Rijksuniversiteit Utrecht
Collectie
KALMAN KLEIN
KJ
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Wwt« lil r ^--r-.ti-^
i\'S
-ocr page 5-E T
SUR TOUTES LES PARTIES
^U DENTISTE.
TOME PREMIER.
-ocr page 6- -ocr page 7-E T
Pcif A/f TJ
Bou^det, Dcmijle reçu au
Collège de Chirurgie,
A PARIS,
Libraire, rue s. Jean-dcBeaurak,
Dec. LXXXVÏ.
Approbation, & Privilege du Roi.
-ocr page 8-T
\'r^k^ , Vj
- .. K\'\'
im
-ocr page 9-H
^\'Oui^rjge que je vous pré-
^ vous appartient a tous les
^«i peuvent lui apurer votre
Elevé fous d\'habiles Pro^
-^W^^urs qui font partie d\'une Corn-
^fgj^^c eftimée de toute l\'Europe^
^■^puifé chei principes ù
^ théorie des Recherches que f ai
^^/^^re dans mon Art. Vous ave-^
^^lleurs honoré de votre attention:
mon travail : cc qui devient four
moi , Melfieurs un nouveau motif
de reconnoijfance. Eh ! fous quels
aufpices plus hmreiix pourrais-je
publier cet Ouvrage, que fous ceux
d\'un Corps refpeclable , dont Vil-
luftre Chef ù les Membres, animés
du même efprit s\'occupent fans
cejfe a perftcîionner toutes les bran-
ches de la Chirurgie? Je fuis avec
le plus prof ond reJpeS: y
Votre très-îiumble Se trè^-
©béilTant ferviteur,
I
i
À
___
o N" Gommence à trouver que k
n^tiere qui fair Fobjet de cet Ou-
vrage eft déjà beaucoup, trop rema-
JJ^e on nous fait honneur d\'une
^condité finguliere dont peu dc
entiftes fe doutoient ; on fe repré-
^nte, en un mot, dans la feule partie
f® dents ,, un plus grand nombre
écrivains qu\'il n\'y en a dans aucune
^"tre branche de la Chirurgie (î).
e n\'examinerai point fi cette affer-
ï^ion eft fondiez c\'eft une difcuffiosi
Psjî importante. Mais f ai cru qu\'on
^■^étoit point fufchargé d\'écrits affe^
riQmbreux fur les dents, pour détour-
ner un Denfifte, appliqué à fa pro-
efîiond\'écrire utilement, au moins
pour lui-m\'ême^ fi ce n\'eû avec tout
(O Joui-mi desSavans de décembre 1756,
^ pag.
a hr
-ocr page 12-le fruit qu\'il defireroit de produire.
Après avoir lu les livres qui pou-
voient fervir à mon inftrudion, j\'ai
vu que la matière n\'étoit rien moins
qu\'épuifée. L\'obfervation & l\'expé-
rience m\'ont fait découvrir un champ
fécond dont on ne verra pas fitôt les
limites. M. Fauchard, qui Fa fi bien
défriché, a été mon guide ; & quand
j\'ai pu marcher fans guide, j\'ai ap-
pris à refpeder mes maîtres, h les
abandonner quelquefois, & à ne
diminuer jamais rien de l\'eftime qui
leur eft due.
IVÏais dans l\'application contînueîîe
que j\'ai donnée à toutes les parties
de notre Art, je ne dois point diffi-
muler les fecours & les avantages
que j\'ai tirés particulièrement de
l\'étude de la Chirurgie. Cette fcien-
ce fl étendue J dont l\'Art .du Dentifte
eft une partie qui n\'en devroit jamais
être féparée, m\'a rempli de princi-
pes qui s\'étendent & qui s\'appliquent
^^tous les objets de cet Art. Formé
^iiîeurs dès mon enfance dans la
pratique des opérations, j\'ai eu pour
^\'^^les du Dentifte toutes les reffour-
qu\'une main exercée trouve dans
l^iiabitude du travaii, C\'eft avec ces
^"Pofitions, c\'eft après avoir paffé
scande partie de ma jeu ne lie à
^^^vre d\'habiles Makres en Chirur-
^ les Hôpitaux, qne par le feul
Offrait d\'un genre où j\'ai cru pouvoir
^^^^ ^ ^^ partie des
Ces cirçonftances qui peuvent
re de quelques coniidérarions, je
ƒ s tais pourtant point valoir pour
ftaire ici mon ouvrage : je veux
Seulement faire fenrir combien il fè-
J^^it à fouhaiter que tous les Dentifles
"^«ent Chirurgiens J ou fuffifamment
pourvus de principes ^ pour exercer
P^us sûrement un Art tout Chirurgi-
& qui demande plus que de la
^^ajn. Je borne ici mes réflexions,
pour paSer au plan de mon ouvrage.
II eft diviie en fepr chap trps
compoféi, chaGUî3 de différens para^
graphes» I.e premitr , lous ie tiire
générique de Pkyfiologie des Dents,,
contient l\'anatomie des deux mâchoi-
res , & les moyens de corriger les
vices ce conformation des dents. U
eft traité dans le deuxieme des difFé-
rentes maladies qui attaquent & dé-
truilènt les fubftances des dents; de
leurs caufes Internes & externes ; des
moyens de les prévenir; des remedes
\' généraux & particuliers. Dans le
troifienic chapitre, il s\'agit des ma-
ladies & des autres caufes qui altè-
rent la blancheur des dents. Les
maladies des. alvéoles , celles des
gencives & leur gaérifon , font la
matiere du quatrième diapitre.-Le
cinquième ienferme les différentes
opérations qui fe pratiquent fur les
dents. L\'objet du fixieme j. eft tout
le manuel dû Dentifte, concernanî
ks pieces les dents arnficielles.
Enfin, le feptieme & dernier cha-
P\'fre, le plus court de tous, confifte
^ quelques eompofitions d\'opiats,
« efïences & de poudres qui m\'ont
paru propres à eonî\'erver ks dents
^ les. gencives.
que c\'eil: embrafler à
P^u près toute la matiere de i\'ou-
^^age de M. Fauchard, le plus com-
P^^t qu\'il y ait fur les dents. Cepen-
dant je ne crois pas qu\'on puiiTe
^^ accufer d\'être fon copifte ; je m\'en
^^pporte fur ce poinc aux lumieres
^ a réquîté , non-feulement des
■\'^a^tres en CMrurgfe qui ont donné
«îuelqu\'attention à Fobjet des dents
îîïais encore des Dentiftes mêmes
qui voudront examiner fans paffion.
J\'oferai , dans cette confiance ,
indiquer comme dès nouveautés qui
ïT^e femblent utiles, i®. xnes remar-^
<îues fup la forme des dents , pour
les faire diftinguer hors de la bouche
^une manière plus précife, & faim:
fînguîierement reconnoitre à quelle
mâchoire elles appartiennent : cir-
conftance plus importante qu\'on ne
l\'imagine ; celles que j\'ai faites
fur les alvéoles; 3". mes Gonjedures
fur la formation de l\'émail ; 4®. les
raifons que j\'apporte pour faire prof-
crire le hochet qu\'on donne aux en-
fans; 5°. la méthode que je propofey
foit pour prévenir les accidens qu\'en-
traîne la fortie des dents, foit pour
les faire ceffer ; 6\\ ma méthode
pour , bien arranger & redreffer les
den^s ; 7°. ce que je dis des. mala-
dies qui afFedent les dents .d\'érofion
& tour ce qui appartient à cette
matière; 8°. le développement de
ma méthode pour la luxation des
dents; 0°. les nouveaux moyens que
je donne pour la guérifon des petits
ulcérés qui fe forment dans l\'inté-
rieur des gencives ; lo\'\'. les vues
que certains maux de dents ou cer-
taines douleurs des gencives m\'ont
%gérées pour découvrir des maîa-
^lescachées ou prochaines; ii^ de
^ ouvelles opérations pour dégorger
Penofte commun à l\'alvéole & à
que pour empêcher
^. ^ents de s\'ufer & faire cefler l\'aga-
V^p""? produit par l\'ufure de ces os.
aux ^ f ^^
VouT^ on donnera le nom qu\'on
mériter ^^^^^ qu\'elles paroîtront
inftf^^ ^^^^ ^^ plufîeurs
înxro \' quelques - uns de mon
nation. Tels font, une pince pour
qui ^ pierreux
J le torment quelquefois aux gen-
^jes ; plufieurs cauteres propres à
^^erir différentes maladies des mê-
Po. \' ^^ nouvelles plaques
redrelTer & retourner les dents ;
de ^^^^ Plaques, ou des demi-cer-
h 1ST ^"^oncer & faire rentrer à
"Mâchoire inférieure les dents de
devant , dont la faillie défigure la
levre & le menton, & pour ramener
en devant celles de la mâchoire fupé-
rieure qui font penchées dans un fens
contraire ; divers inftrumens plus
convenables qu€ ceux qui font en
ufage, tant poujr nettoyer q[ue pour
plomber les derus; la lime coudée
de M. Fauchard corrigée; un nou-
veau pélican {>our ramener en la
place une dent trop enfoncée ; un
autre pour ôter les dents & les raci-
nes ; de nouvelles branches de péli-
can pour ôter les dents de fagefle à
la mâchoire fupérieure ; de nouveaux
crochets qui fe montent fur le levier,
-pour ôter les dents de fagefle de la
mâchoire inférieure; une lame ou
feuille d\'or dont l\'application raffer-
mit les dents chancelantes; diverfes
autres pieces pour réparer la perte
des dents, celle des alvéoles & celle ,
des gencives; une efpece de trépan
perforatif pour ouvrir une dent;
IlilLii..
^Ois nouveaux obturateurs applica-
■^les en certains cas fort communs.
Je pourrais ajouter encore quel-
autres fmgularités^ comme mes
«^onjedures fur les fluxions caufées
P^r les dents à tenons ; mes remar-\'^
ques fur les dépôts qui fe forment
^ns ie finus maxillaire ; leurguérifon
le moyen d\'une nouvelle canule^
niais en abrégeant ce détail, je
P^is aîTurer que tout ce qu\'il y a
«ans mon Livre de Théorie & de
mtique^ foit générale, foit parti-
^liere, eft appuyé d\'Obfervations
^ de faits également véritables.
On achevort d\'imprimer mon
^^^re, lorfque dans le fécond volu-
J^e du Journal des Savans de décem-
bre dernier, j\'ai lu un article oîi il
® parlé de l\'opération que je prati-
pour ôter la douleur que caufe
^^ dent cariée, en confervant ia
même. Or , ceux qui prendront
îa peine de lire dans le premier tome
denies Recherches, chap. II, §. IV,
pag. 133 Ù fuivantes, tout ce qui
concerne la luxation des dents, ver-
ront que j\'ai répondu d\'avance aux
J^îfficultés formées par le Journalifte.
Ainfi je puis me difpenfer de rien
ajouter fur cette matiere, & j\'efpere
que le Ledeur le plus prévenu me
rendra juftice.
J
XV3J
■Approbation du. Cenfeur RoyaL
^ Iu, par ordre deMonfeigneur le Chan-
Obr^\' un Manufcrir incitulé: Recherches &
/«r toutes les panics de CArt du
Ouvrage ma paru digne d\'être
l\'ait à Paris^ ce 6 feptembre 175
Signé SUE.,
dts Regijîres de VAcadémie Royale de
Chirurgie.
Du 13 janvier lyj-/.
^Jessieurs Vcrdier,. Lafaye & Louis..
^ avoient été nommés pour examiner urt
Sr M. Bourde t, Dencifte rcça
îj. . ^olîege de Chirui-gie, qui a pour
Reckerches & Obfervations Jkr toutes les-
Dentifte , en ayant fait
lui \'^^ès" avantageux , rAcadémie
g I a Volontiers accordé fon Approbation.,
le n quoi j\'ai donné à M. Bourdet
Prefent Extrait des Regifti-es., A Paris, ce
janvier
MORAND,
Secrétaire perpétuiL.
-ocr page 22-xv-up
P RI KILE G E DU KO L
ï_)OUIS , par. X.K Grage de Dieu ^ Rci de
France et de Navarre: A nos Ames & Féaux
Confeillers, les.Gens-tenant nos Cours de Parle-
ment, p^aîtres des Requêtes ordinaires de notre
Hô-te!, Grand-Confeil J Prévôt de Paris j.Bailiifs-,
Séfiéchaux, leurs Lieutenans-Civils-,autres nos
Juftixiers qu\'il appartiendra : Salut , notre amé-
le. fieur Bourdet nous a fait expofer ^u\'ii
dèfireroit faire iœpriiner & donner au Public un
Ouvrage
qui a pour ûix^ \' Re^-herches.S^ (Jhjer-
vations fur toutes Us parties de l\'Art du Demijle,
s\'il nous plaifoic lui accorder nos Lettres de
Privilege pour ce nécelîaires. A ces caufes, vou-
lant favorablement traiter l\'Expofaric , nous lui
avon^ permis & permettons par ces préfentes j.de
faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que
bon lui femblera, & de le faire vendre & débiter,
par tout notre Royauniie, pendant le teras de fix.
années confécutives , à compter du jour de ladate
des préfeixtes. Eaifons défenfes-à toaslmprimeurs,.
Libraires & autres perfonnes", de quelque qualité
& condition qu\'eilesfoientj d\'eH.introduire.d\'im-
preflïonétrangère dans aucun lieu de notre obéiC-
lance,,comme auffi d\'imprimer ou faire imprimer^,
vendre, faire vendre, débiter ni contrcfairs.ledit
Ouvrage, ni d\'en faire aucun extrait fous quelque,
prét&xte que ce puifle être , fans la-permiffion.
expreïïe & par écrit dùdit Expofant ou de ceux
qui auroîit droit de lui , à peine de confifc uion
des, exemplaires comrefaic&, de uois mille livres.
J
Hn ti^ c^^scun ^e«; contrevenans, done
Isatis & !\' \' "" ^ l\'Hôtd Dieu de
Qui an j Expofanc ou à celui
ges & I"\' \' ^ \'
^èl■on^ à ia charge, q.ue ces préfentes
deiac \'"\'^S^^^rées tout au long fur le Regiftra
Pari, des Lr.primeurs Libraires de
Preffi\' J ^ mois de ia date d\'icelies ; qHeilm-
n faite dans notteRoyau-
t«res bon papier & beaux carac-
cli^e D ° à, la teuiile imprimée acta-,
les, que fous\'ie contre-fcel des préfen-
Séglei^^ fe conformera en tout aux
du\'iQ Librairie, & notamment à ceiui
le nianuf^- en vente,,
audit O ^^ copie à i\'inîpreffioa
^\'^PprobT"^^^^ J fera remis dans le même état ou
\'re très-ch ^^^ ^ ^^^ donnée , ès mains de no-
ce ]e féal Chevalier Clianceiier de Fran»
^smis d ^ ^^^\'\'^loigaon , & (^ail en fera enfuite
Publiau^"\'^ notra Bibliothèque
Vfe u ^\'""\'\'ans celle de notre Cbâteau du Lou-
Chèvar de notredit très-cher & féal
&ion T de France le fietir Delamoi^
Ctev\'r "" ^^ très-cher & féal
de M f f^^nce , le fieur
taucT Commandeur de nos Ordres : le
^^^^^^^ préfentesdu contenu
iauirie^p""^ mandons & enjoignons défaire
^ baift ! fes ayanc-caufe pleinetnenc
qu\'il leur foi: faiî
copie J empêchement. Voulons que la
J^ Prelentes qui fera imprimée tout aa
ge. r \'^°"\'®encement ou a la fin dudit Ouvra-
^ tenue pour duemeiît fignifite, & qu\'au»
copies coHationnée.s.parl\'un <3enos amés 8î féau»
Confeillers Secrétaires, foi foil ajoutée comiii^
à l\'original. Commandons au premier notre Huit^
fier ou Sergent fur ce requis, tie faire pour l\'exé-
cution d\'icehes, tous aftes requis & nécefTâires ^
làns demantlcr autre permiiTion, & nonobftarit
clameur de Haro, Charte Normande, & Lettres à-
ce contraires. Car tel eft notre plaifir. Donné a-
Verfailles , le premier jour du mois dc décem-
bre , i\'an de grace mil fept cent cinquante fix, SC
de notre regne le quarante-deuxième Par le
Roi, en fon Confeil. LEBEGUE.
Regifî\'ré enfimhle la Cefion ci-dejfous fur If
Regiftre XIV. de la Chambre Royale des Librai-
res & Imprimeurs de Paris ^ rzy ,foL izr ,,
conformément au. Règlement de 17^3 5 qui fait
défenfe y article IF^ a toutesperfonnes de quelque
qualité & condition, qu\'elles foient, autres que les
Libraires & Imprimeurs y. de vendre, débiter &
faire afficher aucuns livres pour les vendre en leurs
noms, foit qu\'ils s^en difent les Auteurs ou autre-
ment; &. à lacharge de fournir à la fifdite Chambre
neuf exemplaires prtfcrit.c par t article CVlII. du
même Rédement. A Pans le 14 décembre
P. G. LE MERCIER Syndic,
J\'ai cédé & tranfporté le préCent Privilège à-
B\'î. Jean-Thomas Hériflant, îuivant les conven-
tions faites entre nous. A Paris ce fix décembre
mil fept ce at cinquante-fa, BOURDET»
SECHERGHES
-ocr page 25-D E
^hfiologie des Dents. Moyens de l\'An
pour en réparer les imperfeciions.
^^firiptïons des Dents & des Alvéoles.
en ^ ^ ^ ƒqui ont traité des denrs,
crit?\'fi ^^ divifion & en ont dé-
tach \' \' point ar-
qiv D ^ les difFérences
^ \' P®"veutles faire exactement recon-
^ Be l\'Art du Dentïjîe:
iioîcre hors de la bouche. Cette connoir-
fance m\'a paru ne devoir pas être négli-
gée » & l\'application que j\'y ai donnée
ne paroîtra pas inutile, quand on vou-
dra réfléchir fur l\'ufage dont elle peut
être en une infinité doccafions.
Les dents qui garniiiïent les deux mâ-
choires ont différentes formes, fuivant
leurs difFérens ufages.Commençons par
examiner celles de la mâchoire fupé"
rieure.
Les premieres dents qui s\'offrent a
vue, fondes ïncïjivcs. Les grandes
font lîcuées à la partie antérieure de la
bouche, immédiatement à l\'endroit qui
répond au nez. Les petites ou moyen-
nes incilives font fituées à côté des pré\'
cédentes, l\'une à droite, & l\'autre à gau-
che. Celles-ci different des premieres,
en ce qu\'elles font moins larges & moins
longues, ce qui a donné lieu à leur dif-
tindion.
Ces quatre dents font tranchantes à
leur extrémité. Elles font difpofées fur
une ligne circulaire. Leur face anté-
rieure ou externe eft un peu convexe t
&: la face interne ou poftérieure eft un
|>3U concave. La partie latérale des
Rrand*^«; -r ■ >
^^^^^rafe der \'\' à la partie
^"^oinst /r^\'"\'^ arrondie &
°PPofée où? P^rtielatérale
S-^^ndes inciflves eft
ext L^ ^ P^"® ^^nce vers
: ces
On ni. " ^^«nc.
latérale dl\'""?\'"® ^ ^^ P^r^e
^Ppiacie I grande incifive, eft plus
"^«^éoppoS ^ P- \' volume que le
t^raleTs ^ "^^P^"^ ^ partie ia^
j| \'a canine.
»^âchlire. a chaque
^tuée ""e de chaque c^té,
gros \'i , \'^ents eft phis
^^ racfne ^^ ^^
P^f^e ind/f à la
Pe^^ répond à la pre-
^«etendue.De plus,on remarque
Ai]
4 T>ù VArt duDmtïjîs,
une perite eminence vers le milieu da
corps de la denc fur cette partie latérale
qui va fe tetmiiier à l\'extrémité de la
dent, par une pointe plus ou moins
nsoulFe & plus inclinée du côté oppcfé
que de celui-ci. L\'émail fe prolonge
moins fur les parties latérales du corps
de la dent , qu\'à roue autre endroit où
il forme prefque un V eonfonne, & il
eft plus apparent fur la partie latérale
antédeure qu\'à la poftérieure. La même
fhofe à-peu-près s\'obferve à toutes les
dents \\ ii n\'y a que du plus ou du moins.
Le collet de la dent commence ou
finit l\'émail. G eft à ee collet que s\'atta-
chent quantité de petits vaitfeaux dé-
pendans de la gencive. L\'adhérence de
tous ces petits vaifT^aux au collet de la
dentj la maintient ferme & folide. La
racine des dents canines eft plus grolTe
& plus longue que celle des incifives $
& des petites molaires.
Les molaires font la rroifieme claiTs
des dents. L\'ies font pour l\'ordinaire aU
nombre de dix à chaque rnâchoire, ^
il y en a cinq de chaque côté. Elles oc-
capenc la partie poftérieure de la mâ-
choire après les canines. Lfs plus aiiîé-
VAri du Denujlèi 5
l\'^Êures font les petites molaires dont
J^J^rps eft moins large dans fa partie
^terale, mais plus épais que celui des
^a^nines. A fon extrémité font deux
\'Ointes moulTes , dont l\'une répond à
langue , & l\'autre à la joue. 11 y a
^ " enfoncement entre les deux poin-
® 5 ce qui fait que l\'extrémité du
de la dent eft fort large. Leurs
^^es externe & interne ( l\'une aui ré-
P^na à la lèvre, 5c l\'autre à la lan-
M-ie ) font arrondies, & leur corps a
P us de volume vers leur extrémité que
fr^n^ racine. Les parties latérales
^J^P^aties, & l\'émail qui les l\'écou-
lé\'" ^^^^oins étendu ou moins pro-
afin que les vaiiTeaux de la sen-
Clve f r< \' • *
l qni vient s\'y termmer en pomte
^-omme aux autres dents) puiflent s\'y
Les deux petites molaires font
femblables, allez uniformes. La
P^^cmiere eft cependant d\'ordinaire u!i
peu moins grofie , & a la racine moins
que la féconde. Ces detix dents
j^ontcommunémentqu unevacine;tTiais
^flecondeenafouventdeux&quelque-
trois. Lorfqu\'il n\'y a qu\'une racine,
\' ^ eft applade & en form\'e de coin : on
f A iij
6 ^ De PArtduDentiJie.
y obferve une goutiere qui regne dans
toute fa longueur, & qui femble quel-
quefois partager la racine en deux ; ce
qui feroit croire que ces dents feroient
munies de-deux racines fondées enfem-
ble. Cette goutiere à la premiere petite
molaire, eft plus apparente dans fa par-
tie latérale, qui répond à la fécondé pe-
tite molaire, que du côié de la canine.
Sa racine eft auffi moins plare , plus
ouverte du même côté. 11 en eft de mê-
me de la fécondé petite molaire.Quand
ces dents fe trouvent avoir deux raci-
nes , l\'une eft placée vers le palais,
rature vers la joue.
lî y a,dans les trois grolfes molaires
des différences remarquables. La pre-
miere a plus de volume que la fécondé,
& fes racinesfontaufîl plus greffes, plus
longues & plus écartées. Sa face anté-
rieure qui forme l\'interftice avec lader-
niere petite molaire , eft plus large &
plusapplatie que la poftérieure. Quant
aux furfaceslUatérales, l\'interne eft plus
ronde & moins large que l\'externe. La
fécondé & la troifîeme grolfe molaires
ont entr\'elles les mêmes proportions,
diminuent refpeilivementde volume
J^e VArt du Demlfle. 7
de largeur. La premiere & la fécondé
molaires ont prefque toujours
OIS racines jiatroifieme n\'en a fouvent
«ne courte & pointue, ou elle en a
J ou trois jointes enfemble. A l\'cx-
^ emite du corps ou du couronnement
^ ces dents , ou trouve des eminences.
■ aes cavités qui repondent à celles
s dents de ia mâchoire oppofée. La
"pofition de ces eminences eft telle,
MUe celles de la mâchoire inférieure en-
J^^nt dans les enfoncemens de celles de
p "périeure, & vice versa; ce qui eft fait
P^^r que les alimens foient mieux écra-
moulus & broyés. Ces cavités 6c ces
^^ \'nences manquent fouvent à la véri-
, » pf\'iicipalement chez les vieillards
le 1 \'^snts fe trouvent ufées par
.^^urlongfervice, & chez ceux qui grin-
les dents pendant le lommeil.
^ ais On voit auffi des perfonnes qui ont
quarante ans les molaires & les au-
^res dents ^à demi-iifées, & quelque-
^^ racine. Lorfque les mo-
J. delà mâchoire fupérieureonttrois
^cïnes, il y a deux fort rappro-
J^es ou mêmes couplées du côté de la
* &: l\'antérieure eft plus grofte, plus
A iv
-ocr page 32-s De VAn du Dintijîe,
longue , & plus applatie que la pofté-
rieure. L\'autre plus groffe J plus longue
& plus ronde J eft ifoiée vers lepalais,
6c quelquefois fi éloignée des deux au-
tres, qu\'on a beaucoup de peine à ôter
ces fortes de dents, fur-tout fî la racine
à fon extrémité fe reiaverfe & fait le
crochet. 11 en eft quelquefois de même
des autres , en général les racines
crochues font aifez communes.
J\'ai vu, il n\'y a pas long-tems , une
Dame qui a les deux dernieres molai-
res de la mâchoire inférieure unies en-
femblepar la couronne. J\'ai vu aufl] deux
grandes incifives jointes exadement
dans toute l\'étenduedeleurcorps j mais
lajonclion des racines eft plus rare.
Le corps ou la couronjie des dents ,
cft toute Jeiu partieémaillée ; cet émail
eft plus épais aux molaires qu\'aux inci-
iives & aux canines.
Paffons aux dents de la mâchoire
inférieure.
H y a quatre incifives en bas comme
en haut, mais plus petites que lesfupé-
rieures. Elles font toutes affez unifor-
mes, ou d\'un volume égal, fi ce n\'eft
qu\'affez fouvent celles qui avoifinent les
Art duBentijle. 9
J^\'^ines font un peu plus larges & plus
^"gwes. On les diftingue en iT!edia.nes
latérales. Les médianes font les
du milieu, & les latérales celles
font contigucs aux canines. Elles
peuvent encore fe diftinguer comme les
^^iciiives & les canînes de la mâchoire
, P^\'^îeure , par leurs quatre faces ^ an-
^erieure , poftérieure , & latérales. La
/ antérieure eft convexe & arrondie,
étroite vers fa racine, plus large &
^^«îns ronde en haut.La face poftérieure
. concave vers fon extrémité fupé-
^eure, ronde & élevée vers la racine.
V«ant aux faces latérales , celies des
médianes fonr plus applaties
perpeiiaiculaires du coté où elles
® touchent, que de celui qui touche
J dent voifine. 11 en eft de même
^ss deux autres incifives. Ces quatre
l^\'its n\'ont jamais qu\'une racine fort
P Sur les faces latérales de cette
racine , regne une goutiere plus mar-
du côté le plus arrondi de la face
latérale du corps de la dent, que du
oppofé qui eft plus applati.
des f ^ inférieures difFerentauffi
^ "perieures en ce qu\'elles font moins
pointues, que leu^ coips eft plus long
î o De r Art du Denûjîe.
& plus applaci, & que la face, tant da
corps que de la racine du côté de la pe-
tite incifive, eft beaucoup plus large &C
plus applatie que la face oppofée du coté
de la molaire. On trouve quelquefois
des canines qui ont deux racines j ce qui
arrive auffi, mais plus rarement, à cel-
les de la mâchoire îiipérieure. Les raci-
nes de ces dents, dans toute la longueur
de leurs parties latérales, ont une gou-
tiere, ou une rainure plus marquée à la
face qui répond à ia petite molaire, que
de l aiure côté. Elles different encore
des incifîves, en ce qu\'elles font plus
groCTes par leur corps & par leur racine.
Les deux petites molaires lîtuées im-
médiaremenc à côté des canines , font
différentes de celles d\'en haut, en ce
que,i les deux pointes mouffes qu\'on
y remarque font moins confidérables &
moins écartées. Que leur corps eft
plus rond, & que la partie latérale anté-
rieure l\'eft moins que la poftérieure. 3°.
Que leur racine qui eft unique & ronde,
& qui, cornme le corps de ladent, eft un
peu applatie antérieurement, eft com-
i-nunément plus longue que celle des pe-
tites molaires fupérieures, La premiere
petite molaire d\'en-bas eft auffi pour
l\'ordi ■ ^^ ^^^^ ^^ntifle. % i
ou la derniere.
ont ,7 molaires inférieures
de. «^hofes qui les diftinguent
res Les deux premie-
^ tr" racines fort larges
gnQo"\'^ -\' milieudefquelles re-
Lnr?unefcilfure, ou une
Kouti "/"-\'"Clic uneiciuure, ou une
ties fj^^® fouvent en deux par-
\'i-ac
ce!
r» ---.-..»«.iw 1AWA4. w X W^Vi. JlVCiJL w •
plantées dans l\'aiyéole, l\'une en
ties {i -i-\'^\'viiciuuvcnuenaeuxpar-
Cesra le cordon & le canal, i®,
^ ^ ont toutes une au treiîtuation
Q^ n toutes une autrentuation
lesde la mâchoire fupérieure = el-
avanT^I P " dans l\'aiyéole, l\'une en
îe nlàî \'autre derriere , de façon que
Zrarr^ poftérieur. La premiers
te fif ^oiaireeft , comme â la mâchoi-
que \' phîs gros volume
re df^ unîtes. La racine antérieu-
pl " te dent eft auffi plus groffe Sc
f^g W^tiequela poftérieure. Lamê-
xien^T"^^^"^" s\'obferve dans la deu-
appclî\' ^^ troifîeme. Les molaires
quelnn!f manqueni
nier? ! \' ordinaire-
d^ni. r plus groffie que les
néul\'P\'?^"^\'®^- n\'ont commu-
qu une racine fouvent crochue.
ï t Dè rAri du Dent\'Jlë.
ou elles en on: deux jointes enfemble.
J\'en ai vu qui avoienr jufqu\'à cinq ra-
cines , & d\'autres qui enavoientquatrej
mais ces cas font aflez rares. Ces dents
font prefque quarrées à l\'extrémité de
leur couronne, & fore couvertes par les
gencives. Les molaires inférieures onr,
comme les fupérieures , des éminences
des cavités qui répondent exaftemenC
à celles d\'en hautjpour l\'ufage que lious
avons explique. En général toutes les
molaires ont la partie latérale antérieii-\'
re , rant du corps que des racines , plus
large & plus applacie que la partie pofté-
rieure^ ce qui s\'obferve encore aux ca-
nines & auxincifivesplus oit moins dif-
tinéfcement. A l\'extrémité de chaque ra-
cine, on rrouve un ou plufieurs petits
trous, férvant de paffage à trois vaif-
feaux difFérens qui vont former,ce qu\'on
appelle le cordon desvaiffeaux dentai-
res. Ce cordon parcourt le canal qui eft
creufé dans l\'intérieur des racines , &
qui fe perd dans le corps de la dent
pour y porter la nourriture convenable.
A mefure que ce cordon approche da
corps de la dent, il eft grolîî par les
vailTeaux de la membrane qui revêt la
É
-ocr page 37-Dc tAn du Denûjle. 11
^^cine, & ces vaifleaux lone des arteres,
«fs veines & des nerfs. Les arteres
^^ennent de la carotide externe ; les
Veines de la jugulaire , & les neifs de
ia branche maxillaire.
^esdiflërenres obfervations font né-
ceiiaiies pour diftinguer les incifîves,
les canines, les groires& petites molai-
res-du c^jté droit, d\'avec celles du côté
gauche , ainfi que pour difcerner , au
coup d\'œil, lorfqu elles font ôtées, à
Jl^eile mâchoire elles appartiennent, &
j? place qu\'elles occupoient. De cette
açon on peut démêler toutes les dents
J ^\'^e mâchoire , déplacées & confon-
dues enfemble , reconnoitre l\'endroit
ou elles font forties, & affigner leur
\'ohtion naturelle, fans avoir befoin de
confronter avec les alvéoles. La né-
^effité de pouvoir s\'affurer,à lafeule inf-
lection d\'une dent ifolée & hors de la
^ouche, de favéricableporition, fe faic
entir en bien des rencontres. 11 y a de
Petwes molaires fupérieures prefque en-
tièrement uniformes, de forte que lorf-
il s\'agit de remettre une de ces dents
aptes qu\'elle eft plombée , on pourroit
^^ changer de face, çe qui rendrait f;^
ï4 ^^Art du Dent\'ijle.
replantation très-difficile & quelqtiefois
impoflible.Un fait arrivé récemment va
prouver de quelle importance il eft de
bien connoître les dents.
Un malade foufFroit beaucoup d\'une
petite molaire fiipérieure..!! alla trouver
un homme qui, lui ayant cadé fa dent,
pour lui faire croire que fon opération
éroit bien faite , lui rendit une petite
molaire inférieure. Quelques jourî
après , le malade qui foufFroit toujours,
me vint voir. J\'examinai fa bouche, & je
n\'y trouvai aucune dent gâtée. Comme
celle qui lui manquoit étoit calFée fore
avant, la racine ne s\'appercevoiî plus.
Je dis donc au malade qu\'il lui étoic
fûrement refté quelque portion de ra-
cine; il foutint que non , & pour me
convaincre, il me montra la dent qu\'il
gardoir. Je reconnus au premier coup
d\'œil,quecette dent n\'étoit pas la lienne,
mais une dent de la mâchoire infé-
rieure. Le malade un peu furpris me
crut ; je lui ôtai les débris de fa raci-
ne , & il fut guéri.
Les fofFes alvéolaires font féparées les
unes des autres par des lames ou des ef-
peces de cioifons plus ou moins épailTes,
ç, ^crAnduDemïfle. 15
T^ " a nature des dents qui s\'y logent,
ans la jeuneffe, ces cloilbns font plus
flexibiesSc plus élaftiques;
® f s lont arrofées par un fuc nourricier
qui les rend ftexibles. Ces lames olTeu-
"S, a un certain âge, deviennent j com-
mie tous les os, plus compares; ainfi les
cellules fe rctréciirentj& toutes ces par-
arconféquent moins de refforr.
■La fagure de chaque alvéole eft toujours
proportionnée à la forme de la racine
qii il reçoit & qui femble lui fervir de
n^oule. A mefure que la dent s\'éleve ,
eilelailTeau-defFous d\'elle un vide con-
liderable â l\'endroit ou elle s\'eft olfifiée,
^ fe vide eft rempli en partie par les
Racines, à mefure qu\'elles fe forment,ou
® yajufte pour fertir la dent. Ces raci-
> en fe formant & en s\'alongeant,
tiennent plus ou moins droites Se plus
moins écartées, fuivant que la dent
^ \'■ait plus ou moins de dilatation vers le
ond de l\'alvéole,ou que les racines elles-
^emes en écartent plus ou moins les pa-
tois oiTeufes. Elles font crochues à leurs
extrémités, difformes, inégales, lorf-
en s\'alongeant elles ont trouvé de la
^eiittance au fond de l\'alvéole, & que
î6 ■ D.e rjrt du Dentifle,
d\'autre part l\'alvéole îie s\'ouvre on ne
s\'écarte pas aiféraent, pour être encore
trop comprimé par l\'extrémité du corps
de a dent J dans le rems même qu\'elle
fe leve. Si alors le fuc oflèux fe porte
abondamment dans l\'intérieur de lara-
, cine pour la former,cette racine devient
ondée ou crochue, a fon extrémité plus
grolTe & faite comme une ^ece de
bouton; ce qui adonné lieu à ^pelques
Dentiftes de penfer que c\'étoit un nou-
veau germe qui, en voulant s\'offiher,
s\'attachoit à l\'extrémité de la racine. Il
eftaiféde voir qu\'ils fe trompent, puif-
qu\'on ne trouve pas plus de dureté dans
cet endroit qu\'au refte de la racine, &C
qu\'on n\'y remarque pointnon plus au-
cune trace d\'émail. Ne feroit-ce poinc
l\'effet du fuc nourricier qui fe porte vers
j\'excrémité de la racine pour a prolon-
ger, & qui trouve de la réfiftance dans
le fond de l\'alvéole , d\'une part; & de
l\'autre , dans la rencontre des denrs de
la mâchoire oppofée ?
Les dents molaires, dès que leur
corps, qui eft d\'un plus gros volume, eft
formé , font dans l\'alvéole une dilata-
cion confidérable, qui donne aux raci-
nes
^^VArt du Dcr.ûJle. 17
la liberté de s\'écarter & de s\'éren-
n-ie/ ^^^^^^^ l\'alvéole ne peut aifé-
^ "t être ouvert par la couronne de la
c\'in "" ^
- es alors s\'écartent, l\'on en trouve
Feiquefois écartées enrr\'elles
SU A " ^^ volume,
de f étant parvenue au niveau
fe eil comprimée dans le
des mâchoires par quelque
oppofée, celle-là ne pouvant plus
racine , à mefure qu\'elle
replie, devient crochue,
ii\'fP/\'^^^\'\' \\ ^ > comme on l\'a dit,
de } à fon extrémité une efpece
dan produit , tant par l\'abon-
lyir " offeux qui s\'y porte , que
\'la réhftance de lalvéoie & des
oppofées.
lo!a fe forme & fe prp-
p^j^f avec les racines, eft commun à
veoie, dont la contiacbion le com-
d\'(t\'^Û^^ s\'émincit, & quelquefois fe
vé 1 p au point que les parois de l\'al-
^^^Qle (e ti-ouvent adhérentes à la racine,
ley^^\'\' qu\'en ôrant ladent, on en-
queique portion de Talvcole, qui
^\'•ouveainil fondé avec la racine.
■io/nç I, D.
18 Di VAn du Ventijle.
Les alvéoles de certaines dents font
beaucoup plus épais que les autres. On
peut les diftinguer en alvéole interne &
en avéole externe. Celui de la derniere
^rolfe molaire d\'en-bas a très-fouvent
O
le plus d\'épaiiTeur, par rapport à l\'apo-
phyfe coronoïde ; ce qui rend quelque-
fois cette dent difficile à ôter, parce
qu\'elle n\'eft fortie qu\'à moitié, s\'étant
iroavée gênée par cette apcphyfe & par
la dent voifine, qui ont fait courber fes
racines, & incliner la dent du côté de
la langue. L\'alvéole externe de la deu-
xiemegroffe molaire eftauffi plusépais&
plus fort que celui de la premiere grolfej
auffi ptêre-t-il moins quand ileft queftion
d\'ôter la dent qu\'il enchâlfe. L\'alvéole
delà premiere groffe molaire eftcommu
iiémentlemoins épaisdes trois\'ainfi l\'on
a moinsde peine à ôter cettedenr,qui eft
plantée dans le milieu du corps de la
mâchoire , fans être plus inclinée d\'un
côté que autre. Les petites molai-
res s\'ôtent encore plus facilement, parce
que leur alvéole eft encore plus mince
vers la joue, & qu\'elles n\'ont jamais
qu\'une racine. Les alvéoles des canines
©nrplus d\'épaiffeur que ceux des petites
I>e r An du Dcnàjîe. 19
polaires; la racine en eft plus greffe,
ordinairement plus longue , quel-
qiîerois même ces dents en ont deux ,
qui fait qu\'elles font plus difficiles
a otet à certains fujets. Enfin les alvéo-
es des quatre incifives font plus minces
que tous ceux des dents précédentes,
-\'^uffi ces incifives font-elles plus fuf-
•^eptibles d\'ébranlement, & par confé-
quent plus faciles à ôter. Voilà pour
es_alvéo!es inférieurs.
Les alvéoles fupérieurs ontaufîi deux
, une interne, & l\'autre externe.
■L alvéole externe de la premiere groflTe
eft plus épais que ceuxdes deux
autres grolTes, & celui de la fécondé eft
plus fort que l\'alvéole de la der-
niere dent, qui eft ordinairement pen-
che vers la joue. Les petites molaires
tint les alvéoles moins forts que ceux des
canines ; & les plus foibles de tous font
les alvéoles des incilîves. L\'alvéole in-
de toutes ces dents eft à peu près
^ ^ga!e épaiffeur, à moins qu\'une dent
niai fituée ne fe porte plus d\'un côté
que d\'un autre j car alors elle eft plus
0« nioins épailTe fur quelqu\'une de fes
deux faces. Ces petites ohferv.uions
Bij
-ocr page 44-2 0 ■ De l\'An du Dentljle.
ne doivent pas être négligées, lorfqa\'il
eft queQion d oter une dent.
A mefurc qu\'on perd des dents .les
foftes alvéolaires s\'effacent en très-peu
de rems ; en forte qu\'il n\'eft pas poffible
d\'en reconnoitre aucune trace, pourvu
néanmoins qu\'en ôtant ces dents on
n\'aitpas autrefois fra^uré quelque por-
tion d\'alvéole : car dans ce cas , quoi-
que les folfes foient remplies & bien
oiïïfiées., la mâchoire eft moins cpaiffe
& moins unie.
Lorfqu\'on a l\'une des deux mâchoi-
res dégarnie de quelque dent, la dent
de^ la mâchoire oppofée qui répond
précifément à la breche, ne trouvant
plus rien qui la borne, ne manque pas
de s\'aîonger par la contraétion de fon
alvéole. Or, le vide que la racine laift\'e
au fond de cet alvéole, fe trouve peu à
peu rempli & offifié.
Lorfqu\'on vient d\'ôter une dent bien
confolidée par l\'alvéole, les bords ou
les extrémités de ce vafe offeux, ou
iont contenues les racines & celles des
cloilons intermédiaires, font fenfibles
pendant quelques jours. La gencive ne
ie remue que quand les afpérités de
VAn da Bmtijle. ij
toutes ces parries fe trouvent détruites,
^ parois fuffifamment rapprochées.
" ne peut manger fur cette gencive,
Mue quand le fond du baffin eft entié-
renient rempli & bien offifié.
Uius les vieillards, & dans toutes
es perlonnes dont les dents tombent
f f ébranlement, & par le défaut de
■^^veole , la gencive eft réunie en
moinsde vingt-quatre heures, & lamâ-
c^iou-e eft affailfée, mince & prefque
Tranchante. Qu\'on examine une per-
»«nneqmauraperdtiplufieurs dentspar
ei^ranlement, & qui pendant fa jeuneftb
en aura fait ôter quelques autres, parce
^iJes éroient gâtées, ou qu\'elles lui
cauloient de la douleur, on trouvera
aans cet endroit fa mâchoire plus
epaifle & plus éfeyée, qu\'aux endroits
«Il les dents n\'ont été détruites que par
^eur ébranlement fucceffif.
Un écrivain récent a cru que les
dents n\'étoient pas chaffiées au dehors
par la contraélion de l\'alvéole. Pour le
prouver, il fou tient qu\'on n\'a qu\'à pref-
\'er & appuyer fur la dent qui fe trouve
alongee, elle rentrera fur le champ &
le mettra au niveau de fes voifines. Le
tl
De l\'An du DentiJIe,
fait eft vrai : mais cela n\'arrive que
quand l\'alvéole eft détruit par une fup-
purationquife fait aftez communément
dans la gencive & autour de la racme.
Car alors la dent, deftituée d\'appui, ne
tient plus qu\'à quelques filets de la
aencive, ou à une petite portion de\'
f\'alvéole qui n\'a pas encore été détruit
par lafuppuration, & cela par le moyen
de la membrane qui leur eft commune.
Cette dent ayant très-peu de foutien ,
s\'alonge par fon propre poids , fi c\'eft
à la rnâchoire fupérieure; & fi c\'eft à
l\'inférieure, par le gonflement & l\'en-
crorgement de la membrane ou de la
gencive. Or, il eft aifé de comprendre
que fl l\'on appuie fur l\'extrémité de la
dent, elle rentrera dans fon trou ôc fe
trouvera à peu près égale à fes voifr-
nes, fur-tout fi la dent oppofée fe ren-
contre diredement vis-à-vis ^ mais dès
qu\'on celfe d\'appuyer fur cette dent,
elle s\'alonge & déborde les autres. Ces
fortes de dents en général font fort ^in-
commodes , & on eft fouvent obligé de
les ôter. Si on porte une fonde entre la
racine de la dent 5c la gencive , on ne
trouve point ou l\'on trouve peu d\'aï-
lli
Dc l\'Art du Dencîfle. z j
véole. Toute la circonférence de la ra-
cine jufqu a fon extrémité, en eft pref-
que totaleme-nt dénuée ; cette racine eft
nue, & n\'a plus aucune adhérence avec
la gencive. C\'eft dans ce cas que la gen-
cive en recouvre la plus grande partie,
niais fans s\'y adapter jamais. Ainfi l\'ex-
périence nous fait voir que les dents
s\'alongent, fur-tout quand il n\'y en a pas
à la mâchoire oppofée, dont la réfiftan-
ce puilfe empêcher leur prolongement.
Dès-là donc il n\'eft pas toujours pofli-
ble de faire rentrer une dent dans fon
alvéole en preiTant delTus, & de la faire
revenir au niveau des autres. Au refte,
quoique les dents alongées-excédent
les autres, lorfque cet alongemént pro-
vient de la contraction de l\'ai véole,elles
ne lailfent pas que d\'être ail\'ez fermes &
de durer alFez long-tems, parce qu\'à
rnefure que l\'alvéole chaffe une dent,
elle en eft étroitement ferrée; la figure
pyramidale de la racine & Télafticité de
1 alvéole, contribuent beaucoup au ref-
ferrement. Et nous le répétons encore,
à mefure que la racine fort de l\'alvéole,
le vide qu\'elle lailTe dans le fond fe
trouve rempli & ofîifié, ce qui i\'empê-
2 4 I)^ VArt du Dentijîé.
die par conféqueiu d\'y rentrer. Con-
firmons ceci par une obfervation.
11 y a cinq ou fix ans que Mademoi-
felle *** demeurant à Paris , rue Saint
Thomas du Louvre, s\'étoit fait raccour-
cir à Rouen, par un Dencifte , deux in-
cifives de la mâchoire inférieure, qui
débordoient beaucoup leurs voifines j
parce qu\'elle avoit perdu depuis long-
tems les ceux grandes incifives de la
mâchoire fupérieure. Au mois de no-
vembre 175-3, je les lui limai de nou-
veau déplus d\'une demi-ligne , pour les
rendre égales aux autres. Or. j je puis
alïurer qu\'on auroit eu beau appuyer 1 ur
ces deux dents, qu\'on ne les auroit pas
fait rentrer de Tépaiffeur d\'une feuille
du plus fin papier, car elles font très-
fermes & trè:s-folides. Je confeillai à
cette perfonne de faire mettre deux
dents poftiches à la place de celles qui
lui manquoient: elie ne voulut point
fuivre mon avisj & je lui pronoftiquai
îa perte des deux dents limées; ce qui
ne manquera pas d\'arriver par fuccefiîon
de tems , parce que ces deux dents s\'a-
îongeront toujotirs par les raifons que
i\'ai marquées. On voit tous les jours de
ces
-ocr page 49-De VAn du. Dcntijft. ç
eesdenrs dongées, & je n\'ai jamais
vu qu on pût les faire rentrer, en ap-
puyant delfus» que dans le cas où l\'al-
veole eft détruit.
Quoique le nombre des dents foie
pour l\'ordinaire fixé à vingt-huit ou
crente-deux, il y a des perfonnes qui
en ont trente-iix. J\'ai nettoyé les dents
a un Prieur, logeant alors rueGuerin-
BoifTeau, chezmadamei?c?^.7//ê, lequel
avoit quatorze molaires à la mâchoire
fupérieure ; favoir, fept de chaque cô-
te , de façon que la pénultieme & la
derniere étoient doublées vers la joue.
Mademoifelle Dufon, de Lyon, vint
en 1751 à Paris, pour faire accommo-
der & arranger fes dents qui étoient
doublées. Je lui ôtai deux canines, 8c
deux petites incifives qui lui étoient ve-
nues de furcroîtà l\'âge de dix-huitans,
a la rnâchoirefupérieure. Ces dents fur-
numéraires la défiguroient à un tel
point, qu\'elle n\'ofoit ouvrir les levres.
Aulfi-tôt que ces quatre dents fuient
retranchées, elle eut les dents très-bien
& même fort jolies ; car il lui en refta
leize à chaque mâchoire.
On voit quelquefois à plufieurs per-
Tome ƒ. C
-ocr page 50-x6 De L\'Art du DentiJIe.
formes donc toutes les dents ont forti ;
«ne d^nt de furcro\'it qui fe place der-
riei-e les deux grandes incifives , ou
entf\'elles-, lorfqu\'elies font écartées.
Cette incifive furnuméraire apeu de vo-
lume ; elle eft ronde & pointue comme
une canine. Quand elle caufe de la dif-
formité, ou qu\'elle gêne la prononcia-
tion , il ne faut pas héfiter à la retran-
cher.
De. la formation & de Vaccrolffement
des Dents,
La maniéré dont les dents fe for-
ment & s\'accroilfent , eft une mer-
veille de la nature , digne de toute
l\'attention desPhyficiens. Il eft curieux
d\'en confidérer les progrès, depuis le
premier développement dugerme, juf-
qu\'à ce que le corps de la dent s\'éleve
de l\'alvéole, & forte au dehors. Dans
la formation des dents , la nature fuit
un ordre particulier qui paroît déroger
aux loix établies pour la plupart de fes
productions. Le corps de la dent fe
De I\'\'An du Denûfte, x j
forme avant fa bafe, appellee impropre-
ment racine ; il commence même à fe
former par fa partie exténeurela plus
éloignée de cette bafe, & d\'abord il
prend tout le volume ^ ou toute la grof-
feur qu\'il doit avoir. A mefure que le
volume extérieur de ia dent groffic, il
eft recouvert par l\'émail qui s\'étend fur
toute fa furface, en même rems que l\'in-
térieur fe remplit. On faitque toutes
les parties offeufes , avant leur offifîca-
tion , commencent par être membra-
neufes : le germe des dents fuit la même
loi, ^Ce germe eft enveloppé par une
membrane véficulaire, qui prend naif-
fance de celles des gencives. En aug-
mentant de volume , il écarte & dilate
laloge ofteufe, dans laquelle il eft ren-
fermé^Si à mefure qu\'il s\'offifîe,fa mem-
brane s^épaiiÎ! t, s\'étend, &c s\'attache for-
tement, tant à fa bafe qu\'à la racine qui
fuccede. Les couches de la dent qui
fe forment & qui s\'offifîent les premie-
res , font les couches extérieures du
corps fpongieux. AulTi-tôt qu\'il yen a
deux ou trois l\'une fur l\'autre , il fe dé-
pofe un fue ofleux fur l\'extérieur du
corps de la dent, qui fuit à-peu-près le
Ci)
-ocr page 52-T>e VArt du Dentée.
îîième ordres les mêmes progrès d\'of-
fification que cecorps fpongieux. Ce
fuc olfeux, qui eft contenu dans les cel-
lules de la membrane dont le germe eft
environné, eft apporté par cette mem-
brane ceft de-là qu\'il vient couvrir
peu à peu le corps de la dent, où il le
durcit à mefureque l\'intérieurdecette
dent fe remplit de nouvelles couches.
Ainfi, lorfque ladent a pris fa confiftan^
ce, toute fa fm-face eft revêtue d\'une
forte de croûte offeufe diftinguée, tant
par fa dureté que par fa blancheur &
■ par fon poli, de tousles autres os du
corps. Cette croûte folide eft Vemaiî,
Le fuc dont il eft formé, avant fon oftifi-
cation, n\'a rien qui relfemble à une fubl-
tance membtaneufe : mais il fe filtre peu-
à-peu par le tilTu des cellules, & fe ré-
pand fur tout le corps fpongieux, àrae-
ïure que la dents\'oflifie. La matière de
l\'émail, en fe formant, n\'eftdonc qu\'unç
efpece de pâte molle, qui acquiert inlen-
fiblement de la confiftance , & qui de-
TÎeuî enfin une vraie lame offeufe, fi
duce & ficompade, qu\'on l\'a crue Ipng-
îemsincombuftiblejvieilleerreurqu\'uft
peu d\'attention a déttuitç.
-ocr page 53-t)e VÂrt duDenilfiei
Ceux qui voudront vérifier cette phy-
fiologie de l\'émail, n\'ont qu\'à exami-»
ner des mâchoires de jeunes bœufs, où
il refte des dents de laie à tomber. IL
faut les prendre dans le tems que les
fécondés dents ne font que commences
às\'offifier; onreconnoîtradanscetexa-^
men l\'opération de la nature, & plus ai-\'
fément que fur des mâchoires d\'enfans^
Quand le corps de la dent eftconf-
truit, &: qu\'elle a toutes fes proportions,
fa bafe, ou , comme en die, fes racines ,
fe forme de la même maniéré. Ainfi
la racine, en fe fortTiant, prend d\'aborci
le volume qu\'elle doit avoir , & à me-
fure qu\'elle fe fortifie , ou que fon inté^
rieur fe remplit, eile s\'alonge infen^l-
blement, jufqu\'a ce qu\'elle ait acquis la
longueur convenable. L\'extrémité ds
cette racine fe bouche alors en confet-
vant néanmoins un palTage libre aux
vaiffeaux qui aboutilloient au germe,
& qui vont maintenant occuper la ca-
vité de la racine pour fe perdre dans le
corps de ia dent. D\'un autre côté, la
membrane de la dent fe prolonge fut
cette racine, l\'enveloppe, & y deviens
adhérente.
C ii|
-ocr page 54-50 De r An du DentlJle,
Pendant que la racine s\'alonge Bc
fe perfectionne au fond de i\'alvéoie, la
dent s\'éleve vers la gencive pour fortir
au-dehors. £Ue commence par écarter
les parois de l\'alvéole : parvenue au bord
de cette loge olfeufe , la dent ouvre ,
d\'abord la membrane dont elle eft en-
core enveloppée, puis celle qui bouche
l\'entrée de l\'alvéole, 6c enfuite la gen-
cive. Alors elle fe découvre peu à peu,
& fort tout à-fait dehors, à mefure que
laracine^ens\'aiongeant, lachaifeoula
repouife. Mais que devient cette mem-
brane d\'où la dent s\'eft développée en
la divifant ? Elle refte dans l\'alvéole 8c
devient commune à cette partie & à la
racine. Il faut obferver ici, qu\'à mefure
que la dent s\'avance vers la gencive,
les parois de l\'alvéole s\'aîongent & s\'é-
paiinffent en même tems , pour recou-
vrir entièrement la racine, La même
économie fe remarque pour les mo-
laires qui ont plulieurs racines. Pen-
dant que ces racines fe forment, il fe fa-
brique des cloifons & des cellules defti-
nées à les loger féparément. Les dents
qui n\'ont qu\'une feule racine,en forrant
de l\'alvéole où elles fe font formées ,
De VArt du DentiJIe. 3 ï
y laîffènt leur moule,c\'eft-à-dire, l\'em-
preinte de la place qu\'elles occupoienr.
Or, ce moule s\'efface en partie, & en
refferrant fon volume, s\'adapte à celui
de la racine pour la fertir & la confo-
îider.
De la fortie des Dents.
Les dents percent ordinairement I
cinq, à (ix , ou à fept mois, quel-
quefois plutôt, quelquefois plus tard ,
felon que les enfans font plus ou moins
forts. On en voit à qui les dents ne
paroiffent qu\'à l\'âge d\'un an, ou d«
quinze mois, & rien ne varie plus que
ie tems de leur fortie. Les canines ns
percent aflez fouvent qu\'après les mo-
aires, & plutôt à la mâchoire fupérieu-
re qu\'à celle d\'en bas j mais pour l\'ordi-
naire la premiere dent paroît à la mâ-
choire inférieure & au devant de la
boachcjà fix ou à huit mois. Peude jours
après la fortie de cette dent, il en paroît
une autre â côté , 6c ces deux premieres
C iv
-ocr page 56-31 De TArt du Dentîjle.
dents font appellees incijîves. Les deux
grandes incifives fortentà la mâchoire
fupérieure, peu de tems après celles de
la mâchoire inférieure, &c à peu de jours
l\'une de l\'autre. U perce enfuite à la mâ-
choire inférieure deux autres incifives,
à côté des premieres, l\'une adroite ,
l\'autre à gauche, & deux à la mâchoire
fupérieure, à côté des deux grandes in-
cifives.- Ces huit incifives font diftni-
guées en quatre fupérieures, & en qua-
tre inférieures. A l\'âge d\'onze mois, ou
d\'un an, les àtiiy. canines commencent
àparoître à la mâchoire inférieure , Zc
percent toiires deux prefque dans le
même tems. Trois femaines ou un mois
après, paroilTeiit ( & d\'ordinaire enfem«
ble) les deux canines de la mâchoire
d\'en haut. Ces dernieres, à leur fortie,
caulent prefque toujours plus de dou-
leurs & d\'accidens que les dents qui ont
paru avant elles.
11 perce enfuite d\'autres dents plus
fortes , appellees molaires de lait. Les
deux premieres fortent à quatorze ou
quinze mois â la mâchoire inférieure,
chacune à côté de celles dont nous ve-
nons d« parler. Peu de jours après, il eu
. DerJrtduDentiJle, ^ 3 5;
perce encore deux femblables à ia mâ:^
choire fupérieure. A l\'âge d\'environ
deux ans, il en paroîc quatre nouvel-
les , deux à la mâchoire inférieure , &C
d\'eux à la fupérieure. Ces huit dents font
appellees moi&ires. L\'enfant parvenuà
- cet âge , a chaque mâchoire garnie de
dix dents J que l\'on appelle dents de lait\'.
il refte dans cet état jufqu\'à cinq ou fix
ans. A cet âge , il lui perce quatre nou-
velles dents-, deux en haut & deux en
bas, 2c toutes rangées à côîé de celles
qui ont paru les dernieres. U envienc
quatre autres à l\'âge de onze^ou douze
ans, & quatre autres encore à dix-huit
ou vingt. Ces douze dents font appel-
lées greffes molaires-., on nomme com-
munément les quatre derniere.s, dents
de-faff t. Quelquefois ces mêmes dents
ne pacoiftent qu\'à vingr-cinq ou trente
ans, quelquefois plus tard , & même
jamais. Qoand toutes les dents fonS
dehors, chaque mâchoire eft garnie de
feize dents, qui font le nombre de
trente, deux..
H l\'Art du Dentifle.
Des accideris qui precedent & qui accom-
pagnent la fortic des Dmts.
Pendant que la dent fe forme &
s\'accroît, que fon corps, eu groififTaur,
écarte les parois de l\'alveoîe, qu\'elle
comprime ëc divife la membrane du
germe, & que la racine , en s\'alon-
geant, 1 oblige de percer la gencive,
l\'enfant _ éprouve des douleurs plus ou
moins vives qui caufent fouvent desac-
cîdens très-dangereux. Lorfque la dent
eft parvenue à la membrane qui ferme
l\'aivéole, cette membrane ainfiquela
gencive, eaconfidérablementdiftendue
pari\'écartement de cet alvéole. Lapré-
lencede la dent irrite les fibres nerveu-
fcs qui s\'y dillribuent ; elle les picotte
& les déchire, jufqu\'à ce qu\'elle foie
entièrement à découvert.
_ Or, les accidens qui réfultent de ces
picottemens & déchiremens, font plus
ou moins confidérables, felon les dents
qui les produifent & la conftitution de
i enfant. La fortie des molaires & des
DeTJrtduDentlfle.
canines J eft communément fuivie de
beaucoup plus d\'accidens que celle des
incifwes\'. On voit des enfans dont les
denrs germent, & s\'offifient prefque
toutes a la fois. Ainfi le feul écartement
qu elles font aux parois des alvéoles,&
la dilatation des membranes qui les en-
veloppent, occafionnent desaccidens
qui deviennent quelquefois mortels.
Toutes les dents, à la vérité, necaufent
pas les mêmes défordres, foir en ger-
mant, foie à kur fortie t maison ne voie,
que trop d\'exemples des maux qui ac-
compagnent la fortie des canines & des
molaires. Ainfi nous commencerons par
examiner ia naiffance de ces deux fortes
de dents.
Les dents canines ont l\'extrémité de.
leurs corps terminée en pointe moufTej
•le milieu eft trois fois plus gros , & re-
préfente une efpeee de cône. Lorique
cette pointe moutfe, après avoir divife
la membrane qui l\'enveloppe, eft par-
venue à celle qui ferme l\'alvéole, com-
me elle ne fauroit promptement percer
laderniere , elle la comprime & la dif-
tendbeaacoup. Delà l\'inflammation qui
s\'y forme îk qui caufe des douleurs très-
De l\'An du Demlfle, ,
• «gties. Ces doaiears fubfiftent au/Ti
ioiîg-tenîs que la pointe moiilTe des cani-
""^\'^^f^àwifet ces deux, membranesjce
qa^ilefauprefcjueimpercepriblemenr,
©il les aminciffant peu à peu.Or Touver-
tm-e que fait cette pointe, 6c qui sV
grandit a mefure que la dent s\'éleve,
ne.t jamais affez large pour laiflerpalTeF
ie corps de la dent, qui eft plus gros
que ia pointe î car cette ouverture eft
comme un bourrelet qui tient la gencive
yndue, &les dcchiremens quele corps
de a dent fait, à mefure qu\'elles eleve
ne la relâchent point affez pour calmer
les vives doul\'eurs que l\'irritationje pi-
cottement & lacompreffioncaufent aux
ijbres nerveufes qui s\'y diftribuent. Ces-
defordr«s,quirubfiftentquelquefois?uf.
qu a la fortie entiere de la dent canine
ne lont que les moindres accidens donc
elle peut être accompagnée. II en fur-
v.entquelquefois de Ci funeftes, qu\'ils
iont faivis d\'une prompte mort. Com-
bien en effet voit-on d enfans à qui ces
«cernes dents caufcnt des convtdfîons
gui les emportent en peu de jours , ce
qui n arnve pourtant qu\'aux pléthori-
ques! Combien d\'autres à qui ces dents
Dcl\'ArtduDendJîe. 37
percent avec une telle lenteur,que leuc
pointe comprime long-tems la gencive,
fans pouvoir l\'ouvrir! Cette lenteur faic
que ia gencive s\'enflamme & fe gonfle
à mefure .que la dent s\'éleve, ce qui
caufe bien des maux à l\'enfant. 11 fe for-
me quelquefois dans fa bouche quantité
à\'aphtes ou dg petits ulçeres qui fou vent
gagnent le gofier, l\'^fophage, & la fra-
chée-artere j les amygdales s\'enflent en-
core au point que le gonflement dégé-
néré ^n abfcès. Pendant toutcedéfbr-
dre , l\'enfant a une hevre très-violente
& des convulfions dont les fuites font
quelquefois raortelles.Pour préyenirces
accidens, dès que la pointe de la dent
canine a percé J, il faut couper en deux
endroits la bride circulaire ou le bourre-
let que le corps de la dent fait en for tant.
La même opération devient néceffaire,
quand la pointe de cette dent , avant
que de percer la membrane de l\'al-
véole & la gencive, foi; par fa lenteut
à poulTer, foit par la pléthore de l\'en-
fant , occaiîonne de pareils défordre5 ;
il faut auflS, dans ces circonftances, dé-
couvrir au plus tôt la pointe de U denç
par une incifion cruciale.
DefArt duDemîRe,
^ Les dents molaires ordinairement
îî ont pas tant de peine à percer que les
canines : mais pourtant, dans les pre-
miers jours, el es caufent des douleurs
algues & d\'autres accidens, même avant
que d\'élever la gencive ; bc void pour-
quoi. Comme elles font ordinairement
d ufl gros volume, l\'écartement de l\'al-
veole & la tenfion du périofte font en
proportion de leur groffeur, ce qui pro-
duit beaucoup de mal. Mais auffi, pour
peu que ces dents pouffént, comme elles
lont d une forme quarrée & qu\'elles
ont placeurs éminences, la dent com-
prime la gencive & la diftend dans tous
iespemts, jufqu\'à ce qu\'ellerait entié^
rement rompue , & qu\'elle fe foit ou-
vert pafTage qui fait bientôt fuccé-
der le calme. D\'un autre côté, la for-
me & le volume de cette dent abrégé
lesdouleurs parce que l\'amincilTemeTu
& ladiftenfion, tant de la gencive que
de la membrane de l\'alvéole, font que
ia dent, etantunefoisarriv\'éelà,amoins
d efforts afaire pour les di vifer,&qu ain-
irritation duremoins. Lemoyen de
S fr/®^ T\'}\'\' cau-
is, eft de debriderces deux parties, ( h
-ocr page 63-De I"Art du DentlJle. 39
pérîofte & la gencive) par quelques lé-
gères incifions.
La foi-tie des incifives eft la moins
pénible de toutes : cependant, comme
ces dents fe terminent en une efpece de
tranchant qui eft fouvent en forme de
fcie, quelquefois leur extrémité picotte
îa gencive & fait quelque mal. Mais la
douleur qu\'elle caufe cft courte, parce
qu\'elle divife la membrane beaucoup
plus aifément que les autres dents, Se
qu\'elle fait une ouverture affez grande
pour permettre à tout le corps de la
dent de fortir fans rien déchirer, ni
produire d\'inflammation. Quand la
pointe des incifives caufe par^ hafard
quelque accident, on y a bientôt remé-
dié par une indfion à la petite élévation
qu\'elle faitappercevoir en pouffant.
Pour prévenir les accidens qui ac-
compagnent la fortie des dents , il ne
s\'agit que de trouver les moyens de les
faire percer le plus promptement qu\'il
eftpoffible, & d\'aider à propos la natu-
re. J\'ai obfervé que l\'ufage du hochet
étoit plus pernicieux qu\'utile aux en-
fans, ac que les émolliens qu\'on emploie
ï>cî An âu Tkntijie,
pour relâcher les gencives ^ n\'étoienc
pas fort nécelfaires.
Le hochet qu\'on donne aux enfans,
& que plufieurs Auteurs confeillent^ a
des inconvéniens manifeftes. Lorique
la dent s\'eil élevée jufqu\'à comprimer
ia gencive, elle y excite une for te dé-
mangeaifon.L\'enfant, pour fefoulager,
porte le hochet à fa bouche, le ferre, le
mord , & comprime ainfi la partie qui
produit la démangeaifon. Les compref-
{îons réitérées que cet inftrument, d\'une
part, & la dent de l\'autre, font à la;gen-
cive, y Gccaftonnent un gonflement, &
quelquefois une inflammation, fuivie
de très-grands défardres.
Le hocher feroit d\'un excellent ufa-
ge, fi l\'enfant, en le ferrant & en le mor-
dant, pouvoir contribuer à faire divifer
ia gencive. Mais comme les extrémités
des dents n\'ont pas toutes une figure
propre à faciliter cette divifîôn, le ho-
chet ne fert évidemment qu\'à durcir la
gencive.
Les dents incifives, qui, par leur
extrémité tranchante, paroiifencle plus
accélérer la divifîon delà gencive, lorf-
qu\'elle
-ocr page 65-De ? An du DentlfleZ 41
qu\'elle eft ferrée de comprimée par le
hochet, ne font pas une divilion alîez
nette ni aîfez exade. Les iîbres qui
n\'ont pu être tlivifées, font autant de
brides qui s\'enflamment par la contu-
fion que le hochet y-a faite, & qui font
fablifterla douleur. Sil\'iifagedu hochec
nuit plus qu\'il ne fert à la fortie des in-
cifives, il en provient, à plus forte rai-
fon, d\'autres inconvéniens dans la fortie
des canines dont l\'extiémité; eft obtufe ,
& dans celle des molaires dont la fur-
face efl large & armée de plufieurs
pointes aîcuffes.
Les émolîiens qu\'on emploie pour
faciliter ladivifion de la gencive, font
très-rarement efficaces. On ne fauroit
difconvenir qu\'ils ne foient propres à
relâcher la membrane , & qu\'ils ne di-
minuent en effet les douleurs que cau-
fe fa tenfiong^ mais le peu de relâche-
ment qu\'ils produifent, recarde la divi-
fion de la genfive , & la dent s\'élevanc
de jour en jour, à mefure que fa racine
s\'alonge, ell une caufe toujours fub-
fiftante de l\'engorgement des vaiffeauK
dans to^xtes les parties qu\'elle compri-
me de plus en plus. La gencive coiiti-
Tome D
-ocr page 66-42 Dc TArt du Demiße.
Rue donc de s\'enflammer &c de pro-
duire les mêmes accidens, il on ne tra-
vaille à les détourner par des moyens
plus prompts & plus fürs.
Le remede qui m\'a paru le plus pro-
pre pour prévenir ces accidens, eft le
jus de citron. Cette liqueur, par fon aci-
dité & fa vertu aftringente, donne du
relTort aux fibres de la gencive, fans y
cauler d\'inflammation ; de façon que les
fibres qui la compolent fe caffent, à me-
fure que la d^nt pouffe au-dehors. La
maniera d\'employer le citron , eft de
tremper le doigt dans fon jus & d\'en
frotter la gencive, aux endroits où les
dents paroiffent difpofées à percer, juf-
qu\'à ce que la divifion des chairs foie
fa ite. ïl faut, pour cet effet,donner beau-
coup d\'attention à la bouche des enfans,
lorfque leurs dents fönten train de per-
cer. Les fignes qui le font connoître
font, lorfque l\'enfint commence a ba-
ver, qu\'il fent un prurit ou une déman-
geaifon à la bouche, qiî\'enfin on re-
marque à la gencive une élévation Sc
un point blanc, qui ne fubfiftentque par
là préfence de la dent qui commence à
la comprimer. Ceft alors qu\'on a re-
Be r Art du. DentiJIe, 41
cours au jus de citron , que beau-
coup d\'expériences m\'ont démontré être
préférable à tous les autres remedes.
En effet, les émolliens relâchent la
gencive tendue, diminuent l\'inflamma-
tion , & calment les douleurs pour le
moment ; mais ils ne détruifent pas la
caufe de l\'inflammation & de latenfion,
ou ne font qu\'en retarder les fuîtes.QuS
fait au contraire le jus de citron ? Com-
me c\'eft un bon réioUitif, & qu\'en mê-
me tems il eft incifif ( propriétés très-
convcnables dans un cas comme celui-
ci, où le fluide eft arrêté par la double
compreffion de la dent & de la mem-
brane extérieure, fur les vaiifeaux de la
gencive ), le jus de citron, en pénétrant
a membrane,qui par fa cenfionpourroit
fliire une efpece d\'étranglement à^la
gencive qu\'elle recouvre j détruit bien-
tôt cette membrane. 11 agit enfuite effi-
cacement fur la gencive même , en fa-
cilitant la rupture de les fibres.
Les hyperfarcofes ou fonguoiîtés Se
les aphtes ne tiennent pas long-tems
contre cet acide, & ia gencive j par fon
moyen , eft divifée promptement j ce
qui fait celler le rxiai à fa fource, & ac-
D ij
-ocr page 68-44 Be rânduDem\'ifle.
cciere i\'appa; ition de la dent. MM.
/"auchard & Bunon confeillenr, Dour dé-
îruire les aphtes ou petits ulcérés,l\'ufage
de phiiieurscauftiques, tels queiefprit
de vitriol, ceux de lel & de foufre, &
d\'autres du même genre.On ne peut nier
que ces violens acides n\'operent puif-
fammenc cet effet ; mais quoiqu\'on ne
faffe qu\'en toucher légèrement avec un
pinceau ces petits alceres , ne peut-ii
pas s\'en gliffer des particules dans l\'ef-
tomac avec la falive, fur-tout lorfqu\'ii
y a de ces ulcérés à détruire vers ie
gofier? Or, comme les enfans avalent
îouc & ne favent ^zs expeclorer^ quel
ravage ne peut pas faire dans leur efto-
mac un pareil acide ? L\'avantage du jus
de citron, eft de n\'être pas moins eJSS-
cace pour la guérifon des aphtes, fans
faire craindre aucun de ces inconvé-
Jîiens. Quelquefois les remedes qu\'on
emploie, pour faciliter la divifiondela
gencive & calmer les accidens, font
fans effet, parce que la dent n\'agit en-
core que fur fa propre membrane,
qu\'elle n\'eft pas parvenue au point d\'ac-
croiffement néceffaire pour pouvoir di-
vifer celle qui bouche l\'ouverture de
l\'alvéole. Auffi fouvent il arrive qu\'une
Bt VAn du Denude.
dent, plus de trois mois avant que de
paroitre , caufe des convaifions dange-
î^eufes.Le moyen d\'y remédier prompte*
tnent, eft de faire une incifion crucialcj
non-feulement à la gencive à la Mem-
brane qui ferme l\'alvéole, mais encore
a celle qui enveloppe la dent : c\'eft prin-
cipalement cette derniere qu\'il eft im-
portant de bien divifer , pour mettre
à nu l\'extrémité de la dent. Il eft mê-
me bon d\'emporter les angles ou lam-
beaux de la gencive, pour en empêcheE
la réunion & prévenir de nouvelles
douleurs, quand la dent l\'ouvrira une
deuxieme fois. Par ce moyen, les con-
vulfij^ns & les autres accidens fe diffi-
peront promptement.
La même opérationjdoitfe faire quand
la dent a percé fa propre merrjbrane ,
& qu\'elle irrite celle qui fe trouve fous
la gencive, ou la gencive même. Lorf-
qu\'il furvient des convulfions, quoique
. la gencive ne foit pas encore bien éle-
vée par la préfence de la dent, il faut
fanshéiiter l\'ouvrir,comme il vient d\'ê-
tre dit, pour faire celTer les accidens^ &
emporter de même les angles, fi on ju-
ge que la gencive puifle fe tcunir.QuantJ
De l\'Art du Dentijte.
ia préfence de îa dent, en arrivant à la
gencive, caufe ainfi quelque défordre,
il ne faut point attendre qu\'elle divifa
ou qu\'elle irrite davantage ces parties
fenfibîes , mais aller d\'abord à l\'opéra-
tion , & mettre la dent à découvert.
Les dents , à certains enfans, font
quelquefois très-long-tems à s\'élever
liors de l\'alvéole, ce qui peut occalîon-
ner la réunion de la gencive, & faire re-
venir les mêmes accidens. Dans ce cas,
je crois qu\'il vaut mieux emporter Ja
gencive, pour découvrir l\'extrémité de
la dent ; Se l\'on n\'a pas à craindre que
les lambeaux reproduifent de nouveau
les mêmes douleurs qu\'auparavani, fur-
rout lorfque la dent poufle lentement.
Après cette petite opération , il con-
vient d\'employer les émoîliens 8c de les
appliquer furies parties divifées:le jus
de citron n\'eft pas propre alors.
Il arrive encore quelquefois que les
dents des enfans forts & robuftes pouf-
fent prefque toutes à la fois, & que
leur accroiifement eft fi prompt, qu\'il
produit plufieurs accidens. Lorfque ces
dents qai percent en foule font parve-
nues au point de divifer , ou les mem-
Be l\'An du Dendfle. 4-/
branes, ou ia gencive, à mefure que les
dents s\'élevenr , l\'enfant a fouvent des
cohvulfions violentes qui le font périr
en peu de jours, fî l\'on n\'y apporte le
îlus prompt remede5 c\'elià-dire, fî
\'on ne fait, comme on a dit , une in-
cifion cruciale fur la gencive, pour met-
tre la dent à découvert, il eft impor-
tant fur-tout de bien divifer les parties
membraneufes.
Quand les incifions font faites,& que
les parties font bien débridées, c\'eft en-
core le cas d\'employer les émolliens,
& non le jus de citron. Il eft bon alors
de frotter légèrement les gencives de
l\'enfant avec du miel de Narbonne : on,
trempe pour cet effet le doigt dans le
de quart d\'heure en quart d\'heu-
fe on le porte fur la gencive malade. Si
l\'enfant étoit replet Se avoir la fievre urs
peu fort, il faudroit lui tirer du bras
une demi - palette de fang. Quand il
a le ventre dur & tendu , il faut lui
donner des lavemens émolliens & ano-
dins, qu\'on rendra , s\'il eft néceffaire ,
purgatifs avec le miel mercuriel.
Comme fes dents pouffent rapide-
"^enr, en peu de jours elles fe trou-
veront par cette conduite toutes décoa-
48 De VArt du Denûp.
vertes, fans donner aux gencives divî-
fées le tems de fe réunir, quoique les
lambeaux n\'aient pas été emportés. •
Tous les accidensqui viennent d\'être
détaillés font plus ou moins graves :
finvant la complexion de l\'enfantai\'\',
felon que la fortie des dents eil ou
prompte oulente; j^\'.fuivant que le laie
de la nourrice eft doux, ou s\'altere
dans la bouche échauffée de l\'enfant 5
4°. fuivant le régime que la nourrice
lui fait obfer ver.
On conçoit, par ce que j\'ai dit, que
les dents , avant que d\'être parvenues
à ia gencive, peuvent produire bien des
maux & même faire périr l\'enfant- U
faut fur-tout bien de l\'attention pour
les dents molaires : car , comme ces
dents font une fois plus groffes que cel-
les qui les remplacent à un certain âge3
à mefure qu\'elles s\'offifient, leur volu-
me fait écarter confidérablement l\'al-
véole. De plus , lorfque la racine à fon ,
tour fe forme & s\'alonge j ce qui fait
élever la dent, l\'alvéole s\'élargit peu à
peu du côté de la gencive j ainli la mem-
brane qui couvre la deju , fe trouve
conlidérablement diftendue &: compri-
mée
De r Art du Ddntijle,
ttiée par i\'écarcemenc de l\'aivéole d\'une
part, & d\'un autre côté, par l\'extrémiré
de la dent qui la divife. Or tout ceci
ne fe fait point fans occafîonner beau-
coup de douleur, & même fans entraî-
ner plufieurs accidens, fur-tout aux en-
fans pléthoriques. Ce font toutes ces cir-
çonftances quij comme on a dit ^ caufent
quelquefois, plus de trois mois avant que
les dents percent, desconvulfions dan—
gereufes, ou du moins le dcvoiement ;
ce qui fait dire aux nourrices, lorfqu\'elies
trouvent du lait gramelé dans les ex-
créniens de l\'enfant, que fes dents ger-
ment. C\'eft donc ici le cas de prefcnre à
la nourrice la façon dont elle doit gou-
verner l\'enfant. Ce régime confifte prin-
cipalement à ne point le furcharger de
lait, c\'eft-à-direj à l\'ailairer moins fou-
vent, & à lui donner moins de bouillie.
Si l\'enfant eft trop replet, il faut purger
la nourrice , & tenir le ventre libre i
l\'enfant, en lui donnant tous les jours
de légers lavemens adouciffans.
On remarquera que îes enfans déli-
cats , dont les dents ont moins de volu-
me & poulfent lentement, font moins
fujets à ces accidens, mais que chez eux
Tome L £
-ocr page 74-50 DeVArt du Dentlp.
ies mêmes dents étant parvenues aux
gencives, en amenent d\'autres que nous
avons déjà décrits.
De la chute des Dents de lait, & de leur
remplacement.
A l\'âge de fix ou fept ans, les in- ■
cifives, les canines & les molaires de
kit, tombent à-peu-près dans le même ^
ordre qu elles font venues, & font rem-
placées par le même nombre de dents
plus fortes & plus belles. Tant que ces
dents ne font pas ébranlées & près de
leur chute, elles ont des racines prefque
auffi fortes & aulTi dures que les fécon-
dés; mais lorfqu\'elies font vacillantes,
en les ôtant, on les trouve fans racines,
& les fécondés ordinairement ne tardent
gueres à paroître. Les fentimens font
partagés fur la caufe qui peut détruire
ces racines.
Af. Bunon^ dans fon Ejalfur les Ma.-
ladies des dents , Se dans les Obferva-
tions qui l\'ont fuivi, établit, comme uft
De VArt du DentiJIe. 5 î
fait inconcellable , une hypochefe ingé-
nieufe fui: les racines des dents de laie.
Il prétend qu\'elles font détruites par
l\'extrémité du corps de la dent nouvelle,
dont le frottement ufe & détruit la pre-
miere. Il eft vrai qu\'au premier coup
d\'œil on croit toucher la chofe au doigt,
& qu\'on eft tenté d\'adopter un fyftême
aifez vraifemblable. Mais, pour s\'en
détacher bientôt , il ne faut qu\'exa-
miner fans prévention différentes mâ-
choires fraîches, où les fécondés dents
commençoient à s\'offifier , où les
dents de lait fubfiftent, foit dans leur
état de folidité, foit ébranlées déjà plus
ou moins par celles qui devoient eur
fuccéder. On verra que la fécondé dent,
à mefure qu\'elle s\'éleve, refte envelop-
pée dans fa membrane, jufqu\'à ce qu\'elle
foit prête à fortir de fon alvéole j en
forte que cette membrane eft entr\'^lle
& la racine de la premiere dent. Cette
racine cependant fe trouve détruite, 5c
ne donne pas à la fécondé le tems de
l\'atteindre. De plus , on apperçoit entre
la premiere & l\'extrémité de la dent
nouvelle, une petite diftance , qui fait
voir clairement que cette racine eft dé-
j 1 Tic l\'An du DenûJlc.
truite par quelque autre caufe , que
par le frottement d\'une autre dent. On
remarque même aux environs de l\'en-
droit où cette racine fe confumejdes par-
ties molles & charnues qui la rongent J
ce qui me fait conjeétuier que ces par-
ties contiennent alors des fucs acres qui
pi\'oduifent cet effet. Mais, foit qu\'il aie
queique autre caufe , foie que l\'accroif-
fement de la nouvelle dent fuffife pour
la deftruftion de ces racines, l\'efFêteft
certain , & je l\'ai obfervébien des fois.
J\'ai encore trouvé que , quand la féconde
dent prend une mauvaife direétion ,
ne rencontre pas la racine de la dent de
lait, cette racine ne fe détruit pas moinsj
de forte qu\'en ôtant la dent de lait pour
faire place à la nouvelle, la premiere eft
prefque fans racine , ou la portion qui
en refte eft remplie de pointes & d\'iné--
galités, au lieu d\'être liCfe & polie,
comme elle devroit l\'être, fi elle étoic
détruite par le frottement & par la pref-
fion de la dent. Un fait récent va con-
firmer cette obfervation.
Une Demoifelle d\'environ feize ans
vint me confulter, il y a quelques jours ,
au fpjet d\'une dent canine fupérieure
Dt VAn du Dentljle. 5 3
qui perçoit depuis fix femaines, au haut
de la gencive. Je fus d\'avis qu\'il falloit
lui ôter la canine de lait qui branloit déjà
beaucoup. Cette dent ôtée, elle fe trouva
prefque fans racine^ & à la très-petite
portion qui en reftoit, il y avoit plufieurs
pointes ou afpérités qui faifoient dite à la
perfonne, doiit elle étoit accompagnée ,
que la racine y étoir encore, en forte que
j\'eus de la peine à lui perfuader le con-
traire.
ii ne faut donc point attribuer la dsf-
truélion desr^.cinesdont les dents de laie
font dépouillées , au mécanifme ima-
giné par M. Bunon ^ & quelle que puiiTe
être la caufe d\'un efrec qu\'on ne peut
révoquer en doute , il eft certain qae
l\'expérience eft contraire à ce mécanif-
me. On voit quelquefois des dents de
lait tomber d\'elles-mêmes fans racuies,
quoiqu\'elles ne foient jamais remplacées
par d\'autres dents, ou que les fécondés
denrs ne viennent que bien des années
après la chute des premieres. Combien
auifi de dents de lait fubfiftent ébranlées
plus ou moins jufqu\'à un certain âge!
Or J quand ces dents de lait viennent à
tomber , quoiqu\'elles ne foient point:
E iii
-ocr page 78-54 T>e VÀn du Demijle.
remplacées par de fécondés dents ^ on
ne leur trouve point de racine ; elles
ont donc été détruites par tout autre
caufe que par le frottement. Si les nou-
yelles dents contribuent a leur deftruc-
tion ou l\'accélerent , c\'eft peut-être,
comme^ je l\'ai déjà dit, que par leur
accroiifement les fucs qui engorgent,
©u qui environnent ces mêmes racines ,
acquièrent une âcreté alfez force pour les
confumer.
Quand les dents de lait ne font point
remplacées par les fécondés dents, elles
fubliftent plufieurs années, fuivant les
difpofitions de l\'humeur qui agit fur les
racines. On voit même des perfonnes de
quarante & de cinquante ans avoir en-
core des dents de lait. Il y a donc bien
de l\'apparence que c\'eft une humeur
quelconque qui en détruit les racines ;
puifque celles des dents renouvellées ,
qui font beaucoup plus dures & plus
compades , fe trouvent fouvent détrui-
tes & rongées elles-mêmes: ce qui arri-
ve principalement aux dents ébranlées.
De VArt du Dznùjlc. 5\'f
Des marques qui font dijlinguer tes Dents
de lait ^ d\'avec celles qui font renouvel-
lées J & des précautions qu\'il faut pren^
dre quand on ejl obligé d\'ôter les premie-
res pour ménager Vcmplaument desfc"
condcs.
On fait que les dents de lait com-
mencent â fe renouveller à fix oy fepc
ans, & que ce renouvellement eft ac-
compli à lage d\'environ quatorze ou
quinze ans. 11 y a cepeiadantdes perfon-
nes qui confervent quelques-unes <35 çes
dents jufqu\'à un âge plus avancé. Plu-
lîeurs chofes les font diftinguer parfaite-
ment d\'avec les autres. 1°. Elles font plus
iiffes& plus polies, mais moins blanches,
ou d\'un blanc bleuâtre , & elles font
toujours moins longues cjue celles qui
les remplacent. Lei premieres canines
font moins groftes & moins pointues que
les fécondés. Les premieres molaires
font au contraire plus grolfes & moins
longues que celles qui leur fuccédent.
E iv
-ocr page 80-DeVAnduDcnûJle.
L extraîiite de ceiles de lait eft encore
plus hlle & plusrafe que les fécondés ,
qui lont garnies de deux pointes, Plus
on avance en âge , plus les dents de laie
perdent de leur foliditc & de leur blan-
cheur ; parce que leurs racines diminuant
chaque jour de volume, le corps de la
dent £ akere de même.
On n\'a que trop d\'exemples des in-
cOTiveniens arrivés par de funeftes mé-
F\'ifes qui ont fait facnfier des fécondés
dents pour des dents de lair.
Le fils de Madame Bupuis, Mar-
chanoe de Modes, rue Saint-Honoré ,
étant en penfion en campagne, avoit
ks deux grandes incifives renouveliées
\' depuis peu de tems. Un Chirurgien de
i endroit, â qui ces dents parment trop
larges & qm les croyoit dents de lait,
confedla aux perfonnes chargées de la
conduite de cet enfant, de les faire Ôter,
faute de favoir que les\'fécondés dents
font beaucoup plus larges que les pre-
mieres. Il fut malheureufernent G bien
écouté, qu\'on le lai (fa le maître de faire
tout ce qu\'il jiigeroir à propos. L\'opé-
ration fmvit de près le confeil : les inci-
iîves furent ôtées, & defuis le jeune
m
De t Art du Dentïjle. 5 7
homme eft privé des deux dents les plus
apparentes, fans nulle efpérance que !a
uature répare cette perte.
Une Demoifelle de ma-connoifTance
a perdu de même les deux grandes in^
cifives qui éroient renouveilées depuis
peu , par l\'ignorance d\'un Dentifte qui
tîe favoit pas diftinguer îes dents de
lait d\'avec les dents fecondaires. Ce
Dentifte fut perfuader aux parens qu\'il
falloit ôter ces inciGves que leur largeur
rendoit difformes, pour les faite rem-
placer par de pUis belles, & ils confen-
tirent à l\'extrachion.\' La Demoifelle n\'a-
voît alors que huit ans & demi ; mais
comme, au lieu de dents de lait, c\'é-
toîent des dents renouvelices, elle eu
eft privée pour jamais, & elle a recours
aux artificielles. 11 faut avouer cepen-
dant qu\'il y a des exemples de fécondes
dents renouvellées. J\'ai vu , entr\'autres.
Une canine fe renouveller jiifqu\'à trois
fois , & voici un fait récent dont je fuis
témoin.
Un Clerc de M. le Doyen, Notaire,
voulut fe fiire ôrer une dent qui le fai-
foit beaucoup fouffrir. îl avoir déjà per-
du trois molaires du même côté, & il
58 DeVArtduDemiße.
ne reftoit plus TOr conféquent à cette
mâchoire que la premiere petite mo-
laire ,, avec la troifieme bc derniere des
groffes-j appellees dents de fagejfe. Le
malade, âgé d\'environ trente-cinq ans ,
foutenoic que c\'étoit cette derniere qui
lui caufoit toute la douleur. Je l\'exami-
nai , & en la fondant je reconnus qu\'elle
n\'étoit point cariée j mais je la trouvai
branlante. J\'ôtai cette dent, & il en
parut delTous une fécondé. Il y a quel-
ques autres exemples de fécondés dents
renouvellées : mais ce font des cas qu\'ont
peut regarder comme une forte de phé-<
nomene, & il ne faut jamais s\'y attendre.
Quand une fois les incifives , les ca-
nines &c les petites molaires font renou-
vellées , ainfi que quand on a pafte l\'âge
du renouvellement, s\'il refte quelques
dents de lait en bel ordre, pourvu que
les autres denrs foient de même , il ne
faut jamais ôter les premieres, parce
qu\'elles n\'empêchent point les fécondés
de venir & de fortir dans leur tems. En
un mot, il ne faut ôter ni les dents de
lair, ni celles qui fe font renouvellées ,
ni les groifes molaires qui ne viennent
qu\'tme fois, & qui ne fe renouvellenc
DcTÂrt duUcntlJie,
gueres que dans des cas affez rares, parce
qu\'il ne faut point compter fur des fa-
veurs dont la nature eft ordinauement
fort avare. ,
Lorfqu\'il s\'agit d\'ôter une dent de
lait qui ne branle pas, & dont la ra-
cine n\'eft point encore détruite ^ on ne
fauroit apporter trop de précaution ,
pour ménager le vaifteau ou la boete
olleufe daîis laquelle eft enchafiée la
racine, parce qu\'elle doit^encore fervir \'
à envelopper la racine de la den; qui
remplace la premiere. Cette précai «on
eft d autant plus néceftaire , que fi on
emporte quelaue portion de ra\'véole,
il n\'eft pas poffible que la dent ncaveile,
quifuccedeà celle de lait, ( fur-tout fi
elle n\'a qu\'une racine ) foit aufti foiide
qu\'elle devroit l\'être. Car comme toute
déperdition de fubftance un peu conh-
dérable ne fe répare jamais bien , il ar-
rive qu\'en délabrant l\'alvéole, la dent
qu\'il renfern-e eft plus Aijette à s\'é-
branler ; & comme d\'ailleurs elle n eft
point exadement enveloppée parle con-
tour de l\'alvéole , elle eft difpofee a per-
cer par l\'endroit du déchirement qui taie
k moins de réfiftance.
(So I>i Y Art du Dentîfle.
Loi-fqa\'on ore une dent de lait qui
n eft point ébranlée, le moyen de ne
poinc déchirer ni emporter la moindre
portion de l alvéole , c\'eft de faire l\'ex-
trafftion avec des pinces droites. Quand
riiiftrument a pincé la dent , il faut
faire plufieurs mouvemens de droite à
gauche, poac défunir par ces ébranla-
mens réitérés les portions d\'alvéole qui
poiirroient êti- adhérentes à la racine
de la dent. A.ec cette précaution, on
vient facilement à bout d oter les dents
de lait, fans que l\'alvéole ni la mem-
brane , qui renferme la deuxieme dentj,
en fouffrent aucune atteinte.
Quand les dents de lait tombent
d\'elles-mêmes ^ ou iorfqu\'étant ébran-
lées & vacillantes , on les ôte avec les
doigts ou avec l^inftrumenr , on les
trouve dépourvues de racines, ou n\'en
ayant prefv^ue plus, &: on ne doit pas
craindre alors de détruire l\'alvéole. Mais
combien de cas où. il eft indifpenfable
d\'ôter certaines dents de lait qui ne font
îoint ébranlées! comme , par exemple ,
orfqu\'il s\'agit de faire place à une nou-
velle dent qui vient à côté la dent
de lait & tout à fait hors de rang,
De I\'Artdu DentlJîe. éi
faute d\'un aflez grand efpace ; ou bien
\'arce que les dents de lait caufent de
a douleur, qu\'elles font gâtées , ou don-
nent lieu de craindre qu\'elles n\'alterent
les dents voifmes qui fe renouvellent !
t)ans tous ces cas , l\'extraction des dents
de lait eft abfolument néceffaire, & c\'eft
alors qu\'il faut fe fervir des précautions
que je recommande.Cependant, fî après
des mouvemens bien dirigés de gauche
à droite J on avoit emporté quelque
portion de l\'alvéole, cette déperdition
n\'empêcheroit point la fécondé dent de
paroître, parce que fon germe étant fé-
paré par une petite cloifon ou une lame
ofteufe de la racine de la dent qu\'on a
extirpée , Payant des vaiifeaux particu-
liers deftinés à lui porter la nourriture
convenable, la dent ne s\'en forme pas ,
moins. Mais par ce qui vient d\'êcre
remarqué, on ne doit pas être furpris
de ce qu\'elle n\'eft jamais auffi ferme
ni auffi droite que quand l\'alvéole n\'a
point été endommagé. C\'eft encore une
néceffité d\'ôter les dents de lait gâtées,
parce qu\'elles pourroient intéreffer le
germe des fécondés dents, par les ma-
ladies qu\'elles occafionnent à l\'alvéole,
ôt De VArt du Dentifle.
ou à la gencive, &C par les fluxions ott
aurces accidens qui peuvent s\'enfuivre :
il ne faudroit donc pas attendre qu\'elles
fuffent ébranlées.
Je fuis fort éloigné de croire ce qui
dit IM. Fauchard : Qu\'en ôtant une dent
de Lait ^ on peut endommager le germe de
U fécondé dent. La théorie & l\'expé-
rience m\'ont au contraire convaincu
que l\'extraétion d\'une premiere dent
qui a encore toute fa racine, ( quand^on
emporteroit même une portion de l\'al-
véole , ) ne fait aucun tort à la fécondé
dent, & ne peut l\'empêcher de paroî-
tre. En effet, l\'alvéole de la dent de
lait, quoique devant fervir à la fécondé
dent, n\'aencoife rien de commun avec
elle, non plus que les vaiffeaux de k
premiere dent, dont la racine eft fépa-
rée de celle qui naît par une cloifon of-
feufe. De plus. dès l\'âge de quatre ans,
le corps des dents fecondaires, & fur-
tout celui des incifives ( quoiqu\'elles ne
paroiffent gueres avant fix ans ) eft pref-
que entierément ofîîfié. Ainfî, lorfqu\'on
a ôté une dent de lait, s\'il n\'en vient
pas une féconde , c\'eft que le germe de
celle-ci a été détruit pat une maladie
De VÂrt du Dtntijle.
étrangère à la premiere dent, quelle
qu\'elle foit, ou que la nature, quelque-
rois prodigue de germes, n\'aura produit
que le premier. Quand la fécondé dent
eft tellement formée que fa racine com-
mence à s\'alonget, e le n\'a vifiblement
rien à craindre,de l\'extradion de la
dent de bit. On peut donc en toutes cir-
conftances ôter de cespremieresdentSjlors
même qu\'elles ne font point ébranlées,
fans que cette opération puifte nuire à
l\'avénement des fécondés. Cependant ,
pour ôter des dents de lait, il faut avoir
des raifons valables: car quand on en ôte
plufieurs de fuite, fans attendre qu\'elles
foient ébranlées, les fécondés ne s\'arran-
gent pas fi bien, parce qu\'elles trouvent
plus de place qu\'il ne leur en faut \\ ce qui
n\'arrive point, quand on les ôte à me-
fure qu\'elles fe renouvellent, ou qu\'elles
gênent les dents voifmes & les empê-
chent de fe bien placer, parce qu\'alors
elles ne prennent exadement que la
place qu\'elles doivent OGCuper\'.
64 I>t r An du Dentljle,
Du défordre, ou dérangement des Dents,
6\' des moyens de le prévenir ^ ou de le
réparer dans Venfance.
On voit tous les jours des perfcnnes
dont les dents, d\'ailleurs affez belles,
font, fi mal en ordre qu\'elles les défi-
gurent , & qu\'elles ne peuvent ouvrir
la bouche fans faire appetcevoir cette
difformité. Ces dents font toutes les
unes fur les autres ; ies extrémités de
celles-ci font toiftnces vers le palaisj
& les extrémités des autres vers la
levre qu\'elles repoulfenc en dehors.
\' Outre le^défagrément qui réfulte de
Iij ce défordre, quand on parle ou qu\'on
Li\' rit, la prononciation n\'eft point libre,
1;. la langue eft gênée , & la maftication
liij difficile. De plus, ces dents trop ra-
i M maftees ou trop ferrées fe gâtent aifé-
llil ment ^ s\'ébranlent dvî même , parce
qu\'elles ne font point plantées aftez
lii profondément dans i\'épaifîeur de la
I II mâchoire ; ce qui dégarnit les alvéoles
S\'I du
II
De fArt du DentlJle. 6 j
du côté où la dent fe porte , & fait
qu\'.on a beaucoup de peine à les né-
toyer. Ce défordre provient toujours
du peu d\'étendue de la mâchoire,
dont le contour ne fe trouve point
proportionné au volume des fécondés
dents. J\'ai déjà remarqué , ce nie
femble , que parmi les dents renou-
vellées, les grandes & lés petites in-
cifives , ainîi que les canines , lonc
toujours plus larges que celles de lait : il
n\'y a donc que les molaires qui vien-\'
nent remplacer celles-ci c|ui l\'ont d\'un
tiers environ moins larges. Cette dif-
proportion , entre les pretnieres & les
fécondes dents , fait que les nouvelles
incifives fe trouvent gênées psr celles
de lait qui ne font point cîicore ébran-
lées & qu\'elles chevauchent l\'une\'fur
l\'autre , même en s\'oflîiant au fond de
l\'alvéole : ainfi elles fe trouvent preifées
& ferrées, comme nous venons de le
dire. La différence du volume de ces
deux fortes de dents , produit un autre
effet aifé à comprendre. Les fécondés
denrs étant olfifiées , & leurs racines
s\'alongeant , leur fortie fe fait fans
qu\'elles renconttfnt les racines des
Tome L F
66 Dc VÂrt du Dentïfie.
dents de lait , parce qu\'elles ne fe
trouvent point vis-à-vis de ces racines ;
elles font donc obligées de percer à
côté des premieres dents j foit en de-
dans , foit en dehors. C\'eft là proba-
blement la vraie caufe de leur mauvais
arrangement, que quelques Auteurs
attribuent très - mal-à - propos , ce me
femble , aux racines des dents de lait,
dont la réfiftance & la duveté font, fe-
lon eux, déjeter les fécondés dents. Le
remede à cet inconvénient qui eft fi
commun, eft donc d\'ôter, non-feule-
ment toutes les dents de lait qui gênent
& embarraffent celles-là , mais encore
de chaque côté la premiere petite mo-
laire. Les nouvelles dents , par ce
moyen , fe placeront convenablement,
& fe rangeront d\'elles-mêmes au ni-
veau des autres.
Il efi: évident que la mâchoire croît
& augmente de volume jufqu\'à un cer-
tain âge j comme toute les autres par-
ties du corps. Mais lorfque les dents
font toutes oflîfiées, elles ne peuvent
croître que parles racines ainfi elles
trouvent plus d\'efpace & s\'arrangent
naturellement. Cependant on eft obli-
De VArt du Dentïp.
gé quelquefois , pour faire place à une
canine qui prend une mauvaife direc-
tion & pour la mettre en liberté, d oter,
comme j\'ai dit, la petite molaire qui
i\'avoifine j & il faut toujours ôter cette
petite molaire préférablement à la cani-
ne, à moins qu\'on n\'ait de fortes raifons
pour faire autrement. On en a plu-
fieurs pour conferver la derniere.
En ménageant la canine , elle fe met-
tra d\'elle-même en bel ordre, & bou-
chera parfaitement la brèche. 2°. Elle
efl d\'un plus grand ornement que la
petite inolaire, & d\'ailleurs étant très-
forte , elle devient un appui pour les
incifives, pendant le mouvement des
Biâchoires dans la maftication. 3°.
L\'abfence de cette dent fait un effet
défagréable, fur-tout lorfqu\'on voit à
fa place une petite molaire dont le
corps eft épais & garni de deax poin-
tes -, au lieu que la canine qui a le corps
îhîs long & une feule pointe, quadre
beaucoup mieux avec l\'incifive fa voi-
fine. Enfin, les petites molaires font pltiis
fujettes à fe gâter que les canines. Voi-
la plus de raifons qu\'il n\'en faut pour
ne pas ôter la canine auffi-tôt qu\'elle,
F ij
-ocr page 92-Dc tAn du Demijie.
eft dérai)gée^ comme elle 1\'eft a/fez
lüuvenc^ pour laifFcr fubhfter la perite
moJaire. li eft au refte fort aifé de ré-
tablir Cette canine dans l\'ordre oii elle
doit être, foit pour l\'agrément, foit
pour la nécefiité de ff-s fonûions. La
direârion d\'un fimple fil lui fait remplir
la place de la petite molaire, fans laif-
fer appercevoir aucun vide.
^ Les dents viennent encore mal ran-
gées , parce qu\'on néglige de leur
donner la place convenable , à mefure
qu\'elles foitent , en- ôtant celles de
lait^qui les gênent. En effet ^ lorfqa\'â
melure que les incifives fe renouvel-
lent , on a foin d\'ôter celles de lait
qui ne font que les embarrafïèr & oc-
cuper une place inutile, ces incifives
en s\'alongeanr s\'arrangent d\'elles - mê-
mes , & remplifîent à la fin le vide
qu\'onj laiiTé les denrs de lait qui en
font ôtées. Si une canine fe renouvelle
avant une petite molaire , celle-là ne
trouve plus de place , à moins qu\'on
«\'ôre la molaire j ainfi elle percera hors
de rang : mais fi on la met à fon aife
en facrifiant celîe-ci , elle fe placera
d elle-même, en occupant à la vérité une
Be VArt du Bentïflc. 6»)
partie de ia piace qu\'a laiffé fa voifine.
Quand la petite molaire fe renouvelle,
fi elle n\'a point aifez de terrein, il faLit#
Oter la derniere molaire de lait , &
alors elle trouve à fe bien placer. Lorf-
que cette derniere à fon tour vient auffi
a fe renouveller, comme elle eft beau-
coup plus étroit\'e que fa devanciercj &
que d\'un autre côté la mâciioire ne
laUfe pas que de s\'étendre pendant tout
ce renouvellement, elle trouve ordi-
nairement aifez \'le piace 5 mais fi elle
n\'en avoit pas fuflîfamrnent, & que la
Temiere grofl\'e molaire, venue depuis
âge de fix ou fept ans, fe trouvât gârée^
ii faudroit i\'ôter, fans attendre même
tjue les petites molaires fulfent renou-
■^ellées. Si cette premiere groife mo-
laire n\'étoit point gâtée , & que la fé-
conde qui vient à l\'âge d\'environ treize
ans, fe gâiât peu de tems\' après être
percée , comme cela peut arriver j il
faudroit otec cette faconde molaire ,
Se la petite molaire, en fe plaçant bien,
poulTeroit dans la brèche de la premiere
greffe molaire. Enfis-i , fi aucune des
grodes molaires ne fe rrouvoit gâtée,
^ que les petites moiaiies s\'itant re-
JO De rAn du. DentiJIe.
nouvellées avant les canines j comme
le cas arrive fouvent, la canine la plus
proche n\'eût pas aifez de place, il fau-
droit lui en procurer, en ôtant la pre-
miere petite molaire.
Ainfi, pour procurer un bel ordre
aux dents , il fufîîroit que le Dentifte ,
chargé de gouverner la bouche d\'un
enfant, le prît dés l\'âge de fept ans,
( c\'eft le tems où les dents commencent
à fe renouveller ) jufqu\'à quatorze ou
quinze ans, ti qu\'il eût foin de la vi-
fiter feulement tous les trois mois. En
obfervant ce que j\'ai marqué, il feroit
en état de donner un bel arrangement
aux dents , & l\'on éviteroit d\'employer
les fils , les plaques _ & les autres inf-
trumens qui fervent à les redreffer :
moyens bien plus douloureux & plus
fatigans que la fimple extraélion des
dents qui nuifent à l\'arrangement des
autres. Les dents une fois bien ar-
rangées Se mifes à leur aife , ne fe
gâteroient pas dans leurs interftices,
comme elles font fouvent lorfqu\'elies
font trop ferrées les unes contre les
autres. Car il faut obferver que , pen-
dant le ferrement des deux mâchoires.
BeTArt duDent\'lp.
les dents trop rapprochées fe frottent
^ fe prelifent à un tel point, que par
i\'affaiffement des fibres olTeufes, le flui ■
^e eft arrêté dans leurs interftices, fur-
tout à la mâchoire fupérieure , où le
detour du fang fe fait moins aifément
\'îua le mâchoire inférieure, parce que
les dents de celle-ci, ont leurs raci-
nes dans un fens oppofé. Ajoutons i
cet inconvénient les diverfes impref-
fions de l\'air , & celles des alimens
froids ou chauds , qui frappent diver-
fement ces petits corps ofleux déjà très-
fenfibles, & y caufent des obftrudions.
On peut remarquer à cette occafion
S^^e les incifives de la mâchoire infé-
rieure , quoique ordinairement plus
Serrées que celles de la mâchoire fupé-
ri^nre, ne fe gâtent que rarement,
feulement quand la falive eft viciée , oii
quand il s\'y arrache un limon acide qui
les mine infenfiblement ^ ce qui prouve
que l\'adion de l\'air & celle des alimens
contribue beaucoup à la carie des in-
cifives d\'en-haut qui fe trouvent trop
preffees. En effet , tous les Praticiens
peuvent remarquer que de trois per-
fonnes dont les incifives Supérieures
71 , Ds I An du Denùjle.
font trop ferrées ^ Ci on n\'y remédie à
propos , il y en aura du moins une
qui perdra par la carie une partie de
ces quatre dents ; au lieu que fur cent
perfonn-s, à p,dne en yerra-t-on une
feule dont les încifives inférieures ^ quoi-
qu\'encore plus preîfée? que celles d\'en-
îïaut , fe garent par cene caufe. Les
impreffions de l\'air & \' des alimens fur
les incifives fe manifeftenr au premier
coup d\'œil , lorfqu^in leur a laiffé taire
des progrès. Toutes les perfonnes dont
k ievre fupérieure eft fort élevée , &
qui en ouvrant tant foit peu la bouche
mecrent leurs incifives à découvert ,
les ont quelquefois gâtées à leur fur-
face antérieure , mais plus rarement
qu\'à leurs parties latérales. On voit aofli
les jeunes geus bien plus fujets à îa
carie jufqu\'à un certain âge ; mais il y
en a plus d\'une rai fon. Leurs dents font
creufes en dedans , le cordon, en eft
fort gros , & le fang y afflue fi abon-
damment , que quand il fê trouve ra-
lenti ou coagulé par ies impreffions de
l\'air & le féjour des alimens j il s\'arrête
dans l\'endroit de la dent où les fibres
oîTeufes font, le plus affaiifées. Son fé-
jour
De l\'Art du DentiJIe. 73,
jour produic alors la carie : elle fait plus
Ou moins de progrès, felon le viee des
liqueurs, fuivant que la falive eft acre
& chargée de fels corrofifs , ou fuivanc
que le limon qui fe dépofe dans la carie
a plus ou moins d\'acidité, & le degré
de corruption des alimens qui ont fé-
journé dans les interftices ou dans les
cavités des dents.
De toutes les dents en général, les
grolfes molaires ordinairement font les
plus fujettes à la carie, parce qu\'elles
ont plus de volume , parce qu\'à propor-
tion le fang s\'y porte avec plus d\'abon-
dance & s\'y embarraffe aifément, parce
que d\'ailleurs elles ne font pas entière-
ment à l\'abri des impreflîons du froid
& du chaud ; enfin à caufe des efforts
qu\'elles font obligées de faire pour mou-
dre ôc pour broyer les folides qui réfii-
tent aux autres dents. Cependant, à un
certain âge les molaires font moins fuf-
ceptibles de carie, parce que leur canal
& leurs vaiffeaux fe rétréciffent alors
peu à peu , & que dans la plupart des
vieillards ils font totalement offifics.
Plaçons ici une réflexion que nous
n\'aurons peut-être pas lietâ de mettre
Tome I. G
-ocr page 98-74 De VArt du Dentijle.
ailleurs dans ie mcme jour. L\'émail done
la nature s\'eft plu à munir ôc à orner les
dents, fert à les fortifier fans doutej &
les rend par conféquent plus propres à
la maftication ; mais il n\'empêche point
que les dents ne foient, de tous les os du
corps humain, les plus fujets à fe cor-
rompre. Il ne ks garantit point d\'abord
des impreifions du froid & du chaud ,
auffi fenfibles qu\'inévitables. Or, puif-
que tous les os étant découverts & dénués
de leur périofte, fe delTéchent & s\'exfo^
lient en très-peu de tems , doit-on être
furpris que les dents qui, quoique revê-
tues d\'émail, font continuellemeiit expo-
fées à l\'adion de l\'air des alimcns,
foient fi fufcepdbles de carie.
Je reviens aux principes, & je dis
que rien n\'eft moins à négliger en tout
état que la bouche des enfans. Veut-on
leur conferver les dents faines & dans
un bel ordre, il faut qu\'un habile Den-
tifte examine attentivement les progrès
de la dentition, & qu\'il la conduife ; il
reconnoîtra la difpofition des mâchoires,
dans le tems que les dents fe renouvel-
lent. Par l\'étendue des mâchoires , & par
le volume des dents, il jugera de far-
De VAn du Dcnûjle. 75
rangement que celles-ci peuvent pren-
dre, &C il dirigera cet arrangement, foit
en ôtant les dents de lait qui pourroienc
nuire aux fécondés dents, foit même
en ôtant, s\'il le faut, quelqu\'une des
dents renouvellées. S\'il paroît que les
nouvelles dents ayent une place conve-
nable , le Dentifte alors ne touchera point
à la bouche, parce que les dents de lait
tomberont d\'elles-mêmes, ou , lorfqu\'el-
ies feront fuffifamment ébranlées , la
moindre perfonne & l\'enfant lui-même
jourront les ôter avec un fil, fans avoir
îefoin du Dentifte. Cependant il ne
fera pas moins néceffiaire que de tems
en tems celui-ci vifite la bouche du jeune
homme, pour s\'alfurer de ce qui s\'y paf-
fera, & qu\'il fuive tous les changemens
qui s\'y feront, pour remédier aux petits
défordres qui pourroient arriver dans le
renouvellement.
Bien des gens, pour fe difpenfer de
ces foins, allèguent l\'exemple de quel-
ques perfonnes dont les dents font très-
bien arrangées , fans que jamais dans
leur enfance on y ait fait la moindre
attention.
Nous convenons que toutes les fois
-ocr page 100-7é Be VArt du Dentifte.
que la mâchoire d\'un enfant aura une
étendue fuffifante, & que les dents delait
ne nuiront point à celles qui viennent les
remplacer, on pourra jouir du même
avantage. Mais pour un petit nombre
de perfonnes chez qui la nature a tout
fait, combien n\'en voit-on pas d\'autres
qui , pour avoir négligé les foins du
Denrifte, ont les dents fi difformes & û
mal en ordre, qu\'ellesn\'ofent rire ouver-
tement, ni prefque parler en compagnie !
Après tout, le mal n\'eft pas fans remede,
comme on le verra par la fuite.
Des différentes maladies qui attaquent &
détruifent la fubflance des dents. Dc
leurs caufcs internet & externes. Des
moyens de les prévenir. Des remèdes
généraux & particuliers.
XjE s dents font attaquées de différentes
maladies qui entraînent leur deftruétion,
filon n\'y apporte de prompts remedes.
Les principales font, î Vérofion qui les
rend difformes, & qui les affeéte fouvent
dans le tems qu\'elles s\'offifient, ou qu\'el-
les font nouvellement offiêées. On peut
regarder celle-ci comme la premiere.
2®. La carie ^ fléau deftrudeur, qui atta-
que principalement les dents que l\'éro-
fion a déjà maltraitées; Cette maladie
mine, ronge & confutr.e les meilleures
\' O
dents, de telle forte qu\'elles tombent
par petits morceaux , toutes pourries, ou
en malle plus confidérable. Souvent brf-
G iij
-ocr page 102-/S De VArt du Demijle,
qu\'on y penfe le moins, le plus petit
effort fafSt pour brifer une dent cariée.
Les dents font encore fujettes à fe
fraéturer, lorfqu\'elies s\'ufent & fe détruis
fent les unes les autres par leur frot-
tement dans la rencontre des deux mâ-
choires, ce qui\'fait une déperdition de
fubftance abfolument irréparable. Elles
s\'agacent auifi plus ou moins, fuivant
qu\'elles font ufées & dénuées d\'émail, ou
que^et émail étant trop mince, laiffe
pénétrer dans la fabftance de la dent les
fucs des alimens acides qui agilfent fur
les nerfs dentaires. D\'autres caufes en-
core les agacent, comme une lymphe
acide , certains corps durs ou pierreux
qui fe gliffent quelquefois fous les dents
3armi les alimens qu\'elles broyent & qui
es font luxer, fêler, éclater, & les coups,
les chutes, les efforts, ou d\'autres acci-
dens. 11 faut ajouter à ces caufes qui exi-
gpvit de prompts remedes , l\'engorge-
ment du cordon des vai (féaux , & celui
du période interne ou externe, d\'où
s\'enfuit prefque toujours un phlegmon ,
qui fe termine par fuppuration ou par
refolution , quand le m\'alade ne fait pas
orer fa dent. 11 y a plufieurs autres maia-
De t Art du Dentlfie. 79
dies qui n\'intérefTent que la blanclieur
des dents, mais qui ne doivent pomc
être négligées : nous en traiterons dans
la fuite. L\'ordre naturel nous prefcrit de
commencer par l\'examen des maladies
qui les détruifent, & chacune fera l\'ob-
jet d\'un article particulier.
§. 1.
De férofion, de la difformité des dents ^
& des maladies qui la produifent.
L E s maladies qui font fur les dents
l\'eftet qu\'on appelle érofion, parce qu\'el-
les femblent être rongées & comme pi-
quées par les vers, qui caufent leur
difformité J Çoni U rakitis ^ le fcorbut,
les fievres malignes, la rougeole, la
petite vérole, & en général toute ma-
ladie où la qualité des fluides eft viciée.
Toutes ces maladies qai peut-être diffe-
rent plus par le nom que par la caufe
& par les effets, font plus ou moins
d\'impreflion furies dents, fuivant qu\'el-
les font plus ou moins avancées ; ce qui
veut dire, que plus elles font tendres ^
G iv
-ocr page 104-So Be rArt du Dentifce.
plus elles en font fufcepribles. Lorfque
les denrs ont pris une certaine conhf-
tance, elles font exemptes de ces impref-
fions 3 mais quand elles font peu formées
tendres , elles s\'en relTentent telle-
ment , qu\'elles font d\'ordinaire inéga-
les, raboteufes , jaunes , livides ou noi-
res. Les molaires ont leur extrémité
toute couverte d\'afpérités j les canines
l\'ont fort pointue ^ les incifives l\'ont
très-mince , & compofée de plufieurs
pointes en forme de fcic. Or , quand les
denfs com.mencent à s\'élever & à for-
tir de l\'alvéole, ou qu\'elles atteignent
la gencive , la partie la premiere form.ée
& îa plus dure n\'ell point fujetre , ou
l\'eft peu, à toutes ces altérations j ainfi
i\'érofion n\'attaque que les dents qui
font iiouvellementoflîfiées, & qui n\'ont
pas la dureté nécelfaire pour réfifter à
fes impreffions. Lorfque la maladie fur-
vient dans le tems même que la dent
acheve de s\'offifier & de fe former , la
portion qui n\'a pas acquis toute fa con-
fiftance, en eft encore plus maltraitée,
& manque d\'émail. Si la maladie cefTe
alors & que les fluides deviennent d\'une
bonne qualité , le relie de la dent qui fe
De tJn du Dentifte. . S î
forme après la maladie , eft dans fon étaï
naturel j l\'émail en eft blanc & poli vers
la racine , tandis que l\'extrémité fupé-
rieure eft prefque toujours dénuée d\'e-
tnailj ou que ion émail eft livide , &
criblé de petits trous jaunes & noirs qui
font paroître la dent de deux couleurs
différentes.
Le rakitis ^c la langueur , dans le
tems que\'les germes des dents fe dé-
veloppent & s\'offifient J font qu\'elles
fe forment & pouffent très-lentement ,
qu\'elles font encore très - contrefaites
& prefque entièrement dénuées_ d\'é-
niail. Quand les affedions fcorbutiques
futviennent, avant que les dents foient
tout-à-fait oflifiées, ou dans le tems
qu\'elles font encore enveloppées dans
leur fac qui contient une humeur écu-
meufe, les dents en font fort maltrai-
tées. L\'émail qm fs forme alors, ^ qui
n\'a point encore acquis à beaucoup près
fa confiftance , eft fouvenc dérruit oa
fort altéré.
Les enfans affligés du rakitis , ou
comme le peuple les appelle ^ les enfans
noués ^ dont les dents fe forment pen-
dant cette maladie, ont les racines des
Si Bet Art du Dentifte.
dents moins perfedionnées, plus cour-
tes, inégales & boflliées j mais il faut
obferver qu\'elles ne font jamais érofées
ni piquetées d\'aucun trou. Il arrive le
plus fouvent néanmoins que les germes
de leurs dents ne parviennent point à
maturité, c^eft-à-dire , que leurs dents
viennent très-courtes, parce que les ra-
cines ne s\'aîongent pas alfez pour en
bien faire fortir le corps. 11 arrive auffi
dans les affeélions fcorbutiques qui font
portées à un certain degré, que plu-
fieurs germes en font détruits ; ce qui
fait que certaines dents ne fe renouvel-
lept point. Ces affedions produifent
encore quelquefois la carie dans le$
alvéoles.
Tenon ^ Chirurgien gagnant maî-
rrife à l\'Hôpital général , m\'a fait voir
plufieurs mâchoires d\'enfans, où les ger-
înfs éroient détruits, & les alvéoles ca-
ries. J\'ai de plus remarqué dans un grasKl
nombre d\'autres mâchoires qu\'il m\'a
montrées, que l\'érofion n\'affedoit la
dent que quand elle s\'offifioit pendant
h maladie , ou lorfqu\'elle étoit encore
molle , l\'émail n\'ayant pas eu le rems de
prendre la confiftance néceffiiire, ce qui
Bc tJn du Bcntïfle. 13
arrive quand la dent eft encore dans
fon enveloppe J car plus elle eft prête à
fortir , moins elle eft fujette à l\'érofion.
Telles font les obfervations que M. Te-
non & moi avons faites fur différentes
mâchoires d\'enfans morts du fcorbut, ou
du rakitis. Nous avons trouvé dans plu-
fieurs, des dents qui commençoient à fe
former , fort maltraitées par l\'crofion.
La dent la moins avancée étoît fi con-
trefaite, qu\'elle n\'avoit prefque pas figu-
re de dent. Celles qui \'étoient davan-
tage , écoient moins marquées d\'érofion
vers leurs extrémités , m.ais beaucoup
plus vers le collet qui n\'étoit pas encore
formé. Enfin ^ les dents dont le corps
étoit parvenu au bord des alvéoles , &
dont les racines étoient un peu longues,
n\'en étoient prefque point affedtées (î
ce n \'eft un peu vers le colkt & à la racine
qui avoit déjà quelques inégalités.
Dans les hevres malignes, dans la
rougeole, dans la petite vérole , & au-
tres maladies de l\'enfance où il y à de
la malignité , l\'érofion n\'affede ordinai-
rement que la portion de ladent qui eft
nouvellement offifiée, & qui n\'eft pas
encore en état de réfifter à fes impref-
Be VArt du Bemifte.
fions. Si le corps de la dent eft entiè-
rement offifié , fans qu\'il y ait même un
commencement de racine , lextrémité
de la dent n\'eft point, ou n\'eft que très-
peu affedé , tandis que vers la racine
elle eft cout-à-fait érofée. Quand la ra-
cine commence à fe former, & l\'extré-
imtè de la dent à fortir, cette extrémité
eft garantie d\'érofion, tandis que vers
Ja racine la même dent en eft marquée
, >lus ou moins, fuivant la force de la ma-
adie. Si le corps de la dent eft prefque
hors de l\'alvéo e, & que fon extrémité
commence à paroirre, la dent alors n\'a
que de légeres taches vers le collet ou
vers la racine, fans être érofée. Feu M
Bunon, qui dans i^on Ejai fur /es Ma-
ladies des Dents s\'eft fort étendu fur
l erofon, eft d\'un fentiment différent
du mien , pais que je ne puis adopter.
Au moins eft-il contraire à l\'expérience
quoique ce foit fur l\'expérience que
J Auteur veuille s\'appuyer, parce qu\'ap-
paremment il n\'a pas fait afTez attention
acertaines chofes. D\'ailleurs, ilyadans
Ion livre quelques contradidions fur
cette matiere On en jugera par le texte
^ue ;e vais fidelement rapporter.
De t An du. DentlJle. S 5
« Les dents où 1 etofion s\'attache le
plus, dit M. Bunon^ font les quatre
premieres groifes molaires, & les iu-
cifives tant de l\'une que de l\'autre mâ-
choire. Les canines & les autres grolfes
molaires n\'en font gueres attemtes ,
que quand les maladies qui la produi-
fent farviennent peu de tems avant
leur fortie j &c en ce cas, elles en font
feules atteintes, ce qui eft affez rare.
Les petites molaires en font aufli ra-
^^ rement atteintes, ou bien plus légére-
ment, parce que l\'humeur n\'y fait que
très-peu d\'impreffion; cela fe démon-
tre par l\'état où fe trouvent Jes dents
^^ dans leurs alvéoles & dans leurs di-
^ vers accroitTemens, avant leur fortie
^ hors des gencives. J\'ai toujours re-
marqué que les moins avancées étant
plus enfoncées dans leurs alvéoles qui
fe trouvent remplis par les racines des
dents de lait, cette difpofîtion cmpê-
" choit l\'humeur d\'atteindre la fécondé
^ dent, 11 n\'en eft pas de même des
^^ -dents qui font plus avancées & prêtes
à paroître ; lorfque celles de lait n\'ont
bientôt plus de racine, la couronne
^ -de la nouvelle dent qui eft plus éle-
De l\'Art du Demlfle.
» vée, & plus â la portée de Phumeur,
» le découvre en partie, fuivant que les
» racines des premieres denrs font plei-
« nés ou ufées, & que 1 acreté de l\'hu-
« meur a lieu de s\'infinuer & d attein-
*> dre cette nouvelle dent par la partie
»> émaillée; ce qui fe fait toujours à pro-
s\' portion de la force & de la folidité de
« cette même portion de la dent. Mais
» les racines n\'en font jamais atteintes j
ce qui prouve, à ce qu\'il me femble,
que l\'iiumeur qui produit l\'érofion ne
» pénétré pas jufqu\'aux alvéoles. »
Ainfi s\'exprime M. Bunon à la page
55) & fuivantes. Voici maintenant une
côntradidion bien marquée que je ren-
contre à la page ce Si pa"r exemple
ces maladies, continue l\'Auteur, fur-
viennent à trois ou quatre ans, les
» incifives & les premieres grolfes mo-
» fiires font fortement atteintes d\'éro- \'
» fion , les canines beaucoup moins ^ &
»» les pentes molaires fort rarement. Si
la maladie , au contraire, furvient
entre quatre, cinq & fix ans, les in-
cifi^s, les canines & les premieres
» grolTes molaires font également frap-
» pees d\'érofion i mais elle\'les pénerre
De VArt du Dentijîe. 87
moins, & n\'en détruit pas tant l\'émail
qu\'elle fait d\'ordinaire dans le pre-
» mier âge. »
On fait qu\'à l\'âge de trois ou qua-
tre ans, les fécondés dents font bien
éloignées de paroître, & de fortir de
leurs alvéoles, ainti que les premieres
grolfes molaires. C\'eft donc certaine-
ment à cet âge que les dents font ,
comme je l\'ai dit, encore alTez tendres
pour être frappées d\'érofion j voilà ce
que dit aulfi M, Bunon. Mais il fe con-
tredit manifeftement, lorfqu\'ii ajoute ,
que l\'humeur n\'affede les dents qu\'au-
tant qu\'elles font prêtes à paroître,
qu\'elle ne doit pas pénétrer dans l\'al-
véole. A l\'âge de trois ou quatre ans ,
les fécondés dents ne font point en-
core forties, pour ainfi dire , de leur
coque ; la cloifon olfeufe qui fépare la
racine de la premiere dent d\'avec le
corps de la fécondé, n\'eft même pas
. encore détruite : à plus forte raifon la
♦ racine de cette fécondé dent fubfifte-
t-elle. Cependant c\'eft à cet âge-là que
ces dents font plus communément mal-
traitées par l\'érofion , qu\'à celui de
fix ou fept ans, comme il en convient
s s De l\'An du Dentïfie.
lui-même. Quand cette maladie arrive
à trois ou quatre ans , les petites mo-
laires qui ne paroitTent d\'ordinaire qu\'à
douze ou à quatorze , font dans le mê-
me cas que les fécondés großes.mo-
laires qui paroiffent atrlli à peu près
dans le même temsj l\'érofion ne les
affede point, parce qu\'elles n\'ont pas
encore commencé à s\'offifier. Mais fi
l\'extrémité de leur couronne eft olfifiée
en partie, comme elle l\'eft à cinq ou
fix ans, cette partie aura certainement
de fortes marques d\'érofion , tandis
que le refte de la dent formé depuis la
maladie en fera exempt. Par la même
raifon , fi la maladie furvient quelque
rems avant leur fortie, elles n\'en feront
point affedées, comme le prétend. M.
Bunon. A l\'égard des racines qu\'il dit
n\'être jamais atteintes d\'érofion, je
conviens qu\'elles ne font point pico-
tées comme le corps des dents , mais
on les. trouve fouvent contrefaites ».
tontes tortues, ce qui certainement eft •
l\'effet de l\'érofion; & ce qui prouve
que quand les racines viennent à fe
former pendant les maladies qui la cau-
fent , elles en font plus ou moins mal-
traitées ,
De VAn du Dentîjle. 89
traitées J fuivant que l\'humeur eft acide.
Dans le rakitis , & dans les fortes
affedions fcorbutiques, les ajvéoles
font beaucoup plus délicats & plus
fpongieux qu\'ils ne le font naturelle-
ment ; ils fe carient même dans les
fcorbutiques. Ainfi M. Bunon paroît fe
tromper , lorfqu\'il croit que l\'humeur
ne pénétré point clans les alvéoles. Où
la faifoit il donc réfider? C\'étoit appa-
remment dans les gencives , & non pas
dans le périofte qui tapiilè les alvéoles ;
car ils n\'auroient pu s\'en garantir. Or ,
comment concevoir qu\'une dent puifte
être afFeétée d\'érofion vers fou extré-
mité, quand elle a, fuivant fes prin-
cipes , prefque détruit, la racine de la
premiere dent, fins que le refte de
cette racine dont la dent eft prête à
tomber, & l\'alvéole même n\'en foi\'ent
pas atteints plutôt que la fécondé dent ?
Concluons de tout ceci, que les racines
& les alvéoles ne font maltraités de l\'éro-
•fion que d.ms le rakitis & dans les aifec-
tîonsicorbutiques. Je penfedeplus, que
la partie émàiliée des dents ne reçou les
atteintes de l\'éro-fion , qu\'autant qu\'elle
®ft encore enveloppée dans fa mcm-
Tome L H
-ocr page 114-5® De VArt du Dentifte.
brane, laquelle , jufqu a ce que l\'émail
foit formé , contient une humeur mu-
cilagineufe. Moins la dent eft formée ,
plus cette humeur mucilagineufe eft
abondante. Or, la maladie venant à l\'ai-
grir , elle détruit par fon acidité l\'émail
encore tendre ^ & ainfi plus/la dent eft
avancée, plus elle eft en état de réfifter à
fes imprelTions, Si un enfant depuis fepc
mois jufqu\'à dix, eft attaqué de quel-
qu\'une des maladies dont j\'ai parlé , les
canines & les molaires de lait feront
atteintes d\'érofion, fuivant qu\'elles fe-
ront plus avancées : tandis que les incifi-
ves en feront exemptes, ou très-peu
marquées , fi elles paroilfent quelque
tems après la maladie.
Les enfans qui apportent, au monde
quelques afFedions fcorbutiques ou vé-
nériennes , ont dans leurs fluides le
germe de toutes les maladies qui détrui-
fent les dents. Mais quand oii y a re-
médié de bonne heure, il n\'y a que les
dents de lait d\'afredces. On en garantira
les fécondes, toutes les fois qu\'il ne fur-
viendra pas d\'autres maladies capables
de les altérer , avant qu\'elles aient leur
confiftance.
De, l\'Art du Dcntïjle. ^ t
Ce qui fair que les enfans fe nouent,
c\'eft d\'abord le vice des fluides prove-
nant du pere ou de la mere , & quel-
quefois de la nourrice ; mais le rakitis
a plufieurs autres caufes : un lait
trop épais & qui ne peut palTer qu\'avec
peine dans les couloirs ; i". un lait
trop féreux qui, n\'ayant pas afTez de
confiftance, fait un fuc nourricier trop
foible, d\'où réfulte une produélion lan-
guiflànte , un accroiflement imparfait
tc lent de toutes les parties offeufes ;
5°. des bouillies trop épaifTes & mal
faites , qui en furchargeant un efto-
mac foible , lui caufent une indigeftion
continuelle , ou ne produifent qu\'un
mauvais chyle capable de former des
obftruétions dans toute l\'habitude de
l\'enfant. De pareils alimens, au lieu
d\'être propres à développer & à nour-
rir les parties offeufes, en rerardent fen-
fiblemenc les progrès Si en alterent le
tiftu; & c\'eft ainfî que les enfans de-
viennent difformes & contrefaits. Leurs
os s\'amolliflent , fe plient, fe recour-
bent , en même tems que leurs vifceres
s\'obftruent , & le mal influe prefqu«
Hij
-ocr page 116-De l\'Art du Dentïfie.
toujours fur toute leur conformation j,
tant extérieure qu\'intérieure.
Le rakitis provient encore d\'un mau-
vais fevrage , d\'un air trop greffier ou
mal fain , des accidens occafionnés par
les efforts douloureux que les dents font
en perçant, & des vers dont les enfans
font plus ou moins tourmentés. Les
affedions fcorbutiques ont à peu près
les inêmes caufes.
A l\'égard de la rougeole & de la
petite vérole, ces maladies font cau-
fées, foit par les vices des liqueurs, foit
par les reftes de la portion la moins
pure du fang menftruel, qui eft retenu
chez la mere pendant fa groffelîé, &
qui a fervi de nourriture à l\'enfant dans
fon premier hofpice, foit enfin par le
mauvais air, ou par la contagion iîm-
pjemenc.^
Ces diverfes maladies n\'affedent pas
toujours également les dents d\'érofion,
quoique par leur mollelTe elles en foient
fufceptibles. Maiî en général lorfqu\'el-
les n\'ont fait fur les dents que de légè-
res impreffions, c\'eft qu\'elles ont été
peu confîdérables, ou peu malignes.
De VAn du Dentifie. cj^
^oic pai- l\'efFet des remedes que d\'habiles
gens one adminiftiés, foit par ies difpo-
«dons du fujer.
Pour empêcher qu\'un enfant venu
^ïJ monde bien conftitué ne fe noue ,
^ prcferver fes dents d\'érofion , ii faut
donner une bonne nourrice qui ait
^n lait doux, coulant, abondant, ni
îiop épais, ni trop fluide. Elle doit de
Ion côté contribuer à la bonne qualité
de fon lair, en évitant tout ce qui peut
falcérer, (oit dans l\'ufage des alimens ,
^oit dans fa conduite. Il faut fur-tout
qu\'elle foit attentive ne point furchar-
ger de lait fon enfant ; el e lui en don-
nera peu à la fois & fouvent; elle atten-
dra un certain âge pour le mettre à la
bouillie^ la fera toujouis alTeziégere,
l\'adrniniftrera fobrement ; elle aura
la même atteîitîon au fevrage ; elle ne
^Lii donnera avec fi bouillie que de bon
potage J & point de fruits, quels qu\'ils
f^iient, point de légumes ni de vian-
J tj!e aura foin de le tenir en bon
, & de lui faire prendre un peu
«\'exercice.
Mais pouf s\'ai\'furer encore mieux de
bonne conilitution d\'un enfant j ii
54 ^^ VAn du Demijle.
faut en confier le foin à un Médecin ex-
périmenté, ou à un habile Chirurgien.
Le Praticien chargé de veiller à la con-
fer vation de l\'enfant J jettera les fonde-
mens d\'une bonne dentition , foit par la
falubrité du régime qu\'il lui fera obfer-
ver, foit par l\'ufage de quelques reme-
des innocens qu\'il faura lui faire à pro-
pos ; & par ce moyen on préviendra les
accidens prefque inféparables de la naif-
fance & de la fortie des dents.
La même conduire fervira à faire évi-
rer la produdion des vers qui dérobent
à l\'enfant la portion du chyle le plus
pur, & les affedions fcorbutiques. On
pourra même parvenir à rendre moins
funeftes aux dents les attaques de la rou-
geole ou de la petite vérole. Du moins
û eiies furviennent dans l\'enfance, tous
les foins que l\'on aura pris pour y pré-
parer le fujet, les rendront d\'une qua-
ité tnoins maligne , ôc elles feront peu
d\'impveffion fur les dents. Au furplus,
jamais les dents ne font affedtées par
la petite vérole , lorfqu\'elle eft d\'une
qualité bénigne j quand elle furvien-
droit à un âge où la même maladie,
lorfqu\'elle eft maligne, les altéré ordi-
De l\'Art du DentiJIe. ^^
^airement beaucoup. S\'il eft donc vrai
quon aij. toujours une perire vérole
"enigne par le moyen de VinoeulaÙQn^
peur inoculer les enfans, fans crain-
"^e les dents qui font encore à venir
fc^énc érofées.
§. II.
De la Carie,
■L A dureté des denrs fembleroit devoir
Jes rendre moins fufcepribles des mala-
dies qui attaquent pairicuhérement les
corps oiîeux : cependant on voit que
ces petits os font les plus fujets à fe
^^î-ier ^ & la raifon en ad fenfîble ; leur
"^^fini eft bien plus ferré\' que celui des
^«tres os j leurs vaiOeaux par confcquent
lont plus à l\'énoit: de-là , il s\'y forme
plus aifément des embarr.is & des obf-
\'\'"uftions, f.ir-touî quand l\'impreflion
ou froid y eft portée à un certain point,
que les fibres ofteufes s\'afFaiffenc par
quelque eff>rt que ce foit. Si les fucs
que charient les vaifteaux dentaires font
trop épais, ils s\'arrêtent, & fe corrom-
De VÂrt du Dentïfie.
panr par leur féjour, iis affectent bien-
tôt la dent. Si ces fucs fe trouvent eux-
mêmes affectés de quelque vice , la
dent en efl plutôt gâtée , fuivant le
concours des imprefiions extérieures ,
ou fuivant que la dent même, en s-\'orga-
nifant-& en s\'offifiant, s\'efl trouvée plus
m^al conftituée. Les dents des perfonnes
qui ont été nouées, ou qui ont eu quel-
que maladie confidérable dans le tems
que ces dents n\'avoient pas encore affez
de confiflance , non-feulement font
difformes & remplies d\'afpcrités à leur
furface J mais fe gâtent encore ordi-
nairement peu de rems après leur fortie:
c\'efi à quoi les groifes molaires font le
plus fujeues. On ne peut alfigner d\'au-
tres caufes à la carie de ces dents-là,
que la ma\'adie furvenue pendantq^i\'elles
s\'oflîfioienr..
Lorfqu\'une dent fe gâte, la parallele
du côté oppofé fe gâte auiïi prefque tou-
jours, peu de tems après dans le même
endroit & avec la même fymméterie.
Cette efpece de fympathie me paroît
avoir u: e caufe très - naturelle & fort
fimple. Comme toutes les dents paral-
lèles s\'olfilient d\'ordinaire enfsmbie j &
fuivenc
-ocr page 121-WÊm
Dt VAn du Dentîjle. « ^
«îcepcibles des mêmes impreffions ex-
térieures & des mêmes engorgemens -
mht ^ents du
nieme ordre s\'eft porté aux mêmes en-
droits. Cea pour^ela que, qua d une
cote a le plus fouvent la même mar-
que, plaeee fymmécriquementde la mê»
me façon. La racine des dents tant
qu\'dieeft couverte ou garantS
M par l\'aréole a? par la gV^
r^- n ^T i-orfqu\'au conw
^ire die eft dénuée de quelqu\'une L
ce ^parties, en que que endroit que ce
loit, de açon que les impreflîoa] exté-
neures, le froid & le chaud puisent y
Penetrer elle fe gâte aifément par l£
en eft de même, quand il fe faiJquel,
que phlegmon au^périofte, ou un épan-
chement des liqueurs dans l\'alvéole - le
;ice de l\'humeur & l\'acidité des fucs
f ngent & détruifent cette racine dl!
C)S Del\'AnduDer.tiJle.
à peu, à mefure qu\'elles fe découvrent &
qu\'elles font plus expofées aux impref-
iîons du dehors. J\'ai parlé de la nécef-
fité d\'arranger les dents, d\'avoir foin
qu\'elles ne foient pas trop preifées &
de les mettre à Taife , pour empêcher
qu\'elles ne fe gâtent, foit par l\'engorge-
ment du fluide qui y abonde, foit par les
împreffions différentes qu\'elles peuvent
recevoir extérieurement, foit enfin par
leur preflion réciproque dans le ferre-
mentdes deux mâchoires. J\'ai fait obfer-
ver que de toutes nos patties olfeufes ,
îes dents font les feules qui foient
découvertes & dénuées de périofte j
mais qu\'aufîi la nature a pourvu à leur
confervation, en les couvrant d\'émail.
Ce revêtement n\'empêche pas qu\'il ne
fe faff© des obftrudions dans le corps
fpongieux des dents J que ce corps ne.
fe décompofe ne fe mollifie, ce qu^il
fait toujours vers la table externe fous
l\'émail, qui eft la partie la plus fufcepti-
bîe des impreflîons extérieures. Le mal,
en attaquant la futface, pénétré dans l\'in-
térieur de la dent , de façon que la carie
étant parvenue à détruire l\'émail, onap-
perçois: foiivenc tout d\'un coup un trou
IDs l\'Art du DentiJIe;
confidérable à une denc donc la ruine
eft inévitable. Mais doit-on s\'étonner
que Jp dc-nrs fe gâtent fi fréquemment
& il vite, lorfqu\'on vient à confidérer ,
comme |e l\'ai déjà\'fait remarquer, que
tous les autres os du corps étant dénués
de leur périofte & à découvert, s\'ex-
folient en très-peu de jours.
La carie provient d\'une infinité d\'au-\'
très caufes internes & externes. Les cau-
fes internes les plus communes, font l\'ex-
cès dans le boire & dans le mansrer l\'u-
fage des alimens qui font un chyle" trop
épais ou trop abondant, l\'excès dufom-
meil & des veilles, une vie trop féden-
jaire ou trop agitée, enfin toutes les paf-
fions capables d\'altérer la digeftion ^
d\'aigrir ou d\'épaiffir la maiTe du fana ,
de produire des obftrudions, d\'inte^r*
rompre les fécrétions & les excrétions
qui doivent fe faire tous les jours
d\'opérer d\'autres défordres dans l\'éco-
nomie animale. Les dents des pituiteux
& des pléthoriques, font auffi fort fujet-
tes à fe garer, & s\'ébranlent facilement.
Les femmes ,pendant leurgrofTelTe, font
plus expofées à avoir les dents afïeclées
qu\'en tout autre état, par l\'abondance
lij
-ocr page 124-rioS De VArt du Dentijle]
du fang qui eft alors retenu chez elles
lorfqu\'elles ceftent d ecre réglées. Les
dents fe gâtent aufli très - fouvent ou
s\'ébranlent par les fréquentes fluxions
qui fe jettent fut les gencives.
Les caufes externes qui akerent
qui enfin dégradent les dents, font en
très - grand nombre. Les plus ordinai-
res, font l\'ufage d\'alimens trop froids
ou trop chauds j les diverfes impreffions
de l\'air j tous les efforts qu\'on fait faire
aux dents, & qui en affaiifent les fibres,
ou en font fouvent éclater le corps j les
vapeurs de l\'eftomac des poumons
qui, en s\'élevant, forment un limon fu-
jiefte aux dents-, les reftes des alimens
qui féjournent dans leurs interftices, &
qui s\'y corrompent. 11 eft encore très-
nuifible aux dents, de trop fe dégarnir
la tête de s\'expofer au ferein , ainfi
que de dormir la tête nue : de-là pro-
viennent bien des fluxions. D\'autre
part, les ingrédiens dont on ufe pour
fe conferver les dents , leur font quel-
qaiefois très-contraires. 11 en eft de m.ê-
jne de quelques remedes qu\'on emploie
pour en calmer la douleur j tels quel\'en-
l\'eau-forte, & pareils caulHoues ^
-ocr page 125-Bet An du Dcnûjle.
gui gâtent toutes Jes denrs qu\'ils tou-
chent; ce qui fait voir combien il eft im-
portant de n\'y point faire de remedes
qm ne foient bien connus ou prefcrîts
par lin Dentifte expérimenté. L\'ufage
exceffif des fucreries contribue anflî àia
deftrudion des dents. Cet accident eft
prefqu\'inévitable à toutes les perfonnes
qui manient ou travaillent les métaux ,
comme le cuivre , le vif-argent & le
plomb: parce qu\'il s\'en détache toujours
des particules arfé.nicales & cotrofives
qui s\'attachent aux dents. Enfin , le peu
de ioin qu\'on a de fa bouche , & h né-
gligence à nettoyer, ain(î qu\'à faire de
rems en tems viliterfes dents, caufenc
inlenliblement leur dégradation.
§. 1 I 1.
Des moyens de prévenir laearie^ & autres
maladies des Dents.
i-ouxFs les perfonnes qui font char-
gées de la conduire des enfans, ne peu-
vent les accoutumer de trop bonne
neure a le nettoyer tous les jours la
i iij
-ocr page 126-\'102 De rJrt du Dcntïjic,
bouche. C\'eft une pratique de propre-
té, dont dépend le bón état des dents >
& qui produit de grands biens. Touc
ceux qui ont écrit fur les dents , n\'ont
pas manqué de la prefcrire : ainfi je
pourrois me difpenfer de répéter ce ■
qu\'ils ont dit. Mais , cotmne mon objet
eft de rendre mon ouvrage utile à tout le
monde, je ns dois rien négliger d\'eifen-
îiel fur la mats ere que je traite, afin qu\'an
moins les perfonnes qui feront quelque
ufage de mon livre, ne foient pointöbii-
gées de chercher ailleurs une inftruétion:
auffi fimple qu\'elle eft néceffaire.
ïl faut donc chaque jour, en fe le-
vant , commencer par enlever avec le
tuyau de plume, tout ce qui peut s\'être
arrêté dans les interftices des denrs,
enfuite grater fa. langue, & paiTer dans
fa bouche une petite éponge trempée
dans de l\'eau tiede, où l\'on aura mis
tro\'s ou quatre gouttes de quelque eau
talfamique. On porte cette éponge fur
les gencives^ eu appuyant un peu , &
on la ramené à plufieurs reprifes jufqu\'à
l\'extrémité des denrs, en dedans & en-
dehors de chaque mâchoire. Cette opé-
ration fe fait fi,iccefîîvement fur toutes
De l\'An du Dctuijîe, lof
les dents 5 &c on retrempe de tems en
lems i eponge dans l\'eau. Par ce moyens
on fait fortir le limon qui s\'eft introduit
fous les gencives & dans les intervalles
des dents. Si, après y avoir paffé l\'é-
ponge , il y reftoit encore du limon, on
l\'emporte aifément avec la pointe ou ie
gros bout du curedent. La propreté de-
mande encore quelque foin après le re-
pas, C\'eft l\'attaire du curedenc de ré-
chercher les reftes de la maftication qui
peuvent être entre les dents. On
eîfuie bien enfuite avec une ferviette,
& on fe rince la bouche avec de l\'eau
îiede, Cetufage, qu\'il eft aifé de con-
vertir en habitude J doit n\'être jamais
négligé.
Quelques perfonnes s\'imaginent qt!e
le curedent & l\'éponge font capables
de dêchauiïer les dents.\'Rien de plus
innocent, au contraire, & d\'un ufage
plus indifpenfable : car on aura beau fe
rincer la bouche , ou s\'eifuyer les dents^
on ne fera pas fortir le limon qui s\'en-
gage & s\'amalfe dans leurs interftices,
Or, les particules de limon que l\'eau n\'a
point détachées s\'attachent aux dents
vefs la racine, s\'v durcifîënt, &compïi-
I iv
es
-ocr page 128-104 ^^ Dcntijîe.
ment les gencives. A mefure que l\'amas
s\'augmente, il les engorge Se les dé-
truit. Ceft alors que les dents (é de-
chauiîetitj & bientôt s\'ébranlent. De
plus, quand ce limon eft acide , il pé-
nétré & ronge la dent même. Enfin, le
féjour du limon ôte la fraîcheur de la
bouche, & lui donne tôt ou tard une
mauvaife odeur. D\'autres perfonnes
ont pour principe, qu\'il eft dangereux
de faire faigner les gencives ; mais le
danger n\'eft évident-que quand on né-
glige de le faire. Car , lorfqu\'elies font
Surchargées de fang, fon féjour feul
peut lui faire contracter un vice capable
de gâter les dents , ou du moins de les
déchaulfer & de les ébranler. 11 eft donc
à propos de les dégorger avec un cure-
dent de plume bien délié & une éponge
fine, afin que les petits vailTeatix que
la\' plénitude obftruoit, reprennent leur
tonus & leur reffort.
Les perfonnes replètes font d\'ordi-
naire les plus fujettes à avoir les gen-
cives engorgées ; elles doivent donc
avoir l\'attention de les faire faigner de
rems en tems. Il en eft de même des
perfonnes âgées : leurs gencives, dont
De l\'An du Dentïjle. lof
dépend iiir-tout la. confervation de leurs
detits, fonc prefque toujours furchar-
gees de fang, parce que les liqueurs ont
perdu de leur fluidité naturelle , & que
la contradion des arteres le fait d\'autant
>!us difficilement que leurs parois, étant
>lus épais & moins élaftiques, ils contri-
buent encore à ralentir la circulation;
ainfi c\'efl pour eux une néceffité d\'éva-
cuer le fuperflu du fang qui croupit dans
leurs gencives. Une attention que tous
les Dentiftes doivent encore recomman-
der, eft de ne jamais fe rincer la bouche
avec de l\'eau trop froide , ou d\'y faire
fuccéder tout d\'un coup rien de trop
chaud , foie alimens foit boiffons ;
parce que ces deux extrétnités y caufent
toujours du défordre, l\'une en raréfiant
& en dilatant, l\'antre en coagulant les
liqueurs qui circulent dans les vaùTeaiix
dentaires.
On doit être fort réfervé darts l\'ufage
des fucreries , quelles qu\'elles foient ;
& lorfqii\'on en a mangé, pour enlever
»efucvifqueux qui s\'attache aux dents
& dont l\'acidité les gâte , il faut fe bien
rincer la bouche avec de l\'eau tiede.
II faut abfolument s\'abftenir de caffeï
-ocr page 130-io6 De VArt du Denclfie.
avec les dents les fruits durs & to\'dc
ce qui a de la réfiftance , comme noix ,
îioiletîes, ou noyaux, à peine d\'en affaif-
ier les fibres ofléufes, d\'y occafionner
des éclats & conféquemment la carie ;
en un mot, de s\'expofer à les fêler, à les
caffer même, ou du moins à le.s ébranler
& à les iuxer.
11 n\'eft pas moins dangereux d\'em-
ployer indirtinctement toutes les dro-
gues que débitent les Charlatans , fous
les noms à\'Opiats j de Corail en poudre^
de liqueurs Aatifcorhudquesy Balfami\'
ques, & autres. Ces drogues, dont les
diihibureurs vantent ordinairement la
vetcu , foir pour ôter la douleur des
d-\'ar<-, & les empêcher de fe gâter, ou
de le dc\'chaiilTer , foit pour faire recroî-
tre les gencives, détruifent immanqua-
blem\'. n\' à la fin les unes 6c les autres.
Ainfi l\'on ne doit abfolument fe fervir
que des opiats préfervatifs , & autres re-
medes conipofés & appliqués à propos
par un bon Dentifte.
ïl y a d\'aiMeurs , pour éviter îa perte
ou Talcér ition des dents, certaines pré-
cautions dont on ne peut trop inculquer
l\'ufage. U s\'agit, i®. de ne point s\'expo-
fer, en fortant d\'un lieu cisaud, à un air
trop froid, fans fe bien garnir la tète»
Quelques perfonnes portent du coron
dans les oreilles & s\'en trouvent bien.
De ne pas s\'expofer non plus au fe-
tein, de ne pas dormir la tète nue, d\'é-
viter les vents-coulis, & les lieux hu-
mides ou marécageux. Par cette atten-
îion fur foi-mème, on évitera bien des
fluxions , dont la plupart proviennent
de quelqu\'une de ces caufes. Palfons aux
moyens de prévenir, ou de détruire les
caufes internes qui gâtent les dents.
La premiere chofe à obferver pour
la confervation des dents , ainfi que
pour la fanté du corps j eft un bon ré-
gime, De la fobriété,. des alimens fains
& de facile digeftion, font la bafe de ce
régime. C\'eft la maftication qui prépare
la diaeftion des alimens ; il faut donc
les bien moudre & les bien broyer avant
la déglutition j afin qu\'il s\'en forme un
chyle"doux,, fluide, & qui paffe fans
embarras dans le fang, pour nourrir &
vivifier toutes les parties du corps ; car,
quand les alimens ne font pas fuffifam-
ment broyés dans la bouche, l\'eftomac
fauroit les cuire ni les digérer aifé-
I o8 De VAn du Denùjle.
ment. Si d\'un aurre côré on le furchaf"*
ge , & fi on lai donne des àlimens de
difficile digeftion, le chyle qui en ré-
fulte eft greffier, épais, chargé plus oU
moins d\'acides, & devient par confé-
quent la fource de différentes maladies.
Or, les dents ne tardent pas à s\'en ref-
fentir, foit par la corruption du fluide
qui circule dans leurs vaiifeaux, foit
par l\'effet des vapeurs qui s\'élevent de
l\'eftomac & des poumons , foit par
l\'âcreté de la pituite, ou par la vifco-
fité de /la falive : routes dilfrafitions vi-
cieufes dont fe forme un limon acide
qui gâte & ébranle ies dents. Le moyen
de les éviter, eft de faire un exercice
modéré j de ne point ni trop veiller
ni trop dormir, de tempérer fes pif-
fions, de ne point ufer excès de
laitage j de légumes , nl de viandes
ou de poiffons falés, parce que ces
fortes d\'alimens ne produifent pas un
bon chyle.
Ceux qui fe trouvent attaqués de
quelque affeckson fcorbutique ou véné-
rie!ins, iiiiveut promptement travailler
à la détruire, & ne point différer à fe
mettre entre les mains d\'habiles gens.
Dô l\'Art du Dentifte. 109 "
tonton ne manque point à Paris, Les
perfonnes, ou replètes, ou cacochymes,
^le doivent point non plus négliger les
Remèdes généraux que leur prelcrira la
iiature de leurs difpofitions. ils auront
l\'CGours au L^entifte, lorfqu\'il s\'agira de
^égorger leurs gencives j pour es dé-
\'^arralfer du fang luperflu ou de la lym-
Phe acide qui peut altérer les dents. La
baignée eft aufli de tems en tems nécef-
faire aux femmes enceintes, tant pour la
Confervation de leur fruit, que pour leur
^aire fupporter plus aifément le fardeau
de la groifefle , & pour empêcher que
fang menftiuel, qui fe trouve retenu
elles , ne fe porte aux dents j ne les
gate, & n\'y produife de vives douleurs j
Comme il arrive ordinairement. Les fenir-
^^es qui celîent d\'être réglées, étant par-
venues à ce tems critique, doivent aufli
fe faire faignsr purger de tems en
ïems ^ pour empêcher que le fang ne fe
porte abondamment aux gencives , &
les gonflant j il n\'y caufe des flu-
xions & même la carie, ou qu\'il ne les
faffe périr par le feul ébranlement.
Quand, malgré tous ces foins & .ie ré-
gifne le plus exadt, certaines perfoiinef
î î o Dc VArt du Denùfie.
donc l\'eflomac ne fait qu\'imparfaite-
menr fes fondions & dontlafancé eft fort
chancelante, ont les dents en mauvais
état, oiî lorfque , pour ne pas vouloir\'
s\'alTujectir d aucun régime , ni prendre
la moindre précaution , ( ce qui eft en-
core plus ordinaire ) le défordre qu\'on
pouvoir éviter s\'y eft mis, il n\'y a plus
qu\'un moyen pour les conferver , &
c\'eft d\'y faire apporter un prompt re-
mede avant que la carie ne découvre
le canal de la, dent. Car, pour peu qu\'on
néglige cette maladie, elle fait des pro-
grès fl rapides, qu\'après avoir caufé bien
des maux, la dent périt fouvent fans
resource. Si l\'on pouvoir en être quitte
pour la perce d\'une dent, on fe trou-
veroit trop heureux ; mais fouvent une
dent gâtée gâte fa voifine, & le mal
n\'en refte pas-là; il fe communique de
proche en proche, & pour une dent
qu\'on a négligée, on s\'expiafe à en per-
dre plulieurs. Je ne parle point des ac-
cident qui peuvent s\'ejifuivre, des flu-
Kîons fl douloureufes Se quelquefois fi
•opiniâtres, des abfcès qui fe forment
dans ia bouche, & qui percent en de-
hors en lailîànt fur le vifage des cica-
S
-ocr page 135-De t Art du Dentifle. 11 î
trîces ou des marques défagréables.
On ne voit que trop de perfonnes ainli
défigurées par des dépôts que des denrs
cariées ont produits.\' Ce n\'eft-là que la
inoindre partie du défordre que la carie
des dents peut caufer , lorfque la maia
du Dentifte n\'a point arrêté ie mal dans
fa naiilance.
Les dents fe gâtent de deux ma-
niérés, de Tintéritur à l\'extérieur, §£
de l\'extérieur à l\'intérieur. La cane qui
commence par affedier Témaii, eft pro-
duite par quelque caufe externe : on
s\'en appetcevra foi-même, fi c\'eft quel-
que dent apparente que la carie ait
attaquée en d\'autres endroits que dans
les parties latérales. Si c\'eft une denc
reculée au fond de la bouche, on ne
l\'appetcevra pas aifément , fi ce n\'eft
quand la maladie aura fait des progrès
coiâfidérables. lien fera de même, fi la\'
dent eft cariée dans les interftices : on
ne découvrira le mal, que quand iUura
fait beaucoup de ravage, ou qu\'il fe
rendra bien fenfible. Si la_ cane s\'eft
portée de l\'intérieur à l\'extérieur, on
s\'en apperçoit gueres que lorfqu\'au mo-
ment qu\'on y penfe le moins, il k faic
lït Bc rjn du Dentîjle,
tout (l\'an coup à la dent, foit en man-
geant , foit à toute autre occafîon, un
irou fort vifible, ou lorfque le mal pro-
duit des douleurs très-vives, fans "que
le malade ©u qui que ce foit, excepté les
gens de l\'Art, puiffent en connoître ou
en remarquer la caufe. Or, pour arrêter
les^ progrès de cette maladie , avant
qu\'elle ait pénétré jufqu\'au canal de la
d-ent, qu\'elle ne s\'annonce cruelle-
ment par de violentes douleurs ^ il faut
la main du Dentifte, On fent dès-là
combien ii eft ncceflaire de faire vifirer
fa bouche au moins deux ou trois fois
par au. Si le Dentifte, après avoir bien
exammé toutes les dents l\'une après
l\'autre, n\'en trouve point de gâtée, il
s\'en tiendra là; mais s\'il apperçoiî la
moindre trace de carie, il y remédie
fur le champ, ou en l\'enlevant avec la
lims, lorfqu\'elle n\'a fait qu\'effleurer k
dent, ou ^ quand elle a creufé , en plom-
bant, après avoir emporté avec k ruc^ine
routes les parties cariées. ^
Quelquefois il ne fuffit pas d\'ôter k
cane d\'une dent qui après cette opéra-
non eft encore fenfible ; mais il faut
^ant pour delfécher la earie , que
m
-ocr page 137-De VArt du Demijle. 111
pour faire ceffer la douleur, appliquer
une ou deux fois le cautere aétueî. On
plombe enfuue la denr qui, par ce
m.oyen , eft exempte de fe gâter davan-
tage , & de caufer de îa douleur; mais
c\'efl toujours en y remédiant de bonne
heure , & avant que le nerf foit dé-
couvert.
Si, après n\'avoir rien obfervé du ré-
gime & de la coiiduite que j\'ai pref-
crits pour îa confervation des denrs,
on néglige encore le fecours de l\'oeil
&; de la main du Dentifte, ou fî l\'on n\'y
a recours que quand la carie eft par-
vetiue au can tl , & que le mal fe fait
fentir, alors le nerf à découvert fe trou-
ve plus ou moins irrité, fuivant le de-
gré d\'acidité de l\'humeur viciée qui s\'y
porte y ou fuivanr que le limon , la fali-
ve & les alimans qui y féjournent s\'y
corrompent, pourriffent la dent S>c aga-
cent plus ou moins ce nerf ; ou enfinj,
fuivant les împreffions de l\'air humide
ou de l\'aîr froid qui îe pénétré. Dans
les tems humides, les dents dont le cor-
don eft découvert par la carie, font
bien plus fenfîbles que dans les tems
fees ; parce qu\'alors l\'humid ité fait ea^,
Tome L ^
ï î4 . D- VAn du Bent\'ip.
flei- & racourcit les nerfs, comme les cor-
des d\'un înftrument. Ainfi les dents
caufent plus de douleur, & c\'eft pour
cela que les tems pluvieux nous font
annoncés un ou deux jours auparavant,
par le concours des malades qui nous
-viennent en plus grande quantité.
Lorfqu\'on ne ie trouve point à por-
tée d obferver le régime que je rccom-
îrande, ni de faire vifiter fa bouche , Ci
une dent s\'eft gâtée fans qu\'on s\'en ioit
apperçu , foit par la difpofition des fucs
intérieurs ou extérieurs qui s\'y font por-
tés , foit par négligence ou autrement,
il y a plufieurs moyens pour fe guérir ,
& même pour la conferver, pourvu
qu\'elle\'en mérite la peine , c\'eft-â-dire,
qu\'elle ne foit point trop gâtée, & qu\'il
n\'en réfuke aucun autre accident. Ces
moyens confîftent à détruire les parties
nerveufes, où eft le fiege de la mala-
die : on parvient à ce but par plufieurs
remedes, & par différentes opérations
connues des Dentiftes. 11 y a néanmoins
certaines dents plus difficiles à guérir les
îiîiesque \'es autres ^ foit par la multipli-
cité ou par l\'irrégularité des racines ^
du canal, foit par rapport aux difpo-
Di l\'Art du Demyî\'e. i ^ S
tlons du fujet, & à la qualité de la lym-
phe plus ou moins viciée. ^
Lesiacifives Se les canines delà mâ-
choire fupérieure font les plus faciles
& les.plus promptes à guérir. Les pentes
molaires fupétieures fe guérilfent ordi-
nairement plus aifément que les ^-oUes
molaires ; cependant, quand elles ont
deux racines^, ou que leur canal eft fore
applati & prefque féparé en deux,, la
auérifon en devient plus difficile.. La
aiiérifon des petites molaires inférieures
eft\'^plusaifée, vu la forme de leur canal..
Les canines qui les avoifinent permet-
tent encore aifément de détruire leuE
cordon nerveux.. .
Les diiférens moyens qu\'on em^ploie
pour détruire les cordons nerveux qui
font découverts , font les eflfences
autres liqueurs fpiritueufes, le caurere
actuel, la rugine & le déplacement de
la dent. Quand , par quelqu\'un de ces
moyens, on eft parvenu à nettoyer & ci.
débirrader exadement la dent de tou-
tes les particules de carie, qu\'elle n ett
plus du tout fenfîble , que le froid\'om
le chaud n\'y fait plus aucuie impreffioa^
alors ceitêdeiit çmntbienplo-|-ee,nei^
\'9C m-
-ocr page 140-x}6 De I\'An du Dentifte.
gâte plus, ne donne aucune odeur , iè
/erc à la maftication audi paifaitemenc
que les autres. Voici la façon d\'opérer,
pour parvenir à rendre ces denrs in-
fenfibies.
Si c\'eft quelqu\'une des incilives ou
des canine\'s qui faffe du mal, il faut fé-
parer fuffifamment avec la lime la dent
gâtée, & en emporter toute la portion
marquée de carie avec une rugine plate
& pointue en forme de bec de perro-
quet, Si cetre rugine ne fuffit pas pour
enlever exactement toute la carie , on
acheve l\'opération avec une rugine plus
iîne , faite en forme d\'haleine , mais
un peu plus courbée vers la pointe. La
carie étant bien nettoyée, le canal fe
trouve à découvert, & l\'on atteint aifé-
ment le nerf. Alors prenant une rugine
pointue à trois faces, & détrempée en
partie, on l\'introduit le plus avant qu\'il
le peut dans le canal de la racine, pour
e» détruite le cordon. Cela f-ait, on trem-
pe du coton dans l\'effence de canelle
ou de girofle, ou dans l\'efprit de vin,
& on i\'ijîtroduit dans le canal fe plus
avant qu\'il eft poffible. On l\'y laiffepen-
imt quelques fours j & on réitéré deu4
De l\'Art du Dem\'ijfi^ i ï7
ou rrois fois la même cliofe , en portant
au fond du canal la rugine à nu , poi^r
achever de détruire les nerfs. Pour ne
point trop irriter les parties, il faut met-
tre entre chaque opération deux ou trois
jours. Quand , dès la premiere fois , O\'U
peut parvenir à porter la rugine alf.,.z
profondément pour tortiller, écrafer, eu
même emporter le cordon, l\'opération
dans la fuite n\'eft plus douloureufe , &
la dent malade eft promptement guérie.
Mais fî on ne fait que piquer le nerf ,
fouvent le cordon s\'enflamme & caufe
de vives douleurs qui quelquefois ne fe
terminent c|u\'après la fluxion \\ d\'ailleurs
le nerf ne meurt pas toujours, il faiït
donc , en pareil cas, détruire tout à fait
le cordon avec fa rugine, ou avec le
cautère aétuel, ou plus fûrement encore
®n luxant la dent. Autrement, fi le cas
l\'exige , il faut en venir à l\'extraCïion.
La rugine dont on fe fert, doit être
faite d\'une pointe feche d\'acier quarrée-^
telle qu\'en ont les Horlogers & les Gra-
veurs. On la détrempe un peu du bout „
îant pour l\'empêcher de caffer dans le
Canal , que pour pouvoir l\'affûter la
fendre aufE pointue qu\'une groffe aiguille^
î 1.8 Di VArt du Dcntlfle.
Eile doit être affilée de la îongueuï
d\'enviroii deux tiers de pouce , & a
trois paiîs. U faut que le corps de l\'inf--
tramtnt foit quané & long d\'environ
un demi-pied. On ne fe fert gueres de
cette rugine, que pour les dents qui
n\'ont qu\'une feule racine.
A l\'égard des greffes molaires, quand
leur nerf eft tellement découvert, que la
rugine peut aifement ie fa i fir , il faut
l\'emporter & ie détruire s\'il eft pofîi-
ble, avec la rugine , ou avec le cautère
adaeL S\'il n\'y a qu\'un feul nerf appâ-
tent , ou que ceux des autres racines ,
par la peciteffe des trous qui y condui-
fent , ne puifTent être atteints , alors la
cura de la dent ne peur manquer d\'être
fort longue. Il en eft de même quand
la carie qui a miné en partie le corps
de la dent, a détruit les extrémités & les
ramifications des nerfs; car alors ces
nerfs fe retirent au fond du canal des
racines, & peuvent d\'autant moins être
atteints ., que les canaux font fouvent
furt étroits aux dents de la mâchoire
fapérieure, d-c fort applatis « celles de
Ja mâchoire inférieure. A l\'égard de
celiis ci pouitant^ leur pente naturelle
Be I*Art du Dentijls, i r 9
^att que les effences ou les liqueurs s\'in-
^inuenc plus facilement au fond du ca-
nal , Se détruifeiit le refte du nerf.
Les rugines les plus convenables pour
^ss molaires, font celles qui font faites
^naleines, c\'eft à dire, pointues ôc dé-
liées. 11 faut qu\'elles foient plus ou moins
bourbes , fuivant l\'endroit de ia dent
^ui fe trouve affedé. Les fondes qui
Servent à reconnoitre la carie des denrs,,
^ont préférables dans certaines circonf-
^ances, parce qu\'étant détrempées, on
leur donne la forme qu\'on veut, & que-
ues fondes font d\'un côté allez plates
^ alfez pointues , pour paffer dans l\'in-
\'^efftice des dents même les plus ferrées..
^eur pointe peut encore attendre les
^firfs qui occupent les canaux des raci-
nes inférieures , le côté oppofé qui
®ft aufli fort menu vers fon extrémité
peut dans certainscas, plus facilement
^"e routes fortes de rugines, aller cher-
^l^er & joindre le nerf dans les racines
^es dents fupérieures.
Il faut, pour îa deftruélion du nerf ^
par rapport aux différens cas qui fe pré-
sentent , erre pourvu de trois rugines ; k
g!-"emiere faite d\'une pointe fecheg de
.Â
J to De t An du Dentlfts-.
la grofTeur d\'une force aiguille acoudr®^
& fufif.irnmeut détrempée poar qu\'é-
tant doxible, elle s\'accommode à la foc
me du canal ; la fécondé, dont la pointe
fou de la gralfeur d\'une moyenne aiguil-
le, & la troifieme encore plus fine. Oa\'
en aura , par ce moyen , de proportion-
nées aux différens diametres des canaux
où elles doivent être portées.
La rugine peut encore fervir â cau-
térifer les dents, lorfqu\'elies font trop
fenfibîes : on peut la faire rougir ,
îa porter dans le canal feulement une
ou deux fois le plus avant qu\'il ejl pof-
fible. Cette opération ne fera pas moins
douloureufe, mais la denc fera plus
promptement guérie , en obfervant de
bien bourrer le fond du canal d\'un coton
imbibé d\'elfence, ou de quelque efprit.
il ne fiut pourtant pas fe figurer que
par ces opérations différentes, c\'eft-a-
dire, avec le caurere ou la rugine, en dé-
truifant le nerf, on fe trouve guéri dans
îe moment : affez fouvenr, au contraire,
il faut s\'attendre à fouffrir pendant quel-
ques jours. De plus, la dent, pendant
ce tems-l! , eft ordinairement molle SC
douloureufe, fuivant que la membrane
qui
-ocr page 145-Bc l\'Art du DentlJle\', Tit\'
C|iû tapifle les parois du canal & le cor-
don vers Texcrémité de la racine ont été
plus ou moins tourmentés, ou qu\'ils fonc
comprimés plus ou moins par le co-
ton , ce qui les fait périr. Le périofte
qui recouvre l\'alvéole & la racine s\'en-
flamme & fe gonfle quelquefois au point
de produire une fluxion affèz vive : mais
fi le nerf a été totalement emporté par
la rugine , ou brûlé par\' le cautere , le
malade eft bientôt guéri. Au refte , ces
accidens font plus ou moins confidéra-
bies, & la guérifon de la dent plus ou
moins prochaine, fuivant les difpofitions
du fujer.
Quand il y a quelque tems que les
dents font mal, qu\'on y a fenti des élan-
cemens, & qu\'on a négligé de recourir
au Dentifte , dès que la rugine eft intro-
duite, elle fait d\'ordinaire évacuer un
abfcès qui fe trouve , foit" dans le cor-
don , foit dans le canal, & la matiere de
cet abfcès eft fanguinolente , lorfqu\'elle
n\'eft pas aflez cuite ; mais auffi-tôt que
le fluide eft forti, le malade eft foulage.
Si l\'abfcès eft bien formée le cordon
fe trouve alors ordinairement tout-à fait
détruit ; mais s\'il n\'y a qu\'un engorge-
Tome /. L
-ocr page 146-szz T)e tAn du Dmtljle.
ment & un gonflement, on tâche à l\'inf-
tant de le détruire, par le trépan ou par
ie cautere aduel qu\'on infinue jufqu\'au
fond du canal, il eft rare alors qu\'on
foit obligé d\'y retoucher de huit ou dix
jours, fi\'ce n\'eft pour plomber la dent,
après en avoir ôté le coron. L\'évacua-
tion du fluide, foit dans le canal ^ foit
dans les membranes du cordon , fe fait
beaucoup mieux avec la rugine quej\'ai
décrite qu\'avec une aiguille à coudre
détrempée , ou avec un camion fans tête
qu\'on fait entrer avec une pince dans le
canal de la racine, comme le confeilie
M. Fauchard.
La rugine à pointe féche fert encore
à trépaner une dent ufée , qui fait foup-
çonner quelque dépôt dans ie canal,
ou quelque embarras dans le cordon.
En tournant cet inftriiment dans. les
doigts, vers fon extrémité quarrée , fa
pointe qui eft en forme de trépan pet-
foratif ou de foret, fe porte à l\'endroit
où le canal fe manifefte, par la couleur
qui le diftingue de la dent. On parvient
ainfi promptement\'au canal, & on fait
jour au fluide qui l\'engorge ou qui_ s\'y
irouve épanché, ce qui foulage à l\'inf-
De VArt du Dmtifiei
tant le malade. Cet inftrument convient
beaucoup mieux pour cette opération ,
qu\'un foret monté fur fon chevalet , qui
par le moyen d\'un archer, perce la dent
ou le canal : opération embarralîànte
pour ie Dentifte, & effrayante pour le
fujet. Ces fortes de rugines flûtes en
trépan, font encore très-commodes pour
faire une place aux tenons, c\'eft-à-dire,
pour en agrandir le canal , & font
préférables à YéquarriJJoir ^ g^avé dans
"Ouvrage de M. Fauchard^ tome II,
planche 53
Dans une brochure in-ii. qui vient
de paroîtrc, on trouve gravé un inftru-
ment propre, dit-on, à trépaner les
dents J mais il m\'a paru peu utile par les
inconvéniens que j\'y ai remarqués,
toute l\'action de l\'inftrument dépend
-du fujet qui lui donne plus ou moins de
force pour perforer ia dent malade, en
le mordant ou le ferrant avec la mâchoire
oppofée. Or , pour peu que la dent foit
douîoureufe, & même au moindre aga-
cement que reffentira le malade pen-
dant l\'aétion de l\'inftrument , je laiffe
juger s\'il continuera d\'appuyer j &
d\'en aider l\'opération. Pour que l\'inftru-
Lij-
-ocr page 148-Il 24 De VAn du Dentîjle.
laent pûc opérer fon effet, il faudroic
que toute fan aélion dépendît de l\'ope-
rateur & non des malades, dont il ne fauE
jamais rien attendre, & qui, bien loin de
contribuer à fe faire le moindre mai, cher-
chent tant qu\'ils peuvent à fe fouftraire
au mai le plus inévitable. 2°. On nous
dit que cet inftrument eft deftiné fur-
tout pour les dents molrares, parce que
tflut autre inftrument ^ felon l\'Auteur j
n\'eft pas propre à ttépaner ces fortes de
dents, vu la dureté de. leur émail. On
ajoure que par fon moyen, l\'émail le
corps de la dent molaire font perforés
teès - promptement. Mais comment un
Dentifte ne fait il pas qu\'on ne trépane
que des dents ufées & détruites en par-
tie par les dents oppofées ? Comment
ignore-1- il qu\'alors , non feulement l\'é-
mail de la dent eft entièrement détriùt,
niais que le corps mênie de cette dent
eft tellement altéré, que toute la dou-
leur ne provient que du nerf qui fe trou-
ve à jour,"ou qui eft irrité, foit par le
frottement, foit par quelque autre caufe
extérieure d\'où provieiU u!i abfcès qui
fe trouve r^nFermc dans le caiial ? Ainii,
j.^uand ii eft queftion de trépaner une
De VAn du jyenùftë* l 2 5\'
dent, queüe qu\'elle foit, ou d\'en ou-
vrir le canal pour donner ilFue a Thu^
meur qui produit les accidens, L\'opéra.-
lion eft facile & d\'autant plus prompte ,
que rinftiument a fort peu de trajet â
faire pour parvenir dans le canai, l\'en-
droit oi^î il faut opérer fe fait aifément
appercevoir par la couleur différente
qui fe trouve, fur le corps de la denc
ufée , qui en cet endroit eft beaucoup
moins dur, en forte que la moindre ru-
gine fuffit fouvent pour l\'opération. Je
crois donc que l\'inftrument en queftion
ne peut être d\'aucun ufage pour perforer
les dentSi
Lorfque la dent né fait plus de mal
que le cordon en eft détruit, & que le
canal eft vidé, il faut garnir exaélemenc
la dent avec des feuilles d\'or 0« de plomb,
& cette dent fe conferveranomhre d\'an-
nées. 11 arrive cependant quelquefois
que îa dent, quoique bien plombée 3,
devient douloureufe.
C\'eft alors le périofte qui caufe le mal,
& non le nerf qui n\'exifte plus. 11 fur-
vient même affez fouvent la premiere
année une fluxion plus ou moins con-
fidérable j fuivant les dïfpofitions du
L iij
-ocr page 150-Ji ^ D& VÂn du Benùfie.
fujet, & qui fe termine ordinairement
par quelque petit abfcès dans la gencive
mais à la moindre iffue qu\'on donne à
la matiere qui le forme , le malade fe
trouve guéri : il ne refte alors qu\'un
petit bouton fiftuleux qui va & vient, j
mais qui n\'a rien de dangereux , & on
eft quitte des douleurs de cette dent. _
Toutes les dents dont on a dctruic
le nerf, font fujettes à produire cet
effet : cependant il faut obferver que
quand , après la deftrudion des nerfs ,
il fe forme quelque petit dépôt dans les
gencives , les denrs font alors ordinai-
rement exemptes de fîuxion , au moyen
du petit bouton fiftuleux dont je viens,
de parler.
■ Les perfonnes qui ne voudront pas
fe foumettre à la guérifon de leur dent
par la voie de la rugine ou du cautcre ,,
qui voudront s\'en tenir à l\'application
des effences, pour éviter certaines dou-
leurs paffageres 5 courent rifque de s\'en
préparer de très-longues, fur-tout aux
dents de la mâchoire fupérieure, où par
leur pofition l\'efTence ne peur jamais pé-
nétrer affez profondément. 11 eft d\'ail-
leurs incertain de pouvoir les guérir par
Dc tin du Dentijîe. 117
îa fimple application du remede, par-
ce que le nerf eft quelquefois retiré
vers le fond du canal, & qu\'on ne peut
gueres compter fur l\'efficacité.des effen-
ces , même aux dents de la mâchoire
inférieure, quoique leur pente naturelle
favorife l\'adion des liqueurs. En eftetj,
on voit afîéz fouvent qu\'après avoir\'fait
iifage de-ces effences pendant fix mois j
& même des années entières, il en faut
venir à l\'extraclion des dents. Cepen-
dant , lorfqu\'on peut gagner un tems Ci
confidérable, on les conferve pour la
plupart, de on parvient à les plomber
ïans douleur , foit que les nerfs aient
été détruits par l\'efTence ou par la for-
ce du mal , & par les fiuxions qui
furviennent pendant l\'application des
remedes , 5c qui, en gonflant le cordon ^
le font aflez fouvent périr, foit que l\'hu-
meur acide qui produit les douleurs ait
ceffé de fe porter aux parties nerveufes ,
ou les air détruites. Enfin , après avoir
bien foufFert& avoir fuppor ré le mal avec
plus ou moins de patience, on fe trouve
infenfiblement guéri ^ mais il arrive quel-
quefois J par les difpoficions du fujet, ou
par la grande acidité de l\'humeur, qu\'on
L iv
-ocr page 152-î2§ De TArt du Demlfle.
eft forcé, par la violence èn mal, de
crifier ia dent. cependant obfer-
ver que le;? e/Tences j routes les li-
queurs fpiritueufes étant réfolutivesdans
le cas d\'inflammation & d\'engorgement
du cordon, elles peuvent les réfoudre
les difliper ; ce qui foulage le malade
pour quelques momens. De plus, les ef-
fences font un peu cauftiques & defli-
carives,, en forte que fi le nerf eft déj.a
entamé ou excorié , foit par la rugine j
foit autrement, elles peuvent mordre
davantage, & le détruire plus promp\':e-
inent. Mais ii fmt que le malade foie
patient, & puilTe. fupporter les douleurs
trcs-vives que fait quelquefois le nerf,
avant que de périr & en périftant.
Si ies elfences par elles-memoes ne
font pas fort eflïcaces pour la deftruc-
lion des nerfs , il faut avouer auffi que
l\'opération de la rugine, & celle du
cautere, ne réuffiffent pas toujours. On
fait que chaque racine a fon nerf, &
qu\'ils viennent tous fe réunir par-deftiis
Ja voûte de la dent pour fe diftribuer
dans fa fubftance, de façon qu\'il peut
alfez fouvent ne s\'\'en trouver qu\'un à
découvert. Or, les inftrumens nonplus
Be t An ill Bentlfis. ii^
que les eiTences, ne pouvant agir que fut
le plus apparent des nerfs, & ne faifatK
qu\'irriter les autres, la dent refte long-
tems fenfible, & devient enfin fi doulou-
reufe que, pour être guéri radicalement,
ii faut quelquefois en venir à l\'extraétion.
C\'eft la même chofe quand le nerf eft
irrité, foit par la carie, ou par l\'hu-
meur qui corrode & mine la dent, fait
par le fé-jour de quelques alimens , par
celui du limon ou de la falive qui s\'y
porte , ou par l\'air qui frappe la partie
découverte , foit enfin par l\'humeuc
acide qui pénétré jufqu\'au cordon ,
qui pique fes parties nerveufes. Toutes
ces caufes qui produifent des vives dou-
leurs, rendent la deftrudion des nerfs
difficile & quelquefois impraticable
ce qui oblige d\'ôter la dent pour tran-
qui lifer le malade. Cependant, fi cette
dent n\'eft pas tout-à-fait.gâtée, & fi.elle
peut tenir le plomb , il faut la confer-
ferver, tant pour la maftication qui eft
une fondion effentielle , que pour em-
pêcher les joues de creufer, & prévenir
a perte des dents de devant ; car, lorf-
qu\'on eft privé des molaires, le choc
des dents de la mkhoiie iuférieuie fui
3 3® De r An du DentlJle.
celles d\'en haut, fait qu\'elles s\'ébran-»
lent réciproquement, & qu\'elles s\'u-
fent les unes les autres. En général, on
ne peut trop s\'attacher à chercher tous
les moyens poffibles d\'éviter l\'extrac-
rion des dents, quelles qu\'elles foient,
& en quelque état qu\'elles fe trouvent.
Si la denr gâtée eft une dent de devant,
îl faut toujours la conferver, en détrui-
fant les parties nerveufes par cous les
moyens dont on a parlé.
Lorfqu\'une incifive ou une canine eft
tellement gâtée qu\'elle en eft noire
difforme , n on eft forcé de l\'ôter par la
feule douleur qu\'elle produit, fans au-
cune autre \' maladie à la gencive ou â
l\'alvéole, il faut au moins ménager fa
racine pour y ajouter une dent à tenon.
On doit faire la même chofe , lorfqu\'il
refte une racine dont la dent s\'eft déta-
ché® , foit par l\'effet de la carie , foit par
quelque chute ou autre accident.
On voit affez fouvent, comme je l\'ai
dit , qu\'après une fluxion violente & un
dépôt dans la gencive, produit par une
dent gâtée, auffi-rôr que la matière eft
évacuée, la dent ne fait plus aucun mal,
mais devient de fois à autre un peu mol-
De t Art du Denûjle. 13: î
îe, un peu douiouteufe, ce qui ne dure
pas loiîg-cems, & même affez fouvenc
îi\'empêche point de manger fur cette
dent ou fur fa racine. Dans ce cas, ii
faut retranciier avec fa rugîne & avec la
lime, la portion de la dent ou de la ra-
cine qui eft atfedée , la féparer de la
dent vo,iiine qu\'elle gâteroit infaillible-
ment, la bien plomber. Bien des per-
fonnes qui ont eu plufteurs dents calfées^,
en ont conferve les racines qui leur
rendent de bons fervices , & prefque
autant que les dents. Il ne faudroit donc
Gter ces racines que quand elles font
devenues trop douloureufes. Or, en ce
cas, quand une perfonne veut fe faire
ôter des dents, ou feulement des racines ,
parce qu\'elles ne font point dans fa bou-
che un effet aftez agréable, ou dans la
crainte qu\'elles n\'en gâtent d\'autres , le-
Dentifte doit lui repréfenter le tort
qu\'elle peut fe faire, attendu qu\'il 7 a
des moyens pour empêcher que les raci-
nes ou les dents gâtées n\'affeârent leurs
voifînes ; outre qu\'il y a certaines dents
gâtées & certaines racines, dont cet effeE
n\'eft point à craindre.
£nfm , il faut qu\'un bon Dentifte
-ocr page 156-i 3 i ï)e VArt du Dentijsi
n\'ôte les dents que dans le cas ou leur
extraârion ell abfolument néceffaire, ôë
après avoir mis en uiage tous les reme-
des difFérens , toutes les opérations qui
peuvent en procurer la confervationj
Quand j\'ai inlifté fur l\'importance qu\'il
y a de conferver les molaires, on doit,
â plus forte raifon, femir com.bien il eft
utile de conferver les dents de devant.
Ainfi je ptds me difpenfer de m\'arrêter
à celles-ci.
C\'eft ici l\'endroit de placer le détail
de Topération que j\'ai trouvé la plus
sûre, la plus facile & la plus prompte ^
50itr détruire les nerfs des dents. Je pu-
sliai il y a quelques années , dans une
lettre J un précis de cette méthode, que
je me réfervois de développer dans un
ouvrage plus étendu. Je vais remplir moii
engagement, & décrire m.on procédé,
de maniéré que tout Dentifte fera en état
de l\'exécuter avec autant de fuccès que
je le pratique moi-même.
De l\'Art du Dentifte. 13 3
Rupture des parties nerveufes par la.
luxation de la Dent,
Il y a plufieuL-s chofes à obferver pour
léuffir dans la rupture des parties ner-
veufes.
11 faut reconnoitre d\'abord^ fi les dou-
leurs 0|Ua la dent caufe au malade pro-
viennent des nerfs qui occupent les ca^
naux dentaires , comme quand ces nerfs
fe trouvent à découvert par l\'effet de la
carie, ou par quelque éclat confidérable
de la dent, ou lorfqu\'ils font irrités par
le fi-otteraent de la dent oppofée qui aura
détruit une partie du corps de la dent
malade, ou fi, fans que cette dent foic
gâtée , ufée, ni relâchée, le mal ne vient
pas de l\'engorgement ou de l\'irritation
qui fe fait quelquefois dans le cordon;
car fi la douleur n\'efl: produite que par
le périofle, comme il arrive affez fou-
venr, l\'opéracion que je propofe, au
lieu de foulager le malade , pourroig
a.igraentet le mal. Pour ne point coiiî&et?
s D-e r Art du Denûjle,
dans aucune méprife, voici les fîgnes
difFérens qui feront diftinguei" les cas où
l\'opération eft praticable.
1°. Lorfqu\'une dent gâtée fait du
mal, fi l\'imprelîîon du froid & du chaud
la rend plus fenfible, fi l\'air qui s\'y in-
troduit ou la fonde portée dans le canal
augmente la douleur, il n\'y a point alors
à douter que queique cordon des nerfs
qui entre dans la dent ne foit à décou-
vert; & dans ce cas, l\'opération ne peut
maîiquer de réuffir.
Lorfque le nerf étant découvert
& douloureux, la dent fe trouve ea
même tems relâchée , & eft fojt fenfi-
ble en la touchant, ou dans la rencontre
des dents de la mâchoire oppofée, c\'eft
que le nerf a communiqué fa fenfibi-
lité au pénofte externe qui revêt la
racine, & que l\'un & l\'autre ( le pé-
riode & le nc-rf ) font gonflés, enflam-
més , S)C quelquefois même prêts à
fuppurer. L\'opération alors doit fe dif-
férer jufqu\'à ce que cet accident foit
paffé^ & que la dent foitdevenue folide.
On emploie pour cet effet la faignée ,
& les autres retnedes qui nous font con-
duis. Si, après la faignée & les autres
JDc rAn_ du, Dentijle. 13 5
moyens, le malade continuant à fouf-
frir
ne vouloic pas en attendre l\'effet,
ou 11 le Dentifte expérimenté prévoit
que la douleur fe terminera par quel-
que dépôt confidérable, ii faut, préfé-
ïablement à "notre opération , ôter la
dent fans différer. On doit aufïi fe biea
garder de faire cette opération quand
\' le malade a une fluxion confidérable,
dont il ne veut pas laiiîêr paffer le cours:
le plus prompt remede en ce cas eft d\'ô-
ter la dent. Au refte , tout ceci n\'arrive-
roit point, fi l\'opération avoit été faite
à tems, c\'eft-à-dire, avant que le nerf
eut tranfmis le mal aux parties de la dent
ies plus éloignées. Je crois avoir dit qu\'il
y a des fluxions qui détruifent le cordon,
nerveux; c\'eft encore un cas où l\'on eft
difpenfé de l\'opération.
Si une dent gâtée , mais infenfî-
ble au froid & au chaud, & même â
l\'impreffion de la fonde, devient dou-
loureufe , ( ce qui arrive parce qu\'elle eft
plus ou moins relâchée, ou molle , &
fenfible dans la rencontre de !a dent
oppofée, ) l\'opération ne doit point être
mife en ufage. C\'eft ici quelquefois le
cas d\'une dent fort gâtée, ou de cç?:\':
#
î 5 (3 Be l\'Art du DentiJIe,
faines racines qui ne peuvent tenir le
piorab. Comme ordinairement le cor-
don nerveux s\'y trouve détruit, les dou-
leurs ne font produites alors que par le
gonflement du périofte , ou par l\'hu-
meur acide qui fe portoit au cordon, &
qui maintenant fe porte en cet endroit,
Ainfi, là luxation de cette dent feroit
non - feulement inutile , mais même
îiuifihle.
4°. Dans le cas où l\'opération peut
avoir lieu, fi la dent eft tellement min-
ce & rongée paria carie, que le plomb
ne puifFe pas tenir , il vaut beaucoup
mieux l\'ôter tout d\'un coup, parce que
les dents qui ont été trop maltraitées de
la carie, & qui ne peuvent garder ie
plomb, fe minent toujours de plus en
plus, en forte qu\'on ne tarde pas à les
perdre. La feule raifon qu\'on pburroit
avoir pour conferver une dent en cet
état, feroit d\'en ménager la racine pour
fervir de bafe à une dent poftiche.
5°. Il faut, avant que d\'opérer, confî-
dérer encore fi la dent eft aflez folide,
^^ fi.les parties qui la foutiennenr ne font
point trop appauvries. Si cette dent fe
irouve gâtée dans une de fes parties laté-
rales.
De VArt du DentlJle. i^j
taies, il faut, fuivant l\'exigence du cas,
la féparei" par les moyens convenables. Si
la dent n\'eft point ou n\'eft que très-peu
fenfible à la fonde, ce qui arrive quand
les nerfs font retirés dans le canal vers
l\'extrémité de la racine , il vaut mieux la
plomber avant qu\'après l\'opération.
S\'il s\'agit de luxer une grolfe molaire
de la mâchoire fupérieure , & que le
nerf d\'une de fes racines du côté de la
joue foit à découvert, ce qu\'on peut re-
connoitre aifément tant par îe progrès
de la carie, que par l\'indication de la
fonde , qui, engagée dans le canal donc
on fait à peu près la route , ne man-
quera pas de piquer ce nerf, s\'il n\'y eft
pas trop enfoncé v il faut faire pour ce
nerf, ainfi dirigé, la luxation plus con-
fidérable qu\'on ne la feroit pour celui
qui occupe le canal de la racine vers le
palais.
Les petites molaires ont quelquefois
deux racines, l\'une vers le palais, l\'au-
tre vers la joue,. C\'eft pourquoi on doit:
faire la luxation plus forte , fi l\'on re-
connoît qu\'il y ait deux canaux , ëc que
le nerf foit à découvert à la racine diî
côté de la joue, on fera très-raremenc
lome L M
J s De l\'An du Dentifïe.
obligé de faire cette opération fur Fes
canines fupérieures , fî l\'on fe fert des
moyens que j\'ai propofés pour détruire
le nerf, tant à ces dents qu\'aux incifives,
avec ia rugine ou ie cautere. Mais fi l\'on
veut opérer fur ces dents, comme elles
n\'ont qu\'une racine, ia luxation fera
snoins confidérable.
Quant aux groifes molaires de la mâ-
choire inférieure, comme elles ont deux
Tacines applaties, & f comme je l\'ai fait
obferver ) difpofées de manière que
chaque racine, fur-toutla racine anté-
ïieure, donne quelquefois pafiage àdeux,
aierfs j dont l\'un y entre à fon extrémité
"vers la joue, &c l\'autre du côté oppofé ,
31 faut reconnoitre la place du nerf, &
déplacer fufHfamment la dent pour le
îompre. Les petites molaires de la mê-
ane mâchoire n\'ont qu\'une racine fort
arrondie & pointue, ce qui les rend fort
faciles à ôter ou à déplacer. Or, quand
il s\'agit de les luxer, ii ne faut pas uo
grand effort pour en rompre le nerf. Pa-
reillement, quand il efl queflion de les
©ter pour les remettre, l\'opération or-
dinairement efl très-facile &c peu doE-
ÎQureufe,
T>e TArt du \'Dentifie. j
Les canines inférieures qiù fe gâtent
îîfîez rarement, mais plus fouvent que
les incifives, demandent dans cette opé-
ration un déplacement un peu pluscon-
fiàérabl& qu\'on n\'en fait pour les petites
molaires, vu la forme de leur racine qui
fe trouve même quelquefois à fon extré-
mité partagée en deux. En£n,d fiut luxer
la dent plus ou moins, fuivant fa nature
& la difpofîtion des parties nerveufes
qui produilent le mal, pour en opérer la
rupture à l\'extrémité des racines, qu\'on
oblige ainfi de changer de place , ou de
s\'éloigner plus ou moins au fond de l\'al-
véole. Et pour s\'alfurer de la rupture du
nerf, il vaut mieux faire la luxation in-
complette plus force , que de la faire
trop foible.
L\'opérationque je propofefe fait par le
moyen du pélican, comme s"*!! s\'agiffoic
d\'ôter la dent malade, fi ce n\'eft que
cette dent ne doit être renyerfée qu\'en
.^arne, & par conféquent à demi-tirée de
\'alvéole, ce qui forme une luxation in-
complette Aufli-tôt qu\'on a déplacé la
dent , on îa ramene dans fa fituacion na-
î:ureile , avec l\'index de la main oppo-
fée à celle qui tient îinftrument : l\'opé-
140 De VArt du Dentijie.
ration eft faite en deux fécondes, & plus
promptement que I\'extradion même d\'u-
ne dent. Il faut alors examiner fi la dent,
remife à fa place, conferve quelque ten-
dance vers Tendroit où elle vient d\'êrrs
luxée, comme il arrive quelquefois, par-
ce que l\'alvéole qui a fouftert un écarte-
ment de ce côté-là a perdu pour le mo-
ment fon reftbrt : ce qui fait que dans la
rencontre de la dent oppofée à celle-ci,
les éminences & les cavités des deux
dents ne s\'enclavent plus comme aupa-
ravant les unes dans les autres j d\'où il
s\'enfuit que la dent luxée ^êne dans la
maftication, & peut caufer quelque dou-
leur. Il y a plus, pour peu que cette
dent conferve de pente à fe porter du
côté delà joue où la luxation s\'eft faite.,
elle laifle de l\'autre côté, entre fa racine
Se l\'alvéole , un vide qui l\'empêch-e
de s\'affermir parfaitement. Car le pé-
riofl:e &c les vaifféaux du collet étant
de ce côté-là défunis de la racine , fi la
dent fe trouve alors éloignée tant de
i\'alvéole que de la gencive , les vaif-
féaux de celle-ci ne s\'attacheront point ,
ou nefe réuniront qu\'imparfaitementau
coliec, parce qu\'ils n\'eu font pas affez
Be VAn du Benûfie. 14«
près pour s\'y accacher. 11 en eft de même
du périofte, quand la racine n\'eft pas
exaftemenc adhérente à l\'alvéole. Tous
Ces petits inconvéniens font inévitables
dans l\'opération , mais on y remédie
aifément. 11 ne faut qu\'avoir l\'attention
de pouffer pendant le jour avec le doigt,
d\'inftant en inftant , la aent luxée du
feus contraire à fa pente, & de l\'y
niaintenir quelque tems , pendant que
I on fait mordre au fujet un morceau de
liège : on lui fait perdre par ce moyen
Cette pente incommode. Quand les dents
Voilines fubfiftenr, pour empêcher cette
tendance, il vaut encore mieux fe fervir
d\'un fil, C\'eft-là le cas de l\'employer ,,
non aux d^ts totalement ôtées & re-
naifes, comme l\'a fauifement prétendu,
le mauvais critique de ma lettre. On
prend pour cet effet un fil affez fin ; on
en paffe un bout d\'un côté entre les deux
dents les plus voifines; l\'autrebout, ou
celui qui fe trouve du côté de la joue ^
fe paffe auffi tout de fuite du côté op-
>ofé entre les dents les plus proches de
a dent malade, & les deux bouts qui
fout alors en dedans de la bouche , otï
^eâ fait repaifer Ôc fordr en dehors da
r? t De VAn du Dentifïe,
côié de la joue. Chaque bout de fil en-
toure de chaque côté la dent voifine ;
enfuite on réunit ôc on noue les deux
bouts de fil fur la dent malade, à fa face
externe vers la joue, où la dent Te trou-
ve un peu inclinée, & la face oppofée
fe trouve en liberté. Le fil appliqué de
cette façon la retient dans fa direction
naturelle , & facilite la réunion , tant de
la gencive au collet de la dent, que
du périofte à i\'alvéole & à la racine. Si
la dent qu\'on a luxée n\'a pu être plom-
bée avant l\'opération , elle p8ut l\'être
apiès, & avec d\'autant plus de facili-
té qu\'elle eft maintenant infenfible. Le
mieux cependant efl d\'attendre qu\'elle
fôit bien confolidée. Mais il faut tou-
jours, après l\'opération , faire mordre,
comme j\'ai dit, un morceau de liege ,
qu\'on met de tems en tems pendant 24
heures fous la dent luxée, ôc qu\'on ferre
peu chaque fois, mais de plus en plus
fucceflivemenr. En même tems qu\'on
mord le liege, il eft bon auffi de tenir
dans fa bouche, du côté malade , quel-
que eau aftringente , ou , à fon défaut ,
de bonne eau-de vie. Si ces eaux em-
ployées pures, parce qu\'elles font alors
De VArt du Dentïjfe. 141
pîus d\'efFec, paroiffent tfop fortes, on
pourra les corriger avec un peu d\'eaiij
îiede. Le lendemain de l\'opération , il
faut ôter le fil, &• ne plus mordre le liè-
ge , mais continuer feulement d\'ufec
trois ou quatre fois le jour de quel-
qu\'une des eaux que j\'indique j. jufqu\'à
Ce que la denc {oit folide. Alors il fuf-
fira d\'en employer un peu les matins
Svant que de fe néroyer la bouche. En;
ceffant l\'ufage du morceau de liège , il
faut à chaque repas , après avoir broyé
^es ahmens du côté fain, les promener,,
^ en achever la trituration du côté ma-
\'ade. Il n\'y auta que le premier mofiient
qui foit douloureux ; car à mefure qu\'on
mangera, la dent fe trouvera beaucoup
moins fenfible. Cette derniere attention
Êfl très-néceffaire, parce que la préfen-
ce des alimens fait une légere compref-
fion , tant aux gencives qu\'au pénofte
^ à l\'alvéole , & que cette compreflion.
f^haffe le fluide qui peut s\'y trouver ar-
^«é ■ la dent devient ainfi plutôt infen-
fible , & plus promptement raffermie ^
Ce qui la met en peu de jours en état
bien Lrifer & de bien moudre ks
^iimens folides^
î44 l\'^rt du Dentijîâ,
Avant que d\'établir ici les avantage^
de la luxation , voyons fi elle a quelques
inconvéniens, & commençons par ex-
pofer de bonne fiai ce qu\'une pratique
de pUifieiu\'s années m\'a mis à portée de
connoître.
Je n\'ai vu qu\'un feul accident fur-
venir après cette opération à certaines
perfonnes , & il n\'eft prefque jamais
confidérable. C\'eft uîie petite fiuxiou
qu\'on eifuie quelquefois plus ou moins
de tems, après que la dent eft raffer-
mie j mais je puis afiirmer que fur le
nombre de plus de fix cents perfonnes
qui, j\'ai luxé des dents , il n\'eft furvenU
de fluxions un peu fortes quelque mois
après qu\'à deux perfonnes feulement \\
que ces fluxions ont fini par un petit
dépôt qui s\'eft diilipé auffi-tôt que h
matiere a eu jour, & que depuis ce?
deux perfonnes ontconfervé leurs dents
faines , fans éprouver la moindre dou-\'
leur. Or, on peut attribuer ces fluxions
à la difpofition des fujets , c\'eft à-dire,
à une trop grande pléthore, ou à queh
que autre caufe purement mterne. Ces
petites fluxions ordinairement n\'inté-\'
reffent que le périofte commun à la ra\'
ciiit
-ocr page 169-De VArt du Dentijle. Y^f
due de k dent à l\'alvéole , ce qui
â^end, pendant deux ou trois jours la
dent molle & douloureufe au toucher,
tellement qu\'on ne peut manger delTus.
On fait promptement palfer ces fortes
de fluxions à force d\'eau ou de laie
tiede ; Ôc Ci par hafard elles devenoienc
opiniâtres, comme il efl arrivé âmes
deux malades, il faudroit en arrêter le
cours, tant par la faignée 5c les lave-
mens , que par les cataplafmes con-
venables.
Mais pour un petit nombre de per-
fonnes dont les dents après la luxation
font devenues molles & douloureufes
pendant quelques jours, combien en
eft-il qui^n\'y ont pas reffenti la plus
légere altération? Toutes les perfonnes
qui obferveront de manger habituelle-
ment fur une dent luxée, quand elle
fera devenue capable de fes fondions
ordinaires, ( ce qui ne manque point
d\'arriver au bout de quelques jours ) Sc
qui avec cela auront foin de fe laver le
ïsiatin la bouche avec quelque eau af-
tringente ou de l\'eau de vie, éviteront
prefque toujours ces petits accidens paf-
fagers. 11 ne faut point fe figurer que cç
Tome I. N
-ocr page 170-j^G DcVAnduDenùfie.
foit le nerf, qui., en reprenant, les pro-^
duit. Hs proviennent du périofte, foie
qu\'il fe trouve irrité par l\'iuraeur acide
qui auparavant fe portoit au cordon
rompu, foit qu\'il y ait un engorgement
caufé par la trop grande pléthore. Quoi
qu\'il en foit, il eft certain que quand ces
petits accidens fontcelfés,^ on n\'en doit,
plus craindre le retour , parce qu\'il fe
forme à la gencive, une efpece de buk
fce ou de petit bouton , qui paroît & dif-
paroît de tems en tems, après avoir laiA
ié échapper un fluide plus ou moins fé-
ïeux, & qu\'on peut ici regarder comme
îin cautere naturel. Comme ce bouton
ai\'a rien de dangereux ^ qu\'il n\'attire
aucune incommodité, & qu\'il n\'eft mê-
lîie un peu douloureux que quand il eft
rempli du fluide; ne feroit-ce point le
fuperflu du fiic nourricier de la dent
qui fe fait jour par-là? Ce fiic, avant la
deftcudion du cordon nerveux,_ fe por-
toit dans le corps de la dent, mais main^
tenant elle n\'eft plus nourrie que par le
périofte du côté des racines; il faut donc
qu\'il reflue quelque part. Après tout,
les mêmes inconvéni ens qui fuivent quel-
quefois notre opération, font prefque Ixi\'
De l\'An du Dentlflet ï^yi
réparables de celles qu\'on fait pour dé-
truire les nerfs, foir par les effences, foie
par le cautere , foit par la rugine. Il ar-
rive aflez fouvent^ qu\'après ces différen-
tes opérations, on eifuie une fluxion
que la difpofition du fujet rend plus
ou moins confidérable, & qui, comme
je l\'ai fait voir , fe termine par un pareil
bouton aux gencives. Quant à l\'idée
«u\'on pourroit avoir que la luxation efl:
capable d® fuites encore plus fâcheufes,
comirie dépôt, finus fifl;uieux. Se autres
inconvéniens de ce genre , rien de tout
cela n\'efl; abfolument à craindre , & le
grand nombre d\'expériences que j\'ai
faites avec fuccès, iufl:ifie l\'innocence de
opération. Paflbns maintenant à fes
avantages.
: L\'opération du déplaceront & du
replacement d\'une dent, ne dure, com-
n^ej\'aidéja dit, que deux fécondés. L\'ex-
traction efl:à peu près auffi prompte, mais
eft certainement bien plus doulou-
feufe , fur-tout quand l\'alvéole fe trouve
®nchylofé avec la racine, par loflifi-
cation du périofte qui leur eft com-
"nin , ou lorfque cet alvéole fe fraéture
P-"^!-\' récattement qu\'il eft forcé de fouf-
De VArt du Dcntifie,
frir pour donner paffage aux racines j es
qui fait qu\'on emporte allez fouvent une
portion ds l\'alvéole attaclîée à la racine
4e la dent.Mais quand l\'extradtion d\'une
dent n\'auroit jamais de fâcheufes fuites,
& que tout fe borneroit au mal aduel
qui n\'eft que trop vif, les dents voi-
lines s\'en relTentent toujours un peu.
Quelquefois même la gencive eft déchi-
rée par quelque mouvement dont le
fujet n\'eft pas maître, & que la douleur
lui fait faire au milieu de l\'opération.
D\'ailleurs, l\'abfence de cette dent af-
foiblit nécefîairement les vpifmes qu\'elle
j^outenoit, ainli qu\'elle en étoit foi te-
nue. Si dans le déplacement de la dent
l\'alvéole fe trouve enchylofé, oufe frac-
ture 5 comme cela peut arriyer , quand
il offre troj^ de réfîîlance ^ & qu\'il faut
«mployer beaucoup de force pour en
faire la luxation, alors la pordon fradu-
îée n\'eft pas du moins totalement fépa-
lée du corps de l\'alvéole, ou du moins
«lie refte attachée à la gencive par le
périofte extérieur. Ainfij lorfqu\'elle eft
rapprochée de la maffe , dont elle fait
partie, en ramenant ôc en maintenant la
^giK daas fa poiitipn naturelle, ia ré»^
De VArt du Dentifte, r
nîon s\'en fera promptement par le
moyen du cal, comme fe fait celle de
tous les os; ce qui rendra même la denc
encore plus folide qu\'elle n\'étoit avant
l\'opération, comme je l\'ai remarqué
plufieurs fois» *
Il ell: facile de comprendre que îa lu-
xation d\'une dent eft moins donlou-
" reufe que fon extraction. Car, pour ôter
une dent, il ne fuffit pas fort fouvent
d\'un feul outil, ce qui multiplie îe tra-
vail: on aclaeve ordinairement de la dé-
tacher avec le davier, ou avec la pince
droite , pour éviter un plus grand dé-;
îabrement, tel qu\'il en peut arriver
quand toute l\'opération fe fait avec le
feul pélican, & qu\'avec les doigts on
finit de détacher la denude la gencive.
Il eft vrai que l\'opération eft plus courte"
de cette manier\'e qu\'en y joignant le
davier ; mais lorfqu\'une dent eft caf-
fanre ou trop tenace, on rifque avec
le davier de n\'en emporter que le corps,
en y lailfant les racines.
Dans îa luxation des denrs, on n\'a
point d\'hémorragie à craindre ( comme
îl en furvient quelquefois après qu\'une
N ii|
-ocr page 174-I JO JDe VAn du Denûjle.
denc eft ôtée 1 ), parce que l\'ouverture
de l\'aftere eft bouchée par la préfence
de la dent. La gencive refte aufli bien
enciere fans le moindre délabrement.
De plus , la prompte réunion des parties
offeufes, fait que les dents voifines, au
lieu d\'en fouffrir, en acquièrent pkis de
folidité. Enfin , dans l\'extirpation d\'une
dent, fuppofé qu\'elle ne foit pas adhé-
rente J eft qu\'elle fe détache fans peine
de la gencive avec le doigt, comme en
effet le cas eft fort ordinaire, notre opé-
ration eft encore plus fimple, & par con-
féquent fait moins de mal. Et compte-
t-on pour rien ia perte d\'une dent, cette
perte irréparable à plufieurs égards, &
qui intéreffe toujours plus ou moins la
conftitution ? On fe retranchera peut-
être fur l\'incommodité qu\'on fe repré-
fente, à garder pendaîit quelques jours
ime dent foible douloureufe , que la
ïencontre de la mâchoire oppofée &c la
1 Nota.Une hémorragie furvenue Jans l\'extrac-
tion d\'une denc, n\'embarrafTe point un Dentifïe :
jl y remédie facilement. Je placerai ailleurs quel-
ques obfervations afî\'ez önguiieres fur cet accident.
De VArt du Dentifte. 15. f
hécelîiré de manger defTus, rendront en-
core plus fetifibles. Mais j\'ai indiqué les
moyens de diminuer & d\'abréger les
douleurs. Elles font d\'ailleurs fort peu
de chofe , en comparaifon de celles
qu\'entraîne quelquefois l\'extraélion
d\'une dent, comme ces fluxions qui pro-
viennent du délabrement des gencives ,
inévitable à certaines denrs , par les
raifons que j\'ai marquées.
A l\'égard de la petite gêne que fait
fubir une dent luxée , eft elle compara-
ble à celle que caufe une dent arrachée ?
On fait que pendant plus de quinze jours,
il n\'eft gueres poflible de manger, fans
quelque douleur , du côté de la denc
qu\'on a perdue ; qu\'affez fouvent la gen- ,
cive refte aufli quelque tem«i dotdoureu-
fe , que la langue fe trouve gênée & n\'o-
fe prefque approcher du trou de la dehtj
enfin, que le fuintement ou la fuppura-
tion qui fe fait jufqu\'à ce que la gencive
foit cicatrifée , laiffe dans la bouche un
goût défagréable. Voilà des incommo-
dités donc la luxation eft exempte , &
elle a encore d\'autres avantages.
Cette opération peut-être pratiquée
dans tous les cas où il eft poflible d\'ôter
N iv
-ocr page 176-fl 5 z De t Art du Dent\'jle,-
une denc, U avec les précancions que
j\'ai recommandées, ie fuccès en eft in ■
fuiiible. U n\'eu eft pas de même des
eftences & des autres palliatifs. Après
en avoir fait un long ufage, on eft quel-
quefois obligé de finir par facrifier la
dent. Tous ceux à qui j\'ai luxé des
dents , en ont au contraire éprouvé de
très-promprs efFers, & ont obrenu une-
parfaite guérifon. On s\'apperçoit fenfi-
dement du fuccès de l\'opération : plus
on fouftle avant que de s\'y réfoudre
plus on fe trouve calme après qu\'elle eft
faite, & aucune des caufes internes ou
externes qui pouvoient y produire habi-
tuellement les douleurs que relfentoiî
îe tKalade, n\'y font plus la moindre fen-
fanon. A routes ces confidérations qui
doivent faire j: à ce qu\'il me femble ,
quelque impreffion fur les perfonnesqui
connoiftent îe prix des dents , & de
quelle importance leur confervation eft
pour la fanté, ajoutons l\'argument vul-
gaire, qui détermine ordinairement ceux
qui font foiblement touchés des autres.
Lorfque tous les autres remedes ont
cté tentés fans fuccès, & qu\'enfin la dou-
leur réduit le malade à confentic à l\'ex-
DctAftduDendflc. MJ"
nrpation de fa dent , que rifque-t-on
d\'en venir à la luxation ^ |3uifque cette-
opération eft du moins auffi prompte &
certainement bien moins douloureufe ?
Il y a cent contre un à parier qu\'on
fera guéri radicalement, & j\'ofe ailurer
que ni le mercure ,\'ni le quirjquina , ne-
font pas à beaucoup près fi sûrs pour la
guérifon déS maladies dans lefqueile®
on les emploie.
11 y a plus : fuppofons qua par un
cas extraordinaire l\'opération vienne à
manquer fon effet, & one, pour guénr
le malade, on foit obligé peu de jours
après de le priver de fa dent; il au-
ra toujours l\'avantage de fouffrir infi-
niment moins qu\'il n\'auroit fouff?« j
fi la premiere opération n\'eut point
été faite.
Je crois pouvoir me difpenfer de rap-
porter beaucoup d\'exemples pour^ con-
firmer les avantages & l\'efficacitc de la
luxation. Il fuffira d\'obferver , comme
je l\'ai déjà dit, qu\'il «xifte actuellement
à Paris plus de ^oo perfonnes, à qui
f ai fait cette operation avec tout le fuc-
cès poffible , & q«i fe font trouvées
paifaitement guéries, U n\'y a ponic ici
î 54 VArt du Dentîfle.
d\'exagération : je refte phuôt en-dèç^
de la vérité que je ne l\'excede ; il eft aii\'é
de le vérifier, ainfi que les faits conte-
nus dans les deux petites lettres que j\'ai
publiées , & je fuis en état de convain-
cre fur ce point les plus incrédules. Je
m\'en tiendrai donc à joindre ici deux
obfervations remarquables par leurs
efpeces.
Observation L
Feu M. Intendant de Sc/i
A. S. Monfeigneur le Duc d\'Orléans ,
rencontra, en mangeant, un petit os
fort dur qui fit éclater & partir une des
pointes mouffes d\'une groffe molaire
inférieure. On fait que ces fortes d\'é-
minences répondent au canal qui eft
dans l\'intérieur de la dent ; ainfi par
l\'éclat de cèlle ci le canal de la molaire
en queftion fut d découvert. Le malade
fouffrit pendant plufieurs jours des dou-
leurs très-vives, & fit fans fuccès diffé-
l\'ens remedes. Après avoir examiné la
dent, je voulus porter la point© de la
fonde dans le petit trou qu\'on apper-
ceyoitàpeine ; mais la douleur qu\'il eu
De tAn in Dentifle. 15 5
refTentit iWobligea de ceffer. Je luxai la
dent tout de fuite, & à l\'inilant il fut
guéri. Il mangea delTus peu de jours
après, & dans l\'efpace de deux ans
qu\'il a vécu depuis cette opération, elle
ne lui a jamais faiî aucun mal.
Observation. Iî.
M. l\'Abbé de * * * , demeurant rue
des Petits - Champs , avoir une" dent
canine ufée par les dents de la mâchoi-
re inférieure qui y répondoient. Il fouf-
froit d\'abord en mangeant, vSc feulement
par intervalles, des douleurs fourdss qui
u\'étoient c|u\'une efpece d\'agacement ;
ruais cette dent devint fr fenfîble qu\'il
ne pouvoir plus en approcher les dents
inférieures, ce qui l\'empêchoit de man-
ger U vint en cet état me trouver, &
me fit le détail de fa maladie. J\'examinai
fa dent, & lui ayant dit qu\'ori pour-
roit la lui conferver , il confentit a me
lailTer faire. Je commençai par tacourcir
la dent de la mâchoire inférieure, au
point qu\' elle ne touchoit plus la canine
dans la rencontre des autres dents, Eu-
fuite je trépanai cette canine, & j\'i"-
pe VAn du Dentljle.
îroduifîs dans le canal à la profdndeat"
d\'environ une ligne une pointe fechs
d\'acier ajuftée en équarrifFoir. Les clou-\'
leurs que retFencoit le m,dade ne mô
permirent pas d\'aller plus avant; c\'eft
pourquoi je me contantaide faire entrer
dans le canal» le plus avant qu\'il me
fut poiiiole, un peu de coton imbibé d\'ef-
fence , & ie malade s\'en retourna. Ce-
pendant ies douleurs devinrent plus vi-
ves, & il patîa une nuit très-cruelle ; ce
qui Tobligea de m\'envoyer chercher dès
le lendemain de grand marin. M\'étanf
tranfporté chez lui, il me dit qu\'il étoit
las de fouffrir, & qu\'il falloit lui ôter f&
dent. J\'examinai de nouveau cette dent,
êc la voyant rrès-peu relâchée, je fus
d\'avis de la luxer, au lieu de l\'ôter , &
|e l\'affurai qu\'il feroic aufîi bien guéri ,
& qu\'il auroit de plus la fatisfadion de
conferver fa dent. II me fît p\'ufieurs
objedions auxquelles je n\'eus pas de
peine i répondre i enfi i, je lui fis fencir
que par mon opération il ne couroit
d\'autre rifque que de fauver la dent
dont il vouloir fe priver, & que fi par
bafard il ne fe trouvoit point foulage èn
îrès-peu de teins, il ne s\'agiroit plus
floors que de finir, en l\'ôrant, une opéra-
tion à moitié faire. Il fe rendit à mes
faifonsj Si |e luxai fa dent: fur le champ
il fe trouva foulagé , & une heure après
U douleur étolt entiérem.ent ceiTée. Je
bouchai enfuite avec une feuille d\'or
l\'ouverture que j\'avois faite au canal ;
^ depuis environ deux ans que fai fait
cette opération j M. l\'Abbé de i* *
rt\'a plus fenti fa dent,
Quand le plomb ae fauroit tenir
dans une petite molaire, ainfi que dans
les dents de devant, par la dii\'pofitioa
de la partie cariée, & que la dent eâ
fort douloureufe , fi cette dent n\'eft
pas gâtée au point d\'être difforme , au
lieu de U luxer, ou d\'en détruire le
îierf d\'une autre façon, il faiitl otertout»
fait avec les précautions convenables, la
bien nettoyer des moindres portions de
carie , en faifant avec la rugine quel-
ques inégalités dans le trou que cette
carie y a fait, la bien plomber, en ob-
servant de bien infinuer l\'or dans le
Canal & de boucher exasSlement le trou,
^ enfuite la remettre à fa place. Une
dent ainfi bien ajuftéç ne fe déplonir
15S BzVAn duBmûfle,
bera. jamais, U durera autant que U
plus faine.
§. V.
Méthode pour ôter les Dents cariées j &
les remettre avec fuccès.
Avant que doter une dent cariée,
pour la replanter fur le champ , il
faut bien examiner fi cette dent ne
produit ou n\'entretient pas quelque au-
tre maladie, comme dépôt, fîftule, &c,
fi les douleurs qu\'elle fait fentir fonc
produites par le cordon du nerf; fi le
fujet n\'a pas les gencives & les alvéoles
appauvris, & fi la dent mérite d\'être
coniervée , c\'eft-à-dire, fi îa carie ne
l\'a point trop minée ou rendu difforme.
Toutes ces confidérations faites & Topé-
ration jugée convenable, on commence
5ar forcer un peu la dent malade avec
e pélican, pour faire une légers dila-
tation à l\'alvéole. Enfuite avec la pince
droite on faifit la dent le plus près
gu\'on peu!: du collet 3 on fait trois oU
De VArt du Berd\'iJIc. 15 ^
Quatre mouvemens du poignet de droite
^ g^aiiche & de gauche à droite , pour
^^ faire tourner dans fa fertiifure èc en
J^\'-facher les adhérences. Enfin on l\'en-
en ligne direéte , fans faire d\'écar-
^finientj ni endominager les parties qui
doivent s\'y réimir bientôt après. Si mal«-
E^e toutes ces précautions, l\'alvéole fe
^^ouvoit tellement adhérent à la ra-
qu\'on ne pût abfolument éviter
^^\'«n emporter quelque portion , il ne
adroit pas moins remettre la dent,
^près en avoir ôté toute ia carie , &ç
1 avoir rendu propre à retenir le plomb,
pette derniere opération fe doit faire
^^i\'I\'que la dent ell replacée ; car fi on la
Pjomboitavantquede la remettre, lapor-
■^^n de l\'alvéole qui a fuivi la dent ferait
\' op long-tems expofée aux impreffions
l\'air, ce qui l\'empècheroit de fe réunir
^ U malfe : finon il faudroit détacher
^ette portion de l\'alvéole , & en dé-?
^arraffer la racine qu\'on remetrroit feuie
^ fa place après l\'avoir plombée. On
P2ut voir dans la premiere de mes let-
^^es comment je remis à Madame la
^omtelfe de la une dent qui
^■voic eïîîraîné une portion de foiî ak
-ocr page 184-t\'Sê\' De tAn du Denùjle.
■véole , malgré routes les précautions
que j\'avois pu prendre. Cette mêrn^
dent fubfifte encore auffi folide qu\'elle
rétoit avant l\'opération, &c fans auctuiS
douleur,
La dent ôtée, on en détruit jufqu\'au«
moindres parties affectées. Après l\'avoic
bien nettoyée, on la plombe en la tenanC
par fa racine, & en l\'appuyant fur quel-
que cliofe de folide. On en bouche bien
la cavité, & l\'on y fait entrer à force les
feuilles du métal, en obfervant de les
mouler & de les maftiquer, comme js
le dirai en traitant de la façon de plom-
ber les dents. Lorfque le métal eft bien
uni, bien poli, & qu\'il remplit exaéte-
ment le trou, on remet la dent à fa-
place naturelle , fans qu\'il foit befoin
de l\'attacher avec un fil. 11 fuffit d\'aftii-
jettir le malade à mordre de tems en
tems un morceau de liege, & cela le
premier jour feulement, & à faire ufage
de quelque eau appropriée.
Lorfqu\'une dent de devant eft non-
feulement gâtée au point d\'en être dif-
forme, mais fait encore beaucoup de
mal, fi dans le moment on ne trouve
point de Savoyard qui confente à don-
ner
De VAn du Dcnûjle,
Kec une de fes dents pour la remplacer ;
il faut ôter la dent malade , la limer &
emporter le corps jufqu\'auprès du col-
let , & enter fur la racine une pareille
dent avec un tenon dor qui fe vilfe dans
cette racine. •
Obfervation au fujet d\'une Dent cajfés
par une chute,
tJne Demoifelle, âgée d\'environ iS
ans, fe calfa en tombant une des grandes,
incifives aifez près de la gencive. La ra-
cine qui reftoit lui faifant beaucoup de
douleur, trois jours après fà chute elle-
vint chez moi pour fe faire ôter cette ra-
cine. En l\'examinant, j\'appercus\' le cor-
don des vaiifeaux qui étoit très-rouge &
gonflé ; je voulus y porter le cautere
actuel, elle s\'y oppofa. Je lui propofai
un autre expédient qui étoic d\'ôter U
racine, Sc de la remettre après Tavoir
armée d\'une pareille dent naturelle donE
je retrancheroislaracine, quejerendrois
conforme à la fienne, & qui tiendroic
par le moyen d\'un tenon pendant plu-
fieurs années. Elle accepta le parti ., SC
l\'opération fat faite à l\'iaftani:. Je lui
Toms L " O
j6z De t An du Dentifie.
mis fa racine garnie d\'une dent étraii\'
gere : un moment après elle ne foufFric
plus, & la racine a parfaitement repris.
Depuis environ cinq ans & demi cette
dent a toujours été fort folide, & il y
a totite apparence qu\'elle reftera encore
long-tems dans cet état de folidité.Cette
Demoifelle eft mariée depuis euviron
im an, & fon mari croit fermement,
ainfi que toute fa famille, que c\'eft une
dent de Savoyard qui s\'eft ainfi natn-
^■alifée dans fa bouclie. il eft vrai qu\'a
moins d\'avoir vu faire l\'opération , il
ne feroit gueres poflîble d\'imaginer que
c\'eft une dent étrangère : elle a été
examinée par bien des perfonnes qui
ne doutent point que ce ne foit une dent
naturelle, & qui font fort éloignées
de penfer que ce foit une dent de rap\'
port.
Quoique toutes les opérations, dont
j\'ai parlé jufqu\'à préfent appartiennent
an Manuel des Denrs , dont j\'ai fait un
chapitre à part ; comme elles ont pour
objet les nerfs dentaires , qui font la
fource des maladies décrites plus haut,
|e n\'ai pas cru devoir féparer la pratique
de la théorie.
DcCÂnduDenûJîe. \'163
Un Dentifte des plus modernes,
emprefte de faire imprimer fon nom ,
m\'a fait de mauvaifes chicanes fur les
deux opérations contenues dans ce pa-
ragraphe &c dans le précédent. Je fais
qu\'elles n\'ont fait aucune impreftion fur
qui que ce foit de raifonnable : mais
je me dois quelque chofe à moi-même,
& l\'on ne trouvera pas mauvais que je
place ici quelques nouveaux éclaircifte-
mens fur cette matiere. Je vais commen-
cer par la luxation.
M. Mouton^ pag. I li de fa Difterta-
tion fur les dents artiftcielles, pour
faire celfer la douleur d\'une dent, pro-
pofe de l\'ébranler de maniéré que la dé-
tenfion du nerf s\'enfuive : opération,
felon lui, plus lefte, moins effrayan-
te ( qu\'aucune autre ) , & peut - ctre
toute neuve. D\'après cette courte expo-
iition qu\'il plaît à mon prétendu Criti-
que d\'appeller une Opération bien dé-
taillée,\'û foutient que ma premiere mé-
thode, {celle de luxer les dents pour eti
rompre le nerf) eft emprufttée de M.
Mouton, & que je ne fuis tout au plus
quefoncopifte ou fon plagiaire. Heus
^ 0 li
j#4 Demijte.
reufementil eftclememi, non-feulemenî"
par la difparite de nos opéradons, mais
par M. Mouton lui-même qui paroîc
craindre de s\'attribuer l\'invention de la.
méthode qu\'il fe contented\'indiquer, t<.
qui ne l\'appuie d\'aucune expérience. Je
laiiïe au ledeur intelligent à remarquer
la différence d\'une fimple détenfion à
une rupture totale du nerf: mais voici
dans la vérité ce qui m\'a fait naîcre
Initiée de la luxation que je pratique.
Une Demoifellê vint un jour chez
moi pour fe faire ôter une fécondé groife
molaire de la mâchoire fupérieure, qui
lui faifoit beaucoup de mal. Je me fer-
vis du pélican pour extirper la denc
malade; mais comme elle étoir, pour
ainfi dire, enchylofée, ou fort attachée
afalvéole, je ne fis que la déplacer. Je
voulus finir l\'opération avec le davier
elle n\'y voulut jamais confentir , & je
n\'achevai pas l\'extradion. Je lui propo-
fai de la remettre en place , mais elle îe
fît elle-même. Quelques mois après,
elle reviîit me voir j je trouvai fa dent
fort lolide , je la nettoyai & je la plom-
|s,ai. Après avoir bien réfléchi fur cetre
"De t Art ill Demîjïei i6\'f
•irre Inattendue, je tentai la même opé-
ration fur plufieurs pauvres ; & e\'eft uni-
quement le fuccès qui m\'a confirmé dans
cette pratique.
Quant à la replantation des denrs, qui
confifte à les ôter & à les remettre , j\'ai
toujours été bien éloigné de m\'en attri-
buer l\'invention, comme femble l\'infi-
nuer le Dentifte dont je rappelle à regret
i\'écrit, aufîi ténébreux que frivole. J\'ai
înême exprelFément reconnu dans le deu-
Siemeécrit quej\'ai publié, fo-us le titre
à\'Eclairci^ement , 5tc.. M. Fauchard
pour l\'inventeur de cette méthode , &
en cela je me fuis trompé. M. Fauchard;,
dans le premier tome du Chirurgien^-
t)entifte, pag. 388, parle de cette opé-
î\'ation , comme d\'une pratique ancienne
^ très-connue avant lui. De plus, il en
eft fait mention dans un livre imprimé
^ Geneve en 1670, & qui a pour ti-
tre : Obfervations (S- Hijîoires Chymi-
H^cs , tirées des (Euvres Latims des plus
^^nommés Praticiens ^ par un Docteur-
Médecin , & comprifes en dou^e centuries,
ï\'armi les Obfervations de Dmis Po-
j^arer, Chirurgien de Montpellier, ott
à la page 104, celle d\'une dent a/q
î6â De rArt du Dentifte.
rachée, remife en fon alvéole^ & afir^
mie par des garganfmes a foin gens.
Obfervation , qui a plus d un fiecle,
prouve bien que la méthode en quei-^
tion , donc il eft affez difficile de trouvez-
la véritable origine, n appartient nià M-
F luchard ni à moi. Mais je crois l avoiï
du moins bien perfeétionnée, & je m eii
rapporte à tous les Artiftes, que i\'éqiU\'
té feule J & non l\'envie , ( l\'apnage
des fubakernes) conduit jufques dans leS
jupremens qu\'ils ont à porter de leurs
confreres. Le Dentifte qui a écrit coir
tre moi, pour fe donner un air de cvi\' ;
tique , prétend donc encore que je fui« \'
le plagiaire de M. Fàuchatd. U falloir ,
d\'abord prouver que cet habile homm^ I
étoit l\'inventeur de la replantation deS j
dents, & faire voir enfuite la confor--
mité de. ma pratique avec la fienn^-
Mais après avoir hafardé l\'accufatioU
de plagiat, fans s\'embarraffer de la con\'
tradiàioîi , il prétend que ma me"
thode eft bien inférieure à celle d^
M. Fauchard. C\'eft encore au ledeU^
impartial à juger, d\'après l\'expofé
l\'ai fair de mon opération , fi je ne fui^
effedivemcnt que k copifte de M. f^
T>e tAn du Dentijîel i G-y
chard. Je m\'arrêre feulement au dernier
point, & je vais examiner de bonne
foi ies inconvéniens ou les avantages de
fa méthode & de la mienne.
C\'eft prefque toujours dans leurs in-
terftices que fe gâtent ies dents de de-
vant, & fur-tout les petites molaires. U-
n\'eft pas rare de trouver de ces fortes
de dents, où l\'or & le plomb ne peu-
Vent tenir , faute d\'y pouvoir opérer
affez commodément quand elles font en
place. La lime alors ne peut garantir ces
n^êmes denrs que pour peu de tems,
Ou elles fe trouvent par fon ufage pref-
que détruites , ou bien affoiblies ; ce qui
les fait bientôt calfer. Le plomb enfin
ne rient gueres aux dents qui font plom-
bées en place, quand la carie les a trop
niinées. Mais lorfqu\'une dent eft net-
toyée & plombée hors de la bouche,
Quelque difficulté qu\'il y ait à y faire
tenir le plomb, on en vient à bout.
Je n\'ignore point qu\'on voit de ces
dents capables de tenir îe plomb toute la
\'^ie -, auifi quand j\'en trouve à plomber
^e telles, au lieu de les ôter de la bou-
che , je me contente de les luxer.
L\'Ecrivain dont- je difcute ici la cea-j
-ocr page 192-tsî\' DeVAnduDentiJîe.
fure, ne veut pas convenir des iiïcon"
Téniens que j\'ai démontré être infépara-
Mes des lils dont en s\'eft Tervi jufqu ^
préfent pour attaciier les dents replan-
tées. Pour s\'en convaincre , il fuffit de
confidérer la forme des dents fur lei-
queHes on fait cerre opération, & prÏ!\'\'-\'
cipalement celle des petites molaires»
Ces dents font plus larges & plus grol-
fes vers leur extrémité que vers leu^
collet, & comme l\'émail eft lifte ^
poli, pour peu que le iîl ferr,e la den^
fraîchement remife, & p-^r conféquent:
détachée tant de la gencive que de
véole , le fil ne manque point de gliffeC
^ fe porte vers la racine , ce qui fai^^
bientôt fortir la denc. 11 ne fait pas
même effet fur les dents voifines ^ patce
que les attaches de la gencive qui ein-
bradent le collet de ladent, retiennent
le fil & l\'empêchent de gliffer ; au heU
que le fil qui entoure la dent replan-
tée, à mefure que le nœud la_ ferre,
tend néce(rairem>ent vers la racine, ^
chaffe la dentj fi Ton n\'a fein d\'aP^
puyer fortement deffus , en ferrant
nœud : précaution néanmoins qui n\'aifn-\'
iectic la dent que pouri\'inftani: del\'cpe\'
ïaÙoî>
-ocr page 193-De l\'An du Dentîfle. i Sf
péradon. Car bien toc le fil humeété fe
gonflant Se ferrant davantage, gliife j
comme j\'ai dit, vers la racine , d\'où il
arrive gue la dent remife efl: expuifée &
perd le niveau qu\'elle gardoit avec les
dents voifines , ce qui l\'empêche de re-
îrendre parfaitement, 6c même en rend
\'ufage incommode. Je conclus donc
que le fil le mieux appliqué & par la
main la plus habile produira toujours
cet effet, à moins que l\'on ne fafïe avec
la lime autour de la dent & vers le col-
let une petite rainure , pour y arrêter
le fil 8c Tempêcher de defcendre. Mais
puifqu\'une dent bien remife reprend Sc
tient parfaitement fans être attachée ;
puifque par le moyen du gluten qui fe
forme autour de la racine, il fuffit, pour
affermir la dent, de mordre de tems
en tems un morceau de liege, pour-
quoi cet attirail de fils qui embarraffe
ou gêne toujours? N\'efl: - ce pas mul-
tiplier les êtres fans néceffité ? Il ne
faut pas croire que ce foient les eaux
aftringentes qui coiifolident ici la dent:
j\'ai fouvent obferi\'é que de fimple eau-
de-vie fans aucun mélange, opéroit le
même effet que les aftringens.
Tome L P
ï 7© Be VArt du DentiJIe.
Des Dents fracturées y de celles qui s\'u-
fent, des maladies quelles produifent ^
& des moyens d\'y remédier.
XjA caufe la plus ordinau\'e qui fait
fradutet- les dents eft la carie , lorf-
qu\'elle les a minées à un certain point.
Les autres caufes font les efforts vio-
lens qu\'on leur fait faire, les coups, les
chutes, èc d\'autres accidens. Quel-
quefois, foit que la carie le.s ait minées
trop avant, foit que les racines étant
tortues, ou crochues, les parties of-
feufes qui les enveloppent oppofent de
la réfiftance , en voulant ôter certaines
dents , elles fe caffent fous la main du
Dentifte.
Les dents les racines des dents
fe fradurent en différens fens , en long,
en travers , obliquement, horizonta-
lement; & lorfqu\'elies font fradurées,
la réunionne s\'en fait jamais, comme
aux autres parties offeufes ; car , quand
eue dent s\'éclate ou fe caffe, ia dé-
De VAn du Dentïfie. ! 7 r
perdition de fubftance eft irréparable.
Cependant la fraébure des dents ne
laiiFe pas "que de donner de l\'occupa-
tion au Dentifte. Il faut émoulTcrou dé-
truire avec la lime les pointes des dents
qui peuvent piquer ou écorcher quel-
ques parties de la bouche , comme la lan»
gue J les levres & les joues, ou la gencive
delà mâchoire oppofée; ce qui fait beau-
coup de mal, empêche de manger, 5c
>roduit toujours des ulcérés. Quand
\'opération eft bien faite, les dents écla-
tées, qui par ce moyen font polies, n\'aga-
cent & n\'irritent plus aucune des parties
qu\'elles touchent, & s\'il s\'y eft fait quel-
que ulcere , il eft promptement guéri,
fans qu\'il foit néceffaire d\'ôter les dents,
Lorfqu\'ii ne refte que la racine de quei-
que dent que ce foit, incifîve, cani-
ne, ou petite molaire, c\'eft encore
l\'affaire du Dentifte d\'en réparer au
plutôt la perte; ce qui fe fait de plu-
fieurs maniérés, dont la plus fimple eft
d\'enter une dent fur la racine qui
refte. Si la dent eft fràéturée dans la
racine, ou fi la racine l\'eft elle-même,
alors la dènr , ou la portion de la ra-
cine attachée à la gencive incommode
171 De l\'Art du Dentifte.
beaucoup aux moindres mouvemens de
ia langue ou des levres. Mais on guérit
dans ie moment le malade ^ en ôtant la
portion de la dent ou de la racine qui
eft ébranlée, fans qu\'il foit néceffaire
d\'en ôrer le refte qui fe trouve folide.
Si cependant dans la fuite le refte de
cette racine vient à faire mal, il n\'en
faut pas différer l\'extradion. Lorfqu\'en
voulant ôter une denc qui ne peut être
confervée, elle fe caffe alfez avant,
ou un peu au-delà du collet, alors les
racines qui reftent ordinairement ne
font pas de mal ; c\'eft pourquoi il ne
faut pas tourmenter davantage le mala-
de. Mais fl quelque tems après les ra-
cines deviennent douloureufes, la dou-
leur provient prefque toujours du pé-
riofte qui tapifle & l\'alvéole & la raci-
ne. Or la plupart de ces racines font
très-faciles à ôter, foit parce qu\'elles
fe montrent beaucoup plus »découvert,
étant chaffées au dehors par la contrac-
ïion de l\'alvéole, foit parce qu\'elles
font relâchées & ébranlées par l\'engor-
gement le gonflement du périofte.
Lorfque pendant l\'extradion une dent
fe cane àu-deffiis de la voûte j les nerfs
De VArt du Dentijie. 175
qui font à découvert & qui fe gonflent
peu de tems après, deviennent fî fenfibles
que le malade ne peut rien porter de
ce côté, pas même la langue, fans de vi-
ves douleurs. Si alors iî n\'eft pas pofli-
ble d\'ôter les racines j ii faut ies cau-
térifer pour brûler par ce moyen le
nerf. C\'eft auflî le plus court remede ,
fi la dent a été caflee par quelque coup
ou par quelque chute. Quand une dent
faine eft éclatée par quelque caufe que
ce puifle être, fi la rugine & le cau-
tere ne peuvent emporter la douleur,
& guérir promptement le malade , il
faut luxer ia dent, & le mal ceffera dans
Tinftant même.
Les denrs font encore fujettes à s\'u-
fer & à fe détruire les unes les autres ,
par leurs approches & leurs frottemens,
foit dans la maftication, foit dans les
convuifions de la mâchoire inférieure
qui fe font quelquefois pendant le fi)m-
meil. Il y a des perfonnes qui en dor-
mant font un tel bruit, qu\'on entend
d\'aflèz loin craquer leurs dents, j\'ai vu
de ces fortes de perfonnes dont, à qua-
rante ans , les dents étoient tellement
détruites par ces convuifions maxillai-
P iij
-ocr page 198-î 74 De rJrt du Dentîfle.
res, qu\'il n\'y reftoit prefque que les ra-
cines.
Quand les \' incifives & les canines
des deux mâchoires fe rencontrent di-
redement, & que la plupart des mo-
laires manquent, celles-ci fe détruifent
plus ou moins promptement , fuivant
qu\'elles fe trouvent plus ou moins du-
res. Lorfqu\'au contraire ces dents - ci
ne fe rencontrent pas diredement dans
le choc naturel de deux mâchoires, t-c
que les incifives & les canines fupé-
rieures palfent par-deffus les inférieures
dans l\'approche de la mâchoire d\'en-
bas vcîs la fupérieure, alors ces dents
s\'ufenc réciproquement , les fupérieu-
res à la face poftérieure, & les inférieu-
res à la f\\ce antérieure ; ce qui fait qu\'el-
les s\'aminciftent J s\'ébranlent, 6c fe dé-
truifent peu â peu. Par la même raifon ,
les dents fupérieures fe luxent en de-
vant, &; les infciieures en dedans.
Quand on a perdu les grofles molaires
qui recevoienr le choc de la mâchoire
inférieure conciê la fupérieure , cechcc
fe fait alors fur les dents de devant q.ii
reftent, &qui, pour peu qu\'elles che-
vauchent les unes fur les autres , corn-
Dc VArt du Dentifte. 17\'s
me il eft fort ordinaire , périment afTez
promptement par l\'une ou l\'autre des
caufes que je viens de marquer. Lorf-
qu\'elles fe rencontrent vis-à vis, elles
ne s\'ébranlent point; elles ne font que
fe détruire & s\'ufer réciproquement, k
un tel point J qu\'il n\'y refte quelquefois
que les racines qui ne laiflent pas que
de faciliter la maftication. Ainfi on voit
de quelle importance il eftj pour la con-
fervation des dents de devant, de con-
ferverles molaires.
Pour empêcher que les dents ne s\'u-
fent dans leur rencontre , quand une per-
fomie a l\'habitude de grincer les denrs
endormant, & qu\'il lui refte des mo-
laires, ii faut en recouvrir une^ou deux
d\'une calotte d\'or, comme l\'a fort bien
imaginé M. Mouton. Mais de crainte
que cette calotte ne fe dérange par ie
frottement que les dents oppofées fe-
ront fur la piece pendant le fommeil,
dans les convulHons des mufcîes de la
mâchoire inférieure, il faut qu\'elle foit
percée pour recevoir un fil qui fervira à
la fixer; autrement,quelque bien appli-
quée qu\'elle pût être, elle fe déplace-
roit à la longue. S\'il ne relie à la per-
P iv
-ocr page 200-J De VJn du Dentijle.
fonne aucune molaire , & fi elle n\'a que
3es incifives & les canines qui-chevau-
chent alors les unes fur les autres , bien-
tôt ces dents feront ébranlées & amin-
cies, fans qu\'on puilfe y apporter que de
très-foibles fecours, & leur deftrudtion
n\'eft pas moins inévitable que prochai-
ne. Si ces mêmes dents fe rencontrent
ies unes vis-à-vis des autres, & qu\'elles
foient déjà très - courtes , parce qu\'el-
les fe rongent mutuellement pendant le
fommeil ou autrement, alors, pour em-
pêcher qu\'elles ne s\'ufent trop vite J il
fuffira de faire une fimple calotte d\'or
qui recouvre feulement une canine in-
férieure, ordinairement moins apparen-
te que celles delà mâchoire fupérieure j
Si dans ie cas où elle fercit trop vifible,
il faudroic faire émailler la face antérieu-
re de cette calotte, & non l\'endroit où
la dent oppofée la touche , dans les
mouvemens de la mâchoire qui occa-
fionnentlesfrottemens : car fi la calotte
éroit émaillée en cet endroit, l\'émail en
feroit bientôt détruit.
Il faut ôrer cette calotte chaque fois
que l\'on veut manger, afin que les dents
qui répondent à la calotte, foient en état
De l\'Art du Dentifte. ï 77
de bien broyer les alimens. Les autres
dents ne pouvant plus fe toucher ce
qui eft nécelfaire pour empêcher qu\'el-
les s\'ufent davantage, elles ne peuvent
écrafer & brifer qu\'imparfaitement cer-
tains alimens ; c\'eft pourquoi, fi l\'on
veut tirer du fervice de ces dents, il
faut ôter à chaque repas la calotte d\'or.
Il y a des perfonnes dont les dents
s\'ufent dans leur rencontre, foit parce
que l\'émail en eft trop mince, ou qu\'el-
les ne font pas d\'une confiftance aflfez
dure; foit prce que ces perfonnes étant
déjà parvenues à un certain âge, leurs
dents fe trouvent ufées par leur long fer-
vice, au point d\'être douloureufes &C
de s\'agacer en mangeant. Le moyen
d\'empêcher que ces dents ne viennent
à faire des douleurs plus confidérables ,
qu\'elles ne s\'ufent entièrement, ou en-
fin que celles de devant ne s\'ébréchent,
quand elles fe rencontrent à peu près
Comme deux lames de cifeau, eft de faire
des calottes d\'or ou d\'argent, qui aient
Une étendue fufHfante pour envelopper
toutes les molaires de la mâchoire. On
aura foin de les fixer , comme j\'ai dit,
par le moyen des fils ; ce qu\'on fera en
I7S Dt VArt du Dentifie.
les attachant à la dent qui paroîtra Ia
plus convenable avec un fil d\'or. Il faut
que ces calottes foient ajuftées de manié-
ré, que les alimens ne puifTents\'infinuer
entre elles & les dents. Poiu- cet effet,
on fait avec de la cire un moule fur les
dents du fujet : l\'orfevre fuit exade-
ment ce moule, èc les empreintes des
dents molaires. On fait la même chofe
aux dents de la mâchoire oppofée qui
répondent à ceiles que l\'on a ainfi revê-
tues , & on leur mer une pareille calot-
te. Si le côté oppofé efl muni haut &C
bas de plufieurs molaires , pour que la
maftication s\'y faffe bien , on peut de
même les recouvrir : mais i! faut obfer-
ver que dans la rencontre des deux mâ-
choires, les calottes portent également
dcns toute leur étendue des deux côtés
de chaque mâchoire , à peu près com-
me portoient les denrs ; & pour que la
maftication fe fade plus parfaitement,
on peut 7 former quelques rugofités.
Ces fortes de calottes ne feront point
ôtées en mangeant; elles refteront au
contraire en place j jufqu\'à ce qu\'elles
foient ufées & qu\'on en remette de nou-
velles. Les dents par ce moyen ne s\'u-
DerJnduDiTïtlJle. 179
feront plus; celles de devant ne feront
pas feulement garanties d\'ufure : mais ii
elles éroient auparavant ébranlées par
leur choc continuel, comme elles ne
peuvent plus fe heurter par rinterpoh-
tion des calottes qui fe trouvent entre
les molaires, elles fe raffermiront bien^
tôt, dureront très long-tems.
Quand on a quelque dent plus_ lon-
gue & plus dure que celle qui lui ré-
pond, celle-ci ne peut manquer de
der à l\'impreffion de la plus forte. De
même, quand quelque dent molaire eft
armée d\'une pointe un peu dure , elle
creufe , & fait fur îa dent oppofée une
impreflion plus ou moins forte , qui toc
ou tard la rend douloureufe. On peut
dans ce cas fe pallet de calotte ; mais
pour éviter tous ces inconvéniens , il
faut ôter de la molaire , avec la lime , le
trop de longueur & d\'épaiiTeur qui dé-
truit la dent oppofée , ainh que les poin-
tes aiguës qui dégradent cette dent. Il
faut encore adoucir avec la lime les af-
pérités & les inégalités tranchantes.d\'u-
Jie dent ufée en\'partie : car le contour
de la denr recouvert d\'émail étant la
portion la plus dure, eft toujours celle
I So DeVArtduBentip.
qui s\'ufe le moins j mais la degradation
de Pémail le rend quelquefois Ci tran-
chant. qa\'détoïchcla langue ou la joue.
Orlali me y remédie aifément.
Lorfqu\'une dent efr ufée au point que
le caiial Bi le cordon qui l\'occupent^ fe
trouvent en danger d\'être à découvert,
plus l\'ufure approche de la racine, plus
le danger augmente , & plus le cordon
eft fufceptible d\'agacement , d\'irrita-
tion , & d\'inflammation. Ces accidens
peuvent être caufés, foit par certains
ahmens J foit par la falive ou par ie li-
mon plus ou moins viciés^ foit par l\'air
feul, foit enfin , comme il arrive prefque
toujours, par le frottement continuel de
la dent oppofée qui agace & irrite ies
petits filets nerveux expofcs fans celTe
à fon irnpreftiom La dent commence
d\'abord à être elle-même agacéej l\'aga-
cement augmente peu à peu , & de jour
en jour , à mefure que la dent oppofée
continue de l\'ufer; on n\'ofe plus man-
ger fur cette dent, parce qu\'alors les
douleurs deviennent plus vives. Il arrive
même quelquefois, quand on néglige
le fecours de l\'art, que le malade ne
peut dormir, ou repofer ni le jour ni la
DtTArt du Dendjîc. i S i
ïïuit. Bientôt d\'autres fymptômes s\'en-
fuivent : le cordon s\'enflamme de telle
forte, que le malade fouflre beaucoup
de ce côté-là; que les glandes voifines
s\'engorgent ; que ia tête fait auflî de
grandes douleurs, &: qu\'il furvient une
forte fievre caufée , tant par l\'épan-
chement qui s\'efl: fait dans le ca-
nal, que par la fermentation du fluide
qui détruit le cordon. L\'inflammation
fe communique fouvent au périofte qui
revêt la racine, & à la gencive, ce qui
fait rompre les vaifl^eauxj d\'où fuitl\'é-
panchement du fluide, qui en fermen-
tant & en décompofant les parties qui le
contiennent, fe change en pus. Or, pour
s\'épargner tous ces maux qu\'on n\'évite
qu\'en lès prévenant, il faut appeller le
Dentifte aux premieres douleurs qui fe
font fentir, & voici la conduite qu\'il
tiendra. 11 commencera par limer ^ par
raccourcir la dent qui peut produire ce
défordre J de maniéré que la dent mala-
de ne foit plus expofée à fon choc; en-
fuite il cauiérifera cette dent malade à
l\'endroit où elle eft ufée, & par confé-
quent le plus fenfîble. Si, après cette
opération, le cordon fe trouve encore
A
IS1 Di l\'Art du Dentifie.
irrité , fou par les fucs intérieurs , foU
par quelque autre difpofition du UijeCj
il faudra trépaner la dent à l\'endroit oU
le canal fe fait reconnoitre par la difte-
rence de fa couleur. On introduit le tre-J
pan dans le canal, le plus avant qu
eft poflible, pour en détruire le cordon,
on y porte une ou deux fois le cautere j
enfuite on y met un peu de coton trem-
pé dans quelque liqueur fpiritueufe , ^
bientôt le malade eft guéri, en ufant fré-
quemment d\'eau tiede, ou de lait tied^
qui vaut encore mieux. Si cependant la
douleur étoit opiniâtre, il faudroit faire
faigner le malade. Si enfin, malgré ces
fecours, le périofte externe étoit agace
& irrité trop, violemment par les difpQ"
fitions du fujét, & que le malade conti-
nuât de beaucoup fouffrir, il n\'y auroit
plus à héfiter; il faudroit ôter ladent
fans délai. Mais ii eft rare qu\'on foij
obligé d\'en venir là, quand on s\'y prend,
de bonne heure.
Si la dent fait mal depuis plufieurs
jours, fans y avoir fait aucun remede
& fi l\'on fent à l\'endroit maladedegrands
clancemens J il n\'y a point alors à douter
qu\'il ne fe foit formé un abfcès dans 1® \'
Di t An du Dentijîs. 18 j
Canal de ia dent. On pourra s\'en afTurer,
en exanrinant l\'endroit de la dent ufée
qui eft le plus près du canal. Ce canal fe
feconnoîtra à fa couleur beaucoup plus
brune que les environs de la dent. En tré-
panant fimplementladent malade, & en
donnant une iffue à la matiere qui eft re-
tenue dans le canal, le m.alade fera guéri
fur le champ. J\'ai vu de ces fortes d\'abf-
cès fournir plufieurs gouttes de matiere
très-louable. J\'ai rapporté l\'obfervation
d\'un malade que je n\'ai pu guérir qu\'en
luxant fa dent ; ce qui prouve que
dans le cas où les dents ufées font beau-
coup de mal, & qu\'il n\'y a pas d\'épan-
chement dans le canal, la luxation peut
être exécutée avec fuccès, & qu\'elle
eft quelquefois préférable à tour autre
moyen pour conferver la dent, M. Fau-
chard ^ qui le.premier, ce me femble ,
a parlé de trépaner les dents , rapporte
auili quelques obfervatlons où l\'on voie
que les malades ont été promptement
guéris, en faifant du jour à la matière.
l
-ocr page 208-ïS4 De VArt duD&nûp.
§. VIL
De Vengorgement des valffeaux dentaires t
6\' de r inflammation du cordon & du pi\'
riojlty provenant de caufes internes.
Un e dent fait quelquefois bien mal,
fans être aucunement gâtée ni ufée,
6c quoiqu\'elle foit bien recouverte
du côté des racines , tant par l\'al-
véole que par la gencive. Cette douleur
provient alors de l\'engorgement des
fluides qui circulent dans les vaiffeaux
dentaires , ou du vice de ces fliùdes
dont l\'acidité plus ou moins adive irrite
ces parties. C\'eft ce qui fait qu\'on
voit quelquefois une dent qui paroît
très-faine & en bon état, caufer de très-
vives douleurs , effet du phlegmon qui
afflige le cordon dentaire & fes mem-
branes, ou le périofte externe commun
tant à l\'alvéole qu\'à la racine de la dent.
Les caufes les plus ordinaires de ce
phlegmon, qui £e diffipe par réfolution
ou par fuppuration, font ou rrop de plé-
nitude
nitudedans le fujet, ou répaifiifementdu
fluide qui circule dans ces parties, ou
• quelque vice particulier. Si Thumeur
s\'efl: formée dans l\'intérieur du canal ^
la réfolution qui en efl: le réfultat le plus
favorable, ne pourra fe faire qu\'en fai-
gnant le malade pour diminuer le vo-
lume du fang , & faciliter le cours du
fluide qui fe trouvoit arrêté, 11 efl: bon
de joindre à ia faignée l\'ufage fréquent
de lavemens (imp es , & d\'une légère
eau de chicorée , ou de quelque autre
boilfon rafraîchiflànte, convenable an
tempérament du malade. Si nonobftanc
ces remedes , le malade continue de
fouffrir, il faut en venir à la luxation de
la dent qui fera promptement cefler les
douleurs, parce que le cordon qui rem-
plit le canal, & qui efl: la fource du
mal, fera rompu par le déplacement de
la dent. Si le phlegmon ne s\'efl: porté
qu\'au périofte externe qui eft commun
à l\'alvéole & à la racine ( ce qui fe
reconnoîtra, tant par le relâchement que
par l\'alongement de la dent ) , il faut
non-feulement employer les remedes
généraux que je viens d\'indiquer , c\'eft-
à\'dire, îa faignée j les lavemens Se ies
Tome L Q
186" Dt t Art du Dmtifie.
boiffbns légères , mais encore aiTnjettii\'
le malade à tenir continuellement \'dans
fa bouche du lait tiede, pour relâcher
les parties tendues, & rendre au fluide
fon cours. Mais Ci la douleur eft opi-
niâtre, le Dentifte doit débrider ôc dé-
gorger avec une lancette le périofte , à
l\'entrée de l\'alvéol? qui fe trouve alors
dilaté par fon gonflement. Il fera à peu
près la même chofe autour du collet
de la dent, comme ancieniiement on
le pratiquoit, & comme le pratiquent
encore aujourd\'hui quelques Dentiftes
qui, avant d\'ôrer une dent, la déchaulfenr.
Ce n\'eft gueres que dans ce cas-ci,qu\'ilme
paroît nécelfaire de faire cette opéra-
tion. Le déchaufloir peut être préfé-
ré à la lancette pour les grofles molai-
res, & l\'opération ordinairement fou-
lage beaucoup le malade. Lorfque tous
ces moyens ne peuvent le guérir, il faut
récourir à la faignée du pied qui atti-
rera la colonne du fang vers les par-
ties inférieures; ce qui ne manquera
pas de le ibulager, Sc de diiîiper bien-
tôt les douleurs, en continuant tou-
jours le lait tiede. Quand la gencive fe
gonfle 6c s\'engorge, il faut évacuer le
De rArt du Denti fte. 187
fang fupeiflu , par le moyen de quelques
légeres piqûres qui feront faites à la
gencive avec la lancette. Si enfin le mal
réfifte à ces derniers expédiens, comme
alors il n\'eft pas douteux qu\'il eft caufé
par une humeur acide , il ne faut pas
différer à tirer ia dent. Mais de crainte
que la même humeur ne produife le
même effet fur quelque autre dent , le
malade ne doit pas négliger les remedes
propres à corriger ou à détruire toc\'aîe-
ment cette humeur, & c\'eft l\'affaire du
Médecin qu\'il aura foin de confulter.
Des douleurs que les Dents ébranlées pro-
duifent ^ & des moyens d\'y remédier.
Quand les parties offeufes qui en-
veloppent les racines , & qui main-
tiennent les dents fermes & folides,
font ou détruites , ou ramollies par
quelque caufe que ce puitfe être , les
gencives fe retirent & s\'appauvrifîènt ;
elles deviennent flafques &fongueufes,
ou s\'ulcereut du côté des racines. La
Qii
-ocr page 212-188 De VJn du Dentijle.
dent alors deftituée de fa gaîne ©f-
feufe eft fl vacillante, que n\'étant plus
retenue que par quelque portion du
périofte, & par les vailfeaux qui for-
ment le cordon , toutes ces patries
font fort fujettes à s\'irriter , & à s\'en-
fîammer,fuivantles difpofitions du fujer,
fuivant aulfi que la falive qui les péné-
tré a plus ou moins d\'âcreté, ou enfin
que la dent eft plus ou moins tourmen-
tée par le choc continuel des dents
oppofées , ou par la maftication. Le
froid & le chaud d\'ailleurs y font la
même impreffion que fur les dents gâ-
tées , & quelquefois y produifent des
douleurs & des fluxions confidcrables.
D\'un aaire côté, les parotides & les
amygdales {p gonflent, s\'engorgent, &
deviennent auffi fort douloureufes. Le
remede le plus sûr, en pareil cas, eft d\'ô-
ter la dent fans délai, & le malade cft
promptement guéri. Mais fi «ne ou pla-
ceurs dents, ainfi ébranlées, ne caufent
que de légères douleurs, pour peu qu\'el-
les foient apparentes, on peut en éviter
l\'extraftion & même les rendre dura-
bles par les moyens que je décrirai, en
traitant du Manuel des Opérations.
De VArt du Dentifte. i$f
Pour terminer ce chapitre, je n\'ai
plus à ajouter qu\'une réflexion, que tous
nos écrivains ont faite j mais qu\'on ne
peut trop répéter.
De toutes les parties de notre Art,
celle où il fe glifl\'e le plus de charlata-
nifme , eft l\'odowalgie. Chacun a forï
fpécifique pour guérir le mal de dents ;
Ce ce qui contribue beaucoup à accrédi-
ter les palliatifs, c\'eft qu\'il arrive quel-
quefois que dans le tems qu\'on les appli-
que, une dent qui nous faifoitbien fouf-
frir, cefle toutà coup d\'être douloureufe:
foit J comme je l\'ai déjà dit, que le gon-
flement du nerf fe diflipe par un tems
fee qui fuccedeà l\'humidité ^ & que le
fluide qui fe trouvoit arrête par ce gon-
flement ait repris fon cours; foit que îa
grande inflammation du cordon le faffe
tomber en mortification, ou que le dépôt
qui s\'y eft formé foit mûr, & que le flui-
de fefoit évacué de lui-même j foit enfin
que l\'humeur ceflTe de fe porter à la
dent, ou qu\'elle foit adoucie. Dans la
plupart de ces cas j il arrive alfez fouvent
qu\'une liqueur fpiritueufe quelconque
appliquée à propos calme la douleur.
Il y a des perfonnes qui touchent les
1 90 . De VArt du Dentifie.
dents. Se qui, fou par l\'effet de quelque
compofuioiî dans laquelle ils one trem-
pé leurs doigts ^ foit par l\'effet de la
prévention qui fait feule tant de mira-
cles , foulagent véritablement un ma-
lade , mais pour un inftant. Une patte
de crapaud , un vieu^^e clou qu\'on cache
enfuite avec myftere, font encOte les
inftrumens d\'une guérifon momentanée,
dont sûrement tout le fuccès dépend de
l\'opinion du malade. Que d\'autres re-
medes auflî analogues la charlatanneiis
accrédite ! La feule préfence du Den-
tifte , ou la frayeur qu\'il caufe aux per-
fonnes qui redoutent fa main, les guérit
quelquefois fur le champ, ou du moins
fufpend tous leurs, maux. Mais le retour
de la douleur, les ramenant bientôt chez
nous , leur fait voir qu\'ils n\'ont évité
un petit mal, un mal dont la durée eft
très-courte , que pour s\'en préparer de
plus vifs & de plus durables. On ne
voit tous les jours cjue trop d\'exemples
de cette foibteffe puérile. Que de per-
fonnes aiment mieux fouffrir nuit Sc jour,
que de fe faire ôter une dent, & ne
veulent pas même fupporter la moindre
opération du Dentifte ! Or^ puifque la
De VArt du DentlJle. 191
frayeur efl une maladie plus incurable
qu\'aucuns maux de dents, ii faut bien
chercher des remedes accommodés â
la foiblcfîe de cette efpece de malades.
Nous donnerons à la F.n de cet ouvrage ,
parmi quelques compofitions , celles
d\'une liqueur & d\'une pâte calmantes,
dont j\'ai éprouvé de très-bons effets.
à
CHAPITRE TROISIEME.
Des maladies y & des autres caufes qui
alterent la blancheur des Dents.
§. I.
PiusiBURS caufes alterent îa blan-
clieur & ternilTent l\'émail des dents.
Telles font principalement toutes les
maladies violentes , ou il y a _de U
malignité. Les pâles couleurs & la jau-
nilfe rendent les dents jaunes ou U\'
vides J mais à mefure qu\'elles fe dilïï-
peut, les dents reprennent leur blan-
cheur. C\'eft ainlî que dans les maladies
malignes les dents deviennent brunes
ou noires ; mais après la guérifon elles
reviennent ordinairement dans leur ctaC
naturel. Les difFérens remedes dont oi>
ufe intérieurement dans quelque mala-
die que ce foit, les eaux ferrugineufes oiJ
minérales j les fels qu\'on y mêle, toutes
C€5
-ocr page 217-De l\'An du Dentifîe. r^j
ces_chofes rernilTeuc encore les dents?,
mais on en rétablit aifément la blancheiii:
avec de bonne poudre, ou avec quelque
opiar. Certains élixirs ou gargatifmes
dont fe fervent quelques perfonnes ;
foit pour raffermir leurs denrs ou leurs
gencives, foit pour en calmer les dou-
leurs, contribuent auffi plus ou moins a
ternir les dents, fuivant la nature de leur
compofition. Cependant, lorfqu\'il n\'y
efl point entré d\'ingrédiens caufliques
ou de corrofifs, onôte pareillemencfans
peine avec la poudre ou l\'opiat la craffe
qu\'ils ont laiffée fur les dent\'s. L\'ufage
de certains alimens peut encore en al-
térer la blancheur. Les perfonnes qui
ont l\'habitude de fe rincer la bouche
avec du vin rouge pur , s\'exp6fent à cet
inconvénient : c\'efl pourquoi en fe fer-
vant du vin pour rincer fa bouche (ce
qui efl bon pour îes gencives ), il faut
enfuite fe bien effuyer îes denrs ^ Sc
avoir recours à îa poudre ou â l\'opiar
quand ia craffe ne peut être enlevée par
les frottemens. Ceux qui fument, ou qut
mâchent du tabac pour leur fanté oit
ïar fimple habitude , ont ordinairernenc
es dents noires, & ne peuvent guem
Tome L ^ "
^^ ^^^^ ^^ntifiei
recouvrer leur blancheur , qu\'en rencn->
cant à la pipe ou au mâchicatoire.
Une habitudelnfiniment plus dange^
ïeufe , eft celle d\'ufer de certaines pou-
dres ou de certains opiats compofés de
çorroftfs, tels qu\'en diftribuent les char-
latans;\' Ges pernicieufes drogues, après
avoir donné quelque éclat aux dents,
jion-feulement leur ôtent fans reffource
leur blancheur naturelle & les rendent
livides, mais les détruifent infaillible-
ment. Le blanc qu\'on met fur îe vifage
gâte aufli les dents de plufieurs maniérés.
J1 fe forme fur îa dent, au bord des
gencives , une efpece de verd-de-gris
qui commence par la ternir, qui enfuite
la defleche & en brûle l\'émail , fi l\'on
n\'a beaucoup d\'attention à le faire ôter
à mefure que l\'on en apperçoit le moiii\'
dre veftige.
Au refte, quelque foin\'qu\'on prenne
pour conferver fes dents blanches, il
faut obferver que leur blancheur dure
plus ou moins , fuivant la qualité des
dents , & la fanté dont on jouit. Il y a
d\'ailleurs pluiieurs degrés de blancheur
qui font i\'ouvrage de la nature, & que
l\'art ne peut changer. L\'émail eft ordi-
Dc I*Art du Dentifiet i ^ f
Oaîremenc dans fon plus grand éclat
jufqu al age de 3 oans/Cet ératdécline ^
40 , & d\'année en année on s\'apperçoit
que les dents font moins blanches, Ibic
que l\'émail s\'ufe ou devienne plus
mince ; foit que les dents deviennent
plus compares, ou que les canaux den-
taires s\'obftruent; foit que le fuc nour-
ricier s\'y porte moins abondamment ou
plus difficilement, parce que les vaif-
feaux font plus étroits \\ foit enfin que la
lymphe qui arrofe les dents foit moins
blanche elle-même , ou plus chargée de
parties féreufes Sc jaunâtres.
De toutes les caufes qui terniffenî les
dents, les plus cotximunesfont le limon »,
& le tartre qui les recouvrent d\'une
efpece de vernis très-fale, & fouvent
d\'unecroûte épailîe. Pour fairereparoître
la blancheur cachée fous cet enduit jaune
ou noir, il faut exaâement l\'emporter,
ce qui fe fait fans beaucoup de peine.
Cette facilité pourtant ne doit pas faire
moins redouter le tartre Se le limon
dont le moindre féjour fur les dents ^
întérefi!e leur folidité.
Certaines dents ternies ou livide?
®nt perdu leur biaiicheur^ par l\'effst de
Rîi
-ocr page 220-itptf Dc VArt du DiJitlp.
quelque coup violent qu\'on aeffuyé dans
la jeuneffe, & donc la commotion a pro-
duit , dans les canaux dentaires, un épan-
chement qui s\'eft communiqué au corps
fpongieux. Le cordon de ces forces de\'
dents péric par des pedtes fluxions ,
qui de tems en tems y furviennent, &
le canal ne fe remplit jamais davantage.
Lorfque l\'accident dont je parle (celui
des coups dans les dents ) eft arrivé à
un certain âge , où le canal s\'eft trouve
affez étroit, & les dents intérieurement
bien garnies, s\'d fe fait alors un épan-
chement dans leurs canaux, il eft beau-
coup moins confidérable ^ & altéré peu
la couleur des dents , au moins à ce que
j\'ai pu remarquer.
—jmmMamniNi I ■im niiiiiiiiiiiiiimiBMBg—
§. I I.
la formation du Tartre & de fes
Inconvénlens.
L E s dents , malgré leur unlitc fl pré-
fente , fl fenfible, d\'une évidence
dont chaque inftant nous averdt, font
la partie la plus négl gée.On les laiife
Sômmunément aller au gfé de ia natures
De VArt du Dentïjle: î ^f
fans faire la moindre attention aux
inconvéniens fans nombres qui fuivent
ou accompagnent leur perte. Si l\'on a
-quelquefois recours au Dentifte , c\'eft
preique toujours à l\'extrémité , lorf-
qu\'il n\'y a plus de remedes, ou qu\'on
peut tout au plus éluder pour très-peu
de tems la perte des dents; en forte que
malgré lui le Dentifte eft bien moins
occupé de leur confervation j qu\'à eu
délivrer promptement ceux qui les ont
lainé périr. Le plus prompt effet de cette
négligence, eft la formation du tartre
qu\'on a autrement nommé chancre, parce
qu\'il ronge, non-feulement les gencives,
mais encore les alvéoles , & la mem-
brane qui revêt les racines des dents.
Or, comme ce font toutes ces parties
qui les maintiennent fermes,&: folides ,
lorfqu\'elies font détruites conjointe-
ment ou féparément J les dents devien-
nent chancelantes & tombent bientôt,
faute de foucien , fi on néglige d\'y ap-
porter les foins convenables.
Le tartre fe forme par couchés , diî
limon gras & vifqiieux qui s\'attache fus
les parties dures, telles que les dents,
quand on n\'a pas l\'attention de l\'enlevef
R iij
-ocr page 222-(î 9S De VArt du Dentlfle»
tous les matins. Ce limon provient de
plufieurs caufiss : de certains alimens qui
s\'attachent & reftent fur les dents ; d\'une
falive viciée , ou trop épailFe; des mau-
vaifes digeftions qui renvoient des fu-
mées groffieres , & qui viennent aufli
quelquefois des \' poumons j de certaine
pituite J des maladies, & même des re-
medes dont on ufe. A mefure que ce
limon fe durcit, il fe change en tartre.
Il augmente peu-à-peu par de nouvelles
couches qui fe dépofent fur la premiere,
& il s\'incrufte & s\'épaiflit à tel point
que l\'en ai ôté à quelques perfonnes ,
des dents inférieures vers la langue ,
des morceaux auflS gros que des aman-
des. On éviteroit tout ce défordre , û
chaque jour, le matin, on prenoit le
foin d\'enlever avec une éponge le limon
qui s\'efl: attaché pendant la nuit fur les
dents. Faute de cette attention fur foi-
même , le tartre une fois formé s\'accu-
mule , & couvre les dents d\'une croûte,
qui non-feulement les rend dégoûtantes,
mais d\'où s\'exhale encore fouvent une
odeur fort défagréable.
Les incifives de la mâchoire infé-
îieure font plus fujettes au tartre, que
De VArt du Dentijle. s ^^
«cellesde la mâchoire fupérieure, fur-touE
dans ia face intérieure où la falive fé-
journe le plus , & où la langue porte
encore le limon. Lorfque quelque denc
douloureufe empêche de manger d\'un
côté, l\'inadion de la denc malade &
de fes voifines , fait que le tartre s\'y
amalî\'e en grande quantité.
A un certain âge , & dans la vieil-
leife , on eft ordinairement plus fujet,
que dans la jeunefte , à contracter du
tartre. 11 n\'eft pourtant pointrârede voir
aux jeunes gens des dents qui fe couvrent
de tartre , à mefure qu\'el es fortent des
gencives; mais alors il provient des dif-
ipofitions des vices que nous avons
marqués. Par quelque caufe qu\'il foie
produit, & dans quelque cas que ce foit ,
auffi-tôt que ce corps étranger s\'eft accu-
mulé fur les dents , il faut promptement
l\'enlever j autrement il fait fur les gen-
cives une telle compreflîon, qu\'il em-
pêche le retour des liqueurs , qui par
. eur féjour fe corrompent & dé-*
truifent enfin tôt ou tard les. gencives ,
les alvéoles, & le périofte des racines»
En effet, à mefure que le tartre aug-
mente de volume, il gagne de plus en plus
Riy
-ocr page 224-De tAn du Dentlfie.
les gencives, qui par fa préfence s\'e»-
gorgent & {q gonflent peu à peu. Le
fang , ou la lymphe féreufe qui les
abreuvent, s\'épanche par la rupture des
vailfeaux. L\'alvéole, dont la membrane
eft auffi gonflée, fe dilate , & le flnide
qui s\'y répand y croupit. Ainfi tout fe
détruit à la fois : les gencives, auparavant
fermes & folides , deviennent flafques,
fongueufes & charnuesles alvéoles s\'a-
molliffént auffi quelquefois ; les dents
deviennent douloureufes & branlantes*
Cependant, tant que ces parties ne font
pas entièrement appauvries & détruites,
en ôtant exadement îe tartre, & en
évacuant le fluide , dont les gencives
.èi les alvéoles font également fubmergés,
on peut redonner de la folidité aux
dents. Mais fi l\'on différé trop , le tartre
s\'accroît tellement de jour en jour , qu\'il
n\'y a plus moyen de fauver les dents,
parce que tout ce qui les foutenoit fe
trouve détruit fans relîburce ; ce qui
fait qu\'en ôtant alors ce corps étranger ,
on ne fauroit empêcher les denrs d\'être
douloureufes , & de périr enfin , après
avoir bien fait fouffrir.
Les dents ainfi déchauffées, & déra-
-ocr page 225-De VArt du Demi/le. zot
«înées par le rartre, non-feulement font
difformes par le feul alongement, mais
tefufent même le fervice , quand eJles
n\'ont pas confervé une folidité fufïifante.
Le plus fouvent elles caufent des fluxions
qui forcent le malade â les faire ôter ^ &
à ne pasattendrequ\'elles tombent d\'eiles-
mêmes.
Quelques perfonnes , après s\'être fait
nettoyer les dents , les voyant toutes
déchauffées & branlantes par l\'effet du
tartre qui îes a minées, croient qu\'elles
ne font en cet état, que pour y avoir fait
toucher. Elles communiquent leurs pré-
jugés à d\'autres , & l\'erreur s\'accrédite
ainfî par tradition. Mais iî ces perfonnes
avoient eu plus de foin de leurs dents ;
fî elles euffent appellé le Dentifle, avant
que le tartre en eût détruit le foutien 5
fi, après avoir fait ôter ce tartre, elles
avoient eu l\'attention d\'empêcher qu\'il
ne s\'en formât dé nouveau, elles au-
foient confervé leurs dents.
Un autre préjugé non inoins dange-
reux , efl: de prétendre, comme on l\'en-
tenddireâquelquesperfonnes que quand
pn a une fois fiit toucher à fes dents,
il faut fans ceffe dans la fuite avoir
Ve VArt du Dcntljie.
affaire an dentifte , parce qu\'alors les
dents fe faliflent bien plus proraptenient
qu\'auparavant. C\'eft encore un préjuge
auflî faux qui fait croire à beaucoup
de gens, que les feuls inftrumens d\'à\'
cier dont on fe fert pour nettoyer les
dents en ôtent l\'émail 5c les ébranlent.
Rien de tout cela n\'eft à craindre ,
lorfqu\'on ernploie un bon Dentifte. U
ne faut qu^en atrefter l\'expérience ,
Se le témoignage de tous ceux qui
.ont recours à nous tous les jours. Mais
voici ce qui donne Heu à ces rédi-
cules & très-fauffes imputations. Bien
des perfonnes, après avoir fait nettoyer
leurs dents, les laiflèntretomber par leur
négligence dans le même état où eiles
étoient, & fur Pidée qu\'il ne faut point
y faire toucher ii fouvent, ils croient
être quittes de tous foins j ce qui fait
qu\'elles ne tardent pas à devenir encore
plus fales, plus chargées de tartre qu\'au-
paravant. On ne penfe plus à fes dents,
que quand elles commencent à refufet
le fervice : c\'eft alors qu\'on ouvre les
yeux, & qu\'on revient au Dentifte, pour
exiger fouvent de fon art les fecours
qu\'il ne peut plus donner, parce qu\'on
De tArt du Demyie..
îes a demandés trop tard, & que les
meilleurs remedes ne font pas à beau-
coup près l\'effet qu\'auroient pu faire
les moindres remedes employés à rems.
L\'exemple eft encore ici fort conta-
gieux. On voit beaucoup de gens qui fe
piquent de négliger leurs dents , parce
qu\'ils fe fient iiir leur bonne qualité, Se
qu\'ils ne penfenc pas qu\'elles puiffent
jamais leur manquer. Cette confiance à la
vérité réulîît à quelques perfonnes, qui,
fans rien faire à leurs dents, les con-
fer vent affez long-tems faines & foi ides.
ÎVlais c\'eft une dérifion que d\'attribuer
la durée de ces mêmes dents, au peu de
foin qu\'on en a. Elle n\'eft due qu\'à la
bonté du tempérament du fujet, & à la
bonne conformation des dents, des gen-
cives des alvéoles c^ui fe confervent
ainfi naturellement d\'elles-mêmes. Il eft
Pourtant rare qu\'à ia fin on ne foit pas
a dupe de fa négligence. La plupart
de ces dents fi forces manquent tout à
coupj&: périffeiit dans le rems qu\'on s\'y
attend le moins. Mais pour un petit
nombre de perfonnes qui femblent privi-
légiées à cet égard, combien en eft-ilqui
ne parviennent à conferver leurs dents
io4 De tAn du Dentlfie.
que par une grande attention, & qtiî
feroient avant 30 ans privées de cet
utile ornement, fans le foin particaiieC
qu\'elles en ont ! G\'efi; par Teifer de ces
bons foins, que des dents foibies & déli-
cates , quij pour peu qu\'on les eût négli-
gées , auioient été bientôt détruites ,
ie maintiennent jufque dans un âge avan-
cé, &; fubfiftenc quelquefois plus long\'
tems que les dents de ia meii eure qua-
lité, abandonnées à lanatuie.
Tous les Dentiftes qui ont écrit itn
peu à fond fur cette matiere ont dé-
montré combien la confervation des
dents intérefîe la fanté & ia vie. 11 ne
faut en effet j pour s\'en convaincre , que
fe repréfenter nettement leur mécanif-
me & leurs fondions. Perfonne n\'ignore
que les dents font les principaux inf-
trumens de la maftication. La langue
qui dans cette opération fait l\'oflice
d\'une pelle , aidée du mouvement des
joues, ramaffe les alimens échappés aux
dents, ou qui n\'étoient pas fuflîfam-
nient broyés , & les rapporte fous la
meule, pour que la mouturp s\'acheve
par le jeu des deux mâchoires. La falive
qui afflue alors dans la bouche pénécrs
De t Art du Dentîjîe, lo 5-
èetrepâte & la lubrifie. Quand elle elî
bien difpofée pour la deglutition J c\'eft
encore la langue qui la reprend , 5c qui
la pouffe vers legofier. De-Ià l\'œfophage
la conduit dans l\'eftomac, où elle s\'ar-
rête pour être cuite & digérée. Ainfi
quand toutes ces opérations fe font de
cette maniéré & fans embarras, le chyle
que donnent les alimens eft doux , fluide,
plein de fubftance & par conféquenc
propre à réparer, à nourrir & à vivifier
toutes les parties de la machine. Si an
contraire la maftication eft mal faire,
il eft aifé de concevoir la peine qu\'a
l\'eftomacà cuire & à digérer cette maffe.
Elle y féjourne donc plus long-tems,
& le chyle qui en provient ne peut
manquer d\'être épais , groffier , de s\'ai-
grir même , & de n\'arriver que fort
lentement au vifcere d\'où fe fait fi dif-
iribution. De-là les indigeftions de route
efpece , les obftruétions dans le mé-
fentere , l\'embarras dans la circulation,
les engorgemens ; en un mot, une foule
de maladies dont la fource eft, d\'une
5art, la néceffité de manger ; & de
\'autre, la difficulté de faire paffer les
alimens dans l\'eut que l\'eftomac les
ioS De VArt du Denûjle.
demande. On voie donc combien
bonne qualité des dents contribue a
la fanté. Se de quelle imporrance il eft
de conferver , à tout âge, ce premiec
inftrument de la digeftion.
Comme on abufe prefque toujours
de fes avantages naturels, la bonté des
dents ne doit pas induire perfonne à
trop manger , ni à broyer plus d alimenS
que fon eftomac n\'en peut contenirr
Car les mêmes inconvéniens qui font
produits par le défordre des dents j
arrivent encore plus fréquemment par
les excès de l\'intempérance. Je remarque
encore un abus aufti commun que per-
nicieux. Bien des gens pourvus de dentJ
excellentes , ne lavent prefque point
s\'en fervir : ils mangent avec tant de
précipitation J qu\'ils avalent les alimens
à demi-broyés, & laiftent tout faire à
leur eftomac. Ces voraces font mena-
cés des mêmes inconvéniens que ceux
qui font privés de leurs dents.
Les dents { on l\'a tant dit ) ne font
pas fl cheres & fi précieufes , feule-
ment parce qu\'elles préparent notre
nourriture, & qu\'elles font l\'inftrument
immédiat de notre fiibfîftance ; on fait
^ue d\'elles dépendent encore l\'articula-,
tion exaéte Sc nette, la belle pronon-
ciation 3 l\'agrijnent de la voix cjii\'elles
ïendenr plus fonore, & la fanté de la
poitrine qu\'elles empêchent de s\'épuifec
par le chant ou par la parole , en inter-
ceptant une partie de l\'iair qui en fort.
Quant à l\'ornement naturel que les
dents forment dans la bouche, M. Mouton.
l\'a célébré dans fon Odontotechnie.
Qui d\'ailleurs n\'a point remarqué com-
bien le défaut de dents défigure? Les
joues dénuées de ce foutien , s\'enfon-
cent & fe creufent, la voix fe calfe ,
ou perd au moins la netteté qui* en eft
le principal agrément ^ la fabve en par-
lant s\'échappe j en un mot, tous les traits
de la vieillelfes\'impriment avant le tems
fur ceux dont la bouche eft démeublée
de bonne heure. Il eft bien vrai qu\'on
remédie à ces inconvéniens extérieurs,
par le mroyen des dents artificielIes.Lorf-
que ces dents font bien faites , & d\'une
>roportion exaéle , elles remplacent
es plus belles dents naturelles ^ ôc
J^endent à peu près les mêmes fervices.
Quand on feroit peu curieux- dç la
De tAn du Dentljle.
confervation de fes dents, par rapport
aux avantages extérieurs , e le incéreffe
trop ia fanté, pour que la moindre négli\'
gence à cet égard foit pardonnable. Eir
effet J quelle incommodité n\'efc-ce pas
d\'être privé des inf\\rumens néceffaires
de la nutrition J ou de les avoir en fi
mauvais état, qu\'il vaudroit prefque
autant en être privé ? La vie peut-elle
être agréable , lorfqu\'on ne peut plus
manger que des alimens prefque liqui-
des, qu\'on eft réduit en quelque forte
à la nourriture de l\'enfance , qu\'il faut
malgré foi s\'abftenir de ce qui flatte
ieplus notre goût, à peine d\'acheter bien
cher îe moindre relâchement qu\'on peut
fe permettre , & de payer quelquefois
même de la vie ? Si l\'on eft foiblement
touché pour foi-même des maux qu\'en-
traîne la perte des dents , on devroit du
moins affurer à fes enfans la confervation
d\'un bien qu\'on regrettera tôt ou tard, SC
leur en faire fentir le prix. 11 faudroic
donc que les peres & meres, après leuc
avoir procuré une bonne dentition par les
moyens que j\'ai recommandés, lesaccou-
mmaffent de bonne heure à avoir foin de
leur bouche. Cette habitude étant con-
tiadée
-ocr page 233-Be VArt du Bcntijle. i©^
tradéedès la ptemiere jeuneflcj pafTeroit
en néceffité , & c\'en feroit pour toute ia
vie. Au lieu que, quand à un certain
âge il faut s\'alfujettir à de pareils foins,
il en coûte toujours beaucoup ; encore
les oubîie-t-on (buvent, ce qui fait re-
tomber peu â peu dans la même négli-
gence qu\'auparavant.
On voit tous les jours des perfonnes
qui prétendent être fort foigneufes de
leurs dents, & qui pourtant n\'empêchenc
point le tartre de s\'y amalfer. Mais quand
tous les foins donc fe piquent ces fortes
de perfonnes fe borneront à rincer exac-
tement leur bouche, fans autre régime
jamais elles n\'enleveront le limon qui
par fucceffion de tems forme un corps
tartreux capable d\'ébranler & de dé-
chauffer les dents. Ce n\'eft que par une
grande attention far foi-même & au prix:
d\'un régime exaél, qu\'on envoie d\'autres
conferver pendant toute leur vie & dans
un âge très-avancé leurs dents égale-
ment belles & faines. Sij après avoir
fait bien nettoyer fes dents , on étoit
exad à îes foigner, on les maintien-
droit toute fa vie en bon état , fans
qu\'il s\'y formât de rartre \\ & alors il
Tome /, S ■
â 10 D& r Art du Dtnûjle,
ne feroit pîus befoin d\'avoir recours aus
ferremens il redoutes de ia plupart de
ceux , qui par leur négligence en ren-
dent l\'ufage inévitable.
11 s\'agit à préfent de detruire le pré-
jugé qui eft fl commun , par rapport à
ces ferremens. Ceux qui croient que
les inftrumens du Dentifte alterent Se
emportent l\'émail des dents, font mani-
feftement dans l\'erreur. L\'acier n\'enleve
que le tartre , & n\'intérelfe point la
dent fur laquelle il ne fait que gliifer ,
quand la croûte en eftôtée. A l\'égard de
i\'ébranlement que l\'on craint en faifant
nettoyer fes dents , lorfqu\'on a affaire
à r.n habile homme, on ne court pas
le moindre rifque. D\'ailleurs , quand
les dents auroient été ébranlées par
quelque mal-adroit, ou par quelque
mauvais Dentifte , fi les gencives Se
les alvéoles font d\'une bonne confti-
Tution, deux fois Z4 heures après elles
auront repris leur folidité. 11 y enamiile
exemples mille preuves. Tousles
jours on déplace une dent, pour la
remettre dans une autre place. On ôte
encore entièrement de la bouche des
^eîjîs qu\'on y remet fur ie champ i oa
De t An ia Dentijle* 111;
en tranfplante quelques-unes d\'une
bouche dans une autte ; on en luxe aufli
fréquemment, pour rompre leurs nerfs:
toutes ces dents extirpées , replantées ,
luxées , fe confoHdent promptement ,
& reprennent leur confiftance. Rien
donc de plus faux que le préjugé fur
lequel on fonde l\'éloignement qu\'on a
pour fe faire nettoyer les dents. On
craint de les ébranler, en faifant enlever:
le tartre qui détruit entièrement leurs;
fou tiens & les fait tomber fans relfource;
on ne craint point le féjour de ce même
tartre qui feul eft à craindre.
Voilà les préjugés populaires dont
les charlatans favent profiter. C\'eft alors
qu\'ils fignalent leur adrelTe , & qu\'ils
redoublent d\'induftrie , pour mieux dé-
biter leurs drogues. Tous les jours ils
inventent de nouveaux remedes, donc
l\'effet ordinaire ( fuivant leurs pro-
meffes ) eft de rendre inutile tout l\'arc
des Dentiftes. Celui-ci vante une poudre
merveilleufe dont il raconte, ou faic
raconter par gens auffi faux que lui des
miracles & des prodiges fans nombre*
Cet autre a un prétendu opiat qui a
ia vertu de régénérer^ qui fait recroître ^
S ij
-ocr page 236-\'til De VAn du Dentijte.
à ce qu\'il dit, & renaîcre l\'éniai! oa
ies gencives , & qui raffermit ies dents
chancelantes. Or , c\'efl â peu près la
rnème chofe que fl on promettoit à
un homme , auquel il manque un doige
ou un braSj de lui en faire recroître un
autre. En effet, quand les gencives fonï
détruites , que la racine eft prefque à
nu &c fans foutien , comment conce-
voir que ces parties qui font enciéremenï
tonfumées, reviendront couvrir la même
racine , & confolider la dent chance-
lante? Lorfqu\'il n\'y a que les gencives
de malades, & que les alvéoles , no.n
plus que la membrane qui les tapiffe, ne
foat pas détruits , ou du moins qu\'ils
ne le font qu\'en partie, en faifant ceffer
îa caufe du mal , on peut en fliire ceffer
l\'effet. Ainfi telles dents qui éroienï
branlantes , deviennent quelquefois fer-
mes & folides par un traitement bien
entendu.
Parmi tous les prétendus élixirs vaiv
tés pour les dents , je n\'en ai point vu
de plus célébré que celui qu\'annon-
cerentjil J aquelques années,le Mercure
de France, & quelques autres papiers
publics. L\'honneur de ma profeiSaa
Be VArt du Bentljle, 11 f
ne me permet pas, de diffimuler îe peu
de confiance que mérite ce palliatif,
non moins dangereux que îes autres, &
d\'autant plus pernicieux qu\'on a pris
plus de foin de le prôner. On affuroit
que cet élixir {compofé de plantes étran-
gères ) avoit la vertu d\'emporter îe
tartre , & d\'empêciîer même qu\'il ne
fe formât, fans qu\'il fût jamais nécef-
faire d\'employer aucun inftrument d\'a-
cier. On fait que ni eaux , ni poudres,
ni opiats, ne peuvent détacher le tartre,
lorfque la dent en eft incruftée : iî réfif-
teroit même à î\'eau-forte. Or, comment
ofe-t-onavancer, qu\'une fimple compo-
fition végétale puiffe emporter une in-^
cruftation qui ne cede au fer qu\'avec
peine? Que ceux qui feront curieux de
vérifier les propriétés de ce fameux élixir,
en fafient l\'épreuve fur des dents bien
couvertes de tartre j ils feront bientôc
convaincus de fon infuffifance. J\'ai vu
des perfonnes qui en avoient fait un
long ufage; & qui n\'en ont tiré d\'autre
fruit, que de fautfrir beaucoup des gen-
cives pendant l\'efpace de deux ou trois
jours, parce qu\'elles étoient excoriées
par les ingtédiens cauftiques qui entrent
i 14 D& VArt du Dentïfle.
dans cet elixir. Quant à îa fécondé pro-
priété qu\'on lui attribue , & qui eft
d\'empêcher ia formation du tartre, elle
n\'eft pas moins fauffe que la premiere.
On n\'a pas befoin d\'élixir, pour fe ga-
rantir du tartre & l\'empêcher de fe
former : il ne faut qu\'avoir foin de fa
bouche, & obferver ce que j\'ai prefcrit.
Je ne dis pas qu\'il n\'y ait des remedes
propres à fortifier les gencives, & à les
prélerver de bien des maladies. M. Fau-
chard nous a donné plufieurs compo-
litions de ce genre dans le Chirurgien\'
Dentijle^ & j\'en publie dans mon ou-
vrage auffi quelques-unes dont j\'ai pour
garant rrPon expérience. Mais la bonté
de ces remedes veut être fécondée
par les foins & par la main du Dentifte :
il faut toujours ôter le vice local, tel
que le tartre & tel que le fang fuperflu
qui engorge & faitaffaiifer les gencives.
Sans ces opérations préalables , les
meilleurs elixirs, le bâton dc corail^ ôC
autres topiques , de quelque nature
qu\'ils puilfent être , ne produiront
que très-peu d\'effet, & iiuiront au
contraire à proportion de la confianee
OU de ia fécurité que nous infpitera
De rAn du Bentifie^ 115
leur ufage. L\'Auteur du merveijjeux
( éiixir qui heureufenient pour îe bien
public, après une vogue palîagere , eft
3-ujourd\'hui prefque ignoré) confeii-
loic de ne jamais faire nettoyer fes
dears , parce que cette opération , di-
^oit-il, leur faifoit beaucoup de tort,
ainfi qu\'aux gencives. On doit être raf-
furé lur cette fauffe crainte , par tout
que j\'ai dit plus haut. De plus j il ne
faut qu\'un peu de bon fens, pour voir
que le marchand d\'élixir ne cherche à
faire redouter la main du Dentifte, que
pour mieux débiter fa drogue. 11 feroit
fans douteàfouhaiter, qu\'on pût en effet
trouver le moyen , par l\'ufage d\'une
finipl^e liqueur, d\'empêcher les dents de
fe charger de tartre, & de maintenir en
l>on état les gencives : mais l\'expérience
K\'a que trop fait voir l\'inutilité des
topiques , fans les foins aflîdus de ceux
qui font un peu jaloux de leurs dents ,
^\' fans l\'œil éclairé du Deniifte. Il paroît
fuême que l\'Auteur de i"élixir en quef-
tion n\'en a pas eu beaucoup de débit, ou
qu\'enfin le cri de tous ceux qui en ont
^ifé fans fuccès , l\'a forcé de reconnoitre
publiquement fon infuffifance par rap-
î. I iî De VJn du Dentljle: ^
porc au tartre. Car dans un imprime
où d donne la façon d\'employer ce
même élixir & d\'auttes drogues qu h
débite , il recommande de faire avant
tout emporter par les moyens ordi-
naires le tartre des dents.De plus, quand
i\'occafion fe préfente de nettoyer les
dents à quelqu\'un , ce même homme
aujourd\'hui ne la manque point ,
reprend la méthode qu\'il a décriée.
y a donc bien de l\'apparence qu\'il eft
revenu de fes préjugés, de je^ fouhaite
que fa converfion puifle opérer cede
des perfo/mes qui font encore dans 1»
même erreur, j\'aurois bien voulu nie
difpenfer de m\'étendre far fon élixir
mis j\'aurois cru manquer au Public?
fi dans un ouvrage entrepris par le feu)
motif de lui être .utile , j\'avois pafte
légèrement fur un femblable palliatir.
D\'ailleurs, peut-on trop préniuntr les
?erfonnes crédules contre l\'abus que
es empyriques font tous les jours de
leur confiance ?
CHAPITRE QUATRIEME,
Des maladies des Alvéoles, de celles des
Gencives, <5- de leur guérifon.
§. .1.
Maladies des Alvéoles.
Xj E s alvéoles font fufceptibîes de
carie comme les dents même , mais- \' «
plus rarement. Les caufes ordinaires
de cette maladie , font un vice fcor-
butique ou vénéviea , ou quelque dé-
pôt produit d\'ordinaire par quelque
dent gâtée, dont la matiere viciée a trop
long-tems féjourné dans cette partie.
Les alvéoles font encore"^fujets à fe
confumer &àfe détruire à peu près com-
me les racines des premieres dents ou
dents de lait, fans qu\'il en relie aucun
veftige. C\'efl: ce qu\'on peut fur-tout ob-
ferver, quand les racines fe déchauflènt,
Tomel, T
2 1? Ve VAn du Dentijle.
êc dans la fuppuration des gencives. Cet-
te maladie eft très-commune ; elle eft
ordinairement cau{ée par l\'engorgement
des gencives où le fang fe coi rompt par
fon féjour; par une lymphe acre & cor-
ro.fife , qui en abreuvant ces patties, le$
mine peu à peu ; par la feule préfence
du tartre, ou par l\'effet d\'un limon acre
Se corrofif qui pénètre fous la gencive ,
S< jufqu\'à la racine de la dent._ Ces dif-
rentes caufes font dIus ou moins de ra-
vage, felon la qualité des alvéoles &
les dif]jofitions du fujet. Les alvéoles
Se les cioifons intermédiaires qui occu-
îent les intervalles des racines, s\'amol-
ilfent auffi quelquefois , & deviennent
d\'une fubftaace charnue; ce qui pro^
vient de la ftagnation du fang, ou d\'une
lymphe féreufe qui fe trouve infiltrée
dans les gencives : l\'abondance de ces
fluides, en féjournant dans les alvéoles
ou aux environs, produit affez fouvent
(çet effet, ce qui fait juger que la denc
n\'a prefque plus de foutien J & qu\'elle efl
par conféquent douloureufe. Aux per-
fonnes repletes & pituiteufesj l\'ébran-
lement des dents commence pa" le dé-^
des gâînes olfeufçs qui (om affe^
De tAn du Dentijie^ Ct f\'
îces de quelqu\'une de ces maladies, &
qui périirent û on ne veille continuel-»
lement à leur confervation.
Les vieillards perdent d^ordinaire
par l\'ébranlement les dents qui ont
échappé à la carie, & c\'eft prefque tou-
fours ici l\'alvéole qui manque j parc©
que le fluide qui circule dans cette parti©
n\'a plus la même qualité^ foit que le
cours en foit plus lent, foit qu\'il n\'y ait
plus affez de fuc nourricier, ou qu\'il
Ibit appauvri de quelque autre maniéré.
Quelle qu\'en puifTe être la caufe, il eft
certain que dans la vieillelTe les racines
des dents font communément dégarnies,
cant du côté des alvéoles , que de celui
•des gencives , Bc qu\'elles font par con-
féquent peu fblides. J\'ai cependant re-
marqué que les vieillards d\'uu tempé-
rament bien fee confervent affez fou-
vent leurs dents fermes jufqu\'à un âge
fort avancé.
La durée des alvéoles dépend de la
durée des gencives ^ le bon état de cel-
îes-ci empêche ceux-là de fe détruire.
Ainfî en travaillant à la confervation des
gencives, 0n |Kîurvoit à celle des alvéo-
les.
T ij
-ocr page 244-\' ......
Des Gencives en général.
Ij E s gencives ne font gueres malades
que les alvéoles ne s\'en relTenrent, &
quand les alvéoles font détruits, les
gencives ne reftent pas long-tems dans
ieiu- état naturel : elles fe retirent,
elles fuppurenc, & les racines qui fe
trouvent à nu leur deviennent un
cerps étranger.
Il eft bon d\'obferver en paffant que
les dents , par leur feule préfence , ou
par !â carie donc elles font affedées ,
produifent la plupart des maladies qui
attaquent communément les gencives.
Quand une racine eft dénuée d\'alvéole ,
la gencive qui fubilfte alors, même
celle c|ui n\'eft point retirée, ne pouvant
s-\'adaprer fur cette racine, ne fauroit
être en bon état 5 mais cette maladie
n\'eft point dangereufe. Car lorfqu\'une
dent eft fans reifource, qu\'elle n\'a plus
aucun foutien , qu\'elle ne peut qu\'in-
pommoder, auifitôt qu\'elle eft ôîée,.]^
y
t>c r Aft du Dentîfle, x if:
gencive qui étoit dure ou calieufe, de
couleur livide ôC mcme ulcérée vers
rextrémité de la racine , devient au
bout de deux jours faine & vermeille.
Il en eft de même des autres maladies
>roduites par la préfence des dents :
a dent ôtée, lagencive malade eft bien-
tôc guérie. De plus, j\'ai fouvent r^ar-
quéque , quand on n\'a plus aucune dens,
les gencives font moins atteintes de vi-
ces fcorbutiques & de tous autres;,
qu\'elles font auifi moins fujettes â de-
venir flafques fongueufes J & qu\'en-
fin elles font exemptes| de beaucoup
d\'autres maladies.
§. III.
De la flruBure & de tufa^e des Gencives
& du Périofte,
Ijes gencives dans leur état naturel
doivent être de couleur de rofe pâle
plus ou moins vif , & d\'une fubf-
tance ferme. Elles doivent _peu cou-
vrir la partie émaillée des dents , mais
très-exaélement le collet & la racine de
T iij
-ocr page 246-k is De VArt du Denûjîe:
chaeune. Lorfqu\'elles couvrent trop le
.corps ou la partie émaillée des dents,
x\'eft une vraie difformité, un défaut
4;ontre l\'ordre naturel. Quand elles laif-
lent à découvert le collet des dents,
c\'eft qu\'elles font retirées ou détrui-
tes; ce qui eft une difformité. La fubf-
îaîij!^ des gencives eft toute compofée
«le glandes qui concourent, avec les au-
tres glandes de la bouche , à la filtra-
tion delà falive. Elles font enveloppées
extérieurement pat la même peau qui
tapiffe l\'intérieur delà bouche, Se revê-
tues intérieurement du périofte qui cou-*
■vre les os maxillaires. C\'eft par k moyent
de ce périofte qu\'elles font adhérentes
\'«ux alvéoles. Le même périofte va enco-
le tapifTer le dedans des alvéoles Sc les
racines d\'une membrane plus déliée qui
«ft commime aux deux parties : cette
membrane eft attachée d\'une part aux
parois internes de l\'alvéole par une io-
iiniré de petits vaiffeaux fortant du pé-
îiofte qui couvre les os maxillaires. Ces
vaiffeaux qui , après avoir traverfé la
fubftance de l\'alvéole, ont formé cette
membrane, l\'attachent encore à la ra-
■«ine dont ils traverfent aufli la fubftân-
De t Art du Dentlfie. lif
cè, & vont former dans l\'intérieur de
cette racine tuie autre membrane encore
plus fine qui en tapifle le canal. La ra-
cine de la dent eft nourrie Sc vivifiée
par le fuc que lui portent les vaifteaux
du périofte qui la recouvre , & l\'alvéole
eft nourri par les vailfeaux du périofte
qui recouvre les os maxillaires.
Les gencives forment une fertiflTure
autour de la dent à l\'extrétiiité des al-
véoles, & vienneiit en etnbraflTer le col-
let conjointement avec le périmaxillaire
& îa membrane qui les couvre exté-
rieurement. C\'eft ainfi que toutes ce»
membranes fe réuniffent pour affermit
les dents.
Les gencives fe divifent en deux par-
ties^ l\'une intérieure & l\'autre exté-
rieure. On appelle la partie extérieure ^
celle qui répond aux joues & aux le-
vres. La partie intérieure eft celle qui
répond au palais, à la mâchoire fupé-
rieure, à la langue, &: à la mâchoire in-
férieure. Les gencives s\'étendent danfi
chaque mâchoire, depuis la cinquième
de derniere molaire , jufqu\'à la pareille
molaire du côté oppofé tant en dedans
qu\'en dehors. Elles forment autour
m 4 ^^ Btnùfie.
dents comme des découpures ou des
feftons qui ies embelliflent, en faifant for-
tir leur blancheur. Avant que les dents
aient percé, les gencives font toutes
«nies, & elles couvrent entièrement les
alvéoles, jufqu a ce que les dents les di-
vifent.& s\'ouvrent un palïage. Lorfque
les dents font forties , il refte dans leurs
interftices une portion de la gencive
qui n\'a point été divifée, & qui forn-sè
une pointe plus apparente aux dents
de devant qu^aus autres. Ces pointes ,
quand elles font bien proportionnées,
font un bel effet, & remplirent les vi-
des que les dents moins larges vers
racine lailTenc du côté des gencives.
Les gencives dépourvues de dents
par quelque caufe que ce foiCj, fe reri-
rent , fe réuniffent Se reviennent dans
leur premier état. Les vailfeaux qui s\'y
diftribuent font, comme aux dents, des
arteres, des veines, 8c des nerfs, Se ils
viennent de la même fource. Elles ont
une infinité de vaifTeaux lymphatiques
Se fanguins qui font d\'une extrême fi-
neffe , comme dans toutes les parties
glanduleufes.
Le principal ufage des gencives eft
-ocr page 249-De l\'An duDentïfte.^ xif
d\'aïFemik îes dents, & de les contenir
dans leurs gaines oileufes. Mais quand
elîes font bien découpées, d\'une belie
forme, & bien vermeilles, elles fonï
encore un ornement dans la bouche. ^
§. îV.
Maladies des Gencives.
Toutes- les maladies des gencives
font, produites par des caufes externes
ou internes qui leur font communes
avec les dents.
Les caufes externes font un limon
•-âcre & coirofif, l\'abondance du tartre,
une falive viciée, les coups 5c les chutes.
On peut y ajouter toutes les maladies
des dents qui influent plus ou moins fur
les gencives. * ^
Les caufes mternes font aulii les m&-.
mes que celles qui font périr les dents
un mauvais chvîe , l\'épaiffilfement oa
l\'excès du fang & delà lymphe, le fcor-
but, un levain vérohque, un vicechan-
creux, &c.
Ces différentes maladies ont reçu dit-
-ocr page 250-De VArt du Dînûp,
férens noms, fuivant les divers fymp-*
tomes fous lefquels elles fe manifeftent*
Delà le gonflement , rexcroiffance Sc
les fonguofités des gencives ; delà VE"
pouUSf ainfi qu\'on appelle l\'excroiffance
extraordinaire de ces parties; le Paroii"
lis, ou l\'abfcès d\'un certain volume; les
fiftules, l\'ulcération à l\'extérieur ou à
l\'intérieur des gencives, & les bubesou
petits boutons fifluleux.
De toutes les maladies des gencives ^
les plus dangereufes font lans contre-
dit les affections fcorbutiques & .véné-
riennes. Les premieres non-feulement ^
les rendent flafquesSc fongueufçs, mais
même les iilcerent, les rongent Sz les
détruifent totalement. Les autres pro-
duifent quelquefois les mêmes ravages ,
mais moins fréquemment.
La caufe la plus ordinaire du gonfle-
ment des gencives , eft la préfence du
tartre. Les gencives, en cet état, font
épaiffes, élevées, & forment un bour-
relet autour des dents. Les pointes qui
s\'avancent dans les interfiices des denrs ,
font ordinairement les endroits qui fe
gonflent & s\'alongent le plus. Leur
gonflement efl rarement douloureux ,
De TArt iu JÔentyB. s:%f
& il eft très-facile a guérir ,
n\'eft canfé que par le tartre. 11 n\'eft
queftion que d\'ôter ce tartre, & enfuite
( fl le cas l\'exige ) de dégorger les gen-
cives avec la lancette, ou de quelque
autre maniéré. Pour les faire faigner da-
vantage , on les preiTe avec îe doigt en-
veloppé d\'un linge fin. Les gencives
bien dégorgées, on fait rincer la bouche
au malade ^ matin & foir, pendant quel-
ques jours, avec une eau.appropnee a
ia nature & au degré du mal j on le met
en même rems à l\'ufage d\'un bon opiat.
Par ces précautions, les vailfeaux des
gencives reprendront en très-peu de
fems Isnr tonus, comme on îe veirâ par
les obfervations que je vais rapporter.
Quand les gencives font douloureu-
fes & gonflées, foit par l\'effet de qu^el-
que coup, ou de quelque chute , foit
par l\'irritation que certaines drogues ƒ
auront caufée, ou comme il arrive ordi-
nairement par la maladie de quelque
dent dont on ne veut pomt fe priver,
il faut faire un fréquent ufage d\'eau ês
de lait tiede. Si k douleur & le gonfle-
ment font opiniâtres, il faut dégorger les
tendves, & eu évacuer le fang qui peul
ti^ De rjrt du Denûjle.
s\'y être épanché, ou être arrêté dans le^
vaifféaux par fon abondance.
Lorfqu\'aucune des caufes extérieures
que nous venons d\'articuler n\'a contri-
bué gu gonflement des gencives, iî n\'y
a point à douter qu\'il ne foit produit
par une caufe interne. Alors, fi c\'eff; un
épaiffitTement du fang ou de la lymphe
dont la circulation ne foit pas libre ,
iî faut humeéter & laver avec des boif-
fons convenables. Si, malgré le fréquent
lavage , le gonflement fubfifte encore,
il faur faire faigner les gencives.
Quand- le gonflement des gencives
provient de pléthore , ce qu\'elfes indi-
quent elles-mêmes par des faignemens
fpontanés, il faut diminuer îe volume du
fang, & faire obferver au malade îe ré-
gime propre à fon état. Mais fi le gon-
flement eft prodiut par la plénitude des
humeurs, il faut les entraîner par des
purptifs. C\'eft d\'abord l\'affaire du Mé-
decin : enfuite, s\'il eft néceffaire, ie Den-
tifte travaillera à rétablir les gencives ,
par les moyens que nous avons indiqués.
Les vices fcorbutiques ou vénériens\',
qui fouvent font auflî gonfler les gen-
cives, doivent de même être détruits
De rArt du.Dentïjle-. Xif
guéris radicalement ^ avant que
d\'en venir aux remedes extérieurs.
Lorfqu\'après la deftrudion des caufes,
^Ês gencives reftent gonflées , c\'eft au
^entifte à les dégorger , & à faire
évacuer par les fcarihcations les humeurs
dont elles fe trouvent chargées. Il ne
faut pas fur-tout négliger de faire biea
rincer la bouche du malade , jufqu\'a
parfaite guérifon, avec des lotions ou
des gargarifmes préparés convenable-
ment , fuivant Fart & îa qualité de la
rnaladie , & l\'on y joindra l\'ufage de
quelque opiat bien fait.
Deux obfervations feulement fervi",
font ici de corollaire.
Ob^eryatîon I.
En 1748, M. le Ofeier d©
Marine, logeant alors à rHôrel.pa,u-
phin, rue de îa Croix des Petits-Champs,
vintme confulter fur une hémorragie aç-^
tuelle dont il étoit attaqué, & qui pi:o-
Venoitdesgencives, -l?malade, depuis
environ cinq fert^aines J fe tvouvoit touç
les matins rfcmplî de ianç dans fon lit,
. k il avoit oA\'y^ hn pluil^uis remedef
é
-ocr page 254-& JO Dc VArt du Dentîjîe*
prerque fans fuccès. J\'examinai Tecat dfi
fes gencives : je les trouvai médiocre-,
fnenc gonflées, fi ce n\'elf aux pointes
qui l\'étoieet davantage & fort prolon-
gées; mais pour peu qu\'on y touchât,
elles faignoieiît facilement. Je dégor-
geai ces gencives à plufieurs reprifes, 8C
par de petites incifions que j\'y faifoiî
avec la lancette , j\'en faifoîs fortir cha-
que fois beaucoup de fang. Je retran-
chai l\'excès des pointes, ou le prolonge-
snent des mêmes gencives; je fis enfuite
ufer au malade d\'une eau & d\'un opiat
afltingens. Deux joiu\'s après, le faigne-
ment étoit confidérablement diminué;
le quatrième jour l\'hémorragie cefîâ
jtout-à-fait 5 & les gencives faimt par-
^aitenaent guéries.
En 1751, Mademeifelle * * *. de-
ïYieuran.t rue S. fionoré , près les Pi-
liers des Halles, eut les gencives fore
malades. Elles fe gonflèrent & s\'épaifli-
fent fi prodigieufement, qu\'elles cou»
croient prefque les dents. Comme elle
^piuipAt beaucoup depuis quelques
Djg T Art du Dentrjîe. aj
foiirs, elle fut faignée plufieurs fois, &C
prit les bouillons antifcorbutiques, ce
qui ne fit d\'autre effet que de calmer les
grandes douleurs : les gencives reflerent
toujours fort enflées & douloureufes
au moindre taét. Elle vint chez moi
je lui dégorgeai les geucives5& j\'en cou-
pai l\'excédent en certains endroits à
plufieurs reprifes î après les lotions con-
venables , fes gencives fe rétablirenî;
parfaitement.
Excroiffaîices des Gencives f & leuf
guérifon,.
Les excroiflances des gencives ont
les mêmes caufes que leur ^nflement :
ces caufes font par conféqueiit inter-
iies & externes. Ainfi , pour parvenir a
guérir radicalement cette maladie, il
faut en reconnoûre la fource ^ & tra-
vailler à la détourner.
Sil\'excroifiance eft produite par quel-
que caufe extérieure, cette caufe ôtée ,
guérifoii fera |).rom|>i:e. Si ç\'çft iin^
caufe interne, ii faut de même ia détrui-
re , fans quoi tous les remedes exté-
rieurs ne feront que fufpendre ou pal-
lier le mal.
Il y a différens degrés d\'excroiffance
qui font plus ou moins de défordre.
Elles font généralement produites par la
préfence du tartre, par celle de quel-
que racine ou de quelque dent gâtée ,
par quelque excoriation ou ulcération
îurvenUe aux gencives m.êmes, par la
trop grande alîondance & la ftagnation
des fucs qui les abreuvent, ou par quel-
que autre vice qui s\'y trouve.
Ces excroiffances au commiencement
n\'ont riçn de dangereux ; mais fi on les
néglige, les dents ne tardent pas à s\'é-
branler , & elles font en rifque de périr,
lorfqu\'on attend à l\'extrémité pour arrê-
ter les prog^s du mal.
Le premier degré d\'excroiffance fe
reconnoîtau gonflement & à la couleur
des gencives. Aufîî-tôt qu\'elles com-
mencent à devenir flafquesj fongueu-
fes & rôugeâtres, il faut aller au plus
prompt remede ; ce remede\' eft de les
confumer avec un bon opiat abforbant
^ deiEçatif J dont on contiaue l\'ufage
jufqu\'à
-ocr page 257-De l\'Art du Demijle. i 5 5
jufqu\'l parfaite guérifon. Si ce remede
eft infuffilant, ii faut les couper ; mais
-cette opération demande une main adroi-
te & légere. II faut fur-tout obferver de
ne point défigurer les gencives , comme
font fouvent certains Dentiftes, qui ne
fongent qu\'à débarraffer le Sujet de ces
excroiffances, & qui s\'embarraflent pea
que l\'opération, bien ou mal faite, lailfe
quelque défeétuofité dans la bouche.
Pour éviter cet inconvénient, il s\'agi^
de couper avec des cifeaux, autour des
dents, les chairsfuperfiues, eny formant
des découpures ou des pointes; telles que-
dans leur état naturel les gencives eu
marquent entre les incifives & les ca-
nirîC-s
Si les gencives font fort épaiffes&eiï
forme de levres , fans néanmoins trop
recouvrir la dent, pour détruire ces le-
vres fongueufes, & ne pas dépouiller
la dent vers la racine, il faut ôter très-
peu de chofe fur la longueur de la gen-
cive , mais emporter toux le fuperflu das
fon épaiffeur avec un petit biil:ouri bien
tranchant. On forme avec le même inf^
êrument , s\'il en eft befoin & fi l\'étofi\'©
y eft propre , les petites pointes des
Tome L ■ y.
cives qui doivent remplie l\'interftîce des
dents. Après ces opérations, il ne refte
plus qu\'à faire bien baffîner la bouche
du malade avec une petite éponge fine
trempée dans yne eau appropriée , &
on y joint un bon opiat jufqu\'à parfaite
guérifon.
Il eft encore un antre moyen de con-
server toute l\'étendue des gencives
lorfqu\'elle n\'eft point exceflive^ & d\'ère-
Retrancher feulement le trop d\'épailfeur ,
©u les parties fongueufes, fans rien cou\'
per. On fe fert pour cet effet d\'uix-
petit eautere un peu courbe à fon ex-
trémité , dont la pointe eft arrondie ers
fctme d\'^amande y & de l\'épaiffeur d\'u-
ne groffe lendlle. Cet infïrumenr étauf
î)îen rougi au feu j, on le promene plu-
fieurs fois fur les excroiffancesen ap-
puyant un peu fur ies parties de la gen-
cive qu\'on veut applatit & détruire..
Far ce caurere adtuel, les- gencives qui
é\'toien-t fiafques, épailfeSj, fongueufes
font remifes. dans leur état naturel-, fan»
les den.ts foient dégarnies : la guérl-
fo-iî même ordinairenTent efî plus promp»
tej. Ôi les gencives., mieux raffermies^
. fettt fa|Êîtes à retomber daas. l.s-
De l\'Jrt âu Dentijîe, l^f
même défordre. Je n\'infifterai point ici
fur futilité du cautere : on fait qu\'il
étoit anciennement une des principales
reifources de la Chirurgie , & que fon
application , faite avec fageffe , opere
encore aujourd\'hui des cures furpre-
nantes. ^ _
Quand les gencives paroîtront fuffi-
fammentcaurérifées, pour détacher plus
promptement les efcarres & accélérer b
confolidation des gencives, on fera faire
au malade un fréquent ufage des eau36
& des opiats convenables.
Lorfqu\'il eft queftion de confumer Se
de détruire certaines portions des gen-
cives, il faut préférer le cautere aéïueï
au potentiel Car non-feulenient celui-
ci , de quelque nature qu\'il foit, peuC
être entraîné par la faîive ou de que que
autre maniéré , Se fe glilTer dans l\'œfo-
phage & dans l\'eftomac, mais encore
il ne produit point autant d\'effet que
cautere aétuel qui, fans être fujet à de
pareils inconvéniens, remplit d\'ailleurs
toutes les indications néceifaires.
M. Fauchard confeille ici Fappîiea-
lion de la pierre infernale : il propofe
«nfuite ^ur remede, dans le casoùcettf
De VAn du Dentijle.
pierre en s\'échappanr auroit écé avaîce
par le malad.e, de lui faire boire beau-
coup de lait ou d\'huile. N\'eft-il pas plus
siir & plus court de ne point s\'expofec
à cet accident, puifque le cautere ac-
tuel peut opéref la guédfon plus prouip-
fement & plus sûtetnent, fans aucun
danger ? Comment cet habile homme
a-t-il pu infifter fur fufage d\'un cauf-
tique qui peut faire tant de ravage. Se
3n\'a-t-ii fait qu\'indiquer le cautere ac-
tuel?
Dans le fécond degré d\'excroifîànce,
îa gencive eft communément féparée en
deux fur le corps de la dent : ceile-ci eft
en partie recouverte par l\'accroillemens
des pointes qui s\'étendent dans les in-
terftices des dents, & ces pointes, en fe
xapprochant, foJit paroître la gencive
féparée en deux. Cet accroiffemeiït
difforme des pointes j eft prefque tou-
jours produitpar le tartre on par quelque
dent cariée, ou parce qu\'on a été long-
îem.s fans manger de ce côté-là. Il Faut
îoajours, ajouter à ces caufes extéri-eures^^
•la difpofîuon du fiijet..
Pour parvenir à la deflTuétion de ces.
«xcroiifaiLces ^ il faut comaiencer par dé-
De VAn du Dentifte. \' z^f
tniire îe corps écranger ou le rice lo-
cal, & enfuite emporter les chairs fu~
perflues avec les cifeaux ou le biftourî ,
en confervant toujours , ou même ea
formant, comme nous avons dit plus
haut, de petites pointes pour garnir les
interfaces des dents. Si ces pointes re~
croiffent encore par la fuite , il faut re-
courir alors à la Médecine, pour en dé-
truire au dedans la fource, & au cautere
aéluei pour en borner le cours aa
dehors»
La troifieme efpece d\'excroiffance
eft en nieme tems la plus douloureufe
& la plus dangereufe de toutes. £11©
provient toujours du vice des liqueurs
& des fucs qui arrofent les gencives,,
ou du mauvais état de quelque corps
Voifm, foiî dent,, foit racine. Ces ex-
croiflances font d\'ordinaire d\'un rou-
ge foncé tirant au noir, & j\'en ai vu
de moîîftrueufes. On conçoK aifément
qu\'elles acquièrent ce volume exceffif
par le moyen des vaiifeaux qui s\'y dif-
tribuent. Ces vailTeaux fe prolongeant
& fe dilatnn.t par- l\'abondance du fiic
îiourricier qui s\'y porte continuellement^
augmentent tellemeiiî ces parties, chat-j
■4 3 s Ve rJrt du Denti/fe.
nues, qu\'il s\'y forme une appendîc®^
qui va toujours en croiffanr.
Pour arrêter le progrès du mal, il faut
emporter l\'escroiffance , & applique^
fur la plaie le cautere aéluel ï il fert tant
à froncer de à racourcir l\'extrémité des
vaiifeaux qui alors ne peuvent plus f^
prolonger , qu\'à arrêter l\'hémorragie
qui quelquefois ell confidérable. Après
avoir ôté la caufe qui l\'a produite , o»
abandonne à la nature la guérifon d\'une
pareille plaie,en l\'aidant néanmoinsdeS
lotions que je recommande toujours. U
faut obferver que la falive eft dans 1»
bouche une forte de baume qui con-
tribue encore à guérir la plaie , à moins
qu\'elle ne foit viciée.
Lorfqu\'il s\'agit d\'enlever une excroif-
fance d\'un gros volume, mais qui n\'a
pas beaucoup de confiftance , il faut
placer le fujet fur un fiege commode f
faire une petite ligature fur le col de l\'eX\'
croiflance avec un fil double ou triple>
réunir les deux bouts du ftl. Se les tirer
légèrement à foi d\'une main, tandis que
de l\'autre on coupe l\'excroiffanceau de-
là de la ligature avec les cifeaux ou
lïiftouri» 11 faut préférer le biftçuri au^
Be t An da Bcnr^e. %j.f
cîfeatiï, is le col de l\'execoiflanee eH:
foïc gros y mais (î l\'excroiffance eft fituee
Vers les dernieres groftes molaires , il
faut employer les cifeaux coujLes , o®
Undéchauffbir bién cranchant.
Appuyons ce que nous venons de
dire de deux obfervations fur de»
Epouiis, ou excroilîances confidérableS\'».
Ob^sekyation Î..
En 1749 > une fille de bon ri que dé
Madame Marchande , de modes
rue de lArbre-fec, vint me confulter
fur une excroiifance de genGives qui lui
étoit furvenue depuis qu\'une des petites-
incifives de la mâchoire fupérieure ctoif
calfée. Cette excroilfance fur d\'abord
groife comme une feve un Chirurgie»
h lui coupa , ^ fi» ""^^lis après elle re-
parut plus grofte que la premiereƒois,
le même Chirurgien prit le parti d\'y ap-
pliquer la pierre infernale ^ & la fît con-
fi.mierà plufieurs reprifes; mais quelque-
tems après, elle revint encore. Enfin, dans^\'
t\'efpace de dix huit mois cette excroif-
fance fe reproduifit en deux parties fs\':^
garées J l\'une ficuée vers le galais^ i\'a»^
140 De VÂn du Dentijle.
tre vers la levre. Celle-ci étoit de î^
forme & de la grofïeiir d\'une amande
avec fa coque ; l\'autre un geuplus petite»
D\'ab(^ la féparation de ces excroif"
fances^empêchoic point la mâchoire
inférieure de s\'approcher de la fupé-
rieure ; mais dans la fuite elles gênerenC
tellement le mouvement des mâchoires >
& devinrent fi fujettes à faigner, que le |
fujet ne pouvoit plus prendre d\'autrS
aliment que de la foupe. De plus, ces
deux excroilTances couvroienc & fur\'
palfoient de beaucoup les dents de de-
vant; elles étoient d\'un rouge très-brun >
& comme polypeufes, ce qui défiguroit
la malade au point qu\'elle n\'ofoit pluS
fe montrer. Après avoir bien examini
fa bouche, je lui déclarai qu\'elle ne gué-
riroir radicalement, qu\'en ôrant la caufe"
du mal J c\'eil- à-dire , la racine qui le
îroduifoit. Lîle me dit qu\'après qu\'oîJ
ui eût caffé fa dent, on avoit ôté la ra-
cine par petits morceaux, & qu\'elle
ne croyoit pas qu\'il en fût reftéje l\'alTu-
rai qu\'il reiîoit encore une partie de cette
racine, & que tout le mal enprovenoit.
Nous piîmes Joui\' au lendemain pouC
couper ces excroidànces, 3c extirper h
raciis-ej
-ocr page 265-JjcVArt iuDcnûfte. ^^x
rncine. Etant venue à Theui-e marquée,
je commençai par embraiîer enlemble
les àeux excroiiîances qui avoient un
col, avec une bonne ligature; je tiroisles
deux bouts de fil à moi, - tandis qu\'avec
ùn bîftouri je coupois au-deifiis de la
ligature, & les chairs furent emportées
à i\'inilanr. Je laifîki couler pendant plus
d\'un qaar-i d\'heure le fang qui venoic\'
abondammenr ; enfuite avec de la char-
pis je rétaochai, pour examiner la piaie.
La charpie levée , je fentis la racine &
je l\'otaj roue de faire avec le pélican/Je
recommandai à la malade de fs rincer
fi-éqaernraent la bouche, pendant un jour
ou deux , avec du vin miellé. Le huitiè-
me jour après l\'opération, elle me re-
vint voir , comme nous en étions con-
venus : je trouvai fa gencive auffi bien
cicatrifée que B je ne lui euiTeoré qu\'une
fimple racine, & depuis les excroilïances
n\'ont point reparu. Elle eft mariée dans
mo!) quartier , Si je puis afîurer que fa
bouche eft en-bon crac.
.Quelque rems après v je fis ptécifé-
nient coure la même opération à une
Ma i\'chande Parfumêufe qui me fat adref-
fée par M. Icyret, célébré Chiturgien
loms I. X
2,^1 DetArt du Denude.
Accoucheur. La malade .avoir trois ex-
croiffances du côté\' droit à la mâchoire
inférieure , & elles s\'étendoienc depis
la premiere des petites molaires, ju.qa a
la fécondé & la pénultieme des groi.es.
Deux de ces excroilTances étoient a-peu-
près du même volume , qui étoit ce.ui
S une gvoffe avdme , & la troifieme
-étoit uii peu plus petite. J\'emportai ces
trois excroiifances de la meme façon
que celles du précédent fujet. J attachai
féparément la troifieme , parce qu eKe
étoit trop éloignée des deux auti^es, &
je ne fis pour^celle-ci qu\'une meme li-
gature. 3e me fervis du cifeau courbe,
& l\'opération fut très - prompte. Des
que le fang ne coula plus, j\'ôtai fans
peine les racines que ces excroifiauces
échoient, & j\'ordonnai â la malade de
fiécuentes lotions de vin miellé, bile
fut \'parfaitement guérie en très-peu de
jours, & depuis elle n\'a pas revud ex-
croiflance.
Observation. IL
M. * * tue des Petits-Champs,
avolt\' depuis fort long-temps les genc ives
1
De T An du Dentifïe. 2.45
très épaiiïes, n-ès-groflès, flafques, fon-
gaeuies & blanchâtres : indications qui
faifoient voit qu\'elles étoient furchar-
gées d\'une lymphe féreufe. Il avoit
déjà fait plufieurs remedes, & trois fois
on lui avoit coupé les gencivfs. Mais
elles étoient revendes chaque fois dans
le même état, & elles recouvroient ert
partie les dents qui d\'ailleurs étoient
fort ébranlées. M, ***. peu tranquille
fur le défordre de fa bouche , fe mit en-
tre mes mains, & dans l\'efpace de cinq
femaines je ie guéris parfaitement par.
ie ieul ufage du cautere acluel , auquel
on joignit quelques purgatifs hydrago-
gues. Ses dents font actuellement crès-
foltdes , & fes gencives dans leur état
naturel. Il a feulement l\'attenrion de fe
purger tous les mois, comme je le lui
ai recommandé , & il ufe d\'un opiac
abforbant.
Xi]
-ocr page 268-2 44 De VArt du Dentîjle.
Des tumeurs carcinomateufcs.
Quand il fuivienc aux gencives des
tumeurs carcinoinateufes , il eft aifé
de les emporter avec uns pince * bien
tranchante , faite à - peu - près de mê-
me que celle qui fert à raccourcir les
dents, mais plus large. Le bec de cet
inftrument doit être aufti plus long &
un peu courbe , mais cependant moins
que celui du davier. Au moyen de cet
outil la tumeur , eût-elle une confiftence
ofteufe, s\'enleve aufti vite qu\'une dent.
M, Fauchard , en parlant de cette
opération , voudroic qu\'elle fe fît avec
les inftrumens qui fervent à ôter les
jdents , ou avec une petite fcie , ou avec
un périt cifeau tel que le btc-d^âne des
Menuifiers. 11 ajoute même qu\'en opé-
rant avec le bec-dâne , il faut frapper
fur l\'extrémité du manche avec un petit
maillet5 comme quand on travaille fur
le bois. Je laiffe imaginer au le£teur
le jîngu\'.iereffetde la fcie ^ fur-tout
î Voyez ci après J planche I. pag.
-ocr page 269-Dè VArt du Demifie, ^ 245
celui du bec-d ane. Ne fenibleroît-il pas
que la bouche fût un\'artelier où l\'ott
peut fan-e jouer à l\'aife tous les outils
inventés pour les corps durs & infenfi-
bles ? C\'eft une petite difparate échap-
pée à ce grand Praticien , & qui ne di-
ininiie rien fans doute des obUgations
infinies que ku a notre Art. Avec deux
ou trois piiices de différentes grandeurs,
quelque endroit que la tumear occupe,
on elc en état de l\'extirper.
Mais ne pourroit-on pas encore ^em-
ployer ici le cautere aéiuel ? L\'opéra-
tion à la vérité feroit bien plus longue,
& ne fe feroir qu\'a diverfes reprifes, mais
elle feroit auffi plus sûre ; car le cautere
détruiroit & confumeroit peu-à-peu
k tumeur carcinomateufe. C\'eft ainfi
qu\'on détruit tous les jours des exoftc-
fes confidérables, & qu\'on guérit fort
promptement des caries, en accélérant
l\'exfoliation des parties offeufes. De
plus, iî y a certaines rameurs , certaines
excroilîances pierreufesoa ofixHifes, qui
parviennent à un tel volume qu\'on ne
pourroit ,fans quelque danger , les em-
porter avec l\'inftrument. On va le voir
X iij
-ocr page 270-De l\'An du Dentijle.
par la defcription d\'une maladie de ce
genre qui fubfifte encore.
Dans la rue Poiflonniere, à l\'entrée du
Fauxbourg Montmartre , eft un Me-
nuifier, auquel il fuivint il y a quel-
ques années une Huxion très-forte ^
caufée par plufieurs racines des molai-
res de la mâchoire ini\'éfi^nire qui s\'é-
toient caftées. La fluxioti & le gonfle-
ment extérieur s\'érant difiîpcs, les gen-
cives en cet endroit s\'éleverent & ac-
quirent, outre un très-gros volume j
une confiftance fort dure. Depuis, ces
mêmes gencives ont recouvert la tu-
meur qui s\'y eft formée , & elles font
minces comme du parchemin. La tu-
meur eft aduellement greffe comme un
des plus gros œufs d\'oie ^ ce qui rend
la joue très - difforme , gêne la langue
& la prononciation , & incommode le
malade en mangeant. Les douleurs qu\'el-
le lui fait font périodiques. Cette tu-
meur eft fort inégale , & préfente plu-
fieurs eminences. Toutes les racines des
dents qui l\'ont produite y font renfer-
mées ; ii n\'eft pas roên^e douteux que
cette ef|:iece de coque offeufe qui eft
De l\'An du DentlJle. 247
recouverte par la gencive ne contienne
quelque fluide féreux , ou de quelque
autre nature. L\'os maxillaire de ce côté-
là eft groffi jufqu\'à fa partie inférieure ,
vers la racine de la langue. Ainfi , pour
emporter cette tumeur, on ne pourroic
guere fe fervir d\'aucun inftrument tran-
chant cpt\'avec de grasides précautions.
Il faudroit fur-tout éviter d\'ouvrir l\'ar-
terè maxillaire en entrant dans le con-
duit qui la loge 5 ce qui n\'efl: pas fans
difficulté. D\'ailleurs le col de la tumeur
n\'étant point aifez diftinél pour l\'aller
chercher, on ne pourroit même avec
la pince ( que je piéft\'rerois à tout au-
tre inftrument ) cju\'extirper cette tu-
meur peu à-peu & par morceaux, ce
qui pourroit encore avoir des inconvé-
niens. Si le malade n\'avoir point, pour
l\'opération qu\'on lui a déjà propofée, au-
tantd\'éîoignement qu\'il en a , je fuis sûr
qu\'il feroit guéri promptement & fans
aucun danger par le procédé que j\'ima-
gine.
11 faut d\'abord confidérer cette mala-
die comme un vice loçal, produit d\'un
côté par les racines, & de l\'autre par quel-
que difpofition intérieure qui n\'empêche
X iv
-ocr page 272-248 De VAn du Dentiße.
pourtant point ie fujet de travaiiiet jour-
nellement. Or , pour opérer une guéri-
fon radicale , je vouclrois préparer le
malade par la faigaée , par les purga-
tifs, & par les bouillöns raffraîchilîiins.
Le corps ainfi bien difpofé , on commen-
ceroit par emporter avec la pince la
partie de la tumeur la plus eminente.
Cettepremiereextirpation faîte, on ver-
roic Cl elle contient quelque Huide , ou fi
c\'eft une pure offification : on examine-
roit enfuite fi l\'on y fenr quelque raci-
ne, & pour peu qu\'on vît de jour à
l\'ôter , il faudroit le faire. Chaque jour
enfuite on procéderoit à conlumer à
détruire peu à-peu avec îe cautere ac-
tuel le corps de la tumeur , ou les par-
ties olfeufes iufqu\'à parfaite guérifon. A
chaque opération du cautere, on obfer-
veroit d\'ôter les racines qui fe préfen-
teroient à mefure que la tumeur dimi-
nueroitj jafc|u\'à ce qu\'il n\'en reftât plus
aucune; èc de fréquentes lotions avec
l\'eau de mirthe , ou relie aurre propre à
cet effet, acheveroient de tout rétablir.
Je crois que ce feroitdà le moyen le
plus sûr pour guérir cette tnaladie , Se
celui qui feroit le moins foufiiir le fujer.
Ds l\'An du Dentijle. 249
C\'efl; du moins le pian que je m\'écois
propofé de fuivre , fi favois pu déter-
miner le malade à fe faire extirper fli
tumeur. Mais je me ferois bien gardé
d\'entreprendre rien fans l\'affiftance d\'un
bon Maître eu Chirurgie , qui m\'auroïc
aidé de fes lumieres : une opération de
cette nature ne fauroit exiger trop de
précautions.
Des fluxions& des ahfcès qui fe forment
aux gencives. Traitement de ces ma-
ladies.
Les fluxions & les abfcès des gen-
cives font le plus fouvent occafionnés
par quelque dent , ou quelque racine
qu\'on a négligé d\'ôter. Quand le nerf
d\'une dent a été découvert par la ca-
rie , ou de quelque autre maniere ,
il s\'irrite, fe gonfle Si s\'enflamme. Le
cordon s\'engorge , & communique_ fa
maladie au périofte qui revêt la racine
& l\'alvéole. Ce périofte qui eft bientôt
enflammé tranfmet l\'irritation à celui de
2,50 Dc VArt du Dentifte.
I\'os maxillaire , & rinlkromatîon de
Talvéole paffe infenfibîemenr aux genci-
ves qui, comme toutes les parties molles,
font le moms en état de réfifter. C eft
donc fur ies gencives que le forment les
■parouVis ëc les abfcès. Le fang qui coule
dans leurs vaiifeaux s\'y trouve arrête
par le gonflement des nerfs qui for-
ment comme autant de digues. Ces
vaifféaux fe dilatent & fe rompent, l\'hu-
meur fe dépofe, s\'aigrit, fermenté,
fe change en pus.
D\'autres caufes encore peuvent pro-
duire les fluxions &les parouhs, comme
l\'intempérie des faifons, les chutes ou
les coups , les fuites d\'une extraction
de dent difficile , & quelque vice par-
ticulier.
AiiflS-tot que l\'abfcès eft formé, il faut
donner promptement iffue à la matiere ,
fans même attendre qu\'elle ait fa matu-
rité , parce que fon féjoUr pourroit alté-
rer les parties offeufes qui fe trouvent
fous les gencives, ou parce que la ma-
tiere fe peut faire jour au dehors.Par cette
raifon, quand l\'abfcès eft à la mâchoire
inférieure, où par fon propre poids la
matiere fe porte à la partie la plus bafTe
De VAn du Dlnûfte. 15 î
( quoique naturellement la tumeur fe por-
te à l\'extérieur du vifage), pour empê-
cher que cette m.atiere ne féjourne ,
il faut en diriger le cours par le dedans
de la bouche. On doit pour cela com-
mencer par ôter la dent ou le chicot,
fi l\'on reconnoît l\'un ou l\'autre pour la
caufe du mal j on aggrandit enfuite l\'ou-
verture avec le déchauifoir , vers le
fond de l\'alvéole qui fe trouve percé
du côté de l\'abfcès. L\'opération faite,
on porte extérieurement fur la joue à
l\'endroit de la tumeur des compreffes
graduées , & au moyen d\'un bandage
convenable, on repouife tellement la ma-
tiere qu\'on l\'oblige de fortir par le trou
que la dent a lailfc, & qu\'on a eu foin
d\'aggrandir pour favorifer fon ifuje.
Après l\'ouverture de l\'abfcès , il faut
avoir l\'attention de preffer la tumeur ,
pour faire fortir tout le\'pus dont il pour^
îoit refter une partie dans quelque finus.
Si la tumeur avoit de la peine à s\'éva-
cuer j ou ne fe vidoit qu\'en partie,
foit pour n\'avoir pasufieiiTue fuffifante
par l\'extradion de la dent, foit parce
que cette dent n\'a pu être ôtée, il fau-
droit faire une ouverture au bas de k
2 5 i Dc r Art du Dentifte,
gencive , entre la gencive même &
levre , où la fluûuation fe fait (en-
tir.
Quand pour avoir différé d\'^^\'-îvriï
l\'abfcès , la matiere par fon féjour , oU.
par quelque vice particulier , eft telle-
ment corrolive qu\'elle mine l os maxil-
laire , ou feulement les alvéoles, il fauc
découvrir l\'os carié & y porter le cau-
tere actuel, tant pour arrêter les pro-
grès de la carie , que pour accélérer
l\'exfol-iation des os altérés par l\'humeur,
& obtenir une plus prompte guéri-
fon.
Si la carie eft confidérable & accom--
pagnée d\'accidens fâcheux, il faut ap-
psller un bon confeiL Lorfqu\'on agira
de concert, la carie fera traitée & guérie
par les remedes convenables.\'Mars j\'ofe
le dire; dans cous ces cas, je n\'en trouve
point de meilleur que le cautere aétiiel
j\'en ai vu des effets furprenans , même
pour la carie des fcorburiques. Car le
cautere abforbe en partie la fanie q\'-ù
ronge les mâchoii\'es, & met plus promp-
tement des bornes à la carie.
Pour faciliter l\'exfoliation des os, on
y porte un peu de coton trempé dans la
Dt r An du Dentifte. 253
Peinture de mirthe & d\'alcës, & dans
\'huile de gérofle.
, Dans le cours de routes ces opérations,
il ne faut poinc négliger l\'ufage des re-
\'^ledes intérieurs les plus efficaces pour
détruire ie vice fcorbutiqae. En géné-
^"al, on ne parviendra à guérir radicale-
^Qnt routes fortes de paroulh , qu\'au
préalable on en ait détruit ia fource.
(^i\\7LX\\à\\e parouhs ^ ou la fluxion, efl:
1 efiet d\'une denc gâtée ou d\'un chicot,
^n peut en^arrêrer les progrès, & même
pêcher l\'abfcès de fe former. Il faut
d\'abord pour cet effet bien examiner les
dents du fujet, & fi ce font elles qui
produifent le ma!, il faut ôter les dents
Jiciées, fans avoir éprd à la fluxion.
L\'extraction faite, deflmples lotions avec
lait tiede , guériront promptement le
^""alade. Ici l\'évacuation du fang dégor-
ge & débarraffe les vaiffeaux beaucoup
^^ieux J que ne feroit la plus forte faignée
du pied ou du bras. Le lait tiede , d\'un
^utre côté, relâche & diftend les parties
gonflées J £c bientôt la fluxion difpa-
toît. . ^
Lorfque l\'âbfcès efl: tout formé, fi
^^ ôte la dent, il n\'eft ordinairementpas
befoin (le l\'ouvrir. L\'humeur s\'évacue
en même-teras, & l\'ukere en peu de
lours fe trouve guéri f^f Y
De même à la fuite d\'un abfcès, s ilrelts
quelque fiftule que la denc ait produite,
on ne parvient à la guérir que par 1 ex
tradion de cette dent ; mais des qu eut;
eft ôtée , tout eft fait. \'
Lorfque la dent qui eft la fource da
mal eft trop apparente , que le malade
ne ia veut pas facrifier, & qu elle n elt
point trop gâtée d\'ailleurs, pour eai-
pêcher l\'abfcès de fe former , ou ds
devenir confidérable, il faut employ^
fucceffivement la faignée du bras ^
cellf^ du pied. Si l\'inflammation conti-
nue, on faitbafliner la bouche du ma-
lade avec le lait tiede très-fréquem-
ment renouvelle. On l\'applique encore
extérieurement fur la tumeur ^ & on y
joint les cataplafmes faits avec le lait ,
la mie de pain, un jaune d\'œuf & du
fifran , arrofés d\'un peu d\'huile roiat,
d\'huile de lys, ou d\'huile de behem.
Ces cataplafmes fe renouvellent de qua-
tre heures en quatre heures. . ^
Si la gencive non - feulement etoit
douloureufe , mais avoir encore une
perire rumeur, on y mercroit un mor-
ceau de figue graffe cuite dans du lait,
cju\'on aura foin de renouveller de cems
en tern-s. Ce topique innocent fait que
la matiere qui commence à fe former fe
porte plus promptement vers l\'extérieur
de la gencive, & c]u\'elle s\'y fait jour : 011
bien, lorfqu\'on y ient.la moindre fluctua-
tion 5 on lui donne jflue , ce qui accéléré
la guérifon.
Quand le parouUs eft produit par
quelque coup, par quelque chute, par
la pléthore du fujet, ou par quelque
autre indifpofition, ou quand il furvient
à la fuite d\'une extraction laboneufe,
le traitement doit être le même que
pour l\'efpece ci-deffus.
S\'il eft l\'effet de quelque vice fcor-
butique ou vénérien, en pratiquant les
remedes extérieurs qui viennent d\'être
indiqués , il faut travailler à l\'intérieur;
& fi le mal avoit gagné les parties ofl\'eu-
fes , on employeroit alors les moyens
que la Médecine & la Chirurgie four-
niffent en femblables occafions.
2.5 ^ De tAn du Dentîjle.
§. VII I.
Dcsjîjluhs qui fe forment aux gencives ;
& de la manière dc les traiter.
î-i es fiftales qui furviennent aux gen-
, cives, reffemblent à celies qui fe for-
ment dans ies autres parties du corps :
rentrée en eft étroite , & la fofte ou
le fond plus large. Au refte, elles fonc
plus ou moins profondes, felon l\'acri-
monie de l\'humeur qui les a creufées &
le retard des fecours qu\'exige le mal , &
elles pénétrent quelquefois iufqu\'à l\'os
maxillaire. Ces fiftales font communé-
meiit produites par quelque dent ou par
quelque racine gâtée : elles viennent à
la fuite de quelque fluxion & de quel-
que abfcès aux gencives, ou à d\'autres
parties de la bouche, lequel pour avoir
été négligé, ou pour n\'avoir pas été
traité méthodiquement, a dégénéré en
un ulcere fiftuleux.
Pour guérir une fiftuîe de la premiere
efpece , il ne s\'agit que d\'ôter la denc
ou la racine qui l\'a produite qui l\'en-
tretient.
De l\'An du Dmdjle. i^j
rretienr. La dent retranchée de la bou-
che , la fiftule difijaroît ordinairement
Lins^ autre remede; au lieu que lailïànt
fubiîfter la racine ou ia denc qui l\'a cau-
fée , elle eft incurable par toute autre
voie. Si pourtant ( ce qui eft fore rare ,
à moins que les parties olfeufes ne foient
altérées ), quelques jours .après leur ex-
traélîon, la fiftule fubfiftoit encore, il
faut l\'ouvrir & ia dilater julqu\'au fond
du fac : on rugine enfuira & l\'on cauté-
rife la table de l\'os qui fe trouve enta-
mée ; l\'ulcere alors fe cicatrife , & la
fiftuie eft bientôt guérie , quand l\'os al-
téré eft forti. Quand la liftule a beau-
coup de profondeur , & que le finus
s\'étend entre l\'os maxillaire & la joue
ou même jufqu\'à la fubflance de l\'os ,
comme alors on ne fauroit élargir le
fond du finus fans quelque rifque , on
y porte un petit cautere en forme de
fonde ou de flilet , le plus rouge qu\'il
eft poffible : on réitéré l\'application deux
ou trois fois ou plus, s\'il le faut, & par
un traitement méthodique. Les par-
ties de l\'os altéré fe détruifent & fe dé-
tachent peu-à-peu; enfuite toutdifpa-
roîtj finus 5c fiftale. Pendant qu\'on re-
Tome /, y
2 5 ? Dt TAn du Dentifte.
méîUe au vice local , il faut avoir foîn
de détruire; la caufe, foit interne, foit
exienie,.qui peut avoir produit la iif>ule.
Le ùnpius du traiteuienr eft le même
que pour ie parouis. On fait des injec-
tions de vin miellé dans le finus , pour le
déîerger & le confolideL\' promptement.
1-es trois obfervarions faivantes prou-
veront cette ihéorie des nftules.
Oeservation I.
_ Le fîeur * ^ Maître Tailleur d\'ha-
bits , demeurant alors rue Bérhizi, chez
un Epicier avoitdepuis environ dix-huit
mois une petite molaire du côté gau-
che de la mâchoire inférieure gâtée
vers la gencive, & dans i\'inrerftice qui
répond à la canine. Cette dent !ni
caufoir beaucoup de douleur , & elle
produilît une fluxion tiès-forta qui fe
termina par un abfcès. L\'abfcès ayant
percé par la joue, iî. y refta une fiftule
qui fur traitée pendant huit mois fuc-
ceflîvement par un Chirurgien & par un
Apothicaire , fans qu\'aucun d\'eux pût ve-
nir à bout de la guérir. Li opiniâtreté de
cette fiftule ayant également rebuté ces
De l\'Art du DentlJle.
Praticiens & le malade, on celTa de
faire des remedes inutiles, & l\'on s\'en
tint à un fimple emplâtre. Quelque tems
après, le malade accompagna chez moi
fa femme qui venoit fe faite ôter une
dent. A la feule vue de l\'emplâtre que
le tnari avoit fur la joue, je m\'imaginai
que c\'étoit l\'effet de quelque dent qui
avoit fait du défordre, & je lui deman-
dai quel étoit fon mal ? Il me raconta qu\'il
avoit eu une fluxion qui avoit fini par
un abfcès : le Chirurgien & l\'Apothicaire
qui l\'avoient traité tour-à-tour, après
lui avoir inutilement fait prendre une
infinité de drogues, lui avoient dit que
fon mal n\'étoit autre chofe que des hu-
meurs froides. îl ajouta qu\'avant fa flu-
xion il s\'étoit fait ôter une dent par un
Opérateur Italien i que la denc s\'étoit
caffée dans l\'opération ; qu\'on i\'avoit
renvoyé fans lui ôter la racine, en lui
recommandant de ne point entrepren-
dre de îa faire extirper , parce qu\'on lui
cafferoit plutôt îa mâchoire , que d\'en
venir jamais à boutj & cju\'effrayé du
pronofiic iî s\'étoit bien donné de garde
de faire toucher â cette racine. Il nie
laifïa cependant examiner l\'état de fa
1 So De V Art du Dentiße.
bouche, & je reconnus-que ia maîadis
n\'étoit pas occafîonnée par cette racine ,
mais par la premiere petite molaire qui,
paroi liant très-faine au dehors, éroit gâ-
tée en un endroit impénétrable à d\'autres
yeux qu\'à ceux d\'un Dentifte expéri-
menté. Quand je me fus bien aftiiréavec
la fonde de la cavité de cette dent, je
dis au malade que- c\'étoit la fource de
tout le ravage qui s\'étoit fait dans fa
bouche, èc qu\'il ne guériroit jamais tant
qu\'elle ne feroit point ôtée. Quant à la
racine qu\'il craignoit tant de faire arra-
cher, je lui fis entendre que fon Italien
n\'étoit pas plus vrai dans fon pronoftic
qu\'adroit dans fes opérations. Il me de-
manda quelques jours pour fe détermi-
ner à l\'excraâion de fa petite molaire^ &
nous en reftâmes là. Environ un mois
après il revint : je lui ôtai non-feule-
ment cette molaire, mais encore , fans
qu\'il s\'en âpperçut, la racine qu\'il vou-
loir conferver. Il fut agréablement fur-
pris de fe voir débarraffé tout d\'un coup
de l\'une & de l\'autre. Le neuvienie jour
la fiftuîe fe trouva parfaitement guérie,
fans y avoir fait aucun remede. Il ne lui
refta qu\'une cicatrice qui fans doute eft
Bc VArt du Dentijle. tSi
aiïez difforme, mais qu\'il n\'auroit jamais
eue, s\'il avoit faic ôter fa dent avant ou
pendant fa fluxion. ^
Observation ii.
_Feu M. * * célébré Violoncelle,
vint chez m.oi ii y a environ fix ans, pour
nie ccnfulter. il fentoit depuis un an
une douleur prefque continuelle à l\'en-
droit où le même Italien, qui avoit opéré
le Tailleur, lui avoit ôté une premiere
petite molaire de la mâchoire fupérieu-
re. De plus , au même endroit la genci-
ve, fans qu\'on y vît aucun trou, four-
niffoit du pus qui lui infedoic la bouche.
J\'examinai le mal attentivement La gen-
cive en apparence étoit parfaitenTenc
réunie ; cependant l\'ayant preffée un
peu, la matiere qui en fortie me fit ap-
percevoir un trou prefqu\'imperceptible.
Je dilatai un peu cette petite ouver-
ture, pour pouvoir reconnoitre avec la
fonde l\'étendue du fac. La fonde entra
jufqu\'à la profondeur d\'environ i ^ à 16
lignes, & pénétra par conféquent dans
le finus maxillaire. Mais\'avant que d\'y
parvenir , je fentis vers le fond de l\'ai^
r6i De TAn du DentiJIe.
véole , un corps folide qui fembîoîç
obéir au mouvement de ia fonde, ce qui
me fit foupçonner que c\'étoic quelque
portion de \'racine reftée après l\'extrac-
tion de la dent , ou quelque autre fra|--
ment olfeux. Je demandai à M. *** s\'il
avoir fa dent; il ne l\'avoit point gar-
dée. Je tentai plufieurs fois avec une
petite rugine, faite en bec de perroquet,
d\'aller cherclier & d\'amener au dehors
ce corps étranger quel qu\'il fût. Apres
des tentatives inutiles, je déterminai le
malade à me lailfer travailler efficace-
ment. J\'ouvris pour cet effet la genci-
ve & l\'alvéole avec des cifeaux , & m\'e-
tant ainfi fait jour, je trouvai un refte de
racine à l\'entrée du finus maxillaire,
J\'ôtai facilement ce débris offeux , Si le
malade en peu de jours fut parfaitement
guéri, fans autre remede que des lotions
de vin miellé.
Ob s E RV AT ION III.
M. * * Tréforier de France , avoît
depuis environ trois ans une fiftule con-
fidérable , refte d\'une fluxion qui eut fon
cours. Quelque tems après que cette
De VArt du DentlJle, %
fluxion fnt pairee, il alla chez un Dentifte
qui ne lui reconnut aucune maladie aux
gencives, qui ne s\'apperçut point non
plus de la caufe de la fiftule, & fe con-
tenta de lui nettoyer les denrs. Le ma-
lade, voyant qu\'il avoit toujours , fur-
tout le matin, un mauvais goût dans îa
bouche, mais d\'un feu! côté, & qu\'en
fe mouchant un peu fort, il y fentoic
couler quelque chofe qui l\'infedoit^
vijit me confulter fnr ces indications. A
l\'examen de fa bouche , je vis qu\'il
lui manquoit à îa mâchoire fupérieure
i\'avant-derniere dent du côté droit, &
la^ gencive me parut parfaitement cica-
trifée; mais j\'y remarquai un endroit
large à-peu-près comme une lentille qui
étoit de couleur brune. Je preffai cet
endroit & les environs , il n\'en fortit
tien. Je m\'avifai de povrer les doigts
en dehors fur la joue, & de les prome-
ner J en appuyant un peu autour de
l\'os zygomatique , & j\'écarrois en
rnême-tems îa joue de l\'autre main ,
pour voir ce qui fe pafloic en de-
dans. Je vis fortir alors de la gencive ,
a côté de îa premiere groffe molaire ,
quelques gouttes d\'une matiere épailTe ^
^ Dei\'ArtduDent\'ifce.
blanchâtre , & d\'une odeur infupporta-
hle. Je cherchai l\'endroit d\'où elle poa-
voic fortir; je trouvai une petite ouver-
curs ea forme de foupape , qu\'on ns
pouvoir par conféquent découvrir qu\'eu
prelFaiir la joue , comme je faifois exté-
rieuremenr, pour en faire (brtir le pus. Je
portai dans cette ouverture un ftilet qui
dépalTa l\'os zygomatique , & pénétra
dans la profondkir , d\'environ un pouce
& demi. A côté de la petire foupape, cc
fous la gencive J. je fentis un corps of-
feuxj & ne doutant point que ce ne fût
quelque racine de dent, pour m\'en âC-
furer, j\'ouvris un peu la gencive. Je vis
une racine en effet j 5c je l\'ôtai fans au-
cune peine. Cette légere opération nous
fuffit , fans faire autre chofe. Trois ou
quatre jours après, il n\'y eut pas la
moindre trace de pus : en preffant le
fac , la fiftuîe fuc parfaitement guérie,
la mauvaife odeur &c ie mauvais goûr
ceffèrent.
VArt du Dentifte. z^y
§. IX. •..
Ulcérés des gencives. Moyens deles traiter
à" de les guérir.
Les ulcérés qui furviennenr aux gen-
cives, font de deux efpeces, benint ou
malins: ils ont des caufes incernes &
des caufes externes, comme toutes les
autres maladies de la bouche. Les caufes\'
externes des uiceres, font les dents oâ-
tées , le limon , la dépravation de^la
fehve, les coups, les chutes, & certains
alîmens trop durs qui peuvent excorier
les gencives. Ces fortes cTulceres font
communément aifez bénins, peu confi-
dérables , & très-faciles à guérir. Il ne
s\'agit que de retrancher le vice local.
On corrigera la falive dépravée, en affu\' \'
jetEilfanc le malade à des lotions réité-
rées d\'une mfufion d\'orge & d\'aiare-
moine> mêlée d\'une certaine quantité
de miel, à quoi l\'on ajoute quelques
gouttes d efprit de vitriol. A l\'ufage de
ces lotions, on joint un régime doux &
rafraîchdîànc. Quand les ulcérés pro-
Tome /. 2
x66 De VArt in Dentifie.
viennent d\'un vice intérieur, &_qu\'iis
ont acquis un certain degré de malignité,
le traitement en eft plus long. Mais c\'eft
principaletnentl\'afFaire des Médecins &
des Chirurgiens.
Lorfque ies ulcérés des gencives
n\'ont aucun fymptôme fâcheux, & qu\'ils
n\'ont point fait aftez de prpgrès pour
altérer l\'alvéole , à mefure qu\'on en
détruit la caufe, ils fe guérîïfent facile-
ment avec les gargarifmes ufîtés. Mais
quand on néglige la fource, & que, ^^our
en arrêter les progrès , on attend que les
parties oifeufes foient à découvert ou
même altérées, les ulcérés alors font
opiniâtres, parcequ\'il n\'eft pas toujours
poifible .d\'en Sétruire la caufe , ou leur
guérifon fe fait acheter par la perte de
plufieurs der.its qui tombent avec les os
cariés. C\'êft dans les affeétions véroli-
ques ou fcorbutiques qu\'il faut chercher
communément le principe d\'un pareil
défordre.
Le fcorbut eft de tous les vires du
fang celui qui fait le plus de ravage
aux gencives , aux alvéoles & aux os
maxillaires. Quand on néglige d\'y remé-
dier, il a bientôt détruit ies dents ; ies
I^s VAn du DmdHc. 267
gencives ukétées fe gangreneut & fon>.
bene en iphacele ou en pourriture : ies
alveoles & ies os maxillaires qui fe ca-
• nent en meme-tems, tombent au/ïï par
dan\'4\'r ^^ ^^
Pendant qu\'on travaille à détruire-
par des remedes intérieurs le vice fcor-
toutique la bouche exige ies plus grands
oins. Il faut déterger ia fanie qui décou-
le des gencives & des parties voifines
parce qu\'étant entraîné par la falive danJ
i eftomach, elle fe mêle au chyle Je
corrompt, & par conféguenr rend ia
maladie beaucoup plus rebelle aux re-
medes antifcorbutiques.
Quand les ulcérés font encore peu
profonds il fuit, en fe ri,içant fréquL-
ment la bouche, les nettoyer avec une
petite eponge trempée dans un bon a^r-
ganfme, & faire un ufage affidu de l\'o-
piat antiicorbutique.
^ _ Lorfqu\'aux ulcérés des gencives il fe
joint des gonfiemens & des excroiffan-
ces, on commence par les dégorger,
^ par emporter les chairs fuperâues, de
a façon que nous lavons marqué eu
traitant de ces maladies. On travaille
4 De l\'An du Dentiße.
enfuite ef&cacevnent à demerger & à con-
folider les ulcérés par de fréquentes lo-
tions, qui entraînent la fame purulente ,
^ l\'enipÊchent de ronger ies gencives,
ainfi que ies parties oHeufes.^
Quand ies .ulcérés font etendus
profonds, que les bords en font.durs &
Llleux, que la joue même eft enflée ßi
dure , la gangrene alors fuit de près ^
fl l\'on n\'y prend garde. 11 faut donc ,
fans perdre de tems, faire des lcariti;a-
tions, tant auxcallofités de l\'idcere qu a
toutes les parties des environs qui le
trouvent dures & gonflées. Il eft en me-
me tems néceffaire d\'ordonner de conti-
nuelles lotions. L\'eau~de-vie camphree
( dans laquelle il doit entrer un gros de
kmphre fur quatre onces de liqueur ) eft
ici préférable à l\'eau de canelle orgee.
On en bafline fouvent l\'ulcere, on eu
tient même une compreff\'e appliquée
deftds^ & qu\'on renouvelle deux tois
par heure.
Si enfin les gencives font gangrenees
& tombées en fphacele, il faut empor-
ter toutes les parties mortes, & taire
avec le bittouri des incifions jufquau
vif. Comme alors les os maxillaires
De VArt du DentiJIe. x6<)
.font ordinairemeiu caiiés, & qne îa
carie eft plus ou moins profonde, fî les
dents tiennent encore un peu , il eft à
propos de les ôter, tant parce-qu\'il eft
impofîïble qu\'elles pui-Oent fublifter ,
que parce que leur abfence facilite
le traitement des parrieé ofleufes. Le
\'cautere aftnel eft encore ici d\'un très-
grand ufage. On le porte^ tant fur les
gencives que fur les os, & l\'application
s\'en réitéré autant de fois qu\'il eft befoin
pour confumer la.fanie, arrêter les pro-
grès de la gangrtne, ainfi que ceux de
Ja caiîe, détruire les parties fphacelées,
& accélérer l\'exfoliation des parties of-»
feules. Après l\'opération du caurere ,
les lotions multipliées doivent iuîvre.
On lave de quart - d\'heure- en quart-
d\'heure l\'ulcere & toutes ies parties
malades, & l\'on y applique des com-
prefîés trempées dans les drogués con-
venables. ,
il y a une efpece d\'ulceres remplis
de petites efcarres blanchâtres , qu\'on
trouve ordinairement difperfés aux ex-
trémités des gencives, & qui détruifent
ces extrémités, fans s\'étendre plus loin.
Le refte des gencives alors eft très-
i.7® B^ VArt du Bentifié.
rouge, médiocrement gonflé, faignant
aifément pour peu qu\'on y touche, &
d\'une grande fenfibilicé. Il découle de
ces uiceres une forte de fanie fœtide. Ces
petits uiceres , quoiqu\'afl^ez rongeurs ,
n\'afi^eétent gueres qu\'un côté de la bou-
che; mais les gencives font Ci doulou-
reufes, que le malade en perd le fommeil
pendant plufieurs nuits. Les glandes pa-
rotides fe gonflent, & font fenfibles au
moindre taél. Le principe de ces ulcè-
res efi: fcorbutique ou vérolique. Ce-
pendant j\'en ai vu à plufieurs perfonnes
chez qui l\'on ne pouvoit raifonnable-
ment foupçonner aucun de ces deux
vices; aufli les a-t-on guéris en peu de
jours, en traitant Amplement le vice lo-
cal , c\'eft-à-dire, en dégorgeant les\'gen-
cives , & en fiifant aux endroits malades
des lotions réitérées avec une liqueur
compofée d\'eau de myrthe & de plantin,
d\'eau de canelle orgée , de miel rofat,
& de thériaque délayée dans quelque
eau fpiritueufe.
J\'ai vu de ces mêmes uiceres afifez
opiniâtres, & qui n\'ont cédé qu\'à un
régime doux & humeârant, Sc à l\'ufage
des bouillons amers continué pendant
T>e VArt du Dentiße. zjx
dix ou douze jours. C\'eli; pourquçi, dans
ces fortes d\'uiceresj, il eft toujours fort
prtîdent de faire obferver un pareil ré-
gime, & de ne pas même négliger les
remedes antifcorbutiques, ou antivéné-
riens 5 fl ie cas l\'exige.
Des petits chancres qui furviennent aux
gencives. Moyens de les guérir.
Rien de plus commun que les petits
chancres qui s\'attachent aux gencives ,
à la langue , aux joues : ils font ordinai-
rement très-benins , & produits par une
caufe externe. Ceu5;,qui font d\'une qua-
lité maligne , proviennent de quelque
vice intérieur. Les premiers font ie plus
fouvent l\'effet d\'une pointe ou du cran-
chant de quelque dent, ou de quelque
racine, qui , par le frottement écorche ,
quelque endroit des parties molles de
la bouche. Certains alimens mal-propres
ou trop durs, en excoriant ces parties,
font naître auffi de ces fortes de chan-
cres. Ceux-ci, comme les précédens ,
•Z 4
-ocr page 296-17 a \'Art da Dentîjîe.
fe giiepifent bientôt ^ foit en ôtant la
caule, foit en les touchant avec du vitriol,
foit en les éruvant de jus de citron. Mais
auifi quand on les néglige, ils s\'augmen-
tent ^ deviennent profonds, douloureux,
ik même dangereux.
Quelques-uns de ces chancres qui pro-
viennent du feul vice de la falive , fe
guérilTent encore promptement par les
mêmes moyens, pourvu qu\'on ait foin
de cprjiger l\'acidité de la fahve, fans
quoi ils reviennent fouvent.
Les plus difficiles à déraciner, font
ceux que produifcnties affections fcor-
butiques & vénériennes. Ils font d\'or-
dinaire plusnotribreux &pius petits que
les autres. De plus j ils ne paroiflent
gueres fans être acj;ompagnés de quel-
que ulcere qui fe fonue en mcme-îems
ailleurs. Les chancres & les ulcérés
fcorbutiques fe diflinguent des véroli-
ques, en ce que les premiers font plus
profonds, plus douloureux , plus fan-
^uinoiens , rongent davantage, rendent
une fanidplus abondante & plus foetidej
au lieu que les autres gonflent moins,
& font moins enflammer îes gerscives.
Si l\'oji touche ces deux fortes de chan-
De VArï âh Demîjîe. 271
cres avec la pierre de viîrioi, ou avec
quelque autre chofe , fans détruire le
vice radical, ils fe guériîfeut difficile--
ment, & pea.de tems après reparoiiTent,
foit au même endroit, foit dans quelque
partie voifine.
U N homme de confidération avoit
depuis quelque tems au bas de la gen-
cive & de la ievre , vis-à-vis la fym :.hy fe
du menton, un ulcere avec des bords
durs & calleux, il avoit de plus deux in-
cifives qui ne teitoient point du tout,
parce que leurs alvéoles avoient été ca-
riés , &• qu ils étoient tombés en partie.
La canine & l\'incifive du côté gauche^
étoient auffi un peu ébranlées. Il me vint
voir en cer état, & me fit l\'honneur de
me confuker. Je lui trouvai en plufieurs
endroits de petits chancres-, les genci-
ves -n\'étoient point enflammées , mais
aux environs de l\'ulcere il y avoir,- tant
à la levre qu\'à la gencive, plufieurs pe-
tites excroiflances. Après qu\'il m\'eût
fait Thiftoire de fa maladie , & que j\'eus
bien examiné fa bouche, ie lui déclarai
274 ^^ ^^^^ Denûjle.
qu\'il n\'y avoic aucune efpétance de fan-
ver les deux incifives, U me dit alors
qu\'un très-habile Dentifte,"qui le ti^itoit
depuis environ trois femaines , l\'avoit
alfuré qu\'il ne pouvoit guérir qu\'en fa-
crifiant ces deux dents. Quant à l\'ulcere,
je lui fis entendre que , fur ce qui m\'en
paroiffoit y je le croyois dans le cas
d\'avoir plus befoin du fecours d\'un bon
Chirurgien que de celui d\'un De-\'.tifte.
Il me répondit qu\'il étoit fort tranquille
fur fon état intérieur, & qu\'il avoit
con fui té de trés-célebres Praticiens , qui
tous l\'avoient bien rafluré fur l\'objet de
mon pronoftic. Le tnalade me revint
voir au bout d\'environ trois femaines ;
après avoir pris le petit lait. Je lui trou-
vai trois incifives de moins ; ia canine
menaçoit ruine, & fon ulcere étoit pref-
que entièrement cicatrifé, mais c\'étoit
de ces faulfes cicatrices qui indiquent
conftammenx qu\'il refte un vice à dé-
truite dans le fang. J\'apperçus encore
quelques petits chancres^ à la vérité
prefqu\'imperceptibles , mais de nature
à confirmer mes foupçons. Je lui dis que
je trOuvois fa bouche infiniment mieux,
mais que-je perfiftois dans mon premier
avis, & il s\'en alla peu content de moi.
Quinze jours après ii m\'envoya chei-
cher, & me dit, que ne pouvant pas
jouir comme ii fouhaitoit du Dentifte
qui l\'a voit traité , ii avoit recours à moi
pour lui ôter fa canine , & pour rem-
placer toutes les dents qui lui man-
quoient. Je lui répondis qu\'il étoic dans
.de trop bonnes mains pour changer, &
je le priai de trouver bon que je m\'abf-
tinffè de lui faire aucune de ces opéra-
tions. Le malade -n\'ayant pu me réfou-
dre à ce qu\'il defiroit de moi, me preffa
d\'examiner du moins une denc près de
la canine qui commençoit à lui faire
quèîque mal. Je trouvai cette dent relâ-
chée j & je remarquai que la gencive
fe féparoic de l\'alvéole que je reconnus
carié. Je ne crus pas devoir lui cacher
qu\'il perdroit encore cette dent; j\'a-
joutai que, s\'il ne prenoit le parti que
j\'avois propofé , il s\'expofoit\'non-feu-
lement à les perdre toutes les, unes après
les autre.s, niais même à des accideîis
encore plus fâcheux. Qu\'on juge ici de
la furprife d\'un homme qai croyoit l\'a
ouérifonconfommée, & qui nefoupçon-
noit chez lui rien de femblable à ce qu\'e
-ocr page 300-De VArt da Dentifle,
j\'y vQyois ! L\'aflurance avec laqueUe
j\'infiftois fur la néceîîîté d\'aller à la fource
du inaF, l\'ébranla fans doute, & il fe
mit entre les mains de M. de la Paye. Cet
habile & célébré Praticien lui adminiftra
ll fagement les remedes, que, fans inté-
reffer la bouche, tous les accidens d if-
parure nt , & qu\'en moins d\'un mois le
malade fut guéri radicalement. Ainfi
cette perfonne en fut quitte pour là perte
de cinq dents, qu\'on auroit fiuvées en
attaquant plutôt le principe du mal.
§. X 1.
De la fiippuratïon des gencives , & des
moyens de la traiter,
ii A fuppuration , maladie qui eft aufti
commune aux gencives que la carie Teft
aux dent^, fait autant périr des der-
jKeres, que la carie même. Les perfon-
nes repletes & fanguines y font fort
fujettes, même én jou\'iffant de la meil-
leur fanté. Celles qui font maigres SC
d\'un tempérament fee, en font d\'ordi-
naire exemptes. Les femmes, en per-
De TArt DentlJle, ■ 2.77
dant leurs regies, en font aflez fouvent
atteintes ; enfin, lorfqu\'après les cou-
ches le lait ne prend pas bien fon cours,
il fe porte quelquefois aux gencives , &
y produit la fuppuration. Les hommes
font eîvgénéral encore plus fujets que
les femmes à la fuppuration des genci-
ves , parce qu\'il ne fe fait point chez
eux ,\'comme chez les temm.es, d\'écoule-
mens périodiques qui dépurent le fang.
J\'ai encore obfervé que cette maladie
n\'avoit gueres lieu avant l\'âge de trente
ans, 6c qu\'elle devenoit plus fréquente
à quarante & à cinquante ans, ou dans
un âge plus avancé.
Cette maladie fait tomber les dents
îes plus faines, fans caufer ordinaire-
ment que de très légeres douleurs ; en-
forte que quand on la néglige , on fe
trouve en peu d\'années dépourvu d\'une
grande partie de fes dents.
J\'ai toujours remarqué que îa fuppu-
ration ne fe formoir aux gencives , que
quand elles étoient dégarnies de leurs
alvéoles , & qu\'elle venoit précifémenc
de l\'endroit où*cette partie ofl^eufe étoit
dégradée. Ce qui la produit, c\'eft que
la gencive qui ne fe retire point alors,
173 Bct Andu.Bentifti.
ou qui du\'moins s\'affaifTe peu , quoique
dépourvue d\'alvéole , ne peuc ie réunir
fur ia racine, laquelle, aulfi bien que la
gencive , eft dénuée de Ion périofte.
Ainfi cette gencive qui cherche naaireb
lement à fe réunir & às\'acracher, ne
trouve plus dans la racine qui eft toute
nue , qu\'un corps étranger, dont la feule
préfence fait naître une infinité de petits
uiceres, fource de la fuppuration. Ces
petits uiceres fe forment du côté de la
gencive qui répond à cette racine , en
fournilfant fans cefTe un pus vifqueux ,
blanchâtre & très-louable.
Quant à l\'extérieur, on ne voit.aucun
uîcere à la gencive ; elle eft feulement
plus ou moins dure, quelquefois flafque
Se fongueufe, gonflée ou appauvrie, fui-
vant que la maladie eft ancienne.
La\'Couleur des gencives, dans cette
maladie , eft prefque toujours brune
ou plombée ; en les prelTant avec le
doigt, on en fait fortir la matiere telle
que je viens de la décrire. Pour fe con-
vaincre qu\'il ne refte plus d\'alvéole à
l\'endroit d\'où fort la matfere , il-ne faut
qu\'introduire une fonde ou un ftilet
entre la gencive & la racine de la dent j
Dc rAn du Dentiße. 279
rinftrument aura bientôr mefuré le vui~
de que I\'abfenee de l\'alyéole y a fair, &
il fera fentir que la racine eft à nud :
indication qui fe confirme , lorfqu\'on
ouvre la gencive pour en arrêter la fup-
puration.
On conçoit donc que , pour guérir
ôi faire cefler une maladie caufée par
la deftrudion de l\'alvéole j il ne s\'agit
que d\'ôter la dent pour que la gencive
malade fe rérmifle promptement avec
celle qui lui répond. Cette réunion fe
fait alors avec d\'autant plus de facilité ,
que la caufe du mal ne fubfifte plus ,
qu\'il n\'y a point d\'alvéole à détruire,
qu\'en vingt-quatre heures la fuppura-
tion eft ceifée , la gencive réunie &
d\'une belle couleur ; au lieu que quand
les alvéoles ne font pas détruites, les
gencives peuvent refter près d\'un mois
fans fe réunir parfaitement. Cependant
il ne faut priver le malade d\'une dent,
quelle qu\'elle foitj que quand, dégar-
nie de fon alvéole , elle devient trop
incommode
Quand la maladie n\'a pas fait trop
de progrès j on peut arrêter la fuppu-
ration en retranchant la partie de la
18 o Di tin du Dentifte.
gencive dénuée d\'alvéole, avec lac|uelle
on emporte tous les petits uiceres qui
fourniîTenr l\'humeur. Alors ia dent qui
fe trouve avoir encore du foutien par ce
qui refte de la gencive & de l\'alvéole,
fubhftera plus îong.rems & reprendra
plus de folidité qu\'en iailfant fubiifter
toute la gencive, Qu\'arrive-t-il en effet
en confervant\'l\'intégrité de cette gen-
cive ? Cet ulcere fournit continuelle»
ment du pus, malgré tous les remedes
intérieurs & tous les topiques qu\'on
employe. Or, cette matiere inépuifabie
continuant d\'abreuver les alvéoles j les
détruit peu à peu dans toute la circon-
férence de la racine. Ainfi\'la dent s\'af-
foiblit de plus en plus j, elle devieat
branlante ^ s\'allonge , & tombe enfin,
quoique la gencive ne foit pas détruite.
On voit donc qu\'il eft inutile pour la
folidité de la dent de ménager la gen-
cive malade qui ne fert qu\'à l\'afîoiblir ;
mais il ne faut en retrancher que le moins
qu\'on peut, pour ne point trop décou-
vrir îa racine, & tomber d\'une extrémité
dans une autre.
Je ne puis me difpenfer ici de faire
voir que M. Fauchard s\'eft trompé fuc
la
-ocr page 305-Di t Art du DentlJle. i S i
la nature de cette maladie. Après avoir
décrit les défordres que le fcorbut caufe
dans la bouche, & en avoir indiqué les
remedes, ii ajoute ce tju\'on va lire.
« Il eft encore une eipece de fcorbut
» de laquelle je penfe qu\'aucun Auteur
»> n\'a encore pns foin de parler\', & qui
fans incéreiler les autses parties du
» corps atr\'aque les gencives, les alvéo-
35 les & les deiits. Non feulement les
>3 gencives qui\'font molles, livides j
»> prolongées & gonBées y font fujertes,
» mais celles qm n\'ont point ces vices
» ne font pas exemptes de cette aftec-
» tion. On la reconnoît par un pus affez
» blanc & un peu gluant c]ue l\'on fait
>> f(3rtir des gencives , en appuyant le
» doigt un peu fortement de bas en haut
fur celle de la mâchoire inférieure,
>j & de haut en bas fur celle de la fupé-
rieure. Ce pus fort fouvent d\'entre
î5 les gencives & le corps de l\'alvéole,
55 & qiielquefois d\'entre l\'alvéole & la
y» racine de la dent; ce qui arrive plus
>s fréquemnient à la partie extérieure des
» mâchoires, qu\'à leur partie intérieure,
5» & plutôt aux dents incifives & aux
» canines de la mâchoire inférieure 9
Tome I. A a
lîi De l\'An du Dainjle,
» qu\'à celies de îa fnpérieure , qui font
53 cependant plus ordinairement affli-
>5 gées de cet accident qae les molaires.
On peut rapporter la caufe de cette
maladie à îa rupture ou défunion ces
s> petits vaiifeaux que la dépravation
des liqueurs qui y circuioient a pro-
3? duites. Ces liqueurs, alors épanchées
33 dans les interftices ou dans le voi-
S3 linage de ces mêmes vaifteaux qu\'ils-
w out rongés ou fait crever , ne man-
» quent pas d\'y fermenter , de s\'y cor-
rompre , & de former de petits ulcérés
» plus ou moins lîftuleux entre la gen-
» cive & le corps de l\'alvéole , ou entre
>j l\'alvéole & la racine de la dent. C\'eft
>» de-là que vient cette matiere puru-
lente qu\'on voit fortir d\'entre les
bords ou extrémités des gencives ,
fur-tout lorfqu\'on y appuie le doigt.
Ce qui ejl fingulier ^ & que j\'ai ohfervé,
» ceji que ceux qui ont été traités dc cette
maladie par Us remedes intérieurs ,
fait qu\'ils fujfent^antifcorhutiques ^ foit
39 qu\'ils fuffent différens , n\'en ont point
3s été guérii j ce <]ui pourroit donner
» lieu de croire qu\'elle ne provient
X» point d\'une caufe interne ou univer-
De l\'Art du- Dentijle. iSj
»> feiîement répandue » mais qu\'elle naît
>s de la caufe locale ou accidentelle oc-
» cafiomiée par les dents. Pour m\'eii
» affurer mieux, |\'ai encore remarqué
» que lorfqu\'on avoit perdu des dents
■>■> par .cecfe maladie, leurs alvéoles &
» leurs gencives s\'étoient fi bien réu-
« nis, cfcatrifés & confolidés , qu\'il
» n\'y paroiflbit plus aucune mariere
M- puruler.te. On doit conclure <le ce
» que je viens de dire , que cette maladie
>\' ne fe guérit radicalement que lorfque
ies dents qui fon\' affeéfcées font hors
de la bouche. On peut néanmoins
3> éloigner cecre perce par les moyens
» fuivans, qui font de tenir fes dents
bien nettes , de dégorger les gen-
s\' cives quand elles en ont befoin j de
>5 les frotter fortement tous les jours
» avec le bout du doigt trempé dans
5> l\'une ou l\'autre des deux eaux deilica-
■o rives , aftringentes &; annfcorbuti-
» ques , dont j\'ai donné la compoluioii
» pages &c ^t de-mon premier vo-
lurne. 11 faut encore avoir foin de fe
» bien laver la bouche après le repas
» avec un peu d\'eau & devin m_èlés en-
» femble j & obferver à- chaque fois
A a ij
-ocr page 308-i84 Ds l\'An du Dentlp.
« d\'appuyer fortement ie doigt fur les
« gencives en les frottant afin d\'en
„ ?xpulfer le pus qui fans cela les con-
„ fume , Se rongeroir les alvéoles, de
» maniéré que les dents deviendfoient
& enfin tom-
» bien:ct chancelaNtes,
« bcroienr faute de foutien.
Teiie efi: l\'opinion de M. Fauchard^
dont je refpea-e fort la dodnne , mais
que l\'obrervarion & l\'expérience m\'o-
bligent ici d\'abandoniîer.
Bien éloigné de fon fenti ment , je
fuis convaincu que la fuppuration des
gencives ne provient d\'aucun vice fcor-
butique, & qu\'elle n\'a lieu que quand
îa gencive fe trouve dégarnie d\'alvéole
en quelque endroit de la racine. Je lailTe
à ijuger cette controverfe aux Dentiftes
fans prévention , & je pourfuis ma
théorie.
Avant que l\'aU\'éole folt détruite , Se
que la fuppuration s\'établilfe, la mala-
die commence d\'abord par une efpece
de gonflement éréfipélateux à la gen-
cive qui \' produit ordinairement une
douleur fourde peu vive, enforte
qu\'onn\'y faitpointd\'artention , & qu\'on
B\'a recours au Dentifte que quand ia
,1.
T) e TA n du DentlJle, lE^
fappiiration fe manifelle. C\'eft alors
qu\'on fent fes dents s\'affoihlir, & qu\'el-
les caufent quelque douleur dans la
rencontre des deux mâchoires. La gen-
cive eft brune ou plombée ; quelque-
fois j mais plus rarement j le gonHenient
au lieud etreéréfipéiateux , devient alors
phlegmoneux : il fe forme dans la gen-
cive un petit dépôt , lequel aufiitôt
qu\'il a pris fon cours foulage le ma-
lade , mais qui iailfe le fuintement dont
j\'ai parlé.
La maladie venue â ce point, com-
ment l\'alvéole" fe détruit-elle? Voici ce
que j\'imagine , ôc ce que j\'ai cru en-
trevoir, Les liqueurs étant arrêtées par
le gonflement des parties , tant à ia
gencive qu\'à l\'alvéole Sc au périofte ,
deviennent par un long féjour acres ôc
corroflves , enforte qu\'elles rongent
peu 3 peu la gaïue oifeufe"; car comme
les lames qui la compofent font poreu-
fes & dypioiques, l\'humeur les pénètre
aifémeiir, & fon acidité les confume»
11 fe peut faire a-uifi que les vaiifeaux
de la gencive fe déhiinlFent par la plé-
thore , ou par la dépravation des li-
queurs qui y circulent, Se qu\'il s\'j
ig^ D\'A\'.JrtduDenùp.
forme un phlegmon capable de détruira
les membranes qui couvrent ces parties
OiTeufes ; ou bien ces liqueurs epa^
chéesdans la fubftance de là gencive
dans tout ce qui l\'environne, detruiienc
fes attaches, fermentent dans les in-
terftices , fe corrompent enfin dé-
gradent une partie de l\'alvéole & de
fes membranes. De-là fe forment
multiplient plus ou moins ces petits
ulcérés à la face de la gencive qui ré-
pond à la racine. .
Cette maladie n\'affede gueres i^s
gencives des incifives , - des canines,
& des petites molaires , qu\'à la face an-
térieure qui répond aux levres , &C dtl
côté des racines. Ce n\'eft qu\'avec le
tems qu elle gagne ies parties latérales
tc le côté du palais. Les gencives_des
gro(fes molaires, plus reculées au fond
de la bouche & moins expofées aU
froid , font moins fujettes à la fuppura-
tion que les autres ; ainfi l\'on peut en
conjedurer, que les impreftions de l ait
peuvent contribuer beaucoup à la fup-
puration des gencives. Les remedes
Kophykéliques, pour éviter cette^ma-
adie^ font tous généraux & les même^
que j\'ai ci-cievanc indiqués pour pré-
venir les fluxions.
Les perfonnes repletres & fanguines
pourront fe purger tous les mois , & fe
faire faigner de rems en rems. Le refte
dépend du bon régime, & fur-tout du
choix des alimens qui doivent être de
facile djgeftion. 11 faut encore avoir
grand foin de fes dents , Se auffitôc
qu\'on s\'apperçoit que les. gencives fonc
douloureufes. ou un peu gonflées, les
fiire vdir à un Dentifte expérimenté.
Si îivanr que l\'alvéole foit détruite, &
que la luppuration foit maidfeftée , c\'eft
à-dire, lorfque la fluxion éréfipélateufe
ou phlegmoneufe commence j on y
fait remédier par un bon Dentifte ^ il
dillîpera promptement le mal ,.en dégor-
geant les gencives à plufieurs reprifes,
Se faifantde perires fcarificarions tant en
dedans qu\'en dehors. Enfuire une fai-
gnée ou deux, felort îa difpofirion du
fujet , quelques légeres purgations ,
des lotions appropriées , & l\'nfage d\'un
excellent opiat, rendront la g.iérifon
parfaite. Si au contraire on laVik- éta-
blir la fuppuration des gcncives qui
indique , eurreautres défordies, la def-
3,88 J}& rJn du Dentijle.
ti-udloti de l\'alvéole , tous les remedes
que î\'mdique feront d\'un tres - toîbie
fecours , & ne*poutront que prolonger
la perte des dents , comme " i oblerve
M. Fauchard. - • i
Revenons aux moyens de guenr ia
fuppuration des gencives. Quand IcS
gencives font tellement dégarnies d\'al-
véole q i\'il n\'en refte plus que fort peu
vers l\'extrémii\'é de la racine , la denc
eft faus aucune reftource, & l\'on ne peut
qu\'en reculer la perte en l\'attacKant aux
dents voifmes avec un fil d\'or ou «ete
foie. Mais quand la fuppuration n a
point fait de fi grands progrès , que 1 al-
véole n\'eif pas détruite fort avant, & qu U
en refle encore allez pour maintenir la
racine , on peut en arrêter le cours.^^lj
s\'agir d\'avoir un cautere plat bc deae
que Ion fait bien rougir au feu ; on l\'in-
iinne au fond du vuide qui fe trouve
entre la gencive & la racinà de la dent,
& on l\'v reporte deux ou trois fois , en
obfervarit de bien brûler la ^gencive
dans toute k face qui répond à
ne. Le refte du traitement confifte a
faire obferver au malade les lotions çt-
devant prefcrites, & l\'ufage d\'un opuij
^ propre
-ocr page 313-D: fÂn du Dentifle. \' 23,9
propre à cet effet. huit ou dix jours
après , en preffint l\'extrémité des gen-
cives, on apperço\'it encore un peu de
matiere , ii faut cautérifer de nouveau*.
Si enfin l\'écoulement ne ceffe point,
ou que le malade refufe de fupporter
un troifieme cautere, le feul parti qu\'il,
y ait à prendre pour le guérir efl d\'em-
porter toute la partie de la gencive qui
efl dépourvue d\'alvéole. L\'opération
fe fait avec des cifeaux à-peu-près fem-
blables à ceux c]ui fervent à découper,
mais un peu plus forts par le bout : on
coupe la gencive des deux côtés de ia
pociie dans toute fon étendue, en fai-
fant terminer ies deux incifions en trian-
gle. Tous les ulcérés étant ainfi em-
portés avec ia portion de la gencive,
on nettoie bien la racine. Trois ou qua-
tre jours après l\'opération, on examine
attentivement, & l\'on preffe avec les
doigts le réiidu de la gencive , pour
s\'affurer s\'il refbe encore de la matiere en
quelque endroit. S\'il en paroît vers les
îarties latérales, ou vers l\'extrémité de
a racine, il faut de nouveau couper la
V. la Pl. II. qui contient difFérens cauteres.
Tome L B b
Xfo _ DcrAnduDenûJîe.
oencive pour emporter le refte des ul-
îeres, en ménageant la face extérieure.
L\'inftrument le plus propre pour cette
derniere incifion, eft une lancette .bien
tranchante , & un peu plus forte vers
la pointe cjue celles qui fervent à la fai-
onée. On a foin de l\'envelopper & a\'ai-
fujettir la lame & la chafle avec une pe-
tite bandelette ; on diifeque & on dé-
truit dans la face interne de la gencive
toutes les parties ulcérées.
Quand la maladie eft fur les grolfes
molaires, fur-tout au fond de la bouche,
comme il eft aftez difficile d\'y opérer
commodément avec la lancette & les
cifeaux , il faut fe fervir d\'un déchauf-
foir pointu bien tranchant. Les petiu
ulcérés étant tous détruits par ces di-
verfes opérations, la fuppuration cefte
entièrement. Quelques obfervations
donneront du jour à cet article.
Observation L
M. * *, Aéieur de la Comédie Ita-
lienne , avoit à la mâchoire inférieure
les incifives ébranlées par une fuppura-
tion établie à la face antérieur© de la
De l\'An du Dentiße, t^i
gencive. A l\'une de ces incifives, la ma-
tiere_ avoit preique gagné jufqu\'à l\'ex-
t!-emicede la racine. Deux Dentiftes ha-
biles n\'avoient pu faire ceffer cette fup-
puration : ils n\'avoient fait que lui dé-
gorger les gencives , fans en emporter
les ulcérés qui entretenoient l\'eccule-
ment. 11 fe mit entre mes mains qudque
tems après; j\'opérai deux fois fur fes
gencives de ia maniéré que je i\'enfeigne
& d fut parfaitement guéri en onze ou
douze jours.- Ses dents ont repris leur fo-
iîdue^ & fe maindennent en, bon étac
depuis environ quatre ans.
En 1748, Infped-enr de
lolice, avoit la même maladie fur les
nicifîves de ia mâchoire inférieure de
iorte qu\'en prefTantia gencive la matière
en fortoit abondamment. Les dents
fur-tout les deux du milieu, étoient
deja fort ébranlées. Je l\'ai guéri radica-
lement de la même maniéré. Ses dents
depuis font devenues folides , & il a
confervé fa bouche dans le meilleur état
Del\'Art du Dentijle:.
jufqu à fa more, arrivée il y a environ
deux ans.
M. Arcelain, Médecin de la Faculté
de Paris , m\'adreifa il y a quelques an-
nées un Abbé de diftinclion qui avoit
une fuppuration abondante à l\'une des
deux grandes incifives déjà fort ébran-
lée & très douloureufe. Je trouvai cette
dent dégarnie de fon alvéole fur toute
la face antérieure de la racine , jufqa\'a
fon extrémité. Il fut guéri en peu de
tems par les- moyens que j\'ai décrits ci^
delfus, & fa dent eft devenue très-fo-
lide, fans aucune fenfibilité. J\'ai vu de-
puis peu cette perfonne, dont j\'ai trouvé
\'a dent & la gencive en très-bon état,
l
VLinc/te. 1 .
De l\'An du DentlJle,
PREMIERE PLANCHE, \'
Instrument nouveau fervanr à empor-
ter les corps durs & pierreux qui fe
formenc quelquefois fur les gencives,
au(!î promptement qu\'on peut ôter
une dent.
CETTÉ Jigure repréfente une pince inci-
Jive env\'ouverte & vue dt cote auns couie
fon étendue. Sa forme eji U mê\'ne que
celle du davier j // ce n\\ll qu\'elle eft plus
grande,, & que Jes aeux txité\'haés font
larges d\'environ trois ignés , t j^rt tu.n-
chantes^ au lieu que celles au duMc J.^it
fendues^ & ont chacune deux deï^telwes.
A. Le corps de t inftrument.
BB. Les extrémités tranchantes.
cc. L\'extrémité la plus longue des
deux branches qui fervent de manche i
rinftrument.
B b iij
-ocr page 319-294 ^^ Dentifte.
Des petits durillons qui furviennent aux
gencives , & des exoftofes qui fe forment
aux alvéoles.
,.^uoiQUE les durillons & les aa-
îres tumeurs du, même genre n\'aient
abfolument riqn de dangereux , on eft
quelquefois obligé de ies détruire, parce\'
qu\'ciant fitucs d\'ordinaire à la tace^ anté-
rieure des gencives, qui eft expbfce a la
vue , ils font un effet défagréabie.
Quant aux petites exoflofes de l\'al-
véole , elles s\'accroiffent quelquefois à
tel point que j\'en ai vu d\'aulfi grofles\'
que des avelines, fans que les denrsj
euffent aucune part , fans qu\'on pût
même foupçonner aucun vice particulier.
J\'ai remarqué cependant que les filles
qui avoient les pâles couleurs, que les
femm.es mal réglées &c les perfonn^es qui
avoient des obftruftions au foie éroient
plus fujettes à ces forces de tumeurs que
les autres. ^
On peut emporter & détruire \'très-
-ocr page 320-Be rArt du Bentîfle. 19 5
promptement, avec la pince inci/ive î
toutes les tumeurs de cette efpece. Le
me me iuftrument peut fervir encore à
enlever toutes les exoftofes qui fe for-
ment à la furface de l\'alvéole , & qui
font élever la gencive : mais à fon dé-
faut la petite pince dont ont fe fert pour\'
couper ou rogner les ongles peut ren-
dre le même fervice.
Enfin , toutes ces tumeurs, durillons,
exoftofes, & autres fe détruifent pareil-
lement avec le cautere aétue! ; & lors
même que ces tumeurs ont écé enlevées
?ar queique inftrumejit tranchant, pour
es empêcher de reparoître , il eft bon
d\'y appliquer une ou deux fois le cau-
tere. J\'en ai emporté quelquefois qui
font revenues, & que je n\'ai faic entiè-
rement difparoîtie qu\'après la fécondé
extirpation, en y appliquant ie boucon
de feu.
Ohfervaûons fur les exoftofes des alvéoles.
Madame la Baronne de * * avoir
cinq ou fix petites exoftofes aux alvéoles
des incifives &: des canines, tant fupé-
rieures qu\'inférieures 5 ce oui produifoic
ap^ Be. tAn du Bcnùjlt.
aux gencives difFérenres tumeurs , dont
quelques-unes étoient plus grofTes qu\'un
poix. Ces tumeurs ne lui faifoient au-
cun mal : mais, comme elles étoient fî-
tuées à la flice antérieure des gencives
que la levre en riajit découvroit, eiles
•frappoient tout d\'im coup la vue. Cette
dame un jour me demandai l\'on ne pou-
voir pas corriger ces gencives défectaeu-
fes, & lui ayant dît que je lecroyoïs très-
ficile, elle fe fournir à Topération. Je lui
e nportai donc avec une pince inciîive
t jutes ces tumeurs , & je les coupai le
plus près des gencives qu\'il me fut pof-
fîble. Les mêmes tumeurs fix moix après
reparurent, & dans Fefpace d\'un an
elles eurent un volume beaucoup plus
gros que la premiere fois. Elle revint à
moi : je lui propofai d\'extirper de nou-
veau les tumeurs, & d\'appliquer enfuite
fur les plaies récentes le bouton de feu
dont Tefet les empêcheroit de recroître.
La Dame me laiiîa opérer, & depuis
environ trois ans que j\'ai fait cette der-
niere opération , fes gencives font ref-
tées dans leur état naturel, fans qu\'il
ait reparu d\'exoftofes.
Avant que de terminer ce chapitrej^.Se
-ocr page 322-De t Art du DentlJle. x^f
de paÏÏer au manuel des opérations, il
me refte à faire une obfervation géné-
rale fur les différentes maladies, foit des
dents , foit des gencives ; mais que |e
ne propofe ici que comme une fimple
liypothefe.
Dans toutes les maladies qui furvien-
nent aux gencives, aux dents, aux al-
véoles, il y a diffcrens fymptôm.es qui
n\'échappent gueres à l\'attention d\'un
Dentifte expérimenté, & qui lui font
bientôt reconnoitre la caufe du mal. Je
dis plus : il y a certains maux de dents ,
qui fans erre quelquefois bien graves
font les aVant-coureurs d\'une maladie
confidérable tju\'un bon Dentifîe eft en
état de prévoir. Or, en prévenant le fu-
jet J ou pour ne pas l\'effrayer, les per-
fonnes que le foin de fa fanté regarde ,
des difpofitions qu\'on apperçoit, la Mé-
decine ou la Chirurgie s\'employeroit
efEcacement à détourjier l\'orage : ce
feroit l\'affaire de quelques légers reme-
des qui font fouvent de peu d\'effet 3,
cjuand la maladie eft déclarée.
11 y a quelque rems qu\'une perfonne
vint me confulter fur une dent qui fui
faifoi: mal depuis peu de jours. Sa denc
n\'étoit nullement gâtée, ni mêmeébran^
lée.Les gencives & l\'alvéole étoient aufli
en très-bon état : cette dent néanmoins,
en la frappant, fe rendoit fenfible. Je
fis plufieurs queftions au malade fur
l\'effet que les alimens auroient pu loi
fiire fencir : le froid ni ie chaud ne fai-
foient aucune impreffion fur fa dent.
Je lui tâtai le pouls, je le trouvai plein,
& il m\'avoua qu\'il avoir ia tête lourde.
Je lui dis que fa dent n\'étant point gâtée,
il falloit fimplement qu ii eût foin de fe
rincer fouvent la bouche avec de l\'eau ou
du lait tiede , qu\'il prît auffi quelques la-
vemens J & far-tout qu\'il fe fît faigner.
H me répondit qu\'il craignoit fi fort la
faignée, qu\'il ne pouvoir pas s\'y réfou-
dre ; que d\'ailleurs il fe portoit bien, &
que, pour un fimple mal*de dents , il
n\'en viendroit là que quand il auroit mis
en ufage les autres moyens. Je tâchai de
l\'ébranler, en l\'avertiflanc que fon mal
étoit l\'avant-coureur de quelque mala-
die dont il étoit menacé, & je luicon-
feillai de voir fon Médecin. Mon avis
parut lui faire impreffion; mais de re-
tour chez lui, il s\'en tint à l\'ufage du
lait tiede & de quelques lavemsns, ce
De l\'An du Dentijle, i^p
qui (ilflipa prefqu\'emierement le mal de
denrs & iapéfanreur de la têce. Une pen-
foit donc plus à ce que je lui awis dit,
quai\\d le troifieme jour il lentit recom-
mencer fon mai de dents & fa tête s\'ap-
péfantir. 11 eut recours au lait tiede &
aux lavemens dont il ufatourê la journée
jufqu\'au foir. Ces remedes fayarjt peu
foulagé , il réfolut de fe faire faigner;
mais \'^il remit au lendemain matin. _ A
peine il fut couché, qu\'il eut une vive
attaque d\'apoplexie , qui fut heureufe-
ment combattue par des fecours prompts
& efficaces. C\'eft ainfi qu\'il m\'eft arrivé
slufieurs fois de prévoir de grandes ma-
adies que je ne pouvois caracïésrifer ^
mais que je foupçonnois très-prochaînes,
par ce que je voyois arriver aux\'clents &
aux gencives. Je fuis perfuadc que plu-
fieurs de mes Confreres ont reconnu de
pareilles difpofuions, & qu\'ils ont fait
les mêmes pronoftics.
^oo ■ De TAn du Dmtifie.
DE LA
DEUXIEME PLANCHE,
Contenant cinq inftfnmens propres à
cantérifer les dents,
Fig. \\.Cauteue acîueipropre à brûler
& à detruire les cordons du nerf qui de-
viennent quelquejois fort gros, lorfquune
dent efl cajfée. Ce cautere peut fervir en-
core à affaiffer & à détruire les gencives
trop charnues, ou fongueufes.
Fig. il. Cautere acluelpour détruire les
tumeurs dures & pierreufes, ainfî que cer"
t aines exofiofes qui furviennent quelque-
fois aux gencives.
Fig. IIL Autre cautere pour détruire h
nerf d\'une dent qui fe trouve fuffifamment
découvert par l\'effet de la carie. Il peut
encore fervir, tant à deffécker la carie &
à arrêter fes progrès fur certaines dents ^
qua difflper certaines fenfibilités.
Fig. IV\'. Autre cautere ad:uel quïs\'in-^^
-ocr page 326- -ocr page 327-Dc F Art du Dentiße. 501
trodult entre la gencive ^ la racine de la
dent i pour faire cejfer la fuppuration ^ &
détruire les petits ulcérés qui fe font formés
à la gencive vers la racine de la dent.
Flg. V. Autre cautere acluel plus fin
plus délié que les précédens 3 dont on fç
fert pour détruire le nerf de certaines dents
qui Olk une très-petite ouverture.
AAAHA. La tige de chaque inßrument^
Bmm. Leur manche.
CCCCC. L\'extrémité du fer qui cauté^^
rife ou qui .brûle.
.........^^
^ ■ V ^s- frs-s- 4." av, i ^^
\' ♦ya-!\' BîVfc/^iS ❖WW« K I
Îg-S—--------------
PARAGRAPHES, ET SECTIONS
DU PREMIER VOLUME.
CHAPITRE PREMIER.
Fhyjiologie des dents ; moyens de l\'Art
pour en réparer les imperfecîïons.
iA. LJESCRIPTION des Dents & des Al-
véoles. Page I
Divifion des Dents Les différences qui
les font parfaitement diftinguer les unes des
autres. ^ 2,, 12
Néceffité de bien reconnoitre la figure
des denrs, pour favoir la pofition de cha-
cune , quoique hors de la bouche. Obfer-
vation à ce fujet. \' i ? 514
Des foffes alvéolaires ; leurs difiércntes
formes. Pourquoi les racines des Dents ont
fouvcntdesdéfautsdeconformation. 14,17
Comment le périofte fe deffeche & fou de
ia racine de la dent avec l\'alvéole. 17
Remarques fur les variétés des alvéoles.
18,19
Obfervations fur ies folTes alvéolaires &
fur leur contraction. 20^ ly
§. ll. De ia formacion & de l\'accroijfement des
Dents. 26,30
§. III. De la fortie des Derus,
Le tems & l\'ordre qu\'elles fuivent ordi-
nairement. 3 3
§. IV. Des accidens qui precedent & qui ac~
£Ompagnent la fortie des Dents.
Des moyens qu\'il faut mettre en ufage
pour les faire cefler. 34,
Inconvéniens qui réfultent du hochet
qu\'on donne aux enfans. 40,41
Nouveau remede expérimenté par l\'Au-
teur. 41 & faivantes,
Opéradon néceffaire pour faire ceffer les
convuifions, & autres accidens. 45 &fuiv.
§N.De la chute des dents de lait & de leur rem"
placement.
Sentiment contraire à celui de M. Bunon,
au fujet de îa deftrirction des racines des
Dents de lait. 50,5-4
§. Vî. Des marques qui font dijlingaer les
Dents de lait d\'avec celles qui font renouveliées-,
& des précautions qu\'il faut prendre, quand on
efl obligé d\'ôter les premieres pour ménager l\'em-
placement des fécondés. y ƒ fuiv.
Obfervarion fur des Dents renouvellées.,
ôtées pour des Dents de Lut. 56 & fuiv.
Dents de fngeffe branlantes 5c doulou-
reufes J fécondé Dent qui fe trouva deffous.
y 7 & fuiv.
Précautions à prendre lorfqu\'il s\'agit
-ocr page 330-504 Tabic des Chapitres^
tVôrer une Dent de lair qui ne branle pas.
59 &JUIV.
VII. Du défordre ou dérangement desDenti\',
moyens de le prévenir ou de le réparer dans l\'tri\'
fance. 64
Caufes de ce dérangement ; avantages que
l\'on retire de mettre la Dent à l\'air: nèceiiité
de foigner de bonne heure ia bouche des
entans, pour procurer un bel ordre aux
Dents. 65,70
Pourquoi les Dents trop ferrées fe gârcîic
plutôt que les autres à la mâchoire lupé-
rieure-
CHAPITRE SECOND.
Des différentes maladies qui attaquent^ &
détruifent la fubjiance des dents. De
leurs caufes internes & externts. Des
moyens de les prévenir. Des remedes
généraux & particuliers, 77
I. De C érofion ; de la dijformitè des Dents ,
& des maladies qui la produifent,
Raifons pour lefquelles les Dents en font
plus maltraitées dans un âge que dans un
autre. So & fuiv.
Erreur de M. Bunon à ce fujet. 84, 89
Vices naturels de la conftitution des en-
fans,i germe des mialadies qui détruilent les
Dents. 90
Ce qui fait que les enfans fe nouent.
91 fuiv.
Caufes
-ocr page 331-Caufes de îa rougeole & de la petite vé-
role. Pourquoi ces différentes maladies n\'af-
feélenc pas toujours les denrs , quoique
molles. 9z
Pour empêcher qu\'un enfant venu au
monde bien confticué ne fe noue, & que
d\'autres maladies n\'afïeélent les dents d\'éro-
fion. 93,94
D/l la carte.
Caufes internes &: excernes delà carie.
_ $<■) &cc.
§. lïî. Des moyens de guérir la carie & aurres
maladies des Dents. lOI
Soins néceflaires pour la propreté de la
bouche, & prur enjpccher le tartre de fe
former ou des\'amalTer. î02;,i04
Différentes chofes nuifibles aux Dents ,
qu\'il faut éviter. Régime & conduite à ob-
ferver pour les conferver. loj, 110
Moyens d\'arrêter les progrès dc îa carie ,
avant que le nerf des Dents foit à décou-
vert. m & fuiv.
Moyens difFérens qu\'on emploie pour
détruire les cordons nerveux d\'une Dent
gâtée qui font découverts , & pour guérir
les douleurs de dents. 11 y
Engorgement, ou abfcès formé dans le
canal des Dents j inflrument convenable
pour l\'évacuer. izi&fiiiv.
Inflrument nouveau pour trépaner les
Dents. 123,125-
Importancede conferver les Dents, quoi-
que gâtées, & certaines racines. 119,13 a
IV. Rupture des parties nerveufes par la
^uxation de la Dent. Î33
Tome i. Ce
-ocr page 332-Ce qu\'il faut obferyec avant que de dé-
îlacerla Dent, en la déplaçant, & après
.\'avoir déplacée. \' 134,145
Avantages & inconvéniens de cette opé-
ration. 147,153
Obsert. I. Au fujet d\'une Dent éclatée
par effort. 154
Oésery. II. Au fujet d\'une dent ufée qui
étoic devenue fort douloureufe. 155, 157
Opération pour faire tenir le plomb dans
une petite molaire ou dans une dent de de-
vant. I î7
§. V. Méthode pour ôter les Dents cariées, &
les remettre avec fucces. 158
Obfervation au fujet d\'une Dent caffée
par une chute. 1611
Nouveaux éclairciffcmcns fur de m.auvai-
fes chicanes faites à l\'Auteur, au fujet de fa
nouvelle opération, & de fa méthode pour
ôter & remettre les Dents. 163, iéc>
§. VI. Des Dents fraBurées, de celles qui
s\'ufent, des maladies qu\'eiles produifent & des
moyens d\'y remédier. 170
Pour empêcher que les Dents ne s\'ufent
dans leur rencontre. 175^ i8a
Moyens de remédier aux douleurs prove-
nant d\'une Dent ufée, donc le canal & le
cordon font à découvert. 180, 185
\\ H. De i\'engorgement dei vaijfeaux den-
taires, & de l\'inflammation du cordon t\' dupé-
riofle ^ provenant de caufe interne. \' 184
VIII. Des douleurs que les Dents ébranlées
pro duifent, 6\' des moyens d\'y remédier, 187
C^arlacanaies à ce fujec.
-ocr page 333-CHAPITRE T R 01 S I E M E.
Des maladies , & des autres caufes qui
alterent la blancheur des Dents.
De la blancheur des Dents^ & de fa durée.
ii)±&fuiv.
Accidens qui alterent la blancheur des
dents. xc)<i fulv^
Iî. De la formation du tartre & de fes
inconvéniens. ipó
Age où l\'on eft ordinairement plus fujet
au tartre. 195»
Erreurs &fauxpré)ugés fur le nettoyement
Öes Dents J dont le défordre eft attribué
mal-Vpropos à l\'opération du Dentifte.
201, 204
Combien la confervation des dents inté-
reffe la fanté & la vie. 204, zo6
Autres avantages cpe procure la confer-
vation des Denrs. . 206,208
Faux préjugés fur les inftrumens du Den-
tifte , dont les Charlatans lavent profiter.
210,ZI2
Abus d\'un Elixir vanté pour détruire le
tartre, fans qu\'il foit néceiîaire de nettoyer
les Dents. 212
C c îj
-ocr page 334-CHAPITRE QUATRIEME.
Des maladies des alvéoles, de celles des
gencives & de leur guérifon.
§. I. Des maladies des alvéoles. Age ou cîordi\'
naire les Dents s\'ébranlent & fe perdent. Raifons
de Icu-r dépéri fanent. 219
lî. Des gencives en général. Zio
§. III. De la flruàure y & de l\'ufage des gen~
çlves & du périofte, z z I
f. IV. Maladies des gencives.
Caufe la plus ordinaire du gonflement des
gencives i moyens d\'y remédier. 226 & fui^,
Caufes internes du gonflement des genci-
ves , & moyens d\'y remédier. 228 ùfuiv.
ÔBstRv- I. Au fujet des gencives faig-
nanres. 229 & fuiv.
Oep^RV. IL Sur le gonflement & la fen-
fiblHié des gencives. 230
V. Excroifances des gencives & leur gué-
rifon. aji
Premier degré d\'excroiffanccs, & moyens
pour les guérir. z 3 23 6
Second degré d\'excroiffances ^ & moyens
de les guérir. 236 & fuiv.
Troifieme efpece d\'excroifîances , &
moyen deles guérir. 237,138
Qbsîrv. I. Au fujet de plufieurs excroif-
lances confîdérables. 239, 242
Oeserv. II. au fujer des gencives flafques
& épaiffes.
Vî. Des tumeurs carcinomateufes.
■ Defcription d\'une tumeur carcinomatcufe
très-conlldérabîe, & moyens pour la guérir.
246,249
§. VIL Des fl.Lixions & ahfces qui fe forment
aux gencives \\ traitement de ces maladies.
Néceffité de donner proujptement ifliie à
la matiere auiii-tôt que i\'abfcès eft forirjé.
250,251
Moyens de remédier à la carie de l\'os
maxillaire. 252 faiv.
_ VIII. Des fijlaies qui fe forment aux gen-
cives , & de la maniéré de les traiter ij, 6
\'Observ. I. Au fujet d\'une fiftule guérie
proniptenienr. 258,260
Observ. il Au fujet d\'une fillule occa-
fionnée par une portion de racine trouvée
à l\'entrée du iinus maxillaire. z(ai, 264
IX. Ulcérés des gencives, moyens de les
traiter, 6\' de les guérir. % ë}
Des ulcérés fcorbutiques. Néceffité d\'y
remédier promptement. i66, 269
Efpece d\'uIceres remplis de petits efcarres
blanchâtres- 2.69 & fuiv.
X. Des petits chancres qui furviennent aux
gencives, moyens de les guérir. 27 î
Observ. I. Au fujet de plufieurs petits
chancres, & d\'un ulcere au bas de la gen-
cive. ^ 275,27^
§■ XI. De la fuppuration des gencives, 6\'
des moyens de la traiter. ■ %-f6
Caufes de cette fuppurarion. 277 & fuiv.
Opinion de M. Fauchard fur cette mala-
die. 181,28-4
11 ô Table des Chapitres, &c,
Sentimenc de l\'Auteur, fur îa même mak-
dle. Cornmencemeur de la fuppuiarion &
dertrucèion de l\'alvéole. 284, 287
Différens moyens pour guérir la fuppura-
tion des gencives.
Opérations èi tnftrumens propres a cet efet,
281) 6\' fuiv.
Oeser v. I. Sur une fuppuration aux gen-
cives, des incifives infeiieures, invétérée
depuis long-tems S>c promptement guérie.
290 6" fuiv.
Obsfrv. II. Sur une pareille fuppiu\'arion
établie depuis long-rems airx gcncivcs, &
guérie auili promptement. i()i& fijiv,
§. Xîî. Des petits durillons des gencives , &
des exoflofes aux alvéoles. 25>4
Remarques fur les caufes qui produifent
ordinhii emcnt ces maladies^ & moyens pt/ur
•les guérir. 15)4 6
Obfervations fur des extoitofes fut venues
aux alvéoles i moyens qui furent mis en
ufage pour les guérir 295 fuiv.
Réflexions générales fur certains maux de
Dents qui annoncent quelquefcis ou préfa-
genc une maladie confidérable ; pronollics
qu\'en peut tirer un Dentifte h\'abile. 296
Obfervation à ce fujet. 297, 298
Planche deuxieme repréfentant différens
cauteres, avec fon explication. 3 00
Fin de la Table du premier Volume.
-ocr page 337-mOUrn
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