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Ulr^SUR
CHEZ LES A^eîENS;
Par J. R. DUVAL,
Dentiste, Membre des ci-derant Collège et Académie
de Chirurgie de Paris, et de plusieurs Sociétés sa-
vantes.
CROULLEBOIS , Libraire, rue des Mathurins.
Chez ( MEQUIGNON Faîné, rue de l\'École de Méde-
cine, N.° 9 ;
GABON, place de l\'École de Médecine.
De l\'Imprimerie de MIGNERET , rue du Sépulcre ^
faubourg Saint-Germain, ]Nf.® ao.
^ fï\'.
-ocr page 7-Les dents, comme toutes les parties du corps,
sont exposées à diverses maladies j les anciens
les ont connues ; ils en ont étudié les causes ,
et cherché les moyens d\'y remédier. Leur at-
tention même ne s\'est pas bornée au traitement
de ces maladies 5 ils ont tâché de les prévenir
par des soins particuliers 3 et la perte de ces or-
ganes, si essentiels à la santé, leur a paru pou-
(j). A la demande du célèbre Louis, pour qui tout ce
qui avait trait à l\'histoire de la chirurgie n\'était pas seu-
lement un objet de curiosité , mais un motif de plus pour
comparer les procédés curatifs des anciens avec ceux des
modernes, et en tirer des inductions utiles aux progrès de
la science, j\'avais consulté les écrivains qui pouvaient
m\'éclairer sur l\'histoire de l\'art du Dentiste; j\'avais mis à
contribution poëtes , orateurs, historiens et médecins : les
notes que avais extraites m\'ayant fourni deux plans
de travail différens , je resserrai dans les bornes d\'un dis-
cours académique ces recherches dont je fis lecture à la
séance publique de l\'Académie Roj^ale de Chirurgie de
Paris, en 1791, et je réservai à une autre destination les
conseils des poëtes anciens sur la conservation des dents,
insérés dans^ le Dentiste d& la Jeunëss&.
voir être réparée. En présentant le tableau des
connaissaDcesdes anciens sur cette partie de la
chirurgie , je me suis particulièrement attaché
à tracer avec précision ce qui semble nouveau
dans l\'ordre des temps : si on y trouve quel-
ques observations modernes extraites des voya-
ges , on voudra bien se rappeler le respect que
les peuples les moins civilisés en apparence ,
ont toujours eu pour les usages antiques.
On trouve des vestiges de cet art chez les
Grecs, les Hébreux et les Egyptiens j mais
l\'époque des connaissances certaines remonte
au temps dH Hippocrate.
Ce descendant âCEsculape^ environ quatre
cents ans avant l\'ère chrétienne , faisait faire
des progrès à toutes les parties de l\'art de
guérir. Aux connaissances qui lui avaient été
transmises , il joignait celles de son expé-
rience 5 son œil attentif se fixait sur toutes les
maladies, celles des dents ne pouvaient lui
échapper. Comme il en suit le développement,
de même il en observe les affections depuis
l\'instant oii elles font effort pour sortir des
alvéoles, jusqu\'au terme de la vieillesse. Tou-
jours le premier Iqrsqu\'il s\'agit de signaler
, quelque phénomène remarquable, il indique
les sympathies qui existent entre l\'appareil
dentaire et la poitrine, ou le bas-ventre j et
l\'influence des saisons lui paraît assez forte
pour donner parfois un caractère épidémique
aux douleurs de dents. Il attribuait cette affec-
tion aux humeurs qui se portent par fluxion
(5) ^ ^
sur cette partie , et pour la dissiper il prescri-
vait de mâcher certaines substances j si l\'effet
de ces mastications était insufiisant,. le poivre
seul, ou uni au castoréum, lui offrait une
ressource. Ce moyen rappelle ici l\'usage de
quelques peuples de l\'Asie, et sur-tout des
Indiens , qui , au rapport de Bontius (i) ,
macbent continuellement de l\'arecque et du
bétel, usage que la nécessité a fait naître, e£
qui est devenu un objet de luxe (2).
Le cautère actuel est un des moyens que
Hippocrate employait aussi contre i\'odontal-
gie J mais il laisse à nos conjectures de résou-
dre si , à l\'instar des Egyptiens , il appliquait
le feu sur la dent même , ou sur les gencives ,.
ou sur les tempes , ainsi qu\'en fait mention
Prosper Alpin (3) ; ou s\'il en usait comme les
Japonais qui, suivant Teji-Khyne (4), cauté-
risent le troxx du menton.
La nature des abcès des gencives n\'a point
été méconnxxe à\' Hippocrate ; il annonce qu\'ils
se terminent quelquefois par la ciiûte des
dents cariées j il eût pu ajouter : et par leur
extraction. Témoin des effets funestes de la
putréfaction qui s\'empare de quelque partie de
la bouche, et de l\'inefficacité de l\'excision pour
(1) De Medicina Indomm ^ lib. i , cliap. 18.
(2) Dans le Dentiste de la Jeunesse, page 16 , [e
signale Pabus qu\'on fait quelquefois des masticatoires.
(3) De Medicina JEgyptiorum ,Xxh. 3, chap.
(4) Diss, de arthritide et mantissa sckematicm de
acupunctura.
y remédier , il donne, dans le cinquième livre
desEpzdemies, la description de ces cas. On
1"! est aussi redevable delà première obser-
vation connue sur la nécrose de Vos maxil
iaire, elle est assez intéressante pour être ran
portée, ce A la suite des douleurs de dents qL
ressentit le fils de Métrodore , il survint
- dit-il, aux gencives , mie grande tuméfac\'
- tionj elles suppurèrent un peu, et une
- portion de la mâchoire se détacha avec
T Jn ^ ioiplantées. .
. Lib. 5 , ad^nej. " ^^ ^^^^^^ -
(0 x^ous avons eu occasion
professeur à l\'Ecole de Médecine a • ^ \'
c»«.,, „„ p„ c„„,p,i„.i„„ , ava^e^Ç prni rr:
des vesicatoires aux ïambes et ■ - \'/PP\'^^^tion
imétai- de faiblesse extrême ttr. \' ^^ai. dans
- Pos maxillaire so^ W du I^é\'ll^
draval ƒ f^ = Ja mala-
V riî : ^^^ \' lents, à la
In Loi ^ ^^ dépérissement de l\'en-
finir r \'T"^ commencement de
anvier dernier. A cette époque, la joue droite offrait u-ne
tume r renuente et ip^dolente q.i répondait au sZs
B.axaia.re. En examinant l\'intérieur de la bouche , on r^
connut fac^lexnent qu\'une portion de l\'os maxillaire était
frappée de necrose; l\'os était dénudé dans l\'étendue d\'un
pouce, et meme un peu mobile, et o. y voyait aussi va"
-ocr page 11-Bippocrate soit le premier qui parle
positiven) ent de l\'extraction des dents , on
peut croire cependant qu\'elle avait été prati-
ciller j dans leurs altéoles, les deux molaires de lait. Leâ
gencives molles j fongueuses , n\'offraient aucun point de-
suppuration i mais elles étaient ulcérées et grisâtres dans
les endroits qui touchaient à IV^s malade, et elles parais-
saient être la, source dVne odeur fétide que la bouche ex-
halait. Persuadés que la nature serait seule, dans ce cas j
le médecin le plus certain, nous fûmes d\'avis, M. Boyer
et moi , d\'attendre tout de ses bons offices , et nous nous
bornâmes à la seconder, en cherchant à relever les forces
affaiblies de l\'enfant,, par l\'usage du syrop anti-scorbuti-
que donné par intervalle hebdom adaire ; et pour la bouche j
les lotions nê consistèrent que dans une légère décoction
de quinquina, avec addition de teinture de myrrhe. Alors
nous avons vu cette petite fille recouvrer péu-à-peu ses
forces, et le séquestre devenir pltls mobile. Enfin , le bon
air delà campagne, et beaucoup plus d\'esercicè depuis
deux mois, ont mis cette enfant dans le cas de renouveler
ses incisives, et de voir, à la fm de juillet, une portioiï
de l\'os maxillaire supérieur céder au faible effort de sa;
petite main , et lui procurer , en se détachant complète"
ment, une guérison aussi parfaite que subite.
Le fragment osseux qui s\'est détaché, a près de qilînze
lignes en tout sens. Quoique presque carré, sa forme est
irrégulière, en raison des aspérités qu\'on observe du côté
où a commencé la séparation. Ce fragment est la partié
moyenne de Parcade alvéolaire , dans laquelle étaient en-
core implantées, lors de sa chute, les deux molaires de lait
(une d\'elles étant tombée depuis). Entre les racines de
ces dents sont aussi emboîtées , dans leurs alvéoles 5 1@S
couronnes deâ deux petites molaires de rempîacemeitt y
dont l\'ossification n\'est pas encore ccmsplète.
quae a™„ Un passage de Oa^n,. M
semble and,q„er que cette operation ayait iti
inventee par Jlscu/ape, troisième du nom •
1 orateur Bomain n\'aurait point parlé sans
quelque autonte, on trou™ des traces de
cette exérèse dans le culte qu\'on rendait à
Apollon. On voyau dans son temple à Delphes
un ■nsj^ru.nent pareil à un de ceu. qui selve«;
a extracfon des dents. JSrasislraJ, à qui on
doit la connaissance de ce monument de l\'art,
d t qu d etatt de plomb , pour démontrer qu\'
ne fautiane cette opéradon que sur les dl,ts
branlantes, et faciles à âter sans effort n
douleur La tradition n\'en est parvenue à U
postente que long-teraps après IllnnocrJ
P\'usque deux siècles se sont écoulés entre es\'
deux hommes célèbres. , \' e ces
Quoi qu\'il en soit, „\'était point
parttsan de \'extraction ; il ne la réputait nié
.atre pour les dents douloureuses, q„e 1, r .
qu elles eta.ent cariées et vacillantes. Aussi
d.saxt.U que tout le monde pouvait employ r
l\'tr,. de s eu servir étant simple et aisée.
oères de\'t """ que les ul-
cères de la langue sont quelqueiois produits
(O Ter,,as ( JJIsculapù,. ) , A„ipj,i „
utfiru.t,i„.nit. De Na.„,à Deoi. , ff
-ocr page 13-( 9 ^ ^
et entretenus par les aspérités d\'une dent.
Attentif à la cause, aurait-il négligé d\'y remé-
dier ? C\'est Galien y son commentateur, qui
s\'attribue ^invention de la iime.
Si les dents étaient ébranlées dans une frac-
ture de la mâchoire inférieure, Hippocrate
conseillait de les attacher aux voisines avec un
fil d\'or ou de soie 5 c\'est le seul cas qu\'il in-
dique de l\'usage des fiis, pour maintenir les
dents en situation ; mais il est probable que
ce moyen était déjà assez souvent employé
dans l\'antiquité, pour être le sujet d\'un amen-
dement à l\'article onzième de la loi des douze
tables, ainsi exprimé : « Vous ne jetterez point
d\'or sur le bûcher j cependant vous pourrez
» brûler le mort avec l\'or qui lie ses dents,
» sans manquer à la loi (1). ^^ L\'existence de
ces lois dans la législation des Grecs, d\'où les
décemvirs les avaient empruntées, et l\'époque
de leur publication à Rome (2), antérieure au
temps où vivait Hippocrate, semblent prouver
que cette opération ne se bornait pas au cas de
fracture.
De l\'usage des fils d\'or ou de soie a dû naître
l\'idée de remettre en situation, et de fixer,
par le même procédé , une dent tombée , ou
(1) Neve aurum addito : ast quoi auro denteis vincti
erunt, im cum illo seperire urereve, sine fraude esto. De
Legîb. XII tabularum, Fr. Hottman, p. 55. Commen-
taire sur la Loi des XII tables , par Bouchaud, p. 758.
(2) Environ 45o ans avant J. C. „
-ocr page 14-^e remplacer celle-ci par une dent artificielle.
Quoique les fastes de l\'art se taisent sur cette
opération jusqu\'au onzième siècle, oix Albu-
casis, célèbre médecin arabe , en donne quel-
ques détails ^ on ne doit cependant pas révo-
quer en doute son ancienneté. Les poètes grecs
et latins (i) en font mention comme d\'une
chose commune^ et dans leurs épigrammes,
par le ridicule mal fondé qu\'ils jettent sur ceux
qui y avaient recours , ils suppléent au silence
^s anciens médecins. Un de ces poëtes même,
martiaL (2) , en apostrophant une Tieille éden-
tee ,1 manquait un œil, démontre que
i art du dentiste, sous ce rapport est plus avancé
q«e 1 art de l\'oculiste.- Alors on n\'était point
encore parvenu à fabriquer des yeux artificiels,
^e satyrique uous apprend aussi que Tos ou
1 ivoire est la matière des dents factices (3)
Enfin il décèle le secret de Galla (4), n^i
toutes les nuits avait soin d\'ôter, coznme ses
iiabits, celles dont elle se parait le jour, dans
i intention sans doute de les conserver propres
et blanches.
On lit dans Bondus (5), que les hahitans de
(1) F^ez à ce sujet les conseils des poëtes anciens
dans le Deni/ste de la Jeunesse, p. 3 , 1 j et 12.
(2) I^ntibits alque comis, nec tepudét, uierzs émptis .
Quid fades oculo, Lœlia?- non emitur.
, , (Lib.xn xxni.)
(3) Lib. I, ep, lxxiiî. ^
(4) Lib.IX, ep. XXXVIIL
^ (5) De Medicinâ Indorum, loco citato,
-ocr page 15-Java, et de quelques contrées de l\'înde , qui
perdent les dents dès leur jeunesse, les rem-
placent par d\'autres qui sont d\'or. Cette ma-
nière de remédier à la défectuosité que cause
la perte d\'une ou de plusieurs dents , n\'est cer-
tainement pss
nouvelle chez ces Indiens j elle
tient trop à l\'opinion qu\'ils ont que les plus
noires sont les plus belles, et à leur plaisir d\'en
relever l\'éclat par des petites lames d\'or qu\'ils
mettent avec adresse dans l\'interstice dentaire,
ainsi qu\'en fait mention Gemelli Carreri (i).
Dans le long intervalle qui s^est écoulé entre
Hippocrate et Celse^ l\'art du dentiste a fait
peu de progrès, quoiqu\'il y ait eu des hommes
très-distingués en chirurgie. Dioclès , disciple
du médecin de Cos, n\'est connu que pour avoir
donné son nom à un remède odontalgique dont
Galien a conservé la formule. Si Cœlius-Aure-
lianus n\'eût pas recueilli les fragmeus à\'Era-
sistrate3 on ignorerait que ce dernier n\'approu-
vait point l\'extraction des dents j et la tradition
du monument conservé dans le temple d\'Apol-
lon , à Delphes (ci-dessus, p- B), loin d\'être
passée jusqu\'à nous, serait restée dans l\'oubli.
Hérophile et HéracUde, de Tarente, ne trou-
vent ici leur place que pour des observations
sur la mort de quelques personnes , qu\'ils ont
attribuée à l\'extraction d\'une dent (2).
(r) Voyage autour du monde , tome V", p. 128.
(2) Voyez mes réflexions à ce sujet dans un Opuscule
sur les acàdens de l\'extraction des dents, page 77.
Le siècle d\'^^guste, si remarquable par la
ga amener deyait nécessairement se distinguer
par les soins relatifs à la propreté et à Ja Wan-
ciieur des dents. Damocrate les recommande
et donne Ja composition d\'un dentifrice dans
lin ouvrage écrit en vers, appelé Ihre de P.ythi
eus du nom de celui dont il tenait les for-
mules de remèdes destinés à la bouche. Ici se
rZZ "" «ù, pour
taire passer leurs austères préceptes, les mé-
^a^tiquité empruntent le langage
des Muses. Et quel autre paraît mieux coLl
Poy fixer l\'attention sur une partie si
ciiere ala beauté comme à la santé ? Scribo^iius
■^argus^, qui yiyait dansle même temps, a aussi
transmis la composition de plusieurs denti-
frices , parmi lesquels on .distingue ceux dont
se servaient Octmde-, soeur à\'Auguste, et Mes^
saline. La corue de cerf brûlée , le charbon de
plusieurs plantes , le sel, l\'alun , et le verre ré-
dûit en poudre, formaient la base dô ces denti-
inces et les aromates n\'y étaient point oubliés:
bieu ddierens en cela du moyen emplové par
^abn^ns de la Ceidbérie, aujourA^d l\'Es-
pagne II consistaU, au rapport de Strabon (i) ,
Farine " --
C\'est particulièrement à Cehe qu\'on est re-
partit de l\'art L
y) Qaippe qui urinâ in
cù^n eorun. u.or.s denies tergant, nJoâ
Cantabrosfaure et eoram cor^^es alunL Geog lib m
( )
guérir ; la manière dont il en parle prouve son
génie et son expérience : après avoir peint
l\'odontalgie comme le plus grand des tour-
mens , Celse, pour la dissiper , emprunte diffé-
rens moyens tant de l\'iiygiène que de la théra-
peutique 5 il retranche le vin et les alimens ,
prescrit le^délayans et de suite les purgatifs 5
la vapeur de l\'eau chaude, les lotions calman-
tes et légèrement astringentes, sont recomman-
dées suivant les cas 5 enfin les doux épispasti-
ques semblent mériter sa confiance.
D\'après son avis, on devait js\'abstenir d\'ex-
traire une dent cariée, sans y être contraint -,
il fallait principalement remédier à la douleur
par des médicamens composés d\'opium et de
poivre, de pyrèthre ou de soufre. Ce célèbre
médecin parle des moyens pour faire tomber
les dent§ , moyens que la raison et l\'expérience
réprouvent comme inutiles ou dangereux ,
mais je pense qu\'il y ajoutait peu de ibi. L\'ex-
traction au contraire devient entre ses mains
une opération nouvelle ; pour la pratiquer
avec sûreté , il recommande u^ne précaution
préliminaire : c\'est d\'ébranler doucement la
dent. Il a aussi fait la remarque que quelque-
fois dans cette exérèse la mâchoire inférieure
se déplaçait, ou que les yeux en étaient
affectés.
L\'hémorragie est, pour Celse ^ un signe
de fracture de l\'alvéole ; il donne le précepte
d\'en extraire aussitôt les esquilles. Quand on
l\'a négligé, il décrit la conduite qu\'il faut te-
«jr, avec autant de clarté qu\'elle est convena-
ble et sûre. S\'il reste quelques racines , elles
doivent etre ôtées sur-le-champ avec des pinces
appelees rizagra chez les Grecs (i).
L\'arrangementdes dents avait fcé l\'attention
de ce médecin ; lorsqu\'une dent de remplace-
ment était sortie avant la chûtede la première
on arrachait celle-ci, et la pression du doist su^
1 autre, souvent répétée, suffisait pour lui faire
prendre sa place. Après avoir enlevé tout ce
qui noircit Fémail et diminue son poli, il vou-
lait qu\'on frottât les dents avec un mélange de
fleurs de roses, de noix de Galles et de myrrhe •
enfm û raffermissait les dents yacillantes en
cautérisant les gencives malades ^ ou lorsque la
mobilité dépendait d\'un coup ou d\'une chûte
il employait les fils d\'or ou de soie. \'
^ Plomber une dent cariée avant d\'en faire
l extraction est une précaution que le médecin
^Rome indique ce n\'est donc point une
dans le
Bulletin des Sciences Médicales, octobre 1807.
(2) Quoique beaucoup d\'auteurs distingués aient réoété
yide. cette precaution comme plus nuisible qu\'utile
uou oureuse, et que souvent même dans ce cas on ne
peut toucher légèrement le creux de la dent formé par
oarie, sans ajouter à l\'intensité de k-douleur quinéces i !
l\'e.traction. Il faut le dire ici, c\'est une règleVtaW
.a p omber une dent que quand elle e.t sans Lkur\' Ï
absolument insensible à toute pression. \'
( i5 ) ^
opération nouvelle de remplir avec du plomb,
de l\'or , ou d\'autres substances, les cavités for-
mées par la carie : il en est de même de l\'an-
cienneté de la lime , à en juger par le précepte
de détruire les aspérités qui causent et entre-
tiennent les ulcères de la langue : on s\'étonnera
donc que Galien, prétende être l\'inventeur de
cet instrument, comme je l\'ai déjà dit, et en-
core davantage qnAëtius ait tenu le même
langage ; mais il est probable qu\'ils sont des
premiers qui se soient servis de la lime pour
diminuer la longueur des dents. L\'\'usage de les
limer sur les parties latérales est très-ancien -, on
en trouve la preuve dans l\'habitude et l\'adresse
qu\'ont les nègres de l\'Afrique, de les aiguiser
de manière qu\'à chaque mâchoire ils paraissent
avoir six canines, les quatre incisives ayant
été affilées aux deux angles avec tant d\'habi-
leté f qu\'on pourrait s\'y méprendre , et croire
que leur structure naturelle n\'a point été alté-
rée. Le savant auteur des Recherches Philoso-
phiques sur les Américains, qui rapporte ce
fait (i), regarde cette opération comme une
(i ) Tome I, page 248. D\'autres nègres mutilent leurs
dents incisives , en les sciant sur la longueur, de sorte
qu\'ils ont l\'air d\'en avoir le double. Je tiens ce fait d\'un
ancien capitaine de navire, qui a fait dix-sept fois le
voyage à la côte de Guinée, et j\'en ai acquis la certitude
par le témoignage de plusieurs colons. On désigne les
nègres de ces deux castes sous le nom de Mayongues et
Matombes. Peut-être cependant douterait-on que l\'usage
de k lime leur fût connu, si les voyageurs ne nous avaient
( i6 )
mode. Pichot (i) et Vigier (2), dans leurs
Traités sur le catarrhe, la considèrent au con-
traire comme une précaution de ces peuples
pour se préserver des douleurs de dents, ce qui
n\'est pas probable. On doit plutôt présumer
que cet arrangement factice concerne la masti-
cation , par rapport aux alimens dont ils font
usage.
Que les noms à!Aphrodas ^ Ôl Anûphane y
de Solon le dentiste, et de Criton. ^ soient au
titre des compositions pour les dents, dont
Galien a conservé les formules, il importe
peu de les trouver dans l\'histoire de notre art.
Je ne dois cependant pas laisser dans l\'oubli
Apollonius; aux moyens connus contre les
Couleurs, il en, a ajouté un qui consiste à in-
troduire des médicamens dans le nez ou dans
les oreilles. Andromaque , à qui la thérlaque
a tant donné de célébrité , est Fauteur de
quelques remèdes contre i\'odontalgie. Il ne
pouvait prévoir les vertus que Rondelet (3) et
instruits que quoiqu\'il y ait des peuples qui n\'aient pas
d\'inàtrumens de métal, ils savent y suppléer avec des
fragniens de pierre , des coquilles , des os de poisson , etc.,
dont ils se servent avec beaucoup d\'adresse.
(1) De rhumatismo , catarrho variisque à cerebro dis-
tillationihus. Burdigalse, 1677, P-
(2) Tractatus ahsolutissimus de catarrho, rhumatis-
mo, vitiis dentium, etc. Genevse, 1620, p. 131.
(3) Prœstantissimum remedium est theriacâ dentes
fncare. Methodus curandi inorbos, lib. I, c. 73.
( >7 )
Pauli{x), chez les modernes, reconnaîtraient
dans son électnaire.
Les cure-dents ne sont point une invention
nouvelle 5 on apprend, par Dioscoride , qu\'ils
étaient de bois de lentisque • et, au défaut
de cette substance, on les faisait de plume, il
paraît que du temps de cet auteur on employait
les mouchetures aux gencives contre la dou-
leur de dents. Quoique l\'os d\'un poisson fût
l\'instrument destiné à cette opération, on
pensera plutôt que c\'était l\'effet de quelque
erreur populaire. Elles n\'étaient pas inoins
fréquentes dans ces temps qu\'aujourd\'hui :
c\'est à elles qu\'il faut attribuer l\'origine de
ces moyens superstitieux proposés contre les
douleurs de dents , qu\'on retrouve par-tout, et
dont Dioscoride nous offre un exemple, en
attribuant à la plante nommée lepidium , la
propriété de dissiper l\'odontalgie lorsqu\'on la
porte en forme de collier.
Il n\'est pas étonnant que ces moyens soient
passés à la postérité j l\'ignorance et la crédu-
lité en sont les protecteurs : mais que des
médecins les aient consignés dans leurs écrits,
c\'est une preuve qu\'ils négligeaient les prin-
cipes de l\'art. Telle est aussi l\'opinion qu\'il
convient d\'avoir de Marcel, médecin de Bor-
deaux , au quatrième siècle ; il propose contre
le mal de dents un procédé assez singulier
(i) De tJieriacâ cœïesti reformaté liber singularisé
Francof., lyoï, p. 140,
♦ ( i8 )
pour être rapporté : « Prenez, dit-il , la pre-
» mière sangsue que vous trouverez 5 mettez-
la dans votre bouche , retirez-la ensuite , et
l\'écrasez entre les doigts médius de la main
w droite et de k main gauche, et dites-lui:
» Sangsue \\ de même que ce sang ne retour-
w nera pas dans la bouche, de même mes
« dents ne doivent plus être douloureuses
w toute l\'année. Il faut, ajoute Marcel, re-
» commencer la même chose tous les ans,
3D pour se préserver de toute douleur d©
dents. 33
Pline n\'a point négligé de noter toute
observation qui avait pour objet l\'appareil
dentaire j il e^t le* premier qui fasse mention
des eaux dont l\'usage est pernicieux aux
dents J il rapporte que les soldats de l\'armée de
Germanicus César y campée en Germanie, les
perdirent toutes après avoir bu pendant deux
ans de l\'eau douce d\'une fontaine. Galien a
eu l\'occasion d\'observer la même chose à Suze,
et les habitans de Senlisse, village près Che-
vreuse , en offrent une bien triste preuve (1).
Cependant pour quelques cas aussi extraordi-
naires , il ne faut pas croire qu\'il y ait autant
d\'eaux nuisibles aux dents , qu\'on se l\'ima-
gine ordinairement (2). Il appartenait aussi à
(i) Histoire de l\'Académie Royale des Sciences pour
l\'année 1712.
(ji) Voyez ce que nous aVons dit à ce sujet dans h
Dentiste de la Jeunesse,
( )
l\'historien de la nature d\'en remarquer les
écarts dans une double rangée de dents, dans
l\'implantation d\'une dent au palais, et dans
la disposition de celles du fils de Frusias qui
étaient si unies entr\'eiles, qu elles semblaient
n\'en faire qu\'une : quoique des observateurs
modernes parlent de la continuité parfaite de
deux ou de plusieurs d^ts , on peut cependant
aujourd\'hui mettre en doute si des concrétions
tartareuses, semblables à celles dont l\'Académie
de Chirurgie a eu des exemples (i), n\'ont point
donné lieu à une erreur dont Pline n\'aurait été
que le copiste. <
Archigène doit partager les hommages que
. je rends aux anciens j il a imaginé un petit
trépan pour perforer les dents qu\'une vive
douleur aflëcte, et contre laquelle les médica-
mens sont insuifisans. Il dirigeait sans doute la
pointe de son perforaîif du côté de la carie r
autrement la sensibilité d\'une dent doulou-
reuse, jointe à la dureté des substances den-
taires , n\'en aurait pas permis l\'application j
mais dans tous les cas, aurait-il connu l\'in-
flammation interne dont Galien paraît avoir
distingué les traces dans la couleur livide de
l\'organe ? Le motif qui dirigeait Archigène
dans son opération , ne laisse aucim doute à
ce sujet.
1\') L\'Académie reçut, en 1791, "ne concrétiTm qui
renfermait plusieurs dents; elle-avait été--ôtée avec, la
gouge et le maillet, après, une iiH.ision faite à la jou^.
Un juste raisonnement sur l\'extraction dis*
îingue si ce n\'est Soranus d\'Eplièse, au moins
CœliuS\'Aurelianus son traducteur j il la con-
sidérait plutôt comme une privation de la
partie, que comme sa guérison : on voit, par
ses écrits, qu\'il avait parlé de cette opération
dans &es Réponses médicinales^ dont la posté-
rité a été privée ; mais on ne croira pas qu\'elle
efit son approbation, puisqu\'il traitait les ma-
ladies des dents comme celles des autres par-
ties qu\'on ne guérit point, ainsi qu\'il l\'ob-
serve , en les séparant du corps. Attentif à
la marche rapkle ou lente de l\'oclontalgie, il
en variait les moyens curatifs. Aussi le voit-on
employer, suivant les circonstances, la diète j
le repos, l\'exercice, les frictions, les sai-
gnées, les évacuans , les médicamens relâ-
chans ou astringens ; il prescrivait quelquefois
les mouchetures des gencives, et même les
ventouses scariiiées dont on use en Egypte ,
au rapport de Prosper Jlpin (i). Enfin, il
n\'entreprenait d\'extraire les dents cariées ou
branlantes que lorsqu\'on ne pouvait les con-
server.
Aux noms peu connus de Casellius et de
Timocrate J auteur d\'un dentifrice , en succède
un très-célèbre dans l\'art de guériri Galien
vécut dans le deuxième siècle ; les maladies
des dents iurent aussi l\'objet de ses travaux :
il en avait souffert, il pouvait en parlerd\'après
(ï> De Medicinâ JEgyptiorum ^ loco cit.
-ocr page 25-son expérience personnelle. La distinction de
la douleur qui vient de la dent, et de celle
dont les gencives sont le siège, est due à ses
observations ; il la regardait comme l\'effet
d\'une inflammation semblable à celle des par-
ties charnues, et il comparait la carie aux ul-
cères de la peau , et aux caries des os dont
la cause est interne. Ces analogies le dirigeaient
dans le traitement : instruit sans doute que la
carie sèche fait aussi peu de progrès , que
l\'humide en fait beaucoup, son avis était que
pour la cure de celle-ci il fallait en dissiper
rhumidité.
En parlant de la mobilité des dents, Galien
"rapporte qu\'il en a vu de vacillantes par l\'ulcé-
ration des gencives, s\'élever au-dessus des
autres, et qu\'il a été obligé d\'en diminuer l\'ex-
cédent avec la lime. II décrit le procédé de
cette opération , et indique les précautions et
le temps qu\'il est nécessaire de prendre pour la
pratiquer sans inconvénient.
Je ne relever ais pas ici l\'erreur de Galien ,
sur l\'accroissement continuel des dents, si son
opinion n\'eût suggéré à Bayle, célèbre méde-
cin de Toulouse , à la fin du dix-septième
siècle, l\'idée de limer celles qui sont longues et
grêles, pour leur donner, par cette opération ,
la force et la grosseur , comme on les procure
aux arbres , en en retranchant la cime. Il éta-
blit cette comparaison dans le cinquante-sep-
tième de ses problêmes de physique et de mé-
decine.
Celui qui a si Bien développé tous les avan-
tages de l\'appareil dentaire pour les diverses
fonctions de l\'économie animale, devait s\'oc-
cuper des moyens de le conserver, en indi-
quant tout à-la-f\'ois ce qui pouvait lui être
préjudiciable : aussi Galien prescrivait-il de
se laver la bouche avec du vin après avoir
mangé du lait ou d\'autres alimens gras et vis-
ffueus. Pour entretenir la propreté des dents ,
ses écrits contiennent des dentifrices variés
et en assez grand nombrej et contré les dou-
leurs on y trouve des remèdes à choisir. Quant
aux substances médicamenteuses que Galieh
propose pour faire tomber les dents sans dou-
leur , on est bien étonné qu\'il y ait eu quelque
confiance, et qu\'il n\'en ait pas plutôt reconnu
l\'inutilité Ou les inconvéniens : si l\'efficacité
d^ane de ces substances eût été confirmée par
Fexpérience constante, les autres seraient
nécessairement tombées dans Foubli qu\'elles
méritent, et celle-là seule eût eu ie même avan^
4age sur ios insîrumens auxquels on est obligé
\'d\'avoir recours.
La doct^-ine ^Hippùcrate et de son cbm-
inentatear, lùs écrits de Celse, avaient été
trop répandus pour que leurs opinions ne de-
■viiïsseïit pas autant de préceptes pour leurs stic-
ceââèurS : -ort èn est convaincu par les tàères
CôînpikfidUs à\'Onbase et d\'Aëttm , qdî n^iif^
l\'îîGWt tie-ïï de pàinicuiifeF^sitr les maladies des
j-msH^\'êté traitées foît au
long, et qu\'il fait une grande liste de retriè\'dés
odontalg^ues et de dentiirîceis. On doit cepen-
dant remarquer que Aëtius est le premier qui
fasse mention de la sympathie entre les dents et
la matrice.
Adamantins sophiste qui yivait avant Ori-
base et Aëtius3 s\'était aussi occupé des mala-
dies des dents J les fragmens de ce qu\'il avait
écrit spr cette matière , ont été recueillis par
ces compilateurs distingués. Il avait fait la dis-
tinction des causes de l\'odontalgie , et par là il
démontrait combien les remèdes doivent va-
rier; il administrait intérieurement les médica-
mens aromatiques, dont l\'usage contre cette
alfection ne paraît pas avoir été connu avant
lui. Peut-être cependant on trouvera singulier
que le même auteur parle du succès qu\'il a re-
tiré d\'un mélange de iieige et de miel rosat,
qu\'il faisait garder dans la bouche pendant
quelques instans.
11 appartenait au génie de Taul d\'Egine de
tirer les procédés opératoires de l\'art du den-
tiste , de l\'espèce d\'oubli ou ses prédécesseurs
l\'avaient laissé depuis Galien. Guidé par les
grands principes de la science, il ne se livre
point à indiquer tous ces médicamens réputés
capables de faire tomber les dents, l\'extrac-
tion avec l\'instruraent lui paraît plus conve-
nable; il ne craint pas même d\'enlever avec
le ciseau , la couronne de celles qui sont hors
de rang, lorsqu\'elles sont tellement adhé-
rentes , qu\'on n\'en peut faire l\'extraction.
L\'extrémité pointue d\'une sonde et la rugine
^Sfjiâl
sont les instrumens avec lesquels il ôte par
écailles le tartre qui se forme sur les dents :
enfin la lime et les fils d\'or ou de soie lui sont
également familiers.
Quant aux soins que Paul d\'Egine recomr
mandait pour la propreté de la bouche , ils
consistaient non-seulement à se servir de denti-
frices, mais encore à éviter la corruption des
parcelles d\'alimens qui restent dans l\'inter-
valle dentaire, en se nettoyant les dents après
les repas : il prescrivait aussi de se laver la
bouche aussitôt après le vomissement, et défen-
dait expressément de mordre les corps qui sont
trop durs, ou de manger tout ce qui produit
de l\'agacement.
Tel fut l\'art du dentiste chez les anciens ,
jusqu\'à la décadence de l\'empire Romain, qui
causa la chute des beaux-arts et qui fit négliger
les sciences\'les plus utiles : la médecine en
général et ses diverses branches n\'échappèrent
nullement à ce torrent révolutionnaire 5 cette
partie de la chirurgie qui veille à la conser-
vation des dents, presque abandonnée, resta
long-temps dans cet état^ et l\'on peut avancer
que sa renaissance et sa perfection sont entière-
ment l\'ouvrage des modernes 5 je tâcherai de le
prouver dans la suite de ces recherches : ce sera
l\'objet d\'un second mémoire.
F I N.
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