ans , quoiqu'elle en eut pour lors 56. On lux dit en* |
||||
II6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
fuite qu'il falloit dire le grand office ,
a quoi elle ne s'etoit pas attendue , parcequ'elle avoir la vue fore baflfe. Elle s'y foumit cependanr a l'heure meme, quoiqu'elle previt qu'elle en per- dioir la vue , ce qui arriva en enet. La ferveur qu'elle avoir montree pen- danr fon noviciar, bien loin de de- geherer ne fir que croirre. Dieu fit voir qu'elle n'avoir pas choifi le mo- naftere de P. R. parcequ'elle y avoit fa fille AbbeflV, car ce fut elle qui applaudir le plus au deflein que forma la Mere Angelique de fe demerrre f'our rendre fon Abbai'e eledive. Apres
a premiere election elle vir rranquil- lement fes rrois filles ainees partir pour dirTerenres maifons , ou on les envoia erablir la reforme : elle vit des Religieufes nouvelles venir de 1' Abbai'e duTard prendre la place de fes filles, 8c eur pour elles les memes egards &c les memes deferences. Ce fut vers ce tems que la peine qu'elle eut a dire fon office lui fir perdre un ceil, & affoiblit tel- lement l'autre, que les Medecins & - Chirurgiens lui defendirent de ne plus jamais lire ni travailler. Dieu donna a Madame Arnauld la confolation de revoir routes fes filles reunies a P. R. oil l'une d'ellesj favoir la Mere Agne's |
||||
I. Part ie. Liv. VI. 2.17
fut elue AbbefTe en 1656. Elle cut "T pour elle le meme refpe£t qu'elle avoir eu pour la premiere , ne l'appellant que fa mere , & lui demandant a ge- noux comme les autres la permiffion pour les chofes importanres, comme pour la communion. Elle appelloic aufli la Mere Angelique fa mere , & fes aurres filles qui ecoienc Religieufes, fes fceurs. Deux ans & demi avant fa mort,
elle fie une revue de fa vie, & vou- loit faire des aufterites au-deffiis de fes forces &c de fon age. Voi'antqu'on lui en refufoit la permiffion, elle fe priva de la feule confolarion qui lui reftoit, n'allanc plus aux conferences & ne vo'iant plus fes enfans ni fes pe- tits-enfans. Ses infirmitesetoienctelles qu'elle faifoit plusde penitence qu'au- cune Religieufe. Elle etoit fi maigre qu'elle ne pouvoit etre ni couch.ee ni affife, fans fentir de grandes incom- modites. Ses inquiecudes lui otoienc la plus grande partie de fon fommeil. Dans cet ctat, pleurant prefque tou- jours fes peches , & priant Dieu jour & nuit qu'il les lui pardonnat, il plut a. fa divine bonte de lui donner une des plus fenfibles affli&ions qu'elle aic jamais eues. Ce fut la mort de M. Si- Tome II. K |
||||
II 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i64lt mon Arnauld fon fils , tue le l juillet
1639 d'un coup de carabine dans une
fortie qu'il fit a Verdun fur des Lor-
rains qui emmenoient le betail de la
ville. Quoiqu'elle aimat extremement
ce fils, elle nefe livra pas neanmoins
a la douleur & fe confola en Dieu par
une pleine refignation a fa volonte.
A cetce affliction fucceda une grande
maladie , dont elle guerit, pour avoir
la confolation de voir prendre l'habic
a l'ainee de fes filles Madame le Mai-
tre , la feule qui eiit ete mariee , Sc
qui audi tor qu'elle fut veuve executa,
comme nous venons de le voir , le
delTein que Dieu lui en avoit donne
depuis vingt-deux ans.
x c T Trois femaines apres elle fut atta-
Avis que quee d'une maladie, qui apres lui avoir
fiaullT^etaiu cattfe lcs douleurs les plus vives de-
a raniclede puis la Toijflaints jufqu'aux Rois,
domi°r a fon degenera en hydropifie. Elle fouffroit
fils k Doc- avec une patience admirable, ne de-
tour, r 1 ■ rr i> r hrant de mount que pour celler d or-
fenfer Dieu. Elle rec,ut les Sacremens le 4 fevrier , jour auquel elle avoit fait profeflion, avec une devotion & une numilite extraordinaire. Apres les avoir cecus, elle fupplia M. Singlin fon ConfeiTeur de dire a fon fils le Doc- teur, que » Dieu l'ai'ant engage dans |
||||
I. Partie. Ltv. VI. 119
*> la defenfe de la verite , elle l'ex-
" hortoit & le conjuroit de ne s'en " relacher jamais, & de la foutenir »» fans aucune crainte , quand il iroit » de la perte de mille vies : & qu'elle » prioit Dieu qu'il le maintint dans " rhumilice , aliii qu'il ne s'elevat w point pour la connoidance de la » verite, qui ne lui appartenoit pas, » mais a Dieu feul (65). Quinze jours apres , fon Confedeur lui ai'ant demande 11 elle n'avoit rien a dire a fon fils le Doclreur, elle lui rcpondit avec une prefence d'efprir merveii- leufe , qu'elle n'avoit rien autre chofe |
||||||||||||
164I.
|
||||||||||||
(s5l M. da S. Cyran
rappellant dans la fuite d M. Arnauld ces dernieres paroles de Madame fa mere , lui difoit ( lectre 114) » Vous avez grande 5) raifon de croire que 3, Dieu vous a appelle <k 33 parle par elle... Vous s> devez a cette ame heu- ,j reufe , non-fculement 3> tout ce qui eft de vo- jj tre corps , mais meme „ rout ce qui eft de votre 3, ame, parcequ'elle vous 3, a engage a la Theolo- 3, gie & au fervice de 3, Dieu. Et dans la let- tre 117 » Celle 1ui eft
33 avec Dieu vous a en- 3, gendre deux fois, & 3, vous lui devez princi- ]> palement la bonne dif- |
||||||||||||
3> position en laquelle
3j Dieu vous a mis... On 33 pent fans craindre de 3> f'aillir, etablir cette re- 33 gie , que celui qui ge- 33 mit long-tems devant 3) Dieu pour la conver- 3> lion d'une ame , en eft 3> une des caufes, lorf- 33 qu'on la voitarriver, 33 fur tout fi c'eft une 33 mere qui gemit & qui 3> prie pour fon fils. M. Arnauld a parfaitement rempli les conditions de ce qu'on peut appeller le reftament de fa mere a fon egard, puifqu'il n'a celle de dcfendre toute verite jufqu'a fa more arrivee plus de cinquante ans aprcs. |
||||||||||||
Kij
|
||||||||||||
2iO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
-'I(j4I a lui recommander que ce qu'elle l'a-
voit fupplie de lui dire , quil ne fc relachdi jamais dans la defenfe dela vi- rus. xcn. Deux iours apres elle donna fa be- at^ a^'ncdictton a fes fix filles , & a fes fix
wuU. petires filles , & dit a chacune des cho- fes tres touchantes. Elle jouit enfuite d'une grande paix , fouffrant cependant beaucoup, mais avec une grande pa- tience. Elle foupiroit apres la celefte patrie , comme le cerf altere apres des eaux vives •, difant fans cefle a Dieu : Mon Dieu tire^-moi a vous ; d'autre- fois, que vos tabernacles font admira- lties ! Le mercredi 27 fevrier a. hnit heures du foir elle tomba dans l'ago- nie. Elle entendoit neanmoins, & difoic quelques paroles par lefquelles elle temoignoit fa joie d'aller a Dieu: elle fut dans cet etat jufqu'au lende- main qu'elle expira doucement a deu> heures du matin, agee de 68 ans , ur mois , 8c 15 jours •, dont elle avoir et 1 2 ans fille, 3 4 mariee, fix ans veu ve , 8c i^Religieufe (66). xcm, Ecoutons M. de S. Cyran.parler d scmimenscette bienheureufe Nous fom cyian far" rn.es prefque allures, dit-il (67)
cette mott.
(66) Relation , To- (67) Memoires pour fen
me III, page 510. a I'hijlejrt de F. S., T. U |
||||
I. Pas.tie. Liv. VI. m
» M. d'Andilly, que cette ame eft dans » le repos ... II eft vrai que je l'ai » pleuree , mais c'eft comme on pleure » les Juftes. . . Ai'anr fu par elle le » fond de fa confcience & coutes les » avantures de fa vie, j'ai trop fujet „ de croire , lorfque je confidere » l'humble patience avec laquelle elle m a fouffert tous fes maux, que fa » morn fi chretienne & fi fainte eft » une recompenfe de fa vie... J'ai « toujours vu en elle de la folidite » dans l'efprir, jedis de la veritable, ,, & qui ne tenoit rien de la vanite » des homines ; de la bonte de cceur, » je dis de celle que la charite infpire, » & qui, comme dit tant de fois S. » Auguftin , forme la bonne volonte •, „ de l'affedlion pour fes enfans , je » dis de celle que le S. Efprit pro- « duit, & qui n'a pour fin que leur » falut ; de la companion pour les « miferables , je dis de celle que la „ mifericorde donne , 6c non de celle „ qui vient de la mollefle du naturel. „ Je ne vous veux rien dire de plus , „ finon qu'elle vous a laifte tin grand „ exemple de vivre chretiennement, p. 175. Relation de la vie R. fous lenom tie S&nrCa-
& des menus de Madame tbtrint de Sainte Fe'licstc, Arnaidd Reliztettfe de P. Kiij
|
||||||
XXX HlSTOIRE DE PoH.T-R.OlAI.
» de meprifer le monde , & tout ce
« qu'il a cle biens 6c de maux, de » carelfes & de menaces. Car il eft » certain qu'elle s'etoit faite Religieu- " fe a caufe de l'averfion qu'elle avoit " du monde, ou le bien qu'on y fait - tient fouvent beaucoup du monde. " Elle a toujours cru qu'il n'y a pas " de plus grande tromperie que de " s'imaginer qu'on s"y puille lauver " aifement, a caufe qu'on y fait quel- " ques bonnes ceuvres , fi auparavant " on n'a mis ordre au reglement in- » terieur de fon ame , qui eft le fon- " dement fur lsquel, comme le dit " l'Apotre, on batit & on enchafle " de l'argent,de Tor & des pierres pre- *» cieufes. Ce feul fondement peut » fauver tout feul •, mais ces riches " ftruclures qui paroiflent aux yeux " des hommes, ne le peuvent fans " ce fondement. » J'avois la penfee ( dit encore M.
* de S. Cyran , faifant reponfe a. la " Mere Angelique qui lui avoit ecrit " fur la mort de fa mere) de vous » ecrire une plus longue lettre fur " l'heureufe mort de celle qui n'a pas » befoin que nous la pleurions, etant »» plus vivante qu'elle ne l'ctoit panni » nous. Cela fe dit plutot civilemenc |
||||
L Par tie. Llv. VI. zi$
" que religieufement de la plus gran-
» de part de ceux qui meurent, mais " c'eft une partie de notre piece de le " croire de celle-ci. C'eft pourquoi » je n'ai pas trouve bon que vous » ai'ez ufe de ces termes : Nous avons » perdu notre bonne mere , qui s'en eft » allie a Dieu. Cela n'eft pas afTez » religieux pour vous & pour elle. » Car fi elle eft allee a Dieu , elle eft » encore avec nous, puifque Dieu » yell, en qui les ames ne fe per- 5> dent non plus que les Iumieres qui « rentrentdans le foleil. J'avoueque >» j'ai pleure , mais ce ne font, com- w me je l'efpere que des larmes d'a- » moat, qui a fes douleurs pour les » ames que Ton aime . . • Je n'aurois » fu me confoler en vous confolant w dans cette douleur fenfible, que la » charite m'a donnee, & qui tient un » peu de Tame encore cnarnelle &c » mortelle, fi je n'avois comme une » aftlxranee de ion falut. Je fais qu'on » fe flatte le plus fouvent en parlant m des morts , & que la plupart de » ceux qui meurent bien au jugement » des hommes meurent mal au juge- » ment de Dieu : mais il me femble »> qu'il ne faut point douter de celle-ci. „ Je l'ai connue durant fa vie dans Kiiij
|
||||
114 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
" j£4I » le fond du coeur , & j'ai toujouss » beaucoup eftime la folidite de foil » efprit, rant de celui que Jefus-Chrift: « donne en creant les hommes , que « de celui qu'il donne en recreant & » regenerant.. . Cette ame etoit foli- ar de & batie fur la pierre , & quand » elle n'auroit aime que le falut de » fes enfans , on peut dire qu'elle a » ete fauvee pour les avoir engendres 3) &C nourris felon Jefus-Chrift, qui » eft le moien principal du falut d'une « mere , fans lequel les autres font » inutiles. Vous lui avez tant d'obli- " gation que vos converfions du mon- " de a la religion ne peuvent mieux » etre imputees qu'a la charite & au »> defir continuel qu'elle a eu de vous » fauver. Vous lui devez cette re- " connoifTance , car il y a toujours en » la terre une caufe fecrete des effets » que la grace de Dieu y produit. xciv. Quelque terns apres la mort de Ma- id, de cha- dame Arnauld, M. de Chavigny alia viiiteaM.de voir M. deb. Cyran. Ce beigneur qui s.Cyran: kur avoit £t£ fort mortifie du mauvais fuc- ces de la lettre de ce faint prifonnier, difFera long-tems de le voir par la crainte qu'il avoit de faire ombrage au Cardinal 5 ce ne fut qu'enviton un an apres qu'il lui rendit cette villte, |
||||
I. P A R T I E. L'lV. VI. i 1 5
dans laquelie il euc avec lui un en- -
tretien , dont M. de S. Cyran envoia la relation. Elle n'eft point datee, mais on peut la fixer avec M. Lance- lot au printems de cette annee 1641 , avant le depart de la Cour qui partit pour Sedan le 2 5 de mai. M. de Cha- vigny entrant dans la chambre de M. de S. Cyran , lui temoigna d'abord le regret qu'il avoit de n'avoir rien pu faire pour fa delivrance , & lui fit excufe de ce qu'il ne l'avoit pas vu plutot. Il commencoit a etre perfuade que le Cardinal avoit d'autres vues a ce fujet, que cglles dont il fe cou- vroit , puilqu'il n'avoit pas voulu fe contenter du papier qu'on lui avoit prelente. Il temoigna a M. de S. Cyran qu'il
etoit refolu d'etre a Dieu tout de bon, ajoutant qu'il fe trouveroit heureux Ci Dieu le vouloit rendre particulier,& qu'il Ten prioit de bon cceur tous les jours. Il lui avoua qu'il etoit convain- cu qu'il falloit aimer Dieu pour fe fauver. M. de S. Cyran lui dit , qu'il falloit avant que de rien entreprendre, qu'il fe fit bien inftruire de la verite, 8c qu'autrement il ne feroit rien ; par- ceque comme la charite nous mene a Dieu, c'eft aufli la verite qui nous K v
|
||||||
—
ill? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
"""" doit mener a la charice : EJl via qU& videtur homini recla , & novijjitna ejus ducunt ad mortem (68). M.de S.Cy- ran lui a'i'ant enfuite dit que les Au- teurs de l'attrition avouoient eux- memes que cette opinion etoit nou- velle, & concluoient qu'il falloit ail moins avoir la contrition a la mort •, M. de Chavigny rejetta cette penfee en difant, comme fi ce!a dependoit de nous , on qu'il fdt fi facile de l'avoir alors; & il ajoura : » II eft vrai que » je n'entends pas afTez ces chofes, » & que je ne fuis pas Theologien; « niais je vois bien qu'il faut aimer » Dieu, & qu'il faut aller a lui par i> amour. M.deS. Cyran l'aflura qu'il n'avoit
nulle paflion contre les Jefuites , qu'il ne regardoit que la verite & l'Eglife, & qu'il feroit aufli pret a embrafTer ces Peres, qu'a les attaquer, fi Dieu le vouloit. Il ajouta que s'il avoit ete de leur opinion toucnant la confirma- tion qu'ils avoient tache de miner, arm de faire voir qu'on pouvoit fe pafler d'Eveques en Angleterre, il auroit pu le lendemain ruiner le bap- teme, & enfuite fe faire Turc ; vou- lant marquer par-la , qu'il faut tenir [«8J Ptoy, IS. 1$.
|
|||||
_
|
|||||
I. Partie. Liv. VI. 127
ferine a la verite que Jefus-Chriftnous -—~—
a laidee , & que depuis qu'on a fait 41, un faux pas dans cette voie, on tom- be facilement jufques dans le preci- pice. M. de Chavigny lui demands s'il
n'avoit point eu de part au livre de Pecrus Aurelius. Il lui repondit que non ; & quelque terns apres , lui aYant encore dit que quelqu'un l'avoit allure qu'il y avoit eu part, il affura que non , mais il ajouta que c'etoit un excellent ouvrage qui ne mourroit point (69). A ce propos ils parlerent |
||||||||
(69) Il faut avouer que
cette parole de M. de S. Cyran , qui repond deux fois a M de Chavigny qu'il n'a poiat eu de pare au livre de t'etrttsAurelius', eft embarralTante pour ceux qui le croicnt auteur de cec ouvrage. S'il en eft auteur, comment a-t-il pu dire fans bleflTer la verite , qu'il n'y a point eu de part ? On repond a cela que M. de S. Cyran a dit quit rien c'toit pas m'.teur , autant par hurni- lite que paueqiCun autre tertoit la flume , peut-etre M. de Bareos. Mais l'hu- milite doit etre fondee fur la verite , & il n'eft pas permis de mentir par hu- inilitc : & d'ailleurs quand un autie auioit tcuu la |
||||||||
plume, ©u auroit tra-
duit un ouvrage en latin, ceiui qui l'auroit fait en fran<;ois , foit en tout foit en patr.ie, poutroit- il dire, fans blefTer la verite , qu'il n'y a point eu de part! Pour moi , j'avoue que je panche pour le fentiment de l'au- teur de la de'fenfe de M. Vincent , qui a dti en etre Men inftruit, 8c qui nc parolt nullement porte a attribuer cet ouvrage 4 M. S. Cyran , cli. 1. M. I ancelot dit, Tome II. page i6i , que c'efl tine cbo- fe qu'il latjje a examiner aux autret , & fe conten- te dc rapporter une par- ticulate qui etoitvenuea fa connoiifance au fujet de cet ouvrage , dans le K vj
|
||||||||
—--------------------------------1------------- "
|
|||||||||||
2l8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
■ du livre du P. Cellot, qui commen-
coit a faire du bruit, & qu'on vou- loit cenfurer (70) , Sc M. de S. Cyran die que la moindre erreur de ce Je- |
|||||||||||
1641.
|
|||||||||||
i3 Mais M. de Barcos ne
33 paroifTant nullemenc 33 furpris de cette propo- 33 fition , crut que le 33 meilleur etoit de 1'elu- 33 der en riant, 8c lui dir : 33 Mail, Munjieur , vous , 33 njous en declarer I'au- 33 teur ! & ft le vrai Ami' 3> lias vient a parcitre a- 33 prescela. Sur quoi M. 33 de S. Cyran prenantfti- 3> jet de repondre a la 33 compagnie lui dit: 3» Eh bier:, votts vote\ ce 33 que dit mon ne-veu , il 33 en faut done detneurer 33 la. Ce qui nefervitpaj 33 peu , dit M. Lancelot , 33 a confirmer quelque* 33 perfonnes dans l'opi- 33 nion qu'elles avoienf 33 deja que M. de Barcos 33 avoir autanr de part 33 acet ouvrage que M. 33 fon oncle, ou qu'au 33 nioins le latin etoit de » lui. (70I Le P. Cellot J 6-
fu ite fit imprimer au com- mencement de 1641 a Rouen un livre plein d'er- reurs fur la hierarchie , pour comkattre P. Ame- lias. Il fut defere Sc con- damne a 1'AfTemblee de Mante , 8c 1'Auteur fut oblige de defavouer fes eireurs daqs la Soibonue, |
|||||||||||
tems qu'on fufcita a M.
de S. Cyran une petite traverfe touchant fon Ca- techil'me. Voici cc que rapporte M. Lancelot; maisceci ne decide encore rien. j) Comme Madame Ar-
33 nauld , Madame la 33 PiirceiTc de Guimenee, 33 & quclques autres per- 33 fonncs fe rencontrerent 33 chez lui , on vint a 3) parler de ce livre , & 33 on dit a M. de S. Cy- 33 ran qu'etant dans l'ap- 33 probation generate de 33 tout le Clerge 8c de 33 tous les Savans , il ap- 3> paiferoit bien des cho - 3> les , s'il s'en vouloit 33 dire I'auteur. M. deS. 33 Cyran s'en excufa, mais 33 comme on lepreffoit, 33 foit qu'il vouliit fe de- 3> faire de cettc importu- 3j nite, il dit : Eh bien, 33 il faut appeller men ne- 33 veu , & [avoir de lui 33 jon fentiment la-deflus. 33 On appella done auffi- 33 tot M. de Barcos, M. 33 de S. Cyran lui dit le 33 fujet pour lequel on 33 1'avoit fait venir, 8c 33 les inftances que la 33 compagnie lui faifoit 31 de fe declarer I'auteur » du livre d' Ann tin i. |
|||||||||||
—"----— --------------—
|
|||||||
------------
|
|||||||
I. PAfcTIB. L'lV. VI. IXJ
fuite meritoit plus la prifon, que tout ,
ce qu'on lui attribuoit calomnieufe- ment. M. de Chavigny rcpondit qu'il promectoit de fe retta£ter , mais M. de S. Cyran qui favoit que leurs retrac- tations fonttoujours ambigiies, n'en fit pas grand cas. Touchant le mariage de Monfieur,
le prifonnier lui dit qu'il n'avoit pu mieux faire que de n'en point parler j & que quoiqu'il eut bien vu le deflein qu'on avoit lur lui, il avoir toujours cru qu'il devoit fuir & fe cacher j parcequ'il ne falloit jamais s'ingerer ni aux charges , ni aux fouffrances, ni aux grandes affaires, que par force 8c par une vraie vocation de Dieu. Il lui dit encore parlant de fa pri-
fon , que c'etoit fa penitence , qu'il faut fatisfaire a la juftice de Dieu en ce monde ci ou en I'autre ; que quand il y feroit dix ans , il n'en feroit point en peine', qu'il etoit tout difpofe a de plus grandes fouffrances , & que celle-la ne lui etoit rien ; qu'il regar- doit fa detention comme une faveur que Dieu lui avoit faite> que bien loin de fe plaindre, il lui fembloit que jamais il n'avoit ete mieux; qu'il reflentoit meme de la joie lorfqu'il' confideroit qu'il n'ecoit prifonnier^ |
|||||||
— ■ ■
|
|||||
1$6 HlSTOIRE DE P0RT-ROIAI..
*I(J que parcequ'il difoit qu'il falloir aller
a Dieu par amour, & non par pure
crainte. .vrv 11 lui temoigna auffi la paffion qu'il suite du me avoir eu de le gagner a Dieu loriqu ll
*ecmrctien-eroit jeune , & qu'il avoir commence a avoir l'honneur de le connoitre , &£ que cecte penfee avoir roujours con- tinue dans fa prifon (71). Les belles qualites de ce Seigneur ,
qui a ere fouvent confidere comme le plus habile & le plus fage polirique qui fur dans l'Europe , lui faifoient defirer en le gagnanr a Dieu de le rendre egalement urile & a l'Erar & a l'Eglife : ce qu'il favoir bien ne pou- voir faire qu'en le portant a travailler fecretement a fon falut, & c'eft ce qui lui faifoit conrinuellemenr deman- der a. Dieu fa converiion (71). (71) M. de S. Cyran voia chercher M. Si'n-
avoit connu M. de Cha- gliu , 8c lui remit des
figny fort jeune , etant eflFets pour plus de 800000
ami par'ticulier de toute la livres entre les mains ,
famille , &c ce fut pour pour faire des reftitutions.
lui qu'il fit le petittraite Mais parceque la furprife
du Cant nomitau , qui a oil il fe trouva, ne lui
etc imprime depuis avec permit pas de lien figner,
fon Catechifme. cela n'eut aucun lieu, &
(71) M. de Chavigny M. Singlin fut oblig£ de
n'executa jamais les bons mettre tout entre les mains
mouvemensque Dieu lui de fa femme , a qui il
donna de terns en terns , dit qu'en dechargeant fa
jufqu'a ce qu'enfin ctant confidence , fil eu cuar.-
furptis de maladie , il geoit la fienue.
uiomut en i6ji. II en- |
|||||
I. Partie. Llv. VI. lit
M. de S. Cyran die encore plufieurs . . chofes a M. de Chavigny fur la caufe I^4I« de la folitude dans laquelle il avoit vecu dans le monde , parcequ'il n'y firetendoit rien ; fur fes etudes; fur
e livre de Janfenius qui etoit le meil- leur ouvrage qui eut paru depuis cent ans ; fur plufieurs chofes que l'Eglife toleroit en gemiffant fur la lachete des chreciens , comme le repas a. midi en Careme : il ajouta qu'il lui feroit tou- jours voir la verite en terns & lieu , quand il voudroit; qu'il l'avoit fait voir au Baron d'Enkenrort. Il lui parla de la penitence, de l'abfolution, du Concile de Trente. Il lui dit qu'en fabifiant un interrogatoire devantM. Lefcot, il n'avoit pas voulu repondre a certaines queftions de fcience que ce Dodbeur lui faifoit par curiofite, par la meme raifon par laquelle Jefus- Chrift n'avoit pas voulu faire des mi- racles devant Hcrodes, &c. Apres ce long entretien, M. de
Chavigny quitta M. de S. Cyran , en lui temoignant qu'il etoit tres afflige de ne pouvoir le fervir. II voi'oit bien qu'il n'etoit pas terns : le Cardinal etoit plus ferme que jamais la-defTus. Le deftein de fon Patriarchat commen- ^oit deja a faire du bruit a Rome 5 ce |
||||
ij£ HlSTOlRE OE FoRf-ROlAtJ
11 J(j4Ii qui porta le Pape Urbain VIII a don-'
ner le 15 Juillet 1641 faBulle , Conf- titutio fuper confervatione jurium Apof- tolicx Scdis , qui fut fupprimee le 18- feptembre fuivant par le Parlement. xcvi. Pendant ceterns-la. M. deS.Cyran M-dfs-c>"qui n'avoit jamais attendu fa liberte
ran fanftifie T . . ' . ■ \ r r
fa prifoa par que de Dieu , continuoit de ie lanc-
toutes fortes ti£er & d'edifier par fes lettres , par de bonnes r , r c „ ' r.
auvres. ies bonnes ceuvres , & par 1 exemple
de fa vertu. Sa perfonne etoit capti- ve , mais fa charite ne l'etoit pas. II eft etonnant qu'au milieu de fes Gar- des , qui tachoient de le furprendre a route heure, il ait ecrit ce grand nombre de lettres que nous avons de lui, adreiTees a. routes fortes de per- fonnes , fur toutes fortes de fu- jets (73). Car c'eft de Vincennes que font ecrites la plupart des lettres de ce grand homme; dans lefquelles il y a tanr d'inftru&ion, que M. de Sacy renvoioit a ces lettres toutes les per- (75) Il faut joindre aux 8cc. Quelle fource inepui-
kttres quantite d'auttes fable de fcience 8c de lu- ectits : deux gros volu- miere dam ce grand hom- ines <»-8° de confidera- me, dans ce prifonnier rions fur les Dimanches de Jefus-Chrilt! M. de & Feres; une longue let- S. Cyran , ce qui eft en- tre fur la vocation aux core a remarquer, n'avoit charges Eccleliaftiques j que fon unique craion. des volumes de penfees La Sceur Agnes d'Andilly fur le Sacerdoce , fur la mettoit au net toutes ces Pauytete , fut la more, ecritures. |
||||
I. P ARTIE. LlV. VI. 2-3 3
fonnes qu'il conduifoit, etant perfuade ~ qu'on y trouvoit tout ce qui etoit ne- ceflTaire pour la piete. En effet, cha- » cun fait , dit M. Herman t dans fon » hiftoire manufcrite du 17e fiecle , » quel fruit elles ont fait & font tou- « jours dans l'Eglife, pour la con- 3> verfion des pccneurs , l'avancemenc » des Juftes & l'edirication de tous » les fideles. Les Laics y apprennent »> a ne pas juger de l'excellence de « la Religion chretienne par cette « idee balfe & charnelle qu'en ont i> forme ceux qui eroientpouvoir me- « ner impunement une vie plus di- « gne de Paiens baptifes , que de l'au- » guile qualite d'enfans de Dieu, m mais par les regies de l'Evangile 8c » les obligations du bapteme. Les Ec- » clefiaftiques y font inftruits de l'e- « minence de leur etat, de la faintete » de leur miniftere , des preparations « que demandent d'eux de fi impor- « tantes fonctions , des regies qu'il « faut garder dans la conduite des „ ames , de la prudence qui eft ne- „ cerTaire pour temperer la feverite » des canons , fans que la condefcen- „ dance dont on ufe envers les ames » degenere en relachement. Les Vier- » ges chretiennes Sc les Religieufes. y |
||||
L34 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,.
>.peuvenc puifer comme dans une
> fource tres pure , les maximes de
> leur vocation fainte, 8c les verms
> que demande la fublimite de lent
> etat pour en remplir cous les de-
> voirs. Les peres &c les meres de
> qui Dieu s'eft fervi pour mectre
' des enfans au monde , y lifent l'o- > bligationqu'ils one de leur procurer
> une education chretienne. Les per<-
' fonnes affligees y trouvent une con- ' folation folide par la maniere done > il releve le merite des croix & des
' foufFrances. Les riches y trouvent ' d'excellentes Iecons pour le bon > ufage qu'ils doivent faire des biens
' que Dieu leur a donnes , & ils y ' apprennent le moi'en de fe fancti- • fier par la diftribution des aumo- " nes. Les pauvres y font animes a la " patience & au mepris des richeffes " pcriflables & paffligeres. Tous les » Chretiens de quelque condition > qu'ils foient, y font portcs a la
" retraite , pour le moins a celle qui •' eft interieure , afin de conferver ou " de recouvrer la grace par l'eloigne- " ment de l'efprit du monde. fcnfin « on peut dire fans exageration que ce » recueilcontientautantouplusde ve- <> rites importances pour la conduite |
||||
I. Par.tie. Lw. VI. 235
*> fpirituelle , que Ton n'en peut trou- « ver nulle parr ailleurs depuis S. »» Bernard. Auffi eft-ce le fruir de » plus de rrente annees que M. de » S. Cyran avoir emploiees avec une » afliduite infarigable a. l'etude de » rous les Auteurs ecclefiaftiques, S>C » de fes longues & continuelles re- » flexions. Car Dieu lui communi- sm quoir fes lumieres avec d'auranc » plus de plenitude , qu'il s'en etoit « rendu plus digne par les fouffrances » en les recevanr de fa main avec paix w 8c avec joie. M. de S. Cyran ne fanctifioir pas
feulement fa prifon par des letcres 11 inftru&ives , fi edifiantes , & fi utiles a cant de perfonnes ; mais encore par la priere continuelle, pat le jeune & la mortification , enfin par les aumo- nes. Il avoit fur ce dernier article une maxime digne de fa grande charite, qui etoit de fervir roujours les perfon- nes felon leur condition. Ceil ce qu'il fir a l'egard de Madame la Baron ne de Beaufoleil , de Mademoifelle fa fille , qui etoient renfermees a Vin- cennes , & du Baron fon mari qui etoit prifonnier a la Baftille. M. de S. Cy- ran ai'ant appris que ce Baron etoit a la Baftille en grande neceflite & fore |
||||
1$<J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.'
16^.1, mal vctu, chargea M. de la Broucke
depuis Archidiacre de Bazas, de qui M. Lancelot dit l'avoir appris, de Taller vifiter, & de mener avec lui un Tailleur. Ce pauvre Baron fut fort etonne d'entendre une perfonne qu'il ne connoiffoit pas, lui dire , Monjieur, j'ai ordre de vous faire prendre la me- fure d'un habit, & de vous prier de dire vous- mime de quelle etojfe vous h fouhaite^ & quelle garniture vous defi- rei, fans que vous vous informie%_ de quelle fart il vous /era envoie. II avoit deja fait la meme chofe a l'cgard de la Baronne fa femme Sc de fa fille (74). xcvn. Sur la fin de fan 1641 , les chofes |
|||||||||
•r
|
dt"de°ren! Pamrent un Peu adoucies, Sc Ton
|
||||||||
dre a m. de commence a parler de faire rendre
toSran r"les PaPiers AM-de s- cyran (75)-ll
y a apparence que deux ou trois chofes
(74) Ce Baron & fa fes marmfctits, afin qu'il
femme font, a ce qu'il continuat fon ouvrage
paroit, ceux done parle contre les Heretiques ;
le P. le Brun, chap. 11 du mais il fit reponfe qu'il
livre 7 de 1'Hiftoirecriti- ne convenoit point i
que des pratiques fuperf- l'honneur de la Religion,
titieufes, qui les pre- que les ennemis de l'E-
miers en France pretendi- glife fulTent refutes par
rent trouver de 1'eau 5c un iiomrae que les Supe-
des metaux avec des ba- rieurs de l'Bglife trai-
guetles. Lane. Tome II. toient en herctique ;
page nfi. qu'ainfi il croioit que la
(7y) Le Cardinal m?- volontedeDieu6toitqu'il
me fit remettre au faint prit les fouffrauces pour
Priformier une pircie de fon partage.
|
|||||||||
------------- -------- -------
|
|||||
I. Partie. Liv. VI. zj7
porterent le Cardinal a fe rendre un —Z— peu plus humain. i°. La mort du ' 4 ' Comte de Soiflbns fon plus arand ennemi, qui fut rue le 16 juillet a la bataille de Sedan. i°. L'Arret du Par- lement > rendu le 1 S feptembre concre la Bulle d'Urbain VIII du 15 dejuil- let. 3e. L'elevation de M. Mole ami de M. de S. Cyran a la charge de pre- mier Prefident. D'ailleurs le Cardinal voi'oit bien qu'il n'avoit rien a crain- dre d'un Prifonnier fi humble & qu'il tenoit fi reflerre , & il favoit de plus qu'on ne tireroit rien de fes papiers qui put l'incommoder. II les avoit fait examiner par toutes fortes de per- fonnes, par les Jefuites memes , &c cela ne fervit qu'a juftifier l'inno- cence du prifonnier de Jefus-Chrift; puifque de tels examinateurs ne trou- verent rien dans un fi grand nombre d'ecrits fur quoi ils puflfent former aucune accufation contre lui. Faut-il apres cela d'autres preuves de l'inno- cence de M. de S. Cyran > Le fameux M. Habert, l'un des examinateurs, ne put s'empecher de dire qu'il n'a- voit rien vu de plus beau dans les Anciens : Sc en confequence d'un te\- moignage fi peu fufpect, M. leChan- celier Seguier die a M. Je Prince, qu'tJ, |
|||||
I38 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
n'y avoit rien que de tres faint & de
tres excellent,, Neanmoins l'ordre dc rendre les ecrits a M. de S. Cyran ne fut point execute cette annee 5 il s'en etoit diffipe beaucoup , & plufieurs petfonnes en ont encore entre les mains. Les Jefuites ne fluent pas des moins alertes a fe faifir de ce qu'ils purent. lis detournerent la plfipart de fes lettres, & en ont fait imprimer une partie , centre la foi publique , tronquees & falfifiees (76). |
||||||||
voir que M. Janfenius
avoit forme le dentin d'oppofetS. Auguftin aux nouveauxDemi-pelagiens, & qu'il travailla duraat vingt annces d'une ma- nitre infatigable a cer ouvrage , contre lequcl il voioit qu'une Societs formidable s'eleveroit 8c remueroit les PuiiTances. Le P. Pinthereau voi'ant que ces lettres ne pou- voient donner aucuiic mauvaife idee a ceux qui en liroient le textc fans ctre prevenus par des com- mentaires, y joignit des notes , qui donnenc aux paroles 6c aux intentions de M. Janfenius des in- terpretations tres defa- vantageufes. Le P. Ger- beron a fait imprimer en 1703 ces memes extraits de lettres, avec les remat- ques necclfaiics a l'eclait« |
||||||||
(76) Le P. Pinthereau
deguife fous le nom du fieur de Preville, publia en 1S48 les lettres de M. Janfenius dans le libelle qui a pour titt'e : La naif- fame du Janjenifrne de- couverte, &c. Quoiqu'on fut en droit de n'ajouter aucune foi a des extraits de lettres que les Jefuites donnoient a leur facon , Sc dont ils gardoient fi religieufement les origi- naux , que perfonne n'a pu les voir , quelque defi qu'on leur ait donne de Jes montrer, cependant on ne s'eft point inferit en faux contre ces lettres. Car dans le fond elles ne contieiinent rien que deux ftmis ne fe puiflent ecrire confidemment ; 8c leurs ennemis ne pcuvent rai- fonnablement en tirer aucun avantage. On y |
||||||||
I. Pa rt i b. Llv. VI. 139
Ce qui reftoit d'ecrits de M. de S. I(J
Cyran lui fat enfin rendu le 14 mai xcvnj 164.Z. Ses amis -eurent auffi cecte an- iisfontren- nee un peu plus de liberte de ie voir, dus- Se,s am,is tant a caule de 1 eloignement de la liberie de i« |
|||||||||
voir.
|
|||||||||
Courqui fit le voi'age de Perpignan,'
qu a caufe des embarras ou fe trouva le Cardinal de Richelieu, qui penfa etre difgracie, 8c qui etoit entiere- ment occupe a decouvrir la confpi- ration de Cinq-mars ; mais la liberie de le voir ne fut entiere qu'apres la inort de fbn perfecuteur, arrivee le 4 decembre. Alors prefque tons les amis de M. de S. Cyran allerent le vifirer, M. Vincent a'iant appris cettenou-
velle d'une perfonne qui revenoit de Vincennes, en eut beaucoup de joie, 8c alia la temoigner a M. de S. Cyran. M. Lancelot eut le bonheur de lui rendre vifite vers le meme terns; &c y trouva M. Arnauld , qui y avoir dine , 8c etoit verm pour lui faire voir les ecrits pleins d'erreurs du Docteur le Moine (77). » J'avoue, dit M. dflement de l'Hifloire, Si *«"<* » fur !a dixieme fauft
a rerranche tour ce que fere, la hainc 8: la calomnie y (77) Le Cardinal de Ri- avoir ajoute. Voi'ez eg chelieu avoir engage Al- que dit M. Arnauld dails fonfe le Moine a fe de- le quarrieme fa&um des clarer contre VAuguftinus Jicririers de M.JanfeniUs de Janfenius, qu'il n'a- contre le P. Hazart Jc, voir jamais lu, non plus |
|||||||||
240 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i6az. " Lancelot, que je fus fi edifie de
» cette vifite,qu'elle ne s'eft jamais ef- « facee de ma memoire-, & ce feroit » pour nous fans dome une grande » confolation , fi M. de" S'. Cyran » avoit eu aupres de lui une perfonne » qui eiit pu remarqucr toutes fes " a&ions fi laintes , tous fes difcours » fi edifians , & toutes fes vettus fi » eminentes, pout en faire le por- » trait. Mais Dieu ne l'a pas permis , •» & peut-etre mcme que c'autoit ete »» une chofe alfez difficile. Les gtan- » des vettus ne font pas toujouis celles " qui font le plus de bruit, non plus »» que les gtands fleuves. Elles ont » deja quelque chofe de cette paix » immuable de Dieu que nous pou- " vons bien admirer , mais que nous •» ne pouvons comprendre. Ce n'eft »» qu'une effufion de fon efprit faint »> qui anime le cceur du nouvel hom- » me, & qui produit dans Tame une » cettaine fimplicite fi egale &c fi » patfaite qu'elle charme & ravit, » fans qu'on puifTe prefque y rien re- » marquer d'exttaotdinaire. C'eft au- m tant que le fouffre la foiblefle de que les ouvrages de S. Au- res de I'Eglife , defenfetirt
guftin. Ce fut contre lui de la grace de Jefus-Cbrifl que M. Arnauld fit VA- quiparuten i«ji. polemic f our lis Saints Pe- lt l'homm? |
||||
----------------
I. Partie. Llv. VI. i4i
'n l'homme apres le pcche , un calme i£4i.
» de routes les paflions , & uneextinc-
» cion des moindres mouvemens de
« notre concupifcence , qui rend un
» homme de Dieu fi different de ce
» que font ceux qui vivent dans le
» tumulte des paffions, que la diffe-
» rence qui fe trouve entre la mer la
« plus tranquille & la plus agitee
» n'en eft qu'une foible image. C'eft
i» une innocence qui eft fi grande ,
u que rien ne fait mieux comprendre
» le defordre & l!impurete que le
w pcche a apportes dans le monde.
m C'eft une participation de la vie
» des Bienheureux , & un commen-
» cement de cette union ineffable
» avec Dieu meme , qui ne fe con-
„ fommera que dans le ciel. Enfin
» c'eft quelque chofe de fi accompli
„ que les paroles n'en peuvent ap-
» procber, & heureux ceux a qui
» Dieu fait voir de tels modeles de
» vertu! Bead funt qui u viderunt
» & in amicitia tuadtcoratifunt! (78).
Si tous les gens de bien eurent de xcvnr.
la joie de voir les chofes adoucies aAngLe*iq^7ft I'egard de M. de S. Cyran , on peutelue Abbeffc, iuger quelle fut celle des faintes fil- les de P. R. Mais leur joie fut bien (78) Eccl. 48, }t>
Tome II. I
|
||||
241 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
temperee par la pertequ'ellesfirentun
mois apres de la Sceur Marie Claire Arnauld, qui mourut le 15 du mois de juin fuivant (79), & par lacrainre qu'elles eurent de perdre encore la Mere Agnes leur AbbelTe , a qui on donna l'Extreme-ondtion , le jour meme qu'on mic en terre fa fceur. La Mere Angelique eut encore un fujet particulier d'affli&ion , aiant ete elue Abbeffe , apres que le fecond triennal de la Mere Agnes fur expire. Elle en. eut autant de chagrin qu'elle avoir eu de joie enquittant cette dignite douze ans auparavant : & meme jamais elle ne l'eur acceptee , li en fe demettant de l'Abba'ie , elle n'avoit fait un vceu d'obeir toujours a. la perfonne que Dieu lui auroit donnee pour fa con- duite. M. Singlin (80) tenant pour lors cette place , elle fe rendit au commandement qu'il lui fir de fe fou- mettre , au cas que la communaute la choifit, » II n'eft pas croiable , die la " Mere de Ligny , combien elle en n eut de douleur. Elle ne nous la w temoignoit pas par fes paroles (car » elle avoir grande attention a les (79) Vo'iez pe qui eft lation page 4198c fuiy,
dif plus haut page 45, (go. Onzieme Relation item Memoires, Tome III. de la premiere partje,
F^tielllf finq>iieine Re- Torn? I. page f?j.
|
||||
I. P A R. T I E. L'lV. VI. 14J
»> fupprimer en ces rencontres, ju-
» geant que cet epanchement n'etoit * " qu'une vaine fatisfa&ion de l'amour » propre) & elle fe conrentoit de por- « ter fa douleur devant Dieu. Mais " elle en etoit fi penetree , qu'elle ne » pouvoit le cacner, de forte qu'elle " nous faifoit companion. Et quoique » nous euflions autant de joie, que »> nous avions d'eftime & de confian- » ce pour elle, plufieurs de nous » ne purent s'empecher de s'atten- » drir, en lui faifant notre recon- » noiflance. |
||||||
Lij
|
||||||
__
|
||||||
244 Histoiiu de Por.t-r.oYai..'
|
||||||
*<>45-
|
||||||
LIVRE SEPTIEME.
M. dl's. cy- NT Ua t r e mois apres 1 election
ran' fort de de la Mere AngeLique , Dieu lui ren- Fifon' dit M. de S. Cyran qui fortit de prifon le 6 fevrier 1643. » Cette fortie fut , « dit M. Lancelot , un effet de la „ piece du Roi &c non de celle de la » Reine, comme l'ont ecrit les Je- » fuites •, car apres la more du Car- » dinal, le Roi faifant ouvrir toutes .j les prifons que ce Miniftre avoit „ remplies, pour faire voir le peu de » part qu'il avoit eu a fes violences, „ jl voulut que M. deS. Cyran recut „ des marques de fa juftice & de fa „ bonte. Ces marques de bonte de la part du Roi ne confifterent d'abord qu'a lailTer aux amis de M. de S. Cy- ran une entiere liberte de le voir, car U ne fortit que deux mois apres la mort du Cardinal. L'Auteur de la defenfe de M. Vincent rapporte que le premier qui park auRoi de delivrer M. de S. Cyran , fut M. Mole, & que le Roi lui accorda fur le champ cette grace, ajoutant cependant qu'il ne conyenoit pas de mettre fi-tot la priT |
||||||
I. P A R T I E. Liv. Vll. 145
fonnier en liberie, pour ne pas rendre 1643.'
la memoire du Cardinal de Richelieu fi odieufe. M. de S. Cyran fut redevable de
fa liberte a. Meffieurs de Chavigny 8C Mole , comme M. Lancelot temoigne l'avoir appris de M. de Saint Cyran lui-meme. M. des Noyers, Secretai- re d'Etat , fit ce qu'il put pour re- tarder fon elargiflement (1), mais voiant qu'il ne pouvoit l'empecher , il eflai'a de s'en faire un merite. Les Jefuites memes firent faire offre de leurs fervices a cet illuftre prifonnier. II etoit entre un vendredi a Vincen- nes , il en fortit un vendredi 6 fe- vrier, dans I'odave de la Purifica- tion , ce qu'il regarda comme une marque qu'il avoit ete exauce dans la priere qu'il faifoit continuellement a Dieu, de ne Ten point tirer qu'il n'eut acheve de le purifier, croiant qu'il ne l'y avoit envoi'e que pour cela. On doit obferver ici deux chofes qui formentun temoignage eclatantrendua l'innocence de M. de S. Cyran par fes ennemis memes; i°. qu'il lui fut toujours permis de dire la mefle a. Vincennes ; 20. qu'on ne lui fit point (i) Widens quia ptaceret Jucteis.
L iij
|
||||
24^ HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAi;
\&ai. defavouer , avant que de fortir de pri-
fon, les blafphemes & les erreurs qu'on lui imputoit, comme on auroit du le faire felon les loix de 1'EgUfe , fi on Ten eut cru coupable. "•. , M. d'Andilly ; I'ami par excellence. La fortiede ., it • %t i c r*
M. des. cy-comme 1 appeuoit M. de b. Cyran,
t«ncau!eunel'aHa prendre lUi mcmfi dans fon Ca-
ioie melee ac rr *_ r . . triiteffe ivin- rolie. On ne lauroit expnmer la ten-
sennes. drefTe extraordinaire que rout le monde de Vincennes lui temoigna a fa fortie. Chacun pleuroit de joie 8c de triftefle tout enfemble , etant af- flige de le perdre , 8c ravi de le voir en liberte apres une fi longue 8C fi injufte captivite. Les Chanoines s'empreiTerent de Taller voir ; les Gar- des , les Soldats lui temoignerent leur joie ; 8c pour lui donner des marques de leur eftime & de leur veneration , ils fe mirent en haie pour le laifler pafTer au bruit des moufquetades, des fifres 8c des tambours. La memoire de M. de S. Cyran a toujours etede- puis en veneration dans le Chateau, de Vincennes , & M. Lancelot rap- porte, que Madame la PrincefTe de Conti y etant allee pafler l'ete en 1670, avec Mellieurs fes fils, dont il etoic Precepteur, les Chanoines |
||||
I. Partii. Llv. Vll. 247
leur parlerent toujours de lui comme 164'j.
d'un Saint (z) Au fortirde Vincennes , M. d'An- m.
dilly mena d'abord M. de S. Cyran™^5^ remercier fes deux bienfaiteurs, apresfadeii-. |
||||||||
vrance.
|
||||||||
M. deChavigny qui nes'y trouvapas>'
6c M. le premier President Mole , qui le recut avec tout l'accueil imagina- ble. II alia enfuite a P. R. de Paris ; l'unio'n patticuliere que Dieu avoit formee entre ce faint Abbe & ces epoufes de Jefus-Chrift , dont la verm faifoit une partie de fa joie & de fa couronne , ne lui permettoit pas de differer davantage a fatisfaire le defir qu'elles avoient de le voir & de re- cevoir fa benediction. II monta d'a- bord a la Chapelle pour y adorer le S. Sacrement, 8c les Religieufes de ieur cote s'et4ntrendues dans lechceur, chanterent le Te Deum en actions de graces , c'etoit vers les cinq heures du loir; enfuite il alia au parloir de S. Jean pour y faluer la communaute, Il foupa 8c coucha a. P. R. avec M. (i) Pendant le fejour avoir ete enferme ; 8c lorf-
queM. Lancelot fit avec qu'il la trouvoit fermee ,
les Princes a Vincennes , il baifoit avec refpeft
lorfqu'il pouvoit fe de- les ferrures 8c les ver-
rober, il alloit vifiter , rouils, 8c faifoit fa prie-
cornme un lieu fainc la re a la porte, ou il paf-
chambre du donjon dans foit quelqucfois plulieurs
Jaquelle M. de S. Cyran heures.
L iii)
|
||||||||
24S HlSTOIRE DE PoRT-kOlAl^
fon neveu , qui etoit venu l'y attendre*
& s'en retouma le lendemain chez lui. II venoic fouvent y paffer des jours enciers. Le jour de l'o&ave de fa fortie, M. Singlin dit une Merle fo- kmnelle d'actions de graces, ai'ant pour Diacre M. Arnauld, pour Sous- Diacre M. Rebours , & pour Acoly- thes M. de Saci & M. Lancelot. M. de S. Cyran , qui s'etoit trouve rrop foible pour dire la Melfe , y commu- nia avec l'ecole. Apres le Te Deum , il envoia fori Domeftique a la facrif- tie , pour prier de fa part le Celebrant & les Officiers de lui envoi'er un ffeaume tel qu'il leur plairoit, qui
ui put fervir de cantique 8c d'a&ion de graces pour dire a pareil jour. Tous s'unirent enfemble , & apres avoir invoque Dieu , le Diacre prit une epingle, la mit dans un pfeautier, afin de prendre ce que Dieu enverroit pour confoler fon ferviteur. Le pfeau- me qui echut futle 34, Judica Dominc nocentes me, 6*c Tout le monde fur dans l'admiration de voir que dans une femblable occafion on fiit tombe fur un pfeaume fi confolant pour les Juftes qui foufFrent perfecution , & qui ren-
ferme des menaces terribles contre lee perfecuteurs. M. de S. Cyran fur-tour.
|
||||
1. Part ie. Liv. VII. 249
fut d'autant plus furpris de la ren- \6±z, contre de ce pfeaume , qu'il n'y en a point de plus formel dans la circonf- tance ou il fe trouvoit. II voulut le chanter a l'heute meme avant que de fortir de fa place, & pria pour cela qu'on fe retirat de la chapelle, afin cTavoir la liberte de fe repandre en la prefence de Dieu. Mais M. Singlin 6c M. Lancelot furent bien aifes de le eonfiderer d'un lieu ou il ne pouvoit les appercevoir, arm de s'edifier de fa devotion. Il etoit dans une telle efFufion de larmes- en chantant ce pfeaume , que ne pouvant plus fe fou- tenir, il fe jetta fa face contre terre & demeura lone-tems a gemir & a,; foupirer devant l'autel. Pendant quelque tems ce ne fut jv.
3ue vifites continuelles de perfonnes m. des.cy*
r 1 v • ■ ran eft acca1 e toutes iortes de conditions qui ve- bledevifuesi,
noient congratuler M. de S. Cyran
de fa delivrance. M. Vincent fut de ce nombre , & s'empretTa de lui ren- dre vifite & de fe confoler avec lui d'une maniere chretienne de la trif- refTe qu'une fi longue feparation &r une oppreflion fi etrange lui avoient caufee. Onpeut voir a ce fujet le cha- pitre 7 de la difenfe de M. Vincmty, ©ue on lira av«c plaifir plufieurs par- la, v |
||||
'2 JO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
ticularites de la delivrance de ce faint
Abbe. Le grand nombre de vilites qu'il
fut oblige de recevoir lui deplaifok fort, & il fe trouvoit , difoit-il a M. Lancelot, bien plus en danger parmi ce tracas qu'il n'etoit dans fa prifon ; mais il ajoutoit qu'il falloit avoir pa- tience , puifque c'etoit une chofe qui etoit dans l'ordre de Dieu ; qu'il fal- loit neanmoins y mettre fin le plutoc qu'on pourroit , & tacher pendant qu'elles dureroient , de les recevoir par un efprit de charite. On peut dire de M. de S. Cyran ce que difoit S. Auguftin de cet excellent Solitaire de fon tems , que la charite regloit toute fa vie , qu'elle regloit fes paroles, qu'elle regloit fa contenance , qu'elle regloit les mouvemens de fon vifage v qu'il s'unifloir a tous par les liens de la charite, qu'il confpiroir, a l'entre- tenir avec tous, &c qu'il croi'oit qu'il n'y avoir pas moins de crime a la vio- ler qu'a violerla majefte de Dieu me- me. Il n'avoit que Dieu dans l'efprit, dans le cceur & dans labouche. M. de S. Cyran s'etant ainfi donne
pendant quelques tems a fes amis, & a ceux qui le venoient vifiter, crut qui! falloir fe renfermer pour em.- |
||||
I. Par tif.. Liv. Vll< i$i
ploi'er ce qui lui reftoit de vie a fervir " 1(c., "
l'Eglife. II donnoit pour l'ordinaire
tout le matin a. l'etude ou a la priere ; a
midi il dinoit,& depuis le diner jufqu'a
trois heures , il donnoit audience a.
ceux qui avoient affaire a lui ; a trois
heures il fe remettoit au travail juf-
qu'au fouper , c'eft-a-dire jufqu'a fept
heures.
Il fit un voi'age a P. R. des champs, V.
tant pour y voir M. le Maitre , que ^vt'/p.^ pour y vaquer a la priere d'une ma- dcs champs. niere particuliere. » Qui dira , s'ecrie IZ^ufZ » M. Fontaine, le tranfport que M. Matee.- » le Maitre &c ce faint bonme fen- » toient en fe revoiant ? Avec quel » feu M. le Maitre fe jetra-t-il a fes » pies ? Avec quelle tendreffe M. de » S. Cyran 1'embrafTa-t-il, com me » celui qu'il difoit etre le feul qu'il » connoifloit etre bien revenu a Dieu » par la penitence ! Dieu a done vou- s> lu, lui die - il, que j'euffe encore » l'honneur & la confolation de vous » voir. Je n'ai jamais perdu cette ef~ » perance en quelqu'etat que je me* »» trouvafle dans ma prifon , & vous » pouvez vous fouvenir que je vous » t'ai quelquefois marque dans mes » lettres. J'efperois touiours vous ,, parler devive voix, avant que de; L vj
|
||||
1$Z HlSTOlAE DE PoRT-ROlAt.'
" mourir, pour m'eclaircir avec vous
» fur les chofes que vous me propo- » fiez. J'ai vu fouvent de grands obf- » tacles a cette atcente, & Ton ne » vouloit m'ouvrir. pour fortir de » prifon , que des portes qui ne me » convenoient pas , dans la vole » etroite & tres etroite ou nous mar- » chons. Il fe mit enfuite fur l'avan- tage de ce defert ou il fe voioit, &c qu'il trouvoit tres propre a la peni- tence. " J'avoue, lui ditil,que l'a- » vis qu'on m'avoit donne , lorfque » j'etois dans ma prifon > que vous » aviez ete contraint d'en fortir , me » donna une grande trifteffe. Comme » j'aime pailionnement, 8c plus que » les meres naturelies n'aimenr leurs » enfans , les ames que Dieu m'a ». donnees , entre lefquelles vous fe- » rez toujours le premier , j'en ens des " peines qui temoignoient a. Dieu m mon amour ; ce qui augmentoic " beaucoup les autres que j'avois.alors, » qui etoient (i grandes que perfonne " n'en peut parler , non plus que » des graces de la foi , que celni qui » les a recues & reunies.. M. le Maitre lui dit qu'il avoit bien
gemi de cette neceifite, mais qu'elle lui paroiflbit inevitable. » Je le lais, |
||||
I. Part if.. Liv. VII. 25?
» dit M. de S. Cyran, mais je n'ai " pas laifie d'admirer comment il » etoit poffible que vivant dans une " ville j ou le diable fe promene tou- " jours plus que dans les champs , 8c *» dans une maifon ou il y avoir di- " verfes matieres pour donner lieu » aux illufions que David dit dans " fes pfeaumes de la penitence qu'il " fentoit dans fes reins , vous aiez " pu vous foutenir comme vous avez " fait; 8c lorfque vous me fites la » faveurdemetnanderlesnouvellesde » certaines penitences & afflictions » de corps dans lefquelles vous etiez " entre , j'en fus rejoui, & je jugeai " des-lors que la grace de Dieu etoit " avec vous, puifqu'elle avoit rompa » les averfions que vous aviez a ces » mortifications corporelles, 8c je vis » clairement que Dieu combattoic » pour vous dans ces premiers terns » de votre converfion , afin que les » inftrumens dont le demon s'etoit » fervi pour vous faire deloger, » n'euffent aucun avantage fur vous. » Cette peur ecoit tellement gravee » dans mon efprit depuis cecems-la, » que fouvent j'avois eudes penfees » de vous en ecrire, & je fliis affure m qu'une des chofes que j'eufle.faite^ |
||||||
2J4 HlSTOIRF. DE PoRT-ROlAl*
---------, » fi j'eufle ere libre , ou que je i'eu<Te
^43- » pa ecant abfent, eut ete de vous
» faire deloger : mais voiant qu'il y
» avoit de l'impoffibilite a. vous ecri-
» re , & de la neceffite a demeurer
» ou vous etiez, )e me contentai de
» m'adrefTer a Dieu, arm qu'il vous
» confervar comme il conferve les
» navires dans les tempetes , & fes
w Elus parmi les perils; Sc j'ofe vous
» dire que ce mouvement que j'avois
» fi grand , m'eut porte a vous don-
» ner cet avis par la premiere lectre
» que j'eufTe pu vous ecrire, de ce-
» que les memes perfonnes qui etoient
=> avec vous dans certc maifon , vou-
» loienr vous fuivre dans ce defert,
» Car pour moi je connois un peu le
» diable, que Tertullien die n'erre con-
" nu que des feuls chretiens , & beau-
» coup plus des uns que des autres, fe-
» Ion les experiences &c les connoiflan-
» ces de chacun. Je fais qu'il n'a pas
» befoinde grande familiariteni de lon-
» gues converfations j ni dureftepour
« blefler- les ames , & qu'une feule
» vue lui fuffit, n'aiant pris David
» que par-la , &c. Tout ce difcours
de M. de S. Cyran regarde la retraite de M. le Maitre a la Ferte-Milon, Sc ces pieufes Demoifelles qui avoient |
||||
I. P a r t i e. Llv. VII. z 5 5
&e fl edifices de la piete des folitai- 1643. res qui avoient paife quelque terns dans leur maifon, qu'eiles prierent M. le Maitxe de vouloir bien leur permettre d'aller demeurer a P. R. M. de S. Cyran dit encore quelque ehofe la-deiTus a M. le Maitre qui fembloit avoir quelque froideur en- vers M. Singlin a ce fujet, parceque M. Singlin en avoit donne avis a M. de S. Cyran , qui prenant la chofe au plus ferieux ecrivit en confequence une lettre affez vive. M. le Maitre en fut f\ confterne, qu'il prit la refolu- tion de ne point forrir de fa cellule & de ne panel a perfonne; mais M.. de S. Cyran n'approuva point cette resolution; & il confirma dans l'en- tretien , dont nous parlons , 1'avis qu'il lui donna alors par ecrit. » Je »> vous fupplie done, lui dit-il , de » ne plus faire a l'avenir, a l'occa- »» fion de ces avis &c d'autres evene- »> mens defagreables , ces fortes de »i refolutions ou quelquefois votre » mouvement vous porte, de ne bou- i> ger de votre chambre. » Permettez-moi de vous dire , que
»» fi un homme du monde avoit fujet « de faire ces refolutions, ce feroit m moi qui ai eprouve depuis njoa |
||||||
I 5<J HfSTOIRE DE PORT-ROlAl.
" emprifonnemenc, jufqu'oii va I®
» dereglement des hommes , je ne - dis pas de ceux du monde , mais » de ceux que le monde eftime en " etre dehors , & n'avoir leur cpn- » verfation que dans le ciel. Si j'a- " vois pu etre maitre de moo tems » depuis ma liberte , pour emploier " en repos une ou deux heures , j'au- » rois mis fur le papier par chefs & " articles la variete des jugemens & » humeurs des hommes , & de mes » amis, & des gens de bien qui ont " parle pour moi. Tout cela ne m'a " pas porte plus loin par la grace de » Dieu, qu'a des admirations interieu- » res,& je fuis pret de rentrer dans les » me mes combats avec les hommes , » fans me foucier der evenemens qui » en pourroient naitre. Vous jugea „ avecquelleouverture jevous parlej&s » que je prends plaifir a repandre mon » cceur dans le votre. Je crois parler a » moi-meme en parlant a mon ami fin- " gulier. S'humilier ,fouffrir, & depen- " dre de Dieu , eft toute la vie chre- » tienne , fi on fait ces. trois chofes » Gontinuellement 8c tons les jours w avec joie & tranquillite au fonds w de l'ame. Apres cela, que ceux » qui Youdront me facher Yiennent 3 |
||||
I. Parti e. Llv. Fit. 157
*» car je porte gravees dans Tame la "
» vie 8c la croix de Jefus-Chrift en
» qualite de chretien qui eft entre
" en fa religion par le bapteme. Je
" reconnois rous les jours que j'ai
» befoin d'etre eveille , non-feule-
» ment par des avis femblables a ceiui
- que je vous donnai alors, mais
» par de facheux accidens & par des
» frai'eurs qui ne m'arrivent quetrop
» fouvent. C'eft ce qui m'a fair entrer
» dans la prarique de ces trois paro-
" les que je viens de dire , qui con-
" tiennent toute la force de notre
» religion de pratique , d'exercice ,
" de verm, & non d'une contem-
» plation oifive des verites divines.
» L'inrirmite que nous portons , & le
w peche dont nous fommes environ-
» nes au-dedans & au-dehors , a be-
« foin de cette double lecon que nous
» font 110s amis &c nos ennemis, les
» uns par leur affection, les autres
» par leur haine. C'eft pourquoi je ne
» puis me repentir de vous avoir
» donne le confeil que je vous don-
v nai alors , & que vous recutes ft
» bien que je ne pouvois m'en plain-
» dre , finon de ce que vous le fites
» avec plus de foumifllon que je ne
u vouloisj n'aiant tendu qu'a vous.
|
||||
1J?> HlSTOIRE DE PoRT-KOlAt.
~T7~T, " reduire a une limple feparation
m pour empecher l'ennemi de trou- • » bier par tb rels objecs le repos de » votre folitude. vi. M. de S. Cyran ceflant de parler fur •SuiredePen- fujet, M. le Maitre lui mir en main
dc s. cyran la traduction des offices de Ciceron a Maine"' lelaquelle il l'avoit prie de travailler. » Je vous demande pardon , lui dit » M. de S. Cyran , de vous avoir » propofe cet ouvrage ; c'a ere pour » des raifons qui me femblent chre- »» tiennes, mais il m'eft toujours reftc » unfcrupule de vous y avoir engage. Il le remercia enfuire de ce qu'il avoir bien vouiu le faire a. fa confiderarion ; & lui dir qu'il n'avoit eu d'autre def- fein en lui propofant cer ouvrage , que de donner lieu a. la grace de Dieu de l'y engager , s'il lui en faifoir nai- tre la volonte. Il le pria de recevoir d&is la fuite toures les propofitions qu'il pourroic lui faire avec cerce li- berte , & d'en juger & d'agir felon les mouvemens qu'il recevroit de Dieu apres l'avoir invoque. •> Il faut , dit- » il, que route loi, 6c tous bons avis » foienc premierement propofes ADieu - afin que ce foic lui, qui determine » ce qu'il lui plait, & qu'il applique » notre volonte a. fes ceuvres felon fes |
||||
I. Partie. Liv. VII. 259
*» confeils eternels. Hors de cala, tous -
" nos travaux fonr inutiles pour nous,
» quoique quelquefois iis foient bons
»» He utiles pour les autres.... Mais
" pour ne vous dire qu'un mot des
»» caufes qui m'ont pone a cette tra-
» dudion , e'efl: que fuivant la con-
" noilTance que j'ai que Dieu s'eft
» autant figure avec routes les verites
" de l'ordre de la grace , dans l'ordre
» de la nature & dans l'ordre civil ,
» que dans -la loi de Moife, j'avois
» remarque dans ces offices une verite
» qui regarde la puiflance des Pretres
" qui me frappa l'efprit, 8c me fie
w voir clairement que la raifon d'un
» Pai'en avoit mieux vu un principe
» general qui regarde routes les puif-
» lances civiles & ecclefiaftiques que
» Dieu a donnees aux hommes, qu'on
w ne le voit maintenant dans les eco-
" les. Car il faut avouer que Dieu
» a voulu que la raifon humaine fit
» les plus grands efforts avant la foi
" de grace , & il ne fe trouvera plus
» de Ciceron ni de Virgile. C'eft
» done cela qui m'a porte a raire
» traduire ces offices , 8c a les faire
m relier avec deux autres traductions
» de deux Auteurs ecclefiaftiques, qui
« parlent des memes chofes dont par-
|
||||
l6o HlSTOIRE DE PoRT-RoYaI.
_1(5 , » lent ces offices , afin que par la
» comparaifon des uns avec les au- » tres , on put voir la grandeur de » Dieu qui a jette les tondemens , » pour ne pas dire feulement qu'elle - a trace les figures des verites chre- » tiennes dans les livres des Paiens. M. le Maitre ai'ant prie M. de S.
Cyran de lui dire fon fenriment tou-
chant la penfee ou il lui avoir mande
qu'il etoit de travailler a. la vie des
vn. Saints; » j'ai fort penfe a cela, lui
Belle lejoo clic_il, lorfque j'etois encore en pri-
pour ecrire " r * ^ / A ^
chretienne- •' ion. J approuve extremement votre
mem' " deftein ; mais je l'eftime fi grand , » que pour le faire comme il taut, il
» eft bon de s'y preparer long-tems » par la priere , par le retranchement » fait peu-a-peu de ce qu'il y a de » fuperflu en nous, & par la reunion » de plufieurs chofes qui y font ne- » ceftaires. Quand on le fent engage » a compofer quelqu'ouvrage pour » Dieu , dont, pour peu humble que » Ton foit, on doit toujours fe re- » connoitre peu capable, il faut fe » recueillir tout dans foi-meme , s'hu- » milier, gemir, prier. Il faut fe » confiderer comme l'inftrument 8c » la plume de Dieu, ne s'elevanc » point, fi on avance ; ne fe decoura.- |
||||
I. Pabl;tie. Liv.FU. itfi
>» geant point, fi on ne reuilit pas ; » car il ne faut pas moins de grace « pour eviter l'abbatement que 1'ele- » vement, puifque Tun & l'autre eft » 1'erTet de notre orgueil. Une plume » ne s'eleve, ni ne s'abaiiFe, foic v qu'on s'en ferve ou qu'on la laifTe, » loit qu'on ecrive bien ou mal. Vous » avez vu dans S. Bernard qu'il com- » pare Dieu au regard des homines , » a un Ecrivain ou a un Peintre , qui « conduit la main d'un petit enfant, j> & ne demande au petit enfant au- »> tre chofe, finon qu'il ne remue w point la main, mais qu'il la laifle « conduire •, ce que fait fouvent l'hom- » me qui refifte au mouvement de » Dieu. C 'eft done, dit ce faint hom- » me, l'ecrivain& non l'enfantqui >» ecrit, Sc il feroit ridicule quel'en- » fant eut vanite de ce qu'il auroit fait, » puifque pour ecrire toujoursde v meme, il auroit befoin d'avoir tou- »j jours le meme maitre, & que fans lui » il ecriroit ridiculement. Il en eft m ainfi de Dieu & des homines. C'eft » poi;rquoi il n'y a rien de fi rai- » fonnable que Thumilire dans les » trayaux pour Dieu , de meme que w dans les dons naturels, En fe tenant n dans ces fentimens , on croit topit |
||||
l6z HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
" , " enfemble en vertu &c en lumtere.
» On ncquert une force merveilleufe,
" & il fe repand une odeur de piece » dans l'ouvrage , qui frappe premie- » rement l'Auteur , & enfuice tous " ceux qui le lifent. viii. » Celt pourquoi j'ai ditdepuis peu n-enfreOen^ " a Utl ^e meS am'S ' 1Ue ^eS ouvra"
" ges qui fe font faits avec l'efprit
•» de Dieu, &c avec une entiere pu- » rete de cceur, fe font refTentir en » les lifant, & qu'ils produifent des " effets de grace dans les ames de » ceux qui les lifent dans tous les » fiecles de l'Eglife , a proportion •» comme les faintes Ecritures. Car » il y a trois fortes de livres qui edi- »» fient l'Eglife & les Fideles. Les " ptemiers font des Ecritures faintes 5 *» les feconds font ceux des Conciles « & des Peres; les troifiemes ceux »' des hommes de Dieu , qui ont re- »» pandu leur cceur devant lui en fai- » fant leurs ouvrages. Tous les autres w quelques faints que foient leur fujet »> &C leur matiere, font livres qui »> par la matiere & le corps tiennent » du Judaifme , 8c par l'efprit, du Pa- 3» ganifme. Je reconnois que Dieu » m'a fait une grande grace, de n'a- s» voir pas permis que j'aie fait des |
||||
I. P A R T I F.. L'lV. VIJ. 2.6$
» ouvrages que j'avois projettes, parce--------—
" que je n'etois pas arfez pur pour les * 4**
" faire felon que le meritoit la fain-
»» tete de leur matiere , & qu'il falloit
f que je fufte purine long-tems par
» une double prifon qui m'a fair con-
» nojtre & reftentir ce que jamais je
w n'eufle pu m'imaginer , avanr que
» de l'avoir experimente lorfque j'e-
" tois a Vincennes. Cela m'a fait
» remarquer depuis peu la merveil-
» leufe providence de Dieu envers
» S. Jean , qu'il a voulu auparavant
>> purifier dans l'huile bouillante pour
» le rendre digne d'ecrire l'Apoca-
» lypfe , & lequatrieme Evan grle qui
m eft le plus eleve des quatre.
M. le Mairre temoigna a M. de S.
Cyran combien il lui etoit oblige de lui avoir donne un avis fi fage , 8c qu'il reconnaiffbit plus que jamais la grandeur de la grace que Dieu lui avoir faite de le mettre entrefes mains, A quoi M. de S. Cyran repondit qu'il n'etoit rien , & que Dieu eroit tout ; & ajouta qu'il etoit extremement re- joui de voir que Dieu avoir grave dans fon ame une reconnoiflance non commune de la grace extraordinaire qu'il lui avoir faite en l'appellant a lui, II s'etendit enfuite fur i'oubli des |
||||
i^4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
graces de Dieu , qui eft caufe que la
plus grande partie des homines en lone prives , pour ne les avoir pas aflez eftimees. » C'eft en cela aulli , » continua-t-il, ou )'ai peur de man- » quer avec les autres ; & je ne » voudrois pas une autre grace en ce » monde „ que de ne m'attiedir ja- »» mais dans le reffentiment de celles »» que Dieu m'a faites , & particu- » lierement de celle de ma prifon , « qui a cte pleine de fi grandes & de » (1 extraordinaires faveurs , que je » ne voudrois autre chofe, finon »» qu'il eut agreable que je me de- >-> crivifle a tout le monde tel que »» j'ai ete & fuis encore en mes de- « fauts , afin de mieux faire paroitre » la magnificence de fes graces fur » moi, dans le feul fouvenir def- « quelles je m'attendris. J'aurois eu » un grand tort de me plaindre de « ma prifon. J'aurois au contraire w fouhaite qu'il l'etendit jufqu'a la » fin de ma vie > donnant a ma vie »> telle etendue qu'il lui plairoit, » puifqu'elle etoit accompagnee d'un " grand nombre de faveurs que j'ai » revues dans un grand nombre de jl> mauvaifes rencontres, & lorfque » tout etoit bande contre moi. Quel- ques
|
||||
I. Par.tie. Llv. VII. %$$
*> que grandes que fulTent ces graces, ■_____.
« elles me le paroitroient moins s'il I(J43«
» ne lui avoit plu de les combler par » une derniere qui me femble encore » plus grande que routes, 8c qui » m'a ravi routes les fois que j'y ai » penfe. C'eft qu'apres plufieurs con- m teftations fur les erreurs &c les he- « relies donr on me chargeoit, & apres « routes les autres caufes de mon em- » prifonnement, il a permis enfin » que je ne fois demeure prifonnier » que parceque je defendois fa cha- « rite , & foutenois qu'on ne pouvoit »> tendre a Dieu, ni prerendre a fa s> grace, que par l'amour qu'on doit i » fa grandeur & a fa divine majefte. »> Je ne fais fi je pourrai me refoudre » a vous montrer la-defTus une on » deux pages que j'ai tracees aujour- t> d'hui apres la fainte communion. « Je le ferois fi vous le defiriez , 8c » fi. vous le vouliez regarder comme >» une chofe faite en courant, & feu- » lement pour temoigner par quel- » ques paroles, comme par de fim- » pies leniences le refTentiment dee » graces que Dieu m'a faites. C'eft => audi dans ce fentimenrque j'ai de 6> tout ce qu'il lui a plu de faire pour „ moi, que je me fuis porte a re-: Tome II. U |
||||
±66 ■ Histoire de Port-roYal.
» connoitre a tout moment la grace » qu'il vous a faite , & a le prier de » faire encore par un furcroit de gra- ,> ce qn'elle foit toujours nouvelle « dans votre cceur , &c. M. le Maitre pria M. de S. Cyran
de lui expliquer ce que e'etoit que certains airs invijibks , dontil lui avoir, parle dans une lettre. » Je ne vous » en puis dire autre chofe , repondit » M. de S. Cyran ; je ne vous en pat- » lois que par ma propre experience. Sj J'avois fait autrefois un fermon » fur ce fujet a des Religieufes , oil je m montrois qu'apres qu'on a mine la j» cupidite des riche(fes , des honneurs » & des plaifirs du monde , il s'eleve m dans Tame, de cette mine d'autres » honneurs, d'autres richeffes , & w d'autres plaifirs qui ne font pas du » monde vifible , mais de Finvifible. » Cela eft epouvantable , qu'apres » avoir mine en nous le monde vi- « fible avec toutes fes appartenances , » autant qu'il peut etre ruine en ce » monde, il en naifte a l'inftant un »j autre invifible plus difficile a mi* « ner que le premier. La plus grande » difficulte eft a le connoitre & a le m bien difcerner ; ce que peudegens » font, parceque e'eft la oil les ef- |
||||
I. P A R T I E. L'lV. Fit. 167
» prits de malice font leur jeu, 3c 16a*. *
w je ne vous en ai parle que parl'ex-
« perience que j'en ai en moi. Car
» c'eft toute la plus grande peine
» que j'ai, en pluheurs rencontres 8c
« dans les matieres ou j'ai , ce me
w femble , plus avance , que de faire
» ce difcernement. Je me fuis peint,
» lorfque je vous en ai parle, 8c j'ai
» eu plus d'egard a moi qu'a vous ,
»> en parlant plutot par occafion, pour
» m'en donner de garde , que par au-
m cune neceilite particuliere ou je
» cruiTe que vous fuffiez fur cela.
M. de S. Cyran fe levant enfuite, vni.
faifant quelques tours dans la cham- S""6'1"^ bre , ll jetta les yeux lur la biblio- theque de M. le Maitre; & parcou- rant les livres, il lui difoit ce qu'il penfoit de chacun. » S. Auguftin eft, » dit-il , le premiet des Peres latins. » Toutes fes paroles font des effufions m de fa vertu, ce font des livres qui „ fortent de fa chaleur: Unde ardet, „ inde lucet. Comme Appelles & les » autres grands Peintres ont fait » beaucoup d'ouvrages cammuns, » dont on ne parle point, & n'ont „ fait que trois ou quatre chefs- ,; d'ceuvres, qui font inimitables , » ainfi Dieu a des ouvrages moin- M ij
|
||||
i68 HlSTOIRE D* PORT-ROIAt.
» dres, favoir les hommes a qui il
» a donne moins de graces, & en a ;> d'incomparables , comme S. Au- » guftin & quelques autres. S. Chry- » foftome eft le plus excellent des » Peres grecs. Ce font la les deux » fources, ou rpus les autres ont pui- " fc. Car la doctrine de ce dernier » eft la plus pure & la plus relevee. » Elle n'eft pas ii populaire qu'on le » croit. S, Ambroife eft excellent, il »» eft obfcur, & n'eft pas tant efti-^ » me , parcequ'il n'eft pas entendu. Il »» a ete le maitre de S. Auguftin. Sf » Jerome eft moins que ces deux la. » Il avoit moins l'efprit du Chriftia- " nifme que les autres. S. Cyprien « eft excellent , aurum qu&rtbat in » Jiercore Tertulliani : non que Ter- " tullien n'ait ete un grand perfori:- t> nage , mais il avoit l'efprit &c le " cceur moins regie que les autres. » S. Gregoire de Nazianze eft le pre- " mier apres S, Chryfoftome. S. Cy- " rille apres lui , & S. Baiile enfuite, " S. Gregoire Pape eft un vrai difci- » pie de S. Auguftin, qui n'a pas » moins ete fon maitre dans les points ?> principaux de la verite chretienne , » que S. Ambroife l'a ete de S. Au-? t* guftin. S. Gregoire s'esprime elai- |
||||
1. P A R T I E. tiv. Vll. IS}
*> rement, au lieu que le langage de i6±(,
» S. Ambroife eft tellement ipirituel » & allegorique, qu'il faut participer » a fon efpric , pour entendre bien » fes paroles , 5c eclaircir ce qu'il dit » par la connoiffance qu'on a de la » verite avant que de le lire. S. Ber- » nard eft le dernier des Peres. C'eft » un efpric de feu, un vrai gentil- » homme chretien, & comme un Phi- » lofophe de la grace. Ce qui eft » admirable en lui, eft que la fcience » lui aiant ete donnee comme par » infufion , *il n'a voulu neanmoins » rien ecrire ni rien dire $ qu'il ne » l'eut trouve dans la Tradition : en- » forte que divifant fa doftrine en » certains points capitaux, on la trou- >» veroic route dans S. Auguftin, dans » S. Ambroife, & dans S. Gregoire , m qui etoient fes auteurs ordinaires, » S. Thomas eft un Saint extraordi- » naire , grand Theologien. Nul Sainc » n'a tant raifonne fur les chofes de » Dieu. II etoit dans un fiecle ou „ Ton donnoit beaucoup a la Philo- „ fophie, & ou Ton commencoit a. „ s'attacher au raifonnement humain. » Richard de S. Vi£tor , Guillaume de » Paris , je les ai lus fort peu il y t, a plus de dix ans. Il me paroifloit M iij
|
||||
70 HlSTOIRJ DE PoRT-ROlAI."
que c'etoient des auteurs meles»
qui avoient de bonnes chofes par- mi d'autres , qu'il falloit lire avec ' beaucoup de difcretion & de rete- ■ nue. J'ai un peu plus lu Hugues
■ de S. Victor , qui etant plus efti-
1 me que les autres, ne laiffe pas > de contenir le meme melange, non-
• feulement en ce qui regarde la
■ difcipline, mais aufli en ce qui
> regarde le dogme & la fimple doc-
> trine de l'Eglife. C'eft pourquoi je
» me fuis un peu eronnne du juge- ■ ment que M. le Cardinal du Per-
• ron en a fait, l'appellant la fecon-
> de ame de S. Auguftin. Car cela
> ne peut etre vrai fans divifer l'ame
» de ce Saint, etant certain que » Hugues de S. Victor ne cenfure pas » moms des maximes fondamentales ' de la doctrine de S. Auguftin, qu'il » en ecablit : enforte que je mefui9 ' etonne de cette diverfite d'efprit ' d'un meme Auteur, qui ne pro- » cede pas feulement du relachement > de la difcipline qui commen^oic
> a etre grand en ce tems-la , mais
> aufli de ce qu'on commencoit a
• raifonner& a" traiter la Theologie
Ear methode. lis ne lifoient pas
eaucoup les anciens , quoique ceux |
||||
I. Partie. tiv. Vll. 171
qui les ont fuivis, les aient en- 164}. core moins lus ; & ils confervoient plus la tradition par les reftes qui en etoient demeures dans l'ufage, que par la lecture. 11 faut toujours aller anotre fource. Nous n'y voi'ons- point ces inegalires. Dieu faifant dans les ames ce que feroit le fo- leil, s'il imprimoir route fa lumiere dans un miroir; il ne faut pas s'etonner , {i les Sainrs ont tant de penfees , &c font tant d'a&ions fem- blables : car c'eft une meme lu- miere en plufieurs miroirs \ & au lieu que la lumiere ne luit pas en un miroir, fi elle eft proche , celle de la grace ne luit dans les cceitrs qu'en approchanc , &c reluit en plufieurs, quoiqu'eloignes les uns des aurres, a caufe de rimmenfite" de Dieu , ce que ne peut faire la lumiere naturelle. M. de S. Cyran , apres s'etre m 1 x. quelque terns , reprit la parole, & dit *•<•* s-cg* a M. le Maitre : » Je ne puis m'em- ie Mattre des „ pecher , Monfieur, devous repeter inftruaions F . . .r .. fur 1 amour
» ici ce que je crois vous avoir ait de la fcieuce.
„ dans quelqu'une de mes lertres , » touchant l'amour de la fcience 8c „ le remperamment qu'il y faut ap- » porter. Je puis vous dire encore fur M iiij
|
||||||
17* HlSTOIRE DE PoRT-Roi'Atr
» ce fujet, ce que je viens de vous
» dire en vous parlant de ces airs in- » vifibles , que c'eit plus pour moi » que je parle que pour vous. Car fi » apres vous avoir dit en general les m graces que Dieu m'a faites dans ma » prifon , je vous difois les vues rer- j> ribles 8c les epreuves que j'y ai » eues , particulierement au commen- m cemenr, vous ne trouveriez pas » etrange que je ruffe degoute de la « fcience, & par confequent de routes j> les actions du monde , qui ne lone » rien en comparaifon d'elle. Dieu •* m'y a fait voir que route la fcience » feparee de lui n'eft rien, &c qu'il » ya grande peine en ce terns » de la >• fagon qu'on la puife dans les ecoles, » d'allier l'amour de Dieu avec la » fcience , & de les tenir long-tems » unies enfemble. J'avoue pour moi » franchement qu'etant ne avec cette » paffion de favoir, elle m'a nui plu- » tot que fervi pour 1'acquifition da » la vraie vertu, & meme pour la » connoiffance de la pure verite. J'ai » grand fujet de dire de celle q»i m'a » donne quelque reputation jufqu'a, » trente ans , que ce n'etoit que va- » nite > & d'autant plus dangereufe »» que les fages en one une autre opi* |
||||
"-------------------------------------------------------------------------------------------™—
|
|||||
I. Paktie. Liv.VlI. 173
*»y nion •, Sc que depuis que Dieu m'a 1643.
j. fait pafler de cecte fcience a l'autre ,
» 8c de celle des hommes a celle des
»> Anges de l'Eglife, qui font les Apo-
» tres &c leurs fuccefleurs, j'ai re-
w connu par de notables experiences,
» que, qui ne croit en charite autanc
» qu'il croit en fcience apoftolique ,
» tombe enfin dans une plus grande
» ic plus horrible vanite que celle
>•> done j'ai parle.
» II eft certain que Ci j'avois a ra-
» jeunir , ce que je ne voudrois pas » pour rien du monde en couranr les » hafards de la jeunefTe depuis l'en- » fance , &c que j'euffe la connoiflance « experimentale que j'ai, je ne cher- » cherois des le commencement qu'une » retraite entiere du commerce du » monde & des gens d'Eglife , pour »> fervir Dieu, s'il lui plaifoit me * faire cette grace , dans quelque fo- » litude : & fi a l'heure que je vous »» parle, & a. l'age ou je fuis, j'etois « alTez fort pour me pafter de lacom- ,3 pagnie des hommes , je choifirois' » d'etre feul, ou pour le moins d'e- » tre reclu dans quelque eommunaute' » Religieufe •, & li quelqu'un vouloic » recevoir quelqu'inftru&ion de mol,. „ j.e ne penferois pas le conduiremat M v
|
|||||
274 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAr..'
'» de lui confeiller de bonne heure de
» fe contenter de l'inftruftion que S. » Hilaire donna a S. Martin, fuivane « en lui la difpofition qu'il y crouva > » & que Dieu y avoit mife. Les cau- sa fes de cette difpofition ou je fuis » mainrenant , & qui procedent tou- » tes des vues que j'ai eues etanc en » prifon, font longues a. deduire j mais » cela neanmoins ne m'a pas faic » changer de deflein d'etudier , 8c de » rendre a Dieu felon mes forces » prefentes les fruits du petit talent u qu'il m'a donne. J'apprehende crop » ce qu'il dit dans fon Evangile a »> celui qui avoit cache le lien , & je >» n'ai jamais penfe a vous detomrner » du votre en continuant vos etudes m & vos lectures , par les paroles que »> je vous ai dites dans mes lettres , » non plus que par l'avis que je vous » donne prefentement touchanc le j> temperamment qu'il faut apporter » a la fcience. Je fais a qui je parle , » & que le bon fens dont Dieu vous » a doue,1 vous fera bien entendre » jufqu'ou il faut etendre ce tempe- 3. ramment & cette moderation. Un » telavis eft autantpourmoi que pour m vous. Je fais prefque toujours corn- it me le bon cavalier a qui fe r^ie |
||||
I. Parth. Liv. VlJ. 275
»> Sc s'excire lui-meme au combat » en remuant & excitant le cheval » fur lequel il eft monte. J'en aiplus » befoin que vous, ou pour le moins » autant. Je fais que la curiofite eft » la premiere branche de la cupidite, » qui en a une infinite, comme die » notre maitre : car nous nous fom- » mes perdus dans le paradis par la » curiofite & le defir de favoir. » Il faut bien prendre garde de ne
» pas faire des maximes faufTes &C » des erreurs , des bons avis & des » excellentes verites , en les etendant » plus qu'il ne faut. Je crains cela en y> moi, 8c a caufe de cela je travaille n toujours a me redrefTer , lorfque je » vois que la verite meme & le bon » confeil me fait trop pancher d'un *> cote, pour le grand defir que j'at » de me tenir toujours dans le mt- o lieu , ou Dieu veut que je demeure, » pour ne pas manquer de le fervir » dans l'unique talent qu'il m'adon- » ne, & que vous pouvez dire audi » que Dieu vous a donne , vous en » aiant ore un excellent par votre t> propre volonte, dans lequel vous » le pouviez fervir avec gloire & re- » putation. Et s'il eut ete moindre, » je n'aurois peut-etre pas ete en pri- M vj
|
||||
1-J<3 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt^
.----__ >j ion, quoique je vous en remercLe
*^43« » encore de vive voix, ainfi que j'ai
» fait par letcre, comme d'une faveur « que j'ai recue de Dieu a votre oc- « canon. J'entends done que nous » continui'ons d'etudier tous deux, » mais a deux conditions, l'une que » notre etude fera notre oraifon, 8c 3» d'autant plus longue que nous etUr » dierons plus long-tems. Elle le fera , >y fi au commencement, au milieu 8c » a la fin de notre etude & leduire, » nous regardons Dieu & prenons « avec gout la nourriture qu'il nous :» donne par fes faints livres, (je 3j fuppofe que nous n'en lifons pas j> d'autres) & par les compofitions » que nous faifons, qui doivent etre .« les premiers etfets & les premieres a. productions de cette nourriture que » nous avons prife , en priant dans » la lecture & en lifant dans la priere* » J'ai vu, ce me femble, quelque » chofe appartenant a cela dans la » vie de S. Vincent Ferrier, quoiqu'il » ne foit pas befoin d'autre auteuc » que de la Sagefle eternelle qui nous « l'a dir 8c prefcrit plufieurs fois dans « fes Ecritures. » 11 faut autant de precaution con*
w tre la vaine gloire en e.tudianc> |
||||
I. Part ie. liv. Fit. ijj
•«» qu'il y a de vanite dans routes les I(J '
» excellentes occupations , felon S. „ Philippe de Nery, qui l'a pris de M.de's.cr. » S. Auguftin notre maitre, oupeut-ran donne a • ■ *, des regies
5, etre je me rencontre avec kit enpoi,rfedKen-
» cela. II y en a rrois felon ces Saints, dre.dela.teiv"
» la maitreflfe, la compagne 8c la fer-paraMe ]<■£
» vante. La premiere precede rou jours ft"™*-
» la bonne ceuvre •, la feconde l'ac-
» compagne autant qu'elle dure; la
» troifieme la fuit comme l'ombre
» apres qu'elle eft achevee, & it n'y
» a guere d'homme fpirituel qui ne
„ l'eprouve. Que fi cela eft vrai de
» routes les bonnes ceuvres, il eft fans
w comparaifon plus vrai de celle de
w la fcience , de laquelle auffi ces deu*
» Saints entendent parler principale-
» menr. Car la fcience conrient urt
» doux & agreable poifon qui fe glide
„ infenfiblement & fans qu'on s'en
» apper^oive dans rous les ouvrages
,, d'un nomme favanr. En nulle chofe
m du mondeil n'eftplus facile audia-
» ble de donner le change, & de
r> faire prendre le moien pour la fin.
m comme en la fcience, a caufe de.
» la beaute 8c de 1'attraic de la verite ,,
» qui de foi engage les fens par lef-
» quels elle pafTe , 8c fait par eux que.
a ee qu'il y a de fenfuel 8c. de cox-
|
||||
278 HrSTOTRE DE PoR.T-R.OlAt.'
» ruptible dans l'efprit y confent Cat
» le premier peche n'a pas moins »» corrompu notre ame que notre corps. » C'eft pourquoi les bons avis qui n nous reveillent &c nous obligent a » prendre garde &c a veiller avec foin, » font bons & neceflaires de tems en w tems. C'etoient la les feuls tempe- » rammens que je vsus mandois pat » ma lettre , lefquels je reduirois vo- jj lontiers a fix ou fept regies , pat » l'obfervation defquelles on fe peut « defendre dans l'Eglife de cette fu- m rieufe temation qui eft infeparable » de l'etude dans un bon efprit, &c » s'en defendre mieux qu'Adam & » Eve ne s'en font defendus dans le » Paradis : ce qu'il eft beaucoup plus »» difficile de faire dans ces etudes » pofterieures de l'Eglife, ou Ton a jj fepare la fcience de la vertu & de » la charite interieure , qu'aux prece- m dentes , ou les phis favans dans les « Ecritures & les verites de Dieuont « toujours ete les plus faints & les » plus vertueux-, de forte que fi en m quelqu'un de ces anciens ces deux » chofes fe font rrouvees feparees, il » n'a pu fubfifter long - tems dans » l'Eglife, & il a fallu affez or- » dinairement qu'il foit tombe dan* |
||||
I. Part ie. Liv. VII. %-jy
•» l'herefie. Je fuis bien aife, puif-
» que je vous vois , de parler de vive
" voix d'un fujet fi important avec
» vous; on ne fait quand on pourra
m fe revoir.
» La premiere regie que je difois
» qu'il falloit garder dans l'etude
» contre la tentation de la fcience 3
» eft de n'avoir aucun interet dans le
« monde , & de l'avoir rejette par un
» genereux mepris , comme les Apo-
» tres rejettoient les moindres pouf-
m fieres de leurs pies , fortant des
» maifons particulieres ou ils n'avoient
» trouve que le monde. C'eft ce que
» Dieu vous a fait la grace de faire a
» la vue de tout Paris ; ce qui vous de-
» vroitdonnerunejoieconrinuelledana
» Tame, & vous faire dire a Dieu
» a tout moment : Cantabihs mihl
» trant jujiificationes tux, in loco ptre-
» grinationis mex.
» La feconde regie eft de prier Dieu
» en tous les endroits, fuivant l'avis
» de l'Apotre , orate in omni loco le-
>» vantes manut puras > & de faire de
» fa lecTaire & de fon ecriture une
» continuelle oraifon, qui fera d'au-
» tant plus agreable a Dieu qu'elle
» fera faite dans l'humiliation devane
,» fa vcrite, pour laquelle feule ii die
|
||||
- " '
*5'o Histoirs m PoRT-koiAC,'
" j2,'I[ " <$£'A eft venu dans le monde; 8c i
» caufe de cela il la faut aimer autarvc » que Jefus-Chrift ,8c ne la contern- » pier jamais que comme un raioa » dependant de fon foleil, & done la » vue ne doit non plus etre feparee » en nous de l'amour, qu'elle ne le » peut etre de fa, fource qui eft Jefus- » Chrift. » La troifieme regie eft de prendre
» plaifir a communiquer de ce que » nous faifons en intention d'attirer. » la grace de Dieu fur nous, avec » ceux que nous favons avoir un meme » efprit & un meme amour pour » la verite 8c pour Dieu , que nous » avons , & qui en parlent & ecri- » vent avec un pareil defintereflement » de routes chofes & de la gloire » meme que le monde donne a ceux » qui le fervent,& fans fonger au mon- » de , ni a la vanite de fes ouvrages. » La quatrieme regie eft celle qui » eft contenue dans cette verite , qu'il » ne faut jamais oublier : que fi la » fcience des chofes divines (car nous » ne parlous que de celle la & ne fai- » fons nul cas de 1'autre ) croit plus » en nous que la charite & la grace » de notre Sauveur, il faut necefTai- ;» remem qu'elle l'emporte de fon co- |
||||
I. Parti e. Llv. VII. ifri
h te , & la faffe paffer & enfuite per- » dre dans ces elevemens, que 1'A- » potre appelle des enflures de 1'efprit, » & un autre Saint, des tournoiemens » 8c des vertiges de cerveau. » La cinquieme regie qui s'enfuit ,
» eft que le plus grand temperamment » de la fcience divine eft la charite , » 8c que s'il faut que l'une des deux " ait de l'avantage plus que l'autre » » il faut que ce ioit la charite 8c la » grace, parcequ'elle feule eleve l'a- » me vers les objets du ciel , au lieu » que la fcience meme des. chofes " faintes, etant feule, abbaifle vers les » objets du monde , 8c ne peut s'ele- » ver vers Dieu que par fa charite. » C'eft pourquoi quiconque paffe fa » vie dans l'etude des chofes faintes, » doit faire provifion de charite 8c » avoir des tems particuliers 8c jour- » naliers pour la faire croitre, comme » il a des heures deftinees pour faire » croitre la fcience. „ La fixieme regie, eft qu'un des
» grands moiens pour empecher l'e- » levement d'efprit nature! 8c de la » fcience acquife , 8c faire que la cha- » rite la devance toujours en croiffanr,, » eft de tenir tous les jours le corps » humilie dans certains exercicesex^ |
||||
--------------------------------------------
|
|||||
iSi HlSTOlRE DE PoR.T-R.OlAt.
— » terieurs & naturels, entre lefquels
» ceux qui nous riennent occupes en » remuant de la terre tous les jours, » ne font pas des moindres , encore ,> qu'il y en ait d'autres plus humi- » lians & plus de charite, quoiqu'ils » ne foient pas (i penibles. J'y trouve » feulement a redire que vous y met * » tez trop de terns , & que vous de- » robez beaucoup de celui que Dieu i> demande de vous, pour augmenter * en etudiant , le talent que Dieu » vous a donne pour le bien de fon » Eglife & pour Testification dupro- i> chain. J'approuveextremement tou- » te forte de travail corporel, & je » difois l'autre jour a une perfonne » que Dieu l'avoit impofe a Adam , » & lorfqu'il le mit dans le paradis , » & lorfqu'il Ten chaffa , quoique » Tun fut un travail df'innocence, 6c » Tautre un travail de penitence : mais » je defire le meme temperamment » pour ce travail, que je defire pour la » fcience, fu'iant egalement toutes les » extremites, pour tenir fame dans » la mediocrite , fans laquelle tout eft » vicieux. » II faut, pour ne point recevoir
» de dommage de Petude des chofes » faintes, que lorfque nous la quit- |
|||||
I. Partik. Llv. VII. iSj
n tons pour faire quelque bonne oeu-
" vre , foit priere ou autre , nous le » faflions de telle forte 8c avec une » telle tranquillite d'efprit, que nous » ne jettions nullement, ni la vue de .- l'efprit , ni le defir du cceur fur les » livres & les autres occupations d'e- » tudes plus agreables , que nous » avons quittees pour faire autre cho- » fes qui eft moins dans notre incli- » nation &z dans notre devotion. C'eft par cette regie que M. de S. Cyran termine celles qu'il donne fur cette matiere; il dit qu'elle eft peut-etre la principale , qu'il heurte lui - meme fouvent contre; & que les hommes pieux qui ont l'efprit & l'inclination aux livres, pechent fouvent contre cette regie, qui etant bien prariquee , fait faire de grands progres dans la grace a un homme de bien fur-tout lorlqu'il eft folitaire, puifque cette pratique en contient plufieurs , 8c fait que Ta- me s'exerce , par une feule adlion dans quatre ou cinq vertus. » C'eft » pourquoi je vous fupplie, dit M. » de S. Cyran a M. le Maitre , de » trouver bon que je reduife votre » travail manuel a deux heures par » jour, 8c que le refte foit pour l'e- « tude 8c la priere. M. de S. Cyrar* |
||||
—— ___,—
J184 HlSTOlRE DE PoR.T-R.OlAf..'
l6 — s'arretant la , M. le Maitre lui avoua-
qu'il avoit cru voir dans une lettre qu'il lui ecrivit de Vincennes, qu'il n'approuvoit pas fes etudes , & qu'eti conlequence il avoic laitfe la. les li- vres , quitte l'hcbreu & renouce a la traduction des pfeaumes •, mais M. de S. Cyran le detrompa , & lui dit qu'il n'avoit jamais eu cette penfee ; il fut mortifie qu'il eut difcontinue fon tra- vail fur les pfeaumes, & le pria de le reprendre. m t. Ces Mellieurs ai'ant ete interrflmpus SEffitP" \» gra«d* cm d'unPaifan, qui
de s. cyran venoit demander du fecours pour fa ilSre^Edu6- femme en couche , dont l'enfant etoit cation des mort fans bapteme , ce qui toucha extremement M. de S. Cyran; M. le Maitre lui demanda la-deflus ce qu'il penfoit de l'etat des enfans morts fans bapteme; a quoi M. de S,Cyran repondit en lui faifant voir par l'au-. torite de S. Auguftin, que ces enfans etant coupables du peche originel, iLs etoient non-feulement prives de la vie eternelle , mais encore fujets a la peine du feu ou des fens ; ce qu'il prouva par les peines & par la mort que les enfans foufFrent tous les jours a notre vue : car il eft manifefte que ces pei.- nes etant fenfibles , le peche originel |
|||
I. Par.tii. Liv. VII. 285
dont ils font coupables merite de telles
peines ; & le fentiment contraire des Scolaftiques eft oppofe a la Tradicion done ils s'ecartent en bien d'autres points, en preferant lefens dela raifon a celui de la foi & de la vettu chre- tienne. M, de S. Cyran prenant de-la. occafion de parler des enfans, il re- mercia M. le Maitre , de ce qu'il avoit bien voulu fe charger de l'education du petit d'Andilly & du petit S. Ange : il ajouta que pour la cnofe en elle- meme il n'y avoit pas d'occupation plus meritoire que de travailler a. l'e- ducation des enfans ; que pour lui ce feroit fa devotion de pouvoir fervir des enfans. Il lui parla de quelques- uns qu'il avoit fait elever pendant fa prifon de Vincennes , & dont il con- tinuoit d'avoir foin; » car , dit-il, m je tache toujours d'avoir foin d'eux> ,. quand j'ai une fois commence, ,, arm que mon aumone foit fem- „ blable a l'aumone & a la grace que „ Dieu nous fait, qui eft une aumone » propre aux reprouves, fi elle n'eft » jufqu'au bout. Continuez done , „ Monfieur, dit M. de S. Cyran a. „ M. le Maitre, d'avoir foin de ces « enfans qui font ici ... Quand U ,. n'y auroit que l'expiauon des »a« |
||||
Z8<? HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» nees mal pallees, il me femble
» qu'on ne fauroit faire une peniren- „ ce plus parfaite & plus agreable a „ Dieu , s'il eft vrai qu'elle confifte » dans une jufte proportion. M. de S. Cyran demanda enfuite
des nouvelles du petir d'Andilly &c du petit de S. Ange , & fur la re- ponfe que fit M. le Mairre , par la- quelle il paroifloit plus content du premier que du fecond , M. de S. Cyran Lai dit entre autres chofes, u qu'il y a cette confolation dans les » travaux que Ton prend pour Dieu , » qu'il ne demande pas de nous le » fucces, mais le travail. Un Labou- » reur homme de bien ne merite pas * moins, apres qu'il a fait tout ce » qu'il a pu pour faire porter du fruit « a fes terres & a fes vignes, quand » elles ne portent rien, que lorf- » qu'elles portent en abondance du » ble & du vin. Il faut toujours prier m pour les ames & toujours veiller , » faifant garde comme en une ville » de guerre. Le diable fait la ronde |
|||||||||
ar dehors : il attaque de bonne
|
|||||||||
eure les baptifes : if vient recon-
» noitre la place. Si le S. Efprit ne la » remplit, il la remplira. II attaque »# les enfans, & ils ne le combattent |
|||||||||
I. Par tie. Llv. VII. zS7
" pas, il faut le combattre pour eux.
" Une ivraie jettee d'abord lorfqu'on
» s'endort, lui fuffit. Il ne cherche
» que de petices ouvermres dans les
» ames tendres , Rimulas, dit S. Gre-
» goire, c'eft-a-dire ce qu'elles ont
» de plus foible, & qu'il regarde
" d'abord comme des efperances &
•j des marques de reprobation. La
>. feparation du monde , les bons
" exemples, & les prieres, font les
» grands fecours qu'on leur peut ren-
■-> dre. Il faut s'abailTer felon leurs
» efprits.
» Il faut faire comme dans I'lncar-
» nation, Jefus-Chrift s'eft rendu
» femblable a nous pour nous rendre
» femblables a lui : il faut pour re-
" lever des enfans, condeicendre d
» leur foiblefle , mais ne fe jetterpas
» a terre. Jefus-Chrift s'abaifTe pour
» mettre la brebis fur ks epaules.
» L'experience fait voir qu'il n'ya
» guere d'emploi ou Ton ait plus be-
» foin d'une fage patience. Les ver-
,, tus dans tout le monde, mais fur-
» tout a cet age ne s'acquerent qu'a-
» vec beaucoup de tems. Il n'en eft
» pas ainfi du vice. Comme le dia-
'-< ble eft devenu mechant tout-d'un.
" foup > auffi les efprits des median*
|
||||||
l88 HlSTOIRE DB PoR.T-R.OlAt.
------■ » fe corrompent en nai(Tant, &c un
6*i' » grand fourbe eft quelquefois fourbe
» a dix ans comme a quarante. II eft: » bon de leur faire comprendre la " grandeur du peche originel, & de " leur reprefenter fouvent qu'Adam »» avant le peche etoir un diamant, 8c " qu'apres le peche il eft devenu ua » charbon. Une des grandes igno- m ranees des enfans, & de prefque w tous les chretiens , eft de ne favoir « pas quelle difEculce il y a de re- » venir a Dieu, & de fe convertir " veritablement, apres avoir perdu. » l'innocence du bapteme. Il ne s'en " faut pas etonner. Qui eut jamais era " durantl'ancienne loi ,qu'elle ne fer- » voit de rien pour le falut des Juifs « purement Juifs, & qu'au contraire »> elle fervoit a les rendre plus coupa- » bles,quoiqueles Juifs cruflent le con- » traire ? Il y a une pareille ignorance " parmi les Chretiens touchant la fa- » cilite de revenir a Dieu, apres w avoir viole l'alliance du bapteme, » par un peche mortel. lis croient « que route abfolution le peut faire , » comme les Juifs le croioient de la » loi feule. « Il ne pleut pas une feule goutede
» grace parmi les Pai'ens ou la pre- dication |
||||
I. P ARTIE. LlV. VII. 289
'- dication de l'Evangile n'a jamais
» ete ouie : quelle merveille qu'elle
» ne pleuve pas autanr qu'on le croit
» fur les chretiens qui l'ont foulee
» anx pies, & qui ont crucifie Jefus-
" Chrxft , & qu'elle ne tombe fur eux
» que rarement & fort difficilement,
" &c non autrement que par une vraie
« penitence ? Que fi on obtient la re-
w miffion de {es peches apres le bap-
» teme une fois, & qu'on foit tombe
" encore en peche mortel , la diffi-
*> culte croit toujours de plus en plus,
" felon que les peches ont ete mul-
» tiplies & les abfolutions violees
" qui ont ete bien ou mal donnees.
w Si elles l'ont ete mal, ce font au-
» tant de facrileges. Si elles l'ont ete
w bien , les peches qui les ont violees
» en font d'autant plus grands , &
=j par confequent plus dimciles a etre
» remis. Heureux, Monfieur, qui
» comme vous dche d'en preferver
» les enfans ! Je plains les peres &
w les meres. Us n'aiment leurs enfans
» que par vanite & par interet pour
« laifler un fucceffeur a leur maifon.
m Un pere qui commence a penfer
» a Dieu , & qui veut etre ferieufe-
» ment a lui, devant tenir fa maifon
» reglee & y veiller jtifqu'aux moin-
fomi II. N |
||||
I90 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
" » dres chofes , doit appiiquer fes pre*
« miers {bins d'autant plus particu- » lierement fur fes enfans , qu'd doit » fe refoudre a l'avenir de les con- »» duirecomme un pere chretien , etane " impofllble qu'il fe fauve fans cela. " Comme la piete d'un Roi n'eft rien, " ainfi que le dit S. Auguftin , fi ell* » ne s'etend que dans fa cour & dans " fa maifon , & qu'elle doit fe re- « connoitre dans tout fon roi'aume •> » audi la piete d'un de fes fujets n'eft » rien , fi elle eft reflerree a lui- » mane & ne s'etend a fes enfans, « En prenant la refolution de biert » faire pour lui-meme , il faut qu'il » la prenne audi de bien faire pour s>» fes enfans & pour fes ferviteurs, u Rendez graces a Dieu , Monfieur, »* de vous avoir delivre de ces enga- » gemens 8c de ces aveuglemens, »» Vous adoptez ces enfans , mais je w m'afTure que vous y ferez votre w devoir. Vous ferez bien de ne vous >» pas prefler de les faire confirmer, w Vous favez que chaque particulier u a fa Pentecote comme l'Eglife. Le " Sacrement de confirmation eft la » Pentecote des chretiens. On en f, abufeen le faifant donner fans dif- n gernernent aux pedes enfans. 0*j |
||||
I. P ARTIE. Liv. VII, 19I
» devroit avoir grand foin qu'iis ne -7—
» perdiilent pome la grace qu'iis one 4^'
» recue , d'autant plus que ce Sacre-
» mem ne fe reitere point comme ce-
» lui de l'Euchariftie. Les Apotres
» n'eurenc une foi fuperieure a tout,
» qu'apres avoir re9u le S. Efprir ,
» quoiqu'ils eulTent ete baptiies, &
» qu'ds euflent ouitanc d'oracles de
•■ la bouche de Jefus-Chrift.
|
||||||
M. de S. Cyran croi'ant avoir dit xn
tout ce qu'rl avoit a dire a M. le Mai- Fin de ''<■«- tre fit venir M. de fcricour, a a^iTT^t 11 nt les remercimens de ce qu'il s e avcc M- Ie toit offend venir sWenner avec lni^SuSS dans la pnfon : & fcant pre> de partir, il dit a M. Ie Maitre qui l'ac- compagnoit au caroffe, que plus il conilderoit ce defert, plus il le trou- voit beau , & qu'il alloit encore fake bien des reproches a la Mere Angeli- que de ce qu'elle avoit quitte un e fi belle folitude. Il pria M. le Maitre d'empecher autant qu'il pourroit, qu'il s'y fit aucun degat, fur-tout dans les bois. Il lui parla a ce fujet de ce qui s'etoit paffe dans fon Abbai'e ou Ton avoit coupe une grande quantite de bois, ce qui lui avoit caufe beaucoup de peine, quoique ce fut pour le dortoirde i'Abbai'e; » laquelle, dit-il, . Nij |
||||||
r ' '■■■■■■"■;
|
|||||||
1J1 HlSTOIRE DF. PoRT-R.CnAt.
» je tiens en fon temporel comma
» un depot facre , que je menage » comme les chofes faintes, avec une » grande reverence envers Dieu , qui » me l'a mife en main. Car ce n'eft » rien que de parler bien de Dieu , » fi aux moindres rencontres ou il » s'agit de lui, on ne lui temoigne ce » qu'on a dans le cceur : Regnum » Dei non eft infer/none , fed in virtute. „ J'endure avec grande peine les de- » fordres quon rait aux maifons de » Dieu dans le temporel meme , &c » je fens bien que fi j'avois le pou- » voir j'y mettrois ordre. C'eft une « des raifons pour lefquelles j'ai fui » routes les charges eccleTiaftiques , » fachant quel compte il en faudra » rendre a Dieu & a Jefus-Chrift „ * qui n'eft encore entre en pofleffion » de fon roiaume temporel & des » biens du monde qui lui appartien- » nent, que par cette petite portion » que dent l'Eglife par les benefices » de fes Clercs, quine font que les » fermiers & les depofitaires de Je- » fus-Chrift . .. Je ne fuis pas fache , » Monfieur, qu'il me foit venu dans .< l'efprit en vous quittant , de vous « fmre ce detail, pour vous exciter ,, fr yeiller fur ce lieu afin que rietj |
|||||||
- —■-.
I. Pa R tie. lav. VII. 19}
*> ne deperilfe. Adieu je vous em-
»» jours Dieu avec la meme ferveur. " J'avois toujours cru qu'il etoit dif- » ficile d'etre bon Hermite (i on n'a- " voir pafle par 1'epreuve d'un Supe- >> rieur. Je fuis bien aife que vous " m'ai'ez fait voir le contraire. Je » n'aurois qu'une regie a vous pref- » crire, & que je vous prie tres inf- » tamment de garder route votre vie, » qui eft de ne recevoir perfonne ici » avec vous, s'il n'eft vraiment tou- " che de Dieu , & s'il n'eft veritable- « ment penitent. Adieu, Monfieur, .1 continuez d'aimer toujours plus que » jamais votre feparation du monde, « c'eft-a-dire des hommes qui vivent » par la raifon ou par les fens , au » nombre defquels vous feriez com- » pris vous-meme (i votre vie , quoi- » que folitaire, etoit telle. Car vous » ne feriez rien de vous feparer du « monde, comme l'ont fait les Phi- » lofophes , fi vous n'alliez du monde » a Dieu , pour vous entretenir fans « cefte avec lui par la priere & les „ bonnes oeuvres. Avec cela je vous » difpenfe de toute autre chofe, » hormis de l'obligation que vous » avez de m'aimer, & de ne vous N iij
|
||||
-----.
2-94 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAI.
X£A> » feparer jamais de ce'ui que Dieu a
» rendu, comme je l'efpcre cie fon » infirde mifericorde, un mtme ef- » prit avec lui pour fetre a. jamais » avec vous , &c dans la terre & dans » le ciel. Telle fuc la fin de cet en- treden, dans lequel M. de S. Cyran parlant de l'abondance de fon cceur , die tant de chofes inftrudtives & edi- fiantes que nous avons cru devoir en recueillir ici la plus grande partie j il partit ainfi, laiflant M. le Maitre tout hors de lui jufqu'a ne pouvoir lui dire adieu que par fes larmes. xiii Pendant que M. de S. Cyran etoit FiFets admi-i p. R, un Maitre des Comptes de
rabies des a- n • \ ,-, • r • • I
visde if. deR-ouenarnva a Pans rort irate contre
saint cyran \a\ & <-[ans ie cle{rem de lui faire les fur un Maitre .. • r- .. T r ■ i
des comptes plus virs reproches. Le iujet de ces
ie Rouen. reproches etoit que le P. Maignarc de l'Oratoire, Cure de Sainte-Croix de Rouen , Paroifle du Maitre des Compres, apres avoir confulte M.de S. Cyran, avoit quitte fa Cure & pris le parti d'embrader la folitu- de (j). Le Maitre des Comptes qui O) Le P. Maignard mourut faintement le i?
apres avoir demeure cinq Janvier 1*50. VoTez les
ans dans i'Abbaie de S. Memoires de M. duFoile,
Cyran , alia au mois de 1. 1. ch. 5. p. 10. Necrol.
mai 1S49 demeureraP. de P. R. p. i«. Snpplcm:
R. des champs, 011 il page j5.
|
||||
I. Partij. Llv. Pit. %?<,
confideroit beaucoup fon Cure , avec lequel il avoir une etroite liaifon , fenliblement afflige de fa retraite, part auffi~t6t pour Paris , uniquemenc pour faire des plaintes & des reproches a celui qu'il regardoit comma en etant 1'auteur. Aiant appris en arri- vanc que M. de S. Cyan etoit a P. R. il vouloit aller l'y trouver , rant il etoit prelle de decharger fori cceur. Toute- fois on Ten empecha, en 1'aflTurant qu'on enverroit a P. R. 8c qu'il revien- droit audi-tot a Paris. Lorfqu'il fut arrive, le Maitre des Comptes alia le trouver , & lui parla avec beaucoup de chaleur fur le fujet qui l'anienoit. Le faint Abbe , a l'exemple de S. Ber- nard dans une eirconftance a-peu-pres femblable , le voiant fort emu, le lauTa parler tant qu'il voulut, jugeant bien qu'il ne falloit pas s'oppoier a ce premier feu. Mais apres qu'il 1'eut jerte , il lui repondit avec tant de force , de fagefle, de lumiere & d'onc- tion , que le Maitre des Comptes touc defarme & penetre de ce qu'il enten- doit , loin de repliquer , oublia le fujet de fon voi'age, & le pria d'a- greer qu'il l'entretint encore r Jc croiois, lui dit-il, etre venu pour mort Cure , mais jc vols bien que c 'eft pour N iiij
|
||||
1<)6 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAE.
moi, & pour mon proprefalut quejefuis venuvous trouvir. Nouspouvons ajou- ter pourcelui de fon epoufe , de fes en- fans & de fes petits-enfans. Car les fruits de cet entretien , & de ceux qui fuivirent, fe repandirent bien-tot fur toute la famille du Maitre des Comp- tes, & s'y confer vent jufqu'a ce jour. II n'eft perfonne qui ne com- prenne que nous parlons de la famille de M. du FofTe, fur laquelle Dieu a sepandu tant de benedictions depuis eet heureux evenement, que M. du FofTe, l'Auteur des Memoires, a tou- jours regarde comme unc efpece de mi- racle. Pendant le fejour que M. Gentien
Thomas du Foife fit a. Paris , il eut encore plulieurs entretiens avec M. de S. Cyran, dans lefqueis ce pieux Abbe lui donna routes les inftmcuons dont il avoir befoin. Enfin apres s'e- tre bien inftruit des fondemens d'une folide piete , il s'en retourna aufli plein de joie, que l'Officier de la Reine d'Ethiopie apres avoir ete inf- truit par S. Philippe. Tout rempli de ce qu'il avoir vu & entendu , » j'ai vu (4) , dit-il en arrivant a. Madame fon epoufe, un homme admirable » (4; Du Folft, page it.
|
||||
I. Part ie. Liv. VII. Z97
V> qui m'a donne lieu de decouvnr » le fond de mon cceur, lequelm'e- n coic cache a moi-meme , & qui m'a " appris tout ce que je dois faire » dans la fuite de ma vie, pout af- » furet mon falut. Jamais homme » ne m'a parle comme cet homme. » C'eft un trefor de lumiete & de »» charite. C'efb une eloquence toute » de feu , qui fe fait fentit au coeur , » & qui l'embrafe dans le tems qu'elle? » frappe les oreilles. Enfin au lieu que » j'erois alle pour le quereller, &c » pour me plaindre de la perte que » j'avois faite, j« fuis revenu tout » comble de joie du gain que j'ai « fait. Madame du Foiie touchee dit recit de fon mari , prend a Pinftant la refolution d'aller aufli elle-meme voir cet homme extraordinaire , par qui Dieu faifoit de fi grandes mer- veilles. Son mari , charme de la voir dans ces difpofitions, 1'exhorte a obeir a la voix qui l'appelle. Elle part, vient a Paris , s'adreiTe a la Mere Angeli- que , qui la rec,oit a bras ouverts , 8c lui donne un appartement i P. R, Elle y refte fix femaines , pendant lef- quelles elle voit cet Apotre de la pe- nitence, rec,oit fes inftrudions, fair une confelfion generate, revient 1 N v
|
||||
i<)8 HlSTOIRF DE POR.T-H.OlAt.
Rouen , & annonce a fon tour les
merveilles que Dieu a operees en elle par le canal de M. de S. Cyran. Le mari & la femme rendent enfemble leurs actions de graces a Dieu de celles qu'il leur a faites, & prennenr de concert les mefures pour rompre rou- tes les chaines. qui les atrachent aa monde. Celt ce qu'ils executerent avec un courage vraimenr chretien , fe retirant des compagnies , demeu- rant chez eux occupes a la priere> a k lecture, aux bonnes osuvres, L I'aumone , jufqu'a vendre leur vaif- felle d'argent , pour etre plus en etat de foulager les pauvres. Parmi les inftructions que M. de
S. Cyran avoir donnees a Monfieur 5c a Madame du Foffe , il leur avoir fur- tout fait fentir la neceffite indifpenfa- ble qu'ont les peres & les meres de s'appliquer avec tout le foin poffible a procurer a leurs enfans une education oonforme non-feulement a leur naif- fance, a quoi ils ne penfent guere,, rhais beaucoup plus a leur bapteme &c &• cette glorieufe qualite qu'ils one atqutfe d'enfans de Dieu, ce qu'ils negligent prefque toujours. Us entre- tent. Pun 8c l'autre de tout leur cceur dims; ces. v.ues „ refolus;de. faire. routes; |
||||
I. Partie. Liv.VII. t<0
chofes pour fe fauver, 8c de ne rien
epargner pour fauver auffi leurs en- fans. Le premier foin de ces parens chretiens rut done de pourvoir a leur education •-, des cette meme annee 1643 , ils mirent trois filles dans le monaftere de P. R. lefquelles profi- terent fi biende l'education chretienne qu'elles y recurent, que deux s'y con- facrerent a. Dieu; la plus jeune en; etant empechee par fes infirmites , a vecu dans la virginite , &c en vraie Religieufe de P. R. au milieu du monde. M. du Fofle mena encore lui- meme cette annee , les trois premiers de fes fils a P. R. des champs, pour y etre cleves. Quelle benediction Dieu n'a-r-il pas repandu fur ces enfans ! Les fruits heureux de l'education chre- tienne qu'ils recurent fe font perpe- tuus dans cette famille, en pafTant des- peres aux fils. Monfieur & Madame d» Fotfe onr
marche conftamment jufqu'a la mort dans la voie etroite qu'ils avoient em- braiTee. Le premier mourut dans de." grands fentimens de piete au com- mencement de Septembre 1665. » Je » fuis oblige , dit le digne fils de ce- n refpectable pere , parlant de lui,, » de marquer a la louange de la grace; |
||||
3 00 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
~c777" " de Jefus-Chrift , que j'etois dans
„ l'admiration du changement prodi- » gieux, qu'elle avoir produit enlui » depuis qu'il avoit appris de M. de >» S. Cyran , que la vertu du chretien " confifte a vaincre fes paffions , a fe » meprifer foi-meme &c afourTrir(5). Madame du Foife furvequit pres de vingt ans a M. fonmari, & fit une mort auffi chretienne que la lienne le 10 novembre 1684. » Depuis que » Dieu s'etoit fait connoitre plus par- >» ticulierement a elle, elle ne fe " dementit jamais de fa premiere » piete, mais elle marcha toujours » d'un pas egal dans la voie du fa- s' kit (6). Un feul trait peut faire connoitte
quel eroit le genre de vie de la famille dont nous parlons. Madame du Foile, apres la mort de M. fon mad, vou- lant etablir M. de Boroger fon fils& lui donn^r une femme chretienne, jetta les yeux fur Mademoifelle le Maitre fille de M. de S. Elme. Cette Demoifelle fut faifie d'une profonde trifteue en apprenant qifon projettoit cet etabliiTemenr, &c ^ladame fa mere fut obligee d'ufer d'autorite pour l'jr CO Mem. p. 1^7.
&) Ibid , p. }8«. Vo'iez le Necr. de P. R.
|
||||
I. Partie. Liv. VII. joi
fake confentir (7). Le fujet de fa trif- ^jT "
teffe (qui I*auroit cru !) c'eft quelle apprehendoit la famille. de M. du Fojfe comme trop retiree (8). Une nie- ce de M. de Saci, une petite niece de M. Arnauid, une eleve de P. R. re- doute la maifon de M. du FofTe, comme trop retiree! Faut-il quelque chofe de plus pour en faire l'eloge? Cetoit la les fruits des folides inftruc- tions de M. de S. Cyran. M. Singlin, le bras droit de ce xiv.
£unt Abbe , qui pendant fa prifon JTcien/s avoit iupplee pour lui , regardant la ran avec M. liberte comme une raifon legitime de Sin£lai- fe decharger d'un fardeau aulH pefant que celui de la conduite des ames, ne tarda pas a venir le trouver pour lui remettre les perfonnes , dont il s'etoir charge par £qs ordres. Son def- fein etoit d'aller s'enfermer dans lAb- bai'e de S. Cyran ou il avoir un frere. a Excufez-moi , lui repondit M. de » S. Cyran, apres 1'avoir ecoute pai- » fiblement , fi je vous dis, Moniieur, » que tout ce que vous venz de me (7) Du FofTe , Mem. qu'etle n'a point degenere
,.r, de la fagefle, de l'amout (8) Cette Dameafou- de la verite & de la piece'
Knu iotqo'i nos iours eminente , dont elle avoic l.^onneurdelafaintemai- tant d'exemples dans fa. fon de !'• **■• *"e en a fi famille. bieu coaferve l'efptit ,
|
||||
JO 1 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
»^reprefencer eft fuperflu. Vous etes-
>» dans un lieu, Dieu vous y a mis ,
yf vous ne pouvez en fortir que Dieu
» ne vous en retire. C'eft a vous ce-
»» pendant a faire ce que recomman-
« de S. Paul a fon Difciple : Certa
» bonum eertamen , en fupportant les
» manquemens & les foibleifes des
» ames. Rendez-leur la patience que
» Dieu a cue pour vous. Supportez-
» les avec la meme douceur. Atten-
" dez tout de la grace , qui fait ou
» font les Elus ... unufquifque in qua
» vocatione vocatus ejl, in id perma-
» neat (9). Je vous plains dans le
» trouble ou je vous vois; mais les
" troubles font fouvent ferret de l'a-
» mour-propre , quoique non pas
" roujours. II y a des Troubles qui
» viennent ainfi du temperamment 8c
» de la crainte naturelle , & de ce
» que la charite n'eft pas encore fi
rande qu'elle mette fame comme
ans un etat immobile. Dieu auffi
nous laifle fouvenr a nous-memes ,
pour nous faire reconnoitre ce que
nous fommes , nous faire recourir
a lui, & nous empecher de nous
elever, ce qui nait facilement en
ceux qui font la charge de. Maitre :.
(P) I. Cor. 7.. lo,.
|
||||
-pjpr
|
|||||
I. Part ib. Liv. VII. $0$
» Avertinticiutimufacicmturbabuntur. 1643,
*■ Ce font aulfi quelquefois les peines » de nos fautes, de nos fecretes com- » plaifances & vanites.... Quand 3> Dieu voudra vous faire quitter la m conduite des ames il le faura aflez » faire j mais pour le prefent, excu- " fez-moi C\ je vous dis que vous »> avez tort de ne le pas faire avec « aiTez de paix & de foumifGon. M. Singlin reprefenta enfuite a M. de S. Cyran qu'il nepouvoitpas croire que Dieu repandit fa benediction fur fon travail , fe pretendant l'homme le plus criminel du monde; qu'il fai- foit tous les jours mille fautes dans cet emploi ; qu'il etoit difgracieux de voir qu'on s'en prenoit a un Direo teur lorfqu'on ne trouvoit pas alTez: reguliere la conduite des perfonnes confiees a fes foins ; qu'il etoit rebute de l'oppofition au bien qu'il trouvoit dans ceux memes qui fembloient les plus touches •, qu'il y avoit fur-tout une perfonne confiderable dans lei monde , de fort bon fens , raifonnant Jufte, qui le mettoit quelquefois a bout; tant il trouvoit de raifons foour eluder tout ce qu'il pouvoit lui dire. M. de S. Cyran repondit avec (10) M. Fontaine , page 104 8c fu'v.
|
|||||
3 ©4 HlSTOIRE BE PoRT-RCIAt.
beaucoup de folidite & d'ctendue a
routes ces difficultes de M. Singlin, & lui prefcrivit la maniere done il devoir fe conduire a 1'egard de certe perfonne qui le prefTbir fi fore par fes raifonnemens. Comme cetre perfonne avoir beaucoup lu Xintroduclion de S, Francois de Sales , & qu'elle pixren- doir qu'on devroir etre plus indul- genr a l'egard des penitens ; M. de S. Cyran parla fur cer article avec beau- coup de force , faifant voir que M. de Geneve etoit dans les memes principes que lui, fur la neceffite de la peni- rence, du refus de l'abfolution pour les pecheursqui ne font pas bien difpo- fes, & fur la maniere dont Dieu opere le changement des ames & la con- version du cceur. » Dites-lui (a cette perfonne) repondit M. de S. Cyran, » que felon les principes que M. de » Geneve a etablis dans la Vic devote » & dans rous fes autres ouvrages , " on eft plus oblige de differer la w confeffion , que nous ne differons » l'abfolution apresla confeffion (i i). » Je vous prie de bien vous fouve- » nir de cela, & de le lui bien faire » pefer. Car il eft plus difficile d'a- » voir une bonne contrition apres le Cm) XW j page ai!-
|
||||
I. P A R T 11. Llv. VII. 3 0 J
» pcche" niortel, & par corffequent » apres une infinite de peches mor- » tels j que d'avoir la penitence & leg " fruits de la vraie penitence apres - une vraie contrition. Car quand » Dieu veut fauver une ame & la » convertir, il commence par le de- " dans & le changement du cccur. » Quand le dedans, e'eft-a-dire le » cosur eft change , il n'y a rien qti'elle »» ne foit prete de faire, cette difpo- « fition etant infeparable du change- " ment interieur. Car comme celui » qui a la charire eft prct a faire tons » les autres commandemens , il eft » pret auffi a faire routes les autres » penitences ; & il l'ame refufoit de » faire penitence , felon qu'elle lui » feroit prefcrite par celui qui tient » la place de Dieu , il lui pourroit » dire par le Pretre ces paroles de S. » Pierre : Cur tentavit fatanas cor » tuum mentiri u fpirituifancio. Mon- „ trez-lui dans S. Ambroife ce qu'il » dir de la difficulte de convertir un „ hornme , qui a viole une fois le » bapteme. » Il faut convaincre ces gens par
» leurs propres yeux , & arreter leurs „ efprits contentieux par de relies au- « torites. lis font dans l'ignorance,. |
||||
JO<j HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
» il faut les inftruire; 8c par l'inf-
" tru6tion, ils commencent a recon- " noitre la difficulte de la remiffion " qui ne fe peiit obtenir que par une » vraie penitence. Faites-lui connoitre » combien peu fe fauvent , comme " le Fils de Dieu le dit fouvent. Faites- >» lui voir la regie particuliere contre " les riches •, une autre contre les No- » bles ; une autre contre les Savans j " une autre contre les Sages •, la dif- »» ficulte de fe convertir croififant a " l'egal, & de la noblelfe 8c des pe- » ches comrais; &c ainfi des autres, " comme des Sages 8c des Savans , &c » meme des vertueux felon les mceurs " & la raifon civile , qu'il eft encore » plus diflicile de convertir que les *» vicieux. Si un homme ajoute a tout » cela la curiofite de favoir & d'eplu- » cher toutes chofes, lorfque Dieu " femble l'avoir touche , il fe fait un » empechement nouveau qui fur- " monte tous les precedens .. . 1'ait- »• torite feule doit conduire les pe- »» cheurs &c les ramener a Dieu en » les cortigeant peu-a-peu •, ce qui ne » fe peut faire , s'il n'y a en eux une •• grande volonte de leur falut, 8c une >• foumiflion d'enfance a ceux qu'ils » out choifis pour condu&eurs. L'au- |
||||
I. Par tie. Llv. VII. 307
> torite eft la feule regie que Je-
> fus-Chrift a laiflee pour faire en-
tendre fes volontes & les verites de foi. X V.
» La premiere regie de M. de Ge- suite dei'en-
> neve eft de choifir entre dix mille jeti!n ie M-
, _ . . . de S. tytan
un conducteur qui ait une plcmru-& deM.sin-
•' de de eharite , de fcience & de pru- g»nfutkmi- 1 ,.. . . , .(. r mltete.
dence , & qua lui derere autant
qu'il l'ordonne. Cela lui doit faire > connoitre a lui-meme la rarete d'un
bon Conducteur. Lorfqu'il en aura choifi un tel, dites-lui hardiment qu'il lui dira les memes chofes que vous lui dites. Sa fcience , qui fera en plenitude , ne lui pourra per- nietcre d'ignorer la grandeur du pe- m che commis apres le bapteme , ni
par confequent la grandeur de la penitence & la neceltite de differer l'abfolution. Sa eharite qui fera audi en plenitude, ne lui permet- tra pas de lui cacher tous ces avis fi neceflaires que je viens de vous marquer 5 & fa prudence , qui fera auili en plenitude, le gouvernera avec un accommodement admirable lorfqu'il le verra vraiment change au-dedans ; comme aufli lorfqu'il ne le verra pas vraiment change par une vraie contrition telle qu'eifc |
||||
$08 HfSTOIIU DE PoR.T-R.Ol At.*
» celle que demande M. de Geneve,
» il ne fera que l'exhortera la priere, » aux aumones & aux autres bonnes » cEUvres, pour atcirer fur lui l'efprir » de Dieu qui ne fe peut attirer au- » trement. Il fe gardera bien d'ouir » les confeffions auparavant. Il fe » hatera beaucoup plucot de 1'abfou- » dre , quand il le verra bien change » au-dedans par l'operation du S. Ef- » prit en fon ame , que de le confeflTer » avant ce changemenr. » Qu'il cherche feulement cet hom-
» me, comme il cherche un boa » ferviteur pour lui confier fes afFai- « res , & un homme fur pour lui con- » fier fon argent. Il le trouvera, l'E- » glife n'en manque jamais. Il s'en » eft trouve dans tous les fiecles ; » autrement 1'Evangile feroit faux. » Cet homme fera l'homme de l'Eglife. " Reprefentez-lui l'eftime que M. de » Geneve a toujours faitede S. Charles " qu'il a tache d'imiter. Ici M. de S. Cyran remarque que fi M. de Geneve n'a pas introduit une meme pratique dans fon Diocefe > & s'il n'a pas fuivi en tout S. Charles, c'eft pour des rai- fons particulieres au Diocefe de Ge- neve , auquel il fe croioit oblige de s'accommoder. Et c'eft en cela que ce |
|||||
»
|
|||||
I. P ARTIE. L'lV. VII. JO?
faint Eveque a fait patoitre cette ple-
nitude de ptudence qu'il demande lui-meme , ians laquelle la plenitude de la fcience ne fert de rien , & nuit plus qu'elle ne profite a cettaines ames, qui lotfqu'elles reviennent de loin& des egaremens d'une vie toute mondaine, doivent etre gouvernees &c corrigees pat partie , com me die le Sage fn). n Ainfi, continua M. deS.Cyran,
» pout le faire comme il faut, il faut r> le faite a loifit, & avoit l'ame en « fa puiflance un certain tems pour >. la conduire pas a pas, comme on »» conduit les enfans. Car il en faut » toujours venir-la , que telles ames « font plus foibles pour marcher vers » le ciel & vers la grace par les bon- " nes ceuvres, que les enfans ne le » font apres etre fortis du maillot, M & les malades apres une longue » fievre. Il n'y a que l'orgueil de l'ef- » prit humain & pai'en qui puiffe » s'oppofer a. cette verite, qui eft plus " claire par l'experience que la foi » ne l'eft en fes verites, a l'egard de » nous qui voi'ons les effets de la foi- »> blefTe & ne voi'ons pas de meme » les effets & les caufes des verity (;i) Sage, ii. l,
|
|||||
*
|
|||||
J I® HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» fiirnaturelles. Demandez aux nour-
»» rices & aux Medecins, li on peuc " faire marcher les enfans &c les ma- » lades qa'avec une grande patience, " & apres les avoir fortifies peu-a-peu » 8c rendus capables par de bonnes » nourritures &c conduites , de fe fou- » tenir eux-memes pour marcher fu- " rement fans une crainte condnuelle " de trebucher a chaque pas. Vou- » loir ctre en meme-tems confefle & » abfous, fans fe foucier crop 11 Ton >• eft difpofe & fans vouloir raire pe- » nitence , c'eft vouloir faire fortir « un malade de fon lit, fans que » peut-etre la fievre l'ait quitte, ou » vouloir faire marcher un enfant j> aufli-tot qu'il eft ne , fans le mettre » dans le maillot. M. de S. Cyran approuva ce que
M. Singlin avoir dit a ce penitent qui lui donnoit tant d'exercice , favoir , que les actions de penitence font les mo'iens ordinaires pour recevoir la grace, » & lui dit qu'il pouvoit ajouter » qu'elles font parties integrantes du m Sacrement, & que ce n'eft guere que » par-la qu'on parvient a avoir la » douleur fouveraine & le bon propos »- qui font effentiels •, que comme f'E- » glife ne fauroit rencontrer la verite |
||||
I. P A r t i f.. Liv. VII. 3 11
» catholique pour 1'eclairciiTemenc de
laquelle elle s'alTemble dans les Conciles , nifi magna conquijitio fieret, c'eft-d-dire fi elle ne remue les livres, & fi elle ne fe met en peine de chercher ce que tient la tradition , par prieres , par examen, &c par longues difcuilions , parce- qu'elle eft attachee par l'ordonnance de Dieu a ces moi'ens vifibles & humains , ainfi le Pretre ne fauroit communement repandre la verm du S. Efprit, ni la grace du Sacre- mentdans l'ame des pecheurs, s'il n'emploie les moi'ens de la peni- tence exterieifte , qui font bien fou- vent plus longs & plus penibles que ceux par lefquels on parvient a l'e- clairciflement de la verite ; que cela fut figure en ce que les A pones aiant re^u la puiffance de chaffer les de- mons , ils la ftrouverent de nul ef- fet pour n'avoir pas emploi'e les moi'ens du jeiine & de l'oraiibn, quoique Jefus-Chrift ne leur en eut point parie en leur donnant cette puiftance , parceque la puifTance numaine eft en cela difference de la divine, qu'elle eft attachee a cer- tains moiens dont elle depend, au lieu que Ditu a une puiffance in* |
||||
3IZ HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAL.
I/>43- » & juftifiant des ames par fa feule
» parole ; ce que le Pretre ne fauroit » faire fans regie & quand il lui » plait; ce qu'il femble neanmoins » s'attribuer lorfque par de fimples » paroles , il pretend abfoudre tout » criminel quine lui dit que de fim- » pies paroles pour l'aflurer de fa con- » verfion. ?V,L , Sur ce que le penitent de M. Sin- Suiceciuroc- .. . . .J-, . *,, . , „ .
meenuctien. gun lui aileguoit 1 exemple de oamte
Marie Egyptienne, M. de S. Cyran repondit que » outre que cet exerwple .> n'eft pas bien autorife, il y a des » cas particuliers ou f>n le peut faire , » &c que les anciens qui le defen- =1 doient ( d'abfoudre aufli - tot ) en » lailfoient la difpenfe a l'Eveque. » Dans S. Cyprien il fe voit qu'on w donnoit l'abfolution & la commu- " nion auffi-tot apres la confeflion a » ceux qui avoient idolatre, lorfqu'ils " ctoient refolus de s'expofer au mar- » tyre, pour les fortifier & aider dans » ce combat par le don du Fils de " Dieu qui eft la plus forte de nos » armes; & quelquefois la douleur » paroit fi grande dans la confeflion , " qu'on eft oblige d'en faire autant, » m forte abundantiori tnfiltia abfor- bcatur
|
||||
I. P A R T I F.. L'lV. VII. 3 I 3
- btatus qui ejufmodi eft , comme il •-------—
» fe lit dans S. Vincent Ferrier. 1(J43-
M. de S. Cyran continuant de par-
ler fur le delai de l'abfolurion, dit a M. Singlin de faire voir le Concile de Trence a la perfonne , dont il lui avoitparle : „ Qu'il y voie, dit-il, qu'une des princbales caufes de la neceffite des confeflions particulie- res, eft, afin de pouvoir impofer des penitences conformes. Qu'il y voie que ce Concile rappelle le decret du grand Concile de Latran , qui |
|||||||||||
permetau Pretre dedifterer la com-
|
$.14, cap. 5.
|
||||||||||
munion , & a plus forte raifon
l'abfolurion a Paque. Un homme curieux & qui recherche laverite, en doit etre inftruit, mais peu-a-peu. Mettez-lui le Concile en main , 8c dites-lui qu'ai'ant la lumiere qu'il a , il doit prendre garde de ne fe pas tromper lui-meme • .. allez en tout cela avec beaucoup de difcre- tion, beaucoup de prieres, 8c une grande patience , afin de voir a quoi Dieu le mene, car il faut fui- vre Dieu. Comme les Medecins du corps par leur art ne font que fuivre les mouvemens & les operations interieures de la nature, de meme les Medecins de l'efprit ne doivent Tome //» O |
|||||||||||
314 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» faire que fuivre les operations de
» la grace. Quand la nature quitte & » ne fait rien , l'art des Medecins eft » inutile; & le notre de meme, » quand la grace ne fait rien & quitte » celui que nous conduifons ... les » Medecins ne jugent des mouve- » mens & changemens de la nature , « que par les effets qu'elle produit au » dehors. AgifTez en homme de tcte ». & de cocur , & achevez paifiblement .» votre carriere jufqu'a. ce que Dieu » vous en retire. M. Singlin n'ai'ant rien a repliquer
a tout ce que venoit de dire M. de
S. Cyran, fe rejetta fur les degouts
qu'il avoit dans l'exercice du minif-
tere. » Laiflons cela , lui die M. de
» S. Cyran-, routes ces peines ne doi-
„ vent pas vous porter a dire que vous
» vous retireriez volontiers de cet env
» ploi , & moins encore a le faire
» avec chagrin. Il eft certain qu'il y
» a des ames qui font penibles •, mais
„ in hoc pofiti fumus.... Si Dieu
„ permet que notre profeffion en ce
„ terns foit fi penible, quand cela
„ ne ferviroit qu'a purger les fautes
» de notre entree dans la Prctrife ,
,. nous devrions le prendre en patience
» & en penitence.
|
||||||
----------
I. Par tie. Llv. Fit. 3r5
U, Singlin prit occafion d'une pa- ~T-----•
role de M. de S. Cyran fur la predi- l6^'
cation, pour lui dire que la feconde , xvl": chofe qu'il etoit venu lui propofer, Sfe etoit de vouloir bien Ten decharcrer de S- Cyr*" 6- lui tit part de quelques peines qu'il glia. avoir a ce fujet.... „ Tout ce que vous dues , reponditM. deS. Cyran de vos difpofitions de rriftefle & de joie ne feroit rien, fi vous ne vous en entreteniez trop. Ce font des flots que le diable excite en nous , qui fe feroient fans nous , fi nous les favions feulement fouffrir, fans les rendre notres par nos rai- fonnemens & nos entretiens trop longs & trop volontaires ... n'a'iez egard ni a vos aver/ions , ni a vos inclinations; il faut nousconduire par la foi : Grejfus mtos dirige fe- cundiim eloquium tuum , &c Si vous donnez lieu a vos penfees, yotre ennemi vous fera roujours des illufions. II faut detourner de-la fa penfee , &c lui faire la guerre en certe maniere, dans le filence, la retraite, l'oraifon & Poccupation ; 8c lorfqu'il voit qu'on n'a egard 1 rien de ce qui fe pane , il s'en va , & nous demeurons -tranquilles. h% Singlin voi'ant que M. de S. Cy- O ij
|
||||
l\G HlSTOIRF. DE PoRT-ROlAL,
ran ne lui vouloit accorder niTuneni
l'autre des deux chofes qu'il defiroit
obtenir , le confulta fur la manierede
preparer fes fermons. » Je ne cher-
» cherois pas maintenant a precher ,
,> repondit M. de S. Cyran , mais fi
» Dieu m'en prefentoit l'occafion,
» & l'obligation de l'embrafler , je
» lui demanderois en me prefenrant
„ devant lui, les penfees fur le paffa.
„ ge qu'il m'auroit fait choifir, & puis
» {implement je les mettrois en chefs
» par ecrit, & apres les avoir d'heu^
?> re en heure arrofees par de frequen-
» tes oraifons , je m'en irois precher ;
„ 8c apres ma predication , je me
,> retirerois dans ma chambre pour
» m'agenouiller devant Dieu , &c ne
i> reverrois perfonne s'il n'etoit ne-
,> ceffaire % de ce jour-la, pour le
ji moins deceux qui auroient affifte a"
» rnoti fermon : & fi Ton m'en par-
» lost , je temoignerois ne l'agreer
» point, en ne faifant aucune re-
" ponfe; ce que je ferois, foit qua
j* le fucces eut ete bon ou mauvais ;
» fi toutefois on peut parler de la
» forte* parceque fouvent lorfque nous
>? penfons qu'il eft bon, il eft mauvais
» felon Dieu ; &c au contraire , ce qui
j> eft commun a toutes les bonnes ecu-
|
||||
I. Parti*. Llv. VU. $17
*> vres... II faut etre tout abforbe » en Dieu , non-feulement pour fairs » la moindre predication, mais en- » core pour faire quelque bonne ecu- » vre que ce foit, &c n'avoir non »> plus egard aux jugemens des hom- » mes qu'a celui des animaux. Quand « d ces tempetes , dont les flots , foit » devant ou apr£s la predication , » vous battent, retirez-vous dans la » folitude , & prefentez-vous devanc » Dieu un quart d'heure, & puis »> rempluTez votre efpritde quelqu'oc- » enpation folide, lecture , ecriture » ou autre , fans porter jugement de « vous-meme... II faut dire des eve- » nemens ce que Jefus-Chrift dit des » vialides : Manducaic qua, apponun- » tar vobis , &c. Pourvu qu'on prie a » l'inftant &: qu'on faife enfuite ce » qu'on peut, l'effet n'en pent etre » que bon: accoutumez-vous a cela , » 8c a vous laifler entre les mains de » Dieu pour les evenemens, & aimez « autant les uns que les autres. Car » felon lafoi qui eft toujours concraire " aux apparences , les bons font fou- » vent mauvais , comme au contraire »j les mauvais font fouvent bons. Laif- » fez penfer nux autres ce qu'ils vou- » dront. .. 11 faut fe nourrir des ve- O ii)
|
||||
? I S HlSTOIRB DE PoRT-ROUl.
» rites & des ecritures catholiques >
» pour ne dire que ce qu'on aura ap- « pris de Dieu & de ion Eglife. M. Singlin fe plaignitque quoiqu'il
priat beaucoup, il avoir eependant peu de lumiere pour la predication. M. de S. Cyran lui dit » que les ef- x fets de l'oraifon ne font pas moins » caches que ce que Ton recoit dans » l'oraifon meme ; car Dieu cache les » graces qu'il fait dans l'oraifon pour » tenir toujours l'homme dans l'hu- » milite & la dependance ... Les La- » boureurs ne s'attendent pas que les » femences produifent au memetems » qu'ils les ont jettees fur. la terre w dont il eft dit, Dominus dabit beni- t> gnitatem & terra noflra dabit fruc- » turn fuum. Enfin , Monheur, je » vous prie d'etre plus fimple , foit » que vous confefliez , foit que vous » prechiez > laifTez a Dieu de vous ju- » ger , de peur de tomber dans des » Fautes peut-etre plus grandes que » celles que vous cro'fez avoir faites. » Car il n'eft non plus permis de juger » de fon interieur que de celui d'au- » trui, fans une lumiere de Dieu , m qui nous fafle voir clairement les » defectuofites de Taction , afin de ne » pas juger l'ouvrage de Dieu ea |
||||
I. Pa ft.-rig. Liv. Fit. 319
ss rious , & de ne pas ufurper fon an- 1645.
» torite fouveraine , a laquellefeuleil
» eft referve de juger de ce qui fe paffe
» en I'anie, foit dans la notre, foic dans
» celle des perfonnes que nous condui-
» fons. Jefus-Chriftdit qu'il eft le bon
» Pafteur & qu'il connoit fes brebis. II
» les connoit par fa divine fagefl~e.Pour
« nous nous ne fommes pas de meme,
» ne pouvant connoitre les ames &c
» ecoutant Dieu en elles •, ce qui fait
» que nous nous proportionnons a
» leurs difpofitions , autrement elles
» n'enrendroient pas notre voix &c ne
» recevroient pas notre parole. Ceft
« ce qui nous oblige a une oraifon He
» a une attention continuelle a Dieu
» pour nous & pour elles.
M. de S. Cyran fi attentif a encou- xix.
rager M. Singlin , & a lui donner des ,££5££ avis folides pour le premunir a. l'avenir mine ifcriw contre fes peines, fembloit prevoir c°nntre Cal qu'il ne l'aideroit plus long-terns dans la conduite des ames. En effet, la motx l'enleva neufmois & cinq jours apres fa fortie de prifon. Il avoir pour lors les armes a la main contre les heretiques & tiavailloit a l'ouvrage auquel il etoit occupe lorfqu'on l'arreta.Voici a quelle occafion il I'avoit entrepris. M. Char- pentier l'etant venu voir avant fa d&- r O iiij |
||||
$10 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAr,.
tendon , lui die avec douleur que 1'he-
refie faifoit tous les jours de nouveaux frogres le long de la Loire, & que les
ivres du Cardinal du Perron n'y fer- voient plus de rien, parcequ'il n'y avoit perfonne qui repondit aux quatre Miniftres t Dumoulin , Meftrezat, le Faucheur & Aubertin qui avoient ccric contre lui. M. de S. Cyran fuc fi edifie du zele & de la fimplicite avec lef- quels ce bon Ecclefiaftique lui parla, qu'il refolut de prendre la plume. II alia meme > quoiqu'incommode d'une jambe, trouver M. Mole Procureur general, (& non le premier President de Verdun , comme le dit Mon- fieur Fontaine ) qui l'avoit jufqu'alors follicite inutilement d'ecrire fur ce fujet. M. de S. Cyran lui dit qu'il croi'oJt que Dieu demandoit de lui qu'il prit la defenfe du Cardinal du Perron , & qu'il etoit dans la refolu- tion de le faire. M. Mole en fut char- me, & ofFrit fa bourfe fi on en avoit bsfoin, foit pour avoir des livres, foit pour tranferire l'ouvrage, ou pour l'imprimer. Le deffein de M. de S. Cyran etoit de refuter les erreurs de Calvin ; i °. fur J'Euchariftie -, z°. fur lamatierede la Penitence; 30. fur la Juftification ; 40. fur l'autorite de l'£- |
||||
---------------------------------------------------------------------
I. Part ie. Llv. fit. $n
glife 8c du Pape. II avoit choifi ces-----------
quatre articles de la doctrine de Cal- I"43«
vin, dont il ne deteftoit pas moins Ies autres erreurs. Telle etoit l'occu- pation de M. de S. Cyran, lorfqu'il fut arrets en 16$ 8. Pour ne rien ne- fjliger dans certe entreprife, illifoitles
ivres des heretiques, mais avec tanc de piece , qu'il ne les prenoit jamais fans les avoir exorcifes & s'etre arme du figne de la croix , ne doutanc poinc que le demon n'yrefidat a£tuellemenr. 11 difoit fouvent qu'il ne falloit ja- mais lire ces fortes de livres fans cette precaution , lors meme qu'on eft obli- ge de le faire pour defendre les droits de l'Eglife; parcequ'ils ont, difoic-il» une fecrete malignite qui pourroit fur- prendre les plus forts , s'ils tiavoient foin defe recommander a Dim.. Il prou- voit cela par l'exemple d'Albertu?Pi- ghius , 1'un des plus celebtes contro- verfiftes du dernier fiecle , qui en combattant les heretiques, n'a pas laif- {6 de s'engager infenflblement dans quelques-unes de leurs erreurs, & eft tombe fur d'autres points dans des ex- tremites contraires , Opour avoir eu rilus dezelequede lumiere & d'humi-
ite. M. de S. Cyran etant forti de pri- fon , commenca par prier beaucoup , O v
|
||||
jZl HiSTOIRE DE PoRT-RoVaL.'
avant que de rien entreprendre. Il fit
faire la meme chofe dans cous les mo- nafteres & par toutes les perfonnes qu'il croioit le plus a Dieu. Ce fut M. Lancelot qui y fut envoie. Il alia entr'autres chez M. Charcentier, pour favoir de lui quelle peniee Dieu lui donnoit la-deuus : il repondk a M. Lancelot qu'il falloit que M. de S. Cyran repric fon ouvrage contre les hereriques, & qu'il defendit l'Eglife ; qu'il devoir killer les petits ouvrages a d'autres, & s'attacher a celui-ci, parcequ'il n'y avoit que lui qui fut capable de l'executer. Il dir cela avec tanr de force, que M. de S. Cyran en fut rouche. Il reprir done fon grand ouvrage de l'avis meme de celui qui l'avoir porte a l'entreprendre, &c y travailla aifidument avec M. fon ne- veu. Il fit encendre un jour a. M. Lan- celot qu'il ne demandoit que deux ans pour cela, & qu'enfuite il fe retire- roir avec lui & les autres dans fon AbbaVe ; car il penfoir a s'y faire lui- meme (imple Religieux , apres s'en etre decharge fur fon neveur Mais la providence ne lui permit pas de fuivre ce pieux mouvement , ni d'achever fon ouvrage. On l'avoit toujours cru fort avance, & on efperoit que M. de |
||||
, L Parti e. Liv. VII. 315
Barcos le mettroit enfin au jour. M. x <j , 7'
Lancelot die qu'il etoit prefent, lorf- que M. Singlin die aux Eveques qui avoient affille a l'enterrement de M. de S. Cyran , qu'il etoit un David, qui avoir amafle des materiaux pour barir le temple, mais qu'il fe trou- veroit un Salomon pour l'achever. » Neanmoins, ajoute M. Lancelot, m Ton a fu depuis de M.tie Barcos » lui-meme , que ce qu'il y avoit cle » fait, n'etoit prefque que le recueil » des livres des hereiiques , & que " tout cela avoit ete dilfipeavec plu- » fieurs autres de fes papiers lorfqu'on m envoia le Lieutenant de Police qui >» en enleva une bonne partie , & don- " na lieu a la dillipation du refte. M. Lancelot nous apprend encore que M. de Barcos n'etoit pas difpofc a, continuer cet ouvnge , aimant beau- coup mieux fe renfermer dans la foli- tude que de fe faire connoitre; 8C qu'il croioit que rien ne pouvoit plus contribuer a edifier i'Eglife & a con- fondre les heretiques, que de remettre en vigueur l'ancienne pratique de la regie de S. Benoit , qu'il tachoic d'e- tablir dans fon Abbai'e. x x. On voit par ce que nous venons de JJouvrife P»r-
rapporter, combien M. de b. fe>yran tre m. de s. o vj cy"8-
|
||||
514 HrSTOTRE DE PoRT-ROlAL.
■ avoit a cceur de confacrer Ie refte de
fes jours au fervice de l'Eglife. Mais le peu de terns qu'il vecut depuis fa delivrance, ne fut pas exempt de tra- verfes. Les Jefuites, qui n'aimoienc pas M. de S. Cyran, lui fufciterent une nouvelle affaire an fujet de fon cathechifme. Il l'avoit compofe fousle titre de Theologie familiere , a la priere de M. Bignon Avocat general pour rinftrudion de Meffieurs fes fils. Il parut au commencement de l'annee 1645 avant fa fortie de Vincennes. Les Jefuites cabalerent fecretement dans le confeil deM. l'Archeveque de Paris contre ce petit ouvrage , & vin- rent a bout fur la fin de Janvier de faire dreifer un Mandement, par lequel il dcfendoit cTmfdgner d'autre Cathechif- me que le Jien , & particulierement un certain livret intitule Theologie fami- Here, qui contenoit , difoit-on , diver~ fes propofitions en forme de riponje ,
qui pouvoient induire les efprits en er- reur. Ce Mandement eioit deja diftri- bue dans les ParoitTes , & devoit etre publie le Dimanche premier fevrier de cette annee 1643. Heureufement on en fut averti par un bon Pretre: aufli-tot M. Arnauld agit aupres des Do&eurs qui etoienc du confeil du Prelat, & »
|
||||
I. P ARTIE, L'lV. VII. 315
Mad ame la PrincefTe de Guimenee au-
prcs de M. de Paris, avec cant de fuc- ces , que les Cures recurent le premier fevrier un nouveau Mandement qui revoquoit le premier. Ainfi le coup fut detourne , & Ton juftifia ce Cate- chifme , par deux pecits ecrits qui n'ont pas ete imprimes , done Tun fut fait par M. Arnauld , & l'autre par M. de Barcos. On peuc voir la relation de ce Mandement donne par furprife, 8c revoque avec une entiere connoifTance decaufe, dans l'article 12 d'un ecrit public en 1651 fous ce titre : Definfe de la cenfure de M. V Archeveque de Paris contre le P. Brifacier. On y trouve le fecond Mandement par le- quel il revoque le premier qui etok fubreptice. Les Jefuites n'a'iant pas eu le fucccs
qu'ils defiroient, n'abandonnerent pas pour cela leur entreprife , & livrerent mentor une nouvelle attaque. Pour mieux reuffir , ils eurent recours a un autre expedient, qui etoit d'obligerM. de S. Cyran a comparoitre auconfeil de M. de Paris. Ce moi'en leur parut— d'autant mieux alTorti a leurs vues, 8c d'autant plus favorable , que quelque chofe qui arrivat, ils feroient toujours maitres de repandre tels bruits |
||||
$%(j HtSTOIRE DF. PoRT-ROlAL.
- qu'ils voudroient. Leur premier eftai
de critique conrre ce Catechifme ne confiftoit que dans de pares chicanes > dans le fecond ils s'attacherent parti- culierement a ['explication dela Mefle, & a cet endroit du canon , ou M. de S. Cyran die, que le Pere eft principe de toutes les Perfonnes divines , de route la Trinite &c de toute la Divi- nite. Plufieurs de fes amis , entr'au- tres M. Singlin, lui confeillerent de le changer pour ecarter la tempete ; mais il ne crutpas le devoir faire. II leur reprefenta qu'il ne parloit ainfi que d'apres les Conciles , comme il etoit en ecat de le prouver par deux ou trois, qui s'exprimoient dans les memes termes ; & qu'il n'etoit nulle- menc difpofe a changer leuis expref- fions, ni a abandonner leur langage. Il avoir coutume de dire que la ve- rite etoit rheritage de nos peres , & ?|u'il falloit plutot mourir que de l'af-
biblirou dela changer. C'eft la, felon M. de S. Cyran, ce que figuroit Na- both (13), lorfqu'il refufa dedonner fa vigne en echange au Roi Achab par cette feule raifon, qu'il l'avoir. heritee de fes peres. Car autrementil fembleroit avoir eu moins de raifon (13) S-I-iT.desRois.ch. 11.
|
||||
I. Pah tie. Llv. Vll. 317
de la refufer. Mais en ce fens il eft----------
tout a. la fois la figure & le modele I<J4J«
de ceux qu'on veuc forcer de renoncer a la verice •, & ils doivent dire avec la meme fermete que Naboth : a Dieu he plaife que je vous abandonne l'he- ritage de mes peres; Propitius jit miki Dorninus , ne dan hereditatem patrum meorum tibi. Quelques uns vouloient lui perfua-
der de le prefenter au confeil de M. de Paris , la Mere Angelique fin de ce nombre , difant qu'il lui fembloit toujours bon de s'humilier. » Pour » vous , lui repondit M. de S. Cyran, 3> qui ctes dans cette difpofition , &c j> qui n'engageriez en rien l'honneur 5> de la verite, vous le pourriez fake; » mais pour moi, je me briferois de- 3j vant Dieu (ce terme lui etoit fa- » milier ) (1 je le faifois ; & il ajouta » d'un air riant , Ne vous mettez pas .» en peine : fi Dieu m'a fait la grace ,y de venir a bout d'un Cardinal qui M etoit puiflfant, je viendrai aufli-bien „ a bout du confeil de M. l'Arche- „ veque. Cependant l'orage grofllflbit , on
parloit de remettre M. de S. Cyran en prifon , & le tonnerregrondoit dcja jufques fur P. R. ou Ton vouloit |
||||
32S HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
|
|||||||||
i6i$,
|
faire faire une vifire, & interroger"
|
||||||||
les Religieufes, rant fur les inftruc-
tions que leur avoit donnces M. de
S. Cyran , que fur les papiers qu'elles
pouvoient avoir de lui. On ne les
menacoit des-lors de rien moins que
de dilliper leur monaftere , 5c de leur
dormer d'autres Con fe (Terns. Quant
aux papiers , il leur etoit refte jufqu'a-
lors quelques caflettes de memoires
concernant le grand ouvrage de M.
de S. Cyran , qui les retira. La Mere
Angelique efTrai'ee de ces bruits, lui
ecrivit touchanr la peine oix elle etoit,
& la penfee qu'elle avoit de repondre
a tout , le plus humblement qu'elle
pourroit. M. de S. Cyran , pour l'inf-
truire la-deflus, & la mettre au fait
de ce qu'il avoit dit auparavant, lui
ecrivit la lettre fuivante , qui n'aparu
pour la premiere foisqu'en 1738 dans
les Memoires de M. Lancelot.
xxi. w Ma Mere, tout ce que vous m'a-
tTcyt^i » vez ecrit eft tres fage & tres rai-
la Mere An- „ fonnable , & vous ferez bien de le
«nouveUe-e" fuivre en cette rencontre, puifque
menc de la „ c'eft votre difpofition. Pour moi,
,) quand je vous ai pane de la forte ,
» j'ai fuivi la mienne , obeifTunt aux
» mouvemens que fai cru venir de
m Dieu , & je ne faurois m'en repen-
|
|||||||||
I. Part ie. Liv. Vtl. 319
»> tir. M. Bignon que Ton accufe » d'etre un peu craintif, nelaiflapas » de me dire hier chez lui qu'il ad- » miroit cette perfecution, &c qu'il » en fentoit une nouvelle paffion con- » tre ceux quil'excitoient, & contre » le fiecle meme qui fait voir en cela » fa corruption. Je laifTe le tout en » la main de Dieu qui ne trouvera » pas mauvais , a mon avis , fi aprcs » avoir repondu une fois humblement, » je fuis peut-etre plus eleve dans le » fecond interrogatoire , qui ne de- » vant ctre que le premier pour vous, » vous oblige peut-etre , tant pour » cela que pour les autres raifons que » vous alleguez a une plus grande « moderation. Ce qui me confole , » c'eft qu'il y a des elevations qui font jj humbles , & des humiliations qui » font elevees. Il faut prier Dieu qu'il » nous humilie, & qu'il nous perfe- » cute beaucoup s'il le trouve bon. » Tout ce qui me fait de la peine , „ c'eft l'ignorance de ceux qui pren- » nent pour des erreurs les plus gran- » des verites de la Religion. C'eft » pourquoi vous pouvez dire aux oc- ,, cafions , fi on vous queftionne fur » mes cents, que je les ai retires , » comme j'ai prie M. Singlin de le |
|||||
\
|
|||||
?JO HlSTOIRE DE PoR.T-tt.OlAr.'
» faire. Il n'y a qu'une feule chofe *
» ou je ne fuis pas de vocre avis, qui » eft que je crois que les foibles font » plus a craindre quelquefois que les » medians. Dans la perfecution que » ceux qui font morts m'ont faite , » j'ai trouve quelque lieu araifonner, " car ils avoient quelque connoiflance » des matieres •, ce queje n'efpere pas " trouver dans les vivans. Dieu leur » fafte mifericorde. Je tiens a grande » faveur qu'il ait plu a Dieu de me » faire perfecuter pour la verite Sc " pour la charite. Je ferois marri que " cela ne fiat point, &c je me fens " une fi grande liberte a cette heure , " que je voudrois qu'ils vinffent au- - jourd'liui plutot que demain; Sc " s'ils me faifoient un plus grand " mal que celui dont ils me mena- » cent, il me fetnble que j'en ferois » encore plus aife, pourvu qu'ils me » delivraftent de la perfecution en » me perffcutant une fois pour tou- " tes plus fortement qu'ils ne font. » Je ne vous verrai point que cette » tempste ne foit pafTee. Je falue la » Mere Agnes , & je me fouviendrai » de toutce qu'elle m'a recommanue t. dans fa lettre. Il faut priet Dieu en » general & en pardculier, Sc ii eft |
||||||
I. Par.tie. Llv. VII. 331
>i necelTaire de faire de bonnes ceu- » vres. C'eft l'avis de l'Ecriture 8c » de tous les Saints, qu'il fauc aug- » menter fes bons cxercices en de" celles » occafions , & ajouter, s'il fe peut, » des afflictions voloncaires aux ne- 7, ceffaires. Si en telle occafion votre » monaftere pouvoit etre renverfe de » fond en comble, & que vous fuf- » fiez tranfportees aillcurs, ce feroit » pour moi une moindre affliction » que le renverfement de votre dif- » cipline , qui eft le plus grand mal » qu'ils vous puifTent faire en vous » donnant d'autres Directeurs. Je fais » bien ce que je penfe , & quoique » je fois indifpofe , & que je dorme, » fort peu , je me fens avoir quelque » fecrete vigueur pour l'empecher » avec force , fi j'erois auffl-bien au- m torife par la loi , comme je le fuis, » fi je ne me trompe , par la juftice &c » la difpofition de mon cceur. La pofterite admirera fans doute ce feu divin qui faifoit parler ce ferviteur de Dieu ; feu beaucoup plus eftimable que celui que lui a attribuc le celebre Jufte Lipfj , puifqu il n'etoit queftio* alors que des lumieres & de la vjvacite d'efpL-i':. " Pour moi, dit M. Lance- „ lot, il me femble que j'entends un |
||||
5 5i HistoiRE de Port-roi'al.
"Tfiij. » de ces premiers martyrs del'Eglife*
» qui ne refpire que de fouffrir pout i, Jefus-Chrift & pour fa verite. Il » n'eft pas moins genereux apres cinq » annees de captivite qu'il l'etoit au- » paravant. L'on voit ici jufqu'ou » alloit fa vigueur , puifque non- » feulement il temoigne d'etre prct » de retourner en prifon , comme on » Ten menac,oit, mais encare de don- » ner fa vie (14). xxii. L'orage qui venoit de s'elever , n'eut juiipc. pas de luite. II tut bientot appaile par
les foins de M. le Prefident Mole'& de M. de Chavigny. Le premier emploi'a tout fon credit aupres de la Reine re- gente pour M. de S. Cyran. Il lui die qu'il avoit repondu de ce grand hom- me au feu Roi, & qu'il en repondoit encore a. Sa Majefte. Le fecond ne craignit pas de le frequenter Sc de le venir voir chez lui : ce qui porta un jour ce pieux Abbe a lui en faire une efpece de reproche. » He comment , » dit-il , vous ofez venir ici fans » craindre d'etre enveloppe dans la " tempete lorfqu'elle recommence t M. de Chavigny l'afliira que la lachete de ceux qui recommen^oient a le trou- bier, etoit pour lui un puiffant motif (M) Lane. Tome I. page 137.
|
||||
I. Partie. Liv. VII. 333
de lui temoigner plus que jamais fon "
eftime 8c fon amide. Dieu fe contenta de la bonne vo-
lonte de fon ferviteur. M de S. Cyran profita du calme pour continuer fon ouvrage : cependant le terns appro- choit ou Dieu avoit refolu de mettre fin a fes epreuves & de couronner fa patience 6c fes travaux. Avanc que de l'appeller a lui, il lui donna la confolation de voir paroitre un ad- mirable ecrit qui etoit a. proprement f>arler fon apologie > 8c une preuve de 'amour qu'il avoit pour ce fidele fer- • viteur. Il femble meme que Dieu lui ait fait prevoir 8c predire la conduite qu'il devoit tenir fur lui dans cette occafion. » C'eft une marque > dit M. de S. Cyran dans un de fes points fur la mort, de l'amour de Dieu en- „ vers un homme , lorfque apres avoir » etc long-tems perfecute 8c calom- ,-> nie, il permet que fa foi & fon » innocence foient enfin reconnues par „ quelque ecrit considerable ou par ,> quelque rencontre fignalee. Si apres ,, que la foi de cet homme aura ete „ juftifiee , Dieu le retire du monde, „ il doit prendre cela pour une mar- „ que de bienveill'ance encore plus „ grande envers lui. C'eft precife- |
||||
3$4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
ment ce qui arriva a M. de S. Cyran.
Apres avoir ete long-tems perfecute & calomnie, Dieu lui rendit la li- berte & permit que fa foi & fon in- nocence fuiTem reconnues par le livre de la frequente Communion quiparut au mois d'aotit 1643 , deux mois avant la mort de M. de S. Cyran. Cet ou- vrage approuve par un grand nombre d'Eveques , a pour objer principal de dcfendre les verites fur lefquelies on avoit voulu rendre fufpedbe la foi de ce favant Abbe. La fanre de M. de S. Cyran avoit
ete entierement ruinee par fa prifon & diminuoit de jour en jour. Il etoit fi foible qu'il nepouvoitfe renir debout. Huit jours avant fa mort, M. Lancelot alia chez lui pour le voir & lui rendre compte du fermon du P. Nouet Je- fuite , ou on 1'avoit envoi'e pourremar- quer ce que diroit ce Predicateur, qui declamoit en chaire contre le livre de la frequente Communion ; mais il etoit a incommode qu'il ne put lui parler. M. Lancelot y retourna le jeu- di 8 oftobre, & le trouva fort mal j neanmoins il n'etoit point oifif, fe fai- fant un devoir de pratiquer ce qu'il enfeignoit quelquefois aux autres, Jiamem mori opor;et. M. de S. Cyran |
||||
I. Parti e. Liv. Vll. $55
iui demands d'ou il venoit ; & fur ce qu'il repondit qu'il venoit de chez M. Menard Chirurgien pour un mal qu'il avoir au genou , „ Vous etes trop » heureux, lui dit-il , fi Dieu com- » mencea vous aftliger. Il lui demanda des nouvelles de M. de Bafcle qui etoit tres malade ; M. Lancelot lui parlade l'etat oil il etoit & des remedes qu'on lui faifoit prendre Sc fe retira. M. de S. Cyran etoit encore debout a. fix heures du foir le 1 o du mois. Ildic- toit a M. des Touches la fuite des points fur la mort (ij), lorfque fon Domeftique entra pour lui faire pren- dre un remede. Ce Domeftique pen- fant bien faire, y avoit mis un peu de fel pour le rendre plus fort; en Is donnant, il en laifla tomber quel- ques goutes fur la plaie qu'on lui |
||||||||||
fij) Quoique M. de S.
Cyran fe fut toujours difpofi a la mort, il y avoit quelques annecs qu'il lc faifoit plus particulie- rcment en diSant tous les jo.irs deux ou trois pen- fees fur la mort & fur la pauvreri. Il en envoia durant fa prifon a M. Lancelot , & depuis fa liberte, il voulut en faire pcrire la fuite k M. des pouches. Les points fir la |
mort ont he imprimis
plufieurs fois a Paris en un volume i'.-n fousce titre : Considerations Cbre- tiennesfur la mort; on lej a ranges fous ifij cities, & on y a joint quelques autres petits trakes fur le meme fujet, A regard des points fur la pauvrete, ils fe trouvent prefque tous dans le III Tome des Let- tres imprimees a Lyon en |
|||||||||
3 3<? HlSTOIRE t>i PoRT-ROlAL.
avoit faite , a caufe des hemorro'ides
ou on avoit porte le rafoir : l'acrete du fel caufa au malade les plus vives douleurs , &c lui donna lieu de prati- quer ce qu'il die dans un de fes poinrs : » Si un Chirurgien nous faigne mal i, &c nous fait mourir, il ne faut pas » dire que e'eft lui qui nous tue, mais » que e'eft Dieu qui s'eft fervi de lui „ pour le faire > & adorer celui fans „ l'ordre duquel il ne tombe pas un „ cheveu de la tete. x x n i. Le Dimanche 11 du mois , on vint FindcM.de j;re ^ p> R que M. de S. Cyran avoit .Cyran. v 1 . - J
eu une tres mauvaile nuit. M. amglin
s'y rendit auffi-tot, & jugea qu'il etoit terns de procurer au malade les der- niers fecours de l'Eglife.Il lui demanda s'il ne fouhaitoit pas que Ton fit ve- nir M. le Cure.M. de S.Cyran repondit qu'il le defiroio avec ardeur. Alors M. des Touches alia avertir M. le Cure, qui apporta lui-meme les Sacre- mens. Le malade les recut avec une piete & un recueillement (16) qui edi- (i«) Les Jefuites ne laifli- » de ce mois,l'Abb£ de S.
rent pas dedebiter que M. » Cyjan malade depuis
de S. Cyran etoit mort » quelques jours mourut
fansrecevoirdeSacremens » id d'apoplexie, apres
quoique la gazette de Fran- » avoir recu le faint Via-
ce eut atteftee le contraire j) tique avec une piete di-
lefamedi fuivant n. odt. ,> gne de fon eminente
en ces Mimes: « L'onzieme ?; rertu, &c. Lacalomnie
fierent
|
||||
I. Partie. Liv. VII. 337
fierent les affiftans. Cette fainte a&ion
fut fuivie d'une grande heure de repos, pendant laquelle Dieu lui conferva toute fa prefence d'efprit. Il emploYa |
||||||||
habile Medecin , qui af-
fura que c'etoit une chofe prefque fans exemple. Mais les Jefuites font ils excufables d'avoir debite ce bruit par-tout, de forte que M. le Prince alia lui-meme trouver M. le Cure de S. Jacques du haut Pas pour s'afTurer du fair, 8c apprir de lui qu'il avoit adminiftre lui-meme les Sacremens aM.de 5. Cy- ran 8c qu'il les avoit recus avec beaucoup de piete ? Sont-ils excufables , lotf- que , forces de convenir que M. de S. Cyran avoir recu le faint Viatique, ils debiterent qu'il l'avoit recu fans s'etre confeflfe auparavant, de forte que M. Singlin fut oblige de donner un certificar da contraire a M. 1'Archeve- que, qui voulut en etre eclairci. D'ailleurs pour- quoi faire un crime a un faint homme, qui vie dans la piete, la rettaite , les bonnes oeuvres, 1* meditation de la mort, dene.s'etre point confeifir avaat que de recovoir le faint Viatique ; Ont - ils des preuves qa'il avoit be- foin dele faire! P
|
||||||||
fembloit avoir quelque
fondement ; parceque M. Guerrin , le Medccin des Jefuites 8c celui de M. de Saint Cyran , l'aiant vu entre fix 8c fept hemes en apoplexie s'en etoit alle , croiant qu'il n'y avoit rien a faire; 8c etant revenu fur les onze lieures comme il venoit d'cxpirer , il fe retira fans s'informer de ce qui pou- voit etre arrive, &c alia annoncer aux Jefuites la nouvelle de cette mort. lis lui demandetent de quelle maladie il etoit mort, 8c s'il avoit recu les Sacreraens; le Mcde- c'm repondic qu'il ne croioit pas qu'il les eut tecus, parce qu'il l'avoit vii le matin en apoplexie. Ce McJecin pouvoit etre excufable , parcequ'outre qu'il ne favoit rien du boil intervalle qu'avoit cu M. de S. Cyran , a la faveur duquel il avoit re<;u les Sacremens, il etoit encore en droit, felon les tegles de fon att de ne pas foup- conner qu'il y eut eu un tel intervalle , d'autanr que cet intervalle fut re- garde comme une efpece de miracle par M. Palu Tome II.
|
||||||||
338 HlSTOIRE DE P0RT-R.OIAL.
ces momens a repandre fon cceur en
actions de graces, pour le bienfaic ineftimable qu'il venoit de recevoir. Enfuite il retomba dans l'apoplexie, qui enfin le conduifit au tombeaii. C'eft ainfl que s'eteignit cette lumiere fi ardente 8c fi brillanre en Ifrael ; c'eft ainfi que s'endormit paifiblement dans le Seigneur cet homme vrai- menr apoftolique , ce zele defenfeur de la. foi, ce vengeur intrepide de route verite, cet ennemi irreconci- liable des corrupteurs de la morale , & des profanateurs des chofes faintes. Sa memoire fera a jamais en bene- diction parmi ceux qui, comme lui, aiment tendrement 1'Eglife , & qui gemiflent avec cette chafte colombe fur toutes les abominations qui fe commettent jufques dans le fanftuaire, Bienheureux ceux qui l'ont vu, 6c qui ont eu part a fon amitie, parce- qu'elle n'avoit que la charite pour principe, & pour fin la gloirede Dieu, &c le ialut des ames. Cette morr pre- cieufe aux yeux du Seigneur arriva le 11 d'oftobre fur les onze heures du matin. Le deuil & la triftefte fucce- derenr trop tot aux tranfports de joie qu'avoit caufes la liberie de ce faint |
||||
I. Partih. Liv. VII. 539
hotnme. Mais il femble que Dieu ne 1641.~ l'avoit tire des fers , que pour cou- vrir fes ennemis de conf'ufion , & pour donner a fes amis la confolation de le voir mourir entre leurs mains , & de lui rendre les derniers honneurs. Monfieur Lancelot apprit pref- MX?IV-
qu'auili-tot la mort de M. de S. Cyran : eft gUcri pai il etoit dans ce moment avec Mef- )jf"ou,che"., fieurs de la Brouche & de Bafcle , pour de m. "/'I! qui cette nouvelle fut comme un coup cyriU1, de foudre qui les terraffa. M. Lancelot ne pouvant les confoler, les laifla par terre , & courut a la chambre du grand homme qui venoit d'expirer. II fut bien etonne , lorfqu'un inftant apres, it vit d'un coin ou il s'etoit retire, entrer les deux malades qu'il venoit de quitter; mais ce qui le furprit d'a- vantage, fut de voir M. de Bafcle qu'il ne croibit pas en etat de pouvoir fe remuer , marcher, s'approcher du lit deM.de S. Cyran, decouvrir fes pies, les baifer , puis en mettre un fur fa tete , demeurer quelque terns en ptie- res • fe retirer lui-meme fans peine , plein de force & de vigueur, enfin gueri d'une maladie fi longue & fi facheufe que les remedes ne fai- foient qu'irriter le mal. » Je crois, Pij
|
||||
34° HlSTOIRE DI PoRT-ROlAt.
» dit M. Lancelot, (17) temoin oca-
» laire de cette merveille, que e'etoit „ deja un commencement de miracle, „ & un effet de fa foi d'avoir pu venir » de fi loin avec fes potences , lui » qui ne pouvoit feulement pofer la >, plante des pies a. terre , fans en m 'reflentir une extreme douleur. Mais » quand il eut fait toucher fa tete » aux pies de M. de S. Cyran , il fe „ fentit fi fort qu'il n'eutplus befoin u de potences. Ce que tout le monde >, jugera fans doute etre une marque „ tres fenfible de la faintete de ce „ grand ferviteur de Dieu. On ouvrit fon corps le lendemain
de fa mort. M. Lancelot fe rendit mai- tre de la chambre, 011 pour eviter la confufion , il ne laifla entrer que les perfonnes neceflaires : laplupart des reliques qu'on a de M. de S. Cyran , ont etc menagees par les foins de ce digne difciple du faint Abbe. Il fit tremper quantite de linges dans fon fang , & prit le cceur que M. de S, Cyran avoit donne par teftament a M. d'Andilly fon ami intime , a condi- tion qu'il fe retireroit du monde. M, (17) Lancelot, Tome I. premiere Partie, pag. tj».
*53. ~ |
||||
I. Partis. Liv. Vll. 341
d'Andilly vouluc depuis qu'il fut con-
ferve a P. R. des champs. Ses entrail- les furent enterrees a P. R. de Paris , pour farisfaire la devotion de la Mere Angelique qui demanda aum" la che- mil'e , dans laquelle il etoit more. M. Lancelot garda la partie fuperieure du teft pour la mettre entre les mains de M. de Barcos fon neveu qui l'a depuis donnee a P. R. Il en envoi'a un morceau au monaftere de la Vifi- tation de Poitiers que M. de S. Cyran avoit pris foin de former des fon eta- bliiTement. M. le Maitre etant arrive le lundi au foir , lorfque le corps etoit deja dans le cercueil de bois , & gar- de dans la falle par un Ecclefiaftique, il demanda fes mains ; » ces mains , » difoit-il » routes pures & toutes « faintes, qu'il a n fouvent levees n vers Dieu , qui ont tant ecrit de » verites & qui combattoient encore » pour l'Eglife lorfque Dieu l'a ap- » pelle (18). Malgre les obftacles qui {iaroi(Toient s'oppofer au defir de M.
e Maitre , M. Lancelot trouva moi'en de le fatisfaire. Il coupa les deux mains > les mit proprement dans une boete preparee pour cet efFet, 8c les Xig; Ibid, page i;y.
P iij
|
||||
541 HlSTOIRH DE PoRT-Ro'lAt.'
" 1643. porta le lendemaina la Mere Ange-
lique , qui les re^uc avec beaucoup de refpedt & de joie. L'enterrement fe fit le mardi ij
d'octobre aonze heures du matin dans 1'Eglife de S. Jacques du haut Pas fa ParoiiTe, oil il fut inhume dans l'en- ceinte du fancluaire du cote de l'E- pitre avec cette Epitaphe : xxv. Non erit tibi Deus Vous n'aure^ point
Spkaphe fur recens : non erit de Dieu nouveau : Je tombeau .... ,
de m. de s. tibi Veritas re- vous n aure^point
cyaa. cens. de ve'rite nouvelle. SIC JACET CI G Z T
Dominus Johannes Meflirc Jean da
Vereier de Haurana , Vernier de Hauranne
Abbas S. Sigiranni ; Abbe" de S. Cyran ,
qui raro jidmodum qui pat une merveille
exemplo , hum'dhatem qui a peu d'exemple ,
cumfublimorifcieriuA a fu joindre une pro*
conjunxit; qui cum fonde humilit^ a une
ardentijjimo \elo pro haute fcience ; qui
unitate Ecclefia, tra- aiant toujours eu ua
ditione Patrum , & zele ardent pour l'u-
verhatibus quas ab nitd" de 1'Eglife, la
antiquis acceperat,fla- tradition des Peres ,
grajjet, poflquam ex- & les ve'rite's qu'il avoic
pit calamum ftringere apprifes de l'antiqui-
adverfus hareticos hu. tl , lorfqu'il avoir.
jus temporis , pro de- commence a ecrirc
fenjione Ecclejice ca- contre les heretiques
|
||||
I. P A R. T I E. L'lV. VII. J 4J
iholictz , eui unice ad- de ce tems , pour la , dittus erat, diem fuum defenfe de l'Eglife l 43* obiit totlus Cleri Gal- catholique, a laquellc Heard &• omnium pro- il etoit uniquement borum mcerore I1 o£lo- attache , eft mort re- bris 164} ,fu<z xtatis grette de tout le Cler- ks, ge de Trance, & de tous les gens de bien , ' le 11 d'octobre 1645 , en la 6 ie annee de Ton age. Veritas, Caritas , Verite, Charite, Humil'uas. Humiliri. Les funeraitles de M. de S. Cyran ,.XXVI-,
furent des plus honorables qu on eut ae m. de s. faites depuis long-terns a un Particu- cxran- Her dans Paris. Un nombre de per- fonnes de routes fortes de conditions fe firenr honneur d'y aflifter. Six Eve- ques accompagnerent le corps. M. de Caumartin Eveque d' A miens officia. M. de Sourdis Archeveque de Bour- deaux y aflifta avec les Eveques d.e Valence , de Calcedoine, d'Aire, le Coadjuteur de Montauban, & quel- ques autres Prelats (19). lis voulurent rendre un temoignage public de l'ef- time qu'ils faifoient de la fcience &c de la piete de M. de S. Cyran. Plu- fieurs Princefles s'y trouverent, entre autres Louife Marie Gonzague de Man- <i >) Ibid, page" ij8 8c fuiv.
P iiij
|
||||
----------------------------
|
|||||||||||
344 HlSTOIRE CE PoRT-ROlAl..
----------roue , qui epoufa en 164 5 le Roi de
l643» Pologne. Cette PrincelTe attiree par la
grande reputation de M. de S. Cyran , avoit refolu peu de terns auparavant de fe mettre fous fa conduite ■, & elle ctoit venue le 7 odtobre a P. R. pour en conferer avec la Mere Angelique , mais la mort de ce pieux Abbe arri- vee quatre jours apres , l'ai'ant empe- che d'executer fondeflein ,ellevoulut au moins affifter a fes funerailles fans y avoir ete invitee (10). M. Vincent |
|||||||||||
&
|
ne pouvant affifter a renterrement de
|
||||||||||
M. de S. Cyran, avoit ete un des
premiers, qui fans rien croire de ce que les Jefuites avoient publie, alia rendre au defunt dans fon logis les derniers devoirs , en lui donnant de l'eau benite. Il vifita enfuite M. de Barcos , & lui temoigna qu'il defiroit lui continuer 1'amitie qu'il avoit eue |
|||||||||||
(is) Il n'eft point vrai faveur duquel elle ecri-
que cette PrincelTe ait ete vit A Alexandre VII. Elle
elevee a P. R, comme le fut jufqu'4 la mort en
<lit l'Auteur de la preface commerce de lettres avec
du Neciologe. Mais elle y les Meres Angelique &
avoit un appartement 8c Agnes. Voiez le Necro-
s'y retiroit quelquefois. loge , page ij8. la pre-
Depuis qu'elle eut et^ cou- miere Relat. de la prem.
lonnee Keine de Pologne Part. T. I. p. 140, & la
en 164s , elle continua prem. Rel. de la feconde
d'etre liee d'amitie avec Partie, Tome II.
lemonaitere de P. R. en |
|||||||||||
I. PAR.TIE. Llv. VII. 345
J>our fon oncle , &c qu'il etoit difpofe hSjli. '
a lui en donner des marques en tou-
tes fortes d'occafions. Peu de tems
apres il lui porta la nouvelle de la
nomination que la Reine en fon Con-
feil, duquel il etoit, venoit de faire
de lui a l'Abbai'e de Saint Cyran (n).
Cela prouve que ce bon Pretre etoit
bien eloigne de croire que M. de S.
Cyran fut mort dans l'herefie. On peut
voir la deflus le chapitre 8 de la De-
fenfe de M. Vincent.
Un Eveque de France, M. de Netz
Eveque d'Orleans, indigne" des ca- lomnies que les ennemis de M. de S. Cyran debiterent contre lui apres fa mort, en ecrivit eh ces termes a un (lO Plufieurs perfon- Juvois-je pat bien ^ueI'Ab-
acs s'intereflerent pour be it S. Cyran avoit tin faire donner l'Abbai'e de neveu qui ctiit un hommt de S. Cyran a M. de Barcos , merite. Puis elleajouta, fur-tout M. de Chavigny. Cr qu'au'oit dit M. d'An- qui I'emporta trulgre les dilly > fi je t'avoit donne'e iollicitations puifTantes des a un mtlre. M. de Barcos Jefuites qui hrent tout ce ne fe donna aucun mou- qu'ils purent pour 1'empS vemenr, & dit apres fa cher, jufqu'a dire, comrne nomination, qu'il y con- on l'a fu de la propre bou- fideroit non le revenu qui che du Cardinal Mazarin n'etoit pas fort grand, chef du confeil de la mais l'bonneur & l'ap- Reine , qu'il auroit mieux probation qui etoit ren- valu lui donner une autte due a la memoirede fon JVbbaie de joooo liv. de oncle par l'autorite de rente- Quand M. de Cha- la Reine reprefentant le ■viuny alia rcmercier la Roi, & par celle de fes Rcine, elle lui die: He MiniftreJ. P V
|
||||
34<? HlSTOIRE DE PORT-Ro'lAI.'
autre Prelat. » J'ai bien eu du regret |
|||||||||
1043-
|
|||||||||
» de la perce deM.de S. Cyran. Cer-
j) taines gens (les Jefuites) l'ont » voulu faire mourir en athee. Je » vous laitfe a penfer , fi Meflieurs » les Prelars euflent affifte a fes fu- » nerailles , s'il avoir fini de cette » forte. Voila comme l'envie & la » rage.paflent dans les fepultures. Les » gens de bien favent tout le conrrai- » re, & que l'Eglife &c notre ordre » ont fouffert en cette mort une perte, » infupporrable 8c irremediable (i i). MXd7Bour. A la fin de Ia ceremonie, M. l'Ar-
deaux propo- cheveque de Bourdeaux , qui etoit ex- fe de faire e- tr^mernent genereux , & qui reeret- rigerunmo- . &i fin vP
nument a la toit beaucoup la perte que 1 fcglile ve-
MtT^Cy-"0" de k*ire Par la m°rt de M* de
isa. S. Cyran , dit qu'il falloit porter le
Clerge a donner les treize mille li-
vres qu'il avoir autrefois fait offrir a Aurelius , pour lui faire un fuperbe tombeau , fur lequel on pourroit, ajouta-t-il , mertre une Renommee avec une ttompette , d'ou fortiroient ces deux mots , Petro Aurdio. Ce que M. de Bourdeaux propofoit, fut bien eloigne d'etre execute, parceque les affaires fe brouillerent avant que l'Af- (ii) Mem. du Foff. liv. i. cb.7. page S4 , itm,
ch. 1. |
|||||||||
I. Fa k. tie. Liv. Vlh 347
|
|||||
femblee put fe tenir. Au refte M. de 164}.
S. Cyran s'eft eleve lui-m&toe par fa fcience & fa piete , ou plutot la grace de Jefus-Chrift lui a ele^e dans tout ce qu'elle a fait en lui & par lui , des trophees plus durables &c plus glorieux a fa memoire , cjue tous ceux que les hommes pouvoient lui eri- ger. Ces raonumens glorieux &C qui ne {>eriront jamais, font fes folides ecrits ,
es grands fervices qu'il a rendus a 1'Eglife, fes travaux pour la defenfe de la verite , fa foi ferme , fofl efpe- rance inebranlable , fon irornenfe charite, fon zele pour le falut du pro- chain , & routes fes grandes qualites du cceur & de l'efprit qui le feront toujours regarder comme un des plus grands hommes qu'ait eus l'Eglife de Dieu. La meme annee que mourut M. de ^J^'d,
S. Cyran, la mort enleva un grand kcroixfoh- penitent qu'il avoit envoie a P. R.taireip- *» trois ans auparavant. Il fe nommoit Charles de la Croix (14). Apres avoir pafle fa jeuneffe dans routes fortes de defordres, Dieu , qui eft riche en mi- fericordes, lui ouvrit tout-d'un-coup les yeux. Un matin, au moment qu'il (14) Nicr. i8nov. p. Lane. T.II. p. 340.
■440. DuFof.l. i.eh. j.p.4f. P Vj
|
|||||
>48 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
"1643. ^e *eVoit 3 ie Seigneur le toucha de
cette t^ain puiffante qui tire les morts da to^beau s & lui infpira un fi vif penitence , que des l'inf- tant il entra dans les exercices & les aufterit^s Jes pius grands & des plus humbles penitens. C'etoit l'ceuvre de Dieu feul) qU'il opera fans l'entre- mife d'aucun homme fur un pecheiir qui n'avoit jamais entendu parler de penitence , 8c qui ne favoit ni lire ni ecnre. L'efprit qui l'animoit lui don- na des mouvemens fi puififans pour la penitence, qu'il pafTa une annee en- tiere dans un grenier , ou il montoit par Une echelle qu'il reciroit enfuite a »ui , arm que perfonne n'allat in- terroi^pre fa folitude. La il vivoit de pain & d'eau , travaillant de fcii me- tier de Cordonnier , couvert d'un cili- ce , ne forrant que pour aller a lafainte Mefle, pleurant prefque fans ceffe , couchant tout vetu fur le plancher , & benifTant continuellement Dieu de la mifericorde qu'il lui faifoit. Mais ce qui eft de plus remarquable , dit M. Lancelot, c'eft que le Maitre chez qui il demeuroit etant venu a mourirs & fa veuve etant tombee dans la ne- ceffite, il fe mit a travailler jour & nuit avec une affiduite infatigable |
||||
I. Part ie. Llv. VII. 349
pour la nourrk elle 8c fes pedes en- fans. Apres qu'il eut ainfi pafle la pre-
miere annee de fa converfion, Dieu vouluc lui procurer un Ananie dans la perfonne d'un ptifonnier qui por- toir des chaines pour fon nom. Un des Gardes de M. de 5. Cyran lui aiant parle de la vie edifiante de ce peni- tenr qui etoit fon neveu , le faint Abbe defira de le voir & de l'entre- tenir. II en fut edifie; & apres 1'avoir inftruit pendant quelque terns des ve~ rites de l'Evangile, il lui confeilla de fe retirer a P. R. out il alia en 1640 , & fervit utilement la maifon dont il fut un des premiers domefti- ques. M. le Maitre & M. de Seri- court, qui faifoient alors valoir les biens del'Abbaie de P. R. des champs, demandoient inftamment a Dieu qu'il leur envoiat pour les aider , des Do- meftiques qui fulfent a lui. Ainfi on peut remarquer que la Providence commence a fitisfaire leurs defirs , en envoiant Charles de la Croix dans ce defert, & d'auttes encore qui don- nerent les plus grands exemples de piete &c de defintereflement. Notre penitent continua fon meme
genre de yie a P. R. excepte qu'il |
||||
J 50 HlSTOIIie DI PoRT-RCUAt.
couchoic fur des ais couverts d'une
natte, mangeant plus fouvent du pain des chiens que de celui des pauvres , pratiquant une humilite fi profonde & ai'ant un fi grand mepris de lui- meme , qu'il fe jetcoit a toute heure aux pies des folitaires , fe plaignant qu'il ne pouvoit mourir a lui-meme. II travaitloit pour le fervice de la maifon avec tant de fidelite, de zele & d'afliduite, qu'il ne dormoir jamais en gardant les fruirs pendant la nuit. II difoit fouvent que les ruines & les mafures de P. R. lui paroiffoient plus riches & plus precieufes que les Palais des Rois. Des-lors il temoigna a quel- que perfonne, comme par tin prerTen- timent de l'avenir, que Dieu feroit un jour rebatir dans le dortoir les cellules qui etoient abbattues, & qu'il vouloit etre fervi dans ce lieu. Qnoiqu'il eut naturellement un efprit fort borne , & qu'il fut tres ignorant, on remarquoit en le pratiquant, qu'il 6toit tres eclaire par la lumiere de la grace, qui lui faifoit comprendre fans i>eine & avec une vive confolation,
es plus grandes verites du Chriftia- nifme & les plus excellentes fentences de l'Ecriture. II etoit ravi lorfqu'on lui en traduifoit quelques-unes en |
||||
I. P a a t i e. Liv. VIH. 351
Francois \ mais jamais il ne le deman- doic , fe jugeant indigne de la con- noiflance de fi faints myfteres. Dans fa derniere maladie, qui etoit une pleurefie caufee par l'excls du travail, il pria celui qui avoit foin des mala- des de ne le point natter dans fes mau- vaifes humeurs, & de le ranger merne a fod devoir a coups de baton, parce- qu'il etoit, difoit-il, trop indocile pour fe rendre aux fimples paroles ou remontrances. Il foufFrit fes douleurs pendant dix ou douze jours avec une patience vraiment chrctienne, repe- tant fans cefle ces paroles : Jefus, Filt de Dieu , a'iez. pitie de moi ; & frap- pant fa poitrine avec tant de ferveur & de violence, qu'il s'enfonga dans la chair une croix qu'il portoit fur fon cceur (15). J'eus le bonheur de „ l'affifter a la mort, dit M. Lancelot, » & il me fouvient qu'il me difoit »> toujours : lie mon Dieu ! quon me >» reporte mourir dans ma petite cham- „ bre, &fur les ais ou/ai accoutume „ de coucher. M. le Maitre auroit ete d'avis qu'on eut fuivi fa devotion , mais le Medecin , qui etoit Monfieur Palu , s'y oppofa. Le malade a'iant les yeux toujours attaches a un cru- (zj) Ibid, page 3^1.
|
||||
J51 HlSTOIRE DF. PoRT-ROlAt.
'cifix, qu'il avoir fait rnettre devant
lui , ne cefla jufqu'au moment qu'il rendit l'efpnt , d'implorer la mileri- corde de Dieu avec la componction & l'humilire d'un vrai penitent , joinres a une paix & une rranquillire encore plus grandes qu'il ne les avoir eues depuis la conversion. II mourut dans ces fainres difpofirions le 28 novembre 1(345 > ^g^ de 26 ans, 8c fur enrerre devanr la porre des Sacre- mens avec une epiraphe faire par M. Hamon. |
||||||||||||||||
**>43«
|
||||||||||||||||
XXIX.
|
Le 23 du mois fuivanr, la mort
|
|||||||||||||||
Mott de la enleva a l'age* de 28 ans, la Sceur
rinedesaime^^6"116 de ->ainre Agnes , 1 ainee |
||||||||||||||||
dflly.
|
d'An-des filles de M. d'Andilly. Des l'age
|
|||||||||||||||
d'onze ans elle avoir ere mife a P. R.
pour erre elevee fous les yeux de fes refpectables rantes. Elle y fit bientot connoirre fon bon efprir & fon bon narurel. A l'age de quinze ans elle enrra au noviciar en 1630 (16), & embrafla avec une ferveur exrraordi- naire routes les prariques de la regie, & rous les moi'ens de s'avancer a la perfection. Mais la violence qu'elle fe fit, epuifa fon temperamment foi- ble & delicar, & la jerra dans des (i«) Mem. Tome H. ibid. Tome III. feptiem*
Relation dome, p. 57, Relation, page 450. |
||||||||||||||||
I. P ARTIE. Liv. VII. 35}
infirmitis qui devinrent fans remede. Elle continua cependant a faire de nouveaux progres dans la vertu. » Son » humilite la portoit a s'humilier fin- » cerement des fautes les plus lege- » tes. La defiance qu'elle avoit d'elle- » rneme, faifoit qu'elle ne s'appuioit » que fur la force qu'elle tiroit de la » grace toute - puilfante, & de la » conduite qu'on tenoit a fon egard, „ & a laquelle elle fe foumettoit avec » beaucoup de fimplicite. Elle de- meura plufieurs annees au noviciat comme novice , parcequ'on la defti- noit pour fervir a l'etabliflement de la maifon du S. Sacrement. Elle alia en 1633 dans cette maifon en qualitede poftulante avec la Mere Angelique.La connoifiance qu'elle euc l'avantaged'y faire avec M. de S. Cyran , ne fervit qu'a rendre fa pietc plus vive & plus cclairee. Quoiqu'elle eut toujours vecu dans l'innocence , perfonne n'embrafla la penitence avec plus d'humilite & de ferveur. L'etabliflement de la premiere mai-
fon du S. Sacrement, dont M. de Paris lui donna l'habit en i6}6y n'ai'antpu fubfifter, elle revint a. P. R. en 16} 8. Quelques annees fe pafTerent encore fans qu'on pensslt a l'admettre |
||||
5 54 HtSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
a faire profeffion, quoiqu'elle en te-
moignat un grand defir. M. Singlin fut etonne de ce defir, penfant qu'une piece audi eclairee que la fienne de- voir etre contenre de fon etat prefent. mais M.de S.Cyran ne defapprouva pas un defir qui pouvoic venir de Dieu, etant certain qu'on recevoit une aug- mentation de grace a une profeffion bien faite; & que les Saints dans le ciel defirent la refurrection de leur corps comme un furcroit de leur bon- heur. Le faint Abbe jugea qu'il fal- loit ainfi regarder le defir de cette vertueufe fille & generalement de toutes les ames qui font a Dieu, lefquelles out quelqu'inclination a certaines chofes exterieures bonnes en elles-memes •, parceque les homm.es etant compofes de corps & d ames , Dieu veut qu'ils les nourrilTent' d'une pietc exterieure , en meme-tems qu'ils fe nourrilTent de l'interieure , & que la premiere foit un rejaillifiement de 1'autre. » Nous n'avons pas, ajou- » toit-il, le droit de blamer le defir » queces ames tcmoignent de donner » a l'Eglife des marques fenfibles de » leur amour pour Dieu ; fur-tout m quand nous voi'ons que rien ne fe » dement en elles dans le refte de |
||||
I. Partii. Llv. Vll. }55
» leur vie & de leur vertu. La Sceur Catherine ai'ant ecrit a M.
de S. Cyran fur ce fujet, il lui fie une reponfe , par laquelle il l'exhorta a fe foumettre avec paix a Dieu & a la conduice qu'on tenoir a fon egard. » RejouiflTez - vous , lui dit-il dans » cette lettre (18), car je ne crains " pas de vous dire pour votre con- » folation les memes paroles que Je- « fus-Chrift dit a fes Apotres, de ce » que votre nom eft ecrit dans le » ciel , autantque j'en puis juger par » les regies de la foi, fans penetrer » les fecrets de Dieu. Si vous com- » preniez quelle grace il vous a faite » de vous retirer de fi bonne heure » du monde, pour vous mettre au » lieu oil vous etes , vous feriez dans » une joie perpetuelle parmi tous » les maux fenfibles qui vous pour- » roient arriver. Vous etes profefle, lui dit-il encore dans une autre let- tre (19) > »» devant Dieu depuis le » tems que vous l'avez voulu etre, « 8c qu'il n'a pas tenu a vous-. Ceux m qui au tems de la perfecution mou- » roient dans leurs prifons, avant » que de recevoir le martyre , auquel |
|||||||
(ij) H».
|
|||||||
[18} :ii,edition 1*79.
|
|||||||
3 5 <? HlSTOIR* DE PoRT-ROlAt.
~» ils s'etoient ofFerts & confacres
» dans le cceur , n'etoient pas moins » reconnus & reveres comme mar- » tyrs par l'Eglife, que ceux qui « avoient ete eftedivement marty- » rifes. Enfin la Soeur Catherine fut admi-
fe a la profeflion , & avant que de la faire , elie ecrivit a. M. d'Andilly fon pere , dont elle recut une reponfe di- gne d'un perefi chretien (30). » Les » larmes aux yeux & la joie dans le » cceur , lui dit-il en finiflant, je n vous donne ma benediction , ma » tres chere fille , en la meme ma- s' niere que je fouhaite que Dieu me » donne ia fieri ne, &c dans tous les » fencimens que peuvent avoir pour » vous M. de S. Cyran, cet autre » moi - meme , & toutes ces autres n perfonnes rant de nos proches que » de nos amis, qui par un faint & a> genereux mepris de toutes les cho- »> les du monde, font profeflion de m n'etre qu'a. Dieu feul & de le fervir m par amour aux depens de mille m vies , s'il etoit en leur puiflance » d'en donner autant pour lui. C'e- toit un fruit mur pour le ciel , que cette vertueufe fille. A peine furve- (}o) Ibid, page 49 j.
|
||||
I. Part ie. Liv. VII. 357
cut-elle un an a fa profeflion, Dieu *7 l'ai'ant enleveele 13 decembre 1643, apres l'avoir purifiee par de longues fouffrances. Ses Confefleurs temoi- gnerent apres fa more qu'elle avoit conferve l'innocence de fon bapteme, 8c qu'elle avoit toujours crix en grace jufqu'au dernier moment de fa vie ; e'eft le temoignage que lui rend en particulier M. Singlin dans la lettre de confolation qu'il ecrivit de P. R. des champs , ou il etoit alors , a la Mere Angelique. Sa mort fut fort prompte •, mais elle ne fut point fur- prife , parcequ'elle etoit difpofee a" mourir nenobftant fes apprehenfions de la mort (31) , qui venoient , die M. Singlin d'une fainte crainte. » La » grande idee & le fentiment qu'elle „ avoit de la faintete & de la purete » de Dieu , & le peu d'eftime qu'elle » faifoit d'elle-meme en confiderant » fa mifere , lui faifoit craindre la » mort. Mais la mort fubite pour de „ belles ames, ajoute M, Singlin, eft » une grace finguliere, e'eft aller £ „ Dieu par humilite . .. Jepuis vous „ aiTurer, dit-il encore , felon que „ je connoiflbis ma Sceur Catherine do. „ Sainte Agnes, que la derniere cam,, Qi) Hid. page 4f<,
|
||||
358 HlSTOIRE DE PORT-ROYAL.
" 2 ,""* " munion qu'elle a faite , die l'a faite
j» comme la derniere; &: quand
» elle auroit ete affuree de mourir
n enfuite , elle n'auroit pas fait au-
« trement & apporte plus de difpo-
» iitions. Voila l'avantage des ames
» qui communient toujours comme fi
» elles alloient mourir (3 2).
xxx. La perte que l'Eglife venoit de faire
m. Arnauid par [a mort de M. de S. Cyran, pa-
le Doaeur: r . ., / ' V st naiflancc. roilloit irreparable , oc cette mort
fembloit alfurer un triomphe parfait aux Jefuites ; mais on vit bientot raccompliflement de ce qu'avoit dit M. de S. Cyran peu avant fa mort parlant a fon Medecin, qui etoit aufll celui des Jefuites du College : Dites a vos Peres que quand jt ferai mort, Us n'en triomphent point , & que/'en laijfe dou^e apres moi plus forts que moi (33). En efFet cet autre Elie lauTa des Elifees. Ce nouveau Mathathias plein de zele pour la loi de Dieu laiflii des Judas Machabees formes par fes foins , heritiers de fa foi & de fa piete, qui pleins du meme courage que lui, combattirent avec une ardeur egale a la fienne, contre les ennemis de Die* ()i) Void cette lettre (;;) Premiere Relation,
dans les Memoires, T. Ill, Tome I. page n?, page i?6. |
||||
I. Pail tie. Liv. VII. 559
Sc de l'Eglife. Ce grand Maitre laifla ~~jT~ des difciples , qui remplis de fon ef- +J pric continuerent fon ouvrage, & firenc voir que Dieu veille toujours fur fon Eglife, & que s'il retire a lui des perfonnes qui paroifloient neceilaires, il fait leur en fubftituer d'autres qui font quelquefois de plus grandes cho- fes que ceux qu'on croioit ne pouvoir etre remplaces. Dieu donna meme a fon ferviteur peu avant fa more, comme nous l'avons deja remarque, la fatisfaition de voir un de fes eleves le fils de fes liens, le grand Arnauld, faire la confolation de l'Eglife, deve- nir le baton de fa v'uillejje, felon la jufte expreilion d'un des beaux genies du dernier fiecle (34), attaquer & confondre par un ecrit admirable les prophanateurs des chofes faintes , combattre les abus qui fe font introduits dans l'ufage des Sacremens , rappeller les Chretiens aux fages regies de la Tradition, & leur enfeignerles moiens qu'il faut prendre pour fe rendre di- gnes de participer a nos redoutables myfteres. Meffire Antoine Arnauld, auteur de
cet ecrit etoit le vingtieme enfant du celebre Avocat de meme nom, 8c de |
||||
j(>0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAtr
Catherine Marion. II naquit a Paris
le 6 fevrier I €l i » Sc £at baptife le lendemain fur les fonts baptifmaux de l'Eglife de S. Mederic ParoifTe de M. fon pere. II apporta en naiffant le plus heureux naturel &c les meilleures inclinations , fur-tout une douceur ad- mirable , une humeur bienfaifante, une averfion de toute mal ignite & de tout ce qu'on appelle malice dans les enfans. La grace fandtifiant ces dons naturels, lui fitpafler fon enfance dans une innocence & une purete de maeurs admirables (35). A vant que de palTer outre , il faut
confondre la calomnie la plus infenfee qui ait peut-etre jamais ete inventee depuis la chute de l'ange rebelle. M. Arnauld etoit ne le 6 fevrier 1612 5 & M. Fileau de Poitiers le bon ami des Jefuites, dans fon Roman de l'Af- femblee de Bourg-Fontaine, tenue fe- lon lui-meme en i6zi , le faitDeifte 8c Apotre du Deifme a l'age de neuf ans (}6). Cet infame Roman a ete adopte par le P. Meynier Jefuite dans un livre qui a pour titre : Le Port- ro'ial & Geneve d'intelligence contre U (3;) Mem. de Font. Lane. Tome I. p. 318.
Tome I. p. 117 & fuiv. & fuiv.
Queflicm curieufe , ou (;«) Fable de Boutg-
Juftoire abregee I. part. tontaine.
s.
|
||||
I. P ARTIE. LlV. VII, 3<?I
'S. Sacrement de I'auiel; par le P. ---------—
Moife du Bourg Jefuite dans fon l643* }
Hifloirt du Janjenifme conctrnant fa conception , fa naijfance , fon accroifit- ment & fon agonic ; par le P. Hazard Jefuite d'Anvers dans un ouvrage flamand ; par le P. du Chefne dans fon Hijloire du Baianifine, qu'il vienc de donner de nos jours. Ces Jefuites n'ont pas honte d'annoncer ferieufe- ment au public une fable auffi diabo- lique , & en meme-rems auffi extra- vagante que cette AflTemblee de Bourg- fontaine tenue en i6xi felon ces Peres. M. Arnauld s'y trouva, difent- ils, avec cinq autres qui formoient ce Concile, il y remplic fa place & y joua fon perfonnage. Comme le def- fein de cette afTemblee etoit, felon qu'ils pretendenc, de miner rous les myfteres de la religion chretienne , ces divins myfteres furent partages en- tre ces fix perfonnes, & M. Arnauld pour fa part fut charge de detmire les deux Sacremens de la Penitence & de l'Euchariftie. On a peine a s'empecher de rire, quand on fait que celui a qui ils font jouer un tel role etoit alors un enfant de neuf ans. Mais en verite il y a plucot fujet de verfer des larmes fur lin aveuglement fi deplorable, 8c Tome II. Q |
||||
J<£i HlSTOIRE DE PORT-ROIAX.
I(j., d'admirer en meme terns la conduite
de la divine Providence, qui frappe de tenebres fi incroiahles Sc qui met dans une telle confufion les inven- teurs de la fecte du Janfenifme , qu'ils n'ont pu pofer pour fondement de cet edifice de menfonge qu'une ca- lomnie horrible qui fe detruit d'elle- meme. On les volt placer en l'an i6ix la conception du Janfenifme, lorf- qu'au retour d'Efpagne , Janfenius palTa par la France , Sc fe trouva a Bourg-fontaine avec M. Arnauld •, Sc il fe trouve que l'un de ces deux prin- cipaux chefs de la prctendue aliem- blce n'avoit que neuf ans; & que l'autre revient d'Efpagne , avant que d'y etre allc , n'ai'ant ere depute par l'TJniverfite de Louvain pour ce voi'a- ge, que trois ans apres en 1614. xxxi. M. Arnauld apres fes humanites Sc Premieres fa philofophie qu'il fit dans l'Univer-
ftudesde M. - X , _T i v ,
Arnauld. ltte de Paris, commence a etudier
en droit avec l'aine de fes neveux, M.le Maitre, que nous avons vu de- venir l'oracle & l'admiration du Bar- reau, & fe rendre encore plus admi- rable en le quittant. Mais Dieu qui avoit d'autres deflfeins fur l'oncle , le retira bientot de cette etude pour l'ap- pliquer a une autre plus elsvee Sc |
||||
1. Par tie. Liv. VII. $6$
plus fainte. Comme Dieu l'avoit fait
naitre d'une mere tres vercueufe qui 1(543«
lui avoit donne une education chre-
tienne , il fe fervit aufli d'elle pour le
faire entrer dans la voie ou il vouloit
qu'il le fervit. » Quand j'aurai l'hon-
» neur de vous voir un jour , lui di-
foit M. de S. Cyran, ( lertre 118 du
4 novembre 1641 ) » je vous confir-
» merai encore mieux dans l'opinion
» que vous avez , que celle qui eft
» avec Dieu vous a engendre deux
» fois » & que vous lui devez prin-
» cipalement la bonne difpofition dans
« laquelle Dieu vous a mis. II fe ca-
» che dans fes plus grandes faveurs ,
» & cache aulfi ce que fes Elus con-
» tribuent a la converfion des ames.
» Mais on peut, fans craindre de fail-
» lir , etablir cette regie, que celui
»» qui gemit long-tems devant Dieu
»i pour la converfion d'une ame, en
» eft une des caufes , lorfqu'on la
„ voit arriver, fur-tout fi c'eft une
» mere qui gemit & qui prie pour foil
« fils. Vous avez grande raifon ( die
encore M. de S. Cyran d M. Arnauld
dans une autre lettre) de croire que
„ Dieu vous a appelle par elle. Per-
„ fonne ne le peut mieux aflurer que
» moi, pour les raifons que je vous
Qij
|
||||
J<>4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
-~7--------» ai dices , & qui me font voir clai-
» rement que vous devez a cetce ame
» heureufe non-feulement tout ce qui » eft de votre corps, mais meme tout „ ce qui eft de votre ame; parce- „ qu'elle feule vous a engage a la » Theologie & au fervice de Dieu. xxxu. M. Arnauld etudia done en Theo- m. Ar- locrie. 11 eut pour Maicre M. Lefcot,
enUl<Th6oio- qu'on peut connoitre fuffifamment S'e- par ce que nous en avons dit ailleurs, &; prit fous lui le traite de la grace.
Dieu qui s'etoit fervi de M. de S, Cyran pour le conduire a l'ecole de la Theologie , fe fervit encore de lui pour jetter dans fon cceur les premie- res femences d'une Theologie plus pure & plus conforme aux divines Ecritures, que celle de fon Profefleur, Jl lui donna un petit volume d'opuf- cules de S. Auguftin fur la grace, comme pour lui fervir de prefervatif contre les opinions nouvelles, fans lui dire autre chofe , fmon qu'il les Kit bien & qu'il ne s'en repentiroit pas. Il les lut, les comprit, & les ad-
mira. Il entra de lui-meme dans les fecrets de la dodrine fainte de la grace, en fuivant la lumiere de celui qui en eft le Do&eiU". Il continua de fe npurrir de cette celefte doctrine erj |
||||
I. Pax tie. tlv. Vll. $6$
lifant S. Auguftin •, 8c autant qu'il \(,^{. trouva de difference entre fes fend- mens 8c ceux de M. Lefcot, autant fat-il charme de la folidite de la doc- trine de ce faint Docteur , de Tenchai^ nement admirable de fes principes 8c de la conformite parfaite de fon fyf- teme dans toutes fes parties avec ce 3ue le grand Apotre enfeigne. C'eft
one dans S. Auguftin que M. Ar- nauld a puife tout ce qu'il a jamais eu de fentimens fur la grace & la predeftination , 8c c'eft avec grande raifon qu'il s'eft toujours dit le dif- ciple de ce faint Docteur (37). La lecture de fes ouvrages a laquelle il prenoit gout de jour en jour , remplit fon efprit de la doctrine de ce Pere , 8c le rendit redoutable dans les dis- putes, jufqu'a preffer quelquefois le Profefteur 8c le mettre a bout. Cela refroidit M. Lefcot a fon £gard. Mais il y eut bientot plus que du refroidif- fement, lorfque M. Arnauld , dans la tentative qu'il foutint pour le degr£ de Bachelier, abandonnant entiere- ment le fyfteme de fon ProfelTeur, foutint hautement la doctrine de la trrace telle que l'a enfeignee S. Au- cruftin, 8c la defendit a la face de (37) Hift. abregee, page 14.
Q iij
|
||||
--------
$66 HlSTOIKE DE PoR.T-R.oYAt."
' ,54J. l'Univerfite de Paris & de l'Eglifed
France , en la prenant pour la marier de fa tentative & en dediant fa thef aux Eveques de France, afTemble pour lors a Paris. C'eft ainfi qu'i confacra les premices de fes difpute de Theologie a la grace du Sauveur pour laquelle il devoir un jour fou tenir tant de combats & remporte rant de vidtoires. M. Lefcot qui pri cette demarche pour une infulte s'ei •vengea dans la fuite , en empechan du vivant du Cardinal de Richeliei dont il etoit Dire&eur, que M. Ar nauld ne fut recu de la Societe d( Sorbonne , & en Ten faifant exclure apres y avoir ete re§u, par la cenfurc de 1656, donr il fut le promoteu avec M. le Moine fon fuccelTeur. I n'avoit point appris au Cardinal for penitent a pardonnet; & il avoit ap- pris de fon penitent a ne pas par- donner. xxxiii. M. Arnauld foutenoit dans cetw fmh&fntthefe J,a difference de la grace de>
deux etats, de l'homme pecheur & de l'homme innocent; la faullete de; vertus des Pa'i'ens , l'explication de S Auguftin touchant la mort de J.C. pout tons les hommes. Il rejettoit bien loin la fable de l'hirefie predeftina- |
||||
I. Partib. Liv. VII. 367
tienne inventee par les Demi-pela-
giens pour rendre odieufe la do&rine deS. Auguftin&de fes difciples. Cette thefe fuc imprimee des Tan
1635, mais vine maladie done il penfa mourir , lui etant furvenue , il ne la put foutenir qu'au commencement de 16}6. Un grand nombre d'Eveques honorerent cet acta de leur prefence, perfonne ne trouva a redire a la thefe, tout le monde au contraire y applau- dit. Ainu M. Arnauld n'aiant ja- mais eu d'autres fentimens depuis, que ceux qu'il foutint alors , n'a pu pui- fer fes fentimens dans Janfenius, dont l'ouvrage n'a paru que quelques an- nees apres, & s'il a ete Janfenifte, il faut neceffairement que la fource du Janfenifme foit dans S. Auguftin. M. Arnauld , apres avoir marque
fon amour pour la grace chretienne dans fa premiere adion publique , n'en temoigna pas moins pour les autres verites dans les ades de fa Li- cence qu'il commence a Paque de l'an 1638 jufqu'au Careme de 1640. Il fe trouva engage dans cette Licence par la fuite de l'etude deTheologie 8c de la Clericature qu'il avoir em- bralTee. Il etoit entre dans l'une &Z dans l'autre par une vocation de Dieu, Q "ij |
||||
________ }6$ HlSTOItlE 1>E PoR.T-R.OIAt;
' 164).~~ <*ont fa /ail"8 mere & M. de S. Cy-
ran avoient ere les interpreres & les miniftres. Mais comme l'etude de la Theologie ne lui donnoic pas droit d'afpirer au Dodorar , ni d'entrer dans la Licence qui en eft le chemin , fans confulter de nouveau la volonte de Dieu; aufli la Ample clericature ne lui donnoic point par elle-meme la permiffion de tendre au Sacerdoce , ni de recevoir les ordres qui y con- duifent fans une nouvelle vocation du fouverain Pretre. Il crut n'avoir pas aflez confidere avec quelle purete d'intention & quelle difpofition de coeur il faut entrer dans ces deux etats, dont l'un a pour objet la volonte de Dieu , & l'autre le Sacerdoce de Jefus- Chrift. Il avoit fuivi la coutume , 1'exemple , & lesfentimens de fa piece, fans aucune vue d ambition. nXeftTo'u-n ?ieu clui en vouloit faire un faint
che de la Ptetre & un grand Docteur , ne per- &«SL,&™itPas q«'il.avanck davantage alots
fe met (bus uni dans la Licence, ni dans les Or- rtitefata,dtes; & la"eta lui-meme dans fa cyttn. courfe en le touchant extraordinaire- ment (38) , & lui faifant envifager (5S) M. Fontaine, reflexions que fitM. Ar-
Tome I. page 119 , attri- nauld fur Us grands chm- b« ce changement aux gcmcm dt M. % Maiirc de |
||||
I. Partii. Liv. rll, 569
la fainted du Sacerdoce chretien , Ta- bus de ceux qui le font fervir de de- gre au Do&orat , la purete de cceur 8c le degagement parfaic des chofes du monde qu'on y doit apporter , & la neceflite de la vocation divine pour y entrer d'une maniere digne deDieu. II s'adrefla d'abord a un pieux & fa- vantDoiteur deSorbonne, M. le Feron, qui ne trouvant rien dans fes mceurs qui dm faire du changement dans fon etar, l'y confirma, 8c lui fie incme recevoirles premiersordres facies (39). Mais M. Arnauld craignant qu'il n'efit ete trop indulgent pour lui, prit la refolution de s'adrefTer a M. de S. Cyran qui etoit alors au Chateau de Vincennes , 8c lui ecrivit une grande lettre , le priant inftamment de vou~ loir bien le recevoir fous fa conduite comme le fils de fes liens. M. de S. Cyran lui fit une reponfe digne de fa charire & de fes lumieres , digne des liens qu'il portoit pour la v^ritc. Il lui parla avec une libertc evangelique de la purete de Tentree au Sacerdoce, de la neceflite de fe bien affurerdela voie , fi on veut avancer en marchant, Infancy , mais il fe trom- de ttois ans aptis cclai
pe pat rapport a M. de de M. Arhauld.
Luzancy , dont le chan- (3?) Font, il/id, cement n'attiva queplm Q v
|
||||
376 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI.'
~ 8c de la difficulti qu'il y a de reparer
les defauts que Ton commet dans les principes qui menent au Sacerdoce. La letcre de M. Arnauld & la reponfe qu'y fit M. de S. Cyran , furent en- voi'ees a P. R, & y cauferent une joie inexprimable. Madame le Maitre en parle ainfi dans une lectre qu'elle ecri- vit a M. Arnauld au mois de Janvier 163p. » Je vous vois , lui dit-elle , en » cette feconde renaifTance comme » mon nouveau frere , avec une liai- « fon fi etroite qu'elle ne differe nul- » lement de celle de mes enfans , qui >' auffi ne fauroienc vous regarder que m comme leur frere. Ah ! fi vous aviez M fu de quelle forte les Hermites vous « demandent a Dieu, & quelle ami- » tie ils me temoignent avoir pour »» vous, vous les en aimeriez encore v plus que vous ne faites. La premiere lettre de M. Arnauld
fut fuivie d'une feconde (40), par (.40) M. Fontaine dit Tome I. page 3 r? , qui In!
•ue cette premiere lettre dc'fendoientl'emre &■ le pa-
fup bientot fuivie d'une pier i e'eft pourquoi ildit
Vifite, parceque M. de S. a M. Arnauld dans la
Cyran avoit alors la li- reponfe qu'il fit i la pre-
berte de voir fes amis, miere lettre, vous iter
Cette ciiconftance n'eil devenu maitre de ma vie
gas exaefce , car alors il en devtnant ftrviteur de
y avoit des ordus exprh , D««:pour marquer a quoi
comme le dit M. Lance- il s'expofoir. Cette vifite ,
lot, deuxieme Partie, djt en«ore M. loaivae^
\ ■
|
||||
1 Par tie. Liv. til. i~t
|
||||||||||||
laquelle M. Arnauld donne des eclair- 104}.
ciitemens fur fa premiere ou il parloit de lui-meme , comme s'il euc etc le plus grand pecheur du monde. II te- moigne au faint Abbe une extreme re- connoillance de fa charite > & lui mar- que qu'il eft difpofe a quitter & la Sorbonne & la Licence , tous les en- gagemens publics & tous les projets qu'U avoir formes pour route fa fuite de fa vie , s'il le juge a propos. » Vous " m'obligerez done, lui dit-il, de m me mander 11 vous trouvez a-propos » que je me retire prefenrement.... » Enfin mon pere, je vous conjure » de continuer 1 ouvrage que vous avez » commence , & de vous alfurer que w ce que vous ordonnerez fera recti » comme venant de l'efprit de Dietj. » qui parle en vous. On voit ici un beau modele de docilite 8c d'obeiiTan- |
||||||||||||
tchtvA iout-a-fait ce que fi grand homnte dam me
Dieu avoit deja commen- fi tongue prifon , <pii Im
cc : tout etoit "acheve. &C donna a luimeme ce fond
tegle avant que M. At- de courage. La prifon de
nauld cut vu M. de S. M. de S. Cyran n'£roie
Cyran. 11 paroit par ce pas li tongue lorfqu'arri-
<ure (lit M. Fontaine, qu'il va le changement de M.
confand ici une vifite que Arnauld .M. de S. Cyran
|
||||||||||||
l
|
Arnauld rendit a M. fut arrete au mois de mai,
|
|||||||||||
S. Cyran peu avant fa & M. Arnauld lui tctiyit
|
||||||||||||
fortie de prifon , car il au mois de decembre d«
dir que ce fkt fur-tout I'e- la merne annec.
xtmi'lc dc la patfciice </'«» Q vj
|
||||||||||||
37* HlSTOIfcE CE P0RT-R.OIAI."
nj. ?< ce, lorfqu'on envifage toutes les cir-
conftances ou fe trouvoit M. Arnauld. M. de S. Cyran ne jugea pas a propos qu'il quittat fa- Licence, ni qu'il fe felirat de la Maifon de Sorbonne ou il demeuroit. xxxy. II continua done fa Licence , &fou- licLcc?" "tintle 12 novembre 163 8 fa premier^ thefe qui eft la Sorbonique, fans Prefi- dent, depuis fix heures du matin juf- qu'a fix heures du foir, fur l'lncar- nation, fur toutes les herefies , les difficultes hiftoriques , & les points de Theologie qui y ont rapport. 11 foutint le 11 novembre 1639, depuis midi jufqu'au foir , fa Mineure ordinaire fur les heretiques & le fchifme. Dans fa Majeure ordinaire le 13 Janvier 164.0 , il repondit fur tous les Sacre- mens , & foutint en abrege, a l'egard du Sacrement de penitence , les gran- des verites qu'il defendit & expliqua plus au long trois ans apres dans ion ouvrage de la frequente Communion. Le 18, decembre 1641 , il foutint l'acte de Vefperie pour prendre le lendemain le bonnet de Docteur. La matiere de cet acle etoit fur Jefus- Chrift, fur PEglife & fur la charite comme fin de la loi. Il y faifoit en- trer tin grand nombre de belles quef- |
||||
I. Partis. Llv. VII. 375
tions qui y avoient rapport, &c il TgTT "
ycombactoit beaucoup d'opinions re- lachees des Cafuiftes modernes. En ge- neral routes les thefes de M. Arnauld renferment une abondance de matiere, dont on a d'autant plus fujet d'ette etonne, que celui qui les foutenoit, avoir une fante fort foible, & que pendant fa Licence , fi fatigante d'elle- meme , il fur oblige de compofer uti cours de Philofophie , travail qui feul demande un homme tout entier. Mais il faut dire le fujet pour lequel M. Arnauld fut engage a le compofer. La reputation extraordinaire qu'il
s'etoit acquifefur les bancs (41) ,fit re- gretter aux principaux Dodteurs de la xxxyr. maifon de Sorbonne de n'avoir pas J1 cc0nur,'gd® dans leur corps un Theologien d'un fi Philofophie. grand merite, & ils le prefTerenr de penfer a y entrer. Il s'y trouvoir ce- pendant un obftacle confiderable, parceque le terns prefcrit par les ftatuts pour enfeigner un cours de Philofo- phie (41), fans quoi on ne peur etre de la maifon de Sorbonne , etoit pafle. Mais ces Meffieurs lui promirent que {41) Hift. abr. p. ;?. qui s'ecoule depuis la
(41) Les ftatuts de Sor- Tentative jufqu'i la li- fconuc prefcrivent le terns cence. |
||||
374 HlSTOIRK DE PoRT-RCUAt,
s'il youloit bien enfeigner un cours , ils padkoient par-deiius la formalite qui en prefcrivoic le rems. La condi- tion etant remplie par M. Arnauld , il prefenta requece pour erre rec^i : tous les Do6teurs furent favorables, a l'excepcion de deux , qui n'alleguerent pour raifon de leur oppoficion que les ftaturs qui y etoienr contraires, & ils temoignerent d'ailleurs beaucoup d'ef- time pour M. Arnauld ; & fur ce dif- ferend qui devoir etre decide a la pluralite des voix , ils furent d'avis de s'en rapporrer a la deciiion du Car- dinal de Richelieu Provifeur de Sor- bonne , ce qui etoit contre les loix 8c^ la liberte de la Faculre. Mais c'eut ete un crime de refufer un tel juge. On lui deputa done M. Hardiviliers Ar- cheveque de Bourges 8c M. Habert Theologal de Paris qui s'acquitterent fort bien de la commiffion. La re- ponfe du Cardinal fur que la Com- 1>agnie ne devoir rien faire contre fes
oix & fes coutumes. C'etoit moins le zele pour les loix qui le faifoir ainfi parler , que la connoiflance qu'il avoit des liaifons de M. Arnauld avec M. de S. Cyran ; & le credit qu'avoit M. Lefcot fur Fefprit du Cardinal. Ainfi |
||||
I. Partie. Llv. VII. $7$
M. Arnauld ne fut point recti pour lors. Nous ne devons pas palter fous iilence un trait de ce Doc~teur pendant fon cours de Philofophie , qui caradte- riie ce grand homme & fait voir com- bien il aimoit la verite. A la fin de fon cours (43), qu'il fit au College du Mans , aiant fait foutenir des the- fes a. plufieurs de fes Ecoliers, entre autres a M. Barbey & a M. Vallonde Beaupuis ecclefiaftique de Beauvais qui a laiffe ce fait par ecrir , M. de la Barde favant Pretre de l'Oratoire, *lors Chanoine de l'Eglife Cathedrale de Paris , y difputa contre M. de Beaupuis , & poulfa fi vigoureufement on argument, que le Profeffeur fut oblige de venir au fecours de l'Eco- ier. Mais il fut lui-meme fivivement K>ufle par l'illuftre Difputant, que ans s'amufer a chercher des defaite* -ju'il eut aifement pu lui donner, il ui dit publiquement & fans fa<jon , ju'il croi'oit qu'il avoit raifon , que on fentiment lui paroiffoit le plus ur 8c qu'il le fuivroit lui-meme l'avenir. Il tint parole ; car environ rois ans apres , fon meme difciple Vant a foutenir en Sorbonne fa Ten- ative pour le Baccalaureat, il pria A. Arnauld de lui compofer fes thc- (43) Pixf. cauf. Arnald. p. J?»
|
||||
37<? HrsTOIRB DE PoRT-Roi'At.
---------— fes. 11 le fit, &c y mit l'opinion con-
1 ^4 * • traire a fes thefes de Philofophie.
xxxvn. Apres la mort du Cardinal de Ri-
eit reju^fe la chelieu , la Sorbonne aiant recouvrc
Socihe de fa liberte, M. Ainauld fut re$u de
la Maifon & Societe la veille de la
Touflaint 1643 , etant deja Do£teur ,
ce qui ne s'etoit jamais fair. Mais on
jugea que les regies ordinaires n'e-
toient pas faites pour an homme (I
fort au-deflus de tout ce qui brilloit
alors davantage dans TUniverfite de
Paris & dans l'Eglife de France.
II avoit pris le bonnet de Docteur
le 19 decembre 1641. On fait que Jes Dodteurs font en cette occafion ferment de defendre la verite jufqu'i' l'erfufion de leur fang, ufque ad efflt- Jiontm fanguinls. Sur quoi M, Ar- nauld tout occupe de ce faint & re- doutable engagement, dit a ceux qui alloient prendre le bonnet avec lui: » Je ne fais , Meffieurs , fi nous pen- « fons aflTez a Taction que nous al- w Ions faire •, ce n'eft pas ici une lim- it pie ceremonie , c'eft un grand en- » gagement, & il ne faut pas y en- » trer, fans avoir bien fait refle- » xion jufqu'ou il nous peutconduire » dans la fuite & dans les rencontres »» que Dieu fera naitre. Celui qui |
|||||
I. Paktib. Liv. VII. J77
arloit ainfi fentoit a quoi il s'obli-
eoit , 5c on pent dire que cette bligation a ete la regie de fa con- uite pendant route fa vie. Cell de i. Chaflebras Docteur de la Maifon C Societe de Sorbonne qu'on a fu ette particularity dont il avoit etc '■moin. Son fage Diredteur qui l'avoir con-
acre a la defenfe de la verite en la aniere qui convenoit a fon miniftere, voir auili prepare a tout ce qui pou- it lui arriver de la part des hom- es. Et quand le Seigneur le chargea : fa conduite, il femble qu'il lui ontra, comme autrefois a S. Paul, mbien il faudroit qu'il foufFrit pour ;i nora : Ego oflmdam Mi quanta, porteat ilium pro nomine meo pan. lfin la grace du Sacerdoce que M. nauld recut aux quatre' tems de ->tembre i £41 & celle de fa premiere ?(Te qu'il celebra le jour de laTouf- nt de la meme annee apres une raite de quarante jours , furent une uvelle occafion de fe confacrer en- rement a la defenfe de la verite de la charite. C'eft d'une lettre de i faint Directeur du 4 novembre e nous l'apprenons. Apres l'avoir -retenu de la retraite & du fdence |
||||
' ■
|
|||||
J 78 HlSTOIRE DB PoRT-ROlAt.
7~ qu'il croi'oit que Dieu demandoit d
lui, il ajouce : » Si je ne voi'ois pa >• vos letcres que vous eres fufcep » tible de cette rigueur qui ne l'el » qu'en apparence 3 je ne me feroi « pas hate de vous la declarer. Mai » en quel temsle puis jemieuxfaire « qu'en celui de votre ordination & » de la grace que Dieu vous a fait » de vous offrir a. lui en hoftie vi » vante & morte pour la defenfe d » la verite & de la charite ? Que ne devoit-on pas attendre d'u
Theologien en qui le diftributeur d tous les dons & de toutes les gra ces , avoit reuni tant de talens ave tant de piete , de fi faintes difpofition avec une vocation fi marquee a. la de fenfede la verite 5 Et jamais efperan ces ont-elles ete mieux juftifiees pa les effets, que celles qu'on avoit con ^ues de ce grand homtne , qui a pafT toute fa vie a combattre pour la verit a laquelle il a tout facrifie ? un de premiers & des plus excellens ouvra ges de ce heros des Theologiens chre tiens, eft celui de la frequentt Com munion , dont voici l'origine & le fuites qu'il eut. Ce fut Madame la Princefle d
Guimenee , Anne de Rohan, veuv |
|||||
I. Par.tie. Liv. VII. 379
de Louis Prince de Guimenee, qui "7iTT~"
donna occafion au livre de la frequente *- /^ ™ • rrl XXXVIII.
Communion. Cette PnncelTe qui origine
avoit ete engagee dans les vanites du du |!!e d* monde, aiant entendu M. d'Andilly communion! parler dans une vilite qu'il lui rendit, du mepris de ces vanites, en fut tou- chee 8c fe donna a Dieu l'an 1639. Elle frequentoit la maifon de P. R. 8c ne manquoit pas d'y aller regulie- rement une fois routes les femaines pour avoir quelques entretiens de piete avec les Meres. Comme elle confultoit M. de S. Cyran (44), & qu'elle fe conduifoit par les avis de ce faint Prifonnier, il lui avoit dref- fe une inftruction pour lui fervir de regie de' conduite. Le P. Sefmaifons Jefuite aiant vu cette inftru&ion , s'avifa d'ecrire contre, aide des Peres Bauni 8c Rabardeau fes confreres. L'ouvrage du P. Sefmaifons tomba en- tre les mains de M. Arnauld, qui y trouvant beaucoup de chofes contraires (44) Cette Ptincefle 17 novembre 1674. Elle
ctut, fept ans apres fa mo»rut le ij mats i«8t.
converfion, pouvoit al Voiez le Necrolage de
lier le monde avec la de- P. R.
rotion. Mais elle y eut Voi'ez Font Tome I.
degrandes afflictions cau- page 1; 1 8c fuiv.
fees par la mort de Mef- Du Fofle , liv. 1. ch. «.
fieurs fes fils, fur toutpar p. ji. 8c fuiv.
celle du Chevalier deko- Lane. Tome I. paje
kan, aui f'ut decapite le ij<>,note..
|
||||
j8o HlSTOIRE DF. PoRT-RoLAl.
a la dodtrine des faints Peres , & per-
nicieufes au falut des ames , fe cruc oblige de le refuter. Le Jefuite foute- noit, par exemple, dans fon ecrit, que » plus on eft denue de graces , plus » on doit hardiment s'approcher de » Jefus-Chrift dans l'Euchariftie, &c »> que ceux qui font remplis de l'a- » mour d'eux-memes, & fi attaches » au monde que de merveille font » tres bien de communier tres feu- » vent. Telles etoient les maximes de ce livre contre lequel M. Arnauld s'e- leva par l'ouvrage de la frequente Communion , dont le but eft d'etablir tiar la Tradition, par les Conciles 8c
es Peres , les difpofitions que Port doit appotter au Sacrement de l'Eu- chariftie pour le recevoir dignement; & de combattre l'abus des abfolutions precipitees qu'on ne donne que trop fouvent a des pecheurs qui ont vieilli dans le crime , fans les obligera quit- ter leurs mauvaifes habitudes , & fans les eprouver par une ferieufe peni- tence. II eft bon de remarquer que M. Arnauld n'etoit point l'agrefTeur dans cette difpute , qu'il ne faifoit que re- f>ondre a un ecrit publie pour decrier
a conduite de quelques Ecclefiafti- ques attaches aux veritables maxi- |
||||
I. Par.tie. Llv. VIL jS
mes de l'Eglife fur la penitence. 164'. Cet ouvrage parut au mois d'aout xxxn
1643 (45) imprime chez Vitre, muni 11 eft "aP- des approbations de feize ^cheve-P^tsX-par ques & Eveques de France, & deM vingt-quatre Dodeurs de SorbonneJdeSorbomie' qui tous a l'envi louent & approuvent la dodtrine du Livre 8c comblent l'Au- teur des plus grands eloges (46). II eft bon de remarquer (dit judicieu- fement un grand Eveque (47) que |
||||||||
(4f) 11 paroit par une
lettre de M de S. Cyran que l'ouvrage de la fre- quente Communion etoit deja fait au mois de fep- tembre 1*41 , puifque ce favaut Abbe qui l'avoit deja lu temoigna vouloir Je relire lorfqu'il feroit mis au net. (46) Les Archeveques
font, M, de Bellegarde , de Sens; M. de Monchal, de Touloufe ; M. de f.ourdis, de Bourdcaux; ic M. Bouthiltiers, de Tours. Les Eveques font, M. Vialard , de Chiton, fi connu & d refpefte par la faintete de fa vie ; M. de Caumartin, d'Amiens; M. de Salette , de Lefcar; M. Puget, de Marfeille; M. Bputaut, d'Aite ; M. Maurice , d; Madaure fuffragaw de Metz, M, de Netz , d'Orleans: pe Prelat parlant de M. ArneuU daps fon ap- |
||||||||
probation, dit que »l'Au-
3) teur de cet excellent » livre aiant toujour* 5) marche fur les trace! » des faincs Peres, n'aiant » fait que donner un » nouveau luftre a leur » doctrine , & s'etant a, rendu l'inrerprete de ,) ceux qui ont ete la » voix & l'organe dc ,> Dieu meme , il a rae- » rite la louange d'un J, veritable Theologien , » &c. M. de Harlay, de S. Malo ; M. de Ma- roni, de Bazas; M. de Berthier, Coaijuteur de MontaubanjM.d'Efpruets, de S.Papoul ; M. laBarde, de S. Brieux ; M. de May- lie , d'Oleron ; M. d'Ef- ttefle, de Leytoure , de Tarbe. (47) M. d'Auxerre , Inf-
truclion contre le P. Pj- chon, troiffeme Panic, page 403, edit. in-nt |
||||||||
j8l HlSTOIRB DE PORT-ROIAL.
Dieu a fufcite de nos jours pour de-
fendre fa verite & fon Egliie con ere les memes ennemis que M. Arnauld a combactus , & pour venger contre, eux ce grand Theologien) » que ces » approbarions font donnees avec refle- » xion & connoiflance de caufe, qu'el- » les contiennent les motifs du juge- » ment que les Eveques portent du li- ,, vre , & que plufieurs meme parlenc » avec plus de force que l'Auteur,en re- » commandant la legitime adminiftra- j. tion des Sacremens de Penitence 8c n d'Euchariftie. Onpeut s'en convain- „ ere par la lecture qu'on en fera , 8c „ par les extraits que l'Auteur du livre » en a donnes dans la preface de la tra- » dition de l'Eglife, qui eft comme le yy fecond volume de cet excellent li- >» vre. Cette reflexion doit etre appli- » quee, dit M. d'Auxerre, aux appro- » bations des vingt-quatre Doileurs .» de Sorbonne, qui s'etendent enco- » re plus fur le merite du livre 8c fur » fon utilite. Qu'il nous foit permis d'ajouter , qu'elle doit etre appliquee a la lettre que les feize Prelats ecrivi- rent au Pape Urbain VIII, & enfin aux deux lettres ecrites l'une le zi juillet 1645 » l'autre le 1 mars 1646 a Innocent X. dans lefquelles ils font |
||||
I. Part ie. Liv. VII. j8j
les plus grands eloges du livre & de I(J—
l'Auteur. 4'* Cependant a peine le livre de la x t.
frequence Communion parut-il, que tionf ^'"p" les Jefuites fe dechainerent , & contre Nouet coaat l'ouvrage & contre l'Auteur , fansL^ZT refpe<5fc pour les Prelats approbateurs. Le P. Nouet, prechant les Diman- ches dumois d'aout & les fuivansdans leur Eglife de S. Louis , declama d'une maniere furprenante contre ce livre qui commencoit a. fe repandre dans le public. Tout le monde en etoit furpris ne fachant encore a quoi ils en vou~ loient, parceque ni le Pere Sefmai- fons auteur de l'ecrit qui eft refute dans la frequente Communion , ni a Compagnie n'y etoient marques. Ce qui fit dire au Marechal de Vitry qui fe trouva un jour au fermon du P. Nouet, qu'il falloit qu'il y eut quelque chofe de cache la-deflbus , parceque ces Peres ne remoignoient t>as d'ordinaire tant de zele, lorfqu'il ne s'agi fl"oit que de la gloire de Dieu. L'effet des declamations du P. Nouet fut daccelerer le debit de l'ouvrage, qui fut fi prompt qu'en moins de quin- ze jours route l'edition fut enlevee j 5c l'on commence par la derniere feuille, dont la forme n'etoit pas |
||||
384 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAI.
encore rompue, a travailler a la fe-
>' conde , qui fut affichee avec l'aver- tiflement, a la porte des Jefuites , avant que le P. Nouet eiit acheve fes fermons. M. Arnauld fit cet aver- tuTement qui fut mis a la tete de la feconde edition , a 1'occafion du con- cours de monde que le bruit des de- clamations du P. Nouet attiroit a fes fermons. II y declare au public que ce qui animoit fi fort les Jefuites , etoit que l'ecrit combattu dans la fre- quente Communion avoit ete fait par un membre de la Societe duquel il avoit encore la bonte de fupprimer le nom. Les declamations duP. Nouet dont Dieu tira fa gloire , comme il tire le bien du mal & la lumiere des tenebres, etoient d'autant plus fur- prenantes, qu'il avoit lui-meme peu auparavant loue le livre de la rre- quente Communion , parlant a M. l'Archeveque de Tours (Vidtor le Bouthillier oncle deM. deChavigny, comme M. Lancelot temoigne l'avoir fu de fa propre bouche(48). Carlorf- qu'on l'eut donne a ce Prelat pour l'approuver , le P. Nouet l'ai'ant vu fur fa table le parcourut tout entier; &c il repondit a M, de Tours qui lui {48) Lane. Ibid.
demand*
I
|
|||||
A
|
|||||
I. Part ie. Liv. FIT. 3S5
demanda ce qu'il en penfoit, qu'apres les principes fur lefquels il voi'oit que ce livre etoit etabli, l'Auteur n'y pouvoit rien dire que d'excellent, & qu'il ne pouvoit y avoir que del'hon- neur a i'approuver; (c'eft qu'il ne croi'oit pas encore que la gloire de la Societe put y etre intereffee) ce fut meme le P. Nouet qui compofa en latin & en fran<jois 1'approbation que M. de Tours donna a ce livre , ainfi qu'il le dit lui-meme a un autre Pr^- lat. Apres cela , peut-on n'etre point furpris de voir ce meme Pere decla- mer contre la doctrine d'un livre qu'il a loue , jufqu'a dire qu'elle etoit pire que celle de Luthir & de Calvin ? Mais on revient de fa furprife quand on fait que c'eft un Jefuite , & on concilie ces faits contradi&oires , en jugeant que le Pere Nouet parloit en particulier , qu'il fuivoit fes lumieres naturelles Iorfqu'il faifoit l'eloge de la frequente Communion, & qu'il parloit au nom du corps Iorfqu'il de- clamoit contre ce livre. Il re$ut enfin la jufte recompenfe de fes declama- tions : car aiant traite indignement les Prelats approbateurs du livre , il fut oblige d'en demander pardon a ge- Tome If. R f
|
|||||
;.
|
|||||
386 HlSTOIRE BE PORT-ROIAL.
T------noux accompaene de quatre de &s
1043. _ e ' ° 1 r 1 1, rr ■
Confreres, en prelence de Metlei-
gneurs les Prelats qui tenoient pour lots ieur affemblee a Paris. Ainli le P. Nouet Jefuite, qui avoit tourne en ridicule la penitence publique dans un de fes fermons, y fut mis; ce fat un calice bien amer pour lui, mais il falluc le boire. Le Careme fuivant, etant alle a Tours pour precher, il y re$ut un refus honteux > ain{i qu'a S. Severin de Paris, xli. Les Jefuites n'eurent pas fujet d'etre donne ^otlie ^us contens ae ^a demarche ou ils
AM.Arnauia avoient engage la Reine mere, en
duller a Ro- oDtenant de cette Princeffe un com-
1644. mandement aM. Arnauld & a M.de
Marcos d'aller a Rome rendre compte
de leur doctrine. Cet ordre fut donne
au Careme de l'an 1644. C'etoit audi
une adrefTe du Cardinal Mazarin qui
pour fignaler le commencement de fon
miniftere , fe fervoit de la paffion des
Jefuites pour donner cette nouvelle
jurifdi&ion a la Cour de Rome fur
les fujets du Roi. Mais un pareil or-
xiii. dre fouleva tous les corps du Roiau-
iSSffie nie- ^e Clerge, le Parlement, l'Uni-
•u fujet diverfite, la Faculte de Thcologie &: la
»j^AtaA»U Sorbonne en particulier, fe remuerent
|
|||||||
a j-
|
|||||||
;riKo-pcur faire des remontrances a. la
|
|||||||
I. Par tie. Liv. VII. jg7
Reine (49) & lui reprefenter qu'il etoit inoui que Ton voulut faire le proces a un fujet du Roi, & l'obliger de repondre de fes ouvrages , hors du Roiaume. On trouve dans les Re- gitres de Sorbonne cette deliberation remarquable fur ce fujet. » La Maifon » de Sorbonne s'etant afTemblee ex- « traordinairement lei4 mars 1644, « pour deliberer fur ce qu'elle pour- » roit faire pour fecourir de routes « fes forces M. Arnauld, & le ga- « rantir des calomnies de fes ennemis « qui cherchant a le perdre lui fufci- 9> tent toutes fortes de traverfes ; il a 3, ete arrete que toute la Maifon iroit »» en corps & en grand nombre trou- » ver les Principaux de 1'Etat... & » quele Senieurde Sorbonne au nom jj de tous les autres , les fupplieroit » tres humblement de ne pas per- « mettre que M. Arnauld foit en- (49) Anne d'Autriche » quand on lui propofe
gtoit portee a la douceur, » de perdre quelques-uns
mais aifee a fe laifter pre- » d'eux , & qu'il faur,
venir par ceux qui ap- » commencer par M.
prochoient d'elle avec un 3> d'Andilly , ou quelque
air de devotion. » La » autre, elle t'ecrie auifi-
»■> Reine, difoit le Car- » tot qu'ils font trop
» dinal Mazarin , eft ad- » gens de bien, & trop
si rairable dans 1'atFaire 5> bons ferviteurs du Roi.
y> des Janfeniftes. Quand hift. du Janf. Tome II.
v> on en parle en general, paje 377.
» elle veut qu'on les ex- Lane. Tome I. p. %6$. s> termine tous; mais & fuiv.
Rii
|
||||
J 88 HiSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
|
||||||||||||||||||
1^44-
|
voi'e a Rome , au lieu de lui don-
|
|||||||||||||||||
ner moi'en de fe defendre 8>c de
l'ecouter •, & leur reprefenteroitque
la Sorbonne qui prend la defenfe
d'un membre de fa maifon , meri-
toitbien qu'ils favorifaffent laCom-
pagnie dans cette affaire , loin d'ap-
pu'i'er de leur faveur la fureur de
i> fes ennemis, qui comme le bruit
» en court, lui preparent encore a
» Rome d'autres traverfes.
|
||||||||||||||||||
XLIH.
|
Le bruit qu'occafionna l'ordre don-
|
|||||||||||||||||
M-*tn?uIc! ne a M. Arnauld & qui fut plus grand
fe difpofe a > / • J < & I
partir pour qu on ne sy etoit attendu , etonna le
^ornj'tfM"Cardinal, & -j ng g>eo defendre ^ .i tcfufe d'y qu en dilant qu etant etranger , ll ne
|
||||||||||||||||||
«llct.
|
||||||||||||||||||
{)ouvoit pas encore favoir routes les
oix du Roiaume > & que e'etoit a M. le Chancelier a. en repondre. Cepen- dant comme l'ordre portoit que ces Meflieurs avoient huit jours pour fe difpofer a partir , tout ce qu'il y avoit de plus honnetes gens a la Cour &c i Paris venoient a P. R. faire compli- ment a M. Arnauld , & concluoient tous qu'il falloit aller a Rome defen- dre hautement la verite, que Ton en reviendroir glorieux , & qu'apres cela les ennemis n'auroient plus rien a dire. Madame la Duchefle de Lon- gueville (foeur des Princes de Conde St |
||||||||||||||||||
I. P ARTIE. Liv. VU. 389
de Conti, celebre depuis par fa pier j) -------
y vint comme les aucres , & approuva l 644>
le voi'age de Rome. M. dc Chavigny, M. Bignon & M. d'Andilly avoient la mcme penfee. II n'y eut que M. de Barcos qui fut d'un avis conrraire. Pour M. Singlin, il fufpenditfon ju- gement. Enfin le dernier jour de la nuitaine qui avoir ere donnee s'ap- prochanr , M. de Barcos envoVa dire a M. Arnauld &c a ceux qui devoient l'accompagner , lefquels faifoient des preparatifs pour entrer avec eclar dans Rome, qu'ils pouvoienr faire ce qui leur plairoir, que pour lui il avoir pris d'autres fnefures. M. Arnauld crur alors qu'il feroir mieux d'imirer M. de Barcos , & prir le parti de fe cacher. M. Lancelot affiire dans fes Memoires (50), qu'il a fu d'une per- fonne, que fi M. Arnauld & M. de Barcos eroienr alles a Rome, jamais ils n'en feroient revenus , parceque le deitein etoit de les laiuer pourrir dans les prifons de l'lnquifirion; 6. meme, ajoutoit cette perfonne, o& n'eut rrouve moi'en de les faire perir. Mais une chofe bien remarquable, c'eft que le Domeftique du P. Ber- nard (51) nomme le Frere Jean , qui (jo) Lane./Mrf. p. 171. (f») M.Claude Bec-
R ii;
|
||||
390 HlSTOIXE DE PoRT-Ro'lAt.
vivoit en odeur de faintete , vint lui-
meme trouver M. de Barcos, fans l'avoir connu auparavanr, & l'aiant fait demander lui dit fimplement: Monfeur, je viens vous dormer avis dene point a Her a Rome. M. de Barcos qui etoit deja determine a ne point par- tir , leremercia & lui demanda qui i'a- voitporte a lui venir donnercet avis : mais comme e'etoit un homme qui parloit fort peu, & ne difoit jamais que le neceffaire , il ne s'expliqua pas da vantage & fe retira. La Prin- cefTe de Guimenee retira chez elle M. de Barcos, qui y fut long-terns, & ft fecretement, qu'il n'y avoit qu'un feul Valet de chambre qui le fut. Tous fes amis meme l'ignoroienr. M. Arnauld en prenant le parti de fe cacher, ecrivit en meme terns a la Reine, lui marquant les raifons qu'il avoit dene pas aller a Rome, ou fous l'apparence de rendre raifon de fon Li- nard furnomme le pauvre lui, & il exhorte en plu-
Pretre, etoit un Ecclefiaf- fieurs de fes lettrcs a avoir
tique d'unegrande piete, recoursa fon interceflion.
uniquement occupe a fer- En effet, Dieu manifefta
vir les pauures, 8c les fa faintete par plufieurs
malades. Il a fonde i Pa- miracles. ( Voiez les let-
ris le College des Trente- tres 17, 18, 19, de M. de
trois. Il mourut en 1641. S.Cyran ).• Ce faint Pretre
M. de S.Cyran avoit beau- eft enterre a l'Hopital de
coup de veneration pour la Charite de Paris.
|
||||
I. Pari If. Liv. Vll. 591
vre , il s'expoferoit a un peril certain d'etre facrifie aux pourfiutes injuries & violentes de ceux qui le perfecu- toient. Que voiant I'etat des chofesa fon egard , il violeroit le prccepte de l'Evangile , s'il ne fuioit la violence des hommes , pour fe retirer entre les brasde Dieu : qu'il efperoit qu'elle ne defagreroit pas qu'il prit le parti de fe fouftraire a la violence de ceux qu'il n'avoit pu adoucir par la moderation de fes ecrits, 8c qui vouloient avoir le privilege de combattre impunement les plus grandes verites j & de dechi- rer les perfonnes les plus innocentes. Que c'etoit pour ce fujet qu'il s'alloit mettre a couvert fous l'ombre des ailes de Dieu, ou il lui ofFriroit fans ceflTe fes prieres pour la profperitede Sa Majefte. Dieu procura une retraite a ce Doc-
teur perfecute, chez des perfonnes amies, qui commengoient a embraf- fer la penitence , & qui n'avoient pas encore eclate dans le monde. lis mi- rent leur gloire a voir leur maifon fervir d'afylea ce ferviteur de Dieu , & ils le cacherent avec tout le foin poflible ; ce qui attira fur cette famille toutes les benedidions du ciel qu'on y a vues depuis avec joie fi abondamment Riiij
|
||||
39i Histoire be Po».t-roiAt;
repandues. M. Arnauld vivoit la pai-
fible comme un agneau. Meffieurs le Mairre lui orTrirenr tous leurs fervices, pour l'aider dans fes travaux. M. de Sacy fur quelque rems apres compa- gnon de fa rerraire. M. le Mairre demeuranr ferme dans fa foli ru- de , lui envoioit de ce lieu les Tra- ductions des paflfages des fainrs Peres donr il avoir befoin. M. de Sericourr lui offrir fa plume pour rranfcrire ce 3u'il lui falloir. On peur dire que M.
e Sacy eroir des-lors comme Tame qui regloir rour par fa fageffe & fa dou- ceur. On voir en lui une moderation admirable dans la lerrre qu'il ecrivit a M. le Mairre fon frere, en lui en- voianr quelques cahiers de M. Ar- nauld ; il le prie de les bien examiner pour adoucir ce qui feroir un peu trop forr, & qui pourroir paroirre un peu aigre. » Prenez garde , dir-il, mon cher
» frere, a rous ces termes un peu durs. » Il dir par exemple en un endroir: N'e/l -ce pas un abus intolerable, &c. » J'avoue que l'ignorance eroir pro- » digieufe en ce rems , mais la norre » feroit femblable, fi Dieu ne nous » avoir fair tomber en fi bonnes w mains.... Il faut aufli confiderer |
||||
I. Partie. Liv. VII. 395
» que mononcle aparu un peuchaud —
» lorfqu'il etoit fur les bancs. Quel- l6+4*
» ques-uns Font regarde comme un
» efprit de feu , 8c one crainc qu'ii
m ne fut un peu aigre quoiqu'il ne le
» foit nullement, 8c qu'il foit l'hom-
» me du monde qui ait moins de fiel.
»» Mais il fauc oter tout pretexte, 8c
» combattre auffi-bien les imagina-
» tions des hommes que leurs erreurs...
» Vous connoifTez 8c aimez un grand
„ ferviteur de Dieu, qui a dit qu'il
» faut bien fe garder de parler de la
» verite avec vanite , & de la charite
„ avec aigreur & cupidite. lis fai-
« foient ainfi fortir de leur retraite
„ toute cachee, pour parler encore avec
„ M. Fontaine (51), mais toute eclai-
„ ree des lumieres de Dieu , des ou-
„ vrages qui repandoient l'eclat de
» la verite 8c le feu de la piete dans
„ toute la France. L'un pouflpit les
„ chofes avec toute la force & la viva-
„ cite de fon efprit ; I'autre les tem-
„ peroit avec la moderation pleine
m de gravite : l'un fuivoit par-tout
w l'impetuofite de fon zele •, I'autre
» tachoit de I'adoucir par fa referve
» pleine de circonfpe&ion .... Pour
„ ['ordinaire M. Arnauld s'occupoic
|
|||||||||
<ji) Tome I. page 548.
|
|||||||||
R v
|
|||||||||
J 94 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
iiSaa, " plus a combattre pour defendre
» comrae les dehors de l'Eglife, & » M. de Sacy travailloic d'avantage a » ce qui pouvoic enedifier le dedans. » L'un abbattoic par la force de fa »» plume ce qui s'oppofoit a la verice, » l'autre travailloic a faire regner la » charite ; & uniffanr quelquefois » leurs travaux, comme leurs cceurs " eroient unis , le neveu avoit pare » aux ecrits que 1'oncle produifoit » contre ceux qui attaquoient l'Egli- » fe, & 1'oncle avoir parr aux ou- » vrages de piete que le neveu com- " pofoir pour les ames faintes. XI, iv. Les Religieufes de P. R. n'avoient • Les jRelp"eu aucune Part a toutes ces concefta- I'.eUfontCinltioHS. Quand meme le livre de la quietees & frequence Communion auroir ece aulli Hv. de la fre-plein de blaiphemes conrre ifcucna- quemecom-j-iftie que ies Jcfuices le publioienc, elles n en eroienr pas moms proiter- nees jour & nuic devanc le S. Sacre- menr. Mais M. Arnauld ecoic frerede la Mere Angelique : Madame fa mere ecoir morte Religieufe dans ce mo- naftere , ou il avoit encore cinq fceurs Religieufes , & autant de nieces. Lui-meme lorfqu'il fut fait Pretre , avoit donnc tout fon bien a. cette maifon, ai'ant juge qu'il devoU |
||||||
I. Pari it. Liv. VII. £95
entrer pauvre dans l'etat Ecclefiafti- ~i6TZ~ que. II avoir choifi fa retraite a P. R, des champs avec Meffieurs fes neveux ; c'eft de-la que fortoient tous ces ex- cellens ouvrages , fi edifians pour l'E- glife & qui faifoienr ranr de peine aux Jefuires. C'en eroir fans doute bien affez pour rendre certe maifon horrible a leurs yeux. lis s'accoutu- merenc a confondre dans leur idee les noms d'Arnauld, Sc de Port-roial, & conc^irent pour les Religieufes de ce monaftere la meme haine qu'ils avoienr pour ce Docteur. lis firenr tanc par leurs cris & leurs calomnies , que M. du SaulTay Official de Paris recut ordre de faire une vifire reguliere dans ce Couv«nt pour examiner fi on n'y avoir poinr repandu quelque mau- vaife dodtrine. 11 executa ces ordres au mois de decembre de certe annee 1644, & fe fit affifter par M: Char- ton grand Penitencier, qui etoir tres prevenu conrre ce monaftere a caufe des faux bruits qu'on repandoit. Quelqu'innocenres que fuflent ces v*rL^-*.
fainte filles , elles redoutoient une a P.' *. aF"r telle vifite : mais elle ne fervir, par pofiJs*,J5i!* m 11 !•• r. -l >\ grand Peot-
un eftet de la divme Providence, qu a ccnciet.
confondre leurs ennemis & a faire eclater leur innocence. Ces Meffieurs R vj
|
||||
3 9<J HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI.'
i6jla, apres avoir examine tout avec grand
foin, apres avoir vu les Soeurs en particulier & lu les conftitutions, de- meurerent convaincus de l'innocence de ces Vierges chretiennes & de la faufTete des bruits que Ton avoit re- pandus contre M. de S. Cyran. lis furent fi edifies de l'efprit de pauvrete, de penitence, d'obeiflance 8c d'hu- milite , qu'ils trouverent dans la mai- fon , aufli bien que de la profonde paix & de la parfaite charite qui y regnoient , qu'ils temoignerent, foit en public, meme dans la chaire de verite} foit en particulier, dans les entretiens, l'extreme fatisfaction qu'ils en avoient rec,ue. lis difoient que la conduiu de M. de S. Cyran dans ce. monajlere avoit id tres catholique & trh chretienne, & qu'ils n'y avoient trouveque vertu ,piete & memefaintete. C'etoit leurs tetmes. Sur quoi la Mere Agnes ecrivant a M. Arnauld lui par- i loit ainfi. » Nous fommes de fi bon- « nes filles, fi nous voulions les en » croire, mais nous avons un autre » juge qui nous accufera devant Dieu, » fi nous ne fuivons pas ce qu'on » nous a enfeigne. M. 1'OfKcial con- 9ut en particulier une grande eftime de la Mere Angelique} & lui prorait |
||||
I. Parti b. Liv. VII. 397
qu'il ne croiroir jamais plus rien de
ce qu'on diroic conrre la maifon, qu'il ne flit venu s'en informer lui- meme. II declara au Chapitre en pre- fence des Religieufes, qu'il avoir trouve la conduite de la maifon bien reglee, une foi faine &c une charire fincere, & les exhorta a perfeverer. Ainfi fe rermina la vifite le 13 de de- cembre a la honre de ceux qui la firenr faire , & a la gloire du monaf- tere dans lequel elle fur faire. Apres la vifire , M. l'Archeveque
envoia un de fes Aumoniers remoi- gner aux Meres fuperieures qu'il fe rejouifiToir avec elles , de ce que fes Officiers n'avoienr rrouve que beau- coup de bien & de piece dans leur maifon ; qu'il avoir roujours cm que ce feroir le fruir de cerre vifire j Sc qu'il ne l'avoir pas faire pour erre eclairci d'aucun doure qu'il eur fur leur conduice, ai'anr roujours reconnu les benediftions parriculieres que Dieu avoir verfees liir ce monaftere, mais pour diffiper rous les faux bruirs qu'on repandoic depuis quelques an- nees. Cerre vifite de P. R. l'humilia- rion du P. xMouer Jefuire , oblige de fubir une penirence publique, la de- fenfe que fit M. de Paris aux Predica- |
||||
J98 HlSTOlRK DE PoRT-RO'lAt;
"044. teurs de parler contre le Livre de la
frequence Communion, cela fit que l'annee 1644 fuc afTez calme a Paris. Mais les ennemis de M. Arnauld & de P. R. continuerent toujours de re- pandre leurs calomnies. Comme on publioit auffi beaucoup de faux bruits contre les pieux folitaires qui vivoient comme des Anachoretes dans le defert de P. R. des champs , M. le Maitre ecrivit un grand Memoire que nous avons, date du 11 novembre 1644 , pour informer de la verite ceux qui avoient du credit en Cour. X!r-V1', Tandis que les Jefuires fe figna- Move des. . . r * 1 1 • ° 1
jtfuitei pour loient ainii en trance contre le Livre de
faire com- \z frcqUente Communion , contre fon damnetaRo- - T ,,
»e U livre Auteur& contre P.R. lismettoienttout
fc 'comm"-611 oeuvre Pour le faire condamner a
nion. Rome ou ils avoient eu le credit de faire porter cette affaire contre routes
les loix de l'Eglife &c de l'Etat. On apprit qu'ils travailloient par le moiert de M. Albizzi AfTefleur de l'lnquiii- tion , tout devoue a leurs interets , a y faire examiner ce Livre & tirer pat furprife quelque cenfure de ce Tri- bunal. Les Eveques approbateurs de la frequente Communion , iiformes de ce qui fe tramoit a Rome contre ce Livre , ecrivirent au Pape Urbain |
||||
I. Partie. Llv. VII. 599
VIII. une lettre dattee du 5 avril —~r—- 1644 , dans laquelle ils expofent a Sa Saintetc ; que » Si jamais il avoir j*^1^ » ete neceflaire de renouveller l'an- Eveques a » cienne 8c louable coutume des Eve- Utbam VHI* » ques , qui informoient par leurs » letrres le Sainr Siege Apoftolique » des affaires difficiles qui arrivoient » dans leurs Diocefes, fachanr que » c'eft a lui qu'apparrient le foin ge- » neral des Eglifes, il y en avoir plus « de neceflite dans l'occafion prefente » qu'en aucune aurre ; qu'ils voi'oienr » 8c eprouvoienr rous les jours , que » quelques perfonnes vouloienr era- » blir des maximes dangereufes qui » n'affoibliffenr pas feulemenr, mais » qui derruifenr la fupreme autorite » de Sa Saintete , qui bleifent le corps » de la Hierarchie Ecclefiaftique, 8c m en parriculier l'ordre Epifcopal; qui » changenr fouvenr l'ufage des Sa- » cremens qui doir erre tres faint & m tres falutaire , en un abus perni- » cieux 8c deplorable qui fair gemir » tous les gens de bien ; 8c qui loin ,1 de rrouver des remedes utiles pour „ purifier les mceurs corrompues , in- „ troduifent des adouciffemens & des „ palliations a la place des veritables „ remedes; que lorfqu'ils ont voulil |
||||
400 HlSTOIRF. DE PoRT-ROlAL.
» travailler felon le devoir de la charg
n Epifcopale a arreter le cours de c « mal, ces perfonnes one eu la har » diefle de s'elever contre 1'autorit » des Eveques par des fermons in « folens, d'exciter des troubles , & » de s'oppofer de tout leur pouvoi w a l'autorice ecclefiaftique ■, que leu w emportement a principalement pan « al'occafionduLivre de la frequenu m Communion, compofe par M. Anr » Arnauld Do&eur de Sorbonne , & » autorife par l'approbation de feiz » Eveques & de vingt-quatre Doc » teurs ; que n'ai'ant pu fuppor » ter avec patience que l'ecrit d'ui « d'entre eux fut refute dans a » livre par des temoignages de » faints Peres tres clairs , ils on ■» commence a rechercher routes for » tes de moi'ens pour ruiner 1'autorit '»»■ du jugement des Eveques , pou »» decrier cette doctrine & rendr » odieux l'Auteur qui l'avoit ecrit " ou plutot qui n'avoit que tranferi » la tradition de l'Eglife que les Pere » ontlaiflee. Ils temoignent a. Sa Sain » tete, qu'ils font perfuades qu'elle de » couvrira facilement combien leu » procede eft injufte , lorfqu'elle aur w pefc dans la balance fi equitabl »> de fon jugement, les raifons qi |
||||
I. Parti e. Liv. Vll. 401
» les ont portes a approuver ce livre; » que le delTein de l'Auteur n'a ete x ^4' » que d'apporter la doctrine perpe- « tuelle 8c conftante des faints Doc- « teurs de l'Eglife , des Papes & des » Conciles touchant la Penitence & " l'Euchariftie , &c cette courame ca- » nonique & tres fainte fi religieufe- » ment obfervee dans l'Eglife pen- 's dant plufieurs fiecles, qui a ete " defiree & louee dans ces derniers " tems, & confervee autant que le » refroidifTement de la charite des m hommes le pouvoit permettre , & » retablie en fes principales patties w pat le loin & pat la piete finguliete » des Papes & des Cardinaux He l'E- » glife Romaine, comme de Gropper» *> de S. Charles Borromee , de Maria- „ nus Vidfcorius Eveque d'Amelia; „ qu'ils avoient eu tout fujet d'efperer » qu'ils tireroient de ce livre un grand „ fruit pour arreter le debordement m des mceurs corrompues qui s'aug- » mententde jour en jour par lesnou- „ velles inventions de quelques Ca- „ fuiftes , dont Sa Saintete a condani- » ne plufieurs livres par une cenfure „ tres jufte & tres equitable que le » Clerge de France a publiee dans ,> toutes les Provinces de ce Roi'aume% |
||||
4«i HlSTOiRE BE PoRT-ROlAt.
» Que l'Auteur du Livre de la fre-
» quente Communion n'a pas eu » moins de foin d'entretenir la paix » que de defendre la verite; qu'il » n'impofe point de loi ni de necetfitc » aperfonne-, que bien loin de Com- »» battre la frequence Communion, il » y exhorte les fideles & n'en reprend » que le mauvais ufage ', que s'il » fourient qu'on peut quelquerois dif- » ferer l'abfolution, il ne dit pas » qu'on la doit differer toujours ; qu'il » enfeigne que l'abfolution n'eft pas » une nmple declaration du peche re- s' mis, mais qu'elle opere audi la » remiflion du peche & qu'elle con- s' fere la grace; que fon deflein n'eft » pas de retablir l'ancienne penitence » publique , mais de montrerque ceux " qui fe portent volontairement avec la » grace deDieu a en pratiquer quelques » parties ne font pas blamables , que " bien loin de condamner l'ufage » prefent de l'Eglife de donner Tab- s' folution avant 1'accomplifTement de » la penitence , ill'approuve , pourm » qu'on l'obferve fuivant Tintention » & l'efprit de l'Eglife; qu'ils ont » cru que ce livre feroit tres utile a » l'Eglife , parceque l'Auteur y tra- » vailloit a empecher que les hommes |
||||
I. Part ie. Llv. VII. 403
»» ne ruflTent dec,us par de fauffes pe-
» nitences , 8c qu'il defend egalement » la verite catholique contre les er- « reurs de Luther & de Calvin , 8c « l'innocence 8c la purete chretienne » contre les vices 8c la corruption des » mceurs. lis louent enfuite l'Auteur de l'ouvrage , 8c le recommandent a Sa Saintete , d'autant plus volontiers » qu'ils favent, difent-ils , qu'il n'a » pas une affection moins ardente » pour l'unite 8c la paix del'Eglife que » pour la verite ; 8c ils affurent qu'il » a les memes fentimens qu'ils ont m expofes dans cette lettre, 8c qu'il » a founds fon ouvrage au jugement » du S. Siege par une declaration qu'il » a donnee volontairement & de lui- » meme. Ils fupplient 8c conjurent Sa » Saintete de ne pas fouffrir que cette u dodrine tant de fois confacree par » les oracles des Papes, 8c qu'ils ont » jugee unanimement n'etre pas feu- » lement faine , mais tres propre „ pour rendre la fante aux pecheurs „ qui font malades, foit combattue » par les opinions &C les entreprifes » peu equitables de quelques-uns, 8c y, qu'on la decrie publiquement, com- » me fi elle tendoit a detruire plutot ■» qu'a edifier. Ils prient Sa Saintete |
||||
404 HlSTOIRE DE P0RT-R01AL.
"*r?TT » d'impofer filence a ces perfonnes,
» & de maincenir la dignite epifco~ » pale, dont le mepris pafte aifement » au violement du refpe6fc qui eft » du au S. Siege Apoftolique , corame » des exemples recens Font aflez fait »» voir. Cette lettre etoit fignee des feize Prelats approbateurs du Livre de la frequence Communion •, elle eft datee du 5 avril 1644, jour qu'elle fut envoi'ee a Rome accompagnee d'une leccre particuliere de l'Archeve- que de Sens, adrefifee au Cardinal Barberin par laquelle il le prioit d'ap- puier la demande des Evrques aupres du Pape ion oncle. xlviii. La declaration de M. Arnauld, dont ^ration U eft ^ ^ ^ y^ des feize
nauld. Prelats, avoit ete donnee le 14 mars
precedent ,& etoit concue en ces ter- mes * » Comme je puis jurer folem- » nellement devant Dieu qui eft la » verite raeme , que je n'ai compofe » le Livre de la rrequente Commu- » nion, que par le ieul amour de la " verite , & le defir du falut des ames, » je puis protefter aufli devant fa » Majefte divine, par le feul mou- » vement libre & volontaire de ma » confcience , que je le foumets du » fonds de mon ame, ainfi que je |
||||
I. Par tie. Llv. VII. 405
». l'ai toujours foumis au jugement de ■
» l'Eglife Romaine, de notre S. Pere l6^'
« le Pape que je revere avec tous les
» Fideles comme le fouverain Vi-
» caire de Jefus-Chrift en terre, 8c
,> auquel en cette qualite jeremetsde
» tout mon coeur , & ce qui concerne
» ma perfonne & ce qui regarde mes
» ecrits; de tous les Eveques catho-
» liques , que je regarde comme mes
■» Peres ; de Monfeigneur I'illuftriili—
» me Archeveque de Paris , a quije
» rendrai toujours en routes chores
>j l'obeiflance que je lui ai vouee pu-
■» bliquement; de la faculte de Theo-
« logie que j'honore comme ma Me-
» re & pour qui j'aurai route ma
» vie un tres humble refpecT: & une
n tres ardente affection. Et comme
» j'efpere avec la grace de Dieu, que
»> ni le defit des biens , ni la crainte
» des maux temporels , ne m'empe-
» cheront jamais de defendre la ve-
w rite, aufli l'amour opiniatre de mes
.•> propres fentimens ne me fera ja-
„ mais oublier ou blefler en la moin-
» dre chofe l'obeiflance & la fou-
„ million parfaite que je dois & que
» je veux toujours rendre a l'Eglife,
« dont je reconnois & revere la puif-
„ fance & l'autorite qui eftcelle de J.C,
|
||||
406 HlSTOIRE DF. PoRT-ROlAl.'
—~Z------- » meme , comme etant une & egale-
44' „ ment inviolable dans la fucceflion
» de tous fes Pafteurs & de tous fes
„ Conciles depuis le premier fiecle
» jufqu'au fiecle prefent, & depuis
» aujourd'hui jufqu'a la fin dumonde.
Fait a Parish 14 mars 1644.
xnx. La meme annee, un Capucin nom-
cjda^mele P. Yves euc le courage de fe
uiic remon- mefurer avec le grand Arnauld, en
Rdn" comr* adreflanr ( foit de fon mouvement,
iafteq com-f0it par celui de la Societe a laquelle
nunion. fafe des Capucins fait profeifion
d'etre youe), une remontrance a la
Reine regente contre le Livre de la frequente Communion. Mais M. le Maine prenant la defenfe de M. Ar- nauld fon oncle , fit au P. Yves une reponfe egalement folide &c eloquen- te , dans laquelle il apprend a ce Ca- pucin fon devoir, & lui remontre que fa demarche eft contraire a l'humilite & a la charite de fon Pere S. Fran- cois , qu'elle ne convient point a fa profeflion, & qu'elle eft injurieufe auxEveques,dontquelques-unsavoient condamne un ouvrage de ce P. Yves intitule le Triomphe dclav'u Rdigieufe. tepi'petaa ^e P* Yves rut fuivi d'un Jefuite. attaqiuiafrS-Cela eft dans l'ordre. Mais on fut »unioU?ra" neanmoins furpris de voir le P, Petan |
||||
I. P A R. T I E. Liv. VII. 407
attaquer un Livre qui n'enfeignoitque •---------—
ce qu'il favoit bien lui-meme etre l644'
ties conforme a l'efprit & a l'ancienne difcipline de l'Eglife. Tantus amor Societatis I Ce Jcfuite facrifiant done fa confeience & fes lumieres aux in- terets de la Soeiete , publia un livre de la penitence publique qu'il prit la liberte d'adreffer a la Reine. II ac- cufoit dans l'epitre dedicatoire, l'Au- teur de la frequente Communion, de former une nouvelh cabale , d'intro- duire une fecle de Pinitenciers, de vouloir detruire & renverfer le roiaumc de Jefus-Chrijl par des erreurs & des attentats , d'ouvrir I'entree aux fac- tions & aux fchifmes, & d'avancer des maximes fcandaleufes autant con- tr aires a I'Etat qua l'Eglife catholique. Le P. Petau ne recueillit de fon tra- vail que de la confufion , il s'attira le mepris, de tous les gens de bien, 8c fit a ia reputation une tache qui ne s'effacera jamais. Le mepris que le public fit de l'e- !•!•
cent de ce J eluite, 1 indignation meme ie t^ute, qu'il en marqua , difpenfoit M. Ar- nauld de l'honorer d'une ret>onfe , il le fie neanmoins par l'excellent ou- vrage de la Tradition de I'EgliJi fur la penitence & la communion. L'ou-? |
||||
408 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
~~ vrage en foi n'eft qu'une traduction
' faite par M. le Maitre (qui dans fa folilude s'ctoit applique a la lecture des ouvrages des faints Peres) des plus beaux paflages des Peres Grecs 8c Latins, des exemples de l'hiftoire Ecclefiaftique au fujet de la penitence. Mais la preface compofee par M. Ar- nauld eft un livre prefque auffi gros que le corps de l'ouvrage; c'eft dans la preface 8c dans l'epitre dedicatoire, que M. Arnauld repond au P. Petau & qu'il le confond, foit en reduifant en poudre fes objecHons, foit en fe juf- tifiant contre fes injuftes accufations, avec une force & une eloquence qui a fait I'admiration des plus beaux genies. n Je fuis a. la moitie du livre de M. » Arnauld . dit Balzac, j'ai lu tout » ce qui eft de lui, &c en confcience » je n'ai jamais rien lu de plus elo- m quent ni de plus dodte. Je l'ai lu »> avec une continuelle emotion, avec » un tranfport qui ne m'a point en- » core quitte : & j'accufe notre lan- « gue de difette , je me plains d'elle, « de ce qu'elle ne me fournit point » de termes aftez puiflans pour vous w exprimer l'etat ou m'a mis cette »> incomparable composition. O le ,, grand perfonnage que ce cher ami I » O
|
||||
I. Part ie. Llv- VII. 409
*» O que je fuis glorieux de fon ami- I(j, . "
" tie 1 6 que I'Eglife recevra de fer-
*» vices de cette plume ! Ce fera le
»« baton de fa vieillefle , ce fera peut-
" etre fbn dernier appui : & s'll y a
*> encore quelqu'herefie a venir, qu'el-
»» le fe hate de naitre , & que tous les
" monftres fe declarent , afin que
»» cette plume fatale les extermine.
" Tout cela ne me fatisfait pas; j'en
« penfe bien davantage que je n'en
» ecris. Jefuis plein, je fuis pofTede
» de ce livre. II me tourmente l'ef-
» prit comme u c'ecoit une infpira-
" tion divine qui m'agitat, & non
« pas le livre d'un homme mortel que
m j'eufTe lu ... . Magnum nee peclore
» pojfum excuffijfe Deum. Comme le
P. Petau avoit dedie fon livre a la
Reine , frl- Arnauld ltd dedia auffi le
fien. II prend de-la occafion de jufti-
fier la hardieiTe qu'il a de lui prefenter
fbn ouvrage , & dit qu'aiant ete ac-
cufe devant fa Majefte, il fe croit
oblige de fe jufliner devant elle & de
l'informet' lui-meme de la verite de
fes fentiiriens , qu'il lui expofe.
M. de la Milletiere (quietoit en- tII
core alors de la Religion pretendue EcritdeM. reform^) voulant fe fignaler dans^Jf MiUe" une difpate agitee entre des Catholi- To/ne - J I. S
|
||||
pippun .1..
|
||||||
4IO HlSTOIRE DB PORT-ROIAI.
"1(577 ques publia un ecrit fous ce titte :
Pacifiquc veritable fur le debut de I'll- J'age legitime du Sacrement de penitence. Il y donne dans deux exces ; 1 °. que . la penitence & la confeifion doivent necelfairement etre publiques , 3c que
l'abfolution ne pouvoic etre veritable que le penitent n'eut acheve fa peni- tence •, 1". que tous les fideles qui font en etat de juftice, peuvent 3c doi- vent communier tons les jours. M. Arnauld defavoua tons ces fentimens par une lettre du 18 juin j 644 , adreifee aux Eveques approbateurs du livre de la frequente Commurnon , & fit voir qu'il avoir tenu un jufte mi- lieu entre le relachement de cjaelques Cafiiiftes & les maximes outrees du fieur de la Milletiere. liii. Enfin la frequente Communionfut ohictifcoa- atcaquee par un Eveque. Mais qua- nt la tVeq.t ilgagne (dit le grand Colbert (53) Conwunion'parlant de l'entreprife de ce preiat) a attaquer le Livre de la frequente Com- rnunion? a peine (ah-on dans le monde qu'il y aeu un M. de Raconis ; & il n'y a que quelques Savans qui Jachent quit ait voulufe mefurtr avec pd. Ar- nauld, L'Eveque de Lavanr, A.bra de Raconis publia done un ecrjt intU (f j) Troifons IctireCQUtrc M. deMarfeiljc,
|
||||||
—
|
||||||
I. Partie. Liv. VII. 411
rule : Examen & jugement du livre de
la frequenu Communion , dans lequel il accufoit l'Auteur de plufieurs er- reurs , & faifoit retomber cetce accu- fation fur M. de S. Cyran. On fie auffi-tot une reponfe a cet ecrit; 8c M. de Raconis , au lieu de reconnoitre fa faute & de garder le filence , y op- pofa un nouvel ecrit avec ce titre , Anatomic, qui fur bientot refute par une replique. La premiere partie du premier ouvrage eft de M. Arnauld , 8c la feconde partie eft de M. laBarde Chanoine de Notre-Dame. Le fecond ecrit eftde M. Arnauld. M. de Raco- nis ecrivit encore une lettre au Pape pleine de calomnies contre le Livre, l'Auteur & les Prelats approbateurs. Mais les Eveques en ai'anr eu copie, il fut force de la defavouer, parceque rAftemblee du Clerge qui fe tenoit, le menaca de lui faire faire fon proces s'il etoit reconnu aitteur de la lectre. Enfin ce pauvre Eveque, couvert de honte , meprife de fes confreres , aban- donne a fa mauvaife fortune par les Jefuites memes qui Tavoient mis en ceuvre , mourut, comme tous ceux qui ont ofe ecrire contre P. R., enfe- veli fous les mines de fes ecrits, de fa reputation 8c de fonhonneur. Sij
|
||||
411 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
~~~PT-—' Les Jefuires continuoient toujours
a Rome de pourfuivre la condamna-
LesJefuites cion de la frequence Communion , ce
poufutvent a qui enrra2ea les Prelats approbateurs a
Rome la coii- » P; 3 . r r
damnation y envoier un des vingt-quatre Doc-
da hvre de la ceurs quj avoient pareillement ap- fteq. Com- , *■ ls> C \ m T>
munion. prouve cet ouvrage. Ce rut M. Bour-
geois, qui y arriva le 3oavril 1645. 11 y trouva M. Duchefne Bachelier de Sorbonne qui l'attendoit avec grande impatience, &c avoir veritablement befoin de fecours pour s'oppofer aux defleiris du P. Brifacier, que les Je- fuices de Paris avoient envoie a Rome folliciter la condamnation de l'ou- vrage de M. Arnauld. On avoir prin- cipalement arcaque cette proponrion (que M. de Barcos avoit mife aflez mal-a-propos dans la preface de la frequence Communion, ou elle n'a- voit meme aucun rapport) : S. Pierre & S.Paul font les deux chefs de VE- glife qui n en font qu'un. On fut frappe de cette propofition a Rome a caufe du delTein qu'on favoit qu'avoit eu le Cardinal de Richelieu d'etablir un Parriarchat en France. Le CommilTaire de l'inquifition avoua a M. Bourgeois » qu'on avoit cru que les Francois >> ne s'opiniatroienc pas fans deflein .v a la defendre. On craincs ajouta.- |
||||
I. P A R T I E. LlV. VII. 41 $
» t-il, qu'elle ne tende a etablir en 1(j4r "
« France un Patriarche ou un Pape » qui fe dira fuccelfeur de S. Paul, w comme celui de Rome fe dit fuc- « ceflTeur de S. Pierre, & qui fe dira » abfolu comme celui de Rome. Cet- te propofition fut audi attaquee fpe- cialement en France, & M. deBarcos fit pluiieurs ecrits pour la defendre. i°. Un Traits de Vautorite de S. Pierre & de S. Paul. i°. La grandeur de CEglife Romaine itablie fur Pauto- rite de S. Pierre & de S. Paul &jujli- fiee par la doctrine des Papes. 30. Une lettre latine fous le notn de M. Ar- nauld au Pape Innocent X. |
|||||||||
Les Jefuites avoient tourne toutes
|
LV.
|
||||||||
leurs batteries contre cette propofition _ L'lnquifi-
' i> i • 1 1 r *i 1 tion condam-
comme etant 1 endroit le plus foible , ne une Pr0.
dans l'efperancequ'apresen avoir obte- pofiiondela 1 1 • -i 1 • 1 preface' qui
nu la condamnation , ilsobtiendroient£.a auc[m-
celle du livre meme. Mais Dieu ne traitauiivrc, permit pas alors que 1 intrigue & 1 er- mgme de m. rear triomphaflent de la droiture & Amauld. de la verite. lis obtinrent feulement la condamnation de la ptopofition touchmt les deux chefs, & meme avec une modification , c'eft-a-dire, en cas qu'on l'expliquat de telle forte qu'elle mettroit une entiere & parfaite egalite entre » S. Pierre 8c S. Paul, S iij
|
|||||||||
414 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAl.'
» fans aucune fubordination , ni fil-
» jetion de S. Paul a. l'egard de S.' » Pierre , danslafouverainepuiflance » & dans le gouvernement de l'E- » glife univerfelle (54). Le Decree de l'Inquifition qui condamnoit cette proposition , etoit deja rendu , dit M. Dupin, ou du moins il etoit tout pret, lorfque M. Bourgeois arriva a Rome (55). Ce Do&eur demanda a ctre recu partie au nom des Eveques & en fon propre nom , comme ap- probates du livre de la frequente Communion •, ce qu'il eut beaucoup de peine a obtenir, parceque l'Ai- fefleur d'Albizi etoit tout livrei aux Jefuites. Ai'ant enfin obtenu ce qu'il demandoit, il comparut devant le tribunal de l'Inquifition & eut com- munication des objections qu'on fai- foic contre le livre done il prenoitla defenfe. Les Eveques approbateurs de ce
(f4) Ita explicatam ut ce. Le Nonce l'ai'ant fait
ponat ornmmodam iequa- imprinter datti du iy
litatem inter fan&os Pe- Janvier 1647 , M. le
trum & Paulum fine Maitre fit des reflexions
fubordinatione & fub- deflus, pour en faire voir
jeSione fanfti Pauli ad la nullite, & le Parle-
S. Petrura in poteftate fu- ment rendit le 17 mai
prema 8c regimine uni- 1*47 un Arret par lequel
verfalis Ecdefiar. il defend de le publier eu
(55) Ce Decree ne fut executer.
ni rec,u ni pulolie en Fran- |
||||
L P A ft? I ft Liv. Vtt. 41 $
liVre lui envoierent une procuration — avec une nouvelle lettre datee du x 1 tes Ev«ques juillet KJ45 adreflee au Pape Inflo- »pprobatcurs cent X fueceffeur d'Urbain VIII qui nocen"x! " etoit mort. lis envoierent aufli a Inno- cent X la lettre qu'ils avoient ecrite a Ion predeeelleur , & releverent par de nouveanx eloges le merite de M. Arnauld & de fon livre, dont Dieu s'etoit fervi , felon le temoignage de ces Eveques , pour converter plufieurs heretiqnes a la foi & a la piete catho- lique. " Nous eftimons audi , difent- » ils, que votre Saintete ne fauroit » apprendre fans quelque mouvement » d'indignation avec quels artifices » les ennemis de ce livre & de fon » auteur egalement recommandable » par fa vertu & par fa fcience , fe » font eleves contre une doctrine fl « fainfe, & qui a ete confacree par „ rant d'oracles de Dieu meme , des » fouverains Pontifes & des Conciles. M. Bourgeois rendit cette lettre a fa Saintete , & fit enfuite fes follicita- tions aupres des Cardinaux & Conful- teurs de la congregation , pour en¥- |
|||||||||||||
I
|
echer la condamnation du livre de
frequente Communion. Quel etort- |
||||||||||||
nant lpectacle , de voir l'innocenee
S iiij
|
|||||||||||||
41 6 HlSTOIRE DE Poft.T-R.Ol At.
Sc la verite traduites devant un tri-
bunal chrctien , pourfuivies par des criminels i< des coupables de crime de leze majefte divine, par les pro- phanateurs des chofes faintes , & obli- gees de fe defendre contre des Parti- fans d'erreurs qu'elles devroient elles-, memes frapper d'anatheme ! Malgre toute la cabale le livre de la fre- quente Communion aiant ete examine dans la congregation, tous les Car- dinaux qui en etoient opinerent en fa faveur, & le livre demeura fans au- cune cenfure : ce qui eft la feule ma- mere dont ce tribunal juftifie les livres qui lui font denonces , quand il ne trouve pas matiere a les condamner. Ainfi , comme la providence fait tou- jours tourner a l'avantage de la verite les efforts que font fes ennemis pour l'op- primer, tout ce quifut emploiepour accabler M.Arnauld & fon livre, ecrits, calomnies, cabales , tout celane fervit |
|||||||||
u'a. faire eclater davantage le merite
|
|||||||||
e fun & de l'autre. Le Pape temoi-
gna beaucoup de joie du jugement des Inquifiteurs , & jamais depuis, ce livre n'a ete condamne a Rome. Lorfque M. Bourgeois alia rendre
vifite au Commilfaire, pour le re- mercier de fes bons offices & de fe3 |
|||||||||
I. P A R T I E. L'lV. Vll. 417
confeils , le CommilTaire lui dir, ~
» qu'il devoit etre content, & louer
|
|||||||||||
u45-
I. VII.
|
|||||||||||
» & remercier Dieu ; que fa Saintete joied'J
|
P*
|
||||||||||
» n'avoit pas encore tant tenioigne de fe en voYant
1 r . r ■ n le rapport de
» joie depuis la promotion , en quel- tous ies car-
» qu'occalion que ce fur, qu'en celle-di"?ux ffvo" A .. * . A-, .. tableau livre
» ci , voiant tous les Cardinaux delaftequen-
„ conclure d'une voix unanime a Fab- neionCommilT » folution du livre ; qu'il devoit bien » le faire remarquer aux Eveques » approbateurs du livre, parceque ce » leur feroit un temoignage ties cer- » tain de 1'eftime 6c de I'affe&ion du » Pape pour leurs perfonnes. Le Pape repeta la meme chofe a M. Bourgeois lorfqu'il eut fa derniere audience, Sc lui dit que » la plus grande joie qu'il » eut eue depuis fon afTbmption au » Pontificat, avoit ete le rapport qui » lui avoit ete fait le jeudi prece- » dent par tous les Cardinaux de l'ln- » quifition en faveur du livre de la « frequente Communion ; qu'il fe » fouvenoit de la fermete avec laquelle „ il lui avoit parle dans routes les » audiences, & particulierement dans » la derniere , de la doilrine de ce » livre , & de la confiance qu'il avoit » en la juftice des Cardinaux du S.Orfi- „ ce ; que fes efperances etoient juftes, n Sc que la force avec laquelle il les S v
|
|||||||||||
413 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» avoic apu'ieesdes avoit fait pader juf-
» qu'a. lui-, que depuis ce tems-la,il s'e- » toit fenti ioulage de la crainte qui lui j> avoit pefe fur le cceur, que des per- ?j fonnes qui lui etoient tres cheres » & tres confiderables pour leur me- » rite & leur dignite, ne fe fuflenc m laiffe aller a donner quelque figna- » ture indifcrete; mais qu'il avoit » joie a lui dire qu'il ne s'etoit pas »> trompe, & qu'en effet il ne s'etoit „ vu de long-tems dans le faint Of- »> fice un confentement fi unanime » de tous les Cardinaux & Conful- « teurs pour quelque livre que ce »> fut; qu'il temoignat aux Eveques *> approbateurs, & a M. Arnauld au- » teur du livre, la part qu'il avoit « prife en cette affaire, ai'ant voulu » s'en inftruire par lui-meme, & la » joie qu'il avoit eue du bon fucces; « les affurant au refte que fi quelques m occafions fe prefentoient de leur » faire plaifir , il le feroit avec beau- » coupde joie. Ainfi on peut mettre avec juftice,
au nombre des approbateurs du livre de la frequente Communion lePape mcme qui en parle avec eloge, comme on vient de le voir; le* Cardinaux qui ont tous confpire unanimement a |
||||
I. P A R T I E. Llv. Vll. 419
l'abfbudre ; les Confulteurs & les
Theologiens qui ont affifte au rapporc & qui ont ete favorables. Il faut en- core joindre aux approbateurs de ce livre, tous les Eveques de la province d'Aufch, au nombre de dix , leur Archeveque a leur tc-te , qui l'approu- verent foleranellement dans une af- femblee tenue en 1645. Le Pape Alexandre VII l'approuva pontive- ment avantque d'etre elu Pape,dans deux lettres ecrites a M. dAcquin. Des Eveques les plus eloignes voulu- rent avoir part a 1'applaudirTement general dont cet ouvrage fut honore dans l'Eglife. L'ArchevequedeGnefne Primat dePologne , donna une appro- bation en bonne forme par l'Eveque de Theodofie fon SufFragant. On pent ajouter a tant d'illuflrres temoins de la purete de la do&rine de ce livre 8c de fon utilite , tout ca qu'il y a eu depuis ce terns d'Eveques 8c de Pre- tres qui l'ont mife en pratique, 8c 3ui en ont fait la regie de leur con-
uite dans Padminiftrarion du Sacre- ment de Penitence. Pourrions-nous n'y pas ajouter, je ne dis pas feulement M. de Caylus Eveque dAuxerre , qui dans une excellente inftrudion fur eette mauere , prend la defenfe da li- S vj
|
||||
42.0 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
1645. vre de la frequence Communion com-
me d'un livre anc'un autorife & ejiime dans I'Eglift) juftifie l'Auoeur contre un ecrit fcandaleux dans lequel il eft attaque ; mais encore tous les Prelats qui en plus grand nombre meme que ceux qui approuverent autrefois la frequence Communion de M. Arnauld, fe font eleves contre le P. Pichon , confrere & digne difciple du P. Sef- maifons, ont combattu fes erreurs & fes impietcs, & ont juftifie de nouveau & le livre & l'Auteur de la frequente Communion , en enfeignant la meme do6t nne & les memes maximes , en les puifant dans les memes fources , pour ne pas dire qu'ils les ont puifees dans le livre meme de la frequente Com- munion & dans celui de la tradition de l'Eglife qu'on peut alTurer leur avoir iervi de modele dans tout ce qu'ils ont dit de bien fur le delai de l'abfol ution , de la necellite d'eprou- ver le pecheur, des difpofitions ne- ceflaires pour recevoir dignement le Sacrement de l'Euchariftie ; difpofi- tions qui ne font point feulement de fimples confeils de bienfeance, mais qui font abfolument neceflaires a tous les chretiens. II eft aife de conclure de tout cela, |
||||
I. P a r t i e. Liv. VII. 411
que les JeTuites one perdu leur proces
a Rome comme en France , 8c par tout le monde chretien ; qu'en vou- lant faire fletrir le livre de la fre- quence Communion 8c 1'Auteur par leurs intrigues , ils ont travaille a juf- tifier l'un & l'autre, & a faire con- noitre a tout le monde la purete de la doctrine de l'ouvrage qu'ils vou- loient faire condamner ; puifque les Juges au Tribunal defquels ils 1'ont defere n'y ont rien trouve qui fut di- gue de blame & de cenfure. Que le livre de M. Arnauld ( dit M. Balzac , lettredu 19 novembre 1643 a M. Cha- pelain fon confrere) eft un favant, Fage 8c eloquent livre ! Il me paroit li folide & fi fort de tous cotes, que je ne penfe pas que tout ce qu'il y a de machines dans 1'arfenal de la Societe en puifle egratigner une ligne .... J'en parle de cette forte a mes bons amis les RR. Peres; & quoique j'aie plus befoin qu'homme da monde de douceur 8c d'indulgence en cette oc- casion , je fuis pour celui qui me me- nace de la foudre contre cetix qui ne me promertent que de la rofee. Tous les mauvais fucces des enne-
mis de M. Arnauld ne les rendirent ni plus fages ni plus moderesj ils. |
||||
411 HlSTOIRE DT. PoRT-ROlAt.
"\T", /"* continuerent a fe repandre en invec-
*r ' tives dans les ecrits , dans les fermons,
Motifs de dans leurs ecoles meme conrre ce Doc-
M. Araauid teur c.uj avoic entrepris l'ouvraee de
en faifanc le . r , J- _ L . , °
livre de la la h'equente Communion par des vues
f.eq. com-fl pures & des motifs fi chretiens &fi edinans, mais ecoutons-le lui-meme fur ce fujet dans un ecrit qu'on a de lui fous ce titre : Declaration en forme de tejiament des veritable* difpojitions de mon ame dans toutes les rencontres importantes de ma vie. « Vous favez , j> Seigneur, dir M. Arnauld, par » quel engagement & dans quelle » vue j'ai rait le livre de lafrequente » Communion, & fi j'ai ete aflez mal- » heuteux pour avoir eu defiein en le » faifant, d'abolir les Sacremens de » Penitence & d'Euchariftie , comme » on m'en' a accufe par divers livres » imprimes. Mais e'eft vous-meme, „ mon Seigneur , qui m'avez juftifie » par la benediction que vous y avez » donnee. Et fi j'ai quelque chofe a » craindre en cela, e'eft de ne m'etre j) pas aflez humilie , en voi'ant que s> l'indignite de l'inftrument dont vous *> avez daigne vous fervir, n'a pas 33 empeche le fruit que votre Eglife 0 en a tire par le zele de rant de Pre- v » lats & de tant de Pretres qui fe fonc |
||||
I. Partis. Liv. VH. 423
»» appliques depuis cetems-laa traiter » les ames par des remedes plus pro- » pres a guerir leurs maux envieillis , » que ne font des abfolutions preci- se pitees, que les Peres appellent une »> faufle paix, pernicieufe a ceux qui « la donnent, 8c infru&ueufe a ceux 3j qui la recoivent. » Cependant, nion Sauveur, vous
m favez que je n'ai jamais eu lapen- « fee qui m'a ete attribute par mes 5> ennemis pour decrier cet ouvrage , » qu'il fut abfolument neceflaire de » n'abfoudre les pecheurs qu'apres » l'accompliflement de la penitence. „ J'ai declare expreflement le con- » traire , & ai feulement foutenu M qu'on ne pouvoit condamner cette ,} pratique ni nier qu'elle fur utile, » parceque c'etoit celle de toute l'anti- n quite 5 mais ce que j'ai cm devoir re- » prefenter& qui m'a parud'une extre- „ me importance, pour empecher l'a- i» bus fi ordinaire que Ton faitde ce Sa- t> crement, eft que nul ne peut recevoir sj le pardon de ks peches s'il n'eft con- „ verti, felon ce qu'atfure un de vos » Saints; que vous pardonnez les pe- » ch.es a ceux qui font convems, 3, mais que pour ceux qui ne font «* point convertis, vous ne les leur par- |
||||
414 HlSTOIRE DB PoRT-R o'lAt.
— " donnez point. Qu'il n'y a nulle
" apparence de prendre pour des gens " vcritablement convertis une infinite " de mauvais chretiens qui s'accu- " fent tous les ans ou tous les mois " de leurs crimes, en y retombant " toujours. Qu'on a condamne dans " tous les fiecles comme de faux pe- " nitens, ceux qui pleurent leurs pe- " ches ( ce qui eft encore plus que de " les confefter) & qui ne les quittent " point. Que ceux qui penfent etre " de bons chretiens par desintervalles " de quelques jours, ou meme de " quelques heures, & dont la vie " n'eft d'ailleurs qu'une revolution " continuelle de confeffions & de " crimes, fe trompent miferablement, " fi quand votre lainte Eglife dit que " votre faint Corps eft la mort des » medians & la vie des bons, ils " s'imaginent que parcequ'ils cora- " munient aufll-t6t aptes s'etre con- » fefles, ils font du nombre de ces " bons a qui il donne la vie & non » des mechans a qui il donne la mort. » Que les Pretres a qui vous avez ( » donne Ie pouvoir de remettre les
» peches , s'expofent a etre traites de » vous en ferviteurs infideles, pour » avoir mal ufe de leur miniftere, |
||||||
I. Partie. Liv. VII. 425
» s'ils ne s'appliquent avec foin & ~^7~7 » avec prudence a juger qui font ceux 5' » envers qui ils doivent fe fervir de
» Tune ou de l'autre puilfance , &c. • Voila les faintes vues de ce pieux Doo- teur en compofant cet ouvrage , fur lequel Dieu repandit tant de benedic- tions , & done il fe fervit pour tou- cher tant de pecheurs, tant de mauvais chreriens , pour les faire entrer dans la voie du falut. On commenca a ouvrir les yeux , lorfque cet excellent livre vint eclairer les hommes comme un flambeau qui paroit tout-a-coup au milieu d'une profonde obfeurite. On reconnut que la penitence n'etoit pas un jeu , comme on fembloit le croire par la maniere dont on la fai- foit; on apprit qu'il falloit pleurer, f>rier, gemir , veiller , jeuner , affliger
'ame & le corps , montrer par-tout fon exterieur qu'on dcploroit la perte de fon innocence, fe priver des cho- {es permifes , parcequ'on s'etoit laide aller aux illicites, & pratiquet des remedes qui fufTent contraires aux maux. On fut effraie quand on vit dans ce favant livre combien le peche commis depuis le Bapteme etoit un outrage enorme contre Dieu , combien il etoit difficile de s'en relever; com- |
||||
4i6 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAL.
bien de gens pleuroient leurs peches
fans les quitter, comhien les quktoient fans les pleurer , &c combien par con- fequent it y avoir de fauflfes penitences. „ La benedi&ion extraordinaire >. que Dieu repandit fur le livre de » la frequente Communion, fe fit » fentirpar la conversion Sclaretraite » d'un grand nombre de perfonnes » qui renoncerent au monde , pour j> fe venir confiner dans la folitude » de P. R. On vit arriver de diverfes v Provinces des gens de differentes » profeffions, qui fembloient a des » mariniers, qui ai'ant fait naufrage » fur mer, venoient en grand nom- « bre aborder au port, ou k main » puiffante & mifericordieufe de Dieu » les conduifoit ($6). Des homines de toutes fortes de pais venoient par des routes inconnues &c fans concert, fe rendre dans le meme endroit, em- braflfer courageufement les penibles travaux de la penitence. Dieu etoit la colomne qui les conduifoit dans ce defert, la voie par laquelle ils y ve- noient , le guide qui les y faifoit arri- ver , la main qui les y foutenoit, le bras tout-puiffant qui les y rerenoit par la douceur d'une manne celefle. On les vo'i'oit fe rendre comme de (5<) Mem. du Toff. p. 64.
|
||||
I. Partie. Llv. Vtl. 417
liouveaux difciples dans cette ecole~ de penitence , y apprendre a jetiner , veiller, prier, fe mortifier , renoncer aux biens de ce monde &c a routes fes vanites; Dieu choifilfant pour faire un renouvellement dans fon Eglife , des perfonnes qui par leur naiflance, Kir leur innocence, par les dons de
grace & de la nature, par le bril- lant de l'efprir , par la force de l'e- loquence , par les avantages qu'ils pouvoient attendre dans le monde, etouffoient par avance tous les vains pretextes des laches qui avoient peine a les fuivre. Auffi Dieu a-t-il ouvert les yeux a beaucoup de perfonnes, done il a enfuire touche le ccEur par ces grands exemplcs, en y joignant l'on&ion interieure de fa grace. On a vu dans ce defert les perfonnes de naif- fance fe revetir d'habits pauvres & s'exercer aux travaux les plus humi- lians & les plus fatiguans , n'ai'ant rien qui les diftinguat de ceux que Dieu a fait naitre dans cette condi- tion , que leur air qui les rrahitToir, 8c le filence plein de piete avec lequel ils s'appliquoient a leurs rravaux. Ces bienheureux jardiniers fouloienr aux pies toutes confiderations humaines ; lis pouvoient repondre a ceux qui les |
||||
428 HlSTOIRE DE PoRT-ROUt.
t——accufoient de folie, ce que repondic
i6+5' autrefois dans une femblable occafion S. Paulin; ce n'ejl pas ce jardin > mats le paradis que je prefere a ces terres que j'ai quittees. i.x. Mais ce qui merite une attention Dieufeutl1con-^ngu^ere ^ans cecte multiplication de
duifoitiespe-folitaires , & ce qui fait bien voir que n"cns*p-RVetoit l'efprit de Dieu feul qui les y conduifoit •, c'eft qu'aucun motif hu- main ne pouvoit les engager dans une pareille demarche. II eft des corps de Religieux , des maifons celebres, ou il n'y a que de l'honneur a y entrer ; on a un etat fixe & aflfure pour fa vie : ceux au contraire qui fe retiroient A P. R. etoient expofes aux railleries, aux calomnies des gens du monde , & fe vo'foient tous fes jours a la veille d'etre chafles: bien plus , c'eft que quoiqu'ils n'euftent point d'etat affiire en fe reti- rant, ils facrifioient neanmoins la plupart tout ce qu'ils avoient dans le monde , & fe depouilloient de tout fans fe rien referver pour l'avenir : l'un quirtoit fa Charge , l'autre re- non^oit a fon Benefice, & cela pour fe retiier dans un lieu s d'ouun coupde vent pouvoit les enlever chaque jour , fans qu'ils eulfent aucune autre retraite. En verite , il faut que cette grace ne- |
||||
I. P ARTIE. Llv. VII. 419
eefTaire , felon S. Auguftin , pour vain- T----
ere le monde avec tous fes attraits, 45'
routes fes craintes & routes fes erreurs ait agibien puiflamment fur le coeur deces faints foliraires. La prudence de la chair etoit bien loin de ce lieu , pour faire place a la prudence de la foi qyti ne craint point la famine > commeparlentles Peres,& qui fe de- charge de tout fur Dieu feul. M. Vidor Pallu de Tours , Dofteur txr.
en Medecine de la Faculte de Paris, JcmXiiu fut le premier dont Dieu opera laM&Uau. converhon par la ledure du livre dela frequente Communion. M. Pallu avoit ete Medecin de M. le Comte de Soif- fons , tuc 1'an 1641 a la bataille de Sedan , ou ce Prince gagna la vidoire 8c perdit la vie. Cetre mort frappa fon Medecin qui penfa alors a cher- cher Dieu. II s'adreffa a M. Gault Eveque de Marfeille, dont il etoit proche parent, pour Iui demander quelques avis fur la conduite qu'il devoit mener. Mais ce faint Prelat mourutpeu apres (en 1643 ). M.Pallu eut l'avantage de trouver dans M. de S. Cyran , dont un ami lui procura la connoiffance, ce qu'il venoit de per- dre. Ce pieux Abbe lui donna dans quelques entretiens qu'il eut aves |
||||
43o Histoire db PoRT-aoiAt.
' lui, des inftru&ions dont Dieu lui fie la grace de profiler. Enfin la lecture du livre de la fVequente Communion acheva de le convaincre. Ce fut M. Hillerin, qui lui procura cette lecture a Forges, ou ce Medecin avoir ac- compagne deux Dames de Tours. M. Pallu de retour a Paris eut encore l'avanrage de voir M. de S. Cyran; & huir jours apres avoir recu fes der- niers foupirs, il partir pour P. R. Il ignoroir quel lieu e'etoit, & n'en con- noifloit point les hab tins. Il n'y avoit pour lors que M. le Maitre, M. de Luzanci, M. Bafcle , Charles cor- donnier. M. Pallu dit d'abord en ar- rivant a M. le Maitre, qu'il ne venoic que pour cinq ou fix jours , a quoi celui-ci repondit en fouriant que, fi ce n'etoit pas Dieu qui Py amenoit, il n'y demeureroit pas fi long-rems j & que fi e'etoit Dieu , il y demeure- roit plus de fix mois. Il parut bien que e'etoit le Seigneur qui avoit con- duit ce Medecin au defert de P. R. car il y demeura depuis ce moment jufqu'a fa morr arnvee le xi mai jtJjo, le dimanche avant l'Afcen- fion. " C'etoit ,dit M. le Maitre un hom-
w me fage, moderc , de bon efprit, |
||||
I. Part ie. Liv. VII. 431
» d'une converfation agreable , & » un exemple rare d'une profonde » humilite, detache de 1'argent & de » foi-meme , aimant paffionnement la « fainte maifon de P. R. & les Sceurs » qu'il a fervies avec une bonte ex- » traordinaire, comme il a fait les » pauvres de ce pais avec une charite » fervente qui l'a fait regretter de » tout le monde. Il a emploie 2000 » liv. a batir le logement qui eft fur » la cave dans le jardin du monafte- » re , qu'on appeile le petit Pallu (5 7), 33 & l'a abandonne de bon coeur a nos » Sceurs , quand elles font revenues » ici en 1648 apres Paque. M. le Maitre rapporte encore plufieurs traits de la generofite de M. Pallu , & finit ainfi ion eloge : » La maifon a perdu v un tres bon , tres fage , & tres fidele » ami, & fa memoire y doit etre en » benediction a l'avenir , comme d'un m bienfai&eur tres affedionne & tres » charitable. Il y a peu de folitaires »» ici qu'il n'ait particulierement obli- " ges par fes avis pieux & fes difcours. (j7) A caufe de la pe- avoit ptefcjue de la joie
titefle dcs appartemens, & de tombet malade , die
de la tailledu maitre qui M. Fontaine parlant de
avoit tout petit, excepte lui, Tome I. page 501 ,
l'efprit: petit corps, petit arin d'avoir le plaiilr dc
jogjs, petit cheval, On jouir de fes entretkns,
|
|||||
l64>
|
|||||
43 I HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
» edifians. Les Sceurs perdent un Me-
» decin vraiment cnretien & reli- » gieux , qui contribuoit a leur faire » garder l'efprit de leur regie dans ■>• leurs maladies &c leurs indifpofi- » tions , ce qui eft rare en cecte pro- 3j feflion. On peur juger de la piece de M. Pallu par la lettre qu'il ecrivit a un de fes amis fur la maniere done Dieu l'avoit touche & lui avoit inf- pire l'amour de la retraite. « Je me fens, dic-il a cet ami,
•> Ci fort oblige de toutes vos alfiftan- » ces, que je ne puis m'empecher de » rompre le filence de ma folitude , " pour vous enremercier & pourvous » faire part des fads factions que j'y » recois. Vous etes le feul dans le » monde a qui je puis deformais avec » plus de confiance decouvrir le fond " de mon coeur , en attendant que le » tems m'ait rendu celui de mes meil- » leurs amis qui m'accufenc d'opi- " niatrete a fuivre mes fentimens au ?> prejudice des leurs & de la creance » que je leur dois. J'avoue que je » merite cette punition pour repara- » tion de tant de jugemens temerai- » res que j'ai faits en pareilles ren- » contres. Je ne pourrois etre chatie » plus fenfiblement, & Dieu fait que » c'eft
|
||||
I. P A r t r e. Liv. VII. 4$ j
* c'eft fa main feule qui m'a foutenu
» en cette occafion , done je lui rends x"45*
» tous les jours mes tres humbles ac-
« tions de graces, reconnoiilant com-
71 bien cette affliction d'efprit m'etoit
j, neceflaire pour la perfection de la
» penitence qu'il me rait entreprendre;
» apres cela je ne penfe pas que le
„ refte me coute beaucoup. II me
y> femble deja que je fuis decharge
« d'un grand fardeau, & je commence
» a. gouter la paix que Dieu donne a
« ceux qui le cherchent, & a decou-
,» vrir 1'aveuglement des hommes qui
„ vont d hardiment au precipice. lis
,> fe flattent de fuivre le grand che-
,y min , mais l'Evangile nous dit que
„ celui du ciel eft etroit & que peu
« le trouvent, lefquels ne font pas
„ encore affures d'aller jufqu'au bout.
„ Y prenne garde qui voudra , pour
„ moi je m attache a la parole de
„ Dieu; & ou elle a befoin d'expli-
„ cation , je me tiens a celle que
„ l'Eglife catholique lui donne. C'eft
„ fur ce fondement feul que je batis
„ &c que je tache d'affurer mon falur.
„ Quoi que Ton m'objecte , je main-
„ tiens devant Dieu, qu'il m'etoit:
„ jmpoffible de penfer lerieufement
„ a. une affaire fi importante demea*
Tome II. T |
||||
434 Histoire de Por.t-r.oi At.
» rant dans l'embarras de ma vie or« „ dinaire , au milieu de mes connoit „ fances , & de mille occafions dont » j'ai trop fouvent eprouve le peril. „ Quiconque la entrepris delaiorte „ n'y a point reufli, princrpilemen; „ quand ll eft queftion d'annuller le* » debauches de trente annees , de re » former de mauvaifes habitudes 1 » inveterees , & d'ajufter notre con „ duite aux regies de l'Evangile, le » quel nous avertit que pour obteni .-> cette grace , il faut commencer pa » la penitence •, & la Medecine m'ap » prend que ce feroit fe moquer d'm « paralytique , de lui dire qu'il mar- » che auparavant d'etre gueri, ce qu » ne fe fait pas en un moment ni « notre difcretion , non plus en 1'arn v qu'au corps, au moins fuivant 1 » cours ordinaire de la grace & d » la nature. J'ai oui precher cen „ fois ces Veritas , que Ton affoiblif „ foit tellement apres dans la prati » que, que j'en demeurois confus „ Des-lurs je concluois que ce qu » e<r>it publiquement annonce etoi „ le plus aflure, & que Ton n'ofoi „ pas flatter les pecheurs tout hau ,, comme en particulier. Neanmoin v Jft facilite commune l'emportoit. |
||||
I. Par tie. Llv. VII. 435
m 5c je difois a-peu-pres comme ce---------
31 malheureux : FaJ/e le mieux qui x"45'
» pourra , ^;owr moi je me contente de
» faire le bien. Depuis je me fuis de-
« fie de cette maxime , & j'ai cm
» que nous ne pouvions trop faire
„ pour nous fauver, & que nous ne
» pouvions negliger les confeils que
„ Dieu nous donnoit pour cela, &c
M qu'il m'a peu-a-peu fi fort imprime
» dans l'efprit qu'enfin ma derniere
m touche eft venue. Si j'avois recit
» quelque notable difgrace dans le
„ monde , on approuveroit fans doute
» ma retraite , laquelle peut-etre fe-
n roit lache devant Dieu , fui'ant la
» penitence qu'il m'impoferoit. Que
» fl fa bonte differant mon chatiment
„ le remet a ma propre confcience,
» faut-il que fa patience me rende
n impenitent & qu'elle caufe mon
» malheur ? Je vous declare que rien ne
» m'a rendu la vie ordinaire plus fuf-
» pe6fce,que la douceur avec laquelle je
» la paflois. II n'y a que les innocens
„ qui en puiffent menerune femblable
» fans crainte; mais un pecheur te,l que
„ je fuis doit extremement apprehen-
„ derce lilence de Dieu, &fe mettre
„ en etat de lui fatisfaire auparavanc
„ qu'il entre en compte avec nous.
T ij
|
||||
43 6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» Comme j'ai abufe des chofes leg!-
,, times , il fain que j'en fouffre la
» privation volontaire , au moins pour
» quelque tems , ft je n'en pretends
„ avoir le pardon fans miracle. Ceux
» qui doivent beaucoup, font obliges
„ de s'incommoder pour s'acquitter.
» C'eft en ce feul point que chacun
» a befoin d'etre juge en fa propre
» caufe. Ne penfez done pas que je
» fois ft foible que d'avoir ete ga-
» gne par des confutations humaines,
» pour entreprendre d'ailleurs une
» chofe ft eloignee de mon fens. Plus
» j'y penfe & plus je reconnois que
» c'eft Dieu feul qui m'anime en ce
» deftein & qui m'a place en ce lieu
» ou je fuis, hors lequel je ne penfe
» pas que je me fufle jamais porte a
» changer de vie, quelque defir que
» j'en eufle. Ce n'eft pas que je trouve
i> a redire aux retraites des cloitres,
» mais je vous dirai franchement que
» j'y prevois trop de dirftcultes pour
» moi. Ici fans me faire un ft grand
t> effort, je fuis plus retire & degage
" des pafllons du monde que je ne
» puis etre ailleurs. Rien ne m'empe-
>t che de fuivre les mouvemens de ma
» devotion, j'y ai l'inftruction &
» rexemple des perfounes qui font
|
||||
I. Par tie. Llv. VII. 437
a dans I'approbation de tous les gens
>> de bien qui les connoiffent. Je vous m dis encore une fois , je ne pouvois « mieux rencontrer pour mon humeuf » 8c pour mon intention, qui eft » feulement de me mettre en etat de » bien mourir. C'eft toute mon etude. » II y a long-tems que je premeditois 3j cela. Depuisla mort de M.leComte *> deSohlbns (*), j'ai eu diverfes pen- » fees fur ce fujet. Mais les charmes de » la Patrie me firent revenir a mon pre- j» mier etat, avec refolution pourtant }> de reformer ma vie; ce que j'ai ta- ?> che de faire fans grand progres. Je j> coulois cependant le rems, diflipant yt mon inquietude le mieux que je » pouvois , finon que j'en communi- » quai quelque chofe a feu Mon- t> fieur 1'Eveque de Marfeille (**) qui a? me remit a la premiere vifite que je „ lui ferois en fon Eveche , pour re- ar connoitre avec plus de loifir les dif- „ pofitionsde monefptit. Cela m'a'i ant » manque par fon deces, je crois '« qu'il s'eft reflouvenu de moi dans „ le ciel , & qu'il a oui les prie- » res que je lui ai adreflees. Je (*) Tue a la bataille de (**) M. Gallic mort en
Sedan en 1641 > done M. odcur de faintete le if Pailu ecpit Midecin. mai i«43- Tiij
|
||||
45 8 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAt.
» ne fais quafi comment je fuis venti1
» a. Paris , oil etant d'abord, on me » fit quelques propositions d'un nott- » vel engagement a la Cour. Plus » mes amis me rendoient la chofe » faifable, plus j'y fentois de refroi- " difTement que je tachois neanmoins » de vaincre. Cependant j'entrai, par " l'entremife d'un des amis de feu » M. de Marfeille, en la connoiflance » de feu M. l'Abbe de S. Cyran, dans » la confiance duquel je commenc.ai » a concevoir plus que jamais com- » bien j'etois eloigne de ce chemin » etroit hors lequel il n'y a point de » falut. Je vis alors clairement que » dans le naufrage ou j'etois , il ne » me reftoit plus qu'une planche pour » me fauver qui eft celle de la peni- » tence. Je fus continue dans cette " verite & en appris l'importance pax » la lecture du livre de M. Arnauld, » approuve de quinzejdes plus celebres » Prelats du Roi'aume & vingtautres v Do&eurs. Ceux a qui cette ancien- « ne difcipline de l'Eglife paroiflbit » moins recevable , demeuroient d'ac- » cord que pour relever les pecheurs » habitues dans le mal & afTurer l'ab- » folution , cette voie eft la plus cer- » taine pourvu qu'ils s'y foumettenc. |
||||
I. PartiE. Llv. VII. 439
m Onpubliera bientot une traduction »> francpife de divers traites entiers de » la penitence, faits par les plus grands » Docfceurs de I'Eghfe. Je vous con- " vie de l'acheter , afin que vous; » voi'ez comment ils parlent forte- * ment fur ce fujet, & que ce n'eft » pas l'avis d'un ou de deux feule- » ment, mais le confentement ge- » ral de tous , lequel a ete depuis » confirme par plulieurs Conciles &c » plufieurs Papes, fans ique jamais » aucun l'ait revoque. Pour moi etanc » convaincu de ces verites, j'ai cm » fans hefiter davantage , etre oblige » d'obeir a la voix de Dieu & de pren- » dre l'occafion qu'il me prefentoit. » II y avoit apparence que la more u fubite de M. de S. Cyran devoir « encore m'arreter. Mais je fentis au » contraire des mouvemens plus pref- ,j fans que jamais d'accelerer mon re- » nouvellement, & de neplus differer a une affaire dont cet exemple me » faifoit voir qu'il y avoit du peril & » la differer. Apres tout cela , je ne » penfe pas etre mal fonde devanc » Dieu , lequel je n'ai jamais invo- m que fi inftamment qu'en cette crife, » fans lui demander rien autre chofe ■» finon que fa volonte fut faite. Que T mj
|
||||
44© HrsToiRE de Port-roYal. "
" s'ils perfiftent a preTumer qu'il y a " plus de ma volonte que de la fienne, " je ne laifle pas de leur avoir obli- " gation du plaifir qu'ils en temoi- " gnent, fachant bien qu'il ne part " que de Famine qu'ils me portent. " Je lcs fupplie pourtant de croire " que certe reparation m'eft pour le " moins audi rude qu'a eux , & que " le courage que je temoigne ne vient " pas de moi. Quand je penfe que " mes crimes m'ont reduit a cecte ne- " ceflite de me priver d'une compa- " gnie qui m'eft fi chere, j'en con- " <pis des horreurs ecranges, & par " une epreuve fi fenfible, je medite " fouvent fur le malheur de ceux qui - font prives eternellement de la vue » de Dieu. Oui l'afFeclion que je dois » a de fi bons parens & amis, redou- » ble ma haine contre le peche qui me » fait cacher. Ce n'eft point par exa- » geration que je vous parle , c'eft la » verite^ de mes penfees, & je vous » ajouterai confidemment que la con- » fideration , entre autres de mon » frere de Sainte Marguerite, eft la » tentation la plus forte que je fouf- » fre. Sans cela j'aurois trop bon mar- » che de la penirence que le S. Efprit » remplit d'une joie aufli invariable |
||||
I. Pa ft. tie. Li*. VII. 441
*» que le font les gemiflemens qu'il » donne, par iefquels il interpelle » pour nous, & nous remet dans la » participation des merites de la Paf- » fion de Jefus-Chrift. Il faut done » fe refoudre a gemir pour gouter la « joie des Saints. La fete de Paque , » n'eft que pour ceux qui one pleure » le careme, & e'eft bien une mar- » que que les membres font fepares m de leur chef, s'ils ne compatilfenc h avec lui. Quoique les privileges de » l'innocencebaptifmaleloientgrands, » neanmoins S. Paul qui ne l'a jamais «> violee , ne fe tient pas exempt de > cette obligation de fouffrir comme
, membre de Jefus Chrift. On fouffre , veritablement affez dans le monde , , mais l'importance eft de fouffrir j utilement; ce qui ne fe pent fans y un amour efficace de Dieu, lequel , fuppofe une volonte bien degagee. , Pardonnez-moi fi je fais le predi- > cateur. II me femble que tout m'eft
» permis avec vous, apres vous avoir , ouvert mon cosur. Les temoignages , d'amitie parfaite que vous m'avez , rendus en cent occafions , 8c parti- > culierement en celle-ci, me fontr
, efperer que vous aurez agreable, &r. > que vous excuferez facilemenc la
T v
|
||||
441 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1645." " longueur de la prefenre , que j'auv
» rois faite plus courte , Monfieur , fi
» j'etois moins votre, &c. Le jour de
» la ToufTainr 1643 (58).
nn, Cefur enfevrier 1645 que M. Per-
Meffieuts tuis d'Eragny de la Riviere , Gentil-
vifaguet, fo-homme du Vexin, alia a P. R. II avoit
litaires de p. £t& huguenor, & Dieu lui avoir fait
la grace de fe faire Carholique. Enfuite
Dieu l'a'iant encore touche de nouveau*
il fe retira d'abord dans l'Abbai'e d'un
Prelat de fes amis , puis il vint a P. R.
011 il prit foin de la cuifine 8c des bois.
Il mourur en 1668.
La meme annee, M. Vifaguet, Pre-
cepreur des enfans de M. le Prefident Gobelin, fe retira a. P. R. des champs* II y tomba malade au mois de feptem- bre 1647, & apres avoir edifie les fo- litaires par fa parience a foufFrir fes. maux, par fes paroles edifiantes, par fes fentimens de penitence & de piece,, il mourut en paix. Il avoit tin bel ef- prit, favoit tres bien le latin s le grec & les belles-lettres. M. le Prefident Gobelin , chez qui il avoit demeure quinze ans pour I'education de fes enfans, lui refufa une penfion de cent fjS) VoVezIe Vale mm- plement au VJecrolotre de
do, 011 r Adieu au monde, P. R. page «4f , 8c ll tra dc M. Pallu jdaiis le Suj>- duflion en vers page |
||||
I. P ARTIE. Liv. VII. 443
*CQs qu'il lui avoit promife, prenant 1645. pour pretexte fa retraite a P. R., les Jefuites lui aianc fait fcrupule de donner de quoi vivre a. un heretique. M. Vifaguet avoit eu une premiers attaque d'apoplexie , &c dont Dieu le fit revenir , comme je crois , die M. le Maitre, afin qu'il put me dire fa miraculeufe conversion. Dieu l'avoit converti par la vue 'd'une croix de pierre des Jacobins a Paris , qu'il n'a jamais pu regarder depuis fans pleu- rer. L'annee 1645 eft auffi celle ou M. d'Andilly fe retira a P. R. comme M. le Maitre le dit dans fon Memoire. Mais nous rapporterons ailleurs ce qui regarde ce grand homme. M. Vifaguet etoit venu h P. R.
avec M. Lancelot dont nous avons de* ja parle , 8c dont il nous refte beau- coup de chofes a dire , ainfi que de M. Fontaine que M. Hillerin y amena. lui-meme cette annee. Comme l'un 8c l'autre nous ont laifle d'excellens Me- moires pour fervir k l'hiftoire de ce faint defert, il convient d'en parler un peu plus au long, afin que Tort jnge de quel poids doit etre pour nous le temoignage de deux Auteurs qui ont ete les temoins de tout ce qu'ils rapportent, ou au moins compagnons T vj
|
||||
444 HlSTOIRE DE FoRT-ROlAI.
- de ceux qni one vu les fairs qu'ils at-
i^4S' teftent.
lxiii. Le premier, e'eft-a-dire M. Lance*
M. Lancelot. celot n£ ^ paris d'une honnere fa- Sa premiere ... ., , r ,, t j\
education, mule vers Ian 1615, tut eleve des
l'age de doaze ans dans la commu- naute de S. Nicolas du Chardonnet, ou il demeura depuis 1617 jufqu'en i<j37 , loin des perils auxquels la jeu- nefle eft expofee & fort applique aux exercices de la maifon oil il etoit. M. Bourdoife premier Superieur de cette maifon , le fit tonfurer au ca- reme fuivant *, mais il ne voulut pas avancer davantage dans les Ordres. II y donna de grandes marques de la vivacite & de la folidite de fon efprit» & toutes fes actions etoient accompa- gnees d'une candeur & d'une piete, ' qui le faifoient aimer & meme ref- pecter de tous ceux qui le voVoienr. Meffieurs de S. Nicolas firent tous leurs efforts pour l'attacher a leur maifon , mais ils n'y reuflirent pas. Le defir qu'il avoir d'etre entierement a Dieu lui fie concevoir le deifein d'etre Religieux j la ledure qu'il fit de la vie de quel- ques-uns des premiers Peres Jefuites, lui infpira du gout pour entrer dans la fociete •, il poftula meme queique tems j mais Dim dltourna ce coup t |
||||
I. Part ie. Llv. VH. 445
dic-il, par un efflt de Providence ... I(j. T ou fon dolgt itoit vijibLement mar- que (59). Une marque du bon goutde M. Lancelot, & de la folidite de fon efprit, c'eft qu'il prenoit des-lors beau- coup plus de plaifir a la le&ure de quelques ouvrages des Peres, qu'a* tous les autres livres de devotion de ce terns ; & il difoit quelquefois a fes cornpagnons, ainfi qu'il le rapporte lui-meme (60); „ il n'y a plus d'hom- » mes comrae ceux-la , ( S, Auguftin j » S. Ambroife , S. Chryibftome, &e.) » S'il y en avoit feulement un, je » partirois des cette heure, & je m en m irois le chercher, fut-il au bout du » monde , pour me jetter a fes pies , M 8c pour recevoir de lui une con- » duite fi pure & fi falutaire. Cette penfee pendant dix ans , ajoute M. Lancelot, ne me fortitpas de la tete. Ses vceux furent exauces , & Dieu txrv.
lui ai'ant fait connoitre M. de S.Cy-j"SMS
. . . *.. cure I* con-
ran , u trouva en lui cet nomme qu 11 noiflance de
auroit voulu aller chercher au bout ^de s'Cy"
du monde. Il fe nourrit d'abord de ce
qu'il pouvoit apprendre de ce grand
ferviteur de Dieu par le moi'en d'un
ami (M. Ferrand). Enfuite fe voiant
|
||||||
(f9) lane. Mem. Tome I. p. t.
(to) Tome I. paje f. |
||||||
44-6 HlSTOIRE OE PoRT-ROlAl,
libre apres avoir fini fes etudes, il
vint le trouver le lendemain de la S. Louis i6j7, & le pria de vouloic bien fe charger de fa conduite. M. de S. Cyran le recut avec bonte , lui die qu'il falloit prendre du terns & beau- coup prier , & le renvoi'a fore edifie de fa vifite. Trois jour$ apres, jour de S. Auguftin, M.Lancelot retourna chez M. de S. Cyran , & l'accompagna a P. R. ou il alloit dire la MelTe pour une perfonne de merite (M. le Maitre > pour lequel il faifoit une neuvaine. Ces entrevues continuerenr jufqu'a la mi-feptembre, qu'une fceur de M. Lancelot, plus jeune que lui & beau- coup plus delicate prit l'habit aux Cordelieres reformees de XAve. Maria. Il fut extremement touche de cette cercmonie , pendant laquelle il re- pandit beaucoup de larmes. Des ce moment le monde ne lui fut plus rien, & il ne fongea plus qu'a aller trouver M. de S. Cyran pour le prier de l'en- voier dans fon Abba'ie afin d'y faire penitence. Il ne put le voir que trois jours apes, parcequ'il etoit incom- mode. M. de S. Cyran voiant dans ce jeune homme un defir fi vif de fe fanctifier, crut que la volontc de Dieu fe faifoit connoxtre, & qu'il falloit la |
||||
I. Partie. Llv. VII. j^^f
fuivre ; ainfi il approuva qu'il forcit de 7T71 S. Nicolas. "*'• Apres differens delais , tant de la jf**-
part de M. de S. Cyran qui ne vouloit fous U con- rien precipiter , que de la part de^|dewS* MeMieurs de S. Nicolas qui faifoient leurs derniers efforts pour retenir M. Lancelot, M. Bourdoife fut contraint de ceder a fes inftances , 8c de le con- duire le jour des Innocens 28 decem- bre chez M. de S. Cyran. M. Lan- celot lui renouvella la priere qu'il lui avoit deja faite , d'agreer le defir qu'il avoir de fe retirer aupres de lui, & M. Bourdoife qui n'avoit encore parle de nen, fut oblige de confirmer fa demande. M. de S. Cyran recut fort bien la propofition , & renvo'ia encore M. Lancelot jufqu'apres Todlave des Rois. Enfin fes defirs furent accom- plis; M. de S. Cyran le re9ur, le fit entrer le zo Janvier KS38 a P. R. de Paris , & le joignit a M. le Maitre &: a M. de Sericourr qui venoient de s'y retirer dans l'appartement que Mada- me leur mere leur avoit fait batir. Ce fut la que M. Lancelot commen$a a embracer fortement la penitence, &c a preter le collet, com me parle M. Fontaine , a M. le Maitre , celebre pe- nitent qu'il vouloit fuivre a pas egal. |
||||
44$ HlSTOIRE DE PoRT-ROlA£.
l6 .* Mais Gomme on connut depuis fon
vrai talent pout l'education des en-
II ell char- fans, on l'y appliqua, 8c il fe fanctifia,
g4dei'6duca-iottg-tems dans cet emploi. Apres l'en-
tion de plu- ft v r f
fiuus enfans. levement cle M. de S. Cyran ie 14111a!
i£$S, M". Lancelot fut envoie a la Ferte-Milon chez M. Vitatd pour con- tinuer l'education de fon fils , qu'on avoit commence d'elevet a P. R. Car le faint Prifonnier qui dirigeoit tout de fa prifon , crut qu'on ne devoit pas abandonner cette bonne ceuvre qu'il jugeoit de la derniere importance, M. le Maitre & M. de Sericourc qui s'etoient retires a P. R. des champs,. etant obliges d'en fortir , 8c ne pou- vant trouver de retraite , vinrenc joindre M. Lancelot a la Ferte-Milon. lis quitterent tous cet endroit fur la fin de 16$ 9 ,8c M. Lancelot fut en- voie avec deux autres a. l'Abbaie de S. Cyran; d'ou le prifonnier de Jefus- Chrift le fit revenir environ un an apres a P. R. de Paris pour avoir fbin des deux enfans de M. Bignon Avocat general, qui y avoient demeure' autre- fois , 8c qui avoient ete obliges d'en fortir. ,M. Lancelot fut encore charge de quelques enfans, 8c il prenoit foin en mcme-temsde la facriftie de P. R.» fondtion dont il s'acquitta , eft-il die |
||||
I. Partie. Liv. Vll. 44e>
dans le Necrologe , avec un zele, une exactitude & une foi vive qui edi- 5" fioient tout le monde. II paroit, dit
l'Auteur de la vie qui eft alatetedes Memoires de M. Lancelot, qu'il de- meuraa P. R. de Paris depuis 1640 jufqu'en 1646 (61). Ce fut cette meme annee que les txvn.
petites ecoles de P. R. fe formerent wefdeT.R?' ou plutot s'etablirent (carelles etoient deja formees) dans le cul-de-fac de S. Dominique. Ces ecoles doiventleur origine a. M. de S. Cyran, dont la charite , pour me fervir des expref- fions de M. de Sainte Marthe (61), etant catholiqut & univerfelle comme fa fit* fi repando'u fur ces petites ames , qui font Ji abandonnees, & pour lefquelles il auroit fouhaite repandre fon fang. Nous avons vu qu'il veilloit lui -meme a l'education de quelques enfans : ainfi on peut le regarder comme le fondateur de ces ecoles, dont il eft ford tant de bons fujets («\) M. leMaitre die ce- pas long fSjour.
pendant dans le M£moire (<si) Sainte Marthe, df-
ou la lute des perfonnes qui fenfe des Religieufes de
fe font retirees en divers P. R. 8c de leurs Direc-
tems dans l'ancienne At>- teurs adrefRe a M. Cha-
baie de P. R. des champs, millard. Voiez Tome I*
que M. Lancelot y vint en Font, pagecxvi. Mimoi-
1S4? avec M. Vifaguet, re fur les Ecoles de P. &.
apparemment qu'il n'y fie |
||||
4JO HlSTOIRE BE PoRT-ROiAt.
&c (63) d'excellens ouv rages: apres
fa detention, fes difciples continue- rent le plan qu'il leut avoit trace, 8c eleverent des enfans dans les de- hors de P. R. de Paris , fous la di- rection du faint prifonnier qui condui- foit tout du donjon de Vincennes. lis fe trouverent d'abord environ dix oil douze, tant Maitres qu'Ecoliers : du nombte de ceux-ci etoient Meffieurs de Sacy , de S. Elme , de Vallemont , de Villeneuve fils de M. d'Andilly , d'Epinoy de S. Ange, les deux fils de M. Hamelin , le jeune Vitard. En 1643 M. de Paris jugeant qu'il ne con- venoit pas qu'il y eut des jeunes gens domicilies dans les dehors d'un mo- naftere de filles , on les envo'fa a P. R. des champs , que les Religieufes avoient abandonne depuis plufieurs annees. M. du Foile, Maitredes Comp- tes de Rouen , a. qui Dieu fit la grace d'apprendre l'obligation des peres a (43) JeromeBignon, II (ieurs Perrier neveux de
du nom, Avocat general, M. Pafchal; M. de Hat-
Confeiller d'Etat; Thierri lai, Plenipotentiaire a 1*
Bignon , premier Prefl- paix deRifwik;Benoife ,
denr du grand Confeil; Confeiller-Clerc au Parle-
Meflieurs le Maitre de Sa- ment dc Paris : Robert
ci, de S. Elme , de Val- Confciller de Grand'-
lemont; M. d'Epinoi de S. chambre; Angrand Con-
Ange ; M. Thomas du (eiller, au Parlement de
Fofle ; Meflieurs de Tille- Merz j Racine le celebre
noat 8c le Main j Mef- Poete , 6cc.
|
||||
I. Partie. Liv.VU. 451
1'egard de l'education de leurs enfans ~ par le moi'en de M. de S. Cyran nou- vellement forti de prifon , y amena trois fils. En 1644 on transfera tous ces enfans au Chefnai, maifon de M. de Bernieres , de crainte que forage occafionne par le livre de la frequence Communion ne retombat fur eux & qu'on ne les difperfat; ils revinrent a P. R. des champs l'annee fuivante, & de-la a Paris en 16^6 , ou ils s'etabli- rent dans une maifon appartenante ^ M. Lambert pres le Luxembourg au cul-de-fac S. Dominique. Ils etoient au nombre de vingc-quatre enfans , diftribues en quatre claflfes, fous la. conduite de quatre Maitres; favoir Meffieurs Lancelot, Nicole, Guyot, Coutel. M. Wallon de Beaupuis etoit comme le Principal du College 8c le furintendant de l'education Sc des etudes. Le Ledeur en trouvera la def- cription dans le Memoirs fur les eco- les de P. R. Meffieurs de P. R. n'a- voient pas feulement pour but dans ces ecoles de former des Ecclefiaftiques, mais d'inftruire indifferemment dans les lettres humaines, & fur-tout dans une piete folide & eclairee , ceux qu'on confioit a leurs foins.» Onne choinfToiE |
||||
45 i HlSTOIRE DE PdRT-ROlAl.
» pour cec emploi que des perfonnes
» dont on connoiffoio la piece , la ca- » pacite , la difcretion, le dcfxnteref- » fement. lis ne fe portoient a ae- » cepter cette charge fi penible & (I » difficile que par charite , & ils n'a- » voient pour but principal que de » conferver dans les enfans l'efpric » de Jefus-Chrift qui habite en eux , »» apres qu'ils lui ont ere confacres dans » les eaux du bapteme (64). M. Nicole fut un des Regens , il
enfeignoit la Philofophie & les Hu- manites. M. Lancelot etoit pour le grec & pour les Mathematiques. lis etoient foutenus par plufieurs autres qui avoient autant de piete que d'e- rudition. Ces ecoles qui devinrent bientot celebres , ne purent Iong-tems fubfifter contre la jaloufie de certaines gens a. qui elles firent ombrage; & on rut oblige de les tranfporter a la cam- pagne & meme de les partager. Une partie des enfans fut mife aux Troux («4) On a infere dans de Sainte Marthe ; enfuite
le Supplement du Necro- page f 8c fuivanres, les
Joge page 4<, l'extrait exercices & lesreglemens
d'une lettre de M. de S*. de la journee des enfans,
Cyran , ou l'onvoitcequi qu'on a cru devoir impri-
a donne lieu aux petices met a la fin de ce tome ;
ecoles , page 48 ; les rai- enfin , page ?8 , un Me-
fons de 1'inftitution de moire fur ces ecoles.
ee» ecoles, ecritespar M. |
||||
I. Part ie. Liv. VII. 455
chez M. du Gue de Bagnols ; une au- —~-------
tre au Chefnai pres de Verfailles; Il>45'
d'autres aux Granges pres P. R. C'eft dans ce dernier lieu que M. Lancelot continua de rendre fervice aux jeunes gens qui y furent envoies. Ces eta- bhlTemens , apres avoir eiiuie diffe- rentes attaques , comme nous l'avons vu, & comme nous le verrons encore, furent enfin mines fans reflource en \6Go. II eft aire de juger de la capacitede
M. Lancelot , & de quelle utilite il pouvoit etre aupres des jeunes gens , f>ar les excellens ouvrages qu'il fit pour
eur education & par le fucces eton- nant qu'ils eurent & qu'ils ont encore tous les jours dans la republique des lettres. Aufli fut-il recherche avec em- preflement pour cet emploi. Il fot charge de l'education de M.le Due de Chevreufe; enfuite M. de Sacy le placa aupres des enfans de M. le Prince de Conti, qui profiterent beaucoup fous cet excellent Maitre (65). Il etoi: parfaitement feconde dans fes bonnes (6f) Vo'iez, tome II, 6tudes des deux Princes,
page 476 des Memoiresde & pour leurs exercicesde
M. Fontaine , la belle 8c piete. A la lecture de cette
longue Iettre dans Iaquelle lettre ecrite versl'an 1671,
M. Lancelot detaille i M. on reconnoit un Maitre
de Sacy la maniere dont egalement favant 8c chre-
il fe cpnduifoit pout les tien.
|
||||
454 HlSTOIRB DE PoRT-ROlAt.'
intentions par lo Gouverneur qui fut donne aux Princes en i 66<) , vers le meme tems qu'il y fut place lui- meme pour aider M. Etienne de Lom- bard du Trouillas Ecclefiaftique de merice , a qui une fame delicate & de frequens maux de tete ne permet- toient pas de porter le poids de l'e- ducation des deux Princes. Au com- mencement M. Lancelot n'eut pro- prement foin que du Prince de la Roche-fur-Yon. Quelque tems apres M. du Trouillas s'ctant retire, il refta feal Precepteur des deux Princes. Le Gouverneur qu'il eut avec lui, etoit M. de Montfaucon (66) de la Pejan , fieur de Roquetaillade Gentilhomme du Diocefe d'Alet, eleve aupres du faint Eveque M. Pavilion > & dont M. le Prince de Conti avoit faitchoix en mourant. On ne pouvoit choitir deuxhommes plus excellens ni plus pro- pres aux deux emplois donr ils etoient charges. Mais la mort de Mdme de Conti arrivee au commencement de l'annee 1671 derangea tout. On s'indifpofa bientot contre M. Lancelot & contre M. de la Pejan; on murmura contre (66) Il etoit frere de gregation de S. Maur ,
D. Bernard de Montfau- connu par le grand nom- ten, Biaedi&in de la Con- bre de fes ouvrges. |
||||
I. Partie. Liv. VII. 455
eux , on vouluc exiger qu'ils mene- \Ca<~ roient les jeunes Princes a la comedie; 6c comme on leur declara que le Roi le vouloit, Us prirent le parti de fe retirer. M. Lancelot profitant de fa liberte, m.*™''^
executa le deflein qu'il avoit con$ufe f?i( Ben«- depuis long-tems de fe confacrer ar^£,ieda^ Dieu entierement par la vie religieufe.s- Cyran. Il choifit l'Abbaie de S. Cyran dont le neveu de M. du Vergier de Hau- ranne , fon ami particulier etoit Abbe &c reiormateur. 11 y fit profeflion un an apres y etre arrive. Mais il s'eft roujours contente du degre de Sous- diacre •, &c quelques inftances qu'on lui ait faites pour monter plus haut, on a ete force de ceder a fon humilite, Il n'en fut pas moins d'un grand fe- cours a M. de Barcos , qu'il aida par fes exemples, par fa piete & par fa ferveur a etablir la pratique de la regie de S. Benoit qu'on fuivoit a la lettre dans cette maifon. Le meme efprit ennemi qui avoit 1XIX#
fait congedier M. Lancelot d'aupres ]I cl\ cl«fl* de Meffieurs les Princes de Conti, le £ s. 'Cy™° fit encore fortir de cette retraite acres & reiegu6 a la mort du pieux reformateur de cette ea bafc Bre. maifon. Il fut relegue par une lettre tasne- de cachet dans l'Abba'ie de Quimperlai |
||||
45^ HlSTOIRE ©E PORT-Ro'lAL.
_ x<j4c. fous pretexte de Janfenifme. La Pro-
vidence lui fit trouver en cet endroit un excellent Abbe (67) qui fournit gencreufement a tous fes befoins. D. Lancelot y continua le mcme genre de vie qu'il avoit mene a S. Cyran. Il fe levoit tous les jours a deux lieures apres minuit pour reciter l'orfice de la nuit, &c ne fe recouchoit point. Il obfervoit tres exadfcement l'abftinence & les autres pratiques dont il avoit fait profeffion. Pendant les huit ou neuf dernieres annees de fon exil , il prolongea les jeunes du careme juf- qu'a quaere heures apres midi. L'auf- terite de fa penitence & fes frequen- tes infirmites ai'ant coniiderablement affoibli fa fame , il fallut que D. Leo- nard Chattel Prieur de fainte Croix deQuimperlai fon Diredteur, fe fervit . de toute l'autorite qu'il lui avoit don- nee fur lui, pour l'engager a changer LXX/ l'heure de fes repas. Enfin pendant Ion More fainte .... L ■ r r i
de m. Lan- exil il mena une vie li pure , n occupee,
eclot. f, religieufe, que tout le monde le regardoit comme un faint. C'eft ce
qui parut particulierement a fa mort, chacun s'empreflant a avoir quelques morceaux de fes habits pour les con- (<7) M. Cbaflier Ab- 1'Abbai'e de fainte Croix
te commandataire de sieQuimperlai. ferver
|
||||
I. Par.tie. Liv. VII. 457
ferver comme des reliques. De forte -______
qu on fuc oblige de clone fon cercueil * *45 •
annde pouvoir finir la ceremoniede Ion enterrement. II mourut Ie 15 avril j^95 age de 79 ans, & fut inhum6 dans la nef de 1'Eglife de I'Abbaie de iainte Croix fans epitaphe. Tous ceux qui ont parle de lui , difent qu'il itoit dun naturel doux , fimple, plein de droiture & de pietd , affidu au travail & a la pnere, aimant la reroute", ruiant la gloire , cherchant la paix, ennemi des difpates & des contesta- tions , & qu'a'iant des fon bas-age etc tire des occafions du peche, il pafla la vie dans l'innocence. M. Fontaine, temoin auffi digne de txxr.
foi que M. Lancelot, & connu dans M> Fonuiw! la Republique des lettres parplufieurs ouvrages excellens, vint a P. R. Ia meme annee (1645). Il eroit Pari- - fien , ills d'un maitre Ecrivain qui en mourant le recommanda au P. Grifel Jefuite fon parent. Ce Pere plein d'affe&ion pour ce jeune homme qui n'avoit alors que douze ans , s'interefli pour lui; mais le meilleur fervice qu'il lui rendit fut de le detourner du deffein qu'il lui temoigna avoir d'etre Jefuite. Le jeune Fontaine demeura done ind<?cis fur 1'engagement qu'il Tome II. y |
|||||
'
|
|||||
458 HlSTOlRE DE PORT-ROIAE.
. t ■ devoit contrafter , mais cette incerti-
W45' tudenedura pas. Les liaifons que la Providence lui fit faire peu apres, deciderent bientot de fon fore pour le refte de fes jours. txxti. Sa mere l'introduifit aupres de n eft intto- m Hilleiin , alors Cure de S. Mery
*&2S \ & amiparticulier de M. Arnauld d'An. "ait connoif- diU , & de la plupart de ceux que SurTael'on appelloic la Sociiddt Port total. v.R. Par-la M. Fontaine eut occalion de connoitre ce qu'il y avoit de plus
pieux 2c de plus favant a Paris, & la douceur de fes mceurs ne tarda pas a. lui acquerir leur amitie & leur efti- me. II faut entendre M. Fontaine re- pandre fon cceur devant Dieu &c lui rendre fesaftions de graces de celle qu'il lui fit pour lors. » Quelles ac- „ tions de graces aflezdignes , dit-il , „ puis-je vous rendre (6 monDieu ) „ pour la mifericorde que vous me » fites alors fans que je le fufle I » Car ne puis-je pas dire qu'il s'agif- „ foit ici de la decifion de ma perte „ ou demonfalut eternel,6c que vous „ me delivrates en un moment d'un „ nombre infini de peches ou je fe- „ roisindubitablement tombe, meant „ la haine qu'on m'auroit infpiree con- m tre vos fideles ferviteurs, mes chers |
||||
I. Part ie. Liv. VII. 45 9
maitres , done mes yeux & mes
oreilles tnont fait depuis recon- noitre 1 innocence & admirer Ja verm? Quand je me livrerois tout entier , pourrois-je rendre a votre grace la moindre partie de ce que je lui dois, m'aiant arrache d'entre les mams de ceux qui la combat- toient, & m'aiant empeche" moi- meme detre fon perfecuteur, pour m aflocier a ceux qui etoient refoks de la defendre au peril de leur vie. Je plains, mon Dieu, je plains ceux que vous n'avez pas prevenus comme moi; je ferois commeeux, fi vous ne m'aviez mis a couvert lous 1 ombre de vos ailes. M. Hillerin, qui avoir pris M. Fon- lxxm tame chez lui, s'etant jemis de fa "3* kuoirrvivre dans k retraice &%s&
la penitence, emmena avec lui fon fa rettaite ea
difciple dans fon petit Prieure de S.'ZZf ll Andre en Poitou , pour lequel il partitR- ielon les Memoires de M. Fontaine le 5 W* .^44 (*«).-La crainte que M. Hillerin eut que M. Fontaine ne perdit au moms une partie de fon terns dans une retraite , ou il man- <«8) Tome I page ,.1. moires, fe trompe en pia-
I LAu,rei"dEel^regede ?ant leur depart de I>ai,
la vie de M. Fontaine qui Via i fit uc»«"
tit 3 la tece de fes Me- Vij
|
|||
4<jO HlSTOIRE DE P0RT-ROIAL.
45 * penfer a lui chercher un endroit ou il put cultiver fes talens : & il concerta- fon retour avec M. Juliets , fage Eccle- fiaftique , compagnon de fa retraite &C de fa penitence, M. Hilletin voulut lui-meme fe charger de la conduite da fon difciple, & le ramena non a Paris, roais a P. R» ixxiv. M. Fontaine etoit alors age de vingt luifieremians. t[ voulut d'abord fe chatger da
d=CiT v1eCd= foin d'eveiller les folitaires. Dans la M. Foncainc. fuite on Uii confia le foin des etudes de quelques jeunes gens. Lorfque M. Arnauld eut ete exclu de Sotbonne en 16 5 6 , il 1'accompagna dans fa retraite ou M. Nicole vint le joindre. De- puis ce tems , M. Fontaine fut fort lie avec ces deux grands hommes, 8c leur fervit comme de Secretaire dans leurs differentes retraites. Il accom- pagna auffi M. Singlin & M. de Sacy dans celle qu'ils furent obliges de fe choifir. En 1666 il fut arrete & mis . a la Baftille avec M. de Sacy. Apres avoir ete pendant trois mois dans des chambres feparees, ils furent reunis $c demeurerent enfemble jufqu'en i<J68 qu'on les nut enliberte. M.Fon- taine fut toujours depuis le fidele Cptnpagnqn de M, de Sacy. Apres fa. |
||||
- I. Par tib. Liv. Vtt. 4S1
mort arrivee en 1684, il changea plu-
fieurs fois de retraite. Sur la fin de fes jours il fe retira a Melun ou il eft mort age de 84 ans le 18 Janvier 1709, fur la paroiCTede S. Afpais. M. Hillerin vit dans le defert de P.R.
des exemples admirables de penitence, propres a le fortifier & l'animerlui- meme dans la carriere ou il venoit d'entrer , & a l'empecher de tirer va~ nice de ce qu'il faifoit, en vo'iant quel- que chofe de plus grand. Sur quoi M. Fontaine s'ecrie : (65)) » Mon Dieu, » qui peut admirer de quelle maniere ,> vous reglez les chofes pour le bien » de vos elus, & comment vous les » conduifez par des enchainemens de « moi'ens, ou ne penfant qu'a tra- » vailler pour les autres, ils travail- „ lent neanmoins encore plus utile- „ ment pour eux-memes. II fembloit » que M. Hillerin ne faifoit ce voi'a- " §e *lue Pour mo*' c'ct°it fa penfee
m a lui-meme ; cependant Dieu avoit » fes fins. Il lui fit voir dans ce lieu „ ou il m'amenoit, des exemples de „ penitence , dont la feule vue le „ couvroit de confufion , & qui lui » fervirent comme d'un heureux con- » tre - poids pour l'empecher d'avoic (ft) Font- Mem. Tome I. p. i?.
V iij
|
||||
4^A HlSTOIM DE PoRT-Ro'lAt."
———— » d'autres fentimens de ce qu'il ve-
*>' » noit de faireque ceux qu'il devoit
h avoir. II fut tout confus en voiant
» la penitence d'un admirable Eveque
» qui etoit dans la difpofition de
» quitter fon Eveche, pour pafTer le
» refte de (es jours dans la retraite 8c
» la penitence a P. R.
tXxv. Cet admirable Eveque , dont parle
m Utoiphi M. Fontaine , etoit M. de Bazas. Dieu
Maroni, Eve- .. ,y i ' •
que de Bazas, aiant aula ouvert la penitence pour
fait une re- [e faiut aux Eveques par la le&ure du ' livre de la freq. Communion, M. Li- tolphi Maroni (70) Eveque de Bazas, l'un des Prelats approbateurs de cet excellent ouvrage , fut fi touche des verites qui y font renfermees, qu'il refolut de les mettre en pratique ,'& s'adrefla a M. Singlin pour le con- duire dans la voie nouvelle ou il vouloit entrer. Apres beaucoup de difficultes , & de refus elTuies de la C70) Il etoit fils du l'autre de bienfaits. Il
Marquis de Suzarte Litol- epoufa une riche heritiere
phi Maroni, que le Due dont il eut le digne fils,
de Modene avoit ertvoie qui fait le fujet de cet
au Roi Henri III, a la rOtc article , ne a Gauville ,
d'une compagnie de Gre- terre de la famille de fa
aadiers. Ce Seigneur fe mere a une lieue d'Evreux.
fixa en France , ou il fut Mem. du Foil", pages
cheri du Roi au fecours Sj , 70. Necr. ix mai.
«luquel il avoit £te envoi6 Suppl. auNkr.de P. R.
& de fon fuccefleur, qui pages C i, 67.
le coinbkient ,1'un & |
||||
I. Parti e. Liv. Vll. 463
part de ce fage Direfteur, l'humble l6
Prelat le forga par fa perfeverance a fe charger de fa conduite. M. Singlin lui ai'ant reprefente qu'il n'avoit peut- etre pas penfe que la premiere chofe qu'il exigeroit de lui,pourroit etre qu'il abdiquat fon Eveche & fon Abbai'e; le Prelac lui apporta le lendemain deux a6tes , dont l'un etoit la demiffion de fon Eveche, & l'aucre celle de fon Abbai'e. Depuis ce moment M. de Bazas fe livre a la penitence , & con- 50k un tel degout du monde , que ne pouvant plus en foutenir le commerce, il prend la refolution d'aller dans la folitude de P. R. des champs. Mele parmi ces pieux folitaires, il vit comme l'un d'entr'eux, dans la retrai- te, le fdence , & la pratique de toutes les aufterites , dont il voi'oit de 11 beaux exemples. Ergo & Epifcopis dtdit Dms pceniuneiam ad vitam. Apres qu'il y eut ainfi pafle quelques mois , & fait un renouvellement en- tre les mains de M. Singlin , il n'en partit qu'a regret , & par les or- dres de fon prudent & eclaire Direc- teur , pour retourner dans fon Diocefe. On lui donna, lorfqu'il partit decette chere folitude , tant pour le confoler que pour partager avec lui le fardeau V iiij
|
||||
4^4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt:
dont il etoit charge, & l'aider dans le projec qu'il avoir forme d'etablir un Seminaire, deux Eccleliaftiques d'un grand merite , favoir Meffieurs Manguelen & de Beaupuis. Le plan qu^l fir lui-meme de cet erabliflemenr, eft contenu dans une tres belle lettre imprimee avec la traduction des li- vres du Sacerdoce de S. Chryfoftome, que M. le Maitre avoir iaite a fa priere. De rerour a Bazas , il travailla aufli-ror a l'execurion de fon deifein , & etablit d Gars dans fon Chateau , a deux lieues de fa ville epifcopale, un Seminaire que plufieurs regardent comme le premier de la France. La Providence fe montra manifeftement dans l'execution de cette entreprife, & plus encore par les heureufes fuires qu'elle eut, & les bons effets qu'elle f>roduifit. Mais malheureufement pour
e diocefe, ce faint Prelar ne vecut pas aflez pour faire tout le bien qu'il projetroir. En arrivant a Touioufe le 9 mai
fan 1645, il fe fentit tout epuife , tant du jeune du careme, que des predications oil il s'etoit trouve en- gage, pour fuppleer au Predicateur defa cathedrale (71), &d'unvoi"age ♦71) Ce Prwlicateur etoit le fameux Labadie. Voiea
|
||||
fe Partie. Liv. VII. 46'j
Cju'il avoit entrepris dam le Beam ~~jrf77? par ordre du Clerge & pour les affaires de l'Eglife (72) : jugeant que fa fin etoit proche , il fit prier le P. Reginald de le venir voir. La premiere parole qu'il lui die, lorfqu'il flat aupres de lui, fut celle de S. Paul : Ego jam de- libor , & tempus refolutionis me a inf- tat (73). II rec,ut les derniers Sacre- mens avec une piete , qui edifia tous ceux qui en furent les temoins, 8c mourut faintement le 22 mai 1645. La mort de la Soeut Catherine Hen- ixxvi.
riette de S. Auguftin de Lorraine d'El- scEu°rcathe- bceuf, arrivee le 22 odtobre de la line d„e s?!"c h 1 r 1 Auguft. dil-
Bieme annee, ne rut pas moins pre- bauf.
cieufe aux yeux du Seigneur (74). Placee a l'age de neuf ans > par un trait de la divine Providence dans le jnonaftere de P. R. elle prit bientot l'efprit de cette fainte maifon. Preve- nue d'une grace puiffante, qui lui infpira le degout du monde & le me- pris de la grandeur , elle donna dans tous les ages de grands exemples de vertu. Ai'ant atteint feize ou aix-fept ans , elle eut le deiir d'etre Religieufe, 8c de l'etre a P. R. En vain Meffieurs ce qui en eft dit dans les (74I Voiez la Relation
pieces. de fa vie dans les vies edi-
(71) Necr. iVi mai. fiantes, Tome III. p. 181.
(73) i. Tim. 4. 6. Necr p. 40<&fuiv.
V v
|
||||
4<J<> HlSTOIR-E DE PoRT-ROlAi;
, fes parens firent tous leurs efforts pour
Ten detourner •, en vain la "Mere An- gelique refufa long-tems de la rece- voir par la crainte que fon rang de Princefle ne lui donnatun jour fujet de prendre des difpenfes au prejudice de la regie. Tout cela ne fervit qu'i faire voir que fa vocation venoit ve- ritablement deDieu. Lorfqu'il luieut infpire le deffein d'etre Religieufe , elle ecrivit a M. de S. Cyran alors detenu au chateau de Vincennes, pour lui demander fes prieres & fes avis. Le faint Prifonnier (75) lui fit reponfe5 & lui confeilla de fortir du noviciat, ainfi que les Meres fupe- rieures,qui vouloient par-lal'eprouver. Elle s'y foumit avec douceur & hu- milite, quelquc defir qu'elle em d'etre Religieufe. Inftruite par l'efprit qui l'appelloit, elle n'oppofa a tous ces obftacles qu'une humble perfeverance, fe roidifTant d'un cote contre ies fol- licitations de ceux qui vouloient Ten detourner , & de l'autre fouffrant fans aucun refTentiment le peu d'egard que Ton paroiflbit avoir pour fa qualite {>ar les refus qu'on lui faifoit, melant
es larmes avec les inftances conti- nuelles qu'elle faifoit pour etre re^ue. (75) Lettre ?}.
|
||||
I. Partii. Liv. Vll, 467
Apres une telle epreuve qui fut de -
plufieurs annees, elle fut enfin recue I<J45-
au nombre des novices, & s'y prepara fiar une longue retraite qu'elle fit par
e confeil de M. de S. Cyran, & pen- dant laquelle elle obferva tout ce qu'il lui avoit prefcrit (76). » Alors » confondue avec les autres qui por- » toient le meme habit, elle ne s'en » diftingua jamais que par l'eclat de » fa vertu. Jamais fa qualite de Prin- » cefTe ne lui fut un pretexte de fe dif- » penfer du moindre exercice. Elle m etoit la premiere a tout, & fe por- « toit comme par inclination aux m offices les plus bas & les plus labo- » rieux avec une fainte joie. Son no- viciat fut fort long, parcequ'elle ne pouvoit obtenir l'agrement de Mef- iieurs fes parens , de forte qu'elle etoit la plus ancienne poftulante. Enfin elle obtint la permimon tant demandee. Mais elle fut extremement furprife de la froideur avec laquelle les Meres re^urent cette nouvelle , lorfqu'elle la leur communiqua , 8c de ce qu'elles lui repeterentles memes raifons qu'el- les lui avoient deja alleguees pour ne la point recevoir. Elle en fut fenfible- ment affligee , & ecrivit fur ce fujet <7«) Lettte 94.
V v;
|
||||
4<»8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
-------a M. Singlin (77). Sa lettre eutl'effet
^45 • qu'elle defiroit: on lui promit qu'elle
feroit re9ue, & la joie qu'elle en eut egala la douleur qui avoit precede. Dieu content de I'ardeur avec laquelle elle avoit commence de courir a lui , la voulut recompenfer des l'entree de fa courfe. Elle tomba malade apres s'ette offerte a Dieu en faifant fon ob- fervance devant le S. Sacrement qui fut la derniere de fa vie , » pour vi- » vre ou pour mourir, n'ai'ant plus » rien a defirer que d'etre a Dieu, 8c « s'abandonnant parfaitement a. fa « fainte volonte (78). Des le cinquie- me jour , elle fut reduite a l'extremite, & regut les Sacremens avec une grande piete.Le lendemain on lui donnal'habit comme elle l'avoit demande , avec les ceremonies ordinaires, & elle en te- moigna une (i grande joie , qu'il fem- bloit que fon mal eut ceffe. Mais il n'y avoit que l'efprit qui participat a cette fete; le corps s'arToibliiTant de plus en plus, elle mourut vingt heu- res apres cette action le ix octobre 164.5 , agee de z 1 ans & demi. Apres la mort de M. de Bazas , M.
Manguelen, qui l'avoit accompagne (77) Cette lettre fe trou- S. Cyran apres la 95.
veparmi cellesdeM.de (78) Vies edifiantei, |
||||
I. Par tie. Llv. VII. 465)
lorfqu'il parcit de P. R. n'ai'ant plus I(j., ' rien qui le retint dans ce diocefe, revint trouver M. Singlin avec quel- M^ngli* que legeres depouilles qu'il remporta \*a eii char- de ce pais. II partit au mois de jan- f „ite aaesc°fol vier 164.6 , amenant avec lui M. de Hcaires deVi la Broufie & M. Doamplup. Lorfqu'il K\gj^m fuc de retour, M. Singlin lui repre- fenta que ne pouvant s'abfenter de Paris fans faire rort a beaucoup d'a- mes, il ne pouvoit donner les foins necefTaires aux folitaires de P. R. & qu'il avoir jette les yeux fur lui pour y fuppleer (79). M. Manguelen qui ne penfoic qu'a finir fes jours en penitent, fut forr furpris de cette propofition, & tacha de s'en difpenfer; mais il ceda aux raifons de M. Singlin qui l'amena lui-meme a P. R. Le lende- main M. le Maitre alia rrouver M. Manguelen a fa chambre, accompa- gne des aurres folitaires (Meffieurs de Sericourt , Luzanci , Beaupuis, Bafcle , Vifaguer, Moreau , de la Ri- viere , Pallu , Fontaine , &c. ) & lui dit au nom de tous, qu'ils venoienc fe jerter entre fes bras; que M. Sin- glin leur avoit repondu de fa charite , 8c les avoit allures qu'il vouloit bien fe charger d'eux, &. avoir pour eux (75) Font. Tome I. page 178.
|
||||
470 HlSTOIRF. DE PoR.T-R.01 A I..
l'amour d'un pere; que c'etoit line
grande mifericorde de Dieu fur P. R. des champs , d'y avoir un homme d'un fi grand merite. II finit en difant, qu'ilfentoit dejade la confufion &de la douleur de ce qu'il verroit en eux tant de foiblefTes, mais qu'il efperoit que fa charite couvriroit tous leurs defauts , &c qu'un peu de bonne vo- lonte qu'ils pouvoient promettre qu'il trouveroit en eux , le reroit pafTer fur tout le refte. M. Manguelen ecouta tout d'un grand fang froid > & repon- dit en peu de mots. Les folitaires fe jetterent a fes pies pour recevoir fa benediction , & fe retirerent. M. Man- guelen repondit parfaitement a l'at- tente de M. Singlia ; mais la joie fut courte , & Dieu retira a. lui ce digne miniftre le 14 feptembre de la meme annee. M. Singlin, qui avoit appris fa maladie vint a P. R. & arriva comme on fortoic de fes funerailles : il temoigna un grand regret de la mort d'un tel fujet, & mela fes larmes avec celles des folitaires. » C'etoit un » homme de Dieu , dit M. le Maitre, » de tres bon efprit, tres fage , fa- » vant en plufieurs fciences. Il avoit » etudie la Philofopie , la Chronolo- » gie , l'Hiftoire ecclefiaftique , la |
||||
I. Partis. Liv. VII, 471
» Theologie fcholaftique & les di-
rt vers Peres de l'Eglife , dont ii avoir » fair plufieurs exrrairs. II ecrivoit » rres folidement en francois, & c'eft lui qui a drefle l'Ordonnance de » M. l'Eveque de Bazas , & un Me- u moire touchant la penitence, qu'on » donna en 1646 a M. de Monchal » Archeveque de Touloufe. II favoic » bien le larin Sc le grec , & avoic » commence a fe mettre dans 1'Jie- » breu. Sa faintete, fa piece & fa » fulfifance lui avoienc acquis une w telle reputation de faintete a Beau- « vais, que fon depart caufa un af- » fliibion generate dans la ville. M. » Singlin le donna a M. de Bazas en a 1644, pour gouverner fous fa con- » duite & fon autorite tout fon die- s' cefe. Si la Cour ne nous eut point » ere contraire, M. de Bazas fe rut » defait de fon Eveche entre fes mains. m Etant a. Beauvais il avoit une fecrete « veneration pour la faintete & la » doctrine de M. l'Abbe de S. Cyran. » Lorfqu'il apprit que le Cardinal de jj Richelieu l'avoit mis en prifon au „ bois de Vincennes , il prioir tou- » jours Dieu en difant la Mefle pour » fa delivrance. Apres la mort de M. » de S. Cyran en 1^43 , il ecrivit une |
||||
47i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
» excellente letcre a M. Arnauld qu'il
» connoiflbit un peu & vint enfuite » a Paris, ou il n'eut pas plutot en- » tretenu M. Singlin , M. Arnauld 8c » M. de Barcos , qu'il refolut de tout 3uitter. II fut auffi toiiche du livre
e la' frequence Communion , au- » quel il avoir donne fon approba- " tion comme Docteur de Sorbonne. " Il refigna fa Chanoinie a M. de » Creil Dodteur de la maifon de Na- w varre, qui fut depuis rouche de » Dieu , & entra dans la penitence &c " dans une vie plus fainre. Il fit fon w renouvellement en cette maifon, » avec un bon vieux Chanoine de la »> meme Eglife nomme Rouflel, fore » charitable envers les pauvres & » craignant Dieu. Voici le teftament de ce pieux Ecclefiaftique. » Je fouf- » figne , encore que je defire pouvoit m mourir dans cette heureufe impuif- •» fance de faire teftament, ou le » grand S. Auguftin eft mort : Tejia- » mentum non fecit, qui pauper Cknjli j> nonhabuit unde teflamtntum facetet j >» neanmoins puifque les chofes ne « font pas encore difpofees pour me « mettre en cet etat, & ne pouvant » m'afTurer de l'incertitude des eve- » nemens a venir, je declare que je |
||||
I. Par tie. Llv. VII. 47$
> donne aux Religieufes de P. R. k TgIcT
> retire qu'elles me doivenr (So). Je
> recommande aufli auxdites Dames
> de favorifer en ce qu'elles pourront
> les bons delfeins que Dieu pourra
> faire la grace d'infpirer a mes parens
> pour les feparer du monde, 8c je
> les prie de fe fouvenir de moi dans
> leurs prie res.
Un jeune folicaire de P. R. etoir lxxviii.
norconzejours avant M. Manguelen;Colhahemfe :e fut le premier fruit que le ciel ?•"•• samote ecueillit dans ce fainr defert. Ce fo- itaire , nomme Jacques Lindo, fils i'un riche Marchand de Paris, apres voir ete fous la conduite de M. du -Jamel Cure de S. Merri , etoit venu P. R. fur la fin de Tan 1645 > il y emeura jufqu'a Paque de l'annee fin- ance, vivant dans une grande foli- ude 5 alors , par l'infpiration de Dieu eul, il prir la refolution de s'y fixer nrieremenr. Sa penitence ne fut pas ongue, Dieu l'ai'ant appelle a lui le 5 de feptembre , apres avoir ere un xemple d'humilice, d'obeifiance & (80) Cette rente n'eroit Religieufes qui ne plai-
>int un bien de famille. doient point, lui dirent
ependant foil pere apres qu'elles paieroient la'ren-
mort voulut plaider , te pendant dix ans, & la
fant que he teftament paierent en effet jufqu'a
lit inofficieux j mais les fa mort.
|
||||
474 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.
de toutes les verms chretiennes &
religieufes. Il fut regrette de tous. On fie un jeune ou abftinence de neuf jours pour le foulagement de fon ame. ,, Tout le monde l'aimoit, die M.
Fontaine (Si) , qui etoit fort lie avec lui par la conformite d'humeur, » a „ caufe de fa fimplicite qui etoit ad- « mirable ; car je n'ai jamais vu per- » fonne en qui 1'enfance chretienne » parut davantage. 11 avoit une bonte » &c une ouverture de cceur a l'egard » de tout le monde qui ne fe peut „ concevoir .. .. Il me revient, ajoute » M. Fontaine, une preuve de fa » fimplicite. Un careme commenous „ n'etions pas encore de vieux rou- » tiers du defert, qui jeunoient a » feu & a fang, & qui » comme di- « foit M. le Maitre, s'engraiffbient de » jeunes, on nous accordoit a midi » un petit morceau de pain. M. Lin- »> do, fans y entendre nnefie , alloit » des les huit heures du matin fe » mnnir de fon petit morceau de pain. « M. Manguelen le voiant qui ne man- » geoit pas avec les autres, lui en de- h manda la raifon : Je I'ai fait des » huit heures du matin , die il; a. »» huit heures ,ou a dou^e heures ntjl- (ti) Tome I. M6m. page 187.-
|
||||
I. P ARTIE. Liy. VII. 47J
h ce pas toujour* la mime chofe. M. » Singlin l'envoia a M. Manguelen , » qui apres l'avoir forme pendant » pres d'un an, le rendic a Dieu qui » I'appella par une mort douce. II fit » prcceder ce cher fils , le fruit de » fa charite & de fa vigilance , qu'il » devoit bientot fuivre. Tout le ». monde avouoit qu'a caufe de fon » innocence , c'etoit le meilleur de » tous ceux qui habitoient dans ce » defert. C'etoit un excellent inno- » cent dans un lieu ou il y avoit d'ex- » cellens penitens. Il n'eft pas poflible d'entrer dans le
detail de tous ceux dont Dieu toucha le coeur, & qu'il conduifit dans le defert de P. R. pour s'y fandifier. On vit alors l'accompliflement de la pa- role ou de la prediction de M. Bour- doife Superieur de S. Nicolas du Chardonnet, qui s'entretenant avec M. de S. Cyran , le jour qu'il lui pre- fenta M. Lancelot, fur la conversion de M. le Maitre qui avoit difparu fans qu'on fat ou il etoit, lui dit en admirant une telle converfion , qu'un tel exemple auro'u des imitateurs, & que Dim n'en demtureroit pas la (82). Mais fi le defert de P. R. fe peu- (81) Lancelot, Tome I page 31.
|
||||
47<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
"*"i 646. ?^olt tous *es Jours ^e nouveaux foli-
lXxix. taires 1ue 1'efprit de Dieu y COndui- Lrs Religieu- foit, le Seigneur nerepandoit pas avec fcmultfpiiwitmo*ns d'abondance fes benedi&ions 3.1 milieu des fur la maifon de P. R. de Paris, dont ^rtfcuttam. ja Mere Angelique fat continuee Ab- befife par une nouvelle election faite le G o&obre 164 5. Des Dames de la premiere naiffance s'y retirement poiir paffer le refte de leurs jours dans la retraite & la penitence. Madame la Marquife d'Aumont, Anne Hurault de Chiverny , entra au mois de fevrier 1646 dans la maifon de P.R. en qua- lite de bienfaitrice, & y voulut pren- dre Phabit blanc. Cette pieufe Dame fe retira d'abord apres la mort de fon mari chez les Dames de la Vifitation pres le faubourg S. Antoine , ou elle apporta de grolfes fommes d'argent qu'elle y laifla, lorfque convaincue des calomnies qu'on y debitoit contre les defenfeurs de la verite , elle en fortit pour fe retirer a Port-roial. Etant touchee par la lecture du livre de la frequente Communion elle fe mit fous la conduite de M. Singlin. Elle vendit alors une terre, dont elle donna le prix pour faire batir le choeur & un appartement pour elle. Le nombre des Religieufes fe multi- |
||||
I. Partie. Liv. VII. 477
plioit de jour en jour & devinc 6 grand, que le monaftere ne put plus l 646, les contenir. II fembloit que Dieu voulut retracer ce qu'il fit autrefois a* 1'egard des enfans des Ifraelites , qui fe multiplioient d'autant plus, que les Egyptiens faifoient de plus grands efforts pour les detruire & les oppri- rner. Car les ennemis de ces faintes Religieufes les noirciffbient par les plus Horribles calomnies , & faifoient tout ce qu'ils pouvoient pour empe- cher plulieurs fillesqu'onauroit revues fans dot, de s'y faire Religieufes , jufqu'a leur dire que pour affurer la ■vie de leur corps} tiles ne devoient pas perdre la vie de leur ame. lis difoient a des perfonnes de consideration qui frequentoient ce monaftere , qu'il auroit autant vallu qu'elles eulfentete a Charenton chez les Huguenots. Leur acharnement ecoit fi grand , que lorf- qu'on mit la premiere pierre de l'E- glife en 164.6, des perfonnes qu'ils avoient indifpofees par leurs calom- nies , & qui enuerent alors dans le refe&oire, y voi'ant des fentences de I'Ecriture fainte ecrites fur les mu- railles , dirent que e'etoit comme an temple de Charenton , & furent bien furprifes de trouver dans la maifon des. |
||||
47^ Histoire de Port-roVai.'
•—T"*; images de la fainte Vierge & des Saints , de l'eau benite, &c. lxxx. Ce qui occafionna la ceremonie bmrat"dotdont nous avons Par^ fut l'etablifle.
sacrementefiment de l'inftitut du S. Sactement , 'ictob.'R'dont le defl~ein forme dermis plus de
vingt ans , etoit demeure fans execu- tion jufqu'en cette annee. On Pavoit abandonne depuis Pan 163S que les Religieufes avoient quitte la nouvelle maifon de cet inftitut &c s'etoient retirees dans celle de P. R. dans la penfee qu'il feroit plus dans Pordre que les Religieufes de P. R. qui par une devotion particuliere pratiquoient deja tous les devoirs de cet inftitut, s'y confacraflent par un vceu expres, s'il plaifoit au S. Siege de transferer a leur monaftere les obligations & les graces de ce nouvel inftitut. On traita done Paffaire cette annee 164.6, 8c M. Briquet alors Avocat general, ami de la maifon de P. R. entreprit avec chaleur de lafaire rcuffir. On fitd'une part folliciter a. Rome le Pape Inno- cent X, de confentir a la tranflation de l'inftitut du S. Sacrement & a fa reunion a la maifon de P. R. : de Pautre part , on traita a Paris avec ceux qui avoient eu part a la fon- dation, entre autres avec Monfieur |
||||
I. P A rt ie. Liv. VII. 479
Crichan (83) execureur reftamenraire---------
de Madame Bardeau , laquelle avoir 1 <*^.
laiffe 30000 liv. pour cecre fondarion. Ceux-ci ai'anr confenri que, felon 1'in- tenrion des fondareurs , le bien fur transfere a la maifon de P. R., a la- quelle on alloir reunir le nouvel inf- tirur, & que les deniers fulTenr em- ploys a barir l'Eglife, on y rravailla aufli-ror. (Jufqu'alors il n'y avoir eu qu'une perite chapelle.) La premiere pierre fur pofee par Mademoifelle de Longueville (qui eft morre DuchelTe de Nemours ) en qualire d'heririere de Madame de Longueville fa mere morre en 1637 5 laquelle avoir pris le rirre de fondatrice du nouvel inftirur. Cerre premiere pierre fur beftire par Jean Francois de Gondi Archeveque de Paris , qui voulur enfuire voir roure la Communauce, Sc qui donna fa be- nediction a roures les Soeurs , & leur remoigna beaucoup d'eftime & d'af- feftion, parriculieremenc a la Mere Ancelique. Les follicirarions qu'on fai- foir a Rome pour la reunion de l'inf. tirur du S. Sacremenr a la maifon de •P. R. eurenr leur efFer par les foins de (85) II mourut peu de decembre 1646. Void 1c
teras apres avoir donne Necrologe. i#u confentemem:, le 5 |
||||
480 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
l6.6^ M. Arnauld Abbe de S. Nicolas d'An-
gers, qui etoit alors dans cette Ville pour des affaires done le Roi Pavoit charge. La permiflion fut donnee par une Suplique repondue, &c non par un Bref. lxxxi. La Mere Genevieve de S. Auguftin Monde lale Tardif, premiere Abbeffe triennale dere S. Au- 1 r. r, ■ • ' ' x-.-
ufiin le deP.R. ne vit point cette reunion, Dieu
rardif. Paiant tiree de ce monde auparavant. Elle etoit une des novices que la Mere Angelique amena de Maubuiffon a. P. R. Un recueillement extraordinai- re , beaucoup de douceur, une erande humilite , etoit ce qui paroifloit le plus en elle. Elle fut envoi'ee fan i Gxy avec la Mere Agnes au Tard , dans le terns que la Mere Angelique travail- loit a fe demettre de fon Abbaie. On la rappella peu apres dans le deffein de la faire elire Abbelfe triennale. Elle fut effectivement elue Pan 1630, 8c continuee jufqu'en 1636 , qu'elle fut envoi'ee au monaftere de Pinftitut du S. Sacrement pour y prendre la place de la Mere Angelique qui en fortoit. Elle y demeura jufqu'au mois de mai 1638 , que les Religieufes quietoienc dans la maifon de Pinftitut du S. Sa- crement revinrent a P. R. ou elle rentra dans Pikat de foumiflion & de dependarjee
|
||||
I- Par tie. lay. VII. 4Sr
dependance d'ou elle ne s'etoit laifTe titer quavec peine. Quelque terns apres, elle devint aveugle par un acci- dent qui iui caufa d'extrcmes dou- leurs le refte de fa vie. A cette epreuve, Dieu en-ioigdit une autre en permet- tant quelle eut de grandes pemesin- teneures plus fenfibles que tons fes autres maux. M. de S. Cyran lui ecri- yit de Vmcennes plufieurs lettres pour la confoler (v. vi , a une Religieufe aveugle ). Apres avoir porte fon eat de privation de la vue pres de feet ans , elle mourut le 28 mars 16±6. Voiez le Necrologe & fon hiftoire imprimee a Paris en 1643 (84). La Mere Angelique de S. Jean rap-
porte que , lorfque la communaute chanra apres fa mort, felon la coutu- rne , le Subvenite , ilfembloh a toutes, que d'autres voix etoient melees avec les leurs, & faifoient une harmonit quikurparutfurnaturelle. (85) „ Peut- » etre, ajoute la Mere Angelique, j " avoit-il de l'imagination, mais » toujours y avoit-il une grande cer- » titude de foi a croire que les Anges |
||||||
(84) La vie de cette dans le recueil des vies
nte Religieufe a ete edif. Tome II. page |J
ire par la Mere le Con- (gf) vies fdifianres, & la Mere Angelique TomeII. page 15.
S. Jean ; elie fe troave Tome II. X
|
||||||
4^! HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
-~TT » fe rejouiflbient en recevant cette
l6+6' „ ame l $c fi Karen* ecoir dans nos » fens , la verite ctoit dans notre „ cceur. Ce qui eftUmvea la more de la Mere le Tardif, premiere Ab- beffe triennale de P. R., amva encore So ma apres a la mort de la dermere Ab- beffe Elilabeth Boulard. Le Lefteut pen- fcracequ'ilvoudrade ce double cvene- tnent, qui nous a paru au mpins digne de remarque. .. , - xXxn. Les Religieufes de P. R- Jg* ob-
tesS-tenu d'Innocent X. que Wnftuut do {es de £•£ S Sacremenc feroit reum a leur mo Kns.1s":;:fttre, fe different par one.yetraite frem;nt' de quarante jours &c une devotion j647? extraordinaire, a entreravec un ve- ritable renouvellement defprit dans ks obligations de ce nouvel mftitut.M. du Saufey Official Sc grand Vicaire de Paris alia fignifier la permi lion do faSaintete, en execution de la quelle il donna a routes l'habu: du S. Sacre- ment, changeable fcapulaire noir de Bernardines en un fcapulaire Wane avec une croix d'ecarlate fur la poi- trine. Ce fut le z4 °&obre i647 que fe fit cette cerernonie, comme il eft marque a la fin du fecond chapitre des Conftitutions. » Les Religieufes, y D eft-il dit, feront tons, ks ans une |
||||
I. Partif.. Liv. VII. 48j
» commemoration du jour qu'elles I(j. » re$urent l'habit du S. Sacrement, » qui fut le 14 o&obre 1647. Elles » celebreront cette memoire le jeudi » le plus proche dudic jour. Cetre de- » votion confiftera en actions de gra- » ces d'un fi grand bienfait, & a » purifier leurs coeurs pour etre des » hofties pures & nettes a Jefus-Chrift, » comme il s'eft rendu lui-meme une » vidtime agreable au Pere eternel » pour leur meriter la grace d'etre « ofFertes par lui-meme a la majefte >J de Dieu , & ne faire qu'un facrifice » avec celui qui s'offre inceflamment » fur les autels, dont elles doivent » etre les adoratrices & les images » perpetuelles. La Mere ordonnera » quelques prieres partkulieres 8c au- >» tres adtions de piete pour les dif- » pofer a ce renouvellement. La ceremonie duchangementd'ha-
bit fe fit dans l'ancien petit chceur. Comme les Religieufes profefles etoient en grand nombre , M. 1'Of- ficial & la Mere Angelique qui etoient l'un & l'autre tres prompts, ne s'ar- retoient point a mettrecet habit dans tout l'ordre qu'il eut fallu, & ne fai- foient que jetter ce fcapulaire fat chaque Religieufe fans l'ajufter; ce X ij
|
||||
484 HlSTOIRE DF. PoRT-ROlAr,.
qui obligea de les faire paiTer a mefure
qu'elles le recevoient, dans l'avant> chceur , ou elles le mettoient plus de- cemment : & cette circonftance im- prevue verifia la vifion qu'avoit eu Madame le Maitre dix-huit ans au- patavant. M. le Maitre rapporte ainil cette
vifion qu'il avoit apprife de la Mere Angelique un vencredi 9 fevrier 1652. ,> La troifieme vifion, dit la m Mere Angelique , que je ne tien$ » pas moins venue de Dieu,quifeul v connoit l'avenir & le peut reveler u a fes ferviteurs ou fervantes , eft u une qu'eut ma fceur Catherine de » S.Jean votre mere , lorfqu'elle s'en v fut allee au Tard de Dijon, pour » y conduire la Mere Agnes & mes » autres fceurs. Nous etions alors » en peine de l'inftitut du S. Sacre- » ment que nous etions pretes d'em- » brafler. Mais nous deliberions s'il j) etoit plus expedient de le prendre » a P. R. fans aucun nouvel etablif- »> fement. Ma fceur Catherine ne „ nous croi'oit pas alTez bonnes pour »» un nouvel inftitut & aufli faint que » celui-la ; & neanmoins elle n'etoit, !> point d'avis d'un nouveau monaf- „ tere, craignant Ja feparation, L^s, |
||||
I. Part i n. Liv. Fit. 485
i> aucres etoient d'avis d'urle nou- » velle maifon, & c'etoit la penfee w de celui (M. Zamet Eveque de » Langres ) qui preflbit l'etabliAemenc »> de Tinftitut. Ma fceur Catherine » nous a'iant laiflees dans ce doute > « 8c priant Dieu dans 1'Eglife du m Tard de Dijon , s'imagina voir de- » vanr elle les Religieufes de P. R. » de Paris dans le vieuxavant-choeur, » avanc que la nouvelle Eglife fut „ batie, & vit qu'elles quittoient leurs ,y fcapulaires noirs & qu'on leur en » mettoit de blancs avec une croix „ rouge fur 1'eftomach. Cette vuelui ,y fit croire qu'on vouloit faire les » filles de P. R. filles du S. Sacrement. w Elledita une perfonne qu'elle voioit » prefente devant elle; font-dies affi^ „ bonnes pour fonder un nouvel injiitut « qui demande tant de purete ? a „ quoi on lui rcpondit: Elles saman- „ deront ; 8c lui a'iant demande ce » que deviendroit une Dame de fa „ connoiflance (86) qui etoit aP.R. „ 8c fi elle embrafleroit cet inftitut, a, elle lui repondit : Cette Dame chan- „ gera & ne demeurera pas comme elle » ejl. » Or ce qui me toucha le plus,
(86) MaJame dc Pontcarre.
X iij
|
||||
4S6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.'
» ajouta la Mere Angelique , fur que
» des le lendemain, ou deux jours » apres, ma fceur Catherine m'ecrivit » ce qu'elle avoir vu , lorfqu'elle » prioit Dieu avec routes les circonf-- » tances que je viens de dire ; & ce » qui arriva enfuite detruifoit alors , » ce fembloir, toute la veritedecetre •» virion. Car les filles de P. R. ne » changerenr point leurs fcapulaires » noits , & on etablit la maifon du » S. Sacrement , ce qu'elles avoient » toujours apprehende > & cette Dame " ne changea point durant fix ans , » etant toujours demeuree a P. R. >» Mais M. I'Archeveque de Paris « ai'anr agree en 1638 qu'on vendfc » la maifon du S. Sacrement, & que » routes les filles revinlTent a P. R., » il ordonna depuis ( en 1647 ) qu'el- » les embraflferoient routes cet infti- » tut. Alors on delibera ii on Chan- s' geroit de fcapulaire, & fi on pren- » droit celui qu'avoient eu les Sceurs » quand elles etoient au S. Sacrement. " J'etois d'avis de n'en point changer, « & feu ma foeur Eugenie etoit d'a- » vis contraire. Pendant cette irre- » folution , il arriva qu'en cherchant » des hardes , on ouvrit un petit cof- v fre qui etoit venu du S. Sacrement, |
||||
t. Par.tie. Liv, Fit. 48?
s. & qui n'avoit point ere ouvert de- „ puis huit ou neuf ans. Ce petit „ cofFre etoit plein de fcapulaires „ blancs avec la croix rouge , que les „ Soeurs du S. Sacrement y avoient i, mis apres leur retour a P. R. Auffi-^ » tot on le porta a ma Saeur Anne „ Eugenie qui ecoit maitrefle des „ petires filles, qui les aiant tires me » les apporta 8c me dit que Dieu de- „ cidoit leur difficulte par cet eftet » de fa providence, 8c qu'ai'ant per- il mis que ce petit cofFre ferme depuis ,, neuf ans eut ete ouvert par hafard, i, 8c fans que perfonne penfat a ce „ qui etoit dedans , il leur envo'ioit „ ces fcapulaires pour s'en fervir, 8c » prendre aufli-bien l'habit que la ,, regie de cet inftitut. Elle me dit » cela d'une maniere fi perfuafive, „ qu'elle me fit condefcendre a ce M qu'elle me difoit. Et la refolution » etant formee de prendre cet habit, „ la ceremonie s'en fit en odtobre „ 1647- M. Bignon l'Avocat general „ etoit prefent. Chacune des filles „ vint recevoir ce nouveau fcapulaire „ de la main de M. l'Oflicial dans „ l'ancien chceur, 8c s'en alloit pour „ le mettre dans l'avant-chceur : ce » qui arriva i'annee de devant que la Xiiij
|
||||
4? 8 HlSTOIRE DI PoRT-ROlAt.
» nouvelle Eglife flit batie. Ainfi la
» vifion de ma fceur Catherine de S. » Jean fe trouva entieremenc acconi- » plie, la Dame etant fortie de notre » maifon des 1638, &c toutes les » ScEurs de P. R. a'fant pris cet habit » dans le meme avant-chceur qu'elle » avoit vu (87). (87) II. vot.des Relat. la premiere Relation de
pages 541. &C fuiv. dans la fcconde Part. |
|||||
Fin du Line VW.
|
|||||
4 §9
rT—iiar .■B|MB—. mn—............ mmmm
EXERCICES de pike des Solitaires
de Port-roial des champs. \_^Es faints Solitaires fe levoient tous les
jours a trois heures du matin , & apres avoir fait le (igne de la croix , ils faifoient les ado- rations fuivantes. Actc d'adoration qu'ilsfaifoient le matin,
etant encore au lit. » Beni foit le jour de la nailTance , dc
k> la mort & de la refurredion de Notte Sci- » gneur Jefus-Clirift. En fortant du lit & en s'habillant, ils fai-
foient les aftes fuivans. Acli d?adoration alafainte Triniti.
n Je vous adore , 6 mon Dieu , Pere , Fits
» & S. Efprit, en l'mike* de votre nature & » en la Trinite* de vos Perfonnes. Je vous m remercie de m'avoir confervi* pendant la *> nuit, & je vous fupplie de me conduire ia pendant le jour. » J'adore, 6 mon Dieu , l'arret que vous
x avezfait, dans l'eternit<£ , de ma vie & de » ma mort. Je vous fais amende honorable s, de tous les pe"ches que j'ai commis depuis » que j'ai 1'ufage de raifon jufqu'a prefenr. Adoration a Notre Seigneur Jefus-
Chrifi. » Je vous adore 6 mon Sauveur Jefus- „ Chrift, & votre humanite fainte en to«s X v
|
||||
49° Exercices
» vos etats, my [teres , penf^es , paroles
d» a&ions , mouvemens, fourlrances inte
,m tieuies & exterieures. Je vous remercie d
» m'avoir conferve durant la nuit, & je vou
» fupplie de me conduire pendant le jour.
Salutation a la fainte Vierge
& a S. Jojeph. » Je vous revere , 6 fainte Vierge & vou
» S. Jofeph. Je vous remercie de m'avoi » fecouru par vos prieres le long de la nuit » Je vous fupplie de m'offrir a mon Sauveu ■» votre Fils, & de vouloir etre ma fauve m garde le long du jour. Salutation aux Saints.
r> Je vous honore, 6 S.Michel, & vmis
x> mon Ange gardien , S. Pierre & S. Paul *> S. N.. . . Patron de ce lieu , & vou m S. N . .. . irion Patron ; je vous remerci » de votre affiftance particuliere durant 1 m nuit, & je vous fupplie de prier Dieu cni'i m me veuille conduire le long de ce jour. Dtmandis quotidiennes,
n Faites-moi la grace , 6 mon Dieu, d
« coop^rer a vos faintes graces ; Faites-mo ■» la grace de vivre & de rnourir penitent. Adoration au S. Sacrement de lauul.
« Je vous adore , 6 mon Sauveur Jefus
» Chrift reflufcite & gloriHe" des vivans 8 » des morts , vivificateur des corps & de » ames ; faites-moi la grace de vous adore =» en efprit & en vdrite", en l'honr.eur de » adorations eternelles que wus rendez ' |
||||
D E P I E T E D E P. K. 45 t
» votre Pere c^Iefte dans le del & au S. Sa-
» crement de l'autel. Apres ces a&is d'adorations ils prenoient
de l'eau be'nke , en difant Afperges me, &c. Enfuite ils fe reuniffoient tous pout re-citer Marines & Laudes, qu'ils chantoient en plein-chanc dans l'Eglifc de l'Abbaie avec le Chapelain avant que les Religieufes y fuflent retoamees. Apres Marines & Laudes qui duroient plus
d'une heure & demie, ces pieux folitaires baifoient la terre , ou fe profternoient en terre , a l'imitation des anciens Patriarches Abraham, Ifaac, Jacob, Moife,Jofue\ & a l'e- xemple de JefusChrift dans Ton agonie , des premiers Chretiens, des faints P^nitens, & des grands Saints , comme S. Martin qui ufoit de cette adoration quand il vouloit raire des miracles. lis ne reftoient proftern^s que du- rant la longueur d'un Miferere tout au plus , apres quoi ils fe reciroient chacun dans leur chambreou ils prenoient de l'eau benite qu'ils y gardoient toujours , & faifoient une petite priere devant quelque image faintc. Cc qu'ils pratiquoient encore chaque fois qu'ils y en- troient, ou qu'ils alloient dans la chambre d'un autre , comme font le Chartreux. Leurs Prieres.
Les Solitaires de P. R. lifoient chaque jour
un chapitrede l'Evangile & un de S. Paul, a genoux, & tachoient de s'appliquer les v&- xitis divines qu'ils y decouvroient, pour en former ou des actions de graces des biens qu'ils avoient recus, ou des demandes pour ceux qu'ils d<5firoient reccvoir. Ainfi Dieu leur parloit dans fes Ecritures, & ces faints X vj
|
||||
49i Exercices
FeVitens lui parloient dans leurs prieres. C'^-
toitdansletrefor desEcritures infpirexs, qu'ils prenoient tous les points de leurs medita- tions , lifant ccs paroles divines avec une profonde veneration, adorant cclles qu'ils n'entendoient pas, comme l'ordonne S. Au- guftin , & fe nourriffant de celles qu'ils en- tendoient comme etant la premiere nourri- ture de 1'ame, & l'EuchauiHe la feconde. La mefnre de leurs prieres etok celle de leur amour pour Dieu; & comme ils aimoient fans fin , ils prioient fans cefle , parceque , comme dit S. Auguftin , la foi, l'efperance & la charite formant en nous un defir conti- nuel de Dieu (a) , nous prions toujours Er, voila la priere perpetuelle des vrais Chre- tiens ordonnee par Jefus-Cbvift & les Apotres. Si l'efprit qui ptie en nous & qui jchaufFok leur cceur. (fclairoic auffi leur efprit, & for- ltioit des pen fees dans l'un & des gemiife- mens dans un autre, ils lui en rendoient graces 8c s'entretenoient avec Dieu par l'orai- fon mcntale; mais fi leur efprit avoit moins de lumiere 8c d'intelligence que leur coeut n'avoit d'ardeur & de feu, ils fe contentoient de le tenir dans une attention a Dieu pour eViter d'etre diftrait fans lui fake violence j ils fe contentoient de demander a Dieu fa grace 8c fori efprit avec une grande humi- lite ,avec uneexpreffion fimple 8c affe&ueufe de leur indigence &c de leurs befoins, avec des fentimens d'un amour d'enfans qui par- lent a leur pere fans emplo'i'er des raifonne- mens etudi^s , mais quelques paroles de ten- dreffe & de gratitude que le reffentimentde fes graces Sc de leurs deTauts tirent de leur (<•) In ipfa fide, fpe, fiderio femper oramiit.
8c charitate comiiwato de- Ej>ij1, <ul Vtobyid. |
||||
»« Pliti de P. R. 45J$
COeur & de lent bouche fans violence. Ain/i
ne lallanr point leur efpiit dans leurs prieres, parcequ'ils ne le forcoient jamais , ai'ant ap- pris dc S. Auguftin que I'arfaire de la prierc fe traite plus d'ordinaire avec des gemilfe- mens qu'avec des difcours , avec des larmes qu'avec des paroles , que les mouvemens du cceur & les defirs de la volenti ne font ja- mais de peine, au lieu que les penfees&les raifonnemens de l'efprit font pdnibles a l'ef- prit meme fi on le veut Clever au-deflus de fa foibleife & les lui faire produire malgre' fa fteVilite. que les efforts de l'imagination & de la partie intelledtuelle font plus de mal a la tete que de bien au cceur ; & comme la lecture les rempliffoit toujours dejoie, ils n'avoicnt pas hi obliges de marquer un terns regie pour des recreations , eftimant heureux ceux qui en ufentbien , & plus heureux ceux qui n'ont pas befoiu d'en ufer. Celt pour s'entretenir dans cet efpritde priere qu'ils ne lifoient prefque jamais que des livres faints & eccldfiaftiques , comme l'Ecrjture fainte , les faints Peres Sc I'hiftoire de l'Eglife , ai'ant reconnu par experience que l'Efprit faint qui habite dans les vrais chretiens doit etre en- tretenu des Veritas faintes , & de la morale ce"lefte de Jefus-Chrift & dc l'Eglife ,& que e'eft le pain que les enfans doivent manger. A 1'exemple des Solitaires d'Egypte, ceux
de P. R. faifcicnt des prieres ferventes Sc courtes , Sc obfervoient avec foin d'eiever leur cceur a Dieu , de faire le figne de la croix, & de fe ddcouvrir tomes les fois que l'heure fonnoit. Ils diverfifioient leuroraifon pour la rendre comme continuelle, en priant tantot par penfees & par mouvemens , tantot par paroles, tantot dans l'office , tantot errdifan* |
||||
494 Exercices
leur chapelet, tantot en meditant fur le faint
Rofaite , tantot par actions en confaciant leurs ouvrages a Dieu , & les faifant pour lui feul, tantot par fauffrances en patifTanc pour fon amour ; 8c au defaut de ces prieres , par l'humble expofition de leurpauvrete , de leur mifere en la prefence de Dieu , comme les pauvres prient Convent les riches en leur montrant feulement leurs maux & leurs nu- dites. Dans la recitation de leur office, lis avoienc
grand foin de fuivre l'ordre de l'Egiife qui a divife la journde chretienne & ecclefiafti- que en plufieurs offices qu'elle dit l'un apres l'aucre, Faifant fucceder a l'oraifon du cceur &c de la penfee celle de la langue 8c de la voix , afin, comme dit S. Auguftin, que dans certains intervalles, ces fignes extcrieurs8c ces paroles frappant nos fens , ils nous faflent reconnoitre fi nos defirs Sc nos mouvemens lesaccompa- cnent, & que nous a'ions plus ide foin de nous echauffer Sc de nous rendre plus fervens. A fix heures & demi du matin , ils difoient
Primes; Tierces a neuf . Sc enfuite ils affiftoient a la Mejfe. A on7.e hemes ils di- fojent Sexte, & immediatement apres ils faifoient 1'examen de confeience. Ils alloient diner auffi-tot; ils etoient d'un
coti de la falle Sc leurs ferviteurs de l'autre : le plus notable d'entre eux faifoit la b6o£- diftiondcla table, marqude dans le breviai- re. Ils mangeoient par portions comme les Religieux Sc dans des plats de terre. On lifoit durant tot*: le diner un chapitre du nouveau Teftament Sc la vie des Saints. Apres le diner, on faifoit I'a&ion de graces
felon le breviaire & on difoit YAngelus , puis on fortoit comme on etoit entrd, en fi- |
||||
DE PIE T E DE P. R. 49J
Un-e. Au fortir du diner on alloit fe pro-
mener fur les montagnes , dans ks bois qui environnent la maifon de toutes parts , feul, ou deux a deux ft on le d^firoit , & on s'en- tretenoit de bons difcours ; ou bien Ton fe re- tiroit chacun dans fa chambrc ou Ton travail- loit des mains. A deux heures on alloit a Nones ; a quatre
heure a Vepres ; a fix heures on faifoit eo- lation ; a fept heures un quart on difoit Complies , puis les litanies de la Vierge , a la fin defquelles on pricit pour les morts , & on difoit le Miferere; apres avoir fait l'examen de confidence ; & l'un d'eux donnoit de 1'eau be- nite a tout le monde, qui fe retiroit en filence. On fe couchoitahuit heures ; ainfi on pouvoit dormif depuis huit jufqu'a trois , ce qui fa,it fept heures. Ouv rages des mains.
II y avoit deux heures le matin & deux
l'apres Jiner pour les ouvrages des mains. On elaguoit des arbres : on travailloit aux plants & aux herbages; on cueilloit des fruits, &c. en un mot, on ne faifoit que des ouvrages neceflaires. Leur fatisfaclion & leur jolt.
Ces faints Solitaires pafloient ainfi leur vie
dans des actions de piete & de retraite , d'd- tude & de travail , qui etoient enchaindes en. femble & fe fuccedoient les unes aux autres , & qui leur faifoienc tiouver les journees plus courtesque les hommes du monde ne trouvenc les heures. La grace les ai'ant gueris des paf- fions les plus violentes , &: des delits desbiens & des honneurs, qui font fouffrir aux hommes |
||||
4*)6 EXER CICES
line fi rude fervkude , & ne chercham que
Dieu, i!s etoient remplis d'une fainte joie , & jouiilbienc d'une egalite' & d'une tran- quiilite' d'efprit, qui a ^tonne' quelques per- tonnes qui les avoient vus autrefois ague's de (bins & de trouble dans le monde, 8c out reconnu l'efprit de Dieu dans un de fes plus excelleus & divins fruits , qui eft une joie chretienne accompagne'e de difcrdtion & de modeftie. Ces perlonnes ont confefTe ingenu- ment que (I l'hermitage etoit trifte, lesher- mites en recompenfe ne l'etoient pas. Leur folitude.
lis ne fortoient de leur folitude que potir
quelque neceflite preflante , quelque charit<£ extraordinaire, s'ennuiant pattout ai'.leurs, & foupirant dans le tumulte & la magnifi- cence de la ville apres le calme profond de leur defert. lis ne voloient le monde & n'en etoient vus que le moins fouvent qu'ils pon- voient, d^firant ardemment de mourir au monde & que le monde fut mort pour eux. lis ne s'entretenoient que des nouvelles de 1'autrc monde , renoncant a toutes celles de celui ci ; & a 1'exemple de S. Charles, ils Be fongeoient qu'a faire fortune dans la cour des Anges & des Bienheureux , n'aiant de cu- riofite que pour apprendre la fcience des Saints qui confide a bien vivrc & a bien mourir, & s'efHmant plus obliges de s'enquerir desmer- veillcs de leur celefte patrie, que des accidens qui airivent dans le lieu de leur banniflement. Leur logement & leurs meubles convenoient
avec l'efprit de pauvrete & de mortification qui les animoit. |
||||
»e piet£ de P. R. 497
Ltuts aufierites.
Ledefaut de poiflbn & d'oeufs dans le de-
fert de P. R. avoit empeche les Solitaires de fuivte leur amour pour 1'abftinence de la chair durant le cours de l'annee ; mais ils favoienc amplement fe dedommager par une perp£tuelle temperance : car pendant plus de huh mois, ( favoir depuis la fin des chaleurs de l'ece jufqu'a Paque, hormis l'odtave de Noel & celle de l'Epiphanie , les Dimanchcs & les grandes Fetes ; ils jeunoient, ne faifanc qu'un repas a midi avec le plus de fimplicite' qu'il leur etoit poffible , & une legere eola- tion le foir comme aux jours de jeiinc or- donnds par l'Eglife. Ils ne purent les premieres amides fairc
maigre l'Avent ; mais fe reprochant enfuire leur lachete1 , ils entrcprirent l'abftinence dela chair pendant ce faint terns. Ils commencoient le careme le Dimanche
de la Quinquagefime. lis en ont jetine1 fix comme a l'ordinaire , e'eft-a-dire en prenant leur repas a midi & faifant une legere eola- tion le foir ; mais en 1643 le defir d'imitcr S. Charles qui toute l'annde ne mangeoit qu'une fois le jour , 8t aiant appris du Car- dinal Bellarmin que 1'ancien jeune de l'Egli- fe , obferv£ univerfellement durant treizo fiecles, ordonne' par des Conciles & garde encore per plufieurs chretiens qui ne faifoient qu'un repas le jour , etoit le plus rdgulier fit le plus conforme a l'efprit & a l'intention de l'Eglife , ils entreprirent par la grace de Dieu qui les avoit ddja combles de tant de faveurs , de ne manger ainfi qn'une fois en vingt-quacre heures , favoir apres avoir Ate Yepres, a quatre hemes du foir. |
||||
498 ExERCICES
Le refte de 1'annec , ils faifoient quelques
jeunes au pain & a l'eau , chacun felon fes forces , gardant en tontes lears aufterites cette regie de S. Augtiftin : Defaire ce qu'onpeut /aire & d'aimer dans les autres ce qu'on ne fait pas, parcequ'on ne le pent /aire. Ainfi ils faifoient tous en effet par cet amour ce c|u'ils ne pouvoiem faire tous , a caufe dc rinfrrmire particuliere de quelques-uns ; & le plus foible n'empechoit pas le plus fort j comme le plus fort ne preffbit point le plus foi- ble. Un feul d'entre eux buvoit un peu de vin , les autres ne buvoient que du cidre ou de l'eau. Quelques-uns portoient tous les jours le cilice ; d'autres plus infirmes ne le portoient que quelques jours, &c. Tous couchoient fur la paille. Leur Di-
refteur les regloic felon leur force & leur ferveur , & nul ne faifoit aucune aufterite de fon propre efprit. Leurs Confijjlons & Communions.
Ces pieux Solitaires fe confefToient ordi-
nairement lorfqu'ils vouloient communier , Sc leurs communions eWent plus ou moins frequentes felon l'avis de leur ConfefTeur , & le degre" de leur vertu. Les uns ne com- niunioient que tous les quinze jours ; les au- tres tous les huit jours ; d'autres tous les Dimanches & toutes les Fetes , & quelques jours de Saints aufquels ils avoient devotion. Ils s'y preparoient comme le confeille Saint Francois de Sales apres tous les Peres , en ta- chant de mener la vie la plus pure & la plus digne de ce faint banquet qu'il leur hoh poffi- ble-, & pour cela , ils ne fuivoient pas de voie fureminente & de devotion extraordi- naire, ne fachant de voie, felon S. Paul, |
||||||
DE PIETE 0E P. R. 499
plus eminence que la charite qui eft la voie
commune & ordinaire de tous les vrais Chre- tiens, lis entendoient la fainte Mefle tous les jours avec le plus de piete* qu'il leur etoit pofTible , tachant fuivanc les confeils de tous les Saints & l'efprit de l'Eglifc , d'y commu- nier en efprit & du cocur feulement, lorfqu'ils ne le faifoient pas facrarnentellement. lis pratiquoient quelques exercices parti-
culiers de piete1 pour fe preparer durant la femaine a la communion du Dimanche, afin de communier autant par un fentimenc d'a- mour &c avec ferveur & purer£ de defir , que par la rencontre des fetes & l'accoutumance de cette action , qui etant la plus grande & la plus divine de la religion de Jefus Chrift, doit £cre faite avec un vrai efprit de piece' chretienne & une reverence extraordinaire. Tous leurs exercices ne tendoient qu'a s'a- vancer de plus en plus dans la vertu pour fe rsndre digues de communier encore plus fou- vent. L'on voit par la vie & la conduite de ces
Solitaries , qu'ils n'avoient d'autres qualiteV que celle de chretiens catholiqnes, qui vi- voienc en comnwn & s'efForcoient, felon l'exhortation de tous les Petes , d'imiter en quelque chofe les premiers chr<5tiens que l'E- crituve nomme des hommes religieux qui crai^noientDieu , & qui ne faifoient enfemble qu'un cceur & qu'une ame. Tous ceux qui ha- bitoient le defert de P. R. etoient lies d'une etroite amitie les uns envers les autres. lis etoient vetus modeltement, fans aucune af- fectation de forme ni de couleur d'habit. lis fe traitoient avec une civilite1, une fincerite' & une fraternite chretienne fans s'appeller ni peres ni freres. lis s'afliftoient dans la |
||||
500 EtfiRdCES r>E P. R.
fante, dans la maladie & a la mort. lis ne
faifoient point de vanx particuliers, mais ils renouvelloient & tachoient d'obferver fidele- ment les promefles qu'ils avoient faites k leur bapteme. Ils ne defiroicnt point de fe multiplier , mais bien de conferver la fer- veur de I'efprit Si ia puiete de la difciplinc dans leur petit nombre, felon la condaite exeellente de Sainte Therefe. * *
|
|||||
H
|
|||||
_____ 501
"'"''' ' "
REGLEMENT
DES ECOLES DE PORT ROIAL,
D
A n s ces Ecoles chretiennes les maitres
regardoient leurs difciples comme un depot piecieux , dont Dieu devoit un jour leur re- demander un compte terrible ; c'eft pourquoi ils veilloient continuellement fur leur trou- pcau fans le perdre jamais de vue> Ils por- toient leurs difciples dans leur coeur , & les offroient fans cejje a Dieu pour attirer fur eux fcs benedictions &i fes graces. Ils ta- choient de mcnager tomes les occafions qui fe prcTentoient pour leur donner quelqucs inftruc"tions falutaites , les avancer dans la vertu , leur infpirer la haine pour le peche& pour tout ce qui peut y porter, & affermir dans leur coeur la fuite des plaifirs paflagcrs, le m<:pris du monde & l'amour des wens eternels. Ils s'accommodoient a leur foiblelTe. Ils les fouffroient dans leurs infirmire's avec patience , & ils tie fe lafToient jamais de les fervir: Tanquam fi nutrix foveat filiosfuos. On les oceupoit continuellement autant
qu'ils en etoicnt capables. On leur otokmeme le loifir de s'occuper de chofes inutiles, Sc on les fortifioit contre les mauvaifes maxi- mes qui pouvoient leur nuire. On leur faifoit voir que tout eft plein de pieges & de dan- gers dans les monde; que les Chretiens doi- vent en ufer comme n'en ufant point , & que pour le valncre , il ne faut aimer ni fes ri? chefles , ni fes grandeurs, ni fes plaifirs, Ccs roaitres habiles prenoient fouvent pc«
|
||||
joi Reglement
cafion dc ce qu'ils trouvoient dans Ciceron,
& dans Horace pour lenr fairc adroicement ces fortes de reflexions contre lefquellcs ils n'etoient point en garde. Comme il eft prcfqtie impoflTible quede jeunes enfans » en- core aflujettis aux impreflions des fens, ne faflfent ce qu'ils voient faire aux autres, on tachoit de les inftruire encore plus par les aclions que par les paroles. Pour ce fujer. Ton avoit un foin paniculier de n'avoirquc des domeftiques fort fages & fort regies. La douceur & la charitd avec laquelle on
traitoit les enfans, faifoient qu'ils crai- gnoicnt & aimoient lcur Mattres , & la me- nace fenlc de les renvoier chez leurs parens &oit a leur fens la plus grande & la plus fenfible punition qu'on pouvoit leur faire. •Void de quelle maniere la journcc
itoit re glee. Du lever.
Les plus grands fe levoient a cinq heures
hiver Si iie, & les plus petits a fix. II fe levoient promptement, &ant fort
dangereux de s'accoutumer a la parefle a la premiere heure dn jour. Ils fe profternoient a genoux au(fi-tot qu'ils Voient leves, pour adorer Dieu , aprts quoi ils achevoienr de s'habiller & fe peignoient en grand filence. Si quelqu'un avoit befoin d'aller a quelquc neceffite , il en demandoit tout bas la per- miflion. De la. priert du matin.
A fix heures , ils venoient tons fe mettre
h genoux devant le crucifix qui ecoit dans la |
||||
DES ECOLES DE P. R. 50$
eliarabre, & Ton faifoit la prierc commune
qui confiftoit a dire le Veni Creator, le Pater , XAve & le Credo Et enfuite Prime pour les grands , qui de-
rneuroient debour pendant cette priere. La priere achevee , chacun s'en alloit a fa
table pour y etudier fa lecon, & faire fa compofition, & ils y demeuroient jufqu'a fept heures en grand (ilence. Chacun avoit fa table a part, & elles etoient rang&s de maniere que le Maitre les voioit tons, rnais ils ne pouvoient fe parler les uns aux autres. Ils avoient chacan leur tiroir, leur pupitre , & les livres neceffaires, de forte qu'ils n'ecoient point obliges de rien emprun- ter de leurs cempagnons. A fept heures chacun r<5petok fa le^on , &
s'il reftoit du terns jufqu'au dejeuner, on leur faifoit expliquer la fuite de leur Auteut qu'ils n'avoient pas prepared. Pu dsjzuner,
lis dejeunoient fur les huit heures. Pen-
dant environ une bonne demi-heure que du- roit le dejeuner , les enfans avoient la libertd de s'entretenir tout haut les uns avec les autres de ce qu'ils vouloient, ou de lite quelque hiftoire . de voir les cartes de geo- fraphie, &c. Ils ne fortoient pas neanmoins
e la chambre : pendant l'hiver.ils ft chauf- foient. Apres le dejeuner, chacun fe remet- toit a fa table en filence pour travailler a fa feconde lecon qui etoit ordinairement unc verlion, qu'on leur recomvnandoit de bien ecrire. La vetfion faite , ils la lifoicnt art Maitre l'un apres l'autte j s'il reftoit dutems, onexpliquoit la fuite de l'Auteur. Cette feconde lecon confiftoit pour lss.
|
||||
504 Regie ment
grands, a dire par coeur leur lecon du greC
qu'ils traduifoient en francois, ou bien a lire leur competition latine. La lecon du grec etoit ordinairement de trois grandes pages de Plutarque in-folio le matin , & aurant l'a- pres diner; & pour les petits, elle confident dans leur traduction de Tite-Live, Juftin , Severe Sulpice , &c. Cette feconde lecon duroit jufqu'a onze heures qui etoit Theme du diner. De la faintt MeJ/e.
Ces enfans n'alloient pas tous les jours a
la MelTe , fur-tout les petits , jufqu'a ce qu'tfs fuffent affez fages pour cela. On prenoit bien garde qu'ils fulTent toujours fort modeftes dans 1'Eglife , & qu'ils ne tournafTent la tite de cote & d'autre. On les eshortoit de s'y tenir avec grand refped & d'affifter ace fa- critice non fanglant de Jefus-Chrifl, enmc- moire de celui qu'il a ofFcrt a fon Pere pout nos pecbis fur le Calvaire. Du diner.
A onze heures , ils s'aAembloient dans
line chambre ou Ton faifoit l'examen de fa confeience apres avoir dit le Confiteor juf- qu'a med culpa. Apres l'examen , on achevoic le refte &ondifoit l'oiaifon. L'un des grands difoit par cccur une fen-
tence latine tiree de l'Ecriture fainte. On fe lavoit enfuite les mains, & on entroit au reTe&oire. Chaque Maitre diftfibuoit a fes enfans ce qui avoit ere" fervi , apres qu'ils avoient mange' leur poragejehacun dans une ecuellc particuliere. On tachoit de les ac- coucumer a ne pas affccler une delicatefle jncommpde, & a manger proprement. Pendant
|
||||
DBSECOIESDEP. &. <Qr
Pendant le dinc^on lifoit routes fortes dhif-
toires, tc: les que font cellc des Juifs par Jo- fePli, celle de 'Eglife par M. Godeau, celle de France &c. Les fetes & dimanches , on li- ioit quelques livres de pie'te'. De la recreation aprhs U diner.
Durant la rdcrfation il y avoit toujours ua tnaitre qui ne perdoit jamais de vfie les en fans ; mais fa preTence ne les genoit nulle- nient parcequil leur donnoit une entiere li- b«t<* de jouer aux jeux qu'il leur plaif0jt choifir. Lon ne voioit jamais de difputes ni de comeftatrons parmi eux pour quoiqueec fur. On le,r avoit tellement accoulumes a fc prevemr d honneur les uns les autres , que ia mais ils ne fe rutoioient, & on ne les enten- doit jamais dire la moindre parole quils euf- feat pu juger devoir Sere d^fagrdable a leur* compagnons. La r^cr^ation duroit ordinal- rement une bonne heure & demie. Les jours de conge on fortoit dans la campagne Apres la recreation , iis fe rafTembloient
& repetoient alternativement ce que Ton avoit lu de l'hiftoire pendant le diner & on les accoutumoit a parler en bons termes & a juger fainement des fairs dont l'hiftoire faifoit mention ; au defaut de Ihiftoire on parloit fur la geographic Du ntour dans la chambre I'aprh-
diner. ., En entrant dans Ia chambre des exercices ils faifoient une courtepriere pour demander a Dieu la grace de paflir faintement lereftc it la journee , & pour les accomumer a na fane aiicune aclion principal fans la commca- c.er 8c la hmr par la priere. Tome II, y
|
||||
5 06* RlGLF. MENT
S'etant remis chacun a fa table 3 lis com-
mencoient a travailler 5 les uns ecrivoientleur exemple qui^toit toujours quelque fentencc tir^e de la faintc Ecriture ; d'autres co- pioient leur glofe de Virgile. Les autres enfin prevoioient leurs lecons
ou lifoicnt quelque bon livre. Cela duroit jufqu'au gouter qu'on leur apportoit regle- m»nt a trois heures : il duroit une grande demi-heure, pendant laquelle ils avoient en- core la liberte de s'entretenir les uns avec les autres comme durant le dejeuner. A trois heures Sc demie , ils fe remettoient
tous au travail &c apprenoient leurs lecons qu'on leur faifoit dire a quatre heures. Ils etudioient enfuite leur grec 8c le repetoient jufqu'afix heures que Ton foupoit. Touts'y pafloit comme au diner. La recreation duroit jufqu'a huit heures. En ete Ton prenoit fouvent occafion dc
s'entretenir durant ce tems avec les plus grands de quelques points d'hiftoire ou de quelque chofe utile, pendant que les petits fe divertifloient a quelques petits jeux. A huit heures les enfans retournoient paffer
nne bonne demi-heure dans la chambre pour prevenir ce qu'ils avoient a faire le lende- niain matin. Priere du folr.
A huit heures & demie on faifoit la priero
en commun. Les Meflieurs & les Domefti- ques y afTiftoient. Apres l'examen de conf- cience chacun retoumoit dans fa chambre en grand filence. Du coucher.
Apres avoir fait fon afte d'adoration , cha-
cua fe deshabillok & fe mcttoit au lit promn. |
||||
BES feeOlBS DI P. R, Jof
tttnent & en filence. Le maitre dc chaquc
chambre etoit prefent au coucher , corame au lever. Les lits etoient difpofes de rnanierc que le maitre les voi'oit tous du fieri. Les dirnanches & fetes aprds Prime, les
enfans s'occupuient a lire en leur particulier quelques livres de piete jufqu'a huic heu- res que le Superieur leur faifoit un cate- chifme jufqu'a la grande mefTe ou on les faifoit toujours aflifter, afin de les accoutu- mer de bonne heure a fe foumettre a l'ordre qui a etc dcabli dans l'Eglife. Entre la grande mefle & le diner, comme apres la recrea- tion jufqu'a Vepres, on faifoit des lectures de pie^ foit en commun foit en particulier. On faifoit apprendre tous les jours de fetes
& de dirnanches deux ou trois articles du ca- texhifme , & Ton commencoit par faire re- peter aux petits ce qui avoit et6 die la dernierc fois, afin de le bien imprimer dans leuc memoke. On alloit a vepres a la paroiiTe , le reftc
du terns 6tok emploie' comme a l'ordinaire. Telle &oit la conduite que 1'on fuivoit
dans ces ckoles de P. R. Les chatimens j Etoient tres rares. Un feul regard du maitre faifoit plus d'impreflioa que n'auroient fait des traitemens f£veres qui auroient plus in- difpofes les enfans contre les maitres qu'ils ne les auroient ve'ritablement corriges. Si 1'on en voi'oit quelqu'un dont l'exemple fut nuifible aux autres , & qu'on ne put corriger, on le rerivoioit fans qu'aucune confideratioit fit capable de le faire refter. lis Etoient tous Jiabilles uniformement, afin d'e>iter la ja- loufie entre eux. On leur apprenoit a bie» ccrire ; on les exercoit auffi a ecrire des let- ire$ felon les difKrentes occafions qui fc T ij
|
|||||
t*
|
|||||
$o§ Reglement
preTentoient. On leur faifoit exercer lecorp9
pendant les recreations , foit a la courfe , foit a des jeux d'adrefle, mais en meme- tems on veilloit a les moderer de manierc qu'ils ne fuflent pas incommodes. II y avoit aufli dans une falle pour les
jours qu'il faifoit mauvais terns, unbillard, des dchecs , des dames , & des jeux de cartes pour apprendrc l'hiftoire foit ecclefiaftique, loit prophane. Par une telle education, Ton auroit pa
fournir des fujets pour l'Eglife & pour l'Etat J M. de Tiilemont , Dom Pierre le Nain, M. du Fofle , & tant d'autres en font des preu- ves. Maisl'ennemi de tout bien n'a pu fouf- frir celui-ci qui auroit hi fi prejudiciable a fon empire. Les confeils de Dieu font incomprdhenfw
bles, mais ils ne font jamais fi formidables, que lotfqu'il permet qu'on detruife des le commencement des etabliffemens (i avanta- geux au public & qui pouvoient fi fort con,* tribuer au falut des ames. |
|||||||
H|
|
|||||||
5°9
|
|||||
Note sur Labadie.
\^Eux qu! voudront connoitre Jean Laba-
die , peuvent lire ce qa'en dit le P. .Niceron dans fes Memoires , Tome XX page 140 , a quoi il fant joindre ce que le mime Auceur en avoit dit, Tome XVIII page 386. Jean Labadie ne a Bourg en Guyenne l'an 1610, entra chez les JeTuices vers l'an 1611. Com- me il parloir avec facilice", ils le firent precher, merae avant d'etre Pretre. II devint bientot vifionnaire al'exces, mais on ne le connoif- foit point pour tel. II paffoit au contraire pour un prodige d'efprit & de piete", & les plus celebres de la Societe", a qui il donnoic quelquefois communication des revelations qu'il croioit avoir, le regardoient commc un liomme extraordinaire. Enfin pendant qu'il prechoit publiquement la doftrine commune, il inftruifit de fes vifiens des difciples avec qui il devoir aller » par le monde, fine pera, » fine baculo , dans une nudite abfolue & sj une pauvrete' parfaite , pour exploiter quel- 33 que chofe de grand , a quoi Dieu lui avoit » tivili qu'il etoit referve' , favoir l'etablif- 33 fement du regne du S. Efprit & la reTorme a, de l'Eglife. II ajoutoit que l'efprit de 5. 3» Jean-Baptifte , dont il commencoit a imi- ss ter l'abftinence , lui avoit 6te donne aufli a, bien que celui de Jefus Chrift, dont il de- », voitmener la vie &faire les miracles ; mais » que pour cela il falloit qu'il quittat la » Socie'tc (oii il demeuroit depuis pres dc 33 quinze ans). L'efprit le prefTant done de le faire , commc nous 1'apprenons de la rela- y iii
|
|||||
jio Note sur. Labadik.
tion de fa fortie publiee a Bourdeaux par 1« Jefuites, il follicita fon conge avec tanr d'inftance, qae quelques offres que ces Peres lui fiffent pout le retenir , ils ne purent i en- gager a refter chez eux. Son acTte de coned eft date da 17 avril 1659 , & eft motive dc fa demande a caufe d'indifpofition. Labadie parcourut enfuite plufieurs villes de Guyenne Sc vint a Paris , ou il precha avec un appUu- diiTement general. M. de Canmartin Evequc d'Amiens l'aiant entendu precher , le gouta tellement, qu'il n'eut pas de peine a ft laifler perfuader par une perfonne de consideration affeftionnee aux Jefuites de l'emmener dans fon diocefe. Commc notre Ex-jefuite pre- ehoit a Amiens la doftrine de S. Aaguftin, ^n'on fait etre peu confonne a celle des Je- fuites, ces Peres exciterent de grands bruits contrelui. On l'accufa d'avoir enfeW des herefies groflieres, ce qui fut trouve faux par les informations qui furent faites par ordre des puiffances. II parut travaiKer avec fucces dans le tribunal dela peVitence. On pretend qu'aiant commence par l'efprit, il finit pat la chair. 11 vint a Paris fur la fin d'aofir. en 1644. , & fut dit-on quelques jours a P. R. des champs. Il paioit par les M^moires de M. Fontaine , tome I page 541 > <\ue des-lors M. de Barcos s'en defia.' M. Litolphi Eveque de Razas 1'engagea a venir cette annee precher dans fon diocefe , ou on renouvella les me- mesaccufationsqu'on avoitformees a Amiens. M. de Bazas lui fit faire une profefTion de foi fur les propofitions qui lui etoient attributes. Mats Labadie, qui n'etoit pas dans le cceur ce qu'il vouloit paroitre , commenca a debiter a la grille des Urfulines une partie de cette faufie fpiritualite cju*il fit eclater depuLs avec |
||||
Note sur Labadie. $ii
tant d'abomination. M. de Bazas lui fit
Unc forte reprimande en prefence des Reli- gieufes & le congedia. Depuis ce terns Laba- die fedechaina contre la vie pe^iitente deM. de Bazas,& fe retita a Touloute , oil les grands Vicaires de M. de Morchal , prevenus par fon grand exterieur de pidte1 , lui confierent la direction d'un Couvent de Religieufes , auxquelles il infinua fa mauvaife doclrine , & fous le voile de liberie de I'efprit de Dieu , il les conduifit a tout ce qu'on a reproche' dc plus infame aux difciples de Molinos. M. dc Mondial l'aiant appris, proceda contre ce mal- heureux qui & retira en 1649 a la Graville, hermitage a deux ou trois lieucs de Bazas , ou il f<£dui(it quelques bons folitaires , &c commence a mettre a execution d'une maniere cxtravagante les defTeins qu'il avoit concus dix ans auparavant chez les Jefuites. M. Martineau Eveque de Bazas en dtant averti, fit faire des informations . contre Labadie , qui alia le iS'odVobie 16'yo aMontauban, oii il fit abjuration de la religion catholique 8c fe fit Calvinifte. II y fut fait Miniftre; huit ans apres il en fut chafle' a caufe d'une fedition qu'il avoit excitee. II pafla en Hollande oii il caufa de grands troubles 5 & alia enfin jnourir a Altcna en Holftein. |
|||||
tm
|
|||||
3 ii
|
|||||||||
km
|
|||||||||
TABLE
ALPHABETIQUE
Dei principales Matieres
continues en ct deuxieme Tome.
|
|||||||||
CLRnauld ( A-
gncs ) , Religieufe de Pore - roial, re- Tient de 1'Abbaie du Tard avec les auttes Religieufes qu'on y avoir, en- voices, 6. Ses pr<5- Tentions conrre M. deS. Cyran, 7. EU le en reconnoir 1'in- juftice, g. Elle eft Clue AbberTe,ii.El- Je prend des mo'iens pour faire cefler la iivifion cautec par les Dyfcoles preVe- aaes conrre M. de S. Cyran ,13. Arnauld {. Madame), abregd de fa vie , xo8.Ses vertus dans le monde , iOy. Traits admirables «lc fon humilite , |
|||||||||
110. Dieu lui inf-
pireledefird'entrer en religion , nt. Son teftament, xij. _Sa profetfiou , x 1 f. Avis qu'elle fait donner a fon fils Ic Do&eur , e'tant a. 1'article de la more, n8. Samort, no. Lettre de M. de Sa- cy a M. le Mairrc fur cette more bien- heureufe, ic6. Sen- timens de M. de S. Cyran fur le memc fujee, iz©. Arnauld ( Marie An- gelique ) , eft elue Abbefle, & accepte cette charge avec beaucoup de peine, 141. Arnauld ( Antoine), 1cDodeur. Sanaii- |
|||||||||
TABLE DES
fanee, 3 58. Ses pre- mieres etudes, 361. II etudie en TWo- logie,3«4-SesTW- fes, 3"S6.Ilefttou- che de Dieu & fe met fous la condui- te de M. de S. Cy- ran, 3 68. Sa Licen- ce, 371. II enfeiene un cours de Philo- fophie, 373. II eft recudelafocier^de Sorbonne, 376. II e'crit le Liyre de la fr^quente Cornmu- uion> 379. Ilreco't ordre de la Reine d'aller a Rome ren- dre compte de fa doftrine , 386. Rc- montrances a la Reine au fujet de cet ordre , 38 s. II refufe d'aller a Ro- me, & prendle par- ti de la retraite , 388. Son occupa- tion dans fa retrai- te , 39i »,&<:. Arnauld d'Aniilly ,
( Catherine de Ste Agnes), Religieu- fe de P. R. Sa vie Sc Ca. mort, 351 , Sec. Arnauld ( Marie
(lain ). Elle re- |
||||||
M AT IE RES. jrj
vient du Tard pre- venue contre M. de S. Cyran , 6. El- le perfifte dans fes preventions; divi- fion qu'elle occa- fionne, 9.Sonchan- gement, iy. Elle demande de fe met- tre fous la conduite deM.deS. Cyran, 18 , &c. Sa ferveur, fa penitence , 20. Avis qu'elle recoit de M. de S. Cyran. Sesvertusprincipa- les , 36. Son don d'oraifon, 37. Sa mort fainte , 41. Lettre de M. de S. Cyran fur fa more, 44. B
A sc le( Mon-
lieur de ) gue"ri par 1'attouchement des pies deM. deS. Cy- ran apres fa mort» 339- C
\_,Alvaire. Fon-
dation de l'ordre du Calvaire, 150,151, note.
Communion ( Livre de la frcquente ) , Yv
|
||||||
L E
Racoftis,Evequt<?e
Lavaur ; reponfes qu'on lui fait, 410, &c. Les Jefuites pourfuivent a Ro- me la condamna- tion de ce Livre , 411. Les Ev£ques approbateurs ecri- vent pout le defen- dre, a Innocent X , 415. II eft abfous
par l'lnquitition , 416. Joie du Pape
en voiant le rap- port de tons les Cardinaux favora- ble a ce Livre, 417. Approbateurs mul- tiplies de ce Livre , 418 , &c. Motifs de fon Auteur,4ii. Condren , G^neVal de
l'Oratoire, Ce joinc auxennemis de M. de S. Cyran ,137. Croix ( Charles de
la) , Solitaire a T. R. fa conver- flon , fa penitence , famort, 347 , &c. E
lit Cozes de P. R,
Origine , Profel- feurs,Elevesdeces Ecoles, 440, &e. |
||||||
j 14 TAB
fon origine, 379.
II eft approuve" par 16 Prdlats & 14 Bo&eurs de Sor- bonne, 3S1. Ex- clamation du Pere Nouet Jefuite. cen- tre ce Livre ,585. Efforts des JeTuites pour faire condam- »er a Rome ce Li- vre , 398. Lettre ies Eveques appro- bateursau PapeUr- bain VIII , 399 , Sic. Declaration de Jvi. Arnauld aa fu- jet de ce Livre, 404. Lepere Yves Capucin fait une re- montrance a la Rei- jie contre ce Livre; M. leMaitreluiri- pond, 406. Lepere Petau attaque la fr^quenre Commu- nion , M. Arnauld le refute par le Li- ▼re de la tradition de l'Eglife ; fenti- xrisns de Bateac fur ce Livre , 406, &c. Eerit de M. de la Milletiere a l'occa- fion de ce Livre , 409. La frequente Communion eft at- taquet par M. de |
||||||
DES MA
Reglemens, au re-
ctieil des pieces. Elboeuf ( Catherine
Henriette de S. Au- gufttn de Lorraine d' ) Religieufe de P. R. Elle y ell ele- ven , 465. Elle y veut etre Religieu- fe ; elle y eft Eprou- ve'elong tems,466. Ses vercus , 467. S» mort, 468. Enkenfort ( Baron
de) , prifonnier a Vincennes; fa con- vcifion , 194. I
f Ontaine{M.);
fa naiflance, 457. lleftddtourriEdefe faire JeTuite par un JeTuite , 457- H eft introduit chez M. le Cure" de S. Mer- ri, & fait connoif- fance avec Mrs de P. R. 4f8- II eft emmene en Poitou ic amene a P. R. par M. Hillerin , 459. DirHrentes eirconftances de fa vie , 460 , 8cc. Foffi ( Af. Thomas
du ) t Maitrc des |
|||||||
riERES. jt}
Comptesde Rouen*
fa converfion , Si celle de fon epoufe, 194, &c. LeurVic & leurs maurs a 198 , &c. LiAncelot(M.)i
fa premiere Educa- tion, 444. II eftd^- rourne d'etre JeTui- te , Hid. Dieu lui procure la connoif- fance de M. de S. Gyran , 44J. II fc met fous fa con- duce , 447. II eft charge1 de l'dduca- tion de plufieurs enfans, 448. Heft envois a la Ferte- Milon pour conti-« nuer l'education du jeune Vitard, 144. II va a l'Abba'ie de S. Cyran, oil il de- meureun an , i6z. II en revient par ordre de M. de S. Cyran , itf j. Il eft ProfefTeur des £co- les de P. R. 449 , &c. II eft charge des deux fils de M. le Prince de Conti , 4y5- life fait Rene^ «li&in dans l'Abkai* |
|||||||
v
|
|||||||
\ t E
triftefle a la mort
de fon mari» 197 > i98.Elleprendl'ha- bit de religion a P. R. zoz. Lettre dc M. de S. Cyran fur fon entrde en reli- gion , 103. Maitre (M. le), Avo*
cat; fes talens ; pe- rils defa profeflion, 47 , &c. Occafiort de fa converfion > 50. II fe met entrc les mains de M. de S. Cyran. 51. Con- duitc prudente de M. de S. Cyran a fon %ird, 53. IL quitte le barreau , & fe met en retrai- te, 54, JF.Ilecric a M. le Chancelier Seguier , pour l'in- former de fa reTo- lution,5fi,&aM.
fon pere pour lui faire part de fa re-, traite, 60. II fe re- tire dans unemai- fon aupres de P. R. de Paris, 63. Preu- ve de fon amour pourlafolitude,^, &c. Il fe retire a la Ferte - Milon avec M. de Sericourt fon frere , 14* , &c, |
||||||
ft* T A
de S. Cyran , 45y.
II en eft chafTe 8c relegne a Quimper- lai, 4jj. Sa mort fainte , 476. Lholphi Maroni (M),
Eveque de Bazas; il eft touche de Dieu , 461. II fait une retraite a P. R. des champs ; il re- tourne dans fon Diocefe, 463. Ses travaux , 464. Sa more, 465. Undo {M.)t Soli-
taire de P. R. Sa mort, 473. Sonca- ractere, 474. M
JVlAitre ( Ma-
dame le) ; fa naif- fance & fon carac- tere, 196. Son ma- nage , 197. Sa fe- paration d'avec fon jmari , 198. Sa vie depuis cette fepara- tion , ibid. Elle fe retire a P. R.dePa- ris > 199. Sa joie de la dbnverfion de fes deux filsaines, 100. Sa charite envers toute forte de per- founes , ibid. Sa |
||||||
DES MA
Leurroanieredevi-
vre en ce pais-la , 147, 148, iyj. II adrefle au Cardinal «Je Richelieu fa r£- ponfe au memoire del'EvequedeLan fres contre M. de
. Cyran , ijj. II revient avec M. sde Sericourt a P. R. des champs, 154. Affliction que caufe leur depart de la Perte1 , fur tout aux Dames de pi^te qui les logeoient, 155 , &c. Occupation de M. le Maitre dans fa retraite , 160 , 161. Mangueltn ( M. ), ChanoLne de Beau- vais , Docteur de Sorbonnc ; il eft touch^ de Dieu, 471,471. Sa fcien- ce & fes vertus , 470 , &c. II va a Bazas avec M. Li- tolphiMaroni,4<f4, 471. II eft charge de la condaite des Solitaires de P. R. 4*?.Samort,470. |
||||||
TT E R E S. pf
V.
JL Allu ( M. Vic-
tor ) , de Tours , Docteur en mede- cine ; fa conver- £011,415), 43 3,&c. II fe retire a P. R. 4?o. Samort, fort dloge, 4?o , &c. Pertuu d'Eragny de
la Riviere ( M. ) , fa vie 8c fa mort, 44Z. Port-roial; c"tat de ce
Monaftere lorfque la Mere Angdlique y retourna en for- tant de la Maifon da S. Sacrement, 1 , &c. Port roial{ Religieu-
fes de) ; quelques- unes envoiees au Tard a Dijon re- viennent a Paris, 6. Leurs preventions contre M.deS. Cy- ran , 7. Divifion qu'elrWS caufent dans la maifon , 9. Leur pauvrete , 80. Part qu'elles pren- nent a la detention de M. de S. Cyran , 114. On veut leur faire fubir vn ia- |
||||||
L E
rogatoke devant
Laubardemont, & aux enfans memes qu'on y dlevoic, 130 , &c. Ils font obliges de fortir dc P. R. des champs , 139. Peines qu'ils ont de trouver une retraite , 14c. Ils reviennent a P. R. des champs , 154. Dieu peuple de So- litaires le deTert de P. R. 416 , 417. L'efprit de Dieu feul conduifoit les Penitens a P. R. 41?. rieres ( Abbe de ) ,
il eft la premiere caufe de la perfe. cution faite a M. de S. Cyran ; fes fauffes accufations contre lui; fes griefs pr^tendus, 4, 134, &c. s JJCREMINT
(Inftitut du Saint);
lesReligieufesquit- tent leur maifon pour fe retirer 3 P. R.; part qu'elles prennent a la capti- vitideM. deS.Cy* ran . 114. |
||||||
«ft'« TAB
terrogatoire au fu-
jet deM.de S. Cy- ran, mats 1'Arche- Yeque de Paris s'y oppofe , 131. Elles font inquietew au fujec du Livre de la frcquente Commu- nion , 394 Vifite faice dans leur mai- fon par l'Officia! & le grand P^niten- cier; fruits de cette vifite, 395 , &c. El- les femultiplientau milieu des perfec- tions , 476 , i,TJ. Elles prennent l'ha- bit du Saint Sacre- ment, 481. Vifion «le Madame le Mai- tre fur ce fujet , 484 . &c. Port-roial ( Solitaires
de ) : Vie des pre- miers Solitaires de P. R. 79 , &c Leur eonflernation de la detention de M. dc S. Cyran , 116. lis ont ordre de fortir Je P. R. de Paris ; ils fe retirent a P. R.. des champs oil ils menent la meme ▼ie qu'a la ville , 11? , 119. On leur faitfubir un intcr- |
||||||
DES MA
Sacy ( M. le Maitre
de);i\ fe met (bus la conduite de M. de S. Cyran , dont il eft aimc & eftime , 78, 73. Obligdde fortir de P. R. des champs, il fe retire chez M. de S. Cy- ran aupres de M. de Barcos , 140 , 141. Sa pi&e' des fon enfance ; fes premieres e'tudes, ibid. II ne peut fc lefoudre d'etudier en Sorbonne , fes raifons, 14; . M4- 11 eft approuve de M. de S.Cyran,i4f. Sericourt ( M. le Mai-
tre de ); hiftoire de fa retraite ; il eft fait prifonnier a Philisbourg; il s'i- chape de fa prifon , 67 , &c- II com- mence a etre touchy par la vue des dan- gers dont Dieu I'a- von tire1 ,71. L'e- xemple de M. dc Sacy le frappe for- tement , 71. L'e- xemple de M. le Maitre acheve dele jragner ,73. Son entrevtte avec M. |
||||||
"IE RES. yr?
le Maitre , jf. Sa
lettre a M. de S. Cyran, pour lui fai- re part de fes dif- pofitions, & lui de- mander en grace de le conduire dans le nouveau genre de viequil veut entre- prendre, 77 , 78. Singlin ( M. ) ; il
commence a con- fefferaP. R. 11. Suzanne du S. Efprh,
Religieufe de P. R.-, elle en fort pour al- ler a Argenfole au Diocefe de Soif- fons , 5. T T
J. Ard ( Religieu-
fes de) , font ren- vo'iees de P. R. par ordre de M. l'Ar- cheveque de Paris, i. Tardif( Genevieve de
S. Auguftin le) , Religieufe de P. R. fon aoge, fa mort, 480, 8cc. V
y E rc 1E R de
Hauranne{M. du),
Abbd de S. Cyran ; fcsfoinspovwP.R.j |
||||||
Jt» TAB
inftructions qu'il
donnoit aux enrans qu'on y dlevoit , tfi. Id^e qu'il avoit de cette Education, 85. Ses conferences aux Solitaires ; fa ma- mere d'inftruire Si d'dtudier, 85 , &c. Comment il regar- Joit fes difcours & fes ouvrages , 87 , Sec. Orage forme contre lui, 9i, Sec. II eft arrete, 94. Conduit a Vincen- aes,rencontre* par M. d'Andilly , 94 , &c. Caufesde fon empri- fonnement ; eftime que le Cardinal de Richelieu avoit d'a- bordfaitede lui, 97, fcc. Pre'texte de fa detention , 103. Ja- Ioufie du P. Jofeph Capucin , & haine des Jefuites contre lui, 10;, Ce qui de- termine davantage le Cardinal a lc faire aneter; hiftoire du P. Cauffin , io«, &c. II fe met en priere «n entrant dans la prifon, in. Dieu l'^prouve par des pei- nes inte'rieures, 11 x. |
||||||
L E
Dieu fe fert du Car-
dinal pour lui met* tre l'efprit en repos, 113. Sentimens des ens de bien fur fa Mention, ii7,&c. M. Mole prend fa defenfe , 1 to. II re- coit une lettre de M. le Maitre fur fa de- tention ; reponfe ge"- ne"reufe qu'il lui fait, izi, &c. Refpeds qu'on avoit pour lui aVincennesjbon mot du fameux Jean de Wert a fon occafion, ™7 , 118. M. de Langres prefente iin m^moire contre lui; M. le Maitre y re"- pond, i}?. M. de S. Cyran eft Changs' de chambre a Vin- cennes, 1S4. Mal- traite" par la femme du Lieutenant, ies, Interrogd pv M. Lefcot ,166, &c. But de cet interroga. toire, 171. On 'lui propofe de condam- ner Ja contrition comme une condi- tion pour obtenir fa liberte; pieux fenti- mens de M. de S. Cyran en cette occa- |
||||||
DES MA
Con, 171. Profeflion de foi dc M. de S. Cyran donnee a M. Lefcot , 174. Son cntretien avec M. Lefcoc , 175 , &c. Sa prudence vis - a - vis du Lieutenant de Vincennes , 178. Le Cardinal de Riche- lieu demande qu'il s'explique fur I'attri- tion, 180. M. de S. Cyran ictit une let- tre a M. de Chavigny fur la contrition & l'attrition , 181 , &c. Son inquietude au fu- jetdecettelettre,i87. II la temoigne a M. d'Andilly dans unc lettre, 188 , &c. Sa Jettre a M. de Chavi- gny eft fans effet, 19}. II eft vifite a Vincen- nes par M. de Chavi- gny , 114- Leur en- tretien fur l'attrition; fur I'AuteurdeP«r«^ Aurelius, le mariage deMonfieur, la pri- fon de M. de S. Cy- ran , fa folitude dans le monde , fon inter- rogatoire devant M. Lefcot, iij , &c. M. de S. Cyran fan&ifie fa prifou pat toute |
||||||
TIE RES. jit
forte de bonnes ceu-
vres , *jz, &c. On donne ordre de lui rendre fes papiers ; il s'en trouve beaucoup de diflipes ; infidelite" des JeTuites a ce fu- jet , 136 , Sec. Ses amis out plus de li- berty de le voir, 135, II fort de prifon, 144. Preuves de fon inno- cence , 145. Sa fortie de ptifon caufe a Vin- cennes une joie mele'e de triftefle , 146. Ses vifites adtives aptcs fa delivrance ; il va a P. R. oii Ton chantc le Te Deum en aftiens de graces , 147. Ses vifites paflives, 149. II va a P. R. des champs; fon entrevue avec M. le Maitre, iji. Son entretien avec M. le Maitre fur l'avantage du deferr de P. R.; la fituation de M. le Maitre a la Fend- Milon , zyi , Sic. Stir la maniero d'exdeuter les avis qu'on nous donne, zy8. Sur la manierc d'ecrire chretienne- ment ,ifo, Sec. Sut l'oubli des graces dc |
||||||
; MATIERES.
cution contre lui, 313,'
&c. Salettreala Mere Angelique fur le re- nouvellement de la perfection, 318, &c. L'orage n'apas de fui- te, 331, &c Mala- die de M. de S. Cy- ran , 334, 335. 'Sa niort ,336, &c. Dif- tribution de fes reli- aues , 340 , &c. Son epitaphe > 341. Ses fun^railles , 343 , Sec. M. l'Archeveque de Bourdeaux propofe dc faire eriger un mo- nument a la memoi- re de M. de S. Cy- ran , 346. Vifagutt ( Af. ) » So. litaire de P. R.; fa conversion , fa mort , 44i, 443. |
|||||||
?ii TABLE DE
Dieu , idi,, Sec. Ju-
gement dc M* de S. Cyran fur plufieurs Peres de l'Eglife, 167, &c. Inftru&ions fur l'amour de la fcien- ce , 171, &c. Regies pour fe defendre de la tentation infepara- ble de la fcience, 177, &c. Suite de l'entre- tien dc M. de S. Cy- ran avec M. le Mai- tre fur l'education des enfans , 184 , &c. Fin dc l'cntretien de M. de S. Cyran 5 il revienta Paris, 191 , &c. Entretien de M. de S. Cyran avec M. Singlin fur le minifte- re j 301 , &c. Il fe determine a ecrire contrc Calvin ,319, Sec. Nouvellc perfe- |
|||||||
fin 4e la Tabic des Maticret%
|
|||||||
ERRATA.
J^. Age 3, dans la note, colonne i, le Cointe,
lifez le Conte. Page 3 3 , ligne 6 , ne tenant rien , lif, ne te-
nant a rien. Page 41, lig. if, tournie, lif. tourne's.
Page 69 , lig. 6 , trouva , lif. trouvdt.
Page 170 , fig. 1 , inconnue , lif. inconnu.
Page 178 , ligne 15 , Moulin , ajoutez ou dn
Moulinet. Page 301 , lig. derniere , veni, lif. vene{.
Page 311, lig. tii dAlhertur, lif. rf'^/-
Page 4Ji, not. col. 1, lig. t, page $, lif. /j.
Page 481, lig. l« t en if43, lif, en i7jj. |
||||