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I. A
NOIJVELLE MISSANCE
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w
LA
NOUVELLE NAISSANCE
HUIT SERMONS
sur le Chapitre III (1-21)
DE
L'EVANGILE SELON SAINT JEAN
suivis d'un
SERMON SUR ROMAINS VIII, 31
Tradults de l'allcmand
DE
H.-F. KOHLBRUGGE,
Doctenr en thAolngie, Pasteur do l'Eglite rcformeo neerlaiiilai»« a Elbtrft-Id.
« II vous faut fetre n.es dc nouveau. — Celu
qui ne croit point est d<*ja condamn^. »
PARIS
GRASSART, LIBRAIRE - EDITEUR .
41, RUE DE LA PA1X.
GENEVE.
E. BEROUD, LIBRAIRE,
rue de la Citi.
BIIUXELLES.
UBRAIKIE CHRET1EN.\'E EVANGEUQIIE,
33, rue de l'lmperatrice.
1855 BIBLiOTHEEK DEk
RIJKSUNIVERSITEIT
UTRECHT
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Au Lecteur, SalutI
Ce qui est ne de la chair est chair. Le monde
n'a jamais cru, et il croit moins que jamais
aujourd'hui a la grande et salutaire doctrine
de la nouvelle naissance, —a cette doctrine a
laquelle le Sauveur a donne la premiere place
dans ses enseignements, et qu'il proclame dans
le langage le plus solennel. L'figlise de Christ
doit et veut y croire toujours; mais elle a des
epoques ou sa foi, a cet egard, plus encore qu'a
beaucoup d'autres, est obscurcie et chancelante,
sans fermete et sans energie. Nous sommes assu-
rement dans une de ces epoques; et le but que
s'est propose le docteur Kohlbrugge est de ra-
nimer, autant qu'il est en lui, par la predication
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de la Parole eternelle, une seve vigoureuse dans
nos veines appauvries. L'interprete francais du
pasteur d'Elberfeld s'est propose le meme but; et,
au moment de publier son humble travail, il
demande au Dieu de toute grace de benir l'effet
de sa Parole dans la conscience de tous ceux qui
voudront la recueillir.
Lundi de la Semaine Sainte 1855 (2 avril).
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I \
11 y avait on homme, d'entre les Pharisiens,
nomme Nicoderae, Tun des principalis Juifs.
Cet homme vint, de nuit, trouver Jesus et lui
dit : Mailre, nous savons que tu es un docleur
venu de la part de Dieu ; car personne ne saurait
faire ces miracles que tu fais, si Dieu n'est avec
lui. Jesus lui repondit : En verite, en verite, je
te le dis, que si un homme ne nait de nou-
veau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Ce qui
est ne de la chair est chair, et ce qui est ne de
l'esprit est esprit.
(Jeah, in, 1-6.)
A la fin du chapitre qui precede eelui que nous voyons
s'ouvrir ici devant nous, Jean l'Evangeliste nous dit que
Je Seigneur Jesus « connaissait par lui-mSme ce qui etait
dans 1'homme; » et il nous en fournit la preuve dans
l'entretien de Jesus avec Nicodeme.
En verite, notre bien-aime Redempteur n'eut guere
de repos aux jours de sa chair; ni repos pour prendre
sa nourriture, ni repos pour s'accorder les douceurs du
sommeil! Et encore, si ceux qui le fatiguaient sans cesse
avaient au moins cherche, eux, le repos veritable, le
repos de l'ame! Mais ce dont ils venaient le charger,
c'etaient le plus ordinairement des choses secondaires,
1 Prononce le 10 septembre 1848.
1
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meme futiles. On se plaisait dans une maniere d'etre
vaine, charnelle; on ne se souciait pas de donnergloire
a Dieu, de reconnaltre Dieu en sa misericorde et en sa
verite, de le reconnaltre en Celui qu'il avait envoye au
monde pour sauver les pecheurs.
Jesus connaissait a fond cette misere-la. II savait que
l'homme aime a se donner gloire a lui-meme au lieu de
donner gloire a Dieu. II ecoutait cependant avec une
grande patience tous ceux qui venaient l'interroger, et il
se manifestait a tous et a chacun comme etant le chemin,
la verite et la vie. II ne se recberchait aucunement
lui-meme, mais il se depensait pour rendre temoi-
gnage a la verite, afin que le Pere futhonore, ou afin
que les hommes fussent sans excuse en ne l'honorant
point.
L'Evangile nous montre et nous demontre ici avec
une clarte saisissante ce qu'il y a dans l'homme.
« II y avait un homme, d'entre les Pharisiens. »
Un homme est— un homme, un pecheur condamne
de Dieu; et s'il n'ohtient pas le salut, le seul vrai salut,
il est perdu, perdu a jamais. Et Dieu veut que la mort
et la vie soient mises devant l'homme, afin que Dieu
demeure juste, justifie, et que 1'homme sache ce qu'il
aura choisi... Nous avons affaire avecun homme « d'en-
tre les Pharisiens, » c'est-a-dire, a un homme non ordi-
naire, non le premier venu d'entre la multitude, mais
a quelqu'un qui s'est separe de cette multitude et qui a
cherche a s'elever au-dessus d'elle pour vivre pieusement
et pour mettre en premiere ligne le zele envers Dieu, le
service de l'Eternel.
Cet homme a une reputation de saintete; Nicodeme
est son nom; Nicodeme signifie victorieux du pmple,
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vainqueur de la multitude '? La multitude, le peuple a,
toujours et partout, voulu avoir des maitres ou un maitre;
il sedonne des meneurs; et, sur le terrain religieux, ceux-
ci font accroire aux pauvresames que le salut n'est pas
le prix de la foi, raais l'incontestable recompense de nos
ceuvres : l'homme naturel est si avide de gagner le ciel
avec ce qu'il ose appeler sa piete ou sa vertu !
C'etait « lun des principaux Juifs » de Jerusalem, ce
Nicodeme; un homme de renom et d'autorite. La mul-
titude, le peuple a, de tout temps, pris plaisir a suivre
de telles gens; de telles gens, en efi'et, n'ont-ils pas
beaucoup plus de connaissances que le coinmun des
humains? Ne possedent-ils pas le secret de ce qu'il faut
pour arriver surement et cornmodement au ciel? Et
puis.... ne peuvent-ils pas aider de leur pouvoir, de
leur credit, de leur argent peut-etre, ceux qui aiment
mieux faire de la devotion, qu'adorer Dieu en esprit
et en verite, et que se fier, pour etre benis, a sa Parole
de grace?
Or, ce principal parmi les Juifs, cet homme que le
grand nombre regardait sans doute comrne une colonne
de la synagogue, comme l'appui et la gloire de la Loi,
ce Pharisien eminent, honore et honorable, ressemblait
a un pauvre roseau agite du vent, depuis qu'il avait en-
tendu parler du bapteme de Jean et de la predication de
Jesus. Les ceuvres, grandes et petites, de son ancienne
piete avaient, il ne pouvait plus en douter, beaucoup
perdu de leur valeur. II s'alarma de cette perte et
1 D'apres I'etymologie hebraique, la signification de Nicodeme est pur de
sang, integre de conduite,
— « de bonnes vie et moeurs.» C'est done le nom
par excellence de l'homme a propre justice, de l'homme qui, quand on
lui dit avec l'Evangile qu'il est pecheur et qu'il lui faut se convertir,
repond : Je n'ai jamais tue ni vole personnel
         (Note du iraducteur.)
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voulul, a tout prix, la reparer. I] redoubla de ferveur,
de scrupuleuse exactitude dans ses pratiques pieuses,
inais l'inquietude et l'agitation ne le quittaient plus.
Alors il resolut de chercher et, si possible, de retrou-
ver son calme et son assurance aupres de Jesus. Jesus
lui dirait apparemment si, en efl'et, il n'etait pas, lui Nico-
deme, dans la bonne voie; on aviserait ensuite. Mais
comment l'aborder, ce Jesus de Nazareth?... II etait tel-
lement decrie et dedaigne surtout par les Pharisiens
et les seigneurs du synedrium (sanhcdrin)! Et Nicodeme
etait un de ces seigneurs, l'un des membres de cette
congregation, de cette Convention redoutable; partant,
un bomme tres-haut place, respecte; —que dirait-on en
apprenant qu'il avait visite le Nazareen?
Et pourtant, il a tant entendu parler de celui-ci;
aucuns le nomment docteur, lui attribuent une espece
de mission celeste : pourquoi, apres tout, Nicodeme
redouterait-il l'embarras de s'entretenir une fois ou
deux avec ce Jesus? II irait le trouver de nuit; personne
ne le verrait; et Jesus sans doute se trouverait assez
flatte de cette visite, pour pardonner au conseiller Nico-
deme l'impolitesse de venir a une heure peu conve-
nable...
Servir le demon en plein jour, l'homme n'en a
point honte, mais il a honte de confesser Christ a la
face de tous! La chair pousse l'homme a s'imaginer qu'il
peut en agir avec Dieu comme bon lui semble; Dieu sera
toujours content!
Nicodeme ira done trouver Jesus, cela est decide;
mais que lui dira-t-il ? Dira-t-il : « Je suis agite d'in-
quietudes, jen'ai aucune paix, —moi Nicodeme, Phari-
sien, et qui suiscompteau nombre des principaux Juifs,
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je confesse devant toi que je me sens denue de toute
vertu et valeur, etje te prie d'avoir pitie demoi, etde
m'indiquer le chemin qu'il me faut suivre pour etre
trouve juste devant Dieu et en Dieu; » —dira-t-il cela?
Non. Non, Nicodeme ne parlera pas ainsi. II s'appliquera
a faire prevaloir sa piete devant le Seigneur; a ob-
tenir que Jesus la sanctionne; s'il y reussit, il pourra
done conserver cette piete, et s'en faire un refuge et
un rerapart pour le moment (toujours terrible) de la
mort.
Nicodeme entre dans l'humble logis; il a apercu le
Seigneur, et: « Maitre, » lui dit-il, « nous savons que
tu es un docteur venu de la part de Dieu; car personne
ne saurait faire ces miracles que tu fais, si Dieu n'est
avec lui. » II pense que le Seigneur ne peut manquer
de repondre : Qu'il est bel et aimable, 6 Nicodeme! le
temoignage que tu rends de moi; tu es assurement en-
seigne de Dieu; que dis-je? tu es, toi aussi, un docteur
venu de la pari de Dieu.
Mais Dieu le Seigneur connalt toutes les pensees des
esprits; et meme avant qu'une parole soit sur la langue,
voici, l'Eternel sait deja tout. Ce que Nicodeme croyait
dire a sa propre louange, il l'a dit a sa confusion, et a la
condamnation de tous les Pharisiens de jadis, de tous les
Pharisiens d'a present, de tousles Pharisiens a venir;
car Nicodeme ne dit pas : Je wis que tu es un docteur
venu de la part de Dieu; il dit : « Nous savons, » nous,
les Pharisiens; et il montre ainsi que les Pharisiens se
tenaient aussi pour docleurs, pour appcUs a enseigner et
capables d'enseigner le peuple.
« Docteur, » soit! Mais
non « venus de la part de Dieu; » et quoique non venus
de Dieu, ou parce que non venus de Dieu, ils s'obsti-
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naient orgueilleusement dans leurs voies d'erreur.
Sachant que Jesus etait le docteur venu de la part de
Dieu, les Pharisiens auraient du renoncer absolument a
leur culte a eux, ils auraient du se ranger autour de Lui,
et recevoir de sa bouche la doctrine du salut pour vivre
ensuite selon cette doctrine.
Mais Nicodeme croyait-il en efFet que Dieu etait avec
Jesus? Alors, avec toute sa devotion, il etait fort eloigne
de la vraie crainte de Dieu, il ne cherchait que la gloire
qui vient des homines. Croyait-il en effet que Dieu etait
avec Jesus ? Pourquoi done alors n'allait-il pas voir Jesus
en plein jour et aux yeux detous?
La Sagesse eternelle laisse valoir ce qu'ils peuvent
valoir les compliments de Nicodeme; elle ne s'en occupe
point, et va droit a l'homme. Le Seigneur le frappe tout
d'abord de ce trait: « En verite, en verite, je te dis que
si un bomme ne nait de nouveau, il ne peut voir le
royaume de Dieu. » — En verite, en verite! Le Seigneur
donne a son discours cette introduction solennelle afin
de porter Nicodeme a recueillir serieusement les paroles
qu'il va entendre, a ne point les prendre pour de simples
facons de parler, mais a bien se dire que selon qu'il les
recevra ou ne les recevra point, il travaillera a son salut
ou a sa perte : elles lui seront une odeur qui donne la
vie ou une odeur qui donne la mort!
Et Je te dis, continue le Seigneur. C'est h loi et de toi
queje vais parler. II s'agit de ton interest propre, de ta
situation reelle; il ne s'agit pas de ce que pensent ou
savent les autres. Toi, toi a qui je m'adresse en ce mo-
ment, — tu sens que tu n'es pas dans le bon chemin,
que tu n'as pas d'appui sur et fort devant Dieu :
en verite, en verite, je te dis que si un homme ne
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nalt de nouveau, il ne peut voir le royaume de
Dieu!...
Sous I'expression de royaume de Dieu, le Seigneur
n'entend pas designer ici le ciel en lui-meme, raais l'au-
torite souveraine, 1'empire de la grace etemelle, le
regne de salut qui est ouvert en Jesus-Christ et par
Lui a tous ceux qui sont perdus (tons sont perdus!) —
tout le conseil de Dieu en Jesus-Christ pour la redemp-
tion des pauvres pecheurs — tout ce que Dieu a fait et
accompli pour realiser ce conseil en envoyant son Fils
dans le monde.
Le Seigneur donne a entendre a Nicodeme que, quoi-
qu'il pretende savoir, avec tous ses confreres et collegues,
que Jesus-Christ est un docteur venu de Dieu, il n'avait,
lui Nicodeme, aucune vue, aucune intelligence, aucune
idee, de ce que Dieu a fait en envoyant son Fils; et que,
pour arriver a cette idee, a cette intelligence, a cette
vue, il lui fallait etre ne de nouveau... « Aussi long-
temps que vous ne serez ne d'en haut, devenu un homme
autre, un homme nouveau, vous ne pourrez, mon cher
Nicodeme, ni savoir ni expliquer qui je suis et d'oii je
viens. Car vous etes encore, a l'lieure qu'il est, enfonce
et comme perdu dans le vieil etre d'Adam; et il vous
faudra etre trouve en un autre (le second Adam!) pour
avoir le droit et la capacite de parler de ces choses. »
Ce Sauveur bien-aime! Combien il est fidele et bon
d'enlever souvent, et de detruire d'un seul coup, toutes
les bequilles et tous les batons et autres appuis au moyen
desquels l'homme se traine fierement a la rencontre de
la condamnation ! II est vrai qu'on ne reconnait que
rarement cette bonte, cette fidelite ; on tient le Sauveur,
quand il en agit ainsi avec l'homme, pour un ennemi,
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pour 1'Ennemi. II est la verite, il est amour; et parce
qu'il est amour, il dit la verite, pour sauver l'ame et
pour la sanctifier.
Revenons a Nicodeme, mes freres. II vient d'entendre
une chose extraordinaire. La nouvelle naissance, la rege-
neration ! II en avait deja oui parler, et il pensait qu'elle
etait indispensable aux gentils qui erabrassaient le mo-
saisme, mais a eeux-la seulement; et encore la conside-
rait-il comme une simple modification dans la maniere
devoir, comme un changement effectue dans les opi-
nions religieuses chez ceux qui abandonnaient ou pro-
mettaient d'abandonner l'idolatrie pour la pratique des
ordonnances etablies en Israel. Maisqu'un Israelite etit
besoin de regeneration — absurdite de le croire 1 Un
fils d'Abraham n'est-il point par droit de naissance heri-
tier des biens celestes?...
Mais le Seigneur a parle. II a dit qu'il faut a l'homme,
a tout homme etre ne de nouveau ou d'en haut'; et
par consequent le Seigneur ote, si je puis ainsi dire, le
salut, ou l'oeuvre, le travail et le prix du salut des mains
de rhomme, et le place dans les mains de Dieu. De
meme qu'un homme n'a eontribue pour rien a etre ne
de sa mere, il ne peut contribuer pour rien a naltre de
nouveau. Mais voici, cette parole detruit et annule enlre
les mains et dans la pensee de Nicodeme toutes les
ceuvres de devotion a la loi, toutes les oeuvres en
lesquelles il avait mis sa confiance et en vue desquelles
il avait compte recevoir, de la part de Jesus, approbation
et louanges. Nicodeme va etre a ses propres yeux ce qu'il
1 De nouveau ou d'en haut; voyez les Sermons de Kolilbrugge sur les
deux premiers chapitres de la premiere EpUre de saint Pierre;
Paris, 1853,
page 171.
                                                             (Note du traducteur.)
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est aux yeux du juste juge; le voila miserable, depouille
de tout, condamne! Etre ne de la semence d'Abraham,
eela ne lui sert de rien. Etre Pliansien et l'un.des prin-
cipaux d'entre les Juifs, cela n'a plus aucune valeur.
Nicodeme et les oeuvres de Nicodeme! Qu'est-ce devant
Dieu ? — Nicodeme est frappe de toutes ces considera-
tions; il en est consterne!... II se remet pourtant avec
assez de promptitude; et il repond au Seigneur avec cette
finesse pharisaique ou jesuitique qu'on rencontre chez
la plupart des gens qui vivent dans la justice propre :
« Comment, » dit-il, « comment un homme pent-il naitre
quand il est vieux ? Peul-il rentier dans le ventre de sa mere,
et naitre une seconde fois ?
»
II a entrevu, presque compris la necessite de la rege-
neration ; mais, pour se soustraire d'emblee a cette
necessite, il cherche, serf de la lettre, a commenter liU6-
ralement
la verite eternelle, au lieu de la recevoir et de
l'expliquer par l'esprit. Toutefois, le Seigneur, plein de
patience, ne s'arrete pas a l'impie plaisanterie de Nico-
deme : il le touche, le perce d'un trait plus aigu encore,
en lui disant comment il faut entendre la parole de la
nouvelle naissance. Jesus repete son solennel : « En
verite, en verite, » — puis, il ajoute : « Je te dis que si
un homme ne nait d'eau et d'esprit, il ne pent entrer
dans le royaume de Dieu. »
Le Seigneur avait dit d'abord au presompteux Phari-
sien qu'il ne pouvait pas voir le royaume de Dieu, qu'il
n'en avait aucune intelligence, qu'il n'etait pas capable
de rien en dire de juste. II va plus loin maintenant : il
dit a Nicodeme qu'il ne pouvait pas entrer dans ce
royaume (done, qu'il n'y elail point), et qu'il n'y entre-
rait que lorsqu'il serait ne d'eau el d'esprit.
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Comment Nicodeme avait-il a nailre d'eau, a etre ne1
deal* pour entrer dans le royaume de Dieu?
Vous savez, mes bien-aimes, que les Pharisiens ren-
daient inutile a leur egard le conseil de l'Eternel en
dedaignant de se faire baptiser par Jean le Precurseur.
Jean avait preche la repentance, la necessite de se con-
vertir des oeuvres mortes au Dieu vivant. II avait fait
sentir et comprendre aux Pharisiens que vaine, absolu-
ment vaine etait leur gloire d'etre les enfants d'Abra-
ham, vu que meme des pierres du desert, Dieu pouvait
faire naitre des enfants a Abraham. Mais les Pharisiens
eontinuaient a tenir les oeuvres mortes pour bonnes,
pour agreables a Dieu; et ils s'obstinaient a se persuader
qu'il serait impossible d'etre sauve sans ces ceuvres-la.
Ils ne reconnaissaient point qu'ils etaient pecheurs; ils
meprisaient la justification qui vient de la foi, la seule
qui donne la vie. Quoi! avaient-ils l'habitude de dire,
— quoi! nous nous depouillerions de notrehonneur et
de notre droit d'etre les Ills d'Abrabam, et nous descen-
drions, comme les miserables gentils ou comme « cette
execrable populace qui n'entend pas la loi,» dans les
eaux du bapteme, pour jeter au fond de ces eaux et
pour laisser entrainer par elles tout notre peche, pour
accepter enfin comme une grace (une grace, horreur!)
et des mains de ce messie de la promesse notre salut
eternel! Mais cela serait odieux, absurde! Mais il y a
blaspheme rien qu'a le penser!...
Pharisiens ils etaient, et Pharisiens ils resterent, ne
voulant pas etre sauves dans la voie, dans l'unique voie
dans laquelle Dieu veut sauver et justifier les ames!
Le Seigneur Jesus cherche a convaincre Nicodeme
qu'il a rejete, lui aussi, cette voie de salut, en negligeant
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— 14 —
et en dedaignant le bapteme de Jean, et il le presse de
rechercher ce bapteme. Nicodeme serait ni d'eau, en ce
sens qu'en se soumettant a toute l'obligation du bapteme
de Jean , il verrait le Dieu vivant s'associer, par sa
grace, a cette ceremonie legale ; par la grace, Nicodeme
sortirait de l'eau creature nouvelle : il serait ne de
nouveau, d'en haut; il serait regenere, enleve a la na-
ture du vieil homme et a la servitude de la lettre, et
promu a la vie nouvelle, implante dans 1'etre de l'esprit.
Cependant, afin que Nicodeme n'aille pas interpreter
cette verite meme d'une facon servile et charnelle, et ne
se hate pas de dire : « Soit! Si je ne puis, moi Nico-
deme, etre sauve qu'en subissant aux yeux du monde
cet opprobre du bapteme, je vais done me faire bapti-
ser; je ne crains point trop l'opinion publique, je ne
m'arreterai pas au « qu'en dira-t-on? » Lorsque cela
sera fait, e'est bon! je serai tranquille , tranquille et
sauve (opus operatiml).... Le Seigneur a ajoute : « et
d'esprit. »
Comment un homme nalt-il « d'esprit ? » Je reponds :
ce n'etait pas la ceremonie exterieure, ce n'etait pas le
fait
du bapteme de Jean qui operait cette grande chose :
le salut. Ce n'etait pas non plus 1'empressement avec le-
quel quelqu'un se soumettait a cette ceremonie, accom-
plissait ce fait, dans la pensee qu'une fois l'acte derriere
soi, on avait devant soi le salut. Quelque chose de myste-
rieux et d'invisible, mais d'infiniment reel et puissant
s'associe a cette ceuvre, au nom de Dieu; e'est l'Esprit
de Dieu, e'est le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit s'associe a
l'homme pour le porter a n'etre pas settlement en souci
du moyen; et il s'associe au moyen pour y faire eclater
sa vie. En vertu de cette association, par cette double ac-
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tion, il jette la semence de vie dans le coeur de l'homme,
c'est-adire la Parole de Dieu vivante et permanente a
toujours. Par la force de cette Parole, l'Esprit regenere
l'homme, et le fait Stre homme nouveau, homme d'en
haut, passe de la mort a la vie. L'Esprit ne revele a
l'homme premierement que chute, condamnation, pe-
che, injustice, eloignement de Dieu ; puis il produit en
lui un cordial desir d'absolution et d'affranchissement,
d'acquittement et de liberie a 1'egard du peche; et
l'homme voit sen aller loin de lui, comme on voit ou
comme on sent les reves de la nuit s'eloigner quand le
matin on s'eveille, toutes les ceuvres censees faites selon
la loi et tout le labeur de la justice propre et d'une or-
gueilleuse devotion. L'homme alors n'est plus rien, et
ne possede plus, de lui-meme, aucune chose bonne; un
seul sentiment le remplit, une seule pensee l'occupe : le
sentiment terrible, la pensee terrible de la sainte colere
d'un Dieu juste; et par l'influence de l'Esprit l'homme
arrive finalement a avoir faim et soif de justice; d'une
justice qui subsiste devant Dieu, de la justice qui procede
de la grace et qui a pour appui la misericorde, et.....
Misericorde el grace! crie alors le pauvre pecheur.
L'Esprit opere par les moyens. Ce ne sont pas les
moyens eux-memes qui agissent; mais l'Esprit n'agit pas
sans les moyens : l'Esprit est en eux. Par eux, l'Esprit
fait naltre et developpe la foi, de telle sorte que, par la
foi et en la foi, l'liomme est ne d'esprit, ne d'en haut
etde nouveau, rejetant toute confiance en lui-meme, se
condamnant lui-meme, et ne donnant plus gloire et
louange qu'a la grace gratuite et libre, souveraine et
salutaire. Voila comme l'homme nait d'esprit.
Naitre d'eau, c'est renoncer a toute gloire propre aux
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— 13 -
yeux du monde (du monde religieux et du monde pro-
fane), ne plus etre jaloux des splendeurs, dirai-je? ou des
miseres de la propre justice, raais estimer selon tout leur
prix les voies et moyens par lesquels Dieu veut que nous
entrions dans son royaume, accueillir ces moyens, sui-
vre ces voies, prendre sur soi la croix et l'opprobre de
Christ, preferer les promesses et les preceptes de Christ
aux pensees et aux penchants de l'homme animal. Dieu
prendplaisir a ceschoses; il reconnait pour siens ceux
qui s'y appliquent; il fait d'eux des creatures nouvelles,
il leur accorde une naissance tout autre que celle de la
chair.
Et nailre d'esprit, c'est renoncer a toufe confiance en
notre vertu a nous, en notresagesse et justice; condam-
ner ce qui est de nous. La ou ce renoncement a lieu, la
ou cette condamnation est prononcee, l'Esprit saint sus-
cite la foi, par laquelle l'homme devient, grace a cet
Esprit, un homme autre, nouveau, un homme vivant
au Seigneur, ayant dans le Seigneur sa justice et sa
force, — etant detache du vieux tronc d'Adam et greffe
sur l'arbre de vie!.. .Tout cela procede de l'Eternel Dieu ;
et cela est annonce et represents a l'homme, afln que
l'homme ne puisse dire qu'il ignore oil il lui faut cher-
cher la seule chose qui lui soit essentiellement neces-
saire, et qui repondra aux cris, aux soupirs de son ame,
du moment ou cette ame se mettra a s'enquerir des cho-
ses qui sont selon Dieu, selon le Dieu vivant.
Du reste, le Seigneur ne veut pas qu'on ignore la dif-
ference qu'il y a entre Stre n6 d'esprit et se trouver en-
core mele ou attache a toute la vieille maniere d'etre
d'Adam; il ajoute : Ce qui est ni, de la chair est chair, et
ce qui est ne1 de I'esprit est esprit.
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— 14 —
Comme tous les Pharisiens, Nicodeme se persuadait
qu'Abraham avail ete Justine par les oeuvres, par le la-
beur de sa devotion. II etait d'avis que le pere des
croyants avait, a l'aide de ses oeuvres, gagne le ciel pour
lui et pour sa posterite ; et comme il se trouva etre, lui
Nicodeme, de la posterite d'Abraham, il ne doutait nul-
lement qu'il ne possedat deja le ciel; et il estimait que
tout ce qui lui restait a faire, c'etait de s'affermir dans
cette possession et de ne pas s'exposer a perdre ses titres
desalut. Evidemment, il ne savait pas l'Ecriture qui dit
(Gen. xv, 6 et Rom. iv, 3): « Abraham crut a l'Eternel,
et cela lui fut impute a justice. » — Nicodeme n'avait
jamais ete penetre de cette verite que ceux-la seulement
sont de la posterite1 d'Abraham qui marcbent seLon la foi
d'Abraham, et « dans les traces » de cette foi; et jamais
il n'avait ete frappe de cette consideration que ceux qui
s'attachent et qui se tient aux wuvres, ne peuvent atten-
dre leur remuneration que du devoir pleinement ac-
compli, non de la grace gratuite. Ce qu'Abraham fut et
ce qu'il est devant Dieu, certes, il ne le fut, il nel'est
pas moyennant ses oeuvres; car que dit l'Ecriture? Elle
dit (Rom. iv, 5) : « A l'egard deceluiqui n'a point Ira-
vaille
(litteralement : manie les wuvres), mais qui croit en
Celui qui justifie le pecheur, sa foi lui est impul.ee a jus-
tice. » En lui-meme et par lui-meme, Abraham n'etait
que chair, et quiconque n'est de la posterity d'Abraham
que selon la chair est chair egalement; et toutes ses
oeuvres et toutes ses pratiques de devotion sont perdues
egalement; perdues et condamnees devant Dieu. Dieu,
qui est esprit, ne peut s accommoder a la chair : ce qu'il
faut a Dieu, c'est l'esprit. Les origines,les voies, les
issues de la chair sont condamnees devant Lui.
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— 18 -
Condamne, oui! Et comment est-on acquitte devant
Dieu? Comment lui est-on agreable?
Quand on est esprit.
Et comment arrive-t-on a Sire esprit? En naissant
d'esprit.
Que signifie done cette parole : « Ce qui est ne d'es-
prit est esprit. » Elle signifie que quiconque est ne
d'esprit est agreable a Dieu, acquitte devant lui, re-
concilie et sauve; — qu'il est devenu un avec Dieu qui
est esprit; juste et saint, comme Dieu est juste et
saint.
Mais, arriver a etre ne d'esprit ne depend ni de la vo-
lonte de la chair, ni de la volonte de l'homme, mais uni-
quement de la grace et de la misericorde de Dieu. Aussi,
voila Nicodeme, tout d'un coup, depouille de toute jus-
tice, sans Dieu ni salut, et n'ayant plus d'autre ressource
(heureuse, precieuse ressource!) que d'invoquer le Dieu
vivant a l'eff'et d'obtenir de lui cette naissance nouvelle,
— que d'entrer dans la voie de grace dans laquelle Dieu
le rendra participant desbienfaits de cette naissance.
Quelle etait cette voie? Nous venons de la nommer
une voiede grace. Elle consistait a saisir, comme justice
unique devant Dieu, Celui que Dieu a oint et envoye
comme Sauveur, Jesus! A le saisir de foi vivante et vraie,
en sacrifiant a cette foi, en faisant disparaitre et taire
devant elle le moi, le monde et toute propre justice.
Arretons-nous ici pour aujourd'hui. Vous avez en-
tendu, bien-aimes, que Nicodeme fut un homme emi-
nent en Israel. Quelle erudition et quels precedes ne
mit-il pas dans ce qu'il disait du « docteur envoye de
Dieu, » et de tout ce qu'un homme peut sentir et accom-
plir quand Dieu est avec lui! Combien il avait du sonder
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— 16 —
les Ecritures, ce principal d'entre les Juifs, et combien
grande etait la somrae desverites scripturaires qu'il pos-
sedait parfaitement!. .. Voyez, le voila qui va visiter Jesus
et lui temoigner toutes sortes d'egards, et pourtant —
avec tout cela il n'etait rien devant Dieu! Le Seigneur
lui dit qu'il est chair et que toute sa devotion n'est que
chair. Nicodeme, condamne devant le Seigneur, exclu
du royaume des cieux, prive de salut, malgre toute sa
sagesse et toute sa science, malgre toutes ses experiences
et toute sa piete, — que nous enseigne-t-il?
II nous enseigne que si loin et si haut qu'on soit par-
venu en fait de piete et en matiere de connaissance des
choses celestes, — fut-on un Nicodeme, un docteur en
Israel, si Ton n'est pas ne" de nouvcau, on est perdu. Et a
ce sujet, nous avons tous a nous examiner consciencieu-
sement devant Celui qui sonde les coeurs et les reins.
Car, helasl il en est plus d'un qui se tient pour ne de
nouveau, et qui, de la maniere dont il agit envers ses
proches et envers son prochain, ne montre que trop
qu'il ne Test pas. II ne Test pas, vous dis-je. Et il le
prouve par les pensees de son coeur, lesquelles se mani-
festent incessaminent contre Dieu, contre l'Evangile,
contre la loi.
Quiconque est veritablement ne d'esprit, ah! il n'ira
pas, se targuanl de sa regeneration, accommoder, accou-
pler, dans sa vie, le peche et la grace, l'iniquite et la
justice! II sait qu'il est impie de sa nature, mais il s'ap-
puie sur la misericorde de Jesus-Christ; il croit au Dieu
vivant, et il marche dans les voies de Dieu.
Ici, entendons-nous bien. II est certain que la rege-
neration de tous les elus s'est effectuee et accomplie,
une fois pour toutes, dans la mort et dans la resurrection
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- 17 —
de Jesus-Christ; mais il est tout aussi certain qu'il y a
pour chaque elu un temps auquel il devient participant
de cette regeneration par le renouvellement de l'esprit.
Et, certes, c'est a bon droit que nous nomnions cette
regeneration une naissance, car elle rend vivanl ce qui
etait mort, et elle fait etre enfanls de Dieu ceux qui, d'a-
bord et autrefois, etaient des esclaves de Satan et du
peche. Oui, une naissance, et elle est essentiellement
une oeuvre de la grace.
Plusieurs prennent une simple conviction vive de
peche, et le calme qui sou vent succede aux peines que
cette conviction a coutees, pour la regeneration elle-
meme : ils se trompent. Cette conviction et ce calme font
partie de la regeneration, mais ils n'en sont pas le fond,
ils n'en sont pas le tout.
Le Seigneur appelle la regeneration une naissance
d'eau ct d'esprit.
Sous un certain rapport, Dieu veut (et il
peut aussi) nous rendre participants de cette naissance
dans le bapteme (notre bonne lilurgie le dit formelle-
ment); mais qu'ensuite nous en recueillions le fruit pai-
sible, le bienfait actuel et permanent, c'est, je le repete,
l'oeuvre de la grace, de la libre, souveraine et toute-puis-
sante grace de Dieu. Cette ceuvre se faitquelquefoischez
un homme des ses plus tendres annees; mais le plus
habituellement c'est durant les annees de la jeunesse ou
vers celles de lage mur quelle se manifeste; enlin, il y
a des elus en qui le travail de la grace ne s'annonce et ne
s'acheve qu'au declin de leur vie, quand les cheveux
sont devenus blancs, quand l'ardeur tombe et que la
voix va s'eteindre.
Ce que je viens de dire, mes tres-chers, a savoir que
la regeneration ne consiste pas essentiellement dans une
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— 18 —
conviction vive de peche et dans le calme qui quelque-
fois lui succede, pourraitjeter quelques-uns d'entre vous
dans la perplexite, et les porter a demander : Qu'est-ce
done, au juste, que la regeneration? Je reponds : C'est
I'acte par lequel, sous la conduite de l'Esprit, on passe de
la loi et des menacantes exigences de la loi a la foi en
Jesus-Christ, notre unique docteur et legislateur, notre
pacificateur et roi, notre Redempteur eternel; I'acte en
vertu
duquel on n'attendra plus en aucune maniere son
salut des oeuvres de justice qu'on pourrait avoir faites,
mais uniquement de la grande misericorde de notre
grand Dieu et Sauveur. La veritable regeneration con-
siste done dans le passage, par la foi, de la vie d'Adam
et du service de la lettre morte a la vie de l'esprit et au
culte de la charite en Jesus-Christ; et ce passage se fait
sous 1'inspiration de l'Esprit-Saint, par une attraction
efficace vers Jesus, par un atlirement irresistible et
infiniment doux de la part du Pere.
Ou ce passage a eu lieu, la existe, chez rhomme, un
immense et profond sentiment de ses peches, et non
seulement de ses peches, mais aussi de son absolue cor-
ruption et perdition, la existe un desir, sincere et ardent,
d'etre en harmonie avec la loi de Dieu, et, en meme
temps, une conviction intime qu'on est de soi-meme
sans aucune force. Lutte constants pour etre delivre de
la tyrannie du pecbe I Pleine persuasion que toutes les
oeuvres de la piete propre sont insufflsantes!... Arrive,
admis dans le royaume de la grace, on se tient pour
mort, avec Christ et en Christ, quant a la loi; on se sent
couvert d'une misericorde eternelle , et on ne peut plus
que se rejouir de la promesse de Dieu : « Je te rendrai
intelligent, et je t'enseignerai le chemin par lequel tu
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- 19 —
dois marcher, et mon ceil te guidera. » La marque la
plus certaine de la regeneration , c'est d'en avoir con-
science par le Saint-Esprit; c'est le temoignage que le
Saint-Esprit rend a notre esprit que nous avons dans les
lieux celestes un Dieu de grace, un Pere de misericorde
qui, pour l'amour de Christ, nous apardonne toutes nos
iniquites et qui a gueri toutes nos infirmites, qui a retire
notre vie de la fosse et qui nous environne de bonte et de
compassions.
Voici un autre caractere de la regeneration : on cesse
d'imiter le malheureux Saul qui se plaisait a penser
toujours que 1'Eternel ne pourrait lui etre propice qu'a
la condition qu'il accomplit, lui Saul, des oeuvres de de-
votion que, du reste, il avait soin de fixer et de formuler
lui-meme. II gardait pour lui les viandes exquises, se
bornant a jeter, de temps a autre, un os a ronger au bon
Dieu, comme on dit communement...
Un troisieme caractere, enfin : renoncer franchement
a soi et a ses penchants egoistes, pour avoir envers le pro-
chain l'amour que Dieu a envers nous, et pour lui par-
donner ses offenses avec la debonnairete et la prompti-
tude avec lesquelles le Seigneur nous pardonne les no-
tres. Ne pas se tenir pour un chretien par excellence, en
regardant les autres comme des impies, mais croire
(I Cor. xm, 7) tout le bien possible d'autrui et avouer
volontiers qu'on est le premier parmi les pecheurs. Celui
qui sait, par la foi, que misericorde lui a ete faite,
comment n'userait-il pas de misericorde envers les au-
tres?...
Bienheureux ceux d'entre vous, mes tres-chers, qui,
sachant ces choses, les mettent aussi en pratique! — Et
vous, miserables, qui n'avez rien que vos peches, mais
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— 20 —
qui, dans cet etat, aspirez au Seigneur, votre Justice,
sachez que vous pouvez, que vous devez, en toute joie et
vaillance de coeur, atj Nom de Jesus, vous jeter sans au-
cune ceuvre sur la grace qui est stable a jamais, et dont
la source intarissable est ouverte a quiconque, du seiri
des ombres de la mort, soupire apres les compassions
eternelles. Amen.
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II ».
Ne t'itonne point de ce quo je t'ai dit: il faut
que vous naissiez de nnuveuu. Le vent souffle ou
it veul, et tu en entcnds le bruit; mais tu ne
sais d'ou il vtent ni ou il va. 11 en est de m€me
de tout liommequi e.-t nede lcs|>rit.—Nicodeme
lui flit : Comment ces clioses se peuvenl-ellcs
faire? Jesus lui repondit : Tu es un docteur en
Israel, et tu ne sais pas ces clioses? En verite, en
virile je le dis, que nous disons ce que nous sa-
vons, et que nous rendons tcmoignage de ce
que nous avons vu ; mais vous ne recevez point
notre teinoignage.
(JEAN, III, 7-U.)
« Ne t'etonne point!... » II a du, en effet, s'etonner
enormement, il a du s'effrayer, le pauvre Nicodeme,
d'apprendre, de la Louche du Seigneur Jesus, la neces-
sity de la regeneration. Les mots que le Seigneur venait
de prononcer : Ce qui est ni de la chair est chair, el ce qui
est ne de I'esprit est esprit,
lui faisaient 1'eflet d'un coup de
foudre qui eclate et qui, avec une irresistible violence,
renverse et detruit tout. Les voila done a terre, les voila
dans la poudre toutes ses oeuvres — toutes les choses
belles et bonnes qu'a force de peines et d'un labeur in-
fini il etait parvenu a produire I Tout l'edifice de sa
piete, cet edifice pour l'achevement duquel il avait tant
> 17 septembre 1848.
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travaille, il s'etait impose de si lourds sacrifices, —le
voila abattu : ce n'est plus qu'un monceau de ruines! Le
sol tremble sous les pieds de Nicodeme. Get homme, tout
a l'heure encore si sur de lui-meme et de son avenir, il
se voit sans appui maintenant, sans ami, sans ressource,
sanssalut : toutes ses illusions se sont evanouies; il est
tout seul; il se voit depouille , pauvre, miserable devant
celui qui sonde les coeurs. Cette parole de verite : « Ce
qui est nS de la chair nest que chair.
Tu n'es que chair,
Nicodeme, et toute ta devotion n'est que chair...» sem-
blable au bruit de la tempete, elle a profondement at-
teint 1'illustre docteur. Illustre! Ah! combien il se sent
isole et delaisse, sans Dieu au monde et sans esperance!
— Ou irai-je? Si je suis en effet ne de chair, plonge dans
J'erreur, que me sert de descendre d'Abraham? Et mon
parti, ce parti fameux, cette secte des Pharisiens qui
passe pour rechercher mieux et plus qu'aucune autre ce
qui est bien ; — ma secte qui se tient pour foncierement
orthodoxe et elue, elle est nee de chair! Israel? Ce peu-
ple de Dieu , ce peuple dont je croyais qu'il est aime de
l'Eternel et qu'il lui est saint, il a done, apres tout,
perdu ses privileges? 11 n'est plus le peuple de Dieu !
Tous ceux qui, au sein de ma nation, pensent, comme
moi, qu'il est impossible que le salut leur manque ja-
mais, parce qu'jls s'appuient sur la loi ;.parce qu'ils se
glorifient de l'Eternel; parce que, instruits des leur
jeunesse, ils connaissent la volonte du Seigneur, et que,
eprouvant toutes choses, ils font cette volonte (la font-
ils?) — ils sont done, comme moi, dans les tenebres?
Ils sont les aveugles conducteurs d'aveugles, des feux-
follets egarant toujours davantage de pauvres egares;
pedagogues de mensonge et de folie, ils ne savent pas le
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premier mot, les premiers rudiments de la vraie science;
docteurs! a peine s'ils sont capables de lire, d'epeler!...
lis ont quelques formes et quelques apparences d'eru-
dition, mais le fond leur manque; la realite, la verite,
la vie , I'fitre, Dieu leur manque !...
Quelles angoisses Nicodeme dut eprouver en se disant
ces choses, et en faisant, a la parole de Jesus-Christ et
par cette parole, l'experience du pouvoir vif et libre de
la verite , de cette verite que, l'eut-il voulu, il ne pou-
vait plus nier! Allez , ce n'est pas chose plaisante k un
homme qui s'est imagine qu'il etait quelque chose aux
yeux de Dieu, qu'il avait fait quelque chose, fait beau-
coup pour Dieu et pour le service et pour le regne de
Dieu, — ce ne lui est pas , dis-je, chose plaisante d'ap-
prendre, de par la verite de Dieu et en vertu de l'in-
faillible Parole de Dieu, qu'il n'est pas, apres tout,
qu'il n'a jamais ete dans la bonne voie. II faut que dix
fois, que cent fois 1'Esprit de Dieu repete a l'homme
que les ceuvres de l'homme ne valent pas devant Dieu ,
que le travail de la volonte propre et de la propre jus-
tice est un travail vain ; avant que l'homme renonce
a ce labeur , qu'il renonce a sa justice propre, a sa vo-
lonte , et qu'il consente a naitre d'esprit et a s'appuyer
sur la seule justice qui vaille devant Dieu, — sur la
justice de Christ! Heureux qui, ne cedant pas a je ne
sais quelle inimitie contre Christ, ne se revolte point
jusqu'au bout contre la verite , mais la recoit enfin dans
son cceur et s'humilie devant elle, — devant cette verite
qui, pour son salut, lui est revelee par pure grace!
Le Seigneur a devine ce qui se passe en Nicodeme; il
a senti que Nicodeme doit etre accable, epouvante de
tout ce qu'il vient d'entendre ; aussi le Seigneur se hate
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d'ajouter: Lc vent souffle ou il vcut; et tu enentends le bruit;
mais tu ne sais d'ou il vient ni oil Una. II en est de mime de
tout homme qui est ne de I'esprit.
« Ce n'est pas toi,» veut
dire sans doute le Seigneur, « ce n'est pas toi seulement
qui as besoin de naitre de nouveau; c'est aussi tout ton
peuple, ce peuple qui se tient, par droit de naissance en
Abraham, pour le peuple de Dieu : lui et toi, toi et
lui, — il faut que vous naissiez de nouveau ! Yous esti-
mez etre les enfants du royaume, » mais vous n'etes
pas de veritable* Israelites, quoique descendant d'Israel ;
vous n'etes pas heritiers, quoiqu'issus d'Abraham. «Ce
ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de
Dieu; mais ce sont les enfants de la promesse (Rom.
ix. 8)....»
Notons que, suivant le texte original, le Seigneur n'a
pas dit: «II faut que vous naissiez de nouveau, » mais :
«il faut que vous soyez nes, ou que vous ayez ete en-
gendres, de nouveau » ou « d'en haut'; » comme aux
versets 3 et 4, au lieu de « ne nait, » il y a « n'est ne »
ou « n'a ete engendre.» C'est d'un fait accompli et actuel
qu'il est question ici, non d'un fait a venir; il s'agit d'un
passe (et d'un present a la fois), non d'un futur. Car,
certes, dans les choses de Dieu et du salut de Dieu, dans
les choses d'oii dependent et auxquelles se rattachent la
beatitude ou l'eternelle misere, la justification ou la con-
damnation , la vie ou la mort, nul de nous n'a de temps
a perdre , d'ajournement a se permettre.
« Puisqu'aujourd'hui vous entendez sa voix, n'endur-
cissez point vos cceurs.» Je le repete, quand nous enten-
dons le Seigneur nous parler de la necessite de naitre,
1 Voyez Sermons sur les deux premiers chap, de la /'• EpUre de saint
Pierre.
Paris, 18S3, page 171.
                       (Note du traducteur.)
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d'Stre ni d'esprit, il ne peut nous sembler qu'il est ques-
tion d'une chose a attendre longtemps encore et qu'on
ne vena se realiser qu'a la fin de la vie ; il ne peut pas
etre question dun : « Je serai sauve; » mais il faut
Sire sauve ; non d'un : « Je me convertirai, » mais il faut
tire converti! Ou Dieu dit au malheureux , au miserable
pecheur : Aujourd'hui! le malheureux, le miserable pe-
cheur ne doit pas repondre : Demain!... Demain, apres-
demain! Ah! quand uneame a connu la vraierepentance,
elle ne peut consentir a attendre une seule heure avant
de fa ire sa paix avec Dieu !
Le Seigneur indique a Nicodeme la cause de l'etonne-
ment qu'il a eprouve en lui entendant dire : // faut que
vous naissicz de nouvcau.
« Le vent, » dit Jesus, « le vent
souffle ou il vent, et tu en entends le bruit; mais tu
ne sais d'ou il vient ni ou il va. II en est de meme de
tout homme qui est ne de l'esprit. » — II a souvent plu
a Jesus de s'exprimer en images, et en similitudes
prises de la nature. II se sert d'images, de similitudes,
pour mieux penetrer ceux qui l'ecoutent de la verite
de ce qu'il a a leur dire, pour les rendre plus desi-
reux et plus capables de recevoir la verite, habitues
et attaches qu'ils sont aux choses terrestres et nalurellcs.
C'est l'image dune chose terrestre et naturelle qu'em-
ploie ici le Seigneur, c'est l'image du vent. II n'y a
dans toute la creation exterieure rien de plus libre dans
ses mouvements que le vent. On ne peut l'enchainer,
le diriger, l'empecher; on ne peut le forcer a souffler
du nord quand il souffle du midi, ni a venir du cou-
chant quand c'est du levant qu'il arrive. II est indepen-
dant de l'homme et de toute la force, de toute l'industrie
de l'homme. Si profondes qu'aient ete les etudes et les
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investigations des savants, on n'est pas parvenu a dire
ou le vent se leve, oil il se couche. Ces mots : il se leve,
il se couche,
denotent meme notre ignorance, car ils
sont parfaitement impropres. Nous disons bien : le vent
vient du nord et il souffle vers le sud, ou: il vient de
Test et souffle vers l'ouest, et nous indiquons ainsi la
marche , la direction qu'il suit, mais nous ne savons pas
ou cette marche commence, ni jusqu'ou s'etendra cette
direction. Nous entendons le bruit qu'il fait; nous ne
savons ni d'oii il vient ni ou il va '. Et de quoi le Seigneur
veut-il parler en se servant, la devant nous, de cette
image? II veut parler de la grace libre et souveraine
de Dieu , — du conseil de sa misericorde, de ce conseil
independant de tous les hornmes et de tout le travail des
honimes « Cela ne vient point, » dit saint Paul, « cela
ne vient point ni de celui qui veut, ni de celui qui court,
mais de Dieu qui fait misericorde,» et, ajoute l'apotre,
« Dieu fait misericorde a qui il veut » (Rom. ix. 16. 18).
— Le bienfaisant et irresistible souffle de la grace libre
et souveraine de Dieu est semblable au souffle du vent.
La grace vivitie et feconde toute ame qu'elle a resolu,
elle, de vivitier, de feconder; elle ne se laisse diriger ou
retenir ni par les efforts du genie ni par les pretentions
de 1'orgueil humain. — « Travaillez, » nous dit l'Esprit-
Saint, « travaillez a votre salut avec crainte et tremble-
ment, car... c'esl Dieu quiproduit en vous la volonte et
1 Depnis que ces lignes ont 6te ecrites, un homme s'est rencontr6, un
professeur d'histoire nalurelle a l'universite de Iena, qui a ose dire qu'il
etait temps eufin de rectitier, d'amender le mot de Jesus-Christ: « Le vent
souffle ou il vent, et tu en entends le bruit; mais tu nesais d'ou il vient, ni
ou il va. » Ce mot, a dit le docteur, appartient a un age d'ignoranee: Nous
savons
parfaitement aujourd'hui d'ou vient le vent et ou il va. — Voir
Christ!. Apologet. Herausgeg. vom Calwer Verlags-Ver. 1884. p. 391.
(Note du traducteur.)
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l'execution, selon son bon plaisir.» Car, puisque «la
volonte et l'execution » viennent de Dieu, ne peuvent
venir que de la bonte de Dieu et de sa puissance, toute
pretention, toute presompti on, toute recherche de nous-
memes et toute vanite doivent etre ecartees, et nous
n'avons qu'a nous incliner devant ce mot de Paul (Rom.
xi. 35); « Qui lui adonne quelque chose le premier?»
ou devant cet autre mot (1 Cor. iv. 7) : « Qu'avez-vous
que vows n'ayez recu?» — Nicodeme toutefois n'avait
aucune intelligence, aucune notion de cette libre et sou-
veraine grace de Dieu. II disait, quand il lui arrivait
d'y penser, que cette grace lui etait indubitablement
acquise , comme elle etait acquise a tout le peuple d'ls-
rael. Ce peuple, au sens de Nicodeme, etait la nation
necessairement elue, elue de tout temps. II avait droit
a la grace, a toute l'autorite, a toutes les prerogatives
et a toutes les promesses de la grace; nul autre peuple
n'y avait droit; tous, au contraire, etaient exclus. Et
moi, disait Nicodeme, moi qui suis un des principaux
parmi ce peuple, moi qui suis de la posterite d'Abraham
(il ne considerait pas qu'il ne l'etait que selon la chair),
moi qui me suis toujours montre jaloux de la loi et de
la gloire de Jehovah, moi qui honore Dieu par mon
culte et qui lui obeis dans mes oeuvres, comme les veri-
tables Israelites lui ont constamment obei et l'ont honore
constamment, je suis, certes, un heritier-ne dusalut,
— la beatitude eternelle m'est garantie. Le Dieu du ciel
est tenu et oblige de me recevoir dans sa gloire ! Qu'est-
ce done que ce maitre-la, qui vient pretendre qu'il nous
faut, moi et mon peuple, mon peuple et moi, naitre de
nouveau? Je ne comprends point son langage. Quoi!
nous qui vivons (il est bien sur que nous vivons) depuis
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longtemps, il nous faut renaitre? Non, vraiment, je ne
comprends point!...
Pauvre cher Nicodeme, je te le dis, a toi, qu'il faut
que vous naissiez de nouveau, torn, afin que tu ne te
laisses pas entralner a dire que les aulres, que les gentils
notamment ont besoin sans doute de rdgdndration, mais
que cette doctrine ne te regarde point! Ne va pas te
persuader que la regeneration ne consiste que dans un
changement, dans un amendement fait a telle ou telle
opinion religieuse, ou a l'egard de tel ou tel point d'un
systeme de theologie... Ah! vous tons qui vous etonnez
de m'entendre dire : 11 vous faut Sire nfa de nouveau , et
qui vous imaginez que ce n'est pas a vous que je le dis,
bientot vous laisseriez la vos etonnements et vos erreurs,
si vous vouliez, une bonne fois, avouer avee sincerite
que jusqu'ici vous n'avez pas encore veritablement re-
cherche la grace du Dieu vivant! Savez-vous ce que vous
prouvez par vos hesitations et par vos doutes? Que vous
etes nes de chair et que vous n'avez pas encore passe par
la naissance d'esprit. Car, qu'opere-t elle chez riiomrae,
chez le pecheur, cette naissance d'esprit? Elle le penetre
tellement des effets de la libre et souveraine grace de
Dieu, qu'il ne pent pas ou qu'il ne peut pluspenser une
seule minute que Dieu lui doive quelque cbose; quelui,
l'homme, lepecbeur, puisse en n'importe quoi se vanter,
se glorifier devant Dieu! Se vanter 1 Ah! il nest que
profonde corruption et misere; il n'a aucun titre a l'ob-
tention du moindre bienfait; il n'a que la grace, mais
la grace suffit.
De nieme qu'on entend le bruit du vent, sans le voir,
sans pouvoir dire d'ou le vent vient et jusqu'ou il va,
ainsi Nicodeme avait entendu bien des choses sur les
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— 29 — .
effets puissants de cette grace gratuile, et ces choses
etaient, sans que Nicodeme sut comment, arrivees jus-
qu'a sa conscience, ou du moins jusqu'aux environs de
cette conscience. Les anciennes convictions de Nico-
deme etaient ebranlees. II n'avait plus, depuis qu'il avait
oui ces choses, ce repos qui jadis faisait sa satisfaction
et sa renommee; il se sentait agite, depuis que Jean-
Baptiste s'etait mis a precher et que Jesus avait com-
mence a annoncer le royaume des cieux. Agite, mais
voila tout, helas ! II n'aurait pas pu dire d'oii venait le
vent, le souffle du vent : il ne pouvait pas dire non plus
quelle est la nature de l'homme qui est n6 d'esprit. D'oii
viennent-ils, chez l'homme regenere, ces genereux mou-
vements de 1'Esprit de vie! D'oii viennent-elles ces tou-
chantes et solennelles demonstrations du pouvoir de la
grace? Quelle est l'origine et quelle est la tin, la fin su-
preme, de ces aspirations, de ces manifestations spirituel-
les?... Aces questions, Nicodeme pouvait repondrepar
des conjectures; y repondre selon la pleine verite, — il ne
l'a pu, que lorsqu'il fut n6 d'esprit. L'a-t-il jamais ete?..:
II vous faut Sire nes de nouvcau. Prenons a coeur ces
paroles, mes bien-aimes! Croyons qu'elles sont ecrites,
non pour Nicodeme seulement, mais aussi pour nous.
// nous faut tire n6s de nouveau / —Comme Nicodeme
s'etonne de les entendre dire au Seigneur, beaucoup de
chretiens s'etonnent, plusieurs d'entre nous s'etonnent
encore quand ils entendent le Seigneur leur dire qu'il
leur faut Stre n&s de nouveau. C'est chose etonnante, vrai-
ment, que la facilite avec laquelle l'homme s'etonne
d'ouir la verite 1 C'est que cette verite lui ote ce qu'il
croyait avoir, le prive de l'appui sur lequel il comptait, et
... malheur a celui qui, lorsque ses appuis lui sont ainsi
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— 3© -
otes, lorsqu'il se sent, dans son for interieur, repris,
averti, condamne, cherche son excuse et sa consolation
dans je ne sais quels pauvres subterfuges qui ne
peuvent que hater, que consommer sa eondamnation,
en le jetant dans un endurcissement epouvantable.
J'aime a le dire : Nicodeme n'eut recours a aucune
echappatoire. Profondement atteint de la verite de Dieu,
il etait consterne; il avait senti au fond de son cceur
qu'il etait, et que tout son peuple etait sans Dieu dans le
raonde, sans la vie veritable, sans espoir de salut, et ce
fut avec une complete sincerite qu'il demanda : Com-
ment ces choses se peuvent-elles [aire ?
Comment est-il pos-
sible que je parvienne, moi, a cette nouvelle naissance?
Que j'arrive a etre « ne d'esprit? » —En adressant cette
question a Jesus, Nicodeme etait dans la situation d'un
homine qui a compris tout d'un coup que le chemin
qu'il avait suivi jusqu'alors pour arriver a Dieu etait un
chemin mauvais, un chemin coupe, n'ayant nulle issue.
Situation pleine d'anxiete et d'angoisses !... Croire qu'on
avait, de longues annees, marche avec Dieu, et arriver,
soudain, par lirresistible force de la verite, a la convic-
tion accablante qu'on n'avait jamais encore connu le
Dieu vivant! Avoir place le bonheur dans la recherche
de certaines choses pretendues celestes; s'etre dit, mille
fois, qu'on serait heureux, bien heureux, si jamais on
pouvait accomplir parfaitement quelques-unes de ces
choses; et puis... et enfln, apprendre que ces choses ne
sont pas celestes du tout, qu'elles nepourront jamais,
que jamais elles n'ont pu donner le bonheur, qu'elles
precedent de la chair, qu'elles menent a l'idolatrie et
que leur fin est la mort — ah! on desespere alors d'etre
sauve; on ne croil pas que le salut soit possible, parce
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- 31 -
que... l'on ne.le voUpas dans ses mains propres. Oui!
des qu'un pauvre enfant d'Adam se voit depouille du
droit et du pouvoir qu'il pensait avoir d'etre lui-meme
son sauveur, il se met a se dire qu'il n'y 0 P<W de Sauveur!
C'est que la doctrine si bienfaisante au pecheur, la doc-
trine si pleine d'apaisement pour l'ame angoissee et
abattue, asavoir : que Dieu nous justifie sans les ceuvres
de la loi, — cette doctrine est abominable et epouvan-
table a la chair; et il sera toujours constate que 1'homme
animal, si avance qu'il se tienne dans les voies de la
verite et de la sagesse, n'accepte pas de lui-meme les
chosesde Dieu.
La question que Nicodeme (« l'un des principaux
Juifs!») venait de faire ne pouvait qu'attrister le Seigneur
Jesus. Aussi celui-ci repondit: Tu es un docteur en Israel, et
tu ne sais pas ces choses ?
Avouons, mes tres-chers, qu'elle
etait en effet effrayante, I'ignorance du « docteur ; » et
souvenons-nous ici, de tout notre cceur, ce que nous a
dit l'Esprit-Saint par la boucbe de l'apotre Jaques (III, i):
«Mes freres, qu'il n'y ait pas plusieurs maitres (parmi
vous) » ou : « que tant de gens ne se pressent done pas,
ne s'arrogent done pas de devenir maitres. » Quelle le-
gerete n'y avait-il pas de se laisser creer « maitre, » pro-
fesseur et docteur
en Israel par un groupe, par une cote-
rie de scribes et d'anciens ou par quelques-uns des plus
influents chefs de la synagogue, de prendre sur soi d'en-
seigner a des eentaines, a des milliers, a tout un peuple,
ce qui est juste devant Dieu, ce qui fait le salut, et d'igno-
rer jitsqu'aux rudiments de ce salut, de ne pas savoir (et
de ne pas penser a apprendre) ce que c'est que cette
porte etroite, ce que c'est que ce trou d'aiguille qu'au-
cun de nos propres eflbrts ne peut traverser, et par ou il
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— 32 —
nous fant passer pourtant si nous voulons etre sauves !
Quelle outrecuidance de conduire a la ruine de pauvres
anies qui s'imaginent etre menees tout droit au ciel!.,.
Toutefois, le Seigneur, dans sa grande bonte, et sa-
chant de quoi nous sommes faits, sachant que la chair est
la chair, ne veut pas accabler des foudres de sa puis-
sance le pauvre Nicodeme. Touche, emu de compassion
a la pensee de tout un peuple si miserablement egare, le
Seigneur fait a Nicodeme cette question qui devait le con-
fondre profondement, mais qui devait en meme temps
le penetrer de l'ardent et sincere desir de renaitre en
Dieu : « Tu es docteur en Israel, et tu ne sais pas ces cho-
ses? » Ah ! si tout homme qui se prepare et se dispose a
etre « maitre, » tout homme qui est sur le point d'ensei-
gner les autres , arrivait a se demander d'abord : Est-ce
bien la verite, la verite de Dieu que je vais enseigner?
Possede-je moi-meme cette verite, et est-ce que jem'ap-
plique a vivre dans ses voies?... Les levres qui doivent
enseigner selon Dieu, il faut que Dieu lui-meme les
prepare et les ouvre; elles ne peuvent parler droitement
et rendre temoignage que dans la vertu du Saint-Esprit,
et non en vertu de quelque fonction acceptee ou usur-
pee, dans l'ambition de faire ecole ' ou d'en perpetuer
une ; et rnoins encore pour 1'amour d'un salaire ou par
vaine gloire 1
Dans son ineffable amour envers les hommes et dans
sa merveilleuse misericorde, le Seigneur ne veut pas
laisser ignorer a Nicodeme comment la naissance d'es-
prit s'opere chez un homme. En devoilant au Pharrsien
son ignorance et son inintelligence des choses du salut, il
lui apprend aussi d'ou vient que ni lui, Nicodeme, ni ses
1 Magister dixit!....
.L ___ .___
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confreres en croyance ne sont encore « nes de l'esprit.»
En veriti, en virile je te dis, que nous disons ce que nous
savons, el que nous tendons timoignage de ce que nous avons
vu; mais vous ne recevez point noire timoignage.
Moyen-
nant ce solennel : « En verite, en verite! » le Seigneur,
toujours et partout misericordieux, veut obtenir de Ni-
codeme qu'il accueille aussi serieusement que possible
les paroles qu'il a entendues et celles qu'il entendra en-
core. Et quand le Seigneur dit: Nous disons ce que nous
savons...
« Nous, » il parle du Pere en meme temps que
de lui-meme; il parle de lui-meme en meme temps que
du Pere. Des les premieres pages de la Bible, temoignage
est rendu a cette science eternelle du Seigneur, a ce mot
de Jesus : « Nous savons. » Exemples : Gen. vi, 5 :
« L'Eternel ' vit que la malice des homines etait tres-
grande sur la terre ; » 12 : « Dieu done regarda la terre,
et, voici, elle etait corrompue ; » xi,5 : « L'Eternel des-
cendit pour voir la ville et la tour que Mtissaient les flls
des hommes; » xvm, 20 , 21: « Et l'Eternel dit: Parce
que le cri de Sodome et de Gomorrhe est augmente et
que leur peche est tres-grave, je descendrai maintenant
et je verrai s'ils ont reellement fait tout ce dont le cri est
venu jusqu'a moi; et si cela est,je le saurai. » Et au psau-
me xiv : « L'Eternel a regards des cieux sur les fils des
hommes , pour voir s'il y en a quelqu'un qui ait de l'in-
telligence et qui cherche Dieu — ils se sont tous egares 1»
Or, lorsque le Pere et le Fils, le Fils et le Pere disent :
« lis se sont tous egares ; ils se sont tous corrompus; il
n'y a personne qui fasse le bien, non pas meme un seul,»
ils savent ce qu'ils disent. Ils le disent de tous ceux qui
sont sous la loi, afin qu'ils aienttous la bouche fermee
1 « Jehovah » = Jesus.
3
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— 34 —
et que toutle monde soit reconnu coupable devant Dieu.
Et lorsque le Pere et le Fils, le Fils et le Pere rendent
ce tenioignage : « II n'y a rien de droit dans leur bou-
che; leur interieur n'est que malice ; leur gosier est un
sepulcre ouvert; ils se sont servis de leur langue pour
tromper; il y a un venin d'aspic sous leurs levres; leur
boucheest pleine de malediction et d'amertume... » ils
ontentendu, eux, ce qu'ils disent! —
Toutes ces choses-la, le Pere et le Fils, le Fils et le
Pere le disaient alors d'Israel. Ils rendaient ce temoigna-
ge, a savoir, qu'Israel, quoiqu'il se vantat d'obeir a la
voix de l'Eternel-Dieu, et d'observer ses commande-
ments et ses statuts (Deuteron. xxvn, 10), n'obeissait en
aucune maniere a cette voix, n'observait point ces com-
mandements, et n'en avait meme aucun souci; mais que
tous, sous couleur de devotion , ne s'appliquaient jour-
nellement qu'a faire prevaloir leur renommee person-
nelle, leurvolonte propre et leur autorite a eux; que
tous ne recherchaient, n'importe par quels moyens,
que ce qui faisait les affaires de leur bourse ou les delices
de la chair.
« Mais vous ne recevezpoint noire teinoignage! » — dit le
Seigneur. C'etait parce qu'Israel ne recevait pas « le te-
inoignage » du Seigneur, qu'Israel ne pouvait parvenir a
la nouvelle naissance! Ces pauvres enfants d'Israel!...
Ils rejetaient le temoignage du Dieu vivant; et pourtant,
ce temoignage ne retentissait devant eux que parce que
Dieu est misericorde, et afin qu'ils fussent delivres de
leur hypocrisie et de leurs faussetes, de leur pharisaisme
et de leurs erreurs; et qu'ils connussent et prissent enlin
le chemin de la foi de Jesus-Christ; qu'ils marchussent
dans ce chemin, et qu'ils se missent ainsi a aimer les
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commandements de I'Eternel, et a les pratiquer en esprit
et en verite.
Souffrez que j'entre encore dans quelques reflexions,
qui nous aideront a nous appliquer a nous-memes ces
paroles du Seigneur Jesus : « Nous disons ce que nous sa-
vons, et nous rendons timoignagc de ce que nous awns vu.n
Nous nous normnons tous, tant que nous somines ici,
« chretiens, » et nous nous traitons de « freres. » Mais
marchons-nous tous dans le ineme chemin?... II nous
servira de fort peu d'avoir appris, en general, combien
est grande notre corruption; combien il importe, selon
l'Evangile, que l'homme naisse de nouveau, si chacun
de nous ne fait pas l'application de ces verites a sa pro-
pre ame , et ne se demande : Suis-je, moi, ne d'esprit,
ou suis-je encore dans la chair? Ce quej'aime, ce queie
pense, ce que je desire, ce a quoi je m'applique, est-c0
chair encore et toujours chair? — Et que ceux d'entre
nous qui se hatent de dire : « Oui, oui, je suis ne, moi,
d'esprit, je suis ne de nouveau , converti, » ah ! qu'ils
mettent un frein a ces empressements, qu'ils temperent
cette hate, et qu'ils s'eprouvent consciencieusement eux-
memes. Et que ceux d'entre nous qui se sentent troubles
par cette demande : « Suis-je ne de nouveau, converti? »
— qu'ils ne se laissent pas deborder par l'angoisse, mais
qu'ils soupirent humblement a Dieu , qu'ils cherchent
a se mettre tout de nouveau, et avec plus d'abandon que
jamais, en rapport avec le Dieu vivant.
Dans notre vallee ', et dans bien des lieux encore , les
1 La vallee de la Hupper (Hupperthal), au centre de laquelle est situe
Elberfeld, oil le doctenr Kohlbriigge exerce son ministere. Le Hupperthal est,
materiellement et spirituellement, une des contrees les plus benies de la
monarchic prussienne.
                                  (Note du iraducteur.)
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choses se passent tout autrement qu'au temps de Nico-
deme. Parmi les contemporains de ce Pharisien celebre,
nul, pour ainsi dire, ne se tenait pour converti; a nous
entendre, nousautres, nous le sommes tous! Rarement,
unhommese rencontrera, de nos jours, en ce pays-ci,
qui ne dise qu'il est ne de nouveau; qu'ilne s'appuie
plus sur sa justice propre. II parle abondamment de foi,
de grace gratuite; il confesse qu'il est le premier ou l'un
des premiers parmi les pecheurs. Mais sous le couvert de
ces expressions : «Pecheur, pauvre pecheur, — foi, sa-
lut, grace gratuite, » s'agitent et se perpetuent les memes
manieres charnelles qui distinguaient les Pharisiens du
temps de Jesus. D'ou cela vient-il? On a entendu , on
entend parler du bruit du vent, mais on ne croit pas que
le vent souffle ou il veut. Or, croire que le vent souffle oil il
veut,
c'est un besoin pour celui qui est ne d'esprit, c'est
precisement une marque de cette naissanceda. Compre-
nez-moi bien, mes bien-aimes ; j'aime a croire que vous
me comprenez. Unhomme est, spirituellement, en un
grand danger, il n'est pas bien, quand il meprise la loi
de Dieu, quand il a le malheur de transgresser cette loi,
sans que son coeur batte , sans qu'il se pame (si je
puis ainsi dire) a la pensee ou en la presence de la
Parole de l'Eternel; sans que son plus ardent desir soit
d'etre enfin et veritablement delivre de tout peche et de
toute convoitise. Quiconque est « un pauvre pecheur, »
en effet, est, en outre, contrit devant Dieu, et il s'humilie
sous la puissante main du Seigneur. II n'a ni repos, ni
treve qu'il ne se seute console de Dieu , et qu'il ne soit
certain que la main de Dieu l'a releve de la poudre. II
croit, ah! il croit que la loi de Dieu est sainte, et que
tous les statuts de Dieu sont justes et bons. Un « pauvre
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pecheur » ne recherche pas sa gloire propre, ni sa volonte
a lui; il ne pense pas avant tout (et apres tout!) a ce qui
delecte son ventre ou profite a son coffre-fort. Son
amour, en premiere eten derniere instance, c'est I'amour
de Dieu et du prochain. II ne s'appuie point sur ce qu'il
est, sur ee qu'il est devenu. Sa securite, son repos n'est
pas en ce qu'il est, lui, chretien, converti, recu en gra-
ce : humilie profondement a la vue et par le sentiment de
son entiere corruption , il n'a sa securite, il n'a son repos
que dans la certitude que le vent souffle ou il vent, c'est-a-
dire que la lihre et souveraine grace de Dieu se mani-
feste et agit ou elle l'entend. C'est dans ce seul conseil
de grace, dans ce conseil independant de toutes choses,
que le « pauvre pecheur » voit sa redemption eternelle.
Que le salut est uniquement de Dieu, qu'il ne peut pro-
ceder que de Dieu,... ah! c'est la une verite effrayante
pour tous ceux qui s'imaginent que le Sauveur se trouve
oblige envers eux, a un degre quelconque, pour quelque
chose qu'ils possedent en propre, qui soit d'eux. Mais
c'est une verite pleine de consolation pour tous ceux qui
ont connu et qui confessent qu'en eux-memes il n'y a
rien de bon, rien que Dieu doive ou puisse accepter
comme bon; et c'est parce qu'ils croient veritablement
a la libre et souveraine (jrilce de Dieu , qu'ils sont cons-
ciencieux et austeres a l'egard de la loi de Dieu ; — non
qu'ils sauraient par eux-memes observer cette loi : ils
I'observent, ils lui obeissent par la grace, dans les liens
et dans l'onction de la grace, pour glorifier, en vue et, si
possible, pour l'edification de leur prochain, le Dieu de
toute grace. Unis a Jesus-Christ, ils cherchent en Lui
1'obeissance et ils la trouvent ; en Lui , ils portent les
fruits de l'esprit. Comment done auraient-ils une pre"-
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tention quelconque? Penetres de leur insuffisance, com-
ment se permettraient-ils je ne sais quelle sufpancel...
lis ne sont rien , mais la grace est la! lis n'ont rien a
dire, mais Dieu est la qui est tout pour eux !
Sachons bien que ee n'est nullement cbose indiffe-
rente, ce qu'on croit de la grace gratuite, de la libre et
souveraine grace du Dieu vivant. Quiconque n'en en-
tend que le bruit, mais ignore d'ou elle est, ou elle va,
s'imaginant qu'il pourra en imposer a Dieu, moyennant
une devotion que Dieu rejette, il est dans un peril
epouvan table! II denie I'obeissance a Dieu, osant dire
ou penser : Qu'ai-je a faire avec la loi — je suis sous la
grace!
D'un autre cote, quiconque est ne d'esprit se trouve,
par la meme, pris et subjugue par la grace libre et sou-
veraine, par le conseilde grace du Seigneur, de telle sorte
qu'il ne veut plus que ce que Dieu veut, qu'il combat
et qu'il surmonteles resistances de la volonte propre, re-
noncant a lui-meme et a toutes ses convoitises. Etchaque
ibis que la eonvoitise l'attire et l'amorce, ou est sur le
point de l'attirer et de l'amorcer de nouveau, chaque
ibis qu'il se retrouve hors de symphonie avec la loi de
Dieu, ce n'est pas cette loi, ce n'est pas Dieu le legisla-
teur qu'il met en cause • il ne s'accuse que lui-meme,
et il glorifie Dieu ; lui il se condamne, mais il croit en
Christ, et dans cette foi il a sa justice et sa sanctifica-
tion.
II ne pretend pas engager Dieu a son service a lui,
mais il s'engage, lui, a Dieu et a la Parole de grace !
Heureux, mes bien-aimes, si nous recevons en toute
franchise et comme une inalienable verite ce temoi-
gnage que Dieu rend de nous tous (Gen. vi, 5) : « Toute
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l'iinagination des pensees de lour coeur n'estque mal en
tout temps! » Quiconque troll a Dieu, quand Dieu rend
de l'homme ce temoignage, ne pourra chercher et ne
voudra trouver son salut que dans la gratuite et toute-
puissante misericorde de l'Eternel.
Pecheur, ecoute! Si le souffle de la vie eternelle t'a-
nime, c'est a la charite du Dieu vivant, a elle seule que
tu le dois. Va ! Ton repos a jamais n'est qu'en ceci : que,
pour l'amour de Jesus-Christ-Homme, Dieu veut bien
ne plus te frapper, toi homme ; qu'il veut bien ne plus
frapper la terre ! Que, pour l'amour du Christ, il veut
bien ne point se souvenir de nos iniquites, mais les cou-
vrir toutes, oui toutes! de sa grace. — Et maintenant,
mes freres, qu'apres avoir oui ces choses, chacun de
nous dise serieusement et sincerement :
Non point a nous, Eternell non point a nous, mais a
ton nom donne gloire, pour l'amour de ta bonti, pour l'a-
mour de la virile.
Amen.
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Ill'.
Si je vous ai parle ties choses terrestres, et
que vous ne les croyez pas, corament croirez-
vous quand je vous parlerai des choses ce-
lestes ? Aussi personne n'est monte au ciel,
sinon Celui qui est descendu du ciel; savoir,
le Fils de rhomme qui est au ciel.
(JEAN, III, 12, 13.)
Reprenons, dans cette heure matinale, l'entretien
qu'a eu notre Seigneur Jesus-Christ avec Nicodeme,
l'un des principaux Juifs de son temps. J'espere que ce
qui a ete dit jusqu'ici aura ete bien compris de vous
tous; sinon... les epreuves vous enseignent a prendre
garde a la Parole! 2
Les epreuves, oui ! Quand on est dans la detresse et
qu'on ne trouve plus d'appui, aucune ombre d'appui ni
en soi-meme ni en nulle creature, el quand alors Dieu a
compassion decepauvre etre qui l'avaitinvoque, les yeux
se dessillent soudain, on comprend enfin la Bible. On
se dit : c'est pour tei, oui pour tei, que ces choses, toutes
' Le 1" octobre 1848.
1 « Les Epreuves enseignent a prendre garde a la Parole. » Esaie, xxvni,
19, d'apres la version de Luther. La version franchise est tout autre (« des
qu'on entendra le bruit,
etc. ») Voyez, sur cette difference, les reflexions
remarquables de Vinet dans son Homiletique, ou TMorie de la Predication.
Paris, 1853, page 118.
                                   {Note du traducteur.)
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ceschoses sont ecrites!... Et la Paroleprend peu a pen
corps dans Fame du pauvre pecheur, etson cceur y trouve
par tout des tresors de lumiere, de consolation et de vie,
des tresors qui le comblent, qui le confondent. La sim-
ple connaissance ne sert de rien, la science enfle ; mais
la ou s'accomplit la promesse que 1'Eternel a faite a son
eglise, ' a cette chere affligee, si souvent agitee de tem-
petes et destitute de consolations : « Je ferai ses fenetres
d'agates, et ses pierres seront de pierres de rubis et toute
son enceinte sera de pierres precieuses; aussi tous tes
enfants seront enseignes de 1'Eternel, et la paix de tes
Ills sera abondante, » la on comprend le Seigneur en
son dire; on est edilie, car la est l'Esprit. Toutes les
paroles du Seigneur sont Esprit, et l'Esprit explique,
donne a comprendre et fait retenir les paroles du Sei-
gneur.
D'un autre cote, chaque Ibis que les paroles du Sei-
gneur doivent s'accoraplir en nous, il y a d'abord quel
ques epreuves; mais elles ne nous surviennent qu'afin
que nous sentions bien jusqu'a quel point nous som-
mes perdus, et que nous ayons faim et soif'de justice.
Mais quand on est perdu, il iaut se retrouver! Quand
le sol sur lequel on se tenait s'enfonce, il en faut trou-
ver un qui resiste! L'ame a faim ; il faut la rassasier.
II faut apaiserles necessites et les peines de cette ame;
il faut faire en sorte qu'elle puisse dire (Ps. lxiii, 9) :
« Je me suis, 6 Dieu ! attacbee a toi pour te suivre. —
Ta dioite me soutiendra.... »
C'est ainsi qu'on est conduit a prendre garde a la
Parole. Le Seigneur, qui excite cette sainte faim, cette
1 Esa'ie, liv, il, 12.
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sainte soif, ouvre aussi le coeur pour le rendre attentif
(Actes xvi, 14) a 1'Evangile; et il lui donne de recon-
naitre les choses simples, ces choses qui, precisement
paree qu'elles sont simples, ne sont pas ordinairement
I'objet de notre attention etde notre recueillement.
Nicodeme et ses pairs, les Pharisiens, n'avaiont pas,
eux non plus, d'attention, de recueillement pour les cho-
ses simples, les choses de tous les jours, si je puis ainsi
dire, et qui se rencontrent sur notre chemin a chaque
pas que nous faisons. C'est pourquoi le Seigneur dit en-
core : « Si je vous ai dit ces choses tcrrestres, et vous ne les
croyez point, comment croirez-vous si je vous dis les choses
cMestes ?
»
Et vous, chers auditeurs, avez-vous de l'affection pour
les choses simples? Peut-etre non. Aussi demanderez-
vous, tout etonnes : Qu'entend ici le Seigneur Jesus
par « choses terrestres, » et « choses celestes? » — Je ne
demande pas mieux que de repondre a votre demande,
mais je desire que vous l'assiez hon accueil a ma re-
ponse et que vous la preniez a ca'ur.
L'homme naturel — le saviez vous? — l'homme na-
turel aime beaucoup a s'elever, a s'elever jusqu'aux
cieux, a sa maniere, bien enlendu; et ce dont il a reel-
lement besoin tant qu'il est sur la terre et puisqu'il y
est, ce qu'il lui faut et ce qu'il ne lui taut point, — les
choses les plus pressantes, les plus prochaines, les plus
actuelles, il ne s'en occupe pas,! Voyez les Pharisiens.
lis s'occupaient de toutes sortes d'affaires concernant le
culte et les pompes du culte; mais s'occuper a com-
prendre combien perverse et inique etait leur conduite
envers les leurs et envers le prochain, ils n'en avaient
aucune pensee, aucun souci. A les voir, a les entendre
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surtout, ils touchaient deja au ciel, — ils allaient y
monter dans le chariot de feu d'Elie, mais... ils vou-
laient y monter avec toutes leurs aises, pares de leurs
robes longues (Marc, xh, 30), oubliant qu'Elie, au mo-
ment d'entrer dans les lieux celestes, avait jete loin de
lui son manteau de prophete (II Rois, n, 12).
Le Seigneur les avait sou vent et severement repris. II
avait fait retentir sur eux et contre eux, jusqu'a sept fois
(Matth. xxin), son « Malheur a vous! » mais ils ne l'a~
vaient pas ecoute. Et inaintenant, voyez, mes bien-ai-
mes! Plusieurs d'entre vous ne ressemblent-ils pas a ces
malheureiix scribes et Pharisiens? Je crois que oui;je
in'en apereois par mes rapports avec vous; je m'en suis
deja souvent apercu. Aussi longtemps que nous sommes
encore sous la hi, quelque experience ou quelque prati-
que
que nous ayons ou que nous croyions avoir de la
grace, nous sommes, nous aussi, de malheureux scribes
el Pharisiens; nous ne considerons pas que nous ne
sommes que de pauvres humains; nous estimons etre
au-dessus de laloi, moyennant notre Evangile, et...
dans nos relations de famille et dans notre maniere
d'etre avec notre prochain, nous transgressons a la lettre
tantot tel de ses commandements, tantot tel autre, tout
en nous persuadant que nous marchons dans la saintete
veritable, et tout en nous montrant peut-etre zeles pour
la justice. « Un tel? II ne vaut guere. Tel autre? II ne
vaut rien. » Nous? A la bonne heure! Nous ne sommes
qu'integrite et que vertu a nos yeux. Que si finalement
on nous accuse, on nous convainc de manquer de vertu,
d'integrite, que faisons-nous? Nous jetons, comme on
dit vulgaireinent, le manche apres la cognee; nous nous
montons, nous nous aigrissons contre Dieu et contre
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— 45 —
celui de nos semblables dont Dieu se sert pour nous
reprendre.
Mais ne savez-vous pas, bien-aimes, que I'Eternel-
Dieu nous a donne cette terre-ci afin que son Nom y
soit glorifie el sanctifte, que son Regne de puissance et
de gloire y vienne, que sa Volonte y soit faite? La cou-
ronne de gloire, la palme de la victoire est ailleurs,
est au ciel! Ici-bas il s'agit de combattre. Or, un des
moments de ce combat, un des elements de notre vie
sur la terre , e'est que nous cherchions a nous mettre
dans un tel rapport avec Dieu et avec la loi de Dieu,
que toute notre conduite se depouille et s'eloigne de
toute tromperie religieuse et de toute hypocrisie, et
soit, « une verite » devant le Seigneur Jesus et devant
ses saints anges. C'est, sans doute , cette hypocrisie
et tromperie qu'a en vue l'apotre Paul, lorsque, par-
lant de ceux qui sont de la fausse circoncision , il dit
que ceux qui s'en vantent sont les ennemis de la
croix de Christ, et qu'ils ont leur ventre pour dieu
(Phil, hi).—
Mais pour nous, notre bourgeoisie est dans les cieux!...
Quand le Seigneur Jesus, parlant de lui-meme et de
son Pere , rend devant Nicoderne ce temoignage : « En
verite , en verite , nous savons ce que nous disons;
et ce que nous avons vu, nous le temoignons , » —
Nicoderne ne doit pas pouvoir s'empecher de se dire :
Tout ce qu'il y eut jamais de plus cache dans ma vie
est done mis a nu et entierement decouvert devant lui
et devant l'Eternel!... Mais les Pharisiens n'imiterent
point la Samaritaine qui disait : «II m'a dit tout ce
que j'ai fait; » Jesus dut dire a Nicodeme : « Vous ne
recevez point notre temoignage. » Quel temoignage?
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— 46 —
Celui que le Pere et le Fils ont, des les jours an-
ciens, rendu des hommes : « La malice des horames
est tres-grande sur la terre, et rimagination des pen-
sees de leur coeur nest que mal en tout temps » ( Gen.
VI. 5). El: « On t'a perdu, 6 Israel! et en moi seul
reside ton secours » (Osee, xm. 9).
Les choses «terrestres» done que le Seigneur disait
aux Pliarisiens — aux Pharisiens, car il leur parlait a
tous en parlant a Nicodeme , leur representant, Tun
des principaux d'entre eux, —e'etaient des verites
qui touchaient aux choses de la vie presente sans
doute, inais que l'homme ne doit ni negliger ni de-
daigner s'il veut atteindre aux benedictions qui se
rapportenl a la vie a venir. Nous avons un sommaire
de ces « choses terrestres » dans ce mot de l'Ecclesiaste
(xn,15. 16): « Crains Dieu, et garde ses eommande-
ments; car e'est la le tout de l'homme. Parce que
Dieu amenera toute auivre en jugement, touchant
tout ce qui est cache, soit bien, soil mal.)) En vertu
et a la lumiere de cetle parole , les enfants des hommes
doivent se dire : « Nous ne sommes done pas en realite
ce que nous croyons etre, nous ne sommes pas ce
que nous devons etre ! Nous parlous de loi et de
justice , — de crainte de Dieu et d'obeissance ; nous
mesurons les actions d'autrui a la mesure des com-
niandements du Seigneur, mais nous n'agissons pas
nous-memes d'apres ces commandements : notre culte
n'esl done que vanite, — ce n'est pas en esprit et en
verite
que nous adorons l'Eternel; et notre vie, notre
vie intime, ne pourra arriver a etre vraie devant Dieu
et devant les hommes qu'a condition que nous renon-
cions a ce qu'il nous plait de nommer noire justice ,
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— 47 —
et que nous naissions de nouveau. Void ! il nous faut
croire a la souveraine, a la toute-puissante et eter-
nellement libre grace de Dieu! II nous faut nous
hnmilier devant cette puissance-la, et croire a Celui
qui nous a ete fait sagesse de la part de Dieu, afln
qu'en Lui aussi, qu'en Lui et non pas en nous, en
nos ceuvres a nous, nous ayons justice , sanctification
et redemption ! « Grains Dieu et garde ses commande-
ments : Dieu amenera toule mivre en jugement!!...»
Je dis done, Mes freres, que telles etaient et que
telles sont ces « choses terrestres » que le Seigneur pro-
posal aux Pharisiens , et qu'il impose d chacun de nous,
— ce sont des verites pour cette vie; il nous les faut
accepter maintenant, afin que la vie a venir ne nous
fasse point defaut. Le Seigneur a parle souvent de ces
choses terrestres; il nous en parle encore toujours
dans ses similitudes; dans la similitude , par exemple,
de l'ivraie du champ (Matth. xm. 36). Le champ,
e'est le monde, dit le Seigneur; et la honne semence,
e'est la Parole prechee. — Le Seigneur nous parle de
« choses terrestres, » lorsque, dans sa Parole, il met
a nu devant nous toutes les miseres et erreurs, tous
les mensonges et peches sur lesquels un pauvre en-
fant d'Adam batit si souvent son salut; helas I tout ce
qu'il fait, le pauvre! revient et se reduit a une seule
chose : seiner pour la chair! Et il seme pour la chair,
lors meme qu'il ne se lasse pas deparler de spiritualite,
de renoncement. Le Seigneur nous parle de « choses
terrestres » quand il nous dit qu'il nous faut prendre
notre croix sur nous, savoir arracher l'ceil ou couper
la main qui fait tomber dans le peche, avoir du sel
avec soi, et en soi, et etre en paix, etc.
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— 48 —
Mais quand il est eniin constate que toutes ees choses
manquent au pauvre humain qui s'en vantait; qu'il ne
les a jamais connues, jamais reellement possedees; et
qu'il lui faut etre ne de nouveau, devenir et demeurer
une nouvelle creature, — et que le pauvre humain ne
le emit pas, raais qu'il s'endurcit dans ses voies d'or-
gueil et de propre justice, certaineinent il ne croira
pas non plus quand on lui parlera de choses celestes.
Bref, que l'homme se detourne du chemin mauvais,
et qu'il prenne la voie qui mene k la justification de-
vant Dieu, cela est du domaine des « choses terrestres; »
car tout cela apparlieut a l'existence de l'homme sur
la terre. La regeneration, par exemple, elle regarde
l'homme tel qu'il est main tenant, l'homme de la vie
presente; et en ce sens elle est une « chose terrestre.»
— Et que faut-il entendre par « choses celestest » Ce
sont les choses qui appartiennent a Dieu; par exemple,
le conseil eternel de Dieu pour le salut des pauvres
pecheurs; ce conseil que Dieu a pris aupres de lui-
meme, et la maniere dont il l'a accompli. «Choses
celestes !...» Ce sont tous ces entretiens, toutes ces deli-
berations et resolutions qui ont eu lieu, au ciel, entre
le Pere et le Fils ; ce sont la mise en vigueur et les effets
certains de ces resolutions divines : I'envoi au monde
du Fils de Dieu, de ce Fils eternel ne d'une femme
et assujetli a la loi, alin qu'il rachetat ceux qui etaient
sous la loi , alin qu'il ramenat a la vie et a la gloire
du Pere, afin qu'il fit entrer dans la plenitude du
salut ceux qu'il y avait destines et appeles selon
ses desseins de grace, ce sont 1'abaissement volontaire
du Fils de Dieu et sa venue en chair; ce sont ees
condescendances merveilleuses en lesquelles Christ
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— 49 —
s'est aneanti lui-meme, prenant la forme de serviteur,
et se rendant semblable aux hommes, afin que, se-
cond Adam, il reparat et retablit tout ce que le
premier Adam avait perdu et corrompu, et afin qu'il
fit paraitre devant Lui, sanctifiee par Lui, une Eglise
glorieuse, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de sem-
blable, mais etant sainte et irreprehensible.
Or, qui veut etre Pharisien, c'est-a-dire, non pas un
simple homme, mais la moitie au moins d'un ange,
— il ne peut croire ces « cboses celestes! » II en parlera
peut-etre souvent, demesurement, mais il ne fera voir
que trop qu'il n'a mil desir d'accomplir reellement et
fidelement la Parole de Dieu. II n'a aucune connais-
sance exacte et consciencieuse de sa perdition : com-
ment accepterait-il et croirait-il ce qui est vrai et juste
au sujet des choses qui se sont passees ou qui se passent
dans le ciel? Comment pourrait-il entendre, et ensei-
gner, en toute verite, ce que c'est que cet amour en vertu
duquel Dieu n'a point epargne son propre Fils, mais l'a
livre pour nous tous; et ce que c'est que cette « philan-
thropie» en laquelle le Fils s'est donne lui-meme pour
nous, selon le conseil preconcu de Dieu, afin de nous
sauver du present siecle mauvais?...
Quiconque, sur la terre, n'est pas en souci de charite
et de misericorde; quiconque ne s'applique pas a trou-
ver pour lui-meme cette charite et cette misericorde, et
a les faire gouter a autrui, ne saura point ce que c'est
que la charite, cc que c'est que la misericorde qui est
au ciel pour le pauvre pecheur perdu. Les Pharisiens
voyaient Jesus , mais ils ne voyaient en lui rien , absolu-
ment rien de cette charite celeste, de cette misericorde
celeste , rien absolument de cette puissante grace de
4
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- 50 -
Dieu, laquelle s'est revelee dans l'abaissement volon-
taire du Fils de Dieu, dans son zele a s'aneantir lui-
meme et a prendre la forme de serviteur, afln de porter,
a notre place, la condanination, la malediction, la mort;
— afin d'accomplir pour nous, et de faire agreera Dieu
loute I'obeissance reclamee par la loi. Les Pharisiens ne
voyaient rien de tout cela en Jesus, et Nicodeme, qui
avait Jesus devant lui, n'en voyait rien non plus. Et
nous, nous, que voyons-nous en Jesus?... Aussi long-
temps que nous nous recberchons nous-memes, nous
ne voyons pas non plus rien de parfaitement trai, rien
de complel dans ce meme Jesus qui maintenant est eleve
a la droite du Pere. Nous nous imaginons, au fond et
pour parler franchement, que nous serons bien assez
forts et assez beureux pour nous mettre de nous-memes
en regie avec Dieu; nous pensons que nous sommes au
mieux avec lui, vu nos empressements de piete et de
culte, et attendu tout notre zele, tout notre travail
pour la Mission (exterieure et interieure)... Or, les Pha-
risiens s'imaginaient precisement la meme chose ! —
Nicodeme doil savoir et nous ne devons pas ignorer,
nous, que l'liomme tcl qu'il est [quel qui! soit du reste)
n'a pas qualite pour connaltre Dieu ; que par lui-meme
et quant a lui il ne sait rien, il ne peut rien savoir des
choses qui se passent au ciel; qu'il ne sait, qu'il ne peut
savoir si Dieu a, en effet, ou s'il n'a pas, des pensees de
paix a notre egard; — l'liomme naturel n'est pas en cor-
respondance avec le ciel; cette cotrcspondance n'est
qu'en Jesus-Christ et que par lui. Je suis le chemin, a-t-il
dit. Quoiqu'il eut pris forme de serviteur, et quoiqu'il
fut de si peu d'eclat qu'on ne vit en lui rien de desirable,
lui seul pourtant, au ciel, est semblable a l'Eternel : il
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— 51 —
est un avec le Pere ; et voila pourquoi Jesus a dit : Ausst
personnc nest monte au cicl que celui qui est descendu du
Cicl: le Fils de I'Homme, qui est dans le cicl.
En grec, il
y a : « et personne n'est monte* au ciel, sinon Celui qui
du ciel est descendu , le Fils de l'Homme , le Etant ou
Vivant dans le ciel. »
Nicodeme etait tres-verse dans les Ecritures, ou se te-
nait pour tel. Or, le Seigneur le rend ici attentif a une
parole qui avait echappe au docteur en Israel, et qui se
lit au livre cinquieme de Moise (Deuteronome, xxx, 12);
parole que J'apotre Paul, ecrivant aux Romains, re-
pete en disant (x, 6-8) : « La justice qui est par la foi
parle ainsi : Nedis point en ton coeur : qui montera au
ciel? C'est vouloir en t'aire descendre Christ, ou: qui
descendra dans l'abime? C'est rappeler Christ d'entre les
morts. Mais que dit elle? La parole est proche de toi,
dans ta bouche et dans ton coeur; et c'est la la parole de
la foi que nous prechons. »
Quel effet ce temoignage devait-il produire sur Nico-
deme et sur les Pharisiens? Quel effet doit-il produire
sur nous-memes? II doit nous couvaincre qu'il nous
faut croire ce que Dieu nous annonce par son Fils, qu'il
nous faut croire ce que nous revele ce Fils bien-aime,
3esus-Christ notre Redempteur. II y en a plus dun qui
a pense en lui-meme : Ah ! si je pouvais, avant le mo-
ment de ma mort, monter, ne serait-ce que pour une
heure, au ciel et m'y entretenir avec Dieu : je saurais
au juste ce que c'est que mon salut, II y en a plus d'un
qui s'est dit souvent : Que ne puis-je converser, ne se-
rait-ce qu'une heure, avec un homme qui aurait ete au
ciel : je n'aurais ensuite plus de doutes sur ce qu'il faut
faire pour etre sauve... Tel, le riche (Luc, xvi, 19), etant
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- 52 -
en enfer, desirait que le pere des croyants envoyat du
eiei quelqu'un vers ses freres qui etaient encore sur la
terre. Que voyons-nous en cela, sinon les soi-disant
pieux souhaits de la propre justice? Quiconque demande
a monter lui-meme au ciel, pour y voir ce que c'est que
le salut, nie par la meme que Christ est au ciel ; et qui
voudrait descendre aux enfers, pour essayer s'il ne pour-
rait pas les vaincre a force de bonnes ceuvres, nie par la
meme que Christ est descendu du ciel, qu'il s'esl abaisse
autant que possible pour nous sauver eternellement. Mais
jamais homme n'est encore descendu du ciel, apres y
etre d'abord monte , pour nous faire savoir ce quest
Dieu, quel il est, et ce qu'il y a a faire pour apaiser son
courroux au sujet de nos injustices. — Jamais homme,
parlant en son propre nom, n'a pu dire a un autre : Tu
es sauve! Jamais homme non plus n'est monte rdellement
au ciel en esprit, par la penseeet par l'intelligence, pour
nous dire comment Dieu juge de nous, et quelles sont
ses reflexions sur la posterite d'Adam. Ceux qui, contre-
faisant l'humilite des anges, se permettent de parler des
choses celestes qu'ils ne savent pas, qu'ils ne peuvent sa-
voir, nous donnent, comme verite, ce qui n'est sorti que
de leur imagination,— les revesde leur mysticisme. Soyez
done en garde contre ces esprits qui, tout en etant d'en
bas, pretendent vous decrire les cieux et vous expliquer
tous les privileges de la bourgeoisie des cieux. Un seul
est monte au ciel : le Fils de 1'Homme. Je n'ai pas en
vueici l'ascension de Jesus, quarante jours apres Paques ;
le Seigneur n'en parle pas non plus ici. Le Seigneur
montait au ciel chaque jour qu'il passa sur la terre; il y
montait, non pas corporellement, les disciples le segar-
dant; mais spirituellement, dans la vertu de la con-
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— 53 -
science et de l'intelligence qu'il avait des choses celes-
tes. Cette ascension spirituelle avait lieu surtout quand
Jesus priait, quand il meditait les Ecritures; quand, seul
le soir, apres unejournee durant laquelle il s'etait de-
pense pour le peuple et pour ses disciples, il meditait sur
l'ouvrage que le Pere lui avait donne a faire. Et de ce
qu'il voyait alors , le Seigneur en rendait temoignage
quand il se retrouvait parmi les enfants des hommes. En
veritS, en vdriU... nous disons ce que nous savons; et nous
rendons temoignage de ce que nous avons vu.
Le Seigneur
veut dire par la qu'au temps de son abaissement, alors
que, depouille, librement et volontairement, de la gloi-
re qu'il avait aupres duPere, il s'etait aneanti lui-meme
pour prendre sur lui notre humanite, — il etait, lui
seul, correspondant avec le ciel; il avait, lui seul, avec le
Pere une relation tellement intime qu'il apprit tout le
conseil de Dieu pour notre salut, et que, par consequent,
nous avons, nous, a le croire en ceci et en tout. Le
Seigneur dut penser que Nicorleme s'etonnerait de lui
entendre dire ces choses; c'est pour prevenir cet etonne-
ment, ou pour l'amoindrir, que le Seigneur se nomma
le Fils de l'Homme; le Fils de VHomme, Dieu fait
homme, Dieu manifeste en chair, — Celui qui est dans
le ciel, et descendu du ciel, afin d'accomplir le dessein
d'une inflnie et immuable misericorde a l'egard de pe-
cheurs perdus. Et pour que Nicodeme ne s'etonnat, en
outre, pas trop d'apprendre que « le Fils de l'Homme,»
que Jesus de Nazareth fut, lui seul, correspondant avec
le ciel, eut, lui seul, avec le Pere une relation si intime,
— le Seigneur ajouta qu'il etait le Etant ou le Vivant au
ciel. Ce qu'il ituit, il Test, il le sera; et en cette qualite,
en cette vertu d'ErANT, de Vivant au ciel, seul il pouvait
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et il peut faire savoir ce qu'est le Dieu du ciel, et ce
qu'est devant ce Dieu le pauvre pecheur; en cette qua-
lite et en cette vertu d'ETANT, de Vivant au ciel, seulil
peut le sauver, ce pauvre pecheur qui de lui-meme n'est
rien, — seul, Lui le Dieu saint qui est tout, le Dieu de
la grace a qui les cieux appartiennent : Je"sus-Jehovah I
Mes bien-aimes, comprenez-vous, maintenant, comment,
pendu au bois et fait malediction pour nous, Jesus a pu
dire au brigand repentant: Je te dis, en virile, que tu seras
aujourd'hui avec moi dans le paradisl...
Mes bien-aimes, apprenons, aimons a confesser la
grace de notre Seigneur Jesus-Christ!
Elle est immense, cette grace.Oh! quel miracled'amour
que cet amour dont 11 nous a aimes, nous pauvres pe-
cheurs perdus et condamnes! Vous avez entendu Jesus
proclamer lui-meme qu'Il est l'Etant au ciel. II l'etait
alors meme qu'il vivait sur la terre; le Elant au ciel a
voulu etre en meme temps le Fits de I'Homme. — Celui
qui a voulu se charger, et qui s'est charge veritablement
de nos langueurs ; Celui qui a voulu porter nos douleurs,
et qui les a portees veritablement, — Christ etait, dans le
meme temps et en sa personne unique, le Etam au ciel,
c'est-a-dire, l'Eternel Dieu, Jehovah, que les cieux des
cieux ne contiennent pas, et reellement homme,
l'homme de douleur, que nous entendons se lamentant
(Ps. xxn, 7) en ces termes : « Moi, je suis un ver;. .
l'opprobre des hommes, le meprise du peuple ! »
Pour l'amour de nous, II a voulu descendre du ciel.
Certes, ce n'etait pas « une usurpation)) de sa part de
se dire et d'etre egal a Dieu ('( Moi et le Pere sommes
un »)! Mais il s'est aneanti lui-meme et s'est fait sem-
blable aux hommes, afin de nous sauver. Apres avoir,
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pour l'amour de nous, quitte le trone de sa gloire, il a
voulu sojourner sur cette terre maudite, etre fait peche
et malediction pour nous, et accomplir les commande-
ments du Pere, en restant, par le Saint-Esprit, en rela-
tion constante avec le Pere, mais en restant dans cette
relation sans en gouter les inelTables douceurs, resolu
plutot de gouter, pour nous, l'amertume'de la mort, de
la mort sur la croix, sur le bois maudit de la croix.
Rendons graces au Dieu de toute misericorde de ce
que, apres nous etre ote a nous-memes le droit d'en-
tree dans le ciel, en nous livrant au peche, et apres
nous etre mis dans l'inipossibilite de voir le Dieu saint,
et de nous entretenir avec Lui, nous avons affaire a un
Dieu qui nous a envoye du ciel son Fils bien-aime.
Rendons graces de ce que ce Fils bien-aime, notre Sei-
gneur et Sauveur, a voulu, quoique le Etant au ciel,
etre pour nous le Fils de I'Homme; et de ce qu'il a rete-
nu ferine son unite avec le Pere, au travers de tous les
flots du courroux! Par Lui, Dieu nous parle; par Lui,
nous apprenons si Dieu a, ou s'il n'a pas, des pensees de
paix a notre egard. Oui! A nous pauvres pecheurs,
Christ apporte la paix, et nous avons la guerison par ses
meurtrissures. II nous apporte la paix avec Dieu le Pere.
— II nous apporte la Grace par le sang de la croix!
Done, il nous faut croire en Lui; done, nous devons
nous tier a sa parole,... a sa parole qui nous assure
qu'il a fait l'expiation de nos peches en son sang, et que
nous avons en Lui notre justice et notre force. Si nous
croyons au temoignage qu'il rend des choses terrestres,.
nous croirons aussi a celui qu'il rend des choses ce-
lestes.
Or, voici son temoignage quant aux choses terrestres :
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-to-
ll Mes brebis, 6 vous les brebis de ma pature, vous etes
homraes, — et pourtant le monde doit et veut trouver
aupres de vous les fruits de mon Esprit!... »
Et voici son temoignage quant aux choses celestes :
« Mais moi je suis l'Eternel votre Dieu. Apres avoir fait
par moi-meme la purification de vos peches, je me suis
assisa la droite de laMajeste dans les lieux tres-hauts. »
Amen!
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IV
Et corame Moise eleva ie serpent dans
le de'sert, de m&me il faut qne le Fils de
J'homme soil e'leve'; afin que quiconquu
croit en lui ne pe>isse point, mais qu'il
ait la vie eternelle.
(JEAN, III, iti, 15.)
J'ai eherche, dimanche dernier, a vous faire compren-
dre que nul homrae n'a, que mil homme n'eut jamais
une correspondance directe avec le ciel. Nous avons
tous besoin de recevoir au fond du coeur eette impor-
tante verite : Dieu habite une lumiere inaccessible. Per-
sonne ne vit jamais Dieu. Cette verite est d'un poids
accablant pour le pauvre pecheur qui est encore sans
paix avec Dieu. Quand une fois l'homme comprend
(mais ce n'est pas chose commune et facile que de le
comprendre) qu'il est entierement separe de Dieu qui
est la Vie, et qu'il porte dans son sein la colere de Dieu,
— un abtmes'ouvre devant lui, un ablme immense, des
profondeurs duquel il ne pourra pas de lui-meme reve-
nir, remonter a Dieu... Ce n'est pas seulement avanl la
conversion qu'on fait cette experience : aprh la conver-
sion encore il est des heures terribles, de ces heures
1 Prononce le 8 octobre 1848.
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— 58 —
ou Ton a tellement la conscience qu'on est eloigne, se-
pare de Dieu, qu'a peine on ose faire monter un timide
soupir vers ce Dieu vivant et vrai. La pensee meme de
la foi, la pensee de croirc est evanouie, absente. Cer-
tainement done, « personne n'est jamais monte an
ciel! « — La loi violee, les cherubins au glaive flam-
boyant, la conscience accusatrice evoquant d'ineffables
frayeurs, le peche avec toutes ses detresses, l'ardeur du
courroux divin dans la moelle de I'ame, le demon avec
son inimitie, et outre cette inimitie-la celle qu'on trouve
au fond meme du eceur, I'orgueil du moi, eet orgueil
qui ne veut pas se laisser dompter, — ils nous ont forme,
ils ont ferine d'epines devant nous Faeces des lieux
celestes, ils nous retiennent terre a terre, ils ne nous
permettent point de « monter au ciel. » Et quand
meme nous y pourrions monter, et si nous y montions
en effet, nous comblerions la mesure de nos pecheset
nous nous rendrions coupables d'une efl'rayante outre-
cuidance, Dieu ne pourrait que nous chatier, Dieu qui
a dit : « Donnez-vous de garde de monter, — moi, l'Eter-
nel, je descendrai! »
Or, que, nous trouvant tellement separes de Dieu
qu'il y ait impossibilite pour nous de monter vers Lai,
le Fils de Dieu, le Fils de lbomme soit descendu du
ciel, que la Parole se soit faite chair et ait habite parmi
nous, e'est l'acte, c'estle fait d'une misericorde dont la
plenitude et la gloire supreme ne nous seront revelees
que dans l'eternite; et ce qui couronne cette miseri-
corde et ce qu'il y a de plus admirable dans ce miracle
d'amour, e'est que, tout le temps que dura l'abaissement
du Seigneur, toul le temps que le Fils de l'Homme fut
comme l'un d'entre nous, peche et condamnation pour
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— 59 —
nous (lui le saint et le juste!) — II n'a pas un seul mo-
ment abandonne la Foi; II s'est toujours donne pour le
Fils du Tres-Haut, et toujours il a nomme « Pere » le
Dieu vivant. MonPere! disait-U alors meme que, par
la permission et suivant le conseil de Dieu, nos peches,
tous nos peches l'assaillaient, et qu'il portait, lui tout
seul, tout le fardeau de la colere de l'Eternel!
Oh! quel puissant amour, que cet amour-la ! Get amour
qui a su, quoique entoure de toutes les mi seres humai-
nes, et menace, arrete dans ses elans, par tout le pou-
voir de l'enfer, tenir ouverte et libre la correspondence
avec le ciel! Oh ! quel puissant amour que l'amour de
Jesus, de Jesus qui, quoiqu'etant fait peche et condem-
nation pour nous, sut et voulut sejeter au travers de
toutes les contradictions (Hebr. xn, 3), durant toute sa
course terrestre, dans le torrent du lumineux amour
de son Dieu — se jeter sur le sein du Pere et vaincre
le Pere, comme Juda vainquit Joseph en lui offrant
d'etre, lui Juda, le garant pour Benjamin !
C'est Jesus qu'il nous faut ecouter. Lui seul peut
nous dire, il nous a dit en sa Parole ce qu'il yaau ciel,
ce qu'il y a au coeur de Dieu pour un pauvre pecheur
perdu qui voudrait retrouver Dieu. Ce n'est qu'en Jesus
que nous avonsunacces libre autronedel'Eterneljcen'est
que dans la face de Jesus que nous voyons la lumiere,
que nous voyons Dieu. comme ce n'est qu'en la Parole
de Jesus que nous entendons Dieu. Ce n'est qu'en Jesus
enfin que nous arrivons a la grace, au salut, a la vie!...
Pourquoi n'est-ce qu'EN Lui que nous pouvons nous
approcher de Dieu? Pourquoi nous faut-il 1'ecouter, et
sommes-nous surs de n'etre point trompes aussi souvent
et aussi longtemps que nous l'ecoutons? Pourquoi
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Jesus est-i] pour nous le chemin, la verite et la vie?
Nous trouverons la reponse a ce pourquoi en medi-
tant ce qui est ecrit aux versets 14 et 15 de notre cha-
pitre d'Evangile.
« Et comme Moise eleva le serpent dans le desert, de
mime il foul que le Fils de I'Homme soil eleve, afin que qui-
conque croiten Lui ne perissc point, mais qu'ilait la vieSter-
nelle.
» — Avec quel etonnemenl Nicodeme a du regar-
der le Seigneur, quelles emotions extraordinaires, peni-
bles nieine, ont du le saisir, quand il entendit dire a
quelqu'un qui paraissait devant lui comme un simple
mortel qu'il etait le Fils de l'Homme, descendu du del,
et 1'Etant ah ciel! Ce n'est pas que Nicodeme n'eut pu
comprendre : les prophetes avaient parle. Esaie avait
dit (ix, 5): « L'enfant nous est ne, le Fils nous a ete
donne, et on appellera son nom 1'Admirable, le Conseil-
leur, le Dieu fort, le Puissant, le Pere de l'eternite, le
Prince de la paix. » Mais aussi longtemps que la chair ne
veut pas reconnaitre et confesser qu'elle est chair, elle se
scandalise en un Dieu manifeste en chair. L'homme char-
nel, « l'homme animal» est dans le cas, il est fort a
meme peut-etre de demontrer, par de nombreux pas-
sages de la Bible, la reelle divinite de Jesus-Christ et sa
veritable bumanite, mais il n aimerapoint pour cela Je-
sus, Dieu fait homme; il lui refusera foi et obeissance,
et il resistera aussi longtemps que la chair affecte d'etre
esprit, prend les apparences de Yesprit, tout en s'obsti-
nant a en renier la force.
Ce n'est que la oil se trouve le sentiment, la conscience
de la condamnation, et l'amour de la justice qui sauve,
de la misericorde qui justifle, qu'on concoit quelque
chose de cette verite, a savoir, que Jesus est « le Fils »
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ne « du Pere, » mais ne aussi d'une femme et assujetti a
la loi. Et alors on ne speeulera plus sur cette verite,
bien moins encore disputera-t-on contre elle. C'est la
verite! On sen delecte, et on en fait son eternelle sa-
gesse et sa consolation a jamais. Remarquons que le
Seigneur ne s'arrete pas a l'ignorance dont Nicodeme
fait preuve en ces saintes et simples clioses, et dans la
connaissance vivante desquelles est le bonheur supreme.
II continue a reveler au docteur en Israel la pleine grace,
toutle conseil de Dieu, tout le cbemin du salut. Que si,
en ce moment, Nicodeme ne comprend pas encore, il
comprendra quand 1'Esprit du Seigneur sera venu sur
lui : il sera ne de nouveau alors, et enseigne de Dieu !
II fallait que Nicodeme siit, et il faut que nous sa-
chions aussi (car c'est a cet effet que cela est dcril), pour-
quoi le Seigneur declara que seulil est monte au ciel,
et qu il est descendu du ciel, qu'il est a la fois le Fils de
1'Homme et Celui qui est au ciel. Pourquoi? Afin que
tons apprissent et crussent que cet etre du Seigneur est
pour le bien du pauvre pecheur, de l'homme. Jesus est
venu au monde, est descendu du ciel, afin de retablir,
en Lui-meme, toutes clioses, afin d'accomplir une pro-
pitiation, pour arracher le malheureux bumain a la con-
damnation; pour le rendre, par la foi en Lui, partici-
pant de la vie eternelle.
Ce que le Seigneur met done devant Nicodeme, dans
les paroles qui nous occupent, c'est la perdition' de
l'homme et sa redemption, sa mine et son salut, sa
mort et sa vie, — le peche et la grace, la misere du
pecheur et la misericorde du Sauveur. Et quelle puis-
sance convaincante dans ces paroles! Nul n'a pu par-
ler ainsi, nul autre que le Seigneur Jesus! Comme
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- 62 —
Moise eleva le serpent dam le desert, dc mSmc il faul que
le Fils dc I'Homme suit clecel
Void ce que nous lisons au
livre des Nombres (xxi. 4-9):
« Le peuple perdit courage par le chemin. II parla
done contre Dieu, et eontre Moise et dit : Pourquoi nous
as-tu fait monter hors de l'Egypte, pour mourir dans ce
desert? Car il n'y a point de pain, ni d'eau, et notre
arue est ennuyee de ce pain leger. Et l'Eternel envoya
sur le peuple des serpents brulants, qui mordaient
tellement le peuple, qu'il en niourut un grand nombre
de ceux d'Israel. Alors le peuple vint vers Moise, et
dit : Nous avons peche; car nous avons parle contre
l'Eternel, et contre toi. Prie l'Eternel, et qu'il 6te de
dessus nous les serpents. Et Moise pvia pour le peuple.
Et l'Eternel dit a Moise : Fais-toi un serpent brulant, et
mets-le sur .une perche;et il arrivera que quiconque
sera mordu, et le regardera, sera gueri. Moise done fit
un serpent d'airain , et il le mit sur une perche;
et quand quelque serpent avait mordu un homme,
cet homme regardait le serpent d'airain, et il etait
gueri. »
Qu'a pense le Seigneur, et que veut-il que nous pen-
sions, en rappelant ces paroles donnees a Moise, et
rapportees par lui"? Cela se comprend tres-aisement. Le
Seigneur a voulu dire, et veut dire : Hommes! Vous etes
pecbeurs, rebelles a Dieu —• vousl'etes, que vousle croyiez
ou non, et quelle que soit l'idee que vous vous faites
de vous-meiues. Le peche, ce demon, vousa mordus; cette
morsure vous a infectes d'un venin mortel : la mort
est dans vos membres, dans vos veines, dans votre sang,
dans votre vie!... Mais, ce que le serpent d'airain, ce
serpent que Moise eleva dans le desert, ce qu'il fut pour
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— 63 -
les enfants d'Israel, - les ramenanl a la vie, quand ils
le regardaient; oui, les ramenant a la vie quoiqu'ils
fussent frappes a mort, tombes dans les liens de la mort,
je veux l'etre, moi, a votre egard, tellement que, blesses
par Satan, et portant en vous le trepas, vous ne mourrez
point, si vous me regardez! A eette fin, il faut que je
sois eleve, serpent d'airain de Dieu, centre le serpent
ancien qui est le Diable ! Vous portez sur vous ses mor-
sures fatales — il faut que je sois eleve, eleve sur la
Croix, afin que lous ceux qui etaient moid us (ils le sont
tous) et qui aspirent a la guerison, qui brulent du desir
d'etre sauves, soicnl sauvds en effet, en me voyant, en
me contein plant, en me saluant (serait-ce meme de fort
loin) et en ln'aimant de foi vivante.
La foi! Ce n'est que par elle que s'effectue la veri-
table regeneration. La foi est un ferine de vie, une
semence qui est jetee dans le cceur de l'homme, et qui
restaure l'liomme et le renouvelle. Le Seigneur est la,
le Seigneur que le pauvre blesse a mort regarde; et le
Seigneur fait que la mort ne peut l'enlever, car il a,
Lui, vaincu la mort!
Mais, oil la foi en cette puissance de salut et de vie
du Seigneur doit se trouver reellement et produire son
fruit, il faut que naisse d'abord le sentiment, la con-
viction intime qu'on a ete reellement niordu du « ser-
pent ancien » et qu'on porte la mort en soi. Le mal-
beureux qu'un serpent d'espece venimeuse (l'epouvan-
table crotale, par exemple, ou la terrible vipere indienne
qu'on nomine naya), a pertidement assailli et mordu,
sent des maux inexprimables, insupportables dans tous
ses membres; une soif ardente, cruelle, vient le tour-
menter, une soif que rien ne peut calmer; et enfin
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arrive la mort, elle arrive pleine de douleurs et d'hor-
reurs. Or, quand un homme a, deparla conscience, la
certitude que, .seduit par Satan, il se trouve separe
de Dieu, il sentira bientot les ardeurs de la colere de
Dieu et les accusations de son cceur lui devenir intole-
rables. II a soif, soif dun liberateur, mais il ne saurait
l'apaiser parce qu'il ignore encore la source vive des
apaisements. Separe du Dieu vivant! Impregne du venin
du peche I Quelle pensee, quel supplice! On ne voit
devant soi qu'une condamnation sans espoir, sans aucun
adoucissement, on ne peut plus attendre que la mort
eternelle;... deja l'enfer ouvre ses abimes!
Et Nicodeme? Restera-t-il jusqu'a la fin elranger a
cette pensee : « Separe du Dieu vivant ! » Ne subira-t-il
pas a son tour le supplice de se sentir « impregne du
venin du peche? » .le ne sais; inais il est certain qn'alors
la gloire de Pharisien ne lui suffira plus, la justice de
Pbarisien ne le satisfera, ne le tranquillisera plus!
L'homme est vraiment un etre etrange! 11 vit de
longues annees sans rendre un serieux et reel hommage
a la loi, et il s'imagine qu'il a toujours observe la loi;
et pendant qu'il se livre ainsi a une fausse et funeste
securite, voici venir tel ou tel commandement; voici
que se fait entendre ce mot d'ordre : « Tu feras telle
chose, » ou : « Tu ne feras pas telle chose, » et voici
aussitot la desobeissance! Voici, plus imperieux et plus
impetueux que jamais, ce peche qu'on croyait peut-etre
mort, auquel on se croyait mort : le peche1 a repris la
vie
(Rom. vn, 9), et l'homme meurt;... il s'en va, il
s'enfonce dans la mort avec sa pauvre saintete factice et
artificielle! Quant a la precieuse manne de Dieu, quant
au pain du ciel, son ame a dit : je suis degoutee de
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cet aliment; j'en ai assez, je n'en veuxplus! Et elle a
eu recours, la pauvre ame, a je ne sais quelles vieil-
les histoires, desavouees depuis longtemps; a je ne
sais quelles objections surannees qu'il semblait impos-
sible de faire valoir encore. Le malheureux! II s'op-
pose a Dieu, a la loi et a la parole de Dieu (Dieu le
voitl) et il dit : Je ne suis pas mal en Egypte ! Pour-
quoi en sortirais-je?... Mais le chatiment ne se fait pas
attendre. Des serpents brulants viennent mordre le
pauvre revolte; toute une legion d'esprits immondes et
mechants l'attaquent et le subjuguent. Une soif ardente
vient le tourmenter jour et nuit, et la mort approche.
Oui, voici la mort! Sauve qui peut! Qui done peut
etre sauve; comment etre sauve? Y a-t-il un salut? Oil
est le salut? Le salut est la, tout pres. Dieu l'a donne,
Dieu le donne, le donnera. Ecoutez. « Comme Moise
E"leVA LE SERPENT DANS LE DESERT, DE MEME IL FAUT QUE
le Fils de l'homme son eleve ! » Le salut est en Celui
et par Celui qui s'appelle le Fils de 1'bomme; et la base,
dirai-je, ou le motif, la raison d'etre de ce salut, e'est
que le Fils de l'homme a ete « eleve. » Il a fallu qu'il
fut eleve. La justice de Dieu l'exigeait, et notre misere
l'exigeaitpareillement. La justice de Dieu! II etait in-
dispensable qu'elle obtlnt satisfaction. Notre misere ! II
importait qu'elle fut otee de devant les yeux de Dieu ;
et elle est otee en effet, bien qu'il nous semble qu'elle
soit encore toujours la. Oui, il a fallu que Christ fut
eleve, afin que par Lui le peche, et la coulpe et la peine
du peche, fussent portes; afin que notre misere ne nous
engloutit pas, et qu'a la place de la mort qui circule
dans nos membres, nous puissions avoir la vie, la vie
eternelle!
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La justice de Dieu ! 11 est evident qu'elle a du chatier
les enfants d'Israel pour leur rebellion ; et lorsqne Dieu
ordonna a Moise de faire un serpent d'airain, cet ordre
evidemment etait donne en vue de Christ : Dieu savait
que Christ serait une satisfaction eternellement efficace
pour la justice eternelle. Sans cela ce serpent d'airain
n'eut ete rien; mais parce qu'il prefigurait Christ,
Dieu, qui venait de punir les Israelites d'une maniere
si terrible, ota de dessus eux la mort. Tl I'ota, il est
vrai, a la requete de Moise; mais Moise n'eut pas pre-
valu avec sa requete, s'il n'y avait eu au ciel un autre
requerant, un autre avocat et intercesseur — Jesus-
Christ. C'estpour l'amour de Lui que la supplication de
Moise est exaucee. II n'a pu etre satisfait a la justice
de Dieu que par quelqu'un qui flit Dieu a la fois et
hoinme, egal a Dieu et egal a l'homme : egal a Dieu,
pour se jeter, au travers des ardeurs dune sainte et
juste colere, sur le coeur meme de Dieu, pour obtenir
ainsi aux pauvres pecheurs perdus une rddcinplion iler-
nellc,
et pour prouver et pour etablir ainsi que le
salut vicnl de noire Dieu
(Apoc. vn. 10); et egal a
l'homme, pour que, a la place de l'homme, quoique
n'ayant commis aucun peche, il put etre peche et male-
diction ; il put soufFrir la condamnation et la mort, les
angoisses et le supplice de la mort pour l'homme, afin
de consommer, en soi, par sa mort, la vie eternelle en
tous ceux et pour tous ceux qui croient, qui ont cru,
qui croiront en Lui!... Nicodeme devait apprendre en
la presence de qui il se trouvait la, et nous devons,
nous, l'apprendre aussi. II etait, et nous sommes en la
presence de Celui qui seul a pu nous ramener, nous
reunir a Dieu.
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La justice de Dieu ! Ii, a kai.lv; que satisfaction lui fut
donnee, car Dieu est immuable; en Lui il n'y a pas
meme l'ombre d'un changement; et sa parole : «I1 les
a tous renfermes dans la rebellion » (Rom. xi. 32); et
cette. autre parole : « Maudit est quiconque ne persevere
dans toutes les choses qui sont ecrites dans le livre de
la loi » (Gal. m. 10. Deuteron. xxvii. 26) — ah! elles
ne se laissent pas abolir comrne on abolirait vine parole
humaine. Il a fallu qu'il se trouvat Quelqu'un qui,
Saint et Juste, sans aucun peche ni aucune souillure,
Parfait en un mot, se revetit de Ja personne du pecheur;
et se chargeat, a la place de celui-ci, de la malediction
du peche;je dis : la personne; je veux dire, tout l'etre,
l'individu tout entier, car tout 1'homme, tout ce qui fait
et forme I'hommc est peche. Il a fallu qu'il se trouvat
Quelqu'un qui, innocent et devoue, prit sur lui le
peche, — la coulpe et la condamnation du pecheur;
Quelqu'un qui mouriit pour lui (la mort est le salaire
du peche!) et qui accomplit non seulement toutes ces
choses-la, mais qui fut aussi capable de rendre, a la
place de 1'homme, au Createur la gloire et l'obeissance
qui lui sont dues; qui vecut selon toute la parole et
toute la loi de TEternel, qui honorat cette loi et qui
fut soumis a cette parole en esprit et en verite, et qui
presentat ainsi, par la foi, au Dieu vivant I'hommage de
tidelite dont toute chair lui est redevable. Le Dieu
vivant, le Dieu saint et juste ne peut se reconcilier
avec 1'homme, 1'homme ne peut etre reconcilie avec
Dieu que grace a un tel Uepresentant, et qu'en vue,
qu'en vertu d'une telle oeuvre ! Dieu permet qu'entre
Lui et 1'homme ce Uepresentant se pose. II y regarde,
Lui, du haut de son trone de justice; 1'homme y re-
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garde du fond de sa misere, et la vie qu'il y a dansce
regard est un fruit de benediction, de beatitude pour
1'homme.
Or, comment l'Eternel-Dieu a-t-il accompli ce labeur?
Dans quelle voie s'est-il reconcilie avec 1'homme, et a-
t-il voulu que 1'homme fut reconcilie avec Lui?Dans
une voie d'devation, suivant ce que le Seigneur dit a
Nicodeme: « II a fallu que le Fils de 1'homme fut eleve.»
Expression remarquable! Que signifle-t-elle? Est-ce
qu'elle signifie, comme quelques-uns l'ont pense, l'exal-
tation, la glorification du nom de Jesus par la pre-
dication de l'Evangile? Non. Christ, sans doute, est
glorifie, « eleve » par la predication de l'Evangile ; mais
ici le Seigneur a une autre gloire en vue, la gloire de la
croix. Cela resulte de plusieurs autres paroles et
temoignages du Seigneur Jesus. « Lorsque, » dit-il
aux Juifs (Jean vm. 28), « lorsque vous aurez 4lev6 le
Fils de 1'homme, alors vous connaitrez ce que je suis »
(ou plus exactement : « que je suis Moi) ». Et ailleurs
(Jean xu. 31) : « Moi, quand j'aurai ete eleve de la terre,
j'attirerai tous a Moi. » Eleve I L'evangeliste se charge
d'expliquer lui-meme le mot en ajoutant : « Or, il
disait cela pour marquer de quelle mort il devait
mourir. »
II est done certain pour nous que 1'elevation dont
parle ici le Seigneur est celle de la croix; et le but de
cette elevation, etant, suivant la parole du Seigneur,
de sauver de la perdition, de gratifier de la vie eternelle
tous ceux qui croient, il est, d'un autre cote, certain
encore qu'il etait necessaire que Christ fut ainsi
« eleve, » pour rendre nulle et sans effet notre con-
damnation, etpour nous faire reellement don de la vie
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eternelle. Il a fallu que cela arrivat, puisque satisfac-
tion a ete donnee a la justice de Dieu! Oai, puisque le
peche et la faute et le chatiment du peche ont ete
portes par Christ, Dieu a ordonne la benediction et la
vie, — benediction au lieu de malediction, et vie au
lieu de mort I...
Or, Dieu veut que tous ceux qui sont perdus voient
et regardent son Christ, afin d'etre arraches a leur
perte. C'est pour cela que Dieu a fait elever, hautement
elever son Christ, et qu'il l'a fait pendre au bois maudit.
Et a l'heure oil nous sommes, Christ est encore sur la
croix, non en realite, sans doute, ou en personne, mais
en tant que pdchd (1 Cor. i. 23) comme crucifiS, et
comme ayant offert et accompli un sacrifice de propitia-
tion, qui est valable a jamais. II est vrai que ce n'est
pas noire regard qui fait que nous sommes arraches a
la perdition et que nous devenons heritiers de la vie
eternelle; c'est la grace de Dieu seule qui opere une si
grande chose; c'est la libre et gratuite misericorde de
Dieu envers nous. Ce n'est pas nous qui par notre foi
reconcilions Dieu; c'est Christ qui reconcilie. La recon-
ciliation procede de Dieu, et s'etend sur nous en Christ
et par Lui. Dieu veut que Christ devienne notre par la
foi; il veut que nous regardions son Christ « eleve, »
devant nous, entre le ciel et la terre, Mediateur entre
Dieu et les hommes, portanta notre place et pour nous,
la charge de la malediction, et etant frappe et battu de
Dieu, comme s'il etait le coupable, Lui I Si nous le
regardons, nous sommes sauves!
Sauves! Notre salut est aupres de Dieu, par pure
misericorde; et cette misericorde de Dieu se montre ici
sous deux faces : premierement, Dieu ordonne que son
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— 70 —
Bien-Aime etOint soit, pour nous, eleve sur lacroix;
secondement, Dieu nous promet que si nous regardons
a son Bien-Aime, a son Oint, nous avons la vie, la vie
eternelle.
Et maintenant, mes freres, que chacun de nous ap-
prenne ici ce que c'est que la foi. Que chacun se dise qu'il
n'y a point pour lui de question plus grande, plus pres-
sante que celle-ci : Comment me sera-t-il donne de ne
point perir, comment arriver a la vie eternelle?... A la
vie eternelle non a venir seulement, mais a la vie eter-
nelle qui commence des ici-bas, et qui se perpetue en
presence du Dieu souverainement bon et « souveraine-
ment heureux, » au travers de toute une bienbeureuse
eternite? Comment arriver a pouvoir regarder la mort
sans trembler, avec une pleine assurance, et a pouvoir
dire : Je meurs, moi? Non, je m'en vais vers mon pere,
je m'en vais en paix? Le serpent m'avait, il est vrai,
mordu moi aussi, mais je ne sens plus aucune douleur—
je suis gueri de ma blessure!... Les Israelites, qu'avaient
mordus les serpents brulants, etaient obliges, pour etre
gueris, de regarder le serpent d'airain que Moise avait
eleve au desert. Or, si le Seigneur dit ici: « Tous ceux
qui croient, » il vent dire : Tous ceux qui me regardent,
comme les enfants d'Israel regardaient le serpent d'ai-
rain. On pourrait demander (et on l'a demande en
effet) s'il n'y avait pas de danger a cela. On dit que
quand une personne mordue par un serpent regarde
quelque objet brulant ou brillant, un objet de metal,
par exemple, sur lequel se refletent les rayons vifs, ar-
dents du soleil, elle sent son mal s'agsraver aussitot,
et elle meurt... Ainsi il semble a quelques-uns qu'il y
a danger pour eux a regarder a Christ crucifle. La cor-
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_ 7t —
ruption dans laquelle nous sommes concus et nes est
telle, notre iniquite hereditaire est telle, les peches
dont nous nous rendons acluellement etpersonnellement
coupables sont lellement enormes qu'une pauvre ame,
ou, dirai-je plutot, qu'une ame benie, qui est arrivee
a se reconnaltre dans sa misere, pensera volontiers que
quand elle oserait regarder (elle!) Christ crucifie, quand
elle oserait (elle!) s'adresser a Lui comme a son Re-
dempteur, elle serait frappee, accablee de Dieu a cause
dune aussi impie hardiesse. Qu'un homme juste et
veritablement pieux, qu'un homme saint et zele, ose
jeter ses regards sur Christ, a la bonne heure 1 II trou-
vera, Lui, la vie, ou, du moins (Juges xm, 22), il ne
mourra point; mais qu'elle l'ose, elle, pauvre ame
pleine et couverte de peche, jamais!... Et ainsi, le peehe
et le demon, mettant en avant la loi et la justice,
retiennent une telle ame, et l'empechent de regarder
a Christ. Courage! pauvre ame tentee, ame qui es, toi
aussi, chere a Dieu! Ecoute, lis, recois l'Evangile.
Ecoute et recois ce que dit notre grand Dieu, Redemp-
teur et Consolateur : II t'annonce qu'il a ete ^leve
pour toi, eleve sur le bois maudit afin que la maledic-
tion soit otee de dessus toi, afin que tu ne perisses point,
mais que tu aies la vie eternelle. Courage! TiensChrist
pour « le Veritable et le Fidele; » regarde a Lui, re-
garde en haut, regarde au Saint d'Israel!
Bien-aimes, il est urgent que nous comprenions
bien ce que nous avons a faire, nous qui sommes mor-
dus par le serpent infernal, qui portons la mort dans
nos membres, et qui, eprouvant une angoisse sans
nom, avons soif de Dieu et de sa justice. Ce que
nous avons a faire? Le Seigneur parle ici de foi, du
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regard de la foi. II n'est pas question de [aire, pas
question d'wuvres faites avant ou apres. II n'est pas non
plus parle de la maniere dont il faut regarder a Christ,
de la forme a donner au regard de la foi. II n'est pas dit
qu'il faille un regard bien ouvert, net ou vigoureux,
bien brillant ou percant. — Ah ! le regard le plus fai-
ble, le moins anime, le regard eteint meme ou presque
mort, il n'est point rejete, il ne reste pas sans be-
nediction. Voyez, la-bas au desert, les Israelites dou-
loureusement mordus : ils ne pouvaient, c'etait la un
des caracteres funestes de la nialadie engendree par
la morsure, ils ne pouvaient fixer sur le serpent d'ai-
rain que des yeux raornes, mourants; des yeux ou
se peignaient les angoisses d'une soif ardente et toutes
les detresses du coeur. Ces detresses jetaient comme un
voile sur l'embleme reparateur, mais qu'importait ?
Pourvu qu'on le regardat, on etait sauve! Menace ,
frappe de mort, en proie a un terrible venin , l'ls-
raelite ne mourait point, mais il revenait a la vie ,
pourvu qu'il regardat le serpent d'airain. Ainsi, qu'im-
porte que nous regardions, nous, Christ crucifie d'un
oeil affaibli par le peche et par une mort imminente, ou
d'un oeil ferme encore el clair? — une seule chose est
necessaire : que nous le regardions! Regardons-le, et nous
sommes sauvesl...
Nous savons done que, pour etre gueris, les enfants
d'Israel devaient regarder le serpent d'airain. II nous faut
apprendre maintenant comment, dans quel sens, pour
etre sauves, nous devons, nous, regarder Christ. Veuillez
ne pas vous meprendre sur ce mot. Nous devons regarder
Christ comme un serpent aussi en quelque sorte, comme
le serpent d'airain spirituel «eleve » contre le « serpent
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ancien;» comme un serpent paieil au serpentou audragon
(Exode vii. 9-12) de Moise et d'Aaron, lequel engloutit,
en presence de Pharaon , les verges des sages et des
enchanteurs. Ainsi, notre serpent d'airain a nous,
Christ, absorbe dans son innocence et dans sa justice
tout le venin que le serpent infernal a verse dans nos
veines, et la mort que ce venin a produite. Oui, il nous
est dit de regarder a Christ crucifie comme a Celui qui
dans son eternel amour absorbe le venin du peche, qui
par obeissance — « quoiqu'il fut Fils, il a appris l'obeis-
sance ! » (Hebr.* v, 8), — se penetre de ce venin, s attire
ainsi la mort, et... de son obeissance jusqu'a la mort
procede pour nous la redemption, la vie!
Mes bien-aimes! nous sommes tous ici-bas dans un
desert, dans un desert rempli de serpents venimeux; et
parmi ces etres malfaisants, il en est un qui nous a tous
mortellement blesses, qui toujours encore nous menace,
nous poursuit, nous atteint de ses morsures, de sorte
que nous sommes sans cesse dans un danger extreme,
ne sachant ou aller, oil nous arreter. Nous n'avons de-
vant nous qye la mort, en nous que les terreurs d'une
conscience pleine d'angoisses, et une soif que rien d'hu-
main n'apaise! Dans ce desert, dans ce danger, au sein
de ces terreurs et contre les angoisses de cette soif ar-
dente, il n'y a d autre remede, il n'y a d'autre moyen
de salut que le Regard jete sur le Serpent de salut
que le Dieu de toute grace a fait « elever» pour nous!
Ne craignons pas, du moment ou nous regardons ce
signe de grace , de n'etre point trouves conformes a la
Loi. C'est suivant le conseil arrete de Dieu , suivant son
dessein et son ordre , qu'il a ete eleve; et c'est la loi
de Dieu et sa volonte sainte que nous le regardions.
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Quiconque regarde a ce Serpent de salut, eleve au nom
de la Grace, obeit a Dieu; et toute autre desobeissance
est des lors abolie et expiee. Que si vous vous etonnez
de ce que le Seigneur ait voulu etre semblable en quel-
que sorte au serpent que Mo'ise eleva au desert; de ce
que le Fils de Dieu, Fils del'homme, se soit rendu,
pour nous, semblable a ce serpent, je vous dirai : ce fut
la l'accomplissement de ce qui est ecrit ( II. Cor. v. 21):
« Lui qui n'avait point connu le peche, Dieu Fa traite, a
cause de nous, comme un pecheur, afin que nous devins-
sions justes devant Dieu par lui! » — Et ailleurs (Rom.
vin. 3) : (i Dieu a envoye son propre Fils dans une con-
formite de chair de peche, et pour le peche, et il a
condamne le peche dans cette chair. »
Or, celui de vous qui sent au dedans de lui les angoisses
du peche et les menaces de la mort, et qui asoif d'un Dieu
Sauveur, Vivant; celui de vous qui desire vivre, vivre
dternellement, et, en attendant la vie eternelle, vivre sain-
temcnt,
affranchi du peche, esclave de la justice; — celui
de vous qui sent, a ne pouvoir en douter, que le venin
qui decoule de la morsure du demon la penetre entiere-
inent, et qui sait que ce sont ses rebellions et ses infide-
lites qui nourrissent et entretiennent en lui ce venin
terrible, de sorte qu'il n'a devant lui, le pauvre blesse,
que la mort et le desespoir, que la desolation et la ruine,
— qu'il regarde done a notre Serpent d'airain spirituel,
a Christ « eleve » sur la croix! Combien plus grand est
le pouvoir donne a Christ que celui donne au « serpent
ancien ! » Ah oui! Que le pauvre blesse a mort regarde
done a Christ qui a ete fait peche pour lui, et qui a de-
truit le peche ; — a Christ qui a ete fait malediction
pour lui, et qui ote toute malediction, la changeant en
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benediction eternelle; — a Christ qui est mort pour
lui, et qui par sa mort lui attire et lui assure la vie et
l'immortalite I Qu'il regarde a Christ, et il est sauve! Et
tout en s'ecriant encore : « Miserable que je suis! qui
me delivrera de ce corps de mort? » — il dira aussi :
« Je rends graces a Dieu par Jesus-Christ notre Sei-
gneur!... » Car quoi que dise la loi et quelques menaces
que s'acharne a faire entendre le diable, Dieu a ordonne
notre salut, Dieu a voulu que le Serpent d'airain fiit
eleve, et il a dit : « II arrivera que quiconque le regar-
dera sera gueri! »
Et vous, qui vchis imaginez etre je ne sais quoi (le
savez-vous voUs-memes?); — vous, qui ne faites que
trop voir que la morsure du « serpent ancien » ne vous
a cause jusqu'ici aucune douleur ni angoisse, quelle n'a
pas excite en vous la soif de la justice, recevez dansvotre
cceur cette parole de l'apotre Paul (I Cor. x, 9) : « Que
nous ne tentions point Christ, comme quelques-uns le
tenterent; et ils perirent par les serpents. » Or, tenter
Christ,
c'est mepriser cette parole apostolique (I Cor.
vi, 9, 10) : « Ne savez-vous pas que les injustes n'herite-
ront point le royaume de Dieu? Ne vous abusez point:
ni les impurs, ni les idolatres, ni les adulteres, ni les
effemines, ni les abominables, ni les larrons, ni les ava-
res, ni les ivrognes, ni les medisants, ni les ravisseurs
n'heriteront point le royaume de Dieu ! » — Regarder
a Christ crucifies, regarder a Lui en loule verM, c'est
avoir senti qu'on est atteint, jusqu'a la moelle, de la
mortelle morsure, et qu'on ne peut rester da vantage
au milieu de tous les serpents brulants qui se rencon-
trent dans le desert du monde; c'est crier sans cesse :
« Mon Seigneur et mon Dieu! — O Dieu, sois apaise
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- 76 —
envers moi qui suis un pauvre pecheur!... » Qui-
conque le fait entendre, ce cri de sainte detresse;
quiconque, malgre sa misere ou a cause de sa misere,
soupire apres la vie selon Dieu; et qui, au moment
meme ou il va s'ecrier peut-etre (Esther iv. 16) : « S'il
faut que je perisse, je perirai, » — jette et arrete
un regard que la mort va eteindre sur Celui en qui
nous avons, de la part de Dieu, notre justification et
notre force, ah ! il recueille ce qu'a promis le Dieu ve-
ritable et fidele : il trouve la vie eternelle en depit de
son immense perdition. Amen.
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V «.
Car Dieu a tellement aime" le monile,
qu'il a donne* son Fils unique, afin que qui-
conque croit en Lui ne peruse point, mais
qu'il ait la vie eternelle.
(JEAN, III. 16.)
« Mes enfants, mes chers enfants, ne m'abandonnez
pas! Prosternez-vous et priez! Priez et ne cessez de
prier que Dieu soit apaise envers ma pauvre amel... »
Ce cri de detresse sortait naguere de la bouche d'un pere
de famille mourant. II appartenait a l'eglise romaine; il
venait de recevoir ce qu'on y nomme l'extreme onction,
mais il n'avait pas trouve la paix supreme. Le malheu-
reux ! 11 n'avait jamais eu, dans toute sa vie, 1'humble
courage de croire que Dieu a jete tous nos peches sur
Christ, et que Christ a porte tous nos peches. II avait
toute sa vie cherche son appui et son assurance dans son
culte, et dans sa croyance ecclesiastique et tradition-
nelle; — et maintenant, a l'heure de mourir, il se
voyait prive de toute vraie consolation. Jamais, dans
toute sa vie, il n'avait voulu savoir au juste qui il etait,
1 Prononc6 le 15 octobre 1848.
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- 78 —
et jamais il n'etait sorti, il n'avait voulu sortir du peche ;
aussi ne connut-il point Celui qui seul ote le peche et en
delivre Fame. Ce qu'il avait cherche dans le monde, il
l'y avait a peu pres trouve : il avait cherche l'injustice,
un peu d'argent et d'or, un peu de plaisir, un peu de
gloire humaine et de reputation a bon marche; et toutes
ces choses 1'abandonnaient maintenant! II lui fallait
comparaitre devant Dieu, devant le Dieu Fort, le Dieu
Saint, et il craignait parce qu'il etait nu (Gen. in. 10),
comme Adam lorsque la voix de l'Eternel se fit entendre
dans le jardin. II resolut hien alors de s'attacher a la
misericorde, mais il compta s'y attacher sans s'humilier
sous le jugement, sans saisir la justice qui seule est va-
lable devant Dieu. — Dieu veuille et fasse que nous,
mes freres, qui avons appris de meilleures choses, fas-
sions mieux que ce pauvre mourant! Dieu veuille que
nous marchions, que nous vivions fidelement dans la
voie des choses que nous avons apprises !
Notre bien-aime Seigneur et Sauveur Jesus-Christ
nous a enseigne ce qu'il est pour nous de la part de Dieu.
II nous a dit comment nous devons le considerer; asa-
voir : comme peche pour nous, comme malediction
pour nous. Et il nous a dit qu'en Lui nous devons nous
considerer comme justice, — comme benediction en
Lui! II vent que nous le regardions comme le Serpent de
Salut, le Serpent de Dieu, qui nous gnerit de la morsure
mortelle du « serpent ancien » et du venin du peche;
et qui, en meme temps, si nous le regardons en effet,
nous donne In vie, la vie eternelle. Sans doute, c'est
quelque chose d'horrible et d'epouvantnble que de re-
garder Christ comme semblable a un serpent : un ser-
pent, Lui 1 II est innocent et saint! II n'y a point de ve-
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- 79 -
nin, rien de mordant en Lui. Un serpent! Mais la grace
decoule de ses levres, et son souffle est une respiration
de vie! Que dirons-nous a cela? nous dirons avec Jesus :
« Comme Moise eleva le serpent au desert, de meme il
faut que le Fils de l'homme soit eleve, afin que qui-
conque croit en Lui ne perisse point, mais qu'il ait la
vie eternelle! » Nous dirons : II veut, Lui, que nous
croyions en Lui, en Lui crucifie, ilevi sur la croix,
comme le serpent dairain etait eleve au desert! Que nous
croyions en Lui comme ayant pris la place, la responsa-
bilite, la personnalite du pecheur; comme s'etant mis
sous la loi,
et ayant paye pour nous, jusqu au dernier
denier de notre rancon; ayant epuise, pour nous, jus-
qu'a la derniere goutte du calice de la colere divine.
Mais voici, l'enfant de cesiecle, le fanatique de propre
justice, I'hypocrite, le pharisien, ne veulent pas regar-
der ainsi Christ. lis ne croient pas que ce n'est qu'en Lui
que nous sommes reconcilies avec Dieu; et quant au
pauvre angoisse, il n'a pas le courage (l'intention y serait
bien!) de regarder ainsi Christ. C'est une chose naturelle
a toute chair et a tout coeur charnel de chercher son
8ppui dans des ceuvres de commande etde facture pro-
pre, dans des objets que l'homme choisit ou ordonne, dans
des points que Dieu n'a pas commandes. Les commande-
ments de Dieu, de la vie, sont negliges; il n'y a dans le
coeur que des illusions de piete; a cotede cesillusions, ini-
mitie contre Dieu et haine du prochain; aussi « la con-
duce » est ce qu'elle peut etre aussi longtemps que le
coeur vit dans la fraude (Ps. xxxn. 2).
Qui veut entendre ces choses, qui veut les prendre a
cceur, qu'il m'ecoute en ce moment. Cette heure mati-
nale nous a de nouveau reunis : or, je sonne du cor de-
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— 80 -
vant vous, afin que chacun renonco a toute injustice et a
toute propre justice, que chacun reconnaisse et confesse
les pensees d'aversion et de mepris qu'il a, de sa nature,
a l'egard du Dieu vivant. Car du moment ou, a la place
des pensees de mepris et d'aversion pour Dieu, nous
avons des pensees bonnes et vraies, tout notre etre, notre
cceur sera bon, toute notre marche, notre vie sera bonne,
et la fin sera que, quand viendra notre heure derniere,
nous n'aurons pas notre recours a je ne sais quelle mise-
ricorde apocryphe et anonyme qui serait en contradic-
tion et en conflit avec la justice de Dieu; mais nous au-
rons notre refuge dans la misericorde rSelle cl reveUe
du Dieu vivant, misericorde en la vertu de laquelle
nous pourrons, tout malheureux et condamnes pecheurs
que nous sommes, comparaitre devant Dieu avec une
pleine assurance.
Cette assurance, notre Seigneur Jesus-Christ nous
1'offre dans les paroles de notre texte, paroles dont
quelqu'un a dit qu'elles sont comme l'Evangile de l'E-
vangile. « Car Dieu a tellement aime le monde, qu'il a
DONNE* SON FlLS UNIQUE, AFIN QUE QUICONQUE CROIT EN Lui
NE P^RISSE POINT, MAIS QUIL AIT LA VIE ETERNELLE. »
La conjonction « car, » qui se trouve en tete des pa-
roles de notre texte, ramene celui-ci a ce que le Seigneur
avait dit precedemment. « Comme Mo'ise eleva le serpent
dans le desert, de mfane il faut que le Fils de l'homme
soiteleve. » Nous apprenons maintenant pourquoi il fal-
lait que le Fils de l'homme fut eleve comme le serpent
d'airain a iti Sieve.
Ce pourquoi etait et est dans l'amour
de Dieu. « Car Dieu a tellement aime" le monde 1 »Toutes
ceschoses etaient inouies pour Nicodefne; elles etaient
faites pour briser cet homme a orgueil de pharisien,
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- 81 -
pour l'humilier a fond, et pour elever et attacher son
cceur a Dieu.
Voici ce que, dans les paroles de notre texte, le Sei-
gneur nous represente :
1.   Lemonde;
2.   Que Dieu a aime ce monde;
3.  Qu'il l'a tellement aime qu'Il adonne son Fils
unique;
4.   Et a quelle (in Dieu a donne son Fils unique.
I.
« Dieu a aime le mondc, » dit le Seigneur Jesus.
Pourquoi le Seigneur ne dit-il pas : « Dieu a aime son
peuple? » Parcc que cela n'eut pas ete une consolation
pour Nicodeme quand, plus tard, il serait arrive a la
connaissance, a la conviction de son etat de misere et
de perdition. Car, qui arrive a cette connaissance, a
cette conviction, et qui est devenu a scs propres yeux
un pauvre peclieur, n'a plus, ne peut plus avoir la
moindre pretention — il est du mondc, il est comme le
vil et vaste monde, un avec ce monde plonge dans
le mal, il est le plus grand des pecheurs, le premier
(1 Tim. I. 15) entre tous; il n'y en a pas au monde de
plus grand que lui.
Or, jusqu'a cette heure, Nicodeme avait ete de l'opi-
nion qu'il etait, lui avec ses pairs, le peuple elu; que
Dieu ne pouvait que Tanner et ne pouvait qu'aimer les
pliarisiens, parce qu'ils etaient tons zeles pour la loi,
tous issus d'Abraham. Kt ce peuple prelendu excellent
parmi tous, le Seigneur l'annule dun soul mot; et ce
qui n'est pas le peuple de Dieu, le Seigneur en fait
6
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- 82 —
son peuple; et la nalion qui n'avait pas ete graciee
encore, le Seigneur lui annonce et lui opporte la grace :
Lo-Ryhama et Lo-Ainrai sont appeles et obtiennent mi-
sencorde (Osee n. 23) '.
« Le inonde! » Sous cette expression le Seigneur
Jesus entendait done l'ensemble des nations, les gentils
aussi bien que les Juifs, selon la parole que l'Eternel
avait donnee a Abraham (Gen. xxn. 18) : « Toutcs les
nations de la terre seront benies en ta posterite. » Ici,
je vous demaude : si le Seigneur ne l'eut dit, qui pour-
rait le croire? Quoi! « Dieu a aime le inonde? » Le
monde,
se composant d'une masse d'hommes qui tous
sont en inimitie contre Dieu? Les bommes! Dechus de
la vie celeste, ils sont rebelles et desobeissants, coupables
de lese-majeste divine, morts dans leurs fautes, enclius
et assujeltis au mal, esclaves du demon, etrangers, gens
de dehors, sans Dieu, sansesperance. Ils ont transgresses,
et ils transgressent chaque jour les commandements de
l'Eternel; ils blasphement son saint nom et s'adonnent
au culte des idoles. Ils troublent et violent le repos et
l'ordre que Dieu a institues. lis derobent, ils tuent,
ils medisent, ils maudissent, ils commetlent adultere,
ils sont ranges de convoilise, — ils sont charges, en-
toures, penetresde peche; et leur peche le plus enorme
consiste en ce qu'ils veulent « elre commeDieu. » Dieu,
— le Dieu vivant, ils le deshonorent; le Dieu saint, ils
le raillenl! De Christ, en qui habile corporellementtoute
la plenitr.de du Dieu vivant et saint, ils disent : « II a
un demon!... » Eux-memes, ils se tiennent, ils se
donnent jjour anges, pour sages, pour nobles, et — la
' Voyez : Kohlbrugge, Sermvns sur les deux premiers chapilres de la
premiere EpUre de saint Pierre. iSS'i.
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- 83 -
somme de tous ces etres, de ces bumains egares, perdus;
cette masse de tenebres, d inimitie, d'envie, de haines,
ce chaos, c'est Ic mondcl « Dieu a aime le monde ! Dieu
a aime le monde ! !... »
Qui peut dire le total des peches de chacun de nous?
Et le total des peches du monde? Ce monde, Dieu l'a
aime! Ce monde qui pretend etre Dieu, et qui exige que
Dieu descende de son trone ; ce monde qui pretend avoir
une volonte a lui etqui refuse a Dieu le droit d'en avoir
une, ce monde qui s'arroge le titre de juste, et qui
denie a Dieu la justice et l'autorite de legislateur; ce
monde enlin qui ne cesse d'outrager Dieu, qui l'accable
de dedains et d'injures, qui le met a mort, a mort sur la
croix, — Dieu l'a aime, Dieu l'aime! Ce monde qui me-
connait ou qui repousse le Dieu de la vie, le Sauveur,
et qui, separe de lui, git et gemit dans les liens du
peche, de la condamnation et de la mort, sans pouvoir
arriver, par lui-meme, a l'affranchissement, Dieu l'a
aime, Dieu l'aime!
Je repete cette parole avec bonheur; mais est-ceque je
preche, est-ce que le Seigneur, dans notre texte, nous
enseigne l'universalisme, la generalite absolue de la
grace effective? Non, non. Le Seigneur, qui, dans une
autre occasion, occasion solennelle ! (Jean xvn. 9) a dit:
« Je nc pric point pour le monde, » sait bien ce qu'il
entend, ici, en disant que « Dieu a aime le monde. »
A quoi bon disputer, pour savoir si la grace est, soit
dans ses desseins, soit dans ses effets, universelle et ill I -
milee, ou particuliero et restreinte? Luther meme disait,
lui l'illustre antipredestinatien : « Les elus seront sauves;
quant aux autres... c'est le demon qui les aura ! » Les
autres! Ne nous occupons pas d'eux ici. Ne pensons
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— 84 —
qu'a nous. Eprouvons-nous nous-memes, pour voir si
nous consenfons a nous laisser raeltre, de par le Sei-
gneur, an niveau du mondc, si nous consenfons a des-
cendre dans celte tourbe appelee « le monde, » pour
reconnailre ainsi el pour confesser que le saint est
grace—grace libre, souveraine, gratuite, incondition-
nelle, immerilee.
Sans doute, Nieodeme aurait fort desire- que le Sei-
gueur Jesus dit : Dieu a tant aime les pharisiens! C'est
que le diable revient loujours a la charge, meltant en
avant lapiete de l'homme, de sorle que l'hoiume consent
bien a parlor et a entendre parler de l'amour de Dieu;
niais qu'on lui parle de cet amour dans la veritd el scion
la veritd,
il le souffre maluisement. L'homine pieux! II
ne vent pas elre mis au meme rang que « le monde. »
II s'imagineet il pretend que sa piete est, devant le Sei-
gneur, quelque chose a part, de singuliereinent exquis.
Mais cette parole-ci demeure : « Dieu vcul que tous les
hommes (II a aime le monde) soicnl saiivcs; qu'ils arrivent
a la connaissancc de la verite.
» (1 Tim. n. 4). Et cette
autre parole demeure egalement: « Jesus-Christ, le Juste,
est laviclimc de propitiation pour nos piches, el non sculc-
r:\ent pour les nolrcs, mais aussi pour ceux de tout le
monde » (I Jeanii. 2). Celte parole-ci encore : « Nedelruis
point par la viande eclui pour lequcl Christ est morl
»
(Rom. xiv. 15). D'un autre cole, quiconque, cherchant
a tirer avantage de ces paroles-la, voudrait se vanler de
sa liberie, de son libre arbitre (quoiqu'il soil serf!),
—  qui voudrait plaider en faveur de la grace uni-
verselle, mais sans consentir pour cela a elre traile
comme tout le monde (Dieu a aime a le monde! »)
— ah! qu'il medite bien ce qui est ecrit Actes xin.
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- 8S —
48 : « Tous ceux qui etaicnl destines h la vie dlcrnclle
crurenl!...
Dieu est grand, Dieu seul est grand, mes freres; et
II condamne, chez l'homme, toute pretention a la gran-
deur. Quiconque vent etre plus que les autres n'est rien
devant Dieu. El voila pourquoi le Seigneur n'a pas dit;
Dieu a aime les pharisiens, — lepeuple de Dieu, —les
elus. II a dit simplement, grandement: « le mondc. »
II l'a dit, afin que jNicodeme put reconnaitre qui il etait.
Et cela est ecrit, atln qu'a notre tour nous puissions re-
connaitre qui nous somraes.
Dieu a aime le raonde! Cela est dit, cela est ecrit en
consolation eternelle a tons ceux qui ne penvent, en es-
perant en la grace, s'appuyer absolument snr ricn. Ah !
ils sentent bien, ceux-la, et Ms reconnaissent qu'ils ap-
partiennent a ce « raonde » dont parle ici le Seigneur.
Que done chacun de vous, en entendant ceinot d'ordre :
Dieu a aime le monde! pense a soi-meme et se dise :
« Le monde?... » Cela te regarde! Mais, en se disant
cela, qu'il ne pense pas ce que penserait le monde dans
cette occurrence; qu'il ne pense pas'a ses vertus, a ses
merites, a ses oeuvres, a sa saintete; mais qu'il pense
seulement a son impiete et a son eloignement de Dieu.
Cet eloignement etait tel, et il est tel encore, que Dieu
n'a jamais pu trouver, ni ne pourra trouver jamais en
lui aucune chose quelconque en honneur ou en re-
compense de laquelle il pourrait lui etre propice. Qui
se connail comme le plus dechu parmi tous ceux qui sont
tornbes, et comme le plus egare parmi tous ceux qui
sont eloignes de Dieu, il n'eprouvera ni repugnance ni
scrupule a etre range parmi ce « monde » que... Dieu
a aime!
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- 86 -
II.
C'est une parole bien difficile a comprendre, sans
doute, la parole qui dit que Dieu a aime un tel monde;—
c'est un mystere d'amour, une enigrae de grace! Car et
d'abord, Dieu est eternellement parfait et bienheureux;
dans sa libre toute puissance, il se suffit tellement a
lui-meme qu'il n'a aucun besoin du monde. Puis, il
est eternellement saint, de sorte qu'il y a, nous osons le
dire, une fatigue, une charge pour lui de s'approcher
d'un « monde » comme nous, et de 1'avoir aupres de
soi. Enfin, Dieu est eternellement juste, et sa justice
exigeait qu'il laissat ce monde dans sa condamnation,
qu'il le jetiit a jamais dans les dernieres profondeurs de
la condamnation, le jour meme oil il vit qu'il ne re-
pondait pas, le miserable monde! a l'amour createur
dont Dieu l'a aime. Fj'amour createur, dis-je; oui, ayons
une intelligence vraie de l'arnour dont il nous est parle
ici. II ne nous est point parle d'un des dieux de cette
terre, d'un roi ou d'un empereur qui nous eut aimes;
mais il nous est parle du Dieu du ciel, du Dieu vivant,
eternellement bienheureux, du Seigneur que « meme
les cieux des cieux ne peuvent contenir. » — Ajoutez,
que le monde l'a outrageusement offense. Voici, II nous
avail crees, en Adam, « tres-bons, « c'est-a-dire « a son
image et a sa ressemblance. » II nous avait places en
Eden, au sein de l'abondance et de la felicite. Un seul
commandement nous etait donne, si juste et si digne, si
parfait, que, si nous l'avions observe, il n'aurait pu
qu'ajouter a notre bonheur. Etnous sommes entres en
defiance envers Dieu; nous l'avons soupconne, ce Dieu
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— 87 —
bon, de n'avoir fait et de n'avoir dit toutes les choses de
la creation qu'en vue de lui-meme, sans penser a nous.
Et nous avons voulu connaitre ce que c'est que le bien
et le mal'; nous imaginames, qu'une fois nantis de cette
connaissance, nous pourrions faire. nous, la loi a Dieu ;
et refuser de lui obeir du moment oil nous serions per-
suades qu'il a des pensees d'adversite a noire egard...
Voila les epouvantables et abominables pensees que
nous insinuait le demon; nous leur cedames; nous lais-
sames ces pensees devenir des fails, et nous fimes ainsi
au demon le plaisir d'arriver a voir ravagee toute cette
belle creation de Dieu, seul bon et seul sage! Notre
decheance etait des lors consommee; nous elions en-
tierement separes du fidele Createur; le (liable nous
tenait et nous retenait dans l'enfer; et nous .. saisis
d'une fausse honle, nous n'eumes rien de plus presse a
faire que de couvrir notre nudite d'une ceinfure defeuil-
les, et de nous cacber de devant la face de l'Eternel I
Nous voila done couches par terre; nous voila defails
— impurs, meurtris, perdus! Nous avions commence
par « penser du mal » de Dieu; nous persistants a en
penser. « Le cable etait brise, qui retenait le navire au
port? » l\ n'existait plus le moindre lien, plus au-
cune trace de lien entre nous et le Seigneur. Nous ne
pouvions, ni ne voulions deinander a venir, a revenir a
Dieu, — a Dieu qui n'en etait pas moins assis sur son
siege de gloire. Nous etions tom.bes, tombes au fond
d'un abime : le sieae de la doire de Dieu subsistait
toujours! Et, du baut de ce siege, que fit pour nous le
Seigneur de gloire?
Pour nous ! II avait cesse sans doute de penser a nous
1 « Eritit sicnt Deus!»
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— lc « monde » n'etait plus rien pourlui. 0 homme !
connais done ton Dieu, et cesse de « penser du mal » de
lui!Oui,sans doute, assissur letronedesa sainleteetdesa
majeste, Dieu voyait le monde bien loin, bien au-dessous
delui, dans les profondeurs de l'ablme, dans les liens
de la mort, et ayant perdu jusqu'a la force de soupirer,
d'aspirer a Dieu! Mais ce monde, ce meme monde que
Dieu avait du condamner, qu'il avait du renfermer dans
lejugement, il 1'aimait encore! Oui, il n'avait pas seule-
ment pitie de ce monde, il avait de rumour pour lui :
et e'est en cela que nous avons l'explication de cette pa-
role sortie de la boucbe de Notre Seigneur Jesus-Christ,
temoin veritable : « Dieu a tcUcmenl aime lc monde!»
Et cela nous explique de meme la parole de Jeremie le
prophete (xxx. 1.3): «Jc lai aime, » a dit l'Eternel,
« jc t'ai aime d'un kernel amour; c csl pourquoi j'ai pro-
longs enters loi ma gratitude!
» Et la parole d'Ezechiel
(xvi. 6) : «... Jc te vis gisanl par tcrrc duns ton sang, ctjc
lc dis : Toi, dans ton sang, vis! El jc lc dis encore : loi, dans
dans ton sang, vis!...»
Tout ceci est-ce possible?
Oil est l'homme qui se metlrait a aimer, a aimer d'a-
mour, une personne affreusement laide, deshonoree a
outrance, foulee aux pieds, gisant dans la fange et dans
le sang? La ville, la commune entiere ne couvrirait-elle
pas un tel choix d'une reprobation immense? Un tel
choix! Trouverait-on un homme, quelque part que ce
fut, qui consentit a le faire? Un homme, non; mais
ce choix, le grand Dieu l'a fait! II a aime, Lui, un etre
plus hideux et plus affreux encore que celui que nous
venons de supposer. II a aime le monde, et tout ce qu'il
y a au monde de plus haissable. Oui, de plus haissable !
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Car c'est en vain que Ton pense ou que l'on dit qu'il y a
peut-etre, dans ce raonde, quelque chose de digne d'etre
aime, aime de Dieu... Que cliacun de nous, mes freres,
reponde ici lui-meme : Y a-t-il quelque chose, y eut-il
jamais quelque chose en vous, qui aurait pu porter le
Dieu juste a vous aimer? En presence de la loi, loi spi-
rituelle et sainte, juste et bonne (Horn. vn. 12), de la
loi qui est survenue pour faire abonder le peche (Rom.
v. 20), le peche latent et le peche patent, le peche-pen-
see et le peche-fait; — a la vue d'une abominable in fide-
lite envers Dieu, de la durete du coeur, de l'incredulite,
de la mort que l'homme porte dans ses membres; —a
la vue de toutes les horreurs et de toutes les terreurs
qu'un coeur d'homme produit et agite sans cesse en lui,
et de ses millc transgressions en pensee, en paroles, en
actions : Repondez!... Ah! le souvenir et la realite de
toutes ces choses porteront quiconque a connu d'expe-
rience l'amour de Dieu a s'eerier : Mon Seigneur et
mon Dieu ! qu'y avait-il done en moi qui put t'engager
a abaisser sur moi tes regards? « Qui suis-je, moi... que
tu aies regarde mi chien mort, tel que je suis v (2 Sam.
ix. 8)? Qu'ai-je pu faire, pour qu'il t'ait plu de m'etre
propice et de me recevoir en amour?— Et a la confu-
sion de sa face, mais a sa grande consolation aussi, il
aura, pour reponse, cette parole : Je t'ai aime" de mon
amour souverain, gratuit I Oui, Dieu a aime le monde
« gratuilcmcnl »; II l'a aime par grace. Et aussi long-
temps que ceux qui ont ete ou qui sont les objets de cet
amour demanderont : Pourquoi l'avons-nous ete? —
Pourquoi le sommes-nous?la reponse sera : mon amour
est grace : Je vous ai ainies, parce que... J'ai voulu
vous aimer!
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Et maintenant, bien-aimes! chercherons-nous en-
core en nous-mSmes le fondement, la raison d'etre de
notre salut? Exigerons-nous d'etre sauves, puree que nous
avons telle qualite, parcequ'on nous accorde telle vertu?
Et si cette vertu, apres tout, ne se trouve point en nous,
ou si cette qualite s'amoindrit, s'altere, vient a se perdre,
nous mettrons-nous dans le chagrin? Desespererons-nous
de notre salut, du Dieu Sauveur? Mais pourquoi done
chercher toujours ce qu'il nous faiit la ou jamais il ne se
trouve? ' Puisque e'est l'amour seul de notre Dieu, un
amour de grace, qui fait notre salut, contentons-nous de
cet amour, que cette grace nous suffise, et soyons en
paix. En paix! Vous desirez 1'etre, 6 vous qui etes tra-
vailles et charges de vos peches et qui gemissez sous le
fardeau de vos miseres terrestres? Ecoutez encore com-
ment
Dieu a aime le « monde. »
III.
« Dieu a tant aimd le monde, qu'il a donni son Fils uni-
que.
»
Ce sont la les paroles du Fils lui-meme. Lui qui con-
nait le Pere, qui est dans le sein du Pere, II les a pro-
noncees aux jours de sa vie d'ici-bas, II les a prononcees
devant Nicodeme. Savez-vous quelque chose de pareil a
ce que nous voyons, a ce que nous entendons ici ? Je con-
sens, je comprends, du moins, qu'un ami reponde de sa
propre vie pour un ami; mais Dieu a affaire avec un
monde ennemi. « Dieu, » dit l'apotre (Rom. v) « Dieu
a signale son amour envers nous, lorsque nous n'etions
quepecheurs; » et, « lorsque nous etions ennemis, nous
1 Qu<erite quod queeritis, sed non est uhi quseritis. August.
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— 91 -
avons ete reconciliesavecDieuparla mortdeson Fils.»-—
En nous, haine envers Dieu; en Dieu, amour envers
nous. « Nousl'aimons, parce qu'il nous a aimes le pre-
mier. » — « Nous l'aimons, parce que 1'amour de Dieu
est repandu dans noscceursparle Saint-Esprit qui nous a
ete donne! » Ob ! quel bienfaiteur que Dieu et combien
est immense son bienfail! Y a-t-il, dans toute l'histoire
universelle, un pere, un sen], qui ait livre son filsbien-
aime, unique, a ses ennemis? Dieu a fait cela, Dieu le
Pere de Notre Seigneur Jesus-Christ! « II a taut aime le
monde, qu'U a donne son Fils unique ! » Et iln'avait pas
d'autre fils. C'etait, Lui, son Unique; Celui que l'Eter-
nel avait possede des le commencement de ses voies,
son nourrisson et ses delices, qui se rejouissait devant
Lui en tout temps (Prov. vin) !
Mais nous n'osons entrer dans les mysterieuses pro-
fondeurs de I'union du Pereet du Fils!... « Quel est son
nom, et quel est le nom de son Fils, si tu le connais?» —
demandaitdeja, au temps de Salomon, un prophete, un
sage; et il disait, parlant de lui-meme (Prov. xxx. 1-5) :
« Cerlainement, je suis plus grossier qu'aucun homme;
et il n'y a en moi ni sens ni prudence; je n'ai point ap-
pris la sagesse; connaltrais-je la science des saints? »
Qui done nous expliquera jamais, quiepuisera la signifi-
cation de cette parole : Dieu a donne, livre, sacrifiepour
nous ce qu'il avait de plus cher et de plus precieux?
Nous croyons assurement que le Dieu vivant ne peut pas
Sire sans son Fils. Dieu est Esprit; tout ce qui est de
Dieu et en Dieu est Esprit, Esprit et Vic. II fallait que
Dieu eiit devant Lui la splendour vivante de sa gloire,
1'image reelle et le pur reflet de son etre. Dieu etant
amour, il fallait qu'il revelat, qu'il montrat, qu'il
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— 92 —
rendit sensible et visible son amour. II devait manifester
ce qu'il y a de plus profondement saint dans les entrail-
les de sa misericorde. II n'a pas voulu que son moi eter-
nel — « Je suis celui qui suis » — restat, si Ton peut
ainsi dire, renferme et ignore. Par une conception eter-
nelle (et combicn « immaculce » celle-la!) et dans la vertn
d'un enfantement qui eut lieu avant le temps, II amis
devant soi Celui qui Lui estegal, qui cut ce que Jehovah
est lui-meme. Aussi ce Fils est-il « unique » : une con-
ception eternelle ne se repete point!...
Ce Dieu qui avail senti — pourquoi nous faut-il
rester dans les limites du langage humain, quand il est
question des choses les plus intimement celestes ! — ce
Dieu qui avait senti qu'il ne pouvait pas elre Dieu pour
lui seul , un Dieu isole , inconnu , immanifesle, il avait
engendre son Unique, et il mit en lui toule son affection.
Or, un pere peut-il laisser arracher de son cceur" l'en-
fant qu'il aime? Et une mere le peut-elle? De ce que
ties parents ne le peuvent, ccla vienl de Dieu : e'est Dieu
qui leur inspire un si energique amour. N'avez-vous
jamais senti au fond de l'ame ce qu'a du eprouver Abra-
ham quand il fut appele a sacrifier son Isaac, sa « joie?»
Et celte lamentalion dechirante de Jacob : «Vous m'avez
prive de mes enfants ! » n'a-t-elle pas deja souvent excite
votre cordiale pitie? Eh! dites-moi, peres et meres,
quels sentiments Dieu a du eprouver quand il resolut
de donner son Fils unique, et que cet Unique resolut,
librement, de se laisser donner? Donner! Que signifie
ici ce mot? En verite, lorsque Loth se proposa de donner
ses Giles aux abominables Sodomites, pour sauver ses
hotes, il les vouait a une mort effrayante, mais il n'eut
fait ce sacrifice que dans une necessite supreme, et.....
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— 93 —
Dieu eut pu lui rendre ses filles, en lui en faisant naltre
d'autres, aussi cheres et aussi aimables. Mais quand Dieu
donna son Fils unique, ou etait la necessite qui l'y con-
traignit? Et Dieu pouvait-il, ce Fils une fois sacrifie, s'en
donner un autre? Nous avons vu que cela n'etait pas pos-
sible. 0 amour do Dieu, 6 libre et sainte resolution de
cet amour! Dieu savait ce que le monde ferait de ce Fils
qu'il lui donnait. Dieu le savait, et pourtant il donna sa
joie, son desir, sa vie, son moi! La demeure de sa sain-
tete, son ciel, devinl comme un desert. II fitpartir son
Fils de devant sa face; il le fit descendre, du sein de la
sainte allegiesse divine, dans l'air vicie de ce monde ; il
le fit devenir homme, comme l'un de nous; il l'aban-
donna au demon et a la mort; il le livra aux pecheurs
qui ne le connaissaient point, qui ne voulurent point
le connaitre, et qui, avec une rage meurtriere, lui fi-
rent d'abord subir toutes sorles de douleurs, et puis
le livrerent a la mort la plus ignominieuse! «Dieu a tant
aime le monde, qu'il a donne son Fils unique! Dieu l'a
donne, ce Fils, afinque, dansce «monde » et pour ce
«monde, » il fiit la pcrsonnc du pechcur, mis sous la loi,
fait pecbe et condamnation pour nous; — afin qu'il
portat toute la charge de la colere de Dieu contre le pe-
che. Mais nous sommes trop terrestres, trop enerves,
trop ego'istes, trop noyes dans les choses visibles, — trop
morts, en un mot, pour comprendre , pour saisir un tel
don!
Don ineffable , miraculeux et incomprehensible
echange! Ce que Dieu aimait, ce qu'il pouvait seul
aimer, il a semble le hair , — son Fils I Et ce qu'il hai's-
sait, ce qui s'etait revolte contre lui, il l'a aime, tant
aime, — le monde ! Celui qui seul est, de lui-meme,
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propre pour le ciel, Dieu ]'a abandonne a la condamna-
tion! Et ceux qui auraient du etre a jamais exiles loin
de son trone, Dieu les a recus en gloire! Ineffable et
miraculeuse justice de Dieu ! Com me, du sein de l'E-
vangile de Christ, tu luis et tu rayonnes aux regards
d'un pauvre pecheur, non pour exercer contre lui la
vengeance, mais pour le sauver, pour Jc rcndrc juste a
jamais !... Et nous osons encore suspecter Dieu! Dieu
qui, parce que nous avions abandonne sa ressemblance,
nous a donne, pour nous faire grace, celui qui est sa
parfaite image ! Et nous pensons a donncr a notre tour,
a apporter, a presenter quelque chose a Dieu ! Nous sen-
tons que nous sommes pecheurs; nous faisons chaque
jour davantage l'experience combien nous sommes plon-
ges dans le mal; chaque jour nous voyons ou nous en-
tendons sourdre des bas-1'onds de notre coeur quelque
nouvelle impurete; et il nous semble qu'a cause de tout
cela, il nous faille de toute necessile offrir quelque
chose, mi sacrifice quelconque , au Dieu fort; et pour
le reconcilier, pour le contenter , nous cherchons, dans
notre etable, des veaux ou des boucs dont le sang, espe-
rons-nous, l'apaisera envers nous. Nous sommes tclle-
mcnt
pecheurs, que nous pensons que l'Eternel Dieu est
commenous, — qu'il est haineux, impitoyable, ou ne
donnant sa pitie et ne montrant de la bienveillance
qu'a qui le flatte , le gagne... Nous pensons que Dieu ne
pourra, en ce monde, nous etre propice, que lorsque
nous ne sommes plus comme le grand nombre, comme
tout le monde. Ah! vous qui m'ecoutez, souffrez,
au contraire, d'etre du grand nombre , de ceux qui sont
appeles ici « le monde ! » Goutez et voyez avec quel
splendide etglorieux amour Dieu se presente ici devant
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- 95 —
l'homme, devant l'homme qui le fuit, devant Adam
qui se cache derriere les arbres du jardin ! Oui, cela
n'est que trop certain : le ■;< monde !... » est un amas de
choses corrompues; et dans cet amas, c'est moi qui suis
atteint de cette corruption le plus profondement, mais
ce « monde,» — « Dieu l'a aime!... » Dieu l'a tellement
aime, —qu'il a donne son Fils unique ! Arriere done
toute pensee ou toute tentative defaire, de notre cote,
un don a Dieu! Et vienne la foi, 6 monde ! que comme
% monde, » tu as ete aime de Dieu, et vienne avec la
foi, et par elle, la reconnaissance envers Dieu de sa dis-
pensation de grace!...
IV.
A quelle fin, dans quel but Dieu a-t-il donne son Fils
unique? Afin qu'un Nicodeme, grace a sa devotion et
a sa vertu , parvlnt au ciel? Ou afin qu'en ce don de
Dieu nous eussions un modele accompli, un modele de
piete parfaite, pour, des que nous nous serions, autant
que possible, approches de ce modele, etre admis
dans le sein de Dieu? Ou bien encore, Dieu nous a-t-il
donne son Fils unique, alin de nous apprendre a trouver
un specifique, un antidote contre le venin de pecbe qui
coule dans nos membres? De nous apprendre a nous
transtigurer, a nous diviniser par des exercices de
componction, par des mortifications charnelles imposees
a la chair, par des cures systematiquement et religieu-
sement suivies pour etre gueris de la morsure du ser-
pent? Dieu nous a-t-il donne son Fils unique dans l'in-
tention de nous pourvoir d'un Manuel a etudier, a etu-
dier surtout en vue de notre mort, afin qu'a l'heure de
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- 96 —
la mort, nous puissions dire : « Seigneur Dieu, Dieu
saint, je me suis servi de ton assistance etj'ai vecu en
liomme pieux et juste; — me voila saint comme Notre
Seigneur Jesus-Christ est saint! C'est lui qui m'avait
enseigne a faire toutes sortes d'exercices et d'oeuvres pies,
quelques aumones et beaucoup de pelerinages, par
exemple. J'ai prie, j'ai cherche a etre victorieux du
monde; je dois dire aussi que j'ai tres-bien rempli un
grand nombre de mes devoirs envers les hommes en
general, et envers mon prochain en particulier. J'ai ete
un excellent chretien, et tu n'as, 6 bon Dieu! qu'a
m'ouvrir a cette heure la porte des cieux!... »
Mais qu'a dit, aux jours de sa chair, au moment oil
il se trouvait face a face avec Nicodeme, qu'a dit le
Temoin veritable et fidele qui main tenant est assis sur
le siege de sa gloire, et qui bicnlol viendra juger les
vivants et les morts?
Qu'a-t-il dit? Car, ce qu'il a dit, il ne l'a jamais re-
tracte; cela est vrai jusqu'a ce jour, et cela sera vraijus-
qu'au dernier jour.
11 a dit :
« Dieu a tant aime le monde, qu'il a donne son Fils
unique, a fin que tjuiconrjuc croil en lui nc perissc point,
mais qu'il ail la vie elernclle. »
D'apres le texte grec, il y a proprement ceci:
«.... Afin que tout chacun , en Lui croyant, ne soit,
certes! pas perdu, mais qu'il ait (au contraire, une)
vie eternelle. »
Or, le eioirc dont parle ici le Seigneur, est-ce une con-
dition
du salut? C'est selon. Si c'est une condition, toute
autre est exclue. II nest pas dit : « Afin que quiconque
est sans peche, quiconque s'est acquis de la saintete,
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quiconque « a bon coeur » ou un caractere sincere , qui-
conque dit qu'il hait le mal, et s'applique a la piete,
quiconque a fait quelque chose pour le royaume de
Dieu , et n'a pas hesite a mortifler un peu , de temps a
autre, sa chair de peche,... il sera peut-etre, par la grdcc
de Dieu, et quand il aura tente tout ce qu'il pouvait
tenter pour accompli r la volontt de Dieu, admis au ciel;»
mais il est dit: « Quiconque croit — tout en Lid croyanl.y>
Le Seigneur pose ici et veut done le croire en Lux; le
croire, ni plus ni moins; de telle sorte que nous nous
attachions a Lui, a lui qui nous est donne de Dieu par
pur amour.
Toutefois , ce croire n'est pas pose ici comme condition,
mais comme moyen, comme chose precieuse a Dieu,
choisie de Dieu, et placee devant nous. Or, il y en a qui
diront, ou qui ont deja souvenl dit : «Oui, sans doute,
croire — e'est bien la ce qu'il faut; e'est la seule chose
necessaire, mais... je ne puis pas croire, moi! » Chere
ame, qui parlezainsi, quelle idee avez-vous done de la
foi? Pensez-vous done que ce soit voire ceuvre, que vous
croyiez (Jean vi, 29)? Ah! vous seriez, dans ce cas,
fort mal instruite, fort mal edifiee. Sentez que vous etes
corrompue et perdue, et vous serez telle que Dieu veut
vous avoir. Rangez-vous du cote du «monde;» melez-
vous a cette foule que le Seigneur appelle, dans notre
texte, « le monde, » et vous serez, vous aussi, aimee de
Dieu. — Dieu l'a tant aime, le monde!
Vous voila couche a terre, dans un lieu aride et sau-
vage. Un venin affreux coule au travers de vos organes;
vous etes sans Dieu, et la mort vous possede de tout son
pouvoir. Ah! si, posse'dee ainsi de la mort, vous voyiez un
rayon d'esperance, de salut, luire a vos yeux , quelle
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serait votre joie! Mais ce rayon d'esperauce, de salul,
nul homme n'a le pouvoir de le faire luire devant vous.
Mais que dit notre Seigneur Jesus-Christ? Qu'est-ce
que le Dieu Sauveur deinande de vous ? Qu'avez-vous d
faire? J)ieu veut, n'est-ce pas? que vous croyiez en son
Fils ?
II ne demande pas que vous vous mettiez a sucer
vous-meme le venin qui circule dans vos membres, ni
que vous arretiez vous-meme la mort qui s'avance. Ou
il ne vous reste pas un pouce de sol sous vos pieds, —
oil rien , pour vous, n'est ni assurance, ni stabilite, le
Pere et le Fils vous donnent la liberte , — la liberte de
vous appuyer de tous vos moyens et de toutes vos pen-
sees sur l'Agneau qui a ete immole. Atin que, corrom-
pue, vous ne fussiez pas, 6 ame, entierement engloutie
par la corruption; atin que, perdue, vous ne fussiez
pas perdue a jamais , Dieu, ce Dieu devant lequel vous
tremblez(a la pensee d'etre rejetee par Lui dans vos
peches), ce Dieu a donne, pour vous aussi, son Fils
unique !
II l'a donne, afin que nous eussions la vie eternelle,
— que nous l'eussions, cette vie, des maintenant I II
s'agit ici &'avoir, du temps present, non du futur. Qui
est couche au sein de la mort ne trouvera pas de soula-
gement ou de consolation dans des choses a venir. C'est
la consolation presente, c'est le soulagement actuel qu'il
lui faut. Qui maintenant est mort de la mort, salaire du
peche, a besoin maintenant du don de Dieu, qui est
la vie eternelle. Cette vie existe; et pour qu'elle put
exister, D|eu a donne son Fils unique I Ce n'est pas a
nous de la produire ou de la meriter, cette vie. Que peut
creer le pauvre etre qui porte en lui et sur lui les mor-
sures mortelles? Quepourrions-nous faire, sinon ce que
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nous avons, lielas ! deja fait : nous priver de Dieu ,
nous priver de la vie eternelle?... Dieu seul pouvait nous
rendre la vie; et avoir cette vie, l'avoir eternelle, ah!
c'est a tressaillir de bonheur et de joie ! Arriere done, je
le repete, arriere toutes ces pensees rusees, malignes et
desesperees que nous nous faisons de Dieu , comme s'il
fallait gagner d'abord la vie eternelle, comme si elle
etait le fruit de notre piete et de nos oeuvres ! Appuyons-
nous plutot avec tous nos peches sur l'Agneau de Dieu.
Regardons, et dussent nos yeux se briser deja sous la
pression de la mort, regardons au Fils unique de Dieu!
Nul miserable, si miserable soit-il, n'est exclu ici. Le
Seigneur a dit: « Quiconque croit — tout croyanl a la vie
dlernellc.
» 0 puisse cet amour deDieu (l'amour en le-
quel le Seigneur a dit et fait ces choses), — puisse-t-il
nous conquerir le cceur a tous, et le posseder! Cet
amour-la seul est la mort du peche; seul il vivifie les
morts; il remplit l'ame d'une allegresse eternelle, et
transporte l'homme, quand il aura ete eprouve (Jaq.
i, 12), dans un repos plein d'une magnifique, d'une
raajestueuse assurance. Amen.
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VI «.
Car Dieu n'a point envoje son Fill au
monde poor condamner le monde, raais
afin que le monde soitsauve par lni.
(Jean in, 17.)
Mes bien-aimes, jene perdrai ni patience, ni courage,
s'il plait a Dieu, pour vous annoncer et pour vous redire
1'amour de Dieu, — l'amour dont Dieu a aime le monde.
Grace a cet amour, plus d'une ame encore sera retiree,
saine et sauve, de l'embrasement universel qui nous
menace; plus d'un faible mortel sera encore porte a re-
garder en haut, a lever la lete, plein d'un bienfaisant es-
poir en Celui a qui toutes choses servent, quand il
apprendra comment, tantot ici, tantot ailleurs, la deso-
lation se propage et comment arrivent, du jour au len-
demain, de ces choses qui font fremir, — en voyant
renverses, les uns apres les autres, renverses par le souf-
fle, par la tempete des revolutions ou des revoltes, les
plus anciens et les plus respectables fondements. Les
temps nous avertissent et nous pressent!... Malheur a
1 Prononc<5 le 22 octobre I8i8.
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nous, si nous osions nous endormir au chevet des choses
vaines et visibles !...
On dirait que la main vengeresse du Dieu fort a seme,
ou laisse semer une trainee de poudre au travers du
raonde, pour effrayer les nations : le coup eclatera, bien-
tot peut-etre, et il sera, tout nous conduit a le penser,
terrible de toutes parts. Reveillez-vous done, vous tous
qui dormez, et ne vous mettez pas a vous persuader que
vous avez un bail, un contrat infaillible et absolument
obligatoire avec Dieu et avec sa Parole, de sorte que vous
n'ayez, vous, rien a redouter. II est ecrit que « les hom-
mes seront comme rendant l'ame de peur, a cause de
I'attente des choses qui surviendrontdanstoutelaterre.w
II n'y aura alors d'heureux, de vraiment heureux que
celui qui aura trouve, reellement trouve son refuge en
Dieu, notreRedempteur. Entendez-vous le tonnerre qui
gronde?C'est le tonnerre des jugements du Seigneur,
son bruit nenous annoncerien de rejouissant. Dansl'en-
durcissement et dans l'insensibilite d'incredule qui,
malgre tout ce qui arrive, se manifestent et persistent
chez la plupart des hommes, jevoisun autre, unnouveau
signe du temps : j'y vois le prelude d'une conflagration
qui s'etend a toutes choses.
Et maintenant, ou est, en vue de tous ces perils im-
minents, le lieu de retraite du sein duquel les ames puis-
sent dire, consolees et joyeuses : « Nous ne craindrons
point!... nous ne craindrons point, quand onremuerait
la terre, et que les montagnes se renverseraient dans la
mer; quand ses eaux viendraient a bruire et a se trou-
bler, et que les montagnes seraient ebranlees par 1'eleva-
tion de ses vagues? » -— Le lieu de retraite, dites-vous?
C'est « la ville de Dieu avec les ruisseaux qui la re-
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jouissent! Dieu est au milieu d'elle; elle ne sera point
ebranlee : Dieu lui donnera du secours des le point du
jour » (Ps. xlvi). Le lieu de retraite? c'est le cceur meme
de Dieu, d'un Dieu de toute grace; le cceur de notre
Pere qui est aux cieux. Abordez ce saint lieu, ce beau
lieu, 6 vous tous qui sentez que vous n'avez pas d'abri
contre les ardeurs du jour de la colere, de ce jour ' qui
mettra a neant tout orgueil et toute vanite!
Est-il possible que nous doutions qu'il y ait au ciel un
cceur qui palpite pour tout ce qui est perdu sur la terre,
pour tous ceux que le pecbe a frappes, pour toutes les
brebis egarees, pour les hommes et les femmes de mau-
vaise vie? Est-il possible que nous doutions que Dieu
veuille et qu'il puisse etre propice a un pauvre pecbeur
incapable par lui-meme d'aucune bonne pensee, sans
nulle vraie vertu ni justice, n'ayant aucune vie au dedans
de lui? Ab! pour certain, si, au ciel, il n'y a pas une
grace libre et souveraine; s'il ne s'y trouve pas une cha-
rite elernelle, une misericorde infinie, inepuisable; si,
au ciel, ne prevautpasunejusticemeilleure que la notre,
notre cause est perdue, nous somraes perdus! et il n'y a
pour nous aucun repos en presence de la mort; nous
n'avons a esperer aucun remede de vie contre la morsure
du serpent! Mais Christ nous a ouvert une fontaine de
delivrance! II nous dit qu'il n'est pas venu de lui-meme,
mais que c'est le Pere qui l'a envoye. II nous dit que le
Pere a tant aime le monde, qu'il a donne son Fils unique.
C'est a Dieu que nous avons affaire, que nous avons a
rendre compte, et... nous tremblons devant Dieu ! Mais,
aurons-nous done, toujours etjusqu'a la fin, des pensees
1 Dies irae, dies ilia I.... Quairtus tremor est futurus, etc.! Thom. a
Celano.
mccl.
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malignes etperfidesau sujet de Dieu? D'oii procede no-
tre salut, notre justice? D'ou procede notre esperance
de la vie eternelle ? De ce que nous mdritons cette vie ? De
ce que nous sommes digncs de beatitude devant la justice
de Dieu? Nous pensons bien ainsi, et ainsi Satan nous
enseigne, mais... oserons-nous finalement aller vers
Dieu, nous jeter sur le sein de Dieu, sans etre dignes de
lui en effet, sans avoir obei a Dieu? Nous le voudrions
sans doute, mais... I'enfant qui, par quelque faute
enorme, a offense et afflige son pere, il n'osera, si per-
suade qu'il puisse etre del'amour de son pere, il n'osera
s'approcber de ce bon pere; il restera timide, craintif,
tristement soupconneux jusqu'a ce que cet amour de
pere vienne le chercher, le saisir de nouveau, 1'attirer, le
corabler. Le Seigneur sait de quoi nous sommes faits; il
sait que c'est une de nos miseres d'etreainsi soupconneux,
craintifs et timides : c'est pour cela qu'il s'est mis a nous
enseigner lui-meme; c'est pour cela que Dieu a donne
son Fils unique en gage assure et incontestable de son
amour. Et cela ne lui a pas encore suffl : a la proclama-
tion de cet amour, il a ajoute un mot qui doit porter le
pauvre enfant prodigue et perdu a se lever sans hesiter
davantage, et a aller se jeter de toutes ses forces (si quel-
ques forces lui restent) sur le cceur de notre Dieu. C'est
ce motsolennel et encourageant que nous allonsmediter
a cette heure.
« Car Dieu n'a point envoye" son Fils au monde pour
condamner le monde, mais afin que le monde soit sauve*
PAR LUI. »
I.
Pesons d'abord ce qu'il y a de negatif dans cette parole
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— 105 —
du Seigneur. Le Seigneur dit que « Dieu n'a point en-
voijd son FUs
au monde pour condamner le monde; » et
en disant cela, le Seigneur entend nous oter, et oter a
tous, tous les doutes possibles qu'on peut avoir sur l'a-
mourque Dieu a pour le monde. Etait-il necessaire que
le Seigneur, apres nous avoir dit que « Dieu a tant aime
le monde, » ajoutat ce que nous venons d'ouir, a savoir
que « Dieu n'a point envoy6 son FUs au monde pour con-
damner
le monde? » Aimer et condamner, qui pourrait
unir ces deux choses dans sa pensee! Le simple bon sens
n'est-il pas la pour nous dire qu'un pere n'ira pas offrir
a son enfant une pierre pour du pain, ni un serpent au
lieu de poisson ? Et ne savons-nous pas tous que l'homme
naturel tient enormement a cette maxime qui a cours
dans le monde entier : que Dieu est infinimentbon? « Le
bon Dieu, » n'est-ce pas le nom que le monde donne de
preference au Seigneur? Or, ce Dieu ayant donne son
Fils unique au monde, qui done sera assez ingrat encore
et assez mechant pour suspecter Dieu, pour pretendre
que Dieu n'a envoye son Fils qu'afln de condamner le
monde? Pauvre cceur humain, cceur pusillanime et fai-
ble! Ah ! que n'est-il pas vrai que nous ayons des pensees
mauvaises de Dieu!
Mais nous les avons, nous ne les avons que trop; et
ce qui gloriQe et couronne la longue patience de Dieu,
ce qui met son amour de Redempteur dans le jour le
plus beau, e'est que Dieu previent et qu'il a toujours
prevenu les pensees mauvaises que nous osons avoir a
son egard, avec les temoignages les plus touchants et les
plus aimables, cherchant a nous convaincre, a nous con-
tenter
enQn, et a faire taire nos murmures devant sa
misericordieuse verite.
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Apres- tout, ai-je a vous prouver, mes freres, que
toujours il y a des pensees folles et impies dans notre
coeur, et que nous nous obstinons a dire : Oui, Dieu n
envoyS son Filt au mondc, mais c'est'afin dc nous con-
damner ?
Le prouver!... Dites, sommes-nous tous en
paix et dans la joie quand nous pensons au jugement
dernier? Nous disons avec l'Eglise universelle que notre
Seigneur Jesus-Christ «reviendra pour juger les vivants
et les morts. » Chacun de nous peutil, sans mentir
au Saint-Esprit, s'ecrier hardiment: «... J'attends du
ciel, a tete levee, pour Juge, Celui-la meme qui s'est
auparavant presente pour moi au jugement de Dieu, et
qui a enleve de dessus moi toute malediction '?»... Pau-
vre et faible coeur humain, que lu es done toujours
prompt a penser du mal de Dieu !
Le roi-prophete a dit (Ps. xxrvj : «Portes, elevez vos
linteaux; et vous, portes eternelles, haussez-vous; et le
Roi de gloire entrera. » Notre pauvre et faible coeur,
lui, aimerait mieux retrecir et fermer ces portes pour
empecher le Roi de gloire d'entrer; et pour l'empecher,
de peur qu'il ne vienne pour condamner. Oh! si nous
pouvions sentir et croire, gouter et voir combien bon
et fidele est le Seigneur! Helas! le jour ou l'Eternel
Dieu entra avec son Oint dans Eden, Adam pensa aussi
qu'il venait pour condamner! et il eut hate de se cacher
derriere les arbres du jardin. Son histoire est la noire.
Adam, e'est l'homme — e'est moi, e'est vous, e'est
chacun. Lorsque soixante et dix des anciens d'tsrael
1 Reponse 52" du Catechisme de Heidelberg. Cet excellent cat^ehisnie a
et£ publie en francais (par la Societe des Livres religieun de Toulouse),
sous le litre de : Instructions familieres sur la religion chritienne refor-
mh.
1834.
-ocr page 111-
— 107 —
furent montes, par ordre de l'Eternel, avec Moise et
Aaron, Nadab et Abihu, sur la sainte montagne, et qu'ils
y virent le Dieu d'Israel, le peuple pensa que Dieu met-
trait la main sur eux et les ferait perir; mais ils ne mou-
rurent point; ils mangerent et ils burent; et cela etonna
fort le peuple (Exode xxrv). Lorsque Samuel s'approcha
de Bethltem, pour faire a eette cite le plus insigne
honneur qui put lui etre fait, e'est-a-dire pour proclamer
et oindre dans ses murs Thomme qui devait etre roi
en Israel, les anciens de la ville allerent au-devant de
lui, et lui dirent : «Ne viens-tu que pour notre bien
(1 Sam. xw. 4)?» lis etaient, belas! tout effrayes, et ils
pensaient que Samuel ne venait que pour leur annoneer
malediction et ruine a cause de leurs pecbes. Nous eton-
nerons-nous de voir que meme Nicodeme pensait dans
son coeur, lorsqu'il se trouva en presence de Jesus :
Celui-ci est envoxji de Dieu pour me condamner?
C'est done une parole saintement precieuse que cette
parole du Seigneur : « Dieu n'a pas envoye" son Fils an
mondc pour condamner le monde!
» Parole de grand prix,
en effet, parole d'or que nous ne devons pas nous borner
a entendre, mais qu'il nous faut recueillir au fond de
notre arae ! Parole sortie d'entre les levres de notre saint
Chrysostome eternel, du Temoin veritable et fidele, Sei-
gneur et Sauveur, pour donner courage a quiconque
s'est senti defaillir devant la Loi royale, la Loi parfaite,
a quiconque a l'esprit froisse, le C03ur brise.
Cette parole d'or, saintement precieuse, quelles con-
solations elle aura apportees dans la suite a Nicodeme!
Le Fils de l'homme etait si debonnaire et si bon; il allait
de lieu en lieu faisant le bien, dormant partout les plus
touchantes marques de sa misericorde et guerissant toutes
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sortes de maladies. Aussi, frappe d'admiration, 18 peuple
disait (Marc vii, 37): « II a tout bien fait; il fait ouir les
sourds et parler les muets! » Y eut-il jamais une detresse
du sein de laquelle il ne fit sortir une delivrance? Y eut-il
jamais une ame arrivee a repentance, a laquelle il n'a-
dressat ce mot d'ordre de grace : « Mon fils, ma fdle,
va en paix, tes peches te sont pardonnes? » Eh bien!
comment Nicodeme, lui qui avait ete temoin de l'amour
du Seigneur Jesus, oui, temoin, puisqu'il citait les mira-
cles du Seigneur, comment a-t-il pu, en face de tant
d'amour, avoir des pensees si mechantes au sujet de
Jesus, et croire que Jesus etait venu pour le condamner?
Descendons ici, mes bien-aimes, au fond de nos con-
sciences, et nous eprouvons nous-memes. Nous avons,
nous aussi, des pensees mechantes au sujet du Seigneur,
et c'est la un de nos plus affreux peches. Nous nous
sommes souilles, nous avons commis des impuretes, nous
avons mis en gage notre vetement (Amos n), pour subve-
nir a nos convoitises; nous sommes nus et miserables;
ni la tete, ni nos mains, ni nos pieds ne sont laves; or,
voici le Seigneur. II veut nous laver, nous vetir, mais
nous reculons, nous fuyons devant lui; nous craignons
qu'il ne nous condamne, qu'il ne nous chatie, parce que
nous sommes si impurs devant lui, si miserables! Notre
sante est delabree, parce que nous n'avons pas garde les
ordonnances salutaires de Dieu; or, voici Dieu, l'Eternel
qui guerit (Exod. xv, 26). II s'approche de nous, il nous
npporte la guerison, mais nous reculons, nous fuyons
devant lui : il nous semble qu'il ne pourra que nous
traiter impitovablement. D'ou viennent ces laches ap-
prehensions? Elles viennent du fond de notre co?ur. II y
a dans ce pauvre cceur une repugnance extreme pour le
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salul de Dieu. iNotre orgueil nous pousse a ne pas avouer
la folie moyennant laquelle nous nous ruinons nous-
memes; et quand flnalement nous ne pouvons plus nous
dissimuler cette folie, notre obstination de propre justice
est telle que nous avons hate de nous dire qu'il y aura
incessamment un changement en mieux chez nous ; que
nous ferons alors bien, trh-bien, et que nous pourrons
offrir a Dieu quelque eclatante vertu, quelque fait excel-
lent en hommage qui lui sera certainement agreable; nous
nous persuadons que Dieu veut, qu'il reclame cet hom-
mage ; et quand le Seigneur se presente devant nous, il se
trouve que nous n'avons rien, rien a lui offrir; nous nous
desolons alors, nous nous laissons aller a la tristesse de
ce monde (2 Cor. vn, 10). La pauvre ame se dit: II va
me condamner, car je n'ai, ni dans mes anciennes re-
serves, ni dans mon travail de ces jours-ci, nulle chose
que je puisse lui donnerl... II est hon que chacun de
nous se reconnaisse dans ce que je viens de dire, chers
auditeurs, et que nul de nous n'aille s'ecrier : « Je ne
suis pas de ces gens-la, moi! Quand le Seigneur se pre-
sente devant moi, je ne cherche, certes, pas a lui faire
voir des oeuvres de justice quej'auraisfaites. Je ne donne
pas, moi, dans le travers de tant d'autres; je ne me
targue pas de mes vertus, de mes bonnes actions, de mes
sacrifices! » — Bien-aimes ! chaque fois que le Seigneur
nous visite dans son ineffable amour, la parole, la saluta-
tion qu'il nous adresse est celle qui fut dite a la Vierge
Marie, a l'humble vierge que la theogonie papale cherche
(aujourd'hui meme ') a diviniser, moyennant le dogme
nouveau de l'lmmaculee Conception : « Ne crains point,
' 8 d^cembre 4884.                                                     [Le trad.)
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- HO -
car tu as trouve grdce devant Dieu! » Mais nos coeurs per-
sistent a craindre et sontsouvent attristes jusqu'a la mort;
ils ne cessent jamais tie penser du mal de Dieu; ils ne sont
jamais pleinement fondes en la grace; chaque coeur
chretien a besoin d'ouir toujours de nouveau la bonne
nouvelle : Tu as trouve" grace devant Dieu ! .>
Aussi longtemps que nous vivons ici-bas, nous ne
renoncons pas cornpletement a vouloir nous appuyer sur
noire piete, et sur la pensee que par elle nous sommes
justes en la presence du Seigneur. C'est ce qui explique
pourquoi plus d'un pecheur aime mieux « se tenir de-
hors » que supporter la venue, la visite d'un messager
fidele du Dieu de verite. « Je me donnerai de garde, dit-il,
de m'avancer vers celui-ci; il me condamnerait, il me
punirait; il m'oterait ce que je possede, et alors combien
je serais denue et miserable et sans valeur! »
Oh! croyez done bien, au fond de votre coeur, que
« Dieu n'a pas envoye son Fils au monde pour condamner
le mondc!
» Croyez done tous que la parole de la libre,
souveraine et toute-puissante grace de Dieu, la parole
« de la justice qui est par la lbi, » par la for uniquement,
— croyez done qu'elle n'a pas retenti dans le monde
pour perdre le monde! Le monde, cela n'est que trop
vrai, que trop visible, le monde n'a jamais fait un bon
accueil a eette parole. Le monde la fletrit, cherche du
moins a la fletrir, et conseut assez volontiers que ceux
qui la prechenl soient mis au pilori. Et que dis-je, Id
monde! Meme les plus vertueux, les plus justes, les plus
saints, — beaucoup de eeux qui tiennent a honneur de
n'etre pas du monde, de ne pas se voir comptes avee tout
le monde,
ils s'opposent contre cette parole, et je crois
qu'il leur arrive de s'opposer contre elle plus vivement
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- Hi —
encore que les autres. Mais, quoi que dise le monde, cette
parole de grace (puisqu'elle est une parole de grdce!)
nest pas la pour « condamner le monde, » pour « con-
damner » 1'homrae, mais pour le sauver, pour le rendre
vraimentheureux, pour le rendre participant de la vraie
vertu, de la vraie justice, de la vraie saintete, — de la
sanctification (en un mot), sans laquelle personne ne
verra le Seigneur!
Jugez vous-memes. Quand le Seigneur dit a Nicodeme :
« Si quelqu'un n'est ne de nouveau, il ne peut point
voir le royaume de Dieu; mais... vous ne recevez point
notre temoignage, » le dit-il pour condamner Nicodeme?
Non, n'est-ce pas? II le dit pour le sauver. Lorsque par
1'effet de la predication de la justice de Christ et en
Christ, nous sommes, pour ainsi dire, jetes a terre;
lorsque cette predication nous pousse a nous mettre
dans les rangs et au niveau du « monde » afin d'avoir part
a l'amour du Dieu Fort, a cet amour dont II a « aime le
monde; » lorsque sans cesse de nouveau notre con-
science nous dit : Vous n'etes pas bien avec le Seigneur,
est-ce pour nous condamner? Non, e'estpour notre bien
supreme, pour notre salut! C'estpour nous amenera ne
plus vouloir nous soutenir de notre force propre, mais a
nous jeter, a aller nous reposer dans les bras de la mise-
ricorde eternelle, sur le cceur plein de tendresse du
Dieu eternellement heureux! Sommes-nous condamnes,
perdus, lorsque la verite nous abaisse, et que, devant
nous, elle eleve et exalte le Seigneur! Non. La verite
n'en agit ainsi envers nous que pour nous porter et
nous fonder nous-memes sur Celui qui est souveraine-
ment eleve, et afin de nous donner, pour refuge, le
rocher meme du salut! Non, non, « Dieu n'a point
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envotjd son Fils au monde pour condamner le monde! »
Ici, je pourrais aller jusqu'a dire — et j'espere, mes
chers amis, que vous ne vous meprendrez pas sur ma
pensee, ni sur l'expression que je lui donne, — aller
jusqu'a dire qu'au fond ce n'est pas la predication de la
justice de Christ et en Christ qui condamne toute oeuvre
et piete de la chair, toute justice et presomption de
1'homme; mais que c'est bien plutot du coeur naturel
qu'emane cet arret de condarnnation. Voici comment :
Ce coeur aimel'injustice et l'erreur ; il pretend subsister
devant Dieu avec l'injustice, avec l'erreur. Or, quand
1'homme entend et qu'il ecoute la Parole de Christ, la
predication de la justice par la foi en Christ, ilfaut qu'il
se juge et qu'il se condamne, car il sent alors que tous
les appuis dont il a ete si Qer jusqu'ici vont lui manquer
miserablement; que les coussins sur lesquels il s'accou-
dait (Ezech. xm, 18) sont trop faibles, sont vides, et que
les idees de paix dont il se bercait (Jerem. xxm, 32) ne
sont que « des songes de faussete... »
II est arrive, plus d'unefois, sans doute, que le soleil a
darde sur vous ses plus ardents rayons, ou que, une
nuit qu'il faisait tres-froid, la lune a donne sur vous :
disiez-vous alors qu'ils efaient, ces astres, faits pour
cela,— le soleil, fait pour vous inonder de sueur; la lune,
pour vous faire trembler de froid? Avez-vous jamais dit
que Dieu a fait les montagnes pour ecraser les habitants
des vallees? Qu'il a fait les flots de l'Ocean pour couvrir,
pour noyer la terre? Vous n'auriez ose! Vous savez —
vous le savez, mais peut-etre vousne le croyez pas — que
toutes les oeuvres de lEternel sont faites avecsagesse;
que la terre est remplie de la bonte de l'Elernel; que
l'Eternel est bon, meme envers les ingrats et les me-
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— H3 —
chants, etqu'il aime a'faire tourner en bien ce que les
horames pensent en mal. Pourquoi done ne voulez-
vous pas croire que « Dieu n'a point envoyi son Filspour
condamner le mondc ?
»
Sans doute, la manifestation de Dieu en chair et la
predication de son nom de Sauveur condamnent toutes
les ceuvresde no/re chair ettout lelabeur de la justice de
l'homme pecheur, mais il n'en est pas moins vrai que
e'est paramour, par amour eternel que Dieu a donne au
monde son Fils unique. II nous faut done nous depouil-
ler de toute haine et repugnance, de toute mefiance et
crainte a l'egard de la predication de Christ, Fils de
Dieu! II nous faut courageusement renoncer a toutes
ces choses sur lesquelles nous aimions tant, jusqu'a ce
jour peut-etre, appuyer notre salut, a cote, que sais-je !
au-dessous ou au-dessus de la libre, immuable et gra-
tuite misericorde de Dieu! Voici la conclusion a laquelle
chacun de nous doit s'arreter et se tenir : Dieu, verita-
ble et fidele, me dit par son Oint que rien de ce qui est
de moi n'a de valeur devant Lui; que Lui seul est bon;
que par sa bonte seule en Christ je puis etre sauve. II
me dit cela, non pour me condamner, mais parce qu'il
m'aime: je m'attache done et je m'unis a son amour
de grace, et je laisse derriere moi, pour toujours, les
choses qui ne sont que miennes!
II
Meditons a present la partie positive de cette parole du
Seigneur : « Dieu a envoye son Fils dans le monde,...
afin que le monde soit sauve par Lui. »
Je repete ee que j'ai dit precedemment : Si cette pa-
8
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- 114 —
role doit nous etre en consolation, il nous faut nous met-
tre au rang, au niveau du « monde. »
Certes, c'est chose infiniment precieuse aux pauvres
et aux miserables, a tous ceux qui sont dans l'epreuve et
dans latenfation, a tous ceux qui, a cause de leur cor-
ruption profonde, se sentent quelquefois sans Dieu et
sans esperance, sans apaisement et sans aucune assu-
rance de salut, — c'est chose infiniment precieuse a eux
tous d'apprendre ici et de decouvrir que le Seigneur les
appelle « monde. » Ah I le peuple elu, il possede, lui,
tout ce qu'il a pu desirer; il regorge de saintete et de
privileges; mais que possede le monde? Ce pauvre monde
perdu, quel bien a-t-il? II n'a point de Dieu, il n'a rien
sur quoi il puisse faire fond, rien a quoi il puisse en ap-
peler. II ignore et il a toujours ignore si, selon les pen-
sees de paix de l'Eternel, il y a quelque bonheur de pre-
pare et de reserve pour lui... II n'a que ses peches ; il est
eomme un charbon eteint, ou plutot comme un tison qui
acheve de bruler, de bruler a un feu terrible. Le monde
sera-t-il arrache a ce feu? De cette masse difforme; Dieu
voudra-t-il, pourra-t-il faire un etre qui soit son hon-
neur? Cette creation frappee de brulure et de nielle
(Amos iv, 9), le Createur pourra-t-il, voudra-t-il l'aimer
.encore , ou ne l'abandonnera-t-il pas plutot a toute Far-
deur de son courroux? L'Eternel n'a-t-il pas a jamais re-
jete le monde de devant sa face?... A qui est-il et a qui
sera-t-il, le pauvre pecheur qui use ses jours, courbe
sous le morne ciel d'airain de la colere divine? A qui
est-il et a qui sera-t-il, le malheureux qui n'ose pas
meme lever les yeux au ciel. ni penser a apporter la
moindre offrande; le malheureux qui ne se sent pas la
force d'entrer au temple du Seigneur, ni le droit d'ap-
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- H5 —
procher de ses autels? A qui est-il et a qui sera-t-il enfin,
lui que toute vertu, toule vie, toute esperanee de vie a
delaisse, et qui n'a garde que l'injustice, quele remords,
que la mort? II ne trouve de repos nulle part. Son
nom est « monde, » — il n'en a pas d'autre!... Oil en
sommes-nous, mes bien-aimes, au sujet dece queje dis
ici? Sommes-nous bien loin, beaucoup au-dessus de ce
malheureux-lh, de ce pauvre pecheur? Nous avons recu
un nom nouveau, c'est vrai; il y a en nous une nou-
velle vie; mais... soyons droits devant Dieu : si, pendant
que nous regardons aux merveilles de sa loi, de cette loi
toujours vivante et pleine d'autorite, un coup d'air de
notre ancienne corruption vient nous frapper, nous tom-
bons aussitot, nous voila de nouveau abattus, misera-
bles, parmi les premiers, dirai-je? ou les derniers pe-
cheursI
Que si nous ne sommes point tombes, si meme nous
avons fait quelque bien, depuis que le nom nouveau
nous a ete donne, depuis que nous marchons en nou-
veaute de vie, a qui le devons-nous ' ? Nous etions autre-
fois, nous aussi, insenses, desobeissants, egares, assu-
jettis a toutes sortes de passions et de voluptes, vivant
dans la malice et dans l'envie, dignes d'etre hais, et nous
baissant les uns les autres (Tite hi, 3). Pliit a Dieu que
nous fussions tous gueris, radicalement gueris de ces
passions! Plut a Dieu que tous ceux qui jouissent du
privilege (c'est un magnifique privilege!) d'avoir une
profonde connaissance de Jesus-Christ notre Seigneur
pussentdire constamment: «Nous etions autrefois, nous
aussi, insenses, desobeissanls, egares, assujettis a toutes
i
1 l Cor. iv, 7.
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— 116 —
sortes de passions et de voluptes! » .. . O qu'il est grand
parmi nous le nombre de ceux qui s'imaginent etre ele-
ves, fort eleves au-dessus des «faibles et miserables rudi-
ments)) de la doctrine, et qui ne connaissent pas encore le
premier mot du vrai renoncement! Gens de renom qui
s'intitulent grands pecheurs, pauvres pecheurs, mais qui
bondissent d'orgueil des qu'on leur adresse humblement
quelque remontrance evangelique; — justes et fideles,
a les entendre, justes et fideles dans toutes leurs voies,
mais manquant cbaque jour de cette charite dont il est
ecrit qu'elle couvrira une multitude de peches, c'est-
a-dire qu'elle couvrira du voile de la patience et du sup-
port, autant que possible, toutes les fautes et toutes les
faiblesses du prochain. D'ou viennent ces errements
deplorables? De ce que ces gens de renom ne veulent
pas se laisser comprendre parmi le «monde. » Que suis-
je, sinon « monde ?» Toute ma saintete, si saintete il
y a, n'est rien. Des que Dieu retire de dessus moi sa
main de grace, je ne suis que souillure, peche,— monde!
Oui, le monde n'est que souillure et peche; chose mi-
serable el difforme, et pourtant Dieu l'a aime; — et
qu'il l'ait aime, c'est a jamais un miracle de sa mise-
ricorde souveraine et libre, un miracle que tous les
anges admirent, et pour lequel tous ses elus et rachetes
bienheureux.l'adorent, le glorihent et le benissent au
siecle des siecles. Ce monde qui n'est que souillure et
que peche, chose miserable et difforme; ce monde qui
ne merite que la condamnation, mais que Dieu a «.telle-
mcnt aimd,
» c'est vous, c'est moi!... Que chacun de
nous s'humilie en ce moment meme devant Dieu, et dise
du fond d'un cceur touche de componction : « C'est
moi, moi — le monde! »
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— \n —
' Pensons-nous bien quel est ce Dieu « auqnel nous de-
vons rendre compte
(Hebr. iv, 13)? » Nous disons-nous
serieusement « qu'ti nous faut torn comparaitre » (2 Cor. v,
10) devant Lui? Qu'avons-nous a attendre des jours eter-
nels? Qu'y a-t-il de reserve pour nous dans les cieux?
Dieu est juge, juste juge : il faut qu'il punisse le peche;
que dis-je, le peche? II faut qu'il punisse le pecheur!...
Le pecheur! II faut que Dieu le repousse, le rejette;
qu'il l'exile dans ces tenebres ou vivent (de quelle vie
lamentable!) les anges, dechus a jamais, qui se sont re-
belles contre sa Parole! Cet acte de justice, l'eternelle
saintete de Dieu l'exige. Le demon a un certain droit de
posseder le monde (Mattb. iv, 8, 9); il a droit sur le pe-
cbeur : le pecheur n'a-t-il pas transgresse, viole la Loi?
II n'y a nulle vraie justice en la chair. En outre, le pe-
cheur ne peut supporter la sainte contemplation de Dieu;
il est mal a son aise et a l'etroit dans le ciel, au sein
de la beatitude; la, sa justice ne vaut point. La, au con-
traire, il apparait, aux yeux de tous, charge de tout le
fardeau de ses iniquites. Et pourtant, quelle est la voix
qui du haut du siege de la saintete et de la justice de
1'Eternel cherche a penetrer dans l'etre le plus intime
du pauvre condamne? Quelle est cette voix qui vient
descendre dans le coeur palpitant de crainte et d'an-
goisse? Cette voix, nous l'avons ouie dans la Parole;
nous la recueillons de la bouche meme du Fils de Dieu :
Dieu a envoye" son Fils dans le monde, afin que, par
Lui, le monde sou sauve".
II y a done un salut pour toi, monde! Pecheur perdu
et condamne, il y a pour toi un salut! Ah ! que les pen-
sees de 1'Eternel sont done reellement autres que nos
pensees, et combien ses voies sont differentes de nos
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voies! Ah! que les vues qui prevalent devant le tr6ne
de la grace au sujet de 1'homme pecheur sont elevees
par-dessus celles qu'il se fait lui memel Vraiment, l'a-
mour de Dieu depasse les conceptions les plus hardies,
les esperances les plus puissantes, et... nous n'osons pas
nous abandonuer a cet amour, nous eprouvons tant
de peine a y croire de tout notre coeur! On s'attend
a condaranation, et on est acquitte; on pense en trem-
blant qu'on va etre deporte a perpetuite, et voici la
grace, la grace ! On ne voit devant soi que la mort, et
voici la vie! — On n'ose lever les yeux, car on craint
que le regard de la colere ne darde ses traits les plus
accablants, et voici, ce regard est la delivrance meme I
Le coeur du pecheur, il n'y a qu'un instant, desole en-
core et reinpli d'apprehensions funestes, est inonde d'un
sentiment de paix celeste et d'allegresse grave et sacree:
cette allegresse et cette paix emanent du coeur de Dieu,
de l'amour de Dieu 1 II n'y a que quelques moments,
on se tenait encore pour excla et exile a jamais, et voici,
de par l'Eternel I I'ame est liee dans le faisceau de la vie
(1 Sam. xxiv, 29)! La journee de detresse et d'angoisse
est passee; la charge de peches a ete jetee au fond de la
mer, et la pauvre creature qui tout a l'heure encore
repandait d'abondantes larmes tressaille maintenant
de bonheur, et magnifie l'eternel et immuable amour
de Dieu, la grace gratuite, excellente de Dieu!... La
pauvre creature qui tout a l'heure n'avait devant elle
que tenebres et qu'ablmes de mort, plonge maintenant
dans le cceur paternel de Dieu, dans ce coeur qui lui est
ouvert et assure pour l'eternite!... Sauve pour toujours,
le pecheur voit (6 joie ineffable et glorieuse!) l'Agneau
qui a ete immole, qui a vaincu; il baigne, pour ainsi
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dire, et il se delecte dans les splendeurs de la gloire de
l'Eternel, dans la gloire de la lumiere de vie!
Mes bien-aimes, goutez et voyez done quelles grandes
choses, quelles choses merveilleuses Dieu a faites pOur
un monde perdu, e'est-a-dh'e pour nous ! Irons-nous en-
core penser du mal de Lui dans notre cceur? Ne 1'avons-
nous pas entendu, de la bouche du Temoin fidele et ve-^
ritable : Dieu a voulu que nous fussions sauves! C'a ete
la sa volonte serieuse et sainte, positive, eternelle, son
dessein et son conseil de grace! Dans son immuable el
infinie charite, il a pris la resolution de nous sauver; de
nous sauver, de quoi ? « Dela colere a venir, » nous di-
sent Jesus-Christ et ses apotres; de nous sauver du pou-
voir de la mort et du demon ; de nous sauver de l'ern-
pire du peche et des suites de tous nos egarements, de
toutes nos iniquites, — de nous sauver de toute con-
damnation! De nous sauver du feu et des eaux, de tous
les ennemis de nos ames, de tous les gouffres enfln qui
s'ouvraient pour nous engloutir ! Sauves! Et pourquoi ?
Afin que nous pussions gouter eternellement la bonte et
la philanthropic (Tite in, 4) du Seigneur; que nous eus-
sions eternellement, avec tous les saints anges, notre de-
meure aupres de Dieu eternellement bienheureux; que
nous fussions joyeux de sa beatitude, et admis a heriter
et a jouir de toutes ces choses que Dieu, en son amour
eternel, nous avait preparees; — que par ces choses nous
fussions satisfaits et heureux a jamais; que nous vissions
Dieu tel qu'il est, et que, durant une inepuisable eter-
nite, nous fussions rassasies des biens de sa maison!.....
Assurement, Dieu aurait pu envoyer son Fils dans lo
monde pour condamner le monde, pour nous condam-
ner. Nous mentions tous cette condamnation. Notre in-
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credulite et notre ingratitude, la malice et la durete de
notre coeur... elles auraient, certes! du engager Dieu a
nous abandonner a notre sort, mais Dieu est amour, et
son amour, qui est eternel comme lui-meme, a voulu
que nous fussions sauves. Voyez, le Seigneur Jesus insiste
ici sur cette expression « le monde; » il la repete trois
fois. « Dieu n'a point envoye son Fils au monde pour
condamner le monde, mais afin que le monde soit sauve
par lui; » et le Seigneur parle ainsi, sans doute, afin
que nul pecheur qui est venu a sentir sa misere ne
puisse croire jamais qu'il est exclu, lui, de cette miseri-
corde ; qu'il n'y a point de salut pour lui; que son peche
est trop grave, trop grand pour qu'il y ait, quant a lui,
la moindre esperance.
C'est a Dieu que nous avons affaire : seul, il peut con-
damner ; seul, il peut sauver, et l'unique question que
nous ayons a poser, et dont il nous faille la solution (il
nous la faut absolument), est celle-ci : Dieu a-t-il en
effet et reellement des pensees de paix a l'egard de ce qui
est perdu? Ou, ce qui est perdu, Dieu le condamnera-t-
il? C'est pour qu'il y ait une reponse a cette question
que Dieu a envoye son Fils dans le monde. Ce Fils nous
assure que Dieu a aime le monde; II nous dit comment
et a quel point II l'a aime. II nous apprend que ce fut le
desseindeDieu etson conseil eternel de sauver le monde;
— sa volonte, de rendre le monde heureux en son Fils
unique. Se trouvera-t-il que nous avons ete trompes, si
nous nous en tenons a cette parole du Seigneur? Qu'im-
porte que le peclie nous condamne 1 Le Pere nous sauve
en son Fils. Qu'importe que nous soyons attristes par di-
verses epreuves, et que, pour le nom du Seigneur et a
cause de son temoignage (de cetemoignage que le demon
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seraitsi tier d'annuler entre nosmainset dans noscoeurs),
nous soyons estimes comme des brebis de boucberie"?
Qu'importe enfin que la mort nous menace et nous atta-
que? Le Pere nous sauve en son Fils. Puisque Dieu a
envoye son Fils au monde pour sauver le inonde par Lui,
ce salut, assurement, est parfait. Tout est accompli!
Nouspouvons nous confler pleinement dans 1'amour du
Pere. Direz-vous : Nous sommes, de nous-memes, prives
de toute justice? Voici, Dieu a envoye son Fils dans le
monde pour accomplir toute justice! Direz-vous : Nous
sommes prives de toute saintete? Voici, Dieu a envoye
son Fils dans le monde, pour etre la purification et la
sanctification de ses elus en Lui-meme; pour mettre au
milieu d'eux l'esprit de sa saintete, — cet Esprit qui
manifesto, qui demontre son efficace et sa vie chez tous
ceux qui invoquent le nom de l'Eternel en verite! Que
nous manque-t-il done encore, puisque Dieu veut que,
perdus, nous soyons sauves? Dieu etant pour nous, qui
sera contre nous? 0! puisse cette verite s'inscrire en ca-
racteres indelebiles au fond de notre cceur : Dieu ne vcul
pas nous condamncr I
Que vienne et que demeure en nous,
vivante, cette parole : Le Pere, le Pere Lui-mSme, nous
aime!
Que, par l'Esprit du Pere, cette verite soit scel-
lee dans nos ames : C'est la volonU de dieu que le pe'eheur
ne perisse point.
— Lavolonle de Dieu est que nous soyons
sauvis par son Fils bien-aime !
C'est Christ, le Fils du Dieu vivant, par qui et en qui
est sauve le monde, — par qui et en qui est sauve tout
ce qui etait perdu. Que done quiconque se sent perdu
regarde, non pas a son peche, non pas a son injustice
propre, mais a Christ-Redempteur ! Ame, qui es travail-
lee et chargee, considere quel jour de grace et de mise-
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ricorde s'est leve surtoutes tes t^nebres ; attends patienv
ment, espere et aie bon courage; attends-toi, dis-je, h
l'Eternel : tu seras, tu es recue en grace ! Va, ce n'esf
pas d'une maniere incomplete, humaine, que Dieu a
sauve le monde par Christ; ce n'est pas en laissant, dans
l'oeuvre du salut, quelque chose d'inacheve, quelque
chose que nous eussions a achever maintenant; non,
Dieu a sauve, pleinement sauve le monde ! En son
Christ, Dieu a ote de dessus nous notre peche, notre
condamnation, notre ruine ! Mordus par le serpent, nous
sommes gueris, sauves; nous ne mourrons point, si nous
regardons a Christ, comme a Celui qui nous a ete donne
de Dieu comme le reparateur, comme le vainqueur de
la mort I Si nous regardons a Christ, nous vivons, car II
est la vie! Nous ne sommes pas rejetes de Dieu; nous
sommes admis dans son sein, pour l'amour de son Bien-
Aime!...
Apres que Manoah, le pere de Samson, eut vu l'ange
de l'Eternel (Jugesxm, 2t, 23), il dita safemme : «Cer-
(ainement nous mourrons, parce que nous avons vu
Dieu. » Mais sa femme lui repondit: «Si l'Eternel nous
eut voulu faire mourir, II n'aurait pas pris de notre main
l'holocauste ni le gateau, et II ne nousaurait pas fait voir
toutes ces choses, en un temps comme celui-ci, ni fait
entendre les choses que nous avons entendues! »
Que chacun de vous dise, lorsque son coeur mefiant
et tremblant lui vient repeter la vieille menace : « Tu
periras quand mime, — certainement, tu periras a la
tin!.... » que chacun dise : Si l'Eternel m'eut voulu faire
mourir, II n'eut pas accepte l'holocauste eternellement
efficace du Fils de sadilection ; II ne m'eut point fait voir
toutes ces choses-la, ni fait entendre tout ce que nous
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— 123 —
avonsentendu, a savoir que : Dieun'a point envote son
FlLS AU MONDE POUR CONDAMNER LE MONDE, MAIS AFIN QUE
le monde son sauve par Lui! Le « nionde, » c'est moi!
Et il faudra bien, faible pauvre cceur! il faudra bien
que tu laisses subsister cette parole : elle est vraie a ja-
mais. II est impossible que Dieu ait menti! Amen.
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VII '.
Celui qui emit en Lul ne wrti point
condamni*.....
(JEAN III, 18.)
II n'y a pas d'homme qui ne sache ou qui ne puisse
savoir qu'il y aura un jugement, et qu'au jour de ce
jugement sera manifeste ce que l'homme fut interieure-
ment et quels furent les mobiles de ses actions.
Depuis la chute du premier homme, il y a un juge-
ment triple. Le premier consiste en ceci, que nous
naissons tous enfants de colere; que, par droit de nais-
sance et en vertu du peche, nous,sommes sans Dieu au
monde, sans la vie divine. Le second jugement consiste
en ce que nous avons a porter, en cette vie, la peine
temporelle de nos transgressions. En effet, Adam n'a pas
du seulement ouir cet arret : « Tu mangeras le pain a la
sueur de ton visage, jusqu'a ce que tu retournes en la
terre, car tu en as ete pris; » et Eve n'a pas du seule-
ment etre atteinte de cette parole : « J'augmenterai beau-
coup ton travail et ta grossesse : tu enfanleras en douleur
1 Prononcd le 29 octobre 1848.
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- iW -
tes enfants. » — II leur a fallu vivre assez longtemps
pour voir le ills dont ils avaient ete si tiers, leur aine,
devenir le meurtrierdu juste Abel. Et la parole dite par
Nathan a David (2 Sam. xn, 10) : « L'epee ne partira
jamais de ta maison » — ne s'est-elle pas realisee (juge-
ment de Dieu !) a travers toute la vie du meurtrier d'Urie?
Le troisieme et dernier jugement consiste, pourl'incon-
verti, pour l'inique, pour l'hypocrite dans la finale et
complete rejection de devant la face de Dieu; dans ces
gemissements et dans ces lamentations qui retentissent
en enfer.
Oui, tout cela est certain, car le Seigneur Jesus nous
enseigne, nous assure qu'il viendra en sa gloire, accom-
pagne de tous ses saints anges, et qu'alors toutes les
nations seront assemblies devant Lui, et qu'il dira
(Matth. xxv, 41) « a ceux qui seront a sa gauche : Mau-
dits, retirez-vous de moi, et allez au feu eternel, qui est
prepare au diable et a ses anges. » — C'est done, vrai-
ment, une chose scellee dans la conscience de tous que
le jugement est a venir. Aussi, fowsont-ils, detout temps,
cherche en diverses manieres un sol ferme, un appui,
un continent sur lequel ils puissent se tenir et subsister.
Les pharisiens excellaient a trouver et a mettre en
avant de ces choses auxquelles se fie Thornine naturel et
qui font sasecurite; et parmi les chretiens on connait
aussi, helas! et on cultive cet art. Les pharisiens cher-
chaient leur surete dans les oeuvres : c'est, au fond, dans
les ceuvrcs
aussi que la cherchent ceux des chretiens qui
ont le bruit de vivre, mais qui sont morts. Ils parlent de
leur foi, de leur election, ces chretiens; ils parlent de
la grace qui leur est faite, mais (les pharisiens!) ce n'est
que de leurs oeuvres qu'ils attendent leur salut. Tous
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— \21 —
eeux qui sont inorts quant a la foi, ou qui n'ont la vie
de la foi « que pour un temps, » ont Fair d'etre fermes,
inebranlables meme sur leur pretendu fondement; I'air,
oui; mais si vous pouviez voir ce qu'il y a dans leur inte-
rieur! lis ont le pressentiment, — et c'est la leur pre-
miere punition, —- que leur justice, sur laquelle ils
comptent tant, ne tiendra, ne prevaudra point! Tous
ceux, au contraire, qui sont vivanls, ils sont « fermes et
inebranlables » en effet et en verite. Ils ont, si je puis
ainsi dire, leur racine dans le coeur meme de Dieu. Oui,
« fermes et inebranlables, » quoique l'epreuve ne leur
manque point, et quoique bien souvent ils se voient
ramenes devant celle saisissante question : Subsisterons-
nous finalement devant le Seigneur, juslejuge?... Allez!
il n'y a, a proprement parler, que l'homme qu'a vivifie
1'Esprit de Dieu qui eroie en toute fidelite et en con-
stante sincerile qu'il y aura un jugcmcnt. Chez tous les
autres, le mot d'ordre : « II nous faut tous comparaltre
devant le tribunal de Christ, » — n'est qu'un mot sterile
et sans porlee. Celui qui croit, qui croit de foi vivante
et vraie, qu'il y aura a la fln des temps unjugcment uni-
versel, —
il s'applique a etre consciencieux et fidele en
toutes ses pensees, en toutes ses paroles, en toutes ses
actions. Et chaque fois qu'il se trouve devant le souvenir
d'un peche de jadis, ou en presence d'une abomination
qui sort actucllemenl de son coeur; chaque fois qu'il est,
en face de sa misere, saisi, accable par le sentiment de
la saintete de Dieu , par la certitude que Dieu est digne
d'etre servi avec un humble amour et dans la justice; —
par la certitude, en meme temps, qu'il est, lui l'hoinme,
comme etrangle dans son corps de mort; — ah! il ne
peutsans doute que s'effrayer en pensant qu'il va mourir
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— 128 —
et qu'apres la mart suit le jugement. Oh ! il lui faut alors
une parfailc assurance pour pouvoir dire avec David
(Ps. xvn, 15) : « Eternel, je verrai ta face en justice, et je
serai rassasie de ta ressemblance quand je serai eveille ! »
Or, cette parfaite assurance, ceux que la grace a rendus
vivants, ils ne la trouvent, certes, pas dans leurs ceuvres
de justice et d'amour : —■ les plus belles de ces ceuvres,
ils les font sans en savoir rien ! Ils ne la trouvent non plus
en ce qu'ils observent les commandements de Dieu ; car
bien que, devant les homines, ils soient sans reproche
a cet egard, ils ne cessent de s'accuser de ne point faire
le bien qu'ils desirent faire. Enfin, ils ne trouvent point
leur parfaite assurance en ce qu'ils acceptent pour vrais
les promesses de Dieu et les temoignages de son Christ.
— Les demons croient aussi! Quel est done le fond de
leur assurance? Qu'est-ce qui la rend parfaite, tellement
vraie et ferme etpleine que, quoiqu'ils trernblent encore
quelquefois a lapensee du jugement a venir, ils savent
pourtant, de par le Saint-Esprit, que ce jugement ne les
atteindra point? Le fond et la force de cette assurance,
e'est une parole sortie de la bouche de notre Seigneur
Jesus-Christ; e'est, mes freres, le texte de la meditation
dans laquelle nous allons entrer.
Celui qui croit en Lui ne sera point condamne" I
Nous aurons a repondre a ces quatre demandes-ci :
i. Que veut dire : Croire au Fils de Dieu?
2.  Quelle est la grace qui se trouve ajoutee, attachee a
cette foi?
3.  Comment arrive-t-on a croire au Fils de Dieu, eta
etre assure ainsi, parfaitement assure qu'on ne sera point
condamne?
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- 129 —
4. Quelle application nous faut-il faire a nous-me-
ines de toutes ces cboses?
I.
Croire, — c'est, d'apres notre langue, tenir pourvrai,
pour indubitable ce qu'a dit un autre. On peut tenir un
autre pour veridique et pour meritant d'etre cru, en ce
sens qu'on reconnait et qu'on avoue que son intention
est droite et que sa pensee est juste; mais on peut en
meme temps ne pas suivre, ne pas s'appi'oprier ses pa-
roles; on peut, tout en croyanl a l'autre, se laisser aller a
l'orgueil propre, a l'envie, a l'obstination, a rnille con-
voitises. Exemple, ces Juifs qui, echappes aux douleurs
de l'exil babylonien, et ayant eu le bonheur -de pouvoir
rester tranquillement au pays, avaient longtemps consi-
dere Jeremie comme veridique et digne de confiance,
comme un propbete, ils lui avaient dit (Jerem. xlii, 5):
« L'Eternel soit pour temoin fidele et -veritable entre
nous, si nous ne faisons selon toutes les paroles pourles-
quelles l'Eternel ton Dieu t'aura envoye vers nous. »
Mais lorsque le propbete leur eut dit, au nom du Dieu
d'Israel : » Ne vous preparez pas pour aller en Egypte,
pour y sejourner; — vous, les restes de Juda, n'entrez
point en Egypte I... » eux pourtant, pousses par une
peur miserable1, entralnespar de detestables desirs, s'en
furent en Egypte, et: « Quant a la parole, » dirent-ils
ensuite a Jeremie qui leur reprochait leur defection
(xliv, 16, 17), — « quant a la parole que tu nous as dite
au nom de l'Eternel, nous ne t'ecouterons point, mais
1 Jeremie, xlii, 11, 14. Lisez les chap. 42, 43 et 44 du prophete.
(Le trad.)
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- 130 —
nous ferons assurement tout ce qui est sorti de notre hou-
che a nous, nous ferons des ehcensements et des asper-
sions a la reine des cieux I... » (Comme elle est ancienne
cette idolatrie, ce culte de « la reine des cieux!)» Les
malheureux! lis avaient cru « pour un temps I » lis
avaient cru sans croirc veritablement! Comme eux, on
peut, helas! tenir pour vraies toutes les choses que l'E-
lernel a revelees dans sa Parole, et n'avoir pas la bonne
etserieuse volonte de vivre selon ces choses.
Dans les deux languesbibliques, l'expression que nous
rendons generalement par croire signifie proprement :
se laisser soutenir, porter par quelqu'un ou par quelque
chose; se fier, s'appuyer sur quelqu'un; avoir sa eon-
fiance, son recoursen quelque chose.
Dans notre texle, croire signifie : s'appuyer sur le Fils
de Dieu, s'abandonner a Lui avec une entiere conliance,
et avoir recours a Lui. Le propre de la foi, et son point
de depart, c'est de recevoir et de relenir pour vraie la
Parole du Seigneur; c'est, ensuite, dese livrer de coeur et
d'ame au Seigneur; de s'abandonner, de se vouer a son
amour, pour devenir, par Lui, juste et saint, pour elre
sauve par Lui.
Mais pourquoi ne lisons-nous pas ici : Qui croil a
Dieu ? Qui croil au Seigneur ?
Pourquoi lisons-nous :
«Qui croit en Lui, — qui croit au Filsde Dieu? » Parce
que nous n'arrivons a Christ et en Christ que par sa Pa-
role, et nous n'arrivons a Dieu que par Christ. Je suis
le chemin, a dit Christ; nul ne vient au Pere que par
Moi. Nous ne sommes agrees de Dieu, nous n'arrivons a
Dieu et ne pouvons croire a Dieu, qu'autant que, de
lout notre etre, et du plus profond de notre etre, nous
nous fions et abandonnons au Fils, pour devenir justes et
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- 134 -
saints, pour etre sauves. Or, rroire au Fils de Dieu, c'est,
premierement, le tenir tellementpour « Fils, » qu'on est
convaincu qu'il est Icseul, l'unique, pourl'amour duquel
et en lequel nous pouvons etre adoptes comme enfants.
Premier ne de toute creature, II nous donne le droit
d'etre faits enfants de Dieu, si nous croyons en son nom.
II est le Bien-Aime du Pere; l'Enfant de sa dilection
eternelle; nous sommes, nous, de notre nature et sui-
vant notre origine, des enfants de colere. II est digne et
II a ete digne d'etre appele « Fils; » nous ne le fumes
jamais. —Nicodeme se croyait, lui, digne d'etre appele
« enfant de Dieu, » parce qu'il etait fils d'Abraham. II dut
apprendre a renoncer a cette pretention, et a se dire
qu'il n'y avait point de privilege pour lui a cause d'Abra-
ham ; — que le seul « Fils » en qui il pouvait, lui Nico-
deme, devenir « enfant de Dieu, » etait Jesus de Naza-
reth ; il dut apprendre a dire de lui-meme ce que Jean
le precurseur avait dit (Marc i, 7) : «... Je ne suis pas
digne de delier en me baissant la courroie de ses sou-
liers!... »
Croire an Fils dc Dieu, c'est, secondement, le tenir
pour ce qu'il est en toute verite, e'est-a-dire donne de
la part du Pere pour etre notre prophete, — le prophete
auquel il faut obeir, comme a celui qui seul sait quel est
le veritable chemin du salut, comme etant lui-meme le
chemin et la verite; comme nous appelant a nous con-
fier en Lui, corps et ame, cceur et esprit, pour notre
bonheur; nous appelant a etre pleinement persuades en
notre esprit qu'il n'y a sous le ciel aucun autre nom, que
le nom de Jesus, qui ait ete donne aux hommes, par le-
quel nous devious etre sauves! Pour etre notre prophete,
viens-je de dire, etj'ajoute : pour etre notre unique et
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souverain sacrificateur, — celui par lequel nousavonsac-
ces aupres du Pere; celui qui, pour nous, est entreavec
son propre sang dans le lieu le plus saint des cieux, qui
nous a obtenu une redemption eternelle, la remission
de tous nos peches, et, comme gage inalienable de notre
salut, l'esprit de sa saintete ! Pour etre notre sacrifica-
teur, viens-je de dire, et j'ajoute encore : pour etre no-
tre roi, — notre legislateur et notre maltre qui nous
gouverne, qui nous garde dans le salut qu'il nous a ac-
quis, qui nous defend contre tous nos adversaires, qui
nous vengera, nous ses elus (quoiqu'il differe sa ven-
geance) ; et qui, apres nous avoir mainlenus en une bonne
et humble perseverance, voudra nous recevoir enfin en
sa joie ineffable et glorieuse, et nous couronner de la
couronne de justice 1... Quiconque tient en verite Jesus-
Christ pour son prophete, son sacrificateur et son roi,
se fiera et s'abandonnera a Jesus-Christ, de tout son coeur
et pour toute sa vie, pour etre, par Lui, justifie, sancti-
fie, sauve : il sait que Jesus-Christ lui est donne pour
cela de la part de Dieu le Pere, et que le Pere prend
plaisir a un tel abandon du cceur, a une telle confiance.
Nicodeme, jusqu'alors, s'en etait tenu a Mo'ise, c'est-a-
dire a la loi, mais a la loi comme la chair l'entend et
l'explique; il avait cherche sa justice dans de monies et
monotones pratiques ceremonielles; sa sanctification
dans l'observance de quelques antiques et traditionnelles
prescriptions; et sa part aux prerogatives du royaume
celeste dans quelques efforts, pen serieux, du reste, pour
propager ses opinions, suivant les ordres recus a cet effet
du haut du siege papal de quelque Anne ou de quelque
Caiphe. Et maintenant il devait renoncer a tout cela. II
ne devait plus s'en tenir qua Jesus de Nazareth, consi-
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— 133 —
derer et suivre Jesus comme le senl et veritable com-
mentateur et observateur de la loi, comme l'unique
vainqueur du peche, comme le roi unique, tout-puissant
de la cite de David et du monde entier : Nicodeme!
« Celui qui croit au Fils ne sera point condamne!... »
Croire au Fils de Dicu, c'est, troisiemement, avoir foi
en Jesus comme ayant pris une vraie nature humaine
et comme etant aussi « Dieu sur toutes cboses beni eter-
nellement,»— eternellement digne d'adoration. C'est
croire que Christ, Dieu « venu en chair, » a voulu etre
semblable a ses freres en toutes choses (excepte le peche);
qu'il a voulu etre malediction pour eux; etre traite, a
cause d'eux, comme pecheur, sans cesser d'etre l'Agneau
de Dieu, l'Agneau sans defaut et sans tache, l'Agneau
qui porte, ote, surmonte le peche, — sans aucun peche
lui-meme!
Nicodeme, jusqu'alors, n'avait pas su remarquer et
reconnaitre une telle saintete d'amour, une telle gloire
de devouement dans un homme qui ressemblait tantaux
autres humains; mais il devait apprendre a connaitre
l'admirable et merveilleux mystere de la mort d'expia-
tion et d'eternelle satisfaction; voila pourquoi il entendit
Jesus se nommer lui-meme le Fils unique de Dieu; voila
pourquoi il lui entendit dire : « Celui qui croit au Fils
ne sera point condamne!... »
Croire au Fils de Dieu, c'est, quatriemement, etre
penetre de l'amour gratuit de Jesus-Christ, — de la
grace par laquelle et en laquelle Jesus-Christ se livre
volontairement a la mort, a la mort de la croix, pour le
salut de tous ceux qui sont perdus; — grace par laquelle
et en laquelle Jesus-Christ prend tellement sur Lui la
personne meme du pecheur, qu'il souffre, a la place du
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— 134 -
pecheur, tout ce que celui-ci aurait eu a souffrir; ef que,
par sa mort innocente et par son sang precieux, il an-
nule, ilabolit touteiniquite, coulpeetpeinedu pecheur;
que, pour tout dire en peu de mots, par sa justice effi-
cacea jamais il obtient que le pecheur se trouve justifie,
sanctifle, accompli en toutes sortes de bonnesceuvres!...
Enfin, croire au Fils de Dieu, c'est le fait d'un pauvre
pecheur qui met sa confiance pour toute sa vie en Jesus-
Christ, conGance qui l'assure que pour lui aussi, pauvre
pecheur, il y a en Jesus-Christ justification et sanctifica-
tion, redemption finale et eternelle; que Jesus-Christ
lui sera en aide toujours, au travers de cette vallee de
misere et de larmes, et le sauvera certainement en son
royaume celeste !...
Tenez, voila quelques pensees au sujet de cette grande
expression, si profonde et si pleine : •-< Croire au Fils de
Dieu ! » Croire au Fils de Dieu, c'est done le tenir pour
vrai en tout ce qu'il nous dit du Pere, en tout ce qu'il
nous annonce du chemin de la Vie; — c'est etre assure
qu'il est, Lui, seul vrai dans ces choses : c'est done enfin
se tier et se vouer a Lui avec tout ce qu'on a et tel qu'on
est, pour s'approcher de Dieu, pour s'unir a Dieu, pour
demeurer en Dieu, et pour obtenir de Dieu, par Lui,
l'heritage eternel de la promesse. Qui croit ainsi au Fils
croit a Dieu; car Dieu a dit: « C'est ici mon Fils bien-
aime en qui j'ai mis tout mon bon plaisir; — ecou-
tez-lel »
II.
Apres avoir appris ce que signifie : Croire au Fih de
Dieu,
recherchons quelle est la grace qui se trouve atta-
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— 135 —
ohee, ajoutee a cette foi. Cette gr&ee est exprimee dans
ce mot:
« // ne sera point condamne!»
Le Seigneur dit, dans le meme sens, aux Juifs (Jean
v, %\): « En verite, en verite, je vous dis que celui qui
entend ma parole, et qui croita Celui qui m'a envoye,
a la vie eternelle; et il ne sera point expose a la condem-
nation, mais il est passe de la mort a la vie; » et (22) :
t< Le Pere ne juge personne; il a donnetout jugement
au Fils. » Ces paroles, les dernieres notamment, nous
montrent avec une entiere evidence pourquoi celui qui
croit au Fils ne sera point condamne. Voici, le Fils de
Dieu est d'une fidelite a toute epreuve, d'une veracite
qui ne flechira, ne faillira jamais; il n'est pas homme a
dire tantot oui, tantot non. Son « oui » est ferme et
immuable. Tout autant qu'il y a de promesses, ellessont
oui en Lui et amen en Lui!
Mes freres, comme Jesus a aime, au monde , ceux qui
sontsiens, il les aime et les aimera jusqu'a la fin, il inter-
cede pour eux; ilnepeut ni ne pourra jamais abandonner
1'neuvre de ses mains; il achevera tout ce qui concerne
ceux qu'il a appeles, elus, delivres; il prendra soin, assure-
ment,que tous ceux qui sont a Lui, qui se fient a Lui pour
tout ce qui est d'eux et en eux, soient et demeurent justes
et saints; qu'ils soient et demeurent sauvis! Ayant ete
eprouve et tente en toutes manieres, il connait a fond,
chez les siens, toute detresse, soit de l'ame, soit du corps,
et il sait etre puissamment, majestueusement en aide a
ceux qui sont, a leur tour, eprouves et tentes.
Lamour de Jesus-Christ est constant, admirablement
secourable; sa fidelite est a toute epreuve et sa veracite
est stable a jamais; j'ajouie, la justice de Jesus-Christ est,
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elle aussi, admirable! Vous savez, nous avons a ce sujet
le temoignage de l'Apotre (1 Jean, n 1) : «... Nous
avons un avoeat aupres du Pere : — Jesus-Christ i.e
Juste! » Qui croit au Seigneur Jesus n'a, par lui-meme,
aucune justice, aucune saintete, aueun salut, raais il
obtiendra de Lui et par Lui toule saintete, toute justice,
— le salut! Devant le tribunal de Dieu, tout homme
est condamne, car nnl n'a ni justice, ni saintete; mais
Christ a soin que tous ceux qui sont a Lui soient justes
et saints quand m$mc; et que, quoiqu'ils soient devant le
Createur et a leurs propres yeux les plus coupables crea-
tures, ils obtiennent pourtant, ils remportent le salut
de l'arne. Comment ces choses peuvent-elles se faire?
Comment Christ a-t-il soin des sicns ? II les revet de sa
justice et de son innocence a Lui, puisqu'ils croient en
Lui, et voila ce qui, a l'heure du jugement, les met a
l'abri de la condamnation. Quand nous entendons l'Apo-
tre nous dire, dans le temoignage que je viensde rappe-
ler : «... Nous avons — Jesus-Christ le Juste, » n'est-ce
pas pour nous penetrer de la certitude qu'a l'heure du
jugement ou meme longtemps avant cette heure le Sei-
gneur dira de toute ame qui est a Lui : « Cette ame est
a moi; elle a sa confiance en moi, — je veux qu'elle
obtienne tout ce que j'ai acquis et accompli pour elle,
et que la ou je suis, elle soit aussi!... »
Ah! quiconque a jamais fait monter jusqu'a lui ce cri:
« Seigneur Jesus! Jesus! sois-moi secourable, viens user
de misericorde, de commiseration envers moi! Voici.je
ne puis marcher, je ne puis monter : porte-moi! Porte-
moi, Seigneur, au travers de tous les flots du courroux,
au travers de toutes les infernales menaces! Fais-moi en-
trer au port de grace, aborder dans ton rovaume!...» il
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aura ete portd en effet, le Seigneur Jesus l'aura prissur
les bras; le Seigneur le tient et le garde; il ne le lais-
sera pas tomber; il le deposera dans les bras, sur le sein
du Pere; et toutes les accusations et toutes les exigences
qui pourraient se faire entendre devant le siege judicial
sont mises a neant, en vertu de ce mot du Sauveur : Ce-
lui-la s'est laisse porter par moil... Oui, quiconque fait
fond sur Lui, serait-ce an moment meme ou il va, le
pauvre pecheur, enfoncer et se voir englouti, — quicon-
que appuie ses mains tremblantes et affaiblies sur Jesus,
comme notre unique et perpetuelle esperance, comme le
seul qui ait fait 1'expiation de nos transgressions, il verra,
celui-la, que Christ estle rocberdu salut; il verra que
(Ps. cxxv, 1) « ceux qui se confient en l'Eternel sont
comme la montagne de Sion, qui ne peut etre ebranlee,
et qui se soutient a toujours! » Aux regards de Dieu, et
devant sa justice, toute chair est condamnee, mes fre-
res, car « toute chair a corrompu sa voie. » Au juge-
menl de Dieu, tout ce qui est ou tout ce qui parait vertu
humaine, justice, piete, toute ceuvre d'homme, toute
saintete de la chair, toute obeissance legale — est sans
valeur vraie, si belles que puissent etre les apparences ;
car l'hommelui-meme n'a plus de valeur; c'est un objet
qui n'a plus aucun prix : il estfrappe de mort, il est la
proie du demon, l'ennemi de Dieu! Et quand il lui arrive
meme de pouvoir dire avecle jeunehoinmericbe(Matlh.
xix, SO) : « J'ai garde toutes ces choses des ma jeunesse,»
il n'est pasparfait, pas bon pour cela, il est condamne !
II est condamne, parce que n'ayant aucune valeur en
lui-meme, il affecte de se donner de la valeur a 1'aide
de choses qui, quant a elles, peuvent etre louables et
desirables, mais qui enlin ne sont pas a lui. Enveloppez,
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ornez, enrichissez un cadavre avec tous les diamasts du
Bresil, avec toutes les perles de 1'Inde, avec tout Tap de
la Californie ; mettez sur lui, selon les regies d'une su-
preme elegance, les plus splendides richesses de Lon-
dres, de Paris, de Petersbourg, — ce ne sera jamais
qu'un cadavre. Ouest sa valeur? La corruption 1'attend,
la corruption est la qui deja commence et qui va avoir
promptement acheve son travail. L'homme n'estpasjuge
d'apres ce qu'il a, mais d'apres ce qu'il csf; et fut-il de
ceux (Luc xvii, 10) qui peuvent dire qu'ils ont « fait toutes
les choses qui leur etaient commandees » (mais ou sont-
ils, ceux-la? ) — il n'en est pas moins un serviteur « inu-
tile ' ») devant Dieu; et Dieu ne doit assurement pas
a l'homme la vie eternelle, puisque l'homme a me-
prise, perdu, jete au vent du peche sa vie, son Dieu I
C'est par nous qu'a ete rompue 1'alliance ; a dater de
la rupture, Dieu n'etait plus oblige a tenir, de son cote, a
cette alliance. Dieu avait dit: « Fais ces choses, 6 homme,
et tu vivras! » Quelles choses? Les choses qui (Gal. m,
10) « sont ecrites au livre de la Loi pour les faire. » Ou
est l'homme qui y ait persevere devant Dieu? Ou est le
sujet de se glorifier I II n'y a de gloire ici pour nulle
chair; la malediction 1'enferme et la couvre toute...
II a fallu qu'il y eut devant Dieu un autre Homme,
un second Adam, qui fut juste et qui eut accompli tout
ce qui est juste; — un Homme-Mediateur. C'est Je-
sus-Christ le Seigneur, qui est au ciel; c'est Lui qui
sauve tous ceux qui croient en Lui; il les sauve, de
sorte qu'ils ne seront point condaranes, eux. Et notons
bien que s'ils ne sont point condamne's, ce n'est pas par
« Achreiot, » sans valeur.
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le rnerite ou en vertu de leur foi, mais e'est parce que
Dieu les sauve, veut bien les sauver en cette foi; parce
que Dieu veut leur etre propice pour 1'amour de son
Bien-Aime.
Voila pourquoi j'ai dit que c'est une grace qui est
faite a ceux qui, croyant au Fils, ne sont point eondam-
nes. C'est une grace! Mais une grace qui, suivant le
conseil et le desseiu de Dieu, se trouve attachee au fail
d'une ame se donnant tout entiere, par la foi, au Fils
de Dieu. Pour cette ame et en sa faveur retentit au ciel,
avantl'heure du jugement, cette parole de grace : «Nous
ne lajugerons, nousne la condamnerons point : elle a
cm! Elle a cru : qu'elle goute done et qu'elle voie, qu'elle
pessede et qu'elle garde ce qui lui a ete prepare et re-
serve de toute eternite 1... »
III.
Nous venons de considerer la grace qui se trouve
ajoutee, attachee a la foi au Fils de Dieu, — la grace de
se livrer, corps et copur, a Jesus-Christ, pour qu'il soit,
Lui seul et Lui pour toujours, la justification, la sancti-
fication, le salut de l'ame. Nous avons a repondre
maintenant a cette question-ci :
Comment arrive-t-on a croire au Fils, et a etre ainsi
assure, pleinement assure qu'on ne sera point con-
dam ne ?
Avant de pouvoir croire, il faut etre convaincu, par
la predication de la Parole, qu'on est perdu ; il faut
sentir et voir un vide dans le cceur; arriver a la certitude
qu'il y a coin me un desert au cceur. Cette certitude est
effrayante, c'est vrai. On est sans repos alors, et Ton n'en
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trouve rmlle part. Une angoisse profonde vient s'em-
parer de l'ame. On a peur, — peur du peche et du cha-
timent du peche. On se sent separe de Dieu, et on com-
prend qu'on ne pourra «etre sauve» qu'en etant revenu,
reuni a Dieu, qu'apres avoir trouve grace devant Dieu.
Mais cette grace, nulle creature ne peut la faire avoir
au pecheur; lui-meme ne peut se la donner; et il se
demande : Comment salisferai-je la justice du Seigneur?
Comment arriverai-je a justice?... Et voila, il entend
precher Christ! II apprend ce quest Christ, ce qu'il a
fait, ce qu'il a souffert en son corps et en son ame; il
apprend que Christ est le mediateur d'une nouvcllc al-
liance, et... il aspire, des lors, de toute son ame, a Celui
en lequel est et demeure consommee cette alliance pre-
cieuse, cette alliance de salut et de vie !
Qui de nous, mes freres, a connu, dans son ame, ces
angoisses et ces aspirations, a appris aussi, par 1'Evan-
gile, que Christ est offert comme Sauveur a tous ceux
qui sont fatigues et charges, pauvres et perdus, et qu'il
ne rejette, ce bon Sauveur, aucun de ceux qui viennent
a Lui. Le croyant tient cette science pour la plus certaine
de toutes; et il se rejouit de ce que l'Eternel-Dieu a ou-
vert et a fait proclamer une telle voie de salut. De toutes
les pensees de son coeur, il nomine bon ce chemin-la;
il le declare excellent, unique. II ne veut pas d'autre
Redempteur que Christ; il ne connait plus d'autre voie
de salut que Christ; tout son desir desormais est d'avoir
part a la grace du Seigneur Jesus, et a toutes les choses
que, dans sa grace, le Seigneur nous a acquises et ohte-
nues. C'est par Christ qu'il demande a etre reuni a Dieu,
et reconcilie avec lui. II lui faudra peut-etre subir hien
des douleurs et verser hien des larmes avant de se voir
-ocr page 145-
_ Ul —
pleinement dans la paix de cette reconciliation et dans
lajoie de cette union ; qu'importe? II sera console; car,
pour certain, il trouvera Celui qu'aime et que desire son
ame. Lui-meme, le Seigneur, l'encourage par sa Parole
(Matth. v, 6): « Bienheureux sont ceux qui sont affames
et alteres de la justice; car ils seront rassasies! » Oui, il
trouvera son Redempteur et son Consolateur! — Pour
le trouver, il se leve comme s'est leve le fils prodigue,
comme s'est leve le pauvre peager, et: «0 Dieu,» s'ecrie-
t-il, 6 Dieu, sois apaise envers moi qui suis pecheurl »
... Et il heurte a la porte de 1'apaiscment; son cceur bat;
mais, Lui, il heurte! Tantot il a beaucoup de courage, tan-
tot il n'en a point. II y a des moments ou tout est tenebres
autour de lui; d'autres, oil il se sent plein d'une lumi-
neuse assurance a l'ouie ou au souvenir de cette parole
de l'Eternel (Esaie xlv, 2'2): « ... Regardez vers moi, et
soyez sauves; car je suis le Dieu fort!... » Et ainsi son
ame attend le Seigneur plus ardemment que les guets
du matin n'attendent le matin. II attend, et voici un
Horame se met a lutter avec lui et il se met, lui, a lutter
avec cet Homme. La nuit est sombre. Les detresses du
cceur se sont augmentees; mais il ne peut quitter Celui
avec lequel il est en lutte; il sent que la est la victoire I
II sent qu'il lui faut reeevoir de cet Homme un nom
nouveau ; qu'il lui faut, par Lui, etre sauve — parfaite-
ment et eternellement sauve! Car il est nu, depouille,
miserable, perdu; un abime s'est ouvert devant lui,
beant et menacant! Subjugue par l'Homme du Salut,
il le saisit des deux mains, des deux mains du cceur; il
le reconnait, il 1'accepte — il se rend ! II se donne tel
qu'il est, pauvre, infiniment pauvre, mais sauve main-
tenant, sauve a jamais! A dater de ce moment solennel
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— 142 —
et saint, il confie tout son etre a oet Homme, a son Dieu
fait Homme; il se laisse porter par Lui; a Lui il s'aban-
donne; et chaque fois que naissent en lui de nouveaux
doutes au sujet du saint, ou que lui surviennent de
nouvelles epreuves ou des tentations nouvelles, il re-
tuurne, il se rallie el se rattache a Celui a qui il s'etait
rendu, et dont il sail qu'il achevera tout pour le mieux.
De la procede enfin, par le Saint-Esprit, cette certitude :
« MonBien-Aimeestamoi, et je suisa Lui! » ... La lutte,
continuee et perpetuee dans la priere, rendue constante
et vaillante par la priere, donne a 1'ame 1'assurance
qu'elle croit riclkment au Seigneur Jesus ; que c'est
rdcllement qu'elle se fie a Lui; elle avance de jour en
jour vers la plenitude de ses promesses, et fait de plus
en plus l'experience que tonics ces promesses sont oui et
amen en Lui. Ainsi, le cceur est purifie par la foi; la
foi est operante par l'amour; l'amour est glorifie par la
grace ! Voila les choses qui arrivent a celui que la main
de Dieu a place sur le chemin qui conduit a la foi au
Fils de Dieu. Ces choses lui arrivent, non pas peut-etre
dans les memes termes dans lesquels je viens de cher-
cher a les exprimer devant vous, raais enfin elles lui
arrivent; cela suffit.
Le chemin dont je viens de parler se fait, de temps a
autre, bien profond et penible. Le croyant perd quel-
quefois toute direction et contenance; il est desoricnte;
mais la foi en Christ et a Christ reste entiere et vi-
vante dans le coeur qui s'est ouvert a elle; car cette foi
est un don et une ceuvre du Dieu vivant. II faut s'appli-
quer a bien la discerner de la foi morte ou fausse. Celle-
ci a pareillement la croyance a la Parole de Dieu et de
son Christ; elle tient cette parole pour vraie; elle sait,
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- 143 —
au besoiti, en faire etalage et de grands eloges; mais tout
cela ne procede pas du coeur, du centre, de la vie; tout
cela n'a pas Christ pour premier et pour dernier mot.
II n'y a la que recherche de soi-meme, justice propre,
et piete hypocrite. — Lame droite et sincere ne place
sa paix qu'en Christ; elle ne demande pas son repos a
ee qui se passe en elle ou a ce qui ne s'y passe point:
le Seigneur seul est son repos.
Or, partout oil existe une telle foi du coeur, une telle
paix en Christ, en laquelle on est certain par le Saint-
F sprit qu'on a la remission des peches, qu'on a justifi-
cation et salut a jamais, par la seule grace de Jesus-Christ,
de la part du Dieu de toute grace, — on ne peut etre que
pleinement assure qu'on ne sera point condamni le jour
ou Dieu « entrera en jugement contre toute chair. » Elle
demeurera ferme sa parole (Rom. vm, 32, 33) : Qui in-
lenlcra accusation contre les elus de Dieu ? Dieu est celui qui
justific ; qui sera celui qui condamnera ? Christ est celui qui
est mort et qui, de plus, est ressusciU, qui est a la droite de
Dieu, et qui meme pric pour nous.
»
Apres tout, je sais bien que malgre cetle foi du cceur,
et qu'au sein de ce repos, l'ame peut encore etre saisie de
tristesse et d'inquietude; a certains moments, elle se met
de nouveau a redouter la mort et le jugement; mais c'est
pour faire disparaitre toute crainte que le Seigneur
nous dit ici : « Celui qui croit au Fils ne sera point con-
damni I...
»
Cette parole aretenti, afin que l'ame angoissee puisse
toujour* retrouver le courage, et que, sachant qu'elle a
recu la vraie grace de Dieu, elle ne se laisse pas intimi-
der inutilement, qu'elle ne se laisse pas epouvanter par
le diable et par les mouvements de notre lachete native.
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_ 144 -
Ce fut de tout temps la taclique suivie par 1'Ennemi de
nous reprocher nos peches, et de nous faire trembler de-
vant le jugement, atin de nous detourner de la foi, afin
d'obtenir de nous que nous ne nous abandonnions plus
a Christ de toute noire dmc cl avec unc cnliere assurance
d'esprit et de cwur.
Ce serait chose si plaisante au diable
de nous voir tomber dans les pieges dun pretendu salut
par les ceuvres, et de notre saintete a nous! Mais le Te-
moin veritable et fidele a dit : « Cclui qui croit au Fils
de Dieu, cclui-la ne sera point condamne'l
» Christ seul est
legislateur ; seul il peut sauver, seul il peut condam-
ner. Or, puisqu'il a dit Lui-meme : « Celui qui croit au
Fits
ne sera point condamne; » — si, de toute notre ame,
je le repete, et avec une entiere assurance d'esprit et de
cceur, nous nous abandonnons au Seigneur Jesus, NOUS
ne serons point condamnes ! Car : « Quiconque croit en
Lui ne sera point confus, — cerles, pas un de ceux qui
se contlent en Lui ne sera confus! »
IV.
Fl me reste a repondre a la quatrieme question que
nous avons posee en commencant : Quelle application
nous faut-il faire a nous-memes de toutes ces choses?
Uemarquons d'abord que, parmi ceux qui affirment
croirc au Fils de Dieu, il y en a beaucoup qui ne croicnt
poinl.
D'autres croient bien, mais seulenient « pour un
temps. » lis recoivent la Parole, ils la tiennent pour
bonne et veritable, mais au fond de leur ame ils n'ap-
partiennentpas a Celui que cette Parole reveleetdon telle
rend temoignage. Leur principal et plus profond souci
n'est pas d'etre trouves justes : aussi ne se sont-ils jamais
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— 145 —
encoreadressesa Celui en qui seulnous sommesjustifies.
Christ n'est pas le Desire de leur ame; et comment le
serait-il? Les malheureux ! lis n'ont pas encore gemi sous
le fardeau du peche. lis aiment le monde ; ils ne servent
Dieu qu'a moitie; l'autre moitie de leurs pensees et
de leurs affections est asservie au diable et a ses oeuvres,
a la chair et a ses seductions. Ils ont le bruit de vivre,
mais ils sont morts ; ce sont des cadavres dans une reu-
nion de vivants.
Y en a-t-il de tels parmi nous? Je les exhorte, par les
compassions de Dieu, —je les exhorte de rentrer en eux-
memes, avant qu'il soit trop lard, et de faire ensorte que
leur foi devienne serieuse, et qu'ils croient reellement et
veritablement au Fils; sans quoi ils seront certainement
juges et condamnes, quand le Fils viendra sur les nuees
du ciel, entoure des anges de sa puissance. Car savoir,
simplement savoir les verites du salut, ne sert a rien : le
salut est en Christ, — c'est Christ qu'il nous faut vou-
loir et accepter de tout notre coeur! Et que personne ne
s'imagine qu'il echappera a la condamnation (a la con-
damnation eternelle !) parce qu'il aura pris une fois la
resolution de se convertir, mais sans realiser cette reso-
lution dans sa vie..« Qui voudra etre ami du monde se
rend ennemi de Dieu (Jacq. iv, A), » et... que d'ames
(dans ce monde-ci et dans l'autre!) qui se sont trompees
et perdues moyennant une foi imaginaire! Que parlez-
vous de foi, pauvres ames qui etouffez en vous la Parole
sous les soucis, sous les richesses et sous les voluptes de
cette vie, de sorte que vous etes et que vous demeurez
sans fruit ? Allez, la foi veritable et vivante a ses racines
et ses germes dans une terre bonne, forte et profonde.
La terre de la foi est dechiree et salutairement fecondee
10
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— U6 —
par le soc des tribulations et des epreuves; elle est ar-
rosee de saintes larmes, marquee des traces d'une sainte
guerre... La foi veritable et vivante ne se borne pas a
/'oui'cde la Parole; elle traverse cette Parole pour se ren-
dre, pourarriver au Seigneur in erne; c'est au Seigneur
que va tout son desir; sa satisfaction supreme est son
union avec le Seigneur.
Et maintenant, mes freres, quiconque consent a n'etre
qu'unpauvrepecheur, eta accepter Christ-Sauveur; qui-
conque ne peut porter davantage sa peine (que sa peine
soit la plus grande, laplusenorme, et que la source d'ou
elle decoule s'appelle meurtre, ou larcin, ou adultere, ou
souillure de la chair ou de l'esprit, ou impiete, ou ini-
quitel); quiconque sent qu'il est perdu, et que Christ
seul peut le ramener a la Yie : ah! qu'il ne tarde point,
qu'il vienne, qu'il vienne au Seigneur Jesus — le Sei-
gneur Jesus l'accueillera avec amour I Oui, avec amour,
avec grace 1 Le Seigneur ne vous demande, chere ame,
aucune wuvre quelconque. II demande une seule chose:
que vous ayez conflance en Lui; confiance, entendez-vous?
Le Seigneur en est digne! Vous serez heureuse, chere
ame, en vous fondant sur sa grace comme sur la seule
Justice qui vaille et prevale devant Dieu; croyez qu'en
vous abandonnant au Seigneur Jesus, pour qu'il vous
soit, Lui, a jamais, « de la part de Dieu, sagesse, justice,
sanctiflcation et redemption (Cor. i, 30), » vous verrez la
gloire deDieu, je veux dire, sa grande fidelite, — cette
fidelite qui lie Dieu a sa Parole, et qui le portera a ne
point vous condamner, mais a vous recevoir dans la joie
de son salut!...
Mes bien-aimes, plus d'un, parmi vous, connait d'ex-
perience le labeur et l'ardeur du combat durant lequel
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une ame se voit aux prises avec les doufes les plus epou-
vanlables. L'ame est forcee alors de se demandev : « Ai-je
une confiance reellc au Seigneur Jesus? — Ai-je une assu-
rance pleine et entiere, vivante et vraie en sa grace?... »
Courage, bien-aimes! Ne nous laissons pas abattre, de-
vorer par le diable, notre adversaire; ne lui faisons pas
l'honneur, ne lui accordons pas le contentement d'ajou-
ter creanee a ses suggestions. II cherche a nous persua-
der qu'apres tout et quoi que nous disions nous scrons
condamnes :
il ment. — Courage , avaneons. Soyons au
Seigneur, et ne l'abandonnons point. Qu'importe que
nous soyons si miserables? C'est la bonne et parfaite vo-
lonte de Dieu, qu'au sein de notre inisere etqu'en depit
de notre perdition nous nous appuyions sur Lui qui
seul est Sauveur, et que nous sachions que tous nos pe-
ches sont expies par le sacrifice qu'il a offert.
Ab ! mes bien-aimes, quelle parole certaine et pre-
cieuse, aimable et digne d'etre entibrement recue, que
cette parole de Jesus-Christ:
CELUI QUI CROIT AU FlLS NE SERA POINT CONDAMN^ !
Ah! qu'il nous arrive encore, de temps a autre, de
nous trouver en detresse sur le cbemin qu'il nous faul
suivre, et de ne savoir comment consoler notre ame abat-
tue. — Soyons consoles pourtant, mes bien-aimes! Soyons
inebranlables : Celui qui croil en Lui ne sera point con-
damne'!
» Avec ce viatique-la nous arriverons certaine-
ment dans la cite du repos.
Amen.
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VIII ».
... Mais celui qui ne croit point est ilij'i
condamne, parcc qu'il n'a point cru au nom du
Fils unique de Dieu. Or, c'est ici le sujet de la
condamnation, que la lumiere est venue au
monde, et que Irs homines ont mieui aime les
lenebres que la lumiere, parce que leurs ceuvrci
etaient mauvaises. Car quiconquc s'adonne a des
cltoses miuvaises halt la lumiere, et ne riant
point a la lumiere, de peur que ses ocuvres ne
soient censurees. Mais celui qui s'adonne a la
verite vient a la lumiere, afin que sei ceuvres
foient manifestoes, parcc qu'elles sont faites selon
Dieu.
(JEAN HI, 18-81.)
Elles sont d'une importance extreme les paroles qui
s'offrent a notre meditation durant cette heure mati-
nale; — paroles qui, peu ecoutees du monde, faisant,
d'ailleurs peu de bruit dans ce monde, ont deja souvent
decide ou decideront encore du bonheur ou du malheur
eternel d'un homme; — paroles qui ne passeront point
et contre lesquelles nul mortel ne prevaudra jamais.
Nulle speculation ou reflexion humaino, nul artifice de
dialectique ou de justice propre ne saurait les annuler,
les reduire au silence; elles ont ete prononcees par Celui
qui est le Saint, le Veritable : il nous faut nous incliner,
flecbir devant elles; sinon, nous sommes perdus. Toute
■ Prononce le 5 novembre 1848.
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- 150 —
chair doit et devra avoir la bouche fermee devant ces
paroles.
Quiconque se soulevera contre elles ne remportera
que l'eternelle ruine de son ame. Le Iranchant de ces pa-
roles enleve des mains ou du coeur de I'hornme toute
excuse, toute euvie d5justification et de saintete ego'iste,
toute pretention a quelque salut par les oeuvres ; car ces
paroles sont un acte d'accusation contre le demon et la
mort, contre le pouvoir du peche et de la chair, contre
toutes leurs tentatives, contre toutes leurs usurpations.
Aucune force de volonte, aucun fait de piete ou de vertu,
si eclatant fut-il, ne pourra subsister devant ces paroles.
Proferees par la bouche de la Verite, une fois pour
toutes, elles vont a la conscience de tout homme; et
tout homme qui les recoit la ne peut que renverser en-
suite, de ses propres mains, les idoles de vertu qu'il s'e-
tait faites, et les murs de devotion ou de bonne reputa-
tion derriere lesquels il lui semblait qu'il n'avait rien a
eraindre. Quant a celui qui ne les recoit point dans sa
conscience, il verra, malgre lui, quand il paraltra devant
Dieu, qu'elles furent et qu'elles sont vraies— ces paro-
les; et il lui faudra leur rendre hommage, alors meme
que le mensonge le dominera encore.
Paroles redoutables, mais... combien precieuses a
celui qui n'est, a ses yeux, qu'un grand pecheur et qui
n'a devant lui que ses nombreux peches! Combien pre-
cieuses a celui qui n'a plus aucune ressource de salut et
a qui il semble qu'au sein et que dans les detresses de sa
perdition il a meme perdu le Nom qui est le seul qui
soit donne aux nominee pour etre sauves; le Nom qui
est la seule puissance de salut dans le ciel, sur la terre.
et au-dessous de la terre! Precieuses, ah oui! car ces
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— 151 —
paroles donnent a l'ame qui est dans une detresse pa-
reille l'assurance qu'elle oso croire encore, que le Nom
qu'elle pense avoir perdu est imperissable, — un nom
qui expie pleinement, eternellement toutes les iniquites,
et dont les benedictions ne feront point defaut a quicon-
que y met toujours de nouveau son recours et son es-
poir! Combien ces paroles sont precieuses, enfln, a qui,
ayant compris que tout n'est qu'obscurite ici-bas, aspire
a la lumiere, et etend ses mains pour etre rassure, con-
sole; car elles lui disent que le jour de l'apaisement et
de la consolation est venu pour lui, que la lumiere s'est
levee, qu'il n'a qu'a s'en approcher, et qu'il y trouvera
la delivrance, qu'il trouvera la vie !
Nous avons done a mediter des paroles qui renferment
la plus puissante predication de lafoi; qui nous appren-
nent quel est le fondement veritable et infaillible de la
grande ceuvre du salut, et comment l'ame arrive a la sanc-
tification, non pas a celle qui estselon la cbair, mais a la
sanctification de l'esprit (2 Thess. n, 13).
Fasse le Seigneur Jesus, en sa grace, que nous prenions
bien a cceur ses enseignements salutaires! Nous avons a
le glorifier, non-seulement comme notre souverain sa-
crificateur, et non-seulement encore comme notre roi,
mais aussi comme notre propbete. — Comme le souve-
rain apotre et sacriiicateur de la foi que nous professons,
il est entre dans les cieux pour nous; comme roi, il nous
gouverne, nous demandant d'abandonner a sa direction
toute notre vie; comme prophete, il veut nous prendre
par la main et nous amener a recevoir avec humilite et
avec obeissance sa parole de grace, sa verite de salut,
car il est le seul chemin de la verite, le seul chemin du
salut. Lui seul nous ouvre le ciel; la sagesse du salut se
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- 152 -
trouve sur ses levres; il nous faut nous attacher aces
levres benies ; ecouter ce qu'il annonce, et nous appuyer
sur sa Parole avec toutes les forces (et toutes les faibles-
ses) de notre coeur, afin que noire cceur ne nous seduise
point, et que ni les choses visibles ni celles qui sont
invisibles (les malices spirituelles !)ne nous egarent, ne
nousfascinent.
Quiconque croit et obeit a sa Parole, et qui la recueille
et la retient humblement, ne peut pas etre induit en er-
reur : ecoutons done du fond de notre ame ce que dit le
Chef et le Consommateur de la foi :
«... Mais celui qui ne croit point est de"ja condamne,
parce qu'll n'a point cru au nom du flls unique de dleu.
Or c'est ici le sujet de la condamnation, que la lumiere
est venue au monde, et que les hommes 0"nt mieux abie"
les tenebres que la lumiere, parce que leurs oeuvres
ETAIENT MAUVAISES. CAR QUICONQUE s'aDONNE A DES CHOSES
MAUVAISES HAIT LA LUMIERE, ET NE VIENT POINT A LA LU-
MIERE, DE PEUR QUE SES OEUVRES NE SOIENT CENSUREES. MAIS
CELUI QUI S'ADONNE A LA VE'RITE' VIENT A LA LUMIERE, AFIN
QUE SES OEUVRES SOIENT MANIFESTOES, PARCE QU'ELLES SONT
FAITES SELON DlEU... »
Bien-aimes, ces paroles de notre Seigneur Jesus-
Christ posent et proclament la foi en son nom. Elles
nous disent en quoi consiste le jugement de Dieu qui
pese et pesera sur toute propre justice, et elles justifient
l'indignation et la colere que Dieu fait et fera eclater
contre toute incredulite. Elles decrivent parfaitement les
allures et les menees des inconvertis, et proraettent la
victoire a quiconque a, devant Dieu, un cceur sincere et
droit. Reprenons ces divers points de verite, et les
considerons en detail.
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— 153 —
I.
Le Seigneur avait dit : « Celui qui croit au Fils, ne
sera point condamne. » II ditmaintenant:
« Mats celui qui ne croit point est dijd, condamne1, pane
qu'il n'a point cru au nom dn Fils unique de Dieu.
» —
N'est-ce pas qu'en ces paroles le Seigneur pose et pro-
clame la foi en son nom ?
Le Seigneur avait mis devant Nicodeme tout le plan
du salut. II avait mis devant lui la vie, — il fallait bien
que la mort fut aussi mise devant lui. Et nous, a cette
heure, resterons-nous indifferents en vovant la le Sei-
gneur nous montrer la voie droite de la redemption? en
entendant le Seigneur nous dire, avec des paroles qui
sont toutes pleines d'une infinie et immuable charite, ou
est pour nous la vie eternelle? Regardez, mes bien-ai-
mes : le Seigneur Jesus amis devant nous tantla vie que
la mort; pourquoi tanl la vie que la mort? Ann de nous
porter a faire notre choix. La mort a du, elle aussi, etre
mise devant l'homme, afin de le reveiller de son pesant
sommeil et de son obstination, afin de le faire sortir de
son habitude de « clocher des deux cotes (1 Rois xvm,
21) » et de sa triste manie de faire le raisonneur, pour se
fier et se donner a Celui qui a etendu sa main puissante
pour sauver l'homme perdu.
Nicodeme dut se convaincre que, pendant que le Sei-
gneur Jesus lui parlait, il n'avait pas, lui Nicodeme, oui
des mots seulement, mais la verite, — une grande chose,
une eternelle realite. Le jugement contre l'homme n'est
point interrompu; la condamnation ne s'endort point;
la colere de Dieu est incessamment ouverte sur le peche,
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— 154 —
car lepechd est la incessamment. Dieu a voulu que sa loi
fut observee et remplie, maintenue et honoree, et cette
loi est toujours etpartout violee par l'homme. II a fallu
qu'il y eut reparation, et certes Dieu s'y est, pour sa
part, admirablement employe : II a donne, pour l'eta-
blir, ce qu'il eut jamais de plus preeieux, — son Fils uni-
que! Et le Fils a restaure la justice, il a accompli la loi,
— il a surmonte et vaincu tout ce qui s'opposait a notre
salut, et il a obtenu leSaint-Esprit. Mais la chair, qu'a-t-
elle fait, elle? Qu'a-t-elle obtenu, accompli? Toute sa
« gloire» n'est que souillure, ettoutes ses issues vont a
la mort!... L'homme est mort en ses fautes et en ses pe-
ches; il wepewfpasetresauvedelui-meme, parson moyen
a lui; « l'homme n'est pas justifies par les oeuvres de la
loi (Gal. ii, 16). » Une derniere voie lui est ouverte
pour se soustraire a la mort : c'est que, corps et ame, il
s'abandonne au Fils de Dieu, pour etre, par lui,justifie
et sanetifie; pour avoir, en Lui, le pardon des peches et
une redemption eternelle, parfaite. Ce n'est que dans
cette voie-la que Dieu veut etre propice a l'homme, et
couvrir de grace toutes ses iniquites. La mortregneen
lous lieux, sur toutes choses : au fond, a la racine de
toutes les ceuvres siese et remue la mort. La vie est uni-
quement dans le Fils de Dieu. » Qui a le Fils, a la vie
(1 Jean v, If); » qui a le Fils, recoit et accepte de Lui
tout ce qui appartienta lapiete veritable et a une pure
et sainte conduite. Le Fils seul opere dans l'homme ce
qui est vraiment bon et agreable a Dieu. Mais on n'a le
Fils que par la foil Oil est la foi, ou est un sincere et
complet abandon du cceur au Fils de Dieu, la le Fils est
et fait tout. « // est impossible d'Slrc agreable a Dieu sans la
foi
(Hebr. xi, 6); » or, la foi sans laquelle nous ne pou-
-ocr page 159-
- 435 -
vons etre agreables a Dieu, acceptes de Dieu, c'est celle
qui nous porte a ne rien reserver ou retenir pour nous ou
a notre compte dans le grand interest du salut : il nous
faut mettre tout aux pieds du Seigneur; tousnos peches,
mais aussi toutes nos ceuvres! II veut nous avoir entiere-
ment et reellement, — nous, avec tout ce que nous avons
de mauvais, mais aussi avec tout ce que nous avons ou
croyons avoir de « bon ; » il veut, a lui tout seul, faire
1'expiation de nos transgressions, et consonimer, pour
nous, en son Onction divine, lout ce que la loi exige de
nous : — Voila la foi; et quiconque ne veut pas la foi
telle que voila n'a pas la foi veritable; il ne croit pas, il
n'a pas cru « ait Norn du Fils de Dieu, » quoiqu'il dise et
quoi qu'il fasse I...
Et, qui n'a et qui ne veut avoir cette foi, qu'il ne s'i-
magine pas qu'il pourra subsister par les wuvns dans le
jugement de Dieu; qu'il ne s'imagine pas que le « faire »
ou le « avoir voulu faire » pourra le sauver, a defaut
de « croire » ou d'avoir « voulu croire! » L'arret est pro-
nonce; « il est deja condamn6!... » C'est son incredulite
qui lejugeetqui le condamnel C'est parce que, je le
repete, il ne croit pas, il n'a pas cru « au Nom du Fits uni-
que de Dieu I
II y a sous le ciel un autre nom, ou d'autres
noms encore, par lesquels il compte « etre sauve. » II y
a son propre nom d'abord I Puis, je ne sais quels autres,
eclatants de devotion, farneux dans certaines spheres re-
ligieuses : c'estd'eux qu'il attend surtout le salut; c'est
sur eux qu'il le fonde. II trouve que c'est peti de chose,
par trop peu de chose vraiment, que Dieu ait donue son
Fils unique, que Dieu ait signale (Rom. v, 8) ainsi son
amour envers des creatures mortes et corrompues telles
que nous! Le Nom de Christ ne lui suffit point. Son sa-
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— 156 —
Jut, dirait-on a l'entendre, n'est pas accompli en Christ!
II a, a cote ou au-dessus de ce nom des saints, ou des
figures, des ombres de saints qu'il invoque. II consent
bien a etre pecheur et avant tout a s'intituler pecheur,
mais il n'entend pas ce terme selon la loi et le temoi-
gnage; il est un pecheur de fantaisie; et il pretend qu'il
faut absolument qu'il ajoute, lui, quelque chose a la
grace; que par son travail a lui et par son action il
rende le travail de la grace plus efficace et meilleur! La
grace, soit! Vive meme la grace! Mais a l'aide de cette
grace, il s'elevera lui-meme peu a peu aux fonctions
et a la dignite de Christ; — il fera, pour le moins, un
chretien eminent, parfait, un croyanthors ligne; un elu
d'une qualitetoutesuperieure; ilsera... sapreoccupation
de salut ne porte que surTavenir; le present est encore
a lui; aussi, quant a present, il n'a pas encore renonce
a son cher nom propre; il demande et il cherche encore
a agir et a s'agiter, sur le terrain de la piete, dans la vertu
de ce nom-la. Le « Nom du Fils unique de Dieu » aura
son tour... peut-etre, plus tard, une autre fois! Aujour-
d'hui, ce Nom ne peut suffire; il ne renferme pas assez de
force salutaire; on ne peut, on ne doit s'y tier pleine-
ment; il faut que «l'element humain, » la conscience de
I'individu
y ajoute du reel; il faut que le sujet releve et
sanctionne Yobjet, pour que l'ame soit en effet et se sente
a l'abri de la condamnation; il faut que la morale, la lo-
gique, la metaphysique de la chair vienne dire son mot
et apposer son sceau, pour qu'il y ait absolution, deli-
vrance!...
Absolution, delivrance? Malheureux, qui te trompes
ainsi! Le Seigneur Jesus a dit: Celui qui ne croitpas est
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— 187 —
oiik condamn^ ', pane quil n'a point era an Nom du Filx
unique dc Dieu!
»
Freres, croyez-vous que le Dieu vivant sommeille jus-
qu'au jour du jugement universe]? L'arret qui sera pro-
nonce alors est pret des maintenant; il est deja « for-
mule » dans les cieux; car Dieu, en sa prescience, voit et
a vu ce que l'homme aura fait, et s'il a, ou non, cru au
nom du Fils unique. Dans les cieux retentit cette de-
mande: A-t-ilcru,a-t-ilcruauNomduFilsuniquedeDieu?
Et si la reponse est: «Oui » — la conclusion sera : Done,
il esfsauve!... Nous savons done, pour l'avoir entendu
dire au Seigneur lui-meme, ce qu'il nous faut faire pour
parvenir a la beatification celeste, eternelle : nous avons
a croire auNom du Fils unique de Dieu. Croire ! Ni plus
ni moins, ni autre chose que croire! L'homme n'a pas
besoin d'attendre qu'il soit juge, — il Test deja; oui,
juge deja, quel qu'il soit; condamne, s'il ne croit point,
comme est condamnee toute doctrine qui pretend ajou-
ter a la seule justice, a la seule foi dont parle l'Ecriture,
je ne sais quels assaisonnements etornementsd'eeuvres;
et comme est declare sauve et bienheureux quiconque
croit, simplement et sincereinent, au Nom du Fils uni-
que de Dieu.
Puisque le Seigneur pose et proclame ici la foi en son
nom, e'est a cette foi assurement qu'ira et que voudra
s'unir et s'attacher toute ame a qui surviennent les
epreuves et les tentations. Qu'importera alors a cette
ame que le demon , que le monde, que 1'incredulite
propre lui dise : « Tu es condamnee, — car tu n'as que
1 Notez ('expression : « est dej& condamne, » kekritai, il a et6 con-
damne; la condamnalion a eu lieu. C'est un fait accompli; le verbe est au
passe\
                                                                  (Le trad.)
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- 158 —
ta foi, ta pauvre el faible foil » Condamnee? « Qui est
celui qui condamnera ? » Le Seigneur seul en a le pou-
voir; or, il a dit : « Cclui qui ne croit point au Fils est
deja condamne; mais celui qui croit en Lui ne sera point
condamne. » La Tentation, voyant quelle autorite il y a
dans la foi et quelle benediction, essayera la-dessus d'e-
loigner cette ante de la foi; mais elle : « Je crois, » s'e-
crie-t-elle, « je crois, Seigneur! aide-moi dans mon in-
credulite ! » Et elle desire de plus en plus ardemment
qu'il lui soit donne de s'abandonner, en toutes choses et
pour toutes, au Nom du Fils unique de Dieu ; et dans ce
desir, le Seigneur lui-meme l'encourage. II lui donne
d'oser invoquer et evoquer, a sa Parole, le Nom de Jesus
— del'invoquer, ceNom,et del'evoquer en vers etcontre
l'enfer et le peche, envers et contre le monde et la raort!
Le Seigneur lui donne d'oser se jeter et s'appuyer sur son
Nom, de sen envelopper et de s'en couvrir, sans aucune
desoeuvres de la loi, etendepit des gens qui sont la pour
juger et pour condamner. Qu'importe leur dire : Le Sei-
gneur a pardonne; le Seigneur a prononce son immuable
arret d'absolution, de salut?
Oui, quiconque croit, simplement, unimcnt au Nom
que le Pere a scelle et sanctifle pour etre le nom de Re-
fuge et de Redemption pour Tame, leNom contre lequel
l'enfer n'a point prevalu et ne pourra prevaloir jamais,
—  il saura certainement que, bien qu'il paraisse n'etre
qu'un arbre sterile, il n'en est pas moins, par la grace,
« un arbre plante pres des ruisseaux d'eaux, qui rend
son fruit en sa saison, et dont le feuillage ne se fletrit
point. »
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— 189 —
II.
Les paroles du Seigneur qui font l'objet de notre
meditation nous disent, en second lieu, en quoi consiste
le jugement qui pese et qui pesera sur toute propre jus-
tice; et elles justifient l'indignation et la colere que Dieu
faitetfera eclater contre toute incredulite. Ecoutezplu-
t6t : « Or c'csl id le sujel de la condamnalion, que la lu-
miere est venue an monde, et que les homines ont mieux aime
les Unebrcs que la lumiere, parcc que leurs ceuvres itaient
mauvaises.
»
Oui, « il y aura de l'indignation et dela colere contre
tous ceux qui sont contentieux, qui se rebellent contre la
verite ; » et « mauvaises » sont toutes les ceuvres de la
propre justice, si belle ou brillante que puisse etre leur
apparence. Toutes les belles et brillantes ceuvres de la
vertuhumaineet de l'humaine sagesse, — ceuvres dela
chair, tres-recommandables peut-elre en consideration
de la vie d'ici-bas et dans leurs rapports avec cette vie,
aux yeux du Dieu saint et veritable, elles sont « maumi-
ses;
» car elles ont pour racine l'orgueil, pour principe
regoisme, pour source la mort. Elles tendent a gagner,
a seduire Dieu moyennant le faire de l'homme; elles
sont contraires et elles s'opposent a la grace. Elles renient
Christ et ses faveurs, — elles sont un outrage fait a la
verite vers laquelle le Saint-Esprit peut seul conduire les
ames, et dans laquelle seul il lesmaintient.
Aussi, toute cette activite-la n'a point de fruit en elle,
point de fruit reel et permanent; elle est sous la male-
diction de Dieu.Toutes ces ceuvres « mauvaises, » qu'on
decore du nom de la foi, ne sont qu'incredulite; et re-
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— 160 —
gardees de pres, elles se trouvent conformes aux exigen-
ces et aux prescriptions du demon et du monde. Amour?
Voyez la racine : il y a amertume, haine, meurtre. —
Chastete? Au fond de lapensee, sinon du fait, il n'y a
que souillure. — Paix et concorde? Vous entendez le
bruit des inquietudes de cette vie, des dissensions et des
querelles eclater a chaque moment... Et ces ceuvres ou-
vriraient a ceux qui s'y adonnent les portes des cieux?
Mais elles n'aboutissent qu'a la colere ! Ces ceuvres, qui
trainent a leur suite la violation la plus flagrante de la
loi, de la loi prise a la lettre, de la loi prise surtout spiri-
tuellement, — elles sont la sphere et l'atmosphere de
quiconque n'est pas ne de nouveau. Combien est grand
le nombre de ceux qui y vivent, qui s'y agitent! lis ne
savent pas, et ils aiment a ne pas savoir que leur sphere
est tenebres, que leur atmosphere est viciee I... Mais, la
lumiere est venue au monde, •
— Jesus-Christ a dit : « Je
wis la lumiere du monde!
» Et quelle est la parole que
cette lumiere fait briller et rayonner tout d'abord,
quelle est la predication que fait entendre Christ, la
lumiere?
« Hommes, vous etes tous tenebres ! Vous vivez au sein
des tenebres, et devant Moi est tenebres tout ce que vous
recherchez et obtenez ; tout ce que vous pensez et tout
ce que vous faites — sans Moi et hors de Moi, il n'y a
point de lumiere : Je suis la lumiere, — la lumiere du
monde; celui qui me suit ne marchera point dans les
tenebres, mais il aura la lumiere de la vie 1 »
Non, Dieu n'a pas voulu que nous restassions dans les
tenebres. II nous a donne une lumiere grande et glo-
rieuse, plus eclatante et plus bienfaisante que le soleil :
Christ est venu au milieu de nous, a l'aide de sa doctrine
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unique de salut, a 1'aide de sa predication de la justifi-
cation par la foi, II a convaincu de peche et de condam-
nation toutepropre justice chez l'homme ; etll amis en
evidence la justice qui est en Lui, en redemption eter-
nelle a tout croyant. La ou Christ estrecu,les idoles
tombenttoutes; la ou Christ se trouve, le peche, qui veut
avoir l'apparence de la justice et de la vertu, est repris et
condamne. Dans tout cceur ouvit Christ, toutesles pen-
sees sont manifestoes, meme celles qui jusqu'alors s'e-
taient cachees ou dissimulees le plus profondement. Ce
qui jusqu'alors passait pour « bon, » est reconnu n'en
etre que le simulacre \
Tous les fruits de l'hypocrisie et du mensonge, eussent-
ils longtemps porte devant le monde les noms de vertu,
de ferveur, de piete, sont alors taxes a leuv valeur, ou
plutot laisses a leur inanite, — car de la valeur, il n'y en
eut, il n'y en a pas selon Dieu... « OEuvres mauvaises! »
La ou est et vit Christ, il n'y a de « bon » que ce que
Christ lui-meme produit, ce qu'Il vivifie et sanctionne
par son Esprit. La ou Christ apparalt avec son Esprit,
il faut que chacun de ceux qui passaient pour les
meilleurs et les plus fideles se r'esigne a s'entendre dire :
« Tu es ce que tu as toujours ete, — tu es pecheur, et
tes oeuvres sont mauvaises. Elles nepeuventetre que mau-
vaises, et elles le resteront jusqu'aujour,jusqu'a l'heure
oil tu te convertiras. II te faut nattre de nouveau, et
croire — croire, purement et simplement en moo nom !
Je suis, moi seul, ta justice ; laisse-moi agir pour toi;
abandoune-toi a moi pour toutce qui est « oeuvre. » De
ce que tu fais, toi, il ne peut proceder qu'adultere et que
1 Spkndida vitia! Augustin.
II
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— 162 -
larcin, que desobeissance et que faux temoignage, qu'ido-
latrie enfin et qu'iniquite de tout genre! Revets-toi de
moi, tel que te voila, et tu auras, en moi et par moi,
vie, justice, sanctification, — toutes les ceuvres de la
sanctification, de la justice, de la vie, Y accomplissement
de toute la Loi; et il n'y aura plus alors de condamnation
pour toi. Crois en mon Nom, crois en mon Norn!...»
A l'ouie de cet appel, a la vue de cette lumiere, les
hommes croient — pour un temps. Quelques-uns, sans
doute, rejeUent cette lumiere a l'instant meme; mais
d'autres la suivent, et ils la vantent avec ardeur; mais
bientotils changent de sentiment oud'avis. La vertu, cette
idole si ctiere et si belle, ne devra pas etre dedaignee
tout a fait. II ne se peut que Thomme se depouille a un
tel point! Comment done! Mais il serait nu ; il lui fau-
dra bien, pour se revetir, pour se presenter honorable-
ment, garder quelque chose de ses anciennes bonnes
qualites et de ses ceuvres meritoires. La vie! C'est bien ;
mais enfin l'liomme a le droit de se la procurer, tant soit
peu, a son compte et de son propre fonds! Et Thomme...
apres avoir entrevu la lumiei'e, et Tavoir saluee de loin,
s'en detourne: il s arrete a penser qu'il Fa en lui-meme!
II n'est que tenebres, et il s'imagine, helas! et il dit,
qu'il y a bien assez de clarte de salut en lui 1 II lui semble
qu'il y a « exageration » en tout ce qu'il a entendu de
Christ. II ne comprend, il n'avoue pas que Christ seul est
la lumiere, que seul il est la Vie ; et il ne veut pas que ses
oouvresa lui soient appelees mauvaises. «Mauvaises, mes
ceuvres? Mais, je suis un homme juste, moi! 0 Dieu I je
te rends graces... » a ditle pharisien (Luc xvm, 11).
« La Parole de Dieu est vraie, sans doute; mais je suis
vrai aussi; la Parole a son prix, je le sais; mais j'ai le
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- 163 —
mien, et... » et ils'en va, decorant du nom depureteses
pensees d'adultere, du nom de probite ses indelicatesses,
du nom de piete ses actes d'hypocrisie. — « L'orgueil
les environne comme un collier, et un vetement de
violence les couvre (Ps. lxxiii, 6) \ »
Qu'arrive-t-il ? Par leurs contradictions, les hommes
dont la pensee et le langage sont cites ici s'attirent la con-
damnation; ils rejettent et repoussent la lumiere, et,
avec tout 1'infernal aplomb que donne a leur coeur cette
seduction d'eux-memes, ils aiment mieux les tenebres.
Or cesl ici le sujet de la condamnation I
Dieu a fait ce qu'il devait et voulait faire; il sera
trouve juste, Lui, dans toutes ses voies et dans tous ses
jugements. II a fait venir la lumiere au monde. II
n'aura point a prononcer dans I'avenir un arret contre
les ceuvres des hommes; cet arret est deja prononce. Les
hommes se sont juges eux-memes, juges et condamnes :
puisqu'ils ont mieux aime les tenebres que la lumiere,
ils ont bien prouve « que leurs ceuvres etaient mau-
vaises ! »
Que dirons-nous encore ? La oil Christ se manifeste,
la oil la Lumiere se leve, tout fuit, tout disparait.
Rien ne subsiste, ne demeure debout, devant la pre-
dication de « la justice qui est par la foi. » Et pourquoi,
rien ? Afin que l'homme soit sauve en toute realite" et
vdrite;
afin que, pour cela, il renonce a tout ce qui se-
rait de la confiance en la propre justice et au savoir-
faire du pauvre pecheur; afin que l'homme ne tombe pas
et ne s'appuie pas sur la malheureuse pensee qu'a force
1 Dans la version He Luther il y a : « Ihr Trotscn muss ein koesllich
Ding seyn und ihr Frcvel muss wohlgcthan heissen,
» Les traductions ont
leurs diflicultes.
(Note du traducteur.)
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de multiplier ses oeuvres, ou de les reproduire puri-
fiees et amendees, il obtiendra que Cbrist les approuve
linalement, et qu'il acceptera cette justice-la a la place de
la sienne ! Christ seul veut veritablement notre salut;
nous ne voulons, nous, que notre ruine; et lorsque
Christ nous decouvre et nous fait connaitre nos peches ;
lorsque nous voyons comment, devant sa face et a sa Pa-
role, nos peches deviennent plus nombreux toujours et
plus grands, et comment meme ce que nous estimions
avoir de plus precieux et de meilleur, ne tientpas en sa
presence, gardons-nous bien de nous laisser aller au de-
sespoir, et denous eerier lamentablement : C'en est fait
de mon salut!... Humilions-nous plutdt sous sa main puis-
sante et sous sa parole de condamnation ; souffrons avec
calme qu'il brise le travail de notre piete toute en oeuvres,
meme celui que nous tenions en la plus haute conside-
ration (celui-la surtout), et sachons dire : Christ, mon
Prophete, me frappe ; ce m'est unefaveur(Ps. cxli, 5)!
Oui, une faveur; car il me frappe, afln que je sois sauve
par Lui, que j'aie et que je garde ma justice en Lui ;
qu'en Lui je sois « accompli en toutes sortes de bonnes
' oeuvres (Hebr. xm, 21) 1 » II me frappe, afin que, deta-
ches de moi-meme et y renoncant, j'entre et je vive en
Lui devant Dieu.
Ah! quarid nous pourrons parler ainsi, nous aimerons
mieux la lumiere du salut que les tenebres du peche,
quand meme il nous faudrait nous accuser d'avoir long-
temps prefere ces tenebres et, helas! de les preferer quel-
quefois encore. La ou retentit l'aveu : « J'ai peche ! »
— retentit aussi la bonne parole : « Tes peches te sont
pardonnes! » Et quiconque est « ne de Dieu » aimera
mieux la lumiere que les tenebres. Les tenebres ! Elles
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lui font peur, elles lui font mal : il nepeut plus y vivre.
Toute creature qui a vie en elle-meme aspire a l'air vital,
a la lumiere; et Celui qui s'appelle et« le Pere des lumie-
res» et « le Pere des esprits, » ne laisserapas sans satisfac-
tion ces aspirations de vie; il ne permettra point qu'elles
soient etouffees, ste riles!...
III.
Nous avons a voir maintenant la conduite tenue par
les inconvertis.
Elle est parfaitement decrite dans ces paroles : « Car
quiconque s'adonne a des choscs mauvaises
(ou plus littera-
lement: « fait, pratique des choses mauvaises), » hail la
lumiere, et ne vienl point
d la lumiere, de peur que ses ceu-
vres ne soient ccnsurees.
»
Que fait, que pratique l'inconverti? « Des choses mau-
vaises, » nous dit le Seigneur. II s'adonne a ce qui est
mal; il s'applique a des ceuvres qui offensent le Sei-
gneur, qu'il n'a point ordonnees, et dont il nous com-
mande de nous abstenir. — L'inconverti ne s'attache
point aux choses qui durent, qui survivent au temps,
ayant en elles un germe d'eternite. D'un coeur « vaga-
bond et fugitif,» il est agite et incertain en toutes choses.
Quand il est repris, il raidit son cou (Prov. xxix, 1).
Souvent aussi il condamne de sa propre bouche les
choses auxquelles, dans le fond de son coeur, il rattache
son salut, auxquelles il a renonce cent fois, mais
auxquelles il est retourne de nouveau. II lui importe
beaucoup, ace qu'il croit, d'etresauve; mais ce qui nelui
importe nullement, c'est d'etre vraiment juste selon
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— Ifi6 —
Dieu, et juste envers le prochain. Son ame n'a jamais eu
soif du Dieu vivant. Jamais, il n'a eu la ferme intention
de se dormer, corps et ame, au Seigneur pour etre par-
faitement Justine, sanctifie, rachcte. II ne voudrait, pour
rien au monde, etre condamne : Christ doit done lui
servir de souverain Sacriiicateur; mais il ne se soucie
pas dc Christ comme de son Prophete, commo de
son Roi.
Lui arrive-l-il de voir l'une de ses oeuvres se fondre, se
reduire a neant dans ses mains, vite il recourt a une ceu-
vre nouvelle! II en a toujours de pretes. II lui fautl'action,
l'agitation; — il lui faut faire le maltre, l'homme puis-
sant et libre, quoiqu'il ne se fasse pas faute de dire qu'il
n'est rien, qu'il ne peut rien, qu'il ne s'appuie point sur
ses oeuvres. II parle de salut et de foi, de Christ et de vie
en Christ, mais il n'interrompt point ses debauches, ni
ses gourmandises et ivrogneries, ni ses larcins et cupidi-
tes; il est ronge d'envie et de convoitises; et il s'efforce
d'etablir, dans savie, un accord entre Christ et Belial.
II esttantot tout au ciel, tantot tout au monde. Le ciel!
il desire bien le posseder un jour, mais il desire surtout
ne pas perdre le monde; et, severe envers tous, il est
plein de dehonnairete et d'une lache indulgence pour
lui-meme.
Le manque de consequence et de rapport entre ses pa-
roles et sa conduite, il s'en rit. II emprunte a la lumiere
et a la verite tout juste ce dont il pense avoir besom pour
couvrir ses travers et ses mefaits. II n'est pas penetre de
la sainte science de se condamner sincerement et serieu-
sement lui-meme ; il trouve toujours quelque chose a
excuser, que dis-je ? a vanter et a exalter en lui; et il
n'en appelle a l'Ecriture que pour declarer excellentes
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— 167 —
ses oeuvres et ses voies. Certes, il hait la lumiere. II a
une lumiere a lui, qu'il tient pour la bonne, etcelle-la il
l'aime. Mais la Lumiere « veritable)) qui lui manifesteses
peches, il la hait au fond de son coeur; et chaque fois que
cela lui est loisible, il fait bien voir, par ses actions et ses
paroles, qu'il la hait. II la hait comme Cain ha'issait son
frere Abel, le roi Achab Michee le prophete, le general
Joab David, son roi et son bienfaiteur. II hait la Lumiere,
comme les papes et les moines ha'issaient et ha'issent
encore Luther et Calvin, — comme tout ce qui n'est
pas regenere, tout ce qui est encore asservi a la propre
justice, a hai de tout temps et haira jusqu'a la fin des
temps la parole de Christ, la parole de la Grace, de la
grace gratuite, souveraine et libre, et de la justification
par la foi seule!... II hait la Lumiere, il la dedaigne, il
se met au-dcssus d'elle. — II veut etre sauve, sauve
meme par la foi, mais par la foi aidee, enrichie de ses
oeuvres a lui; sauve par grace (soit, dit-il, par grace;
laissons subsister le mot!) — mais avec l'appoint de son
travail et de ses merites! — Quiconque done s'adonne
a des oeuvres mauvaises, quiconque est comme enfoui
dans son travail de propre justice, declare par la meme
qu'il n'a pas besoin de grace; il meprise les richesses des
compassions et des gratuites de Dieu; il fait semblant de
les ignorer, et — il ne vient pas a la Lumiere; il ne
vient pas a Christ, a la vie, a la vraie vie, a celle qui est
«nouvelle» en Christ! II aime le peche, le monde, la
possession et la jouissance des choses actuelles, sen-
suelles; il a son ventre pour dieu, et la gloire qui vient
des hommes pour beatitude. II ne veut se separer d'au-
cune des passions et convoitises dans lesquelles il est en-
lace, et ne point se convaincre qu'il nous faut renon-
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cer a lout ce qui deplalt a Dieu, et apprendre a couper
les membres qui font broncher. Ce qu'il veut, lui, c'est
un Christ pour la cbair; le Christ du cceur, et qui pu-
rifie le cceur — il le repousse I Quand un homme vient
a la Lumiere « veritable, » toutes ses iniquites lui sont
manifestoes, et il lui faut y renoncer decidement; mais
renoncerl on ne veut pas! On ne veut pas voir ses ceu-
vres jugees et condamnees; et puisque la Lumiere les
jugerait, les condamnerait, on craint, on fuit la Lumiere!
On aime tant n'etre pas trouble ', rester tel qu'on est,
et faire jusqu'au bout tout ce qui plait! On refuse de se
laisser reprendre comme injuste; on persiste dans 1'in-
justice, mais on persiste aussi a vouloir etre sauve ! Or,
comme la Lumiere a dit (2 Tim. n, 19): « Quiconque in-
voque le nom de Christ, qu'il se retire de I'iniquite
; » ou,
plus exactement : « Qu'il soil trouvd avoir abandonne'
I'iniquite1
,» — on aime mieux se detourner de la lu-
miere, et rester dans les tenebres.
Comme Adam fuyait la lumiere, de peur que ses oeu-
vres ne fussent censurees; comme des enfants qui ont
desobei a leur pere fuient son visage, ainsi ]'homme na-
turel fuit la Lumiere, de peur que ses oeuvres ne soient
reprises. Et que dis-je? l'homme naturel! L'homme re-
genere meme la fuit encore quelquefois, car il lui est
jusqu'u la fin difficile de se voir prive de toute gloire,
et sans oeuvre aucune. II la fuit, la Lumiere, mais il ne
saurait la hair; loin de la, son ame aspire en toute verite
a la Lumiere, afln que celle-ci dissipe toutes ses tene-
1 Malo hunc, aimait a dire l'iltustre Erasme, le type des quietistes ratio-
nalistes et eharnels, malo hunc, talis quails est, rerum humanarum slatum,
quam novos excitari tumultus.
{Note du traducteur.)
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bres. II se met aux pieds de son Dieu, se decharge de tout
sur l'Eternel, et s'eerie : 0 Dieu fort! Sonde-moi et
considere mon cceur, et reads-moi tel que tu veux que
je sois et que je demeure devant Toi!...
IV.
Qu'a ceux qui sont tels que nous venous de dire la
victoire est promise et acquise, tandis que celui qui vit
de propre justice ne prospere point, — le Seigneur nous
1'assure en ces paroles-ci, les dernieres que nous ayons
a mediter : « Mais celui qui s'adonne a la verite, » — ou
plutot : « qui fait la verite — vient a la lumifae, afin que
ses wuvrcs soient manifestoes, pane qu'elles sonl failes selon
Dieu.
»
II y a un trait de caractere commun a tous ceux qui
sont sauves : ils s'adonnent a la verite, ils font la verite1.
Sans cesse ils se demandent, non sans une serieuse in-
quietude (Esaie xliv, 20) : «Ce qui est dans ma main
droite, n'est-ce pas un mensonge?» et, sans cesse, ils
craignent de ne pas faire la verite. Ils sont fideles envers
eux-memes, et ils agissent sans fraude. Meme avant leur
conversion, ils ne peuvent point pecher comme ceux
qui perissent: ils se sentent souvent repris, et leur coeur
est contraint de s'adresser et de s'ouvrir a Dieu. II y a
des soupirs en eux, un mysterieux travail; il y a le sen-
timent d'etre charge, une componction, une soif de
salut qui, souvent refoulee, revient toujours. Ils gou-
tent et voient quelque chose des biens celestes avant
meme de connaltre Dieu. Ils s'adonnent a la propre jus-
tice et s'attachent a je ne sais combien d'oeuvres char-
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nelles, — sans doute; mais ils ne le font pas dans l'in-
tention d'etre ainsi eux-memes leur sauveur : ils le font
dans Fespoir de trouver ainsi le Sauveur.
C'est le Seigneur que leur ame desire, lui seul; et
quand ils Font trouve, les detresses de leur coeur s'aug-
mentent pour un temps: ils ne sont pas encore « assures»
que leur travail soit de write. Farce qu'ils veulent la
verite, ils sont exposes aux nombreux assauts du monde,
du demon et de leur propre coeur; ils ont besoin d'etre
constamment fortifies par la main de leur Dieu, d'etre
consoles et scelles par l'Esprit de Dieu. Ils ne cessent de
s'accuser devant le Seigneur ; ils se condamnent, eux et
leurs ceuvres, et ne veulent voir justifie que leur Dieu,
le Dieu de leur salut. Ce qu'il leur faut par-dessus tout, ce
sont des paroles de salut; ce qu'ils cherchent, c'est Christ
seul, Christ crucilie; — la justice dont leur ame a faim
et soif, c'est la seule justice de la foi! Ils ne peuvent plus
vivre sans sanctiflcation, et lors meme qu'ils ont trouve
Jesus, leur saintete vraie et eternelle, ils tremblent en- '
core devant l'enfer; ils craignent de ne pas l'avoir trouve
encore!
La race elue de Dieu n'est pas une race menteuse.
Ceux qui en sont reellement, se manifestent avec lous
leurs peches et avec loules leurs infidelites; ils ne ca-
chent, ni a eux-memes ni a autrui, combien ils sont
pecheurs, mais ils veulent la grace, la misericorde, —
la verite de Dieu. La verite ! Voila leur fondement et
leur terrain. Leurs ceuvres sont mauvaises : il leur faut
des ceuvres bonnes, et, a cette fin, ils cherchent Christ,
le souverain Sacrificateur, pour qu'il soit aussi leur
prophete et leur roi. — Ils cherchent avec ardeur,
jusqu'a ce qu'ils aient trouve — trouve, non une justice
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a eux, mais Celui qui seul peut les sauver. Tout est
trouble, agite, en eux, mais le coeur et toutes les fibres
et toutes les parties du coeur soupirent apres Dieu, apres
la vie et les consolations de Dieu, apres sa justice, apres
sa benediction et son puissant secours, apres son eternel
salut. II leur faut un chemin fraye, la voie droite pour
arriver au coeur de Dieu, — le chemin dans un sang qui
les justifie et qui les puritie de tous peches. lis detes-
tent tout autre chemin, quoiqu'ils aient suivi longtemps
un autre que celui qui seul est bon. Maintenant encore
ils s'egarent quelquefois; ils prennent des traverses, ils
font fausse route; ils s'appliquent a maint labeur penible,
— mais tout cela d'un cceur droit, et dans le desir que
ce cceur se remplisse du Dieu vivant, et que la soif qu'ils
ont de Lui soit apaisee. Quand Dieu met devant eux
leurs senders obliques et leurs peches, ils les con dam -
nent d'un cceur sincere; tout est affaire de cceur chez
eux : c'est une affaire de cceur que l'arret de condamna-
tion qu'ils prononcent contre leur coeur ruse et malin,
et leur plus grande sincerite est d'avouer qu'ils ne trou-
vent pas de sincerite en eux. Ils en ont d'aulant plus
soif du Dieu vivant; et ainsi ils sont des hommes selon
le cceur de Dieu, meme la du ils ne savent encore rien
de clair et de certain au sujet de l'Evangile, quand ils
n'ont pas encore contemple de leurs yeux le roi de Salem,
ni trouve le veritable repos. II leur arrive de pecher —
ah ! plus grievement peut-etre que ne pechent des en-
fants de ce siecle; mais ils ne perseverent point, ils ne
peuvent demeurer dans le peche. Partout ou est la vie,
quand une chute a eu lieu, il y a relevement. L'ame
aussitot soupire et se lamente; des lieux proibnds de sa
tristesse elle invoque l'Eternel; et elle l'invoque jusqu'a
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— 172 —
ce que l'Eternel se tourne, revienne a elle, et lui dise :
« Je suis l'Eternel, qui te guerit! » ... Tout le travail de
leur propre justice, de cette justice que dans la suite ils
ne pourront que rejeter, procede pourtant d'une source
tout autre que chez les irregeneres. Qui s'adonne au
mensonge ne clierche que sa gloire a lui; mais qui-
conque s'adonne a la verite, quiconque fait la verite, ne
se recherche point soi-meme : il ne veut trouver que
Dieu, que Christ, que misericorde et grace. Qu'importe
que d'abord toutes choses semblent, a cet egard, con-
traires aux regies, aux precedents, aux usages recus :
pourvu qu'on veuille recevoir et faire la verite, I'ordre
se fera. II arrivera ce qui est arrive, suivant le recit du
chapitre X des Actes, au centenier Corneille. C'etait
un horame devot et craignaut Dieu, avec toute sa fa-
mille; il faisait aussi beaucoup de largesses au peuple,
et priait Dieu continuellement. Et quoiqu'il donnat
beaucoup d'aumones, et qu'il ne cessat de prier, il igno-
rait ce qu'il devait faire Mais il s'adonnait a la verite.
II etait consciencieusement en souci de remplir la vo-
lonte du Seigneur, d'etre affranchi de ses peches, d'avoir
le repos de son ame et la paix en Dieu. Et... n'est-il pas
venu a la Lumiere? N'a-t-il pas ete manifeste que ses
ceuvres etaient faites en Dieu? Pourquoi etait-il devot
et craignant Dieu ? Pourquoi faisait-il beaucoup d'ac-
tes de charite, et priait-il continuellement? S'il avait
ete jaloux et fier de ses ceuvres, et qu'il se fut tenu jus-
tifies par elles, il aurait dit: Je fais ce qui m'est com-
mande; Dieu peut-il exiger davantage? Je suis devot et
craignant Dieu : qui osera me denier le salut?... Non,
il n'etait pas fier, pas jaloux de ses ceuvres! Non, il ne
pensait pas qu'elles constituassent sa justice devant Dieu!
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— 173 —
II ne se tenait pas quitte envers la Loi: ses peches etaient
devant lui, l'accusant, le condaranant. II cherchait un
garant pour son ame — 1'Homme a qui il put se eonfier
et s'abandonner pour etre justifies et sauve; et, ainsi, il
vint a la Lumiere, et ses ceuvres furent manifestoes
comme etant faites en Dieu. Car, un jour, environ sur
les neuf heures, un ange de Dieu vint a lui, et lui dit:
Tes prieres et tes aumones sont montees en memoire
devant Dieu. Maintenant done envoie des gens a Joppe,
et feis venir Simon, qui est surnomme Pierre; e'est lui
qui te dira ee qu'il faut que tu fasses. — Et qu'apprit le
lendemain Corneille de ce Simon Pierre? Que dut-il
[aire, a entendre l'apotre? L'ap6tre dit: « Tous les pro-
phbles rendent ce temoignage a JSsus, que quiconqae croira
en Lui recevra la remission de ses p6ches
par son nom !...»
Mes bien-aimes I Voila, j'ai lini mes sermons sur
Nicodeme.
Le Seigneur qui a dit a Nicodeme les paroles sainte-
ment sublimes que nous avons meditees, — il est vivant,
il vit et regne a la droite du Pere. Ses pai-oles sont de-
meurees et elles demeureront. Elles ont agi et elles agi-
ront a salut, aussi longtemps qu'il y aura des ames qui
ont besoin d'etre consolees, scellees, ramenees. Et que
toute ame qui desire la verite, et qui ne desire qu'elle,
renonce courageusement a tout ce qui lui est propre, a
son nom et a tout nom propre; qu'elle ne s'arrete pas
a se demander si elle a, jadis et jusqu'a ce jour, bien
ou mal fait en toutes ses manieres d'agir, mais qu'elle
croie, — qu'elle croie purement et simplement! Qu'elle
croie, et il se trouvera que la verite l'a affrancbie, et il
sera manifeste que ses voies et ses ceuvres, quoique atta-
quees et calomniees par toutes les puissances de l'enl'er,
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_ — 174 —
avaient leur fondement en Dieu, et etaient faites en Lui.
Dieu enseignera a cette tune le secret de sa sagesse. Le
mot de ce secret, la clef de cette sagesse est Christ, et
1'expiation par Je sang de Christ. C'est dans ce sang que
le pecheur devient pur comme la neige; c'est dans cette
expiation qu'il y a saintete parfaite. Celui qui entre dans
ce sanctuaire-la est certainement regenere, et il dira du
fond de son coeur : II faut qu'il croisse, et que je dimi-
nue; II est mon garant, mon Goel, mon Tout a tou-
jonrs ! — Rien pour moi, tout pour Lui, et que son
nom soit beni eternellement! Amen.
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IX ».
CONCLUSION.
Lui qni n'a point epargne son propve
Fils, mais qui l'a livre^ pour nous ious,
comment ne nous donne*a-t-il point aussi
toutes choses avec lui ?
(ROM. VIII, 31.)
« Si quelqu'un veut venir aprbs moi, qu'il renonce a soi-
mSme, et qu'il charge sa croix, et qu'il me suive!
» — C'est
la une parole de notre Seigneur Jesus-Christ.
Ou arrive-t-on en suivant Jesus?
On arrive, a travers roille peines ou mille choses qui
semblent etre des peines, a une joie ineffable et glo-
rieuse. Qu'en suivant le Seigneur, nous ayons a traver-
ser des cheniins frayes ou non frayes, des angoisses et
des souffrances, des dangers et des douleurs de mort, —
qu'importe? II ne nous abandonnera point, Lui qui a
pris sur Lui tout ce qui nous regarde, qui a pris a sa
charge tout notre fardeau! Jamais, si en effet nous
1 Prononce le 12 novembre 1848.
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— 17(j —
somuies a Lui, foudes en Lui, pour le temps et pour 1'e-
ternite, jamais quelque cliose d'essentiel, de vraiment
necessaire nous manquera-t-il? Est-ce que le lacet que
maint oiseleur d'enfer tend a nos pieds pourra nous
retenir? Les filets du peche et de la mort pourront-ils
nous entrainer? Les depresses de l'ame et du corps pour-
ront-elles nous abatti'e, si nous avons le Seigneur, si nous
sommes unis au Dieu de l'alliance eternelle, a notre
Dieu fidele qui nous dit : « Demandez-moi, et suivant
ce que j'ai jure en ma fldelite, je vous donnerai gratui-
tement toutes choses, je serai votre Dieu, et vous serez
mes tils et mes lilies?...
Le Dieu vivant ne peut jamais ni hair ni delaisser son
heritage. II est impossible que celui qui s'est abandonne,
corps et ame, au Seigneur pour etre justifie, sanctifie,
parfaitement sauve, n'entende dire au Seigneur cette
parole de grace : Qu'il te soit fait selon ta foi !
La foi! Elle est sans doute, de temps a autre, rude-
ment eprouvee; mais la victoire est certaine. Est-elle
certaine, en effet; entrons dans le sanctuaire, ecoutons
ce que dit la Parole de Dieu.
Le monde ne peut ni ne veut comprendre qu'il soit
donne a l'liomme de vivre d'autre chose que de pain.
L'homme a propre justice ne concoit pas qu'il y ait
devant Dieu une autre justice que celle des oeuvres.
Le moraliste ne consent pas a admettre que la sancti-
fication (celte vraie morale) n'est pas en notre pouvoir.
Qui n'a point l'Esprit ne sait rien de ce que c'est que
d'etre conduit par l'Esprit et marcher dans ses voies;
mais il se fie a son esprit propre, individuel, a sa force
et a sa volonte a lui. Qui n'est pas ne de Dieu ne sait ce
que veut dire se charger de sa croix chaquejour; mais
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— 177 —
il met sa contiance aux richesses, a la vigueur de son
corps, a la vivacite de son intelligence. Et tous ceux-la
haissent et attaquent la foi. Aussi, quiconque aspire au
Dieu vivant est toujours en hitte, il se voit inces-
samment expose a toutes sortes d'epreuves et de
tentations renaissantes. Rien de ce qu'il entreprend
ne semble prosperer; on dirait que son feuillage est
fletri et que le nom de sa demeure est : desert, deso-
lation, denument! Et pourtant... il ne cesse d'aspirer
a Dieu, il ne se lasse de soupirer apres Lui et de n'atten-
dre que de Lui le salut. Le monde, le demon, le pauvre
faible coeur ne cessent, de leur cote, de vonter le
croyant pour obtenir de lui qu'il renonce a sa foi en la
seule justice qui vaille devant Dieu. Tout ce qui est sen-
sible et visible le menace de ruine, lui fait penser qu'il
perira, mais il espere contre esperance, il espere pour
« toutes clioses » en son Dieu. Son espoir sera-t-il decu?
Et quoiqu'il ne voie point de secours devant lui, le fon-
dement sur lequel le voila pose envers et contre tous,
— ce fondement est-il bon?...
« Lui qui n'a point eparCxNe son propre Fils, mats qui
L'A LIVRl! POUR NOUS TOUS, COMMENT NE NOUS DONNERA-
T-IL POINT AUSSI TOUTES CHOSES AVEC Lui? »
Le chapitre vme de l'Epttre de Paul aux Romains
n'est pas ce qu'on dit d'habitude : un chant de triom-
phe, le chant du cygne. Non. Ce chapitre nous donne
les pensees et les paroles d'un homme qui semble a
bout de toute ressource et de toute consolation, en
butte aux plus violentes epreuves, mais qui, les yeux
fixes sur l'amour de Dieu, tend et arrive, malgre toute
la resistance de la chair et du sang, et des choses vi-
sibles et invisibles, a la grace de Jesus-Christ. Celui
12
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— 178 —
qui est ne de nouveau a besoin d'un Redempteur
vivant et d'une justice vraie : il croit en un Dieu qui
n'est manifeste et rendu sensible a l'ame que sous la
forme et la figure du Crucible; en un Dieu que le
monde meprise et rejette! II ne recberche et ne retient
d'autre justice que celle qui est parfaiteinent veritable
selon la Parole de la foi : aussi n'est-il jamais reconnu,
avoue par ceux qui marchent selon la chair. Le diable
ne se lasse pas de trouver en lui toutes sortes de choses
condamnables. Ceux qui s'adonnent et qui se confient
aux ceuvres ne cessent de chercher a le faire dechoir
de sa sure et forte position, de son excellent lieu de
refuge; ils l'attaquent avec la loi, — avec une loi qui
enfante le peche, qui donne la mort I Et cette loi, sub-
sistant (encore toujours, helas!) dans les membres du
regenere, l'attaque, elle aussi. Ceux qui ne savent ce
que c'est que « la chair » ne veulent pas laisser vivre
dans le regenere le Christ venu. en chair; et ceux qui
s'appuient sur leur force propre et qui pretendent qu'il
est indispensable qu'ils fassent, eux, quelque chose
outre ce que fait la grace ou apres que la grace a
agi; ceux qui ne peuvent se decider a renoncer a leur
volonte, a leurs propres ceuvres a eux, — ils se coali-
seront continuellement pour mettre en suspicion, par
toutes sortes de medisances et de calomnies, l'onction
qui repose sur les saints. Tout ce qui l'environne pous-
sera le regenere a faire naltre en lui le desir de vivre de
nouveau selon la chair, et d'adopter le culte que la chair
aime et present, — cette chair qui resiste a Dieu et a
l'e^srnelle grace de Dieu! Toutes les puissances visibles
et invisibles viendront et reviendront lui tenir des pro-
pos tels que ceux-ci : « Tu es un enfant de Dieu : com-
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— 179 —
» ment se fait-il alors qu'au lieu de pain tu n'as devant
» toi que des pierres? D'ou vient cette nuee de tribula-
» tions? D'ou viennent toutes ees douleurs externes ou
» internes qui t'enveloppent? Pourquoi es-tu accable de
» souffrances, comme si tu n'etais ne que pour souffrir?
» Tu es un enfant de Dieu : d'oii proviennent done tes
» angoisses? Tu ne cesses de dire que ton attente est, par
» la foi, en l'Eternel ton Dieu, et que tu esperes contre
» esperanee, mais rien de bon ne t'arrive. Tu repetes
» que ton Dieu viendra, maisvoici....., il y a bien du re-
» taidement! Et puis, pourquoi n'es-tu pas conslamment
» en paix? Un enfant de Dieu croit toujours et partout :
» tu te plains et tu doutes si souvent! Un enfant de Dieu
» cbante et tressaille d'allegresse: tu ne te lasses pas de ge-
» mir! Ehquoi! ton cceur n'est-il done pas plus ferine ?
» Mais, si tu es un enfant de Dieu, tu devrais avoir une
» foi forte comme un mur de granit. Tu n'es pas capa-
» ble d'un acte de quelque valeur. Et les passions! Celle-
» ci, celle-la, cette troisieme!... Ces passions qui te font
» la guerre et auxquelles, il est vrai, tu la fais aussi, au-
» raient-elles encore quelque pouvoir, quelque droit sur
» ton cceur, si tu etais un enfant de Dieu? Va, tu sais
» bien que ta fin ne pourra etre bonne. Tu vois bien
» que ton chemin de foi n'est pas le chemin de la saintete;
» sans cela tu serais saint et irreprehensible. Tu n'es pas
» elu; appele peut-etre, mais point elu. Tu ne peux
» l'ignorer : II y a beaucoup d'appelds, mais peu d'dus. Tu
» n'as pas la veritable justification, car il n'y a aucun
» fruit de justice en toi; tu feras miserablement nau-
» frage a la fin, et tu seras couvert de confusion avec
» toutes tes pretendues esperances. Si pourtant ta foi est
» vraie et de bon aloi, pourquoi ton Dieu ne t'est-il pas
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— 180 —
» plus puissamment en aide? Pourquoi t'abandonne-t-il
» ainsi? Pourquoi, enfin, ne parviens-tu pas a sortir de
» ta misere, a etre delivre de tes detresses?... »
Voila les assauts que le demon, que la chair et le sang
livrent sans relache aux elus. Et leur position dans le
monde, quelle est-elle? Aux yeux du monde, ils sont in-
senses, faibles, ignobles, meprises. Qu'ont-ils a montrer?
Le monde, lui, a une saintete; il a abondance, surabon-
dance de bonnes ceuvres; il a la sagesse et le pouvoir, des
honneurs et des biens.Eux,aucontraire, n'ontqueleurs
peches, que des tribulations de tout genre; chaque jour
leur apporte ou menace de leur apporter une peine; ils
semblent etre particulierement visites de Dieu et affli-
ges; ils souffrent l'angoisse ou la persecution, ou la faim,
ou la nudite, ou le peril; ils sont regardes, de tous et de
chacun, comme des brebis destinees a la boucherie, et
se voient livres aux plus effrayants dangers de mort. Eh
bien I est-ce que le demon et le monde, est-ce que la
chair et le sang, est-ce que les gens de la chair n'ont pas
mille fois raison, quand ils pretendent que les enfants de
Dieu sont... des enfants perdus? N'avoir pour soi que
peche, faiblesse, denument, langueur, et ne pouvoir
montrer a cote de tout cela que lafoi, et encore une foi
qui n'est que comme un roseau froisse, — n'est-ce pas
une incroyable folie? Et n'y a-t-il pas arrogance a atten-
dre sonsalut de Dieu alors qu'on ne voit devant soi que
mort et ruine?...
Arrogance, folie 1 Allez, dites toujours! « Les yeux
de ceuxqui voient ne seront point retenus! » (Esaie xxxn,
3.) Qui ne connait et ne demande d'autre justice que
celle qui est de par la foi en Christ, surmontera tous
les obstacles, si tente et si eprouve qu'il soit, et eut-il de-
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— 181 —
vantlui des portes d'airain et des barres de fer%Le Saint-
Esprit qui lui a ete donne le fera passer par-dessus
toute chose visible jusqu'au sein meme de son Dieu; cet
Esprit fait qu'il se pose et qu'il reste pose sur Christ
comme sur son unique fondement; et engage dans la
lutte, il repoussera finalement, il detruira au nom de
l'Eternel (Ps. cxvm) tous ses ennemis; il les repoussera
et les detruira par la confession de la foi, et en retenant
ferme sa confiance au Seigneur, son espoir en Celui qui
est veritable et qui tient fidelement sa parole !
Cet espoir et cette confiance se trouvent chez tous
ceux qui sont nes de Dieu; cette confiance et cet espoir
ont leur racine dans le plus profond du cceur et se mani-
festent avec courage lors meme que ce qu'il y a d'humain
en eux tremble et se lamente; alors surtout que tout
salut, pour le corps et pour l'ame, pour le temps et pour
l'eternite, semble enleve. Or, cette assurance du cceur
au sein de l'angoisse, du tremblement et de la lamenta-
tation, — elle est admirablement exprimee dans ces pa-
roles de l'apotre :
« Lui qui n'a point e'pargne' son propre Fils, mais qui l'a
livre" pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il point
aussi toutes choses avec lui? »
Ces paroles nous sont depuis longtemps connues, mes
bien-aimes. II nous a fallu, et il nous faut encore a tous,
traverser les tribulations et les douleurs, les epreuves et
les tentations qui surviennent a la foi: or, ces paroles-la
nous ont-elles toujoun aides et consoles? Non, pas tou-
jours! Elles ne nous ont point aides, point consoles,
lorsqu'au jour de l'epreuve nous regardions en has; lors-
que nous regardions les vagues qui, passant par-dessus
toute digue, menacaient d'engloutir tout ce que nous
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— 182 —
avions ou.pensions avoir. Aussi, pourquoi done regarder
en has? En haul, done, et levons la tete! En haut tou-
joitrsl
vous qui avez une fois appris a regarder en haut!
Comme le soleil n'est jamais plus brillant qu'apres
plusieurs jours raauvais, ainsi en ces jours que voila, et
« qui sont mauvais, » les paroles de l'apotre seront pour
nous pleines d'amabilite et de consolation, si nous les
laissons arriver a nous dans la vertu de l'Esprit-Saint.
Car ces paroles contiennent plus que ne pourrait conte-
nir le testament du plus puissant monarque : elles nous
constituent legataires universels du ciel et de la terre!
C'est l'entiere certitude de l'apotre, e'est l'entiere certi-
tude de toute l'Eglise de Dieu : « Dieu nous donnera
toutes chosen!
» Et en exprimant cette certitude, l'Eglise
detourne son regard d'elle-meme pour ne le fixer que
sur Christ, et elle dit: En Christ et avec Christ Dieu nous
donnera toutes choses!
» En disant : « En Christ etavec
Christ, » elle nomme la source d'ou lui arrive et d'oii
lui arrivera, de par Dieu, tout ce dont elle a besoin : cette
source, c'est la grace gratuite, c'est l'eternelle charite du
Pere. En fixant ses yeux sur cette eternelle charite, sur
cette grace gratuite, elle n'exclut aucun frere; elle dit :
Dieu veut que « tous » nous y ayons part; nous sommes
tous les legataires universels de «toutes choses. »
Dans toutes ses detresses et dans toutes ses tentations,
l'Eglise s'attache etroitement a Dieu, et repete son mot
d'ordre : « Dieu nous donnera toutes choses. » Qui,
« nous? » Evidemment tous ceux qui n'ont rien et
qui se sentent attristes et angoisses de ne rien avoir.
Car, quant a ceux qui onl, et qui font entendre fiere-
ment leur : « Nous n'avons besoin de rien, » ils n'at-
tendent rien de Dieu, ils ne demandent pas que Dieu
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leur donne quelque chose. Mais ceux qui n'ont rien, qui
se savent et se sentent pauvres, ils ne sauraient oil
prendre ce qu'il leur faut si Dieu ne le leur donne. —
« Ne nous donnera-t-il point toutes choses ? » C'est sous
forme d'interrogation que l'apotre prononce ces paroles.
C'est qu'il y a chez l'homme incertitude et doute si en
effet Dieu fera ainsi; or, dans l'incertitude, dans le
doute, cette demande est semblable au baume qu'on
etend sur une blessure. Le pauvre faible cceur, credule
en raeme temps qu'incredule, pense volontiers que le
Dieu fort ne fait plus les merveilles d'autrefois; et le
diable veut qu'on dise aux pierres : « Devenez despains »
— et qu'on se soit en aide soi-meme; qu'on ait son
recours a l'impiete, et qu'on mette son espoir en un
autre nom que le nom de l'Eternel. II veut qu'on tente
Dieu moyennant une foi fausse, tandis que le monde
fait, lui, de son cote, toutes les objections possibles contre
la foi veritable, et ne se lasse pas de pousser a l'emploi
de la force propre et a la confiance en soi-meme et
aux choses visibles; de faire valoir les entrainements
d'un foi orgueil et d'un culte charnel, d'un culte qui
ne se fonde que sur les inventions et les prescriptions
des hommes. Mais 1'essence de la foi, c'est la foi!
Quiconque emit n'attend de soi nulle chose. 11 ne
demande pas de recolte a son champ propre : il ne
sait que trop que ce champ est inculte et sterile...
Chere ame! Si tu as goute seulement la douceur de
cette parole : « Son nom sera appele Jesus, car il
sauvera son peuple de leurs peches, » tu seras assez
illuminee deja pour ne voir en toi qu'une pauvre
ame pecheresse et pour ne voir ton salut que dans le
Dieu vivant. Si tu n'as contemple qu'une seule fois
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l'Agneau de Dieu qui ote les peches du monde, tu
n'oublieras, va! lu n'oublieras jamais tellement la puri-
fication de tes anciens peches, que tu puisses attendre
encore quelque chose de tes mains indignes, ou retour-
ner vers ces ceuvres mortes dont tu faisais si grand cas
jadis. Si une seule fois tu as lutte avec 1'Homme du
gue de Jabbok (Gen. xxxn), tu n'oseras plus faire le
presomptueux, le superbe, car, voici, tu boites de la
hanche! Qui a la vie, qui a recu la vie de la part du
Dieu de toute grace, ne peut que marcher droit et mar-
cher en avant. II sait bien ce que la loi exige de lui; il
n'ignore point quelle est la tyrannie de la chair et du
sang; il n'a certainement pas un cceur de pierre ou de
bronze, de sorte qu'il ne puisse profondement sentir sa
faiblesse, sa pauvrete, sa misere, mais... mais, devra-t-
il retourner en Egypte, afin d'y manger « son soul de
pain et de chair » (Exode xvi, 3)? Non. II lui faut arri-
ver au pays de la promesse, dans la cite dont l'Eternel
Dieu estTarchitecte. Marcher, arriver! Mais, nous sommes
au desert : y a-t-il quelque chose de bon au desert?
peut-on y creer quelque chose de permanent? Non. Et
celui-la ne cherchera point a rien y creer qui a appris
a se reposer de ses travaux, comme Dieu se repose des
siens. Mais... d'ou viendra la perfection? D'oii vien-
dra, en vous, l'accomplissement de ce qui "est juste et
droit? D'ou, la sanctiflcation? Et les bonnes ceuvres?
D'ou viendra la mortification « de vos membres qui
sont sur la terre? » Dis-le-moi, 6 toi qui n'as que tes
peches! Cette mortitication, ces bonnes ceuvres, cette
sanctiflcation, cette perfection, — il faut, il faut absolu-
ment qu'elles se trouvent : ou sont-elles? II n'y a que
peche en toi! Tu as raison, Satan! Tu as raison, monde!
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— 185 —
Tu as raison, pauvre coeur! II n'y a que peche en moi.
Mais, justification, sanctification, parfaite redemption,
delivrance absolue et eternelle de tout mal, je l'ai pour-
tant! Oui, j'ai toutes ces saintes choses; j'ai en outre
tout ce qu'il faut a 1'entretien de ma vie, la nourri-
ture et le vehement, la demeure et l'honneur, femme et
chers enfants, du calme et une bonne conscience, du
secours en tout temps; tout ce qui est necessaire pour
que mes genoux soient fortifies (Hebr. xn) et mes pieds
preserves de cbute; qu'une fin benie me soit accordee,
et que je m'en aille au paradis, certain et heureux d'etre
reuni a mon Sauveur et a ses saints anges : je l'ai, je le
possede! Demandez — toi, Satan; toi, ruonde; toi pauvre
coeur!... demandez et exigez tout ce qui est possible,
imaginable, desirable : je l'ai, je le possede, j'en suis
assure a jamais par cette parole : « Toutes choses I » Je
n'ai rien de moi-meme, c'est vrai : pressez-moi tant
que vous voudrez et cherchez a me pousser a bout, —je
regarde a l'Eternel, au Dieu vivant qui a fait le ciel, la
terre, et qui me console en me disant : Je serai ton
Dieu! — « Ne nous donnera-t-il pas toutes choses ? » II
donnera ', est-il dit; oui, il donnera gratuitement et misi-
ricordieusement.
Je ne merite point la justice qui donne
la vie; que dis-je? je merite la mort eternelle. Mais j'ai
la justice de vie; Dieu me l'impute; ill'impute a lafoi.
Le salut n'est pas le merite des ceuvres. Ou tout est
grace, la grace seule doit etre magnifiee et glorifiee.
Tout est grace, en effet. Tout ce qui nous arrive a salut,
Dieu nous le donne par grace; et c'est en ses dons
de grace que nous esperons maintenant et toujours. II
1 « Schenken » en allemand.
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— 186 —
saura rompre tous nos liens, absoudre grandement tous
ses elus, accuses devant lui, et revetir de sa royale ma-
gnificence tous ceux qui, miserables et nus devant lui,
n'attendent que de lui, que de sa grace, leur vetement
et tout leur salut. N'y a-t-il pas un grand peril en cette
attente? L'apotre a dit : « Comment ne nous donnera-t-il
pas tonics choses avec Lui ?
» L'Eglise ne cessera de dire :
II nous donnera toutes choses avec Christ. Toutes les
choses qui nous sont necessaires pour pouvoir marcher,
durant cette vie, dans les commandements de Dieu, pour
nous appliquer a la sanctification et rechercher la justice;
— toutes les choses qui se rapportent et qui conviennent
a l'entretien et a la conservation du corps, et toute benedic-
tion et preservation, Dieu ne nous les donnera-t-il pas,
apres nous avoir dome son propre Fils? L'Eglise ne
regarde pas a elle. Son regard est fixe sur Christ seul:
Christ est l'heritier du Pere et le Roi de l'Eglise. En
Lui elle a son droit et sa force. « Toutes choses » Lui
ont ete donnees par le Pere. Ce n'est certes pas une
parole vaine et vide celle qui nous annonce que toute-
puissance est donnee au Fils dans le ciel et sur la terre.
Oil Christ se montre, oil il sejourne et vit, il apporte et
fait abonder tous les biens veritables. II ne peut aban-
donner ceux que le Pere lui a donnes; c'est son bon-
heur de dire au Pere : Me voici avec ceux que tu m'as
donnes ; — ils sont un signe et un miracle devant le Dieu
fort. Aussi, sans Christ nul espoir pour le pauvre, pour
le miserable. Sans Christ, il ne peut aller a Dieu,
rien attendre de Dieu; sans Christ, il ne peut rien pro-
duire. Prenez Christ au pauvre, au miserable, et vrai-
ment les demons seront plus heureux que lui.
Qui est ne de Dieu a besoin de la justice de Dieu; —
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— 187 —
il lui faut etre lave et purifie dans le sang de Christ.
Qui est ne de Dieu a soif de verite; — il lui faut obte-
nir l'accomplissement des promesses de Dieu. Sans
Christ et hors de lui, il n'y a que peche et mort; il n'y a
que misere et angoisse; il n'y a que tristesse et desolation.
L'Eglise est laide par elle-meme et meprisable; elle est
miserable et ne merite que d'etre entierement rejetee;
elle est nue et aveugle, muette et sourde, couverte du
haut en bas d'infirmites et d'irapurete. Sans Christ et
hors de Christ, il n'y a que colere et condamnation; il y a
le despotisme du peche; il y a absence totale de lumiere
et d'esperance. Par Adam , notre premier generateur,
nous sommes venus sous la loi du peche et de la mort,
enfants de la colere, morts dans nos fautes et dans nos
peches ; mais nous avons maintenant un autre chef et
generateur qui amene la lumiere et la vie, la paix et la
joie. Oh il parait, la mort et le diable disparaissent; oil il
semontre,il y a aussitot remission des peches, affrancbis-
sement de tous les liens du peche, delivrance de la colere
a venir, bon secours durant tout le voyage en Mescec
(Ps. cxx, 5); — il y a victoire et salut! Oil Christ habite
se trouvent toujours tous les biens celestes. Le Pere des
misericordes a voulu qu'a ce monde perdu une annee de
bienveillance, de grace, fut preparee, et qu'il eut un roi
de justice, un prince de paix eternelle. Ne benira-t-il pas
le regne de son Oint? Sous le sceptre de son Jedidja
(2 Sam. xii, 25), du Cheri de l'Eternel, l'argent et l'or
ne seront-ils pas aussi abondants dans sa Jerusalem que
les pierres? Les cedres ne seront-ils pas aussi abondants
que les figuiers sauvages qui sont dans la plaine? (2 Chron.
1,159.) — Consideree en elle-meme, l'Eglise est perdue;
les cordeaux du sepulcre la retiennent; elle demeure ou
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Labile le peche; la inort la possede ; et... c'est elle pre-
cisement que Dieu a voulu adopter comme sa fille bien-
aimee. II l'a elue par pure affection. II lui donne son
propre Fils pour epoux fidele et cher a jamais; et ce que
Dieu a joint ainsi, le monde, le demon, la mort, ne doi-
vent point le separer. Est-il pauvre l'Epoux de la fille
bien-aimee? Est-ce que Dieu a un Fils pauvre? Apres
avoir donne son Dieu, n'avait-il plus rien a donner? Lui,
le Fils, suffit pleinement sans doute; et du moment
oil nous I'avons, Lui, nous avons « toutes choses, » dus-
sionsnous toute notre vie n'avoir a manger que du pain
de larmes et n'avoir d'autre boisson que de l'eau d'an-
goisse. Avec Christ, dit 1'ame qui n'a d'autre consolation
que Lui, avec Christ, je traverserai vaillamment et victo-
rieusement la faim et la nudite. Toutefois Christ n'est
pas si pauvre, et notre Pere qui est aux cieux n'est pas
pauvre non plus. II a fait, Seigneur tout-puissant, les
cieux et la terre. II s'est forme un peuple qui soit zele
pour sa gloire, qui contemple son salut et qui fasse l'ex-
perience, au jour le jour, que la redemption est en abon-
dance par devers Lui. L'or et 1'argent lui appartiennent.
II est le juge supreme; qui intentera accusation contre
les elus de Dieu? C'est Dieu lui-meme qui les justifie.
Quelle detresse pourrait jamais surmonter ses pauvres, a
lui, ses miserables, puisqu'il a arrete qu'en « toutes
choses » ils seraient vainqueurs et plus que vainqueurs
en Celui qui les a aimes! Le Pere a tout donne a son
Christ, — tout: le trone de sa gloire, pour y sieger avec
Lui; le palais de sa gloire, son ciel de gloire. II vivra et
demeurera dans le ciel eternellement avec tous les siens.
Christ a acquis et merite toutes les richesses, tous les
tresors du ciel, afln de nous les donner; afin que nous
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ayons, comme il a dit lui-meme, la vie, et que nous
l'ayons en abondance. II se donne lui-meme a son Eglise;
lui-mSme: done, il lui donne tout ce qu'il a et tout ce
qu'il est. 0 sainte communaute de biens, communaute
indissoluble et inepuisable ! L'Eglise est une mendiante,
mais elle est reine aussi, et son epoux est roi. Elle est
d'elle-meme pauvre et denuee de tout, mais elle est riche
aussi et couverte de gloire, car son epoux possede les
cieux et la terre, et tous les genoux devront encore flechir
devant lui. Elle est faible, mais son epoux a a son service
une legion de serviteurs toujoursprets a l'assister et a lui
obeir. Rien ne peut enfin lui manquer jamais, car il a
dit : « Tous mes biens sont a toi!... »
Je sais qu'a voir les choses exterieurement et actuelle-
ment, il ne semble pas que nous recevions en effet, avec
Christ, tout ce qui nous est vraiment necessaire- Car,
n'est-ce pas, 6 vous qui avez Christ, le Christ vivant et
vrai, — quand vous le confessez et qu'avec joie vous
dites : « Le Seigneur a ete fait peche pour moi; il est mon
peche, et en lui je suis justice devant Dieu, » aussitot vous
etes en scandale a tous les demons, a tous les injustes, a
tous ceux qui ne sontjustes que de leur propre justice?
Aussitot on vous accuse d'affaiblir, de demolir l'Eglise,
d'enseigner une doctrine impure,contraireaux bonnes tra-
ditions et aux bonnes mceurs, de dire : « Pourquoi ne fai-
sons-nouspas du mal, atin qu'il en arrive du bien? »(Rom.
m,8.) Les demonsferont mine de vousdevorer, lemonde
vous haira, vous crucifiera. Les gens pretendus comme il
faut daigneront peut-etre avoir quelque pitie de vous; ils
viendront a vous avec toutes sortes de bonsavis, afin de
vous engager et de vous porter a renier Christ; et si vous
ne les ecoutez pas,—vous ne les ecouterez point I—adieu
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votre herniate reputation, votre repos, voire pain de cha-
quejour. On ne vous laissera plus jouir d'aucun droit,
d'aucune confiance; on vous declarera indignes d'exis-
ter!.. Et puis les peines interieures, le sentiment de la mi-
sere spirituelle,lesentiment quelquefois de la misere ma-
terielle,les embarras, les detresses du moment, l'angoisse
au sujet des choses douloureuses que pourra apporter le
lendemain! Et puis encore la maladie, les langueurs! Oh!
qui a Christ doit avant tout etre semblable a Christ dans
sa passion, dans les douleursqu'il a souffertes en son corps
et en son anie, dans sa mort sur la croix ! Rien alors, rien
ne se trouve la que la croix; rien que les tribulations;
rien que le chagrin d'etre meconnu, meprise, honni,
calomnie. Le monde consent bien de temps a autre que le
chretien l'instruise et l'eclaire, mais volontiers il brule
ensuite celui qui vient de l'eclairer. Finalement, ne
vaut-il pas mieux etre et vivre selon la chair? Dans les
voies de la chair, l'un loue, honore, gloriGe l'autre. Ne
vaut-il pas mieux retourner au monde et attendre de lui
lagloire, I'honneur et 1'immortalite? Le monde, on le
voit chaquejour, il est si complaisant et si liberal a ses
serviteurs! II leur promet tout, il leur donne beaucoup.
Ou bien, Dieu fera-t-il des ouvertures au ciel ?... (2 Rois
vii.) Cerlainement, repond l'Eglise, quoique je sois acca-
blee de disette, quoique je sois sans aucune saintete,
quoique je ne voie point de chemin a mes pieds et que
je me trouve sans aucune force, quoique je n'aie devant
moi que le peche, que la mort, que la destruction, —
certainement, « Dieu fera des ouvertures au ciel. » II
nous a donne son propre Fils ; il ne I'a point iparqne'; il I'a
livri pour nous tous; comment ne nous donnerait-il point
aussi toutes choses avec Lui ?
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En disant haut et ferme : « II nous donnera toutes
choses avec Christ, » l'Eglise regarde a la source d'ou
lui arrivent, avec Christ, « toutes choses » de la part de
Dieu; et cette source, je le repete, c'est la libre grace,
c'est 1'infinie misericorde de Dieu envers nous autres,
pauvres pecheurs perdus. Il n'a point e'pargne' son
PROPRE FlLS, MAIS IL l'a LIVRE" POUR NOUS XOUS.
Voussavez l'histoire d'Abraham, mes freres. Vous savez
comment«leperedela multitude »acouchesur l'autel de
l'holocauste son propre his, son fils unique et bien-aime,
son autre moi, sa vie, la joie de ses yeux et de son coeur.
Dieu a fait comme Abraham. Mais Abraham a ete con-
traint de faire ce qu'il a fait, l'ordrede Dieu etait la ! Dieu,
lui, etait libre, et qui pourra jamais voir jusqu'au fond
de ce libre amour deDieu? Ce n'est pas un objet etranger,
place loin de lui, hors de lui que Dieu a donnd pour nous;
c'etait son unique, sonpropreFils. Son Fils!... Voilaleprix
que Dieu a paye pour nous sauver. On serait presque tente
de demander si nous n'avons pas ete plus precieux aux
yeux de l'Eternel que son cher et saint Enfant. Nous
avions pourtant outrage sa gloire, forfait a sa justice,
viole sa loi eternelle, viole ce commandement bon qui
nous etait donne pour que nous eussions la vie! Nous
nous etions derobes a Dieu avec une legerete deplo-
rable, nous asservissant au demon qui est son ennenii
et le notre, faisant le mal, haissant la verite et tout ce
qui est veritablement bon. Nous voici plonges dans une
opiniatre et deloyale iniuntie contreDieu. D'ou nousvien-
dca lesecours! Comment pourra-t-il arriver jamais que la
justice de Dieu soit reellement et pleinement satisfaite,
que la malediction soit otee de dessus notre tete, que
les oeuvres du diable soient detruites en nous, que nous
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soyons ramenes a Dieu, et reintegres dans cette beati-
tude dont nous avons si miserablement prodigue les
richesses? — Le secours? II ne pouvait nous venir que
de la part du Fils eternel de Dieu. Un seul a pu satisfaire
reellement et pleinement a la justice de Dieu, et accom-
plir l'expiation de nos peches. Le Fils ! Mais Dieu
voudra-t-il l'accepter pour nous? Voudra-t-il le coucher
sur l'autel en holocauste a la eolere divine, — a cette
sainte eolere divine qui est embrasee contre nos peches?
Voudra-t-il letraitercomme la personnememedupecheur;
—■ que « celui qui n'a point connu le pecbe » soit rendu
peche pour nous; qu'il soit considere comme etant
iniquite et malediction en notre place? Le Fils! Dieu
voudra-t-il le soumettre a la loi? Voudra-t-il frapper du
glaive de sa eolere celui qui est son affection, son cceur,
sa vie? Et pour qui? Pour des creatures rebelles et
ingrates qui ne veulent seulement pas recevoir son
salut! N'epargnera-t-il pas Celui qui est saint et inno-
cent, et n'ira-t-il pas designer et preparer une creature
quelconque pour entreprendre et acbever 1'ceuvre de
notre salut? Nulle creature n'eut ete suffisante pour si
grande chose; et notre salut, Dieu le voulait pourtant!
Dieu voulait nous revoir et nous ravoir pres de Lui;
eh bien! II a pris son propre File, son unique; — il n'a
rien pris de notre avoir a nous; qu'aurions-nous pu
lui offrir? Quelque veau ou quelque bouc de nos eta-
bles ? — Et avec son Fils, avec son unique, il s'est rendu
a Golgotha, — au Morijah de la nouvelle alliance ! La,
le Pere retira toute lumiere au Fils... Le Fils mourut,
et... du sein de la mort du Fils nous reluisit le visage de
grace de l'Eternel! Nous sommes justes et purs, saints
et sauves dans le sang du Fils. Dieu a ressuscite des
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morts ce Fils bien-aime; il l'a pris a Lui; il Fa place
a sa droite, et il nous place saints et sauves, vivifies en
Christ, a sa droite aussi!
Dieu n'a point epargne son propre Fils, mais il l'a
livre pour nous!... Qu'adviendra-t-il de ce Fils, quand
il sera dans notre dtat, revetu de toutes nos faiblesses et de
toutes nos miseres? Notre etat, le « etre peche» pour
nous, ne l'accablera-t-il pas? Le diable ne cherchera-t-il
pas a le gagner perfldement a l'aide de toutes sortes de se-
ductions? La mort, apres 1'avoir tourmente sous toutes
sortes de formes, exterieurement et interieurement,
ne l'engloutira-t-elle pas enfin? Meconnu et calomnie,
honni et outrage de tous, ne perdra-t-il pas enfin tout
courage? Dieu est-il sur que son Fils sera victorieux?
A-t-il une garantie et les arrhes d'un triomphe? Sait-il
a ne pouvoir en douter que son Fils traversera en Wros
tous les tourments de la colere ou de la mort?... Et
quand Dieu dut voir son propre Fils, son Bien-Aime,
accable sur la terre de toutes les choses visibles, etre en
agonie, offrir avec de grands cris et avec larmes des
prieres et des supplications a celui qui pouvait le sauver;
injurie, ou pour le moins abandonne de ceux qui etaient
les plus fideles et les meilleurs, — oh! qui est-ce qui
a rassure et console le Pere? Qui est-ce qui a pu lui
dire : Ton Fils ne cessera pas un seul instant de te tenir
pour son Dieu et son Pere; II glorifiera sur la terre
ton Nom, lors meme que tu te montreras comme son
ennemi, comme un etranger a son egard, et que tu
le livreras, que tu le plongeras dans les plus profonds
et les plus effrayanls ablmes de la condamnation et de
la mort, pour la cause et pour le bien de ceux qui sont
tes ennemis?...
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On dirait, — mais il faudrait le dire avec le sentiment
de la plus pieuse veneration, — on dirait que Dieu,
en tout ceci, a risque son Fils; qu'il a donne carte
blanche au demon et a la mort, au monde et a l'in-
eredulite pour faire de Lui ce que bon leur sembierait.
Mais non, Dieu n'a rien risque, n'a rien donne a l'aven-
ture ou a l'arbitraire. II n'a fait que suivre le conseil
de son eternel amour. Je veux, avait-il dit, je veux que
ce soit dans cette voie-la, par rnon propre Fils, que seront
sauves de la mort et preserves de Fenfer tous ceux
qui... seront sauves, qui seront preserves! — Dans cet
amour le Pere a donne au Fils l'Esprit pour le rendre
victorieux; a nous, II a donne, par le Fils, le salut, la
victoire. Dieu a donne pour nous tous ce qu'il y a de plus
grand et de plus saint : Celui « que les cieux, et meme
les cieux des cieux ne peuvent contenir; » et pourtant,
la pensee de l'homme ne se rassure pas encore; ellen'est
pas entierement satisfaite, pas pleinement persuadee;
elle demande encore toujours : Dieu nous a-t-il donne
et nous donnera-t-il en effet « toutes choses avec
Christ?» La justice et la sanctification? Et la certitude
d'etre diriges au travers de tous les perils et de toutes
les peines, d'etre secourus dans toutes les detresses et
dans toutes les privations? Des sandales neuves quand
les anciennes seront usees sur la route? De quoi cou-
vrir notre nudite et nous garantir du froid? Quelques
deniers pour payer le pain de chaque jour? Le pain de
chaque jour et quelques dettes d'autrefois? Pour cerr
tain, Dieu nous restaurera-t-il, nous ranimera-t-il? De-
tournera-t-il de nous sa colere? Essuiera-t-il loutcs
nos larmes? Nous couvrira-t-il de paix et d'honneur?
Nous consolera-t-il toujours, alors surtout qu'il semble
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qu'il n'y a plus de consolation pour nous? Et nous ac-
cordera-t-il par-dessus tout une fin tranquille, heureuse,
— le salut?...
Faible et pusillanime pensee de rhomme! Faible
eoeur! II y a pour toi caution de tous les dons de la
grace en Golgotha. II vit, II vit eternellement le Garant
du traite dans lequel il est dit (Esaie I, IV, 10) : « Ma
gratuite ne se retirera point de toi, et l'alliance de ma
paix ne sera point ebranlee. » Eglise de Dieu! le Pere
de ton fiance est riche; il saura bien nous amener a
etre enfin satisfaits de ses voies! Encore un peu de
temps et elle se sera levee, — la gloire promise, la
gloire esperee!...
« Tout cela est vrai, mais est-ce vrai aussi pour moi ?
Ces choses peuvent-elles etre une esperance pour moi
aussi? Dieu a-t-il « livre » pour moi aussi, « son propre
Fils? » Telle est la question que fera entendre mainte
ame angoissee. L'Eglise, ayant toujours son regard fixe
sur l'infinie, sur la souveraine et gratuite misericorde
de Dieu, L'Eglise repond : « Livr6 pour nous torn I »
Tous! Toute ame angoissee est comprise ici, nulle n'est
exclue! Done, chere ame, si tu es desireuse et jalouse
de sanctifieation, d'harmonie avec la loi de Dieu, —
de grace, de paix, de consolation; si tu es desireuse et
jalouse d'etre enseignee, conduite et dirigee dans la
verite, de perseverer dans la verite constamment et pa-
tiemment; si tu demandes, mais serieusement, a etre
delivree de toute affliction et de toute ceuvre mauvaise,
de toute epreuve temporelle ou spirituelle; — si tu veux,
mais serieusement, etre et demeurer dans la justice qui
est par la foi, dans le salut qui est par la grace, et con-
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fesser qu'il n'y a pas d'autre chemin de grace, pas d'autre
chemin de foi que Christ;... tu confesseras aussi que
tu es parmi ces « tous » pour lesquels Dieu a livre
son propre Fils! » « Tous. » En employant ce mot,
l'Apotre entend designer 1'ensemble, la reunion desplus
miserables, de ceux qui sont le plus rudement eprouves,
et qui ne savent ou trouver leur repos; et l'Apotre se
range parmi ceux-la : « Christ est venu au monde pour
sauver les pecheurs, desquels je suis le premier! » — Vous
donc,vous« tous» qui soupirez apres Dieu et apres sa jus-
tice, et apres une entiere et permanente delivrance, ayez
bon courage! Oui,bon courage, quoiqu'il semble que vous
n'ayez devant vous que le contraire de toutes ces choses !
Courage, et rejouissez-vous dans l'assurance que ce Dieu
qui a « livre pour nous tous » ce qu'il avait de meilleur
et de plus cher, ce Dieu qui a livre pour nous son propre
Fils, nous accordera gracieusement l'entree en son
royaume; il nous donnex-a son royaume tout entier,
eternel! II donnera « toutes choses » a quiconque sou-
pire apres sa justice! Que seulement nos yeux soient
arretes toujours sur Lui, — le Dieu de toute grace,
le Dieu et le Pere de notre Seigneur Jesus-Christ! notre
assurance ne sera jamais confuse ; retenons, quoi qu'il
arrive, ces paroles apostoliques : « Les sotjffrances du
TEMPS PRESENT NE SONT PAS COMPABABLES A LA GLOIRE A
VENIR QUI DOIT ETRE RE'VE'LE'E EN NOUS. — Si DiEU EST POUR
NOUS, QUI SERA CONTRE NOUS!... »
Quant a ceux qui aiment l'injustice, sans jamais
s'en repentir, sans vouloir en etre delivres jamais, mais
qui veulent se justifier par eux-memes devant Dieu,
— Dieu ne leur « donnera » rien; meme il leur otera
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ce qu'ils ont eujusqu'ace jour par la bonte de Dieu,
puisqu'ils ne se sont pas soumis a cette bonte qui de-
mandait a les faire arriver a la repentance. Amen !
FIN.
Saint-Denis. —Tjp, de DBOUAKD.