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7™r~
HISTOIRE
D E
PORT-ROIAD
-ocr page 2-
^s^y/2.
5
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAb
DEPUIS LA REFORME DE L'ABBAIE
jufqu'i (on entiere deftru&ion.
TOME SIXIEME,
A AMSTERDAM,
Chez JEAN VANDUREN.
M. DCC. XVI,
»
-ocr page 3-
HISTOIRE
GENERALE
D E
PORT-ROIAL.
SECONDE PARTIE.
Suite ducinquieme Livri-
J^ O us quittons a regret ledifiant 1665.
fpedacle du faint defert de P. R. des i
Champs, pour en voir un bien Mc-J^%l
rent dans la maifon de Paris, dont 1 or- K. dc eafc.
dre des terns demande que nous par-
lions a prefent. Nous venons^ de voir
une nombreafe communaute , com-
Tome VI.
                             A
-ocr page 4-
1        HlSTOIRE DE PoRT-ROl'At.
"** pofee de foixante-onzc vierges chretien-
nes , qui, au milieu de la plus violente
perfecution , jouifTent dune paixpro*
fonde , parnu lefquelles refide l'efpric
de Dieu &C fa fagefle qui ne les aban-
donne point dans les liens; & nous en
allons voir une, compofee de dix ou
douze religieufes, dans laquelle regnent
le trouble , la confufion, Fefprit d'in-
trigue & de cabale, & tons les maux
que l'ambition eft capable d'introduire
dans une maifon religieufe.
La maifon de P. R. de Paris fe trou-
va enfin reduite , le 5 feptembre ,
par les grands retranchemens que M.
de Paris y avoir fairs, a douze religieu-
fes de choeur, dont deux eroient im-
beciles , & privees depuis longtems de
toute voix. Les autres eroient les fceurs
Elizabeth des Anges de faint Paul ,
Catherine de fainte FlaviePafTart, Phi-
liberte de fainte Madeleine Morelle ,
Jaqueline de fainre Catherine d'Oxin ,
Marie]de fainte Dorothee Perdreau ,
Madeleine de fainte Melthide Tho-
mas , Catherine de fainte Pelagie Ha-
melin , Marie Aimee de fainte Pela-
gie de Buzenval (niece de M. de Beau-
vais), Marguerite de fainte Euphrofi-
ne deCreil, & Ifabellede faint Jofeph.
Voila ce qui compofoit la nouvelle
-ocr page 5-
II. Pahtie. Llv. V. 5
communaute , non de l'inftitut dufaint x(,^c
Sacrement, mais de l'inftnur du for-
mulaire. Voici un portrait fidele du
caractere de ces religieufes.
» Enfin a tout prendre, die la fceur
»' Pineau, cette communaute eft com- Quito
•» pofeede douze perfonnes ( i ), def- etoiem lesre-
» quelles les deux plus anciennes font ^""IZ vn
» tolles au dernier degre, ll y a plus
» de quarante ans, ( Scent Matie
*> de la Nativite, & Soeur Cathe-
w rine de faint Benoit. ) ll y en a
w deux autres , ( la fceur Catherine
t> de fainte Pelagie Hamelin, fceur
» Elizabeth de faint Jofeph ) qui font
»> a demi folles , & qui pafleroient
» pour des folles achevees, fi ce n'e-
»> toit que les deux premietes les font
» valoir 8c leur donnent du luftre ,
»j parcequ'elles font encore plus folles
»» qu'elles. Il y en a deux melancoli-
i' ques, ( fceur Dorothee Perdreau ,
5i fceur Euphrofine de Creil, ) qui
»» pafleroient bien pour hypocondria-
»» ques en un befoin. Il y en a
» deux , ( Elizabeth des Anges de
« faint Paul , fceur Philiberte de
» fainte Madeleine Morel, quin'ont
w gueres plus de raifonnement que
(i) Hift. ics Perfec., p> H<-
Aij
-ocr page 6-
4 HlSTOIRE D E PoRT-ROlAt.
££. »> des betes : & deux autres, (four
» Jaqueline de fainte Catherine d'O-
w xin , four Aimee de fainte Pelagie
» de Buzenval) fi entetees & fi arretees
» a leur fens, qu'il n'y a rien a leur dire,
» quand elles ont une fois mis quel-
» que chofe dans leur cervelle. Et
»» les deux autres ( four Flavie & four
Melthide du Foffe) font deux lege-
» res,quitournentatous vents, comme
» des moulins , quoiqu'avec des
5) principes difterens, Tune n'etant le-
u gere & inconftante que par fcru-
» pule & par je ne fais quelle facilite
» a croire ce qu'on lui dit, ( four Mel-
$> thide) •, 1'autre ( la four Flavie )
}> eft lcgere & inconftante par un exces
» d'amour propre, qui lui renverfe le
» fens & la raifon en la maniere qu'elle
» l'a fait paroitre dans la conduite
» qu'elle a tenue dans les affaires pre-
»> fentes.
» Voila une partie des rares quali-
»> tes des fujets , qui compofent la
»> communaute de M. l'Archeveque :
» que s'il n'a gueres gagne en les ga-
» gnant, nous n'avons gueres perdu
v en les perdant,
Comme ce nouveau monaftere doit
iT'scrm f°n origine a la fameufe four Flavie ,
Flavie p»fr il_ eft important qu'on connoilfe pe. ra,-
-ocr page 7-
II. Part ie. Llv. V. 5
te fujet. Elle etoit fille d'un taneur
de la Ferte-Milon. Sa mere aiant quit-
re fon pais pour etre tourriere a P. R*
des Champs , fa fille l'accompagna
etant encore fort jeune, & demeura
au dehors avec elle pendant quelque
terns. Le defir qu'elle temoigna d'etre
religieufe engagea les meres a la rece-
voir au dedans; mais fon caractere la
fit renvoi'er au bout de quatre mois.
Elle avoitalors quatorze ou quinzeans.
A l'age de de 19 ans , elle alia a Gif,
y fut recue , fit profeilion, & reullit
fort bien a tromper les religieufes ,
tant par les dehors d'une grande regu-
larite , que par l'eclat des miracles qui
s'operoient fur elle 5 car routes fes ma-
ladies vraies ou faulles ne fe guerif-
foient prefque jamais que d'une ma-
niere merveilleufe.
Apres avoir demeure quelques an-
nees dans l'abbaie deGif, elle vint
avec la permiffion de fes Supe-
rieures a P. R. pour y embrader la
grande regie de faint Benoit. Elle y
rut rec_uegratuitement & elle y eprouva
tant a fon egard qu'a l'egard de quel-
ques perfonnesde fafamille, combien
la charite de ce monaftere etoit gran-
de. " L'ambition fecrete de cette rs~
» ligieufe , comme le dit la fcenr
A iij
-ocr page 8-
C HlSTOIRE DE PORT-R01AI.7
» Angelique de faint Jean, jointe 3
» un terrible jugement de Dieu fur
» elle, fit qu'elle s'acquit tant d'eftime
» & de creance dans l'efprit des pet-
» fonnes qui gouvernoient la maifon
« de P. R. , qu'on la crut d'une ca-
« pacite extraordinaire pour l'educa-
»» tion des enfans, a qnoi elle avoit
« ete emploiee dans la maifon de Gif.»
II y a bien de l'apparence que ce frit
ce qui la perdit. M. Nicole parle du
caradere de fon efprit dans fes Lettres
Vifionnairts,
furtout a la fin de la qua-
trieme.
La four Flavie commeiKja fa trahi-
c fon des la fin de 1661 s du au cqmmen-
" cement de i66z, comme nous Tap-
prenons de MademoifellePerrier, qui
en donne les preuves dans une lettre ,
dans laquelle elle rapporte des faits qui
le demontrent (1). MademoifellePer-
rier avoit ete elevee a P. R., elle alloit
voir fouvent la four Flavie, qui avoit
ete fa maitrefie : celle-ci temoignoif
a fon eleve , &c a Mademoifelle fa
four , qu'elle craignoit bcaucoupque
les religieufes ne fe laifTairent aller a.
la fignautre du formulaire ■, elle les
prioit de demander a M. Pafcal leur
fi) Rec. in-u. Siipl. de Foat. du Foff. p. pjr
-ocr page 9-
II. P A R T I E. L'lV. V.      1
Oftcle j des inftrudtions pour elle, arm 1665.
qu'elle s'en fervit pour fe foutenir
elie-meme & pour fortifier fes foeurs •,
elle leur demanda furtout avec inftan-
ce un ecrit qu'il avoir fait fur cecce ma-
tiere. Les demoifelles Perrier le de-
manderent a M. Pafcal, qui le donna
avec repugnance, & a la condition
qu'on n'en tireroit point de copie , &
meme que la fceur Flavie ne le com-
fnuntqueroit a perfonne, & qu'elle le
rendroit dans fix femaines. Elle le ren-
du en eftet , mais apres l'avoir fait
voir a M. Chamillard qui en pris
copie. Cela fe palTa en 1661. Trois
SUUS apres , c'eft-a-dire en 1 <5cT 5 , il
{>arut un ouvrage du Pere Annat, dans
equel ce Jefuite rapportoit de grands
extraits de l'ecri t de M. Pafcal: alors
les demoifelles Perrier allerent voir
la foeur Flavie, & lui firent de grands
reproches de fa trahifon , qu'elle n'ofa
defavouer, Elles lui reprocherent en-
core qu'elle avoit train la maifon, 8c
fait iortir les feize religieufes qui
avoient ere exilees ; que fon deffein
etoit d'etre AbbelTe , mais que Dieu
ne permetroit pas qu'elle le fCic. A
tous ces reproches , auxquels la foeur
Flavie ne fit aucune reponfe , elles en
ajouterent un autre qui regardoit Ma-
Aiv
-ocr page 10-
8 Histoire de Port-roYal.
jijj, demoifelle de Roannes, qu'elle avok
fait exiler par une de fes delations :
voici le fait,
v.
          Mademoifelle de Roannes avoit a
lafccurFU- {"on fervice une Demoifelle nommee
de lexii de Ratier, qui ai'ant pris l'habit & P. R.
Mademoifel- avant les fepC novices qu'on fit fortir
le de Roan-                     f . n , 3 .          . r
aei.           en i66\ , etoit reitee dans la mailon.
Cette Demoifelle envoia prier Made-
moifelle de Roannes de la venir reti-
rer, lorfqu'on enleva les i ^ premie-
res religieufes en 1664. Mademoifelle
de Roannes alia a. P. R. avec les De-
rnoifelles Perrier , qui demanderent
d'abord la fceur Flavie, laquelle vint
tout en pleurs. Ces Demoifelles ju-
gerent que l'enlevement des religieu-
fes etoit la caufe de fes larmes , 8c
non le defefpoir oil elle etoit qu'on
eut mis des filles de fainte Marie dans
la maifon. Mademoifelle de Roannes
interpretant de la forte le fujet des lar-
mes de la fceur Flavie, lui parla ainfi:
» Ma fceur, je vous prie de dire a ma
j> foEur Anaftafie ( c'etoit le nom qu'on
avoit donne a la Demoifelle Ratier )
» que je ne veux point la retirer fi-rot,
» parcequ'il eftbon qu'elle refte encore
» ici quelque terns pour obferver
s> tout ce qui s'y pafTera •, & par ce
>> moien nous faurons bien. des chq-
-ocr page 11-
II. Pariie. Liv. V. 9
•» fes , que nous ne pourrions pas fa- \CG\,
»•> voir autreraent. » Huit jours apres
queMademoifelle deRoannes eutpar-
le de la forte a la fceur Flavie , elle re-
cut une lettre de cachet qui la rele-
guoit en Poitou M. le Due de Roan-
nes fort furpris de cet ordre alia s'in-
former aupres de M. de Paris d'ou pou-
voit venir cette difgrace : le Prelat lui
fit fans detour la reponfe fuivante :
" Monfieur, Mademoifellevotre fceur
m fe mele de chofes dont elle ne de-
» vroit point fe meler. ElleauneDe-
» moifelle aP.R., qui eft novice &
« qui l'a priee de la retirer, & elle
» lui a fait reponfe d'y refter pour
« obferver tout ce qui fe paflfera &
» en rendre compre. « M. de Roan-
nes fort etonne pria M. l'Archeveque
de faire revoquer l'ordre & l'obtinr.
Enfuite il vint rapporter tout cela a
ces Demoifelles , qui etant allees voir
en 16(35 'a four Flavie, lui fi rent les
reproches dont nous avons parle , 8c
1c r'ofn. nier le fait.
Quoique la fceur Flavie efit de mau- vr.
vais deffeins depuis Tan 1 661 , comme „s?,tral"'fon
., r.          .. , ., ,r. cltaecouverte
on vient de le voir , elle les degui'oit, par la fecur
afin de mieux arriver a fes fins. Le f^af'jevJ^
terns
de la perfecution la demafqua -y
&c il
parm manifeftement en 1664,
Ay
-ocr page 12-
10 HlSTOIRE 0E PoB.T-K.01AE.
iC6<S qu'elle avoir refolu de traliir la veritf.'
tic la comtnunaute. Ce flu pour cela-
qu'elle fe lia d'une maniere parficu-
liere avec M. Chamillard, mais d'a-
bord ft fecretement que perfonne ne
s'en apperc^it: enfuite elle fit tout ce
qu'elle put pourfe rendre recomman-
dable aupres de M. de Paris. Elle lui
fit entendre qu'il falloit faire fortir i z
des principalesreligieufes, & qu'apres
cela, il viendroit a bout des autres.
La foeur Angelique de faint Jean fut
la premiere qui s'apper^ut de fes tra-
hifons , & elle crut devoir avertir ,
lorfqu'elle fortit , quelques-lines de
fes fceurs , de s'en defter. La foeur
Angelique de faint Jean eprouva elle-
meme de quoi etoit capable la fceur
Flavie pat fes delations : car elle ac-
cufa la fceur Angelique de lui avoir
dit ( comme elle temoignoit de la dif-
ficulte a abandonner les cinq propofi-
tions , ) qu'elle ne devoitpas craindre
de les condamner , parctquil n'eeoit
pas encore terns de Us defendre.
La fceur
Angelique fe crut obligee de s'adref-
fer a M. de Paris lui-meme pour fe
juftifier de cette calomnie; ce qu'elle
fit par une lettre du 5 novembre de
l'annee 1665. Elle eft rapportee dans
le journal joint aux granaes relations ,
-ocr page 13-
II. P A R T I E. Liv. P*.       I I
p. 51. Des delations de route efpece 166$,
dont les ecrits publies par M. Chamil-
lard & les Defmarers de faint Sorlin ,
les confidens de la foeur Flavie , four-
nhTent lapreuve, auroient bien indif-
pofe contre elle fes meres & fceurs fi
elles n'eulTenE ere veritablement des
Saintes.
Elles conferverenr cependanr roujours vni
fiour elle une grande charire , & elles fa^ra'pour8"
ui en donnerent des marques en plu- elle<
fieurs occafions (2). Peu de rems apres
qu'elles furenr roures chaflees de la
maifon de Paris & reunies dans le de-
fert de P. R., elles apparent que cel-
le, qui par fes intrigues les avoit fait
traiter de la forte , etoit tres dangereu-
fementmalade , ai'ant ere frappee d'a~"
f>oplexie ; cette nouvelle repandit l'al-
arme dans la communaute. La mere
Agnes fit aufii-tot un billet pour en
avertir les fceurs & la recommander
a leurs prieres. Elles en furent rou-
tes fenfiblement affligees, & temoi-
gnerent meme la plupart par leurs lar-
mes, qu'elles etoient fi eloignees d'a-
voir aucun reffentiment contre elle ,
qu'il parut au contraire dans ce mo-
ment qu'elles avoient entierement ou-
(1) Journal, p. fj.
Avj
-ocr page 14-
VI HlSTOIRE BE PORT-ROl'At;
~7TTT blie le pafle, pour ne plus fe fouve->'-
nir que de lui rendre toutes fortes da
devoir de charite en tachant d'attirec
par leurs prieres & leur gemiffemens
la mifericorde de Dieu fur elle.
Le deffein de M. l'Archeveque ,
VIII.
ffein de apres avoir fait fortir de Paris toutes
m. dci'aris, les religieufes qui ne vouloient point
t?„f%wL.r£e faire un faux ferment, etoit de nom-
met cette ioeur Mavie lupeneure par
commiffion ; mais il jugea enfuire ,
avec fon confeil ,, M.. Chamillard &
la mere Eugenie , que cela ne pouvoit
avoir un fucces conrorme a leurs de-
firs : car il fouhaitoit faire un etablif-
fement •, & la raifon leur didtoit, qu'il
y auroit peu de monde qui vouliit s'en-
• gager dans une maifou fi peu atTermie.
C:eft ce qui le fit changer de resolu-
tion , & prendre celle de faire elire
vine AbbeiTe. Pour faciliter l'execur
tion de fon deffein, il declara que les
religieufes de Paris faifoient corps de
communaute; & fans obferver aucune
des formes juridiques & necelTaires ,
il declara celles qui etoient aux
champs , privees de voix actives Sc
paffives, & incapables de faire corps
de communaute. Cette- fentence fur
fignifiee le 6 feptembte 1665.
Avant que d'ea venir a 1'execvt-
-ocr page 15-
II. Part ie. Liv. V. 15
tion,ilvit en particulier les dix reli- i^t^
gieufes , pour favoir celle qu'elles
avoient en vue ; apres quoi il prit
jour pour venir faire fon ele&ion ,
qui devoit etre vers la Touflaint.
Mais l'election fur differee , parceque
le Roi, a qui M. l'Archeveque crut
devoir en parler, lui dir de ne fe point
hater : ce qui le morcifia beaucoup ,,
parcequ'il croi'oit que fon honneur y
etoit intereile. C'eft pourquoi il re-
vint a la charge, & appuie du credit
de la Reine , a qui la mere Eugenie
en fit parler , il obtint la permillion
de faire l'election d'une AbbefTe. Les
deux afpirantes , la fceur Flavie & la
fceur Dorothee , furent pendant cet
intervalle qui ne fut que de quel-
■ques jours , dans une grande inquie-
tude , par la crainte qu'elles avoient
l'une &c 1'autre de ne pas avoir une
place qu'elles defiroient egalement.
M. l'Archeveque vint done le \6 F" n .
j                         TJ 1 1.11 a'          La fceur DO«
novembre pour prender a 1 election. rotheeeftawj
La fceur Dorothee eut fept voix deAbbeffc*
dix , & fur confirmee par le Prelat,
qui fit chanter le Te Deum , que la
fceur Melthide fut Ji malheureufe que
de commencer ,
comme elle le dit dans
fa relation. Cette election futun coup
accablant pour la fceur Flavie qui s'at-
-ocr page 16-
'T4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt
r J(j(j< tendoit qu'on penferoic a elle , &
qu'on la recompenferoit de tous les
iervices qu'elle avoit rendus. Cette
pauvre fille n'eut pas aflez d'efprit ,
( quoiqu'elle n'en manquat pas d'ail-
leurs) pour penfer que fi on aime la
trahifon, on n'aime pas les traitres. Elle
avoit deja etc extremement fuiprife ,
lorfqu'elle vit, apres l'enlevement des
douze premieres religieufes, qu'on eta-
blilToit des fdles de lavifitation pour
gouverner la maifon •, mais ce fut bien
autre chofe , lorfque la fceur Dorothee
fut
elue Abbefle a fon exclufion ; elle
en eut un tres grand chagrin , & il
eft etonnant qu'une perfonne auifi vive
ait pu y tenir.
x
            Autant la fceur Flavie fut affligee de
conduite voir routes fes efperances evanouies ,
l"fautDoro- autant la fceur Dorothee fut fatisfaite
ihce,
           de voir fes defirs remplis. Ellefe mit
a la place de l'Abbefle d'une maniere
aufli aifee , que fi elle l'avoit toujours
occupee. Des le Jour de fon election,
elle fit entrer quatre ou cinq poftulan-
tes dans la maifon , qui fut bientot
remplie d'un bon nombre de filles,
parceque la nouvelle Abbefte recevoit
fans choix tout ce qui fe prefentoit.
Comme la plupart favoient a peine
fere , on pria un bcneficier. de NoWt
-ocr page 17-
——
II. Parti e. Llv. X M -
■»»~
Dame de leur apprendre i prononcer "~7<$<j7
le latin & le plein-chant. II leur fit
chanter un motet en mufique a la prcn
ceifion dii faint Sacrement , que M*
1'Archeveque avoit promis de fake le
jour de 1'odlave.
La conduite de la foeur Dorothea
repondit a l'irrcgularite de fon elec-
tion. Elle ne fut pas plutot elue qu'elle
fit divers changemens dans la maifon.
Elle retrancha les deux melTes conven-
tuelles, excepte les dimanches & fe-
tes , parceque cela interrompoit l'orai-
fon , a. ce qu'elle difoit. Comme elle
etoit extremement defiante , & qu'elle
vouloit que tout lui pafTat par les
mains, elle ne put fe refoudre a quitter
le tour, auquel elle avoit pris goiit, 8c
ou elle faifoit fa refidence ordinaire
depuis que M. TArcheveque l'eut nom-
inee celleriere ; c'eft pourquoi elle ne
regarda pas cette fonction incompa-
tible avec fa nouvelle dignite-, mais
elle crut qu'en qualite d'AbbelTe ,
elle devoit avoir un lieu plus decent
pour fe placer, que celui qu'elle avoit
auparavant Ainfi elle fit accommoder
la petite galerie , qui etoit au-de(Tus
de celle du tour , pour s'y ponvoir re-
tirer pendant le jour , afin que par ce
moi'en on ne fit rien au tour qu'elle ne
-ocr page 18-
\6 HiSTOIRE »E PoRT-ROI At/
^-HiGc, le flit. La prefence de la mere Euge-
nie & de fes religieufes, qui demeo-
rerent encore quelque terns a P. R.
apres fon election , la retenoitun peu ,
& ce ne fut qu'aprer' leur depart qu'elle
fe donna carriere. Elle ne les voi'ok
qu'avec peine , & difoit que c'etoit iin
oeshonneur pour la mailon , parcequ'il
fembloit qu'elies n'etoient pas capables
de fe conduire elles-memes , qu'ainfi
il falloit prier M. Chamillard de les
faire retourner dans leur couvent.
XI.           Un peu avant le depart des filles de
Rcglcmcns f j M M> d p^ ^ > p R>
oeM. de Pa-
                           '.                               .
sis.            entra au chapitre & y ht plulieurs or-
donnances; i". Que l'on fe defit de
toutes les reliques que Ton avoir des
faints modernes. i°. Que Ton otat les
tableaux de quelques faints , parceque
Ton avoir fait tirer les portraits de
quelques perfonnes mortes. 30. Que
Ton 6tat la tombe de M. de faint Cy-
ran , & qu'on la defit entierement; ce
qui fut execute dans le moment , en
eftacant route l'ecriture de la pierre.
4?. Que l'on rendit tous les livres nou-
veaux , & que l'on remit les ecrits
de devorion a M. Chamillard, fans
l'ordre duquel on ne pourroit les gar-
der. Apres ces ordonnances , chacim
fe leva en confufion , & M. l'Aich&t
-ocr page 19-
II. Part ib. Liv. V. 17
Veque s'approcha de la fceur Marie kj^c,
Aimee Sc de la foeur Melthide , parce-
qu'il s'apper^ut qu'elles etoient cho-
quees de les reglemens, & il tacha de
les adoucir.
Le mere Eugenie, apres avoir fait xit.
faire ces reglemens, s'en retourna en fa La mere lot
■ r          1 & r ■           «                                      -J Kcnle 1ultte
mailon de laint Antoine an mois de p. R.pourre-
decembre, vers la faint Thomas , laif t1?ui'^n^
iant la fceur Flavie fort affligee de fon re.
depart, & la nouvelle AbbeiTe au con- def™„*^
traire tres fatisfaite. Auffitot qus eel- ie pretendu*
le-ci fe vit maitrefTe abfolue , elle Abbefle*
commenca a agir d'une maniere toute
differente de ce qu'elle avoit dejafair.
Eile fe fit accommoder une chambre
pour y coucher lorfqu'elle fe trouve-
roit mal , 8c y demeurer le long du
jour , avec une autre petite chambre
attenante pour lui fervir de cabinet.
Dans la nourriture , dans les habits ,
8c dans tout le refte , elle ne s'eloigna
pas nioins de la conduite des dignes
fuoerieures qui avoient occupe la
place qu'elle venoit d'ufurper. Mais
elle s'en ecartoit encore bien davan-
tage par la maniere dont elle traitoir
fa communaute , Sc en particulier la
fceur Flavie, qui, quoiqu'elle eut pour
cette intrufe tous les egards , & meme
de plus grands qu'elle n'en avoit ens
-ocr page 20-
*8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lA£.
1665. Pour les fuperieures legitimes , efluioif
de fa part les traitemens les plus durs ,
& en raeme terns les plus merites. Elle
en fut reduite a un point quelle ne>
faifoit que pleurer & gemir; mais elle
ne fut pas aflez heureufe pour fentir le
doigt de Dieu fur elle , 8c reconnoitte
que c'etoit une jufte punition de fes'
prevarications & de fes trahifons. Elle
avoit fait fortir fes meres 8c fes fceurs j
elle avoit fait chaffer & enlever fes.
fuperieures legitimes, & le Dieu ven-
geur , qui punit les homines par les-
chofes memes par lefquelles ils one
peche, permet qu'elle fe choififfe une
fuperieure qui devient fon fupplice«
Cell ainfi que les habitans de Sichem *
apres avoir fait mourir les foixante-dix
enfans de Gedeon qui avoit expofe fa
vie a tous les perils pour les delivrer
des Madianites , choifirent pour Roi
Abimelech, fils de fa concubine, le-
quel fut a l'egard de ceux qui l'avoient
choifi, un feu qui les devora & qui les
confuma, felon la prediction de Joa-
than (f). Telle fut la foeur Dorothee a.
l'egard de celles qui la choifirent pour
AbbeiTe contre toute juftice , &c au
mepris des foixante-dix religieufes qui
■(3) Lit. des Juges, chap, j*
-ocr page 21-
-------------------------------------
II. Part i e. Liv. V. 19
£toient dans la maifon de P. R. des i66<.^
Champs.
                                             *i
Celles-ci ne firenc pas d'abord op-
pofition a l'ele&ion de l'intrufe , par-
ceque l'etat de captivite dans lequel
on les tenoit ne le leur permettoir (6)
pas. On voit par un billet de la iceur
Angelique de faint Jean , du 23 00
tobre , qu'elles defiroient favoir ce
qn'on jugeoit qu'elles duilent faire an
cas qu'on vouliit leur donner une Ab-
be ire ; & elle ajoute : <> Pint a Dieu ,
» que celle qui fera fi miferable que
m d'acceptet une telle charge , fe vou-
m lut contenter d'ufurper notre maifon
" de Paris , Sc qu'elle laiflat en pais
5> a Jefus -Chrift le troupeau qu'il a
» choifi &c amene au defert. Cela
» feroit jufte &c conforme a la fen-
» tence , qui nous declare incapables,
» de faire aucun corps de commu-
n naute : car ceux qui pretendent que
»» nous ne fommes pas un corps, n'ont
w que faire de nous chercher de te-
» te.....Cette nouvelle tentation
m va etre fort grande.....Car
les chofes 011 T'on ne voit point de
„ fin , font celles qui laffent davanta-
„ tage la nature : mais ce n'eft pas
i, de nos forces naturelles que hou*
(S)Journ. p. $}, col. i,
-ocr page 22-
26 HlSTOIRF. DE PoRT-ROl'At.
I<$6r. » prefumoris, ni pour les petites oc-
» cafions ni pour les grandes ....
» Celui qui nous a foutemies un an ,
» nous peur nourrirquarantejours dans
•> le defert du pain des Anges, ii la
» rerre eft fiingrate, qu'elle ne pro-
» duife plus rien pour nous.
La foeur Dorothee futelue, comme
tetteiigieu-nous l'avons vu le \6 novembre: les
f« de v. r.. religieufes de P. R. des champs, ju-
des champs                                       or • ' • ir '.
formem op- geoient que certe artaire etou aliez lm-
poiniona le- portante pour y faire oppofition ,
fceur Doro- mals "un cote enes n aVOient aUCU-
*fe«          ne voie pour s'informer fi les per-
fonnes chargees de leurs affaires
etoient en pouvoir d'agir •, & de l'au--
tre cote voi'ant qu'elles avoient les
mains liees, & qu'on pourroit nean-
moins prendre avantage de leur filen-
ce , quoiqu'injuftement, puifque leur
captivite etoit une excufe legitime ,
elles recommandoient cette affaire a.
Dieu, afin qu'il prit la protection d'u-
ne communaute, qui n'avoit point d'au*
tre interet que ceux de fa gloire dans
cette affaire, & qui aimoit mieux fe
voir accablee & ruinee fans reffource,
que d'avoir cede volontairement quel-
chofe au prejudice de la verite & de,
la juftice chretienne (5). Cependam le
<5) Journal, p. So.                                       m
-ocr page 23-
II. P A R T I E LlV. V. 21
terns s'avan^oit, & elles craignoient de
laiffer pafTer les quarante jours de-
puis cette pretendue election, fans
renouveller leurs appels & fignifier
leurs oppositions. Ce terme devoit
echoir a Noel ,' & Dieu permit que
peu de jours auparavant la meme pen-
fee vint a plufieurs religieufes fans fe
l'etre communiquee, favcir qu'il eut
fallu tenter la voie d'adreffer un acte
d'appel a M. de Paris lui-meme & de
le fui envoi'er par un des gardes. Apres
avoir murement delibere fur cette af-
faire & fur les fuites qu'elle pouvoit
avoir, elles crurent que Dieu deman-
doit d'elles qu'elles n'abandonnaflent
point les droits fpirituels & temporels
d'une maifon , qui alloit fe renverfer
par l'intrufion d'une AbbefTe fans vo-
cation , & qu'airiii elles devoient s'y
oppofer. Quant au moien de faire
rendre leur a£te a M. de Paris, elles
jugerent qu'il n'y avoit pas d'autre parti
a prendre , que de tenter fi les gar-
des voudroient bien fe charger de lui
rendre un paquet, fans leur donner
fujet de fe defier de rien. Il y avoit
une occafion favorable , parcequ'il fal-
loit ecrire a M. l'Archeveque pour lui
demander un confelTeur pour les foeurs
converfes, qui n'en avoient point d?»
puis fix mpis.
-ocr page 24-
11 HlSTOIRJE DE PoRT-RO'lAt;
" .££* La refolution fut done prife de dref-
fer un a&e d'oppofuion a l'eleclion de
la fceur Dorothee , & que la commu-
naute ecriroit en corps pour le lui adref-
fer , & lui demander un confefleur ex-
traordinaire pour les fceurs converfes.
Ce projet reuffit •, l'a£te fut drefle le
18 , la lettre ecrite , & l'un & l'autre
remis le zo du mois par M. d'Arzac ,
l'un des gardes, a un des officiers de
M. de Paris, parceque le Prelat ne s'y
trouva pas. Le lendemain le garde alia
a l'Archeveche pour recevoir la repon-
fe, & le Prelat la lui fit telle quelle
fera rapportee ci-apres. Quant a 1'acle
dont il avoit ete le porteur, il etoit
con^u en ces termes.
AftedM re- " Nous , fouffignees , Abbefle ,
ligieufes de » Prieures & religieufes des deux mo-
LiduS " nafteres de P. R. de Pans & des
decembre „ champs, de prefent raflemblees en
contre l'elec-              i •                           1         1 /- •
tion de la " ce dernier, au nombre de loixante-
fout Doro- „ huit profelTes de ehoeui, & detenues
» en notre propre maifon dans une
» etroite captivite , etant gardees
» jour & nuit par des foldats qui tien-
» nent toutes les portes de la maifon
» & des parloirs, & meme quelques-
» unes de notre cloture, comme font
» celles de notre jardin, ou ils paf-
« fetit une partie des jours & les nuits
-ocr page 25-
IT. Par tie. Llv. V. 23
*> entieres jufques fous les fenetres de
*' nos dortoirs, pour empecher que
» nous ne puillions avoir aucune com-
<» municacion avec qui que ce foit ,
w non pas meme avec nos domefti-
» ques, afin qu'il nous foit impoffi-
w Sle de chercher des fecours, de rap-
s' pui ou duconfeil contre les injufti-
« ces & les violences done on nous
» opprime, ai'ant appris depuis peu
» les nouvelles entreprifes que le
» petit nombre de nos foeurs qui font
» reftees dans notre monaftere de Pa-
in ris , & qui fe font defunies d'avec
« nous, ont ofe faire , en pfetendant
» s'attribuer le droit d'elire une Ab-
» befle, comme elles ont fait fins
« notre participation & nos fuffrages,
» & n'etant queneuf vocales I'empor-
•» ter fur foixante-huit que nous fom-
« mes , enfuite de quoi elles recoivent
» des filles & veulent fe rendre mai-
trefles de tout le bien & ufurper
» par une conduite bien etrange &
w dont il fe trouvera peu d'exemples,
« la pkee & le bien de leurs meres &c
v
de leurs fceurs , qui les ont revues &
f, traitees avec toute la charite qui leur
p> a ete poffible •, nous etant fur cela
allemblees capitulairement , pour
» deiiberer fur ce que nous avions a
-ocr page 26-
Z4 HlSTOtRE DE PoRT-ROlAl^
» faire felon Dieu & 1'engagement!
» de notre confcience pour ne point
» participer a l'iniquite des autres >
m en negligeant de maintenir les droits
» d'une maifon confacree a Dieu, qu'il
»» a mife en depot entre nos mains ,
» & que nous ne pouvons abandon-
" ner que par contrainte ; nous avons
»» cru qu'apres avoir remercie Dieu de
» la grace qu'il nous a faite de fourfrir
» tant de traitemens li etranges pour
» cette unique raifon que nous vou-
» Ions lui etre fidelles & nous expo-
»> fer plutot a perdre tout & meme no-
»» tre propre vie, que d'agir contre no-
» tre lumiere & le mouvement de
»> notre confcience , nous ne laiflons
» pas d'etre obligees par juftice de
»> nous oppofer jufqu'a la fin, en tou-
» tes les manieres qui feront pof-
j> fibles, a tout ce qui s'eft fait & fe
» pourra faire a l'avenir , au prejudi-
,) ce des droits de notre communau-
» te, & vd'autant que nofdites fosurs
m reftantes dans notredite communau-
» te de Paris n'agilTent que par l'au-
» torite & les ordres de M. l'Arche-
» veque, & que depuis quinze mois
w nous fommes appellantes de tomes
« les procedures , violences & voies
n de fait qu'il a exercees & qu'il con-
i» tinue
-ocr page 27-
—,------------------------------------------------------------------------------------------,-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------— - ■
II. Partie, Liv. V. 15
*> nue d'exercer contre nous , tendan- —77! '*
n tes a une ruine entiere de notre com-
»» munaute & de route la discipline ,
»» quil avoit reconnu lui meme s'y
»> etre exa&ement maintenue , fans
" qu'il air pu prendre d'autres pretex-
»» tes pour nous traiter comme on
»- pourroit faire les plus miferables
» 6c les plus abandonnees religieu-
w fes qui pufTent etre au monde ,
•» finon un fcrupule de confcience ,
» qui nous fait ref ufer de figner & de
« jurer d'un fait dont nous n'avons
» point d'affurance , & qui n'importe
« de rien a la foi ni aux bonnes mceurs.
» Nous done reconnoiflant mondit
j> Seigneur l'Archeveque pour auteut
« & approbateur de tout ce que nof-
»> dites foeurs eritreprennent contre
» nous fous fon autorite , e'eft avec
j» douleur que nous nous trouvons
« obligees de lui declarer , qu'en
«> adherant a nos premiers appels ,
» nous nous portons tout de nouveau
» pour appellantes de tout ce qu'il a
« rait & fait faire, fera & ordonnera
» etre fait contre nous a I'avenir par
»> nofdites fceurs a. notre prejudice ,
comme audi de tout ce qu'il pourra
» obtenir par furprife en quelque tri-
bunal que ce loit , pour aurorifer
Tome VI.
                               B
-ocr page 28-
1<J HlSTOIRE DF. PoRT-ROIAt.
» ou ratifier les ufurpations & entre-
» pnfes fur nos droits & fur le bien
>> de notre abbaie & monaftere, tanc
» de Paris que des champs, proteftanc
» en outre de l'elecTion de la fceur
» Dorothee en la charge d'AbbefTe ,
» qui ne peut etre qu'une intrufion
w manifefte, la moindre partie de la
» communaute ne pouvant prevaloir
w contre la plus grande dans une
« election canonique , & beaucoup
» moins l'entreprendre route feule ,
w & avant que I'AbbeiTe qui eft le-
« gitimement en charge fe foit vo-
»j lontairement demife , ou ait ete
" juridiquement depofee felon les for-
» mes, apres avoir ete convaincue de
" crimes qui merirent la deposition
» felon les canons; ce qui ne fe ren-
te contre nullement ici ; He partant
» nous nous en portons pour appel-
» lantes , & proteftons de nouveaii
s. contre tout ce que ladite fceur Do-
« rothee , ou autre , voudra entre-
» prendre fous le nom 8c autorite
*> d'Abbefle , & toute reception de
" filles a la veture & profeffion , eta-
»> bliflement d'Officieres a la maifon
» & de domeftiques au de - hors ,
w pour avoir le maniement du bien ,
w partage dwdic bien , &c genera^-,
-ocr page 29-
-—------------~
II. Pah tie. Liv. V. 27
»   ment a tous autres a£tes non expri- T^sT,
«   mes ici, & qui pourront nous pre-
"   judicier; proteftant d'abondant de
»■>   nous pourvoir a l'encontre de ce
"   que delfus routes & quantes fois
»•>   que nous le pourrons. Entendons
"   que Monfeigneur l'Archeveque de-
»   meurera refponfable de toutes les
»   pertes, dommages, dechets & de-
»   trimens du bien de notredite Ab-
»   bai'e & monaftere, depuis'qu'il nous
«   en a fait 6ter la libre jouiflance
»>   & adminiftration , & que nous
"   Ten prendrons a partie lui ou les
»   fiens, aufll-tot que nous pourrons
.->   etre ouies dans une juftice re-
»»   glee ; declarons au refte que c'eft
«   avec un extreme deplaifir que nous
»>   nous trouvons reduites a la malheu-
«   reufe neceffite de nous plaindre ,
v  non pas de nos propres injures ,
'   car nous ne le ferions jamais , fi elles
>   ne regardoient que nos propres per-
>   fonnes comme particulieres,mais de
1
   I'injuftice par laquelle on s'eftorce
>   d'opprimer fans reftburce une fa-
»
   mille de J. C. ,tout le monde voi'ant
,3
   que celui qu'il a etabli fon miniftre
»
  pour en avoir foin , ne s'eft applique
»>   depuis qu'il eft en cette charge , qu'a
u
   chercher tous les jours des moi'ens
B ij
-ocr page 30-
i8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
» nouveaux, non-feulement de l'acca-'
» bier d'affliction , mais mcme de la
•i detruire tout-a - fait. A 1'erTet de
» quoi U nous a reduites par une ri-
>• gueur fans exemple r en un etat ov\
» il voudroit que , bien loin de pa-
« roitrc religieufes, nous ne parufllons
» point chretiennes : car quoiqu'ii
»> n'ait pu trouver aucun pretexte de
« fonder une excommunication legi-
w time , iUne laiiTe pas de nous traiter
» commes'iljnous avoitexcommuniees
« en effet , nous tenant feparees des
*» faintsSacremens, a la vie 8c a la more
« depuis quinze mois, privees de tou-
m te affiftance fpirituelle , qu'on ne re-
»>. fuferoit pas a des criminels condam-
» Ties au dernier fupplice, interdites
» de celcbrer l'office diyin , & par
w, confequent reduites par notre cl6-
w ture a. ne pouvoir affifter au fervice
v de l'eglife , non pas meme aux
» plus grandes fetes , privees de voix
« aikives & paflives , declarees inca-
« pables de former aucun corps de
u communaute a. 1'erTet de recevoir des
« filles pour etre religieufes , ni pren-
« dre les titres d'Abbefle , Prieure 8c
u
autres Officieres ; reduites a une de^
w jrlorable captivite ; npus faifant gar~
* der par des foldats dans notre cjo^
-ocr page 31-
---,--------__------——-----—_----,----——                                -
. II. Parfit. Llv. P'. 19
»» ture meme , ce qui eft un fcandale 1665."
» public & un violement inoui des
" canons de l'Eglife , qui a regie avec
» tant de foin ce qui regarde la clo-
» ture des religieufes ; & pour etablif
*> tanr de violences , qui n'ont aucun
» fondement dans le droit, il s'efforce
» par de nouvelles voies de fait , de
v rendre ces vexations eternelles , en
» commettant l'autorite 8c l'adminif-'
»> tration du temporel & du fpirituel
» de nos monafteres a une pretendue
" AbbefTe elue contre toutes les for-
« mes : de routes lefquelles fentences,
» inhibitions, defenJj^Sc ordonnan-
» ces , tant verbales cp|; parecrit, Sc
» de toutes les autres chofes que mon-
» dit Seigneur Archeveque a fakes &C
■» entreprifes contre nous pendant dix-
» huit mois , &c qu'il fera &c entre-
» prendra a l'avenir , nous n'avons
» point defifte de protefter & d'ap-
n peller, comme nous faifons encore
» par le prefent adte , en adherant £
« nofdites proteftations & appella-
>   tions, lequel dit acts nous avons
' ere contraintes de faire & drefler
, entre nous fous nos feings prives ,
>   n'ai'ant pu le parTer par devant No-
» taires , les gardes qui tiennent nos
» portes nous aiant declare politive-
-ocr page 32-
^0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.."
» ment qu'ils ont ordre de ne lamer
» approcher aucune perfonne de juf-
» tice , & nous aiant pour cette raifon
»> refufe de nous faire parler a des Or-
» ficiers de notre propre juftice de
« Germainville , un jour qu'ils te-
«• noienr leurs ailifes, felon la coutu-
» me , a la porte de notre abbai'e. Fak
» & delibere, & figne de nos feings ,
» en plein chapitre afl'emble capitu-
*» lairement au Ion de la cloche , le i S
» de decembre 1665.
I.  Sceur Madeleine de fainteAgnes,
Abbeflelji
a. Sceur CatrpRne Agnes de faint Paul.
3 Sceur Madeleine , Prieure deP.R.
des champs.
4.  SoeurMarie de i'Incarnation,Prieura
de Paris.
5.  Sceur Catherine de faint Paul.
6.  Sceur Anne de faint Auguftin.
7.  Sceur Antoinette de faint Auguftin.
8.  Sceur Marguerite de la Paffion.
9.  Sceur Marguerite Angelique du
faint Efpnt.
10.  Sceur Genevieve de l'lncarnation.
II.   Sceur Agnes de la Mere de Dieu.
ii. Sceur Madeleine des Anges.
13. Sceur Madeleine de famce Can-
dide.
-ocr page 33-
.......                                                       ■........ —.......
II. Part ie. Liv. V. $i
14.  S. Francoife de fainte Agathe.         1665.
15.  S. Angelique de faint Jean.
16.  S.Marie de fainte Agnes.
17.   S. Elifabeth Madeleine de faint
Luc.
13. S. Marie de fainte Euphrafie.
19- S. Angelique de faint Alexis.
20. S. Louife de fainte Julienne.
x 1. S. MarieCharles de fainte Claire-;
22.  S. Agnes de fainte Thecle.
23.   S. Aniie de fainte Gertrude.
24.   S. Francoife de fainte Ludgarde.
25.  S. Charlotte de faint Bernard.
26.  S. Genevieve de fainte Therefe.
27.  S. Marie Gabriellede fainte Ca-
therine.
'28. S. Anne de fainte Chriftine.
29. S. Genevieve de fainte Thecle.
3 o. S. Elifabeth de fainte Tnne.
3 1. S. Anne de fainte Eugenie.
3 2. S. Marie Angelique de fainteThe-
refe.
3 3. S. Jeanne de fainte Colombe.
34.  S. Elifabeth de fainte Agnes.
35.  S. Marie de fainte Therefe*
36.  S. Denife de fainte Anne.
37.  S. Francoife Louife de fainte
Claire.
38.   S. Madeleine de fainte Agathe.
3 9. S. Jeanne de fainte Domitille.
40. S. Genevieve de fainte Madeleine-.
B iv
-ocr page 34-
JZ HlSTOmE DE PoRT-ROlAt^
41. S. Sufanne de fainte Julienne.
41. S. Liee Madeleine de faince Elifa-;
beth.
43.  S. Annede fainteCecile.
44.   S. Marguerite de faint Irene.
45.  S. Catherine de fainte Suzanne.
46.  S. Anne Marie de fainte Eufto-
quie.
47.  S. Marguerite Agnes de fainte
Julie.
48.  S. Marie de fainte Benedi&e.
49.  S. Fran(joife de fainte Therefe.
50.  S. Jeanne Radegonde de fainte
Fare.
51.  S. Louife de fainte Eugenie.
52.  S. Fran^oife Madeleine de fainte
Julie.
53.  S. Jeanne de fainte Aldegonde.
54.  S. Marguerite de fainte Theele.
55.  S. M arie de fainte Agathe.
5 6. S. Jeanne de fainte Apolline.
57. S. Catherine de fainteAldegonde.
5 8. S. Catherine de fainte Chriftine.
59. S. Frantpifede fainte Beatrice.
' Go. S. Antoinette Catherine de faint
Jofeph.
G\. S. Genevieve de fainte Dorothee.
62.  S. Catherine de fainte Eulalie.
63.   S. Marguerite de fainte Gertrude,
64.  S. Louife de fainte Fare. >
<f 5. S. Marguerite de fainte Luce.
-ocr page 35-
II. Pa rti e. Liv. K $$
66.  S. Anne de fainte Agathe.                i66<
67.   S. Anne Julie de fainte Syncle-
tique.
Cet adte etoit accompagne de la
lettre fuivante :
" Monfeigneur , etant perfuadees
w par d'allez fenfibles & d'aflez con- L«tr'e des
» tinuelles experiences, que vous etes reliBie»res. »
» devenu inexorable a nos prieres, & en lui «i-
53 que vous ne daignez point vous y°^ 'aac
« laifler toucher a. nos fouffrances,
» il nous refteroit, Monfeigneur , a
» demeurer dans Ie filence , comme
« nous avons fait jufqu'ici, fi deux
» raifons , l'une de charite, l'autrede
» juftice, ne nous contraignoient de
» le rompre , & ne nous faifoienr ef-
» perer que vous pardonnerez a des
» perfonnes, abandonnees de tout le
■» monde , qu'elles n'abandonnent pas
» elles-memes les interets des ames,
«• 2>c tous ceux de leur maifon. Pour
» le premier point , Monfeigneur 9
»
nous n'avons a demander pour celles
» d'entre nous a qui vous n'avez pas
» ore la participation des facremensr
>• qu'une grace que le faint Concile
» de Trente accorde a toutes les reli-
» gieufes, ou plutot un droit qu'it
;> leur donne , qui eft de pouvoir
B v
-ocr page 36-
3 4 HlSfOIRE DE PoRT-ROlAl.
» choifir tous les trois mois un con-
» feffeur extraordinaire. II y a pres
» de fix mois que nos fours conver-
» fes ne fe confeflent point du tout,
» n'aiant pu obtenir depuis tout ce
» terns , par les prieres reiterees que
»» nous nous fommes donne l'hon-
» neur de vous faire prefenter fou-
» vent pour ce fujet , qu'il vous plut
»> de leur donner un confefleur en
■» qui elles puftent prendre confian-
» ce , & qui ne fut pas une peon-
s' ne declaree contre nous , comme'
» celui qui eft ici , & qui eft tout-
» a-fait fans experience , n'aiant ja-
« mais confefle , puifqu'il n'avoit
» pas dit fa premiere meile lorfqu'on
»» l'a etabli de votre part dans cette-
" maifon,aufli-tot que nous y fommes
?» arrivees, fans parler de la maniere
" dont il s'y eft conduit. Il y a fujec
» de s'etonner , Monfeigneur , qu'e-
m tant pafteur vous abandonniez foi-
» xante & douze brebis dans le defert
3> fans aucune nourriture ni afliftance
» fpirituelle , & de plus au milieu des
m loups , puifque les foldats que nous
* voions fans cefle dans notre cloture
» avec votre approbation , & qui cou-
w chent dans nos jardins , peuvent
» pcuTer pour des ennerni? avifii redou^
-ocr page 37-
"""
w
II. Parti e. Z,/v. V. 35
« tables a la modeftie des filles con- 1(j(jr
" facrees. Neanmoins on fait le fujet
» de votre conduite , & ileftvifible
" que ce n'eft qu'un effet de votre
» indignation •, mais on ne fauroit
» aquoi attribuet, Monfeigneur, que
>» vous traitailiez de la meme-forte
*» quelques vingt-cinq perfonnes qui
»» font avec nous dans ce monaftere ,
w 8c qui n'ont nulle part, par le bon-
» heur de leur condition , a 1'afFaire
» qui a attire tous ces triftes effets fur
w cette communaute afligee. Elles
» vous fupplient done tres humble-
» ment , Monfeigneur , & nous vous
» le demandons avec un profond ref-
» pec~t, qu'il vous plaife de leur ac-
» corder cette grace ; mais pour nous ,
» qui n'en oferions plus efpe&er au~
>j cune de votre bonte, nous fouhai-
» tons feulement que vous vous laif-
» fiez perfuader , Monfeigneur , que
•» e'eft avec la plus lenfible douleur
» du monde , que nous fommes con-
» traintes de recourir a la juftice , qui
» eft toujours l'afyle des perfonnes foi-
)» bles & innocentes , quand elles ne
,y trouvent plus de protection.Le Dieu
ts du ciel qui prende , & qui juge art
« milieu des Dieux de la terre, la ren-
1* dra cettainement a. tout le monde *
B v)
-ocr page 38-
J 6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
166$. " mais lui feul fait le tems & choiiiC
» les inftrumens dont il lui plait de
« fe fervit , pour fecourir ceux qui
» lui adreflent leurs plaintes. Notre
» plus grande joie feroit qu'il n'ert
jj choisit jamais dautre que vous-me-
jj me pour nous tirer de l'extreme af-
" flidtion ou nous fommes tombees
» par votre difgrace, afin que comme
» vous tenez fa place par votre auto-
m rite, vous nous le reprefentafliez
« aufli par votre bonte , enforte que
» nous euffions fujet de dire de vous s
» Monfeigneur,comme il eft dit de lui-
m meme , que vous conduifez les ames
» jufqu'aux enfers , & que vous les
» en ramenez. Ce qui vous feroit
» aufli facile en cette occafion , Mon-
w feigneur , qu'il nous feroit doux
»» de nous pouvoir dire avec plus de
» verite & de refped, &c.
La charite des religieufes de P. R.
les porta aufli a ecrire a l'ufurpatrice ,
pour tacher de la faire rentrer en elle-
meme , 8c elles lui ecrivirent en ces
termes le 2 2 decembre :
tcvi.
          » Ma trcs chere foeur, pour bien-
iftice des „ jueer de nos fentimens , n'en jueez:
religieufes de ' °j ,,.                  . A                           J S
PortRoiaidcs " pas> sil vous plait, par les votres ,
champs a la „ & ne croi'ez pas que route votre con-
fceur Doro V               • ' i ,                     ,
*hec.            wdune , qui parou navoir pour but
-ocr page 39-
II. Part ie. Llv. V. 57
» que de nous opprimer entierement "~^
» pour vous elever fur nos ruines ,
" nous ait arrache du coeur la tendrefle
» qui nous fait deplorer votre malheue
>•> &c pleurer votre chute. Ce n'eft nul-
» lement l'efprit de vengeance qui
» nous porte a faire oppoiition a vos
» injuries entreprifes, c'eft la feule ne-
» ceffite de conferver les droits facres
» d'un corps qui appartient a J. C.,&
» dontvous divifez les membres en
» ufurpant une autoritequi nepeut vous
» appartenir que comme un larcin ,
» puifque votre election illegitime vio-
» le les faints canons & vous fait en-
» courir toutes les cenfures qu'ils one
m prononcees contre ceux &c celles qui
» s'elevent aux charges fpirituelles pat
» intrufion. Nous favons bien, m*
» tres chere foeur, que vous vous ap-
»> puiez fur les confeils , ou meme les
» commandemens de ceux qui vous
» y ont portee , & que nos foetus qui
" vous fuivent agifTent par ce meme
»> principe de foumiilion qu'on leur a
« perfuade qui mettoit a convert de
n tout. Mais n'avons-nous point ett
» grande raifon de temoigner des le
» commencement de cette affaire que
» nous ne trouvions pas de furete de
» confeience a figner & a jurer im faic
-ocr page 40-
38 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.'
» douteux contre nos fentimens, pa?
» une foumiifion aveugle au comman-
» dement qu'on nous en faifoit; puif-
» que fi Ton avoir une fois admis
» cette neceffite d'agir contre fa lu-
7, miere par obeifTance , il n'y auroit
» point de peche fi vifible qu'on ne
» fe trouvat engage de commettre
»» dans des occafions, fuivant ce prin-
» cipe. Qui auroit pu croire alors *
» ma tres chere fceur, que nous ere
n duffions voir fitot dans notre propre
" maifon des exemples ii funeftes I
»
Et qui fe feroit imagine jamais que
» des perfonnes , qui avoient vecu
» jufques-la dans une fi douce union ,.
« dans un fi. grand defmtereffement ,
» & dans un tel eloignement de l'am-
» bition des charges , qui font les trois
» points elfentiels ou la bonne con-
» duite que nous avons eue, nous avoit
» le plus etablies •, que ces perfonnes,
»> dis-je , auffitot qu'elles ont eu con-
jr fenti a facrifier par leur fignature a
» cette obeifTance aveugle , foient en
» un moment devenues capables de fe
» divifer de leurs meres & de leurs Sts,
» & de les trailer avec mepris , avec
» durete 8c avec inhumanite, & de les
» chaffer par routes fortes d'efForts 8c
» d'induftrie de leur maifon , de les
-ocr page 41-
II. Partie. Liv. K 59
» IaifTer fouffrir & manquer de tout,"
» fans s'en mettre en peine , de les
« faire tenir dans une captivite fcan-
" daleufe , fouffrant fans s'en plaindte
- ( c'eft le moins que nous puiffions
» dire ) que des foldats foient les
" maitres de leur cloture, qu'elles s'at-
»> tribuent la propriete& l'adminiftra-
» tion de tout le bien •, & pour com-
» ble cTaveuglement qu'elles ne crai-
» gnent plus de faire un fchifme ma-
" nifefte , les unes en entreprenane
« d'clire une Abbefle , & l'autre ac-
« ceptant cette qualite , qui lui de-
» vroit ctre redoutable , quand Dieu*
» meme la lui auroit impofee. C'eft
» ce que perfonne n'auroit pu croire,
« &c que nous voi'ons neanmoins avec
*> une veritable frai'eur, mais avec une
" fecrette confolation , parceque s'ii*
» paroit d'un cote un effroi'able juge-
» ment de Dieu , il paroit de l'autre'
m une conduite particuliere de fa mi-
»» fericorde fur nous , qui a voulir
» nous faire eonnoitre encore davan-
» tage par cette fenfible & affligeantc
»experience les mauvais effets que
» nous avions prevus qui pouvoient
>y fuivre de l'infidelite qu'on commet
» envers Dieu , lorfqu'on agir contre
>* les moiiYemens de fa confcience «
-ocr page 42-
4« HlSTOIRE HE PoRT-RO^At.
» fous pretexte d'obeir , parcequ'eff
» voulant s'aveugler par cetce maxime
» que les fupeneurs respondent de
»tout , on devient effe&ivement
» fi aveugle qu'on ne difcerne plus
» rien du tout, comme il faut bien
» qu'il vous foit arrive , ma ttes chere
» foeur, pour avoir ofe prendre la place
» que vous voulez tenir , & qui eft fi
» perilleufe a des perfonnes meme
» plus fortes que vous n'etes Mais
« plut a Dieu , que vous etant elevee
>* fi haut, vous regardailiez en tfcs le
» precipice qui eft fous vos pies. Vous
m trembleriez en le voi'ant , & cette
« crainte falutaire , qui vous feroit
» defcendre d'une place fi dangereufe,
» vous feroit auffi rapprocher de Dieu
» & de celles a qui vous devez etre unie
« par fa charite. Nos appels & nos
» oppofitions ne feroient plus alors un
» obftacle a notre reunion , puifque
» nous ne nousoppofons qu'aux injuf-
» tices , & qu'il n'y en a plus oil regne
» la charite. Le mal eft alle bien loin
» pour operer fitot cette guerifon par-
» faite •, mais rien n'eft impoffible a
j- Dieu, & nous ne nous laiTerons point
» jufqu'a la mort de lui expofer les
»> bleflures que nous fouffrons de cette
wdivfion , puifqu'il eft defcendu du.
-ocr page 43-
II. Part ie. Liv. V. 41
"» ciel pour raffembler fcui troupeau , i<j<jc,
" pour ramener ce qui etoit egare ,
" pour forrifier ce qui etoit aflbibli,
» pour bander ce qui etoit rompu , 8c
» en un mot, pour reparer routes nos
>» pertes , parcequ'il prend interet a
» notre falut. AlTurez-voUs, ma fceur,
» que c'efl; notre difpofition pour vous
» & pour routes nos fceurs qui font
« feparees de nous : nous n'en avons
» que de la douleur & non du reffen-
» timent contre elles, & elles doivent
» s'affiirer que 11 la violence a pu nous
» chaffer de la maifon ou vous etes ,
» il n'y en aura jamais, avec Taide de
» Dieu , qui ait le pouvoir de vous
» chaffer de la place que vous tenez
» dans notre cceur ; & que fi nous
« cerfons de vous le temoigner inuti-
w lemenr par nos paroles , nos prie-
»» res & nos larmes feront toujours
w de fideles temoins devant Dieu de
» la tendreffe de notre charite \ en-
» vers vous, & que nonobftant que
» vous foiez fort changee , nous fom-
» mes toujours les memes a votre
1 '                                                                     XVII.
" egard. -                                   _          VloUs vet.
M. du Saugey ne voulut jamais fe W des tell.
charger de remettre a la fceur Doro-^"™^
rhee, cette lettre, a laquelle etoit joint »'eft pajft :
I'a&e d'oppofition a. fon intruiion. ^on & uj
-ocr page 44-
41 HiSTOIRE DE PoRT-RdlAl.'
Ce refus, & plufieurs autres griefs ?
portexent les religieufes a en dretfer
un proces verbal , qui contient des
farts & des circonftances particuheres.
Elles declarent , que n'aiant pu (avoir
dans l'extreme captivire ou elles font
reduites, fi la perfonne chargee d'agir
en leur nom s'en efl: acquittee , & que
dans la crainte qu'on n'ait reduit tons
ceux qui voudroient les ailifter , dans
l'impuiifance de le faire , elles on*
cru devoir faire elles- memes un ef-
fort pour faire fignifier leurs appella-
tions Sc proteftations contre la nouvelle
entreprife de leurs foeurs- de Paris ,
qui ont elu Abbelfe la fceur Doro-
thee avec l'approbation de M. l'Ar-
cheveque , qui a prefide a cette elec-
tion irreguliere , & a confirme l'ufur-
patrice dans cette charge •, laquelle en
confequence a re<ju plufieurs filles dans
la maifon pour les admettre a l'epreuve
de la religion , & enfuite a. la profef-
fion •, & pretend en outre fe rendre
maitrelTe de tout le bien de l'Abbai'e- >
& avec le eonfentement de M. de Pa-
ris faire un partage tel qu'il lui plaira,
fe confervant le domaine de tout, en
affignant aux religieufes de P. R. des
champs une fomme pour leur nourri-
ture & encretien. Sur quoi les relir
-ocr page 45-
II. Part 11!. Liv. V. 43
gieufes confiderant que routes ces en-
treprifes font un violement manifefte
des regies de l'Eglife , qu'elles tendent
au renverfemenr de leurs maifons, de
leurs regies & de leurs conftitutions,
a la perte totale & irreparable des biens
fpirituels & temporels de leurs mo-
nafteres, elles oik fait ce qui etoit en
leur pouvoir pour s'oppofer a i'injuf-
tice ; que fi leurs efforts font inutiles,
tous les tribunaux leur etant fermes ,
elles auroient au moins la confolation
de n'avoir rien omis pour decharger
leur confcience; que c'eft dans cette
vue qu'elles ont fait un acte d'oppo-
firion a l'eledion de la foeur Doro-
thee ; que c'eft par le meme motif
qu'elles ont dreffe un proces verbal
portant ce qui s'etoif' pafle , tant avec
le garde qui avoir remis leur acte &
leur letrre a M. 1'Archeveque , qu'avec
le fieur du Saugey qu'elles avoienr prie
de remerrre un pared acte a la foeui:
Dorothee avec une lertre , dans laquelle
elles lui remontroient charitablement
l'injuftice de fon entreprife ; le tout
fervanta faire voir la grandeur de l'op-
preilion ou on les reduifoit, & le deni
de juftice qu'on leur faifoir de toutes
parts. Apres cela on rapporte dans le
proces verbal de quelle maniere M%
-ocr page 46-
44 HlSTOIRB t>E PORT-ROlAt.
d'Arfac fe chargea du pacquet pout
M. de Paris , & la reponfe que lui fit
ee Prelat, qui l'aiant vu le lendemain ,
cornme il alloit pour la reeevoir, lui
dit: » Vous m'avez apporte une lettre
» des relieieufes de P. R. : je leur ai
» mande il y a plus de quatre mots
» par M. le Mafdre , que je n'en vou-
» lois reeevoir aucune d'elles. Dires-
» leur qu'elles ne m'ecrivent jamais r
»
que je ne veux avoir aucune com-
» munication ni commerce avec elles ,
» rant qu'elles feront dans l'efprit de
»> defoDeiiTance ; que je ne veux plus
» entendre parler d'elles «. La mere
Prieure repondit au garde qui lui fie
part de cette reponfe , que M. l'Ar-
cheveque oublioit done qu'il etoit leur
pere. A quoi le garde repliqua : Enfin ,
Madame , M. de Paris ne veut plus en-
tendre parkr de vous , ilm'a charge de
vous le dire.
La mere Prieure aiant
prie le garde de mettre par ecrit cette
reponfe de M. de Paris, il lui dit qu'il
n'avoit charge que de la dire, &c lui
demanda pourquoi elle vouloit qu'il
l'ecrivit; a quoi elle repondit , que
cette reponfe etoit fi importante qu'elle
avoit peur de ne la pas bien retenir ;
mais il refufa de le faire , & dit de
la part de M. de Paris ,"que fi elles
-ocr page 47-
II. T A R.TI E. LlV. V.        45
avoient befoin de confeffeurs, de me-
decins & de chirurgiens , il ne leur en
refufoit point, pourvu qu'ils ne fuflent
point janfeniftes ; & qu'elles s'adref-
faflent aux gardes pour ies demander.
Apres ce dialogue , auquel l'Exempt
avoir affifte , fans que la mere Prieure
le fut, elle fe retira ; & le garde qui
venok de lui parler , l'aianr fait rap-
peller auffirot, il lui dit avec empref-
lement, qu'il ne favoit pas ce que M,
de Paris avoir fait du paquet, s'il l'a-
voit brule , ou s'il l'avoit garde. La
religieufe repondit : qu'elle ne pou^-
voic croire que M. de Paris 1'eu.t
bride , parcequ'outre la lettre , il y
avoir un a<5te qu'il etoit important
qu'il gardat. A ces mots , l'Exempt
fortit de fon embufcade , & prenant
le haut ton , il dit que le paquet etoit
dans le feu , 8c qu'il n'en leroit jamais
parle. La mere Prieure lui ai'ant de^
mande lj c'etoit lui ou M. rArcheve-
que qui l'avoit bride : Je vous dis , re-
pliqua-r'il, que voire paquet ejl dans le
feu.
Puis il fit de grands reproches ,
fur ce qu'il pretendit qu'on avoit vou-
Ju par-la furprendre les gardes du Roi,
qu'il dit n'erre dans la maifon qus
pour empecher routes fortes de com-
piuni cation; que M. de Paris ne vou-
-ocr page 48-
4^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
loit plus recevoir de leurs lettres.
Sur quoi une fceur lui die : qu'elles
avoienc au moins cet avantage qu'ils
etoient deux temoins qui avoienc vu
cet a&e ; ce qui le f acha beaucoup; 8c
il ajouta qu'on le vouloit toujours
meler dans ces affaires , qu'il n'etoit
que pour faire executer les ordres du
Roi, & empecher la communication >
qu'il y tiendroic la main plus qu'il
n'avoit encore fait , & ne laifferoit
pafler quoi que ce fut, pas meme un
petit billet. Depuis ce jour il empe-
cha tous les domeftiques d'approcher
du tour , & s'y tint lui-meme la plus
grande partie du tems.
Le proces verbal rapporte enfuite ce
qui fe pafla avec le fieur du Saugey ;
qui refufa de fe charger de remettre
la lettre que les religieufes avoient
ecrite a la fceurDorothee , avec une
copie de l'oppofition a fon election ;
il ne voulut meme ni lire , ni enten-
dre la lecture de cet acte, quelqu'inftan-
cs qu'on lui en fit. Au contraire , il te-
moigna approuver la conduitede M.
1'Archeveque & celle de l'intrufe •
qu'il qualifia d'AbbeiTe , & blama celle
des religieufes de P. R. des champs,
traitant leurs demarches & leurs pro-
cedures d'inutiles. Il les alTura quel-
-ocr page 49-
I----------------------------------            --------------'-----...... ,■■—*«» *w
H. Partie. Llv. V. 47
les n'avoient que faire cle rien-atten- TT77
dre de mieux de M. l'Archeveque dont
il connoilToit les fentimens , & leur
die que pour des conteiTeurs il ne leur
en reruferoitpas-,qu'elles n'avoient qu'a
choifir des Recollets , des Capucirs ,
des Pretres de faint Sulpice , de faint
Lazare , de faint Nicolas > ( fi les
I3ouics avoient ete au monde , il n'au-
roit pas manque de les ajouter a cette
belle lifte , dans laquelle ils figure-
roient a merveille,) & joignant enco-
re la raillerie a l'injuftice , illeurde-
manda n elles ne voudroient pas de
Jefuites , ajoutant que le Pere Annat.
ne refuferoit pas fes fervices. En of-
frant de tels confelfeurs a des religieu-
fes de P. R. pour leurs fceurs conver-
fes » a. qui les Sacremens n'etoient pas
ioterdits, e'etoit donner une permif-
fion qui equiyaioit a un refus. On ne
vpuloit point refufer abfolument des
confefleurs a ces fceurs converfes; l'in-
juftice auroit ete trop criante & trop
groffiere , & auroit pu attirer des re-
f)roches-, mais on leur en donnoit qu'el-
es ne pouvoient accepter fans Heifer
routes les regies de la prudence chre-
tienne , & expofer dangereufement
leurs ames. Telle etoit la polirique
4e Pjiaraon pour faire perir les Ifraeli-
-ocr page 50-
----------------,-----------------,—_-------------------------__
48 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAI.
~ 166?." tcs:Penite,Japienteropprimamuscum{6)y
opprimons-les avec prudence. Quelle
prudence , qui ne tend a fes fins que
par les voies les plus odieufes , &c les
injuftices les plus criantes 1 Voila ce
que c'eft que la politique humaine
que l'interet retnue, & que la reli-
gion ne regie pas. Oubli de toute
equite naturelle , artifice honteux ,
violence ouverte , cruaute inhumaine,
tout lui convient. C'eft par un effet
de cette meme politique qu'on tenoit
ces pauvres filles dans une fi grande
captivite ; afin de cacher aux yeux des
hommes l'injuftice du traitement qu'on
ieur faifoit , & d'etoufter tellement
leurs juftes plaintes que rien ne tranf-
pirat de ce qu'elles fouffroient. C'eft
dans cette vue que celui qui auroit du
ctre leur pere & leur prote&eur, les
avoit lui-meme fait conduire dans un
defert, pour les laifler mourir dans
la folitude , fans que perfonne fut te-
moin de la rigueur qu'il exer^oit fur
elles. C'eft pour cela qu'on leur avoit
donne , comme a des criminelles, des
gardes , qui ne permettoient a per-
fonne d'approcher de leur prifon, afin
tie leur oter tout moi'en de fe procu-
(6) Bxod. j. #. is.
rec
-ocr page 51-
II. Parti e. Liv. V. 4^
rer l'afliftance des perfonnes fenfibles i66$>
aux larmes des innocens , & leur fer-
mer toures les voies que la jufHce of-
fre aux plus criminels. Quelqu'in-
juftes que fuflent de tels precedes ,
quelques pefantes que fuflent les chai-
nes dont on accabloit ces vierges chte-
tiennes , la faintete de la caufe pout
laquelle elles les portoient leur y fai-
foit ttouvet leur joie & leur gloire »
&c les engageoit a en remercier Dieu
plutot que de s'en plaindre. Elles les
auroient meme toujours portees en
{Ilerice , fe contentant de gemir dans-
le fecret, de l'injuftice des hommes , fi
la neceflite de maintenir leurs droits
& la difcipline d'une communaute qui
appartenoit a Dieu , & qu'on vouloit
ruiner fans reflburce , ne les eut obli-
gees dele tompte& de'prendre tousles
moiens qu'elles pouvoient avoir pour
s'y oppofer en abandonnant le fucces
a Dieu, qui otdonne dans l'Ecriture de
iefendre la juftice jufqu'a. la mort :
:'eft a quoi elles fatisfaifoient en ne
-effant d'appeller & de protefter contre
outes les injuftices & les violences
iont on les accabloit chaque jour,
^ette fimple reflexion eft plus que fuf-
ifante pout juftifiet les teligieufes dp
\. R., fi elles en avoient befoin, fut la
Tome VI.
                       C
#
-ocr page 52-
$Q HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i<j<jCt multitude des actes d'appels & de pro-
teftations qu'elles reiteroient fi ion-
vent.
T<566
Depuis ce tems, jufqu'a la paix ren-
due a l'Eglife par le concours des deux
Puiflances , les religieufes captives eu-
rent de frequentes occafions , par les
injuftices continuelles qu'on leur fai-
foit, de faire de nouvelles oppofitions
& de nouvelles protections. N'ai'anc
pas moins de zele pour la juftice que
pour la verite , elles ne ceflerent de
reclamer contre l'injuftice , 8c de s'y
oppofer , malgre le peu de fucccs
qu'elles avoient lieu d'en efperer , at-
tendu les expreffes inhibitions & de-
fenfes faites par le Roi a tous les
Juges de quelque tribunal que ce
fut, de prendre connoilfarice de leur
caufe. Mais elles favoient que c'eft
a 1'homme a faire fon devoir & X
remplir fes obligations , fans etre ar-
rete par les difficultes du fucces qui
depend de Dieu.
M. de Perefixe avoit charge la fceur
xvm. Dorothee de radminiftration de tous
refixe Uiargc les biens , apres fa pretendue election •,
contre tomes ^ par Une ientence du 8 fevrier 1666
fortes de re- ., .r. ,             i r         • i
gles, la foeur u lui ordonna de rournir cnaque an-
Dorothfe de n£Q ^ port R0i'al des champs vingt
1 admmiilra- ... ,.            .           r           v ' . r 9
tion de tous mule Uvres de pennon , a raiion ste
lei biens.
-ocr page 53-
II. P A r t i e. Liv. V. 51
deux cents livres pour chaque reli-
gieufe , pendant que celles de Paris
avoient chacune douze cens livres.
•» Nous, Hardouin de Perefixe , See.
•» favoir faifons , qu'apres avoir pour-
•> vu a l'etat foirituel du monaftere de
»> P. R. , Ordre de Citeaux , de l'inf-
»» titut du faint Sacrement, de notre
»> diocefe de Paris , nous avons juge
« nece(Taire de regler le temporel
•j d'icelui, & de pourvoir a la fubfif-
•> tance , tant de 1 Abbefle , religieu-
» fes & couvent , qui occupant la
♦j maifon fituee au fauxbourg faint
*> Jacques de cette ville de Paris, qu'i
*> celle des religieufes qui font prelen-
*> tement dans la maifon de P. R. des
champs ; a. 1'efFet de quoi nous nous
:
fommes fait reptefenter l'etat du
revenu temporel de l'Abbai'e de
P. R. , & les pieces juftificatives
>   d'icelui, par lefquelles nous avons
>   reconnu que , deduction faite des
» frais ncceffaires pour la regie defdi-
>   tes Abbai'es , enfuite des rentes 8c
» des penfions viageres dues par icel-
» les,ledit revenu temporel fe monte a"
, lafomme de z88zj liv. , la quelle
» voulons emploier aux befoins de l'u-
i ne 8c l'autre maifon. Nous avons
» confidere que dans celle de la ville ,
Cij
-ocr page 54-
5-1 HrSTOlUE DE PoRT-ROlAl.
>• la communaute eft compofee de 11
» religieufes de chceur,&de3 fceurs
» converfes •, & qu'elle a dcja rec,u ,
» par notre permiflion , plufieurs pof-
» tulantes, & en recevra encore ci-
» apres , lorfque Dieu en enverra ,
» pour etablir en cette maifon une
» communauce capable d'y celebrer
» l'Offlce divin , &c y pratiquer la r,e-
»> gularite. Que de plus cette com-
» munaute demeurera chargee du
v paiement des declines & des taxes
» extraordinaires du Clerge , des frais
» de tous les proces , des aumones 8c.
$
des grofles reparations , tant de la
v maifon de la ville , que de cells
v des champs & des fermes & mai-
« fons qui en dependent ; &c que,
j, pour la maifon des champs, il y a
w a la v^rite , en icelle foixante &c
,,
onze religieufes dechceur, & dix-
,> fept converfes $ mais qu'elles ne fe-
m roient chargees que des menues re>
v parations de ladite maifon & des
w aumones qui s'y font. Sur quoi ,
?j apres avoir murement conndere
» routes chofes , nous avons ordonne
v & ordonnons, que fuivant la regie
„ de faint Benoir , la mere Abbeffe,
?> elue par la communaute refidente
f dans la maifon de Paris, fera chai;-i
---- - -___-•
-ocr page 55-
--------------------__------_------__—,---.--------
II. Partit. Llv. V. f$ _____
» gee de l'adminiftration entiere de itS6'6.
"
tout le revenu temporel de ladite
» Abbai'e , eh laquelle elle pourra erri-
" ploi'er fous fon autorite , les Offi-
* ciers & Officieres qu'elle jugera a
" propos , & qui en rendront compte.
» Que pour la fubfiftance & les be-
» foins des religieufes qui font en la
» maifon des champs, rant qu'elles
>* feronr au nombre qu'elles font pre-
» fentement, il fera pris fur le re-
» venu total la fomme de 20000 li-
» vres par chacun an , pour etre em-
it ploi'ee par l'ordre de ladite Ab-
»• betfe a. la nourriture , entretien &
» tous autres befoins quelconques ,
» rant en fante qu'en maladie defdi-
w tes religieufes •, enfemble anfdites
« menues reparations & aumones ,
» & aux gages & nourritures des Pre-
« tres , des tourrieres , & des autres
>» domeftiques neceflaires au-dehors
» de ladite maifon des champs. La-
» quelle fomme de 20000 livresfera
>» diftribuee de quartier en quartier,
« & par avance , en argent ou en ef-
« peces, qui feront raifonnablement
           .
m & legalement eftimees felon le terns.
», Et lorfque le nombre defdites reli-
« gieufes de la maifon des champs
*> viendra a fe diminuer par mort
-ocr page 56-
54 Histoire de Port-RoYai;
" ou aurrement , il fera defalque de
» ladite fomme de zoooo livres , au
- prorata de 200 livres par chaque
» religieufe. Et pour le furplus du-
3> dit revenu temporel , ordonnons
» qu'il fera emploi'e par la meme
» AbbefTe , ou par fes ordres, a la.
5. fubfiftance de la communaute de
» Paris , tant pour le dedans de la
» cloture , que pour le dehors , au
» paiement des decimes & taxes du
» Clerge , aux frais de proces , d'au-
» manes , aux reparations grofTes &
" menues de la maifon de Paris, 8c
» des autres qui lui appartiennent ,
" & aux grolles reparations de la
» maifon des champs , des fermes
» qui en dependent, & a toutes les
» autres charges de ladite Abbai'e , 4
» condition ncanmoins que s'il arrive
» quelque demandede dettes extraor-
» dinaires , outre & par-deiTus les
» rentes &c penfions viageres qui font
» a prefent dues par ladite Abbai'e ,
» & que lefdites Abbeffe 8c religieu-
» fes fuflent tenues & condamnees
« de les pai'er , en ce cas lefdites reli-
» gieufes de P. R. des champs en
« porteroient leur part 8c portion ,
*> 8c fera icelle deduite fur les
>i 20000 livres; 8c d'autant que I'Ab-?
-ocr page 57-
II. Part ie. Llv. V. 55 ______
»» beffe & la communaute refidente 1666.
» a Paris, feront chargees de tou-
tes les affaires & des proces de
» l'Abbai'e , ordonnons que tous
» les titres , documens & papiers
» d'icelle feront gardes en lieu fur
» dans ladite maifon de Paris ; 8c
» ce faifant, que tous ceux qui fe trou-
» veront dans la maifon des champs ,
» feront incelfament rapportes en celle
» de la ville. Enjoignons a toutes 8c
» chacune defdites religieufes , fous
>> les peines & cenfures de droit ,
» d'obeir a notre prefente ordonnan-
» ce , a quoi faire dies feront con-
» traintes par toutes voies dues 8c
» raifonnables , meme par l'implo-
» ration du bras feculier , fi befoin
m eft. En foi de quoi nous avons
» figne les prefentes. Fait a Paris le
»> 8 fevrier 1666.
Le Roi autorifa cette fentence de Arr?t' ia
M. de Paris par un arret de fon Con- confcii qui
' feil du 1z fevrier, dans lequel on fai- f°„ tence &
foit dire a Sa Majefte , qu'elle vouloh m. de Pete-
par tous les mo'iens legitimes detruire les
pratiques qui fe faifoient dans VAbbaU
de P- R- au grand prejudice de la reli-
gion.
(Celt ainfi que les meilleurs Prin-
ces lont trompes. j Lememe arret evo-
quoit au Confeil d'Etat tous les appels
C iv
-ocr page 58-
5<> HlSTOIRE DE POUT-ROIAI.
~* que pourroient fake les religieufes , 5C
donnoit commiflion a M. Poncet, Maz-
tre des Requetes, de recevoir les pieces
qu'elles vouckoient lui remettre. L'ar-
ret fut figr.ifie le i} du meme mois
aux religieufes de P. R. par un Exempt
& un Huiffier. La mere AbelTe n'aiant
pu defcendre, parce qu'elle etoit in-
commodee, elle chargea une religieu-
fe de dire a rExempt, quelies avoient
beaucoup de refped pour tout ce qui
portoit le nom de SaMajefte. L'Exempt
dit qu'il en rendroit lui-m'*'me compte
au Roi. La religieufe ajouta qu'elles
etoient perfuadees que fi Sa Majefte
etoit informee des chofes, elle n'auroit
jamais permis qu'on emploiat fon au-
torite pour ruiner un monaftere , dans
lequel par la mifericorde de Dieti
on n'avoit trouve aucun defordre. C'eft
pourquoi elles demandoient du terns
& du confeil pour fe plaindre elles-
memes de l'oppreffion ou elles etoient.
Enfuite elle pria l'Exempr. de vouloit
ecrire fur fon exploit la reponfe qu'elle
venoit de faire •, mais il lui repondit
que cela ne fe faifoit point, & l'Huif-
fier ajouta que le Roi lui avoit defendu
de recevoir aucune reponfe d'elles.
n Quoi, Monfieur, reprit la religieufe,
(7) Proces verbal du \e mats.
-ocr page 59-
-p--------------"--------------------------------------------'----------
II. Part ie. Liv. V. 57
w Sa Majefte vous a defendu d'ecrire 1 <S66.
» fur votre exploit la reponfe que nous
» voudrions raire > Cela fe fait en tous
» les a&es de juftice ; je ne vous de-
» mande qu'une chofe jufte , que vous
» ne fauriez refufer. » L'Huiffier a'iant
perfifte dans fon refus, la religieufe le
pria de lui en donner a&e; ce qu'il
promit d'abord ; puis il dit que cela
n'etoit point de fon ordre. » Puifque
»> perfonne ne veut nous ecouter , re-
»> pliqua la religieufe, nous n'avons
»> plus qu'a nous addrelTer a Dieu
» pour lui faire nos plaintes. » L'Huif-
fier aiant apres cela fait fon exploit au
bas de l'extrait de l'arret & de l'ordon-
nance de M. de Paris, il remit 1'un
& l'autre entre les mains de l'Exempt,
qui un peu apres les pafla dans le tour.
Rien n'eft plus etrange que la preten-
due defenfe qn'un Huiffier dit lui
avoir ere faice de recevoir aucune re-
ponfe a un exploit qu'il fignifie. Le
Sieur du Saugey , auteur non fufpect,
dit lui-meme que le Roi n'avoit point
fait une telle defenfe. De qui pouvoit-
elle done venir > finon de la part de
celui qui s'etoit tellement depouille de
la qualite de Pere & de Pafteur a.
I'egard des religieufes de P. R. des
Champs, qu'il ne les traitoit qu'en
Cv
_________________>■■--------..a.*
-ocr page 60-
_-----------------------------------
58 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
\GG6~ e^c^aves, en juge injufte , en les con~
damnant contre routes les regies fans
vouloir ecouter leurs raifons, & ne
youlant pas mime entendre parier a"ti-
les
•, leur interdifant toutes les voies
par lefquelles elles auroient pu avoir
xecours a la juftice ; les empechant de
faire connoitre leur e:at a leurs parens,
a leurs amis &c aux perfonnes de qui
elles pouvoient attendre quelqu'amf-
tance, leur fermant tous les tribunaux
que les loix offrent aux plus ciiminels
pour s'y defendre ■, & enfin ne leur laif-
fanc en apparence la liberte de recou-
rirau Confeil duRoi, que pourajou-
ter l'infulre a l'oppreffion ; puifqu'en
meme terns qu'il leur fait ordonner de
fournir leurs moi'ens dans huit jours
pour tous delais , il leur 6toit toute li-
berte de le fairejes reduifanr dans une
impuiffance entiere & abfolue , puif-
qu'elles etoient fans confeil, & qu'el-
les ne pouvoient avoir aucune commu-
nication avec qui que ce fut, qui put
prendre foin de leurs affaires ; jufques-
la que celui qui leur avoir fignifie l'ar-
ret, avoir refufe de recevoir leur re-
ponfe.
coSe' dss Le lendemain de la fignification de
reliiieuCesen l'arret du Confeil, ( 24 fev.) la mere
fiLn! °"* Abbeffe tint cliapitre,dans lequel on lut
-ocr page 61-
T—■*----------------------------------                                       ~
II. P ARTIE. L'lV. V.         $9
cet arret & l'ordonnance de M. de I(j(j(j.
Paris. Cette lecture ne troubla perfon-
ne (7 ) ; au contraire toutes firent pa-
roitre de la joie , de la grace que Dieu
leur faifoit de les rendre pauvres , &
de les preferer a celles de leurs feurs
qu'il lailfoit dans 1'aveuglement , &
qu'il abandonnoit de telle fortequ'apres
avoir perdu fa crainte en trahiffant la
verite & leur confidence , il fembloit
qu'elles euflent auffi perdu celle des
hommes, & l'humanite meme naturel-
le, n'ai'ant plus d'autre ambition &
defTein que de fe conferver aelles feules
tout le bien temporel de la maifon , Sc
de dominer leurs propres foeurs & leurs
meres qui les avoient recues & elevces-
dans la religion, & qu'e41es traitoient
avec tant de durete. Malgre un traite-
ment fi dur & fi injufte , les religieu-
fes de P.R. n'en appellerent point alors,
elles l'ont feulement rappellc dans leur
proces verbal du 3 o Mars de cette an-
nee , qu'elles dreflerent a l'occafion
d'une nouvelle tourriere , & d'un refus
de Sacremens fait a un pauvre Gentil-
homme qu'on nourriflbit par charite
(7) On voit dans une    tc lesdifpofitionsvraiment
lettre de la mereAngelique    chretieines, dans lefquel-
de faint Jean & M. At-    les e'.les re^urent ce nou-
nauld , la foi vivedesre-    veau coup fans en ewe
ligieules de l'ort Koial ■    troablees,
C vj
-ocr page 62-
£o Hktoire dt- Port- RotAt.
j666. dans la maifon. Ces deux articles me-
l{X_ ritent quelqne detail.
Arriveed'u- Quoique M. de Paris eut deja mis a.
tnoBIi"reU.Velle P- R-
une tourriere a fa devotion, nom>
mee Dame Hotelette, il en arriva le
mardi 9 mars une autre appellee Ma-
demoifelle Veillac , pour prendre la>
place de la premiere. Les rehgieufes de
P. R. desChamps, regardantTarrivee
de cette inconnue comme une entrepri-
fe de la foeur Dorothee, qui vouloit
s'attribuer un droit que 1'arret meme
du Confeil ne lui donnoit pas, en choi-
(ilfant les domeftiques de leur mai-
fon v temoignerent leur furprife a ce
fujet, & dirent a l'Exempt & a M. dis
Saugey , qu'elles n'avoient pas befoire
de tourriere , en aiant deux au dedans
& une au dehors 5 & de plus qu'elles.
ne pouvoient pas fouffrir que la fceur
Dorothee , dont elles ne reconnoif-
foient en rien l'autorite, entreprii. de
leur donner des tourrieres. L'Exempt
& le Sieur du Saugey aiTurerent que la
fceur Dorothee n'y avoit aucune part,
& qu'elle etoit envoi'ee par M. de Pa-
ris \ mais quelle foi pouvoit-on ajouter
a de tels temoins, fpecialement au der-
nier, qui ne voulut jamais roontrec
l'ordrequ'il difoit avoir recuace fujet ,
quelqu'inftance qu'on lui en fit I Et
-ocr page 63-
-------------- .....---- —       —"-.....'....... .....'
II. P A R T I E. L'lV. V.         61
d'ailleurs quand la tomriere euc ere en- ' 1($6<j.
voteepar M. de Paris, les religieufes
declarerent qu'elles ne laiiferoient pas
d'en appeller & de prorefter; & que
tout ce qu'elles pourroient faire, fe-
roit de la tolerer & de fouffrir cette
violence comme tontes les autres. Le
Sieur du Saugey n'aianr pu perfua-
der de recevoir fa nouvelle tourriere ,
revint le lendemain a la charge , mais
les religieufes perfifterent dans leur re-
fus, du'ant qu'elles ne la recevroient
point qu'elles ne viflfent un ordre de M.
l'Archevcque, & meme que dans ce
cas elles en appelleroient & protefte-
roient. Le Sieur du Saugey repondic
que ce Prelat ne vouloit plus entendre
parler d'elles, & ajouta qu'elles avoient
raifon de dire, qu'il n'y avoit pas
lieu de croire que M. de Paris fe ra-
baiffat jufqu'a leur cherclier des fem-
mes. pour les fervir, que cela feroii
indigne de lui,& qu'il avoit bien d'au-
tres chofes a faire. Auquel faut-il croi^
re, cm de M. du Saugey , qui allure
qu'une tourriere eftenvoieeparM.de
Paris , ou de M. da Saugey qui con-
vient que M. de Paris ne fe rabaifTe
pas jufqu'a une pareille chofe qui fe-
roit indigne de lui ? L'Exempt offrit a
la mere Prieure d'envoier un garde i
-ocr page 64-
6l HlSTCURE DE PoRT-R0l'4t»
M. de Paris, pour les aiTurer que la
tourriere venoit de fa part, & appor-
ter un ordre de la recevoir. (II n'y en
avoir done point encore eu de donne).
Cet ordre arriva le jeudi, 11 mars, 8c
confiftoit en une lertre addreflee a l'E-
xempt, dans laquelle M. de Paris lui
marquoit entre autres chofes , qu'il
avoir appris a P. R. de Paris que la
tourriere qui etoita. P. R. des Champs
ne faifoit pas fon devoir. L'Exempt
ne voulut point donner le&ure die
la lettre &c fe conrenra d'en dire ce qu'il
lui plur. Les religieufes ne voulant
point recevoir la rourriere, on conclut
que M. Hilaire iroir a Paris pour repre-
fenter leurs raifonsa M. l'Archeveque;
1'Exempt y confenrit, mais il ne vou-
lut paspermettre qu'on donnac ces rai-
fons par ecrir a M. Hilaire , quoique
ce ne fut que pour foulager fa memoi-
re. Il permir feulement qu'on lui en
fit lecture. Ces raifons coniiftoienr. ia
en ce qu'il y avoir encore plus de dan-
ger dans l'etabliiTement de cette fe-
conde tourriere que dans celui de la
fremiere , parceque e'etoit continuer
oppreffion , & que cela pouvoit plus
etre tire a confequence que la pre-
miere fois : 2". parcequ'il etoit vifible
par la lettce de la fceur Dorothee a
-ocr page 65-
II. Partie. Liv. V. 6j
Dame Hotelette , que c'etoit elle qu1'
la congedioit, & qu'elle s'attribuoi*
un droit qu'elle n'avoit point: 3 ° par-
cequ'elles n'avoient nulle raifon de re-
cevoir une perfonne inconnue, qui ne
leur etoit pas meme addreflee par M.
He Paris , au lieu que la premiere etoit
munie d'un ordre de fa part (8) : 4°
parceque l'injuftice eft encore plus
grande , de les obliger de prendre des
gens de la main de leurs parties■>• de-
puis qu'elles les obligent de les payer ,
apres les avoir depomllees de tout. Ou-
tre ces raifons generates, elles en ajou^
terent de particulieres: 1 parcequ'ai'ant
peu de bien , il ne leur falloit point de
domeftiquesfuperflus. 2.0 Parceque la
perfonne en queftion s'annon^antcom-
me une Demoifelle de condition , les
gages ordinaires d'une tourriere ne lut
convenoient pas. 3* Parcequ'ai'ant fu-
Jet decroire quecette demoifelle etoit
fceur d'une des religieufes de Paris, qui
avoient figne, c'etoit pour elles une
nouvelle raifon de la refufer &c. M.
Hilaire porta dans fa memoire ces rai-
ibns a. M. l'Archeveque , qui 1'alTura
( 8 ) L'ordre dii Pre-    cut fte qucftion de leur
lat pour faire recevoir la    faire lecevoic une nouvet-
preiriere tourriere etoit    le bulle.
aufii folemnel , que s'il (7)Bioc. verb, 30 mars.
-ocr page 66-
<?4 HlSTOIRE DE PoRT-RCHAt.
que c'etoit lui qui avoit envoie ladite
Demoifelle, qu'il prioit qu'on la re^ut
& qu'il- efperoit qu'elle les ferviroit
bien. M. Hilaire lui demanda un or-
dre par ecrit, & ne put l'obtenir. Etant
de retour a P. R> le 13 , il rendu comp-
te de fou voi'age a la mere AbbefTe , qui
l'aiant erttendu, dit qu'il etoit impof-
fible de recevoir cette demoifelle pour
tourriere ; » qu'on ne l'acceptoit point
» en cetce qualite , & que tout ce
» qu'on pouvoit faire etoit de la tole-
" rer comme une geoliere envoi'ee par
*■ M.de Paris, qu'elles en appelloient
» ainfi que du refte, en adherant i
» leurs premiers appels; qu'on ne con-
« fieroit rien a cette tourriere,& qu'on
» ne la laifFeroit point entrer dans le
» monaftere. » L'Exempt pfenant la
parole , dit que le Medecin n'entreroit
oonc point :1a mere AbeflTe repondit
que les religieufes fe paiTeroient plu-
tot de Medecin, & qu'une fceur qui
etoit malade lui avoit temoigne qu'elle
aimoit mieux mourir fans le voir, que
d'etre une occafion de faire quelque
ehofe contre les droits de la maifon ;
& que ce ne feroit pas pour elle une
grande peine de mourir fans medecin ,
puifqu'on la laifToit bien mourir fans
Sacremens. La maladie de cette relt-
-ocr page 67-
----,--------------------------------------------------------
II. Parti e. llv. V. £5
gieufea'iant augmente, 8c la commu- 1666:
naute ne croiant pas pouvoir poufler
plus loin fa refiftance fans manquer a
d'autres devoirs de charite, die con-
fentit que cette demoifeile entrat; & a
la priere de M. Hilaire a qui d'autres
occupations ne permettoient pas de
veiller a tout, on lui donna le loin du
linge.
Trois mois apres fon arrivee a P. R.
la demoifeile de Veillac etant obligee
d'aller a Paris pour fes affaires, elle
en demanda la permiffion. En confc-
quence M. de la Brunedere envoia le
16 juillet une nouvelle tourriere, 8c
ccrivit a ce fujet a l'Exempt dans Ies
termes fuivans. » J'ai appris que la;
» tourriere qui eft a, P. R. des Champs,
m s'en veut aller pour quelques affai-
m res particulieres , » ( il ne s'agiflbit
que d'une abfence de fept ou huit
jours,) " ce voi'age me la rend fufpec-
» te , & je ne trouve pas a propos
» qu'elle retourne , parcequ'elle feroir
» trop favante. Je vous en envoie une
» autre qui eft une bonne & honncte
m veuve & definterefTee , qui m'eft
,y adreftee par des perfonnes amies ,
« vous la pouvez recevoir en confian-
3J ce , & vous en recevrez du foulage-
u jixent dans la veille que vous etes
-ocr page 68-
66 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.'
i<5<j6. » oblige de faire pour le fervice da
» Roi. » Rien n'eft plus fingulier &
plus extraordinaire que ce billet ; les
religieufes firent contre cette nouvelle
violence une proteftation dans leur ac-
re du 31 jmller, ou elles font voir 1'in-
juftice du procede de M. de la Brune-
tiere , ainfi que le ridicule & l'inde-
cence de fon billet, qui renferme
autant d'impertinences que de mots.
Y-a-t'il rien de plus ridicule pour un
grand-Vicaire, que d'envoi'er dans une
maifon religieufe une tourriere pour y
faire la fon&ion d'un foldat, meme la.
nuit ? Cette tourriere etoit une fern me
veuve , dont la fille etoit aupres d'une
bonne dame , qui mmoit, dit-elle, la
devotion fous la regie des RR. PP. Je-
fuius.
' xxii. M. Hilaire aiant temoigne a cette
Procura- oCcafion qu'il avoit befoin d'une pro-
tion donnce a                   1 i                             i             r
m. Hilaire .curation de la communaute pour agir
pour agir au en {Qn nQm ponr: zff"mer: \es chofes
nom des reli- ,
         ,...          \ r i                     c            t
gieuies. dans 1 etat ou on les avoir miles par le
partage ; la mere AbbefTe lui repondit
qu'elles avoient tant de preuves de fa
fidelite & de fa bonne eonduite, qu'el-
les la luidonneroient volontiers; mais
?iu'elles ne pouvoient fe refoudre a le
aire s par la crainte qu'elles avoient
que la four Dorothee n'en prit avanta-
-ocr page 69-
II. P A R T I E. Liv. V.       67
ge contre elles, & qu'on ne crut qu'el- l65$
les avoient aquiefce a la fentence de
M. de Paris. Neanmoins apres avoir
examine murement la chofe , elles
crurent devoir pafTer fur ces raifons,
&c lui donnerenr le 19 de mars une pro-
curation en cestermes. » Nous, Abbef-
» fe, Prieure & religieufes de l'Ab-
» bai'e de P. R. du faint Sacrement
» fouffignees, de prefent en notre mo-
» naftere de P. R. des Champs, etant
». aflurees de la fidclite & de la pro-
» bite de M. Hilaire Piet , par les
» grands fervices qu'il a rendus a no-
» tredite abbaie depuis pres de vingt
>' ans , nous I'avons fait & conftitue
» notre procureur pour recevoir en
»> notre nom le revenu qui nous ap-
» parti ent, declarant que fans dero-
» ger a nos droits & pretentions nous
» approuvons pour bonnes & valables
» routes les quittances qu'il en don-
»» nera, comme auffi nous le prions
» de nous faire la charite d'avoir foin
» de l'adminiftration de tout notre
»j bien , de quelque nature qu'il foit,
» etant pleinement perfuadees par ex-
it perience , de fa capacite & bonne
*> conduite, en foi de quoi nous avons
m figne le prefent adte &c. "
Ce qui ie paiTa a la mort d'un pan-
-ocr page 70-
<J8 HlSTOIRF. DE P0RT-R0i*At.
1666. vre gentilhomme norrime Chartriei?,
que la mere Prieure avoit retire depuis
trois ans a P. R. des champs pour le
fake fubiifter, fait encore un article
du proces-verbal (9). Ce gentilhomme
mourut le z8 mars dans des difpoit-
tions , dont M. du Saugey convenoit
lui-meme qu'il etok content. Nean-
moins ce fanatique ne voulut point
qu'on fonnat les cloches, & ne fat au-
cun fervice ni priere publique pour
lui, pretendant que rien n'etoit ex-
cepte dans l'ordre qvfil avoit recti de
M. l'Archevcque de ne point fonner
les cloches & de ne faire aucune cerei-
monie. Cell ainfi, que non content
d'obferver rigoureufement a- 1'egard
des religieufes les ordres cruels de M.
de Paris, il les etendoit fans autorke
jufqu'aux perfonnes du dehors, que le
Prelat n'avoit point comprifes dans la
punition qu'il faifoit fouffrir a cette
communaute, pour une pretendue fau-
te a laquelle ces perfonnes n'avoient
aucune part.
Tant d'injuftices , de durete & de
violences , engagerent les religieufes
a en drefTer , le 30 de mars , un pro-
ces-verbal, & a. en appeler en adherant
de nouveau a tous leurs appels & i,
' if) Journ. p. «8. Piocct v«rb»l du ) i juillet.
-ocr page 71-
.................------
It. P A R t i e Liv. V. 6$
toutes kurs proteftations, tant contre i&6&,
M. l'Archeveque , que contre le fieur
Ghamillard 8c la feeur Dorothee; &
elles conftituerent un procureur pour
pourfuivre leur appel tant au Parle-
ment que partout ou befoin feroit.
Dix jours apres (10) avoir dreiTe cet xxn.
aete , les religieufes penferent a. faire aef^ei'ig'ieu-
des demarches pour demander la com- f« a Pa^uos
munion pafchale , qui leur avoir deja
ere refufee l'arinee precedente. Com-
me M. l'Archeveque leur avoir declare
qu'il ne vouloit plus entendre parler
d'elles , ni rectvoir de leurs lettres,
&
avoit ordonne qu'elles s'adrelFaflent
aux gardes, fi elles avoient befoin de
conrefTeur ou de quelqu'autre chofe
que ce fut, afin qu'ils Ten avertilTent,
la mere AbbefTeparla ai'Exemt le ven-
dredi de la quatrieme femaine de ca-
reme , 9 d'avril, & le pria de faire
favoir aM. I'Archeveque,que leur otant
route forte de liberte de s'adrefTer si
lui, elles fe fervoient de la feule & uni-
que voie qu'il leur avoit laiiTee libre,
pour lui demander la communion paf-
chale( 11). M. de faint Laurent s'excufa
poliment de fe charger de cette com-,
million, difant que cela n'etoit point
(10) 9 Avtil.
- (11) Journ. p. 7.0. Ptoses vetbal du 31 juillefc
-ocr page 72-
70 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAL
de faprofeffion, &qu'il n'etoit a l'ab-
baie que pour faire obferver les ordres
du Roi : il ajoiita qu'elles auroient
mieux fait d'en charger un ecclefiafti-
que, qui etoit retourne a Paris depuis
peu , apres avoir confefle les faeurs
converles (pour la premiere & unique
fois qu'on leur eiit accorde cette grace
depuis un an). La mere Abbefie re-
pondit que cela eut ete erTedtivement
plus a propos, mais que recclefiaftique
qui avoit les mains liees par M. l'Ar-
chevcque, leur avoit temoigne qu'il
n'ofoit rien entreprendre au-dela de
ce qui lui avoit ete enjoint. Le lende-
main l'Exemt & M. Hilaire vinrent
rrouver la mere AbbefiTe , pour parler
de cette affaire : elle leur dit, qu'apres
avoir penfe aux difficultes que M. de
faint Laurent avoit faites d'envo'ier de-
mander la communion pafchale pour
elles, elles y en avoient trouve plu-
fieurs, & qu'elles penfoient qu'il fe-
roit plus a. propos qu'elles ccriviflent
a M. de Paris une lettre fort refpec-
tueufe, dont il ne pourroit avoir lujet
de s'offenfer. L'Exemt repondit qu'il
ne pouvoit laifTer paflfer aucune lettre ;
qu'il avoir des ordres fi expres, que
cela ne lui etoit pas moins defendu
jpour M, l'Archeveque que pour tout
-ocr page 73-
II. Partie. Llv. V. 71
autre. On lui propofa de lui fairevoir 1666.
la lettre; & com me il parut accepter
la proportion , on en drefTa le projet,
que nous inferons ici.
" Monfeigneur , bien que nous
» nayons pas oubne ce que votre proj« de
» Grandeur nous manda.il y a quelque \"\" des, f*"
, .,                 i/r 1 ■ 1           ligieulesaM.
" terns, qu elle nous derendoit de ne de t'arispour
» prendre plus la liberte de lui ecrire demander '*
*                  1 .                     r .                              communioa
« pour quoi que ce ioit, nous ne pafchale.
» croionspas, Monfeigneur, blefTer
» le refpedt que nous portons a 1'au-
» torite que vous avez fur nous, qui
» nous reprefente celle de Dieu, en
« vous attribuant une qualite que fa
» bonte lui donne , qui eft d'etre fa-
» cile a fe laiflfer appaifer, & a rela-
cher merne la rigueur de fes mena-
» ces & de fes arrets, quand la mifere
» de ceux contre lefquels il s'eft irrite
» l'a touchede compaffion (it).Tout
» ce que nous avons, Monfeigneur,
»> eprouve jufqu'ici de votre feverite
» n'a pu etoufter encore de notre coeur
» une fecrete confiance, que fi vous
m ecoutiez d'avantage vos fentimens
naturels, vous agiriez plutot en pere
u qu'en juge envers des perfonnes a
„ qui vous faites la juftice d'etre per-
» made, comme vous nous l'avez de-
(ii) Joutn. p. 11 Ptoces verb, ji juilUt,
-ocr page 74-
71 HlSTOlRE DE PoRT-R01A£.
v clare a nous-memes, que la craint
»  d'ofFenfer Dieu eft le feul motif qu
"  les empeche, dans line feule & mal
  heureufe occafion, de vous temoi
w  gner la parfaite foumiffion qu'elle
»  ieroient pretes a vous temoigne
»  dans toutes les autres, felon tout
»  l'etendue de leurs obligations. 1
»  faut vous avouet, Monfeigneur
»  que nous fommes devenues un pei
»  plus hardies a former ce jugemen
»  favorable de vos intentions, depui
»  que nous avons appris par la lectur
»  du dernier arret du Confeil, qu
»  vous n'aviez pas agi envers nous pa
»  le feul difcernement que votre lu
»  miere & votre autorite vous ont fai
»  faire de ce que nous meritions, mai
»  que vous y aviez ete determine pa
»  les ordres d'une autre puiflance
»  que nous reverons avec un profoni
»>  refpecl: comme etablie de Dieu, mai
»  que nous favons bien qui ne s'ap
  plique pas a porter jugement de
»>   confciences , 8c aimpofer des peine
»  fpirituelles. C'eft la raifon, Mon
»  feigneur, qui nous fait encore ei
m   perer, de pouvoir trouver acces
u  vos pies , fans contrevenir , ni
  -vos defenfes, ni aux intentions d
v   Sa Majefte , puifque ce n'eft qu
pou
-ocr page 75-
II. Par.tie. Liv. V. 7$
». pour vous demander une grace, qui ~l($£g~
» n'elargira point nos liens , & qui
» nous donnera feulement la force de
n les fupporter, fi vous accordez a vos
« lilies, a vos pauvres, a vos prifon-
» nieres, le pain celefte qu'elles vous
» demandenc avec route forre d'humi-
» lire, dans un terns ou l'Eglife ne le
» refufe qu'a ceux qui s'en privenc
» eux-memes par le dereglemenr de
» leur vie. La notre , Monfeigneur ,
» n'eft point fans tache, mais nous
» ofons efperer de la mifericorde de
» Dieu , que l'humiliation & les au-
» tres peines que nous fouffrons en
» l'etat ou vous nous voiez , auront
»' fervi a les effacer devant fes yeux,
» & a adoucir dans votre cceur la pre-
« miere feverire dont il y a 20 mois
» que nous portons les triftes efFets ,
» etant feparees depuis rout ce terns
" de la participation des Sacremens.
" Quelque jufte que put etre la rigueur
» d'un pere, qui chaileroit un enfant
» de fa table , parcequ'il ne lui auroit
» pas obei , elle deviendroit cruelle ,
» s'il le tenoit fi long-tems enferme
« fans manger, qu'il le laiffar perir
" de faim : Sc la conduite fi ordinaire
» des Medecins, qui retranchent uti-
»> lement le pain dans le commence^
Tome VL                       D
-ocr page 76-
74 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» ment des maladies , fait voir audi
» qu'il eft neceflaire de le leur rendre
» quand la longue duree du mal affoi-
» bliroittroplesforces,fi ellesn'etoient
» foutenues par quelque aliment fo
» lide. Ce font, Monfeig. des exem-
m pies proportionnes au jugement le
» plus rigoureux que vous puifliez
» porter de notre difpoution. Car fi
u notre crime etoit fi grand , qu'il ne
» put pas etre expie par l'exil, par la
» prifon, la ditfamation publique , le
» depouillement de nos biens, & tout
» le refte qu'il eft inutile de particu-
« larifer , il ne refteroit plus rien fi-
w non qu'il fut digne de la mort. Mais
w en ce cas, Monfeigneur, il eft cer-
« tain qu'il y autoit de la mifericorde
» a nous y condamner, plutot qu'a
» nous killer palTer notre vie dans
»> cet abandonnement fi epouvantable
» de toute afliftance fpintuelle, qui
r> n'eft propre qu'a expofer d'une ma-
il niere etrange le falut des ames, dont
» l'interet eft bien plus recommanda-
•> ble i un Pafteur de l'eglife que ne
» le doivent etre tous ceux de la vie
» prefente. Cependant, Monfeigneur,
» vous avez bien voulu nous laiflfer
" du pain par votre derniere ordon-
n nance, qui nous 6te tout le refte,
-ocr page 77-
II. Partie. Liv. F. 75
» Pourquoi n'aurions nous pas audi "7^667"
« fujet d'efperer, que vous nous re-
m tablirez a cette grande fete dans la
» pollfeiTion de cet autre pain qui ap-
» partient fingulierement aux pau-
» vres. Nous vous en conjurons ,
» Monfeigneur , au nom de Jefus-
» Chrift, & nous melons nos larmes
« avec nos prieres pour obtenir cette
» grace. Si vous nous la faites , elle
»» en attirera d'autres fur vous meme,
» Monfeigneur , & nous nous tien-
" drons obligees a les demander a
» Dieu fans cefih , afln qu'il vous
» comble d'autant de benedictions
» que vous en fouhaitenr , Monfei-
" gneur , &c.
M. de faint Laurent ai'ant entendu xxiv.
la le&xire de ce projet de lettre , dit L'exempt
j'l ,              • •          1                             >•! neveut point
qu u n y avoit nen de mieux , qu u re charger de
auroit fouhaite qu'il lui fut permis de '»lettre.
l'envoi'er ; mais que cela lui etoit iin-
pollible. On lui reprefenta qu'il en
avoit deja fait tenir quelques-unes; que
M. l'Archeveque , en declarant qu'il
ne vouloit plus entendre parler d'elles,
avoit ordonne au'elles s'adrefTeroient
aux gardes, pouV demander des con-
feffeurs, & quelqi^e chofe que ce fut;
que puifqn'ils le refnfoient, il ne leur
leftoit abfolument aucune reifource.
Dij
-ocr page 78-
7<J HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
"1666. Mais quelqu'inftance qu'on fit a l'E-
xempc, jamais on ne put obtenir de
iui, ni qu'il permit d'ecrire , ni me-
me qu'il envoiat un garde pour parler
feulement a M. de Paris. Jl confentit
a la fin, que M. Hilaire iroita Paris
pour cela , c'ell-a-dire pour parler a
M. l'Archeveque •, on le chargea de
lui demander , outre la communion
pafchale pour ies religieufes , que les
ceremonies de la femame fainte fiuTent
celebrees feion la coutume , fpeciale-
inent celles des Rameaiix , l'adoration
de la Croix & la benediction du cier-
ge pafchal.
M. Hilaire alia done a Paris , 8c
xxv. vit M. l'Archeveque , qui lui dit plu-
offre aux re- neurs rois qu ll voudroic donner la
ligkufcs desmoltie de fori fang & la moitie de
a^Vet'nar- fon eveche , & etre hors de cette affai-
dins pout re. ( H pouvoit s'en tirer a moins de
tontefleurs. r ■ \ i ' r               i              i i '
,. , rrais. ) La repome aux demandes des
Reponfc de ,. . r I .                  v ,
i'Abbdie a religieules rut a-peu-pres la meme
«s offi.es. que ce qu'^ ecrivit a M. de faint
Laurent, & que celui-ci communi-
qua aux fuperieures le jeudi de la fe-
maine de la Paffion , e'ecoit le jour
que M. Hilaire revint de Paris (t j).
» M. l'Archeveque mandoit qu'a'iant
»» appris le defir que les religieufes
(ij) if avril.
-ocr page 79-
If. Partte. Llv. V. 77
«' avoient de lui demander la com- j<j<j<£,'
» munion , il avoit penfe a. leur
>■ envo'ier quelques perfonnes de piece
» & de fcience , qu'il eftimoit ne leur
" devoir pas etre fufpectes ; 8c qu'il
« avoit pour cela deiFein de choinr
" quelques religieux de faint Auguf-
» tin 8c de faint Bernard , qu'il char-
» geroit de leur parler a toutes , 8c
» auxquels il donneroit pouvoir de
" leur accorder les Sacremens , s'ils
» les trouvoient dans une difpoficion
" convenable. Sur quoi il voulut etre
» informe au plutot de leurs fenti-
» mens par l'Exempt.
La mere Abbeffe repondit , que
comme cette affaire regardoit la com-
munaute , elle ne pouvoit rendre re-
ponfe , qu'elle ne fut auparavant le
fentiment des foetus. E!le en fit la
proportion , qui pa rut fort embarraf-
fante a toutes,parcequ'elles avoient ap-
pris par experience, qu'on ne leur pro-
pofoit jamais rien que dans le deffein
de les furprendre, 8c de les faire tom-
ber dans quelque pieg'e. C'eft pour-
quoi elles conclurent , qu'en accep-
tant la proportion de M. l'Archeveque,
elles declareroient leur difpofition a
• egard du forrrralaire. En confequen-
ce , la mere Abbeffe fit fa reponfe a
D iij
-ocr page 80-
78 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
M. de faint Laurent, & le ptia de
dire a M, de Paris , » qu'elles fouhai-
» teroient de tout leur caeur lui p°u-
» voir obeir en routes chofes , &c
» qu'elles feroient toujouts difpofees
3j a lui donner des preuves de leur
» foumiffion par-tout ou leur conf-
>7 cience ne feroit point engagee ;
» mais que n'y ai'ant que la crainte
» de la blefTer & d'offenfer Dieu qui
» les empechat de fe rendre a ce quit
« defiroit d'eiles , le terns n'avoit pu
« apporter de changement a leurs dif-
» positions, & qu'elles n'avoienrpoint
m autre chofe a repondre a ceux qu'il
» pourroitleur envoier; qu'elles elpe-
sj roient de fa bonte, qu'il auroitpitie
» de la tendrefle de leur confcience, &
" qu'il ne laifTeroit pas de leur permet-
« tre de participer auxSacremens,dans
» une rete ou l'Ealife ne refufe cette
» grace a pas on de fes enfans ; qu'el-
« les fe jettoient a fes pies pour le
" fupplier de la leur accorder ». M.
de flint Laurent , voiant bien quelle
etoit la refolution des religieufes a
l'egard de la fignature , entra dans
leurs fentimens pour ce qui etoit des
perfonnes qu'on leur propofoit , &
foutint contre M. Hilaire , qui etoit
d'avis qu'elles acceptalTenc 1'orFre de
-ocr page 81-
II. Par tie. lav. V. 79
M. de Paris, que ce feroit terns per-^
du de laiffer venir ces perfonnes , qui
feroient obliges de s'en retourner
comme ils feroient venus , ce qui fa-
cheroit M. de Paris ; qu'il falloit par-
ler fincerement •, qu'il voi'oit bien
qu'elles ne feroient rien , & qu'on
devoir compter fur ce pie-la. Qu'ainft
l'intention de M. de Paris etant allu-
rement de leur perfuader do faire
quelque chofe de nouveau , puifqu'el-
les n'y vouloient point entendre , il
valloit mieux ne lui point donner fu-
jet de s'y attendre , & d'envo'fer intf-
tilement des confeffeurs. Il pria la
mere Abbefle de faire mettre par ecrit
ce qu'elle defiroit qu'on dit a M. l'Ar-
cheveque de leur part , afin de n'y
rien ajouter ou diminuer , ajoatanc
qu'il en feroit le porteur , & que M.
Hilaire , qui alloit partir avec lui pour
Paris , apporteroitla reponfe. La mere
Abbefle fit drefler fur le champ un
memoire (14) portant: » Que les re-
» ligieufes avoient appris avec beau-
" coup de confolation , qu'il ne leur
» otoit pas tout-a-fait l'efperance d'ob-
» tenir de fa bonte la grace qu'elles lui
» demandoient tres humblement pour
" la communion Pafchale. Qu'elles
('4! Joutn. p. 74. Proces verb, du jr juilleu
D iv
-ocr page 82-
So HlSTOIRE DE PoRT-RClAt.
S.C66. " ^toient pretes , s'il leur ordonnoif 1
"
de dire aux perfonnes qu'il lui plaira
" de leur envoier queiles font leurs dif-
» pofitions ,■ mais qu'elles ne le feront
» jamais avec p!us d'oavermre & de
» fincerite qu 'elles fe font donne l'hon-
» neur de le lui dire & de lui ecrire a
« lui-meme-,que routes leurs difficultes
» n'etant fondees que fur la crainte d'of-
" fenfer Dieu , eiles ne pouvoieru di-
" minuer par le rems ; mais qu'elles
» efperoient que la longueur de leurs
» fouffrances aura fervi a augmenter
» fa charite & fa companion pour les
>» perfonnes du monde , qui avoient
» le plus de paffion de lui pouvoir te-
» moigner dans tout le refte , ou leur
» confeience ne feroit pas engagee ,
" avec quelle profonde veneration elles
» honoroient l'autorite facree que Je-
» fus Chrift lui avoir donnee fur elles,
» & feroient pretes a lui en donner
» toures fortes de marques par une
» parfaire obeifiance (15).
Rcfusdefii- Ce billet fut auditor remis a M. de
*elescerdmo-faint Laurent, a qui la mere AbbeflTe
J«es de la Se-                                     J
waiaefaincc. <M> n parolt pat unc   confefTeuts que M. l'Ar-
Ictcre de la mete A"geli-    clicvcquc avoitpropofe de
quedefaint Jean a M. Ar-    leur envo'ler. C'eft fur
nau!d, que quelques amis   quoi la mere Angelique de
bldmerenr en certe occa-    fainr Jean les jiiflifie pat
lTon le refus que fircnt les   des raifons ties tolides.
icliguufes de rccevoir let
-ocr page 83-
II. Pamie. Liv. V. 81
dit en meme tems , que les femmes
qu'elles avoient au-dedans, deman-
doient afortiravant Paques pour fe con-
feffer a leur Cure ; ce qu'il leur refufa.
On lui propofa de faire venir le Cure ,
& aiant appris que c'etoit celui de
Magny , il le refufa encore , & parcic
pour Paris avec M. Hilaire , qui revint
le famedi 27 , & rapporta que M.
l'Archeveque n'etoit poinr farisfait de
la reponfe des religieufes. Quanr aux
cerenionies de la femaine faince qu'on
lui avoit demandelapermiflionde faire
felon la coutume , il dit que la re-
[>onfe qui avoit ere faire , etoir qu'el-
es ne les feroienr poinr, qu'elles ne
recevroienr poinr de rameaux , & n'a-
doreroienr point la croix.
M.duSaugeyqui, paries mauvais
offices qu'il rendoit conrinuellement
aux religieufes , faifoit donner tous
ces ordres & routes ces defenfes, fur
tres exadt a s'y conformer. Ce pretre
fchifmatique ne manquoir aucune oc-
cafion de chagriner ces fainres fiiles.
A la fete de la purification , il avoit
fait beaucoup de difficultes de be-
nir les cierges , & de les difcribuer a
la grille ; il era fit encore davan-
tage de leur donner les cendres le
premier jour de careme. Enfin le jour
D v
-ocr page 84-
i>2 HrSTOIRE DE PORT-ROlAt.
des Rameaux, il refufa de les benir »
non-feulement pour les religieufes du
chceur, mais meme pour les conver-
fes , parceque , dit-il , comme elles
ne faifoient qu'un meme corps de
communaute, il n'y avoir pas d'ap-
parence qu'on dut faire une eere^
monie paiticuliere pour elles. Ces
faintes nlles n'ai'ant done pu obtenir
d'avoir des rameaux benis de la main
du Pretre , ne laiflerenr cependant pas
d'imirer la piete des peuples qui en
porterent ce jour-la au-devant de Je-
iiis-Chrift, fans autre benediction que
celle que Dieu repand fur touces les
actions qu'on fait pour I'honorer. La
facriiline leur diftribua a toutes les ra-
meaux qui avoient ete prepares , Sc
elles les tinrent en leurs mains pendanc
que le pretre faifoit la benediction de
ceux du dehors , & pendant la Paf-
fion. A la fin de la mefle , l'Abbefle
donna l'eau benite , comme cela fe
faifoit tous les dimanches , depuis
qu'elle ne la recevoit plus a l'Eghfe;
enfuite elles firent une proceffion fo-
lemnelle avec chant dans leurs dor-
toirs.
Le jeudi faint, 22, le fieur du Sau-
gey dit a la facriftine qu'il ne chante-
roic point a l'autel pendant ces faints
-ocr page 85-
II. Par tie. Liv. K Sj
jours, de forre que Ton vit un fpec-
tacle tout nouveau dans l'Eglife de
P. R.; mais qui avoit grand rap-
port au myftere de la Paffion qu'on
celebroit. Au lieu de la majefte des
ceremonies ecclefiaftiques , & du
chant des pretres , du peuple 6c du
choeur des religieufes , cilii avoit ac
coutume d'accompagner le triomphe
de la croix , tout y etoit dans un trifle
filence, & l'Eglife quad deferte , n'y
aiant au-dehors que les gens de la
maiibn qu'on fit meme retirer fort
loin , de peur qu'ils n'approchafTent
de la grille. Deux pretres feuls,donc
l'un portoit le faint Sacrement & l'au-
tre l'encenfoir , tenoient la place de
tous les miniftres de 1'autel qu'on
avoit coutume d'y voir dans de fem-
blables ceremonies. Jefus-Chrift y
parut comme a fa paffion au milieu
des foldats , qui portoient le dais du
faint Sacrement, 8c les religieufes te-
noient la place des faintes femmes de
l'Evangile , qui affifterent a fon cru-
cifiement, & repandoient des larmes,
etant rangees devanr leur grille ou-
verte , les voiles bailies & des cierges
a la main , pour adorer les humilia-
tions du fils de Dieu , en portant
elles-memes fes opprobres. Le fieur
D vi
-ocr page 86-
84 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
1666. ^a Saugev > q1" prenoit plaifir a les en
raflaffier, affe&a en paffant devant la
grille, de tourner l'epaule afin qu'elles
lie vilTenrpas le faint Sacrementqu'il
portoit dans fes mains. Le jour du
vendredi faint, il refufa a ces vierges
chretiennes , ce que l'Eglife offre aux
plus grands pecheurs, pour etre l'ob-
|et deleurconfiance & le, moien de
leur reconciliation , favoir de leur
faire adorer h. croix. De tels exces
etoient pour elles , dans l'ordre de la
providence , des inftru&ions folides
& Dieu, qui permetroit qu'on agit a
leur egard d'une maniere fi contraire
a la charite de l'Eglife , leur appre-
noit par-la ce qu'elles devoient pen-
fer dece qu'on exigeoit d'elles , &
l'efprit donr ecoient animes ceux qui
temoignoienr vouloir leur falut (16).
Apres avoir afllfte a cette trifte cere-
nionie , elles allerent dans leur cha-
pitre faire la leur, & y adorerent la
croix en chantant des hymnes
BiuTdeM. Ce m&me)our» M- delaint Laurent
de Paris aux apporta de Paris un billet de M. l'Ar-
icligieufes. cheveque, porrant ce qui fuit: » Le
» deftein de l'Archeveque de Paris ,
» qui n'a que des tnttallies de charite
m pour les religieufes de Port Roial des
(i«; Jouin. p. 77 & fuiv. Pioccj veib. jj juillet
-ocr page 87-
II. Partib. Llv. K 8j______
»   champs , etoit de leur envo'ier quel- 166&,
»  que ecclefiaftique extraordinaire, de
*r  grande piece & capacite , & qui ne
»  put ranonnablement leur etre fuf-
V  pect , lequel tacha par les conf'e-
"  rences qu il eur avec elles , de les
»  mettre en etat de recevoir les faints
•>  Sacremens de I'Eglife •, mais com-
m  me les billets qu'elles ont mis en-
»  tre les mains de M. de faint Lau-
»  rent portent qu'elles ne penvent pas
»  declarer a perfonne qu'elles foient
"  dans une autre difpontion que celle
»  qu'elles ont ci-devant temoignee■,.
»  attendu qu'elle eft fondee fur la
»  crainte d'offenfer Dieu, l'Arcbeve-
»  que de Paris juge qu'il feroit inu-
»   tde de leur envoier perfonne , par-
»  cequ'il eft perfuade que cette dif-
»»  pohtion ( fondee fur la crainte d'of-
»  renter Dieu) eft tres criminelle >.
»  foit pour la dcfobenTance que ces
  filles lui rendent ( en obeiflant i
.j  Dieu ), foit pour la prefomption
»  qu'elles ont de croire qu'il y a pe-
«  che en une chofe ( qui eft d'afturer
»#  avec ferment tin fait douteux & in-
»  jurieux a un faint Eveque ) en la-
»  quelle des gens d'une grande piete
»  & capacite , & en qui elles doivent
»  plutot prendreVonfiance qu'en ceux
-ocr page 88-
______*6 HlSTOIfcE DE PoRT-ROlAl.
1666. " q^i defendent une dodrine condam-'
» nee par l'Eglife , les afliirent qu'il
» n'y en a point. Du terns de laint
» Leon Pape , les defenfeurs du Pe-
" lagianifme parloient de la meme
» forte & ufoient des memes artifices
» que font aujourd'hui les defenfeurs
« du Janfenifme. Que fait fur cela ce
* grand Pape & grand Saint * Voici
» comme il en ecru dans fon epitre 8 6
» a Nicetas: Damnent aperlisprofijjio-
nibus fuis erroris autores , & quidquid
in doclrina torum univerfalis ecclejia ex-
horruit
, dtujltntur, omniaque decrtta
fynodalia , ■qua ad excijionem hujus
Axrefeos apoftolicz fedis confirmavit
autoritas , amplecti ft & omnibus ap-
probart plenis & apertis ac propria
manu fubflriptis proteftationibus elo-
quantur, nihil in verbis torum obfcu-
rum, nihil inveniatur ambiguum.
« Je
» ne crois pas que les religieufes de
» P. R. puifTent blamer avec fonde-
» ment leur Archeveque d'imiter en
» cette occafion la conduite de faint
» Leon , & de fe fetvir de fes propres
" paroles, les aflurant qu'il eft tou-
» jours pret a leur accorder ce qu'elles
» lui demandant, pourvu que dam-
» ntnt &c, » ( L'application des paro-
-ocr page 89-
II. Partie. Liv. V. t-j
les de faint Leon n'eft pas heureufe
dans la bouche de M. de Perefixe ,
puifque le Pape , que l'Archeveque de
Paris pretend imiter, defendoit la doc-
trinedeS.Auguftin &vouloit qu'on con-
damnat celle des Pelagiens avec leurs
auteurs, au lieu que M. de Perefixe
vouloit qu'on condamnat la do&rine
de faint Auguftin & un auteur qui l'a-
voit defendue. De plus faint Leon ne
vouloit point qu'il y eut rien d'obfcur
&c d'ambigu dans les profeffions de foi j.
Sc M. de Perefixe, Archeveque des re-
Iigieufesde P. R., leur faifoit un crime
de ce qu'elles vouloient parler claire-
ment). M. de Paris ajoute qu'il ne fait
pas difficulte de leur envoier du latin ,
parcequ'il fait qu'il y en a parmi elles
qui favent le latin, & qui pourront l'ex-
pliquer aux autres. » Au refte , il ne
» les peut quitter fans les conjurer de
» tout fon cceur, de bien confulter
u Dieu & leur confcience,( il n'y a pas
» de doute qu'on ne confultat plus a
» P. R. Dieu & la confeience , qu'a
» I'Archeveche ), & de fe tenir dans
» le plus grand efprit d'humilite qu'el-
» les pourront, parceque fans cela il
» n'y a rien a efperer , & fans cela el-
» les ne peuvent etre de bonnes relir-
-ocr page 90-
&8 HfSTOIRE DE PoRT-RClitl.
1(j(j(ji » gieufes ( 17 J. » Ce papier etoit
ecnt de la main de Monfieur l'Ar-
chevcque , mais fans fignature. M.
de faint Laurent te remit a la mere
Abbeffe , la priantde le faire voir aux
fceurs ; ce qu'elle fit le lendernain fa-
medi faint, a deux heures apres midi,
dans une alTemblee de communaute.
Apres quoi elle parla du refus de chan-
ter vepres que M. du Saugey avoit faic
le matin , quoiqu'on l'en eut prie, &
que lui meme leur eut dit dans quel-
ques occafions , qu'elles pouvoient
chanter aux feres annuelles, la regie da
droit accordantcela aux perfonnes me-
mes interdites.
xxvrir. La communaute delibera la deffus,
Les rdi- gc fat d'avis, que la regie de droit per-
eieules pren-                              x /•           ° *          ■ * j.
nem la rifo- mettant aux perionnes msmes wterdi-
lution de tes de chantsr aux fetes folemnelies .
chanter rom .< >r ■                  r          ■ i , /■
ce le joor de." n etoit pas raiionnable de ceder un
Paqu-s dans droit qui etoit incontestable de l'aveu
fJrglifc.
'17) C'cfta'afi qu'on re-
fufe la participation des
frints Myllcres a des vier-
ges chretiennes , que leur
perfecuteur aVouoit lui-
m£me crre pures comrre dei
Angel,
dans un tems au-
que! 1 Eglileinviretous les
fidc'.es a en approchfr : cct
fpoufes de Jefus Chrifl en
•joknt d'auunt pt-is di-
gnes ■ qu'outre la purete
de leurs mceurs & Je leur
foi, elles s'y etoicnt pre-
pares par les fouitrances,
par la retraite , & par la
penitence, ai'ant jeune le
careme comtne les Chre-
tiens de la primitive Egli-
fe,ne faifjntqu'un feul re-
pas a la rin du jour pen-
dant tout le careme.
-ocr page 91-
IL P A R T I 1. L'lV. V.         89
meme de leurs ennemis , qui les trai- ^^c-,6.
toient avec le plus de rigueur en les' , „ .,-,„
r          r          f                 P ,.,«>           Fananime
iuppolant lnterdites, quoiqu ll tut raux de m. du sau-
qu'elles le fulTeiit. Elles ajonterent a B8*"
cela pluheurs raifons pour confirmer
leur deliberation qui fat fuivie : de
forte qu'elles chanteient complies au
chceur le foir du famedi faint , & le
lendemain jour de Paques tout l'of-
fice excepte complies qu'elles chante-
rent au Chapitre (18 ). Le pauvre du
Saugey fat il frappe d'entendre chan-
ter les religieufes , & fi pique qu'il fut
entierementmisen deroute , qu'il 011-
blia de faire l'eau benite avant la grande
mefTe. Les religieufes continuerent de
chanter I'office dans leur chapitre les fe-
tes fuivantes & pendant toute l'oclave,
ce qui deplaifoit extremement au lieur
du Saugey. Il n'avoitpas de plus grand
crime a reprocher a ces vierges chre-
tiennes, que leur chant, contre le-
quel il declamoit continuellement, ne
pouvant fouffrir qu'elles s'aquitaflent
de ce devoir, & raifant tout ce qu'il
fiouvoit pour les en empecher, jufqu'a
eur declarer qu'il ne leur donneroit
point la benediction a complies pen-
dant l'octave du faint Sacrement, fi
©lies chantoient pendant qu'il feroit a
" (18) Jomn. 80 . Proces verbal du 31 juillet
-ocr page 92-
«)0 HlSTOIRE DE PoRT-RO'lAL,
iV<j<j. 1'Autel. C'eft pourquoi les religieufes:
confentirentdene point chanter , pour
n'etre point priveesde la benediction.
Le vendredi les chantres ai'ant par me-
prife commence une antienne pen-
dant qu'il encenfoit le faint Sacrement,
il donna la benediction avant qu'elle
fut achevee, & il ne fut pas plutot for-
ti de l'autel qu'il fit repalFer le foleil &c
tout ce qui fervoit a l'expofition du
faint Sacrement, difant qu'il ne fe-
roit plus rien. En vain on lui repre-
fenta que c'etoit une mcprife, en vain
la facriftine lui en fit des excufes, il
n'ecouta rien , 8c dit que fa refolution
etoit prife de ne plus donner la bene-
diction ; il ajouta qu'il ne foufFroic
leur chant a 1'elevation de l'hoftie >
que parcequ'il y etoit contraint , ne
pouvant pas quitter le facrifice ; mais
que pour ce qui etoit de la benedic-
tion du faint Sacrement , il aimoic
mieux s'en priver lui meme que de
participer a leur defobeiflance. Il pre-
tendit encore qu'elles etoient excom-
muniees, quoiqu'il eutlui-meme avoue
que la regie de droit permettoit aux
perfonnes memes interdites de chan-
ter l'ofrice aux retes folemnelles, du
nombre defquelles il reconnoiflbit qu'e-
toit celle du faint Sacrement. Pour
-ocr page 93-
II. P ARTIE. LlV. V. ?!
mettre le comble a fon fanatifme , il l666,
envoYa le jour de l'octave a la mere
AbbefTeun billet rempli d'injures atro-
ces & d'accufations les plus injuries ,
dans lequel il ofoit fe plaindre , qu'el-
les l'avoient empeche de continuer la
devotion qu'il avoit commencee de
rexpofuion du faint Sacrement, & il
eut a(Tez peu de pudeur pour traiter de
fatisfaclion fenfuelle , la piete qui por-
toit ces chaftes epoufcs de Jefus-Chrift
a honorer par des cantiques le myftere
adorable , par lequel il le communique
aux hommes. Il les prioit enfuite par
ce billet, de lui laifler la liberie d'en
faire 1'expofition & la benediction en
fupprimant leur chant. Qu'on juge par
ces traits du difcernement & du bon
gout de M. de Perefixe 8c de M. Cha-
millard qui avoient choifi ce rare fujet
pour fucceder aux S. Cyran , aux Sin-
glin, aux Arnauld , aux Saci, & Xxtx.
autres grands hommes qui-avoient con- Le 5 fillet
duit les religieufes de P. R. (19). _ l"nn"ve1f™c
Les grands progres quelles avoient d« let riu-
moa.
faits dans la piete fous ces habiles mai-
tte$, les lumieres qu'elles en avoient
rec,ues, mate plus encore la grace de
Jefus-Chrift les foutenoit dans les
epveuves de toute efpece, & les ren-
doient invincibles dans les combats
(15) Journ. p. 84.
-ocr page 94-
_______5>i Histoire de Port-roVal.
1666. qu'on leur livroit tous les jours. L'u-
nion parfaite qui regnoit entr'elles, fai-
foit leur plus douce confolation au
milieu des vexations qu'elles eprou-
voient. C'eft pourquoi elles regar-
doient le jour qu'elles furent reunies
dans leur faint defert, comme Tun des
phis heureux de leur vie. Ce jour s'e-
toit trouve par une heureufe rencontre
laveille de la dedicace de leur Eglife
troifieme <k Juiliet, & pour celebrer
l'anniverfaire de cem reunion , apres
avoir chante folemnellementles vepres
de la fete.elles chanterent le verfet Con-
gngavit nos,
pour remercier Dieu de
les avoir raffemblees. Le lendemain,
dimanche, elles chanterent encore an
chceur apres la mefle folemnelle , le
meme^ verfet en adtion de graces de
l'arnvee de quinze cle leurs fceurs, qui
etoient venues ce jonr-la l'annee prece-
dent dans la maifon des Champs.
*rf«
isdesa- ,                      7------— ■""">•
terns une
Breme
:ns a h de ces prifonnieres, par une
mort pre-
mort fait a la cipnfp \ foe .,->,,... T C              ' 1 4
tourMargue- .eule a les, 5reux- L* fermete de cette
rite de flints vierge chretienne , qui demeura invio-
Gertrude DU-lablement ^^J fc y^ & j ^
fincente chretienne , & aima mieux
mounr dans le plus grand abandonne-
ment, que de bleffer fa confeience >
fournit un bel exemple du zele que
nous devons avoir pour la verite & la
-ocr page 95-
II. Parti e. Liv. V. 9 j
juftice. La fceur Marguerite de fainte 1666.
Gertrude, fat la premiere qui reflentit
les effets les plus violens du faux zele,
oude la colere de M. de Perefixe.
Elle fut attaquee le Vendredi 2 Juil- tjraen" a-hu-
let, de la malaaie dont elle mourut, m>lhi &
df
„,           1                j>                  j |)         1 ■ 1 penitence de
o£ tomba tout d un coup a 1 extremite cetcereligieu-
le lundi fuivant, 5 du mois. On ptia k-
M. Poupiche (25) , Tun des Pretresque sa mort
M. de Paris avoir mis a P. R.de venir *££* l*
affifter la religieufe mourante ; il re-
pondit qu'il ne le pouvoit fans une per-
miffion expreiTe de M. l'Archeveque,
qui ne lui avoit donne pouvoir que de
confefler les fceurs converfes. La com-
munaute jugea bien par cette reponfe
qu'il n'y auroit rien a attendre de ce
cote-la, & s'etant alTemblee dans la
chambre de la malade , elle racha de
lui procurer par d'humbles & ferventes
prieres des fecours, dont la malignite
des hommes n'avoit pas le pouvoir de
la priver. Les fceurs eurent la confola-
tion devoir queleursprieresn'etoienc
pas inutiles. Car Dieu affifta la malade,
d'une maniere fi particuliere dans cet
Strange abandonnement , qu'il leur
donna a toutes une ferme confiance
(tf) M. Poupiche avoit marque' par quelques pa-
fuccede a M. Biord , qui roles <le la companion,
a-Yoit etc retire pour avoit pour les religieufes,
-ocr page 96-
94 Hktoire ds Port-roYal
i666.~ °lue ^a grace fupleeroit avec abondan-
ce a tout ce qui pourroit manquer a la
malade de la part des miniltres in-
juries. Elle conferva jufqu'a la fin les
fentimens d'humilite & de penitence,
dans lefquels Dieu l'avoit fait entrer,
depuis qu'il lui avoit fait reconnoitre
la faute qu'elle avoit faite en fignant
le Formufaire dans fa captivite. Elle
n'avoit cede de la pleurer, & de tacher
dela reparer avec un zele qui edifioit
route la communaute , & par des hu-
miliations & des penitences que les
fuperieures etoient obligees de mode-
rer. Elle fouffrit les vives douleurs de
fa maladie & de fon agonie, pendant
laquelle elle ne perdit point la con-
noiilance , avec une paix d'efprit &
une patience extraordinaires. Comme
elle avoit beaucoup de peine a parler,
elle temoigna aux fours , qu'elle au-
roit eu beaucoup de chofes a leur dire,
mais fentant qu'il lui etoit impoflible,
elle croi'oit que Dieu vouloit qu'elle
mourut dans l'humilite & dans le fi-
lence ; que tout ce qu'elle pouvoit fai-
re, etoit de leur dire qu'elles favoient
bien fes fentimens, que Dieu lui con-
fer voir routes les difpofitions dans lef-
quelles il l'avoit mife , & qu'il les
flugmenroit. Apres cela elle adora pin-
-ocr page 97-
II. Part ie. Liv. V. 95
fieurs fois le crucirix,tenioignant qu'elle ~7
mettoit route fa confiance dans le me-
•rite inhni du Sang de JefusChrift. On
recita aupres d'elle des prieres, aux-
quelles elle eut une attention particu-
liere. Un peu avant qu'elle expirat,
on lui dit le refus que M. Poupiche
avoit fait de l'aflilter : a quoi elk re-
pondit d'une voie mourante, qu'iletoit
mfte qu'elle fut la premiere traitee de
la forte , parcequ'il n'y avoit qu'elle
qui l'eut merite. On lui demanda en-
fuite, fi elle ne pardonnoit pas de tout
fon coeur a ceux qui la reduifoient
dans un fi grand abandonnement: Je
nai ,
dit elle , jamais eu un moment
d'-aigreur contre pas un d'eux ,je vou-
drois leur donner mon caur.
Ce furent
fes dernieres paroles ;& pendant qu'on
achevoit les prieres de la recomman-
<iation de l'ame,& qu'on chantoit,
Subvenite ,JanBi Dei, elle rendit fon
efprit a Dieu dans une parfaite paix &:
une ferme confiance en fa mifencorde.
La mere Abbefle envoi'a M. Hilaire -
a Fontainebleau , ou etoit M. de Pe-
refixe, pour l'informer de ce qui ve-
noit de fe pafler a P. R. & pour lui
demander un Pretre pour confeffer
une fceur converfe qui ctoit a. l'extre-
prini , $c ne pouvoit fe refoudre a vok
-ocr page 98-
$6 Hjstoire de Port-roial.
*~7777- ceux qui etoienr a la maifon: elle ajou-
ta que ce Pretre pourroic par la meme
occafion enterrer la religieufe qui etoit
morte, parcequ'il etoita croire que M.
du Saugey & M. Poupiche refuferoient
leur miniftere , puifqu'ils n'avoient
pas voulu l'ailifter a la more. Effedtive-
ment la mere AbelTe ai'ant prie le me-
me foir Ivi. Poupiche de dire lelen-
demain la melTe des morts pour leur
fcEur , il le refufa , difant que M. de
Paris lui avoir defendu de prier Dieu
pour routes cedes qui viendroienr a
mourir fans avoir donne des marques
de leur foumiilion. L'Abbefle l'aiant
prie de dire au moins une oraifon pour
elle , il le refufa encore,
xxxi. M. Hilaire etant revenu de Fontai-
Refus de u nebleau le mercredi premier de Juillet,
d^fti^ue"' rendit reponfe de fa commiffion , &c
pour la roeur dir qu'il n'avoit rien pu obtenir de M.
Marguerite i> a i a                                                           » I
Gertrude. 1 Archeveque, tant par rapport a la re-
ligieufe definite , que par rapport a.
celle qui etoit malade ; e'eft-a-dire ,
qu'il refufoit la fepulture ecclefiafti-
que a l'une &c un ConfefiTeur a l'autre.
Voila tout ce qu'on obtint d'un Prelat,
qui n'avoit, a ce qu'il difoit, que des
entrailles de ckarite pour Us religieujes
de P. R.
Si c'eft-la des entrailles de
chariri, qu'on nous dife de grace, ce
que
-ocr page 99-
IT. Par tie. Llv. V. 97
que c'eft d'avoir des entrailles d'enne- i(j<j<j,
mi. Sur cette reponfe , les religieufes
declarerentqu'elles appelloient de cette
inhumanite inouie de M. l'Archeve-
que, qui refufoit la fepulture a une de
leurs fceurs, apres l'avoir laifTee mou-
rir, par la conduite de ceux qu'il avoit
mis dans leur maifon, dans un aban-
donnement ou Ton feroit fcrupule de
reduire un heretique , s'il avoit de-
mande un Pretre(n). M. du Saugey
parut enfuite; 8c dit que M. l'Archeve-
que lui mandoit qu'il avoit bien du re-
gret de ce que leur fceur etoit morte
fans fe reconnoitre, que celaetoitcaufe
qu'il ne pouvoit pas accorder pour elle
ce que Ton demandoit, mats que nean-
moins fa bonte paternelle le portoit a
ne vouloir pas porter les chofes a la
derniere extremite , comme il auroic
fid faire , & qu'il leur permettoit de
'inhumer entre elles, leur defendant
neanmoins de chanter ( le chant des
pfeaumes etoit un tourment pour tous
ces gens-la), 8c qu'il leur mandoit de
plus que fi elles contrevenoient a l'or-
donnance, par laquelle il leur avoit in-
terdit de le faire, elles n'avoientqu'a fe
fouvenir de deux mots , ipfo facto, por-
• tes dans la fentence. La mere Abbeffe
(ii) Froces verbal du }i juillct.
Tome FI.                          E
-ocr page 100-
J)8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.*
i<5"{j<> repondit a M. du Saugey, que bien loin
de s'en rapporter a ce qu'il venoit de
dire, elles ne vouloient pas-meme fup-
pofer que M.de Paris fut capable d'une
telle durete;qu'ainfi elles n'avoient gar-
de de deferer a ces ordres pretendus,
qu'il difoic avoir regus par ecrit; & elle
ajouta , que quand bien-meme il pour-
roit en mohtrer, elles en appelleroient
comme elles avoient deja fan de toures
les procedures injuftes & violenres
dudit feigneur Archeveque, La mere
Prieure prenant la parole, die : » au
»> moins , M. vous voi'ez que nous
»» fommes routes appellantes de ce
»» que Ton fait contre nous dans cette
» occafion , & que e'eft au tribunal de
" Jefus - Chrift que nous en appel-
w Ions «. L'Abbeue le repeta encore ,
& routes les foeurs fe joignirent a elle.
La mere Prieure lui demanda a£te de
l'appel, dont il venoit d'etre remoin ,
& l'aflura qu'on ne defereroit point a
Tordre qu'il avoir fignifie, fans le pro-
duire. Il repondit qu'on ne l'avoir point
charge de le monrrer; il youlut encore
leur perfuader de ne point chanter en
enterrant leur fceur , pretendant qu'el-
les donneroient fujet a M. de Paris de
porter les chofes a. de plus grandes ex-
tremites, & qu'outre cela elles encour-
rpient l^xcomrnunication. Mais qh
-ocr page 101-
II. Part ie. Liv. V. 99
lui repliqua que cette menace etoit"
inutile, puifqu'on les traitoit par avan-
ce avec plus de durete qu'on ne fait
les excommunies , n'y en ai'ant point a
qui on refufat un Pretre a la mort, s'il
le demandoit; & que c'etoit fe jouer
d'elles de leur faire peur comme a des
enfans , d'une excommunication , ipfo
fa3o,
en meme tems qu'on les privoit
des Sacremens a la vie & a la mort,
& qu'on leur refufoit la fepulture 6c
les
prieres de l'Eglife , qui font les
plus grandes peines de l'excommunica-
tion : que s'il leur difoit apres cela, que
la bonte pattrndlt de M. de Paris l'em-
Fechoit de poufTer encore les chofes a
extremite, elles le prioient de leur
expliquer quelles etoient les peines les
plus grandes que celles-la, dont l'Eglife
f>ut les menacer : que fi c'etoit de les
ivrer au bras feculier pour les faire
mourir, elles le prioient de croire que
ce feroit une confolation pour elles ,
6c une moderation de rigueur de la
part de M. l'Archeveque , d'abreger
par-la les peines & les perils ou il ex-
f»ofe les ames en les abandonnant de
a maniere qu'il les abandonne. M. du
Saugey n'eut riena repliquer, nonplus
qu'a ce que lui dit une fceur, qui l'af-
iura qu'on fe trompoit beaucoup, fi on
E ij
1666.
-ocr page 102-
100 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAt.
- ,£££ fe flattoit de les abbatcre en les trai-
tant de la forte •, puifque la durete des
hommes a l'egard de leur foeur , & la
mifericorde de Dieu, qui avoit paru
d'une manierefi extraordinaire fur elle
en cette derniere extremite, les avoient
tellement fortifiees & afFermies, qu'eL-
les etoient plus refolues que jamais d'o-
beir a Dieu & de ne le point offenfer
pour complaire aux hommes.
Les religieufes etant p^netrees de
douleur du traitement fait a une hum-
ble fervante de Jefus-Chrift, dans la
perfonne de leur foeur , & confiderant
qu'elles n'avoient aucune juftice a at-
tendre fur la terre , puifque tous les
tribunaux leur etoient Fermes, elles for-
merent le deflein de charger cette chere
fceur defunte de porter elle - meme fes
juftes plaintes, 8c les leurs devant l'ait-
gufte tribunal , ou elles avoient fujet
d'efperer que fon innocence etoit deja
reconnue, &c auquel elles venoient d'in-
terjetter appel tout de nouveau (zz).
Elles drefTerent done une procuration
en forme de lettre adreflee a la defunte,
&c con$ue en ces termes.
Kxxi.
         » La promptitude de votre depart
feLsCdeepf r* " d'avec nous, ma tres chere fceur ,
chargent leur., ne nous a pas donne le tems de pen-
fecur defunte                              *           , "                                r
dune ptocu- f*»J Jol,rn> P- *?■ «ol> *• Proc' V«b- *» 3» ju-U'
-ocr page 103-
II. P A r. l1 f. Llv. V. i o i
   fef a nous - memes , lorfque nous i666. '
»
   nous fommes affemblees pour vous ration r
»   recommander a Dieu. Comma nous !><>«« leur af-
»>
   ne deiirions toutes uniquemenc que n^"^^*
»
   fa mifericorde pour le rems 8c pour
>>   l'eternite, nous nous fommes con-
«
   tentees de le prier avec larmes, qu'il
»
   vous la fit a cette derniere heure
»
   par les merites infinis de Jefus-Chrift
»
   ion Fils & notre Sauveur , qui nous
»
   l'a acquife aa prix de fon fang; &C
»
   nous avons efpere cette grace de fa
»
  bonte avec d'autant plus de con-
s'
   fiance , que l'abandonnement oil
»
   nous vous avons vue reduite de la
»
   partdes hommes , qui vous ont re-
«
   rufe en cette extremite toutes les gra-
m
   ces de l'Eglife dont ils font les dif-
»
  penfateurs, vous donnoit un droit
»
   particulier au roiaume de Dieu, qu'il
»>   a promis aux pauvres & a ceux que
m
  l'amour de la juftice expofe a la per-
y,
   fecution & a la malediction du mon-
»
   de. Ainfi nous n'avons relTenti que
»
   de la confolation pour vous > quand
   nous vous avons vue echappee ft
m
   heureufement des filets des chaf-
h
   feurs qui cherchoient votre ame,
m
   & nous n'avons fouhaite pour nous
»
   qu'une auffi heureufe fin que la vo-
ft
   tre dans une fainte perfeverance,
Eiij
-ocr page 104-
IOZ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt?
** dans une ferme confiance en Dieu »
" dans une humble penitence , dans
" une fincere charite pour nos enne-
" mis , & dans un amour conftant de
" la verite & de la juftice. Mais fai-
" fant reflexion a l'extreme peril > ou
" nous demeurons expofees lorfque
» vous etes paflee dans la furete & le
" repos,nous ne voulons pas perdre
" l'avantage que Dieu nous offre en
" vous appellant a lui, & nous efpe-
" rons de la parfaite union & de la ve-
" ritable amide qui nous a liees avec
" vous durant votre vie, que vous
» porterez toujours les interets de cette
" communaute devant Dieu notre juge
» 8c notre pere, qui eft dans les cieux.
" C'eft de quoi nous vous chargeons ,
" ma tres chere foeur;& apres lui avoir
" demande pour nous toutes les graces
» que nous venons de vous dire , que
» nous preferons fans comparaifon
" a toute autre chofe, & pour lefquel-
»» les nous voulons tout perdre plu-
» tot que d'expofer ce trefor, nous
« vous fupplions de plus de prendre
»> foin de tous nos interets contre l'in-
» juftice de l'oppreflion que nous fouf-
» frons , furtout puifque c'eft en votre
» perfonne que Piniquite eft arrivee i
» ion comble, & que vous etes en etat
-ocr page 105-
fit. Partie. Llv. V. 10;
»» de demander innocemment avec —TTe '
-
tous les Saints la vengeance du trai-
» tement cruel & inhumain que Ton
» fait a votre corps, qui eft le temple
» du Saint-Efprit , en lui refufant la
» fepulture ecclefiaftique. Cette injure
»» retombe fur nous, puifqu'on ne vous
» choifit pouretre le premier exem-
»» pie de cette inhumanite fcandaleufe,
« qu'afin que nous nous portions a
« quelque affoibliflement par l'appr^-
33 henfion de cette ignominie,ou que
» nous nous attendions toutes au me-
» me traitement, auquel on nous con-
s> damne en votre perfonne. Apres
»» cela vous avez lieu de dire a Jefus-
Chrift de la part de toutes fes cap-
»» tives : Seigneur, il eft terns que vous
w agiffiez, car ils ontdiffipe votre loi.
„ On nous accufe, on nous juge , on
n nous condamne , on nous execute
,> fans forme , fans loi, fans juftice j
» nous appellons a tous les tribunaux ,
« & perfonne ne nous ecoute; nous
m avons appelle meme au tribunal fu-
» preme du fouverain juge , & juf-
» qu'ici il demeure dans le filence :
» nous nous fommes humiliees devant
» lui, & il femble meprifer les prieres
,, de fes pauvres. Nous craignons qu'a
». la fin le monde ne dife , en iniul-
E iv
-ocr page 106-
104 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl.
» tant a nos malheurs , ou eft - done
m leur Dieu J bien que nous foi'ons
« difpofees avec fa grace a entendre
m ce reproche fans nous fcandalifer,
» ai'ant appris de ceux qu'il a donnes
» pour peres a fon Eglife , que nous
m ne fommes chreriennes que pour
» fouffrir les maux de la vie prefente,
» & pour efperer les biens de la vie
« future; ce qui nous ote tout fujet
» de nous plaindre de la conduite que
» fa providence tient fur nous. Ainfi
» nous remettons abfolument tous nos
» interets entre fes mains , & nous
•> vous chargeons de le folliciter en
» notre nom d'affifter fon Eglife affli-
m gee , de fortifier fes faints Prelats,
»> d'humilier fes ennemis j & de lui
» rendre l'aififtance des bons ouvriers
•> qu'il avoit envoyes dans fa maifon ,
n dont les uns font en fuite, ou en
» prifon , ou en exil, de prendre lui-
» meme la prote&ion de fes fervan-
» tes reduites au dernier abandonne-
» ment de leur paftetir , de les aflifter
m de la conduite de fon Efprit dans la
» privation oil elles font de tout con-
» feil, d'entretenir entre nous routes
h une parfaite union, de nous porter
» dans fon fein jufqu'a la fin de notre
« pelerinage, de meme qu'il vous %
-ocr page 107-
II. Part ie. Llv. V. 105
"»» rapportee au troupeau fur fes epau-
» les facrees, apres vous avoir cherche
»» dans votre egarement paflager com-
» me une brebis qui lui etoit chere,
»» & qui etoit du nombre de celles qui
»» no peuvent perir, parceque fon pere
» les lui a donnees «>Cette procura-
tion fut mife en prefence de la com-
munaute dans le cercueil de la defunte»
au moment qu'on la mit dans la ter-
re (1 j). On fit pour elle , devant &
apres l'enterrement, routes les prieres
& les ceremonies des funerailles , ex-
cepte les encenfemens. Dieu fembla
manifefter fa prefence dans cette ren-
contre par une evenement fingulier.
Pendant que les religieufes etoient en-
core au choeur chantant les prieres qui
fe font fur le corps , une grandepluie
commenca a tomber, mais elle s'ar-
reta tout-a coup lorfque la proceilion
fe mit en marche pour aller au ci-
nietiere en y portant le corps; & Ton,
vit les nuees fe raflembler les unes fur
les autres au-deflTus du cimetiere, out
elles formerent un nuage fi epais & ft
obfcur , cju'il reptefentoit comme ur*
(tjl Quarante joars   pour relevercet appef fait
apres (le 15 aout ) les reli    & Jcfus-Chrift, & charger
gkufesfirentun "econdac-   de nouveau leur foeur de
re qu'elles muentdans la   le pouifuivre A fon tribiv:
fofl'c delafocui. Cettiudc    nal.
Ev
-ocr page 108-
105 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt."
1(j(j(ji grand pavilion noir tendu fur la the
des religieufes qui croioient a tout mo-
ment que la pluie alloit fondre furel-
les. Mais celui qui a leciel& laterre
entre fes mains , tint les eaux fufpen-
dues, enforte qu'il n'en tomba pas une
feule goute pendant toute la ceremo-
nie, qui fut afiez longue; & lorfqu'on
retourna a l'Eglife pout achever les prie-
res , celles qui marchoient les dernie-
res ne furent pas plutot hots du cime-
tiere & a couvert, qu'une pluie epou-
vantable tomba avec une fi grande im-
petuofite , qu'on peut aflurer que les
religieufes euflent ete noiees , fi elle
fut tombee pendant l'enterrement (^4).
C'efl: ici le lieu de placer une lettre
que le faint Eveque d'Alet ecrivit a.
un ami fur cette mort 8c 1'etat out
etoient reduites les religieufes de P.
R., auquel il temoigna prendre beau-
coup de part,
xxxn.
         " Si vous me voulezbien obliger,
tcttredtM. M Jit-il, aflurez nos faintes meres 8c
jet des reli- > ioeurs , que je repands rous les jours
vw^RoVa* " mon ams au faint autel, enactions
des champs. » de graces a Jefus-Chrift , de la fer-
» mete inebranlable qu'il leur a don-
« nee. J'efpere de fa mifericorde,qu'il
a les foutiendra toutes & toujours. Je
(24; Joutn. p. ?i. col. 1,
-ocr page 109-
II. Pahtii, Liv. V. 107
*> regarde la faeur Gertrude comme
» une martyr de nos jours, que Dieu a
» fandtifiee par un martyre tout nou-
» veau , & autant agreable a Jefus-
« Chrift, comme les gens du fiecle
m qui ne connoiffent les verites de l'E-
» vangile que par l'ecorce , le croienc
» honteux & racheux pour fon falut.
»» C'eftune parole de faint Auguftin,
» qui confole merveilleufement les
» amis, que le Pretre invisible qui
» eft Jefus-Chrift, ne manque jamais,
» quand le Pretre vifible manque ; 8c
« que jamais les bonnes ames ne meu-
» rent mal de quelque maniere qu'elles
» meurent; comme les pecheurs ne
,» meurent jamais bien pour leur fa-
» Iut, ou rarement, quoiqu'ils meu-
n rent dans les larmes de la peniten-
» ce. Saint Paul hermire ne laiffa pas
» de monter au ciel, quoiqu'il mou-
m rut fans facremens. Et comment font
» morts tous les martyrs! Celui de la
» fceur Gertrude me paroit autant mi-
» raculeux qu'il eft nouveau. Elle a fait
a fa mort ce que S. Jean a pratique
>» durant fa vie. Il favoit que Jefus-
» Chrift etoit le Meflie, & qu'il n'etoit
w pas eloigne de fon defert; cependant
» il n'a pas quitte fa folitude pour etre
p a. lafuite de celui dont il ne s'efti-
-ocr page 110-
103 HlSTOIRE DE PORT-ROlAE.
j~*" » moit pas digne de toucher les fou-^
» liers , parceque l'ordre de Dieu &c
» l'obeillance qu'il devoir a Dieu, l'o-
» bligeoienc a demeurer dans fa foli-
« tude & a fe priver de cette admira-
ls ble confolation. Voila ce qu'a faic
» notre fainte Gertrude. Elle favoio
» bien que Jefus-Chrift repofoit fur
m l'autel de P. R., & que ce lui euc
» ete une admirable confolation a la:
» mort, de joindre fa mort a la vie
» de celui qui eft mort pour nous ;
» &c de voir des yeux de la foi, 86
t>
mc>urir avec la vie de la foi entre
* les bras de celui que fon ame paflion-
n noit avec rant de defir. Mais 1'obeif-
u fance qu'elle devoir a Jefus - Chrift
» qui defend le menfonge , la colom-
» nie&le parjure, lui a fait fourfrir
» cette mortification fenfible & pleine
» d'ignominie aux yeux des hommes j
» & elle eft morte comme faint Jean
» mourant fans voir Jefus-Chrift: ,
>» quoiqu'il ne fut pas eloigne de fon
» defert, & qu'il n'y eut que quel-
» quespas a faire pour le voir , mais
» pas, qui n'etoient pas dans l'ordre
» de Dieu ; mais elle eft morte con>-
.. me faint Jean. Elle s'eft privee de
» voir Jefus- Chrift pour un moment,
* &fousle voile dvt Sacrement; de no$
-ocr page 111-
II. Partie. Liv. V. 109
*>
autels, afin de le voir eternellement
» &c a decouvert dans le Ciel. Voila
» les fentimens que j'aurai de toutes"
*> celles & de tons ceux qui mourront
" d'une femblable mort. O qu'une tel-
»> le mort eft precieufe devant Dieu ,
" & que la mort des pecheurs qui
« meurent avec les Sacremens, eft:
>• prefque toujours abominable aux
» yeux de cette terrible Majefte, qui
» ne regarde que le cceur & la difpofi-
» tion interieure des mourans 1 Je ne
w merite pas que les faintes vierges
» de P. R. fachent le refpe6t que j'ai
» pour leur chere morte : je fuis trop
» grand pecheur pour donner quelque
» poids a la veneration que f ai pour
ce faint lieu, ou Dieu habite comme
m fur fon trone, malgre les gardes &C
» toutes les privations de Sacrements r
« le fecours & la force de ces llluftres
» fervantes de J.Ceft d'en haut.Com-
» me les homm«s de la tetre ne peu^
» vent empecherla lumieredesinfluen-
» ces 8c lachaleur du folei!;encore bierr
n moins peuvent-ils empecher que le
» foleil de juftice n'eclaire & n'echauf-
» fe fes epoufes. C'eft-la ou la vigi-
ls lance des gardes eft bien endormie ,
i* &c ou les- depofitaires & les minif-
2> tres des- Sacremens n'ont aucun pou.'
-ocr page 112-
IIO HrSTOIRE t>t PoRT-ROlAt,"
" ,rrr » voir. II eft forti glorieux de fon torn *
4 060.                                         , o
» beau , malgre les gardes & les lJon-
» tifs de la loi. C'eft ainfi que le fils
» de Dieu tirera les faintes de P. R.
»» du tombeau de leur folitude5nonobf-
n tant tous les loins de leurs gardes
>> & routes les privations des Sacre-
» mens. Je ne rougirai point de fouf-
» frir pour elles, & je ne ferois pas fa-
» die que cette lettre put penetrer les
» murailles. Saluez-les routes de ma
» parr (24).»
Dans le terns que la Soeur Gertrude
condition mourut > il y avoir beaucoup de ma-
propofee an* ladies a P. R., occafionnees par le man-
religleufes js j ^ j fUUation dans laquelle on
pour avoir la          .               . •             !•••/■ "              I
libcrce d- avoir reduit les rehgieules , auxquel-
Sansleur Jar- 'eS °n aVO't ^ depLlis le 1 J Juin la li-
iia.            berte d'entrer dans leur Jardin. Dans
la fuite on voulut, fait par quelque ref-
te d'humanite , foir par d'autres vues,
leur rendre la liberte d'y prendre l'air;
mais pour cela les gardes vouloient
que les religieufes donnalTent parole
qu'elles ne jetteroienr rien par deffus
les murs, & qu'elles ne fe ferviroient
en aucune forte de cette voie. Ce fuc
(14) voi'ez dans les vies    te en panie par elle meWj
edif. t. z. p. iso, celle    & en partie par la fccut
de la fo:ur Marguerite de    Angelitjue de faint Jean*
fainte Gertude Dupt6,eai-
-ocr page 113-
II. Partie, Llv. K 11 r
im des gardes, ( M. d'Hauteforge) qui
propofa le 9 j uillet matin cet expedient
a la mere Prieure , qui ne croiant pas
devoir repondre la-delTus fans coniul-
ter la mere Abbefle qui etoit malade ,
lui temoigna feulement que cetre pro-
portion n'etoit pas fans difficulte ,
& que ce n'etoit pas 1'ordinaire d'exi-
ger des paroles des prifonniers ; qu'on
fe contentoit de les bien garder fans
les vouloir obliger de contribuer eux
memes a leur captivite\ L'apres midi ,
M. d'Hauteforge revint avec deux au-
tres gardes & M. Hilaire , pour favoir
quelle refolution elles avoient prife
touchant l'expedient propofe. M. Hi-
laire prefla. beaucoup pour qu'elles.
confentiflent a ce qu'on leur deman-
doit, pretendant que c'etoit leuravan-
tage , & qu'elles fe rendoient fufpec-
tes en le refufant •, mais on repondit
qu'on ne pouvoit accepter cette pro-
position ; qu'elles fe rendroient encore
filus captives qu'ellesne 1'etoient jqu'el-
es ne pouvoient en confcience lere-
duire eiles-memes dans une telle fer-
vitude •, que ce feroit une folie d'a-
graver leurs liens pour fe procurer une
aufll petite fatisfa&ion que 1'etoit cel-
le de fe promener dans leur jardin, 8c
s'expofer en meme-tems. a des peines
-ocr page 114-
Ill HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
epouvantables; que dans l'etrange aban-
donnementou elles etoient, privees de
tous fecours & de toute afliftance, tant
pour le fpirituel que pour le tempore!,
il pouvoit arriver de telles rencontres ,
ou une fille auroit neceflfairement be-
fbin d'avis & de confeil, & ou il fe-
roit aife de lui en procurer fans com-
promettre perfonne , & que cependant
fe trouvant liees par leur parole , fi el-
les l'avoient une fois donnee, il leur
feroit impoffible de palTer outre, au
hafard d'expofer une perfonne au de-
fefpoir; qu'elles ne s'etoient point en-
core tronvees dans de telles extremites,
qu'elles n'en prevoioient point pour le
prefent; mais que ne pouvant repon-
dre pour l'avenir , elles ne pouvoient
s'engager a fe priver de la liberie qui
leur reftoit (15). On fit enfuite venir
la mete Abbeffe qui confirma tout ce
que la mere Prieii'e & la fceur Ange-
lique avoient dit. M. de faint Laurent
etant audi venu , on repeta encore les
memes chofes ;& quoiqu'il put dire,
les religieufesperfifterent dans leurre-
fus; cequi fit beaucoup de peines aux
gardes. Ces Meffieurs auroient fans
doute ete fort charmes qu'on eut ac-
cepts leur proposition, parceque comp* '
415) Jomn. p. #4,
-ocr page 115-
II. P A R T I E. LlV. V. 11 J
Bint aveG raifon fur une parole don- T777-'
nee par des perlonnes incapables d y
manquer , outre qu'ils auroient ete de-
charges de l'odieux de la fon&ion qu'ils
faifoient, ils euflent ete plus allures
qu'elles n'avoient aucune communi-
cation , que par tous les foins& toutes
les peines qu'ils fe donnoient pour
l'empecher, & plus a couvert de tout
reproche( 2 6).En effet quelque-tems au-
paravant, M.de Gevres avoit dit aM.de
S. Laurent, que les religieufes avoient
allurement pafle des papiers au dehors ,
que le Roi le favoit, & qu'il etoit me-
content d'eux , de ce que les aiant mis
dans cette maifon pour empecher tou-
te forte de communication , elles n'a-
voient pas laifle neanmoins de palfer
des letttes (27). C'eft pour cela que le
meme M. de faint Laurent avoit fait
precedemment de vifs reproches a la
mere Abbefle. L'a'iant demandee le
troifieme juin a. huit heures du foir »
au retour de Paris, il lui dit en pre-
fence de fes quatre gardes qui l'ac-
compagnoient, qu'elles etoient defo-
beiflantes au Roi, aiant pafle des papiers
contre la defenfe qu'il leur en avoit
faite de fa part. » Vous ne le fauriez.
(is) Journ. p.ys, c»I. 1.
Ji7) Journ. p. It.
-ocr page 116-
114 HrSTOIRE DE PoRT-ROIAt.'
' %666. " dementir, ajouta-t-il, carilsontete
» trouves; routes vos intelligences font
» decouvertes, la plupart de vos gens
« font pris & font a laBaftille (18);
» pour cequi eft de vos ecrits, ils font
» entre les mains de M. le Lieutenant
» civil. » II ajouta que jamais il ne fe
feroit attendu a cela, apres la parole
?|u'elle lui avoit donnee le jour qu'il
e faifit des clefs. Le fens commun
di6te-t-il de faire promettre a des pri-
fonniers , qu'ils n'auront point de
communication ; & de leur faire un
crime de donner de- leurs nouvelles
lorfqu'ils en trouvent l'occafion? D'ail-
leurs il etoit faux que 1'AbbelTe eut don-
ne aucune parole la-deflus ^ l'exempt ,
puifqu'elle n'etoit pas alors a P. R. (z 9).
xxxiv. * Pour revenir a la perrniffion d'en-
au^reUgTe" trer c*ans *e jar<iin > les religieufes i'ob-
fesdeprendre tinrent fans s'etre engagees a rien , par
(1?) L'exempt vouloit   ve dans le tecueil des vies
peut-£tte patler
deM.de
   edih'antcs. M.d« Pontcha-
Saci, qui fuc atrete le 14
   teau ecrivit une belle let-
in ai de cette annfe avec M.
    tteiM.de Patis fur la A(-
Fontaine & M. du Foite ,
    tention de ce faint Pierre ,
& enfuite conduit a la baf-
   & en faveur des religieu-
tille, d'oililne fortitque
   fes de P. R. Voiez cette
plus de deux ans apres. M.
   lettre dans les relations in -
Fontaine nous a fait la re -
    40. 8c dans 1'hiftoire des
lation de cet cvenement
   perfccutions.
dans le fecond tome de fes (19) ta mere de Ligny
m6moires, p. jo« & fui-
   B'arrira aP. R. que le If
yantes. La meme relation,
    juillet.
mats plus eieodue, fe trou-
-ocr page 117-
II. P ARTIE. L'lV. V. 115
Un trait vifible de la conduite de Dieu 1666.
fur elles , qui leur fit connoitre l'avan-
tage qu'il y a de ne rien faire contre LdhT*
fa confcience fous quelque pretexte que
ce foit. Le 5 o Juillet, M. de faint Lau-
rent vint annoncer fur les fix ou fept
heures du foir a la mere , qu'il venoit
de recevoir une lettre de M. l'Arche-
veque , portant qu'en confideration de
w l'extreme chaleur & des maladies qui
» commencjoient a regner a P. R^, le ,
" Roi avoit accorde qu'on donnat aux
» religieufes la liberte d'entrer dans
> leur jardin. » L'exempt demanda
nfuite quelles etoient les heures qui
eur feroient plus commodes, & afTura
'Abbeile avec beaucoup de civilite,
ju'il le lailferoit libre autant de terns
$C a telle heure qu'elles fouhaiteroient.
/AbbefTe le remercia de fa politede ,
ic apres avoir pris l'heure pour les au-
res jours, elle refolut d'en faire jouir
es religieufes des le foir mane apres
-omplies qu'on difoit au chocur.
3omme la religion regloit toutes les
ftions de ces faintes filles , elles y en-
rerent en procefllon , chantant des
jfeaumes d'a£tion de graces.
Les maladies regnoient alors a P. R.
urtout parmi les fceurs converfes. Une M***£ ie
i'entr'elles, nommee CatherineTheo-i* fccutTheo-.
dore.
-ocr page 118-
X I<5 HlSTOIXE ©fi PoRT-ROlAt;
1666. dore s'etant trouvee tres mal, on pria
_ .
           M. Poupiche de lui adminiftrer les
Exhortation                  r                                           .
de m. Poupi- bacremens ; ce qu 11 accorda lans au-
lhe'
           cune difficulte, parceque c'etoit une
four converfe, qui en cette qualite
jouiflbit du privilege accorde par M.
de Paris, de pouvoir y participer fans
etre obligee de faire un parjure. Avanc
que de lui adminiftrer le faint Viati-
que, le fieur Poupiche tenant la fain-
te Hoftie lui park ainfi : » ma four,
» ne croiez vous pas fermement que
» ce pain que je tiens & que vous al-
» lez recevoir, eft vraiment notre Sei-
>» gneur, fa vraie chair & fon vrai
» corps comme il eft defcendu du
» Ciel dans le ventre de la fainte Vier-
» ge? » Le corps de Jefus-Chrift eft-il
done defcendu du Ciel J N'a-t-il pas
ete forme dans le fein de la: fainte
Vierge & de fa propre fubftance ?
C'etoit cependant la un miniftre digne
de la confiance de M. I'Archeveque de
Paris, & auquel il donnoit, comme il
l'avoit fair dire par M. Hilaire , le
mime pouvoir qu'il avoit lui-mime.
Faut-il s'etonner fi les converfes me-
me de P. R. avoienr fi peu de confian-
ce dans un tel confeffeur, & fi elles
ne ceflbient d'en demander un autre >
Mais quel fujet d'econnement qu'ur»
-ocr page 119-
II. P A R T I E. L'lV. V. II J
fucceffeur des Apotres confie des ames —'' •
a de tels miniftres, qu'il leur donne
tout le pouvoir qu'il a lui-meme 1            ,x?vr,-,
T           ii-                        ir i               Maladie deia
J-a maladie attaqua auiii la mere mere Agn&
Agnes ,. qui fe trouva {i mal d'une & I*e la.faul
opprellion le z6 daout, que M. Ha-
mon temoigna avoir befoin de con-
feil. On penfa a M. Renaud , qui la
connoiiroit , l'aiant deja traitee dans
line autre maladie. Comme la foeur
Euftoquie etoit auffi alors dangereufe-
ment malade , on refolur d'envoi'er a
M. l'Archeveque pour obtenir la per.
million de faire venir M. Renauld. Le
Prelat y confentit (jo). Des que M.
Renauld eut vu la foeur Euftoquie ,
il opina , ainfi que M. Hamon, qu'il
falloit lui adminiftrer les Sacremens,
y aiant plus a craindre qu'a efperer des
fuites de fa maladie. M, Hilaire fut
depute pour aller a Paris demander a
M. l'Archeveque un confefleur pour la
fceur Euftoquie, & en meme terns pour
la mere Agnes. On le chargea de de-
mander le Vicajre de faint Medard,oua
fbn defaur , quelques gcclefiaftiques
des environs qui ne devoient pas etre
fufpedts a. M. l'Archeveque. M. Hilaire
jrevint le 2 3 de Paris, 8c apporta pour
j-eponfe > que M. le Vicaire de faint;
ip) Journ. p, ?j.
-ocr page 120-
T lS HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.'
Medard avoit refufe de venir, quoi-
que M. l'Archeveque Ten eut fort
prefle ($ i). M. Arnauld, dans unelet-
tre du 2 8 aout de cette annee a M.
d'Alet(3z), marque que M. de Paris
ne voulut point donner pouvoir de
leur adminiftrer les Sacremens, qu'au
cas qu'elles fignaflent; & qu'un bon
pretre ( apparemment le Vicaire de
faint Medard) qu'il voulut y envoier,
refufa d'y aller & cette condition.
» Ainfi , ajoute M. Arnauld, les voiU
»» reduites a mourir fans aucune aflif-
" tance de la patt des hommes : Quid
» ejl aliud morhnti mortem addtre ?
» comme dit un Pere; & ainfi quoique
» Dieu les foutienne par fa grace ,
» ceux qui les traitent fi inhumaine-
» ment ne laiflent pas d'etre homici-
»> des : Spiritaliter homicidm funt , dit
»j faint Auguftin , nam in Mis quidcm
» interfeclionem nonfaciunt, fedquart-
*> turn in ipjis eft, interfeclores fiunt.
M. Hilaire rapporta enfuite, que
voiant le refus de M. le vicaire de
faint Medard , il avoit dit a M . l'Ar-
cheveque qu'on ne l'avoit pas feule-
ment charge de demander M. le vi-
caire de faint Medard , mais encore
(51) Journ, col. i,
(}i) T. f. p. i«?-i7f
-ocr page 121-
II. Partie. Liv. V. 119
d'autres eccleikftiques du diocefe, qui 1666*
font cures ou vicaires aux environs,
& d'ailleurs nullemenc fufpe&s , Sc
que M. l'Archeveque lui avoit repon-
da qu'il y penferoit.
Dans ce moment M. du Saugey               (
s'offrit pour alfifter la malade, & lui               i
adminiftrer les Sacremens , fi elle
etoit dans la difpofition qu'on deman-
doif. On l'aifura que la malade etoit
dans la dilpofirion necefTaire pour re-
cevoir les Sacremens, erant dans celles
que l'Eglife exige & qui font marquees
dans le rituel. Mais M. du Saugey ,
appui'e de l'autorite de Monfeigneur,
pretendit qu'il y avoit un autre difpo-
fition necellaire, favoir, unt belle &
bonne Jignature ;
ce qui fit horreur aux
religieufes, en yoiant qu'on exigeoit
d'elles , comme une chofe eflentielle
pour participerauxSacremens,ce qu'el-
les regardoient avec raifon comme un
grand peche & comme un parjure. A-
pres cette explication de M. du Saugey,
on ne jugea pas a propos de le laiffer
entrer pour raire fa fon&ion de ten-
tateur aupres de cette vierge chretien-
ne , au lieu de faire celle d'un minif-
tre de Jefus-Chrift.
                            xxxvr.
Quelques jours apres, la S. Euftoquie Refus d(*
efliua on rehjs de Sacremens plus tor-
-ocr page 122-
110 HrsTomB de PoRT-Ro'iAt.'
1S66. me^ de la part de M. Poupiche, c'eft-a-
faits pat m. dire » de ce favant ecclenaftique dont
Poupiche a la nous avons deja parle, qui n'avoit re^u
qui"/ ,Ea' la ^es pouvoirs que verbalement & indi-
iceur Apoin- re£temenr par un garde du Roi, que
turgarde?*" M. de Paris avoir charge de dire a M.
Poupiche qu'il lui donnoit tout pou-
voir d'entrer & de confefler les reli-
gieufes , pourvu qu'il lui apportat une
belle & bonneJignature.
Ce M. Pou-
piche etant entre le premier feptem-
bre pour voir la fceur Francoife Lut-
garde , & Pai'ant trouvee dans un ailbu-
pinement qui lui otoit la connoifTance,
commenca par refufer de lui donner
l'Extreme-On&ion ; puis on lui fit voir
la fceur Euftoquie , qui etoit toujours
fort mal, & la fceur Apolline , aux-
quelles il refufa les Sacremens. La
mere Prieure , qui l'accompagnoit ,
lui demanda fur quelle autorite il fe
fondoit pour faire ce refus , vu qu'il
avoit dit quelques jours auparavant en
prefence de plufieurs temoins , qu'il
n'avoit rec,u aucun ordre immediat de
M. l'Atcheveque , ni de vive voix, ni
par ecrit , fur la maniere dont il fe
devoit conduire- Il avoua qu'il n'avoit
pas recu d'autre ordre de M. l'Arche-
vcque , que celui qu'il avoit recu ver-
bakmtnt
par M. d'Hauteforge , lequel
lui
-ocr page 123-
--------__
II. P A R. T I 8. Liv. V. 11 r
lui avoit die de fa part » qu'il pouvoit
» adminiftrer les Sacremens aux reli-
" gieufes , a condition qu'ii lui rap-
» porteroit une belle & bonne Jigna-
u tun
». M. Poupiche pretendit qua
cette million d'abfoudre & de con-
damner les ames , qu'il avoit recue
fiar l'entremife d'un homme de guerre,
ui etoit fuffifante , & qu'il n'avoic
pas befoin d'autre inftru&ion pour fe
conduire dans un cas tel que celui de
refufer les Sacremens a la mort a des
perfonnes qui ont vecu dans la piete ,
&c qui meutent dans la communion
de l'Eglife , faifant profeffion de croire
routes les verites qu'elle enfeigne , 8c
d'ai'a'rhematifer toutes les erreurs
qu'elle profcrit.
La fosur Francoife Lutgarde Ro-
bert aianc recouvre la connoiflance
le z feptembre , on fit venir M. Poupi-
che j comrae la malade avoit temoi-
gne le defirer , non par l'efperance
qu'il exerceroit fon miniftere, mais
pour qu'il fut temoin de fes difpofi-
tions, 8c pour declarer a l'Eglife, dans
la psrfonne de fon miniftre » qu'elle
mouroit dans fon unite, dans fa foi,
8c dans la ferme refolution de prefe-
rer la crainte de Dieu a celle des hom-
ines. M. Poupiche entra & demanda
Tome n.                            F
-ocr page 124-
12 4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1666. la fignature, comme condition prea-"
kble pour recevoir les Sacremens, &c
lesrefufa conftamment a la moribonde,
qui eut feulement la fatisfa&ion qu'el-
le avoit defiree de rendre temoignage
a la verite.
En vain la mere Angelique de faint
Jean convainquit ce Pretre ignorant &c
fchifmatique , de l'injuftice de fa con-
duite, en lui faifant avouer deux cho-
fes, 1c. qu'on ne commandoit pas aux
religieufes de figner , fans croire ; ip.
qu'on ne leur commandoit pas de
croire , cela n'etant pas de nature a.
etre commande ; d'ou elle concluoir,
que n'y ai'ant point de commande-
menr , il n'y avoit point de defol-iif*
fance , qu'ainfi les religieufes n'etoienr,
point dans le cas d'etre trainees com-
me defobeiflantes. Mais que peuvent
les raifonnemens les plus folides fur
des efprits aveugles par des prejuges ,
& qui ferment les yeux a la lumiere }
On ne put done rien obtenir de M,
Poupiche-, & la mere Prieure voi'ant
que tout ce qu'il difoit ne fervoit
qu'a. fatiguer la malade , le pria de ne
pas augmenter fon mal.
xxxvh. S alia enfuite voir la mere Agnes,
opiniatre- qui lui demanda s'il ne lui feroit pas la
& SS$ gr*ce fe W recorder les Sacreraenj
-ocr page 125-
II. Part ie. Lev. V. 12 j
<6tt cas qu'elle devint plus mal, aquoi x<j<j£
il repondit qu'il ne pouvoit les lui ac- ' *
corder. bur cela , la ioeur Angehque les sacre-
de faint Jean apporta le rituel, dans mens'
lequel la mere Prieure lut un des
f>oints de Pexamen ou il eft dit : Que
e Confeffeur demandera au penitent,
s'U na point affirmi par ferment une
chofe qu'il favoit etre faujfe
, ou bien
au fujet de laquelle il etoit dans U
dome , quand mime cette chofe auroit
etc peu importante.
On fit plufieurs
remarques la-deflus , auxquelles M.
Poupiche repondit qu'il etoit vrai
que cela etoit dans le rituel , mais
qu'il ne pouvoit rien accorder qu'a
celles qui voudroient bien figner; e'eft-
a-dire, qu'a celles qui voudroient
bien commettre un peche , fur lequel
le rituel ptefcrit au confeflTeur d'in-
terroger le penitent; ou bien, comme
rnrloit la fceur Lutgarde , a celles qui
voudroient bien commettre trois peches
mortels.
Apres quelques difcours , la
mere Prieure demanda a M. Poupiche,
s'il etoit done refolu de refufer les Sa-
cremens en quelqu'etat que la mere
Acnes & les autres fceurs malades puf-
fent fe trouver, il repondit qu'oui j
8c la-defTus la mere Prieure & la foeur
Angelique lui declarerent qu'elles en
Fij
-ocr page 126-
1*4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI/
" i^ss appelloientautribunaldeJefus-Chrifc,
& que comme filles de l'Eglife & de
la mere Agnes , elles demandoient juf-
tice au nom de ces deux meres , &C
qu'elles appelloient de la part de la
mere Abbefle &c de toutes leurs fceurs ,
principalement au tribunal de Jefus-
Chrift", auquel la malade venoit de
le citer, pour y comparoitre apres elle,
& y repondre de la conduite qu'il te-
noit a. fon egard.
xxxvni. Cette malade etoit la fceur Fran-
Mortdela roife Lutearde , a qui il parut d'une
coife Lutgat- maniere bien vihble que Dieu avoit
de.
           rendu la connohTance pour faire con-
noitte fes fentimens & rendre temoi-
gnage a la verite , puifque I'apres midi
de ce meme jour , qui fut celui de
fa mort, elle retomba dans fon af-
foupiflement & n'en fortit plus (3 j).
Etant entree a l'agonie , on fit avertir
M. Poupiche, qui vint auflitot avec
fon furplis; mais il refufa non-feule-
ment de lui donner l'Extreme Oncfion,
quelques prieres qu'on lui fit , mais
meme de l'eau-benite , & ne voulut
faire aucune priere pour elle , quoi-
qu'on lui eut prefente le rituel pour
faire celles de l'agonie. Pendant plus
de quatre heures qu'il demeura aupres
lii) Journ. 105. U fuiy.
-ocr page 127-
II. P A r t r e. Liv. V. 115
de la malade, il ne fit aucune bene- \GG<o*
diction fur elle , n'invoqua pas une
feule fois le faint nom de Jefus , ne
fit aucune priere , ne lui prefenta ja-
mais la croix , & ne fit pas paroitre
la moindre marque de religion & de
piete. Comme c'etoit la coutume A
P. R., lorfqu'une fceur etoit a l'ago-
nie , de reciter tout haut la Paffion ,
on lui prefenta le livre qu'il refufa.
Sur quoi les religieufes lui direnc
qu'elles croi'oient que Jefus ■> Chrifl
eroit raort pour tous les hommes, &
que lui fembloit vouloir les exclure de
cette redemption. La mere Prieure
lut done la Pailion ,' & la priere que
Jefus-Chrift avoit faite a fon Pere ,
enfuite la profeflion de foi du Concile
de Trente , qu'elles avoient fignee le
ii aout 1664. Comme la malade
avoit temoigne , etant en fante , de-
firer qu'on lui lut, lorfqu'elle feroit a
l'article de la mort, fade du 2 8 aout
1665 , qu'elle ne s'etoit pas con ten-
tee de foufcrire avec les autres, mais
qu'elle avoit meme figne de fon fang ,
la mere Prieure en lut une partie. Ce
fut ainfi, & au milieu des prieres 8C
des larmes de fes fceurs, & en ren-
dant un nouveau temoignage a la ve-
rice, que la fceur Fran^oife Lutgarde
F iij
-ocr page 128-
......-------------------------------'»»' I'm1"-------------
12.6 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAtl
1666.
' rendit fon ame a Dieu. M. Poupicfc«
qui etoit la comme une ftatue , aufii
immobile & infenfible , refufa encore
de dire les oraifons marquees , il re-
fioufTa le livre qui lui fat prefente par
a mere Prieure , &c dit qu'on les laiffe-
roit toutes mourir de cette forte fans
Sacremens y & fans faire de prieres
pour elles. La mere Prieure lui de-
clara qu'elles appelloienr au tribunal
de Jefus-Chrift du refus des Sacremens
1
'il venoit de faire a leur fceur, 8i
la maniere dont il l'avoit traitee ;
& qu'en adherant a leurs premiers ap-
Eels, elles appelloient a tous les tri-
unaux ou elles pourroient etre en>
tendues. Toutes les fceurs fe joigni-
rent a elle , difant qu'elles appelloient
& proteftoient de cette conduite, qui,
jufques-la , n'avoit point eu d'exem-
ple dans l'Eglife.
xxxix. Le m^me ;our on fit \e convoi fans
Verm de la              .                >,          _ ,              ,          ,         
fcrurFran^i-attendre. la reponie de M. 1 Archeve-
t«1u Robert °lue ' }e. corPs futr^ auchceur ou
les religieufes chanterent folemnelle-
ment les vepres des morts.
La fceur Francoife de fainte Lut-
garde , qui mourut ainfi privee des
Sacremens (34) , etoit une religieufe
d'une grande limplicite & droiture da
114) Nect. 7. fegt. g. yg^.
.
-ocr page 129-
II. Part ie. Liv. V. ii-y
?<rur, infatigable au travail , exa&e \66(T~
a tous fes devoirs malgre fes infir-
tnites , ferme dans la verite , tra-n-
quille dans la perfecution, inebran-
l»ble dans les traitemens les plus ri-
goureux ; penetree des fentimens de la
plus vive reconnoillance, elle difok
avec admiration , qu'elle ne compre-
noit pas ce que les religieufes de P. R.
avoient fait a Dieu, pour les avoir pre-
fervees de tomber dans 1'abime. Elle
perfevera dans ces heureufes difpofi-
tions jufqu'a la mort , aiant donne
dans fa derniere maladie , comme
nous 1'avons vu , les marques les plus
afTurees. de fon attachement inviola-
ble a la verite , & de fa ferroete a tout
fouffrir pour elle.
Avant que de continuer Ie reck des te*ei7gfCBu
refusfchifmatiques des Sacremens faits fa prcnnenc
auxreligieufes malades de P. R., il faut £ r^un
parler d'un a&e qu'elles firent quelques tout Foffic*
jours apres la mort de la fceur Francoi- auchoclw*
fe , au fujet de la recitation de l'ofnce
au choeur. M. de Paris leur avoir fait
fignifier le n Septembre ' 1665 par
Nicolas , Huiflier appariteur de l'offi-
cialite , une defenfe de reciter l'office
au chceur. Elles defererent alors a cette
fentence , 8c elles dreflerent le 13 dm
jneme mois un a&e > dans lequel ell«s
Fiv
-ocr page 130-
128 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAir
declarerent que quoiqu'elles y deferaf-
fent pour eviter le fcandale & par
d'autres vues, c'etoit fans prejudice a
leurs proteftations & appels auxquels
elles adheroient, fe portant pour ap-
pellantes a tous les tribunaux ou elles
Jiourroient are entendues , meme a ce-
ui de Jefus-Chrift notre Sauveur. Un.
an s'etant ecoule depuis cet a&e , &
plufieurs des fours aiant propofe de
ne plus quieter le chant du choeur, &
de conunuer a y chanter tout l'oflice >
comme elles avoient fait pendant toute
I'o&ave de la Nativite de la fainte
Vierge , la mere Abbeffe aflembla la
communaute le i 5 feptembre pour de-
liberer fur ce fujet (35): elle reprefen-
ta qu'y aiant deja un an depuis la fi-
gnification de la fenterice de M. de Pa-
ns> & cette fentence ne leur aiant
point limite de terme, c'etoit beaucoup-
d'avoir defere tout ce tems a un com-
mandement auquel elles etoient en
droit de ne point obeir , etant appel-
lantes de toutes les fentences de M.
l'Archeveque, &par confequent nulle-
ment obligees d'y deferer, & particu-
lierement a celle-la, qui- leur mterdi-
foit une de leurs principals obliga-
tions. Apres quelques autres raifons ,
(Jj) Journ. 108.
-ocr page 131-
II. Par.tie. Liv. V. itf
die ajouta qu'il ne fembloit pas quelles 1666,
euiTent aucun management a garder
depuis le traicement qu'on venoit de
faire a deux de leurs fceurs, que c'etoit
les traiter comme des perfonnes ex-
communiees & entierement feparees
de l'Eglife j qu'ainfi n'y ai'ant aucun
lieu d'efperer quelque changement y
dies devoient au moins fe confoler 8c
fe foucenir par ce faint exercice, qui
etoit le principal devoir de leur pro-
feffion , & a quoi elles etoient obligees
en confcience , etant fondees pour ce-
la : qu'apres tout, s'il leur en arrivoir
quelque chofe , elles n'auroient pas
fujet de s'en repentir , mais plutot de
s'affurer qu'elles fouffroient pour une
bonne caufe , en fouffrant pour avoir
rendu a Dieu ce qu'il demandoit d'el-
les. Apres que la mere AbbelTe eut ainfl
parle, il fut conclu d'une voixunani-
rne, que Ton nequitteroit plus le chant
du chceur.
La maniere dont le fieur Poupiche ^ui^A
avoir traite la fceur Marguerite de fain- la feur Mi-
te Gertrude & la fceur Fran^oife de°£Uetcws*
fainte Lutgarde , donna ixn tel eloi-
gnement de lui aux religieufes conver-
ts , que quoiqu'elles FiuTent afftirees
qu'il n'exigeroit rien d'elles, (la figna~
fuxe duformulaire n'etoit point jugee
-ocr page 132-
130 HlSTOtRE DE PoRT-Ro'lAr."
" 7&£s', necefTaire de neceffite de falut p©ur le3
converfes comme pour les religieufes
du chceur), elles ne pouvoient prefque
fe refoudre a fe confeifer a. lui (3<J)«-
Neanmoins au defauc d'aurre, on fut
oblige d'y avoir recours pour la foeun
Michelle , qui fe trouva dangereu-
fement malade le 20 de feptembre.
Etant entre il s'approcha de la malade ,-
qui lui dit que dans 1'erat 011 elle fa
trouvoir, elle auroic bien fouhaite avoir,
line perfonne a qui elle put ouvrirfon
coeur avec plus de confiance ; mais que.
Dieu n'aiant pas permis qu'elle eut
certe confolarion , elle ne regardoit.
que Jefus-Chrift en lui &: ne laiiferoit..
pas de fe confeifer.
■N^uleau Cependant on preparoit tout ce:
trait de fana- qui etoit necelfaire pour donner les.
MH- de'm. Sacremens a la malade (37) ; mais on:
feupithe. fut fort furpris.de voir le fleur Poupi-
che fe lever & dire qu'il ne pouvoit
les lui adminiftrer, parcequ'elle n'a-
voit nulle confiance en lui, & qu'il
falloit attendre que le confefTeur qu'orv
avoit demande fut venu. On !ui de-
manda fi c'etoit qu'elle ne fe fur point
confeflee, a quoi il ne repondit que.
ce qu'il venoit de dire. On demanda.
!«) Journ. 109. Proces verbal du 18 o&obre.
j7)Joutn. Ibid. Procw v^rb. 18 oftob.
1
-ocr page 133-
II. Partie. Llv. V. 131
a la malade ce qui en etoit; elle die kj<j<s. "
qu'elle s'etoit entierement confefTee, &c
qu'elle l'avoit aflure que pour ce qui
regardoit fes peches r elle ne fe ferpic
pas accufee d'autre chofe a quelque
eonfeffeur que ce fut, mais qu'il n'a-
             '
voir pas voulu l'abfoudre, difanc pour
raifon qu'elle ne s'accufok de rien &c
qu'il n'y avoit pas matiere d'abfolu-
tion a tout ce qu'elle lui difoit. La def-
fus les Superieures reprefenterent a M*
Poupiche la furprife oii elles etoient,
qu'il refufat d'abfoudre cette malade
dans un etat auffi xlangereux que celui
ou elle etoit, & lui dirent que II elle
venoit a mourir y il en repondroit de-
vant Dieu Sc devant les hommes. Il
repondit froidement qu'il ne pouvoit
faire autre chofe , & que s'il lui don-
noit les Sacremens il s'expoferoit a lui
faire faire un facrilege , parcequ'elle
n'avoit pas confiance en lui. Il ajouta
qu'y ai'ant (i long-tems qu'elle ne s'e-
toit confelTee, il ne pouvoir pas fe faire
qu'elle neut commis des peches, que
cependant elle ne. lui en difoit aur
eun (38). Etrange raifonnement 1 Fauc-
il done avoir commis des crimes pour
meriter de recevoir l'abfolution ? Un xtirr.
confelfeur eft-il done en droit de juger SuJ« M*1
(jS> Pioces verbal du 18 oftob.
-ocr page 134-
Ij-1 HlSTOrRE DT. P03.T-Ro'lAI.
~*~\666. (\aVLn penitent n'eft pas fincere , par*
li«t du refus cecLu'**
ne s'aceufe que de fautes lege-
dabfolmion res I Quelle apologie, &c quel eloge
four converges religieufes de P. R., tires de la
fepaiM.Pou- bouche de leurs ennemis ! Les reli-
E'cJlc"
          gieufes du chcEur etoient , de leur
propre aveu , puns commt dtsAngcs ,
&c
n'avoienc d'autres crimes que celut
de ne vouloir pas figner le formulaire ;
c'eft-a-dire , de ne vouloir pas aifurer
avec ferment un fait qu'eiles igno-
roient, & dont elles avoient grand
fujet de douter. Les fceurs eonverfes,
etoient fi pures qu'un confelfeur ne
trouve pss matiere d'abfolution dans
leur confeffion. Mais pourra-t-on ja-
mais ctoire que c'ait ete un fujet de
refufer l'abfolution, & qu'un confef-
feur choiii par un Archeveque de
Paris , revetu de tous fes pouvoirs ,,
ait refufe d'abfoudre une religieufe &
la mort pour cette feule & unique
raifon , que fes peches ne lui paroif-
foient pas matiere d'abfolution , 8c
que de plus il ait refufe de lui ad-
miniftrer les Sacremens > Le fait eft
neanmoins conftant, & M. Poupiche
perfiftant dans fon refus , dit grave-
ment qu'il ne pouvoit donner la com-
munion a une perfonne qu'il ne pou-
voit abJbudre ( parcequ'elle n'avoic
-ocr page 135-
II. Part ie. Llv. K i;;
pas commis de gros peches. ) Ainfi ^j^ '
l'Euchariftie n'eit plus pour les in-
nocens, mais pour les grands pecheurs.
La fceur Angelique de faint Jean lui
propofa de faire ce que faifoient ert
pareil cas les favans pretres de faint
Nicolas , qui confiftoit a faire con-
feirer une faute de la vie paiTee , lorf-
qu'il arrivoit que les fautes, done on
fe confefloit , leur paroiffbient trop
legeres pour meriter l'abfolucion. Mais:
il ne voulut point entendre a cet ex-
pedient. Enfin, comme on le prefla »
il repondit, qu'il falloit qu'il con-
fultat M. du Saugey. Celui-ci , done
1'ignorance n'etoit pas tout-a-fait an
meme degre que celle de M. Poupi-
che , lui confeilla apparemment d'ac-
eorder les Sacremens , car il revint
Tapres-dine & les adminiftra a la ma-
lade.
M. leVicaire de faint Medard arriv*
Je i1 pour confefler la fceur Catherine
Suzanne Champagne, qui etoit fort
mal (j 9) i mais le lendemain M. de
faint Laurent lui fignifia un ordre (40)
(59) Journ. 115..             »-dard d'entrer dans le
(40) » E» l'abfence de   » monaftere de P. R. ,
»> M. 1'Archeveque qui    » pour y entendre les con-
3> eft a Romaine, je vous    » feflions de quelque*
» fupplie ties humble-    » fceurs converfes mala-
3> ment de permettre a M.   » des; & meme des autres
& le Vicaire de faint Me-   » converfes qui fe portent
-ocr page 136-
154 HlSTOXRE DE PoRT-ROrAt.
qu'il avoir re$u de M. de la Brunetiere*
portant qu'un des ecclefiaftiques de
la maifon accompagneroit par-tout M.
fe vicaire , enforre que M. de faint
Laurent ne vouiut pas memepermettre
qu'il confeflar les converfes a la grille,
a moins qu'il n'y eut un ecclefiaftique.
Le Vicaire de faint Medard fur fi fur-
pris d'un tel ordre , donr les gardes^
eux-memes furent etonnes , que ne
voulant point deshonorer fon minif-
tere en fubiffanr le joug d'une fi hon-
teufe condition , il monta a cbeval &C
s'en rerourna fans avoir rien fair.
Ce procede fi extraordinaire , fi con-
traire aux regies de l'Eglife , par lequel
M. de la Brnnetiere alloir encore au~
dela de ce que M. de Paris avoir en-
trepris jufqu'alors } porra les religieu-
fes a appeller de cette entreprife dans
leur proces verbal du z8 octobre, dans
lequel elles renouvellent tous leurs ap-
pels & proreftations contre M. l'Arche-
veque, MM. Chamillard , du Saugey ,
» bien , fu:vant I'ordre    »  on lui permet de (e
■»■ que M. l'Aicheveque    »  confeffcr. Ce que Mk
si en a donne ci devant    »  l'Archeveque permet a
3> audit fieur Vicaire: s'il    »  toutescellts , dout M»
9> y a meme que'ques    »  le Vicaire rapportera la
5j unes des fceurs du    »  fignatuie , lequel fera
» chceur qui font mala      »  accompagne d'un eccle-
s> des , qui veuitlent Ce    »  fiaftique de la mai«
l» meure a fon devoir par    53  fon.
9^-une obeiiTance fincer©,
-ocr page 137-
II. P A K T r E. LlV. V. iff
Poupiche, les foeurs Dorothee & Fla- •
vie,& tous ceux qui confpirent a abolrr l *
leur maifon , & a effacer , s'ils le pou-
voient, leur nom de deflus la rerre &
meme du livre des vivans , ou elles
efperent toutefois que leur injuftice
             A
ne fervira qu'a leur procurer une
place plus arturee & plus certaine ,
puifque Jefus-Chrift qui eft la verite
meme , 8c qui a promis fon roiaume a
Geux qui font pauvres & qui fouffrent
pour la juftice, ne peut abandonner
pour toujours celles qu'il permet qui
foienc hai'es du monde pour fon nom ,
8c qui aiant ete depouillees de tout,.
ne pofledent plus d'autres trefors fur
la terre que celui de fes opprobies &
de fa croix , a laquelle il les tient
infeparablement attacliees par fon
amour.
                                                 xttVJ
M. le Vicaire de faint Medard re- Refus <fc*
vint a P. R. le vj avec M. le Mafdre '»«"!"«**
8c M. Prudhomme, pour voir la iceur therine «k ste
Catherine Suzanne Champagne ; mais Jj^vkS
fa vifite ne fut pas telle qu'on l'efpe-des.MedM«U
roit. Il avoir couturrve de faire deux
perfonnages aux autres vifites , mais
a Celle ci il n'en fit qu'un , qui fut le
mauvais , c'eft-a-dire celui de M. de
Paris , & refufa abfolument les Sa-
ctemens a la. fceur Catherine Suzanne*.
-ocr page 138-
J}6 HrSTOIRE DE PoVLT-ROlAZl
II alia enfuite voir deux foeurs con-
verfes , qui etoient malades, la fceur
Michelle & la foeur Catherine ; on' le
pria de demeurer le refte de la femaine
pour confeifer les autres ; mais il s'en
excufa fur ce qu'il ne pouvoit quitter
fa ParohTe, etant feul ; il promit feu-
lement de revenir , fi M. l'Archevc-
que le lui ordonnoit. Le Vicaire te-
moigna a la mere Prieure qu'il etoic
furpris que M. de Paris leur ai'ant faic
defenfe de chanter, elles ne laifTaflent
pas de le faire ; fur quoi la religieufe
lui dit les raifons qu'elles en avoienc*
]1 parla l'apres-dinea la foeur Leocade*
converfe , qui demandoit a. retournes
a Paris , quoiqu'a regret, difoit-elle,,
parcequ'il lui etoit impotlible de por-
ter plus long-tems l'etat ou elle etoit,
& qu'a moins de fe confelTer tous les
mois , elle ne pouvoit demeurer £
P. R. des champs. M. le Vicaire fe
chargea d'une lettre de cette conver-
fe pour M. l'Archeveque , & partita
Ce Vicaire fut renvoi'e le 15 du mois.
fuivant a P. R. , 011 il continua de
faire l'unique perfonnage de M. l'Ar-
cheveque ; il confefTa cepen'dant le
jour de fon arrivee les fceurs conver-
fes, difpenfees du parjure. La fceur Ju-
lie de fainte Syncletique , etoic aloxs
-ocr page 139-
i
II. Partie Llv. V. if?
fort mal, & M. Hilaire avoit ecrit x^6S%
a M. de Paris de la part de la
mere Prieure, pour lui obtenir de re-
cevoir les Sacremens; mais elle ctoit
fceur de choeur, & par confequent fu-
jette a. la fignature. Le refus qu'elle
fit de fe foumettre alette loi, lui at-
tira un refus des Sacremens de la part
de M. le Vicaire.
Quelqu'inutiles qu'eutfent cte tou- n^fd>^
tes les demarches qu avoient faites juf- conMeur
ques-liles religieufes aupres de lent j*Jtoi£S«
Archeveque , la mere Prieure ne laifla s. AuguAia,
pas de le faire informer de l'etat ou
etoit la foeur Antoinette de Saint-Au-
guftin Legros, afin qu'il envoi'at un
ConfelTeur a cette religieufe qui avoit
palTe quarante ans dans la religion
d'une maniere fi uniforme & fi exem-
plaire, que fes fceurs ne pouvoient la
regarder fans en etre edifiees. Mais la
piete 8c la faintete de la vie n'etoit pas
une difpofition fuffifante, aujugement
de M. de Perefixe , pour participer
aux facremens de l'Eglife. Il falloit que
les religieufes du chceur ajoutaflfent la
difpofition a la fignature , pour attefter
un fait dont elles doutoient. Et comme
la crainte d'offenfer Dieu les empe-
choit de l'avoir , elles ne pouvoient
(41) Journ. p. 114. Proces retUal du 16 iicembztt.
-ocr page 140-
I $8 tflSTCftRE DE VoSiT-KOlAti
rien obtenir de M. de Paris. Voici U
reponfe qu'il fit de vive voix le 17
novembre a M. Hilaire : » Dites aux
« religieufes , qu'il eft: inutile qu'elles
» demandent deformais de Confef-
» feur lorfqu'elles feront malades,
» a moins qu'elles ne changent les dif-
» positions dans lefquelles elles ont ete
» jufqu'ici". La foeur Antoinette re*
<jut cette reponfe avec tranquillite,
mettant toute fa confiance & fa joie
en Dieu. La mere Prieure crut cepen-
dant devoir faire une nouvelle ten-
tative, & charger M. Hilaire , qui de-
voir aller a Paris, de dire a M. l'Ar-
cheveque l'etat ou etoit Gette fceur, &c
le denr quelle avoit de recevoir les
facremens. La mere Agnes fe trouvanc.
audi fort mal, on renouvella aupres de
M. de Paris les inftances pour avoir u«
Confefleur, mais tout cela fat inutile.
La four Antoinette paroiflant a 1'ex-
tremire le4 decembre , la communaut6
s'affembla pour faire les prieres ordi-
naires (42). L'apres dine, M. Hamon
Vint pour la voir accompagne de la
tourriere > la malade »les prit a temoin
m Pun & l'autre>. qu'elle defiroit de
» tout fon cceur fe confeffer avantque
» de mourir , & recevoir l'Extreme-
(41) Journ. p. lie. Pioces verb, du 18 dec.
-ocr page 141-
Jl. Par. tie. Liv. V. 139
fc On&ion & le Saint Viatique •, mais 1 £<J6»
» que puifqu'on ne vouloit pas lui ac-
»» corder cette grace, fi elle ne fignoit,
*> elle aimoit beaucoup mieux en etre
- privee que d'ofFenfer Dieu pour 1'ob-
w tenir, etant perfuadee qu'elle ne
» pouvoit figner fans blelfer beaucoup
*> fa confcience , & fans commettre
» une infidelite contre la grace de Je-
» fus-Chrift ; ce qu'elle etoit refolue
y de ne faire jamais avec l'afliftance
» de Dieu, efperant qu'il ne l'aban-
» donneroit pas jufqu'a ce point «.
Elle dit cela d'un ton fi haut & fifes-
rne , que M. Haraon en etant furpris »
dit a celles qui etoient prefentes , qu'il
lui fembloit qu'elle parloit plus libre-
ment, & qu'elle etoit moins oppreflee
que les jours precedens. » Ce n'eft
»» point cela, dit la malade , car j'ai
» autant de peine a parler que j'en
*> avois hier, mais c'eft que j'ai une fi
n grande horreur de la fignature , que
» quand j'en parle , je fens en moi
v une fermete qui me donne de la
u force «.
Le mercredi 8 du mois , la malade
fe trouvanta l'extremite,elle pria qu'oa
fit les prieres de la recommandatioa
de Tame pendant qu'elle avoit la con-
noifiance, & qu'elle pouvoit y avois
-ocr page 142-
t^O HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl.
atrention. La communaute s'aflembfai
pour ce fujec apres la mefie , & aiilB-
tot qu'elle vie les religieufes dans la
chambre, elle leur demanda pardon
des fautes qu'elle croi'oit avoir faires
a leur egard ; enfuite elle leur parla
ainfi au Jfujet de la fignarure. •» Je
» vous fupplie de croire, mes faeurs »
» que dans l'etat ou je fuis, j'en ai
» plus d'horreur que jamais. Je vois
» de plus en plus que je ne la faurois
« fairefans commettre untres grand
» mal; & je fuis perfuadee que Dieu
» m'a fait une tres grande grace de
» m'en avoir prefervee. Je vous fup-
» plie de leprier qu'il me donne la
m perfeverance jufqu'a la fin «. Elle te-
moigna aulli, que puifqu'on ne vouloit
point lui accorder d'Ecclefiaftique qui
rut difpofe a lui adminiftrer les facre-
mens felon Dieu & fans la vouloir obli-
ger a l'ofFenfer pour les obtenir , elle
n'avoit point defire qu'on en appeMt,
croyant que ce ne feroit qu'un fujet de
tentation pour elle de voir leur manie-
re d'agir.
Enfuite on fit les prieres ordinaires,
auxquelles la malade , quoique deja
dans les douleurs de l'agonie , eut l'ef-
prit applique avec une paix & une tran-
quillite parfaite. Les prieres ecant fl-
-ocr page 143-
II. Part ie. Liv. V. 141
rues , on la pria de porter devanc j^ST
Dieu les interets de la communaute ,
de le prier de conferver entre elles la
paix 8cJ'union , de leur faire la grace
de ne point fe lafler de fourfrir, &
de ne jamais manquer a. la fidelite
qu'elles lui devoient (43); la malade
ajouta, & de perfeverer jufqu'a la Jin.
Chacune des religieufes voiant cette
chere foeur prete a partir pour la terre
des vivans , la chargeoit d'y porter
fes commifllons , qu'elle acceptoit vo-
lontiers Sc avec fimplicite , envifa-
geant audi tranquillement la more
qu'elle auroir fait un voi'age. Les unes
la prioient de prier pour elles-niemes ,
les autres pour la converfion de ceux
qui les perfecutoient , particuliere-
ment pour celle de M. l'Archeveque,
6c du petit nombre de leurs fours qui
s'etoient feparees d'elles. Quelques- f ^0"„fjj~
autres connderant la grace que Dieu netce de faint
faifoit a cette heureufe agonifante q"^"1 "
de mourir dans de fi faintes difpofi-
tions , portoient envie a fbn bonheur
& Ten felicitoient. Le moment de fa
delivrance etant arrive , elle rendit
tranquillement, vers le midi, fon ame
a celui qui 1'avoir creee, au fervice du-
qitel elle s'etoit confacree d^puis plus
fa)) Jpurn. »ij. Proc. yerb. du 18 dec.
-ocr page 144-
14* HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
■ de quarante ans, pendant lefquelselle
fin un modele parfait de regularite.
Le foir du meme jour le convoi fefit,
on porta la defunte dans l'Eglife ; oil
les vepres des morts furent chantees
folemnellement fur le corps , & on lui
rendit tous les honneurs qu'on avoit
rendus a la fceurMarguerite de Stc Ger-
trude, & a la foeur Fran^oife deSie Lut-
garde. Le lendemain on commenca a
chanter laudes immediatement apres
la mefTe , le corps prefent, & on leva
le rideau de la grille felon la coutume.
M. du Saugey , qui etoit a la facriftie,
fut fi irrite d'entendre chanter , que
fans prendre letems de fe deshabiller,
ai'ant feulement quitte la chafuble ,
il fortit pour chaffer tous ceux qui
etoient dans l'Eglife. Il fit enfuite de
grands reproches a un des gardes du
Roi, l'accufant de negligence dans fa
charge , parcequ'il etoit dans l'Eglife
lorfqu'on avoit commence le fervice ,
Sc qu'au lieu de faire fortir le monde ,
il avoit lui-meme pie Dieu avec les
autres. Quel crime ! Des ce jour, M.
du Saugey ferma les portes de l'Eglife,
& ne les voulutplus ouvrir qu'a l'heure
de la meffe, jufques-la que le diman-
che fuivant il renvo'ia tous les gens de
la naaifon qui venoient a vepres; ce
-ocr page 145-
II. Parti e. Liv. V. 14$
quHl continua de faire jufqu'aux envi-
rons de NoeL
La fcEur Antoinette Euphrafie de
faint Auguftin Legros , a qui on fit
Ip traitement que nous venons de rap-
porter, etoit une des vingt-quatre no-
yices que la mere Angelique avoit ame-
nees de Maubuiflbn a P, R. » Dieu, dit
» la mere Angelique de S. Jean (44) ,
» lui fit la grace a accomplir l'avis de
v faint Bernard , de commencer par-
v faitemmt;
elle entra des lors dans le
» veritable efprit de la religion , 8c
» elle etoit du nombre de ces ames ,
» en qui I'accroiftement de la vertu
v eft imperceptible , parcequ'il con-
m fifte proprement dans Tuniformite
» 8c dans une perfeverance qui ne fe
,, relache jamais ». Jamais la fceur Le-
gros ne fe relacha de fa premiere fer-
yeur, & elle continua jufqu'a la mort
a fervir Dieu avec le meme zele 8c la
meme fidelite. Elle etoit d'une fim-
plicite 8c d'une innocence extraordi-
naires ; d'une docilit^ parfaice pour
(qs fuperieures ; d'une resignation qui
ne lui faifoit envifager que Dieu dans
tous les evenemens ; d'une douceur
nue rien n'etoit capable d'alterer; d'un
(44) Rel. des vertus & de la mort de la fceur let
#r»s. Voi'cj vies cdif. T. ». p. 17,
-ocr page 146-
—--------- «n—»■"■■------------------------■--------------------
144 HlSTOIRI DE P0RT-RO1AI?
1(j(j(ji attachement a la verite & a la fince-
rite chretienne , qui la fit refifter cou-
rageufement aux menaces & aux trai-
temens les plus dnrs;d'une modeftie qui
edifioit tous ceux qui la voi'oient j
enfin d'une patience admirable au mi-
lieu des douleurs prefques incroiables
qu'un cancer lui fit fouffrir pendant
les trois dernieres annees de fa vie.
La foeur Angelique de faint Jean re-
marque que la folidite de fa vertu
parut dans cet etat , en ce qu'elle pro-
fita de tous les avantages qu'elle pou-
voit trouver dans les fouffrances , fans
fe retTentir des pertes que les perfon-
nes memes vertueufes font fouvent
<lans la maladie , qui leur eft un fu-
jet de tentation a caufe du divertifle-.
ment qu'elles peuvent etre obligees
de donner a leur efprit pour foulager
la nature. Telle etoit la religieufe que
M. de Perefixe jugea indigne de re-
cevoir les Sacremens.
XLVII
         Le jour de la mort de cette fainte
Mon de U fille , la mere Prieure dit a M. Hilaire
S^JS* qui alloit a Paris, d'informer M. l'Ar-
cheveque du deces de cette religieufe ,
& de lui dire que puifqu'il ne vouloit
plus entendre parler d'elkspendant leur
vie,
elles lui donneroient au moins avis
de la mort de celles qu'il lahoit a
Diea
■■ ''-^"-
-ocr page 147-
II. Partus. Liv. V. 145
Dieu de retirer du monde. Elle le "
chargea en meme terns de demander
un confefleur pour une foeur converfe
qui etoit a l'extremite , ( c'etoit la
four Michelle de fainte Melanie ,
dont nous avons deja parle) qui de-
firoit recevoir les Sacremens , & ne
pouvoit fe refoudre a avoir confiance
a M. du Saugey ; le feul confelTeur
qu'euflent les fceurs converfes , M.
Poupiche ai'ant ete revoque le 2 3 de
novembre. M. de Paris envoi'a un
docteur deSorbonne nomme Hodencq,
qui n'etoitpas moins prevenu contre
les religieufes de P. R., ni moins in-
jufte que M. du Saugey & M. Poupi-
che ( quoiqu'il fut neveu d'un hon-
nete hornme , c'eft-a-dire de M. Ho-
dencq cure de faint Severin, dont nous
avons parle ailleurs): il arriva le 17 ,
confefla routes les converfes, &c ad-
miniftra les Sacremens a la fceur Mi-
chelle. Elle mourut le 21 , & M. du
Saugey , qui etoit pour lors a Paris ,
en revint avec des inftructions fur ce
qu'il avoit a faire. Ces inftruclrions
donnees par M. le grand Vicaire ,
portoient que (i la fceur converfe ve-
noit a mourir, comme elle mouroit
dans la communion de 1'Eglife & avoit
recu tous fes Sacremens , on ne pou-
Tome VI.
                        G
1666.
-ocr page 148-
146 HlSTdlRE Dl P0R.T-R01*At."
i<j(j(j voit pas lui refufer la fepulture ecclefiaf*
tique , qu'ainfi il pouvoit faire fon-
ner les cloches , encenfer le corps
dire toutes les prieres , pourvu qui
ce fut fubmiffa voce fine cantu : Qu
fi les religieufes vouloient chancer
il ne laifleroit pas de dire les priere
avec fes affiftans fubmijfa voce , &c qu'i
fe retireroit enfuite ; que c'etoit a(fe'
qu'il ne donnat pas occafion a. leur de
fobeifTance.
Le fieur du Saugey notifia alix reli
gieufes les ordres qu'il avoit appor
tes lui-meme , & qui furent execu
tes. Au fortir du parloir il fit fon
ner la groffe cloche > il fit les ceremo
nies accoutumees , & recita les orai
fons. Mais pour les religieufes , elle
chanterent les antiennes , repons &
pfeaumes , felon leur ufage.
xtvi.
         Apres la ceremonie de Pence rre
Ugi'eufesau'&rment > e^es allerent chanter vepres
ia Sangey. enfuite defquelles ai'ant appris qu<
M. du Saugey devoit partir pour Pa
ris, elles lui ecrivirent le billet fui
vant. » Puifque M. du Saugey retour-
« ne a Paris , il faudroit favoir dt
«• lui s'il ne prendra pas la peine d<
» s'informer de ee qu'on fera le jou
»» de la fete de Noel, comme il a ei
» foin de le demander pour Tenter
-ocr page 149-
II. Partie. Liv. V. 147
W rement , & s'il y aura difficulte de X6667
»
former les cloches pour la naifTance
*> de Jefus-Chnft , que Ton a bien
» fonnees pour la mort d'une de nos
» fceurs converfes , & d'ehcenfer fon
« corps a l'autel, puifque Ton a bien
« encenfe celui de notre defunte. L'on
» a encore moins de fujet d'apprehen-
« der que nous voulions nous attri-
i> buer quelque chofe des honneurs
» qu on rendra a Dieu, que de ceux
" qu'on a bien voulu rendre a une
" perfonne qui fait partie de notre
» corps , qui a vecu & eft morte dans
» une parfaite union avec nous. Le
« privilege des fetes annuelles don-
» neroit auffi lieu de demander, fl
»> Ton ne pourroit point chanter les
» grandes mefles ce jour-la.
M. du Saugey aVant regu ce billet, XLVir.
xepondit par un autre , dans lequel il &$%?'£_
temoignoit que ce feroit une grande g=y-
fatisfadion pour lui de leur accorder
ce qu'elles demandoient, & qu'il fou-
haitoit pour cela que les chofes fuf-
fent de leur cote en etat de l'obtenir ,
comme elles y etoient du fien. II
ajouta qu'il feroit inutile qu'il le de-
mandat a M. de Paris fur les raifons
qu'elles apportoient, que c'etoit me-
me leur rendre fervice que de les fup-
Gil
-ocr page 150-
I48 HlSTOIRE DF PoRT-ROlAt.
primer , n'etant capables que de I'ai-
grir contre elles. II les pria , par l'af-
redion qu'il avoir pour elles ( le
motif etoit preflant ), de n'etre pas (i
abondantts en raifons
, & de laijjer la
liberie a ceux a qui elles s'adrejfent d'en
fubjlituer
, oujoindre de plus accommo-
dantes aux fentimens ties fuperieurs.
Inexpedient eft fingulier. Que diroit-
on de la pretention d'une perfonne ,
qui voudroit que fa partie lui laiiTat
la liberte de fupprimer fes raifons ,
d'en fubftituer ou joindre d'autres plus
accommodantes aux fentimens des ju-
ges \ M. du Saugey etant revenu de
Paris , ne parla de rien , & les reli-
gieufes firent la rrieme chofe de leur
cote,demeurant dans le filence & l'afe*
tente de ce qu'il feroit. Le jour de la
fete , il fe contenta de dire des meftes
baffes, fans aucune ceremonie ni en-
cenfemens , & fans qu'on fonnat les
cloches. Le lendemain de la fete ,
vet.- 16 decembre, les religieufes drefTe-
' rent un proces verbal, dans lequel el-
les fe plaignent de cette conduite ir»
reguliere du lieur du Saugey , & re*-
nouvellent tous leurs appels & leurs
proteftations contre ceux qui confpi-
roient a la ruine de leur maifon. Elles
rappeilent dans ce proces verbal ce qui
-ocr page 151-
II. P ARTIE. Liv. V. 149
tfetoit paffe a la more & a l'enterre- nS66. "
ment de leur fceur Antoinette de faint
Auguftin pour en conferver le fouve-
nir a. la poflerite , qui defirera favoir
la verite de tout ce qui s'eft fait dans
cette affaire , &c qu'on taclie d'etouf-
fer : ce n'eft pas qu'elles efperent par
ces appels & ces proces verbaux obte-
nir reparation de l'injuftice qu'on leur
fait, mais e'eft pour ne point couvrir
{>ar leur filence un mal qui n'a pas feu-
ement rapport a des perfonnes parti-
culieres , mais qui tend a la deftruc-
tion d'une communaute confacree a
Dieu *, ce qui doit etre un fujet de ge-
miffemens & de larmes pour tous ceux
qui ont du zele pour fa gloire. C'eft yue Acs re-
dans cette vue qu'elles font refolues''cf^ocl$w^-
de continuer a conferver la memoire Jj«»* qu'elles
des evenemens femblables , & a endteffoient-
informer par des monumens authen-
tiques , afin de faire voir que fi la
paffion & la malice des hommes qui
voudroient les chaffer hors de l'Eglile,
ont eu affez de pouvoir pour les faire
traiter comme fi elles en etoient ef-
fe&ivemenr bannies, ils n'ont pas eu
celui de les arracher du fein de cette
mere unique de tous les fideles, &c
que l'impitoi'able durete de fes minif-
tres , qui leur refufent routes les
G nj
-ocr page 152-
150 HlSTOIRE DE PoR.T-R.01Ai
666. graces dont elle leur acommisla dif-
penfation , n'eft pas capable d'alterer
en rien 1'union qu'elles onr avec elle »
ni de leur faire perdre quelque cho-
fe de 1'aifecTion & du refpecT: qu'elles
portent a tous fes miniftres 8c a toutes
fes loix. On vou la preuve de ces dif-
pofitions h chretiennes des religieu-
fes de P. R. dans la conduite qu'elles
tenoient. Malgre les refus reiteres
qu'elles elfu'ioient de la part de M.
l'Archeveque; malgre la durete de ce
Prelat, qui, au lieu de leur donner le
pain qu'elles lui deniandoient, le leur
arraehoit de la main , & leur donnoit
un fcorpion aulieu de poiflbn , en leur
envoiant des confelfeurs , ( lorfqu'il
jugeoit a propos de leur en accorder )
qui ne cherchoient qu*a les feduire &c
a les faire agir conrre leur confcien-
ce; malgre, dis-je, toutes ces raifons,.
qui etoient capables de les convain-
cre de i'inutilite de toutes les demar-
ches qu'elles pouvoient faire , & qu'a-
pres tant de refus, elles n'avoient qu'a
demeurer tranquilles, a'iant entiere-
ment fatisfait a leurs devoirs -, qu'ainfi
elles n'avoient plus rien a faire qu'a*
fe refoudre a mourir en paix , fans
rien demander davantage aux hom-
ines , tant que dureroit cette tempetej|
-ocr page 153-
II. Parti*. Liv. V. 151
fe coiitentant de s'adrefler a Jefus- 7&$$?
Chrift leur fouverain Pretre & leur
Pafteur •, cependant, le defir extreme
qu'elles avoient de participer autf
faints Sacremens les faifoient pallet
par-dellus toutes ces raifons , &c les
engageoit a* faire dans toates les occa-
fions de nouvelles inftances pour fe pro-
curer cette faveur (45).Nous en avons
vu plufieurs exemples dans les annees
de captivite qui precedent , & nous
en verrons encore d'autres dans la
fuite.
                                                        ,
L'annee dans laquelle nous entrons 166 j.
offre au le£teur le meme fpectacle que
la precedente. Il verra & admirera ,
d'une part, la patience invincible des
religieufes de P. R., qui » bien loin
de le laifler affoiblir par les mauvais
traitemens , n'en font que plus fer-
mes & plus refolues a tout foufFrir ,
plutot que de rien faire de contraire
a la verite & a la fincerite chretienne,
D'un autre part, il verra avec eton-
nement 1'inflexibilite du cara&ere d'un
Prelat, qui, abufant de l'autorite qu'it
a regue de Jefus - Chrift pour edifier
& non pour detruire, trouble , perfe-
cute 8c opprime une communaute de
vierges chretiennes, qu'il avoue lui-
j^.$.) Iourn. p. 118 Scfuiv.
G iv
-ocr page 154-
151 Histoire de PoRT-ao'iAr."
_ i<j 67. m^me ^tre pures comme des Anges. Il
verra des ecclefiaftiques ignorans 8c
prevenus , faire les fonctions de fe-
duiteurs & de perfecuteurs 5 rour-
menter au lit de la mort de faintes fil-
les,& leur refufer les Sacremens qu'el-
les defirent avec ardeiir , & qu'elles
font audi dignes de recevoir par la
faintete de leur vie que par la purete
de leur foi. Entrons en matiere.
xtym- m. de Paris envoi'a le 4 Janvier
gneval refufe 1667 un pretre Eudifte , nomme de
les sacremens Lonsuevaf, pour remplir la place de
aunerehgieu-        o .       r            . r          r
fi malade. M. Poupiche. II etoit digne du choix
de M. de Perefixe , & ne tarda pas
beaucoup a faire voir de quoi il etoit
capable pour feconder les vues de ce-
lui qui Pavoit envoie. Une religieufe
ctant tombee malade , on jugea a pro-
pos de le faire entrer le 12 de fe-
vrier pour la voir. Cet ecclefiaftique
ai'ant declare a la malade qu'il falloit
qu'il fut qu'elle etoit fa difpofitiort
pour la confefler , elle lui repondit
que fa difpofition etoit de ne rien fi-
gner & de ne rien faire contre fa conf-
cience. Surfareponfedeprerre Eudifte
dit qu'il ne peut lui adminiftrer les
Sacremens , qu'elle n'eft pas en etat de
falut, & qu'elle fera damnee comme
tous les diables. S'etant enfuite retire*
-ocr page 155-
II. Partie. Llv. V. iy?
d'aupres de la malade , il entra en \C6-i
converfation avec les religieufes qui ,„„.„„.,*
etoient prelentes , & voulut leur per- avec les teu-
fuader que ce n'etoit point pour le fait 8ieufef"
qu'on leur demandoit le ferment: il
leur dit qu'on flgnoit par-tout fans
diftin&ion du fait & du droit, parce-
au'on ne favoit ce que c'etoit que ces
ifputes ; que comme les conteftations
s'etoient elevees a Paris , ou etoient
tous les fa vans , il avoit fallu faire
quelque chofe de plus pour contenter
tout le monde ; que pour cela M. l'Ar-
cheveque avoit trouve un temperam-
ment admirable , en declarant qu'il
ne demandoit la foi divine que pour
les dogmes. II pretendoit qu'elles ne
faifoient difficulte de figner que par
attache pour leurs amis , qu'ils les
avoient rellement prevenues de toutes
leurs maximes , qu'elles fe feroient
crucifier pour M. Arnauld & Janfe-
nius; que fi M. Arnauld leur confeil-
loit de figner , elles le feroient. Les
religieufes lui repondirent que biera
loin de figner, fi M. Arnauld leur con-
feilloit de le faire, elles ne figneroient
pasmemequand M. Arnauld I'auroit
fair; que fon exemple en cela ne leur
donneroit qu'une plus grande appre-
henfion d'une tentation auffi grand©
Gv
-ocr page 156-
1*4 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.4
que celle-la paroitroit l'etre,fi elle avoir
abbattu les plus forts , pour faire trem-
bler & humilier les foibles. Apres
quelques - autres difeours , il fe leva
en difant, que puifqu'on ne vouloit
rien faire, ii ne donneroitpas les Sa-
cremens a la malade. Puis s'appro-
cbant d'elle , il lui dit la meme cho-
jfe , ajoutant qu'il feroit fon juge au
j'ugement de Dieu. » Peut-etre, Mon-
» fieur, repliqua la malade , que ce
m • fera moi qui veus jugerai, puifque
»» voiis ne me refufez les Sacremens
» que parceque Dieu me fait la grace-
« de demeurer ferme dans 1'amour
« de la verite. J'efpere que ce fera
» ce qui m'aidera a obtenir encore
» plutot mifericorde , quand je ferai
j> devant Dieu «-. M. de Lonmieval
temoigna neanmoins par les paro-
les , de la douleur du refus qu'il lui
faifoir, il librement & fi injuftement,
de lui adminiftrer les Sacremens , &c
il' l'exhorta a croire le fait de Janfe-
nius, qu'ell'e devoir croire , difoir-
iT,. comme il croi'oit qu'elle etoit uns
bonne, fllle {<\6).
Oui, M. lui dit la
fceur Angelique , &cvousLulrefufe^les,
Sacremens,
»ISPetes-vous point fiirpris „
»• luit dir-elle encore,. de ce que vous.
V«) Joum, uo, 8C fwv
-ocr page 157-
II. Partie. Llv. V. x$$
*> vo'i'ez & de ce que vous faites > kT^/,.
» Vous avez fouvent affifte des perfon-
» nes mourantes; a-t-on jamais enten-
» du parler, qu'au lieu de les exhorter
»» a efpereren Dieu , a lui demander
n pardon de leurs peches» & a im-
» plorer fa mifericorde , il n'y a au~
»» tre chofe a leur dire, qu'a leur par-
»» ler de fignature & de formulai-
» re , de diftindtion de fait & de
» droit, de chercher des termes Squi-
rt voques pour s'expliquer I Cela eft-
» il bien convenable a l'etat d'une
» perfonne qui fe meurt "i A-t-on.
» change de foi & de religion , pour
» qu'il faille croire que e'en eft la le
« premier article > & le plus eiTentiel
» au falut I
On tacha encore de lui faire voir xnx:
l'injuftice qu'il y avoit dans le refus ££%£
qu'on leur faifoit des Sacremens ; que LonguewU-
quand meme elles feroient dans l'er-
reur , le moien qu'on emploioit pour
les en tirer ne ferviroit de rien, puif-
que quand elles auroient figne ,,
y etant contraintes partant de violent
ces , elles n'en feroient pas plus ink
truites dansla foi,ni le monde plus pet-
fuade qu'elles euftent change de fenti-
ment, cette action n'aiant etc nulle—
naeru Ubre: Qu'une preuve qu'il ne s'a«~
Gvj<
-ocr page 158-
i$6 HlSTOIRE DE PoRT-ROi'AE.
,j_# giffoit point de la foi , etoit qu'on n©
demandoit rien de femblable aux
fceurs converfes , bien qu'elles euflenc
ete inftruites de la meme maniere.
Que fi cette fignature etoit fi necef-
faire au falut , & la feule marque de
la vraie foi, on l'exigeroit de tout le
monde , & autant des laics que des re-
ligieufes de P. R. Toutes ces raifons
ne perfuadetent point le fieur de Lon-
gueval, qui perfifta dans fon refus ,
& fe. retira en difant qu'il leur reftoit
encore beaucoup a fouffrir , qu'elles
n'etoient pas au bout, que cette af-
faire irqit plus loin , & qu'il y auroit
du changement. Il difoit cela en mar-
chant ; & la mere Prieure de Paris »
qui le fuivoit d'un pea loin , ne l'en-
tendant pas bien , lui dit •, » Mon-
» fieur , vous dites qu'il y aura du
» fang de repandu ; je m'y attends
» bien que cette affaire ne finira
" point qu'elle n'en foit venue juf-
*> ques-la«. Non pas cela , reprit le
to fieur de Longueval , ne vous flattez
» point de cette penfee , vous n'etes
«• point encore aflez bonnes pour me-
» riter d'etre martyrs «. LafceurAn-
gelique prenant la parole lui dit :
» Monfieur , les graces font fi gran-
» des qu'on ne les mirke point; mais
-ocr page 159-
II. Parti t. Liv. r. 157_____
m Dieueft fi bon qu'il peut les don- 166 f*
» ner fans qu'on les ait meritees.
Le fieur de Longueval die enfuite ,
qu'il ne pouvoit agir d'une autre forte ,
qu'il ne pouvoit douter que M. de Paris
n'eut de grandes raifons de faire ce
qu'il faifoit •, qu'il feroit bien mal-
heureux , fi une autre chofe que le
devoir de fa charge & le defir du fa-
lut des ames le portoit a une fi etrange
rigueur ; que ce feroit un tyran , urt
bourreau, de laiflfer mourir fans affif-
tance & fans Sacremens,des religieufes
qui ne l'auroient pas merite. II ajouts
qu'il ne pouvoit pas avoip,de telles
penfees de ce Prelat , & qu'il n'avoic
aucun fcrupule de faire ce qu'il fai-
foit en fuivant fes ordres; qu'il avoit
grande companion de les voir dans
f'etat ou elles etoient.
Deux jours apr£s , le 14, il de- t; ^^
manda a parler a la mere AbbefTe , tienUdeM.de
«u a auelqu'une de celles qui l'avoient Longueval.
accompagne , lorlqu il etoit entre. La ae reftime de
mere Prieure & la foeur Angelique de la maiTo«,
faint Jean fe rendirent a une des pe-
tites grilles des tribunes , ou elles eu-
rent un nouvel entretien , dans le-
quel il s'efforga inutilement de leur
perfuader que le ferment qu'on leur
demandoit, ne regardoitque le droit
-ocr page 160-
ij* HrsTorKB de Port-roiak;
TgZl &: non le fait. Voiant qu'il ne tenC
fiflbic pas par fes raifonnemens , il
f>ric un autre tour pour chercher par
a douceur une entree, ou il ne pouvois
arriver par fes foibles raifons ; il te-
moigna etre tres fatisfait des religieu-
£es, & de la fageffe de leurs reponfes j
&c dit qu'il voioit quantite de chofes
dans la maifon qui lui en donnoient
de l'eftime , qu'il y en avoit neanmoins
une dont il n'etoit pas edifie , c'etoit
de voir les fours converfes commu*
nier fouvent, quoiqu'elles n'allaffent
point a confelle, & il declara que fl
elles vouloient s adreffer a lui, il n'e-
xigeroit autre chofe d'elles , finon
qu'ellesnepriirent aucun parti, qu'elles
ne jugeaffent de perfonne , & ne con-
damnarTent ni les religieufes deParis ni
eelles de P. R. des champs. Mais on
lui repondit, que ce feroit exiger d'el-
les une chofe egalement impollible &
injufte ; que connoiflant par leur pro-
pre experience Tinnocence des unes ,
&c la conduite criminelle des autres ,
il ne leur etoit pas poflible de demeu>
rer dans cette indifference., 8c de ne
pas condamner le mal.
rr.           On lui donna enfuite un eclaircif*.
on lui don- fement fur ce qu'ii ieur avoit dlt d
ne dts eclair- .            .               ,t                 ,
«uranens fut,,uiventions qu elles avoient raites il
-ocr page 161-
II. Partte. Liv. V. ifji
P. R. de Paris, out elles fe confef- j%$7**
foient par un rrou , & aurres chofes c
iemblables. La four Angelique lui
moiens don?^
raconta qne vo'iant les affaires de la & ^'S'"63-
r         f                 ,             . .          r -r • »ewient ftr-
mailon dans un etat qui leur rauoit vies pour fe
juger qu'elles alloient etre affiegees au-g"™"1 £*
dedans 8c au-dehors , & abandonneesrur les kffai-
fans aucun fecours fpirituel ni tem- f" temP°"^
.                                      f                                     les que 1UC-
porel , elles avoienr cru que la pru-ceiksde lews
dence permetroir d'en ufer a la guerre confcien(:**
comme a la guerre , & de faire en cc
tems ce qu'elles n'auroient pas fait
dans un autre. Qu'ainfi il etoit vrai
qu'elles avoient menage plufieursr
moiens pour fe procurer quelquesr
avis , foit pour les affaires temporel-
les, foit pour celles de leur confcien—
ce, & qu'on avoit fait entre autres une-
invention dans un grenier. Mais cc
qui etoit bien etrange , & ce qui
marquoit une malice bien noire dans
la four Flavie , qui faifoit tous ces
rapports , &: cherchoit a noircir fes
fours, c'eft quece fut elle-meme qui
follieita pour qu'on rrrit routes ces
inventions en ufage ; fur quoi ellc
avoit peut-etre des lors delfein de les'
trahir , & de s'en fervir contre elles ,
comme elle ne tardapas de faire. Celt
ce qui engagea la mere Abbeffe a fup-
primer routes ces inventions peuavant
-ocr page 162-
iSa HrsTomE de Por.t-r.oiae.
que les religieufes fortifTent de Paris *
parcequ'elles s'apper^urent qu'on les
trahifloit, & que ce qu'elles avoienc
menage pour une bonne fin , fervoit a
une route oppofee. La meme faeur
Flavie entra dans une etrange colere ,
lorfqu'elle vit qu'on avoit fupprime
les routes par lefquelles elle tramoit
fes cruels & noirs deCTeins contre fes
foeurs. La fceur Angelique , apres
avoir rapporte tous ces faits, juftifia la
conduite des religieufes de P- R. par
l'exemple de David & des Apotres , 8c
fie voir que la calomnie n'en etoit pas
moins odieufe, quoiqu'il y em quel-
que verite dans les faits, qu'il n'y avoir
que plus de malice a cacher ainfi les
circonftances qui rendent une action
ties innocente , pour les rendre cri-
minelles ; que la foeur Flavie & les au-
tres faifoient en cela ce que feroit une
perfonne qui, pour perdre une reli-
gieufe , diroit qu'on la vue en pleine
nuit fe fauver de fon couvent, fans
ajouter que le monaftere bruloit. Le
fieur de Longueval voulant juftifier les
calomniatrices , repondit gravement ,
que ce qu'elles faifoient etoit ordinaire
a tous ceux qui ont des proces , qui
difent tout ce qu'ils peuvent contre
leur partie, fans peier les chofes *
-ocr page 163-
II. Par.tie. Liv. V. \Ci
pourvu qu'ils arrivent a leur fins. Re- i 667,
ponfe digne d'un homme , qui dam-
noit avec tons Us diables des vierges
chretiennes , parcequ'elles faifoient
fcrupule de mentir par obeilTance , 8C
d'aiTurer avec ferment un fait, dont
elles doutoient.
                                           ...
Ce rare fujet ne fit pas long fejour Les reiigfen*
a P. R., il retourna a Paris , d'ou il k'{°m **!"*
_ - .                       r               -•!      plufieurs de-
nt lavoir par une perionne, qui! nemandesiM.
reviendroit plus (47). Le fieur du Sau-dc Sat&a'
gey apprit le 14 mars cette nouvelle
aux religieufes , & leur dit que c'etoit
a elles a voir fi elles vouloient un autre
ecclefiaftique a. fa place.La merePrieure
lux repondit qu'eliess'enpaiTeroientai-
fement, s'il vouloit continuer de pren-
dre foin de la facriftie ; ce que le fieur
du Saugey refufa. Il fallut done en de-
mander un autre , d'autant que la fete
de Paque approchoit. M. Hilaire de-
vanr aller a Paris le 28 , la mere Ab-
belTe le chargea de demander un ec-
clefiaftique , tant pout l'Office de la
femaine fainte, que pour confelTer les
fceurs converfes. Elle chargea encore
M, Hilaire de favoir de M. l'Arche-
veque fes intentions touchant l'ado-
ration de la croix , qui leur avoit ete
refufee l'annee precedente ( par l'ordr$
(47) Joutn. p. 114.
-ocr page 164-
\6l HrSTOIRE DE PoRT-ROi'At."
* 1667, meme de M. de Perefixe, qui avoir dlt
a M. Hilaire qu'il ne fe devoit faire au-
cune ceremoniedans leur Eglife (48).)
La mere ajouta, qu'elle avoit une grace-
a demander a M. de Paris, 11 elle ofoic
le faire, qui etoit de participer aux
faints Sacremens ; mais M, Hilaire
faifant quelque difficulte de fe charger
de cette derniere commiflion , elle le
pria de vouloir au moins faire fouve-
nir M. l'Archeveque du delir qu'el-
les luienavoienttemoignetant de fois,
&c l'afiurer qu'il n'y avoit que le refpect
qui les empechat de les lui demander
encore , feur ai'ant defendu de lui
ecrire,
mi.
        M. Hilaire etant de rerour de Paris,
Reponfe de        j • t                • I                   A r
M. de Paris rendu le 4 avnl compte de la com-
i. queues miflion a. la mere AbberTe (49). Sur
demandes des.                .            . .         »x J r» • i *
leiigieufes de« premier article, M. de Pans lui
'• *► repondit qu'il enverroit au premier
jour l'eccleiiaftique qu'on deraandoit j,
fur le fecond il dit, qu'il avoit man-
de a M. du Saugey , qu'apres qu'il
Vauroit fait adorer
(la croix) au de-
hors , il pourroit la repajfer aux reli-
gieufes
, afin qu'elles Vadorajjent en ft-
cret.
Sur le troifieme, qu'il n'avoit
jamais defendu aux religieufes de lui
US) Jourtup. 114, &c.
J4j) Jouni. p. uj-
-ocr page 165-
II. P AR.TIE.IiV. V. IS}
ecrire , & qu'elles n'avoient qu'a le 1667,
faire. On peut jnger quelle fut la fur-
prife des Religieufes fur la reponfe
au troilleme article , apres ce qui leur
avoir ere ft fouvent repete par M. de
S. Laurent & les gn rdes du Roi, que
M, C Archive que. nt vouloit plus enten-
dre purler d'e/les , ni recevoir aucune
de leurs lettres.
Tout le fucces des demandes des m. <fc I»
Religieufes fut d'avoir un ecclefiafti- ?urie fuc«de
o             ,,. , A         .                .. 1M. default
que que M. 1 Archeveque leur envoia Lament,
le mardi fainr (5 du mois). Il arriva
vers le midi, 8c commenc,a des le
foir a. confeffer les ScEurs converfes.
Pour les Religieufes du choeur , elles
furent privees de la participation aux
faints Myfteres ; privation qui etoit
pour ces vierges chretiennes, la plus
grande de leurs peines. Une autre »
qui leur etoit encore bien fenfible ,
e'eroit le violement de leur cloture
autorife par Monfieur l'Archeveque
lui-meme. Elles avoient fait tous leurs
efforts pour s'oppofer a cet abus ; elle9
s'etoient adreflees au Prelar, comme
nous l'avons vu , pour lui reprefenter
combien cela etoit contraire aux re-
gies de Teglife. Mais que pouvoienr-
elles attendre de celui qui ordonnok
lui-uieme aux gardes d'entret dans '^
-ocr page 166-
I(?4 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
' 1667. jardin ? Cell ce que M. de la Burie
temoigna a la mere Abbefle , qui l'a-
voit prie d'en parler a M. de Paris.
Cet Exemt des gardes , qui avoit fuc-
cede, le 9 mars, a M. de S. Laurent,re-
pondant a la Mere AbbefTe fur la com-
miffion dont elle l'avoit charge aupres
de M. de Paris , au fujet de l'entree
des gardes dans leurs jardins , lui dit:
il m'a ordonne d'y entrer, & je vous
ajfure que fans cela je ne le jerois
pas {^o).
Cependant ces faintes filles ne ne-
Ptojet d"u- gbgeoient aucune occafion de recla-
im lettre 4m. mer contre cer abus , & de tacher d'y
Colbert.                                      1 , \ \-                 
apporter remede ( 5 1 ;. Aiant appns
que M. Colbert devoir pafler pres de
leur abbai'e pour aller a Dampierre »
ellesprirent la refolutionde lui ecrire
une lettre en forme de requete , pour
le prier de jetter les yeux fur leurs ba-
timens & d'en confiderer la firuation ,
(afin d'informer le Roi de ce qu'il au-
roit vu., & de le porter a revoquer un
ordre, qui ne pouvoit s'accorder avec
la piete de fes intentions , & a com-
mander que fes gardes n'entraflent
plus dans leur cloture. » Nous nous
3} taifons, difent-elles dans ce projet
(fo) Ibid. p. in col. 1.
JJ51) Ibid, p. 116, 117.
-ocr page 167-
II. P ARTIE. L'lV. V. I <?5
>» de lettre, de nos autres fouffiran-
» ces •, elles font publiques •, & quand
» il plaira a Dieu, il touchera le caeur
» de Sa Majefte pour en avoir com-
» paffion ; mais celle - ci eft d'une
» telle nature , que nous ne faurions
» nous en taire routes les fois que
» nous trouvons occafion d'en parler,
m & qu'il y aura fujet d'efperer que
» nos tres humbles prieres puhTent
>» etre portees jufqu'aux pies du trone ,
•» oil nous nous jettons pour deman-
« der notre delivrance.
M. de la Burie avoir d'abord pro-
mis de tendre le paquet; mais le len-
demain , 7 mai, il le rendit a la mere
AbbefTe, en lui difant qu'il n'avoit
pas penfe, en s'en chargeant, qu'il
avoit ordre de ne laifler palTer aucune
lettre. Ainfi celle-ci ne rut point re-
mife , & Tabus du violement de clo-
ture fi fagement etablie par TEglife ,
continua avec l'approbation & par les
ordres d'un Archeveque , qui, au liea
d'emploier , comme il auroit du ,
toute fon autorite pour s'y oppofer ,
fermoit les oreilles a routes les prieres
& reprefentations que de faintes re-
ligieufes lui faifoienr a ce fujet. Mais
l'inutilite de leurs demarches ne ra-
lentit point leur zele ; nous allons voit
-ocr page 168-
l66 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl."
r 7771 jufqu'ou elles le porterent, par la fce-
ne qui fe paffa le vendredi i 3 mai.
Ce jour-la M. de la Burie, ayant
lvi. demande a parler a la Mere Abbefle ,
^Rof'rom^ f^heures du matin) lui dit qu'il
televisparun alloit etre reieve, qu'il venoic de Saint-
grXan7pr£v6t Germain pour ce fujet, & qu'il en
& par quatre avoir une grande joie , parcequ'il n'e-
toit pas d'humeur a denieurer dans
un lieu ou il pouvoit fake de la peine
a des perfonnes dont il connoifToit le
sttierite : il ajouta qu'il avoir regret de
ne les avoir pas traitees comme il au-
roit fouhaite , mais qu'il avoit ete
oblige de fuivre fes ordres , & qu'a-
vec cela il n'avoit pas laifle d'effuier
des reproches ; qu'il n'alloir point aS.
Germain qu'on ne lui fit des plaintes
de ce que lui & fes gardes ne faifoient
pas bien leur charge , & qu'on ne fa-
voit pas ce qu'ils laifoient, puifqu'il
fe paflbit des lettres &c des papiers ,
quoiqu'ils fulTent pour l'empecher ;
qu'amirement rien ne lui avoit fait
plus de tort que cette commiflion. Il
dit enfuite que le Roi partoit le lun-
di fuivant pour le Brabant, & qu'il
vouloit avoir tous fes gardes aupres de
fa perfonne : qu'en leur place, on al-
loit mettre un Exerot du grand Pre-
yor avec quatre archers; qu'ils avoient
-ocr page 169-
II. Par tie. Liv. V. 167
recu leur ordre le mercredi precedent,
8c
qu'ils ne manqueroient pas d'arri-
ver le vendredi (52).
Dans ce meme entretien , M. de la
Burie fit part a l'Abbeife de celui qu'il
avoit eu avec M. l'Archeveque , le
dernier voi'age qu'il avoit fait a Paris.
Le Prelat dit a cet Exemt 5 que le Roi
lui avoit demande s'il avoit encore
befoin de fes gardes ( c'etoit done
M. l'Archeveque qui emploi'oit les
gardes , puifque le Roi lui demande
s'il en a encore befoin ); a quoi fa
Grandeur avoit repondu , que ce n'e~
toit rien d'avoir commence, Ji on n'a-
chevoit,
(voila qui eft clair, & n'a pas
befoin de commentaire). M. de Paris,
voulant done achever fon ouvrage , 8c
aiant encore befoin de gardes , de-
manda a M. de la Burie , s'il pouvoit
garder les religieufes avec deux gar-
des feulement. L'Exemt repondit qu'il
pouvoit le faire facilement, puifqu'il
fufKfoit d'avoir feulement un garde a
Ja porte , pour empscher les carofles
& les vifites ; mais il ajouta que pour
d'autres communications, fi elles en
vouloient avoir & pafler des Lettres
& des papiers, tout le Regiment des
gardes ne les en empecheroit pas.
{51) Journ. p. u8 8c fuiv. Ptoces verb, du 30 Juk;
-ocr page 170-
I<J8 HlSTOIRE DE PoR.T-R.OlAt."
~7T Au fortir du parloir, les religieu-
1667. c
                     r         >             &
ies commencerent a deliberer iur ce
Les reiigieu-Q,u 11 y avoi: a raire dans ce nouveau
fes ptEnnentchj^CTej^gj-,!. &- £ el|es trouve_
des mefures . °
                  -                •• J r J T
oour retabiir loient pas queique moien de le deu-
|cur cloture. Vrer en partie de l'etrange captivite
dans laquelle elles etoient reduites de-
puis fi long-tems, furtout a l'egard de la
cloturedeleurjardin(5 3). La premiere
chofe par 011 elles crurent devoir com-
mencer, fut de faire oter du pallier
qui etoit dans le jardin , les lits 8c
les hardes qui fetvoient aux gardes
du Roi, afin de ne point donner de
(>retexte de s'y etablir a ceux qui al-
oient venir. Mais comme il ne leur
fuffifoit pas d'etre delivrees de cet
etrange fpedacle , qu'elles avoient eu
fous les fenetres de leur dortoir de-
puis plus de 18 mois que les gardes
couchoient dans ce batiment, fi elles
ne rentroient en pofleffion de leur clo-
ture auffi-bien le jour que la nuit,
elles prierent M. de la Burie de leur
rendre les clefs du jardin. Il temoi-
gna qu'il auroit eu bien de la joie de
leur accorder ce qu'elles demandoient,
mais que cela lui etoit impoffible. Il
refufa auffi les echelles , dont les gar-
des s'etoient empares, &c qu'ils te-
({}) Joura. ibU. Proces veibal.
noient
-ocr page 171-
II. P A R T I E. Liv. V. 169
noient enfermees dans la cave du pal- 1667.
lie. Ces refus firent juger aux religieu-
fes qu'il falloit qu'elles prifTent d'au-
tres mefures pour s'enfermer elles-
memes dans leur jardin le mieuxqu'el-
les pourroient. Pour cet effet, elles fi-
rent venir deTrapes un menuifier & un
Serrurier pour mettre des barres a la
porte du jardin qui rend dans la cour
du dehors. Ces deux ouyriers entre-
rent avec l'agrement de M. de la Bu-
rie , qui ignoroit le fujet pour lequel
on les avoit fait venir, & firent ce
qu'on leur demanda,avec beaucoup de
diligence. L'Exempt du grand Prevot
etoit deja arrive avec fes quatre ar-
chers ; mais ils demeuroient dans l'i-
naifcion , n'ofant rien entreprendre en
prefence des gardes du Roi, qui n'e-
toient point encore partis. Sur les deux
heures apres midi, M. de la Burie de-
manda a. dire adieu a la Mere Ab-
befle , a qui il fit beaucoup d'offres de
            ,
fervice : il lui temoigna qu'il avoit
cru qu'on leur donneroit des archers
de la Connetablie, que Ton a coutume
de donner aux gentilshommes qui ont
quelque querelle , mais que ceux qui
etoient venus , etoient archers du
grand Prevot de l'hotel; ce qu'il di-v
ioit par compaflion pour ces pa,uvres
Tome VI.                          H~ '
-ocr page 172-
-...-,■..... „..., ,,..^ ...^ ^. ^..,,.,. J^r..,,..,.L .„
170 HlStOIRE DE PoRT-ROlAt,
' 166j. &ues (54-)* L'Abbefle lui ai'ant de-
mands s'il ne favoit pas de quelle ma-
niere ils en agiroient, & ce que por-
toient leurs ordres , il lui dit qu'il ne
penfoit pas que leur ordre fut plus
particularife que celui des gardes du
Roi, mais qu'ils avoient d'autres or-
dres d'ailleurs ; ce qu'il repeta deux
pu trois fois pour leur faire entendre
de quel part venoient ces ordres , &
que Ton emploioit fouvent le nom du
Roi pour autorifer des violences dont
Sa Majefte n'avoit aucune connoif-
fance.
Lvm. Les religieufes, toujours inquietes
its religUu- fur particle de leur cloture , apres
lis tr.ivail-               r . .             .                     . j l .
lenceiies-me-avoir rait barrer la porte qui donnoit
ines i lew fa jardin dans la cour de dehors ,
penferent a fe fermer du cote de la
folitude , 011 il y avoir deux portes par
lefquelles il etoit facile d'entrer , les
, gardes s'etant faifis des clefs de ces
portes, ainfi que de toutes les autres.
Elles prirent done la refolution de
murer elles-memes les deux portes
qui communiquoient du jardin dans
l'enclos : toute la communaute s'af-
fembla & mit la main a l'ceuvre ; les
unes portoient des pierres dans des
hottes, des panniers ou des brouettes j
(;*) Pcocfs yertuldw 50 )>"Wf
-ocr page 173-
II. Partii. Llv. V. 171_______
d'autres faifoientle mortier, d'autres 1667.
ma^onnoient; elles paflerent le refte
du vendredi a ce travail, & le famedi
fuivant elles le continuerent.
                 .tIX- ,
_        A         .                          . .         x . Lc nouvel
C-e meme jour (14 mai; apres le Exempt figni-
depart de M. de la Burie & des gar- fie fes ordreli-
des de Sa Majefte , le nouvel Exempt
nomme de Bellebat, accompagnc de
deux archers , demanda a parler a la
Mere Abbefle, & lui fit le compli-
ment fuivant, fans 1'appeller, ni ma
mere , ni madame. » Je fuis bien fa-
ff che , dit-il, de venir ici pour vous
w rendre un mauvais fervice, a ce
« que vous pretendez ; mais je vous
» afliire qu'en ce qui dependra de moi
»> & qui ne fera point contraire a mes
» ordres , je vous rendrai routes for-
» tes de fervices «. La mere Abbefle,
apres avoir temoigne qu'elle avoit pei-
ne a fe perfuader que le Roi lui eut
donne ordre de venir dans une mai-
fon de religieufes , telle qu'etoit la
leur , demanda a voir cet orclre, dont
elle ne put obtenir que la le&ure.
L'Exemptdit quel'ordre portoitqu'ils
feroient les memes chofes qu'avoient
fait les gardes du Roi qui les avoient
precedes; qu'ainfi ils devoient fake
garde dans les jardins, dont il de-
manda qu'on leur laiflat l'entree libre
Hi;
-ocr page 174-
171 HlSTOIRE BE PORT-ROYAL.
166j, &c qu'on ouvrit la porte, faute da
quoi il informeroit du refus & en
chargeroit fon proces - verbal ; & de
ce que venant de faire le tour des
murs, ils avoient rrouve des religieu-
fes, des petites filles & routes fortes
de perfonnes occupees a murer les por-
tes. L'AbbelTe repondit qu'elles s'e-
toient crues obligees de faire ceia pour
conferver leur cloture , & qu'elles of-
fjenferoient Dieu fi elles contribuoient
a la faire violer en leur ouvranr les
porres. L'Exempt propofa l'exemple des
gardes du Roi qui etoient entres dans
le jardin , & menaca d'enfoncer les
portes fi on refufoit de les liu ouvrir.
Il n'en vint pas cependant ce jouAla
a une telle violence ; il alia aupara-
vant prendre fes inftruiStions a Paris ,
d'ou il revint le zo mai. Les religieu-
fes a'iant appris fon retour, Sc ne
doutant pas de l'objet de fon voi'age ,
travaillerent a augmenter les fortifica-
tions de leur cloture', nonqu'elles cruf-
fent pouvoir arreter la violence des
archers , mais afin de faire voir l'hor-
reur qu'elles avoient du violement
fcandaleux des loix de l'Eglife , qui-a
etabli par tant de canons la cloture
& l'immunite des monafteres des vier-
gss cpnfacriesaJefus-Chrift. L'exempt
-ocr page 175-
■ -.■                                                                                                                                                                                                                                                                                               ...
II. Part ie. Liv. V. 17$
s'etant apper^a que les religieufes tra-
vailloient a. fortifier la porce da jar-
din pour en empecher l'entree , s'y
rendir, & pafTant fa canne, il leur
dit qu'elles n'avoient que faire de
pourfuivre leurs travaux , & que tout
cela ne ferviroit de rien. Au fortir de-
la i il fut au tour demander a parler a
la mere Abbeffe, qui avant que de
s'y rendre , fit aftembler la commu-
naute, prevoi'ant bien ce qui devoir
arriver, afin d'en avertir les foeurs (55).
Enfuite elles allerent en proceflion
dans le jardin avec la croix & l'eau-
benite , difiint a voix baffe le pfeaume
ut quid Deus repulijii in Jinan , & au-
tres femblables.
Apres cette ceremonie, 1'AbbefTe
alia trouver 1'Exempt , qui ordonna
d'ouvrir la porte du jardin ; faute de
quoi, difoit-il, il avoit ordre de l'en-
foncer ; ordre qu'il ne voulut point
montrer, & qu'il y a meme grande
apparence qu'on ne lui avoit pas donne.
L'AbbetTe repondit a l'Exempt qu'el-
le n'etoit point obligee de le croire
fur fa parole, qu'elle ne pouvoit fe
perfuader qu'un tel ordre rut emane
(55) Le proces verbal I'AbbelTe avec l'Exempt ;
du jo juin place cetrece- & le journal la place avanc
remoiiie aprcsl'emreticnde I'emreiien, p, ijj.eol. 3.
Hiij
-ocr page 176-
174 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
166j. du ^°i > 9ai avoit crop de religion
pour ordonner qu'on violat la cloture
des religieufes , & elle leur demanda
au moins du tems pour informer Sa
Majefte de toutes chofes , avant qu'ils
entrepriflent, fous fon nom, de vio-
ler, par un fi etrange attentat, les
regies & les canons de l'Eglife, qui
excommunient tous ceux qui violent
la cloture des vierges confacrees a
Dieu, & furtout avec un fcandale fi
extraordinaire que d'en rompre les
portes (56). Malgre les inftances que
lAbbelTe fit pour obtenir du tems afin
d'envoier au Roi ou a M. l'Archeve-
que, eile ne put rien obtenir; 2c
voi'ant que leur refolution etoit prife -,
elle les quitta pour aller au chceur , ou
on alloit dire Tierce & la MefTe , a
laquelle les religieufes aflifterent dans
l'attente de l'execution dont elles
etoient menacees.
A une heure apres midi l'Exempt fe
tx prefenta a la porte du jardin accom-
Les archers pagne de trois archers , la Ferte, le
te'dTdEui- Camus & Borin; le quatrieme nomme
re & fe ren- Beneteau , ne s'y trouva point , etant
fiSt" tombe malade des le lendemain de
fon arrivee. lis prirent avec eux les
<<«) Proces verbal du j» juin. Journal, pag, 1 jj Se
fuiy antes.
-ocr page 177-
It. Part it. Liv. V. 1^5
trois jardiniers de la maifon , qu'lis
obligerent d'etre fpedfcateurs de leur
expedition. Aucun des autres domefti-
ques ne parut , la tourriere meme ne
bougea pas de fon tour ; M. Hamon
etoit en priere, & M. Hilaire monta a
cheval auffi-tot qu'il vit les prepara-
tifs.
L'Exempt aiant donne le premier
coup t les autres continuerent : ils
voulurent obliger les jardiniers a leuf
preter la main , & le leur ordonne-
rent de la part du Roi •, ils ajouterent
meme a. cet ordre les menaces de la
prifon & les mauvais traitemens. L'un
d'eux , nomme Chariot , leur refifta
genereufement. Un autre , nomme
Louis , n'eut pas la meme fermete,
& leur obeit. La porte fut ainfi for-
cee , & apres cette expedition , qui
dura plus de deux heures , ils entre-
rent dans le jardin & en demeure-
rent maittes , y entrant jour &
nuit comme il leur plaifoit. L'Exempt
aiant demande le lendemain , 11 ,
a parler a 1'Abbeffe , lui temoigna du
regret de ce qu'il avoit ete oblige de
faire , & l'afTura que routes les fois
que les religieufes voudroient entrer
dans le jardin, il leur en laifleroit
une entiere liberte , qu'il en donnoit
H iv
-ocr page 178-
1-/6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
T77Z fa parole , &C qu'on n'auroir qua le
faire avertir. L'AbbelTe lui repondit,
qu'on ne l'importuneroit point pour
cela, &c qu'apres un attentat &c une
a&ion auffi fcandaleufe que celle
qu'elles venoient de voir fous leurs
yeux , elles etoient bien refolues de
ne pas mettre le pie dans le jardin.
Elle lui fit enfuite des reproches de
ce qu'ils avoient contraint les domef-
tiques de la maifon de les aider dans
une expedition fi odieufe.
Que des archers aient fait ce que
nous venons de rapporter , on n'eft
pas furpris de les voir faire leur me-
tier ; mais qu'un Archeveque , qui
devoir etre le protecl:eur de ces vier-
ges chretiennes & 1'obfervateur des
regies de l'Eglife , foit demeure dans
le filence fur un tel attentat; que dis-
je , qu'il l'ait , finon ordonne , du
-moins approuve , c'eft ce qui palfera
pour un paradoxe & pour incroi'able.
Il eft cependant certain que tomes les
violences qui s'exer^oient contre les
religieufes de P. R. des champs , ne
s'exercoient que par les ordres & avec
l'approbation de M. de Perefixe , qui
s'etoit tellement charge perfonnelle-
ment de cette horrible manceuvre ,
que les religieufes n'avoient pas me-
-ocr page 179-
II. Part ie. Llv. V. 177
me la liberie de s'adrefTer au Roi pour "\C6jT
lui reprefenter leur etat (57) : car la
mere AbbefTe ( a qui le fieur de Belle-
bar refafa de faire tenir des letcres aux
perfonnes auxquelles elles pouvoienc
s'adrefTer )ai'ant demande a cer Exempt,
fi elles ne pourroient pas au moins
s'adrefTer a Sa Majefte meme , pour
Tinformer de ce qui fe pafToit, & des
juftes raifons qui les obligeoient d'im-
plorer fa juftice •, il repondit abfolu-
menr, qu'ilne recevroit aucune lettre,
nonpas meme pour Sa Majefte. C'etoit
done a M. de Perefixe feul que les re-
ligieufes pouvoient s'adrefTer ; e'eft a-
dire , a celui qui etoit lui-meme leur
perfecuteur , a celui qui ne vouloit
plus entendre parler d'elles (58)
Elles crurenr neanmoins devoir lui
donner avis de ce qui s'etoit pafTe , & txi.
la mere AbbeflTe char^ea M. Hllairede rLes
teli&«~
. .        ,                   . . o                  ,              les en tone
lui en ecrire , en lui annon^ant la mort donner arisi
d'une religieufe. M. de Paris ne dai- *i" rA-rci>?~
gna pas raire reponle a M. Hiiaire , ponfc.
contre fa coutume , & ecrivit au fieut
du Saugey la lettre fuivante : » Je fuis
» bien fache de ce que cette religieufe
» eft morte fans fe reconnoitre , &
(j7) Proces verbal du 15 du ij mai , fig. Ie }»                 ,
mai, figne le 30 juin. juin. Journ. p. 156.
<5*) Pr.ee, VMb, MS.
Hy
-ocr page 180-
■ - --■■                                          ■■--■■J.UBIff ■■■■■-
iyi HisTOiftE de Port-roi'ai.
i06j. n d'aurant plus que je penfe qu'il n'y-
» en aura pas une a qui Dieu faiTe
» cetce grace. II fauc ie prier pour
" elles , afin qu'il les eclaire & qu'il
» leur faffe connoitre fa fainte volon-
» te , quoique je n'efpere pas quecela
» arrive fans une efpece de miracle.
» Pour Hilaire qui m'a ecrit les plain-
» tes des religieufes, vous lui direz
» que je crois que ces Meflieurs ( ar-
» chers ) n'ont pas manque de dire
» l'ordre par lequel ils one agi. C'eft
" pourquoi je ne fuis pas en etat d'y
» mettre ordre , qu'au prealable je
» n'en aie averti Sa Majefte ; & de
» plus j'ai peine a croire qu'ils aienc
» entrepris quelque chofe de plus
w que ce qu'avoient fait ceux qui les
« ont precedes. Je vous fupplie de
» vous en informer, & de m'eh man-
» der la verite , afin que je voie ce
» que j'aurai a faire ». Telle fut la
reponfe de M. de Paris ; & voila tout
le remede qu'apporta un Archeveque
au violement fcandaleuxdes regies de
1'Eglife, &c a l'enorme attentat fait con-
tre fa difcipline dans ce qui s'etoit
ixn. pafTe a Port-Roi'al.
ia fccutca- La religieufe, dont il eft parte dans
thenne de S.            . f> , . . .           r.              .
Paul.          cette lettre > etoit la plus ancienne de
urf^fJf i'abbaie, nominee Catherine de faint
-ocr page 181-
II. P A r f i e. Liv. K i'79
Paul Goulas (50). Cette bonne reli-
gieufe etoit profelfe de P. R. des
champs , ou elle fut la premiere, qui,
quoique la plus jeune alors , embrafla
la reforme , & qui contribua le plus
a y faire entrer les autres. Lorfque
le formulaire paruc, elle en eut au-
tant d'horreur que le refte de la com-
munaute; mais apres l'enlevement de
1'Abbefle , & de plufieurs autres reli-
gieufes, les etranges terreurs que Ton
jetta dans fon ame, en lui faifant en-
tendre qu'elle feroit damnee 6. elle
n'obeiflbit en cela a fon Archeveque »
la firent fuccomber. Toutefois le
triomphe de ceux qui avoient abufe de
la fimplicite & de la foiblefle d'une
fierfonne octogenaire ne fut pas de
ongue duree. Elle avoit figne le 28
Janvier del'an 166$ , & Dieu lui fit
la grace de fe releverdeux mois apres »
& de reparer fa faute par un acte ecrit
de fa main, date du jour de faint Be-
noift 21 mars de la meme annee >
dans lequel elle protefte devant Dieu ,
qu'elle retracte de tout fon coeur la fi-
gnature du formulaire qu'elle a Faite
par la crainte de l'excommunication *
& par l'aflurance qu'on lui avoit don-
nee que cette fignature n'etoit qu'ua.
(y?) Nxtolv 11 mat,
Hvj
-ocr page 182-
l8o HlSTOIRJE DE PoRT-RbiA!."
Tq71 a&e d'obei fiance & non une attella-
tion du fait. Depuis qu'elle eut fak
cette retractation , elle s'unit de telle
forte avec les religieufes fidelles, qu'el-
le ne put les quitter , & voulut les fui-
vre lorfque M. de Paris les envoi'a a
P. R. des champs , quelqu'inftance
que PArcheveque fit pour la retenir
dans la maiibn de Pans (60).
LXiii.         Le Prelat lui ptomettoit qu'elle fe^
Son attache- •■ -iftx.' o                                                    t
mcntaux re- roit aliiltee & entretenue avec tout le
jigieufesfide- fQin p0ffible dans la maifon de Paris ;
sadouieur il luitemoigna qu'il etoit a. craindre ,
d'avoir figiie qU'etant malade & paralytique de la
le rormulai- J . . , ,                           ..»           J ^ r             /
re.             moine cut corps, elle ne purians pe-
ril faire ce voiage , dont il apprehen-
doit d'etre refponfable, s'il lui arrivoit
quelqu'accident. Mais cette bonne
Jalle n'ecouta point routes ces raifons,
& craignant plus les dangers auxquels
fon ame feroit expofee , que ceux qui
n'expofoient que la vie du corps , elle
importuna tant M. de Perefixe qu'il
lui accorda fon obeiflfance pour P. R.
des Champs. Dans l'apprehenfion
qu'elle avoit que le Prelat ne chan-
geat d'avis , parcequ'il n'y avoit con-
fend qu'avec peine , elle eut foin de
ie faire defcendre de l'infirrnerie haute
pour fe trouver proche de la ports
, i(o) Pieces ycib, M S, du }e juia.
-ocr page 183-
II. Partie. Liv. V. 181
lorfqu'il arriveroit au monaftere, ou
il devoir venir le lendemain pour faire
parrir celles qui eroienr deftinees pour
la maifon des champs. Ainii fon cou-
rage lui obtinr d'etre de ce nombre.
Il fallur la porter dans le carofle , com-
me on auroit fait un corps morr. Elle
fit le voi'age heureufement, & avec
une grande joie , & arriva le 4 juillet
1665. Elle ne fe contenta pas de re-
moigner a routes les fceurs, en general
& en particulier , le regret qu'elle
avoir de fa fignature , elle fe fit por-
ter quelques jours apres au chapitre ,
011 elle s'en accufa de nouveau , &c en
demanda penitence avec tant d'humi-
lite & de douleur , qu'elle tira les
larmes des yeux de routes les fours ,
qui s'efForcerenr de la confoler , en
l'aflurant qu'elles fe chargeoient tou-
tes de fatisfaire a Dieu pour elle ;
mais cela ne l'empecha pas de con-
ferver route fa vie un fentiment fi
vif de cette faure, qu'elle ne pafTa pas
un feul jour fans la pleurer. Elle avoir
toujours eu unegrande apprehenfion des
jugemens de Dieu ; mais environ fix
femaines avanr qu'elle mourut, Dieu
la remplit d'une fi grande confolation ,
que depuis ce terns-la elle eut une telle
confian.cc en, fa mifericorde > qu'elle
-ocr page 184-
______ I Si HlSTOlRE St. PoRT-KOIAt.
1667. defira le moment de la more aurane
qu'elle 1'avoic apprehende (61).
lxiv. Des le commencement de fa mala-
r^des^acre- ^e> comme f°n grand age donnoit lieu
mens. de tout craindre , la mere Abbelle fit
^«dirpo/i-dire ^ M> de Parispar Hilaire , quel-
le le fupplieroit d'envoier un eonfefleur
a la malade, s'il n'avoit fait defenfe
de lui ecrire , & fi elle n'avoit lieu de
croire que fa demande feroit inutile-
Effeclivement il ne fit aucune'j re-
ponfe fur cet article. La malade foutint
cette epreuve avec foi & courage , elle
temoigna meme defirerqu'on n'infiftat
pas davantage , etant perfuadee que
quand bien meme on obriendroit un
confefTeur pour elle, ce ne feroit jamais
uneperfonne en qui elle put prendre
connance •, & elle dit, que fe voi'ant
pres de fa fin , elle ne vouloit point
expofer la paix de fon efprit en pretant
l'oreille aux difcours feduifans de ces
fortes de perfonnes , dont elle ne con-
noiffbit que trop les mauvais defFeins
par la funefte experience qu'elle en
avoit faite. Le jeudi , 12 mai de
cette annee 1^7, fon mal ai'ancaug-
mente , les religieufes s'aflemblerent
aupres d'elle pour dire les pfeaumes
de la penitence , & autres prieres
(*i) lown. p. j }J. Ptoe, verb, M i, du jo juia»
-ocr page 185-
II. Par.tie. Llv. V. 183
qu'on a eoutume de reciter lorfqu'on
adminiftre l'Extteme - Onction , fans
rien omettre de tout ce qui dependent
d'elles, de toutes les affiftances qu'el-
les pouvoient rendre a celle qu'on
privoit fi injuftement des Sacremens
de I'Eglife. Le jour de l'Afcenfion ,
19 du meme mois, la malade fe fen-
tant fort affoiblie , elle pria qu'on lui
fit les prieres de la recommandation
de l'ame, pendant qa'elle confervoit
la connoiflance , afin de les pouvok
entendre. Il y avoit deja plufieurs
jours qu'elle avoit temoigne defirer ,
que quand elle feroit a T'agonie, on
lui mit a. la main, avec le cierge be-
ni, la profeffion de foi du Concile
de Trente qu'elle avoit fignee, 5c la
retractation qu'elle avoit faite de fa
fignature du Formulaire, laquelle elle
voulut qu'on enterrat aufli avee elle,
afin qu'elle lui fervit de defenfe au
jugement de Dieu , fi le demon , qui
eft un calomniateur , entreprenoit de
I'accufer de cette fignature qu'elle
avoit defavouee & pleuree depuis le
moment que Dieu lui avoit fait la
grace de reconnoitre fa faute (61).
Comme cet a£te avoit ete fecret dans
le terns qu'elle le fit, elle le ratifia
(<i) Aftes joints au procss verbal da jo jatay
-ocr page 186-
I84 HfSTOIRE DE PoRT-ROlAt,
1661. & le (igna de nouveau en prefence de
toutes les fceurs , qu'elle pria de vou-
loir fignsr elles-memes , afin d'avoir
des temoins pour elle devant Dieu &c
devant l'Eglile , de la fincerite de fon
repentir , & des difpofuions dans lef-
quelles elle mouroir. Elle ligna done
un noiivel acte confirmatifdu premier,
quoiqu'elle pariit tout-a-fait hors d'e-
tat de le pouvoir faire. Avant que de
le figner , elle en fit faire la le&ure ,
pendant laquelle cette bonne mere ,
qui etoit deja toute mourante , & ne
pouvoit quali plus parler , frappoit fa
poitrine & donnoit des marques auifi
fenfibles de fa penitence que fi e'eut
ete le premier jour qu'elle eut com-
mence a pleurer fa faute. Les reli-
gieufes en drelferent auffi un acle
qu'elles fignerent , dans lequel elles
rendent temoignage des demiers fen-
timens de leur fceur; qu'elle mouroit
pleine de confolation 8c de joie de ce
qu'elle alloit a Dieu, dont elle avoit
rant eprouve la mifericorde ; qu'elle
reflfentoit vivement la privation des
Sacremens que M< l'Archeveque lui
refufoit dans cette derniere heure ,
apres Ten avoir tenue feparee pendant
deux ans ; mais qu'aiant un fincere re-
gret de fes;peches? quelle a Yoit ton-
-ocr page 187-
II. Partie. Liv. V. 185
. jours accufes a. D ieu & a fa fuperieure, ""7^67?
& pour l'expiarion defquels elle lui
offroir rour ce qu'elle pouvoir faire &
fouffrir jufqu'a la mort, elle avoir une
ferme confiance que les merites du
fang de Jefus-Chrift les effaceroient
en fon jugemenr; que la grace la for-
tifieroir dans cerre derniere heure , Sc
que fon Efprirfainr la conduiroir par
le droit ehemin en ce grand vo'iage
de l'eternite , jufqu'a ce qu'elle fut ar-
rivee a cette fontaine de vie , done
fon ame eroir alteree , apres un fi long
pelerinage & rant d'afflictions qu'elle
avoir foufFertes en fes dernieres an-
nees.
Le dimanche , 22 du mois , lama- sLXV"t
lade qui s'afFoiblifToit toujours , entra
dans fonagonie. Lorfqu'on lui mitle
cierge beni dans la main, avec lapro-
feffion de foi & fa retractation , on lui
demanda fi elle ne defiroit pas que
cette lumiere exterieure fut une mar-
que qu'elle confervoit la lumiere de
la foi dans fon cceur, & qu'elle mou-
roit fille de PE^Ufe. Elle repondit
qu oiu •, & loriqn on ajouta que cette
retractation qu'elle vouloit empor-
rer devanr Dieu, feroit un temoigria-
ge de la douleur fincere qu'elle avoic
de, fa fame>au cas que fon ennerni en«
-ocr page 188-
18(3 HiSTOIRE T)t PoRT-ROlAt.
667. treprit de la lui reprocher, elle frap-
pa fa poitrine avec le meme fentimenc
qu'elle avoit temoigne tant de fois fur
ce fujet. Elle fit encore la meme chofe
a ces paroles : tibi foil ptccavi du Mi~
ferere
, qu'on recita aupres d'elle.
Mais cette humble reconnoiflance de
fes fautes ne diminuoit en rien la
grande confiance qu'elle avoit en Dieu,
qui lui faifoit defirer avec ardeur d'al-
ler a lui , 8c repeter fouvent ces pa-
roles : Vmi Domirie, & nolitardare ,
qui furent les dernieres qu'elle pro-
non^a intelligiblement (6$). Quoi-
que fa langue fut alors route deffe-
chee , & qu'elle ne put prefque plus fe
faire entendre, elle ne laifioit pas de
remuer toujours les levres pour prier,
& elle ne cefTa point de donner des
marques des faintes difpofitions dans
lefquelles Dieu la mettoit, & d'unir
fes fouffrances & fon facrifice a celui
de Jefus-Chrin: crucifie, qu'elle adora
une infinite de fois , prenant conti-
nuellement la croix avec fa main toute
tremblante, pour la porter a fesyeux
& a fa bouche , & la baifer avec une
affection toute pleine de refpect & de
piete. Enfin elle s'aflbupit tout-a-fak
vers le midi, 8c fur les quatre heures
(tfj) Joum. p. ijs, 137. Ptoc. vetb. du 30 juin,
-ocr page 189-
II. Part ie. Llv. V. 187
elle rendit l'efprit au milieu de fes Kjgy,
fceurs , les laiflant plus remplies de
confiance de voir de quelle forte Dieu
affifte les perfonnes que les hommes
abandonnent, que de douleur de fe
voir expofees a mourir toutes dans le
meme abandonnement, fi fa providen-
ce ne changeoic les chofes avant que
de les appeller a lui.
L'enterrement fe fit en la maniere
?[ii'on avoit fait celui des trois religieu-
bs qui etoient mortes comme la foeur
Catherine foils I'anatheme injufte,
privees par les hommes des Sacremens
& de la fepulture ecclefiaftique, par-
cequ'elles craignoient d'offenfer Dieu
& de bleflfer leur confcience.
Quoique tous les tribunaux fuflent
fermes aux religieufes de P. R. , &
que toutes les demarches qu'elles pou-
voient faire devant les hommes , folt
pour demontrer leur innocence , foit
pour demander juftice , fuffent non-
feulement inutiles , mais donnaftent
meme fujet a leurs ennemis de leur
infulter , & de les traiter encore plus
mal ,elles fe croioient neanmoinstou-
jours obligees de fuivre les loix eta-
blies pour faire rendre juftice aux per-
fonnes opprimees , en appellant, en
proceftanc > en dreflanc des proces \per-?
-ocr page 190-
188 HlSTOIRE DE PoRT-rvOlAt.
\SGn. kaux des injuftices & des violences
exercees contre elles. C'eft ce qu'elles
firent a 1'occafion du refus des Sacre-
mens fait a la fosur Catherine de
faint Paul , & elles joignirent dans le
meme proces verbal du z 5 mai, relu
8c figne le 30 juin , tout ce que
nous avons rapporte des violences
commifes par les archers qui avoient
pris la place des gardes du Roi. A
cet acte eft jointe la retractation de la
foeur Catherine de faint Paul, du 2.1
mars 166 5 & du 19 mai 166 j , avec
1'atteftation des religieufes , qui cer-
tifient, comme temoins, la retracta-
tion & les difpofitions de leur foeur
mourante.
Quelle fituation que celle de ces
Etrange fi- pauvres lilies I De l'aveu de leurs en-
tuationdesre-nernis 5 eUes font purtSCOtnmt des
Anges, 8c on leur refufe les Sacre-
mens & la fepulture ecclefiaftique ;
leur Pafteur lui-meme , qui les traite
de la forte , n'a pas fait dirHculte de
declarer & de reconnoitre publique-
ment,qu'elles ne font retenuesque par
la crainte d'ofFenfer Dieu par un men-
fonge & un parjure ; & pour un tel
crime, il les tient dans la plus arfreufe
captivite , fous la garde d'un Exempt
Qc de quaere archers, comme des va-
-ocr page 191-
II. Parti e, Liv. V. 189
leurs & des fcelerats , avee cette dif-
ference que les malfaiteurs ont la con-
folation de voir dans leurs cachots &
leurs prilbns , des perfonnes charita-
bles qui viennent les visiter ,8c qu'ils
peiwent fedefendre devant les tribu-
naux ; au lieu que les religieufes de
P. R. n'ont pas meme la liberte de
fair© connoitre leur etat & leur filia-
tion , ne pouvant voir , ni parler , ni
ccrire aperfonne. Eft-il d'etat au mon-
de plus penible a la nature que celui-
la i Les premiers chretiens avoient
dans leurs prifons la fatisfaclion d'e-
tre vifites par leurs freres, qui en ob-
tenoient aifement la permiffion des
gardes , tout pai'ens qu'ils fuifent.
Mais les religieufes de P. R. font pri-
vees de cette eonfolation , dans un
roi'aume chretien, fous l'autorite de
leur Archeveque & par fes ordres ,
aiant des gardes qui n'agiffent que
par fes intentions , &c conformement
a fes volont^s. Il faut que les ordres
&c les inftructions fuifent bien feveres
8c bien precis pour que les gardes
aient ete plus intrairables a l'egard de
ces yierges chretiennes , que ne l'e-
toient les foldats pai'ens qu'on don-
noit aux martyrs pour les garder.
Les Ecclellaftiques avoient encore
-ocr page 192-
IpO HlSTOIRB DE PoRT-ROlAL.'
(j^7< plus de durete pour ces faintes filles
que i les gardes memes qui etoient
leurs geoliers. Non - feulement ils
fuivoient a la lettre tout ce qui leur
etoic prefcrit, mais ils ajoutoient en-
core ririfulte &c les outrages les plus
fanglans aux ordres barbares & injuries
dont ils etoient charges.
Le fieur du Saugey , entre autres ,
fe porta jufqu'a. cet exces de faire a
la mere Agnes ^application de ces pa-
roles de faint Chryfoftome : Qu'au-
cun Judas n'approcke de VautU
, an-
cun avare , aucunt perfonne impure &
corrompue.
Ce qui donna occafion a
ce pretre fanatique de faire une ap-
plication aufli odieufe & aufli injufte
a cette fainte religieufe, fut une rufe
innocente dont elle fe fervitun jour,
en prenant un habit de fceurs con-
venes (64) qui avoient la liberte de
communier, pour fe procurer a elle-
nieme cet avantage. M. du Saugey
n'eut pas lieu de s'applaudir de fon bil-
(«4) Parmi les teligieu-    un de fes fucceffeurs. Ce
les de P. R. , il y en eut   qui donna occafion a M.
encore d'aurres qui pri-    Hamon de trailer la quef-
jent l'liabit de convene ,    lion dans un petit ecrit,
•*■ four jouir du privi'ege   ou il rajjporte les raifons
qu'avoient celles ci de   depart & d'autre , & la
communier. La fcene ar-   decide en faveur de celles
tivie du terns de M. du    qui emploioieM cettt tufe
Saugey , fe renouvella fix   innoceiue.
jajois apres, fous H. Rey,
-ocr page 193-
II, P A R. T I E. LlV. V. ipi
let, en vo'ianc la replique que les re- \(,(,-j.
ligieufes y firent par un autre billet.
Celui-ci portoit, » qu'il etoit etonnant
w que M. dii Saugey ne fe fouyint des
» religieufes que lorfqu'il trouvoit
w dans fon office qu'il etoit parle de
» Judas , des avares, des perfonnes
» impures ; qu'il devoir faire reflexion
» fur lui-meme , & penfer que faint
*> Chryfoftome rejette auili-bien de
» 1'autel les ames dures & impitoi'ar
w bles qui traitent leur prochain
» avec injuftice 9 que les Judas & les
w perfonnes impures , ce que, par la
« grace de Dieu , elles n'etoient pas.
Peu apres cette fcene M. du Sau- ^Yl!^
gey , cet homme de confiance de M. gey quiue p.
l'Archeveque & de M. Chamillard , R-M cierfon
fur retire de P. R. Avant que de par- lui fwced?.
tir, il demanda a faire fes adieux ,
le 16 juin, & etant monte au parloir
avec M. Cierfon, qui etoit arrive la
veille pour lui fiicceder , il s'adreffa
d'abord a la mere Abbeife , a qui il
fit compliment, la priant de l'excufer
s'il ne lui avoir pas donne toute la
fatisfadrion qu'elle auroit pu defirer.
Puis il temoigna (temoignage non fuf-
pe&) qu'il n'avoit rien reconnu dans
la maifon qui ne fixt tres edifianr ,
excepte , dit-il, pour ce qui regard?
-ocr page 194-
\*>X HlSTOIRE DE PoR.T-R.OIAI.
I(j57, la foumiffion aux fuperieurs, auxquels
il pretendit qu'il etoit a fouhaiter
qu'elles vouluflent deierer davantage,
& changer de conduite , pour ne les
pas obliger a les trailer comme ils
iaifoient; qu'au refte , il efperoit que
celui qui venoit prendre fa place leur
donneroic peut-etre plus de fujet de
fatisfaction qu'il ne leur en avoit don-
ne , parcequ'il ne fe rencontreroit pas
des occasions femblables a celles oil
il avoit ete oblige de faire des chofes
qui leur avoient deplu.M. Clerfon qui
etoit prefent , prit la parole & dit:
qu'il iouhaitoit de tout fon coeur de les
fervir, & qu'il efperoit de fe conduire
de telle forte , qu'elles n'auroient pas
fujet de fe plaindre de fon procede ;
qu'il prioit qu'on demandat a Dieu
qu'il lui fit la grace de fe bien ac-
quitter de fa commiflion. L'Abbeffe
lui repondit qu'elles avoient prevenu
fa demande depuis quelques jours ,
en s'adretfant an faint Efprit pour ce
fujet. M. Clerfon etoit du diocefe de
Limoges , & venoit de chez Madame
la Ducheife de Vantadour, ou M. de
Paris l'avoit connu , & avoit prie cette
Dame de trouver bon qu'il allat a
P. R. pour quelque terns. Ce terns ne
UUy fuc- ^C Pas 'onS : car il ne fiC Pas un 'WW.
entier
-ocr page 195-
II. Par tie. Llv. V. 19 j
entier de fejour dans ce monaftere , T^T"
en etant parti le 25 de juillet, apres
avoir pris conge de 1'AbbeiTe , & pre- "hrfoi M'
fence M. Rey , qui devoir le rempla-
cer. Celui-ci declara cju'il venoit de
la part de M. de Paris, quoiqu'il n'eut
point d'ordre expres , mais feulement
une permiflion generate de confefler
dans le diocefe, particulierement dans
le monaftere de P. R. , & cela pour
trois ans. Cette permiflion etoit en
latin , & fut lue par rEcclefiaftique.
Comnie elle ne fpecifioit point la mai-
fon de P. R. des champs , &c qu'elle
pouvoit avoir ete donnee pour celle
de Paris , les religieufes propoferenr
la-deflus leur difEculte au fieur la Fer-
te, qui temoigna qu'il n'y en trouvoit
aucune. Les religieufes en demeure-
rent la , & recurent M. Rey.
Les maladies regnoient ordinaire- ML^.Vj*
ment a P. R. dans les chaleurs du eft envoiV
mois d'aoftt (65) , la mere Abbefle ^\J0fsi:'
chargea M. Hil aire de demander a M. vcrfa & les
de Paris un confefleur pour les fours mal*<*« qu»
r                 1 r* r 1 ■> . m          voudront
convenes avant la fete de 1 Aflomp- H:a figaer.
tion, & de lui dire en meme terns qu'il
y avoit des malades a la maifon , en-
tr'autres, la foeur Agathe , qui etoit
dans un etat dangereux. Six jours
(<>i) Journ. p. 140.
Tome FI.                            I
-ocr page 196-
------------„....
i<?4 Histoire de Port Roi'At.
166-j~ apres , le 8 d'aout, l'Abbeffe avertit
encore M. Hilaire que la foeur Candi-
de etoit dans un grand danger , &
qu'elle pnoit inftammenc M. de Paris
de lui envoier un confefTeur. Le len-
demain M. Hodencq arriva. Etant
monte au parloir, accompagne de M,
Rey & de M. de la Ferte, il dit a
la mere Abbeffe , qu'il venoit lui 6f-
frir fon miniftere , s'il lui eroit agrea-
ble. L'Abbefle lui repondit qu'elle
etoit furprife que M. l'Archeveque
lui eut donne la peine de venir, apres
qu'elle l'avoit fait fupplier de ne le
point envoier , parceque la pkipart
des converfes avoient temoigne qu'el-
les ne pouvoient avoir con fiance en
lui. Ce difcours le furprit beaucoup ,
& aiant prefle pour favoir le fujet
qu'on avoir de fe plaindre de lui , on
lui dit que c'etoit parcequ'il avoit tra-
vaille a ruiner la paix & l'union qui
regnoient dans la maifon , par les dif-
cours defavantageux qu'il avoir terms
aux converfes touchant les religieufes
Sc leur conduite. Il voulut s'infcrire
en faux , maisonlui foutint que rien
n'etoit plus vrai.
tyrant La ftsur Candide aiant ete infor-
pandiderefa-niee par la mere Abbefle de l'arriv<£e.
t%n.pC°'>0''1' de M, Hodencq & des conditions art**
-ocr page 197-
II. Partie. Liv. V. 195
quelles il offroit de laconfefler, lie 1667.
la pria de l'engager a dire a M. 'Ar-
cheveque qu'elle auroit fouhaite de
tout fon cceur de recevoir les Sacre-
mens avant que d'aller a Dieu ; mais
que puifqu'on ne vouloit point les
lui accorder fans la fignature , elle
aimoit beaucoup mieux en etre pri-
vee , que de faire une chofe qui etoit
contraire aux commandemens de
Dieu pout les recevoir. La mere Ab-
bede rendit compte a M. Hodencq
des difpofitions de la malade , &rajou-
ta que c'etoit une fille , qui ai'ant
ete exilee a faint Denis, s'etoic laiifee
aller a figner fur des raifons qui
n'avoient pu calmer fa confcience ;
que depuis elle avoit reconnu fa faute
6c s'etoit retractee de rout fon cceur ,
meme en prefence de M. PArcheve*
que, qu'ainfi il etoit inutile de lui
propofer une nouvelle fignature. M.
Hodencq ai'ant demande comment la
fceur Candide avoit re^u ces lumieres
apres avoir figne, on lui repondit, que
c'etoit par la connoiffance de la loi de
Dieu & de fes obligations, & par le
temoignage que fa propre confcience
lui avoit rendu ; que n'etant point per-
fuadee du fait, eile n'avoit pu 1'at-
tefter a la face de l'Eglife fans men-
-ocr page 198-
19 <J Hist oire de Port-roYai.
KSSj. tir- Cette reponfe donna lieu a 1'En*
voie de M. de Perefixe de raifonner
fur la croiance des faits , fur la
condam nation des Auteurs fur les
trois Chapitres , fur l'attachement a
1'Eglife , & de dire plufieurs chofes ,
qui firent voir que fes connoiffances
eroient trop bornees & fa theologie
trop rcuillee,pour difputer contre des
perfonnes audi intimites de leur re-
ligion que celles a qui il avoit a faire.
Auili fut-il bientot oblige de changer
de batterie, & il eut recours a l'obeif-
fance aveugle , qu'il pretendit qui
etoit clue aux fuperieurs par leurs in-
ferieurs. C'eft effe&ivement la mcil-
leure raifon qu'on puiffe donner pour
engager a la lignature : car il faut etre
Arrangement aveugle pour s'y preter.
M. Hodencq etant encore chafie de
ce pofte , le prit fur nn autre ton , &
dit, en s'adrefTant a la mere Abbeffe :
» Pourquoi croirai-je que la mere de
« Ligny a plus de lumieres & de
» confcience , que quarante commu-
" nautc's religieufes, qui ont toutes
» figne dans Paris fans aucune diffi-
« culte ? Comment feroit-il poiTible
« que tant de bonnes religieufes ,
t> taut de perfonnes vertueufes 8c emi-
« nentes en dignice , fe fuflerir rrom,
-ocr page 199-
II. Partie. Liv. V. i§7
t>
pees , & que vous feules fuffiez i66f,
» dans la bonne voie , en ne voulanc
» point obeir & vous foumettre a.
» vos fuperieurs .... J Done , felon
» vous, plus de quarante commanau-
» tes edifiantes ; done tous les dec-
» teurs de Paris •, done tous les Eve-
» ques ; done tous les Papes, qui one
» condamne Janfenius, fe font trom-
» pes & ont figne le menfonge ! «
Si M. Hodencq avoir ete au monde
du tems de Jefus-Chrifl:, & membra,
de la nation qui condamna le Fils da
Dieu a mort, il auroit pu par un fem-
blable raifonnement juftiner cet hor-
rible deicide.
Un Scribe , un Pharifieni, ne pou-
voit-il pas dire corame lui : » Pour-^
» quoi croirai-je que Pierre, qu'An-
» dre , que Jacques, ont plus de lu-
" mieres & de confeience que la
» grand-Pretre , que le Sanedrin ,
» que tous les Scribes & les Phari-
» liens 1 Comment feroit-il poflible
" que tant de perfonnes vertueufes
» & eminentes en dignite fe fuiTent
f trompees , & que douze p~cheurs ,
» qui n'ont ni fcience , ni etude ,
" fuiTent les feuls dans la bonne voie ,
» en ne voulant point obeir & fe fou-
» mettre a leurs fup erieurs , qui one
Iiij
-ocr page 200-
19? HlSTOIRE DE PoRT-R01A£.
1667. » condamne Jefus-Chrift ? Done, fe~
» Ion eux, tous les doc-teurs de la
" loi , tous les fcribes , tons les pha-
" riiiens , ont condamne le Mellie >
j> done le grand-Pretre s'eft trompe ,
j> & a condamne l'innocent en con-
« damnant Jefus-Chrift 1 « Les reli-
gieufes de P. R. , fans refuter ainfx
le raifonnement du fleur Hodencq,
fe contenterent de lui repondre mo-
deftement qu'elles ne condamnoient
perfonne , mais qu'elles craignoient
pour elles memes de fe fairecondam-
ner de Dieu , fi elles commettoient
un rnenfonge & un parjure a la face
de l'Eglife- Mais tout ce que parent
dire ces faintes filles ne fit aucune
impreflion fur l'efprit de M. Hodencq.
ixvni. £.e nombre des malades, & le dan-
ton coSef- ger augmentant chaque jour, les re-
fer pour pni-]nneuJ(es chargerent M. Hilaire d'ert
f £ kn.aUdes informer M. l'Archevcque, & lui don-
nerent le z 3 aout un billet portant :
» Qu'elles avoient plufieurs de leurs
» fceurs malades , 8c meme que la
» mere Agnes etoit de ce nombre,
3> ai'ant depuis trois jours une fievre
» double tierce ; ce qui ne pouvoit
» etre fans un grand danger a. ion age,
» Qu'il y avoit encore trois de leurs
-ocr page 201-
II. Part ie. Llv. V. 199
* foeurs dangereufement mklades > 1667.
» les fceurs Anne Cecile, Louife Eu-
» genie , & Louife Fare , lefqueiies
« fouhaitoient de tout leur ccrar, &:
» demandoient avec une humilite
» profonde , que M. l'Archeveque
» eiit pitie de leurs ames, & qu'il ne
» leur imputat point a defobeiflance
» ce qu'elles lui proteftoient avec
« (Incerite , comme etant pretes d'en
» aller rendre compte a Dieu , qu'elles
»* nefaifotent que par confcience,dans
» l'apprehenfton de dcplaire a Dieu ;
» qu'elles fupplioient tres humble-
» ment fa Grandeur de s'en laifTer
» enfin perfuader, & d'ufer de la cha-
" rite a'un pafteur envers eiles , en
" ne les privant pas dans cette der-
»» niere extremite des demieres gra-
» ces de PEglife , & de leur envoier
» quelque Ecclefiaftique de piete 8c
" fans paffion, pour les confeiler «. M.
Hilaire s'acquitta de fa commiffion,
& M. de Paris ne fit pas de reponfe &
n'envoia point de confefleur.
                 M, Je ^,j,
Les relirneufes ne crurent pas de-r-fufeui,c°r'-
voir inhiter davantage, aiant remph meAgna,
leur devoir , &c d'ailleurs etant perfua-
dees que les malades ne tireroient pas
grand avantage de ceux qu'on pourroit
Iv
-ocr page 202-
lOO HlSTOIRE DE PoRT-ROiAt.
leur envoier ; mais la mere Agnes
ai'anr eu le 13 feptembre un acces de
fievre fi fort, que M. Hamon dit qu'il
ne pouvoit pas repondre des fuites d'un
autre acces, s'il etoit auffi violent, &
M. Hilaire craignant que M. de Paris
ne lui fat mauvais gre de ne I'avoir pas
averti, il ecrivit au Prelat, qui lui
fit enfin la reponfe fuivante , datee de
faint Germain en Laye le 15 feptem-
bre (66) : » J'ai recti votre lettre a
» faint Germain , d'oiiil m'eftimpof-
" fible d'envoi'er un confefleur a la
« mere Agnes, quand bien meme elle
« feroit dans la difpofition de le re-
m cevoir tel que je voudrois lui en-
w voier. Je voudrois avoir donne de
» mon fang , & qu'elle fut en cet
« etat. Si Dieu permet qu'elle y vien-
» ne, ne manquez pas de me le man-
« der auffi-t6t, afin que je fatisfafTe
" a mon devoir. Je fuis tres marri de
» fon mal. J'ai deja prie Dieu pour
« elle, & je continuerai de le faire
» de tout mon cceur. Je vous donne
*> le bon jour , & je me recommande
» a vos bonnes graces « , Hardouin.
Les religieufes rurent fi penetrees de
douleur en voi'ant le traitement fait a
une religieufe du merite de la mere
(ee) Journ. p. 145.
-ocr page 203-
-•'
II. Part ie. Liv. V. 201'
Agnes , qu'elles ne purent s'empecher idG-j.
de l.e temoigner.
Le moment de la delivrance de la
mere Agnes & des trois autres reli-
gieufes,pourlefquellesonavoitdemari-
de un confefteur a M. de Paris , &C-
dont il n'avoit pas daigne dire un mot
dans fa lettre a M. Hilaire , n'etoit
point encore arrive , & Dieu les rendit
a la communaute. Mais il delivra
quelque terns apres un des plus grands
fujets de cette maifon, qui, apres avoir
ete dans le monde Texemple des per-
fonnes de fon fexe qui veulent y
vivre chrctiennement, etoit devenue
dans le cloitre un modele parfait de
regularite pour celles qui fe confa-
crent a Dieu en renoncant au fiecle.
Avantque derapporter ce qui fe paila
dans la derniere maladie de cette ex-
cellente religieufe , il eft necelTaire de
la faire connoitre.
C'eft de la fceur Anne Eugenie , qui laLf^| An.
s'eft diftingnee , meme parmi les re- ne Eugenie
ligieufes de P. R. ,par fa piete & fon fe°t°sns^
zele pour la verite, dont nous vou- Ange.
Ions parler. Ce que nous en dirons eft
tire, partie d'un memoire ecrit de fa
prope main , 011 elle rapporte par
quel degres Dieu V aVoit attiree a la
vie religieufe , partie d'un memoire
Iv
-ocr page 204-
202 HlSTOIRE CE PoRT-ROIAI..
drefle par M. d'Andilly (67), qui l'a-
voit connue dans le monde, & avoit
pour die une eftime particuliere ,
comme on en peut juger par la ma-
niere dont il en parle : « foit qu'on
» la confidere , die il, comme fide ,
» comme mariee, comme veuve , ou
» comme religieufe, dans la maifon
« de fon pere, a la Cour , dans fa
» famille , ou dans la religion , elle
" a ete eminente en vertu dans tous
» ces divers etats ; jamais fille ne
» revera da^antage fon pere & fa me-
" re ; jamais femme n'eut plus de
» reipect pour fon mari; jamais mere
» n'eut plus de foin pour fes enfans >
" ni ne fouhaira leur falut avec plus
» d'ardeur; jamais veuve ne renonca
*> de meilleur cocur a toutes les chofes
» du fiecle , pour ne penfer qu'a fer-
» vir Dieu 5 jamais religieufe ne fut
" plus exacte dans l'accomplifTemenc
» de tous fes devoirs «. M. d'An-
dilly dit qu'il n'a jamais remarque
aucun defaut en elle , quoique le
(tj) Ce me'moire fut   de confervera celles qui
drefle par M. d'Andilly &   leut fucceJeroient, la me-
la priere des religieufes de   moire de fes verrus.
P. R. , qui des que la («<>) Vies eslif. T. %.
feur Anne Eugenie fut   p. 401.
raorte , eatent la penfee
-ocr page 205-
II. Par tie. Liv. P*. iof
fondde fan cceur lui fut aufli coniiu i(,Gi. "
que le Men propre.
La four Anne Eugenie , qui fut Lxx'-
une des premieres religieufes deP. R. sapiete lit
exilees pour le formulaire, & qui raou- l'en&nce.
• < i r                       1         I f Son manage.
rut privee des sacremens dans le tort
de la perfecution, etoit fille de M. de
Boulogne , Capitaine au regiment de
Champagne , Gouverneur de Nogent-
le-Roi dans le Bailigny. Elle naquit &c
fut baptifee a Nogenr. Des l'age de
fix ans , Dieu lui infpira de fi grands
fentim;ns de piete, qu'il parut des-
lors qu'il vouloit lui-meme lui fervir
de guide dans le chemin de la vertu >
dont elle ne s'eft jamais ecartee , &c
dans lequel elle n'a cede de faire des
progres jufqu'a fa mort (69).
A mefure qu'elle avancpit en age ,
elle croiffoit en vertu. A douze ans ,
la lecture de la vie de fainte Therefe
lui donna envie d'etre Carmelite. Ce
defir fe fortifioit tellement de jour en
jour , qu'a quinze ans elle ne penfoit
plus qu'a chercher les mo'i'ens d'exe-
cuter fon delTein. Mais M. Boulogne
fon pere, craignant que lorfqu'il fe-
roit eloigne, elle n'entrat dans quelque
monaftere , la maria en 1611 , avec
precipitation , a. M. le Charron , Baron
(«?} Vies edif. T. i.p. 405.
I vi
-ocr page 206-
"04 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl.'
de faint Ange , Treforier , premier
Maine d'hotel de la Reine Anne d'Au-
triche femme de Louis XIII, & par-
tit deux jours apres pour l'e fiege de
Montaubati , laillant la fille dans une
grande douleur de fon abfence , &c
dans la crainte d'avoir manque a ce
qu'elle devoit a Dieu en fe mariant
par obeiflance pour M. fon pere.
Madame de faint Ange , quoiqu'en-
gagee dans le manage , confervoit
toujours une affection particuliere pour
la vie religieufe, &c ne pouvant l'em-
brafler , elle forma le deifein de fe re-
tirer dans un monaftere comme bien-
faitrice. Son confeffeur qui eroit urr
Jefuite, approuroit ce defTein , & elle
etoit fur le point de Pexecuter. Mais
le Pere Suffren, autre Jefuite , a qui
elle en parla, fut d'un avis contraire ,
& I'arreta , en lui reprefentant fage-
ment qu'elle ne le pouvoit en conf-
cience, parcequ'une femme mariee ne
pouvoit rien donner fans la permiffion
de fon mari. Madame de faint Ange
lui aYant temoigne qu'elle prendroit la
fomme dont elle etoit convenue, fur
fon entretien. Le Pere SufFren lui d«t
que fi elle vouloit obferver les vceux de
ton bapteme, il luiferoit bien difficile
de rien epargner fur fes habits, pui£
-ocr page 207-
II. P A rt i e. Llvr F. 205
qu'elle ne pourroit en porter de trop nS6j,
fimples. II ajouta, comme par efpnt
de prophetie: Ne penfe^ qua. vivrt chre-
tiennement dans L'itat ouvous etes, &
il arrive ra un jour que vous entrere^
en religion fans quil vous en coute rien.
Cet avis renverfa tous les defTeins de
Madame de faint Ange , qui s'en con-
foia en voi'ant prefque tous les jours
des Carmelites & des religieufes de
fainte Marie (70).
La charge de M. de faint Ange obli- LX™\
geant Madame fon epoule de paroitre Cou£
a la Cour, elle s'y fit aimer & eftimer
par la beaute & la folidite de fon ef-
prit, & par toutes fes excellentes qua-
Iites; elle plut fur-tout extrememenc
a la Reine. Mais ni le credit qu'elle
eut aupres d'elle, ni les temoignages
de bonne volonte dont cette Princefle
I'honora, ni le luxe , ni les plaifirs de
la Cour , ne corrompirent fon cceur ,
& ne firent impreffion fur fon efprit.
Sa vie fut toujours toute chretienne.
Elle n'alloit prefque jamais que le
matin rendre fes devoirs a la Reine »
& jamais elle ne l'accompagnoit qu e
Iorfqu'elle le lui commandoit.Ainfi elle
vivoit a la Cour fans prendre part aux
funeftes plaifirs qui corrompent le caeur
<70) M£m, ccrit pat elle-mteie, ibid. p. 407.
-ocr page 208-
iO<> HlSTOlRE DE PoRT-ROl'At;
i667, de la plupart de ceux qui onr le mal-
heur d'y vivre. Elle conferva dans fes
habits la plus grande fimplicite, &C
toute la modeftie que la bienfeance
pouvoit permettre. Ennemie de toute
euriofite , elle ne kit jamais un ro-
man , ne voulant remplir fon efprit &
fon cceur que des verites qui pouvoient
l'enflammer d'ardeur pour l'eterneile
verke qui eft Dieu meme.
txxni. Les affaires de M. de faint Anee s'e-
re en Baf- tant trouvees rort derangees par les
hnY-
         dettes qu'il avoit contractees avant fon
manage , & que M. de Boulogne
ignoroit alors, elle fe retira en Baffi-
gny avec fes enfans chez M. fon pere ,
qui, plein de tendreflfe pour une fille
fi vertueufe , traita avec les creanciers
de fon mari, & accommoda les affai-
res. Lorfqu'elles furent arrangees, elle
revint a Paris avec M. de faint Ange,
& vecut toujours depuis avec lui dans
Funion la plus parfaite qui puiffe etre
entre une remme 8c fon mari. Elle ne
lui temoigna jamais fa peine du de-
rangement de fes affaires , quoiqu'elle
n'eut que dix-huit ans lorfqu'elle ert
eut connoiffance , & qu'elle fe vir ex-
pofee , elle & fes enfans, a etre ruinee
fans reffource. Elle s'appliqua unique-
ment aux rno'iens d'acqakcer fes det-
-ocr page 209-
II. Par tie. Llv. V. 107________
tes •, mais tandis qu'elle fe retranchoit j 667.
tout a elle-meme,& qu'elle fe reduifoit
au plus e-troit neceiiaire, elle laiflbit
faire a fon mari toute la depenfe qu'il
jugeoit a propos, fans s'y oppofer, ni lui
en marquer aucun mecontentemenr.
Dieu lui fit la grace de n'avoir de LXXIV>
liaifon patticuliere qu'avec desperfon- sesiiaifoaa;
nes de piece , parmi lefquelies Mada-
me d'Andelot tenoit le premier rang.
Cette Dame vouloit engager fon amie
a faire connoiflTance avec la mere An-
gelique; mais elle s'en excufoit fur le
pretexte qu'elle ne vouloit pas faire de
nouvelles connoi (lances. Lagrande fer-
mete de Madame de faint Ange fai-
foitcroirea Madame d'Andelotqu'on
ne la tireroit jamais de la conduite des
Jefuites , dont elle auroit voulu la voir
delivree. Mais lorfque le moment que
Dieu avoit marque rat arrive , la chofe
fe fit fans aucun obftacle. M. d'An-
dilly fut l'inftrument dont Dieu fe
fervit pour cela.Comme il alloit en Al-
lemagne Tan 16 3 5 , en qualite d'ln-
tendant des armees du Roi, il pafla par
Chaumont en Baffigny , ou Madame
d'Andelot demeuroit alors , 8c fut
oblige d'y faire quelquefejour. 11 etoit
fort ami de Madame d'Andelot & de
M. Boulogne, pere de Madame de faint
-ocr page 210-
%oi HlSTOIRE DE PoRT-ROi'AI.
i<j£7t Ange, laquelle fe trouvoit auffi pour
lors a Chaumont. La connoiffance fut
bientot faite : dans les entretiens qui
etoient auffi agreables qu'edifians, M.
d'Andilly ne manqua pas de parler de
fon heros, le celebre Abbe de faint
Cyran, defes deux admirables foeurs,
la mere Angelique & la mere Agnes ;
il lifoit leurs lertres a Madame de faint
Ange, qui etoit dans l'admiration de
tout ce qu'eile entendoit dire d'eux.
Enfin elle pria M. d'Andilly de les lui
faire connoitre : & elle ne fut pas plu-
tot de retoura Paris, qu'eile alia avec
luileur rendre fes premieres vifites.
Dans celle qu'eile rendit a M. de
faint Cyran, elle fut li fatisfaite de ce
pieux Abbe, que des ce jour la meme
elle ne penfa plus qu'a fe metrre fous
fa conduite. Il fe pafla. une chafe trop
extraordinaire dans fa premiere vifite
a P. R. pour l'omettre ici, La mere
Angelique, apres avoir recu fort froi-
dement le compliment de Madame
de faint Ange, ferma !e rideau & lui
dit adieu. Cette bonne Dame fort
etonnee, ne pouvant faire autre chofe,
fe recommanda aux prieres de fa mere
Angelique , qui lui repondit : Les pen
foanes qui deferent que nous prions
pour elks , nous doiyent laijfer dans
-ocr page 211-
II. Par tie. Liv. V. 109
flotrefolitude; auffl-bien les parloirs ne 1667.
fervent de run aux gens du monde , &
Us Jont fort nuifibles aux religieufes.
Madame de faint Ange fut mortifiee
antant qu on pouvoit 1 etre de cette re-
ception ; & pour fe confoler elle alia
raeonter fon aventure a Mde. d'Andil-
ly , qui lui dit : Ne vous rebute^pas, jc
vous affure que la mere Angelique ref-
femble aux bons Anges , qui ejjraient
d'abord & qui confolent apres.
En effet
depuis qu'elle eut appris que Madame
de faint Ange penfoit ferieufement a
fe donner totalement a Dieu , elle lui
temoigna une grande charite & une
coniiance particuliere , dont elle lui
donna une grande marque dans la fuite,
en lui mettant entre les mains Made-
moifelle de Luzancy fa niece.
Madame de S. Ange entra avec ar-
deur fous la conduite de M. de S. Cy-
ran, dans routes les fainres verites que
ce celebre Abbe lui apprit fur les obli-
gations du chriftianifme. Sa vie paffee
lui paroiflant alors un tems qu'elle
etoit obligee depleurer comme perdu,
elk ne fongea qu'a faire de dignes
fruits de penitence (71). La forte per-
fuafion ou elle etoit qu'on ne put
retourner a Dieu que par cette voie %
<7». Vifs eJif. p. 405..
-ocr page 212-
110 HlSTOiRE DE PoRT-Roi'AL.
i66~y, la porta a en perfuader pluiieurs au-
tres perfonnes. Semblable a ces fain-
tes femines , ciont 1'Apotre die qu'el-
les l'aidoient dans fon miniftere (71)5
elle fervit d'inftrument a la grace de
Jefus-Chrifi pour les fake entrer dans
cette fainte carriere, foit en engageant
M. de faint Cyran a leur ecrire de fa
prifon des lettres , dont pluiieurs font
imprimees , foit en les retirant a. fa
maifon de campagne pour y ecouter
la voix de Dieu. On jpeut voir la let-
tre 154 que M. de faint Cyran lui a
ecrite fous ce titre : A uiu Dana de
grande vertu.
txxv. Dieu fe fervit auffi de cette fainte
Elle fe met r                          . , . .          , r .
fous la con-remme pour aturera lui M. de laint
duitedeM.de,Ajige fon mari. Ce Seigneur, touche
par les bons exemples &c les difcours
de fa femme, refolut de killer a fon
fils la charge de premier Maitre d'ho-
tel de la Reine , & de fe retirer a
faint Ange, arm de n'y penfer le refte
de fes jours qu'a fervir Dieu. A peine
eut-il emploie quelques mois pour fe
preparer a la mort auffi ferieufement
que s'il eut he allure qu'elle etoit
proche , qu'il mourut fubitement le
17 fevrier 1651 , (non i6$t , com-
me on lit dans le necrologe). Madame
(;i) Rom. i« Philip. 4.
-ocr page 213-
II. P ARTIE. Liv. V. HI
II '1'......
Ion epoufe , qui avoit defTein de fe i66y.
retirer a P. R. de Paris , y fit porter
fon cceur, afin d'engager plus particu-
lierement les religieufes a prier pour
lui (73).
La mort de M. de faint Ange la fur- Elle forms
prit comme un coup de tonnerre ; & le <^fir flm
dans le moment Dieu lui donna une rc 's e "''
fi foite penfee d'etre religieufea P. R.,
qu'elle n'hefita pas a en prendre la re-
folution (74). Elle communiqua fon
fecret a M. d'Andilly , qui vint lui
rendre vilite a faint Ange , 011 elle etoit
avec Mademoifelle de Luzancy , vi-
vant avec elle depuis quatre ans dans
la plus grande union (75). Elie en ap-
pric un autre de M. d'Andilly , a qui
la mere Angelique avoit fait promet-
(7!) M. de faint Ange    Fontaine, T.i. p.^jff&c.
*voit fait batir un loge-        (74) la mort foudalne
meat a P. R. des Champs,    de M. de faint Ange qui
pout s'y retirer ds tems    fut fort extraordinaire pat
en tems. M. d'Epinoy fon    les eirconftanees quoit
plus jeune fils alia demeu-    pent voir rapporries dans
rer dans cette folirade peu    les memoire's de M. de
de tems apres la mort de    Pontisqui s'y trouva pre-
M. fon pete, prefeiant    fent, contribua a la con-
une vie penirente a eelle    verfion 8c d la retraire de
qu'ilauroitpumenercom-    cet Officier , 8c infpira a
modemenrdansle monde,    un des fils de M. do faint
II mourut le 11 feptem-    Ange & i Mademoifelle
bre r£7« cntre les bras de    de" Luzancy le deffein de
M. de Saci, qui avoit pour    renoncer au monde. Vies
lui une grande affe&ion.    edif. T. 1, p. 41 r.
Vertex le Necrologe , p.        (75) Ibid. P.^qj*
}5S & les Mem. de M.
-ocr page 214-
Hi HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1667. tre ^e ne ?0im p^ler de P. R. a Ma^
dame de faint Ange •, parcequ'elle ne
vouloit pas qu'on la portat a choifir
un lieu plutot qu'un autre. Peu de
jours apres , elle alia a Melun voir fa.
fille qui etoir religieufe a fainte Ma-
rie, & lui dit fon deiTein , ce qui l'af-
fligea beaucoup,mais elle fe foumit(a la
volonte de Dieu ; & connoifTanc le
merite de P. R. , ou elle avoir ete
elevee , elle demeura d'accord que
Madame fa mere ne pouvoit fake un
meilleur clioix.
txxvin. Madame de faint Ange etant de re-
fon detoT tour * Pa"s ' ne Penfa qu'a executer
ledeffein qu'elle avoit d'enrrer a P. R.
Le feul obftacle qu'elle y voi'oit, c'eft
qu'il lui reftoit un fils fort jeune ,
qu'elle avoit peine a quitter Made-
moifelle de Luzancy. Dieu leva cet
obftacle en infpirant a. l'un & a l'autre
un fi grand denr de quitter le monde ,
que fans meme vouloit attendre Ma-
dame de faint Ange, bien loin de la re-
tarder , Mademoifelle de Luzancy en-
tra a P. R. , & M. fon fils fe retira
a la campagne avec plufieurs perfon-
ties qui ne penfoient qu'a fervir Diett
dans la retraite. Ainfi Madame de
faint Ange fe vit precedee par ceux
qu'elle craignoit qui ne la retardafTent,
-ocr page 215-
II. Pa rtie.IjV. fT. 113
& elie ne put les fuivre que fix mois
apres. Elle entra a P. R. le ltT mars
1651. Sur la fin de certe annee, Ma-
demoifelle de Luzancy recut l'habic
de novice , qui fut donne le 3 juin
1653 a. Madame de faint Ange (76).
Enfin elles firent profeilion enfemble
le jour de la Presentation de la fainte
Vierge de 1'an 1654, entre les mains
de la mere Angelique , qui avoir dit
au fujet de Madame de faint Ange ,
lorfqu'elle declara fon defTein d'etre
religieufe : SI celle-ci me trompe , je
Ht recevrai plus de Dames.
Mais ne
pourroit-on pas dire qu'elle l'a trom-
pee , aiant porte l'humilite, la fimpli.
cite, l'amour pout la pauvrete au-de la
de ce qu'elle pouvoit attendre 3 C'e-
toit en toutes chofes un model e par-
fait; mais elle fe diftinguoit fur-tout
par un "amour extraordinaire pour la
mortification , par une humilite ii
mot d-2 fes befoins , la
mere Agnes envoi'a fur le
champ chercher le contrat
8c le donna a la Marecha-
le en lui difant: Dius-
lui que voila ce que nous lui
eirvotom pour le con/oler.
Cell la de ces traits de
generofite, de definteref»
femcnt qui caracterifeftt.
Port Roi'al.
lbftl.pl>. 419
(76) Madame de S. Ange
voulut dormer 10000 li-
v<es en argent a P. R. 8c
un contrat de rooo Hvres
de rente viagere. Quelques
jaurs avant fa profeilion,
la Marechale du Pleflis
etant venue voir la mere
Agnes, lui parla de M. de
f?int Ange , qui pojrroit
venirvoir lefacriricede fa
W*K i 8c lui aiant dit un
-ocr page 216-
2 14 HlSTOIRE DE PoK.T-R.OAli.
J 1661. gran<^s ' qu'elle fe conlideroit commc
la derniere de routes , par un zele
pour la regularite qui la rendoit exa&e
aux moindres chofes comme aux plus
grandes , par une egalite d'humeur
que les evenemens les plus facheux ,
tels que le renverfement des affaires
de M. fon fils aine , & les longues per-
fections qu'elle eiTui'a , ne furent ja-
mais capables d'alterer.
lxxix. £jje j.m cju nombre des douze pre-
^dansicmo-mieres religieufes que M. de Paris en-
naflere de ste ]eva J'une maniere fi cruelle le 16
Mane de                                        i             r               i
chailiot. aout 166\ , pour les renrermer dans
differens monafteres. Elle fut en-
voice chez les lilies fainte Marie de
Chailiot, oli elle palTa dix mois ea
captivite. Elle a ecrit elle-meme une
relation en forme de lettre, adrellee
a la fceur Angelique de faint Jean ,
ou Ton voir de quelle maniere Dieu la
conduifoit par la feule lumiere de fa
grace , lui faifant eviter les pieges les
plus fubtils , dont il etoit difficile
qu'une perfonne feule & fans confeil
put fe defendre dans une tentatiort
capable de feduire les Elus me-
raes.
Avant que de partir pour le lieu de
fon exil, elle alia fe profterner au pie
de l'aurel pour offrir a Jejus-Chrijl un
-ocr page 217-
IT. P A R T I E. Liv. V. 2 15
facrifice , fans comparalfonplus grand, ~l(,(,~,
ciit-elle , qui ctlul qu'dle avoit fait U
jour de fa profeffion. On
vine lui dire
qu'il falloitpartir 8c qu.'on l'attendoit.
M. d'Andilly la conduifitau carofTe ,
011 elle fe rrouva feule avec des vifa-
ges inconnus fans favoir 011 elle alloir.
M. d'Andilly le demanda a un aumo-
nier de l'Archeveque , qui lui die
qu'elle alloit a Chaillot. La mere de
la Fayette , qui l'avoit demandee, la
recut avec beaucoup de cordialite, 8c
la trairaavec aflez d'humanite, lui per-
mettant de recevoir des lettres , d'y
repondrc, de voir fes proches & Tes
amies particulieres- Mais M. l'Arche-
veque en etant informe fit des plaintes
a la mere de la Fayette, & lui recom-
manda de ne la laiffer parler a per-
fonne , ajoutant qu'il ne vouloit pas
qu'elle reciit aucune lettre.
La riviere qui pafTe au pie do monaf-
tere de Chaillot, lui donna de la devo-
tion au pfeaume SuperfluminaBabylo-
ms ;
&lamaifon etant fituee vis-a-vis
de P. K., e'etoit pour elle un fujet de
confolation de pouvoir fouvent regar-
der un lieu ou fon cceur eroit refte.
Elle defiroit fort d'en apprendre des
nouvelles ; & la mere de la Fayette ,
flierchanc a l'cbliger , lyi en difoif
-ocr page 218-
il£ HlSTOIRE DE PoRT-Ro'iAI..
y6(,n, fans fac_on , fur - tout de la mere
Agnes.
Elle eut un jour un entretien avec !a
mere de la Fayette , dans lequel celle-
ci lui parla d'une maniere ties raifon-
nable •, & comme elle defiroit fort
que la four Anne Eugenie commu-
niat, elle la prefifa de voir quelque
perfonne pour cela. Elle confentit de
voir M. Chamillard, qui vint la con-
fefler, & lui permit de communierle
jour de la Nativite de la fainte Vierge 5
mais il pria la mere de la Fayette de
ne la laifler jamais communier , qu'il
ne l'eut vue auparavant. Cette douceur
feinte de M. Chamillard ne fe foutint
pas long-tems, & il refufa a. la four
Anne Eugenie , pour la faint Michel,
la permiffion qu'il lui avoir accordee
pour la fete de la Nativite de la
Vierge. La mere de la Fayette en fut
fi touchee , qu'elle pria la foeur Anne
Eugenie de voir une perfonne pour
qui elle avoit beaucoup d'eftime •, elle
y confentit, & en fut tres fatisfaite.
Elle apprit de lui la chute de deux
rdigieufes , outre les fept premieres
qui avoient deja figne , & peu apres
elle fut encore celle de la foeur Ca-
therine de faint Paul &de la foeur Ger-
trude. Ces triftes nouvelles lui per-
c,oienc .
-ocr page 219-
II. Parti e. Llv. V. z\y
^oient le cceur , & la faifoit trembler
pour elle-meme. La perfuafion de fa
foibleffe faifoit fa plus grande tenta-
tion. Lorfqu'elle apprenoit quelque
nouvelle fignature , elle defiroit de
fuir, toute infirme qu'elle etoit, &
fe feroit eftimee heureufe d'etre dans
quelqu'endroit ou elle n'eut ete con-
nue de perfonne. Elle auroit fouhaitc
changer de Diocefe pour pouvoir com-
munier. C'etoit 1'avis de la mere de
la Fayette qui le lui temoigna , en
ajoutant que c'etoit une affaire a bien
pefer & a tenir bien fecrete s & qu'il
falloit beaucoup prier Dieu.
M. de Paris etant venu a Chaillot
fur la fin d'Oclobre , la mere de la
Fayette lui demanda la permiflion de
communier pour fa prifonniere a la
fete de tous les Saints. Le Prelat la
refufa ; & la mere de la Fayette ,ju-
geant qu'il n'y avoit rien a efperer, &c
etant tres affligee de ce refus, dit a la
foeur Anne Eugenie , qu'elle voi'oit
bien que le mieux pour elle etoit de
changer de Diocefe. La prifonniere
entroit dans ces raifons, & en avoic
encore une particuliere , qui etoit de
quitter les avantages qu'elle avoit dans
une maifon , ou la fuperieure lui te-
»oignoit tant de bontes, & d'en faire
Tome ri.
                       K
-ocr page 220-
2i8 Histoire de Port-roYau
~— un facrifice a notre Seigneur , pour lui
'' temoigner qu'elle faifoit tout ce qui
etoit en fon pouvoir pour participer a
fes divins myfteres. Dans l'incertitu-
de ou etoit la fceur Anne Euge-
nie de la refolution qu'elle devoit pren-
dre, elle ouvtit le nouveau Teftament,
iSc ai'antmis le doigt fur une ligne, elle;
trouva ce paflage : Ne fajfe{ pas de
maifon en maifon.
Elle ne douta pas
que la volonte de Dieu ne lui fut ma-
nifeftee par ces paroles , qu'elle lut
a la mere de la Fayette , qui en flu
fort touchee,
Comme la fete de la Prefentation ,
M^^aris Jour auclue^ ^a ^CEUr Anne Eugenie
lui tefufede avoit fait profeffion , approchoit, elle
cmnmu- 'a prkla mere de la Fayette de demander
eioa.
         encore pour elle la communion. Elle
ecrivit pour ce fujet a M. l'Archeve-r
que , qui fut inflexible. Le jour de la
Prefentation , la fceur Anne Eugenie
rappellant dans fon fouvenir, que de
quatre religieufes quiavoient fait pro*-
feflion avec elle ce jour - la , deux
etoient mortes , & les deux autres
avoient eu le malheur de figner, elle
ne put s'empecher de repandre des
larmes. La mere de k Fayette la voYant
dans I'afflidion , & jugeant que c'etoit
a. caufe qu'elle n'ayoic pas comjnunie j
-ocr page 221-
II. Part i e. Liv. V. 119
lui dit, qu'elle en etoit plus affligee
qu'elle, mais que puifqu'il n'y avoit
rien a efperer, il falloit qu'elle pen-
fat a changer de Diocefe. A quoi la
fceur Anne Eugenie repondit, qu'elle
croiroit manquer a fon vceu de ftabi-
lite , fi elle faifoit par elle-meme
quelque chofe pour fortir d'un lieu ou
elle avoit ixh mife par fon Superieur.
Ainfi elles refolurent de n'en pluspar-
ler: la mere de la Fayette ne 1'avoit
fait que pour obliger la fceur Anne
Eugenie , a qui elle tachoit de rendre
tous les bons offices qu'elle pouvoit ,
8c n'en perdoit jamais aucune occafion.
Malgre tous les refus qu'elle avoit deja
effuies, elle ecrivit encore a Noel >
route malade qu'elle etoit, a l'Arche-
veque , pour lui demander qu'il ac-
cordat les Sacremens a la fceur Anne
Eugenie : mais toutes fes tentatives
furent inutiles. Le Prelat etant venu
a Chaillot une des fetes , eut une con-
ference de deux heures avec la prifon-
niere , qui fe mit deux fois a genoux ,
lui demandant avec larmes la fainte
Communion , & ne put rien obtenir.
Au mois de Janvier fuivant, 16C-, 5, la
mortenleva la merede la Fayette, qui
temoignoit tant de bontes a la fceurAn-
fle Eugenie. Elle en fut tres touchee,
Ki;
-ocr page 222-
210 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
i<SCj. mais ni cetce affliction , ni toutes Ie$
autres peines jointes a fa captivite , ne
l'accabloient pas. Dieu la foutint tel-
lement par fa mifericorde , qu'elle fuc
toujours dans une profonde paix, 8c
que fa confiance en iui croiffoit a me-
fure que fes afflidtions fe muMplioient,
La mere Belin fat elue Superieure a,
la place de la mere de la Fayette. M,
de Perefixe , qui etoit venu faire l'e-
lection, demanda des nouvelles de la
fccur Anne Eugenie , & chargea li
fceur de Mortemar , qui etoit la feule
religieufe a qui elle parlok , de faire
lecture a la prifonniere de la lettre
qu'il avoit ecrite a M. d'Angers. Ce
qui aiant ete execute , elle reports
ait gravement , que pour bien ju-
ger de cette lettre , il auroit fallu
voir celle de M. d'Angers a laquelle
on repondoit , & la replique qu'il y
avoit fujet de croire qu'il feroit. La-
deffus , on regarda la fceur Anne En-
genie comme une endurcie , pour la-
quelle il fallok fe concenter de prier
Dieu. Mais la nouvelle Superieure ,
fe croi'ant par le devoir de fa charge
obligee a quelque chofe de plus que
la priere , harangua la prifonniere ,
& eut un long entretien avec elle ?
dans lequel elle fit connoitre qu'elle
-ocr page 223-
It. Parti e. Llv. V. lit___
avoit des impreffions bien defavan- 1667.
tageufes de P. R. , & de ceux qui
avoient conduit cetce fainte maifon.
Elle ne laifTa pas neanmoins de traiter
la fcEur Anne Eugenie avec beaucoup
de politefTe ; elle ne lui retrancha rien
de ce que lui avoir accorde la mere de
la Fayette , & elle eut grand foin de
pourvoir a fes befoins. Elle s'interelfa
meme aupres de M. de Paris , pour
tacher de lui procurer la Communion
a Paque , mais ce fut fans fucces.
Apres ce refus , la fceur Anne Eugenie
jugeanrqu'elle n'avoit'plus rien a efpe-
rer , & aiant des incommodites affez
confiderables pour lui faire croire
qu'elle n'avoit point de tems a perdre,
elle ecrivit fes difpofitions , qu'elle
llgna , afin de les pouvoir donner an
lit de la mort; les voici :
Gloire a Jefus au tres faint Sacre-
meat.
» Je , fceur Anne Eugenie , reli- Elle Sait
» eieufe indiene de P. R. du faint Sa- & %ne fcs
0                   ° v        ,k            •/•         1 (brnietej dif-
»  crement , apres m etre mile en la pofitjom.
»  pt efence de Dieu, que j'adore com-
»  me le maitre de ma vie & de ma
»  mort, & avoir demande la protec-
»  tion & le fecours de la fainte Vier-
«  ge , des faints Anges , & de tons
»  les Saints ; je declare qu'etant nee >
Kiii
-ocr page 224-
212 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAE?
» &t ai'ant roujours tache de vivre
» comme fille de l'Eglife catholique ,
» apoftolique & romaine , je meurs
w dans la meme difpofition , que je
» fuis foumife avec un tres profond
« refpecl: aux fouverains Pontifes >
» aux Eveques , & a toute l'Eglife ;
» que j'embrafle fincerement & de
» coeur, tout ce que les Papes Inno-
» cent X & Alexandre VII ont de-
» cide touchant la foi, & que je re-
s' jette toutes les erreurs qu'ils ont
« jugees y etre contraires ; que pour
» toutes les autres chofes qui font
« au-defTus de notre connoiflance ,
>• de notre profeflion , & de notre
» fexe, ou M. de "Paris a temoigne
« defirer que nous priflions quelque
» part, je fuis refolue de demeurer
» toujours fur ce point dans le ref-
» pe6t &dans le filence, conformes a
» notre profellion & a notre etat, fe-
» Ion que nous l'avons toutes declare
« par nos acles du 3 decembre 1661 ,
w & du 10 juillet 16(14.
» Que fi je n'ai pu me refoudre
w a faire ce que M. l'Archeveque a
» defire de moi , je le fupplie tres
» humblement de confiderer qull n'y
5> a que la feule crainte d'offenfer
" Dieu quim'en ait empechee, parce-
-ocr page 225-
II. Part ie. Llv. V. 12.3
« que j'aurois cru mentir , felon le [~j
» fentiment de notre Pere faint Ber-
» nard , en ailurant une chofe que je
» vois etre conteftee par des Eveques
» & des theologiens d'une grande
» piece , & dont il m'eft impoffible
» d'avoir aucune affiirance par moi-
» meme.
» J'efpere que Dieu, qui voit la fin-
» cerite & la nmplicite de mon cceur ,
» aura egard en cette rencontre au
» defir que j'ai eu depreferer fa crain-
» te a toutes chofes,& qu'il n'aura pas
» defagreable le facrifice queje lui ai
m fait, en me privant de la compagnie
» tres chere de nos meres 6c de nos
» fceurs , & enfuite de notre monaf-
» tere , & ce qui eft plus que tout,
» de la participation du tres faint Sa-
» crement de l'autel , & enfin de
» toutes les confolations divines
» &c humaines que l'Eglife a accou-
*» tume de donner a fes enfans, pour
» garder une fidelite inviolable a
« les preceptes , & pour n'expofer
» point la verite &c la juftice, ou ma
» confcience , ni la moindre chofe.
» Et comme je me vois dans Fetae
» d'etre bien-tot prefentee devant
» vous , 6 mon Sauveur & mon Dieu,
" je me fens obligee de vous rendre
-ocr page 226-
2,24 HiSTOIRE DB PoRT-ROlAI.
» auparavant de tres humbles acTdofls
« de graces que je vous dois , & d'in-
" viter toutes les creatures a louer
»♦ avec moi les mifericordes inn-
s' nies que vous m'avez faites en
5j me tirant du monde , oil je n'ai vu
»> qu'une infinite de perils pour ceux
« memes qui veulent vous iervir , &c
»
en me conduifanr dans le monaftere
» de P. R.
» Je me fens obligee , mon Dieu ,
» de rendre temoignage en votre pre-
i> fence , que j'ai trouve cette maifon
» remplie d'une charite finguliere,
» queje n'y ai jamais rien remarque
» que de faint & d'edifiant; que nos
» meres & ceux qui nous conduifoient
» etoient remplis d'une vertu & d'une
» capacite extraordinaires, & qu'ilsne
» nous ont jamais rien enfeigne que
» de conforme aux regies les plus put—
» res de l'Evangile ; que j'attribue a
5> la fairitete de Teur conduite tout l'o-
»> rage qui s^eft eleve contre eux, par-
»» ceque le demon ennemi de Telprit
" & d§ la grace de Jefus-Chrift etoic
« jaloux du bien qu'ils faifoient, £c
» de celui qu'ils faifoient pratiquer
» aux autres. C'eft le temoignage que
» je leur rends au lit de la mort, qui
n ne doit pas etre fufpect > puifqu'e-
-ocr page 227-
II. P A R T I E. LlV. V. llj
si tant prete d'etre prefentee devant le
" tribunal de Jefus-Chrift pour y etre
» jugce , je ne voudrois pas dire une
» chofe dont je n'aurois pas une eiv
» tiere certitude.
» Je me fens auffi obligee d'avoir
m une reconnoiflance tres particuliere
» de la charite que les meres Superieu-
» res & les religieufes de ce monaftere
» de la Vifitation de Chaillot m'onc
« temoignee depuis tant de tems. Je
» prie Dieu de tout mon cceur qu'il
" les recompenfe de toutes les bontes
» qu'elles ont eues pour une pauvre
" religieufe bannie de fa maifon, dans
» la difgrace de fon Archeveque , 8C
» ainil qui n'avoit rien ni dans elle ,
» ni hors d'elle , qui les put porter a
» lui rendre les affiftances qu'elles lui
» ont donnees , dont elle eft d'autant.
» plus redevable a leur charite.
» Je leur demande audi tres htrm-
» blement pardon de routes les fames
" que j*ai pu commettre contre la re-
» gularite qui doit paroitre dans lx
m vie d'une religieufe, depuis que je?
» fnis dans leur monaftere , & je les
» fupplie de me dormer part a leuxs
»» prieres & au faint facrifice qui s'oa^
*» fre dans leur eglife.
» Que fi je n'ai pas le bonheur erf
K v
-ocr page 228-
Zl6 HlSTOIRE DE PoRT-RoYaL.'
» mourant de recevoir le ties faint
» Viatique , felon que je le defire de
» tout mon coeur, j'efpere neanmoins,
» avec la grace de Dieu, que cela ne
» m'empechera pas de mourir avec
" une grande paix, parceque je fuis
» perfuadee qu'il n'y a point de terns
» auquel on foit plus oblige de ne
» point offenfer Dieu qu'a l'heure de
» la mort, & qu'il m'eft fans cora-
» paraifon plus fur d'etre feparee
» maintenant exterieurement du corps
« de Jefus-Chrift, que de m'expofer
« a etre pour jamais condamnee de
jj lui & retranchee de la communion
» de fes Saints, pour lui avoir manque
» de fidelite dans une chofe que je
33 crois certainement ne pouvoir faire
» fans violer fa loi & fans bleiTer ma
« confcience. Mon Dieu , fi je n'ai
» pas le bonheur en mourant de re-
» cevoir votre facre corps 8c le fang
» que vous avez repandu pour moi,
m donnez-moi votre efprit, & ne re-
» fufez pas votre paix , votre grace 8c
» votre mifericorde, a la plus indigne
» de vos creatures.
La fceur Anne Eugenie ne donna
point ce papier , parceque l'abces
qu'elle avoir a la tete aiant pris fon
cours par le nez , elle fut heureufe-
-ocr page 229-
IWM a .*.,.,.?in pi...., 11..1.1 i..V^^l«-
II. Partu. IzV. r. ii-?______
ment delivree de fa maladie, & elle i66j.
demeura tranquille jufqu'a. ce que M.
Chamillard lui apporta le nouveau
mandement de M. de Perefixe, avec
la bulle & le formulaire d'Alexandre
VII, qu'elle ne figna point. Comme
la bulle accordoic trois mois de de-
lai pour la llgnature , on preila la
foeur Anne Eugenie de demander la
commuion pendant ce terns. Elle y
confentit, 8c Mademoifelle Tetu en
park a M. I'Archeveque , qui vint
pour lors a Chaillot: le Prelat dit a
cette Demoifelle, qu'il accorderoit a la
fceur Anne Eugenie ce qu'elle deman-
doit, fi elle vouloit ecrire fes difpofi-
tions en la meme maniere que la fceuc
Agnes l'avoit fait. Le lendemain il
ecrivit ce qui fuit a Mademoifelle Te-
tu : » Je vous envoie la lettre que m'a
" ecrite la mere Agnes, fur laquelle je
» lui ai permis de fe confeffer : fi ma
» fceur Anne Eugenie m'en veut en-
» voi'er autant , je lui accorderai la
» meme chofe. Elle n'a qu'a pren-
" dre garde de parler fincerement 8c
» de cceur; car elle me peut tromper „
» mais elle ne trompera point celui
» qui en voit tous les replis , & de-
» vant lequel il n'y a rien de plus
»» dangereia que d'ufer d'artifices*.
-ocr page 230-
2Z8 HrSTOIRE DE PoRT-ROl At.
1667. LafceurAnne Eugenie , a qui Ma>
demoifelle Tetu lut ce billet, s'arreta
£^™^feulementa la lettre de la mere Agnes,
u commu-fans faire attention au billet: elle fe
nionen fai-tr         d'abord dans un grand eloi-
faut la meme                                        . , &
demarche que gnement de loulcrire la lettre , puis
La„i,mete A"fe mit a genoux 8c pleura beaucoup ;
mais enfin le grand refpedt. qu'elle
avoir pour la mere Agnes > joint au
deiir de communier , 8c la perfuafion
que l'indifference que promettoit la
mere Agnes, n'engageoit a rien, firent
refoudre la fceur Anne Eugenie a fouf-
crire la lettre,&a declarer que fes fend-
mens etoient entierement conformes a
ceux de la mere Agnes. En confequence
le Pere de fainte Marthe vint la con-
fefTer ; il lui donna l'abfolution , &
voulut qu'elle communiat le lende-
main jour de la Trinite , quoiqu'elle
lui eut declare plus d'une fois , que
s'il falloit qu'elle fignat pour le pre-
fent , elle ne le feroit pas.
Peu apres , la four Anne Eugenie
lut avec attention la lettre par laquelfe
M. l'Archeveque lui avoir accorde les
Sacremens; elle fut frappee de ce qu'il
demandoit d'elle une gtande fincerite,
slmaginant qu'il y avoir la-deflous
quelque chofe qu'elle ne camprenoit
pas : cela lui donna un grand deiir de
-ocr page 231-
II. Par tie. Liv. ?'. 223
Voir le Pere de fainte Marthe , & il
s'en ofFric une occaiion. Ce Pere erant
venu a Chaillot,lafceur Anne Eugenie,
apres lui avoir d'abord parle du fujet
pour lequel elle avoir pris pretexte de
lui ecrire, lui die qu'elle fe trouvoit
fcxtremement embarraffee fur la lertre
di M. l'Archeveque a Mademoifelle
Tetu , & que fi elle l'avoir bien con--
fideree , jamais elle n'auroit foufcric
celle de la mere Agnes. Le Pere de
fainte Marthe lui repondit qu'il n'y
avoit rien dans la lettre qui dut Fin-
quieter ; que cette grande fincerite
que demandoit M. de Paris ne devoit
point l'allarmer , ni lui faire foup-
<jonner qu'il y eiit quelque chofe de
cache •, qu'elle 'ne devoit point craindre
qu'on l'accufat de diflimulation , puif-
qu'elle lui decouvroit fes fentimens
meme avec trop de facilite. Mais tout
ce que dit le Pere de fainte Marthe
ne put guerir l'extreme delicatefTe de
cette pieitfe religieufe fi fcrupuleufe
fur l'article de la fincerite. En confe-
quence elle ne put fe refoudre a com-
munier depuis, malgre les inftances
que lui fit le Pere de fainte Marthe ,
pour 1'engager a le faire le jour de
faint Pierre & ala fete de la Vifita-
liofi, & malgre celles de la mere Agnes*
-ocr page 232-
2JO HlSTOIRE BE PoRT-Roat."
1""1^<j qui lui ecrivit qu'elle apprenoir avec
douleur qu'elle ne communioit plus.
La fceur Anne Eugenie lui fit reponfe
que la lettre de M. 1'Archeveque l'a-
voic fait entrer dans un fcrupule qu'il
lui etoit impoffible de vaincre ; qu'elle
lui rendroit cornpte de fa difpontion ,
parcequ'on lui raifoit efperer qu'elle
auroit bien-tot l'honneur de la voir.
I xiii EfFectivement, le moment de la
La fceur reunion de toutes ces faintes exilees
nienforEtUSdedans 1'Abbaie de P. R. des champs
chaiilot. approchoit. Le foir du 3 de juillet ,
sa joiedere- Mademoifelle Tetu apporta l'obedien-
▼oir la fceur , .                             kf
jEuftoquie. ce de la lceur Anne Eugenie pour al-
ler au monaftere de fainte Marie du
fauxbourg faint Jacques. La prifon-
niere partit apres s'etre profternee au
pie de l'autel , s'offrant a Dieu pour
fouffrir toutes les afflictions qu'il lui
preparoir. Elle fut fort attendrie en
quittant la fceur de Mortemar , de
qui elle avoit re$u beaucoup de mar-
quede bonte , ainfi que de route la
communaute & des bienfai&rices de
la maifon. Madame de Motheville &
Mademoifelle Tetu , qui etoient de ce
nombre , prirent grande part a fa joie
& voulurent I'accompagner. Elles
avoient un extreme deilr de profiter
de cette occafion pour voir la mere
-ocr page 233-
II. Partie. Llv. V. %%i
Agnes & fe recommander a fes prie-
res , a caufe de fa grande reputation.
Ces charitables condu&xices ne vou-
lurent point quitter la foeur Anne Eu=
genie , que la mere Prieure qu'ora
attendoit, ne futarrivee. Tandis qu'el-
les etoient au parloir , la foeur Eufto-
quie , qui revenoit triomphante de
fon exil, y entra. Ces deux genereu-
fes epoufes de Jefus-Chrift ne pouvanc
retenir la joie qu'elles avoient de fe
revoir apres une fi longue abfence 8c
un fi glorieux combat T elles la temoi-
gnerent reciproquement avec une effu-
lion de caeur & des paroles, dont rou-
tes les perfonnes qui etoient prefen-
tes furent extremement edifiees. Leur
joie s'augmenta a l'arrivee de la me-
re Prieure ; & elle fut a fon comble
lorfque toutes ces faintes filles fe trou-
verent reunies dans leur defert de P. R.-
des Champs, comme nous l'avons rap-
porte. La foeur Anne Eugenie y arri-
va le 4juillet 166$. Depuis fon re-
tour , on remarqua en elle un accroif-
fement vifible de grace. II n'etoit pas-
poilible de voir une plus grande hu-
milite, une plus grande fimplicite v,
plus de recueillement & de filence.
Mais fon exil avoir beaucoup affoibli
fa fante, en augmentant fa ferveur ?
-ocr page 234-
iji HlSTOIKE DE PoltT-ROfAI.
XGG-j. & elle fiit toujours depuis languifTaiT-
te, fans cefTer neanmoins de fuivre
la communaute autant qu'eile le pou-
voit.
Comme elfe aimoit les croitf, Diea
ses difpo'fi-lui en prepara une bien fenlible par
tions en rece- Ia le&ure d'une lettre de M. fon fils
vant une let- 'A , , . ., ■ , _ .             .             ■ ,
tre affligean-aine (77). M. de Pans, qui tenon les
«e deM. fonreljgieufes de P. R. dans l'etrange
ffls.                      Q . , .                                         ., o
captivite clout nous avons parle , oC
donf nous parlerons encore , & qui
faifoit de fi etroite defenfe de leur per-
mettre de recevoir, ou d'ecrire des
Iettres , donna un autre ordre , mais
qui n'etoit point contraire a fes vues ,
en chargeant l'Exemp't qui comman-
doit a P. R., de remettre a la four
Anne Eugenie ( Madame de fainte
Ange ) une lettre de M. fon fils
aine, fi pleine du recit de fes malheurs,
qu'eile etoit toute propte a l'accabler
d'affli6tion,d'autant qu'il lui avoit tou-
jours ete plus cher qu'aucun autre
de fes enfans. Ce fils , dont les affaires
etoient tenverfees, & avec des circonf-
tancestres affligeantes, rendoit compte
dans cettelettrede routes fes infortunes,
de la maniere du monde la plus capa-
ble de percet de douleur le cceur d'une
friere. fl lui difoit adieu, & lui de-
1 (77) V»" edif- t- »■ P< 4U & 41 j»
-ocr page 235-
|r*r—
II. Part ie. Liv. V. ajj
mandoit fa benediction , avant que de TiGji
s'en aller comme un inconnu ou fa
mauvaife fortune pourroit le conduire.
Il lui mandoit qu'il avoit fait tous fes
efforts aupres de M. de Paris, pour
obtenir la permiffion de la venir voir,
fans avoir pu rien gagner. On appre-
hendoit de lui donner cette lettre ,
6c on tacha de l'y difpofer ; mais cela
n'etoit pas necefTaire , fon cceur etoit
prepare a tout : elle en fit elle-meme
la lecture tout haut, en repandant a
la verite beaucoup de larmes , mais
avec une douceur & une egalite d'ef-
prit fi grandes , qu'il ne lui echapa pas
une parole qui marquat la moindre al-
teration , ni aucune inquietude. Elle
dit meme aux religieufes qui etoient
prefentes, que Dieu 1'avoit mife dans
une difpofition, ou elle etoit fort peu
touchee des difgraces temporelles de
M. fon fils •, qu'elle y avoit ete autre-
fois plus fennble , mais qu'alors elle
les regardoit comme des moi'ens de
le degager de 1'amour du monde &C
de fe convertir tout-a-fait a Dieu ; que
fi elle refTentoit tant de douleur, ce
n'etoit que parcequ'elle fe cro'ioit
indigne de lui obtenir cette grace qu'el-
le demandoit tous les jours a Dieu
avec tant de larmes, & qu'elle lui
-ocr page 236-
1J4 HlSTOIRE DE PoRT-ROl'At;
avoir demandee fans cefle depuis qu'il
etoit au monde ; qu'elle n'avoit ja-
mais fouhaite de plus grande fortune
a tous fes enfans que celle la, & qu'el-
le auroit eu de la joie de les voir por-
ter des crochets, pourvii qu'ils fuflent
a Dieu & qu'ils aimaflent l'Evangile.
Comme il fallut envoi'er la reponfe
a M de Paris, pour la faire tenir a
M. de faint Ange , uneperfonne aYant
temoigne a la fceur Eugenie qu'elle
auroit fouhaite qu'on eut cherche quel-
qu'autre voie , ne jugeant pas celle-ct
bien fare , elle repondit , que fi
fa lettre devoir etre utile a M. fonfils,
Dieu feroit qu'elle lui fur rendue, Sc
que ft elle ne devoit pas lui fervir, il
n'etoit pas neceflaire qu'il la recitr.
Depuis elle n'en eut aucune nouvelle,
& ne temoigna ni inquietude ni defir
d'en apprendre. Elle difoit quelque-
fois a des perfonnes avec qui elle par-
loit avec plus de liberre , que fi Fori
comprenoit bien quelle grace Dieu fait
a ceux qu'il engage a fouffrir pour fa.
caufe , on ne defireroit jamais de for-
cir de cet etat ; que pour elle , c'etoit
le plus heureux moment de fa vie »
& que malgre fes infirmites elle fe fen-
toit difpofee a aller au bout du monde,
fi Dieu eut permis qu'elle y eut etc
releguee.
-ocr page 237-
II. Partie. Liv. V. 135
Elle tomba malade peu apres avoir 166-1.
re<ju la lettre dont nous avons parle ; txxxv.
c'eft-a-dire , au mois de feptembre sa derate*
x66j ; 8c des le commencement de fa maladie".
maladie, elle fut perfuadee qu'elle n'en
releveroir point (78): elle repetoit
fouvent ces paroles du Prophete : Jc
me puis rejoui a caufe de ce qui ma etc
dit
j nous irons dans la maifon du Sei-
gneur.
Au mois de decembre , une
facheufe dyffenterie fe joignit a la
fievre & la reduifit a. l'extremite. On
en avertit aufli-tot M. de Paris , qu'on
pria de lui envoi'er yn confelfeur. M.
Hilaire fe chargea lui-meme de la
commiffion , & on lui recommanda de
reprefenter au Prelat quelle etoit celle
qui demandoit les Sacremens , & a.
qui il ne pouvoit les refufer que le
fcandale ne retombat fur lui, puifque
c'etoit une perfonne qui s'etoit acquis
l'eftime & la veneration de tout le
monde , & de la Cour meme.
M. Bail arriva alTez tard a P. R. le l£*gft.
mercredi 7 de decembre , & vit le len- refute lessa-
demain matin les Superieures , avec "etf.enV
...                    r                  '               Belle repon-
leiquelles il eut un aiiez long en- fe de u <<em:
tretien fur la fignature , & s'en tira *^'aX^
fort mal. Les religieufes lui reprefen-
terent l'injuftice de la conduite qu'on,
(78) Viesedif. t. i. p. 4if.
-ocr page 238-
-f~,_....l.-.., ..-----------------------'--------------
ijfj FilSTOtRE DE PdR.T-fi.6lAt.
i<j<j7« tenoit a leur egard , puifque raridis
qu'onpermettoitl'ufage des Sacremens
aux converfes, on en privoit les reli-
gieufes du chceur, quoique les unes
&c les autres euflenr les memes fenri-
mens ; ce que M. de Paris n'ignoroit
pas. Elles lui demanderent par quelle
raifon ce Prelat fe cro'i'oit ainfi l'arbi-
tre & le makre du falut des ames , en
pretendant perdre & damner les unes
fiar un commandement qu'il lui eroit
ibre de ne point faire, en meme terns
qu'il fauvoit les autres , parcequ'il ne
leur faifoit pas ce commandement.
La partie n'etoit pas egale, aufll M.
Bail n'eut-il pas 1'avantage dans cette
dilpute.
Apres midi, il alia voir la malade,
qui, route afFoiblie & accablee qu'el-
le fut par la maladie , triompha aife-
ment de ce foible adverfaire. Ce doc-
teur emploi'a routes les raifons qu'il
jugeoitplus propres pour la perfuader,
les accompagnant des menaces des
jugemens de Dieu ; » qui, difoit-il,
» infulreroita la folie dime religieu-
» fe qui facrifioit l'honneur &Te re-
» pos de fa maifon a un fcrupule fi
» mal fonde , qui meprifoit I'autori-
,) te des Pafteurs de 1'Eglife , a qui
(78) Journ. p. 14^. Vies edif. p. 41s.
-ocr page 239-
Ik Part ie. L,iv. V. 2.37
» J. C. a promis que ce qu'ils lieront ^^
» fur la terre , fera lie dans le Ciel.
» Oui certainement, repondit la ma-
jj lade, je crois que Dieu leur a mis
»■> fa puiffance en main , mais ce n'eft
» pas pour en abufer ; & pour mon
» particulier je fuis perfuadee , que
n puifqu'ils ne me refufent la grace
» des Sacremens, qu'a caufe que je ne
" veux pas agir contre ma confcien-
" ce & blefTer la verite, Dieu faura
» bien par fa mifericordefuppleerau
>' refus qu'ils me font, & m'accor-
" der l'effet des graces dont on me pri-
» ve. » M. Bail infifta , alleguant
plufieurs raifons tirees de la politique
luimaine > & non de 1'Evangile. Fai-
tes quelque chofe , lui difoic-il, pour
vous cirer de l'etat ou vous etes : y
a-t-il rien de plus pitoyable ?......
N'eft-ce pas-la un etat deplorable ? Il
eft: vrai , repliqua la malade , qu'a
parler humamement , notre etat eft
deplorable ; mais, fi on en juge par
la foi , il. n'y a pas au monde un
etat plus heureux que le notre. M,
Bail vo'iant qu'il ne gagnoit rien ,
fe retira fans lui adminiftrer les Sar
cremens (79 ). Il eut enfuite une con-
verfation avec la fceur Angelique de
(7;3) Ibid.^i. ijo. col. t,
-ocr page 240-
138 HtSTOIRE DE PoS.T-R.01AI.
J(7i faint Jean.; & comme la difpute n'e-
toit pas a fon avantage , il la termi-
na en difant , que e'en etoit affez , £>c
qu'il valoit mieux qu'/V leur prechdt
le fermon de la bonne Vierge, qui leur
feroit peut-etre plus utile.
Ce bon hom-
rae precha done fur XAlma Redemp-
toris mater
, qu'il expliqua mot a mot *,
8c en faifant la recapitulation de fon
fermon , il leur dit : foment^ vous
done
} mes cheres foturs, toutes lesfois
que vous chantere^ cette belle antien~
ne avec vos belles voixjiharmonieufes ,
de toutes ces petites reflexions que je
viens d'y /aire.
En parlant ainfi , il
ne penfoit pas qu'il autorifoit en quel-
que forte le chant des religieules ,
contre les Sentences de M. de Paris ,
qui leur avoit defendu de chanter.
Apres fon fermon , on le pria de
confefler les converfes; ce qu'il ac-
cepta, & y emploia le refte du jour.
ixxxvii. La fceur Angelique crut encore de-
Aveu que voir faire quelque reprefentation a
la 'fijwt An- M. Bail avant qu'il s'en allat, & lui
gdique de temoigna avec larmes , la douleur
■iiiut Jean.
qu'avoit la communaute, de voir une
perfonne da merite de la fceur Anne
Eugenie , reduite dans un tel aban-
don , &que cefutM, Baillui-meme,
«jui leur avoit toujours dit avoir de
-ocr page 241-
II. Parti e. Liv. V. 2.39
l'affe&ion pour elles qui fut le mi-
riiftre d'une telle durete. M. Bail at-
tendri par les larmes & les paroles de
la four Angelique , die » Ne vous
» affligez point , confolez vous, car
» elle n'y perdra rien , je vous af-
» fure; au contraire , ii elle eft bien
» avec Dieu, comme je crois qu'elle
»> y eft, car e'eft une bonne ame, il lui
» redoublera fes confolationsfpirituel-
» les, au lieu de celles de i'Eglife
» qu'elle ne re^oit pas. Helas ! M.
« repliqua la four Angelique , je
» n'en doute point du tout; e'eft de-
h quoi nous avons toutes une ferme
» confianceen labontedeDieu. Mais
» comment d'une autre cote n'etre
» point touchee de voir ces injufti-
>» ces; Et comment fe peut-il faire
» que vous vouliez bien vous en char-
" ger devant Dieu, etant perfuade ,
» comme ce que vous yenez de dire
w le montre, que vous liez une per-
» fonne qu'il ne lie pas.
M. Bail dit, pour toute raifbn , que
e'etoit M. l'Archeveque , qui ne lui
avoit pas donne le pouvoir d'en ufer
autrement. Sur quoi la four Angeli-
que le prefla, en lui difant qu'il te-
noit fon pouvoir de Her & delier de
Jefijs-Chrift; que c'?toit i lui a qui
-ocr page 242-
2 4° HlSTOIRE DE PORT-ROlAt.
" jtjgy, il en rendroic compte auffi-bien que
l'Archeveque. Elle lui rappella qu'il
avoit dit lui-meme en arrivant, qu'il
venoit revetu de route l'autorite de M.
l'Archeveque, de forte qu'etantperfua-
de de l'innocence de la perfonne a qui
il refufoit les Sacremens , il fe con-
damnoit lui-meme. Il n'etoit pas aife
de repondre a de relies raifons •, auffi
Monfieur Bail ne l'entreprit-il pas ; 8c
pour faire diverfion , il fe jetta d'un
autre cote : il eut recours a des rai-
fons , qu'il appelloit lui-meme bon-
nement des raifons de politique, 6c
qui etoient ties oppofees a l'efprit de
l'Evangile. » Ne faut-il pas un peu
» s'aider, difoit -il, & vous laifTerez
" vousruiner, aiantun fi beau moi'en &c
» fi facile ( en fignant ) de defarmer
txxxyni. „ vos adverfaires }
j, toutln- La fceur Angelique , apres avoir
geiique de s. combatu toutes ces faufles raifons »
BaiU C ' ProP0^"a ^ M. Bail Un moi'en de fatis-
faire a. fon devoir , fans fe compro-
mettre avec M. l'Archeveque. Ce
moi'en etoit d'adminiflrer fecretement
les Sacremens a la malade : fur quoi
on lui promettoit le fecret. Elle lui
cita le droit canonique qui permet
meme a ceux qui font excommunies
injuftement, de dire la MelFe s'ils font
Pretres
-ocr page 243-
II. Par tie. Llv. V. 141
Pretres , ou d'y affifter & d'y commit- —,/ "r
,.i /• 1 •■                         '                          1067.
mer s lis iont laics , pourvu que ce-
la fe fafTe en particulier & fans fcan-
dale. M. Bail crut echaper en difant
qu'il ne convenoit pas que rexcom-
munication fin injufte. Mais on lui
repliqua qu'il difoit vrai , parcequ'il
n'y avoit aucune excommunication \
& que quand bien merne il y en au-
roit une, les Sentences par lefquel-
les on les avoit priveesdesSacremens,
avoient ere tenement rendues contre
les regies , qu'une excommunication,
3uand bien meme elle feroit jufte
ans fa caufe , qui feroit auffi irre-
guliere dans les formes, pafleroit pour
nulle. M. Bail, pour fe debarrafler ,
dit qu'il vouloit partir , & qu'il falloit
qu'il allat diner ; ce qu'il fit: mais
etant revenu apres fon diner , la fceur
Angeliqne 1'entreprit encore , & le
pretTa vivement fur la proportion
qu'elle lui avoit deja faite. Pour la
prouver par les faits, elle lui cita ce
qui s'etoit pafle dans fa propre Ville
d'Abbeville , au fujet des Minimef-
fes.
Ces Religieufes furent perfecutees lxxxix-
dans leur premier etabliffiement(com- ^rimefe"
me ileftrapporte dans l'hiftoire d'Ab-d'AbbevUk.
beville approuvee par M. Bail lui-
Tome VI.
                           L
-ocr page 244-
241 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1667- m^me) jufqu'au point que leur So*
perieur , le Provincial ties Minimes ,
M. l'Eveque d'Amiens les excommu-
nierent fucceffivement , les devoile-
rent, leur oterent le S. Sacrement,
& les tinrent deux ans dans cec etat ,
quoiqu'elles euiTent appelle au Pape.
Mais bien que la caufe des Minimef-
fes rut beaucoup moins favorable que
celle des Religieufes de P. R. , & le
fujet de leur refiftance beaucoup moins
important, elles trouverent de bons
ecclefiaftiques de la Ville , qui, fans
avoir egard a une excommunication
prononcee dans les formes, publiee
& affichee» ne laiflerent pas pendant
tout ce tems de venir leur adminif-
trer les Sacremens en cachette & de
nuit, &c de leur laifler meme le S.
Sacrement en fecret dans leur chceur,
pour leur canfalation. Cette hiftoire
etourdit M. Bail ; mais il le fut en-
core bien plus , des juftes conclusions
qu'on en tira ; favoir que la charite
que Ton doit aux ames , peut faire
pafler par-delfus des Sentences injuf-
tes, pour les aflifter ; qu'il falloit bien
que hu-meme , M. Bail , 1'eut pen-
fe ainfi , puifqu'il avoit donne fon
approbation a l'hiftoire d'Abbeville ,
-ocr page 245-
II. Par tie. Liv. V. Z43
dont 1 'hiftoire des Minimeffes fait
la plus confiderable partie. On remar-
qua de plus , que ces religieufes y
font extremement louees de la fernie-
te & du courage qu'elles avoient te-
moignes dans leur perfecution,jufques-
la qu'elles y font qualifies de mar-
tyrs de la juftice. Monfieur Bail
n'avoit fans doute jamais eu affaire a.
fi forte partie, & jamais il ne s'etoit
Eeut-etre trouve li embarraffe fur les
ancs de Sorbonne. Auffi le bon hom-
me ne put-il s'en tirer, qu'en difant
tout rondement , quoiqu'aflez bruf-
quemcnt, avec la franchife picarde ,
que lorfqu'il avoit donne fon approba-
tion a ce livre, il n'y avoit point de
confequence a tirer, & qu'il ne feroit
plus la meme chofe. Une telle re-
ponfe ne demeura pas fans replique ;
& M. Bail fe voiant accable ne put
dire autre chofe , finon : Ho b'un ,
ho bien , dites ce que vous voudre^,/'e
fouffrirai tout: Je I'ai dit a M. VAr-
cheveque quand il m'a envo'ie ici
: il
penfoit bun queje ne gagnerois gueres
aupres de vous autres.
» Vous voi'ez,
" dit encore M. Bail , vous-me-
» mes a quoi en eft cette affaire : le
»• Pape , le Roi & M. l'Archeveque y
-ocr page 246-
Z44 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» font engages; ils ne fe dediront pas,
» il fauc bien qu'ils la poulfent (80)...
Il ajouta a cela un exemple , dont
il avoit, dit-il, entendu un Pere Je-
fuite faire ufage dans un fermon.
Ce bel exemple , appui'e d'une fi bon-
ne autorite , etoit un conte de deux
chevres qui venoient l'une d'un cote,
l'autre de l'autre , pour pafler une pe-
tite riviere fur une planche , au milieu
de laqiielie elles fe rencontrerent; &
comme elles ne vouloient reculer ni
l'une ni l'autre , elles furent long-
tems a fe difputer le paflage en fe heur-
tant de leurs cornes, & elles y feroient
peur-etre encore , dit gravement M.
Bail , » fi enfin l'une d'elles n'eut pris
» un bon confeil, qui fat de fe cou-
»» cher toute plate fur la planche , afin
w que l'autre put fauter par-defius elie,
» & elle-meme apres cela continua fa
« route. He bien, conclut le dodteur
» Bail, ne voila-t-il pas comme il vous
" faut faire 5 Voila M. l'Archevequa
>» d'un cote, vous voila de l'autre, tant
« que chacun ne voudra pas fe dedire,
» il n'y aura pas moi'en de s'aceorder.
" Ce n'eft pas a lui a en avoir le de-
" menti, mais c'eft a vous a vous hu-
t> tpilief ; &puis quandil vousventa
(So) IbiJ, cah ».
-ocr page 247-
II. Par tie. Liv. V. 245
" huniiliees il vous lahTera en paix «. 16 6j.
En entendant un do£beur faire de pa-
reils raifonnemens , on ne peut s'em-
pecher de fe rappeller ces paroles de
I'Ecriture , dont on voir raccomplif-
fement en lui (81) : Je detruirai la
fageffe des /ages
, & je rejetterai la
fcience des favans. Que font devenus
les fages ? Que font devenus les docleurs
de la loi ? . . . Dieu n'a-t-il pas con-
vaincu de folie la fagejfe de ce monde ?
Et en confiderant d'un autre cote la fa-
gefTe & la folidite des reponfes des
religieufes deP. R., on y voit l'accom-
pliflement de ces autres paroles de l'E-
criture (8 2) : Dieu a choifi les foibles
felon le monde ,pour confondre lespuif-
fans.
Pour ne pas lairTer fans repli-
que I'exemple propofe par M. Bail ,
tout ridicule qu'il etoit, elles dirent :
que » M. l'Archeveque n'avoit qu'a
» palTer , qu'il avoit de quoi fe fatis-
» faire , les ai'ant tenues quatre ans
» humiliees fous {es pies , & traitees
« avec plus de durete qu'on ne traite
» les plus grands fcelerats ".On ende-
meura la, & M. Bail partir.
Pour revenir a la malade , elle edi-
fioit routes fes fours par fa patience
(Si) I. Cor. i. ■$>, j^ 10.
<Sij Ibid. *. i7.
L iij
-ocr page 248-
24^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1667. dans fes maux , par fa foumiffiona.la
volonte de Dieu dans cetre derniere
epreuve : elle ne foupiroit qu'apres
fon dernier moment, difant fans cefle
ces paroles : Verity, Seigneur, ne tar-
de^pas.
Elle n'avoit pas de plus gran-
de confolation que d'entendre reciter
aupres d'elle des pfeaumas par fes cha-
ritables fceurs, qui fuppleoient, au-
tant qu'il etoit en elles , aux fecours
que les hommes lui refufoient ,.enre-
citant les prieres dont l'Eglife accom-
pagne lVlminiftration des Sacremens.
xci.
          Le lundi, 12. decembre , M.'Ha-
Anne f^ige-mon entra ^lu' ^es &x heures du ma-
nie apMcchetin , & jugea qu'il n'y avoir plus rien
' a faire. Ii etoit accompagne de la tour-
riere de M. de Paris , a qui la malade
dit adieu fort tendrement (85) , &c
demanda meme pardon G. elle avoir
fait quelque faute a fon egard , la
priant de ne s'en pas fouvenir , &
d'etre perfuadee qu'elle avoir pour e lie
& pour routes les perfonnes qui avoient
parr a leur oppreffion , tous les fenti-
mens de tendrefTe & d'affe&ion qu'un
cosur peut avoir. Elle la pria de la
croire, & qu'elle mouroit fa fervante •,
en difant cela , elle tira fes bras a demi
(8?) Vies edif. T.i. p. 431,-Vie de M. Hamoa p. <<(.
8c faiv.
-ocr page 249-
II. Part ie. Liv. V. 247
morts , & 1'embralTa. Quelqu'infenll- " i-s'cTT
ble que fut cette famme , elle s'atten-
drit jufqu'aux larmes , & fe recom-
manda a fes prieres (84). Quelque
terns aprec, la malade prit fon crucifix,
l'embrafla avec une devotion extraor-
dinaire en difant a Dieu : » Mon
» Dieu, vous favez que je vous ai tou-
w jours demande la converlion de mon
» fils , je vous la demande encore a
» prcfent avec plus de ferveur & de
» defir que jamais. Elle ajouta : Je
« remets entre les bras de la croix
» tout ce que j'ai de plus cher au mon-
» de «. La mere Agnes , qui n'avoit
point vu la four Anne Eugenie pen-
dant fa maladie , parcequ'elle etoit
elle-meme malade, & que le medecin
craignoit qu'elle ne gagnat la dylTente-
rie,ai'ant appris qu'elle etoit a, l'extremi-
te,fit demander au medecin la permif-
fion de la venir voir. Mais la four Anne
Eugenie pria qu'on n'expofat point
pour fa confolation une fante fi pre-
cieufe , & dit qu'elle avoit deja com-
mence d'offrir a Dieu cette privation. Eijf^wsri*
Ce meme jour on recut, malgre la une leure' ric
vigilance des gardes, une lettre quejy" Slot*
M. d'Epinoy fon fecond fils lui ecri-remplic de
voit pour lui demander fa benedic- c°ttoT
(84) Ibid. p. 43 is
Lir
-ocr page 250-
_________248 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1667. tion (8 5). Elle etoit pleine de tous Ies
fentimens de refpect & de tendrefle ,
qu'un bon naturel peut infpirer a un
fils qui perd une fi bonne mere. Mais ■
ce qui la toucha le plus > ce fut ce qu'il
lui mandoit de fes difpofitions & du
defir qu'il avoit de fervir Dieu avec
fidelite & perfeverance en la condition
ou il etoit, fans jamais prendre part
au monde qu'il avoir quitte depuis
plufieurs annees, Cette npuvelle lui
caufa une telle joie, qu'elle ne fentoit
plus fon mal, toute mourante qu'elle
etoit. Une fceur lui aiant demande Ci
elle fouffroit beaucoup; elle repondit
avec un vifage gai, I'abondance de ma
joie abforbe toutes mes douleurs.
On
pafla toute la journee aupres d'elle a
reciter des pfeaumes & des prieres,
auxquelles elle s'appliquoit avec la
meme ferveur & la meme liberte d'ef-
prit, que fi elle eut ete en parfaite
lante. Elle arretoit fouvent a de beaux
endroits celle qui lifoit , & difoit :
Quelle confolation ! & autres paroles
femblables , avec un vifage fi fe-
rein , & n" ravi en Dieu, qu'elle por-
toit plutot l'image de la vie bienheu-
reufe 011 elle alloit entrer , que celle
de la mort qui etoit prefente. Toute
<8j) Vies cdif. T. 1. p. 45).
-ocr page 251-
II. Partie. Liv. V. 249
la journee fe pafla de la forte , & fur \CGi.
les neuf ou dix heures du foir , elle
entra en agonie. La communaure s'af-
fembla auffi-t6t aupres d'elle pour reci-
ter les prieres des agonifans , &c diver-
fes autres ; ce qui dura jufqu'a quatre
heures du matin qu'elle expira au mo-
ment que les foeurs qui venoient de
dire marines, rentrerent dans l'infir-
merie.. Elle eut avant fa mort quel-
qu'efperance que la paix feroit bientqt
rendue al'Eglife , car elle futque des-
lors on en formoit quelques projets ;
mais elle n'ent aucun regret de ne pas
vivre jufqu'a ce terns , s'eftimant plu-
tot heureufe d'etre l'hoftie pacinque
qui feroit la derniere immolee a Dieu
dans cette perfecution, pour attirer fa
mifericorde fur fon Eglife & fur la
communaute. En effet il n'en mourut
aucune jufqu'a la paix de l'Eglife.
Le mercredi, 14 decembre , on fit xcm.
les prieres & Penterrement en la me- ,„Sc,tvicc cf"
r         .             .,              • r •               1 lebre poutel-
me mamere qu on avoit rait pour les ie a rJgiife
quatre autres fceurs qui etoient mor-defa*tyves"
tes auparavant dans le meme aban-
donnement. M. Rey refufa non feu-
lement de dire la MeflTe pour elle ,
mais meme une oraifon ; quoique la
veille il n'eut point fait difficulte d'en
dire une a la Mefle. Mais. apparein-
L v
-ocr page 252-
1$0 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI..
ment qu'il n'avoit point encore ete
au Confeil, pour favoir ce qu'il de-
voir faire.
La fceur Anne Eugenie de faint
Ange fut extremement regrettee , dir
la mere Agnes, de route la commu-
naute, qui perdit en elle le modele
d'une parfaite religieufe; & il ne s'eft
trouve penonne qui n ait ete tres em-
fie de route la conduite de fa vie, oii
I'on n'a rien vu , qui n'ait foutenu
l'eftime que meritoit fa vertu. M. de
Paris lui-meme la regardoit comme
une fainte : c'eft en ces rermes qu'il
en parla a M. d'Epinoy fon fils , lors
meme qu'il refufa ce qu'il lm deman-
doir pour fa fainte mere , c'elt-a-dire
de permettre qu'elle recur les Sacre-
mens: le Prelat lui repondit qu'il n'en
devoir nullement etre en peine , par-
ctqui Madame fa mere etoit une Sainte ;
a quoi il ajouta qu'il voudroit bitn
etre a fa place. Ce defir ecoir louable.
M. d'Epinoy ne voulant pas qu'on dit
que fa mere etoit morte hors de 1'E-
glife, parcequ'elle avoit etepriveedes
Sacremens, alia commander un grand
Service aux Auguftins , & la veille il
fit diftribuer fix cens billets qui por-
toient que e'etoit pour Madame de
(tt) Ibid. p. 4H«
-ocr page 253-
II. P A R T I E. Liv. P~. i\\
faint Ange, morte religieufe a P. R- ~~^Xgt7
des Champs. M. l'Archeveque enetanc
averti le loir, fit defenfe aux Auguf-
rins de faire le fervice. Le Prieur le
dit a M. d'Epinoy , qui fans s'emou-
voir, alia faire tendre l'Eglife de faint
Yves, & mit deux hommes a la porte
de l'eglife des Auguftins, pour envo'ier
tous ceux qui le prefenteroient > a
celle de faint Yves , ou le Service fe
fit tres folemnellement (87).
Le famedi, 17 , M. Rev vint an- xcw-
lgieuies que 1 ouverturenonce iou-
du Jubile fe feroit le lundi fuivant, ""'"" tu
arm qu elles avertilient les iceurs con-
verfes de s'y preparer. L'AbbeflTe lui
ai'ant demande de leur faire voir la
bulle , ou le mandement, il repondit
qu'il lui etoit defendu de leur donner;
mais que pour leur prouver fa bonne
volonte pour elles , il les leur paMe-
roit pour une heure de tems feule- ■
ment: » Car je n'oferois davantage ,
» dit-il, il m'a ete expreffement de-
» fendu de vous rien dire du Jubi-
» le. " On lui demanda a cette oc-
cafion , s'il avoit recu ordre depuis la
mort de la fceur Anne Eugenie , pour
refufer de dire feulement une oraifon
(87) Voi'ez fon doge M. Hamon, Necrologe,
& fon epitaphs faite pat p. 47^-48;.
L vj
-ocr page 254-
,------------, 252 HlSTOIRE DE PORT-ROlAt;
1 v' pour elle a la Mefle. Il repondit que
non , mais qu'il avoit eu fes ordres
par eerie pour tout cela avant que de
venir. Il ajouta qu'il etoit plein de
bonne volonte^ pour elles , mais que
fes ordres etoient tres precis, qu'il ne
pouvoit faire que ce qu'on lui com-
mandoit: qu'il etoit un baton entre
les mains deM. 1'Archeveque , qui le
tournoit a fon gre. Il pria enfuite la
mere Abbefle de l'eclaircir fur un fait,
favoir, s'il n'y avoit point de fceurs
du chceur qui communiaflenr. L'Ab-
beffe lui repondit qu'elle n'avoit rien
a lui dire la-defTus. Comme il infif-
toit toujours , en repetant fans celTe
la meme chofe, rAbbefTe prit conge
XCV- de lui & fe retira.
lesreligieu- Le Jubile ai'ant ete publie dans le
dent & m. de diocefe de Paris le dimanche 13 de-
bris Ja grace cembre, M. Hilaire fut charge le me-
Reponfe' de me jour d'aller trouver M. l'Archeve-
M.j-Archev'a. qUe? £e ja part je 1'AbbefFe & des reli-
gieufes de P. R., pour lui dire » qu'el—
» les efperoient que l'occafion etoit
" venue ou il leur feroit fentir les ef-
« fets de fon indulgence, en meme
» terns que le S. Pere accordoit un Ju-
» bile univerfel a tous les fideles, du
» nombre defquels , on ne pouvoit
» par la mifericorde de Dieu les fe-
-ocr page 255-
II. Partie Llv. V. 153"
» parer; qu'ainfi elles lui demandoient'
» tres humblement 1'efFet de la grace
« qu'il leur avoit deja accordee par le
» fecond article de fon ordonnance,
» conformement a ce que portoit auffi
» la bulle , qui etoit qu'il leur fut per-
» mis de choifir, pour fe confeffer,
» quelques-uns de ceux qui exercoient
»» ce miniftere dans—le diocefe avec
» fon approbation, foit entre les cu-
» res & les vicaires des environs, ou
» d'autres pretres habitues dans les pa-
» roiffes de Paris «.Cette demande des
religieufes, drefTee en forme de rae-
moire , fut remife a M. Hilaire pour
la prefenter au Prelat , qui refufa ab-
folument de la lire. Ce fut-la la re-
ponfe que M. Hilaire rapporta le 20
du mois. La mere Abbefle ne pou-
vant croire que M. de Perefixe voulut
comprendre dans ce traitement les
fceurs converfes, & les autres perfon-
nes qui etoient a la maifon ; elle pria
M. Hilaire d'ecrire a ce fujet a M. de
Paris ; il le fit, & voiant qu'il ne rece-
voit point de reponfe » if ecrivit une
feconde lettre > a laquelle M. de Paris
fit enfin la reponfe fuivante , le 18 de
decembre : » 11 m'eft impofiible d'en-
a voi'er prefentement aucun pretre aux
» foeurs converfes de P. R. des champs.
-ocr page 256-
154 HlSTOIRE DE PoRT-RCUAl.
■ .. » parcequ'ils font tellement occupes
i66f. „ Jans paris qu'ils ne peuvenr point
» quitter les lieux oil ils font. M. Bail
» m'a dir qu'il les avoit routes con-
» fefTees lorfqu'il y etoit, c'eft-a-dire
5» il y a dix ou douze jours ; & cela
»> etant, M. Rey qui eft la ne fuffit-il
» pas pour les reconcilier; Et de plus,
» ces Donnes filles s'imaginent-elles
« que je fois oblige de leur envoier un
» confeffeur extraordinaire routes les
» fois qu'il leur plaira de me le de-
» mandert J'entens qu'elles fe confef-
» fent a celui que je tiens expres pour
» cela chez elles , &pour leur dire la
» mefle. Et je vous prie, M, Hilaire ,
» de leur faire entendre fur cela mes
» intentions. Quant aux religieufes
» du chceur, Dieu m'eft temoin , que
» je voudrois avoir donne de mon
w fang, & qu'elles fuflent en erat que
» je puiTe les aider a gagner le Jubi-
» le. Mais qu'elles confiderent que
» je ne dois pas moins etre egal dans
» ma conduite , qu'elles le font dans
w la leur , & que j'ai un peu plus de
» raifon dans 1'obeiflTance que je rends
» & que je veux rendre a l'Eglife ,
» qu'elles n'en ont d'etre dans la re-
» volte ou elles font encore contre
» cetce commune mere des fideles »
-ocr page 257-
II. Part ie. Liv. V. 255
» laquelle elles doivent reconnoitre
" preferablement a quelques particu-
» Iiers que ce puifTent etre. Enfin, fai-
» tes leur favoir que leur mal me tou-
» che mille fois plus que je ne faurois
>> dire; & que s'il falloit mourir pour
» les en retirer , je crois que par la
m force que Dieu m'en donneroit ,
» je le ferois bien volontiers ; je viens
» de dire la MelTe , ou j'ai prie Dieu
» pour elles , je le ferai toute ma vie
?3 & du meilleur de mon cceur. Adieu,
» je vous remercie des marques que
» vous m'avez envoi'ees de votre af-
» feilion , foiez afTure de la mien-
» ne ". La mere AbbefTe ai'anr en-
tendu la leclure de cette lectre , te-
moigna a M. Hilaire qu'il ne falloit
plus faire d'autres pourfuites ; que
cette reponfe fuffifoit pour faire voir
qu'il n'y avoit rien a efperer de M.
l'Archeveque , & pour les mettre de
leur cote fort en repos , d'avoir fait
tout ce qu'elles devoient en conf-
cience pour fe procurer la grace que
PEglife offroit a tous les fideles. Que
pour ce qui regardoit les fceurs con-
vetfes , ce que M. de Paris exigeoir
d'elles, en voulant qu'elles fe confef-
fafTent a M. Rey , etoit un refus ab-
foiu , vu la repugnance qu'il n'igno-
-ocr page 258-
X$6 HlSTOIRE DE PoRTCROiAi;
i66j. rolt Pas qu'elles avoient routes poor
ce dire&eur.
Tous les gens de bien gemiflbient
MXdePo t-^ etoienc dans l'etonnement de voir
chateau ectit de fi faintes filles traitees d'une ma-
r'-M en Pfa- mere ^ cruelle par leur propre Pafteur;
ycut de p. r. on fit meme, pendant le cours de cette
annee , aupres des Puiffances, quel-
ques demarches en leur faveur (88).
Madame la Duchefle de Longueville ,
prenant occafion de l'exaltation de
Clement IX fur le liege de faint Pierre,
crut devoir ecrire a ce nouveau Pape ,
pour iui faire connoitre l'innocence
des religieufes de P. R. Elle executa
ce genereux deflein par une lettre du
8 Juin.
Vers le meme terns, ou peu apres,
M. l'Abbe de Pontchateau, eut le cou-
rage de prendre ouvertement la de-
fenfe de l'innocence opprimee,. &
d'ecrire une grande lettre a M. de
Perefixe , dans laquelle apres avoir
parle en faveur de M. Saci, qui de-
puis 15 mois etoit enferme a la Baf-
tille , il plaidoit la caufe des religieu-
fes de P. R.
Eiog^'des R*en neft Plus beau, plus noble,
religieufes de & plus edifiant, que ce que dit ce
pieux & genereux Abbe en faveur
(88) Rel, de la paix de Clement IX, T,. i, p. «?►
-ocr page 259-
II. Part ie. Llv. F. 257
des religieufes , dont il follicite lali- 1667.
berte. Rien de plus convaincant que
ce qu'il avance pour fake voir leur
innocence , & enmeme-tems l'injuf-
tice de la conduite qu'on tient a leur
egard.
Ecoutons cet eloquent apologifte des
chaftes epoufes de J. C. plaider leur
caufe devant leur perfecuteur. » Trou-
» vez bon,s'il vous plait,Monfeigneur,
» dit-il,que je continue de vous parler
» avec la meme liberte des Religieu-
» fes de P. R. qui font captives de-
" puis fi long-tems. Je vous avoue
« que j'ai toujours eu beaucoup d'ef-
» time pour elles ; mais je n'en ai
» jamais rant eue, que depuis qu'elles
» font dans l'exercice de la fourFran-
« ce. C'eft une chofe fi extraordinaire
» de voir un fi grand nombre de fil-
» les conferver l'union, la paix , la
» tranquillite dans une tentation fi
« efFroi'able , qu'il n'y a perfonne qui
» les confidere , qui n'ait fujet de les
» admirer. Il faut que leur paix in-
» terieure foit bien grande, pour re-
» filter a tous les troubles qu'on leur
» fufcite •, il faut que l'union qu'elles
» ont avec Dieu., foit bien intime
" pour la conferver au milieu de tant
» de tempetes.il faut qu'elles poflederu
-ocr page 260-
258 HlSTOlRE DE PoRT-ROlAL.
1667. »  bien l'efprit de religion , pour ns
  le pas perdre dans une n grande
»  epreuve. Je les trouve fi heureufes
«  de fouftrir avec tant de patience,
m   que felon la penfee de S. Bafile ,
»  je fouhaiterois que leurs fouffran-
»  ces augmentaflenr pour rendreleur
"   charice parfaite, & pour les ren-
»  dre plus femblables a J. C. fi cela
«  fe pouvoic faire , fans que ceux
«  qui enfontlesauteurs en devinflent
»  plus criminels devant Dien. La pri-
»  vation des Sacremens & des fe-
»   cours fpiritueis oil vous les re-
«  duifez, ne peut etre prejudiciable
»  a des ames innocentes; & cette
»  croix qui eft fi dure , & fi fenfi-
» ble, en les faifant fouftrir jufqu'a
»>   la mort , les foutient en meme-
»  terns, les purifie , & les rend plus
» conformes a J. C. crucifie qu'el-
»>   les ont choifi pour leur epoux.
cxvm         » Puifque ces religieufes fe fanc-
injuftke »  tifient , 8c fe fauvent dans cetce
duiJadeC°M" " voi? ' Je n'ai garcle 4e les Plainc|re;
de Paris a » mais permettez - moi de vous dire ,
ligfmfcf'df "  Monfeigneur, que je plains beau-
p. R.         »  coup ceux qui ont pour elles tant
«  de durete & de rigueur. Je crains
5>  que la voix de leur fang n'accufe
u  les perfecuteurs devant le Tribu-
-ocr page 261-
II. P A R. T I E. LlV. Vi 2 59
rial de Dieu. »> Apres ce debut , no- ^GGn.
tre pieux Abbe entrant dans le de-
tail
, reprefente an Prelat t°. l'in-
juftice
de fa conduite a 1'egard des
religieufes qn'il tourmente , qnoi-
qu'il foit
perfuade de la purete de
leurs
mceurs & de lour foi , puif-
qu'ii convient
lui - meme qu'il ne
s'agit point de la foi dans ie refus
qu'elles font , & qu'elles n'agiiTent
que par la crairite de Dieu. Cependant
ces epoufes de Jefus - Chrift font
vexees , tourmentees , & portent
tout is
poids de fon indignation
& de fa colere s tandis qu'il fer-
ine ' les yeux fur mille defordres ,
qui regnent dans les Cures , & les
Monafteres de fon diocefe. II tolere
les plus grands pecheurs, & de mau-
vaifes religieufes , qui vivent dans
une entiere iecunte, tandis qu li n a
que des rigueurs pour les religieufes
de P. R. qui font exemptes de tout
crime & de tout dereglement.
20. Il lui fait voir combien il y a xcix.
d'injuftice a les abandonner a. la ty- ,Mn-4e.pi?"
rannie d un nomme , tel que M. L>na-en abandon-
millard , qui eft: prevenu de l'herefienant"sfain:
aes Jeluites , etant periuade comme leurs enne-
. mts.
eux , de l'infaillibilite des Papes dans' "
la decifion des fairs; & d'autorifer
-ocr page 262-
1<jO HlSTOIRE »E PoRT-ROJAl.
1667. touces les violences qu'il exerce con-
tre ces faintes filles.
» Les religieufes,Monfeigneur,font
» vos brebis, dit M. de Pontchateau ,
» &c vous etes leur Pafteur. Vous
» n'avez pas droit de les abandon-
» ner a un ennemi fi declare ; &
» quelques grandes que puifTent etre
» vos occupations, elles ne peuvent
» empecher que vous ne repondiez
» devant Dieu de toutes les injuftices
" dont on les opprime fous votre au-
" torite. Confiderez, je vous prie ,
»» que le mal que ce docleur a fait a
m ce Monaftere , retombe fur vous,
» & que Dieu vous en demandera
» compte. Les perfecutions que ces
» religieufes fouffrent , les font re-
» garder de la pliipart du monde com-
» me des faintes ; & c'eft mainte-
» nant un langage ordinaire, que le
» refus de la fignature n'empeche
« pas qu'on devienne faint.
f•
           30. Il indique au Prelat un moi'en
ft tiret d'em-de fe tirer de 1'embarras que lui caufe
bartas. route cette affaire. Ce moi'en eft de
fe mettre une bonne fois au deffus du
P. Annat , & de M. Chamillard ,
qui abufent de fon antorite , & s'em-
barraflent peu de le rendre odieux.
Pour rendre les religieufes de P. FL
-ocr page 263-
II. Par tie. Liv. V. 161
parfaitement foumifes , il n'a qu'a i^ci.
avoir pour elles une charite ordinai-
re , a. les difpenfer d'une loi dont il
eft le maitre, a 6ter de deffus leurs
tetes le joug que les Jefuites leur ont
impofe , a les tirer des mains de M.
Chamillard leur ennemi declare , &
a. leur donner des Pretres raifonna-
bles.
43. Notre genereux apologifte ne
craint point de donner des avis au cr.
Prelat, 8c de lui parler avec beau- de Paris, fur
coup de liberte fur la vocation a l'e- ce
. iu'aer<-?
-,-1               ,                 .         i /-                   avoir refufe
pilcopat, n y aiant nen de 11 rare que cetre piace.u
d'y etre bien appelle ; fur les juee- l'ay°" en-
'         r               irr-r-.-                              i f"'te accep-
mens iecrets de Dieu , qui , quel- t&.
quefois dans la ,-olere eleve a des di-
gnites eminentes des perfonnes dont il
punit l'injufte cupidne par un jufte
aveuglement. Comme M. de Beau-
mont de Perefixe avoit dit autrefois
a M. de Pontchateau, que c'etoit mal-
gre lui qu'il etoit entredans l'Arche-
veche de Paris, & que le Roil'avoit
voulu abfolument,
quoiqu'il l'eut con-
jure de ne Ten point point charger:
» fi vous parliez fincerement, lui
» dit l'auteur de la lettre,ce fentiment
» ctoit de Dieu. Si en effet vous vous
•» reconnoiffiez trop foible pour un
« fardeau, qui doaue de la fraieur
-ocr page 264-
lijl HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
1667. " aux Per^onnes memes les plus fain-
>• tes , n'avez vous pas a craindre que
j) vous ne foiyez entre en cette charge,
n qu'en etouffant en vous la lumiere
» que Dieu vous donnoit ; 8c que
» vous ne vous foiyez charge de l'Ar-
» cheveche de Paris , dans la colere
..- de Dieu. .. . Qu'il eft aife , Mon-
» feigneur, de fe porter par cupidite
jj a. pofteder une dignite auffi riche
» & auffi honorable que celle ou
» vous etes I Mais, il eft certain que
»> cette cupidite injufte eft prefque
» toujours punie d'un jufte aveugle-
» ment , & qu'il arrive fouvent que.
» ces tenebres font palpablesprefqu'4
» tout le monde , firjon a ceux qui y
» font le plus engages. »»M. de Pont-
chateau ne fait pas de difficulte de
dire a M. de Perefixe , fans exa-
miner fes autres actions , mais le
feul traitement qu'il fouffte qu'on
faffe aux religieufes de P. R. , que s'il
veut confiderer les chofes par la foi ,
comme cela fe doit faire , qu'il petit
reconnoitre que Dieu exerce deja ceju-
gement
fur lui. Puis il continue ainfi.
cu.
          „ C'eft le plus erand malheur qui
M. de Paris                   * l °               i>             it
choifi pour " vous put arriver , que d avoir ete
miner une ,, choifipour miner une tnaifon fainte,
fen* ma'" w pour tourmenter des religieufes in-
-ocr page 265-
II. P A R T I E. LlV. V. Z<j$
nocentes, pour erre le miniftre de iC6i.
la vengeance des Jefuites & de M.
■ Chamillard.....Soiez furpris de
>  ce que vous faites a l'egard des re-
•  ligieufes de P. R. Soiez furpris ,
•  que vous ayiez pii, pendant plufieurs
>  annees, leur refufer les Sacremens,
>  & laifTer meme mourir plufieurs
>  d'entr'elles fans ce fecours , parce-
>  qu'elles ne vous obeiflbient pas,
» & qu'elles refufent de figner un
>  fait de foi humaine , qui ne fart
>   de rien a leur falut , &; qu'il ne
>   tient qu'a vous de ne point deman-
>   der. Soiez furpris d'avoir ete le pre-
' mier de tous les Eveques, non feule-
ment de ce terns , mais depuis la
» naiflance de l'Eglife , qui ait fait
•> une action fi extraordinaire. Crai-
<>„ gnez que ces perfonnes mortes, qui
« font a prefent aupres deJefus-Chrift,
» ne vous accufent devant fon trone
» de la mort de leurs ames, puif-
» qu'encore qu'elles vivent, vous ne
" laiftez pas de les avoir tuees , au-
" tant qu'il eft en vous : Et ilia vivunt,
" & tu homicida es.
Je fais bien ,
" Monfeigneur , que pendant qu'on
" eft tout occupe des affaires du mon-
" de , environne de perfonnes qui
» nous flattent, & qui ont dela com-
-ocr page 266-
Z&4 HlSTOIRE DE PoRT-RO'iAI,.
"~ »  plaifance pour tous nos defirsd'on ne
»  rait gueres de reflexion fur le terns
»  de la mort & fur l'eterniri , & qu'on
»  tache meme d'en eloigner les pen-
»  fees. Mais cette mort ne laifle pas
»  de venirbien vite , encore que Ton
»  n'y penfe pas. Ces dignites , ces
»  grandeurs ,. ces pompes , ces affai-
»  res ,. ces flatteurs , ces courtifans
»  nous quittent, St la maladie nous
»  met enfin en etat de nous trouver
»  feul avec Dieu. C'eft alors que nos
m  injuftices fe reprefentent vivement
»>  a nous malgre nous; que le fouve-
»  nir des innocens que nous avons
«   fait fouffrir, nous inquiete (90).
»  C'eft alors que ces perfonnes que
»  nous meprinons , a caufe de leur
»»  foiblefle , nous accufent devant
»  Dieu; & enfin c'eft dans ce dernier
»  moment que notre confcience s'ele-
»  ve contre nous, qu'elle porte te-
  moignage devant notre juge pour
«  nous convaincre , & qu'elle eft le
m  bourreau pour nous tourmenter -.
SEn parlant de la forte , M. de Pont-
chateau protefte qu'il n'a d'autre vue
que de rendre au Prelat le plus im.
(jo) Ce que M. de   grands regrets de ce qu'il
Pontchareau predit ici a    avoir fait contre les reli-
M. de Percfixe, lui arri-   gieufes de P. R.
va. Il cut a la mort de
portant
-ocr page 267-
II. P A R T I E. LlV. V. 16$
portant fervice, qu'il puiflfe recevok
de qui que ce foit.
4°. II refute enfuitelesraifons qu'on
alleguoit pour juftifier la conduite de
ce Prelat , favoir qu'il n'eft pas raifon-
nable qu'un Archeveque cede a des re-
ligieufes, & qu'il en ait le dementi.
" En verite, dit-il , ces perfbnnes ,
»> (qui parlent de la forte) favent peu
» ce que c'eft que d'etre Archeveque,
jj que d'etre Pretre, que d'etre chre-
» tien «. Il fait voir an contraireque
le caractere du bon Pafteur eft d'avoir
de la condefcendance pour les foibles.
» Un pere , dit il , cede tous les
» jours a fes enfans par condefcen-
=> dance ; les forts cedent tous les jours
« aux foibles; & fl dans cette occafion
» particuliere vous avez agi parprin-
» cipe de confcience, &que vous ai'ez
» cru que ces religieufes meritoienc
»> tous ces traitemens , parcequ'elles
» ne vous refiftoient que par opinia-
» trete &c par fantaifie , maintenanr
» que de n longues fouffrances vous
» font affez voir que ce n'eft que la
" confcience qui les empeche de vous
» obeir , ce n'eft pas une foiblefle de
» leur ceder ; mais c'eft une charite
» de cefTer de les tenir dans un etae
» de fouffrance •, & il n'y a rien do
Tome VI,
                         M
-ocr page 268-
__________1(j(? HlSTOIUE DE PORT-ROIAL.
If>"7« „ plus honorable pourvous, que de
» vous laiiler flechir a leurs larmes.
cut.         5s ■ M. de Pontchateau fait une def-
image de cription vive & pathetique de l'etat
rijuite11 u" ou etoient reduites les religieufes de
maifon de p. p. R. , de la douleur qu'elles avoient
de voir leur cloture profanee par des
gardes , & de tous les maux qu'elles
.fouffroient. » Leur monaftere ne fern-
» b!e plus etre qu'un fepulchre , ou
w elles font comme enfevelies dans
» les renebres de la mort.....On
" a eloigne d'elles tous leurs proches;
« on a tache de donner a tout le
» monde de l'horreur de leur conduite.
» Elles font reflferrees comme des cri-
» minelles; &: elles ont vu le temple
» de Dieu , qui a ete jufqu'ici un lieu
» d'oraifon , devenir la demeure des
»v gens de guerre ; & comme fi ces
« maux n'etoient point aflfez grands ,
i, leurs ennemis les couvrent tous les
» jours d'opprobres...... Elles font
» deftituees de toute affiftance humai-
« ne ; mais il y a un Dieu dans le
»» Ciel , qui ne meprife pas la priere
t> des humbles .... Elles font fans
» confolation de la part de la terre ,
w ou elles ne rencontrent que des epi-
«» nes •, mais l'efprit qui gemit en el-
* les ne les laifle pas fan? confola-»
-ocr page 269-
II. Part ie. Liv. V. 167
*> tion.....Cetre maifon ne femble '
» etre qu'une grande mine , & un
» peu rle poufliere; mais les ferviteurs
» de Dieu aiment jufqu'a la pouffiere
" de Jerufalem.
Enfin l'auteur de cette admirable let-
ire , pour attendrir le Prelat a qui il
icciz, lui adreffe ces paroles fi tou-
chantes, & fi capables de faire impref-
(ion fur un cceur , dans lequel les fen-
timens d'humanite & de companion-
ne four pas entierement eteints. » Juf-
» qu'a cette heure , Dieu a permis par
» un fecret impenetrable de fa provi-
dence , que vous les ayiez traitees
comme des perfonnes etrangeres du
peuple de Dieu , & comme indi-
gnes du pain des enfans. Vous leur
avez meme refufe les miettes qui
tombent de votre table. Mais vous
vous fouviendrez enfin de votre
bonte, & vous ne refuferez pas tou-
jours aux. epoufes ce que vous etes
fouvent contraint d'accorder aux
chiens. Et ii la main de Dieu , qui
les a frappees , les met a votre porte
au meme etat qu'etoit Lazare a la
porte du riche, vous n'aurez pas a
leur egard la durete de ce mifera-
ble , pour n'etre pas condamne avec
lui, au meme tems qu'elies feront
Mij
1667
1 •
-ocr page 270-
l6§ HlSTOIRE DP. PoRT-ROiAl.
■-----------» portees par les mains des Anges dans
1667• „ ie fein d'Abraham......J'ofevous
» conjurer par lacharite & le fang du
» Sauveur , qui eft more pour elles
" auffi-bien que pour vous , c!e leur
» donner la paix qu'elles defirent il
» y a fi long-tems,.....Donnez-
" leur maintenantvotre benediction...
» & pour une benediction que vous
» leur donnerez , leurs continuelles
» a&ions de graces en attireront mille
» fur vous «. Une lettre ii touchante,
dictee par la charite meme , n'euc
aucun effet. M. de Saci refta a la baf-
tille jufqu'a la paix de Clement IX ,
que nous i'en verrons fortir glorieu-
fement 5 & les religieufes continue-
rent d etre periecutees , comme nous
^_______1'allons voir, jufqu'a Tan i66<).
166S. L'inutilite des demarches que ces
civ. faintes filles faifoient depuis quaere
tesrciigieu-ans p0ur obtenir les Saeremens , ne
Jes (email- .          l A . .                ,
dent la com-les empechoic pas de continuer tou-
mrnon paf-,ours de les demander dans les occa-
ehale.           L               .                    *r ■            to
lions qui s en prelentoient. Le 18
mars de l'annee \66% , en chargeant
M. Hilaire de prier M. l'Areheveque
d'envoier un confefleur pour les con-
verfes , elles lui remirent un billet,
dans lequel elles les demandoienr
pour elles, > de la manjere la plus tou-
-ocr page 271-
II. Part ie. Liv. V, x6<)
cliante & la plus chretienne. » En
» parlant pour les autres , difoient-
» eiles , nous ne pouvons pas nous
» oublier ; & quoiqu'il fembie qu'a
» 1'egard de fa Grandeur nous foions
» deja au rang des morts , depuis
» qu'on nous tient enfermees dans
» un tombeau, nous ne laiiTbns pas
» de conferver l'efperance de nocre
» refurrection , s'il plait a. la miferi-
» corde infinie de celui qui rendit la
:j vie a nn mort de quatre jours , de
>» rendre enfin le coeur d'un pere fen-
» fible a la mifere de fes fiiles , qui
» comptent cette annee la quatrieme
» Paque qu'elles palfent dans l'amer-
» tume , dans les larmes & dans les
» liens ; quoique ce foit un tems de
» joie , de feftin & de liberte pour
•-> tous les enfans de 1'Eglife , & que
» I'indulgence foit fi fort en ufage a
» cette fete , qu'on y delivre pluiieurs
» criminels. Nous voulons done ef-
»» perer que quand il plaira a Sa Gran-
» deur de ne confulter que fa bonte
» naturelle & la tendrefle d'un Paf-
» teur des ames , il fe portera a re-
» lacher quelque chofe de la feverite
" qu'il exerce envers nous, & a don-
" ner au moins a fes enfans le pain
» celefte, qui peut leur tenir lieude
M iij
i
-ocr page 272-
_________i7° HlSTOIRE DE PoRT-RCUAI.
j 6 6 8. •' toutes chofes, & qu'elles preferent}
» fans comparaifon, a toutes les confo-
» lations numaines & a. leur liberte ,
« dont la privation leur feroit aifee a
m fupporter, ft elles avoient ce foutien.
» Elles Ten fupplient de toute raffec-
» tion de leur coeur, & avec toute l'hu-
*> milite qui leur eft poffible.Leurs lar-
« mes n'ont point merite jufqu'ici d'e-
» tre exaucees, mais elles Ten conju-
€5> rent a prefent par le fangdeJ. C.
» dont la voix s'entend jufques dans
le ciel en ce tems , ou il demande
» la mifericorde de fon pere pour les
» pecheurs qui mettent en lui leur
» confiance. C'eft norre dernier re-
» fuge , d'ou nous ne fortirons ja-
» mais , avec la grace de Dieu; &c
» nous efperons jufqu'a la fin fa bonte
» pour nous & pour tous ceux qui
" caufent notre aflli&ion, ne ceftant
» point furtout de le prier qu'il fafle
" connoitre a M. l'Archeveque qu'il
»* n'y a rien de plus fincere que la
» foumifllon que nous avons dans le
» cceur pour fon autorite facree, &C
» que la joie la plus fenfible que nous
» pourrions avoir au monde , feroit
» que Dieu eut diffipe tous ces nua-
" ges qui cachent a. fa Grandeur no-
" tre veritable difpofi on , arm
-ocr page 273-
II. P ARTIE. Liv. V. 171
» qu'elle put elle - meme faire l'ex-
» perience , qu'elle n'a point de re-
» ligieufes dans fon Diocefe plus
» obeiflantes & plus foumifes, quand
»> leur confcience n'eft pas troublee ,
" que le feront toujours fes tres hum-
» bles filles & fervantes «. Cette re-
quire eut le meme fucces que les pre-
cedentes.
Dieu affligea encore dans ce terns ,
d'une autre maniere , les religieufes
de P. R., qui perdirent dans l'efpace
de quinze jours fept perfonnes , tant
amis attaches a la maifon que domef-
tiques. Le premier que la mort enle-
va fut M. Pierre de Pertuis d'Eragny
de la Riviere. Ce quiy contribua beau-
coup , fut le crime de deux miferables
perfonnes dont il eut connoiflance ; il
en fut ii touche, & en conc^t tant d'hor-
reur , qu'auffitot il fut attaque de la
fievre. Il mourut le jeudi faint, audi
faintementqu'il avoit vecu, fans avoir
rien relache de la rigueur de la peni-
tence dans laquelle il vivoit depuis
vingt-deux ans a P. Pv. Les religieufes
defirant d'etre les depofitaires du corps
de ce faint penitent, prierent M. Hi-
laire d'ecrire a. M. de Paris pour de-
mander la permiffion de Fenterrer dans
<?J> Voi'ez Necrol. p. u8.
M iv
-ocr page 274-
271 HlSTOIIU DE PoRT-ROlAI.
I<J{J8. leur Eglife; ce qui fut refufe , & le
corps flit porte a Magny.
cvi-
           M. Bouilly j qui ne s'eroit point
Morts de ;              /            ,          ,-1 , ,. 1 w j
plufieurs per-epargne psndant la maladie de M. de
fonnesip. r. [a Riviere , le fuivit de pres, 8c mou-
M. Morcau ,           r ■                      ! „            f ^                  o
m. Bouiiiy, rut lamtement le 8 avnl. Savertu cc
Michel Baton fon nierite , joints au stands fervices
c^thenne,M. ,i                      J \ 1             /- J r> n
fefUnitej. I11 " avoit rendus a la manon de i\ K.«
le rendoient lui-meme tres chet aux re-
ligieufes , qui defirerent d'avoit fon
corps dans leur Eglife , mais elles ne
purent Pobtenir de M. l'Archeveque ;
ainfi il futporte aMagny le 9 avril (9 2).
Ce mcrae jour un domeftique de la
maifon , nomme Michel Baton, mou-
rut; &Ielendemain M. Moreau , qui
avoit ete frappe d'apoplexie le jour
precedent, expira fur les deux heures
& demie du matin (93). Son corps hit
porte a Magny pour y etre encerre.
Corame on le portoit , le berger des
Granges hit fi frappe de ce fpedtacle ,
(91) Le jour que mou-    s'etant lade, il les avoit
tut M. Bouilly, une re-    quittes. Dieu l'ai'ant tou-
ligieufe de P. R. euc un    che depuis peu , il etoit
fonge , qui a quelque clio-    revenu dans ce faint de-
fe d'exttaordinaire. Voi'ez    fert, refolu de quitter en-
Ie Journ. p. 166.                  tierement le monde : il
(9;) M. Moreau etoit    avoit meme deja rendu
un Chirurgien , qui avoit    fon cheval, &c ne cachoit-
iti uni aux premiers fo-    pas fon defTein : Mais a
litaires de P. R. , 8c etoit    peine y eut il paile quinze
entte avec eux dans la car-    jours, qu'il fut enleve par
tiere de la penitence. Mais    une attaque d'apoplexie.
-ocr page 275-
It. PARTlE.ItV. K 173
que M. Deflandres fut oblige de le 1668.
faigner , parcequ'il etouffoit. Cathe-
rine , fervante des Grange* , fut tel-
lement effrai'ee , que la fievre la prit
le foir , ainfi que M. Deflandres > &c
1'un & l'autre moururent: la premiere
le 16 , le fecond le 17 du mois. Les
religieufes furent accablees d'affliction
en voiant cette mortalite , qui empor-
ta fept perfonnes en moins de qumze
jours. Il fembloit que Dieu ne vou-
lut leur laiffer ni amis, ni domefti-
ques. Un mois apres, elles perdirent
encore un jardinier nomine Charles
Doucet, fort afledionne a la maifon ,
qui mourut le 17 de mai. Nous ne
joindrons pas a de teiles morts , qu'on
peut appeller bienheureufes, celle du
mifcrable Maria , qui , apres avoir
trahi & calomnie les religieufes de
P. R. , qui avoient eu la charite de
le nottrrir pendant fept ou huit ans ,
eut la meme fin que le difcipleiqui
livra notre divinSauveur aux Juifs (94).
Ce fut au milieu de ces defaftres, cvn.
que les religieufes de P. R. des champs L,a,f(E"r,?<''
T.                      o                                                       r rothee fatt des
novices.
(94) Voi'ez l'hiftoire tta-    vant dans fa poch: : Ma-
gique de ce malheureux    na , pawvre garfon nourri
dans la lettre de M. Colle,    depms ton^temi a P. R. par
p. 114. T. 1. des Mem.    cb,trite , a trahi &• da A
hift. & chron. On trouva    M. de Paris tj'ufieurs fauf-
apres f* mott le billet fui-   fite'i de cctte maifon.
My
-ocr page 276-
274 HlSTOIRE DE PoR.T-R01*AL.
apprirent pour furcroit d'affli&ions >
que la fceur Dorothee ctoit nominee
AbbeiTe titulaire , que le Roi lui en
avoit donne le brevet , & qu'on at-
tendoit fes bulles. Avam que de rap-
porter cette nomination irrcguliere,
il eft a propos de reprendre de plus
haut la conduite de cette A'obeiTe in-
trufe, que M. de Paris avoit faiteli-
re contre routes les regies en 1665 ,
apres avoir fait fortir plus de cinquan-
te religieufes de la maifon de Paris.
Notre deflein n'eft point de nous eten-
dre beaucoup fur le caradlere & les
qualites de cette fille , cela fervi-
roit peu a edifier nos lecfeurs. Nous
nous bornons a parler de fa conduite
en qualite d'Abbefle : ceux qui detire-
ront la connoitre plus a fond, peu-
vent fe fatisfaire en lifant le memoi-
re drefte par trois religieufes , qui
apres avoir demeure quelque tems a
P. R. de Paris , allerent rejoindre leurs
meres & leurs fceurs a P. R. des
champs; mais fur-tout , les memoires
hiftoriques & chronologiques , torn.
1. page 184, jufqu'a la page 111 ,
oil Ton trouve un grand detail fur fa
vie.
La foeur Dorothee voulant repeu-
pler le monaftere, avoit donne l'habit
-ocr page 277-
II. Part ie. Liv. V. iff
a quatre filles fur la fin dumois d'a- "~Tk7%T
vrii, ou au commencement de mai,
del'an 1666. Elle fit encore quatre
novices de ciiceur le 16 ottobre de
la nieme annee , & plufieurs novices
converfes. Le 10 fevrier de l'annee
166 j, elle donna encore l'habit a deux
jeunes filles , dont l'une nominee
Vautrain , etoit niece d'un Jefuite,
fameux dans fon ordre. Ce fut un
Jefuite qui fit le Sermon , & qui pre-
cha en vrai Jefuite (95 )• Ileutl'im-
pudence de dire aux novices , qu'el-
les etoient heureufes de remplir les
places des anges tombes. Cette fcan-
daleufe & odieufe application fie
murmurer la communaute, quoique
compofee de fujets, dont on connoic
le merite & les fentimens. On mut-
mura, dis-je , Sc d'autant plus libre-
ment , que l'Archevcque lui - merae
avoir ordonne expreffement, qu'on ne
dit rien dans la chaire, quipinocca^
fionner des difputes, & avoit charge la
foeur Dorothee d'en avertir les Predi-
cateurs. II avoit fait cetteordonnan.ee a
1'occafion d'un fermon prcche le jour
del'AfTomption par un Jefuite. (C'etoit
pour la premiere fois, qu'on avoit vu
un Predicateur de cette robe dans la-
(?$.) Rec.de pieces de 1740 in-n.p. 47" 8c fisf*
M vi
-ocr page 278-
Ij6 HlSTOIRE DE PoRT-ROl'dt.
i66~6.~ cruire de P. R. ) ceJefuite avoit de-
bits; dans fon fermon , mie lettre ad-
dreflee a. la fainte Vierge(5>S) , &C
datee de cette forte : de cette chain ,
qui fcra deformais didiie a precher la.
veriti.
Pout dire vrai, il auroit fallu
dire a precher le menfonge. Il y eat en-
core quelques autres lermons dans le
meme gout, qui cauferent de la di-
vifion dans la maifon , ou il n'y en
avoit deja que trop par la conduite
dure 8c imperieufe de la fceur Doro-
thee. ( C'eft aflez la maniere d'agir
des perfonnes intrufes). Celle quief-
fuioit plus de mauvais traitemensde
la part de cette Abbefle , etoit la fceur
Flavie, qu'elle traitoir fi durement ,
que les Religieufes memes qui n'a-
voient aucune affe&ion pour elle ,
en ctoient quelquefois touchees de
companion. Da refte , il n'y avoir que
du plus &c du moins, car eile n'epar-
gnoit perfonne. Pour les novices , el-
le les harceloit continuellement, ne
celTant de leur parler , & de crier
apres el les par-tout ou elle les ren-
controit.
cVi'fi. Ces novices furent plus d'un an
Elle les ad- avant que de f aire profeilion , parce-
met a la pro-                                        '                        r
teuton.             (96) On voitquecen'eft Jefuites font tcrire des let-
pas d'aujourd'hui que les tics i la fainte Vierge,
-ocr page 279-
II. Partie. Liv. V. 277
que la pliipart d'elles n'avoient point \GGl.
apporte d'argent, & que les autres en
avoienttres pen : & com me Ton avoir
donneefperance a la farurDotothee,que
le Roi lui feroit donner une penfion fur
quelques benefices, on lui confeilloit
de ne point faire de profefles avant
que cette penfion fut afluree. Mais
ai'ant appris que Madame de Can fou-
haitoit de s'ctablir a Paris , & fol-
licitoit pour avoir la maifon de P.
R., fur lepretexre qu'il y avoit pen
de religieuies (97) , elle prit la refo-
lution de faire des profefles , fans at-
tendre la penfion done on l'avoit vai-
nement flattee , & qu'elle ne put ob-
tenir par toutes fes follicitations. Elle
en fit quatre le 19 Janvier 166% ; ce fut
M.Hodenk qui les precha. ll y en avoir
encore deux autres de revues , mais
leur profeffion fut retardee : celle de la
premiere ( Anne de fainte Dorothee
Deferts) le fut, parceque , quoique
lapretendue Abbeffe l'aimatbeaucoup,
elle vouloit avant que de l'admettre
£ profeffion , que M. Deferts fon pere
lui fit fatisfa&ion pour quelques pa-
roles niquantes , dont l'mtrufe avoit
ete offenfee. La profeffion de l'autre
fut retardee , patcequeile avoit un
* (97) *<•«• de Pieces in_I1 ^ '74°'p' 77^8t fuiY'
-ocr page 280-
lyS Histoihe be PoRT-Roi'^r.
r Vgg parent qui lui promettoir iinepenfiony
& Ton vouloit que le contrat fe (it
avant la profeflion. On ne reconnoic
guercs dans cecte conduite ce noble
definterelPement, qui faifoit le carac-
tere des veritables religieufes de P. R.,
8c
dont la fceur Dorothee avoit fait
elle-meme Pexperience , comme on
le peut voir dans la relation qu'elie
dreifa en 166} , ou elle rapporte la
maniere dont elle fut recue , & la
charite qu'on exerca a fonegard (9^).
Deflcin de Cette annee ( 1668 ) , qui etoit la
faiie une Ab- troifieme de Selection irreguliere de la.
iueik. pelpe" fceur Dorothee , on commenca a par-
ler beaucoup de donner une Abbefle
perpctuelle. L'Archeveque y etoit tout
difpofe, etant fi ennui'e des affaires de
la maifon , & de toutes les plaintes
qu'on lui faifoit continuellement con-
tre la fceur Dorothee (99), dont il avoit
lui-meme fujet d'etre mecontent, qu'il
eut etc fort aife d'en ctre debarraffe.
Pour la fccur Dorothee , comme elle
ignoroit que fon rnerite hu procureroit
cette place , il n'y a rien qu'elie ne
fit pour empccher l'execution de ce
deffein: elle difoit aux religieufes ,
que quand 1'Abbeffe nominee feroit
f?S) Mem. pour fcrvir    de ce Prelat contrc la Ccnit
a 1'Wft. de P. R. T. 3.    Dorothee , Mem. hill.
p- »ff.                               T. 1, p. 1S4 l8>
(??) Voi'ez les piaiates
-ocr page 281-
II. P A R T I E. L'lV. V. 17 J>
une fainte , il ne faudroit pas la re- 161S8."*
cevoir. La faeur Flavie, qui avoit de-
ja ete jouee une fois , fecondoit la fceur
Dorothee , &c ecrivoit continuelle-
ment a. AS. de Paris , pour le prier
6c le conjurer de prendre la maifon
fous fa protection. Eniin, le Prelat m. dePere-
flcchi par les importunites de plulieurs Jxe °btie?.j
perfonnes, quineceflbient delefollici- norame la
ter fur ce fujet,obtint du Roi qu'il nom- fJ=,ur . P"\?'
a 1 /■                  1 '          all ir • thfe Abbelta
mat la Iccur lJorothce , Abbelie ntu- titulaire.
laire ( 1 ). Mais avant que d'en faire
donner le brevet , il envoi'a M. Cha-
millard a. P. R. pour favoir li on
l'agreeroit. La fceur Dorothee qui avoit
fait la chofe, & qui la favoit avant
l'arrivce de M. Chamillard , commen-
ca a faire bonne mine aux religieu-
fes, >& a lent montrer un vifage gai
qui les furprenoit. Le depute etant
arrive , il vit cliaque religieufe en par-
ticulier , enfuite il les vit toutes en-
femble , & leur propofa la foeur Do^
roth.ee de la part de M. de Paris. La
crainte qu'avoient les religieufes cTune
Abbelie etrangere , fit que routes con-
fentirent a. ce qu'on leur propofoit ,
excepte la foeur Marie Aimee ( de
Buzenval) qui die tout haut , que
(1) Rec. in-nde 1740 p. 476. Rel. d« la feast
MeltMde.
-ocr page 282-
ISO HfSTOIRE DE PoRT-ROlAt;
1C68, jamais elle n'y confentiroit, & qu'oti
en avoir aifez fouffert. La foeur Fla-
vie propofa enfuice d'ecrirea M. de Pa-
ris pour le remercier ; & dreffa elle-
meme la lettre qui fut fignee de ton-
res les religieufes , excepte de celle
qui n'avoit pas confenti a la nomina-
tion de la foeur Dorothee. Celle - ci
voulut eifai'er de gagner la foeur Ai-
mee, mais inutilement; &en la quit-
tanr, elle lui dit que fon refus n'em-
pecheroit pas qu'elle ne fut AbbelTe.
Tout cela fe paflTa vers le 2 5 d'avril
(2). Aumois de mai fuivant, M. l'Ar-
cheveque engagea le Roi a donner des
lettres parentes en forme de declara-
tion, par lefquelles faMajefte marquoit
qu'elle vouloit ufer du droit de no-
mination al'Abbaie de P R. , auquel
le Roi Louis XIII avoit renonce en
faveur de la reforms par lettrespatentes
cx de 1619
Motifpoiir » Bien que le principal motif, dit
veut^rentrf" ^e ^°* C'anS ^eS 'ecu'es patentes ,
«lans le droit»   qu'a eu notredit feigneur & pere
«n=XrTJ   (Louis XIII) de donner fon con-
a p. R. "  fentementa ladite election , ait ete
/S"  df maintenir & augmenter de
XiV. "  plus en plus parmi lefdites religieu-
»  fes l'obeiifance a leur Superieure ,
(1; Ibid. p. 478, 507 8c fuir.
-ocr page 283-
II. Pah.tie. Liv. V. 2S1_______
» 3e la regularite qu'elles obfervoient 1668.
" lors deiaices letrres en fa premiere
» ferveur & purete (3), ii eft arrive an
» contraiie anotre tres grand regret ,
» que la foeur Madeleine de S'e. Agnes
" de Ligni, qui aiuoit ere elue Abbeffe
» dudit monaftere , fe feroic trouvee
» avec plufieurs defesreligieufes</tfzz5
« une adherence formelle a la doctrine
" des Vproportions de Janfenius, con-
» damnee par les conftitutions du Pape
» Innocent X& Alexandre VII, d'heu-
55 reufe memoire (4 ) ; & qu'au lieu
» d'obeir aufieur Archeveque de Pa-
» ris leur Superieur , en foufcrivant
» le formulaire de foi par lui ordonne
» en confequence defdites bulles ,
» elles feroient demeurees dans une re-
» bzllton ouverte a PEglife univerfel-
» le ; ce qui auroit oblige ledit Ar-
" cheveque de les declarer defobeif-
» fames & excommuniees (s),con-
» tumaces , incapables de participer
» a l'ufage des Sacremens & privees
» de toute voix active & paffivepour
» lefdires elections 5 meme de pou-
(;) Le principal motif   reconnutauthentiquement
de Louis XIH , etoic la re-    par fa fentence du mois de
forme.                              fevrier its?.
(4) M. de Paris lui- (y) I[ n'y a jamais eii
m£me avoir reconnu plu-    de fentence d'excommu-
fieurs fois la purete de la    nication comie elles.
foi desreligieufes, & ilU
-ocr page 284-
Sgj HlSTOIRE 0E PoRT-ROlAtr
»   voir former aucun corps de com-
»  munaute religieufe, &commeteI-
"  les, les auroit mifes hors dudit mo-
»  nailere , & envoi'ees a P. R. des
"  champs , membre dependant de la-
» dite Abbaie...... Mais d'auranc
»  que nous avons reconnuviiiblemenc
»  que la caufe de la defobeiflanca
n  defdires religieufes provient prin-
»  cipalement du mauvais choix qui
*>  ay oil its fait de leur Abbejje (6 ) ,
"  nous avons eitime que pour preve-
»»  nir a l'avenir la continuation d'un
*>  fi grand mal, il etoit neceflaire de
»  rentrer dans notre premier droit de
»  nomination , & de prendre un foin
»  ties particulier de remplir cerre
»  Abbaie deperfonnes nouries&ele-
»  vees dans de bons fenrimens , lef-
»  quelles par leur vie ex^mplaire , &c
»   par leur prudence & fage condui-
»  te, puiiTent infpirer aux religieufes,
»  le relpecT: & lobeifjance qui eft due
on des Abbeffes titulaires
qui aient plus de merire
que celles de P. R. ? Qu'on
compare feulement lerat
de P. R. d'aujourd'hui fous
les Abbeffes titulaires avec
celui ou il itoit fous les
Abbeffes clues par la com-
munaute , y en trouw
roit,-onl'ombre i
(g) Ceux qui out dreffe
cette declaration ont bien
peu refpefie la verite &
menage l'honneurdu Sou-
verain en avancant une
it grande fauffete. Jamais
communaute a-t-elle etc
gouvernee avec tarn de fa-
gcffe, que 1'etoit celle de
P. R. , par les Abbeffes
tlucs jufqu'alors f Vou-
-ocr page 285-
II. Partie. Liv. V. 28$
t> aux ordresdel'Eglife. Pour ces cau- """TJjJiT*
» fes &c. Tel fonc les motifs pour
lefquels le Roi voulut rentrer dans
fon droit de nomination , &c don-
na fa declaration. En confequence ,
la fceur Dorothee(pretendue) Abbefle
fit fa demiflion entre les mainsdu Roi,
de tout le droit qu'elle pouvoit avoir \
cette Abbai'e,a caufe defon election^).
Auflitot elle fut nominee Abbefle
par un brevet , qui fuppofoit faufle-
ment que l'Abbaie de P. R. etoit va-
cante, tant par le deces de la mere
Angelique Arnaud ancienne titulaire,
que par l'incapacite de fa fceur & co-
adjutrice , la mere Agnes, fans qu'on
y fit mention de 1'Abbefle qui demeu-
roit alors a P. R. des champs, qui etoit
la mere Madeleine Agnes de Ligni.
» Sa Majefte , dit ce Brevet , a Brevet d*
» fait don a la fceur Dorothee de 1'Ab- Roi.
» bai'e de notre-Dame de P. R. Ordre
» de citeaux, transferee au fauxbourg
" S. Jacques de ladite Ville de Paris,
« laquelle eftaprefent vacante , tant
» par la demiflion qu'en ont volon-
» tairement fait , fceur Marie An-
m gelique Arnaud Abbefle , & fceur
» Catherine Agnes coadjutrice de la-
(7) Recucil de pieces in-n, de 1740 page j.aj
& Mr.
-ocr page 286-
1?4 RflSfOfkE DE PoRT-ROlAt.
1668. » dite Abbai'e ( 8 ) , & par le deces de
» ladite Abbefle , arrive depuis la*
" dite demiflion , que par Fincapa-
»» cite (9 ), ou inhabilite de ladite
» coadjutrice , caufee par fa defo-
w beiflance confommee, & fesrefus
" formels de foufcrire le formulaire
» de foi dans le terns exprime par les
» bulles des Papes innocent X 8c Aie-
« xandre VII, &c par les declarations
» de Sa Majefte donnees pour 1'exe-
" cution d'icelles.
On voit par le Brevet du Roi, com-
me par les lettres patentes , que ce
fut fur deux fuppolitions egalement
faufles, fa voir , la vacance du Siege
Abbatial, & la pretendueincapacite
de la mere Agnes , qiiel'Abba'ie de P.
R. fut remile dans fon etat de per-
petuite, & de nomination Pvoi'ale.
Apres cela,!a fceur Doroth.ee ne fe fit
BuU^de'pro- auc"n fcrupule d'obtenir des bulles de
viiiuu. proviiion du 7 Juin 166$, dans lef-
(8) La mere Agnes en    fon ordonnance du 17 fe-
fe demettam de fon titre    vrieri««j, la pretendue
de C»adjutrice , y avoit    incapacity de la mereAgnes
mis cettte claufe , que ce    eft diflipee ; & par confe-
feroit, pour autant ne terns    quent tous les motifs tant
que I'Abbn'ie feroit c'leclive    des lettres patentes que du
& en etat de rcforme. A in-    Brevet, fe trouvent anean-
R elle rentroit dans fon    tis; d'ou il s'enfuit par
droit.                                    uneconfequenceneceflTaire
(<>) M\ de Perefixeai'ant    que la nomination de la
ieconmi l'innncence des    fceurPerdreau etoitabfolu-
relijjicufcs de P. R., par    mem nulle.
-ocr page 287-
i'fswy.MiM^iw '■■■ " ''""'
II. Par.tib. Llv. V. 28$
ojuelles on trouve les memes fuppoii- T&6t. '
tions, & deux conditions , qui prou-
vent manifeftement l'intrulion de
cetce religieufe & de toutes cedes qui
lui ont lui fuccede (10) ; ces bulles
n'ai'ant ete accordees qu'a deux condi-
tions , qui n'ont ete ni l'une ni 1'autre
remplies. La premiere etoit, que les
deux tiers au moins de la commu-
naute confentiroient a la nomination
dela fceur Dorothee; &ladeuxieme,
que ce fetoitau cas, qu'il n'y eut point
alors d'autre AbbefTe canoniquement
pourvue : )e dis , que ni l'une ni 1'au-
tre de ces deux conditions , n'a ete
remplie , puifqu'il y avoic une Ab-
belTe tres canoniquement pourvue : 2°.
bien loin que les deux tiers de la com-
munaute confentiiTent a la nomination
de la fceur Perdreau, plus des trois-
quarts reclamerent , comme nous le
verrons ; c'eft-a-dire , toutes les reli-
gieufes de P.'R.des champs, qui fai-
foient veritablement le corps de la
commiinaute-, ptiifque laetoientl'Ab-
beffe, les Prieures, les Souprieures,
toutes !es Officieres, & plus des trois-*
quarts des religieufes.
                              cxni.
La Providence qui veille I tout. f£SS
fio) Vo'i'ez le Memrire parmi les Memoires fur la
Jurl'c'tabliffemehtil'uneAb- deitruflion de P. R, YO«
fiejfe f>erpe'tnelte. a, Paris , lume in-i».
-ocr page 288-
l§6 HlSTOrRE »E PoRT-ROlAt.'
" k;58. permit que les religieufes de la mai-
{on des champs appriflent cette nou-
apprenncntU n 1         iw ■               • • / \        i
nomination velle dans 1 etroite captmte oil on les
de.iafccuvDo-tenoit (n) , par le moi'en d'une da
xothee, 5c en i         r ' i .        - . v .
portent ieurs ieurs iaeurs, qui penloit a les quit-
fhiates. ter pour aller fe joindre a. celles de Pa-
ris (n). M. Collard , pere de cette
religieufe , etant venu ia voir le 22 de
mai, lui dit ce qui fe palfoit touchant
la nomination de la foeur Perdreau ; 8c
la four Marie Therefe ( Collard) fit
part de cette nouvelle a quelques-unes
des fcEurs. M. de la Brunetiere aiant
accompagne M. Collard , lorfqu'il vint
le 5 juin a P. R. des champs pour re-
tirer fa fille , la mere Abbefle & la
mere Agnes lui parlerent de cette af-
faire , & fe plaignirent de ce qu'on
entreprenoit de renverfer 8c de detruire
tout le bien 8c toute la difcipline qui
ctoient a P. R. , en leur 6tant le droit
d'election, en etabliflimt une Abbefle
titulaire & perpetuelle ; & encore une
Abbefle telle que la foeur Dorothee ,
qui etoit entierement incapable de
cette charge. Le grand Vicaire tacha
de juftifier M. de Paris de la maniere
que le peut faire l'avocat d'une mau-
vaife caufe. Les religieufes lui repre-
(xi) Proces. verbal
(iz) Journ. p. Up,
-ocr page 289-
II. Partie. Llv. V. 187
fenterent enfuite Tabus de ces fortes
de nominations , Sc lui direnc une
partie des raifons qu'elles avoient de
s'oppofer a ce qu'on l'etablit dans
leur monaftere , au prejudice de tout
bien fpirituel. Elles lui declarerent ,
qu'aiant fait depuis long tems leurs
proteftations contre de femblables
changemens de difcipline, elles per-
fifteroient encore dans les memes pro-
teftations & oppositions. M. de la
Brunetiere repondit , qu'il leur etoit
permis de defendre leurs droits, com-
rae elles jugeroient bon etre, & qu'on
ne les en empecheroit pas. Reponfe
bien peu digne d'un pretre, qui fa-
voit bien lui-meme que depuis trois
ans on tenoit ces pauvres filles dans
la plus ctroite captivite , que toutes
fortes de voies leur etoient fermees
pour fe plaindre 8c pourfuivre les affai-
res de leur maifon; n'aiant la liberie de
communiquer avec qui que ce fut au
monde, foit de vive voix,foit par ecrit.
Les religieufes ne croi'ant pas que
les plaintes qu'elles venoient de faire
a. M. de la Brunetiere fufTent fuffifan-
tes, d'autant qu'elles n'avoientpas lieu
de penfer qu'il en feroit part a ceux , a*
qui il auroit fallu le faire; elles firenc
le 11 jain un a&ed'opposition a la no-
-ocr page 290-
i83 Histoire de Port-roVal.
166$, mination de la fceur Dorothee, qu'on
peur voir a la fin de ce volume.
L'acte fat tela & figne le 1 5 juin
par la mere AbbelTe & la communau-
te : il fuc envoi'e le 18 a la fceur Do-
rothee par une occafion qu'elle four-
nit elle-meme (> }) > enredemandant
les hardes de la foeur Marie Therefe
Collard } qui avoir quitte la maifon
des Champs pour aller dans celle de
Paris. Les religieufes qui , dans la
captivite ou elles etoient reduites ,
n'avoient aucun moi'en de rendre leurs
actes publics, firenr plufieurs copies
de celui-ci , qu'elles mirenr dans le
paquer, afin que les religieufes de
Paris ne pulTent manquer de le trou-
cxTV. ver> EHes joignirent a cet acte, dans
DotothiePer- le mcnie paquet, une lettre aareiiee
tZ*u^?oi"& leurs fceurs de Paris , remplie de
fcrupuie. tcmoignages d une amine chretienne ,
& d'avis falutaires pour tacher de les
faire rentrer en elles-memes. Voi'ez
cette lettre a la fin du volume,
Les mefutes que les religieufes
avoient prifes pour que cette lettre
&c Fade d'oppontion tombalfent entre
les mains de leurs fceurs de Paris ,
nepermettent pas de douter que ces
pieces ne foient erfe&ivement venues
ft}) Journal pag. 170, col. z.
-ocr page 291-
II. P ARTIE. LlV. K 289
a leur connoiflance ; mais on ignore
1'erFet qu'elles produifirent fur leur
efpric. On fair feulement qu'uneper-
fonne , dont le nom nous eft inconnu >
vint vers ce tems-la a P. R. de Paris »
Sc parla avec beaucoup de liberte a la
{ceur Dorothee, remoignant ne le faire
que par charite & pour fon bien. Il
lui reprefenta a quel peril elle alloit
s'exppfer , & qu'il faudroit etre fainte
pour foutenir une telle charge (19).
La foeur Dorothee parut frappee de ce
difcours , Sc meme difpofee a tout
quitter a ce qu'elle difoit; elle ecri-
vit meme a M. de Paris pour lui re-
mettre I'abbaie ; mais elle envoi'a la
lettre a M. Chamillard , en,lui man-
dant ce qu'elle contenoit, fachant bien
qu'il ne fe prelTeroit pas de la faire
tenir. La foeur Flavie, a qui elle avoir
dit tout cela, alia trouver la foeur Mel-
thide ( qui rapporte ce fait) & lui dit
qu'il falloit ecrire a M. Chamillard
fiour le prier de ne pas envoi'er cette
ettre a M. l'Archeveque, & d'ordon-
ner en meme tems a la foeur Dorothee
d'accepter cette charge. La foeur Mel-
thide y confentit , 8c la foeur Flavie
fit la lettre qui fut iignee de toutes,
excepte de la foeur Catherine de fainte
* Rec, de Pieces ia-ti, de 1740, p. 47?.
Tom. VI.                       N
-ocr page 292-
IpO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1668, Pelagie. La four Dorothee temoigna
etre fort fatisfaite de cette demarche
des religieufes : ce qui leur donna lieu
de croire que ce qu'elle avoit fait n'e-
toit qu'un jeu , ou que c'etoit au plus
un fcrupule bien fuperficiel.
M.Rey, qui alia a. Paris au rhois
de juillet, fe chargea aufli de parler
a la fceur Dorothee fur fon intruiion.
II offrit encore d'en parler a M. Cha-
millard , & meme a Monfieur de Pa-
ris , & de lui faire voir I'aite d'oppofi-
tion des religieufes , & de I'aiTurer de
leur part qu'elles ne confentiroient
jamais a l'intrufion de la foeur Doro-
thee > & qu'elles feroient toujours
tout ce qui dependroit d'elles pour
s'y oppofer. Nous ne voi'ons point
dans nos memoires fi M. Rey s'acquitta
de fa commillion. II quitta peu a pres
P. R. , & eut pour fuccelTeur un Pre-
tre nomme Paftour.
oC?pIfition Les religieufes de P. R. des Champs
de la ^ mere ne croiaat pas que ce qu'elles avoient
trufion de'la &n jufqu'ici fur fuffifant, firent un
four Dorp- nouvel ade date du 24feptembre (15),
par lequel elles donnerent procuration
pour s'oppofer en leur nom , tant a
Rome que par-tout ailleurs , a toures
Jes entreprifes de la fceur Dorothee.
(15) Voi'ez ces aftes dans lej Mtjiir, tiift. Si Chron,
T. 1. p- uiScfuir,
-ocr page 293-
II. P A r t i e. Liv. V. 2.5 r
De plus , la mere Agnes en donna une
particuliere en fon nom , datee du me-
me jour, dans laquelle elle declare ,
que s'etant demife trente-huit ans au-
paravant de fon titre de coadjutrice ,
pour le bien fpirituel & le maintien
de la reforme nouvellement etablie
dans le monaftere de P. R., elle s'e-
toit refervee une entiere puiifance 8c
liberce d'y rentrer an cas de divzrtif-
fcment,
& que l'abbaie eut a rerourner
a nomination (16) ; qu'etant notoire
que c'eroit contre tout droit & juftice
que la four Marie de fainte Dorothee
Perdreau , qui s'etoir intrufe depuis
pres de trois ans dans la charge d'Ab-
beiTe triennale, avoir de nouveau ob-
tenu par furprife un brevet de Sx
Majefte pour fe faire nommer a ladite
abbai'e, qu'elle follicitoic encore des
bulles pour s'y faire confirmer, a rai-
fon dequoi la mere Agnes donne pro-
curation pour empecher que la four
Dorothee ne puifle etre continues , n*
(is) L'afle par lequel la   n ment,pour, au cas de
mere Agnes donna le ix    » divertiflemem » ( ce
juillet i«io,etanta Di-   » qu'4 Dieu ne plaife )
jon , fa demiffion du ti-    j> rentrer de nouveau pat
trede Coadjutrice, por-    » ladite fceur Catherine
toit cette claufe : » A va-    3) Agnes dans fon droit de
■» loir n6anmoins ladite   j> Coadjutrice, comme (i
» demiffion tant & fui-    n jamais elle n'en amit
3j vantque durera ladite    » faitaucune demiffion.
» reforme, 8c non autre-
Nij
-ocr page 294-
1<)1 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt^
I(S6§/ enrrer en pofteflion du titre 8c charge
d'Abbefle , dont elle (la mere Agnes )
m avoit ete ci-devant pourvue ; atten-
» du que fa demiflion n'ai'ant ete que
» conditionnelle, elle n'avoit de va-
» leur qu'au cas que le droit d'eleclion
» d'une AbbefTe triennale fiit conferve
» au monaftere ; ce qu'elle delire d«
» tout fon coeur ; & des a prefent re-
w nonce encore de nouveau & tres
» librement, pour le lui maintenir, a
« tout le droit qu'elle pouvoit preten-
« dre avoir de rentrer dans I'abbai'e ,
» ne voulant s'en fervir que pour s'op-
" pofer a une intrufion injufte qui al-
» loit a la ruine de la difcipline & de
» tout le bien fpirituel , qu'on tra-
» vailloit depuis foixante ans a etablir
» dans le monaftere (17).
cxvi.
        Des oppofitions fi fages & fi legiti-
ta rrxur mes uniquement fondees fur l'amour
vahic l-Ab- ete la vente , de la juitice «du bon or-
bai= de p. r. ^re } ne furent pas capables d'arreter
la foeurDorothee. Cette fille ambitieufe
recut enfin le trois de novembre les
bulles qu'elle defiroit & attendoit
avec tant d'impatience ; & quoi-
(17) Outre cet a&e ,    dans les Mini. hill. &
la mere Agnes ecrivit en-    chtonol., T. i. p. 147.
core le 17 novembre, une   te Roi 1'ai'ant lue , dit 4
ires belle lettre au Roi fur    M. de Lyonne qu'elle £toit
lbn droit a l'Abbai'e de P.    iris belle & ttcs bien fait?.
l\* Cetts lettje, f« tr°.uv«
-ocr page 295-
II. Part ie. Liv. P". i<)^
que ni ces bulles ni la declaration dans
laquelle le Roi marquoit qu'il vou-
loit rentrer dans fon droit de nomina-
nation , ne fuflent point enregiftrees
au Grand-Confeil, (ce qui etoit ce-
pendantneceffaire pour donner la qua-
lite d'AbbeiTe a la fceur Dorothee ,
parceque l'oppoiitition des religieufes
de P. R. ne fut point levee ) elle fe
difpofa a prendre pofTeffion de l'Ab-
bai'e des le lendemain. M. Chamil-
lard fe rendit le meme jour a P. R.
pour preparer les voies. 11 parla a rou-
tes les religieufes pour fonder leurs
diipofitions ; il en trouva trois , (les
fceurs Melthide du Fofle , Margue-
rite de fainte Euphrofine de Creil ,
Marie Aimeede fainte Pelagie de Bu-
zenval, ) qui lui declarerent nette-
ment qu'elles ne reconnoitroient ja-
mais la foeur Dorothee. Il fit ce qu'il
put pour les gagner , & n'ai'antpu y
reumr, il les pria de ne point fe trou-
ver a la prife de poiTeffion , ce qu'elles
lui promirent fans peine. L'Official
fe rendit a P. R. pour cette trifte cere-
monie ( 18 ) accompagne des fieurs
Chamillard, du Saugey, &c. tous gens
(18) Cette ceremonie fe Mem.hift. Jc chron. T.I.
fit Ie 4 novembre felon le P. J J J.
6««. Cbr. U t felon lej
Niij
-ocr page 296-
2 94 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
1668. choifis. Etant entre dans le chapitre
011 il n'y avoir que fix des anciennes
religieufes,& quatre nouvellesprofeffes
avec la fceur Dorothee, il fut furprisde
ne voir qu'urie carcaflfe de communaute
£c demanda s'il-n'y en avoir pas da-
vantage. On lui fir reponfe qu'il y en
avoir encore rrois; & M. Chamil-
lard lui aianr dir un mor rour bas , il
en demeura-la , & fir la ceremonie j
pendanr laquelle les rrois Religieufes
oppofanres fe rinrenr enfermees dans
la facriftie , & y demeurerenr jufqu'a
ce que rout fur fini & le Te Deum
chante. Depuis ce jour, les rrois reli-
gieufes declarerenr abfolument qu'el-
les ne reconnoirroient poinr la fceur
Dorothee pour AbbefTe , 8c elles n'af-
lifterenr plus au chapirre. Cela leur
arrira bienror des mauvais rraitemens
de la part de l'inrrufe; ( car perfon-
ne n'eft d'ordinaire plus jaloux des
prerogatives d'une charge ou dignite ,
que celui quil'a ufurpee;) chaque jour,
elle leur donnoir quelques nouveaux
chagrins , jufqu'a ce qu'enfin elles
eurent le bonheurd'erre nonfeulement
delivrees de fa ryrannie , mais encore
de rentrer fousl'heureux gouvernement
de leurs legitimes meres, & reunies
a leurs fcetirs fidelles; ce qui arriva,
-ocr page 297-
II. P A R. T I E. LlV. V. Z9 5
comme nous le verrons, a la fin d'a-
1(568.
vril de l'annee fuivante.
Les religieufes de P.R. des champs
voyant que la four Dorothee avoit
ufurpe l'Abbaie de P. R., fans avoir
aucun egard a toutes les fages mefu-
res qu'elles avoient prifes pour Ten
detoutnerSc Ten empecher , elles fi-
rent enregiftrer le 15 novembrei668
au greffe du Grand-Confeil, leur op-
position , qui fut fignifiee le 17 du
meme mois a M. le Procureur gene-
ral , & le quatre decembre a la four
Dorothee elle meme.
Lei parens des religieufes de P. R., cxvir.
intervinrenr audi dans cette affaire , (typofitioa
& prefenterent au Roi, au Pariement, religu-ufcs de
& au Grand-Confeil, des requetesfi-I?0U-R-0>al
/ D                        1           /_ ;•           1 des Champs
gnees d eux contre les pretentions de aux emrepti-
la four Dorothee , dans lefquelles ils fes de la
r°»«
11 1 •                               ft 11; ■                   ■• Dorothee.
declaroient, que vu 1 etroite captivi-
te ou etoient reduites les religieufes
leurs parentes, & l'interet pamculier
qu'ils avoient a la confervation du
temporel & fpirituel d'une maifon ou
ils les avoient placees 5 ils fe croi'oient
obliges de s'oppofer a. la verification
des lettres patentes accordees a. la four
Dorothee , par lefquelles on l'etablif-
foit Abbeffe perpetuelle , a la recep-
tion des fujets dont elle furchargeok
la maifon dec.
                  N iv
-ocr page 298-
1$6 HlSTOIRE DE PoRT-RoiulI.
i66$, Dans un placet au Roi du 18 de-
cembre , ils prioient Sa Majefte de
vouloir bien prendre par Elle-mertie
connoiflance de cette affaire. » Et par-
s' ceque , difoient-ils , les parentes des
» fupplians ont eu le malheur de tom-
» ber dans la difgrace de M. l'Arche-
» veque de Paris pour des differends
» qui parohTent termines par la paix
» de l'Eglife , il plaife a votre Ma-
s' jefte , ou de prendre par elle-meme
» connoiflance de ces differends , en
» donnant moi'en auxdites religieufes
» qui font dans la maifon de P. R.
m des Champs, de lui reprefenter par
» elles-memes leurs raifons , ou de
>> les renvoi'er devant les juges ordi-
« naires; Votre Majefte, fans doute,
» n'entendant pas qu'elles foient les
m feules de vos fujets a qui route juf-
w rice foit deniee. Comme auffl de
» donnerliberte aux fupplians de voir
» les religieufes leursparentespourleur
» donner confeil dans leurs affaires;
» & cependant faire defenfes a la fceur
» Dorothea de recevoir aucune fille
» a profeflion, on a la veture en la-
»> dite abbai'e, &c. «. Ce placet etoic
iigne par un grand nombre de parens
des religieufes , entr'autres , par Mef-
fieurs Bignon, par M. le Feron , M. le
-ocr page 299-
II. Par tie. Liv. V. 297
Roi de la Potherie , M. Chouart de "\66%l
Buzenval , MM. Lombert , Girard ,
Langlois,Robert le pere,Robert le doc-
teur , Girard de Villethiery, Catherine
JofTe , Claude le Roi de la Potherie -,
Hamelin , Marguerite de Faverolles ,
Pierre Champagne, &c. Le placet fut
remis le 18 decembre par M. de Bu-
zenval a M. le Tellier, qui lui dit fort
haut, en prefence de plufieurs perfon-
nes , qu'il le prefenteroit au Roi, &
qu'il tacheroit de le fervir. Antoine
Baudry charge de procuration par foi-
xante & dix religieufes, prefenta aulli
unetequeteau Roi.Mais toutes cesop-
pofitions, toutes ces requetes n'eurent
aucune force pour arreter les injuftes
deffeins des ennemis de P. R. -.l'iniquite
prevalut , & l'intrufe fut maintenue.
L'injuftice faite aux religieufes de cxvin.
P. R. des Champs etoit tresgrande jdamedeLon-
mais ces faintes filles n'avoient que gwville 4 u
des fentimens de pais & de refigna-mere £nes*
tion a la volonte de Dieu, & ce n'e-
toit qu'avec peine qu'elles fe vo'ioienc
obligees de faire ces oppofitions pout
conferver leur droit. Tous ceux qui
leur etoient unis furent extremement
furpris de ce qui venoitde leur arriver,
& plufieurs s'emprelTerent de le leur te-
moigner.La pieufe DuchdTe deLongue-
-ocr page 300-
298 HlSTOIRE DE PORT-ROIAI.
jjjjg, ville le fit par une lettre digne de £t
piece , adreifeeala mere Agnes. » Ma
» tres chere mere, qaand on eft auffi
3j peu avance dans la voie de Dieu
» que je fuis, on n'eft gueres accou-
» tume a regarder par les vues de la
» foi les diflferens evenemens de la
» vie , & il n'eft pas etrange qu'on aic
» ere touche de 1'injuftice qu'on vienc
» de vous faire en vous depouillant de
» votre abbai'e. Je penfe que je vous
« dois faire la-deffus plutot ma con-
» feffion que mon compliment , en
» vous avouant que j'ai fend trop hu-
» mainement ce qui vient de vous ar-
ia river. II faut pourtant que je vous
» dife pour mon excufe , que j'ai bien-
« tor defavoue mon premier fenti-
» ment , & qu'un autre plus juftelui
« a promptement fuccede. Ce der-
» nier m'a oblige de louer Dieu de
» tout mon cceur de la grace qu'il
» vous fait, en vous mettant au rang
« des faintes 8c illuftres perfonnes ,
» qui, apres avoir recu celle de de-
« fendre la verite dans un terns 011 n*
» peu de gens la connoilfent, ont en-
» core recu de fa bonte la mifericorde
» de fbuffrir pour elle. Je me rejouis
» done avec vous , au lieu de vous
» donner des marques de mon deplai-
« fir j & j'eiperc que vous ferezcon-
-ocr page 301-
II. Part ie. Llv. V. 199
»> viee par cette raifon , plus que par kJ68.
» toute autre , de me continuer l'a-
» mitie que vous m'avez promife , &
» le fecours de vos prieres , dont j'ai
» plus befoin que jamais > Sec. Anne
de Bourbon.
                                       £$£'ie
Cette pieufe Princefle, qui prenoit transferer!»
grande part a tout ce qui regardoit P. |. aans \c
les religieufes de P. R., etoit entree diocefe dc
quelques mois auparavant dans le pro-
jet qu'on forma de les transferer dans
le diocefe de Sens. L'origine de ce
projet venoit d'une perfonne * amie
de M. de Paris , laquelle defirant le
voir hors de la facheufe affaire dans
laquelle il s'etoit engage , lux avoir
propofe de faire une echange de l'ab-
bai'e de P. R. avec l'abbaie du Lys ,
dans le diocefe de Sens. La propofition
ne deplut pas au Prelat, & l'Abbefle du
Lys ne s'en eloignoit pas. Neanmoins,
ce defTein echoua par les difficulties
qui fe rencontroient dans l'e xecution;
mais la propofition qu'on en avoir faire,
donna ouverture a. quelques amis de
P. R. d'en faire une autre , qui etoit
de transferer la communaute de P. R.
dans un autre diocefe , fans s'attacher
a aucun echange , mais par forme <S'ur»
nouvel etablilTemenr. L'Archeveque
* La Duchefle d'Aiguillon.
N vi
-ocr page 302-
J00 HlSTOIRE DE PoRT-ROlA£,
1668. de Sens de ce tems-la, qui connoiflok
& refpectoit le merite , & protegeoit
les afyles des epoufes de Jefus-Chrift ,
bien loin de les detruire , temoigna
un grand defir que ce nouvel eta-
bliffement fe fit dans fon diocefe , le
regardant com me une abondantz be-
nediction pour lui & pour fon Eglife.
Et comme les religieufes de P, R.
avoient la terre de Mondeville dans
ce diocefe, on penfaque ce pourroit
etre un pretexte pour elles de deman-
der qu'il leur futpermis d'aller s'y eta-
blir, ou dans tel autre diocefe qui
paroitroit le plus propre a ce deflein.
Les religieufes ne favoient encore rien
de ce fecond projet, & avoient ignore
rotalement le premier. Mais comme
on prenoit plus feu pour le dernier, &
que Ton en croi'oit l'execution beau-
coup plus facile, il falloit pour l'en-
gager , avoir le confentement de la.
communaute ; & Ton ne doutoic point
que cette affaire ne put reuffir, pourva
qu'elle fut traitee avec tant de fecret
que les Jefuites n'en euflent point de
cxx. connoiffance &: ne la puilent traverser.
On k pro- La mere Abbefle la propofa le ven-
'ieufejX "" dredi , j aout, a la communaute ,
dont on demandoit la refolution pour
le lendemain matin; & arm que les
fosurs entraffent plus facilement dans
-ocr page 303-
II. Par.tie. Liv. V, 301
ce projet , elle fit lire un memoire 166%*
dans lequel on en expofoit les avanta-
ges (19) : i°. Les religieufes fe ti-
reroient de la fuperiorite d'un Prelar,
dont la conduite dans la prevention
ou il etoit, leur feroit toujours in-
commode , quand meme la difficul-
te de la fignature feroit ceffee. iQ. El-
les ne feroient point obligees de vi-
vre avec leurs fceurs dyfcoles , qui
avoient figne & reffigne; ce qui fe-
roit pour elles la plus trifte & la plus
miferable chofe du monde , d'etre
avec des filles mal inftruites , mal in-
tentionnees, liees avec des Jefuites &
des Capucins, foutenues de toute l'au-
torite de l'Archeveque , & qui feroient
de continuelles efpionnes. 30. Elles
n'auroient point a leur tete une Ab-
befTe titulaire , (la fceur Dorothee )
dont elles ne devoient attendre qu'une
horrible perfecution , & une guerre
qui ne fe termineroit que par la mort.
Les religieufes en changeant de dio-
cefe eviteroient toutes ces difficultes ,
elles vivroient dans une grande paix
fous la protection & la conduite de
M. de Sens qui le deliroit extreme-
ment. Le memoire ajoutoit, qu'a la
verite il faudroit faire un partage des
(ij) Joura, p. ;77 8c fiviv.
-ocr page 304-
_________'$02. HrSTOIRE DE PoRT-ROlAi;
A i(j<j8. biens , &c en ceder une partie a Is
maifon de Paris , mais qu'elles ne de-
voient pas fe faire un fcrupule de cette
ceflion, comme ii elles contribuoient
a l'etabliflement d'une mauvaife com-
munaute; parceque cette communautc
etant deja etablie , elles ne pouvoient
l'empecher ; deforte que ce n'etoic
qu'un bien temporel qu'elles leur ce-
doient, ce qui ell toujours perniis fe-
lon l'Evangile, nonobftant 1'injuftice
de ceux qui Potent. Jefus-Chrift me-
me commande d'en ufer ainfi dans
ces rencontres. Enfin on reprefentoit
aux religieufes que par ce moi'en elles
contribueroient a la paix de i'Eglife j
la paix des Eveques n'etant difficile
qu'a caufe qu'ils ne vouloient point
d'accommodement que les religieufes
de P. R. n'y fuffent comprifes; & qu'ii
ecoit certain qu'auffi-tot qu'elles fe-
roient en paix, tout le refte fuivroir.
cxxr.
        La communaute fut fort furprife
Reponfedes Jg cette proportion, 8c excepts: deux
icjgicues ^^ tro's feuiementj qui y entrerent
fans aucune repugnance , toutes les
autres n'en eurent pas une idee avan-
tageufe, craignant toujours quelques
pieges; mais comme elles avoient juf-
qu'au lendemain matin pour fe deter-
miner , elles parlerent peu dans cette
-ocr page 305-
II. Part ie. Liv. V. joj
premiere aflemblee. La mere Abbeflfe
exhorta les fceurs a prier beaucoup.
Elles temoignerent, que puifqu'on ne
leur donnoit qu'une nuit pour delibe-
rer , elles croi'oient que le moins
qu'elles pouvoienr faire, etoit d'em-
ploier ce rems en prieres & de le paf-
fer dans l'Eglife , en fe fuccedant les
unes aux autres.Ellesdemanderent aufll
qu'on y expofat le coeur de la mere
Angelique , qui avoit eu tant de zele
pour le retabliiTement de la maifon.
Le famedi fur les fept heures , 1'Ab-
beflfe raflembla la communaute , qui
fe trouva toute reunie a demander du
rems pour prier Dieu •, avec cette feule
difference, que les unes confentoient
qu'on traitat l'affaire, fi le delai qu'el-
les demandoienr, pouvoit la faire
echouer •, les autres au conrraire de-
mandoient abfolument trois jours au
moins pour prier Dieu , quand me-
me ce retard devroit rompre le projet.
Il y en eut cinq ou fix qui n'y vou-
lurent concourir en rien. La commu-
naute temoigna aufll qu'elle defiroit
favoir ce que M. de Sens exigeroic
d'elles par rapport a, la fignature , 8c
meme qu'il en donnat des aflurances par
ecrit. Les Superieures crurent qu'il
etoit a propos de mettre par ecrit le
-ocr page 306-
J04 HfSTOIRE TfT. PoRT-ROMI.'
refultat de leur deliberation, &_firene
un billet portant , que : » La mere
» AbbefTe temoigneroit a M. l'Arche-
» veque de Sens 8c a Madame de Lon-
» gueville , qu'elles avoient la plus
» grande reconnoifTance de l'extreme
» bonte avec laquelle ils avoient tra-
» vaille a leur procurer une paix ,
« qui leur paroi/Toit tres avanta-
» geufe , fi Dieu permettoit que
w leurs bons defTeins reuffifTent.
m Que neanmoins cette propofition ,
» quelque favorable qu'elle flit, n'a-
» voit pas laifTe de furprendre la com-
» munaute , plufieurs des fasurs ap-
» prehendant qu'il n'y eut quelques
» pieges de la part de leurs ennemis ;
» mais confiderant qu'etant faite par
« des perfonnes qui avoient rant de
» fagene & de difcretion, elles s'e-
» toient un peu rafliirees-, de forte
" que prefque toute la communaute
» s'etoit trouvee difpofee a accepter
» cette ofFre, en demandant feulement
" quelque terns pour prier Dieu fur
» un fujetfi important , s'il etoit pof-
» (ible de differer un peu 1'arFaire fans
w la rompre ; car en ce cas elles ne
» voudroient pas en empecher le fuc-
ces par leur retardement. Elles
* ajoutent , qu'avant toutes chofes,
-ocr page 307-
II. Par tie. Llv. V. 505
53 elles defirent avoir quelqu'affurance i<j<jg,u'
m par ecrit de ce que M. de Sens de-
» firoit d'elles touchant la fignature ;
» que c'etoit de ce point que depen-
5) doit leur veritable repos , & toute
»> la resolution qu'elles avoient a pren-
» dre en cette occafion ; que pour ce
w qui regardoit les biens temporels ,
» comme par la grace de Dieu, ja~
» mais elles ne s'y etoient attachees,
» elles s'en remettoient entierement
» a la prudence des perfonnes qui
m avoient la bonte de traiter pour el-
» les «. La reponfe des religieufes
fut fort goutee de ceux a qui on la
communiqua a Paris •, on jugea feule-
ment que pour ce qui regardoit la fi-
gnature , it n'etoit pas neceflaire d'en
parler a M. de Sens , d'autant qu'on
etoit allure de fes difpofitions fur ce
fujet.
Les parens des religieufes drefle- cxxrr.
rent enfuite une requete (21) a M. Requete des
l'Archeveque , pour lui demander la Figieofcsp'ow
tranflation des religieufes de P. R. demander la.
Ce projet aiant ete communique aux
religieufes, la mere Angelique de faint
Jean ecrivit auffi-tot que c'avoit ete un
avis commurt , que la requete ne de-
(11) Voi'ez cette requete dam les Mem. hift. & cjj£
X. t p. 4;. n. 30.
-ocr page 308-
$06 HtSTOIRE EE PoR.T-R.OMt.'
*" i66q. vo'lt Pas re^er commeelle eroic. Ce
qui deplaifoit a ces faintes fiiies , c'eil
qu'on aileguoit 1'air mal Tain tie P. R.
pour motif' de la tranflation qu'on cle-
mandoit. Cette raifon leur paroifloit
trap foible & trep peujincert pour I'al-
liguer fur un eel Jhjet,
On voir ici ,
comme par-tout ailleurs , la dclica-
tefi'e de confeience &J'eiprit quiani-
molt les religieufes de P. R. dans tou-
tes leurs demarches. On n'eut point
d'egard a leur remontrance; mais elles
fupprimerentcet article dans la requete
qu'elles furent obligees de prefenter
elles-memes (it).
M. de Meaux , qui follicitoit avec
zele la reuffite de cette affaire, figna
le premier la requete des parens, & la
prefenra a M. de Perefixe. Le Roi,
en la recevant des mains de ce Pre-
lat, lui dit qu'il ne pouvoit pas fe ti-
rer plus heureufement de cette affaire.
Ces paroles etonnerent un pea PAr-
cheveque, qui, loin de s'y attendre ,
croi'oit que Sa Majefte la rejetteroit;
mzis elles ne le firent pas changer.
exxirr. Quoiqu'il eut marque quelques dif-
£tt£vZ pofitions aconfentir a la tranflation des
ris fur cette religieufes, elle n'etoit pas cependant
tmfladra. de fon go{k f parcequ'ii pent0K qu>el_
{itj Vote cette requete Ibid. p. 64.
-ocr page 309-
II. P ARTIE. L'lV. K      3O7
le lui feroit peu d'honneur dans le
monde. C'eft pourquoi dans une vi-
fite que M. Hikire lui rendu le 14
d'aoux , voulant temoigner clique
peine de voir ces religieufes fcrcir de
fon diocefe, il lui deraanda plufieurs
fois s'il cro'ioit qu'elles ne feroient ja-
mais rien de ce qu'on leur demandoic
pour la fignature : a quoi M. Hilaire
repondit , qu'il cro'ioit que non , &
lui reprefeina qu'il lui etoit avanta-
geux de fortir de cette affaire d'une
0                                 i>                   1 ,1
maniere ou d autre •, qu il y avoit en-
core quatre-vingt religieufes, foixante
cinq du chceur 8c quinze converfes ,
dont fa Grandeur ne verroit pas la fin;
qu'ainfi la propofition prefente etoit
peut-etre le meilleur moien de fortir
de i'embarras ou il etoit. M. de Paris
repondit, qu'il n'y confentiroit point
que les religieufes ne lui demandaf-
ient leur tranflation •, qu'il valloit pour
cela qu'elles lui prefentaflent une re-
quete , qu'elles obtinflent des lettres
patentes pour leur etabliffement dans
le diocefe de Sens; que le partage du
bien rut fait entre elles & les reli-
gieufes de Paris , & qu'elles renon-
c^afTent aux deux maifons de Paris &
des Champs •, qu'a. moins de cela il ne
donneroit point fon confentement,.
-ocr page 310-
1
JOS HlSTOlRE DE PoRT-ROlAl
* 1668. M. Hilaire alia enfuite faire part a*
M. de Meaux de l'entretien qu'il ve-
cxxiv.' noit d'avoir avec M. de Paris. Ce Pre-
Difpodtions 1                              11               i- •
de Monfeuriat aiant entendu les conditions pro-
ie Meaux. pofees par M. de Paris , dit que, quoi-
qu'il fouhaitat beaucoup latranflation,
il n'y confentiroit jamais qu'a la con-
dition que les religieufes garderoient
la maifon des Champs , & qu'il ne la
leur confeilleroit jamais autrement;
que pour le bien , cela ne regardoit
pas M. de Paris, qui n'en pouvoit dif-
pofer, ni erre juge de cepartage , puif-
qu'il devoit fe faire par arbitres choi-
iis de part & d'autre ; que le grand
nombre des religieufes etant a P. R.
des Champs, elles devoient au moins
avoir les deux tiers. Il temoigna en-
fuite beaucoup d'eltime pour la mai-
fon , & un grand defir de la fervir,
non-feulement par rapport aux reli-
gieufes , mais encore parcequ'il con-
fideroit que leur accommodement
pouvoit contribuer a la paix univer-
fellede I'Eglife.
cxxv. M. de Sens , a qui M. Hilaire ren-
de>iM°onfienS ^C aU^ v&te &S ^a Part ^es fuperieu-
& seas. res de P. R, le z i d'aout, ne temoigna
pas moins d'eltime pour cette fainte
communaute que M. de Meaux: il dit
fju'il les regardoit comme les premie-
-ocr page 311-
IT. Partie. Liv. V. j©$)
ires teligieufes de l'Eelife , & qu'il ne —T71
a rr                          I • •          >-i 1665..
pouvoit aiiez exprimer la joie qu 11
auroit deles voir dans fon diocefe ;
qu'il n'y avoir rien qu'il fouhaitar da-
vanrage que de pouvoir conrribuer a
les tirer de l'oppreffion ou elles etoieno
depuis fi longrems. Il chargea M. Hi-
laire de leur dire qu'elles ne fe mif-
fent point en peine de la fignature ,
que quand elles feroient dans fon dio-
cefe, elles figneroient comme elles vou-
droient.
M. de Meaux , qui avoir pris fort cxxvr.
a cceur la tranflacion , conrinua de fe vaip. &™*
donner beaucoup de mouvemenr pour champs pout
la faire reufllr. Le jeudi 2 3 d'aout, il compte' de
allaj a P. R., & rendir compte de tour1'39*1"-
ce qu'il avoit fait depuis le commen-
cement decette affaire. L'Abbeffe ai'ant
affemble le lendemain la communaute
lui fit part de l'entretien qu'elle avoit
eu avec M. de Meaux , & fit lire une
requete , dont ce Prelat s'etoit charge,
pour demander leur tranflarion, Cette
requete ai'ant ete lue & agreee de la
communaute, elle fut fignee de rou-
tes les fceurs , apres y avoir fair quel-
ques corrections. Elles drelTerent en
meme tems un a&e , ou memoire,
dans lequel etoient expliquees toutes
jles conditions auxquelles elles deman-
-ocr page 312-
jIO HlSTOIRE DE PORT-ROIAI,;
doient leur tranflation (i 5); favoiryi °.
que cecte tranflation ne pafleroit point
pour un nouvel etabliflement , 8c
qu'elles conferveroient tous leurs
droits & privileges; z°. que la mai-
fon de P. R. demeureroit dans leur
f>artage pour en difpofer felon qu'el-
es le jugeroient; 30. que le droit
d'ele£tion d'uE s AbbeiTe triennale leur
feroit confervc, &c. Elles joignirent
encore a ce me^noire une proteftation
pour obvier aui: confluences qu'on
pourroit par la fuite tirer de la reque-
te , par laquelle elles confentoient &
demandoient une tranflation qu'elles
n'auroient jamais imaginee dans tout
autre tems. La requete des religieufes,
datee du 14 aout, fut remife entre les
mains de M. de Meaux pour en dif-
pofer felon qu'illejugeroit apropos ;
axais aux conditions que nous avons
rapportees, dont les Religieufes etoient
convenues avec lui, & que le Prelat
fouhaita qui ruflent mifes par ecrit.
Avant que de partir il vit toute la
communaute; & au fortir du parloir
il entretint M. Hilaire, a qui il dit qu'il
ctoit parfaitement fatisfait de toutes
(ij) Voi'ez ce memoire & la proteftation d*nt kf
Mem. hill. & chrenol. T. J. p. $8.
-ocr page 313-
II. Part ie. Llv. V. jn
les religieufes : qu'il ne croi'oit pas que "^66$
dans toute l'Eglife il y eut une com-
munaute auffi unie que celle-la : que
jamais il n'avoit vu une fi grande
moderation dans une affaire de l'im-
portance de ceile qu'il venoit de pro-
pofer : qu'il fembloit qu'il n'y eut
qu'une feule perfonne, tant il y avoit
d'union : qu'il lui avouoit qu'il n'avoit
pu dire la Mefie fans repandre des
larmes.
La difficult^ de reuffir dans le pro- cxxvir.
jet de tranflation etoit principalement , ^ntretien
du cote de M. de Pans (24). M. de de Meaux
Meaux lui rendit vifite le premier fep- *veF *f^t <
tembre & eut un entretien avec lui tranflation
fur ce fujet, aflez long & affez vif. £* reli6ieu*
M. de Perefixe propofa d'abord pour
condition , que les religieufes renon-
^afTent a tous leurs acles & appels.
M. de Meaux apres avoir dit que les
a£tes & appels des religieufes avoient
deux objets, 1'un de fe juftifier con-
tre la conduite que leur Archeveque
avoit tenue a leur egard ; l'autre de
fe relever & de pourfuivre des de-
dommagemens de la perte qu'elles
avoient foufferte dans leurs biens, con-
vint que quand au fecond objet,. elles •
pourroient renoncer a leurs a£tes .
{14) Journ.Ibid. p. 181-18j.
-ocr page 314-
JIZ HlSTOIRE 0E PoRT-ROlAr;
$$%t mais que pour l'autre , qui regardoit
leur juftification, il ne falloit pas feu-
lement le propofer. M. de Paris en
ai'ant demande la raifon, M. de Meaux
lui repondit, que fi les religieufes re-
nonjoient a leurs aftes & appels, elles
autoriferoient route la conduite que
lui Archeveque de 'Paris avoir
tenue a leur egard, que ce feroit la
reconnoirre comme jufte , & s'avouer
elles-memes coupables & dignes de
tous ces traitemens. Il ajouta que fi
elles avoient figne cette renonciation
a leurs a&es , M. de Paris n'auroit
plus que faire de leur demander d'au-
tre fignature. L Archeveque 1'avoua ,
& vine enfuite a fon autre difficulty,
favoir qu'ilne confentiroit jamais que
les religieufes des Champs confervaf-
fent l'Abbai'e dudit P. R. des Champs.
»» Vous devez confiderer, lui dit M.
» de Meaux, que les religieufes qui
» font a prefent a P. R. des Champs
» ont porte de dot plus de 45 0000 li-
» vres qui ont fervi a batir le monaf-
» tere de Paris & a groffir le revenu
» de l'Abbai'e, qui monre aujourd'hui
» a plus de 30900 livres, au lieu
*» qu'il n'alloit auparavant qu'a huit
» ou neuf mille. Quoi, Monfieur ,
•» continua-t-il, vonlez-vous que les
religieufes
-ocr page 315-
II. Partie. Liv. V. j i j
m religieufes s'en aillent la comme de
» pauvres filles profcrires } fans ti-
» tre & fans qualite \ Cela feroit-
>» il raifonnable, & penfez-vous que
« nous autres » qui avons donne la
« plus grande partie du bien que pof-
»» fede cette maifon , puffions nous
*» refoudre a killer ainfi aller nos pa-
" rentes ? M. de Paris erant emb'ar-
raffe , traita les religieufes de defo*
beiflanters , & s'emporta en parlant
de ces faintes filles. M. de Meaux le
pria de ne fe point emporter, parce-
que cela ne fervoit a rien , & que pour
lui il etoit perfuade que les religieu-
fes n'agiffoient point par entetement,
mais par principe de confcience.»Mais,
» continua-t-il , laiflbns a part la fi-
» gnature , & revenons a la maniere
» dont on les a traitees. Croi'ez-vous >
« M. , qu'il n'y ait rien a redire a la
» procedure que vous avez tenue con-
» tre ces religieufes 3 Et penfez-vous
» que'jii la chofe etoit devant des j uges>
» vous la pufliez foutenir ? Ce qui a
» empeche jufqu'a prefent que Ton
» n'ait pourfe cette affaire, eft le ref-
» peel que Ton a pour 1'autorite du
» Roi dont vous vous etes fervi, 8C
»
que Ton efperoit toujours qu'elle fi-
Tome fl.
                       O
-ocr page 316-
J14 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» niroit (15) ; mais prefentement je
" ne puis plus refifter ; & fi les pa-
» rens voient que vous rejettiez cetce
" propofirion & le moi'en qu'ils vous
» offrent , ils font refolus de poufTer
» l'affaire dans tous les tribunaux oilf
» ils pourront etre entendus; & je me
" crois oblige en confcience de me
»» joindre a eux ; j'y fuis refolu. Nous
» n'avons pas fi peu d'affection pour
m nos parentes & pour leur falut, que
" nous foions infenfibles a Ferat ou"
» elles fonr ; car nous les avons fakes
« religieufes pour vivre dans 1'Eglife
-   avec Dieu , & mourir avec Dieu ;
» & vous les feparez de Dieu. Je vous
» avoue que toures les fois que j'ai ap-
» pris qu'ilmouroit une religieufede
» P. R. fans Sacremens , cela m'a fait
» une peine incroiable. Enfin , Mon-
» fieur, il faut faire une fin a cette af-
m faire , ou que vous declariez ces
» religieufes excommuniees , ou que
« vous les abfolviez. Nous ne pou-
vons plus fouffrir de les voir dans
» cet abandon de toures confolations
w fpirituelles & temporelles , qui eft
» tel, que fi Dieu ne les foutenoit ,
» il feroit capable de les jetter dans
m le defefooir.
(ij) Joutn. p. 185 & fuir.
-ocr page 317-
II. Parti e. Liv. V. 315
M. de Paris pour toute reponfe , 166S.
demanda trois jours a M, de Meaux
pour y penfer & avoir le tems d'en
deliberer avec fontonfeil. Il n'atten-
dit pas que le terme fut expire , car
etant alle trouver M. de Meaux le
trois feptsmbre , il lui die que plus
il penfoit a la propofition de la trans-
lation , plus il croioir ne la devoir
pas permettre •, qu'il falloit chercher
?[uelque moi'en d'accommoder les cho-
es , & de fake refter les religieufes
dans leur maifon •, qu'il avoir penfe
pour cela a un projet de requcte (x6)
qu'il lui lailToit entre les mains pour
le leur faire voir. M. de Meaux le lut
& temoigna qu'il y avoir beaucoup
de termes qui ne paiTeroienr pas, 8c
qu'il ne falloit pas feulemenr propo-
fer aux religieufes. EfFeclivemenr, lorf-
qu'elles lurenr (le 5 feprembre) ce pro-
jer, elles furenr fort furprifes de voir
que M. de Paris leur demandoitles me-
mes chofes qu'il leur avoit demandees
quarre ans auparavant,& qu'elles
avoienr refufees.
L'affaire de la tranflation des reli- cxxvui.
gieufes ne furpasporteeplusloin (27). Ce P.to
(is) Voi'ez ce   projet    p. i?7 & fuiv. oil cetteaf-
p. 184 iet Jotirn.               fsireeft t>icn deiaillee ; p.
(17) Vui'ez les   Mem.    141 le memoircd'M. 1'Ar-
hift, & chionol.   T. !•    cluveque tie Sens lui les
Oi;
-ocr page 318-
3 I (J HlSTOJRE DE PoRT-ROlAt.
Ainfi le diocefe de Sens n'eut pas Ie
bonheur de fervir d'afyle aux religieu-
fes de P. R. des Champs perfecutees
par leur Archeveque. II eft vrai-fem-
blable que fi ce deffein eut reufli ,
cette fainte communaute auroit fubfif-
tc au moins quelques annees plus long-
tems qu'elle n'a faic ; & qu'au lieu
qu'elle a ete detruite dans le diocefe
de Paris en 1709 , elle ne l'auroit ete
dans celui deSens qu'apresl'an 173 1,
epoqae de la tranflation de M. Lan-
guec Eveque de SoiiTbns a 1'Archeve-
che de Sens.
Le Diocefe de Sens ne fur pas le
feul oil Ton projecta de transferer les
religieufes de P. R. des Champs : il
fut encore queftion de celui deTroies.
L'Abbefle du Paraclet, Abbai'e fituee
dans ce diocefe , offric un echange de
fon Abbai'e avec celle de P. R. a des
conditions tres avantageufes. Mais il
etoit arrete dans les deifeins de Dieu
qu'aucun de ces projers n'auroit lieu.
Us echouerent tous , non-feulement
par la difficulte que fit Monfieur de Pa-
ris de n'y confentir qu'a des conditions
qui ne pouvoienr etre acceptees ; mais
ofcftacles que M. de Paris   faint Prelat temoigna ne
apportoit d la tranflation ;   point approuvcr Ja tranf-
p. if9 unc kirre de M.    iation poor plufieuts tai»
d'Akc, dans Iaouelk «   fons ttesfolidcs.
-ocr page 319-
II. Partii. Llv. V. 317
encore par l'oppofition de plufieurs
des parens de ces faintes filles , & fur-
tout par l'accommodement des qua-
tre Eveques, qui donna lieu a celui
des religieufes. Avant que de rappor-
ter de quelle maniere Finnocence de
ces faintes filles fut enfin reconnue
apres une fi cruelle perfecution , &
comment elles furent retablies dans la
fiarticipation des Sacremens , dont el-
es avoient ete 11 injuftement privees,
il eft necefTaire d'entrerdans quelque
detail fur Fevenement celebre , qui
donna lieu a cetheureux changemenr,
je veux dire de la paix de Clement
IX, 8c deFaffaire des quatre Eveques,
qui fut terminee par cettepaix.
O iii
-ocr page 320-
318 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAZ,.
1 66 8, _______„___________________
L1VRE SIXIEME.
JL Andis que toute une nombreufe
Affaire des communaute Je Vierges chretiennes
quaere Eve- donnoit un fi beau fpecEide, qui
ia"'
          faifoit la confolation de l'Eglife liir
la terre, & la joie des Anges dans le
Ciel, quatre Eveques de France , par-
mi 130, animes du meme efprit, s'op-
poferent au fcandale de la feconde
bulle d'Alexandre VII, dans laquelle
ce Pape prefcrivoir un nouveau formu-
Jaire avec ce terrible ferment; ain-
Ji JDieu me foil en aide & Jes faints
Evangiles
, pour attefter un fait inu-
tile & douteux, & meme plutotfaux
<jue douteux. Cette fcandaleufe bulle,
fource d'une divifion qui dechire l'E-
glife depuis plus d'un necle, obtenue
par les intrigues des ennemis de la
grace de J. C. & de la doctrine de
faint Auguftin, fut donnee le 15 fe-
vrier 166$ , & envoiee en France ,
011 le Roi Louis XIV donna une de-
claration pour la faire recevoir : il l'a
fit enregiftrerauParlementle 29 avril
de la meme annee. Les ordres abfo-
lus du Roi, qui vouloitque cette bulle
-ocr page 321-
II. Parti b. Liv. Vl. 319
tut rec,ue , & qui avoit donne le 2 5 ~~^%~
avril une declaration , par laquelle il
• enjoignoit a rous les Archeveques 8c
Eveques du Roi'aume , de figner &
faire figner le nouvean formulaire par
tous les Ecclefiaftiques feculiers & re-
guliers , & meme par les maitres d'e-
coles, fans aucune diftincHon , reduc-
tion , ou explication , ( quoique la
bulle ne defendit point de diftmguer
le fait, du droit) ces ordres , dis-je ,
du Roi obligerent tous les Eveques a
recevoir la bulle & a donner des man-
demens pour la faire recevoir ; mais
tous ne la recurent pas de la meme
maniere, & tous ne s'expliquerent pas
de la meme fac,on dans leurs mande-
mens. Les uns propofoient purement &
(implement la fignature, en fe con- Ir>
formant a la declaration du Roi; les conduite
autres diftinguoient expreflement leEygq^, »«
fait & le droit, demandant une fou- «ppon a u
miflionde foi divine pour le droit,& un fo^mulaW1,
fimple refpect exterieur pourle fait : quoique la
., L              c -r ■                              J'n- Plupart fiiC-
d autres ne rauoient point cette diitinc- ftntperfuades
tion dans leurs mandemens , mais dansd.e l* diftjnc-
des aftes & des proces-verbaux fepa-du dtoit.
res , ou feulement de vive voix ,
declarant qu'ils n'entendoient point
en faifant figner le formulaire , ob-
liger a la creance du fait.
O iv
-ocr page 322-
JZO HlSTOlAE DE PoRT-nOlAt.
166S. Francois de Clermont, Eveque de
Noi'on, declara pofitivement dans fori
ordonnance , que 1'Eglife demandoit
une foumiflion de foi au dogme, &c
une deference refpe&ueufe pour lesfaits
non reveles : mais les partifans de la
fignature pure & fimple lui ai'ant fait
des affaires en Cour, il eut la foiblef-
fe de faire une nouvelle ordonnance.
Francois de Medavy Eveque de Sez ,
fit un mandement pour la fignature
pure & fimple, dans lequel il avan-
$oit une herefie , difant que ceux qui
fe feparent de 1'Eglife, n'ont jamais etc
dans fa tiffure qui eft indivifible. Ce
qui eft de plaifant , c'eft qu'il y en
avoir de fi peu inftruirs du livre de
Janfenius qui eft l'objet du formu-
laire, que les Grands- Vicaires de Bour-
deaux prirent le titre du livre pour
le furnom de 1'auteur: le Pope Inno-
cent X,
difoient-ils dans leur mande-
ment , a'iant prefque opprime fhirefiz
Ttaijjante de Cornelius Janfenius >Jur-
nomme AUGUST1NUS. &c.
u}-
          Nicolas Pavilion Eveque d'Alet pu-
Mandement, ...             ...         3                 \
deMM. d'A-blia le premier jum 1665 unmande-
lec & dcBeau- menc ^ Jans lequel il declara expref-
fement i°. que 1'Eglife demandoit un
acquiefcement de foi divine pour la
doctrine , & un rejpecl de difcipline
-ocr page 323-
-«, ,,_,—- .,_.,., l.^-^|!i»'u^.»jvrw^!'wWWS!W"
II. Par.tie. Liv. Vl. $n
pour les faits contenus dans les bulles ufiiti?"
des Papes innocent X & Alexandre
VII -, 2 c. Que la cenfure des V propofi-
tions n'avoit donne aucune atteinte aux
fentimens de faint Auguftin & de faint
Thomas fur la neceffite de la grace
efficace. Les ennemis de cette divine
grace en con^urent un tel depit, qu'ils
remuerent routes les puifTances contre
ce Prelat, & contre trois autres qui
crurent devoir l'imiter, commenous
le verrons ( i).
Nicolas Choart de Buzenval ,
Eveque de Beauvais trouva le man-
dement de M. d'Alet fi jufte & fi exa£t,
qu'il l'adopta & le publia en fon nom
le z 3 juin avec la meme diftinction
du fait & du droit, la meme decla-
ration en faveur de la doctrine de faint
Auguftin : auffi s'attira-t-il la meme
perfecution que M.d'Alet.
Henry Arnauld Eveque d'Angers pu- Iv
blia le huit juillet fon mandement Mandemcnt
dans lequel en demandant la fignatu-d! M- d An"
re, il explique diftin&ement les de-
voirs auxquels on eft oblige felon
l'efprit & les regies de l'Eglife: le
premier devoir eft un devoir de foi
(r) Voi'ez le mantle- nifme,&T. 3. p. ?j de
mentde M. d'AUt, T. 3 , l'hift. Eccl. du dix-feptie-
p. 171 de l'hift. du Janfe- me fiecle par M. Duptn.
O v
-ocr page 324-
}IZ HlSTOIRE DE PoRT-ROiAt.
\(,^t & de creance, qui ne regarde que let
dogmes condamnes , qii'on eft oblige
decondamnerabfolument: iQ, » Mais
» 1'Eglife, dit-ilj etant crop juftepouc
>' exiger par autorite la creance d'u-
« ne chofe , fur laquelle elle n'a point
» de revelation divine, qui peut feule
» etouffer tous les doutes de 1'eiprit,
« elle defire neanrnoins que fes en~
» fans lui rendent un autre devoir ne-
» ceflaire a la confer vation de la paix,
« qui eft une foumiflion fmcere de
" refpe£b& difcipline , qui conferve
» aux Pafteurs la reverence qui leur
» eft due 5 qui maintient les chofes
}> dans 1'ordre & la fubordination ne-
,r ceilaires, & empeche qu'on ne trou-
" ble 1'Eglife par des queftions fuper-
» flues, obfupzrjluasquteftiones,comme
parle le Pape Pelage II. M. d'An-
gers avance enfuite , que la doctri-
ne de faint Auguftin n'a recti aucu-
ne atteinte par la condamnation des
V propositions.
Comme la diftinition du fait & du
intrigue d=s droir j 8c la declaration que faifoient
,BfftM co,n~ dans leurs mandemens MM. d'Alet,
de Beauvais & d'Angers en faveur de
faint Auguftin , renverfoient tous les
defteins des Jefuites, qui vouloient fai-
re retoraber fur la doctrine de ce faint
-ocr page 325-
■v,^.'~.m-,— > - ■--
--'
II. Part ie. Lly. VI. 31$
dodteur la condamnation de celle de ""l(,6$,
Janfenius, qui etoit la meme , ils mi-
rent tout en mouvement a Rome &
en France pour les faire revoquer 8c
caffer. Ils obtinrent par leurs intrigues
un arret du Confeit du Roi contre
ces trois mandemens, &c contre ce-
lui de M. Noyon, qui fe reglantfur
les volontes de la Cour en fit un nou-
veau. Mais ce coup n'etonna pas les
trois autres Prelats , qui eurent bien-
tot la confolation de voir M. dePamiers
fe joindre a eux par une ordonnance
datee du 3 1 juillet, dans laquelle il te-
noit le meme langage qu'ils avoient
tenu fur le droit & le fait, & fur la
dodbrine de faint Auguftin. Ces qua-
tre Prelats devinrent les colomnes de
la verite , que rien ne put abattre :
&par unevigueur v raiment epifcopa-
le , ils procurerent la paix a l'Eglife.
Mais ils eurent bien des combats a
eiTuier de la part des ennemis , qui
emploierent contr'eux tous les moiens
dont ils font capables , pour les de-
crier a Rome & en France comme des
feditieux , des rebelles a l'Eglife & a -
l'Etat, & des heretiques declares.
Ils eurent meme aflez de credit , vr.
non-feulement a Rome pour faire met- J^^fi!*
tie
a Pindex les mandemens des quatre eommiflaucj
-ocr page 326-
^14 HlSTOIRE DE FoRT-Ro'lAL.
i<j68, Eveques (i) , mais encore pour enga-
ger Louis XIV a demander par fon
Ambafladeur a Alexandre VII des com-
miftaires pour faire le proces a ces qua-
tre Prelats ( j ) ; ce qui etoic egale-
ment contraire aux loix de 1'Eglife,
& auxmaximesduRoiaume. Mais que
ne facrifie-t-on pas, lorfqu'on eft rc-
folu d'opprimer la verite & l'innocen-
ce ? il faut toujours que ce foit par le
vi*. violement de toutes les loix.
Reponfe du Le pape fo r^ponfe au R0i qu'il
avoit ete dans le deiiein de nommer
V' Archevique de Paris tout feu' (Sa Sain-
tete favoit de quoi le Prelat etoit ca-
pable ) afin que comrne Jimple executeur,
(i) Ce decret de I'lnqul-    pofa a cette refolution, 8c
fition aiant ete envoi'e a
    l'Eveque de Montauban
l'Archeveque de Toulou-
    fut charge par ceux qui
fe pendant lesEtatsdeLan-
    etoientdecetavisde dref-
guedoc , qui fe tenoient a
   fer la lettre. voi'ez Dupin
CarcafTonne , il le lut le
    hill, ecclef. du dix- feptie-
20 fevrier 1(67 dans une
   mefiecle, T. 3. p. 80.
aflemblee de 15 Pfelatsde
      ($) Le Roi fit demander
la province. I.'avis de la
    au Pape deux brefs, l'un
plurality fur, que Taffem-
   par lcquel Sa Sainted or-
blee ecriroit une lettre au
    donneroit aux quatre Eve •
Roi pour fe plaindre de
    ques de revoquer leuis
1'entreptife de la Congre-
    mandemens & de faire li-
gation de l'lndice, 8c pour
   gner puremenr & fimple-
demander la protection de
   ment fans aucune rcftric-
SaMaje/le pour avair juf-
    don, l'autre par lequel il
lice de l'injure que ce pre-
    nomraeroit douze Prelats
rendu decrer faifoita l'au-
   de France pour faire le
torite Rotate 8c aux droits
   proces aux quatre Eve-
del'fgiife gallicane. L'Ar-
   ques.
cheveque deXouloufe s'op-
-ocr page 327-
II. P A R T I E. LlV. VI. J1 J
il intlmat aufdits quatre Eveques, que i£<5g.
dans le terme de deux mois , Us euffent
afoufcrire leformulairepurement &Jim-
plement
: & qu'en cas de coutumace ,
illes declardt fufpens des fonclions Pon-
tificates.
Cependant , le Pape ajou-
tuit, quil holt prcs de deputer trois
Eveques en qualite de Jimples execu-
teurs ; mats il refufa d'en nommer dou^e.
Quelqu'infenfible & aveugle qu'on
parut etre en France par les preven-
tions qu'on infpiroit au Roi contre
les quatre Eveques , on fut neanmoins
furpris & picque de ce que le Pape
vouloit fe rendre feul juge des affai-
res eccleiiaftiques, & que les Eveques
ne fuffent que les fimples executeurs
de fes volontes; outre que Ton trou«
voit mauvais qu'il remit cette affaire
entre les mains de trois Eveques feu-
lement. En confequence , le Pape en-
vo'ia deux Brefs en date du n
avril 1667: le premier etoit adreffe
aux Archeveques de Touloufe & de
Bourges , & aux Eveques de La-
vaur , de Mende , de SoifTons, de
Lodeve , de Dol, de faint M alo & de
I ombez , par lequel il commettoit en
vertu de l'autorite Apoftolique ces neuf
Prelats , afin qu'ils euffent a ordonner
aux quatres Eveques > de retirer leurs
-ocr page 328-
$1<3 HlSTOrRE DE PoRT-ROlAt.
166%. mandemens des mains de tous leurs
Diocefains com me ai'ant ete condam-
nes par le faint Siege : » a quoi s'ils
» n'avoient point obei dans deux mois
» apres la fignification qu'ils leurau-
» roient fait faire de ces brefs , ils
» procederoient contre eux par les
» peines canoniques , comme contre
» des rebelles aux decrets du faint
» Siege , & cela fans que ces qua-
>> tre Eveques pufient appeller en au-
>> cune maniere de leur jugement ,
» ni recufer aucun d'eux.
Dans le deuxieme bref, le Pape
commet ces neuf Prelats pour enjoin-
dre aux quatre Eveques dans 50 jours
apres la fignification qui leur feroic
faite de ce bref, de foufcrire & de
faire foufcrire dans leurs diocefes le
formulaire purement & /implement,
fansaucune proteitation,reftri6Hon See.
fous peine de fufpenfe de l'exercice
de leurs fonitions pontificales, inter-
dit de l'entree de l'Eglife, &d'autres
peines plus grieves qu'il remmettoit
aleur jugement. Le Papeotoit aufliaux
quatre Eveques par ce bref, route
faculte d'appeller du jugement de ces
commiffaires a aucun autre tribunal,ni
d'en pouvoir recufer aucun. Quelques-
«ns des commiflaires, comme MM. de
-ocr page 329-
II. P A R. T I E. Llv. VI. 317
Lodeve (Roger de Harlay de Celi ) jggg,
&c de SoifTons ( Charles de Bourbon) ,
refuferent de fe charger de cette com-
miflion. l'Archeveque de Touloufe ,
{ Charles d'Anglurre de Bourlemont )
chef des commillaires , fit aufli quel-
que difficulte , & fongea a terminer
cette affaire par accommodement.
Pendant que le Pane Alexandre tra- vn* _
• 11 ■ v r ■ ■          xi                       T*- Alexandre
vauioit a raire juger les quatre bve- Vu meim.
ques par les commiiraires qu'il avoit Son &"?
x          \ „• , . 1 • i        ., r contre lar.e-
nommes , Dieu le cita Im-memeaion Ceflue de l'a-
tribunal le zo mai 1667 pour y ren-moucdeDku*
dre compte de fon formulaire , & de
toute fon adminiftration. Ce Pape, qui
avoitdonne une fi grande atteinte au
premier article du fymbole en condam-
nant dans le fens de Fauteur, la doc-
trine de Janfenius , qui n'eft autre
que celle de faint Auguftin fur la
grace & la toute puilfance de Dieu ,
ne fit pas une moindre plaie au pre-
mier article du decalogue , par un de-
cret qu'il donna au lie de la morr.
Par ce dangereux decret, Alexan-
dre VII defend de cenfurer l'opinion
qui nie qu'il faille avoir quelque amour
de Dieu pour etre en etat de recevoir
la remiffiofi de fes peches dans le Sa-
crement de penitence. Il declare me-
me que 1'opinion qui n'exige point
-ocr page 330-
Ji8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.'
i<?(j8. d'amour de Dieu dans le Sacrement
de penitence , eft Ja plus commune
dans Jes ecoles. Ainfi, felon cedecret,
voila une des verites des plus necef-
faires au falut, desplus clairementre-
velees , des plus evidences , mife au
rang des problemes, tandis qu'on veut
faire croire & aiTurer avec ferment,
comme une chofe neceflaire au falut
& dont il n'eft pas permis de douter ,
un fait pour le moins douteux. Quel
aveuglement ! Quelle horreur ! 11 ell
permis de douter n* Ton eft oblige d'ai-
mer Dieu pour fe reconcilier avec lui;
& il n'eft pas permis de douter li
Janfenius a enfeigne cinq propositions
fauiles, qu'on nepeut meme faire voir
dans fon iivre.
vnr.
         Alexandre VII etant mortavantque
Ey?queslcd- ^'on eut Pu conimencer aucune pre-
vent a cie- cedure contre les quatre Eveques , tout
frveur'^e/" demeura en fufpens jufqu'a l'exal-
quatte £ve- ration du Cardinal Rofpigliofi , qui
ques.
          £nt ^jey^ aJ Pontificat au mois
de juillet de la meme annee fous le
nom de Clement IX. Ce fut alors que
dix-neufEveques, touches de Pinjure
qu'on faifoit a leurs illuftresCollegues,
& dans leurs perfonnes a tout l'epif-
copat, fe crurent obliges d'ecrire au
nouveau Pape une lettre , dans la-
-ocr page 331-
II. P A R T I E. LlV. VI. 319
quelle ils juftifienc leur dodtrine fur
la diftindtion du fait & du droit (4).
» L'eminente vertu de ces Eveques
» ( eft il dit dans la lettre) oblige
» leurs ennemis memes de reconnoi-
» tre qu'ils font un des plus grands
» ornemens de notre ordre, & qu'il
»> n'y en a point qui edifient davan-
» tage l'Eglife , qui veillent avec plus
» de foin au falut des ames qui leur
» font commifes , qui s'aquitent plus
» parfaitement de tons les devoirs de
» la charge epifcopale. » Les dix-neuf
Eveques , apres avoir parle d'une ma-
niere fi avantageufe & fi veritable
de leurs confreres, juftifient leurs man-
demens. Qu'y-a-t-il, difent-ils , dans
ces mandemens qui s'eloigne tant /bit
peu, ou de la regie de la doctrine ca-
tholique , ou de la reverence qui eji due
au faint Siege ?
» Il s'etoit troxve des
» gens parmi nous , qui avoient eu la
» hardielTe de publier ce dogme nou-
» veau & inoui, que les decrets que
» l'Eglife fait pour decider les faits
» qui arrivent de jour en jour , Sc
» que Dieu n'a point reveles, eroient
» certains & infaillibles , & qu'ainil
» Ton devoit avoir la foi de ces faits
« auffi-bien que des dogmes revelea
(4) Dupin 17. fiede T. 3. p. $7 jufqu'a n.
-ocr page 332-
330 J-frsToiRE m Port-roj'al.
^^g^ » de Dieu dans l'ecriture & la tradi-
» tion ; & Jes memes perfonnes qui
» avoient introduic ce dogme , qui
" eft egalement condamne par tous
" les theologiens anciens & nouveaux,
» avoient Ja temente de l'etablir par
w Ja conftitutionde votrepredecefteur.
» Ces Eveques , done il s'agit, vou-
» Jant s'oppofer a ce mal , remedier
» aufliaux fcrupulesdequelques-uns,
» one cru devoir erablir dans leurs
» mandemens la doctrine tres com-
» fnune& ties certaine qui eft oppo-
" fee a une eireur ii manifefte ; fa-
s' voir que l'Egiife ne derinit point
» avec une certitude entiere & infail-
» lible ces fairs humains que Dieu
» n'a point reveles ; & qu'ainfi tout
» ce qu'elle exige des fidelesen ces
" rencontres, eft qu'ilsaientpour ces
" decretsle reipeci qu'ils doivent....
» Ainu", tres Saint Pere , continuenc
» les Eveques, Ji e'etoit un crime de-
» ire dans cefentiment, ce ne feroit pas
» hur erreur particuiure ; mais ce feroit
» le crime de nous tous, ou plutdt celui de
» toute I'Eglife.YLt e'eft-pourquoi il y a
" eu plufieurs Eveques despluscelebres
*> d'entre nous , qui ont fait la meme
» chofe qu'eux, ou par des niande-
» mens publics, quoique non impri-
-ocr page 333-
II. P A R T I E. L'tV. Vh 3 J I
» mes , on, ce qui n'a pas moins de "TiTiT"
*> poids, dans des proces-verbairx, qui
» demeurent dans leursgreffes,& dans
» lefquels lis ont exprime fort au long
» certe doctrine, &c. » Cette lectre fuc
dreffee par M. Felix Vialart Eveque de
Chalons , & fignee par M. de Gondrin
Archeveque de Sens &c par dix-
huic Eveques. Elle fur ecrite en latin,
datee du premier decembre i66j ,
&envoyee a Rome en 1668.
Ces memes Eveques ecrivirentune rx.
lettre au Roi , dans laquelle ils difent *•" d,x-,netf
,          I                   - ., Eveques em-
que, tout le crime deslr Eveques ejt d a- veutau Rot.
voir parte comme L'Eglife s'eji expliquee
dans eous lesjiecles
(5). Apresles avoir
juftifies, &c remontre que lanuniere
dont on en a agi a leur egard eft con-
traire non feulement aux loix de l'E-
glife , dont on ne peut pas legitime-
ment fe difpenier a l'egard des plus
coupables , mais encore aux premiers
principes de'l'equite naturelle recon-
nue par les pai'ens memes , ils prient
Sa Majefte d'ecouter favorablement
les tres humbles fupplications qu'ils
lui fonr , non-feulement pour leurs
confreres, mais aufli pour les droits
communs de I'epifcopat que Ton vou-
(O Voi'ez la lettre T. 3. de l'hifl. eccl. du dix-fef«
ticrae fiecle de M. Dupin, p. ji & fuiv.
-ocr page 334-
3J1 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL1
loit detruire en leurs perfonnes , &
pour le repos de route l'Eglife Galli-
cane.
Cette letrre au Roi, dit M. Du-
pin (6) , ai'ant ete rendue publique ,
il intervint, fur les ordres de la Cour ,
un arret (7) rendu au Pailement de
Pans le 19 mars 1668 , dans lequel ,
fur la remontrance du Procureur du
Roi au Parlement de Paris faite par
ordre du Roi, que » Sa Majefte etanc
" informee des cabales & alTemblees
» illicites qui fe faifoient dans fon
» Roiaume pour faire figner a des
» Eveques en cette ville une preten-
» due lettre a lui adreilee , dans Ia-
» quelle il y avoir des maximes 8c
« des propofitions capables de trou-
» bier la paix de l'Eglife, d'affbiblir
» l'autorite des declarations & des
» bulles enregiftrees dans le Parle-
» ment touchant les opinions de la
» doctrine de Janfenius, « la Cour
ordonna, » qu'il feroit informe def-
» dires cabales & aflemblees illicites;
» cependant defenfes faites a tous Im-
» primeurs , colporteurs , & autres
i6) Ibid. p. 101              fur la lettre des Eveques au
(7) Le pere Gerberon ,    Pape 8c non Ait celle du
Tom. 3, hift. du Janf. p.   Roi.
its, fait tombet l'atret
-ocr page 335-
II. Partih. Liv. VI. 535
« perfonnes > d'imprimer, de faire \CC%,
»
imprimer , vendre ou debiter la-
» dice lettre , ni autres ecrits fembla-
» bles.
M. de Chalons, le plus ancien des
Eveques qui avoient figne la lettre,
en ecrivit une au Roi au fujet de cet
arret , & une autre au Procureur gene-
ral datee du Z4mai 166& , dans la-
quelle il lui reprefente les juites rai-
(ons que les Eveques ont eues de fe
plaindre d'un bref qui contenoit des
claufes extraordinaires pour faire le
prods a quatre Eveques , non-feulement
contre les loix canoniques , mais au
prejudice mime des premiers principes
de requite naturelle.
Ii lui rappelle la
vigueur avec laquelle le Parlement de
Paris a maintenu de tout tems les loix
de l'Eglife & les ufages du Roiaume*
qui font violes par ce bref, &c com-
ment M. du Mefnil, Avocat general
de Charles IX , avoit ete autrefois
charge par ce Prince d'envoi'er une inf-
rrucHon a fon AmbaflTadeur a Rome
pour faire connoitre a Pie IV , qu'il
ne permettroit pas qu'on inftruisit le
proces de quelques Eveques accufes
de calvinifme contre l'ordre des Ca-
nons qui les renvoi'oient au Metro-
politain & aux Comprovinciaux pour
-ocr page 336-
354 Histoire de Port-roYal.
1,(568. etre juges. Et il le fit avec tant de
force , qu'il arreta abfolument le cours
de cetce procedure irrcguliere , deja
bien avancee par la Cour de Rome.
M. Vialart venant a l'accufation de ca-
bale , dit que ce feroit traiter indigne-
ment des Eveques , de croire que
leurs fignatures one ete mandiees, &c
qu'il aic fallu les engager par des bri-
gues & des follicitations a une de-
marche qu'ils ont efhmee ne pouvoir
refufer a. leur cara&ere , a leur hon-
neur &a leur confeience. Il protefte
au Magiftrar a qui il ecrit, que la ca-
bale n'a eu aucune part a la lettre ,
qu'elle eft la pure production des mou-
vemens qua excites en lui & fes con-
freres la necellite de defendre la di-
gnite commune. Plufieuts Eveques ,
qui avoient figne la letxre, ecrivirent
auifi, foit au Roi, foit au Miniftre j
pour fe juftifier.
*•
           Les quatre Eveques, intrepides en
tettte circu- ••                    j i>               r i            a
laire desm,a- voiant gronder 1 or-age iur leur tete ,
treEvecjucs. ne penfoient qu'a remplir leur devoir j
mais quoiqu'infeniibles a ce qui les re-
gardoit, confiderantneanmoins qu'en
opprimant leurs perfonnes , on ren-
ve.rfoir les loix les plus faintes de la
difcipline ccclefiaftique , ils crurent
devoir faire une tentative pour enga-
-ocr page 337-
II. P A r t i e. Liv. VI. 5 3 5
ger les Eveques de France a fe join-.
tire a eux pour en prendre la defenfe.
Pour cec effet, ils ecrivirent en leur
nom une lettre eirculaire , datee du
2 5 avril 166$ , adreflee a tous les Evc>
ques , dans laquelle ils leur reprefen-
toient » qu'il ne s'agifToit pas feule-
" ment dans cetce caufe de leur op-
i> preflion particuliere 5 mais du ren-
» verfement des plus faints Canons >
» du violement des premiers princi-
» pes de l'equite naturelle , & du der-
» nier aviliffementdela dignitecom-
» mune des Eveques «. Apres avoir
prouve que les Eveques ne peuvent
etre juges en premiere inftance que
par les Eveques du Roiaume , ils font
voir combien le bref eft contraire £
cette maxime , & donne atteinte aux
droits de l'Etat & des Eveques : ils
concluent en demandant aux Prelats
de France leurs avis & leurs lumie-
res fur les cinq points fur lefquels
il leur femble qu'ils ne peuvent fe
*aire fans une lachere criminelle j
fa voir,
» i°. Si les Eveques peuvent foufFric
» en confcience qu'on renverfe les Ca-
»• nons qui ont regie l'ordre que Ton
" doit tenir .pour faire le proces a des
«j Eveques > & qu'on introduife un
-ocr page 338-
', ...i ,J!»>>li»l»ll. " I---------------——-n
3 3<J HrSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
77g~ « ordre nouveau (8), contraire a nos
» liberies, done il feroit facile d'abu-
» fer pour opprimer les plus faints
« Prelats; 8c fi nous ne ferions pas
w coupable d'une honteufe prevarica-
» tion , en manquant par fbibJefle a
" ce qui a ete fi fagement ordonne
« fur ce fujet dans les aifemblees ge-
»> neralesde 1645 & de 1650.
» 11°. Si ce ne feroit pas encore
»> une negligence plus criminelle de
» ne pas s'elever contre cette nou-
» velle forme de jugement, ou Ton
»> ne peut que condamner & non pas
*> abfoudre , ni meme rien ecourer
» de ce qui peut fervir a la juftifi-
» cation des accufes ; ce qui eft le
» plus etrange renverfement qu'on
»> puifle imaginer, de route equite.
» III". S'il n'y a rien qui rut plus
» capable de donner lieu d'autorifer
»» l'erreur, le relachement & le de-
» fordre dans 1'Eglife , que d'y laifter
»» un exemple auiTi pernicieux que fe-
» roit celui de fix ou fept commiiTai-
>• res, qui auroient eu la hardietfe
» de faire un crime a des Eveques
m d'une conduire approuvee publique-
■ , ; ■
(8) Cette nouvelle for-    par M. de Marca ferns le
medefaire Ieprocesil'iii-    Ordinal de Richelieu tc
nocent, avoir hi inventee    a fa priere.
ment
-ocr page 339-
H. P a r t i e Liv. VI. 357
» ment par plus de vingt autres ,
w fans qu'il sen foit trouve aucun qui
» l'ait ofe improuver ouvertement.
» IV°. S'il n'eft point a. propos de
m reprefenter au Pape, que les Eve-
» ques tiennent un rang aftez conii-
» derable dans l'Eglife , pour meriter
» qu'il life les lettres qu'ils addreffenc
» an faint Siege (9), qu'il y falTe at-
» tention & qu'il y reponde , a moins
m qu'il ne veuille bien que Ton pren-
» ne fon filence pour une approbation
» de ce qu'ils lui auroient ecrit ;
» puifque , s'il y trouvoit a redire ,
i> il les en devroit avertir & leur faire
" voir en quoi ils auroient manque,
« & non pas ufer envers eux d'une
» domination auffi imperieufe & auffi
5> injufte que feroit celie de les vou-
» loir obliger de fe croire coupables ,
« fans daigner feulement leur appren-
»> dre quel eft leur crime.
« Vp. S'il ne faudroit pas auffi fal-
si re favoir a Sa Saintete , que c'eft
» trailer les Eveques, qui ont l'hon-
» neur d'etre fes freres, avec une
» indignite qui n'eft pas fupportable,
» que de mettre leurs actes publics ,
» qui portent leur nom & le Carac-
al tes quatre IvSques ayoient £crit une ietue
a Clement IX.
Tome ri,                           P
-ocr page 340-
3 3§ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
idO^o. " rere de 'eur autorire (i o), au meme
" rang que routes forces de medians
" livres, fans leur en avoir fait au-
» paravant la moindre plainte a eux-
" memes , ni leur avoir donne aucun
» lieu de reconnoitre leur faute s'ils
» en avoient commis quelqu'une , ou
» cle fe juftifter , fi Ton avoit'mal pris
:> leur penfee. Cette lettre des qua-
tre Eveques fut fupprimee par un
arret du Confeil du Roi , du 4
juillet 1668.
Tel etoit l'etat des affaires de 1'E-
0v^Ta"clesiglife de France, lorfque M. Bargel-
i.i pais. Imi, Nonce du Pape Clement IX , ar-
riva a Paris. Les premieres fondtions
de fon miniftere , comme il le dit
lui-meme, furent d'exciter de tout fon
zele les commifiaires nommes par le
Pape, afuivre 1'afiaire des quatre Eve-
ques. D'un autre cote les quatre Eve-
ques paroiflbient refolus de ne point
retradter leurs mandemens. D'en ve-
nir a. un jugement contre des Prelacs
d'un merite fi diftingue &c fi connu,
la chofe n'etoit point facile & pou-
voit avoir de grandes fuites. Deja dix-
(10) /UcxandreVH avoit    le 9 arril tin decret cflai
(ait mettre a 1'Inuex les    ordonnoit dc brOlet le JU-
jr.andemens des IvJ^ues.    tusl d'Alet.
GHmeiu IX avoic tjonijc
-ocr page 341-
II. Par tie. Liv. VI. 539
neuf Eveques prenoient hautement la
defenfe & de leurs perfbnnes & de leur
doctrine , declarant n'en avoir point
d'autre que celle de leurs mandemens;
& ajoutant meme que c'etoit celle de
tous les Eveques de France; & enun
mot , que le crime des quatre Eve-
ques n'eioit autre que d'avoir parlc
comme [Eglife s'etoit expliquie dans
tous les fiecles.
Les affaires etoient done dans un
ecat tres difficile a concilier. La Cour
de Rome ne fait ce que e'eft que de
reader ; fon infaillibite ne le lui per-
metpas.Laconfciencedes quatre Eve-
ques ne le leur permettoit pas non plus,
& ils etoient refolus a tout , plutot
que de trahir la verite & de man-
quer a ce qu'ilsluidevoient: les Eve-
quesde France, touches de Finjuftice
faite a quatre de leurs confreres qu'on
vouloitopprimercontretouteslesregles,
& fenfibles au renverfement des loix les
plus faintes de FEglife & a l'honneur
de Fepifcopat , commencoient a agir
en leur faveur, & a reclamer contre
la violence.
Enfin la Cour de France avoir pris
des engagemens qui formoient un
grand obftacle a la conciliation des
efprits. Les Princes font expofes a
Pii
-ocr page 342-
340 Histoire oe Port-ro'ial.
etre trompes par ceux qui ont acces
aupres de leurs perfonnes; ilscommen-
cent par leur infpirer l'erreur 8c leur
fontenfuite emploi'er l'autorite & la
violence pour la faire recevoir. Com-
bien l'hiftoire ne nous en fournit-elle
pas d'exemples?N'a-t'onpas vu legrand
Conftantin premier Empereur Chre-
tien , trompe par les Ariens , exiler S.
Athanate , l'intrepide defenfeur de
la foi >
C'eft ce qui arriva en France au
fujet du formulaire ; & comment cela
ne feroit-il pas arrive ? Si les Prin-
ces ont ete li fouvent trompes dans
des fiecles ou il n'y avoit pas des
feducleurs aufli habiles que ceux qui
font venus depuis dans le monde ,
comment eviteroient-ilslespieges que
leur tendentaujourd'hui ces nouveaux
maitres d'erreurs , qui ont trouve
moi'en de fe rendre maitres de leurs
confciences, & qui ont etabli leur re-
fidence dans le Palais memedes Rois ;
C'eft le cas de dire avec faint Auguf-
tin , qu'il faudroit une grande grace,
Magna gratia opus tfl. Dieu ne la fit
pas a Louis XIV. Il permit que le P.
Annat leduifit ce grand Prince , &c
abufat de fa confiance pour l'enga-
ger a demander au Pape, & appuier
-ocr page 343-
II. P A R T I E. LlV. VI. 34I
de toute fon autorite , les bulles fa-
I 66b.
vorables aux erreurs de fa fociete, &
qui ont jette toute la France dans le
trouble &c la diviiion.
Les sens de bien gemiflbient de ,,,XI"-.
q                                o                                  Negociation
ces troubles, & des maux que cau- pour l'affairs
foit cette divifion ; fur-tout de la ^ V£m £"
perfecution qu'on faifoit aux plus ha-
biles theologiens qui etoient obliges
de fe tenir caches , & aux Religieu-
fes de P. R. qu'on tenoit dans la plus
dure captivite , privees de tous les
fecours fpirituels. Cela fit penfer fe-
rieufement a chercher quelques moi'ens
de procurer la paix a l'Eglife de Fran-
ce. M. de Chalons etant venu expres
a. Paris pour informer le Roi de la
conduite des quatre Eveques , & des
raifons qu'ils avoient eues de foute-
nir les droits de l'epifcopat , fut ren-
voie a M. le Tellief Miniftre & Se»
cretaire d'Etat , qui lui dit qu'il fal-
loit accommoder cette affaire. Il en
parla a. quelques-uns de fes confre-
res, & particulierementaM. de Sens,
qui s'y interefloit le plus. Cet Arche-
veque conduifit en chef toute cette
                "
affaire , & prit des mefures pour me-
nager un accommodement avec le Non-
ce Bargellini , Archeveque de The-
bes , afin de terminer cette querelle:
Piij
-ocr page 344-
342- HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
1668. au contentement du Pape 8c du Roi.
» Ce Nonce,dit M. de Villefore (11) ,
» etoit un bongentilhomme,que fa po-
« lirefle & fa probite faifoient eftirner;
»» mais peu eclaire; ce qui le rendoit
" defiant & fouvent irrefblu; deforce
•» qu'il n'etoit habile qu'en certain
» manege naturel a ceux de fa nation.
L'Archeveque de Sens Jui rendit vi-
fite , & lui parla de l'affaire des quatre
Eveques (1 i).Lq Prelatfe propofant de
» penetrer dans 1'eiprit de ce minif-
» tre, eut bientot force les dehors
" qui en defendoient les approches ,
w & s'en empara tellement, que le
« Nonce flatte de s'etre fait un ami
« de cette importance , fe rendit fa-
» cile a tous les expediens 3c tous les
» temperamens propofes. » M. de
Gondrin reprefenta au Nonce coni-
bien il feroit glorieux a Clement IX
d'appaifer les troubles de l'Eglife
& dedonnerla paix a celle de France
comme il venoit de la donner a rou-
te 1'Europe ( i}). Le Nonce ecouta
d'autant plus volontiers les propo-
rtions faites par M. de Sens , qu'il
(11) Vie de Madame de       f 13) Par le Traite d'Aix
Longueville liv. VI. pag.    la-Chapelle de 1668 , au-
10).                                  quel il ayoit eu beaucoup
(jjJ IbiJ. p. J04.           depart.
-ocr page 345-
II. Par.tie. Liv.Vl. 345
avoit recti des lettres des Cardinaux \cG%.
Ottoboni & Azzolin, par lefquelles on
l'avertuToit de terminer cette affaire a
l'amiable en mettant a couvert l'hon-
neur du S. Siege, & il promit d'en
ecrire a Rome. Mais une des condi-
tions que M. de Sens demanda au
Nonce, fut qu'on gardat le fecret fur
cette negociation pour en fouftraire
la connoillance aux ennemis de la
paix , qui s'y feroient oppofes: c'eft-
a-dire , comme le remarque l'auteur
de I'Hiftoire des cinq propofuions ,
qu'on cacluroit ahfolumtnt cette affaire,
au confejfeur du Roi
(le Pere Annat)
& a ceux de Jon parti, ( futtout a M.
de Perefixe ).
Comme les Cardinaux Ottoboni &
Azzolin avoient recommandeauNonce
de ne rien faire , fur-tout pour ce
qui regardoit les quatre Eveques, fans
confulter M. l'Eveque deLaon , cele-
bre depuis fous le nom de Cardinal
d'Eftrees, ce Prelat entra dans le fe-
cret & negocia en bon Cito'ien Frangois.
Ainli M. de Sens, M. de Chalons & M.
de Laon furent les mediateurs de cette
grande affaire. Tout ce que ces trois
» Prelats ecrivoient ou recevoient
»> de lettres des IV Eveques , tout
» ce qu'ils avoient d'entretien enfem-
-ocr page 346-
544 Histoire de Port-roiai,;
1662T" ^e ' ou avec ^e Nonce dans la
» journee, ils alloient les foils en
» faire le rapport a l'hotel de Lon-
» gueville , ou la Princefle avec fa
« compagnielesattendoit (14). Rien
" ne leur manquoit alors pour tenir
» confeil , dit Monfieur de Villefore
» ( p. 404 ). L'etendue & 1'adivite
« du genie dans 1'Archeveque de Sens,
« la prudence & l'equite dans I'Eveque
« de Chalons, la nobleiTe des fenri-
" mens 8c la dignite des manieres
*> dans l'Eveque de Laon , la pro-
•> fondeur 8c la force du raifonnement
» dans M. Arnauld , la juftefle & la
« precifion des idees dans M. Nicole,
» le bongoik& le difcerjgiejjifint dans
» Mademoifelle de VerruS ," & le char-
=» me infinuant de la perfuafion dans
» Madame de Longueville ; de tous
« ces difFerens caradteres reunis pour
« deliberer , il devoir refulcer d'heu-
" reufes conclusions. »
Pr?jet d'ac- Les negociateurs (15), apres bien
(14) Cetce PrincefTe    I'impreflion que feroit fur
avoit ecrk an Pape apres
    l'efprit du Pape une lettrc
ion 61e£tion , une letcre
    de cette Princeife, la con-
ties plus touchantes en fa-
    firmadansledelleinqu'cUe
veur des religieufes de P.
    avoic de 1'ecrire : elle eft
R. M. de Villefore dit,
    datee du i? juillet 1*67.
livre VU p. 93, que Ma-
        (if) Hift, du Janfenif-
dame de Longueville fut
    me, T. 3. p. 119 Dupin
encouragfe pat l'exemple
    hift. eccl. du dixfepcieme
& par les projets de M.
    iiccleT. 3 p. 130 &C fuiv.
de Seas , qui preVoi'ant
    Relation de la paix.
-ocr page 347-
qnp------
II. Par tie. Llv. VI. 345
des recherches & des reflexions, ne 161S8.
trouverent pas de meilleur mo'i'en que comm0(j,,.
d'engager, ft cela etoit poffible , les menr.
quatre Eveques a faire une nouvelle
fignature pure & Ample du formulaire,
fauf a eux a drefler des proces ver-
baux, comme avoient fait MM. de
Sens & quelques autres Prelats, dans
lefquels iis donneroient les explica-
tions qu'ils jugeroient a propos , & de-
clareroient qu'en exigeant la Signature
des bulles des Papes de la part de leurs
ecclefiaftiques, ils ne leur demandoiem
la creance qu'a 1'egard des dogmes, 8c
que pour les faits , ils demandoient
feulement une fourniilion de refpecl:
& de lilence: par ce mo'i'en le Pape,
qui s'etoit declare contre les mande-
mens des Eveques, devoir etre fatis-
fait, puifque par deference pour le
faint Siege, ils auroient de nouveau
figne & fait figner le formulaire. D'un
autre cote les Eveques ne blefleroienr
ni l'honneur de leur caraclrere, ni la
verite , puifque ce qu'ils feroient, fe-
roit entierement conforme a leurs
mandemens.
M. d'Alet, a qui M. de Chalons fit xiv.
faire la proposition de ce projet d'ac- commmi^Jt-
commodement par M. de Commin- * M- d'Ai" >
P v
-ocr page 348-
34<J HlSTOIRE DE PoRT-ROiAl.
io(J8. ges (16), temoigna d'abord quelque
qui y metd esdefiance de ces propofitions,& ditqu'a-
conditioD$. vant que de les accepter, il falloitles
MM. dAn-                 *■ ■                x •»,»/ 1, a                  o i
gers & de commumquer a MM. d Angers & de
B'-!UValslai,*Beauvais&auxdieologiensqui etoient
dans la meme cauie ; & il ajouta les
conditions fuivantes : » i°. Qu'on
» laiflar la liberte aux quaere Eveques
>» de faire leurs proces-verbaux com-
» me ils voudroient : 2°. Qu'ils fe-
» roient auffi les maitres de la lettre
" qu'ils ecriroient au Pape, laquelle
» ieroit refpeclueufe ; mais qu'on ne
" pourroit les obliger d'y mettre au-
« cuns termes obfeurs , ambigus &
» equivoques ; que toutes les expref-
« lions en feroient tres claires & qu'il
» n'y pourroit rien avoir, qui fenrit
» tant foitpeu la retractation: 5°. Que
« 1'accommodement feroit general,
» e'eft-a-dire qu'il embrafleroit 8c les
>i docteurs & les religieufes de P. R.
m qui etoient dans la meme caufe, fans
» quoi il ne pouvoir y avoir de verita-
» ble paix.
Les Eveques de Beauvais & d'An-
f;ers temoignerent qu'ils approuvoient
e projet d'accommodement en la ma-
(itf) Il fe rfndic pour cslai Aletle jj juia avec
M. de Pamiers,
-ocr page 349-
II. Par tie. Liv. VI. 347'_______
niere que M. d'Alet en etoit convenu. 166%.
On eut plus de peine , dit M. Du-
pin (17), a tirer le confentement des
theologiens qui etoient dans la me-
me caufe , parcequ'ils ne parol flbient:
pas, & qu'ils faifoient plus de difficu'.te
de donner les mains a cet accommo-
dement. La refiftance ne fut pas lon-
gue, & ils y acquiefcerent auffi-toc
que MM. de Sens & de Chalons en
eurent confere avec M. Arnauld & M.
Nicole.
Les Prelats negociateurs voi'ant que n ^crom.
les IV Eveqites & les theologiens con- mimiquS an
fentoient au projet d'accommodement jc0L^nne,M'
ne penferent plus qu'a agir & faire
agir M. de Lionne aupres du Nonce,
pour qu'il 1'agreat & le fit agreer au
Pape. M. de Lionne, qui defiroit fort
la paix, entra fans peine dans routes
les raifons qu'on lui allegua , & les
reprefenta tres vivemenr a. M. le Non-
ce , pour lui faire voir la neceffite de
terminer ce differend , 8c les difficul-
tes qu'il pourroit y avoir , fi on pour-
fuivoit a la rigueur le jugement des
quatre Eveques (18). II lui fit fentk
que leur caufe etoit infeparahle de
celle des dix-neufs Prelats qui avoient
(17) Tom. ?. hift. cccl. da dix-fept. fiecle p. ijj.
(18; Hift. du janfenifme T. 3. p. 1 ji.
P Vj
-ocr page 350-
34§ HiSTOIRE D E PORT-ROIAL."
6-(j§# dcja ecrit en leur faveur au Pape > &
de beaucoup d'autres qui etoient pres
de fe joindre a eux ; que les perfon-
nes non paffionnees avoient une extre-
me indignation contre les commiifai-
res nonimes pour faire le proces aux
quatre des plus faints Prelats qui fuf-
fent dans l'Eglife ; que quelques-uns
memes des commiiTaires fentant l'o-
dieux de certe commiflion 1'avoienc
refufee; que tous les honnetes gens
avoient de la veneration pour le me-
rite des quatre Eveques accufes , &
une eftime finguliere pour la capacite
de ceux qui fe croi'ant obliges de les
defendre s'en acquittoient avec rap-
probation de toutes les perfonnes non
prevenues : qu'ainfi il etoit de la gloi-
re du Pape d'eteindre un feti qui avoir
deja fait un grand mal, & quine fe-
roit jamais aucun bien , &c. Enfin ,
il lui propofa : » Que Sa Saintete
" fe contentat que les quatre Prelats,
» pour lui dormer des marques de
« leur refpect 8c de leur foumi/Iion ,
» fiffent figner de nouveau le formu-
» laire au bas des proces-verbaux, 8c
» qu'enfuite ils ecrivillent a Sa Sain-
« re re une lettre pleire de refpedt &
" de foumiflion (1$>). Le Miniftre lt&-
(1?) Dupin, hid. eccl. du dixfep. Cede T. j. t \
\
-ocr page 351-
II. P A R T I E. LlV. VI. J 49 _______
lien entra dans les raiforis de M. de 1668..
Lionne , & promit d'ecrire a. Rome
de bonne forte. Il ecrivit effective-
ment au Cardinal Rofpiglioli , neveu
du Pape, d'un ftyle qui engagea cette
Cour a fe preter a un accommode-
ment.
Avant que le Nonce eut recu repon- xvr_
fe a fa lettre , les Prelats negociateurs Protet aff
1               1            -j'                       1                la lettte des
parlerenc du projet d accommodement qUatres Eve-
aux Miniftres, qui temoienerent fou-q«« au i>aPe,
1 -                                  rC • r               • a          drefle par M.
haiter que cette artaire le terminal an Amauid,
gre du Pape & des Eveques de France.
M. le Tellier propofa a. l'Archeveque
de Sens de dretfer le projet de la let-
tre que les quatre Eveques ecriroient
au Pape , afin de prevenir l'ere&ion du
tribunal des commilfaires , qui fe de-
voit faire auffi-tot que ceux qui etoient
abfens , feroient arrives a Paris. Ce
projet fut dreffe par M. Arnauld & fes
amis, & revii par les Eveques de Sens
& de Chalons qui le firent voir aux
Miniftres. M. de Lionne le montra
meme au Roi , Sc temoigna que Sa
Majefte l'avoit agree (10).
Vers le commencement du mois xvir.
d'aoCxt, le Nonce recut reponfe de Ro- .J*, f onc5
me , lur les propolitions d accommo- de Koraet
dement qu'il avoit faites. Le Pape
(to) Hill, du janfcnifmc T. j. p. 1}J
-ocr page 352-
3 5° HlSTOTRE DE PoRT-ROJUI.
1668. temoignoit agreer 1'expedient d'une
nouvelle fignature , & donnoit pou-
voir a fon Miniflre de convenir avec
l'Archeveque de Sens & les Eveques de
Chalons & de Laon des termes de la
lettre que les quatre Eveques ecri-
roient. Le Nonce tint quelque-tems
cette reponfe fecrete ; mais les com-
miilaires etant tous arrives a Paris, &
leur chef commencant a prefler l'erec-
tion de leur tribunal, M. de Sens alia
trouver le Nonce pour fa voir s'il n'a-
voit poinr recu de reponfe de Rome.
Le Nonce lui avoua franchement qu'il
l'avoit recue , 8c qu'elle lui donnoit
pouvoir de convenir avec lui des ter-
mes de la lettre que les quatre Eve-
ques ecriroienr. if ajouta qu'il avoit
renu cela fecret, parcequ'il falloit qu'il
continuat toujours de parler centre les
f
du
atre Eveques pour cacher fa con-
ite aux perfonnes mal intentionnees
pout la paix , & il demeura d'accord
qu'il ne falloit pas differer davantage
d'en donner avis au Roi & aux Mi-
niftres: ce qu'il fit (21).
xviii. Le Roi, qui avoit refolu de n'ap-
On lui don-                              *                              ,                    r
ne commu- prouver aucun accommociement que
nication du [e pape ne fut content, etant informe
itttreauPape.de la reponfe de Sa Saintete, ordon-
(ii; Dupin, p. J}7.
-ocr page 353-
II. Parti v.. Liv. VI. 351
na a M. de Lionne de dire de fa part
a M. de Sens, qu'il communiquat au
Nonce le projec de letrre qui avoit
ere dreiTe pour le Pape. Le j d'aout
Monfieur de Sens alia trouverle Mi-
niftre Italien , & lui communiqua le
projet , auquel il fit quelque change-
menr. M. de Sens promit au Nonce
que les quatre Eveques la figneroient,
& le Nonce de fou cote s'engagea de
la faire agreer au Pape. Enfuite M. de
Sens propofa au Nonce de parapher
la copie ou il avoir fait quelque chan-
gement, comme il le feroit lui-meme
arin qu'elle fervit d'original : ce qui
fut auffi-tot execute , 8c ce qui caufa.
une extreme joie a l'Archeveque qui
voioit la conclufion d'une affaire , qui
alloit donner la paix a l'Eglife , puif-
que le Nonce avoit tout pouvoir pour
la terminer.
M. de Sens promit d'envo'ier en di-
ligence un courier a M. d'Alet, pour
avoir fa fignature & celle des trois Eve-
ques qui lui etoientunis dans la me-
me caufe. Il alia a l'Hotel de Longue-
ville porter cette nouvelle auxtheo-
logiens interrefles dans cette affaire ,
qui eurent -beaucoup de joie de la
reuflite de fa negociation. Le lende-
main il en rendit compte au Roi >
-ocr page 354-
$5* HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
i662. lui niontrala lettre paraphee , & re~
cjut ordre de l'envoier aux quatre Eve-
ques. On depecha un horn me de con-
fiance , nomme du Laurent, a M. d'A-
let, a qui M. de Sens ecrivit pour
le determiner a figner fur Je champ
la lettre au Pape. Meilieurs de Beau-
vais & d Angers la fignerent fans diffi-
culte.
xix.
          If n'en fut pas de meme de M. d'A-
Repugnancelec qlu' eut d'abord beaucoup de re-
de M. d Alet
         L        - , .        1 1 , , 1 r>
pour/igneriaPlignance. M. Arnauld , M. de rsarcos
lerireauPape.Abbe de faint Cyran,lui ecrivirentdes
lettres tres fortes a ce fujet. MM. de
Comminges 8c de Pamiers fe rendi-
rent a Alet, le 22 Aout, alapriere
de MM. de Sens & de Chalons , pour
l'engagera la figner telle qu'elle etoit.
Neanmoins il ne voulut la foufcrire
qu'apres y avoir fait deux changemens
dont il rend railon dans une lettre ,
qu'il ecrivit a M. de Sens en date dix
22 aout 1668. Il avoitpafle dans cette
lettre fur plufieurs autres dirficultes,
qu'il avoit expofees dans un memoi-
re, & fe reduifoit dans la lettre a deux
additions qu'il croioit elTentielles &
abfolument neceffiires. « L'eflentiel
» pour nous dans cette affaire , dit
» M. d'Alet, eft que la doctrine de
» nos mandemens ne receive point
-ocr page 355-
II. Part ie. Liv. VI. 555
» d'atteinte, & que nous ne donnions 1($6<3.
» point fujet de croire , que nous y
» ayions renonce par I'acccommode-
» ment. » On repondit aux difficul-
tes de M. d'Alet, enfi.11 vaincu
F
ar les lettres que lui avoient ecrites
Archeveque de Sens, MM.les Eve-
ques de Chalons , d'Angers & de Beau-
vais, il fe rendit & foufcrivit la let-
tre fuivante ( u).
» Ties Saint Pere , comme iln'eft tetue'dei
•» pas moins du devoir des Eveques, qua«e Eve-
» de conferver 1'union de la charite"111^au ape*
» que la verite de la foi, tous ceux
» qui nous connoilTent , favent que
» dans toute notreconduite nous avons
» toujo&tjjitache de ne nous ecarter
» jamais de ces deux regies fi impor-
« tantes. C'eft une difpofition que
» nous avons toujours apportee dans
»> le coeur •, mais nous nous fommes
» trouves fingulierement animes a en
» donner a. toute l'Eglife une preuve
m eclatante dans l'afiaire prefente des
» foufcriptions , en nous perfuadant
» que les mefures que nous allions
m prendre en cette occafion , feroient
» un temoignage de refpeft honora-
» ble au S. Siege. Car, a'iant appris
» que dans la maniere d'execute: U.
(«) Dupin T. 5. p. «}S.
-ocr page 356-
554 MlSTOlRE DE PoRT-ROlAL.
6~6FT " conftitution du Pape Alexandre VII,
« & de foufcrire un formulaire de
» foi , plufieurs des Evequesde Fran-
" ce nos confreres $ quoiqu'unis avec
" nous dans les memes ienrimens ,
» avoient neanmoins fuivi dans la
» difcipline une conduite differente
» & qui avoit ere plus agreee de votre
« Saintete, nousavons cm les devoir
» imirer en ce point, (13 ) en chan-
» geant de conduite fur la maniere
» d'exiger la Jignature du Formulaire ,
»
parceque nous n'avons rien plus a
« caeur que de conrribuer a la paix
» & a 1'union de 1'Eglife , & de don-
» der des marques de notre relpe<5fc
- pour le Siege Apoftoliqtie. C'eft-
» pourquoi , aiant comme eux
» aflembie les Synodes de nos Dio-
« cefes , nous avons ordonn^ une
» nouvelle foufcriprion, ( & nous l'a-
« vons auffifake ( 24 ) nous - memes)
»
nous avons donne a nos ecclefiafti-
» ques les memes inftructions que
»> ces Eveques avoient donnees aux
» leurs ; nous leur avons preterit la
« meme deference pour les conftitu-
w tions apoftoliques qu'ils avoient
(ij. Ce qui e/l ici en (14) Ces paroles furent
italique fut retranchi ajoutees parle Nonce.
par le Nonce.
-ocr page 357-
II. Par.tie. Liv. VI. 555
1 prefcrite a ceux qui leur font fou- 166Z.
•   mis ; &c comme nous avons ete tou-
1 jours unis avec eux dans la meme
1 dodtrine & dans les memes fenti-
1 mens, nous nous fommes encore
>  unis a eux dans ce point de difci-
1 pline & dans la maniere d'agir.
>   Nous ne defavouons pas,tres S. Pere,
>   que ce n'a pas ete fans peine & fans
■   difficulte que nous en avons ule de
>   la forte , parceque nous n'ignorions
>   pas combien ce changement de con-
>   duite & de difcip'ine donneroit
>   occafion a des perfonnes mal inten-
>  tionnees de parler de nous d'une
■   maniere defavantageufe : mais quel-
•   ques uns des Eveques nos confre-
» res , qui travaillent avec beaucoup
>   de zele a calmer tousles troubles de
>   l'Eglife , nous a'iant reprefenteque
' c'etoit - la le moi'en d'y retablir la
>   paix , & que cette conduite etant
plus refpedueufe envers votre Sain-
>  tete lui feroit aufli plus agreable,nous
j n'avons pu rien refufer a des con-
>   fiderations fi chretiennes, etant re-
" folus comme nous fommes, d'em-
■> ploYer non - feulement tout ce que
" nous polfedons en ce monde , mais
» notre vie meme, pour affurer la paix
" de l'Eglife. Car quelques bruits ^
-ocr page 358-
55^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAr.
»  tres S. Pere, qu'aienc femes de nous
»  ceux qui ne nous aimenc pas , nous
»  pouvons prendre Dieu 8c norre
"  confcience a temoin, que nous avons
»   roujours eu a l'egard de 1'Eglife de
» Rome la meme diipo/ition d'efprit
"  & de cceur , qu'ont eue les Eve-
»  ques de 1'Eglife Gallicane des pre-
"  miers iiecles de 1'Eglife, & qui a
"  toujours ete fort agreable au S. Sie -
»  ge. Car comme nous favons que la
«  foi eft inutile fans la charite, nous
»  favons auffi que la charite ne feroit
"  pasagreable,/! elle refufoit de rend re
»  aux Puiflances ecclefiaftiques ce qui
«  leur eft du , felon le degre d'hon-
»  neur oil Dieu les a etablies ; fi
m  elle ne reconnoiftbit dans les fuccef-
»  feurs de faint Pierre, la primaute
»  de 1'Eglife, que Jefus-Chrift a don-
«  nee a cet Apotre, & fi elle ne con-
»  fefloit que les Eglifes repandues dans
»  tout le monde doivent etre necef-
»  fairement & infeparablementunies
m  a 1'Eglife Romaine comme a la four-
»  ce de 1'unite. Nous porterons cette
*  foi, tres S. Pere, jufqu'au tribunal de
"  Jefus-Chrift. Nous en donnerons des
»  marques publiques, tant que nous
»  vivrons , & nous ne manquerons
v  jamais a aucun des devoirs aux-
-ocr page 359-
II. P A R. T I E. L'lV. VI. 357
» quels des Eveques Cacholiques font
» obliges par la profelfion de cette foi.
» Cette deference religieufe , tres
» S. Pere, qui eft fondee fur la foi
y> meme , & qui eft gravee profon-
» dement dans notre cceur, n'eft pas
» feulement un refpect generalement
» du a tous les fouverains Pontifes,qui
» ont rempli le Siege Apoftoliquejc'eft
» encore undevoir particulier,quenons
» rendons a votre Saintete , qui aiant
» donne des preuves fi fingulieres de
" fon zele pour retablilfement de
" la paix temporelle & fpirituelle de
» l'Eglife, exige de nous une affec-
>» tion finguliere , & une veneration
» que nous lui rendons avec autanc
« de joie qu'elle l'a meritee avec
» juftice. Nous efperonsaufti en meme
" terns , que les nuages que quelques
» fotipgons avoient pu former etanc
»» dilnpes , votre Saintete fe portera
» d'elle - meme a repandre fur nous
» des effets de fa bonte & de fa cha-
» rite Apoftolique. Ainfi , apres avoir
» deracine avec tant de gloire routes
» les femences de divifion qui pour-
» roient troubler ou la tranquillite
" des Etats, ou l'union des fideles ,
" votre Saintete pourra s'appliquer a
» 1'avenir avec tout fon zele Sctoute
-ocr page 360-
35 8 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAl..
i(j55< " ^a lumiere a la guerifon des plaies
35 de l'Eglife univerfelle, dont le foin
» lui a ete confie. C'eft pour ceJa ,
« tres S. Pere , que nous demande-
" rons fans -eerie a Dieu par nos prieres
» 8c nos facrifices, que pour le bien de
» fon Eglife il conferve long-terns
» votre Saintete, qu'il rendc fon Pon-
» tificat durable, & qu'il la comble
» elle-meme de fes benedictions & de
» fes graces les plus abondantes. »
Le premier feptembre 1668.
jJxJ'Alet Comme il falloit un terns cor.fide-
Cgneiaiettre. rable pour recevoir reponfe d'Alet ,
joiedu N<M1"cette longueur donnoit beaucoup d'im-
patienceaM.le Nonce, qui envo'ioit
fouvent demander fi le courier n'etoit
pas encore de retour. Enfin il arriva
le 14 de feptembre; & auili-tot que M.
de Sens eut recu la lettre avecl'exem-
plaire de celle qu'il ecrivoit au Pape,
conforme au projet qu'on lui avoit
envoi'e , il courut en donner avis au
Nonce , qui en embraflant l'Arche-
veque avec de grands fenrimens de
joie faflura que la nouvelle qu'il lui
apportoit, lui faifoit plus de plaifir
que n'auroit fait celle d'unchapeau de
Cardinal. M. de Sensne pouvantalors
entretenir plus long-terns le Nonce ,
lequitta pourallerai'Hotel deLongue-
-ocr page 361-
________j ^                  ______ ,,----------------' ! —m---------1-----1--- MN" , ,IJi|ipppi
II. Partii. Liv. VI. 359
ville , ouiaDuchefle l'attendoit avee—T7Z
Mademoifelle de Vertus , & leurs pri-
fonniers,MM. Arnauld, Nicole & La-
lane. Ii feroin difficile d'exprimer quels
furent les tranfports de leur joie.
Les Prelats mediateurs donnerent xxII-
avis de cette nouvelle aux Miniftres, mediates
pour les avertir de preparer le Roi a °nt au.dience
I audience du Nonce. Ce miniftrepar-
cit de Paris pour faint Germain en
Laye , le 16 feptembre (15). Les deux
Prelats ( MM. de Sens & de Chalons )
qui l'avoient precede , prierent M. de
He Lionne & M. le Tellier, de leur
iaire avoir audience. lis y furent ad-
mis avec les diftindtions les plus fla-
teufes. Apres qu'ils eurent rendu com-
pte au Roi de l'heureux fucces de la
negociation , a laqueile il leur avoit
fak l'honneur de les emplo'ier, Sc
qu'ils lui eurent reprefente la gloire
qu'il auroit de tirer tant d'habiles
gens de l'obfcurite pour les mettre
en etat d'emploi'er ieurs talens a la
defenfe & a l'^dification de 1'Eglife ,
ce Prince qui les avoit recus feuls
dans fon Cabinet, dit tout haut lorf-
qu'ils fortirent , aiin que tout le mon-
de l'entendit , Meflimrs , vous aure^
Uy) Vie de Madame de t-onfpifflriile L. 6 p. m.
JJift. du Janfenifme T. 3. p. 157.
-ocr page 362-
3 (Jo HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
i<5<jg. urtegrande gloire de cet accornmodement.
xxlII         Le Nonce eut enfuite fon audience,
Le Nonce eft & declara a Sa Majefte que le Pape
teS'Ro-etoic fatisfait & que l'affaire desqua-
tre Eveques etoir finie, mais que com-
me il ne vouloit manquer a aucune
des mefures de refpecT: qu'il devoit
avoir pour fa Saintete, il fupplioit trcs-
humblemenr Sa Majefte de trouver
bon que toutes chofes demeilra'rent
fulpendues jufqu'a ce que le Pape eut
re§u la lettre des IV Eveques, 8c que
Je courier qu'il alloit faire partir fur
de retour ( z6 ). Le Roi y confenrit ,
&c les commifTaires furent congedies
& renvoi'es dans leurs diocefes. Le
Nonce fur fi rouche des marques de
bienveillance que le Roi lui temoigna,
qu'en forranr, fansfonger que la paix
n'etoit pas encore divulguee , il re-
peta plufieurs fois , efinito , epiu eke
xxiv. finito.
piaimcs du Pendanr que la joie que caufa
V. Annat au                         II         ' ■         c fl 1
Nonce & au cette nouvelle , etoit univerfelle dans
Roi.
           Paris, comme elle le fur bientor dans
Retonfes               \ r                                  ...
qu'ii en re- toure la trance , ceux qui aimoient
foh.           le trouble & la divifion en furenr ex-
rremement allarmes, EccUJi&pax, bel-
(i6) Dup. T. 3. hift. p. 137. Vie de Madame
eccl. du 17 Cede p. 14$. de Longuevilie liy. 6. p.
Hift. du Janfenifnu* T. 3. 111.
lum
-ocr page 363-
uy.mi.i|i»i.iui|ii| '■■«i-U'lmW-IHHj.,..... ,;ija«W,|uiilJiigJii!>ii)«il'W.I||Hi,lt
II. Part ie. Llv. VI. $61
ium eJlDiabolo & Angdis ejus. Quel- 166S,
ques jours meme auparavanr, fur le
bruit qui avoit couru de cet accom-
modement, le P. Annat alia trouver
le Nonce pour le prefler delui en de-
couvrir la verite, & fe plaignit qu'il
lui cachoit une chofe ou toute fa
compagnie etoit fi fort intereflee , le
menacant en quelque fac_on de fon
reflentiment &c de celui de fa fociete,
& lui reprochant avec aflez d'infolen-
ce, qail avoit mini par la foiblejfc
d'un quart d'heure , I'ouvrage de ZO
annees.
Le Nonce , qui etoit alors
dans fon acces de force & de cou-
rage , lui ditd'unton aflez ferme qu'il
l'allat demander au Roi. Le Perene
manqua pas d'yaller, & il tacha fe-
lon fa coutume de faire entendre &
Sa Majefte que cet accommodement
alloit a la ruine de la Religion & de
l'Etat. Mais le Roi lui repondit aflez
froidement: » pour ce qui eft. de la
» religion, c'eft 1'affaire du Pape. S'il
» eft content , nous le devons etre
» vous & moi, Et pour ce qui eft de
» monEtat, je rie vous confeillepas
» de vous en mettre en peine, je
» faurai bien faire ce qu'il faudra. «
Le Jefuite ne fe rebutant point ,
s'adrefta enfuite aux Miniftres ; mais
Tom. VI.                      Q
-ocr page 364-
;6i HrsToiRK de Port-ro'ial.
i6<jS, il effui'a de la part de M.deColbertune
reponfe telle qu'il la meritoit. Quel~
Us font done vos pretentions , mon
Pere ? lui dit ce grand Miniftre. Elks
nefontautres , repondit le Jefuite, que
de procurer la paix de I'Egli/i. He-bien ,
mon Pere , repliqua M. Colbert, foie^
done content, puifque vous ave[ cequc
vous pritende^.
xxv. Les quatre Eveques qui avoient man-
tvh\:vT(om de au Pape dans !eur lettre qu'ils avoienr
%ncr le for- fait figner le formulaire dans leurs
dr'dftm des fynodes,fuppofantqu'avantquelalettre
proch - vet- fat en vo teeou recue a Romeda chofe fe«
quels thS<iiC- roitexecutee, tinrentleur aflembleej ou
tinguem le Us firent figner le formulaire a leurs ec-
au i u ion. ci^fJafl;iqUes au Das Jgs proces-verbaux,
dans lefquels ils declarerent (2.7) » i".
a Que par la signature, on s'obligeoit
n a condamner fincerement, pleine-
« ment & fans aucune referve ni
» exception, tous les fens que l'Eglife
« & le Pape avoient condamnes 8c
»
condamnoienr dans les cinq propo-
» iirions ; enforte qu'on fit profemon
» de n'avoir point de doctrine fur
»» ce fujet, que cellede l'Eglife catho-
m lique, Apoftolique & Romaine :
•> iy. Que ce feroit faire injure a 1'E-
(17) Dupin,hift. cccl, da i7.fiecle. T. }. p. ifo,
if 1 & fuiv.
-ocr page 365-
f
II. Partie. It'v. VI. 363
>» glife que de comprendre enrre ces 1668.
» lens condamnes par l'Eglife dans ces
» propoficions la doctrine de faint
» Auguftin & de faint Thomas tou-
» chant la grace efficace par elle-me-
" me neceilaire a. toutes les actions
" de la piete chretienne, & la pre-
» deftination gratuite des elus, a la-
» quelle toute l'Eglife convient que
» les Papes n'ont donne aucune at-
» teinte : 3°. lis declarent, qu'a I'e-
» gard du fait content! dans le der-
» nier formulaire, on etoit feulement
» oblige par cette fignature a une fou-
» million de refpect & de difcipline,
» qui confide a ne point s'elever con-
» tre la decifion qui en a ete faite,
» 8c a. demeurer dans le filence pour
» conferver I'ordre qui doit regler
» en cette matiere la conduite des
» inferieurs a. Tegard des Superieurs
» ecclefiaftiques, ( parce que l'Eglife
»» n'etant point infaillible dans ces for-
» tes de faits, qui regardent les fen-
» timens des auteurs ou de leurs livres,
» elle ne pretend point obliger par la
" feule autorite de fa decinon , fes
» enrans a. les croire ( z8 ).
Cependant le courier que le Nonce
(;8) Cette addition eft dans le proces verbal de
M. d'Alet & non dans les autres.
Qij
-ocr page 366-
3^4 HlSTOIR'E DE PoRT-Roi'At.
i66S. avoit depeche a Rome, yarrivale 25
fepcembre , 8c rendit les lettres du
Nonce 8c du Roi au Pape, qui en te-
moigna une grande joie , auffi bien
que les miniftres de Sa Saintete; &
on encendit les Cardinaux Azzolin 8c
Rofpigliofi fe dire l'un a 1'autre : graces
a Dieu , nous fommes jortis d'une me-
chanic affaire.
Le Pape tinr le 2S une
congregation de Cardinaux , dans la-
queile on examina les depeches du
Nonce , la copie de la leitre des qua-
rre Eveques, 8c celle de M. de Lionne
a Sa Saintete, dans laquelle ceMinif-
tre avoit marque tout au long les rai-
ibns pour lefquelies le Roi ne croi'oit
pas que Sa Saintete dut rejetter cette.
voie de terminer des differends qui
n'auroient pu fe pouder plus loin fans
caufer de grandes divisions & de grands
troubles. Ceux qui compofoient la
congregation approuverent ces raifons,
8c aiant beaucoup loue l'accommode-
ment, on depecha le lendemain 29
im courier, qui fut charge d'un bref
du Pape au Roi, par lequel Sa Sain-
tete lui temoigna etre tres contente de
l'accommodement & de la foumifiion
des Eveques. Ce Bref arriva a Paris
le imit octobre. Le bruit ferepandit
guffi-tot que Paffaire des quatre Eve-
-ocr page 367-
IT. Par tie. Liv. VI. $(.$
nues etoit finie : cependant le Nonce T777,
fit dans cette circonltance une propo-
fition qui troubla la joie , & caufa
de l'allarme. Ce miniltre , foit qu'il
flit inquiete par fes irrifolutions ordl-
naires,
comme dit M. de Villefore (29)
& par les difcours que lui tint em les
ennetnis de la paix ;
foit qu'il eut re-
cu des ordres fecrets, comme le dit
M. Dupin, de tirer, s'ilpouvoit, quel-
que plus grand eclaircijjement fur ce
qui s'etoit pajje dans les Synodes des
quatre Eviques, & un certificat quils
y avoient Jigne & faitjigner le jormu-
laire ;
ce Miniftre , dis-je , fit dire
par M. de Lionne aux Prelats media-
teurs , que l'accommodement ne pou-
voit etre folide , a moins que les qua-
tre Eveques ne donnaflent ce certifi-
cat.
Cette difficulte furprit M. de Sens, i*^ITc'Cu.
mais elle fut levee par M. de Chalons clue j jo;e
3ui donna ce certificat figne de lui & X'
e M. Arnauld. (On peut voir ce cer-
tificat a la fin du volume.) II fut re-
mis entre les mains du Nonce, qui
mit en meme-tems dans celles de M.
de Lionne le bref du Pape pour le
Roi, comme on en etoit convenu :
puis il dit a MM. de Sens &de Cha-
(ij) Vie de Longuev. liv. VI, p. 114.
Qiij
-ocr page 368-
}66 HlSTOIfcE DE PoR.T-K.01At.
166%, Ions, que le Pape etoit entierement fa-
tisfait de la foumiflion des quaere Eve-
ques qu'ils pouvoient publier que ces
conteftations etoient finies , &c que la
paix etoit dans 1'Eglife (30). Etpour
preuve que le Pape ne mettoit point
de diltin&ion entre les quatre Eve-
ques & les autres Prelats de France>
il donna a M. de Sens des brefs, ad-
drefles a eux comme aux autres Pre-
lats , pour demander des prieres con-
tre le Turc. II ajouta qu'avec le tems
il leur en enverroit de particuliers fur
l'accommodement, mais qu'on n'avoit
pas eu le loifir de les expedier, tant
on avoir ete preiTe de renvoi'er le cou-
rier pour apprendre une fi bonne
nouvelle. Le Pape ecrivit aux quatre
Eveques le 19 Janvier de l'annee fui-
vante , & leur donna des marques du
retour de fa bienveillance pour eux.
Il adreffa auffi un bref aux Prelats
mediateurs pour leur temoigner la re-
connoifTance qu'il avoit de leur heu-
xeufe negociation.
La paix ne fut pas plutor annoncee
de la forte, que la nouvelle s'en re-
pandit ce meme jour dans tout Paris,
ou elle caufa Une joie inexprimable.
f;o) Dupinibid p, 170: Hift. du Janfenifnw T. j.
p. Z40.
-ocr page 369-
II. Part11. Lh. VI. 357_______
Tout le monde s'empreiTa d'aller fe- 1($6S.
liciter le Nonce. Tous les fuperieurs
ecclefiaftiques , tous les Superieurs re-
guliers , Benedi£fcins , Chanoines re-
guliers , Jacobins, Auguftins » Capu-
cins 5 &x. Tous , ( excepte les Je-
fuites ) lui firent compliment & te-
moignerent leur joie. Mais il y eut
encore plus de concours chez les deux
Prelats mediateurs.
L'Archeveque de Sens, pour affer- xxvn.
mir davantage la paix de 1 bgule par rcll(j vil-lte au
des demonftrations exterieures , ima- Nonce.
gina de faire voir au Nonce M. Ar-
nauld. Le Nonce l'agrea, &c M. de
Sens conduific chez lui ce grand hom-
me avec fes deux amis , M. Nicole
& M. de la Lane. L'entrevue fe fit
avec tous les agremens imaginables,
& le Nonce fut tranfporte de joie en
embraffant M. Arnauld, & lui temoi-
gna l'eftime qu'il avoir pour lui, pat
ce compliment : Monfitur, lui dit-il,
vous ave^ ufie plume d'or pour la de-
fcnfe de I'Eglifc de Dieu: Signor rnio,
voi havete una pennad'oro, per defen-
fa de la Chiefa. di Dio.
                        xxviu.
Le bruit de cette vifite alia jufqu'a u Nonce
Chambor , ou etoit alors le Roi qui *^""e k£*
eut la bonte de dire , que puifque le *u farisfau
Q iv *           dc.s VXin* E"
vequcs.
-ocr page 370-
3<jS HlSTOIRE BE PoRT-ROlAI
Nonce avoit vu M. Arnauld , il defi-
roit audi de le voir lorfqu'il feroit a
faint Germain. Sa Majefte y arriva le
21 oclobre , & elJe donna des ie len-
demain audience a M. le Nonce, qui
l'aftura que le Pape etoit pleinement
fatisfait des quaere Eveques ; qu'il
croi'oit que Sa Majefte en avoit deja
ete informee par le bref de Sa Sainte-
te , & qu'il n'avoit rien a y ajouter ,
finon qu'il lui pluc de continuer de
donner fa protection a l'Eglife, alin
d'y maintenir cette paix. M. de Paris
vit ce meme jour le Roi , qui en le
prevenant arreta les plaintes que ce
Prelat venoit lui faire. Sa Majefte l'af-
fura qu'elle l'avoit eu particulierement
en vue dans cette paix, & qu'elle
avoit fonge a lui procurer du repos
en le tirant de l'embarras ou il etoit.
M. de Paris fut oblige de changer fes
plaintes en remerciemens ;de forte que
ie Roi ai'ant ajoute qu'il ne reftoit
que les religieufes de P. R. a tirer
d'affaire, & qu'il fallok qu'il vitbon-
nement ce qu'il pourroit faire fur le
pie de ce que le Pape avoit fait au
fujet des quatre Eveques , M. de Pa-
ris ne pouvant reiifter a des propor-
tions ft equitables 6c n" bien appuiees,
-ocr page 371-
II. Par tie. Liv. Vl. 3^5?
die a Sa Majefte plufieurs vues qu'ii j^jTiT"
avoir fur cela (31).
Le meme jour , le Roi ai'ant temoi- *XJX'
gne qu'il vouloit voir M. Arnauld
3 fire dc voir
M. de Lionne en avertit M. de Pom- u- fo™uli-
ponne. Le confrere de Brienne nous
apprend a ce fujet un trait admirable
de ce grand homme > qui fait bien
connoitre quelle etoit fa modeftie &c
fon humilite ( 31 ). Quelques jours
avant qu'il fut prefente au Roi, M.
de Brienne qui fe trouva dans fa charn-
bre a l'Hotelde Longueville , s'appet-
cevant qu'il avoir quelque peine d'ef-
prit,lui endemandale fujet. » Je vous
" avoue, mon cher Monfieur , repon-
» dit M. Arnauld, que je me trouve
» fort embarraffe , parce que n'ai'ant
» jamais vu le Roi , je ne fais pas
» bien comme il faut lui parler.
» Plus j'y penfe , &c moins je trouve
" en moi de paroles dignes de ce
» grand Prince, & qui repondent A
» la reputation bien ou mal fondee
» que m'ont acquife mes ouvra-
" ges 5 voila le fujet de mon inquie-
» tude dont vous vous etes appenju
» le premier. Mais , ajouta-t-il avec
(51) Hill. dujanfenif-    progtes du Janfcnifme.
me T. 3. p. 141.                Vo'iezMem hift. & cbro-
(;i) Memoires ma-   nolog. T i. p. 181 8C
suifcrits fur l'origine 5c le   fuiv.
Q.v
-ocr page 372-
37© HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
une humilite qui me fit rougir &
& me couvrit de confufion, fi vous
vouliez, vous qui avez tant d'ufa-
ge de la Cour ( }}), me tirer de la
peine & de J'embarras oii je me
trouve , je vous en aurois la der-
niere obligation. Jel'embraiTaicor-
dialement a cette parole Ci humble
& fi humiliante pour moi , &C je
lui dis : vous vous moquez , mon
tres cher maitre, de votre pauvre
& foible ami. Moi, faire une haran-
gue pour M. Arnauld ! Ma foi !
pour le coup , fi vous n'avez d'au-
tre foufleur que moi, vous pou-
vez bien demeurer muet fur la
fcene, qui vous eftraie de loin,
& qui vous paroitra de pies moins
terrible. Mais que voulez vous dire
au Roi ? Figurez vous que je ie
fuis, & parlez moi fans aurre pre-
paration , comme nous faifons en-
femble des affaires du pretendu Jan-
fenifme.. Il trouva l'espedient fort
bon , & aiant pris fon long man-
teau , fes gands , & fon chapeau,
je me mis gravement dans fon,
()l) M. de Brienne avoit    Etant devenu veuf en
herein 1 an i«ti, 3 Page    M64 , il cnira a l'Ora-
de feize ans en lurvi ance    toire polity cue iimpje
de fon pefc dans la char-    confrere,
ge de Secretaire a Eut.
-ocr page 373-
II. Par.tie. Liv. VI. 371
» fauteuil , &c lui s'etant retire dans 166%.
"
l'antichambre, afin de faire toutes
» les ceremonies done jc voulus bien
» etre fon maitre, apres qu'il m'eut
» fait trois profondes reverences qu'on
» a coutume de faire au Roi , de la
» maniere dont je lui appris ales faire,
» en quoi feul je pouvois lui etre uti-
« le , je me levai de mon fauteuil,
" & fans 6ter mon chapeau, j'ecou-
» tai fort ferieufement ce qu'il avoit
»> a me dire, lui en qualite de fup-
» pliant, & moi a lui repondre en.
» Roi de Theatre. II me park a fon
» ordinaire de fort bon fens •, & fur
» le champ , fans lui donner le terns
» d'oublier ce qu'il venoit de me dire ,
» je l'obligeai a prendre la plume St
» a le mettre par ecrit. Rien de mieux,
« ni de plus fimple & de plus natu-
» rel : if en fut content & moi char-
» mi. » On voit au nsturel dans
ce recit le caradfcere original de l'au-
teut qui parle ,8c la profonde humt-
lite de M. Arnauld , qui auroit et6
afTez humble pour apprendte par coeur
un compliment d'autrui & le debiter
devant le plus grand Roi du monde > fi
le confrere de Brienne avoit bien voulu
fepretera ce qu'il lui demandoit.
Le jour auquel M. Arnauld devoit Mx^'aui,
Qvi
-ocr page 374-
$Jl HlSfOIRg DE PoRT-AOlAt.'
1*568. "re prefente an Roi, M. de Pompon-
eft admis a n? a^a ^e prendre a l'Hotel de Lon-
raudience du gueviile, pour le mener a faint Ger-
main. A l'heure de l'audience mar-
quee pour eux , M. de Lionne lesfic
paflfer dans le cabinet , ou fe trouva
M. le Prince qui fut ravi de le voir,
& fortit quand le Roi entra. M. Ar-
nauld parla en ces termes : •> Sire, je
» regarde com me le plus grand bon-
» heur qui me foit jamais arrive,
» l'honneur que votre Majefte me
" fait de me foufFrir devant elle. Il
jj falloit allurement, Sire , une auili
" grande bonte que la votre , pour
" avoir bien vouluoublierles medians
» offices qu'on m'a voulu rendre au-
« pres de votre Majefte, pour laquelle
« je n'ai jamais eu que des fentimens-
« de refpe<5t, de veneration & d'ad-
» miration, ai'ant appris dans ma fo-
» litude les grandes chofes qu'elle a
» faites. Comme celle qui m'en fait
a. fortir eft le comble de fa gloire ,
* parcequ'il n'ya rien de plus grand
» que la protection que votre Majefte
»» donne a l'Eglife en cette occafion,
x il n'y a rien auffi que je ne fois
» pret a faire pour lui facrifier la
» liberte qu'elle me rend. » Le Roi
l'ecouta. fans linterrorripre ; & quand
-ocr page 375-
II. Par tie. Liv. PL ?7J _
il eutfini,il iuiditd'unairobHgeant, l6«S.
qu'il avoir oui faire beaucoup dettj
lie de lui , & q»'il fouhaitoit qu
putemploier les talens que Dieului
avoitdonncs,adefendrel'Eglife.Ces
paroles , qui auroient flatte tout autre
que M. Ainauld, humilierent profon-
dement ce favant & humble dofteu ,
qui temoigna a Sa Majefte que c etoit
avec peine qu'ils'etoit trouve engage
dans routes les conteftations paflee*.
Celaeflpafi^^Roi, i nenfauc
plus purler. M. Arnaud alia enfuue,
avec lapermiflionduRoi, voir Mon-
feigneui , Monfieur, &M.le Prince.
Comme apr,es tons ces honneurs, cha-
cun s'emprefToitdelui rendre vmte ,
il eneaaea fes amis a lui faire eviter
routes ces felicitations, pour ne point
irriter fes ennemis , quine voioient
fon triomphe qu'avec depit.
           . xxxr.
Le meme jour ( z 3 oflpbte) le R01, Ar£ fc
a la priere du Nonce , donna un arret Confci^
celebre, dans lequel il marquoit.que„£«* I*
le Nonce l'aiant afture que ba SMp^iwitafa
tete etoit fatisfaite, il vouloit *uffiia«^
la priere du meme Nonce, emploier ^
fon autorite pour empecher que les
conteftations qui avoient ague 1 Lghie
de France depuis quelques annees, ne
puflent fe renouveller fous quelque
-ocr page 376-
J74 HlSTOIRE DE PoR.T-R01A£.
iC>6S.'' " P'^texte SIlie ce ^ut' &• (3ue Pour
» cec effet, il defendoit a tons fes
»
fujers de s'attaquer & de fe provo -
* quer a l'avenir les uns les autres
m fous coaleur de ce qui s'etoit paile ,
» ni ufer des rermes injurieux d'he-
» retiques, de janfeniftes & de fe-
» mipelagiens , ou de quelqu'autre
» nom de parti, ni meme d'ecrire ou
» de publier des libelles fur ies ma-
« rieres conteftees , ou de blefler par
» des rermes in/urisux la reputation
»» de qui que ce foit. » Quelques
(ours apres cet Arret, le 27 octobre ,
le Roi ecrivit une lettre tres obli-
geante aux quatre Eveques fur le re-
tabJillement de la paix , dans laquelle
il tcmoigne toute la bonne volontipour
hurs perfonnes , avec beaucoup d'eflimt
pour leur vertu & pour leur merite (
5 4).
Le Roi voulut encore donneraM.
V Y VTT
M. dc saci de Pomponne I agrement de voir la
forcdelabaf-Jiberte rendueaM. deSaci. (Le Pere
Gerberon marque dans fon hirroire dit
Janfenifme (3 5) que M. de Paris folli-
cita 8c obtint fa fortie : la meme cho-
fe eft rapportee dans le Journal de
P. R. de cette annee , neanmoins M.
Fontaine dit que M. de Paris n'y eut
(54) Dupin , torn. 3. pag. 171.
as) t. 3. p. 143-
-ocr page 377-
II. Partib. Llv. VI. 375
aucune pare.) Celui qui y contribua "^SsT
beaucoup s ce fut M. de Sens. M. de
Pomponne alia le 31 o£tobre prendre
ce faint priionnier a la baftille , oil
il etoit, non depuis cinq ans comme
le dit M. de Villefore ( 36), rnais
depuis deux ans & demi. Le meme
auteur fe trompe encore lorfqu'il dit
que M. de Pomponne an fortir de la
Baftille Vamena falutr h Roi , qui le
tegut obligeamment,enfuitechei VArche-
veque de Paris.
M. Fontaine le com-
f>agnon de M. de Saci , & qui fut de-
tvre en meme-tems que lui, &c par
confequent bien inftruit de ce qui fe
paflaalors, nous apprend que M. de
Saci etant forti de la Baftille , alia
d'abord a Notre-Dame rendte graces
a Dieudefa delivrance(37) ; que M.
de Pomponne le mena enfuite. cnez M.
» l'Archeveque pour lui tcmoigmr fa
» rtconnoiffance d'une grace , oil dans
« le fond il navoit aucune part : qu
» M. de Paris dit obligeamment k
» M. de Saci, qu'il lui accordoit la
w grace qu'il lui demandoit, de le
» mener Ini-meme an Louvre le pre-
s> fenter au Roi pour lui faire fori
(56) Vie de Madame pag. 118. Ibid. p. 119.
dc fconguevillc , liv. VI. (37) Mem, T. 1. p. 585.
-ocr page 378-
'"376 HlS'TOIRB DH PoRT-ROl'At;
166$. " remerciement; qu'il fe pafla nean-:
» moins quelque-tems, parceque le
» Roi n'y etoit pas; mais des quele
Roi, fur de retour, ils y allerent tous-
trois, ( M. de Paris, M. de Pom-
ponne & M. de Saci ).
Aptes que M. de Saci eut rendu,
vifite a M. de Paris , le jour de fa de-
livrance , M. de Pomponne le con-
duifir a l'hotel de Longueville , ou la
Princeflel'attendoitavec route l'impa-
tience qu'on peut s'imaginer. » Je fus.
" temoin de la joie qu'euc cette adm ira-
» ble Princefle , dit M. Fontaine, de-
»
voir enfin l'heureux fucces de rant de
» mefures li fagement prifes, fi fecre-
» tement conduites, & foucenues par
» les prieres li ferventes & li perfeve-
;> rantes de tant de faintes ames.
» Elle regarda M. de Saci comme un
» nouveau Jonas qui fortoit de la.
» baleine , ou il etoit entre pour fai-
» re cefler la tempete. Elle lui fit fes,
» 'complimens & re$ut les liens Le
» ccetir allurement parloit de part &,
» d'autre plus que la bouche ....
» Je ne dis rien de Mademoifelle de.
» Vertus , qui etoit avec Madame de.
» Longueville. Toutes les paroles me
» manquent pour un tel fujet.
La delivrance de M. de Saci futrJ
-ocr page 379-
II. P A n t i e. Llv. VI. 577_______
comme le fceau de la paix (38). Les 1668.
religieufes de P. R. des Champs en
apparent la nouvelle le jour meme par
ane perfonne envo'iee expres, quileur
dit , » que c'etoit M. l'Archeveque
» qui avoit obtenu fa liberte , l'ai'ant
» demandee au Roi de fort bonne
» grace le jour d'auparavant. » Elles
furent extremement fenfibles a. cetce
nouvelle , & en eurent une fi grande
joie , que la mere Agnes ecrivant i
ce fujet a Madame de Longueville ,
lui marqua quelle n'avoit pu fi re-
jou'irpleinement de la paix , quaprls
la liberie de M. de Saci , »
& que
« c'etoit ce qui avoit retarde les tres
» humbles reconnoiflances qu'elles
» devoient a fon Altefle d'avoir tra-
» vaille a ce grand ouvrage avectant
» de zele §c d'affection.
II reftoit encore deux chofes pour
rendre cet ouvrage parfait, favoir, de
retablir dans la faculte de theologie
M. Arnauld & les autres docteurs qui
en avoient ete exclus a l'occafion de
fa lettre en 1656 •, &c de mettre en
paix les religieufes de P. R. Quant
au premier point, on ne crut pas pou-
voir y reulfir(3S>). Pour ce qui eft de
08) Journ. p* j3*co- (;?) Les ennemis de la
Ion. 1.
                              paix, c^ui ne l'aroicnt g*.
-ocr page 380-
$7% HisTorRK ci Port-ro1'aI.«
i(j<j8. P> R- 5 le caJme y fut retabli de la
maniere dont nous allon's le rappor-
rer.
DiTc^ursde ^a nOUVeIle <^e ^a Paix Slant COItt-
J'AbhefTe demence a fe repandre auffi-tot apres
Iigieufes fur
la nouvelle
de U paix.
I arnvee au courier qui etoit revenu
de Rome le 8 d'oclobre, on envo'ia
un expres a P. R. pour 1'apprendre
aux religieufes & leur faire favoir
qu'on alloit travailler inceflamment a"
la leur procurer. En confequence
la mere Abbe/Ie fit aflembler les faeuri
au chapitre le vendredi it d'oclrobre,
& apres leur avoir annonce cetre nouvel-
le,elle leur dit: »Qu'il falloit beaucoup
« prier Dien , & lui demander qu'il
" donnat fa lumiere aux perfonnes qui
ernpgciier parcequ'ils igno-
iroient la negociation ,
irouverent Is moi'en d'em-
pecber qu'on ne re-
cueillit de cette paix les
fruits qu'on devoir en at-
rendre. Ainu" M. Arnauld
qui etoit en communion
avec le Pape, le Nonce
& les Eveques, demeura
e.xclu de Sorbonne; & on
continua d'y faire foufcri-
re fon injuite condamna
tion a tous les Bacheliers,
tc de dcbiter conrre lui
des calomnies , juf-
qu'a dire qu'il rravailloit
de concerravec le Miniftre
Claude. C'aroitalors qu'il
travailloit i la Pcrpc-tuite
de la Foi , c'eft-a-dire a
faire un ouvrage, qui a
euaflez de force, par la
mifericorde de Dteu, pour
convertir leslieretiquesles
plus opiniarres, & qui n'a
pd defromper des catholi-
ques des injnftes preven-
tions qu'on leur avoit don-
nees contre M. Arnauld.
Peur-Stre m^me que ces
ecrits admirable!, dans Ief-
quels la foi de l'Eglife ell
fi dignement foutenue ,
n'auroient jamais vu le
jour, lionl'avoit oblige
de les faire approuver par
les dncteurs de la Faculle
de Paris.
-ocr page 381-
II. V a «. t i i. ItV. A7. 379
» conduifoient cette affaire, afin qu'iis xcjgg,
" ne fiffent rien qui ne fut felon fa
» volonte : qu'elle avoit penfe de faire
» les prieres de quarante heures, &c
» que ti'ai'ant pas la liberte de faire
» expofer le faint Sacrement , elles
5« expoferoient les faintes reliques ;
» qu'on regleroit les prieres qu'on
» feroit en general, & que chacune
» en particulier devoit avoir foin d'at-
» tirer la mifericorde de Dieu par fes
» prieres & par toutes ks bonnes
»» ceuvres qu'il luiinfpireroit, & la fi-
» delite|a celles auxquelles elles etoient
» obligees : que pour ce qui etoit des
»» Eveques, lis n'avoient point revo-
u que leurs mandemens , mais qu'iis
»» avoient fait chacun un proces ver-
« bal, qui y etoit conforme , & dans
» lequel tout le monde favoit qu'iis
j> faifoient la diftin&ion du fait & du
»» droit, mais que le formulaire s'y
»» trouvoit auffi. L'Abbeffe ajouta
m qu'elle croioit que fes fceurs fe fou-
»» venoient bien de ce que contenoit
« ce formulaire , qu'on juroit fur les
*> faints Evangiles, & qu'on prenoit
»> Dieu a temoin qu'on croioit ce
» qii'on difoit. Elle remarqua qu'il y
» avoit une tres grande difference
>» entre les Eveques > & elles; parce-
-ocr page 382-
58(5 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
166)$, " que, ourre que les Eveques avoient
» des raifons qu'elies n'avoient pas ,
n & que la paix de l'Eglife ne dcpen-
» doir pas de leur fignature comme
» de celles des Eveques, ils avoient
» explique bien plus au long leurs
» fentimens dans les inftrudtions qu'ils
» avoient inferees dans leurs man-
» demens 8c proces verbaux ; ce cju'el-
» les ne pouvoient pas faire : qu'ainfr
» il etoit a fouhaiter qu'on les de->
» chargeat de toute fignature , n'y
» aiant pas d'apparence qu'on fe
» contentat de ce qu'elies auroienc
» pu faire; & que ceux qui traitoient
» de leur part avec Monfieur de Paris
» travailleroient a lui perfuader que
« le Pape etant content qu'on fit des
« diftin&ions , il devoit etre fatisfaie
» de la fignature qu'elies avoient deja
« faite. " La mere AbbefTe rinit en
exhortant les foeurs a prier beaucoup
Dieu qu'il difpofatM. l'Archeveque a
leur accorder cette grace (40).
xxxiv. Madame deLongueville,quiavoiteu
demCecn0tm2J°"fantr de part a. la paix de l'Eglife}ne vou-
reiigieufes de lant pas hifTer ce grand ouvrage impar-
fait, continuoit de faire tout ce qui
dependoit d'ellepourque les religieules
(40; Joutn. p. lis.
-ocr page 383-
II. Partie. Liv. VI. 381
deP. R. eulTenr part a ce bonheur ge-
neral ; les quatre Eveques , furtout M.
d'Alet, avoient toujours declare qu'ils
ne vouloient point d'accommodemenr,
que les religieufes n'y fufTent compri-
fes. Les Prclats mediareurs etoienr en-
tres dans leurs vues ; & le jour qu'ils
firent confidence de la paix aM.de
Paris, ils le conjurerent d'affermir cette
paix generale en la donnant en par-
ticulier aux religieufes de P. R. En-
fin le Roi meme avoir parle d'elles
a M. de Paris •, & il lui avoir recom-
mande de voir ce qui pourroit fe
{aire pour ces religieufes. Ce Prince
parlant encore a M. l'Eveque de Char-
tres fur le meme fujet, lui avoit te-
moigne >j que M. de Paris ne devoir
w pas fe rendre plus difficile que le Pa-
» pe; & que le Pape etant content
" de ce qu'avoient fait les quatre Eve-
» ques, il devoir fe contenter que les
» religieufes fiflent la meme chofe.
Mais ce n'etoit point une chofe
facile d'engager ces faintes filles a.
quelques nouvelles demarches. La de-
licatefle de leur confcience leur inf-
piroit uneaverfioninfurmontable pour
route fignaaire. M. Arnauld l'avoir de-
ja eprouve avant & pendanr le cours
-ocr page 384-
j8i HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
des negociations pour la paix (41).
Elles lui avoient ecrit, 8c aux autxes
difciples de faint Auguftin , qu'elles
ctoient refolues de voir plutot detruire
leur maifon, & de fouffrir tous les
maux dont on les menacoit, que de
figner quoi que ce fut qui eut rapport
au formulaire.
» J'ai conqu, dit une d'entr'elles
» ecrivant a M. Arnauld, uneji gran~
» de horreur de toute Jignature \ & il
» y a fi long-tems que nous medr-
» tons fur cette miferable affaire ,
» qui a tant fait de maux & de cri-
»# mes, & qui a fait fi fort changer
» les perfonnes, comme nous en avons
u vu de fi malheureux effets dans le
» changement de nos foeurs depuis
" l'avoir fait, qniln'y a pas moien d'y
prendre pan en fagon du monde. •>
Cette opposition des religieufes a tou-
te fignature & atoutaccommodement
fut defaprouvee par les amis ; ce qui
leur caufa un furcroit d'affli&ion. No-
tre croix n'etoitpas ajfe^ pi/ante
, dit a
cefujet la mere Prieure, il falloit en-
core celle de voir que nos peres & nos
veritables amis font mal fatisfaics de
(41) Am. Let. ?/. T. 8. 183.Ibid, let,)?. »j juia
%. 16}. Ibid. Let. 38 p. p. 110
-ocr page 385-
II. Partib. Liv. VI. 3Sj
nous ( 42 ). C'eft ce que marquoit a i<j£8,
M. Arnauld dans une letcre du 19 avril
1668 , la faeur Angelique de faint
Jean, a qui ces paroles avoient tire
les larmss desyeux. Cela montre avec
combien peu de fondement on ac-
cufoit les religieufes de P. R. , de
fuivre aveuglement les avis de leurs
dire&eurs. Elies ne fuivoientqueleur
confcience. M. Arnauld mcme, qui ef-
faia de difliper leur fcrupule & de le-
ver leurs difficultes , lenr devinr en
quelque forte fufpect (43) par la crain-
te qu'elles avoient que le defir de les
tirer de l'oppreffion ne l'eut afFoi-
bli.
Quelque penible & affligeant que
fut pour des vierges chretiennes l'etat
011 elles etoient reduites, iletoitdoux
pour elles en comparaifon des pro-
positions d'accommodement. Elles
ne craignoient point le rugijfement du
Lion
(44), mais elles trembloient de
peur de la deception du ferpent.
On eft
dans Petonnement & dans 1'admiration
de voir le courage, la fermete & les
lumieres qu'elles font paroitre dans les
difFerentes lettres qu'elles ecrivirent a
(41) Rec. de 1754 p. T.i. p. 485.'
4»9 fur le formulaire.
           (44) Leitre de la mere
(43) Am. let. ij«. Agnes a M. Arnauld.
-ocr page 386-
384 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
ce fujet. Le ledteur les trouvera dans
les grandes relations in-40 .,publiees en
1 714 , dans Vhifloiredes pcrfecution s;
mais furtout dans le recueit de pieces fur
le formulaire,
imprime en 1754(45).
Ces fainces filles regardoient le bon-
heur de foufFrir pour la verite, comme
la plus grande grace de Dieu
, &
la plus grande marque dejon amour. 11
eft fort naturel,
difoient-elles (46) ,
que nous craignions de hafarder notre
couronne, pour enfaire un echange con-
tre une mauvaife paix qui ne la vaudroit
pas , & que nous nobtiendrions pas
mime , quoique nous eujjions fait cette
infidelite pour y arriver.
La fceur An-
gelique de faint Jean ecrivant a M.
Arnauld fur les projets d'accommode-
ment, qui furent les preliminaires de
la paix, lui marquoit fans detour (47):
Pour vous parler de Vabondance de man
cceur, rien ne fera capable de guerir la
mienne
( ma peine ), quandje faurai
que vous fakes un pas que vous riavie^
point faitjufqu'ici. Je tremble depeur,
dit-elle dans une autre lettre, que la
condefcendance ne ruine tout ce que la
fermete inflexible avoitfait
(48).
(45) Voi'ez dans la Ce-      (4S; Ibid. 4S0.
cunde panic, let. 40. p.       (47) 17 mai. Ibid. p.
4S«. Let. 44, 415, 47,   4<n.
4S, 4p, Sec. ,       (48) lbid.p.4?j.
Ces
-ocr page 387-
II. P artie. Liv. FT. 3S5
Ces fentimens n'etoient point par-
ticuliers a. la faur Angelique de faint
Jean, c'etoient ceux de l'AbbelTe , de
la mere Prieure , de la mere Agnes ,
en un mot de toute la communau-
te (49); ce qui fait dire a. la mere de
Ligny : que quand bien meme elles
feroient refolues elles-mimes de Jigner
le formulaire, quoiqu'avec explication
,
elles ne pourroient pas le perfuader a
la plus grande panic de leurs foeurs.
La nouvelle de l'accommodement des
quatre Eveques ne fut pas pour des
perfonnes qui etoient dans de telles
difpolltions, un, fujet de joie, mais
de douleur & de chagrin , par la crain-
te qu'elles eurent qu'on ne leur de-
mandat quelque chofe pour avoir
part a la paix , & fe voiant par-la au
hazard de rentrer dans de nouveaux
combats , & de la maniere la plus
aftligeante, puifque ce ne feroir pas
feulement avec leur Pafteur , mais
avec des perfonnes pour qui elles
avoient tant d'eftime & de ref-
pecl: (50), c'eft-a-dire, avec les per-
fonnes en qui elles avoient le plus de
confiance , avec leurs fages diredteurs,
(49) Voi'ez les let. 59 504 let. 54. p. 507. lettre
p. 497. let. 51 p. 500. let. f«. p. J14.
51 p. 505. let. 5j. p. (50; Ibid, p- 497-
Tome FL                            R
-ocr page 388-
J 86 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAI."
i66i. & avec M. Arnauld meme. Cette af-
faire , la plus epineufe oil fe foit
trouve ce grand homme , lui donna
beaucoup d'exercice ; & il eur befoin
de tout fon courage & de toutes fes
lumieres , pour venir a. bout de lever
les difficultes des religieufes ( U ) >
6c de les engager, malgre leur averfion
extraordinaire pour tout accommode-
ment, a. faire les demarches necef-
faires pour avoir part a celui des qua-
tre Eveques.
_______ Les amis de P. R. aiant dreffe a
1669. cet effet une requete con^ue a-peu-pres
xxxy. dans les memes termes que les pro-
foCS Temol" c^s - verbaux des quatre Eveques, pour
gnent de la etre prefentee a M. de Paris , ellefut
^"requite" portee le cinq fevrier aux religieufes,
itl.de Pads, qui l'a'iant vue , la trouverent emba-
raflTee , & temoignerent qu'il y avoit
quelques termes qui leur faifoient pei-
ne & qu'elles fouhaitoient que Ton
put changer, ne pouvant fans cela fe
refoudre a la figner ( 52). M. de Paris
aiant eu communication de cette re-
quete , n'en fut point fatisfait, tant
parcequ'elle n'eroit pas conc.ue & ex-
primee dans les termes de la declara-
tion que les quatre Eveques avoient
(51) Am. let. ij«. T. 1. p. 483.
(ji) Journ. p. 188. col. 1.
-ocr page 389-
II. Part ie. Liv. VI. 387
eiivo'iee au Pape, que parcequ'il en idcy,
avoir drelTe une lui-meme. Comme les
amis de P. R. ne trouvoient pas de
difficulte a la requere dreflee par M.
de Paris, & qu'elle leur paroiiTbir.
auffi bonne que celle qu'ils avoient
propofee eux-memes , ils furent d'a-
vis que les religieufes devoienr fe ren-
dre dans cerre occafion, ou leur re-
fus feroit, difoienr-ils , fcandaleux &
un obftacle a la paix de l'Eglife. Cell
ce que M. Hilaire rapporta aux reli-
gieufes le 12 fevrier , au rerour de
Paris : il ajouta que M. de Meaux de-
voir venir le lendemain apporter la
requete de M. de Paris, & qu'il ame-
neroir avec lui en fecrer M. Arnauld
& M. de Saci, qu'il croioir avoir plus
de pouvoir pour les perfuader & levee
les diflicultes qu'elles pourroienr avoir
a figner cetre requere. Les religieufes
s'etant affemblees le foir , elles firenc
la le&ure de la declaration envoiee au
Pape par M. de Chalons, fur le mo-
dele de laquelle etoit drelTee la requere
que les amis fouhaitoienr qu'elles fi-
gnalTent. Elles lurent aufli une letrre
de M. Arnauld (53), dans laquelle
(55) Cetre lettre avoit de les faire jouir de la
Ste preccdee d'une autre paix. T. ?. p. iRy.
in 7 fevrier fur les rnoi'ens
Rij
-ocr page 390-
J S S HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
i66g.
ce dodeur faifoit fenrir les fanes fa-
cheufes que pourroit avoir leur re-
fus.
xxxvr.        " II parolt bien , dit-il, que nous
LmrcdeM. „ fommes dans le travail de l'en-
Arnaulu aux r                      r»i i                  >              i
reiigieuftsfur " rantement. Plus le terme s approche
ee'ujet. „ & plus nos peines redoublent; & fi
» cela duroir encore longtems je ne
» fais fi je pourrois y refifter,tant je fuis
« accable par la feule apprehenfion
=> des maux qui arriveroienc, fi ce qui
" eft pret a nnir venoit a fe rompre ,
»> parcequ'il ne peut plus fe rompre
« qu'on n'en rejette fur nous toute
» la faute , M. de Paris s'etant reduit
» a un point ou tout le monde fe-
» roit pour lui, fi nous ne nous ren-
» dions pas a ce qu'il deiire. Car, qu'y
» a-t-il de plus plaufible que d'avoir
jj donne parole au Roi, comme il a
» fait, de fe contenter a votre egard
« de ce dont le Pape s'eft contente a
» l'egard des quatre Eveques ? Qui
» nous pourroit fourfrir, fi nous re-
« fufions cette proposition ? Il eft vrai
» aulli que nous n'avons qu'a nous
« loner de vous, puifque vous y etes
» tout-a-fait entrees, en promettant
>, de flgner la requete , dont nous
» vousavons envoi'e le projet. Mais
w comme on n'eft pas maitxe de
-ocr page 391-
II. P artie. Liv. VI. 3 S9
" l'efprit de M. de Paris, la condi- ■
» tion qu'il a mife a cette offre , qu'on
*> lui donna en forme authentique &
» comme avec une atteftation deM. de
» Lionne ou de M. le Nonce la de-
» claration qui a ete envoiee a Rome ,
» nous a fait juger que fon deffein ecoic
" de s'attacher fervilement a tous les
» termes de cette declaration , en ne
» fe contentant pas qu'on en mette la
» fubftance, comme on avoit fait dans
» le projet de la requete que vous avez
» approuvee. Tous ceux qui le con-
» noiflent n'en doutent point, & ils
» apprehendent de plus qu'il ne nous
» jette dans un plus grand embarras,
» fi on ne le fait point. Car etant
« foup^onneux comme il eft, s'il y
» appeicoit du changement, il s'i-
» maginera qu'on le veut furprendre,
» & ainfi ne voudra rien conclure fur
« le champ,mais demandera qu'on lui
» laifle la requete, qu'il rnontrera a
w des' Grandins, a. des Chamillards »
» qui ne penferont qu'a y met-
» tre des mots qu'ils croiront que
» vous ne voudrez pas pafter, pour
n empecher votre retabliffement. Voi-
» la dans la verite ce qui nous a fait
» juger a tous, qu'il valoit mieux fai-
»> re une chofe alfez ridicule, qui eft
-ocr page 392-
5 9° HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
» de vous faire citer tant de doc"beurs ,
» que de perdre l'avantage que ces
» citations donnent, en vous expo-
» fant en meme-tems aux bizarres ad-
« ditions que M, de Paris pourra fai-
« re a cet article , fi on s'eft une fois
» ecarte des termes de la declara-
« tion.
» Ce n'eft pas que nous n'ayions fen-
» ti en meme terns une extreme pei-
" ne de celle que ce changement vous
*» pourroit donner ; & pour moi je
» donnerois de bon cceur la moitie de
>j mon fang pour vous Fepargner, &
y pour faire que M. de Paris fe con-
» tentat de la requete en l'etat que
» vous l'avez vue. Mais nous efpe-
« rons que quand vous aurez confi-
3) dere devant Dieu & fans preven-
« tion le memoire que j'ai joint a
» cette lettre3 vous reconnoitrez que ce
« qu'on vous propofe maintenant, non
« feulement n'eft pas moins bon que ce
»> que vous avez accorde, mais qu'il
« etablit beaucoup plus fortement les
»> verites. importantes pour lefquelles
" on combat depuis dix ans , qui font
» la diftinction du fait & du droit ,
w &c la faillibilite de l'Eglife dans la
» decifion des faits ; ce qui fait que
» I'obeiftance qu'on lui doic ne va,
-ocr page 393-
II. Par tie. Liv. VI. 391______
s» pas a. les croire par fon autorite- 1669.
» Pour bien juger combien cette
»> declaration vous eft avantageufe,
» il fuffic de favoir que M. de Cha-
« Ions l'ai'ant fait voir aM. de Lom-
« bez l'un des plus emportes des Eve-
» ques qui font contre nous, il avoua
» franchement que cette declaration
» etoit juftement ce qu'ils avoient
» voulu faire condamner par le Pape ;
» & M. Kilaire vous dira, que M. de
» Paris ne trouva pas de meilleur
» moi'en de fe fauver, qu'en difant
» qu'on a arrache cette approbation
» du Pape par l'apprehennon qu'on
» lui a donnee, que quatre-vingts Eve-
w ques etoient pres de fe foulever ,
» s'il ne finiifoit bientot cette af-
» faire.
» Mais la principale confideration
» eft celle du fcandale horrible que
» cauferoit votre refiftance , & du pre-
» judice que la caufe de la verite en
» fouifriroit. Car d'une part vous paf-
" feriez pour les plus opiniatres &c les
» plus deraifonnables perfonnes du
» monde , fi vous ne vouliez pas faire
« ce qui a ete approuve par ceux,!aqui
" vous avez jufqu'ici eu plus decon-
» fiance •, & de l'autre, les ennemis
» de la verite tireroient un grand avan-
Riv
-ocr page 394-
59i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
» tage de ce que vous auriez refuf|
» de fortir de 1'etat ou vous etes, par
jj cette forte de fignature , parcequ'ils
" en conclueroienc qu'il faut bien que
" cette declaration ait quelque chofe
» de nouveau & de different de ce
» que les janfeniftes avoient offert
» jufqu'ici, puifque les religieufes de
« P. R. n'y avoient pas voulu entrer.
» Enfin je ne fais ce que nous pour-
s' rions repondre a ceux qui nous de-
» manderoient quel exemple nous
» pourrions apporter d'une compagnie
» de filles, qui dans une affaire im-
w portante, rant pour la confidence
« que pour le bien fpirituel 8c tem-
» porel de leur communaute, fe fe-
" roient conduites par leur feul avis ,
» fans prendre confeil d'aucun eccle-
»» fiaftique j tous ceux en qui elles au-
« roient eu tout fujet de prendre con-
» fiance, y etant contraires, ou pour
« mieux dire , tous les Eveques 8c
»
tous les ecclefiaftiques de l'Eglife
« de Jefus-Chrift. C'eft ce qui arrive-
« roir, fi vous refufiez de vous ren-
» dre a ce que Ton vous propofe main-
« tenant; & c'eft en verite ce que Ton
v ne fauroit regarder que comme la
» voie du monde la plus oppofee a
« l'ordre que Jefus-Chrift a etabli
-ocr page 395-
II. P artie. Llv. Vl. 393
» dans l'Eglife , <k la plus propre a. {g$?^
»
conduire dans l'illufion & dans l'er-
» reur. C'eft pourquoi fi nous vous
» fommes fufpe6ts dans le confeil que
»> nous vous donnons , cherchez done
w d'autres perfonnes de qui vous pre-
» niez avis, mais ne demeurez pas ,
» au nom de Dieu, dans une route
» auffi ecartee que celle que vous fui-
» vriez, fi fans confulter aucun Pretre
» ni aucun Eveque, vous vous enga-
» giez dans une refolution, qui feroit
» improuvee generalement de tous
» les pafteurs de l'Eglife.
M. de Meaux vint a P. R. le n xxxyn.
evner comme M. Hilaire 1 avoit an- fes fignent
nonce la veille , & parla des le foir une "quote i
aux religieufes,fans difficulte de la pare Requete des
des gardes; car toute cette neeocia- retigieufes a
O            • , .                               o           M. dePans.
tion le railoit de concert avec M. de
Paris. Le lendemain , M. Arnauld &
M. de Saci, qui etoient auffi arrives
le foir avec le Prelat, fe rendirent au
parloir de grand matin & en fecret;
toute la communaute s'y etoit rendue
pour entendre la ledture de la requer
te drelTee par M. de Paris. Ce meme
jour , M. de Meaux dit la MelTe , &
envoia la paix aux religieufes par un
de fes Aumoniers. La negociation de
ce Prelat fut heureufe, les religieiv-
Rv
-ocr page 396-
3 94 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
fes fe rendirent , & ficjnerent la re-
quete fuivante, que M. cle Meaux rap-
porta & remit a M. de Perefixe ieiS
fevrier.
» Monfeigneur, toutes vos filles,
»j les religieufes de 1'Abba'ie de No-
» tre-Dame de P. R. , qui font a pre-
« fent au monaftere de P. R. des
» Champs, reprefentent en route hu-
« milite a votre charite patetnelle ,
« que leur veritable difpofition eft de
« n'avoir jamais eu que des penfees
» d'un tres grand zele pour confer-
» ver la foi de 1'Eglife & d'une pro-
»> fonde foumiffion pour le S. Siege ;
" qu'elles condamnent les cinq pro-
» pofitions avec toute forte de fin-
« cerite, fans exception ni reftri&ion
y> quelconque , dans tous les fens que
» 1'Eglife les a condamnees; qu'el-
» les font tres eloignees de cacher
*' dans leur cosur aucun delfein de
» renouveller ces erreurs fous quel-
s' que pretexte que ce foit , ni de
» fouffrir qu'aucune d'entr'elles les
m renouvelle & donne atteinte a la
» condamnation qu'en a fait 1'Eglife,
» n'y ai'ant perfonne qui foit plus
» inviolablement attachee a fa doc-
» trine fur ce point &c fur tous les
»» autres. Et quant a 1'attribution de
-ocr page 397-
II. Parti e. Liv. VI. 395
ces propofitions au livre de Jan- 1669.
fenius , elles rendenc encore auS.
Siege route la deference & obeif-
fance qui lui eft due, comme tous
les Theologiens conviennent qu'il
la faut rendre au regard de tous
les livres condamnes, felon la doc-
trine catholique foutenue dans
tous les fiecles par tous les doc-
teurs, Sc meme en ces derniers
tems par les plus grands defenfeurs
de l'autorite du S. Siege, tels qu'ont
ete les Cardinaux Baronius, Bel-
larmin , de Richelieu , Palavicin,
les Peres Sirmond & Petau, & me-
me conformement a l'efprit des bul-
les apoftoliques, qui eft de ne dire,
ni ecrire , ni enfeigner rien de
contraire a ce qui a ete decide par
le Pape fur ce fujet.
» Ce confidere, Monfeigneur, &
eu egard a notre fufdite declara-
tion , laquelle nous apprenons etre
conforme a eelle qui a ete envoi'ee
a notre S. Pere le Pape au nom
de quelques-uns de nos Seigneurs
les Eveques, & dont Sa Saintete ,
a ete fatisfaite , il plaife a votre
Grandeur d'avoir la bonte d'oublier
» ce que nous aurions pu faire in-
<> difcrettement dans la fuite de cette
R vj
-ocr page 398-
$<)6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI.
TT7Z » facheufe affaire, & de nous reta-
» blir dans 1 etat ou nous ecions avant
» vorre difgrace , vousproteftant tou-
» tes, que nous emploierons nos
" prieres 8c nos voeux pour attirer
» fur vous routes fortes de benedio
n tions. Fait en notre monaltere de
» P. R. des Champs ce 14 fevrier
» 1669.
xxxvni. M. de Paris fut fatisfait de cetre
R6tal?li(5e* declaration, & d'une lettre des reli-
ment des re- . .            »        ,            .                          ,
ligieufes de gieuies dont elle etoit accompagnee.
P
rrf urs en marciua nieme de la joie, 8c
de Monffeur ne tarda pas a envoi'er M. DupleiTis
!e grand vi-jg ja Brunnetierre fon grand Vicai-
caire en cette                     ,        .                    o
rencontre, re pour retablir les rehgieiues dans
la participation des Sacremens & de
rous leurs droits.
Ce grand Vicaire etant arrive fur
le midi le 18 fevrier, fit affembler
la communaute dans l'Eglife, &• fit
un difcours aux religieufes en prefen-
ce du P. Bouchard del'Oratoire, de
M. Paftour (54) & de M. Hilaire,
qui furent les feuls qui. ailifterent a
cette ceremonie, n'aiant point voulu
qii'aucnn autre en fut temoin.
(f4) Ce M. Paftour    religieufes avec plus de
avoir fuccede k M. Rev   moderation qu'aucun de
le 18 juillet i«sS. 11 fe    ceux qui l'avoient ptece-
conjuiiit £ 1'egard des   de,
-ocr page 399-
II. Par tie. Liv. VI. 397
» Comme il n'y a rien , mes cheres 1 <j,ja.
» fours, dit le grand Vicaire , qui
« foit fi precieux aux veritables en-
w fans de l'Eglife , que la paix qu'elle
» leur donne, ce doit etre auffi un
•> fujet de joie univerfelle de voir
» que la divifion qui partageoit les ef-
» prits depuis rant d'annees, eft au-
» jourd'hui entierement ceftee par la
» fage conduite & par les foins de
» notre S. Pere le Pape & du Roi,
" qui fe font unis enfemble pour ren-
» dre la paix a l'Eglife. C'eft cette
» paix , mes cheres fours, que je
» viens vous apporter de la part de
» M. l'Archeveque : vous la devez re-
» ce'voir comme un don de Dieu,puif-
» que lui feul pouvoit vous la don-
» ner aufft facilement qu'ib Fa fait,
» ai'ant difpofe les chofes en telle forte
» par un effet de fa providence par-
» ticuliere, que le Pape a ete fatis-
» fait de la foumiffion qui lui a ete
» rendue •, & qu'apres avoir ete infor-
» me de toutes chofes , il a juge fa-
» vorablement les Eveques qui avoient
» ete ac<rafep, & s'eft contente cle ce
» qu'ils oni! fait, fans rien exiger da-
» vantage , eftimant qu'il etoit a pro-
" pos d'en ufer ainli a prefent pour
» le bien de la paix. Je ne m'arrete-
-ocr page 400-
J9& HlSTOIRE DE PoRT-Ro"lAt.
^da, " rai point a vous dire ici quelle a
» ete cette foumiffion des Eveques ,
w ni en quoi elle confifte , puifque
» vous l'avez appris par la viiite que
» M. de Meaux vous a rendue ces
" ♦> jours pafies, & que vous vous y
» etes parfairement conformees. La
« conduite de M. l'Archeveque a toil-
s' jours ete la meme : comme il n'a
» rien fait dans cette affaire que fui-
»> vre pas a pas fon unique fuperieur,
»> & accomplir les intentions & les
» volontes de fon chef, il fait encore
i> aujourd'hui la meme chofe. C'eft-
" pourquoi ai'ant reconnu par la re-
>» quete que vous lui avez prefentee,
» que vous rendez auffi a l'Eglife la
i> meme foumiffion que les Eveques
» lui ont rendue, il en a ete fatis-
>y fait, & il y a repondu par une or-
» donnance , dont voici la teneur, &c
m qui eft auffi con^ue dans les memes
f» termes que la declaration qui a ete
» envoi'ee au Pape, afin qu'il parut
» que dans toute la fuite de cette af-
» faire , il n'a rien fait qu'obeir a
» l'Eglife,& s'attacher inviolablement
t> a fuivre les traces de fon Chef. »
Apres ce preambule, & ce difcours
apologetique de M. de Paris, le grand
Vicaire lut tout haut la fentence du
Prelat:
-ocr page 401-
II. P A r t 11. Liv. VI. 399
» Hardouin de Perefixe , par la 166*,"
» grace de Dieu & du faint Siege apof-
» tolique Archeveque de Paris, fa- xxxix.
1 _ ,f» 1                /v                                    / / Sentence de
» lut. Vu la requete qui nous a ete M, de Paris
" prefentee par les relieieufes de P. pour le reta-
il 1 /->u
                 1        11 •!         bliliement
- K. des Champs, par laquelle llnous aes reiigiea-
» paroit que les fuppliantes , con- fes <k f- R-
» formement aux bulles & conftitu-
■» tions des Papes Innocent X & Ale-
» xandre VII, condamnent les pro-
» pofuions avec toute forte de ilnce-
» rite , fans exception ni reftri&ion
»» quelconque, dans tous les fens que
» l'Eglife les a condamnees, & qu'elles
» font tres eloignees de cacher dans
» leur cceur aucun deflein de renou-
» veller ces erreurs fous quelque pre-
w texte que ce foit, ni de fouffrir
» qu'aucune d'elles les renouvelle &
»> donne atteinte a la condamnation
» qu'en a fait l'Eglife > n'y a't'anl per-
» fonne qui foit plus inviolablement
» attachee qu'elles a. fa doctrine fur
» ce point & fur tous les autres ; 8c
w que pour ce qui regarde l'attribu-
» tion de ces propontions au livre
» de Janfenius , elles rendent en-
» core au faint Siege toute la defe-
»> rence & l'obeiflance qui lui eft due,
» comme tous les theologiens con-
-ocr page 402-
466 HlSTOlRE DE PoRT-ROlXti
» viennenc qu'il la faut rendre au re-
» gard des livres condamnes & merae
» conformement a l'efprit des bulles
u apoftoliques, & qui defenders ex-
» preflement de dire , ni ecrire, ni
» enfeigner rien de contraire a ce qui
» a etc decide par les Papes fur ce
» fujet ; nous ne pouvons recevoir
» qu'avec une extreme joie cet a£te
» nouveau & authentique de leur ve-
» ritable & entiere obeiifance. ( Car
» defirant nous attacher inviolable-
» ment aux conftitutions des fufdits
» Papes Innocent X & Alexandre VII,
» nous n'euffions jamais voulu admet-
»> tre aucune exception ni reftriclion
" a cet egard. ) Mais nous paroiflanc
» par ledit acte , qu'elles condamnent
» les cinq propositions avec toute for-
« te de nncerite, fans exception ni
» reftriction quelconque, dans tous
» les fens que. le faint Siege les a
» condamnees, & qu'etant entiere-
» ment foumifes aux conftitutions des
" fufdits Papes Innocent X & Ale-
s' xandre VII, elles font tres eloi-
» gnees de renouveller fur ce fujet
» les erreurs condamnees par le fainc
» Siege ; ce nous eft une joie fans
» pareille d'avoir occafion par la de
" leuf donnar des marques de notre
-ocr page 403-
II. Part ie. Liv. VI. 401
s>   affe&ion pacernelle. A ces caufes, &:
»  apres qu'il nous eft apparu par
»  la communication que nous avons
»  de la declaration qui a ete en-
s>  vo'iee a notre faint Pere le Pape ,
»   & du bref par lequel Sa Sain-
"  tete a temoigne en etre contente ,
»  que la declaration des fuppliantes eft
»  en effet la raeme que celle qui a ete
s>  recue & approuvee par Sa Saintete ,
»   Nous , fufdit Archeveque , rece-
»  vons & approuvons, en fuivant
»  l'exemple de notre faint Pere le Pa-
»  pe, leur dite declaration & requetey
»  & y aiant egard , nous les refti-
»  tuons a la participation des faints
»  Sacremens, dont nous leur avions
»  interdit l'ufage par notre ordonnan*-
»  ce du 6 feptembre 166 5 , les ab-
»  folvant pour cet effet de toutes les
»  cenfures qu'elles pourroient avoir
»  encourues par la contravention a nos
»>  ordonnances precedentes. Com-
w  me aufli nous levons la defenfe
»  que nous leur avions faite par la
»   meme ordonnance, de chanter leur
»  office dans le chceur; & les decla-
»  rons capables , tant de former corps
»>   de communaute, que de jouir du
»  droit de voix active & paffive ,
»  quand befoin fera, nous confiant
-ocr page 404-
40 i HlSTOIRE DE PoRT-ROtAI.
\6G<). " qu'elles feront tous leus efforts a
» l'avenir pour nous dormer de plus
" en plus des preuves de la finceritede
« leurobeiiTance, & de la foumiffion
« qu'elles nous ont rendue par ce der-
»> nier a6te : donne & Paris, ce 17 fe-
» vrier 1669.
xl.
           M. le grand' Vicaire aianr ache-
Suite du dif-v^ Je lire certe fentence > il pour-
grand vicai- fuivit fon difcours, 8c parla ainfi.
**•
            m Je nedoutepas, mes cheres fceurs ,
» de la joie avec laquelle vous rece-
» vez cette paix que Dieu vous donne,
» & je n'ai pas befoin de vous ex-
» horter a le remercier. Il me refte
» feulementa. vous dire en deux mors,
» quelle eft ladifpofitionou vous devez
» entrer pour en profiler,&ceque vous
» devez faire pour la conferver. La
w premiere chafe qui eft necelTaire
»» pour cela , eft d'avoir toujours une
*' grande foumiffion pour l'Eglife ,
» & de recevoir avec un tres profond
» refpedt tout ce qui vient de fa part
» fans ofer jamais fe meler d'y trou-
»> ver a redire , & d'examiner les rai-
w fons de fa conduite dans les chan-
" gem ens qui y peuvent arriver; car
" on doit croire qu'elle agit toujours
» avec lumiere & avec fageflfe, 8c
»
que fi dans la fuite des terns ellc
-ocr page 405-
II. Partii. Liv. VI. 4©5
»> vient a changer de conduite, & a
» n'exiger peut-etre pas les memes
»» chofes qu'elle auroit demandees,
»» c'eft parcequ'elle le juge plusapro-
» pos pour le bien des fideles , qui
» n'ont rien a faire qu'a lui obeir &C
»
a la refpe£ter en toutes chofes. La
» deuxieme chofe que vous devez
» faire pour conferver cette paix ,
» eft de garder un grand lllence fur
» toutes ces conteftations , & de ne
w jamais parler de ce qui s'eft paffe ,
" qui ne pourroit fervir qu'a exciter de
» nouveaux troubles. Il ne faut point
» vouloir en venir a des cclaircifle-
» mens , & approfondir les chofes
»> pour voir fi Ton a pu , ou fi Ton
t» a du faire tout ce qu'on a fait, Il
» ne faut pas dire:Ha ! mais on a done
» change; il y a plus de quatre ans
» que nous aurions bien voulu faire
is ceque nous avons fait aujourd'hui.
»> Pourquoi demandoit-on autre choje
» en ce terns - la plutot quen celui-
» ci ( 5 5 ) ? Tout cela , mes cheres
(f?) Ces paroles mon-    leur refufant les Sacre-
Uent bien clairement que    mens a la mort 8c la fe-
les religieufes de P. R.    pulture ecclefiaftique. Ce
n'avoient accorde par leur   n'eft point allurement l'E-
requete , que ce qu'elles   j»life qui autorife une telle
avoienttou jours often pat   conduite; c'eft une injuf-
leutsaftes ptecedens, pour    ike 8c un abus vilible de
lefquels on les avoit trai-    l'autorite dans fes Minif-
tiis conime des heretiques,    tres.
-ocr page 406-
464 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
» fceurs, ne ferviroic qu'a troubler
» la paix , & a nous faire perdre le
» terns inutilement a parler de chofes^
» done il feroit a fouhaiter que nous
» n'euffions jamais parle.
" II ne faut point faire de retour
» fur le pafTe , & tacher feulement
» de bien ufer a cette heure de cette
>i paix que PEglife nous offre, croi'ant
» que le refpe<5l &c Faffection que
» nous devons avoir pour elle , nous
» oblige a nous contenterde lagra-
» ce qu'elle nous fait a prefent, fans
« vouloir penetrer dans les raifons
» qu'elle avoit eues de tenir une autre
» conduite, puifque nous devons etre
» perfuades que n la difcipline n'eft
" pas toiijours la meme, & qu'il y
» ait quelque changement, e'eft pour
» le bien de fesenfans qu'elle en ufe
» ainii, & parcequ'elle juge qu'il eft
jo plus expedient pour la gloire de
» Dieu ; 8c que quand meme il feroit
» poffible qu'elle fe fat trompee (ce
» que nous ne devons pas croire ) ce
» n'eft point a nous a le juger , ni a
« parler de nouveau de ce qu'elle au-
>> roit fait; de meme qu'un bon enfant
w qui auroitete chaiieinjuftementde
» la maifon de fon pere, s'il venoit
» enfuite a le rappeller 8c a le rece-
-ocr page 407-
II. Partie. Liv.' VI. 40 5
m voir en grace , ne voudroit point
» entrer dans les eclairchTemens, &
» approfondir les chofes pour favoir
» qui a eu droit ou qui a eu tort ;
» mais croiroit que le refped: qu'il doit
» a fon pere , l'obligeroit d'enfevelir
>- tout cela fous le filence pour ne plus
» penfer qu'a l'honorer & qu'a le
» bien fervir , s'eftimant trop heureux
» d'etre rentre dans fes bonnes graces.
» Voila., mes cheres foeurs , ce que
» vous devez faire pour bien ufer
»» de la paix que l'Eglife vous donne ,
m qui eft de conferver toujours un
» profond refpecl; pour elle , & de
» garder a l'avenir un grand filen-
» ce fur ces matieres de contefta-
» tions.
M. de la Brunnetiere , continuant
fon difcburs , parla fur ce qui reftoit
encore a faire pour Tender recablirfe-
ment des religieufes : cela confifte ,
» dit-il, en deux chofes , la premiere,
» eft votre reunion avec vos fceurs
» de Paris , & la feconde , le retablif-
» fement de votre ancien gouverne-
» menr. » Quant a la reunion, il les
exhorta a la commencer elles-memes
en levant les obftacles qui pourroient
s'y rencontrer, en oubliant tout le
pafTe , & ne s'eloignant pas d'elLes.
-ocr page 408-
40(J HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
La reunion auroit ete bientot faite >
11 les conditioas auxquelles le grand
Vicaire fembloit l'attacher de la part
des religieufes de P. R. des Champs
euiTent ete fuffifantes pour la procurer.
Mais celles de Paris etoient plusdif-
pofees a y former des obftacles qu'a
les lever. Pour ce qui eft de la deuxie-
me chofe qui regardoit le retablifTe-
ment de l'ancien gouvernement, le
gtand Vicaire dk qa'ilfaMoit patienter
qvelques momens ,
parceque la refor-
me d'un changement fait par l'au-
torite du Roi ne pouvoit pas fe faire
fipromptement.
La Mere AbbefTe pria M. le grand
Vicaire de temoigner a M. l'Arche-
veque leur joie & leur reconnoiflan-
ce ( 5 6 ) de la grace qu'il venoit de
leur accorder , & de l'aflurer en me-
me -terns de leurobeiflance &deleur
foumiffion a fesordres. Elle ajouta,que
s'il lui plaifoit de les retablir dans leur
maifon de Paris,il reconnoitroit & leur
fceurs aufli, 1'arTedlion qu'elles avoient
pourelles,&combien elles fouhairoient
de pouvoir etre reunies avec elles ,
(\6) Les religieufes t£-    m4me (our , qu'elles prie-
moignerent ellcs-memes    rent fon grand Vicaire de
leur reconnoiflance a ce    lui remettre. Mem. hift.
Ftelat pac une lettre du   T, i.p. Ki,
-ocr page 409-
IT. PAR.TIE. L'lV. VI. 4C7
•ubliant de bon cceur tout le parTe. lffjj -
11 repondit qu'il ne manqueroit pas d'en
aflurer M. de Paris; mais, qu'il fal-
loit attendre le retour du Roi.
Le difcours etant fini on chanta le t,xi.
Te Diiim , on fonna les cloches, les Te
Ptimf
portes fluent ouvertes; & a peine le
chant etoit-il acheve , que Ton vit ar-
river les pauvres gens des villages des
environs, qui accoururent en foule au
fon des cloches , jugeant bien qu'il y
avoit quelque chole d'extraordinaire
a l'Abbai'e puifque depuis pres de qua-
ere ans on n'avoit rien oui de fem-
blable.
Apres le Te Deum , M. le grand
Vicaire dit l'oraifon d'action de gra-
ces , puis tout le monde fe retira. Mais
ce fut avec une telle modeftie & un
tel recueillement, qu'une perfonnequi
n'auroit pas fu ce qui fe paffbit a. P.
R., n'auroit jamais put penfer qu'il y
eut quelque chofe d'extraordinaire.
Cette modeftie & ce recueillement
Venoient des fentimens que Dieu avoit
mis dans ces faintes ames , qui etoient
dans la difpofition de paffer leur vie,
s'il i'eut ordonne , dans l'etat d'011 on
les tiroit ; & qui par cette raifon ■
etoient perfuadees que leur joie Sc
leurs actions de graces nepouvoient
-ocr page 410-
_______ 4°8 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
10651. ^tre troP numbles , puifque leur de-
livrance avoit pu etre accordee a leur
foiblelTe qui les rendoit peut-etrein-
dignes d'une telle fouffrance.
xlii.
          Auffitot que M. le grand Vicaire fur
icmnene f°n Par"' ^e ^' Bouchard commenca a
aitions de' confefTer les religieufes: & le lende-
graces.
        main 19 , on chanta la premiere gran-
de MefTe, qui flit de la Trinite, en
actions de grace. Ce fut M. deBois-
buiflbn qui officia : il eut pour Diacre,
M. Eart, & M. Paftour pour Soudia-
cre. On y prefenta le pain beni com-
me a une fete folemnelle; & les fceurs
qui s'etoient confeffees y communie-
rent. Quoique ce fut un jour de tra-
vail , beaucoup de gens des environs
y affifterent , attires par le bruit de
la delivrance de cesvierges chretien-
nes. Comme Ton fortoit de la grande
MefTe , l'exemt arriva avec un ordre
du Roi pour fe retirer lui & fes trois
gardes.
Ce fut ainfi que les relisieufes de
rinnocence "• **•• > apres avoir e.e traitees 11 cruel-
des reiigieu- lement, & comme on auroit fait des
juftifiL "pfr perfonnes convaincues des plus gran-
leur retablif- des erreurs, furent retablies fans ab-
juration d'aucune herefie , &fansfai-
re d'autre profeflion de foi, que cel-
le qu'elles avoient toujours faite. Pour-
roiton
-ocr page 411-
II. Partie. Liv. VI. 409
voit-on reconnoitre d'une maniere plus
authentique l'innocence de ces fainres
lilies, & 1 injuftice de la conduite qu'on
avoir tenue a leur egard >
Car enfin , ces fainres religieufes
avoient figne avanr qu'on leur inter-
dit lesSacremens de l'Eglife , dans le
meme fens qu'elles fignerent pour y
ctre retablies. Celles qui avoient etc
decriees comme des hetetiques, com-
me des rebelles , comme des vierges
folles, dc traitees avec la derniere m-
dignite , font reconnues maintenanc
bonnes catholiques & foumifes a l'E-
glife. On les retablit dans la partici-
pation des Sacrernensdont on lesavoic
privees,quoiqu'ellesn'aient rien faic
de nouveau qui ait donne lieu de
croire qu'il foir arrive aucun change-
ment en elles ; ai'ant toujours ete dans
les memes fentimens , & ai'ant tou-
jours temoigne la meme foumillion
de foi pour les dogmes condamnes ,
& la meme foumirlion de refpedfc&
de fdence pour le fait qui regardoit
Janfenius. Leshommes ont change de
conduite a leur egard , quoiqu'elles
aient toujours ete innocentes : on les
a traitees,pour me fervir de la compa-
raifon de M. le grand Vicaire, done
les paroles meritent une attention fin-
Tome VI.
                           S
-ocr page 412-
4tO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
~~~iC6<T~g-uiere , commeauroit fait un Pere ,
qui chafe injuftement un ion enfant
de fa malfon
, 8c qui le rappelle en-
fttite. Quoique bonnes lilies de l'Eglife,
on les a voulu chaffer injuftement ,
en les privant des Sacremens, meme
a la more; enfuite on les retablit. Cet-
te difference deconduite ne vient point
d'elies •> puifqu'elles ont toujours ete
les memes , & qu'elles ont toujours
fait les memes profeffions de foi ,
foit avant que d'etre privees des Sa-
cremens, foit pendant cette privation,
foit pour y etreretablies j enunmot,
femblables a. ce bon enfant chafe in-
jufemtnt de la malfon de fon pere
&
enfuite rappelle , elles ont ete privees
des Sacremens tres injuftement, &c par
un effet du zele amer de leurs en-
nemis, qui faifoient agir les PuiflTan-
ces contre ces vierges innocentes.Dans
la fuite ces Puiflances s'etant reunies ,
a l'infu de ces memes ennemis, pour
rendre la paix a. l'Eglife , elles ont ete
retabiies dans la participation des Sa-
cremens. Voila tout le myftere de la
differente conduite qu'on a tenue a
l'egard des religieufes de P. R. Lorf-
que les ennemis de ces faintes hlles
ont cefTe de feduire & de faire agir
contr'elles les Puiffances, elles ont ete
-ocr page 413-
II. Parti e. Liv. VI. 41 1
trouvees innocentes , & dignes de par- ^^
tkiper aux faints myfteres. Celt ce
qu'il ne faut pas perdre devue , d'au-
tant que nous reverrons dans quelques
annees les memes ennemis de ces
fainces filles les decner de nouveau
comme des heretiques & des rebelles,
les noircir par leurs calomnies, &c en-
fin les faire traiter auffi cruellemenc
qu'elles l'avoient ete avant la paix;
fans avoir rien fait qui put les rendre
dignes d'un pareil traitement, & fans y
avoir donne la moindre occafion.Funef-
tes efFets ducredirenormequ'a la focie-
teaupresdesPuiffancesdumondeSCette
redoutabie fociete , apres avoir fait
pafifer dans l'efprit des Papes &c des
Kois de la Terre le phantome du jan-
feoifme pour une herefie reelle, & les
meilleurs catholiques pour des here-
tiques qu'il faut pourfuivre a feu 8c
a fang , aura encore le pouvoir de leur
fafciner les yeux jufqu'au point de
leur perfuader qu'une paix qu'ils ont
fagement concerted eux-memes, &c qui
eft conftatee par des monumens au-
thentiques, n'eft qu'une chimere.
Perfonne n'ignore que M. Colbert ,
XL IV.
ce Mflfiftre fi zele pour la gloire de Mcdailic
fon Souverain , fit frapper une me- frapp-e»u!u"
j ...            r • 1 1 r-           i       \ l«cUlapai.v.
daille au fujet de la paix rendue a
Sij
-ocr page 414-
411 HlSTOIRE DE PdrT-RoYaI.
l'Eglife, la regardant comme un des
plus glorieux monumens du regne de
Louis XIV.
» Les grands evenemens , die un
» Jefuite , auteur non fufpect , font
» ordinairement marques par des mo-
» numens publics, entre lefquels les
» medailles tiennent un rang confide-
» rable. On en frappa une cette an-
» nee-la meme , pour etre mife dans
» les fondemens des batimens du Lou-
" vre, auxquels on travailluit alors.
» Le nom & la figure du Roi etoient
» fur un des cotes. Sur le revers on
« vo'ioit un livre ouvert fur un autel,&
» fur ce livre les cles de faint Pierre, le
" fceptre roi'al & la main de juftice
» pafles en fautoir •, au-deflus de
» tout cela etoit un faint Efprit talon-
's nant avec ces mots a. l'entour :
» Gratia & pax a Deo , & ceux-ci
s> fur le devant de l'autel : Ob rtfii-
» tutam Ecchji&, concorilam.
Voila.
« qu'elle etoit la medaille frappee au
» fujet de la paix de'Clement IX (57).
(57) C'eft le pere Davri-    teur de ttiiftoire des cinq
gny lui-meme qui en par-    Propolitions. On fait que
le 2!n(i dans fes Memoi-    le veritable auteur de cette
res. En vain ce Jefuite    hiftoire eft le gj^e Tellier
tstche-c il apres cela d'obf-    auquel M.Dumas a bien
curcir cet evenemene, en    voulu prtter fon nom.
s'appui'ani fur ur.ecircpnf-    ( C'etoittoutce qu'ilpou-
uiice rappone'e par l'au-    voit prttet, car pour ce
-ocr page 415-
II. P ARTIE. LtV. VI. 413
Apres quatre annees environ paffees
dans la plus dure capdvite , les reli-
10
XI
iidon s
Difpi
qu'il ne refte rien a defirer
fur ce fujet.
Nous ne pouvons cepen-
dant nousempechetde t£-
moigner notre etinnemenc
fur ce que dans le recueil
des meda lies duRoi, dref-
fe par Meflieurs de l'/i ca-
qui eft de fa plume >
quelque bonne volonte
qu'il eut de fervir la So-
ciete , a laquelle il etoit
tout devoue , il etoit en
core plus incapable de lui
lendre aucun fervice en
ce genre ). Pour ce qui eft
de la circonftance qui demie des Infcriptions par
prouve, felon le pere Da- ordre du Roi, imprime ail
Louvre en 1701 , on a >n-
fere la fauffe medaille pour
la veritable. Comment a-
t il pu arriver que ces
Meffieurs, (i verfes dans
la connoiflance des an ■
ciens monumens, foient
tombes dans une pareills
me'prife touchant une me-
daille de (1 ftaiche date ?
On n'eft gueres moins fur-
pris dec; qu'ilsajoutenr:
On nentend plus varler de
ces noms de partis capa-
bles d'entretenir la difcorde9
& I'Eglife jouit d'tine phi-
nepaix.
Le volume ou l'oa
parie ainu" eft de l'annee
1701; 8c e'etoit alors qu'on
pourfuivoit ft vivement
les quarante Do&eurs qui
avoient figne le fameux
cas de confeience, dans
lequel its prenoient la paix
de C16ment IX pour fon-
dement de leur decifion.
C etoit alors que les enne-
mis de la paix, abufant
vrigny , que la medaille
ne tut point du gout de
Louis XIV , ce Jefuite
iui-m«me n'ofe pas la ga-
rancir. Cette eitconftance
prouve le cor.traire , dit-il,
// eile ejl vraie. Mais (1
elle n'eil point vraie , que
prouve-t- elte ? que le pere
Davrigny eft un ecrivain
fans confequence , qui
fur des Si veut dittuite &
ebfcurcir des faits incon-
teftables. Nousne nous ar-
recerons point ici 4 rehi-
terles vains raifonnemens
par lefquels on a pretendu
donner atteinte a la paix
de Clement IX , ni a dif-
cuter ce qui regarde la
faufle medaille qu'on a
voulu fubftituer i la ve-
ritable. L'auteur des Me'-
moires bijiyriqnes &cbro-
nologiques fur I'Abba'ie de
P. ^?. des Cbamps., a ft
folidement rraite cette ma-
tiere, en demontrant la
realite de la paix , & en de leur credit aupres du
retabliffant la veritable grand Prince qui avoir
medaille contre la fauffc, lui • meme concouru &
(*) Voit\UT<im,-L.des Mem.p. i-n.f 11 &fviu.
S iij
-ocr page 416-
414 HtSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
kj^o. gieufes de P. R. commencerenr done
ies reii^ieu- a refpirer un peu & a jouir des fruits
its pour ieurs
applaudi a la paix , com-
me on vknt de le voir ,
iui faifoient emploi'er fon
autoriie pour renverferfon
propre ouvra0c. Enfin e'e-
toit alors qu'en France 6v a
Rome on prenoit des me-
fures (1 efficaces pour mi-
ner entkrement ce qui
avoit ece fait par le con-
cours des deux PuifTances;
8c renverfer le faint me-
naftere de P. R., qui fur
detruit quelques annees a-
pres, uniquement parce-
que les religieufesne vou-
lurent point ftc'riger a ce
qui s'e'tcit fait a leur e'gard
tors de la paix de Clement
IX.
II y a fujet d'etre fur-
pris que les religieufes de
V. R., dont l'innocence
8c la purete de la foi fu-
rent fi folemuellementre-
connueSj aient ete dans la
fuite expofees comme au-
paravant aux traits de la
calomnie. Toutefois cela
ne furprendra point ceux
qui confidereronc, que ni
les Jefuites, enuemis de-
clares de ces faintes lilies,
rti ceux qui etoient unis a
cette Societe , ne change-
rent point de difpofitions
aleuregard. lis fuivoient
la mSme morale fans s'em-
bairafTer de toutes les cen-
futes qui la profcrivent.
lis avoient la meme fu-
leur contre les theologiens
qui combattoient leurs a-
bominables maximes ; its
avoient les memes raifons
8c les memes ddleins de
les opprimer : a quoi il
fant ajouter qu'ilsavoient
le meme credit aupres des
Grandr j qui eleves au def-
fus des autres homines ,
peuvent moins que les au-
tres hommes refifter aux
follicitations de ceux qui
les environnent , & re-
coivent plus aifement tou-
tes les impreflions etran-
geres. Les Grands ne font
que ce qu'ils peuvent faire
lans peine; il n'y en a poinc
a croire des impoftures -,
il y en a a s'in former de
la verite. Ainu" ils rece-
voient fanspeine les calom-
nies contre P. R. , contte
M. Arnauld , &c. Les
Grands font a peu pres
dans la meme irrpuiiTan-
ce & la meme lachere par
rapport aux aft ions de l'ef.
prit, dans laquelle ils font
a l'egard des actions du
corps: ils ne peuvent s'ha-
biller , fe lever , fe cou-
cher, s'ils n'ont des do-
meftiques pour les aider :
De meme, ils n'agifTent
prefque jamais par leur
propre raifon, ils ne voient
& ne jugent que par les
yeux des gens qui font au-
pres d'eux. Le monde e-
tant ainfi fait, il nefaut
pas s'etonner, u" les enne-
-ocr page 417-
II. Par tie. Liv. VI. 415
dela paix. Leur innocence ai'ant ete 1669.
ft folemnellement reconnue , tant a-caan j;;^.
Rome qu'en France, il etoit de lales-
juftice que leur retablifTement fut en-
tier , & que routes chofes fuffent mi-
fes dans l'etat oil elles etoient avant
la perfecution. Qui n'auroit cru que
tout alloit rentrer dans l'ordre, que
la maifon de Paris feroit rendue a
de la retractation des deux
proportions de falettreaun
Seign. de laCour, condam-
n6esem6c6parlaSorbonne
par un jugement qui fcra
a jamais fa honte de ceux;
qui le rendirent--: qu'on
n'oublie point quele grand
Arnauld & les religieufes
de P. R. out toujours ete
les memes , fo.'t clans les
perfections avant la paix
de l'Eglife, foit dans le
terns de cette paix, ou
toute la France s'accordoit
a reconnoitre leur inno -
cence , foit dans les trou-
bles qui fuccederent a cette
paix. Cette remsrque im-
portante fait fentir par
avance t'injuftice de ceux
qui n'ai'anc point en de parr
a la paix , qui derangeoic
leurs d^ffeins, eurentdans
la fuite aflez de credit pour
rallumer le feu de la divi-
fiofl & opprimer par la
violence & la calomnie,
des perfonnes qui etoienc
depuis longtems l'objec
de leur haine implacable.
S iv
mis de la paix firent tant
pat leurs intrigues , qu'ils
engage rent dans la fnite Its
puillances a agir centre
leurs adverfaires, comme
Ci cette paix n'avoir ete
qu'un piege &c qu'une a-
rfreiTe pour endormir ceux
qui s'y confioienr de bon-
ne foi , 8c pour les accu-
fcr enfuite plus facilement.
Qu'on fe fouvienne, nous
le repetons encore , de
cette epoque, ou les reli-
gieufes de P. R. furcnt re-
connues innocentes Jc r6-
tablies dans la participa-
tion des Sacremens, fans
avoir fait d'autre profef-
fion de foi que celle qu'el-
les avoient toujours faite.
Qu'on fe fouvienne que
M. Arnauld a ete reconnu
pour bon catholique par
le Pape, par le Nonce qui
l'a qualiHe de Cliryfofto-
me de fon fiecle, par le
Roi & 8c les plus guilds
Prelats , fans qu'il ait et6
oblige de reconnoitre Jan-
fenius pour heretique, fans
qu'on lui ait raeme deman-
-ocr page 418-
4l£ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
j(?<jp™ ceiles qui faifoient veritablement la
communaute de P. R., & que les
religieufes qui s'etoient feparees , fe
foumettroient avec plaifir a leurs legi-
times Superieures, a qui elles avoient
fait vceu d'obeir; Mais les fruits de
la paix n'allerent pas jufques-la. Nean-
moins 9'auroit-ete alors , que lajujii-
cc & la paix fe ftroient vraiment em-
braces i 8c
ces filles revohees auroient
eprouve que leurs meres avoient ve-
ritablement des entraiiles maternelles,
i\ elles avoient ecoute leur voix, 8c
la tendre invitation qu'elles leur firent,
des le lendemain de leur retablirTe-
itient, de venir prendre part a la joie
en fe reuniftant a elles. Ce fut le mo-
tif de la lettre que les religieufes de
P. R. des Champs ecrivirent le 19
de fevrier, a celles de Paris. Le lec-
teur peut la voir a la fin du vo-
lume.
Elle eft pleine de charite & de ten-
dreffe, 8c fait bien connoitre quel
etoit l'efprit qui animoit les religieu-
fes de P. R. des Champs : elle n'euc
cependant pas Feffet qu'elle auroit du
avoir ; & bien loin que la reunion fe
fit, on travailla peu apres a une en-
tiere feparation des deux maifons ,
comme nous le verrons bientot.
-ocr page 419-
II. Partie. Liv. VL 4tf
Tous les gens de bien prirent beau- TTiFoT"
coup de part au changement arrive
a. P. R. des Champs , & plufieurs s'em- pa« que ks
prefTerent de temoisner a ces fainres sens ie bicn
£              . .                    & .         , .           . prenncnt au
rules la joie qu us avoient de les voir recabiiffe-
forties de captivite , & retablies dans meiudesrch-
r                                                  gieufes de P.
la participation des Sacremens. M. r...
l'Eveque d'Aulonne leur ecrivit a ce , L"'re. \T
r . *                           .                  i • • i                    'eut ecnt M-
lujet, non une lettre pleine de com- d'Aulonne a
plimens > mais une lettre pleine d'avis ce *">"• .
tres Chretiens, & d'inftru&ions tres
folides fur le changement de leur
etat , & fur la maniere de reconnoi-
tre les dons de Dieu en elles, & de
les faire remonter a. leur fource. 11 leur
temoigne , que comme il s'etoit uni
a leurs foufFrances pendant leurs per-
fections , il s'unit a elles pour re-
mercier Dieu des faveurs qu'il leur
a faites. » Mes tres cheres fours , dit
» ce refpedfcablePrelat (59 ), pendant
» que les hommes vous out humiliees
» d'une maniere terrible ( a. laquelle
» neanmoins il ne faut jamais penfer,
» que pour gemir & prier pour ceux
" qui en ont ete les auteurs) , Dieu
» vous a relevees par des graces fin-
» gulieres que vous feules connoifTez ,
» parceque vous feules les avez revues
(58) Ce Prelat Ev£que ceTe de Chalons far mars*
in partibiU) fixe au dio- avoit cti RjeeoUet.
S v
-ocr page 420-
4i8 Histoire de Port-roi'al"
» & goutees , & par la fermete hie-
» branlable qu'il vous a donnee pour
" la defenfe de la verite, qui a ete Sc
"
qui fera dans tous les fiecles l'eton-
» nement & l'admiration de tous ceux
" qui aiment la verite. Mais main-
» tenant que les homines vont vous re-
» lever par leurs louanges , & par les
" temoignages de leur joie pour v6-
» tre liberte , je fuis oblige de dire ,
" pour la part panic uliere que je prens
« a tout ce qui vous touche , que vous
" avez fujet de craindre plus queja-
» mais que Dieu ne vous rabaiile
» devant fes yeux , fi(pourufer des
» paroles de M. deS.Cyran, quine
» vous feront point fufpedtes) vous
» ne lui rendez tout ce que vous avez
» fait & fouffert pour la verite , en
" le reconnoiflant pour le feul auteur
» de tout par une foumiflion fl
» profonde, qu'il ne refte rien dans
» vos ames qu'une confeflibn inte-
n rieure de ce qu'il lui a plii de faire
» par vous des ceuvres fi merveilleu-
» fes, fl eloignees de vos forces na-
» turelles, & fi peu proportionnees
« a votre indignite & a votre neant.
» Comme l'une de mes devotions
» pendant votre perfecution a ete de
» rn'unir en efprit a vos fouffrauces ,
-ocr page 421-
II. Par.tie. Llv. VI. 4x9
» vous voulez bien que je m'unifle " \(,Gj.
» avec vous , pour remercier Dieu
» de fes extraordinaires faveurs, &
» que je lui dife avec vous dans Fa-
» neantillement demon cceur: Helas!
» Seigneur, eft-il poffible que vous ,
» ayiez fi fort rabaifle votre grandeur ,
» que de vous fervir des creatures ,
» pour faire des ceuvres qui furpaf-
» fent toutes les forces humaines 8c
» naturelles , & qui ne peuvent etre
» produites que par votre toute-puif-
» fance infinie ! Voila, mes tres cheres
» fceurs , les fentimens de mon cceur
» au fujet de votre liberte, que vous
» recouvrez devant les hommes ,
» & que vous n'avez jamais perdue
» devant Dieu & fes Anges. Priez-
» le pour moi, afin qu'il accompagne
» de fes graces toutes les fonclionsde-
» mon miniftere. Je fuis en lui 8c
>» pour lui mes tres cheres fceurs &c.
Jean Eveque d'Aulonne. De Chalons
ce 11 fevrier 1669 (55>).
Les religieufes de P. R. ne man- tcs reiigievs-
querent pas de !faire reponfe a M. {es
<k p- v~
J' a 1                  011                           1 font repoiife'
a Aulonne , & de le remercier «es a m.rEve^s
falutaires avis qu'il leur avoit donnes. d'Aulonne <*
Ell 1 c                         1           J t                   cement swift
uiles le nrent par une lettreduji 4 mars. aux quwreF-
Eiiesavoient ecrit precedemment auvalues1-uis£~
(fj) Le 16 felon les Mem. hid. p. 171._
S vi
-ocr page 422-
410 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
1669^ famt Eveque d'Alet , pour le reiki-
to;,mia:eref-ter df k Paix de ?*■&& , & pour
im pour dies, lui temoigner leur jufte reconnoillan •
fcc"
            ce tie la part qu'il avoit prife a cc qui
les regardoit. Elles font mention a la
fin de leur lettre datee du 1 s fevrier,
de trois de leurs fceurs, qu'elles di~
fent leur etre deja reunies de cceur :
ce qui fait voir que des lors , cesre-
ligieufes etoient en relation avec elles.
C'etoient les fours , de S. Melchide,
de fainte Eufrofine , de fainte Peia-
gie j qui vinrent effe&ivemenr pert
apres les rejoindre dans la maifon des
Champs, Elles joignent encore les
fours converfes au nombre de 18 ,
auxquelles elles rendent le glorieux
temoignage qu'elles etoient demeurles
unies a la communauti avec une fide-
lite toute entiere.
M. d'Alet fit reponfe
aux religieufes par une lettre du 8 mars,
oa il temoigne I'ejlime & Vaffection que
Dieuiui a do nneespour leur fainte maifon,
Les memes raifons qui avoient enga-
ge les religieufes de P. R. a ccrire a.
M. d'Alet, les porterent a ecrire auffi
a M. d'Angers, a M. de Beauvais ,
& a M. de Meaux, qui s'etoient donne
tant de mouvemens pour leur retablif-
fement. Elles recurent des reponfes
auffi obligeantes qu'edifiantes, a ton-
-ocr page 423-
II. Parti e. Liv. VI. 411
tes ces leccres. La mere Agnes ecri- \6(>q.
■vie auffi a. M. de Sens fur le meme
fujet: nous ne trouvons point la re-
ponfe du Prelat , foit qu'il n'en ait
point fait, ce qui eft difficile a. croi-
re , foit qu'elle fe foit perdue ( 60 ).
Morifieur le Cure de Magny , qui xlvitt.
• ,          ,                  V ■ r ' r, ti M. le Cure
avoit donne aux rehgieuies de P. R. ,je Magny
des marques fi eclatantes de fon efti- view en pro-
0 / r               »                  - c >\ ceffionaP.R.
me & de Ion attachement , juiqu a
les recommander fouvent en public
dans fes prones , & a faire dans fa
ParoifTe des fervices folemnels pour
les religieufes qui mouroient privees
des Sacremens , ce digne & genereux
Pafteur alia en procefllon a P. R»
le premier volume des Mi-
moires hijioriques
C7* chro-
nologiques [«? I'AbbaYe de
P. R. ties Champs
pag. 445
4SS. Mais ilfauc lurtout
lire la 159 lettre (*) de
M. Amauld aux re.'igieu-
fes de P. R. des Champs ,
datee du 7 mars XS69 J
dans laquelle cet incom-
parable dofiteur donne des
inftruftions admirables i
ces faintes filles. U faut
dis-je , lire 8c mediter at-
tentivement cette lettre r
pour apprendre ce que
la reconnoiilance des gra-
ces que nous avons revues
de Dieu exige de now.
(So) Toutes ces lettre;,
auxquelles on pourrok
encore en joindre une mul-
titude d'autres & en affcz
grand nombre pour for-
mer un volume confidera-
ble, auroient merite d'a-
voir place dans 1'hift.oirede
P. R. Notre deflein ecoit
de les y inferer, du moins
en panie, mais lacrainte
ds furcharger le public ,
en multipliant les volumes
& de pauer les bornes que
nous nous fommes pret-
erites , nous a fait chan-
ger d'avi'. Le tefteur
trouvera celtes que nous
venons d'indiquer,$c quel-
ls autres encore , dans
C*) T. i.
J>. JOJ-JKR
-ocr page 424-
422 Histoire db Port-ho'iax.'
i66 p. He 3 mars) en a&ion de graces du
retablillementdes reJigieufes. La pro-
ceiTion entra dans 1'Eglife en chan-
ce
rant ces paroles : onirics qui de trno
pans. & de uno caliceparticipamus(6i).
La rencontre de ces paroles avec la
reunion de rant de perfonnes , dont
une fi longue perfecution n'avoir pu
divifer le cceurs ni les fentimens, &
cela arrive a l'lieure & dans 1'action
meme du premier facrifice que M.
Arnauld, qui etoit arrive la veille ,
offroit dans l'Eglife de P. R. , tout
cela dis-je , avoit quelque chofe de
remarquable & de frappant. M. le
Cure de Magny dir la grande Meile ».
8c a l'Evangile il fie un difcours aux
religieufes.
xhx.
         Non-feulement les amis de P. R.
Fiufearspec- prirent part £ leur retablifTement, &
tonnes preve- j„              , r                              .                .                .
nues contre hrent eclater leur joie*, mais on vie
les religieufes mkme Jes perfonnes, qui avoient ere
ebangenc de ,                   I                    ' J .                ..
difpoStions a prevenues contre ces laintes rules ,
leuregard. revenir de leurs prejuges, &. changer
de difpofitions a leur egard. Tel fut
M. Paftour, qui avoit fuccede a M.
Rey. Il quitta P. R. apres le retablif-
ement des religieufes; mais avant que
de partir,prenant conge des fuperieures,
(6i) Nous tout qni par- met qu'itn meme pain &:
ticipcjis it unniemepain& untnemc corps*.
i un tticine calkc t. ne jom~
-ocr page 425-
II. Partie. Liv. VI. 415
il leur temoigna toutes fortes de re-
grets de la peine qu'il leur avoit faite,
fur - tout en deux ou trois occafions
qu'il fpecifia , & dontil demanda plu-
fieurs fois pardon , s'accufant du tort
qu'il avoit eu de ne s'etre pas detrom-
pe plutot. 11 avoua qu'enfin il avoit
reconnu par fa propre experience qu'on
l'avoit trompe •, qu'il etoit fi edine de
la maifon , qu'il n'avoit que du bien
a en dire •, & que c'etoit une grane que
Dieu lui avoit faite de l'y avoir ame-
ne. Il paroifloit fort touche & meme
attendri en tenant ce difcours. Il te-
moigna enfuite beaucoup de joie du
raablilTement des religieufes , & fit.
entendre qu'il avoit recu quelque gra-
ce particuliere en entendant chanter
le Te Deum. Il ajouta , qu'il avoic
voulu fervir a la premiere MefTe , qui
s'etoit dite le lendemain , quoique ce
ne fut pas fa coutume, ( M. Hamon le
faifant toujours), afin d'etre le pre-
mier qui leur apportat la paix , & qu'il
l'avoit fait de grand cceur. Il dit plu-
lieurs autres chofes femblables , pour
marquerfon affection, fon edification,
& le regret qu'il avoit de n'avoir pas
fait un meilleur ufage du terns qu'il
avoit palle a P. R.
Lcs religieufes de P. R. des Champs
-ocr page 426-
4*4 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAt.
i66q. n'eurent pas la confolation devoirusi
dcS(leuxma;.pareil changemenr dans leurs fceurs
fom de i'. r. quis'etoient feparees d'elles;aucontrai-
re la conclusion de la paix leur donna
de grandes inquietudes, par la crain-
te qu'elles eurent que les fuperieures
legitimes qui etoient dans la maifon
des Champs, ne fuiTent rappellees a
Paris ( 61). Ces inquietudes durerent
jufqu'au 2 5 de mars que M. de Pa-
ris les raffura en leur difant que ce-
la ne feroit pas. Ce fut alors que la
foeur Dorothee revenue de fa fraieur
fit lire la lettre que les fceurs de la
maifon des Champs leur avoient ecrite
apres leur retabliffement •, ce fur a la
conference que cela fe fit, & comme
pour fe moquer. Ainll , la lettre fi
f>leine de tendrefTe par laquelle elles
es invitoient a rendre la joie de leur
retabliifement parfaite en fe reunif-
fant a elles pour ne plus faire qu'une
communaute comme auparavant, ne
fit aucune imprefiion fur l'efprit de
ces vierges folles. Bien-loin d'ecouter
la voix de leurs charirables fceurs »
qui oublianttoiulepafleJeur tendoienc
les bras pour les faire rentrer dans
la voie de la juftice & de la paix >
la) Rcc. de pieces in-11, p. 488*
-ocr page 427-
II. Part ie. Liv. VI. 415
elles ne penfereat qu'aux mo'i'ens de
confommer le fchilme , & de met-
tre entre les deux inaifons une bar-
riere qui rendu a jamais la reunion
impoffible : & elles eurent lemalheur
d'y reuffir par le credit de leur pro-
tedfceur , nous verrons dans la fuite le
pretexce dont il fe fervit.
Le Roi avoir remis a la premiere
femaine de Careme la concluhon de
l'affaire de P. R. , & on avoir deja
concu de fi belles efperances , qu'on
fe promettoir qu'elles retourneroient
a Paris a la mi-careme; mais ces ef-
perances s'evanouirent bien-ror. M.
Hilaire etanr alle a Paris le 1 z mars,
pour les affaires qui devoient s'y trai-
ler , vit bien des-lors qu'on vou-
loit feparer les deux maifons.
Il en parla a M. de Meaux, pour l'en-
gager a s 'oppofer a cette feparation y
&c a M. le Tellier,qui lui dit que leRoi
ne feroit rien dans cette affaire que
ce que defireroit M. de Paris ; qu'ainfi
il etoir a propos qu'une perfonne de
confideration comme M. le Prince,
e prevint pour le rendre favorable.
La mere Agnes ecrivit le 19 mars au
Prince , pour le remercier de la bonte
qu'il avoit eue de s'emploier pour elles.
-ocr page 428-
42<J HlSTOIRE DE PoRT-ROTAE.
166f. aupres de M. 1'Archeveque - (6j) mais
M. de Paris eut pea d'egard a une
follicitation qui en meritoit cependant.
Il vit le Roi le to mars, & die an
retour a M.Hilaire, que le Roi fe-
roit juger 1'afFaire par fon Confeil.
Le 2 5 du meme mois , les religieufes
apprirent par M. Hilaire, que la re-
paration etoit refolue , &c que le Roi
avoit donne ordre au Chancelier
d'avifer avec M. Colbert aux moiens
de faire le partage. La mere Agnes
ecrivit le 15 a M. Colbert ( 64. ) ,
pour le prier d'etre favorable aux re-
ligieufes dans cette affaire. Elles fi-
rent prefenter par M. de Lionne un
placet au Roi. La maniere dont Sa.
Majefte le recut, fit refoudre a fup-
primer la requete qu'elles avoient def-
feinde prefenter aux Juges, qui ecoient
M. le Chancelier , MM. le Tellier ,
de Lionne , Colbert, Villeroy , d'A-
ligre , de Seve, Poncet, Boucherat,
PufTort.
confeiipour Ces Commiflaires s'aiTemblerent le
la reparation trois avril: mais par la commiffion,
foL<deUp.nR.i'ils n'avoient que le pouvoir de con-
(<l)Joum. MS dei««9 (64) Voi'ez cette let. T.,
jufqu'en i«j« Mem. hift. 1. p. 310 des Mem. hid.
p. 4fS.
-ocr page 429-
II. Part ie. Liv. VI. 42.7
damner les religieufes des Champs.
Le Roi avoit ordonne la veille aM.
Ie Chancelier, de farmer la bouche
a tous ceux qui voudroient entrer en
connoiffance du fond de l'affaire , 8c
pour cela de leur declarer d'abord ,
qu'ils n'etoient affembles que pour
deliberer fur la forme & non fur le
fond. C'eft ce que M. Hilaire manda
de Paris le trois avril.
Monfieur Colbert ne fe trouva pas
a ce Confeil, dans lequel M. Pufforc,
qui faifoit la fonction de Rapporteur,
eut le courage de parler en faveur des
religieufes , quoiqu'en fuppofant la
volonte du Roi notifiee par le Chan-
celier. MM. le Tellier & de Lionne,
firent audi affez - bien , 8c tacherent
d'embaraffer l'affaire pour qu'elle trai-
nat en longueur. M. le Chancelier opi-
na a rendre M. de Paris maitre de
l'affaire. C'etoit le rendre juge dans
fa propre caufe : cet avis neparoit pas
digne du chef de la juftice, neanmoins
il conclut qu'il feroit fon rapport au
Roi en prefence de MM. Puffort 8c
le Tellier. Les Commiffaires fe trou-
verent de differentes opinions par rap-
port au partage des biens ; les uns »
commeM. de Villeroy , voulant que
chaque vnaifon eut la moitie , c'eft-
-ocr page 430-
______ 42^ HlSTOIRF. DE PoRT-ROlAt.
1669. a-dire, que 12 religieufes qui etoient a
Pariseuuentautantqueceliesquietoient
aux Champs au nombre de quatre-
vingt-dix. Les autres plus equitables
furent d'avis , que la maifon des
Champs devoir avoir les deux riers.
M. de Paris propofa un autre moi'en
d'accommodement; du moins il man-
da a M. le Prince , que , fi Ton vouloit
laiiTer la maifon des Champs a la fceur
Dorothee avec dix-mille livres de ren-
te , il ne s'y oppoferoit pas. Ce qu'il
difoit, felon les apparences , pour
contenterMadamedeLongueville,par-
ceque M. le Prince avoit tcmoigne
au Prelat qu'elle avoit deilein de fe
retirera P. R. de Paris, fi les chofes
fe retablilfoient.
Monfieur Hilaire alloit continue!-
lement a Paris , & voi'oit M. Pufforr,
qui agiflbit le plus dans cette affaire ,
etant charge de faire le partage. Il I'en-
tretint le 26 fort long-tems fur les
pretentions de la fceur Dorothee, qui
vouloit tout envahir. Le Commiflaire
ecouta de bonne grace les propofitions
qu'il lui fit pour mettre des bornes
aux. deffeins ambitieux de l'intrufe \
&pour affurer a perpetuire la trien-
nalite , & le refte des biens qu'on
laiflfoit a la maifon des Champs, il
-ocr page 431-
II. Par tie. Liv. VI. 419
iui promit de garder les regies de la
juttice dans ce partage , autant qu'il
dependroit de lui •, c'eft-a-dire , com-
me il l'expliqua lui-meme , fans for-
tir d'un pas des ordrcs que Sa Majefli
lui prefcriroit.
Madame de Longue-
ville ne manqua pas d'ecrire a M.
Puflbrt de la maniere la plus obli-
geante en faveur des religieufes de
P. R. M. Hilaire eut pluiieurs au-
tres enrretiens avec lui, & il en eut
un entr'autres le fept demaiau grand
parloir de P. R. de Paris. La fceur Do-
rothee & la fecur Flavie etoient au
dedans. M. Puffort temoigna etretres
tnal fatisfait de ce qui fe paflTa de la
pare des religieufes de Paris , & fur.
au conrraire tres content de la ma-
niere dont on aghfoit pour celles de
P. R. des Champs, & en particulier
de la conduite de M. Hilaire , qui
les convainquit de plufieurs articles de
faux emplois, dont elle ne parent fe
defendre. M. Chamillard & la fceur
Dorothee fe trouvant fort embarraf-
fes demanderent un delai de fix fe-
maines a M. Pufiort, qui le leur refu-
fa.
M. de Perefixe vouloit executer
fon projet & tenir la parole qu'il avoit
don-nee a la fceur Dorothee & a. la
-ocr page 432-
4JO HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
j<j(jo. four Flavie , que jamais leurs me-
res ne reviendroient a Paris.
M.dePere Ce Prelat des I'an 166'; , par un
fixe engage le mandement du huir fevrier , avoit fait
Roi a donner                               ■ ■ a. J L'             J 1'al
un arret qui un partage lnjulte des biens de 1 Ab-
partage ks bai'e de P. R. , entre les relieieufes
biens des deux , i            r        ,        _.                  „° , i
snaifons. de ia mailon des Champs, & celles
de la maifon de Paris : au lieu d'a-
neantir en consideration de la paix ,
& comme la juftice l'exigeoit, ce qui
avoir ete fait precedemment contre
les regies , il voulut au contraire l'eta-
blir de nouveau d'une maniere qui
parut juridique. Pour cela il fit en-
tendre au Roi (comme Sa Majefte le
declare elle-meme ) que d'un cote
» les religieufes qui etoient aux champs
" fouhaitoient de continuer l'obfer-
» vance de leurs vceux fous la con-
» duite & direction de 1'Abbefle qu'el-
» les avoient elue & de celles qu'el-
» les elifoient fucceffivement de trois
" ans en trois ans, conformementaux
" lettres patentes du mois de Janvier
» 1619; & que d'un autre cote, il
» etoit avantageux au Roi d'ufer du
» droit de nomination, dans lequel
" il vouloit rentrer par fa declara-
» tion du mois de mai de Pan 1668.
Par ce rftoi'en , M. de Perefixe enga-
gea le Roi a donner le 13 mai 1669 un
-ocr page 433-
II. Part ie. Llv. VI. 431
arret du Confeil d'Etat, qui partageoit
les biens, &: feparoit les deux maifons
en deux Abba'ies independantes Tune
de l'autre. » Lwbbefle Perdreau ,
» dit l'arret, continuera la poflfeffion,
» regie & gouvernement du monaftere
» & Abbai'e de P. R. de Paris , jouira
» des fruits & revenus qui y demeu-
» reront annexes •, & a perpemite il y
« fera pourvu d'une Abbefte perpe-
» tuelle a la nomination du Roi. Nean-
" moins Sa Majefte, pour de bonnes
» & juftes confiderations, ordonne
» que le monaftere de P. R. des
» Champs avec fes annexes & de-
» pendances fera diftin6fc, fepare &
» independant de celui de Paris, du
t> confentement du fieur Archeveque
» & de ladite Perdreau , pour etre
» etabli a perpemite en titre d'Ab-
=> baie ele&ive & triennale , fous
» le nom d'Abbaie de P. R. des
» Champs, regie & gouvernee a. per-
« petuite par une Abbefte, qui fera
» elue de trois ans en trois ans par
» les religieufes qui y font prefente-
» ment & feront a l'avenir. Et afin
» d'oter tout fujet de conteftation en-
« tre les deux Abba'ies fur le fujet
» des biens &c revenus , Sa Majefte
» ordonne qu'ils feront partages en
-ocr page 434-
________ 431 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
1669. „ deux lots, l'un defquels fera com-
» pofe d'un tiers , qui appartiendra
» a perpetuite aux Abbefles & religieu-
» fes de P. R. de*Paris; & l'autre
» compofe des deux tiers appartien-
» dra aufli a perpetuite aux Abbeffes
» & religieufes de P. R. des Champs,
» &c. »
Avant que cet arret fut rendu , la
veritable AbbefTe de P. R. & la com-
munaute des Champs avoient donne a
M. Hilaire leur agent une procura-
tion en date du 4 avril 1669 (65),
pour s'oppofer a Rome a l'expedition
des bulles que la fceur Dorothee ( qui
en avoit deja obtenu pour fe mainte-
nir dans Ion usurpation ) pourroit de-
mander pour permuter , comme on
difoit qu'elle en avoit le deflein ,
fon titre d'AbbefTe avec quelqu'au-
tre, comme aufli a. la divifion qui
pourroit etre faite des deux maifons
de Paris & des Champs , partage de
biens,erec"tion d'un nouveau titre dans
l'une ou l'autre des deux maifons.
liii.
         Les religieufes a'iant recu avis ,
fcsdeschamps quon alloit en erret travailler mcel-
proteiiem fament au partake du bien & fepa-
contre la fe-                 . \        t> .                            r
paration. ration des deux mailons, nrent une
nouvelle proteftation en date du 24
(65) Voi'czceca&e mSm. hift, T, 1. p. jii.
avril
-ocr page 435-
II. Parti e. Liv. VI. 45}
avril(<J6) , fignee de 65 religieufes
dans laquelle apres s'etre plaintes de ce
que ceux qui depuis long - tems ont
conjure la perte de leur Abbai'e, con-
tinuenc leur mauvaife volonie a leur
egard, bien que le pretexte dont ils
s'etoient fervis jufqu'alors pour les
perfecuter , eutcefle par l'acceptation
que M. de Paris leur Superieur avoir
fair de leur foumiffion ; elles protef-
rent contre la nouvelle injuftice qu'on
leur fair en portanr les Puiflances A
divifer leurs maifons & leurs biens,
pour maintenir l'ufurpation d'une de
leurs fours. Comme aucun OfBcier
da juftice ne vouloir recevoir leurs
acles, 6c que rous les rribunaux leur
etoienr fermespar lapuilTance deleurr
ennemis , qui les menacoient meme
de maux encore plus grands que ceux
qu'elles avoient deja foufferts ; pour
faire ce qui etoit en elles dans l'e-
tat ou elles etoienr reduites , & pour
conferver leur droir, elles rappellent
tous leurs a&es precedens, toutes leurs
proceftations (66) , qu'elles renouvel-
lentpar celle-ci ,dans laquelle elles de-
(66) Vo'iezl'actedepro-    iS decembre i«Sj ; la
teftation, mem. hift. T. i.
    uoilieme le it juin is<s8
p. jij-jitf.
                        la quatrieme du 14 fep-
(67) La premiere du 11    tembre 16*8 ; lacinquie-
aout 1SS4; la feconde du
    me du 24 avril 1669.t
Tome VI,                              T
-ocr page 436-
434 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAt.
I(j^o. clarent , pour la decharge de leut
confciersce , qu'elles proteftent de nul-
lite de la pretendue divifion & fepa-
racion qu'on vouloit faire de leurs mai-
fons & monafteres de Paris &; des
Champs, partage des biens, & de tout
ce qu'en confequence feroit fait, tant
par autorite ecclefiaftique que lai'que ;
qu'elles entendent fe pourvoir contre
cette violence & injuftice qui leur eft
faite , fans que le filence qu'elles fe-
ront peut-etre obligees de garder une
ou plufieurs annees , puiffe leur nuire
ni prejudicier a leurs droits , ni pafter
pour un confentement, attendu qu'il
leur eft impoffible d'agir autrement
dans l'etat ou elles font reduites.
uv.
           Ces oppafitions fi bienfondeesn'ar-
Eliesfontun reterent point les defieins de M. de Pe-
rfe craiTatUdu refixe & de la fceur Perdreau, quiob-
ConfeU. tinrent du Roi l'arret du Confeil done
nous avons parle, pour la feparation
des deux maifons. Cet arret du 13
rnai 1669 a'iant ete fignifie le 7 juin
fuivant aux religieufes de P. R. des
Champs , la premiere chofe qu'elles
firent lut d'adorer la divine Providen-
ce dans cet evenemenr, & de prier M.
Vallon de Beaupuis , qui fe rrouvoit
alors a P. R. pour la premiere fois de-
puis la paix , de celebrer une MefTe
-ocr page 437-
II. Part i e. Liv. VI. 435
d'a&ions de graces , & d'y joindre une
exhortation. Ce qu'il fit, en prenant
pour texte ces paroles: Nolijlcre, que
le fils de Dieu adrefla a la veuve de
Nairn, avant que de reffufciter fon
fils.
Cependant, les religieufes ne croiant
pas devoir garder le lilence fur l'in-
juftice qui leur etoit faite par un pa-
red arret , qui contenoit des chofes
peu avantageufes pour elles, elles cru-
rent qu'il etoit neceflaire de drefler
entre elles une proteftation en forme
d'apologie pour y avoir recours & s'eti
fervirdans un terns plus favorable (67).
Dans cette proteftation du 8 juin, elles
reitererent & confirmerent l'acte du
24 avril , qui contient leurs oppoii-
tions faites par avance a tout ce que
portoit 1'arret; c'eft-a-dire , a la fepa-
ration des maifons & biens de P. R.
Par cet arret, on donnoit un tiers des
fonds , avec tous les batimens, mSu-
bles , reliques , pierreries , argente-
rie , a la maifon de Paris , compofee
feulement de fept profefles vocales ,
deux anciennes imbeciles , & deux
ProfeiTes converfes , qui , toutes en-
fembie , n'avoient pas apporte plus de
(67. Voi'ez cetafte im- m. hid. & la let. 141 de
potuntT. 1, p, 351, MS- M. Atnauld T. i.p. 511.
Tii
-ocr page 438-
436 HlSTOIRE DE PORT-ROlAt.
" i £<jo, 6000 livres au monaftere, & quipref-
que toutes avoient etc recues par cha-
nce. C'eft ainfi qu'on livra a une re-
ligieufeambideufe, & a une ufurpatri-
ce, la maifon de P. R. de Paris, qui
valoit plus de 500000 livres, & qui
avoit ete fondee 6t batie , tanc des de-
niers qu'avoient fournis les parens des
religieufes qu'on en avoit chailees ,
que des bienfaits de leurs amis , qui
avoient donne du bien a ce monaftere
en confideration de la regularite qu'ils
y voioient regner , voulant contribuer
a l'y maintenir , & donner moi'en de
faire fubfifter une grande communaute
qui put fervir d'afyle a de pauvres fil-
les qui cherchoientt)ieu& rui'oient les
perils du monde. Les religieufes des
Champs confiderant done qu'elles
etoient obligees de remplir les inten-
tions faintes & chretiennes de leurs
bienfaiteurs , prorefterent centre l'e-
xecution de l'arret qui ordonnoic la re-
paration des deux maifons , & le par-
tage des biens.
LV,           Les ennemis de ces faintes lilies qui
tcs reiigieu-profitoient de toutes les occaiions pour
fes font obli-1 j rr •           /-">
gees de retuc-les deliervir en Cour , ne manquerent
ter ieur a&e pas de l'informer de l'oppoiition qu'ei-
d'oppoution f           r • \i f         j i
au jaccage. les avoienrlaite a iaiepararion des deux
Eiles ftm unmaifons §r au partage des biens , 6^
-ocr page 439-
II. Par tie. Liv. VI. 437-----------
de la procuration qu'elles avoient don- J '°-7'
nee a M. Hilaire Piet, pour former op- afts fccrer
r ■              /-1         l-n           o         _■•» conrre ce ash
polition en Cour de Rome ec par-tout {iemcm,
ailleurs oil befoin feroit, a cette divi-
fion & a ce partage , ainu" qu'a l'ex-
pedition de toutes bulles , &c. M.
de Lionne Miniftre & Secretaire d'E-
tat, 6c ami de P. R., fut eftrai'e, & fie
favoir aux religieufes qu'il falloit ab-
folument qu'elles revoquafTent leur acle
du 24 avril , & qu'elles fe defiftaffent
de leur oppofition , finon qu'elles s'at-
rireroient la colere du Roi, & caufe-
roient la ruins de leur monailere. En
confequence , les religieufes confide-
rant qu'il y avoir tout a craindre pour
elles, & nul bien a efperer de la de-
marche qu'elles avoient faite , elles
revoquerent par un a&e du 28 juin
\66<) (68) la procuration qu'elles
avoient donnee a M. Hilaire par leur
acte du 4 avril , & fe defifterent de
leur oppoiition. Mais neanmoins com-
me leur oppofition etoit jufte(quoi-
qu'elle fut par les circonftances plus
perilleufe pour elles qu'avantageufe )
elles drelTerent en meme terns un au-
tre acte fecret date du meme jour, dans
lequel elles declaroient qu'elles ne pre-
(«S) Voi'ez l'a&e fecret p. 397 8c 1'siSe d'evocadon
dans les Mem. hift. T. 1. p. ;?<(.
Tiij
-ocr page 440-
43° HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
tendoient point prejudicier a leurs
droits ni a leur oppofition , par une
revocation forcee qu'elles ne faifoient
que malgre elles & pour eviter la rui-
ne totale deleur monaftere. MM. Ar-
nauld & de Saci etoient pour lors a
P. R. , & ce furent eux qui perfuade-
rent aux religieiifes de fe conduire
dans cette affaire comme elles le fi-
rent.
Quoique 1'arret du i 3 mai fut tout
en faveur des religieiifes de Paris (69),
cependant ces filles denaturees & in-
fatiables , n'etant point encore fatisfai-
tes, folliciterent une interpretation de
ce meme arret pour fe procurer de plus
grands avantages.Elles l'auroient meme
(«9) Pat ce partage on   enfin une fomme de quin-
donnoit a la communaut£   ze mille livres d'argenc ,
de Paris, compose d'envi-   qui etoit d£po(ee chez le
ron douze religieufes, rant   Notaire Gallois. Au con-
de chceur que converfes ,    traite, les religieufes des
unemaifonde 600000 liv.    Champs, au nornbre de
en y comprenant les meu-   foixante-huil de choeut 8c
bles & uftenfiles; dans la-   de feize converfes avoient
quelle tien ne manquoit   par ce parrage des fonds,ef-
pour loger & meubler    timSs 10000 l.de rente.qui,
dans 1'interieur plus de    evalu£s a leut jufte valeur
quatre-vingt religieufe;,   n'en rapportoient pas neuf,
Les dehors, qui n etoient    fans parler de la charge
point comptis dans le par-   qu'on leur laifloit, de
rage, moncoienci 4000 li-   paier 40000 liv. d'amor-
vres de rente au moins.    tiflements, & de la necefli-
Aveccela onleuraflignoit    t£ oii elles fe trouvoient
dix mille livres de rente ,    de faire quantite de depen-
choifies dans le meilleur    fes pour loger un (i grand
bien des deux maifons, Sc    nornbtc de relig fes.
-ocr page 441-
II. P A R. t i e. Liv. VI. 439 ^^____
obtenue, fi M.PuiTbrt& quelques Mi- 1669.
niftres, piques d'une telle injuftice ,
n'avoient fait echouer leur deflein. M.
Puftort recut a ce fujet une lettre de
remerciment de la mere Agnes. ApreS
avoir ainfi depoilille de faintes lilies
de leur maifon & de leur bien , on
prit encore des mefures pour les en
exciure & jamais. On fit pour cela de
nouveiles pourfuites ; mais l'affaire ne
fut confommee qu'en 1(571, comme
nous le verrons.
L'Acte du 8 juin , dont nous avons- Trois rdi-
parle plus haut , fiVne de foixante- g'=«tes »bin-
4 . S. . r          r ■                          1           • donnent la
huit religteuies, rait mention de trois r<J.at doio-
fours proteiFes qui avoient quitte la thee pout- fe
maifon de Paris pour fe reunir a leursjeirsfoeursde
fours des Champs, & d'une four con- U maifon dcs
r             ,             L                           \ r. ■ Champs,
verie quon avoit retenue a Pans
malgreelle depuis long-tems. Les trois
fours de choeur etoient la four Marie
Aimee de fainte Pelagie de Buzenval,
Magdeleine Melthide du FofTe , Mar-
guerite Euphrofine de Creil. Ces trois
religieufes , apres avoir eprouve pen-
dant quelques annees la difference qu'il
y a entre le gouvernement d'une Ab-
beffe legitime & celui d'une ufurpa-
trice , fe lafferenr du joug pefant de
la four Doroth.ee, & ecrivirent a M.
l'Archeveque fur la fin de mars 1669 ,
Tiv
-ocr page 442-
44° HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
pour lui demander qu'il les renvoiac
avec lenrs meres de P. R. des Champs.
Elles ignoroient encore alors la con-
clufion de la paix. La lettre fignee des
trois religieufes fut remife a M. de Bu-
zenval par la foeur Aimee fa fille , a
qui on voulut faire un crime de l'avoir
fait fans permiflion. M. de Buzenval,
n'ai'ant pas trouve M. de Paris, la mit
cntre les mains de M. de Lamothe
fiour la luirendre. Cependant le Pre-
at ne la recut point (70). Les trois
religieufes, voi'ant que M. l'Archeve-
que ne leur envoi'oit point leur obe-
dience , malgre routes les peines que
M. de Buzenval fe donnoitpour cela,
demanderent un confeffeur pour faire
le Jubile , & en indiquerent trois ,
le Cure de faint Jacques , le P. Bou-
cher de l'Oratoire , ou un autre de la
rneme Congregation ; lefquels leur fu-
rent refufes par la fceur Dorothee. Les
trois religieufes, en demandant leur
fortie a M. de Paris , avoient auffi de-
roande la meme grace pour deux fceurs
converfes , la fceur Nicole & la fceur
Marie Magdeleine de fainte Marthe
Charon. M. de la Brunetiere vint en-
fin le 18 avril pour donner l'obedience
(70) Rel. de la fceur Melthide du Forte, Rec. de
pieces in 11 p. 453 8c f« iv.
-ocr page 443-
II. Part ie. Liv. Vl. 441
fi defiree •, il fie neanmoins tout ce qu'il
put pour engager la four Melthide a
demeurer. Elle avoue qu'elle fut ebran-
lee par la crainte qu'elle avoit qu'on
ne lui fit de la peine a P. R. des
Champs fur la fignature , ( car Dieu ne
lui avoit pas encore ouvert les yeux
pour connoitre cette faute qu'elle re-
para dans la fuite ) ; mais elle eut le
bonheur de triompher de cette tenta-
tion , & partit le lendemain 29 avec
les deux autres religieufes & une four
converfe , pour P. R. des Champs.
» Ce jour heureux, dit la four Mel-
m thide , nous doit etre d'nne memoi-
» re eternelle pour la mifericorde in-
» finie que Dieu nous a faite , & par-
» ticulierement a moi, de nous avoir
» retirees de cette maifon & de nous
» avoir ramenees avec nos tres cheres
i> meres & fours , lefquelles nous
» ont recues a. bras ouverts , &c nous
» ont fait reffentir les effets de letir
» grande charite.
Pouvoient-elles s'attendre a une au-
tre reception de la part de leurs me-
res , qui les avoient toujours fi tendre-
ment aimees, & qui depuis leur trifle
feparation n'avoient cerfe de gemir fur
elles j & de demandera. Dieu leur re-
tour ? Ecoutons la mere Angelique de
T v
-ocr page 444-
44i HlSTOIRE DE PoRT-ROUX.
faint Jean temoigner fa joie a M. Ar-
nauldde l'heureux changement de ces
filles egarees des le moment qu'elle
apprit le defir qu'elles avoient de re-
venir a P. R. des Champs. « N'avez-
» vous pas , lui dit-elle , bien de la
» joie, aufli-bien que nous , du re-
» tour de nos pauvres faeurs (71) J
» Pour moi, ajoute cette grande ame ,
» c'eft celaque je regarde commeno-
» tre veritable retablillement ; nous
» aurions pii etre retablies dans no-
» tre rnaifon & y recevoir autant de
» filles qu'autiefois, que nos brcches
» n'auroient pas ete reparees pour ce-
" la , fi nos propres enfans etoient
» demeures divifes d'avec nous, 8c
»
en un etat capable de nous caufer
" une continuelfe douleur par l'appre-
" henfion de leur peril. Des le com-
» mencement de notre perfecution ,
» nous avons dit cent fois a Dieu ,
» que nous abandonnions le vaifleau,
» pourvu qu'il nous confervat les
'» ames. S'il nous accorde done 1'erTec
» de cette priere, nous n'aurons point
» fujet de nous plaindre des autres
» pertes; & il femble que fa miferi-
» corde commence d'y travailler : car
(71) Let. du 18 d&embte zteS. Rec.de i7J4j
let. cf p. cio.
-ocr page 445-
II. Partis Liv. Pi. 443
» ces trois etant revenues , qui font
m les plus confiderables , j'efpere
" qu'elles en gagneront d'autres , ex-
» cepce peut-etre celles qui n'onr ja-
» mais ete du troupeau , quoiqu'elies
" fulfent dans les memes paturages ,
»> parcequ'elles ne reconnoiflToient
» point la voix de leur pafteur , &:
» qu'elles fe paiflbient elles me-
m mes(7i).Comme la fceurCoIlard qui
avoit quitte P. R. des Champs pout"
fe joindre aux dyicoles , avoit inti-
mide les trois qui vouloient fe reunir
a leurs meres , en leur parlant de la
{>enitence de la fceur Gertrude Dupre ,
a mere Angelique dit a ce fujet :
» Plut a Dieu que ces pauvres filles
» fuflTentcapables de la fuivre dans cet
» example de penitence qu'eile a don-
» ne .... Mais nous n'en efperons pas
» tant, & ce n'eft pas a nous de l'exi-
» ger. Dieu fe fera rendre ce qui lui
» eft du , & de bon cceur nous les ai-
» derons a lui paier leurs dettes, en
» remettant de notre part tout ce
» qu'elles peuvent nous devoir par
» toutes les chofes qu'elles ont faites
» contre nous depuis notre feparation.
Quelque terns apres qu'elles furent
(71) Les fauts Doi'OtWe, toient jamais entrees dan*
Flavie & Collard qui n'e- le vrai efprit de la maifon.
T Vj
-ocr page 446-
444 HiSTOiRE DE FoRT-ROlAt.'
~~J(j(j"cT~ainvees , elles demanderent tcutes
lvii. trois pardon a la Communaure des
.E11"A:,ina"'fautes qu'elles avoient faires en la (c-
dencpardon A                  j> II         o                                         ii,/
la toramu-parant d elle , & en prenant part a 1 e-
nauce-
          le&ion de la four Dorothea & a la
reception de fes rules. Comme c'etoit
la fceur Melthide qui portoit ia parole ,
elle fe crut obligee de le faire plus
particulierement pour elle , a caufe de
tout ce qui lui etoit arrive •, mais elle
ne pretendit point parler de la figna-
ture , fur laquelle elle h'avoir pas en-
core l'ombre du moindre fcrupule ; &
meme avant que d'aller a la maifon
des Champs, elle avoit fait vceu a
Dieu , que li on la laidoit dans le
parfait repos de confcience ou elle
etoit fur ce fujet, elle jeiineroit neuf
jours au pain & a I'eau , & feroit plu-
fieurs autres mortifications. C'eft-pour-
quoi, Iorfqu'elle revit fes meres & fes
foeurs, la joie qu'elle en eut, etoit
melee de la crainte qu'elle avoit qu'on
ne lui dxt quelque chofe qui la trou-
blat. » J'avois pourtant beau faire ,
m dit-elle , leur exemple me fervoit
" d'un reproche continuel. C'eft ce qui
fit que la premiere fois qu'elle rut
a confelle , elle s'accufa de plufieurs
fautes qu'elle avoit faites depuis fa
fcparation ; a quoi elle ajouta : » que
-ocr page 447-
II. P a r. t i e. Liv. VI. 445
}> ft elle avoit fait quelque faute en \C6q.
»
fignant , quoiqu'elle ne la connut
" point , tile s'en accufoit.
La fceur Mekhide refta encore quel- ,LV"1-.
.                  ,                          , i            Retratiauoit
que terns dans cet etat, ne voutant pas je ia cxac
meme qu'on lui parlat de la fignature. Melihide.
Mais enfin Dieu lui defilla les yeux ;
elle commenca au mois de Janvier de
l'annee 1670, a avoir quelque peine
fur la fignature. Quelques paroles di-
tes par la mere Agnes &c la fceur An-
gelique de faint Jean , & le livre de
la frequente Communion dont on
faifoic lecture au refecloire , contri-
buerent a lui faire ouvrir les yeux ;
enfuite de quoi elle fut extremement
agitee. Enfin elle alia trouver la mere
Agnes, a qui elle declara qu'elle recon-
noiflbit la faute qu'elle avoit faite en
fignant , & qu'elle avoit befoin de
faire une bonne confeffion. Comme
M. Arnauld etoit a. Paris , la mere
Agnes pria M. de Saci de la confefler y
& dit a la fceur Melthide qu'il fau-
droit qu'elle fit une nouvelle retracta-
tion par ecrit, a quoi elle eut d'abord
de la repugnance. Neanmoins elle en
drefla une que M. Arnauld & M. de
Saci trouverent bonne. Elle etoit con-
cue en ces termes : » Gloire a Jefus.
>' au trcs Saint Sacremeni, Puifque.
-ocr page 448-
44<> HlSTOIRE D E PORT-ROIAL.
660. »  j'ai ete fi malheureufe de fcandali-
»
  fer l'Eglife par les trois fignatures
»
  que j'ai faites, abandonnant lache-
»
  ment la verite que Dieu m'avoit fait
»
  connoitre , m'etant lailfee tromper
»
  par de faufles raifons , je me {ens
»
  obligee de temoigner que Dieu
»
  m'ai'ant enfin ouvert les yeux apres
»
   un fi long egarement pour voir l'a-
»
  bime de raifere ou je me fuis redui-
»
  re , il me fait la grace d'en avoir
»
  une douleur extreme , & fait que je
«
  me retra&e fincerement & de tout
>.
   mon cceur par ecrit, de ces trois fi-
m
  gnacures ; lequel ecrit, quoique fe-
w
   cret prefentement, pourra quelque
"
  jour faire connoitre mes veritables
"
  fentimens , & le defir que Dieu me
«
  donne de m'expofer a toutes cho-
»
  fes pour rendre remoignage a la
»
  verice , & reparer par-la le fcandale
»
  que j'ai caufe , fi l'occafion s'en
»
  ptefenre de nouveau. Mais comme
»
  la miferable experience que j'ai fal-
si
   te de ma foibleflfe me donne tout
»
  fujet de craindre , je fupplie tres
"
  humblement les perfonnes qui ver-
»
  ront ceci, de m'obtenir de Dieu par
»
  leurs prieres les graces dont j'ai be-
»
  foin pour ce fujet , &auffide faire
»
  un bon ufage de ^humiliation pro*
-ocr page 449-
II. Part ie. Llv. IF. 447
»  fonde qui me revient d'une con- x&$T,
»  duite (i inconftante &c d indigne de la
»   fermete chretienne & d'une verita-
»  ble religieufe. Je reconnois que
»  c'eft avec bien de la juftice que Dieu
»  a permis tout ce qui m'eft arrive
a  pour le mauvais ufage que j'ai fait
m  de la grace de la religion , & a caufe
«  de mon extreme orgueil , qui avoic
»  befoin d'une aufli grande humilia-
»  tion que celle ou je fuis maintenanc
»  reduite. Fait dans notre cellule en
»  notre monaftere de Port Roial des
»  Champs, ce 2.6 mars 1670.
Apres le depart de la fceur Melthide, 1[Xt
& des deux autres relive ufes qui fe Deu* con*
, •           \ 1                      °.                 ■ 1 • 1 verfes deman-
reumrent a leurs meres le 19 avni, ildenta retour-
reftoit encore a Paris deux converfes , "er * p- R*
. 1 r                   1                          , rdes Champs.
qui deliroient ardemment de les iui-
vre, & de fortir d'une maifon 011 el-
les fe regardoient comme en captivite.
On les defiroit dans celle des Champs ,
& M. de Paris avoit donne parole de
les y envoi'er. Ces deux converfes >
Marie Nicole , & Marie Magdeleine
de fainte Marthe Charon, etoient deux
bons fujets. La feconde, etoit une fille
d'une grande fimpiicite ; mais a qui
le Saint Efprit parloit vraiment au
ccenr. La mere Angelique de faint
Jean a fait une petite relation de fa
-ocr page 450-
__ 44^ HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
i66y. converfion qui fut extraordinaire. Elle
arriva le 24 Mai 1669 a. P. R. des
Champs, fous la conduite de M. du
Saugey , de M. Feuardenr , Vicaire
de faint Medard , & de Mademoifelle
Defcaffier^ mais on fat bien etonne
de la voir accompagnee de la foeur
Marie de fainte Blandine Charpentier,
fille tres fufpecte , que la foeur Doro-
thea avoir fubftituee a la foeur Nicole,
& qu'elle envoxoit pour lui fervir d'ef-
pionne. En vain M. duSaugey fit des
inftances pour la faire recevoir ; en
vain la fceur Blandine jouant fon role
prioit elle meme & verfoit des larmes
pour obtenir d'entrer dans la maifon ;
on tint ferme , & l'efpionne fut obli-
gee de s'en retourner avec ceux qui
l'avoient amenee. Quant a la fceur
Marie de fainte Marthe Charon , elle
fut re§ue avec toutes les marques d'a-
mitie, de tendrelTe & de bonte qu'elle
pouvoit attendre de fes vraies meres.
Par tous ces nouveaux rerranchemens
faits a P. R. de Paris , la communaute
fe trouvoit prefque reduite a rien ,
rant pour le nombre que pour le me*
tx rite des fujets qui la compofoient.
EtatdeP. R. Pour ce qui eft de P. R. dss Champs,,
Mndatulecal.cette mai^on > apres le feu de la perfe-
mequi fuivit cution, reprit un nouveau luitre a la
la paix.
-ocr page 451-
II. Parti e. Liv. V I. 449
faveur du calme qui fuivit la paix de
Clement IX. » Cette folitude , dit
» le pieux auteur de la preface du Ne-
" crologe deP. R. auparavant deferte,
» privee d'une partie de fes habitans ,
» & prefqu'innacceifible , fut bien-tot
w plus peuplee que jamais.
» Alors on la vit rerleurir ccmrae
» le lys, & la joie prit la place de la
» triftelTe. Le Seigneur fir a Ion egard
» ce qu'il avoit autrefois promis a
» Sion. II confola d'une maniere ad-
» mirable lesfaintes Vierges qui l'lia-
» bitoient, en reparant fes mines avec
» avantage , & en la rendanr d'un
» lieu de defert unjardin dedelices,
« ou Ton n'entendoic que des cantiques
» de louanges & d'a&ions de graces.
» Les illuftres folitaires qui en avoient
53 ete chalfes s'y reunirent auilitot avec
» de nouvelles conquetes qu'ils avoient
» faites pour la piete dans leur dif-
» perfion. La plupart des vifbimes
33 que Ton en avoit arrachees, y re-
33 tournerent confommer leur facrifi-
» ce; & la bonne odeur de ce facre
33 defert qu'ellesavoientrcpandue dans
>3 le monde pendant leur exil, y en
33 attira grand nombre d'autres. Les.
»3 peres & les meres de famille, qui
(73) Nectol. pref. p. <}«.
-ocr page 452-
4JO HlSTOIRB DE PoRT-ROlAt.
"~~77T~ » aimoienr la vertu , & qui vouloient
» faire eviter a leurs enfans la car-
s' ruption da fiecle, choifirent P. R.
» preferablerhent a tout autre endroit,
» pour le lieu de leur education. Plu-
» fieurs veuves chretiennes de la pre-
« miere naiffance , le choifirent auf-
» ii pour le lieu de leur retraite. C'eft
« ce que firent entr'autres Madame
» la Ducheffe de Longueville , Prin-
» ceiTe du Sang, Madame de Buzen-
» val, Madame de Nointel &c. Les
" femmes mariees , qui ai'ant le me-
» me deflein ne pouvoient rompre
» leurs liens qui y formoient obfta-
» cle , vouloient ait moins participer
» a la grace que Ton recevoit dans
» cetteiainte folitude , en la vifitant
'» tres frequemment, & en y paflant
w plufieurs jours , comme Madame la
» DuchefTe de Liancour & tant d'au-
» tres.. •.....Des Seigneurs de la
" Cour, des Eveques, des Pretres ,
» des Dodteurs , des hommes d'epee,
» des Magiftrats y alloient admirer
» les grands exemples de vertu; &
» apres les avoir fait palTer dans leurs
» moeurs, endevenoienteux-memes
« les modeles pour ceux avec qui
» ils vivoient dans le monde & a la
» Cour.
-ocr page 453-
II. Part ie. Liv. VI. 451 -----------
Mais ce qu'il y eut encore de plus i 9'
glorieux pour P. R., & ce qu'on peut lxi.
1 l                            ' • U1                   Retractation
regarder comme un veritable tnom-de taugnaw.
phe , ce fuc de voir une multitude" d« formu-
de perionnes qui avoient hgne le ror-a P, Ri
mulaire } revenir fur leurs pas , re-
trader leur fignature , & envoier leur
retradtton pour etre mife en depot
dans les archives de ce faint monaf-
tere. Ces retractations envoiees a P.
R. font une marque bien eclatante de
l'eftime que les religieufes s'etoient
acquife par le bel exemple qu'elles ve-
noient de donner du courage avec le-
quel des chretiens doivent defendre
la verite & demeurer inviolablement
attaches a la fincerite chretienne. Ce-
lui qui a donne au public I'an 1714
les edifiantes relations de ces faintes
filles , s'etoit engage a publier a. la fuite
des relations , les retractarions dont
il temoigne avoir les originaux entre
les mains , les regardant comme une
fuite des manufcrits de P. R. ( 74 ).
Nous ignorons ce qui a empeche l'exe-
(74) Rel. in-40. dans   » du formulair.....
une note qui eft a la fin des   » On les donnera i la fui-
relations de la foeur Eufto-    » te de ces relations ,
quie de Brcsy Sc de la   » puifqu'elles font panic
fceur de la Mete de Dieu    » des manufcrits que lej
deChoui, p. ?{• col. i.    » religieufes ont donnes
5) On a entre les mains les   » avant leur difperfian ,
3> originaux d'un grand    » &c. »
» Hombrc de retractations
-ocr page 454-
45 2. HlSTOIRE DE PoRT-ROlAE.
l6(5 ciition de ce projet , & pourquoi apres
un tel engagement pris avec le pu-
blic, on ne lui a pas encore donne La
fatisfadtion de voir ces temoignages
rendus a la verite.TJous y lupplerions
ici avec plaifir , & nous nous en fe-
rions meme une obligation, fi les gar-
diens de ce precieux depot avoient eu
la complaifance de nous en donner
communication, comme nous les en
avons fait prier par des perfonnes de
merite, aixxquelles nous n'avions pas
lieu de croire qu'on put refufer une
chofe qui paroit fljufte.
De ce grand nombre de retracta-
tions nous en donnerons une qui
a deja pant dans le recueil des rela-
tions (75 ). G'eft celle clu celebre P.
Maliebranche , qui merite d'autant
plus d'attention que perfonne n'igno-
re les differencls qu'a eu ce Philofo-
phe avec le grand Arnauld.
» Apres avoir reconnu de vant Dien,
„,txI1-. " dit-il , la faute que j'ai faite en ii-
de la fignam-» gnant deux ou trois rois en dirre-
ie. du focmu-„ rens tems le formulaire , contre
Jairepar Icpe»                        r ■ .                h              .'
re Maliebran-» M. Janfenius Eveque d'Ypres ,
» contre ma confeience , fans connoif-
,y fance , &c ce me femble avec une
,1 croYance contraire a l'aclion que je
(75) Ibid. p. J} 8c 3«.
-ocr page 455-
II. Pa rtie. Liv. VI. 453
» faifois ; 8c apres avoir ete, depuis
» ma derniere fignature aflfez fouvent
" dans le trouble & dans l'inquietu-
" de pour cette action •, quoique j'aie
» ete en partie delivre de mes pei-
» nes par les perfonnes , auxquelles
" je me fuis ouvert la deiliis , a*
» caufe que la paix ai'ant ete rendue
» a l'Eglife, ils ont cru que je n'e-
" tois pas oblige de me dedire publi-
" quement; cependant j'ai cru que je
» devois faire ce defaveu, ne fachant
" pas (i les chofes ne changerontpas
» de face &c fouhaitant de tout mon
» coeur de ne pas contribuer a la con-
» damnation de M. Janfenius.
» Je retracie done par cet ecritle
" temoignage que j'ai rendu par mes
" Signatures contre ce Prelat en le con-
■>' feflant auteurdes cinq propositions
» condamneespar lePape& lesEveques
•> defenfeurdes herefies qu'elles ren-
» ferment, 8c corrupteur de la docrri-
» ne de faint Auguftin, & jeconfefle
» aujourd'hui que j'ai figne contre M.
" Janfenius des faits , dontjene fuis
» point perfuade, & qui me paroiffenc
» au moins des faits fort douteux &
» fort incertains. Je protefte done que
» je n'ai foufcrit au formulaire > fim-
" plement &c fans reftri&ion, ptin-
-ocr page 456-
454 HlSTOIRE BE PoRT-ROlAL.
"J^T- » cipalernent la derniere fois , qu'a-
» vec une extreme repugnance , par
» une obeiflance aveugle a mes fupe-
» rieurs , par imitation, & par d'au-
» tres confederations humaines, qui
» ont vaincu ma repugnance ; qu'ainfi
» j'ai figne par foibleffe la nouvel-
» le formule , comme on a voulu ,
» fans excepter les faits qu'elle attefte
» contre cet auteur , bien que je ne
» fiuTe pas perfuade qu'ils fiuTent
» vrais
" Si je ne puis faire paifer cet ac-
>» te par devant Notaire a caufe des
» declarations du Roi , j'entends
» qu'il foit confidere comme la prin-
» cipale & la plus importante partie
« de ma derniere volonte ; & pour
» cet effet je l'ecris & le figne de ma
» main propre , afin que ceux qui
» le verront ne puiftent prendre mes
» foufcriptions , qui font au bas des
» formiilaires , pour un temoigna-
» ge de ma creance quant aux faits
» enonces contre M. Janfenius, mais
»> qu'ils regardent au contraire cet
» ecrit comme une reparation de
» l'injure que j'ai faire a la memoi-
» re d'un grand Eveque, en lui at-
» tribuant par ma fignature des er-
» reurs dans la foi, lefquelles je ne
-ocr page 457-
II. Par tie. Llv. VI. 455
» penfe pas qu'il ait enfeignee^n quoi-
» qu'alorsje n'eulTe rienvu de fon livre
" inritule Auguftinus. Je prie ceux
» entre les mains de qui cet eerie
» tombera, par c§ qu'il y a de plus
»> faint "dans la religion 5 jeleurcom-
« mande felon le pouvoir quej'aifur
» eux en cette rencontre; enfin je les
j> conjure felon toutes les manieres
» poffibles , s'il eft necelTaire pour
" la defenfe de la verite & 1'honneur
« de M. Janfenius , de faire que ce
» temoignage ait tout 1'erFec que je
» fouhaite. Fait a Paris, rue du Lou-
i» vre, le famedi 15 de juillet 167$.
.. N. Mallebranche Pretre de l'Ora-
» toire.
A peine commen^oit-on a jouirdu txm.
calme dans le defert de P. R. , que^*"^*1"
les calomniateurs & lesennemisinfa-p. r. de con-
ri^ables de ces faintes filles les ac- u*ve!">on *
ar                         \ 1 ti • 1                              Une declara-
cuierent aupres du Roide contraven-tionduRoi.
tion a une declaration , par laquelle
Sa Majefte avoit fait defenfe a toutes
les communaures en general de rece-
voir des novices fans permiffion. Auf-
fi-t6t le Roi fit ecrire a M. de Paris>
pour lui temoigner qu'il etoit tres
mal fatisfait de ce qu'on recevoit des
filles a P. R. contrefa declaration; ajou-
tant qu'on l'avoit aflure que Ton en ^*
-ocr page 458-
4J <J HlSTOIRE BE P0R.T-R.01 At.
"" ijjjjo, avoit ri$uquinze,& qu'on devoir en-
core en recevoir. Sur quoi le Roide-
mandoit a. M. de Paris , fi cela fe
faifoit par fes ordres En confequence,
lePrelatenvoiaM-JDuplellis fon grand
VicaireaP. R. des Champs'pour y
faire lecture de la lettre du Roi aux
fuperieures de la maifon , & drefler
un proces - verbal de la reponfe qu'el-
les feroient pour la montrer a fa Ma-
jefte.
1XIV
          Le grand-Vicaire fe rendir a P. R.
M.Duplef-le premier de juin , expofa le fujetde
CsvaiP.R. £Qn voiagg & dreffa (76) proces-
pour favour fi                  6 » ,                 . v/ . ' r - . .
on y revolt verbal de lareponie qui liu rut raite.
des novices. j^es Superieures repondirent , » que
«  quoiqu'elles n'eiiilent encendu par-
»  ler de la declaration du Roi, que
»  depuis peu & confufement, parce-
«  qu'elle ne leur avoit pas ete noti-
»  nee, elles n'avoient cependant rien
»  fait qui y fur contraiie, n'ai'ant don-
»  ne l'habit a aucune fille, & n'aiant
"  pas une feule novice. En quoi il
»  paroit alTez , dit le proces - verbal,
»  par le faux rapport qu'on en a fait,
»  qu'elles ont toujours le mallieur ,
»  quoique dans la paix , que des per-
»  fonnes mal affectionnees cherchent
m  a redire a leur conduite, & a indif-
I76) Voi'ez ce pcoc. verb. Mem. hift. T. 1. p. 3 ji.
pofer
-ocr page 459-
II. Par tie. Llv. VI. 457
»> pofer contr'elles 1'efprit de-Sa Ma-
» jefte ; qu'elles fe prcmettent nean-
» nioins de la juftice & de la cle-
» mence du Roi, qu'il confervera a
» unecommunauteodeja aifez affligee.,
n la tranquillite dont elles fouhaitent
« pouvoir jouir dans leur folitude 8c
»
qu'elles tacheront toujours de rae-
» riter en demeurant invioiablement
» attachees a l'obeiflance & an refpecl:
» qu'elles doivent a Sa Majeftc & a
w leurs Superieurs Eccleiiaftiques :
» qu'elles fe promettent auffi ae la
» bonte de M. 1'Archeveque , qu'il
» voudra bien informer le Roi de leur
» conduite, & fe rendre aupres de Sa
» Majefte le protecteur d'une maifon
>> religieufe qui a rrop d'ennemis pour
" jouir long-tems deia paix qu'il lui
« a accordee , s'il ne lui fait la grace
» de travailler lui-meme a la lui
» conferver ; declarant meme , que
» bien loin de recevoir de nouveau
» quelques filles a l'habit, elles n'ont
m pas voulu le rendre a celles qui l'a-
» voient autrefois porte, l'ai'ant regu
» folemnellement, mais qu'elles font
" en routes chofes comme les autres
" peniionnaires qui font huit en tout:
» que pour lefdites penfionnaires, elles
f< en ont revues, croi'ant que depuis
Tom. VI.
                        V
._..
-ocr page 460-
45° HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAL.
t ££~ » que Monfeigneur les avoit retablies
» dans leurs droits , elles pouvoient
u agir comme auparavant fuivant leurs
» conftitutions , qui leur permettent
» de recevoir des penfionnaires, en-
» core que pour temoigner leurref-
» pe& a Monfeigneur , elles avoient
» voulu difierer a en prendre jufqu'a
» ce qu'il leur ait donne une permif-
« fion expretfe, en leur ordonnanc
=j d'en recevoir deux qui fe prefen-
" terent les premieres , depuis quoi
« elles avoient ete prefixes d'en re-
« cevoir d'autres , qui defirent feule-
" ment la folitude de leur maifon ,
» fans aucun engagement niempreflfe-
» ment d'etre religieufes «. Telle fur
la reponfe de la mere Madeleine de
Sainte-Agnes de Ligny AbbetTe } que
M. Dupleills ecrivit a mefure qu'elle
di&oit, fur fon proces-verbal, qui fut
relu & figne de I'AbbefTe , des deux
Prieures , de la fceur Angelique de S.
Jean Sou-prieure , & de M. Hilaire
Piet en qualite de temoins.
lxv.
         Depuis long-tems , c'eft-a-dire de-
rf,,,r,1Ll^dbcbe^ puis l'an 1661 que M. Singlin avoit
superieur a ete oblige de fe retirer , les religieu-
M. deparii. fe de p R ^em fans Superieur le-
gitime : car elles ne pouvoient regar-
der comme tels, ni M, Bail , ni M.
-ocr page 461-
II. Part ie. Liv. VI. 459
Chamillard , qui leur avoient ere don-
nes fans choix de leur part , & fans
election , & qu'ellesn'avoient point ac-
cepts. Elles penferent done apres leur
retablirlement a prendre des mefures
pour en avoir un qui Fur eiu confor-
mement a leurs conftitutions. Les cir-
conftancesl'exigeoient, parcequ'il etoit
neceffaire deproceder a Telethon d'une
nouvelle Abbefle, qui devoit fe faire
felon leurs ftatuts, en prefence du Su-
perieur.
En confequence la mere AbbefTe
ecrivit le 8 de juillet a M. de Paris
pour lui demander un Superieur. M.
Hilaire porteur de la Lettre etoit char-
ge d'en nommer un , & dit au Prelat
que les meres avoient d'abord jette les
yeuxfur M. le Doi'en, qui l'avoit deja.
ete : mais prevoi'ant que fon grand age
& fes infirmites ne lui permettroient
pas de Taccepter, elles penfoienta M.
Porcher. M. I'Archeveque fit difficulte
d'y confentir, & dit qu'ajfurement elles
ne le connoifToient pas. Il propofa en-
fuite M. Grenet, Cure de faint Benoit,
qu'il dit erre un trh bon hommt, &
chargea M. Hilaire d'eii donner avis
aux religieufes de P. R.; ce qu'il fit
par une lettre du 10, dans laquelle il
rend compre de fon entretien avec M.
de Paris.
                             V ii
-ocr page 462-
\G0 HlSTOIRE DE PORT-Ro'lAt.
X6J9. Vraifemblablement M. l'Archeve-
ixvi clue ne c011110*^^ Pas M. Grenet,
m. Grenet lorfqu'il le propofa pour Superieur aux
£™£ft&eUg\eufes- Cependant ce digne paf-
ncf.oursupe- teur s'etoit fait bien connoirre par deux
iS-ufcsX de" actions d'eclat, qui font honneur a fa
i;.k.
          memoire. ip. Un Jefuite ( le P. d'An-
jou) prechant le careme dans fa pa-
roifle l'an 16 5 5 > aiant avance (7 7) en
pleine chaire , » qu'il favoit de fcience
" certaine , que les Janfeniftes, fous
=> pretexte d'affifter les pauvres, amaf-
" foient de grandes fommes qu'ils
» etnplo'i'oient a faire des cabales con-
« tre l'Etat « ; le Cure de faint Benoit
apres avoir rente inutilement d'enga-
ger le Jefuite a. fe retra&er, eut le
courage de monter en chaire avec l'c-
role , le Jefuite prefent, de detruire la
calomnie & de confondre le calomnia-
teur. Ce genereux pafteur declara 3 que
le predicateur etant dans la chaire de
faint Benoit, ne devoit parler que com-
me fon organe & fon delegue , qu'en
confequence il montoit en chaire ex-
traordinairemenr pour rendre a la ve-
rite ce qu'il lui devoit , & juftifier
l'innocence de plufieurs perfonnes cha-
ritables; qu'on n'avoit pu les Calom-
el Racine hift. de P. hjft. T. i. p. 408 ou c:
R. p. 80 yoVjz les mem. fait eft bien riiconftancic.
-ocr page 463-
II. Part ie. Liv. VI. 461______
nier que par envie > &c. Bel exemple 1669.
pour les Cures'. S'ils le fuivoient, on
les verroit monter autant de fois en
chaire, qu'ils permertroient aux Jefui-
tes de precher dans leurs Eglifes (78).
Une autre a&ion eclatante de M. Gre-
net , eft ce qu'il fit l'annee fuivante
1655, dans l'affaire de M. Arnauld.
Ai'ant vti que M. le Chancelier affiftoic
aux aflemblees de Sorbonne pour ocer
la liberte des fuffrages , il fe retira.
Puis y etant revenu , il opina tres vi -
vement le 11 avril en faveur de M*
Arnauld, quoique le Chancelier fut
prefect. Eniin lorfque la Sorbonne eut
chafle de fon corps cet illuftre docteur,
il refufa de figner la cenfure. Tel etoit
le Supeiieur que M. de Perefixe pro-
pofa aux religieufes de Port-Roial des
Champs. Peut-on croire qu'il l'ait fait
avec connoiffance de caufe > Quoi qu'il
en foit, il fut agree a P. R. Des le len-
demain M. Arnauld accompagne de
MM. Bourgeois & Boileau alia la
prier d'accepter; ce qu'il fit. II fe ren-
dit le 14 a l'Archeveche , oil il avoit
ete mande la veille, & fut fort bien
(78) Le pered'Anjou ne    demoifelle Viole , fiUc
fut pas convaincu de ca-    devote 8c de qualite entire ]
lomnie fur cet article par    les mains de laquelle on
1? feu! Cute dcS. Senoit ;    avoit mis ess aumones.
U le fut encore par Ma-    Racine Ibid.
Viij
-ocr page 464-
4^i HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
j66"« recu de M. de Paris, qui le nomma
Superieur de P. R. Il a drelfe une re-
lation de ce qui;fe paila en cette oc-
casion entxe lui & M. de Perefixe. Cette
relation fait voir que M. le Cure de
faint Benoit etoit reeliement un tres
ban homme,
comme l'avoit dit M. l'Ar-
cheveque, mais dans un autre fens.
Lxvir. Elle etoit concue en ces termcs.
son emre- „ Aujourd'hui Dimanche 14 de juil-
it:h avec M. 1 ' r 1 t- 1                 1               
<£ Paris. •' iet > 1Lir les ■ iept heures du maun ,
» M. Grenet, fuivant l'ordre verbal
» qu'il avoir regu de M. 1'Archeveque
» de Paris, s'eft rendu a l'Archeve-
« che , ou il l'a trouve qu'il entendoit
»» la mefTe , laquelle etant rime , M.
" l'Archeveque l'a pris par la main &
" lui a dit qu'il etoit bien aife de le
" voir , & qu'il avoit fait mettre en
» parchemin la commiuion qu'il lui
» vouloit donnerde Superieur de P.R.
»> M. Grenet lui a rcpondu qu'il fe
» trouvoit fort incapable de cet em-
» ploi, & qu'il ne l'acceptoit que dans
« la penfee de fervir l'Eglife , 8c par
« le refpecl qu'il avoit pour fes or-
» dres. On eft venu dire a M. 1'Ar-
» cheveque que M. Grandin le de-
» mandoit; il l'a fait entrer , & a fait
» pafler M. Grenet dans une autre
» chambre ou il lui a mis en main
-ocr page 465-
II. Partie. Liv. VI. 465
» ce parchemin. M. Grenet l'a'iant pris, ~~~^f
» lui a die : Monfeigneur, j'efpere que
» Dieu me donnera des forces pour
" m'acquitter de cet emploi ; & fe
» mettant a genoux , il l'a prie de lui
» donner fa benediction, qu'il lui a
•• accordee tres volontiers «. Enfuite
M. Grenet lui a dit: Monfeigneur ,je
ne dois plus me regarder a. Vegard des
religieufrs de P. R. comme It commun
des hommes ; je fuis maintenant leur
ptre & elks font mes files , par voire
grace & par voire ordre: permette^-moi
done , Monfeigneur
, que pour ma pre-
mierefonction , Je fife line fonclion de
pere. Vous fave^ tout ce qui s'ejl pafje
depuis plufieurs annees entre vous & tiles.
N'en ave^ vous plus rien fur le cceur
,
ni dans tefprit ? & fi par malheur il
vous en rejioit quelque chofe , ne puis-
je pas les ajfurer que tout cela ejl au-
jourd'hui efface de voire memoire ?
» Oui
» de tres bon cceur, a replique M. de
» Paris. Je les en affurerai done , a re-
» pris M. Grenet; & fe remettant a
» genoux , il a dit • donne^-moi done ,
» Monfeigneur , encore voire benedic-
» tion pour elles , que je leur porterai
» au plutdt devotre part. M. l'Arche-
» veque la tut a donnee , en difant :
»» de tout mon cceur, je la leur donne »
V iv
-ocr page 466-
4<j4 Histoire de Port-roiAi.
" tout lepaffe eft oublie; & relevant M.
» Grenet, qui avoit les larmes aux
» yeux, en le priant d'etre debout, il
» luia dit qu'elie pouvoient etre a(Tu-
» rees de fon amitie , & qu'il le
" croi'oit tres propre pour cet emploi.
» M. Grenet lui a dit: Vous voider
i, done
, Monfeigneur , queje Us ajfure
» (Tunc amide entiere & generate ? Oni
n de tres bon cxnr,
a dit M. de Paris.
Apres cela, M. Grenet a dit .• Mon-
„ feigneur, voild ce que je vous de-
» mande pour ces bonnes fillts. Pour
» mol, je vous fupplie que ceci foit fort
„ fecret. Jefuis un homme age de 64.
„ ans , qui ne cherche point d me fairs
» de nom , & qui apprehende f eclat.
n Alle^ , Monfleur, a replique M. de
M Paris, je n'en dirai rien a perfonne ;
„ pas meme a cet homme-la, montranc
» M. Grandin qui etoit au bout de la
» chambre vers la porte , qui pouvoit
» voir, mais qui ne pouvoit les en-
« tendre , parcequ'ils parloient trop
w bas. lis fe font ainil fepares paroif-
fant fort contens Tun de l'autre «.
Les ReligieufesdeP. R. des Champs
apprirent le 15 de juillet , que M.
le Cure de faint Benoit etoit nomme
fuperieur de leur maifon. Le meme
jour la mere AbbeiTe qui attendoit
-ocr page 467-
II. Partie. Liv. VI. 465
avec impatience ce moment pour fe 1669.
demettre d'une charge qu'elle avoit
remplie fi dignement pendant des
tems fi orageux , lui ecrivit pour le
prier de fe donner la peine de venir
dans leur maifon au premier jour de
fa commodite , recevoir & confir-
mer leur election. Aianr. re^u le 21
une reponfe du nouveau fuperieur ,
par laquelle il lui promettoit de fe
rendre a P. R. le lendemain , elle fie
commencer les prieres de quarante
heures pour demander les lumieres
du faint - Efpric. M. Grenet arriva au
jour marque; & le mardi fuivanr,
qui etoit le 23 , apres avoir chante
folemnellement la Meife , il prefida a
l'elecTrion. Lesreligieufes , quietoienc
au nombre de 64 , reunirent leurs
fuffrages en faveur de la mere Marie
de fainte Madeleine du Fargis, Prieu-
re de la maifon des Champs , qui s'e-
toit diftinguee pendant la perfecution
par fon amour pour la verite & par
fafermete.
La mere Marie-Madeleine du Far- lxvih.
gis (79 ), nominee Henriette au bap- La mere da
f.              1                • J J'         U         /■ o Fargis eft clue
teme , nee au mois de decembre 161 8, Abbeffe.
avoit ere elevee des l'age de feptans savie,fes
(79) Ret. de la vie Sc, T. i. p. 107. & fuiv. ytItas'
des vercus de la mere Ma- Necr. p. a 6 & fuiv.
lie du Fargis. Vies edif.
Vv
-ocr page 468-
4<J6 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
!jcj9> a P. R., ou la reformatrice de cetce
Abbai'e avoit pris un foin particulier
cle fon education.
Lorfqu'eile fut en age de faire choix
d'un etat de vie, elle forma la refo-
lotion d'etre relipieufe & recut 1'iiabit
de novice le 24 fevrier 16"5 5 , elle
le porta fix ans , parcequeM. du Far-
gis fon pere s'oppofoit a fa profeffion,
depuis qu'elle fut devenue fille uni-
que par la mort de M. le Cornte de
la Rochepot fon frere tue au Siege
d'Arras.
La tendrefTe que M. fon pere avoit
pour elle, fut une tentation quil'e-
branla; mais ai'ant confulte M. de S.
Cyran , elle fut rellement fortifiee par
les avis que cet homme de Dieu lui
donna dans une lenre qu'il lui £cri-
vit ( 80 ) , que ni les follicitations , ni
les menaces , ni les carefles ne purent
rien gagner fur fon efprit. Elle eut
le courage de refifter a M. du Fargis ,
qui fe mettant a genoux devant elle,
la conjura avec larmes, de fe rendre
a la volonte d'un pere qui fe voi'oit
fans enfans. Elle foutint cette attaque
qui fut la derniere, avec une fermete
qui ne peut s'exprimer. Apres cette
vi&oire, elle alia trouver la mere An
(80) Latere 80 T. 1.
-ocr page 469-
t r-
\\. PARTIE. VlV. VI. 4^7
gelique , qui fachant ce qui s'etoit
pafle, & craignanc qu'elle ne s'en ele-
vat, bien loin de la carefTer, lui die
avec toute la force que fon zele lui
infpiroic : humilie^ vous , ma fille ,
humility vous , vous his trop forte.
Enfin M. du Fargisai'anrdonnefon
confenrement, elle fit profeffion le 11
novembre 1640. Depuisce tems,elle
fit toujours paroitre une ferveur ex-
traordinaire pour routes les pratiques
de la vie religieufe : jamais on ne vir
une obeiflance plus pondtuelle ; fa
foumiflion & fa docilite pour fes fu-
{ierieures , & pour les perfonnes qui
a conduifoient, furent fes dons par-
ticuliers , ainfi que l'humilite. Elle
£toit fi eloignee de s'elever des avan-
tages qu'elle avoir du cote de la
nailfance & de la nature par les ta-
lens qu'elle en avoit recues , qu'elle
fembloit avoir oublie fon origine. Aprcs
avoir pafTe avecjoie dans les exercices
les plus bas , comme de fairedupain,
raccommoder les fouliers , &c. elle fut
fake Souprieure de la maifon de Pa-
ris,enfuite Prieure de celle des Champs
en 1660. La mere Angelique, qui
faifoir fa principale refidence dans cel-
le-ci, etant morte l'annee fuivante ,
la mere du Fargis eut feule tout le
V vi
-ocr page 470-
4.68 Histoire be Port-roYai
gouvernement de cette maifon. Apresr
['enlevement de l'Abbefle & des au-
tres meres en 1664, elle fe vit feule
chargee des deux communautes , 8c
foutint ce poids avec une fermete
admirable , fans etre ebranlee ni in^-
timidee par les menaces continuelles
qu'on kit faifoit de la fake enlevec
pour la transferer dans une terre etran-
sere- ,
Dieu la conferva , contre route ap-
parence , pour le bien & la confola-
tion des deux maifons qu'elle fou-
tint par fon exemple & fes avis. Sort
courage male 8c fon amour pour la ve-
rke etoient la regie de fa conduite , fe
mettant fouvent au delTusdes menage-
mens qu'on lui confeilloit de garder.Le
lecleur a vu divers traits defa fermete,
de fa fageffe, de fa prudence & de
fa modeftie dans les difFerentes occa-
sions oil elle s'eft trouvee pendant ces
terns orageux. Elle avoit une follicitu-
de extraordinaire pour les religieufes
exilees ; 8c arm d'attker la miferiror-
de de Dieu pendant ces jours d'afflic-
tions , elle redoubla les aumfines ,
nourriflant des families entieres,6c pie-
nant des rilles au dedans pour Je>
metcre a couvert des mauvaiies occa-
fions.
-ocr page 471-
II. Parti e. Liv. VI. 469
Pendant qu'elle s'exercoitdans toir l^^aM
tes ces bonnes oeiivres, elle eut la con-
folation de voir revenirles exilees dans
fa maifon , & d'y recevoir la mere
Agnes avec fes trois nieces , & plus
de quarante autres religieufes de la
communaute de Paris. Telle etoit
celle que les religieufes de P. R. elu-
rent pour Abbeile (81). Elle rut inf-
tallee dans fa charge par la mere
Agnes, Sc pafla les premiers jours de-
puis fan election dans le iilence & la
priere. Apres quoi elle en donna avis
a M. l'Archeveque par une lectre ,
qui marque dans quel efprit elle recut
ttedignite
» Monfeigneur , quoique 1'etonne- LXix.
»  ment oil ie me trouve , du choix ta mere do
.           '                   , .          1 r ■ Fareis ecritii
»  que la communaute vient de raire m. de Paris
»  d'une perfonne auffi incapableaue ie fut fon «lec-
>,   luis,pour me charger de la fuperio
y>  te de ce inonaftere, me mette pref-
»   que dans I'impuilTance d'ouvrir la
»   bouche , je fuis convaincue que
»  je manquerois au premier de-
»   voir dont je fuis obligee de m'ac-
»  quitter danscette occaiion , fi je ne
»  me profternois, Monfeigneur, aux
(81) Cone cleflion eft & le Gall. C!m(l. T. 7.1a
placce le 15 juiHet dans m.t.ui: lc iS.
les jounuux. Le Netjol.
-ocr page 472-
47° HlSTOIRE DE PoRT-ROlAL.
» pies de votre grandeur , pour lui
» demander tres humblement de me
» fortifier par fa fainre benediction,
» afin que je puifTe porrer le poids
» done on m'accable par fon aucorite.
» Je le reflens fi fort au deffus de mes
« forces , que je ne faurois envifa-
« ger mon peril fuis tremblement ;
» & je ne trouve rien qui me puifle
» confoler , que l'efperance que Dieu
» aura plus d'egard a la difpoiition
» des perfonnes, qui ont fait ce choix,
« & a la foumifllon que je rends a une
« puiflance qui vient de lui , qu'a
» mon indignite & a mon incapacity
» pour un tel cmploi. J'ofe dire , Mgr.
» que vous etes oblige a lui deman-
» der cette grace pour moi, ainfi que
« je vous en fupplie rres humblement,
» puifque fi je m'en acquittois mal ,
» vous en feriez en quelque forte char-
» ge devant Dieu , de meme que de
» toutes les autres pertes qui pour^
» roient arriver dans ce grand trou-
» peau , dont il vous a confie la con-
» duite. De ma part je ne defire rien
" avec tant de paffion que de pou-
» voir rendre a Votre Grandeur des
" remoignages fi finceres de mon pro-
» fend refpect & de ma foumifljon,
» que vous ne puifiies douter , Mon-
-ocr page 473-
II. Part ie. Liv. VI. 471
m feigneur , de ce que M. Ie Cure de
« faint Benoi t nous a fait la grace de
« nous promettre qu'il vous diroit fur
» ce fujet, pour vous affurer des fen-
» timens de toute notre communaute
» & de la reconnoiifance oil nous
» fommes de la bonte que vous lui
» avez fait paroitre pour nous. C'eft
» auili a Votre Grandeur que nous
» fommes obligees de celle que lui-
» meme nous temoigne. Notre com-
» mnnaute , qui difcerne davantage
" le merite de cette perfonne apres
» l'avoir vu «is;ir , vous rend denou-
« veau, Monteigneur, de tres hum-
» bles actions de graces du don que
» vous nous en avez fait; & en mon
particulier je me promets de ren-
,.. contrer dans fa charite & dans fes
» foins de quoi m'aider a porter une
chofe qui me rend par un titre-
„ nouveau , & avec plus d'obligation
que jamais, &c.
Quelques jours apres , elle crut de-
voir ecrire a M. PuiFort pour le re-
mercier de la maniere dont il avoit
foutenu leurs interets, dans la com-
mislion du parrage don't il avoic ete
charge , & pour le prier de vonloir
bien continuer {es Son? offices dans
la fuite de cette affaire > parcequ'on
-ocr page 474-
471 HlSTOIRE DE PoRT-ROiAt.
kj^o, leur faifoir de nouvelles difficultes.
La nouvelle AbbeiTe tint le trois
d'aoiit fon premier chapitre , & nonv*
ma Prieiire la fceur Angelique de S.
Jean , qui en temoigna autantde pei-
ne & dedouleur, que la communau-
te en marqua de joie & de fatisfac-
tion.
lxx.
           Le mcme jour elle recut de la part
de Paris a la de M. de Pans une reponie tres ob-
mere Ju Far- ligeante a la letcre qu'elle avoir ecrite
fccftion. °" le 15 du mois precedent. » J'ai eu,lui
» ditle Prelat, beaucoupde joie d'ap-
» prendre par M. le One de faint
» Benoit, & par la lettre que vous
« m'avez ecrite, que lacommunaute
» de P. R. des Champs ait jette les
>» yeuxfur vous, pour vous elirefon
» Abbefle. Comme je n'ignore pas
m les talens que Dieu vous a donnes ,
» je ne puis dourer que moi'ennant
» la grace que je me promets
» qu'il vous fera de vous les conti-
» nuer, routes chofes n'aillent tres
» bien dans ce lieu-la fous votre con-
» duite ". Apres ce compliment , M.
de Perefixe promet de demander a
Dieu pour elle tous les fecours, dont
elle a befoin.
Depuis que les religievtfes de P. R.
^.ayoi2iu cte re'tablies dans leutsdroirspar
-ocr page 475-
II. P A r t i e. Liv. VI. 473
ce Prelat, elles n'avoient encore reed \G&c\~
aucune novice , quoiqu'on eut voalu
raire entenare au Roi , comme nous Reception
l'avons vu , qu'elles en avoient recu de
ciJKi J1
R.
un grand nombre au prejudice d'u-deschanp
ne declaration de Sa Majefte. les Su- LamereAjjaes
,.                / • •             f ' r . lu ecnt a ce fu-
peneures ecrivirent lur ce iujet a M. jetdM. rAr-
te Cure de faint Benoit , qui leur fit cheyiiue.,
reponfe le ^d'aout, qu'aiant exami-
ne ferieufement ce qu'elles lui avoient
propofe touchant les Novices , en con-
sequence de la declaration du Roi ,
il etoit perfuade que la defenfe d'en
recevoir n'etoit point particuliere pour
leur maifon , & qu'elle regardo.it ge-
neralement routes les religieufesjqu'ain-
fl il ne doutoit point qu'elle ne puf-
fent faire ce que les autres faifoient,
en en recevant. Il ajoutoit que nean-
moins il etoit d'avis , qu'elles ne fe
preflaflent point; &c qu'elles devoient,
avant que d'en recevoir , confulter M.
l'Archeveque pour avoir fon appro-
bation ; & cela afin de temoigner leur
foumiflion anx volontes du Roi, juf-
tifier leur conduite, &c oter toute pri-
fe fur elles & fur ceux qui prenoient
leurs interets. Ce fut fans doute apres
avoir pris routes ces precautions que
la mere Abbeile propofa le 15 de fep-
tembre
de donner l'habit a cinq Or
-ocr page 476-
474 HlSTOIRE DE PoRT-ROIAt.
~ les, done trois avoient ete novices
avant la perfecution; favoir , les fceurs
Benoife, Bazin ( 82 ) &Ratier ( 85 ) ,
les deux autresetoienr, Mefdemoifelles
Cuvilliers , & le VavaiTeur. Elles re-
$urent l'habit le deux d'O&obre des
mains de M. le Cure de faint Benoit.
Ce fut la mere Agnes qui fit la cere-
monie , parceque la mere AbbeiTe ecoit
incommodce ; & le lendemain elle
ecrivit a M. de Paris pour lui te-
moigner combien routes les religieufes
lui etoient redevables , de ce qu'il les
avoir mifes en etar , en augmentant
leur famille , d'augmenter le nombre
des perfonnes qui feroient apphquees
route leur vie a lui rendre avec eiie,
foit aupr£s de Dieu par leurs prieres,
foir envers lui par la foumifiion de
leur conduite, tous les devoirs de ref-
pect & d'obeiflance , qu'il pouvoit ar-
rendre des plus humbles de fes filles
8c des plus reconnoiflantes de fes fa-
veurs. Elle temoigne a la fin de fa
lettre, qu'ellesdefirenr routes de le voir
dans leur folitude , &c elle le prie de
leurdonner cette farisfac~rion.
M. de Paris fir une reponfe tres
(81) C'Stoit une veuve (83) Dieu ne lui accor-
agce de foixantc ans. Elle   da pas la gtace de la
fit profeflion & mouiuc   perfeverance.
huir ans apres.
-ocr page 477-
II. Part ie. Llv. VI. 475
prompte & ties obligeante a la mere K^r^-
Agnes. » J'ai bien de la joie, difoit Lyxn
» le Prelat, que vous foyiez perfuadee R»?on:b -ie
»
de l'afTe&ion que j'ai pouc route vo- ^' ^r^A-
» tre communaute,& pour vous en par- gnes.
» ticulier, en quij'avoueque j'ai tou-
» jours reconnu, nonobftant routes les
» chofesfur lefquelles nous n'avons pas
» ete ci-devanr d'accord,des qualiteS
» qui m'ont fait beaucoup eftimer vo-
» tre perfonne. Je vous fuis oblige
» du defir que vous me cemoignez
» avoir que je vifite votre folitude ;
» je vous puis affurer que je ne le fou-
» haite pas moins que vous. &c.
Les chofes etoient bien changees,
comme on le voit par ces lettres ,
entre M. l'Archeveque de Paris & les
religieufes de P. R. Ce n'etoit plus
de la part du Prelat quedespoIitefTes,
des temoignages d'eftime, d'arfe&ion,
de defir dobliger; & de la part des
religieufes , que des afllirances d'un
profond refpecL (qu'elles avoient ce-
pendant toujours eu, & dont ellesne
s'etoient jamais ecanees), des marques
d'uneentierefoumiffion,& d'une parfai-
re confiance. La mere Agnes aiant ap-
pris que le neveu de M. de Paris avoit
ete tue au Siege de Candie, elle lui
ccrivit au nom de toute la commit* ,
-ocr page 478-
47^ HtSTOIRE DE P0R.T-ROIAI.
1669. naute pour lui marquercombien elles
txxm. etoienttoutes fenfibles a fajufte douleur.
u m«eAb- Lorfque la mere AbbelTe commen-
tx-ite cent a         ( ,» , ,.. , -           , ,.         
m. do Paris ca a le retabhr de la maladie , oc
noviJeS^efesq"'e!Ie f"ut en ctat d'agir , elie crut
auffi devoir ecrire a. M. de Paris tou-
chant la reception des novices , quoi-
que la mere Agnes eut en celarem-
pli fes intentions ; & elie le fit par une
lettre du 17 o&obre , dans laquelle
elie fe juftifie de quelques plaintes
qu'il paroit qu'on avoit faites au fix-
jet des novices. Elie lui marque ,
» qu'elle efpere, que lorfqu'elles pdur-
» ront avoir 1'honneur de 1'informer
» de vive voix de quelle forte elles
» ont agi, & fur quel principe elles
» fe font fondees pour croire qu'elles
» pouvoient recevoir des novices ,
» fans contrevenir a ladefenfe gene-
s' rale de Sa Majefte, ni aux inten-
« tions particulieres de fa Grandeur ,
» elie demeureraperfuadee,que jamais
» une action ne fut plus mnocente
» que la leur,& plus conforme a toutes
» les regies du refpedt qu'elles doivent
» a ces deux PuilTances, dont elles
w honorentfiparfaitement raurorite."
La joie que caufa le retabliiTement
des religieufes de P. R. , fut troublee
par la mort de plulieurs de ces fain-
-ocr page 479-
II. Parti e. Llv. VI. 477
tes fiiles, & de quelques amis & fo- ~~1669,
litaires, done nous n'avons point par-
le pour ne pas incerroinprele recitde
ce grand evenement & de fes fuites.
Une des plus confiderables pertes
que fit P. R. cette annee , fut celle J1^
de M. Hamelin , Controleur general Hamelin*.
des Ponts & chauflees de France, qui
avoit donne retraitechezlui a M. Ar-
nauld dans la perfecution que lui
attira fon excellent ouvrage de la fre-
quence communion. Cenouvel Abdias
mourut le fix juillet 1669 , age de
66 ans (84 ). L'afyle qu'il donna dans
fa maifon au Prophete perfecute, fut
pour lui & toute la famille une fource
de benediction. Non-feulement il en-
tra avec fon epoufe dans la voie etroite,
§C embraffa la vie penitente , mais
il eut encore l'avantage d'avoir part
a la perfecution. Il eut la confolation
de voir la paix rendue a l'Eglife, &
le calme retabli a P. R., oil il avoit
une fille religieufe; apres quoi Dieu
l'appella a lui par une mort precieufe
a fes yeux. M. Hamelin fut inhume a"
S. Euftache.
La fceur Antoinette deS. Jofephde txxv.
           1 • 1 /■ • ,-•                          \                Antoinette
Beauclair de iaint Cyr mourut a 11 & fai„t j0.
heures 8c demie du foir le fept aout r?P.h de
Bea»-
(84) Nee. p. i6i'iyo.
-ocr page 480-
47 8 Histoire de Port-ro'Yal.
i^iSq. %^e de 69 ans. Elie avoit donnede
grands exemples de verm clans tous
les etats par lefquels Dieu l'avoitfait
fialTer. D'abord elle fut mariee a Mef-
ire Francois de Rochechouard , Che-
valier deS. Cyr ,aveclequel elle vecut
en femme vraimenc chretienne.Enfuite
la morr l'aiant privee de ce mari, elle
paffa quelque tems dans la viduite,
dans laquelle elle mena une vie ties
edifiante. Mais voulant rompre entie-
rement avec le monde & ne vivre
que pour Dieu feul, elle fe retira a
P. R. en qualite de bienfai&rice , &
afin que Ton facrifice fiit parfait, elle
embraiTa la profeilion monaftique.
lxxvi. Le ii feptembre mourut Charles
Mort de m. Savreux Libraire a Paris , qui avoit
R^ieTAp- toujours eu un grand attachement pour
tembre. P. R., ou la Providence permit qu'il
vint mourir , par un accident impre-
vu. .. Comme il venoit de Paris dans
ce S. defert avec trois Peres de l'Ora-
toire , qui defiroient de voir la mai-
fon , le carofle verfa a Joui , & il
fut blelTe a mort , fans qu'il parut
rien au dehors. On Pamena a P. R.
ou il mourut le lendemain. Son epou-
fe , qui avoit appris est accident, s'y
rendit, & edifia toute la communaute
par la fermete vraiment chietienne,
-ocr page 481-
II. Par tie. Liv. VI. 479
avec laquelle eile foutint cette afflic- " i<5(jn,'
tion. Comme M. Savreux n'avoit
point d'enfant , il avoit defTein de
donner fon bien a l'Abbai'e , croi'ant
qu'il ne pouvoic en faire un meilleur
ufage , que de le mettre entre les mains
de ceux qui avoient le plus contribue
a le lui faire acquerir par les excel-
lens livres fords de leurs plumes ,
qu'il avoit imprimes. Mais la mort
I ai'ant prevenu , il ne put l'executer.
II fut enterre dans l'Eglife, vis-a-vis de
1'Autel de S. Laurent.
Le 16 odobre on enterra le cceur
de M. Hillerin ancien Cure de faint ^c^it'de
Merry ( qui etoit mort des le 14 m. Hillerin,
avril), vis-a-vis de la grille de la Cha- j^,™, mm
pelle de la fainte Vierge. Au milieu" eft enterrf
i P. R. le is
I
es applaudiffemens que luiattiroientoaot>re
fes predications, il avoit quicte fa Cure,
renoncant genereufementa toutce qu'il
pouvoit pretendre au monde pour
fuivre la voix de Dieu qui l'appelloit
dans la retraite, perfuade qu'il lui
etoic plus utile d'embrafTer la peni-
tence que de la precher aux autoes.
Il y perfeverajufqu'ala mort,non pas
feulement pendant plus de huit ans,
comme il eft marque dans le necro-
loge de P. R.; mais pendant environ
25. Les grands coups de la grace qu'il
-ocr page 482-
480 HlSTOIRE DE PORT-ROIAL.
vit dans la maifon de M.d'Andilly,
qui etoit fur fa ParoiflTe , & ou venoient
MM. de P. R. , firent tant d'impref-
fion fur fon efprit , qu'au lieu que
comrne Cure il auroitduleur donner
Pexemple , il mit fa gloire a les fuivre,
& refolut de fe deraire de fa Cure ,
pour fe retirer dans la folitude. On
doit aufli regarder Faction heroique de
ce Pretre penitent, & fa converfion ,
comrne nn des fruits de la prifon de
M. de S. Cyran qui lui ouvrit infen-
fiblementles yeux par lafageflfe de fes
entretiens dans le Chateau de Vin-
cennes , ou il le voi'oit par l'entre-
mife de M. d'Andilly. AulU voulut-il
par fon teftament etre enterre a fes
pies dans l'Eglife de faint Jacques du
Kaut-Pas. M. Fontaine fait un recit
bien touchant de la converfion de ce
faint Pretre ( 85), dece qu'il eprouva
en quittant fa Cure , de fa penitence,
de fes occupations dans fa retraite.
Apres s'etre demis, il partit le cinq
fevrier 1644 pour fe retirer dans un
Prieure en Poitou , menant avec lui
le jeune Fontaine ; mais craignant
qu'il ne perditlafajeunefle, illecon-
duifit lui-meme quelque terns apres a
P. R. des Champs. Il em l'avantage
(St) Mem. T. i. 6. Si fuiv.
d'y
-ocr page 483-
II. Part ie. Liv. VI. 481
d'y rrouver M. Litolphi Maroni Eve- \&(,y.
que de Bazas , qui penfoit lui-meme
a faire un facrifice encore plus grand
que celui qu'avoit fait M. Hillerin.
Ce fut dans la folitude du Poitou ,
que M. Hillerin fit une belle conquete
pour P. R. dans la perfonne de M.
de S. Gilles Baudry d'AiTon , qui fut,
comme le dit M.Fontaine (87), la con-
» folation de M. Singlin par les voi'a-
t> ges qu'il entreprit , celle de M. Ar-
» nauld par fes ouvragcs , celle des re-
w ligieufes par fes negociations , celle
jj de tous fes amis par fes bons offices>
» & celle des Anges par fa penitence,
» qu'il portoit a T'exces. Pour revenir a
M. Hillerin , ce qu'il vit a P. R.
lui donna de la confufion en compa-
rant ce qu'il faifoit avec ce qu'il voioit
faire. Cela lui infpira une nouvelle
ardeur pour la penitence, dans laquelle
il perfevera conftament jufqu'a fa mort.
Il laiffa par fon teftament is00 liv.
aux religieufes de P. R. avec fon calice
8c fes burettes , & les rendit les de-
pofitaires de fon cceur , qui fut porte
far M. Hilaif e , & enterre comme nous
avons dit dans leur Eglife.
Le fix de novembre la fceur Suzanne ixxvnr.
de fainte Ceeile Robert mourutagee ^tTceci[c
(87) T. i. p. jjj.                                                    Roben.
Tom ri.                      X
-ocr page 484-
4SZ Histoire de Port- roYac.
~~~ de 45 ans. Des fon enfance el-le eut un
grand eloignementde routes les chofes
oe la terre , & un ardent defir de vi-
vre inconnue dans quelque condition
humiliante. Elle fe fit religieufe a P. R.
& regretta toute fa vie de n'avoir pas
embraffe I'etat de four converfe. Mais
elle y fupplea en s'appliquant toujours
a tout ce qu'il y avoit de plus bas
& de plus penible : 1'amour de la pau-
.vrete etoit exceflif en elle. La vue de
1 'etat de fon ame, que fon huinilite
lui faifoit regarder comme deplorable,
lui faifoit repandre des torrens de lar-
jnes. Elle regardoit la more, comme un
f>rifonnier regarde le moment de fa de-
ivrance ; cefutdans fes fa intes difpo-
J xxix. fitions qu'elle mourut (S 8).
i, Huque-. M. Huqueville, Parifien, mourut
a P. R. le 3 o novembre. Des fes pre-
mieres annees, il n'eut d'inclination
que pour le bien. L'exemple de fa
fceur , qui entra a P. R. pour y etre
celigieule, fit tantd'impremon fur lui,
qu'il renon^a a tous les avantages du
fiecle pourfuivre Jefus-Chrift & porter
fa croix. Il n'avoir que dix-neuf ans
lorfqu'il fe mit fous la direction d'un
. (-88) » Nout avons une   ,> le recueil des vies edif,
35 belle relation de la vie    » par la mere Angelique
si & des vertus de cette   » de faint Jean T. »• p.
v faints religieufe dans   » ioj-^S,
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II. P A R T I E. LlV. VI. 4S3
confefleur des religieufes de P. R. ■
Enfuite il fe retira a. faint Jean des
Troux aupres de M. Burlugay fon
frere , dodteur dc Sorbonne, qui en
etoit Cure , dans le deflein de s'appli-
quer a fon fervice & a eel ui. des pau-
vres. De-la il vint fe cacher dans la
folicude de P. R. , 011 il fe fentit auffi-
tot attaque d'un mal de tete qui fut
prefque continuel. Mais comme il
avoit entierement renonce a lui-meme,
il avoit fi peu d'egard a cette incom-
rnodite , qu'encore qu'on l'afTurat que
le changement d'air etoit 1'unique re-
mede a fon mal, il ne voulut jamais
penfer a une autre demeure , jugeant
que les avantages fpirituels qu'il y trou-
voiEetoientaiTezconiiderablespouretre
preferes a la fante & a la vie meme.
II perfevera d'une maniere unifor-
me & conftante dans les exercices de
1'humilite , de la charite & de la peni-
tence. Il polfedoit tellement fon ame,
que jamais il n'etoit furpris par aucu-
ne paflion , ni mauvaife humeur ; &
n'aiant rien en lui qui put etre incom-
mode aux autres, il fupportoit volon-
tiers tout ce que les autres avoient de
plus facheux.
Enfin le terns que Dieu lui avoit
donne pour faire penitence etant fini,
Xij
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484 HlSTOIRE DE PoRT-ROlAl.
il fut attaque d'une violente maladie
a Paris, ou il etoir alle pour quelques
affaires: il fe preffa de revenir par le
defir qu'il avoit de mourir dans le
faint defert. Lorfqu'on lui annonca que
fa mort etoit proche , il recut cette nou-
velle, non-feulement avec cette paix&
cette egalite d'efprit qui ne le quit-
toient jamais ; mais encore avec une
joie ties fenfible. L'afFection qu'il por-
toit au monaftere de P. R. , & la con-
fiance qu'il avoit en routes les perfon-
nes qui y etoient-, lui donnoient une
confolation merveilleufe de fe voir
mourir entre leurs bras & avec le fe-
cours de leurs prieres. M. Burlugay
fon frere , fe rencontra heureufement
pour lors a P. R. pour l'aflifter dans ce
dernier combat , & ce fut lui qui lui
adminiftra les derniers Sacremens ,
qu'il re^ut avec une pieteexemplaire ,
furtout avec une pretence d'efprit qui
le tint applique a Dieu.prefque fans in-
terruption jufqu'au dernier foupir de
fa vie. Il avoit toujours defire de mou-
rir pendant qu'on celebreroit la MeiTe :
Dieu I'exau^a, Car prefque tout le
monde l'ai'ant quitte pour y affifter , il
s'y appliqua lui-meme , & en fuivit
les parties les plus confiderables , com-
me l'lntroit , le Gloria in expel/is ,
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II. Par tie. Liv. VI. 4S5
1'Epitre , l'Evangile , le Cation : & en- "TTTjT
fin aiant adore Jefus-Chrift au fon
de la cloche qui annonce l'elevation ,
il termina fa vie par cette action fain-
te, pour la continuer dans le Ciel avec
tous les Saints. Il fut enterre le pre-
mier decembre devant l'autel de faint
Laurent. M. Burlugay fon frere officia
an convoi & al'enterrement, & chanta
la grande MerTe avec une conftance
tjui edifia d'autant plus , qu'on favoit
Fextreme tendrefTe qu'il avoit pour ce
digne frere.
La foeur Lie , Magdeleine de fainte
Elifabeth Bochard de Champigny > La foeur u'-e
mourut le 6 decembre. Elle avoit deCh-izaJ'-
epoufe Meffire Henri de la Guette ,
Seigneur de Chazai , maitre des re-
quetes. Avant que de s'engager dans
le monde , elle avoit en un grand de-
fir d'etre religieufe , & elle l'auroit
fuivi fi M. fon pere ne s'y fut oppofc.
Mais elle vecut tres faintement dans
l'etat du mariage , pratiquant avec zele
cette maxime qu'elle avoit apprife de
M. de faint Cyran,qu'il faut /aire tout
le Men qu'on peutftp).
Si-tot qu'elle
fut veuve , elle penfa a executer le
deflein qu'elle avoit eu autrefois, &
tourna fes vues du cote de P. R. ou
(8^) Let. XI. 44.
Xiij
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4§(> HlSTOIRE DE PoRT-ROlAI^
~~ elle prit l'habit religieux a l'age de
foixante & un an , pafla le noviciat
dans la plus grande ferveur , 8c fit
profeffion avec un courage admirable.
Depuis fa profeflion , elle vecut en-
core treize ans , pendant lefquels elle
fit toujours de nouveaux progres. La
pauvrete , la retraite , le filence , la
mortification , faifoient fes delices.
Elle avoitun zele pour la verite, qui
animoit & foutenoit les fceurs timides
dans la perfecution. Pendant les der-
nieres annees de fa vie, elle eut de
grandes peines d'efprit; mais Dieul'en
delivra dans fa derniere maladie: car
elle fut dans line profonde paix, ne
penfant qu'aux graces que Dieu lui
avoit faites , dont elle etoit penetree
de reconnoiflance , 8c au bonheur
qu'elle avoit de mourir religieufe de
P. R. La veille de fa mort, elle die
a, une des fceurs qu'il lui etoit venu
dans l'eiprit ces paroles que Dieu
adreflea fon peuple : Monpeuplefoie^
faint y comme moi, qui fuis le Seigneur
votre Dieu fuis faint.
» Je me fuis,
« ajouta-t-elle , profternee en efprit
• » devant Dieu > pour le fupplier de
» graver ces paroles dans le cceur de
" nos fceurs. Non que je croie qu'el-
» les n'en foient deja touchees, mais
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II. P A R T I E. L'lV. VI. 4S7
n parceque moi-meme en fuis extre- '"\^Q,y,"
» mement frappee : car ee que k'ora
» penfe au moment de la more fait
«< unebienplusgrandeimpreffion(5)o).
Le 31 decembre on enterra dans le
bas cote de la Chapelle de faint Lau- Amoine Ban-
rent le cceurde M. Antoine Baudri de dridc la;ur
faint Gilles d'Alfon , avec celui de M. ^a"
Bouilly. lis furent mis enfemble dans
une merae boite ,' & enterres dans la
folfe de M. le Maitre. M. de faint GiU x
les eroit more le 30 decembre de fan-
nee precedente fur la Paroirle de fainte
Marguerite , ou il fut enterre. Com-
me nous n'avons point parle de ce faine
Penitent a l'annee de fa mort , nous
allons y fuppleer ici en peu de mots ,
en renvoiant nos ledteurs a ce qui eft
dit de lui , foit dans le Necrologe de
P. R. , foit dans un memoire de M.
de Pontchateau , qui contient plufieurs
particularites de fa vie, & dans une
lettre de M. de fainte Marthe a l'occa-
fion de fa mort (91), foit enfin dans
les memoires de M. Fontaine , & dans
l'hiftoire litteraire du Poitou (91). M.
de faint Gilles frappe de l'exemple da
(j>o) Voi'ez la relation de (51) Sup. au Necr. de
fa vie & de fa mort ,    P. R. p- S8.-8.
par la mere Angeliquc de (9i)Bib!ict. hift.& ctii.
faint Jean, vies edif. T. 3.    du Poitou par M. Dreuof ,
p. 1 64.                             du Radier T. 4.
Xiv
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4S8 HlSTOIRE DE PoRT-Ro'lAl."
^*~* M. Hillerin, qui avoit quitte fa cure
pour vivre dans la retraite , & touehe
de la lecture du livre de la frequence
Communion , renonca a toutes les ef-
perances du fiecle prefent. Etant venu
a Paris avee fon Ananie , il eut occa-
jfion de voir M. Singlin & de connoitre
P. R. Auffitot il fe mit fous lacondui-
te de ce fage Diredteur, & voulut ba-
biter le faint defert. " On fuc furpris,
dit l'auteur de la bibliotheque hif-
torique du Poicou (9}) , » de le voir
» tout d'un coup abandonner fon be-
» nefice & fa patrie , avec tous les au-
» tres avantages qu'il pouvoit preten-
» dre, pour fe retirer a Port Roial des
« Champs , 011 vivoient alors plufieurs
« perfonnes qui s'y etoient prefque
» toutes confacrees a l'etude «. (Tou-
tes ces perfonnes etoient encore plus
confacrees a la penitence.) Ce fut en
Pan 1647 qu'il prit ce parti , a Page
de trente ou trente-cinq ans. » Il ftii-
» vit I'exemple de ceux avec qui il vi-
« voit. Les uns avoient paffe du Bar-
» reau, dont ils etoient les oracles ,
« a l'emploi de jardinier ; les autres a
m des offices plus vils encore, d'un
» rang plus eleve ». M. de faint Gil-
les apprit le metier de menuifier; il ha-
(>>3) T. 4 p. 10 & fuiir.
-ocr page 491-
II. Par tie. Liv. VI. 4?^
bitoitpour cela une petite maifon coa- 1669.
Verte de chaume , conftruite par fes
foins au bout du petit P. R., 011 il tra-
vailloit avec un menuifier qu'il avoit
fait venir pour apprendre ce metier.
Le logis, ou la petite cabane qu'il ha-
bitoit , ftu appelle U palais de faint
Gilles.
Dans la flute il fat attire au
grand batiment , & travailla avec M.
Arnauld a la concorde de l'Evangile.
Il eut l'avantage d'accompagner ce ce-
lebre do6teur, lorfqu'en 1655 il fur
oblige de fe tenir cache , & lui fervit
de fecretaire. Il rendit de grands fer-
vices aux religieufes de Port Roial des:
Champs pendant la perfecution , fans
craindre les perils auxquels il fat expo-
fe en faifant face a leurs ennemis, &
fe chargeanr courageufement de pre-
fenter des requetes pour elles. Enfin ,
epuife de fatigues & d'aufterites, il
mourut faintement a la fin de Tan
1668 , apres la paixrendue al'Eglife;
mais fans avoir eu la confolation de
voir le retabliifement des faintes reH-
gieufes de P. R., qui n'eurent part a\
cette paix qu'un mois & demi apres
fa more
Fin du Livrt VL
X y
-ocr page 492-
49°
Acle d'oppojition des religieufes de.
P. R. des Champs a la nomination
de la fceur Dorothee Perdreau.
» V_/E s t nommeinent a vous meme ,
« ma chere fceur, que nous nous adreflbns ,
03 pour vous ternoigner d'abord la compaf-
3i fion que nous avons de l'etrange juge-
m ment que Dieu exerce fur vous. La fa-
k geffe s'etoit batie une maifon, elle l'avoit
» affermie fur les colonnes, qui par la force
=3 de leur zele & l'exemple de leur verm ,
m que Dieu a deja couronnee, ^toient capa-
33 bles de loutenir la piete1 & la r^gularite dans
» ce monaftere beaucoup plus longtems que
33 leur vie. Un grand nombre d'ames avoient
33 ete invitees de tous cotes a venir recevoir
« gratuitement la grace qu'on y ofFroit a
x routes, fans rien exiger d'elles qu'une bon-
33 ne volonte. Mais comme toutes chofes
33 ont leur tems , apres que ce tems d'edi-
33 fier a ete accompli, & que la maifon a ete
i> remplie , le tems de detruire eft venu , Sc
» il ne s'eft trouve que trop de gens, qui ont
M mis la main a cet ouvrage. II leur falloit
m neanmoins un inftrument, dont ils ne fe
so pouvoient pafler, & il a fallu cherchcr.
33 Le monde eft rempli de ces vafes de colere:
33 prepares a toutes fortes de mal; & nean-
» moins parmi ce grand nombre, oil il y
33 avort tant a choifir, vous avez eu le mal-
3o heur que le fort foit tombe fur vous. Ii
» falloit bien que Dieu fut fort en colere ,
-ocr page 493-
Acli cVoppojition des rellg. 40
x quand il a fait un telchoix ; &s*il reftoic
» quelque chofe de fa crainte dans votrecoeur,
» vous auriez du ouvrir les yeux a ce mo-
» ment, & penfer au moins,quoique tard, a
jj echapper de ce dernier peril parune fage fu i-
3) te en renoncant volontairement a la charge,
■>■> oii vous etes mal entree , & a la nouvelle
» nomination qui va perpetucr votre crime ,
» en rendant perpetuelle l'ufurpation d'une
n dignite", qui ne vous fauroit appartenir le-
*> gitimement en la mauiere que vous y avez
» e'te elevee. Ne vous imaginez pas que ce
" Tort le refundment de notre oppreffion Sc
33 de la ruine temporelle d'une maifon qui
33 nous appartient, qui nous fafle parler dc
33 la forte. La maifon, dont nousd^plorons
33 la mine, eft un temple fpirituel & batide
» pierres vivantes, qui devoient sMlever
33 de jour en jour, par une fucceffion de
>3 perfbnnes qui auroient fervi Dieu dans
33 la faintete & la juftice pendant la fuite dc
33 pkifieurs ages. Vous e"tiez deja placee ,
»3 vous & celfes qui vous adherent, dans
o» cet Edifice faint; maisn'dtant pasdemeu-
30 rees fermes dans la v^ritd , vous etes
33 tombies de votre lieu, & avez fait par-li
33 une breche a notre union, pour donner
3» une libre entree a ceux qui ne refpiroienc
33 depuis trente ans qu'a demolir jufqu'aux
33 fondemens une place , dans laquelle its
33 n'avoient pa venir a bout de eomman-
33 der. C'eft vous a preTent qui les y in-
33 troduifez , & it s'en faudrapeu, que vous
oo ne vous rendiez digne par votre nouvelle
33 qualitd de participer a eelle que le faint Ef-
» prit donne a l'un d'entre les Apotres, qu'il
»» appelle le chef de ceux qui prirent Jefus-
» Ohrift , puifqiul eft ordinaire dans l'Ecri-
X vi
-ocr page 494-
192. Acle eToppo/itldn des rtligie'ufes
» rure d'egaler la perfecution que Ton fait 3
*> fcs membres a celle qu'on lui fait a lui--
33 meme, & d'en parler en commun com-
33 me ne faifant qu'un meme corps. Vous
33 voi'ez bien par cette idee que nous avons
33 de votre elevation, que nous fommes fort
03 eloignees de vous l'envier, & que notre
33 condition nous paroit aulfi heureufe que
as la votre eftdigne de larmes. Nous pouvons
33 vous alTurer, ma chere foeur , que nous en
33 repandons devant Dieu fur vous & fur nos
33 cheres foeurs, qui periiTent avec vous, ft
>3 elles confentent a- votre intrufion. Pour
33 etre du troupeau de Jefus-Chrift,. il
33 faut avoir egalement les deux qua-
33 lites qu'il attribue a fes brebis , dont l'uiie
33 eft de connoitre la voix du pafteur & de
33 le fuivre , & l'autre de ne point connoitre
33 l'etranger & de s'enfuir de lui. Or elles
*>3 ne fauroicnt fe mdprendre en cette occa-
»3 (ion, fi elles veulent fuivre la lumiere qua
33 donne l'Evangile pour les difcerner , puif-
33 qu'il declare nettement que quiconque
33 n'entre pas par la porte de la bergerie ,
33 mais y monte par quelqu'autre endroit, eft
33 aflurement uiv voleur; e'en eft aiTez pour
33 faire peur a des brebis de Jefus-Chrift ;
33 e'eft-a-dire a des ames fimples & droites
t» qui cherchent Dieu fincerement, & qui
33 au moins s'apperceveront a cette heure
33 que vous n'emrez, pas par la porte, mais
33 que vous ne montez fi haut, que pour
33 chercher a voler l'aatorkd que Dieu ne
33 vous a point donnee dans fa maifon &
33 fur fon troupeau. Nous prions avec toute
33 l'ardeur dont nous fommes capables ce-
33 lui qui eft appelle le grand Pafteur y &
x> qui fe nomine lui-rneme le bon Pafteus,
-ocr page 495-
de P. R. des Champs, &c. 49 j
« que, felon la grandeur de fa puiiTance Sz
» l'etendue de fa bonte , il ralTemble les bre-
»= bis & les vifite par fa grace pour les deli-
" vrer d'un fi grand peril, pour guerir routes
» leurs langueurs , & pour les tenir en fure-
» ti fous fa divine protection , afin que fe-
33 Ion fa divine promefle, pas une d'elles ne
33 lui foit ravie & ne periife, mais que nous
» ai'ons quelque jour la joie de nous voi*
" toutes reunies dans le fein fi large de la
33 charire, qui enfermeles forts & les foibles,
53 les innocens & les penitens, & qui egale
33 fouvent par rhumilite ceux qui font venus
» les detniers a ceux qui avoient travaille
33 plus long-tems qu'eux 3 & porte le poids
33 d'une longue arHic"tion. Ce font-la nos
33 fouhaits, ma chere fceur,, & les vceux
33 les plus ordinarres de notre ccEur dans nos
33 prieres. Mais comme il femble que vous
30 vous oppofez en toutes les manieres poffi-
33 bles a un fi heureux efFet, continuant plus
33 que jamais a dechirer la robe de Jefuv
33 Chrift par le fchifme que vous faites dans
33 notre communaute en ufurpant une au-
33 torite , laquelle ni par le droir d'eledtion,
33 ni par le titre de nomination ne vous favt-
33 roir appartenir, ni a qui que ce foit ,
33 rant que notre mere AbbefTe & notre mere
33 Agnes ne fe feront pas volontairement
30 demifes de la pofTerfion de cette charge ,
33 ou elles ont ete etablies parTEglife felon
33 toutes les formes, & dont eltes n'ont
» point ete deftituees felon les formes ;
33 nous fommes auifi obligees de notre cote
33 de nous oppofer de tout notre pouvoir a Ix
33 mine totale d'une maifon de Dieu, dont
» cette nomination va faper les fondemens.
33 en ce qui regarde principalement le bien
-ocr page 496-
494 Acl&cToppofttion des rttig.
33 fpirituel, ce qui eft fans comparaifon c6
33 cjui nous touche davantage : a raifon dc
»j quoi nous vous declarons, ma chere fceur,
jo & a toutes nos fceurs qui font avec vous,
33 que nous n'avons point defifte & ne nous
33 defiftons point encore de faire toutes nos
33 proteftatiorts & oppositions, tant a l'en-
33 contre de ce que M. l'Archeveque a fait
33 & continue de faire dans notre monaftere
33 depuis quatre ans , contre tout droit &C
» juftice , qu'a regard de toutes les entre-
33 prifes non moins injuftes du fieur Chamil-
33 lard,& autres ci-devant designees dans nos
33 aires precedens ; & nommement nous op-
33 pofons & appcllons de nouveau , en adhe-
» rant a nos premieres appellations, de l'u-
33 furpation que vous four Marie de fainte
33 Dorothee avez faite , & en larjvtclle vous
33 pretendez vous maintenir, de ta qualite
33 d'Abbeffi de notredit monaftere , foit fous
33 le titre d'eledtion , nomination ou autre-
x ment, comme audi de toutes elections >
so admiffions a profeflion , pa&ions , ac-
*> cords ou autres chofes quelconques, de-
3o rogeant en quelque maniere que ce £bk
» a notre droit, &c
-ocr page 497-
tfeJP. R. des. Champs , &c. 49*.
Lettre des religUufes da Port-Roial de*
Champs a lews feeurs de Paris ,
fur la nomination de la faur Do~
rothee Perdreau.
*  jiYt E» ties cheres fcrurs , quelque
*> lpimueUe que foit une veritable amine" fon-
» dee fur la charW , elle ne peut pas fe
» deponiUer entierement de certains mou-
*> vemens fenfibles de tendreife , qui lui cau-
» lent ou dc la joie , quand elle a occaiion
» de commumquer avec les perfonnes qu'el-
» le atme j ou de la trifteiTe , quand' elle fe
*> trouve entierement prive'e de cette con-
*  iolation. Si votre amitie etoit au merne
» degrequelan6tre, vous demeureriez d'ac-
» cord par votre experience de ce querious
» ne difons auffi qu'apres l'avoir reffentL
» Car il arrive par une conduite de Dieti
» aflez particuliere , qu'encore qu'on ait ax
» denein de faire une dHRrence entre vous
» & nous, & que 1'on ait emploie ce moien
y cornme le plus puirTant pour nous porter
» a nous de'funir, en vous promettant que
» votre obeiflance vous mettroit a couvert de
» tous les maux que notre refiftance allok
» amrer fur nous, & quelle vous donneroit.
o» la pair , fe liberty, fe confervation de
» vos droits & la protection de toutes les
y puiflances de ITglife & de'l'Etat pour vous;
*> y maintenir ; vous eprouvez des-a-pre-
*> lent combien U y a peu d'aflurance dans:
-ocr page 498-
49 6 Let des rellg. de P. R. dtt Ch.
53 les promefles des hommes , puifque vous
» n'avez pas joui un moment de cette paix
33 & de cette Jiberte que Ton vous faifo-it
m efperer, & que vous voila fur le point
» de perdre le plus important de nos droits
33 pour ce qui regarde le maintien de la dif-
33 cipline & de la reforme de notre monaftc-
33 re , qu'il faut preferer fans comparaifon a
33 tout ce qui n'appartient qu'au temporel ,
03 puifque le falut des ames en depend. Si
33 nous pouvions voir les chofes de plus pres,
33 & favoir ce qui fe pafle parmi vous, il fe-
33 roit fans doute afiez facile de juftifier que
33 la paix n'a pas etc mieux etablie entte
33 vous, quoique vous foiez un fi petit nom-
33 bre , depuis que vous avez cru la pouvoir
33 feparer d'avec la verite, au lieu que Dieu
33 nous commande de les aimer toutes deux
33 enfemble & inieparablement, comme l'E-
33 glife nous le fait fouvent repeter dans
33 notre office pacem & veritatem dilipite ,
33 afin que ces paroles fi importantes foient
33 toujours gravees dans notre ceeur. Mais
33 il eft encore plus vifible, que bien loin
33 que vous ai'ez joui de la liberte apres
33 avoir engage1 celle de votre confcience ,
33 qu'au contraire votre captivite eft deve-
33 nue en une maniere plus infupportable
03 que celle que nous fouffrons, parcequ'elle
33 eft moins volontaire, & qu'elle n'eft point
33 fbutenue par la confolation , qui adoucit
33 la notre , de nous y voir reduites, pour
33 avoir prefer^ Tint^ret de Dieu a tous nos
„ propres inteiets ; ce qui donne au
moins un grand repos a la confcience >
laquelle eft toujours libre , lorfqu'elle n'a
33 point de pafllon & de remords qui trou-
as blent fa paix. Cependant, nos ties cheres
-ocr page 499-
a hursfaurs de Tarts, &c. 497
» foeurs, vous devez confiderer comme une
« mifericordc de Dieu fur vous , que des ef-
« pdranceshumaines qui avoient aidd a vous
» feduire, vous aient (1 peu riuffi. C'eft ura
»j des fujets qui vous donnent plus de con-
» fiance que Dieu vous aime encore, puif-
33 qu'il vous chatie , 8c que c'eft une mar-
33 que qu'il veut vous afutjetir a fon fceptre
33 & vous faire rentrer dans les liens de fon
33 alliance par une heureufe contrainte, en
33 vous faifant eprouver la pefanteur de cet
33 autre joug, & reconnoitre par vous-me-
33 mes qu'il n'y a rien de moins folide que
33 l'appui que Ton fonde fur la creature. Si
33 cette lettre que nous expofons au hafard,
3j pouvois etre ft heureufement conduite par
33 la providence divine qu'elle tombat entre
fj vos mains, regardez-la , mes tres cheres
33 foeurs, comme un temoignage de la cha-
33 rite (ulcere qui nous fera toujours pren-
33 die part a tous les biens & a tous les manx
33 qui vous arriveront, en tout ce qu'ils
33 pourront avoir de rapport avec votre falut.
« lit comme la nouvelle que nous avons
» apprife de la nomination d'une Abbefle ,
33 eft la chofe du monde que vous devez le
33 plus apprehender, Sc qui peut etre k plus
33 prejud;.table au veritable bien de notre
33 monaftere , nous avons cru ne devoir pas
33 laifTer paffer cette occafion, fans vous fup-
33 plier de faire quelqu'effort pour vous re-
33 veilter a ce coup de tonnerre , d'en pren-
m dre fujet de faire reflexion fur ce que Dieu
>3 veut vous dire par-la , & de tacher de ren-
33 dre utile pour le falut de vos ames, ce qui
33 va etre dans fes fuites la perte de notre
33 maifon. C'eft la conduite de Dieu la plus
» ordinaire dans le monde , que de titer 1.4
-ocr page 500-
498 Let. des rellg. de P. des Ch,
ii bien du mal; & c'eft meme l'ufage qu'il
t> veut que nous faflions de nos peches ,
■n quand il fe fert de la douleur & de la con-
» fufion qu'ils nous caufent, pour guerir
» la plus grande maladie de notre ame qui
» eft fon orgueil, & la reduire a chercher le
=» fecours de fon medecin, & la mifdricorde
r> de fon juge par une humble penitence.
x Nous vous fupplions done de tout notre
» cocur , mes tres cheres foeurs , de vou-
33 loir feulement faire un peu d'attention a
x ce qui fe pafle a cette heure , & de vous
33 fouvenir en meme terns de ce qui s'eft
33 pafle autrefois dans votre efprit, lorfqu'il
33 etoit agite entre la repugnance de votre
33 confeience a faire ce que Ton demandoit
» de vous, & les diverfes craintes des fui-
33 tes qui arriveroient de ce refus , & meme
33 les fcrupules qu'on s'efForcoit de vous don-
53 ner de cette prerendue defobeiflance. N'eft-
M-ilpas vrai que pour lors, quand vous vous
n femites pietes a tomber , vous ne vous
» appuiates que fur I'aiTurance qu'on vous
33 donnoit que vous ne vous bleileriez pas ,
» parceque M. l'Archeveque qui vous faifoit
» ce commandement, repondoit de votre
33 ame, qu'il fe chargeoit de votre peche y
33 s'ilyen avoir, 8c qu'il vous uefendroit
33 devant Dieu ? On vous a dit tout cela ,
» car on nous l'a dit a nous-memes, & Ton
>j y ajouroit encore les promelTes de la vie
33 preTente aufli-bien que celles de la vie fu-
33 ture, en alTurant toutescelles d'entre nous
33 qui obdiroient, qu'elles n'auroient rien a
33 craindre fous la protection d'un fi puiflant
33 Archeveque , qu'elles devoient tout attcn-
» dre de fon affedtion , & qu'il entreprenoit
» de rendre leur maifon plus floiiflante qu'et-
-ocr page 501-
a leurs fceurs de Paris •, &c. 499
m le n'avoit jamais ete. Que Tun vous lbit
» done a prefent la preuve de l'autre. M,
» 1'Archeveqne a certainement beaucoup de
» pouvoir aupres du Roi, qui l'honore de
33 fon amitie, & Ton ne fait pas auffi-bien
33 jufqu'ou va le pouvoir qu'il peut avoir
33 aupres de Dieu. Cependant il n'a pu a ce
33 que Ton dit, ou il n'a pas ofe, ce qui eft
33 plus vraifemblable , foutenir devant Sa
» Majefte les interets de fon petit troupeau ,
33 ainfi qu'il l'appelk , quoiqu'il ne lul eut
33 pas ete difficile ; puifque la piete de Sa
53 Majefte fe feroit aifement perfuadee des
« fortes raifbns qu'un Archeve'que avoit a.
33 lui reprefenter fur ce point. Vous tien-
33 drez-vous apres cela fort afTWes, que dans
33 le terrible compre qu'il aura a rendre de-
33 vant Dieu d'une aulTi grande adminiftra-
33 tion que celle qui lui eft commife , il
33 lui refte encore, apres avoir pai'e fes det-
33 tes, de quoi fatisfaire pour la votre done
33 il s'eft rendu caution ? Et trouverez-vous
33 l'affurance de votre falut alTez bien fondee
33 fur fa parole, qui vous manque deja fur
»3 un point, qui fans dome en dependoit da-
33 vantage ? II vaut mieux, mes ties cheres
33 fceurs, en croire a la parole de Dieu , qui
33 nous allure qu'il n'y a point de Roi, ni de
33 Puiflant qui ofent faire aucune recherche
33 de ceux que Dieu aura perdus, ou s'op-
w pofer en rien a la juftice de fon juge-
m ment. Ainfi ne mettons point notre con-
so fiance en l'homme , car notre falut ne
33 peut venir que de Dieu; & fi nous ne
33 tachons de la (filter par la penitence de
33 nos peche's & par raccompliflement
33 de fes commandemens , e'eft inutile-
33 ment qu'on s'efforce d'afTurer! nos conf-.
» ciences par des efperances uompeufes»
-ocr page 502-
500 Let. des rclig. de P. R. des Ch.
•» Et vous feriez au hazard , mes tris che-
ss res fceurs , de vous trouver a la fin de
33 votre vie avec aurfi peu de pouvoir de
3) vous defendre de la colere de Dieu , que
33 vous en avez peu aujourd'hui de mainte-
33 nit un droit qu'on va vous faire perdre
M avec tous les avantages qui en depen-
53 dent. Pliit a Dieu que vous fu/Iiez du nom-
as bre de ceux , au bien defquels toutes
=3 chotes cooperent; car fi cela etoit, cette
33 occafion-ci vous deviendroit un fujet de
33 retourner a lui dans votre affliction , & de
33 rentrer dans la jufticeen ne confentant point
33 a une intrufion fi injufte. Vous y etes dcja
» obligees par fade de proteftation que vous
33 avez figne avec nous, & qui porteroit te-
33 moignage de votre prevarication , ,fi vous
33 donniez les mains a la perte du plus beau
33 droit d'une communaute reformee. Lafer-
33 mete que vous temoignerez en cette oc-
33 cafion fera voir qu'il y a eu plus de fur-
33 prife que de foiblefTe dans tout ce qu'on
»» vous a obligees de faire contre vous juf-
33 qu'a prefent; & nous aurons tant de joie,
33 de voir revivre parmi vous quelque etincel-
33 le du zele de la juftice , que cela nous en-
33 gagera plus que jamais a redoubler notre
a> affection & nos prieres envers Dieu pour
»3 obtenir une rdunion parfaite entre nous ,
33 qui feroit raccompliffernent de notre bon-
3o heur fur la terre & le plus grand gage de la
33 connoiflance de la mifericorde que Dieu
33 nous voudroit faire a toutes dans l'eter-
■» nite. Nedoutez pas que nous ne vouspar-
3j lions avec une veritable fincerite, & qu'en-
»3 core qu'il y en eut entre vous , dont les
33 fentimens font fort eloignes de ce fouhait
33 que nous faifons , nous ne laiffons pas de
»3 leur pardonner & de les aimer, etant tou-
» jours fans changement de notre part, 8cc»
-ocr page 503-
5oi
Certificat de M. Vialart s Eveque dc
Chalons.
n I i E s quatre Eveques & les autres ec-
33 clefiaftiques ont agi de la meilleure foi du
33 monde, & n'ont allurement que des pen-
j3 fees d'un tres grand zele pour conferver la
33 foi de 1'Eglife & d'une profonde foumif-
» fion pour le faint Siege. lis ont condam-
35 ne & fait condamner les cinq propofltions
33 avec toute forte de fincerite, fans excep-
3> tion ni reftridtion quelconque dans tous les
33 fens que 1'Eglife les a condamnees. lis font
33 tres eloignes de cacher dans leur cceuir
>3 aucun deffein de renouveller ces erreurs ,
33 fous quelque pretexte que ce foit, ni de
33 foufFrir que perfonne les renouvclle & don-
35 ne aucune atteinte a la condainnation qu'en
33 a fait 1'Eglife , n'y ai'ant point d'eccleliaf-
5) tiques qui foient plus inviolablement atta-
33 ches a fa do&rine fur ce fujet (Sc fur tous
33 les autres.
33 Et quant a rattribution des propofltions
33 au livre de Janfenius Eveque d'Ypres, ils
33 ont encore rendu & fait rendre au faint
33 Siege toute la deference & la foumiMion qui.
,33 lui eft rcndue ; comme toils les theologiefls
33 conviennent qu'il la faut rendre au regard
33 des livres condamnes, felon la dodrine ca-
33 rholique foutenue dans tous les flecks par
33 tous les dofleurs ., & meme en ces der-
33 niers tems par les plus grands defenfeurs dc
33 I'aotorite du faint Siege , tels qu'ont 6t6
33 les Cardinaux Baronnius, Beilarmin, de
3; Richelieu } Palavicin, & ks peres Pcteau
-ocr page 504-
50i Certificat de M. Vialart
« &Sirmond,& meme conformement al'efprit
35 des Bulks apoftoliques , qui eft de ne dire ,
» ni ecrire, ni enfeigner rien de contraire a cc
»3 qui a etc decide par les Papes fur ce fujet.
33 A quoi ils ont ajoute qu'ils procederoient
3) par les voies canoniques dans leurs diocefes
« contre ceux qui manqueront a l'un &a 1'an-
sa tre de ces devoirs.
- si Nous declarons & certifions qu'a'iant eu
3i communication & connoiffance particuliere
» des fentimens des quatre Eveques & de ce
m qui eft contenu dans leurs proces verbaux,
3) que la dodtrine qui eft contenue dans cet
33 ecrit eft entierement conforme a celle def-
sj dies proces verbaux, & qu'ils ne contien-
n nent rien de contraire a cette doftrine.
3» C'eftaufli macreance & celle des dix-neuf
33 Eveques, qui ont exrit a Sa Saintete. Ainfi
33 figne, Fplix Eveque de Chalons & Antoine
Arnauld.
»■ I..... I n                             mil JI ■......mi I.....—ifct———
Lettre des rellgleufes de P. R. des
Champs a leurs foeurs de. P. R.de
Paris pour les inviter a fi reunir
a. elles apres la paix de Clement IX.
Me s tres cheres foeurs, dans la con-
33 folation & la reconnoiflance ou nous fom-
3i mes de la grace que Dieu vient de nous fai-
j) re, n'eft-il pas jufte que vous foyiez les
,33 premieres que nous invitions, comme nos
33 plus proches , felon la parabole de l'Evan-
,33 gile a venir prendre part a notre joie !
<•■> II eft meme fi ne'eeflahe que nous la Palla-
s' gions enfembk, que fans ccla elk feroit
-ocr page 505-
Let. desrelig de P. R. desCh. 50j
x> imparfaite ; puifque le bonlieur de la paix
jj qui eft uu des fruits de la charite, confifte
33 dans l'union des cceurs , & que ceux que
3> Dieu a joints aufli etroitement que les 116-
33 tres, doivent etre incapables de fe (Sparer
33 jamais par aucun interet hurnain. C'eft ,
33 mes cheres foeurs, ce que nous eprouvons
03 en nous-memes, n'ai'ant rien perdu de l'af-
33 fedtion que nous avons pour vous toutes ,
33 nonobftant votre eloignement. & l'impuif-
3> fance od nous avons ete jufqu'ici de vous
3> en donncr des preuves. Il vous fera facile
33 d'en faire 1'experience quand vous voudrez;
3= car il ne tiendra plus qu'a vous deformais
33 que nous ne faffions qu'un mcme corps ,
33 comme nous fommes nourries d'un rneme
33 pain ; & pour vous avouer la verite, notre
33 retabliflement ne nous donneroit qu'une
33 confolation fort imparfaite , fi nous ne re-
33 trouvions pas tout ce que nous avons quitte
33 & que nous avons toujours aime dans le
33 lieu od vous etes, c'eft-a-dire toutes les
03 pcr&naes a qui Dieu nous avoit unies, 8c
31 dont la reparation a toujours ete la plus
33 fenfible de nos peiues. Nous vous ferions
» tort fans doute , mes tres cheres fceurs, ft
33 nous vous croyions capables de n'etre pas
3) dans ces memes fentimens a notre egard.
33 Cette inclination de la charite", qui tend
33 toujours a l'union & qui apprehende la di-
ss virion , eft dans les ames comme dans les
« corps la marque la plus certaine qu'elles vi-
a> vent 5 & Ton pourroit afTurer qu'une per-
33 fonne feroit deja morte qui n'auroit nul
33,fentiment de douleur , quand on fepare ua
33 de fes rnembres. Mais ce qui pourroit bien
33 etre arrive fans que vous eulTiez certe de
» nous aimer, c-eft que Ton vous auroit don-
-ocr page 506-
$04 Let. des relig. de P'. des Ch.
3> ne de nous des impreflions fauffes, en vous
» faifant croire que tout ce qui s'eft palfe dc-
« puis ces dernieres affaires, nous auroit re-
33 froidies divers vous, &c que nous ne pour-
33 rions plus vivre enfemble dans la meme
53 union qu'autrefois & fans conferver quelque
=3 fouvenir des chofes paffees, qui feroit
r> aux unes & aux autres une occafion conti-
33 nuelle de peine & de troubles. Sur ce point,
»j mes cheres feurs , vous nous feriez injuf-
33 tice , fi vous ne nous donriiez pas plus dc
33 cteance, qu'a toutes les ■perfonnes qui pour-
33 roient vous avoir prevenues de ces foup-
>3 cons fans fondement. II n'y a que nous-
33 memes qui fachions ce qui eft dans notre
33 cccur, & nous vous affurons devant Dieu,
•» qu'il eft tout rempli d'affeftion & de tendref-
33 fe pour vous, que le comble de notre joie
33 feroit de vous embraffer toutes, & que ce
33 que nous fouhaitons avec plus d'ardeur eft
33 de voir nos mines reparees par votre reu-
33 nion ; jufques-la que pour ne pas faire dif-
33 fkulte a votre retour, nous n'en ferious
33 pas de recevoir avec vous celles que vous
« ne fauriez plus abandonner, & que nous
33 aimerons comme nos verirables foeurs fi
=i nous reconnoifTons qu'elles font de verita-
33 bles religieufes. Trouvez bon que nous
3» les en ailurions ici elles-memes, afin qu'el-
33 les commencent a nous connoitre par ce te-
J3 moignage que nous leur rendons de notre
33 coeur & qu elles puiffent fe porter enfuite a
33 faire un choix qui leur foit avantageux.
33 Car apres avoir confidere les obligations de
33 la charite & le danger qu'il y a d'introduire
3> la divifion oii Dieu avoit etabli de tout
3> terns une union fi parfaite , il eft pcrmis
oj audi de rcgarder avec prudence, quel eft
-ocr page 507-
a kars fcenrs de Paris , &c. f o 5
» le parti que Ton prend en fe feparant, &
»ii 1'on ne fe jette point dans les difficultes
» & k-s embarras qui ruinent taut de commu-
m nautes, dont l'etabliffcnient n'eft pas affii-
« re. II y auroit meme fujet de craindre que
« cette ctmduite nc donnat lieu de juger
33 nioins favorablement de celle que vous
33 avez tenue dans l'affaire qui nous a fepa-
» rees ; puifque toutes lcs raifons, dona
*> vous pouviez tirer avantage alors, ne fub-
»fiftantplus, comme tout le monde le voit
33 clairement, on pourroit peut-etre attri-
33 buer a d'autres intetets qu'a l'amour de l'o-
33 bei(Tance,ce qui vous a portees a vous divi-
33 fer ; au lieu qu'il n'y auroit perfonne qui
j3 ne flit cdifie; de voir parmi nous toutes cet-
33 te charite fineere par laquelle Jefus-Crhift a
33 voulu que Ton difcernat fes difciples, & qui
»3 paroitroit vifiblement en cette occafion ,
nilcii meme-rems qu'une caufe extericure
»3 cefle, qui nous avoit fait violence en
»3 nous ftparant, nous reprenions comme na-
33 turellement le cours ordinaire que nousdon-
33 ne la pente de notre cceur, qui va toujours
33 a nous unir de corps & d'efprit, pour nc
33 faire toutes enfemble qu'un feul ccenr, une
33 feule ame & une meme communaute, com-
33 me Dieu nous a jointes par fa charite dans
33 une meme vocation & une meme efperan-
33 ce. Nous ne pouvons douter que le fouhait
33 que nous faifons, ne foit fort jufte, puif-
33 qu'il eft conforme au deifein de Jefus-Chrift
33 qui n'a donne fa vie, qu'afin de reunir les
33 enfans de Dieu , qui etoient difperfds , 8C
33 ralTembler dans une feule bergerie & fous
ir> uh feul pafteur toutes fes brebis rachetees
33 de fon fang. Mais de votre cote1, mes tres
»j clieres fceurs, vous ne pouvez non plus
Tom VI.                     Y
-ocr page 508-
jo<j Let. des rel'ig. de P. R. des Ch.
35 douter que M. l'Archevequc notre commun
*> Superieur n'agreat fort de vous voir dans ce
'> fentiment. II eft pere, comme ii nous l'a
3? ditplulieurs fois; & en cette qualite il ne
=) fauroit qu'il n'ait de la douleur de voir la
=» divifion parmi fes enfans. Mais Ton peut
33 dire qu'il adeja commence a y retablir la
3j paix , lorfqu'il r.ous a rappellees a la parti-
33 cipation de la meme table , pour manger
33 enfemble cet Agneau divin qui a reconci-
33 lie le ciel 8c la terre, & qui s'eft rendu dans
33 ce Sacrement le figne de I'unite des fideles,
33 & le lien de la charite qui les unit entr'eux
33 & avec Dieu. Apres cela, quel pretexte nous
33 refteroit-il encore, pour nous feparer les
33 unes des autres ; &c tout le monde n'auroit -
33 il pas plutot fujet de s'etonner que Diea
33 aiant pacifie fi heureufement les troubles
33 qui agitoient l'Eglife de prance, il ne fe
» trouvat qu'entre nous de la difficulte a
33 nous reunir ? Ce que nous pouvons vous
as affurer , mes cheres foeurs, c'eft qu'elk ne
33 vicndra jamais de notre part, & que nous
33 aurons toujoursla plus grande joie du mon-
33 de de vous pouvoir temoigner encore plus
33 par des eflets que par nos paroles , que
33 nous fommes fans changement & avec une,
33 affe&ion ties finceie, &c.
$&#
TABLE
-ocr page 509-
5°7
TABLE
ALPHAB ETIQUE
DESPRINCIPALIS MATIERES
Conunues darts cefixieme Tome.
oppofition a l'intrufion
de la foeur Dorothee
Perdreau , 190. Elle
^crit a Madame de
Longueville pour la
remercier de fes foins
a procuter la paix dc
l'Eglife, 577.
Arnauld ( M. Antoi-
ne ) Dodteur de Sor-
bonne, II a part a
1'accommodement des
quatre Eveques, 344.
11 fait le projet de la
lettre des quatre Eve-
ques au Pape, 349.
Il dcric a M. l'Eveque
d'Alet pour le porter a
figner la lettre au Pape,
j jz II rend vifite an
Nonce, 3^7. Le Roi
tdinoigne de l'envie de
le voir, 369. II eft ad-
mis a l'audience du
Roi, fon compliment,
Yij ,
Ndilly ( Ange-
lique de faint Jean
A maul J d' ) Elk eft
calomniee par la fceur
Tlavie, elle fe juftifie,
io. Elle convainc
d'ignorance M. Pou-
piche confefleur des
convevfcs, nz. Elo-
ge qu'elle fait de la
four Antoinette Le
gros, 144. Son en-
tretien avec M. de
longueval, 1/4, i$6,
159. Son entretien
avec M. Bail, 137 ,.
24;. Ses fentimens fur
les projets H'accom mo-
dement, 584.
Arnauld ( Agnes )
Elle tombe malade ,
on demande un con-
felTeur pour elle, 117.
On refufe de lui en
cnvoier un, 195. Son
-ocr page 510-
5©8         TABLE DES
37z. Sa lettre aux re-
ligieufes de P. K.. pour
les determiner a figner
une requete a M. de
Perefixe 388 , &c.
B
JtlAa ( M. ) II re-
f u'.c les Sacremens a
la Ioeur Eugenie Bou-
logne, Son entretien
avec les religieufesen
eette occafion , 135,
&c. Aveu qu'il fait a
la four Angelique de
faint Jean , 138,14J.
Baudri ( M. Antoi-
ne ) de faint Gilles
d'Aifon ; fa conver-
fion , fa retraite, fon
occupation a P. R. des
Champs, fa vie aufte-
te, fa mort, 487 , &c.
Beauclair ( Antoi-
nette de faint Jofeph
de) religieufe de P.
R. Sa mort, 477.
Bochard ( foeur Liee
Madeleine de fainte
Elifabeth ) de Cham-
pigny, veuve Chazay,
religieufe de P. R Sa
vie edifiance dans 1c
mondc ; elle prend
Fhabit a P. R. fa fer-
veur dans la religion,
fa mort fainte, 48j,
48$.
MATIERES.
Boulogne ( four
Anne Euffenie ) de
faint Ange , reli-
gieufe de P.R. Sa naif-
fance , fa piete des
l'enfance , fon mana-
ge, 203. Sa vie a la
Cour, 20 J- Elle fe
retire en Baffigny ,
206.Ses liaifons, 107.
Elle fe met fous la cou-
duite de M. de faint
Cyran , 105. Elle ga-
gne fon mari a la pie-
t6, no, Elle forme
le defir d'etre religien-
fe, & 1'execute, 2 1 r,
Hz. Sa vie dans le
eloitre, 113. Sa cap-
rivite dans le monaf-
tere de fainte Marie
de Cbaillot, 114. On
lui accorde les Sacre-
mens , enfuite on les
lui refufe , ir6, Sec.
Les fignatures de fes
fours lui percent le
coeur, 116,117 , it8.
Elle penfe a changer
dediocefe , mais eile
eft arretee par la crain-
te de ne pas fuivre en
eefa la volont^ de
Dieu, 217,118. Elle
ecrit 8t ilgne fes der-
nieres difpofitions ,
iii,&c.EUeobtientla
communion en fe fer*
-ocr page 511-
MATIERZS. f69
pleflls de la ) Grand-
Vicairede Paris. Billet
indecent qu'il ecrit a
P. R. des Champs , en
envo'iant une nouvelle
tourriere, 6j Ordre
indecent qu'il fait don-
ner a un Vicaire de S.
Mddaid envo'ie a P.
R. des Champs pour
confefler, par un Gar-
de du Roi, 1 i3 , 134.
Difcours qu'il fait aux
religieufes en lesreta-
blirfant dans leurs
droits de la part de
l'Archeveque , 396-
406.Il vaaP. R. pour
favoir fi on recoit des
novices, 456.
Burie ( M. de la )
Exempt des Gardes ;
il fuccede a M. de S.
Laurent; il declare aux
religieufes que M. de
Perefixe lui a ordonne
d'entrer dans leur clo-
ture , 164. II refufe
de remettre une lettre
des religieufes a M.
Colbert Miniftre d'E-
tat, i6f. Dcftrele--
vi a P. R. par un £-
xempt du Grand Pre-
vot , 166. Entretien
qu'il a a ce fujet avec
M, de Perefixe , 167.
y iij
TABLE DES
Varit du terme d'indif ■
ference comme avok
fait la mere Agnes ,
(es inquietudes fubites
fur ce fujer, i.t.6, &c.
EUe fort de Chaillot
pour aller a P. R. des
Champs, fa joie en
revoiant la foeur Euf-
toquie, ijo, 151. Ses
difpofitions en rece-
vant une lettre affli-
geante de fon fils afne,
2.31. M. Bail lui re-
fafe les Sacremens ,
belles reponfes qu'elle
lui fait, 235, Sec. Ses
fentimens & fes dif-
pofitions a l'article de
la mort, 24?^ &c.
El!e recoit une lettte
de fon fecond fils qui
la remplit de confola-
tion , 147. Sa mort
fainte, 149. Service
c&ebre pourelle al'E-
glifc de faint Yves ,
149. Son (Sloge par
M. d'Andilly, 202.
Bregy ( fceurEufto-
quie de Flefcelles de )
Elle tombe mnlade ,
117. EllcefTuie un re-
fus de Sacremens de la
part du fieur du Sau-
•gey, &du fieur Pou-
piclie, 119 , 120.
1 Branetiere (M. Du-
-ocr page 512-
Jlo TABLE DES
C
\^v Hampa gne
( fceur Catherine de
fainte Suzanne) les Sa-
cremens lui font refu
{is en maladie par un
Vicaire de faint Mi-
dard , 13;.
D
D
U p r e' ( foeur
Marguerite de fainte
Genrnde ) On lui re-
fufe les SacretiKns a
la mort> fes fcntimens
chretiens, fa niort ,
91, &c. On lui refufe
la fepulture ecdefiafti-
que,96, &c.
E
JCjVesques ( affaire
des quatre ) 31 8. Con-
dune difference des
Eveques de France
par rapport a la Signa-
ture du formulai-
je d'Alexandre VII ,
319. Mandemens de
Meilieurs d'Alet & dc
Beauvais , 310. Man-
dement de M. d'An-
gers , 311. Intrigue
des Jefuites conrre les
MATIERES.
quatre Eveques , 31*.
lis font demander an
Pape par Louis XIV
des commifTai res pour
faire leurproces, 313.
Reponfe du Pape, 314,
Mort d'AlexandreVII,
fon decret contre la
neceffite de 1'amour
de Dieu, 317. Dix-
neuf Eveques ecrivent
vigoureufementa Cle-
ment IX en faveur
des quatre Eveques ,
318 , &c. Les memes
e'erivent au Roi fur le
meme fujet, 331. Ar-
ret renJu contre cetce
lettre ; vigueur de M.
de Chalons pour la
foutenir, & la caufe
des quatre Eveques ,
331, 3;f. Lettre cir-
culate des quatre Eve-
ques , 3 3 4, &c. Obf-
tacles a la paix, 3 j8,
&c.Negociations pour
1'afFaire des quatre E-
veques, 341, &c. Pro-
jet d'accommodement,
344. Le projet eft
communique aM. d'A-
let , qui y met des
conditions; Meffieurs
d'Angcrs 5c de Beau-
vais l'approuvenr ,
34f, 34S. Heft com-
munique! au Nonce *
-ocr page 513-
TABLE DES
547. Projet de la let-
tredesquatre Eveques
au Pape , 349. Rome
fe prete a l'accommo.
dement, 3 49. Le Non-
ce approuve 8c para-
phe la lettre au Pape ,
350. Repugnance de
M. d'Alet pour figner
cette lettre 5 il la figne
enfin , 351, 353. Let-
tre des quatre Eveques
au Pape, 353 , &c.
Joie du Nonce , 558.
Les Prelats mediateurs
ont audience du Roi
qui les felicite, 359.
Le Nonce eft admis a
l'audience duRoi, 3 60.
Plaintes du pere Annat
au Nonce & au Roi ;
reponfes qu'il en re-
coit, 360 , 361. Les
quatre Eveques font
figner le formulaire en
diftinguant le fait du
droit dans des proces
verba ux , 361 , &c.
Rome fait quelques
nouvelles difficult^
qui font levies, 364.
Paix conclue ; joie
qu'elle repand , 3«$.
Le Pape ecrit aux qua-
tre Eveques , $66. Le
Nonce affiire le Roi
que le Pape eft fatisfait
367. Arret duConfeil
MATIERES         jit
d'Etat pour niain'.enir
la paix ; le Roi eciit
aux quatre Eveques ,
373. Medail'.e frap-
peeau fujet de la paix,
411 ; voiez aufli la
note page 411.
F
JF Argis ( la mere
Marie-Madeleine du )
Sa naiflance , fon edu-
cation, 46}. Elle veut
entrer en religion ;
M. fon pere s'y oppo-
fe j fa conftance a ce
fujet; elle prend Fha-
bir a P. R. , 4(16, 467.
Elle eft faite Prieure
de P. R. des Champs',
fon courage & fa fer-
metc dans le terns de
la perfecution , 467,
468. Elle eft elue Ab-
beffe 465 , 469. Sa
lettre a M. de Paris
fur fon election, 469.
reponfe qu'elle en re-
cent, 472.. Elle Merita
M. de Paris au fujet
des novices qu'elle a
recues, 476.
Fontaine ( la mere,
Eugenie ) religieufc
de laVifitation , geo-
liere desreligieufcs de
P. R. de Paris : pr£-
Y jv
-ocr page 514-
5ir TABLE DES
tendus reglemens qu'-
elle fait faire a M. de
Pavis; elie s'ea retour-
ne dans (on couvent ,
16, 17,
FofK ( fear Mel-
thide du ) Elie aban-
donne !a fceur Doro-
thee pour fe foumettre
a fes Supcrieures legi-
times , 439. Elie de-
mande pardon a la
•communaute de fa fe-
paration, 444. Elie
xecra&e la fignature du
formulaire)44j.
G
VJTOndrin ( M.
de ) Archeveque de
Sens ; il confent avec
plaifir a recevoir dans
fon diocefe la com-
munaute de P. R. ,
$08. Heft un des dix-
neuf Ev£ques qui c'cri-
vent a Clement IX ,
331. Ileftun desme-
jiateurs de la paiz de
Ck'ment IX; fa nego-
ciatien, 341 - 359,
3*7-
Goulas ( foeur Ca-
therine de faint Paul)
Elie ale malheur de fi-
gner le formulaire
die rcpare fa faute ,
MATIERES.
178, 179. Elie <fa*
mande d'etre transf£-
rieaP R. desChamps
avec fes feurs fideles,
180. Elie y demande
pardon & penitence
de fa faute en pieia
cbapitre ,181. Elie eft
privet des Sacremens
a la mort, fes difpoft-
tions, 181 , Sic. Sa
mort , 185. Elie eft
privee de la fcpulturc
ecclefiaftiquej 187.
Grenet ( M. ) Cure'
de faint Benoit a Pari*
dl donn£ pour Sup^-
rieur aux religieufes
de P. R. 460. Actions
eclatantes de ce bon
pafteur , 460, 4*1,
Sa relation de fon en-
tretien avec M. de Pe-
refixe fur les religieu-
fe,s de P. R. 4<5i, &c.
Il vaaP.R. pourpr£~
fider a l'eledion d une
AbbeiTe, 4.6}.
H
XxAmeiin ( M. )
Contr61eurg£neral des
Ponts & Cnauflees ;
donne retraite chez.
lui a M. Arnauld per-
feaite') entre dans la
voie ctroitc, f* motr,.
417-
-ocr page 515-
TABLE DES
Hillcrin ( M. ) Cu-
re1 de faint Merry a Pa-
ris,eft touche de Dieu,
quitte fa cure , fe re-
tire dans la folitude ,
fa vie penitente , fa
mort, demande a ecre
entene aux pies de M.
de faint Cyran , fori
coeur eft pone a P. R.
des Champs , 479 ,
4S0.
Hodencq ( M. )
eft envoie a P. R. des
Champs pour confcf-
fer, fon enrretien avec
les religieufes , 195 ,
&c.
Hucqueville ( M. )
fa pi£ce des l'enfaoce ,
4S1 ; il returnee au
monde , 481 , 483. H
rncurt a P. R., od il
eft inhume , 48 4,
L
JLEcerf (fceur Can.
dide ) refiife de si-
gner pour rece voir les
Sacremens , paroles
fages qu'clle dit en cet-
te oceafion, i94> ivS-
Legros ( fceur An-
toinette de faint Au-
guftin ) refus tju'ao
lui fait d'un confeffeur
a la mort, 137. Scs
MATIERES.        ri?
difpofitions a cet <?gard
158. Son horreur pour
le formulaire , 139 ,
140. Elle fe charge
de porter au tribunal
de Dieu differentes de-
mandes de fes faeurs ,
fa mort, 141. Lafe-
pulture ecclefiaftique
lui eft refufee, 141.
Son <£loge par la foeur
Angeiique de S. Jean ,,
»45-
Ligny ( Madeleine
de fainte Agnes de )
Abbeflede P. R, fait
demandcr a M. de Pe-
refixc un Pretre pour
confelFer une conver-
fe , & enterrer une re*
ligieufc , elie eft re -
fufte, 95 , $6. Elle
prend la refolution de
reprendre le chant au
choeur malgre la <3e-
ftnfe de 1'Archeveque,
118 , 119. Demaridc*
quelle fait faire a M.
de Perefixe , 8c qui
font refuftes , itfi '>
X 6z.
Son enrretien
avec {'Exempt d»
grand Prevot, elle re-
Fufe de lui donnet les
clcs de cloture , 171 ,
&c. Sondifcours aux
religieufes fur la noa-
velle de la paix , 37*,
Y v
-ocr page 516-
514         TALE DES
Sec. Elle demande un
Superieur a M. de Pa-
ris, 4fS. Elle deman-
de 1'election d'uneAb-
be/Te pour fe de"char-
ger de Con cicrc, 4j 8.
Ligny ( M. ) Eve-
que de Meaux , folli-
cite aveczele la trans-
lation des religieufes
de P. R. dans le dio-
cefe de Sens,3 06. Son
eftime pourP. R. 308.
II va a Port-Ro'ial des
Champs pour rendre
compte de cette affai-
re, 309. Entretien de
M. de Meaux avec M.
dePerefixe fur la tranf-
Iation, jii, &c.
Longueval ( M. )
Pretre Eudifte envo'ie
pour confe/Teur a P.
R. des Champs , il y
refufe les Sacremens,
I)T , Sec. Son entre-
tien avec les religieu-
fes, 1J3, &c. Second
entretien, 157 , &c.
Longueville ( Ma-
dame la Ducheife de )
Salettre a la mereA-
gnes fur l'injufte no-
mination de la four
Dorothe'e a l'Abbai'e
dePR. 197. Les nego-
tiations pour 1'aceom-
rnodement des quajre
MATIERES.
Eveques fe font a fbs
hotel , 344. Elle ecrit
a Clement IX en fa-
veur des religieufes de
P. R. ,344. Ibid. note.
M
M
(le pere ) retraitc la
fignature qu'il avoit
faite plufieurs fois du
formulaire & depofe fa
retractation aux ar-
chives de P. R. des
Champs, 452,
Michelle fecur con-
verfedeP. R. Les Sa-
cremens lui font refu-
C6i par le fieur Poupi-
che, pourquoi, 119.
&c. On les lui admi-
niftre, 133, 145. Sa
mort, 14/.
Minime/fes (les re-
ligieufes ) d'Abbeville
trait de lew hiftoirej
Z41.
P
X A s s a r t ( four
FJavie ) fon caracte-'
re, 4. Recue religieur
fe de P. R. comment,
j. Sa trahifon, 6 , 7.
Elle eft canfe de l'exil
de Mademoifelle de
Roan nes , 8. Sa tra-
-ocr page 517-
TALE DES
hifon eft decouverte ,
9. Elle calomnie la
fceur Angelique de S.
Jean, 10. Charite
qu'on a pour elle, 11.
Mauvais traitemens
qu'elle recoit de la
fceur Dorothee , 1 8.
Pavilion (M. )Eve-
qued'Aletjlettrequ'il
ecrit au fujet des
religieufes de P. R. en
captivice dans leur
monaftere, 106, Sec.
Comment il fait figner
le formulaire d'Ale-
xandre VII, jzo. On
veut lui faire Ton pro-
ces, 313 , &c. Il met
des conditions au pro-
jet d'accommodement
qu'on lui communique
34J , 346. Sa repu-
gnance pour figner la
lettre au Pape, 352.
II la figne, 355. II
fait figner de nouveau
le formulaire , com-
ment, 361.
Perdreau ( foeur Do-
rothee ) Elle eft dlue
Abbeffe centre route
regie ; fa comluite ir ■
regnliere, 14, ij, 17>
18. Elle fait des no-
vices , X73 , &c. Elle
les admet a profeflion,
176, &c. Elle eftnom-
MATIERES.         irj.
m£e Abbeife titulaire
de P. R., 179. Elle ob-
tient fes bulles de pra-
vifion , 184. Elle te-
moigne quelque fcru-
pule paflager 011 feint
de fon intrufion, z88,
189. Elle envahitl'Ab-
bai'e de P. R. 191, &c.
Fraieur qu'elle a que
fes meres & fceurs des
Champs ne reviennenc
apres la paix ; elle eft
ratfuree par M. de Pe-
refixe , 414. Elle eft
convaincue de faux
emplois des biens de
P. R. 419. Elleenvoic
une efpionne a P. R.
des Champs, 448.
Petefixe (Hardouin
de Beaumont de ) II
obtient un ordre pour
faire exiler Mademoi-
felle de Roannes ,
pourquoi, il le fait re"-
voquer , 9. Son def-
fein pour faire e^Iire
une Abbefle, it. II
fait &ire contre les re-
gies la foeur Dorothee
13. II fait de preten-
dus reglemens a P. R.
de Paris. l<. Il char-
ge par fentence cort-
tre toutes les regies la
foeur Dorothde , dc
1'acUniniftratioa Ac
Y vi
-ocr page 518-
-ji<? Table des
tous lcs biens, jo, &c.
II fait confirmer fa
fentence par un arret
de Confeil, jj. II en-
vois a Port- Ro'i'al des
Champs une nonvelle
tourriere , <5o. II of-
fre aux religieufes de
P. R. des Champs des
Auguftins & des Ber-
nardius pour confef-
feurs . mais a qui il
jmpofe des conditions
j6. II letir refufe de
fai re les ceremonies Je
Ja Semaine fainte, go.
Billet du Prelac aux
religieufes , faulTe ap-
plication d'un paflage
de faint Leon qu'il
lent fait, 84, &c. II
refufe les Sacremensa
la fceur Gertrude Du-
pr^ 91. II lui refufe la
fepultureecclefiaftique
$6. II donne pouvoir
a un Vicaire de faint
Medard de confeflcr
& d'adminiftrer le S.
Viatique a des reli-
gie malades, mais fous
la condition de la (i-
gnaturc , 117. II leur
en voie un Eudifte pour
confefleur , rjr. Sa
l£ponfca quelques"de-
mandes des religieufes
161. Ilaatorifc&or-
MATIERES.
donne meine le vio-
lement de cloture des
religieufes, 16;, 164.
Les religieufes lui en
font donner avis, la
reponfe, 177. II re-
fufe un conrefTeur a la
mere Agnes, 199. II
refufe pluficurs fois la
communion a la fceur
Anne Eugenie Boulo-
gne , exilee a fainre
Marie de Chaillot ,
xi7 , Scr.. II refufe la
grace du Jubile aux
religieufes de P. R. ,
it3, &c. Lettre qu'il
recoit de M. de Pont-
chateau en faveur des
religieufes, z$6 , &c.
II fait nommer par le
Roi la fceur Doroth^e
AbbefTe titulaire de P.
R. 179. Ses difpofi-
tions fur le projet de
la traflation des reli-
gieufes de Port-Roi'jl
des Champs dans le
diocefe de Sens, jotf.
Son entrecien avec M.
de Meaux a. ce fujer ,
5 11. II dreffe lui-m$-
me la requite par la-
quelle les religieufes
de P. R. demandene
leur r^tabliirement ,
j 81. II envoie fon
Grand - Vicaire pour
-ocr page 519-
TALE DIES MATIERES.         ji7
les retablir , 596. Sa des religieufes de P. R.
femence pour ce reta- lllui fait l'eloge des re-
btiuement, 59?, &c. Iigieufes,i56. Illuire-
II promet aux dif- pieTente l'injtiltice dc
coles de ftpaier les faeondukealeiiregard
deux maifons de P. R. iy8 , 159. Lui donne
414. II engage le Roi des moiens de fe tirer
a donner un arrSt qui d'embarras, k;o. Des
partage lesbiens, 4?o. avis fur ce qu'apres
11 envoie a P. R. des avoir refufe" l'Arche-
Cliamps fon Grand- veche de Paris il l'a ac-
Vicaire pour favoir fi cepte , 161. Deplore
on y recoit des novi- fon malheur d'avoir
ces , 45<f. Il donne til choifi pour ddtrui-
M. le Cure" de faint re une maifon faintej
Benoit pour Srtperieur i6i, &c. II refute les
a P. R. fon entreticn raifons qu'on allegue
avec lui , 460 , cVc. pour joftifier la con-
Sa lettrea la mere du duite du Prelat, itff.
Fargis fur fon elcc- Image qu'il fait dela-
tion , 471. Reponfe tat aftuel de P. R. ,
ebligeante qu'il fait a 166. II tache d'atten-
la mere Agnes, 475. dtir le Prelat fur l'etat
Perruis M.Pierre) des religieufes, 167.
d'Eragny de la Riviere Port-Roial; etat dc
folitaire de P. R. , fa P. R. de Paris eni6*4,
niort, 171.
                   1 , 1. Quelles font les
• Piet ( M. Hitaire ) religieufes qui ont fu-
ll eft charge de procu bi le joug de M. de
ration pour agir au Perefixe, 3. Charite;
nom des religieufes de des religieufes de P.
P. R.,66. Ses difK- R. desCnamps pour la
lenres d-marches pour fa:ur FlaviePaflart qui
empecher la fepara- les a trahies , 11. Les
lion des deux maifons religieufes de P. R. dc
de P. R., 4* J , &c, Paris ellfent contreles
Pontcbareau ( M. regies uneAbbefTe, 13.
rAbbdde')ll<?critaM Les religieufes de P.
de Perefixe en faveurR. desChamps s'oppo-
-ocr page 520-
TABLE DES MATIERES.
yi.8
feat a cette eledion
zo. Leur acle d'oppo-
fition , ii, &c. Leur
lcttre a M. de Perefi-
xe en lui envmaiit cet
afte ,53, &c. Leur
lcttre a la Sr.Dorothee
fur fon intrusion, 36 ,
&c. proces ve rbal fur cc
qui s'eft pafK dans re-
jection de la pretendue
■AbbefTc, 41, &c. R<£-
ponfe qu'elles recoi-
vent de M. de Perefi-
xe par M. d'Arfac un
des gardes, ce qui fc
die par l'Exempt des
gardes & par les reli-
gieufes , 44 , &c. El-
ks fe plaignent de. la
conduite qu'on tient a
leur egard, reflexion
fur cette conduite, 46,
&c. On leur ote l'ad
miniftration de leurs
biens, jo, &c. On leur
fignifie un arret du
Confeil du Roi qui au-
torife cette ufurpation,
ce qui fe pafle a cette
occafion, 5j,&c.Con-
duite des religieufes
!ors de cette injuftice:
j8. On leur donne
une nouvelle tourrie-
re , elles s'y oppo-
fent , 60, Sec. On
leur envoie une troi-
iieme tourriere, bil-
let indecent icth en
cette rencontre par un
Grand-Vicaite , les re-
ligieufes proteftent
contre cette nouvelle
injuftice , 6/ , &c. El-
les donnent procura-
tion a M. Hilaire Pier,
pour agir en leur nom
66. Scandale donne a
P. R. par le fieur du
Saugey a la morr d'un
gentilhomme qu'on y
nouriffoit par charite,
6%. Les religieufes ap-
pellent de nouveau de
toutes les injuftices &c
violences cxercees a
leur egard 68. Elles
demandtnt la commu-
nion pafchale , proiet
de lettre a ce fujet ,
l'Exempt des gardes re-
fufe dc s'en charger
apres l'avoir d'abord
promis, 69 , &c. El-
les la font demander
de vive voix a M. de-
Perefixe par M. Hi-
laire, reponfe qu'el-
les en resolvent, 76.
Rfylique des religieu-
fes aux ofltcs de M de
Paris fur les confef-
feurs qu'il veut leur
envoier, 77, &c. On
leur refufe les chimo-
nies de la Semaine
faintc, fanatifmc fcan-
-ocr page 521-
TABLE DES MATIERES.             si9
daleux du fleur du Leurs demarches pour
obtenir les Sacremens
pour plufieurs fceurs
malades , 1 ij , &c.
Horreur qu'elles ont
pour la condition
qu'on exigeoit des
malades, 119 , &c.
Elles proteftentcontre,
cette conduite fchif-
matifque , 116. Elles
prennent la refolution
de chanter tous les
jours l'office au checur
127 , &c. Billet des
religieufes de P. R. an
fleur du Saugey pour
lui demander quelle
conduite il tiendra 1c
jour de Noel au fujet
de 1'ofEce , reponfe
qu'elles en recoivent,
146, &c. Leur pro-
ces verbal touchant la
conduite irn!gulierc
du fieur du Saugey a
leur egard ,148. Leur
vue dans les proces
verbaux qu'elles dref-
fenr, 149. Leur entre-
tien avec un Ptctre
Eudifte nomme Lon-
gueval , ijz , &c.
Autre entretien avec
le meme, eftime qu'il
t^mois;ne avoir pour
les religieufes , 1^7.
EcIaircifTement qu'on
lui donne fur certains
mo'iens done les re,U-
Saugey en ce terns
8o,&c. Ellesrecoivent
unbilletdeM.de Pere-
fixe , fauffe applica-
cation faiteparce Pr^-
lat d'un pafTage de S.
leon aux religieufes
de P. R. 84, &c. Elles
prennent la refolution
de chanter Poffice le
jour dePaquedans Ieur
Eglife, 88, &c. Elles
celebrent l'anniverfai-
re de leur reunion 91.
Onleurrefufepourune
de leurs fceurs un con-
feffeur & la f^pulture
ecclefiaftique, 9i,&c.
jfi.&c. Elles chargent
leur fceur defuntc d'u-
ne procuration pour
porter leur affaire au
tribunal deDieu, 100,
&c. Elles font elles-
memes l'enterrement
de leur fceur , ioy.
Louanges donndes a la
conduite des religieu-
fes par M.d'Aler, 106.
Condition propose
aux religieufes pour
avoir la Hbertd d'en
trer dans leur jardin,
re'ponfe des religieu-
fes a cette proposi-
tion , 110, Sec. On
permet aux religieufes
rje prendre fair dans
Jeur jardin, 114, Sec.
-ocr page 522-
jio TABLE DES
gieufes s'etoient fervis
pour fe procurer des
fecoiirs temporels &
fpirituels, 158 , Sec.
Differentes demandes
qu'elles font faire a M.
de Perefixe , reponfe
qu'elles en recoivent,
161, 161. Elles drcf-
fentun projetde lettre
pour M. Colbert Mi-
niftre pour l'initruke
de leur fituation , l'E-
xempt des gardes refu-
fent de la lui preftn-
ter , 164, 165. Onles
fait garder par des ar-
chers, 166. Elles pren-
nent des mefures pour
retablir leur cloture ,
Elles y travaillent el-
les-memes , 168, tec.
le nouve!Exempt leur
fignifie fes ordres, me-
naces qu'il leur fait ,
171, &c. Les archers
forcent la porte de
cloture & fe rendent
maitres du jardin,i74,
&c. Les religicufes en
font; donner avis a M.
de Perefixe, fa repon-
fe, 177. Elles dreffent
tin a£te pour rendre
t^moignsge des der-
niers fentimens de leur
fceur Catherine de S.
Paul Goulas, 184, &c.
Elks appellent du re-
MATIERES.
fus des Sacremens fait
a la foeur Catherine
de faint Paul & de la
violence commife par
les archers, 188. E-
trange fituation des
religieufes , 188 , Sec.
Leur reponfe a un bil-
let impudent du fieur
du Saugey , 190. De-
mande dun confeffeur
pour les converfes Sc
pour pltifieurs mnlades
193, i</8. Entrctien
des 1 eligieufes avec M.
Hodencq envois de
M rArchevei]ue,i<)4>
&c. On leur annonce
lejubile, ileftdefen-
du a M Rey de leur
donner la bulle & lc
roandement de l'Ar-
cheveque, 151. Lilies
demandent a M. dc
Perefixe la grace du
Jubile1 ; elle leur eft
refufee , zji , Sec.
Leur eloge par M. dc
Pontchateau. 15 6, Sec.
Elles demandentlenco-
re inutilement la com-
munion pafchale,z68,
&c.Pertesqu'elles fonc
par la mort de plufieurs
perfonnes qui etoient
attachees a leur fervi-
ce , 171 , &c. Elles
appxenncnt la nomi-
nation
-ocr page 523-
MATIEREi fit
Eiles recoivent la nou-
velle de la paix de l'E-
glife, 378. On tra-
vai !le a leur accommo-
dement , repugnance
u'elles ont pour fairc
e nouvelles demar-
ches, 380, &c. Elles
temoignentde !a peine
a figner une requete a
M.'l'Archeveque, 386
Elles recoivent une let-
tre de M. Arnaulda ce
fujet , 388. Requete
des religieufes a M.
de Perefixe, 595, Sic.
Elles font nkablies ,
396 , &c. Mefle fo-
Iemnelle enaclionsde
graces, 408. Leur in-
nocence eft reconnue
par leur retablirTement
408. Difpofitions des
religieufes pour leurs
foeiirs difcoles apres la
paix , 413 , ice. Part
que les gens de bier*
prennent a leur re"ta-
bliiTement, M. I'Eve-
que d'AuIonne leur
efcrjt a ce fujet, 417 ,.'
Elles lui font reponfe ,
419. Elles ecrivent aux
quatre Ev£qnes, 419.
M. le Cur^ de Magny
va en proceflion a Pi
R. 4*i. Pfufieuts peY-'
formes prevcnue* con-
Z
TABLE DES
nation de la faeur Do-
rothee a l'Abbai'e de
P. R. Elles en pottenc
leur plainte, en appel-
lent de vive vaix ,
font un adte d'oppofi-
tion a cette nomina-
tion irr£gu!iere, & le
font tenir a leurs fceurs
difcoles avec line lec-
tre furcefujet, i8; ,
Sec. Elles font enregif-
trer leur oppofition au
Grand-Confeil & fi-
gnifier au Procureur
general , 195. Leurs
parens s'oppofent aux
entreprifes de la fceur
Dorothee, 19 f. On
projette de les transfe-
rer dans le diocefe de
Sens, 199. On leur
propofe ce projet .• re"-
ponfe qn'elles font ,
300, &c. Leurs parens
etemandent ia tranfla-
tion, 3Of. M.de Sens
8c M. de Meaux la de-
firent, M. de Perefixe
s'y oppofe , 3 06, &c.
M de Meaux fait voir
aux religieufes la re-
trace par ta querle elles
doivent dfemander leur
tranflation; conditions
auxquetles elles la fi-
gnent, 30?, fio. Ce
projet n'a pas Heu, j 1 f.
Tome VI.
-ocr page 524-
MATIERES.
envoie line fceur pour
fervir d'elpionnej elle
eft conftamment refu-
fee, 44S. Etat de P.
R. des Champs pen-
dant lc calme qui fui»
vit la paix ; il refteurie
de nouveau, 448 , &c.
On y envoie en depot
plulieurs retractations'
du formulaire , 451.
On accufe ies religieu-
fes de contravention
a une declaration da
Roi, reponfe qu'elles
font auGrand-Vicaire
de M. de Paris a ce fu-
jet, 45j,8ic. Elles de-
mandent un Superieur
a M. de Paris qui nom-
ment le cure1 de faint
Benoit,4j8, &c. Elles
clifent une Abbeife ,
465. Elles re^oivent
des novices, 473. Per-
tes qu'elles font par la
mort de differentes.
perfoimes, 476 , Sec.
Poupiche ( M. )
Exhortation qu'il fait
a une converfe en lui
adminiftrant les Sacre-
mens,n<S. Refusdes
Sacremens qu'il fait a
plufieurs malades, 119,
SCc. II eft convaincu
d'ignorance, 112. Son
fauatjfinc , lif, &e
ft% TABLE DES
trc ellcs changent de
difpofitions a leur e-
gard , 4iz. On fepare
Tes deux maifons de
P. R. 414. Commif-
faircs nommes pour
f'aire le partage des
birns, 416, &c. Arret
du Confeil donne a cet
effet, 430. Les reli-
gieufes protcftent con.
tre la reparation, 431,
Sec. Elles font unade
au fujet de cet arret ,
434, Elles font obli-
gees de retracler cet
afte, elles font un afte
fecret centre ce ddfif
tement, 4j6,&c.Leurs
fceurs difcoles follici-
tentune interpretation
de l'arret pour fe
procurer de plusgrands
avantages, 438. Trois
religieufes difcoles fe
rejoignent a leurs \i-
gitimes Superienres ,
43 9. Joie 8c affeftion
avec lefquelles on les
re^oit a Port - Roial
des Champs, 441. Ces
rrois religieufes de-
mandent pardon a la
communaute' , 444.
Deux fceurs conver-
fes demandent a re-
tourner a P, R, des
Champs, 447. On y
-ocr page 525-
MATIERES. %v*
Saci ( M. Ie Mai-
tre de ) II fort de la
baftille , va rendre vi-
fne a M. de Perefixe',
eft prefente1 au Roi ,
374 > 57 J- Comment
il eft re$u a l'hotel de
Longueville, 57 6.
S
^Augey (M. du)If
prefente une tourriere
aux religieufes de P.
R. qui la refufenr }
contradictions dansfes
paroles, 60 , 61. Re-
fufe de faire les cere-
monies de la Semaine
fainte de 1666 , trait
de fon fanatifme, 80-
84. Autres traits de fon
fanatifme 86, &c.i 19,.
I42- . '45 1 146. R^-
ponfe qu'it fait a un
billet des religieufes ,
147. Nbuveau trait
de fon fanatifme, 190,
II quitte P. R. , adieu
qu'il fait aux religieu-
fes, 191, 191. II veut
faire recevoir a P. R.
des Champs une fceur
efpionne envoie'e par
la foeurDoroth^e,448^
Savreux ( M. Char-
les ) Libraire a Paris*
fa mort imprevue a P.
TABLE DES
Noaveau trait de fa-
natifme qu'il donne ,
130. Sujct fingulier
qui lui fait refufer
l'abloludon a unefoeur
converfe, 131,131.
JLILOanne's ( Ma-
demoi Telle de ) eft exi-
lee, pourquoi, 1'ordre
eft revoque, comment
Robert( fccurFran-
£oife Lutgarde ) On
lui refufe l'Extreme-
Onction , enfuite le
faint Viatique, 1 zo ,
in. Elle demande
M. Poupiche font
rendre te'moignage a
la verite en fa prelen-
ce, m.Sa morr, 114.
Elle eft priv^e de la (6-
pul tu re ecclefiaftique,
fes v.ertus, ntf , 117.
Robert { fbeur Su-
zanne de fainte Ceci-
Je ) fa piece1 des l'en-
fance, fa vertu dans
le cloitre , fa mort ,
481, 481.
Rey ( ML ) Pretre
envoie1 par M. de Pe-
refixe a Port-Roi'al des
Champs, 191. II an-
nonce a P. R. l'ouver-
turedu Jubile^ *JI.
-ocr page 526-
Ti4 TABLE DES MATIERES.
R. des Champs, 478. therinc ) four con-
verfe, exhortation que
T
                  lui fait !e fieur Poupi"
T,>                  che en l'adminiftrauc
Heodore ( Ca- cnraaladie, 115.
Fia de la Table.
I ..........-—......-i r '                           11.
ERRATA.
Pi ■:
Age 8 , tig. ifi , tout, lif. toute.
P. 5. 1. ij , U, lif. elk.
P. 31, I. 19, Tnne , lif. Anne.
V. 40, dern. I. divjion , lif. divifiott,
P. 8l. 1. jr , 27, lif. 17.
P. 89 . 1- 14 , quit, Kf. C>.
P. 18} , 1. J , de tout, lif. en tout.
P. zo>> ,1. 19, put y lif. pent.
P. 170 , dern. \. difpofion, lif. difpofition.
P. 313,1. 14. S'quepour, lif. & dit que pour.
P. 437, not. col*, t. d'e'v&ayon, lif. «r reVo-
cation.
P. 438 , not, col. 1. k% ./£•*, lif. religieufes.
P. 441- not. z^fftf, lifT t668.
3f. 4*4» 1. 4> fkp^j lif. qu'tllcs..