HISTOIRE
D E
PORT-ROIAD
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HI'STOIRE
G E NERALE
D E
PORT-RO IAL
DEPUIS LA REFORME DE L'ABBAlE
jufqu'a fon entiere deftruftion. TOME QUATRIEME*
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A AMSTERDAM,
Chez JEAN VANDUREH* M. DCC. L VI.
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GkNtRALE
D E
PORT-ROIAL.
PREMIERE PARTIE.
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LIVRE DIXIEME.
E Formulaire, cette pierre ,
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L
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de fcanclale qui avoit ete placee dans 1660.
l'Eglife , comme autrefois les veaux m£\ , d'or de Samarie dans Ifrael , fervit Formulaire : de moi'en aux ennemis de Port-roi'al S"!fuX5e ae pour executer leurs runeftes del- & du p. An- ieins. Nous avons vu. comment le Pere nac* -Annat confefTeur du Roi etoit venu a bout de faire j tiger dans l'aflemblee du |
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Tome IK
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A
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1 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.''
X66o. Louvre , que les cinq propofitions font
dans Janfemus •, comment il avoir en* fuite fait ordonner dans une alTemblee de quinze Eveques, que la constitution &c le formulaire feroient fignes par tout le roiaume ^ comment enhn il etablit un formulaire qui comprend egalement la creance du fait &c du droit, fk en. fit ordonner la foufcription fous les peines portees contre les heretiques. Les Jeiuites , en enveloppant le fait &c le droit dans le Formulaire, ont ufe , pour opprimer ceux qui s'oppo- foient a leur pernicieux deilein contre la grace de Jefus-Chrift, d'un artifice a peu pres femblable a celui que Julien l'Apoftat emploi'a autrefois contre les chretiens pour les accufer contre la ve- rite, comrae crimineis de leze-ma- jefte. Cet Empereur, quihaiflToit au- tant les chretiens, que les Jefuites ha'if- jfent ceux qu'ils appellent Janfeniftes , avoit foin neanmoins d'eviter a l'ex- terieur defaire paroitre qu'il les perfe- cutat coram? chretiens. Il cherchoit {>our l'ordinaire d'autres ptetextes pour
es accufer de- crimes d'Etat & fevir contre eux. En voici un exemple. C'e- toit la coutume des Romains de rendre de grands honneurs Sc comme une ef- j>ece d'adoration , nan feulement a 1$ |
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I. Pa rt ie. Liv* X. $
perfonne de leurs Empereurs , mais
audi a leurs flatties. Les chretiens s'e- toient foumis a cet ordre politique , etant clair que ce n'etoit point une ve- ritable adoration qu'on rendoit a ces ftatues, mais un fimple refpect exte- rieur. Julien tacha done de fe fervir de cette coutume etablie , ou pour les engager a l'idolatrie, s'ils contimioient de l'obferver ; ou pour avoir fujet de les traiter en criminels de leze-majeftc , s'ils refufoient de le faire. Dans ce def- fein il fit environner fa ftatue de cel- les des faux Dieux ; Sc par ce moi'en ceux qui l'honoroient etoient fufpedls d'etre idolatres, Sc ceux qui ne l'hono- roient pas etoient pourfuivis comme ai'ant offenfelamajefte du Prince : de- forte , dit S. Gregoire de Naziance, qui rapporte ce fait, c|ue les chretiens ne pouvoient eviter ou de joindre l'hon- neur des demons avec celui de l'Empe- reur, ou d'offenfer l'Empereur en lui refufant l'honneur qui lui etoit du le- lon la coutume. Ce fut la fin que Ju- lien fe propofa dans cemelange artifi- cieux de l'honneur legitime que Ton doit auxEmpereurs avec le culte fuperf- titieux &c illegitime des idoles. De me- me les auteurs du formulaire y ont joint avec la foi , a laquelle tous les catho- ■Aij • |
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4 HlSTOlRE DE PORT-ROIAL.
1 1(j<50t liques doivent fe foumettre, un fait
douteux & contefte , duquel il eft tres permis de douter , & que Ton ne peuc lbiifcrire en conference lorfqu'on en doute. Voila de part & d'autre , dans Julien 8c les Formulariftes , le meme but 8c le meme moi'en •, &c le fucces cnaetea peu pres femblable : car voi- ci ce qui arriva, dit faint Gregoire , de cet artifice de Julien. » Ceux, dit-il, » qui avoient plus de prudence & de » lumieres, qui etoient en petit lioni- se bre 3 eviterent a la verite ce piege »» qu'on leur avoit tendu pour les pre- *> cipiter dans l'impiete •, mais ils pai'e- » rent auili la peine de leur intelligent Af V^a- " ce» ^tant ptmis en apparence comme rttv r# run- » aiant manque au refpecT: qu'ils de- irm. » voient au roi de la terre, & fouf- » frant dans la verite pour Fhonneur
» &c lerefpe&de l'Empereur veritable. » Mais le grand nombre des fimples&: #» des ignorans fut emporte , & peut- » etre que leur ignorance leur fera ob- » tenir le pardon de l'impiete oil on « les engagea par cet artifice ». L'application fe fait d'elle-meme au
fameux Formulaire, quia caufe tant de maux dans TEglife ; & dont les Je- fuites ont fi bien fu faire ufage, pour fe vanger de tous ceux qui fe font op- pof^s a leurs erreurs. |
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L Partie. Liv. X. 5
Perfonne n'ignore que celui qui mit
dans l'Eglife cette pierre d'achoppe- ment fut M. de Marca, qui dreffaavec le Pere Annat le Formulaire, & le fie recevoir dans I'alTemblee generate de *<>5 5> Ce Prelat etoit un homme de beaucoup d'efprit , tres habile dans ce qui s'appelle la police exterieure de l'E- glife , fur laquelle il avoir meme fait des livres tres favans 8c fort oppofes aux pretentions de la Cour de Rome. Mais il avoir fort pen de theologie , ne s etant deftine que tres tard a l'erat ec- clefiaftique , & aiant paflc plus de la tnoitie de fa vie dans des emplois fe- culiers, d'abord Preiidenr auParlement «e Pan, puis Intendant en Catalocme , d'ou il avoir ete eleve a l'Eveche de Conferans & enfuite a l'Archevechede Touloufe. Sagmnde habitude dans les affaires, joinre al'extreme paffion qu'il temoignoit conrre les pretendus Jan- feniftes, lui donnoit un grand ere- dit dans les aflemblees du Clerge. II en drelToit toils les a&es , & en for- moir, pour ainfi dire , routes les deci- sions. M. de Marca & le Pere Annat etoient
d accord dans le defTein de faire decla- rer heretiqpes les defenfeurs de Janfe- nius, mais ils ne convenoienr pas dan* Aft
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6 HlSTOlR* DE PoRT-RCMAt.
la rhaniere de le faire. Le pere Annatr
prerendoir que les Papes etant infail- fibles aufli bien.fur le fait que fur le droit, on ne pouvoit nier fans herefje un fait que le Pape avoir decide. Mais cela n'accommodoit pas M. de Tou- loufe qui avoir foutenu fortement Po- pinion contraire dans £es livres , fon- de fur I'autorice de rout ce qu'il y a de plus habiles ecrivains & de ceux memes qui font le plus attaches a la Cour de Rome, rels que les Cardinaux Baronius , Palavicin , le pere Petau &C plufieurs autres favans Jefuites > qui tous ont enfeigne que l'Eglife n'exige point la creance despairs nonreveles, &C n'ont. point fait difficulte de contef- ter des faits tres importans, decides par des Conciles generaux. Les Cenfeurs meme de la deuxieme-lettre de M. Ar- nauld , quelqu'animes qu'ils fufTenc contre fa perfonne , n'avoient quali- fie que de temeraire la propofition de ce do&eur, oil il difoit qu'il n'avoit point trouve dans Janfenius les pro- portions condamnees. Les Janfemftes ne pouvoient done , meme felon leurs ennemis , etre traites tout au plus que de temcraires ; mais le Pere Annat vouloit qu'ils Mem declares hereti- ques. |
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t. V ART IE. Llv. X. J
Dans cet embarras, M. de Marca s'a-
vifa d'uti expedient., done il s'applail- dit beaucoup. 11 pretendit que le faic de Janfenius etoit un fait certain d'une nature particuliere , & qui etoit telle- rnent lie avec le droit, qu'il ne pou- voit en etre fepare. Le Pape , difoit ce Prelat , declare qu'il a condamiie corri- me heretique la doctrine de Janfenius : done les Janfeniftes foutiennent une doctrine heretique. Sophifme groilier, puifque le Pape ne declarant point ce qu'il entendoit par la doctrine de Jan- fenius , la meme queftion de fait fub- fiftoit toujours entre fes adverfaires 8c fesdefenfeurs , dont lesunscroioient voir dans cette doctrine tout le venin des cinq proportions , & les autres n'y croioient voir que la doctrine de faint Auguftin. Plufieurs perfonnes fe laif- ferentneanmoins eblouir par ce frivole raifonnement. Lepere Annatle rcpe- toit fans ceffe dans fes ecrits , quoique dans la fuite il ait ete force d'y renon- cer par le ridicule qu'il fe donnoit. L'aflTemblee du Clerge de 16 5 6, qui
confirma le funefte Formulaire de M. de Marca Sc du pere Annat, fans examen ni deliberation , rapporte dans fon proces verbal une chofe a(fez re- marquable pour n'etre pas omife -, fa- A iv
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8 HlSTOIRE M PoRT-ROl'AI*
r"j6£0 volt, que M. de Lodeve^dans le com
ce qu'il rendit aux Eveques d'un entr tien qu'il avoit eu a Rome avec Inn .cent X , leur die que ce Pape 1'avoit a fine de fa propre bouche, que fon ii tendon n'avoit point ete de toucher j a la perfbnne ni a la memoire de Ja fenius, ni meme precifement a la qut tion de Fait. T T. Quoique la Bulle d'Alexandre V Diff6remes e{\t &z& recue le iQ Novembie 16
afTemblees du , _. £ j r o
cierg^ au fu par les Eveques de France & enreg
j« de Janfe- tr(£e au p^lement en prefence du Re cjui fit plus d'honneur a ce refpe&al corps,qu'il ne lui laifla de liberte,& quo que le Formulaire eiit ete envoi'e ave la Bulle dans tout le Roiaume, nean moins les Eveques en publiant la Bul- le dans leurs diocefes ne tinrent pa beaucoup de compte du] Formulaire L'Archeveque meme de Touloufe qu en etoit le fabricateur, n'en exigea pa<- la foufcription. Ainfi les chofes paroi' jfoient dans le meme etat, ou elles i rrouvoient avant raifemblee. Tout 1 xnondc etoit d'accord fur le dogme & ceux qui doutoient du fait ne ft cro'ioient pas obliges de reconnoitr plus d'infaillibilite iur ce fait dans Ale xandre VII, que dans fon predecelTeur Le Cardinal Mazarin lui-merae, foi |
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I. Parti e; Llv. X. 9
«jue les grandes affaires de l'Etat l'occa- " Kj^gC
paffent tout entier, foit qu'il ne fut pas toujours d'humeur a accorder aux Jefuites tout ce qu'ils demandoient , ne donna aucun ordre pour executer les decifions de l'aiTemblee. Les chofes demeurerent en cet etat
jufques vers la fin de decembre de i'an 1660. L'aiTemblee generale , dont l'ouverture s'etoit faite au com- mencement de cette annee » eut ordre du Roi de remettre fur le tapis l'affaire duJanfenifme. «Ce ne fut qu'en 1660 « dit M. Dupin (1 ) , que le Roi ai'ant « fait appeller, le 13 de decembre, les » Eveques qui prefidoient a i'arTemblee » du Clerge , leur declara exprelfe- » ment que pour fon falut &c fa gloi- »> re, 8c pour le repos de fes fujets , « il vouloit que le Janfenifme fut en- »» tierement aneanti, ieur ordonnanr » de penfer aux moiens qui feroient » les plus efficaces pour le detruire , » & leur promettant d'appuier de fon w autorite tout ce qui feroit arrete par » I'affemblee pour la mine de cette >» fede *>. C'eftainfiqu'on faifoitpar- ler ce grand Prince dont il eft: vihble qu'on avoit furpris la religion. N'etoit- ce pas en effet une chofe bien impor- ts HifU E«L du 17 fiecle^ T. z.p. r*S>- |
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IO HlSTOlRE DE Po-RT-ROlAI.
i06q. tame pour le falut 8c la gloire de Louis
XIV , 8c pour le repos de la France, que d'obliger tous les Francois a jurer qu'ils croient qu'un Eve-que de Flan- dres a avance cinq proportions dans un fens heretiques J Quel etrange abus faifoient de la confiance du Roi ceux a. qui il la donnoit, de lui faire envi- fager fous un tel point de vue une cho- le fi frivole i Quelle fedu<5tion, de per- fecuter par principe de confcience , d'honneur 8c du repos de l'Etat, les fu- jets les plus attaches a la religion , les plus fideles a leur Roi 8c les plus enne- mis du trouble 1 Mais e'eft ainu" que les ermemis de l'Evangile one toujours fu prevenir 8c armer les Puiflances con- tre les difciples de Jefus-Chrift 8c con- rre les defenfeurs de la verite. L'Archeveque de Rouen , M» de
Harlay,ne negligea pas certegrande oc- eafion de fe lignaler, 8c ai'ant fait a 1'afTemblee , dont il etoit President, le rapport des ordres de fa Majefte , il de- manda que tous les Prelats qui etoient a Paris futfent mandes : ce qui fut fait. M. de Marca qui n'etoit point de l'af- femblee, s'y trouva par ce mo'ien 8c y plaidaavec beaucoup de chaleur la catt- le de ibnforrnulaire, Il fit fur tout beau- coup de plaintes centre ua eerie dans |
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I. Par. tie. Liv. X. u
lequei on renverfoit tous les princi- ~ 1(j^o.
pes de cette miferable piece par les maximes queM. de Marca avoit lui- nierae enfeignees dans fes onvrages. L'ecrit etoit deM.de Launoy (i*), qui ne pouvant foufFrir que les libertes 8C l'ancienne doctrine de 1'Eglife de Fran- ce fuflfent renverfees par le Formulai- re, s'eleva contre , avec autant de zele qu'il en avoit temoigne quelques an- nees auparavant en attaquant la cenfu- re de Sorbonne contre M. Arnauld , parcequ'elle renverfoit les ftatuts Sc privileges de la Faculte •, ce qui eft d'autant plus remarquable que M. de Launoy , com me l'ori fait; ne prenoit aucun interet a la doctrine de faint Au- guftin, a laquelle il etoit meme tres oppofe. M. de Harlay s'acquitta done de fa.
commiilion avec beaucoup de zele , mais il eut plufieurs prifes avec les de- putes du premier &c du fecond ordre » qui lui fembloient trop favorables aux pretendus Janfeniftes : il fit fonner bien haut dans tous {qs avis la volonte da Roi & les intentions du Cardinal Ma- fcarin. Tout cela n'empecha pas M. l'E- yeque de Laon , depuis Cardinal d'E£- (i*) Cet cctk a pout iiUe : Obfcrvatiom fur Ut
fortmlairf. A v)
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J 2. HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
jTTT trees, M. de Bailbmpiere Eveque tie
Xaintes , & d'autres Eveques des plus confiderables > de s'elever avec beaa- coup de fermete contrele nouveau joug qu'on vouloit impofer aux fideles , en ieur prefcrivant la meme ereance pour les fairs non reveles que pour les dogmes. La brigue l'emporta nean- moins fur toures leurs raifons3&: le plus grand nombre fur a l'ordinaire de l'avis duPreiident, c'eit-a-dire de l'avis de la Cour. II avoirnomme plufleurs com- miflaires fur l'affaire du Janfenifme affords a fes v&es, & avoir mis a leur tete l'Achitophel de toure l'intrigue , M.. de Marca. Ces com rniiFaires apres avoir delibere entr'eux , firent leur rapport a l'aflemblee le 10 Janvier 1661 & les jours fuivans. Ce rapport conte/- noit quinze articles , fur lefqnels ils fur delibere dans rafTemblee pendant pluiieurs jours. Enfin le mardi pre- mier fevrier , le refultat f ut apprpuve , & il fut arrete qu'il feroit iignc par les Archeveques & Eveques &: par l^s deputes du fecond ordre. tit. Le premier article ordonne la ibuf- raiTembi^e e cription de la formule dreffee le 17
4*u elerge de mars 165 .7. Le fecond contient le fqr- mulaire- Le troifieme porte que Iqs contxe.diikn&& lis rcbelles,, c'eit-a.-di$* |
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I. Parti e. Llv. X. i y
ceux qui refufoient de condamner les cinq proportions au fens que Vauteur Us aenfeignees ,/eront tenus pour hire- tiques & chdtus des peines ponies par les conftitutions. Le quatrieme dit un mot en faveur de la doclrine de faint Auguftin, qu'on reconnoit etre approu- vee par l'Eglife univerfelle. Le cin- quieme ordonne qu'on priera les Ar- cheveques &: Evcques , par une lettre circulaire y defairejigner en diligence la profeflion de foi ,par les ecclefiaftiques^ de leurs diocefes. Le fixieme article ordonne la foufcription , non-feule- ment a tons les Chapitres des Eglifes cathedrales &: collegiales, mais encore atoutes les communautes de religieux, cV meme de religieufes. Le feptieme , etend la foufcriprion aux cures, vi- caires , pritres habitues , beneficiers , geniralement tous les eccle/iafiiques ,, mime Us principaux des colleges 9 re- gent & maitres d'ecale qui injlruifent la jeuneffe. Jamais on n'a rien vd de pa- reil dans l'Eglife j & jufqu'ici une telle' f'tatique n'a ete en ufage que parmi
es proteftans d'Allemagne. Quel mo- dele pour le Clerge de France 1 Le trei<- zieme article porte, que fa Majejlefers tris kumhlement fuppliee dy tmplo'ier fon maoritipQur l\x,imion de. u dicsu? |
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14 HlSTOIRE DR PORT-ROIAI.
d'interdire afis cours de Parlement dt recevoir aucun appel comme d'al/us en cette mature qui regarde la foi , defaire difjiper les nouveaux etablijfemens de communauus & ecoles fails fans la per- miffion des Eviques, ou Von enfeigne la doctrine du Janfenifmc , &c Le qua- torzieme article die , que lePape fera averti de cette deliberation par une lettre. Enfin dans le quinzieme, les Archeveques & Eveques font exhortes a empecher les divifions qui violent 1'union & la charite parmi les fideles, a Toccaiion de cette matiere. L'afTem- blee ecrivit enfuite une lettre circulaire aux Prelats du Roi'aume , datee du r5 fevrier 1661 , une autre att Pape Ale- xandre VII , datee du 20 du meme mois ( 1). N<?us nous difpenferons de faire ici des extraits de ces pieces , qu'il feroit a fouhaiter pour l'nonneur 3u Clerge de France qui fufTent a- neanties •, nous remarquerons feule- ment ( & la chofe le merite ) que les Eveques atteftent dans leur lettre ( 2*) au Pape , que les defenfeurs de Janfenius neprennent fa defenfe qu'en donnant a fes propolitions un fens Ca- te) Ce Pape y fit r€- voltmt , omnia verba panfe pat un brefdu i< Janfenii in aliquein fcu- jnai. fum catholicum fUulite* (i*)Sole«es fibi yideti detorcuientes.,
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I. P A R T I E. LlV, X. I J
tliolique: d'ou il eft aife de conclure j,66o.
qui Is ne fontenoient done point d'er- reurs. Le 13 d'avril it y eat un arret du Confeil pour autorifer la delibera- tion du Clerge , 8c le Roi ecrivit en meme tems une lettre aux Eveques pour 1'execution de ce qui etoit porte par 1'arret de fon Confeil. Le 2 de mai fuivant , le formulaire
fut porte en Sorbonne par M. de la Mothe Eveque de Rennes, 8c M. Har- douin de Perefixe Eveque de Rhodez > avec une lettre du Roi a la Faculte. Apres la lecture du formulaire 8c de la lettre , la Faculte declara qu'elleap- prouvoit cette foimule dc la fignature, 8c ordonna que tous fes membres fouf- criroient le formulaire- des Eveques de la meme maniere , &c fous les memes peines porte es a L'egard de la cenfure de M. ArnauldL Les grands vicaires du Cardinal de jy.
Retz A^rcheveque de Paris ( MM. de Jj^J*' Conte 8c Hodeneq) ne voulurent point grands vkai- fe fervir de l'ordonnance drelTee par res de, 1'aris * 11 re t w 1 *— 1 / 11* pour langnar
aUemblee du Clerge , 8c publierent ture du for-
le 8 Juia un mandement particulier ful^e » *
, - , c . r. fes funes, , , pour lanignature du tormulaire , dans
lequel ils fe contentoient d'une fimple
foumiflion pour le fait, fans en exiger
la cieancs* Les> Eveq.ues en poneretit
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l6 HlSTOXRE DE PoRT-ROlAE.
des plaintes au Roi , qui leur or donna.
de s'aiTembler pour dormer leur avis fur ce mandement. lis ie firentle z6 juin, & deciderent dans leur aifem- blee > » que le mandement des grands » vicaires avoit ete donne par attentat » contre les conftiiutions d'Innocent » X & d'Alexandre VII ; qu'il etoit » de plei-n droit mil, revoque , de nul » effet & valeur, &c qu'il etoit necef- r> faire de faire celTer promptemenc « le fcandale que fa publication avoit y* donnee aux catholiques «. En con- fluence le Roi donna le 9 juillet 1661 un arret de fon confeil tenu a" Fon- rainebleau , par lequel il declara que h mandement des grands vicaires de- meureroit revoque cVcomme non fait, Sc en fufpendit l'execution. Les Eve- ques d'Angers , d'Alet, de Pamiers 8c de Beauvais, ecrivirent au Roi 8c au Pape fur la diftin&ion du fait 6c du droit, ne voulant point approuver ni publier le mandement dreife par l'af- femblee. Les grands vicaires du Car- dinal de Retz ecrivirent aufli au Pape au fujet de leur mandement. Sa Sain- tete leur arant repondu qu elle defap- prouvoit leur formule , 8c que Con pre- decelTeur avoit condamne les V pro- portions, comme etant de Janfemus, |
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I. Partie. Liv. X. 17
ils fluent une autre ordonnance datee " da $1 o&obre , par laquelle ils cafle- rent tk. revoquerent la premiere, &c ordormerent que tous les ecclefiafti- ques foufcriroient finceremenr & de coeur aux conftitutions apoftoliques en ufant du formulaire de l'aflemblee. L'annee fuivante 1661 , les vicaires generaux du chapitre , &: les Archi- diacres de FEglile metropolitaine de Paris , admin lftrateurs du (lege va- cant par la demiilion du Cardinal de Retz, donnerent le 30 juin unnou- veau mandement pour ordonner encore plus expreffement la fignature du for- mulaire. Nous aurons dans la fuite occafion d'en parler. On ne voioLt alors que nouveaux formulaires ; Sc chaque jour il parouToit quelques nou- veaux mandemens , les uns d'une fa- $on , les autres d'une autre. Comme lesPrelats ne fe croi'oient pas obliges de recevoir le formulaire dretfe dans ces aflfemblees tumultueufes d'Eveques de cour , dont nous avons parle , on eutt recours a Rome 3 pour en avoir un qui fut uniforme &c convenable au defTein qu'on avoir pris. Alexandre VII, qui avoit deja ren-
ferme le fait dans la condamnation des V proportions par une bulle de |
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160 o.
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I& HlSTOIRF. DE PoRT-ROlAt.
* mT77Z 1'a.n 1656, en donnaune nouvelle fan
1664: dans iaquelle le fait &le droit eroient encore plus exprefTement ren- fermes fous une meme creance, II etoit neceflaire d'entrer dans tons
ces details fur le formulaire qui a fervi de pretexte a la cruelle perfecution ex- citee contre P. R. , pour bien connoi- tre toute l'injuftice des violences faites a ces faintes filles. v La voix eclatante des miracles con- Dieu conri- tinuoit depuis trois ans de fe faire en-
d« mkacks tendre , non-feulement dans Paris y * p« &• mais dans tout le roiaume , &meme jufqu'aRome. Elle faifoit connoitre 5de lamaniere la plus evidente,l'innocence des religieufes de P. R. , 6c attiroit dans leuu Eglife un concours ii r>rodi- eieux, queles pretres qui vouloienty dire la melfe le vendredi,etoient obli- ges de le demander trois mois aupara- vant. Une four, qui n'avoit d'autre occupation que de faire toucher des linges , des medailles 5 des chapelets 3 pour, fatisfaire la devotion du penple , pouvoit a peine y fuffire. C'eft ce que la mere Angelique mandoit a la Reine de Pologne dans une lettre du 14 juin 1 <?57- « II a plu a Dieu , dit-elle, »» (3) par fa mifericorde, pour fortifier ($) Lea. du 14 Juin i«$7> T. j,p. 40*. |
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I. Parti E.XiV. X. 19
s> notre foi 8c notre charite envers fori i66o~,
» infinie bonce, de faireun ties grand » miracle en la perfonne dune de »> nos penfionnaires le jour de la fainte m Trinire ; /, s medecins & Us chirur- » giens en one ctl epouvantes . .... »> II fe fait toujours quantite de gue- » rifons ici & au loin , jufqu'a Ro- m me «. La penfionnaire dont parle la mere Angelique etoit Mademoifelle Baudran, qui faifant fa priere devant la fainte epine le 27 mars 1 <j 5 7 , fac guerie fubiternent d'une hydropifie qui Pavoit reduite au point qu'elle ne pou- voit prefque plus parler. Plufieurs me- decins 8c chirurgiens attefterent ce miracle , qui fut verifie par les grands vicaires de Paris, & publie malgre les folLicitations (4) quon fit pour Uempe- cher, Dans une autre lettre du 30 aoiit 16 5 7 (5 ),la mere Angelique marque a la (4) Les grands Vicaires Dieu , il feroit c£Iebre
apies routes les informa- dans l'Eglife de P. R. de
tions de la guerifon , vu Paris une meffe votive dc
le certificat des medecins la Sainte Trinite *. Lame-
8c chirurgiens, qu'ilsont re Angelique regarda la
infere dans leur fentence verification de ce miracle,
du z? aout , declarerentla comme «» autre miracle ,
guerifon extraordinaire , vu les efforts quon avoit
jurnaturelle & miraculeu- faits four empecher cettt
fe : ils ordonnerent que publication **.
pour en renire graces a (5) Leu. ?6o , p. 41*. * Vies e'dif. r. j , f. 168.
** Lett. ?&o,r. j , p. 4*tf, |
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10 HlSTOIRE DE PORT-Ro'lAt.
kj^o, Reine de Pologne que le Seigneur fait
toujours quantite de miracles par la fainte epine, que Madame la Prin- ceiTe Palatine a ece guerie de fa grande maladie, s'y etant vouee. // s *efl encore fait, pourfuit la mere Angeiique , un miracle prodigleux fur ime de nos pen- iionnaires. Cette penfionnaire etoit elevee depuis l'age de deux ans a P. R. , 6c elle en avoit alors douze. Elle etoit boiteufe denaiflance, ai'ant une jam- be plus courte que l'autre de beaucoup. En croilfant, ion incommodite avoit toujours augmente •, la hanche meme s'etoit demile, enforte qu'elle ne pou- voit plus marcher fans l'aide de quel- que perfonne. Ses parens a'iant defire qu'on la menat a Paris, on les fads fit. En partant elle dit qu'elle efperoit que la fainte epine la gueriroit } & elle voulut que le medecin la vit, afin , dit-elle , quil tcmoigne lorfque Dieu aura fait le miracle. Etant arrivee, elle dit a la mere Angeiique qu'el- le venoitpour/aire miracle, 8c deman- da qu'on fit une neuvaine pour elle , ce qu'on lui accorda de bon coeur. Elle y afliftoit avec larmes. Le troifieme out le quatrieme jour elle dit que le mira- cle commen^oit, 8c que fa hanche fe remettoit, ce qui fe trouva vrai. Ma- |
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I- Par tie. Liv. X 21
demoifelle Cuvilliers, tres habile pour
ces fortes de maux , 8c qui l'avoit vi-
fitee auparavant , fut fort etonnee de
trouver non-feulement la hanche re-
mife 8c les vertebres, mais memej la
jambe, qui auparavant etoit plus coune
que l'autre de fept pouces , allongee de
fix : a la fin de la neuvaine elle fut
entierement egale a l'autre. Elle etoit
begue , 8c fourde d'une oreille , elle
parla diftin&ement, 8c entendit par-
fakement. Elle avoit une taie fur l'ceil,
5ui■ difoarut. Son efprit qui etoit tres
foible fe fortifia teUement , qu'on ju-
gea a propos de la faire communier
le dernier jour de la neuvaine , 8c le
confefleur dit quelle s'etoit confeffee
avec autant de jugement& de lumieres
qu'auroit pu faire une perfonne de
vingt ans. » Enfin , dit la mere Ange-
»> lique, c'eft un enfant queDieu a toute
«reFormee destdefauts de fon corps 8c
« de fon efprit». Cette petite miraculee
difoit cpi'elle avoit demande a Dieu
la guerifon de tous fes maux arm de
pouvoir etre religieufe. Elle ajoutoit
qu'elle prioit Dieu de les lui renvo'ier
ii fes parens vouloient la retirer,
L'eclat de tantde miracles etonnoit
les perfccuteurs de P.R.j mais bien loin de changer leur cceur, il ne fai- |
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11 HlSTOtRE DE PoRT-ROlAt.
foit que les irriter de plus en plus.'
C'eftainii que » lorfque Dieu. s'eft rait » entendre par des miracles , 8c que » les hommes ne l'ont pas votilu. en- » tendre , il les abandonne fouvent a » leur mauvaife volonte pour les pu- »> nir de leur endurcifTement (6). En^ fin fe voi'ant confondus par les mer- veilles fans nombre (7) que Dieu ope- roit chaque jour , 8c devenus la fable 8c I'objer du mepris 8c de l'indigna- tion publique par Jes lettres de M. Pafcal, ils refolurent de s'en vengerfur les folitaires &c les religieufes de P. R. On n'ignoroit pas quel etoit leur deffein *, & on voit par plufieurs lettres de la mere Angelique , ecrites dans le cours des annees precedentes , que fes religieufes 8c elle s'attendoient a tout evenement 8c fe preparoient a une per- fection prochaine; car c'etoit toujours d'une part des menaces & des calom- nies ; de l'autre des fraieurs 8c des al- larmes continuelles , mais auxquelles on joignoit la priete &c la penitence , pour attirer la mif^ricorde du Seigneur. On ne favoit le matin , li on couche- (£) Arn. Lett. 67, T. bitn tmtr/s. Ce font les
* , p. 514. termes de la mere Angc-
(7) M y en xvolt plus de lique, lett. 1001, T. i,
ymtrevin&t fCetrifs &• j>. 474.
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I. P ARTIE. Hv. X. 1}
roit aj-i meme lieu la nu.it fuivante. kS6q,
C'effc ainfi que fe pafferent les an- nees 1657, 1658 , 1659 , 1660. Durant ce tems,M. de Saci reprefen-
toit fouvent que ces troubles & ces in- certitudes de l'avenir engageoient a pxier beaucoup j que Dieu par fa mi-* fericorde donnoit du terns pour fe pre- parer a fouffrir tous les evenemens fu- tnrs •, qu'il ne falloit pas lahTer perdre des inomens fi precieux 6c que com- me toutes les apparences faifpient voir qu'il faudroit forth* de P. R. des champs , il falloit s'y difpofer comtne a une grande tentation, puifque tous les changemens avoient de grandes fuites, & que la prudence des Chretiens conh&oit a favoir tirer avantage de tout c£ qu'on faifoit pour leur nuire. Ainfi comme un fage pafteur , il veilloit fur fon troupeau , lorfque les loups le me- nacoient de plus pies. Referve dans tous les autres terns, il vi;
n'avoit rien que de ferme & de refolu d^M^fsT dans ceux-ci. Il etoit fi accoutume de- ci Pour lc» puis long-tems a rejetter tous fes foins 3™ de"°*" en Dieu,qu'il ne pouyoit arreter fes re- gards fur les deileins des hommes. La providence lui paroi libit en tout & il s'y fpumettoit avec la plus grande joie. H fjifoit fouvent, que dans le terns d'obf- |
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24 HlSTOIRE DF. PoRT-ROlA£.
K kj^o, curite & d'incertitude, Dieu veuc prin-
cipalement que Ton foir humilie fbus fa main puiuante , qui permec les pe- tites cempetes pour humilier ceux qui font a lui, 8c pour ne pas les laifler aller a. la par'effe dans le bien,& au faux repos qu'on prend aifement dans la profpente. Il arretoit les plaintes & les murmures de ceux qui quelquefois fe laiflant aller a. la chaleur de leur zele ou au chagrin de fe voir obliges de quitter ce faint defert, fe plaignoient des auteurs de ces troubles 8c de ces violences. II changeoit routes ces plain- res en prieres. Il etablit qu'on partage- roit le pfautier de telle forte 3 que cha- cun tous les jours en recitat fa part > arm qu'on put le dire tout entier cha- que jour, pour attirer la mifericorde de Dieu. A la fin des offices qui fe di- foient en commun, comme Marines , See. , il faifoit dire le pfaume 32. Cell ainfi que les folitaires fe prepa- roient a la perfecution, par les foins 8c les inftru&ions de leur faint pafteur. On s'y preparoit de meme au dedans du monaftere par la priere 6c la peni- tence, vn. Les premiers coups'des perfecnteurs fowTSfi**tomDererit for les jeunes gens qu'on ele-
i6catemscottrvoit a P. R. des champs. Il n'eft point furprenant
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I. P A R T I E. Llv. X. 1 5
furprenant que le demon ne pur fouf- Y^6o7"
frir ces faints etablifl. emens , dans lef- tre les enfan*
quels on travailloit a conferver a de ?l£°" 6Ievoic
jeunes enfans l'innocence de leur bap-
tcme , tre for fi precieux & fi rare dans
cette malheureufe lie des fieeles , &: a
les avancer aurant dans la folide piete
que dans les fciences. Nous avons
vu de quelle maniere on attaqua des
l'an 165 6 ces ecoles chretiennes 3 8c
comment on difperfa une grande
partie des enfans, dont Meffieurs de
P. R. avoient fbin, 8c que Ton avoi t mis
foit aux Granges , foit a Vaumurier ,
foit a Magny, foit aux Troux , foit au
Chefnay. Mais en i66-o tout fur ab-
folument detruit ( 8 ). Le io de mars
de cette annee le Lieutenant civil fit
encore, par un nouvel ordre , une vi-
fite a P. R. des champs, aux Troux ( 9 )
8c au Chefnay, pour examinerfi on n'y
avoit pas raifemble de petitesecoles ,
Sc pour les detruire.
Dieu dont les jugemens font impe- vrrj.
netrables permit encore qu'on lit fortir fo" f°ob?igIs de quitter k\
(*) Rel T. 1 , p. xSo. M. du Fofle, que ces en- r,, (9) La mere Angelique fens try etoietiijplus, ai'ant
de Saint Jean , dit dans ete envo'ies a Lyon, He re-
fa chronologie , a l'an mis a leurs parens , par
x660 , qu'on nc trouva ordre du Roi , aptes la
point d'autres enfans aux mort de M. leur pere :'cn-
Troux , que ceux de M. forte que la maifon de-
de Bagnols. II parolt par meuravuide.
Tome JF.
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-l6 Histoid de Port-roiai.
\ une feconde fois (10) de cette celebre abbaie les folitaires qui s'y etoient re- tires pour y vivre dans la retraite &c h penitence. Quoique M. du Foile y fCit revenu avec l'agrement du Cardinal Mazarin , pour etre compagnonde M. le Maitre , il fut oblige neanmoins d'en fortir cornme plufieurs autres pen- dant le careme de Van 1660. Comme M. Singlin 5c M. de Saci le virent dans l'embarras, ils lui procnrerent une re- traite au chateau des Troux. Il n'y avoit que M. Burlugai (11) docteur de Sorbonne , cure de la paroifle, que les parens avoient prie d'y demeurer avec M. fon frere pour prendre foin des affaires , 8c M. de Tillemont qui avoit demande qu'on lui permit de demeurer au chateau avec M. Burlugai , afin de pouvoir etudier 5c travailler avec ce favant &: pieux do&eur qui pouvoit lui etre d'un grand fecours pour fon grand ouvrage qu'il meditoit des-lors , & qu'il a heureufement execute depuis. Voila la compagnie que M. clu Folic trouva aux Troux, ou il acheva la (10) Da FofTe , Mem. Sens par M. deGondrin ,
p. iiSj&fuiv. qui le fit Chanoine ,
fn) M. Burlugai, Theclogal & Superieur du
apres avoir ece t'ucceltivc- Seminaire. Il eft mort la
nienr Cure des Troux & 17 Janvier 17c*.
deMagny, fut appelle a |
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I. Part ie. Liv. X. 27
traduction de la vie de D. Barthelemi kSCo- " des martyrs , dont M. de Saci s'eft fervi pour compofer la vie de ce grand Prelat. Il s'y appliqua a etudier l'hif- toire ecclefiaftique avec M. Burlugai & M. de Tillemont. Ces trois folitai- res des Troux eurenr la confolation ds recevoir i'annee fuivante M. de Saci > qui etant oblige , par des ordres fu- perieurs, de quitter P. R, des Champs, . vmt les trouver dans cette folitnde , 8c y pafTa un mois avec eux (12). _______
Le Cardinal Mazarin mourut le 6 1661.
mars de cette annee •, mais cet eve- nement n'apporta aucun changement aux affaires. Les defenfeurs de Janfe- nius Sc les religieufes de P. R. voiant de quelle maniere eroit compofe le Conieil de confcience , dans lequel M. de Marca 8c le P. Annat avoient la principale autorite , jugerent bien |
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u'ils ne devoient niettre leur con-
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ance qu'en Dieu, &c que tomes les
voies pour faire connoitre leur inno- cence leur ecoient fermees. (it) C'etoit au mois de ponne , qui furent difgra-
feptembre 1661, puifque cies cetts ann£e , le pre-
ce fut pendant le fejour mier ai'ant et£ arret£ 2
de M. de Saci ai'.xTroux , Nantes au commence-
qu'on y apprit la nou • raent de feptembre , & 1©
velle de ladifgrace deM. fecond exile a Verdun,
Fouquet 8c de M. de Pom- Mem, du FofTe , p. 174.
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Bij
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2 8 HlSTOiRE DE'PORT-ROlAt;
-----~T-~" Les ennemis de P. R. , apres avoir
1 ix. ' detruit les dehors de cette fainte mai-
La pertc de fon «aL- ja ruine entiere des ecoles & S'ree'auconl la difperfioR des folitaires , attaguerent <W« le dedans. Us travailloient depuis long- terns i rendre fufpecl: ce monaftere.
Enfin, a force d'intrigues &decalom- nies , ils vinrent a bout de peffuader au Roi, qu'il y alloit de fa gloire & de fon falut , de miner, cet etabiilfement. Que les Princes font a plaindre , d'e- tre ainii expofes aux furprifes de ceux qui les environnent , & de donner leur conSance a des gens mai inten- tiones , qui leur cachent la vente ! Le Roi etant done follicite continuelle- ment par ceux qui vouloient , a quel- que prix que ce fut, detruire P. R- » confentit a leurs defirs. La perte de cette fainte maifon fut refolue & arre- Itee dans le Confeil du Roi, tenu le 1$ d'avril (13) , qui cette annee \&\ etoit un mercredi faint. Car le terns •de la paffion & celui de Paque ne fe palfoient pas d'ordinaire fans que le |
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,t\ il v avoir alors 4? i^nes p«nfionnaires,
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Jilusde
fsdeu |
zoo perfonmsdans & » grandes &c. Vole*
x maifons de P. R, !»lute des rel.g.cufes, no-
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T,
l
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,11 teligieufesprofefTes; vices, penfionna.res des
favoir, ?o de ckcrur, $ deux maifons, dans 1 hiC-
'onverfes, t novices de toire des perfections, ?,
Ugpfe ? 3 poftulanies, ij fc fmjr.
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I. Part i i. Liv. X. 19
Demon lit quelque nouvel effort con- tre la verite & l'innocence. On peut aifement juger a la follicitation de qui on prenoit ces violens deffeins, par la proximite des fetes oa Ton en formoit la refolution. La mere Agnes (qui etoit pour lors
Abbeffe de P. R. , aiant ete elue le 1 3 decembre 1658 )>informee des deiTeins que Ton avoit contre P. R., aiTembla la communaute le 2 1 avril , jeudi d'apres Paque, &. reprefenta a fes filles les dif- pohtions 011 elles devoient etre dans ces circonftances , la neceflite de recou- rir a Dieu par la priere , de s'humiliei* fous la main de celui qui les chatioic avec juftice , de ne point fe regarded comme innoGentes , quoiqu'il rat vrai qu'on les calomnioit injuftement 5 de croire que c'etoit une jufte punition de ce qu'elles n'avoient pas ete affez fidel- les a. toutes les graces de Dieu -, que cela les obligeoit a regarder tout ce qui leur arrivoit comme venant de fa part, &: non de celle des hommes ; de ne point dire , ce font telles &c telles per- - fonnes qui font caufe de ce que nous fourFrons , mais de demander a Dieu une vraie charite pour ceux qui les perfecutoient ,&cde{e tenir elles-mc- mes dans rhumilite cv le file nee. C'eid B iij
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3^> HlSTOTRE DE PORT-ROIAI.
1$6lm ainfi que cette digne abbeiTe preparole
fes religieufes a, Torage qui les mena 90k (14). _ *•. r Le famedi apres Paque , 2 5 d'avril, tir ics pen le Lieutenant civil (Aubray; alia a
fionnairesdei p R £Q p^ accompaene du ProCU-
fur de faux reur du R01 au Chatelet, Arnauid de
ftiKxta. Kiams. Le premier demandales noms des penfionnaires des deux maifons , apres quoi le Procureur du Roi or- donna de la part du Roi a l'abbefTe, de faire fbrtir & de renvoier dans trois jours chez leurs parens routes les penfionnaires qui y etoient elevees , ibus peine de defobeifTance a fes com- mandemens. On chargea un Commi£ faire (15) de la meme expedition pour la maifon de P. R. des Champs, &il l'executa le lendemain 14 avril. Ja- mais pretexte ne fut plus faux que ce- lui dont on fe fervoit pour donner un tel ordre. Si on avoit fouhaite fince- rement de connoitre la verite, rien n'e- toitplus aife que de s'en aflfurer , en interrogeant ces jeunes enfans fur ce qu'on leur apprenoit. Toutes celles qui iortirent alors , rendirent temoignage contre l'accufation dont on chargeoit |
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I. Pa a. tii. tiv. X. {\
les faintes religieufes qui les avoient i66k elevees. On fit voir dans le tems en plufieurs xi.
cxcellens ouvrages, combien ce foup- lo°n JJiJ"J 9on etoit mal fonde 3 puifqu'on n'en- p- R- d«dif- feignoit aux penfionnaires que les plus ESj communes verites du chriftianifme. Nous avons fur ce fujet une lettre de Mademoifelle Marguerite Perrier , qui y demeuroit alors avec Mademoifelle Jaqueline fa fceur , dans laquelle elle refute cette accufation a de la maniere la plus precife. » Lesenriemis de P. R.» »j dit-elle , ont toujdurs dit & publie , m que les religieufes tenoient dans *> leur maifon une ecole de janfenif- » me , 5c qu'on les entretenoit de '* toutes ces affaires-la. On en a memo » invente des hiftoires fabuleufes &c » ridicules. Cependant cela eft abfo- «> lument faux , & je puis atfurer & cer- •> tifier quelorfquej'enfortiseni^iji, >* j'avois plus de quinze ans 3 <$c ma =» faeur qui y etoit avec nioi , & qui » etoit prete a entrer dans le noviciat « pour etre religieufe , avoit plus de " 17 ans \ neanmoins nous ne favioils » pas meme les noms de fanfeniftes &c » de Moliniftcs , en forte que quand. » nous en entendimes parler dans lc B iv
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JZ HrSTOlRE PE PoKT-ilOlAt.
■>, monde, nous ignorions ce que celn
» iignifioit..» Les religieufes etoient »* dans la meme ignorance 3 excepte « les fuperieures &c quelques-unes qui » etoient entrees a Porn-Roial de- » puis que ees disputes avoient » commence ; mais comme il ne h leur etoit pas permis de parler de » ce qu'elles avoient vu dans le mon- >> de , les autres n'en avoient & n'en » prenoienc aucune connoifTance. Ce- m la eft (I yraisque lorfque l'ordre arri- » va de la partrdu Roi en 1661 de faire w fortir routes les penfionnaires, poftu- « lantes 6c novices , cpelques perfon- « nes etant venues voir leurs parentes « qui etoient religieufes, & ai'ant dit « au parloir , Voila une grande perje- » cut ion qui s'eleve dans L'Eglife , une »i de ces religieufes crut que e'etoit « une perfecution comme celle de » Diocletien , 6c s'imaginant qu'on » alloit les obliger de renoncer a la *> religion 5 elle alia trouver la mere » Abbeffe , & lui dit avec une grande w fimplicite : Ma mere , voita une » grande perfecution , je vous prie de s, me dire, quand les bourreaux vi,en~ » dront nous prendre pour nous me- « ner au many re , ne faudra-t-il pas |
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I. P A R T I E. ElV. X. 33
« que nous prenions nos grands voiles ? \66i..
*> parce qu'elles avoient contnme de
»» les prendre lorfqu'elles paroiifoient
» devant les hommes. Je ne fais pas ce
" que la mere AbbefTe lui repondit ,
» mais je fais qu'on ne commenca a
»* les inllruire que lorfqu'on vouluc
>y les obliger a. figner le formulaire.
*> Alors leurs fuperieures , par l'ordre
« defquelles elles auroient etc obligees
»» de figner, crurent leur devoir far re
f* connoitre ee qu'elles devoient a la
» verite.
Jufques-la on etoir fi eloigne d'en- Edfkci/T**
tretenir les religieufes de P. R. de tout mem fur Y** ce quiregardoitles matieres conteitees3 IanSraiaqueli« que la mere Angelique ecrivant a la on tenok u* Reine au fujet des accufations formees " r!.m'Jap-r contre la communaute, 1'afiiire qu'on r<>" aux ma- s'etoitmeme abftenu de leur faire lire £j coat&% le livre de la frequente communion. ** Ce qui peut d'abord furprendre , dit 93 M. du Foffe (16) , puifque ce livre p» ne contient que la doctrine des pe- te res & des conciles touchant les dif- ** pofitions avec lefquelles on doit s'ap- n procher de l'Euchariftie , pour com— » munier dignement Sc uti lenient- » Mais ( continue M. du Foffe pour *> juftifiercetteconduite) parceqnecesr |
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34 HlSTOIR-E DE PORT-KOIAL.
j£j6j# » excellentlivre approuveauthentique-
» ment par rant d'Eveques & de doc- » teurs de Sorbonne , refute un ecrit» » qui attaquoit la purete de cette doc- *» trine , on etoit bien aife d'epargner » a. ces faintes ft lies, qui ne deman- sj doient qu'a s'edifier, tout ce qui avoit 9i le moindre air deconteftation. D'ail- » leurs , ajoute-t-il , comme par la w grande purete de leur vie egalement >» fainte & pcnitente, elles etoient dans 9? la pratique conrinuelle de ce qui eft » prefer it dans ce livre par les paroles mi des faints peres , touchant l'uiage de « la frequente communion, on peut »> dire que la le&ure de ce livre fi celebre » leur etoit moins neceflTaire qu'a beau- m coup d'autres, qui etoient moins inf- ■» truites qu'ellesdu veritable efprit de »»l'Eglife». On peut juger combien etoit fauxle pretexte injufte dont onfefer- voit pour perfecuter P. R. en les accu- sant de tenir desecoles de janfenifme, puifqu'on renoit les religieufes memes.. dans une telle ignorance dc un fi grand eloignement des matieres conteftees » ^u'elles ont befoin qu'on fafife la-def- fus leur apologie. He ! qui pourroit croire qu'on fefut abftenude faire lire aux religieufes de P. R. le livre deh fiiqusnts communion , fi la mere Aa- |
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I. P a r t i e. Liv. X. 3 5
gelique n'affuroit elle-mcme ce fait
dans une lettre qu'elle ecrivit a la Rei- ]ie etant au lit de la rnort, Sc que nous donnerons dans la fuite 1 Pour ce qui eft des livres concernant
les difputes fur la grace, Sc ce qn'on appelle.le janfenifme, on peut j tiger fi elle les faifoit lire a fes religieufes , par une lettre qu'elle ecrivit le ij avril 16 5 8 a la coadjutrice de Xaintes (i 7), a l'occafion d'une Demoifelle de con- dition. >■> J'ofe vous dire , ma tres die- s' re mere , que j'apprehende qu'il » ( fon directeur ) ne la faife un peu •» trop favante de la fcience de la » grace , & nePentretienne de toutes i> les difputes •, ce qui ne convient » point a nous autres filles* » J.....Nous avons eu ceans
» le bonheur de communique!" avec
« les plus favans en ces matieres ^ " mais ils nous out lairtees dans la « fimplicite religieufe , nous faifant » chercher la grace de Jefus-Chrifl « dans la vue de notre neant 8c de no- » tre impuUTance au bien > qui nous »J conduit a rechercher en Jefus- •* Chnft toure notre force &c fubnX- » tance , &c. (18) -. (17) Lett. $73. T. 5 , (iS) VoYez encore dsas
p>4J?- 1c neuvitme tornr des let-
B vj
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3# HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt*
j<j<Ji. La mere Angelique avoir paffe tout
xin. 1'hiver de l'annee 1660 a P. R. des
dcDifa0lme°tnechamPs fon languiiTante & fore foible.
Angelique a On lui mandoit de Paris tout ce qui
Li&utit^**6 Paffoit > & elle repondoit toujour*
avec une ferme te extraordinaire.
» Dieu notre bon pere (19)5 fait tou-
» res les penfees & les defleins qu'on
« a fur nous , & de plus jufqu'ou il
?> lui plaira qu'ils ail lent : ce qui nous
»j doit rnettre en repps , dans l'entiere
*> foumillion que nous devons a fa
s> fainte volonte, qui nous fera toujours
» favorable, car fa mifericorde dure
*> eternellement. S'il ne lui plait pas
« d'arretex la tempete , il taut nous
m. foumettre a perir devant les horn-
»■ mes, 8c efperer que notre perte fera
« notre falut ».
Elle etoit fi perfuadee que le terns
de la puiflance des tenebres etoit pro- che , que coraine on lui manda dans le careme de cetteannee, qu'on croi'oic que les chofes s'accommoderoient, &C: tres de M. Arnauld , p. £toitcette fainte religfeu-
f z, un e'erit pom juftifier fe , dans difFetentes let-
let relizieufesde P. R, de tres qu'elle 6crivitauxap-
ce qu-'ellet tie prenoient point proches de la persecution.
dt:partala que(li»n far le Lett. ioif,T. 3, p. fi?.
fait de Janfenim. Lett. jczS , 1027,102.8,,
(19) Mem* T. i. XII 1015., 10.5a-, 103.1,1031*
Biek p> 1 iv. Voiez, Iesdif- 1033. I0i6 >■ l0)7>< ">38»-
joiiiion* adjnirablts. ou |
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L Partie. Llv. X. ?j
quil y en avoir des apparences , elle ' j^^ repondit avec afTurance qu'elle ne le penfoit pas , quele terns etoit venude fourfrjr 3c qu'il ne falloic plus penfer quas'y preparer. Il parut bientot qu'el- le ne s'etoit point trompce. Aufli ne fut-elle point furprife lorfqu'on lui manda dans la femaine de Paque Tor- dre que le Roi avoit donne, en partanr pour Fontainebleau , a Meflieurs les f rands Vicaires , d'oter M. Sinelin
e la fuperiorite de P. R. , &c le def- fein qu'on avoir de faire renvoier les penfionnaires* Ce. coup- la frappa dans ce quelle avoit de plus fenfible. La parfaite fbumiffion qu'elle avoit pour un fuperieur que le Ciel avoit donne a P. R.; I'eftime extraordinaire qu'elle faifoit d'un tel don , d'ou depend tout le bien des communautes, lui fit re- garder le deiTein qu'on avoit de leur oter him Singlin , comme l'un des plus grands maux qu'on put leur faire y mais elle le porta avec ce courage qui a- toujours paru en elle dans lesgrandes
occafions..
Ce fut dans ces difpofitions que la XIV,
mere Angelique vit commence r la ta mere An*
Eerfecution par l'ordre de renvoier fp!JJ* VIW*
is penfionnaires; &c comme fi elle eut eu peur d'y avoir moins.de part ^ |
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3$ Histoire de Pout ro'/at.
%6Gi. elle fe hata de quitter P. R. des champs pour venir a Paris ou fe livroient les premiers combats. Elle man da done des le lendernain matin qu'elle eut ap- pris cette nouvelle , que quelqu'afFec~ tion qu'elle eut eue en d'autres terns pour fon defert, dans l'etat ou etoient les affaires elle croi'oit qu'il etoit a pro- pos , fi on le trouvoic bon, qu'elle vint a Paris j pour attendrel'evenement des chofes , 5c fervir en ce qu'elle pourroit. On fiit du me me avis qu'elle, qui le fa- medi devant Qua/zmodo z) avnl 1661 dit adieu a. toute la communaute avee une charite &c une force extraordinai- re , les confolant 8c les fortifiant fur tout ce qui pouvoit arriver d'un e ma- niere qui faifoit affez connoitre qu'elle ne comptoit plus les revoir. Elle part toute penetree de douleur, mais en meine-tems toute embrafee de l'ardeur de fa foi St de fon amour pour Dieu laifTant fes filles des champs plongees dans la triftefle. Sonant du monaf- tere, elle trouva dans la cour Mon- fieur d'Andilly, qui l'attendoit pour lui dire adieu. Quand il fe frit appro- che d'elle> elle lui dit (20) : Adieu mo ft frere , bon courage. M. d'Andilly lui ai'anr repondu : Mafceur 9 ne craigne^ (10) Mem, de Font. T. x yf>. 101.
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I. Partie. lip. X. $9
Tien, j& Vai tout entkr. Mon frere , l66i _
Man frere, repliqua la mere Angeli- que , Soions humbles , fouvenons-nous que I'humititi fans fermete efi ticked , mais que le courage Jans hum'ilite efipre- emption. A peine eut>elle fait quelque chemin , qu'elle rencontra un ecclefiaf- tique (21) qui alloit de Paris a P. R. des champs, & qui s'etant approche du carotfe lui dit, que M. le Lieute- nant civil venoit de fortir de P. R. & avoit pris le nom de toutes les pen- fionnaires a deiTein de les faire fortir par ordre du Roi : elle repondit fans fe troubler : He bien , Monfieur, Dieu foit Loue; porter je vons fupplie , cette nouvelleanosfceurs, & Uur dites qu el- les ne fe troublent de rien , & quil ny a qua efplrer en Dieu. Puis parlant as celles qui etoient avec elles dans le caroflfe : 11 faut, leur dir-elle , mes fours y rendre graces a. Dieu de toutes chofes & en tout terns ; difons enfemble le Te Deum , ce qu'elles- fkent autli- tOt (12).
Lorfqu'elle arriva a Paris, environ
fi»)M. Flecelles , fc- ladie & de la mort de U
Ion les Mem. deM. Font, mere Marie Angdicjue r
T. 1 , p. 101 , ou M. par la mere Angelique de
Floriot felon-les a&es des S. Jean Taniece, Mem.TV
teligkufe. it Rel.XUI.fi. n?r
(11) Relation de la ma-
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4°~ HlSTOIRE DE PoRT-RoVaI..
L y££ deux heures apres la fortie du Lieute-
nant civil, elle trouva route la mai- fon en larmes (13) -, mais elle les ef- fui'a par fa fermete : Q_uoi, dit-elle , jc crois que Von pleure kit. . . . •• N'ave^vous done point defoi ? .- . . Fous efpen^ en Dieu & vous craigne^ quelque chofe I Cro'ie^-mol, ne craigne^ que lui & tout ira bien; 8c levanr les yeux au Ciel, elle dir : Mon Dieu aie{ pitie de vos enfans; Mon Dim que votre fainte volonte foit fake. Depuis ce jour ia maifon devint
une maifon de gemillemens , 8c rout retentiflbit des cris 8c des pleurs de treme-trois enfans & de plufieurs filles deja revues au noviciat, qui at- tendoienr l'ordre de fortir de la mai- fon > comme fi c/eut ete l'arret de leuc mort. xv. La mere Angelique , qui avoit plus raBme«UAa- ^e tencu"etfe & d'amour pour tons ces
geiicjue d la enfans qu'une vraie mere , fentit mal- feSnalresr11' %^ fon courage fes entrailles dechi- Doui'eur rees par la douleur de cette fepara- nairesPenJ°trc "011* ^e °^1 *a Wch)p|it plus fenfible*
forceesdefor-men t, etoit le peril oii l'on expofbit
,R' toutes ces ames qu'elle aimoit en Dieu
8c pour Dieu. A toutes les heures du,.
jour , cet objet fe renouvelloit a me?
if})' riJ8.C1.T. ft* p.;io§v
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I. P ART IE. LlV, X. 4I
fure que Ton venoit enlever , les unes
apres les autres , ces pativres petits agneaux qui ne pouvoient fe take } & jettoient des cris qui percoient j ufqu'au Ciel , lorfqu'il falloit venir dire adieu & fe feparer de celle qui les avoitele- vces dans fon fein avec tant de bonte. Elle les confoloit & les exhortoit a avoir bon courage : fonefpritfe foutenoit, mais ce grand feu &c ce grand courage agiflbient terriblement fur le corps qui £toit crop foible pour refiller a des mouvemens fi violens. Ce trifte fpectacle dura huit jours,
parcequ'on ne put fatisfaire aux or- dres du Roi qui n'en donnoit que trois pour la foxcie des pennonnaires,- y en aiant plufieurs dont les parens n'etoient point & Paris. La douleur de ees pauvres enfans etoit ft grande que leur maitrefife ne pouvoit ie refoudre a entrer dans leur chambre, &: qu'elle etoit pres d'un quart d'heure a s'y de- terminer. Sitot qu'elle etoit entree, ces. enfans fe jettoient en foule fur elle en pleurant,& la conjurantd'avoir pitie d'elles. Des petites de donze ans de- mandoient d'etre mifes au noviciat ;. ouelques-unes memes vouloient pren- dre l'nabit de converfes afin de ne point fortir. Il y en eut qui furent deux jours |
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4i HlSTOIRE BE PoRT-ROlAl.
" 166 ii~ fans manger,& routes paflbient prefque
les nuits entieres dans les larmes (2.4). La douleur des parens , qui venoient malgre eux les retirer, egaloit celle de ieurs enfans , &c les uns &c les au- tres etoient quelquefois fi penetres 8>C ft faifis cui'ifs fe trouvoient mal. C'e- toit un ipe&acle pins trifte aux yeux de la foi qne celui du mafTacre dQs in* nocens a la naiflance du Sauveur. xvi. Au milieu de cette tempete &c de cet- tenvok" itste confirmation, l'abbefle de P. R. nd novices 8c les laiflfa pas que de donner l'habir -de no- foituiantej. v^es }Q 24 avrila c^uatrepoftulantes 6C le lendemain atrois fi jf) j regardant cotnme une mafqueaiTuree deleur voca- tion la volonte qii'elles avoient d'etre religieufes, fans etre ebranlees dans leur deiTein par la viie des maux dont la maifon etoit menacee. Ces poftulantes avoient demande avec inf-* tance le voile par la crainte d'etre ren- Voiees avec les autres penfionnaires. La jeune Demoifelle de Luines fe pre^- fenta auffi a la communaute 8c deman- da qu'on lui fit la grace de la joindre aux autres. L'abbene lui ai'ant repondu (*4) Hift. des perlec. bert, Richer, Courtin,
ch. j. p. u Baudran ; 8c les trois der-
(if) Le? qiiatre premie- nieres, Monglatj Bazi»,
les Etoient les foeurs Lorn- Boiflard.
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I. Par tie, Llv. X. 4$
flu'dfi nepouvoit rien faire fans le con- l6(J l~ fentement de Meffieurs fes parens , el le ecrivir a M. fon pere qui en par la a la DuchefTe de Chevreufe. La Du- chefle de fon cote en aiant parle a la Reme pour la preflTentir , S'a Majefte lui repondit que routes les novices fans exception fortiroient. Cette reponfe decida 1'afFaire, & la pieufe Demoifelle ne recur point l'habit. Apres la fortie des penfionnaires ,
il y eut un nouvel ordre (x6)Cigni- fie" a la maifon de Paris par le Lieu te- nant civil le 4 de mai, de renvoier les novices & les poftulantes (17) , & le lendemain on alia fignifier le merne ordre a P. R. des champs. La mere Agnes alors abbeflTe , avant xvn.
que d'executer Pordre qu'elle avoir re- Leur<-' d«f* ju, fe crut obligee d'en ecrire a Sa Ma- STJtS jefte, pour lui remontrer lihconve- fui"- m1?l qu A y avoit d Ie faire- Elle fe
julhfie d'abord & fait voir qu'elle n'a rien fait de contraire aux premiers or- dres en dormant Phabit a des poftulan- tes qm etoientdepuis longtems dans la maifon. Puis elle dit qu'aiant re$u un (i«) Hift. des perfec. l'ordre de renvoier les no -
ib. p. 7. ch. 4. vic„ f fut fterieur a ce~
-J?7!11 Pai0,c P" 'a Rcl. lui de renvoier les poftu-
XU1, T. i,p. 151, que lantes.
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44 HlST-OIRE DE PORT-ROlAt.
nouvel ordre de renvoier les poftulan--
tes & les novices & de n'en plus rece- voir a l'avenir , ce qui n eft autre cha- fe que de voulok eteindre unc abbaie desplus anciennes du Roiaume>& abo- Hr entierementleurinftitut, elles croi- roient manquer a ce qu'elles doivent a Dieu, fi elles n'avoient recours a Sa Majefte pour lui reprefenter l'impor- tance de cette affaire. Ella ajoute que fi Sa Majefte continue dans fa relolu- tion, les portes feront toujours ouver- tes a fes commandemens abfolus •, elle demande feulement" pour toute fa- veur, que la chofe fe fafle fans qu elles y prennent aucune part, parcequ elles croiroient blefler leur confcience par les raifons quelle lui expofe ainfi. * Comme c'eft par les poftulantes
» qu'un monaftere fubfifte & fe con- » ierve , on ne peut defendre d'en re- v cevoir , fans 1'abolir. Or,comme vo- » tre piete , Sire , &votre refpe&pour » l'Eglife , vous feront jugeraifement > » qu'unedes chofes, ou l'autorite fecu- » liere prend le moins de part, &c que •vcelle mcme de l'Eglife ne doit faire „ qu'apres un Jugcment canonique & v lolemnel , c'eft la fuppreflion d'un » monaftere & d'un inftitut leginme- »> ment etabli pour donner des fervan- |
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I. P A R T I E. LlV. X. 45
w tes a Jefus-Chrift dans la fuite de
» tous les iiecles , ceux qui appren- » dront, Sire , ce qui fe paiTe aujour- »> d'hui fur notre fujet, ne pourront » s'imaginer autre chofe, finon qu'il » y a eu des denonciateurs publics con- » tre la mauvaife conduite de norre » maifon j qu'on y trouve des defor- « dres horribles &c irremediables, que « l'Eglife enfuite en a ordonne cano- « niquemenc la fuppreflion, & que » Votre Majefte lui a prete fon autori- « te pour executer fes ordres. Cepen- » danr 3 Sire, il ne s'eft rien fait de »» tout cela : & par la grace de Dieu , » l'Eglife n'a jamais donne de jugement m touchant notre monaftere qu'en no- » tre faveur & pour dcfendre notre » innocence, & nous n'avons jamais »> re^u que de l'approbation de nos » fuperieurs ecclefiaftiques dans les vi- •» fites qu'ils y ont faites.......
» Apres cela, Sire , avant qu'on ait
»> faitaucune information contre nous» » on commence par vouloir fupprimer »> notre monaftere. Si cet ordre, Sire» »» ne nous venoit pas d'un Roi tres m chretien , nous n'aurions qu'a fouk h frir en patience qu'on nous arrachat » d'entre les bras celles que nous ne w pourrions renyoi'er nous-memes fans |
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4<? HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
1669, " nous rendre coupables devant Dion,
»&a remettre entre fes mains le ju- » gement de notre caufe ; mais vivant » fous le regne d'un. Prince u religieux u 8c dont nous fommes tres afTurees que » l'intention n'eft que de maintenir les » loix 8c la difcipline de l'Eglife, nous » nous croi'ons, Sire , un peu excufa- » bles, u nous avons quelque peine a. »» nous refoudre d'arracher de cette » maifon tant de filles que Dieu y a » unies a lui 8c a, nous par tous [qs » liens de la charite. Et il arrive en- » core , Sire , par une rencontre digne « de l'attention de Votre Majefte , » qu'entre ces poftulantes & ces novi- « ces qu'on nous ordonne de renvo'ier, » font ces deux memes filles qui ont *» ete gueries de deux maladies incu- » rabies, par deux miracles verifies 8c *> folemnellement approuves 8c publics « par les grands Vicaires de ce dio- » cefe. » Nous efperons, Sire , que Votre
u Majefte fera touchee en cette ren- « contre de nos larmes 8c de nos prie- » res, cotnme nous fouhaitons que »■> Dieu foit touche de celles que nous »> lui offrons fans cefTe pour attirer fes » benedictions fur votre perfonne fa- » cree 8c fur votre Etat »♦ |
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I. Partie.LV. X. 47
Le Roi recut fort bien cette lettre l$6l
&c la lut avec grande attention. Ma- xvnr.' dame la ComtefTe de Brienne la mere Douleur <f*
J- j ■ \ n i i>* 1M1 ■> r novices & des
dit depuis a M. d Andilly, que s etant poftuiames
trouvee le matin au lever de la Reine "r*ch£e* de mete 3 le Roi entra 8c dit: » Madame, 6n 'Y fait des » je viens de recevoir la plus belle let* Pri=rcs. ,ex* » tre du monde de TabbelTe de P. R. traot lnaW5S, *> Elle me mande qu'elle ne peut en »> confcience devoiler fes novices , a » qui on lui ordonne d'oter le voile; » mais pour ce qui eft du refte , ii je « continue a vouloir ufer de mon auto- » rite , elle obeira avec refpect. ». Quelque belle que fut cette lettre, elle fi'eut cependant aucun erTet. Pendant qu'on en attendoit la reponfe , on mit a execution l'ordre de renvoi'er les pof- tuiantes. Le 5 de mai la mere Angeli- que fit encore ce facrifice & conduifit elle-meme a la porte Mademoifelle de Luines & Mademoifelle de Bagnols qui fortirent enfemble , pour lefquel- les elle avoit une tendrelTe particuliere, les ai'ant elevees des l'enfance. La dou- leur de ces Demoifelles auroit perce le coeur a. des barbares ; la mere Angeli- que en etoit penetree, mais fans etre abbattue. Madame la DuchefTe deChe- vreufe qui venoit recevoir fes filles, lui ai'ant temoigne qu'elle adrniroit fa fer* |
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4$ HlSTOIRS DE PoRT-ROlAL.
mete, elle lui repondit avee une force
econnante : Madame , quand'dn'y au- ra plus de Dieu, je perdrai courage , mais tarn que Dieufera DieuJ'eJpererai en lui \ & einbraiTant Mademoifelle de Luines, que Madame de Chevreufe la prioit de confoler, elle lui dit: » Al- »i lez ma iille , efperez en Dieu, con- *> fiez-vous de tout votre coeur en fa w bonte infinie , & ne vous laiflez » point abbattre. Nous nous rever- w rons ailleurs , ou les hommes n'au- n ront plus le pouvoir de nous fepa- *> rer ». 11 reftoit encore avec les fept dernieres
novices, quelques poftulantes qui ne pouvant fe reloudre a fortir , atten- cloient qu'on les enlevat de force , Sc etoientdans des apprehenfions &c des larmes continuelles. Il y avok entre autres une pauvre iille , qu'on avoit re- jgue par charite,qui avoit une telle crain- te de fortir 3c de tomber entre les mains <ie fes parens, qui etoient heretiques , qu'on croi'oit qu'elle en mourroit. M. Hermant, Chanoine de Beauvais, ecri- vant a M. Arnauld, lui parle ainii fur cette trifte fcene. » Les Anges que Dieu » a donnes pour gardiens a ces brebis §> font maintenant occupes a recueillir M toutes les larmes qui tombent des » yeux
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I. Partie. Liv. X. 49
v yeux-& qui coulent des joues de ces t^^lm *• pauvres innocens, & les porteront » fans doute devanr le trone de fa di- » vine Majefte ». Corame on vit que les chofes s'ai-
griflbient de jour en jour, & qu'on menagoit de faire fortir les novices qui avoient pris l'habit les dernieres, on ajouta aux prieres qui fe faifoient deja , de nouveaux exercices de peni- tence (i%). On fit une neuvaine de proceilions, ou Ton marchoit nus pies, en difant des Pfeaumes propres a la fituation prefente , & Ton porta les faintes reliques a. la premiere & a la derniere. La mere Angelique aflifta a la premiere de ces proceflions le r a de mai, & y porta une relique de la vraie Croix j mais elle fuccomba fous la charge , 3c en entrant dans le choeur, elle fut obligee de fe jetter par terre , d'ou elle fut tranfportee dans fon lit pour y confommer fon facrifice. Ce qui n'arriva toutefois qu'apres qu'elle eut pa(Te par beaucoup d'autres epreu- ves , &c donne de grands exemples de piete y de courage , & de refignatioil a la volonte de Dieu. L'une des plus fenfibles epreuves MXT*; ,.
quiue P. R.
0$) XIII Rel. T.},, p. iji. M.Bail lui eft Tome IK C
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JO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
l^^lt pour la mere Angelique , fut l'eloi-
fubftime. f«- gnement de M. Singlin s qui eut ordre met6 de la ^e fe reCirer ou plut6t qui fe retira mere Angeh- . . > r . 1
que en cette le 8 mai} pour prevenir un ordre de
«ccafion, ia cour qUj l'exil0it en Bretagne (29), Ce qu'il y eut de plus affligeant, c'eft: que les grands vicaires ai'ant recu or- dre du Roi de dormer un autre fupe- rieur a la maifon de P. R. , fubftitue- rent a cet homme de Dieu, le plus outre, le plus extravagant de tous les moliniftes &c le plus prevenu contre Meffieurs deP. R. C'etoit M.Bail, choifi par preference entre fept que la Couravoit indiques •, favoir, MM. de la Verriere theologal , Abely , Leftoc , Guichard , Gobillon } Bail 8c Chamillard. M. Bail fut nomme le 14 mai, 8>C
prefente le 17 par les grands vicaires a Tabbed, qui declara a ces Meffieurs qu'elle ne pouvoit le recevoir en qua- lite de fuperieur , parceque la place n'etoit pas vacante , M. Singlin etant vivant, Elle ajouta , fur les inftances que lui firent les grands vicaires , qu'elle recevroit feulement M. Bail commeun homme envoi'e deleurpart, &c comme un commiflaire particulier pour telle chofe qu'il leur plairoit -? mais. ^) F}ift. des peifec. $b, VII. p. 13,
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I. Partii. Liv. X. 51
nan comme fuperieur , la maifon ne 1661/
pouvant renoncer au droit qu'elle avoit de s'en choifir un. M. Bail ne laifla pas , comme nous le verrons , d'en avoir la qualite pendant trois ans, & d'agir en mperieur, car il nomma pour confelTeur MM. le Juge 8c Parat, pour la maifon de Paris , & pour celle des champs M. Paulon , qui eut de fort bonnes manieres pour les religieu- fes (30). Il y a lieu d'admirer en tremblant,
de quelle maniere Dieu eprouve ceux qu'il aime , & qui le fervent le plus fidelement. La mere Angelique n'a- voit rien tant apprehende toute fa vie, que de mourir fans avoir pour la fortifier a ce pafTage M. Singlin, en qui elle avoit une confiance particu- liere, & lorfqu'elle eft fur le point de le faire, Dieu le retire d'aupres d'elle, 8c laiffe a M. Singlin lui-meme la dou- leur inconcevable de ne pouvoir la fe- courir dans ces derniers momens , non plus que toute cette maifon defo- lee. Dieu connoit jufqu'oii va la force de ceux qui font a till , parceque c'eft lui-meme qui Timprime dans leur cceur, 8c il leur menage des croix proportion- (jo) ibid. ch. X. p. iS.
Cij
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5 2, HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
nees aux forces qu'il leur donne. Ce*
font la veritablement de ces occafions cjue l'ecriture appelle epreuves , felon la remarque d'un grand ferviteur de Dieu , " parcequ'elles font voir 11 on » a veritablement renonce a tout. Ce » qui eft plus vrai dans cette rencontre » que dans les autres, ou il fuffit de » renoncer aux chofes mauvaifes ou »> indirTerentes. Mais il faut faire voir *> maintenant qu'on eft detache des »> bonnes ceuvres , des plus excellentes *» memes, & des plus faintes, & qu'oii « peut les rendre a Dieu qui nous les « a donnees , lorfqu'il lui plait de » nous les 6ter , &: de nous obliger » de lui en faire un facrifice. Il ne » peut etre entier Sc parfait, fi nous »» n'y enfermons toutes les confola- » tions, toutes les alliftances , tous les » fecours, toutes les perfonnes, & ge- » neralement toutes les graces que u nous avons revues de fa mifericor- w de, defquelles nous ferions indignes « fi nous voulions nous les approprier, , » dc nous plaindre qu'il en difpofe u felon fon bon plaifir «. Ces maxi- mes font a proprement parler le por- trait de la mere Angelique , & la jufte idee de fa conduite dans cette derniere cpreuve , ou elle fe foutint comma. 4m les autres, |
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I. Partie. Liv. X. 5?*
Rien n'etoit capable d'abattre ce \46\~*
courage, qui avoir la confiance en Dieu pour principe. Rien n'eft plus edifiant cjue la maniere done elle fe foumit a une privation qui lui etoit fi fenfible. Des le commencement de fa maladie, lorfqii'elle demanda a recevoir le faint Sacremenr , la mere Agnes lui ai'ant temoigne la douleur qu'elle avoit de la voir dans cet etat, privee de la confo- lation qu'elle eut re^ue de M. Singlin s'il eut eu la liberte de Tainfter; el- le. lui repondit, » Cela ne me fait M nulle peine , ma mere , Dieu le « veutainfi , e'eft aflez \ pour moi » je crois M. Singlin aufli prefent au- » pres de moi par fa charite, queii » je le voiois de mes yeux , je fais ce «< qu'il me diroit , 8c je tache d'en- » trer dans la difpofition ou il me » voudroit mettre •, je ne m'inquiete « point de cela. J'ai fort eftime fa » conduite , 6c le fais encore; mais je » n'ai jamais mis l'homme a la place " deDieu». Quelque terns apresune autre perfonne lui aiant parle fur le meme fujet, elle lui dit avec force : " Mais , ma fille , de quoi nous met- » tons nous en peine 1 Eft - ce que » nous n'avons point de foi 1 N'a- » Yons nous point peur que Dieu ne C iij
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54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL1
1661. " ^ife de n°us avec juftice ces paro
« les duProphete : Monpeuple afaii deux grands maux y il ma abandonnc moi quifuis la four cedes mux vives, & il s'ejl creufe des cherries , mais des ci~ terries entr'ouvertes qui ne peuvent tenir Veau. : car e'eft ce que nous faifons ■>» lorfque nous nous attaehons a la » creature , pour recevoir d'elle les » afliftances dont nous avons befoin *> pour nous conduire a Dieu , au lieu " que nous devrions aller droit a la » iource qui eft Dieu, 8c a fa bonte " infinie , qui ne manque jamais a » ceux qui y mettent leur confiance , » au lieu de nous amufer a regretter »> des perfonnes qui ne nous pouvoient n fervir qu'autant que Dieu leur avoir » voulu donner la grace de le faire » » 8c il ne leur en donne point pour ce- »> la , quand il n'eft pas dans fon or- » dre qu'ils nous fervent «. Cette difpofition n'a point change pen- dant tout le terns de fa maladie > qui a dure trois mois j 8c jamais il ne lui eft echappe une parole pour temoi- gner du regret ou de la peine de fe voir: privee de ce fecours. Ce detachement de toutes les crea-»
tures fe manifefta encore d'une ma- niere admirable, par ce qu'elle dit 4 |
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I. Partie. Liv. X 55
ceux qui luifirententendrequ'ellene ^6li pouvoitplas voir M. deSaci fon neveu, qui etoit fon confeffeur, & qui Pavoit fouvent vifitee dans les commence- mens de fa maladie. Comme on ne vouloit point lui dire la chofe tout crument , on commence par l'entre- tenir de ce qui s'etoit parte depuis peu, & de ce qu'on auroit a craindre des dedeins des ennemis de la maifon fur les perfonnes qui y venoient. Elle prit la parole & dit : » II ne faut plus » qu'un tel vienne. Adieu a mon pau- « vre neveu , je ne le verrai jamais « plus : Dieu le veut > je ne m'en trou- » ble point. Mon neveu fans Dieu » ne me pouvoit fervir de rien, 8c » Dieu fans mon neveu me fera tou- »* tes chofes ». M. Singlin, voiant qu'il ne pouvoit Mx*;gHrt
plus rendre de vive voix aucun fervice hem a la me« a la mere Angelique & a la maifon , £fA,nage£! crut devoir le faire par lettre. Il ecri- don aftuciia vit done a la mere Angelique , mais ^*t™mm*' d'une maniere fi vive & fi touchante , Reponfe de que l'on voioit bien que e'etoit fon l*cl£J£ Akj ccEur qui parloit. La mere Angelique en fut fi touchee , que malgre- fa lan- gueur & fon peu de force , elle lui fit fur le champ la reponfe fuivante. i> Mon bon pere, nous vous remer- C iv
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$6 HlSTOIRF. DE P0RT-R0'lAL.
1661. " cions tres humblement, notre mere,
» mes fcEurs, 6c moi en mon particu- » lier, de la tres bonne lettre que » vous avez pris la peine de nous » ecrire, elle contient tone ce done " nous avons befoin dans l'etat ou il » plait a. Dieu de nous mettre, &c en » tout ce qu'il lui plaira nous envoi'er « a l'avenir, nous rappellant dans l'ef- " prit tout ce que vous nous avez en- " leigne 3 & a quoi fe reduit cette » conduite, dont on nous vent feparer " par un faux zele qui eft bien vrai- " ment fans fcience. Mais la bonte » de Dieu, s'en fervira tout d'une au- » tre maniere , nous Pimpnmant da- »> vantage dans le cceurpar la douleur ii que la privation nous donne de n'en » avoir pas fait le bon ufage que nous ** devions. J'efpere que quand nous :» aurons mange le pain de douleur » dans une vraie humilite, Dieu nous m relevera & nous confolera. » Toutes nos foeurs font tres bien ,
» 8c celles qu'on nous a arrachees , » s'approchent davantage de Dieu &c m de nous. Elles ecrivent des lettres » tout~a-fait edifiantes, &c vraiment » le doigt de Dieu eft vifible en la ma- » niere dont il a difpofe celles qui » font demeurees, 6c celles qui font |
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I. Partie. Liv. X. 57_______
*» forties. Ma foeur Auguftin ecoit hier 1661*
» outree de douleur &c ravie de joie » tout enfemble de l'etat des novices « & des poftulantes. C'etoit d'autres » perfonnes , & elle en avoit autant •» de fatisfadtion &: d'eftime de toutes » en general, qu'elle avoit eu aupa- » vant de crainte qu'elles ne fuilent » pas telles qu'on les pouvoit defirer. » 11 y eut a, leur fortie tant de larmes » repandues que ceux du dehors en » ont ete penetres de douleur ..... » Enfin , mon pere , ne fommes-nous » pas trop heureufes > de ce que Dieu, » en exer^ant fa juftice,verfe fes graces *» 8c fa benediction , pour nous la » rendre utile. C'eft vous , rnon P pere, qui, joint a notre fouverain » Pontife, nous obtenez les graces du » pere des mifericordes Je me fuis aflTez »> mal portee cette nuit de mon op- »» predion, 8c je crois qu'elle me con- » duira peu a peu a la fin des maux » de ce monde. II me femble que , » graces a Dieu , je ne defire ni la » mort ni la vie , mais 1'accomplif-* » fement de fa fainte volonte en » Tune & en l'autre. J'efpere que je ne » ferai jamais feparee de vous, 8c » que vous nous ofFrirez toutes a Dieu, f» qui nous a donnees a vous, & vous Gy
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5 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
*» a donne un fi violent defir de nous
« reprefenter a lui fans tache. Que » fon infinie mifericorde nous fade » la grace d'y correfpondre plus fide- i* lement que nous n'avons fait , 8c » que je fois vraiment en notre Sei- *» gneur Jefus-Chrift , votre , &cv »> Ce m'eft une grande fatisfadtion de » vous ecrire. La malheureufe complai- " fance s'en mele. Ne ferois-je pas; » mieux de m'en priver, puifqu'il n'y « a point de necefllte , vous aiant. » aflfez prefent pour mon foutien i » Faites le retranchement en toute li- *» berte, fi Dieu vous Tinfpire. M* Singiin dans une nouvelle lettre
lui aiant offert de Taller voir , fart* craindre les rencontres qui lui pour- roient arriver, afin qu'elle eut la cort- folation de decharger encore fon caeur dans le fien *, elle lui fit cette reponfe : *» Mon vrai pere , vous etes ii bon , m que vous augmentez mon efperance * en la bonte de Dieu , voi'ant que » celle qu'il vous a donnee pour moi »> n'en eft qu'un rejaillifTement Sc une » petite parcelle. Comment pourrois- « je douter de la fienne, me tenant »» fi.afluree de la votre, parcequ'elle <* vient de lui i Aufli vous vois-je en «• lai Ii prefent a que je nTai point le |
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I. Part IE Liv. X. 59
» moindre defir de vous voir autre-
» ment , puifque c'eft l'ordre de la « Providence, & j'ai plus vu que je ne » voulois M. de Saci , parceque je » crois que Dieu nous oblige a de- » meurer dans le feul necefTaire, fans » donner de la peine, ni moins en- « core mettre au moindre hafard ceux » qui font fi precieux. » Au nom de Dieu, mon Pere, ne
« vous expofez pas. 11 fuffic que vous » nous portiez toutes dans votre ccrur, *» 8c que vous nous ofTriez , comme » je fais que vous le faites fans cefTe , » a celui qui eft rempli de charite. « Priez-le , mon Pere , qu'il me fafle » la grace de vous rendre ce que je » vous dois j a quoi je manqne com- * me a mes autres devoirs. J'ai encore » eu ce matin une oppreflion li grande* . » que c'eft un fentiment de mort. La » nuit a etc bien facheufe , s'il eft « permis de donner au bien le nom » de mal; je ne mis pas (i mal pre- » fentemenr, mais neanmoins aflez »» mal pour croire que je ne puis gue- » res durer. Je furs dans une grande » langueur. Je voudrois bien ne fan- s' ger plus a la terre; mais toiijours » mon efprit vain & diftraitm'empor- » te. Faites pour moi > mon Pere * ce Cvj
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6o * HlSTOIRE DE PORT-ROlAt
1661. » que je ne fuis pas digne de faire.
» Je vous fupplie ties humblement de » m'obtenir une vraie foi, & de me » donner votre fainte benediction. ** Je ne puis plus lire ni ecrire. xxt. 11 &ut rapporcer iei un evenement, les feptder- &ont la mere Angelique fait mention
nieres novi- 1 r / r \ 1 ■ 1
ces & huit dans ia reponle a la premiere lettre
poftutames de M. Singlin , en parlant des faeurs iont forces , , <? * . >■ , , . B
Ac Conk de'quon leur avoit arrachees , & qui
p. a. Les no- ecrivoient des lettres fi edifiantes. Ces teu point fceurs etoient les novices & les poftit- jeir habit deiantesqU'on avoit forcees de fortir de P. R. La mere Agnes volant 1 orage pretafondre fur la maifon , alfembla les fept dernieres novices , &c leur a'iant expofe l'etat des chofes , leur dit qu'elles etoient dans une pleine liberie de quitter l'habit ; qu'en ne le faifant pas, elles s'expofoient a etre enlevees de force ; que par rapport a elle , elle ne pourroit pas en eonfcience le leur oter. La plupart repondirent qu'elles etoient refolues de'fouffrir toutes fortes d'extremites plutot que de le quitter. Les autres hefiterent un peu, aans la crainte qu'il n'en arrivat quelque mal a la maifon; mais enfin toutes prirent la refolution de refter quoi qu'il en put arriver (31). Le fejour qu'elles y fireiH ('}»> HifL des perfec* ch. VIII. p. rj*
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L Pa r t i e. Llv. X. 61
"ne fut pas long , il fallut ceder a la vio- \ 6 61.
lence. Le 13 de mai, qui etoit un ven- dredi, le Lieutenant civil, etant venu pour la troifieme fois a P. R,, prefen- ta a la mere Agnes une lettre du Roi, par laquelle Sa Majefte ne recevant aucune excufe fur lamaniere dont elle avoit donne l'habit aux dernieres no- vices , 8c fans s'arreter aux raifons de confcience qu'elle lui alleguoit , lui faifoit commandement d'oter fans dif- ferer l'habit a ces novices, 8c de les rendre a leurs parens. Les meres ne crttrent pas devoir re-
iifter a un tel ordre pour ce qui regar- doit la fortie , parcequ'elles jugeoient bien qu'on le reroit de force -7 mais pour l'habit, la mere Agnes declara encore une fois. aux novices qu'il etoit en leur liberte de le quitter on non , mais que pour elle , elle ne pou~ voit en confcience le faire. Cespau- vres filles fe trouverent dans une gran- de perplexite , ne fachant quel parti prendre ; deiirant d'une part de confer- ver leur habit 8c la qualite de novices., 8c craignant de l'autre d'attirer fur leur abbeile 8c fur la maifon la coleredu. Roi. Ce qui augmentoit encore leur embarras, c'eft que perfonne ne voti^- loit 8c ne pouvoit leur dormer confeil^ |
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£z HrSTOIRl DE PCKT-KOlAt:
166 ir & qu'on les laiflbit dans une liberte
abfolue de faire par elles-memes ce que Dieu leur mettroit au asm. On leur prefenta meme leur habit feculier, mais pas une ne put fe refoudre a le prendre. M. d'Andilly s'etant trouve la , les confola 8c les encouragea a de- meurer fermes dans l'etat ou Dieu les avoit mifes , quoi qull en put arriver. Comme elles y etoient deja fort por- tees d'elles-memes, elles fe fentirenr tellement fortifiees par ce que leur dit M. d'Andilly , qu'elles fe refolurent a fe laifler plutot mettre en pieces que d'abandonner leur voile &c leur habit. EfFectivement elles ne le quitterent point, lorfqu'elles fortirent de la mai- ibn le lendemain 14 de mai. La mere Agnes craignoit de commettre une in- fidel ite en vers Dieu Sc envers ces no- vices , ft" elle leur eut ote par timidite St par la crainte d'une puiliance fouve- raine , l'habit Sc la qualite qu'elles a- voient recus , &c de les ravir a Jefus- Chrift apres les lui avoir ofFertes ; mais par refpect. pour les ordres du Roi on leur mit des echarpes fur la tete pour cacher leurs voiles. 11 fortit done de P. R. de Paris le
famedi 14 de mai quinze perfonnes* Javoir huit poftulantesSc fept novices* |
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I. P A R T I E. LlV. X. 6$
Ce qui caufa un grand deuil dans la \&6\ *
maifon 8c la remplit de cris 8c d'al- larmes , tant de la part des filles ,. des. parens , 8c de ceux qui ailifterent a un n trifle fpe&acle , que de la part des religieufes qui fe trouverent a leur for- tie. Plufieurs perfonnes egalement re- commandables par leur piete 6c leurs lumreres, approuverenr 8c louerent la: conduite qu*avoit tenue la mere Agnes* en laiffant l'habit a ces novices. II y eut meme des Eveques qui dirent que e'etoit une chofe inouie que d'oter le voile a des novices , 8c qu'eux-memes ne le pourroieut pas faire (31), Du norobre de ces fept novices etoit xxir:
la four Magdeleine Claude (3 3) de Ste cla5J,deljJ* Gertrude Baudran, elevee a P. R.depuis Ste Gertrude" 1'age de neuf ans. Elle en avoit quinze baudran, no^ Jorfqu'elle fut guerie miraculeuiement en 16 5 7 par la vertu de la fainte epine,. d'un mal dangereux donr on ne pou- voit efperer humainement la gueri- fcn , que par de violentes operations-,, dont revenement etoit for douteux.- La jeune perfonne comprirbien qu'u- ne fl grande grace demandoir qu'elle* confacrat fon cosur 8c fon corps a celtii fji) XITI Rel'. de fa 1 nom dans le mandemejtfi
parti-:T. i, p. 114 des grands Vicaires*- foj# Qti- lul donne «■•:-'■
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Gdf HlSTOlRE DE PoRT-ROlAL.
de qui eile la recevoit. Elle fit vosti
a l'heure meme de fe faire religieu- fe (34). On pent dire avec la mere Angelique de faint Jean , que la pli- nitude de fa volonte a rendu ce facri- fice par/ait 9 quoique I'execution nyen- ait pas etc en tiere aux ytux des hom- mis, ai'ant ete forcee de fortir de P. R. avec foixante-quinze filles tant pen- fionnaires que poftulantes &c novices. Car fi elle ne put demeurer dans le monaftere , dont on l'arracha par force, jamais on ne put l'obliger a quitter fon habit de novice *, elle le porta dans le monde , afin de s'y re- garder comme dans une terre etran- gere, en attendant qu'elle put y reve- nir. Mais Dieu , content de fa bonne volonte , recompenfa bien-tot fa fide- lite j ouvrant a fon ame , au bout de treize mois, le fein de fa mifericorde, & a fon corps la porte de P. R. oil il fut inhume. Elle mourut le 14 juin 166 z , dans une maifon feculiere , ou elle avoit vecu comme dans un mo- naftere. Il y eut une poftulante , qui etok
entree pour etre freur de chceur , a qui les meres propoferent de fe faire poftulante converfe, parceque les or> 1 00 y™ cdif, T. j, BaU XLI. p. 166, i&jr
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I. Partie. Liv. X. 6$
dres de la cour.ne s'etendoient pas aux converfes. Cette pieufe fille , nom- inee Louife Magdeleine de Hanneau de la Charonniere» accepra la propo- sition avec joie , 8c refta. Lorfque la paix fut rendue , on lui offrit le rang de foeur de chceur; mais elle le refufa humblement. Elle mourut en 1^92. Deux jours apres cette cruelle ex-
pedition (55), la mere Angelique en ecrivit dans ces termes a M. de Sevi- gne , qui depuis environ un an avoir embralTe la penitence, &c etoit lie d'u- ne etroite amitie avec P. R. » Enfin » le bon Dieu nous a depouillees de « tout, de peres , de fceurs 6c d'en- » fans. Son faint nom foit beni. La 9 douleur eft ici, mais dans la paix » & la foumiflion toute entiere a la » divine volonte , 8c nous fommes « perfuadees que cette vifite eft une « ties grande mifericorde de Dieu fur » nous, &c qu'elle nous etoit abfolu- »> ment neceflaire pour nous purifier » & nous difpofer a faire un veritable » ufage de tant de graces que nous w avons recues. Cro'iez-moi y fi Dieu .»» daigne avoir fur nous des defleins » de plus grande mifericorde, laper- « fecution ira plus avant. HumilionSr (}5) KJmai Ntft. Lett. 1038. T. 3,, p. t,UL
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66 HlSTOlRE Vt PoRT-ROlAi;
1661. " nous de touC ^e coeur 5 POLir nouS
« rendre dignes de fes faveurs fi ve- n ritables 6c (1 inconnues au monde. La mere Angelique confiderant qu'il falloit qu'on eut etrangement prevenu l'efprit du Roi pour le porter a des chofes fi extraordinaires , 6c dont on ne voit aucun exemple dans un Prince chretien , fe crut obligee de juftifier rinnocence de la maifon par une let- tre qu'elle adrefTa a la Reine-mere. Elle la didta a plufieurs reprifes , ne pouvant plus ecrire elle-meme. Elle eft datee du 25 Mai (36). Madame,
xxm., » L'etat oil je me trouve reduite par
Lettre de la M mon feQ par une lanoUeur COllti-
que a la Rfl- » nuelle 3 6c par une maladie qui m a
fa m"fliS'" m^e en ^rat depuis Peu de jours
tioa dc P. R. » de demander les Sacremens au mi- >> lieu de la nuir , necroiantpas vi- t, vre jufqu'au jour , me rend fi pre- »» fente l'obligation d'aller paroirre »» devant Dieu, pour lui rendre compte „ de toutes les a&ions de ma vie, que jw fi je me confiderois feule, je ne pen- I* ferois peut-etre plus a me juftifier >» fur la terre devant votre Majefte (5«jMfitti. du Folic , p. i8j 8c fuiv.
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I. Parti e. Llv. X. 67
» des impreffions defavantageufes 1661.
» qu'on s'eft efforce de lui donner
» touchant la creance 6c la conduite
» de cette maifon : car, Madame ,
» etant penetree comme je le fuis de
« la frai'eur de ce jufte juge , qui de-
*» couvrira les replis les plus caches
» de notre coeur , & expofera nos
» fautes fecretes a la lumiere de fori
n vifage , la rigueur de fori jugement
*> que je ne perds point de vue, me
» porteroitaifementame metcre moins
» en peine de celui des hommes.
» Mais je craindrois , Madame.,
»> d'offenfer celui-la meme, dont j'ap-
» prehende la juftice s fi Votre Majef-
» te tenant en quelque forte fa place
» ici-bas, je negligeois de me jufti-
» fier devant elle, dc fi je manquois
« de rendre a mes faeurs , queje vois
« accablees d'affii&ions & de douleurs
w le temoignage que je crois devoir
» a Dieu & a la fincerite de leur conf-
« cience, & que je rendrois , ce me
w femble, au peril de ma vie, a la
» maifon du monde qui me feroit la
» plus etrangere, n* je la croiois affli-
« gee comme celle-ci 6c que je la
»> crude innocente. C'eft cette pen-
» fee, Madame , qui me portea m&
w jetter avec un profond refpecl aux
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£8 Histoire r>s Port- roiai.
» pies de Votre Majefte , avant que « de paroitre devant celle de Dieu, w nedoutant point que je ne trouve » en votre peifonne facree cette bon- » te 8c cet amoui: de la juftice qu'il » imprime dans le coeur des Rois chre- » tiens , 8c qu'il appelle l'aftermiffe- » ment de leur trone. » Je fais , Madame , qu'on a ren-
>j du la creance de cette maifon fuf- » pecte a Votre Majefte, comme fi » nous etions engagees dans l'erreur a 8c dans l'herefie ; 8c j'avoue que s'il ** etoit vrai que nous rullions coupa- » bles d'un fi grand crime, l'indi- » gnation de Votre Majefte centre « nous feroit fans doute ties jufte ; w & je devrois etre la plus coupable » de routes, etant ce que je fuis dans » cette maifon , ou il y a plus de cin- 9* quante-cinq ans que j'ai rec^u le » voile facre avec la qualite d'abbeflTe. » Ce que je ne puis dire, Madame , » fans beaucoup de confufion, dans » la connoilTance que j'ai d'en avoir » toujoursete tres indigne , 8c n'aiant w jamais pu avoir de repos jufqu'a ce » que Dieu m'en ait ennn delivree. » J'ai neanmoins cette confolation,
» Madame, que fa bonte aiant en com- p> pailion de ma foiblefle, qui etoit ac- |
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I. Partie. Liv. X. 69______
** cablee fous le poids de cetce char- 1661.
» ge , apres m'avoir foutenue pen-
» dant plufieurs annees par les con-
» feils des perfonnes qui etoient alors
» celebres par leur piete, il m'a fait
» la grace de me donner enfuite pour
» principal conducteur dans la vie
» religieufe le bienheureux Francois
» de Salles , qui n'a pas dedaigne
» de me regarder toujours com me
» Tune de fes lilies, quoique j'aie uf£
m fi imparfaitement de l'avantage que
3> j'avois d'avoir un tel pere. C'eft ce
» faint Prelat, Madame; qui a connu
» plus qu'aucun autre le fond de mon
» cceur , & de qui j'ai tache de pren-
» dre l'efprit veritable qu'on doit inf-
»» pirer aux ames qui quittent le mon-
» de pour fe confacrer entierement &
* Dieu, fa conduite li pure & ii fainte
» m'etant demeuree gravee dans le
» cceur comme une regie fur laquelle
» je devois examiner toutes les autres
» que je pourrois avoir a l'avenir.
» Je puis protefter a Votre Majefte
» devantDieu, dontj'apprehendein- » liniment plus le jugement que tous »» les maux de la terre , que je rien » ai trouve aucune qui lui fut 11 fern- h blable que celle que nous avons t> recue depuis vingt-cinq ans & fu| |
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■JO HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI.
«<j<ji# » laquelle on nous accufe aujourd'hui.
" Je dis ceci, Madame , devant Vo-
. » tre Majefte avec d'autant plus d'af-
»» furance , que c'eft le jugement qu'en
» a porte la perfonne du monde qui
» etoit la plus entree dans fes fen-
" timens &: dans l'efprit de piece de
» ce bienheureux Eveque, qui eft feue
« Mrae. de Chantal. Car Dieu m'ai'ant
" fait la grace d'etre unie avec elle
» d'une amitie tres etroite, elle m'a
» fait l'honneur de me venir voir di-
" verfes fois •, &; dans la derniere de
» fes vifites, oii elle pafta deux jours
«» dans cette maifon» un mois leule-
» ment avant fon heureufe fin , j'eus
« le bien de l'entretenir avec une en-
» tiere liberte couchant la conduite que
»« Dieu nous avoit donnee •, & elle la
w trouva fi conforme a. celle de fon
» bienheureux, pere, qu'elle fouhaita
« meme d'etre connue plus particu-
»> lierement de ceux de qui nous la
« recevions , & d'etre confolee par
»> leurs avis dans les peines d' e prit
" dont Dieu Texercoit, comme il fe
» voit par quelques lettres qu'elle m'a
»> fait l'honneur de m'ecrire & qui font
»» entre les mains de tout le monde.
» Quant a ce qui regarde , Mada-
, w me , les erreurs contre la foi, dont
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I. Parti e. Liv. X. 71
» on dit que cette maifon a ete depuis » infe6tee , je declare devant Dieu a »> Votre Majefti que nos diredteurs au » contraire ont un foin fi particulier » de ne nous entxetenir jamais & de » ne permettre point qu'on nous en- » tretienne de ces matieres conteftees » qui font fi fort au-defTus de notre » fexe & de notre profeflion, que » bien loin de nous en donner aucune » connoiflance , ils nous ont toujours » eloignees de tout ce qui avoir la " moindre apparence de conteftation » & que pour cette feule raifon on ne » nous a jamais fait lire aucun des li vres ■» memes, dont le fujet eft plus edi- » fiant, comme entr'autres celui de la » frequence communion. Car nou?n'a- » vons jamais defire, Madame > que » de vivre dans la fimplicite chretien- " ne, comme ctant humbles filles de » l'Eglife, reverant le Pape comme » en etant le Chef & le Vicaire de u Jefus-Chrift, & tenant pour bien « condamnees les erreurs 8c les here- » lies qu'il a condamnees. C'eft-la, Madame, l'etat veritable
.» de ce monaftere en ce qui regarde >, routes les queftions prefentes. Et ,, quand celui que MeiTieurs les grands » Vicaires yont envoi'e s'en informe* |
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71 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
» ra avec toute l'exactitude poffible ,
»» je fuis tres aifuree que nos fceurs »> lui repondront avec une entiere fm- » cerite, puifque nous n'apprehen- » dons nullement que toute l'Eglife » fache la maniere dont cette maifon » a ete conduite jufqu'a cette heure ; » &c tout ce qu'il y pourra reconnoitre m & que fes filles pourront declarer , »» eft qu'elles n'ont aucune connoiflan- » ce de ces matieres , dont elles font » tres incapables & qui ne les regar- » dent nullement. C'eft pourquoi j'o- » fe, Madame , dire a. Votre Majefte » que ce m'eft une affliction bien » fenfible de voir que des religieu- m fes qui ne cherchent qu'a fervir Dieu » dans le fecret & dans le filence , » foient traitees comme elles le font » par cette feule raifon, qu'on fup- *> pofe qu'elles font inftruites & qu'el- w les s'intereflent en des chofes qu'el- *> les ignorent & qu'elles veulent & » doivent toujours ignorer.C'eft pour- » quoi , Madame , je puis dire a Vo- n tre Majefte , qu'au lieu que quel- » ques perfonnes eroient que les filles w de ce monaftere font d'ailleurs ver- m tueufes , mais que leur foi n'etant m pas faine , toute leur vertu doit etre w fufpe&e, je fuis au contraire tres » perfuadee
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'I. Part i e. Llv. X. 75
« perfuadee que pour ce qui regarde " la foi, nous n'avons nullement a ap- » prehender le jugement de Dieu, " etant par fa mifericorde tres foumi- " fes au Pape & tres attachees a 1'E- " glife catholique, dans laquelle nous » iommes nees, & fommes tres refo- » lues avec la grace deDieu de vivre » Sc de mourir. Mais au contraire , » Madame , je tremble quand je con- » fidere la purete de cceur que Dieu » demande de nous. Et il a permis »> peut-ctre que nous foi'ons tombees » dans 1'affliction & dans Pabandon- » nement de tout le monde, ou nous " nous voions reduites, parcequ'il n'a n pas trouve en nous cette parfaite t> purete que notre profefflon deman- » de. Mais j'efpere, Madame , qu'a- 5> pres nous avoir nourries quelque » tems du pain de larmes , & que » nous aurons adore dans une humi- » lite profonde fa main paternelle qui " nous chatie, il fera naitre le calme » de cette tempete , & que fa mife- « ricorde appaifera fa colere. Cette » efperance qu'il me donne, Madame, » me fait croire en meme-tems qu'il r> fe fervira pour cela de la piete de v Votre Majefte & de la fagefle du « Roi, comme il fe fervit de celle de Toms IF. D |
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74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
166i7 " Philippe II, ai'eul de Vos Majeftes,
w pour tirer fainte Therefe de la plus j> grande perfecution qu'elle ait fouf- » rerte durant fa vie. » Car nous voions dans fes ecrits ,
« que le Pape meme aiant ete mal « informe contre elle & contre les re- »> ligieufes de fon ordre , 8c fon Non- » ce qui avoit etc prevenu auffi bien » que Sa Saintete, portant cette af~ » faire, comme elle le difoit elle me- » me,dan> la demiere violence,lorfque " tout paroiflbit defefpere, Dieu lui » revela qu'elle s'adreftat a (on Roi & » qu'il les traiteroit en vrai pere. Et « il eft fort remarquable, Madame , » que dans la lettre qu'elle ecnt a ce " grand Prince , elle marque qu'on » accufoit de crimes terribles & mc- » me d'hereiies les peres de fon or- » dre qui etoient ks fuperieurs & de » grands ferviteurs de Dieu, & qu'el- » le fupplie Sa Majefte de ne point » ecouter toutes ces accufations. Car » ajoata-t-elle, d Votre Majefte les »•> ecoute dans un lieu , ou Ton eft auili „ peu informe de la verite de ces cho- »> fes, comme dans la Cour, on n'au- » ra r oint de peine a faire pafter cqs t> perfonnes pour heretiques. w Nous efperons, Madame , que,
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T. Partie. Liv, X. 75
*> Dieu qui tient entre fes mains le 1661, » ccenr desRois couchera celui de Vos » Majeftes, comme il fit alors celui de " ce fage Prince, & les portera a avoir » companion de rant de filles , qui " quelqu'affligees qu'elles foient n'ofe- » roient fe plaindre que leur foi foit » devenue ftupecle & odieufe , quand m elles confiderent que la meme chofe » eft arrivee xlans ces derniers terns a 5) cette admirable fainte , en compa- >' raifon de laquelle nous n'oferions --> meme prendre le nom de religieu- » fes. J'ofe croire , Madame, que Vo- 3> tre Majeft^ me permettra bien de lui t> faire la meme fupplication qu'elle » faifoit a ce grand Roi , qui eft de m fnfpendrefonjugement, pour ne pas » ajouter foi aux accufations injurieu- " fes dont on nous charge depuis fi » long-tems, &qu'on renouvelle main- » tenant plus que jamais. m Car ce n'eft pas d'aujourd'hui ,
» Madame , que nir le fujet de quel- le ques difputes ou nous n'avions au- » cune part, on s'eft efforce de nous » faire palfer pour heretiques : il y a « neuf ou dix ans que le pere Brifa- » cier fit un libelle , ou il nous repre- ,> fenta comme des perfonnes enga- m gees dans l'herelle & plongees dans |
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<j6 HlST.OIRE DE PoRT-ROlAt.^
TicfiT" " toutes fortes de crimes, car voici ,
» Madame, les termes dont il nous » depeignit: Suivant ks regies pref » cr'ues aux filks du faint Sacrement, » quelks feront tenu.es dobferver, fori »fera une nouvelle religion, oil Von » appelkra les filks impenitentes , ks » dejefperees , ks afacramentaires , ks » incornmunicantes , ks phantajliques , „ &c. , les vierges/blksy & tout ce qitil „ vous plaira, dont l'original en /era >, au P. R. & autre part la copie. Sur v quoi, Madame, m'etant crue obli- . » gee d'ecrire a feu Monfejgneur 1'A.r- m cheveque de Paris notre fuperieur , ,> pour lui demander , ou de nous pu- « nir fi nous etjons coupables de tcus „ ces crimes , ou de reprimer l'auteur » de ce libelle , fi routes ces accufa- „ tions etoient faufles , apres l'avoir » vu $c fait examiner avec beaucoup » de foin , il lecondamnacomme con-r „ tenanr une infinite de calomnies , au »» nombre defquelles il met comme ,* la plus grande , l'accufation d'here- » fie. Voici , Madame fes propres ter- „ mes : Cet auteur, fous pretext?, de „ defendre lafiine doctrine de VEglife , „ a telkment exerce fa paffion & s'eft .,» tant oublie que de charger une com- m munaute' teligiwfe de cette v\lle ^ |
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I. P A tL t i e. Liv. X. 77
*> d'infinites de calomnies & d'oppro-
» bns, jufqu'a Vaccuftr d'here/ie quant » a la doftrine. Et quoique cette cen- *> fure efit ere publiee aux prones de *> toiues les paroiftes deParis cela n'a pas >» empeche neanmoins que ces perfon- >> nesn'aient toujours continue dere- » nouveller ces memes accufations, 8c » que le pereNouet n'ait foutenu hardi- » ment dans un livre imprime , que " nous necro'kms pas la realite de l'Eu- « chariftie , c'eft-a dire que portanc « l'habit de religieufes nous fommes *> calviniftes; & qu'erant fillesdu faint » Sacrement * nous ne croi'ons pas » au faint S acrement. » Votre Majefte voit aifevnent que fi
* onecouteencorecesmemesperfonnes, *> qui fe font declarees fi publiquement 3> contre nous, ils nous feront palTer » fans peine pour heretiques, comme " ils le foutenoient alors d'une maniere » fi outrageufe. Je puis dire avec toute » la fincerite que je dois a Dieu 8c a » Votre Majefte, devant qui j'ai fhon- » neur de parler , qu'il n'eft arrive de- » puis cette eenfure aucun change- » ment dans cette maifon •, que les » memes perfonnes, qui nous ont con- » duites depuis,nous conduifoient alors » 8c nous ont toujours laiftees dans la- D lij
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78 Hrs'Tomt Da; PoKT-RoiAE.'
» meme ignorance de routes ces ma-
» tieres 5 &c qu'ainfi nos accufareurs » ai'ant ete condamnes en ce tems-la » de calomnies & d'impofture pour *> nous avoir accufees d'herefie , nous. » ne voions pas ce qui peut aujourd'hui » nous rendre coupables. » Mais , Madame , la voix du paf-
» reur n'ai'ant pas eul'autorire d'arre- *> ter ces calomnies, Dieu a parle lui- » meme en none faveur , &c par des » miracles vifibles & approuves par l'E- » glife , il s'eft declare a la vue de tout » le monde le prote£fceur de notre in- >• nocence. C'eft ce qui nous fait ef- » perer, Madame, que comme il s'elt »> rendu par fa mifericorde d'une ma- s' niere n extraordinaire le defenfeur j> de cette maifon , il nous fera la » grace de rendre aujourd'hui Votre » Majefte la prore&xice de fes fervan- » tes. J'ofe attenclre, Madame , que » votre extreme bonte me permettra » bien de me confoler dans cette ef- » perance qu'elle ne dedaignera pas » de reeevoir cette lettre , comme les. » dernieres paroles d'une perfonne » mourante , qui pcnfe plus a l'autre » vie a laqaelle elle touche , qu'a. cel- » le-ci qu'elle va quitter , & qui por- » tera avec un profond refped jufques* |
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1. Part ie. Liv. X. 79
!.> dans le tombeau la qualiri qu'elle a \(,(,\, » re^ue de Dieu & qui lui eft cherev » par fa propre inclination, qui la rend „ Madame , de Votre Majefte , la tres ;. humble he tres obeifTante, tr£s fidelle « fujette & fervante fosur Marie An- » gelique de fainte Magdeleine. Du » monajiere de Port-Roial le %S mai » l66l (37) ».
Une lectre fi fage & fi propre a juf- xxiv.
tifier l'innocence des religieufes demala^er^ P. R. ne produifitpas plus d'effet que mete Angeli- la belle apologie de Tertullien en fa-que" veur des chretiens. La perfecution con- tinua contre P. R. (3 8), avec autant de vivacit^ qu'auparavant (39). Ce qui arrivoit chaque jour, contribuoitbeau- coup a augmenter la maladie de la mere Angelique. Son oppreffion devint fi forte le matin premier juin , qu'on crut qu'elle alloit etouffer. Elle re§ut (;7) H 'ft dit dans Ies fairc a U Reim , au fujtt
memokes pour fervir a la des injufiues que I'on avoit
vie de la mere Angelique, commifes a I'egard des reli-
T. 1. p. 1 )4 , quelle AiHu gieufesde P. Jt. Cecexcel-
ce/ie Ultrt * plufieurs re- lentprojet fe trouve par-
frifes & a diveri fours, mi Its lettres' de M. At-
Nous ne favons fur quel nauld, p. it, T.IX.Nouj
fondement l'auteur de la ignorons s'il fut pre(ent£ ;
vie de M. Nicole l'attribue mais il n'eut pas plus d'ef-
a ce theologien & a M. fet que la lettre de la mere
Arnauld. Angelique.
(38) Ondreflapeuaprcs (39) Hift. des perrec-
( dans le mois de juin ) un ch. XII. p. 1 j , 14 , 1 .$».
frojtt de rtmonumces k D iv
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8o HlSTOmE BE PORT-ROIAC,
le faint Viatique & rExtreme-OndHonr
& on fit les prieres de l'agonie. La mere Agnes lui ai'ant demande fa be- nediction pour elle & pour toutes fes filles , elle fit figne que cela ne lui ap- partenoit pas : & le confelfeur, M. Dumont, 1'aine de Meffieurs Akakia, lui ai'ant dit que la qualite que Dieu lui avoir donnee de mere de toute la maifon lui donnoit droit de les benir, elles baifTa les yeux & frappa trois fois fa poitrine y fans donner d'autre reponie. Apres quelques heures l'op- frellion diminua, mais le lendemain
etouffement & la convulsion luirepri- rent : dans cet etat violent,. la malade fouffroit de fi vives douleurs qu'on doutoit s'il lui reftoit une heure a. vi- vre. Cette oppreffion lui etoit une con- tinuelle image de la mort & la tenoit dans une fi grande inquietude, que pendant tour le terns qu'elle duroit & meme quafi pendant toute fa mala- die , elle ne put repofer une heure fa tete fur le chevet. Elle etoit jour 8c nuit ailife fur fon lit & les jambes a rerre hors du lit; on on la mettoit dans une chaife , fur laquelle elle ne pouvoir pas meme s'appuier, parce- qu'il falloit qu'elle fut toujours pan- chee par devant, l'oppreflion i'emp£> chant de fe renverfer..' |
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f. Fartie. lLiv. X. §Y
Mais quelques vives que fuflenrles 1661.
douleurs que la mere Angelique fouf- xxv. froit dans fon-corps, ces douleurs n'e- .j£. P',nef toient nen en comparaifon des pei^ fes fentimeas nes interieures ,. par lefquelles Dieu £sr 'f*'X^! la fit palfer pour la purifier de plus en ces,&c- plus (40). La mort lui demeuroit tou- jours prefente a l'efprit: elle ne penfoit qu'a cela, elle ne parloit d'autre chofe •, enforte qu'elle pouvoit dire avec l'A- potre, quotidk morior. Elle avoir une idee fi grande de la faintete de Dieu 8c de fa propre indignice qu'elle fe per- doit dans cette vue (41). » Croiez-moi » mes enfans-, difoit-elle quelque- « fois d'une maniere qui auroit fait " trembler les moins timides, croi'ez »» ceque je vous dis ;onne faitce que: » c'eft que la mort & on n'y- penfe » point. Pourmoi, je l'ai apprehendee » toute ma vie, & j'y ai toujours penfe » mais tout ce que j'en ai imagine » eft moins que rien en comparaifon » de ce que c'eft , de ce que je fens; » & de ce que je comprens a cette heu- *» re; line faudroit que cette panfee »» pour nous detacher de tout. Main-- (40) Voi'ez la lett. i', des peines d'efprit qu'elle'
T. j. de M. Araauld a la fouftroit.
mereAgnesfiit latnaladie (41) lb. p. if. & fa focur, ou ii pads
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13 vy
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ft Histoi-re de Port-roYae..
1661," » tenant tout le monde m'eft mdins.
» que rien.....De la maniere
» que j'e con^ois ce que c'eft que la
» mort, je ne faurois plus compren- » dre comment un chretien qui a la » foi peut penfer , peut s'inquieter & « peut s'occuper d'autre chafe en tou- » te fa vie, que de fe fouvenir qu'il » faut mourir & qu'il faut fe prepa'- » rer pour cette heure fi terrible », Elle paroiflbir ii penetree de cette-
penlee qu'elle ne prenoit plus de part a quoi que ce fut •, elle.rre. demandoit autre chofe des perfonnes.en qui elle avoit confiance pour fa conduite , fr- non qu'ils lui dilfent quelque chofe pour foutenir fon efperance en Dieu , Sc. qu'ils le priaifent pour elle de lui pardonner fes pecfo£s, Toutes les fois qu'on lui demandoit ce qu'elle vos- loit qu'on dit de fa part aux fceurs de P. R. des champs, elle n'avoit qu'une. me me reponfe : Qu'elles prient Dieu: quit me faffe mi/iricorde & qu'il me pardbnne mes peches. Vers ce tems4a, comme M. Singling
fe vim: voir fecretement,. apres qu'elle lui eut parle de fes peines,& re$u. fes. avis ave.c fa foumiffion ordinaire, elle lui dit d'une voix toute mourante c Jkns: v.oMsreyxrmlglus:mongers,, main |
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I. Part ie. tiv. Jf. v$
j>c vous promtts que. je naurai done plus \jS6i> peur de Dim. Il femble que ce n'etoit pas aflTez
pour cette fainte religieufe de fouffrir en paix les epreuves que Dieu lui en- voi'oit & a ion monaftere , mais que felon 1'exprelTion de faint Paul, elle fe glorifioit de ces afflictions & de ces fouffirances. Une Dame l'ai'ant vifitee dans le commencement'de fa maladie, & l'entretenant fur tout ce qui fe paf- foit, » Madame , lui ditla mere An- » gelique, quand je confidere la di- » gnite de cette affli&ion-ci, elle me fait » trembler.Quoi nous ! Que Dieu nous. » ait jugees dignes de foufFrir pour la » juftice & pour la verite, fans dome » nous ne meritons pas cela ». Parlanta • une autreDame fur le meme fujer, mais en l'envifageant fous un autre point de vue „ en regardant TefFet 8c non la caufe de cette affliction, elle lui dit: » Certainement, Madame, Dieu fait » toutes chofes avec une admirable » fageffe & une graiide bonte. Nous; — avions befoin de tout ce qui nous » eft arrive pour nous humilier. H » eut ete dangereux pour nous de de- »> meurer plus lbng-tems dans notre-- « abondance. Il n'y avoit point em » France-de; maifon qui fut plus com*~ D vj,
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84 KlSTOIRE DE PoRT-ROlAE..
1 (j<j 1," » bleedebiensfpiricuelsd'inftrudions.-
» On parloit de nous par tout. Croi'ez- » moi, il nous etoit neceflaire que Dieu » nous humiliat. S'il ne nous avoir » abbaiflees , nous ferions, peut-etre » tombees. Les hommes ne favent pas » pourquoi ils font les chofes, mais » Dieu qui fe fert d'eux pour fes def- » feins, le fait bien (41 j ».. Elle ne voi'oit que la main de Dieu
dans tout ce qui arrivoit, & elle ne pouvoit fouftrir qu'on s'en prit aux hommes. Elle ne permettoit point qu'on dlt rien qui marquat quelque relTentiment ou mepris- de la conduite de ceux qui les affligeoient, voulant qu'au lieu de s'en entretenir. on priat Dieu pour eux , comme TEyangile l'ordonne. Cinq jours avant fa mort., aiant fu qu'une religieufe avoit deman- ded, a l'occafion de l'ordre donne par le Lieutenant civil de faire. murer les partes de cloture & des jardins , « s'il M.n'eroit point a craindre que ceux qui »>faifoient murer ces portes , ne fe fer- M.mafTent a eux-memes celleduCiel».,, elle dir d'un ton qui marquoit fa cha- riie & fon zele : » II nefautpas dire- n.cela, mis enfans.. IL faut. pritr Dhu. <4i);XinR*l:.T. 1 , pi J43; Hiil. des ptrfec. p;
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T.. Parti e. I'm X. ff
rrpour eux & pour nous qu'il nous'"'kJ6j ' 53 fajfe mifericorde A" JU-'iV accomplice » fa fainte voLonte. Acres que la mere Angelique eut ete xxvi.
f * • r j j /• Suite dels'
pendant trois lemaines dans des opprek mai»aiede la*
lions fi violentes , qu'elle fembloit a mere Augeli-. route heure devoir mourir , l'oppref-<1US" fion cefla ,.-.&. la malade tomba dans une efpece d'afloupifTement, qui ne parut pas moins dangereux aux mede-*- cins. lis ordonnerent qu'on le combat<- tit fans cede ,. en la divertiflant ;.cette {>etite violence qu'il lui falloit faire pour
a reveiller , fut.un fupplice a. l'efprit & au corps, parcequ'elle etoit li occii4- pee de la peniee de Dieu & de la morr,> que e'etoit pour elle une veritable pei*- ne d'entendre parler. de chofes indirFeV • rentes. » Nous ne devrions , dit-elle ,, "nonpluspenfer aumonde pendant no~ 3i trevie, que nous y penfons a I'heure » de lamore,». Parlant une autrefois: de 1'impuuTance ou xeduit la maladie , & df 1 importance qu'il y a.de ne la- pas attendre.pourfepreparer a.lamort,, elle difoit: w Je n'ai jamais mieux conv- u pris qu'a prefent ce que 1'Ecriture s» dit, que la ou l'arbre tombe il faut « qu'il y demeure ; car viritablemefir 33 dans, les, maladies, l'arbre eft deja:. m comme tombe, & l'on eft incapable.* »> de.to.utes.chofes;w.. |
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86 HlSTOIRE DE PoKT-ROlAi;.'
i6-6i. L'afToupiflTement de la mere Angeli^-
que fe paffa au bout de quelques jours, & fa maladie tourna en hydropifie.> Elle eut neanmoins en ce terns quel- ques jours qu'elle eut plus de liberte & plus de vigueur , enforte qu'on lui parloit & qu'elle etoit en etat de s'ap- pliquer. Elle exhortoit a fouffrir avec eourage & a. efperer en Dieu-, elle inf- truifoit de la maniere de fe conduire pour ne bleifer ni la juftice ni la cha- rite •, comment il falloit rendre aux: perfonnes le refped qu'on leur devoir» fans rien relacher de 1'exactitude de la difcipiine par aucune complaifance. Elle recommandoit furtout d'efperer en Dieu , d'etre aiTure que s'il per- mettoit l'afflidion, il fortifieroit pout la fupporter. Ai'ant temoigne qu'elle feroit bien aife de voir les fceurs , on fit venir le noviciat, & elle park ainfl a 1'occafion de l'etat prefent de la mai- fon. » Je vous aflure , mes fceurs , qu'il »■ ne faut point s'etonner ni s'abbat- « tre de tout ce qui nous arrive. Iln'y » a qu'a nous humilier beaucoup. Cat ? Dieu ne le fait que pour cela. Croi'ez- » moi, on abufe des meilleures cho- » fet. L'orgueil accompagne quafi tou- » jours les richeflfes. ;■. 8c nousetions *»dans tinecectairreabondance debiens; |
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I. P ARTIE. L'lV. T. t'j
» fpirituels, qui peut-etre n'etoit pas ~
w fans, une fecrete. vanire......
» U failok que Dieu nous humiliat,
« 8c qu'il nous fit connoitre de quoi » nous avoient fervi tant de connoif- » fances & de moiens que nous avions » e«s., qui nous etoientinutiles > finous » n'en etioiis pas pius fortes pour en » fouflrir la privation ».. Le lendemain, x juillet, la commu-
naute s'etant afTembiee aupres d'elle &C les fceurs lui temoignant la peine quel- les avoient de la voir founrir en tanc de manieres , elle repondit: Lesfouf- frances ne font rien, il n'y a pas fujef de fe plaindre des maux de cent vie3. lorfquonconfiden I'etemite. On la pria de donner quelques inftruc— -rions dans un terns ou la communaute etoit privee de tout ; elle repondit :: » nous en avons after., ii nous voulons; » nous fervir de cellesquenousavons. » recues. Perforrnenenousfauroit oter wcetrefor, finousl'avons cache dans; « notre coeur ; mais on fe porte tou^ » jours A defirer quelque chofe de nou- » veau. Sainte Elizabeth dit en ce jour k w Uhdehoc mihi /par admiration de » ce que la fainte Vierge l'etoit allee; « vifiter une fcis..;:. & nous done que- )>:■ I«fu&rChi'ift vilite.-fi fouyeiir, a. iyjk |
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S'8: HlSTOIR.fi DE PbRT-ROlAt.
'» il donne tant de graces & d'ailif-
» tances, & a qui il decouvre les mer- » veilles de fa loi , ne devons-nons » point etre contentes ?• .... Nous » devrionsetre toutes appliquees a nous « foumettre a lui, a admirer la condui- »» te qu'il tient fur nous ». On lui park enfuite des novices qui etoient forties par ordre du Roi, furquoi elle dis. » N-e vous amufez poinro. tout cela, " mes fceurs, adorez Dieu , il en ar- » rivera tout ce qu'il lui plaira. . . . . » La mort &c le jugement mettront » fin a tout. Je voudrois qu'on ne s'oc- » cupat point de toutes ces chofes-la, » mais feulement qu'on regardatDieu w pour s'attacher a lui 8c fe foumettre »> a toutes fesvolontes». Elle dit en- fuite : » La mort eft une chofe terri- » ble; Il faudroit penfer fans ceiTe & « s'y preparer en fe purifiant des moin- » dres fautes. L'on en verra beaucoup »« a cette heure-la qu'on ne connok » point prefentement, & auxquelles » onn'a peut-etre jamais penfe ». Et elle ajouta : » La fete, d'aujourd'hui »> ( la Vifitation ) eft une grande fete. »■ C'eft la premiere fan&ification du »» premier fidele dela nouvelleloi; & w nors ce qui s'eft paft'e dans la fainter >» Yierge,.la premiere.eifufioa de. 1% |
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I. Par tie. Liv. X. Sj>
" grace de Jefus-Chrift fait homme," » qui s'eft faite dans la feparation des » fens & l'attention a. ecouter Dieu ». Lorfque les fceurs fe rerirerent, elle leur ait : » mes fceurs , je vous fup- » plie tres humblement de prier Dieu » qu'il me fafFe mifericorde , qu'il » m'humilie, qu'il abbaiife mon or- » gueil & qu'il me donne la patience, » encore que je ne le merite pas ». Ce font les dernieres paroles qu'elle dit a la communaute qui ne la vit plus qu'a fa mort. L'enflure augirtentoit toujours mal-
gre le fucces des remedes. Leiz juil- let M. de Contes grand Vicaire de M. le Cardinal de Retz & M. Bail le nouveau fuperieur entrerent dans le chapitre pour fake l'ouverture de la vi- fite (45), & s'aflurer felon l'ordre do Roi de l'etat de la maifon Au retour du chapitre , ils monterent a la chambre ou etoit la mere Angelique pour la voir. M. de Contes s'etant ailis aupres d'elle, lui dit:. » Vous voila done ma- (43) Voi'ezdans Vbi/loi- let, kdouteur done le*
re des ftrficHtims des teli- religieufa futent faifies,
peufes de P. g. * le detail le vceu qu'elles firent a lai
de cette viiice, le difcours fainre Vierge pour en ob-
fanatique que M. Bail fit tenir un prompt fecours^
a cede occafion !e 11 juil- * Ch.,XKM. XIX. XX.g. }t ttrfidu,.
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......-*»** „ ii minim
90 HlSTOIRE DF. PoRT-ROlAl.
i66i. " lade, ma mere, qu'eft-ce que vo^
» tremal? ellelui dit: Monfieur, je » fuis hydropique. Jefus, ma mere, " repliqua M. de Contes , vous dites » cela comme une autre chofe. Ce » mal ne vous etonne-t-il point 1 Nort " Monfieur , repartit la mere : Je " fuis fans comparaifon plus etonnee » de ce que je vois arriver dans notre " maifon. Car enfin je fuis venue ici » pour y mourir, je m'y dois preparer ; » mais je n'y fuis pas venue pour y voir » tout ce que je vois prefentement, » & n'avois pas fujet de m'attendre a » la maniere dont on nous traite. » Monfieur, Monfieur, voici le jour. »» de l'homme. Le jour de Dieu vien- t> dra, qui decouvrira bien des cRo- » fes, & qui vengera tout». Elle ajou- ta encore plufieurs chofes & lorfque M. de Contes fortit, elle lui dit qu'il ne la trouveroit pas en vie a la fin de fa vifite. Ce qui ne futque trop vrai , la vifite n'ai'ant ete conclue quele % de feptembre,pres d'un mois apres fa mort. A mefure qu'elle approchoit de fa fin, fa corifiance & fon efperance en Dieu, augmentoient pour ce qui regardoit t'afflidion prefente de la maifon. Elle eut la confolation de voir pendant le terns de la vifite, que ce qui auroit pu |
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I, P A R. T I E. L'lV. X. 9 I
occafionner quelque deTunion dans les i<J6j."
efprits ne fit au contraire qu'augmen- rer la paix, l'union & la eharite. Elle forrifioit les fceurs, & les encourageoit par fes difcours auffi animes & auili pleins de feu, que fi elle eut ete en parfaite fante, a ne fe point inquieter de tout ce qui pouvoit leur arriver. Quand vous Jerie^ dans le ventre de la baleine, dit-elle une fois a une fceur qui s'affligeoit de la nouvelle expedi- tion que le Lieutenant civil fit le 2 5 juillet, Dieu vous en retirsra. Le mal augmentoit toas les jours, &T
il s'y joignit un fi grand degout pour la nourriture , qu'elle difoit que tous fes mauxlui etoient moins fennbles que la {>eine qu'ette avoit de prendre des bouff-
ons. Le 2.7 juillet il lui prit un grand friflbn qui dura deux heures :. quand elle fentit qu'elle commenc.oit a trem- bler, elle leva les yeux auCiel, & dit en joignant les mains , Dieufoit beni ittrnelhment. Mon Dieu que voire vo- lonte foit faite etermlhment; ce qu'elle repeta piufieurs fois. Comme elle vir que les fosurs s'afBigeoient, elle leur dit: Cela rieft pets extraordinaire , j'ai toujoursattendu cefroid, la mort ne vient- fas autremmt. Le lendemain jour da; |
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«?1 HlSTOl'RE 0E PoRT-ROlAf.
fainte Anne, elle communia a detix
heures apres minuit. Depuis ce jour elle f ut toujours abbatue & parla peu. On la voi'oit feulement prier,ce qu'elle faifoit continuellement •? elle repetoit furtout pendant les derniers jours ces paroles dlfaie : Do/nine miferere nof- tri'y teenim expeciavimus : ejio brachium nofirum in mane, &falus noflra in tem- pore tribulatianis. La mere Angelique de faint Jean etant aupres d'elle quatre jours avant fa mort, & lui entendant rcpeter ces paroles, lui die lorfqu'elle eut acheve ces mots , tempore tribu' lationis : Helas ma mere ! nousyfom- mes bien arrivees a ce terns de tribula- tion. La malade fe tournant vers elle y lui repondit: // nous eft bo n, mafille. Le jeudi 4 d'aout, la merae religieu- fe l'entendant prier continuellement,. lui dit : Ma mere vous nous oublie^ , vous ne prie^ que pour vous ; auffi-tot elle joignit les mains & lui dit d'un ac- cent a percer les Cieux : Mon Dieu faites-nous mifericorde a tous ,je disk "tous, mon Dieu , a tous , & elle ajouta : Particeps ego fum omnium timentium te & cuflodientium rnundata tua. Qui timent te videbunt me 6* /*-- tabimtur, quia in- verba tuaJupcrJperavL |
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I. Partie. Liv.X. 95
In te Domine fperavi, non confundar in uternum (44). Aiant dit cela avec peine , elle retomba dans fon aflbu- pifTement un peu de tems , puis fe reveillant , elle dit plufieurs fois , adieu , adieu : la mere Angelique de faint Jean lui ai'ant demandepourquoi elle difoit cela , elle repondir : Mes enfans c'ejl que je menvais. Le lendemain matin, 5 aoiit, le me-
deein la jugeant fort baiflee fut d'avis qu'on ne dirferat pas a la communier en viatique pour la troifieme & der- niere fois. Alette proportion elle s'e- veilla tout-a-fak , & toujours tres at- tentive a. s'occuper de la priere , elle difoit tout bas quelques verfets des pfeaumes pendant qu'on preparoit la chambre. Elle re^ut le faint Viatique avec une ferveur d'efprit qui ani- moit tout fon vifage, & avec une douceur & unepaix qui reiTembloient deja a. celles du Ciel. Puis voiant route la communaute qui fondoit en larmes , elle leur dit: adieu mes enfans, adieu ; allons a Dieu. Elle remercia le prctrequi l'avoit adminiftree (45) , parla a M, Doamloup le facriftain, & lui dit quelques paroles de confolar (44) pr. 118. §. it'; «4.
(.4;) M. le Juge , etabli par M. Bail, !
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94 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
i6<jx. rion , l'exhortant a avoir bon coura-
ge & a fervir Dieu &c l'Eglife dans coutes les occasions qui pourroient nai- rre. Elle donna enfuite fa foenedi&ion a route la communaute & a pluiieurs qui la lui demanderent en parciculier, difant quelques mots de confolation a celles qui etoient aupres d'elle : & fe tournant vers une four qui l'avoit toujours fervie & qui pleuroit beau- coup , elle lui dit : Que vous etes en.' core humaine ! xxvn. Apres .cela elle retomba dans fon Mon de la afloupiiTement, & y fut jufqu'au foir , mete Ange- r 7 ) M »
|igue. que quelqu un I aiant eveillee, on lui
demanda Ci elle fe fouvenoit de P. R.
des champs ; a. quoi elle repondic qu'oui & qu'elle leur fouhaitoit la be- nediction de Dieu. Elle temoigna auffi fe fouvenir de plufieurs perfonnes du dehors , dont on lui parla , & pria pour elles. Elle entra tout-a-fait en agonie le famedi au matin & elle y fut juf- qu'au foir qu'elle s'endormit du fom- meil des juries , fur les neuf heures , <> ,aout, jour de la transfiguration. Elle etoit agee de foixante-dix ans, dont elle avoit pafle plus de cinquante dans Ja plus exa&e reforme. » Ainfi mourut, dit M. Fontaine (46)1
i*6) Mem. T. 1, p. 107.
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I. Part ie. Liv. X. 95
la fainte mere Angelique, dont la
vie mortifiee avoit ete une conti- nuelle mort, & qui pendant qu'elle avoit vecu > s'etoit rendu cette der- niere heure toujours prefente, quoi- qu'elle avouat lorfqu'elle s'y trouva qu'elle nel'avoit jamais tant appre- hendee qu'elle devoit l'etre. Elle vit en mourant qu'on alloit renver- fer tous les travanx de fa vie, mais fon coeur toujours intrepide au mi- lieu des tourbillons & des tempetes du monde & de fa cruaute palTa- gere, demeura affermien LHeuqui avoit toujours ete fon efperance. Etant toute brulante & embrafee des flammes du faint Efprit, elle fur- monta &c les hommes & la nature meme qui n'eft gueres moins a crain- dre que les hommes les plus violens. Elle a vraiment fuivi Pagneau fon epoux partout ou il alloit, par une imitation fincere de fa faintete , de fa charite & de fes fouffrances. Elle eft toujours demeuree ferme dans la verite , pour demeurer vraiment vierge ; & elle a eu le bonheur d'e- tre martyre de la verite , comme elle en etoit l'epoufe. Elle n'a pas laifTe dans l'integritc de fon corpse d'etre f^cpnde de cette fecondite |
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9<3 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
»» que donne la charite •, d'etre mere
3> des ames , &c une veritable mere «> d'Ifrael route coutonnee de gloire « par la race fainte dont fon divin n epoux l'a ornee. La mere Angeliquefutenterree dans
1'avant-chceur de P. R* de Paris, 8c fon coeur fut porte a Port-Roial des champs (47). Lorfqu'on expofa fon corps a. la grille, le peuple accourut en fouie & fit tant d'inftance pourqu'on lui fit toucher des chapelets & des me- dailles qu'il portoit, qu'on rut oblige de le fatisfaire •, & deux perfonnes ne firent autre, chofe tout le foir , & des le lendemain matin jnfqu a l'enterre- iTient, que de recevoir a. la grille ce qu'on palToit pour le faire toucher & le rendre. Ceux qui n'avoient ni cha- pelets ni images , faifoient toucher leurs livres , leurs bagues , du linge & les baifoient avec refpecT: lorfqu'ils les avoient recus. On difoit tout haut que c'etoit la mere des pauvres qui etok morte , & que fi elle n'etoit pas fainte on ne favoit qui pourroit l'etre. Rien n'eft plus touchant & ne fait
mieux voir la haute idee que Ton avoit du merite & de la faintete de la mere Angelique, que les lettres qui furent {$7) Kift. des perfec. ch. XXII. p. 41.
ecrites
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I. Pahtie. Liv. X. 97
ecrites fur fa more par plufieurs per- I(j^Im fonnes aufli refpe&ables par leur piete que celebres par leurs lumieres. M. Hermant, Chanoine de Beau- XXVI!1-
vais , l'un des plus grands hommes du Hermant rue dernier fiecle, en ecrivir en ces rer- Ja mo"de j« mes a la mere Agnes abbefle de P. R. qUe ja ? Je ne pretends pas,ma tres chere &R. ^Jj™1 M., ni vous confoler dans votre dou- i, p. 171! leur parcequ'elle eft route chretienne &c toute religieufe , ni me confoler avec vous , parceque la mort de la tres chere & tres fainte mere An- gelique eft plutot un fujet de joie qu'une matiere de '•confolation. ll eft vrai qu'en qualite de fille de S. Bernard vous pouvez pleurer votre fceur , puifqile ce faint a pleure fon frere , & que la feule prefence de cette vierge etoit la force de routes les perfonnes dont elle s'etoit ren- due la fceur & la fervante par fa charite & par fon humilite , comme elle en etoit veritabiement la mere par la naiflance qu'elle vous avoic donnee a toutes en Notre Seigneur J. C. Mais fi la piete vous permet de repandre quelques larmes de dou- leurfur le doux & paifible fommeil qui fepare pour un terns, de votre lociete une des plus pures, des plus Tome IV, E |
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98 HlSTOIRE BE PORT-Ro'lAt.
~i66i, " grandes& des plus faintes amesqui
» raflent dans l'Eglife , cette meme » piete m'oblige de m'en rejouir avec » fon epoux , qui lui a ouvert les por- » tes de cette Jerufalem celefte, ou » elle fe hatoit d'entreravec un fi ge- » nereux empreflement , &c qui , lui « ai'ant donne quelque part dans fes » epines , la couronne de toute fa m gloire pour I'eternite. » Sa vie a ete une epreuve conti-
" nuelle. Les faints que Dieu lui a » donnes pour la conduire , ont ete « les admirateurs de fa vertu. Elle a - » eude la lumiere dans un liecle plein « d'obfcurite •, de l'amour folide pour » Dieu , dans un tems ou la piete ri'eft ,j que le voile d'une cupidite fecrete; „ un parfait deuntereffement dans ces s, derniers jours , ou les plus devots w paroifTent ne chercher Dieu que » pour leurs interets ; une fecondite » extraordinaire pour donner des fer- 3> vantes & des epotifes a J. C., felon » les regies faintes de fon Eglife , » lorfque toute la terre paroiflbit etre " condamnee a une fterilite effroi'able »> pour ne produire que des ronces & » des epines. Elle a ete la fille des » faints Eveques & des faints Abbes , w la mere des vierges & des Abbefles 5 w le modele & la confolation des doc- |
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I. Part ib. Liv. X. 99
» teurs. Son cceur a etc- ouvert a. tou- « tes les. vifites de fon epoux, fes mains jj au foulagement des miferables, fa •» maifon pour fervir d'afyle a. routes »» les perfonnes qui en one cherche » chez elle pour ne pas perir par la w corruption du liecle. » Que reftoit-il apres cela , finon
« que fa mort fut la confommation » de la faintete de fa vie, Sequela » fouffrance interieure & exterieure " fut la fandtification de cette in- » nocente vi&ime, qui s'efl: ofFerte en •« mille manieres routes faintes fur » l'autel de fon adorable Sauveur > »» II lui a fair encore cette grace enfuite » de toutes les autres. Et u les Saints, » qui meurent dans la plus profonde » paix de l'Eglife , confiderenr com- » me une faveur fignalee le bonheur « qu'ils ont de founrir quelque chofe » dans leur corps pour etre les tnar- " tyrs de la penitence , quand ils ne » le fonr ni de la foi ni de la juftice, » cette fidele fervante du roi des, rois » a eu rout enfemble les couronnes de » la guerre & les avanrages de la paix. » Elle a foufcfert dans fon ame par un m martyre continuel,& dans fon corps » par les douleurs les plus fennbles, » Elle a eu les merites d'une ame non- E ij
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IOO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
^~ » feulement perfecutee avec injuftice »
» mais meme affligee d'autant de fup- ?> plices qu'elle vo'ioit chez vous de m lilies tres innocentes, & en meme » terns elle a fait autant de facrifices » a. Dieu qu'elle a eu de membres dans » fon corps. ^j Ainfi je ne fais fi je dois vous dire
« qu'aulfi-tot que j'ai appris fa mortj'ai " offert pour elle le faint facrifice de » la metfe : car faint Auguftin m'ap- »» prend que c'eft faire injure a un n martyre que de prier pour un mar- f tyr. Mais je l'ai fait parcequ'il ne " faut pas prevenir la manifeftation de » Dieu,ni l'ordre & le jugement de fon « Eglife , & que ne m'appartenant pas » de la canonifer, je ne puis lui refufer » ce temoignage de 1'union tres etroite ?> que j'ai toujours confervee avec elle, » & qu'avec la grace de Jefus- Chrift » je conferverai jufqu'au tombeau. » Je me perfuade que vous aurez en
sj fa perfonne une puiifante proteclrri- » ee dans le ciel ; qu'elle obtiendra j? pour vous de la bonte du Pere des " mifericordes cette force qui vous, » doit rehaulTer au-defTus de la foi- » blefle de votre fexe , pour etre les »i veritables epoufes de Dieit, & que " vous ne la trouverez jamais plus vi- «> yaritej plus agifTante & plus eflicace |
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1. Part ie. Liv. X< 101
»> que depuis fa more. C'eft le fouhait ""TiiTT » de celui qui joint fes larmes avec « les vc-tres , qui fait fa joie de votre " confolation , & qui n'a pu retenir » en cette rencontre l'epanchement » de fon coeur, parceque vos aftlic- » tions & vos confolations lui etant » communes avec vous ». il eft ravi de » fe dire avec autant de fincerite que » de refpect , ma mere , votre tres » humble & tres obeiflant ferviteur , » Godefroy Hermant , tres indigne " Pretre de Jefus-Chrift. M. de fainte Marthe-, l'un des con- . xxr^".
telieurs de P. R., qui avoit ete oblige desteMan; comme les autres de fe retirer au com- ^c ,'* '™ mencement de juin » confola la com- Angeii^ue. munautepar la lettre fuivante (47*). « La charite , mes tres cheres fceurs, » que Dieu m'a donnee pour vous tou- » tes , m'oblige dans cette occafion « finguliere de repandre devant vous: « le fond de mon coeur. Il eft fans! « doute que la mere Angelique , que » Dieu vient de retirer dans fon fe- » cret, etoit une pierre fondamentale » de toute la maifon , & qu'une mai- » fon dont on retire le fondement eft » en un extreme danger. C'eft cette » vue qui m'a d'abord donne des fen- (47*) Mem. 15 P. p. i«r E ii)
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102 HlSTOIRI DE PORT-Ro'lAtJ
~~xC6i7 " tin^efs de crainte & de triftefle »
» jufqu'a pleufer la pe'rte fi confidera- » ble que vous faites. Mais lorfque » la foi rri'a fait faire quelques refle- » xions fur ces fentimens, je les ai » condamnes , & j'ai trouve que j'a- » vois peur dans une rencontre ou je » nedevois "point avoir peur. w'll m'eft krdvenude ce que dit faint
» Auguftin, qiie la maifon de Dieu, » qui defcend du ciel , a des fonde- » mens dans le ciel, ce qui nous obli- » ge de croire que la mere foiltient » plus que jamais votre maifon, qu'elle »> en eft un fondemerit fblide , &c rei » qu'aucune puiflfance de la terre ne » fauroit jamais l'ebranler, puifqu'elle » eft unie a Dieu , & qu'elle participe » a. fon immobilite. J'efpere que cette »» bortne mere , qui eft maintenant » dans une parfaite paix , & qui pen- » dant fa vie ne fe rroubloit qu'autant » qu'il etoit neceftaire pour vous pro- » cufer du repos , vous obtiendfa la " grace de demeurer dans la trahquil- » lite que Dieu Vous a donnee parmi » les tempetes qui vous agitent. j'ef- » pere que votre paix interieute fera » fi ferme , que toutes les guerres que » vous pouriroient faire les creatures, »> ne pourront en aucurie forte voUs » troubler, & ne ferviront meme qu'a |
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I. P a a t i e. Llv, X. 103
»»- vous unir davantage entre vous & i(j<j
j. avec Dieu : Pax fa imiis, 6" non ti- » mebis foris. » C'eft ce qui me donne la penfee
» de vous, dire avec confolation, que w vous etes tres eloignees de l'etat des » Juifs , qui , dans le terns du fiege » de Jerusalem, avoient plus i crain- » dre de leur propre divifion que de » la force de leurs ennemis •, & au » contraire la feule union qui eft en- s' tre vous, vous defend affez de tous » les efforts de ceux qui oferoienc » vous hair. Nous lifons dans l'Evart- » gile de ce jour , que Dieu s'eft re- » tire du milieu de ce peuple , & a » ruine leur temple , parcequ'rls a- » voient fait de ce temple un lieu de » commerce , Sc parcequ'ils n'avoieht » point reconnu Jefus Chrift, ni pro- » fite de fes vifites : Utinam cognovift »> fes tempus vifitationis tu&. Mais au « contraire je fuis alfure que quelque » deffein qu'aient les hommes , Dieu » fera toujours avec vous; qu'il vous » portera dans fes mains , & que rien »> ne pourra vous en artacher ; qu'il » affermira votre maifon 8c la rendra » eternelle en la maniere qu'il fait , » parceque vous avez appris de votre »j mere a rejetter ce commerce qui • E iv
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IU4 HlSTOrRE DE PoR.T-R.6lAr.
6<5l> " n'eft que trop commun dans les mai-
» fons de Dieu. La purete & le defin- » cereiTement de Votre ccsur ont rendu » le lieu de vorre folitude faint & di- » gne des vifites de Jefus - Chrift. w Mais ce qui eft la joie de mon cceurr » c'eft qu'en meme terns que vousavez- » rec,u une intelligence toute de grace n pour reconnoitre l'approche de cet *> epoux, & pour lui rendre graces de » fes rigueurs, de meme que de fes » bontes , vous etes contentes qu'il » vous 6te tout, afin qu'il foit luileul » votre tout. Vous voulez bien ne re- 3J cevoir aucune confolation dans la » tetre , comrae lui-meme n'en a ja- » mais rec,u , afin que fon efprit foit » votre confolateur. Vous le priez » qu'il detruife tout ce qui refte d'hu- » main dans vos ames, afin qu'il y edi- » fie une charite pleine & abondante. » Vous defirezqu'il en arrache routes les « epines , quelques douleurs que vous » en puiffiez reifentir , afin qu'il n'y » refte que ce qu'il y a plante de fa » main. Mais, quoi., ne favez-vous » pas que les bonnes plantes memes » ne portent de fruit qu'autant qu'on » a foin de les couper ? Il eft jufte que » ceux qui efperent des biens eterneis m aiment a fe voir fepares de tout ce |
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L Par tie. Liv. X. 105
S> qui eft temporel, arm qu'etant morts
» a routes les chofes preientes, ils ne w vivent que de la foi & n'aient dans » l'efprit que l'eternite. Oh ! que cette * foi etoit profondement gravee dans » le coeur de la mere Angelique 1 c'eft » cette vertu qui lui a donne le mou- »» vement d'aflembler rant de perfon- » nes pauvres, dans un monaftere pau- » vre, fans craindre les incommodites »> de la pauvrete , & fans avoir egard » aux maximes de la prudence humai- » ne. C'eft cette vertu qui lui a donne » le zele de chercher la verite , qui » attire toujours fur ceux qui 1'aiment, » les haines & les tribulations du » monde. Elle a eu le courage de la »> fuivre lorfque prefque tous les horn- » mes la quittent, fans confiderer les » dangers oil elle favoit que fa mai- ¥ fon feroir expofee , quoiqu'elle ai- » mat cette chere maifon plus que » route chofe apres Dieu. C'eft la lu- » miere de la foi qui la faifoit penetrer » jufqu'au fond de vos cceurs , pour » reprendre vos fautes avec une fainte » liberte & avec une cbarite qui, ne » vous pardonnant rien , vous faifoit » obtenir un enrier pardon de Dieu„ « C'eft cette vertu qui l'a fouvenc » forcee d'etre votre niperieure , lor& E v
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ie6 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAt."
» que le fentiment qu'elle avoit de
» foi-meme lui faifoit fouhaiter la » derniere place dans la maifon. C'effi « enfin cette foi qui lui a infpire^ dans » fes plus grandes foiblefTes tant de » vigueur &: de generofite pour de- » fendre votre innocence devanr les « puiffancesde la terre, & pour vous 3> juftifier contre des accufations dont » on tachoit de rendre votre foi fuf- i pecte. » Si, comme je l'efpere , s'en al-
«> lant au ciel , elle vous a laifle fon » double efprit, & fi vous participez « a fa foi , vous ne vous etonnerez pas » de tout ce qui peut vous arriver de » la part du monde , puifque vous le » haiffez. Eftimez-voils heureufcs qu'il « vous haiffe , comme il a hai Jefus- » Chrift , 8c qu'il vous faflTe autanr » de mal qu'il pourra & qu'il en 3 » fait aux Saints. Prenez feulement »» garde , comme vous faites , que t» rien ne foit capable de troubler la » charite que vous defirez a ceux qui 3J n'en ont peut-etre pas affez pour *i vous, 8c qui,font d'autant plus i jj plaindre qu'ils en ont encore moins » pour eux-memes. Mais ne nous ?> amufons point a regarder les crea- » tures. N'eft-ce pas Dieu meme qui |
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■ 1. P A R * IE. IjV. X 1*7
»» nous afflige , qui nous perfecute , 1661. » qui coupe fa vigne, lorfqu'il nous »> ote les perfonnes qui nous font les » plus cheres 2 Ou plutot difons que » dans cette occafion il n'a rien coupe » avec violence, il n'a fait que cueil- « lir un fruit qui etoit mur, pour don- » ner lieu aux autres de meurir •, fur » quoi je vous prie de confiderer les » momens que Dieu a choifis pour » faire cette moiflbn. » L'heure de cette mort fe rencontre
n entre deux fetes celebres : de la »> Transfiguration,& de la Croix. Dieu *» a exauce les vceux de fa fervante ■* dans un jour ou elle lui difoit avec » toute l'Eglife , qu'elle attendoit l'e « Seigneur Jefus-Cnrift fon Sauveur, »» afin qu'il transformat un corps foi- »> ble & meprifable , pour le rendre » femblable a fon corps reflufcite & » rempli d'une gloire infinie. L'autre » fete qui etoit deja commencee , » quand Jefus-Chrift a appelle fon » epoufe, eft celle de la Croix , dans- » laquelle vous chantiez , que le fils » de Dieu s'eft humilie foi-meme , fe » rendant obeiflant a fon pere jufqu'a :» la mort , & jufqu'a la mort de la » croix •, ce qui etoit fans doute la p difpofition ou etoit votre chere mere. E vj
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I 0% HlSTOIRE DE PoRT-ROlAtJ
» Mon Dieulque cela eft plein d'in£
»» trudtion ! Ces circonftances ne fignL- »» fient-elles pas , fi nous fommes ve- » ritablement transfigures , fi nous a- » vons depouiile la figure de l'antien » homme pour revetir Jefus-Chrift , » fi nous avons des veteinens blancs, » & fi nous fommes des enfans de lu~ *> miere, que nous en devons faire tous » les jours notre fete , & efperer que » Dieu en fera notre gloire. C'eft la « voie par laquelle Dieu a conduit vo- » tre chere mere. La charire qu'elle « avoir pour vous , lui faifoit fentir » avec une douleur qui crucifioit foa » coeur , tous vos befoins fpirituels & - » temporels. Dieu lui a encore en- »» voi'e d'autres peines. Il l'a fait longr » tems languir dans des incommodt- » tes extraordinaires. Il l'a privee dans w les derniers jours de fa vie, des con- s' folations qu'elle pouvoit recevoir » des perfonnes en qui elle avoir con- s' fiance- Elle s'eft toute facrifiee elle- » meme fur ces croix ou Dieu l'avoit » mife,, en reconnoiflanr que toutes »> les creatures ne pouvoienr l'aider « fans le fecours du Tout-puiflant ; *> mais que Dieu au contraire la fe»- » coureroit, fans qu'il eut befoin des • »creatures. Voili l'heritage qu'elle |
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I. Pas.tie, Liv.X. 10}
W vous a laifle , poffedez-le , cultivez- i<j<jx,
w le , afin que vous foi'ez dignes filles » d'une fi bonne mere, & comme elle « filles de Dieu. M. de Barcos abbe de faint Cyran, ,.***• ^
ecrivit aufli une lettre de confolation m. de Barcos a la mere Agnes , fur la mort de la kA ^""/u mere Angelique. » Je ne faurois , ma mort de l* » mere , dit M. de Barcos, m'empe- |JJAn£eli9 » cher de vous temoigner le reffenti- s> ment que j'ai de la perte que vous »> venez de raire de la mere AngelL- » que, & je ne fais auffi comment vous -» en parler , aiant le cceur rempli d'a- » mertume , laquelle eft encore aug- « mentee par la mort du plus ancien « & peut-etre du meilleur de nos re- . -" ligieux , que Dieu nous a ore depuis » deux jours. Je vous avoue que cette ■»* double douleur m'eft fenfible.n'etant f* point de Popinion deceux qui met*- « tent la perfection dela vertu dansl'itv 4* difference & l'infenfibilite, laquells » l'ecriture m'oblige de tenir pour un » grand vice.Mais je m'aflure que vous •» croirez bien que votre perte me « touche encore plus que la notre, » qui eft neanmoins ki? considerable » pour une petite communaute naif- » fante, comme les moindresmala- t* dies violences, font tres dangereufe$; |
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110 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
'^\ » aux petits enfans & aux perfonneS
« foibles & delicates. » It eft vrai neanmoins que notre
» bon religieux n'eft pas plu&compa- » rable a la mere Angelique, que no- « tre commtinaute a celle de P. R.; 8c >» quand cette difference ne feroit pas f, n vifible, les feules raifon& de la w charite & de 1? affection particuliere »> que je vous dois , feroient que je ne » ferois pas mains touche de votre » afl£tic~tion que de la notre , & que i> je ne pourrois recevoir de confola- m lation pour l'une & pour i'autre que »> de Dieu feul. » Je a oferois me plaindre de lui»
» parceque je ne fuis pas auffi faint h que Job , pour le faire innocem- » ment, & j'aime mieux baifer la s> main qui nous frappe, & recon- » noitre fon amour dans fa rigueur» « & fa mifericorde dans fa juftice, » Je trouve beaucoup de douceur dan§, » cette reconnoiffance , & elle me » fait voir qu'il feroit injufte de trou- » ver mauvais que Dieu ait retire ce » qu'il nous avoy; donne , au lieu de » reflentir lVbligation que nous lui » avons de nous en avoir laiffe jouir » fi long-tems. •» II eft tres clair , ma mere 3 qua
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I. Par tie. Llv. X. fir
» votre maifon a re$u de luiune be- *> nediction extraordinaire, de ce qu'il * lui a conferve tant d'annees la mere » Angelique , comme il a rendu fi » longue la vie des Patriarches, aim » de le fervif de leur temoignage 8t is de leur miniftere pour mftruire les ** homines & leur apprendre a. le con- » noitre & a l'adorer , & etablir ainfr " puiflammentles fondemens de fa re- » ligion contre tous ceux qui vou- » droiertt en douter. 11a voulu qu'elle* » fut comme eux la premiere fource » »» apres lui, &c la mere de la reforms »> &c de la puTete religieufe dans»vo- ir tre maiion, & dans routes les au- » tfes de l'ordre, qui la voudrottt imi- »» rer; & il a voulu pareillement qu el- « le vecut lortg-tems comme eux pour « confirmer&: achevercequ'elleavoit « commencd;, & pour le refidre ca- »> pable de fttbfiftef contre toute la » corruption & toUS les efforts du » monde par la Verm folide de fe* » filles. » Il lui a meffle fait la grace de
» voir de res propres yeux cette be- » hedi&ion avant que de mourir, 8c « d'etre temoin de la foumiflion 8c » de la paix avec laquelle elles ont » re$u rorage qui s'eft elev£ contre |
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ill Histoids de PoRt-ro'/a£.'
j (5^ j-1 » elles ,. en confervant une tranquil^ » lite & une union que vos ennemis » memes font contraints d'admirer , » quoiqu'ils ne veuillent pas recon- " noitre le doigt de Dieu, qui eft fi » vifible , qu'il a dit dans l'Evangile * que la principale marque a. laquelle » on connoitra fes difciples , fera la » dile&ion & l'unite des cceurs done » ils feront lies infeparablement. »Ilfaut,mamere,confiderercettegra->
m ce incomparable queDieu a repandue « fur votre communaute, par la longue M vie & les travaux de la mere Angeli- « q»e , & lui en rendre les louanges 8c » les actions de graces qui font dues a » fa divine Majefte, au lieu de s'af- » fliger en penfant que vous ne l'avez » plus & que Dieu vous 1'a 6tee, puif- » qu'il le pouvoit faire par le feul droit » qu'il avoit fur elle & fur vous , 6c » qu'il eft neanmoins manifefte qu'il » ne l'a fait que par' un furcroit de o mifericorde & pour vous & pour » elle. Car I'ai'ant retiree au milieu » de la tempete,qu'elle reffentoit beau- » coup pour l'amour de fes filles » 8c » qui par confequent a beaucoup con- » tribue a fa mort dans la foiblefle & « la langueur ou elle etoit depuis fl » long-tems , il eft clair qu'il lui a |
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I. Partie. Llv. X. iij
n donne part a la gloire des martyrs ,'
» laquelle. ne s'acquert pas feulement » en fouffrant la perfecution des in- » fideles & des heretiques , mais auffi » en recevant humblement les vio- » lences des catholiques qui s'oppo- » fent a. la juftice & au fervice qu'on » rend a Dieu felon l'Evangile. )) Que fi cette mort eft glorieufe a
» la mere Angelique , il eft aife de » juger combien elle eft avantageufe » a votre maifon , puifque par ce « mo'ien elle eft devenue beaucoup » plus capable de l'arlifter qu'ellen'e- " toit en ce monde, ou elle craignoit v tant pour elle-meme •, au lieu que » n'aiant plus a. travailler que pour « vous , elle vous fera reftentir plus h abondamment leseffets de fon bon- » heur . & de la nouvelle puiflance » qu'elle a recue de Dieu , & par la- m quelle elle produira non-feulement » plus de filles qu'elle n'en a produit » fur la terre, mais auffi des meres » femblables a elle , & des perfonnes m propres pour conduire & foutenir « fa communaute en ce monde contre » les aftauts du diable , jufqu'a ce *» qu'elle foit rendue participante de » fa recompenfe 6c de fa gloire, com,- |
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M»
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114' HlSTOIRE DE PORT-Rc'lAl.''
l6(5l4 » me je. le fouhaite. de tout morf
» cceur , &c.} (4§).
xx^i. ^n ^°" Pat ces temoignages, aux- Mirades ac- quels nous pourrions en ajouter beau-
foirfaSu/Pnla.couP d'autres , quelle etoit l'eftime res 6c a Tin- qu'on faifoit de la mere Angelique. latere" An* Mais ^a famtete eft etablie furdeste- gdi.jue. moignages plus forts que ceux des hommes, c'eft-JUdire fur celui deDieu meme , qui l'a fait connoitreen accor- dant a fa foi & a fes prieres, lorfqu'elle vivoit , des guerifons miraculeufes , comme nous l'avons vu dans la perfon- nsd'une de fes coufines , Magdeleine Marion de Dray , depuis religieufe {bus le nam de fceur Catherine des Anges •, & en faifant apres fa mort, par fon interceffion, plufieurs prodiges des plus-eclatans (48*).Nous nous con- tenterons d'en rapporter deux des plus iignales. Le premier fut opere fur une Dame , qui, apres avoir ete rort livree au monde, avoit commence a. fe fami- liarifer aveo les exercices de la folitude & les bonnes lectures, & a. s'habituer peu a peu au travail 8c a. la priere, Mais fes affaires l'aiant appellee a. Paris > (4&) Voi'ez la lett. 3. T. (48*) Voi'ez le T. 1 des
9. de M. Arnauld a la- Rel. 1 part , XlVRel. p»
mete AgnSs fur la mort 17? & fuiv.
«k fa foear , p. 7. |
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I. P A R TI E. Llv. X: 11$
l"air contagieux & le commerce du fie- i <j<5*,
cle l'affbiblirent •, les occafions , les compagnies.» la complaifanee , l'em-' porterent fur fes bonnes refolutions , elle- crut alors pouvoir ajufter Dieu avec le monde, & fe mettre a couvert de fa colere en evitant les grands cri- mes. Enfin elle trainoit encore une quantite de petites chaines, dont elle n'avoit jamais cru devoir fe degagen « II falloit done , dit le P. Lami (49}
Benedi&in de la congregation de faint' Maur , qui fait tout ce detail dans une lettre a 1'abbefTe de P. R.,5c dont Dieu- s'etoit fervi pour jetter les premieres femenees de piete 8c de religion dans' cette Dame) » il falloit done quelque- . ><• chofe de plus fort que tout ce qui >* aVoit precede, pour rompre ces chai-*- « nes, & pour acnever de mettre cette" »J ame ert liberie. Il falloit que le Sei- » gneur tonhat & fe fit entendre par » la voix terrible du preflant peril 01V »» il reduifit cette Dame. Gette ter- >i rible Voix aeu toltt fbn effet, 8c « j'ai ete temoin qu'elle a parfaite- » ment compris ce que Dieu lui vou- jj loit dire par-la. Ce fut dans fon ex- » tremite qu'elle fe fouvint de la fain-* » tete de votre maifon , 8c en parti- (4?) Mem. Rel. XIV. f. i, p. Hi KMr.
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Tltf HlSfOIRE DE PoRT-ROlAt."
» culier du merite de la feue mere
» Angelique , & qu'elle me chargea » de lui menager vos prieres & quel- » que chofe qui eut appartenu a cette >y illuftre mere. Je m'adreflai a Ma- st dame Mare , j'en eus une petite " croix : je la portai a la malade, qui » la rec.ut avec tous les temoignages j> du plus tendre refpect , de la plus »» vive confiance & de la plus fennble » confolation. Elle la pendit a fon cou, w 8c meparut depuis ce tems-la beau- » coup plus tranquille fur l'evenement » de fon mal , qui etoit alors dans » route fa force, la fluxion fe redan- s' dant de la gorge dans toute la tete , » avec des douleurstre'scuifantes. Les » plus habiles medecins &chirurgiens » ne fervant que de fades fpec"tateurs » a tout ce qui fe pafToit, affiiroient » que le moindre mal qu'on dut at- » tendre , c'etoit un abces dans la gor- >j ge, duquel encore ils redoutoient « fort 1'iliue. » Je penfe que vous favez bien
»» qu'elle avoit avale un os fourchu » de becafline & que les deux poin- » tes de la fourche etant entrees les » premieres n'avoient pu paffer juf » qu'a la moitie de la gorge &c qu'ar- *> retees encet endroit elles y etoient |
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I. Parti e. Llv. X. 117
» fi opiniatrernent jattachees , que "icZT.
» tout ce qu'on avoit fait avaler a » cette dame, a. deflein de detacher cet » os , n'avoit fervi qu'a. enfoncer da- » vantage fes pointes dans la partie m ou elles s'etoient attachees & ay » caufer une plus vive douleur , 8c » tant de douleur & d'inflammation »» qu'eUe ne pouvoit plus avaler une - cuilleree de bouillon qu'a plufieurs " reprifes. Enfin les chofes etant aufli t» tlefefperees que vous le voiez, Ma- s' dame , & tout le monde fail! de » crainte, dans l'attente d'un fi facheux » evenement, en deux jours de terns » que la dame eut la croix , fans autre " remede, elle fentit fes douleursde " Sorge ^ ^e r^te diminuer, elle prit » plus librement de la nourriture , & » enfin peu a peu les douleurs fe paf- » ferent, & la liberie entiere d'avaler w lui revint fans qu'elle ait pu favoir » ce que l'os eft devenu , ni quand il » a palle. Mais au refte elle ne doute » point qu'elle ne*foit redevable de fa » delivrance aux merites de la mere » Angelique. « Voila, Madame , au vrai les cho-
» fes comme elles fe font paflees. Vous » pouvez apres cela mieux juger que n perfonnej il la guerifon eft mira.-. |
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Il8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAti
"~T77"I » culeufe. Pour moi , puifque vous
»» m'ordonnez de vous dire mon fen- »» :timent , je vous avouerai qu'elle » me paroit telle ». ( II eft bon de fe rappeller> felon la remarque de .celui qui a redige les memoires pour fervir a l'hiftoire de P. R., que le pere Lami qui parle ainfi de cette guerifon, etoit.un des plus habiles Philofophes que la France ait produits.) » Je n'ai » point demands, continue le pere La- » mi, le fentiment des medecins 5 ca/, » comme ils n'ont point fu qu'on ait » eu recours aux remedes furnaturels » &. que d'ailleurs ils ont fait au com- »» mencement quelques remedes, com- » me quelques faignees & quelques » fomentations , apres quoi ils ont dit « qu'il falloit attendre ce que feroit » la nature, je me doute que pour » foutenir l'honneur de leur art, ils sj feroient gens a. attribuer cette gue- »> rifon a leur datjie, nature. Mais com- „ me il ne s'agit point ici d'en faire sj une information juridique, il me s> paroit que le temoignage de.la ma- il lade vous doit tenir lieu d'une infi- rm h nite d'autres atteftations. Ainfi. rien » n'eropeche que vous ne tiriez de cet » evenement les motifs d'une grande v confknee & d'une folide confola- m tion, |
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I. Par t i e. hiv. X. 119
» Mais ce qui doit achever de vous \CGi.
combler de joie, c'eft que felon rou- tes les apparencesDieu veut fe fer- yir de cette grace temporelle pour conduire cette ame au bonheur eter- nel. Il eft difficile d'etre plus tou- chee qu'elle eft des fentimens d'hu- milite & de penitence, de fentir plus vivement la mifericorde que Dieu lui fait, & d'avoir plus de paf- fion d'etre parfaitemen t a lui. Rien n'eft plus edifiant que de remarquer les vi&oires que la grace remporte tous les jours dans fon cceur. II fau- droit avoir l'honneur de vous voir , pour vous en faire quelque de- tail. . . . , . Afturement il faut que fes inclinations foient bien chan- gees pour etre II vive fur des plaifirs n dirrerens de ceux qu'elle s'eft faits jufqu'ici. C'eft ainfi que le pere Lami rapporte le double miracle opere fur une Da- me dent il ne nous apprend pas Je nom, On reconnoit a. ce langage un fihilofophe ehretien qui 'reconnoit
ui-meme &c admire les oeuvres du Tout-Puiffant, bien different de ces incredules de nos jours, qui fans etre ni philofophes ni theologiens, s'elevent avec tant de hardieflfe contra les rner^ |
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HO HtSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1(j(jI> veilles de Dieu , & veulent , par des
raifonnemens audi ridicules & auffi in- decens qu'ils font impies, expliquer par leur dame nature , ce qui ne peut etre que Feffet du bras du Tout-Puif- fant. Que ces temeraires ecrivains viennent a 1'ecole de ce philofophe , pour apprendre a raifonner, a recon- noitre & admirer les ceuvres du Tout- Puiflant. xxxn. A ce miracle opere par l'intercef-
l»ReIgu£?fon fion <*e la mere Angelique , nous erf*
miracuieufe joignons un autre, dont la relation a faimefceUGer! ete fake par la perfonne meme fur qui «rude du Va- Dieu l'a opere, & dont le frere Girard *°* chirurgien de la Charite de Charenton, . M. Hequet medecin de P. R., M. Do-
dart medecin de Mrae la Princeffe de ContijOnt donne leur atteftation(49*)i m Dieu m'aiant fait la grace de me »> guerir en un inftant par l'interceffion » de la mere Angelique Arnauld , ( c'eft la fceur Madeleine de fainte Ger- . trude du Valois qui parle ) » notre »> mere a juge que j'etois obligee d'e- » crire toutes les circonftances de mon » mal & de ma guerifon , a la gloire »» de Dieu , & pour marque de ma re- « connoifTance envers fa fervante » •> dont j'ai ii fenfiblement eprouve le <■» fecours dans mon befoin. ((4?*) Ibid. p. 133 & fuiv. " Je
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I. Partib. Liv. X. iit
» Je fus faignee au pie gauche le 1661. » 2z Janvier de cette prefente annee » 1689 , & je reflenris en meme-tems » une grande douleur, qui a dure pen- » dant fept mois afTez fbrtement. Je »■> ne pouvois du tout metrre le pie a » terre pendant les quatre premiers « mois j & pendant les autres, je fai- " fois, quoiqu'avec beaucoup de pei- » ne quelque pas, appuiee fur iin ba- m ton. On m a fait pendant ce tems »> tous les remedes que Ton a crus pro- » pres a me foulager, lefquels avoient » ct6 confeilles par deux tres habiles " medecins & trois chirurgiens, qui •» m'avoient vue , & par des mede- » cins de Paris, qu'on avoit confultes. - Mais c'a ete avec fipeu de fucces que » le mal demeuroit toujours au meme » etat: l'endroit 011 la faignee avoit » ete faite , etant aufii enHe & auiH » fenfible * & meme il s'etendoit » plus loin, car je me fentois incom- » modee de tout le cote gauche , etanr. » fujette a un tremblement du bras af- » fez frequent. » Enfin voi'ant que Dieu ne beniflbit
» point tous les remedes , & apprehen- » dant de demeurer toujours horsd'etat » de m'acquitter des devoirs de ma voca- »tion,ilme vintdansl'efprir*d'avoirre- Tome IV. F |
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121 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
X 661. " cours a d'autres, & pour cela de faire
« une neuvaine a la mere Marie An- " gelique Arnauld. J'en demandai la »» permillion a notre mere qui me l'ac- " corda &c trouva bon , comme je Ten « avois fuppliee, que plufieurs de nos « fours me fiflent la charite de fe join- " dre a moi. Je la commenc,ai done " le 29 juiller, » Le dernier jour de la neuvaine
» fe rencontrant avec le jour de la mort « de la mere Angelique , qui eft le <J » d'aoiu , j'etois un peu aftligee de ce w que je craignois de ne pouvoir aller » a la MefTe, parcequ'il m'eroir fur^- « venu un ereupele au vifage, pour « lequel on m'avoir faignee deux fois » le 5 , & que j'avois de plus un grand » mal de tete & de gorge qui augmen- » ta meme certe derniere nun. Nean- » moins a'iant ess recours a la mere An- " gelique , je mis un morceau de fon » voile fur ma gorge , dont je fentis a » rheurememeduloulagemenr :cequi » fir qu'on m'accorda la grace que je n demandois, d'aller a la mefle. » J'y allai done avec beaucoup de
» peine , fenranr une grande douleur t» & une rres grande foibleflfe a la jam- » be. Je m'appui'ois d'un core fur une t? de nos fours Sc de l'autre fur un b?U |
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I. P A R. T I E. L'lV. X. 11 J
v> ton. Je ne pus entrer dans le chceur,
» de forte queje me tins fur une chaife » dans la chapelle des reliques. Je m'a- » vancai quelques pas a l'elevation pouir » adorer notre Seigneur , 8c en me re- » levant je fentis une douleur extraor- » dinaire au pie : ce qui m'obligea de » me ralTeoir, & de me tenir dans cet- r> te pofture , meme pendant la corn- s' munion. » Apres la meffe , la communaute
» allant au chapitre pour l'antienne « prttiofa , ou on devoit lire ce qui eft » dit de la mere Angelique dans le ne- » crologe , je lis un effort considerable, » parceque je fentois plus de mal qu'a « l'ordinaire , pour aller achever ma " neuvaine au haut du chosur fur la » tombe ou eft renferme le caeur de la » mere Angelique. Y etant affrivee , je " me mis a genoux, & auili tot j'eus »> le mouvement de 1112 profterner; ce » que je n'avois pu faire depuis fepc »> mois, je le fis fans fentir de dou- » leur; &faifant ma priere en cet etat, » je me trouvai dans un renverfement, « un tremblement & une palpitation » de cceur extraordinaire fans pouvoir » en difcerner la caufe. Mais'il me » vint en penfee que Dieu m'avoit gue- u rie par rinterceffion de la mere An- |
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114 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» gelique. Je me relevai enfuire , fans
„ m'appui'er & fans avoir befoin du „ baton que j'avois apporte , que je „ lailfai fur la tombe. Je ne lentois « plus de mal, ni aucune douleur au „ pie. Au contraire je marchois avec „ Force & fermete, ce qui redoubloic » mon etonnement. Mon erefipele fut « auifi gueri au meme moment, & je « me trouvai comme une autre per- » fonne qui n'a aucun mal. m Je n'en reflentis aucun depuis cela,
« & il n'eft reftc ni enflure, ni foi- *> blelle, ni douleur a mon pie , com- *> me toute la communaute en a ete » temoin. Je fupplie notre mere Sc « toutes nos fceurs de m'aider a remer- » cier Dieu de cette faveur, & obte- » nir de lui, par l'interceffion de la f- mere Angelique, les graces dont j'ai »> befoin, pour repondre a celle qu'elle » m'a deja obtenue de fa mifericorde. " A P. R. des champSjle 30 aoiu 16S9. » Signe, fceur Marie Magdeleine de => fainte Gertrude , religieufe indigne. " Les circonftances de la maladie de
« cette religieufe , tant de remedes « tentes inutilement, fon parfait re- w tablirfement dont tout le monde eft « temoin , enfin l'inftant qui a fufli » pour faire ce que fept mois de reme- |
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I. Partii. Liv. X. 125
^> ties n'avoient pu commencer, nous x <j<j j,!*
>» font reconnoitre ici le doigj»de Dieu, » qui n'avoit rendu nos remedes inuti- » les, que parcequ'il avoir referve cette u guerifon a l'interceffion de la mere » Angelique «. Voila un raifonnement jufte , folide , vraiment theologi- que , tel que la raifon , dirigee par les lumieres de la foi, fait en faire , & a peu-pres femblable a celui de l'aveugle ne. C'eft celui d'un medecin chretien dans l'atteftation qu'il a don- nee de la guerifon de la fceur Magde- leine du Valois. » C'eft le temoigna- » ge , dit-il y que ma confcience m'o- m blige de rendre a la verite de ce » miracle. Le 31 aout 1689, Signe, » Hecquet , medecin de P. R. des » champs. M. Dodard, medecin de Madame xxxiti;
la Princefle de Conti, lequel avoit Atteftations vu la fceur Magdeleine de fainte Ger- de«mi»^' trude des le commencement de fa ma- ladie , etant informe da fa guerifon , &l'aiant vue plufieurs fois dans une parfaite fame , donna le 29 Janvier 1690 une atteftation aulfi chretienne que celle de M. Hecquet. Apres avoir rapporte les circonftances de la mala- die & de la guerifon, il continue anfi : p Vii toutes ces circonftances , je fuis Fjij
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116 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
<j<jk " oblige d'avouer , que je ne connois
» rien ofns la nature qui puifTe ex- » pliquer un evenement accompagne » de routes ces circonftances, & qu'ainfi » je ne puis la confiderer que comme » unefFer miraculeux dela route-puif- » fance de Dieu , obtenue par la foi « qu'il a donnee a ces bonnesreligieu- » les par l'interceffion de fa fervante. » C'eft de quoi j'ai cru devoir rendre » temoignage', non feulement de vive " voix dans les occalions qui fe font ,» prefentees, mais encore par cetecrit, » fans autre follicitation que celle de m ma confcience «. On eft edifie en voiant ainfi un medecin rendre hurn- blement hommage a la toute-puiflan- ce de Dieu, & avouer de bonne foi qu'il ne connoit rien dans la nature qui puifTe expliquer la guerifbn de la fceur Magdeleine de fainte Gertrude. Cet homme fage s'elevera ad jugement de Dieu contre ces ecrivains temeraires , que nous avons vus de nos jours entre- prendre d'expliquer dans des lettrts pretendues theologiques & autres ecrits fcandaleux , & attribuer a la nature des guerifons auffi merveilleufes que celle de la fceur du Valois. Les religieufes de P. R.des champs,
voi'ant les atteftations des medecirrs |
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I. PAS.1 i*. Llv. X. iif_______
Be des chirurgiens , fe crurent aufli i66t.
obligees d'en rendre temoignage el^
les-memes. Ceft ce qu'elles firent par
lin acte figne de quarante-huit reli-
gieufes , l'abbeffe a la tete, la mere
Agnes de fainte ThecleRacine. a NouS
» n'avons jamais fouhaite , difent ces
» faintes filles , de faire favoir dans le
» monde ce miracle que Dieti a fait
» pour notre confolation ; mais nous
» nous fommes crues obligees d'y ren-
» dre le prefent temoignage , que nous
>> fignons comme etant tres veritable »
» & laiflant l'acte que nous en dreflfons
» comme une marque de notre grati-
» tude en vers Dieu , 8c envers notre
» mere , qui noUs temoigne encore
» apres fa mort le foin qu'elle prend
» de fes filles. Nous ne ferons aucu-
s> ne avance pour la verification de
» cette merveille ; mais nous croirions
» manquer a notre devoir , fi nous
» n'en laiflions cette reconnoiflance a
" la pofterite , & pour le terns qu'il
» plaira peut-etre a Dieu pour fa gloire'
» de manifefter celle de fa fervante*
» 2.7 Avril 1690.
Dieu l'a afTurement manifeftee , la
gloire de fafervante par lesgrandes chofes que fa grace a operees en elle >, par celles dont elle a ete l'inftrument F iv
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1-iS H'lSTOIftE DE PoRT-ROlAt.
"** pendant l'efpace de plus de cinquante
ans, & enfin par des merveilles fi ecla- tantes, qu'il n'eft pas poffible de dou- rer de fa faintete. Combien y a t-il de faints & de faintes , que Ton honore d'un culte public , dont la faintete n'eft pas etablie fur des preuves auffi certaines & auffi frappantes -que l'eft celle de la fainte mere Angelique 2 Qui je l'appellerai fainte, puifque Dieu l'a comblee de tous les dons qui font les plus grands faints , & qu'il ne manque rien pour conftater fa faintete, que la formalite exterieure de fa cano- mfation ; formalite qui ne fait point les faints , mais qui luppofe qu'ils le font pour leur decerner un culte pu- blic. Si la mere Angelique eut vecu dans ces fiecles heureux , ou la fain- tete di la vie confirmee par des mi- racles fuflSfoit pour acquerir le titre de faint fans autre formalite , nous ferions fans doute aujourd'hui fa fete , & peut<tre ne ferions-nous pas celle de quelques-uns, qui, fans etre auffi faints qu'elle, en ont acquis dans ces derniers tems le titre , parcequ'ils ont laifle des difciples plus jaloux de gloire , 8c qui ont eu plus de credit & plus d'intri- gues. Avant que de finir cette premiere
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I. Part 11. Liv. X. 120
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partie de notre hiftoire , il nous refte a 16Cu
parler d'un des premiers folitaires de xxxiv. P. R., & d'un confeifeur de cette fainte todukedep! maifon , qui moururent Tun & l'autre &• la meme annee que la mere Angelique. Le folitaire etoit un gentilhomme nom- me Etienne de Baicle , qui avoir eu l'avantage d'etre le compagnon de M. le Mairre & de M. de Sericourr dans leur premiere retraite a Paris, & d'avoir Pour directeur M. de faint Cyran , qui
appelloir le troijieme hermiu. Il etoit, non du pais de cet abbe, comme le dit M. Fontaine (45?), mais du Querci, ne a Martel, ville limitrophe du Peri- gord; ce qui a fait dire a M. Lancelot qu'il etoit du Perigord. Etant enfant il eut le bonheur de n'etre pas envelop- pe dans le meurtre de trois de fes pe- tits freres , qu'on trouva fucceffiye,- ment morts dans leur lit, fans qu'on ap- per^ut aucune caufe de mort. Mais on apprit dans la fuite que ces horribles aflaffinats avqient ete commis par une forciere; qui aiant trquve le mo'i'en d'entrer dans le lieu ou etoient couches cesenfans, leur avoit pe^ce le crane avec un poin$on , pour en tirer quel- que graiffequ'elle emploioit afesm^a- (43) Font. T. 1. p. t7.liac*T. j, f. j.jf. •
F v
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I ?0 HlSTOIRE 0E PoRT-ROlAL.
x66i. leiices. Ai'ant ete arretee depuis , elle-
avoua elle-meme fes crimes avant que d'etre executee. ( M. le Maitre avoit appris ce fait, & quelques autres encore fort extraordinaires, de la bouche me- me de M. de Bafcle, & en avoit drelfe une relation. ) Le jeune Etienne fut d'abord envoie a Cahors pour faire fes etudes , puis a Bourges. Dieu lui fit la grace de le preferver des defordres qui ne font malheureufement que trop ordinaires a cet age. Ce qu'il attribua a la protection de la fainte Vierge, pour laquelle il avoit une devotion particu- liere. En 1630 , il fe maria a Martel,, avec une demoifelle , dont il etoit pa- rent au quatrieme degre; ce qui fer- vit dans la fuite de moi'en pour le de- livrer d'une femme, dont il n'avoit pas fujet d'etre content. Le mariage fut calle l'an 1635 par fentence de l'Of- ficialite. Pendant le cours despourfui- tes qu'il fit pour cel'a, il courut plu- fieurs fois rifque de la vie. Deux fois. il fut manque par des afTaifins qui ti- rerent fur lui. Une autrefois il fut em- poifonne par une medecine, & reduit dans, un etat qu'on en defefperoit. An milieu des horribles convulfions, que k violence du remede lui caufok, il |
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I. PARTiZr Liy. X. 131
Je vit tranfporte au tribunal de Dieu \66v, comme S. Jerome (5 o) raporte qu'il y flit autrefois preTente dans une maladie, 8c accufe par les demons de tons les peches de fa vie. La feulereponfe que M. Baf- cle fit a fes accufateurs, etoit de dt- re qu'il s'etoit confefTe de chaque pe- che qu'on lui reprochoit : mais le de- mon repliquoit qu'il n'en avoit point fait penitence. II fe vit enfuite traine dans un lieu affreux ou il fouffloit d'e- tranges douleurs. Alors fe cro'iant dam- ne, il jetta de grands eris, au bruit defquels on accourut a. fa chambre. Une ieune fille y etant entree, il fixa de telle forte les yeux fur elle pour detourner fa vue de deffus l'enfer ou il croi'oit etre, que la jeune fille prk. la fuite. » Tant il eft vrai, die le ne- » crologede P. R. (51), que la crainte » de l'enfer n'eft pas capable toiite » feule de guerir la concupifcence 8c » de changer le cceur. Il n'y a que la » charite repandue dans le cceur par' " le faint Efprit, qui puiffe bannk » 1'amour du monde ; puifqu'un acci- » dent des plus fenftbles & des plus- » capables de degouter de ce qui peuc » y attacher, ne rompt pas les chai- (fo) Ep. ad Euftoch.
i$i) Nccrol. 1 j mai, g. 1.8 j~
F vj
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I 3 i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.*
» nes ». Dans cette extremite le ma-
lade eut recours a la fainte Vierge, la fuppliant de lui obtenir le tems de faire penitence ; ce qui lui fut accor- ded » II ne penfoit encore qu'a cher- « cher des etabliflemens dans le mon- » de , lorfque Dieu lui fit voir dans » un fonge le defert, ou eroit fituee » l'abbaie de P. R., & faint Jean qui » l'appelloit de-la, pour y venir trou- « ver un repos qu'if cherchoit inuti- « ment ailleurs; mais il n'en favoit " pas le chemin , 8c il ne le pouvoit » trouver fans un bon guide. Ce fut »» le faint Efprit lui-meme qui l'y ad- s' dreflTa dans le tems qu'il y penfoit le » moins f 5 x) »• Etant venua Paris en 1635, M. de faint Cyran a qui il s'ad- drena pour avoir quelque place , le mit aupres d'un jeune abbe de Fenelon. Comme l'abbefut envoi'e a Bourdeaux, M. de Bafcle l'y fuivit, & y rendit des fervices importans a une veuve, mere d'un Avocat de fa connoiflance, d'une inaniere fi obligeante qu'elle lui pro- pofa de 1'epoufer. Mais la mort ai'ant enleve la dame, l'affaire manqua. M. de Bafcle revint a Paris , Pan 16 3 7 &c alia trouver M. de faint Cyran , qui lui promit de s'interefTer pour lui & (51) Necr. lb.
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I. Partie. Liv. X. ijj
de lui menager une place chez M. d'A- "
vaucour, & ne lui parlade nulle autre chofe. La converfation finie, il fe re- tire , mais a peine eft-il au bout de la rue , qu'une lumiere du Ciel frappant fon coeur , & lui faifant fentir toute la vanite du monde , il revient fur fes pas , varetrouverM.de S. Cyran, lui demande desfecours fpirituels, & le prie de vouloir bien lui fervir de con- du6beur dans la voie du falut.Le S. abbe qui n'en connoiflbit point d'autre apres laperte del'innocenceque la penitence, n'avoit point voulu jufqu'alors fe char- ger de perfonne,jugeantbien qu'onl'ac- •- cuferoit de fingularite , s'il fuivoit des regies, qui n'etoient point en ufage, Mais Dieu l'y avoit comme force quel- ques rnois auparavant lui axant envoi'e M. le Maitre dans des difpolitions qui portoient fi vifiblement le cara6tere d'une vocation divine a la penitence, qu'il n'avoit pu refifter a l'ordre du ciel. Il jugea done encore par cet evenement nouveau , que Dieu vouloit repandre -fur d'autres la grace de la penitence, 8c qu'il Ten renooit le miniftre, en lui addreffant ces ames. Lorfque M. de faint Cyran fut arrete., le penitent n'e- toit pas reconcilie, mais la providence lui procura le moien -de penetrer dans |
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I J 4 HlSTOIRE DE PcRT-Ro'fAt;
x66i. te Donjon de Vincennes, d'aborder le
prifonnier de Jefus-Chrift, & de re- cevoir de lui l'abfolution , la veille de faint Jean-Baptifte. Il auroit bien fou- haite pouvoir fe retirer a Port-Roial des champs , mais les folitaires en aiant ete chaffes par ordre de laCour, il fe retira dans une abbai'e en Guien- ne, & y vecut deux ans dans une gran- de retraite ; apres quoi etant revenu a Paris, il alia par ordre de M. de faint Cyran a P. R. des champs , oil les fo- litaires etoient de retour. En arrivant, il fut extreniement frappe en volant le vallon de ce defert, qui lui parut par- faitement femblable a celui qui lui avoit ete montre par faint Jean. Il y pafla plufieurs annees dans les exercices d'une penitence auftere & d'une grande retraite, travaillant des mains & fervant au menage (53). La foumiffion qu'il avoit pour les perfonnes qui avoient la eoncluite de fon ame, lui fit accepter d'autres emplois •, il fut charge de for- mer a la piete & a la religion les enfans qu'on elevoit a P. R., tandis qu'un ec- elefiaftique , nomme M. Celle, les inftruifoit dans les lettres humaines, » Cetok, dit M. Lancelot (54) j un (f j) Necr. lb.
Cr4s> lane. T. l.1 part. p. jps. t
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T. Parti e. Liv. X. i ff
» homme vraiment humble, pauvre 1(J(j
» & penitent...... . C'etoit un
» homme qui ne fe laffbit jamais dans
» les ceuvres de eharite, ou Dieu le » faifoit entrer. Il avoit un don parti- « culier pour affifter les malades , & » pour confoler ceux qui etoient dans » quelque peine, ou qui avoient be- » foin de quelques avis; ce qui lui. " gagnoit non feulement l'amitie de » tous les freres , mais auffi de beau- » coup de perfonnes du monde. Nous avons vu en rapportant la mort de M. de faint Cyran, le miracle opere fur M.. de Bafcle, qui relTentit le premier l'ef- fet du credit de ce faint abbe aupres de Dieu. Quelques annees avant fa mort, il fe retira au Chefnay prcs de Verfailles,ou ily avoit quelques enfans,. meme depuis la difperfion , donr iL prit foin. Sa mort fut une fuite de fa penitence & de fa eharite (55). Etant tombe malade apres Paque de l'annee 1661 , a caufe de l'extreme rigueur avec laquelle il avoit paffe le careme, il voulut faire un effort pour aller a Paris , confoler M. de la Vefpaliere. frere de M. de Berniere , de la mort d'un de fes freres qui etoit Chevalier & grand Infirmier-de Malthe. La fatl- tj,5;;Lanc. lb. p. 3,17,.. |
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t}6 HlSTOIRE DE PoKT-ROlAt.
j.^(jj# gue du voiage ai'ant augmente le mal ,
il mourut le 3 de mai de la meme an- nee 1661, ( non 166} , comme le marque le necrologe ) dans le logis de M. de Berniere, alors exile a IfToudun , & fut enrerre au milieu du cimetiere, jui eft encre le chapitre de Meffieurs le Notre-Dame & l'Eglife de faint De- nis du Pas. II eft le premier qui ait ete enterre Hors de P. R. jscxv. Le Confefteur de P.R. mort fixiours mort le n apres la mere Angelique, etoit M. Re- aoutissj. bours. » C'etoit un pretre , dit M. du » Folle , d'une vertu tres folide & d'u- » ne converfation tres agreable. tl » avoit ete engage dans le facerdoce, » pour fervir en qualite de confefleur, » les religieufes de P. R. de Paris ; » & il s'acquitta toujours de cet era- » ploi d'une maniere tres digne de fon « miniftere ». Celt le temoignage qu'on lui rend dans le necrologe de P. R., 011 Ton trouve un bel eloge de ce faint pretre (56). » Il avoit dans » fa premiere vie, comme parle M. » Fontaine (5 7), eclate par toutes les m fciepces des auteurs profanes. Il y » renonca depuis pour ne favoir plus » que Jefus Cbrift crucifie; & de toure |
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(t«)Nect. p. H3» 334. 33*>
if 7) Font. T. 1. p. m. |
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I. P Artie. Liy. X. 137
» fa bibliotheque qui etoit tres nom-' » breufe en auteurs de toute forte de » langues, l'ecriture & fon crucifix » etoient toute fon application ». Il alia demeurer a P. R. l'an 1640 (58), & M. de faint Cyran le fit ordonner pretre pour ce monaftere en 1641 (59). Parmi les lettres de cet abbe, il y en a plufieurs qui font adreflfees a M. Re- bours (60). Ce fut par fa mediation, que M. de Pontchateau fe liaavec P. R. & fe mit fous la conduite de M. Sin- glin (61). Onpeut voir dans M. Fon- taine, quel etoit la vie de ce pieux ecclefiaftique , fa vertu, fa charite , fon zele pour le falut des ames, fon amour pour la retraite, la haute idee qu'il avoit du facerdoce, fa peniten- ce , fa pauvrete, fa liaifon etroite avec M. Singlin & fon attachement pour la fainte maifon de P. R. » Toute fa » vie etoit d'etre dans l'eglife, ou dans » fa chambre, qui lui etoit devenue » comme une nouvelle eglife. On ad- « mjroit comment il pouvoit fi bien » joindre enfemble par une liaifon » ties heureufe, mais tres rare, une (58)11 etoit age de 48 («o) ny , \i6 , m-j,
ans. Necr. 118, Il9 , 130 , 131 ^
(59) Rec. de pieces in- 131, 135, IJ4,|J35».
11. de 1748 , p. 161 , i5«.
i«i. («ijlb. p. 413. lb.
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Ij3 HlSTOlRE DE P0RT-ft.01.At.'
6$lm~ " fimpliciteincroiable&toujoursgaiey
» avec les lumieres & le recueillemene " d'u-ii efprit tres eclaire ; une inno- » cence d'enfant avec la gravite & la « prudence d'un vieillard, qui retrou- *> voit de plus en plus une nouvelle en- w fance en Jefus-Chiift. Rien n'ecla- m toitplus en lui qu'une certaine bon- » te tres affable, une douceur nam- » relle & un agrement de charite qui " le faifoit aimer de tous. La nature « & la grace fembloient pour cela n s'etre unies admirablement en a lui (61) ". Ce fage ecclefiaftique capable des
plus grands emplois de l'Eglife, apres avoir fervi pendant environ vingt ans les religieufes de P. R. , fut traite comrae M< Singlin & les autres confef- feurs de cette maifon. Il la quitta en gemiffant , difant que e'itoit lui oter la vie, & laifla ces vierges chretiennes defolees de perdre leur pere, Ce qui augmenta encore fa peine fut d'etre oblige de fe feparer de M. Singlin. M. de Blancmenil, qui le regardoit com- me fon pere a caufe des foins qu'il . avoit pris de lui en le formant aux etu- des , le demanda avec inftance, & iL alia loger chez lui dans une maifon dii (<i) Foat. Ib.
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"I. Partie. Liv. X. t$$
fauxbourg faint Germain. Quelque i66\r terns apres , ces deux amis ne pouvant de part & d'autre fouffrir cette repara- tion , ils fe reunirent, & M. Rebours vint demeurer avec M. Singlin •, mais la joie de cette reunion ne fut pas de longue duree, M. Rebours etant motf le \6 d'aout 1661.» Il fit voir dans fori » exil, aufli- bien qu'en route fa vie, » fa foumiffion a la volonte de Dieu ; » dans la feparation d'avec fes amis, * la tendreue de fa charite 5 dans fa » maladie , la conftance de fa vertu; » dans fa reunion avec M. Singlin » » la faintete de fa joie 5 & dans la *> paix avec laquelle il mourut, l'in- » trepidite de fa foi qui craignoit Dieu »» & ne craignoit plus autre cho- » fe (6$) ». Pendant fon agonie, qui fut ties longue, il fe voioit mourir avec joie , n'ai'ant dans l'efprit que l'eternite , comme il I'avoit eu toute fa vie. Son corps fut parte fecrete- ment a P. R. de Paris , & ainfi l'ami de l'epoux fut mis parmi les epoufes. Les religieufes de la maifon des champs, voulant avoir quelque part a fes de- * pouilles, ecrivirenr apres famort pour avoir fon cceur (64). M. Singlin * i («j) Font. lb. p. iij,..
(S4) lb. p. ?,?«. |
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140 HlSTOIRE DE PORT-Ho'lAl.
"* qui elles s'etoient addreilees , leur fit
reponfe qu'il falloit fe voir en Dieu t & que la foi rendoit tout prefent, fans avoir rien qui fut fenfible. Les reli- gieufes loin de fe rendre , lui ecrivirent une fecondelettre((J5), dans laquelle non feulement elles fe juftifient, mais meme lui font entendre, qu'elles au- roient le meme defir par rapport a lui, fi elles avoient le malheur de le per- dre. («f)Ib. Voi'ez cettelet- la Prieure, qui parle en
tre dans M. Fontaine , ib. fon nom. p. 1^7. Elle eft Scrire jpar |
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Fin de la premiere Partie.
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<i
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PORT-ROIAL,
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SECONDE PARTIE.
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LIVRE PREMIER. _______
L\G6\.
A mort de la mere Angelique ar- v^m^ riya , comme on l'a vu, dans des cir- d'une gnmde conftances ou il fembloit qu'elle rut f£C^"i°\. plus necelTaire que jamais a fes filles, fi»«. i M. pour les foutenir & les animer dans les Sing m" epreuves auxquelles elles alloient etre expofees. Mais cette digne abbefle laifla en mourant des eleves, formees par ks foins, remplies du mime ef- |
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X$l HlSTOiRE DE PoRT-ROrAt.
' prit qu'elle , & capables de continner
l'oeuvre qu'elle avoit fi heureufement commencee & conduite a une fi haute perfection. La mere Agnes, admirable four de
la mere Angelique, la mere Angelique de faint Jean fon incomparable niece , & plufieurs autresgrands fujets, firent voir par la fageffe de leur conduite , par leur fermete dans les plus grar.des epreuves, que 1'efprit de la mere An- gelique ne s'etoit point retire de P. R. Celt ce qui fe remarque fenfiblement dans les combats qu'elles eurent a fou- tenir , fans aucun interval , pendant l'efpace de huit ans , non-feulement contre des ennemis declares , mais en- core contre despuiflances pour lefquel- les elles avoient un profond refpecT:, 8c contre des perfonnes qui faifoient profeffion de piete, &c qu'on regardoit comme des faints. Ainu s'accomplit ce qui avoit ete predit plus de trente ans auparavant a M. Singlin. Cette pre- diction eft trop intereiiante pour ne la pas rapporter ici dans les mimes ter- mes qu'elle fe trouve dans un memoire de Mademoifelle Marguerite Perrier , au fujet de M. Singlin de qui eRe l'a- yoit apprife, » M. Singlin, dit MademoifellePer,-
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II. Parti e. Uv. I. 14$
f rier (1 ) , jeune ecclefiaftique , & je "* '1(j g " » erois feulement diacre (%), fe mic * fous la conduite de l'abbe de faint •» Cyran, qui remarquant en Iui un » grand jugement; un tres bon efprit » & une grande piete , le deftina pour « etre confefleur de P. R, II le fut en » effeten itTjfJouen 1638(3), enfuite » ilfutnomme fuperieur (4). II etoit » fils d'un marchand de vin , & il fe » mit en apprentuTage chez M. Fave- » rolles pour etre marchand drapier, ou » marchand de foie. » A l'age de vingt-deux ans, il fut
» touche , c5c prit la refolution de » quitter le commerce &c de fe donner » a Dieu. Ii alia pour cela trouver M. w Vincent fuperieur de faint Lazare , » qui etoit dans une grande reputation . w de faintete , & lui decouvrit fes fen- |
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(1) Recueil de pieces de (4) M. le Cardinal de
j>740 , p. i«« , Rett ai'ant revoquc le 15
(1) Mademoifelle Per- mai i6j« M. du SaulTai
tier fe trompc fur cet ar- fori grand Vicaire, nom-
ticle , car il parole que M. ma dans le menac terns
Singlin 6toit Pretre lorf- MM. Chevalier & l'Avo-
qu'il fe mit fous la con- cat grands Vicaires du
duitedeM de S. Cyran. diocefe de Paris , tc en
(5) Il commence des fecret M. Singlin , grand
1'an i6;Sa confeirer les Vicaire de P. R. arm qu'il
novices de P. R. Enfuite fut independant. Peu de
M. de faint Cyran Ten- terns aprcs il fut fait SupeV
voi'a confefTer aux reli- rieur des deux maifons ,8f
gieufes du fault Sacte- y Htla vifiteen cette qu»»
pjant, iiteran»6j7.
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';
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144 HlSTOIRE DE PORT-ROlAt.
» timens. M. Vincent I'embraffa, &
» apres lui avoir temoigne qu'il etoit " ravi des bonnes difpolitions ou il le » voioit, il lui dit, qu'il falloit qu'il " fut pretre. M. Singlin lui reprefenta » qu'il ne favoit pas un mot de latin. w Sur cela M. Vincent l'obligea d'aller » dans un college & de fe mettre en » fixieme. Il obeit, & il eut le bon- »> heur de trouver un regent, qui ai'ant » compaffion de le voir etudier avec » des enfans de fept ou huit ans , pour » lui epargner cette home lui propofa » de le venir voir tous les matins une » heure avant la clafle. Le regent lui « apprenoit ce qu'il devoit apprendre » aux enfans de fa claffe , & quand il u venoit en claffe , il les enfeignoit » avec fon regent. Dans les autres claf- » fes, il eut le bonheur de trouver des « regens bien difpofes a fon egard; car » voi'ant fa bonne volonte ils voulurent » bien en ufer comme le premier. Il « acheva ainfi fes claflfes. » Quand il fut ce qu'il falloit necef-
u fairement pour etre dans les ordres , » auffi t6t M. Vincent les lui fit pren- » dre. Lorfqu'il fut foudiacre ou dia- •» ere , il le mit a 1'hopital de la pitie »> pour faire le catechifme aux enfans. « Il lui arriva une chofe fort extraor-
» dinaire
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II. P A R T I E. LiV. I. 145
»> dinaire dans ce tems-la. M.'Vincent
» alloic de tems en tems a. la pitie, par- » cequ'il en etoit fuperieur. Un jour « M. Singlin fortant de l'Eglife , ap- « percut au fond de lacour M. Vincent » qui parloit a quelqu'un. Comme il » avoir qitelque chofe a lui dire , il » refta fur le perron de l'Eglife, atten- » dant que M. Vincent fe detachat da « ceux a qui il parloit. Durant qu'il »> etoit la , il furvint une devote de m M. Vincent nommee fceur Jeanne , » ou fosur Catherine ; cette fille dit a » M. S'mglmJ^ous attendee M.Vincent, >y il lui dit qu'oui; & elle lui repondit, » & moi auffi. Pendant ce tems-la, qui " fut a(Tez long, cette fille lui dit: eh I mon Dieu, Mon/ieur, ilfaut bienprior Dim pour VEglife^car il va s'elever une grande perfecution dans l'Eglife, & il y aura du fang de re'pandu. M. Singlin lui ai'ant dit: Qu'ejl ce que ce fera done que cette grande perfecution I Elle re- ponditl:Mon/ieur, il y aura une horrible perfecution , tous les gem de bien vont ttrt horriblement perfecutes. » M. Sin- » glin, Jqui croi'oit qu'il n'y avoit point » dans le monde un plus grand hom- » me de bien que M. Vincent, lui dit, » en le lui montrant: Helas ! ma fceur, Tome IV. G |
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I41? HlSXOIRE DE PoRT-ROlAt.'
ce faint homme va done etre bienptrfl~ cute l » Elle fit un grand foupir, 8c » lui dit : Helas I non Monfieur , He- >j las I ilfera des perfecuteurs. Dans la >• moment qu'elle eut dit cette parole, » qui l'errraia , M. Vincent quitta les » perfonnes avec qui il etoit, &: M. » Singlin l'alla joindre. Depuis il ne » vit plus la devote , & n'y penfa plus. » Quelque tems aptes M. Singlin fit » connoifTance avec M, du Vergier de » Hauranne » abbe de faint Cyran , 8c » comme il cherchoit Dieu fincere- » ment, & qu'il trouva dans M. de » faint Cyran autant de piete que dans » M. Vincent , & infiniment plus de » fcience & de connoifTance de la reli- » gion, il quitta M. Vincent & s'atta- m cha a. M. de faint Cyran......II
« arriva que quelque tems apres on vit
» paroitre le livre de la frequence com- » munlon , qui attira une grande per- » fecution a. M. Arnauld... . Enfuite sj vint l'a'rFaire deJanfenius. M.Vin- »j cent qui etoit alors chef du confeil » de confeience durant la regence de « la Reine-mere ( Anne d'Autriche ), »j fe joignit aux Jefuites dans tous ces t> terns-la. , & fe mit a la tete de ceux « qui commen^oient a perfecttter Pott- |
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II. Par tie. Liv. I. 147
» Roi'al (5 ). Cela fit fouvenir a M. ' » Singlin de la devote de M. Vincent, « qui lui avoit dit avec un foupir terri- » ble: Helas 1 non Monjieur, il nefera m point perfecuti ,mais ilftra des per- ficmcurs. Il ne ut paspoffible de fa voir " qui etoit cette devote (6) : car il y |
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1661.
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(f) On fait afliz ce que
Ies Jefuites firent faire & M. Vincent au fujet du livre de la fre'^iicnte Com- munion &c de celui de Jan- fen'mi *. A l'egard de P. R. , il ne paroit pas avoit emploi'e fon credit contte ce monaftere, auquel on ne potta Ies gtands coups qu'apres fa mort. Cepen- dant la mete Angelique dit dans une lettte ecrite a M. Ie Maitre le n Mats i«y j , que M. Vin- cent decrie P. R. , plus dou- cement a la write que Ies Jefuites ,- tnais que par un faux zele fans fcience, il defire autant fa tuine que Ies autres, par une malice toute ftanche. La fimplicite d: cc bon hom- me feifoit qu'il ne voi'oit pas Ies conlequences des mauvaifes aiFaites dans Iefquelles on 1'engageoit , & c'eft ainii que Ton peut l'excu'er.Mais que la Cour de Rome le propofe en cela a imiter dans une bulle de canonifation, |
c'eft ce qui eft du moins
auffi intolerable que ce qui a revoke rout le fnon- de dans la bulle de cano- nifation de Gregoire VII, qui le loue de fes plus grandes fames , & de f* conduite & l'egard des Princes qu'il a enireptis de depofet; & c'eft avec rai- fon que Ies Patlemens fe font eleves contre des Bul- les qui' ptopofent pour motifs de canonifation des actions, & des demarches qui lieurtentde front Ies ptincipes Ies plus faerie Pro'te\ Us Noitv. Eeelef. du f Mars 1758. (6) Cette devote paroit
etre la tneme que celle dont M. le Makte ra- conte la prediction fake a M- Singlin vets 1'an i«j5, dans un cntrecien qu'il eut ayec la mete Angelique let juillet 1655, au fu- jet de la bulle d'lnnocent X contre Ies V ptopoh- tions. M. le Maitre dit dans cet enttctien avec la mete Angelique , que Ton |
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* V»'ie\ VexcelUnte viede M. d'A'et, 1 part. Liv. I.
th. 1. &l'biji. du janftnifm, T. i.f,^^&-fuiv. |
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148 Histcirf. de Port- roiA£.'
» avoit plufieurs annees que M. Sin- |
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tot touchee de ce de-
fir , quoiqu'elle efit toujours vecu tres in- nocemment & tres fain- tement, & elle pour- fuivit enfuite M. Sin- glin , afin qu'il la mif quelque tems en cet erat de penitence , ce qu'il ne put lui refufer. L'autre prediction,con- tinua Monfieur le Mai- tre , eft que M. de Bazas (Litolphi Maro- ni) nous a dit etant ici a P. R. des champs en 1643 , apres la mort de M. de S. Cyran & avanr routes les perfe- ctions des Jefuites, qu'un grand homme de Dieu lui avoit dit qu'il s'eleveroit une violente perf£cution dans l'Eglife. Je ne fais, ajoute M. le Mai- tre , fi ce n'etoit pas M, Gault, Eveque de Marfeille , "mort en odeur de faintete, fori intime ami , qui pell de tems avant de mou- rir dit a M. Pallu fon, coufin, que le livre de Janfenius qu'il avoit lu , ne co"tenoit que la doftrine de Saint Auguftin , mais que neanmoins il feroit grand bruit dans l'Egli- fe , 8c feroit horrible- ment attaque. Memoir espour Jervir a I'hifloire de |
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Ia veillc de voir
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e
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l'effet de deux predic-
tions. 3> La premiere fut j» faite vets l'an 16 \ 3 par y> une fainte fills,que Ma- ss demoifelle Poulaillon, w (inAitutrice des filles dc » t union chr£tienne 8c 3> autres etabliflemens ) s> avoit fait venir a Paris » pour inilruire des filles » du Refuge , & que M. m Singlin connut alors«. Ce fut elle qui lui dit qu'un fameux direfteur de ee tems-la feroit tin nomhre des perfc'cut.eitrs. Monfieut le Maitre dit dans le nie- meentretien , j> que cette » bonne fille vint voir s> M. Singlin a P. R. » quand elle partit de j> Paris (versl'an 1*40) Monfieur le Maitre ajoute que M. Singlin luiavoit dit, » que cetse fille ctoit » fi-iiumble & fi remplie » de l'efprit de Dieu , k queluiai'ant ditquec'e- o) toitunechofe tres utile 3> de faire un renouvelle- » mentunefoisen fa vie, m u'edtret dans 1'etat 3) humble d'un penitent, 3> & d'etre ftpare quel- 3> que tems de i'Eucharif- a> tie , pour fatisfaire a 3> Dieu par cette humi- » liation , des fautes ■» qu'on peut avoir com- s> mifes envers un myfte- 33 re fi augufle , partant si de communions faites |
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» par coutume 3c avec ne- P. S. z fart. 1 Rel, f'tit
y> glijgence -} elje fut «j#- (. j«j V jsf |
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II. P A R T i i. Llv. 1. 149
t> glin ne l'avok vue lorfqu'il en parla. x 6<S i. » Cela lui eft toujours refte dans l'ef- » pric, & il ne manquoit pas de dire * » lorfque quelqu'un de ces Meflieur's m etoit exile ou mis a la baftille : voila la prediction de ma devote, qui s'accorn- plit tous les jours. II riy a point encore de fang repandu ; mais aions patience. » C'eft de M. Singlin meme > die
« Mademoifelle Perrier , que je fats " Phiftoire que je viens de rapportet j jj & M. Nicole me difoit un an ou deux » avant fa mort, qu'il n'y avoir plus « que lui & moi qui en fuflions te- » moins. Il eft morr depuis(le \6 de- « cembre 1695 ), ainfi il ne refte que « moi feule. L'hiftoire eft vraie. Pour « ce qui eft de favoir s'il fe repandra » dufang , c'eft ce que nous ne favons » pas , ni meme s'il y en a eu 5 e'eft-a- » dire , s'il y en a quelques-uns qui « foienr morts de fatigues & de mau- » vais traitemens , de leurs exils ou •» prifons, On peur dire aujourd'hui avec aflu-
rance que la prediction de la devote, prife en ce dernier fens , a ete accom- plie ; e'eft-a-dire , en regardant, avec Mademoifelle Perrier, comme une ef- pece de martyre, la mort occafionnee par les fatigues, les mauvais traitemens, G iij
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150 HlSTOIRE IJE PoRT-RO'lAl.
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a 6 61. l*s ex^s > foufferts pour la defenfe de
la verite (7).
11. Toutes les violences exercees juf-
BS3rf qu ici contre P. R., n'etoient que les
li^icufes de preliminaires d'une plus grande per-
Bait paiM' lecution. Apres avoir oblige les reli-
gieufes des deux communautes de ren-
o .. . r •
voier toutes leurs peniionnaires •, apres
avoir arrache de deiTus l'autel des vic-
times qui etoient pretes a s'immoler
& a fe confacrer a Dieu, & avoir con-
traint les poftulantes & les novices de
fortir de ces faintes retraites ; apres
avoir chaiTe leurs confeiTeurs, & ecarte
toutes les perfonnes de qui elles pou-
voienc recevoir quelque fecours fpi-
rituel & quelque confoiation; en un
mot, apres s'etre rendu maitre de tous
les dehors de leur monaftere , on les
attaqua perfonnellement, on les y tint
enfermees comme on auroit fait des
criminelles , & meme plus etroite-
iment ; on les perfecuta cruelleme'nt
fans aucun egard a l'innocence de
leur vie, a. la purete de leur foi , ni
meme au temoignage que leur rendit
le nouveau vifiteur qui leur avoir ete
donne par ordre de la Cour, lequel
(7) Voi'ez les Appelant fenfeurs de la verite ,
telebrcs , & les Nowuelles morts, foit dans les pri-
Ecdejialliqucs. On y trou- fons, foit dam les exils,
ye ur.e multitude de ds- |
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II. Pah.tie. Llv. t. 151
avoua de bonne foi ne les avoir trou- "^66 vees coupables d'aucune erreur. Ce vinteur (8), le plus grand moli-
nifte qu'il y eur, ne lailla pas, lorfqu'il fit la cloture de fa vifite au mois d'oc- tobre 1661 , de rendre , dans fon dif- cours , le temoignage fuivant aux reli- gieufes de P. R. » Je fuis oblige , dit- » il, de rendre graces a Dieu de vous » avoir trouvees exemtes des opinions » qu'on vous avoit imputees. Nous » n'avons rien trouve dans vos exa<- » mens , qui put vous rendre coupa- » bles fur ce fujet , & meme vous i> avez paru efrra'iees & avez abhorre *> une n dangereufe doctrine auffi-tot » que je vous en ai parle.J'en loueDieu » de tout mon cceur , & lui en rends » des actions de graces infinies. Je « vous en congratule ; je vous en feli- » cite. Car quelle plus grande mer- •11 . ■I i ~> &- LJa
» veille qu aiant ete environnees c£
» entourees depuis fi long-tems dc per-
» fonnes fufpeftes & foup^onnees ,
» non fans fujet ( au jugement de M.
» Bail), d'etre dans ces mauvais fea-
» timens ,vous vous foyiez confervees
« dans la purete de la foi de l'Eglife.
(S) M. Bail. M. deCon- voulutbien, par affcftiori
tes Doi'en du Chapitre de pour les religieufcs, pre-
Paris, l'un des grands Vi- lider I cette Yifue.
caires de Mon&iit deReu, G iiij
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....."' -------------------^^w*^,—
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151 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL
i66U " Dieu vous a protegees & vous a
" prefervees d'y tomber,par un miracle » plus grand que tous ceux qu'il a fairs » en ce lieu par la fainte epine (9) «. Tel eft le temoignage folemnel ren- du dans un acte de vifite (1 o) a la pu- rete de la foi des religieufes de P. R., par Thomme le plus prevenu qu'il y eut contre ces faintes filles. II loue Dieu, il iui en rend des actions de gra- cus d'avoir protege ces religieufes; il les felicite de ce qu'elles ie font con- fervees dans la pureti de la foi di I'E- glife. Le V article de l'a&e de la cloture
de vifite eft congu en ces termes : *» Ai'aot trouve par la vifite cette mai- « fon en un etat requis & bien ordon- » ne, une exacte observance des vceux, « des regies & des constitutions; une » grande union & charite entre les « fceurs, & la frequentation des Sacre- « mensjdigne d'approbation, avec une w fbumiflion due a notre S. P. le Pape » & a tous fes decrets , par une foi » orthodoxe , & une obeiflance legiti- (9) Hift. des perfec. religieufes fubirent des
ch. j4. p. 47. col. i. interrogatoires, qui font
(10: Cette vifite fut rapportes dans l'hiftoire
commencee le ji juillet, des perfections , p. 8i.
& ne fut tennin£e qu; le 187.
x fcptembre ; toutes les |
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H. P A R T I E. Llv. I. I 5 J
» me qu'elles nous ont temoigne lui \$(>Xt
» avoir ; n'y aiant rien reconnu en Tun " & l'autre monaftere, qui foit contrai- »> re a la foi orthodoxe & a la do&rine »» de l'Eglife catholique apoftolique & » romaine , ni aux bonnes mosurs j »> mais plutot une grand* fimplicite « fans curiofite dans les queftions de « controverfes,dont elles ne s'entretien- «|nent pas, les fuperieures aVant eu foin « de les en empecher ; nous les exhor- » tons toutes par les entrailles de Jefus- w Chrift d'y perfeverer(i i)». Telles e- toient les religieufes, felon le temoi- gnage de l'homme le moins fufpect -, apres une vifite & un examen rigou- reux. On ne lailTera pas cependant d'e- xercer cont re ces vierges chretiennes , comrae nous allons le voir , des cruau- tes qu'on exerceroit a peine contre les perfonnes les plus corrompues. Les grands Vicaires de M. l'Arche-
Veque aiant publie le 8 de iuin 1661 m- . 1 . l i i /• les teugricn*
un mandement pour ordonner la iigna- fes de i* iu
ture du Formulaire , corome ils y f>snem le P"* r n-r M j-rt- mier Mande-
avoientlurhiamment marque la diltinc- ment des
tion du fait & du droit, les perfonnes Br?nds v£_ . z . , * , caires avec
qui aimoient la verite , cruren-t qu on repugnance.
pouvoit figner enfuite de ce mande-Poui<i'uoi-* tnent. Les religieufes de P. R. temoi- Jlrt Hift. des petfecuc lb. p. 48.
G V
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154 Histoire'ds Port-roia£.
gnerent d'abord beauconp de repugnan* ce pour certe fignature; mais ceux, par les lumieres de qui elles fe condui- foient, leur aiant reprefente que dans une matiere de cette importance, il ne falloit pas donner occafion au fcandale qu'on pourroit prendre de leur condui- te , fi par un fcrupule mal fonde elles refufoient de donner cetre marque de foumiffion aux puilfances eccleiiafti- ques , elle fe determinerent a figner ce mandement, ce qu'elles firent le 2 z juin 1661. La mere Angelique, qui etoit alors rres mal, remoigna une gran- de joie, de ce que la maladie lui etoit un fujet legitime de ne le pas faire, ne pouvant y avoir qu'une neceffite abfo- lue qui put contraindre a prendre par- ti, en quelque maniere que ce fut, a cet ouvrage de tenebres & a ce myftere d'iniquite. Le premier mandement des grands Vicaires de Paris avoir ete con- certe avec les amis de P. R. (n). Le deflein des grands Vicaires etoit de pro- curer par ce moien la paix de l'Eglife. Mais quelque louable que fut ce deffein » Il faut reconnoitre, avec l'Apologif- » te des religieufes de P. R. (13), que <ii)Haroit ete drefTc (15) Voi'ez l'apot. ie*
par M. Pafcal. Rec. ini* religieufes de P. R. , p, de 1740, p. j 1 j. j 1 & fuiy. 1 part. ch. 1, |
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II. P A R T I E. LlV. I. 155
a ceux qui l'avoient drefle, defirant \66i,
»» menager les Eveques & fe menager
» eux-memes, en avoient menage les
» termes avec rant d'adreffe, que les
»> claufes elTentiellesqui determinoienc
« nettement la fignature , a ne figni-
3j fier la creance qu'a l'egard de la foL,
» y etoient un peu cacnees, &c qu'il
« falloit quelqu'attention pour lere-
« connoitre ••. Malgre cela, les doc-
teurs les plus perfuades de l'inno-
cence de Janfenius , crurent qu'on
pouvoit le figner en confcience. Mais
?uand on vint a le propofer aux religieu-
esde P. R. qui avoient accoutume d'a- voir toujours le cceur fur les levies & qui avoient horreur de tout deguifement & de toute equivoque , l'embarras des . paroles de ce mandement leur caufa un trouble & une inquietude extraordi- naire (14). Quoiqu'on les affurat que ceux en qui elles avoient plus de con- fiance, jugeoient qu'on le pouvoit figner en confcience, & quelques raifons qu'on leur alleguat, il fur impoflible de mettre leur efpritpleinement en re- pos fur ce point. Elles firent confulrer quelques dodteurs de leur amis fur ce qu'elles pouvoientfaire; elles ecrivirent aunde ceux quidevoient afliftera une £14) Hift.despstfkut. eU. i$.p,i7 8cfuiv.
G VJ
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I5<J HlSTOIRE DE PoRT-ROl'At."
g(jx,'" deliberation fur ce fujet (i 5). » II eft
si queftion , difent-elles dans cette » lettre, que la plupart de nous ont » de la peine a demeler les obfcuri- » tes du mandement pour y trouver » le bon fens qui fauve la verite &c la » confcience de ceux qui le compren- « nent: & elles font au contraire hor- » riblement frappees de la clarte du « formulaire , qu'elles n'avoient ja- » maisfu etre (el qu'il eji (16), de forte « qu'elles ont meme plus de peine a » le figner, qu'elles ne fe l'etoienc » figure auparavant. De les y obliger » n'eft-ce pas bleffer la confcience foi- m ble, qui ne peut etre perfuadee par » l'autorite, quand elle ne voit pas » clair dans la raifon dont on fe fert » pour lui impofer uneloi qu'elle croit w qui 1'accable. ..... Soi'ez-nous, » s'il vous plait, favorables. Et puif-
» que nous fommes en un tems ou Ton » ne peut fauver la verite , fauvez au « moins nos confeiences par la force » de vos confeils & par le pouvoir de » votre charite & de vos prieres, que (if) Apol. ib. p. 11, fenius, puifqu'elles i>"a«
(lS)C'eftune nouvelle voient pas meme vu le
pteuvc que les religieufet Formulaire , lorfque le
de P. R. etoient dam l'i- premier mandement des
gnorance al'egarddesdif- grands Vicaires leui fjit
piues. Air le liyre di .Jan- proj>oft.
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'II. Par tie. Liv. 1. 157
» je vous demande pour moi en par- I(j(jr.
» ticulier, qui me fens tout-a-fait ac-
»» cablee de I'etat oil je vois la mere
» Angelique dans la conjon&ure de
w eelui ou eft la maifon. Que nous
» fommes heureufes de favoir que Je-
» fus-Chrift eft le meme aujourd'hui
n qu'il etoit hier, & qu'il fera dans
»> tous les fiecles l'afyle & l'appui de
» fespauvres».
On ne crut point dans la delibera1-
tion qui fe tint, devoir s'oppofer a la re- folution de ces faintes religieufes, qui agiflbient avec des vues ii pares & une fi grande delicatefTe de confcienee. Et quoiqu'on crut que le premier mande- ment des grands Vicaires pouvoit fe figner fans reftridbion , on eftima neanmoins leur fincerite. Ainfi elles ne le fignerent qu'en y mettant une the , ou elles declaroient, » Qu'elles » embraflbient abfolument & fans re- » ferve la foi de I'Eglife catholique , » qu'elles condamnoient toutes les » erreurs qu'elle condamne,& que leur n fignature etoit un temoignage de cet- » te difpofition (17)». C'eftainfique les chofes fe paflerent a Paris au fujet du premier mandement. Mais il produifit bien d'autres. agj-r
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1
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Ij 8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl.
i<j(5i. tations a P. R. des champs , ou les re-
iv. ^ ligieufes ai'ant recu ce mandemenc pAgK.at'desa avant que d'etre informees de ce qui champs au s'etoit pafle a P. R. de Paris, & ap- ml" ManJe- prenant que tout le monde le fignoit, ment des gt. qu'on vouloit les obliger a le figner tel qu'il etoit, que c'etoit meme l'avis de leurs principaux amis, elles furenc dans la plus grande confternation. Quel compte rendront a Dieu ces tyrans des coniciences, ces hommes cruels , qui ont l'inhumanite de rroubler ainli le repos des epoufes de Jefus-Chrift, & de livrer des vierges chretiennes qui ne penfent qu'a fe fandlifier par la pe- nitence & la priere , a des peines fi ex- tremes & fi violentes, pour des affaires qui ne les regardent point, & pour des queftions ridicules ? On peut dire du faitde Janfenius, ce que difoitS.Auguf- tin aux Donatiftes (j 8), ecrivant contre Crefconius : Qu'il nous foit du moins perm is de douter des actions d'autrui : nobis faltem de alienis faclis dubitare per- mute. Y a-t-il rien de plus injufte que de ne pas permettre d'en douter ? Si nee faltem dubitare permittitur, quidini- quius ? Si autem dubitare ptrmittitur , quid fuffieientius (19).? Le fait de Jan- (1S) L. j , c. 1 f. Xett. £ Morenas,p. 141, oil
(iy}ib. c. jo.Yo'Kzla Xe. cetie maueie eft traitee.
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II. Par.tib. Liv. I. 159
fenius peut etre douteux comme celui
de Cecilien , » Mais il n'eft pas dou- » teux, dit faint Auguftin , qu'il ne w faille faire toute chofe, pour ne pas m troubler la paix de l'Eglife. Et ainii « quiconque la trouble pour le mal in- » certain d'une autre perfonne, eft lui- « meme certainement mechant (20). Cruels & laches perfecuteurs , qui au- torifent toutes fortes de crimes , qui permettent le violement des loix les plus facrees, qui enfeignent qu'il eft permis de tuer un homme pour une pomme, & qui ne veulent pas per- mettre que des vierges chretiennes re- gardent comme innocent ou meme qu'elles doutent de I'innocence d'urt Eveque niort en odeur de faintete t Etrange aveuglement! Qu'importe-t-il pour l'Eglife , ou pour le falut de ces filles, qu'elles croient que Janfenius eft coupable ? Je venx meme qu'on ait clai- rement prouve qu'il a erre , quelle ne- ceffite y a-t-il d'obliger des religieufes a le condamner 1 Faut-il courir par tou- te la terre , par tout un Roi'aume » porter le trouble dans le fond des deferts , pour faire connoitre a des re- (10) Qui pro inccrto bia , nee damnemus , 8c
alicno malo pacrm Chrifti paccm Chrifti , cujus bo-
tefpuit , certiffime matus num dubium noneft, fta-
ift. Nee abfolvaiaus dii- tern* dik&one tenesmi!**
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IdO HlSTOIRE DE PoRT-KOlAt.
ligieufes ce qu'elles ignorent 5 Pour-
quoi cela ? Eit-ce pour qu'elles foienc innocences > Mais ne le font-elles pas , quoiqu'elles ignorent ce qu'on veut leur faire condamner ? Eft-il neceflaire pour conferver l'innocence , de con- noitre les crimes d'autrui ? Non , fans doute, repond faint Auguftin (n); mais il eft necefTaire de ne pas confen- tir a ceux qu'on connoit, & de ne pas iuger temerairement de ceux qu'on ne connoit pas (21). He mon Dieu ! qui pourra etre innocent, fi c'eft un crime de ne pas fa voir le crime d'un autre I Quis locus innoum'u refervatur ,Jicri- men efiproprium nefcire crimen alienum? Ainfi raifonnoir S. Auguftin, ainfi jufti- fioit il, il y a plus de 1200 ans les reli- gieufes de P. R. Qu'auroit dit ce grand Saint, s'il avoit vu de fon tems la ty- rannie qu'on exerce aujourd'hui fur les confidences > Qu'auroit-il dit , s'il avoit vu ce monftrueux fbrmulaire , fiar lequel on s'engage par le ferment
e plus terrible a condamner un faint (t 1) De unit. Ecdef. c. fafta hominum agnofcen-
t. do, fedcognitisnon con-
(11) An eurrere debe- fentiendo , de incognitii
mus &c eos docere quod autem non teniae judi-
fcimus ? ut quid hoc ? Si cando , innocentiam cuf-
utinnocentes lint , inno- todtmus. £p. 93. Nov*
ccntes funt etiam dum Edit, 11. 1; , c, 4, £. 1 3j:
acftium. Noa eniia mala- |
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II. Par tie. Liv.l. \6i
Eveque ? Qu'auroit-ildie, s'il avoit vii t<j<Ji,
la perfecution qu'on a fait fouffrir a des epoufes de Jefus Chrift, a caufe du re- fus qu'elles ,ont fait de foufcrire une telle formule ? La foeur Jaqueline de fainte Euphe-
mie , digne faeur du grand Pafcal, fut une desreligieufes de P. R. des champs qui temoigna le plus de repugnance a. figner le premier mandement des grands Vicaires (23). Quoiqu'avec les plus grands talens, ce fut peut-etre la religieufe la plus humble , la plus do- cile & la plus foumife a. tout ce qu'on exigeoit d'elle. Voici de quelle manie- re elle s'explique dans une lettre fur le mandement qu'on vouloit faire fouf- crire (24). » Ma tres chere fceur, le peu d'etat v-
» qu'on a fait jufqu'ici de nos difficul- (J^ "uphe- » tes fur les affaires prefentes , m'em- mie Pafcal au >» pecheroit de les propoler encore a m{er Mande- (13JR.ec. in 11 de 1740, tres obligeante , od elle ™.en' des &*
f. jn&fuiv. raarquoit qu'elle i'avoit^lcalres*
(14) La fceur Euphemie ecrite tout de fuite dans
avoit delTein , en ecrivant le tranfport d'une douleur
fa lettre , de l'adrefler a exceflive , dont elle avoit
la fceur Angelique de S. ete faifie apres la comma -
Jean ; 8c e'eft a elle a qui nion , par la penfee que la
elle parte : mais enfuite Signature a laquelle on
elle crut la devoir envoi'er vouloit les obliger, etoit
a M. Arnauld lui meme , contraire a la Gncerirf
perfuadee qu'il ne s'ea chretienne. Afol. 1 fart*
choqueroic point. Elle p. 14.
I'accompagna d'une lettre |
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161 Histoire de Port-roYal.
» prefent, voi'ant combien peu on s'eiv » tend de loin , fi la chofe pouvoit fe » differer. Je crois etre obligee de vous » dire, que routes celles que j'ecrivis » a notre mere , ne regardoient que le » mandement qui nous ecoit tombe s> entre les mains par le plus grand ha- v fard du monde , & je dirois par un » effet de la providence de Dieu, fi » on avoit eu plus d'egard a. nos pei- » nes & que cela eut eu plus d'effet. » Nous entendions fort bien que
» Ton pretend , que par notre fignature >» on ne nous demande que le refpect, " c'eft-a-dire le filence pour le fait, Sc » la creance pour ce qui eft de la foi. « Mais la plupart defireroient detout » leur coeur que le mandement fut pire, » parcequ'au moins on le reietteroit » avec une entiere liberte; an lieu que » plufieurs feront comme contraints de " le recevoir, & qu'une fauffe prudent '» ce & une vraie lachete le fera em- ji braffer a. plufieurs autres, comme un » mo'ien favorable de mettre auili-bien » leurs perfonnes que leurs confciences « en furete. Mais pour moijefuisper- » fuadee que ni Tune ni l'aucre n'y fera v par ce mo'ien. Il n'y a que la verite Sj qui delivre veritablement ; & il eft »fans, doute qu'elle ne deliyre queceux |
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II. Par tie. Liv. 1. 163
qui la mertent eux-memes en Iiberte 1661,
en la confeflant avec tant de fideli- te qu'ils meritent d'etre confeffes eux-memes & reconnuspour de vrais enfans deDieu. » Je ne puis plus difiimuler la dou-
leur qui me perce jufqu'au fond du cceur , de voir que les perfonnes a qui il fembloit que Dieu eut confie fa verite , lui foient ft infideles , fi je 1'ofe dire , que de n'avoir pas le courage de s'expofer a founrir,quand ce devroit etre la mort, pour la con- fefler haucement. Je fais le refpect qui eft du aux premieres puiflances as l'Eglife. Je mourrois cf'auffi bon cceur pour le conferver inviolable , comme js fuis precede mouriravec l'aide de Dieu> pour la confellion de ma foi dans les affaires prefentes. Mais je ne vois rien de plus aife que d'allier 1'un avec l'aurre. Et qui em- peche tous les ecclefiaftiques qui con- noiffent la verite, lorfqu'on leur pre- fente le formulaire a ngner, de re- pondre : Je fais le refpecl: que je dois a Meffieurs les Eveques ; mais ma confciencenemepermetpasdefigner qu'une chofe eft dans un livre , dans lequel je ne l'ai pas vue; & apres cela attendre en patience ce qu!, en |
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I (J4 HiSTOIRE DE PoRT-ROlAtl
" arrivera. Que craignons-nous 5 L«
» bannilfement pour Yes feeuliers , la » difperfion pour les religieufes, la » faifie du temporel , la prifon & la » mort merae , li vous voulez > mais » n'eft-ce pas norre gloire ? & ne doit- » ce pas etre notre joie ? Renon^onsa » l'Evangile, ou fuivons les maximes ' » de l'Eyangile, & eftimons nous heu- » reux de foufFrir quelque chofe pour » lajuftice. » Mais peut-etre on nous retran-
» chera de l'Eglife 1 Qui ne fait que » perfonne n'en peut etre retranche » malgre foi , & que l'efprit de Jefus- » Chrift etant le feul qui unit fes mem- »» bres a lui & entr'eux , nous pouvons » bien etre privees des marques , mais m jamais de l'effet de cette union, tant » que nous conferverons la charite , » fans laquelle nul n'eft un membre » vivant de ce faint corps ; & ainfi » ne voit-on pas que tant que nous ne » ferons pas autel contre autel, & que » nous demeurerons dans les. termes » d'un fimple gemiflfement & de la » douceur avec laquelle nous porte1- w rons notre perfecution , la charite » qui nous fera embrafler nos enne- » mis , nous attachera inviolablement n'y aura qu'eux qui |
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JI. P ARTIE. LlV. T. 165
» en feront fepares en rompant par la i
« divifion qu'ils voudront faire, le
« lien de la charite qui les unifToit a
» Jefus-Chtift & ies rendoit membres
» de fon corps.
» Helas! ma chere four, que nous
» devrions avoir de joie, fi nous avions
v merite de fouffrir quelque norable
» confufion pour Jefus-Cnrift! Mais '
» on donne crop bon ordre pour l'em-
» pecher, lorfqu'on deguife tellement
« la verite que les plus habiles ont de
» la peine a la reconnoitre. J'admire
v la fubtilite de l'efprit, & je vous
» avoue qu'il n'y a rien de mieux fait
» que le mandement. Je louerois tres
» fort un heretique , en la maniere
v que le pere de famille louoit fon de-
» penfier, s'il etoit finement echappe
v de la condamnation. Mais des fide-
» les , des gens qui connoiflent & qui
» foutiennent la verite & l'Eglife ca-
» tholique, ufer de deguifement 8$
» biaifer, je ne crois pas que cela f§
» foit jamais vu dans les fiecles pafles;
» & je prie Dieu de nous faire mourir
» tous aujourd'hui, plutot que d'in-*
» troduire une telle conduite dans l'£->,
» giife. En verite, ma chere foeur .
» j'ai bien de la peine a croire qu$
v cette fagefTe vienne du Pere des Ju,«(
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x66 Histoire de Port-roYai."
5> mieres, mais plutot je crois que c'eft » une revelation de la chair & du » fang. Pardonnez-moi, je vous fup- » plie , ma chere fceur , je parle dans « Pexces d'une dpuleur , a laquelle il » faudra que je fuccombe , fi je n'ai »> la confolation de voir au moins quel- s' ques perfonnes fe rendre volontai- » rement vidbimes de la verite & pro- » tefter par une vraie fermete, ou par » une fuite de bonne grace , contre » tout ce que les autres reront. Je fais » bien qu'on dit que ce n'eft pas a des » filles a defendre la verite ; mais fi ce » n'eft pas a elles a. defendre la verite, » c'eft a elles a mourir pour la verite. « Je crois que vous favez affez , » qu'il ne s'agit pas ici feulement de » la condamnation d'un faint Eveque, » mais que fa condamnation enferme » formellement celle de la grace de » Jefus-Cnrift, & qu'ainfi fi notre fie- » cle eft aiTez malheureux qu'il ne fe >» trouve perfonne qui ofe mourir pour » un jufte, c'eft le comble du malheur » qu'il ne fe trouve perfonne qui le » veuille pour la juftice meme. N'eft- #» on pas au moins oblige de demeu- » rer ferme, enforte qu'on ne donne m point fujet cle croire qu'on ait ni p corrdamne ni fait femblant de con- |
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II. P A R T I E. LlV. I. \6f
» clamner la verite. Vous me direz
» peut-etre que cela ne nous regards » pas a caufe de norre formulaire par- » ticulier ; mais je vous repondrai » deux cho fes fur cela, l'une que faint » Bernard nous apprend avec fa manie* » re o rdinaire de parler, que la moin- » dre perfonne, non feulement peut, " mais qu'elle doit crier de routes fes » forces , lorfqu'elle voir les Eveques » & les pafteurs de l'Eglife dans l'e- .» tat ou nous les voi'ons : Qui peut » trouve? mauvais , dit-il, que je crie » moi qui fitis une petite brebis , pour •» tdcher d'eveiller mon pajleur, que je » crois endormi, & peut-itre devote » par une bete cruelle? Quand jejerois » affe{ ingratpour ne le pas faire par » I'amour que je lui pone & la recon- » noijfance que je lui dois , ne dois-je » pas le faire par la crainte de mon pi- » ril? Car qui me difindra quand mon. « pajleurftra devore ? Ce que je nedis » pas pour nos peres & pour nos amis: » je fais qu'ils ont une audi grande » horreur que moi des deguifemens ; » mais je le dis pour l'etat general ou » eft l'Eglife &pour me juftifier envers w moi de l'interet que je prends a cela. >. L'autre chofe que je vous reponds, f> &que je vous avoue, ma chere foeur. |
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168 HlSTOTRE DE PoRT-RoLil.
" c'eftque jen'ai pujufqu'ici approuver
" entierement votre formulaire tel qu'il » eft, & j'y voudrois quelques change- » mens en quelques endroits.Lepremieu » eftaucommencement; carilmefem- » ble dur,etant ce que nous fommes, de » nous ofFrir fi librement a rendre comp- »tedenotre foi. Je le voudrois faire « neanmoins,mais avecun petit preani' *> bule qui en otat la confequence & le » fcandale; car vous ne doutez pas que » ce procede de fignature & de declara- » tion de foi eftune ufurpation de puif- » fence de confequence tres dangereufe, » p'rincipalement cela fe faifant par » l'autorite du Roi; a quoi pourtant s> les particuliers ne doivenrpas, com- w me je crois, refifter •, mais au moins » faut-il qu'il y ait quelque marque » qu'on le fait, fachant ce que Ton u fait, & qu'on nelefait pas comme » une chofe due, mais comme une » violence a. laquelle on fe rend fans » vouloir faire de fcandale. » Le fecond eft fur la fin , ou je ne
» voudrois point que nous parlaffions » en tout des decisions du faint Siege ; •»> car encore qu'il foit vrai que nous a nous foumettions a_ces decisions en » ce qui regarde la foi, le commun *» coniondtellementpar ignorance, & » les
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" II. P A R T I E. L'lV. I. 1 69
*> les interrefles veulent tellement con-
» fondre par paillon le fait & le droit, » que vous favez qu'on n'en fait qu'une » meme chofe. Que fait done votre » formulaire, finon de faire croire aux » ignorans, & de dormer fujet aux » malicieuxd'affurer que nous fommes » demeurees d'accord de tout & que » nous condamnons la do&rine de Jan- » fenius , qui eft clairement condam- » nee dans la derniere bulle. » Je fais bien qu'on dit que ce n'eft
» pas a des filles a defendre la verite, » quoiqu'on peut dire , par une trifte » rencontre du terns & du renverfe- » ment on nous fommes, que puif- " que les Eveques ont des courages " de iilles, les filles doivent avoir des » courages d'Eveques ; mais fi ce n'eft -•> pas a nous a defendre la verite , e'eft » a nous a mourir pour la verite. » Pour vous expliquer mieux ma.
» penfee fur ces decifions du faint fie- » ge , voici une comparaifon qui m'eft » venue a l'efprit. Quoique tout le » monde fache que la fainte Trinite » eft un des principaux points de notre ■» foi, & que faint Auguftin confefte- » roit fans doute & figneroit libre- s) ment , neanmoins fi fon pais etoit ».occupe par un Prince infidele , qui To#it IV. H
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I7O HlSTOIRE DE PoRT-RoYaE.' *
661. » voulut faire niet l'unite de Dieu, &
» croire la pluralite des Dieux , & que « quelques-uns des fideles pour paci- *> fier les troubles que cela exciteroit » fifTent un formulaire de foi fur ce " point : je crois qu'il y a plujieursper- « fonnes , a qui i'on peut donner le notn » de Dieu & Leur rendre les adorations , v &c , fans aucune explication, faint w Auguftin le figneroit-il} Je ne le - crois pas, & je crois encore moins » qu'il le dut faire , quoique ce foit » une verite indubitable , mais ce ne » feroit pas le tems de le dire en » cette maniere. Vous ferez aifement sj le rapport de la comparaifon. » On dira peut-etre encore que no-
» tre autorite n'eft pas du poids de » celle de faint Auguftin , & qu'elle •j eft nulle. Je reponds , i°. que je « n'ai parle de faint Auguftin que par » rapport a la feule reponfe que vous » fites ces jours pafles a tous mes dou- « tes •, favoir que Ton fe rioit de nos oj craintes, & que faint Auguftin fi- ". gneroit ce que nous craignons. Mais » ce que je dis de faint Auguftin, je » le dis de vous & de moi , & des w moindres perfonnes de l'Eglife : car 9> le peu de poids de leur autorite ne n> les rend pas rnoins coupables, s'ils |
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j II. Partib. Liv. I. 171
» l'emploient centre la verite. Chacun
n fait, comme M. de faint Cyran le » dit fouvent , que la moindre verite w de la foi doit etre defendue avec au- » tant de fidelite que Jefus Chrift. Qui " eft Je fidele qui n'auroit pas horreur » de foi-meme , s'il fe pouvoit faire » qu'il fe ftit trouve au confeil de Pi- » late, ou il auroit ete queftion de con- s' damner Jefus-Chrift a la mort , s'il » fe fut contente d'une maniere d'o- i> piner ambigiie , par laquelle on euc » pu croire qu'il etoit du nombre de » ceux qui le condamnoient , quoi- ■» qu'en fa confcience & felon fon ™ fens, fes paroles tendiflent a. le de- m livrer' PouiTez ma comparaifon juf- » qu'au bout , je vous en fupplie, mi » lettre n'eft deja que trop longue. » Ainfi , ma chere fceur, voila mi
» penfee fur le formulaire \ je le von.. v> drois clair en tout ce qu'il contien- » dra, & Ton pourroit mettre, ce me » femble , a la tete du mandement ces » paroles: Comme dans I'ignorance ou. nous fommes, tout ce quon peut dejirer de nous par la Jignature quon nous propofe , ejl un temoignage de lajince- rite de notre foi & de notre parfaite foumijjion a. I'Eglife , au Pape qui en £ji le ih&f ,& a M. I Archeyeque dt Pa~ Hi;
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iji. HlSTOIRE DE PORT-ROlAt. „
ris notre fuperieur ; quoique nous ne
croions pas qu'on ait droit de demander en cette maniere raijbn de leurfoi a des perfonnes qui riont jamais donni aucun fujet den douter, nianmoins pour ivi- ter le fcandale & les feupgons que notre refus pourroit faire naitre , nous timoi- gnons par ce temoignage public, que nef- limant rien de fi pricieux que le trifor de la foi pure & Jans melange , que nous voudrions conjerver aux depens de notre vie , nous voulons vivre & mou- rir humbles filksde I'Eglife catkolique , troiant tout ce quelle croit, & etane pretes a mourir pour la moindre defes 1> iritis. »> Prions Dien, ma chere fceur, qu'il
« nous humilie & nous fortifie , puif- » que l'humilite fans force , & la force » fans humilite , font auffi prejudicia- *> bles Tune que l'autre. C'eft ici plus » que jamais le terns de fe fouvenir » que les timides font mis au meme *> rang que les parjures & les execra- « bles. Si on fe contente , a la bonne v» heure, Pour moi fi la chofe depend » de moi, je ne rerai jamais autre cho- *> fe. Du refte , arrive ce qui pourra; « la prifon , la mort, ia difperfion 8c p* la pauvrete : tout cela ne me paroit ff %i$n erj comparaifpn df I'angoiffe p$ |
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tt. Parti t: Liv. L 175
h je paflerois le refte de mes jours , ii »j'avois ete aflez malheureufe que de *> faire alliance avec la mors , en une » fi belle occafion de rendre a Dieu » les vceux de fidelite que mes levres 3> ont prononces. j> II m'eft indifferent de quel terms
» on ufe, pourvu qu'on ne donne nul *> fujet de penfer que nous condam-> » nons ou la grace de Jefus-Chrift * »> ou celui qui l'a ii divinement expli- » quee. C'eft pour cela qu'en mettans » ces mots : croire tout ce que I'Eglife » croit , j'ai omis & condamner tout }> ce quelle condamne, quoiqii'il foit » vrai que je condamne tout ce que » I'Eglife condamne ; mais je crois » qu'il n'eft pas terns de le dire , de » peur qu'on ne confonde I'Eglife avec » les decifions prefentes , comme feu » M. de faint Cyran a dit , que les » patens ai'ant mis une idole au meme » lieu ou etoit la croix de notre Sei~ » gneur , les fideles n'alloient poins » adorer la croix,de peur qu'il ne fem* « blat qu'ils alloient adorer l'ido- » le (25). En lifant cette lettre , on a peine a
concevoir comment la mere Angelic (15) Rel, in-4... Divert aBei Sic. p. 13... HiftV
ies perl'ec. ch. XV. p. 17. H iij.
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174 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAL.
x6(5i. que a pu dire dans celle qu'elle ecrivoit
a la Reine, etant au lie de la more, que les religieufes de P. R. n'avoient au- cune connoiflance des difputes. Mais il faut fe rappeller que celle par qui elle a ete ecrite , etoir la foeur de M. Pafcal, laquelle , outre un genie fu- blime & comparable a celut de fon frere , qui a etc une des merveilles du monde , avoir hi avant que d'entrer en religion une partie des livres ecrits, en notre langue fur ces matieres •, ainil on ne doit point etre etonne qu'elle en fut ii inftruite. VT-, , La Prieure de Port - Ro'ial des Lctire de la , . . rr . .
mere Marie champs j qui ne lourtroit pas ae moin-
desaimeMa-dres peines que la foeur de fainte'Eu- Er.igis.Prku-phemie , en envount ia lettre a rf ds p- R- Monueur Arnauld, l'accompagna d'u- jm Amauld' ne des fiennes , dans laquelle elle lui fut 1.1 fignatu- parje ajnfj. „ je m'etois refolue de ne ic duFormu-r 111/- o J I
kire. 15 juin.» plus parler de la hgnature He de la
» repugnance que j'y ai •, mais puifque » vous defirez que je vous dife fran- » chement ma penfee , je vous avoue " avec une entiere fincerite que je ne » trouve rien de fi affligeant que de » voir que Ton demande de nous une » chofe a laquelle nous ne faurions » fatisfaire fans blefler nos confeien- » ces. Quoique je fois tres ignorante > |
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II. P A R T I E Liv. I. 17 f
» & que j'eftime beaucoup les lumie-"
" res de ces perfonnes , je ne puis com- » prendre comment il eft pofuble de fi- >> gner ce formulaire & ce mandementr » fans deguifement & fans dire le con- » traire de ce que nous croi'ons;puifque » vous favez qu'a l'egard des fairs qu'il » contient, nous fommes dans ie dou- » te5 & qu'il nous eft impoffible de n'y « etre pas, a'i'ant la connoiftance que » nous avons d'une partie de ce qui * s'eft paffe dans cette affaire. Il me » femble qu'etant en cet etat, figner « le formulaire , c'eft faire ce que Je- » fus Chrift condamne tant; puifqu'ert « effet c'eft rougir de la verite, & avoir » honte de la confeffer devant les horn- » mes , que de cacher a l'Eglife fa ve- » ritable difpolition. Mais je vous en- s' nuierois peut-etre fi je vous difois- » toutes mes penfees fur ce fujet , qui » ne font autres que celles que ma » fceur Euphemie a marquees dans la « lettre qu'elle vous a envoiee , a la- s' quelle je ne trouve rien a redire , » finon qu'elle parle un peu trop libre- » ment de ceux pour qui nous devons >» avoir toutes fortes de refpeifc. Mais »* fans doute , M., vous pardonnerez » a fon zele , puifque ce n'eft que cela » qui l'a portee a parler de cette forte- |
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Ij6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
$6it " Je crois qu'on. lui peut attribuer la
» parole de faint Paul ,Jive mente ex- » ctdimus , Deo ; Jivefobrii fumus , » vobis. Car en verite elle eft telle^ » ment penetree de l'amour de la fin- n cerite, que c'eft ce qui l'empeche » de fe moderer dans une occalion ou » il femble qu'on veut nous obliger a » ne pas temoigner tout ce que nous » avons dans le coeur, avec route la sj liberte que nous le defirons. Ce qui « m'eft particulier dans cette occafion, » eft qu'il y a long-tems que je regar- •» de le refus de cette fignature com- » me un moi'en que Dieu m'oifre pour « reparer mes infidelites paffees , & >» pour y fatisfaire par les fuites qui » pourront arriver de ce refus. De " forte, M., que je vous puis affurer, « que bien loin de craindre la perfecu- » tion , je la regarde ccmme le plus « grand bien qui puifte m'arriver , 6c « Vunique marque de mon falut.Je fais * bien neanmoins que nous ne devons j» nen faire de mal-a-propos ; mais " je ne puis comprendre qu'il faille » ufer de deguifement pour detoumer *> une chofe, qui, au lieu de nous nui- » re , nous fera fans doute tres avan- » tageufe ; & il; me femble qu'il y en ?> a aligner ce mandement , quelque. |
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XI. Part'IE. Llv. I. 177
» aclrefle qu'il y paroifle. Vous favez 1661.
» fans comparaifon mieux que moi,,
» M., qu'il n'y- a que la verite qui nous
33 puifle delivrer. S'il ne plait pas a
» Dieu que cette delivrance foit tem-
» porelle , ne ferons nous pas rrop heu*-
» reufes de fouffrir quelque chofe pour
» reconnoitre la mifericorde infinie
» qu'il nous a faite, en nous retirant
» de l'aveuglement 8c des tenebres de
» la vie du monde , pour nous faire
» jouir dans la religion des plus pures
i) lumieres de la fatnte verite. Enfin ,.
» M., il me femble que nous fommes
» obligees de faire paroitre que nous;
« ne fommes pas de celles qui croient
» pour un tems , & qui fe retirenr
33 dans le tems de la, tentation.
>3 Voila, M., unepartie des fentir-
33 mens de mon cceur , je prie Dievt 33 qu'il nous accorde la grace que nous,- »3 lui demandons, en lui difant (i fou- . 33 vent ces paroles : Et ne auferas dc 33 ore meo verbum veritatis ufquequaque , 33 & que nous ne faflions jamais rien 33 contrecequ'ildemandedenous(i<J)» M. Arnauld , bien loin de fe cho- vrr;
quer de la durete apparente des termes £« reiigJeo*- de la fceur de fainte Euphernie , con- d"s ^'mps, noiflant parfaitement l'extreme mode- fignem la- ' Mandcmenc,,
(*«) Hift, des getfec. ch.XVI. p. 30J conuue-eelltffl ti V
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tj% FilSTOIRE DE PbRT-ROlAL.
i66u ration de fon efprit, jugea par-la de
de Paris, en l'exces de fa douleur (17) •, 8c quoiqu'il J.,s™f crut que l'une & l'autre fe choquoient Hjie queue.. 1 -ill
trop de ce mandement, u admira leur
difpofiuon qui paroifloit dans.ces,let- tres, & cet ardent amour pour la fin- eerite ,qu'elles y teraoignoient. Illeur ecrivit done avec le plus d'humilite &: de nettete qu'il put, pour les.eclair- cir furlesdoutes qu'elles avoient tou- chant ce mandement. Mais avant que d'avoir rec^ifa reponfe , elles avoient figne le mandement avec la tete qu'on y avoit mife a P. R. de Paris , & qui lieur fut envoiee lorfqu'on leur en de- manda la flgnature, en y ajoutant en- core a la fin une queue pour plus grand eclair cifTement. La reponfe de M. Ar- nauld ne fut pas toutefois inutile ,, aiantfervia lever plufieurs difficultes, qui leur reftoient. Celt ainfi qu'on remit pour lors le:
ealme dans l'efprit de ces deux excel- lentes religieufes, & de quelques au- tres qui n'avoient pas de moindres dif-. ficultes qu'elles fur cette fignature. Mais on ne put empecher que lafante de leur corps ne fut tellement ebran* tee par la violence de la peine que leur #y,oit caufee cette fignature., qu'elles |
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II. Part ie. Eiv. J»- 179
tomberent toutes deux en meme terns \66\.
dangereufement malades. La mere Prieure ( du Fargis) fut j uf- vnr.
qu'aux portes de la more, mais Dieu Mort delis Pen retira. La fceur de S. Euphemie fut Euphemie. emportee par la violence defon mal , P^fcal.. comme elle fembloit l'avoir predit dans fa lettre, & ainfi elle peut etre regardee comme la premiere vidume du formulaire. On a peine a retenir fon indignation contre ceux qui caufent de ll grands defordres dans; l'Eglife & dans l'Etat, & qui peuvent a jufte titre etre regardes comme de- vrais homicides, & meme plus cruels: que ceux qui font mourir par le fer., Cette fainte religieufe mourut le 4.. odtobre agee de $6 ans a P. R. des; champs , 011 elle etoit fou-prieure & maitrelfe des novices.C'eft a elle qu'om eftredevable d'une des plus belles 8c. des plus folides inftrudkions que nous;. a'ions fur l'education des enfans. Elle fut imprimee en 1-665 » avec lesconf— titutions de P. R. , fous centre: Ri- glement pour les enfans. Ce fut Fan: n6 5 7 qu'on l'engagea a dreffer le. re— glement. » Ceux qui 1'ont connue dans ce;
w monde,dit Fapologiftedes religieu*- |
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I So HlSTOIRE DE PoRT-Roi'At. '
~7Wx. " fes.de P. R. (28J , favent qu'ellar
» avoir un efprit fi eminent, qu'il a » palle avec raifon pour une efpece » de prodige ...... Mais ceux qui » l'ont connue dans la religion , ont
sj encore beaucoup plus admire la » grandeur de fa pie.te que celle de 53 fon efprit, y ai'ant ete des le comr » mencement un modele parfait de m toutes les vertus religieufes. Sur- » toat il n'y a jamais rien eu de plus » edifiant que fa douceur , fon humi- w lite , fon obeidance , fa modefr sj tie. (19}. Le lendemain, de la more de la fesur Euphemie , M. Singlin ecrivit fur ce, fujet a P. R. la lettre fuivante , du lieu de fa retraite (50). rx. " Il me feroit bien difficile de vous xctcredeMt. „ rjen dire fur un fujet qui vous eft
Siaglm fur la v (. r. . ^ r a r
more is. la »■ trcs ieniible , a mi lceur Angeh-
feur de ste „. que je fa;nc jean a toutes celles qui lacliimie. 1 . .?• . ,, -1
» connoifioient celle que vous avez
» perdue ,.& a. route la maifon. Je n'en *■> fuis touche que pour l'amour da " vous : car pour elleon slen doir re- s' jouir ,. & pour moi je ne m'en dois: » pas attrifter. Elle ayoit , comme. (<i8) i part. p. 13.
«*?)P 14.
tip), Hift, des p«f. lb. p. }j.v
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IT. Parti e. Llv. I. 18 r
»• vous le favez , beaucoup de con- 1(j^j
» fiance en moi, & je crains toujours
» pour ceux & celles qui s'y confienr.
»• Quand Dieu les prend dans une
» bonne & fainte difpofition 3 telle
»■ qu'a ete la fienne , j'ai fujet d'en
» louer Dieu & par confequent de
» m'en rejouir. Je n'en ai. de la trif-
» teffe que parceque je fais qu'il s'eft
» fait un vuide dans votre maifon
» qu'il eft difficile de remplir. Mais
» rien n'eft difficile a Dieu , qui fait
» mieux ce qu'il nous faut que nous
» memes. Il y a quelques jours que
» je fuis frappe d'une penfee ; c'eft
" fur notre impertinence de defiref
*• une chofe, d'en craindre une autre ,
" de fouhaiter que cela arrive ou
»■ n'arive pas , que celles-ci vivent 3
» que celles-la. ne vivent pas, comma
» n la fouveraine fagefle & equite ne
» voioit pas toutes chofes , & comma
» fi nous avions des lumieres 6c
» des vues particulieres , dont Dieu
» eut befoin pour bien regler&dif-
» pofer tout dans une parfaite juftice*
» Tout eft fi bien compaffe en lui &&
» hors de lui, que nous; n'avons qu'a
» l'adorer dans les chofes oiinous ne
»» voions goutte , & oil nous ne vo'ionsu
» gas cette harmpnie merveilleufe.>
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rSi' HrsToiRF. de Port-ro'iat.
» qui fe trouve jufques dans Ja vie
" &c dans les actions des mechans , &
» qui eft le fujet de l'admiration &
» de l'adoracion des efprits bienheu-
» reux. Cette penfee m'arrete tout
" court dans tant de viies de chofes ,
" que nous voudrionsque Dieu fit ou
» ne fit pas. La mort des bons & des
» mechans y entre : l'edification & la
» deftru6tion des meilleurs delTeins
» pour fon fervice y font renfermees,
» & nous tous enfemble pour tout ce
» qu'il lui plaira faire & difpofer de
» nous. Nous n'avons done qu'a lui
» dire que fafainte volonte foit faite
» en toutes chofes, la confulter pour
» la connoitre , nous foumettre a tous
» les evenemens ; ne trouvant de pei-
» ne qu'en ce que nous devons faire,
» dans la crainte d'y mettre du notre
» & de notre providence par-deflus
35 celle de Dieu. Heureux celui qui
» n'a qu'a fouffrir & adorer Dieu en
» tout tems &en tout ce qui arrive;
» aulli-bien dans les maux que dans
» les biens , qui ne font le plus four
« vent maux que dans norre imagina-
» tion & dans notre ignorance. Ilfaut
» finir pour donner les lettres &pour
» prier Dieu pour notre difunte, quoi-
»■ qp'elle ait encore moins befoin de
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II. P A R T I B. L'lV. 1. 1 8 J
» mes prieres, que moi des fiennes* 1661*
- Car je m'eftimerois tres heureux
» d'etre avec elle , & j'efpererois de
»» pouvoir affifter ceux que je laifle-
» rois apres moi, mieux que je ne le
» faurois faire durant ma vie. Nous
» fommes a Dieu a. la vie & a la morr,
» il difpofera comme il lui plaira de
» nous (31).
Peu apres la mort de la fosur Eu- x.
phemie, les grands vicaires donne- p0^^"*^ rent un fecond mandement. Si le pre- jet du fe- mier, quoique drerfe avec beaucoup de „ennt dtfra* management, caufa de l'embarras aux vicaires de religieufes de P. R., & fi elles eurent ^Deihinsdes, de la repugnance a le figner , on peut Jefuites dans; r \? r vr rr \ iacondamna-
jUger li elles le trouverent dilpolees a tion ,jes v;
foufcrire le fecond ,. que les memes propuGtions*, grands vicaires donnerent le 31 06I0- bre par ordre de la cour. L'arret du. confeil du Roi du 9 judlet, parlequel il avoir fufpendu l'execution du pre- mier mandemenr , fuc auffi agreable aux ennemis de P. R,, qu'aux. relir gieufes. Les Jefuites s'en rejouirent, parceqne file premier mandement eut ete execute , comme il l'auroit ete fans- dbute , fi on ne s'y rut oppofe, ils au*- (51) Voiez la relation dans les vi-s edif. T. i. p,.
deta vie de lafceit Ja m- Rel. XXIII. It. Rec,
queline P.irc.il , par Ma. de pieces ib-ii, de. 1740*
4«une Peuier fa, foaiK } XI piece.
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*34 HlSTCTCRB DE PoRT-R01At.
1661. r°ient perdu tout le fruit qu'ils s'e-
toient propofe de retirer de la con- damnation des V proportions. Leuc deflein n'avoir jamais ete de fe bor- ner a la cenfurg de ces propofitions , ils en vouloient a l'auteur auquel ils les attribuoient : ils fe propofoient de faire condamner la do&rine de fori livre , ou plutot celle de faint Auguf- tin. On s'apper^ut bien des le com- mencement que c'etoit leur deflein v ear lorfqu'ils virent que perfonne ne rcclamoit contre la bulle d'Innocent X , & que tout le monde condamnoit les V propofitions •, au lieu d'etre con- tens , comme ils auroient du l'etre , s'ils n'avoient eu pour objet que la condamnation de ces propofitions , & les erreurs prefentees au faint Siege ,. ils eurent recours a de nouvelles intri- gues , & obtinrent, comme nous l'a- vons vu , une nouvelle bulle d'Ale- xandre VII fucc.efleur d'Innocent, dans laquelle ce Pape declara que les pro- pofitions condamnees par fon prede- cefleur avoient ete veritablement ex- tsraites du livre de Cornelius Janfe- nius , Eveque d'Ypres , & condam-v nees au meme fens qu'il les avoir en- feignees dans fon livre intitule Juguf- tinui. Voilalevrai objet des Jefukes., |
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II. Parti e. Llv. I. 18 J
C'eft pourquoi ils s'oppoferent a ce ^g
qu'on fit, en fignant la condamnation des V propofitions , la diftin£tion du fait & du droit,qui les auroit empeches de jouir du fruit de leurs travaux. Ainfi l'Arret du Confeil qui arretoit I'execution du Mandement des Grands Vicaires, dans lequel on faifoit une diftin&ion fi prejudiciable a leurs def- feins, leur fit beaucoup de plaifir , & du moins autant qu'aux religieufes de P. R. , qui fe croioient par la delivrees de l'embarras que leur caufoit le pre- mier Mandement. Mais elles retom- berent bientot dans un plus grand au fujet du fecond , par lequel les grands Vicaires calferent & revoquerent leur premiere ordonnance, &ordonnerent que tous les Ecclefiaftiques foufcri- roient fincerement & de casur aux eonftitutions apoftoliques, en ufant du formulaire de 1'aiFemblee du Clerge. Des que la mere Agnes eut appris
que le Nonce devoit aller trouver les grands Vicaires pour les engager acette demarche , elle en fit part a la com-- munaute , (le 2oo£tobre) leur repre- fentant qu'autant leur profeffion les obligeoit a ne prendre aucune part aux. affaires du monde , autant elles de^ voie.nt en prendre a. qelles, de l'Eglife, |
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I 8 6 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAI.
16 (5 i~ par Ieurs larmes , leurs gemiflemens St
leurs prieres. Et lorfque les grands Vicaires eurent confenti, pour ceder a la violence , de retradter leur premier Mandement, &c d'en donner un autre eonforme au defir du Nonce, elle af- fembla de nouveau la communaute le 3 j odtobre apres Vepres , pour lui re- montrer que l'afflidtion de l'Eglife, dans laquelle la perfecution de leur monaftere etoit renfermee, devoit etre un nouveau motif pour elles de mieux celebrer la fete de tous les faints , qui n'etoient devenus citoi'ens du Ciel que parcequ'ils avoient combattu & fouffert fur la terre pour conferver la verite 8c k juftiee : elle leur recommanda de s'offrira Dieu pour faire & fouffrir tout ce qu'il lui plairoit. Aquoi lesreligieu- fes repondirent , en temoignant en- core puis par leurs larmes que par leurs paroles, combien elles etoient fenfi- bles aux maux de l'Eglife, & la difpo- fition ou elles etoient de mourir plutot que de faire quelque chofe qui put bleflfer leur confcience. : enfuite elles allerent fe profterner devant le Saint Sacrement , demandant a Dieu la grace d'etre fideles a ce qu'elles lui devoient. Quelques jours apres S,M. de. Cont.es, |
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II. Parti e. L!v. I. 187
Doi'en de Notre-Dame , alia voir la 1661.
mere Agnes & lui rendit compte de la reponfe que lui avoit faite M. le Tel- lier, auquel il avoit ecrit pour le prier de demander au Roi le retablilfement de la maifon de P. R., dans laquelle il n'avoit rien trouve a reprendre, mais beaucoup de piete. M. le Tellier en avoit parle au Roi, & lui avoit meme fait voir la lettre de M. de Contes en faveur des religieufes. Mais le Roi re • pondit qu'il jugeoit a propos de re- mettre ce retabliffement a un autre terns; ( c'eft-a-dire au tems de la figna- ture, a laquelle on fe propofoit de les eontraindre. ) La mere Agnes iecom- prit aifement, & en parla a M. le Doi'en 3ui tacha bonnement de lui perfuader
e figner, parceque fi elle ne le faifoic, elle perdroit fa communaute\ Dichar- ge^-vous-m fur moi , lui die M. le Doi'en, comme je m'tn dichargt fur h Pape qui my a contraint. Il finit par fe recommander beaucoup a fes prieres & a celles de fa communaute , & lui temoigna beaucoup d'affection 8c d'eftime pour fa maifon. Effeitivement ce Doi'en pacifique avoit toujours eu de l'affecrion pour P. R. Les grands Vicatres de Paris a'iant:;
done rcyoque leur premier mandemeafi |
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183 HlSTOIRE DE PoRf-ROlAt.
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tub I.
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" par on fecond aflbrti aux vues des perfe-*
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cuteursdeP. R, cesS. lilies retomberenti
dans des nouvelles inquietudes par les differens modeles de fignature que leurs amis leur propofoient continuellement, & qu'elles ne pouvoient agreer , y trou- vant toujours quelque chofe qui n'e~ toit pas con-forme a la fincerite chre- tienne. On peut juger de l'amour que ees faintes religieufes avoient pour la verite & la fincdrite , par la lettre fui- vante, que la mere Agnes fit- ecrire le 9 novembre au fujet d'un de ces mo- deles de fignature , a. une perfonne qu'elle favoit etre ennemie de toute equivoque (32). xi. » Vous favez , Monfieur, a quel Amour des,, point nous en fommes, & que le
rtligieulcs de >■ _ . ..... J- .
v. r. pour la" tems eit venu de recueilhr le rruit.
jtnceriUchre- „ £a vigne de Dieu va maintenant etre
,y vendangee & foulee , puifqu'elle »» n'eft plantee que pour cela. Et c'eft » pourquoi aufu,graces a Dieu,nous ne » nous en etonnons point, comme (i » quelque chofe d'imprevii & d extraor- »> dinaire nous arrivoit. Car il y a long- » tems que nous avons appris que , in a* hoc pojiti fumtts. Ce n'eft done pas » notre peine , puifqu'encore que nous (J 1) Afol.ib. p. i8, 1^.... Hift. des petf. c. 5.
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II. P A R TI E. LlV. I. 1 8 J)
» ayions toutes fortes de fujet de nous
» defier de notre foiblefle, nous nous « confions fl peu en nos forces dans » cette guerre , que nous n'y entrons m que pour confeiier la grace de Jefus- » Chrift qui eft notre bouclier & notre » force.Mais ce qui nous.afflige fenfible* » ment, c'eft qu'on ne convient pas de « fentiment les uns avec les autres. Je « vous parle dans la douleur de mon » cceur, d'une propolition qu'on nous » fit hier d'un autre modele de figna- » ture que celui que je crois qu'on » vous avoir inontre l'autre fois qu'il v fut queftion de figner , & dont la fi- » gnature vous paroiifoit fi favorable a w caufe dii mandement qui etoit bon, » que meme vous la vouliez fans au- » cune addition. Mais qui ne s'eton- » neroit du changement; Le mande- y> ment etant alors aulli bon qu'il pou- » voit etre , on fouhaitoit de mettre » cette tete a la fignature pour plus gran- » de afturance •, & maintenant le man- » dement le plus uiauvais qui puifTe » etre, on affoiblit cette tete & on I'em* v barralfe davantage. Je n'ai point gar^- m de cet ecnt , car je mecnai li rort » contre , qu'on ne me 1'a pas laifTe, w Mais on vous le montrera fans dou- £>.te $ & je mets apres Dieu mpn eJc |
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S90 Histoire nt Port-ro'ial."
~ » perance en vous, que vous nous tire- » rez de laqueo hoc quern abfcondtrunt » mihi je ne dis pas nos amis, mais » nos ennemis lnvilibles , qui fe fer- » vent de tout ce qu'iis peuvent, ou » pour nous aftoiblir ou pour nous fur- v prendre. Je vous fupphe & je vous " conjure par les entrailles de la chari- » te de Jeius-Chrift & par l'amour que « vous portez a fa verite , de prendre » la derenfe de notre foi , afin qu'on »> n'oblige pas par des confeils trop » foibles celles qui font moins inf- » truites , a s'affoiblir , & celles qui ■ » fonttoutes convaincues de la verite , w a fe divifer pour ne pas faire la me- » me chofe que les autres , encore que ->j pour voas parler franchement, je » voie tres peu d'apparence a. cette di- •» vifion •, toute la communaute & fur- »> tout les chefs etant li fermes a ne vou- » loir rien faire qui ait apparence de » mal, que je craindrois bien davan- » tage qu'il ne s'en trouvit point qui " reconnulfent la voix de leur pafteur » s'il la deguifoit a prefent & qu'il par- « lat un nouveau langage. Je vous dis w tout ce que je penle avec une liberte «toute entiere, parceque je fa is que « vous en uferez en la maniere qu'il » faut. Je ne parle point par moi-me- |
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II. Par tie. Liv.l. 191
»» me. Notre mere qui a les memes xG^i, » fentimens veut que je vous les dife. » Port- Roial des champs n'eft qu'avec « vous. Hafardez-nous 5 peut-etre que » nous ferons les valets de pie des Prin- » ces de l'armee d'Achab, qui devoient » entrer les premiers dans le combat " &: gagner la vi£toire. A touthafard, « on n'expofe pas grand chofe, &c quand » nous y peririons, l'Eglife n'y perdra « point ceux qui peuvent davantage la » defendre. Quel autre interet avons- " nous au monde, que d'acquerir le » Roiaume des cieux? La pauvrete & la » perfecution nous en mettent en pof- » feMion. De quel artifice avons-nous » befoin, pour eviter de nous y trouver « engagees. Jefus-Chrift en nous en- » vo'i'ant comme des brebis au milieu » des loups ne nous a recommande que » la iimplicite de la colombe , pour » agir fans tant d'adrefl« ; & la pru- » dence du ferpent, pour fauver la roi , <> qui eft notre tete , &c expofer tout j> le corps a tout le mal qu'on nous " voudra faire. Je ne vous dis cela » que pour vous faire voir de quoi » nous fommes perfuadees dans le cceur, » & qu'il n'eft point poffible que la » bouche & la main le dementent. J'a.- •- joute feulement , que la premiere |
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1<)X HlSTOIRE DE PoRT-ROlAU
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1661. " tet:e nous Paroit: tnetne netre pas
« aflez eclaircie , pour la joindre a un » tel mandement , aim que fi on la » montre vous y ajoutiez de quoi lafor- " tifier , &marquerplus diftin&ement » qu'on ne parle que de la foi fettle ". Voila les penfees, dont s'occ'upoient xn. les religieufes de P. R. On les mena- famereAgnJs 9°^ ^e t0llt ce °lu^ S^ ^ P^us Capable
apres U lee- d'epouvanter les plus forts -, elles le
cmid Mande^ voient, elles le regardent fans s'aveu- mem des gr. glei ni fe flatter par de vaines efperan- ces, & cependant elles ne font tott- chees d'aucune crainte, que de celle de bleflfer leur conference par quelque foi- blefle. C'eft dans ces difpofitions qu'el- les s'attendoient a tout evenemenr. La mere Agnes les ai'ant atfemblees le to novembre pour leur faire lecture de l'ordre des grands Vicaires, elles te- moignerent par leurs larmes & leurs foupirs les mouvemens de leurs cceurs, & la part fincere qu'elles prenoient aux maux de l'Eglife. Apres la lecture , 1'abbefTe leur park en ces termes (37). w Vous vo'iez, nos fceurs, que l'on veut >» nousfaire figner une chofe de laquel- » le nous ne fommes pas inftruites , & iue nous ne fommes pas capables
'entendre. Neanmoins ily a deux :(3j) Hift.desperfec.di.XXX.p, 57.
,» chofes
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II. Par tie. Liv. I. 15)3
» chofes a confiderer dans ce que vous 1(j<ji# « venez d'entendre. La premiere de fa- » voir fi ces propositions qu'on nous » vientde lire font bonnes ou mauvai- » fes,catholiquesou heretiques; &pour » ce point li nous fommes obligees » de nous foumettre a l'autorite eccle- » fiaftique, comme etant humbles filles « de l'Eglife, & de les condamner com- » me le Pape les a condamnees , parce- « qu'encore qu'elles puiflent avoir un » Son fens, neanmoins en ai'ant un » mauvais qui eft uniquement rejette, n celafuffitpourles condamner, & ain- » fi nous devons line entiere creance a » la decifion du Pape fur ce point. » La deuxieme eft de favoir fi ces pro- » ppfitions font ou ne font pas de » Cornelius Janfenius, & s'il les a en- s' feignees dans le fens mauvais auquel » le Pape les a condamnees. C'eft ou. » eft la queftion &c le fujet pour le- " quel on fait tant de bruit, parceque » plufieurs gens de bien aflurent qu'el- « les ne font point dans ce livre. Il eft »» certain que cela etant un point de « fait, on n'eft point oblige de le » croire , moins encore de le jurer « lorfqu'on n'a point lu le livre, par- » ceque ce feroit rendre an faux te- « moignage. Nous ne youlans point Tome IF. I |
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I<>4 HlSTOlRE DE PoRT-Ro'rAI.r
" vous contraindre ni gener vos conf-
» ciences : chacune doit fuivre ce " que Dieu lui fera connoitre devoir n faire en confcience. Il n'y a que - trois partis a prendre dans cette af-
» faire : le premier de condaraner & " rejetter comme mauvaife la dodtri- »» ne de Janfenius, & de croire fer- - mement que ces cinq proportions
» font dans ion livre , quoique nous » ne l'ai'ons pas lu. Le fecond de rejet- " ter entierement la fignature comme " chofe deraifonnable & extraordi- « naire. Le troifieme , de temoigner » qu'on fe foumet a ce qui eft de la p foi, mais qu'on ne peut pas en conf- » cience foufcrire au refte, etant dans » une entiere ignorance de tout cela. » De ces trois partis, mon fentiment » particulier eft que le dernier eft le » meilleur , parceque la confcience » demeure en furete , & que cela eft r* plus refpectueux envers les fupe- » rieurs. Mais il faut beaucoup prier » Dieu qu'il nous gouverne & nous » eonduife en tout' ceci , & tacher » furtout de retrancher tout ce qu'il « pourroit y avoir d'humain & de na- » turel dans notre prpcede. Il faut fe «. fouvenir que Jelus-Chrift a dit j ff ffiwhiureux eeux qui one U p$#f |
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IL Parti e. Liv. 7. 195
» pur, parcequ"ds verront Dieu ; c'eft- » a-dire , qu'il n'y a que ceux qui ont " le coeur purifie de route paffion , de » tout interet & de toute inclination, » qui meritent de connoitre la verite & " de difcerner ce que Dieu demande » d'eux en toute rencontre. Car quoi- » qu'il femble que ces chofes-H foient » ii claires qu'il n'eft pas befoin de de- » liberation , neanmoins il eft tou- » jours neceflaire de prier Dieu , & « Ton en agit avec beaucoup plus « d'aflurance & de liberte, parcequ'on »» a fujet de croire que c'eft lui qui " nous infpire les chofes a quoi nous » nous fentons portees , lorfque nous »» avons recherche avec humilite fa s> volonte , & que nous lui avons ex- " pofe notre cceur avec une entiere « iincerite. » Vous vo'iez aflfez , mes foeurs ,
» l'importance de cette affaire •, cha- » cune doit agir felon fa confcience , n parceque chacune y eft pour foi, & » s'expofe perfonnellement aux fuites » qui en pourront arriver. Il faut » beaucoup regarder Dieu & ne pas » trop s'occuper de tout le refte. Je ne » puis pas neanmoins vous diffimuler » que c'eft un piege que nos ennemis »» nous ont dreffe pour nous perdre. |
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I9<> HlSTOIRE BE PORT-ROIAL.
» Nous devons nous abandonner a
» Dieu, & nous refoudre a tout fouf- » frirpourlui. Il faut aufli s'attendre « qu'en refufant de figner, on s'expofe » a differences tentations, tant de la » part des ennemis, que des amis me- » mes & des parens •,& il ne faut pas " dourer qu'ils ne nous viennent ten- » ter en plufieurs manieres. » On nous viendra dire que c'eft
» une horrible prefomption a des » filles de fe croire plus capables que " les perfonnes qui font les premieres » dans l'Eglife. A cela il faut repondre, » que npn-feulement ce n'eft pas par " prefomption & par fufiifance d'ef- » prit j mais que c'eft plutot par igno^ » ranee & nocre incapacite , qui ne » nqus permettent pas de figner une " cliofe que nous n'entendons pas. On •> nous dira que le Pape l'a die, & » que c'eft une rebellion & une de- )> fobeiftance de ne fe pas foumettrre » a fes ordres. A cela il eft plus aife de » voir ce qu'on eft oblige de faire, » que de le dire: car il n'y a per- " fonne qui ne voie qu'on ne doir » point obeir aux bommes aupreju- •' dice de ce qu'on doit a Dieu , qui •> juge les ames en particulier fur leurs « propres actions,.& nonpas fur eel- |
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it. P A K T I E. LlV. 1. 197
»» les des autres. Mais nous avons '
n moins d'avantage en ceci que les »» perfoniies dodtes & favantes, qui, *» ai'ant l'intelligence de toutes ces *» matieres, peuvent figner corame il » leur plait , en mettant une difFe- » rence entre le droit &c le fait; au " lieu qu'a peine nous eft-il permis » de faire voir que nous favons cette » difference. " D'autresperfonnes viendrcnt nous
» perfuader de figner, en nous difant » que cela n'eft rien , que nous n'en- » gageons point notre conicience , » que nous en croirons toujoius ce » qu'il nous plaira , mais que c'effc »> feulement par foumifllon que nous » fignons. Cependant le mandement » dit expreflement , qu'on fignera » qu'on croit fincerement & de eoeur. « Ainfi c'eft faire un menfonge &c » un parjure , que de protefter qu'on « croit de tout fon coeur une chofe, » en merne tems qu'on n'en eft pas » perfuade & qu'on croit le con- » traire. " D'autres faux amis nous reprefen-
» teront combien nous fommes plus m coupables, fi pour une chofe fi pen » importante , nous fommes caufe » que la maifon qui etoit en fi bonne I Hj
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I98 HtSTOIRE DE PoKT-ROi'aL.
(j(ji> •• eftime, oil cant d'ames fe fauvoienr,
» & ou on elevoit rant d'enfans dans " la crainte de Dieu , fut fupprimee , » & combien nous aurons a lui re- » pondre pour cela. Il feroit aife de » repondre a cette objection , fi l'af- » fecHon n'obfcurcifToit l'efprit; car » il n'y a perfonne qui ne fache que » quelque bien qu'il puilTe arriver » d'une chofe, il n'eft jamais permis » de la faire fubfifter en faifant un « mal & en commettant un peche. » Enfin d'autres nous reprefente-
» rone qu'il y en a pluueurs qui avoient » temoigne de l'eftime pour le livre de « Janfenius, & qui depuis neanmoins » fe font rendus par foumiffion , &t » qui font gens de bien. Il y en a » en efFet deja quelques-uns dans ce » cas , & allurement il y *en aura en- » core plufieurs autres. Mais il eft « aife de voir que cette raifon n'eft » pas meilleure que les autres ; car » jamais un peche ne peut devenir » permis, quand tous les hommes le » commettroient; chacunafon ame a » fauver •, & le grand nombre de ceux » qui fe perdent, ne rend pas la dam- » nation moins digne de crainte 8c d'horreur.
» Enfin il faut s'attendre qu'il n'y a
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II. P A R T I E. L'lV. I. 195>
m pas de moiens dont on n'ufe pour \$6i.
" nous affoiblir. Car Ton a deja vu ,
» &c l'on voit toujours , que ceux qui
" fe font laiffes aller a figner , tachent
» par route forte de moiens de couvrir
» la honte de leur foiblelle , en faifant
» entrer plufieurs perfonnes dans leur
» fentiment , parceque chacun veut
» naturellement defendre fes actions ,
» & c'eft une des miferes & des fuites
« dupeche , que le defirde rendre les
» autres pecheurs.
» Nous devons beaucoup gemir ,
» mes foeurs , de voir prefque toute la » France plongee dans cet abime d'a- » veuglement, & que ceux qui de- » vroient etre les colomnes de la ve- » rite , font ceux-la meines qui 1'aban- » donnent & portent les autres a i'aban- » donner. Si on nous entendoit parler » de la forte, on nous eftimeroit pre- » fomptueufes & temeraires , & nean- m moins cela eft fi vifible qu'il faut etre » aveugle pour ne le pas voir, & in- » fenfible pour n'en avoir pas le cceur « outre de douleur & de regret. La mere Agnes ai'ant amfi parle ,
toutes les religieufes demeurerent dans le filence, fe contentant de parler a Dieu,& de lui demander aconnoitre fa volonte j en tachant de la decouvrir I iv
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lOO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
ic,6i. Par d'humbles prieres. C'eft a lui
qu'elles eurent recours en implorant
fes lumieres, & en difant tons les jours
le Vtni Creator pour les obtenir.
xm. Pendant ce tems-la, les amis de ces
Les amis de faintes filles etoient occupes a des
fcit des for projets de lignature, & y palierent une
mules de ft- partie decemois(de novembre ). Leur
gnature parle t , . , . . K .
de/ir de faii- but etoit de pouvoir parvenir a quel-
ver les reli- qLie rnaniere de ficner la moins cho- quanre qu ll le pourroic, poiirvu que leur confcience n'y flit point engagee, afin de les conferver par ce moi'en. Les religieufes de leur core ne pen- foient qu'a leur confcience , & nulle- ment , ou pen , a leur confervation. C'eft pourquoi elles approuverent beau- coup une formnle qu'un ecclefiaftique de leurs amis leur envoi's le 12 no- vembre , qu'il avoit dreflee fur une autre qu'elles avoient faite elles-me- mes. Elles lui en marquerent leurre- connoiilance par une lettre datee du meme jour, dans laquelle on voit qu'- elles jugeoient bien fainement de l'inu- tilite de tous ces abaiffemens & de ces obfcurites affedlees, que d'autres per- fonnes leur propofoient. » Si 1'on pou- » voit fauver la verite & P. R. , di- » fent-elles , ce feroit fans doute le « plus ayantageux pour la verite, auffi* |
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II. Par tie. Llv. /. 201
» bien que pour nous; mais c'eft bien 1S61. » fe flatter de s'imaginer que des ter- " mes plus embarraiTes & moins » clairs nous fauvent. Cela feroit bon » fi nos ennemis vouloient la paix, » & ne cherchoient qu'un pretexte de » tout appaifer. Mais queues preuves » n'avons-nous pas du contraire, & a com bien y a-t'il plus de fujet de » croire que quand nous aurions figne » fans aucune explication , ils ne laif- » feroient pas de cbercher d'autres » moiens pour nous poufler *> l Com- me il venoita toute neure de nouvel- les difKcultes , il fallut encore faire quelque changement dans cette for- mu!e pour l'eciaircir davantage, & elles en firent au meme ecclefiaftique des remercimens dans une lettre du 2 j novembre , dans laquelle elles difent qu'elles refpirent par l'arfurance qu'el- Ies ont qu'elles parleront aifez claire- ment pour etre entendues. Nous igno- rons fi cette formula rut celle dont el- les fe fervirent pour figner le fecond mandement , ou fi Ton y fit quelque changement pour la rendreun peuplus foible dans l'efperance d'adoucir les chofes par ces abaiflemens •, mais ce que nous favons , c'eft que le jour que les religieufes le fignerent, & apres* |
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fi .__
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2CZ HlSTOTRB DE PoRT-RoYal.
1661. 1>avoir fait, elles en furent extreme^
merit troublees.
xiv. M. Baila'iant mande le %y novem- Agnes affmi- e a ^a mere Agnes qu'il viendroit un
We la com- des joursde la femaine (34) pour faire fUiT^du fe"*olemnellement figner , elle alTembla cond Mande-le lendemain les religieufes profefles de chceur, pour les difpofer a recevoir ce vifiteur > & a. faire ce que Dieu leur infpireroit, fans autre vue que de rem- plir leur devoir envers Dieu & l'Eglife.. Elle leur dit enfuite , que quoiqu'il fftt plus stir de ne point figner du tout, elle cro:ioit neanmoins qu'il valloit mieux le faire de la maniere dont elle 1'avoic explique dix jours auparavant , parcequ'un refus abfolu cauferoit dit fcandale , & confirmeroit les ennemis de P. R. dans la perfuafion ou ils etoient fauflement que ces religieufes etoient attachees a de mauvais fenti- mens 6c meprifoient les Eveques » voiant qu'elles refufoient de fe fou- mettre,meme en ce qui regardoit la foi. Elle expliqua les motifs qui devoient les engager a avoir autant de foin d'e- I54) M. Bail fe rendit 'Elegit fufpendium mnrnn
& P. R. le 1 d&rembre , met , dans taquelle 11 d£-
voutut voir toute la com- clama beaucoup contre les
jnunaure , & fit , four amis!de E. R. Hifi. des
ttecharger ft confcience, une pirf. ch. 31, p. 61, ,**> J.
iris mauvaife exhortation 6, 7 ,1 j«
fiu ces paroles de Job : |
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II. Parti e. Lit. I. 203
viter ce fcandale que cauferoit un re- i<j<Ji.
fus abfolu , qu'a conferver la purete de la foi & de leur confidence qu'elles blelferoient par utie fignature pure 8c fimple , Sc qu'ainfi il falloit prendre un milieu encre ces deux extremities. Ce milieu confiftoit a mettre a la tete de leur fignature la modification fui- vante, dont on fit lecture. w Nous abbefie, prieures 8c reli- xv.
» gieufes des deux monafieres de P. R. ^fSSi « de Paris & des champs , affemblees les teitgieufei » capitulairement en chacune des deux SKJJiJjjfc. » maifons , pour fatisfaire a l'ordon- mcnt de» gp, » nance de Meffieurs les Vicaires ge- Vlcaues* » neraux de Monfeigneur le Cardinal " de Retz du 31 odobre de la prefente » annee 1661 ,confiderant que , dans » l'ignorance out nous fommes de tou- » tes les chofes qui font au-deffus de » notre profeflion & de notre fexe , » tout ce que nous pouvons faire eft » de rendre temoignage de la purete » de notre foi, declarons tres volon- » tiers par notre fignature , qu'e- »> tant foumifes avec un ties profond » refpecT: a notre faint pere le Pape t Sc » n'aiant rien de fi prccieux que la foi, w nous embraflbns fincerement & de » cceur tout ce que Sa Saintete ( Ale- w xandreVII) 8c Innocent X out de- I Y|
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204 HrSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1 \66i. " cld& , & rejettons toutes les erreurs
" qu'ils ont jugees y etre contraires ». Apres cette lecture , I'abbefle per- mit aux religieufes de dire leurs difli- culres , auxquelles elle fatisfit. Elles fe reduifoient toutes a la crainte qu'el- les avoient d'affoiblir tant foit peu la ve - rite & de blefler la fincerite chretien- ne : & il n'y en eut aucune qui ne temoignar etre dans la difpofition de mourir plutot que d'y donner la plus legere atteinte. La mere Agnes exhorta enliiite les religieufesagemixfanscelTe pour la fainte Eglife, a demander a Dieu qu'il jettat fur elle des yeux de mifericorde; & avant que de fortir du chapitre ,. elle leur fit dire le pfeaume Dais , venerunt genus- , la profe Veni fan&e Spiritus, & l'hymne Rex gloria- Je Marty rum, Comme elle avoit juge a propos de remettre la fignature apres la mefTe conventuelle , lorfqu'elle fut dite elle fie ailembler dans fa cham- bre les religieufes , & on relur encore deux ou trois fois la formule , parce- que les foeurs vouloient encore la pe- fer cLe plus en plus. Quelques unes prie- rent I'abbefTe d'en 6ter quelques mots qui leur paroiffoient ambigus; enfiiite chacune figna, mais avec une certaine peine qui marquok afTez qu'eHes ne^ |
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II. Part ie. Liv. 1. 105
s'y portoient que pour eviter le fcan- \C6i."
dale. Les fceurs ptofeflfes du noviciat, qui n'avoient pu fe trouver a. l'aflem- blee tenue dans la cliambre de la mere Agnes apres la mefte conventuelle,pleu- rerent beaucoup-, lorfqu'on leur pro>- ijofa la fignature, & eurent bien de
apeine a s'y refoudre (3 5). Maisdans tout ce qui fe pafla fur ce fujet, rien n'eft plus remarquable que ladroiture, la fimplicite & la- eandeur. d'une reli- gieufe fort agee qui n'etant point fa- tisfaite de tout ce qu'avoir pu lui dire la mere Agnes pour lever fes diffi- cultes, alia trouver la fceur Angelique de faint Jean ,, & lui tint ce. langage. » Je fuis une pauvre vieille , qui ne » fuis pas capable de comprendre tou- x> tes ces chofes : je fuis trop foible » de corps & d'efprit pour cela. Il ne- » me refte qu'un moment de vie 5 tou- » te ma joie eft d'etre dans la maifon » de la foi j c'eft tout mon trefor 8c » ma confolation. J'aurois peine tou- » te ma vie, fi j'avois figne ce papier » n'etant pas capable de le compren- >• dre ». La fceur Angelique de faint Jean lui ai'ant reprefente le fcandale que cauferoit le refus de figner , 8c lui ai'ant propofe l'exemple de la mere {{£) Hift. <les petfec. ib. p.^o.
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lOo HlSTOIRE D-E PoRT-ROlAt.
i<j6I# Agnes & des autres religieufes, qui
avoient affez de fagefle & de lumiere pour ne pas faire une telle demarche fi Dieu ne 1'exigeoit d'elles, qu'ainii elle ne devoir pas craindre de les fui- vre; » Helas! ma four , repliq.ua la » bonne vieille , ce n'eft pas comma » cela que je l'enrends ; il y a bien de " la difference entre moi & les autres; » notre mere & vous , etes des ames » innocentes & eclairees} qui difcer- » nez ce que vous fakes, mais moi » je fuis une pauvre pechereffe qui » n'ai pas l'efprit de rien comprendre, " & puis Dieu ne traite pas les pe- » cheurs comme les innocens, & il » ne compte pas tout aux ames inno- » centes , comme aux autres. Je crois » que notre mere & toutes nos fours » one agi felon Dieu; mais moi, qui » fuis deja accablee de mes peches , » que je charge encore ma confeience » de cela > en verite je ne le puis « pas». La four Angelique lui aiant encore parle, elle lui repartit: » Enfin, » ma four, je fuis une pauvre vieille, a qu'importe-t-il que je iigne ? ne » vous en mettez point en peine. M.. " Bail remarquera fans doute que mon » nom (j 5) n'y eft pas, car il eft & ex- (jj) La fceur Goilai. |
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II. P A R T I E. L'lV. 1. 207
» traordinaire , qu'il n'eft pas facile a. i66t»
» oublier,& il medemanderapourquoi
" je n'ai pas figne , maisne vousmet-
»« tez point en peine, je lui dirai :
» Monfieur, je fuis une pauvre vieille,,
» qui n'ai plus qu'un moment de vie :
m je n'ai pas voulu charger ma conf-
» cience de cela ; mais fi je vous im-
>> portune , jettez-moi comme un au-
» tre Jonas dans la mer r pourvu que
- mes pauvres fceurs foient en repos y_
» je ferai contente; car il m'efl; in-
» different de quelle mort je meure ».
Elle fe rendit neanmoins a la fin fur
raffurance que lui donna la S. Angeli-
que, que Dieu demandoit cela d'elle.
Le mandement fut envoi'e a P. R. xvi.
des champs le 29 novembre & y efluYa ^"^J d'abord les memes difficultes , cepen- fes fur leujt dant les religieufes fuivirent l'exem- f,snature- ple de celles de Paris, & le fignerent par les memes vues & avec la meme modification (36). Maisapresla figna- ture,il y en eut quelques-unes de Tune: & de l'autre maifon qui entrerent dans, de grandes inquietudes : les peines fe renouvellerent & leur grande delica- tefle de confcience leur fit craindre; d'avoir blefie la fincerite chretienney, & qu'il n'y eut du deguifement j ca |
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208 HlSTOIRE DE FoRT-ROlAI.
quiengagea la mere Agnes a fake ecrire
unelettre (57)5 par la maitrefle des no- vices,danslaquelle elleparloitainfi(3 8): » Ceux qui obligent des filles a figner » ne favent gueres l'injuftice qu'ils » font, & combien elles en font peu » capables; & c'eft vraiment eux qui » donnent des commandemens impof- » fibles. Vous ne fauriez vous imagi- » ner combien nous avons de peine a » entrer dans l'alfurance qu'on nous » donne que ce que nous faifons eft » bon. Tout eft dans 1'angoifTe a P. R. » & perfonne ne put fe refoudre hier •, » je ne fais ce qu'elles feront aujouc- m d'hui (39). Il y en a plufieurs de » celles qui l'ont fait, qui ne peuvent » en mettre leirr confcience en repos. » Ma foeur Flavie pleure jour & nuit » depuis qu'elle a figne ; & fl fes lar- » mes etoient tombees fur fa fignature >» elle feroit bien lavee, & il n'en refte- » roit point de traces aifurement. Ma » four Candida, fi on la croioit, brule- j. roit tout ce qu'on a fait & fans rien <j7)i dlcemtire. que parle de quelques-
(j8) Apol. ib. p. 12; uncs qui n'avoient pit
(19) Comme cette lettre alors fe refoudre a ligntr ,
eft datee Ju i dccembre , 8c qui n'y etoient pa* en-
& que I'on avoit lignc le core determiners Hans le.
18 novembrc a Pans, il (cms qu'elle ecuvoil,
£tut que la faur Angeli-
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II. P A R T I E. LlV. I. 10<)
" demanderaperfonne , feroit route \^(,\,'
» autre chofe qui s'expliqueroir claire- » menr, &c. ». Comme le rrouble desfceurs augmenra, la mere Agnes fut obligee d'ecrire elle meme : elle mar- quoit dans fa lettre , que d'heure en. heure les foeurs venoient la conjurer au nom de Dieu de vouloir changer la tete qu'elles avoient fignee, finon qu'elles effaceroient leurs noms. Ces fcrupules neanmoins n'etant nes que de la tendreffe de confcience de ces faintes filles , il ne fut pas difficile de tranquillifer leur efprit fur ce point. Celui a qui elles ecrivirent, leur fit une reponfe exacle, dont elles furent plei- nement fatisfaites, & elles lui en temoi- . moignerent leur reconnoifTance. Le calme etant ainfi rendu , & les figna- mres achevees, elles furent portees le famedi 3 decembre a M. le Doien, qui ai'ant d'abord lu avec beaucoup d'at- tention la formule qui etoit a. la tete , dit qu'il en etoit content (40). La per- fonne qui lui avoit porte ces fignatu- tes , lui dit que c'etoit aiTez3que les re- ligieufes ne fouhaitoient que de fatis- faire Dieu & leur fuperieur : M. le Doien reprit: J'enfuis fatisfait, mais la Cour ne leferapas. Je lesayois aver- (40) Hift. des perfec.ch. jj.. |
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2Id HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
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106 1.
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" ties de Jigner Jimplement: Puis il ren-
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dit le papier en difant: Reporter - le
leur, & leur donne^ celui-la , qui ejl d'un autre couvertt, 6" dites-leur qu'el- lisfeperdent , fi elles ne font comme cela. xvh. Les fignatures a'iant ete rappor- Le Doyen, t^es ja mere Agnes fir aiTembler la
quo.que fans- fi
jjitdc!a%na-communaute le dimanche 4 de decem-
vo?e' tomani 'Dre ' POUr ^U* ^a"e Part ^e Ce qu'iVoit
que la cour mande M. le Doien : fur quoi elle de-
conteBte? paS manda ce que Ton vouloit lui repon- Les reiigieu- dre. Toutes repondirent d'une voix Cg"«utefim unanime, qu'ai'ant fatisfait a Dieu & f«. a. leur confcience, elles ne fe mettoienr point en peine du refte ; qu'elles n'a-
voient que leurs ames a fauver ; & qu'eiles ne pouvoient faire que ce qu'el- les avoient fait, y a'iant meme eu beau- coup de repugnance : les foeurs du no- viciat fe trouverent dans les memes fentimens : enfin chacune temoigna une joie & une refolution admirable de tout fourFrir , plutot que de rien faire qui bleflat fa confcience. Le papier flit done renvo'ie, fans aucun changement a M. le Doien, & prefen- te par un gentilhomme, qui lui dit: Monfieur, voila le papier que je vous rapporte; les religieufes difent qu'eiles ne peuvetit faire autre chofe, & jont af- fe^ fatisfaites de ce que vous approuvt\ |
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II. Partie. Liv. 1. in
leur procide , & du refit dies font dif- \6(,i.
pofees dfouffrir tout ce qui en pourra arriver. M. le Doien temoigna etre fort fache , & dit a ce gentilhomme; » Et pourquoi ne veulent-elles pas » faire comme les autres ? Dites-leur » que je m'en charge, que je le prends » fur ma confcience, &c qu'elles per- » dront leur maifon, fi elles ne le » font ». Cela n'effraia point les reli- jgieufes de P. R., 8c la reponfe de M. le Doien n'affoiblir en rien la resolu- tion qu'elles avoient deia remoignee de mourir plutot que de trahir leur confcience & de blefTer la (incerite chretienne. La mere Agnes qui les avoir aifemblees (le 5 decembre ) les voiant dans cette heureufe difpofition , leur dit qu'elles n'avoient plus qu'a at- tendre le fucces qu'il plairoir a Dieu de donner a leur affaire, & ajouta plu- fieurs chofes edifiantes pour les en- courager a fouffrir genereufement tout les evenemens auxquels elles s'expo- pofoient par leur demarche. M. le cure de faint Severin, col-
legue de M. le Doien dans le grand vicariat, aiant re$u le 6 decembre une copie de ce qu'avoient fait les reli- gieufes de P. R. , temoigna en etre tres content. Cell ainfi que Dieu don- |
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ill HlSTOIRE DE PoRT-ROlAlrf
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\66i.
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noit a ces faintes filles la confolation
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de voir que leurs fuperieurs eccleiiaf->
tiques etoient contens d'elles , & ap- prouvoient leur conduite. Peut-on done avoir une juftification plus par- faite que celle des religieufes de P.R.? Elles ont l'approbation de leurs fupe- rieurs ecclefiaftiques jointe ait temoi- gnage de leur conference ; & le monde les blame & les perfecute, parcequ'el- les ne font pas du monde ; ce qu'il ne feroit pas, fi elles n'etoient pas fer- vanres de Jefus-Chrift. Si de mundo ejjetis, mundus quod fuum ell utiqm diligent (41). |
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XVIII.
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M. le Doi'en alia a P. R. le 9 de
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tiJ'nyTMue decembre, & vit d'abord M. d'Andil-
Aboeirele iily qu'une maladie dangereufe avoir |
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decembre.
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oblige de fe faire cranfporter a Paris.
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(41) Voi'ez dans le IXe
tome des lettres de M. As- naud , un excellent e'erit, cu Von juftifie la maniere dont les religieufes de P. R. fe conduifirent a Voccafion de la deuxieme Ordonnance de &1M. les gratids Vicai- ves de Paris , en faufcri' tjant aux bulles d'Innocent X & d' Alexandre Vll quant au droit ,fans entrer dans la queflionde fait, p. 57-67. VoVez encore p. 67-93 , une autre juftifica- tion de la conduite des re- |
liveufes de P. R. dans la
jiynatitre du Tormulaire. Nous fouhaiterions pou- voir dbnner ici place a ces pieces , qui font d'au- tant plus imporranres, qu'on y trouve la juftifi- cation , non-feulement des religieu'es de P. R., mats em'ore d'une multi- tude d'autres religieufes qui aiant aime la vente comme elles, ont eprouvc & eprourent encore tous les jours les mimes traice- mens. |
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II. P A R T I E. L'lV. I. 2 I J
II lui confeilk d'engager les rehgieufes 1661.
a la fignature qu'on exigeoit d'ellesj en lui reprefentant les mites facheu- fes de leur refus. Mais M. d'Andilly lui repondic avec politeffe , & en me- me-tems avec beaucoup de force, qu'il ne les porteroit jamais a faire une chofe qui bleiferoit leur confcience. M. le Doi'en monta enfuite au parloir & vit la mere Agnes , a qui il propofa la fignature : il n'infifta point contre les reponfes qui lui furent faites, 8c dit fort poliment, que graces a Dieu, il ne lui etoit jamais arrive de contrain- dre perfonne a faire quelque chofe contre fa confcience ; & que jamais cela ne lui arriveroit (41). La. mere Agnes lui reprefenta que le tems de faire l'elecfion etoit arrive, & lefup- plia de vouloir bien prendre un jour pour la faire. Il promit de fe rendre au monaftere pour cela le lundi fui- vant. Il s'y rendit effedfcivement ac- compagne de M. Bail, &: apres avoir recu la demilfion de la mere Agnes il dit la mefle, & on proceda enfuite a l'eleftion dans toutes les formes ordi-« naires. La ceremonie fe fie plus heu- reufement & plus tranquillement qu'on ne 1'efperoit au milieu de pareils trou- (45) Hift. its petfec. ch. 54, p. %
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2 14 HlSTOIRE DE PorT-ROi'al.
j^^j bles. La mere Magdeleine de faint
Agnes de Ligny , qui etoit auparavant prieure , fin elue & confirmee abbefle le i z de decembre. La mere Dorothee de l'lncarnation le Come, qui etoit fousprieure , fut nommee prieure. xix. La mere de Ligny etoit fille de M. ™™7*Ceil deLigny & de Marie-Charlotte Seguier
mere de Li- fceur du Chancelier de ce nom. La f Miion?C0U' profperite de fa maifon , l'affe&ion de fes parens pour elle , & les agremens naturels qu'elle avoit pour le monde , l'engagerent jufqu'a Page de quinze ans dans l'amour du fiecle. Etant ve- nue a P. R. pendant I'Avent de l'an- nee 1630, avec Madame fa mere qui s'y retiroit alTez fouvent aux tems de devotion, tels que le Careme & I'A- vent , la mere Angelique craignit pour cette fois, que la jeune Demoifelle de Ligny ne fit tort a Mademoifelle de Herfe fa coufine , qui s'y etoit retiree depuis quelque mois pour fe difpofer fur le choix d'un etat. Mais Dieu fit voir en cette occafion que fon efprit fouffle ou il lui plait & qu'il choifit qui il veut : car au lieu que Made- moifelle de Herfe , qui ne refpiroit alors que la piete, retourna dans le monde; Mademoifelle de Ligny , qui ;SP£ refpiroit que le monde , profita fi |
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U. P A B. T I E. L'lV. I. 2 15
*bien des inftruftions que la mere An-
gelique donnoit en fa prefence a Ma- demoifelle de Herfe , qu'elle ne penfa plus qu'a y renoncer. Ce fut dans cette refolution qu'elle s'en recourna avec Madame fa mere , apres l'Avent; & elle la tint fecrete jufqu'au Careme fuivant, que Madame de Ligny etant venue a. P. R. pour y pafler ce faint tems, elle fe fervit de cette occafion pour decouvrir fon deffein a. la mere Angelique & le faire agreer a Madame famere. Elle avoittropdepiete pourn'y pas confentir , quelque tendreue qu'el- le eut pour elle. Ainu" avec fa permif- fion Mademoifelle de Ligny entra le Jeudi faint au noviciat. On a peu vu d'exemples d'un auffi grand cnange- ment que celui que la grace fit en elle dans fes premieres annees, par le mi~ niftere d'un directeur fage &c eclaire. Tout ce qu'il y avoit d'altier & de vain dans fon efprit fe changea en une dif- pofition de fimplicite & d'humilite , qui ne cherchoit qu'a fe cacher en tout; & fon amour a&if & curieux difparuc de telle forte , qu'elle. devint par fon recueiliement & fa modeftie l'exem- ple de toutes celles qui la voioient 2gir. §a profeffion futdifferee de plufieurs.
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2l£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1661. annees pour des raifons qui ne depen-
xx. doient point d'elles; mais elle n'en
ses vertus. £toit Ql moins religieufe par la re-
Elle rend tt- . . , . . ° ■, \ F i• •
moienage a gulante, ni moms utile a la religion
la vcrite. par ies fervices qu'elle rendoit, aiant ete des-lors emploiee au gouverne- ment, foit des novices, foit des pen- fionnaires. Lorfqu'elle futprofelTe, elle occupa fuccellivement prefque toutes les charges de la rnaifon , &c s'y dif- tingua par fa douceur, fon humilite & la cnarite. Elle etoit prieure lorf- qu'on l'elut abbelfe le 12 decembre 1661. Le jour meme de fon election Dieu lui fit la grace de rendre temoi- gnage a la veritc, & de refifter avec beaucoup de fageffe & de fermete aux fbllicitations de M. le Doi'en, qui par- la ce jour-la plus fortement qu'il n'a- voit fait jufqu'alors , pour 1'engager, elle & fes religieufes a la flgnature pu- re & limple du formulaire ; & elle ef- fu'ia avec un grand fens froid tous les emporcemens de M. Bail. Elle fit en- fuite part ( le 14 du mois ) a la com- munaute de l'entretien qu'elle avoit eu avec ces Meflieurs , & des menaces |
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'ils avoient faites, fi on faifoit refus
figner de la maniere qu'ils le de- |
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mandoient. Mais cela n'affbiblit point
leur courage , & elj.es fe trouverent routes
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II. P a r t r b. Liv. I. 217
toutes dans les memes fentimens 8c ^iTiT dans les difpofitions 011 etoient les trois genereux enfans de la fournaife, lorf- qu'ils firent cetce belle reponfe a Na- buchodonofor. » II n'eft pas befoin , 6 » Roi, que nous vous repondionsfurce » fujet. Car notre Dieu que nous ado- » rons, peut certainement nous retirer » du milieu de la fournaife, & nous de- n Iivrer,6 Roi,de vos mains.Que s'il ne » veut pas le faire, 6 Roi, nous vous » declarons que nous n'honorons point sj vos Dieux , & que nous n'adorons « point la ftatue que vous avez fait « faire ». Elles repondirent done que Dieu etoit alTez puiflant pour les deli- vrer des maux donton lesmenacoit, & que s'il ne le vouloir pas, elles ne laifle- I'oient pas de lui garder une fidelite in- violable. Elles temoignerent qu'elles n'avoient point d'autre reponfe a faire fiuon qu'elles etoient a Jems-Chrift, & 3ue route leur crainre etoit de le per-
re en rendant un faux ternoignage , ou en faifant un menfonge, car e'eft ainfi qu'elles regardoient, & avec rai- fon , la fignature qu'on leur propofoit. La mere de Ligny eut une grande joie de voir fa communaute dans des dif- "Dfitions fi conformes aux fiennes , 8c lb en fit part a Monfieur le Doien^ Tome IF. & |
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Jl8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
id/Si. ^on l'ordre qu'il lui en avoit don-
xxi. ne (43). m. .la s. se- lc m£me joljr on envoia un ami de vena approu-. , . . _ N ' . . .
*e 1j condui-la mailon a M. de iamt SeVerin pour
eleufia dfp ^u* ^a*re ^avo^r Election de la nou-
R. & fait ieur velle abbeiTe. Il en temoigna beaucoup slugs- <Je j0[e. enfuite il parla de la figna- ture, & dit : » En verite les religieu*
» fes de P. R. ne pouvoient pas mieux « faire qu'elles ont fait: elles ne poli- sh voient faire plus, fans bletTer leur » confcience. Dieu verifie en ce terns » la parole de faint Paul, que Dieu a » choifi les chofes foibles de ce monde, » pour confondre les plus forts ; car ces » filles-la font honte aux Eveques, aux => dodteurs & a nous, & nous appren- » nent ce que nous devrions faire », Ren n'eft plus vrai que ce que dit M, defaint Severin, & la fincerite s'y trou- ve egalement jointe a la verite. » Di- » tes-leur, continua-t-il, qu'elles ne » s'etonnent point de voir le grand « nombre de ceux qui fe laifTent aller , » puifque l'Ecriture dit que le nombre 5. des fous eft infini , & qu'elles ne » craignent point les menaces qu'on » leur fera de les excommunier. On (43) Vo'ira ' la letrre 15', 16. It. Hift. des
qu'elle lui ecrivit le 14 perf. ch. 55, p. «j. (Jecemb. Apol, z Part. p. |
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II. Part ie. Liv. I. 219
w ne le peut faire, apres le temoigna- kS6i
» ge qu'elles ont rendu de leur foi •, 8c
w je vous allure que je m'y oppoferai
si & les defendrai au peril de ma vie.
« On ne meurt qu'une fois a la guerre,
» j'ai ete tue dans le premier combar)
„ mais s'il plait a. Dieu, je ne le ferai
» pas dans le fecond ; & quand il iroit
» de ma tete , je ne fouffrirai pas
» qu'on les perfecute.
Le lendemain la mere de Ligny eut xxit.
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DifferenKS
tentatives |
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un nouveau combat a efTui'er de la part
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de M. l'Eveque de Meaux fon frere , pour engager
qui vint a la priere de M. le Doi'en , pAr. 1 figne/, pour tacher de l'engager a figner; mais il echoua comme les autres , & s'enre- tourna alTez mecontent (44)- M, Bail ne reuflit pas mieux dans une vifite qu'il rendit le 22 decembre a l'abbeiie qui ne fut nullement ebranlee de fes mauvais raifonnemens, ni de fes em- portemens. M. le Doi'en, qui avoit gar- de jufqu'alors l«s fignatures dans l'ef- perance de les gagner , revint encore a. la charge. A'iant recede %6 decem- bre un envoie de M. le Tellier , qui vouloit favoir fi les religieufes de P. R. avoient figne & fans reftriction, il en informa la mere de Ligny pour voir fi elle & fes religieufes vouloient changer iii) lb. p. 67. col, 1.
& ij
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11© HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
leur fignature que perfonne n'avoit en-
core yue , & reprefenta le peril au ■ quel elles s'expofoient en periiftant dans leur refus. La mere de Ligny fie riponfe a. M. le Doi'en , que rien n'e- toit capable de les engager a faire au- cun changement a ce qu'elles avoient fait. La fignature fut done envoiee telle qu'elle etoit, & M. le Doi'en qui 1'avoit portee , vint voir la mere de Ligny le 3 o decembre , & lui dit que M. le Tellier n'en avoit pas ete fatis- fait, & que la Cour n'en {eroit pas con- tente , quoi qu'il eutpu lui dire pour lui perfuader qu'elle ecoit bonne. Apreslui avoir fait lerccitde ce que M.le Tel- lier avoit dit a ce fujet, il la prefla fortement de figner , emploi'ant pour eela les menaces, les jraifons , les prie- res Sc tout ce qui lui venoit a l'efprit, jufqu'a. lui propofer de figner en lui donnant par ecrit une declaration tres entiere de Jeurs fentimens; que par la elles fe metcroient a 1'abri de tous les maux dont on les menac.oit, & que neanmoins leur confidence feroit en furete , pareequ'il montreroit cet ecrit en un terns propre (45). La mere de Ligny eut tant d'horreur d'une propo- fition fi contraire a la fincerite chi'g-s ty;)lb. ch. 37,p, 68,ss>,.
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II. Part IE. L'tv. 1. ixt
tlenne , qui met fa gloire a confeifer 1661.
Jefus-Chrift devant les homines au peril de fa vie , qu'elle ne repondit rien a M. le Doi'en qui continua de lui rebattre fes faux raifonnemens pendant plus de deux heures, mais temoignant d'ailleurs beaucoup de bonte & d'affec- tion pour la maifon. Le meme jour la mere de Ligny aflembla la commu- naute & lui fit part de fon entretien avec M. le Doi'en : elle eut la fatisfac- tion de voir que routes les religieufes etoient toujours pleines de courage 8c refolues a mourir plutot que de rien faire contre leur confcience. Mais comme M. le Doi'en s'imaginoit que les religieufes agifloient 8c fe condui- . foient plus par deference pour leurs fuperieures , que par leur propre mou- vement, elles demanderent la permif- fion de lui ecrire, pour l'informer elles memes de leur fentiment; ce qu'elles rirent par la lettre fuivante , qui fut fignee par routes en particulier (46). » Monfieur , ce que nous apprenons XXI[f
« tous les jours de vos bontes , par le » rapport que notre mere nous fait de pcll|'7 m fe » la maniere dont vous agiflez pour Doyen d«Pa- » cette communaute afin de detour-"5; ' ianY' " ner 1 orage qui la menace, nous cort- (4«) Hifl.desperfec-.ch. jS.
K llj
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Ill HlSTOlRE DE PoftT-ROlAt.
~ " firme fl fort dans la creance que nous
» avons deja,que vous avez pour nous jj les fentimens d'un pece , comme » nous avons pour vous le refpe£fc des » plus humbles de vos filles, qu'aiant » iu que vous aviez defire qu'on nous » avertit encore une fois, que pour ne " point donner d'avantage a ceux qui » en voudroient prendre contre nous , » de la maniere en laquelle nous avons !> figne |, ilferoit a propos de le iaire » purernent Sc fimplement , comme jj la plupart du monde le fait •, nous » avons cru ,M. , que vous n'auriez pas » defagreable qu'en ce fujet, qui n'eft » pas une affaire de cornmunaute , » mais une affaite de confcience, oil « chaque particuliere a autant d'inte- » ret que le general, nous priilions la « liberte de vous alfurer nous-me- ■» mes , que notre mere vous a expri- » me nos veritables fentimens dans » les deux dernieres lettres qu'elle s'eft » donne l'honneur de vous ecrire ; » qu'ainfi , M., il ne nous refte qu'a » vous fupplier d'avoir pitie de l'ex- » tremite ou Ton reduit de pauvres >> filles, qui n'ont ni affez de lumie- » res, ni aifez de force d'efprit, pour » fe perfuader , contre leur propre »»' fentiment, qu'elles puiiTent forcer |
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II. Partib. Liv. I. ii$
»> leur confcience a faire une chofe qui ""7^6
« leur paroit contraire a la fincerite » qu'elles doivenc a Dieu & a l'Eglife. » Car etant perfuadees que nous ne »> pouvons rendre temoignage de » chofes que nous ne favons point * » & qui font entierement au-defliis » de notre intelligence, & ne pou- » vant croire aufll qu'on ne nous de^ " mande point ce temoignage , puif- » qu'on ne fe contente pas de celui » que nous avons rendu n (implement » de notre foi & de notre foumiffioii « au faint Siege , l'exemple d'Ananie » & de Saphire, qui tomberent morts »» aux pies de faint Pierre pour un >> menfonge 5 dont le fujet etoitbeau- » coup moins important qu« eelui-ci j .. kr r, ,1'"' ° n** v'Ksnt oas affurc nar xev-j » ment, comme on nous oblige de le
» faire par notre fignature, nous don- » ne une apprehenfion terrible que » Dieu ne nous punille de la meme » forte invifiblement, (i nous nous » fervions d'autres paroles que celles » qui font connoitre a toute l'Eglife » la difpofition de notre coeur , a la- » quelle nous favons que ceux memes " qui nous perfuadent de figner fim- " plement ne trouvent rien a. redire. « C'eft» M., la crainte d'un fi praad K Hi]
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ii>4 WlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
peril qui nous fait clioifir de tomber
plutot entre les mains des hommes, que coupables entre les mains de Dieu en agiilant contra notre conf- cience ; & chacune de nous eft fi fort dans ce fentiment, que comme nous n'y fommes entrees, & n'y de- meurons que dans la viie de Dieu feul, tous les confeils & l'exemple meme des perfonnes en qui nous avons d'ailleurs une entiere con- fiance , ne pourroient pas nous per- fuader autre chofe. Voila, M., la difpofition ou nous nous trouvons toutes generalement , & ou nous cro'fons que Dieu nous a mifes , puifque nous ne regardons que lui en cette rencontre , dans laquelle toute consideration nous porteroit naturellement a quitter un chemin fi etroit, pour nous mettre a couvert des fuites dont on nous menace. Apres la confiance que nous avons en Dieu, nous en avons une fort grande en votre charite pour une communaute religieufe , dont votis connoifTez 1'innocence. Et a moins d'un commandement de Dieu aulil expres que celui qu'il fit a Abraham d'immoler fon fiis, nous ne faurions croire qu'une moindre autorite vous |
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II. Part ie. Liv. I. 225
a puiflTe perfuader de facrifier vos pro- 1(^^lt. j> pres filles , quoiqu'elles foient pre- »» tes a vous temoigner jufqu'a la; » more, qu'elles font avec non moins » de refpedt que de verite , &c. » Cette lettre des religieufes de P. R. de Paris , flu ratifiee par celles de P. R. des Champs j auxquelles on en envoi'a une copie. Celles-ci envoierent a Paris 1111 billet figne de routes > dans lequeL elles marquoient que c'etoit-la leur fentiment, & qu'elles prioient qu'on en aflurat M. Ie Doi'en. .............
Le premier jour de l'annee 1662, 1662.
TAbbelTe de P. R. recut la vifite d'un xxiy. Prelat refpesStable, qui voulut lui per- Ev^ueVial"e fuader qu'elle etoit obligee en conf- chMoni veuc cience de figner •, & ce^ qu'il y avoir SfcLigny |
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gnu.
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de plus feduifant, e'eft qu'il n'emploioit a Ha
aucunes raifons tirees de la politique •, au contraire , il convenoit qu'il falloit mettrs Dieu au-deflus de tout r & tout facrifier pour lui. La plus forte raifon qu'emplo'ia M. Vialart, fur que la dif- tindion du droit & du fait fe faifanc naturellement, la fignature ne pouvoic tomber que fur le droit, & qu'ainfi les religieufes ne s'engageant a rien en ce qui eft de la creance du fair , elles ne pouvoient refufer la fignature que leurs fuperieurs exigeoient d'elles. » |
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Il6 HtSTOIRE Dg PoRT-R01At,
fans orgueil, & fans faire une faute-
plus defagreable a Dieu , que ceile qu'elles pretendoient eviter en refufant de figner (47). Mais fi la diftin&ion du droit & du fait fe faifoit fi naturelle- ment, & fi la fignature fans modifi- cation devoit etre ainfi interpreted, pourquoi les ennemis de P. R. ne fe contentoient-ils pas du premier Man- dement , ou ces deux chofes etoient diftinguees 5 pourquoi l'ont-ils fait fuppnmer par violence , & en emt-ils ex torque un autre , dans lequel ils one eonfondu le fait avec le droit ? 5'ils n'avoient pas de mauvais defleins en confoftdant des chofes fi diftinguees, pourquoi trouvent-ils mauvais qu'on les diftingue > & puifqu'ils ont de mauvais defFeins , pourquoi accufer d'orgueil des vierges fages , qui joi- gnant la prudence a la fimplicite , ne veulent favorifer en rien fa confpira- tion des medians , & des defleins qui ne font que trop marques I Pourquoi leur faire un crime de ce que , par amour pour la fincerite, elles diftin- guent deux chofes qu'on dit etre fi dif- tinguees , & qui le font effe£tivement „ de peur qu'on ne prenne l'une pouf i (47 } I-lifl &s petfec. eh. 3«, £>. 7**
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II. Part ie. Liv. I. ny
I'autre , o.u qu'on n'en falfe qu'une me- 1661.
me chofe ? M. de Chalons allegua encore pin-
fieurs aucres raifons a la mere de Ligny, qui etoit fa parente , mais. rien ne fut capable d'abattre ni d'affoiblir cette vierge chretienne , que la grace fou- tint dans cette attaque , plus dange- reufe que routes celles qui avoient precede , parceque M. Vialarr etoit un Prelar generalernent eftime pour fa piete &c fes lumieres. Er il faut avouer que quoique la foi fit trouver aux religieufes de P. R. un fujet de gloire & de confolation dans 1'etat ou elles fe trouvoient , c'etoit.nean- moins pour elles une fituarion bien f>enible a la nature, d'avoir a effu'ier
es reproches des perfonnes memes de piete, dont plufieurs les traitoienc d'or- gueilleufes, de rebelles-, de fchifma- tiques,de refractaires. Elles avoient befoin d'une grace bien forte pour fe foutenir dans de relies epreuves. Ce fut au milieu de ces epreuves SSsr.
que Dieu, qui les y foutenoit par la ,f ™^ ?aiiliance de fcn bras, les confola, & par mi m»r»-
eur fit voir qu'il etoit au milieu d'elles,c!e t^fm" en operant un miracle eclatant fur une d'entre elles (47). Cette religiettfe,non>~ tei) ib.ch.4p, 2-n- Jfcij
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iiS HlSTOIRE Dl PoRT-Ro'lAI..
mee la four Catherine Suzanne Cham-
pagne , etoit malade depuis plus de 14 moisjd'une maladie de jambe,qui avoit ete precedee d'autres incommodites., qui affe&oient tout le corps. Toutes fortes de remedes furent emploies fans fucces ; medecines fans nombre; fai- gnces jufqu'au nombre de trente , pen- dant ces quatorze mois , &c. Enfin les medecins ai'ant epuife les reflbur- ces de leur art, ne trouverent plus de remede a un mat li opiniatre, que de cefler d'en faire. Pendant les 14 mois, la malade eut toujours la fievre , qui ne la quittoit ni jour, ni nuit. Apres les remedes naturels, on fit plufieurs neuvaines pour demander a Dieu fa guerifon \ mais le moment auquel il devoit l'accorder n'etoit point encore arrive. Il refervoit cettemerveillepour ctre la confolation des religieufes dans leur affliction , & pour montrer qu'il etoit le protectenr de ces vierges perfe- cutees. Sur la fin du mois de decembre de 1'annee \66\ , la four qui etoit chargee de certe pauvre malade * etant touchee de compallion , pria la mere Agnes de faire pour elle une neuvaine , a. quoi elle ne confentit |
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u'avec peine, & a condition qu'elle
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emanderoit plus pour la malade k
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II. Partie. Liv. I. 219
grace & la patience pour fourfrir fon i<j<Sx.
mal , que fa guerifon. La neuvaine fut commencee le 29 decembre , & fut achevee le 6 Janvier 1661 , & la malade fe trouva parfaitement guerie le lendemain : elle alia elle-meme en apprendre la nouvelle a la mere Agnes, dans fa chambre. M. Champagne, per& de la religieufe , par reconnoiflance pour cette merveilie , & pour en con- ferver la memoire , fit un grand ta- bleau , dans lequel il peignit lui-meme la mere Agnes & fa fille , dans la il- tuation ou elles etoient l'une & l'autre fiendantla neuvaine,enfuite de laquelle
e miracle arriva (48). Ce tableau fut mis dans le chapitre de P. R. de Paris. |
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(48) La fccur Briquet s> Monfeigneur, s'il n'eil
parla de ce miracle a M. » pas permis de penetrcr
de Perefixe , lorfqu'il fit j, pour quelle caufe Dieu
fa premiere vifite a P. B.. » a fait ce mkacle, ne
au mois de juin 16645 3> pourtai-je pas faire art
& comme cette religieure , » moms la reflexion que
aufli pleine d'efprit que 35. fail l'aveugle ne dans
de piete , voulut en tirer » l'Evangile , 8c dfre
une confequence en fa- » comme lni, que je fats
Teur de la maifon , lc 1 bien que Dieu n'exauce
prelat pterendit que les 3> point les pecheurs! Si la
hommes ne pouvoieni pas * mere Agnes avoit of-
dire pourquoi Dieu fai- » Feiife Dieu en refufant
foit des chofes extraoidi- » la figaature, lui auroit-
naites & des miracles : n il fait la gtace de faire-
furquoi !a fceur Briquet , » un tel miracle que ce-
apres avoir raconte celui- » lui la ? Rel. <le la ftxur
ci obtemi pat les prieres Briquet dam U Rd* i»--4»
de laraerc Agnes, lui dit. j>. 1.8.,
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236 HlSTOIRE DF. PoRT-RoYaI,
jg^2 Ce fat a cette occafion que M, Girard,
ou felon d'autres,M. Hermant,doc~teur, Chanoine de Beauvais , ecrivit le 1 5 Janvier 1661 {a belle lettre qui fuit, a M. Arnauldd'Andilly. xxvi. » Je ne puis , Monfieur , retenir nVrma^ ^' " l'impetuolke de ma joie , &'jecrois
M. d'Andiily ■■> vous devoir donner des marques de i««i 'fur'ies " 'a part que je prens aux confoiations n-iracies qui „ tomes divines que Dieu verfe dans » le cceur des iamtes hues , pour qui " le monde n'a que des menaces & » une extreme injuftice. La voix des " miracles fe fait entendre plus loin » que celle des homines , & fans que ji vous m'ayiez ecrit , j'ai appris la » guerifon de la fille de M. Champa- » gne , qui eft au-detTus de la nature „ » & qui peut aftermir celles de nos « fours que la vaine terreur des en- » fans du fiecle veut aftoiblir dans la •> plus jufte de routes les caufes. C'eft 3» la conduite de Dieu d'en ufer ainfi » dans les neceflites de fon Eglife , & k de parler en faveur de fes fervi- » teurs & defes fervantes, lorfque les » ennemis de la verite leur veulenn w former la bouclie , & les tenir dans » la derniere oppreffion. Ai'ons pitie » de ceux a qui ces prodiges ne feront » qu'ime matiere d'endurciiTement & |
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II. P A It. T I E. L'lV. I. 2JI
» de prevarication •, &nefoions jamais \(,6i.
« paralytiques ni de cceur , ni de la
» main, quand il s'agira des interets
» de celui qui nous traite avec un ex-
» ces d'amour & de bonte , lorfqu'il
» nous engage a fouffrir quelque chofe
w pour fon fervice (49).
M. le Doyen etant venu a P. R. le xxvn.
,- c 1 Addition *
a 1 Janvier , pour s inrornier plus en la (igna[ure-
detail de ce miracle , apporta une ad- envoSfe par
dition qu'il avoit recue de la Cour
pour etr'e mife a la fignature des reli-
gieufes (50). La voici : » Nous em-
" braffbns fmcerement & de cceur »
» tout ce que Sa Saintete & le Pape
» Innocent X en ont decide (de la foi),
» & nous rejettons. les erreurs qu'ils
» ont jugees y etre contraires ; & puif-
» qu'ils ont decide que ces erreurs
« ie trouvent dans les V propofitions
» au fens qu'elles ont dans la doctrine
» de Janfenius , nous nous foumet-
» tons fincerement a cette decifion,,
» & rejettons de cceur & de bouche'
» lefdires propofitions , 8c le fens
» qu'elles ont dans la dodrine de
(4«) M. Girard ecrivit trouvs jointe aux deux
encore une autre lettre fut precedentes Jans l'hiftoire-
lemcme fujet a fa frxur , drs perfecutious, ch. 40.
reiigieufe a P. R. Enfin 0.74,75.
la nvraculee elle-mSme (50) Hift. des perfesv to. a ecrit une , qui fe cb. 41.-p.7f>-
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2J2. HlSTOiRE DE PoRT-ROlAI,
<j^2, " Janfenius. » Voila la formule que»
la Cour envoia a P. R. par M. le Doi'en , qui la trouva lui-m-eme G. mauvaife, qu'il le temoigna a la per- fonne qui la lui avoit remife} & refufa d'abord de la prefenrer ; & quoiqu'il s'en flit enfuite charge , il ne prefla point les religieufes de la figner. Il voulut feulement que I'Abbelle en fie lecture a la communaute , & l'exhorta a engager fes religieufes a. accorder quelque chofe de phis que ce qu'elles avoientfait, afin dedetourner Forage, dontelles eroient menacees. Quoique la mere de Ligny connut les difpofi- nons de la communaute , neanmoins par refpeet pour M. le Doi'en , elle ailembla les religieufes , pour leur faire part de la profeffion de foi de la Cour. Toutes ces vierges chretiennes, inftruites a l'ecole de J. C. , eurent horreur d'une addition fi contraire a la fincerite chretienne , & fe confir- jmerent dans la refolution de ne rien faire de plus que ce qu'elles avoient fait. C'eft ce que la mere de Ligny fit favoir a M. le Doi'en par fa lettre du x 5 Janvier , qui fe trouve dans Yhlf- toire des pcrficutions. Il eft bon de remarquer ici , que
certe addition 3 que Ton envoia pro- |
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II. P ARTIE. L'lV. I. IJJ
pofer aux religieufes de P. R. , ne ve- 77T{
noir pas de la Cour & du cabinet du Roi, mais de la fociete & du cabinet du P. Annat ( en quoi elle ne pouvoit etre que plus mauvaife. ) C'eft ce que Ton apprit de M. FEveque de Meaux, ?(ui vine voir 1'abbefle de P. R. le 6
cvrier. Ce Prelar avoir vii M. de Tou- loufe (51) & M. de Rhodez (52) > fl fameux Pun & l'aurre, lefquels l'a- voienr aflure qu'ils ne favoienr ce que e'etoit que cerre addirion ; que le con- feil n'en avoir rien fu, mais que rour cela avoit feulement pafle par les mains du pere Annat. Le coupable s'etoit fait connoitre lui-meme au meme M. de Meaux & s'etoit demafque' entiere- menr par le langage qu'il lui avoir re- nu au fujer des religieufes de P. R. Le Prelar ai'ant vu le pere Annat : » Vraimenr, Monfieur , lui dit ce » Jefuite , les filles de P. R. veulent » paffer pour ignorantes, mais il eft m bien clair qu'elles ne le fonr pas , " 8c qu'elles fonr bien inftruites (53). ( Oui, fans doute elles etoient inftruites comme doivenr l'etre des vierees fa- ges, pour connoitre les pieges qu oa (?i) M.de Marca.
(51) M. dePerefixe. (53) lb.p. 78, col. 1, |
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134 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
~'x5(jz leur tend , & les loups qui veulent les
devorer.) » Car elles ont figne le pre-
» mier mandement tout fimplement
» mais elles n'ont jamais voulu figner
» le fecond fans explication ; cela fak
» bien voir qu'elles font bien inftrui -
» tes dans ces matieres; mais on n'en
»» demeurera pas la , on les pouflera
» plus avant ». Qu'on juge par-la de
tout ce qui s'eft fait dans cette fu-
nefte affaire du formulaire. C'eft up
Jefuite, qui, comtne l'eunuque Chry-
faphe dans la Cour de 1'EmpereurTheo-
dofe le jeune, ai'ant la puilfance fecu-
liere a fa difpofition, regie , prefcrit &c
ordonne tout afa fantaiiie.Quel'on con-
fidere I'injuftice de ia uerfecution fai-
te aux araes les plus faintes qui fuffent
dans 1'Eglife. C'eft un jefuite qui en
*ft 1'aurfiiif, & qui reunit trois perfon-
nages en fa perfonne; celui de partie,
cemi de juge & celui de bourreau. Que
pouvoient apres cela efperer. ces faintes
filles , furtout dans un terns oti Ton
avoit prevenu extremement le Roi
contre elles , & que le Chancelier li-
vre a la fociete faifoit fervilement tout
ce qu'elle fouhaitoit?
2fie ae Ma- ^n v&m Madame la Princefle de
damedc gji-Guimene emplbia fon credit aupres
mene pour jg j^ jg Jgjjjgj. . gjjg ng ^ pa(JQLl_
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II. Part IE. Liv. 1. 235 ________
clr dans deux vifites qu'elle lui rendit iSGz.
pour lui parler des affaires de P. R. -y c'eft pourquoi le voiant inflexible, elle lui dit dans la deuxieme vifite le 28 fevrier : Enfin , Monfitur , le Rot fait tout ce qu'U veut, il fait des Princes du Sang, il fait des Archeveques & des Eyeques , & il fera auffi des mar- *ys (54)-
Le meme jour, Madame de Gui-
mene alia au Louvre , ou elle trouva M. l'Eveque d'Amiens & quelques per- fonnes qui applaudifloienc au cnoix que le Roi venoit de faire de M. de Marca pour remplir le Siege de Paris , vacant par la demiflion de M. le Cardinal de Retz , difant que ce Prelat etoir des plus capables & des plus favans du Roiaume : fur quoi la Reine-mere die s Nous aurons auffid'autres grands Vical- res, temoignant par la, que la Cour ne faifoit pas tout ce qu'elle vouloit de ceux qui l'etoient alors , favoir de M de Contes Doi'en de Notre-Dame &* de M. Hodencq cure de faint Severin- Dans la fuite de la converfation , une Damea'iant rapporte quelques calom- nies dont on avoit autrefois voulu noir- cir See Therefe ; comme la Reine avoit peine a croire ce que difoit cette Dame,* C54} lb. ch. 43 ,p. 80. col. t»
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ll<j HfsTOtRE DE PoRT-ftOlAlJ
gg, M; l'Eveque d'Amiens dit que ceht
etoit bien croi'able , puifqu'on avoit voulu faire paffer cette Sainte pour forciere & pour heretique ; & il ajou- ta qu'il n'y avoit point de Saints qui n'euffent fouffert durant leur vie des ijerfecutions , des outrages & des ca-
omnies. Madame de Guimene, voiant que ce difcours lui etoit favorable pour faire l'application du paffe au prefent, lui dit : Quoi , Monfieur , tous les Saints ont fouffert? Oui, Madame , dit M. d'Amiens ; tous, nul n'en a ere exempt & ne le peut etre : ceux qui font les plus faints , font ceux qui fouf> frent davantage, &c a qui le monde fait une plus cruelle perfecution; ne le voi'ez-vous pas dans la Sainte dont nous parlons, dans faint Athanafe , faint Chryfoftome & les autres grands Saints ? Madame de Guimene lui re- pondit d'un ton qui fignifioit beaucoup: enfin done la perfecution & la calom- nie font le caradtere de la faintete, & plus les perfonnes font faintes, plus on les fait fouffrir. La Reine-mere comprenant auili-tot de qui elle you- loit parler , baifla les yeux fans dire un feul mot & on changea de dif- cours ($5). (; i) Hift. des peifec. ch. 44 , p. 8i>
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II. Par tie. Llv. /. 257
Quelques jours apres, M. de Gon- \GGx. drin Archeveque de Sens alia voir M. xxrx. de Marca, qui eroit fon ami particu- d^ pjj^ lier , pour lui faire compliment fur m. de Marca fa nomination a 1'Archeveche de Paris reijgiaifes de fk lui parla d'une maniere tres forte P- R- m°« fur les injuftices qui fe faifoient con- ^atca.' tre tant de perfonnes innocentes : il lui reprefenta qu'il etoit de fon honneur de ne pas fouffrir qu'on facrifiat tous les gens de bien de fon diocefe ; qu'il ne pouvoit faire une action plus di- gne de lui ni plus glorieufe , que de proteger les innocens & de pacifier toutes chofes; & que furtout il devoit fe rendre le protecleur des filles de P. R., & ne pas fouffrir qu'on con- tinual de les tourmenter. Il parut que ces avis avoient fait quelqu'imprefuon fur le nouvel Archeveque de Paris ; car peu de jours apres , le Confeil etant affemble, comme on parloit des af- faires de P. R., le Roi ai'ant dit en re- gardant M. de Marca : Voila tinhorn" tne qui y mettra ordre j il rcpondit avec aflez de moderation -• Sire , j'efpere que quand je Its aurai toutes vues, elles feront ce que je leur dirai. Et le lundi fuivant (56), la mere de Ligny lui ai'ant envoi'e faire compliment par vm§ (56) 5 mats. |
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2J S HlSTOIRE PE PoR.T-R.oi At.
"" perfonne amie de la maifon , il fit
paroitre un vifage rout gai lorfqu'il entendit parler de P. P\.. , quoiqu'il fut alors occupe a des affaires qui le rendoient aiTez chagrin , & il dit avec douceur au gentilhomme charge du compliment de l'abbefle & des reli- gieufes : Dites - leur que je fuis leur J'erviteur , & qu'elles prient Dieu pour moi. Peut-etre que ce Prelat erant rem- pli & n'aiant plus rien a fouhaiter ni a efperer, ( car pour le chapeau de Car- dinal il ne pouvoity avoir aucune efpe- rance pour lui, a caufe de fon ouvra- ge De concordia facerdvtii & imperii, ou il avoit avance plufieurs chofes con- traires aux pretentions de la Cour de Rome ) peut-etre , dis je que ce Pre- lat auroit traite favorablement les reli- gieufes de P. R., & ne fe feroit plus embarraffe de fon formulaire, qui lui ctoit inutile pour-lors. Mais Dieu l'ap- pella a. lui, comme cet homme dont parle l'Evangile , pour rendre compte de fon ame, dans le terns qu'il ne penfoit peut-etre plus qu'a jouir en repos du fruit de fes travaux , a'iant fes greniers pleins. Il mourut le 29 juin 1662., n'aiant pu prendre poflef- fion de l'Archeveche de Paris que par Procureur, la veille de fa mort, c# |
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II. Partie. Liv. I. x$9
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I
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i donna occafidn a. un poete de Iui \66u
ire cetre cpitaphe. |
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Ci gift l'illuftre de Marca ,
Que le plus grand des Rois marqua Pour le Prelat de fon Eglife; Mais la mort qui le remarqua , Et qui fe plait a la furprife , Tout aufli-tot le demarqua. Ce fut ainfi que M. de Marca alia
rendre compte a Dieu de fon formu- laire fi funefte , & 'du feu qu'il avoit allume dans la maifon du Sei- gneur j qui depuis un fiecle en eft em- brafee , fans qu'on ait encore pu l'e- teindre. La mort enleva cette merae annee
M. Pafcal qui avoit faitun perfonnage Fin de tljj bien different dans l'Eglife. Get hom- PafcaI* me extraordinaire , rempli de l'efprit de Dieu, emploi'a les grands talens qu'il en avoit recus, a la defenfe de la verite & de l'innocence: il fit ouvrir les yeux a tout l'univers , qui les avoit pour ainfi dire, fafcines, & prenoit pour de bons guides , des maitres d'er- reurs qui corrompoient la purete de la morale de l'Evangile. Cdmme un au^ rre Daniel, anime du merae efprit,, |
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£49 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAL.
1662., ii fit entendre fa voix du milieu de
la foule : on Fecouta -, Funivers fut dans Fetonnement d'avoir ete fi long- tems dans Ferreur •, la morale de FE- vangile fut vangee -, les infames vieil- lards qui avoient voulu la corrompre, furent demafques, condamnes, & de- vinrent l'horreur & la rifee de ceux •memes dont ils avoient la confiance. Cet homme admirable aiant rempli F.ceuvre pour laquelle Dieu Favoit don- •ne a. fon Eglife, fut prefque toujours depuis ce terns jufqu'a fa mort dans tine langueur continuelle, qui ne lui permit gueres de travailler a un grand ouvrage fur la religion , dont il avoit forme le deffein. Les affaires qui agi- terent la maifon de P. R., a laquelle il etoit tres lie, lui procurerent Focca- fion de prendre part a des ecrits que Fon fit alors au fujet de difrerens mo- deles de fignature. Ce fut ce qui oc- cafionnaun differend entre M. Pafcal & prefque tous Meffieurs de P. R., & futtout M. Arnauld & M. Nicole. Ce differend, qui ne bleffa pas plus la charite entre eux, que celui de faint Paul avec Barnabe au fujet de Marc, n'intereiToit en rien le fond des ma- tieres, fur lequel ils etoient d'accord ; ii regardoit feule»ientcertaines expref- fions >*
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II. Part i e. Liv. I. 141
fians, dont on pouvoit fe fervir pour T&GzT la defenfe de la verite. Comme M. Pafcal etoit extreme- x*yu\,
ment exact dans ce qui regarde la re-M. Paiea! ligion , il defapprouva l'addition (57) a"cp ^M. que les religieuies de P. R. avoienr Cham k's n.o- jointed la ngnature*clu fecond man- <lelesdefibn*- |
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tine.
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dement des grands Vicaires de Paris,
difant que les difpofitions de ces re- ligieufes n'y etoient pas affiez claire- ment marquees ; que d'ailleurs cette addition n'etoit pas fuffifante , qu'elle manquoit de fincerite , &c qu'elle ne mettoit pas la verite affiez a cou- vert(5 8). II fitmeme un petit ecrit, ou il foutenoit que comme dans la ve- rite le fens de Janfenius n'etoit au- tre que le fens de la grace efficace , le Pape Alexandre VII aiant condamne le fens de Janfenius, & le formulaice l'exprimant ainfi , fans expliquer ce qu'il en tendoit par la , on ne pouvoit empecher que cette condamnacion ne tombat fur la grace efficace, ni me- me fe defendre d'y avoir confenti en Je foufcrivant, a moins que d'excep- ter formeliement la grace efficace & le fens de Janfenius ; d'ou il concluoit que les reiigieufes ne 1'aiant pas fait, (57) Voi'ez ci d.:fl~us cette addition, p. 103.
<j{8) Rec. in-11. 1740. X! piece. Tome IF, L
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242. HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt; -
iVGx. 8c s'etant contentees de marquer qu'el""
les ne foufcrivoient qu'a la foi, leur iignacure pouvoit etre prife pour une condamnation de la grace efficace , puifqu'elles fe foumettoient a tout ce que les Papes avoient decide. Il paroit que les IV Eveques avoient
a peu pres ies memes idees que M. Pafcal, lorfqu'ds donnerent leur man- dement. Auili les Jefuites furent-ils extremement cheques d'y voir le dog- me de la grace efficace etabli. On fait meme que M. d'Alet en fit encore men- tion dans fon fynode, lorfqu'il fit fi- gner fon proces verbal , ne preten- dant en aucune forte par cette de- marche abandonner fon mandement non plus que fes confreres. M. Arnauld fit un ecrit en reponfe
a celui de M. Pafcal, dans lequel il difoit que les Papes en condamnant les V propofitions n'avoient point eu in- tention de condamner la grace efficace, qu'ils l'avoient meme declare ; qu'il etoit certain que le Pape &c les Eve- ques en condamnant le fens de Janfe- nius n'entendoient pas condamner la grace efficace , mais un autre dogme qu'ils fuppofoient etre dans Janfenius, &: qu'ils appelloient pour cette raifon le lens de Janfenius \ & il ajoutoi* |
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II. P A R T i E. Liv. I. 145
qu'on pouvoit done recevoir leur ju- gement quant au droit & quant a la Foi •, mais qu'etant faux que ce dogme { qu'ils condamnoient) rut de Janfe- nius , on ne le pouvoit recevoir quant au fait, & que e'etoit pour cela que lesreligieufes avoient declare que leur ignorance ne leur permettoit de prendre part qua ce qui regarde la foi. M. Pafcal repliquoit qu'il falloit
done expliquer quel etoit ce dogme qu'ils condamnoient, pour ne pas laif- fer en doute , fi le fens de Janfenius, qui contient la grace efficace , n'etoit pas condamne, & il difoit: » Je veux » bien croire que les Papes n'ont point » eti intention de condamner la grace » efficace > & meme qu'ils font de- » clare: mais com me il n'y a point d'ac- »» te authentique qui attefte cela,& que " le formulaire,qui eft un acte authen- « tique , condamne le fens de Jan- j> fenius fans expliquer le mauvais *» fens qu'on lui attribue , le fens de « Janfenius etant certainement le fens » de la grace efficace , on ne peut w pas figner le formulaire, meme pour » ce qui regarde la foi , fans excepter w formellement le fens de la grace efv « ficace & celui de Janfenius ». <0n lui repondoit que e'etoit fairein-
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144 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt
iS6i.~ jure au Pipe & aux Eveques , de don-
net iieu de les accufer d'avoir condam- ne la grace efficace , & qu'ii n'y avoit rien de plus defavantageux a cette doc- trine , que de laifTer croire qu'elle fut reduite a un petit nombre de defen- feurs & qu'elle fut abandonnee de la plupart des Eveques , comme fi tous ceux qui ne l'avoient pas exceptee en fignant, avoient confenti a. la condam- nation de cette doctrine (59). IvL Pafcal foutenoit toujours qu'il
ne falloit point laifTer de doute, ni rien laifTer d'equivoque en ce qui re- garde la foi, comme paroifToit etre la condamnation du fait de Janfenius, & qu'il etoit necefTaire de lever le doute qu'il y avoit la-defTus, furtout a caufe des perfonnes ignorantes, dont le nom- bre eft plus grand que des perfonnes favantes, en exceptant le fens de la grace efficace (60). Mais comme M. (S>) M. Arnauld crut dans fes fcntimens* Mai's
pour cette fecondc rai- il eft aile de voir que fes
fon , ne devoir pas faire • (entimens out toujouts mention de f'oppofition ete les memes pour le
des Jefuites & des Eve- fond, fie que s'il y a quel-
ques de lrut cabale au que difference de langage ,
cfogme de la grace efficace, ce font les Jefuites qui
dans fon ecrit , Dtfjeins 1'ont occafionnee , eu
des Jifuitts.Vohxte Tome manifeftant dans un tems
i de fes letttes, p. 117. des defTeins qu'ils avoient
(60) Les Jefuites ont d'abord caches , pour rip
ypulu conclure dela que pas tevolter le«fijejejf
M. Pafcal avoit vane |
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II. Parti e. Liv. I. 145
Arnauld difoit, que fi on faifoit cela, ""77<S les ennemis condamneroient la grace efficace ; M. Pafcal repondit : » ils y » regarderont a trois fois avant que » de la condamner, & enfin s'ils la >y condamnent , ce fera leur faute , » & non pas celle de ceux qui l'au- » rone foutenue, ainfi je perfifte dans » mon avis ". Cette diverfite de fentiment n'a ja-
mais fait croire a M. Pafcal que Mef- fieurs de P. R. donnaffent dans quel- qu'erreur contre la foi, & il les a tou- jours regardes comme des defenfeurs de la verite. Il eft vrai qu'il appre- hendoit cpe ce ne fut le defir de con- ferverla maifon de Porr-Koi'al, qu'ils croioient fort utile a l'Eglife ( com- me elle l'etoit en effet ) , qui les por- toit a des condefcendances qu'il quali- fioic quelquefois du nom de reldcke- mmt, ou de quelqu'autre auffi fort; comme lorfqu'il difoit quelquefois qu'il etoit fache de s'etre engage a avant dans les ecrits de ces Mellieurs, a qui il re- prochoit de demeurer trop en arriere. M. Arnauld & M. Nicole pretendoienc de leur cote, que ce qu'ils vouloient accorder ne faifoient point de tort a. vente.
Apres qu'on eut fait de part & d'au-
L iij
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%4.6 HlSTOIRE DE PoRT-ROll't.'
rre plufieurs ecrits (61), Meffieurs Ar-
nauld , Nicole, de fainte Marthe, & quelques autres s'aflemblerent un jour chez M. Pafcal pour y examiner cette matiere. Chacun y expiiqua fon fenti- ment. M. Pafcal reprefenta l'impor- tance du fieri, & dit que l'amour qu'on devoit avoir pour la verite ne permet- tant pas de lailTer aucun doute dans la fignature , il croioir qu'on ne pouvoit en confcience figner ces paroles : N'diant r'un de Jlprecieux que la foi, nous embrajjbns finceremeni & de cceur tout ce que Us Papes en ont decide , fiuifque c'etoit tacitement condamner
a grace efficace qui etoic le fens de Janfenius condamne, felon lui, par le formulaire. Tous ceux qui etoient pre- fens , ai'ant entendu les raifons da pare & d'autre , fe rendirent par deference, ou conviction , au fentiment de Mef- fieurs Arnauld & Nicole , aureurs de 1'addition qui avoir caufe cerre dif- ficuke. Ce que vo'iant M. Pafcal, qui («i) Le P. Quefnel en a & le pria de les bmler (J
fait imprimer en 1696 \~s teligieufes de P. R. fe deux de M. Arnauld , & fontenoicnt , 8c de les ■n petit de M. Nicole, faire imprimer fi elles Jansle T. IV. de la rradi ptioiem. M. de Roannes, tion fur la grace. On ne qui en avoir une copie , fait fi les ecrits de M. Paf- les brula. M. d Alet corn- eal exiftent: il les confia fcilla a M. Domat <Ten en mouranl 4 M. Domat, faire a-suni, |
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II. Partie, Liv.l. 147
aimoit,dit MademoifellePerrier (61), " xG(iltk
la verite plus que route chofe, qui d'ailleurs etoit accable d'un mal de tete qui ne le quittoit point & de plu- fieurs autres infirmites, & qui mal- gre fa foibleflTe avoit parle tres vive- ment pour mieux faire fentir ce qu'il fentoit lui-meme , il fut fi penetre de douleur qu'il fe trouva mat & perdit la connoiflance. Tout le monde fut furpris, & on s'emprefla de le faire revenir. Enfuite ces Meffieurs fe retire- rent , & il ne refta avec lui que M. de Roannes, M. Domat, ( qui eut gran- de part aux ecrits (63) de M. Pafcal ) & M. Perrier fils. Lorfque M. Pafcal fut entierement
revenu , Madame Perrier lui aiant de- mands ce qui lui avoit caufe cet acci- (sit Tome cette rela- qu'auparavant, &c. Mail
tion en generate eft tiree on lui fit voir qu'il n'y d'un me'moitc de Mjje- avoit aucune contraries ; jnoifelle Perrier. c'eft pourquoi il tint tou- ts?) M. Pafcal en'teprit jours (on ecrit fecrct , 8c deprouver aces Meilteuis, ordonna a les amis de le dans un ecrit qu'il fit mal- fupprimer. Les foup^ons gre fa foiblefTe , qu'il memes qu'il avoit cor.cus ttoit neceffaire de rcv-ir du relacueinrnt de MM. lesecris qu'on avoit faits de P. R. ft dilliperenten- fur les conteftations qui nerement avant fa mart, agitoient 1'Egltfe , & de On apprcnd ces faits pat les rednire a imt parfaite un ^crit public en iSSff tmformiii d'exprefjioni ; contte le P. Amur , par parcequ'il lui paroiffoit MM. de la Lane & Ni- qu'on avoit parle plus fa- cole. |
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•dement depuis les bulles,
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Llv
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24§ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.''
"~%66z. c^ent5 ^ repcmdit : » Quand j'ai VB
» toutes ces perfonnes-la , quejere- « garde commeceux a qui Dieu a fait » connoitre la verite , & qui .doivent » en etre les defenfeurs , s'ebranler , » je vous avoue que j'ai ete il faiiide » douleur que je n'ai pu la foutenir, & » il a fallu fuccomber ». xxxii. Comme certe conteftation ne regar- mU p'afcal ° ^°" nullement le fond des matieres , avec mm. de 3c qu'elle n'avoit point d'autre princi- p'K' pe que la charite & 1'amour de la veri- te , elle n'altera en rien i'union intime
qui etoit entre ces MAT. & M. Pafcal , qui continua de les voir comme aupa- ravant : fi on parloit de ces affaires » chacun foutenoit fon fentiment, mais fans aigreur. Peu de tems apres, il ne fut plus queftion de l'addition , qui avoit caufe ce differend , & on voulut que les religieufes iignaifent purement comme nous le verrons. Alors les foup^ons memes qu'il avoit concus du relachement de fes amis, fe diffipe- rent entierement avant fa mort; & la •fermete que les religieufes firent paroi- tre en refufant de figner le troifieme mandement drelfe par les grands Vicai- res du chapitre , Pobligea.de recon- noitre qu'il n'auroin pas du les accufer de foibleffe. Il demeuracependantpour |
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II. Part i£. Liv. I. 249
le refte dans les memes fentimens. 1661.
L'union de M. Pafcal avec MM. de
P. R. parur furtout dans fa derniere maladie, pendant laquelle il lenr te- moigna une parfaite confiance, & une fincere eftime, continuant de les re- garder comme les defenfeurs de la verite. M. Arnauid, qui fe tenoit alors fort cache , l'etant venu voir plufieurs fois incognito, auffi-bien queM. Nicole, il les recut toujours avec toures fortes de marques de tendreife & d'affection. Ces fairs rapportes par Mademoifelle Perrier peuvent etre conftates par les depositions authentiques que MM. Ar- nauid , Nicole , de fainte Marthe , de Roannes & Domat ont faites a ce fujet, 8c par plufieurs autres pieces : car on fut oblige de juftifier fur cela M. Paf- cal , parceque M. Beurrier Cure de faint Etienne du mont, qui l'affifta a la more, prit mal ce qu'il lui dit en peu de mots au fujet de cette contefta- tion, qu'il n'expliqua pas , ai'ant beau- coup de peine a parler. Ce qui fit que ce bon pere donna a fes paroles un fens tout different du veritable , & fut cau- fe , fans mauvaife intention , de tout le bruit qui arriva quelques annees apres. xxxm. r > ,. , , v . Declaration
L-3.li 1665 , deux ans apres la mo:t imagia»u«
L Y
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*50 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i661# de M. Pafcal, M. de Perefixe Arche-
ie u. Beut- vcque de Paris , ai'ant fait venir le 7 IT jlaItn * Janvier M. Beurrier Cure de faint ■M. de Ptre- '
fixe toucham Etienne , lui dit: » N'eft-il pas vrai
* M. PafcaT " que M- Pafcal eft m°rt fur VOtre Pa"
' » roiffe, & qu'il eft mort fans Sacre-
» mens" 5 M. Beurrier repondit, qu'il etoit vrai qu'il etoit mort fur fa pa- roiffe, mais qu'il n'etoit pas vrai qu'il fut mort fans Sacremens , & qu'il les lui avoit adminiftres lui-meme. Com- ment , reprit M. l'Archeveque , nefa- vie^-vous pas que c'etoit un janfeniflel M. Beurrier qui n'etoit pas un pere Boetin, mais qui etoit d'ailleurs foible & timide, fut tout effraie; il crut qu'on alloit lui fufciter une grande affaire > &: que peut-etre on feroit deterrer le corps de M. Pafcal , comme il le dit depuis a M. Perrier fils. Il fe fouvint alors d'une converfation qu'il avoit eue avec M. Pafcal ou celui-ci avoit dit qu'il n'etoit pas tout-a-fait d'accord avec M. Arnauld au fujet de la fignatu- re du formulaire; & comme ce bon homme n'etoit pas fort inftruit du fond de ces matieres , & qu'il croi'oit que M. Arnauld etoit le plus ferme de tous ces Melfieurs de P. R. , cstte idee le porta a dire ce qu'il penfoit la-def- fus; favoir , que M. Pafcal blamoit |
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It. P A R. T I t. tiv. 1. i J t
M.i Arnauld & ces MM. , & qu'il croi'oir qu'ils alloient trop avant dans les matieres de la grace , Sc.n'avoienc pas aflfez ds foumiilion pour notre Saint Pere le Pape ( en quoi on ne pouvoic mieux prendre le contre-pie de ce que penfoit M. Pafcal.) M. l'Archeveque drefTa auffi-tot une declaration de cet aveu (<J 5) , qui lui parut important» &c obligea M. Beurrier a la figner. Comme il refiftoit un peu, M. l'Arche- veque lui dit que cela etoit ou n'etoit pas , que fi cela n'etoit pas , il ne de- voit pas le dire , & que fi au contraire cela etoit, ilne devoir pasfaire dif- ficulte dc figner cette declaration , que d'ailleurs il lui promettoit qu'elle ref- teroit dans fon cabinet, & qu'on ne la verroit jamais. M. Beurrier figna &: & n'y penfa plus. Un an apres il parut un ecrit du P. Annat, intitule : Lettres de M. Janfenius Eveque d'Ypres . &c. , dans lequel il parle ainfi de cette de- claration : » Pour M. Pafcal, il faut " que )e lui rende cette juftice de jpu~ » blier ce qu'il dit hors de confeflion » a celui qui l'aflifta dans la maladie » dont il mourut , que depuis envi- (6 5) Vo'i'ez cetie deda- Supplem. au Necrol. it
ration p. i8o. Rcc. de p, R,. pieces de U stem. pact. du. LvjJ
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251 HlSTOIRF. DE PoRT-RoYaI.
1. » ron deux ans il s'etoit retire du parti
» ( des Janfeniftes) , & avoit reconnu » que ces theologiens alloient trop » avant dans les inatieres de la grace, » & n'avoient pas alTez de foumillion » lie de refpect pour le faint Siege & » pour l'Eglife. M. l'Archeveque en '» a la declaration ecrite & ilgnee de " la main de ce do<5fceur, & j'en ai une « copie fignee de M. l'Archeveque «. (Le Pere Annat n'a garde d'ajouter ce qui fe lit dans cette meme decla- ration •, favoir, que M. Pafcal gemif- foit de ce qu'on reldchoitji fort la mo- rale chretienne). MM. de P. R. refu- terent cet ecrit par un autre , a la fin duquel fe trouve une Lettre d'un tkeo- logien a un de fes amis du 16 juillit 1666 , ou Ton explique tout ce qui re- garde le differend de M. Pafcal avec MM. de P. R. Peu de tems aupara- vant M. & Madame Perrier ai'ant eu- connoifTance de l'ecrit du Pere Annat, avoient mande a M. Perrier leur fils aine d'aller voir M. Beurrier , & de lui montrer les ecrits qui avoient etefaits de part & d'autre la-deflijs. Madame Perrier ecrivit auffi une lettre. a. M. Beurrier , dans laquelle elie lui donna un cclairciflement fur la conteftation dont M. Pafcal avoit voulu lui parler , |
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II. Parti e. Liv. I. i$$
enforte que le bon homme connut bien 1662.
qu'il s'etoittrompe,& en demeura d'ac- cord. On ne poufTa pas pour lors cette affaire plus loin, parcequ'on favoir que M. Beurrier etoit un homme fort timi- de. Sur la fin de l'an 166y , comme Ton fit paroitre les fragmens qui fe trouverent dans les papiers de M. Paf- cal touchant fon grand ouvrage fur la religion, M.Perrierfit faire des prefens de cet ecrit imprime fous le nom de Penfees de M. Pafcal, a plufieurs per- fonnes d'un rang diftingue, qui s'em- prefTerent d'en temoigner leur recon- noiflance par des lettres les plus obli- geantes, comme MM. d'Alet, deTille- mont, &c., qui tous relevent beau- coup le grand merite de l'auteur. M. Perrieraiant remercie M. de Paris de la maniere obligeante dont il avoir recu les Penfees de M. Pafcal, ce Prelar lui fit reponfe par une lertre du 2. mars 1670 , dans laquelle , aprcs 1'avoir re- mercie du prefent & de la lettre, il ajoute : » Mais je croirois faire tort a « la memoire d'un fi grand homme de » fupprimer un a6te que j'ai pardevanr » moi qui le regarde, & qui rend le' " temoignage le plus authentique 8c » le plus avantageux , qu'on puifTe- w donner a la purete de fes fejiti- |
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1J4 HlSTOIRE DE PORT-RO'IAI.
"" 1661, » mens (66) ". Cet afte etoit celui que M. de Perefixe avoir fait dreffer a M. Beurrier. Il en envoia une copie a M. Perrier, pour la faire mettre a la tete d'une feconde edition. M. Per- rier fit reponfe a M. de Patis , que les fentimens de M. Pafcal avoienr tou- jours ete connus fi catholiques & fi prthodoxes, & que la purete de fa foi paroitfbir fi clairement dans tout ce qu'on avoir de lui, fur-rout dans fes penfees , qu'il ne croioit pas qu'il y eut perfonne qui en put douter , que par confequenr il n'etoit pas neceflaire d'avoir des juftificarions fur ce fujer. xxxtv. M. Perrier eranr venu a Paris aa declaration mois a avnl de 1 an 1671 , comme on, de m. B-ur- parloit encore de la pretendue retrac- M. Pafcal. ration de M. Paical, 11 crut qu il de- voir voir M. Beurrier , 8c lui reprefen- ter la peine & l'arm&ion ou etoit Ma- dame Perrier, de voir repandre fous fon nom des bruits fi pea conformes a la verite ", il lui fir aulli faire atten- tion aux ecrits qu'on lui avoit montres, ?ui faifoient connoitre combien les eritimens qu'il avoit attribues a M. Pafcal etoient differens de ceux qu'il avoit veritablement , &c l'abus qu'on faifoit de fa diclaration. M. Beurrier » (6t) Rccueil Je pieces, p. 3 H & hw- |
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II. P A R t i e. Liv. T. 155 _____
n'aiant plus rien a craindre de la pare 1661,
de M. de Perefixe , a qui Dieu venoit
de faire rendre compte de fa vie au
commencement de cette annee, ecrivic
une lettre a Madame Perrier , dans la-
quelle il lui marqua, » que lorfqu'il
» avoit parle a M. de Pans , il croioic
" de bonne foi que M. Pafcal lui avoit
w fait entendre ce qu'il avoit mis dans
» fa declaration , aiant pris en ce fens
»> ce qu'il lui avoit dit dans une con-
» verfation particuliere , qu'il avoit
» eu qudqius differends avec ces MM.
» fur Us matieres du urns , & quilni-
» toit pas entierement dans leursfenti-
» mens ; mais qu'ai'ant appris quelles
»» etoient fes difpofitions par les per- _
» fonnes qui i'ont le plus connu, &
» par les ecrits faits au fujet de la
» difpute qu'il avoit eue, il reconnoif-
13 foit que fes paroles (deM. Pafcal)
» pouvoient avoir un autre fens que
» celui qu'il leur avoit donne, & me-
» me qu'il croioit qu'elles en avoient
» un autre , puifque le fujet de la con-
» teftation etoit tout different de ce-
» lui qu'il s'etoit imagine «. Ilajoute
en finiflant: » Je fouhaiterois de bort
» cccur n'avoir point donne cette de-
» claration , puifqu'elle ne paroit pas
» conforme a la verite de mes fenti-
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2J<? HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt. ^
1662, " mens, & qu'on en abufe contre mon
« intention , & contre la parole qu'on " m'avoit donnee , pour decrier des » perfonnes pour qui j'ai beaucoup » d'eftime , aufli bien que de votre » chere famille, &c. (67) «. Deux ans apres M. Beurrier confirmacetre lettre a l'occaiion des faux bruirs que repan- dirent de nouveau en Auvergne deux ecclefiaftiquesquirevenoient de Paris. En voila allurement afTez pour faire voir que jamais M. Pafcal n'a en des fentimens differens de MM. de P. R., quant au fond des matieres agitees dans l'Eglife. XXXV. Ecoutons encore neanmoins M. Ni- de m.P Nicole co^Q mr cet article. " La liaifon intime •a fujet du „ que j'ai eue , dit-il, avec feu M. Paf- difterend de 1 i ' i . r r J
M. Pafcal " cal pendant les neur oudixdermeres
avec mm. df„ annees de fa vie, m'aiant donne lieu PR r . . .
» d'etre parfaitement inftruit de fes
» fentimens fur les matieres qui
» etoient agite es en ce tems-la , je
" n'ai pu fupporter qu'avec indigna-
" don le bruit qu'on a fait courir de
« fon pretendu changement fur ce
jj fujet, a 1'occafion d'une certaine'
» declaration , que M. Beurrier Cure
» donna a feu M. l'Archeveque-de
(Sj) Rec de pieces de la prem. part, du SuppI,
auNecrol. p. 180 8c i&i, |
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II. Part ie. Liv. I. 157
Paris. Car je fais que rienn'eft plus oppofe a la veritc , que ce qui eft: dans cette declaration , touchant le differend qui fur enrre M. Pafcal & MM. de P. R. deux ans avant fa morr, & done le fujet etoit tour con- traire a celui que M. Beurrier s'etoic imagine , comme il l'a lui-meme reconnu depuis. Ainu" je n'ai pas eu de repugnance, &c meme je me fuis porte volonrairement a accor- der a Madame Perrier, four de M. Pafcal, l'atteftation qu'elle m'a de- manded inftammenr de ce qui eft de ma connoiftance fur ce fair, afin de pouvoir fe fervir de mon temoigna- ge pour diffi per cesmauvais bruits* Je declare done , & je prorefte avec- la meme lmcerite que 11 j'etois pres de paroirre devant Dieu , que je puis attefter les circonftances fui- vanres , comme en a'iant ete te- moin avec plufieurs amis de M. Paf- cal. i°. Ce qui donna occafion a la difpute qu'il eut avec MM. de Port- Roial , fur une fignarure des reli- gieufes de ce monaftere , dont il ne f ut pas fatisfait, parcequ'il preten- doit qu'elle manquoit de fincerite , en ce qu'elle ne marquoit pas bier* clairement leur difpofition, & qu'il |
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I58 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI.
" trouvoic qu'elles ne mectoient pas af~
» fez la veriteacouverr,n'exprimantpas « nettement qu'elles ne condamnoient » pas la grace efticace ni le fens de » Janfenius , qui n'etoit autre chofe » que la grace efficace. » i". Sur cela M. Pafcal fir quel-
s' ques ecrits, dans lefquels il repro- » cheat a ces MM. de s'etre relaches , » non dans le fond des opinions, ce » qu'il ne leur a jamais impute ; mais « dans les termes par lefquels lis s'ex- » pliquoient dans leurs ecrits & leurs » fignatures , & d'avoir parle plus »j foiblement depuis les bulles qu'au- » paravant , attribuant ces change- » mens & ces condefcendances au « defir qu'ils avoient de conferver la » maifon de P. R. » A quoi ils repondirent par d'au-
» tres ecrits que je ne rapporte point » ici, parcequ'il ne s'agit pas de jugec » le difFerend; mais d'en marquerle » fujet. Audi bien loin que M. Paf- » cal blamat ces MM. de manquer de » foumifllon au Pape , & d'aller trop » avant dans les matieres de la grace, » comme M. Beurrier dit dans fa de- » claration , il trouvoit au contraire » que la foumifllon qu'ils vouloient » rendre au faint Siege , les avoir fait |
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II. Part ie. Liv. I. 159
'»» relacher de ce qu'ils devoient a la 1662.. » fincerite chretienne , en accordant » trop aux ennemis de la grace3 par les » expreffions dont ils fe fervoient dans » leurs fignatures. » 3Q. Enfin , cette conteftation ne
sj regardoit nullement le fond des ma- sj tieres fur quoi ils etoient parfaite- » ment d'accord ; & comme elle n'a- » voir point d'autre principe que la » charite & l'amour de la verite , elle » n'a jamais audi altere l'union que » M. Pafcal a eue avec ces MM. juf- « qu'a la mort; enforte que M. Ar- » nauld le vint voir pendant la der- » niere maladie , auffi-bien que M. » de fainte Marthe , a qui il fe con- » feffa plufieurs fois durant ce terns- » la , leur temoignant a. l'un &c a l'au- » tre une confiance entiere & une fin- » cere eftime , & les regardant com- " me les defenfeurs de la veritable » doflrine. Pierre Nicole. » Comme j'ai ete temoinfdit en- xxxvr.
core M. Nicole dans une feconde po(it°on J" demolition du 19 ao&t 1684 , dont M.Nicole rut i> ■ • 1 n 1 / 1 le raeme fu-
i original eft cachete de quatre ca- jeu
chats & epiftograph.es, par quatre No- taires) « de tout ce qui s'eft palle " dans le differend queM. Pafcaleut '» avec MM. de P. R. les deux der- |
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1<}Q HlSTOIRE M PoRT-Ro'lAL.
nieres annees de fa vie , que jel'en
ai entendu plufieurs fois parbr , & que i'ai eu part aux ecrits qui ont ete raits de part & d'autre, que je l'ai vu meme dans fa derniere maladie , & qu'il m'a toujours parle de la meme forte, je puis rendre un tcmoignage certain & allure que ce qui eft dit au fujet de ce diffc- rend dans la lettre d'un theologien a un de fes amis du 15 juillet \6G6, fur la declaration de M. le Cure de faint Etienne , eft exactement veri- table , & que ledit {ieur Cure , quoi- qu'a. bonne intention , a pris nean- moins tout le contraire du fens de M. Pafcal, ai'ant compris qu'il bla- moit MM. de P. R. d'etre trop peu refpedtueux envers le Pape, au lieu qu'il ne lesa jamais accufes que de porter le refpedt trop loin , &c de s'etre fervis de quelques termes qui lui paroifToient equivoques, &c que MM.de P. R. foutenoient ne Tetre en aucune forte, comme ils n'ont point paru tels en efret au commun de l'Eglife. C'eft ce que je declare avec une entiere fincerite , & par forme de codicile & de depofition de verite «. Fait a Paris, 19 aout 1684. Pierre Nicole. |
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II. P A R T I E. LlV. I. 2.6l
II eft done certain 8c incontefiable
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qu'il n'y eut jamais entre M. Pafcal xxxvii.
& MM. de P. R., aucune divifion (ur . 1s/ntim5n* . r , , . ,., r de M. Pafcal
ie fond des maueres ; quils hirent aia mort, fur
tcujours tres unis far cet article, 8c f«lettrespro- ' , , r vinciales.
que ce grand homme conferva pour
eux , jufcju'aux derniers foupirs , les fentimens d'eftime 8c d'affection qu'ils meritoient a (i jufte titre. Les. ennemis de P. R., qui ont tant
voulu faire valoir contre ces Meffieurs une declaration fubreptice , 8c meme enfuite defavouee par celui de qui on 1'avoif extorquee , pour faire croire que M. Pafcal defaprouvoit leurs fen- timens , ces ennemis , dis-je , n'ont eu garde de parlei' d'une autre declara- tion que ce grand homme fit a la more a M. Beurier, au fujet des lectrespro- vinciales. M. Beurier a'iant fu , apres avoir confelle M. Pafcal dans fa der- niere maladie , qu'il etoit auteur des kttres provinciates , il retourna le voir & lui demanda fi cela etoit vrai, 8c s'il n'avoit rien a fe reprocher la-def- fus. M. Pafcai lui repondit, qu'il pou- voit I'aflurer, » comme etant fur le » point d'aller rendre compte a Dieu » de routes ks actions , que fa conf- » cience ne lui reprqehoit rien, 8f t» qu'il n'avoit eu dans la compqfitjog |
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1(j1 HlSTOIRE DE PoKT-ROl At.'
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l66z. " de cet ouvrage aucun mauvaismo«
" tif, ne l'aiant fait que pour l'inte- » ret de la gloire de Dieu , & la de- » fenfe de la verite , fans y avoir ja- « mais ete poufle par aucune paffion » contre les Jefuites ". On a appris ce fait de plufieurs Peres de fainte Gene- vieve , a qui M. Beurier l'avoit rap- porte. xxxvm. M. Pafcal apres avoir trame long- Man detems une vie ianguiflante , pen- dant laquelle il donna des exemples de la plus haute piete , mourut fainte- mentle 19 aout \66z , age de trente- neuf ans & deux mois. Madame Per- rier, fa four qui avoir ete tenioin de tous les grands fentimens de religion qu'il fit paroiire pendant fa vie & a fa mort, en a conferve la memoire dans fa vie qu'elle a ecrite elle-meme. Il femble qu'elle n'ait eu en vue que d'edifier •, & elle a bien reufli, puif- qu'un de ces gens d'efprit.qui ont peu ou point de religion , n'a pu s'empe- cher d'en etre frappe, & dit, lorfqu'il la vit paroitre , dans un ecrit public : » Cent volumes de fermons ne valent » pas cette vie, & font beaucoup moins » capables de defarmer les impies. m Lnumilire 8c la devotion extraor- w dinaires de M. Pafcal mortifientplus |
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II. P A R T I E. L'lV. 1. 16}
m les libertins, que fi on lachoit fur ns^i,
» eux une douzaine de Miffionnaires.
» lis ne peuvent plus nous dire qu'il
» n'y a que de petits efprits qui aient
« de la piete 5 car on leur en fait voir
» de la mieux pouffee dans fun des
3. plus grands geometres , des plus
» fubtils metaphyficiens & des plus
» penetrans efprits qui aient jamais ete
» au monde ». La piete d'un rel phi-
» lofophe, continue Baile, devroit fai-
" re dire aux indevots & aux libertins
» ce que dit un jour un certain Dio-
» clcs, en voiant Epicure dans un tem-
» pie : Quelle Jete ! s'ecria-t-il, quel
» fpeclaclepourmoidt voir Epicure dans
jj un temple ! Toui mes foupgons s'e-
11 vanouijjent • la piete reprend fa.
« place , & je ne vis jamais mieux la.
w grandeur de Jupiter , que depuis que
" je vois Epicure a genoux, C'eft aflu-
« rement un beau fpectacle que de
» voir M. Pafcal regler fa vie par la
» maxime , qu'ilfaut renoncer a tout
» plaijir , & que la maladie etant I'etat
» naturel des chretiens, on doit s'efti-
» mtrheureuxd'etremalade,parcequ'on
•» fe trouve alors par nectfjite dans /'«'-
» tat ou Von eft oblige d'etre. On fait
» bien de publier l'exemple d'une telle
» vertu} on en a befoin pour emp£»
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........... .......——
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264 Histqire dp. Port- roux.
r 1661. " c^ier ^a prefcription de l'efprit du
» monde contre l'efprit de l'Evangile. w On voit afTez de gens qui difent » qu'il faut fe mortifier , rnais on en » voir bien peu qui le faflenr, & per- » fonne n'apprehende de guerir quand » il eft malade , comme M. Pafcal » l'apprehendoit. Il y a meme des pai's j) dans la chretiente , oii il n'y a peut- u etre pas un homme, qui ait feule- jj ment oui parler des maximes de ce » philofophe chretien (6%) ». Nous ajouterons ici fur M. Pafcal une parti- cularite que nous trouvons dans une lettre de M. de fainte Marthe. » M. » Pafcal avoit, dit-il, un fi grand de- w fir de mourir penitenr,qu'apres m'a- » voir temoigne qu'il etoit alfifte%vec » un tres grand foin & qu'il ne man- » quoit d'aucun fecours ni d'aucun fou- » lagement, il me propofa le deiTein »> qu'il avoir de fe faire porter a l'ho- » pital pour y fouffrir &: mourir avec » les pauvres; mais on ne jugea pas » apropos de fatisfaire fonhumilite ». xxxix. Tous les amis de Madame Perrier MEpa1ta! ^e haxerent de lui temoigner quels etoient leurs fentimens fur la mort d'un frere tel que celui qu'elle venoit de («R) Bayle , nouvelies dc la Rcpublique des let-
tecs du icois dc decembre , 16 -.'4, p. ; j i. perdre.
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II. Par tie. Liv. I. 1.6$
perdre. Elle reguc a ce fujet des let- ~
tres des perfonnes les plus eminentes en piece & en fcience qui fuffent dans l'Eglife, favoir de la mere Agnes , de M. de Saci, de M. de la Lane (69). » C'eft peu, dit ce dernier de Ie re- « grerter pour fes proches & fes amis, » il faut le regretter pour route TE- w glife. Tous ceux qui favent ce qu'il « avoit fait, &c ce qu'il pouvoit faire & » auroit fait, ne peuvent s'en confo- » ler qu'en adorant la providence de » Dieu, qui l'a voulu 6ter de ce mon- » de pour fa gloire, & pour recom- » penfer la piece & les travaux de fort ferviteur>». Rien ne fait mieux voir l'affeclion & l'eftime que Meffieurs de P. R. avoient pour M. Pafcal, que P'eloge latin que M. Nicole fit de luj & qu'il envoiaa Madame Perrier. En- fin M. de Perefixe lui-meme, plufieurs annees apres la mort de M. Pafcal , parlant de ce grand homme au librai- re Defpre^ a l'occafion de l'impreflion de fes penfees , lui dit Que l'Eglife avoit beaucoup perdu a fa mort, que 4'avoit etc une des plus brillames lu- mieres de fori (lecle, & qu'il avoit tant de veneration pour fa mimoire, que pour |
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166 A.
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<«?) Recueil de pieces ;»-it. p. 531 & (air.
Tome IF. M
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l66 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
~ peu quon lui eut temoigni defirer fort
approbation , il I'auroit donnee de tout Jon cceur (70). Ce Prelat eut nean- rnoins deffein d'en arreter le debit. Ce fut Tan 1668 qu'on travailla a"
mettre en ordre les fragmens qui furent rrouves patmi les papiers de M, Pafcal touchant fon grand ouvrage fur la religion. M. le Due de Roannes eut le plus de part a ce travail, dans le quel il fut aide par Mellieurs Arnauld, Nicole, de Treville, du Bois, de la Chaife & Perrier 1'aine, L'ouvrage pa^ rut a la fin de l'an 1669 avec Tap- probation de plufieurs Eveques & d'un grand nombre de do&eurs. M. Perrier en ai'ant fait faire des prefens a diffe- rences perfonnes d'un rang diftingue, chacun s'emprefla de lui en faire des remercimens par des lettres les plus obligeantes & les plus glorieufes a la memoire de M. Pafcal : Je ne faurois vous exprimer, dit M. d'Alet dans fa lettre a M. Perrier, la veneration que Dieu m a donnee pour fa memoire. » Je " vous dis en verite ( ce font les pa- roles de M. de Choifeul, Eveque de Comminges,) » que je n'ai jamais (70) Voi'fz dans le re- avec Defprez touchant
cudl depieces in-ii , p. I'impreflion despenfees de
3 57 It fuiv. 1'entretien M. Pafca!.
qu'eut M. de PeteKxe |
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I
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II. Part ie. Llv. I. 167
» rien lu qui m'ait paru fi plein de lu-
» miere que ces penfees. Nous n'e- » tions pas dignes de la perfection de » est ouvrage. » Vous favez , dit Ie eclebre M. de Tillemont ( parlant a M. Perrier le fils avec lequel il avoit etudie autrefois a P. R., auquel il ad- dreffa fa lettre de remerciment datee du 3 fevrier 16 jo,) » Vous favez qu'il » y a bien des annees que je fais pro- « feffion d'honorer ou plutot d'admi- » rer les dons tout extraordinaires de »» la nature & de la grace qui paroif- » foient en feu M. Pafcal: il faut nean- » moins que je vous avoue, Monfieur, « que je n'en avois pas encore l'idee » que je devois. Ce dernier ecrit a » furpalfe ce que j'attendois d'un ef-' " prit que je croi'ois le plus grand qui » eut paru en norre fiecle. Et fi je n'ofe " pas dire que faint Auguftin auroic » eu peine a egaler ce que je vois pair » ces fragmens que M. Pafcal pouvoic » faire , je ne faurois dire qu'il eut » pu le furpafler , au moins je ne vois » que ces deux que Ton puiflfe com- " parerl'unal'autre. " Je vous avoue encore une fois,
» que je reconnois M.Pafcal tout au- » trement eminent dans fes fragmens, »■ que dans ce que j'en avois reconnu It ij
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1JJS HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» jufqu'ici. Je fais bien que les pe-
s' rites lettres feront toujours un ehef- » d'oeuvre inimitables ," & peut-etre « qu'elles ne me paroiffent inferieu- w res que parceque je ne fuis pas ca- « pable d'en penetrer les beautes ; « mais peut-etre auffi que la matiere « y fait quelque chofe , & qu'un ecrit m fair pour des perfonnes ordinaires " doit prefque paroitre ordinaire, « Quoi qu'il en foit, on voit ici un =1 hpmme , qui embraflant le fujet le » plus vafte & le plus eleve qui foit v au monde, paroit encore eleve au- » delTus de fa matiere, & fe jouer d'un » fardeau qui etonneroit 8f accable- » roit les autres. Que s'il paroit tel » dans des fragmens detaches & qui ne w contiennent prefque rien de ce qu'il » avoit de plus grand dans l'efprit, que j» peut-on concevoir de l'ouyrage en- 's tier , fi Dieu nous avoit accorde la » grace de le voir en fa perfection 2 Je. » n'oferois dire que'cela me fait regret- '» ter tout de nouveau la mort d'un » homme capable de rendre a I'^glife m un fervice fi (ignale, puifque M. Paf- » cal veut qu'on metre au rang des pe- >j dies ces fortes de defirs contraires ».» <en quelque forre a la difpofition de « Pieu. jNeanmoins faint Auguftini |
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II. Parti e. Liv. I. z<$9
» n'eft pas, ce femble, fi rigoureux; ~T^JIT v il accorde qu'il y a des chofes que » Dieu veut, parcequ'il eft de fon or- « dre de les vouloir , & que Pordre » de Phorrime eft' de ne les pas vou- » loir; & n'eft-il pas de notre ordre » de vouloir ce qui fans douce auroit " contribue au falut d'un grand nom- » bre de perfonnes......Ceux
» qui ont un amour parciculier pour
» la dodrine de la grace ,doiventre- » gretcer encore plus que les autres > » que cet ouvrage n'aic pas ete achev£. » Car il eft aife de juger que les fon- » demens en auroient ere etablis fur » la ruine du Pelagianifme & de tou- » tes fes branches ». Tel eft le juge- ment que les plus grands hommes > M. d'Alet, M. de Comminges, M. de Tillemont & autres, ont porte des penfees de M. Pafcal. Il etoit referve ■ a notre fiecle, malheureaferniQt troo fecond en efprits livres a Pimpiete , d'en voir un (71) la porter jufqu'a cen- furer & a. combattre des maximes fl excellentes & fi chretiennes. Nous n'en- treprendrons point de vanger la me- moire de ce philofophe chretien contre les foibles traits du temeraire ecrivain qui Pa attaquee ,-elle eft toute v-angee.-.. (? 1). Voltaire. M iij,
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27° HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
"' iC6x. Car ce poete infenfe n'a fait tort qu'a
lui^-nieme : & pour lui faire une jufte application des paroles de Caramuel citees dans la feptieme lettre provin- ciate , nous pouvons dire , que la cri- tique des penfees de M. Pafcal, faite par Voltaire, n obfcurcit non plus Vi- clat de ce grand homme 5 quun hibou ctlui dufoleil. xl. Le merite de M. Pafcal, fes liaifons Verms & etroitesavec Meilieurs de P. R. & avec
Tiiort de M. . ... - . ,.,
de Bemieres. les religieuies, la part qu ll pnt aux
perfecutions qu'on leur fit, & les fer- vices qu'illeur rendit par fes fages avis 8c fes admirables ecrits , meritoient bien qu'il occupat une place diftinguee dans cettehiftoire. Les memes raifons nous obligent a dire quelque chofe d'un homme excellent > dont la mort avoir precede celle de M. Pafcal, c'eft- a-dire, de Meflire Charles Maignard de Bernieres, Maitre de? Requetes. » C'etoit un homme , dit M. du Fof- » fe (72), tout rempli de charite , & " qui n'avoit point de plus grands plai- « firs que de recevoir chez lui & d'af- » fitter en routes les manieres qu'il » pouvoit, ceux qu'il favoit etre les v vrais ferviteurs de Dieu «. Madame (71) Du Fofle , Mem. Necr. deP. R. p. 185 &
». 10? , ^io. Vo'iez le fuir. |
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II. Partie. Liv. 1. lyt
la Ducheflfede Longueville, PrinceflTe 1661.
fi vertueufe , connoiffant fa charite & fon zele, le prioit de vifiter les paroif- fes de fes dependances; ce qu'il faifoit avec tant de piete & de religion, s'infor- mant des mceurs & de la conduite des Cures & des Vicaires, des defordres , des befoins des pauvres, qu'on l'eut pris pour un de ces anciens pafteurs de l'Eglife, qui bruloient de zele pour la purete de la maifon du Seigneur. Dieu s'etoic fervi de lui pour conduire cette Princefle a. ce haur degre de per- fection qui fit 1'admiration des per- fonnes les plus vertueufes, par la liai- fon qu'il lui procura avec P. R., done elle devinc auffi-t6t comme l'ange tute- laire , lorfque cette fainte maifon etoit en butte a tout le monde. II etoit ami particulier du Roi d'Angleterre fits de Charles I, avec qui il avoir fait con- noiifancependantlefejour de ce Prince' en France. Ce faint homme , dont la charite etoit digne du tems des Apo- tres, avoir ete traite de cabalifte , 8c exile a. Iffoudun le 7 avril 1661 , oil il fe rendit avec fes deux fils , dont l'aine etoit Confeiller honoraire au Parlement de Paris, & le cadet Pro- cureur general au Parlement de Rouen. Il ne fut pas longtems a. Ifloudun fans M iiij
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ijt HisromE de Port-ro'iae*
etre connu pour ce qu'il etoit. Se$ bonnes ceuvres & fes aumones ie firenr bientot connoitre. II fat encore eprou- ve dans fon exil par la maladie d'un de fes fils , que Dieu voulut ajouter au chagrin qu'il eut des murmures de fes parens •, & par la mort de M. de la Vaupaliere fon frere rue d'un coup de fufil au milieu de fes officiers, lorfqu'ils; etoient alfembles & qu'ils tenoient confeil de guerre, fes parens s'em- ploi'erent aupres du Roi pour obtenir quelque grace au fujet de fa charge qui etoit de 4000 ecus , mais ce futr inutilement, & ilsobtinrentfeulement a. M. de Bernieres la liberte de reve- nir de fon exil. Mais le Roi des Rois- en ordonna autrement en appellant dans le Ciel celui que les hommes vouloient fake retourner au milieu du flecle. M. de Bernieres etant retombe malade fut fore confole de ce qu'au lieu derentrer dans l'agitation du mon- de, il plaifoit a Dieu de le faire en- tree dans fon repos eternel, apres l'a- voir purine pendant quelque terns dans fon exil. M. Guillebert ancien curede Rouville ai'ant appris fa maladie, vint de l'abbai'e de faint Cyran a Iflouduiv pour 1'amfter en cette conjondfcure. II' raourut le 31 Juillet de. I'annee. 1661*, |
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II. Par tie. Liv. I. 273
Son corps flu tranfporte d'lflbudun a \sG%.
Rouen •, & M. du Fofle pere alia an de- vant du corps jufqu'a Vernon, pour rendre les derniers devoirs de la piete chretienne a cet ami qu'il avoit roujours regarde comme tin grand fervireur de Dieu. Son caeur fur depofe dans l'E- glife de P. R. de Paris & inhume dans ■ l'avant-chceur. La mort de M. de Bernieres & cell 2
de M. Pafcal , qui fe fuivirenc de fi pres j furent pour la maiion de P. R» une grande perte 8C un grand fujecde: douleur & d'affli&ion. Dieu les pre- paroitpar ces epreuves ad'autres encore, plus grandest Monfieur le Cardinal de R etz, ai'ant xw;
donne fa demiffion de TArcheveche\, *">«*«?* de Pans Ian 1661, le Koi avoir, furdes grands' la fin de fevrier, nomme pour lui fuc- p1",'"^!^- ceder Pierre de Marca Archeveque de vacant.- Touloufe , pour le recompenfer de ce qu'il avoit rait contre le pretendu jan- fenifme -, mais il mourut , comme nous l'avons deja dit, le ij> juin 1661. Le Roi nomrna le lendemain M. Har- douin de Beaumont de Perefi'xe , Eve- - que de Rhodes. Il etoit fits dumaitre-" d'hotel de- l'Eveqae de' Lucon, Som pere etant- mort en all*nt; foMieitef. a.'- Rome Je- chapean pour TEveque >-ce^r M.y*'
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274 HlSTOIRE VE PoRT-ROlAL.
(j(ja< lui-ci prit foin de fon fils , & le licfon
maitre de chambre ■, il fut enfuite pre- cepteur du Roi, Eveque de Rhodes , enfin Archeveque de Paris. Comme il ne put prendre pofTeffion de fon nouveau fiege que pres de deux ans apres, le Chapitre, pendant la vacan- ce , nomma fept grands vicaires ;;fa- voir, MM. Thevenin , Dreux , Ver- thamont, de la Brunetiere, Charton , de Gamaches , Morel. Ces nouveaux grands vicaires donnerent un nouveau mandement , par lequel its ordon- noient encore plus expreflcment la fi- gnature(73)duFormulaire: (car c'etoit alors , comme eft: aujourd'hui la conf- titution , le figne unique de falut ou de reprobation). lis y pronon^oient la fufpenfe ipfo facto , contre tous les ec- clefiaftiques qui ne figneroient pas le formulaire purement & {implement , &c qui feroient la diftinction du fait & du droit. M. Bail fe hata d'annoncer cette nouvelle aux religieufes de P. R.» avec de grandes menaces fi elles ne fe foumettoient pas. On ne poufta pas pour lors plus avant les religieufes de P. R. ; & les divers changemens dont nous venons de parler, arrives dans l'Archeveche, interrompirent un peu (J3) Hift.desperfcc, p. 106.
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II. P A R. T I E. L'lV. I. 1J$
le cours des pourfuites des Jefuites : i66z.
car quoique les grands vicaires evident donne un mandement, & qu'ils l'euf- fent fait fignifier aux religieufes de P. R. le 7 de juillet, neanmoins leur jurifdicT:ion etant conteftee , & les re- ligieufes enaiant appelle par un aite juridique du 22 du meme mois , com- me de juges incompetens , on necrut pas a la cour qu'il fat fuffifant pouc colorer le procede qu'on tiendroit a Tegard de P. R. de quelqu'apparence de juftice , &011 aima mieux dirTerer a un autre terns ce qu'on vouloit faire centre cette fainte maifon. Les religieufes avoient declare dans xur. _
leur acte d'appel , que leur conference des ^°i"g"e™ ne leur permettoit pas , felon toute la f« i regard. 1 > 11 • 1 dece troifie*
lumiere qu elles pouvoient avoir, de me Mande-
faire d'autre denature que celle qu'el- ««>«• les avoient faite du mandement de MM. les vicaires generaux de M. le Cardinal de Retz •, & que voi'ant qu'a- vant I'etabliiTement d'un nouvel Ar- cheveque, qu'elles efperoient qui ecou- teroit leur raifon , & qui les traite- roit avec la charite d'un pere , MM. les grands vicaires pretendoient gener leur confeience par ce nouveau man- demeit, elles en appelloient comme etant fait par p^rfonnes incompetentes, M vj
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1-]6 HlSTOIRE DE PORT-ROIAIV,
1^62, &pour raifbns qu'elles deduiroient ens
tems & lieu. La fignification de cet afte, faite au
greffier du.Chapitre , arreta la vivacite ■ des grands vicaires , qui laifferent la> communaute en repos. Cette efpece: de treve & de calme dura jufqu'en vGG\-. Les-religieufes juftifierenc cette demarche dans une lettre qu'elles ecri- virent au Roi (74). Ellesy reprefen— tent aSaMajefte* » qu'elles ont en- » rendu dire qu'on contefte aux grands- « vicaires du Chapitre le droit qu'ils- » s'attribuent de proceder par Geniu- s' re ; qu'elles ont confulte des Ma- >» giftrats , perfonnes publiques, qui « accident que quand meme ces-. » grands vicaires auroient reellemenr ,> le droit de faire ce qu'ils font, l'u- » fage qu'ils en font eft un abus ma* » nirefte. Elles ajoutent, que c'eft la. » ce qui les a portees a interjetter un » appel du mandement qu'on veuf » prefenter au public fous une face- »■ odieufe -, qu'elles ne l'ont fait que 3>. pour fe mettre a couvert, en atten- » dant- qu'elles puiflent s'expliquer 3*- aveccelui que Sa Majefte leur adon- (74) VoVaz cette belle Vhifloire ties ferfectttior.s j„
lime , ecrite au Roi par &c. p. 107, loi.. l4,jta«e-<k, Ligni , dans- |
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Hv Paktte. Liv. I. 277-
»• ne pour Pafteur , &. qu'il foit encre uj6lJ" »' en exercice. Elles fupplient Sa Ma- » jefte de leur permettre de demeurer. » en iilence jufques-la., & de leur ac- » corder fa protection contre les rae- » naces qu'on leur fait. Les religieufes voi'oient bien que: xuir.
leur ruine n'etoir que retardee, & elies fese {-"pfl^.. n'eurent d'autre ibin que de s'y pre—iem Par '"" d. j -A bonnes ccu-t
es pneres , des, morahca- vres a u pew-
tions, & des aumones extraordinaires. .f&ution,.
Ge fut pendant ce terns-la. que la mere Agnes arefla ces belles &c fages inftruc— tions fur le terns-de perfecution , pour; fervir de regie de conduite aux reli- gieufes qui pourroient etre. exilees.. Ces inftru&ions ou avis., drelTes Pan^ 166$, furent vus & approuves par M. Arnauld, qui,en les renvoi'ant, marqua • dans un billet, qu'apres les avoir lus> tres exaclemmt, iln'avo'u jamais rim vu< de plus edifiam & de plus folide (75). Une infinite de perfonnes qui virentles= les religieufes pendant ce terns, tache- (71) La mere Angeli- lations publiees en 1714.*
que de S. Jean fit lire en Ces memes avis one en-
1680 ces aris au chapitre core ere donnes au public
& fit des reflexions dellus. en 1737 , avec les Refle-
IIs one ete imprimes xions de la mere Angeli-■
dans un petit recueil in- qne de S. Jem ; & enfir*
11 en 1718, & dans Je en [75; dans l'hi/toire des -
Yolume in-4. des re- perfecutions , p. 31^0..-
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*78 HlSTOlRE DE PoRY-ROlAI.
i(S6i. rent^eles intimider, enleurreprefen-
tant lesmaux dont elles etoient mena- cees.Mais lacrainte deblefTerleurconf- cience etouffa tellement leurs appre- henfions , qu'elles y furenrinfennbles. Ce- fut pendant cet efpace de terns , qu'etant obligees de s'informer de ce qu'elles devoient faire touchant cette iignature, quelques-unes d'entr'elles, en petit nombre , lurent quelques-uns des ecrits faics fur cette matiere. Quoiqu'on les eut deja privees da lenrs directeurs , & que M. Bail leur dit tout ce qu'il vouloit pendant cet inter- Valle , leur union demeuracependant inalterable ; 8c celles qui furent de- puis chefs de la divifion n'en avoient pas encore forme le deffein, ou le cou- vrirent en faifant meme paroitre plus de zele que les autres contre la figna- ture. Ainfi elles en temoignoient tou- tes une extreme averfion , & cen'etoit point en fe flattant par de vaines efpe- rances : car elles crurent toujours des lors que leurs ennemis ne feroient ja- mais farisfairs que par leur deftru6tion; elles eurent meme quelque fecret pref- fenriment du terns auquel on exerce- roit les dernieres violences. Car peu de terns apres qu'on leur eut ote leurs penftonnaires 6c leurs novices , tout |
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II. P A R T i e» Liv. I. 179
le monde croi'ant qu'on alloit bien-tot
achever de miner leur maifon, l'une d'elles ouvrit le livre de Daniel, lorf- qu'elle etoit occupee de cette penfee, & elle renconrra dabord ces paroles ; ufjue ad umpus & ttmpora & dimidiutn temporis , ce qui lui fit dire fur le champ , que leur deftru&ion n'eroit pas fi proche , &c que Dieu leur don* noit encore trois ans & demi pcut s'y preparer ; ce qui fut accompli a la lettre , y aiant eu trois ans & demi entre l'enlevement des penfionnaires & des novices , & celui des religieu- fes par M. de Perefixe^ leur Arche- Vcque. Ce Pr^lat, nomrne a l'Archevech^
de Paris immediatement apres la mort de M. de Marca, ne re^ut fes bulks de Rome , que le jeudi faint i o d'avril 166^. La mere Agnes en avertit auffi- tot la communaute par un billet, dans lequel elle exhortoit les religieufes a prier Dieu de donner a ce Prelat des fentimens de pere envers elles , puif- qu'il en avoit la qualite, & a fe dif- pofer en meme terns a ce qu'elles au- roient a fouffrir de fa part. Ce me- me Jour Madame de Longueville, dont nous parlerons ailleurs , entra dans la maiion, ou elle croiojt won- |
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2So HrsTOiRE df. Pdrt-ro'i'ai.
ver tout le monde allarme de certS- nouvelle ; mais la fceur Anne Eugenie , a qui elle en parla , lui dit avec fa rranquillite ordinaire , que Dieu leur avoit toujours fait la grace de trouver leur appui dans leur. fuperieur , 8t au'elle efperoit que M. de Rhodez v venant de prendre cette qualite , il ne les traiteroit pas plus mal que les au- tres. Mais avec cette opinion elle fe preparoit mieux que pas une a fup- porter la conduite qu'il plairoit a Dieu. de lui permettre de tenir a leur egard.. |
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II. P A R. T I E. L'lV. II. 28l
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LIVRE SE CO ND.
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J
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1664.
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En'etoitque pour accabler P. R. » EutLde J
qu on s etoit aviie d une chole 11 peu maifon de pj raifonnable, que dengager de fimples *j J"|s!Js filles a figner la condamnation d'un fixe mom* livre latin , qui ne les pouvoit regar- !£v„-u. l'ge der en aucune forte r car , d'une part, leur temoignage ne pouvoit etre d'au- cun poids, etant incapables d'y rien comprendre ; &de l'autre , foit que l'e livre fur bon ou mauvais , il ne, pouvoit leu* nuire etant incapables de le lire-. Pour mieux faire connoitre l'injuf-
tice du traitement fait a. ce faint mo- naftere , Dieu avoirjpermis qu'on com- mencat par les perfecuter cruellemenr avant que de leur parler de rien; & lorfqu'il n'etoit point encore queftion de fignature ni de Formulaire (: 1 ) on leur avoit arrache leurs penfionnaires,, fans leur en donner d'autres raifons , qu'un commandement abfolu du Roi. On avoit fait la meme injuftice aux poftulantes, qui , aiant une volonte- coute formee de fe confacreraDieu „ b) Am. lctt. 1Q7. T. i.y p. 14s.8c.fuiy*
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ili HlSTOiRE DE PoRT-RbJUt.
1664, devoient etre confiderees comme n'e-
tant plus de ce monde , mais appar- tenant deja a celui qu'elles avoient re- folu de choifir pour leur epoux. On avoit encore ete plus loin ; car on avoir voulu arracher le voile facre a fept perfonnes, qui venoienr de le re- cevoir a la Face des autels ; on les avoit fait fortir, par une barbarie fans exem- ple,de la maifon de Dieu, & tirees par force de l'afyle facre ou elles etoient a couvert contre les orages du fiecle , pour les obliger de retourner dans le mondc. Tout cela s'etoit fait fans aucune
forme de juftice; & ce ne flit que long- tems apres qu'on leur park du formu- laire. Leur afant ete prefente par les •grands vicaifes de Mi le Cardinal de Retz , elles avoient fait fur cela tout ce que leur confcience leur avoit per- mis. Elles avoieht rendu compte de leur foi d'une maniere fincere : elles n'auroient pii , fans les plus grands fcrupules , s'engager a quelque chofe de plus. Leur ignorance les difpenfoit de juger du gros livre latin de Janfe- nius. Les calomnies de toute efpece qu'on avoit publiees contre elles , fans qifaucun Prelat eut pris leur defenfe , leur avoient appris par experience que |
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II. Part ie Llv. II. 283
d'autres perfon'nes innocehtes poa- 1664.
voient egalement etre calomniees cora- me elles l'avoient ete. Eiles s'efti- moient heureufes, de ce que l'etat 011 Dieu les avoit mifes , les difpenfbii de prendre part a ces conteftations. C'etoit oil elles mettoient leur furere^ Et comrne elles faifoient peu d'etat de toutes les chofes du monde , il n'y avoit point de confiderations liumai- nes qui les en put faire fortir. Elles craignoient peu les homines, parcej qu'elles craignoient beaucoup Dieu. liny avoit rien qu'elles ne fiment dif- pofees de perdre plutot que de riert Faire qui put troubler le repos interieur de leur confcience. Y a-t-il quelqu'un dans le monde alTez deraifonnable pour blamer une telle difpoiiiiun j on qui connoifle afTez peu les devoirs de la charite & jufqu'a quel point on doit condeicendre a l'infirmite des aities, ftour ne pas trouver qu'il y avoit de
a barbane a ruiner une fainte maifon pour un defaut fi leger, fi e'en etoit un! Helas! que l'Eglife feroit heureufe, fi toutes les religieufes,tous les religieux tous les ecclefiaftiques , n'en avoient point d'autres , & fi on ne pouvoit les blamer que d'un exces de fincerite ! C'etoit cependant la tout le crime |
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2§4 HiSTOlRE DE PoRT-AOJ'At.
u J$g. des religieufes de P. R. (z). Leur de-
fintereffement & leur charite etoienc connus de tout le monde. La maniere dont elles avoient reeu toutes cescroix, etoit la chofe du monde la plus edifian- te. Dieules avoit comblees de benedic- tions depuis que le monde leur avoit temoigne fon averfion. Elles fup- pleoient par un travail continuel a la diminution de leur bien , & elles s'ef- timoient heureufes d'en etre plus pau- vres. Elles attendoient avec une trair- quillite d'efprit tout-a-fait prodigienfe les plus rudes efforts de la colere de leurs ennemis. Elles favoient qu'on ne difputoit plus que de la maniere dont on les extermineroit. Les uns voir- loient qu'on les difpersat toutes, & les atitrcs que psr une cruelle feparation on leur arrachat toutes celles qui avoient l'efprit de conduite. Elles ne fe troubloient de rien y & elles remet>- toient toute leur caufe a Dieu, eipes- rant toujours qu'il ecouteroit la voix de leurs larmes, ou en les delivrant ou en les couronnant. Tel etoit l'etat de P. R. lorfque M. de Perefixe fuc place fur le fiege de Paris, w. Lancelot Auffi- tot qu'il en eut pris poffeifion ,, va compij- M. Lancelot alia , le 16 avril, lui fair*. mentcr M. de
terefiie fur (i) Ib.p. i4J»
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II. Partie. Liv. II. x 8 5
compliment de la part de la commit- JTjfT J
naute. Nous avons une relation derarrivce de
l'entrerien qu'il cut avec le nouvel .fes buI,f >de
* i * i j • ^ :i .*>. " Part °"re" Arcneveque le mercredi 16 avnl 1604.iigieufes de
Cette relation (3) eft tres propre a fairep.- R- ?""*'
» 1 Y i \t"r 1 tienqmlscu-
connoitre le zele de M. Lancelot pour rem enfem-
la verite & ion atrachement pour lesblc> rgligieufes de P. R., & a quoi ces fain- tes rules devoient s'attendre de la part de celui qu'elles envoioienr compli- menter. Le Prelat repondit d'abord aftez obligeamment, & dit: qu'il ft- roit ravi de pouvoir les feryir. » Aifu- « rez-les, dit-il , je vous prie, que » j'eftirne leur vertu , & que je vou- » drois pouvoir les fervir au prix de » mon fang ; mais il faut, ajouta-t-il, « qu'elles failent encore quelque cho- » ie pour fe tirer de l'etat oil elles » font «. Puis il commence a faire un long difcours , auquel M. Lance- lot ne s'atendoit point; »le Roi, dit- » il, eft perfuade qu'il ya.une nou- » velle herefie qui prendnaiftance darfs » fon roi'aume , jl fait de quelle im- » portance il eft d'y remedier &: de » 1'etoufFer dans fon commencement, (i) Voi'ez la relation >le Formulaire d'Alexandre
cet emretien de M. Lan- VII. Lane. Mem. T. i.
celotavecM.de I'erefixe IVe. piece , p. joi &
aa fujet des religieufes de fuiv... Hift. des p«f, p,
f. K- & de la %namte du iit &i fjjiv.
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i%6 Hjstoire de'Port-roial.
66/' » II eft refokj d'y travailler plus que » jamais : & je vous puis dire que » dans le dernier confeil, les chofes » furent fur le point d'etre portees a » une ptrange extremite , fi je ne m'y » fufle fortement oppofe. Reprefen- n tez-leur, je vous prie, qu'elle doi- » vent fe refoudre a chercher des jj moi'ens de contenter le Roi •, que » deux Papes a'iant parle , & les Eve- « ques a'iant recu leur jugement, les » Facultes l'ai'ant admis , les docleurs » & les religieux a'iant figne, & routes » les communautes a'iant pafle par-la , » il n'eft nullement a. propos qu'une » feule maifon de filles veuille faire » la loi aux autres , & paroitre plus »> juftes ou plus intelligentes que les » Papes, les Eveques, les pretres & » les dodeurs .... Pourquoi preferer » fes propres lumieres, ou celles qui >' nous font infpirees par quelques par- « ticuliers , au jugement de tant d'E- » veques & du Pape meme ? Cela fe « peut-il fans une etrange prefomp- •> tion & un entetement tres dange- » reux?&c. >• M. Lancelot etant obli- ge d'ecouter , fans avoir la liberte de rcpondre, eprouva dans cette occa- fion 5 comme il le temoigne , qu'il n'eft pas facile de traiter avec les per- |
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II. Partie, Liv. II. i%7
fonnes que leur grandeur eleve au- ' \^ deifus des aiitres , <Sc a qui leur auto- rite donne la liberie de tout dire , fans qu'on ait celle de leur repondre. Tout ce qu'il put done faire dans cer etat , fut d'ecouter M, de Perefixe , d'elever fori coeur a Dieu, 8c de lui demander de lui infpirer tout ce qu'il devoit dire pour la defenfede la verite & la j unification des vierges chretien* nes qui 1'avoient envoie. Apres avoir laifie parler l'Archeveque tant qu'il voulut, M. Lancelot lui repondit, en reprenant les principaux points qu'il avoit avances. II reprefenta que s'il ne s'agifloit
que dnerefie , ces bonnes filles devoient etre a 1'abri de tout' foup- con , ai'ant condamne par leur figna-* ture toutes les herefies contenues dans les V propofitions dont il etoit queftion ; qu'ainfi ne reftantplus qu'un fait, qui ne pouvoit en aucune facon intereiTer la foi, rien n'etoit plus aife que de faire voirjiuRoi qu'il n'y avoit point de nouvelle here/ie dans ion roi'aume. A cette fage reponfe, M, de Perefixe repliqua : » Mais pourquoi » ne font-elles pas ce que toutes les » communautes de filles , & meme les « communautes d'hommes ont fait ? « |
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lS8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl,
M. Lancelot ai'ant repondu qu'elles ne
croioient pas devoir tanc regarder ce que faifoient les autres , que ce qu'el- les devoient faire elles-memes ; & qu'apres-tout fi c'etoit-la une faute, elle etoit bien pardonnable , puifqu'on ne pouvoit les accufer que d'une trop gran- de retenue , & qu'elles prioienr qu'on epargnat leur delicateiFe de confcience5 en ne les forgant pas de faire ce qu'el- les ne croioient pas pouvoir faire fans la blefler: »> Ho ! dit M. l'Archeveque, v cela fe doitplutot appeller un ente- » tement qu'une delicatefle de confi- *> cience. Des filles ne doivent jamais » en venir Jufques-la. , quand le Pape 3> & les Eveques leur commandent » quelque chofe. Que favent-elles fi « ces propofitions ne font pas tirees » de Janfenius , & que n'en croient- M elles le Pape qui les en afliire « ? M. Lancelot repondit modeftement a M. de Perefixe , que c'etoit pour cela meme que ces religieufes ne fachant pas fi ces propofitions font dans Janfe- nius , elles ne croioient pas pouvoir l'aflurer pas leur fignature. Apres que M. Lancelot eut encore dit quelque chofe pour juftifier les religieufes , le Prelat lui dit : »Mais , oh ca ! je vous t> demande a vous meme, fi Ton vous » commandoit |
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II. Partie. L'iv. II. i?9
commandoit de figner la condamna-
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j^g*,
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■>i tion des herefies condamnees par
» le Concile de Trente , & de les » condamner au fens de Calvin & *> comme threes de fes livres, le re- s' fuferiez-vous •» » M. Lancelot repon- dit qu'il ne le refuferoit pas •, & en donna des raifons bien folides ; fa- voir, que ces herefies font bien vifi- blement dans Calvin ; qu'il eft aufll vifible qu'elles y font, qu'il eft vifible qu'elles attaquent les principes de no- tre foi; que Calvin n'a jamais nie les avoir enfeignees , qu'au contraire il en fait gloire*, que fes difciples en de- meurent d'accord : ce feroit etre plu- tot fou qu'heretique, d'en vouloir dou- rer. M. Lancelot continuant fur le meme fujet, demanda a M. de Pere- fixe , Ci les huguenots de Charenton venoient fe jetter a fes pieds pour lui demander d'etre recus dans l'Eglife de Paris , en proteftant d'abjurer tou- tes les herefies condamnees par le Con- cile de Trente , & faifant feulement difficult^ de reconnoitre que ces here- fies fuffent de Calvin; fi ce feroit une mauvaife chofe de recevoir dans l'E- glife des perfonnes qui demanderoient de la forte a y rentrer , & fi la cha- tite de Jefus-Chrift n'exigeroit pas Tome IF. N -m |
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19° HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt.'
clans un pareil cas de tous les Eveques »
qu'ils reciraflentpar ce moi'en pluneurs ames des portes de l'enfer. » Mais, » ajouta M. Lancelot, vous voiez affez, * Monfeigneur, qu'U y a bien de la >> difference entre un herefiarque , 8c » un grand Eveque, qui n'a pu encore M ctre convaincu d'erreur , & qui eft j> mort en reputation de faintete dans « l'Eglife •, & qui plus eft , Monfei- » gneur , jamais le Concile n'a mar- » que le nom de Calvin dans fes ana- « thematifmes ■. s'etant contente d'o- » bliger a condamner les erreurs fans w fe mettre trop en peine qu'oncrut »» qu'elles fuifent de Calvin ou de Lu- » ther , ou de quelqu'autre. Monfeigneur n'eut rien a repliquer
a cela , mais il park d'une belle let- tre latine de Janfenius, par laquel- le il avoit founds fon livre au Pape j puis il ajouta : » Janfenius n'auroit m done pas fait difEculte d'obeir en » cette rencontre. Cependant fes de- » fenfeurs & des filles memes refufe- » font aujourd'hui de faire , par un » pretendu zele pour Janfenius, ce » que Janfenius n'auroit pas fait dif- « ficulte de faire lui-meme, s'il eut » vecu. Vous m'avoaerez, Monfei- *> gneur, repondit M. Lancelot, que |
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II. P A R T I E. Liv. II. 2.91
*» fi ce Prelat eut vecu , on n'auroit"
» pas traite fon ouvrage comme on a " fait, & quelque grande que vous si reconnoiffiez qif ait ete fon humilite, " je ne penfe pas que vous pretendiez , » Monfeigneur, qu'elle eut pu le por- w ter a reconnoitre avoir mis dans fon » livre des herefies qu'il auroit fort » bien fii n'y avoir jamais mifes. Et » en effet , Monfeigneur, fi elles y » font, pourquoi n'a-t-on pu encore » les y trouver depuis tant d'annees ? »» Et pourquoi a-t-il fallu fabriquer des *> propositions en l'air, pour compren- » dre ces herefies qu'on veut lui artri- »» buer ? » M. l'Archeveque arreta M. Lancelot, en lui difant: Mais la pre- miere y ejl en termes formels. » Elle y » eft & n'y eft pas, Monfeigneur, re- m pliqua M. Lancelot, puifque les mots » dont elle eft compofee ne font pas » le meme fens dans Janfenius , que « celui qu'y donnent fes adverfaires , » a moins que de pretendre qu'une w propofition particu'iere & une pro- w pofition univerfelle puiffent paffer >' pour la meme chofe. Et de plus Jan- s' fenius fait voir par un nombre in- « fini de paflagesdans toute la fuite, w qu'il ne fait que fuivre en cet en- » droit, faint Auguftin; & il eft fi Nij
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l$l HlSTOIRE DE PoRT-ROjAt.
"■ j6-£- » cloigne de l'erreur qu'on lui veut
» impofer, qu'en diyers endroits de >■> fon ouvrage il enfe igne formelle- » men): le eontraire. D'ailleurs pour » les autres, il n'y a pas la moindre >• ombrg , &c. IH. Dans la fuite de l'entretien , M.Lanr suite <ie celot aiant dit (ce qui eft tres vrai) que
m. Lancelot les propolitions n avoient ere exami- ne m, denees £ Rome que confideiees en elles- Perenxe au fu- a o i ' i ' J
jet des reii- memes & detachees de tout auteur ,
g.'eufes de p. abfirahendo ab omni profercnu , com- fignature du Uie l'ont dit plufieurs fois les conful- fattQulwe, reurs ; &c que le nom de Janfenius n'a* yoit etc mis qu'indiredement dans cette affaire, & feulement par 1'ani- mofite de quelques partieuliers; M. de Paris repondit avec chaleur : » Si t< celactoit, ce feroitbien la chofe la » plus extraordinaire, la plus derai- » loanable, la plus extrayagante qui •> flit aii monde. Quoi! entreprendre " des propolitions a examiner , en por- » terjugement&lescondamner, fans u marquer de quel auteur elles font » tirees I Celane s'eft jamais fait dans » l'Eglife. Monfeigneur , e'eft audi ce « qui paroir d'autant plus fijrprenant, >■> repondit modeftement M, Lance- ** lot, de dire qu'on veuille faire au* » iourd'hui ce que ypus remarcjues |
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II. P A R. T 1 E. Liv. 11. £fif
'» tres judicieufement ne s'etre jamais idd*,
» fait dans l'Eglife ; & qu'on veuille » faire retomber la condamnation des » V propofitions fur un auteur tres in^ » nocerit, & fur un grand Eveque * » fans que jufqu'ici on les ait pu mon- » trer dans ion ouvrage ». A cela point de reponfe de la part de Mon- feigneur. Enfuite M, Lancelot ajouta qu'une des raifons qui obligeoient les theologiens a defendre 1'innocenGe de Janfenius , c'eft qu'ils etoient aflez perfuades de la mauvaife volonte des Jefuites , a qui il feroit facile un jour d'attaquer la do&rine de faint Auguf- tin en elle-meme, s'ils pouvoierit faire fletrir eelle de Janfenius. >r Ce que » vous dites eft hors de toute appa* » rence , dit ML l'Archeveque, ils n'o- » feroient jamais y penfer ». M. Lan- celot repliqua que l'entreprife etoit a la verite un peu hardie , mais que ce- pendant ils ne s'en cachoient pas •, fur quoi ai'ant cite les fermons & les livres du pere Adam : Quels livres m'alle- guei'vous la, dit lArcheveque, jetie lis pas dans ces• livres-la, moi. » Jele " crois, Monfeigneur, reprit M. Lat*- » celot , auffi font-ils indignes que " vous les regardiez feulement •, mais » enfin ils patient jufqu'a cet exces , N lij
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2^4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
jjg4, » que d'attaquer S. Auguftin meme »i
Ai'ant cite le Journal de faint Amour , M. 1'Archeveque s'infcrivit en faux fur ce qui eft dit de lui; favoir , que la lettre de M. de Vabres envoiee a Rome avec la lignature de plufieurs Eveques avoit ete prefentee a M. de Perefixe 8c qu'il refufa de la figner. Mais cette inf- cription en faux eft detruite par le te- moignagede M. de Pontchateau, a qui M. de Perefixe avoit avoue lui-meme qu'il n'avoit pas voulu figner la lettre , &c qu'on ne Ten avoit pas beaucoup preffe : c'eft ce que M. Lancelot ap- ■ prit deM.de Pontchateau, le jour meme de fon entretien avec M. de Pe- refixe (4). Le Prelat revenant a la charge fur
l'article de Janfenius, dit que le Pape l'avoit fait examiner, & qu'il avoit choifi pour cela les plus habiles gens , ou au mows ia-t-il du fain , ajouta- t-il; qu'il falloit s'en tenir la; qu'a- pres tout, des fillesn'avoient que raire de fe meier la dedans. » II n'y a per- » fonne , Monfeigneur, dit M. Lan- » celot qui ait plus d'interet qu'elles • de fouhaiter qu'on ne les y eut point » comprifes; & fi on pouvoit fe refou- » dre a. les laifter dans le repos & le (4)Unc. Ib.p. j 1 j.
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II. Part ie. Liv.U. 19$
«> filence, comme il feroit fans doute
» a defirer, puifqu'aufli bien leur iigua- » ture ne peut etre d'aucune autorite » pour un fait de do&rine dans l'Hgli- » fe, on ne les verroit point trop em- » preffees a s'y meler. Toute la grace » qu'elles demandenr, eft qu'on aic h au moins quelqu'egard a. leur fexe & » a. leur foiblefTe, & qu'on ne les obli- » ge point de prendre part a une af- » faire qu'on avoue etre au-deifus de » leur difcernement &c de leur con- » noiflance. » Mais pourquoi, dit le Prelat , ne
» fe pas rendre a ce qu'elles voient v avoir ete fait par routes les autres » religieufes ? •> M. Lancelot repondit que ces religieufes voiant qu'il y avoir de la conteftation fur le fait, elles croi'oientquele plus fur pour elles etoit de n'y prendre aucune part , par la crainte d'en prendre a la condamna- tion d'un innocenr •, & il ajouta : » Eft-ce , Monfeigneur, que (i vous » lifiez aujourd'hui dans l'hiftoire , » que des filles , audi vertueufes que » vous faites l'honneur a celles-ci de >> les eftimer , n'auroient point vou- » lu prendre part a la condamnation » de faint Cnryfoftome , qui avoit » ete condamne par tant d'Eveques , N iv
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ajX? HtSTOIRE BE PoRT-ROlAt;
~ » vous les eftimeriez fi criminelles ?
w Eft-ce que G. vous en voyiez d'autres » n'avoir point voulu foufcrire a la «- condamnation de faint Athanafe , i »> laquelle le Pape L ibere fe laiffa enfin » aller a foufcrire iui nrcme apres une « infinite d'Eveques , vous les eftime- » riez fi coupables de ce refus 2 Touce » l'Eglife au contraire ne revere-t-elle « pas aujourd'hui routes les perfonnes » qui ont foutenu l'innocence de ces « grands Saints ; quoiqu'ils euffenc » des Papes & des Eveques pour con- » damnateurs I Cependant , Mon- » feigneur, c'efl: a peu pres ce qui fe » pane aujourd'hui ». A cela point de reponfe de la part de Monfeigneur. Il termina l'entretien en difant a M. Lan- celot : » A(Turez-les, que j'eftime leur » vertu, & que je voudrois donner de » mon fang pour les tirer de ce mau- m vais pas. Mais qu'elles voient ce » qu'elles pourroient faire pour cela- " Et vous meme , ajouta-t-il, fongez- » y en votre particulier, je vous en « prie. Vo'iez quel expedient on pour- » roit prendre. Trouvez-moi quel-*' »» que planche pour fortir de ce rnau- » vais pas •, je vous en conjure, & vous » m'obligerez ». M. Lancelot ai'ant quitteM. 1'Arche*
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II. P A R T I E. Liv. II. 297
veque , alia trouver l'aumonier qui 1664.
l'avoitintroduit,qui apres lui avoir pro- mis fes bons offices aupres du Prelat, lui dit: "Enfinpour Ufait ,je vols bicrt qu'on ne le p offer a jamais, n'ejl-il pas vrai ? » Non , point du tout, repon- » dit M. Lancelot, vous n'avez qu'a » aflTurer Monfeigneur , que cela & la » mort, c'eft la tneme chofe, & qu'ainfi » il n'a qu'a prendre fes mefures la- » defTus. Ces filles ne font pas fi peu « inftruites qu'elles ne fachent que » quelque refpe6t qu'elles doivent au » Pape Sc aux Prelats , il vaut pour- » tant mieuxobeir a Dieu qu'aux hom- " mes; & que Dieu leur demande- » foit un compte rigoureux a fon> » jugement, d'une fignature, qui de— » vant lui ne pourroit paffer que pour « un menfonge Sc pour la marque d'ur» » faux temoignage ». Dans cette trifle conjonchire, Dieu- iv:-
envoi'a encore aux relisieufes de P. R. „. F!? ie * r a is ra • r\' t StngllJU-
un lurcroit dafthction , par la mort
de M. Singlin , qui leur caufar la plus- vive douleur. Ce faint pretre aianc ete oblige de fe feparer de fon eher Port-Roi'al, oil il tenoit lieu de pere,, apres avoir, vii fortir des deux maifonsi de Paris & des Champs un grand nom- bte d'innocentes vi&imes rdont la fe:a*- |
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tjt HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI.-
Is vue & la fortie lui arrachoient le
ccEur , alia fe cacher avee Meffieurs Dumont, de Saci & Fontaine dans une petite maifon du faubourg faint Mar* ceau , dont Madame Vitard occupoit le bas, & paroiflbit occuper tout le logis. Cette dame etoit celle qui avoit autrefois donne retraite a M. le Maitre> lorfqu'il fut oblige de quitter P. R. Cette femme vertueufe fut fi touchee de fa piete , qulellequitca laFerte-Mi- lon fa patrie, ou elle etoit confideree, pour fe eonfacrer a. la penitence, a l'e- xemple du penitent qu'elle avoit eu le bonlieur de recevoir chez elle. Dieu repandit fes benedictions fur toute fa. famille , que M. Fontaine regardoit pour cela comme le fruit de la retraite de M. le Maitre (5 ). Ce fut elle que Dieu choifit encore pour donner re- traite aux prophetes, & les nourrir pendant qu'on les perfecutoit. Il femble , dit Monfieur Fontaine T
parlant de Monfieur Singlin , que ce faint pretre n'etant plus dans les tra- Taux que lui caufoit la direction de tant d'ames a P. R. , Dieu qui ne vou- loit pas le laitfer fans peine lui procu- roit dans ce trifte repos, des afflic- tions qu'il lui envoi'oit coup fur coup». Apres avoir vu expirer entre fes bras. tjjj Foa& Mem,. T. 1.. p. ti7&fui7i.
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II. P Artie. Liv. 11. 199
M. Rebours , fon intime ami , con-
fefleur cle P. R. comme lui, & recom- mandable par toutes fortes de qualites excellenres, il vit de meme mourir fix jours apres le gendre de Madame Vi- tard , cette charitable & fage veuve , qui prenoit foin de lui j enforte qr.'il pouvoit dire avec le Prophete : Quoi , Seigneur ! tant d'afflictions dont vous me puniflez pour mes peches, ne vous fuffifent-elles pas ? Faut-il encore qu'- une veuve , qui me cache fi charitable- ment a la violence de ceux qui me cherchent pour me perdre , fouffre pour moi unefi fenfible afTli&ion (6) >:Mais au milieu de ces afflictions y Dieu don- na a M. Singlin une grande confola- tion par la parfaite conversion de Me- de Longueville , dont il le rendit me- me Finftrument (7). Les signatures du formulaire qu'on exigea en i66x & 1 (J6 3 , cauferent a M. Singlin la plus* vive douleur -,mais cequi l'augmenta encore , fut la diverfite des fentimens ?|ui partageoient les efprits fur ce
ujet. Les unsvouloient que par une fage condefcendance on baiffat au- lant qu'on pouvoit le faire ; les au— tres vouloient, par un zeie plein de feu,, (<) Fonr. lb. p. 117-8c Cm%. lb. p. njs.
«7)Ib.p. i8r„
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500 HlSTOIRE DE-PORT ROTAt.
1664* & Par im grand eloignement pour rou-
te equivoque , qu'onevirat rout ce qui pouvoit avoir la moindre apparence dune fageffe rimide T & qu'on ne pen- sat qua donner des marques de fer- mere. Ces deux fenrimens qui paroif- fo'.enr contraires , partageoient rous leS' efprits , qui fourenoient leurs avis avec force ; ce qui occafionna meme , com- rne nous L'avons vu , une efpeee de difFerend entre M. Pafcal & MM. de P. R.. Au milieu de cette divifion , M. Singlin etoit comme un rocher bat- tu de la tempete. Tous s'en rappor- toient a lui ; chacun vouloir le faire entrer dansfon fenrimenr. Il ecoutoit paiilblementtout le monde, & tachoit d'enrrerenir la paix par-rout. Quant a Lui, il confeilloit de baiffer autant que la verite pouvoit le permertre, & de chercher des paroles fi bien mefurees. &ubien companies, qu'elles pulTent en meme rems conrenter Dieu & les hommes. Partage entre ces deux fen* timens , fa douleur conrinuelle etoit de voir ces vues differenres, qui pouv voienr produire un plus grand mal que celui de la perfecurion. Ces doures , au milieu de la com-
duite qu'il etoit a propos de tenir ,. fl'amgeclaoient pas. qu'on na fut tou^ |
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.'•
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II. Paktie. Liv. It. jo it
jours unis par la charite. Les deux par- tis , fi. Ton peuc ufer de ce terme, avoient leurs raifons qui tendoient routes a Dieu. lis avoient un egal de- fintereffement & un meme amour pour la verite. Le mal etoit que cette di- verfite de vues pouvoit devenir un |
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I
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rincipe de refroidiflTement & de de-
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ance reciproque entre les amis,& une
fource d'embarras ou d'inquierudes pour les perfonnes qu'on avoir a con- duire. » J'ai „vu quelquefois a ce K fujet M. Singlin dans une veritable » agonie , ( celt l'expreffion de M. » Fontaine ) & j'ai compris que la plu3 » grande peine en ce monde n'etoit » pas la necemte de foufFrir quelques » violences pour la verite , mais la » crainte de donner lieu a des violen- >» ces, & de deshonorer la verite,meme s» par des faures,qui,dans cesmatieres, « peuvent roujours avoir de grandes » iuites <•. C'eft ainfi que M. Singlin. paffa les trois dernieres annees de fa vie , dans la maifon ou il etoit cache; Aux approches du careme de 1'an \G6\ y quelques uns de fes amis qui, f>endant ce faint terns, ne prenoiens
eur repas que vers le foir, etant ar- rives a Paris , il quitta fa maifon de faint Marceau , ou Ton mangeoil a midi, Sc alia les joindre. dans le: |
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joi HiSTomE de Port-roi'ai.
1664. dellein de fatisfaire fon avidite infa- tiable pour la penitence. On ne fat pas long-tems fans en voir 1'effet : car a la fin de ce careme , apres l'adora- tion de la fainte croix, le jour du ven- dredi faint, il revint a fa petite mai- fon de faint Marceau , tout abbat- tu , apporter un refte de vie qu'il avoir encore , & attendre paifiblement la mort qu'il venoit de chercher avec tant d'ardeur. On le fir mettre auffi- tor au lir , dont il ne devoit plus for- tir que pour etre porte en terre-. Le jeudi 17 avril, fur les 5 ou 6 heures du matin , comme M. Fontaine le te- noit entre fes bras , apres avoir pns un bouillon , Mademoifelle Bourneau qui etoit aupied du lit , & qui le re- gardoit en face , jetta tout dun coup un grand cri , &c dit en pleurant: foild mon pauvre pere mart. C'eft ainfi que mourut dans fa retraite M. Sing;!in : une mort tranquiile fucceda enfin a une vie etrangement agitee , &c ter- v. mina une longue fuite de perfecurions. JuFoflT " C'etoit un homme , dir M. du » Fofle , ($) confomme dans la vertu, « d'une fagefle & d'une experience w toute fingulicre pour la conduite des » ames. Il avoit auffi un don tout-a- » fait furnaturel pour la predication*. <8)P --*>■
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II. Part ie. Liv. 11. 305
» Ses fermons etoient toujours accom- i(j<j4. >' pagnes de cecte parole de Dieu vi- » vante & efticace , dont parle faint » Paul, qui penetre le fond des cceurs, ,» & qui lestouche d'une faintecom- *> pondlion pour leur faluu » Ceux qui connoiffoient plus par-
» ticulierement fan merite , remar- » quoient de plus en plus en lui une •» penetration d'efprit & une lumiere » de difcernement, qui le rendoit Van » des hommes de France le plus ca- » pable de donner confeil generale- » ment fur toutes chofes. Madame la »» Duchelfe de Longueville , Made- » moifelle de Vertu & M. Pafcal, dont » le roi'aume a connu le grand merite,. » en ont juge de la forte. Ce dernier « lui faifoit voir fes ecrits comme a » un homme qui excelloit en juge- »» ment & en juftelfe d'efprit. Quant » a la Princeffe que j'ai noimmee &. » a Mademoifelie de Vertu , Tune &c •« l'autre le confultoient dans toutes les » grandes arfaires qui leur arrivoient, » comme une perfonne , dont I'avis » etoit tres fur , & fonde fur une lu- » mierequi meritoit a jufte title toute » leurconfiance. La premiere fe fervit » de M. Singlin dans tout ce careme »- pour debrouiller beaucoup d'affaires; |
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^04 HrSTOrRE £E PbRT-ROf Atr
" qui lui faifoient de la peine, & pour
» faire une revue fur tanr de chofes » qui s'etoient paflees pendant fa vie. « II alloit expres pour cela deux on » trois fois la femaine en fon hotel, » & y pafloit la plus grande partie de n lajournee, toujours applique a l'exa- » men de plufieurs affaires delicates & « epineufes. Il jeunoit avec cela ri- » goureufement, ne mangeant que fur » les cinq ou fix heures du foir. Le » travail d'efprit, joint a un tel jeu- n ne, en une perfonne deja ufee d'auf- » terites , de predications & de fati- » gues , acheva de le confumer. Ceux » qui le rapporterenten chaife de 1'ho- » tel de Longuevillele jeudi faint (9), » nous dirent qu'ils ne favoient pas » ce qu'avoit celui qu'ils avoient ap- » porte : mais que c'etoit un homme » de plomb , & qu'ils n'en avoient » jamais porte un fipefant. EnefFet, » il fe mit des-lors au lit, frappe de » la maladie dont il mourut , & dans « le dernier accablement. Le mal e- » toit plus au-dedans qu'au dehors ; » & fans qu'il parut une grande lie vre, (9) M. Fontaine dit rapporta le jeudi faint de
qu'il revint tout abbatu le 1'hotel de Longcievillej &
Tcndrcdi faint, apres l'a- qu'il fe mit des lots au lir,
dotation de la croix ; 8c frappe de la maladie dout-
M. dii Fofle dit qu'on le il momut.
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II. Part ie. Llv. It. joj
»> il fe trouvoit fi abbattu par l'epui- i6G^
»» fement de fes forces , qu'il ne pou- « voir meme fe mettre fur fon feanr >» fans le fecours de quelqu'ura de nous. » Il fuc jufqu'a la fin dans cette VI.
» tranquillite d'ame & dans cette paix Eloge de W » du Seigneur , que la multitude defS^* » fes bonnes ceuvres & l'abondance de » fa charite , relevees encore aux yeux » de Dieu par l'epreuve de la derniere » perfecution qu'on lui avoit fufcitee , » lui procuroient aux approches de la » mort, comme des recompenfes de- » fa bonne vie «. Toutes les louanges w des hommes, dit M. Fontaine (10), » qu'il a fi fort meprifees , ne peu- » vent rien ajouter a fa gloire, com- » me leurs medifances, dont il a ete fl » noirci, n'en peuvent rien diminuer. » Sa modeftie & fon humilite onr, » convert toute fa grandeur & aux « yeux des autres & aux liens pro- » pres. S'il n'eclatoit pas par les dons » de la fcience & de l'eloquence , il » avoit une fageffe qui le rendoic » maitre des favans 8c des eloquens , m dontil regloit les fentimens & les » paroles. L'ondtion du faint Efprir » t'inftruifoit plus que tous les livres r „ Elle l'eclairoit dans fes doutes >. & |
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, (io) T. i, p. lj» 8c fuiy.
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$0<> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt."
» felon la promelfe du fils tie Dieu ,'
» elle lui apprenoit toutes chofes. Sa « bouche etoit vraitnent comme un » oracle , par lequel Dieu faifoit en- » tendre fes volontes. Nul de ceux « qui le confultoient fincerement n'a- » voit lieu de s'ea repentir , & Ton » reconnoiflbit toujours , quand on » avoir fuivi fidelement fes confeils , » qu'on s'etoir laifle conduire par un » guide fidele. Je ne fais par quel » faint artifice , fans flatter jamais » perfonne , il ne laiflbit pas de fe » faire aimer de tout le monde. Le » meme efprit de Dieu, qui lui fai- » foit engendrer a Jefus-Chrift tanc u de perfonnes avec une heureufe fe- h condite par la force de fa parole , » les enchainoit enfuite , pour ainfi » dire , tres etroitement a lui , & » comme il ne cherchoit que leur fa- u lut, elles ne cherchoient auffi que >» Dieu en lui. » Il avoit, felon l'expreflion de faint
» Paul, une fainte jaloufie & un zele » devorant, qui luifaifoientfouhaiter » avec paflion que ceuxqu'ilconduifoit » fuflent parfaitement a Dieu. Il avoit » fouvent a la bouche les paroles du » bienheureux Precurfeur , dont on « peut dire qu'il avoit re$u l'efprit : |
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II. P ARTIE. L'lV. II. 307
*» Parare Domino plebem perfeclam. 166a. » Tout ce qui ne regardoit point le » faint & l'avancement des ames , lui » paroi(Toit une bagatelle , & il n'y » donnoit pas la moindre applica- »» tion.....La piete fembloit etre
» fon partage, & il apprenoit aufli aux
» autres an'enpointdefirerd'autrepour
» eux. Il leur demeloit , avec une lu-
» miere admirable , tous les pieges du
» demon , qu'ils devoient craindre. Il
»> etoit tout a tous , fe donnant egale-
» lement aux plus petits & aO*plus
« grands, s'accommodant a toutes for-
w tes d'efprit, & reglant les affaires
» les moins importantes avec la meme
» tranquillite & la meme affection ,
»» que celles qui etoient les plus con-
» fiderables dans l'Eglife (11).
Des que Ton fut a l'hotel de Lon«
fueville la mart de M. Singlin , une
eure apres qu'elle fut arrivee , Made- moifelle de Vertu vint toute eploree , lui fit decouvrir le vifage, le baifa , fondant en larmes, & contempla long- tems pour la derniere fois, dans l'a- mertume de fon cceur , un homme (it) Voi'ez ce que die effufions de cceur, T. a»
M. Fontaine fur la mort p. t?j & fuiv. deM. Singlin , fes tendres
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M. du Foffe rapporte ce fait (iz)
d'une maniere dirrerente de M. Fon- taine , & dit que , » Mademoifelle da » Vertu, qui ne favoit point l'extre- » mite oii etoit M. Singlin, arriva fur » les fept a huit heures pour le conful- » ter fur une affaire qui lui etoit de la » derniere confequence , & pour la de- » cifion de laquelle il lui avoit deman- » de du tems. Il ajoute : En apprenant » cette mort fur nos vifages, autant » que par nos paroles , elle recut le » coupleplusfenfiblequ'elle eutpeut- » etre rec,u de fa vie ". On eft etonne de trouver de telles varietes dans deux Auteurs qui rapportent un fait dont ils ont ete fun & l'autre temoins , puif- qu'ils demeuroient pour lors avec M. Singlin, & qu'ils ne l'avoient point quitte. vir. Le corps de M. Singlin fut porte i ieM^singlb.'^- &• mr 'es neuf heures 5c demie du
foir, etant accompagne de M. le cure de faint Medard, fur la paroifle du- quel il etoit mort, Sc de plufieurs au- tres ecclefiaftiques amis. II fut d'abord pole dans l'Eglife, oii route la commu- Cii) P. tij. |
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II. V ART IE. L'lV. 11. JO?
Haute l'attendoit dans une difpofition \C6^.
qui avoit du rapport avec celle du Ieuple de Constantinople lorfqu'on
;ur rapporta le corps de faint Jean Chryfoftome mort en exil. Le cure de faint Medard en fit l'inhumation le j 8 au milieu des larmes & des foupirs de toute cette grande communaute de religieufes. Ces faintes filles l'aimoient & l'honoroient comme leur pere, aiant ete la plupart revues par lui a la religion. Elles fe trouvoient neureufes de pou- voir au moins apres fa mort lui rendre lesderniers devoirs de lapiete chretien- ne, aiant ete privees defa conduiteparla violence ScTinjuftice des hommes( 1 3). VIIti • Tout ce que ces faintes filles ont M.dePere-- fourfert jufqu'ici n'eft qu'un comraen- (o" ^j1^,. cement de douleur , le moment ap- merit, proche qu'on va leur porter les grands coups. M. de Perefixe ne tarda pas de faire voir a quelles conditions on lui avoit donne l'Archeveche de Paris. Les malheureux engagemens qu'il avoit (ij) Pour avoir une maisencore les lertres de
jafteideede M Singlin, l;i mere Angelique , dans
.dont on ne connoit pas kftjuelles il eft fouvenc
gflcz tout le merice , il patle de ce faint Pretre ,
faut nonfeulement con- de la fagefTe de fa con-
fuller les memoires de M. duite , de fes lumieres,
du FolTe , ceux de MM. ju fucces de fes predica-
F.ontairie & Lancelot *Scc, tions.
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5 10 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl..
pris , l'emporterent en lui fur toute
autre consideration , fur fa conference £c fes lumieres; fur les regards qu'il de- voit avoir auxfollicitations des perfon- nes qui s'interefioient pour P. R. com- me Me. la DuchefTe de Longueville,qui le vit a ce fujet & qui peu apres fe char- gea encore de lui envoi'er un memoire juftificatif des religieufes en 14 arti- cles & l'accompagna d'une lettre ties obligeante (14). Pour remplirces en- gagemens , M. de Beaumont de Pere- fixe fit publier (15) le dimanche 8 juin , jour de la Trinite , un mande- ment, dans lequel il declare contre la definition reiteree d'Alexandre VII 8c contre les termes fi precis duformu- laire, qu'on ne pouvoit foutenir que par malice ou par ignorance , que I'E- glife exige qu'on croie par un acquief- cement de foi divine que les V propo- fitions font de Janfenius, 8c que e'eft au fens de cet Eveque qu'elles ont ete condamnees •, & il ajoutoit, que dans la fignature du formulaire , l'Eglife n'exigeoit fur ce fait qu'un acquiefce- (14) Ce memoire drefle Marthe ecrivit a M. de
par M. Arnauld , fetrou- l'erefixe pour le toucher
ve dans Vhifloire des per- de companion envers les
fecutinns , p. 111 8c fuiv. religieufes de P. R.
11 ell fuivi d'une lettre ad- (it) Hift. des perfec. mirable, que M. de Ste p. 130,
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II. V A R T I E. L'lV. 11. J 11
ment dt foi humaine, C'eft ainfiqu'on \C6\.
voioit tous les jours parmi les formu- larifles une diverfite de langage aufli etrange qu'entre les fabricateurs de la tour de Babel. Cette nouvelle opinion de M. de Perenxe fut combattue &c etrangement decriee par le traite de la foi humaine , done on reconnoit M. Nicole pour auteur. L'Archeveque envb'ia ngnifier a Tab- ix.
befTe de P.R. fonmandement le:-)oux £'£%?£ meme de fa publication, par fon Se-refixeaP. r. cretaire , qui lui donna en meme tems avis de fa part, qu'il viendroit le len- demain matin commencer fa vifne &c qu'il lui defendoit d'en communiquer a perfonne du dehors (16). Il la com- mence effedHvement au jour marque , >■) de Juin , par une Melfe du faint Ef- prit, apres laquelle aiant vifite le faint Sacrement &c l'autel, felon la coutu- me , il alia a la grille ou il declara en peu de mots le fujet de fa vifite. C'e- toit, a ce qu'il dit , le defir que Dieu lui avoir donne par fa fainre grace , de contribuer de tout fon pouvoir au falut des fideles de fon diocefe , qui le portoit a entreprendre une vifite dans cette maifon , dont il temoigna avoir beaucoup d'eftime & ne vouloir pas (K)Ib. p. tip, ijo, iji.
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JTi HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI,.
croire qu'on y manquat d'obeiiTance
pour le faint Siege, comme on les en foupgonnoit; n'y ai'ant point d'appa- rence que des perfonnes qui avoient tantde vertus,manqua(Tentde cellequi eft le fondement de toutes les autres , &c fans laquelle on pourroit dire qu'il n'y en a aucune ; puifque fl les infe- rieurs ne font foumis a leursfupeneurs, il n'y a point d'ordre dans I'Eglife, dans les communautes , ni dans les families. Apres avoir bien relevc la vertu de
l'obeiffance , illeur dit qu'il vouloitfe perfuader, pour fa propre confolation , qu'elleslui donneroient des preuves de la leur par la foufcription du formulaire qui etoit au bas de Ion ordonnance, & qu'elles ne feroient pas difficulte de faire ce qu'auroit fait Janfenius , a la defenfe duquel elles avoient la repu- tationd'etreunpeu attachees: qu'au ref- te elles ne devoient pas craindre en fi- gnant de faire tort a la memoire de ce grand homme, ( c'eft ainii qu'il l'ap- pella plufieurs fois ) puifque lui-me- me s'etoit foumis a 1'Eglife , & y avoit foumis fon ouvrage , declarant par fon teftament, une demie heure avant fa morr, qu'etant fils obeiiTant de 1'E- glife j & que mourant dans fou fein comme
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II. Par tie. Liv. II. 31?
tomme il y avoit vecu, il condamnoit, j ^^,
improuvoit & anathematifoit avec le chef de I'Eglife tout ce qu'il improu- veroit, condamneroit & anathematife- roit : il ajouta, qu'il y auroit plutot fujet de craindre pour ceux qui refu- feroient de le faire, ce que dit Vincent de Lerins , qu'il arrive quelquefois qu'une perfonne qui aenfeignedes er- reurs fe fauve , & que ceux qui le fui- vent fe perdent en le defendant. (Cela feroit vrai, fi en defendant nne per- fonne qui a erre , on defendoit fes er- reurs ; mais il on ne defend cette per- fonne qu'en rejettant les erreurs qu'on. lui attribue , quand meme il feroir vrar que cette perfonne auroit enfeigne des erreurs , faint Auguftin nous apprend» contre le fophifme de M. de Perefixe, qu'il n'y a rien a craindre, & qu'au- contraire il y a de 1'avantage a fe trom- f»er de la forte , puifqu'on retire de la
e£ture tout le fruit qu'on doir cher- cheren lifant, ( qui eft la verite (17). ) M. de Perefixe continuant de parler die qu'il ne s'etoit jamais pratique dans I'Eglife, de condamner des propofi- tions fans dire de qui elles etoient, (17) Aug. lib. de ulili- guAiu , & l'ufage qu'on
*ate cnitnii ad honor, -en a fait dins la Xe. lett, Voi'ez ce texte de S, Au- a Morenas. Toms IK O
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514 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl.
664. ( ce^a e^ vra^ ) 5 °lue celies dont il de-
mandoit la condamnation , avoient ete condamnees a Rome comme etant de Janfenius & au fens de l'auteur, ( cela eft faux , puifque les confulteurs ne les examinerenr qu'en elles-memes, 2c qu'en faifant abftraction de tout aiiteur, abjlahendo ab omniproferente). Enfinif- fant il ordonna trois chofes , qu'il )u- geoit necelfaires pour tirer de fa vifire le fruit qu'il fe propofoir. La premiere de ne parler a qui que ce foit de ce qu'il leur auroit dir •, la feconde de n'a- voir aucune communication avec les . perfonnes du dehors pendant tout le terns de la vifite ; la troifieme de lui donner un catalogue de tomes les per- fonnes qui demeuroient dans la mai- fon , tant au dehors qu'au dedans Apres ce difcours il commen^a le fcru tin qui dura jufqu'aufoir & les jour fuivansjufqu'auvendredi 13 du mois Nous avoris des relations de ce qui f dit de part &c d'autre dans quelque: uns de ces fcrutins, faites par les fceur Marguerite Gertrude , Angelique d faint Jean (.18), Chriftine Briquet &x De la part du Prelat, ce furent des or dres & des commandemens rei'reres au relisieufes d'obeir, de grands etala (iS) Yokj. ces relat, ibid. p. 151145- |
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It Parti e. Llv. If. 315
ges du droit qu'il avoit de leur .com- —~rz ■mander, de l'obligationqu'elles ayoient de lui obeir. Les plus faints Eveques de l'antiquite regardoient les vierges confacrees a Dieu, comme la gloire duchriftianifme & unornement fingu- lier de la grace de Jefus Chrift : Flos ecdejiaflici germinis, decus atquc orna- mentum gratis, fpiritalis (19). Saint Cyprien temoignc qu'il n'ofe pas ufer envers elles de commandement & d'au- torite, mais feulement de remontran- ces , tant il honoroit ces epoufes de fon maitre : Has adhortamur ajfe&ione po- tius quampoujlate (zo). M. de Perefixe bien eloigne des fentimens & de l'ef- prit des Peres , emploioit route fon autorite , faifoit des commandemens abfolus a ces vierges chretiennes , pour une bagatelle , pour une queftion de neant qui ne les regardoit point. Il re- battit plufieurs fois les foibles raifons de fon ennu'ieux difcours •, propofa de nouveau l'exemple de Janfenius , pre- rendant qu'il auroit lui-meme foufcrit ' fa condamnation s'il avoit furvecu , 8c declara qu'il ne demancloir pas une foi divine , mais une foi humaine eccle- fiaftique : comme s'il n'etoit defendu <i9) Cypr. de difcipl. 6c hab. Virg:
•(to) Ibid. Oij
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J I(> HtSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
de menrir qu'en ce qui regarde la foi
divine , &c que dans tout le refte il fut permis de porter temoignage contre Ion prochain , lorfque dans fon cceur on n'eft point perfuade qu'il foit cou- pable. Mais de plus, l'aveu que faifoit M.
de Perefixe, que ce qu'il demandoit aux religieufes ne regardoit que la foi hum'aine, cet aveu, dis-je, demon- troit i'injuftice de fa demande , 8c de- truifoit le pretexte qu'on avoir pris pour Ies contraindre de figner. Ce pretexte etoit qu'on vouloit par la fignature s'af- furer qu'elles ne tenoient a aucune er- reur contre la foi catholique. Par con- fequenten n'exigeant d'elles qu'une foi humaine , qui ne peut apparteftir a ce qu'on appelle foi parmi les chretiens, on leur donnoit acYe que leur foi etoir pure. D'ailleurs ce qui ne fe croit que d'une foi humaine n'eft point founds au commandement des hommes. On le croit quand on a des motifs & des raifons de le croire ; mais quand on n'en a pas de fuffifantes pour determi- ner l'efprit, c'eft une tyrannie que d'y emploi'er la force & la violence , qui peut bien faire des hypocrires & des nienteurs, mais qui ne fait point croi- re veritablement ce qu'on ne croit point fans cela. |
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II. PartIe. Liv. II. 317
CommelesreligieufesdePort Ro'i'al T&TZ.
etoient trop eclairees pour fe laiflfer perfuader par les foibles raifons de M. de Perefixe, elles furent ttaitees de tems en tems de rebelles , d'entetees , d'orgueilleufes , de folles , &c. ; pa- roles auffi pen decentes dans la bouche d'un Vicaire de Jefus-Chrift, qu'in- juftes & deplacees a 1'egard de fes epou- ' fes. iDe la part de ces vierges fages , ce ne furent que des reponfes humbles, modeftes , mais auffi fermes que ref- pectueufes , & a peu pres femblables a celles que fit l'aveugle ne aux Scribes & aux Pharifiens. Le Prelat, d'un ton de maitre , faifoit valoir fon droit de commander , comme fi fon autorite lui eut donne le droit de commander des chofes injuftes & contraires a. la loi de Dieu. Les religieufes joignant la pru- dence du ferpent avec la fimplicite de la colombe , felon le precepte de IE- vangile^lui rcpondoient humblement que leuRfonfcience ne leur permettoit pas de rendre , en foufcrivant a fon formulaire , un faux temoignage con- tre une perfonne innocente ; que la loi de Dieu defendoit le faux temoi- gnage contre le prochain : que pour rendre temoignage , il falloit favoir certainement ce qu'on affiiroit , Sc O iij
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ji8 Histotre de Port-roiai^
qu'ainfi elles ne pouvoient pas con^
damner un livre qu'elles n'avoient ja- mais Iu , qu'elles etoient incapables de lire, & fur lequel il y avoir parta- tage de fentimens entre les theolo- giens. A la fin du fcrutin qui fut acheve le
vendredi 13 juin , M. l'Archeveque avertitl'abbefTe qu'il reviendroitlelen- demain pour conclure fa vifite; ce qu'il fit par un difcours(2 1), dans lequel il temoigna fa douleur & (es regrers , de ce que fa vifite n'avoit pas eu le fuc- ces dont il s'etoit flatte : » il fe plai- » gnit d'avoir trouve dts ptrfonnts » preoccupies , prevenucs , entities ,. » attackees a. lair propre fens , &c. , » qui preferoient les fentimens d'une » petite poignee de gens a ceux du Pa- s' pe & de leur Archeveque : il les af- m fura qu'elles ne devoient point crain- » dre d'offenfer Dieu par leur foufcrip- » tion, qu'il n'y avoit point de peche » en cela •, que s'il y en avoit, il s'en » chargeoit & en r'epondroit lui-me- »» me devant Dieu, &c. ». Comme. il reftoit eneore trois femaines, felon le terme de l'ordonnance, M. de Pe- refixe dit aux religieufes qu'il leur ac- cordoit ce terns pour penfer encore k (: 1) Vo'wi ce difcouts, ibid. p. 14*-14? <
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II. fARTIH. LlV. II. Jin
*e qu'elles avoient a faire. Le difcours 1^..
de Monfeigneur l'Archeveque etant
fini, on dit le Confiteor, apres lequel
il donna l'abfolution ■, puis il dit :
" Pour penitence , mes fceurs , des
" fames que vous avez faites au fujet.
» de la denature , je vous ordonne
» de dire durant ces trois femaines
» tous les jours le Vmi creator, avec
» la colle&e du faint Efprit, & d'e-
" couter par penitence ( e'en fut ef-
» feclivement une grande ) les per-
» fonnes que je vous enverrai pour
» vous eclaircir routes vos difticultes
» &vos doutes •'. Cefutlefameux M.
Chamillard, que M. de Perefixe choi-
fit, & qu'il donna pour confefTeur aux
feligieufes , leur ordonnant de Ye'cott-
ter par penitence.
Lorfque M. l'Archeveque fe leva x>.
pour s'en aller, l'abbelie a la tete de la a£nddee£ v£ communaute I'afTura au nom de tou- de Paris pat tes , qu'elles n'avoient pas de plus jj*le ae lcti:* grande paffion que de pouvoir lui donner des marques de leur obeiiTance; qu'elles ne regardoient que Dieu feul au-delTus de lui , &c ne prefereroient jamais que fa loi aux commandemens de fa grandeur (zi). Le Prclat dit , |
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(m) t Relat. in 41
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310 HlSTOIRE T>E PoRT-R01*A£^
» Pourquoi vous etes-vous mis dans
» la tete , que ce que je vous coro- " mande eft conrre la loi de Dieu f » Voudrois-je le faire moi-meme, s'il " y avoit du peche (23) »> L'abbefle aiant repondu qu'elles ne jugeoient point les autres, mais que leur conf- cience ne leur permettoit pas de figner; le Prelat fe remit dans fachai- re , & engagea un nouveau combat, done il ne fe tira pas plus glorieufe- ment que des precedens , quoique M. Dupleflis de la Brunetiere fon grand' Vicaire vint de terns en terns a fon fecours. Dans cet enrretien > M. de Perefixe dit des chofes aifez fingu- lieres. » Pour moi, dit-il, je luis " janfenifte pour les mceurs, j'ai tou- w jours eftime la morale de ces Mef- » lieurs ; mais je n'ai jamais pii entrer » dans leurs fontimens pour ce qui eft « delagrace.(i4) ». Etil ajoutaquefi neanmoinsle Pape decidoit en faveur de ces Meffieurs , il fe foumettroit a fa deciiion. Le Prelat rendit un temoigna- ge remarquable touchant le livre de la rrequente communion. » Je fais , dit- » il, une eftime particuliere du livre » de la frequente communion, & j'en (15) Hift. des perfec.-p. 1481.
ti4) ib. p. Z4?. |
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II. Parti e. Llv. II. 311
»> afrecfcionne beaucoup la lecture ; &c
» cela parceque je ne l'ai jamais lu " que jene me fois en flute trouve plus •> homme de bien que je n'etois aupa- » ravant & plus porte a mes devoirs ». Enfin apres un entretien de trois heu- res & demie, il s'en alia. Tel fur le fuc- ces de fa premiere vifite, donr M. de la Bruneriere fon grand Vicaire alia le lundi fuivanr fignifier l'a&e a Tabbelle de P. R. Cer acte de vifite, ou ordon- nance, date du 15 juin parte : » Que » tome la communaute etant aflTem- » blee dans le chapitre, apres l'in- » vocation du faint Efprit, il l'a exhor- » tee a perfeverer dans, la regularite » qu'il y a rencontree, mais en me- » me-tems temoigne la jufte douleur » qui lui reftoit de la difficulte que- » I'abbelTe & les religieufes appor- » toient a la fignature du formulaire- » mis aubas de fon ordonnance du 7 » du meme mois ( de juin ) , touchanc » les V propofitions extraites du livre » de Janfenius, intitule Augujlinus ,- " &c condamnees dans le fens de cer: » auteur par nos faints Peres les Papes » Innocent X & Alexandre.VII •, qu'il » leur a paternellement remontre par w toutes les raifonsde confidence, ju- » gees par lui les pluspreflantes & exv- |
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yit HlSTOIRE r>E PbRT-RO]'Al.
» pliquees fort au long, qu'elles de- " voient fe foumettre a fon ordonnan- » ce ; & que pom' obtenir de Dieu la. » docilite qui leur eft neceffaire, il » les a admoneftees, d'emploier - les " trois femaines qui reftent du mois » porte par fon ordonnance, en prie- » res extraordiriaires:, & a s'eclaircir « fur leur peines & difficultes , a des . » perfonnes de capacite & connues , ■ » leurnommant a t'inftant le fieur Cha- » millard docteur de Sorbonne , les. " avertiflant charitablement que pour » profiter de ces conferences, elles de- »■voient degager leur efprit &c leur » cceur de route preoccupation & paf- 3> jfionjqu'il faitexprefles inhibitions &c >> defenfes al'abbefte & auxprincipa- ». les ofticieres de la maifon d'induire « les autres religieufes ni en general,. u. ni en parriculier a s'eloigner de la- » foumimon , &c. ; . . . qu'il leur ■» a declare finalement que u elles ne • » fe rendoient a fes exhortations & re- » montrances , il feroit contraint , >y quoiqu'avec regret, apres ledit mois, » parfe, de proceder fuivant fon or- » donnance contre celles qui feroient » refractaires (i$) n.A Paris iSjuuto 1664. (tj) lb. p. ifi«_
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II. Partie. Liv. II. $iy
L'abbeflTe fe crut obligee de fe jufti- 16<J4.
fier, elle & les principales officieres xn.j de la maifon , contre ies plaintes& les p*"gpSaermM. reproches qui leur e toient faits dans Tor- de Peiefixe donnance. C'eft ce qu'elle fit quelquescomre P' s" jours apres par une lettre egalemenc folide&refpe&ueufe (16). Depuis cet- te viiite les religieufes de P. R. ne firent: plus que fe preparer a l'orage dont on; les menacoit depuis fi longtems, &qui paroifToitpres de fondre fur elles. Que' pouvoient-elleS attendre que les plus ■ rigoureux traitemens de la part d'un Archeveque , qu'on n'avoit mis fur ce- fiege que pour pouffer ces faintes filles aux dernieres extremites J Lorfqu'il al~ loit en Cour , on a fouvent entendu la Reine lui dire : » Monjieur, Mon- " Jieurde Paris , fbuvene^-vous a quelle >y condition vous ave^ regu VEvecki de » Paris(tj),y.VunQ&es &malheureufes- conditions pour ceux qui les impofenc & pour ceux qui les acceptent! Quelle* entree, grand Dieu , Sc quelle voie- pour etre place fur le fiege de Paris,, |
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e de s'engager a perfecuter des epou-
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es de Jefus-Chrift &. a detrutre le plus;
faint monaftere Li Tandisque les religieufes de P. R».
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(is) Voter cetts lettre if?. Hilt, desperfec,-
iaxic du is jijin , pj- (i7)lb.p. iJ5'~ |
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314 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
1664. etoient dans l'attente de ce qui poi?*-
sii. voit leur arriver, & qu'elles cachoient.
Portrait de av ja grace du Sauveur de s'y difpo-
ceux qui ont . . & _ . . * (.
abanionne la ler, leurs amis les rortihoient par aes
tc"aui«.leur^ettres touces chretiennes 8c pleines des fentimens d'une foi vive & eciai- ree (2.8). Telle eft celle que M. d'An- dilly ecrivit le 18 juin a la four An- gel iqite de faint J«an fa fille }« telle eft celle-ciqui fut adreflee a toute lacom- munaute: » II y a des perfonnes daps » le inonde, mes tres cheres fours, » dit/un veritable ami, qui ne fe fcan- » dalifent que de bonnes chofes; c'eft w -pourquoi ils ne peuvent fouffrir qu'a- » vet impatience, que des lilies foi- » bles comme vous etes , fupportent » une ii grande tentation fans s'affoi- « blir & avec une fi grande paix. Ils » n'ont aucune raifon de vous hair; » ils le font pourtant, parceque Dieu » vous fait la grace de conferver entre " vous une parfaite union,& d'etre w fermes dans la verite qu'ilsont aban* " donnee.. Votre conftance les irrke , 3' parcequ'elle eft une conviction inte- » rieure devant Dieu & un reproche » public devant les hommes de leur » infidelite. Comme Faveuglement » croit toujours, ceux qui ont quitte.: |
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II. Part ie. Liv. II. jzj
» Jefus-Cluift avec quelque craince
» dans le commencement, fe confir- » ment enfuite & fe raiuirent peu a peii .» dans leurs tenebres, & s'y accoutu- " menr fi bien , qu'enfin ils ne fe » croient plus aveugles. Ils prennenc » meme la hardiene de combattre la » verite, & deviennent nos enne- » mis, fi nous ne les fuivons dans le » menfonge. Il ne fauc pas s'en eton- » ner , ils ne peuvent juftifier leur » changement qu'en condamnant no- « tre fermete ; ils ont interet que nous » foi'ons maintenant des obftines, afin » qu'on ne les eftime pas des laches; » ils difent de. nous tout le mal qu'ils » peuvent, & s'ils n'en peuvent dire, » ils en predifent, &c nous accufent " de ce que nous n'avons pas encore » fait, &c de ce que par la mifcri- » corde de Dieu nous ne ferons ja- » mais. « Il eft fans donte qu'ils ne peu-
« vent confiderer i'mt de votre mai- » fon , qu'ils n'entendent1 une voix » fecrete, qui leur dit ce que Dieu dir » foit autrefois a Satan ,. a i'occafion » de Job : N'avez-vous pas confidcre » mes fervantes , & combien il y a^ » peu de perfonnes fur la terre qui »> aient autant de fermete pour la vi-- |
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ff6" HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» rite qu'elles en ont , qui marchent
» plus droit ik plus (implement, qui » *aient plus de crainte de m'ofFenfer,&: » plus de prudence pour fuir cette ap- .> parence de maJ. » Voila., mes foeurs, l'etat oil Dieu
» vous a mifes en certe occafion. Vous » n'aviez pas befoin d'une grande ver- » tu pour demeurer fermes dans la » verite , pendant que Dieu vous pro- » tegeoit par routes fortes de profpe- » rites temporelles 8c fpirituelles , » lorfque vous etiez environnees de » perfonnes qui vous foutenoient, & » que les miracles memes venoient » au fecours de votre foibletle. Il a » fallu que pour vous eprouver , on. « vous ait ote au dehors les perfonnes » qui vous fervoient d'appui, &qu'on »» vousaitenleve vospenfionnaires qui » fervoient a faire fubfifter votre mai- » fon; Rendez graces a Dieu de ce » que dans cette premiere tentation, » il vous a fair en quelque maniere* » la> mifericorde d'imiter le faint » homme Job. Vous n'avez compte ;» pour rien la mine d'une mailon: » temporelle, parceqtie vous en cher- » chiez une eternelle dans le Cieh • » Vous avez fupporte avec patience- » Ueloignementdeceuxque vous con* |
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II. Part i r. Llv. IL 517
s». fideriez comme vos peres & vospaf-
» teurs , parceque la foi vous enfei- » gnoit, que Dieu meme etant vorre »» pere & votre pafteur , rien ne vous » pent manquer; & enfin vous avez » dit dans vofre affliction : Dominus «« dedit, Dominus abftulit, jit nomm< » Domini btmdicium » Mais Satan ne s'ennuie point de
» vous tenter ; il ne s'etonne pas que. » Job foit conftant dans la perte de » toutes les chofes exterieures; & il » ofe meme fe promettre de voir bien- » tot fa vertu renverfee, il Dieu le » touche dans ion corps , s'il appefan- » tit fa main fur lui , s'il le frappe- » dans tout ce qui lui eft le plus fen- « iible , s'il le couvre de plaies &c l'a- » bandonne a toutes fortes d'afflic- » tions. " Voila l'eiperance de vos ennemis;;
» ils meprifent tout ce que vous avez » fait jufqu'ici ■, ils demandent avec » inftance a ceax qui ont puiilance » fur vous , qu'ils vous affluent dans » votre corps meme , qu lis vous ar- - « rachent du fein de vos meres , qu'ils; » vous feparent les unes des autres, » qu'ils vous privent de toutes confo- » lations, qu'ils fe fervent de mena- » ces, de carefles, & de toute forte- |
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Ji8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt."
» d'induftrie pour vous accabler , &
n qu'alors vous n'aurez plus ni force » ni vertu. lis jugent de vous com me n d'eux memes. lis ont foutenu la w verite , tant qu'ils oat cru le pou- » voir faire fans nui^; a leur interet " & fans perdre leur repos ; ils ne vous » croient pas plus fortes .qu'ils font » ete; ils s'imaginent done que lorf- » que vous n'aurez plus le fourien de » vos meres &de vosfceurs ,oumain- » tenant vous vous repofez , vous vous » laflerezbien-tot de combattre ; que » le defir de vous dehvrer d'une inh- » nite de travaux , vous fera chercher ■» quelque repos au depens de votre » confeience , & que vousabandonne- » rez la verite , parcequ'elle vous » femblera infupportable , pour les » croix & les peines qui l'environ.- » nenr. « C'eft cette efperance de vous voir
w bien-tot changer , qui anime le w monde a vous perfecuter: c'eft I » vous a. fairevoirque ce n'eft point par » les creatures que vous tenez a Dieu;- » que ce n'eft point en elles que vous .-> avez mis votre efperance ; que lorf- » qu'on vous en feparera,vousen fen- .-> tirez la meme douleur que ft oit: • »* vous arrachoit une partxe du refte; |
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II. Parti e. Liv. II. \ j i*________
» de votre corps , & que neanmoins TgcZT
» vous foiez tres contentes de le fouf-
» frir , li cela eft necefTaire pour ache-
» ver le facrifice que vous avez def-
» fein d'offrir a Dieu. On confume-
» ra votre chairpar cette perfecution ,
» comme dit/raint Auguffcin , mais
» quand elle fera confumec , vous
» devienclrez tout efprit ; vous per-
» drez votre ame , felon la penfee
» des hommes , mais vous la trouve-
» rez en Dieu.
» Nous vo'ions dans 1'hiftoire des
» Rois,que Sennacherib aiant conquis » toute la terre , s'offenfe d'une ma- » niere extraordinaire contre Jerufa- « lem qui oferefifter afesarmes. Il » envoie fan general d'armee (Rab- » facez) declarer a tout le peuple Juif, * que c'eft inutilement qu'ils efperent » que leur Dieu les delivrera de fes » mains, puifque tant d'autres Dieux » n'ont pu arreter fes vicloires. Voila « prefque ce que difent vos ennemis. » Tout le monde enfin a donne les k mains , tant d'ecclefiaftiques do&es., »» pieux , eclaires , qui paltbient pour » les plus puiiTans defenfeurs de la » verite , fe font rendus & fe font fou- » mis au commandement de figner » le formulaire ; que pourront taissc |
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J JO HrSTOIRE DE' PoUT-ItO'i'Ai;-
v^ » des perfonnes foibles, peu inftriu-
» tes & abandonnees de tout le mon- » de > Mais ces fortes de difcours ne m doivent pas vous affoiblir. Ezechias, » mes fccurs , n'avoit pas plus de for- »» ce que vous,pour rentier a Sennache- » rib. Judith n'en avoit pas plus pour » detruire Holoferne , ni le peupie » d'lfrael pour furmonjter Pharaon. » Dans les guerres de Dieu , il ne faut » point avoir egard a fa propre foi- » blelfe , mais feulement a la toute- » puilfance de Dieu. Si nous fomines » Ion peupie , il fera notre Roi ; il <> combattra pour nous, & fi nous ef- » perons en lui, rien ne pourra con- s' fondre notre efperance : Si Dcus w pro nobis , quis contra nos ? » Ceux qui nous reprochent notre
» foiblefle , & qui fur ee fondement » predifent notre ruine , en jugeant » li defavantageufement de nous , » blafphement contre Dieu : ils igno- » rent que nous pouvons tout avec » lui; qu'il choifit les chofes viles , » meprifables , & foibles, pour con- m fondre les fortes, & qu'encore que » nous nefoions rien , nous pouvons « tout avec celui qui nous fortifie. » Je crois , mes foeurs ,.que vous-
» ferez fortes jufqu'a la fin , parceque |
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II. Partie. Lw. II. }?i
» cela eft incro'iable ; je l'efpere, par-
» cequ'ii femble qu'il n'y a aucune ap- » parence de l'efperer. Ceax qui pa- rt roiflbient invincibles a caufe de l'e- " clat de leur fcieace & de leur vercu » » ont ete vaincus ; Be vous qui n'avez » prefque point de force &c moins de j» fcience, vous demeurerez vidlorieu- » fes, afin qu'il foit manifefte a. tout » le monde que Dieu vous fauve , non »» par ce qu'il trouve en vous , mais » pour la feule gloire de fon nom. » Si on difoit autrefois qu'un vrui
>» chretien ne pouvoit etre autre chofe » qu'un vrai chretien : Chrifiianus non » poceji effe nifi chrifiianus : priez Dieu » que vous foi'ez fi folidement de vraies » religieufes, que vous ne puiifiez etre » que de vraies religieufes , quelque « chofe qui puille arriver de la pare » des hommes. » Si Ton vous difoit comme aux pre-
» miers chretiens , que e'eft une ex- » treme folie de pouvoir fe rirer de « toutes ces perfecutions par les fouf- » criptions, fans changer de fentiment » interieur , & de ne le vouloir pas » faire ; aimez cette folie & la prefe- » rez a route la fagefle du monde , & » fouvenez vous que l'orfice d'un veri- »». table chretien n'eft pas de cherchec: |
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3JZ HlSTOIREJ DE PoRT-ROl'At.
* i G6a. " " ^es adreflTes pour fe delivrer de la
« croix, mais d'embrafter plutot tou- » tes fortes de croix que de blefler la » verite en la moindre chofe. xiv." Le meme jour M. Chamillard, qui M. chamil- jeur avoit ^te donne pour conrefteut
mence Tes par M. de Perefixe, vint pour la pre- fondions demjere f0js &■ COnfeiTa celles qui fe prefenterent. Il y revint le famedi fui- vant ,21 du mois , & confefTa la four Magdeleine Chriftine, qui, apres avoir rec,u l'abfolution , lui propofa fes dif- ficulres .touchant la foi humaine , a la- quelle on vouloir les obliger. » La foi » humaine,dit la fceur Chriftine (2.9), w oblige , felon la definition que vous » en avez donnee, de captiver fon en- » tendement &c de foumettre fon juge- » ment a celui de fes fuperieurs , lorf- » qu'on a des raifons de dourer de ce » qu'ils propofent; mais fi cela eft, je » ne vois pas qu'il y ait d'autre difteren- » ce entre la foi que Ton a pour les » chofes divines , & celle que Ton a » pour les humaines , finon que dans » les divines c'eft a la parole de Dieu , " qui eft la verite meme, qu'on fe fou- » met, & dans les humaines , c'eft a m celle d'un homme qui peui etre fujer (19) Relit, dc la focur Chriftine, hift. dcs petfi.
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II. Part ie. Liv. II. jjj
» au changement. Du refte je n'y vois » point de difference , il Ton eft obli- » ge de captiver fon entendement; & » je ne comprens pas qu'on le puilTe » faire fans adoration. Lorfque je » ne fuis pas perfuadee par ma raifon » des myfteres & des veritesde lafoi, » je le crois en captivant ma raifon , » parceque c'eft Dieu qui l'a dit ; » mais voulez-vous que j'adore tie la » meme forte une creature « J La dif- ficulte eft prelfante. M. Chamillard pretendit qu'elle prenoit mal ce qu'il avoir dit , que lorfqu'on croi'oit a la parole de Dieu , c'etoit un acte d'adoration , & que lorfqu'on croi'oit a la parole de fes fuperieurs , c'etoit un afte d'obeilTance heroi'que. La fceur de fainte Chriftine demanda enfuite a M Chamillard pourquoi on ne mar- quoit pas les endroits du livre de Jan- fenius ou font les V propositions , s'il eft certain qu'elles y foient. « Lorf- » que M. l'Archevcque, ajouta-t-elle , » veut prouver dans fon ordonnance , » que M. d'Ypre eft more dans la fou- » million a l'Eglife , il cite les chapi- » tres d'ou font tires les patTages qu'il » allegue , & il en a fait imprimer w le latin a la marge de la meme or- v donnance ; pourquoi dojjc n'en pas |
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3 54 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
^•1664. " feke autant des propositions>.,.,»
» Pourriez - vous, dit encore la foeur » MagdeleinedefainteChriftine, ap- « porter aucun exemple de l'antiquice w qui me fit voir , que lorfqu'un fait » a ete douteux dans l'Eglife , on ait w jamais oblige perfonne a le recon- » noitte dans un formulaire de foi, & »> a le figner enfuite « J On peut juger par ces echantillons , des difficultes que propofoient les religieufes de P. R. acelui a qui M. de Perefixe leuravoit •ordonne de les propofer. Les reponfes de ce dodteur font trop peu folides pour meriter d'avoir place ici: le lec- teur ne trouvera pas mauvais que nous lui epargnions l'ennui de les lire , 8c a nous celui de les tranfcrire. xv. Les religieufes de P. R. fentant le Ftietc a J. befoin qu'elles avoient de la grace du
C. par 1 Ab- „ ^ r r . ° .
Befle be Us bauveur pour ie loutenir contre les
religieufes de violences & les artifices des hommes ,
faifoient des prieres continuelles (3 o).
Elles jugerent a propos d'ofFrir a Je-
fus-Cnrift celle qui luit, le 19 juin ,
jour de la fete de S. Pierre & S. Paul:
An Deus non facia vindiclam electorum
fuorum clamantium ad ft die ac nocle ,
&• pat'untiam habebit in Mis ? dico
yobis quia chb faciet yindiBam iU
:(io}Ib.p.»jj>.
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II. P A R T I E. Liv. II. 3 3 J
lor urn (31). » O Jefus, mon Sauveur , T£(
» qui etant notre fouverain Pontife , » eleve par-deftus tous les cieux, vous » etes ailis a la droite de notre pere, " d'oti vous gouvernez invifiblemenc " votre Egliie , que vous avez eta- » blie fur vous meme & fur la foi de « faint Pierre auquel vous l'avez com- ». mife , &c a qui vous avez aflbcie » faint Paul , votre vafe d'eledtion , " pour etre fon coadjuteur dans l'e- » tabliflement de la meme Eglife ; »> c'eft en fuivant cet ordre , & par »» le mouvement que vous nous en « donnez , que nous vous deman- » dons permiffion de nous adrefler a v ces excellensPrinces de vos Apotres, n & d'appeller des traitemens que » nous eprouvons , a leur autorite , %> qui relidera toujours dans l'Eglife > » &. que nous reconnoiffons dans ceux a qui leur fuccedent legitimement , » mais en qui nous ne trouvons pas »> la charite qu'ils ont eue pour les a, ames. C'eft a ces pafteurs , qui n'ont » point voulu dominer fur le trou- »» peau , mais qui ont ete l'exetnple « du troupeau, que nous demandons « juftice contre nos pafteurs qui s'ele- » vent fur nous avec une puiflancg |
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$}6 HlSTOIRE DE PoRT-RoiAt.
« que vous ne leuravezpas donnee ,"
» puifqu'elle rend a la deltru&ion &C « non a 1'edificacion de nos ames. Nous *> ne demandons pas que vous les pu- »> niffiez , mais que vous changiez leur » caeur, afin qu'ils foient les imita- » teurs comme ilsfonr les fuccefleurs » de vos faints Apotres. Nous vous » fupplions done rres humblement, » o faints Prote&eurs de toute l'E- » glife, de prendre la protection & la »» defenfe de notre communaute , qui » eft une petite partie de tout ce grand " corps, auquel nous voulons toujours » demeurer unies , quand meme on " voudroit nous en feparer , & fouf- » frir pour la verite & la juftice tou- *> tes les peines qui nous font infli- " gees j pfutot que de nous en depar- « tir, en confervant dans notre cceur *> les faintes paroles que vous avez " enfeignees a tous les fideles , par " lefquelles vous nous apprenez qu'il » faut entrer au roi'aume de Dieu par » beaucoup'd'arTlidions : ai'ez pitie de w notre foiblefle , fecourez notre in- » firmite , eclairez nos tenebres & no- » tre ignorance , afin que nous ne « prenions pas le malpour le bien; 8c » le menfonge pour la verite; enfer*- » mez-nous dans votre bercail pour » nous
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II. Parti e. Liv. 11. 3 3;
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» nous preferverdes lonps qui veulent ZggT.
» nous devorer , & fakes voir a tou-
" te la terre que vous n'abandon-
" nez pas ceux qui fe confient en
" lapuiffance de vos interceffions ,
» & qui ne les demandent que pour
» ctre plus a Dieu , & pour meriter
« de le louer avec vous & avec tous
» les Saints dans reternite. Signe de
» toute la communaute.
Cependant M. Chamillard conti- xv.
nuoit a aller a P. R. •, & voulant s'at- M. de'pereii- tribuer les droits de la fuperiorite , il xepout fc n- d< K. . tcr dembar-
ut voir toutes les reiigieules en ras.
particulier ; & park a chacune , mais coniiufce At
lnutilement, & ne reuliit pas nueux , iatd a V6pg<l
que celui qui le mettoit en ceuvre , a Aci tcI,sKU'
perfuader la foi humaine a. ces reli-
gieufes. M. de Perefixe auroit fans dou-
te ete bien-aife de fe tirer de cette fa-
cheufe affaire , qu'il prevoioit bien qui
le rendroit odieux a toute la France 6c
a toute la pofterite , par quelque mo'ien
qui ne le compromit pas avec les Je-
fuites qu il avoit fur les bras. Mais ne
voulant pas emploi'er ceux qu'il avoit
en fa puiffance & qui ne dependoient
que de lui , il fit tous fes efforts
})our effaier d'en fortir en changeant
'efprit de ces filles, & en leur per- fuadant de figner de quelque maniere Tome IF. P |
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5 3 S H-rSTOIRE DE PoOR.T-RO*1AL.
que ce put etre (3 z). Ce fut dans ce def-
fein , qu'apres avoir echouc lui-meme dans fon projet, & etant crompc dans l'efperance done il s'etoit flatte qu'il emporteroit une grande partie de la communaute par la diftin&ion de la foi divine 5c de la foi humaine, &c qu'il les eblouiroit par l'eclat de fa grandeur, il leur avoit laifle apres fa vilire,M. Chamillard pour Leur perfua- ,der la foi humaine du faitde Janfenius. -Ce docteur fuivant en partie les in- tentions de M. l'Archeveque, & en partie fes propres lumieres , tacha par differentes conferences qu'il fit aux re- Jigieufes , & par divers entretiens qu'il eut avec elles pendan: le refte du mois de juin, de leur remplir l'efprir des principes de fa theologie , de l'infepa- rabilite du fait & du droit, & de la (51) M. du FofTe dit des ordres pour poufler
Jans fes memoires , p. cctte affaire a boutjqu'ain-
4JV , qu'il favoit par des fiou doir regarder tout ce
perfonnes , qui etant a qu'a fait ee Prclat commc
M. de Perefixe , le con- I'efret , non de fon propre
noiffoient particuliere- mouvement , mais de la
ment , que ce Prelat ne mauvaife volont£ de ceux
fe feroit jamais portc de qui avoient recours aux
iui-m£me a uroubler la puiflances pour Vy en-
paix de ces faintes fiiles; gager comme rnalgte lui,
jnais que leurs ennemis Onenpourroit dirca-peu-
fontinuatu i les decrier i pres autanr en faveur de
la Cour , comme ils Pilate < iavitur fetit. Fecit
/araicnt fait depuic li long- tamen, dit 5, A'JguAia.
#r?« , lui firca.!. donj^er |
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II. Parti e. Llv. II. 339
pretendue infaillibilite du Papa dans ~^~T>
les faits doCtrinaux. Il eft vrai qu'il fe inodera dans le commencement , ne propofant ce qu'il difoit que comme les fentimens particuliers, & n'exi- geant pas meme qu'on entrat dans fes principes. Il declara mane pluiieurs fois &a diverfes perfonnes, que pour lui il n'eut point eted'avis qu'on eut propofc cette fignature aux religieufes, qu'el- les n y etoient point obligees , qu n ne trouvoit point de peche dans leur dif- pofition prefente > &c il s'effor^a feu- lement de leur prouver qu'il n'y avoir point de mala elles del'accorder. Mais tous fes difcours n'eurent aucun effer. M. de Paris ne fachant done com- xvr.
ment fe titer de cette mauvaife affaire, M.HeParf* \ • 1 ,, • / r 1 \ „ rait femblant
ou il s etoit engage n mal a propos, & de vouioir
vo'ia.ntd'a.illemsqu.e fa foikumaine n'a-entendre * voit pas bienreuili dans le monde , fit commoie- femblant de vouioir entendre a quel-meI"- . . 1 „ -i ii- > JI aflocie
que accord, ex il voulut bien qu on ie p. E(\>rfc
propofat aux relitneufes une efpece d'ac-de I*?**!??6* 1 r . o 1 a M. Cha-
commodement, par lequel on leur per- millard y»ur
mettoitde retenir dans le cceurla rae-f0^'",'?" it r • 11 i>- • 1'JJieufes a U
me dilpontion de dome & d incerti- fignature de
tude ou elles etoient a. 1'egard du fait, [™M m:mde- pourvu qu'elles fe ferviffent a l'exre- rieur de certains termes qu'on vou- lut leur perfuader n'y etre pas con- Pij
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S4-Q HlSTOTRE DE PoH.T-R.OlAl*
"_i66*. Ci:aires • on ie propofa aux religieufes
com me un moien propre a les tirer de Fecat ou elles etoient. M. Chamillard, qui etoit charge de la negociation, mon- tra d'abord aurant de douceur 6c de moderation , qu'il fit paroitre dans la fuite d'aigreur 8c de malignice. Il vint le 3 de juillet a P. R. , & demanda a parler a la foeur Angelique de faint Jean : il choifit cette religieufe pour iui propofer fon accommodement, la jugeant plus capable d'y faire entrer les autres fi elle le goutoit. M. de Pa- ris , dans le defTein qu'il avoir de tirer a quelque prix que ce fut une fignatu- re des religieufes & de fe tirer par- la lui - meme d'affaire , avoit joint a M. Chamillard pour leur parler, le pere Efprit de l'Oratoire , quoiqu'il fut que ce pere etoit dans des fenti- mens afl~ez oppofes a ceux de M. Cha- millard , dans Fefperance que les unes £tant gagnees par le pere Efprit, les autres par M. Chamillard, quoique par des raifons oppofees , elles fe reu- niroient neanmoins dans la fignature extetieure. Difw"rtde Lelendemain 4 de juillet, les deux m. chamil- negociateurs demanderent a parler a. prioft'trleuUnla communaute pour favoir fon fenti- accoramode- menc fur raccommodement propofe le |
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tuuic
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II. P A R T I E. LlV. 11. 3 41
jour precedent a la fceur Angelique de l(;<$,4~
faint Jean par M. Chamillard. La corrv- munaute etant ailemblee » M. Cha- millard park ainfi (33): » Mes fceurs, » voiei le terme que Monfeigneur » l'Archeveque vgus avoir donne , » qui eft rantot expire (3 4}. Vous fa- « vez la bonte qu'il a pour vous , & » le defir qu'il a de vous tirer de l'e- » tat ou vous etes. Il m'a encore te- 5> moigne la derniere fois que j'ai eu » l'honneur de lui parler , qu'il n'y » avoir rien qu'il ne voulut faire pour »> cela. Mais il ne peut pas tout faire. » Il y faut neceffairement coiltribuer » quelque chofe de votre cote. C'eft « pour cela qu'on vous a propofe » quelqu'accommodernent. Je vois »> bien qu'il n'y a que la tendreflTe de » votre confcience qui vous retient;. » c'eft pourquoi je rache de tout mon » pouvoir de comparir a vos peines » & a vos fcrupules. Je cherche tous n les mo'iens que je me puis imaginer » felon mes petites lumieres , pour » trouver quelque accommodement. (5;) Tous ccs faits font faite par une religieufe ,
tires de la feconde partie qui y etoit prefente ; 8c fe
de l'apologie des religieu- Vhiftoire Acs ferfe'cuthns ,,
fcs, p. 54 & fuiv. fur !a p. z6o-u>6.
relation de tout ce qrj fe (34) U devoit expirer le palEi dans cettc viilte , 3 de juiller.-
Piij,
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54^ Histoire de Port-roYae.
1664. " J'avois penfe de vous propofer de » dire : Je me foumets aux deux conf- » tltutions des Popes Innocent X & » Alexandre VII; parcequ'il me fem- » bloit que cela pouvoit etre entendu » par vons d'une maniere qui ne blef- » feroit point votre confcience, & que » ceux qui ne vous veulent pas du bien » n'en pourroienc tirer avantage. Je m vous mpplie de croire que je ne vous »> propofe point cela comme une equi- » voque ; je n'ai jamais approuve cer- « te ra^on' de parler ; . . . mais ce " n'en eft pas une que de taire une » chofe lorfqu'on n'en eft point inter- » roge. Vous ne devez done point avoir *» peur de ce terme de fbumifllon , je » crois qu'il n'exprime autre chofe que »> votre difpofition. Je vois , ce me »» femble , felon la connoiflance que » vous m'en avez donnee, qu'il n y a >' pas une de vous qui faflfe difficulte " de fe foumettre aux confti unions des » Papes pour ce qui regarde la doc- » trine. Et pour ce qui eft des faits (55), » vous y devez an moins une foumif- " fion de refpect. C'eft une regie de » theologie approuvce de tous les doc- (3i) Pourquoi doncre- foumirtion de refpe&pout
fufct aces reiigieufes la lefaitf Bi>ene de declarer Icur |
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II. Par tie. Liv. II. 543
» teurs de part & d'autre, rant de 1664,. » c eux qui croient le Pape infaillible »» en de certains faits , lorfqu'il s'ap- » plique particulierement a les deci- » der, que de ceux qui difent qu'il » fe peut tromper en ces fairs : c'eft, » dis-je une regie de theologie in- » conteftable , que lorfque le Pape » a decide quelque chofe , chacun eft » oblige de s'y foumettre au moins= » par refpedfc, jufqu'a ce que le con- » traire ait ete defini, Dieu lui ai'anc » promis (36) fon efprit faint pour l'af- « nfter & Peclairer dans les jugemens- » qu'il prononce. Ceft le moien que » Dieu a etabli pour mettre la paix « dans fon Eglife. Il* s'y eft toujours >» eleve des conteftations de terns en » tems, mais pour accorder tout le « monde on a coutume (fatter au Psr- » pe, quand l'Eglife ne fe peut pas » affembler dans un concile, & apres » que le Pape a decide une caufe , cha- » cun doit au moins foumettre fort » jugement a. celui du faint Siege- s' Puis done que des docteurs &c » des theologiens font obliges a. f& (;«) M. CKamitlard de la tradition, fur liquet"
auroit bien du marquer eft fondee cette promeite 4i 1'eiidioit de l'ecriture ou l'egatd des faits. P LV.
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344- Histoire de Port-roTal.
m foumettre (3 8) au jugement du faint » Siege , pourquoi croiriez-vous qu'il » y ait du peche a parler comtne parle » l'Eglife, & a croire ce que le Pa- « pe & vorre Archeveque vous di- » fent (39). m Vous dites que vous etes des filles,
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noncerent contre le Fils de
Dieu : ne pouvoient-ils pas dire aux Apotres, & a ceux qui reconnoiffoient Jefus-Chrift pour le Mef- fie, & qui avoient hor- reur de leur jugement , cc que dit ici M. Cbamil- liard t Pourquoi croiricz- vous qu'il y a du peche a parler comme parle la fy- nagogue, & a croire le grand Pretre , au juge- ment duquel la loi vous ordonne , fous peine de mort, de vous foumet- tre ?■ Pourquoi croiricr- vous qu'il y a du peche a condamner celui qui a hi condamne par le fouve- rain Pontife, les Scribes, les Phariliens, Sclesdoc- teurs de la loi ? pourquoi croiriez-vous qu'il y a peche a regarder comme coupable celui qui a etc juge tel par tous ceux qui out l'autorite en main, & qui ont recu cette auto- rite de Dieu , 8c que J. C» lui meme vous a dit que vous devKZ ecouters" |
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(38} Les theologierrs
font obliges, non d'ap- prouver po/itivement le jugement , mais feule- raent de fe taire, Sc enco - re,«//* fit error intolerithilir. (59) I! y a peche a pat-
let cormn- parle le Pape , lorfque le Pape parlemal, ic qu'on ne penfe pas comme lui , parcequ'on doit parler comme Ton penfe. Or on n'efi .pas oblige d'avoir les memes fentimens que le Pape fur les fairs non reveles. II y a attflt du peche a
croire le Pape & ion Ar- cheveque dans un fait Je- favancageux au prochain, Jorfqu'on a des raifons le- gitimes de douter de ce fair , parcequ'il n'eft pas permis de croire le mal au prochain fans certitude morale. II eft bon de re- marquer que tous ces rai- fonnemens de M. ChamiL- Jard pourroient £rre mis dans la bouche du grand Prerre , des Scribes 8c des Pharifiens, apres l'horri- fele jugement qu'ils pror |
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n. Partie. Liv, IT. J45
s»- & que vous n'entendez rien a tout. 1.66/y. « cela, vous devez done vous en rap- *> porter a tout ce quit votre fuperieur " vous en dit (40). Propofez-lui en- » core vos doutes & vos pein es. Mais; » lorfqu'il vous aura fait vo ir que ce- « n'eft que des fcrupules , qui ne font » pas bien fondes , foumettez votre- »» jugementau fien , & paflez par-def- » fus. Vous faites bien cela pour votre; » confelleur & votre fuperieur (41).- » Quand ils vous difent qu'il n'y at » point de pechi a. faire une cbofe ». »> vons vous mettez en repos, & vous: » pafTez par-deiTus. Croi'ez-moi, mes; » foeurs , je vous allure qu'il ne fauroit: » y avoir de mal a. vous ranger dm » cote duPape &c de votre Archeve- » que (41) j parceque quand meme le- » P ape & votre Archeveque fe feroient. " trompes, ce que l'on ne doit pas- » fuppofer, Dieu ne vous reproeliera.'. » pas a fon jugement de. vous etre: (40} Fauffe confequen- pabtes de voir,
ce. Elles n'entendent riert C41) On le fait pour um ail fond , mais> elles en- Confeffeur' 8c pour une^ tendent bien qu'elles ne Superieure, lorfqu'ilsdon« font point obligees d'y nent de bonnes raifons; tien entendre , ni d'em* appuiees fur la parole die-: trailer le fentiment des Dieu.
fuperieuts, qui leur parok (41) Cette ptopofitiorci
douteuxpar les fignes e x- eft notoirement fauiQ i»i Itiisnis qu'elles font ca- l'fgatd des fairs. W w
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34^' Histoire he PbRT-Roi'At.
1064. " foumifes a ce qu'ils vous ont die, 5c?.
» d'avoir parle comme eux (43)
» Vous ne favez a quoi vous vouS~
» expofez en ne le faifant pas. Vous " avez fcrupule aujourd'hui de figner , » 8c vous en aurez peut-etre bien da- » vantage le refte de votre vie& a la « mort, de. n'avoir point obei au Pape » & a votre Axcheveque(44). Enre- " fufant de le faire, vous vous expo- se fez. a bien des perils & a. la ruine 5* de votre maifon. Vous repondrez 5> devant Dieu (4 5) de tout le bien que » vous auriez pu faire , foit en ele- »» vant des. penfionnaires ,,foit en re- =j cevant des filles , &c en continuant =» de fervir & louer Dieu. Jefaisbien >* que vous ne conflderez pas le mal » qui vous peut arriver , & que vous, » dites qu'il eft bon de fouftrir. Il » eft vrai que la fouffrance eft bonne » en elle-meme , mais e'eft quand a> on.fouffre pour une bonne caufe (46) (43) II s'enfuit dell tare ni la foi humaine du ;
<ju'il n'y a jamais de te- fait de Janfenius.
raerite a jugerqne le Pape (47) M« Chamillard a
lie fe foit pas ttompc dans paru devant Dieu, & fait
uii fait, on qu'il y a des a prefent qui, des rcii-
jugemens- temeraires en gieufes, oude lui, devoit
une matiere prejudicial^- repoJidte du mal dom it
au prochain, qui ne font parle.-.
paidcspe'cbeJ... (+«) N'eft-ce pas fouf-
{44) Le Pape n'a ja- frir pour une bonne caufe,
aiais cojnnuaiis. la,%oa- que de; foufliir pour. nc.
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II. Par tie Llv. Til 547-
'\r Sc non pour fa faute ou fes fcrupules. » S. Auguftin dit qu'il y a peril a
» foutenir une opinion contraire a cel- » le de fes fuperieurs (47) , & Ariftote » ( belle autorite a propofer a des- » epoufes de Jefus-Chrift 1) a dit qu'il » y avoir des perfonnes qui aimoient » mieux s'expofer a. la perte de routes » chofes , que de quitter leurs opi- » nions parriculieres. Confiderez un ' » pen devant Dieu ce que vous faires, » & quel fcandale vous cauferez dans » l'Eglife. Chacun eft oblige de con- « tribuer de tour fon pouvoir a y main- »> tenir la paix (48) , & pour cela- » il faut que tous parlenr un meme lan- » gage (49) , afin que Dieu foit glo- » rifie de tous. C'eft ce que dit fainc: » Pierre : Uno on unanimes ; que tous; »• n'aienr qu'un coeur & qu'une ame ,, » & ne parlent que d'une meme fa- pas condamnet l'inno- (48)Pourquoi M.: Cha»- cent! 8c n'eft-ce pas de la millatd troubloit-il cette.* part de M. Chamillard, paix pout un fait incer* yioler l'Evangile , que de tain i S. Auguftin a dit faite foufftit des filles pout bien certainement que des fcrupules! N'eft-ce-pas. c'eft eue mechant : Qui- la jcandnlum pufillorurn , fro inccrlo alieno malo pa- pout lequel on doit omet- cem Chrifli refpuit, ttrtijji' - tte toutes les aftions qui mi mains e/r. Coot. CteX- ne fout pas de preceptes, ecu. 1. 3.C. 30. 8c par confequent l'exao (4?) Faut-il d<5nc ques- tion de la (ignature. le jufte paile le langage (47) Ou S. Auguftin a- di» mkhant, 8c qu'il cote •
I'il diicela-i- ." damnal'ianoceut f |
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348 Histoire de Pon.T-Roi'Ar^-
» c,on (50). Le Pape eft le chef de l'E»- 33 glife , &c on a toujours cru , je dis »» meme ceux qui ne le tiennent pas> » infaillible , que tous font obliges* » d'avoir foumillion de refpecT: pour *> fes decifions \ & fi cela n'ecoit, il » n'y auroit jamais de paix dans l'E- => glife.- Je vous fupplie done de bien « penferace que vous fakes, en re- w rufant d'obeir a vos fuperieurs. Si' » vous n'avez point d'egard aux maux. » qui vous en peuvent arriver, vous en. *». devez avoir a ceux de l'Eglife , que » vous troublerez certainement par. " votre defobeifiTance, & que vous= « fcandaliferez , puifque vous palTerez " pour etre defobeiflantes a votre Ar-. » cheveque, & pour etre , en quelque » fa^on, rebelles auPape. Je ne dis pas* » que cela foit,mais on le croira. » Avifons done , je vous prie, a ce-
s> que vous pourriez faire pour fortir » de4a. Je vous propoferai en efprit >* de charitetous. les moiens que je- " pourrai trouper pour fatisfaire tout » le nionde , fans vous donner dc » peines &c d'inquietudes de confeien- »• ce.- Si vous n'enrrez pas dansce que »■• je.vousdis,. faites-nous part de vos. » kimieres , cherchez. vous-menie$' to On' > ij'jaad il iVsgit. J* la foi*.
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TI. P ARTIE. L'lV. IT. 34^
m des tetmes qui vous paroiflent meiU
>» leurs. Pour moi je n'en vois point » de plus propres que ceux que je " vous ai propofes:/« mefoumets avec » une foumiffion Jincere aux conjlitu- j> dons des deux Papes. Ce mot de- » ibumiilion comprend , ce me fern- »» ble , tout ce qu'on peut defirer pour « fatisfaire les uns & les autres : car » comme je vous l'ai dit , il n'y as 3J perfbnue qui contefte dans la theo- » logie la foumiffion que Ton doit art » Pape (51). Ceux qui ne le croienr » pas infaillible , demeurent d'accord » que Ton doit une foumiffion de ref- » peel: & de filence pour fes decifions y 3j & vous memes vous ne fakes point • » de difficulte d'avoir foumiffion in— si terieure de jugement pour ce qui re- « garde la doctrine. Ainu" quand vous- »> diref ire mefoumetsJincerementaux » conjiitutions des Papes, vous enten- » drez- que vous avez foumiffion in- j. terieure de creance pour le droit , » & une foumiffion "de refpect. pour » le fait ;• & ceux qui vous veulenc (51) Tout ce qu'avance approuves par l'Eglife :
M.Ghamillatdfur lafoa- i°- Pour ce qui ell dc»
million aux jugemens faits, on doit un filtnce^
desPapss, demandeecUir- de refpeit, en-rre lescon-
ciftement , i». Pout ce tredilant pas. Tel eft la
qui ell 4c l.i foi , on doit langage des theologiens a,
j^s-treitc lojftju'ils font fans parler-de foutrti(fcoa»..
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5 5° KlSTOIHE-DE PbRT-KOlAr.'-
~ » du mal n'en pourront tirer a vantage*
La fceur Angelique lui repliqua : que les religieufes vouloient bien que ce qu'elles avoient dans leurs coeurs parut fur leurs levres, & qu'il leur etoic impoiTible de dire une chofe adefTein qu'elle fut entendue par les autres d'une autre maniere qu'elles ne l'en- tendroient elles-memes; que cela leur paroifloic une equivoque. M. Chamillard reprenant la paro-
le dit : qu'il ne voudroit pour rien du monde les faire parler par equivo- que ; qu'il les avoit toujours condam- nees , & qu'il ne les approuveroit ja- mais , bien loin de les confeiller; mais que le mot defoumiffion ne pouvoit £tre equivoque , puifqu'il avoit fa veritable fignification felon la theo- logie, & qu'elles pouvoient sen fer- vir fans ufer d'aucune ambiguire ; que neanmoins fi elles n'etoient pas fatis- faites de ce terme , & qu'elles euflenc d'autres lumieres pour mieux s'expri- iner , elles pouvoient les propofer. »> Cherchez vous-memes,leur dit-il,les »> termes que vous cro'iez les meilleurs; » mais au nom de Dieu, faites quelque » chofe; aidez vous, dites-nous ce que » vous voulez faire. L'abbelTe alant dit que les foeui* |
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II. Partie. Llv.TI. 351
etoient la toutes prefentes , que c'e- 1664..
toit a elles a dire leur refolution , xvur. pluiieurs repondirent au nom de tou-j^0"™^ tes, qu'elles ne pouvoient plus rien miliard & du faire , qu'elles s'etoient tout epuifees ^ffiT en faifant la premiere fignature, qu'el- leiigieufes a les y avoient rendu un temoignage £ ^2 fuffifant de leur foi , & que pour tout ment de m. Ie refte illeur etoit impoflible d'y pren- ^£jfe., dre part. p«ie 4 fon> Le Pere Efpritde l'Oratoire deman-tout'>
da- enfuite audience , on fe tut, & il
commengaainfi: » J'ajouterai a. ce que
» Monfieur vient de dire , ce que le
« zele que je fuis oblige d'avoir pour
» l'obeiflance due a. M. l'Archeveque
» fuperieur de ces bonnes 8c faintes
» filles , ne me permet pas de leur tai-
>» re (5 2). En verite nous pouvons dire
» que la qualite de M. l'Archeveque
» eft bien a plain dre aujourd'bui a vo-
».tre egard , mes bonnes & faintes
>» fours, puifqu'apres avoir fait pour
j> vous tout ce qu'on pouvoit attendre
» d'un bon & charitable pafteur , tel
» qu'il eft ; apres toutes les fatigues
» qu'il aprifespour vous ; ,-ipres s'etre
n. donne la fatisfaction de vous exhor-
» ter toutes en general & en particu-r
» Her ; apres avoir audi donne a toures>
tjij Zlift dts perfcc. p. ifa,.
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3 5* HlSTOTRE DE PoitT-ROlAt:.
» la fatisfadtion d'etre ouies , ecoutces"
» Sc entendues de lui feul , avec route m la liberte que vous pouviez delirer ; » apres vous avoir ecoutces avec tant »» de bonte dans toutesvos difficultes 8c j> vos peines ; apres avoir donne Mon- » lleur (Chamillard) pour fuppleer a » ce qu'il n'avoit pas tout-a-fait pu » achever ■, apres, dis-je , tant de foins m & de peines qu'il a prifes , nous » avons fujer de dire avec douleur » que, quoique ce ne foit pas les ferr- jj timens que ces bonnet & faintes fil- m les ont dans le cceur , neanmoins il « eft vrai par apparence & par realite « qu'il (M. de Perefixe ) eft confidere » par elles , dans leur piete meme ». « non commeun bon pere ,mais comr « me un homme qui eft venu pour les " feduire &c les expofer a une grande »» tentation , qui leur commande de »» commerrre un peche , qui leur eft " venu.apporter un mandement pour » leur tendre un piege , qui les veut » obliger a faire un jugemenr teme- » raire, a porter un raux.temoignage » contre un innocent , & a mentir. »» Mais ce qui eft le fujet de notre gran- «dedouleur, c'eftque leur piete meme. » leur fuggere ce fentiment, & leur «*&it ainu craiterM. l'Archeveque £ac. |
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II. PAR.TIE. LlV. IL 3 5 3
» effet &c par realite , quoique ce ne x ^^4.
» foit pas leur intention. La four Angelique, qui fouffroir
avec peine , ainfi que le refte de la communaute , un dilcours fi deplace , interrompit le pere Efprit & lui dit, qu'elles ne pouvoientpas fouffrir qu'on. interpretat ainfi leur conduite , & que rien n'etoit plus eloigne de leurs ve- ritables fentimens. L'abbeflTe temoi- gna que toutes fes religieufes etoient pretes a donner des marques de leur obeiflance a. M. l'Archeveque en tout ce qui pourroit dependre d'elles •, mais que pour ce qui etoit de leur conf- cience , elles ne pouvoient vaincre leur fcrupule la-dellus. Toutes les re- ligieufes fondant en larmes , direnc qu'il leur etoit impcffible- de faire da- vantage que ce qu'elles avoient fait. Cell ce qu'elles repeterent plufieurs fois pendant cette tongue feance qui durajufqu'a 8 heures j quarts du foir. Tous les. efforts de M. Chamillard XIx- .
du pere Eiprit ne purent les-porter a Kre|,d entl„ faire ce qu'on defiroit d'elles, & a. l« reiigicufe*. donner contre leur conlcience ,Jatisjac- ref;xe. tion a. M. VArchevequi , dont on leur faifoit valoir la pretendue condefcen- dance a leur egard. Le but de cette aegociation n'etoit atfiu'cment pas la. |
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5*54 HisTomE de Port-ro'i'ai:.'
rr~ defir du faluc des religieufes de P. R. en les tirant de quelque erreur : car M. Chamillard convenoit lui-meme qu'on pouvoit etre difpenfe de la creance du fait , fur lequel les reli- gieufes avoient de la difficulte , n'en aiant jamais eu aucune fur le droit. C'etoit done une affaire de pure politi- que ; il s'agiflbit de donner fatbfaclion a M. I'Archeveque; parceque M. l'Ar- cheveque s'etoit engage a en donner aux Jefuites •■> &c pour la lui donner il falloit tourmenter de faintes filles en les obligeant de figner quelque formule equivoque , contraire a la fincerite chretienne. Ainli l'unique fujet du dif- ferend qui reftoit entre M. l'Arche- que & les religieufes , confiftoit en ce que les religieufes vouloient ex- primer clairement une difpofition que M. de Paris leur permettoit de rete- nir dans le cceur , & qu'elles ne vou- loient pas fe fervir de certains termes qui, felon leurs penfees , etoient equi- voques , & donnoient lieu de les accu- fer d'avoir trompe l'Eglife.. La con- duite de M. de Perefixe etoitappuice fur ces trois maximes , i°. On n'eft point oblige d'avoir une foi divine du fait de Janfenius. i°. Ce n'eft point une difpoikion criminelle de doutex. |
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II. Part ie. Liv.1T. 355
du fait de Janfenius , &c de n'en etre \(,(,a*
point perfuade interburement. 3". G'eft un crime qui merite qu'on detrui- fe un monaftere , de vouloir , lors meme qu'on eft oblige de parler , ex- primer clairement la diipofition ou ion eft, quoique bonne 8c innocente , 8c de refmer de fe fervir de termes qui paroitTent equivoques , comme ce- lui de foumijjion , fans les expliquer. Voila le crime des religieufes de P. R. qui confifte a vouloir parler plus clai- rement que leur Archeveque, a ne vou- loir tromper perfonne , a. manifefter leur difpofnion , que M. de Perefixe lui m£me reconnolt etre bonne 8c in- nocente., C'eft-la ce qui fe pafla. le vendredi
4 de juillet. Le lendemain les reli- gieufes s'aflemblerent pour figner fac- te fuivant (53). » Aujourd'hui 5 juillet 1664, nous Xx.
» nous fommes affemblees capitulai- A&c &* ■*• »» rement pour deliberer de la reponfe jliu!«." " J' » que nous pourrions rendre.aM.i'Ar- » cneveque , pour fatisfaire a l'ordre » qu'il nous donna a la fin de fa vifite » le 14 du mois pafjf de prier Dieu »» 8c d'ecouter les raifons qu'on nous (n' Apol. 1 patt. p. 59, c. 8,. Hift. desperfec
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55^ HistoiRe de Port-ro'/ac;
»» pourroit dire, pour nous refoudre » les difficultes de confcience que nous » lui avons temoigne avoir fur la figna- » cure du formulaire , afin de lui dire » notre derniere refolution dans le tt terme porte par fon ordonnance qui m echoit le 9 de ce prefent mois de » juiller. m Nous nous fommes temoigne re-
w ciproquement les unes aux autres w que nous etions entrees dans la dif- » pofition que M. l'Archeveque avoic » exigee de nous , qui etoit de re- « noncer a. route preoccupation de l'ef- » prit, a toutes confiderations humai- >» nes , &: a tout attachement a qui » que ce foit. Nous nous fommes mi- » fes devant Dieu > autant qu'il nous » a ete pofllble, dans le meme depouil- » lement 011 nous y paroitrons a l'heu • » re de la mort, ne penfant qu'a l'ecat » oil nous voudrons etre alors pour ofer » nous prefenteravecquelqueconfiance » devant ce redoutable tribunal. Nous »• avons penfe que ce feroit alors la veri- » te qui nous accuferoit, ou qui prea- » droit notre defenfe, & que notre pro- » pre confcience devant etre l'unique » temoin de toutes les chofes qui nous >• pourroient etre reprochees a cette « neure effroiable, nous ne devions |
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II. Partii, Liv. II. 357
*» rien faire clans l'occaiion prefente
" contre le temoignage qu'elle nous « rend de nos devoirs & de nos obli- " gations. Nous nous fommes fouve- » nues de cet avis de faint Paul, que » bienheureux eft celui qui ne fe con- " damne point en ce qu'il embrafle ; " & que celui qui mange des viandes, « lorfqu'il doute s'il lui eft perrais d'en » manger , eft condamne : &c nous » avons fait beaucoup de reflexions fur » les avis que M. l'Archeveque a eu la ■» bonte de nous donner, en nous or- » donnant de ne rien faire que de tres » fincere , & nous enfeignant qu'il •> n'etoit pas permis de figner abfolu- »> ment le formulaire qu'il nous pre- ss fentoit , fi Ton n'avoit veritable- » ment dans l'efprit la difpolition qu'il » demandoit tant a. l'egard de la foi » qu'a l'egard des faits qu'il contient. » Enfuite examinant nos difpofi- «i tions fur ces regies, nous nous fom- » mes trouvees toutes dans une par- « faite loumiflion aux conftitutions des » fouverains Pontifes en ce qui touche m la foi, qui eft la feule chofe qui nous » puilfe regarder; & pour en aflurer » M. l'Archeveque, nous lui protef- » tons,comme nous avons deja f^it, « que nous embralfpns fans referve , |
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35 S HlSTOlRF. DE PORT-ROIAL.
» fans exception , & avec route forte
» de fincerite ce que les fouverains » Pontifes en ont decide dans leurs » conftitutions ; que nous n'avons » point, & que nous n'aurons jamais j> d'autre doctrine que celle de l'E- » glife catholique , apoftolique & ro- « maine > & que nous fommes pretes .-> a mourir pour la moindre des veri- ■» tes qu'elle enfeigne a fes enfans. » Etquantauxfaits, qui font rum-
s' que objet de notre peine , nous »» avons ecoute avec beauccup de ref- » peel: tout ce que les ecclefiaiHques , " que M. l'Archeveque de Paris nous a « donnes pour nous en inftxuire , nous -» ont voulu reprefenter fur ce fujet. «* Mais apres tout ce qu'ils nous ont s> dit, nous n'avons pu vaincre la re- s' pugnance de notre confeience, qui » nous perfuade toujours , que ne la- " chant point fi les hefehes con- w damnees font dans le livre d'un " E^eque catholique que nous fern- 's mes incapables de lire , nous forn- .« mes incapables auffi de rendre temoi- " gnage par une fignature publique de » ce fait, que nous favons etre con- » tefte entre des theologiens , & dont » par notre etat & notre profeflion » nous ne fommes point obligees de » nous informer. |
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IT. Parti e. Liv. II. 359
" C'eft pourquoi la fournilfian & » I'obeilTance que nous devons & que » nous avons toujours rendues a l'Egli- » fe, confiftant a regarder routes ces " chofes comme etant au - dellus de •»> nous , fans y prendre part & fans » bleiTer en rien le refpect du aux mi- " niftres de l'Eglife , nous croirions » non feulement offenfer Dieu, mais »» blefler meme le refpect que nous de- »> vons a M. l'Archeveque, li nous lui « diflimulions notre difpofirion, & li » nous nous fervions d'aucuns termes » qui en marquaflent une autre que » celle que nous lui marquons avec « toute forte d'humilite. « Ainfi envifageant avec un trouble
« de confidence infurmonrable cerre » epreuve extraordinaire qu'il a plu a m M. l'Archeveque de faire de notre 51 obeiflance , & craignant de lui de- » fobeir en une matiere infiniment « plus importante , qui eft le com- m mandement qu'il nous fait apres l'E- » criture , de lui parler avec la meme » fincerite que nous ferions a Dieu » meme •, nous nous fommes refolues » & nous nous determinons prefente- «j ment de nous jetter entre Ies mains :> de Dieu& aux pies de M. l'Arche- « vequa, pour ne nous en point re- |
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3<jO HlSTOIRE DE PoK.T-R.OlAI.
166a, » lever, qu'il ne nous air donne fa be-
» nedi£tion. « Nous imploroiis avec Iarmes fa
» charite paftorale , nous le fupplions m 8c nous le conjurons par la miferi- u corde du fouverain pafteur qui a don- » ne fa vie pour fes brebis, qu'il dai- » sne condefcendre a l'infirmite de » celles qu'il lui a commifes , & donr » il reconnoitra la docilire & l'obeif- » fance roures les fois qu'il lui plaira « de les eprouver en des chofes moins ■» extraordinaires que celles-ci & con- » formes a la faintete & a. 1'humilite " de leur vocarion , qui les dilpen- »i fe de prendre part aux contefta- » tions qui s'elevent dans l'Eglife , « quand elles ne regardentpoint la foi. » Elles lui addreftent les manes paro- « les qu'un peuple afflige difoir autre- «• fois a un faint Patriarche, qui fut ••» appelle le fauveur du monde : none - falut eft en votre main , jettez feu- w lement fur nous , Monfeigneur, un » regard de companion & nous fervi- » rons Dieu avec joie. » Nous pouvons juftemenr parler
j» comme ce peuple , puifque nous « fbmmes rcduites dans la meme ex- " tremite ou il fe trouvoit, lorfqu'il f parloit ainfi. Nous pouvons affurer » qu'ai'anr
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II. Part ie. Liv. If. 361
» qu'ai'ant toujours ete refolues d'obeir ? a. nos fuperieurs ecclefiaftiques , fans " retardement & fans referve en tout » ce que la confcience peut permettre, " nous avons fait par notre fignature , " du z8 novembre 1661 generale- y ment tout ce que nous pouvions » faire fans rien referver, y ai'ant ren- " du un entier temoignage de notre » foi, & de notre foumiffion a l'Eglife. »» Si Ton nous demande quelque » chofe au-dela, il nous eft impoilible » de le donner, puifqu'il ne nous refte » plus rien que 1'innocence de notre » confcience , qui appartient a. Dieu »> feul, & dont nous n'avons pas la » liberte de difpofer. Horscelanous » expoferons tout. Mais nous efpe- « rons que Dieu touchera le coeur de » M. l'Archeveque, qu'il lui fera ou- » blier fon autorite de maitre pour w fe fouvenir de la bonte de pere qui »> lui eft plus naturelle que la feve- » rite dont il nous a menacees; la- " quelle neanmoins feroit tres jufte » n nous refufions a fon commande- »> ment quelque chofe qui dependit » de notre volonte, & qui ne nous >j rat pas impoilible par la repugnance » de notre confcience. Fait en notre » monaftere de P. R. de Paris > ce 5 Tome IF. Q |
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36i HrsTomE db Port-roYai*
1664. " juillec 1664., iigne els la mere ab-
«• befle &des religieufes ».
xxi. I-e meme jour M. Chamillard & le
-Nouvaiixef- pere Efprit vinrent a une heure apres
chamillardai midi pour favoir la refolution de la
«iu p. Eiprk, comitiunaute touchant l'accommode-
pout engager .,
Ics teijgieuCes menc propole (54). Le premier com-
a la ligaaiurc menca a parler 6c a rebattre les memes du Fonnulai- . r ' ' ... . ,. . ...
.«, raaons qua avoit dices la veiile
pour engager a la fignature , puis il
demanda a. 1'abbelTe qu'elle etoit fa re- solution , qui fur la meme que celle de la communaute , laquelle periiftaa ne vouloir rien ajouter a ce qu'elles avoient fair. M. Chamillard infifta ;beaucoup pour tacher de les engager A faire quefque chofe de plus & a don- jner fatisfa<5tion a M. I'Aicheveque en entrant dans quelqu'accommodement:: jufqu'a leur dire que pourvu qu'elles vouiuflent faire quelque cliofe par ac- (commodement, M. i'Archeveque ne les obligeroit pas a la creance du fait: iur quoi on lui repondit que M. de Paris n'etoit point contraire a lui-me- me (55)? qu'il avoit declare dans fon maudement, 6c de vive voix, qu'il (^4) Apo!. c parr. c. e, mandemrar , mais i! &•
sp. +r & i'uiv.... Hift. des foic aulli le contraire,
perfec. p.a«7. quart j ce!a eroit neceflaire
{(() 11 eft vrai qu'ilTa- pour obteuir des figham-
yojf dichrt jbijs /ojrj £gfi,
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II. P A «. T t E. Liv. II. }6$
exigeoit la creance interieure du fait. 1&S?,
M. Chamillard fe trouvant embarraf- fe, reprit fon formulaire , & propofa de figner ainfi : fe me foumtts Jincc- rement aux conflitutions des Papes : toutes les religieufes repondirent una- nimement qu'elles ne pouvoicnt fe refoudre a fe fervir de tertnes equi- voques , qui pouvoient etre pris en difrerens fens. M. Chamillard prcten- dit que ce terme n'etoit point equivo- que (5 6); que la theologie en fixoit le fens; qu'elles ne feroient pas d'ailleuvs refponfables des interpretations qu'on J)ourroit y donner. Mais voiant que
es raifonnemens faifoient peu d'im- preflion , il dit que M. de Paris vien- droit lui-meme 8c qu'elles pourroienc lui demander fes intentions. Alors les religieufes allarmees prierent M. Cha- millard d'emplo'ierle credit qu'ilavoit (rtf) Poutquoi M. Cha- droit, 8c n'avoir qu'une
millard ne faifoit-il done foumiflion de (Tlence 8c
pas declarer a M. dt Paris, de refped pour le fait
x}ue le mot de foumifiion qu'elles ne croioient pas ,
eft tin termt general, qui 8c qu'elles ne pouvoient
nefignitiepomt creance de croire f Mais au contraire
foi-menve , mais qui con- M. de Paris avoit declare
vient a la foumiflion de par une ordonnance pu-
creance, 8c a la foumif- blique , qu'on devoit au
iion de refpeft 8c de Ci- fait une foi humaire, 8c
lence ; entente que les reli- que cette foi liumaine de-
gieufes en (Tenant, fuiTent voit renfetmer une cieauc*
cenfees avoir une foumif- imuicuic.
fion dc r.icancc pout le
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3^4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
1664. auPr<~'s de M. l'Archeveque s a Temper
cher de vlhir dans leur monaftere, par^ cequ'elles feroient obligees de lui refu- fer ce qu'il defiroit, ne pouvantle lui accorder fans blefler leur confcience. Quelques-unes dirent a ce fujet qu'elles apprehendoient ce jour-Li comme celui du jugement; d'autres qu'elles croioient quelles mourrqient a ,1a peine, &c. ( II faut avouer que cette crainte des brebis ne fait pas l'eloge du pafteur, 8c qu'on auroit peine de reconnoitre aces traits le bon pafteur de l'Evangile , . dont les brebis entendent la.voix, <5$ qu'elles fuivent). ; ,;- xxti. Les religieufes continuerent encore
Sf ns de la un peu ^ temoigner la peine 3c la crain-*
foi humaine > n • i i ' i ' w
f=ion rimer- te qu elles avoient de ,1a venue de M-
rreurion du ['Archeveque: puis le pere Efprit com- mence a parler, &c dit, addrellant ja fiarole aux religieufes , qu'il appella 4 . 'ordinaire fes bonnes & faintes filles , qu'il alloit leur expofer ce que M. de Paris lui avoit fait i'honneur de lui di- re qu'il entendoit par la foi humaine, & que cela leveroit toutes les difficul- tes qu'elles pouvoient avoir fiir la fir gnature. Voici, felon le pere Efprit, le fens de la foi humaine de M. de Pe~ refixe (5 7) : » II y a deux degres danj (J7) Apol.p. 50.
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il. Partie, Llv. If. $6)
'♦> la foi humaine •, l'un eft: la convic-
»> tion 8c la certitude, l'autte eft la
" perfuafion que Ton a qu'une chofe
» s'eft paflee d'une telle maniere. Cat'
» qui ait foi , dit recit, dit rapport,
» dit hiftoire. Si done on vbus demari-
" doit, mes bonnes & cheres foeurs,que
»> vouS euffiezlafoihumaineeh ce ier.
» degre qui eft la creance interieure
s> apres la conviction , ce que Ton vous
>• demanderoitpafleroitla foi humaine,
» parceque vous ne pouvez pas avoir
» la conviction, & qu'il faudroit que
«> vous crufliez de foi divine ce done
»> vous ne pourriez etre perfuadeespar.
*> vous-memes. Mais dans le fecond
« degre, qui eft celui auquel on vous
k> demands cette foi, vous ne fauriez,
a> ce me femble , en faire difliculte ,
j> puifque ce n'eft a proprement par-
» ler qu'un recit hiftorique de la chofe
» qui s'eft pafTee ». Le pere Efpritfit
enfuite l'application de cette diftinc-
tion au formulaire. •» Vous direz done
>> dans le formulaire : Je me foumets
» jinctrement a la conjl'uution d'lnno-
« cent X d'keureufe memoire , faite le
m 3 i mai 1553: par Id vous entendre^
» foumiffion interieure de jttgement en ci
» qui regarde la foi divine: mais q'uancl
« vous direz enfuite > que fon verita-
Qiij
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$66 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» ble fens a ete determine par le Pape
» Alexandre VII , vous le dites par » recit de la chofe qui s'eft paftee 8c « hiftoriquement •, ainfi vous dites : w Je condamne la doctrine des Fpropo- » portions , que le Pape a dit etre con- » tenues dans le livre de Cornelius Jan- » fenius intitule Auguflinus , que les w deux Papes 8c les Eveques ont con- » damnee ; laquelle doctrine le Pape » a dit n'etre point celle de faint Au- « guftin , & que cet auteur l'avoit " mal expliquee contre le fens de ce » faint docteur ; fi tant eft que le Pape " qui a examine ce livre & ceux a »» qui il la fait examiner, aient bien » penecre ou non le fens de cet auteur, " qui peut-etre s'eft fetvi de termes »» obfcurs, non aftez clairs & non ufl- » tes , ou bien fort releves , pour ex- « primer fes penfees qu'il croi'oit ti- " rees de faint Auguftin. Quoi qu'il - en foit , je condamne la doctrine » des V proportions que les Papes ont w condamnee , 8c je dis par recit 8c » par hiftoire de la chofe qui s'eft paf- « fee, que le Pape a dit que cette doc- m trine eroit celle de Cornelius Janfe- » nius, 8c qu'il a dit que cet auteur " l'avoit mal expliquee •». La foeur An- gelique aiant repondu que perfonoe n© |
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II. P A R t i t. Liv. II. 3 iff*
faifoit difficulte de croire que le Pape " eut du: que les V propofitions etoient du livre de Janfenius , le pere Efprit reprit 8c dit: » Vous voiez bien que » la foihumaine prife en ce degre leve » routes les difficult qu'on pourroit » avoir fur la fignarure du formulai- n re (5 8) •, puifque ce degre de foi hu- » maine equipole les terijies dont on 5> fe ferviroir, ft Ion difoir: Je con- » damne les V propofitions que le Pape » a dit etre continues dans le livre de » Janfenius, &c. M. l'Archeveque a » leve par fa grande autorite le poids |
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1664.
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< j 8) 11 eft tins doute'que
cctte explication levetoit toutes les difficult!s , li elle etoit publique & au- torifee par ceiix qui exi- gent la figna'ure. C'etoit audi alors le fentiment de hi. de Perrfixe , comme on le voir pat Va&e de M. Dirois , qui avoit tant confere ayec )ui fur la foihumaine; car il fou- tint nettement , en rcpon- dantaM. l'Abbe le Tel^ lier , qtie l"Eglife ne de- mandoit point la creacce interieure des fairs contef- tes. - Mais quoique ce fifr la l.i penfec & fe fcr.s de M: de Pai-;s( ce fens nean- moms ne paroiffoit par aucun afte public ; il etoit au contraire detruit par J'ordonnance qui exigcoic |
la crcance de la foi hu-
maine, ce qui ne pouvoit s'entendrc , felon le fent commun , que de la pet- fnaiion humaine que ce fait eft veritable. AiniT toutes ces preuves parti- cultercs , qu'on pouvoit avoir du fentiment de M. de Perefixe , montroient fculemcnt qu'en exigeant la foi liumaine , il par- loir comic fa penfee , 8c qu'il cut bien voulu que les religieufes s'en, fuller* tirees, a fon exemple, ea fignan.t contre leur pen- fee. Quelle condui.ee dc perfecuter del religieufes , qu'an fait quj u'oni d'au- tre crime que d'etre fin- ccr«, & de ne voaloir rieo hgntr d'equivoque! Q iv
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3<S8 HlSTOIRE DE PoRT-ROrAt.
166a. " de cette foi divine qui accabloit tout
» le mpnde. On lui en a grande obli- w gation ». xxtii. Qu'il leve done encore la foi hu- nceodltfon'* ma'ne > repondirent toutes d'une voix
ie m. cha. les religieufes, & tout le monde fera j?!Efprit&dU enPaix- M, Chamillard prit prompte- ment la parole & die que pour lui il ne demandoit pas des chofes qui n'e- toient pas faifables •, qu'apres qu'un Archeveque avoit fait un mandement il ne le revoqueroit pas, mais qu'il falloit chercher des voies d'accommo- dement pour mettre leurs conferences en repos. Pendant que le pere Efprit parloit , M. Chamillard etoit fur les epines & l'interrompoit fouvent; mais le bon pere , fans s'emouvoir , conti- nuoit toujours & repetoit fon formu- laire hiftorique. Enfin M. Chamillard reprit le fien , 8c exhorta de nouveau a le figner. Les religieufes lui repon- dirent qu'elles craignoient de man- quer a la fincerite que M. 1'Archeve- que leur avoit fi fort recommandee. Une des fceurs ai'ant allegue a cef ujet ce que dit le pere Ann at, que ceux quijignent, fans croire le fait, temoi~ gnent ajfe^ que e'eft une chofe ordinaire aux Janfenifles de mentir, en niant leur foi -j M. Chamillard pria qu'on ne le |
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II. Par.tie. Llv.Tl. $6$
pYit point pour un Jefuite , & die qu'il les honoroit, mais qu'il ne I'ctoic point. C'eft ainii que fe termina la feconde conference, aufli inutile que la premiere. Dans l'une de ces confe- rences , M. Chamillard lut une lettre que M. d'Alet avoit ecrite qnelques annees auparavant, dans laquelle re- pondant a un dodteur qui l'avoit con- fulte pour favoir , fi un theolo- gien perfuade par lui-meme que Jan- fenius n'enfeigne pas les V propofi- tions, les doit condamner comme de liii, &c foufcrire le formulaire •, il de- cide formellement qu'il le doit faire. M. Chamillard apporta encore une au- tre lettre du meme Prelat, dans la- quelle il paroiffoit etre dans les memes fentimens , mais il ne dit point la date de cette lettre, quoiqu'on Ten priat ; il fit feulement voir un billet de M. le cure de S. Nicolas qui lui avoit remis ces pieces pour les montrer , lequel portoit que M. d'Aletai'ant ete confulte de nouveau depuis la declaration du Roi , &c meme au fujet de la figna- ture qu'on demandoit aux religieufes de P. R., il avoit repondu qu'il n'a- voit rien a. dire de plus fur ce fu- et, que ce qu'il en avoit deja mande M. le cure de faint Nicolas ( dans Qv
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37o HisTome Ce FoRT-ftoi'At.'
cette lettre, dour on ne difoit pas Id, date ) & qu'il etoit toujours dans le meme fenriment. Comme c'etoit une grande confolation pour les religieu- fes de P. R. , que leur conduice (at autorifee par l'exemple des plus faints Eveques de France , & en particulier par celui de M. d'Alet qu'elles ctoient perfuadees qui avoir rerufe Jufqu'alors d'ordonner la figmture du formulaire, ce que n'auroit point refufe un fi faint Prelat, s'il eut cm la fignature avan- tageufe a l'Eglife, elles furent extieme- ment touchees qu'on leur enlevat le plus folide appui & la plus puiffante protection que pouvoit efperer leur in- nocence , & la plus grande confola- tion qui leur reftoit au monde dans l'accablement & 1'extremite ou Dieu avoit permis qu'elles fuffent reduites pour l'amour de lui. Quelques reli- gieufes qui ignoroient entierement la maniere dont M. d'Alet s'etoit con- duit dans cette affaire, furent pene- trees jufques dans le cceur de fe voir en quelque forte condamnees par la bou- che d'un fi faint Prelat; neanmoins leur fidelite pour Dieu ne fut point cbranlee. D'autres plus inftruires des faits furent moins allarmees , fachant que la premiere lettre qu'on leur avoit |
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II. Partie. Liv. 11. 371
lue, etoit ecrite plufieurs annees au- paravant •, 8c ne domain point que les matieres aiant etc eclaircies depuis ce rems, M. d'Alet n'eut recontui le pie- ge qu'on tendoit a 1'Eglife par la nou- velle invention du fotmulaire. Cela etoit evident par la fermete que te- rnoignoit M. a Alet a ne point exiger de {Signature dans fon diocefe : ce qu'il n'auroit jamais refufe , ni differe , s'il avoit juge ee moi'en avantageux a la gloire de Dieu &: au falut des ames. £a&Eur Angelique de faint Jean , Tune des plus eclairees & des plus inftrui- tes, n'y fut point trompee, & ne put Jamais fe perfuader que ce qu'on leur difoit de M. d'Alet fut vrai : „ II me w femble , ( dit-elle , dans une lettre quelle ecrivit fur ce fujet, apres lea deux conferences , a Mademoifelle de Vertu pour I'envofier a M. d'Alet lui- meme (5 9),) « que la vertu de ce Pre- >» lat eft un flambeau j que Die.u a pta- » ce dans le firmament de 1'Eglife , » pour I'eclairer dans cette nuit pro- »» fonde qui regne prefentement, &c »» qu'il n'y a point d'apparence que ce- » lui qui eft depuis fi longtems la lu- v miere du monde par l'exemple de fa » vertu > ne fut pas auffi dans cette (jy) Voi'ex cette letqp , hifl. des petfec. p. 170.
Q vj
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J7i HlSTOIRi DE PoRT-Aroi'^t.:
1664. •' occafion le fel de la terre par /on
» zele a maintenir les droits de l'E-
w glife & les interets de la juftice.
" Cependanr, ajoute la fceur Angeli-
" que, quelque joie que j'aie en fuppo-
m fane que ce que je penfe de lui eft ve-
»j ritabfe, je ne faurois m'empecher de
s» reflentir que le mal qu'on nous fait
m en fe fervant de fon filence pour
« faire croire qu'il nous condamne ,
« eft une chofe qui peut caufer bien
« de la peine , &nouspriverd'un des
»> plus avantageux moiens que nous
« euffions pour nous defendre. Car
" on ne pourroit plus appeller comme
» on fait, notre union &c notre refo-
« lution , une cabale , fi nous poiw
" vions montrer qu'unPrelar, du poids
» de celui dont je vous parle, 8c en-
« core quelques autres des plus re-
»> commandables du roiaume , nous
» donnenr eux-memes une regie par
>» leur exemple ■, qui nous apprend ce
« que nous devoiis faire , en ce qu'ils
« feroienr tres eloignes de genef les
» confeiences pour un fujetqui imporJ
»» te fi peu en foi, mais qui peut avoir
« de fi dangereufes confluences
» quand on l'exige , & que l'on con-
»> traint les confeiences infirmes a agir
w concre leiirs lumieres interieurej ,
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II. Partie. Llv. II. $73
'» ou a s'expofer aux dernieres extre- '
»> mites. J'efpere que quand il fera •» terns Dieu infpirera a ce Prelat de » parler , puifqu'on abufe fi fort de » fon filence eiice tems-ci, Sec. M. Chamillard, voi'ant qu'il n'avoir
pas reufli dans les deux tentatives qu'il avoit faites en propofant a toute la communaute en corps fon accommo- dement, fe flatta qu'il pourroit avoir ivn fucces plus heureux en prenant les religieufes en particulier (60). Toutes ces negociations fatiguoient & affli- geoient extremement ces faintes filles ,- comme on le voit par la lettre cju'e-^ crivit a ce fujet la fceur Marguerite de' fainte Gertrude (<51) a. la mere prieure' de P; R. des champs , Marie-Magde- leine du Fargis. Celle-ci a'iant appris le 7 de juillet que toutes les propofi— tions d'accommodement faites les jours ptecedens par le pere Efprit Sc M. Chamillard avoient ete rejectees ,- elle fit le lendemain matin chanter au choeur le Te Deum , pour rer.dre graces a Dieu , de ce qu'il avoit delivre les religieufes de P. R. de Paris du peril ouces fortes de negociatiDns expofent, (<So) Apol. t part. ch. (<5i) Voicz cette lettre^
7-PV51,.. Hift. des p«f. J>ift,desp<:i:fec.:p J.71, ' " t.i7i. »•■■:•« » |
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3"74 HlSTOIRE DE PoRT-ROMl.'
i6(jT Les negociations continuerent ce-
xxiv. pendant encore , & M. Chamillard Amre projet propofa differens formulaires pour don- propoft partier latisraction a-M. 1 Arcneveque : liste')g!eufcr.Car dans tous ces traires il n'ctoit point queftion fi ce que propofoient les re- hgieufes eroit vrai ou faux , jufte ou injufte , (on n'y trouvoit en erfetrien que de jufte ) mais feulement li cela plairoit ou ne plairoit pas a M. de Pa- ris. Enfin les ■-religieules , apres oien des diffieultes > confentirent le 9 juil- Iet a ajouter ce qui fuit au projet de fignature (61) : Et fur le fait, com' me nous ne pouvons en avoir aucunc connoiffance par nous-mimes , nous n'enformons point de jugement, mais nous demeurons dans le refpecl & le jilence confbrme a noire condition & a notre e'tat. M. Chamillard temoigna etre fatisfait de cette addition , & vouloit que les religieufes ajoutaflent encore qu'elles ne formoient point de jugement contraire : ce qu'elles refu- ferent conftamment. M. Chamillard alia enfuite porter ce projet a M. l'Ar- cheveque & revint a P. R. rendre re- ponfe a l'abbeflfe , a qui il dit, que M. de Paris n'etoit point fatisfait de ce («») Apol. ibid- p. J7.1. Hift. tic* perfec. p. 17^
•ol. 2. |
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II. Par tie. Liv. II. 575
projet , & qu'il avoir paru tout-a-fait Ti^XT" fache de leur refiftance , parcequ'il prevoioit qu'elle enttaineroit la ruine de leur maifon : il ajouta qu'eiles n'a- voient qu'a s'artendre a tout, que Ma- dame de Fontevraud folliciroit forte- ment pour avoir l'abbaie de P. R. > 8c que M. l'Archeveque arrendoit a tous momens les ordres de la cour (63). M. I'Eveque deMeaux, qui fe trouva xxv. -
prefent a l'entretien de M. de Paris Proiet defi* avec M. Chamillard , vo'iant que M. poft par m. l'Archeveque ne fe contentoit pas des * M«u». termes du projet envoie par les reli- gieufes , propofa d'y changer quel- que chofe & de mertre a la fin t Et fur le fait, ritn aiant auctme con- noijfanccparnous-meme, nous Ujignons par foumijjion ,fur la fat de M. l*Ar~ chtvequc M. de Meaux vint lui-me- me lelendemain, \G de juillet, faire cette proportion a l'abbefle. Les reli- gieufes repondirerrt que la fignature qu'eiles avoient offerte leur paroifloit fuffifante , & que celle-ci leur deman- doit trop , ne pouvant promettre cette forte de foumiflion far la fei d'autrui , touchant un fait qui avoit caufe de ft grandes difputes dans l'Eglife. Apres cer entretiendes religieufes de- («l) Ib.p. ;».
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$j6 MlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
" i 664. libererent encore fur ce qu'elles avoienC
xxvi. a faire ; &c comme le rems porte par
Formuie fi* POrdonnance de M. de Perefixe ecoit
gnec par lcs . , - . •,
rdigieufcs. expire , eiles ngnerent lememeiour
en cettemaniere (64.) '.Nousfoufiignets promettons une foumijjion & creance Jinccre pour la foi ; & fur le fait , com- tne nous n'en pouvons avoir aucunt connoijfanct par nous-memes , nous tten formons point de jugement ; mais nous demeurons duns le refpecl & le Jilenci conformt a notre condition & a notre etat (65). xxvn. Les religieufes. jUgeant queM. Cha- |
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la
ture
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def8re?il Millard , ni le pere Efprit, ne vou-
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gieufes eft droienr pas fe charger de prefentercette
M!fd"tepere- piece i M. de Paris , choifirent pour fixe par m. le faire M. Champagne forr attache a EmTitie^'dc ^a maifon , qui porta a t'irtftant meme m. Champa- ((j<j} cette hVnature , a laquelle les re- Sc Paris. iigieiues aVoient ajoute leur acts du 5 juillet. M. l'Archevcque recut le' paquet, 8c apres Pavoir m en particu- lier il revint trouver M. Champagne &C lui dit : Cejl une chofe etrange , que ces filles derneurent toujours obfli-* nees (67). Monfieur Champagne hit fepondit : » Ce n'eft pas cela , Mon- <«4) 10 juillet. religieures, qu'il le fit 1&
(«0 Ap. p. 61. 14 3e juillet.
(66) II eft die p. 5sclela (67) Hift.0d:s petfec.
«e. part, de l'Apol. d:s p. 17s.
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' ll. Parti e. Llv. II. s?7
i> feigneur , elles craignent de rendre " temoignage d'une chofe qu'elles ne » favent pas. Ce n'eft pas , ditM. l'Ar- » cheveque , que je-faerie mauvaisgre m a ces pauvres filles * ni que je leur " venille du malpour cela, c'eft a ceux » qui les ont mifes la-dedans. (He pour- quoi les avoiton mifes la-dedans? N'e- toit-ce pas le Prelat lui-meme & les Je- fuices quiles y avoient mifes malgre el- les? Carpour ce qui eft des directeurs de ces fainces filles , jamais ilsne leur en avoient parle avant qu'on les inquie- tat fur ce fujet.) » mais jecrains que « le Roi ne fe faerie , & je ne pourrois » pas ctre le maitre de ce qui leur at- m riveroit «. M. Champagne repondit:- " Ah , Monfeigneur , vous etesle Pere » de ces religieufes , j'efpere que vous ■» les defendrez , & que vous merrrez » la main entre deux ». Ce qu'il repera plufieurs fois a'iant les larmes aux yeux. M. l'Archeveque s'en apperce-' vant, &c etant lui-meme touche , il dit: II efl vrai que Vecrit que je viens de lire ttia tout-a-fait louche le cceur , Je le confejji. A cette parole M. Cham- pagne attendri le quitta. Deux jours apres etant venu al'Archeveche pour faire voir a M. de Perefixe le protil d'une bordure de crucifix qu'il avoir |
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378 HlSTOlM BE PoRT-liOlXC
1664. &it» il eut avec lui un autre entretien.
Comme le Prelat fe plaignoic du grand nombre d'aifaires qui l'accabloient ,: M. Champagne lui dit, qu'il y avoir rant d'habiles gens dont il pouvoitfe fervir , qui etoient en etat de le fou- lager & de travailler utilement pour 1'Eglife. » Il eft vrai, repondirM. de » Perefixe , comprenanc la penfee de » M. Champagne , que ces gens font » habiles ; mais ils font un peu^mpor- » tes. Voila, dit-il , en montrant la » quatrieme lettre de l'herefie imagi- » naire qui etoit fur la table , de leurs » ouvrages , rien n'eft plus ingenieux; »' comme ils ont de l'efprit ,- ils favent »> tourner les chofes, 8c il femble qu'ils »» ne difent rien; mais cela ne laifle » pas de percer jufqu'au vif. Encore »• s'ils pouvoient etre feulement fix- » mois fans ecrire , cela- donneroit la: " paixi.l'Eglife (6 8) «..M. Champagne prenantla parole dit ou'il connoiflbit quelques - uns d'entr'eux , fartout M.- Arnauld ,.qui etoirdoux,,fim pie com- me un enfant, & d'une figrande bon- te qu'il n'en avoit jamais va depareih M. de Perefixe remoigna. avoir de 1'ef- time pour M. Arnaxild, & ajouta qu'il- avoit de puiflans ennemis ; fur qaoi (*&) lb. col. 1, p. i.77, col. >»
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II. P artie. Llv. //. 379
M. Champagne lui ai'ant dit qu'il pou- t.6-6^ voit parler au Roi & le detromper , en lui fa-ifant connoitre ces perfonnes & leurs ennemis , M. l'Archeveque re~ pondit: » Ce font d'etranges gens que »» ces ennemis-li. Feu M. le Cardinal » de Richelieu difoit qu'il les connoif- » foit bien , &c qu'il etoit dangereux » de les choquer ; fi j'en parlois au Roi « ils me feroient palTer pour janfe- » nifte «. Le lecteur n'a pas befoin qu'onlui nomme ces eeranges gens , en- nemis de MM. de P. R., pour les lui fake connoitre. Depuis que les religieufes eurent xxvm.
fait-prefenter leur acte a M. de Paris , je iaPOme«a elles ne furent occupees qua deman- Agnes, der a Dieu le feeours de fa grace pour lesfoutenir dans lesepreuves auxquel- les elles alloient etre expofees. Oh peut juger de leurs difpofirions par celle de la mere Agnes (6c,). » J'avois » cru ( dit cette. fainte religieufe , £» « crivant a fes, cheres.fceurs de P. R.. >» des champs) , dans mon dernier » rhume , que Dieu me vouloir fepa- m rer de vous fans attendre l'ordre « des hommes : je tienspour unegra- » ce qu'il m'a faite , que cela n'ait pas » ete; afin que je fois plus en etat de,mc (<>) Apol. i part.
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I 80 HlSTOIRE DE PoRT-RCHAt*
» prefenterdevantfonjugement, apres
>■> que j auraieu le moi'en d'expiermes « fautes par les privations & les hu- » miliationsquj pourront arriver. C'eft » deja quelque chofe que l'incertitude « ou nous fommes , & de nous voir »> reduites a 1'etat des novices qui n'ap-^ " prehenderit rien tant que de fortir de * la maifon qu'elles ont choifie ; en » quoi norre voeu de ftabiliti? fe doit »> terminer a une inftabilite fainte , » qui nous rendra plus ftables & plus »» fermes dans 1'amour 8c la fidelite »> que nous devons avoir pour Dieu. " J'avoue , mes tres cheres fceurs ,
i» que la vue de cet etat, ou d'un autre *> qui feroit encore plus facheux., eft *> capable de faire trembler; auffi ne » faut-il pas beaucoup s'y arreter , de *> peur de fe tenter foi-meme ; mais i> plutot confiderer 1'obligation qu'on i> a de s'abandonner a Dieu & d'efpe- »> rer en fa protection , qui faura bien » mefuret les forces que nous devons m'avoir , &qui ne nous peuventvenir » que de fa grace , avec les tentations i> dont il lui plaira de nous eprouver. » Ce que nous avons a faire, c'eft de i> nousregardercommefi nous entrions *> de nouveau ait fervice de Dieu , & » de nous appliquer les paroles de l'E- |
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II. Parti e. Llv.ll. 381
» criture, qu'il faut fe tenir en crainte
» &c preparer fori ame a. la tentarion. » C'eft de quoi notre fennemi invifible » tache de nous detourner, afin que » nous pennons moins a nos devoirs » prefens,qu'a prevoir des maux qui ne »> font pas encore arrives : ce qui n'efl: » pas une preparation , mais plutot une » indifpohtion pour en faire un bon » ufage , n'y ai'ant que la pratique de » la juftice qui connfte a notre egard »» dans les vertus religieufes , qui nous » puifle fortifier pour etre capables de » foutenir les epreuves de Dieu. » Nous avons trouve dans nos Ma«
» tines une inftruftion fort neceflaire
» pour nous bien preparer-, ceft une
» priere que le Prophete fait a Dieu
» afin qu'il le conduife dans fa voie ,
» pour le faire entrer dans fa verite.
•> II n'y a -rien de plus aimable que la
» verite , St tout le monde fe mettroit
>» de fon parti , s'il n'y avoit qu'a la
» confefter 8c a l'honorer 5 mais il n'y
» a gueres de perfonnes qui en foient
w dignes , parceque Dieu ne la leur
» decouvre pas & qu'il veut qu'elle
•> foit la recompenfe de ceux qui ob-
» fervent fa loi •, & c'eft ce que Jefus-
« Chrift meme nous apprend quand il
» dit qu'il eft la voie, &c eufuite, qu'il
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J 82 HlSTCTIRE DE PoR.T-8.oYAl*
» eft la virite. C'eft done fe Hatter 8c
» fe tromper de croire qu'on eft quel- w que chofe , parcequ'on aime la ve- « rite, qui confifte principalement a ne ■»» rien croire & a ne rien embrafler qui " ne lui foic conforme , li Ton n'etend » cer amour de la verite a one autre » qui eft celle des moeurs , fans quoi » cette premiere partie de la verite ne » peut fubfifter •, & quand on ne vien- " droit pas jufquay manquer, ce fe- » roit comme unelampe qui s'etein- ^ droit bientot, parcequ'il n'y auroit » pas aftez d'huile. » Je vous conjure done , mes tres
•*» cheres fo^urs , & je m'exhorte moi- « meme avec vous de nous appliquer •» ferieufement a. profiler du peu de » terns que Dieu nous donne pour nous » exercer dans la vertu , de laquelle -»» nous devons tant craindre de man- -» quer lorfque nous nous trouverons •« dans l'obligation de la pratiquer dans « un degre extraordinaire. Les rencon- » tres qu'on trouve a prefent de femor- •» tifier & de fe renoncer foi-meme, ne •» font que des peintures en comparai- » fon des grandes difficulties ou nous •»» nous trouverons engagees. Dieu nous t> demande les^premieres , & il nous *> promet qu'iiinous donnera les fe- |
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II. P A R. T I E. LlV. If. 38?
» condes. Ne penfons done point au 'x&qa,
» lendemain, en craignant trop de man- » quer de la grace qui nous fera lie- s' ceffaire; mais empknons bien celle " qu'il nous donne aujourd'hui a & ce » fera une femence qui produira cent » ibis autant. Il y faut ajouter les prie- » res continuelles , e'eft-a-dire celles « ducceur , qui ne font point interrom- .» pues, parcequ'il defire toujeurs d'e- m tre a Dieu & de lui plaire. Je vous »les demande tres humblement pour » moi,mes tres clieres fceurs, & je vous » promets les miennes > bien qu'elles » foienttresindignes, puifqu'elles vous » font toutes acquifes, etanr entiere- •» ment a. vous 6c votre tres humble » fceur & fervante ».. Cette lettre eft datee du 18 de juillet. Le meme jour , le pere Efprit xxix.
vint a Port-Roial , & parlaa la."': ^inf' feur An^ehque de faint Jean 8c a Efprit t^moi. la mere Anne Eugenie (7o). Il avoir £££££ ■etc quelques jours , ainfiqaeM. Cha-dece que les .millard, fans favoir que les religieu- avo!cmfcVait fes euftent fait presenter les deux prffenccrieui-s ades , dont nous avons parlc , fa- p*" *4Mj^| voir Tadke du 5 juillet & la fignature >afu. du 1 o -. ils en rirent de grandes plain- (70) Apol. ib. c. ?, p. 6lr- & fuiv... Hift. in
^etfec.p. 178. |
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?g4 Histoire dk Port-Ro'iAt.
tes l'un & l'autre. Le pere Esprit fit quelques reproches a la four Angeli- que, de ce qu'elles n'avoient gueres eu de confiance en M. Chamillard &c en lui , en faifant, fans leur parler &£ contre leur avis, une chofe qu'il les avoir aiTurees qui deplairoit a M. i'Archeveque , & qui nuiroit a leurs affaires. II lui dit qu'elles avoient eu grand rort de ne pas croire M. Cha- millard ; que cet empretTement a pre- fenter leur fignarure etoit tout-a-faic defobligeant pour M. 1A rcheveque & poureux; qu'elles devoient attendreque M. de Paris les vine voir , Sec. La foeur Angelique repondit avec rant de pru- dence & de folidite a ces reproches,que le pere Efprit en ecant fatisfait, ou du moins n'ai'ant rien a repliquer, lui dit bonnement & en riant: Que vou- le^-vous que je vous dife , je crois qui jDieu aurapitie de vous (71). L'heure des vepres mit fin a l'entre-
tien du pere Efprit avec la foeur Ange- lique. Apres qu'elles furent dites, il parla a la fceur Anne Eugenie, a qui ll fit a. peu pres les memes reproches. A'iarttappris d'elleque TacTe du 5 juil- let avoit ete prefente avec la fignatu- rure , il remoigna que cela lui faifoic (71) lb. p. 180. col. 1.
plaifir,
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II. P A R T I E. Liv. II. 385
plaifir, &c ajouta qu'il etoit tout-a-
fait beau , & qu'il fouhaitoic qu'il touchat M. I'Arcndveque. Elle lui re- pondit qu'il en avoit ete touche ; ce qui paint aflez plaire a ce bon pere, qui pria fort qu'on lui en donnat une copie, On lui promit qu'il feroit le f>remier a qui on le communiqueroit ,
orfque les circonftances le perrnet- troient. Le pere Efprit parut fatisfait de tout ce qu'on lui avoit dit & s'en alia content (72). Mais il n'en fut pas de meme deM. Chamillard; il temoi- gna furtout etrefort mecontentde ce que les religieufes avoient envoi'e l'a6be , & pretendit qu'elles avoient le plus grand tort du monde. Il parut claire- ment par tout ce qu'il dit, qu'il pene- troit que les religieufes avoient fait cet a6te pour fe juftifier dans le public , 6c c'etoic furtout ce qu'apprchendoit le do£teur Chamillard. Il avoit raifon de le craindre , car on peut juger par cec afte , comme le remarque judicieufe- mentM. du FofTe,(7 3)» fion apujufte- » mejit accufer d'orgueil des nlles qui » ont donne des marques fi autenti- » ques de leur profonde humilite ; fi. is le langage qu'elles tiennent dans cec |
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tjr) lb. p. i^ 1.
<7i) Mem. p. 140. Tome IK.
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R
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jS£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
..-~7~. » acle, eft un laneaee d'entetement
1004. 1/1 Pi 1 » &c de revoke, 8c 11 les plus rudes
» craicemens , done on a ufe rant a leur
n egard qu'a l'egard de ceux qui ecoienc
» unis avec elles par les feuls liens de
» la piece , ont ete fondes fur des cri-.
» mes qui miritaffent 1'excommunica-
» tion, l'emprifonnement, la difper-
» fion, ou plutoc fur la haine invete-
» ree & fur le credit de ceux qui s'e-
» toient d hautement declares con-
" tre elles ».
xx?; Surla fin dumois dejuillet, Mada-
Madame de me la Ducheffe de Liancourc, fi cele-
i.iancourt \jXe par pa pi^re gc fon attachement pour
avecM. Uia- Tf •• • 1 n 1 <^L -I
millatd. 1« K.., aiant voulu voir M. Chamil-
lard, afin de lui recommander cette maifon, elle fe rendit chez Madame la Marquife de Sable ou il devoit fe trouver , & eut avec lui un entretien alTez long en prefence de Madame de Sable (74). Dans cet entretien, M, Chamillard temoigna a Madame de Liancourt, qu'il avoit bien du regret de ce que les religieufes de P. R. n'a- voient pas voulu accepter les propofi- tions qu'il leur avoit fiiites de figner d'une manierequi auroit du lever leurs fcrupules, &c dont il efperoit qu'on fe fut contente ; & il lui dit ce que e'e^ (74) Hift. des perfec. p. 18:,
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II. Parti e. Liv. If. 3 87
toit que ces propolitions. Le lende- j,66\.
main, ou deux jours apres , M. Du- pleffis Akakia etant alle chez Mada- me la Ducheife de Liancourt, elle le chargea de dire aux religieufes ce qui s'etoit pafle a. leur fujet dans l'entre- tien avec M. Chamillard , 8c de leur porter une feuille de papier , au haut de laquelle elle avoir ecrit le formu- laire que M. Chamillard avoit propo- fe : il etoit concu en ces termes : Nous didarons par notre prefeme Jignature que nous fommes Jinceremenc Jbumifes aux deux conjlitutions des Papes In- nocent X & Alexandre Vll; (ou bien ) aux Papes. Madame de Liancourt en envoiant cette feuille aux religieufes de P. R. , leur fit dire qu'elle les prioit d'ecrireau bas dece foiniulaire de M. Chamillard les raifons qu'elles avoient eues d'en refufer la foufcription. Les religieufes fatisfirent a la deman- de de Madame de Liancourt fur le champ par une reponfe , qui fut le troi- fieme atte , date du 28 juillet (75). » Nous avons appris d'un faint & xxxt.
» d'un grand Pape, de quelle forte afte ^ '^Ti- » nous devons repondre , lorfqu'on g'eufcs dc p. » nous oblige de declarer que nous » fommes foumifes aux conftitutions (7!) lb. 181, 183.
Rij
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388 Histoire de Port-roi'ac.'
" des deux derniers Papes ; c'eft faint h Gregoire le grand, done nous favons » les paroles par cceur , parceque nous » les reckons tres fouvent dans notre w office. Il met entre les diipofitions »> qui doivent paroitre efi un elu, done » il fait un grand denombrement , » qu'il ne fait ce que c'eft que de re- s' pondre avec duplicite lorfqu'on l'in- « terroge fur quelque chofe, & inquifi- t> tus,quodlibet eloqui duplititerignorat, 3> S'il faut avoir cette fimplicite pour " toutes fortes de perionnes,on la doits » bien davantage a l'Eglife .& a un fu- « perieur , furtout a un Atcheveque. » Orrien n'eftplus double que le terr »> "me dejbumijfion qu'on nous propofe » puifqu'on le choifit expreflement , » parce , d'une part , qu'il peut etre » entendu en deux manieres diffe- »» rentes a l'egard du droit & a l'egard « des faits contenus dans les deux: « conftitutions , & que c'eft par - la « qu'on croit qu'il doit foulager la ^ peine de confeience que nous n avons a figner (implement le formu- >» Jaire ; & que d'autre part il peut etra *> pris en un double fens par ce.ux qui « yeulent $c ceux qui ne veule.nt pas . qu'or? fp.it oblige de proirf interieu- ff ;:Gme»t Jejfajr dp Jraifeniiis , U$ uns |
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II. Partie. Llv. II. $89
b devant prendrela foumiffion que nous
» f rometrrions pour une foumiffion iri- " terieure;les autres & nous-memesne » voulant l'entendre que d'une foumif- » fion de refpecT: 8c de difcipline. " S'il y avoit quelque chofe qui nous
» put metcre en peine dans une af> » faire de la nature de celle ci, ce fe- » roitde favoir ii la difpofnion inte-- »' rieure oil nous fommes, feroit bonne » & fure pour la confcience ; mais t> apres en etre perfuadees , comma » nous le fommes par la grace de Dieu, » il ne nous refte point de difficulte fur » lamaniered'expliquernosfentimens, * quand on nous oblige de les dire,
» parcequ'iln'y a rien, ce nousfemble, * de plus clair que l'obligationquenous:
*> avons de parler avec routes fortes' » de fincerite a ceux qui nous tiennem' * la place de Dieu. Ainfi tout le choix
» que nous voudrions faire des mots » pour nous expliquer , feroit de pre- » rerer toujours les plus refpe&ueux » & en meme-tems les plus intelligi- >j bles & qui font mieux comprendre: »> notre penfee.Nous apprenons encore » cetteconduite du meme Pape S.Gre- >> goire au meme lieu,ou faifant une op* * pofition des maximes de la fagefler
p> du monde 6c de celles de la fageffe Riij
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J JO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
» des juftes , il dit qu'une des regies
» de cette fagefte mondaine eft de ca- » cher adroitement fa penfee fous » des paroles artificieules , fenfum ,> verbis velare; & qu'aucontraire la » regie de la fagefte divine qu'obfer- » vent les juftes , eft d'expofer claire- » ment leurs fentimens par des paro- )> les finceres : Senfum verbis aperire. " II nous paroit qu'il y a surete route
»» entiere a fuivre l'avis de ce Saint, » puifque ncn-feulement e'eft un Pa- « pe qui parle, mais que de plus il a « n fort prevu a quoi l'on fe pouvoit » expofer en pratiquant cette fimpli- » cite cvangelique, qu'on ne peut pas « dire qu'on en foit difpenfe par les » fuites facheufes qu'elle pourroit w avoir dans certaines occa^ons ; puif- » qu'il fuppofe deja d'une part , qu'- » une vertu ft" pure paftera pour une « veritable folie au jugement des fa- s' ges du monde ; & qu'il veut, de « Pautre , qu'un jufte qui agit de la z> forte eftime comme un grand gain » 1'avantage de fouffrir des opprobres » & des mepris pour la vente : Pro » veritate contumelias lucrum putare ; » qu'il fe prepare fans cefTe a la pa- " tience, & que demeurant ferme dans » la juftice, il fe rejouifle, s'il eft afTex |
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i ..
II. Partu. Liv. 11. 391
»> heureux que defouffrir quelque cho- \CGa. » fe pour fa defenfe : Mentem fempcr . >>\ad pathntiam praparat, & erecius »pro jujlitia ,de ptrctpus contumdiis >> exultat. » Voila. les regies que nous devons
<» obferver , & pour l'occafion prefen-
" te , afin de ne parler qu'avec une
»> parfaite fincerite, & pour les fuites
»■ auxquelles cette conduite nous ex-
» pofe , afin de nous difpofer a tout
» fouffrir , ou avec patience , *fi notre
» charite eft encore foible , ou avec
» joie , s'il plait a Dieu d'augmentet
a notre amour par l'epreuve de la fouf-
» france, qui eft le feu qui le purifie
" & qui lui donne fa perfection.
L'arrivee duLegat,quifit fon entree a
Paris le 9 d'aout, & la maladie de M.
de Paris ,' qui tomba malade le 10 ,
d'une fievre double tierce , dont il eut
cinq ou fix acces , fufpendirent pen-
danr quelques jours les violences qu'ort
meditoit d'excercer contre P. R., 8c
donnerent encore du terns a. ces faintes
filles pour fe preparer a ce qu'il plairoir
a Dieu de leur faire fouffrir. Chacun
en parloit en fa maniere , les uns en
les plaignant , les autres en les bla-
mant. Le bruit commim etoit qu'on
ies excommunieroit, qu'on enleveroic
R iv
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jyi Histoiue de Port-ro'/ac.
i66±. de la maifon une douzaine desplus fer-
mes , pour les exilerdans d'autres ma- nafteres , ou on les enfermeroit com- me des prifonnieres. Dans cet etat les religieufes de P. R. avoient recours a Dieu par la priere & la penitence , &c fe mettoient fous la protection des Saints , par des prieres particulieres qu'elles leur adrefloient en forme de requete (76). xxxir. Les relieieufes prevoiant que leurs
Quatrieme. • ° 1 j /
,ft;Ja rei,. ennemis ne manqueroient pas de re~
cieurei, parpandre des bruits defavantageux con>- tfgjieot eur"tre la purete de leur foi, pour colorer proicffioa de les violences qu'ils fe propofoient d'e*- xercer contre elles (77), firent dans le mcme terns , pour prevenir leurs ca»- lomnies , un a£te capitulaire , par le- quel elles foufcrivirent folemnelle- ment la profeffion de foi du Concile de Trente. Comme elles etoient af- femblees pour cell le 11 du mois d'aout , la mere Agnes ouvrit le livre des faints Evangiles , fur lequel les religieufes devoient jurer leur profef- fion de foi, dans le delfein d'y voir ce que la Providence lui feroit ren- (7<) La mere Agnes Paul , a fainte Madelei-
irefTa d; cette forte plu- ne.a S. Laurent, proteo
fieurs requetes , auili plei- teur du monaftere , &c.
nesde lumieres qued'onc- (77) Hift. des pctfec, tiojx; i & Pierre _& S, p. 1S4,18 j, 1&8,
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It. Partie. Llv. II. 393
eontrer 5 &c a l'ouverture elle trouva vc>6^. ces paroles de notre Seigneur a fes Apotres pour les fortifier contre les per- secutions des homines : En verite , en verite, je vous le dis , vous pleurere^ & vous gernire^ vous autres.........
Le urns va venir , & il efl deja venic
que vous fere^ difperfes chacun de fort cote . .. .Vous aure^ dis afflictions dans le monde ;mais aie{ confiancej'ai vain~ cu le monde. Cette rencontre fervit a. eonfirmer les religieufes dans la refo- lution de s'attendre a tout ce queDieu leur preparoit. L'une d'elles lut tout haut la profeffion de foi , rou- tes etant a.genoux en leur rang dans^ un profond recueillemenr & une gran- de attention. Enfuite 1'abbeiTe la pre- miere , puis toutes les autres, par or- dre , fe leverent de leur place, aile- rent l'une apres l'autre mettre la main- far les faints Evangiles , & baiferent ce. livre, en figne qu'elles embraiTbient & fignoient tous les articles de foi ,; dont e-les venoient de faire profeffion.- Rien n'etoit plus edifiant que cet- te cercmonie , "qui fut fake avec une gravite &: une devotion extraordi- naire. On pourfuivit enfuite le refte^ de l'acte , dont cette profeffion de foi fait paftie , & l'apres-midi il fut figne. R v
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?94 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
de route la communautc. Voici Pacte*
» Aujourd'hui , onzieme du mois " d'aout, Nous Abbeffe , Prieure, Of- » ficieres & religieufes de 1'abbai'e de « P. R. du Saint Sacrement , au mo- » naft'ere de Paris, etant aflTemblees ca- » pirulairement au lieu ordinaire, au 5> fon de la cloche , & coniiderant l'erat » prefent des affaires de notre maifon , » fur les avis qu'on nous a donnes , &c » les diverfes menaces qu'on nous a » faites de nous feparer & de nous di- » vifer routes , ou parries de nous, en »» d'autres monafteres, 8c nous oter nos »» monafteres 8c nos maifons pour y » etablir d'autres re!igieufes,foit de no- m tre ordre oud'un aurre, fouspretexte » que nous fommes herctiques & de- » fobeiffantes al'Eglife &au Roi, quoi- " que par la grace de Dieu nous ai'ons >i ete 8c foi'ons toujours dans la foi ca- » tholique, apoftolique 8c romaine , 8c *» dans l'obeiffance 8c foumifTion a l'E- u slife &c au Roi, commenous l'avons » rait paroltre dans divers a£tes; & » ai'ant rout fujet de craindre cet acci- » dent funefte , par ceux qui ont deja » precedes , &c pouvant aifement arri- » ver que dans cer etat deplorable nous » n'aurions aucune voie pour nous " pourvoir contre les fentences, or-. |
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II. Part ie. Llv. 11. 595
" donnances , arrets , juffions , corn-
s' mandemens que Ton nous pourroit » faire , 8c contre l'execution d'iceux , » par remontrances , oppontion;;, ap- » pels 8c autres voies de droit, & que » nous ne trouvions meme aucun Juge , » Notaire , ou perfonnes publiques , » qui vouluffent ecouter nofdites re- s' montrances , recevoir nos plaintes « & oppofuions, 8c nous en donner •> a£te , non plus que des appels que » nous pourrions interjetter, comme » nous l'avons deja vu plufieurs fois , >' 8c principalement le t6 avril 1661 , " auquel jour M. le Lieutenant Civil » & M. le Procureur du Roi au Cha- » telet de Paris , vinrent en notre mo- » naftere avec un ordre du Roi, pour » en faire fortir toutes les penfionnai- » res & les autres nlles qui etoient dans » le noviciat en quaiite de poftulantes , » 8c firent defenfe de recevoir a, l'a- » venir aucunes filles pour etre reli- » gieufes ou penfionnaires •, ce qui foe » auffi fait le 15 du meme mois 8c » an par les CommuTaires Camufet 8c » Picart, en notre monaftere de P. R. » des champs •, & le quatrieme du » mois de maifuivant, M.leLieute- » nant Civil vint en notre maifon une » feconde fois , & apporta a. la mere Rvj
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59^ HlSTOIRE DB PoRT-ROlAt.
" Catherine Agnes de faint Paul, pour
ix lors Abbelfe , une lettre du Roi , »> par laqueJle Sa Majefte reiteroitles « memes commandemens , 8c enjoi- * gnoit en outre d'oter 1'habit aux 3> novices qui l'avoient recu depuis » la premiere vifite de M.leLieute- w nant Civil , quoiqu'avec fon con- =* fentement, 8c de les renvoi'er chez- « leurs parens , a psine de lui en re- si pondre en fon propre 8c prive « nom. »-Et commeleRoi avoit apprlspar
s> M. Ie Lieutenant Civil qu'il y avoir »> quelques penfionnaires des Provin- 3i ces eloignees qui etoient demeurees w dans le monaftere attendant leurs « parens, Sa Majefte, par ladite let* 33 tre , ordonnoit a ladite mere Ab- 3> belTe de femettre lefdites penfion- 33 naires enrre les mains de M. le 33 Lieutenant Civil, a qui Sa Majefte » avoit ordonne de les mettre aux « Urfulines du Fauxbourg S. Jacques , 3> en attendant les parens. Conform^ »» ment a- ces ordres, les novices for-' 3* tirent au nombre de fept le 13 mai, " avec Ieur habit , lvaiant jamais- « pu fe refoudre a le quitter. Et le »» 16 mai M. le Lieutenant Civil, m accompagne de M. le Procureur dit |
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II. P artie. -L/v. 77. 397
n Roi , fe tranfporca en notre mo- » naftere de P. R. des Champs avec » deux carolLes, dans lefquels il em— » menatoutes les filles qui y etoienr » demeurees en attendant leurs pa- » renseloignes. » Dans toutes lefquelles occafions ,-.
» nous n'avons pu en aucune facon etre" » eccmtces, ni reprefenter nos rations- » & faite nos remontrances ;.&c mcme » une mere d'une des filles etant allee » au devant pour la reprendre , ja-- » mats M. le Lieutenanr civil ne vou-*- » lut l'entendre , ni lui remettre far-. » dite fille entre les mains. »■ Le \6 mai, autre ordre rut don^
» ne a Meffieurs les Vicaires generawc »» de M. le Cardinal de Retz, pour » lors Archeveque de Paris, de nous " donner tin autre fuperieur que M. » Singlin, qui avoir cte oblige de fe- » retirer pour ceder a la violence; &? » nous amener M. Bail pour tenir far » place. En cette occafion , on ne vou- » lut non plus ecouter nos remontran- » ces-, & meme M.le Chevalier du » Guet vint dans notre monaftere aveo » un ordre contre ledit lieur Singlin , » qu'il uexecuta pas , parcequ'ii s'e- »» toit deja retire & qu'il ne le trouva »-pas. Le izjiun fuivant, on oblige* |
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£ 98 HlSTOIRE iE PoRT-Roi*Al«
les confeflfeurs de notredit monaf-
tere de Paris & de notre monaftere des champs de fe retirer; &c M. Bail pretendant etre fuperieur de notredit monaftere , nous en donna deux autres, favoir defunr M. le Juge , pretre de S. Nicolas du Char- donneret , & M. Parat que nous fumes contraintes &c obligees d'ac- cepter, ne pouvant en avoir d'au- tres,quelques remontrances que nous pullions faire , & fans qu'elles aient eu aucun effet. Ce qui ne nous a pas feulemen etonnees Sc furprifes,mais ce qui a tellement etonne toutes les autres perfonnes , que nous n'avons pu trouver encore a prefent aucun notaire , qui ait voulu pafler le pre- fent acte , que nous avons cm de- voir faire etant en pleine liberte » tant pour rendre raifon de notre foi &de notre conduite , que pour faire nos proteftations Sc oppofitionsatout ce qui peut nous etre fair, ouquel'on peut exigerde nous ences rencontres, tant pour fatisfaire dans les terns a venir le public & les religieufes qui viendront aprcs nous, que pour la dechargede nos propres confciences. » C'eft pourquoi nous etant toutes mifes devanc Dieu , cornme a. far- |
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166^.
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II. P A R T I E. L'lV. 11. $09
*> tide de notre mort, nous avons fait
» a genoux la profeflion de foi fui- » vante & telle que le concile de Tren- » te l'ordonne. %> Nous , abbefle , prieure , officie-
» res &c religieufes fufdites , croions » & profeftbns d'une foi ferme toutes » les chofes qui font en general & en w particulier contenues au fymbole de » la foi, duquel fe fert la fainte Eglife » catholique,apoftolique & Romaine* » Nous croions en Dieu Pere tout- is puifTant , createur du ciel "6c de la- » terre , 8c de toutes les chofes vifi^ » bles & invifibles , & un feul J. C « Notre-Seigneur , fils unique de; » Dieu , ne avant tous les fiecles 9 » Dieu ne de Dieu , lumiere de lu- » miere , vrai Dieu duvrai Dieu , en- s' gendre , non cree , confubftantiel, » & aiant la meme nature que fort » pere, par lequel toutes chofes one m ete creeesdequel pour nous hommes, » & pour notre falut , eft defcendit » des cieux , s'eft incarne par la vertus « du Saint Efprit, eft ne de la Vierge n Marie, s'eft fait homme , a ete cm- » cine pour nous fous Ponce-Pilate , » a endure la mort , a ete enleveli y » le trolfieme jour eft reftufcite , com- n me il etok predit par les fainte s- |
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400 HiSTOlRfc DE PoRT-lt'OlA'i:
» ecritures , eft monte aux cieux , efr
5> affis a la droite de Dieu fon pere , »» & viendraavec gloire pourjugerleS' » vivans &c les mores , Je regne du- m quel n'aura point de fin. Nous » croions au Saint Efprit No*xe-Sei- « gneur , qui nous fane-tine & vivifie , »■ procedant du Pere & du Fils, lequel » doit etre adore 8c glorifie pareille- m ment avec le Pere 8c le Fils, 8c qui » a parle par les Prophetes. Nous 5j croions la fainte Eglife catholique » 8c Apoftolique. Nous confeiTons un s> Bapteme necelTaire pour la remiffion » des peches , 8c nous attendons la- » redirection des morts , & la vie div « fiecle a venir. Ainfi foit-il. » Nous admettons & embraflbns^
» les traditions apoftoliques & eccle- »» fiaftiques , 8c totites les obfervances » 8c conftitutions de l'Eglife. Nous »> recevons audi les faintes ecritures,. » felon le fens & Intelligence qu'a » tenu & tient notre mere fainte Egli- » fe , a laquelle il appartient de juger » du vrai fens & de l'interpretation. » des faintes ecritures , & jamais nous » ne les prendrons ni interpreterons ,- >» que felon l'unanime 8C commun »» confentement des SS. Peres. Nous, jj profelfons qu'il y a fept facremens |
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II. P A R T I E. LlV. It. 4OI
W de la loi nouvelle , vraiment & pro- \G6\\*
» prement ainfi appelles, inftituespar » Notre-Seigneur J. C. pour le falut » du genre humain , bien que tous »» ne foient pas a un chacun necef- n faires ; qui font le Bapteme , la Con- s' firmation , la Penitence , rEucha*- » riftie , l'Extreme-Ondtion , l'Ordre » & le Mariage , &c qu'ils conferent »> la grace •, & qu'entre ces Sacremens> » le Bapteme , la Confirmarion &c » l'Ordre ne fe peuvent reiterer fans » facrilege. Nous recevons aulli & ap- » prouvons toutes les ceremonies re- »> ^ues Sc approuvees de l'Eglife ca- w tholique dans l'adminiftration fo- " lemnelle de tous ces facremens. " Nous recevons & embrafTonstout xxxnn
» ce que le Concile de Trente a en ££*> «■* » general & en particuUer defini & d« tcligieu. * declare touchant le peche originelperofeffi^ne^J. » & la jufrification. Nous profef-&>»*■ » fons pareillement qu'en la Mef- « fe eft offert a Dieu un vrai fa- » crifice , proprement ainfi appelle , » & propitiatoire pour les vivans 8c *> pour les morts.., & qu'au faint fa- « crifice de l'Euchariftie eft vraiement, » reellement & fubftantiellement la » corps & le fang, avec l'ame & la di- » vinite de Notre-Seigneur J.C. r &c. |
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__ -l..j
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4<Si HisTorRE de PotLt-KOiAii
" qu'il s'y fait un changement de tout?* » la fubftance dn pain au corps , 8e » de toute la fubftance du vin au .« fang , lequel changement 1'Eglife *> appelle tranfubftantiatiom Nous »> croi'ons & confeftbns auffi , que fous » une feule des deux efpeces on re- •»> 90k J. C. tout entier, 8c qu'en Ie >> recevant ainfi , on recoit un vrai *> Sacrement. Nous tenons aufli fer- >> mement qu'il y a un purgatoire , Sc « que les ames , lefquelles y font de- » tenues , font aidees par les funxages >> des fideles ; femblablement que les » Saints qui regnent avec J. C. font a a honorer & a invoquer , qu'ils of- *> frent a Dieu leurs prieres pout nous , »> 8C que leurs reliques font a reverer j t> comme aufli qus les images de No- u tre-Seigneur 8c de la bienheureufe » Vierge & Mere de Dieu 8c des au- » tres Saints font a avoir & a retenir , »» 8c qu'il faut leur deferer I'honneur >> 8c la reverence qui leur eft due. » Nous afliirons de plus que la puif- i> fance de conceder des indulgences »» a ete laifTee par Notre-Seigneur J. « C. dans fon Eglife , & que l'ufage *> en eft tres falutaire au petiole » chretien. » Nous reconnoiflons que 1'Eglife |
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II. Part ie. Llv. 11. 40$
» Romaine eft fainte > catholique &c
« apoftolique, &c qu'elle eft mere 8c
» maitrefle de routes les Eglifes •, 8c
»* nous promettons & jurons une vraie
» obeiflance a notre faint pere le Pape ,
« Eveque &c Pontife de Rome , fuc-
» ceffeurdubienheureux S. Pierre , 85
» Vicaire de J. C. Nous recevons
» audi fans aucun dome, 8c profeftona
» toutes les chofes qui nous ont ets
» lailfees & definies &c declarees pac
» les faints canons & par les conciles
» (Ecumeniques , & principalement
» par le faint concile deTrente , con-
« damnant pareillement, rejettant 8c.
w anathematifant tout ce qui leur eft
*> contraire, &c toutes lesherefiesque
« l'Eglife a condamnees , rejettees 8£
» anathematifces.
» Enfin nous procurerons autant qu'il
» eft en nous , que cette vraie foi ca- v tholique , hors laquelle perfonne ne » peut etre fauve , & laquelle pre- » fentement nous profeflbns volontai- » rement & tenons veritablement , " foit auffi retenue, confeflee , pre- » chee 8c defendue entiere &c fans » corruption, fermement &c conf- » tamment, Dieu aidant , jufqu'au » dernier foupir de notr-e vie , par » nous 8c par ceux qui en quelque fa- |
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4©4 MlSTOTUE DE PoRT-ROiA£7-
M>64. " 9on 1ue ce ^olt » ^ont & feront erf
» notre charge & dependront de nous, » l'avons jure & promis & voue fur >> les faints Evangiles. Ainu foit- » il (78). » Nous declarons de plus que nous
» recevons avec une foumiilion fin- »> cere tout ce que les fouverains » Pontifes Innocent X 8c Alexandre » VII ont defini tbuchant la foi dans »> leurs conffcitutions , la premiere dit >» 31 mai 1653 > 8c la feconde du t6 » octobre 1656. Et quant a notre con^ » duite , nous declarons que par la » grace de Dieu nous fommes toujour* *• demeurees dans l'obeiflance & la - foumiilion que nous devons a nos » fuperieurs & au Roi, pour lefquels » nous avons prie 8c prions ordinaire- »» menr, 8c que nous avons pratique »' toujours nos faintes regies, comrne * nos fuperieurs font eux-memes re- (78) C'eftainfi qucdans' aura peine a cenccvofr
le terns meme qu'on von- comment des religieufes.
loit faire paflir les reli- audi inviolablement atta-
gicufesde 1>. R. pour he- chiesa l'Eglife , ont pd
xetiques , elles s'uniiToient aulli-tot etre trances com-
plus que: jamais a l'Eglifi, me elles l'ont etc : Obfln-
par la profeffion autenti- pefcite crxli fitper hoc, peut-
que qu'elles faifoient ds on dire avec un prophete >.
fa foi. Ec pour peu qu'on fur un prodige qui a du
forteattention fur ces ac- eronner le Ciel, & qui i:
tes, d'une foi pure & d'u- peine fera cru de la pofte?
lie piete ft ardente , on fera t'ui,
fans Joutc atomic } & ou |
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JL P A r:t 15. Uv. 7/.1 405
» connu , & comme ils l'ont declare
■» par divers a£tes , entre autres defunt
» illuftrimme $c reverendiifime Jeaiv
v Francois de Gondi , premier Ar-
" chevtque de Paris en l'annee 16$ 1 >
» dans la cenfure d'un lrvre en forme
v de libelle , compofe par le P. Bri-
» facier Jefuite , qui nous traitoic fort
».' injurieufement , dans laquelle il
m parle en ces termes : Nous avons
" declare & declarons lefdites religieufes
v de P. R. pares & innocentes des cri-
»•> mes done I'auteur a voulu noircir let
v candtur de leurs bonnes mceurs , 6*
" offinfer leur integrity & religion , de
v laquelle nous fommes ajjures par une
" entiere certitude ; comme auffi par
».» les aftes de la vifite faite en l'annee
» 1644, par M. du Sauflay , qui etoit
»• alors Cure de S. Leu , S. Gilles ,
»•» Official & grand Vicaire de defunt
" Monfeigneur l'Archeveque , & qui
" eft prelentement Eveque de Toul;
» & pareillement par les actes de la
" vifite faite en l'annee 1 661 , par
" Melfire Jean-Baptifte de Conres ,
v Pretre , Doi'en de l'Eglife Mctropo-
»> litaine de Paris , Vicaire general de
» l'Eminentilfime & Reverendillime
« Cardinal de Retz, alors Archev. de
w Paris , aififte de Ivie. Louis Bail,
'*/
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40<J HlSTOIRE DE PORT-ROMI.
» Pretre , dodteur en thcologie; dans
» lefquels a&es il approuve 8c con- » firme toutes les ordonnances de la s> precedente vifite faite en l'annee » 16 5 7 par M, Singlin , pour lors notre » Superieur , 8c il declare avoir trouve n nofdites maifons enun etatregulier, ji bien ordonne , une exaite obfer- » vance des voeux , des regies &c des » conftitutions , une grande union & » charite entre les fceurs , une fre- w quentation des Sacremens digne » d'approbation , dans une foi orrho- » doxe , 8c dans une foumiflion & » une obeiflance legitime 8c due a » notre faint pere le Pape, 8c a tous » les decrets de 1'Eglife , & n'a- » voir rien trouve & reconnu dans » notredit monaftere de Paris , & en » notre monaftere des champs , qui f foit contraire a la foi orthodoxe, » & a la doctrine de 1'Eglife Catho- » lique, Apoftolique 8c Romaine , ni v aux bonnes mceurs , & y avoir trou- w ve encore une grande fimplicite , " fans curiofite fur les queftions con- »> troverfes : tous lefquels a&es font » confervees dans les regiftres capitu- »> laires de notre monaftere. j> Ce qu'a aufli reconnu tout nouvel-
»» lement Monfeigneur rilluftriilime |
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II. Parti e. Liv. II. 407
» & reverendiflime Hardouin de Pe-
« refixe , a. prefent Archeveque de Pa*-
» ris , ainu qu'il l'a declare dans
" l'ade de l'ordonnance de la vifite
m qu'il a faite au mois de juin dernier
» dans ce monaftere , par laquelle il
j> nous a exhortees a. perfeverer dans
3> la regularite qu'il avoir renconrree
« dans notredite maifon , & y a de-»
s> clare n'y avoir trouve autre chofe a
»» reprendre , finon que nous n'avons
» pas pu nous refoudre a. figner le for-.
» mulaire, qualifie formulaire de foi,
» fait & drelfe par l'aflemblee du Cler-r
« ge de France le 17 mars 1657, &c
» mis au bas de fon ordonnance du 7
»> dudit mois de juin dernier.
" Sur lefquels mandement 8c for-
»> mulaire , nous avons donne notre « declaration contenue dans un a£te v capitulaire du 5 juillet dernier, & » notre fignature mife fur ladite or- m donnance &c foftnulaire en ces ter-; " mes : Nous JouJJignits pronations »> une foumiffion & creancefincere pour » la foi ; & fur le fait, comme nous »> n'en pouvons avoir aucune connoif- *> fancepar nous-memes, nous n'eifor-i " mom point de jugement , mais nous » demturons dans U refpeel & lefilence t> conformes a notre condition & a no- »> treetat. '-; |
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"40$ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» Et 11 nous n'avons pu en ces oc-
» cafions executer ce qu'on nous a » demande , Ja pure verite eft telle " que ce n'a jamais ete par un elpric » de defobeifiance a M. l'Archeveque, » & au Roi, reconnoiifant routes ces » puiflances comme tenant la place de » Dieu, & etant dans la resolution de « moiirir plutot que de commettre •» quelque acHon contre l'obeiliance » que tout le monde eft oblige en conf- » cience de leurrendre;maisque nous » n'avons pu figner d'une autre manie- » reque nousl'avons fait,iQ. parceque » les fouverains Pontifes , &c l'Eghfe » univerfelle , n'ont point drefle 8c » decerne le formulaire , &c n'ont point « exige cette fignature. xQ. Que la de- » claration ou edit dti Roi , du 19 « avril dernier , ne parle & ne fait au- » cune mention des religieufes , & « que nous fommes dans cet etar. » 30. Et enfin pour toutes les autres " raifons contenues dans norredit adce « capitulaire , joint a ce premier a<5te. » Et ainfi ne nous reconnoiflant , *» par la mifericorde de Dieu , ni he- « retiques ni defobeilTantes , nous » avons jufte fujet de protefter & » nous oppofer contre , Be a tout ce m .qui pourra nous are fait, ou que » l'oa
V
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it Part ie. Liv. II. 409
Von pourra exiger de nous. Et en
eftet , par le prefent a&e nous de- clarons, que des a prefent, comme des lors , nous nous oppofons a rou- tes les ordonnances , fentences , arrets , juflions &c commandemens qu'on nous pourra faire , de quel- qu'autorite qu'ils partent 8c ema- nent , pour nous obliger de nous 1 feparerlesunes d'avec les autres,& a ' ladite feparation qui pourra enconfe- > quence etre faite de toutes,ou d'une
> partie de nous,comme auffi au delaif-
» fement &c abandon de notredite ab- > bai'e, maifons & monafteres de Pa-
> ris & des champs , & encore a l'eta-
bluTement qu'on pourra,ouqu'onvou- ' dra faire d'autres religieufes de no-
> tre Ordre, ou d'un autre, en notre-
> dite abbai'e, & en nofdits maifons &
> monafteres , foit pour un terns , foit
» a perpetuite •, pareillement a. routes • les elections , nominations &c eta- > blifTemens d'AbbefTes , Prieures &c
. Officieres , triennales ou perpetuel- > les, que Ton voudra ou pourra con-
■ traindre de faire , ou que Ton fera > fans notre participation ; fembla-
j blement a. routes les receptions de . filles al'habit & a la profeffion , qui > pourront etre fakes , ou par une
Tome IV. S |
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410 HlSTOIRE DE PoRT-ROl'At,'
ff <j<?4. " Partie de nous qui feroit reftee dati'
j» nofdites maifons, ou par les Ab as beffes, Prieures 8c Ouicieres , & »> aurres religieufes qui pourront • 3> etre etablies ; enfemble a tons le »> a6tes , confentemens , agremens & sj tolerances, voix actives 8c paffives .»> que Ton pourra 8c voudra exiger d* « nous dans ces occafions, & que nous a> ou quelques-unes de nous , par con 3> trainte ou foibleiTe , pourront don *, ner , foit dans nofdites maifons a> foit ailleurs , comme etant lefdit 3, adfces, confentemens, agremens, re sj nonciations, pactions , tolerances » 8c voix actives 8c paflives , faits & » donnes par force & contrainte , & w dans un etat ou celles qui les on »> donnes ne feront nullement libre i> 8c en voie de faire des adtes volon « taires. » Proteftant contre lefdites ordon
» nances, fentences , arrets , jufiion sj & commandemens , 8c de nou j) pourvoir a Penconrre d'iceux dan » le terns que nous pourrons par le » voies de droit, comme nous ferion h des a prefent, 8c lorfqu'ils nous fe »» ront fignifies de yiye voix 8c pa », ecrit, fi nous le pouvons •, mem « prqteftons de nullite de toils lefdit |
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II. Partie. L'iv. 11. 411
*a etabliffemens , elections , nomina-
-w tions,teceptions&.admimons d'Ab- »» beffes , Pneures y Ofticieres & reli- ■>• gieufes , & encore de routes dona- »> tions qui pourroient etre faires de »> notredire abbai'e , 8c de nofdirs mo- »> nafteres & biens dependans d'iceux , u & generalemenr de ce qui pourroit ♦> etre fait contre chacune de nous en « particulier , ou contre nous routes *' en general, ou contre notredite ab- *> baie , maifons & biens d'icelle. « Proteftanr d'abondant de nous
» pourvoir a l'encontre de ce que def- » fus, & de tous autres acres non ex- « primes par les prefentes , & qui nous » pourronr prejudicier , dans les terns m que nous le pourrons , fans que le » nlence d'une ou plufieurs annees « puiffe paffer pour ratification ou con- » fentement tacite, & qu'il puilfe nous » nuire en cette occafion -, d'autant » que nous fommes contraintes d'en » ufer de la forte-, n'aiant aucune voie w de droit qui nous foit ouverte , & » ne le gardanr que par violence , Sc » fans prejudice toutefois de rous nos » droits , noms , raifons & actions , » lefquels nous refervons en terns Sc » lieu. Sij
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411 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt."
» Et afin de les pouvoirpourfuivre en
» notre nompar-tout ou ll fera necefTai" " re, Nous, AbbefTe , Prieure & reli- » gieufes fufdites , faifons &c confti-r- » tuons notre procureur general, fpe- „ cial & irrevocable , M, N. auquel « nous donnons pouvoir de , pour &C M en notre nom , prefenter requete »> devant qui &c ainfi qu'il le jugera » a propos, fe plaindre des violences »> qui pourront nous etre faites , en » demander juftice & reparation , »> plaider , oppofer , appeller , elire ai domicile , fubftituer, 8c generale- « jnent faire pour nous 8c en notre " nom tout ce qui conviendra , con^- « formement a la proteftation ci- de- " vant fake , laquelle , conjointemenr »> avec la procuration , nous avons « £iite 8c fignee capitulairement a£- « femblees au fon de la cloche , pour »> n'avoir rrouve aucun Notaire qui « l'ait voulu reeevoir, lefdits jour & « an que deiTus. Signe de Ja mere t> abbefle 8c des religieufes, Les religieufes de P, R. des champs
approuyerenc & confirmerent le 14 ;ioiit cet acfte de proteftation de leurs fours de Paris , avec routes les delibe- rations f profefilons de foi, decjara- |
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11. f> A R T I E. LlV. If. 4,1 J
lions , oppoficions qui y font conte- f^jjT"
nues (79). La fageiTe , la fermetc , la ptuden- xxxiv.
ee, & la moderation , caracterifentPt,eteea fo„r- .1 n 1 i- • r 1 mede reT"-'rei
egalement cet acte des rehgieules de adrciUe a 1.
P. R. En voici un d'un autre genre, qui ^ ,ieur»" rJ^ porte les cara&eres d'une foi vive, d'tv- p. R. ne pleine confiance 8c d'une entiere re*- fignation a. la volonte de Dieu : car, fi ees vierges chretiennes ne negligeoient fiasde fe fervir des moiens-humains 8c
egitimes que les loix oftrent a. tous les homines , leur principale & meme unique reflource etoit en Dieu. Le tneme jour que l'a6fce precedent fut fi- gne , on mit enfuite fur l'autel, pen- dant la merle , une priere en fotme de requete, adreflee A Jefus Chrijl notrt Seigneur , le Sauveur du monde , qui a voulu etre conronni d'epincs , pour Je rendre le Roi des cceurs (80). » Supplient humblement les filles
» confacrees au fervice de votre divi- » ne Majefte dans le monaftere de » P. R, ; difant: qu'aiant renonceau 5> monde pour vivre fous I'ombre de » vos ailes dans la fainte religion , el- » les fe trouvent agitees 8c troublces » par le commandement qu'on leur (79) Hift. des perfec.iiesielig.de P. R. p. 1S5 i8£»
S iij
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414 HrSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
» fait de prendre part a une chofe 5
» quoi elles ne doivent point s'appli- »» quer, n'etant capables que de tenir " dans l'Eglife le rang de colombes « par leur {implicit*: &c le gemiiTe- » ment continuelou elles doivent ette » pour les befoins de cette divine me- »> re , fans fe mcler d'autre chofe que « de demands a Dieu qu'il donne fa » lumiere a ceux a qui il appartient »» d'avoir connoiflance de fa verite »> pour l'enfeigner aux fideles. « Se voi'ant dans cet etat d'afflic-
»> tion , fans trouver aucune miferi- j> corde de la part de celui qui leur w tient votre place , elles fe retirent « vers vous , qui avez pris le titre de » bon pafteur, parceque vous aimez » vos ouailles , que vous les nourrif- » fez dans votre fein, &c que vous les « defendez des loups qui les veulent » devorer. Notre ennemi invincible* " qui eft ce loup & lion rugiflant s » qui tourne autour d'elles pour les » devorsr, leur fufcite des perfecu- *> tions au-dehors pour les affoiblir « dans la confiance qu'elles doivent *> avoir en vous, comme s'il leur di- » foit ; Ou eft votre Died, qui vous « abandonne de la forte , de meme » que s'il ne penfoit point a vous^ |
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If. P A R T I E. LlV. lit ^ I 5
» Et dans cetce tempete elles vous
" adreiFent la plainte que vos Apotres * vousont faite -.Seigneur ne vousfou-
» cie^ vous point que nous perijfions ?' » Mais elles fe reprennent auili-tot >> " fachant bien qua lorfque vous de- » laiflez , c'eft lorfque vous aidez da- » vantage. Elles fe reiTouviennent de* » tant de faveursqu elles ont revues de " votre main, & particulierement de * ce qu'il vous a plu les aflbcier au myf-
« tere de vorre pallion , en leur faifant » porter la croix fur leur habit, pour * figne qu'elles doivent l'avoirgravee-
w dans le coeur. Elles fe reflouvien- » nent encore que votre Providence » leur a fait trouver un afyle dans vos: » plaies , en honorant ce monaftere » du facre gage d'une des epines qui * a sire^ le fang de votre chef divin
» pour le rendre une medecine falu- » tairy pour la fame de nos ames , 8c » de ce qu'il vous a plu faire pafler » cette grace jufqu'a la gucrifon cor- » porelle d'un enfant dont vous leur » aviez donne Li conduite , aianr ■ voulu faire un miracle ft prodimeux » pour arreter les delleins qu on avoir » des lors de troubler ce monaftere. » Nous n'avions point meritc que vous. *> filliez cette merveille en notre fa- Siv
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416 HlSTOIRE DE PORT-Rd'/At.'
» veur , & encore moins que vous pre-*- » vinlliez nos defirs & nos prieres. » Que fi vous avez eu tant de bon~
« te , que de veiller pour nous, lors- » meme que nous etions dans l'igno- « ranee de notre peril, ne nous ecou- " terez-vous point mainrenant que n nous vous addreflbns nos vceux jour »» 8c nuit y pour conjurer votre mife- »» ricorde d'avoir pitie de nous dans- •» l'extremite ou nous fommes redui- *» tes ? Vous n'avez point d'autre mo- « tif dans ies graces que vous faites a »» vos creatures , iinon votre meme »» grace qui eft toujours gratuite > » 8c pour leur y donner quelque •• part , vous leur infpirez de la « demander , 8c e'eft une marque que »» vous ne voulez point retirer votre " mifericorde ,quand vous n'&tezpoint *> la perfeverance dans l'oraifon. « , Agreez done , s'il vous plait, mon
»> Sau veur, la refblution ou nous fom- *> mesde crier inceflamment vers vous, •»' pour vous fupplier de dire a nos ames a? Je Jiiis votre faint. Si vous etes pour » nous , qui fera contre nous ? Et fi *» Ton nous 6te tout, pourvu que vous 9> nous demeuriez , nous trouverons » en vous un trefor qui furpaflera in- » finimenttoucesnospertes. Augmea2 |
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II. Partie. Llv. II. 417
tez notre foi jufqu'au point qu'elle tranfporte cette montagne qui nous veut accabler,& commandez a 1'Ali- ce vangeur de nos peches, qu'il ar- § i" ' 1 j- r i J
rete I epee de divihon, dont on nous
menace *, mais plutot, faites - nous
fentir l'effet de la mort que vous avez,
fourTerte pour reunir les enfans de
Dieu qui etoient difperfes , afin que
demeurant enfemble dans le defTein
de nous unir a. vous de plus en plus >
vous foi'ez au milieu de nous pour.
etre le coeur &c l'ame de cette com-
> munaute.
» Que fi vous n'avez pas defTein de
> nous accorder ce que nous vous de—
. mandons , & que vous vouliez etre > glorifie par notre deftrucHon , nous
• nous offrons a vous pour etre immo- > lees comme des victimes a l'a-
. gneau qui a ete la vidtime de nospe- > ches: ce qui nous apprend que fi la
■> majefte de Dieu n'a pu etre appaifee . pour le peche du premier homme > qui avoit rendu toute fa pofterite cri-
> minelle , que par l'effufion du fang
» de fon fils unique , comment par- »doimera-r-il les peches deceux qui > foncfi peu d'effort pour les expier ? »
Cetts priere ou requete avoit ete
dreflee par lamere Agnes, qui en avoir S v
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4i8 HrsToiiCE de PoR.T-R.oiAt;
i"(jj4t deja fait, & en fit encore plufieurs au^ tres addreffees (81) a la fainte Mere la reine du Ciel, la protcBrice de-l'E- glife jainu & di toutes les mciifons con~ faeries a Jefus-Chrijl ; a faint Ber~ nard (oi) , la lumiere de VEglifi & Is parfait modele dune ame chreuenne 6* religieufe (8 3) &c. C'eft ainfi que ces faintes filles fe
preparoient a la perfecution , qui n'e- toit retardeequepar lamaladiedecelui qui en devoir etre le chef. Ellesavoient commence le 13 d'aoftt une neuvai- ne a la fainre Epine pour demandera, Dieu fa guerifon % praciquant ainfi ce que prefcrit l'Evangile , de faire du bien a ceux qui nous font du mal. Auf- fi-tot qu'il commenca a fe mieivx por- ter , il envoi'a chercher M. Chamil- lard pour lui demander quelle eroirla. refolution des religieufes dePort-Roial. Aiant appris de lui qu'eile etoit toujour* la meme , il le -charge* de les avertir qu'il iroit dans cinq ou fix jours dans leur monaftere,ir fa fame le lui permer- roit, &r qu'il aviferoit a ce qu'il y au- roit a faire. Mais il n'attendit pas ce rerme ; car il y alia le fnrlendemain. Nous voici done arrives au terns de (Ri« teud'aouc. (Rj) Hift. des perfec,
(81) Le is. £..i^o.
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II. P Artie. L'iv. IT. 419
cette etrange defolation dedeuxmonaf- i<S6a. teres, qui a tire les larmes des yeux de tant de gens de bien, & qui leur a fait deplorer la condition malheu- reufe de la vie prefente , 011 le bien pafle fouvent pour un mal, & 011 les juftes font traites comme criminels , a l'exemple de Jefus Chrift, tandis que les pecheurs font couronnes & dans la gloire. M. l'Archeveque de Paris, impa- xxxv,
tient de confommer l'ceuvre pour la-fixe' yia"% quelle on lui avoit donne cette place, p- R-, & pri- ne fut pas plutot delivre de la fievre gfeufeess acV" qu'il alia a P. R. (84). Ce fut le 21 Sacteawmpr d'aout, dernier jour d'une neuvaine, que les religieufes avoient faite a la fainte Epine , pour demander a Dieu le retabliffement de fa fame ; circonf- tance qui aggrave encore le traitement injufte qu'il fit a ces faintes filles. Etant arrive a midi & demi, il alia d'abord a l'Eglife, puis monta au parloir , oil il fit afTembler la communaute. Apres ?|u>il leur eut parle en commuri, en-
uite a chacune en particulier , pour lesexhorter a la fignature pure & firn- ple du formulaire , comme il vit que fes exhortations & fes commandemens etoient inutiles , il fit afTembler de (84) Ibid. p. ipi,
S vj
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4io HrsYOiRE xje PoRT-RorAi:.-
nouveau la co.mrnunaute, & lui park ainll avec beauCoup d'emorion ( he feroit-il poffible de dire de Sangfroid de fi grandes duretes ? ) » Si jamais » homme du monde , dit-il, a eii fujec »» d'avoir le cixur outre de douleur , >*je puis dire que c'eft moi , qui ai » plus fujec que perfonne de 1'avoir ou- »* tre & penetre, apres vous avoir trail- s' vees routes dans l'opiniatrete , la de- » fobeidance & la rebellion', prefe.ranc jj par orgueil vos fentimens a ceux de « vos fuperieurs , & ne voulanr point 5> vous rendre a leurs avertiflemens &c « a leurs .remontrances. C'eft pourquoi « je vous declare aujourd'hui rebelles »>■& defobeiflfantes a l'Eglife & a votre " Archeveque, & comme relies je vous ?j declare que je vous juge incapables, ( il fit ici une paufe , comme s'il eut hcfite fur ce qu'il avoifa dire 5 peut- etre etoit-ce quelque remors de cons- cience , mais il pafla par deflus & con- tinua ) » de la frequentation & de la- s' participation des Sacremens (8 5). Je »*■ vous defends d'en approcher comme » en etant indignes, a caufe de votre m. opiniatrete & de votre defobeiffance, »• & aianr merite d'etre punies & pri- » vees des chofes faintes. Je revien- {8j)P.1?j.Col.ft
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II. Partis. Llv. II. 422
» drai au premier jour y mettre ordre, 1664= » felon que Dieu & ma confcience m'y « obligent ». ( Quelle confcience ! ) Audi-tot qu'il eut die cela, il tourna le dos & s'en alia , fans qu'on lui put rien dire , mais il fe tint un peu de tems a la porte pour ecouter. Toutes ces pauvres filles fe mirent xxxvr;
a pleurer &c a crier tout haut •, les unes^^0^"^., difoient que celui dont on les fepa- gieufes. Eiies- _•/-•! . ji >ii tachent inuti-
roit, ieroit leur juge •, a autres qu eueff ieinem a'»^
en appelloient au tribunal de Jefus-do>lcir m.u* Chrift, &c autres chofes femblables -, chacune difoit ce que l'exces de la dou- leur peut faire dire dans une telle ren- contre. Quelques-unes jugeant que e'etoit une excommunication que M. de Perefixe venoit de prononcer , di-- rent aifez haut, arm qu'il put l'enten- dre s'il etoit a la porte , qu'il ne fal-- loit nullement fe regarder comme ex— communiees, puifqu'on agiiloit fans-' aucune forme 8c par une paffion toute vifible. Lorfque M. de Perefixe defcendit,
aiant appercu par la fenetre plufieurs- perfonnes qui l'attendoient dans la cour , entr'autres Madame la- PrincefTe' de Guimenee , avec laquelle etoit M.- du Foflfe pere, iln'ofa fe montrer; mais' anris avoir oce fan rochet & pris tot* |
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^ri HlSTOIRE DE PORT-Ro'/Ati'
"** i£6 manteau dans une chambre voifine i
remonra au parloir, ou prefque route les religieufes etoient encore. Il leu park avec une emotion exrraordinai- re, &c leur defendit fous peine de de- fobeifTance, & avec de grandes mena- ces , de parler ou d'avoir aucune com- munication avec qui que ce fur du de nors. » Ne psnfi\pas, dit-il, ecre J. » hardies que de contrevenir a cet ordre " Car Ji vous le faites, vous verre{d » qui vous en arrivera, & je vous ap- » prendral s 'il fait bon mi dejobeir. » La fceur Angehque de faint Jean re- pondit gravemenr a cerre menace, qu'a- pres la peine qu'il venoir de leur lmpo- fer en les feparantdes Sacremens, roure aurre punition ne leur feroir gueres fenfible & leur parokroit peu de cho- fe. Une des anciennes ajonra , qu'el- les ne pouvoienr manquer d'etre pri- vees des Sacremens , puifqu'on les en privoit pour ne vouloir pas figner, & qu'elles s'en feroienr privees elles-me- mes , fi elles avoienr figne , comme aiant commisune rres grande faure. L'abbelTe , la mere de Ligny, la
plus humble religieufe qu'ily eurpent- etre au monde, aiant voulu dire quel- que chofe , il ne voulut point l'ccou-. tes:,,&c la traita avec la derriere indi- |
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H. Partie. Liv. If. 41 j
gnite, Y&ppe&axitpaite opinidtre ,fuper- be-Jans ejprit,qui vouloitfe melerde cho- fe qiTelle rientendoit point , petite pim- beeke, petite fotte ,petite ignoranie (86). Quelles expreflions dans la bouche d'un Atcheveque ! En eft-il jamais forci de pareilles de la boache d'un Eveque , fi ce n'eft de celle d'un George uifurpa- teur du fiege d'Alexandrie a 1'egard des vierjres chretiennes attachees a fainc Athanafe •, ou d'un Theophile a l'e- gard de celles qui ne vouloienr pas fouf- crire a. la condamnarion de faint Chry- foftome ? La mere Angelique de faint Jean parlant du traitement fait a. cette' refpectable abbeffe , dans une lettret Jiu'elle ecrivit le 23 aout a Mademoi-
elle de Vertu , dit: •• qu'on peut ren- 5' dre ce temoignage a fa vertu, qu'elle " ne parut jamais plus calme que pen— » dant ce tonnerre, & que fon vifage^ »-fut moins altere des injures, qu'iL » ne l'auroit etc de quelques louanges , ■ » qui au moins l'auroient fait rougir » «& qu'elle ne changea pas de cou~ » leu'r (87) ». Quelques rdigieufes voulurent en-
fuite reprefenter a M. dePercfixe Tin— juftice qu'il leur faifoit de les priver- (8<5! lb. p 9! , col. 2..-
(87) lb. p. ij5,ij)S, • |
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?66fy des Sacremens , & Iui dirent qu'il J'
avoit dans le ciel un juge qui leus rendroit un jour plus de juftice : Oul, oui , dii-il, cjuand nous y ferons , nous verrons comme les chojes iront. On lui reprefenta encore que lui-meme con- noiilbit bien l'innocence de celles qu'il trairoir de la forte ; d repondit a cela ; » Jevous l'ai deja dit, & je vous le * dis encore , que vous etes de bonnes »» religieufes, excepte que vous etes w des opiniatres •, du reite il n'y a rien » areprenird a votre conduite. V0119 *» etes tres vertueufes; vous etespures v comme des Anges, & orgueilleufes » comme lucifer ". Quelques-unes ai'ant encore voulu temoigner leur dou- leur , iui dirent que la mort leur feroit jnoins dure que la privation oil il les reduifoit, & qu'il y en avoit afTez pour mourir. A quoi il repondit avec du- rete , en s'en allant : » Allez , allez , » vous ne mourrez pas avant que de « me revoir ; je vous repons que ca »> fera bien-tot «. Aiant dit cela , il defcendit en bas. Madame de emine- nce qui Pattendbit , lui temoigna la peine cju'elle avoit du traitement qu'il venoit de faire a ces religieufes; (car it avoit parle fi haut 8c avec tant de cha- leur, qii'on l'avoit entendu de la cour.) |
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II. P A R T I E. LlV. It. 4i 5
M. dePerefixe, bien loin de s'adoucir 1664,
& d'entrer dans les charitables peines de cette Princelfe , lui repeta une par- tie des duretes qu'il avoir dites a ces faintes fiiles , qu'il traita d'orgueilleu- ffcs & d'opiniatres , & dont tout l'or- gueil & route l'opiniatrete confiftok dans le refus qu'elles faifoient d'attef- ter , contre leur confcience, par un fer- ment terrible , un fait dont il leur etoit imponible de connoitre la verite, & dont il etoit inutile de demander l'atteftation a des lilies qui n'avoient nulle autorite dans l'Eglife. En effet, le Pape Clement IX ne l'exigea point, d'elles , lorfqu'il rendit la paix a l'E- glife , & M. de Perefixe lui-meme ne; Fes y obligea pas ators* Mais ce qui merite une attention xxxyns
£«• o • 1 1 Iniulticedtf
nguliere,. ec ce qui montre de lapr0cede de
maniere la plus evidente l'iniuftice M- de p"«fi-
J ' J ' J \t J n • \ i> ' 1 xe contre le*
du procede de M. de Fans a 1 egard religieufes &%
des religieufes de P. R., c'eftque tout p*R* le differend qui etoit entre le Prelat &c ces fiiles, comme on 1'a vu par les dia- logues de M. Chamillard, ne confiftoit qu'en ce que les religieufes vouloienc parler clairement , & qu'on vouloic qu'elles parlalTent obfcurement & avec des termes equivoques & fufceptible$ de divers fens. Etant forcees, coutx* |
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4%6 HrSTOIRE DE PoRT-Rdi'At;
leur inclination , contre la difcipline
ecclefiaitique , & contre toutes fortes de raifons, de parler & de rendfe un temoignage public dans l'Eglife , elles ont voulu exprimer clairement des- fentimens qu'on leur permettoit de re- tenir dans leur cceur. Cet exces de fin- cerite a fait tout leur crime , & c'eft ce crime que M. de Paris punk par la privation des Sacremens. La pofterite le croira-r elle ? Si les religieufes a- Voient voulu figner, comme leur pro- pofoit M. Chamillard , je me foumets Jincerement aux conftitutions des deux Papes Innocent X & Alexandre VII, en penfant qu'elles s'y foumettoient d'une foumillion de creance pour le droit, & d'une foumillion de limple refpect & de filence pour le fait, elles auroient ete innocentes , & on ne les eut point inquietees ; mais comma elles ont voulu par amour de la fince- rite , expliquer les penfees & les fens qu'on voufoit bien qu'elies euflent , & qu'on leur permettoit d'attacher aux termes de leur fignature & que M.< Chamillard y donnoit lui-meme , lorf- qu'il les expliquoit pour les faire en- tendre , cet amour de la fmcerite les> a rendues dignes d'anatheme, &des plus dures peines que l'Eglife puilTft jsmuofer a fes enfans*. |
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IT. Part ie. Liv. II. 417
Apres une fentence fi injufte & fi l $4^ tipoLueufe, ces vierges chretiennes al- xxxvur. lerent d'abord dans l'Eglife , on prof-^'^ ternees aux pies de leur epoux, ellesfesdeP.K-. reciterent le Mifenrt & quelques au- tre.; prieres; mais qui furent teilement entrecoupees de leuis larmes & de leurst foupirs, qu'elles 112 s'entendoient pas prononcer; enfuite elles dirent Vepres* Comme il ne leur etoit pas pennis d'e- tre indifferentes fur le fujet d'une pei- ne telle que la privation desSacremens,, elles fe crurent obligees, pour levee autant qu'iLetoit en elles,le fcandale qu'- un tel traitement pourroit caufer dana I'efprit de tous les fideles, de dreffer 5c de fignet , routes enfemble , un a&e qui atteftoit a toute I'Eglife leur inno- ' eence,&le fujet pour lequel M. de Paris les traitok avec tant de riguemu Cet a£fce eft une de ces pieces qu'on lit; avec plus de plaifir en entierquepas extrait (88). » Nous fouffignees, AbbetTe, Prieu^
»» re & religieufes du monaftere de: •• P. R, du faint Sacrement de Paris , » affemblees capitulairement, enfuite » de Pordonnance verbale que M. l'Ar> «■ chev^que vient de nous faire •, nous, »*nous cro'fons obligees, avant quit (38) Hill, des petfec. p itf, j^fi.eh..^,. |
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4*£ HistoirJ de Port-roi*a£.'
» poufle plus avant le deiTein qti'if " nous a declare qu'il avoit de nous » punir avec toute forte de rigueur , » ce qu'il pretend executer au premier » jour , de prevenir par le preient act© » le fcandale que pourroient prendre « de cette communaute toutes les per- » fonnes qui ne fauroient pas quel fa- »' jet on a de nous traiter comme des » religieufes qui feroient dans le der- » nier dereglement & les plus horn-- » bles defordres , pour lefquels on a »» coutume de fupprimer des maifons » de religion , quoique d'ailleurs on * n'y ajoute pas les autres duretes dont
» on nous menace;comme ceux de nous * excommunier & de nous feparer les
*> unes des autres , pour nous faire » pafter une vie plus ennui'eufe & plus f> penible que la mort, qui eft le nip- » pliee des criminels , 8c qui feroic *> pour nous notre delivrance , dans la w con fiance que nous avons en l'ex- « treme mifericorde de celui qui fe » nomme le pere de ceux qui n'en on* »> plus fur la terre ,.& le- juge des per- 55 fonnes abandonnees de tout fecours ■■> humain. Afin done qu'on ne puifle » ignorer le fujet que prend M. l'Ar- » cheveque de nous juger fans miferi- K cor.de fur une mauere ou nous nous |
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II. P A r. t i i; Llv. II. 419
"»> contenterions qu'il nons jugeat paj
" les regies de la plus etroite juftice ,
« nous n'avons befoin que de rap-
" porter le temoignage que lui-meme
«• a rendu de nous, apres la vifite exaclre
» qu'il s'eft donne la peine de faire en
" ce monaftere le 14 j uin de cette pre-
" fenteannee 1664, ai'ant declare dans
" l'ordonnance qu'il nous laiflTa a. la fin
" de ladite vifite , en date du 15 juin
>• 1664, qu'd riavoit eu fujet que de.
» nous exhorter a maintenir la regularity
" qu ilavo'ittrouvee en cette mai/bn, quit
■» n'avoit autre chofe a nous ordonner
« que de figner le formulaire, comme
« il l'avoit commande par fon mande-
« ment du 7 juin de cette mane rnnee.
» C'eftdonc le feul fujet fur lequel
» il n'a pas ete fatisfait de notre con-
»> duite, parcequvil n'a pas voulu entrer
» dans les raifons de confcience que
»> nous lui en avons representees de
» vive voix & par ecrit ayec toute forte
•> de refpecl, qui nous perfuadent in-
« terieurement que nous ne pouvons
«» afTurer par la fignature qu'on nous
« demande les faits contenus dans ce
» formulaire , defquels nous n'avons
» aucune connoiffance. Nous lui avons
" temoigne que , hors cela, nous fdm-
v mss entierement foumifes pour tout
|
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4?O HlSTO.-RE DE PoRT-ROlALr
« ce qui concerne la foi, a tous les ju-
» gemens de l'Eglife, & que nous ne m refufions pas meme d'en donner des » marques publiques , par une figna- •« ture conforme a nos fentimens , que ■» nous fimes en effet enfuite fur ion ■» ordonnance , & que nous lui avons •» fait mettre entre les mains, datee du « i o juillet , avec un adte capitutaite -.» date du 5 du meme mois, par lequel « nous lui rendions compte avec beau- " coup d'humilite denotre difpofition, 5j & des raifons qui nous empechoient » de pouvoir figner en une autre ma- » mere •, lefquels deux a£tes , ledit Sei- •» gneur Arcneveque re^ut avec quel- ,w que temoignage de bonte. » Enfuite de quoi, fans qu'il foit ar-
» rive rien de nouveau de notre part, » M. I'Archeveque s'eft tranfporte au- » jourd'hui apres midi en ce monafte- r» re , a fait comparoitre notre commu- ?» naute a la grille du parloir , nous a ~m commande , fous peine de defobeif- *> fance , de (igner fon ordonnance »» avec le formulaire mis au pie, & » dans le moment a voulu nous volt v toutes les unes apres les autres, pout " demander a chacune en particuliera w quoi elle fe determineroit; & aprcs •» nous avoir trou vees toutes unies dans |
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II. Par tie. Llv. 11. 431
.»la resolution de n'expofer point le
« reposde notre confcience enfaifanc « une chofe qui nous troubleroit pour » route notre vie, dans la forte per*- » fuafion ou nous fommes que nous
:wnffenferions Dieu en aflurant par
» cette fignature un fait que nous ne .» favons point , & qui ne paroit pas - » cerrain , puifqu'il eft ii fort contefte ;
» il a rappelle route la communaute , • » pour nous declarer qu'il nous tenoit
» indignes de la participation des Sa- » cremens dans cette delobenTance, &c » qu'il nous defendoit d'en approcher, » Et quoique fon mecontement ait » eclate d'une maniere bien etrange , ■» & en des paroles tout-a-fait injurieu-
» fes , il n'a pas laifle dans route cette » emotion , de nous declarer publi- » quement que : hors cela il nous te* » noit de fort bonnes religieufes , que " nous etions puns comme des Anges, » muls que nous etions fuperbes comme » Lucifer & opinidtres comme des de- « mons, dans ce refus que nous luifai- »fions de lui obeir ; 8c il s'eft retire » en nous menacant que nous le ver- »rions bientot. » Et comme il eft aife de prevoir
» par ce commencement ce que For* * doit attendre de fon reiTentimenj: |
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431 HlSTOIRE DE PoRT-RoVaL.'
'kJjj-j, " dans la flute, nous en prevenons
» les effets par cet z&e , qui demeu- " rera pour un tcmoignage public, que « nous ne fommes traitees d'une ma- |
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■ r't'V.--
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» niere 11 extraordinaire pour aucun
*> crime dont on nous accufe ; que -»» M. l'Archeveque a reconnu lui-mc- *> me que notre foi etoit faine, notre » conduite pure , notre regularite en- » tiere , & que la feule chofe qui le w porte a nous traiter comme on feroit » les plus abandonnees, c'eft qu'il a » trouve en nous trop de fcrupule & » de delicateffe de confcience , qui « nous fait craindre d'aflurer par une » fignature publique que nous croi'ons » qu'il y a des herefies dans un livre *> que nous ne pouvons lire , & done « nous n'entendons pas la langue. » Que Dieu foit jnge entre lui &
» nous, & que toutes les perfonnes w qui aiment la juftice portent cora- » paiTion a une communaute de cent » pauvres religieufes , qui apres avoir » tout quitte pour s'attacher a. Jefus- » Chrift , font arrachees par une con- « duite fi violente du pie des autels& *t bannies de fa fainte Table ; elles qui " s'etoient confacrees par leur inftitut *' particulier a l'adorer nuit &: jour dans *> le divia Sacrement dont on pretend |
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If. Parth. Itv. II. 43 3
a les Eloigner. Toutes les autres pei-
« nes qu'on leur prepare encore, leur " feront beaucoup moins fenfibies que « celtes-la. " Mais plus elles fe verront acca-
»> blees par une perfecution que tout
« le monde fait etre I'efFet de la haine
» que leur portent leurs ennemis , qui
»chetchent depuis vingt ans l'occa-
« (ion de les perdre , plus elles efpe-
» reront que Dieu prendra leur de-
» fenfe & qu'il fera proche d'elles dans
>.• leur affliction , & qu'il les en deli-
k vrera felon fes promeffes, apres qu'il
» les aura afTez purifiees par de fi ru-
« des epreuves. C'eft de cette efpe-
» ranee que nous nous eonfolons dans
» notre douleur. Et quoiqu'il foit vrai
» que nous n'attendons prefentement
» juftice que de lui fenl, nous ne laif-
» ferons pas autant &-auffi-tot que nous
» le pourrons , de nous pourvoir de
» toutes les voies poffibles , & devant
» tous les tribunaux ou nous pourrons
»3 avoir acces, laiffant a Dieu le fuc-
»cesde toute cette affaire, dans la-
»quelle nous ne fommes engagees
» que par 1'amour que nous portons a
» fa loi & a la lincerite chretienne,
» fans aucun melange d'interet parti-
» xuher, de vanite, de prefomption
Tome IF. T
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4J4 HlSTOlRi DE PoRT-Ro'lAti
%66a. " & d'attache a foutenir aucune opi~ » nion3 qui font les chofes dont on » nous accufe , & defquelles devant 33 Dieu nous ne nous reconnoidons » point coupables. » En temoignage de quoi , & afin
*> comme nous l'avons dit, que per- w fonne ne prenne fujet de fcandale 33 de la difgrace ou on nous verra w tombees , & qu'il refte une marque 53 de notre union avant les reparations »3 dont on nous menace, nous avons S3 figne le prefentacle de notre plein gre « & de notre propre mouvement, fans » aucune induction. Fait en notre mo- » naftere de P. R. de Paris, ce 11 » aotit 1664. figne de l'abbeue & des » religieufes. xxxix. La fceur Angelique de faint Jean ecri- Lettre de U Y[t deux jours apres, (le 2 $ aout) une mere Angfli- , 1 m 1 r •/•11 j ir
que de s.jean lettre a Mademoiielle de Vertu pour
fur les vio- l'envoier I Monfieur d'Alet, dans la- cees coawe quelle elle fait une defcription bien ?# R* touchante du traitement injufte que M. deParis venoitdefaire a la communaute
& des difpofitions avec lefquelles elles s'yfoumettoient,refbluesdernourirphi- tot que de rien faire contre leur conf- idence (8 y).» A Dieu ne plaife,dit-elle, »* qu'on nous rende fon corps, a coiir |
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ll. Partie. Liv. If. 435
» ditionde lecrucifierdenouveaudans 1664.
■*» notre coeur. Nous toufirirons plutot
" & nous mourrons avec lui •, & par-
- la , comme notre pere faint Bernard
»» nous I'a appris, nous communierons
•> a. fon fang, en communiant a fa paf-
» fion & a fa mort.
» Toutes ees fentences nous ont ete
»» rendues, fans aucune forme dejuf- »» tice: on nous a commande fous pei- » lie de defobeilTance , & fans aucun »» interval que celui de nous deman- »> der a chacune en particulier , (i nous » voulions obeir. On nous a executees 5' fur le champ , en nous faifant toil- s' tes ces defenfes verbalement avec » aflez d'autorite , mais fans formali- w te quelconque, n'aiant laifTe quoi s> que-cefoit par ecrit, & n'aiant eu » aucun temoin, fi ce n'eft des pages v & des laquais qui etoient aflez pro- » ches de la porte pour entendre avec 5. quel ton & en quels termes on exa- »» geroit notre crime. » Voila done a quoi nous en fom-
« mes , continue la foeur Angelique de » S. Jean, e'eft-a-dire au rang des petits » chiens, qui mangent les miettes qui » tombent fous la table de leur maitre. » Pour cette place on ne peut nous en t> chaffer, & nous nous y mettons avec TiJ
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'43<? HtSTOIRE DE PoRT-ROl'At.'
" le plus d'humilite qu'il nous eft pof- '
» fible , en nous profternant toutes a jj terre aufii long-tems que dure la » communion de la Mefte a laquelle » nous afliftons en la meme maniere » que le bon larron au facrifice de » Jefus-Chrift par la parr que nous *> avons a fes opprobres 8c a fes fouf- jj frances.....Je m'afture, dir la
fceur Angelique , parlant a Mademoi-
selle de Verm , » que vous rrouve- « riez que Dieu eft honore par ce fa- »» crifice d'un coEur & d'un efprit hu- » milics , qui lui eft offert par ranr de " perfonnes, donr on voir la difpofi- « tion interieure dans cetabbartement o> de leurs corps en fa prefence ; fur a> tour fi vous regardiez en ce nombre, » des ames relies que la mere Agnes, « qui apres avoir imite foixante ans la » vie des Anges , eft mife au rang des »j fcelerats. Quelle confolarion avec sj tout cela de trouver Jefus-Chrift par- s> tout, puifqu'il a lui-meme paffe par « tous ces chemins rudes & difficiles t> ou il nous conduit ? Tout ce qui »> nous importe eft qu'il ne nous y aban- »> donne pas ; & pour lbbtenir, nous 55 avons befoin des prieres de toutes s> les perfonues , qui ont acces aupres P de lui} mai$ fartout oous preterw |
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II. Pari-IE. Liv. II. 4j?
'»■ drionsbien, quevous devriez nous i6d±~
» procurer plus que jamais celles du
» faint Prelat ( M. d'Alet ) done la
" charite epifcopale ne doit pas abati-
» donner de pailvres brebis difperfees
» qui apparcienne nt au grand troupeau
» dont it eft un des pafteurs ».
Tandis que les religieufes fe prepa- xt~
x , l r, & r „ r Prcparaiif/
roient a la perlecution en pnanr oc en ae M.dePariff
s'humiliant devant Dieu , M. de Paris "?tre les rf"
faifoitdefoncotefespreparatifs&dref- p. r.
foit fes batteries : it alia pour cela a.
Vincennes le 13 d'aout, menant avec
lui un homme bien propre a le fecon-
der dans fes defleins , le fameux pere
Annat, qu'il avoit pris en palTant a la
maifon profelle (90). ll eut encore le'
lendemain un long entretien avec le
rneme pere dans Ieur maifon , oil il
avoit dine apres avoir facre M. Abelt
Eveque de Rhodez dans leur Eglife.
Au retour de chez les Jefuites il tint
confeil a l'Archeveche r ou il fut
refolu de* poulTer les chofes , afin de
n'en avoir pas le dementi, ainfi qu'il
l'avoit dit plufieurs fois, en ajoutant:
Ces filles ne veulent pas Jigner , par-ce-
quelks en font un point d'konneur ; &
moi j'en fais un de Us faire ftgner. M.
de Perefixe en parlant ainfi fe rendoit
(jo) lb. ch. 44. p. if-jr.
Tiij
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438 HrsTaiRE pe Pbivr-RoLttr
' 1664~P^m ^e juftice i lui-meme qu'sux refi-
gieufes , & connoiifoir mieux £es dif- poficions propres que celles de ces fain- tes filles •, elles fe fiufoient un point de de confcience 6i lui un point d'hon- neur. y ,XL}:. La nouvelle de ce confeil & desmou- fa fe piepa-vemens que ie donna le lendemain M.
«nt par la je paris qui alloit de couvent en cou-
itaitemem vent pour s'affurer des places, fit ju-
«e"iace>n leS Ser aux religisuf£s que ^e moment da
leur difperfion etoit arrive (91). Dans cette terrible attente, ces vierges chre- riennes a. l'imitation de leur divin Epoux , qui pafla la nuit en prieres dans le Jardin des Olives en atten- dant fes bourreaux , paflerent la plus grande partie de la nuit du ?. \ au 2<> en prieres &_en larmes devant le faint Sacrement &'ia fainte Epine qui etoit expofee. La elles repandoient leur cceur demandant au Seigneur qu'il fit pafi- fer ce calice qui leur paroiflbit fi dif- proportionne a leur foiblefle ; mais que neanmoins fa volonte fut faite & non la leur , & que fi e'etoit fa vo- lonte qu'elles buffent ce calice , il leur donnat la force & la grace neceflaires pour les foutenir dans unefi rude epreu- ve. La nuit fe pafla de la force ; 8c l'or^ iji)lb. ch. 4S. p. i?j,
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ft. Par. tie. tiv. it. 435T
Apptit le matin de plufieurs perfonnes 1664.
amies de la maifon , que Ton avoic fait fortir fix religieufes de fainte Ma- rie de leur couvent de la rue faint Antoine , qu'on avoit amenees dans celui du fauxbourg faint Jacques pour etre apparemment plus proche. Le? pere Efprit meme en vint donner avis a la foeur Anne Eugenie, laquelle ai» fortir du parloir alia trouver la mere Agnes , a qui elle dit avec fa tranquil- lite ordinaire :Ma mere c'efl aujourdhui que nous nous en allons : enfuite etant retournee au parloir ou M. d'Andilly I'attendoit, elle lui dit en le faluant:; H&c ejl dies quant fecit Dominus. In- continent apres la mere Agnes etant defcendue au meme parloir, parceque' M. dAndilly la demandoit audi pour lui dire adieu, elle lui dit en arrivant $ mon frere je ne puis vbus entretenir,. mais je viens dire H&c dies, avec vous:,, & ai'ant en effet acheve ce verfet en- femble, elle prit conge & lui dit : « Adieu , mon frere, il fiut remettre *> nos entretiens avec Dieu , la com- *> munaute m'attend ». Pendant ce tems-la TAbbefTe avoit
fait ralfembler la communaute , afin de concexter enfemble ce qti'tl y avoit T lv
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'44° Histoire de PoRT-KorAi7
1664. * ^re' &■ ^e que^e maniere il faudrolt
protefter & appellor de routce qui ar- riveroit •, cequi dura jufqu'a l'heure de tierce , qu'elles fe feparerent pout" les aller dire au chceur. A une heura apres midi, elles retournerent a la me- me chambre de communaute , l'Ab- beiTe ne croi'ant pas pouvoir mieux em- ploier le. tems qui lui reftoit , qua confoler & fortifier fes. religieufes dans i'afrli£tion & la confternation ou elles etoient. La mere Agnes y etaat venue fur les deux heures , leur parla ainfi , avec une humilite qui ne fe peut exprimer ;» Mes fceurs, il ne me » refte plus qu'un moment; je l'em- « ploie a vous demander tres bumble- s' ment pardon de toutes les fautes que jj j'ai faites a votre egard & dans la » conduite •, je vous fupplie de prier u Dieu qu'il me faffe la grace de me » fervir de l'erat ou je vais entrer » pour les reparer •, & je vous prie » audi, que fi Ton etoit afTez mali- ». cieux pour vous dire que j'ai figne.j » de n'en jamais rien croire. Anivee de A peine la mere Agnes avoit-elle **•'$$^f" acheve ces paroles qui avoient tire avec fon ef-' des larmes de toute la communaute. > aofit!' k %S 1LlQn annonca I'arrivee de M. l'Arche- |
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IL P A R T I E. LlV. II. 44f
veque. Cette nouvelle augmenta leur
confternation (92). Cen'etoit que cris, que larmes 8c que gemirTemens. Ces pauvres filles defolees. couroienc de toutes parts , fans favoir ou elles al- loienr. Surcela, on avertir 1'Abbefle , qu'un aumonier la demandoit au par- loir. Elle y alia , accompagnee de quelques-unes des foeurs. La mere Agnes fortit en meme terns de la cham- bre de communaute pour, fe rearer dans la fienne, & fur luivie de la plu- part des foeurs qui fe jetterent a fes" genoux dans la tribune ou elle vouloit raire fa priere , la fuppliant avec lar- me s, de leur donner fa benedi£tion j ce qu'elle fit avec peine a la follicita- tion de la fceur A'ngelique de faint Jean, qui lui reprefenta qu'elle ne pou- voit refufer cette grace dans une telle conjondture ; puis elle fe retira dans fa chambre, ou les foeurs I aiant fuivie pour'lui dire adieu , fe niirent autour d'elle. Les uhes l'embrailbient fans lui pouvoir rien dire; d'autres fe jet- toient k fes pies, 011 elles demeuroient a demi mortes; d'autres fe recomman • doient a fes prieres. Quelques-unes la conjuroient de leur dire quelque chofe dont elles puflent fe fouvenir a (»«) Iifc eh. 4?,
T v
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44* HiSTofftfi M P6kl>RoiAt,;
comme de fes dernieres paroles. Mais qu'auroit-elle pu dire dans une relle defolation , & comment auroit-elle pu fuffire a routes J Sa fermete & fa conf- tance , fruit de fa grande piete , fup- pleoit a tout ce qu'elle auroit pu dire , &c etoit une excellente lecon , qui en porta tncme quelques-unes a. s'elever au-deflus d'elles-memes, & a trouver dans un objet fi rrifte des motifs de louer Dieu , & de le remercier de la grace qu'il leur faifoit de fouftrir pour Tui(9j). La freur Agnes de fainte Thecle
(Racine) animee de cet efprit, difoic a la mere Agnes , qu'elle avoir tou- jours eu de la confuuon en lifanr l'E- vangile : Ecu nos reliquimus omnia: Voila que nous avons tout quitte, par- cequ'il lui fembloit qu'elle n'avoit rien laifTe, a'ianr eul'avantage de pof- federdansla religion celle (94) qu'el- le auroit eu plus de peine a quitter dans le monde; & ai'ant de plus trouve dans la charire de la maifon & dan* la perfonne des fuperieures au-dela de ce qu'elle auroit jamais du efperer; & elle ajoutoit, qu'elle commenc,oit alors a refpirer par l'efperance qu'elle (55) lb- C. 4«.p. 300. (94) Saraete , qui i'%
«ol ». itoit iclitee. |
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K. Partie Liv. ft. 445 ^
avoit de participer a la recompenfe \C6a.
que Jefus-Chrift promet a ceux qui abandonnent quelque chofe pour le fuivre , puifqu'il lui faifoit la grace de quitter tout ce qu'elle avoit de plus cher. La foeur Marguerite de fainte The-
cle (JofTe) , tranfportee d'un autre rhouvement, confideroit avec admira- tion les archers , dont M. de Paris s'e- toit fait efcorter , pour enlever les reli- gieufes, & elle diioit a la mere Agnes: Ah / ma mere que cela eft beau ! notrc Humiliation ejla fon cornble ; l'admirable chofe pour moi ! cela me fortifie plus qui toutce qu'on me pourroit dire. Que les raifonnemens d'un coeur droit font juf- tesl Une vierge chretienne, inftruire £ l'ecole de J. C., voiant des violences fi contraires a fon efprit,eft fortifiee par ces violences memes , parcequ'elle juge fagementque ce qui eftfi contraire a l'efprit deJ. C. ne peut venir de lui 8c n'a ni bon principe , ni bonne fin. C'etoit en enet un fpectacle bien ex- traordinaire , & dont on peut aflurer qu'il n'y a jamais eu d'exemple , de voirun Prelat qui devoit etre le pere' & le pafteur de ces vierges chretiennes,. par fa qualite d'Archeveque & de fu~ peiieur, venir avec une troupe d'ar- Tvj
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t.
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444 His^OiRfi 6e Pon.-£~RoiA£l
i6<j4, chers , le mouicjuet flir f epaule , ppuf les. arracher de leur frionaftere,& trai- ter comrae il auroit pa fair e les perfon- nes les plus dereglees & les plus coupa* bles, des religieufes qu'il avolioit lui- meme etve-pures commedes Anges. Xtm. M. de Perefixe eroic parti de l'Ar- rc(^ £Jt cl~. cheveche a. une hcure & demie apres
lever (2. re- midi, fuivi de fept ou huit carroires. pfi™ cdss Pae. Dans le premier & le troiiiemedefquels lis> etoient des eccleiiaftiques , dans le fe- cond M. l'Archeveque avec.fon Offi-
cial , & l'Abbe du Pleffis un de fes grands vicaires, ( M. de S. Nicolas qui eroit I'autre n'aiant pas voulu fe trouver a cetteceuvre d'iniquite.) Dans le qua- trieme carrofTe etoit M. le Lieutenant civil, accompagne du Chevalier du Guet & de M. Lafnier Prevot de 1'Ifle avec fon fiis. Ces. Meffieurs avoient ete envoies fans en favoir le fujer. Le Lieutenant civil avouaa une perfonne de diftin&ion qu'il n'avok point recu d'autre ordre,finon de faire tout ce que M. l'Archeveque lui diroit. Le Cheva- lier du Guet dit la meme chofe , & te- moignabeaucoup de douleur de fe voir engage dans une fi pitofable execution. Il dit encore qu'il lui etoit arrive dans la meme journee deux chofes bien op- poses ,. s'etant trouvi le, matin a une |
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II.- P ART IE. L'iV. IT. 44f
execution des plus grands fcelerats du
monde , & aiant concouru-l'apres-mi- di a l'enlevement de faintes rules , 8c an trouble de toute une maifon tres fainte & tres innocente. Ces Meffieurs virent bien qu'on les avoir fait venif fort iiuitilement, & le Chevalier du Guet dit t Hitas J.U nhoit pas befoin- de nous , ce font des agneaux. Dans im autre carrolTe etoient quatre Commif* faires avec leurs robes; dans un autre quelques femm.es pour accompagner les religieufes qu'on vouloir enlever , & un ou deux carrolTes vuides. Tout ce ttain arriva dans la cour du monaftere de P. R, , enfuite une vingtaine d'E- xemts, & foixante ou quatre^vingt (95) archers..M. du Foffe dit qu'ils eroiens pres de deux cents qui inveftirent _la cour en dehors >... & fe rangerent le moufqueton fur l'epaule. Une partie fe faifirentde routes les portes & y poferent des corps de garde en dedans & en dehors, &c a routes les avenues. Voila I'efcorte de M. de Paris: elle ne paroit gueres epifcopale; auffi n'etoit- (95) M. de Paris av.oit re (i ce qu'il dit en. <tn»
fait venir tout ce monde > fiance a la foeur Doro-
parcequ'il craignoit qu'il thee & a M. Cheron) qu'il
n'y cur d*s petfounes dif- y avoir deux milles per*
poifes dans le j.irdih pour Cannes pourfauvet «s »•
oiipeclierlexecurion qu'il l'igieufes,
OlJdiloit j on, j'ayoit ajTu-. |
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'446 riisToikE M" PoRT-vLo'ikt;
1664. ce Pas pour une expedition d'Archeve-
que & de Pafteun.il en avoit cependant l'habit , etant dans fon carroffe en ro- chet & en camail, & faifant meme porter fa cfoix. Il auroit pii , & meme dii, pour la bienfeance, fe difpenfer de Ce ceremonial dans cette occafion. A la defcente du carroffe , M. d'An-
■dilly fe jetta aux pies du Prelat, qui le releva & le tira a: part ou il l'entre- tint(9(J).M. d'Andillylui dit qu'il etoit bien malheureux d'avoir vecu foixante feize ans pour etre temoin de ce qu'il alloit voir. A> quoi M. l'Archeveque rep ondit, qu'il en etoit bien fache ; jrhais que ces filles Tycontraignoient. Apres qiielques autres paroles de part & d'autre , M. d'Andilly fit fouvenir M. de Perefixe de la grace qu'il lui avoit demandee , au cas que l'on en vint a cette difperfion, qui etoit d'avoir fes tirois filles & la mere Agnes aupres de lui a Pomponne •, mais le Prelat lui dit en le quittant que cela n'e fe pouvoic pas, que la refolution etoit prife. Il entra enfuite dans l'Eglife , fuivi de fes ecclefiaftiques, du Lieutenant ci- vil avec fes Commiflaires, du Che- valier du Guet & du Prevot de l'lfle„ avec leurs Lieutenans & Exemts : il fg- i&t) ib. p. 301,1
|
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II. P A ft t i e. Llv. 11. 447
mit a genoux devant l'autel, en atten-
dant qu'on eut ouvert les portes , qu'il avoic donne ordre d'ouvrir. L'ordre etant execute, il entra par la porte des Sacremens avec douze ecclefiaftiques qu'il avoit amenes ; ( quels apotres I ) favoir M. de la Brunetiere , fan grand vicaire, M. l'OfKcial % M. Chamillard , f celui-la pouvoit-il manquer de s'y trouver >) fes aumoniers , fon porte- croix , fon Secretaire, M. Roger No- taire apoftolique , M. Fourcault, M. - Margalot, M. Sonnet, & un autre dont on n'a pas fu le nom. M. de Perefixe fitenfuite affemblet'
la Communaute dans le Chapitre, 8c apres leur avoir temoigne la violence qu'il fe faifoit a lui-meme, pour en ve- nir a de fi' grandes extremites qu'el- les auroient evitees en obeifTant a fon' ordonnance, il eleva- fa voix pour dire s " C'eft aujourd'hui que je viens exe- » cuter ce deflein: voici' celles que je '* pretens oter, qu'elles ecoutent, s'il » leur plait, attentivement: t. La mere Magdeleine de fainte
Agnes ( de Ligny, AbbefTe ) X. La mere Catherine Agnes de faint
Paul. (Arnauld.) "}• La fceur Angelique Therefe ( Ai-y
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44S HisTorRE di PoRT-itoiA't;-
nauld) , qui ira avec fa tante ; (kf chant'qu'elle eft infirme, & qu'elle a grand befoin de la fosur Angelique Therefe , je lui veux dormer cette confolation. (voila un trait d'huma- nice. ) 4. La mere Marie Dorothee de l'ln-
carnation. (Lecomte.)
5-. La four Marguerite Gertrude. ( Dupre.)
6. La four Marie de fainte Claire. (Arnauld d'Andilly.)
'7. La four Francoife Louife de faints) Claire. ( Le Camus de Romain-
ville , quine partitpas. )
8. La four Angelique de faint Jean* ( Arnauld. )
5. La four Agnes de-la-mere dp Dieu.
(Chouy.)
10. La four Magdeleine de fainte Candide. (Lecerf.)
H. La four Anne de fainte Eugenie.' ( Boulogne.)
Vi. La four Helene de fainte Agnes. (De Savonieres.) (97).
i, (97>- Cett« religieufe- re, ou elle mourut Prieu-
Jtoit de I'Abbaie de I'F.au, re !e 2.7 decembre i«8i',
8c avoir eie ailbcice a P. apres'avoir tente plufieurs
R. Elb fut envoi'ee au fois fon retour a Ei R.
Calvaire dti Marais , oil des Champs. Voi'tz lei
die figna , & d'ou elle fut Mem. hift. T. i , p. 475.
r#i»oi«e i fon iuoua»1e- On y rapporte quelquet
|
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II. P A R T I E. L'tV. II. 449
Ce font-la les douze premieres vie- x $£* '"'
times facririees a l'idole duformulaire, xuv; par un genre de facrifice peut-etre plusc.f"^ncet"e {jenible que n'etoit la mort a ceux quecmeile exp£-;
es paiens immoioient dans les pr&-dwoB'" miersfiecles de l'Eglife a. leurs faufles divinites. Apres que M. de Perefixe euc nomme les viitimes qu'il avoir choifies dans ce faint troupeau, il leur ordonna de fe retirer & de demeurer dans les maifonsou on les mettroit jufqu'a nou- vel ordre (98). Lorfque M. l'Archeveque eut ache-
ve de prononcer fa fentence, 1' Abbelle lui dit, quelle & fes religieufes fe eroi'oient obligees en conference d'ap- peller de. la violence qu-'on leur fai- foit, 8c de protefter de nullite. La communaute fe joignit a I'inftant a elle ,, en difant toutes= d'une voix , qu'elles appelloient & qu'elles protef?- toient.. ML l'Archeveque leur dit qu'il fe mocquoit de leur appel & de leur proteftation ,.& qn'elles lui obeiroientj. puis fe tournant vers fes Pretres , vous< fivei, leur dit-il , ce que vous ave\ i fiire., Auditor deux de fes eccleiiafti- ques fortirent de leur place & s'avan- leitres de cette religieufe le refus cju'on lui avolt:
fur les. demarches qu'elle fait de Vy recsvoir.
»voit faiies pour obtenir (98) Hift. des peries^. Auecourner i p. &,,,,& p..jo», joj,.
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_______ 45® ttlSTOIRE DE PoftT-ROLAI^
1664, cerent Gomme pour s'en alier vers la
porte. Les religieufes jugeant par tout cela qu'on etoit refolu d'en veniraux dernieres extremites a leur egard , s'ap- procherent de fa Grandeur , & lui di- rent, que nonobftant leur proteftation & leur appel , elles obeiroient fans violence. En rneme tems route la com- ltiunaute fe jetta a fes pies pour lui de- mander mifericorde , & lui reprefen- rer l'exces de la douleur ou il lesredui- fbit ; qu'il donnoit le coup de la mort & la mere Agnes agee de foixante treize ans, & qui depuis deux ans avoit eu deux ou trois attaques d'apoplexie j que c'etoit lili mettre le poignard dans le fein ; que Dieu jugeroit au jour du jugement celui qu'il portoit centre elle, & qu'alors leur innocence feroit re- connue. Rien de tout de cela ne 1'at- fendrit ,■ il s'en mocqua meme , & dit cavalierement : Oui, oui , nous ver- rons , qttand nous y ferons , qui aura raifon divous oude moi.- Une fi grand e violence effaga pref- I
que de l'efprit dans ce moment toutes | | les penfees des autres procedures que | les religieufes avoient prevU' qu'il I feudroit obferver dans les fuites de\ I cette affaire ; & fe voiant environnees| I d'Oificiers de jwftice 8c d'archers, cum |
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If. Partie. tiv. II. 45r
padiis & jufibus , pour les enlever, »
elles ne penferent plus qu'd s'unir a Jefus Chnft , pour fouffrir avec lui & eomme lui dans le filence. C'etoit en particuTier la difpofition de la fceur Angelique de faint Jean , qui die dans fa relation, que les premieres paroles qui lui vinrent a l'efprit, lorfqu'elleen- tradanslechceur,furent celles de faint Ignace Martyr , Gaudeo plant quia' hoftia Chrijli effici merui, s'abandonnant a lui, comme fi elle eut du mourir. Quelques-unes des religieufes s'etant
jettees entre les bras de leur tendres: meres pour leur dire le dernier adieu r dans lacrainte dene lespeut-etrejamais revoir, le Prelat les fit fortir du chapi- tre 011 elles eroient& les-fitentrerfeules dans le chceur,, oi elles demeurerenc en prieres, fans qu'aucune religieufe ofat plus fe jbindre a elles. Mais tou- tes fe tinrent ou dans le chapitre ou dans le veftibule en prieres» Pendant ee terns , qui fut aflez long, M. de Pe- reflxe parla a la mere Agnes & a 1'ab- beffe, & leur fit de fanglans reproches de ce qu'elles s'opiniatroient feules a refufer de faire ce que tout le monde faifoit, &il ajouta en raillant: ^en- tablement tout le monde fe damne ; Gr t'U n'y a aut yous qui alliq^e/i £&- |
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■MHMMtoi
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4^1 HlSTCIRB DE PoRt-iSo'lAt.
~ 16 6 a ra-dis , il y aura bicn de la place li fejle (99)* Enfiri trouvant qu'on tar- doit trop > il demanda de nouveau la four Agnes qu'il avoit deja-demandee plufieurs fois. » Quoi ne veut-elle pas ji venir , dit-il 1 on a altez ufe de dou- »> ceur, (jufqu'ici on ne s'en eftgue- tes apper^u ) »il eft terns d'agir d'une » autre maniere •, H- die ne vient » de bon gre , on la prendra a. qua- si tre par les pies & par la tete ,. £>c on * la fera bien fortir deforce »; Quand elle fut atrivee ,, il fortit du
chceur avec les douze ptifonnieres qu'il y avoit enfermees , & vouloit les con- duire a la porte des facremens 011 toute la communaute fe rendit. Mais il etoit fi peu a. lui-meme qu'il palTa devant cet- te porte fans la voir, & s'en alloit for- tir de l'avant-choeur & entrer dans le eloitre. La four Angelique de faint Jean s'avan^a vers lui, pour Lui mon- trer la porte ou on l'attendoit, & en meme-tems elle le pria de leur donnef kur obeillance pour fortir : Je vous U donne , repondit le Prelat, puifqiit jf fous le commande. Cependant les ecclefiaftiques de la
finite de M. TArcheveque , parloient dans le chapitre a plufieurs religieufes |
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II. P A r t i e. L'iv. II. 45 j
les exhortant a figner. M. de la Bra- x 664* , neciere dit a la four Euftoquie , ea I verite j'ai pitie de votre etat, il eft pe- nible, je l'avoue , mais ©beiffez au nom de Dieu, &c. » Ce traitement » eft bien rude, repliqua la religieufe, » & je vous avoue qu'il me femble » que c'eft aujourd'hui que je fais pro- » feffion , puifqu'en effet j'offre a Dieu '•> tin facrince bien plus entier, mais « bien plus penible que celui que je » lui ai fait au jourqu'il me fitla gra- » ce de lui faire mes vceux. Quoi, M. » nous arracher les unes des autres , ••' & faire fouftrir une violence fi ex- " treme a la mere Agnes dans l'etat » otielle eft ! Au moins, Monfieur, » qu'on lui donne fes trois nieces avec » elle. * M. de la Brunetiere lui re- pondit lalarmea l'ceil, qu'il avoit fort prie M. l'Archeveque de la laiffer, ou de lui donner fes nieces, mais qu'il I "avoir rien voulueeouter (1).
Le Prelat a:iant raflemble a la porta res douze vi&inies , commence a fai- re la feparaiion de fbn troupeau , ap- pellant chacune d'elles par ion nom , pour les faire forth- felon le rang qu'il ivoit marque dans fon memoire. Com- nie ilappellala four Francoife Claire, .fO.tt. p. joj, col. i. |
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454 Histoire de Port-roYai,'
j,66a. on ^ ^iZ qu'il ne l'av.oit pas nommee
au chapitre , & que c'etoit la ioeur Francoife-Louife de fainte Claire ( Sou- lain) : il repondit qu'il s etoit me- -pris & -que -c'etoit la foeur Francoife Claire qu'il vouloit mettre dehors. EUe comparut auili-t6t & reprefentaa 3vl. l'Archeveque , qu'etant celleriere de la maifon , elle ne pouvoit fortir €1 promptemenr, & le pna de lui don- iier au moins deux heures de terns }>our mettre ordre a fes affaires & de
ui permettre d'emporter avec elle fes comptes. » Pourquoi, lui dit M. w l'Archeveque , n'avez-vous pas mis » ordre a vos affaires } Parce , Mon- j) feigneur, repliqua-t-elle , que je ne 3i m'attendois pas , n'etant nulle- » ment confiderable dans la maifon > » que votre Grandeur ditt jetter les »> yeux fur ma petitefTe. ( Elle etoit effe&ivement tres petite. ) » V raiment » oui, dit M. de Perefixe, ce feroit ,« bien penfer a ce qu'on a a faire, de »> vouloir mettre ordre au mal qui » eft dans la maifon , fans vous oter » vous qui etes celleriere. Car je vous -» protefte , que fi vous ne faites point « de mal de faire ce que vous fal- si tes, j'en ferois un tres grand de *> faire ce que je fais ; & fi vous |
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II. Par tie. Liv.Tl. 455
'* n'etes point mauvaife , je fuis tres
» mediant de vous traiter commeje .» fais ». La proposition eft tres vrai, en en
retranchant la particule conditionnelle* II renvoi'a enluite la celleriere , en di» fant qu'il fe feroit donner eclaircifTe- ment fur ce nom de Marie Claire, mais qu'il falloit en mettre une autre a la place. On le pria d'y mettre la fceur. AnneCecile, quifervoiti'abbefTe, afin qu'elle put aller avec elle. Il l'accorda quoiqu'il TeCn: refufe auparavant, mais feulement pour achever le nombre de douze, parceque , comme il l'avoit ;afl"ure enecrivant fon catalogue, quand il avolt dit une chofe , il falloit qu'elle fut, & qu'il ri'en auroit pas le de- menti. L'abbefiTe etant fur le pas de la porte
pour fortir, elle fupplia tres humble- ment M. de Paris de lui dire 011 elle alloit, mais au lieu dela fatisfaire, il la prit fort rudement par les epaules 8c lui dit avec durete : Alk{ , alle^, for- H{ , il fuffit queje le facke ( 1). C'eft forcer la durete a, un grand exces a
egard d'une abbefte fi refpe&able par fa piece & fa naiflance. Quels |
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£>■) b. g. ;oj, col. J.
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45 6 HlSTOItlE DE PoRT-ROlSX.
\ reproches rfauront pas a. fe faire lei
premiers auteurs de cetre perfecunon, & quelle foiblefle pour un Aixheve- que , de s'etre prete a leur ammo/i- re , & d'avoir fervi d'inftrument pour executer les defleins qu'ils ont tonjours projette pour la mine de cette fainte maifon. Les autres religieufes fortirent en-
fuite; & ce qui etoit le plus rouchant, c'etoit de voir la mere Agnes , qui a caufe de Ion grand age & de fes mfir- mites ne pouvoit prefque monter en carofle, quoiqu'avec Laide d'une chai- fc. La fcEitr Marguerite Angelique la voi'ant forth', dit en pleurant a M. l'Archeveque : Monfeigneur , notre cktre mere en mourra, nous ne la re- perrons plus. Le Prelat lui repondit , Me reviendra. La foeur lui repliqua en redoublant fes larmes : Elle en I mourra , Monfeigneur, nous ne la re- I verrons jamais ; mais an mains pro- I mette^-nous de nous rendre fon corps I apresfa mou. M. d'Andilly s'etant ap- I proche d'elle pour lui dire adieu, I elle lui dit tout bas: » Ilfemble , mon 11 » frere, que comme Cai'phe a dit au- I »' trefois qu'il etoit neceiTaire qu'im n homme mourut afin que toute la m nation ne perk pas, on puiiTe dire f a.uffi i
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I ir. Parti*. Llv. 11. 457
it aufli aujourd'hui qu'il eftprefque ne-
« celfaire qu'une maifon foit detruite »» pour la verite , afin que routes les au- » tresn'enperdentpaslacQnnoiu"ance.» Au milieu de cet orage elle jouifloic d'un fi grand calme , qu'ecanr montee en caroife avec deux nieces , elle com- mence tranquillement fon office, com- me fieUeeut ere dans l'Eglife. M. d'Anddly recut auili fes trois
filles , qui fe jerterent a fes pies auffi- tot qu'elles l'appercurent, pour lui demander fa benediit.on : il la leur donna a routes feparement , n'etant pas forties enfembie, avec toute la tendreiTe d'un bon pere & beaucoup de douleur, mais en mcme-terns avec une refolution & u>->e conftance admi- rables , les exhortanr lui- memo a avoir bon courage & a. fe confoler dans cette penfee que la foi leur devoir donner, que ce qu'elles fouftroient etoit a(Tu- renjent pour elles le .chemin du Ciel. Enfuie© il les conduifit fur les marches du baluftre de l'autel , de meme qu'il avoir fait deja deux fois , lorfqu'eiles avoient pris 1'habit , ■& lorfqu'eiles avoient fait leurs vceux , pour les of- frir une rroifieme fois a Dieu. Au for- *ir de l'Eglife , il eut encore le cou- rage d'aller jufqu'aubour & de les con- Tome IF. V |
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458 Histoire db Port-Rout;
166* duire au carofle au rravers de tout le monde & des archers, dont l'Eglife & la cour etoient routes pleines & de les aider a y monter. Il temoigna la me- me bonre a routes les religieufes , qu'il ne quitta point jufqu'a ce qu'elles fuf- fenr routes parries. Comme la four Angelique de faint
Jean fut du dernier carofle, elle eut le rems de donner quelques avis aux fours qui demeuroienr dans la mai- fon, & de leur faire connoitre celle qui les rrahiflbir ( 3) , pour qu'elles s'en defiaflent. Elle s'etoit appercue depuis quelque rems de fa trahifon , & n'avoit oie en dire fa penfee a la communaute , arrendant qu'elle fe de- couvrit elle-meme: mais il n'etoitplus terns de differer, & la four Angelique aiant vu clairemenr que certe mifera- ble religieufe les avoir trahies , 6c avoit donne la lift© de celles qu'elle vouloir chaffer de la maifon , elle crut |
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&
tre. |
ee de la faire aonnoi*
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x,v On mir les douze religieufes, que
on envoieM. de Paris avoir choifies fur la de-
lig^ren'^ion de cette four perfide , dans
levees de p. quarre carofles •, dans deux defquels
Kns«onafte-" Y m eut quatre > tr0« dans vm au-
*«*• jjj Sccur Flarie, |
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II. Par.tie. Liv. II. 459
tre, la fceur Anne Eugenie feule dans
le quatrieme, parcequ'on la vouloic metier a Chaillot. Danschaque carofle il y avoit une des femmes que M. l'Archeveque avoir amenees & un ec- clefiaftique pour les conduire au lieu oil on les devoir metrre. La foeur Angelique de fainr Jean eut
la confolarion de fe rrouver avec rrois des fceurs qu'elle croioir des plus for- tes , favoir la foeur Candide, la fceur Helene T 8c la. fceur fainre Gerrrude. L'ecclefiaftique qui etoit avec elle , ai'ant voulu lui dire quelque parole de confolarion, elle lui reponditenregar- dant fa croix rouge : Helas ! Mon- fieur, je riattends plus de confolation deshommes, maisdeJefus-Chrijl. Nous portons fa croix avec nous, & cefl en Me que je veux mettrt toute ma confo- lation. 1. La mere AbbefTe fut conduire aur
Urfulines du fauxbourg faint Jac- ques, pour que'ques jours feulement, devant etre transferee enfuite dans un couvenr de fainte Marie , du dio- cefe de M. l'Eveque de Meaux fon frere. % & 3. La mere Agnes & la fceur Ange-
lique Therefe, dansle monafterede Vij
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4<?0 HlSTOIRE DE PoR.r-Roi'At.
%66^. la Vifitation du mcme fauxbourg."
4. La mere Prieure, a la Vifitation da
la rue Montorgueil. 5. La foeur Angelique de faint Jean 2
aux Annonciades, dites Fillescelef- tes ou bleues. 6. La four Agnes de la Mere-Dieu, a
la Creche, au fauxbourg faint Mar- ceau, qui eft aujourd'hui la com- munaute de faint Francois de Sales. 7 & 8. La fceur Candide & la fceur
Marguerite Gertrude , aux Benedic- tines de la Magdeleine de Trenel au fauxbourg S. Antoine; d'011 elles fu- rent transferees a faint Denis , l'une aux Annonciades, & l'autre a la Vi- fitation. j. La fceur Marie Claire, aux filles d@
faint Thomas, rue Vivienne. j9. La fceur Helene defainte Agnes ,
au Calvaire. 11. La fceur Anne Eugenie , a fainte
Marie de Ghaillot. %i. La fceur Anne Cecile, a Mont-r
martre , enfuite a Meaux avec 1^ mere AbbefTe. Ce qui fe pafFa dans le chemin &
9. leur entree dans les maifons de leur exil, & les traitemens qu'elles f oat cprouves, tout cek eft detaille dans |
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II. Partie. tlv. It. +6\
les relations (4) particulieres , que 1664,
chacunes d'elles ont faites de ce qui leufeft arrive de plus considerable. Ces relations n'edifient pas moins un le&eur chrerien , que la lecture des a6tes des Martyrs , auxquels elles peu- vent etre jointes comme un fupple- menr. Apres que ces douze innocerttes vie-
times furent forties, le Prelat fe re- tourna en riant vers les perfonnes de fa fuite , & leur dit : Or ga , nous en venons/lc mettre dout* dehors , fai- Jbns-en autant a dou^s autres. « All, » Monfeigneur, dit M. de la Bru~ » netiere , quelle apparence de por- « ter les chofes plus loin ! Helas les » pauvres filles n'ont - elles pas deja. » affez fbuffert} Coniiderez , s'il vous » plait, I'exces de douleur ou voila » deja cette maifon reduite , quel » moi'en de voir qu'on veuille en faire » davantage ">. M. PArcheveque ordonna enfuite xLvr.'
aux religieufes de retourner au chapi- s.uj^ de ''e,xi v Q, , r , , r pedmon d*
tre, ou 11 les fat attendre long-tems ; m. de Patw.
& a. peine y fut-il arrive , qu'il en for- tit pour parler a M. le Lieutenant ci- vil qui le demandoit. Les religieufes f4) Ces relations ont tic publiees en 1714, e«
feB gros vol. M-4. Viij
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461 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl£
profiterent de ce moment pour dire
None , qu'elles dirent avec autant de ferveur & de recueillement que s'il ne fe fur rien pafle d'extraordinaire dans la maifon. Sur la fin de None » l'Arch^vcque rentra fuivi du Lieute- nant civil, du Prevot de l'lfle 8c du Chevalier du Guet, 6c vifita tout , pour voir s'il n'y avoit point de portes de derriere ; mais fes perquifuions furent inutiles. Aiant rencontre le J ar- dinier ( qui etoitun gentilhomme An- glois , leqtiel avoit quitte fon pais pour la foi & s'etoit retire depuis iz ans- au dehors du monaftere de P. R. des champs, & depuis dans celui de Paris i oil il travailloit par charite & par peni- tence a faire le jardin,) il pafla avec fa fuite , fans lui rien dire ; mais M. Cha- millard aiant dit un mot a l'oreille au Prelat j il fe retourna, le fitappeller, lui dit qu'il etoit plus propre a porter l'epee qu'a becher la terre , & lui or- donna de ne pas coucher a. la maifon le lendemain. Sur quoi Francois , c'e- toit le nom qu'avoit pris ce gentil- homme , dit a M. de Perefixe, qu'il y avoit io ans qu'il n'avoit recu d'ar- gent, parcequ'il comptoit y finir £es jours, mais que puifque fa Grandeur le chafloit, il lui demandoit une re- |
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• II. V A R T I I. L'lV. II. $6!|
tompenfe. M. de Paris lui fit reponfe 1664.
Su'il etoit deraille a aller fervir le Roi
ans fes armees , fie le congedia ainfi. Ce jardinier, notnme Jankins, etoit tres attache a l'Eglife catholique, quoi- qu'eleve parmi les Proteftans. Dieu s'e- toit fervi de M. le Maitre pour lui faire quitter le monde& embracer larerraite. Comme il avoit un grand proces a ef- fiu'er pour la fucceffion de fes parens, qu'il avoit perdus fort jeune, il s'ad- drelfa a ce celebre Avocat , qui lui confeilla d'aller en fon pais en atten- dant que le proces fut en etat d'etre juge. Il y alia & revint un ou deux ans apres. Pendant cet intervalle, M. le Maitre avoit quitte le barreau, & etoit pour lors a P. R. des champs, oil M. Jankins l'alla trouver pour lui parler de fon affaire. M. le Maitre lui die qu'il etoit occupe d'une affaire plus importante , qui etoit celle de fon falut; puis il ajouta qu'il feroit bien d'en faire autant, & de tout quitter. M. Jankins, plus docile que le jeune hoiame de l'Evangile, renon^a a tout a. l'age de 21 ans , fe retira a P. R., & demeura fucceflivement dans les deux maifons des champs & de Paris. Oblige d'en fortir, il alia chez M. de "J-iancour. Apres la more de ce Due il V iv
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464 HlSTOTRE t>E PoiT-ROlA.1,7
*' JjJgT fetourna a P. R. des champs, ou. U
eft more en 1690 , apres avoir vecu 5 o ans. dans la folitude. xlvii. line reftoit plus rien a faire a M. Arrivee des 1 r\ 1'- 1*11
Sites de faiatc-"e ^ arls 5 que d incrodmre dans la mar-
Maue. fon qu il venoit de ravager ,, des per- fonnes a fa devotion ; il les attendoit avec impatience : enfin elles arrive- lent fur les cinq heures ( 5). Lorf- qu'on annonca leur arrivee,, en frap- pant a la parte des Sacremens , les religieufes de P. R. prierent M. de Pa- ris de ne les point obliger d'ouvrir la porte , en l'aflu rant qu'elles ne pou- voient recevoir ces filles s'il ne leur difoit au moins en quelle qualite il les vouloit faire entrer. Mais il n'ecouta rien, & ouvrit lui-meme la porte. La jaiere Eugenie ( 6) s'etant prefentee (5) lb. p. ?o« , 507. lte de Toir le defir des
(6) Cette reiigieafe s'ap- fup£tieures de layifitation
jelloit Louife Eugenie de de vivre tres cordialement Fontaine. Ai'ant ete con- 8c unanimement avec P. irertie du Calvinifme, elle R. Gette union fubfifta fit profellion dans le Cou- encote quelque terns. Mais Tent de la Vilitation de la mere Eugenie perdit ce» Paris, ou elle flit fiue fentimens d'eftime qu'elle iuperieure en 1641 , du avoir pout la maifcm de yivant de la mere deChan- P. R. a l'occafion du livte ;al, qui mourut le 15 de- de la frequente Commu- cembre de cette annee, nion, dont elle ne prit 8c qui dans une lettre d'autres idees que cellei qu'elle ecrivit le 1.4 no- qui lui furent inipirees pav vcmbre precedent a la me- les Jefuites fes bons amis. re Angelique fon amie , Ce fut elle qui conttibua lui temoignoit cite confo- k plus & ctemdre parmi If |
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- II. Par tie. Liv.il. 465
avec cinq autres religieufes , celles de " I(jg
P. R. protefterent qu'elles ne pouvoient les recevoir comme fuperieures , & appellerent tout d'une voix de cette introduction. M. de Perefixe traita leur appel , comme il avorc coutume de faire tout ce que ces vierges chre- tiennes oppofoient a. fes violences , &: leur ordonna d'aller au chapitte :■ Ellej obeirent, 8c s'y rendirent. M. de Pe- refixe y entra, & changeant de vifage & de langage , il commence par les appeller fes ckeres files ; puis leur dit qu'il leur donnoit la mere Euge- nie pour fuperieure. A ces mots routes les religieufes dirent qu'elles ne pou- voient la recevoir en cette qualite, &c protefterent de nouveau. Le Prelat eprit fon vifage menacant, & leur die avec fon langage ordinaire : » Vous, » voiez ce que je viena de faire , j'en plupart de fes religieufes, pere Quefnel , feus Ce-
lts memes fentimens d'ef- ricre : Junification de P~ time &c d'union que Saint K. , on lellre *ux nligieu- Fran^ois de Sales & la me- fes de U Vifitntion. &c. La,' re de Cliantal leur avoient troifieme edition, qui eft. infpires envers la mete de t*97 , eft la meilleure. Angelique U. P. R. Elle La Reine s'^toit donne la- mourut 4 Paris le 2 9 fep- peine d'aller elle - meme tembre 1694. L'annee fui- propofer & la mere Euge-> vante on imprima fa vie , nie la trilte commiflioi qui eft pleine de calomnies d'etre geoliere des religieu- contre P. R. C'eft ce qui a fes de P. R , & elle n'eut; elonne occasion i.un. pe- pas de peine i l'v-deterou* Jit. auvrage excellent dn nee |
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$66 tftsTOIRF. DE PoRf-ROl'At;
" » pourrai bien faire encore autanfy
» & vous faire defiler ainfi peu a peu. » Vous avez vu ce que j'ai fait pour j> avoir refufe de figner ; fi vous vous » entetez a.ne point obeir a la mere Eu- 3> genie , vous eprouverez ce que c'eft j> que la defobeiffimce. » Le Prelat avoit beaucoup de peine a
fe faire ecouter, chacune I'interrom- pant & tachant de lui reprefenter 1'in- juftice qu'il leur faifoit. Enfin apres avoir ordonne qu'on I'ecoutat, il s'e- tendit fur les louanges de la mere Eu- genie , qui pendant que le Prelat fai- foit fon eloge , demeura a genoux , la tete contre terre : les cinq autres re- ligieufes etoient aufli a genoux, les mains jointes , leurs voiles baiffes. Le Prelat en relevant le merite de la me- re Eugenie, dit aux religieufes , qu'el- le auroit pour elles autant de charite & de tendreffe maternelle qu'en avoit celle qui leur avoit ete otee. Cette comparaifon odieufe dechira de nou- veau le cceur de ces pauvres filles qui redoublerent leurs foupirs & leurs lar- mes , &c renouvellerent leurs oppofi- tions. Pendant le difcours de M. de Pe-
refixe , M. de la Brunetiere & un au- tre ecclefiaftique parloient a la fceur |
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II. Parti e. Llv. II. 467
Euftoquie : » Confolez-vous, lui di- 1664
» foit ce dernier, ma chere freur ,
i> cela ne durera pas, je vous en af-
» fure j Monfeigneur a ete oblige d'u-
» fer de cette violence , mais croi'ez-
» moi, il eft bourrele, il en eft plus
» crucifie que vous dans le fond de
» Fame. Allurement, Monfieur , re-
» ponditla foeur Euftoquie, je le crois»
» Car pour nous par la grace de Dieu,
m le trouble n'eft que dans les fens ;
s> mais la paix eft dans le fond de no-
» tre coeur, & nocre confcience eft
» enrepos. »
L'Archeveque aVant acheve de par- xivnr*
ler, il appella la mere Eugenie & lui'J^'i^,"" ■ ordonna de prendre foin de la com-tmfe. Pro- munaute, & d'exercer routes les fonc- communtu-* tions de fuperieure; ajoutant que com-16. me elle ne pourroit pas fuffire a tout , ( . il lui donnoit le pouvoirde choifirdes officieres comme elle jugeroit a pro- pos. Puis fe levant, il la fit mettre fur le fauteuil meme oil il etoit affis. La plupart des fceurs fe rerirerent auf- fitot qu'elles la virenr dans cette place » & fortirent du chapitre. Il contraignit quelques - unes de celles qui etoient reftees, de la baifer , & leur dit en leur prenant la tete ; Faites cela pour V vj
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_______<0S HlSTOIRE DE PORT-Roi^*£,
166^., I'amour de moi, balfc[ la bonne ms*
? (7). . Certe ceremonie ctant finie, M. Cha^-
Billiard fit fouvenir M. l'Archeveque de la propofition que la foeur Genevieve tie 1'Incarnation lui avoir faite dans la jardin , de leur permettre d'apprOcher des facremens; &c routes les foeurs s'e-r Xant mifes a genoux pour lui deman- der cette grace , il repondit qu'il le vouloit bien , pourvu qu'elles ne flvfir fent pas. dans la volonte determine^ de. demeurer dans, la difpofition ou elles etoient, mais qu'elles fouhaitaf- fent de connoitre la verite 6c la volon- te de Dieu. La foeur Genevieve repli* qua que leur unique deflein etoit de connoitre Ix. verite & de demeurer fer~ mes en elle. » Mais qu'entendez-vous » par ce mot de verite , ditle Prelat* « je penfe que c'eft le nom que vous « donnez a votre difpofition ? Vous » voulez bien prier Dieu : mais li =» c'eft dans? cette difpofition-fixe & ar- i, ictee de demeurer telles que vous m< etes , a quoi vous ferviront vos » prieres ? » ( a leur obtenir de Dieu lh-per£everance. )Jl ajoura qu'il laiflbir (j).Hiftoire Jet perfteit- Rtlatonde li foe If G-'ner
iioit< des reUgieufet (tc P: vitve- de l'incarn'.rion'Pi* £. e'erite. g*$ elUi-mhr.es. ncu. i part. p. 31 J. |
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II. Pa&tii. Llv. II. ^6$
cela a M. Chamillard, & les exhor-
ta a le confulter. La-deiTus Monfieut Chamillard prit la parole pour les prefer de ugner ;, mais plufieurs lui repondirent que. pour lui donnec efperance qu'elles figneroient , elles ne le poavoient, & qu'elles ne le fe- roient jamais, avec la grace de Dieu j qu'elles lux en. avoient die leurs rai* Ions. M.. l'Archeveque fir enfiute appel^
ler la fceur Francoife. Claire,, a qui il ordonna de rendre fes comptes au plutot a la mere Eugenie , & de fe te^- nir prete pour s'en aller, etant de celles qui avoient-ete nominees. Puis la prenant par le bras, il lui dit: O ca ma bonne fills, entende^ raifon , /kites cela pour I'amour de tnoi. ( e'etoit ion terme favori) ObeiJ/e^ , receve^ la me- re Eugenie ; elle ne demeurera pas long- tems , il a- fallu donner cela a la vio- lence de vos ennemis. Quelle maxime dans la bouche d'un Eveque ! Livrer 1'innocent alafureur de ion ennemi ,. & etre lui-rneme le miniftre d'une teL- le injuftice 1 M. de, Paris park enfuirea la fceur
Magdeleine de fainte Chriftine., qui lui dit que la' communaute proteftoir qu'eile. ne recevoit la religieufe qu'il |
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47° HrsToiRE de PoRT-noiAr."
-""vouloit leur donner pour leur fupe- '' rieure , que parcequ'il leur com- mandoit de le faire ; mais que c'etoit fans prejudice de leur appel; qu'ainn" elles lui obeiroient feulemenr dans les chofes purement exterieures & qui ne feroient pas conrraires a leur appel. Le Prelat fir enfuire appeller fes intrufes, & pendanr qu'il leur parloir, les reli- gieufes de P. R. dreflerent un a6te ou proces verbal d'une parrie de ce qui s'etoit pafie. Cer acte.fut redige le len- demain ( 8 ) , mis au net & figne par 54 religieufes qui reftoient; il fur en- iiiire publie fous ce titre : Proces verbal des religieufes de P.R.decequis'eflpaffe le 2.6 aout dans Venlevement violent & fcandaleux , par voie de fait & fans au* cunefentence , de dottle d'entr'elles, & de Fintmjion de fix autres religieufes de la Vtfitation, avec proteflation & appel de tout ce procede. Pendant cette eruelle tragedie , il y eut quelques dif- cours fur le formulaire. M. Gaudin, un des ecclefiaftiques de la fuire de M. l'Ar- cheveque , eut le courage d'entrer en lice avec la fceur Chriftine Briquet, qui toute jeune qu'elle etoit, mitbien- toten deroute cer Official. Ilnelaiila pas que de prendre fa defaite pour un triomphe , & de fe vanter qu'il avoir (8) 17 aeutv
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H. P A R T I 2. L'lV. II. 47f
&\\ l'avantage dans ce combat. Mais la ^v
ehofe etoit trop peu vraifemblablepour etre crue (<*). Enfin M. de Beaumont de Perefixe ,
apres avoir exerce toutes les violences dont nous venons de parler , & qui pa- roifTent juftifier le portrait que nous-: trouvons de ce Prelat dans une lettre de ce terns , penfa a fe retirer d'une fainte maifon ou il avoit mis le trouble & la defolation. • - - Etant proche delaporte, ilexhorta-
de nouveau les religieufes a confulter M. Chamillard , qu'il leur laifToit,■ dit-il, pour directeur , confefTeur 8c fuperieur. Avant qu'il fortit du mo- naftere , la fceur Genevieve l'ai'ant prier de leur donner fa benedi&ion , il re- pondit que ce feroft de tout fon cceur , & la leur donna, en fe recommandane plufieurs fois a leurs prieres. Ce fue ainfi qu'il termina cette funefte expe-* dition digne de Phorreur de tous les fiecles. Car pour quel crime ces vierges chretiennes ont-elles ete traitees avecr tant de durete & d'inhumanite ? Pour- quoi ont-elles ete arrachees du lien faint ou elles s'etoient confacrees art fervice de Dieu pour y vivre & mourir?' C'eft de Paveu meme de celui qui les (a) Voi'ez yies £dif. T. j,p. y 3. ce <jui y eA rapport^
fur ce fujet.
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47J HlSTQlXE DS Pofi.T?'R©i'A£r
~* a ainfi traitees , pour donner cetcefa'^ tisfaclion a la violence de leurs ennemis. L'innocent eft livre , parceque 1'impie demande fa mort 1 & e'eft un pafteur, e'eft un fuperieur qui le livre lui-me- irie , 8c qui tient ce langage : Qu'il a fallu donner cela ! Quoi il a fallu don- ntr le jufte a 1'impie 1 Q'a ete la morale. de Pilate : Les epoufes ont ete condam- nees par la meme maxime que leur di- vin epoux. Le pretexte dont on s'eft fervi pour les. traiter de la forte , e'eft le refus conftant qaelles ont fait da bleiTer leur confeience par une fignatu- re contraire a la fincerite chretienne. Voilaun de ces evenemens. dont on peutdire avec l'ecriture i llefi arrive une chofe dam Ifrail qui ejl telle , que quiconque en emendra le recit, Jera. oblige de mtttre la main, fur fes deux. oreiU.es. Factum cfl verbum in Ifrael ,. quod quicumque audieric ,tinnient am- ice aures ejus. La fermete de ces religieufes rap*
pelle ce qui fe pafla au commencement an IX necle fous Leon l'Armenien > dans la perfecution des. Iconoclaftes. Pendant que tout ce qu'il y avoit de. plus confiderable. dans l'Eglife fe laif- Ibit entrainer au. parti de l'erreur, un, feul monaftere de religieufes tint fer~ toe, &'donna a l'Eglife l'edifiant fpec; |
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j II. P artie. Liv. H. 47}
tacle que P. R. a renouvelle (9). Dans kj^, ' le meme tems , dtt un celebre hifto- rien , » que tant de fuperieuis de ma- tt nafteres , & ceux memes qui fem- « bloient etre les colomnes de l'Eglife, »> faifoient de fi honceufes chiices , » Ton vit de fimples filles, que la fra-. » gilite de leur fexe devoit encore » rendre plus foibles , lever eenereu-* » fement l'etendart de la confeilion de » la foi. Trente religieufes d'un feul m monaftere fouffrirentgenereufement » pour la defenfe des images , la pri- » fon & les fouets Sainc Theodore » Studite leurecrivit meme une letrre. » de fa prifon , dans laquelle il releve » leur zele & les exhorte a la perfeve* » ranee (10). Voici la lectre de ce faint abbe , qui _ ^
defendit alors lui-meme la v<£nt£ avec ume ' <» tant de courage. '• Tw°dore .. f>. r v.j- Studite aune-
» o 11 eit des occaiionsou ja doive. communw
» oublier ma mifere pour exciter quel- ** ier 5° tel."
« qu un par mes diicours, & Lanimer demeurerem
w par mes exhortations au combat , *"r*t^esptn*
» e'eft fans doute a l'egard de vous , dam qu'eiie-
» qui , felon la, parole de verite , ou %°"nie ab^n"
» plutot comme l'a prononce la Ve- perfecutee p*t
la grande
multitude. '(9) Baron. Ann. T. (io)Lett.if .apudSytm. 9.adan.8i«jn. io,ii, p.4*4. |
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474 HlSTOIRE DE PoRT-ftOlArt
1,664. " rilC trie me , etes les meres 8c le&
m foeurs du Seigneur, vous qui pour » l'amour de Jefus-Chrift, avez iup- » porte la privation de votre mere n fpirituelle , la feparation les uneS » des autres, la perte d'un (i faint mo - » naftere & la prtfon mane , apres « avoir eprouve les coups de fouets » pour la confellion de ia verite. » Mais que puis-je dire qui ne foit
h infiniment au-deflous de l'eloge ma- il gnifique que vous meritez 2 Qu'il y V ait un monaftere , dont la commu- » naute toute enciere , au nombre de » trente religieufes , par urie fainte » confpiration- de cceurs & de fenti^ » mens , foit entree dans la carriere » des foufFrances pour demeurer to- rn dele a Jefus-Chrift, dans un tems « ou les pafteurs & les troupeaux ega- » lenient terraiTes , ont par la crainte n ' de la mort rejette la parole du Sei- »j gneur , dans un terns ou les religieuX » & les religieufes ont fuccombe , a n l'exception d'un tres petit nombre ; » cela eft comparable aux plus grands » exemples de l'antiquite. C'eft une » fidele copie des quarante martyrs , » 8c des autres bienheureux vain- *> queurs de tourmens. * Que votre bonheur eft digned'en- |
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II. P A R T I E. LlV. II. 475
w vie 1 C'eft a qui fe furpaftera l'une """*
» l'autre par l'ardeur de Ion zele. Un » concert general vous porte toutes i » vous exciter mutuellement au com- » bat. Spectacle digne d'attirer les » regards des chceurs des Anges & de » la troupe des martyrs. Spectacle di- » gne des complaifances de Dieu r » pour lequel vous bravez les tour- » mens. » Allons, fxlles de la celefte Jerufa-
» lem , branches de la veritable vi- » gne, difciples reconnues du Verbe »> incarne, rejouilTons-nous d'une ma- w niere digne de Dieu ; rendons gloire* » a Jefus Chrift , qui vous a donne la » force de vaincre les tourmens que » vous avez fubis, & preparons-nous1 » enfuite a ceux qui nous reftent a fur- » monter. » Quel eft le but de ce difcours >
» .C'eft que quand il s'agiroit de paflTer » de nouveau par les fouets , par les » liens , par le rer & le feu , il ne fau- " droit pas reculer d'un moment j » mais etredans la difpofition de tout « fupporter avec joie pour Jefus- » Chrift. Nous le pouvons aftTtremenc « puifqu'il eft dit que tout ejl pofiibl®. >' a celui qui croit. w Remarquez-Yous la grandeur de* ,
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47^ HlSTOIRE DB PoRT-ROlAt;
1664 " eloges donton vous comble fur later*
» re-Queferace done un jour que cette » recompanfe future , ce roiaume ce- u lefte , ce bonheur incomprehenu- » ble l Qu'aucune de vous ne s'afTu- *> jettifle done a I'empire de Satan. >r Qu'aucune de vous trente ne fuc- » combe a l'amour de la. vie, comma » il arriva a un des quarante mar- m tyrs. Nous pourrions rapporter iei un
grand nombre de lettres ecrires par des Ferfonnes du premier merite , qui, a
exemple de faint Theodore Studite » comblent d'eloges les religieufes de P. R,; mais admirons plutot , avec l'auteur de leur apologie , la conduite |
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I
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e ces faintes filles ont tenue au fujet
la (ignature du formulaire qui n'a |
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fervi qu'a faire un nombre proaigieux;
departures. Leur conduite merite une 1. attention finguliere. Reflexions j u QQ n>efl. pas un e GOrnpacrnie (fhom-
te des reii mes lavans y qui le ioutiennent par la,
gieufes de p. Ccience &c la do&rine : c'eil une com- R.au(u|etdu , ... . . . ,
Formulaire. pagnie de hlles , qui d abord n avoient
/rf™lete rc" aucune connoilfance des matieres con-
nexion. . ...,,. teftees, &c qui dans la mite s en etoient
un peu inftruites, par la neceflite indif- penfable ou on les avoir reduites en les ^bligeafitdeparler,&quife font feme- |
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II. Part ie. Uv. II. 477
nues phis par le cceur que par la fcien- 1661.
ce (-11). Ce n'etoit pas une petite mai- fon , qu'ii feroit peut-etr-e aife de reu- nir dans un mcme fentiment ; c'etok une communaure de fix vingts filles , qui font demeurees entierement unies pendant toutle tems qtf'elles ont ete li- tres , malgre les menaces qu'on leur a fakes pendant plufieurs annees. Dans toutes ces conteftations, elles n'ont ea fart qu'aux fourTrances. Pendant que
on difputoit avec le plus de chaleur dans les ecrits , elles etoient dans un parfait repos , & dans une entiere igno- rance de tout ce qui fe paflbit, a la re- ferve peut-etre de trois ou quatre qui ne pouvoient abfoiument 1 ignorer , & qui n'en parloient jamais aux autres. Ce font ces filles fur qui rout Porage eft tombe , lorfqu'i'l s'eft agi de fouf- frir. Il nV a proprement qu'elles qui aient founert ; car tout ce qu'on a pit faire fouffirir aux ecclefiaftiques qui defendoient la meme caufe , c'a etc «e les exclure des benefices & des charges ; ce qui eft a la verite un mal pour l'Eglife , mais ce qui eft certain nement un bien pour eux , puifque tout homme de bien doit defirer de foi-meme le repos, & ne fe charger in) Apol. ch. 10. 1 p4rt. p. 71.
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478 HlSTOIRE DB PORT-Ro'lAt;
du foin des autres , que lorfquon i'f
force malgre lui, felon cette parole de faint Auguftin : otium fancUim qu&rit charitas ventatis, negotium jujlumfuf- cipit neccfficas charitatis, Aulli un grand ferviteur de Dieu
n'a-t-il point craint de dire , que les religieules de P. R. ont porte tout le poids de la perfecution , & qu'elles ont defendu la yerite d'une maniere infiniment plus noble par leurs fouf- frances, que les do&eurs & les theolo- giens, par leurs ecrits (12). » C'eft ; « dii-il, ce qui m'a fait regarderavec » admiration lagrace que Dieu a faite w a. de fimples filles , qui demeurent » dans une fermete etonnante au mi- m lieu de la plus horrible tentation qui „ fut jamais. Ce font elles, M. qui « portent tout le poids de cette perfe- *> cution ; mais en verite, ce font elles ft aufll qui en emportent tout le fruit. .« Nous poutrons contribuer de quel- H ques feuilles, c'eft-a-dire, des ecrits n & de paroles pour defendre la ve- « rite ; mais elles la defendent d'une «> maniere infiniment plus noble pat (11) Voiez Jans le rec. Cette lettre ne petit Stre Js
Je pieces fur le Forrau- M. Rebours, mort plus d«
3aiie/'»-n. 1754 > ¥• W*« tro's ans auparavant , fe
IjettreJeM.R.... kl'Ah- iz aouuSSi.
Hit Rui j 3 dec. 1^64. |
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II. Partie. Liv. II. 479
»> leurs fouffrances routes chretien- "
w nes , Sc qui font confiderees par » l'Eglife comme etant tellement au- " deflus de toutes les autres manieres » de defendre Ja verite , qu'il n'y a " que ceux qui la defendent de cette »» forte qui aient merite d'en etre ap- » pellees temoins , c'eft-a-dire, mar- *> tyrs. La coutume, I'imagination , la » mefnoire, font tres capables de four- » nir les penfees de pie re ; & Ton ap- »j prend lalangue de devotion , com- « me on apprend les autres langues, » Enfin l'on defend les verites de la « religion par la meme lumiere du « fens commun , avec laquelle on de- » fend les veritis philofophiques.il n'y m a que la defenfe reelle, effective .8c » longue, comme celle de nos foeurs, w en quoi l'amourpropre trouvepeu de » nourritiire , & je me perfuade que « P. R. portera tellement feul cette »" tempete , qu'il en garantira tous les » autres. C'eft une conjecture de la » feue mere Angelicjue, a laquelle les » circonftances preTentes me portent ■> de deferer beaucoup, Elle l'exprime » fort agreabjement, & d'une maniere » qui merite d'etre fue; car en parlanc » d'Eleazar , qui tua l'elephant , Sc ■» fiit ecrafe par fa chute , elle ajouta 2 |
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480 HlSTOlRE DE FoRT-R.O?At.
» en parlant a fes fceurs : Ce.fi ct qui
» nous arrivera ; nous tiurons la bete , ■» mais la ben nous tuira. On voit w qu'ils ne favent plus ou ils en font. *» La foi divine & la foi humaine »» font egalement dectiees 5 ils ne fe « remuentplus que par lebranle qu'ils « fe font donnes. Un faux honneur » les empeche de reader dans l'affaire -» deP. R.&c. 20. Ces faintes filies ne font point
tombees dans un etat fi penible pat une precipitation inconfideree , ou par un engagement imprevu , qui leur ait ore le moien d'y remedier; ellesl'onc envifage plus detrois ans, fans vouloir jamais embracer aucune des voies qu'on leur a propofces pour Teviter, lorfqu'elles leur ont paru contraires £ leur devoir, quoiqu'elles ne manquaf- fent pas d'approbateuts. Leur refolu- tion & leur rermece ne font point nees d'une chaleur indifcrete & remeraire, mais d'une vue tranquille de ce que Dieu demandoit d'elles feion leur etat; 8c quoiqu'elles aient toujours vii que favoie qu'elles preneient, lescondui- roit a leur ruirie , elles y ont mar- che en paix , fans s'en detourner , juf- qu'au terns que ce qu'elles avoient tou- jours eu devant les yeux,eft en effet ar- rive, jtf |
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II. P A R T I E. LlV. II. 48 t
50. Il y aeu une uniformite parfaite ~77?77*
entre la conduite qu'elles ont tenue ttoiffisme dans cette affaire i & tout le refte de {efl«*ion. <«r 1 r* J' 1 J • Li U C011au,re
leur vie. Ce detacheraent admirable des rdigieufes
qu'elles y ont fait paroitre de leur mai- de,f • £• ., ion , de leur repos ., & de tout ce de conduits qu'elles avoient de plus cher au mon- & de yic' de, s'allie parfaitement avec le dcfin- tereflement dont elles ont toujours fait profefllon. Ce mepris de ce qu'il y a de plus dur & de plus affligeant dans cette vie, eft une fuite de leur vie penitente & mortifiee ; Sc cet eloi- gnement de tout deguifement, n'eft qu'un effet de leur extreme finceri- te. De forte que jamais fouffrance n'a plus vifiblement porte le carac- tere de ces fouffrances chretiennes qui font la recompenfe &c le couron- nement de la vertu, & le plus grand temoignage de l'amour eternel de Dieu envers fes elus. 40. S'il yeut jamais finccrite exem- Q'wtrieme
r ' i- reflexion.
te de tout loupcon , on peut dire que stec'eMt* e.
e'eft celie de ces filles , puifque e'eft *tmcodslout pour la garder exadtement , qu'elles ou'?sc"1 font tombees dans l'opprellion, & que cette fincerite a fait tout leur crime. Ainfi il n'y eut jamais..perfonnes plus croiables qu'elles , en ce qu'elles te- moignent d'elles- memes. Or elles aflu- Tomt IF. X |
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481 HlSTOIRE DE PoRT-Roi'At.
I(j6 rent qu'elles condamnent tres fincere-
ment les erreurs condamnees par les fouverains Pontifes. II ell doncjufte de les en crotre j & ce feroit le foup- ^on du monde le plus deraifonnable & le plus injufte, que de croire qu'el- les vouluffent ufer en cela de deguife- ment , puifqu'elles fe font attire un rraitement 11 dur par la feule apprehen- jfion de mentir. L'on doit de meme ajouter une foi entiere a tout ce que nous avons rapporte d'elles , & que nous pourrons rapporter enfuite, etant certain qu'il n'y en a pas une feule entre celles auiont refufela denature, qui n eut mieux aime mount, que de commettre le moindre mentonge ,' comme ce refus le fait affez voir. ^ cinquierae j*. On ne pent les blamer , ni les rCHik°1fontacc,Jfer d'exces avec juftice , en ce lonaUies dansqu'elles ont refufe de fe fervir du mot fervV"du te*-de foumifjlon Jincere , felon l'explica- iat de fan- tion de M. Chamillard , parceque etant ""''""' injufte en foi d'exiger la fignature des religienfes, il ne peut jamais y avoir d'injuftice a la refufer. Le refus qu'el- les en ont fait, venant d'une averfion extreme pour les deguifemens & les equivoques , doit etre regarde comme une grande vertu , & fuffit pour les fake regarder comme aiant fouffert |
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II, Part ft. Llv. 11. 4S5
pour la juftice. II y a eu des martyrs y$$Z,
qui n'ont pas voulu fe fervir pour fe garantir de la perfecution , de certains moiens , que d'autres one cms permis, comme ce foldat dont pa"rle Tertullien, & que l'Eglife honore comme un martyr. Ainii quand les religieufes de P. R. auroient pu fe fauver par quei- que moien legitime , & qu'elles 1'au- roient neglige par fcrupule , leur fouf- france ne meriteroit pas moins le nom de martyre, & la perfecution qu'on leur a faite n'en feroit pas moins injuf- te. Ellesontmanque, nous 1'avouons, de cette prudence du fiecle , qui pre- fere 1'interet a la confeience; mais elles ont eu la prudence chretienne, qui prefere le falut eternel a unites chofes, & a. la vie meme. De plus , Ton peuc dire en un mot , qu'elles n'ont rien rejette qu'elles puuent legitimement accepter. Comment en eftet euilent- elles pu fe fervir du renne de foumif- Jion Jincere , meme avec ^explication de M. Chamillard , puifqu'il ne de- mandoit, ainli que le Prelatquile fai- foit negocier , qu'elles fe ferviflent du mot de founajjian , que pour pou- voir publier qu'elles s'etoient rendues, & qu'elles avoient obei au commande- ment de la foi humaine. Si l'equivo- Xij
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4S4 HlSTOIRE DF. PORT-ROIAI,;
i(j(j4, q«e n'etoit pas dans le terme meme ,'»
elle etoit, comme leditfortjudicieu- fement la foeur Angelique , dans 1'in- tention de ceux qui s'en feroient fervis a deffein qu'ilputetre pris enun dou-< ble fens , & qu'il put donner lieu de leur attribuer une penfee qu'elles n'a- voient pas. |
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Sixiemerfc- " • *-">-•» "»»"» """>• f"*»» «» »««T
flcxkm. tiles pmdentes felon Dieu , puifqu'elles
n'oni etc im- > r • tr 1 r •
prudemes ni« ont rait que prererer leur conicience
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p
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iv, m Disu , £ la confervation de leur maifon, Mais
l'i felon les ■,. * , 11 ,
homines. on peut dire meme qu eiles n ont point
ete imprudentes felon le monde, puif- que quand bien meme elles auroient recu le formulaire de M. Chamiliard , cela ne les auroir pas deiivrees de la {>erfecution. Les Jefuites , en particu-
ier le P. Annat, s'en feroient-ils con^ rentes ? eux qui ne fe contentent de. rien, & qui n'avolent dans le coeuc 3ue ces defirs fanguinaires des enfans
'Edom , qui dicunt , exinanite , exU nanus, ufque ad funiamentum in ed. II eft vrai que lesperfonnes que les
religieufes de P. R. confultoient , ne portoient pas quelquefois la delicatefTe li loin qu'elles: car elles ont toujours ete teilement occupees de la crainte de blefler la fincerite , que leur pente a toujours ete a ne fouffrk aucune obf- |
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II. P A R T I E. L'lV. II. 48,5
curite dans leur fignature, fans avoir 1664?"
egard a leur propre confervation , an lieu que les Ecclefiaftiques tachoient d'allier ces deux chofes enfemble j & ils euflent bien defire , fans rrahir la verite , de trouver quelque moi'en de mettre ce monaftere a couvert, en fe rabaiflant par un amour fincere de la paix , jufqu'aux derniers degres de la condefcendance humaine. Ainfi les religieufes par leur propre
ittftinct, ont toujours ete portees a par- ler avec fimplicite & fans aucun de- tour , & a declarer nettement qu'el- les doutoient du fait, & qu'elles ne v: vouloient point y prendre de part (12.),' Et les ecclefiaftiques etoient portes a n'expofer que le moins qu'ils pouvoient, ce doute aux yeux des fuperieurs ec- clefiaftiques , de peur de les bleffer; qaoique la verite ne leur permit pas de le fupprimer entierement , lorf- qu'ils etoient interroges. L'amour de la verite a paru davantage dans les re- ligieufes , & 1'amour de la paix de l'Eglife dans ces ecclefiaftiques; quoi- que les religieufes n'aient en rien trouble la paix , & que ces ecclefiafti- ques aient tache de ne point blefler la verite. II y a lieu de croire que les UiJApol. ijart.p. 7«, , ,
Xiij
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_________4»^ HlSTOIRE DE PORT-ROlAt."
1664, intentions des uns & des autres ont ete
egalement agreables a Dieu. Nean- moins a en juger par l'evenement , il paroit que les menagemens qu'on a eus, n'ont fervi de rien , & qu'il n'eutpas ete defavantageux3meme pour la paix & la confervation de P. R. que les theolo- giens ne fe fuflent pas taut rabaifles dans les fignatuL-esqu'ilsontpropofees. Ilsne faut toutefbis pas les blamer ; mais il feroit encore beaucdup plus injufte d'ac- cufer de temente les religieufes, qui ont toujours voulu parler avec clarte & imcerite. Prices de ll neft Perfonnex aflez deraifonnable
Ja conduitePour douter, apresce que nous avons fodep'.'iei"^PP°r^ ' ^le coeur de ces religieu-
fes n'ait ete droit, que leur inten- tion n'ait ete tres pure & tres fainte, puifqu'il paroit clairement qu'elles n'ont eu que Dieu dans l'efprit, •& qu'elles n'ont ete occupees que de la crainte de lui deplaire , foit en faifant un jugement temeraire contre l'hon- neur d'un Eveque , dont la faute leur eft inconnue, foit en manquant a la fincerite qu'ellesdevoiental'Eglifefi 3). Les principes qu'elles ont fuivis dans cette conduite , font leur apologie , & montrent qu'elles ont eu auffi bien la (13) lb. ch. n. p. 77. .
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II. Par tie. Liv. II. 4S7
verite dans^l'efprit, que la charite dans ^ggZ
le cceur, ce qui renferme tout ce qui eft neceftaire pour agir chretiennevnent. Ces principes ie peuvent reduire a trois : Premierement elles n'etoient 1. p.indPe. point obligees d'avoir la creanee hu- J^ob-ZJ- maine ou la perfuafion humaine de la "on de crone verite du fait de Janfenius, d'ou i\™J%^} s'enfuit que-doutant comrne elles fai- kum*me. foient du fait de Janfenius , elles n'e- toient pas obligees de depofer ce doute. Ce principe eft inconteftable, puifque de Paveu de tons les theologiens, l'E- glife, le concile general meme n'etant point infaiihble dans la decilion des faits non revel es, on n'a pu obliger , les religieufes de P. R. a avoir la foi 4
ou creanee humaine d'un fait douteux tel que celui de Janfenius. Pour figner un fait, il faut le croire , comme M. de Paris & M. Chamillard le repetoient fi fouvent aux religieufes de P. R. ; pour le croire, il faut le juger certain & en avoir une aflurance morale, puif- que e'eft en cela que confifte la foi hu- maine. Cette certitude eft une condi- tion eftentielle a la fignature : or les re- ligieufes n'avoientpoint cette certitude; l'Archeveque ne pouvoit pas la leur donner, puifque l'Eglife memene peut la donner aux fideies, n'aiant point |
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488 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
.....j56V rec,u pour cela de Jefus-Chrift une an-
torite fnfaillible dans la decifion des
faits ; elles ne pouvoient non plus ac- querir cette certitude par elles-memes; M. Chamillard n'a rait que fortifier leur doute, en voulant la leur donner; ainfi manquant de la condition eflen- tielle ( pour croireun fait ) qui eft la certitude, elles n'ont ni pii ni du il- gner : & M. de Paris n'a pu ni du leur orddnner de !e faire. Les religieufes ne lui devoient obeiffance que com me religieufes 011 comme fidelles ; or ni l'une ni l'axtre de ces qualites ne don- noient droit a ce Prelar d'exiger d'el- les une telle fignature. Comme reli- gieufes elles ne lui doivent que l'obeif- lance qu'elles lui ont promife : elles h'ont promis de lui obeir que felon la regie de faint Benoit: or qu'eft-ce que le formulaire a de commun avec la re- gie de faint Benoit I Qu'y a-t-il, dis je de commun entre une regie fainte qui a fait tant de Saints & un formulaire qui a fait tant de parjures > - Comme fidelles , les religieufes de P. R. ne font foumifes a M. de Paris qu'en la mane maniere que tous les laiqueslui fontfoumis. Or il n'a pas exige la fignature des autres lai'ques &C particulierement des femmes. A-t-il fait figner fon fuifle j fon cuifinier, fes |
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• valets de chambre,fes laquais 'Pourquoi
done veut-il exiger d'une communau- tedereligieufes, ce qu'il n'exigepas des aucres laiques, ni meme des gens de fa maifon I II feroit bien a. fouhaiter que les Eveques qui fe pretendent les feuls znfeignans , quoiqu'ils n'inftrui- fent perfonne , appriffent au moins les juftesbornes deleurautorite ; ils n'ont de pouvoir fur les peuples que ce que Dieu leur en a donne : or Dieu n'a point donne a fes miniftres le pouvoir. de commander a ceux qui leur font founds , des chofes abfolument inuti- les, & qui ne fervent de rien a. leur fanclification, puifqu'illes envoie pour fandtifier les anies : or y eut-il jamais rien au monde de plus inutile que cette foi humaine & cette fignature du fait que M. de Paris a demandeeaux reli- gieufes de P. R ? Gette raifon eft d'au- tant plus forte , que e'eft ici la pre- miere fois depuis l'ctabliflernent de l'Eglife , qu'on a demande une figna- ture de cette forte a des religieufes. Elles pouvoient avec raifon refufex de fe rendre a l'ordre qu'on leur a don- ne de figner le formulaire, & rejet- ter abfolument cette nouvelle fervi- tude. Neanmoins elles ne l'ont pas fait; & fi elles n'ont pas figne de la maniere |
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45)0 HlSTOIItE ITE PoKT-KGlAt,
querexigeoirM.deParis,c'aete faiisaf^
cune diipofition de mepris & de defo- beiftance , maisfeulement par la crain- te de blefler leur confcience, par amour de la fincerite, & par defaut d'une con- dition , qui ne dependoit point d'el- les, c'eft- a-dire cette certitude humai- ne, fans laquelle M. l'Archeveque lui- meme leur a defendu de iigner le for- mulaire. C'eft done en vain, & par 1'in- juftice la plus criante, qu'on a voulu faire paffer les religieufes de P. R. pour des defoleijfantes & des revoltecs; dc que M. Chamillard a fi fouvent tache deles erFrai'er, en pretendant que leur refus les rendoit coupables de peche mortel. Dieu l'a juge, & il fait a pre- fent qui font ceux qui fe font rendus coupables de peche mortel, oil de ceux qui ont afture avec ferment un fait , dont ils n'avoient aucune certitude, & injurieux a la memoire d'un faint Eve- que ; ou de ceux, qui, par crainte de blelTer leur confcience , ont refufe de le faire , ne voulant point prendre le nom de Dieu en vain. Il eft evident par ceque nous venons \
de dire, que le premier des principes que les religieufes de P. R. ont fuivi | dans leur conduite , eft inconteftable , favoir qu'eiles n'etoient point obligees | |
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I II. P A R T i e. Liv. It. 49 f
H d'avoir la creance humaine de la verite
I du fait de Janfenius. M. Chamillard I lui-meme a reconnu qu'elles n'etoient \ point obligees a la perfuafion interieu- | re du fait contefte , puifqu'il vouloit [ bien qu'elles fignaflent le formulaire , : fans changer de difpolition. M. de Pe- tefixe l'a aufli reconnu, en autorifant \ les negociations de M. Chamillard. M. Dirois, Bachelier en theologie , qui etoit tres bien dans l'efprit du Prelat, parcequ'il prechoit la fignature , fou- tint en Sorbonne que l'Eglife ne de- : mande point la perfuafion des faits qu'elle decide ; que la fignature figni- fioit feulement qu'on declaroit que le jugement avoit ete fait dans les for- mes ; ce qu'il appelloit ajjinfum ex- ternum ; & qu'ainfi figner le formu- laire n'etoit autre chofe qu'attefter que le Pape a declare que les V proposi- tions heretiques font dans le livre de Janfenius C'eft ainfi que 1'expli- quoit audi le pere Efprit, envoiepar. M. de Perefixe , pour exhorter les re- ligieufes de P. R. a figner. Il n'y a aucune difticulte la deffus , perfonne ne refuferoit de croire que le Pape a declare que les V propofirions font ex- traites de Janfenius. Ainfi cela prouve encore, qu'on n'eft point oblige a la Xvj
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45>i HlSTOIRE DE PORT-liO'lAl,?
" 6£ ' perfuafion interieure du fait contefte",
qui eft le premier principe de la con-
duite des religieufes.
ii. Principe Le fecond principe de ces faintes
^/^"giea! filles, etoit qu'il faut parler a l'Eglife
i'es. r avec une entiere fincerite , &c que c'eft
a incerite. ^^ t^s gran£Je faute que Je Ja trom-
per par le menfonge & le deguifement:
d'ou il s'enfuit , que celui qui doute , ne doit pas dire a l'Eglife qu'il ne doute pas •, que celui qui ne croit pasquelque chofe, ne doit pas dire a l'Eglife qu'il la croit. C'eft un principe qui n'eft_con- treditde perfonne. En confequence les religieufes de P. R., qui doutoient dn fait de Janfenius, ne pouvoient ni ne devoient declarer a l'Eglife qu'elles n'en doutoient point, &c qu'elles en etoient perfuadees. in. Principe. Le troifieme principe etoit, que (T- gner le formulaire fans refraction , ou ie fervir des termes de Monfieur Cha- -millard : Je promets une foumiffion(in- etn aux conjlitutions , c'eut ete mar- quer ou exprefTement ou par equivo- que , qu'elles etoient perfuadees de la verite du fait decide , & qu'elles n'e- toient point dans le doute a cet egard : car la fignarure du formulaire fignifie la creance & la perfuafion du fait con- tefte ; les termes du formulaire- m |
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II. P A R T 1 E. Llv. 11. 49'f
permettent pas de lui donner un autre fens , & de plus l'ordonnance deM.de Paris qui exigeoit la foi humaine , de- terminoit nettement la iignature a figni- fier la creanee du fair. Les religieufe's ne pouvoient done en confeience figner le rormulaire fans restriction , puifque loin d'etre perfuadees de la verite da fait qu'il contient, elles en doutoient» & avoient tres grand fujet d'en dourer. Comment n'en auroient-elles pas dou- te, elles, qui ne pouvoient ignorer , que les promoteurs du formufaire ne s'etoient donne tant de mouvemens pour faire condamner les V propofi- tions, que dans le deflein de faire retomber la condamnation fur celui a. qui ils les attribuoient, & qui leuretoit odieux pour des raifons fort eonnues ? Elles favoient par experience , de quoi etoient capables ceux qui pourfuivoient avec tantde chaleur la condamnation d'un Eveque morr en odeur de fai»- tete. Combien de fois les avoit-on ca- lomniees elles-memes fur des chofes , dont elles connoiffoient la- fauffete ? Combien de fois avoit on caiomnie M. Singlin leur fuperieur , &c leurs autres dire6teurs ? Cependant elles etoient tres affurees, que jamais ils ne leur avoient rienappris qu'a s'humilier^ |
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494 HrsToiRE dh Port-roiai;
qu'a porter leur croix , qu'a pratiquer l'Evangile , qu'a refpecler leurs fupe- . rieurs , qu'a etre foumifes aux Princes. Combien de fois M. Arnauld avoit-il ete calomnie , fpecialement au fujet du livre de la frequence communion , quoiqu'approuve authentiquement par tant d'Eveques 1 Combien de fois M, de faint Cyran avoit-ii ete calomnie , & meme traite d'heretique , ce grand homme dont l'innocence leur etoit ft connue, qui leur avoir tenu lieu de premier pere depuis leur reforme, a qui elles avoient obligation de la con- noiflance qu'elles avoient du veritable efprir de l'etat religieux , auquel elles s'etoient confacrees ? En falloit-il da- Vantage pour leur donner fujet de dou- rer au moins, qu'un Eveque comme celui d'Ypres, qui avoir euune liai- fon intime avec M. de faint Cyran , ne fut auili injuftement attaque dans fa docTrrine par ceux-la memes qui avoient ii cruellement dechire la re- putation de fon ami & de tous leurs direcleurs; Aiant done rant de fujet de douter de la verite du fait de Jan- fenius, des filles inftruires a l'ecole de faint Bernard leur pere, & des autres do&eurs, qui enfeignent qu'on fe rend coupable de parjure en alTurant avec |
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II. Parti k. Ltv. If. 495
ferment une chofe qu'on ignore > ou "*"T
dont on douce , pouvoient-elies figner le formulaire > Falloit-il avoir tant de fcience, pour favoir qu'on ne doit pas attefter avec ferment un fait dont on n'a pas & dont on ne peut avoir une connoiffance certaine J Les religieufes de P. R. n'ont done
fuivi aiKune fauiTe lumiere dans leux precede, & elles fe font conduites fe- lon les regies d'une fagefTe folide & d'une piete eclairee ; & bien loin de pouvoir etre regardees comme des opi- niatres , des rebelles , des defobeif- fantes, comme leurs ennemis ont vou- lu les faire palfer ; on doit les regarder comme des meres en Ifraei, comme des vierges fages & prudentes , com- me de veritables epoufes de Jefus- Chrift, qui ont reuni dans leur con- duite la fimplicite de la colombe avec la prudence dn ferpent; en un mot,, comme de vraies martyres de la fince- rite chretienne : car elles n'ont point d'autre crime. Mais 11 elles ne font coupables d'aucun crime , que doit-on penfer de ceux qui les ont fi cruelle- ment perfecutees ? Ceft une conclu- sion que nous laiffbns a tirer a d'autres , , nous cencentantde les laitfer au juge- ment de Dieu, qui a deja rendu a cha- |
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4$6 HlStOiRE t>E PoRT-R6lAi;
" %66a~ cun ^on ^es ceuvres ; nous ferons fed-
lement quelques reflexions qui feront
voir quel a ete l'efprit deM.de Paris
dans cette affaire , & quels ont ete les
principes de fa conduite.
tn. , La inaniere inhumainedontM.de
&r C VtCfttt Perefixe a traite les religieufes de Port-
quiafaitagirRoial ', porte naturellement a croire
M.. da Pete- ,-i / / i i i • / A
fixeconcre p.qu*» a ete leur pluscruelennerm (15/.
R- , On eft memeperfuade que M. de Mar- pat haine fat-c* j auteur du formulaire , & fi declare ticuiiere con- contre les janfeniftes, n'auroit jamais porte les chofes a l'extrernite oii fon fuc- ceffeur les a portees, & quil auroit trouve quelqvie temperament pour ne pas s'engager a exercer des cruautes fi odieufes. Neanmoins la conduite que M. de Perefixe avoir tenue , n'etant ■ que particulier ,ou (Implement Eveque de Rhodes, ne permer point de penfer qu'il fe foit livre a des injuftices fi criantes,par haine contre des perfonnes qui ne l'avoienr jamais defoblige ; coa- tre de faintes filles qui etoientenodeur de piete, & dans lefquelles il y avoit certainement plufieurs chofes plus pro- pres a. attirer l'eftime d'un Archeveque 'qu'a exciter fon averfion & fa colere. Il Ni par af- n-e l'a pas fait non plus par affection par- ^'^itcps°urticuiiere pour les Jefuites: il avoit vecu ('!) Apol. part, 1. ch. 11, p. 8«fc |
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II. Partie. Llv. II. 497
trop long-terns a la cour pour ne les pas j5<j4-. connoicre •, 8c les connoififant, il etoit difficile qu'il les aimar. lis font fi in- commodes a tout le monde •, les dere- glemens de leur morale font fi vifibles r leurs ecrivains il meprifables par leur foiblefTe , qu'il n'eft pas po ffible qu un horn me , en qui on fuppofe un peu de fens commun, ait pour eux une veri- table eftime. Ce n'eit pas auffi par at- Nipatatta^ tache a fon fyfteme de la foi humaine, ff^jj? foi puifqu'on voit par les negotiations de M. Chamillard & du Pere Efprit, & par fes declarations verbales , qu'il confentoit que les religieufes n'eufient point cette foi humaine de la verit6 du fait de Janfenius , pourvu qu'elles ne rexprima!Tent pas dans leur figna- ture. Il a ete content de la fignature de celles qu'il a gagnees, en leur de * clarant qu'il ne demandoitpasla crean- ce interieure, &fqui croioient auffi peu le fait apres avoir figne , qu'elles le croioient auparavant. On lui auroit eu obligation s'il avoit vonlu autorifer par ecrit l'explication de la foi humaine que donnoit le Pere Efprit, & qu'il ad- mettoit lui-meme de vive voix. On lui a meme obligation d'avoir exclu la foi divine ; car il a rendu en cela quelques feryic.es a I'Esdife. La foi humaine n;a. |
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500 HlSTOIRE CE PoRT-ftOlAi.'
• 1664. tes •, mais fans les aimer il agifloit con-«"
formement a leurs vues. Henri IV ne les aimoit pas, il les rappella nean- irioins en France, parceque fans cela il ne croi'oit pas fa vie en furete , com- me le temoigne M. de Sully dans fes memoires. Les Cardinaux de Riche- lieu & Mazarin ne les aimoient pas; avec quel foin cependant ne les ont-ils pas menages 1'un & i'autre ? On n'aime pas les tyrans, mais on les craint, & la crainte fait faire bien des chofes. Les Jefuites font les tyrans de l'Eglife 8c s'y font redouter des petits & des grands, des foibles & des puifTans. trv. Mais enfin , dira t-on , ces filles orit ^tindpes dir eu tort Je defobeir a leur fuperieur&
procedcdeM. x , . , A • ■ »i C
de l'erefixe. a leur Archeveque. II rant que ceux
qui raifonnent de la forte , & qui pre- tendent que les religieufes de P. R. 'onr eu tort de refufer la fignature , &
que M. de Paris a eu raifon de les rraiter comme il a fait, montren'tque les principes qui lui ont fervi de regie dans la conduite extraordinaire qu'il a tenue, font conformes aux loix im- muables de la juftice eternelfe : car il faut que toute action particuliere , pour core bonne , y foit conforme. Pour nous, bien loin d'y trouver cette con- " forrnit£ 3 il nous paroit que {a conduite-
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II. Par. tie. Liv. II. 501
fte peut etre appuiee que fur deux ma-
ximes egalement faufles : la premiere, que route faute vraie ou prefumee con- tre 1'aurcrire d'un fuperieur, eft une caufe fuffilanre pour miner an monaf- tere, & pour faire fpuffrir les plus mau- vais traitemens a des filles confacrees a. Dieu : la feconde , que les Eveques n'ont aucune moderation a garder dans les commandemens qu'ils font; qu'ils peuvent n'y avoir d'autre but que de £e faire obeir, & que leur engagement dans une ordonnance, qu'ils n'auroient. point du faire , leur eft une raifon le- gitime de la faire executer fans mi-, fericorde , & avec toute forte de vio-, lences. On peut appeller cette feconde maxime Yherejie de la domination , 8c la premiere, 1'herefie de 1'egalite des. peches. En effet,fi e'eft une herefie de craire ,
comme Luther & Calvin, que toutes les fautes que nous commettons envers Dieu, en manquant a ce que nous lui devons,font des peches mortels ,dignes, de la damnation eternelle, e'eft allure- ment une herefie encore plus groffiere de croire que les moindres manque- mens dans ce que les fuperieurs deman-* dent aux inferieurs , font des crimes cnoriries,qu'on a droit de punir avec les |
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5Ob H*ISTOIRE 6E PORT-ROlAi.'
j 664. tes •, mais fans les aimer il agifloit con->"
formement a lears vdes. Henri IV ne les aimoit pas, il les rappella nean- rnoins en France, parceque fans cela il ne croioit pas fa vie en furete , com- me le temoigne M. de Sully dans fes memoires. Les Cardinaux de Riche- lieu & Mazarin ne les aimoient pas ; avec quel foin cependant ne les ont-ils pas menages I'un & 1'autre f On n'aime pas les tyrans, mais on les craint, & la crainte fait faire bien des chofes. Les Jefuites font les tyrans de l'Eglife dc s'y font redouter des petits & des grands, des foibles & des puifTans. trv. Mais enfin , dira t-on , ces filles ont Stincipes dir eu tort Jg defobeir a leur fuperieur 8c
Srocede deM. v , « r a -,\ r
de l'ecefixe. a leur Archeveque. II raut que ceux
qui raifonnent de la forte , & qui pre- tendent que les religieufes de P. R. ^ont eu tort de refufer la fignarure , &
que M. de Paris a eu raifon de les traiter cornme il a fait, montrentque les principes qui lui ont fervi de regie dans la conduite extraordinaire qu'il a tenue, font conformes aux loix im- muables de la juftice eternelte : car il faut que toute action particuliere , pour ctre bonne , y foit conforme. Pour nous, bien loin d'y trouver cette con- " formite' 3 il nous parok que fa conduise
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II. Partie. Liv. IT. 501
he peut etre appui'ee que fur deux ma-
ximes egalement fauffes : la premiere, que toute faute vraie ou prefumee con- tre l'aurorite d'un fuperieur, eft une caufe furfiiante pour miner un monaf- tere, & pour faire fouffrir les plus mau- vais traitemens a des filles confacrees a Dieu : la feconde , que les Eveques n'ont aucune moderation a garder dans les commandemens qu'ils font; qu'ils peuvent n'y avoir d'autre but que de £e faire obeir, & que leur engagement dans une ordonnance, qu'ils n'auroient point du faire , leur eft une raifon le- gitime de la faire executer fans mi-, fericorde , & avec route forte de vio-, lences. On peut appeller cette feconde maxime Yherejie de la domination , & la premiere , l'herefie de 1'egalite des. peches. En effet,fi c'eft une herefie de croire ,
comme Luther & Calvin, que toutes les fautes que nous commettons envers Dieu, en manquant a ce que nous lui devons,font des peches mortels ,dignes de la damnation eternelle, c'eft allure- ment une hereiie encore plus grofliere de croire que les moindres manque- mens dans ce que les fuperieurs deman* dent aux inferieurs , font des crimes Cnormes,qu'on a droit de punir avec les |
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50Z BlSTOIRE DE PoRT-Ro'lA£.
memes rigueurs que les plus manges
defordies.C'eft ce qu'il faut que croient ceux qui voudroienc entreprendre de juftirier M. de Perehxe : car , dans la verite , route la faute des religieufes •de P. R. confifte a. avoir eu trop de fin- cerite (fi Ton en peut trop avoir), & marque trop de fermete a vouloir ex- primer leur difpofition par des cermes clairs & intelligibles , qui puffent faire voir a tout le monde ce qu'elles avoient dans le coeur. Novum crimen & ante hanc diem inauditum / Heureu- fe faute que les hommes puniffent fi cruellement fur la terre , & que Dieu eouronne dans le ciel 1 Mais je veux que M. de Paris ait cru qu'elles avoient tort de ne pas comprendre qu'elles ne s'engageoient a rien par la foumifjion Jincere qu'il leur demandoit: & qu'en tela elles ont fait une faute. Mais quelle faute 1 Elles n'ont pasbien com- pris ce qui etoit enferme dans le ter- me de foumijjiorz -, elles ont cru qu'il ctoit equivoque, quoiqu'on les affurat du contraire. Voila tout leur peche. Un manquement d'intelligence , une crainte exceffive de n'etre pas bien en- tendues , une trop grande delicateffe touchant l'apprehenfion de manquer de £ncerite. Que les Eveques feroient |
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II. Par tie. lav. II. 503
neureux, s'ils ne trouvoient point d'au-
tres defordres dans tous les monafteres de leurs diocefes ! Mais pourquoi , dira-t-on , ne fe
font-elles pas rendues a ce que Ton de- fiioit d'elles , puifque Tans les con- traindre de changer de fenriment, on vouloit feulement qu'elles promiflent une foumiffion fincere 1 Mais je veux, ce qui n'eftpas, qu'elles aient eu tort, feroit-ce la une faute pour laquelle el- les auroient merite d'etre traitees aula* inhumainement qu'elles l'ont ete , ar- rachees des autels , enlevees de leur maifon d'une maniere fcandaleufe , mifes enprifon dans des maifons etran- geres, enfermees dans Ieurpropre mai- ibn , tenues dans une dure captivite & une gene epouventable de confeien- ce , privees des Sacremens & de route autre coniblation fpirituelle > Eroit-ce la une raifon de rompre l'union fainte que Dieu avoir mife entre elles , pour les tourmenter par une tres affligeante divifion; de maltraiter & d'emprifon- ner leurs amis,de renverfer leur tempo- rel s de miner un rnonaftere rloriflanr, & d'orer par-la une fainte retraite a un grand nombre d'ames que Dieu cachoit dans ce tabernacle, pour les mettre a couvert de la corruption du monde ? |
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504 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
~ Quand leur refus de figner auroit et&
une defobeiflance , ( ce qu'on a fait voir clairement n'etre pas) cecte pre- tendue defobeiflance meritoit elle de lels traitemens > Toute defobeiflance a Tegard des fuperieurs , merite-t-elle toute forte de chatimens ? Tout peche contre ce que Ton doit a Dieu, une pa- • role inutile, un leger mouvement d'im- patience & de colere , merite-t-il la damnation eternelle J Onne peut pas dire que ce foitpar
mepris, que ces faintes fiiles ont re- fufe de figner , puifque M. Chamil- lard a temoigne lui-meme une infinite de fois , qu'il voioitbien qu'elles n'e- toient retenues que par une delicatefle de confidence & par la crainte d'of- fenfer Dieu. Or ce n'eft pas meprifer Jes hommes, que de ne les pas prefe- rer a Dieu •, & il n'y a point de defo- beiflance envers les hommes plus eloi- gnee du mepris , que celle qui ne nait que de la crainte de difobeir a Dieu. Rien n'eft plus ridicule que ce que
difoit M. Chamillard pour enrai'er ces pauvres fiiles ; favoir , que les peines que M. de Paris avoir jointes au com- jrnandementde la fignature, rendoient ia chpfs confiderable, quand meme |
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II. P A «. T i e. Liv. II. 505
-elle ne l'auroit pasete : car bien loin 1664*
que des peines ajout^es fans raifon a un commandement le rendent plus jufte■& plus capable d'obliger en conf- cience; il en devient au co'ntraire plus injufte, 8c par confequent moins pro- pre pour lief les conferences. C'eft: line injuftice vi'fible que d'ordonnef une chofe tres legere fous les plus grandes peines que l'Eglife puiiTe im- pofer pour les peches les plus enor- mes , & encore plus , d'impofer ces peines a des perfonnes , qui , par une opinion vraie ou fauiTe, ne croienc pas pouvoir obeir a ce commande- ment. C'eft ce que les cafuiftes me- mes, & Suarez entr'autres, enfeignenc en trairant des cenfures (16). Ainfi M. de Perefixe , en pretendantobliger fous de grandes peines les religieufes a. fe fervir de termes obfcurs, qu'elles n'en- tendoient point, pour exprimer leur difpo/Ition , n'a fait, felon Suarez , que joindre line erreur intolerable a (i«) Qnamvis faperior incapax;8rcomminatio &
rem Cub excommunkatio- fententia, in iilo pracep-
ne & prjevia monitione to inclufa , vei non eft
ijuacumque , prohibeat, vera, fed in verbis tannin*
Ui-v. g. ne tlicam verbum aicerrorem, vel continec
jocofum , aur ne dem af- intolerabilem crrorem.
femaiteri & fimilia , non Suare\ , difput. 18. felU
propterea erit peccatum }.n.x%.
anortalc, quia materia ell Tome IF. Y
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<Z>6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAC.'
——-— fon commandement, & le rendre ainfi
16 4* plus incapable de lier perfonne,
itfrffcdela Q^d au fecond principe , par le; iotaioauon. quel on pretendroit juftiher -le proccde
de M. de Paris , qui eft qu'un Prelat doit fe faire obeir , quand il eft une fois engage, c'eft une erreur pernicieu- fe • c'eft XHrefie de la domination, con- damnee par Jefus-Chrift & par les A- potres , & c'eft peut-etre de routes les herefies la plus etendue & la plus en- racinee. Nous appellons cette maxima herefie , parceque tout ce qui eft ma- nifeftement contraire a la parole de Dieu , merite ce nom. Ory a-t-il rien de fi contraire a la parole de Jefus- Chrift que la dominarion ? Y a-t-il rien de plus clair & de plus certain que la defenfe qu'il a faire a tous les pafteurs dans la perfonne des Apotres , de gou- verner les ames confiees a leurs foins , avee 1'empire & la domination que les Princes exercent fur leurs peu- ples (lift C'eft ce que les Apotres ont pratique & enfeigne (18). On peut jeduire a trois chefs , felon la doctri- ne des Peres, eette domination inter- dice par le Fils de Dieu. Le premier, qu'il n'eft point per.
<,7) Matth. cap. 10. (*«> « P«. (• »•> Co*,
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II. Partie. Liv. IT. 5S7
:mis de commander , pour comman- '
Celt le fens de ce que dir faint Chry. Domination foftome (i9). Tout ft faitfous les prin- t^T <es tempords , par loix & par com- lues- mandemens ; mais dans I'Eglife il riy \ a rim de, tel: caril n'y efi pas permis de commander par autorite; c'eft-a-dire que- les pafteurs ne doivent comman- der que pour l'utilite de ceux a qui ils commandent , confiderant en tout ce qu'ils ordonnent, non leur utilite , mais celle des autres , afin que plufieurs foient fauves : Non quod (ibi utile efi , fed quod multis, ut falvi fiant. Cell pourquoi Jefus-Chrift a eu foin de reprefenter que pour etreplus eleves dans les minifteres ecclefiafti- tjues , bien loin d'etre plus grands , ils ne feroient que les ferviteurs de <eux dont ils paroitroient les fuperieurs au dehors ; ce qui fait voir, que com- me un ferviteur ne doit rien faire que pour le bien de fon maitre il n'eft auffi permis aux Eveques de rien faire que pour le bien des ames qui leur font commifes , d'ou vient que leur titre le plus glorieux eft de fe dire, its ferviteurs des ferviteurs de Dieu ; ce ■ |
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(>i?)Hoai. 3. fur let aftjs.
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Yi;
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5oS Histoire de Port roTai..
1664, qui feroit un-e pure hypocrifie , s'ils
pretendoient en meme tems traiter en efclaves ceux qui leur font confies, 8c za falut defquels ils doivent rapporter le foin de leur charge paftorale. » C'eft »j le devoir d'un do&eur, dir S. Chry- » foftome , de ne pas rechercher de x ceux a qui il commande , fon pro- 3> pre honneur & fa propre gloire , » mais leur falut, & de fake rout » pour eux. Celui qui cherche autre » chofe n'eft pas un docteur ni un w maitre, mais un tyran: Car Dieu ne » vous a pas etabli leur fuperieur pour <o en etre plus honore 8c plus refpe&e, *> mais pour negliger vos interets 8c »> ne travailler qu'a tout ce qui peut w contribuer a leur edification. Qu'on juge par-la fi jamais perfonne
a plus agi par cet efprit de domination que Jeius-Chrift a interdit aux paf- teurs de fon Eglife , que M. de Pere- fixe en commandant aux religieufes deP. R. de croire defoi kumaineqae V propofitions font dans un livre latin, qu'elles font incapables de lire , ou de figner un a&e qui feroir entendre qu'el- lescroient un rait dont elles doutent, Quel bien temporel ou fpirituel peut- il avoir eu en vue par un commande- pjent fi nojjyeaii, & quin'a jamais ite |
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II. Partii, Llv. It. 509
fait aux perfonnes de leur fexe & de kj^. leur profeulon depuis retabliflemeno. de l'Eglife 5 A-t il pu crok e que ees filles ieroient plus charicables , plus morrifiees, plus regulieres, plus filen-- tieufes , plus definterefTees, plus unies- entr'elles, lorfqu'elles auroient temoi- gne par une fignature publique qu'eb' les croient de foi humaine qu'un faint Eveque a enfeigne des impietes , des blafphemes & des herefies } La figna- ture du formulaire eft-elle une chofe bien propre a faire avancer des filles dans la voiedeDieu & dans la per- fection religieufe ? Y a-t-ii eu quel- qu'un aflez depourvit de fens commun, pour foutenir une pareille extravagan- ce ? On n'a ofe le dire : on a tout reduit a ces grands mots d'Archeveque , de Pape , d'autorite , de commandement.. Mais c'eft en cela meme que confide Vherejiede la domination , depretendre qu'il fuffife qu'un homme foit rev^cu, de la qualite d'Eveque , d'Archeve- que , de Pape , pour impofer tel joug, qu'il lui plait, a ceux qui lui font fou- mis, fans qu'il en revienne aucun bien a ceux a qui il l'impofe , & de n'ap- porter pour raifon de 1'obeifiance qu'il. exige, que la puuTance abfolne d'un Y iij,
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II
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5 ro Histoire m Port-rojae.
kJ(54. maitre imperieux qui veut fe faire' obeir.
lvr_ La feconde chofe quietablit ladif-
Diff"6cence ference eritre la domination des Rois »
Sinltiin d°s interdite par Jefus-Chrift aux Apotres,
princes, & & le gouvernement des Eveques , eft
mcm"^""!-" 1ue lesRoispeuvent negliger en quel-
gues. » qUes rencontres les interets de quel-
» ques particuliers pour fubvenir aux
» neceffites publiques de tout le corps
« de l'etat ; au lieu que les Eveques
» font tellement charges du foin de
- l'Eglife., que leur principal emploi
» eft de veiller au falut de chacune
» de leurs brebis, & qu'ils ne doi-
» vent rien faire qui puifte porter pre-
» judice a aucune en particulier fous.
« pretexte de procurer quelqu'avanta-
» ge a tout le corps, etant obliges au
" contraire par Pexemple de leur mai-
» tre d'en laifler quatre-vingt-dix-neuf
" qui n'ont pas tant befoin de leur af-
» fiftance , pour aller chercher la cen-
« tieme &c la rapporter dans la ber-
» gerie »* C'eft le raifonnement de
M. de Marca (10), auteurnon fufped,
qui mine le faux pretexte dont on fe
fert pour autorifer la fignature qu'on a,
voulu exiger des religieufes , qui eft.
' (j,o) Marc*. Cone. 1. 1. c, if, n..7,_
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tti P ART IE. LlV. II. 5 If
tine certaine uniformite pretendue '•
uniformite qu'on a fait voir etre une pure illufion , puifqu'il n'y a qu'ert France qu'on exige cette niiferable fi- gnature ; & ou on ne I exige pas meme des fimples fideles & des femmes, de qui on devroit neanmoins l'exiger aufll bien que des religieufes , s'il y avoir quelque bien a figner. Que les pafteurs tachent, a l'exemple de faint Paul, de rendre les fideles uniformes, encon- fervant £ unite d'un mime efpritpar le lien de la paix, enforre qu'il n'y ait entr'eux qu'wra corps , qu'un efprit, quune e/pe- rance}quun Seigneur, quune joi, qu'urt baptime • c'eft en cela que4 les vrais pafteurs doivent tacher de rendre le* chretiens uniformes, & non pas a fi- gner tous le meme formulaire de la> foi humaine d'un fait inutile au falut. Quand II n'y auroit qu'une feule ame qui fut genee d'un rel commandement & qui ne pourroit s'y rendre fans tra- hir fa confcience , le bien commun qu'on fe figure dans cette fignature, ne feroit pas une raifon pour impo- fer a ce tte perfonne un joug qui lui fe- roit infupportable, & c'eft en cela, felon M. de Marca, que le gouverne- ment politique eft different du minif- tere epifcopal. Y iv
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5!Z HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE."
"xd<j,±. La troifieme chofe qui eft renfermee-
dans la domination, que Jefus-Chrift a defendue afes Apotres, eft devou- loir fe faire oheir d'une maniere im- perieufe 6c abfolue, fans avoir egard aux repugnances de ceux a. qui Ton commande des chofes qui ne font pas prefcrites par la loi de Dieu & de la nature : ce qui a fait dire a faint Jerome (2.1) : Rex nohntibus praejl , Mpifcopus volentibus : a faint Chryfof- tome (22) , debet imperam & pr&efie volentibus ac lubtntibus, & qui ei gra- tiam habeant qubd imperet. A. faint Gre- goirede Nazianze (25), » qu'unedes w chofes que notre loi 8c notre. Iegifla- * teur nous ont plus recommandee,eft « que le troupeau de Jefus-Chrift ne m foitpasconduitparcontrainte., mais » d'une maniere douce, qui le fafle '.*> fuivre volontairement & defonbon » gre « : Ut grexnoncoacle ,fed Jpon- t£ ac libenti animo pafcatur. Saint Ber- nard a reprefente avec beaucoup de force cette verite a un Pape, comme un des premiers devoirs de fa charge apoftolique : » Le nom d'Eveque fait w voir , que ce n'eft qu'un miniftere , (11) De morte NepotianJ.
(iz) Horn. 10. in Ep. i. ad.XheflV.
(ij) Naz,qrat.,i.
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IT. P A R T I E. Llv. II. 513
'■»■ & non un droit de dominer. S. Pierre
» ne vous a pas donne ce qu'il n'a pas » eu. II vous a donne ce qu'il a eu , » qui eft le foin de toutes les Eglifes. » Mais vous a-t-il donne la domina- w tion} Ecoutez-le : Non en dominant » Vheritage du Seigneur, mais en vous n rendan t le modele du troupeau. Et arm »» que vous ne croiiez pas que cela ne » foit dit que par humilite, & non » qu'il doive etre ainii dans la verire, »» le Seigneur dir aufti dans 1'Evangile y, » Les Rois des nations les dominant »< jj & on donne le nom de bans & de'- » bienfaiteurs a ceux qui les gouver- » nent feuverainement; & U ajoate »> j> mais quant a vous il n\n fera- pas'- » ainji : Vos autem nonjic. Cela eft » clair. La domination eft interdite' » aux Apotres. Regardez done ce que-* sj vous avez a faire; & ufurpez, ii VOUSJ » l'ofez, ou l'apoftolat en voulant do- » miner ; ou la domination en fai- » fant la charge d'un Apotre. Vous; m ne pouvez avoir que l'un ou l'autre •,; » & vous les perdrez l'un &l'autre , fii » vous les voulez avoir tout deux. Les hcretiques, abufant de ces pafla^ |
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\6G\.
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Difference?
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ges, ont pretendu que les miniftres de$ loix des-
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de l'Eglife n'ont pas le pouvoir de fai-p
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loix de L'l>
tlUe*-
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Y-v
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514 H'lSTOl-RE DE PbRT-ROlAt.
~~ re des loix qui obligent en confcience::
mais en rejettant cette erreur, qui eft fort eloignee de l'efprit des Peres , il faut reconnoitre cette importante veri- te , qui eft , que quoique les Eveques aient le pouvoir de faire des loix , ce pcuvoir neanmoins, a. l'egard des cho- fes qui ne font point reglees par la loi de Dieu , n'eft point abfolu & inde- pendant de l'acceptation volontaire de eeux pour qui ils font ces loix ; & pour agir felon l'efprit de. l'Evangile , ils: ne peuvent les leur impofer quand ils; en ont nop de repugnance ; s'ils le font, ilsabufentde leur pouvoir & ils ufurpent la domination que J. C.leur a fi clairement interdite. C'eft ce que M. de Marca a fortbien expliquedans fon fecond livre de la concorde du Sacerdoce & de l'empire , ch. 16 , ou • apres avoir montre que les loix civiles: doivent etre acceptees pour obliger, il prouve enfuite que cela eft encore plus vrai des loix ecclefiaftiques que des loix civiles,, pour deux raifons : » La pre- « miere , dit-il, eft que la puiflance 3> ecclefiaftique eft donnee pour edi- => far & non pour detruire , comme « l'Apotre le marque entermes expres.. »r D'qu. il s'enfuit qii'on ne doic rien |
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II. Part iE. Liv. IT. 515
sj impofer aux fideles qui les puille
» bleffer; & qu'ainfiuneloiecclefiaf- " tique , qui ne leur eft pas utile, doit »j etreregardeecommefi elle n'etoitpas. ( Qu'on juge du formulaire par cette regie ) » Car comme dit faint Chry- » foftome,. La regie du chrifhianifme ,. » fon exacle definition, &fapluskau- » tedignite, ejl de ne travailler qifcL »> Vedification commune. La feconde « raifon eft que Jefus-Chrift a lui- « meme etabli la difference qu'il y » a entre 1'une- &. l'autre puiflance en; » ce qui eft de faire des commande- j» mens. Les Rois des Nations , dit-il », .j en S. Math. &c S. Luc, les dominem ,, j» & on donne le nom de born & da 3> bienfaiteurs a ceux qui les gouvernene « fouverainerhent. Qu'il n'en J'oit pas^ » de meme parmi vous. Jefus-Chrift a » voulu marquer par ces paroles , ■ la? » legitime autorite des Rois , & nony »■ pas un pouvoir tyrannique, puif- " qu'il pane des Rois, a qui leurs peu.- sj. pies donnent le nom debons&de' m» bienfaiteurs. Ainft la difference »■■ qu'on doit mettre entre ces deux: » puiffances , eft qu'il eft permis aux » Rois de faire beaucoup de chofes im par.un pouvoir, abfolu, au lieu que- % vj
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_________ 5l£ HlSTOrRE DE PoRT-RO-lAf. -
1664, " Je^s-Clirift n'a pas voulu que fesv
» Apotres euflent une liberte d'agir fi, » independante & fi abfolue ».■ M. de $,4arca prouve cela par l'autorite des, Peres , &ajoute : Il..s'enfuit de-la que jj les loix ecclefiaftiques qui ne defen- '» dent point des chofes qui font deja-, » defendues par le droit naturel ou di— « vin , mais qui regardent feulement, => la discipline .& le bon ordre de l'E- 3i glife dans les chofes exterieures ,. » doivent etre appui'ees fur la volonte, 3J, & l'afFedfcion des inferieurs , &non, ».~ fur la neceffite , & des craintes hu-.- », mainesqui les .forcent de. les rece-- » voir ". M. de Marca repete encore,^ que ,T »>dans les loix ecclefiaftiques „ » qui ne font pas de fiinplesexecutions, " du- droit naturel &• divin , la fou-., M- veraine puiftance n'a point de lieu >. » comme dans les ordonnances des,, » Rois,. qui fe: peuvent faire obeir, w fans tyrannic dans les chofes me-r. » -mes qui paroiftent dures Sc.facheu-.- •* fes aux particuliers. » . ivni.- La led du formulaire n'etant pas une, ta }°MU iraple rCxeoution du droit naturel &:, co«f«ire h divin, ,mais une ioi pour laquelle une, lHfp|"r ^ infinite de gens de bien avoient une< repugnance extreme,,. M» de Petefixe, |
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IT. Pa-Rtie. Liv. II. 5-17-
en impofant cette loi dans fon diocefe
a ouvertement viole 1'une des princi- pals loix c!u chriftianifme, qui eft que le troupeau de Jefus-Chrift ne foit pas. conduit par contrainte, mais d'une ma- niere douce , qui le fafle fuivre volon-t tairement & de bon ere : Ut grex non coacle t fed fponte & libenti anima pafcatur. Eft-ce la la regie qu'a fui- vie M. de Perefixe, en impofant le jemg du formulaire aux religieufes de P. R. qui lui ont reprefente rant de fois , avec tant de candeur & d'humi-- lite, la repugnance extreme qu'elles avoient pour une lignature pour le moins tres inutile ? N'eft-ce pas la ce; que les Peres, & apres eux M. de Marca ■ memejont regarde com me une </o- TO//2a«'o«interdite par Jefus-Chrift a fes Apotxes 2 N'eft-ce pas vouloir do- miner, que de forcer des religieufes a, recevoir une telle loi (24), malgre des> repugnances fi raifonnables?& cela par- cequ'on ne veut pas en avoir le dementi., Eft-ce la imiter la charite &, la dou- ceur des Apotres dans le gouver- naent des ames (15) 1::■ '14) La f<rur ChrifHne crxwc dans unt extremitc''
Btiquet & deux autres re- d'affliRinn ; l'aucie, F.piire
Itgieufes firent eclarer leur familiere fur les violentes >
douleur par deux ecrits , fakes aP. R.
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!
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5"F# HiSTOIRI? »E PoRT-ROlAX.'
j,664, Cette digreffion etoitneceflairepour
la juftificanon des religieufes deP. R. Nous fommes perfuades , qu'elle ftaroitra d'autant moins deplacee , que
es circonftances du terns prefenc fem- blent l'exiger. Le lecleur verra dans le troifieme livre les fuites de la violence expedition de M. l'Archeveque de Paris. fidei vcftrar , fed: adjutores fumus gaudii vcftti*
iCor. nyerf. ij, |
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»** m *'" ■■■' iltw—li*! '"" "*" ' —■^■"——■■■i" "■■■'""■ll — '
Ecrit a trois colomnes prefente au Papepar-
ies deputes des Eveques de Franc edefen* feurs de la doctrine de faint Auguflin. A notre tres Saint Pere le Pape Innocent X.
Tres Saint Pere ,.
I , E s Eveques de France, aux fouhaits & a far-
os tente defquels Votre Saintete temoigne toujours ; J3 vouloir fatisfaire , la fupplient de donner un ju- x> gement fur les cinq propofitions qui font en' oj controverfe , lequel fuffira pour eclaircir & con- as firmer la verite , pour faire cefler les differends ,,. 3i & pour retablir la paix dans TEglife. Ces Prelats 33 demandent done a Votre Saintete , qu'il lui plaife 33 donner unc definition exprefle , feulement fiir 3> les chofes qui font en conteftation entre nos ad- » verfaires & nous , & non pas fur les chofes a 33 l'egard defquelles il n'y a nulle conteftation „. 33 nulle queftion , nulle difficulte. Ce defir des 33 Prelats eft manifeftement explique dans les di- 33 verfes lettres qu'ils ont ecrites a Votre Sainte- 3> te. C'eft pourquoi il «ft principalement du devoir 33 de notre commiffion , d'expofer clairement de- 33 vant fes yeux les chofes dont nous difputons de 33 part & d'autre , afin qu'elle ait une entiere con- 3> noiflance de ce qui eft en controverfe entre nos 33 adverfaires & nous. Il eft certain que la contef-" 33 tation qui fe voit maintenant dans l'Eglife au.< 33 fujet de ces propofitions , n"eft qu'a l'egard d'urt■■• m fens etranger & mauvais, qu'bn leur pourroic 33 donner , & que nous rejettons , mais non a l'e*- 3» gard du lens legitime que nous defendons , Sch' 33 l'egard de la foi catholfque qui s'y trouve conte- » nuc. Et c'eft de ces propofitions prifes ainfi dans s » k fens le'gitime , que nous attendees un juge*- ^ment.clair & decifiill |
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fre Kent a irois cotbmntr
n Afin done que dans toute cette importante affaire
»> il n'y ait aucun lieu a l'equivoque,nia la calom-i 3j> nie, nia l'artificedes mauyais efprits , ni aquel- *> ques domes, nous expofons avant toutes chofes 33 a Votre Saintete , le plus brievement & le plus *> clairement qu'il fe peut faire , les vrais & legiti- 33 mes fens de ces propofitions, que nous foute- 05 nons , & qu'il faut que nos adverfaires impu- 33 gnent , s'ils veulent agir contre nous; Et nous 33 reprefentons d'une part les erreurs contraires auxr «> fens orthodoxesxle ces propofitions, que nos ad- » verfaires ofent defendre , & de l'autre part les 33 herefies qui font pareillement contraires a ces' »> interpretations catholiques , lefquelles ces adver- » faires fe vantent de combattre , en combattant 53 fans diftindtion ces propofitions; & par ce moi'en »3 nous faifons voir a Votre Saintete , que nous s » ne penchonsni a droite ni a gauche , mais que 33 nous fommes attaches uniquement a la doclrine »5 de l'Eglife, & qu'ainfi nous deteftons egalement 33 d'un cote les herefies & les erreurs des Calvi- 53 niftes & de leurs fe&ateurs , St de l'autre les hi- 33 refies & les erreurs des Pelagiens & de ceux qui' 33 leur ont fuccede\ 33 Nous declarons ouvertement & fincerement a
•3 Votre Saintete , quelle eft notre penfee touchant »» l'opinion de ces deux fectes a l'egard des cinq 3> propofitions, 8c nousluireprefentonsna'ivement =3 notre creance , qui tient le milieu entre ces opi- =3. nions erronees, refervant de donner en leur terns »» & en teurordre les preuves des chofes que nous 3» avancons , qui feront, comme nous cro'ions , 3» inviricibles. Nous ne pretendons maintenant rien 3» davantage , que de faire voir d'une premiere vue, 3> & comme en abrege , quelles font les chofes fur m lefquelles tous les Eveques de France attendent &£ to demandent le jugement du Saint Siege , & de an.raontrer combiexi nos fentimens font catholiques,,. |
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prefinte an Papt. 521
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PREMIERE PROPOSITION,
Laquelle a. he malicuufemeut dree hors defon
lieu, & expofee a la cenfure. ' m Quelques commandemens de Dieu font fm>»
» poffibles aux hommes juftes , lors meme qu'ils » veulcnt & qu'ils s'efforcent , felon les forces =» qu'ils ont dans l'etat 011 ils fe trouvent; & la, » grace qui les doit rendre poilibles, leur manque. |
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Le sens he'-
XE'tiQUE que
Von pourroit donner mali- cieujermnt a cette propoji' tion y q:i'elle tin pas nettn- tnoins , quatid on la prend , temme elte doit itre prife. les Comman-
demens deDieu font impoifi- bles a tous les juftes, quelque volonte qu'ils aient, & quel- ques efforts qu'ils fjfTent, nictne aTanten eux toutes les forces que don- ne la grace la plus puiffante & la plus effi- cace ; & ils ir.anqucnt tou- jour! durant ftuj. w ,, d'u:
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I. Proposition,
Dans h fens que
nous V entendons , & que nous la di- fendons. Quelques com>
mandemens de Dieu font impoffibles a quelques juftes, qui veul'ent & qui s'ef- forcent foiblement & irnparfaitement , felon 1'etendue des forces qu'ils ont en eux , lefquelles font pctites & foibles ; c'eft-a-di're , qu'd- tant dcftitues du fe- cours efficace , qui eft necelTaire pour vouloir pleinement, 8c pour faire , ces commandemens leur font impollibles, fe- |
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PS.OPOSIT10tI
contraire a la prt-
miere dans- U fens nue nos adverfairet la feutiettnent. Tous les Com-
mandemens de Dieu font toujour* poffibles aux juf- tes par la grace , qui eft foumife k leur franc arbitre> lorfqu'ils veulent, & qu'ils travail- lent felon les for- ces qui font pr£- fentes en eux ; $c jamais la grace , qui eft prodiaine- ment neceftaire pour rendre lei commandemens effccV vemenr pof- fiblts , ne leur manque pouragitj, ou du moins pour prier. Nous foutenons.
& nous fommes, precs de d^BK®-, |
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Merit a trots colomnes
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Ion cette poflibilite
prochaine & com- plette , dont la pri- vation les met eri etat de ne pouvoir effe&ivement ac- complir ees com- mandemens ; & ils manquent de la gra- ce emcace , par la- quelle il eft befoin que ces commande- rhens leur de viennent prochainement & entierement poifi- blesj; oubien ils font depourvus de ce fe- cours fpecial , fans lequel l'homme juf- tifie , dit le Concile deTrente , ne fau- roit perfeVerer dans la juftice qu'il a re- $ue , e'eft-a-dire , dans l'obfervation des comrnandemens de Dieu. |
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trerque cetrepr
pofition, qui de Molina & nos adverfaire- eft Pelagienn oudemi Pelagi ne , parcequ't detrjitla neccfl de la grace c cace par elle-r me , pour toi les bonnes c vres i & il a ainfi declare d la congregat de Auxiliis , s'eft tcnue a me fous Clei VIII 8c Paul' |
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ne grace , par
laquelle ils puiflent ac- coHiplit, fans peches, feule- ment un coni- mandement de Dieu. Cctte propo*
fition eft here- tique > Calvi- nifte , & Lu- thirienne , & elle a ice con- damnee pat le Concile de Treme. |
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Nous foutenons &
nous fommes prets de d^montrer. que cette proposition ap- partient a la foi de l'Eglife , & qu'elle eft indubitable dans la doctrine de Saint Auguftin , & qu'elle a 6t6 d^finie par le. Concile de Trente.. |
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prifenti au Pape. 5 23
SECONDE PROPOSITION,
Fabriquie & cxpofU a la cenfure.
>3 Dans I'itiLt de la nature corrompue y on nC
n refifte jamais a la grace interieure. |
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Le senshe'-
re'tique que Von pourroit donner ntali- cieufement a ttttt feconde fropofition, - tjiielk ria pa-s nt'jnmcins q'iMid on la prend commc ilfaut. Cam 1'etat
de la nature corrompue, on ne refifte ja- mais a la grace interieure 8c efficace.parcc- que la volonte de i'honime eft purement paf- five a 1'egard. de cette grace efficace , & e- tant comme une chofe ina- nirnee, elte ne fair lien da tout, elle ne coopere point , ellene cortfenr, point libre- roent. Gsttte pjroi
|
II. Proposition,
Dans le fens que
nous V entendons, & que nous la dl- fendons. On ne refifte ja-
mais a la grace de Jefus-Chrift , qui eft precifement ne- ceflaire pour chaquc oeuvre de picte,c'eft- a^dire , elle n'eft ja- mais fruftree de l'ef- fet pour lequel Dieu la donne effeclive- ment. Nous fbutenons
& nous fommes prets de demontrer que cette propofi- tion appartient a la foi de l'Eglife, & eft indubitable dans la doctrine de faint Au- guftin. |
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PROJOSITI01T
eenlraire a la fe~ conde, en la ma-" niere que not ad-' verfaires la defttf dent. Dans l'etat del*1
nature corrom- pue , on reCifta qudquefois a la grace de J. C. , «ui eft neceflaire a chaque action de picte , foil pout agir, foit du moins pourpricr, c'eft a dire , cette grace eft quelquc- Fois privee de 1'ef- fet pour lequel' elle eft precife- ment donnee de Dieu. Nous foutenomv
& nous fomnies prSts de demon- trer que cette pro- pofitton, qui eft de Molina & de nos adverfaires ,. eft Pelagienne ou; demi-Pelagienne , parcec;u'elle de- truit la force Scla. vetiu, efEcace d«-. |
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514 Eerie a trols colomnes
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pofition eft he-
retique , Cal- vinifte & Lu- therienne,con- damnee par le Concile de Treme. |
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la grace de J.
qui eft neceflair chaque bonne lion : il a ete a declare dans Congregation Attxiliis , qui tenue a Rome Autre fens erroni,qu
peut encore donne cette propofition. Dans l'etat de la n3
corrompue , on ne re jamais a la grace interi de Jefus Chrift , qua I'effet auquel elle diTp lorfqtt'elle eft encore i'oi & qu'elle donne feule une volonte commenc Cette propofition eft}
Sc erronee. |
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Autre fens efrone , que
la propofition peut recevoir. Bans l'£tat de la nature
corrompue , l'on ne refifte jamais a la grace interieure, priic pour une fimplc lu ■ rniere , que donne l'en- ttndement , 6c pour une fbl- licitation qu'il fait a la vo- lonte. Cette propofition eft fauf-
fe & erronGe , parceque cette grace n'eft point la veritable grace de J. C. comme en- feigne S. Auguftin dans le Kvre de la grace de. Jefusj- Chrift. |
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TROISIEME PROPOSITI©
Fabriquee & expofk a la cenfure.
» Pour meriter & de:rn£riter dans l'dtat de la
» ture corrompue , il n'eft pas requis en l'hoi » une libert£ , qui l'exempte de la ndceflite" d » ou de vouloir, mais il fuffit d'une liberte q » degage de la contrainte. |
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preftnti au Pape.
III. Proposition, Dans le fens que
nous Ventendons , & que nous la de- fendons. Pour meriter &
demeriter dans Yi- tat de la nature cor- rompue , il n'eft point requis en l'homme une liberte qui i'exempre d'une infaillibilite & d'une certitude necelTaire; mais il fuffit qu'il ait une liberte qui le de- livre de la contrain- te , & -qui foit ac- coropagneedu juge- ment & de l'exercice de la raifon , fi l'on conlidere precife- ment l'effence de la liberte &dumerite: cjuoiqu'a raifon de _ 1 <5tat oil nous fom- mes en cette vie, notre ame fe trouve toujours dans cette indifference, par la- quelle la volonte .. lors meme qu'elle eft conduite & gouver- «ce par la grace, pmchainement ne- ffiTaire & efEcace |
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5*5
Pr-Opositiok
contraire a U itoi- fitme dans le feni |
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Te-sens he':
Re tique n„e ton poiimit doimer mali- cienfement a 'ettc mijleme frojtofition , quelle n'a par r.car.moinj , e- tant prife am- ine ilfitut. Pour meri-
ter 8c demeri- ter dans 1'ctat de la nature to-rompue, il n'cfl pas re- quis en l'hom- me line liberte qui I'exempte i* 3a necclfite na:nrelle, telle mcme qu'elle fe trouve dans les n.ouve- mene indelibe- res , mais il fnffit d'etre feu- lenient delivr6 de lacontrain- te. Cette propofi-
tion eft here- ri]ue , Calvi- niile & Luthe- jienne. |
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I
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e nor adverfairet
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a dcfendent.
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t Pour meriter &
demeriter dans l'e- tat de la nature corrompue, il eft requis en l'hom- me une liberte, qui l'eloigne dc linfaillibilite & de ia certitude ne- celTaire ; c'eft-a- <Jire, ileftbefoin qu'il foit dan* cette 'indifference prochaine a agir oun'agirpas.pat Iaquelle la vo- lonte ctant afliftee de toutes les cho- res neceflaires i ag't, fe porte tan- tot d'un cote , tan tot de l'autre , felon qu'il luj plait. Nous fourenons,
& nous fommes prcts a demontrer, que cette propor- tion , qui e/t de Molina & de nos adverfaires , eft Pelagienne, parce- qu'clie dctruit la puiilance de cette grace efiicace par elle-meme , qui eft necelTaire 4 toure ccuvre de pictc. II a ete d£- |
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Ecrk a trots colomnes
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Jiff
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par elle-meme , peut elate ainfi dans Is
nevouloirpas : cela Congestion J, Atixtlus tenue » |
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eft toutefois en telle
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Rom':.
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forte, qu'il n'arrive
jamais qu'elle ne veuille pas , lorf- qu'elle eft adtuelle- •ment fecourue de cette grace. Nous foutenons,
8c noi's famines .prets a d^montret que cette propofi- tion eft catholique j & de S. Auguftin. QUATRIEME PROPOSITION,
FabriquU &expofeea lacenfure.
M'Les demi-Pelagiens admettoient la neceflite de
w la grace interieure preVenante pour toutes les M bonnes ceuvres , meme pour le commencement •a de la foi; & lis etoient heretiques , en ce qu'ils si vouloicnt que cette grace rut telle que la vo- » lonte humaine put liii refifter, ou lui obeir. |
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P8.OP0SITI0X
tentraire a la ijua-
trieme dans le fens quelle eft dtjen- duepamos aj-ver- [aires. Lcs demi Pclj-
%'cns n'admet- toient pas la nt- ceflite cle la gra « imerieuie j>rhc- |
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It sens hs'-
•rs'tiQUE tftt Von pourrvit -ilonner mali- (ieufement -a la quatrieme pro- :f{ifili»n, tjit'ulle il'a pas ne'an moms , fi on la prernl comme Me di,it eire |
IV. Proposition,
Dans le fens que
nous Venten dons, cv que nous la de- fendons. les demi - P(?la-
giens admettoient la neceflite de la grace |
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prifente au Pape-
preVenante & inte-
rieure , pour cora- mencer toutes les aftions. meme pout le commencement de la foi ; & leurs fentimens etoient her^tiques , en ce qu/ils vouloient que cette grace fiit telle que la volonte lui ob^it, ou la rejettat comme il lui plai- foit ; e'eft - a - di- re , que cette grace ne fut pas efficace. Nous foutenons
& nous fommes prets de demontrer, que cette propor- tion , quant a fa premiere partie, qui regarde la queftion du fait , eft vraie ; Sc que quand a la fe- cqode , elle appar- |
ii7
nante, pour com-
mencer chaque ac- tion , ni meme pour le commen- cement de la foi j & ilsn'etoient pas dans l'erreur en cequ'ils vouloient que cette grace fut telle qu'elle ne fiic pas efficace pat elle-meme. Nous foutenons
& nous fommes prets de demon- trer que cette pro- polition , qui eft de Molina & de nosadverfaires,eil Pehgienne ou de- mi-Pelagienne , patce qu'elle de- truit la foi de la grace efficace, ne- ceflaire a touts bonne ceuyre; 8c pareillement rou- te l'autorite de S, Auguftin > & il a etc declare ainli dans la Congre- gation de Auxi- liis tenae a Rome* |
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'X.3. grace pre-
•venante deje- fu» Chrift eft telle , que le franc arbitre de l'homme ctant mu & excite par elle, ne lui fauroit refi iter, encore qu'il levoulut. IDire autre- ment , e'eft parler en femi- Pelagien. Cette propo-
sition eft hcr£- tique, Cilvi — nilte & Luthe- rienne, & elle a &z& condam- ,nee parleCon- ciiede Trente. |
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tienra la foi de l'E-
glife, & eft indubi- table dans la doc- trine de faint Auguf- m.
|
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518 Eerie A trois colomnes
CINQUIEME PROPOSITION,
Fabriquez & expofee a la ctnfure.
» C'effc parlet en demi-Pelagien, de dire que 7.
j> C. eft mort, ou qu'il a repandu fon fang pour t» tous les hommes , fans en excepter un feul.. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||
tl SENS KB'-
Rl'TlQUE que Von pent mati-
cienfement don' Tier a cette citi- qttieme prvpofi~ tion, qu'elle na p-as neanmoms , fi -on U prend commeil faut. Jefus-Clirift
eft mott feu- Hmcnt pour les predefines, enforce qu'il ri'-y a qu'eux ftuls qui re- coiventlavraie foi & la juf- tice , par le merite de la mort de.J. C. Cetre propo-
rtion elt here- Ei.pe , Calvi- nille , ou Lu- therienne , 8c ellc a cts con- damnee par le Concile de Tccmc. |
V. Proposition
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Protositiow
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tonlraire a la cin-
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Dans le fens que f"""c,',""'" ,','
- l Jens qnette ejt de-
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nous I entendons, Jfen£e far v01 ai
6* que nous la de- wfaircs.
fendons^ |
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Ce n eft pas line
erreur des demi- Pelagieris , niais une propofitiou catholique > de dire que J. C. a. cor.mmique par fa mort a tous les hommes en parri- culier , fans en excepter un feul , la grace prochal- |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||
C'eft parler en
demi-Pelagien , de dire que J. C. eft mort pour tous les liommes en particu- lier, fans e'n excep- ter un feul, en for- te que la grace ne- ceifaire au falut foit |
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pii(cax.£t a tous fans nement & precife
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||
except
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ion de net- raent nfceffaire,
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|||||||||||||||||||||||||||||||||||
pour operer , ou
fom.e, par fa mort \a m^jns pout
& qu ll depende du commencer le fa-
mouvement &c de la lut, 6c pour prier.
puilfance de la vo-
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Nous foutenons,
& nous fommes piets de demon- tier que cette pro- portion , qui eft de Molina & de nos adverfaires, contient une doc- trine contiaire an CoficiledcTrenr?, & |
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lonti d'aquerir le
falut par cette grace
generate , fans le fe-
cours d'une autre
|
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grace efHcace
|
par
|
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.elle-meme.
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Nous foutenons
|
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prifenti au Pape. f2^
&a nous fommes & meme qu'elle
prcts a demontrer e" wl»8«eoae, on que cette propofi- demi p<Hag'enne, tion appartient a la P"Ce .qu'elIe Ai~
foi a/vv i r ttu" la "«dfit£ ioi de lEghfe , & de la grace de J.
qu elle ell indubita- c- cffi
cace par
ble dans la doftrine . m6me ' Pour
deS. Aueuftin ' cha<lue bonne cro- declare ainfi dans
Ies Congregations rfe Auxiliis tenues a Rome. » Voila, tres faint Pcre, kS proportions ,"
* pour la pkine explication, la preuve & la
" confirmation defquelks nous avons deman-
» de a Votre Samtete d'etre entendus , fie
» devivc vo.x & parecrit. Voila les point*
» de doftnne , pour la difcuffion defquels
« nous fommes prchs a travailler & a par-
o, Icr avec autant de brieveti cme l'impor-
„ tance & letenduede la matiere en Lit
» capables , & avec autant de diligence que
„ le pourroient permettre les fofns & ks
X occupations de Votre Sainted. Cependant
» elk vmt de,a par les chofes que nous ve-
» nons de lui expofer, qu'il ny a point, &
=, quit ny a jamais eu entre nous & nos
„ adverfaires de contention touchant les
„ herefies de Calvin & de Luther. S'ils les
M anatWmat.fent, nous les anathematifons
„ paredlcment & nous ks avons toujours
„ anathcmatifees : & n'etant pas queftion
„ maintenant de ccs heroes , if, ne peuveuc
„ entreprendre de ks impugner en agirlant
» centre nous, fi ce n'eft pour nous larger
* de calommes pOUt expofer k fens ca-
•' ^ohque que nous foutcnons au u
Tome If, Z
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'5 jo Ecrit a trois colomnes
33 (Tune condamnation , fous le pretexte &
33 les appatences de ces erreurs, pour fubfti- =3 tuer en la place de la foi catholique , leurs w fentimens pelagiens ou demi-pelagiens, 33 qui font contraires aux notres , & enfin 33 pour donner cours a des erreurs detefta- »3 bles, qui fe trouvent au nombre de foi- »3 xante & plus , lefquelles nous montrerons »3 devoir fuivre par une confequence ne- 33 ceflaire de la doctrine qu'ils veulent eta- 33 blir. 33 Tres Saint Pere , nous r^it£rons encore
33 inftamment a Votre Saintete, avec tous 33 les Eveques de France , la fupplication 33 tres humble que nous lui avons deja faite , 33 de donner une fentence claire & dexifive 33 fur la matiere qui eft propofee , & qui eft »3 controverfee , & nous proteftons devanc S3 elle , que nous 8c tous les difciples & les 33 deTenfeurs de S. Auguftin( lefquels , com- 3> me ecrivit autrefois S. Profper a Rufin , 33 dans les divers pais ou Ton excite des plain- 33 tes & des accufations contre ce Saint Pere, » recoivent par Taffiftance de Dieu, la doc~tri- 33 ne evangelique & apoftolique en fe remplif- 33 fant de fes inftrudtions fi faintes & fi falu- ?3 taires , & croifTent & fe repandcnt tous les 33 jours, felon qu'il plait a Notre Seigneur 33 Jefus-Chrift de les multiplier & d'aug- 33 menter les membres de fon corps ), nous 33 proteftons tous, qu'en demeurant fermes 33 pour la doctrine indubitable de ce grand as Dofteur, qui eft cellede l'Eglife, nous de- 33 fendrons toujours les propofitions dont il *j s'agit, au fens que nous venous de les ex- »> poier , fi dans le jugement folemnel & di- ss fiintiif que nous demandons a Votre Sain- » tete ? i\ n'y a rien 4? prpnonce fur ess p«j« |
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prifenti au Pape. 5 5 i.
i» pofitions entendues expreflement comme
33 nous les avons expliquees, par quoi il nous *> foir ouvertement declare1 qu'elles font con* » damnees dans le fens que nous mainte- 33 nons ecre cacholique. 33 Nous avons confiance avec l'aide de
»s Dieu , que cela n'arrivera jamais , & »3 nous avons fujet de nous le promettre, » puifque deja lc bruit s'eft repandu par tout 33 le monde, que Votre Sainted s'eft pro- 33 pofe d'agir de telle forte fur ces propofi- 03 rions qui font en queftion , qu'elle a e'tabli 33 avant routes chofes , comme indubitable , 33 que Tautorite de S. Auguftin doit avoir 39 le rang qu'elle a toujours eu , & doit »» etre confervee en fon entier ; & que d'ail- 3> leurs la principale partie de fa doctrine , & 33 le fommaire & la fubftance de ce que ce 33 Pere a enfeigne , confifte en la propofi- 33 tion de la grace efficace par elle-meme , 33 avec laquelle les fufdites proportions font 33 conjointes & unies par un lien inviolable 33 & indiffoluble , comme il eft aife de voir 33 des le commencement de l'^crit qui fuit , 33 dans lequel la ne'ceflite de cette grace erfi- 33 cace par elle-meme pour route bonne ceu- 33 vre, eft prouvee par des ddmonftrations 3» fort folides & fort claires. 33 Nous foumettons routes ces chofes a la
3» correction & au jugement de Votre Sain- 33 tete. Ecrit a Rome, ce lundi 19 mai 1655. »3 Signe , Noel de Lalane , Toussaint 33 Desmares , Pretre de la Congregation de 33 l'Oratoire, Louis de S. Amour , Nicoias 33 Manessier , Louis Angrand. |
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5 J i Entretien de M. de Sad
Entretien de M. de Sac I & de M.
Pascal fur les Philofophes Epiclete 6" Montagne. XVI. Onsieur de Saci ai'aat prie M. Pascal
de lui parler a fond fur Epi&ete & Monta- gne , M. Pafcal prenant aurfi-t6t la parole , lui dit : 33 Epidtete eft un des hommes du w monde qui aient mieux connu les devoirs dc s» l'homme. II veut avant toute chofe qu'il 03 regarde Dieu cornme fon principal objet, si qu'il foit perfuade qu'il fait tout avec juf- =3 tice, qu'il fe foumette a lui de boa coeur, m & qu'il le fuive volontairement en tout, »3 comme ne faifant rien qu'avcc une ties »3 grande fageffe ; qu'ainfi cette difpofition =3 arrecera toutes les plaintes & tous les 33 murmures , & preparera fon cceur a fouf- =3 frir tous les evenemens les plus facheux. a? Ne dites jamais , dit-il, j'ai perdu cela ; D3 dites plutot , je I'ai rendu : Mon fils efl 33 mon i je I'ai rendu : ma jemme efl. morte , »3 je I'ai rendue. Ainu des biens , & de tout 33 le refte. Mais celui qui me I'ote , efl un o3 mechant homme , dites-vous : dequoi vous 33 mette^-vous en peine , par qui celui qui 33 vous I'a prete , vient vous le redemander ? 53 Pendant qu'il vous en permet l'ufage, •3 aiez en foin comme d'un bien qui appar- *> rient a autrui , comme un homme qui 33 voi'age fe regarde dans une hotellerie. «3 Vous ne devez pas , dit-il, defirer que le$ as chofes qui fe font, fe faflent comme vous tf Je vpulez , mais vous devez youlpir qu'ej.- |
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& de M. Pafcal. 5 J J
* les fe faiTent comme elles fe font. Souvc-
33 nez-vous , dit-il, que vous etes ici com- n me un a&eur, & que vous jouez votre m perfonnage dans une cOmedie , tel qu'it 33 plait au maitre de vous le donner. Soi'ez. n fur le theatre autant de teras qu'il lui plait, 33 paroiffez-y riche , ou pauvre felon qu'il Fa 33 ordonne. C'eft votre fait de jouer bien votre 33 perfonnage, mais delechoilir c'eft le fait 33 d'un autre. A'i'eZ tous les jours devant les a> yeux la rnort Sc lesmaux qui fcmblent »3 les plus infupportables, & jamais vous ne 33 penferez rien de bas, Sc ne defirerez rien 33 avec exces. 33llmontre en milie manieres ce que doit Doflnne^S.
53 faire l'homme. II veut qu'il foit humble, p 33 qu'il cache fes bonnes refolutions furtout 33 dans les commencemens, & qu'il les ac- 33 compliffe en fecret. Rien ne les mine da- 33 vantage que de les produire. II ne fe lafTe 33 point de repeter , que toute l'etude Sc le 03 defir de l'homme doivent etre de reccmnoi- » tre la volonte de Dieu, & de la fuivre. 33 Voila , Moniieur, dit M. Pafcal aM. de IpiQeucolt-
33 Saci, les lumieres de ce grand efprit, qui no'1, ks
» a i! bien connu le devoir de l'homme. ,,fv"i1.
x» r i- ft 1 ■ ■ j'A 1 / lnomrae. 33 J ole dire qu ll menterott d etre adore ,
33 s'il avoir aum bien connu fon impuiiTance ,
33 puifqu'il falloit ette Dieu pour appreadre
33 l'un & l'autre aux hommes. Aulll comme
33 il etoit terre & cendre, apres avoir fi biea
33 compris ce qu'on doir faire , voici comme
» il fe perd dans la prefomption de ce que
33 l'on peut. II dit que Dieu a donne a tout .*' >$n°™ r°*
33 homme les moi'ens de s'acquitter de tou- ""P1"11*11"*
33 tes fes obligations; que ces moi'ens font
33 toujours en notre puiflance ; qu'il ne faut
ft chercher la felicite que par les chofes qui
Z iij
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5 ?4 Entret'un de M. dc Sad
» font toujOiirs en notre pouvoir , puifquB
33 Dieu nous les a donnees a cette fin ; qti'il » faut voir ce qu'il y a en nous de iibre ; que » les biens , la vie , l'eftime , ne font pas en m notrepuiflance , Sc ne menent pas a Dieu, » mais que 1'efprit ne peuc etre force de •» croire ce qui peut etre faux, ni la volonte » d'aimer ce qu'elle fait qui la rend malheu- a> reufe j que ces deux puiflances done font »> libres pleinement, Sc que par elles feules 33 nous pouvons nous rendre parfaits; que 33 1'homme peut par ces puiflances parfaite« 33 ment connoltre Dieu, l'aimer , lui obeir, »j lui plaire, fe guerir de tous fes vices , 33 aquerirtoutes les vertus, fe rendre faint 8c 33 compagnon de Dieu. Ces principes d'une » fuperbe diabolique le conduifent a d'au- 33 tres erreurs, comme, que l'ame eft une'por- 33 tion de la fubftance divine ; que la dou- »» leur & la mort ne font pas des maux 5 »> qu'en peut fe tuer, quand on eft fi per- 33 fecute" qu'on peut croire que Dieu nous " appelle,&c. tto&rine de " P°ur Montagne , dont votis voulez , Montague. 33 Monfieur, que je vous parle, etant ne dans 33 un etat chretien , il fait profeffion de la 33 religion catholique , & en cela il n'a rieri 33 de particulier. Mais comme il a voulu »3 chercher une morale fondee fur la raifon , 33 fans les lumieres dela foi, il a pris fes 33 principes dans cette fuppofition; Sc ainfi » en confiderant 1'homme deftitue de toute ti !„,~..i„;, » re"velation , il difcourt en cette forte. Il «n douce ge- " nlet toutes choles dans un doute univerlel , ncral. 33 & (i general, que ce doute s'emporte foi- 33 meme, Sc que Hiomme doutant meme
» s'il doute, fon incertitude roule fur elle- u meme dans un cercle perpetuel Sc fan* |
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& de M. Pafcal. f 5 5
*3 repos, s'oppofant egalement a ceux qui di-
53 tent que tout eft incertain, &: a ceux qui M difent que tout ne l'eft pas , parcequ'il ne ** veut nen aflurer. C'eft dans ce doute , " qui doute de foi, & dans cette ignorance =3 qui s'ignore , qu'eft l'eflence de Ton opi- 55 nion , qu'il n'a pu exprimer pat aucun " terme pofltif. Car s'il dit qu'il doute, il fc * trahit, en aflurant au rnoins qu'il doute ;
w ce qui etant forriiellement contre fon in- 33 tention, il n'a pu s'expliquer que par inter* * rogation ; de forte que ne voulant pas
ro dire js ne fais, il dit que fais-je ? de " quoi il fait fa devife , en les rriettant fous " les baflins d'une balance , lefquels pe- 33 fant les contradi&oires, fe trouve"nt dans M un parfait equilibre, c'eft-a-dire , qu'il eft * pur Pytrhonien. Sur ce principe roule tous
*» fes difcotirs & tous fes Effais , it c'eft la *» feule chofe qu'il prdtend bien ^tablir , *> quoiqu'il ne faffe pas toujours rerrtafquer * fon intention. II y detruit infenfib lenient
■ tout ce qui pafTe pour le plus certain parmi *» les hommes, non pas pour dtablir le con- ** traire avec une certitude , de laquelle feule " il eft ennemi , mais pour faire voir feu- m lement que les apparences ^tant egales de » part & d'autre, on ne fait ou affoir fa » cr^ance. « Dans cet efprit, il fe moque de toutes
» les aflurances. Par exemple , il combat » ceux qui ont pcnfe dtablir dans la France » un grand remede contre les proces par 1 a " multitude & la pretendue juftefle desloix , » comme fi Ton pouvoit couper la racine des » doutes d'oii naiffent les proces , & qu'il " y eut des digues , qui puffent arreter le » torrent de l'incertitude , 8c captiver les Z iv
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53 6 Entnt'un dt M. de Sacl
» conjectures. C'eft la que quand il dit qu'H
» vaudroit autant foumettre fa caufe aa 33 premier paflant, qu'a des juges armes de » ce nombre d'ordomiances , il ne pretend » pas qu'on doive changer,Tordre de l'Etat , 33 il n'a pas rant d'ambition; ni que fon avis as foit meiileur , il n'en croit aucun de bon; 33 c'eft feulement pour prouver la vanitc des « opinions les plus recues , monrrant que r> l'exclufion de routes loix diminuerok plu- 33 tot le nombre des dirrerens , que cette 33 multitude de loix , qui ne fert qu'a les »> augmenter, parceque les obfcurites croif- •j fent a mefure que l'on efpere les oter; que » ces obfcurites fe muitiplient par les com- 33 mentaires , & que le plus fur moien pour 33 entendre le fens d'un difcours, eft de ne » le pas examiner , Sc de le prendre fur la 33 premiere apparence ; fi peu qu'on l'obfer- 33 ve , toute fa clarre fe diifipe. Ainft il juge » a l'aventure de toutes les actions des nom- as mes , & des points d'hiftoire , tantot d'une si maniere , tantot d'une autre, fuivant libre- 3> ment fa premiere vue , & fans contrain- „ dre fa penfee fous les regies de la raifon so qui n'a que de faufles mefures , ravi dc 33 montrer par fon exemple les contrari&es 3j d'un meme efprit. Dans ce genie tout li- 33 bre , il l'ui eft egalement bon de s'emporter 33 ou non dans les difputes , aiant toujours 33 par Tun ou Tajitre exemple un moien dc as raire voir la foibleffe des opinions ; etant 33 porte avec tant d'avantage dans le doute 33 univerfel, qu'il s'y fortine egalement par 33 fon triomphe & fa defaite. C'eft dans cette 30 affiete, toute flottante & toute chancelante aa qu'elle eft , qu'il combat avec une fermete » invincible , les heietiques de fon terns. t |
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& de M. Pafcal. <, 57
• fur ce qu'ils s'afluroient de connoitre feuls
t» le veritable fens de l'ecriture ; 8c c'eft la *> encore qu'il foudroie plus rigoureufement » l'impiete horrible de ceux qui difent que 33 Dieu n'eft point. m II les entreprend particulierement dan»
33 l'apologie de Raimond de Sebonde, & les » trouvant depouilles volontairement da 33 toute revelation , & abandonnes a leur» 35 lumieres naturelles , rout fait mis a » part, il les interroge de quelle autorite? 33 ils entreprenncnt de jugcr de cet Etrc 33 fouverain, qui eft infini par fa propre de- 33 finition, eux qui ne connoiifent veritable- 33 ment aucune des chofes de la nature. Il 33 leur demande fur quel principe ils s'ap- 33 puient, & il les prefle de les lui montrer. 33 II examine tous ceux qu'ils peuvent pro- 33 duire, & il penetre 11 avant par le talent 33 oil il excelle, qu'il montre la vanite de 33 tous ceux qui patfent pour les plus eclai- 33 res & les plus ferntes II demande fi Tame 33 connoit quelque chofe , fi elle fe connoit 33 elle-meme, fi elle eft fubftance ou acci— 33 dent , corps ou efprit , ce que c'eft que 33 chacune de ces chofes , & s'll n'y a rien 33 qui ne foit de quelqu'un de ces ordres; 33 fi elle connoit fon propre corps , fi elle 33 fait ce que c'eft que matiere , & fi elle 33 peut difcerner les corps dans l'innombrable 33 variete qu'on en produit ; comment elle 33 peut raifonner , fi elle eft materielle ; & 33 comment elle peut etre unie a un corps 33 particulrer , 8c en reffentir les paflions , ft> 33 elle eft fpirituelle; quant a-t-elle commen- 33 ce d'etre i avec le corps , ou devant! & 33 fi elle finit avec lui, ou non; fi elle ne ?* fe troni£e jamais 5 fi elle fait quand elle Z V
|
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J $8 Entntun de M. de Sad
33 erre , vu que l'eflence de la rndprifi
» coniifte a la meconnoitre ; fi dans
=3 les > obfcurcifTemens elle ne croit pas
» audi fermement que denx Sc trois font
« fix, qu'elle croit enfuice que c'eft cinq j
-» fi les animaux raifonnent, penfent, par-
=3 lent; qui peut decider ce que c'eft que le
3> tems, ce que c'eft que l'efpace ou I'eten-
» due , ce que c'eft que le mouvement, ce
m que c'eft que l'unite, qui font toutes cho-
33 les qui nous environnent, & entierement
=3 inexpliquables ; ce que c'eft que fame",
=3 mort, vie, maladie , bien , mal, juftice,
33 peche, dont nous parlons a toute heure;
=' fi nous avons en nous des principes du
=» vrai, & fi ceuxqne nous cro'ions & qu'on
=' appelle axiomes, ou notions communes a
33 tous les hommes , font conformes a la ve-
" rite eflenrielle? Et puifque nous ne favons
33 que par la feule foi qu'un Etre tout boa
33 nous les a donnees veritables , en nous
" creant pour connoitre la vdrite , qui faura
» fans cette lumiere , fi , etant formes a.
33 1'aventure , nos notions ne font pas ih-
33 certaines ; ou , fi etant formes par un Etrc
33 faux & mikhant , il ne nous les a pas
33 donnees faulTes , afin de nous feduire}
33 montrant par-la que Dieu & le vrai font
33 infeparables , & que fi l'un eft , ou n'eft
33 pas , s'il eft certain ou incertain , l'autre
» eft neceflairement de meme. Qui fait fi le
33 fens commun, que nous prenons ordinai-
33 remen: pour le juge du vrai , a ete deftine'
si a cette fonction par celui qui l'a cr66 = De
33 plus, qui fait ce que c'eft que vdrite ? SC
33 comment peut-on s'aflurer de I'avoir ,
33 fans la connoitre; Qui fait meme ce que
33 c'eft qu'un Etre, puifqu'il eft impofliblede
|
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& de M. PafcaL f0
is le definir ; qu'il n'y a tien de plus general,
33 & qu'il faudroit d'abord , pour l'expliquer, 33 fe fervir de l'Etre meme , en difant , c'eft »3 telle ou telle chofe ? Et puifque nous ne « favons ce que c'eft qu'ame , corps, terns » efpace, mouvement , veritd , bien , ni 33 meme etre , ni expliquer l'idee que nous » nous en formons , comment nous aflurons- 33 nous qu'elle eft la meme dans tous les 33 hommes, vu que nous n'en avonsd'autres »3 marques que l'uniformite des confequen- »3 ces , qui n'eft pas toujours unfigne decelle 33 des principes 3 car ils peuvent bien etre 33 differens , & conduire neanmoins aux 33 memes conditions, fachant que le vrai 33 fe conclud (buvent du faux. 33 Enfin il examine profondement toiites
33 les fciences , la geometrie , dont il tache 33 de demontrer rincertitude dans fes axio- 33 mes , & dans les termes qu'elle ne definit 3xi point, comme d'etendue & de mouvement, 33 ice. la phyfique & la medecine , qu'il de- 33 prime en une infinite de facons; l'hiftoire , 33 la politique , la morale , la jurifprudencc 33 & le refte : de forte que fans la revelation 33 nous pourrions croire , felon lui, que la 33 vie eft un fonge, dont nous ne nous eveil- 33 Ions qu'a la mort, & pendant lequel nous 33 avoirs aulfi peu les principes du vrai r que =j durant le fommeil naturel. C'eft ainfi qu'il 33 gourmande fi fortement & ft cruellement 33 la raifon denuee de la foi, que lui failant 33 douter fi elle eft railbnnable, & fi les ani- 33 maux le font ou non, ou plus ou moins 33 que l'homme, il la fait defcendre de 1'ex- 33 eelleiice qu'elle s'eft attribute , & la met 33 par grace en parallele avec les betes, fans* 5a lui permeure de fortir de cet ordre juf- Zvj
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5 4 © EntretUn de M, di Sari
« qu'a ce qu'elle foit inftruite par foil (St6a^
x teur , meme de fon rang qu'elle ignore , .-*» la menacant fi die gronde, de la mettre =» au-deftbus de toutes , ce qui lui paroit m audi facile que le contraire ; & ne lui •» dormant pouvoir d'agir cependant , que » pour reconnoitre fa foiblefle avec une hu- *> milite fincere , au lieu de s'elever par une « fotte vanite. » ^.n"m^nt_ M. de Saci cro'foit etre dans un nouveau rU'ur les phi: monde , en entendant ce difcours , & il fe lofophes. difoit a lui-meme avec S. Auguftin : O Dieu de verite , ceux qui favent ces fubtilites de raifonnement vous font-ils pour cela plus agieables 2 Apres done avoir ecouti avec patience , il dit a M. Pafcal: » Je vous fuis *»■ oblige, Monfieur, je fuis fur que fi j'a- M vois lu longterris Montague , je ne le coh- 33 noitrois pas autant que je fats depuis cet M entreticn que je viens d'avoir avec- vous. M Cet homme devroit fouhaiter qu'on ne 33 le conndt que par les recks que vous fai- 33 res de fes ecrits , & il pourroit dire avec 33 S. Auguftin : Hi me vides, attende. Je 33 crois aflurement que cet homme avoit de 33 I'efprit; mais je ne fais ft vous ne lui en 33 pr£tez pas un peu plus qu'ilVen a eu, par a, cet enchainement fi jufte que vous faites 33 de fes principes. Vous pouvez juger a* qu'ai'ant paiTe ma vie comme j'ai fait, 33 on m'a peii confeilM de lire cet auteur, 33 ddnt tous les ouvrages n'ont rien de ce 33 que nous devons principalement recher- 33 cher dans nos lectures, felon la regie de >3 S. Auguftin, parceque fes paroles ne vien- .33 nent point de rhumilite & de la piete 33 chrctienne , & qu'clles renverfent les fon- » demens dc route coanoiflance , & p.3£ |
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& de M. Pafcal. f$7
3> consequent de la religion meme. C'eftce'
33 que ce faint docteur a reproche a ces phi- » lofophes d'autrefois , qu'on nommoit Aca- » demiciens , & qui vouloient mettre toot 33 dans le dbute. Mais qu'avoit befoin M. » Montague de s'egaier l'efprir, en renou- m vellant une doctrine qui paije avec raifcrri m parmi- les Chretiens pour uue folie ! Que ft m on allegue, pour excufer Montagne, qu'il » met dans tout ce qu'il dit la foi a part; so nous qui avons la foi, nous devons metr- es tre a part tout ce que dit Montagne. fje » ne blame point dans cet auteur l'efpric m qui eft un don de Dieu, mais il devoir:' 3> s'en fervir mieux , & en faire plutot un (» facrifice a Dieu , qu'au demon. A quoi 35 fert un bien, quand on en ufe mal; 33 Vous etes heureux , Mbnfteur , de vous
33 etre eleve au-deifus de ces doctcurs plonge*s >3 dans l'ivrefTe dc la fcience , & qui ont 3» le coeur vuide de la verite. Dieu a repandti 33 dans votrc caeur d'autres verites & d'autres 33 attraits, que ccux que vous trouviez dans 33 Montagne. II vous a rappelle de ce plairrr 33 dangereux ,, a jucunditate pefliferd, dit S. 33 Anguftin , qui rend graces a Dieu de ce 33 qu'il Iui a pardonne les pifches qu'il avoic »3 commis en goutant trop ces vanites. S- 33 Autnrftin eft d'autant plus crorable en cela-, 33 qu'il droit autrefois dans ces fentimens ; 33 & comme vous dites de Montagne , que 33 e'eft par ce doute univerfel qu'il combat 33 les hereriques de fon terns , ce fut aulfi par 33 ce meme doute des Academiciens , que 33 S. Auguftin quitta l'herefie des Mani- 33 cheens. Depuis qu'il fut a Dieu , il re- 33 nomja a cette vanite qu'il appelle facrj- 33 lege, II reconnut avec quelle fageffe S* |
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'5 42 Entretlen de M. de Sacl
» Paul nous avertit de ne nous pas
>3 feduire par ces difcours. Car il avoue qu'il
» y a en cela un certain agrement qui enleve.
» On croit quelquefois les chofes ventables ,
» parcequ'on les dit eloquemment. Ce font
» des viandes dangereu(es , dit - il , que
» Ton fert en de beaux plats ; mais ces
33 viandes , au lieu de nourrir le coeur ; le
*■> vuident: on relTemble alors a des gens qui
33 dorment, & qui croient manger en dor-
*> mant: ces viandes imaginaires les laiflent
» auffi vuides qu'ils etoient.
W. Pafcal ^" V&(ca[ parut extremement edifie de la
leprend le folidke de tout ce que M. de Sacivenokde
difcours, & lui reprefenter; cependant , encore tout plein
continue de Je fon auteur, il lie put fe retenir, & reprk
Monugne"C am'' : " ^e yous avoue ? Monfieur , que jc
' jj ne puis voir fans joie dans cet auteur la 33 fuperbe raifon fi invinciblement froifiee =' par fes propres armes, & cette revoke fi " fanglante de l'homme contre l'homme, =3 laquelle, de la fociete avec Dieu, od elle 3-> s'elevoit par les maximes de fa foible rai- 33 fon, la precipite dans la condition des as betes. J'aurois aime de tout mon ceeurle 33 miniftre d'une fi grande vengeance , fi , 33 eiant humble difciple de l'Egliie par la 33 foi, il eut fiiivi les regies de la morale , *> en portant les hommes qu'il avoit fi uti- .-3 lement humilies, a ne pas inker par de » nouveaux crimes celui qui peut feul les 33 tirer de ceux qu'il les a convaincus de ne » pouvoir pas feulement connoitre. Mais ii 3» agit au contrake en pai'en. De ce principe, as dit-il, que hors de la foi tout eft dans l'in- 33 certitude , & confiderant combien il y x 33 que Ton cherche le vrai Sc le bien fans » aucun progres vers la tranquillite , il cor*- |
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& de M. Pafcal. 54.J:
93 cliii qu'on en doit laifler le foiit aux au-
» tres , demeurer cependant en repos , cou- » lant legerement fur ces fujets , de peur 33 de s'y enfoncer en appuiant; & prendre » le bien & le vrai fur la premiere appa- 33 rence, fans les prefler , parcequ'ils font 33 fi peu folides , que quelque peu que Ton 33 ferre la main , ils s'echappent entre les » doigts , & la IaiiTent vuide. C'eft pour- » quoi il fuit le rapport des fens , Sc les *> notions communes , parcequ'il faudroie =3 qu'il fe fit violence pour les dementir, 8C 33 qu'il ne faits'ily gagneroit, ignorant oil =3 eft le vrai. Ainfi il fuit la douleur & la 33 mort , parceque fon inftinct l'y poufTe 9. =» & qu'il n'y veut pas refifter par la meme » raifon, mais fans en conclure que ce foic 33' de vcritables maux , ne fe fiant pas trop » a ces mouvemens naturels de crainte , » vu qu'on en fent d'autres de plaifir, qu'on 33 accufe d'etre mauvais, quoique la natute , « dit-il, parle au contraire. Ainfi, ajoute- » t'il , je n'ai rien d'extravagant dans ma n conduite. J'agis comme les autres ; Sc 53 tout ce qu'ils font dans la fotte penfte f qu'ils fuivent le vrai bien , je le fais pat 33 un autre principe, qui eft que les vrai- 33 femblances etant parcilles de Tun & de »3 l'autre cote , 1'exemple & la commodite 33 font le conttepoids qui m'entraine. 33 II fuit done les maeurs de fon pais,'.
33 parceque 1'exemple 1'entraine. II monte 33 fur fon clieval comme un homme qui ne 33 feroit pas philofophe , parceque le cheval 33 le foufFre , mais fans croire que ce foit so de droit, ne fachant pas fi cet animal n'a => pas su contraire celui de fe fervir de lui. o« II fe fait auffi quelque violence pour evi» |
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J44 Entretlen de M. dcSacl
*>• ter de certains vices, & meme ii garcfe 1* » fidelite au mariagea caufe de la peine qui » fuit les defordres : la regie de fon adion » etant en tout la commodite & la tran- 33 quillite. II rejette done bien loin cette 33 vertu fto'ique, qu'on peint avec une mine 33 fevere', un regard farouche, descheveux 33 henries , le front ride 8c en fueur , dans » une pofture pfoible 8c tendue , loin des 3> hommes, dans un morne filence, & feule 33 fur la pointe d'un rocher : fantome , a ce »3 qu'il dit, capable d'effrai'er les enfans, 8c qui 33 ne fait la autre cliofe avec un travail con- 33 tinuel, que de chercher le repos ou elle 33 n'arrive jamais. Sa fcience eft naive , fa- 33 miliere , plaifante , enjouee , 5c pour 33 ainii dire folatre. Elle fuit ce qui la charme, •' & badine negligemment des accidens boiis 33 ou mauvais , coucWe mollement dans le 03 fein de l'oifivete tranquille , d'oii elle 33 moritre aux hommes qui cherchent la feli- 33 cite avec tant de peine , que e'eft la feule- 33 ment oii elle repofe, & que l'ignorance 33 & rincuriofite font deux oreillers pour »3 une tete bien faite , comme il le dit lui- 33 meme. 33 Je ne puis vous dirtimuler , ajouta M.
n Pafcal , qu'en lifant cet auteur , 8c le 33 comparant avec Epiftete , j'ai trouvequ'ils 33 etoient aflurement les deux plus grands 33 defenfeuts des deux plus c^lebres fedtes 33 du monde infidele , qui font les feules 33 entre celles des hommes deftiru^s de la o3 lumiere de la religion , dont les opinions =3 foicnt en quelque forte liees & confequen- 33 tes. Car que peuvent-ils faire que de fui- 33 vre l'un ou 1'autre de ces deux fyftemes ? » Le premier 3 il y a mi Dieu j done c'eftlui |
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& de M. Pafcal. 545
* qui a cree 1'homme, il l*a fait pour lui-
» meme, il l'a crde tcl qu'il doit etre pour 33 etre jufte, & pour devenir heureux : l'hom- *> rhe peut done connoitre la verite' , & il 33 eft a pottee de s'elevei" par la fagefte jut- is; qu'a Dieu , qui eft fon fouverain bien. Lc 35 lecond fyfteme : I'homme ne peut s'elever 33 jufqu'a Dieu v fes inclinations contredifent 33 la loi ; il eft porte a chercherfbn bonheur 33 dans les biens vifibles , 8c meme en ce 33 qu'il y a de plus honteux. Tout paroir, 33 done incertain, & le vrai bien l'eft audi, 33 ce qui femble nous reduire a n'avoir ni 33 regie fixe pour les mceurs , ni certitude 33 dans les»fciences, J'ai pris un plaifir ex- 33 treme a remarquer dans ces divers raifon- » nemens en qucri les uns & les autres ont 33 appercu quelque chofe de la verite', qu'its 33 ont eifa'ie de connoitre. Car s'il eft agrea- 33 ble d'obferver dans la nature le defir 33 qu'elle a de peindre Dieu dans tous fes. 33 ouvrages , 011 Ton en voit quelque carac- 33 tere parcequ'ils en font les images, cora- 33 bien eft-il plus jufte de confiderer dan* 33 les productions des e£prits, les efforts qu'iFs' 33 font pour parvenir a la verite, meme en 33 la fui'ant , 8c de remarquer en quoi ils y 33 arrivent, & en quoi ils s'en egarent, com- 33 me j'ai tache' de faire en cette etude. 33II eft vrai, Monfieur , que vous venez
33 de me faire voir admirablement le peu de 33 befoin que les chnkiens ont de ces ledturesi 33 philofophiques. Je ne laifferai pas cepen- 33 dant, avec votre permiffion, de vous en 33 dire encore ma penfee , pret neanmoiris a, 3' renoncer a routes les lumieres qui ne vien- *> dront pas de Dieu, de qui feul on pen* |
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J 46 Entretlen de M. de Sad
33 recevoir la verite avec afTurance. II ffld 33 femble que la fourcedes erreurs des Sco'i- » ciens d'une part, & des Epicuriens de l'au- 33 tre, eft de n'avoir pas fit que 1'^tat de l'hom- 33 me a prefent, diftere de celui de fa crea- 33 tion : deforce que l'un remarquant quelques 53 traces de fa premiere grandeur, & igno- 33 rant fa corruption, a traite la nature com- » me faine & fans befoin de reparateur , ce n qui le mene au comble de Torgueil ; au *» lieu que l'autre, e'prouvant fa mifere pre- » feme , & ignorant fa premiere dignite* , « traite la nature coiiime n^cerlairement in- w firme & irreparable , ce qui le prdcipke » dans le deTefpoir d'arriver a un veritable " bien , & de-la dans une extreme lachete. * Ces deux e^ats , qu'il falloit connoitre en-
" femble pour voir toute verite , etant " connus iepar^ment, conduifent neceflai- » rement a- 1 un de ces deux vices, a For- •' gucii , ou a la pareffe , oil font in- 33 failliblement plonges tous les hommes 33 avant la grace , puifque s'ils ne fbrtent 33 point de leurs defordres par lachete , ils en " fortent par vanite. Ainfi ils font toujours 33 efclaves des efprits de malice , a qui , »3 comme le remarque S. Auguftin, on facri- « fie en bien des manieres. C'eft done de ces » lumieres imparfaites qu'il arrive, que Tun " connoiffant TimpuirTance , & non le de- » voir, il s'abat dans la lachete j & que l'au- • tre connoiffant le devoir , fans connoitre
*> fon impuiffance , il s'eleve dans fon or- 33 gueil; d'ou il femble qu'on formeroit en •* les alliant une morale parfaite. Mais au 35 lieu de cette paix , il ne refulteroit de leur *> affemblage qu'une guerre Sc qu'une del- |
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& de M. Pafcal. 547
is tfuclion generate; car Tun etablilTant la
» certitude , & l'autre ledoute; l'anla gran- s' deurde 1'homme, & l'autre fa foibleffe, 33 ils ne fauroient fe reunir & fe concilier ; ds » forte qu'ils ne peuvent ni fubfifter feuls , » a caufe de leurs deTauts, ni s'unir a caufe 33 de leur oppofition 5 & qu'ainfi il faut qu'ils » fe biifent & s'aneantiflent pour faire place 33 a la vctki de l'Evangile. C'eft elle qui ac- » corde les contraridtes par un art tout di- « vin. UniiTant tout ce qui eft de vrai, 8C » chaffant tout ce qu'il y a de faux , elle 33 enfeigiie une fage/fe veritablement ci- 33 lefte, oii s'accordent les principes oppo- 33 fes, qui etoient incompatibles dans ces 33 doctrines humaines. Et la raifon en eft, 33 que ces fages du monde ont place les con- w traires dans un meme fujet. Car 1'un attri- 33 buoit la force a la nature , l'autre la foi- * blelfe a cette rrteme nature , ce qui ne 33 pouvoit fubfiller; au lieu que la foi nous 3j apprend a les mettre en. des fujets diffe'- 33 rens; tout ce qu'il y a d'infirme apparte- 33 nam a la nature, 8c tout ce qu'il y a de 33 puiffant appartenant a la grace. Voila l'u- 33 nion etonnante 8c. nouvelle, qu'un Dien 33 feul pouvoit enfeigner , que lui feul pou- 33 voit faire, & qui n'eft qu'une image &: 33 qu'un effet de l'union ineffable des deux 33 natures, dans la feule perfonne d'un hom- »3 me Dieu. 33 Je vous demande pardon , Monfieur ,"
" dit M. Pafcal a M. de Saci, de m'emporter 33 ainfi devant vous dans la the'ologie, aut 33 lieu de demeurer dans la philofophiejmaisr >3 mon fujet m'y conduit infenfiblement; 8c » il eft difficile de n'y pas entrer , quelque |
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5 48 EntnticTi de M. de Sacl
01 v^ritd qu'on traite, parceque c'eft le centred 33 de toutes les verites ; ce qui paroic ici par- » faitemcnt, puifqu'elle renferttie fi vifible- » merit toutes celles qui fe trouvent 33 darrs ces opinions. Ainfi je ne vois pas 33 comment aucun d'eux pourrbit refufer 33 de la fuivre. Car s'ils font pleins de la 33 penfte de la grandeur de 1'homme, qu'eiv 33 ont-ils imagine qui cede aux promefles de 33 l'Evangile, qui ne font autre chofe que 33 le digne prix de la mort d'un Dieu ? & s'ils as fe plaifent a voir rinfirrmte de la nature , 33 leur idee n'egale point celle de la veritable 33 foiblefle du peche' , dont la meme mort a «3 dte le remede. Ainfi tous y trouvent plus 3> qu'ils n'ont defire ; & ce qui eft admirable , 33 ils s'y trouvent unk , eux qui ne pou- 33 voient s'allier dans un degre infiniment in-" 33 ferieur. M. de Saci ne put s'empexher de temoigner
a M. Pafcal, qu'il etoit furpris comment il iavoit tourner les chofes v i 1 avoua en memc tems que tout le monde n'avoit pas le fecret comme lui, de faire fur fes lectures des re- flexions fi fages. C'eft pourquoi il ne les con- feilleroitpasaife'ment^pouvant etre plus dan- gereufes qu'utiles. 33 Pour l'utilite de ces lectures , dit M.
•3 Pafcal, je vous dirai fort /implement ma- 33 penfee. Je trouve dans Epi&ete un art in- 33 comparable pour troubler le repos de ceux 33 qui le cherchent dans les chofes extexieu- «3 res, & pour les forcer a reconnoitre qu'ils « font de veritables efclaves & de miferables » aveugles; qu'il eft impoffible qu'ils trou- *> vent autre chofe que la douleur & TerreuP f» qu'ils fuient, s'ils ne fe donnent fans re-> |
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& de M. Pafcal. 549
te ferve a Dieu feul. Montagne eft incompa-
« rable pour confondre l'orgueil de ceux qui « fans la foi fe piquant d'une veritable » juftke ; pour defatmfer ceux qui s'atta^- 33 chent a leurs opinions , & qui croient 33 independamment de l'exiftence & des 33 perfections de Dieu , trouver dans les » fcienccs des verites ukbranlables; & pour 33 convaincre R bien la raifon de foil peu de « lumiere & de fes egaremens , qu'il eft 33 difficile apres cela d'etre tente de rejecter » les myfteres , parcequ'on croit y trou- » ver des repugnances : car l'efprit en eft » fi battu , qu'il eft bien eloign^ de vou- » loir juger fi 1'Incarnacion Sc le myfterc » de l'Euchariftie font poffibles ; ce que " les hommes du commun n'agitent que » trop fouvent. Mais fi Epi&ece combat la 33 pareffe , il mene a l'orgueil ; deforce M qu'il peut erre tres nuifible a ceux qui 33 ne font pas perfuades de la corruption de M couce juftice qui ne vienc pas de la foi. 33 Et Moncagne eft abfolumenc pernicieux M a ceux qui one quelque pence a l'impiete 33 & aux vices. C'eft pourquoi ces ledures 33 doivent etre reglees avec beaucoup de •» foin , de difcrecion , & d'egard a la M condition & aux mceurs de ceux a qui » on les confeille. II me femble feulement 33 qu'en les joignanc enfemlbe , elles ne 33 pourroient r^uffir fore mal , parceque , 33 l'une s'oppofe au mal de 1'autre. Elles 33 ne peuvenc donner la verm , mais feule- 35 menr rroirbler dans les vices 3 l'hom- » me fe trouvanc combactu par les contrai- » res, dont l'un chalfe l'orgueil, & 1'autre w la pareffej & ne pouvant rcpofer dans au- |
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5 59 Entrct'un de M. de Sad, &c.
« cun de ces vices, quoiqiul ne puifle auitl
•j les fuir tous. (a)
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qui allurement a eu be-
loin de manoire & d'une grande prefence d'efpril pour pouvoir retemr un enrretien auffi long , & fur des matieres auffi abfc (Kites. |
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(«) On re:onno!t aife
ment dans cet entretien le grand fond de genie de M. Pafcal j mais le ftyle paroit etre de M. Fontaine, qui fans douce I'a mis par cent Tut le champ , & |
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TABLE
ALPHABETIQUE
DES PR1XCIPA LE$ MAriER.ES.
Contenues dans ce quatrume Tome.
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A.
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di l l y ( M.
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levee de P. R. ; a.
vertit les religieufes qui reftoient de fe de- fter de quelques foeurs perfides , 4f8. Belle re"ponfe qu'elle fit a l'ecclefiaftique qui la conduifok auxAnnon- ciades, 459. Annat ( le Pere )
Jefuite. Ses intrigues pour le formulaire , 1 , Sec. II eft auteut de. l'addition envoie; par la Conr pour etrc mife a la fignature des religieufes : 1J3 Arnauld. (Angeli-
que ) Sa difpofition a la vue de la perfe- ction, 36. Elle vient a Paris, 37, Safoi& fa feimete , 38, &c, Sa douleur a la fortie |
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Arnauld d' ) fe jette
aux pies deM.de Pe- refixe pour le flechir enfaveur des religieu- fesdeP.R. Ude'man- deinutilement d'avoir avec lui fes trois filles religieufes &c la mere Agnes, 446. Offran- de qu'il fait a Dieu de fes trois filles , lorf- qu'elles furent enle- vdes de P. R. par M. dePerefixej 4*7. Andilly ( Angelique
dc faint Jean Arnauld d') religieufe de P. R. Sa lettre fur Ies violen- ces exercees contte P. R., 4J4.&C. Sadif- pofition a l'enleve- rnent des religieufes del?. R.,4ji, Eftea- |
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■■■■■—"WTtll—^
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551, TABLE I
forcee des penfionnai-
res , 40 , &c. Elle tombe malade , 49. Sa resignation a la vo- lonte de Dieu, fon de- tachement de toutes creatures, j 1 , &c. Sa lettre a M, Singlin fur la fituation de P. R. *n j66i, rj, &c. Sa lettre a M. Sevigne fur la fortie des penfion- maires , 6$. Sa lettre a la Reine de Pologne pour la juftification de P. K. ,66, &c. Sa maladie devient dan- gereufe , 79 , &c. Ses peines intericures, fes ientimens fur la more, fes fauffrances, &c., S.i,,r&cc. Sa. mort, 94. Son eloge par M. Fon- taine, Ibid. Son inhu- mation , refpedt du peuple pour elle, 96. Le.ttredeM.Hermant furfamort97. Lettre de M. de Ste. Marthe fur le meme fujet., 101. Lettre.de M. de fiar^ cos fur le meme fujet, le<). Miracles operes par fon interceflion , I.J 4, &c. Arnauld ( Agnes )
Sa lettre au Roi , au fwjet de l'ordrede ren- |
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ES MATIERE3*.
voier les novices St les poftulantes, 43 , &c. Sa fermeti a cc fiijet, 60 , &c. Son difcours aux religieu- fes apres la kdlure du mandement des grands Vicaires pour la ligna - ture, 191, &c. Elle aifemble la comma- naute au fujet du fe- cond mandement, 101. Ses difpofitions a la vue des perfecutions , 579 , &c. Sajoiedans le moment de la per- fecution , 439. Elle eft enlevee de P. R. Son adieu a M- d'An- dilly, 456- Elle eft envoiee a la Vifitation du fauxbourg S, Jac- ques, 4j9. B
JQ A11 { M. ) eft
fubftitue a M. Singlia
pour la fuperiorite de P. R. , ?o Temoi- gwage qu'il rend anx religieufes de P. R.', 156, &c. Earcos ( M.l'AbW,
de ) Sa lettre a la me- re Agnes fur la mort de la mere Angelique, 10? , &e. Bafcle(M. de)Oc-
cafioji |
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._„„,-...,..,,,,:-„.,.- ■ ■...^.i.-..^ ■....,,,--, -■
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.--- :1T-
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TABLE DES Mfcafion de faconverfion,il fe rethea P. R., fes
■vertus dans |
iff
3 37» juf-
qua 353. Ses nou- veaux efForts pour en- gager les religieufes a lafignature, 3<?2,&c. jufqua 373. Son pi e'- tendti fujet de mecon- tentement contre les religieufes, 38;, &c. Champagne ( Ca- therine Suzanne )ie- ligieufe de P. R. Sa guerifon miraculeufe> «8, ti9. Champagne ( M. )
Entretiensqu'ila avec M. de Perefixe fur les religieufes de P. R. , 376, &c. E
Hi Sprit fie pere)
Pretre de 1'Oratoire , eft aflbcie a M. Cha- millard pour engsoer les religieufes de P.°R. a lafignature, 3 40. Son premier entretien avec les religieufes fur cc fujet, 3 51. Sens de la foi humaine felon l'in- terpretation du Pere Efprit,364,&c. Son mecontentement de cc que_ les religieufes avoient peu de con- fiance en lui , 383 , |
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la retrai-
«e, 136, &c. Baudran ( Madelei-
ne de fainte Gertrude ) novice de P. R., eft force'e d'en fortir; fa piece, fa guerifon mi- raculcufe , 18 , &c. Sa mort, 64. Berniere ( M. Char-
les Maignard de)Mai- tre des requetes; fes vertus, fa mort, 170, &c. Beurrier ( M. ) Cure
de faint Ecienne du Mont; fa declaration imaginaire faite a M. de Perefixe touchant Les fentimens de M. Pafcal, 249 , &c. II reconnoit fa faute & Larepate , 254. |
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VjHam illard
{ M. ) Il commence a confefTer a P. R. ; fon premier entretien avec la foeur Chriftine Briquet, 332, &c II eft charge par M. de Perefixe de porter les leligieufes a la figna- |
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ture; fes negociations 3 84
Tom, IF, |
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ES MATIERES.
more de la mere Angel*- lique, 97 , Sec. Sa let- 1 tre a M. d'Andilly fur les miracles operas a, P. R., 130, &c. I
J Ankins(M.)
jardinier de P. R., fa converfion; il eft chas- te de P. R. par M. dc Perefixe ; fa mort , 461, See. Jefuites.DefTein des
Jefuites conrre P. R. 11 , i±. lis font chaf- fer les enfans qu'on y elevoit, 14, rj. Leur but en faifant condam- ner les cinq propor- tions contenues dans le formulaire , 183 , &c. Jofle ( Marguerite
de fainte Thecle ; Sa joie a la vue dc l'ef- corte de M. de Perefi- xe dans l'enlevement des religieufes 3 443. L
I jAnctlot ( M. )
II va complimenter M. de Perefixe fur l'ar- rive'e de fes bulles, de la part des religieufef |
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J5 4 TABLE I
F
J/ A r g i s ( Ma-
rie de fainte Madelei- ne du ) Prieure dc P. R. des Champs; fa let- tre a M. Ainauld fur la fignature du formu- laire ,174, &c. Formulaire, voiez
l'hiftoire du formulai- re, 1, jufqu'a 18. G
VjT O n d r i n ,
{ M. ) Archeveque de Sens, patle a M. de Marca pour les reli- gieufes de P. R. ,137. Guimenee (laPrin- cefTe de) Son zelepour P. R. 134. H
JtiANNEAU ( Loui-
fe Madeleine d") de la
Charonnierc , poftu- lante de P. R. El!e prefere la condition de fceur convevfe plutot que de fortir de P. R.; fa mort , 64. Hermant ( M. )
Chanoine de Beau- yajs, fa lettrc fur la |
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Table des jv
<3e P. R. Son entre-
tien avec le Prelat , 1.84, &c. Liancourt ( Mada-
me la Ducheflfe de ); fon entretien avec M. Chami Hard au fujet de P. R.,386-
Ligny ( Madeleine
de fainte Agnes de ) , cpoque de fa pi&e' , elle fe fait religieufe de P. R., 114 , ny. Ses vertus; elle eft dlue Abbefle ; temoignage qu'elle rend a la veri- te , zi£. Elle evitc les pieges qui lui font tendus par M. l'Eve- que de Meaux , M. Bail & M. leConte , Do'ien de l'eglife de Paris ; fon horreur pour tout ce qui eft contraire a lafinceiite chretienne, 119, Sec. Elle eft vifitee par M. Vialart Eveque deCha- lons qui veut lui per- fuader de figner, mais inutilement, 1151 &c. Sa conduite lors de l'enlevement des reli- gieufesen 1664, 44°» &c. Durete" avec la- quelle elle eft trait£e par M. de Perefixe , 4; j. Elle eft condui- |
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ATlKKiiS s$f
tc aux Urfulines da
fauxbourg faint Jac- ques, puis transferee a Meaux dans tin cou* vent de la Visitation , 45?-
M
JVlARCA ( M,
de ) , Archeveque de Touloufe,fes diiFerens etats, Ses talertf, 5. Sa manoeuvre au fujet du formulaire, i,jufqu'a ix. Heft nomme Ar- cheveque de Paris , 2.3 j. 11 paroit favora- ble aux rcligieufes de P. R.. fa mort, fon epitaphe , 138 , 159. Marie ( les religieu-
fes de fainte ) ; elles font introduces a P. R. par M. de Pereflxe, 464, &c. Miracles,operes a P.
R. par la fainte Epine, 18 , Sec. Operes par rinterceffion de la me- re Angelique Arnauld, 114. &c. Operes fur la foeur Catherine Champagne, 217, &c. N
J\ I COLE ( M. )
Sa depofition au fujet
Aaij |
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"^m
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jj* TABLE DES MAttERES.
du dirTerend entre M. de ) ; fa naiffafl^ Pafcal & MM. de P. cc , il eft transfe- R.,*j6, &c. Sa fe- re du liege de Rho- conde demolition fur des fur le liege de Pa- le meme fujet, ij<>. lis, 273. II eftcornpli- mente de la part des P . leligicufesparMIan- Pceloc avec qui il a uri
Ascal( M. Blai- long entretien, 184,
fe ), ufage qu'il fait &c. II publie Ion man-
de fes taleus , Z39. dement pour la figna-
Son differend avec ture du formulaire ,
Meffieurs de P. R. tou- 309. Sa premiere vi-
cbant les modeles de fite a P. R. de Paris,
iignaturc, 241, juf- 311, &c. Acte de cette
<ju'a 147, & depuis vifite,3ii. Sesengage-
2.49 jufqu'a 160. Son mens pris contre P. R.
intime union avec 3*3. Efforts qu'il fait
tout P. R. 148. Son pour fe tirer d'embar-
fentiment a la mort ras , 3 3 7. II fait fem-
fur les lettres provin- blant de vouloir en-
cialeSjzSi. Samort, tendre a quelqu'acco-
fon &oge par difFeren- modement; il affocie
res perlonnes: on don- le pere Efprit de TO-
ne au public le recueil ratoire a M. Chamil-
de fes penfe"es, iSi , lard pour engager les
&c. religieufes a la figna-
Pafcal ( Euphemie ) ture de Con mande-
religieufe de -P. R. Sa ment ,339. Difcours belle lettre au fujec qu'il tienta M. Cham- flu premier mande- pagne qui lui pre"- jnent des grands Vi- fefite une formule Ci- caires de Paris, 161 , gn^e par les reli'gieu- &c. Sa mort, fon elo- fes, 37<?, &c. II va ge , 179. Son eloge a P. R. de Paris & pri- _parM.SingIini8o,&c. ve les religieufes des Perefixe ( M. Har- Sacremens , 419. Te-
douin de Beaumont moignage qu'il re»4
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TABLE DES MATURES. f{$
fenx religieufes, 414. & de ge"miffemens ,
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Injuftic'e de fon pro-
cede ,415- Ses prepa- ratifs contre les reli- gieufes , 437. II arri- ve a P. R. avec une grande efcorte , 440 , &c. II cii enleve douze religieufes ; circonf- tances de cet enleve- ment , 444, Sec. juf- qu'a 457. II les dif-perfe dans differensmonafteres, 458, &c. Suite de fon expedi- tion , 461 , &c. II in- trodait a P. R. des |
40, 41. On y revolt
ordre de renvoier les novices & les pollu- tes , 4X. Douleurdes novices Sc des poftu- lantes arracMes de P„ R. on y fait des prie- res extraordinaires , 47, &c. Les fept der- nieres novices 6c huit a- de Port - Ro'ial ; les
novices ne quittenc point leur habit de re- ligion , rto , Sec. Les |
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religieufes de fainte religieufes de P- R. des
Marie, 464, &c. II Champs rendent te- inltale fa Supe'rieure moignage a la gu£rf- hitrufe, 467. Sa for- fon miraculeufe de la |
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foeurde fainte Gertru-
de du Valois , 117. Temoignage rendu aux religieufes par M. Bail, 1 jo, &c. Les religieufes de P. R. fi- gnent le premier man- dement des g-rands Vi- caires avec repugnan- |
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riedeP.R,, 471-Re-
flexions furl'efprkqui a fait agir M. de Pere- fixe contre P. R. 4^6 , &c. jufqu'a la fin. Port-Ro'ial, la per-
te de P. R. eft arretee au Confeil du Roi , 18. On fait fortir les |
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penfionnaires des deux ce ; pourquoi, 15-5 ,
maifons, 30. On ne &c. Agitation que ce |
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mandement caufe a
P. R. des Champs , 158 , &c. Elles lc fi- gnent, 177, 178. Con- duite de P. R. au Gijet |
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parloit pas a P. R. des
difputes qui agitoient l'Eglife, j 1. Eclaircif- icment fur cette igno- rance , 3 j,&c. P. R. |
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Re retentit que de cris du fecand mandement
Aa iij
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55* TABLE DES MATIERES,
des grands Vicaites de Elles fe preparent a la
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perfecution par les
bonnes ceuvres , 177 , Sec. EtatdeP.R.lorf- que M. de Perefixe monta fur le fiege dc Paris , 181 ; &c. Les religieufes envoient complimenter M. de Perefixe fur l'arrivee de fes bulks, 18 j. El- les font fortifiees danS leurs fentimens par leurs amis ; lettre d'un de leurs amis dans la- quelle il fait le portrait de ceux qui abandon- nent la verite" , 314 > &c. Priere a J. C.par l'Abbefie & les reli- gieufes , 3 34, &c.Ert- tretiens des religieu- fes avec M. Chamil- lard & le pere Efprit, 337 3 &c. Acle des re- ligieufes du j juillec 1664 , 35 5, Sec. Ob leur propofc differcnts projets de fignature , 17$. Elles fignent unc formule qu'elles en- voient a M. de Pere- fixe par M. Champa- gne, 379, &c. Troi- fieme adle des reli- gieufes , 387 , &c. Quatrkme afte par le- quel elks fignent una |
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Paris, 18}. amour des
rcligieufes pour la fin- cerite chretienne, lS8 &c. Les amis de P. R. propofent des formu- les de fignature par le diCit de fauver P. R. , loo, ioi. Mo- dification avcclaquet- le les religieufes de Paris fignentle fecond mandement des grands Vicaires , 105 , &c. Les religieufes des Champs fuivent celles de Paris, leur inquie- tude a ce fujet, 107 , &c. Elles refufent la fignature fimpk, no. Leur conduite eft ap- prouve'e de M. Ho- dencq qui fait leur elo- ge, 118. Elles ecri- vent a M. le Doi'en pour lni prouver qu'el- les agiflent toutes par leur propre mou- •vement , 111 , Sec. Dieu les confole par vn miracle eclatant , 117. Addition a la fi- gnature, envoiee par ht Cour , 151 , &c. Conduite des religieu- fes a l'^gard du troi- fietne mandement des grands Vicaires, 17/. |
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TABLE DES MATTERES. Jjf
profefliondefoi, 392., Pott-Roial , xj.
&c. Elks font privees des Sacremens, 419. R
Condemnation des re- 'Q
iigieufes, elles tachent J£\.Acine ( Agnes
inutilement d'adoucir de lainte Theclc) Ses
M. de Perefixe , 4*f , beaux fentimens dans
&c. Leur protection le terns de la perftcu-
a ce fujct, 417, &c. tion, 441.
EUes fe pteparent pat Rebours { M ) cou*
la priere aux traite- feffeut de P. R. S3.
mens dont on les me- vertu , fes talens, fa
Hace?438- Douzed'en- mott 13 6. &c.
tr'eiles font enlevees & difperfe'es,ellespro- teftent contre ; cit- £*
conftances de cet en- i3 A c 1 (M. le Maf-
levement, 444, &c. tie de ) Ses inftruc-
Elles proteftent con- tions dans les tems dc
tre l'entree des filles trouble,!3, 14.
de fainte Marie dans Singlin ( M. ) II eft
leut monaflere , 8c oblige* de quitter P.
contrel'inftallationde. R-, 49. Sa lettre a la
la mere Eugenie pout mere Angclique fur la
Supeiieure/464. Elles fituation de P. R. en
drelfent & fignent un i66i,55.Lescommen-
proces verbal de tost cemensdeM Singlin,
ce cjui s'elt pafl?, 470. comment il fait con-
Eetmete des religieu- noiflance avec M. ds
fes approuvee par un faint Cyran ; predic-
«xemple de l'antiqui- tions qui lui font fai-
t.6, 471. Reflexion fur tes, 141 , &c. Sa let-
leurconduite a l'^gard tre fur la rnort de la
du formulaire, 476 , foeur Pafcal, 180. Fin
&c. jufqu'a 49^. deM. Singlin , 197 ,
Port-Roial (folitai- Sec. Son enterrement,
resde'Hs fontobliges 308. Sonelogepar M,
4e quitter d? nouveau du Fofle, 301, $ec, Sp»
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**t TABLE DES MATIERES
iioge par M. Fontai- defagu&ifonmiracii''
ne, 305, &c. leufe par 1'interceffion T de la mere Angelique
Arnauld, iro, &c.
Heodore ( St.) Vicaires gene'raux Studite , belle lettre de Paris: leur premier de ce faint Abbe aune mandement pour la fl- communaute de trente gnature du formulake religieufes qui deroeu- 1 j , Sec. lis donnent rerent attachees a la un fecond mandement yeritc , pendant qu'*l- pour le meme fujet, le etoitabandonneeSc 1S3. Enfuiteun troi- perfecuteeparlagran- {ieme pour le meme de multitude j 4/} , fujet, 17 3,, &c. &c. Vincent ( M.) pre- V '' tre & inftituteur des
VLazariftes: remarques
Alois ( Made- fur fon fujet, 146 , leine de fainte Ger- voiei la note de la pa- trude du ); relation ge 147, Fin de la Tabic des Matures
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ERRATA.
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P
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A g 1 70 ,ligne 16 , d'eprh , WCtzd'efprit.
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P. 139, lig. 8, 16 d'aout, lif. it d'aout.
P. 147, lig. 6, ne ut, lif. ne fut. P. ijt, Hg. 5 d'oSobre , lif. de feptembre. P. 171, lig. 14, 4000, tifez 40000. P. 308 , deruiere lig. pofe , lifez dipoji. P. 310 , lig. 3 , regards , lif. egards. P. 341 , note,dern. ). juillet,, lif. p juillet, P. 368 , lig. t6 , cejuget, lif. ce fujet. P. %tg , lig. zp & 30, fuel, lit fujet. Ibid., lig. 31 , M. le, lif. a M. le. P. 388 , lie. \6 , ten. 3 lif. ter~. P. 398,1.7 &L%,Chardonneret,l\C. Chardonnet, P. 414. 1. t%, invincible, lif. invifible. V. 465 , lig. i<(, emit, lif. reprit. |
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