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sr
?Iist. natiir.
Oct. n^
-ocr page 3- -ocr page 4- -ocr page 5-de pierre camper.
tome premier.
-ocr page 6-RIJKSUNIVERSITEIT TE UTRECHT
1904 8036
-ocr page 7-qui ont pour objet
il
et l^ anatomie comparée.
A PARIS,
chez h. 3. jansen, rue des postes, n«. 6,
près de l\'estrapade.
AN XI. — i8o5.
-ocr page 8-l.\' k\'.
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A î:\'
^ ] ; i \'.k\'\'
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-ocr page 9-n
^E seroit sans doute une présomption
de ma part, que de vouloir entrer ici
dans quelques détails sur la vie et les
écrits de feu M. le professeur Pierre Cam-
per, après la notice que nous en a donnée
son fils, M. Adrien-Gilles Camper, et ses
éloges que MM. Condorcet et Vicq-
d\'Azir ont prononcés dans F Académie
royale des sciences et dans la Société
royale de médecine.
D\'ailleurs, tout ce que je pourrois dire
a ce sujet paroîtroit certainement de ma
part, comme éditeur et comme libraire,
doublement suspect et déplacé. Je me
borne donc à observer que j\'ai rassemblé
dans cette collection tout ce qui m\'a paru
digne d\'y entrer; c\'est-à-dire, la pres-
que totalité de ce qui a été publié par
A Y I s D E l\' B D I T E tJ R, ,
railleur lui-même, ou, après son décès,
par son fi]s, M, A. G. Camper.
II me reste un mot à dire sur la dédi-
cace que je mets à la téte de cet ouvrage.
J\'ai balancé long-tems si je de vois me
permettre cette démarche, dansla crainte
qu\'on ne l\'attribue à un sentiment de va-
nité. Mais cette idée doit-elle m\'empê-
cher d\'accomplir le vœu sacré que j\'ai
fait à l\'instant même^qu\'on déposoit mon
fils dans la terre? Oui, c\'est dans ce fatal
moment que j\'ai conçu ce tribut à sa mé-
moire , tél que je le donne ici ; et, en ré-
pandant des larmes sur les cendres de mon
unique ami, j\'ai senti ma douleur allégée,
par l\'espoir consolant, que son nom, en-
veloppé de la gloire de iCamper , passe-
rpit avec quelque honneur à la postérité.
r,. .r,
-ocr page 11-d e
HENRI-FRANÇOIS JANSEN,
jeune homme de grande espérance
et
de m (eur s puresj
MORT
a a g e de xx. ans et ti. mois,
sont consacrées
PAR
son père malheureux,
DÔNT il fut toujours
le meilleur ami.
PARIS, .
LE XXIX. FLORÉA
AN X.
■ . : ; fj-i, rl
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L a.
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-ocr page 13-\\
de la vie et des écrits
de pierre camper.
Multis ille honis flebilis occidit
Nulli jiehilior quam mihi.
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■V., s mT\';5, V ,
I\'m"--.
-ocr page 15-«
£>octeur en droit et Pensionnaire de la ville de
la Brielle j
e t
Négociant à Londres ,
est dedie
CET ESSAI SUR LA VIE DE LEUR PÉRE,
Comme un témoignage d\'estime et d\'amitié,
DE LA PART
-ocr page 16-\'aï."
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tKJd:VTHliiÜA
f iiOr, _ \'-v
te
-ocr page 17-L A lenteur que l\'on met à publier les éloges de
Pierre CAMPER, prononcés dans plusieurs
académies savantes, et la conviction où je suis qu\'ils
ne seront lus que par un petit nombre de person-
nes, m\'ont déterminé à donner un essai sur sa vie.
J\'aurois voulu présenter au public les éloges dont
Condorcet, Louis et Vicq-d\'Azir ont honoré sa
mémoire ; mais toutes les peines que j\'ai prises
pour me les procureront été infructueuses jusqu\'à
ce jour (i).
J\'ai donc pensé qu\'un essai sur la vie d\'un hom-
nie aussi célèbre que P. Camper, et une notice
exacte de ses ouvrages pourroient être agréables à
mes concitoyens 5 d\'autant plus que les notions
qu on en a données jusqu\'ici ne sont rien moins
^ue satisfaisantes.
Peut-être m\'objectera-t-on que les liens du sang
(1) Ou trouvera à la suite de cette notice les éloges de Camper
par Vicq-d\'Azir et Condorcet : je dois le premier à la complai-
sance de MM. les administrateurs de l\'Ecole Nationale de Méde-
ï^^e, qui ont bien voulu me le communiquer, sur la demande de
A. G. Camper. Il n\'existe qu\'une minute informe de celui
M. Louis a prononcé. Note de VédUeur.
p b. é f a c e.
auroient du m\'interdire une pareille tâche; mais
on verra que je me suis mis au-dessus de tout soup-
çon de partialité, en me bornant à n\'être que le
simple biographe de mon père, sans m\'ingérer de
porter aucun jugement sur le mérite de ses écrits.
Il m\'eut été facile sans doute de m\'étendre sur
ses vertus sociales et domestiques: une longue in-
timité, une correspondance épistolaire suivie , et
des circonstances particulières, m\'ont mis à portée
de connoître, mieux que personne, les excellentes
qualités de son coeur ; mais je préfère de garder
le silence; persuadé que la conviction d\'une ame
honnête est une plus précieuse récompense pour
la vertu que tous les applaudissemens de la mul-
titude.
Si cependant on pou voit blâmer, comme sin-
gulière , ma conduite à cet égard, il me seroit fa-
cile de faire mon apologie, par les exemples que
nous fournit l\'antiquité de personnes qui, par un
sentiment de gratitude, ont fait connoître les ac-
tions louables de leurs ancêtres ou de leurs amis.
Cléanthe n\'a-t-il pas publié la vie de Zénon?
Hermachus et Métrodore n\'ont-ils pas instruit la
postérité des vertus d\'Epicure, si injustement ca-
lomnié? Scipion, on le sait, a pris la défense de
son père; Sénèque parle avec attendrissement des
bonnes qualités de ses parens, dans la consolation
qu\'il adresse à Helvia, sa liière; Lucius Verus et
PRÉFACE. XV
Marc-Aurèle ont prononcé publiquement, à la
tribune aux harangues à Rome, Féloge de leur père
adoptif. Ce dernier même ne s\'est point borné à
Veiller à la gloire de ses ayeux et de ses précep-
teurs j il a cherché à sauver également de Toubli les
belles qualités dont le ciel l\'avoit doué lui-même.
Cependant jamais on n\'a fait à ces hommes illus-
tres aucun reproche de leur noble confiance ; et
leur mémoire ne cessera d\'être célèbre que lors-
que la vertu ne sera plus respectée sur la terre.
A. G. CAMPER.
Klein Lankura, le 21 Janvier 1791.
-ocr page 20-ff"
■ V- ;; , f
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if
notice
Pi EURE CAMPER naquit à Leide le ii mai
1722. Ses parens étoient Florent Camper, issu
d une famille honnête, dont le commerce accrut
1 • ..
considération au commencement du dix-sep-
tième siècle, et Sara-Gertrude Ketting, née aux
Indes de parens hollandois. Florent Camper rem-
plit pendant quelque tems la place de ministre du
Saint-Evangile à Batavia, et retourna à Leide en
1710. C\'etoit un homme de mérite, étroitement
lié avec les sayans qui ont illustré Facadémie de
Leide au commencement de ce siècle, mais parti-
culièrement avec le grand Boerhaye. Ilaimoit avec
passion tous les arts, et souvent même sa fortune
a été utile aux artistes, dont la société faisoit ses
plus chères délices.
l^ès sa plus tendre jeunesse, P. Camper donna
h
i.
-ocr page 22-xviij not ix e de la vie
des preuves d^une grande activité d\'esprit, et de-
celte passion insatiable de tout voir, de tout con-
noître, qui, dans un âge plus mûr, devient sou-
vent un goût décidé pour les sciences. La société
de plusieurs artistes qui fréquentoient la maison
de son père, servit à l\'initier de bonne heure dans
leurs secrets. Il étoit d\'ailleurs doué d\'une grande
sagacité et d\'une conception au-dessus de son âge.
"Ce germe heureux n\'échappa point à l\'oeil at-
tentif de son père, qui ne négligea rien de ce qui
pouvoit servir à le développer 5 et le pénétrant
Boerhave, qui ne manqua pas de prévoir les fruits
que devoient produire ces dispositions précoces,
contribua par ses conseils à frayer la route qu\'al-
loit parcourir le jeune Camper, qui, comme on le
verra bientôt, ne trompa ni l\'espoir de ses parens,
ni l\'attente du philosophe.
L\'amour des sciences et le désir de s\'instruire
dans les beaux-arts ne firent qu\'accroître en lui
fivec l\'âge. Tandis qu\'il travailloit à mériter des
prix aux écoles publiques, il consacroit ses heures
de loisir au dessin, à Fétude de l\'architecture, de
la perspective et des autres branches de ce bel art.
Il eut également un goût décidé pour le tour, pour
la menuiseriej etc. 5 et la manipulation des divers
instrumens de Ces arts mécaniques lui fui dans la
suite d\'une grande utilité dans ses opérations chi-
rurgicîdes et anatomiques.
u e p. camper, scix
^ Le chevalier Moor et son fils lui enseignèrent
^\'art du dessin ; et Fon pense bien que sous de tels
maîtres le jeune Camper y lit de rapides progrès.
A peine eut-il atteint seize ans qu\'il commença à
peindre à l\'huile. On conserve dans la famille son
portrait grand comme nature, qu\'il peignit lui-
nieme à l\'âge de vingt-un ans. La gravure en ma-
nière noire étoit également une de ses occupations
lavorites; et l\'on peut dire qu\'il y réussit assez
bien.
Dans le même tems, M. Labordes lui enseignoit
les principes de géométrie; tandis que les célèbres
Musschenbroek et \'s Gravesande Finitioient dans
les plus sublimes secrets de la physique. La guerre
de 1746 fixa son attention sur l\'architecture mili-
taire. C\'est ainsi que les sciences exactes, ces anses
de la philosophie (1), et la connoissance des beaux-
arts devinrent les principaux mstrumens de sa fu-
ture célébrité , en même tems que de puissans
moyens par lesquels il parvint à faire ses plus bel-
les découvertes.
Muni de tomes ces connoiasances, Camper prit
(0 Quelqu\'un , qui nesavoit ni géométrie, nj musi\'qae , ni as-
tronomie , ayant demandé à Xénocrate de le recevoir parmi ses
disciples, le philosophe le refusa, en disant qu\'il n\'avoit pas les
qui servent à prendre la philosophie (ansae philosophiae).
^\'og. Laërce , Vie de Xénocrate.
XX K O T I C E D E L A V I E
du goût pour l\'étude de la médecine , laquelle a
ëouveut fixé l\'attention des plus grands génies.
Unie à l\'anatomie, elle olFre à l\'homme observa-
teur un riche spectacle de merveilles dans la struc-
ture des animaux. Peut-être pourroit-on considé-
rer la chirurgie comme née de cette belle science,
et ses opérations comme une application immé-
diate de ses moyens : toutes deux supposent une
ame active et généreuse, un coeur ouvert à la sen-
sibilité , qui cherche à alléger les maux de l\'huma-
nité, et à les prévenir même s\'il étoit possible.
Le grand âge et l\'état de langueur où se trou-
voit alors Boerhave (i) ne permirent pas à Camper
de profiter des leçons de ce grand homme. Il étu-
dia la médecine et ses différentes branches sous
Gaubius, Van Rooyen et Albinus l\'aîné, et c\'est
sous Trioen qu\'il fit ses cours d\'accouchement.
Le i4 octobre 1746, Camper, âgé de vingt-
quatre ans, fut reçu publiquement docteur en phi-
losophie et en médecine. Il publia à cette occasion
deux dissertations : une Sur le sens de la Vue (2),
et l\'autre Sur quelques parties de V(Eil (3),
qui ont été citées avec éloge par M. Baldinger,
(1) Boerhave mourut en 1738, après avoir été, pour ainsi dire,
eonstamment malade pendant les onze dernières années de sa vie.
(2) De Visu,
(3) De OcuU tjuibusdam partibus.
-ocr page 25-de p. camper. !soc)
dans sa biographie des médecins i\'ïVa/zs (i).
La connoissance que Camper avoit faite de quel-
ques étrangers de mérite, et la célébrité dont jouis-
soient plusieurs savans des contrées voisines , lài
avoient inspiré de bonne heure le désir de voya^
gerj mais l\'amour qu\'il port oit à ses parens ne lui
permettoit pas de quitter sa patrie. Un grand âge
et un dépérissement de forces qui présageoit une
mort prochaine, exigeoient les secours d\'un fils re-
connoissant. Après avoir eu le malheur de les per-
dre, il se rendit à Londres en 1748.
Adressé aux hommes les plus célèbres en tous
genres de la Grande-Bretagne, il ne perdit pas
cependant un instant de vue le principal objet de
son voyage, qui étoit de continuer ses études en
médecine, en chirui^gie et dans l\'art d\'accoucher.
Il fréquenta particulièrement MM. Mead, Hunter,
Smellie, Mitchel , Parsons, Pringle, Mortimer,
Pitcairn , Wincester et autres médecins ; et son
goût pour l\'histoire naturelle fut vivement reveillé
par ses liaisons avec Baker, Catesby, Hill, Hans-
Sloane, Collinson, ainsi que par la vue des prin-
cipaux cabinets en ce genre. Il visita aussi les cé-
lèbres naturalistes Watson, Knight, le docteur
Stephans, et les principaux mécaniciens, tels que
(0 Auszug aus den bîographien jetzglebcnder acnzG:
und naturforscher. I band, 3 stuk, torn. XIV, Jen^ 1770.
-ocr page 26-xxij notice De la v i è
Graham, Short et autres. Il s\'occupa de la bota-
nique avec le docteur Elliot et plusieurs amateurs
de cette belle science. Les hôpitaux, les biblio-
thèques et autres établissemens utiles prirent le
reste de son tems. Dans un voyage qu\'il fit à Ox^
ford, il alla trouver le célèbre Kennicot et le grand
Halley ; et à Cambridge le professeur Walker, qui
habitoit la maison de l\'immortel Newton. Il fut
voir aussi le professeur Morris et son cabinet de
physique, le fameux docteur Robert Smith, etc.
Cependant il ne négligea point à Londres Fart
du dessin: il s\'y exerça à l\'académie d\'après le
modèle, et se fortifia, en même tems, dans la gra-
vure en manière noire, à l\'école de Faber. Les dif-
férens arts mécaniques, les singularités qii\'olFre le
pays et l\'architecture navale fixèrent tous égale-
ment son attention.
Pendant l\'été de 1749, Camper se rendit de
Londres à Paris, où il fut adressé à M. Louis, chi-
î^urgien de la Salpêtrière, aux docteurs Sanchez,
Verdun et au comte dp Buffon. Après avoir consa-
cré deux mois à visiter les principaux établisse-
mens publics de cette capitale, il se rendit à Lyon
et de là à Genève. Pendant son séjour dans cette
dernière ville. Camper fut nommé professeur en
philosophie, en médecine et en chirurgie à Frane-
kerj ce qui l\'obligea à retourner sans délai dans sa
patrie. En revenant, il passa par Lausanne, Berne,
de p. camper. XXUJ
Soleure, Baie, Strasbourg, Manheim et Bonn; ce
qui lui fournit l\'occasion de visiter plusieurs écoles
de médecine et de chirurgie. A Baie, il vit le grand
Bernouilli et la bibliothèque de la ville, où il exa-
mina les écrits d\'Erasme et les tableaux d\'Hol-
bein. Il fut voir à Strasbourg MM. Fried etRoede-
l\'ér, célèbres par leurs grandes connoissances en
médecine et dans l\'art d\'accoucher. L\'itinéraire
de ce voyage offr« une infinité de choses curieuses
et d\'observations utiles sur l\'agriculture j sur la
forme et les parties intégrantes des montagnes ,
ainsi que sur les fossiles et les pétrifications qu\'elles
renferment. Il contient également les dessins des
vues, des montagnes et des fabriques qui attirent
généralement les regards des étrangers en Suisse.
Pendant l\'hiver de lyig, Camper fut attaqué à
Leide d\'une maladie grave, qui ne lui permit de
commencer ses cours à Franeker qu\'en automne
lySo. Il prononça à cette occasion un discours pu-
blic Sur le meilleur Monde {\\); et c\'est à cette
même époque qu\'il fut reçu membre de la Société
royale de Londres.
La proximité de l\'Angleterre , les admirables
établissemens publics de ce pays, le nombre de ses
sa vans avec qui Camper s\'étoit lié d\'amitié pendant
son premier voyage, l\'engagèrent à y retourner
( I ) De Mimdo optimo.
-ocr page 28-xxiv NOTICE DE LA VIE
pendant les vacances de 1752. Il suivit une seconde
fois les cours d\'accouchement deSmellie, et copia
plusieurs planches de Fouvrage de cet écrivain ,
dont il est parlé dans sa préface (i) ; il assista aussi
au cours de^M. Kelly sur le même objet. M. Sharp
l\'instruisit dans le traitement des maladies des
yeux. Il ne négligea pas non plus l\'inoculation de
la petite vérole pratiquée alors dans un hospice
particulier de Londres, sous la direction de M. Ar-
cher, chirurgien habile. Outre les savans dont il
avoit fait la connoissance pendant son premier
voyage, il fut voir cette fois-ci MM. Hawkins,
Watson, Didier et Smeaton, qui se sont rendus fa -
meux par leurs talens dans la mécanique.
Enrichi des nouvelles connoissances qu\'il venoit
de recueillir, Camper continua ses cours à Fra-
neker, en voyant croître sans cesse sa célébrité, et
sans cesse stimulé à faire de nouveaux efforts, par
le nombre de ses auditeurs qui augmentoit cha-
que jour, pendîi«t tout le tems qu\'il remplit la
place de professeur à cette académie. Son nom ne
resta pas non plus ignoré en Hollande: en 1755,
il fut nommé professeur en chirurgie et anatomie
par les directeurs de VAth\'enœum illustre d\'Ams-
(i) ^ seat of anatomical tables. London i754- Les planches i 3,
16, i8, ig, 24, 2G, 27, 28, 34 et 36 sont celles que Camper a
copiées.
de p. camper, xx.i^
terdam; et en 1758 ils le nommèrent également
}>rofe8seur en médecine. Malgré toute la considé-
ration dont il jouissoit à l\'académie de Frise, il
préféra d\'aller se fixer dans cette florissante capi-
taie. En y occupant pour la première fois la chaire
professeur, il prononça un Discours sur Vu-
tilité de Vanatomie dans toutes les sciences (1),
et peu de tems après un second Discours sur ce
que la médecine ojfre de certain (2).
En lyôG, il épousa Jeanne Bourboom, veuve
de fen J. Vosma, bourguemestre de la ville de
Harlingen, et fille de J. Bourboom, bourguemes-
tre de la ville de Leeuwarden.
Malgré les occupations multipliées que donnoit
^ Camper sa place de professeur à FAthenée d\'Ams-
terdam, il publia en 1769 le premier volume de
ses Démonstrations anatomico-palhologiques (5);
ouvrage d\'une grande utilité et qui a obtenu l\'ap-
probation des savans. Ensuite il donna un Mé-
moire sur la cause des hernies dans les enfans
nouveaux-nés (4). Ce mémoire, qu\'il présenta à
la Société des sciences de Harlemle,fit nommer,
en 1762 , membre de celte institutio\'».\'
<0 Z)e analomes in omnibus scieniiis usu,
(2) De cerio in medeaina.
(3) Dejnonstraciones anatomico-palhologtcae. .
(4) Over den oorsprong der Breuken in nieuwgebotjrenc kitt\'
(leren.
xxvj NOTICE DE LA VIE
La vie trop agitée de la capitale où il se trou-
voit, et le désir que moiitroit son épouse de re-
tourner en Frise, déterminèrent Campera se dé-
mettre , en 1761, de sa place de professeur de PA-
thenée, pour aller habiter sa maison de campagne
près Franeker. Il conserva néanmoins pendant
toute sa vie le titre de professeur honoraire de cette
académie.
A Pexception des assemblées d\'Etat, auxquelles
Camper étoit obligé d\'assister comme député d\'I-
daarderadeel, tout son tems étoit consacré aux
sciences. Le sec.ond volume de ses Démonstra-
tions anatomico-pathologiques parut en 1762,
ainsi que la suite de son Mémoire sur la cause
des hernies dans les enfans nouveaux-nés ; une
Description anatomique du sens de Vouïe des
poissons à branchies (1), dont il fit le premier la
découverte en 1761; et un Mémoire sur Véduca-
tion physique des enfans (2), qui lui mérita ,
comme accessit, une médaille d\'argent de la So-
ciété des sciences de Harlem, •
Après avoir passé deux ans à la campagne. Cam-
per fut nommé professeur en médecine, en chi-
rurgie, anatomie et botanique à l\'académie de Gro-
(1) Ontleedkundige beschry ving van het gehaor der gehieuwde
visichen.
(2) Over de Opvoeding der kinderen.
-ocr page 31-de p. c a m p e r. xxvij
niDgen. La proximité de cette ville à sa maison de
campagne, l\'amour de la gloire, l\'activité qui lui
«toit naturelle et le désir d\'être utile à sa patrie ,
le déterminèrent une seconde fois à accepter cette
place. Il se rendit donc à Groningen en automne
1765 ; et peu de lems api-ès il fut nommé médecin
de cette ville. En 1764, il prononça son Discours
de réception sur l\'analogie admirable qu\'il y a
entre les plantes et les animaux (1), qui fut suivi
immédiatement après d\'un autre Discours sur la
Claudication et ses causes naturelles (p.). Ayant,
quelque tems après, quitté le rectorat de l\'acadé-
mie , il prononça un Discours sur le Beau phy-
sique (JÇ). Ce morceau, auquel il donna dans la
suite plus d\'étendue , devint, en 1783 , le sujet
d\'un mémoire qu\'il lut à l\'Académie de dessin
d\'Amsterdam. Un Mémoire sur le calus des os
fracturés (4), présenté à l\'Académie royale d\'E-
dinbourg, le lit nommer, en 1765, membre de
cette société.
Le grand intérêt que pren\'oit Camper à l\'amélio-
ration de^l\'agriculture, fit ériger à Groningen une
société chargée de faire des expériences aratoires,
(i) De admîrabili analogia inter stirpes et animalia.
(a) De Claudicatione.
(3) De Pulchro phjsîco,
W) De Callo ossiinri\'
xxviij NOTICE DE LA VIE
dont il fut nommé secrétaire. Ce fut en 1767 qu\'il
communiqua à l\'Académie royale des sciences de
Paris un .Mémoire sur l\'organe de V ouïe des pois-
sons ^ qui fut inséré dans le septième volume des
Mémoires de mathématiques et de physique pré-
sentés à VAcadémie en 1774, L\'année suivante,
il fut nommé membre de l\'Académie royale de
chirurgie de Paris, et membre honoraire de l\'A-
cadémie de dessin d\'Amsterdam.
L\'épizootie, q^ui faisoit de terribles ravages en
1768, fixa son attention et l\'engagea à faire des re-
cherches sur les moyens d\'extirper ce fléau , ou
du moins d\'en diminuer la violence. Le professeur
Van Doeveren se joignit à Camper pour former
une société aux dépens de laquelle on devoit ino-
culer les bestiaux, et faire l\'essai de différens re-
mèdes. Les bourguemestres et le conseil de la ville
de Groningen donnèrent publiquement leur sanc-
tion à cet établissement salutaire par des placards
en date du 4 janvier 176g.
Un pareil établissement fut proposé par Camper
pour la Frise, sous la direction de M. Munniks ,
actuellement professeur à Groningen; et l\'on ne
tarda pas a trouver un grand nombre de personnes
qui voulurent bien s\'intéresser à ses succès. Les
premiers essais furent faits le 5 juillet 1769 à
Dykseinde, dans le Doniawerstal ; mais des pluies
continuelles et la situation basse des terres furent
DE P. CAMPEB» XOcix
cause qu\'on se transporta le x août à Bîauwliuis,
dans lamêmegriîenie. Quoiqu\'une heureuse réus-
site eut prouvé évidemment toute l\'utilité de ces
essais, cette institution bienfaisante n\'en fut pas
moins exposée à la critique : l\'ignorance et le pré-
jugé eurent une influence si funeste sur l\'esprit du
peuple, qu\'il s\'éleva avec force contre les opéra-
tions de M. Munniks, qui, d\'après les conseils de
Camper, abandonna cette gritenie, et se transporta
^ Terbrand, en iËngvv^irden. Après y avoir établi
des chaumières, on recommença l\'inoculation avec
un nouveau zèle sur le nombre considérable de
Cent huit têtes de bétail. Mais le peuple ne tarda
pas à désapprouver ces essais • M. Munniks fut
chassé de nuit et à force ouverte, avec les bestiaux:
de la gritenie, et obligé d\'aller, à la distance de
huit lieues , chercher un asyle près de Galama-
Dammen,dansleHemelumeroldevaart. Ici cepen-
dant l\'inoculation se fit sans obstacle jusqu\'à la
dissolution de la société.
Il est inutile de m\'étendre davantage sur ce
désagréable événement, et de le peindre avec les
couleurs qui lui seroient propres. —Je me conten-
terai de remarquer que l\'heureuse réussite de ces
essais servit à établir la prospérité des habitans de
la campagne sur des bases plus solides qu\'elle ne
l\'a voit été avant cette époque j et c\'étoit-là le seul
but que s\'étoit proposé Camper, M. Munniks a fait
XXX NOTICE DE LA VIE
passer le i6 février 1770 aux Etats-Généraux un
rapport succinct de ces essais, qu\'il puislia en-
suite. De son côté, Camper donna, en 1769,à l\'a-
eadémie de Groningen, des leçons publiques sur
l\'épizootie, qui furent imprimées en 1770, et tra-
duites en allemand, à Copenhague, en 1771.
Les ravages que faisoit, à cette même époque,
la petite vérole, donna lieu à dilférens essais dont
les succès heureux furent publiés dans un ouvrage
ayant pour titre : Observations sur rinoculation
de la petite vérole appuyées sur des expérien-
ces (i)_, qui fut traduit en allemand à Leipzig en
1772. Camper chercha à faire naître de plus en
plus à Groningen le goût de la peinture, et proposa
d\'établir une école de dessin dans cette ville j mais
cette tentative demeura sans succès. Cette même
année il fut nommé correspondant de l\'Académie
royale des sciences de Paris, eî membre des Socié-
tés savantes de Rotterdam et de Vlissingen.
Tous ces travaux joints aux occupations jour-
nalières d\'une charge importante, ne purent dé-
tourner son attention de l\'histoire naturelle. 11 y
fit non-seulement d\'importantes découvertes, mais
employa tous ses eiforts pour offrir dans ses leçons
publiques des objets iotéressans et nouveaux. La
(]) Aanmcrkingcn over de inëniing dor kinderziekte, met
*v/iarneemirigen beves\'.igt.
DE P. CAMPER. xxxj
dissection d\'un orang-outang,d\'un renne, de quel-
ques marsouins, d\'une tête de baleine et d\'un crâ-
ne de rhinocéros à deux cornes, etc., lui en four-
i^irent d\'amples moyens.
Une perspicacité étonnante, l\'habitude de des-
siner les parties les plus intéressantes du corps hu-
niain, en disséquant des sujets de tout âge, et l\'es-
Pnt de comparaison qui lui étoit naturel, ont con-
duit Camper à découvrir Farfalogie singulière qu\'il
y a entre un grand nombre d\'êtres. L\'altération,
des formes dans Fespèce humaine depuis la nais-
sance jusqu\'à l\'âge de la décrépitude ; la diversité
des traits du visage de diflerens peuples -, la res-
semblance remarquable de quelques races d\'hom-
nies avec les singes, etc., furent les objets dont;
®on esprit actif ne cessa de s\'alimenter 5 et aes ob-
servations ne se bornèrent pas à la nature seulej
d les appliqua, en même tems, à la peinture, en
les comparant avec les ouvrages des plus célèbres
maîtres. Convaincu à la fin qu\'il avoit trouvé une
méthode sûre de représenter avec la plus grande
exactitude les traits caractéristiques qui distinguent
entr\'eux les différens peuples, ainsi que les alté-
rations de ces traits projiuites progressivement par
l\'âge; il pensa que cette découverte méritoit d\'être
communiquée à l\'Académie de dessin d\'Amster-
dam. Il prononça donc, en 1770, un discours pu-
^hc $ur cet intéressant objet, acconipagné de des-
SÛXXij NOTICE DE LA VIE
sins servant à mieux développer ses idées, et dont
les amateurs, ainsi que les artistes parurent égale-
ment satisfaits,
I.a dissection de plusieurs oiseaux fit découvrir
à Camper, en 1771 (1), l\'intromission de Fair at-
mosphérique dans les os des bras, des cuisses, et
même des vertèbres cervicales et du squelette en-
tier des oiseaux de proie, et de ceux qui s\'élèvent
à de grandes hauteurs. Il envoya à l\'Académie
royale des sciences de Paris un mémoire sur cette
singulière propriété, qui sert à alléger considéra-
blement le vol de ces oiseaux; avec une Descrip-
tion anatomique du pécari et du fourmiller du
Cap, et un Mémoire sur Vorgane de Vouie et
sur les évents des poissons souffleurs. A cette
même époque, on inséra dans le Rhapsodiste un
Mémoire sur l\'origine et sur la couleur des Nè-
gres (2), que Camper avoit lu dans une séance pu-
blique à Groningen.
En 1775, dernière année de son séjour à Gro-
ningen, il donna, sur la demande qui lui en fut
faite par un grand nombre de personnes respecta-
(0 Le célèbre M- Hunter de Londres s\'est approprié cette dé-
couverte, mais en 1774 seulement. A cette époque étoit déjà ar-
rivé à Londres un éJève de Camper , qui se trouvoit à Groningen
lorsque ce dernier fit, en 1771, cette découverte.
(3) Oi>er dcn oorsprong en Ideur der Zwanen.
-ocr page 37-I> E P. camper. xxxii .
bles, un Cours de médecine légale {x). Plusieurs
eses collègues, ainsi que des magistrats de la ville
et des jurisconsultes l\'honorèrent de leur présence
et de leur approbation ; ce qui certainement étoit
^^ plus précieuse récompense qu\'il pouvoit désirer
des soins et du zèle qu\'il mettoit à ces sortes d\'ins-
tructions.
Dix ans d\'une vie laborieuse s\'étoient, passés
dans ces travaux, avec une célébrité qui augmen-
toit chaque jour. Camper disoit souvent lui-même
qu\'il comptoit ces années parmi le tems le plus
heureux de sa vie^ et probablement n\'auroit-il
jamais quitté une société qui, en appréciant tout
le prix de ses talens, savoit\' y donner les encou-
ragemens qu\'ils méritoient , si le désir de son
épouse, et la résolution qu\'il avoit prise de veiller
lui-même à l\'éducation de ses fils, nel\'eussent en-
gagé à faire le sacrifice de cette jouissance, comme
itte dit dans le discours qu\'il adressa aux direc-
teurs de l\'Académie , lors de son départ en juin
Cette même année il quitta Groningen, et
^^eçut, en partant, les témoignages les moins équi-
voques de reoxet et d\'estime d\'un grand nombre
ue personnes de cette ville.------------
Le choix qu\'il fit de la Frise pour sa demeure
habituelle, et qui lui avoit déjà feit quitter précé-
De medecina Icgalis.
-ocr page 38-xxxiv o T I (J E DE LA VIE
demment Amsterdam, le détermina maintenant
à se fixer à Franeker, où il plaça ses fils à l\'Aca-
démie.
N\'étant plus distrait par des fonctions publiques,
il s\'occupa entièrement delà publication de quel-
ques ouvrages nouveaux. En 1772, il obtint la mé-
daille d\'or de l\'Académie royale de Toulouse, qui
avoit proposé cette question : Déterminer les avan-
tages et la meilleure méthode d\'inoculer la pe-
tite vérole. En 1773, il reçut le prix de l\'Acadé-
mie royale de Lyon, pour la question : Donner
la théorie et le traitement des maladies chroni-
ques du poumon y avec des recherches histori-
ques et critiques sur les principaux moyens de
guérison employés contre ces maladies, par les
médecins anciens et modernes y et même par les
empyriques? Le premier de ces mémoires a été
publié en 1774, ainsi qu\'une Lettre au docteur
Van Geschery sur l\'utilité de la section de la
symphyse clans les accouchemens laborieux (1);
k laquelle il joignit des Observations critiques sur
le commentaire de Van Swieten sur la petite
vérole.
p) Il faut observer ici que Camper fut le premier qui fit sur
Mn animai vivant l\'essai de la section de la symphyse proposis
par Sigault, h Paris. Un cochon qu\'il avoit pris pour cela , guérit
ppinffieKisnE eî radicalement, sans qu\'on se fut servi xnême du
tisarareï»
-ocr page 39-DE P. campe B. XXXI^
Il envoya ensuite à cette dernière Académie une
J^^ssertation sur la construction des bandages
pour les hernies, et des Observations sur les ac-
couchejnens laborieux par Venclavement de la
^^te, et sur l\'usage du levier de lioonhuysen
dans ce cas.
La Société batave de Rotterdam reçut de Cam-
per un Mémoire sur la structure des grands os
des oiseaux et sur la manière dont F air s\'y in-
if^oduit(i), auquel il en joignit un autre sur le
chant ou coassement des grenouilles mâles (2) ■
et un troisième sur la manière de faire les ban-
dages (3),
En 1774, il publia à Leeuwarden, 1®. un Mé-
^noire juridico-anatomique sur les signes de vie
^t de moH dans les enfans nouveaux - nés^ 2".
Idées sur l\'infanticide, avec le projet d\'un éla-
Glissement d\'hospice pour les enfans trouvés ;
Des causes de l\'infanticide et du suicide \\
avec ^(iyxK:Essais sur l\'intromission de l\'air dans
les poumons des enfans morts-nés (4).
(0 0... het samen,celen den ing^n^ ^^
beenderen der vogelen.
(2) Ovar het gezang der mannetps hikvorschen.
(3) Over het toescellen der breakbanden.
(4) Ecne grechtelyke en onleedhmdige Verhandeling over de
tekenen levon en dood in de nieuw-geboorene kinderen
^^dachten op-de misdaad-van kinder^moord, cn c^ne gcmakkè-
-ocr page 40-XXX pj notice de la vie
En automne de la même année, Camper monta
pour la seconde fois à la tribune de l\'Académie de
dessin. Comme il y avoit appliqué la première fois
la connoissance de l\'anatomie à la représentation
des traits du visage de différens peuples et de dif-
férens âges de l\'homme; son but étoit maintenant
^indiquer les passions par la connoissance des
nerfs. Sans entrer dans un dédale de recherches
métaphysiques sur les opérations de l\'ame sur les
organes. Camper appliqua ses observations au mo-
ment où les nerfs, déjà affectés, altèrent les traits
du visage et produisent leur effet sur l\'attitude du
Corps. La manière nouvelle de réduire une ques-
tion aussi difficile à des principes physiques, et de
la rendre susceptible d\'être facilement saisie par
les artistes, fut exécutée avec succès, par des exem-
ples satisfaisans, en présence d\'un grand nombre
de peintres, d\'amateurs des beaux-arts et de per-
sonnes de goût. Les administrateurs de l\'Académie
de dessin décernèrent une médaille d\'or à Camper,
pour lui témoigner leur satisfaction de ce discours,
et de celui qu\'il avoit prononcé en 1770, dans la
même Académie.
Ijhe ivj\'Ze om -vondelinghuizen inlevoercn. 3°. 0\\>er de oor-
xaaken van kinder-moord en van zclfs\'inoord. Waar by twee
Proeven over de inblaasing der lucht in de longen van kinderen
welke dood ter -iyaereld zyn gekomen.
DE P. C A M P E 11. XXXVij
lî s\'occupa pendant cet hiver à disséquer un
jeune éléphant, qui venoit de mourir à la ména-
gerie de S. A. S. le prince d\'Orange, dont il a don-
né un récit succinct dans un ouvrage périodique
hollandois (i). Je me propose de publier moi-même
sur cet objet un grand ouvrage avec vingt planches
in-folio, aussitôt que mes autres occupations me
ie permettront (2).
En 1775, Camper fit insérer dans le même jour-
nal une lettre tendante à prouver qu\'il avoit ob-
servé l\'intromission de l\'air dans les os des oiseaux
long-tems avant l\'époque à laquelle le célèbre
Hunter prétend avoir fait la même découverte ; et
qu\'il avoit même suivi cette intromission dans le
Crâne et danslesmandibulesj ce que Hunter avoue
n\'avoir pas remarqué encore en 1774 (5).
il remporta deux médailles d\'or à l\'Académie
royale de chirurgie de Paris. La première,en 1774,
pour sa réponse à la question : Exposer les incon-
véniens qui résultent de Vabiis des onguens et
des emplâtres , et de quelle réforme la pratique
vulgaire est susceptible à cet égard dans le trai-
(1) VaderlandscheLetter-opjfenîngen.
(2) C\'est l\'ouvrage que je viens de publier in-folio, et qui se
trouve dans le second volume de cette édition des Œuvres de
Camper. Note de l\'éditeur.
{5) Yojez les Philos. Transact. , vol. LXIV, pag. au.
-ocr page 42-xxxviij notick de la vie
temeiit des ulcères. La seconde , en 1776 , pour
celle : Comment l\'air ^ par ses diverses qualités,
peut influer dans les maladies chirurgicales^ et
quels sont les moyens de le rendre salutaire dans
leur traitement?
La vie de Camper ne fut troublée par aucun ac-
cident jusqu\'au commencement de 1776. Les qua-
lités Estimables d\'une épouse chérie faisoient de-
puis long-tems sa félicité. L\'amour et l\'estime de
son mari, les tendres soins qu\'elle prodiguoitàses
enfans, et une conduite exemplaire à tous égards,
la rendoient le modèle d\'une mère parfaite. Après
nne union de près de vingt ans, elle lui fut ravie
par la mort ! Une juste douleur détourna pendant
long-tems son esprit de toute application aux
sciences.
Pour donner quelque relâche à sa tristesse, Cam-
per fit une tournée dans le comté de Bentheim, le
duché de Clèves et le Brabant. Les tableaux de ce
dernier pays et la connoissance qu\'il fit à Xanten
du célèbre Pauw lui procurèrent, en effet, quel-
ques momens de distraction.
Les chefs-d\'œuvre de Rubbens, de Van Dyck
et d\'autres grands maîtres qui ont rendu l\'école
flamande si célèbre, fixèrent son attention à An-
vers. Il n\'oublia pas non plus de visiter les princi-
paux médecins et chirurgiens de cette ville , ses
liopitaux et ses autres établissemens renaarquables.
de p. camper. xxxix
"Le jardin de botanique, l\'amphithéâtre d\'ana-
tomie avec les préparations du célèbre professeur
Sills, la collection d\'instrumens de physique, sous
la garde du professeur Thysbaart, la bibliothè-
que et les savans estimables, attirèrent son atten-
tion à Louvain.
A Bruxelles, il n\'oublia pas d\'aller admirer les
beaux tableaux qu\'on trouve dans cette ville , les
statues de Quesnoi et d\'autres grands maîtres , le
cabinet d\'histoire naturelle du prince Charles de
Lorraine, etc. Parmi les savans, il vit M. Cheva-
lier, garde de la bibliothèque du prince Charles ,
M. Desroches, secrétaire de l\'Académie des scien-
ces, et le docteur Burtin. Ce dernier possédoitune
belle collection d\'objets d\'histoire naturelle qu\'on
trouve aux environs de Bruxelles et dans tout le
Brabant. Après avoir consacré deux mois à ce
voyage. Camper revint à Franeker.
Une des années les plus désastreuses pour les
digues de la Frise, fut celle de 1776,que des tem-
pêtes horribles menacèrent cette contrée des plus
grands malheurs. Camper étoit fort intéressé à la
bonté des moyens à employer à la préservation des
côtes, non-seulement pour la sûreté de ses pro-
pres possessions , mais aussi comme chargé de
l\'inspection des digues. Il étoit persuadé qu\'une
nouvelle manière de garnir les digues d\'après des
procédés indiqués par M. le comte de Wassenaar,
^^ NOTICEBELAVTE
étoit moins bonne et plus dispendieuse que Fan-
cienne méthode pratiquée par C. Robles. Il écrivit
à ce sujet une lettre au comte de Wassenaar,dans
laquelle il exposoit ses raisons pour ne pas chan-
ger de principes à cet égard. Cette lettre fut im-
primée en 1777; et Fannée suivante Camper pu-
blia d\'autres écrits sur la même matière.
Il fit ensuite insérer dans le Faderlandsche
Letter-oeffeningen, une Lettre sur Topération de
la taille en deux tems (1), et un Mémoire sur le
rhinocéros à deux cornes (2), que M. le profes-
seur Pallas fit insérer dans les commentaires de
l\'Académie des sciences de Pétersbourg.
Les agrémens dont Camper avoit joui pendant
son premier voyage à Paris, le déterminèrent à vi-
siter uneseconde fois cette capitale, oùil occupoit
maintenant une place dans les principales sociétés
savantes: il s\'y rendit l\'été suivant, et lut à l\'A-
cadémie royale des sciences une Dissertation sur
les traits caractéristiques du visage de différens
peuples, et sur la manière de les dessiner avec
précision, de même que ceux de différens âges de
l\'homme et du bel antique; secondement un Mé-
moire sur la meilleure méthode et la moins dis-
pendieuse de construire des bandages pour les
(1) Over het steensnjden in twee reizen.
(-) Over den diibbclhoornîgen rhinocéros.
DE P. CAMPE R. Sclj
hernies^ et le résultat de quelques essais sur la
manière de tremper l\'acier pour ces bandages.
^ l\'Académie royale de cliirurgie , il lut un
Mémoire sur la découverte des glandes dans
ï intérieur du sternum et sur les signes des can-
cers inguérissables.
A la Société royale de médecine , il lut un Mé-
moire sur la nature de Vépizootie, et sur les
avantages de l\'inoculation, lequel fut inséré dans
les mémoires de cette Société. Il cultiva avec un
singulier plaisir laconnoissance de Franklin, Mar-
montel, Diderot , Louis, Tenon, Portai, Dauben-
ton, Geoffroy, etc. La collection de modèles de
Vaisseaux , à l\'Académie des sciences , les objets
d\'histoire naturelle du Jardin rojal des plantes et
les autres cabinets furent successivement visités,
d&-même que les principaux hospices de charité ,
l\'Hôtel-Dieu, les Enfans trouvés, l\'Ecole vétéri-
naire et autres établissemens, quoiqu\'ils eussent
un rapport moins direct avec ses études.
Il se rendit de nouveau à Versailles pour y ad-
mirer les tableaux de Lebrun, et les statues anti-
ques et modernes qui décorent les jardins du châ-
teau. L\'éléphant et le rhinocéros vivant de la mé-
nagerie ne furent pas oubliés. Un petit voyage à
Nantes interrompit son séjour à Paris3 après quoi
il retourna en automne à Franeker.
De retour chez lui, Camper recommença avec
-ocr page 46-Xlij NOTICE DE LA VIE
une nouvelle ardeur à étudier les merveilles de la
nature dans la structure des animaux. Il mettoit
moins de prix à leur classification d\'après leurs ca-
ractères extérieurs qu\'à la connoissance de la con-
formation intérieure et de la singulière analogie
de quelques êtres qui, par leur figure et par leurs
mœurs, paroissent, au premier aspect, offrir les
plus grandes disparités. Un examen ultérieur lui
fit appercevoir un rapprochement étonnant entre
les oiseaux et l\'homme. Il ne tarda pas à décou-
vrir une échelle de proportions, par laquelle tous
les êtres tiennent les uns aux autres dans le sys-
tème général de la création.
Cette merveilleuse concaténation avoit déjà été
apperçue par la sage antiquité: Aristote, Cicéron
et d\'autres philosophes en ont parlé; et dans ces
derniers tems, Belon du Mans et le comte de Buf-
fon l\'ont développée en généralisant les idées. Per-
sonne cependant n\'avoit pénétré assez avant dans
les secrets delà nature, pour démontrer cette gra-
dation imperceptible par des preuves irrévocables;
personne ne s\'étoit hasardé à donner des conjec-
tures sur la cause et la nécessité du mécanisme de
leur conformation. Telle est l\'influence mutuelle
de l\'histoire naturelle et de l\'anatomie sur la pein-
ture, et de celle-ci sur les deux premières, que,
sans cette influence, Camper ne seroit peut-être
jamais parvenu à faire cette belle découverte. Il
est certain du moins qu\'il Fa appliquée immédia-
tement à Fart du dessin, et qu\'il en a fait le sujet
d\'un discours qu\'il a prononcé à l\'Académie de
dessin d\'Amsterdam. Dans deux leçons faites en
1778, il a non-seulement démontré, par des des-
sins, l\'analogie qu\'il j a entre la plupart des ani-
maux , mais il a développé en même tems ses
principes par des observations critiques sur les
chefs-d\'oeuvre des plus célèbres peintres.
Un sixième prix lui fut décerné la même année
par les Sociétés des Amis de l\'histoire naturelle ,
de la physique, etc., de Berlin ; pour un mémoire
sur la question : Quelle est la principale cause
des épizooties? Consiste-t-elle dans un germe
unique y qui y par telle modification j, devient
telle maladie plutôt que telle autre ? Le germe
primitif ou cette première cause des épizooties
propient-il originairement de l\'air ou se trouve-
i~il dans le corps des animaux? Peut-on prou-
ver par des observations que des vers ou des in-
sectes forment cette matière dans le corps des
animaux , ou la mettent en mouvement et en
fermentation ? Celte Société l\'admit au nombre
de ses membres. Ce fut à cette même époque que
FAcadémie royale des sciences et inscriptions de
Toulouse le reçut dans son sein , et qu\'il devint
membre de la Société d\'agriculture d\'Amsterdam.
Pendant ce tems, Camper publia {|ue%ues mé™
-ocr page 48-xlii\' notice de la vie
moires sur la chirurgie, Fhistoire naturelle et les
digues de la Frise; savoir: Traités d\'Hippo-
crate, de Celse et de Paul JEginète sur les ul-
cères de Vurètre et sur la chute du fondement ,
éclaircis par des observations ; ■ùP. Récit suc-
cinct de la dissection de plusieurs orangs - ou-
tcmgsj et 5°. Recueil de pièces concernant les
digues de Vyf-Deelen , en Frise,
En 1779, il envoya à la Société royale de Lon-
dres, un Mémoire sur l\'organe de la voix de
l^orang-outang, et de quelciues autres espèces
de singes. Le but de ce mémoire est de prouver
qtie la disparité qu\'il y a entre l\'organe de ces ani-
maux et celui de l\'homme, ne leur permet pas de
former des sons modulés; ce qui fournit une nou-
velle preuve de l\'intervalle qui les sépare de l\'es-
pèce humaine. Dans le même tems parurent à Ams-
terdam ses Mémoires sur l\'orang-outang et au-
tres espèces de singes j sur le rhinocéros bicorne ,
et sur le renne.
L\'Académie de Dijon décerna, en 1779, un
septième prix (une médaille d\'or) à Camper, pour
sa réponse à la question : Déterminer ce que c\'est
qu\'un s-pécificiue, et les qualités que doit avoir
im remède de ce genre. Indiquer ceux cj[ue l\'ex-
périence a fait connoître. Expliquer leur ma-
nière d\'agir; exposer la méthode à suivre dans
leur usage; enfinj désigner les maladies contre
DE P. CAMPER. Xlv
lesquelles on désire encore des spécifiques. Ï1 in-
séra dans un journal hollandois (i) un Mémoire
sur la nature du cancer, et sur le signe infail-
lible des cancers inguérissables au sein (2).
Î1 y avoit long-tems que Camper jouissoit de
satisfaction de connoître personnellement les sa-
vans d\'Angleterre et de France 5 mais une partie
considérable de l\'Europe savante lui étoit encore
étrangère. 11 avoit visité en Allemagne toutes les
contrées où les Muses ont moins établi leur séjour
que dans la partie septentrionale de cet empire.
Cependant il admiroit depuis long-tems les hom-
mes célèbres qui l\'honoroient par leurs talens, et
désiroit d\'aller les voir dans leur patrie. Le départ
de son second fils pour Hambourg lui en fournit
l\'occasion ; et il continua ensuite son voyage par
Zell, le pays d\'Hanovre, Gottingèn et Cassel.
A Hambourg il visita MM. les médecins Jenitsch,
-Reimarus, Bolien et le professeur Giseke, savant
de distinction. Il alla voir la bibliothèque de la
ville, et les préparations anatomiques du célèbre
Kerkring. Il n\'oublia pas la tour de Tycho-Brahé,
que de belles observations astronomiques ont ren-
(1) Genees, Natuur en Huishoudkundig Kahi?tet, impriraé a
Leide.
(2) Over den waaren aart der kanker\'^ording^ en het onjeilbaar
teken van onherstelbaar en borstkanker.
xlvj NOTICE DE LA VIE
du si fameuse. Madame la douarière de Bentinck ,
veuve du feu comte de Rhoon, un des plus zélés
protecteurs des sciences et des arts de cette Répu-
blique, y reçut ses hommages. Des connoissances
étendues dans les belles-lettres, jointes à beau-
coup d\'esprit et de goût, assurèrent à cette dame
une place distinguée parmi les femmes célèbres
de ce siècle.
AZell, Camper se rendit chez MM. Taube et
Desroques, autant connus par leur mérite person-
nel que par leurs belles collections d\'histoire na-
turelle. Il y vit aussi le célèbre Zimmermann , le
docteur Andrese, le professeur Kersting, et le con-
seiller Brandes. Le comte de Walmoden et son su-
perbe cabinet d\'antiques attirèrent Camper à Ha-
novre 5 où il visita pareillement les cabinets d\'his-
toire naturelle de MM. Andreae et Ebel. La situa-
tion agréable de la ville de Zell, ses établissemens
publics, etc., lui plurent beaucoup, Il alla voir l\'é-
glise deSaint-Jean, où reposent les cendres de l\'im-
mortel Leibnitz. Ensuite il se rendit à Pirmont et à
Goltingen.
Parmi le nombre des sociétés savantes, l\'uni-
versité de Gottingen est sans contredit celle qui est
la plus fertile en hommes célèbres dans tous les
genres de sciences et de littérature. Les noms de
Haller, de Michaëlis, Heyne, Hollmann , Gme-
lin, Wrisberg, Blumenbach, Lichtenberg et Mur-
D E P. CAMPE R. xlvij
i-ay, seront toujours prononcés avec admiration et
respect. Pendant le séjour que Caîuper fit à Got-
^ingen, cette université le reçut au nombre de ses
membres.
Les expériences d\'électricité du professeur Licli-
tenberg, la collection d\'histoire naturelle de M.
Hollmann , la bibliothèque et le cabinet d\'histoire
naturelle de l\'université, la salle d\'anatomie insti-
tuée d\'après les vues du grand Haller, et l\'obser-
vatoire, que les travaux de Mayer ont rendu si cé-
lèbre , fixèrent également son attention.
Camper ne manqua pas d\'aller voir les volcans
éteints des environs de Cassel ; il en dessina même
quelques-uns de ceux qui sont près de la route. A
Cassel, il admira les belles collections de tableaux
et d\'antiques, les jardins et la ménagerie du land-
grave, ainsi que les écoles de médecine et de chi-
rurgie, Le professeur Soemmering, dont Camper
avoit appris à connoître le mérite pendant le sé-
jour que ce éavant avoit fait à Klein-Lankum, ne
lut pas négligé. En passant , à son retour , par
Munster, il fut reçu avec des marques d\'estime par
madame la princesse de Gallitzin et par le célèbre
ïurstenberg , qui, par leurs soins obligeans , lui
firent quitter avec regret cette ville.
Ce voyage en Allemagne avoit été tellement
agréable à Camper, qu\'il en fit un second l\'année
suivante. Le royaume de-Prusse, qui depuis long-
N O T 1 C E D K I, A VIE
tems fait l\'admiration de l\'Europe, où les arts et
les sciences fleurissoient alors également sous la
o
protection d\'un prince qui aù titre de héros joignoit
celui de philosophe, méritoit sans doute plus que
tout autre pays d\'être visité par des voyageurs de
mérite. Admirer de près l\'immortel Frédéric, voir
les somptueux palais du séjour qu\'il habitoit et
s\'entretenir avec les savans qui entouroient son
trône, étoit un bonheur dont Camper désiroit de-
puis long-tems de jouir. Accompagné de son plus
jeune fils, il se rendit, en 1780, à Berlin , par Ha-
novre , Brunswick, Magdebourg et Branden-
bourg.
Muni de lettres de recommandation de plusieurs
personnes distinguées de la République, Camper
fut reçu à Brunswick d\'une manière flatteuse par
le ministre, M. Ferronce de Rothenkreutz, et par
le comte Mareshall. Il eut l\'honneur d\'être pré-
senté à L. A. R. le duc et la duchesse régnans, et
à S. A. R. la duchesse douarière, qui daignèrent
l\'accueillir avec distinction.
Il alla voir le célèbre abbé Jerusalem , le pro-
fesseur Zimmermann et le docteur Brackmann.
Le professeur Rollin voulut bien l\'accompagner à
la bibliothèque et à la salle d\'anatomie.
La superbe collection de tableaux de Salîzthal,
la riche bibliothèque et le séjour du célébré Les-
sing à Wolfenbuttel, attirèrent Çamper dans cette
be p. camper. xlix
ViUe. Pendant son sejonr à Magdebourg , il fut
reçu avec bonté par M. Von Saldern, gouverneur
de cette ville, ainsi que par le général Kalcksteinj
Le séjour de Berlin plut beaucoup à Caliper,
ïant par la régularité de ses rues que par le grand
nombre de beaux édifices qui ornent cette ville.
On diroit que Frédéric le Grand, à Finstar de Fem.
Pereur Adrien , a fait transporter dans son royau-
me toute la magnificence de Fantiquité, et qu\'il y
a accumulé les principaux monumens qui déco-
roient l\'ancienne Rome et la Grèce.
A Potsdam, Camper eut l\'honneur d\'être pré-
senté à S. A. R. le prince héréditaire qui occupe
actuellement le trône de Prussej ce qui lui donna
l\'owasion de connoître le rare mérite de ce prince,
qui transmettra certainement avec gloire à la pos-
térité le nom de son immortel prédécesseur.
Le lendemain il fut admis chez le roi, qui dai-
gna lui accorder une longue audience , laquelle
eut particulièrement pour objet les arts et les scien-
ces; ce qui mit Camper à portée d\'admirer le génie
et les vastes connoissances de ce monarque , qui
ne Fétonna pas moins par son extrême affabilité.
La véritable gr;indeur double de prix lorsqu\'elle
se présente sous des formes aimables: elle inspire
alors tout à-la-fois de Faniour el du respect ; c\'est
un heureux mérite qui accompagne trop rarement
liélas ! les grandes qualités.
i N o T I c E D E L A V I E
La ville de Potsdani et ses magnifiques établis-
semens militaires, le palais du roi à Sans-souci,
et les galeries de tableaux et d\'antiques partagèrent
le tems de Camper.
11 jouit à Berlin d\'un nouveau bonheur dans la
société de Mendelssobn, de Nicolaï, Lecat, Sil-
berslag, Bode, Walther, Formey, Siegfried, The-
den, Schmucker, Selle, Gleditscb et autres sa-
vans. Il y visita les principaux cabinets d\'histoire
naturelle, tels que ceux de Bloch, Siegfried et
Gerhard, et le trésor de préparationsanatomiques
et de squelettes du professeur Wallher; sans né-
gliger les séances de l\'Académie royale des scien-
jBes et de la Société des Curieux de la nature, de la
physique, etc., qui toutes deux l\'a voient reçu de-
puis quelque tems au nombre de leurs membres.
Le désir qu\'avoit Camper de ])résenter ses hom-
mages à S. A. R. le prince Henri, frère du grand
Frédéric, et le compagnon de sa gloire, le déter-
j[iina, en revenant de Berlin, à prendre la route
de Rhynsberg. Il y jouit pendant deux jours de
l\'honneur de dîner et de souper avec ce héros, et
4e parcourir, dans sa compagnie, les magnifiques
jardins de ce lieu enchanté. Il quitta Berlin et,
llhynsberg , pénétré de l\'accueil qu\'il y avoit reçu
de la famille royale. Souvent Camper s\'est rappelé
avec émotion le bonheur qu\'il avoit eu de voir une
Èom où le mérite trouve un facile accès auprès du
u E P. campe R, Ij
trône, et qui non-seulement protège les vrais phi-
losophes, mais qui leur accorde, en même tems,
de la considération, de Faisance et de Pagrément.
De retour chez lui. Camper reprit ses travaux
littéraires, et publia de nouveaux mémoires sur
la chirurgie et sur d\'autres matières. En 1781, il
donna un Mémoire sur la meilleure forme des
souliers (1), lequel a été traduit en françois; trois
réponses à des questions de l\'Académie royale de
chirurgie et de la Société de médecine de Paris ,
qui toutes trois lui méritèrent la médaille d\'or : la
première avoit pour objet : Exposer les effets du
sommeil et de la veille, et les indications sui-
vant lesquelles on doit en prescrire Vusage dans
la cure des maladies chirurgicales. La seconde:
Comment le vice de différentes excrétions peut
influer sur les maladies chirurgicales; et quelles
sont les règles de pratique relatives d cet objet.
La troisième : Exposer la nature, les causes, le
mécanisme et le traitement de Vhydropisie , et
sur-tout faire connoître les signes qui fixent
d\'une manière précise les indications des d iffé-
rens genres de secours.
En 1782, il publia une Lettre adressée à M. B.
Hussem, chirurgien fameux d\'Amsterdam , sur
les causes de la Claudication des enfans, et sur
U) Over den besten schoen.
-ocr page 56-Uj N o T I c E D E E A V I E
les moyens de prévenir ce défaut. Ainsi qne des
Observations sur la pierre dans la vessie, et sur
la taille en deux tems, suivant la méthode du
c élèb re Franco ( i ).
Pendant Fété, Camper fit nn voyage à Maes-
tricht , Liège, Spa, Aix-la-Chapelle et Düsseldorf.
Il examina les collections d\'histoire naturelle que
le célèbre Hoffmann avoit laissées en mourant,
ainsi que quelques autres morceaux précieux du
même genre chez MM. Drouin et Godin. A Liège,
il visita le cabinet du comte Praeston; à Aix-la-
Chapelle et à Spa les principaux établissemens qui
ont rapport aux bains et aux arts mécaniques ; à
Düsseldorf la superbe galerie de tableaux, que
les connoissances quïl avoit acquises dans la pein-
ture lui firent admirer avec un singulier plaisir.
En automne de la même année, il prononça à
FAcadémie de dessin d\'Amsterdam son quatrième
Discours sur le Beau physique (2), dans lequel
(1) Over de oorzaaken van het mank gaan der kinderen, en
C0ne nieuwe konstbewerkingomhe[zelvevoorcekomen. 2°. Waar-
neemingen over den groei der steenen in den pisblaas , en het
steensnyden in twee reizen, volgens de leer van de vermaarden
Franco.
(3) Over het Gedaanteschoon : dat \'er in de natuur geen stellig
ichoon gevonden wordt, maar dat het zelve van eene onderlinge
overeenstemming, gegrondvest op het ge^ag van eenige weinigen
gfhangti
de p. camper. liij
il prouve que la nature n\'offre point de Beau po-
sitif et déterminé; mais que ce qu\'on nommeBeau-
té, n\'est que relatif, et fondé simplement sur une
convenance tacite, d\'après l\'autorité d\'un petit
nombre.
En 1785, Camper répondit à la question de la
Société batave de Rotterdam -.Exposer les raisons
physiques pourquoi V homme est sujet à plus de
maladies que les autres animaux. Quels sont les
moyens de rétablir sa santé, qu\'on peut emprun-
ter des observations que fournit Vanatomie com-
parée? Il dédia ce mémoire à la Société même ,
après l\'avoir augmenté de plusieurs additions. M.
Herbell en a donné une traduction allemande.
En 1785, Camper fut nommé membre de l\'A-
cadémie royale des sciences de Paris ; titre d\'au-
tant plus flatteur qu\'on ne l\'accordoit qu\'à huit
savans étrangers.
Comme on aime naturellement à revoir les lieux
où l\'on a joui de quelque agrément. Camper de-
voit désirer de passer une quatrième fois en An-
gleterre. Il y avoit été en 1748,1749 et 1752, pour
y puiser de nouvelles sciences. Depuis cette der-
nière époque , il avoit acquis une grande célébrité
dans les sciences , et les principaux savans de ce
royaume étoient ses collègues dans les plus illus-
tres académies de l\'Europe. On y avoit fait plu-
sieurs importantes découvertes daria les arts et dans,
liv N O T I C E D E I. A V I E
les sciences; deç. trésors d\'objets curieux d\'histoire
naturelle y avoient été rassemblés de toutes les
parties du monde: tels étoient les puissans motifs
qui déterminèrent Campera faire ce dernier voyage
dans la Grande-Bretagne.
Il se rendit chez le célèbre Banks, chez Her-
schel, Hunter, Magellan, Deluc, Kirv^^an et chez
les principaux médecins et chirurgiens de Lon-
dres. Il visita aussi les plus grands peintres : Rey-
nolds, West, Stubs. Il examina et dessina les plus
rares morceaux des collections du Musée Britan-
nique , d\'Aston Leavers , de Banks , de Hunter,
ete. La comparaison qu\'il fit de plusieurs de ces
objets avec ceux qu\'il possédoii lui-même, fut de
la plus grande utilité à Camper pour l\'avancement
de l\'histoire naturelle et la connoissance des ani-
maux dont les os ne se trouvent qu\'à la surface de
la terre.
Il fit un voyage à Oxford, et visita de nouveau
la salle d\'anaîomie , l\'hôpital et l\'observatoire ,
sans oublier MM. Thompson, Jackson et Wall. A
Beaconsfièld , Camper alla voir Edmund Burke ,
ainsi que MM. Priestley et Withering à Bermin-
gham. M. Herschel voulut bien l\'accompagner
dans la tournée qu\'il fit pour voir le château de
Windsor,
Ên 1786, Camper adressa à la Société royale
des sciences de Londres, un Mémoire sur le^ oy
de p. campe h. ^^
fossiles de poissons inconnus qu\'on trouve dans
la montagne de Saint-Pierre de Maestricht ; le-
quel a été inséré dans le soixante-seizième volume
des Philosophical Transactions , année, 1786. Il
donna dans les Vaderlandsche Letter-oeffenin-
gen^ une coMXie. Description du dugon et du lêsard
pibède [la lacertina sirena de Linnœus)\', avec
quelques Additions à la description de l\'organe
de Vouïe des poissons qui ont été jointes à la
traduction allemande de Fouvrage de M. Monro
sur les poissons, que M. Scllneider a publié à Leip-
zig. Ensuite il donna des Observations critiques
sur la manière de classer les poissons suivant
le système de Linnœus ; et une Lettre sur l\'ab-
surdité de Vidée qu\'il y a eu des licornes , qu\'il
eUvoya à la Société des Curieux de la nature, etc.,
qui Fa inséré dans son recueil.
En 1787, Camper adressa à FAcadémie des
sciences de Pétersbourg des Mémoires sur les os
fossiles d\'animaux inconnus ou rares ; sur la
tête d\'un bison y sur la tête gigantesque d\'un
buffle; sur d\'énormes dents d\'éléphant ; sur des
têtes monstrueuses de cerf; sur les os du mam-
mouth de l\'Ohio en Amérique; sur les sangliers.
d\'Afrique; sur les disparités qu\'offrent les rhi-
nocéros d\'Asie et d\'Afrique; sur une espèce de
philandre d\'Asie ^ connu sous le nom de han~
gourou.
% ^ o T I c E J3 E L A V I E
Le voyage que Camper avoit fait, en 1785, en
Angleterre auroit probablement été le dernier de
sa vie, sans une maladie dont son plus jeune fils
fut attaqué à Paris, et qui l\'engagea à se rendre
dans cette capitale pour lui donner ses soins pa-
ternels. Pendant le peu de séjour qu\'il fit alors
dans cette ville, il fréquenta avec un singulier plai-
sir son ancien ami, M. Louis, secrétaire de l\'Aca-
démie royale de chirurgie. Il fut également reçu
avec une amitié franche par le comte de Buifon ,
de qui les sublimes talens, joints à une amabilité
rare, rendoient la société si précieuse. Il assista
aux séances des académies, et alla voir quelques-
uns de leurs membres. Le cabinet d\'histoire natu-
relle du Jardin des Plantes, et la savante collec-
tion des fossiles de M. Romé de Lisle furent de
nouveau examinés par lui.
Camper soigna, en 1788, une seconde édition
de son Mémoire sur les fractures de la rotule et
de Volécrane (1}, que j\'ai publié après le décès de
l\'auteur, qui se proposoit également de mettre au
jour quelques autres ouvrages, si lamort n\'eut pas
mis un terme à ses travaux.
Camper avoit eu pendant toute sa vie une sin-
gulière aptitude pour les langues. Il parloit avec
(0 Over de breuken van de Jtnîeschjf en van den top des ella^
l>OOgs.
de F. CAMPEE. Ipij
«ue grande facilité le latin, l\'anglois, Fallemand,
ie françoisj et il possédoit assez: l\'italien pour lire
avec fruit les livres écrits dans cet idiome; le grec
ne lui étoit pas non plus étranger.
Après avoir rendu compte des travaux littérai-
res de Camper , je vais parler succinctement des
affaires publiques dont il a été chargé. Jusqu\'à pré-
sent j\'ai gardé le silence sur cet objet pour ne pas
interrompre la marche de cette narration. \'
En 1762, Camper fut admis pour la première
fois comme député à l\'assemblée de la province
de Frise; et en 1776 il y parut une seconde fois
comme député d\'Idaarderadeel. Il rejeta, en 1778,
le projet de reconstruire la digue maritime de cette
province, comme impossible et d\'une trop grande
dépense. Il présenta à cet effet aux Etats un mé-
moire imprimé, dans lequel il expose les raisons
de sa désapprobation. En 1785, il fut nommé, à
la recommandation du stadhouder, conseiller de
la ville de Workum; ce qui lui donna entrée au
collège de l\'amirauté de Frise.
Camper prit, en 1787, place au conseil d\'Etat,
et fut par conséquent obligé de fixer sa demeure à
la Haye. Tous ceux qui ont quelque connoissance
des dissentions qui, depuis 1781, ont agité cette
République, et qui ont été les témoins des catas-
trophes qui en furent les suites, concevront faci-
lement toutes les difficultés dont une place de cette
Iviij notice de ea vie
importance devoit être environnée alors, et quelle
constance il fallut à Camper, dans ces tems désas-
treux, pour sauver sa patrie delà ruine totale dont
elle sembloit menacée. ■—- Il ne m\'appartient pas
d\'apprécier les services qu\'il a rendus à son pays
dans ces jours de crise et de désolation.
J\'ai considéré Camper comme un savant dont
les ouvrages littéraires ont été couronnés jusqu\'à
dix fois par les plus célèbres académies d\'Europe.
Je l\'ai suivi dans la carrière des sciences jusqu\'au
moment où, parvenu au plus haut degré de gloire,
il a vu son nom briller de cet éclat que l\'immortel
Newton et Pierre ie Grand ont été si jaloux de méri-
ter. La ville de Leide donna, dans un très-court
espace de tems, deux membres à l\'Académie royale
des sciences de Poris; elBoerhave vit dans Camper
un successeur qui hérita de cette célébrité par la-
quelle il avoit illustré sa patrie. — Nous avons vu
Camper également distingué comme magistrat, et
remplissant avec succès les places les plus éminen-
tes de la République. Ces mêmes éloges il les a mé-
rité par ses vertus sociales et domestiques: comme
ami, comme fils, comme époux, il possédoit tou-
tes les qualités estimables qui composent l\'excel-
lent citoyen.
Comme père, il sembloit être formé d\'après le
précepte du grand philosophe de Tarente : Un-père\'^
dit Archytas dans son livre sur l\'éducation, doit
donner d ses enfans l\'exemple de toutes les ver-
tus, Les tendres soins de mes parens pour mon
bonheur, leur douce et franche intimité, mille et
mille bienfaits dont ils m\'ont comblé depuis le
jour de ma naissance jusqu\'à l\'instant où un meil-
leur monde est devenu leur partage, rappeleront
sans cesse à ma mémoire ces paroles adrairablès de
la doctrine des Chinois : Qu\'on ne saurait survi-
vre à un père , cl une mère , cpie pour les pleu-
rer chaque moment de la vie.
Une grande tranquillité d\'arae, partage heureux
des hommes bienfaisans, formoit le caractère na-
turel de Camper. Admirateur de la morale des an-
ciens, la contemplation des vertus domestiques et
de l\'éducation des enfans ésoit une des occupations
favorites de son ame sensible; et depuis ijBi jus-
qu en 1766,41 inséra différens essais sur cette ma-
tière dans le Spectateur hollandois et dans le
Rhapsodiste.
Les beaux-arts sur-tout charmoient ses momens
de loisir, qu\'il passoit à peindre et à modeler. Pen-
dant ses voyages, il dessinoit les objets les plus cu-
rieux d\'anatomie et d\'histoire naturelle qui se pré-
sentoient à ses regards. Tous ses dessins , pour
ainsi dire, sont faits à la plume d\'une manière tout
à-la-fois sûre et facile,qui les font admirer des ar-^
tistes même.
La nature, qui rarement unît ensemble un heii-
-ocr page 64-renx extérieur à de grandes qualités d\'ame, avoit,
à plusieurs égards, traité Camper comme un de
ses plus chers favoris. A une belle ligure, il joi-
gnoit un air respectable et une santé florissante.
Un maintien aisé et noble, des mouvemens heu-
reux et sentis, une voix sonore et flexible, des yeux
pleins de feu et d\'expression, le faisoient admirer
comme orateur.
C\'est de tous ces avantages que Camper a joui
jusqu\'au dernier jour de mars 1789. Une violente
pleurésie trancha le fil de sa vie le 7 avril au soir.
Son corps a été déposé au tombeau de ses ancê-
tres, dans l\'église de Saint-Pierre à Leide.
eloge
Pierre CAMPER, membre du conseil d\'Etat
des Provinces-Unies, et député à l\'assemblée des
Etats de la province de Frise j docteur en philo-
sophie et en médecine et professeur honoraire d\'a-
natomie et de chirurgie dans le collège d\'Amster-
dam; associé étranger des Académies des sciences et
de chirurgie de Paris; membre de la Société royale
de Londres ; des Académies de Pétersbourg , de
Berlin, de celle des Curieux de la nature, de celles
deToulouse, d\'Edinbourg, deGottingue, de Man-
chester, de Harlem, de Rotterdam, deFlessingue,
associé étranger ae la Société royale de médecine:
Naquit à Leide le ii mai 1722, de Florent
Camper , ministre du Sainl-Evangile , et de Ca-
therine Ketting, Hollandoise d\'origine, née à Su-
rate. Son grand-père avoit pratiqué la medecine à
Leicle, où sa famille occupe depuis long-tems les
places les plus distinguées de la magistrature.
M. Florent Camper, théologien par état, se li-
vroit par goût à l\'étude de la philosophie et des
beaux-arts. Boerhave, \'s Gravesande, Musschen-
hroek et le chevalier Moor étoient ses plus intimes
amis. Au milieu d\'eux fut élevé le confrère illustre
que nous avons perdu.
M. Camper fut bien traité par la nature, dont
il reçut une santé robuste. Il dut beaucoup aux
circonstances qui l\'environnèrent de grands mo-
dèles. Son père eut la sagesse de ne lui imposer
aucune gêne: c\'est à cela que se réduit tout Fart de
rendre utile à l\'enfance l\'instruction qu\'on lui des-
tine. Libre, elle s\'en fait un amusement; contrainte,
c\'est pour elle un malheur.
M. Camper apprit dès l\'âge le plus tendre des
fameux Moor, père et fils, l\'art de dessiner et de
peindre, dont il à fait, dans l\'étude des animaux,
un si fréquent usage.
La plupart de ceux qui cultivent la science de
la nature sont forcés de confier à d\'autres le soin
de représenter ce qu\'ils ont vu; d\'où résultent des
infidélités sans nombre. M. Camper observoit et
dessinoit ce qu\'il avoit observé; de sorte que dans
ses planches, comme dans ses descriptions et dans
ses discours, c\'est toujours lui qui parle; c\'est tou-
jours son idée qui se présente à l\'esprit.
D E
P. CAMPER. IxiiJ
Labordes, mathématicien célèbre , lui ensei-
gnoit en même tems les principes de la géométrie,
bien propres à s\'allier à ceux du dessin; car la géo-
métrie, qui mesure la surface des corps, est une
sorte de dessin qui s\'applique aux formes réguliè-
res; et le dessin une sorte de géométrie qui trace,
en se jouant, des courbes variées et bisarres. Aux
corps inorganiques appartiennent ces contours
d\'une forme précise que le géomètre calcule ; sur
les corps organiques et vivans sont répandus ces
rondeurs mobiles , ces masses indéterminées que
le dessinateur crayonne et que son art trompeur
fait sortir d\'un plan, où le toucher en défaut ne
trouve rien de ce qu\'y découvrent les yeux.
L\'âge avancé de Boerhave et les infirmités qui
l\'affligèrent pendant les onze dernières années de
sa vie, empêchèrent ce grand homme d\'être le pré-
cepteur du fils de son ami. Au défaut de Boer-
have, Gaubius, Van Rooyen et Albinus furent ses
maîtres. Deux dissertations louées par Baldinger
et. recueillies par Haller, signalèrent son admis-
sion au doctorat. Dans l\'une il s\'est déclaré le par-
tisan de la théorie de Smith sur la vision ; dans
l\'autre il a décrit et peint le canal godronné de
Petit dans les yeux des animaux : dans toutes les
deux il a montré qu\'il réunissoit aux connoissan-
ces de l\'anatomie celle de la physique et des beaux-
arts.
M. Camper eut de bonne heure le désh\' de voya-
ger ; mais son père et sa mère âgés et malades re-
fusèrent d\'y consentirai est trop déchirant l\'adieu
qu\'un vieillard infirme prononce, puisqu\'on peut
toujours croire qu\'il sera le dernier. M. Camper
perdit ses parens en 1748, année à jamais mémo-
rable dans les fastes de la République, et il partit
peu de tems après pour l\'Angleterre.
Là des médecins illustres, Mead, Parsons, Pit-
cairn, Pringle, Mortimer, l\'admirent à leurs sa-
vantes conversations. G. Hunter lui enseignoit l\'a-
natomie; Sharp la chirurgie; Smellie l\'art des ac-
coucbemens ; Wincester et Larcher la pratique de
l\'inoculation; Elliot la botanique. Il visita les ca-
binets de Hans-Sloane et de Collinson; les col-
lections de Hill et de Catesby: il étudia l\'électri-
cité chez Watson, l\'aimant chez Knight; Baker lui
exposa les merveilles des insectes et des polypes ,
et Short lui dévoila le mécanisme des cieux.
A Oxford , il entendit Bradley sur les forces
centrales; à Cambridge, il visita le fameux opti-
cien Smith, et Walker, vice-maître du collège de
la Trinité, chez lequel les étrangers se rendoient
en foule, attirés moins par la célébrité de ce pro-
fesseur que par celle de la maison que Newton
avoit occupé long-iems.
A Paris, M. Camper trouva parmi les anatomis-
tes Winslow, que tous reconnoissoient pour leur
maître ; parmi les médecins, Astruc, Ferrent, San-
chez, qui jouissoient alors de toute leur gloire;
Lorrj et MM. Petit et Geoffroy, dppt la célébrité
naissante annonçoit ce qu\'ils deviendroîent un
jour; parmi les chirurgiens, Ledran , l\'illustre
Jean-Louis Petit, l\'un d^s plus grands maîtres de
son art, et Quesnoy, qui a parcouru plus d\'une
carrière arec éclat; parmi les naturalistes,Réau-
mur, leur chef, etBuffon qui, dès ce tems, aspi-
roit à l\'être; parmi les botanistes, le bon, le ver-
tueux, le savant Bernard de Jussieu; parmi les
chimistes, Rouelle, qui çréoit une école, en lais-
sant à ses disciples le soin plus facile de publier
des ouvrages ; parmi les philosophes.,Montesquieu,
Helvetius, Dalembert, Diderot, Rousseau, dont
le génie puissant a si fortement influé sur l\'ins-
truction publique, de laquelle on voit enfin que
dépendent le sort des peuples et la destinée des
empires.
A Louvain, il examina les préparations an ato-
miques de Bills.
A Hambourg, le cabinet anatomique de Ker-
krmgius, qu\'on y conserve, fut pour lui l\'objet du
plus sérieux examen. Il parcourut avec autant
d\'attention que de respect, la tour fameuse où
Tycho-Brahé a long-tems observé les astres ; et il
lut admis dans la société de l\'aimable et savante,
comtesse de Bentinck, célèbre dans im genre qui
d\'ordinaire a peu d\'attraits pour les dames , dans
l\'étude de Fantiquité.
A Hanovre, il fit connoissance avec le docteur
Zimmermann ; et il visita dans l\'église de Saint-
Jean le tombeau de Leibnitz.
Il lui tardôit d\'arriver à Gottingue , où un bel
amphithéâtre a été construit sur les plans de Hal-
ler, et où ildevoits\'entretenir avec les professeurs
Michaëlis, Heyne, Forster, Gmelin, Wrisberg et
Blumenbach, dont les noms rappellent le souve-
nir d\'un grand nombre d\'immortels écrits.
A Cassel, M. Soemmering lui montra des pré-
parations anatomiques très-curieuses.
A Berlin, il vit MM. Mendelsshon , Formey ,
Bode, Gerhard, Bloch, Walther, Gledtisch, The-
d«n; au milieu de ces grands hommes, l\'immor-
tel Frédéric, encore plus grand qu\'eux, et ce Henri,
que les amis des lettres ont mis tant d\'empresse-
ment à louer lorsqu\'il vivoit parmi nous, et qu\'il
n\'est ni moins juste, ni moins convenable de cé-
lébrer actuellement qu\'il n\'y est plus.
M.\' Camper voyageoit souvent et toujours à pe-
tites journées, parce qu\'il vouloit voir, et retenir
çe qu^il avoit vu. Quelquefois ses enfans l\'accom-
pagnoient; ils tenoient alors un journal commun :
les vérités, les erreurs, les projets, les systèmes,
tout étoit observé, tout étoit recueilli. M. Camper
Gönnoissoit les auteurs aussi bien que les ouvra-
m
de p. camper. hpij
ges; il n\'étoit étraDger à aucune académie , et au-
cune académie ne lui étoit étrangère : il avoit pris
sa place dans celles de Paris, de Londres, de Ber-
, et il y avoit apporté son tribut,
Depuis rétablissement de la Société royale de
médecine, il avoit fait ici deux voyages et plusieurs
fois il s\'étoit assis parmi nous; circonstance qui,
en nous le faisant mieux apprécier, a beaucoup
ajouté à notre estime pour sa personne, et qui
ajoute aujourd\'hui beaucoup à nos regrets.
11 y a deux sources d\'instruction dans les scien-
ces; l\'une se trouve dans les livres, et celle-ci est
encore de deux sortes, car les livres contiennent
des faits et des raisonnemens. Comme on n\'est
point sûr de ce qoe les autres ont vu , ni de la ma-
nière dont ils l\'ont vu, ni de celle dont ils l\'expri-
ment; comme d\'ailleurs un écrit n\'offre souvent
que des résultats et qu\'il ne montre presque ja-
mais la série des circonstances qui constituent un
événement tel qu\'il soit, il n\'est point étonnant
qu 1 reste si souvent de l\'incertitude au lecteur
sur les details „e connoît point asssez. Les
raisonnemens des autres «e nous inspirent aussi
que rarement une confiance entiere. Aussi l\'hom-
me qui, dans l\'étude des sciences physiques, n\'est
formé que par les livres, n\'a que l\'apparence du
savoir. Ses jugemens sont mal assurés, son opinion
est flottante, ses réponses sont incertaines, et on
le reconnoît au peu de cas qu\'il fait lui-même d«
ses propres assertions.
Il en est autrement de l\'homme qui puise ses
connoissances dans l\'observation : ce qu\'il sait est
à lui ; il le possède, et il en dispose ; jamais d\'em-
barras dans ce qu\'il dit; il a mille manières de ren-
dre et d\'interpréter ce qu\'il pense, et la clarté de
Fexpression naît de l\'abondance des moyens; plus
on lui oppose d\'obstacles, plus il montre de res-
sources\'; il devient plus fort dans le combat, et
l\'intérêt qu\'il inspire redouble par sa propre sé-
curité.
Tel étoit M. Camper, soit que, traitant une ques-
tion douteuse, il essayât d\'apprécier par une cri-
tique sévère l\'importance de chaque témoignage
et k valeur de chaque fait; soit qu\'en parlant de
«es voyages il fit le tableau des recherches entre-
prises pour l\'avancement de notre art, ou celui
des obstacle^ qu\'on ne cesse d\'opposer à ses pro-
grès; soit qu\'en rendant à chacun ce qui lui étoit
dû, il racoritât les nombreuses injustices de la re-
nommée , qiji , \'comme la fortune , a des favoris
qu\'elle caresse, et qui semble, comme elle, exer-
cer aussi des rigueurs. Il aimoit aussi qu\'on l\'in-
terrogeât sur iés\' stijéts qtii lui étoient familiers ;
parce que, disoit-il, après le plaisir de découvrir
des vérités, le pfus grand lui paroissoit être de
lê^s répandre. Dans une de nos assemblées à la-
m
quelle il assista, et dans laquelle il fut question de
l\'inoculation de la petite vérole, il nous permit
de lui faire des questions sur les procédés qu\'il
avoit vu mettre en usage pour cette insertion dans
ies différens pays qu\'il avoit parcourus. Il se plut
a nous dévoiler les ruses que l\'empyrisme emploie
presque par-tout pour cacher soit les petits re-
mèdes qu\'il conseille aux malades auxquels les
plus souvent il n\'en faut aucun ; soit les petites pré-
cautions qu\'il accumule dans des circonstances où
presque tout est prévu, et où le médecin instruit
ne fait rien, sachant que tout sera fait à propos
par la nature. Le résultat de cette conférence fut
qu\'il étoit à peu près incertain sur quelle région
et en quel nombre les piqûres devoient être prati-
quées; que la disposition la plus favorable au suc-
cès étoit celle d\'une santé parfaite, et que ce se-
roit folie alors de prétendre l\'améliorer par des
médicamens qui ne pourroient que l\'affoiblir.
Toutes les maladies exanthematiques sont sus-
ceptibles d\'être inoculées : ainsi la maladie épizoo-
tique décrite par Lancisi,la même qui a régné de-
puis 1774 jusqu\'en l\'année 1778, dans les provin-
ces méridionales de la France , en Normandie et
<ians le Maine, où elle a été détruite; la même qui
ravage la Hollande, où elle est devenue, pour
ainsi dire, habituelle; cette épizootie pouvoit être
inoculée. Déjà MM. Dodson, Layard et Bewley,
avoieirt essayé cette méthode en Angleterre 5 MM-
Noseman, Kool et Tact en Hollande 3 on avoit fait
les mêmes tentatives dansleDanemarck ,à Bruns-
wick et à Mecklenbourg; j\'avois répété ces expé-
riences dans le Condomois et dans le pays d\'Auch:
dans tous ces essais, dont j\'ai rendu compte ail-
leurs, la maladie épizootique s\'étoit communiquée
avec tout son danger. M. Camper avoit établi dans
la Frise une société uniquement occupée de cet
objet. Mais tant de patriotisme demeura long-tems
sans succès. Une remarque faite par un cuhivateur
le mit enfin à portée de recueillir le fruit de ses
travaux. Ce cultivateur, appelé Reinders, lui ob-
serva que Fépizootie communiquée par l\'insertion
à des veaux nés de mères guéries du même mal,
parcouroient tous ses degrés sans orage. M. Cam-
per multiplia les essais d\'inoculation conformé-
ment à ces vues, et il parvint à tracer une méthode
que ses concitoyens ont adoptée et qu\'ils regardent
depuis plusieurs années comme un bienfait. Parmi
les animaux soumis à cette insertion, il n\'en périt
pas plus de trois sur cent, et auparavant on en
perdoit plus des deux tiers. Cette découverte fut
annoncée dans les journaux en 1777? et le servile
troupeau des imitateurs cria de tous côtés qu\'il
falloit inoculer Fépizootie en France ; on se plai-
gnit même avec amertume de ce que cette prati-
que n\'y étoit pas encore répandue. Consulté sux
cet objet, je fis voir que l\'inoculation de Fépizoo-
tie ne pouvoit être utile et ne devoit être accueil-
lie que dans les cantons où, comme en Hollande,
ce mal ayant jeté des racines profondes, ne pou-
voit plus être extirpé; mais qu\'en France où, com-
me en Angleterre et dans le Brabant, par de grands
sacrifices on en a détruit le germe, ce seroit une
faute capitale que d\'adopter une pratique par la-
quelle on verroit renaître l\'ennemi qu\'on a eu tant
de peine à étouffer. On avoit calculé les distances
et on nous offroit de nous envoyer de la Frise des
fils imbibés du virus contagieux le plus récent,
c\'est-à-dire, de nous rendre l\'épizootie. M. Nec-
ker , alors contrôleur-général des finances , re-
poussa un présent si funeste, et c\'est un service de
plus que lui doit la patrie.
M. Camper a successivement occupé les chaires
de philosophie, d\'anatomie, de chirurgie et de mé-
decine dans les universités de Franeker, d\'Ams-
terdam et de Groningue.
Il est d\'usage en Hollande, comme dans toute
l\'Allemagne, que les professeurs prononcent un
discours solemnel d\'inauguration lorsqu\'ils entrent
en exercice; j^ai parlé ailleurs avec éloge de ceux
que Gaubius et Van Doeveren ont publiés en pareil
cas. Les discours de M. Camper ne sont ni moins
originaux, ni moins piquans. Tantôt il montre ce
que notre art a de certain, et à quels signes on
peut le reconnoitre; entreprise où, corame dans
beaucoup d\'autres, trop de recherche nuit; dans
laquelle il ne s\'agit que de savoir ce que l\'expé-
rience conseille à la raison et dont le succès dé-
pend moins peut-être de l\'inspiration du génie qui
invente, que du travail d\'un bon esprit qui s\'appli-
que sans relâche, qui combine avec justesse et qui
se détermine sans préjugé.
Tantôt il soumet à la critique la plus ingénieuse
les idées qu\'on s\'est formées du beau, soit physi-
que, soit moral, auxquelles ses connoissances dans
les arts durent le ramener souvent. Il y trouve
par-tout des rapports de grandeur et de force. De
ces premières idées naît celle d\'indépendance qui
dispose à la générosité. Âla vue de ce qui est beau,
l\'âme s\'émeut, l\'esprit peut en faire l\'analyse ;
mais le sentiment en est l\'arbitre, et lui seul ne
sauroit s\'y tromper.
Dans un troisième discours, M. Camper ipaontre
par des exemples, de quelle utilité les connois-
sances anatomiques peuvent être dans l\'étude des
sciences, soit morales, soit physiques.
Dans un quatrième, il traite une des plus belles
q«estions de la physique, l\'analogie des animaux
avec les plantes.
La plus grande différence entre eux consiste en
ce que tous les animaux ont des nerfs, qui, rami-
fiés en divers sens, aboutissent à un f©yer com-
mmsm
mun ; au lieu qu\'on n\'a trouvé jusqu\'ici rien de
nerveux dans la structure des végétaux: cependant
ils sont pourvus de vaisseaux et de glandes; on y
a découvert des sexes, et lorsqu\'on réfléchit qu\'il
n\'y a point d\'organes irritables dont la pulpe ner-
veuse ne fasse partie, il est difficile de se refuser à
croire qu\'une substance analogue à celle des nerfs
est répandue dans quelques régions du tissu des
végétaux; de même qu\'ils ont des vaisseaux sans
coeur et des conduits absorbans sans intestins, ne
se peut-il pas qu\'Usaient aussi quelques points ner-
veux sans cerveau. Ces points, s\'ils existent, ne
peuvent être que disséminés, sans qu\'aucun lien
intermédiaire en forme un système ; leur usage
doit se borner à la composition de l\'organe qui re-
çoit d\'eux une partie de sa mobilité; de sorte que
décrire le sommeil des plantes ou parler de leurs
amours pour désigner des effets isolés, qui ne sup-
posent rien d\'analogue au sentiment, c\'est se ser-
vir d\'un langage trompeur que la poésie recher-
che, maisque la saine physique ne sauroit adopter.
Parmi les découvertes qui contribuent aux pro-
grès des sciences, il en est qui sont à la portée des
gens du monde, et c\'est par eelles-là sur-tout que
les réputations s\'accroissent avec rapidité. M. Cam -
per en a fait de ce genre, parmi lesquelles on doit
compter les observations qu\'il a publiées sur la
présence de l\'air dans les cavités intérieures d^
squelette des oiseaux. Leurs poumons sont adhe-
rens aux côtes, dont les mouvemens devoient,
pour cette raison , être remplacés par ceux du
sternum; des vésicules aériennes formées de mem-
branes musculaires , s\'étendent dans le ventre le
long des os des îles; des trous placés vers la tête
des grands os qui sont dépourvus de moelle, éta-
blissent une libre communication entre elles et les
poumons; et l\'air dont le squelette est rempli, s\'é-
panche aussi sous la peau, d\'où il passe dans les
tuyaux des plumes. Aux merveilles que les ob-
servateurs avoient découvertes dans la structure
des oiseaux, M. Camper a donc ajouté l\'étonnante
perméabilité de leurs organes, par laquelle le corps
entier devient une sorte de ballon vivant, qui s\'é-
tend et se resserre à volonté, que ses propres for-
ces dirigent et dont chaque partie contient en elle
un fluide qui la distend et une puissance qui la
meut; admirable chef-d\'oeuvre de légéreté , de
mobilité, de souplesse, dont l\'homme connoît à
peine le mécanisme, et que, malgré d\'audacieux
essais, son génie est loin encore de pouvoir imiter.
Ailleurs, M. Camper expose les changemens
que la domesticité produit dans la structure des
oiseaux. Dans cet état leur volume s\'accroît, et
leur poids augmente; les extrémités des os s\'ar-
rondissent ; les trous destinés au passage de l\'air
se bQuchent, et, dominé par sa masse , l\'oiseau
perd dans l\'escîarage tous les moyens de con-
quérir la liberté. Uhomme seul résiste aux in-
fluences de toutes les températures, de toutes les
éducations, de tous les gouvernemens, de tous les
tems; dans tous les lieux, il trouve en lui le sen-
tnnent de sa force, avec lequel il peut tout et que
nulle puissance ne sauroit effacer.
Les singes ont à la partie antérieure du larynx
une poche soit osseuse , soit membraneuse , qui
s\'ouvre sous Fépiglotte. M. Camper, quia décou-
vert cette excavation dans l\'orang-outang, a ob-
servé qu\'au lieu d\'être unique, comme dans les au-
tres singes , elle étoit double dans cet animal et
qu\'elle communiquoit par deux ouvertures avec
l\'intérieur du larynx. Il a prouvé qu\'aucune autre
espèce de singes connue n\'offroit une conforma-
tion semblable; et lisant ensuite dans les ouvrases
J _ o
de Galien la description du singe qui servoit aux
démonstrations anatomiques des anciens, il a re-
connu sans peine que c\'étoit l\'orang-outang; Ga-
lien parlant avec précision des deux sacs du la-
rynx et des deux trous qui leur appartiennent :
grand et juste ascendant de l\'observation ! Ce pro-
blême tant de fois proposé, sur lequel tant d\'il-
lustres critiques avoîent épuisé tout leur savoir, a
été résolu par M. Camper en un instant et par la
connoissance d\'un seul fait
M. Camper a aussi découvert dans le renne un
sac membraneux qui est placé sous la peau du cou
et qui s\'ouvre dans le larynx. Mais on ignore ab-
solument et pourquoi ce sac existe dans le singe et
dans le renne, et pourquoi deux genres d\'animaux
si différens l\'un de l\'autre dans tous les points se
rapprochent dans celui-ià.
On a révoqué long-tems en doute si les poissons
étoient pourvus de l\'organe de l\'ouïe. Les expé-
riences de Rondelet, de l\'abbé Nollet et de tant
d\'autres ne permettant pas d\'en douter, il ne s\'a-
gissoit plus que d\'en connoître l\'organe. Déjà M.
Geoffroy, notre confrère, auquel l\'histoire natu-
relle doit tant de découvertes, avoit fait de cette
recherche l\'objet particulier de ses travaux : M.
Camper a considéré l\'organe de l\'ouïe dans les di-
vers ordres de poissons.
Dans les cartilagineux, trois conduits demi-
circulaires osseux , renferment trois conduits de
même forme, mais cartilagineux, auxquels ils ser-
vent d\'enveloppe. Entre ces conduits est une sorte
de bourse , dont la substance est élastique , qui
contient deux corps blancs de consistance crayeuse
et sur laquelle la pulpe nerveuse s\'épanouit.
Dans les poissons épineux, les osselets que la
bourse élastique renferme sont au nombre de trois.
Un organe musculaire tend à volonté cette bourse,
qui met le nerf en mouvement et aucun des trois
çoaduirs demi-circulaires n\'a d\'enveloppe. Une ou-
iîi.
Hh
Vert lire extérieure que Duvernay avoit connue et
que M. Monro a décrite, donne aux ondulations
sonores un libre passage; mais on ne trouve dans
cet organe ni conduit auditif, ni cavité, ni mem-
brane du tympan, dont l\'existence se borne ayx
animaux qui vivent dans l\'air, ni limaçon qui est
propre à l\'homme et aux quadrupèdes : réduit à
ses moindres termes , l\'organe de l\'ouïe consiste
dans quelques osselets environnés de nerfs. Pour
la classe entière des animaux d\'une molesse abso-
lue , le son doit donc être nul, puisqu\'ils n^ont au-
cune partie solide où ses vibrations puissent s\'ai-
rêter. Dans ces animaux, à mesure que le nombre
des organes décroît, la chair devient plus flexible,
plus gélatineuse, plus palpitante, et cet excès de
mobilité supplée sans doute en eux au défaut de
sentiment.
Dans ce beau mémoire sur l\'organe de l\'ouïe des
poissons , M. Camper, voulant déterminer avec
precision l\'origine des nerfs, a décrit leur cerveau :
il y admet des lobes. Je pense, au contraire, que
dans tous ces animaux la masse cérébrale, dépour-
vue de lobes, est réduite aux tubercules du centre,
d\'où sortent les nerfs. Il me suffit d\'exposer ici
cette opinion; je n\'essayerai point de la défendre
aujourd\'hui par des preuves, contre celle d\'un sa-
vant qui, s\'il pouvoit revivre, auroit contre moi,
sans doute, les plus grands avantages dans cette
académie et devant ce public qui l\'ont si justement
et si favorablement jugé. Qu\'on me permette seu-
lement de dire que ce tribut de louanges n\'est
point un hommage tardif olfert à sa mémoire; je
l\'ai honoré vivant, et malgré la différence de nos
opinions, je n\'ai point attendu pour lui rendre jus-
lice qu\'il fut descendu dans le tombeau.
Parmi les ti-avaux anatomiques de M. Camper,
plusieurs ont servi à compléter l\'histoire naturelle
des animaux; tels sont la description d\'un jeune
éléphant, celle de la tête d\'un rhinocéros d\'Afri-
que à deux cornes, celle du didelplie d\'Asie, qui
diffère beaucoup de celui d\'Amérique , celle du
dromadaire , du fourmilier du Cap, du crocodile
du Gange et de quelques parties de la baleine.
M. Camper avoit fini par s\'occuper spécialement
de l\'éîude de l\'ostéologie comparée, sans laquelle
on n\'a jamais que des connoissances imparfgiiîes
sur la nature des os fossiles. Il avoit réuni un <^rand
nombre de ces pièces par l\'inspection desquelles il
s\'étoit convaincu qu\'il a réellement existé des gé-
nérations d\'animaux, soit d\'un genre particulier
et qu\'on ne retrouve plus, tels que l\'énorme qua-
drupède des bords de FOhio , soit analogue aux
espèces vivantes, mais d\'une taille beaucoup plus
grande, tels que l\'élan aux cornes plumées. M.
Camper, ordinairement sévère dans ses jugemens
et froid dans la dispute, s\'animoit à la vue de ces
objets sur lesquels il avoit adopté la théorie de son
illustre maître, M. de BufFon. Rien en effet n\'é-
tonne autant l\'esprit que ces débris gigantesques
de siècles entièrement inconnus, qu\'on n\'atteint
que par des conjectures, que l\'imagination rem-
plit à son gré de ses chimères et sur lesquels il est
SI difficile que la raison se repose, puisqu\'enfin le
résultat, si l\'on s\'en peimettoit quelqu\'un, seroit
que le globe se refroidit, que tous les êtres vivans
dégénèrent et que les hommes sont, ainsi que les
animaux, menacés de périr quelque jour faute de
chaleur et de mouvement; état dont le nôtre dif-
fère à un tel point qu\'il seroit aussi peu sage de le
craindre, que superflu de s\'en occuper.
Ce n\'est que vers le milieu de ce siècle qu\'on a,
su faire une juste application du dessin à la des-
cription des diverses parties des animaux. On s\'é-
toit borné jusque-là, dans la plupart des planches
anatomiques, à montrer les organes sans liaisons
avec ceux dont ils sont naturellement environnés.
Les ramifications vasculaires ou nerveuses ainsi
presentees ressembloient à des racines ou à des
branches d\'arbres. Haller avoit fait connoître l\'in-
snflisance des travaux de ce genre; il avoit prouvé
que ce n\'étoit pas assez d\'indiquer la forme d\'un
organe, qu\'il falloit encore en désigner la place,
et qu\'un dessin bien fait en exposoit mieux que le
discours le plus détaillé, les connexions et les rap-
ports. M. Camper , reprenant le même sujet , a
principalement porté son attention sur la manière
dont il faut qu\'on ordonne les divers objets qu\'une
figure doit exprimer. Dans un plan géométral, où
toutes les lignes sont marquées sans aucun racour-
cissement,la disposition ne donne qu\'une idée im-
parfaite des groupes, des élévations et des profon-
deurs. D\'accord avec presque tous les professeurs
modernes, Albinus vouloit qu\'on préférât la mé-
thode dans laquelle c\'est aux loix de la perspec-
tive que tout doit obéir. Mais une représentation
aussi bien concertée suppose que le lecteur ins-
truit sache se placer au point convenable pour bien
voir et bien juger 5 elle suppose que l\'anatomiste
et le dessinateur aient fait la même étude et qu\'ils
aient adopté les mêmes principes; encore n\'y a-t-il
qu\'un seul cas où cette harmonie puisse être par-
fahe, celui où, comme dans les travaux de M. Cam-
per, ces deux personnages se confondent et où
ees deux talens n\'en font qu\'un.
Frappé de ces difficultés nombreuses, cet ana-
tomiste a proposé et suivi une méthode mixte dans
laquelle Foeil peut se placer successivement en plu-
sieurs points, et, comme dans la nature, tourner
en quelque sorte autour de son objet.
M. Camper ne se contenta point d\'étudier com-
me anatomiste, et de comparer entre elles les for-
mes extérieures de l\'homme et des animaux; il ap-
pliqua ces connoissances à Fart du dessin, et il ré-
digea un cours d\'anatomie en faveur des peintres
auxquels il enseigna cette science pendant plusieurs
années, dans l\'amphithéâtre de l\'école de peinture
d\'Amsterdam.
11 avoit fait venir des différentes côtes d\'Asie et
d\'Afrique des têtes de Nègres, dont il avoit me-
suré la ligne faciale qu\'il croyoit un peu plus in-
clinée dans les Noirs que dans les Blancs. En pro-
longeant cette ligne, en lui donnant différens de-
grés d\'obliquité dans un dessin, il exprimoit à vo-
lonté une tête humaine ou une tête de quadrupède
ou d\'oiseau.
Ailleurs, après avoir expliqué pourquoi la ré-
gion frontale des enfans est plus grande que le
reste de la face, où les cavités des sinus n\'existent
point encore, il montre comment dans les femmes
la hauteur de la coëffure se confondant avec celle
du front, semble rétablir quelques-unes des pro-
portions de ce bel âge dont chacun aime à prolon-
ger le souvenir.
C\'est une entreprise d\'une grande utilité que de
choisir parmi les observations anatomiques celles
qui peuvent jeter le plus de jour sur la connois-
sance des maladies et d\'en faire une juste appli-
cation à Fart de guérir. M. Camper a exécuté ce
plan dans un grand et bel ouvrage pour ce qui con-
cerne le bras et le bassin. Les parties y sont dé-
ƒ
-ocr page 86-dites dans l\'ordre on elles se présentent de l\'ex-
térieur à l\'intérieur. Des planclies que l\'auteur a
dessinées lui-même rendent l\'intelligence du texte
plus facile : on y remarque sur-tout la description
vraiment originale des nerfs du bras, celle de l\'ar-
ticulation du bras avec l\'omoplate, celle des liga-
mens des vertèbres et des artères du bassin. On y
trouve deux remarques importantes, la première
sur la courbure de l\'urètre plus considérable dans
les enfans que dans les adultes; circonstance qui
exige que les sondes soient courbées dans la même
proportion. La seconde sur la position de l\'artère
sou-cîavière entre la clavicule et l\'apophyse cora-
coïde , où, lorsqu\'on a pris soin de porter l\'omo-
plate en arrière, on peut avec le doigt tellement
comprimer l\'artère que ses pulsations cessent aus-
sitôt dans toute l\'extrémité. La chirurgie a profité
de ces deux observations, et le nom de M. Cam-
per est déjà compté parmi ceux des grands hom-
mes qui ont eu part à ses progrès.
Pour achever des travaux d\'une aussi grande
étendue, il y a peu d\'auteurs qui n\'aient besoin
d\'y être excités par leurs contemporains, aux yeux
desquels c\'est souvent peu de chose que des re-
cherches dont s\'étonnera la postérité. M. Camper,
impatient de jouir de l\'espèce de gloire que lui
promettoient ses talens et ses veilles, se laissa dis-
traire par quelques soins étrangers. Il concourut
aux prix proposés par les académies; de tous côtés
les lauriers se réunirent sur sa tête, et au milieu
de ces succès il onblia de finir l\'important ouvrage
qu\'il n\'a fait que commencer.
Voici quels furent ses dédommagemens et les
nôtres. Il mérita par un mémoire sur l\'éducation
physique des enfans , le prix de l\'Académie de
Harlem, qui reçut en même tems deux disserta-
tions, l\'une sur l\'organe de l\'ouïe de la baleine ,
l\'autre sur les causes des hernies des enfans nou-
veaux-nés. Par des recherches sur les remèdes spé-
cifiques, il obtint le prix de l\'Académie des scien-
ces de Dijon; par des observations sur l\'inocula-
tion de la petite vérole, il remporta celui de l\'A-
cadémie de Toulouse; et par un traité des mala-
dies chroniques delà poitrine, celui de l\'Acadé-
mie de Lyon ; l\'Académie royale de chirurgie lui
décerna trois de ses prix d\'hygiène sur l\'influence
que peuvent avoir l\'air, le sommeil, la veille et les
différentes excrétions considérées dans le traite-
ment des maladies chirurgicales. Il contribua par
un autre mémoire à bannir les emplâtres de la cure
des ulcères, dans laquelle il a recommandé l\'usage
des remèdes préparés avec des végétaux astringens.
11 a publié dans les recueils de la même académie
deux autres mémoires, l\'un sur le forceps de Smel-
lie et sur le levier de Roonhuysen; l\'autre sur la
manière de contenir les hernies par le moyen d\'un
bandage, dont il a proposé de prolonger le fer jus-
qu\'au-delà de la hanche du côté sain, en donnant
à ces instrumens la forme d\'un cercle presqu\'en-
tier. La Société d\'Edinbourg a publié un mémoire
dont il est auteur, sur la formation du calus à la
suite des fractures: enfin, il a réuni ses observa-
tionsôur les diverses sortes d\'épancheniens séreux;
il a indiqué une méthode nouvelle de pénétrer dans
l\'intérieur des articulations, soit du genou, soit de
la cavité cotyloïde, lorsqu\'elles sont remplies de
sérosité; et ce recueil lui a mérité l\'un des prix que
la Société royale de médecine a proposés sur la na-
ture et le traitement de l\'hydropisie.
En même tems il enrichissoit les ouvrages de
MM. de Buflfon, Pallas et Monro de ses décou-
vertes en histoire naturelle et en anatomie ; et il
écrivoit sur tous les sujets de médecine et de chi-
rurgie dont le public étoit le plus occupé. Lorsque
feu M. Sigault, l\'un de nos plus estimables confrè-
res, fit, pour la première fois, sur une femme l\'o-
pération de la section du pubis, M. Camper réus-
sit en soumettant aux mêmes essais les femelles de
quadrupèdes, dans lesquelles, à la vérité, la pro-
portion des diamètres n\'est pas la même que dans
la femme, puisque le diamètre transversal sur le-
quel cette opération a le plus d\'influence est le plus
petit dans les femelles des quadrupèdes; tandis que
dans la femme il est le plus grand.
L\'opération de la taille en deux tems a été le
sujet de ses recherches et il en a reconlmandé l\'u-
sage. Lorsque l\'établissement des écoles vétéri-
naires en France fixa l\'attention des savans, il pu-
blia des observations sur l\'ozène des chevaux et
sur l\'origine des douves qui habitent dans le foie
des moutons. Lorsque les sociétés furent mises en
vigueur, il en établit une à Groningue, et il fit
connoître le résultat de ses expériences sur la cul-
ture des prairies. Avec celte grande activité le nom
de M. Camper fut répété de toutes paris; sur quel-
que sujet qu\'on écrivit, on avoit toujours ses opi-
nions à discuter. Tous les corps savans se l\'asso-
cièrent. Il a été en Hollande le premier, après
Boerhave, dont l\'Académie royale des sciences ait
inscrit le nom sur la liste si peu nombreuse et si
honorable de ses associés étrangers. Cette couronne
nait le comble à ses vœux et ne lui laissa dans la
carrière des lettres aucun autre souhait à former.
Parmi plusieurs dissertations de M. Camper dont
l\'abondance des matières ne me permet pas de
parler dans cet éloge, il en est deux que je ne
puis me déterminer à laisser dans l\'oubli.
Dans la première, l\'auteur recherche pourquoi
l\'homme est sujet à un plus grand nombre de ma-
ladies que les animaux. Lorsqu\'on a vécu parmi
les hommes, peut-on le demander? Les animaux
sont restés fidèles à la nature; les hommes , au
contraire, ont méconnu ses loix. Ils ont confondu
les jours, les âges, les saisons et les climats. Dans
ce déplacement tout est contrainte ; 4ans ce désor-
dre tout est excès : par-roj|,t on voit le travail sans
repos ou le repos sans ti^il ; la faim se refuse à
Fopulence et poursuit la misère; de tous côtés le
plaisir touche à la douleur; l\'erreur s\'attache à la
vérité, et le vice est le tourment de la vertu. De ces
longs ennuis naissent des maux sans nombre et le
plus souvent sans remède; l\'imagination qui les
produit, qui les mêle avec art, qui les pallie, ne
les guérit jamais; et sous des noms divers que la
médecine invente, ce sont les regrets, les remords,
les excès, c\'est le malheur enfin qui moissonnent
la plus belle partie de la triste humanité.
Qu \'opposera tant d\'abus? Répondons avec M.
Camper , la raison privée dans les conseils parti-
.culiers; la raison publique dans les loix d\'un gou-
vernement sage et paternel qui dispense avec équité
le travail, Je pouvoir et la fortune, aux yeux du-
quel tout citoyen ait des droits sacrés; tel enfin que
celui qu\'on espère, et dont le peuple françois est
impatient de jouir.
Le second mémoire dont il me reste à parler,
semble au premier coup d\'oeil n\'être qu\'un badi-
nage. On disoit à M. Camper dans une société com-
posée de ses anciens élèves, que les sujets propres
à être traités dans des dissertations de médecine
de p. camper. Ixxxvij
étoient maintenant épuisés. M. Camper préîendoit,
au contraire, que ce fonds étoit encore très-riche,
et que d\'ailleurs le sujet le moins important, le
plus ingrat même en apparence, fut-ce, ajouta-
t-il, la forme d\'un soulier, pouvoit dans des mains
habiles devenir intéressant. On soutint qu\'il lui
seroit impossible de remplir une pareille tâche. Il
accepte le défi, et peu de tems après il publie l\'ou-
vrage sur lequel je demande la permission dem\'ar-
rêter.
Il lui fut facile de se justifier d\'avoir écrit sur
cette matière. Xénoplion , dit-il, l\'un des plus
grands généraux dont la Grèce s\'honore, a trans-
mis à la postérité des réflexions très-judicieuses
sur la manière de conserver les pieds des chevaux.
Un médecin peut donc bien donner quelques-uns
de ses momens à ceux des hommes.
Ce sujet s\'est beaucoup étendu sous la plume de
M. Camper. Il a considéré le pied comme anato-
miste, comme mécanicien et comme dessinateur.
Il a recherché quel étoit le costume des anciens,
et il résulte d\'un examen, moitié sérieux, moitié
plaisant, que depuis les tems les plus reculés jus-
qu\'à nos jours, l\'art delà chaussure est demeuré
sans principes; aussi M. Camper remarque-t-il que
les dilformités et les maladies des orteils sont très-r
anciennement connues, comme on peut s\'en con-
vaincre en lisant Celse, Paul d\'J?.gine et Mcq, qui
ont écrit sur ce sujet de longs et savans chapitres.
Le pied représente un arc osseux, élastique, qui
s\'arrondit dans le repos, qui s\'applatit, s\'alonge
lorsqu\'on est debout, par le poids du corps, et
qui se développe sur-lout par le mouvement. Ces
circonstances , auxquelles on n\'a jamais égard ,
montrent, dit M. Camper, quand et dans quelle
attitude on doit prendre la mesure du pied pour
éviter les nombreux inconvéniens des chaussures
trop étroites.
Il prouve ensuite que toutes les formes des
chaussures sont défectueuses. Les peintres savent
que le tiers antérieur du lozange qu\'offre la plante
du pied est occupé par les orteils, et que la diago-
nale de ce lozange n\'est point placée dans le mi-
lieu , mais plus près du bord interne que de l\'ex-
terne. Dans aucune forme les orteils ont assez d\'es-
pace et dans toutes la diagonale est au milieu du
pied.
De cette vicieuse disposition, il suit que le pied
se courbe dans tous les sens ; le second orteil, qui
dans la nature est plus grand que le premier, com-
me on peut le voir dans le Gladiateur, dans l\'An-
tinoiis, dans l\'Hercule Farnèse et dans les figures
de Vesale, se déforme de si bonne heure et si
constamment que ses vraies dimensions ont été mé-
connues par les plus grands maîtres, tels que Bid-
loo, Cheselden et Albinus, qui en ont publié des
dessins très - incorrects dans leurs ouvrages.
Une conséquence nécessaire des remarques pré-
cédentes , c\'est que chacun des deux pieds doit
avoir une chaussure qui lui soit propre.
Il faut encore que le talon soit porté plus en
avant pour qu\'il réponde au centre de gravité dont
il doit être le soutien.
Tous les autres détails de ce sujet sont exami-
nés avec la même précision. C\'est sur la région qui
répond aux os cunéiformes du tarse que la chaus-
sure doit être assujettie. M. Camper s\'élève avec
force contre l\'usage des grandes boucles, et en gé-
néral contre l\'application de tout corps inflexible
sur un organe composé d\'un grand nombre de piè-
ces mobiles dont on détruit ainsi la souplesse. Les
anciens avoient encore sur nous, à cet égard, une
grande supériorité, et ils ont laissé dans ce genre
des modèles de goût que nous n\'avons point at-
teints.
En parlant de la chaussure si défectueuse des
femmes, M. Camper prouve qu\'il en est résulté,
non une simple difîbrmité, mais une vraie dislo-
cation ; que , dans cet étal, deux des os du tarse ,
le calcaneum e\\ l\'astragal, sont luxés entre eux;
que le pied, ainsi forcé dans sa courbure et brisé
dans un de ses points , ressemble plus qu\'on ne
pense à celui des femmes chinoises dont nos dames,
ont si souvent plaint le sort; et qu\'il est déraisoa-.-.
^C ELOGE
nable enfin de sacrifier à des idées gothiques et bar-
bares, je ne dirai pas seulement les avantages réels
de la sûreté dans la marche, mais encore ceux de
la vitesse et de la légéreté, qui sont les vrais attri-
buts de la jeunesse et sans lesquels la grâce ne peut
avoir ni tout son naturel, ni toute sa liberté.
Cette longue suite de travaux n\'empêcha pas
M. Camper de donner beaucoup de tems et d\'ap-
plication aux affaires publiques. Nommé successi-
vement député de deux baillages, il fut pendant
long-tems membre des Etats de la Frise. En 1783
il fut élu membre de la régence de Worcum; et
en 1786 il fut appelé au conseil d\'Etat. Placé alors
au milieu des factions qui divisoient la Hollande ,
environné des ruines de sa patrie, accusé de n\'a-
voir point fait assez pour son indépendance, com-
me si le philosophe qui cultive , qui aime la na-
ture, pouvoit ne pas chérir aussi la liberté. Ces
distinctions, ces honneurs furent pour lui la source
de mille chagrins; sa santé s\'affoiblit et il mourut
le 7 du mois d\'avril 1789. Son corps a été déposé
à Leide dans le tombeau de ses pères.
Î1 a laissé une riche collection de squelettes, d\'os
fossiles, d\'os malades et de préparations anatomi-
ques de tous les genres.
Ce qui mérite sur-tout d\'être conservé, ce sont
ses manuscrits et les nombreux dessins qu\'il a fait
lui même à la plume , avec un talent dont il y a
peu d\'exemples. La Société royale de médecine à
laquelle M. Camper a communiqué dans un de ses
voyages une partie de ses productions, se joindra
sans doute aux autres compagnies savantes dont il
étoit membre, pour prier ses fils de faire connoî-
tre au plutôt ces restes d\'un grand homme qui ne
vécut point assez pour les lettres, parce qu\'il prit
trop de part aux malheurs de son pays.
ELOGE
xcij
éloge
Pierre CAMPER, membre du conseil d\'E-
tat des Provinces-Unies , et député à l\'assemblée
des Etats de la province de Frise; docteur en phi-
losophie et en médecine, et professeur honoraire
d\'anatomie et de chirurgie dans le collège d\'Ams-
terdam; membre de la Société royale de Londres;
des Académies de Pétersbourg, de Berlin, de celle
des Curieux de la nature, de celle d\'Edinbourg,
de Gottingen, de Manchester, de Harlem, de Rot-
terdam, de Vlissingen; associé étranger de la So-
ciété de médecine ; de l\'Académie de chirurgie et
de l\'Académie royale des sciences, naquit à Leide
le 11 mai 1722, de Florent Camper, ministre du
Saint-Evangile, et de Catherine Ketting.
Son père avoit pour amis les hommes illustres
dont s\'honoroil sa patrie; et c\'est sous les yeux de
Boerhave, de Musschenbroek, de \'s Gravesande ,
du chevalier Moor, que Camper passa ses premiè-
res années. Ces souvenirs de Tenfance ne s\'effacent
point. Ce mélange de la simplicité des moéurs et
d\'une grande renommée, cette union de l\'enthou-
siasme et d\'une raison supérieure, cet éloignement
des idées communes, cet oubli des petits intérêts,
cette habitude de vivre, non pour soi-même, mais
pour la vérité , pour la gloire , pour le bien des
hommes; ce spectacle que présente la société des
hommes célèbres, éloigne d\'un enfant les petites-
ses des familles ordinaires, donne à ses premières
idées plus d\'étendue et d\'élévation, à ses premiè-
res habitudes plus de désintéressement et de no-
blesse. C\'est vers de grands modèles que son pen-
chant pour l\'imitation le porte naturellement,
avant même de pouvoir les apprécier ; et le pre-
mier projet de son ambition naissante est de mar-
cher sur leurs traces.
L\'étude du dessin et des mathématiques prépa-
rèrent Camper à celle de l\'anatomie et de IêTmé-
decine, où il eut pour maîtres Albinus et Gau-
bius. Le dessin, trop négligé dans l\'éducation or-
dinaire , ou dirigé vers un but frivole , deVroit
faire partie de celle de tous les jeunes gens qu\'on
destine aux sciences physiques. C\'est le seulmoye»
de conserver pour soi-même nne idée exacte de ce
qu\'on a observé, et de le montrer aux autres pré-
cisément comme on Fa vu. Rarement les yeux d\'un
artiste apperçoivent les mêmes choses que ceux de
l\'observateur éclairé par l\'étude et par l\'expé-
rience. L\'habitude de dessiner les objets, accou-
tume en niême tems à les mieux voir, à conserver
dans la mémoire leurs formes avec plus d\'exacti-
tude. L\'indépendance d\'un talent étranger seroit
seul un grand avantage; elle épargne le tems, la
dépense; elle empêche de laisser quelquefois échap-
per des occasions précieuses, qui ne se retrouvent
plus.
L\'étude des mathématiques ne fut pas moins
utile à Camper. Ceux à qui elles sont absolument
étrangères, ou qui ont oublié ce qu\'ils en ont ap-
pris dans leur jeunesse, faute de s\'être rendu pro-
pres, par iir» usage répété, les connoissances qu\'ils
ont acquises, sont souvent arrêtés au milieu des
occupations qui paroissent les plus étrangères à
ces sciences, par l\'impossibilité de faire un calcul
très-simple, de résoudre un problême élémentaire.
Plus Camper avoit trouvé à Leide d\'instructions
solides eî profondes, plus il sentit l\'utilité des con-
noissances qu\'il pouvoit acquérir dans les pays de
l\'Europe où les sciences médicales sont cultiv^ées
avec le plus de succès. La piété filiale ne lui per-
mit de quitter son pays qu\'à l\'âge de vingt-six ans,
et ses voyages n\'en ont été que plus utiles.
Une instruction méthodique et sédentaire est la
seule Cjui convienne à des esprits que l\'étude et une
première expérience de leurs forces n\'ont point en-
core formés. Toute éducation qui, comme celle
des voyages, présente autant de préjugés à éviter
que de vérités à retenir ; qui offre sans ordre les
faits de toutes les sciences, les principes de toutes
les écoles, les opinions de tous les hommes célèbres,
glisse nécessairement sur un esprit trop jeune ,
corrompt un esprit vain et léger , au lieu de le
perfectionner et de l\'agrandir. Il faut, pour pro-
fiter d\'une telle instruction , être en état de classer
ce qu\'on apprend sans ordre, et de distinguer dans
les vérités mêmes, ce que les préjugés de pays et
de secte y ont mêlé d\'étranger.
C\'est dans ses voyages que Camper apprit à con-
noître quel esprit dirigeoit, dans l\'Europe entière,
l\'étude des sciences physiques; il vit que leurs dif-
férentes branches tendoient à se réunir sous les
loix communes d\'une philosophie qui les embras-
soit toutes, et que, pour celle qu\'il professoit, c\'é-
toit dans l\'anatomie comparée, dans l\'étude des
rapports qui peuvent éclairer sur les loix de l\'or-
ganisation générale des êtres, dans l\'art de s\'éle-
ver de l\'observation à des résultats philosophiques,
qu\'il falloit chercher la seule roule qui put le con-
duire à une gloire brillante.
Dans un discours sur la comparaison des ani-
maux et des végétaux, il prouve que l\'absence
des nerfs dans les végétaux , ou plutôt l\'absence
d\'un système de nerfs, continu et aboutissant à un
centre commun , constitue la différence essentielle
des deux règnes. Si quelques parities des plantes
donnent des signes non équivoques d\'irritabilité;
si, parce que dans les animaux les parties irrita-
bles , quoique distinctes des nerfs, en renferment
dans leur substance, on doit étendre cette analo-
gie aux plantes mêmes, on ne peut au moins y re-
connoitre que des points nerveux isolés entr\'eux.
Ainsi, le caractère spécifique»des animaux paroit
consister dans cette unité de chaque individu,
dans ce moi qui répond à toutes ses parties, qui les
réunit pour n\'en former qu\'un être unique; ca-
ractère qu\'on observe même dans les espèces où
les portions séparées peuvent acquérir une vie in-
dépendante.
En examinant Forganisation des oiseaux. Cam-
per remarqua dans leurs os des cavités qui se trou-
vent proportionnellement plus grandes dans ceux
dont le vol est le plus élevé : il observa qu\'il exis-
toit une communication entre ces cavités et les
poumons; que les canaux qui servent à cette com-
munication , s\'étendoient même sous la peau et
dans la partie vide des plumes. Ainsi, les oiseaux
ont la faculté d\'augmenter ou de diminuer leur
pesanteur spécifique. Dans ceux qui sont élevés
dans l\'état de domesticité, le corps acquiert plus
de volume par rapport à l\'étendue des ailes; les-
canaux qui communiquent des poumons aux ca-
vités des os, diminuent et même s\'oblitèrent par
le défaut d\'usage. Ce mécanisme singulier favorise
le vol des oiseaux en diminuant la quantité de force
nécessaire pour les soutenir; mais sur-tout il pa-
roît propre à les rendre plus maîtres de leurs mou-
vemens.
Camper examina l\'organe de l\'ouïe dans les pois
sons. Les anatomistes en avoient long-tems regar-
dé l\'existence comme douteuse; mais quand l\'ex-
périence eut prouvé que le son se transmettoii dans
l\'eau, quand l\'observation eut fait connoître que
les poissons sont sensibles au bruit, il ne fut plus
question que de reconnoitre le lieu et la forme des
parties sur lesquelles les vibrations de Fair peu-
vent agir.
On sait que dans les oiseaux Forgane de l\'ouïe,
plus smiple que dans l\'homme et dans le quadru-
pèce, semble annoncer cependant une perfection
plus grande ; et la faculté de moduler des airs que
les oiseaux partagent seuls avec Fhomme , con-
firme cette opinion; mais dans les poissons, la
structure de Forgane, quoique plus simple , en
indique, au contraire, l\'imperfection. Elle paroît
plus grande dans les poissons cartilagineux;, qui
ont aussi reçu une moindre portion de cette intel-
ligence dont la nature a fait, entre les diverses
classes d\'animaux, un partage si inégal.
Camper s\'étoit occupé de rassembler, d\'exami-
ner et de comparer aux squelettes des animaux
qui existent aujourd\'hui sur la terre, ces ossemens
fossiles qui, tantôt paroissent appartenir à des es-
pèces qui ne subsistent plus; tantôt, en se rappro-
chant de celles qui existent, semblent annoncer
qu\'elles ont dégénéré de leur force et de leur gran-
deuf primitive. Il étoit porté à regarder l\'existence
de ces os comme un indice du refroidissement\'
du globe, phénomène qui, jusqu\'ici dénué de
preuves, a pu servir de base à des systèmes, mais
ne peut entrer dans les théories vraiment philo-
sophiques , qu\'après que de longues observations
en auront confirmé la réalité. Ne seroit-il pas plus
naturel de supposer que ces grandes espèces, gé-
néralement moins fécondes , dont la subsistance
exige beaucoup de terrain, et qui peuvent diffici-
lement se cacher, après avoir disputé à l\'homme
l\'empire de la terre, n\'ayant pu lui résister ni être
réduites en esclavage, ont fini par en disparoître et
la laisser à celui que la nature a formé pour y ré-
gner? En même tems, d\'autres espèces, reléguées
par la crainte dans des pays moins fertiles, resser-
ïées dans de moindres espaces, n\'auront pu con-
server ni leur grandeur, ni leur force, ni la pu-
relé de leurs fornies primitives. Depuis long-tems
le taureau sauvage ne se trouve plus dans nos fo-
rêts • et quand la tyrannie de la chasse exclusive
aura été détruite dans les pays qui nous environ-
nent, nous verrons également s\'anéantir les espè-
ces des grands animaux sauvages. Nuisibles à l\'a-
griculture , occupant sur la terre une place que les
générations humaines auroient pu remplir, ils
cesseront d\'exister quand les loix cesseront de les
protéger contre les hommes.
Croit-on que si les Européens civilisoient l\'A-»
frique au lieu delà dépeupler,etluiportoientleurs
lumières au lieu de lui donner leurs vices , elle
continuât de nourrir des lions et des panthères ,
et que les bêtes féroces n\'en disparoîtroient pas
avec la tyrannie ?
Quoique Camper eut formé le plan deplusieui\'s
grands ouvrages, la facilité avec laquelle il cédoit
tantôt à l\'attrait de résoudre les questions propo-
sées par les académies , attrait que de nombreux
succès avoient fortifié, tantôt au désir de traiter
des sujets singuliers ou d\'une application prochai-
ne, l\'a empêché de les terminer; et il ne nous a
])resque laissé que des dispositions isolées, mais
dans lesquelles on trouve une foule de remarques
judicieuses et utiles. C\'est ainsi qu\'il a prouvé que
le singe dont les anciens ont donné des descrip-
tions anatomiques , étoit de l\'espèce de Forang-
outang, puisque cette espèce est la seule où le la-
rynx est accompagné d\'une double poche ^ dont
chaque division y communique par une ouverture
séparée. Il a observé que la courbure de l\'urètre
est plus forte dans les enfans que dans les adultes;
observation dont l\'importance dans la pratique a
été bientôt saisie par les artistes habiles. Ses mé-
moires sur les opérations de la taille, sur celle de
la symphyse, sur l\'inoculation, ont répandu sur
ces objets importans de nouvelles lumières.
- Il forma une société de médecins pour s\'oppo-
ser aux progrès d\'une épizootie contagieuse, qui,
après avoir, dans sa première invasion, dépeuplé
la Hollande des animaux qui sont une partie si
importante de ses richesses, s\'y étoit sourdement
perpétuée, et menaçoit sans cesse de nouveaux ra-
vages. Cette société essaya d\'y opposer l\'inocula-
IxOn ; mais, si les animaux inoculés étoient préser-
vés pour l\'avenir^ cette opération, presque aussi
meurtrière que la maladie naturelle, ne paroissoit
d\'aucun secours; et les effortvS 4e l\'art avoient été
long-tems inutiles, lorsque Camper apprit d\'un
cuhivateur que rinoculation, apphquée sur des
veaux nés de mères guéries de la maladie , étoit
presque sans danger. Le savant anatomiste con-
firma cette observation par des expériences qui
réussirent, et il en tira un moyen de prévenir la
morlaiiîé par des inoculations répétées pendaiit
deux générations. En général, les maladies conta-
gieuses semblent s\'affoiblir en parcourant les gé-
nérations successives ; il semble qu\'il s\'établisse
alors entre les humeurs et le virus particulier de
ces maladies, entre l\'organisation générale et les
elFets de ces poisons, une sorte d\'analogie qui rend
moins terrible le bouleversement qu\'ils produi-
sent dans l\'économie animale. Peut-être n\'est-il
pas absurde d\'espérer que ces fléaux qui, à leur
première apparition^ sembloient menacer d\'une
destruction totale l\'espèce qu\'ils attaquoient, fini-
ront par disparoitre avec le tems. En même tems,
comme jamais aucun ne s\'est spontanément dé-
claré , soit chez les hommes dans des pays libres
et civilisés, parmi les classes qui ne sont pas ex-
posées ni à une vie mal-saine , ni à la misère ,
soit chez les animaux domestiques dans les con-
trées où le cultivateur qui les nourrit est dans l\'ai-
sance, pourquoi ne pas attendre du progrès de
l\'espèce humaine qu\'un tems viendra où l\'on n\'aura
pkis à craindre qu\'il en reparoisse de nouveaux?
Au milieu de ces travaux pour ks sciences,
Camper avoit été souvent appelé à remplir de$
fonctions publiques, et même dans ces tems ora-
geux où la Hollande s\'appercevoit enfin qu\'à peina
il lui restoit l\'apparence de son ancienne Uberté,
Avec quel plaisir uoos aurions compté Cam-
per parmi les généreux défesseurs de l\'indépen-«
dance de sa patrie, et dans cet instant fatal où la
liberté batave, acquise par cinquante ans de com-
bats, tomboit sous une tyrannie étrangère, où le
neveu des Nassau détruisoit d\'une main impru-
dente ce monument glorieux des vertus de ses an-
cêtres, où les citoyens qui ne vouloient fli s\'expo-
ser à la persécution, ni recevoir un pardon humi-
liant , accouroient en foule parmi nous ! Avec quel
empressement n\'aurions-nous pas accueilli le mar-
tyr de la patrie et de l\'égalité dans ce pays, jadis
le seul dont, grâce à nos arts, à nos lumières , à
la douceur de nos moeurs , le despotisme osoit
s\'enorgueiUir; et devenu aujourd\'hui le temple où
la liberté va recevoir le culte le plus pur , parce
qu\'il sera le plus éclairé !
Mais Camper, attaché par l\'habitude, par la re-
eonnoissance, au parti dominant, plaignit ce qu\'iP
regardoit comme les erreurs de ses compatriotes,
et ne seconda point leurs efforts pour la liberté.
Cependant il fut plus éloigné encore de jouir du
triomphe de ses ennemis. L\'homme vertueux,
quelque cause qu\'il embrasse dans les discordes ci-
viles, gémit des injustices où son parti se laisse en-
traîner; il souffre d\'autant plus des maux du parti
contraire , que , ne les partageant point, il peut
craindre d\'être accusé par la voix publique d\'en
avoir été le complice, ou par celle de sa conscience
de n\'avoir pas assez fait pour les prévenir : le spec-
tacle du malheur public le consterne et le déchire
d\'autant plus que ses vues plus pures ont été plus
cruellement trompées.
Tel fut le sort de Camper. Malheureux pendant
les troubles de son pays, il le fut encore davantage
après la révolution qui a paru les terminer. La
douleur abrégea ses jours, et cette mort prématu-
rée, en laissant aux sciences de justes regrets, doit
l\'absoudre aux yeux de ceux dont il ne soutint pas
la cause, mais dont il ne put supporter les mal-
heurs.
ST
Qui sont au bas du portrait de P. Camper , dans
PamphitthéâtEe d\'anatomie d\'Amsterdam.
Mo RTALES alios a se qui liquit ut urnbras
Artihus f ingenio , moribus , unus hie est.
Asp ic^ Posteritas Camperuin maxima, cui nos
Ilactenus haud similem vidimus ipsa vide.
Cecinit Jac. Philipp, de Medenbach-Wakker,
-ocr page 109-d e
ET DE QUELQUES AUTRES ESPECES
-ocr page 110-- ^
Â
Directeur de la Compagnie des Indes Orientales,
et Représentant de S. A. S. Guillaume
Prince d\'Orange et de Nassau, Stadhouder et
Gouverneur héréditaire. Capitaine et Amiral-
général des Provinces-Unies,
EST DÉDIÉE CETTE DISSERTATION
SUR L\'ORANG-OUTANG,
Comme un témoignage éternel de reconnoissance
de ses généreux efforts pour être utile à l\'his-
toire naturelle et à ceux qui la cultivent;
pjr son très-humble serviteur^
-ocr page 112--\'■SÊ^-
/ ■
>m
1
h _
et de quelques autres espèces
DE SINGES.
Toutes nos connoissances, en général, ont une
connexion si intime avec celles des anciens, qu\'il
est, pourainsi dire, impossible aujourd\'hui de trai-
ter quelque matière que ce soit sans avoir recours
aux écrits de la sage Antiquité, et sans se servir de
la nomenclature qu\'elle a employée pour la plu-
part des objets, mais particulièrement pour les
animaux.
Les Grecs, qu\'on doit considérer comme les
principaux propagateurs des arts et des sciences,
ainsi que les Romains, qui ont tout emprunté d\'eux,
pour ainsi dire, habitoient en grande partie les
hords de la Méditerranée ou les pays circonvoi-
sins; et quoiqu\'ils fussent placés à une distance
considérable de la pointe d\'Afrique, et se trouvas-
6 D E o B, A N G - o U T A N G , E T c.
sent plus éloignés encore de la mer du Sud et des
Indes Orientales; ils avoient néanmoins tellement
étendu leur commerce le long du Nil et de la mer
Rouge ; ils étoient parvenus à donner une si grande
perfection à leur marine, que non-seulement ils
longèrent toute la côte d\'Afrique, et cela même,
selon quelques écrivains, jusqu\'au Cap de Bonne-
Espérance ; mais pénétrèrent même, vers l\'Est, jus-
qu\'à l\'île de Ceilan, et bien au-delà encore jusqu\'au
golfe de Bengale. Ceilan, l\'ancienne Taprobane,
étant devenu, dans la suite, le centre du commerce
des contrées méridionales de l\'Inde, rien ne leur
fut plus facile que de se procurer, en même tems
qilè de grandes richesses, les animaux des pays les
plus méridionaux, par conséquent ceux des îles de
Sumatra, de Java, dé Bornéo ;-et tout Ce qui, sur de
plus petits navires, étoit porté par Malacca ét Siam
au Bengale, sur le Gange, ou par la mer des In-
des à Ceilan , pour être transporté ensuite le long
de la mer Rouge, par l\'Abyssinie, en partie par
les caravanes sur des chameaux, et en partie par
le Nil, vers Aléicandrie, qùi étoit alors le grand
entrepôt du commerce de l\'Inde^j\'ou bien, en pre-
nant d\'autres routes, par l\'isthme de Suez. Il n\'en-
tre paâ dans môn plan de m\'éteïidre davantage sur
cette matière , que le lecteur trouvera amplement
discùtée dans la Dissertation du célèbre antiquaire
Schmidt, sur le commerce et la navigation des
bel\'ORANG-OUTANG, ETC. 7
Ptolomées, qui a été couronnée par l\'Académie
royale des Inscriptions de Paris, en 1762 (i).
Mon seul but est de conclure de ce commerce
étendu vers le sud-est de l\'Asie, qu\'il est assez pro-
bable que les anciens Grecs et Romains ont pu ti-
rer, sans beaucoup de peine, de l\'Afrique et même
des îles méridionales de l\'Asie, quelque peu con-
nues que leur fussent d\'ailleurs ces contrées , des
animaux étrangers dont ils ignoroient totalement
les noms, ou qu\'ils se contentoient d\'adopter
quand ils en avoient connoissance, en y don-
nant une tournure et une-finale grecques, pour
s\'en rendre l\'usage plus facile. Saumaise, dans ses
remarques sur Solin, paroît avoir observé avec rai-
son, que les Grecs ne. donnoient pas à quelques sin-
ges le nom de Kî!|3ouf, ouK^Trouç, Cebos on Geipos;
parce que leur robe étoit bigarrée comme un jai-
din; et que ce n\'étoit pas à causé de cette bigar-
rure, comme le prétendent quelques écrivains,
qu\'ils les appeloierft Kjîttoç {jardin)-^ mais d\'après
le mot étbyopien ceh ou cep, eic. (2).
Il paroît néanmoins qu\'ils ont donné aux ani-
maux des épitbètes d\'après leurs principaux cà-
(1)Fred. Sam. de Schmidt, Opuscula ^ quibus res anti^uae
AEgyptiacae explanantur Carolsr. 1765. Dissert. IV, pag. 123,
(2),AElianus, de Nat. anim,, torn. II, lib. XVII, cap, 8 ,
pag. 024.
ractères, telles, par exemple, que celles de Cer-
copithèques, aux singes à quene j de Cynocépale,
à celui à tête de chien ; de Choiropithèque, à ce-
lui qui ressemble à un porc, etc.
Comme les voyageurs qui se rendoient dans ces
contrées éloignées étoient généralement des mar-
chands ou des marins, ils ont fait dans ces lems-là
ce que font encore ceux de nos jours, en décrivant,
d\'après leur imagination déréglée , certains ani-
maux qu\'ils avoientà peine entrevus, comme ayant
une tête d\'hommef ou comme des hommes sans
tête, avec les yeux placés dans la\' poitrine; et plu-
sieurs autres faits plus bisarres encore, ainsi qu\'on
peut le voir chez Hérodote^y chez Strabo\'n , chez
Pline, mais surtout chez Soliû. C\'est de là que nous
sont venus les Satyres, les Pans, les Sphinx, etc.,
dont le célèbre Tyson (i) nous a développé avec
tant de sagacité i\'origine, qu\'il serdit absurde\' de
ma part de vouloir en parler àprès lui.
II. Deux raisons me forcent cependant à faire
ici, en peu de mots, l\'énumération des espèces de
singes dont les anciens nous ont laissé la descrip-
tion : d\'abord, afin de pouvoir déterminer sans dif-
ficulté si les noms que les modernes ont donnés à
(1) A philological essay concerning the Cynocephali , theSa*
tjrs , and Sphinxs , of the ancients. In-l^^. 1699.
DE L\' O R A N G - O U T A N G, E T C. 9
ces animaux conviennent à ceux dont parlent Aris-
tote, Galien et Pline; ensuite pour qu\'il soit plus
facile de débrouiller les dénominations que des
nomenclateurs moins anciens et ceux de nos jours
ont appliquées, souvent si mal-à-propos, à des
animaux totalement différens de ceux dont les an-
ciens ont voulu parler. Il seroit à désirer seulement
qu\'on pût parvenir par-là à expliquer mieux les
admirables écrits de Galien sur l\'anatomie..
La dissection que j\'ai faite d\'un grand nombre
de singes, dans l\'intention de parvenir à mieux
comprendre ce grand homme, et la comparaison
que j\'ai faite de sa description avec les singes que
nous-connaissons, m\'ont conduit à penser qu\'il a
disséqué ceux des Indes et même le véritable Orang-
Outang de Bornéo en entier ou en partie; ou, si
l\'on ne veut pas admettre cette conjecture, qu\'il a
du moins eu sous les yeux certaines espèces de sin-
ges, soit de l\'Asie, soit de l\'Afrique, qui ne nous
sont pas encore connues. Tous les jours, comme
on le sait, la pointe d\'Afrique noxis fournit des
animaux dont les anciens n\'avoient pas la moin-
dre connoissance, et que les naturalistes d\'aujour-
d\'hui ne connoissent même que depuis fort peu
de tems.
Mais revenons à notre objet : on sait qu\'Aris-
îote (i) cite le Pithèque (le Tlth^ç, le Siniia , 1®
(0 Hist, aiiirn,, ed> du Val., lib. 11, cap. 8, pag. 78I.
-ocr page 118-lO DBL\'OKANG-OUTANG, ETC.
Magot (i), ou , comme nous l\'appelons , le Singe
d\'Egypte\', le Cebus (le Kn(3o?), qu\'immédiatement
après il dit avoir une queue ; et le Cynocéphale (le
Kui/oKE^aiAoç, le Caniceps) à tête de chien, tels que
sont nos Babouins, c\'est-à-dire, les Singes à museau
alongé , et avec un nez pareil à celui des chiens ,
ou ne formant, en quelque sorte, qu\'un seul plan
avec la lèvre, le Papion de Buffon (2) dont les figu-
res, qui ont été faites d\'après la vie, sont, en gé-
néral, assez bonnes.
Aristote, dans sa description du Caméléon, com-
pare la tête de cet animal avec celle du Choiropi-
thèque (3) , le Simiaporcina ou Suilla , le Singe-
porc , dont Saumaise a mis l\'existence en doute ,
du moins sous ce nom j car il dit formellement (4)
qu\'il n\'a jamais trouvé dans les écrivains la moin-\'
dre chose qui y eut rapport. Hardouin (5) paroît
également n\'en être pas certain, et pense quUl faut
lire Cercopithèque. Je m\'imaginai d\'abord que je
pourrois puiser de grandes lumières sur les ani-
maux d\'Ethiopie, dans la célèbre mosaïque de Pa-
lestrine, publiée d\'abord par Kircher, ensuite par
(1) Buffon, toin. XIV, pl. 7.
(2) Ihid. , pl.. i3.
(3J Hist. anim., lib. II, cap, 11, pag. 786, B—.Ç.
{/|) Exercit. Plin- in Solinum, pag. 613.
(5) Not. et Emend, in Plin., pag, 492.
P E L\' O R A N G - O U T A N G , ETC. 11
Montfaucon (i), d\'après la grande planche qui en
a été faite en 1721, et que le savant abbé Bar-
thélémy a expliquée depuis (2); mais j\'ai trouvé
chez ces auteurs des contradictions étonnantes. Le
premier, par exemple, nomme le même animal
Choiropoteime , et le dernier l\'appelle Choiropi-
thèque. L\'abbé Barthélémy a donné séparément
le nom des animaux, dans la planche XXX, page
558 ibid. ; et il me paroît certain que son opinion
doit être préférée à celle de Montfaucon, d\'autant
plus qu\'il s\'est rendu sur le lieu même (3), pour
examiner avec soin ce fameux monument. On ne
trouve rien chez Montfaucon qui fasse penser au
tapir, et il y a peu de chose à dire au sujet du
Singe-porc. Quoiqu\'il en soit, la remarque de Sau-
maise est bonne, quand il dit que Pline ne parle
que du caméléon (4), comme ayant un groin de
porc ; et qu\'à l\'exception de cette seule citation
d\'Aristote, il n\'est nulle part fait mention du Singe-
porc , si ce n\'est dans la mosaïque de Palestrine ,
ainsi que je viens de le dire.
(1) Supplément au, livre de l\'Ant. expl. , torn. I V, liv. VII,
chap. 5. pag. i5g.
Mémoires de T académie des inscriptions, torn. XXX,
pag. 5o3 et sur-tout pag- 533.
(3) Ibld. , torn. XXVIII, pag. Sgi.
(4)riin. ed.Hard., tom. I, lib.VllI, pag-459- Rostrum ti
in parvo, hand absimile Suillo.
Edwards (i) a représenté un singe de Sumatra
avec une queue de cochon : c\'est le Maimon de
BulFon (2), que Linnaeus appelle Nemestrina (5)y
c\'est peut-être celui que les anciens nommoient
Porcina.
Mais revenons à Aristote:il paroît qu\'il n\'a con-
nu que trois espèces de singes; celui d\'Egypte, le
Cephus ou Cebus, et le Singea queue, qu\'Hesy-
chius appelle x\'mroq Çwou o/ao<oi/ ttiÔîikw, un animal
qui ressemble à un singe. Il donne aussi aux sin-
ges le nôm de ix.piij.oi, animaux sans nez. Strabon
nous avoit déjà appris que le Pithèque étoit appelé
ainsi par les anciens Etrusques (4) ; mais on pour-
roit de même donner le nom à^enares, c\'est-à-
dire, sans nez, tant au Cebus, qu\'au Cercopithè-
que et au Pithèque. Ce que Strabon (5) dit ensuite
des singes à queue de l\'Inde d\'une très-grande
taille , est certainement exagéré.
Dans la mosaïque de Palestrine, le x-miviv a non-
seulement une queue (6), mais aussi une espèce de
crinière semblable à celle du lion; caractère que
(OTotn, V, pag. 8, pî. 214.
(2) Buffon, tom. XIV, pag. i85.
(3) Syst. nat., sp. 4i pag. 35.
(4) Geogr., lib, XIII, pag, 939,
(5) Ibîd., îib. XV.
(6) L\'abbé Barthélémy, Mém. deVacad. des inscr., i. xxx,
pag. 535.
P E 1/ O R A N G - O U T A N G , ETC,
Strabon (1) a cité d\'après Arténiidore,comme une
chose extraordinaire : cc Ce pays produit aussi des
« Sphinx, des Babouins, des Cephus, qui ont la face
« d\'un lion ; le reste du corps ressemble à celui du
« panthère , et ils ont la grandeur du daim (2). »
Quant à la taille de cet animal, elle est probable-
men t exagérée ici; du moins doit-on supposer qu\'elle
ne surpasse pas celle des daims des Indes , parmi
lesquels on en trouve souvent de fort petits. Dans
le grec il est dit de la grandeur du dorcas ((?6p>c«ç),
lequel n\'est pas un daim {dama)^ mais, comme
le prétend Bochard (5), une chèvre dont les pu--
pilles sont rondes et qui, par conséquent, a la vue
perçante, ainsi qu\'il le prouve par un passage d\'Al^
cannus, auteur arabe. Linnaeus (4) donne, à la vé-
rité , le nom de dorcas k la gazelle , mais j\'ignoré
sur quel fondement il appuie cette dénomination.
Buffon (5) croit que le dorcas d\'Aristote est notre
chevreuil, et s\'accorde en cela ai^ec Linnseus qu\'il
cite ainsi que Hasselquist, 11 est singulier en at-
tendant, que chez tous les pupilles soient représen-
(1) Geojr., lib. XVI, pag. liai. A~R.
(2) Gignumur eliam ibi—-Sphinges , et Cynàcephdli, èï Cèpi
tjui faciem Iconis , corpus relicjmim panlherae, magnitudinem
durnae habent.
(3) Hierozoic.^ liv. Ill, châp. sS, pag. 924-
(4) naf., pag, 96.
(5)Torn, XII, pag. 220.
-ocr page 122-î4 DE t\'ORANG-OUTANG, ETC*
tées rondes ; ce qu\'il faut attribuer peut-être à ce
que les dessins ont été faits d\'après des animaux
empaillés j car elles sont placées transversalement
dans l\'animal, du moins les ai-je trouvées de cette
manière dans une gazelle nouvellement née que
j\'ai disséquée le 28 juin 1769.
Le Cephus est probablement le Lowando de
BulFon (1), ou plutôt le Sylène de Linnseus (2), le
singe à queue et à longue barbe noire, qu\'il dit ha-
biter l\'Egypte et avoir la taille des Babouins. Cepen-
dant Linnaeus donne proprement le nom de Ce-
phus (3) à un singe à queue et à barbe, avec le
dessus de la tête jaune , les pieds noirs, et le
bout de la queue jaune. Mais il m\'est impossible
de concevoir pourquoi il applique ce nom plutôt à
cette espèce qu\'à d\'autres. Ce qu\'il y a de certain,
c\'est que Linnseus, en donnant le nom de Sylva-
nus au Pithèque des anciens, et à celui-ci le nom
de Cephus, Si répandu de la confusion, sur cette
matière; ce qu\'il auroit évité s\'il n\'avoit pas voulu
joindi\'e à ses synonimies les noms que lés anciens
ont donnés aux animaux. Mais pour remplir le
but que je me propose, il est nécessaire que je fasse
connoître les espèces de ces animaux que Galien a
citées,
{i)Tom. XII, pî-
(2) Syst. nat., sp. lo, pag, 56.
-ocr page 123-D E l\' o R A N G - o u T A N G, E ï c. l5
g. IIL Galien (i), en parlant de Fanatomie des
singes, et autres animaux, nomme premièrement
le Pithèque, c\'est-à-dire, le singe à petit coc-
cix(2); secondement un singe ou Pithèque qui
approche le plus du Cynocéphale, avec un grand
coccix; de sorte que quelques-uns ressemblent à
ce dernier par leur queue (3). Tous ont aussi le
pouce plus petit, sont plus chargés de poils , et
ont Fair plus farouche ; leurs dents canines sont
plus grandes et leurs mâchoires plus alongées. En-
suite, il conseille de passer, faute de Fithèques ou
singes sans queue, au Cynocéphale, au Satyre ou
au Lynx (4): « En général, dit-il, aux animaux
« dont les extrémités se divisent en cinq doigts :
« tous ceux de cette espèce ont des clavicules,
« et pas de sternum pointu 5 et lorsqu\'ils courent
« sur deux pieds ils chancellent comme les per-
« sonnes boiteuses. »
Il paroît donc évident qu\'il donne des clavicules
au Lynx, et qu\'en le rapprochant à un tel point
des Satyres, il l\'a regardé comme un singe à queue.
Quelq ne douteux que cela puisse paroitre, puisque
par Lynx on entend généralement le lucJis , qui
(1) De Anac. exercit., tom. IV, lib. VI, cap. i , pag. 128. Ed.
Chart,
(a), pag. 129. A.
(5) Ibid., a—b.
(4) D.
î6 r> E O R A N G-O u T A N G, E T C.
est une espèce de chat, suivant Linnœus, sp. 7 ,
pag- 62 ; et qu\'on regarde par conséquent le Lynx
comme un animal qui n\'a point de clavicules, avec
les mammelles placées au bas-ventre, il est cepen-
dant probable, d\'après Pline (1), que les anciens
ont donné aussi ce nom à Certaines espèces de sin-
ges. «L\'Ethiopie produit beaucoup de Lynx, ainsi
« que des Sphinx à poil jaune et à mammelles pec-
« torales (2). » Quoique les mammelles placées à
la poitrine ne laissent aucun doute, il reste néan-
moins ici une certaine obscurité que je n\'ai trouvé
éclaircie nulle part ; que Bochart même (3) passe
sous silence, en regardant, sans s\'arrêter à ce que
disent Galien et Pline, le Lynx comme un chat-
tigre, ainsi que l\'a fait Julien.
Quant au Satyre , il paroît évident que c\'étoit
tin singe à queue ; cependant Linneeus (4) a don-
né , mal-à-propos , ce nom au Pithèque , qui est
un singe sans queue. Pline paroît avoir fort bien
connu cette espèce, puisqu\'il lui donne des aba-
joues. « Les Sphinx et les Satyres cachent leurs
« aiimens dans des abajoues (5). » Aussi place-t-il
(1) Bist. nat. , lib, Vm, cap, 9.1, pag. ;|48.
{2) Lyncas viilgo Jrequentes et Spliingas Jttsco pilo , œamiiiia
in peciore geminis A Ethiopia general.
(3) Tom. I, pag. 796.
(4) Sjst, nat.,. sp. 1 , pag. 54-
(5) Conditin thesauroi maxillaruin cibum Sphingiornin et Sa-
tyromm genus. Hist, nat,, lib. X, pag. 582.
DE L\'ORANG-outang, ETC." I7
les Satyres après les Cynocéphales et leé Sphinx. Il
dit qu\'ils diffèrent des singes par la queue, et qu\'ils
sont plus méchans que les Cynocéphales et les Sa-
tyres. Pline y joint, en quatrième lieu , le Calli-
tnche, qui, comme il le dit, diffère totalement de
figure, ayant une barbe au menton et une longue
queue. Il ajoute que cet animal ne peut vivre qu\'en
Ethiopie où il se propage. Buffon (i) a donné la
description du Callitriche, et a représenté ce joli
singe dansla planche XXXVII, sans s\'être rappelé
le portrait exact que Pline nous en a laissé. Ce Cal-
litriche est certainement le même animal que Pros-
per Alpin a décrit ; d\'où vient donc que Linnaeus
lui a donné le nom de Silène?
Il me reste encore quelque chose à dire des
Sphinx: l\'abbé Barthélémy (2) décrh celui du mo-
nument de Pales trine comme ressemblant au chat-
tigre. Ils ont une queue 5 c\'est donc avec raison
que Pline les a joints aux Satyres; d\'autant plus
que les uns et les autres ont des abajoues. Ce sont
par conséquent des singes; aussi ne connois-je
point d\'autres animaux que les singes qui aient des
abajoues, si ce n\'est le hamster, lequel en diffère
cependant trop pour pouvoir leur être comparé.
I^ans la planche de Montfaucon, un des Sphinx
^im. de l\'acad. des inscr, , torn. XXX, pa§. 555,
I.
j8 •!> E l\' o B. A N G - o U ï A N G, ETC.
a visiblement une longue queue; cependant Lin-
naeus ne fait aucune mention de ce Sphinx; car
celui qu\'il appelle Sphinx nat,, 5p. 6), a la
queue courte; ce qui est contraire à tout ce que les
anciens en ont dit. Buffon ne hasarde de même
aucune conjecture sur cet animal; tandis qu\'il se-
roit très-important néanmoins qu\'on cherchât non-
seulement à connoître tous les animaux dont il est
parlé chez les anciens, mais aussi à leur conserver
leur ancienne et véritable dénomination.
IV. Il paroît donc clairement, par Aristote,
Galien et Pline , que les anciens ont réellement
connu :
Premièrement, le Pithèque, le singe d\'Egypte,
c\'est-à-dire, le singe sans queue.
Secondement, le Pithèque à fort courte queue,
qui peut-être est le Choiropithèque.
Troisièmement, le singe qui ressemble au chien,
également à courte qoeue.
Quatrièmement, le Cynocéphale ou singe à
queue ordinaire, avec de grandes dents canines,
à mâchoires alongées, et de petits pouces, à ce que
nous apprend Galien (1).
Cinquièmement, le Cebus ou singe à longue
queue, au dire d\'Aristote," mais dont les pattes de
<0 De Anau exerc., lib. VI, cap. 1 , pag. 129..
-ocr page 127-D E L\'o îl A N G - o u T A N G, ETC. I9
derrière ressemblent aux pieds de Fhomme, et
celles de devant à ses mains, comme le marque
Pline, qui ajoute qu\'ils avoient été apportés d\'E-
Jbiopie pour les jeux du cirque (i) ; mais il observe
que depuis ce tems-là on n\'avoit plus vu cet ani-
mal à Rome (2). Je pense que cela a principalement
rapport aux pouces, qui auront été plus gros et
plus longs chez ce singe que chez d\'autres espèces.
«Les pouces, dit Galien (o), ont chez les singes
« quelque chose de risible, à cause de leur peti-
(c tesse. ))
Sixièmement, le Lynx qui nous est encore in-
connu.
Septièmement et huitièmement, le Satyre et le
Sphinx qui l\'un et l\'autre ont une queue et des aba-
joues.
Neuvièmement, le Callitriche ou singe d\'Egypte
avec une queue et une barbe.
Nous verrons par la suite que les anciens n\'ont
absolument pas connu le singe sans queue de Ty-
son ; mais que Galien a probablement vu l\'Orang-
Outang de Bornéo; ou plutôt, que pour examiner
Porgane de la voix il a disséqué quelque singe d\'A-
frique dont l\'espèce nous est encore inconnue (4).
(O Hisc. nat., tom. I, pag. 448*
(2) Hoc animal postea Roma non iiicliti
(3) De usit partium, lib. I, cap, 23.
(4) Ibid,, pag. 5io , c.
-ocr page 128-20 D E L\' O R A N G - O U T A N G , ETC.
Enfin, que les anciens n\'ont pas connu le Gib-
bon , espèce d\'Orang qu\'on trouve aux îles Mo-
luques , que les Hollandois y appellent W^ou-
■wou (1), et qui diffère à plusieurs égards de l\'O-
rang-Outang, principalement par les abajoues et
par les ongles des grands orteils. Que le Mandrill
leur a été également ipconnu ; sans quoi ce singe
auroit certainement fixé leur attention par la di-
versité des couleurs de son visage et de son ventre.
Toutes ces espèces appartiennent à l\'ancien con-
tinent.
Il est impossible que les Grecs aient pu connoître
1 Je dois me rétracter ici sur ce que j\'ai pris le squelette
du "Wou-wou pour celui du Gibbon. La re>ssemblance apparente
de la charpente osseuse de ces deux animaux est ce qui m\'a induit
en erreur; d\'autant plus que je n\'avois pas encore lu alors las
Actes de la Société de Batavia , ni par conséquent le mémoire
de M. Van Iperen^ qui s\'y trouve tom. II, pag. 383.
J\'ai vu depuis un \'Wou-wou empaillé dans le. cabinet d\'histoire
naturelle du chevalier A. Levers à Londres, et un autre dans ce-
lui du prince d\'Orange à la Haie ; de sorte qus j\'ai été convaincu
par la différence de leur poil, que cet animal diffère beaucoup du
Gibbon ; mais je ne puis rien dire sur le rapport des parties d\'après
la simple vue de sujets empaillés.»
D\'après la charpente du squelette, je conclus que M, Van
Iperen s\'est grandement trompé relativement aux talons {ihid. ,
pag. 385 ), quand il dit que le Wou-wou n\'a pas ces parties sail-
lantes et qu\'il n\'a que les os de la main. Il y a véritablement un
calcaneum , quoique cet os ne soil pas aussi apparent que chez
d,\'autres animaux.
D E L\'O R A N G - O U T A N G, ETC. 21
les diverses espèces de singes qui nous sont venues,
depuis environ trois siècles , d\'Amérique, et qui
tous ont une queue; car, autant que je le sache,
on n\'a jamais apporté , jusqu\'à présent, de singe
sans queue du nouveau monde. L\'Amérique nous
a fourni également les Sapaj ous, ou singes à
queue prenante, quelques-uns avec quatre doigts
seulement aux extrémités antérieures, et des sin-
ges avec les parties de l\'organe de la voix fort sin-
gulières, mais tous généralement sans abajoues.
Comme plusieurs caractères particuliers sépa-
rent , pour ainsi dire, les uns des autres, les diffé-
rentes espèces et les différens genres de singes, il
ne devoit pas être difficile de former une bonne
nomenclature qui servit en même tems de base so-
lide pour établir à jamais une histoire de ces ani-
maux. Cependant les nomenclateurs, voulant dé-
terminer les genres d\'après un petit nombre de ca-
ractères extérieurs, il estarrivé qu\'ils se sont conti-
nuellement fourvoyés et qu\'ils se contredisent sans
cesse réciproquement, quoique la plupart ne fas-
sent cependant que se copier les uns les autres.
Comme mon but n\'est donc que de classer quel-
ques singes et quelques animaux du genre des sin-
ges, d\'après les observations anatomiques que j\'ai
faites, je ne m\'arrêterai point à répondre à ceux
dont l\'opinion peut différer de la mienne; et je
suivrai le précepte de Platon , que Galien nous a
S3 D E L\' o R A N G - O U T A N G , E T C.
rappelé fort à propos ; « De laisser de côté la no-
fc menclature, pour nous occuper essentiellement
« de la connoissance des objets (i). »
"V. Mais, avant de nous arrêter à cet objet,
il est de la plus grande importance de démontrer
par des preuves incontestables : Que Galien n\'a ja-
mais disséqué dé cadavres humains, mais seu-
lement ceux de singes, et de préférence ceux de
Fespèce sans queue, quand il pouvoit s\'en procu-
rer ; ainsi que de quelques autres espèces qu\'on
connoissoit déjà de son tems; et que, faute de sin-
ges, il se servoit pour ses études anatomiques d\'ours,
de chiens, de chats, etc.
Il est impossible que je puisse bien exposer les
raisons qui m\'ont déterminé à prendre tant de
peine à disséquer des singes et d\'autres quadrupè-
des, si préalablement je ne commence par obvier
à ces difficultés. Far mes observations sur les sin-
ges , on verra avec quelle singulière application et
avec quelle exactitude Galien a tout observé, en
admettant que ses descriptions n\'ont point été fai-
tes d\'après le corps humain, mais seulement d\'a-
près celui de différentes espèces de singes. Nous
il) A nat. adm., lib. VI; cap. i3, pag. 144. Tu autem si
•mihi et Platoni auscultas , nominibns semper neglectis ad rerum
scientiam primum, et praecipue încnmbes.
DE L\' 0 R. A N G - O U T A N G, ETC. 25
devons regretter qu\'en parlant de chaque partie
du corps, il n\'ait point indiqué l\'espèce d\'animal
dont il s\'est servi pour la décrire.
VI. Les partisans de Galien, particulièrement
ceux du seizième siècle, soutiennent avec chaleur
que ce grand anatomiste avoit réellement décrit la
charpente du corps humain , et que ce n\'étoit que
rarement qu\'il s\'étoit servi d\'animaux pour en don-
ner ses explications. Le point de la question , le-
quel a changé considérablement depuis ce tems-
là, consiste à savoir, non si Galien a examiné et
décrit quelques parties du corps humain, et par-
ticulièrement son squelette ; mais si, en compo-
sant à Rome ses admirables ouvrages sur l\'anato-
mie , il ne s\'est servi que de singes et d\'autres ani-
maux, ou s\'il a employé également pour cette
étude des cadavres humains?
Je ne me serois pas arrêté à cette discussion ,
tombée depuis long-tems dans l\'oubli, si Eustache ,
dont les écrhs ne seront pas moins immortels que
ceux de Galien même, ne s\'étoit pas déclaré en
faveur de celui - ci , et n\'avoit pas défendu avec
force tout ce qu\'il a laissé sur l\'anatomie; ce qu\'on
ne sauroit examiner avec fruit et décider avec quel-
que certitude, si préalablement on n\'a pas lu avec
toute l\'attention convenable les ouvrages de Ga-
lien , et comparé ses descriptions avec l\'anatomie
24 bel\'orang-outang, etc.
d\'un grand nombre de singes et d\'autres ani-
maux.
Dès 1754, je me suis occupé à disséquer des
singes pour mieux comprendre les écrits de Ga-
lien, et pour rendre par4à plus utiles à mes audi-
teurs les leçons publiques d\'anatomie que j\'ai don-
nées à Franeker, à Amsterdam et ensuite à Gro-
ningen. Ayant résolu depuis long-tems de publier
cette dissertation, je n\'ai rien négligé pour la ren-
dre aussi utile qu\'il me seroit possible, et de gar-
nir ma collection de squelettes de différens ani-
maux qui m\'étoient nécessaires pour cet objet. J\'ai
disséqué cinq Orangs-Outangs, un Pitlièque, deux
Cynocéphales, et plusieurs singes à queue. J\'ai exa-
miné aussi l\'organe de la voix de ces différentes es-
pèces d\'animaux, lorsqu\'il pouvoit jeter quelque
lumière sur mes recherches ou me fournir, par sa
construction singulière , quelques remarques di-
gnes de l\'attention des amaieurs de l\'histoire na-
turelle, ainsi qu\'on le verra par la suite.
Mais revenons à notre sujet. Ce fut l\'immortel
Eustache, qui, dans son Examen des os (1), prit
sur lui de défendre Galien contre la critique sou-
vent trop sévère de Vesale, à qui néaninoins nous
devons autant de reconnoissance qu\'à ses émula-
teurs.
<0 Exam, ossium, Opusc, anat., pag. i5/j
-ocr page 133-de L\' O .R A N G - O U T A N G , E T C. 25
Eustaclie dit que Galien n\'a généralement dissé-
qué que des animaux, et sur-tout des singes; mais
que\' cependant il s\'est aussi quelquefois servi de
cadavres humains (i); car, ajoute-t-il, sans cela
auroit-il pu rendre raison de certaines particula-
rités qui n\'ont lieu que chez l\'homme?
Mais Eustache auroit sans doute bientôt changé
d\'opinion sur ce dernier point, s\'il avoit eu, com-
me moi, l\'occasion de comparer, avec les pré-
ceptes de Galien, un grand nombre de singes de
dilTérentes espèces.
Cependant voyons d\'abord ce que Galien avance
lui-même à ce sujet. Voici ses propres paroles ti-
rées de rinîroduction de ses Préparations ana-
tomiques, où il dit à ses élèves à Rome : « Qu\'il
« ne suffit pas de consulter les livres, mais qu\'ils
« doivent aussi chercher l\'occasion de voir des os
« humains (a); ce qui cependant, ajoute-t-il, se
^^ fer oit bien plus commodément à Alexandrie y
« parce que les médecins de cette ville font voir
« aussi des os humains à leurs disciples; de sorte
(( qu\'il faudra, quand ce ne seroit que pour cette
(C raison seule, vous arrêter quelque tems à Alexàn-
« drie. Si vous ne pouvez pas jouir de cet avantage,
(1) Exam., etc., pag. i45 et i46. Ali<Juando tamen homines,
pag. \'
(2) Sedetiam Umanorum ossinm speciatores se effisere, "
-ocr page 134-26 DE li\'ORANG-OUTANG, ETC.
« cherchez alors à voir des ossemens humains de la
« manière que je Tai fait. Je les ai souvent exami-
« nés à l\'ouverture des tombeaux : une fois aussi le
« débordement d\'une rivière emporta d\'un tom-
« beau mal fermé un cadavre entier, dont la chair
« étoit totalement décomposée, mais de façon ce-
« pendant que les os tenoient encore ensemble; et
« cela à la distance d\'un stade (cent cinquante pas),
« que je le trouvai sur la rive, comme s\'il y eut été
« porté à dessein, pour servir à mes études. Nous
« avons eu de même l\'occasion de trouver sur le
« chemin, à peu de distance de la ville, le sque-
« lette d\'un brigand, qu\'un voyageur, qu\'il atta-
« quoit, avoit tué sur la place. Personne, à cause
« de cela, ne voulut enterrer ce cadavre, qu\'on
« préféra d\'abandonner aux oiseaux de proie, qui
« en detix jours en enlevèrent la chair, et laissè-
« rent exposé aux regards des curieux le squelette
« desséché, comme s\'il eut été préparé par l\'art.
« Mais si une pareille occasion ne se présente point
« à vous, examinez alors les os d\'un singe, d\'un
« Pithèque, après qu\'on les aura dégarnis de leurs
« chairs (i). »
Il paroît donc clairement que Galien lui-même
n\'avoit point d\'ossemens humains à sa disposition
et ne voyoit même aucun moyen de s\'en procurer
<») Anat. adm, , tom. IV, lib. I, cap, i, pag. ay.
-ocr page 135-D B L\' o R A N G - o u T A N G , ETC.
pour l\'enseignement de son école d\'anatomie, dont,
l\'instruction lui tenoit si fort à cœur; sans cela il
n\'auroit été nullement de son intérêt d\'indiquer
pour cette étude Alexandrie à ses élèves, et on ne
lui auroit pas vu saisir avec tant d\'empressement
les occasions qui s\'oifroient à lui pour apprendre à
connoître le squelette de l\'homme. Mais comme
ce n\'étoit que par accident et fort à la hâte qu\'il
jouissoit de cet avantage, il n\'est pas étonnant que,
ne pouvant pas examiner les petits os, il ait été
obligé de se contenter de voir les grands. Il avoit
donc pu parvenir à connoître les apophyses mamil-
laires et sîyloïdes et quelques autres os, quoiqu\'ils
ne se trouvent pas dans les singes; sans qu\'il soit
besoin d\'admettre la conséquence qu\'eli veut tirer
Eustache ( i }, que c\'est exactement à cause de la
connoissance qu\'il avoit de ces os qu\'on doit croire
qu\'il s\'est servi du squelette humain pour écrire
le livre ori il traite de cette matière.
C VII. Comme mon intention est d\'éclaircir
également Eustache, je suivrai l\'ordre qu\'il a tenu.
Il prétend que c\'est par le squelette de Fhomme
que Galien est parvenu à connoître le nombre de
-ses côtes, puisqu\'il dit clairement qu\'il y en a sept
d\'articulées au sternum, tandis qu\'on en compte
{i)Exam,, etc., pag. 167.
-ocr page 136-28 db L\'orang-outang, etc.
huit chez les singes. Mais on jugera de la validité de
cette assertion, quand on saura quej\'ai trouvé éga-
lement huit côtes au sternum d\'un jeune Nègre
que j\'ai disséqué publiquement à Amsterdam au
mois de novembre 1768, ainsi que je puis le prou-
ver par ce morceau d\'anatomie que je conserve
dans ma collection.
. Nègres que j\'ai disséqués depuis j\'en
• ai trouvé se^t. Au squelette de l\'Orang-Outang, il
y a six vraies côtes, c\'est-à-dire, qui sont at-
tachées au sternum, et six fausses. En supposant
Galien ait eu sous les yeux un Gibbon, ou
Wou-wou, ce que j\'ai prouvé n\'avoir pas été im-
possible, à cause du peu de distance qu\'il y a des
îles Moluq ues à Ceilan, il auroit pu eu compter sept.
Daubenton en a de même compté sept, mais
cmq fausses (1); tandis qu\'au squelette que je pos-
sède il y en a six, par conséquent une de plus. On
trouve quelquefois chez les animaux les mêmes
différences à cet égard que chezl\'homme, sans que
cela paroisse nuire à Jeur existence. Le Gibbon du
cabinet du roi (2) avoit six vertèbres lombaires,
trois dans l\'os sacrum et trois dans le coccix. Au
mien j\'en compte distinctement quatre composant
l\'os sacrum, quoiqu\'il n\'y en ait que trois de sou-
(0 Tom. XIV, pag. 104.
(2) Ibid,, pag. io5.
de L o r a n g - o u t a n g , etc. s 9
déesaux os des îles; de plus quatre au coccix. Si
Fon prend la dernière vertèbre de l\'os sacrum
pour la première du coccix, il y en auroit cinq
dans le coccix, et par conséquent deux de plu®
que chez celai de Daubenton.
Le Magot (i) avoit douze côtes, huit vraies et
quatre fausses ; sept vertèbres lombaires, trois dans
l\'os sacrum , et deux au coccix; nombres qui s\'ac-
cordent avec ceux que j\'y ai trouvés moi-même.
Pour être concis, je mè bornerai à dire que le Pa-
pion (2), notre Cynocéphale, avoithuit côtes vraies
et cinq fausses, avec sept vertèbres lombaires. Mais
dans les deux individus de cette espèce que j\'ai dis-
séqués et dont je conserve les squelettes, le mâle
et la femelle ont bien huit vraies côtes ; cependant
le mâle n\'a que douze côtes, mais sept vertèbres
lombaires; tandis que la femelle a treize côtes et
seulement six vertèbres lombaires.
En 1754, je disséquai un Cercopithèque (je ne
sais trop de quel pays , mais je soupçonne qu\'il
étoit venu d\'Afrique, à cause de ses abajoues) qui
avoit sept vraies côtes et douze en tout, avec sept
vertèbres lombaires.
Ce qui prouve suffisamment que le nombre des
côtes soudées au sternum ne varie pas moins dans
(0 Torn. XIV, pag. 125.
{\'3.) Ibid,, pa§. i5u
5o D E l\' O R A N G - O u T A N G , E T c.
les singes que dans Thomme, amsi qu\'on peut s\'en
coiavaincre par mes observations, et comme je puis
le confirmer par l\'autorité du célèbre anatomiste
Riolan (x), qui dit expressément avoir trouvé sou-
vent sept et même huit vraies côtes dans l\'homme.
§. VIII. La remarque d\'Eustache ne prouve
donc rien de concluant contre Galien, et l\'on ne
peut guère mettre plus d\'importance à ce qu\'il
ajoute ensuite : que Galien n\'auroit pas pu diviser
les hanches en trois parties, s\'il n\'avoitpas disséqué
des cadavres humains; tandis qu\'il est prouvé que
cet os est divisé de la même manière chez tous les
jeunes singes, et même chez tous les jeunes qua-
drupèdes , que chez l\'homme ; comme je puis le
prouver par les squelettes d\'un Orang, d\'un Gib-
bon, d\'un jeune ours, d\'un jeune éléphant et de
plusieurs autres animaux que j\'ai dans ma collec-
tion. Quoiqu\'il en soit, aucun anatomiste qui a
disséqué des singes ne sauroit nier que tout ce que
Galien dit touchant les muscles, les veines et les
nerfs lui a été fourni par l\'anatomie des singes.
L\'on sait d\'ailleurs que les loi\'x du pays qu\'il ha-
bit oit ne lui^permettoient pas de disséquer de ca-
davres humains; qu\'on lesybrûloit, cequirendoit
la chose impossible; ou qu\'on les enterroit, et dans
(i) Comvient. de Ossibtis op. ter., pag. 5oi.
-ocr page 139-de o r a n g - o it t a k g, e ï r,
ce cas c\'eût été un sacrilège, puisque c\'étoit même
déjà un crime que d\'oser y toucher seulement; et
c\'eût été certainement une honte que d\'emporter
ceux qu\'on avoit livrés aux bêtes féroces, dont les
ossemens par conséquent étoient perdus pour l\'a-
natomiste.
§. IX. Mais une observation plus judicieuse
d\'Eustache ( i ) est celle qu\'il fait sur les os sésa-
moïdes situés par derrière au-dessus des condyles
du fémur, dans les têtes des gastrocnémiens, en
disant que Galien n\'en a pas parlé, parce qu\'ils ne
ne se trouvent que fort rarement dans l\'homme.
Ma propre expérience m\'oblige cependant à con-
tredire en ceci Eustache, puisque j\'ai trouvé ces
osselets dans un fort grand nombre de cadavres des
deux sexes, mais seulement dans la tête externe
dugastrocnémien. J\'en conserve plusieurs dans ma
collection. Je suis surpris qu\'Albinus n\'enaitpoint
parlé; tandis qu\'Eustache dit très - expressément
que ce petit osselet n\'est pas rare dans l\'homme,
et qu\'il se trouve constamment dans les singes et
dans les chiens. Eustache n\'est pas le seul qui ait
fait cette observation ; Coiter (2) et Sylvius en ont
{\\)Exam., etc.., pag. i58.
(3) Anat. oisium., pag. 69,
52 DE ORANG-OUTANG, ETC.
fort bien connu, suivant Blasius ( i ), la situation
dans les singes; c\'est-à-dire, qu\'on les trouve dans
les deux têtes des gastrocnémiens des singes, quel-
quefois dans le tendon du long péroné et du ti-
bial, comme je puis le prouver par plusieurs sque-
lettes de singes, efmemeparun ossésamoïde dans
le tibial d\'un squelette dé femme.
Je n\'en ai pas trouvé chez l\'Orang en «énéral,
* 1 1 o ^ ?
m dans le tronc de celui qu\'on conservoit à la mé-
nagerie du Petit-Loo, près la Haie. Je suis certain
que ces osselets n\'y étoient pas; car sans cela j\'au-
rois dû trouver les cartilages, ainsi que j\'en ai dé-
couvert distinctement dans le tendon du muscle
poplité , que je conserve aussi dans ma collec-
tion. Tyson n\'en dit également rien; cependant on
les trouve toujours dans les singes à queue, dans
le Pithèque ou singe d\'Egypte , dans les chiens ,
les chats, les renards, les porc-épics, eto. ; ils sont
même quelquefois doubles dans ces animaux.
Il résulte de mes observations et de celles de
quelques autres anatomistes, que le silence de Ga-
lien à l\'égard de ces petits os, ne sert nullement à
prouver que ce médecin doit avoir disséqué des
cadavres humains; mais bien qu\'il n\'y en avoit pas
dans les Pithèques qu\'il a disséqués, ni dans les
Orangs; vu que Galien, comme nous le Verrons
( I ) jirmt. anim., pag, i og.
-ocr page 141-I> E l\' o R A N G - o u t a g , e t c. 55
bientôt, ne les a pas apperçus et par conséquent les
a perdus, parce qu\'il avoit la coutume de faire bouil-
lir les os pour les dépouiller de leurs chairs. La
conclusion qu\'Eusîache en tire contre Galien n\'est,
selon moi, pas plus concluante que si l\'on prêt en-
doit que le célébré Daubenton n\'a jamais disséqué
de singes, ni vu aucun squelette de ces animaux,
parce qu\'il ne fait nulle part mention de ces osse-
lets shiguliers et qu\'on ne les trouve pas représen-
tés dans les planches de Buffon ; tandis qu\'il est
certain cependant, comme cela se trouve confirmé
par une infinité de preuves, que personne ne s\'est
plus occupé que lui de cette partie de l\'anatomie.
11 paroît incontestable que Galien n\'a pas pensé
qu\'il fut nécessaire de s\'arrêter à ces petits détails;
car, quoiqu\'il ait décrit avec la plus grande exac-
titude les gastrocnémiens, leur origine et leur po-
sition (i), il ne fait cependant aucune mention des
os sésamoïdes, et dit (a) : « Qu\'il regarde comme
«mutile de parler des osselets du coeur, du la-
(c rynx, du nez, et de ceux qu\'on trouve aux doïgts,
« appelés sésamoïdes. « Cependant on sait qu\'il
n\'y a poipt d\'os dans le coeur de l\'homme, comme
dans celui du bœuf, du cerf, du renne, du mou-
ton, etc.
(i) Adm. anat., lib. II, cap. 7, pag.
(3) De 0«. nat., cap. aS , pag. 24.
i. ^ îj
-ocr page 142-54 DE L\' o r A N G - O U T A N G , ETC.
Les os ethmoïdes sont très-apparens dans le nez
de l\'homme , mais fort petits et à peine visibles
chez les singes ; ce qui sans doute est la cause que
Gahen n\'en a pas parlé dans Sa description des os.
lï les nomme cependant en parlant de l\'usage des
parties V et les compare à un crible , qu\'il consi-
dère comme nne défense du nez(i). C\'est pour
cette rdson que Galieil paroît passer sous silence
les nerfs olfactils , et prendre les nerfs optiques
pour la première paire.
§. X. Eustache (2) dit ensuite que Galien n\'a parlé
nulle part de la voûte osseuse qui sépare le cerveart
du cervelet; et }\'en conviens volontiers, parce que
cette voûte ne se trouve ni dans l\'homme, ni dans
aucune, espèce de singes , mais bien dans les
cliiens, les chats, les lions, les tigres, les ours, les
renards, les chevaux : il est très-fort chez le pho-
que ou chien de mer , même dans quelques physe-
ters ou cachalots, et principalement dans le spring-
D E o R A N G - o u T A N G, ETC. 55
Val(i), chez qui j\'ai trouvé cette voûte fort grande,
ainsi que je puis le prouver par des exemplaires
que j\'en ai dans ma collection; tandis que le inys-
ticetus ou baleine franche n\'en a point du tout.
§. XL Quant à l\'os hyoïde, je remarquerai que
dans cinq Orangs que j\'ai disséqués, je l\'ai trouvé
fort ressemblant à celui de l\'homme, ainsi qu\'on
peut le voir par la planche II, lig. 2, N. O. P., et
même planche , lig. 9, F. D. E. G. Tyson l\'a repré-
senté de même, quoique d\'une manière grossière ,
fig. 10, A. Ainsila remarque d\'Eustache (2), comme
si cette analogie devoit prouver que Galien a dis-
séqué le corps humain, est de peu de poids. J\'ai
démontré d\'ailleurs que Galien a pu recevoir des
singes de cette espèce des îles méridionales de
Finde, ou du moins de l\'Afrique, contrée d\'où
étoit venu l\'Orang de Tyson.
Il est vrai que Galien donne à cet os le nom
d\'hyoïde (5), parce qu\'il est formé comme un up-
silon ou u grec ; mais cette lettre avoit la forme
d\'un Y , comme on peut s\'en convaincre par des
inscriptions grecques, et sur-tout par celles de la
56 D E l\' O R A N G - O u T A N G , ETC.
mosaïque de Palestrine dont l\'abbé Barthélémy (i)
nous a donné une si fidelle copie 5 et auquel cet os
ressemble beaucoup dans le Pithèque et dans le
singe à queue d\'Afrique, à cause du crochet, qui
forme toujours une proéminence dans la partie du
milieu qui en fait la base.
Galien décrit, à la vérité, les deux osselets sé-
samoïdes de l\'hyoïde (2) ; mais il pouvoit les avoir
trouvés dans des singes. Oribasius fournit une forte
preuve en faveur de cette assertion (3), dans son
livre sur les muscles, qu\'il a pris de Galien , en
disant qu\'on a donné également à l\'os hyoïde le
nom de lambdoïde. Le lambda grec est un v ren-
versé, A, forme qu\'ont réellement tous les os hyoï-
des qu\'on trouve chez les singes à queue et même
chez les Pithèques. La différence est considérable,
je l\'avoue, dans l\'Alouate, planche III, figure 2,
A. B. C. D. F., et dans l\'Ouarine; mais comme ces
deux espèces apparliennent à la partie méridionale
de l\'Amérique, il est probable que Galien ne les a
pas connues.
XIL Quant au sternum, je démontrerai que
Galien (4) Fa pris certainement des singes, et nom-
(1) Mém. de Vacad. des inscr. , tom. XXX, pag. 638 , pl. 3.
(3) Adm, anat., pag 475 , A—B.
(3) Ibid., cap. 13 , pag- aSy,
-ocr page 145-D E l\' o R A N G - o u T A N G , ETC. Sj
mément du Pithèque, dont le sternum est com-
posé de sept parties. Il compare l\'ensemble de cet
os à une épée ou poignard, et le nomme ^i^osthçj
quoique d\'autres aient donné ce nom à la partie
inférieure seulement ; d\'où il faut conclure qu\'il
regardoit le sternum comme ayant une forme
oblongue et étroite, dont les sept parties réunies
les unes aux autres, par synarthrose, ne lui lais-
soit qu\'un mouvement obscur et à peine appa-
rent (i) ; ce qui ne pourra jamais être appliqué à
l\'homme.
§. XIII. Le nombre des petits os du carpe nous
fournit une autre preuve. Dans l\'homme le carpe
est toujours composé de huit os; tandis que dans
les singes il y en a généralement neuf ou dix, onze
dans le Pithèque, et douze dans le Mandrill, dont
Galien n\'en a connu que neuf, en y comprenant le
sésamoïde dans le tendon du long abducteur du
pouce, planche lll, ûg.5 a., et fig. 4 S., qu\'on
trouve dans la plupart des singes, ainsi que dans
rOrang et dans les chiens. Mais je m\'étendrai plus
amplement sur ce sujet dans le dixième chapitre
de cette dissertation.
XIV. Une autre observation d\'Eustache qui
-ocr page 146-58 B B l\' o 11 A N G - o u T A N G , ETC.
n\'est pas moins importante , est celle qu\'il fait
touchant l\'atlas où la première vertèbre cervicale
laquelle offre constamment deux trous dans tous
les quadrupèdes. Or, comme Galien (i) n\'en parle
point, il s\'ensuit, selon Eustache, qu\'il doit avoir
disséqué des corps humains. Je nie cependant
la vérité de cette assertion, car la nature varie
infiniment à cet égard. Je possède une vertèbre
cervicale d\'un homme avec deux trous parfahs.
Je pourrois en produire une d\'un singe à queue,
garnie d\'un côté d\'un trou parfait et avec une
échancrure de l\'autre côté, comme cela a souvent
iieu dans l\'homme. Galien pourroit donc avoir
rencontré une pareille vertèbre dans le Pithèque,
ainsi que dans les plus petites espèces de singes à
queue. Mais on en trouvera une preuve convain-
Cjuanîe dans l\'Orang, planche I, fig. 5, dont l\'at-
las est parfaitement semblable à celui de l\'homme.
Cependant Tyson s\'exprime d\'une manière plus
péremptoire encore, en parlant de l\'Orang d\'A-
frique (a): «Les vertèbres cervicales, dit-il, n\'a-
« voient pas ces trous pour le passage des nerfs
« qu\'ont les singes , et qu\'on ne trouve pas dans
« l\'homme, w
(1) De OSS. , cap. i8 , pag. as.
(2) The vertebrae of the neck had not those foramina for tranS"
mining the nerves , vfhich apes have , and man ha^ not, Tyson,
pag- 93 , n°. 55. .
D E L\' O R A N G ~ O u T A N G, ETC. Sg
§. XV. Eustache (i) se trompe de même beau-
coup relativement à Fos sacrum et au coccix, dont
Galien a donné une description si exacte qu\'elle
ne peut absolument être attribuée qu\'aux singes.
Il dit, chapitre XI, des Os (2), que le premier est
composé de trois os ; et au chapitre suivant il dit
que le coccix a également trois os; de manière que
ces deux parties devroient en avoir ensemble six.
Vesale a de même péché par ce nombre six, car il
représente l\'os sacrum avec six vertèbres dans
l\'homme, tandis qu\'il n\'en a constamment que
cinq dans la nature, excepté lorsque, par acci-
dent, la première vertèbre du coccix se trouve
soudée à l\'os sacrum, ainsi que j\'en ai vu plusieurs
exemples, même dans des enfans nouveaux-nés.
Eustache avance la même chose; mais cela ne fait
rien au fond de la question. Il s\'agit ici de savoir
de combien de vertèbres est composé le sacrum des
singes , de quelque espèce qu\'ils soient ? Je n\'en
ai trouvé que trois dans tous ceux que j\'ai exami-
nes avec soin , même dans l\'Orang, comme on
peut le voir dans la planche II, %. 7 , Q. -R. S.
Dans le Gibbon, dont je conserve le squelette,
quatre vertèbres composent réellement l\'os sa-
crum; mais il n\'y en a que trois de soudées aux
(1) Exam., etc., pag. 198.
(2) Deoss. , pag. 19, B—C.
-ocr page 148-4o r> B l\' O B. A N G - O II T A N G , ETC.
OS des îles, et quatre autres se trouvent dans le coc-
cix, ainsi qu\'on le voit aussi dans l\'Orang.
Tyson en a cependant compté cinq dans l\'os
sacrum de son Oi-ang, comme dans l\'homme (i);
quoiqu\'il sut d\'ailleurs fort bien qu\'on n\'en trouve
que trois dans les singes et dans les guenons. Il y
en avoit quatre au coccix de mon Orang. Il n\'est
pas impossible que Tyson ait été dans l\'erreur 5
d\'autant plus que son squelette n\'avoit pas été par-
faitement dépouillé des chairs. Au reste, les plus
grands anatomistes sont sujets à se tromper quel-
quefois; c\'est ainsi queRiolan (2) n\'a donné que
deux vertèbres au lieu de trois à l\'os sacrum des
singes.
Sans cela même, Eustache semble avoir trop gé-
néralisé son raisonnement ; car il est clair que Ga-
lien a parlé d\'une manière fort expresse de trois
vertèbres dans l\'os sacrum et de trois dans le coc-
cix. Je conviens que la nature ne se tient pas tou-
jours exactement à ce nombre, car le Pithèque en
a visiblement trois dans l\'os sacrum et deux seu-
lement au coccix, ainsi que Daubenton l\'a remar-
qué également.
Enfin, Eustâche prétend que Galien doit certai-
nement avoir disséqué des cadavres humains,
(1)P£ig. 93 , 3o et 40.
(2) Pag. 528.
-ocr page 149-JJ E L\' O R A N G - O U T A N G , ETC. 4l
parce qu\'il n\'admet que cinq vertèbres lombaires,
tandis qu\'on en trouve toujours un plus grand
nombre dans les singes. Je conviens que plusieurs
singes ont souvent sept vertèbres lombaires,«car la
nature n\'est également pas toujours d\'accord en
cela avec elle-même ; puisque dans mon Cynocé-
phale maie il y en a sept, tandis qu\'il n\'y en a que
six dans la femelle. Le squelette du Pithèque en
offre six, nombre qui s\'accorde avec celui que
Daubenton y a trouvé ; cependant mon Gibbon
n\'en a que cinq ; tandis que Daubenton en a compté
six dans cet animal.
Tyson dit clairement qu\'il y en avoit cinq dans
son Orang, comme dans l\'homme (1)5 Dauben-
ton (2) n\'a trouvé que quatre vertèbres lombaires
dans un Jocko 5 mais il ajoute qu\'il a remarqué
distinctement qu\'on avoit supprimé la seconde en
faisant le squelette (3) ; d\'où il conclut qu\'il doit
par conséquent y en avoir eu cinq également comme
dans rOrang de Tyson.
Mais cette conformité ne prouve rien, puisque
dans la squelette de mon Orang il »\'y a que qua-
tre vertèbres lombaires 5 cet animal avoit la taille
courte, comme l\'a voient touis les individus de cette
espèce que j\'ai eu sous les yeux; et c\'est-là peut-
(1) Pag. 92 , n®. 57.
(2)Tom. XIV, pag,79.
(5) Ibid., pag, 79 et 80.
-ocr page 150-42 D E l\' o 11 A N G - o u T A N G , ETC.
être la raison pourquoi le ventre est si proéminent
dans cet animal.
Mais en supposant que Galien ait déterminé le
nombre des vertèbres d\'après des cadavres humains
qu\'il auroit eu occasion d\'étudier par quelque heu-
reux hasard, il auroit pu se tromper cependant,
puisque j\'ai trouvé plus d\'une fois six vertèbres
lombaires dans des cadavres humains , ainsi que
je l\'ai déjà dit et représenté même (i).
J\'ai trouvé dans un cadavre treize côtes et quatre
vertèbres lombaires. Dans un autre quatre, parce
que la cinquième étoit soudée à l\'os sacrum. Je me
rappelle que cela m\'a donné beaucoup de peine,
parce qu\'étant occupé alors des nerfs lombaires,
je fus trompé , et perdis par-là un tems infini ,
avant que j\'eusse pénétré assez avant pour trouver
cette réunion. J\'ai d\'autres pareils os sacrum dans
ma collection.
D\'autres anatomistes ont remarqué également
de semblables variations, et entre autres Fallope,
qui dit avoir trouvé treize côtes et seulement qua-
tre vertèbres lombaires (s). Eustache (5) même
assure avoir trouvé quelquefois onze vertèbres dor-
(i) Dissertations jointes à la seconde édition de Mauriceau,
ann. i ySg, pag- 73 , tab- i, fol. 6 , F — G-.
(a) Opera omnia, pag. 572, lin. 24«
(3) Exam., etc., pag. 15/}\'
DE I/\' O K A N G - O U T A N G , ETC. 45
saks et en contre six vertèbres lombaires dans des
cadavres humains.
XVI. Si nous joignons à cela que Galien a
donné plusieurs lobes au foie ( i ), comme on le
trouve dans la plupart des singes; que, d\'un autre
côté, il n\'a pas connu l\'appendice vermiforme du
coecum, parce que ce boyau ne se trouve pas dans
le Pithèque et dans les singes à queue; enfin,com-
me il a décrit d\'après ces animaux les cremastères
et les os de la main, ainsi qtie l\'os sacrum, sans
parler d\'un grand nombre d\'autres preuves que je
crois inutile de rapporter ici, il me semble suffi-
samment démontré : Que jamais Galien n\'a dis-
séqué de cadavres humains ou que du moins il
ne s\'en est pas servi pour composer ses ou-
vrages.
ii)Deusupart., lib. VII, cap-lo, pag, 467, B — C. Aussi
lib. IV, oap. S, pag. 376, C — D.
44 DE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC.
Des noms , de la forme extérieure et des carac-
tères apparens de VOrang-Outang.
§.I. li\'A NI M AL que je me propose de décrire est
VOrang ou VOrang-Outang de Bontius ; c\'est-à-
dire, Vllomo Silvestris j l\'Homme des bois, ainsi
que les insulaires de Bornéo l\'appellent en langue
malaise. Les individus de cette espèce viennent
peut-être presque tous de Bornéo, quoique le chi-
rurgien Relian (i) prétende qu\'il s\'en trouve aussi
dans les montagnes inaccessibles de l\'île de Java.
Il est inutile de rappeler ici tout ce qui a déjà
ete dit de cette espèce de singes par Buffon (3),
d\'autant plus que ce grand et infatigable natura-
liste n\'ayant jamais vu le véritable Orang, celui de
Bornéo, a été induit en erreur par Tulpius et Ty-
(1) Aïlamand, additions au tome XV de Buffon, pag. 73 ^
la fin.
(2) Hist. nat. gén. et part, afec la descriplion du cab. du roi,
torn. XIV, pag. 48.
D E T? O R A N G - O u T A N G, ETC. 45
son, en plaçant le grand singe d\'Afrique sans queue
du royaume d\'Angola et de la Guinée, parmi les
vrais Orangs, dont ils diffèrent néanmoins consi-
dérablement , comme nous le verrons dans la
suite.
Ce qui a été dit des singes d\'Afrique, ce qui a
été raconté par les voyageurs des Pongos, des Joc-
kos, etc., ne peut donc, en aucune manière, être
appliqué à l\'animal dont il est question ici; je ne
saurois adopter non plus ce qui a été allégué à cet
égard par les nomenclateurs généraux, par Lin-
nœus, par exemple, et par son disciple Hop-
pius(i), d\'après de simples conjectures, de misé-
rables rapports et de fausses descriptions. Je dis la
même chose deBrisson et en un mot de tous les au-
tres. Ces écrivains n\'avoient jamais vu l\'Orang de
Bornéo, lorsqu\'ils entreprirent de donner leurs
nomenclatures, et ils étoient, malgré eux, dans
l\'erreur, parce qu\'ils ne trouvoient nulle part une
description exacte et claire de ce singulier et rare
animal. Edv^\'^ards (2) est le seul qui auroit pu en
dire quelque chose avec certitude ; mais , comme
il n\'étoit ni anatomiste, ni naturaliste, et fort mé-
diocre dessinateur, il ne nous en a laissé qu\'une
(1) Syst. nat. et Ameonic. acad., tom. Vï, aun. 1764, de An-
\'■^opamorphis.
(2) Glanures, etc., tom. I, ann, 1768, pl. 2xS, pag. 6 et 7.
-ocr page 154-46 D E l/ o R A N G - o u T A N G, ETC.
mauvaise description et un dessin plus imparfait
encore. Il observe cependant, avec raison, que la
figure de l\'Orang de Tyson ne le satisfait nulle-
ment; mais qu\'un certain capitaine Beeckman a
décrit dans son voyage à Bornéo, fait en 1718,
un Orang, lequel, quoiqu\'il approchât assez du
sien, n\'étoit cependant pas le même; comme, en
effet, il ne pouvoit pas l\'être non plus, s\'il est vrai
que cet animal étoit le plus chargé de poil aux en-
droits où il en croît chez l\'homme , puisque c\'est
sur le dos et sur la partie extérieure des bras et des
jambes que l\'Orang est le plus velu, ainsi qu\'Aris-
tote Favoit observé déjà (i).
Le témoignage de Relian, chirurgien à Batavia,
qui m\'a été communiqué par M, Allamand (2) ,
s\'accorde assez bien avec ce que j\'en ai vu; mais
ne correspond pas au dessin qu\'il en a donné,
planche XI, où cet animal est représenté fort velu
sur le ventre, ainsi qu\'aux côtés intérieurs et ex-
térieurs des bras.
II. Le premier Orang que j\'aie reçu en 1770,
me fut envoyé par M. Hoffmann, célèbre méde-
(1)Cur hominis prior pars pilosior est-, quadrupedam contra
posterior quam prior setorior. Plobl. lect. Ä, toin, II, pag.
(2) Additions au tome XV de Buffon, pag. 73 , des Orangs-
Outangs.
D E l\' o il A N G - o u T A N G 5 ETC. 47
cin à Batavia, qui a été mon disciple à Groningen
et de l\'amitié duquel je tiens cet inestimable pré-
sent , dont tous ceux qui ont joui des utiles décou-
vertes auxquelles il a donné lieu lui doivent de la
reconnoissance.
J\'ai dessiné avec beaucoup d\'exactitude cet
Orang (quoiqu\'il fut fort racorni et défiguré par
l\'esprit de vin), tel qu\'il se présenta à moi après
que je l\'eus tiré du vase où il étoit renfermé et
couché sur le dos. J\'ai mesuré avec une scrupu-
leuse exactitude toutes ses parties, afin que , par
leur représentation, on puisse connoître, au pre-
mier coup-d\'œil, ses véritables dimensions, et cal-
culer sa grandeur réelle en quadruplant chaque
partie séparément.
La figure que j\'en donne se trouve par consé-
quent réduite au quart de la grandeur naturelle cie
l\'animal; mais comme il étoit fort couvert de poils
dans sa partie postérieure, ce qui rendoit les con
tours du corps, des bras et des jambes vagues et
indécis, je n\'ai indiqué qu\'une certaine quantité
de ces poils, et proportionnellement moins aussi à
ia partie antérieure.
Le poil de cet Orang femelle étoit d\'un rouge
obscur, long sur le dos, fin et ondé en quelques
endroits.
Cet animal mort étoit incontestablement loin
d\'offrir la vérité de la nature vivante, ainsi que je
48 I>E L\'orang-outakg, ETC.
m\'en suis convaincu six ans après; mais je songeai
alors plutôt à suivre scrupuleusement toutes les
parties de mon modèle qu\'à altérer la vérité par
«ne imagination trop active.
Afin de donner une idée plus exacte de cette tête,
je l\'ai réduite seulement à la moitié de sa grandeur,
vue de profil, planche I, fig. 2 , et vue en face
fig. 4 de la même planche.
§. III. En 1771, M. Hope, alors directeur de
la Compagnie des Indes orientales hollandoise, me
fit parvenir un autre individu de cette espèce éga-
lement femelle ; et dans le même tems il avoit fait
expédier pour moi de Batavia, un Orang-Outang
mâle , par un autre vaisseau , qui périt malheu-
reusement avec tout l\'équipage , entre Java et le
Cap de Bonne-Espérance.
Voici les dimensions de l\'un et de l\'autre in-
dividu :
Celui de 1771, de 1770.
pouces rhynlandiques-
La tete vue obliquement par-
dessus les oreilles jusqu\'au
menton................. 7 ..... qi
Le corps depuis la tête jusqu\'à
l\'extrémité du coccix..... i4—15.....
Du bas du menton jusqu\'à l\'os
pubis................... ..... 11
-ocr page 157-DE O B. A N G - O U T A N G , ETC. 49
Celui de 1771, de 1770.
pouces rhynlandiques.
Longueui^ de la cuisse........ 7 ..........5
-—I du tibia.....................7 ..........7
— du pied entier........... 7I ..........6|
\'—\' des orteils............... a- ..... 2|
— du grand orteil........... 1 ..........j
— du talon jusqu\'à l\'extrémité
du grand orteil........... 3| ..... af
— du bras ...........................6|
— de l\'avant-bras........... g ;.... 6
de la main.............. 7 ..... 5|
—■ des doigts............... 5 ..........af
— du pouce.......................a| .....
— depuis l\'origine de la main
jusqu\'à l\'extrémité du pouce 5 ..... af
Largeur de la tête......................3|..... gi
—- des épaules...................6 ..... 6
L\'Orang que j\'avois reçu de M. Hope étoit par
conséquent un peu plus grand que celui que m\'a-
voit fait passer M. Hoflmann. Le poil de ces deux
individus étoit parfaitement semblable , tant par
sa couleur que par sa disposition. 11 est à regretter
que M. Allamand n\'ait pas donné les dimensions
de l\'Orang qu\'il avoit sous les yeux en 1771.
M. Vosmaer, directeur du cabinet d\'histoire na-
turelle du stadhouder, eut la bonté de m\'en en-
1. \'4
5o 1) e l\' O R a N G - O u T a N G , e t c.
voyer un en 1772, pour la dissection des viscères,
que je trouvai ressembler parfaitement à ceux dout
je viens de parler, à l\'exception seulement qu\'il
étoit un peu plus petit.
En 1772, j\'ai vu un quatrième Orang chez M.
Van der Meulen , capitaine de la bourgeoisie à
Amsterdam, connu par son magnifique cabinet et
par son empressement à obliger les amateurs de
l\'histoire naturelle, dont je lui témoigne ici, en mon
particulier , toute ma reconnoissance. Cet Orang
étoit également une femelle de la même taille que
la première que j\'ai eue; la couleur et la disposi-
tion du poil étoient absolument les mêmes.
Chez l\'Orang qu\'on a conservé pendant quelque
îems en vie au cabinet du stadhouder à la Haie,
qu\'on a vu ensuite à la ménagerie du Petit-Loo, et
dont M. Vosmaer m\'a fait passer le tronc par or-
dre du prince, je trouvai que sa longueur, depuis
la vertèbre amputée jusqu\'à Fextrémité inférieure
de l\'os pubis, étoit de quinze pouces et demi rhyn-
landiques, et par derrière jusqu\'à l\'extrémité du
coccix de seize pouces et demi. Les épaules écor-
chées avoient sept pouces et demi ; par conséquent
cet individu étoit beaucoup plus grand que ceux
que j\'avois vus jusqu\'alors; et, suivant la remarque
de M. Förster ( 1 ), il avoit en tout deux pieds et
(0 Voyage de CooÄ, tom, lY, pag- i58.
-ocr page 159-DE l\' O R A N G - O U T A N G, ETC. 5l
demi de hauteur. Il dilFéroit fort peu des autres par
la couleur de son poil.
Le 5i août 1777, j\'ai disséqué un Orang mâle,
dans le superbe cabinet de M. Van Hoey, qui a eu
la complaisance de le conserver jusqu\'à mon arri-
vée à la Haie, et de le consacrer entièrement à mes
observations. Cet animal, quoique parfaitement
semblablepar la couleur et la disposition du poil
à ceux dont j\'ai parlé, n\'étoit certainement pas, à
vue d\'oeil, plus grand que le premier que j\'ai eu;
de manière que j\'ai cru pouvoir m\'exempter d\'en
prendre les dimensions.
Dans le cabinet du stadhouder, on conserve dans
nn bocal un Orang femelle qui paroît plus grande
à la vérité que la mienne, mais qui cependant;l\'éstî
moins que celle qui étoit en vie : elle ressemble
d\'ailleurs aux autres par la couleur de son poil et
par sa figure.
^ Celui qu\'Edvrards a dessiné au Musée Britan-
nique, avoit, à ce qu\'il assure, deux pieds et demi
de Londres de hauteur; c\'est-à-dire, à Ce que je
pense, depuis le sommet de la tête jusqu\'aux pieds ;
conséquemment il étoit à peu près de la même
taille que le plus grand individu de cettè espèce
que j\'aie vu, dont il ne dilféroit pas non |)lus par
son poil.
J\'ai donc vu de mes propres yeux trois Oranas
du cabinet du stadhouder, en y comprenant ce-
Ô2 DE L\' O B. A N G - O U T A N G, ETC.
lui qui étoit vivant ; l\'Orang empaillé que M. Al-
lamand a placé au cabinet d\'histoire naturelle de
l\'académie de Leyde; un appartenant à M. Van
der Meulen, et un autre à M. Van Hoey; ce qui,
avec les deux de ma collection , en forme huit,
qui tous étoient de la même figure et du même
poil. Le plus grand de tous ces individus avoit ,
quand il se tenoit debout, deux pieds et demi rhyn-
iandiques.
Tous ces Orangs étoient fort jeunes et avoient
les rotules encore totalement cartilagineuses ; ils
paroissoient avoir leurs secondes dents ; mais le
premier dont j\'ai parlé n\'avoit encore que deux
dentsmachelières de chaque côté, tant par en haut
que par en bas. En supposant maintenant, d\'après
la comparaison de l\'ossification dans l\'homme,
qu\'ils eussent atteints les deux tiers de leur crois-
sance, il faudra ajouter aux trente-deux pouces
ïhynlandiques seize autres ; de sorte que toute la
hauteur de cet animal seroit de quarante - huit
pouces , c\'est-à-dire , de quatre pieds rhynlandi-
ques. Si, par condescendance, nous donnons aux
plus gran\'ds un demi-pied de plus , la différence
avec la mesure donnée par les voyageurs et par les
écrivains sera toujours si considérable que ce se-
roit une folie d\'y ajouter la moindre croyance ou
de perdre son tems à vouloir les réfuter.
BE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC. B5
IV. On trouve chez ce singe la particularité
remarquable de n\'avoir point d\'ongles aux grands
orteils. Je n\'eus pas plutôt apperçu cette singula-
nté dans mon premier Orang, que je soupçonnai
qu\'elle étoit naturelle à cet animal, et qu\'on de-
voit la retrouver chez tous les individus de cette
espèce.
M. Van der Meulen ôta, le 21 juin 1771, son
Orang\' du vaisseau de verre qui le contenoit, et
eut la bonté de me dire que cet animal n\'avoit
point d\'ongles aux grands orteils.
M. Allamand, avant de publier sa description,
eut la bonté de m\'envoyer une épreuve de la gra-
vure de son Orang, sur laquelle je trouvai qu\'on
avoit représenté d\'une manière très - distincte les
ongles des grands orteils ; ce qui m\'étonna d\'au-
tant plus que je les trouvai également indiqués dans
l\'Orang publié par Edwards M. Allamand , à
qui je fis mes observations à ce sujet, examina de
nouveau son Orang, et releva l\'erreur de son pein-
tre à la page 75 de sa description.
Pendant ce tems j\'avois écrit au savant M. Koois-
tra, célèbre médecin du London Infirmery, que
j\'ai eu long-tems pour un des auditeurs de mou
54 de l\'ouang-outang, etc.
cours d\'anatomie, pour qu\'il eût la complaisance
d\'examiner, avec M. Maty, au Musée Britannique
si l\'Orang dont parle M. Edwards avoit véritable-
ment sur les grands orteils les ongles qui y sont
représentés? Le 24 juin 1772 , je reçus pour ré-
ponse: «Qu\'il n\'y avoit point d\'ongles, pas même
a de restes, et moins encore d\'indices d\'ongles sur
« les grands orteih de cet Orang. » Voilà ce qui
prouve le peu d\'exactitude qu\'on doits\'attendi-e de
trouver dans la représentation des objets d\'histoire
naturelle, lorsqu\'ils ne sont pas rendus par des ar-
tistes habiles et attentifs, ou sous la direction d\'un
naturaliste qui possède lui-même l\'art du dessin.
Mais pour ne pas trop m\'appesantir sur cet ob-
jet , je me contenterai d\'ajouter que l\'Orang que
j\'ai reçu de M. Hope, et que je conserve dans de
l\'esprit de vin, n\'a de même point d\'ongles sur ces
parties, non plus que celui que m\'a prêté M. Vos-
maer, et on n\'en voyoit également point sur ceux
de l\'Orang vivant de la ménagerie du Petit-Loo.
Cependant il y avoit un fort petit ongle sur le
grand orteil du pied droit de POrang de M. Van
Hoey, et deux osselets; tandis que les grands or-
teils de tous les autres Orangs n\'avoient qu\'un seul
osselet, comme on peut le voir planche ïï, fig. 6,
G. H. ; de sorte que cette différence me paroît de-
voir être considérée comme un simple jeu de la
nature; d\'autant plus que le grand orteil du pied
D E l\' o R A N G - o u T A N G , E T c. 55
gauche n\'avoit , comme dans tous les autres indi-
vidus de cette espèce, qu\'un seul osselet et pomt
d\'ongle. Nous pensons donc qu\'il faut en conclure
que cette absence d\'ongles aux grands orteils est
un caractère particulier de l\'Orang; car, quoiqu\'il
y ait beaucoup d\'analogie entre les habitudes et la
figure du Gibbon et de l\'Orang, le premier cepen-
dant a des ongles fort grands et fort apparens sur
les grands orteils, comme on le voit par le grand
et par le petit Gibbon de Buffon (i), et fort dis-
tinctement sur-tout par le squelette que M. Vail
der Steeg a eu la bonté de m\'envoyer, il y a peu
de tems, de Batavia, et dont il sera parlé plus au
long dans la suite.
Ces ongles sont représentés fort grands et d\'une
manière fort distincte , sur les grands orteils des
soi-disant Orangs de Tulpius et de Tyson. L\'O-
rang d\'Asie diffère par conséquent de tous les
Orangs dont je viens de parler; il en diffère aussi
d\'une manière remarquable par son poil ; car tous
ceux d\'Asie avoient le poil roux, celui de Tyson
l\'avoit noir, et les autres de couleur différente en-
core ; mais tous étoient d\'Afrique, d\'Angola ou de
la Guinée; par conséquent à une fort grande dis-
tance des îles Moluques.
56 D E l\' o R A N G - o u T A N G , ETC.
V. L\'Orang diffère aussi beaucoup du singe
d\'Egypte, je Pitthèque d\'Aristote et de Galien ;
car l\'Orang n\'a point d\'abajoues qui sont les the-
sauri que Pline donne aux Sphinx et aux Saty-
res, c\'est-à-dire, aux singes à queue; ce qui seul
prouve que le nom de Satyre que Linnaeus donne
à l\'Orang, ne lui convient nullement, puisque cet
animal n\'a ni queue, ni abajoues.
L\'Orang ne diflPère pas seulement du Pygmée
de Tyson et de l\'Orang de Tulpius , par sa cou-
leur particulière et par ses longs orteils, mais aussi
par toute sa forme extérieure. Ses bras, ses maius
et ses pieds sont plus longs, tandis que les pouces
des mains sont, au contraire, beaucoup plus pe-
tits et les grands orteils plus petits encore propor-
tion gardée.
Ceux d\'Afrique étoient fortement musclés. Tous
les Orangs que j\'ai vus étoient grêles, et avoient la
tête fort enfoncée entre les épaules, comme s\'ils
eussent été bossus, ainsi qu\'on le voit planche II,
fig. 8, esquisse que j\'ai faite peu de tems avant la
mort de l\'animal. On remarque la même chose
dans la planche I, fig. i, quoiqu\'à un moindre
degré, parce que j\'en ai renversé la tête un peu
en arrière.
On doit sur-tout ne pas se laisser induire en er-
reur en comparant ma figure avec les représenta-
tions que Buffon et le professeur Allamand ont
DE L\' O R A K G - O U T A N G , ETC. Sy
données de cet animal : les dernières n\'ont point
été faites d\'après la vie, c\'est-à-dire, d\'après l\'ob-
jet même, mais d\'après des peanx empaillées aux-
quelles la main habile du peintre a suppléé aux
défauts pour en faire, autant que possible, de pe-
tites ligures humaines. Rien ne me frappa davan-
tage que le Jocko, si élégamment représenté clans
l\'otivrage de Buifon , lorsque je vis , le 18 juillet
1777, au cabinet du roi à Paris-, cet animal qui y
est fort petit et empaillé d\'une manière dégoûtante.
M. Allamand m\'avoit déjà écrit, le 24 août 1771,
qu\'il se rappeloit parfaitement que l\'attitude dans
laquelle on avoit placé cet animal ne s\'accordoit
par avec la nature, mais que c^étoit la seule qu\'a-
voit pu lui donner l\'empailleur, et que le peintre
s\'étoit vu obligé d\'imiter.
Suivant Daubenton (1), le Jocko n\'a que deux
pieds quatre pouces de hauteur, et dans\'la plan-
che qu\'il en donne ce singe paroît avoir la hauteur
d\'un homme de grande taille; mais cela ne prouve
rien ; car l\'expérience m\'a appris depuis long-tems
que les peaux de tous les animaux qu\'on prépare
avec le poil s\'alongent toujours beaucoup ; c\'est
ainsi que la peau d\'un pécari, par exemple, que
j\'ai fait préparer, est devenue d\'un tiers plus lon-
gue, de même que celle d\'un agouti, comme je
{0 Buffon, tom. XIV, pag. 72.
-ocr page 166-58 BE L\'OR ANG -OUT AK G, ETC.
puis le prouver par les squelettes de ces animaux
que je possède dans ma collection. Depuis que j\'ai
fait cette observation, je ne m\'étonne plus de la
grandeur et de la grosseur extraordinaire qu\'on
donne aux animaux empaillés; et je crois avoir
démontré suffisamment par là qu\'on ne peut ni ne
doit s\'en rapporter aux dimensions prises d\'après
des quadrupèdes préparés de cette manière.
Èn examinant les yeux, on ne trouvera pas une
différence moins remarquable : les prunelles colo-
rées sont grandes, comme chez tous les singes, et
dans la plupart des quadrupèdes; ce qui faitqu\'on
n\'apperçoit pas de blanc entre elles et les pau-
pières; aussi n\'ont-ils point cette douceur et cette
vivacité qui donnent souvent tant d\'expression au
regard de l\'homme. M. de Sève a fait au Jocko du
cabinet du roi, à Paris, l\'honneur de le rappro-
cher de rhomme sous tous les rapports, du moins
autant qu\'il lui a été possible. L\'Orangqu\'a publié
M. Allamand n\'offre pas moins de défauts: outre
qu^il est représenté d\'une manière plus monstrueuse
et plus diiTorme que l\'animal ne l\'est réellement
dans la nature.
I-es traits de l\'Orang vivant n\'offroient rien qui
ressemblât à ceux de l\'homme ou qui put expri-
mer les passions. Forster (i) dit que le nez tenoit
(i) Voyage de Cook , tom. IV, pag. i58.
-ocr page 167-DE L\' O E. A N G - O U T A N G , ETC. 59
pluvS de Fhomme que du singe, ce qui ne m\'a pas
paru tel. Le nez étoit parfaitement semblable au
dessin que j\'en donne, planche II, fig. 8.
Dans l\'Orang vivant, la bouche avoit quelque
chose qu\'on ne sauroit définir, qu\'on n\'auroit ja-
mais pu découvrir dans Fanimal mort, et dont on
pourra se former le mieux une idée en comparant
la fig. 8 de la pl. II avec la fig, 2 de la pl. I, En bu-
vant il avançoit beaucoup les lèvres, sur-tout la su-
périeure\', et la formoit en pointe, quand il vouloit
en saisir quelque chose, tel qu\'un petit fruit, par
exemple ; le nez est d\'ailleurs fort différent dans
Fanimal vivant. Ce singe appartient cependant aux
enares C^), Je n\'ai pas trouvé que les lèvres eus-
60 K E L\' O R A N G - O U T A N G , ETC.
sent un rebord retroussé, et moins encore que ce
rebord fut rouge; de manière que ce caractère a
ete ajouté également par quelques auteurs dans
l\'intention d\'embellir la figure de cet animal.
VI. L\'Orang vivant couroit à quatre pattes ,
et lorsqu\'il se tenoit debout ( ce qu\'il fit le plus
dans les premiers tems de son arrivée et lorsqu\'il
jouissoit encore de toute sa vigueur), il tenoit les
genoux ployés.
Au commencement il tenoit ses orteils ou doigts
des pieds souvent étendus ; mais étant tombé ma-
lade pendant l\'hiver, il les retira en dedans comme
le font presque tous les singes, ainsi que M. Klock-
îier m\'a assuré l\'avoir observé constamment à la
ménagerie de Blauw-Jan à Amsterdam.
L\'Orang de la ménagerie du Petit-Loo se tenoit
aussi près du poêle qu\'il pouvoit, avec ses deux
jambes retirées en dedans, et la plupart du tems il
faisoit la même chose avec les doigts d\'une main,
dont il se servoit pour se pousser en avant; tandis
qu\'il tenoit l\'autre main autour de son cou. D\'au-
tres fois il se tenoit, pendant des heures entières,
accroché avec ses pattes de derrière aux barreaux
de sa loge. Toute la forme de cet animal nous fait
connoître qu\'il est destiné à vivre sur les arbres ;
c\'est pourquoi la nature lui a donné de plus longs
pieds et des orteils plus longs qu\'à tout autre qua-
DE L\' O 11 A N G - O U T A N G , ETC. 61
drupède : ses pieds d\'ailleurs ressemblent plus à
des mains que ceux d\'aucune autre espèce de
singes.
La remarque d© Tyson , qu\'on devroit appeler
les Orangs plutôt quadrumanes que quadrupè-
des, n\'est pas si mauvaise; et je l\'aurois regardée
comme vraiment originale, si déjà Aristote n\'avoit
pas considéré les pieds des singes comme ressem-
blans à leurs mains.
Cependant dans aucun singe, que je sache, cettfi
ressemblance n\'est aussi grande que dans l\'Orang.
VII. Je viens de dire que l\'Orang du Petit-Loo
avoit toujours les genoux ployés quand il se tenoit
debout; ce qui n\'a pas du tout été observé dans la
peau empaillée de l\'Orang de Leyde, non plus que
dans l\'Orang que M. Vosmaer a préparé, dont les
orteils se trouvent d\'ailleurs disposés d\'une manière
tout-à-fait contraire à la nature, comme je l\'ai vu
et dessiné le i\'^*\'. septembre 1777 , dans le cabinet
du stadhouder; tandis que Galien avoit déjà ob-
serve que les singes ne peuvent pas se tenir auti^e-
ment, parce que chez ces animaux l\'insertion des
muscles destinés à faire ployer la jambe est placée
fort avant sous le genou dans le tibia.
Pourquoi donc, me demandera-t-on, sans doute,
Tyson, Buifon et plusieurs autres écrivains ont-ils
représenté leurs Orangs et leurs Jockos avec les
62 DE L\' O ïl A N G - O U T A N G , E T C-
genoux tendus comme chez Fhomme? Je répon-
drai que c\'est certainement pour rapprocher da-
vantage ces animaux de Fespèce humaine, sans
réfléchir que par leur antorilé ils en induisent
d\'autres en erreur, en même tems qu\'ils avilissent
îa nature de l\'homme. Ce ne sont donc seulement
pas les voyageurs ignorans et les amateurs peu ins-
truits qui, par les merveilles qu\'ils\'racontent des
pays lointains, entretiennent l\'idée erronée qu\'il y
a des animaux qui ressemblent parfaitement à
Fhomme , si même ils ne sont réellement pas de
Fespèce humaine; mais les directeurs des princi-
paux cabinets de l\'Europe y contribuent également
beaucoup, par le peu de soin qu\'ils mettent à faire
donner aux animaux qu\'ils font empailler l\'atti-
tude qui leur convient.
§. VIII. Comme le sujet étoit encore fort jeune,
les mammelles se trouvoient à peine indiquées,
mais les mammelons étoient longs, comme les ont
tous les quadrupèdes peu de tems après leur nais-
sance.
Dans l\'Orang vivant ^ les parties sexuelles of-
froient quelqu\'apparence de grosses lèvres ; mais
elles disparurent à mesure que l\'animal maigris-
soit.
Le mâle que j\'ai dessiné au cabinet de M. Van
Hoey, avoit, comme dans la planche ÏII, fig. 8, la
DE L\' ORANG-OUTANG, ETC. 65
Verge et les testicules placés foit haut au-dessus de
Pauus , ainsi que cela se trouve dans la plupart
des singes, pour que ces parties ne les gênent point
en s\'asseyant; car on sait que les condyles des os
ischion sont placés beaucoup plus en avant chez
ces animaux que chez Fhomme.
Dans la planche qui représente l\'Orang de Ley-
de, la verge pend entièrement hors du prépuce;
ce qu\'il faut attribuer, sans doute, à celui qui a
préparé cet animal, puisque dans les individus vi-
Vans elle se trouve naturellement cachée fort avant
sous le prépuce.
La verge du Jocko représentée »par Buffon res-
semble parfaitement à celle de Fhomme, quoique
bien certainement on ne l\'ait jamais trouvé telle
dans aucun singe.
IX. Au commencement FOrang ne se laissoit
pas manier facilement par tout le monde; mais il
devint plus traitable à mesure qu\'il s\'alfoiblissoit,
et se laissoit même caresser avec plaisir par le garde
de la ménagerie du Petit-Loo; lequel , ignorant la
-construction du larynx et de la poche osseuse, fut
fort étonné un jour de sentir quelque chose d\'é-
lastique, qui sembloit lui offrir la même résistance
^ue de Fair comprimé, sur le devant de la gorge,
tout le long des parties latérales, en descendant
Jusque vers le milieu du sternum.
64 BE l\' O 31 A N G - O u T A N G , ETC.
Ayant examiné la gorge avec attention, je trou-
vai que je pouvois pousser Fair de côté et d\'autre,
et le partager même, pourainsi dire, en deux par-
ties distinctes. Le garde s\'imaginoit que cela pro-
venoit de quelque maladie; de sorte que j\'eus bien
de la peine à le persuader du contraire. Cepen-
dant l\'état de foiblesse où se trouvoit Fanimal, et
son abattement, faisoient craindre qu\'il ne vivroit
pas long-tems; et véritablement il mourut au com-
mencement de janvier 1777.
X. Le véritable Orang-Outang, c\'est-à-dire,
celui d\'Asie, c<^ui de Bornéo, n\'est par conséquent
pas le Pithèque , ou singe sans queue , que les
Grecs et particulièrement Galien ont décrit. Ce
n\'est ni le Pongo, ni le Jocko, ni l\'Orang de Tul-
pius, ni le Pygmée de Tyson; c\'est un animal
d\'une espèce particulière ainsi que je le prou-
("*\') Les Orangs-Outangs dont j\'ai donné la description au para-
graphe III, avoient, l\'un portant l\'autre . deux pieds et demi de
hauteur , et il est fort rare qu\'on en trouve de plus haute taille
dans l\'île de Bornéo, suivant les remarques exactes de Raderma-
cher CBataviaasch Genoocschap , II deel, pag- 107 et ; mais
on j trouve des singes beaucoup plus grands , et même de quatre
à cinq pieds de hauteur. Du moins M- Palm en a pris un sembla-
ble (ibid., pag. 143;, dont M- Wurmb £i fait la description
(ibîd., pag. 255; , et auquel il semble donder le nom de Pongo.
L\'éditeur de ces OEuvces de Camper a donné une traduction de
DE L\'ORANG-outang, ETC. 65
verai de la manière la pins évidente par Forgane
de la voix et par la charpente des os, dans les cha-
cette description de M. Wurmb dans la Décade philosophique du
10 messidor an IV, 79. )
Ce singe a, comme ceux de la petite espèce, deux poches au
cou qui s\'unissent an larynx (ibid , pag. 355;. M. le baron de
Wurmb a donné tme niesure fort exacte de ses parties, ainsi que
de celles de la femelle, laquelle avoit quatre pieds de hauteur (\'z/^jU ,
tom IV, pag. 617;, er qui avoit, ainsi que le ujâle, une poche
dans la poitrine 11 observe que ses pieds et ses bras étoient plus
longs que ceux du mâle-
On n\'avoit jusqu\'alors jamais connu cette espèce de singes en
Europe. Radermacher a eu la complaisance de m\'envoyer le crâne
d\'un de ces animaux, lequel avoit eu cinquante-trois pouces ou
quatre pieds cinc| poucRs do îfiriutÊXii\'- J^cn ui envoyé cjuelï^ue\'S es-
quisses à M. Soemmering à Mayence, mais qui font mieux con-
îioîire la forme que la véritable grandeur des parties-
11 paroît qu\'on a pris depuis quelques-7ans de ces monstres, car
Un squelette entier fort mal monté, qu\'on envoyoit au cabinet du
prince d\'Orange , et que je n\'ai vu que le 27 juin 1784 , avoit au-
<lelà de quatre pieds de hauteur. J\'ai revu ce squelette le 19 dé-
cembre ,785 , après qu\'il eut été admirablement bien rétabli par
l\'ingénieux Onymus.
Les apophyses épineuses, du cou ressemblent à celles que j\'ai
représenté« planche i, fig 3. Toute la charpente des os est forte
et massive Les clavicules et les b,-as sont fort longs. L\'os sacrum
paroît composé de huit vertèbres. Le sternum étoit partagé en
plusieurs parties; de sorte que cet animal étoit jeune encore. Les
Blanches sont un peu plus courtes que chez les quadrupèdes; mais
cependant construites de même.
Le carpe contient huit osselets; et la tète du fémur n\'avoit point
•le ramure pour le hgament rond ; elle est donc faite comme celle
du petit Orang , dont il est parlé au chapitre IX. En expliquant
I. n
66 B E l\' o B. A N G - o u T A N G , E T q.
pitres suirans, où je traiterai! de chaque partie de
l\'animal en particulier.
les figures 4 et 5 de la planche XVII de ma Description anatomi-
que d\'un éléphant mâle , j\'aurai occasion de remarquer que ce
ligament manque chez ce grand quadrupède comme chez la se-
conde espèce de hradypns ( le didactylus\') de LinnEBUS.
Les dents de cet animal sont fort grandes. Les canines sautent
les unes par dessus les autres ; de manière qu\'il diffère par là de
l\'homme, ainsi que par les condyles de l\'occiput, qui sont placés
ici encore plus en arrière quie dans le petit Orang ; ce qui prouve
que cet animal est destiné à marcher à quatre pattes comme les
autres quadrupèdes.
Sur le milieu du sinciput il y a une grande arête osseuse, qui,
comme chez la hyène, sert à renforcer les crotaphites , et donne
par là plus de force aux machelières.
Cet animal mérite une description particulière , dont je tâche-
rai de m\'occuper un jour.
de l\' 0 r a n g - o u t a n g, etc. 67
chapitre IL
De r organe de la voix des singes à queue,
de VAlouate, du Babouin et de VOrang-
Outang.
I. Comme un grand nombre de voyageurs cé-
lèbres et d\'illustres écrivains ont parlé avec un
certain enthousiasme de FOraog-Outang d\'Asie et
de celui d\'Afrique, et qu\'ils ont cherché à le ran-
ger dans la classe du genre humain; que plusieurs
même ont considéré le silence de cet animal, ou
plutôt sa privation de Fusage de la parole, comme
une ruse politique de sa part, pour n\'être point
réduit à Fétat d\'esclavage et contraint à travailler:
Il s eleva la question importante en histoire natu-
relle, et même en morale, si tous les singes en gé-
néral, et FOrang-Outang en particulier, ne par-
lent point pour tromper les peuples civilisés, ou si
«e silence ne doit être attribué qu\'à une imperfec-
tion de Forgane de la voix ?
Lorsqu\'en 1754, je disséquai, à Fran et er, un
68 DE l\' o 11 a N G - O u T A N G , ETC.
grand singe à queue, pour comparer ses parties
avec ce qu\'en a dit Galien, j\'étois si occupé des
muscles, des viscères, des parties sexuelles, mais
sur-tout du péritoine, que je fus obligé de remet-
tre à une autre occasion l\'examen de l\'organe de
la voix, et de me contenter de confronter le sque-
lette avec le livre de Galien sur les os. D\'ailleurs,
je n\'avois alors nulle idée encore de la nécessité
d\'étudier cette partie, parce que les particularités
qu\'offre l\'organe de la voix dans ces animaux ne
m\'étoient pas connues et que je n\'en avois rien
trouvé dans aucun ouvrage sur l\'anatomie.
Ayant ensuite fixé ma demeure à Amsterdam,
j\'eus souvent occasion de me procurer des smges
morts; ce qui m\'engagea à recommencer, en 17Ô7,
avec une nouvelle ardeur, mes recherches. Je dé-
couvris alors une parfaite analogie entre l\'organe
de la voix de la plupart de ces animaux; et dans
quelques-uns, quoique parfaitement ressemblans
d\'ailleurs à tous les autres singes à queue , je ne
trouvai rien qui les diiférenciât, à cet égard, des
chiens. Mais en comparant l\'organe de la voix par-
ticulier aux singes à queue avec la description que
Galien nous en a laissée, je m\'apperçus qu\'elle ne
s\'accordoit ni avec l\'organe de la voix de l\'hom-
me, ni avec celui des singes que j\'avois disséqués,
lyson , qui dit que l\'organe de la voix de son
Orang ou Pygmée ressemhloit parfaitement à ee-
D E l\' o 11 A N G - o u T A N G , E T c. 69
Kii de Fhomme , m\'engagea à faire de nouvelles
recherches. Aucun des anatomistes des deux der-
niers siècles n\'en a parlé, pas même l\'illustre Buf-
fon, et moins encore Daubenton, à qui cepen-
dant une partie aussi singulière et aussi remarqua-
ble n\'auroit pas dû échapper.
Tout cela ne fit qu\'augmenter mon désir de dis-
séquer un Orang, et m\'engagea à prier M, Holf-
mann de saisir la première occasion pour m\'ache-
ter à Batavia et m\'envoyer le plutôt possible vm
de ces animaux, sans épargner aucuns frais. J\'ai
déjà dit plus haut la manière généreuse et obli-
geante avec laquelle il a répondu à ma demande
à cet égard.
En 1771, je découvris dans un renne qui me fut
envoyé vivant un organe de la voix semblable dans
toutes ses parties à celui des singes à queue, ainsi
que je le ferai voir dans une dissertation sur cet
animal, dont j\'ai déjà communiqué une descrip-
tion concise à M, Allamand (i).
L\'Orang de M. Holfmann, celui de M. Hope,
celui dont M. Vosmaer m\'a voit prêté le tronc, ce-
lui de M. Van Hoey, et finalement celui de la mé-
nagerie du Petit-Loo J me fournirent les moyens
de connoître parfaitement Forgane de la voix de
ees animaux.
(1) Additions, pag. 55, observ. sur le renne, sur-tout pag. 55.
-ocr page 178-70 BE l\'orang-outang, etc.
Ayant eu l\'occasion de voir à Paris le cartilage
hyoïde du Hurleur ou Alouaté, je crus devoir en
examiner l\'ensemble. Le célèbre Vicq d\'Azyr,
membre de l\'Académie royale des Sciences et se-
crétaire de la Société de Médecine, eut la bonté de
me permettre de dessiner deux de ces os qu\'il avoit
dans sa collection, et me fit même présent du plus
petit; mais ne pouvant conclure, d\'après sa simple
inspection, comment cet os se trouve faire partie
du reste de la gorge, mon désir de posséder un
animal de cette espèce devint d\'autant plus vif; ce
qui me détermina à écrire à Surinam pour en de-
mander un. Malgré mes perquisitions dans tous
les cabinets d\'histoire naturelle que je connoissois,
je ne trouvai nulle part Un Hurleur ou Baboen
comme le nomment les Hollandois de Surinam.
L\'automne dernier j\'eus enfin le bonheur d\'en ob-
tenir un de M. Klockner, à qui je dois aussi mes
remerciemens pour d\'autres services qu\'il m\'a ren-
dus relativement à l\'histoire naturelle. Il a même
eu depuis peu la complaisance de m\'envoyer un
Coaita pour mes études, dans l\'idée où nous étions
l\'un et l\'autre que ce singe pourroit avoir un or-
gane semblable à celui de l\'Alouate, et qu\'il nous
auroit par conséquent fourni quelque lumière sur
cet intéressant objet.
Comme toutes ces recherches et toutes ces ob-
servations tiennent les unes aux autres et me pa-
DE L\'ORANG-OUTANG, ETC. 71
Toissent de la plus grande importance relativement
à la question intéressante : Si les singes et les
Orangs ne veulent pas ou ne peuvent pas par-
ler? j\'ai pensé qu\'il étoit nécessaire de donner ici
la description de tous ces difFérens organes de la
voix.
§. II. En ouvrant la gorge d\'un singe à queue
d\'Afrique , de médiocre grandeur, je découvris
immédiatement au-dessous des platysmamyoïdes,
une poche ou sac que je suivis avec beaucoup de
soin jusqu\'à l\'hyoïde. Cette poche étant remplie
de vent avoit une forme ovale, comme on le voit
planche II, fig. 4, d.p. o. i. Après avoir enlevé la
langue avec le larynx, j\'examinai la partie posté-
rieure, planche II, fig. 3, je trouvai une ouver-
ture p. i. à la base de Fépiglotte ou luette a. h. au-
dessus de la glotte i.f. Je soufflai à travers de cette
ouverture, au moyen d\'un tuyau de cuivre, dans
la poche en question, comme cela est représenté
planche II, fig. 4.
Le conduit de cette poche passoit par dessus le
milieu du thyroïdien, planche II, fig. 4 , i. l ,
et alloit se joindre à l\'ouverture dans la base de
l\'épiglotte; de manière que cette poche se troii-
voit naturellement tapissée dans l\'intérieur par
y epithelium ou la membrane supérieure du la-
rynx. La sinuosité supérieure de cette bourse d.p.
73 DE L\' O E. A N 6 - o U T A N G , ETC.
se trouvoit en partie dans la cavité de la base ou
partie du milieu de l\'hyoïde.
Ayant fendu le laryux par le milieu, je trouvai
m. i. la corde de la glotte attachée avec h. à l\'ex-
trémité de l\'arythenoïde h.f., dont la tête étoit
courbée vers le bas, comme ƒ g-, e. h., en forme
de petite côte cartilagineuse très-visible dans les
chiens, que je découvris pour la première fois en
1767, et que j\'ai toujours retrouvé "depuis dans
tous les cadavres humains que j\'ai disséqués. La
manière dont toutes ces parties sont réunies en-
semble par derrière se voit distinctement planche II,
fig. 5. — f. s. t. qui indiquent l\'œsophage ouvert
par derrière; a. b. l\'épiglotte; q. r. les parties pos-
térieure et supérieure de la langue ; u. la trachée-
artère , également vue par derrière.
Au-dessus de la glotte h. i., fig. 4, ily a de cha-
que côté une cavité, laquelle est assez grande dans
quelques singes et qui souvent a l\'apparence d\'une
membrane oblongue , entre les parties latérales
de l\'épiglotte , l\'hyoïde elle thyroïdien, par exem-
ple, en e. entre c. et ƒ planche II, fig. 4.
Cela me fit penser que, par l\'expiration, l\'air,
ayant passé par la glotte, devoit pénétrer en par-
tie dans la poche osseuse d. p. o.y et que par con-
séquent il falloit que le son de la voix fui fort sin-
gulier chez ces animaux.
En novembre 17.58, je disséquai un autre singe
-ocr page 181-D E L o R A N G - o u T A N G , ETC.
de la même espèce, chez qui je trouvai cette po-
che beaucoup plus grande ; de manière même
qu\'elleoccupoit tout le devant de la gorge dessous
les platysmamyoïdes.
A Groningen , je disséquai deux Cynocéphales à
courte queue , le Papion ou Sphinx de Linnaeus
{Syst. nat., sp. 6, pag. 55), auquel Buffon a
donné le nom de.Babouin (tom. XIV, pag. i55,
planche XIII ), qui avoient été apportés du Cap
de Bonne-Espérance. C\'étoient un mâle et une fe-
melle. Je découvris dans leur épiglotte une cavité
semblable à celle dont je viens de parler; mais- la
poche osseuse de la femelle étoit petite en compa-
raison de celle du mâle, chez lequel elle étoit fort
grande. J\'ai toujours remarqué depuis, que lors-
que ces animaux crient pendant qu\'ils sont en co-
lère leur cou se gonfle par devant.
Le 29 novembre 1778, je disséquai un petit
smge noir de Surinam, à une main duquel man-
quoit le pouce. La poche de cet animal étoit si
grande qu\'elle descendoit jusqu\'au sternum et que
les sternohyoïdiens s\'y trouvoient totalement ren-
fermés, mais couverts cependant de la membrane
interne. Dans la base de l\'épiglotte il y avoit un
orifice semblable à celui de la planche II, fig. 5.
Mais ce qui m\'étonna le plus, ce fut de trouver
qu un Pithèque , que je disséquai le 6 décembre
1776, avoit l\'oi\'gane de la voix parfaitement sem-
74 DE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC.
blable à celui des singes dont je viens de parler;
cependant d\'une grandeur proportionnée à sa
taille. J\'eus peine à concevoir comment Galien et
tant d\'autres anatomistes avoient pu laisser échap-
per cette particularité, quoiqu\'ils fussent d\'ailleurs
d\'excellens observateurs,
M. Munniks, célèbre professeur d\'anatomie et
de chirurgie à Groningen, mon élève et mon suc-
cesseur, me fit présent de l\'organe de la voix d\'un
Mandrill (le Maimon de Linnaeus, ibid., sp. 7),
que je disséquai le i4 décembre 1778, et qui se
trouva conformé exactement comme celui du Pi-
thèque et des autres singes à queue. La poche ,
quoique simple , olfroit néanmoins à l\'extérieur
deux grosseurs, et il y aVoit un grand orifice rond
à la racine de Fépiglotte.
Le 8 février 1779, Voulant disséquer un grand
Mandrill, qui étoit mort lorsqu\'on me l\'envoya,
je trouvai que la peau du cou formoit déjà une
cavité jusque par dessus le sternum. Après avoir
enlevé avec beaucoup de précaution les chairs ,
j\'apperçus sa poche immédiatement au-dessous du
menton, jusque par dessus les clavicules et le haut
du sternum vers le bas, etdescendoit latéralement
jusqu\'au-dessous des trapèzes. La poche, qui étoit
enflée, avoit sept pouces de long sur plus de qua-
tre pouces de large. Le conduit étoit simple, pas-
?oit du côté droit entre l\'hyoïde et le thyroïdien.
» E L\' O K A N G - O U T A N G , ETC.
Le reste étoit comme dans le premier exemplaire
dont j\'ai parlé.
uvula ou luette pendoit visiblement dessous
la partie molle du palais vers en bas, et n\'étoit pas
du tout apparent par derrière ; ce qui est diamé-
tralement le contraire à ce qui se voit chezl\'Orang-
Outang.
Cependant cette poche ne se trouve pas dans tous
les singes ; car ayant disséqué , le 21 avril 1768 ,
^Ap-pella de Linnaeus {ibîd., sp. 29 ^ Simia cau~
data, imberhis , cauda subprehensili, corpore
fusco , pedibus nigris , natihus tectis }, envoyé
d\'Amérique à M. Bergmeyer d\'Amsterdam, sous
le nom de Mechou^ je ne trouvai point de poche
au cou, ni d\'ouverture dans 3a racine de l\'épi-
glotte; mais toute la gorge ressembloit à celle des
chiens.
Le 20 décembre 1778, je disséquai avec un em-
pressement sans égal le Coaita de BufFon , le Si-
mia Paniscus de Linnseus ( ihid., sp. i4 ) et de
Zimmermann ( 1 ). Ce singe n\'avoit point d\'aba-
joues, comme Fa fort bien remarqué Buifon (2).
L\'hyoïde étoit échancré comme dans tous les an-
tres singes; mais cela ne pouvoit être comparé ce-
pendant à ce qui se trouve chez le Hurleur.
(O Specimen Zoolog. Gcogr., pag. 434^
(2) Tom. XV, pag. 34.
76 DE L\'ORANG-OUTANG, ETC.
Il n\'avoit pas de poche au cou, ni d\'ouverture
à la base de l\'épiglotte , ainsi que cela s\'entend;
mais l\'épiglotte couvroit plus que dans les autres
le larynx; et du milieu des cordes de la glotte s\'é-
ievoient deux petites protubérances blanchâtres et
molles, plates du côté où elles étoient en\'contact
l\'une avec l\'autre. Cet animal d»>it par conséquent
avoir un cri singulier. Je parlerai dans la suite des
mains auxquelles les pouces manquent toujours.
III. Le Hurleur, le Guariba de Markgraaf(i),
l\'Alouate de Buffon ( 2 ), le Seniculus de Lin-
\'nsem{ibid.j sp. r5), méritoit que je le disséquasse
avec soin, parce que Brisson avoit déjà décrit son
hyoïde comme une chose extraordinaire. Buffon
avoit déjà remarqué aussi, en décrivant la grande
hyoïde du cabinet du roi, n°. i444, tom. XV,
pag. 81, qu\'il étoit nécessaire, pour avoir une juste
idée de cette poche osseuse, de disséquer l\'organe
de l\'Alouate. Cette poche osseuse avoit environ
huit pouces de circonférence (1}. M. Vicq d\'Azyr
m\'en a fait voir une dont la circonférence étoit
plus grande encore, et une autre plus petite, dont
il me fît présent, ainsi que je l\'ai dit plus haut, et
DE L O B. A N G - O U T A X G , ETC. 77
dont la figure et la grandeur répondoient à celles
de mon Alouate, planche III, fig. a, A. B. C. D.
L\'illustre M. Zimmermann (i), qui, comme Lin-
naeus, le nomme Seniculus, dit que Pennant le
regarde comme une variété de FOuarine ; cepen-
dant il ne décide rien à ce sujet, et se plaint de
ce qu\'on n\'en a pas donné encore une bonne re-
présentation. Nous verrons bientôt que les Oua-
rines forment une espèce particulière.
Mon Alouate étoit parfaitement semblable à ce-
lui de BufTon; il me paroît nécessaire d\'en donner
ici les dimensions :
pouc. rh.
Largeur de la tête, depuis Focciput jusqu\'à
l\'extrémité du museau ............... 4i
Largeur de la partie inférieure . .......... 2
-ocr page 186-78 DE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC.
pouc. rh.
Le museau...........................
Depuis Focciput jusqu\'à Forigine de la queue i5
Depuis la mâchoire inférieure jusqu\'à l\'os
pubis............................. 12
Longueur de la queue entière............ 22
.— de la partie prenante................ 10
-du cubitus.........5i/le bras entier jus-
11 j 1 • Aquà l\'extrémité
■—deiapaumedelamam ,
— de la jambe........6 fnsemble...... 12
— de la plante du pied 1
jusqu\'aux orteils_____giVensemble...... 5
— des orteils,". ....... i|3
Chez cet animal la base de l\'hyoïde étoit longue
d\'un pouce trois huitièmes, un huitième plus petit
que Fos que m\'a donné Vicq d\'Âzyr< Mais le plus
plus grand, que j\'ai dessiné à Paris, avoittroisbons
pouces de long, sur trois pouces de large, et sa
circonférence étoit de plus de douze, pouces. Au
petit os de Vicq d\'Azyr, ainsi qu\'au mien , plan-
che III, lig. 2, il y avoit deux apophyses pointues
B. C., qu\'on ne trouve pas au plus grand. Il falloit
donc en conclure naturellement que ce grand os
hyoïde avoit appartenu non-seulement à une autre
-ocr page 187-E l\' O R A N G - O u T A N G , E T C. 79
espèce, mais aussi que l\'individu étoit plus grand.
L\'Ouarine diffère certainement de l\'Alouate, sous
d\'autres rapports encore que sous celui de l\'Iiyoï-
de; et forme par conséquent plus qu\'une simple
Variété de cet animal.
A une lettre que j\'écrivis à ce sujet à M, de Buf-
fon, le 16 novembre 1778(1), dans laquelle je lui
rendois compte de la dissection entière de l\'organe
de la voix de l\'Alouate, il me répondit :
(( Qu\'il ignoroit qu\'il y eut des Alouates de dif-
« férentes grandeurs ; mais qu\'il y avoit certaine-
« ment deux espèces de Sapajous Hurleurs, l\'une
(( dont il avoit donné lui-même la description sous
« le nom d\'Ouarine, qui avoit la taille d\'un grand
« levrier, et à laquelle devoit appartenir le grand
« hyoïde. )) Il est donc important d\'apprendre a
connoître l\'Ouarine que Buffon lui-même n\'a pas
encore vue, et je ne pense pas que Linnaeus en ait
fait mention jusqu\'à présent.
Je vais parler maintenant de l\'organe de la voix
que j\'ai disséqué avec un\'singulier plaisir le 8 no-
vembre 1778. Aussitôt que j\'eus enlevé la peau des
deux côtés du cou, j\'apperçus l\'hyoïde, planche
ni, fig. 1 et 2, représenté moitié grand comme na-
ture A. B. S. N., couvert sur les côtés et par des-
(1) Nous donnerons cette lettre à la suite de cette dissertation.
Noce du traducteur.
8o DE l\' O R A K G - O U T A N G , ETC.
SOUS par deux glandes submaxiilaires très-considé-
rables, qui, en se rapprochant par devant, cou-
vroient latéralement le larynx et ses muscles. Je
fus obligé d\'enlever ces glandes , afin de pouvoir
examiner plus facilement toutes les parties, que je
n\'ai représentées que par devant pour n^ pas mul-
tiplier inutilement la gravure. A. B. C. G. est la
caisse osseuse dans sa véritable situation relative-
ment à la mâchoire G. I. H.
D. est le cartilage thyroïdien; E. le cricoïdien;
F. la trachée-artère; 0. E. le sterno-mastoïdien ;
O. N. le sterno - hyoïdien, dont l\'autre partie s\'é-
tend latéralement jusqu\'à la corne de ce carti-
lage V., ainsi que le thyro-hyoïdien W. V. S. 1\\
La figure 2 de la planche îll représente l\'organe
entier débarrassé de ses m.uscles el vu de côté.
A. B. C. D. la caisse osseuse ou base de l\'hyoïde.
C. et B. les apophyses pointues qui ne se trou-
voient pas dans le grand hyoïde de Vicq dAzyr,
auquel manquoient aussi les cornes de cet os, in-
diqués ici par D. E. F. Il faudroit croire que ces
pethes pointes C. et B. tenoient lieu en même tems
de Vossicula graniformia , car le muscle sîylo-
liyoïdien s\'y trouvoit inséré.
F. E. M. N. le jstylo - glosse ; M. Q. P. la langue
dont le bord étoit ondulé par l\'impression des
dents.
■O. N. N. le genio-glosse.
-ocr page 189-DE L\' O îl A N G - O U T A N G , ETC.
L. G. H. I. le cartilage thyroïdien ; et I. K. le
cricoïdien , avec leurs articulations en i.
Il y a entre le cartilage thyroïdien et l\'hyoïdien
G. B. C., ou D. B., fig. 1, planche 111, une ample
membrane, laquelle s\'étend aussi latéralement;
mais qui se trouve retenue ou comprimée par les
ïnuscles de l\'os hyoïde.
Au-dessous de la base de l\'épiglotte on ti^ouve
un large orifice qui se prolonge jusque dans la ca-
vité de la caisse ou base de l\'hyoïde, A. B. C. ; et
pareillement dans l\'espace membraneux entre cet
os et le cartilage thyroïdien, et par conséquent
au-dessus de la fente du larynx. Les muscles du
cartilage thyroïdien semblent pouvoir faire varier
la situation de ces membranes enflées, sur-tout
lorsque l\'animal jette la tête en arrière en poussant
des cris.
Cette partie, lorsqu\'on la considère bien, me
semble avoir beaucoup de rapport avec le sifflet
dont se servent les chasseurs pour appeler leurs
chiens ; car l\'air comprimé par les poumons de
l\'Alouate dans la fente du larynx, se trouve chassé
avec force dans la caisse osseuse, de là, en dehors
par la même ouverture au-dessous de la base de
l\'épiglotte , dans la bouche de l\'animal, et ensuite
plus loin ; ce qui me paroît produire le bruit con-
sidérable que font entendre ces animaux et dont
Markgraaf et plusieurs voyageurs parlent comme
I. 6
-ocr page 190-Htz u E o R A N G - o u T A N G , E T c.
d\'une chose suprenante , ainsi que Buflbn l\'a fort
amplement prouvé.
Voilà donc un nouvel organe, moins propre en-
core à donnera la voix les mêmes modulations que
celles que l\'homme j peut imprimer.
g. IV. En décembre 1770, je disséquai avec
beaucoup de soin, à Groningen, l\'Orang de M,
Holfmann. Après avoir enlevé la peau et les pla-
tysmamyoïdes , je découvris l\'os hyoïde, représenté
ici de grandeur naturelle, pl. lî., fig. 2, N. O. P.,
lequel ressembloit beaucoup à celui de mon indi-
vidu, et étoit assez grand pour la taille de l\'ani-
mal. Je trouvai ensuite du côté droit une grande
joche , Z. T. X. , laquelle s\'étendoit jusque par
dessus la clavicule, et une autre du côté gauche
Q. R. S, , mais celle-ci étoit visiblement plus
petite.
La grande poche se déchira un peu, ayant souf-
fert beaucoup par le long séjour de l\'animfil dans
l\'esprit-de vin. Je l\'enflai en soufflant dans celte
ouverture; ce que je continuai de faire lorsque je
m\'apperçus que l\'air s\'échappoit entre l\'os hyoïde
çt le cartilage thyroïdien.
Je continuai ensuite à prolonger cette fente avec
des ciseaux, et j\'ouvris la poche de W. jusqu\'en
Z. N. T. ; ce qui me fit découvrir la fente obliqua
Y.il nés me restoit plus le moindsQ doute alors que
DE E\' O B A N G - Q U T A K G , ETC. 85 .
ia poche Q. R. S. du coté gauche n\'eût une pareille
ouverture.
Après quoi j\'enlevai la langue avec toute la par-
tie molle du palais et roesophage, jusqu\'au-dessous
du larynx, ainsi que je l\'ai figuré planche II, fig. i,
où l\'oesophage est fendu et ouvert depuis F. E. jus-
qu\'en G. H.
La partie molle du palais , D. C. L. E. F. , res-
semble à celie de la plupart des quadrupèdes, avec
Cette différence néanmoins que Vuvula ou luette,
fort épaisse dans la partie postérieure, court vers
en bas comme en B. L.3 cependant elle ne dépasse
pas le bord de la partie molle, ainsi qu^on le voit
entre L. et M. ; et la luette tombe moins encore,
comme un lobe, ainsi que cela a lieu dans l\'hom-
me. Il paroît seulement que Fanimal peut con-
tracter ou retirer davantage à volonté cette tuni-
que vers en haut que ne peuvent le faire d\'autres
quadrupèdes.
Le dos ou la partie supérieure de la langue est
représenté extérieurement en-dessus par A, D. B. C.
L\'épiglotte de l\'Orang diffère de celle des autres
singes, comme on peut s\'en convaincre par la com-
paraison de la figure i avec la figu re 5, planche IL
Son larynx n\'est pas de même non plus, et se trouve
conformé exactement de la maniéré dont je l\'ai
représenté.
Ensuite je coupai le cartilage cricoïdien, comme
-ocr page 192-84 DE I4\' o R a is" G - o Û ï A N G , ET C.
on le voit planche II, lig. 10, g. h. h. L ; ce qui me
fit découvrir d\'abord les deux cartilages arylhe-
Boïdiens, b. c. d. h. et g.f. i. — f. e. d. est l\'épi-
glotte; a. i. et a. b. sont les cordes vocales. Outre
cela il y a deux fentes obliques, i. a. et a. b., à
travers desquelles je pouvois introduire un tuyan
de cuivre, principalement par celle du côté droit,
jusque àans la grande poche, on Y., planche II,
fîg. 2, et par l\'autre jusque dans la petite poche ^
que je remplis d\'air, comme je l\'ai représenté en
Q. R. S., de la même ligure.
En relisant Galien (tom. IV, lib. VII, cap.
pag. 465), je trouvai tout fort clair: Foramen
{a.i. , a. b. ) in utj^aque lingulœ , id est epiglot-
tidis j pa?\'te unum effecit natura , et foramini
ipsiyparte interna ventriculum (xotAtav) suppo-
sait {Z. X. Q. K. S., tab. II, fig. 2) non parvum.
In quem quum aër vias nactus amplas in ani-
mal ingreditur, rursusque exit, nihil in ven-
trem depellitur. Pag. 465, 13 — E. Et ensuite :
Fissurum potius , quam foramen esse. Pag. 466 y
A — B. Il paroît aussi, planche II, fig. 2, Y., et
fig. 10, a. i. j a, 6., que ce sont vérhablement des
fentes et non des trous. On ne trouve pas non plus
dans le grec le mot ventrem, comme l\'a remarqué
Brassavolus dans ses notes marginales sur la tra-
duction latine (Class. 1, pag. 161, A —, B.); et je
Crois que cette intercalation sert plutôt à rendre ce
de l\' o r a n g - o u t a n g , ./e t c. 85
passage obscur qu\'à l\'éclaircir; de sorte qu\'il vaut
mieux ne pas l\'employer , et traduire de la manière
suivante :
« La nature a pratiqué de chaque côté de l\'épi-
« glotte une fente , et placé près de cet orifice ,
« du côté intérieur ( c\'est-à-dire , sous la peau ),
« une poche qui n\'est rien moins que petite ; de
« laquelle l\'air, quand il a acquis une grande ex-
« tension, s\'introduit dans l\'animal, et en sort de
« nouveau. Par conséquent, cette ouverture est
« plutôt une fente qu\'un trou, etc. »
Tout ce que Galien dit à ce sujet donne claire-
ment à connoître qu\'il a découvert deux sembla-
bles poches avec une fente de chaque côté de l\'é-
piglotte.
J\'ai trouvé deux poches pareilles dans FOrang
que M. Vosmaer m\'avoit confié pour disséquer, et
que je lui ai renvoyé ensuite. Ces poches se trou -
vèrent également dans FOrang que je disséquai chez
M. Van Hoey, le 3i août 1777.
g. V. Mais j\'ai remarqué quelque dilférepce
dans FOrang dont M. Hope m\'a fait présent : l\'hyoï-
de y ressembloit à celui des deux Orangs précé-
dens; mais il n\'avoit qu\'une seule poche qui avoit
deux canaux ou conduits pour Fair, lesquels com-
inuniquoient avec les deux fentes.
J\'ai représenté le cou et Forgane delà voix mei-
-ocr page 194-86 DE o R A N G - o u T A N G , ETC.
tié grands comme nature , planche II, figure 9.
A. est la mâchoire inférieure avec ses os B. C.
F. E. D. E. G. Fos hyoïde, tel qu\'il est représenté
aussi planche II, fig. 2 ; et E. A. les geniohyoïdiens.
H. I. le cartilage thyroïdien ; K. le cricoïdien :
on apperçoit plus distinctement ce dernier en V.,
plaDche II, fig. 2.
Les deux glandes siibmaxillaires étoient de mê-
me fort apparentes ici; mais cependant elles n\'é-
toient pas , à beaucoup près , aussi grandes que
dans l\'Alouate.
Ayant ouvert davantage la peau de la poitrine,
et séparé les platysmamyoïdes, je vis une seule
poche, que je remplis d\'air en soufflant au travers
de la gorge de FOrang ; ce qui me fit bien voir
qu\'elle étoit composée de deux canaux membra-
neux a. b., comme dans les trois singes dont j\'ai
parlé; mais,que les deux poches s\'étoient confon-
dues , soit par attouchement et pression, soit
qu\'elles eussent été disposées ainsi depuis la nais-
sance de Fanimal.
On voyoit distinctement aussi que la partie droite
a. c. d. e.f. i. , étant plus grande que la partie
gauche, laissoit une espèce de division par un ré-
trécissement entre i. et ƒ
Soit qu\'on chassât l\'air de côté , par l\'un ou par
l\'autre orifice à côté de l\'épiglotte, la vessie entière
s\'enfloit de mêmé totalement ; et quand je souf-
d e l\' o u a n g - o u T A n g , ETC. 87
flois avec force , les appendices c. d. et g. h. de-
Venoient remarquablement plus visibles.
VI. Du moment que j\'eus reçu le tronc de
l\'Orang-Outaiig que M. Vosmaer m\'avoit envoyé
de la Haie, j\'en examinai l\'organe de la voix. Je
commençai par enlever avec précaution les deux
platysmamyoïdes, et préparai le tout le mieux qu\'il
me fut possible, en soufflant de tems en tems au
travers du larynx; ce qui me fit apperc«voir que
dans cet Orang les deux poches se troiivoient éga-
lement confondues ensemble, mais qu\'elles étoient
beaucoup plus grandes que dans l\'Orang de M. Hope
dont j\'ai parlé plus haut. Les deux conduits qui
sortoient d\'entre l\'os hyoïde et le cartilage thyroï-
dien étoient exactement tels qu\'ils sont représentés
planche II, fig. lo , a. et h. ; mais le fond e. se
prolongeoit presque jusqu\'à l\'extrémité du ster-
num, et se trouvoit en partie couverte par les mus-
cles pectoraux. Par en haut la poche montoit par
dessus les clavicules, et beaucoup plus vers le der-
rière par les appendices; de sorte que cette poche
pénétroit de chaque côté profondément dessous
les trapèzes jusque sur les omoplates.
Ces poches deviennent sans doute insensiblement
plus grandes et se dilatent davantage à mesure que
l\'Orang prend croissance et avance en âge ; ainsi
qu\'on le voit dans les animaux ruminans dont la
88 DE l\' o R A N G - o u T A N G , ETC.
caillette ou quatrième estomac est d\'abord plus
grand que la panse; tandis qu\'au contraire celle-ci
devient remarquablement plus grande que la cail-
lette par l\'extension progressive que lui donnent les
alimens. L\'air opère ici le même effet; et la poche
étant distendue de plus en plus entre les parties
dont je viens de parler, acquiert ces nombreuses
proéminences sous la forme d\'appendices.
Quand j\'appliquois le soufflet dans le haut du
larynx et qiie je fermois la fente, je remplissois
d\'abord les poumons; et ceux-là étant pleins, l\'air
pénétroit immédiatement dans la grande poche.
II ne me paroît pas que la réunion naturelle de
ces deux poches puisse nuire en rien à leur em-
ploi, puisque nous remarquons quelque chose de
semblable dans les reins de l\'homme, dont les par-
ties inférieures se trouvent souvent tellement ad-
hérentes qu\'elles ne paroissent former qu\'un seul
tout; mais comme chaque rein en particulier re-
çoit ses veines et donne son uretère, on ne remar-
que pas qu\'il en résulte le moindre préjudice pour
l\'organisation du sorps. Je conserve dans ma col-
lection anatomique plusieurs reins conformés de
cette manière.
I,\'Orang possède la iacuhe d\'enfler à son gré ces
poches ou la réunion de ces poches, lorsqu\'il veut
■chasser de son estomac l\'air qu\'il a fortement ins-
piré ; et alors il presse Fépigloîte contre Forifice
D E L\'o R A N G - o u T A N G, E T c. Sg
du larynx ou ne fait que le courber un peu. Il peut
également vider cette poche par le secours des pla-
tysmamyoïdes , par les pectoraux , et les cucul-
laires ou trapèzes. Le renne, dont les poches hyo-
thyroïdiennes ne se trouvent pas placées sous ces
muscles, a reçu en contre de la nature deux mus-
cles, qui, prenant leur naissance dans l\'os hyoïde,
ramifient leurs fibres et embrassent toute la poche,
comme je le prouve dans ma dissertation sur le ren-
ne, en parlant de la planche V, fig. i2,F.H.etC.I.
VIL De tout cela je conclus, i°.que dans les
singes à queue , et dans le singe d\'Egypte sauvs
queue , qui ne m\'a présenté qu\'une seule poche
contre le larynx, ainsi que dans FOrang qui natu-
rellement en a deux, quoique par fois confondues
ensemble. Fair, formé en plus ou moindre quan-
tité par l\'orifice du larynx, perd toute sa force et
devient incapable de produire un son, en se dila-
tant dans celle poche ou dans ces poches.
Il y a une certaine analogie entre Forgane de la
voix des singes et celui des grenouilles mâles, qui
pressent de même l\'air en dessous de leur langue
dans deux poches latérales, et le chassent ensuite
par des mêmes orifices dessous la langue par le
moyen des muscles de ces vessies , comme je le
fais voir dans ma dissertation sur le chant on
ÇOassenient de ces animaux.
go D E e\' o R A N G - o u T A\' N G , E T c.
a\'\'. Que, dans tous ces animaux, Fépiglotte for-
mant une sinuosité concave par dessus la fente du
larynx, elle empêche l\'air de s\'élever directement
vers la bouche; que par conséquent ils ne peuvent
pas donner à Fair qui revient de ces poches dans
la bouche, les ondulations nécessaires pour for-
mer des sons modulés.
3". Qu\'en supposant même, que les singes à
■queue, dont les cordes vocales qui composent la
glotte sont très-longues et très-fortes , puissent
pousser des sons ; il faudra convenir néanmoins que
ces cordes étant, au contraire, petites et courtes
dans FOrang, cet animal, à qui on voudroit vo~
lontiei\'s accorder la faculté de parler, est infini-
ment moins bien conformé qu\'eux pour cette opé-
ration.
4®. Enfin, qu\'il est prouvé, par Forgane de la
voix même, que les singes et les Orangs sont aussi
pu destinés à former des sons modulés que les
rennes, à qui certainement personne jusqu\'à pré-
sent n\'a accordé cette faculté.
Quelquefois FOrang poussoit, quand il étoit en
colère, des sons plaintifs et des cris rauques et désa-
gréables , ainsi que je l\'ai entendu plus d\'une fois,
sans avoir pu découvrir ce qui se passoit dans la
gorge, d\'autant moins qu\'il tenoit presque tou-
jours la tête penchée contre sa poitrine.
Maintenant nous connoissons aussi la raison
-ocr page 199-DE L\'ORANG-OUTANG, ETC.
pourquoi l\'inspecteur de la ménagerie avoit senti
de l\'air au bas et autour du cou de l\'Orang , sans
que cela indiquât, en aucune façon, quelque chose
d\'extraordinaire ou de dangereilx.
Vin. Si nous nous arrêtons maintenant à la
dénomination et à la classification de cet animal,
nous serons convaincus, i°. que le Pithèque dif-
fère beaucoup du Pygmée de Tyson, parce que
celui-ci avoit un os hyoide comme notre Orang, et
d\'ailleurs un organe de la voix totalement sembla-
ble à celui de l\'homme, ainsi que l\'avance Tyson ;
ou bien que ces deux poches ont échappé à cet
écrivain ; et dans ce cas son organe de la voix ne res-
sembloit point h celui de l\'homme ; que par con-
séquent son inexactitude a sérvi à égarer beaucoup
d\'autres, particulièrement Bulfon, qui même y a
joint une observation fort curieuse , savoir , que
tous les singes de l\'ancien continent ont des aba-
joues, excepté le Pygmée; auquel nous pouvons
joindre, pour second exemple, l\'Orang-Ôutang.
Le Gibbon , qui, à l\'extérieur, est si semblable à
l\'Orang, a? selon le témoignâge de Buffon (i),
des abajoues , quoique Daubenton n\'en fasse pas
mention dans la description anatomique de cet ani-
(1) Tom. XIV,pag.6y. Voyez la Eb du paragraplie I de madis.
serration sur le rbinoeéios bicorne.
92 DE l\' O R A N G - O U T A N G , ETC.
mal. Ce qu\'il y a de certain, c\'est qu\'aucun singe
du Nouveau-Monde ou de l\'Amérique n\'a des aba-
joues.
D\'ailleurs, Galien a disséqué, ou du moinspeut
avoir disséqué l\'organe de la voix d\'un Orang ,
comme il paroît d\'abord par sa description même,
€t secondement par la possibilité où il étoit, com-
me je l\'ai prouvé , de recevoir des Orangs et des
philanders des îles IVloluques.
Je ne saurois rien décider relativement à l\'or-
gane de la voix de l\'Orang de Tulpius, ni du Joc-
ko; ce qui est fort à regretter : et je ne puis rien
statuer non plus sur le Gibbon, de l\'organe de la
voix duquel Daubenton n\'a pas dit un seul mot.
B E l\' o B. A N G - o u T A N G , E T c. gS
CHAPITRE IIL
Des viscères et des intestins de l\'Orang,
§. ï. Comme le Pygmée de Tyson avoit, à ce
qu\'il prétend, une appendice vermiforme au coe-
cum, et que, suivant Daubenton, le Gibbon en a
pareillement une; tandis que Galien ne paroît pas
avoir connu du tout ce petit intestin; il me parut
d\'une grande importance pour les naturalistes de
savoir avec certitude si l\'Orang de Bornéo en étoit
pourvu.
En m\'expédiant mon premier Orang on en avoit
enlevé les intestins; ceux des Orangs de MlVI. Hope
et Vosmaer se trouvoient totalement décomposés;
ce qui rendoit la dissection de FOrang mort à la
Haie d\'autant plus intéressante pour moi. J\'y con-
sacrai le 15 et 17 mars 1777, et dessinai toutes les-
parties avec autant d\'exactitude que le méritoit
cet objet rare.
En ouvrant le ventre , je trouvai au premier
coup- d\'œil beaucoup de rapport entre les intestins
94 DE l\' o B. A N G - o u T A N G , ETC.
et les viscères de cet animal et ceux de l\'homme ;
mais après un examen plus attentif, je découvris
qu\'il y avoit, à plusieurs égards, une fort grande
différence.
Le foie, qui étoit fort grand relativement à la
taille de l\'animal, se trouvoit en grande partie du
côté droit ; mais il occupoit cependant aussi une
place assez considérable du côté gauche, ainsi que
cela a lieu dans presque tous les singes. Il ressem-
bloit au foie du Gibbon dont Daubenton nous a
donné la description (i), et à celui de Tyson; seu-
lement les lobes-portes étoient plus apparens, ainsi
que l\'étoit aussi le lobule de Spiegelius.
Ce foie dilféroit par conséquent beaucoup de ce-
lui du Pithèqu e, chea qui il consistoit, comme dans
les Papions qtse je disséquai en 1768, en trois
grands lobes, et qui avoit le lobule de Spiegelius
assez grand.
Le lobe du milieu étoit en partie divisé en deux,
pour donner passage au ligament rond, de la mê-
me manière que l\'a représenté Daubenton (2), qui
en donne aussi la description. La vésicule du fiel
étoit, dans mon Pithèque et dans mes Papions ,
placée oontre le milieu de la partie droite du lobe
du miliêu, comme le dit aussi Daubenton, quoi-
(O Buffon, tom. XIV, pg. 98 , pl. 4 . 3.
{■i) lbid., pag. n8, pl. lo, fig. a.
de l\' 9 r a n g - o U t a n g , etc.
que dans la planche elle se trouve contre la partie
gauche. Comme la vésicule du -fiel est placée de
même dans le Gibbon (i), je présume que cela
vient du graveur, lequel sans doute a calqué tout
bonnement ses dessins du même sens, sans avoir
eu l\'attention de graver au miroir ; ce qui a donné
une fausse position aux objets, comme cela semble
confirmé quand on regarde par derrière contre le
jour la planche X, qui contient le foie du Magot.
Dans le singe à queue que je disséquai à Frane-
ker en 1754 , le foie étoit divisé en cinq lobes ,
ayant pour sixième le lobule de Spiegelius ; mais
celui-ci n\'étoit pas fort grand. La moitié en étoit
placée de même du côté gauche. C\'est peut-être
de cette espèce de singes que Galien a pris sa sin-
gulière comparaison, quand il dit que le foie em-
brasse Festomac comme avec des doigts (2). (( Pour-
« quoi le foie embrasse-t-il ainsi Festomac? seroit-
« ce pour qu\'il le réchauffât? car c\'est pour cela
<( que le foie embrasse parfaitement Festomac par
<( quelques lobes, comme avec des doigts. )) ( Ce-
(1) Ton). XIV, pl. 4,%. 2.
(2) Cltr auiem cîrcumambit\'Ventrîoulum hepar? An nt ille ab
hoc calefiat? Ad id enim ipsum hepar (juibusdam lobis, tan-
<)nam digitis , -veutricuhan ad unguem complecticur; neque est
unns ipsorum numerus in singulis animalibus , etc. De usu par-
W, lib. IV, cap. 8. pag. ôyo- Ailleurs. Uc Jecurlob.s, ^uasi
digitis <jaibmdam finnîus complectitur, ita et pulmo çoripsum.
a^ usH loborum pulmonis, lib- VU, cap. lO , pag- » , .
96 ï> E o R A N G - o u T A N G, E T c.
pendant le nombre de ces lobes n\'est pas le même
chez tous les animaux.) Ensuite il dit : « Ainsi que
« le foie embrasse l\'estomac avec quelques lobes,
« comme avec des doigts, dé même le poumon em-
« brasse le cœur. »
Ce qui s\'accorde parfaitement avec les singes à
queue et nullement avec le Pithèque, quoiqu\'il pa-
roisse assez certain que Galien aura vu aussi des
foies avec moins de lobes.
Le ligament rond passoit par la substance du
foie, et la capsule de Glisson, qui étoit fort large,
embrassoit, outre les veines et les nerfs, le con-
duit biliaire du foie, provenant de deux amples
branches et le conduit de la vésicule du fiel, qui
est fort grand, fort long, comme dans l\'homme,
et placé au côte droit du ligament rond.
Les deux conduits biliaires se réunissoient, pour
ainsi dire, au milieu de la distance qui séparoit la
.vésicule du fiel du duodénum, lorsque le foie se
trouva relevé, et fomioient un conduit commun ,
presqu\'aussi large que le duodenum même, taudis
qu\'il étoit encore placé dans le corps de l\'animal
sans être gonflé. Je n\'ai jamais vu de conduit bi-
liaire de cette ampleur dans aucun animal. Il avoit
plus d\'un demi-pouce rhynlandique de large, tan-
dis qu\'il a tout au plus le tiers de cette largeur
dans l\'homme. Planche III, fîg. 7, on ramarquera
«ne différence sensible entre K. M. et le duodenunr
DEL ORANG-OUTANG, ETC. 97
H. M.; ce qui, dependant du gonflement, n^\'a pu
être prévenu.
li\'n\'y avoit point de pierres dans la vésicule du
fiel.
Mais le foie éîoit par-tout fort durci et plein de
tubérosités dont il sera parlé dans la description de
la rate.
II. L\'estomac étoit, à peu près comme dans
les chiens, fortement musclé vers le pylore; plan-
che III, lig. 7, entre F. I). ; ayant une profonde
échancrure F. G. Il dlfféroil par conséquent beau-
coup de celui de Fhomme.
Au-dessous de l\'estomac étoit le pancréas, qui
avoit, ainsi que le canal, une grande ressemblance
avec celui de Fhomme; de sorte qu\'il ne demande
aucune observation particulière.
Le péritoine et Fépiploon étoient fort minces, à
peu près comme chez l\'homme.
ni. La
irate étoit bien oblongue, mais d\'une
forme irrégulière et totalement durcie, ainsi que
Fétoit également le foie ; ce qui ne m\'a pas per-
mis de bien dét
ermmer sa forme. Elle étoit non-
seulement dénaturée , mais couverte de tubéro-
sités blanches et dures, qui rendoient sa surface
fort inégale. La surface du foie, sur-;oat du côté
concave, avoit de pareilles tubérosités, dont
I. 7
-ocr page 206-gS D E L,\' o R A N G— o u T A N G , E T C.
quelques-unes étoient plus grosses qu\'un pois ; et
il y en ayoit de certaines sur la rate d\'un demi-
pouce de diamètre.
Ces tubérosités étoient blanchâtres , et ressem-
bloient à une graisse dure quand on les partageoit
en deux ; ils pénétroient pronfondément dans
le parenchyme de ces viscères, et avoient de pe-
tites veines qui s\'y ramifioient en tous sens. Le foie
et la rate avoient perdu par là une grande partie
de leur état naturel, et de l\'usage auquel ils sont
destinés.
J\'ai trouvé ces mêmes tubérosités, mais beau-
coup plus petites, dans le Pithèque que j\'ai dissé-
qué en 1776.
Les glandes du mésentère se trouvoient non-
seulement durcies et noirâtres dans l\'Orang, mais
toutes étoient singulièrement boursoufflées.
g. lY. Il n\'y avoit ni replis dans le duodenum et
dans le jejunum, ni rides dans le reste des intes-
tins grêles ; de manière que l\'Orang diffère par là
beaucoup de l\'homme ; mais les vi//i étoient fort
apparens.
Les gros intestins méritoient d\'autant plus une
attention particulière que je n\'avois pu les exami-
ner dans les individus que j\'avois précédemment
disséqués 5 que d\'ailleurs l\'appendice vermiforme
ressemble beaucoup a celui de l\'homme , et que
DE L\' O B. A N G - O U T A N G , ETC, 09
cet intestin ne se trouve point chez les singes à
queue ni chez celui d\'Egypte , mais bien chez le
Pygmée de Tyson, ainsi que chez le Gibbon et le
Wou-wou. PL m, fig. 6, représente le cœcum en-
flé et séché au quart de sa grandeur naturelle.
O. P. Q. est l\'ileum qui se trouve attaché latéra-
lement au colon, comme dans l\'homme. O.S.V,
un fiagment du mésentère.
U. Q. W. X. l\'appendice vermiforme faisant deux
circonvolutions et retenu par une membrane ,
comme par un mésentère.
R. S. T. ressembloit à notre cœcum; mais dans
l\'Orang cette partie tournoit subitement vers le
côté gauche, et formoit le colon Y. Z., lequel est,
comme dans l\'homme et dans tous les autres ani-
maux, soutenu par trois longues bandes dont une
s\'apperçoit ici le long de Y. Z.
Cet intestin étoit chargé de beaucoup d\'excré-
mens; tandis que l\'estomac se trouvoit, pour ainsi
dire, vide, et ne contenoit que de petites boules
blanches, lesquelles paroissoient être graisseuses et
nageoient sur Peau, ainsi que quelques brins
d\'herbe.
Daubenton a trouvé de même dans le Gibbon ,
nn pareil intestin vermiforme , dont il a donné le
dessin. M. Van der Steeg a eu la bonté de m\'en-
voyer le squelette et le cœcum d\'un Gibbon ou
Wou-wou, dont l\'appendice vermiforme est beau-
coup plus spacieux et plus court que celui de l\'O-
rang dont il est question ici.
V. Les reins étoient fort sains, et ressem-
bloient à ceux de l\'homme , excepté qu\'ils n\'é-
toient pas si longs ; ce qui les faisoit paroître plus
gros et plus larges. Je n\'ai apperçu sur la superfi-
cie des reins aucunes rainures, qui sont des signes
de jeunesse 3 peut-être ont-ils ces rainures lorsqu\'ils
sont nouvellement nés , comme je l\'ai remarqué
dans plusieurs animaux, même dans l\'éléphant.
VI. Pour conserver la poche placée par de-
vant sur le sternum , je fus obligé d\'enlever par
dessous les poumons et le cœur 5 ce qui me fut
d\'autant plus facile que la cavité de la poitrine
étoit large et peu profonde. Mais les poumons
étoient tellement adherens au diaphragme et au pé-
ricarde (ainsi que les lobes l\'étoient également l\'un
à l\'autre) qu\'il ne m\'a pas été possible d\'en déter-
miner le nombre.
Mais le tout ayant été enlevé ensemble , j\'y
trouvai beaucoup de rapport avec la figure que Ty-
son en a donnée, fig. 6.
Le coeur étoit petit, et les glandules {thymi) y
étoient encore apparentes, telles qu\'elles sont re-
présentées par Tyson.
Dans le parenchyme des poumons j il y avoit
-ocr page 209-DE L\'ORANG-OUTANG, ETC.
par-tout, ainsi que sur leur surface, des tubéro-
sités dures et blanchâtres, ainsi que je l\'ai dit plus
haut III, du foie et de la rate.
Les glandes placées derrière la division des
bronches , étoient fort enflées et fort dures , et
l\'intérieur de quelques-unes même étoit rempli
d\'une matière ichoreuse.
En général, les poumons m\'ont paru d\'une na-
ture plus celluleuse que ceux de l\'homme.
Il paroît, tant par le durcissement des poumons
et leur singulière dégradation , que par l\'état du
foie , de la rate et des glandes du mésentère , que
toutes ces parties avoient beaucoup souffert par
différentes maladies, et que les poumons avoient
été attaqués de grandesinflammations,pourne pas
parler des tubérosités dont il a été question. Que
c\'est par conséquent\'à ces causes réunies qu\'il faut
attribuer l\'état de langueur, et ensuite le prompt
dépérissement et la mort de notre Orang.
Comme j\'ai remarqué un pareil endurcissement
au foie du Phhèque, il n\'est pas à présumer que
c\'est au défaut de mouvement nécessaire , ou de
nourriture et sur-tout de chaleur convenable, qu\'on
doit attribuer la prompte mort de ces animaux
dans nos froides contrées.
j
103 de l\' o r a n g - o u t a n g , etc.
Ges parties sexuelles de V Orang femelle,
§. I. J\'ai déjà dit plusieurs fois, qu\'avant de
m\'envoyer cet Orang, on l\'avoit écorché pour en
bourrer la peau; que par conséquent on en avoit
enlevé l\'anus et les parties sexuelles extérieures.
J\'ai suppléé a ce défaut par le premier Orang
femelle que j\'ai disséqué. Dans celle-ci le clitoris
étoit fort apparent, comme on peut le voir pl. I,
fig. 1, et même extraordinairement alongé en
comparaison de celui de la femme, comme cela a
de même lieu chez d\'autres singes, quoique dans
aucune espèce autant que dans le Coaita , ainsi
que Daubenton l\'a fort bien figuré et décrit ( i ).
Les nymphes étoient comme réunies ensemble ; 11
n\'y avoit point de rides , et l\'hymen n\'étoit pas
apparent, quoique ce fut un fort jeune sujet.
(O Tom. xv, pl. 3.
-ocr page 211-io5
L\'urètre se trouvoit immédiatement au-dessous
des nymphes réunies.
§. IL Après avoir ouvert le ventre, la vessie se
présenta absolument vide dans le tronc, fortement
contractée et très-musclée, sous le péritoine. Et
entre le péritoine et le rectum étoit placée la ma-
trice aplatie, telle qu\'on la trouve dans les jeunes
filles.
Les deux ovaires, longs de cinq huitièmes et
larges de trois huitièmes de pouce , se trouvoient
cachés derrière les trompes de Fallope, dont l\'ori-
fice étoit grand , avec une enveloppe fibreuse, la-
quelle cependant n\'étoit pas si frangée que dans
les femmes. Par ces trompes on pouvoit, avec une
grande facilité , faire entrer l\'air de chaque côté
jusque dans la matrice. Il se pourroit que Galien
ait connu ces trompes. (( Ces vaisseaux , qui sont
a larges près des ovaires, et qui ont une cavité vi-
« sible, deviennent, en s\'en éloignant, plus étroits,
« et paroissent enfin ne plus être creux ; mais ils
(( redeviennent larges derechef près des cornes de
(( la matrice dans laquelle ils sont insérés (i). »
( I ) Quae ( vasa seminaria ) jiixta ipsos testes lata sunt, et cavî-
taiem sensibilem habent, paulo a testibus {ov^nU) reccdentia
angnstiora et quasi non cava, deinde jiixia cornua, ubiin uterum
eiiain inseruntur, rursiu dilatantur. De Dissert. Uter., cap. 9,
pag, 181. A—B.
lo4 DE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC.
Galien se fait un honneur de cette observation,
parce que ni Aristote , ni Hérophile , ni Eudème ,
quoique d\'ailleurs bons anatomistes, n\'avoient pas
connu ces vaisseaux.
La matrice avoit un quart de pouce de large, un
pouce de long, et également un pouce de long de-
puis l\'orifice intérieur jusqu\'à l\'endroit où la vulve
avoit été coupée obliquement.
Les ovaires, leurs vaisseaux sanguins et les trom-
pes étoient, comme dans la femme , retenus par
les ligamens larges qui ne sont qu\'une duplicature
du péritoine.
III. Les ligamens ronds sont plus remarqua-
bles et fort apparens : ils passent d\'abord sous le
péritoine, qu\'ils semblent entraîner avec eux, for-
mant une gaine creuse , à laquelle Nuck a donné
le nom de diverticulum. Ces gaines ou diverticula
avoient cinq huitièmes de pouce de profondeur. Ce
sont donc là les processus peritonœi des femelles
des animaux. U est fort singulier que j\'aie trouvé
aussi ces diverticula dans le Papion ou Sphinx de
Linnfeus , que j\'ai disséqué à Groningen en 1768.
J\'ai découvert plusieurs fois ces diverticula dans
des filles nouvellement nées , et j\'en ai donné la
description dans ma Dissertation sur les causes
des fréquentes hernies dans les enfans. Cepen-
dant on peut dire qu\'ils sont fort rares relativement
DE l/ O R A N G - O U T A N G , ET C. lO^
au nombre des individus. J\'en ai observé de lort
remarquables dans des femmes âgées.
Ces ligamens pénétroient. ensuite , comme dans
la femme, par les anneaus de l\'abdomen vers l\'os
pubis.
IV. Le vagin étoit assez lisse en dedans ; la
partie ridée suivoit la longueur du vagin , mais a
peu de profondeur. Il étoit aplati par le haut, et
avoit sur les côtés deux petits plis visibles ou plu-
tôt deux petites cannelures, qui, de l\'orifice interne
de la matrice, descendoient jusqu\'à près de la moi-
tié du\' vagin. . ,
Mais par dessous , vers l\'issue de l\'urètre , il y
avoit une petite sinuosité divisée par des membra-
nes , que je pris pour des glandules conglomérées
destinées à garantir les parties voisines de l\'âcreté
de l\'urine.
La cavité de la matrice n\'avoit point de col, ni
les glandes de Nabotb, mais de petites rides fort
déliées qui couroient en remontant vers le fond de
la matrice, et paroissoietit pénétrer de chaque côté
dans les trompes de Fallope.
Quoique la matrice de quelques singes ressem-
ble , pour ce qui regarde la forme, à celle dont je
viens de parler, et n\'ait aucunement deux cornes,
comme chez la plupart des quadrupèdes, Galien
n\'en appelle pas moins la matrice des femmes ute-
lo6 de l\'orang-outang, etc.
rum hisinuatwn, « matrice à double sinuo-
« sité (i) ; )) et il donne le nom de multisinuatum,
« à plusieurs sinuosités, » à celle des animaux qui
portent beaucoup de petits à-la-fois. Ensuite il dit
d\'une manière fort précise, qu\'ils ne portent pas
leurs petits dans les cornes delà matrice, du moins
pas les femmes, ni les chèvres, ni les vaches, etc.
Comme Galien n\'a pas disséqué de femme , il
ne paroît pas non plus avoir mis beaucoup d\'im-
portance à l\'examen de la matrice du Pithèque et
d\'autres semblables animaux.
C\'est ici qu\'il convient le mieux peut-être de dire
que l\'Orang vivant étoit trop jeune encore et n\'a-
voit pas atteint assez de croissance pour avoir ses
évacuations périodiques.
V. Je dois aussi parler ici de la vessie : elle étoit
assez grande et très-fortement musclée ; de sorte
que ses libres, considérablement racornies par l\'es-
prit de vin , ne pouvoient être étendues qu\'à un
diamètre de deux pouces et demi de longueur sur
un,et trois quarts de pouce de largeur.
Sa forme éîoii ovoïde, plus large par en bas que
pa}^ en haut, et comme un peu rétrecie au milieu,
de la même manière que la vessie du Gibbon est
figurée par Daubenton (y).
(O De Dissert leter., cap. 3 , pag. 277, e.
(?)Tom.XIV, pl. 5, A.
d e l\' o r a n g - o u t a n g- , etc. i07
L\'urètre avoit sept huitièmes de pouce de long,
par conséquent il étoit plus long que dans ia fem-
me, à cause quelesospubis de l\'Orang ont environ
deux pouces de haut. Dans la femme, même de la
plus grande taille, ces os n\'ont souvent pas plus de
hauteur (1). Le docteur Smellie leur donne, dans la
femme, deux pouces de hauteur; mais M. P. De
Wind et moi-même nous ne leur donnons qu\'un
pouce et demi (2).
L^s uretères sembloient s\'insérer près de l\'ori-
fice de la vessie, comme dans tous les animaux.
Le ligament qui restoit de la vessie étoit remar-
quable , sans être creux cependant; de sorte que
je ne veux pas m\'en prévaloir pour déterminer
quelque chose relativement à l\'ouraque.
Le fond de la vessie passoit fort au-dessus de
ce ligament; tandis que c\'étoit de là que la plupart
des fibres des muscles de la vessie prenoient leur
origine, comme chez tous les antres animaux.
La vessie de cet animal diiféroit par conséquent
de celle de la femme, chez qui elle est large par
en bas et se termine en pointe par en haut, mais
en formant néanmoins un angle obtus.
(0 Voyez le chapitre VJ, paragraphe 2.
(a) Voyez îa dissertation que j\'ai jointeà l\'ouvrage daMauricea«,
-ocr page 216-DE L\'orang-outang, ETC.
I>es parties sexuelles de VOrang mâle.
T- Tous les Orangs que je m\'étois procurés
jusqu\'alors pour mes éludes avoient été des fe-
melles ; M. Van Hoey m\'en procura cependant à
la fin un maie que je disséquai. La verge étoit pro-
fondément cachée sous le prépuce , et se trouvoit
conformée de la manière qu\'elle est représentée
planche III, fig. 8, A, B. , ayant un long frein et
point de gland distinct comme chez l\'honHiie.
En disséquant, en 1754, un Cercopithèque
mâle , je découvris deux muscles qui prenoient
leur origine de chaque côté du bord inférieur des
os pubis , un peu au-dessus du^gros accélérateur
de la liqueur séminale : ces muscles se i-éunissoient
à la jonction des os pubis, et se prolongeoient en-
suite le long du dos delà verge jusqu\'à l\'origine de
l\'os. Il servent à retirer la verge dans le prépuce,
comme chez lous les quadrupèdes dont la verge
est cachée ddns une gaine. Chez l\'éléphant, ces
io8
muscles constricteurs, que je nomme retrahen-
tes, sont fort remarquables , et ils le sont égale-
ment chez le marsouin. Les parties de la généra-
tion d\'un Mandrill que j\'ai disséqué étoient exac-
tement semblables à celles du singe à queue dont
il est question , à l\'exception que le gland de la
verge étoit profondément fendu. If avoit également
les muscles constricteurs très-forts. Comme la
verge de l\'Orang est de même totalement cachée
dans gaine du prépuce, il paroît plus que pro-
bable que ces constricteurs ou retrahenles se trou-
vent aussi dans cet animai.
Daubenton n\'en fait aucune mention dans la
description anatomique du chien et des singes ,
dans lesquels cependant il auroit dû les trouver,
puisqu\'il les a observés dans le cheval, le tau-
reau , etc. Au reste, je ne m.e rappelle pas d\'avoir
jamais rien lu sur ces muscles chez aucun écrivain.
Les testicules se trouvoient bien placés dans une
espèce de scrotum , mais contre les os pubis , un
peu au-dessous des aines C. D.
g. II. Les intestins en avoient été arrachés au-
tant que possible par le haut et par le bas 5 heu-
reusement néanmoins que le péritoine où les vais-
seaux spermatiques pénètrent en dehors itoit en-
core entier, et l\'on voyoit très - distinctement le
méat, ou le conduit, dont j\'ai donné une descrip-
no DE l\' o R A N G - o U T A N G , ETC.
t ion fort détaillée dans Mémoires de la Société
de Harlem (i).
Tyson (a) dit clairement que le péritoine de son
Pygmée étoit absolument semblable à celui de
Tbomme , c\'est-à-dire , fermé et avec une cica-
trice à l\'endroit où le conduit est autrement ouvert.
Tyson va même pins loin, et conclut décidément
de là que le Pygmée ou Orang doit marcher dans
une poshion verticale; tandis que nous savons
maintenant le contraire par l\'Orang d\'Asie. J\'ai
trouvé aussi, en 1768, ces conduits entièrement fer-
més, comme dans les personnes bien conformées,
dans le Meckou, là vingt-neuvième espèce de singes
deJJnneeus, lequel cependant marche incontesta-
blement à quatre pattes.
Comme l\'anitoal étoit fort jeune et le sujet fort
précieux, je n\'ai pas voulu pousser plus loin l\'exa-
men de ces parties. 11 me parut d\'ailleurs assez vi-
siblement que leur conformation ne diffère pas
d\'une manière sensible de celle des autres singes.
§. III. Il m\'a été également impossible de me
procurer des notions certaines touchant les cre-
mastères : ils étoient trop dénaturés par l\'esprit de
vin et trop foibles pour que je pusse les suivre sans
les déchirer.
(i) YIdeel, i stuk, pag. 24aet;seq.
<a)Pag. 267.
BE I/O R A N G - O U T A N G , ETC. 111
Je les ai trouvés dans tous les singes à queue que
j\'ai disséqués, tels que Soranus (i) les décrit d\'a-
près Galien; c\'est-à-dire, qu\'il y a deux muscles,
dont l\'un part vraisemblablement de l\'os pubis près
de l\'ilion, l\'autre plus haut du bord de l\'ilion mê-
me. Avicenne a pareillement donné une descrip-
tion fort exacte de ces deux muscles (2), et Fal-
loppe paroît aussi les avoir bien connus (3).
Tyson (4) ne s\'y arrête pas beaucoup, et se con-
tente de dire que les cremastères sont fort délicats.
§. IV. Nous voici arrivés à une partie essentielle
qui nous aidera à placer avec plus de certitude
l\'Orang parmi les singes et les quadrupèdes ; sa-
voir, l\'os que les chiens et tant d\'autres quadru-
pèdes, les phoques même et le morse ont dans la
verge.
L\'Orang de M. Van Hoey étoit si jeune et sa
verge si molle qu\'au toucher seul on pou.voit as-
surer, pour ainsi dire, que cette partie ne conte-
noit ni os ni cartilage.
Tyson (5) va plus loin : il assure non-seulement
que son Pygmée n\'avoit point d\'os dans la verge ;
__\\________________
(i) Chart, ibid., cap. 27, pag. 264.
(.2)-Fen. docc. V, cap. 23, pag- Sj\'
(3) Obs. anat., pag. SS/, lO.
(4) Pag. 85.
(5) Pag. ,4.
li
112 DE L\' O R A N G - O U T A G , E T C.
mais ajoute même que ies singes n\'en ont jamais;
ce qu\'Aristole (i) avoit cependant déjà mieux ob-
servé, puisqu\'il compare, à cet égard, ies singes
aux chiens.
J\'ai trouvé cet os dans tous les singes à queue
d\'Afrique que j\'ai disséqués. Daubenton peut sur
cela pleinement satisfaire la curiosité du lecteur;
car il en décrit un grand nombre de différentes es-
pèces de singes, tels que du Magoî, tom. XIV,
pag. i32 , du Papion , pag, 189, du Macaque, pag.
3o5, etc., comme on peut le voir par sa table des
matières.
§. Y. Je conclus des conduits ouverts du péri-
toine qu\'à cet égard FOrang diffère aussi remarqua-
blement de l\'homme; car, quoiqu\'il soit vrai que
plusieurs enfans naissent avec ces conduits ou-
verts, il se passe à peine un ou deux ans sans qu\'ils
soient entièrement fermés; tandis qu\'ils restent
toujours ouverts chez les singes. 11 en est de même
de la verge, laquelle se trouve, comme dans les
chiens, totalement cachée sous le prépuce.
(\') Hùc. anim,, lib. II, cap. 8, pag. 784.
-ocr page 221-DE L\'ORANG-OUTANG, ETC, IIO
Du squelette de VOrang en général, et comparé
avec celui de l\'homme et d\'autres singes.
g. I. IVIoN principal objet dans ce chapitre est
de comparer le squelette de FOrang avec celui de
Fhomme, tant relativement au rapport que les par-
ties ont entr\'elles en longueur et en largeur, que
relativement à leur véritable forme,
1°. La tête de FOrang est le sixième de toute sa
longueur, tandis que chez Fhomme elle en est le
huitième.
2®. Les bras étendus en angle droit mesurent
huit têtes chez FOrang, par conséquent deux têtes
de plus que Fanimal n\'a de hauteur; au lieu que
l\'homme\'mesure ainsi exactement sa hauteur.
3°. Les mains font les deux neuvièmes de sa
hauteur; elles sont donc beaucoup plus longues
que sa tête; chez Fhomme elles font le dixième de
toutç sa hauteur, c\'est-à-dire, seulement la lon-
gueur de son visage.
ï, 8
-ocr page 222-i 14 r> K l\' o R A N G - o u T A N G , E T c.
4". Ses pieds ont environ un cinquième de sa
hauteur; chez l\'homme à peine un sixième.
En comparant entr\'elles les différentes parties
du corps de l\'Orang, par exemple, le fémur avec
le tibia , l\'humérus avec le radius, etc., leur dis-
proportion frappe tellement les yeux, qu\'il n\'y a
point d\'homme sur la terre, pas même parmi les
Calmoucks(i), dont les membres n\'offrent pas une
plus belle harmonie, et un rapport plus convenable
pour faire avec facilité et grâce tous les mouve-
mens nécessaires, tels que marcher, s\'asseoir, etc.
2.
II. Voici les mesures du tronc de l\'Orang
que m\'avoit communiqué M. Vosmaer :
poKc. rîi.
Depuis les vertèbres qu\'on avoit sciées jus-
qu\'au-dessous de l\'os pubis............ i5i
I— jusqu\'au cartilage xiphoïde............ y|
De ce cartilage jusqu\'au bord supérieur de
l\'os pubis.......................... 6|
Par derrière, des vertèbres sciées jusqu\'aux
os ischion.......................... i"
jusqu\'à l\'extrémité du coccix.......... i6|
Largeur des épaules dépouillées de la peau..
(1 j Buffon , Hist, nat., tom. IV, suppl., pag. 487, que les
Calmoucks sont les plus laids de tous les hommes.
DE L\' O K. A N G - O U T A N G , ETC. 1 l5
pouc.rliii
Largeur du bas de la poitrine où elle est la
plus large...............................5|
Profondeur jusqu\'aux vertèbres........... 4|
Longueur du sternum .................. 5
Circonférence de la plus grande largeur de
• la poitrine .......................................2o|
Toute la hauteur des os de la hanche, A. L.,
planche II, fig. 7.................... 6
Largeur du bassin près deK..............
— des os ilion A. D....................
Hauteur de l\'os pubis G. M.............. i|
En comparant ce tronc avec la. figure de notre
"Orang, on s\'appercevra facilement qu\'il se trouve
entre ces animaux une différence comme il y en a
parmi les hommes; mais que mon sujet étoit ce-
pendant beaucoup plus petit que celui de la Haie;
que d\'ailleurs la poitrine étoit, comme dans tousi
les quadrupèdes, latéralement plus étroite que pro-
fonde; tandis que dans l\'homme elle est, au con-
traire, visiblement plus large que profonde. : r
Il est facile d\'en concevoir la raison : l\'Orang
n\'est pas destiné à se coucher sur le dos, mais sur
le côté, comme tous les quadrupèdes et tous les
singes, si je puis en juger par ceux que j\'ai;vus.
Aussi les apophyses épineuses des vertebres ne
sont - elles pas disposées comme dans l\'homme ;
116 D B l\' o K A N G - o u T A N G , ETC.
celles du cou sont longues, excepté la supérieure,
et se trouvent placées totalement en arrière, comme
on peut le voir planche I, fîg. 5. Les autres sont
tournées vers en bas, et diminuent de longueur à
mesure qu\'elles approchent de l\'os sacrum.
Cette disposition ne lui permet pas de jeter sa
tête ni de plier ses reins beaucoup en arrière.
Il seroit inutile de parler ici du nombre des ver-
tèbres lombaires, après tout ce que j\'en ai dit dans
l\'introduction. "
lïl. La réflexion suivante nous fournira une
nouvelle preuve que l\'Orang est assis et marche
naturellement avec le dos voûté. La colonne de tou-
tes les vertèbres ensemble, jusqu\'à l\'os sacrum ,
n\'est pas disposée en forme de S, comme dans
l\'homme, à qui sa position verticale rend cela ab-
solument nécessaire. Ce n\'est pas que l\'épine de
son dos ait cette forme en naissant, mais elle l\'ac-
quiert insènsiblement, et en voici les raisons.
lO, La ligne de gravité, tirée du centre de mou-
vement de notre tête par le milieu du crâne, nous
fait voir qu\'à proportion que notre corps acquiert
plus de poids par devant, notre poitx\'ine et nos
épaules doivent se jeter davantage en arrière, pour
maintenir l\'équilibre; et c\'est par cette même rai-
son que notre tête penche davantage en avant. L\'é-
pine du do§ devient alors concave au cou, convexe
D E o R A N G - o u T A N G , ETC. 117
au dos ei de nouveau concave aux reins, ainsi qu\'on
s\'en convaincra mieux par la vue des admirables
ligures que le célèbre Albinus nous a daissees du
squelette de l\'homme et de ses os. Cependant Hyp-
pocrate est le premier (i) qui ait décrit de là ma-
nière la plus exacte cette forme en S de notre dos,
comme je l\'ai remarqué, il y a vingt ans, dans la
première dissertation que j\'ai jointe à la seconde
édition de la traduction hollandoise de l\'ouvrage
de Mauriceau (2). . , : :;> .-jriu; ^
2°. Le centre de mouvement de notre jtete,est
disposé de manière que les condyles de l\'occiput
se trouvent placées exactement au milieu ; tandis
que dans l\'Orang, planche ï, iig. 3, la distance de
K. jusqu\'à la ligne verticale tirée de D. e. ou de^
K. sera à K. S. :: i. : 2.
Par conséquent la tête de l\'Orang dçit nécessair,
rement tomber toujours en avant vers Iç^terre •-fit
c\'est aussi pourquoi ses vertèbres jCervipalesparoijST:
sent être garnies de plus longues apophyses., ^ ;
g. IV. Comme l\'homme marchp= dans il,në,posi-
tion droite, et ,que le point de mopyement du ti-
bia ne se trouve pas au Centre de ta longueur du,
pied; que les centres de mouvement des têtes des
il) De Arte. Chàrt.y tom. VIII. ïeiit. 40, 41, 4«, \'44\'
(2)Pag. u.
118 DE L\' O R A Tî G - O UT A N G , E T C.
fémursîsontplus distanslès iiiis dés autres que ceux
des pieds , il doit nécessairemerit en résulter les
deux altérations dans les formes que voici : i". il
faut que le fémur se courbe légèrement eii avant ;
et 2®. les condyles internes doivent s\'alonger\'da-
vantage que" les exiternes. j .
L\'Orang ïi\'offre ni l\'une ni l\'autre dé ces circons-
tandés\'-(\' au contraire, ses fémurs sont droits et leurs
condyl\'és bnt la même longueur , ainsi que cela a
également lieu dans tous les singes^
Lliomméa le genou plus profond que large; l\'O-
rang, àù contraire, l\'a visiblément plus large que
profolïd\'rce\'quî est une nouvelle preuve qu\'il n\'est
pas d\'èstlrié\'à marcher dans une position verticale.
A quoi l\'on peut joindre encore que la rainure dans
laquelle glisse la rotule ne monte pâs, à beaucoup
près, aussi Eauï ifiie\' cela devroit être , si l\'Orano-
* / -» O
étëitdestirië/îëdmmel\'homme, à se tenir ou àmar-
ciféï^ îèhf^èîïis dàns-une position droite, c\'est-à-
dire, avé\'c léi gënbîfx tendus. ^
g. V.\' Je saàsirèfi- cette occasion pour indiquer la
manière\'donf\'tra parviendra\' à conserver le sque-
lettes eftïîer\'tfe animal rare ét précieux, et à
■ cbûéèrvant sa véritable
figu^e^et-oa gmndcur vt^mli» qu:e,-«am cette pré-
caution , elle s\'alonge toujours beaucoup et prend
une mauvaise forme.
DE L\'ORANG-OUTANG, ETC. Hg
Pouvre d\'abord la peau transversalement sur la
nuque du cou, à peu près.d\'une oreille à l\'autre,
et le long du milieu du dos jusqu\'à une petite dis-
tance du coccix ou de la queue.
Ensuite je sépare la peau de la tête en allant de
l\'occiput vers ïe museau ; j\'en enlève en même tems
les yeux, puis les mâchoires, etc., jusqu\'à ce que
j\'aie dépouillé la tête entière.
Après quoi j\'ouvre le dos par dpssua les épaules
et les hanches.
Je coupe ensuite la peau le long du petit doigt,
de la main, du bras, du côté intérieur jusqu\'au
coude. Je sépare la peau des doigts, et, si cela est
nécessaire, je l\'ouvre de même sur les côtés, en
commençant par dépouiller la main et l\'avant-bras
de la peau, dont je retrousse le reste, qui cède
facilement à cette opération.
Si l\'animal a une queue je ia dépouille en même
tems.
J\'opère sur les cuisses, les jambes etles pieds de
la même manière que je viens de l\'indiquer pour
les bras. Cela fait, je coule un modèle de l\'animal
en plâtre , dans une forme de terre glaise ou de
plâtre même, si cela\'est possible, sur-tout de la
tête avec les dents. Par ce moyen , j\'obtiens une
figure exacte en plâtre de mon sujet; ou bien je
fais sculpter en bois le tronc, sur lequel je place
la tête de plâtre. Ensuite, j\'étends ma peau pré-
■■illill
Ï 20 DE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC.
parée par-dessus ce modèle, eu y faisant percer
des trous aux endroits nécessaires. En suivant ce
procédé , on parvient à mieux préparer que d\'au-
cune autre manière l\'animal et à lui donner sa for-
me naturelle, particulièrement à la tête.
Les dents de plâtre blanc produisent le même
effet que les dents naturelles. On peut peindre les
joues.
E-
^ C\'est de cette manière que j\'ai traité la tête de
mon premier Orang, parce que, n\'étant pas cer-
tain si j\'en posséderois un second, je voulus en con-
iserver la face, ainsi que je la possède en effet.
■> t;
\'\' -..y i;. « ■
-ocr page 229-DE L\' ORANG-OUTANG, ETC. 121
CHAPITRE VIL
De la tête décharnée et des vertèbres du cou de
FOrang.
g. I. J\'ai représenté la tête décharnée de l\'O-
rang vue de profil, planche I, fig. 3, et en face
fig. 5, moitié grande comme nature; et à coté de
chacune de ces figures on voit la tête couverte de
sa peau, afin qu\'on puisse mieux les comparer en-
semble. Et, pour qu\'on en saisisse plus facilement
l\'explication , j\'ai indiqué chaque partie par les
mêmes lettres de l\'alphabet.
Vu de profil, l\'ovale du crâne ressemble asses
à celui de l\'homme, ainsi que l\'orbite de l\'oeil, le-
quel est également parfait chez tous les singes.
Mais la mâchoire supérieure n\'est pas placée,
comme chez l\'homme, dessous le front ; elle forme
la ligne faciale fort saillante c. d., et l\'angle fort
aiguë c. S. e./de cinquante-huit degrés. J\'ai dé-
montré fort au long cette différence dans ma Dis-
seHatioTi sur Içs variétés natUjrelhs qui carctc-
122 DE L\'orang-outang, ETC.
térisent le visage des hommes de divers climats et
de différens âges, etc. J\'ai indiqué la ligne faciale
des Nègres par la ligne ponctuée ƒ R., pour qu\'on
puisse en remarquer mieux la distance.
D\'ailleurs, le bord de la mâchoire supéVieure ,
où sont placées les dents et les molaires , n\'est pas
parallèle à l\'horison, mais forme presque un angle
droit avec c. d., c\'est-à-dire, que la partie anté-
rieure Q. S. va en montant ; ce qui force la mâchoire
inférieure à monter aussi, pour que ses dents de
devant puissent se serrer contre celles de la mâ-
choire supérieure. Voilà ce qui occasionne ce grand
menton et ce museau si saillant de l\'Orang-Outang.
L\'apophyse manamillaire est encore fort petite; il
se peut qu\'elle devienne plus grande chez les adul-
tes: de même qu\'elle est imperceptible chez les en-
fans, croît ensuite avec l\'âge et prend seulement
chez les hommes\'faits la figure d\'un mamelon ^
auquel les anciens l\'avoienfc déjà comparée.
Lès sutures ressemblent à celles du crâne hu-
inain ; cependant la partie squammeuse de l\'oè tem-
poral , A. B. E. K., est moins élevée en A. B., dïnsi
qu\'elle l\'est de même dans tous les autres singes.
Cette suture se trouve représè\'hfee\'de même\'dans
le Pygmée de Tyson. Quoique cette\' différence ne
soit pas essentielle, elle n\'en est pas moins rémar-
q^uable.
Les orbites des yeux sont, coainie dans tous les
-ocr page 231-D E L\' o 11 A N G - o u T A N G , ETC. 125
autres singes, fort rapprochés l\'un de l\'autre, ainsi
c^u\'il est facile de s\'en appercevoir planche ï, fig. 5.
IL Mais ce qui méiTte le plus d\'attention, c\'est
la division de la mâchoire supérieure en deux par-
ties ; savoir, la grande partie, N. P. Q. R., et l\'an-
térieure , Q. R. S., propriété commune à tous les
singes et à la plupart des quadrupèdes;mais qu\'on
ne trouve jamais dans l\'homme, pas même clans
les Nègres, malgré toutes les peines qu\'on s\'est don-
nées pour les faire provenir du mélange de l\'hom-
me avec l\'Orang-Outang.
Chez tous les animaux qui ont des dents incisi-
ves, la partie antérieure de la mâchoire ne con-
tient que ces dents seules; ce qui a également lieu
chez l\'Orang : et quoique tous les animaux qui ru-
minent n\'aient point de dents incisives dans îa
mâchoire supérieure, ils ont néanmoins visible-
ment cette division qu\'on retrouve aussi chez le
fourmilier du Cap de Bonne-Espérance , et chez\'
le rhinocéros, qui a de même cette partie sans-
dents (i).
Ces deux parties sont partagées par une suture
Q. R., que Galien a fort bien connue, et que Ty-
son dit d\'une manière expresse n\'avoir pas îroti-
(O Voyez planche IV, fig. 3, O. P. , et îa Dissertation sur t»
Hhinocéros (^ui y a rapport.
3 24 D E L\' O K A N G - O U T A N G , E T C.
vée dans son Pygmée (i). J\'ignore comment cela
est arrivé, car dans tous les squelettes de singes,
dans celui du Gibbon même, on distingue facile-
ment cette suture; cependant cela peut avoir lieu
dans quelques individus en particulier, chez qui
•cette suture se trouve tellement oblitérée par la
croissance des parties qu\'elle n\'est plus du tout vi-
sible, ainsi qu\'on le voit dans d\'autres animaux et
même dans l\'homme, chez qui l\'âge fait disparoî-
îre des sutures bien plus remarquables ; mais ce
n\'est pas là le cas du Pygmée de Tyson qui étoit
trop jeune encore.
Galien, dans son livre Sur la nature des os (2),
dit, d\'une manière fort claire, que la mâchoire
supérieure contient toutes les dents à l\'exception
des incisives : « Il y a, dit-il, une suture laquelle
(( prend bien son origine entre les sourcils ( ixi<to-
« çpvov, glabella), mais qui, se prolongeant des
« deux côtés vers les narines, se perd entre les dents
«c canines et les incisives; w c\'est-à-dire, plancheI,
fig. 5, de G. le long de b., dans les cavités des na-
Tines, et de là en Q. jusqu\'en R.
Vesale a fort bien remarqué que cette suture ne
se trouve jamais dans l\'homme, mais seulement
dans les singes et dans les chiens (3); aussi l\'a-t-il
(i)Pag. 65, O.
(3) Pag. 14, E—F.
(3) Lib. I, cajp. 9, pag. 07, ed. Boerh. et Alb,
-ocr page 233-DE L\' O R A N G - O U T A N G, ETC. l.Sû»
représentée fort exactement dans la mâchoire df un,
chien, tah. ÎX, fîg. x, m. n., pag. 53.
Eustache a indiqué (tab. XLVÏ, fîg. 3) d\'une
manière fort distincSe cette suture par [3. a. ; ce
qui a déterminé Albinus à en donner l\'explication
d\'après Eustache même.
Riolan s\'est de même énoncé clairement sur cet
objet (1); et Silvius a également connu et fort bien
décrit cette suture, comme nous l\'apprennent Ty^
son (2) et Blasius (3).
Cela me semble prouver d\'une manière évidente
que Galien n\'a pas examiné avec soin la tête de
l\'homme, et qu\'il a fait ses descriptions d\'après le
Pithèque et d\'autres singes ; quoiqu\'il se trompe,
d\'ailleurs plus ou moins en disant que ces sutures
prennent leur origiiie au milieu du creux qui se
trouve entre les sourcils, car elles partent des cô-
tés latéraux des cavités du nez.
III. Galien donne aussi trois racines à toutes
les dents molaires de la mâchoire supérieure , et
deux à celles de la mâchoire inférieure , excepté
seulement celles de derrière (4). Eustache confirme
(X) Sim. osteol., cap. 2 , pag. in fine.
<2) Pag. 62.
(3) Anat. anim. , pag. ii5.
(4) -De OSS. nat., cap- 8, pag. 16.
-ocr page 234-126 D E l\'o R A N G - o u T A N G, ETC.
cela (i), en disant qu\'il avoit trouvé la même chose
dans six squelettes de singes. Cependant les dents
machelières d\'en bas de mon Orang-Outang pa-
roissent avoir trois racines et même davantage.
g. IV. Les vertèbres cervicales sont remarqua-
bles par la longueur extraordinaire des apophyses
épineuses des six inférieures , mais sur-tout par
celle du milieu. Ces apophyses ne sont d\'ailleurs
pas échancrées comme chez l\'homme. Tyson (2) a
fait à peu près la même remarque.
L\'emplacement de ces apophyses de l\'Orang
prouve évidemment que cet animal ne marche
point dans une position droite ; car elles empêchent
que la tête se jette assez en arrière pour cela. Le
Gibbon a même de fort courtes apophyses aux ver-
tèbres cervicales, et elles ne sont, pour ainsi dire,
pas épineuses , parce que la longueur des bras
oblige cet animal à tenir, en quelque sorte, le haut
du corps droit quand il veut marcher.
Les apophyses paroissent avoir besoin de cette
longueur dans l\'Orang, pour qu\'il puisse tenir
mieux sa tête en équilibre. Je ne connois aucun
autre animal dont les apophyses épineuses des ver-
tèbres cervicales soient aussi longues , excepte le
(1 ) De Dendbus , cap. i o , pog. a5.
(3) Pag.\'68, a.
I> E l\' O R A N G - O U T A N G , ETC. ï 27\'
philandre d\'Amérique (Linnaeus, sp. i ^ gen. 17);
le sarigue de Buffon (1), dont le cou a été si bien
figuré par Daubenton (2). Lepbilandre d\'Asie, que
Buffon et Linnseus n\'ont pas connu , a ces apo-
physes fort courtes. J\'ai envoyé au célèbre profes-
seur Pallas de Pétersbourg la description de cet
animal rare, dont le savant M, Van der Steeg m\'a-
voit fait passer le squelette de Batavia.
(1) Hist. nat., tom. X, pag. 379.
{.-3)Ibid,, pl. 5i,%. 3.
138 DE L\'ORANG -OUTANG, ETC.
Du bassin, de l\'ischion, de l\'os sacrum et du
coccix.
S- l Comme le bassin de FOrang diffère beau-
coup de celui de Fhomme, j\'ai pensé qu\'il falloit
en donner une description bien exacte, planche If
autant plus qu\'il ressemble en tout par-
faitement à celui des quadrupèdes et nommément
à celui des singes.
Les os des îles A. B. I. et C. D. L sont fort hauts
et plats; de manière que les parties antérieures
A. Q. et C. D. se trouvent, pour ainsi dire, sur un
même plan avec Fos sacrum.
Les os ischion L. et O. saillent beaucoup en avant.
Les os pubis sont dans leur réunion G. M. assez
hauts, et même à peu près autant que dans l\'hom-
me adulte, ainsi que je l\'ai déjà remarqué. Coi-
ter (i) est tombé dans une singulière méprise tou-
(J) Anat, Simîae , cap. 7, pag. 69.
-ocr page 237-D E l\' o R A N G - o u T A N G, ETC. I29
chanr la réunion de l\'os sacrum avec les os des
hanches, qu\'il a mal placés,- savoir, l\'os de la han-
che droite du côté gauche, et celui de la hanche
gauche du côté droit de l\'os sacrum ; de sorte que
les os ischion sont tournés vers en ha ut et les os pubis
vers en bas, et forment un bâillement (i). Coher,
induit par-là en erreur, pense mal à propos qu\'à
cause de cette conformation les singes ne sauroient
être agiles à la course, quoiqu\'on ait journellement
des preuves du contraire. Mais ce qui m\'étonne le
plus, c\'est que Riolan (2) ait adopté aveuglement
cette asserîion, que Blasius (.5) a recuillie à son
tour. Tyson (4) a découvert cette erreur de Coiter,
ainsi que l\'opinion erronée de Riolan qui en a été
la suite. La coction des ospourlesdépouillerpromp-
tement de leurs chairs, et la difficulté de les agen-
cer ensuite convenablement ensemble, ont tans
doute été les causes de l\'étrange méprise de Goi-
ter; et l\'autorité de celui-ci aura probablement in-
flué sur l\'opinion de Riolan et de Blasius.
§. IL La forme de la cavité et le bord du bassin
R. F. K. G. sont entièrement semblables à ceux des
quadrupèdes; et la vertèbre coccixgienne inférieure
(i) Anat. simiac , tab. 29, fig. i3.
(3) Cap. 5, pag. 629.
(5) Anat. anim. de simia, pag, 115.
(4) Pag. 74 , a.
I.
l5o BE l\' O B. A N G ~ O U T A N G , ETC.
ÏV. est fort élevée au-dessus de Fos sacrum, tandis
que chez Fhomme , destiné à se tenir dans une
poshion droite, tout se trouve, au contraire , res-
serré dans un petit espace : les os des îles sont plus
courts, le bord du bassin est recourbé antérieure-
ment vers le haut, de sorte que le centre de gravité
est maintenu plus facilement dans la hgne perpen-
diculaire de pondération. Mais alors, si la char-
pente du squelette restoit telle qu\'elle est, Fos sa-
crum et le coccix, se trouvant, comme chez FO-
rang, dans une hgne droite, Fempêcheroient de
s\'asseoir. C\'est par cette raison que la sage nature a
dor^né une forme concave à ces deux os, tant dans
l\'homme que dans la femme, laquelle éprouve
par là plus de difficulté dans l\'accouchement, parce
que la tête de l\'enfant descend d\'abord le long de
l\'axe du bassin jusque sur le coccix, et de là doit
être poussée obliquement en avant pour sortir du
^ein de la mère, comme je le fais voir clairement
dans la planche I, fig. 8, que j\'ai jointe à l\'ou-
vrage de Mauriceau au tome Y, page 74i, des
Mém. de VAcad. royale de Chirurgie de Paris,
planche XVIII, fig. 2.
Par conséquent FOrang met bas facilement, de
même que tous les quadrupèdes, à cause que Fou-
Verture par laquelle les petits doivent se forcer un
passage se trouve dans l\'axe même du bassin ; et
que d\'ailleurs le coccix, quoique retenu par les
msi
13 E l\' O R A îj G - O U T A N G , ETC. l5l
ligamens des os ilion et ischion, F. ILE., peut fa-
cilement se replier en arrière.
Les os ischion étoient partagés d\'une manière
fort apparente eri trois parties en I., ainsi que Ga-
lien les a décrits très-exactement (i) ; cependant à
peine appercevoit-on davantage un foible reste de
la séparation de l\'os ischion d\'avec l\'os pubis. J\'ai
déjà remarqué que c\'étoir-là une preuve convain-
cante de la jeunesse de l\'individu.
g. ÏII. L\'os sacrum de l\'Orangn\'est composé que
de trois vertèbres, ainsi qué Galien (2) l\'aVoit dit
et comme je l\'ai déjà remarqué amplement moi-^
même.
Le coccix étoit formé de quatre osselets, tels
que je les ai figurés pari, II, III, IV. Ils sont fort
grands, fort larges, et, comparativement, beau-
coup plus grands que dans l\'homme , excepté la
première vertèbre qui se trouve articulée à l\'os sa-
crum.
{\\)De oss. , cap. 20 , pag. 22.
(3) Ibid., cap. 11 , pag. ,9. b—c.
i52 de l\'orang-outang, etc.
Du fémur , du genou et du pied de VOrang.
§, L liA tête du fémur est tout autour fort lisse
et revêtue de cartilage sans aucun ligament rond,
singularité qui me surprit beaucoup : c\'étoit ainsi
que se trouvoit conformé des deux côtés l\'Orang
de la Haie, comme je puis le prouver. En dissé-
quant FOrang que m\'avoit envoyé M. Hope , j\'ai
vu que cette partie y étoit conformée de même.
Cela est d\'autant plus singulier néanmoins qu\'on
trouve constamment ce ligament dans quelques
autres singes, et Galien, qui Fa décrit, a reconnu
même que la dislocation du fémur ou son déboi-
tement hors de la cavité cotyloïde, est fort difficile
à rétablir, lorsque ce ligament est cassé. Chez les
personnes boiteuses, ce ligament se détruit entiè-
rement, et la téte du fémur se trouve, après leur
mort, totalement lisse, c\'est-à-dire, sans impres-
sion, ainsi que je pourrois le prouver par plus de
q[uarante exemples.
be l\'ohang-outang, e t c. i55
Comnie ce ligament manque naturellement à
l\'Orang, et que cependant cet animal meut faci-
lement la cuisse, il doit avoir dans l\'homme quel-
que destination particulière qui nous est inconnue
encore. Quoiqu\'il en soit, son absence produit une
grande différence entre l\'homme et l\'Orang.
11. Je ne m\'arrêterai\' au genou de l\'Orang
que pour dire que j\'ai trouvé dans le tendon du
poplité un fort grand os sésamoïde, mais cartila-
gineux cependant. Ce n\'est pas seulement dans lé
tronc que m\'avoit prêté M. Vosmaer que j\'ai dé-
couvert ce petit os; je l\'ai remarqué égalemeiit dans
l\'Orang que m\'avoit donné M. Hoffmann, qui est
le premier que j\'aie disséqué.
Cet os sésamoïde devoit d\'autant moins échap-
per à mon observation, qu\'il ne se trouve jaihais
dans l\'homme, mais toujours dans les Babouins,
dans les chiens, les renards, les chats, etc.
Je consultai donc sur-le-champ l\'ouvrage de Ty-
son , parce que Cowper, qui s\'est rendu si célèbre
par l\'anatomie des muscles, a décrit aussi ceux du
Pygmée ; mais au lieu d\'y trouver quelque lumière,
je vis qu\'il a franchement avoué n\'avoir donné au-
cune attention à ce muscle : The popUteus Imust
confess escaped my notice (i). J\'en ai cherché de.
(i)Pag,9o,îig. 53.
-ocr page 242-lo4 DE l\' O R A N G - o U T A N G , eV C.
même inutilement la description dans la partie
anatomique du Gibbon par Daubenton.
m. Dans les têtes des gastrocnémiens, il n y
avoit point d\'os sésamoïdes, ainsi que je l\'ai déjà
observé. Comme les pattes de l\'animal avoit été
coupées par M. Vosmaer , je ne pus satisfaire ma
curiosité concernant, l\'es .os sésamoïdes, tant des
orteils que du tendon du long péroné et du tibial;
que je n\'ai cependant pas découverts dans le pied
demon Orang, et pas même d\'autres osselets sem-
blables, quoiqu\'ils se trouvent dans les Babouins
et dans différentes espèces de singes, sur-tout dans
le Pithèque ou singe d\'JSgypte, Voyez planche III,
£g. 5 a.
g. IV. Le pied contient sept osselets, lesquels,
comme dans l\'homme, forment le îarse ou coude-
pied. J^ii dit n\'avoir pas trouvé d\'ossésamoïde dans
le tendon du long péroné ; et il n\'y en avoit de
même point dans le ligament qui joint le calca-
neumaùx os du métatarse, comme dans le singe
d\'Egypte, planche m. %. 5 b., dans les Babouins,
dans les chiens et certainement aussi dans d\'autres
animaux.
Je suis fâché de n\'avoir pu les représenter plan-
che II, fîg. 6; mais ils étoient trop cartilagineux,
et les ligamens se trouvoient trop foibles. C\'est le
BE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC. l35
désir d\'indiquer la,proportion de ses parties et le
nombre des osselets des orteils qui m\'a déterminé
à représenter ici ce pied.
V. Sur les joints internes des os du tarse,
qui se lient aux orteils, il n\'y avoit point d\'os sé~
samoïde ; quoique chez la plupart des quadru-
pèdes on le trouve double dans cet endroit.
Ces osselets n\'ont sans doute, comme la rotule
du genou, d\'autre fonction et ne produisent d\'au-
tre effet que celui d\'une poulie; et si ma conjec-
ture est fondée que l\'Orang est destiné à n\'habi-
ter que les branches des arbres, il n\'a pas besoin
de ces osselets, à cause que ce sont ses muscles
fléchisseurs qui doivent travailler le plus.
\' Les chauve-souris nous fournissent une autre
preuve que les os sésamoîdes ne sont pas néces-
saires pour marcher; car dans le squelette d\'une
chauve-souris d\'Asie que j\'ai reçu de M. Van der
Steeg, les joints du carpe ont chacun deux os
sésamoîdes; tandis qu\'il est très-certain que ces
animaux ne se servent nullement de ces parties
pour s\'appuyer dessus.
§. VI. Les orteils «\'offrent, par eux-mêmes ,
rien de particulier, si ce n\'est que le grand orteil
A.H. n\'a qu\'un seul osselet G.H., et qu\'il est sans
ongle, pl. II, fig. 6, ainsi que je l\'ai déjà observé»^
l56 DE O K A K G- - O u T A N G , ETC.
Les quatre autres orteils sont absolument sem-
blables aux doigts des mains , et ont aussi h peu
près la même longueur, comme on s\'en convain-
cra en comparant ensemble les figures 5 et 6 de la
planche II.
Les ongles sont, comme dans la plupart des sin-
ges, assez longs, non pointus et comme recoquil-
lés sur les côtés autour der osselets , parce que
toute la graisse et les tendons en avoient été en-
levés.
Comme les tendons des mains sont retenus con-
tre les osselets des doigts par des ligamens trans-
verses, et que de l\'insertion de ces ligamens il se
forme des bords élevés et raboteux , L. M. et N.,
%• 5, planche II ; on retrouve de même ces liga-
mens aux osselets des orteils du pied, N. O. P. «t
Q., fig. 6 , planche II.
DE 1/ O R A N G - O U T A N G , B ï C. iS?
De la main de l\'Orang et d\'autres singes.
î. R ien ne m\'a coiiîé autant de peine pour
déterminer avec quelque certitude la connoissance
que les anciens anatomistes et ceux de nos jours\'
ont eu de la charpente du squelette de l\'homme
et de celui des animaux, que la détermination du
nombre des osselets du carpe.
Les uns, comme Tyson, en comptent huit 5 d\'au-
tres neuf, comme Galien ; Eustache et plusieurs
de ses successeurs prétendent qu\'il y en a dix; tan-
dis que Daubenton en porte, non sans raison, le
nombre à onze. Il est très-probable que long-tems
avant Galien , du moins déjà du tems de Celse,
on n\'a pas été moins partagé d\'opinion sur leur
nombre, sans quoi il n\'auroit pas dit d\'mie ma-
nière si positive: «Que le carpe est composé de
((■ plusieurs fort petits osselets, dont le nombre est
encore absolument incertain (1). »
(1)
tn jnanu priinam palmae partem ex multis miniitis^ua es,-
-ocr page 246-l58 DE E\'ORANG-ÔUT ANG, ETC.
§■ ÏI. Galien fait d\'abord Fénnméraîion de huit
Gs du carpe (i), quatre dans la première rangée ,
tels que nous les nommons encore actuellement,
planche 111, fig. 4; savoir, N. le naviculaire, L. le
lunatum, T. le triquetrum, et R. IWlet rond
(subrqtundum). Dans la seconde rangée,M. le mul-
îangulum majus, m, le multangulum minus, C.
le capitatum et l\'unciforme U. Jusque là Riolan
Fa fort bien compris (2).
Ensuite Galien déci-it un autre osselet, nommé-
ment S. fig., 4 et a. fig. 5, lequel est attaché au
premier osselet N. ( le naviculaire ), et au pre-
mier osselet M. (le multangulum majus ) qui re-
çoit le pouce; et il ajoute ensuite : « On pourroit
« prendre celui-ci pour le neuvième osselet du
« carpe, quoique les anatomistes ne le regardent pas
« comme tel (3). î> Il ajoute expressément que cet
osselet est compris dans le tendon qui fait mouvoir
.legrand doigt, c\'est-à-dire, le pouce, et en mê-
me tems le carpe, nommément dans le tendon
du long abducteur du pouce , H. G. D. M. , fig.
3, et A. S., fig. 4. Ce neuvième osselet se trouve
sibus constare, quorum numerus incertus est. De Medecina
lib. Vm, cap. 1, pag. 5o5.
(1) De usa part.., iib. II, cap. i3, pag. SaS.
(2) Pag. Ô09.
& Nonmn aliqnis poterit hoc carpi os numerare ; sed non est
numeratum ah anatomicis.
DE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC. lo9
dans tons les chiens, dans toutes les espèces de
singes et même dans FOrang.
§. ïll. Eustache a donné nne figure grossière
du carpe d\'un singe dans sa planche XLVII,
fig. 34, 55 et 56 , dont Lanscisius n\'a pas osé ha-
sarder la description ; mais Martinius , in Eusta-
cliium, a fort bien traité ce sujet (i), ainsi qu\'Al-
binus, qui nous en a donné l\'idée la plus claire.
«Dix osselets , dit Martinius, forment le carpe
(( des singes à queue : le naviculaire, le lunatum,
(C le triquetrum et l\'osselet rond composent la pre-
« mière rangée. Dans la seconde rangée, on en
« trouve cinq: le multangulum majus, le minus,
{{ et à côté de celui-ci un osselet ( planche II I,
« fîg. 5); quatrièmement, lecapitatum, etcinquiè-
<( menient, Fun ci forme ; )> par conséquent, neuf
seulement,- mais il considère le neuvième osselet,
de Galien comme un sésamoïde ; et avec ce der-
nier il y en auroit donc dix.
Eustache a par conséquent fort bien connu ce
second osselet superflu ; et Daubenton (2) paroît
se tromper en disant d\'une manière formelle qu\'on
(1) Pag. 419.
(2) Tom. XIV, pag. io5. a II u y en avoit qu\'mi de connu
«avant cette description- »
i4o E l\' o R A N G - o u T A N G, E T c.
n\'en avoit connu qu\'un de surnuméraire avant
qu\'il eut donné sa description.
g. I V. Daubenton en a cependant encore trou-
vé un onzième. Comme il a été fort exact dans la
description de ces trois osselets surnuméraires, je
vais les placer ici suivant l\'ordre qu\'il leur a as-
signé.
Daubenton partage, comme Galien et les ana-
tomistes de nos jours, les osselets du carpe en deux
rangées: le naviculaire, le lunatum, le triquetrum
et le rotundum, représentés dans ma pl. Ill, %. 3,
par N.L. T.R. forment la première rangée; mais il
les nomme premier, second, troisième et quatrième.
Il compte de même les quatre de la seconde ran-
gée dont j\'ai parlé , et nomme le multangulum
majus le premier, et ainsi de suite ; par consé-
quent Funciforme devient encore une fois le qua-
trième.
Ainsi donc, outre ces hait, il en compte trois
surnuméraires. Il place le premier entre le troi-
sième et quatrième osselet de la première rangée;
savoir, entre le triquetrum et le subrotundum,
planche III, fig. 5 c. Le second contre le premier
osselet de la première rangée et le premier de la se-
conde rangée, c\'est-à-dire, entre le naviculairc et
îe multangulum niaj us a, ; c\'est le neuvième de Ga-
lien. Le troisième en tre les deux rangées du carpe
» e 1.\' o 11 a n g - o u t a n g , e t c. l4l
au - dessous du premier et du second de la pre-
mière rangée et au-dessus du second et du troi-
sième de la seconde rangée ( i ). Il faut se repré-
senter la main pendante ; et alors, en effet, Tos-
selet b. se trouve au-dessous du naviculaire N. et
du lunatum L. et au-dessus du rnullaugulum mi-
nus m. , et du capitatumC. Son troisième osselet
est par conséquent le dixième d\'Eustache.
V. Ces osselets surnuméraires spnt de trois
espèces. Le premier de Daubenton,\'que je n\'ai
trouvé que dans le singe d\'Egypte, est un petit os-
selet isolé, qui manque fort souvent dans la plu-
part des autres singes , ainsi qu\'on peut le voir
dans la description du Papion par ce naturaliste,
pag. i5i; du Macaque, pag. 2o3; duPatas, pag.
221; du Malbrouck, pag. 258; du Bonnet chi-
nois, pag. 245; du Mone, pag. 269; da Talapoin,
pag. 297, dans lesquels manquoit le premier osselet
surnuméraire.
Le second, ou neuvième osselet de Galien, est
un sésamoïde, comme ceux du tendon du poplité
et du long péroné que j\'ai déjà décrits. Il manque
quelquefois, comme dans le Mangabey (2).
Le troisième de Daubenton est le dixième d\'Eus -
(»)Tom.XIV,pag. io5et 106. l
pag.
-ocr page 250-ï 42 de l\' o k a n g - o u t a n g , etc.
tache ; c\'est-là un véritable osselet du carpe , ap-
partenant à la preniière rangée, et noiïimément au
naviculaire auquel il est articulé, ainsi que je l\'ai
représenté en grand , d\'aprèsle Pithèque, à côté de
la fig. 3, pl. ni. Les deux surfaces de cet os et du na-
viculaire sont, dans l\'endroit où ils se touchent,
revêtus d\'un cartilage; de sorte qu\'ils ont un mou-
vement apparent l\'un sur l\'autre ; d\'ailleurs , la
pointe 6. pénètre entre le multangulum minus et le
capitatum, ce qui rend ce mouvement beaucoup
plus facile. Ce troisième osselet, qui se trouve quel-
quefois entièrement dans la longueur de l\'os na-
viculaire, est, sans la pointe 6. , un petit os plat,
comme dans le Coaita. On le trouve dans presque
tous les singes , mais non dans le Pygmée de Ty-
son , ni dans FOrang, ainsi que je vais le faire
voir (i).
g. VI. Comme les mains manquoient au tronc
de FOrang de la Haie, j\'ai disséqué la main droite
de l\'Orang que M. Hope m\'avoit donné. J\'en
ai trouvé le carpe assez ressemblant à celui de
Fhomme, et composé de huit osselets, formant
(i ) Le 9 février 1779 , j\'ai trouvé dans la main du Mandrill nn
quatrième osselet surnuméraire, dans un Jigarnönt qui partôit ea
dehors du triquetrum , et qui avoit son insertion dans le navicu-
laire , lequel étoit également attaché par un petit ligament aaf
radius.
i) e l\' o r a n g - o u t a n g , etc. 143
les deux rangées , ainsi que cela est représenté
planche HT, fig. 4 ; de manière cependant que le
rotundum R. montoit plus haut, et se trouvoit
comme placé extérieurement contre l\'angle de l\'un-
ciforme U. Dans le tendon du long abducteur du
pouce A. se trouvoit le neuvième osselet de Ga-
lien , ou le second de Daubenton S.
Si donc dans le Pygmée de Tyson le neuvième
osselet de Galien manquoit, comme il le dit for-
mellement (i), il y avoit une différence réelle entre
ce Pygmée et mon Orang. Cependant je ne m\'en
rapporterois pas volontiers sur cet objet au dire de
Tyson. Il est certain qu\'il y à une grande disparité
entre l\'Orang et l\'homme, celui-ci n\'ayant jamais
le neuvième osselet. Et la différence sera plus con-
sidérable encore entre FOrang et le singe d\'Egypte,
si ce dernier en a véritablement onze , c\'est-à-
dire , trois surnuméraires , ainsi que je l\'ai fait
voir.
VII. Le pouce a, comme d\'ans l\'homme et la
plupart des singes, deux phalanges, planche II,
fig. 5, D. E., E. F. ; et, comme dans tous , il est
garni d\'un ongle à l\'extrémité.
.le dois , à cette occasion , remarquer ici, que
dans le Coaita, qui n\'a jamais de pouce aux mains,
<ofag. 72.
-ocr page 252-làé DE l\'orang-outang, etc.
il y a cependant un long abducteur du pouce ,
comme H. G. D. M., planche III, fig. 5 3 mais il se
trouve inséré dans l\'osselet du carpe du pouce M. ;
lequel, n\'ayant dans cet animal que la moitié de
la longueur des autres osselets des doigts du méta-
carpe, se trouve entièrement caché et invisible des-
sous la peau de la main. On peut, avec Gahen (1),
appeler cela vTrsypxçn, qu\'on a rendu par le mot
latin delineamentum.
Le grand orteil manque aux pieds de derrière
du chien; cependant il y a un petit morceau de cet
os qui forme le métatarse, dans lequel se fait l\'in-
sertion du tendon du long péroné. J\'ai eu beau-
coup de plaisir à disséquer cette partie, parce que
cela m\'a aidé à mieux comprendre Galien, lors-
qu\'il dit : « Dans tous ces animaux ( dans les chiens,
« les belettes, les chats etles souris), le pied est
« composé de quatre doigts, le grand doigt étant
« comme détruit; cependant on en trouve comme
({ un rudiment dans sa racine (2). » Daubenton ,
qui a non-seulement fort bien connu ce rudiment
dans les chiens, mais qui l\'a très-bien représenté
aussi (5), semble avoir ignoré totalement la belle
(1) Anat. adm. , lib. VI, cap. i , pag. 129.
{n) Omnia {siquidern canes, mustelae, Jeles et mures) haec
quatuor constant digitis , magno abolito , nisi quod quibusdain
ipsorum \'veluti delineamentum quoddam in radice habatur
0) Buffon, tom. V, pag. 297, pl. ôz, fig 3, A.
DE 1.\' O It A K G— O U T A N G , ETC. ^ l45
observation que Galien nous a laissée à ce sujet.
J\'ai remarqué la même chose dans le pécari, et
fort distinctement sur-tout dans le phiiandre d\'A\'4
sie, qui n\'a point de pouces aux pieds de der-
rière. De sorte que le Créalenr, sans apporter au-
cune altération dans l\'organisation intérieure , a,
parla voie la plus courte, en retranchant seule-
ment quelque extrémité des parties, opéré,quand
il lui a plu , une dilTérence remarquable dans la
forme extérieure des êtres.
VIII. Je crois pouvoir conclure de tous les
caractères particuliers que j\'ai remarqués dans un
si grand nombre de parties tant internes qu\'ex-
ternes de FOrang, que j\'ai décrites e^ figurées avec
la plus scrupuleuse exactitude :
Premièrement, que FOrang différé beaucoup de
l\'homme, tant par sa figure que par sa taille et,son
allure. Qu\'il ne peut ni parler ni s\'asseoir comme
l\'homme, ni se coucher sur le dos \'\'i^ , et moins
encore saisir quelque objet, parce qu\'il a le pouce
beaucoup trop court.
Secondement, que l\'Orang est réellement un
quadrupède, qui a bien une grande analogie avec
quelques singes, comme , par exemple, avec le
(i) Nullum animal, homine exrepto, resupinum cubare cornue-
ne. Arist., Problem., sect. X, p-\'g- 735-
146 DE L\'ORANG-OUTANG, ETC.
Gibbon el le Pygmée de Tyson ; mais qu\'il en dif-
fère, d\'un autre côté, beaucoup par l\'organe de la
voix, la charpente des os des mains et d\'autres
parties du corps ; que c\'est du Pithèque qu\'il s\'é-
loigne principalement, sur-tout par l\'organe de
la voix, la forme du corps, les intestins, et par la
charpente de» os, particulièrement par ceux des
mains.
L\'Orang-Outang de Bornéo est par consé-
quent un animal qu\'on doit bien placer dans ta
classe générale des singes ou quadrumanes ;
mais qui cependant forme une espèce totalement
particulière.
de l\' o r a n g - o u t a n g, etc.
De la ma in que M. Allamand a join te à Védi-
dition d\'Amsterdam de VHistoire naturelle
de Buffon.
I. u n nom aussi respectable que celui du cé-
lèbre Allamand,. appuyé sur-îout de l\'auîoriié du
grand Albinus, devoit faire une trop forte impres-
sion sur l\'esprit des lecteurs en général, pour ne
pas exiger que je cherchasse à détruire un .préjugé
propre, non-seulement à consolider les idées er-
ronées des voyageurs qui ont préiendu qu\'il y a
véritablement des Or^mgs, qui, s\'ils ne surpassent
pas l\'homme dans ses facultés, sont du moins d\'une
taille bien supérieure à la sienne; mais qui pour-
roit même induire en erreur des hommes instruits
d\'ailleurs; ainsi que j\'ai fait voir dans cette dis-
sertation que la méprise de Coiter a servi à égarer
Riolan et Blasius.
La main qui se trouve dans le cabinet de M.
Vink, professeur d\'anatomie et de chirurgie k Rot-
C-
-ocr page 256-î48 DE l\'oB-ANG-OUTANG, etc.
terdaBi, et dont M. Allamand a donné la descrip-
tion avec la figure grande qomme nature,m\'a sem-
blé être, au premier coup d\'oeil, la main de tout
autre animal que l\'Orang, et dontles form.esavoient
été altérées par l\'art. •
Lorsque je soumis mes doutes et mes idées à ce
sujet aux lumières de M. Allamand et d\'autres sa-
x\'-ans, on chercha à me persuader par l\'autorité de
certaines gens , et à vouloir me convaincre de la
vérité de ce que je révoquois en doute d\'après les
notions que m\'avoit fourni ia dissection d\'un grand
nombre de singes, d\'Orangs et d\'autres animaux.
Je vais donc exposer les raisons qui paroissent mi-
liter en faveur de mon opinion , pour laisser en-
suite au lecteur judicieux à décider si c\'est la main
parfaite, réelle et véritable d\'un individu appar-
tenant èi une espèce quelconque de singes ou d\'O-
rangs, OU si elle n\'a pas été fabriquée par l\'art ?
M. Allamand, après avoir rapporté la manière
dont M, Vink est devenu possesseur de cette main,
et en avoir donné la description et le dessin, s\'ex-
prime de la manière suivante (i) : « De cela n\'esl-il
a pas naturel de conclure qu\'il y a un animal dont
<c la figure ressemble fort k celle de l\'homme , à
« la taille près, qu\'il a beaucoup pins grande? Ce
« sera là le véritable Orang-Outang, dont parlent
(i) Additions au tomo XV de Buffon, pag, 73, tom. II.
-ocr page 257-de l\' o r. a n g - o u t a n g , etc.
« tant de voyageurs, sans qu\'aucun ait pris la peine
« de Je décrire comme il faut, etc. »
Il faut savoir qu\'outre cette main, M. Allamand
a vu : (( Une tête qui ressembloit en tout parfaite-
<c ment à celle de l\'homme , excepté seulement
tt qu\'elle étoit un peu moins haute, fort garnie de
« longs cheveux noirs, et que la face étoit couverte
« d\'un poil court. Il n\'y avoit point de doute que
<( ce ne fut la tête de quelque animal, mais qui ne
« différoit, pour ainsi dire, en rien, par cette partie,
« de l\'espèce humaine. Et le grand anatomiste Al-
« binus, à qui je fis voir cette tête, fut de mon
« avis, etc. (i). ))
« Le pied, ajoute M. Allamand , qu\'on faisoit
(( voir avec cette tête, et qu\'on m\'assura être du
<( même animal, étoit beaucoup plus long que le
« pied du plus grand homme (2). »
Je n\'ai vu ni cette tête ni ce pied ; cependant je
pense que l\'autorité d\'un aussi célèbre anatomiste
que l\'étoit Albinus, ne doit pas être d\'un grand
poids ici, parce qu\'on n\'a pas allégué les raisons
qui ont pu le déterminer à considérer ces deux
membres comme ayant appartenu à un animal fort
rapporché de l\'homme. Le sujet étoit d\'une trop
grande importance pour riiistoire de l\'espèce hu-
( 1 ) Ibîd., pag. 71, col a.
(a) Ibid., pag. 72.
\\
-ocr page 258-î5o I) E l\' o K. A N G - o u T À N G , ETC.
lîiaine, et Albin us un observateur trop exact pour
qu\'il passât si légèrement sur cette matière, et se
contentât de dire, qu\'il étoit de Vavis de M. Al-
lamand. D\'ailleurs, quelqu\'étendues que fussent
les connoissances d\'Albinus, il ne pouvoit porter
aucun jugement décisif sur FOrang-Outang; car il
n\'avoit pas vu celui de Tyson, bien moins encore
celui de Tulpius; et il n\'y en avoit pas eu d\'autre
en Europe pendant la vie de ce grand homme. Al-
binus ne peut donc pas être considéré ici comme
un juge compétant.
§. II. La main de la collection du professeur
Vink, que M. Allamand a représentée grande com-
me nature, avoit été envoyée de Batavia , sous la
dénomination de main à^ homme sauvage ; et doit
avoir appartenu vraisemblablement, à ce qu\'il
conjecture (i), à un individu de la même espèce,
mais d\'une taille beaucoup plus haute que celle
dont étoient la tête et le pied.
Ayant désiré depuis long-tems de voir cette main,
je trouvai enfin l\'occasion de me rendre, le 17 avril
1773, chez M. Bicker, célèbre médecin et secré-
taire de la société de Rotterdam. Après avoir bien
examiné cette prétendue main, je déclarai aux per-
sonnes qui s\'y trouvoient alors avec moi, que je
(ï) làid., pag. 7».
-ocr page 259-DE L\' O R a N G - O U T A N G 5 ETC. l5i
pouvais démontrer que c\'étoit la patte de quel~i
que animal, cju\'on avoit dénaturée par l\'art.
Je commijiniqiiai en conséquence mes idées à M.
Allamand , qui me répondit, le f25 octobre xyyS:
(C Que certainement je serois le seul qui regarde-
c( roit cette main comme la production de quelque
« artifice ; que tous les anatomistes qui l\'aroient
« vue, étoient de son opinion sur ce sujet ; qu\'il
fi m\'invitoit à soumettre cette question, si je le ju-
« geois à propos, à toutes les sociétés savantes de
« l\'Europe ; et que , s\'il y en avoit une seule qui
<( déclarât que cette main étoit factice, il seroit le
« premier à convenir qu\'il avoit été dans l\'er—
« reur, etc. » Mais, en supposant même que toutes
les sociétés savantes regardassent cette main com-
me véritable , seroit-ce une preuve qu\'elle le soit
en effet ? La décision d\'un petit nombre de per-
sonnes peu instruites dans l\'histoire naturelle, suf-
liroit-elle pour prononcer magistralement sur une
question aussi intéressante? Quoi! la vérité sera-
t-elle donc éternellement soumise au pouvoir de
l\'autorité ignorante?
D\'un autre côté, il eût été désagréable de dé-
truire l\'admiration dont jouissoit un morceau aussi
précieux, si l\'on parvenoit à prouver que c\'étoit
la patte dénaturée de quelque animal fort connu,
et non la main d\'un Orang d\'une aussi grande taille,
J\'aurois désiré que M. Vink m\'eût permis de.
-ocr page 260-i5q dk l\'orang-out a*^ g , e t c.
faire tremper cette main dans de Feau , afin de
pouvoir constater son authenticité par les osselets
du ca.rpe et du métacarpe; mais tous mes efforts
et ceux de quelques autres personnes furent inu-
tiles à cet égard.
Pour mieux faire connoître les raisons qui m\'a-
voient déterminé et qui me déterminent encore à
croire qu\'aucun des médecins, ni Albinus lui-
même , n\'a voient examiné assez attentivement cette
main , quand ils ont déclaré que c^étoit véritable-
ment celle d\'un Orang , je vais en exposer toutes
les particularités avec la plus grande exactitude.
Le lecteur pourra saisir d\'autant plus facilement
mes objections, que je viens de lui mettre sous les
\'yeux\'les observations que j\'ai faites sur la char-
pente des mains des singes et des Orangs que j\'ai
disséqués.
g.xîlî. M. Allamand se contente de dire: « Que
<i cette maiu avoil été amputée au milieu du poi-
« gnet. w Cependant dans sa planche XII on n\'a
point indiqué J\'os tlsiis l\'endroit où l\'amputation
s\'est faile, et mu n\'y e-j! dislirxtement représenté,
quoique cela eut été fcrl nécessaire. Mais dans la
main même on voit et on sent les cinq osselets du
métacarpe, placet), pour ainsi dire, l\'un à côté de
l\'autre, et formant un arc, comme cela est fort bien
représenté dans la planche; de manière même que
de l\' o b. a n g - o u t a îj o , etc. 153
l\'os du métacarpe du pouce est à peine d\'un pouce
rhynlandique plus court que celui des trois doigts
du milieu.
2°. La main entière a exactement un pied rhyn-
landique de long; le plus long doigt trois pouces
«t demi ; les os du métacarpe ont au moins six
pouces.
3°, On n\'apperçoit aucune articulation de pha-
langes aux doigts, ni intérieurement, ni extérieu-
rement. Aucun doigt n\'offre la moindre proportion
ni par rapport à lui-même, ni relativement aux au-
tres, ni même aucune forme bien déterminée. Ce-
pendant je ne connois aucun animal dont les doigts
n\'aient pas une certaine régularité, quelque chose
qui leur soit propre , pas même l\'éléphant m la
tortue, qui sont les animaux dont les pieds sont
les plus difformes.
4°. Les ongles sont singuliers et ne se trouvent
pas à leur place.
Il est facile de reconnoitre toutes ces particula-
rités sur la main même, ou sur la figuï-e qu\'en a
publiée M. Allamand, et qui est assez exacte.
IV. Après avoir attentivement examiné cette
main, je trouvai d\'abord que dans la partie am-
putée il n\'y avoit qu\'un seul os. Secondement, que
les doigts avoient été remplis irrégulièrement d\'une
matière qui m\'étoit inconnue. Troisièmement, que
l54 de l\'ORANG-outang, etc.
les ongles n\'étoient point adherens à la peau, com-
me chez d\'antres animaux et particulièrement chea
les singes ; mais que c\'étoient des morceaux de
corne que le Protée de Java y avoit adaptés comme
il Tavoit trouvé bon ; que ce n\'étoient même pas
des fragmens d\'ongles d\'un animal quelconque.
J3\'où je conclus que c\'étoit bien la patte d\'un
animal, mais à laquelle on avoit fait les altéra-
tions suivantes: qu\'on en avoit enlevé les osse-
lets des griffes avec les ongles; 2". qu\'on en avoit
rempli les vides avec de la gomme et de la poix,
ou quelque autre substance qui m\'est inconnue,,
pour y fixer ensuite les prétendus ongles ; enfin ,
5°. qu\'on avoit enlevé quelques-uns des osselets du
cat*e, et peut-être même tous; et rempli le vide
par quelque autre os.
Le fameux dragon d\'Aldrovande nous a depuis
long-tems appris que de simples pêcheurs ont eu
l\'art de convertir une raie en un animal mons-
trueux, et nous voyons tous les jours de sembla-
bles métamorphoses.
Je vais prouver maintenant que cette main n\'a
pas été et n\'a pu être la main de quelque singe ou
de quelque animal qui tient du singe, par consé-
quent , que ce n\'est point celle d\'un Orang-
Outang.
V. D\'abord il est démontré que les mains de
-ocr page 263-DEL\'oiiANG-OUTANG, ETC. l55
tous les singes sont proportionnées de manière que
les doigts ont la même longueur que la paume de
la main, c\'est-à-dire, que, planche II, fig. 5 , dans
FOrang C. G. ^ est égal à G. K. ; du moins la diffé-
rence est peu sensible. Mais dans la main qui fait
le sujet de cette discussion les doigts ne forment
que le tiers de la paume.
Le pouce, qui, suivant la judicieuse remarque
de Galien, est si petit chez tous les singes que son
exiguité a quelque chose de risible corame
on peut le voir aussi dans FOrang, planche I, fîg. i;
le pouce , dis-je , est dans la main du prétendu
Sauvage, non-seulement fort grand, mais beau-
coup plus grand qu\'on ne le trouve jamais chez
aucun homme.
Lorsque la main de Fhomme a huit pouces rhyn-
landiques de long, la paume en a quatre et demi.
L\'os du carpe du pouce a environ trois pouces
rhynlandiques; de sorte que cet os est d\'un pouce
plus court que tous les os du carpe de la paume;
tandis que dansla main de ce prétendu Sauvage,
qui est longue de douze pouces, cet os porte à peine
un pouce de moins de longueur.
Mais chez Fhomme et chez tous les singes dont
je connois les espèces, le pouce est séparé latéra-
ralement de la main , comme on peut s\'en con-
(l) De usu pan., lib-1, cap. 23, pSg. 330, C.
-ocr page 264-1-56 de l\'orang-outang, etc.
vaincre par soi-même. Bans la main du Sauvage,
il est placé sur le même rang, et se trouve entière-
ment réuni avec les doigts, et cela même d\'une
manière qui n\'a lieu que dans un très-petit nombre
d\'animaux.
Je ne disconviens pas que dans l\'Apedia de Lin-
naeus nat, sp. 5, pag. 55 ) le pouce n\'est
pas séj}aié de la main ; mais ce singe n\'est que de
la grandeur d\'un écureuil, ou , suivant les Amoen.
AcacL , tom. I, pag. 55o, de celle d\'un .chat; par
conséquent ce ne ptiut être la main de cet animal.
Les chiens, les renards, les chats et les lions ont
le pouce fort petit, et même, relativement à leur
grandeur , beaucoup plus petit que ne l\'est celui
des singes.
Par conséquent la main en question doit avoir
été préparée par l\'art de la patte de quelque
grand animal dont les cinq os du carpe sont pla-
cés les uns à côté des autres et dont le pouce n\'est
pas isolé, mais réuni aux doigts. On ne connoît
qu\'un seul animal conformé de cettemanière, c\'est
l\'ours (î).
Reste à savoir maintenant si l\'on peut envoyer
de Batavia en Europe la patte d\'un ours préparée
d\'une manière quelconque? Certainement cela est
(i) Voyez le squelette de Touts dans Buffon, tota, VIU dont
Daubentonadonnéladescriptioa,-pag. 277, pl. 55.
DE E\' O R. A N G - O U T A N G , ETC. 1 Sj
possible, puisque Buffon nous apprend (i) qu\'on
trouve des ours non-seulement à la Cliice, au Ja-
pon, en Arabie, en Egypte, mais aussi dans l\'île
de Java; et il confirme ce dernier fait par le voyage
autour du inonde de le Gentil.
Or, les ours mêmes ouï le pouce guère plus court
et guère plus petit que les doigî^(s); et l\'os du carpe
du petit doigt est , au contraire , cliez eux , plus
grand, plus gros et plus fort ; de manière qu\'il n\'est
pas impossible que cette -prétendue main ait été
préparée de la patte droite de devant d\'un grand
ours.
Je pense que cette asserîion est trop bien fondée
pour qu\'on puisse la révoquer en doute, et qu\'elle
sufiit pour prouver d\'une manière convaincante ,
que cette prétendue main ou cette patte n\'est point
ni ne peut avoir été celle d\'un singe ou d\'iin Orang-
Outang.
VI. Je ne saurois rien dire avec certitude tou-
chant les doigts et les ongles, qu\'on peut avoir pré-
parés de la sorte de ceRt manières différentes. Je
ferai remarquer seulement qit\'t>n-^e doit pas se
laisser tromper au point de croire que jamais, dans
quelque animal que ce soit, les ongles aient sailli
(0 Ibîd., pag, a55.
(2) Perrault, Mém. pour servir à l\'histoire nat. des animaux,
pag. 62 , pl. n.
1 68 DE l\' o B. A N G - o u ï A N G , ETC.
autant hors des chairs, si ce n\'est dans ceux dont
les ongies étant parfaitement creux, couvrent le
dernier osselet, comme dans les chiens , dans les
lions, les ours, etc.
On m\'objectera peut-être que ce prétendu Orang
a suivi la mode des Orientaux, laquelle , dit-on ,
existe encore parnii un grand nombre de Chinois,
qui ont la coutume de laisser croître leurs ongles,
de manière qu\'ils dépassent beaucoup les doigts et
ressemblent à des griffes, pour indiquer par là que
leur fortune les exempte de tout travail. Mais on
nepeutpas supposer cette rafinerie dans un homme
sauvage , d\'une nature aussi robuste qu\'auroit dû
l\'être celui de la main en question, dont les ongles
seseroient usés naturellement, ou qu\'il auroit cou-
pés sans doute avec les dents, comme cela n\'ar-
rive que trop souvent, même à Tliomme civilisé,
quand ils l\'incommodent par leur longueur.
§. VU. Je prendrai ma dernière preuve, que je
regarde comme tres-convaincante, de l\'os qui se
trouve, suivant M. Allamand, au milieu du poi-
gnet. Elle a été coupée, dit-il, au milieu du poi-
gnet. Cette main a donc pu être séparée du bras de
deux manières différentes: entre les os de l\'avant-
bras, le cubitus et le radius, et le premier rang du
carpe, ou bien entre la première et la seconde ran-
gée. Mais, dans quelqu\'eadroit qu\'ait été faite l\'am
putation , il faut nécessairement toujours qu\'on
apperçoive les os qui s\'y trouvoient.
Première supposition. Le professeur Allamand
ne doute point que ce ne soit la main d\'un Orang :
il dit, pag. \'jQ., j\'ai parlé ci-devant de la main
d\'un Orang-Outang, etc. Il donne ensuite la
ligure de celte main.
J\'ai fait voir que dans la main de l\'Orang de Bor-
néo il y avoit huit osselets et un surnuméraire
(voyez le chapitre X, 6, de ma dissertation),
quatre dans la première rangée , quatre dans la
seconde, avec le neuvième entre deux, planche III,
fig. 4, S. J\'ai prouvé aussi que la même chose a
lieu chez tous les singes , à l\'exception de la pe-
tite différence qu\'il y a dans le nombre des osselets
surnuméraires, dont il y en a trois dans le Pithè-
que ou singe d\'Egypte, planche III, fig. 5, a. 6. c.,
et deux seulement dans la plupart des autres sin-
ges , savoir a. et b.
Or, comme à l\'endroit de l\'amputation de cette
main , il n\'y a qu\'ww seul os, ainsi que je l\'ai déjà
dit 4 de ce supplément, et comme on peut le voir
tous les jours dans la collection de M. Vink , il
s\'ensuit que cette main n\'a pas été amputée dans
la jointure qui se trouve entre l\'avant -.bras et la
main; car, dans ce cas, on devroit appercevoir les
quatre osselets de la première rangée , savoir , le
naviculaire , le lunatum , ie triquetrum et le ro-
î (ÎO DE l/ O H A Kf G - O U T A N G , ETC.
îundum , tels qu\'ils sont représentés planche Ilî,
fig. 4, N. L. T. R.
Secondement, qu\'elle n\'a pas non plus été am-
putée entre les deux rangées des osseleîs, puisque
dans ce cas , si l\'animal étoit un Orang , il fan-
droit que cinq de ces osseleîs fussent visibles ; le
multangulum majus , le muhangulum minus , le
« O \'
capitatum , l\'unciforme, et le neuvième osselet de
Galien, c\'est-à-dire, M., m., C., U. et S. de la mê-
me figure.
Je ne parle point du dixième osselet d\'Eustache,
■ ou le troisième osselet de Daubenton, planche Ilî,
fig. o, è. J parce qu\'il est, en général, si fortement
soudé au naviculaire N., que les anatomistes mê-
mes ont beaucoup de peine à i\'en séparer.
Cette main n\'est donc pas la main d\'un Orang
ni d\'aucun animal du genre des singes.
g. VÎII. Je vais maintenant examiner ma se-
conde supposhion, que cette prétendue main est
la patte droite de devant ou de derrière d\'un ours.
Si elle av^oit été amputée de la première ma-
nière que je l\'ai dit, il faudroit qu\'on y appercut
trois os, puisque les ours ont, comme les chiens,
dans la première rangée du carpe, le naviculaire
et le lunatum confondus ensemble; le troisième,
ou triquetrum , est fort plat, et l\'os rond qui se
trouve dessus est fort grand.
DE L\' O R A N G - O U T A N G , ETC. 161
Dans la main en question, il n\'y a qu\'un os, et
on n\'apperçoit aucun indice de l\'os rond dans l\'in-
térieur de la paume. Ce n\'est donc pas là qu\'elle a
été amputée, quand même ce seroit la patte d\'un
ours. Elle l\'a été moins encore entre la première
et la seconde rangée; car alors il devroit se présen-
ter quatre os, qui est le nombre qu\'on en trouve
constamment dans les ours, comme dans les chiens,
dans les singes et dans l\'homme. Daubenton (i)
s\'est apperçu , ainsi que moi, que le carpe est tou-
jours composé de sept osselets chez les ours, dont
trois dans la première rangée et quatre dans la se-
conde.
IX. Comme il n\'y a donc point d\'animal
connu , point d\'homme , point de singe , point
d\'ours, qui n\'ait dans le poignet au moins sept os-
selets , sans compter les surnuméraires , et qu\'on
ne trouve qu\'un seul os en tout dans la prétendue
main de Sauvage, il paroît incontestable qu\'on les
en a enlevés, à l\'exception des cinq osselets du
métacarpe, lesquels, ainsi que je l\'ai déjà fait
voir , ne peuvent avoir appartenu qu\'à un ours ,
ou du moins en aucune manière à quelque animal
du genre des singes.
Je suis d\'avis aussi que ce doit être une patte de
(1) Tom. VIII, pag. 277.
i.
lös P E l/ O Ii A N G - O U T A N G , ETC.
derrière, non-seulement à cause que l\'ours a cinq
doigts à cette patte, mais encore parce que les os
du métacarpe de la patte de devant et du méta-
tarse de la patte de derrière sont à peu près de la
même grandeur, ainsi que Daubenton le dit for-
mellement : « Lés os du métacarpe et des doigts des
« pieds de devant sont à peu près aussi longs et
{( aussi gros que ceux du métatarse et des doigts
a des pieds de derrière (i). ))
Une autre preuve que ces osselets en ont été en-
levés, et qu\'ils ont été remplacés par un autre os,
saute aux yeux, quand on observe combien la main
est creuse, plate et grêle, exactement à l\'endroit
où l\'os rond, qui, dans tous les singes et dans tous
les ours, est fort grand, ne devroit pas former une
éminence moins grande que celle des jointures
dans l\'intérieur de la main.
g, X. M. Allamand (2) reste toujours dans la
persuasion que c\'est véritablement la main d\'un
Orang, et que l\'individu avoit plus de six pieds de
haut. «Il n\'est donc pas douteux, dit-il, que la
« taille de cet animal n\'ait surpassé celle d\'un
{( homme de six pieds. )) Ce qui ne me paroît pas
être vrai, en supposant même que c\'ait été un vrai
Orancf-Outang.
o o
(1) Tom. VIII, pag. 277 et 278.
(2) Pag. 73, col. 1 et 3.
-ocr page 271-BE L\'OKANG-OUTANG, ETC. l65
La main de l\'homme fait la dixième partie de
toute sa hauteur; et d\'après ce calcul le monstre
auroit eu dix pieds de longueur, ce qui est une
supposhion absurde. Dans l\'Orang, la main est à
toute la hauteur de l\'animal (i) comme 2:9, ou
comme 1 : dans l\'Orang dont M. Allamand
nous a donné la figure, la main, quoique trop pe-
tite , est un cinquième de toute la hauteur; il fau-
droit donc compter comme 1: 5; et alors le mons-
tre se trouveroit avoir cinq pieds de hauteur, par
conséquent il auroit été beaucoup plus petit qu\'on
ne le suppose ; mais cependant d\'une taille bien
plus haute encore que le plus grand Orang qu\'on
ait jamais vu.
Si l\'on se rappelle ce qui a été dit chapitre I,
§. 4, que la peau de tous les animaux, même pré-
parée, s\'alonge d\'un tiers, on ne sera pas surpris
de la longueur de cette prétendue main, particu-
lièrement dessous et autour des doigts. Les pattes
de devant et de derrière du jeune ours mesuré par
Daubenton (2), avoit environ neuf pouces. Or , si
l\'on y joint un tiers pour l\'extension de la peau ,
on aura douze pouces, longueur exacte de la main
du prétendu Sauvage.
§. XI. Voilà les raisons qui me font regarder
(1) Voyez le chapitre VI, paragraphe i, 3.
(2) Tom.VIU, pag. 266.
-ocr page 272-l64 D E o R A N G - o u T A K G , E T c.
cette main comme la patte altérée par art de
quelque héte sauvage, et Probablement d\'un
ours , ainsi que je crois l\'avoir prouvé.
Ces mêmes raisons m\'engagèrent à prier M. Vink
de m\'envoyer cette main, et de me permettre de
la faire tremper dans de l\'eau tiède, afin de la ren-
dre assez souple pour que je pusse examiner plus
facilement la disposition de ses os.
Si cette prétendue main est une véritable main
ou patte, non altérée par art, il est certain qu\'elle
ne doit souffrir aucune dégradation par l\'amolis-
sement de la peau dans de l\'eau tiède, ainsi que ie
savent par expérience tous les anatomistes et M.
Vink lui-même le premier; de sorte que ce pré-
cieux morceau, étant séché de nouveau , auroit
Bon-seulement été rétabli dans son ancienne inté-
grité , mais auroit en même tems acquis par-là une
valeur beaucoup plus grande.
Si, au contraire, c\'est unç main factice, comme
je pense avoir prouvé que cela est très-vraisembla-
foie, elle auroit certainement été dégradée, et n\'au-
roit repris que fort difficilement sa première for-
me ; mais cela devoit, selon moi, être assez indif-
férent à son possesseur, puisque, dans ce cas, c\'é-
toit une production de l\'imposture dont il falloit
se débarrasser le plutôt possible.
Le difierend qui s\'est élevé au sujet de cette
.main, tient à la grande question, s\'il y a des hom-
DE l\'ORANG-OUTANG, ETC. l65
mes sauvages d\'une stature gigantesque ? Et il y en
auroit certainement si cette main étoit une véri-
table main d\'homme. Quoiqu\'il en soit, je crois
que les preuves que j\'ai données de sa fausseté con-
vaincront tous les naturalistes non prévenus qu\'elle
ne suffit point pour faire revivre les fables des an-
ciens voyageurs, et pour jeter quelque doute sur
l\'histoii-e naturelle de l\'homme.
Ce n\'est donc que M. Vink. seul qui peut nous
donner la solution de cette question importante ;
et nous attendons de son amour pour la vérité qu\'il
voudra bien sacrifier cette préten<^ue main pour
éclaircir un point aussi capital de l\'histoire natu-
relle. Si un examen exact et analomique vient k
prouver le contraire de ce que j\'ai avancé , je me
croirai heureux d\'avoir fourni l\'occasion de décou-
vrir une vérité aussi intéressante ; mais si, au con-
traire, mes conjectures se trouvent fondées, je me
féliciterai d\'avoir fait connoître l\'imposture de
quelque misérable Javan, qui auroit pu induire en
erreur un grand nombre d\'amateurs de l\'histoire
naturelle.
D E l\' o R A N G - o u T A N G, ETC.
Des objections faites à M. Allamand, relative-
ment d une prétendue main d\'Orang-Outang.
J\'ayoi^ donc prouvé d\'une manière claire, j\'ose
dire incontestable I), d\'après les principes de
l\'anatomie et la comparaison de cette énorme main
avec celle des singes :
1°. Que cette main étoit en grande partie fac-
tice et l\'ouvrage de l\'imposture.
55®. Que la conclusion queM. Allamand prétend
tirer avectant d\'emphase de cette prétendue main,
qu\'il y a réellement des Orangs-Outangs de plus
de six pieds de haut, etc., n\'est absolument pas
fondée , et ne peut par conséquent pas être ad-
mise X).
5°. Enfin, que M, Vink seul pouvoit résoudre
cette question importante pour l\'histoire natu-
relle , en faisant tremper cette main dans de l\'eau
tiède ( XI et XII ).
M. Allamand, à qui j\'avois fait passer un exem-
i66
DEE\'ORANG-OUTANG, ETC. 167
plaire de ma dissertation, me fit l\'honneur de me
répondre, le 8 octobre 1782 : « J\'ai lu votre dis-
c( sertation, et particulièrement ce qui concerne la
main. Vos observations anatomiques me parois-
ce sent fort exactes , et j\'espère trouver sous peu
« l\'occasion de savoir à quoi il faut s\'en tenir sur
« ce sujet. Si je me suis trompé, je ne ferai aucune
« difficulté de reconnoitre mon erreur. J\'ai néan-
« moins de grandes raisons de croire que c\'est vous
« qui vous êtes trompé en prenant cette main pour
(C la patte d\'un ours. ))
Cependant M. Allamand n\'avouoit pas que, de-
puis long-tems déjà , M. Vink l\'avoit instruit de la
fausseté de cette main. Du moins ce dernier m\'é-
crivit, le 8 septembre 1782 : « Qu\'ayant fait trem-
(C per, il y avoit quelques mois, un doigt de celte
a main, il s\'étoit convaincu qu\'elle étoit une pro-
« duction de l\'imposture; » et il ajoutoit : « J\'ai
« communiqué aussi cette découverte à M. le pro-
« fesseur Allamand, lorsqu\'il passa par cette ville
(C il y a quelques semaines. »
11 y avoit par conséquent environ trois mois
que M. Allamand savoit que du moins les doigts
de cette prétendue\'main étoient factices; de ma-
nière qu\'il n\'y avoit plus de nouvel examen à faire
à cet égard.
Il a cependant jugé à propos d\'user envers moi
d\'un subterfuge, en me disant que c\'étoit certaine-
l68 d e l\' o r a n g - o u t a n g , e t c.
ment moi qui m\'étoit trompé , en prenant cette
main pour la patte d\'un ours. Mais en lisant seule-
ment le XI de mon supplément, on y verra clai-
rement que j\'ai dit que cette prétendue main étoit
la patte de quelque bète sauvage et prohahlement
celle d\'un ours.
Je crois d\'ailleurs avoir instruit suffisamment le
lecteur, que mes preuves relativement à l\'animal
dont on avoit employé la patte en partie, étoient
purement hypothétiques ; et que la seule chose que
je regardois comme certaine et démontrée, étoit
que cette patte ne pouvoit être celle d\'un singe, ni
d\'aucun animal qui tient du singe, et par consé-
quent point celle d\'un Orang-Outang IV}.
Quelque agréable que m\'eût été la lettre de M.
Vink,du 8 septembre 1782, elle n\'avoit fait qu\'ac-
croître mon désir de voir la main entière soumise
à un scrupuleux examen. J\'insistai donc auprès
de M. Vink, par une lettre du 26 janvier 1785,
pour qu\'il continuât ses observations; et cela avec
l\'heureuse réussite, qu\'il me répondit le 5 février
de la même année : « Qu\'il avoit maintenant clé-
« composé la main entière , et découvert toute
« l\'imposture ; — et cela de manière ( ce sont les
« propres mots de M. Vink ) que toute la main
« étoit composée d\'une matière résineuse pareille
« à celle qu\'on trouve dans les momies. Que par-
« dessus cette résine on avoit tendu la peau d\'un
(( cliien de mer, en égalisant çà et là les parties de
« la main avec du papier; et que le tout étoit re-
« couvert de la peau velue de quelque animal, at-*
« tachée ensemble par le moyen d\'une colle. —-
« Qu\'ensuite on avoit placé sur la matière rési-
({ neuse, et fixé également avec de la colle, lès os
« de certain animal pour former le poignet, c\'est-
\'( à-dire, le carpe et le métacarpe. — Le tout étoit
«retenu par du fil. — Enfin, les ongles , après
« avoir été fixés avec du fil sur des chevilles de bois,
« avoient été placés dans la matière résineuse dont
(( étoient composés les doigts ainsi que toute la
(C main , pendant cjue cette matière étoit encore
(( molle. ))
Je suis charmé d\'avoir pu convaincre tous ceux
qui peuvent y attacher quelque prix, que cette
main, dont on a parlé avec tant d\'enthousiasme ,
n\'étoit qu\'une production de l\'imposture; que par
conséquent toutes les conjectures de M. Allamand,
et ses appels aux sociétés savantes de l\'Europe doi-
vent tomber dans l\'oubli.
Il me semble inutile maintenant que M. Alla-
mand se rétracte sur son erreur et ses fausses con-
jectures; car il paroît incontestable, non-seulement
par les preuves que j\'ai fournies, mais aussi par
l\'examen complet que M. Viok a fait de la pré-
tendue main, et dont il m\'a communiqué le résul-
tat avec tant de franchise : que M. Allamand s\'est
170 del\'orang-outang, etc.
laissé tromper par une analogie apparente, et que
sa plus grande faute vient de ce qu\'il s\'est livré
avec trop de précipitation à une science dont il
n\'avoit pas une connoissance assez approfondie ;
que par conséquent il devoit nécessairement tom-
ber dans l\'erreur avec tous les nomenclateurs de
nos jours. Cet exemple peut servir à prouver à d\'au-
tres que l\'anatomie seule est et sera toujours l\'uni-
que base sur laquelle on peut établir avec quel-
que solidité l\'histoire naturelle des animaux.
DE L\'OUANG-OUTANG, ETC. I7I
LETTRE
De M. P. Camper à M. le comte de Buffon, sur
l\'organe des Sapajous hurleurs.
A l\'égard de l\'organe de la voix des Sapajous
hurleurs, M. Camper, très-savant anatomiste, qui
s\'est occupé delà comparaison des organes vocaux
dans plusieurs animaux et particulièrement chez
les singes, m\'écrit au sujet de l\'Alouate dans les
termes suivans :
« J\'ai trouvé, dans le quinzième volume de votre
excellent ouvrage sur l\'histoire naturelle, la des-
cription d\'un os hyoïde, page 81, n*". i444 , qui
appartient à l\'Alouate, et de près de huit pouces
de circonférence, etc.
(t Mon ardeur pour disséquer cet animal fut
d\'autant plus animée, que vous me paroissiez bean-^.
coup désirer de connoître la conformation singu,-»
lière de cette partie.
î 72 BE l\' O R A N G - O U T A N G, ETC.
« M. Vicq d\'Azir eut la bonté de me faire voir
deux os pareils , lorsque j\'étois à Paris en 1777 ;
le plus grand de ces os avoit un peu plus de huit
pouces de circonférence; et je le dessinai avec em-
pressement. Je vis bien que la caisse osseuse, quoi-
que très-mince, étoit la base de la langue, j\'y dis-
tinguai même les articulations qui avoient servi
aux cornes de cet os, mais je ne comprenois rien
de sa situation ni de sa connexion avec les parties
voisines.
« Curieux de connoître un animal aussi extraor-
dinaire, je lis des recherches pour le trouver, mais
personne même dans toute la Hollande ne possé-
doit ce singe , quoique nous soyons très à portée
de l\'avoir de Surinam et de nos autres colonies de
la Guyane, où il se trouve en très-grand nombre;
cependant je le découvris à la fin, au mois d\'oc-
tobre de cette année 1778, à Amsterdam, chez
M. le docteur Klocner, naturaliste célèbre dont
vous connoîtrez le mérhe par les additions que M.
le professeur Allamand a ajoutées à l\'édition hol-
landoise de votre ouvrage.
O
« Retourné en Frise à ma campagne, je me mis
en devoir de satisfaire ma curiostté en disséquant
l\'organe de la voix de cet animal singulier; , . . .
et je vais, Monsieur, vous faire part de mes ob-
servations à ce sujet, en vous envoyant la copie
de mes dessins anatomiques , afin de vous donner
de l\' o r a n g - o u ta n g , etc. 175
avec plus de précision une idée de la structure de
cette partie intéressante.
« L\'animal avoit, depuis l\'occiput jusqu\'à l\'ori-
gine de la queue, quinze pouces de longueur et
douze pouces depuis la mâchoire inférieure vers
l\'os pubis. La queue étoit longue de vingt-deux
pouces, y compris la partie prenante, qui l\'étoit
de dix.
pouc. 1.
Largeur de la tête depuis l\'occiput jusqu\'à
l\'extrémité du museau...............4
•— de la mâchoire inférieure................2
Longueur de l\'os du bras..............6
— du cubitus...................... 5
— de la paume de la main. ........... i
— des doigts....................... s
— des cuisses......................6
— des jambes...................... 6
— de la plante du pied............... 3
— des orteils....................... i
(( La couleur du poil et la forme de toutes les
parties du corps et des membres, étoient comme
vous les avez décrites dans v^otre quinzième vo-
lume. ,
« Les dents incisives sont très-petites, ainsi que
les canines, eî le museau est assez court. /
« Les quatre premières figures représentent l\'or-
-ocr page 282-174 d e l\' o 11 a n g - o u t a n g , etc.
gane de cet Alouaîe; îa cinquième l\'os hyoïde,
dont M. Vicq d\'Azir m\'a fait présent (1).
« La première et la seconde ( 9 et 10 pl. IIÏ)
donnent les glandes et les muscles du cou, la tête
étant couchée sur la table. Toutes ces parties sont
de srandeur naturelle.
K Dans la troisième et la quatrième figure (11
et 12 pl. Ill), on voit l\'organe de la voix de pro-
fil, et détaché du cou. J\'ai donné, autant que je
l\'ai pu, les mêmes caractères aux parties analo-
gues , afin d\'éviter la confusion.
« Figure i (g de la planche III}. A. B. C. est la
base de l\'os de la langue , couverte par les mus-
cles mylohyoïdiens qui ne paroissent presque pas
à cause de leur délicatesse et de la transparence
qu\'ils avoient acquise dans l\'esprit de vin dans le-
quel l\'animal avoit été conservé.
({I. G. H. les deux bralQches de la mâchoire in-
férieure couvertes par les massetères S. et R.
(C D. le cartilage thyroïdien ; E. le cricoïdien ; F.
la trachée-artère.
(C L K. 4. M. H. les deux glandes submaxillaires
très-considérables, et unies par devant enK.
(c 0. P. M. et O. 4. les sternomastoïdiens.
(j) Ce sont les figures 9, lo,. î i, 12 et i3 de la planche III de
notre édition françoise des OEuvres de Camper.
d e l\' o r a n g - o u t a n g , etc. 17 5
« R. Q. les muscles peaussiers ou latissimi colli,
mis de côté.
cc A. G. les genio - hyoïdiens ; N. 0, les sterno-
hyoidiens.
■ ■ -
« Figure 2 ( lo de la planche III ). A. B. C. D.
E. F. G. I. N. O. Q. R, comme dans la première
figure ( 10 pl. IIÏ ).
(c S. T. thyrio-hyoïdien, dontFinsertion est dans
Féchancrure de la base de Fos hyoïdien B. ©. X2. ,
figure 5 ( i3 pl. III ).
(C T. O. le sterno-hyoïdien, dont l\'autre partie
monte de W. en V. L\'intervalle entre B. C. D. dé-
pend de ce que la tête fut relevée en haut sur la
table. Dès que la tête forme un angle droit avec le
cou, Féminence du cartilage thyroïdien s\'appli-
que à Féchancrure de la base de Fos hyoïde, com^
me on le verra dans la troisième figure (11 pl. III).
« Figure 3 ( 11 de la planche III ). A. B. C. D:
E. F. G. comme dans les précédentes.
<( B. il. échancrure latérale de Fos hyoïde,
(( n. r. corne de cet os.
« r. A. partie cartilagineuse de la corne.
« D. p. k. m. cartilage thyroïdien.
<( a. B. stylo-hyoïdien.
<c B. £ï. u. b. busso-giosse.
« r. £1. u. cérato-glosse.
-ocr page 284-176 de l\' o k a n g - o u t a n g , etc.
« A. ƒ u. e. stylo-glosse.
« G. e. h. cl. genio-glosse.
« h. c. d. genio-hyoïde.
« g. h. r. n. thyro-hyoïdien.
(C i. n. glande thyroïdienne unie en n. avec celle
de l\'autre côté.
« K. l. m. crico-thyroïdien.
<( 0. oesophage.
« y. X. langue dont le bord est ondoyé par les
dents qui y ont imprimé leurs vestiges.
« g. r. l\'épiglotte; r. le petit cartilage entre cette
partie et la pointe de l\'aryténoïdien s. t.
« Figure 4 (12 de la planche III ). A. B. B. Q..
r. A. J}.p. K. k. E. A. r. ƒ c. e. G. comme dans la
fig. o (11 pl. III). On y voit les cartilages thyroïdien
et cricoïdien plus distinctement, et l\'articulation
enK.j aussi tout l\'os de la langue avec sa corne A, et
celle du cartilage thyroïdien p. entoure avec la
corne du côté opposé presque tout l\'œsophage; il
y manque encore les bouts que j\'avois malheureu-
sement coupés, ne m\'attendant pas à des extrémi-
tés si longues.
(C Figure 5 ( i3 de la planche III )• Celle-ci re-
présente la base de l\'os hyoïde que m\'a donné
M. Vicq d\'Azir , placé comme dans les figures 1
et 2 ( 9 et 10 de la pl. Ill}.
B E l\' o ». A N G - o IJ T A N G, E T c. I77
« A, B, C. la partie antérieure.
« B. C. Fécliancrnre antérieure qui reçoit sur
ses bords les muscles sterno-hyoïdiens.
« n. et f. les cavités qui ont reçu les têtes des
cordes de Fos hyoïde.
« n. "F. la base de Fos qui reçoit les muscles
et l\'attache de la langue.
« n. B. t\'. n. C. les échancrures latérales.
(( B. et C. deux pointes osseuses entre lesquelles
est la véritable base n. T. : il y a une grande
ouverture dans laquelle Fair poussé des poumons
tombe, après avoir passé par Ja fente de la glotte.
(( La voix formee par la fente de la glotte entre
donc dans la caisse osseuse augmentée par la par-
tie membraneuse qui se trouve entre le cartilage
thyroïdien et cet osB.C.D., fig. i (9 pl.Ill); après
quoi elle retourne par une ouverture très-considé-
rable dans le creux formé par la glotte, qui estsous
la racine de F epiglotte, et les cartilages arythénoï-
diens au-dessus de la fente. Cette même voix passe
en troisième lieu par Fouverture q. r. s. ^ fig. 5 (11
pl. Ill), dans le fond de la bouche. L\'organe for-
me donc line espèce de flûte dont les chasseurs se
servent pour rappeler les chiens.
cc Dans les Babouins, j\'ai trouvé que la base de
l\'os hyoïde étoit aussi creuse mais beaucoup moins
cependant; la poche œembraneucse, au contraire,
est très-considérable dans ces animaux, et forme un
1- 12
178 D E L\' o R A N G OU T A N G , ET C.
boursoufflement au cou quand ils crient. La racine
de Fépiglotte est perforée dans ceux-ci comme
dans le Pithèque. Dans les Orangs-Outangs, Pos
hyoïde est semblable au nôtre; ils ont cependant
deux poches membraneuses d\'une grandeur con-
sidérable , qui descendent quelquefois sur l\'os de
la poitrine, sur les os du bras, jusque vers le dos
par-dessus des omoplates ; chaque poche alors a
son orifice distinct au - dessus de la fente de la
glotte. La modulation de la voix est donc impos-
sible dans ces animaux.
cc Mais ce qui m\'a paru fort extraordinaire, c\'est
l\'organe de la voix dans le renne, qui est en tout
conforme à celui des Babouins, comme je l\'ai.in-
diqué dans mes observations sur le renne , tome
XV, page 53 de votre Histoire naturelle,
édition de Hollande.
(C Comme FAlouate que j\'ai disséqué avoit déjà
changé ses dents, il paroît avoir acquis sa gran-
deur naturelle; mais en comparant le gi^and os du
Cabinet du roi et celui qui est dans le cabinet de M.
Vicq d\'Azir, dont l\'orifice est simple et sans les émi-?
iiences pointues B. C., fig. 5 (13 pl. III),il semble qu\'il
y a deux espèces d\'AIouates, et que la seconde est
très - probablement près de deux\'fois plus grande
que celle dont nous venons de donner la descrip-
Vion : la grandeur de la caisse osseuse paroît auto-
riser ç^tte conjecture. Le corps sera donc de deux
be l\'orang-outang, etc. i79
pieds et demi, ce qui fait pour uu tel animal déjà
une taille gigantesque, sur-tout lorsqu\'il se tient
debout sur ses deux jambes postérieures, longues
aussi de deux pieds et demi. )>
Klein Lajakuin, le 15 novembre 1778.
Cette dernière réflexion de M. Camper est très-
juste; car ily a des Alouates et des Ouarines qui
ont plus de cinq pieds lorsqu\'ils sont debout ; et
il est à désirer que ce célèbre anatomiste réunisse
dans nn seul ouvrage toutes les observations qu\'il
a faites sur les organes de la voix et de l\'ouïe, et
sur la conformation de plusieurs autres parties in-
térieures de différens animaux.
3 8o DE l\' O R A îf G - O U T A N G , E T C.
H-EPKÉsENTE FOrang que fai reçu de M. HofF-
xiiann, en 1770, réduit au quart de sa grandeur
naturelle, dont j\'ai mesuré toutes les parties aussi
exactement qu\'il m\'a été possible. J\'ai seulement
indiqué en moindre quantité le poil,mais par-tout
néanmoins dans une exacte proportion, afin qu\'on
puisse mieux distinguer les contours de l\'animal,
L\'Orang est représenté ici mort, et fort racorni
par l\'esprit de vin ; cependant toutes ses parties
ont conservé leurs justes proportions réciproques,
comme on pourra -s\'en convaincre en comparant
DE L\' O 11 A N G - O U T A N G , ETC. 1
cette figure avec celles des planches suivantes, où
Fon trouvera différentes parties de cet animal moi-
tié grandes comme nature.
P I G u 11 E 2.
La tête du même Orang, moitié grande comme
nature, et dessinée aussi exactement qu\'il m\'a été
possible , afin de faire appercevoir la saillie de la
mâchoire supérieure; le nez vu de profil, ainsi que
la position et la forme de Foreille.
FIGURE 5.
Représente la tête décharnée, également vue de
profil et moitié grande comme nature, avec les
vertèbres cervicales 5 et la première côte avec la
partie supérieure du sternum.
A. B. C. L H. F. E. Fos temporal. C. D. L l\'os
occipital avec la petite suture Z. — K. le conduit
auditif osseux. L. Fos et la fosse lacrymale.
M. A. Z. O. Fos coronal. A. Z. B. le bord squam-
meux où le grand muscle temporal prend nais-
sance. Z. 0. 1). c. Fos parietal.
M. A. E. partie latérale de l\'os sphenoidal.
F. M. P. Fos zygoniatique.
N. P. Q. R. le grand os de la mâchoire supérieure
lequel contient les dents mâchelières et la dent
œillère.
282 ï) E l\'o B. A N G - o u T A N G, E T c.
Q. R. S. Fintermaxillaire où le complément de
la mâchoire supérieure, dans lequel se trouvent les
dents incisives.
Q. R. la suture que Galien a décrite d\'une ma-
nière fort exacte.
H. T. U. V. la mâchoire inférieure. U. le trou
par lequel sort la troisième branche de la cinquiè-
me paire de nerfs.
H. W. les sept vertèbres cervicales, dont les apo-
physes épineuses sont trop apparentes pour avoir
besoin d\'explication.
W. X. première côte. X. Y. la partie supérieure
du sternum.
c. d. la ligne faciale de l\'Orang formant un an-
gle de cinquante-huit degrés.
f.g. la ligne faciale telle que je l\'ai trouvée chez
les Nègres, formant avec la ligne horizontale S. e.
un angle de soixante-dix degrés. D. c. ligne per-
pendiculaire tombant sur la ligne S. e., qui est pa-
rallèle à l\'horison.
S. R. T. ligne qui indique la forme du bord de
la mâchoire supérieure.
F I G u n E 4.
La face entière ridée par l\'effet de l\'cvSprit de
vin, représentée, comme le profil, moitié grande
comme nature. On apperçoit distinctement qu\'il
de e\' o u a n g -\'o u t a n g, etc. l85
ne pent y avoir de lèvres recoquillées et colorées
de rouge.
La tête décharnée de la figure précédente, dont
toutes les parties sont faciles à reconnoitre. On y
distingue sur-tout fort bien l\'emplacement et la
disposition des dents, ainsi que celles des mâche-
lières, lesquelles cependant s\'apperçoivent mieux
encore dans le profil fig. 5. — a. le ^so-ofpuoi/ {gla-
bella ), d\'où, suivant Galien, la suture a. b. qui di-
vise la mâchoire supérieure en deux parties, com-
mence déjà, et se prolonge des deux côtés le long
de Q. jusqu\'à R.
f i g u r e 1.
Représente la gorge de grandeur naturelle,
ouverte par derrière, dessinée d\'après le même
Orang que les figures précédentes.
Elle contient aussi divers objets dont Fexplica-
tion est d\'autant plus nécessaire qu\'ils appartien-
nent à différentes espèces de singes aussi bien qu\'à
l\'Orang-Outang.
l84 n E l\' o K A N G - o u T A N G, ETC.
A. B. c. le dos de la langue, saillant au-dessus
de la portion molle du palais D. B. C., qui a été
coupée. D. B. C. F. H. G. E. Toesophage et la por-
tion molle du palais ouverts par derrière, afin de
pouvoir découvrir la voie le long de la langue A.
B. M. par dessus l\'épiglotte lingula de Galien)
jusque dans l\'oesophage K. I. G. H.
B. L. l\'épiglotte fortement adhérente par der-
rière à la portion molle du palais. Le reste se dis-
tingue de soi-même.
Fait voir le larynx avec les poches, vus par de-
vant; le tout grand comme nature d\'après le mê-
me Orang.
N. O. P. l\'os hyoïde. N. etO. les cartilages sésa-
moîdes au-dessus de la réunion de la base avec les
cornes 0. P. Celle du côté droit se trouve couverte
par la poche droite qui est ouverte. L\'os hyoïde se
fait voir d\'une maniéré plus distincte dans la fig. 2
de la planche suivante.
Q. R. S. la poche gauche encore entière.
T. Z. X. la poche droite ouverte de Z. jusqu\'à
W., pour examiner l\'intérieur et sur-tout la fente
Y., laquelle, passant eutre ie cartilage thyroïdien
T. et l\'os hyoïde, se trouve dans l\'intérieur du la-
rynx à côté de l\'épiglotte.
DE L\'ORANG-OUTANG, ETC. l85
T. U. le cartilage thyroïdien. U. V. le cartilage
cricoïdien. V. les anneaux de la trachée-artère.
Le larynx du singe à queue que j\'ai disséqué à
Amsterdam , en 1767 , représenté par derrière ,
pour faire voir l\'orifice ou fente qui est dans la
racine de l\'épiglotte, grand comme nature.
a. h. c. Fépiglotte. d.e.f. les deux têtes du car-
tilage arythénoïdien. e. la petite côte cartilagineuse,
que j\'ai trouvée non-seulement dans les chiens et
dans quelques singes, mais aussi dans l\'homme.
i. p. Fouverture dans la racine de Fépiglotte par
laquelle Fair passe dans la poche, qui se trouve pla-
cée dans la partie antérieure du cou. i.f. la fente
du larynx.
q. r. a. b. le dos et la racine de la langue, a. c. s.
l\'oesophage ouvert par derrière, s. t. u. la trachée-
artère.
Le même larynx vu de côté , et ies cartilages
dépouillés de leurs membranes pour qu\'on paisse
mieux les appercevoir.
a. b. c. d. Fépiglotte. e. h. la petite côte cartilagi-
neuse, qui se trouve aussi dans l\'homme, ƒ h. le
cartilage arythénoïdien. ƒ g. la tête de cet os ])en-
l86 DE L^ ORANG-OUTANG, ETC-
chée en arrière, h. i. m. la corde de la fente du
larynx, h. n. i. grande cavité , laquelle est beau-
coup plus considérable dans quelques singes, m. i. L
le larynx amputé, i. l. le cartilage thyroïdien.
d, o. la poche qui contient l\'air, sortant de l\'ou-
verture d. j dans la racine de Fépiglotte.
FIGURE 5.
La main droite de FOrang, pl. I,fig. i,représen-
tée moitié grande comme nature. Cette esquisse ne
donne pas une représentation bien distincte des os
du carpe, parce qu\'ils étoient trop cartilagineux et
trop racornis, à cause de leur petitesse. Ce défaut
se trouvera suffisamment compensé par la fig. 4
de la planche III.
A. B. C. le carpe. A. B. le ligament transverse.
A. D. os du carpe du pouce. D. E. et E. F. les deux
autres os, sur le second desquels étoit un ongle
parfait.
A. G. l\'os du carpe du premier doigt.
G. H., H. I., L K. les trois phalanges avec l\'on-
gle; les autres doigts sont à peu près faits de même.
L, M. M. N. 0. bords raboteux formés par l\'in-
sertion des ligamens transverses, lesquels non-seu-
lement tiennent les tendons de la main et du pied
serrés contre les osselets des doigts, mais servent
en même tems de gaines dans lesquelles courent
DE L\' O li A N G - O U T A N G , ETC. 187
les tendons. Je les ai fort exactement représentés
et décrits dans mdi Demonst. anat. path, de Bra-
chio,Y\\h.\\.
Comme j\'ai mesuré toutes ces parties au com-
pas, elles se trouvent représentées ici dans leurs
plus parfaites proportions réciproques.
F i G u K B 6.
Le pied droit du même Orang, moitié grand
comme nature, vu par dessous. Les os du tarse ne
sont pas fort distincts pas la raison que j\'ai alléguée
en parlant de la main.
A. B. E. le îarse. C. le naviculaire. D. une par-
tie du malléole. F. B. le cuboïde. A. C. le grand
cunéiforme. A. G. Fos du métatarse du grand or-
teil. G, H. Fos unique sans ongle.
L K., K. L., L. M. les phalanges des quatre au-
tres doigts. N. O. P. Q. les bords raboteux, desti-
nés, comme dans la main, à recevoir les ligamens
transverses. La grandeur exacte des parties est in-
diquée ici avec la même précision que dans la
main.
figure 7,
Les os du bassin du même Orang, réduits avec
la plus grande précision à la moitié exacte de leur
grandeur naturelle.
A. B. F. E. G. M. L. l\'os de la hanche droite. C. D.
0. G. M. la hanche gauche, divisée par un cartilage
1, lequel se voit par l\'acetahulum N., comme dans
ïes jeunes gens et dans tous les jeunes animaux.
A. B. I. l\'ihon. L K. G. M. l\'os pubis. G. M. la
jonction cartilagineuse des os pubis, et leur hau-
teur. K. L. et 0. les os ischion.
L. et 0. les condyles. F. le trou ovalaire. K. le
petit condyle de l\'os pubis, d\'où sort le tendon du
muscle crural droit.
B. C. Q. R. S. l\'os sacrum. B. ï. II. III, S. les
trois vertèbres dont est composé l\'os sacrum. I. II.
III. IV. les quatre vertèbres coccygiennes.
F. H. E. le ligament de l\'os sacrum, du coccix
et de l\'ischion.
Est une légère esquisse, mais très-exacte, de la
tète de l\'Orang femelle vivante,telle qu\'on l\'a vue
peu de tems avant sa mort au Petit-Loo. Elle étoit
assise pendant que je la dessinois. Le reste ne de-
mande aucune explication.
figure Q.
L\'organe de la voix de FOrang dont M, Hope
m\'a fait présent, vu par devant; les deux poches
qui contiennent l\'air confondues l\'une dans l\'au-
be l\'orang-outang, etc. 189
tre, avec les parties qui y appartiennent ; le tout
moitié grand comme nature.
A. B. C. la mâchoire inférieure dépouillée de la
peau et des platysmamyoïdes.
D. E. F. G. Fos hyoïde. D. et E. les osselets sé-
samoïdes. F. et G. les coî-nes de cet os.
A. D. A. E. les geniohyoïdiens. B. D. M. C. G. N.
les glandes submaxillaires qui sont fort grandes.
H. I. le cartilage thyroïdien. K. le cartilage cri-
coïdien.
a. c. K. et h. h. ï. les doubles conduits mem-
braneux qui sortent du larynx, entre Fos hyoïde et
ie cartilage thyroïdien, et viennent former les deux
poches; mais dans l\'individu doBt je parle et dans
celui du stadhouder ils s\'unissoient et formoient
tine cavité près de i.f.
a. c. d. e.f i. le côté droit de cette poche, cou-
vrant entièrement le sternum de L, jusqu\'à e. —
b. h. g.f la partie gauche.
i.f. la scissure ou repli apparent où les deux
poches se trouvent réunies.
c. d. g. h. appendices de cette poche qui, en s\'é-
tendant, vont se cacher entre les muscles.
figure lo.
L\'intérieur du larynx du premier Orang, moi-
tié grand comme nature, pour faire voir les fentes
igo DE l\'ORANG-OUTANG, ETC.
qui se prolongent en dehors, au-dessus de cordes
vocales du larynx, à côté de Fépiglotte.
a.f. e. d. Fépiglotte ou lîngula de Gahen.
a. b. J a. i. les deux orifices que Galien aj)pelle
fentes , par lesquels Fair pénètre dans les poches.
g. h. h. l. le cartilage cricoïdien ouvert parder-
rièi\'e.
h. m. et /. n. la trachée-artère fendue.
g.f i. et c. h. d. les cartilages arythénoïdiens des
bords d\'en bas desquels sortent les cordes du la-
rynx b. a. et i. a., et se prolongent par dessous
les fentes de Galien, vers a.
Si l\'on compare cet organe de la voix avec celui
du singe à queue, représenté planche III, fig. 4,
on trouvera que l\'ouverture est exactement dans
l\'espace i. n. au-dessus de la corde h. i. du la-
rynx. La petitesse des cordes dans l\'Orang est cause
sans doute que cet animal ne peut pas produire des
îsons aussi modifiés que les autres singes.
be o 11 a n g ~ o u t a n g, e t ct iql
Donne une représentation exacte de l\'organe
de la voix de l\'Alouate hurleur, le Babouin ou Si-
mia Siniculus deLinnaeus et de Zimmermann, du
côté antérieur, moitié grand comme nature.
Les glandes submaxillaires, qui dans cet animal
étoient fort grandes, couvroient non-seulement les
ptérygoïdes et les platjsmamyoïdes de I. jusqu\'à
T. ; mais elle se réunissoient en pointe dans la par-
tie antérieure entre l\'os hyoïde B. et le cartilage
thyroïdien D.
Le mylohyoïdien étoit mince, mais couvroit
Xiependant l\'os hyoïde A. B., comme dans tous les
autres animaux.
A. B. E. S. la base concave de l\'os hyoïde fort
grande et fort évasée, de sorte qu^elle ressemble à
une membrane osseuse.
D. le cartilage thyroïdien. E. le cartilage cricoï-
dien. F. la trachée-artère.
G. A. les geniohyoïdiens. G. H. I. la mâchoire
inférieure. O. N. le sternohyoïdien.
S. T. le thyrohyoïdien. U. T. le sternothyroï-
dien. Y. W. l\'autre partie de ce muscle s\'insérant
192 DE L\'OB-ANG-OXITANG, ETC.
plus haut à la corne de ce cartilage, lequel est fort
long dans cet animal, et qui, avec celui de l\'autre
côté, embrasse, pour ainsi dire, toute la gorge.
Fait voir Fos hyoïde en entier et les deux carti-
lages de la trachée-artère, mais dépouillés de leurs
muscles et enlevés de la gorge.
A. B. C. D. la base concave de Fos hyoïde arti-
culé en B. avec la corne droite F. D., mais qui n\'est
ossifiée que jusqu\'en E.—C. et B. deux pointes ai-
guës, dans lesquelles étoient insérés les stylo-hyoï-
diens, de manière que ceux-ci tenoient lieu des
osselets sésamoîdes.
G. H. I. L. le cartilage thyroïdien avec sa longue
corne L.
I. K, le cartilage cricoïdien fort creux sur le
côté, et réuni avec le crochet inférieur du carti-
lage thyroïdien en I,
M. P. N. la langue, dont le bord Q, P. étoit on-
dulé par les dents qui s\'y étoient imprimées.
F. E. M. N. le stylo-glosse, N. N. O. le genio-
glosse.
de l\' ORANG-outang, etc. 195
Représente le dos de la main droite du Pithè-
que ou singe d\'Egypte, moitié grande comme na-
ture. Mon principal but en la publiant a été de
donner une idée exacte des huit os ordinaires et des
trois os surnuméraires du carpe,
A. B. F. le radius. T. H. le cubitus.
N. le naviculaire. L. le lunatum. T. le trique-
trum. R. le rotundum, en partie visible. Ces os
forment la première rangée,
M. le multangulum majus; mais qui est fort pe-
tit ici à cause de Fexiguité du pouce, et moins
grand que m. ^ qu\'on nomme autrement le mul-
tangulum minus.
C. le capitatum. U. Funciforrne: ceux-ci for-
ment la seconde rangée, et sont joints aux os du
métacarpe, a. le neuvième os de Galien, le second
os surnuméraire de Daubenton.
h. et b. dans l\'objet réduit en grand, placé à
côté de la fig. qui le fait appercevoir plus dis-
tinctement et articulé avec le naviculaire JN"., c\'est-
à-dire, le dixième os d\'Eustache et le troisième de
Daubenton. c. un très-petit os, le premier de Dau-
benton.
H.\'G. ï. M. le grand abducteur ou extenseur
"iu pouce , placé dans une sinuosité du radius
f- D. E., et passant par un conduit I. A. C\'est dans
I. i3
394 de o r a n g - o u t a n g , etc.
]e tendon de ce muscle qu\'on trouve dans les ani-
maux le neuvième os de Galien a.
f i g u r e 4.
Représente, moitié grands comme nature, les
i)s du carpe de la main droite de l\'Orang-Outang
que m\'a donné M. Hope.
A. est le tendon de l\'abducteur du pouce.
S. le neuvième os de Galien.
N. L. T. R. les quatre os de la première rangée,
et M. 7n. C. U. les quatre os de la seconde rangée;
le tout conforme à ce qui a été dit de la fîg. 5.
P. Q. l\'o& du carpe du pouce.
figure 5.
Représente le tarse du pied du Pithèque, moitié
grand comme nature, dont la main est développée
dans la fîg. 5. Mon principal but a été de donner
ime idée des os surnuméraires qu\'on trouve dans
le métatarse de quelques singes.
A. B. le calcaneum. C. D. le tendon du long pé-
roné , dont a. indique l\'os sésamoïde ou surnumé-
itaire, lequel se trouve dans un grand nombre d\'a-
«imaux, mais qui n\'est pas dans l\'Orang.
E. G. F. 6. B. G. trois ligamens dans la jonction
desquels il y a en ô. un second os sésamoïde dans
le Pithèque, da«s le chien et autres pareils animaux.
Jk
D E l\' o E. A N G - o u T A N G, E T c, 1Q5
G. B. le ligament sous lequel passe le tendon du
long péroné, ainsi que dans les sinuosités de l\'os
cuboïde B. E.
Comme les autres parties sont assez distinctes
d\'elles-mêmes, et qu\'elles n\'ont point de rapport
à mon sujet, je ne crois pas qu\'il soit nécessaire
d\'en donner l\'explication,
Esquisse du caecum gonflé avec l\'appendice ver-
mifomie de l\'Orang de la ménagerie du Petit-Loo,
réduit au quart de sa grandeur naturelle.
0. P. Q. les intestins grêles avec leur insertion
dans le osccum en Q.
S, R. Z. ©. le caecum.
U. V. W. X. l\'appendice vermiforme.
O. H. V. le petit mésenteriolum, ou double me ^
sentère, lequel attache les intestins grêles au
caecum,
Y. Z. une des trois bandes tendineuses du colon
T, R. et A., et entre deux sont les grands replis
rentrans qui fotment les boursoufflures. Ce boyau
se trouve, comme dans Fhomme, avec le caecum
S, dans la cavité droite du bas-ventre.
P I G u .R E 7,
Représente l\'estomac et une partie du duode-
-ocr page 304-i^G DÉ l\' o B- A N G - o u T A N G, ETC.
num âu même Orang, également réduits au quart
de leur grandeur naturelle»
A. l\'insertion de l\'oesophage dans l\'estomac.
B. C. N. D. l\'estomac entier. D. E. le pylore.
D. E. F. G. N. la partie fortement musclée de Fes-
tomac. F. G. sa profonde scissure.
D. E. I. le duodenum. L, K. le conduit biliaire.
M. le conduit amputé du pancréas.
La verge de l\'Orang de M. Van Hoey , moitié
grande comme nature.
A. B. la verge dessous laquelle on apperçoit dis-
tinctement le frein qui descend vers la racine.
A. le prépuce. C. et D. les testicules. C. G. D.
espèce de scrotum.
E.F. grosbourreletpeléautourde l\'anus, qui se
trouvoit aussi chez la femelle. Il étoit entièrement
coupé au tronc que M. Vosmaer m\'avoit fait passer.
H. l\'anua,
(Pout: l\'explication des figures 9, 10, il, 13
et i3, voyez la lettre à M. Buffon, page 171. )
I
Précédé d\'un discours sur les agrémens que
présente l\'histoire naturelle et sur ses rap-
ports avec l\'étude des belles-lettres et dß l\'an-
tiquité ; prononcé dans une assemblée publi-
que tenue à l\'amphithéâtre d\'anatomie de
l\'académie de Groningen, le février
m
iS 1
BH\'
f-\'
-ocr page 307-A M. LE BARON ■
Conseiller extraordinaire des Gr-andes-Indes et
Gouverneur du Cap de Bonne-Espérance.
(O\'est comme une preuve de ma vive et res-
pectueuse reconnoissance , cjue je prends la li-
berté de vous offrir ce discours sur le rhinocéros
d deux cornes. Je conviens que cette manière de
m\'acquitter envers vous ne peut être mise en
considération auprès des grandes dépenses que
vous a coûté Vacquisition d\'un pareil animal,
et les soins que vous avez été obligé de prendre
pour le faire approprier de manière à pouvoir
m\'être envoyé.. Mais je connois trop la noblesse
do, vos sentimens , et votre amour pour l\'avan-
cement de l\'histoire naturelle, pour n\'être pas
convaincu que vous vous croirez amplement dé-
dommagé de toutes ces peines, en apprenant que
votre louable but a été parfaitement atteint.
900 É P î T R E
Ce petit traité vous convaincra , j\'espère , de
mon zèl^ à remplir vos désirs ; autant que me
l\'ont pèhnis inés foihles moyens. L\'académie
impériale de Saint-Pétersbourg vous prouvera
de quel secours a été votre inestimable présent,
pour pouvoir prononcer avec quelqite certitude
sur le grand nombre de têtes fossiles de rhino-
céros cju\'on a trouvées en Sibérie; puisqu\'il n\'y
avoit aucun cabinet en Europe , pas même par-
mi ceux des plus grands souverains , où l\'on
possédât une tête de rhinocéros pour résoudre
cette grande question.
Ce n\'est donc pas à moi seul et d l\'académie
de Groningen que vous avez rendu un service
éminent; mais à tous les savans en général,
qui depuis long-tems désiroient de connaître Va-
natomie de la, tête du, rhinocéros.
La tête d\'hippopotame cpue vous avez eu la
bonté de m\'envoyer quelque tems après et dont
je donnerai ailleurs la figure ef là description,
n\'étoit pas d\'un moindre prix. Elle a servi déjà
à m\'apprendre beaucoup de choses nouvelles et
d pouvoir prononcer sur l\'unportante question ,
si les dents molaires d\'une grandeur extraordi-
naire qu\'on trouve en Sibérie et sur les bords de
l\'Ohio en Amérique, ont appartenu à l\'hippo-
potame , ainsi que le prétendent Bujf on et Dau-
benton, ou si, comme le pensent MM. Hunter
DÉDICATOIRE. Î201
et Pallas, elles viennent d\'un certain animal
inconnu dont l\'espèce est totalement perdue ,
comme on paroît le croire avec raison ; quoique
cet animal ne doit pas avoir été ni moins grand^
ni en moindre quantité que l\'a été l\'éléphant.
Et de quelle utilité n\'a pas été aux naturalis-^
tes le fourmiller du Cap de Bonne-Espérance ,
dont je suis de même redevable à votre bienveil-
lance ? Il a servi â faire reconnoitre son erreur
au célèbre Buffon , qui jusqu\'alors avoit douté
de l\'existence de cet étrange animal,
Je passe sous silence plusieurs autres curio-
sités dont vos soins généreux ont orné ma col-
lection, et parmi lesquelles se distingue sur-tout
une téte de Méduse, dont aucun autre cabinet
de l\'Europe ne possède un pareil exemplaire.
Ces faveurs multipliées de votre part, ces sin-
gulières preuves de votre zèle pour l\'histoire na-
turelle et les sciences exigeoient sans doute que
je vous en témoignasse publiquement ma recon-
naissance.
Je sais que votre seul but a été de faire le
bien , mais je suis convaincu aussi que la re-
connaissance est une vertu trop chère d votre
coeur , pour ne pas recevoir favorablement celle,
que je vous dois. Daignez donc î\'ecevoir ce foi-^
ble hommage littéraire, afin cpi\'en le parcou-
rant çians vos momens de loisir, vous puissiez
202 épitre dédicatoire.
Juger si vos soins et vos dépenses se trouvent
compensés par les efforts que y ai faits pour en
tirer quelque avantage.
\\ ïïe suis, etc.
Pierre CAMPER.
^hin-Lankùm,U 23 janvier 1779.
-ocr page 311-Ce traité sur la tête du rliinocéros bicornis doit
son origine à un discours public que j\'ai pronon-
cé le 6 février 1772 à l\'arnpliitliéâtre d\'anatomie
de Groningen, pendant que la gelée m\'empêcboit
de faire mes démonstrations anatomiques sur des
cadavres humains, qu\'on m\'envoyoit, pour cet ef-
fet , par eau , d\'Amsterdam.
J\'ai pensé qu\'il étoit nécessaire de donner cet
avis préalable, pour qu\'on ne fut pas surpris des
dilférens objets dont il est parlé dans l\'introduc-
tion, et que je n\'ai pu passer sous silence pour
plusieurs raisons; d\'autant plus que je me flatte
que les exemples que j\'y cite ne seront, en géné-
ral, pas désagréables au lecteur.
Depuis ce tems, j\'ai eu l\'occasion de faire de
nouvelles recherches sur le rhinocéros , et même
d\'en voir un vivant à Versailles. J\'ai donc cru
qu\'il étoit de mon devoir d\'y intercaller les nou-
velles découvertes que j\'avois pu faire sur cet ob-
jet, ainsi que les observations que le célèbre pro-
PREFACE,
fesseur Pallas a bien voulu me communiquer.
Je ne donne point ici Thistoire de cet animal,
de son origine, de ses moeurs, etc. ; tout cela a été
traité d\'une manière admirable et pleinement sa-
tisfaisante par l\'immortel Buffon.
A
Sur les agrémens que présente l\'histoire natu-
relle, et sur ses rapports avec l\'étude des
belles-lettres et de l\'antiquité.
essieurs,
Comme la continuation de là gelée ne nous
permet pas de recevoir des cadavres humains, et
que cependant votre ardeur à connoître les mer-
veilles de la création s\'accroît chaque jour, j\'ai
cru devoir vous entretenir d\'une des plus singuliè-
res pr-oductions de la nature, et dont la connois-
sance mérite votre attention par l\'influence qu\'elle
a sur l\'histoire ancienne.
Cet étrange sujet est la tête entière d\'un rhino-
céros hicornis , laquelle m\'a été envoyée, il y a
peu de tems, par M. le baron de Plettenberg, gou-
verneur du Cap de Bonne-Espérance.
On pourroit m\'objecler que cette salle , cette
académie et mes fonctions ne sont destinées qu\'à
M
la connoissance du corps humain; et ces repro-
ches seroient bien fondés sans doute, si nous ve-
nions par-là à négliger ce devoir. Mais faudra-t-il
se tenir rigoureusement à cette loi, sans nous per-
mettre quelque délassement? A qui les charmes de
l\'hrsto.re naturelle ne feront-ils pas éprouver des
pla,s,rs dehcieux, sur-tout lorsqu\'on les expose
d une manière claire et concise ?
A peine peut-on , au printems , quitter Pen-
cemte des villes, sans être frappé d\'admiration par
le tapis odoriférant de milliers de fleurs, dont les
formes différentes et la variété des couleurs char-
ment nos regards. Quelle admirable bigarrure ne
nous offrent pas la jacinthe, l\'oreille d\'ours, la
tuhpe, la renoncule, pour ne pas faire mention
d\'une mfîniié d\'autres fleurs, lorsqu\'elles sont cul-
tivées par la main habile du jardinier ! Avec quelle
rapidité passe le tems quand on s\'occupe de ces
richesses de la nature!
La contemplation des couleurs variées des oi-
seaux, qui surpassent en éclat et en stabilité celles
des fleurs , n\'est pas môins satisfaisante. Ce n\'est
pas l\'espace circonscrit d\'un jardin, ni l\'étendue
même des champs, qui peuvent nous satisfaire à
cet égard. Notre patrie, l\'Europe entière sont trop
resserrées; toutes les parties du globe sont à peine
assez vastes pour meiire des bornes à notre avide
curiosité. La terre, les mers, les momagnes, les
rivières, tout fourmille d\'êtres animés, tout brille
de l\'éclat de milliers de plantes, de poissons, d\'oi-
seaux, de quadrupèdes, dont les formes, les ca-
ractères , les couleurs , fixent notre attention, et
remplissent notre ame d\'admiration et de gra-
titude.
Malgré l\'envie que d\'autres peuples portent au
bonheur dont nous jouissons; de quelles couleurs
qu\'ils veuillent, dans leur mauvaise foi, peindre
notre sage économie, l\'étude de la nature est la
plus vive passion qui nous anime. Parcourez les
principales villes de notre heureuse patrie , des
centaines de riches collections de ce que produi-
sent les quatre parties du monde, vous convain-
cront bientôt que l\'industrieux négociantsait aussi
rassembler des trésors qui, dans sa tranquille re-
traite, peuvent servir à lui faire admirer les mer-
Veilles du Créateur et à lui prouver sa puissance
infinie !
Il ne contemple, j\'en conviens, que les formes
extérieures de ces admirables objets, et se con-
tente de suivre de l\'œil leur étonnante variété ;
tandis que le philosophe , plutôt par caprice que
par amour pour la science, ne trouve de beau, de
curieux que ce qui, caché à nos regards, ne peut
être découvert que par le secours de l\'anatomie ou,
^ Paide d\'un microscope. On ne peut nier , à la
\'\'^^rité, que cela aussi ne soit précieux et digne d©
nos louanges. L\'un et l\'antre ne potîrront mettre
nn terme à leurs désirs, ni dans les nouvelles dé-
couvertes qu\'ils auront à faire, ni dans l\'acquisi-
tion de nouveaux objets. Les jouissances du phi-
losophe paroîtront plus grandes qu\'elles ne le sont
en effet. Le savant et l\'amateur contribueront à
leur bonheur mutuel, ainsi qu\'à l\'avantage de la
société en général.
Tous les esprits n\'atteignent pas à la même hau-
teur: Leeuwenhoek ne regardoit aucun objet di-
gne de son attention, si, par sa petitesse, il n\'é-
çhappoit pas à l\'oeil le plus perçant ; tandis que
Huyghens trouvoit l\'incommensurable étendue du
firmament trop bornée pour ses contemplations.
Î1 est vrai que la découverte de l\'anneau de Sa-
turne étoit digne de rendre son grand nom nnmor-
tel; mais celle des parties infiniment petites qui
composent l\'aiguillon d\'un moucheron ne mérite-
elle pas la même estime? Dieu seroit-il plus grand,
plus admirable, par la formation du soleil que par
la production du plus petit insecte? Nullement.
Ce n\'est pas la masse que nous devons admirer,
mais l\'intelligence et la beauté qui caractérisent
chaque être et ie but pour lequel il a été créé.
Les plaisirs de l\'âme, par conséquent, son élé-
vation vers la Suprême Cause, sa muette admira-
tion, seront les mêmes, soit que nous écoutions
Huyghens ou Leeuwenhoek! Nous jouissons d\'ail-
leurs encore par notre amour pour ces belles étu-
des du bonheur de communiquer à des milliers
d\'hommes les découvertes que nous pouvons faire
et de répandre avec profusion nos richesses, sans
diminuer la masse de notre savoir et de nos jouis-
sances.
Combien de fois ne vous ai-je pas rendus in-
sensibles à l\'âpreté d\'un rude hiver ? Combien de
fois n\'avez-vous pas oublié le dégoût qui générale-
ment doit accompagner nos preparations anato-
miques, pendant que je lixois votre attention en
vous expliquant la structure de la tortue, du cha-
meau , de l\'orang-outang ou de quelqu\'autre ani-
mal? J\'étois toujours assuré de votre zèle, de vo-
tre assiduité, parce que j\'étois toujours certain que
toutes les créatures sont conformées d\'une ma-
nière si admirable que leur contemplation doit
nécessairement nous émouvoir, nous ravir.
C\'est cette satisfaction de l\'ame, ce plaisir su-
blime dont je vais vous faire jouir aujourd\'hui,
par l\'examen d\'un objet aussi rare qu\'il est singu-
lier par les particularités qu\'il nous offre.
Vous étiez tous convaincus sans doute de cette
vérité avant que d\'entrer dans cette salle; mais la
seconde partie de mon discours doit vous avoir paru
singulière; savoir, que l\'histoire naturelle a non-
seulement une influence sur les belies-^lettres , la
poésie et l\'étude de l\'antiquité, mais qu\'elle est
ï. i4
même inlimément liée avec tomes ces connoissan-
ces, qui, au premier coup d\'oeil, y paroissent si
étrangères.
Je vais tâcher de satisfaire votre curiosité par
les exemples les plus remarquables. Je prouverai
d\'abord que l\'histoire naturelle peut servir à éclair-
cir les écrits des anciens; ensuite je passerai aux
poètes, et finalement aux monumens précieux de
l\'antiquité.
Je citerai, comme preuve, une belle observation
de Plutarque, dans son admirable traité De Va-
mour des parens envers leurs enfans, dans lequel
il exhorte l\'homme à suivre l\'exemple de quelques
animaux ingénieux. Il commence par louer les
soins assidus que le martin pêcheur (i) prend de
ses petits par la construction d\'un nid fait avec le
plus grand art, dont Feutrée n\'a exactement que
la grandeur nécessaire pour que son corps puisse
y passer y et dont les parties sont si parfaitement
liées entre elles, qu\'à peine une hache peut les
entamer.
(t Fixez, dit-il, sur-tout votre attention sur ces
(( chats qui, après avoir produit leurs petits vi-
« vans, les cachent de nouveau dans leur ventre,
({ dont ils les laissent sortir pour aller chercher
(0 De Ipsida, Yoyez Lien., geu, 62, p. 179, alcyon, sp. 5,
-ocr page 319-« leur nourriture, et les y reçoivent ensuite pour
« qu\'ils dorment en repos (i). »
Il est d\'abord plus que probable qu\'il faut lire
de un chat^ car ycsA«? signifie un
poisson, un requin , suivant Aristote, et non un
quadrupède. Xylandre, de qui j\'emploie la traduc-
tion , a rendu ce mot, avec discernement, par ce-
lui de feles, chats, pag. 494, B_-C
Du moment que je vous aurai montré ce chat,
vous admirerez certainement ce bel exemple de
Plutarque. Le voici cet animal singuher î Je sais
que l\'individu qui nous vient d\'Amérique est pe-
tit; mais il y en a d\'une taille beaucoup plus gran-
de, tel que celui que je disséquai le jo mars 1768,
dans cette même salle. Celui-là , qui venoit dè
l\'Amérique Septentrionale, a voit la taille et ia cou-
leur d\'un chat, quoiqu\'il différât beaucoup de cet
anhnal par sa conformatiou interne. Chez îous ces
animaux les mamelles s« trouvent dans la bourse,
qui est placée sous le ventre, composée d\'une dou-
ble peau garnie de poil, tant à l\'intérieur qu\'à l\'ex-
térieur. L\'animal serre à volonté l\'ouverture de
cette bourse, de maniéré même qu\'on ne sauroit
(i) Maxime antem felcs C ^c-ioytvmFt f^i« îy J
vivum ediim partum . ejui catidos m se continent, ^Oiquo^^ijm^^
foras prodire ac pasci, deinde rursus intra -viscera, recipiunt dor-
mi taras.
y introduire le doigt qu\'avec violence, ainsi que
je l\'ai vu moi-même dans deux individus vivans.
La femelle prodiiit ses petits comme tous les au-
tres animaux; elle les porte ensuite, tout dégarnis
de poil encore, dans sa bourse j et leur fournit son
lait pour nourriture. Quand ils sont devenus plus
grands, ils en sortent pour aller chercher leur sub-
sistance, et au moindre bruit se réfugient dans le
,;venkre deleur mèreyc\'est-à-dire, dans cette bourse,
jusqu\'à ce qu\'enfin, ayant atteint une certaine
grandeur, ils ne peuvent plus y entrer et se trou-
Téhi\'èn état de se défendre eux-mêmes; alors ils
-abandonnent ^tièrement leur mère,
r ■ - C\'étoit sou^iréW d%rès iasmoindre analogie que
l^s- àncièn\'S\' f^lonnoient\' des noms aux animaux.
€hèz eux, pai-\'éxemple, l\'hippopotame s\'appeloit
cheval de fîvière, le rhinocéros ifaz/rm« cVE-
etc. C\'est
■dé-mêinè^qiié Plutart|Ue d donné le nom de chat à
i\'ànimal llontil est question, et qui\'en hollandois
"est COniiWsous la dénomination de huidehrot {x&X
#bolirse), à cause de sa queue écaillée et sans poil
«t de la ïîavité qu\'il a sous le ventre (i).
Cet animal a été décrit par les naturalistes sous
^les noms d\'opossum , de sarigue ; Seba l\'appelle
Ôf ^^miot, darts èa tffuluctioa des Œuvres morales de Plutar-
^ue, s\'est servi du »not de ctie» de mer. ( Nota du, traducteur. )
pliilandre, et Linnscus ie nomme marsupialis el
didelphis. Les Grecs et les Romains, qui ont pu se
procurer également ce singulier animal des Indes,
lui ont donné le nom; de cliat , du moins selon
Plutarque, à cause qu\'ils en ignoroient le nom ori-
ginal, et que c\'est au cliat qu\'il leur paroissoit res-
sembler le plus. >
Cet exemple tiré de Plutarque, nous prouve que
l\'hypothèse de Buffon est mal fondée (i). Il pense
que le pliilandre a été transporté d\'Amérique en
Asie où il s\'est propagé; tandis qu\'il paroît claire-
(i) Buffon, tom. X, pag. 284.
En 1777, M. Van der Steeg m\'envoya de Batavia le squelette
d\'un véritable sarigue ou pliilandre d\'Asie, qui est fort différent
de celui d\'Amérique ,-pouF ainsi dire , dans toutes ses pàrttes , ex-
cepté les deux os de la boursë , l\'os pubis, l\'os sacrum "et le noni-
bre des vertèbres. Celui d\'Asie n\'a que vingt-huit-dents, tandis
que celui d\'Amérique en a cinquaate ; les dents canines manquent
à celui d\'Asie. J\'en ai donné quelques notions à le\'professeur
Pallas, dans une lettre du aS novembre 1778, et <lans le supplér
ir.ent au didelphis d\'Asie, dans les actes de la Société ^e Péters-
bourg ( tom. 1, part. II, paç, aaS). J\'ai déjà montré que ce doit
être le kangourou de Pennant bu la gerboise gigantesque\' de Zim-
mermann. En automne \\ 785 , je în\'oritrai à M. le cüevalier Banks
à Londres, d\'après l\'exemplaire duquel la figure a été faite , qus
îe kangourou a véritablement quatre doigts aux extrémités de de;rl
rière , et non pas trois , comme le prétend Pennant. Par^ces écïaïr-
cissemens ultérieurs disparoît le doute deXimmermarin\',\'qui",\' i
cause de cela , s\'imagiooit qu\'il y a unö différence entrferagraM\'ô
gerboise et le tangpurou, , \' ; ; , ; - / \'
ment, par le passage de Plularque, que plusieurs
siècles atant la découverte de FAmérique , les
Grecs et les Romains connoissoient déjà assez bien
cet animal pour en tirer une belle leçon de mo-
rale. Voilà donc que la connoissance des animaux
nous sert à éclaircir Plutarque , et à rétablir un
passage que l\'ignorance des copistes avoit visible-
ment altéré.
IL Je dois passer maintenant à mon princi-
pal objet, pour éclaircir un vers de Martial, au
sujet duquel plusieurs grands hommes se sont inu-
tilement fatigué l\'esprit, faute d\'avoir eu les con-
noissances nécessaires en histoire naturelle.
Le grand Pompée, et plusieurs empereurs ro-
mains, tels qu\'Augusie, Néron, Domitien, Anto-
nîh le Pieux, Gordien et Eléogabale, ont donné
pour satisfaire leur vanité autant que pour amu-
ser le peuple, des combats de toutes sortes d\'ani-
maux étrangers, et entr\'autres de rhinocéros avec
des taureaux, des éléphans, des ours, etc., comme
jious l\'apprennent Pline, Dion Cassius, Lampride
et autres écrivains. Ces empereurs prenoient même
plaisir à Combattre en personne ces bêtes sauvages,
ainsi que Dion Cassius le dit de Commode et de
CaracaUa, qui., dans ces jeux ? combattirent et tuè-
rent plusieurs rhinocéros. i
Mais revenons à Martial : cet auteur décrit la
-ocr page 323-force du rhinocéros dans son livre sur les jeux du
cirque.
Dans la vingt-deuxième épigramme, -De- rhino-
cerote pugnante cum urso, page i4, édition de
Smidts, Amst. 1701, il dit:
Namque gravem gémi no cornu sic extulit ursum ,
Jactatut impositas taurus in asti a pilas.
C\'est-à-dire: «Le rhinocéros à double corne
« jeta l\'ours aussi haut en l\'air, que le taureau est
« accoutumé de jeter vers les astres les épouvan-
(( tails qu\'on lui présente. » Les pilœ étoient des
mannequins habillés avec lesquels on avoit coutu-
me de mettre en fureur les bêtes sauvages qu\'on
faisoit combattre aux jeux du cirque.
C\'est la double corne qui a coûté beaucoup de
peine aux commentateurs: l\'un a pensé qu\'il fal-
loit lire urum, c\'est-à-dire, boeuf sauvage; l\'autre
y a trouvé gethicum ursum , ours de Scythie ,
en appliquant la double corne au bœuf; ou a
changé le mot geminum en celui de gethicum, au
moyen de quoi le rhinocéros ne conservoit plus
qu\'une seule corne. Les raisons qui ont donné lieu
à ce doute étoient assez fondées: ces commenta-
teurs ne cçnnoissoient pas le rhinocéros bicorne,
et n\'avoient probablement pas vu les médailles de
Domitien dont nous parlerons dans la suite.
Scaliger, pour expliquer ce passage de Martial,
a fait usage d\'une gravure d\'Albert Durer, publié
en i5i5, dans laquelle le rhinocéros est repré-
senté avec une seule corne sur le nez et une autre
plus petite sur le cou, comme on peut le voir chez
Gesner et Johnston, de qui les planches ont été
exécutées d\'après celle d\'Albert Durer, lequel
néanmoins n\'avoit jamais vu lui-même de rhino-
céros ; mais qui a fait sa gravure, comme le re-
marque fort bien M. Parsons (i), d\'après un fort
mauvais dessin qu\'on lui avoit fait passer de Lis-
bonne, où se trouvoit alors un rhinocéros qu\'on
avoit envoyé à Emmanuel, roi de Portugal; nom-
mément en i5i5, et non en iôi5, comme le dit
Bochart(2), ni en i535, comme le prétend Aldro-
vande (3); mais la gravure en a été pubhée par Al-
bert Durer en i5i5.
Selon le témoignage de G. J. Vossius (4), Janus
Douza et Scriverius ont lu :
i
Namque gravem gemino cornu sic extulit urmn.
C\'est ce que Vossius adopta sans discussion , pré-
tendant que le rhinocéros jeta en l\'air Vurus , ou
(I) Philos. Transact. , vol. XLII, n°. 470-
(3) Hierozoic,, pag. 933.
(5) De quadr. , pag. 4o3.
(4) De orig. et prog. Idcdocariae , lib. lit, cap. 56 , pag. 5y8.
-ocr page 325-bœuf sauvage , quoique celui-ci étoit plus pesant
à cause de sa double corne.
Bochart, dont le grand savoir et le jugement
admirable sont connus, réfute avec raison Scali-
ger ( 1 ) ; mais, comme il ne connoissoit pas lui-
même le rhinocéros à deux cornes, il conclut à
tort, que ce passage devoit être totalement altéré,
il préféroit donc de lire :
Namque gravem, geminum cornu sic extulit ursum.
Que le rhinocéros avec sa seule corne jeta à la
fois en l\'air deux ours pesans ; ou bien, si on aime
mieux, un seul ours, il faut lire alors gelhicuni
uï-sumy un ours de Scythie ou du Nord.
Tous ces écrivains paroissent avoir négligé un
passage remarquable de Pausanias (2), où cepen-
dant il dit d\'un manière formelle : « J\'ai vu plusieurs
« autres animaux extraordinaires, comme destau-
« reaux d\'Ethiopie, autrement appelés rhinocéros,
(1) Hieros., pag. gSs.
(2) Lib. IX, cap, 21, pag. 750. Vidi etiam aethiopicos Lau-
ras , tjuos ex re ipsa rhinocerolas nominant, quod Mis c nare ex-
tréma corna prominet, et paulo superius aUerum, non sane mag-
num. In capile nullum prwsns habent. Kuhn , daiis ses belJes re-
marques sur Pausanias (lib- V, cap- la , pag. 404), dit avoir en-
tendu rapporter par vm de ses aniis , que déji en î6;>6, 1q savant
Ealuzius lui avoit rnoatré les deux corues d\'un rhiaocéroâ.
du Rhinoceros
(( parce qu\'ils ont sur le bout du nez une corne,
« et une autre plus petite au-dessus, sans en avoir
« à la tête. » C\'est-à-dire, point de corne sur le haut
de la tête, comme on avoit coutume de représenter
l\'unicorne.
Les commentateurs dont je viens de parler, ont
préféré de s\'en tenir à Pline (lib. VIII, cap. 29,
tom. I, edit. Harduini), qui dit avoir vu souvent
le rhinocéros à une corne; ou à Strabon , lequel
assure formellement que le rhinocéros qu\'il a vu
avoit une corne recourbée sur le nez (1); à Dion
Cassius et à ^lien (2), qui, dans son introduction,
dit qu\'il seroit ridicule de donner la description du
rhinocéros que les Grecs et les Romains avoient
été à même de voir tant de fois, — qui porte une
corne sur le bout du nez, etc.
Solin , qui a copié littéralement ce que Pline dit
du rhinocéros, remarque qu\'avant les jeux donnés
par le grand Pompée, on n\'avoit jamais vu de rhi-
nocéros dans le cirque; et qu\'ils n\'ont qj\'une seule
corne.
On s\'en rapporta ensuite aussi aux relations des
voyageurs modernes et à l\'aspect des animaux de
cette espèce qu\'on eut occasion de voir en Europe.
On s\'appuya donc, avec quelque apparence de
(i) Geogr., lib. XVI, pag, i lao-
(s) De nat. anim., Hb. XVII, cap. 44, pag,
-ocr page 327-raison, du rapport de Bontius, comme irréfraga-
ble, parce que cet écrivain ne représentoit le rhi-
nocéros qu\'avec une seule corne ; ce qni étoit con-
forme à l\'idée que l\'on avoit de cet animal.
Le rhinocéros envoyé à Emmanuel, à Lisbonne,
en i5i3, n\'avoit également qu\'une seule corne sur
le bout du nez, ainsi que celui qu\'on vit en Angle-
terre en i685. Le rhinocéros dont Parsons a don-
né, en 1739, une assez bonne figure, n\'avoit aussi
qu\'une seule corne, de même que celui que le cé-
lèbre Edwards a représenté (1), d\'après un indi-
vidu qu\'on faisoit voir en 1752; et nous avons tèus
vu le rhinocéros que M, Sichterman a envoyé en
Europe , et qui n\'avoit également qu\'une seule
corne. J. Wandelear en a joint le dessin aux plan-
ches anatomiques d\'Albinus; et cet animal, qu\'on
a promené par toute FEurope, a été peint à Paris
par Oudry, célèbre peintre d\'animaux.
J\'ai pareillement dessiné plusieurs fois cet ani.-
mal; je l\'ai peint aussi à l\'huile, et même modelé
en argile en 1748. Ces deux derniers morceaux
sont restés long-Jems dans le cabinet de feu M. Th.
Gronovius , au père duquel je les avois donnés
comme à mon protecteur (2).
()) e;c., tab. 24, ann. 1758.
(2) Après la mort de Gronovius , ce tableau et cette e^iu\'sse
ont été vendus publiquement en 177g, parce que 5a famille n\'s
22o du rhinocéros
Tous ces individus, qui étoient venus des Indes,
se ressembloient par la position des cornes: ils ne
peuvent donc point servir à éclaircir le passage
obscur de Martial; et les commentateurs n\'avoient
aucune autorité qui put les mettre d\'accord sur ce
point de discussion.
Mais voici la tête d\'un rhinocéros que M. le ba-
ron J. de Plettenberg a eu la bonté de m\'envoyer
du Cap de Bonne-Espérance ; voici, dis-je , une
tête de rhinocéros à deux cornes (i). Pausanias est
donc pleinement justifié, Martial expliqué et les
vaines conjectures des commentateurs se trouvent
entièrement détruites.
Vous voyez que la première corne est placée
exactement sur le nez, et que la seconde, qui est
beaucoup plus petite, se trouve un peu au-dessus
de la première, de la même manière que Pausa-
nias la décrit, et que cela est représenté dans la
planche ÎV, fig. i.
g. III. Ce précieux exemplaire ne sert-il pas à
prouver que Domitien peut avoir eu un pareil rhi-
pas jugé convenable de me Jes rendre ; de manière que j\'ai été
obligé de racbeter mon propre ouvrage, bien que j\'eusse prié les
enfans du défunt de conserrer, comme un souvenir, ces pro-
ductions de ma jeunesse.
(0 Voyez planche IV.
-ocr page 329-lîocéros bicorne? Examinez la gravure de deux
médailles originales, planche Y, fig. 4 et 5, dont
la première, qui est de bronze, se trouve dans la
belle collection du célèbre W. Hunter, mon an-
cien ami ; l\'autre est dans celle de M. Duane à Lon-
dres. Elles sont représentées ici dans leur exacte
grandeur, et j\'y ai fait joindre les revers.
Combien ces médailles sont peu rares est prouvé
par ce que dit M. Parsons (i), qui en a vu ime pa-
reille de bronze chez le feu président Martin Fol-
kes, également de Domitien, et représentant au
revers un rhinocéros bicorne. Edwards (2) assure
que la figure s\'en trouve dans les Philos. Trans.^
n°. 490; mais c\'est en vain que je l\'y ai cherché.
Th. Klein le dit(5) cependant également; il ajoute
même qu\'on trouve dans Beyer des médailles de
Domitien avec le rhinocéros à deux cornes.
Je me suis donné bien de soins pour découvrir
chez les antiquaires d\'autres exemples semblables;
mais ce n\'est que dans un ouvrage que m\'a prêté
M. Hope (4) que j\'ai trouvé des médailles de Do-
mitien; et ces médailles ne représentoient même
(1> P/ïi\'/o^. , Tol. XLII, pag. 53q.
(2) Glainures, pag. 35. \'
(a) Quadriip,, pag. 5o.
(4) Numismata antîqua â Marchione Jacobo Musellîo. Edù. 5
-vol. in-Jol. part. I, tab. 49 , 10, et part. V, tab. to, n°. 4.
au revers le rhinocéros qu\'avec une seule corne.
L\'auteur de cet ouvrage cite d\'autres écrivains qui
en parlent, tels qu\'Erizzo , Gesner , Spanheiin ;
mais tous ne donnent qu\'une seule corne à cet
animal.
Le célèbre abbé Barthélémy me fit l\'honneur de
m\'écrire, le 5 décembre 1775, qu\'il se trouvoit
dans le cabinet du roi de France une petite mé-
daille de Domitien, dont le revers représentoit un
rhinocéros avec une corne sur le nez, et un peu
plus haut une autre corne pointue, mais plus pe-
tite que la première.
Il paroît donc incontestable que, non-seulement
la tête même de Fanimal que je vous présente,
mais aussi les médailles de MM. Folkes, W. Hun-
ter , Duane et celle du cabinet du roi résolvent
sans réplique la discussion dont il s\'agit ici.
Je pourrois citer encore, comme une autrepreu-
^ ve, le joli rhinocéros bicorne de bronze antique,
que j\'ai vu à Cas^el, le 19 octobre 1779, dans le
magnifique cabinet d\'antiques du landgrave de
Hesse, et dont j\'ai pris le dessin pour mon usage.
Il a deux pouces de hauteur sur quatre de lon-
gueur, et porte sur un piédestal du même métal;
mais il n\'e^t pas mieux exécuté que le sont, en gé-
néral, tous les bronzes antiques. La corne anté-
rieure est fort longue et recourbée en arrière, telle
que je l\'ai représentée; la seconde corne, courte
et droite, est placée exactement au-dessus des yeux.
La queue est annellée, les ongles des pieds ne sont
pas apparens, et on n\'y voit point de plis , non
plus que sur aucune autre partie du corps; je par-
lerai de cela dans la suite.
IV. Le troisième exemple nous est fourni par
la mosaïque du temple de la Fortune à Palestrine,
que Kirclier a représentée, et dont Montfaucon a
donné une ample description, en l\'attribuant au
dictateur Sylla ( i ). Ce précieux monument, qui
représente les amusemens de l\'Egjrpte et de l\'Ethio-
pie, öftre le rhinocéros à deux cornes; ce qui sert
à prouver que cet animal se trouvoit du moins en
Afrique.
Montfaucon prouve la possibilité de Fexistence
de ces deux cornes, par Fautorité de Cosmas d\'In-
dicopleuste en Egypte , auteur contemporain de
Justinien, qui dit avoir vu un pareil rhinocéros en
Ethiopie (2). Cependant l\'autorité de ce moine me
paroît d\'autant moins mériter quelque confiance,
qu\'il dit n\'avoir apperçu cet animal que de loin,
et qu\'il ajoute que ses cornes sont mobiles, et ne
il) Supplément à rjnt.expL, tom. IV, liv. VII, chap. i,
pag. 149.
(2) Collect. Pair, et Script. Craec. a Monifmeon. Edit. 6-1 ;
pag. 534\'
demeurent fixes que quand il est en colère
L\'abbé Baribélemy, qui a cité (i) cette mosaï-
que, comme l\'ayant vu lui-même, et qui l\'a de
nouveau décrite (a), d\'après le dessin du comte de
Caylus, prétend assez légèrement qu\'elle a été exé-
cutée par les ordres de Sylla , et qu\'elle représente
l\'arrivée de l\'empereur Hadrien dans l\'île d\'Elé-
pliantine en Egypte; mais il ne dit rien du rhino-
céros: il remarque seulement que c\'est sans doute
par la négligence du graveur qu\'on ne distingue
pas les deux cornes de cet animal.
Il est certain d\'ailleurs que lors du déplacement
de ce beau monument, plusieurs parties ont été
mal agencées, que par conséquent on ne peut guère
compter sur l\'authenticité des deux cornes.
Volkmann (5) attribue de même cette mosaïque
à Sylla, et donne un récit succinct de sa grandeur
en louant beaucoup la belle explication que l\'abbé
Barthélémy a publiée de ce monument (4), quoi-
qu\'il soit d\'ailleurs à son égard d\'une opinion dif-
lérente à la sienne.
Quoiqu\'il en soit, cet exemple se trouve con-
-ocr page 333-firme par le témoignage de personnes qui ont voya-
gé en Afrique et sur-îout au Cap de Bonne-Espé-
rance, qui toutes assurent que le rhinocéros de
cette contrée est muni de deux cornes. Kolbe l\'af-
firme également; et M. Biebering, qui, comme le
dit Th. Klein (i), a passé plusieurs années au Cap,
assure n\'y avoir jamais entendu parler du rhinocé-
ros à une seule corne. M. le baron de Plettenberg
m\'a écrit la même chose.
V. Je puis ajouter encore, et avec raison je
pense, qu\'il est naturel d\'appliquer à notre rhi-
nocéros, ce qui est dit de l\'animal inconnu au li-
vre de Job , au cinquième livre de Moïse et dans
les Pseaumes; sur-tout si nous considérons que les
plus célèbres écrivains qui ont t raité cette matiere,
tels que Bochart, Albert Schultens, etc. , ont to-
talement ignoré que le rhinocéros à deux cornes
existe non-seulement en Afrique, mais qu\'il y est
même assez commun,
Au chap. XXIX, vers. 9, de Job, et au Pseaume
XXII, vers. 22, il est parlé de cet animal sous le
nom de reem ou rem. Bochart fa^ pense que ce
mot signifie une espece de chevre à double corne ,
parce qu\'il ignoroit absolument Fexistence du rhi-
nocéros bicorne, ainsi que je l\'ai déjà remarqué.
I.
(1) Qitadnip. , pag. 33.
(a) Hierz,, pag. 48.
Alb. Scîiultens soutenoit de même que ce nom ne
pouvoit pas être appliqué au rhinocéros, parce que
n\'ayant qu\'une seule petite corne, il ne pouvoit
pas être pris pour un animal à grandes cornes,
comme il est représenté dans le passage cité de Job ;
que d\'ailleurs le r<?em étant dépeint comme un ani-
mal avec deux cornes, devoit nécessairement être
un taureau. Il ignoroit que le rhinocéros bicorne
fut si commun, non-seulement en Afrique, mais en
Asie même, d\'où, et nommément du Bengale ,
M. Allamand a reçu plusieurs doubles cornes,
comme il me le dit dans sa lettre du 18 juillet
1772(1).
Alb. Schultens, qui n\'avôit vu que le rhinocé-
tos avec une petite corne usée, et qui d\'ailleurs
n\'avoit pu consulter que la gravure d\'Albert Du-
rer et axitres semblables, a cru de même que le
reein, à cause de ses longues cornes, ne pouvoit
être assimilé au rhinocéros. Comme l\'histoire na-
turelle n\'avoit que fort peu de rapport avec ses
profondes connoissances des langues , on ne peut
(I) M. Allamand a eu, il n\'y a pas long-tems, l\'honnêteté de
convenir publiquement qu\'il avoit été induit en erreur au sujet
des têtes de rhinocéros à deux cornes qu\'on lui avojt envoyées
d\'Asie , lesquelles avoient d\'abord été transportées du Cap de
Bonne Espérance dans cette contrée , et qui de là étoient arrivées
pnsuite en Europe, comme ayant appartenu à des individus de
l\'Asie. Suppl. auso animaux quadnip., nom, édit. 1781, tom. V,
gag. 10,
lui faire un crime de son erreur à cet égard. Buf-
fon nous a donné la description d\'une corne de
rhinocéros de trois pieds huit pouces et demi de
longueur, quoique la base en fut coupée , ce qni
l\'avoit Ibrt raccourcie; tandis que la plus grande
corne de cerf du Canada n\'a que trois pieds neuf
pouces de long Les plus grandes cornes de
bœuf n\'ont jamais au-delà de trois pieds six pou-
ces et demi (2); de sorte que les difficultés que
Schultens trouve à reconnoitre que le reem est le
même animal que le rhinocéros, paroissent entiè-
rement détruites par là.
Je conviens cependant qu\'il se présente ici une
question qui me paroît impossible à résoudre ; sa-
voir, comment l\'auteur du livre de Job a pu trans-
planter ces animaux d\'Afrique en Arabie, où ils
n\'ont jamais été trouvés?
La connoissance que j\'avois faite à Gottingen ,
au mois d\'octobre 1779, du célèbre Michaëlis ,
chevalier de l\'étoile polaire, m\'autorisa à lui écrire,
lorsque je fus de retour chez moi, une lettre sur
cet objet. Quoique ceci n\'ait eu lie^ que lona-tems
après la fin de mes leçons publiques, je ne puis me
passer de rapporter la réponse dont il m\'honora.
Selon lui: a Moïse est probablement l\'auteur du
(( livre du Job; et ce n\'est pas seulement le rhi-
(0 Tom. VI, pf.g. 166, pl. 56\'. ~
(2) Ibid. , îom, IV, pag. 540, n". 65i.
-ocr page 336-(( nocéros, mais encore plusieurs autres ammaux
« d\'Afrique, que cet écrivain sacré place en Ara-
<c bie, tels que l\'éléphant, le crocodile 5 qu\'on n\'y
« a certainement jamais trouvés. )) Le cheval doit
être aussi un animal d\'Kgypte , comme M. Mi-
chaëlis le fait voir dans son ouvrage sur l\'histoire
ancienne des chevaux de la Palestine (1).
Depuis que j\'ai fait passer à M. Michaelisle des-
sin de ce rhinocéros bicorne, et que je lui ai fait
dans m.a lettre l\'énumération de plusieurs autres
animaux de cette espèce, il a adopté mon senti-
ment. Voici ce qu\'il m\'a répondu à ce sujet: a Ce
« qui m\'a retenu de reconnoitre le reew dans le
u rhinocéros, c\'étoient, comme vous le savez, ses
« cornes. Mais aujourd\'hui, éclairé par vos obser-
« valions, j\'abandonne entièrement cette objection;
« et pour vous avouer la vérité, il ne me seroit pas
a désagréable de voir le mot reem changé en ce-
u lui de rhinocéros. ))
Telle est donc, Messieurs, l\'importance de l\'his-
toire naturelle, et sa connexion avec la plupart des
sciences, qu\'elle sert à éclaircir non-seulement les
ouvrages des anciens auteurs , mais les passages
même de l\'Ecriture-Sainte.
(1) Etwas von der akesten geschickte der vferdc m Palesdna
viiddcn benachb. Ländern, sonderlich J Egypten und Arabien.
Voyez tom. IH, sec. edit. Juris Moscüci, derrière lequel ce traité
se trouve.
RHINOCÉROS
DE LA TETE DU RHINOCÉROS BICORNE,
DE QUELQUES PARTICULARITES DE CET ANIMAL.
I. li A forme extérieure de cette étrange tête
est fort remarquable, comme on le voit pl. IV,
fîg. 1, où elle est réduite au quart de sa grandeur.
L\'œil se trouve, à peu près, au milieu de sa lon-
gueur et au tiers de sa hauteur, à partir du haut
du crâne; ce qui augmente encore sa singularité.
La forme du crâne, sur-tout du côté de l\'occi-
put, tient, à la vérité , un peu dû cochon, mais
pasautant néanmoins que le prétend M. Pallas (i).
Les nasaux sont oblongs; mais ils forment un
pli dans cette tête, laquelle, après avoir été trem-
pée d\'abord dans de la saumure , a été sechée en-
suite.
L\'ouvertm;e de la gueule de L en L. fig. i, pl.lY,
CvSt assez longue. La lèvre supérieure se termine en
une espèce de doigt, avec lequel l\'animal saisit les
plus petits objets, de la même manière que le fait
l\'éléphant avec l\'appendice en forme de doigt qui
est à l\'extrémité de sa trompe. La lèvre inférieure
est large et applatie, plus forte proportionnelle-
ment qu\'elle n\'est représentée pl. V , fîg. i ; du
moins dans le rhinocéros à une seule coine. Mais
j\'ai cru qu\'il valoit mieux ne rien changer que de
représenter ce que je ne voyois pas.
M. Sparrmann (a), qui a eu occasion de voir
plusieurs rhinocéros vivans au Cap de Bonne-Es-
pérance, dit que le museau se termine en pointe,
la lèvre supérieure étant seulement un plus longue
que l\'inférieure; aussi l\'a-t-il représenté de cette
(1) Nov. Comm. Acad. Se. imp, Petrop., torn. XIII, p. 447^
et dans le torn. XVIT, mais principalement mes remarques dçfus
les Actis Petrop. de Ï777, part. I , imprimé en 1780 , et le petit
supplément que j\'ai fait passer à M. Pallas en 17B7.
(2) Beschreibung des rhinoceros hicornis , in der Schjvedische
Koningl. Wetenskaps Ai>handelingar1778, pag, 3o3. M. le
médecin R i.nanis d Hambomg a eu la bonté de traduire pour
moi cette description entière en allemand.
manière, et le compare-t-il avec le museau d\'une
tortue. Je ne puis cependant me passer d\'observer
que les figures qu\'il en donne sont fort mauvaises
et faites avec peu de soin. Celles qu\'en a publiées
depuis peu M. Allamand (i) ne méritent guère
plus d\'éloge.
Comme la plupart des muscles de cette tête
étoient consumés, elle est, en général, trop cou-
verte de rides et de plis pour offrir à l\'œil sa véri-
table forme naturelle.
Les oreilles sont grandes et droites, garnies sur
les bords de poils rares mais roides. En dedans el-
les sont lisses, ainsi qu\'en dehors, et l\'animal peut,
comme le cheval, les mouvoir à volonté.
La peau étoit noirâtre, épaisse et sans poil. M.
Sparrmann dit que la peau est d\'un gris de cen-
dre foncé, raboteuse et noueuse à sa surface, ayant
presque par-tout un pouce d\'épaisseur, excepté
sur le ventre où elle est moins épaisse et d\'une
couleur de carnation humaine (2). Il attribue aussi
au rhinocéros une grande sensibilité; et, en eifet,
j\'ai observé la même chose, en 1777, dans celui
{\\} Hist, nat.., suppl.i tom- V, pl. 5, nouv. édit. Amst. 1781.
(2) Dans la traduction Françoise du royage de Sparrmann , il
est dit : « Que ia peau du rhinocéros a moins d\'épaisseur autour du
« museau, où elle est couleur de carnation humaine. » Note du
traducteur.
de Versailles; lequel, quoique garni de cuirasses,
avoit la peau si sensible que, pour éviter la piqûre
des mouches, qu\'il ne pouvoit écarter, à cause de
la petitesse de sa queue, il se cachoit entièrement,
au nezet aux oreilles près, dans.un abreuvoir qu\'on
avoit pratiqué pour lui.
M. Allamand affirme également, d\'après le té-
moignage de M. Gordon, que la peau du rhinocé-
ros est raboteuse , excepté aux pieds , quoiqu\'il
les ait fait représenter dans sa planche chargés
également de grandes tubérosités très-apparentes.
La tête du rhinocéros de Versailles paroissoit
plus courte à l\'œil, à cause que le pli qui se pro-
longeoit du haut de la tête le long du bord de la
mâchoire inférieure vers en bas, étoit fort épais et
même visiblement plus que dans le rhinocéros que
j\'ai dessiné et modelé à Leide en 1748. 11 y avoit
aussi le long de tout l\'os zygomatique un calus ou
croiite épaisse, qui rendoit l\'animal pl us effroyable
encore. Sa corne étoit usée jusque près de sa base;
ce qui ne paroît pas avoir lieu quand ils habitent
les bois et jouissent de leur pleine liberté; car je
n\'ai jamais vu de corne apportée des Indes ou d\'A-
frique qui fut usée ainsi. Le rhinocéros qu\'on fai-
soit voir en Hollande et ailleurs, il y a trente ans,
avoit également l\'habitude de frotter ainsi sa
corne.
Il paroît plus que probable que l\'animal dont la
-ocr page 341-a deux cornes;
tête fait le sujet de cette disserlation étoit un jeune
sujet, ou du moins qu\'il n\'avoit pas encore atteint
toute sa croissance, car le vomer n\'étoit que peu
ossifié, et toute la cloison du nez étoit cartilagi-
neuse ; de manière que je n\'ai pu la conserver ;
n\'ayant pas d\'autre moyen de nétoyer cette tete
et de la dépouiller des parties salines, que de la
faire bouillir. Voilà pourquoi j\'ai représenté la ca-
vité du nez entièrement ouverte et sans cloison dans
la planche V, fig. 3,
La tête décharnée donnée par Sparrmann est
exactement semblable à celle que je figure ici
planche IV, fig. s. Il ne fait cependant aucune men-
tion de l\'âge de ranimai, quoiqu\'il eut onze pieds
et demi de long, sur environ sept pieds de haut, et
douze pieds de circonférence; de sorte qu\'il de-
voit avoir atteint à peu près toute sa croissance.
Dans les têtes fossiles de rhinocéros bicorne de
Sibérie et d\'autres lieux, la cloison du nez est un
os épais et solide qui soiitient Textrémité de l\'os
nasal A., planche IV, fig. 3. Cet os est d\'autant
plus remarquable qu\'il réunit la partie antérieure
de la mâchoire supérieure O. avec A., comme on le
Voit dans la figure exacte qu\'en a donnée le célèbre
professeur Pallas, Mais il se pourroit que cette es-
pèce fut totalement éteinte, ainsi que celles de plu-
sieurs autres grands quadrupèdes qui ont péri jus-
qu\'au dernier individu dans les grands calaclysiiies
qu\'a souÉPert notre globe ; ce dont je ne doute plus
aujourd\'hui, quoiqn\'en 1776 je crojois avoir des
raisons pour être d\'un sentiment contraire , ainsi
que je l\'écrivis dans ce tems à l\'académie impé-
riale de Pétersbourg (1),
Quoiqu\'il soit aisé de prendre au compas les di-
mensions de cette tète d\'après l\'échelle que j\'y ai
jointe, je vais néanmoins en indiquer ici les princi-
pales , afin de faciliter ce travail au lecteur, et je
placerai à côté celles de la tête durhinocérosbicorne
que M. Allamand a mesurée. Nous pouvons main-
tenant regarder cette dernière comme ayant ap-
partenu aussi à un individu du Cap de Bonne-
Espérance, d\'après l\'aveu public qu\'a fait M. Al-
lamand qu\'il s\'étoit trompé en croyant qu\'elle étoit
venue d\'Asie (2).
Tête publiée par M. Allamand. Tête quejepuhlie.
]io. rb, po. rh.
Longueur du museau jusqu\'aux oreilles. .24 d\'A. jusq. N.(3).26
Ligne centrale de la corne de devant.... 6 A. B......... 6|-
■—■ de la seconde corne........ ...... Si E. F. ........
Distance des deux cornes entr\'elles..... 2 B. E......... ^
Longueur de la premièrecorne.........27 A. D. B......18
— de la seconde corne...............14 E. F. H.....s.iai
il) Act. Petrop, , ann. 1777, part- II, pag. 202.
(3) \'Voyez ma note page 326 de ce volume.
(3) Voyez planche IV, lig. i.
La hauteur de la tête que je donne ici étoit der-
rière la petite corne égale à quinze pouces. Les
oreilles avoient huit pouces et demi de longueur,
sur cinq pouces de largeur, L\'œil étoit large de
deux pouces.
La distance d\'un œil à l\'autre, c\'est-à-dire, A. B.
planche V, fig. i et 2, étoit égale à douze pouces.
Le museau en avoit six et demi. Celle de toute la
tête, là où les os zygomatiques sont le plus proé-
minens, étoit de quinze pouces; et celle de la mâ-
choire inférieure de douze pouces rhynlandiques.
Il sera facile au lecteur de connoître le reste par
la figure de la tête et par l\'échelle que je donne
planche IV, fig. 1. Je remarquerai seulement qu\'il
paroît que la tête mesurée par M. Allamand étoit
plus petite que celle que je publie, quoique les cor-
nes en fussent d\'ailleurs remarquablement plus
grandes. La proportion de la grande corne à la pe-
tite étoit de même différente : chez M. Allamand
la proportion de la grande corne à la petite étoit à
peu près comme 2:1, tandis que dans la mienne
elle est comme 5 : 2.
La tête fossile que l\'académie impériale de Pé-
tersbourg m\'a fait Phonneur de m\'euvoyer ,a de-
puis A. jusqu\'à N. vingt-six pouces, comme celle
du Cap de Bonne-Espérance. La cloison est eïïtière-
ment ossifiée, de sorte que cette tête paroît avoir
^»ppartenu à un rhinocéros âgé, et nous fait voir
Î5U RHINOCÉROS
que celle du rhinocéros du Cap, quoique plus
jeune, avoit néanmoins atteint toute sa grandeur.
M. Pallas (i) a donné la mesure de quatre têtes
fossiles, dont la longueur étoit de trente-trois pou-
Ces de Paris; mais seulement de trente-un pouces^
prises Tune dans l\'autre; ce qui doit donc , pour
mesure commune, être porté à trente-deux pouces,
à cause de l\'excédent de la mesure françoise sur
celle de Rhynland ; de manière qu\'elles étoient de
six pouces ou d\'un tiers plus longues, ce qui pro-
duit une différence considérable.
III. La véritable place de la première corne
est en A. B. D., planche IV, fîg. i, formant par-
devant une ligne presque droite avec le nez A. I.
Mais da ns les individus qui n\'ont qu\'une seule
corne, elle est placée plus en arrière. La seconde
corne E. F. H. saillit avec la partie postérieure de
sa base F. au-dessus de l\'œil.
La première corne porte sur les os nasaux, les-
quels forment avec la mâchoire supérieure une
masse considérable , comme cela est représenté
planche IV, fîg. 5, A. B. La suture de celte tête
est entièrement oblitérée ; mais dans celle d\'un
Jeune rhinocéros d\'Asie que je possède, cette su-
ture est fort visible de A. par B. et r. jusqu\'à v.
(0 Nov. Comm. Acad. Sc. imp. Petrop., torn. XIII, p. 456.
-ocr page 345-Ces os y sont fort raboteux, étant imprégnés
d\'une matière geiatineuse de laquelle se nourris-
sent les cornes par le moyen d\'une grande quan-
tité de veines, dont les impressions sont visibles
sur la corne même. Cette matière s\'élève en cône
au centre, ainsi que cela est indiqué en C. et D. ,
planche V, fig. 2.
La seconde corne est posée sur la réunion des
os frontaux, planche IV, fig. 3, C., qui, dans cet
endroit, sont de mêane raboteux et imprégnés
d\'une matière geiatineuse tissue des veines, com-
me je l\'ai dit de la première corne; mais d\'une
manière plus apparente cependant en C. .s. t.
Bontius a, en quelque sorte, raison, de dire que
la corne est placée sur la proéminence du nez ;
cela est visiblement vrai dans le rhinocéros à une
corne d\'Asie; car on y trouve entre deux cette ma-
tière geiatineuse dont j\'ai parlé dans le paragraphe
précédent. Mais Kolbe se trompe grandement ,
quand il assure que les cornes sont si parfaitement
soudées à l\'os qu\'il est impossible de les abattre
sans emporter en même tems une partie de l\'os.
Cette adhérence intime est bien remarquable dans
la tête sechée; mais elle ne l\'est absolument pins
quand l\'animal a resté pendant quelque tems dans
Un état de décomposition ; elles s\'en détachent
alors d\'elles-mêmes, comme cela a pareillement
lieu avec les sabots du cheval, qui paroissent de
u H H i: K o c Ê R o s
même être adherens aux pieds quand on les fait
secher. Sparrmann appelle assez convenablement
cette adhérence, une union par cartilage {per syn-
chondrosin).
La corne antérieure, dont la pointe D., pl. IV,
fig. ï, s\'élève à dix-huit pouces au-dessus de la
tête, est ici courbée en arrière; de manière qu\'elle
semble rendre la seconde à peu près inutile; mais
cela n\'a pas toujours lieu; car je conserve dansma
collection l\'os nasal d\'un rhinocéros du Cap de
Bonne-Espérance , dont la corne antérieure , la-
quelle a deux pieds et demi de long, est tournée
avec la pointe entièrement en devant; desorte
qu\'une ligne perpendiculaire tirée de la pointe vers
la base dépasseroit beaucoup le museaU ; tandis
que la petite, longue de dix pouces, se trouve dans
une position aussi droite que la petite corne E. F. H
dans la tête figurée ici plancheIV, fig, i. Par con-
séquent cet animal a pu faire usage de ses deux
cornes pour sa défense; tandis que d\'autres peu-
vent à peine en employer une seule. Il est à croire
que la position des cornes n\'est pas plus régulière
dans le rhinocéros que dans d\'autres animaux.
Le naturaliste suédois remarque que les deux
cornes sont dans le rhinocéros propres à l\'un et à
l\'autre sexe; mais qu\'elles ne sont pas toujours pro-
portionnées à la grandeur de l\'individu , comme la
première ne l\'est pas à la seconde; mais que dans
tous îa corne antérieure est constamment la plus
grande ; ce que M. Gordon confirme, comme le rap-
porte M. le professeur Allamand (i). Je crois Fa-
voir prouvé également d\'une manière satisfaisante
au 11.
Me trouvant à Paris en 1777, j\'y achetai Fos na-
salàdeux cornes d\'un fort jeune rhinocéros, dont
la première et la plus longue corne étoit de six
pouces et demi, et la plus petite de deux pouces
trois huitièmes. La ligne centrale de la base de la
premièîx étoit de trois pouces et demi ; il y avoit
un pouce rhynlandique de distance de l\'une à
l\'autre corne.
J\'en ai acquis depuis une cjuatrième , savoir, la
partie intermaxillaire d\'un rhinocéros d\'Afrique
bicorne, triangulaire de la base jusqu\'à la pointe.
Celle de devant, dont la pointe est fort courbée
en arrière, a vingt-cinq pouces de longueur; et la
seconde, six pouces.
IV. Je crois qu\'il est convenable que je ne
me borne pas aux quatre exemplaires que je viens
de citer, afin de prouver que les tètes ou museaux
de rhinocéros à deux cornes ont été connus en
Europe il y a plus d\'un siècle.
Lucas Schroekius(2) rapporte que déjà en 1686,
(1) Pag, 10.
(2) Ephem. Med. phji. nat, C«r?of.Dec, H, aano V, pag. 46S.
-ocr page 348-tin certain Micbeli, apothicaire à Vienne en Au-
triche , faisoit voir une double corne de rhinocé-
ros, dont la plus grande avoit trois empans ou
vingt-quatre pouces de long, recourbée vers la pe-
tite corne, à laquelle elle se trouvoit attachée à la
distance d\'à peu près un pouce, par une petite
partie de peau épaisse. La ligne centrale de la pe-
tite corne étoit égale à celle de la grande. La petite
corne avoit un empan ou huit pouces de long, et
se terminoit en pointe aiguë, quoiqu\'un peu plus
obtuse cependant que celle de la corne de devant;
mais elle étoit d\'ailleurs, pour ainsi dire , droite.
A la longueur des cornes près, tout le reste s\'ac-
çordoit avec la figure, les proportions et les dis-
tances de la tête que je donne ici , planche IV,
%. 1.
Schroeckius en conclut, et avec raison , qu\'il y
avoit des rhinocéros à deux cornes; que par con-
séquent le passage de Martial que j\'ai cité plus
haut ne demandoit aucune restauration ni expli-
cation.
Klein (i), en parlant du cabinet d\'histoire na-
turelle de Pétersbourg (tom. I, part. I, pag. 358),
dit qu\'il s\'y trouve des rhinocéros bicorne ; et
qu\'on conserve aussi dans le cabinet de Dresde de
doubles cornes de cet animal réunies par un mor-
ceau de peau.
(i) Quadritp., pag-3i..
-ocr page 349-Klein donne même la figure d\'une double corne
vue par devant, de profil et par dessous, réunies
également par une peau; mais ces cornes sont plus
petites que celles que je possède. La double corne
du cabinet deDanemarck, qu\'Olaiis Jacobaeus a
décrite, suivant le témoignage de Klein (i), doit
avoir été remarquable. L\'une de ces cornes avoit
deux pieds de longueur et l\'autre un pied. T. Bar \'
tbolin (2) parle d\'une tête à deux cornes; et il
donne l\'esquisse grossière de la double corne at~
tacbée àl\'os, laquelle se trouvoit de son tems dans
la collection deSwammerdam le père, il y a plus
d\'un siècle."
En Afrique, on enlève quelquefois les deux cor-
nes avec îa peau des os naseaux, et par fois aussi
on coupe le morceau sur lequel elles sont atta-
chées; ce qui cependant doit être\'assez difficile, à
moins que ce ne soit dans de jeunes sujets.
Dans le Musée Britannique, il y a une double
corne dont le docteur Parsons (5) a donné la des-
cription. Ces cornes ont à peu près la même lon-
Quadrup., fag.\'Si.
(a) De unicomu obs. novae^ 2«. edit. Amst- 1678, cap. a, ,
De rhinocerote binis cornibus, fs.^.
& Philos. Transact. , vol. XLil, pag. SaS. Ensuite le doc-
teur Parsons a donné une petite dissertation avec ie dessin d\'une
tête de rhinocéros à deux cornes ; mais je n\'ai pas vu cet
opuscule.
I. 16
-ocr page 350-gueur; la plus longue cependant a vingt-cinq pou-
ces. Edvrards (i) en décrit aussi une paire qui se
trouvoit dans le cabinet du célèbre docteur Mead,
En 1773? j\'ai vu deux cornes réunies par une
peau dans le riche cabinet de M. Gevers, bourgue-
maître de la ville de Rotterdam; et dans le même
tepas deux autres au théâtre anatomique de la mê-
ïire ville.
Dans le cabinet du stadhouder à la Haie, on voit
troiSj çjprnes attachées à la même peau. Il est vrai
cependant que la troisième corne n\'est qu\'une pe-
tite excroissance racornie.
M. Allamand, dans une lettre du 29 août 1772,
me maoda, qu\'outre la tête en question, il possé-
doit encore quelques peaux de rhinocéros-avec de
doubles cornes, mais qui n\'avoient que quatre à
cinq pouces de l<?ngj elles lui avoient été envoyées,
comme il lepensoit alors, des grand es Indes, c\'est-
à-dire , du Bengale,, par la voie de Batavia ; mais
toutes, comme il l\'a avoué depuis, avoient passé
du Cap de Bonne-Espérance à Batavia, et de là
elles étoient venues en Hollande.
M. Pallas assure (2} avoir vu un nombre consi-
dérable de têtes de rhinocéros qui toutes, même
les plus petites, avoient deux cornes; par consé-
■■ n*.
( 1 ) Glaînnres , pag. ^5.
(a) Nov. Comm., toui. XIII; pag- 451-
-ocr page 351-quent dans de très-jeunes sujets. Je me rappelle
aussi qu\'il y ayoit dons le cabinet du stadhouder
une peau empaillée d\'un fort petit rhinocéros sur
la tête duquel on appercevoit déjà distinctement
les indices de deux cornes naissantes.
Quand à tous ces exemplaires on joint les six
dont j\'ai parlé plus haut, et que je possède dans
mon cabinet, il faudra convenir que le nombre de
ces têtes est très-grand; et l\'on ne pourra qu\'être
étonné quand on saura qu\'il n\'y a que fort peu de
tems qu\'il s\'en trouve un exemplaire dans le ca-
binet d\'histoire naturelle du roi, à Paris (*).
Suivant la remarque de M, Sparrmann, la lon-
gueur des cornes ne paroît pas dépendre de l\'âge
du rhinocéros. Les animaux de cette espèce qu\'on
a vus à Lisbonne, à Londres, en Hollande, et ce-
lui qui est actuellement à Versailles, n\'avoient que
de petites ou plutôt de courtes cornes; non que ces
individus fussent jeunes encore, mais plutôt parce
qu\'ils les usoient par un frottement continuel. La
plus longue que j\'aie dans ma collection n\'a quet
deux pieds et demi de long. Parmi plusieurs de ces
1424, Hist. nat., tom. XIV, pag. 404. La ptus Ion-
gue corne, celle de devant, mesure uu pied et demi; la seconda
ua pied trois pouces et demi , et c,eiie-ci est applatie sur les côtés.
Buifon a ensuite fait dessiner la double corne, et a pris ie dessin
et toute la description qu\'Ai^aœand avoit donneis du rhinocéros
d Afrique.
: s44 du E. h i n o c É r o s
I fir cornes venues d\'Asie, j\'en ai vu une chez M. Brandt -
I ; à Ainsterdam , qui avoit trois pieds cinq pouces"
! rhynlandiques de long. Mais BufTon parle de quel-
ques-unes qui avoient trois pieds et demi et jusqu\'à
quatre pieds de longueur ; quoique les bases n\'eus-
sent que six à sept pouces de diamètre; ce qui n\'est
pas étonnant, vu que k largeur de la tête , qui
reste la même, ne permet pas aux cornes d\'étendre
davantage leur base, tandis qu\'elles peuvent croî-
tre sans obstacle en longueur, comme cela a éga-
lement lieu chez les autres animaux.
On conserve dans le cabinet du roi de France
douze cornes de rhinocéros, parmi lesquelles il y
en a une de trois pieds huit pouces et demi de
long (i), quoique la base en ait éié sciée.
Toutes les cornes doubles, telles que A. C. D. et
E. G.-H., planche IV, fig. a , sont plates au-dessus
de la couronne de poil A, C. B. et E. G. F.; et celle
de derrière E. H. F. est psesque toujours plus large
et plus plate que celle de devant D. C. B.; voilà du
moins comment je les ai généralement trouvées;;
En comparantQa corne A. D. C., planche IV, fig.
1, avec celle représentée par devant planche V,
fig. 1, on se convaincra le mieux de ce que je
viens de dire.
Je possède cependant la corne d\'un rhinocéros
{i)mst. nat., tom-XI, pag. 207.
-ocr page 353-à une corne qui est totalenaent ronde, jusqu\'à son
extrémité ; et la plupart de celles qui viennent
d\'Asie paroissent être conformées de la même ma-
nière.
Les cornes du rhinocéros diffèrent beaucoup par
leur couleur, quoique généralement elles soient
presque toutes d\'un brun clair; quelquefois elles
sont blanches , et par fois bigarrées. Ce sont les
blanches qui passent pour être les plus précieu-
ses (i). Elles sont composées de fibres velues, d\'une
contexture légère à la base, mais fortement unies
au-dessus de cette base de A. C. jusqu\'à D., et de
G. jusqu\'à H., planche IV, fig. i ; de sorte qu\'elles
sont en cela parfaitement conformes à la substance
de la corne de vache, cependant sans être creuses.
L\'extérieur de la partie inférieure est un peu ra-
boteux et fibreux, ainsi qu\'on le voit en A. B. C.
et E. G. F. de la même planche; mais vers le mi-
lieu sa substance est poreuse , onctueuse et dia-
phane.
Autrefois ces cornes étoient d\'un grand prix, par-
ce que les Indiens s\'imaginoient,etque nous étions
assez crédules nous-mêmes pour croire qu\'on ne
pouvoit être empoisonné en buvant dans les vases
qui en étoient faits; tant étoit grande la vertu qu\'on
leur attribuoit !
(0 Hist. nat., tom. XI, pag. 1B9.
-ocr page 354-Aussi ces espèces de gobelets ont-elles été ré--
pandues dans toute l\'Europe. Th. Bartholin (i)
parle d\'un de ces vases qui se trouvoit dans le ca-
binet du duc de Mantoue, lequel avoit douze pou-
ces et demi de circonférence sur une hauteur d\'en-
viron dix pouces. D\'après le témoignage du même
écrivain, 01. Wormius (2) possédoit un vase fait
d\'une corne de rhinocéros, couleur d\'ambre, ta-
chetée au fond de points noirs, qui avoit été é?asé
avec beaucoup de soin aux Indes.
Je possède moi-même un de ces vases, qui est
chiné. Ces cornes peuvent être travaillées au tour
comme toute autre espèce de corne; mais la subs-
tance en est plus grasse, et plus poreuse près de
la base. Elles sont parfaitement compactes, et
m\'ont qu\'une espèce d\'évasement par le bas , par
lequel elles s\'adaptent à la base sur laquelle elles
croissent.
Les Européens sont aujourd\'hui mieux instruits
de la prétendue vertu anti-venimeuse de ces cor-
nes; et ce n\'est pas sans raison que Sparrmann dit
que cette propriété est absolument illusoire.
Feu le professeur Roëll, directeur de la compa-
gnie des Indes Occidentales à Amsterdam, possé-
(j) De unicornu , etc., pag. 171.
(2) Olaiis Worinius donna la description de ce vase dans son
Museum, pag. 38i ; roais ii ne dit riea des taches.
doit une corne de rhinocéros au milieu de laquelle
le tourneur , occupé à la travailler pour lui donner
la forme d\'un vase à hoire , apperçut le bout de
deux perles. Il interrompit aussitôt son travail, et
M. Roëll a conservé cette corne à cause de ce sin-
gulier accident. J\'ai vu plusieurs fois ce morceau
curieux, que possède encore son fils, secrétaire de
la compagnie des Indes, qui a eu la complaisance
de m\'en donner un dessin exact-.
Il est impossible de dire comment ces perles ont
pu s\'introduire dans cette corne ; mais il est cer-
tain qu\'elles y sont enchâssées exactement, de la
même manière qu\'on trouve souvent des balles de
fer et de plomb dans l\'intérieur des dents d\'élé-
phans, sans aucune marque extérieure de leur in-
tromission dans cette substance ; comme je puis le
prouver par plusieurs de ces dents que je possède.
On trouve également, ainsi que cela est connu, des
cornes de cerf et des instrumens de fer cachés pro-
fondément dans des troncs d\'arbres.
V
g, V. Plusieurs naturalistes se sont appliqués à
connoître par les cornes l\'âge et le sexe des rhino-
céros; s\'imaginant que les mâles ont deux cornes
et que la nature n\'en a donné qu\'une seule à la
femelle. Cependant les rhinocéros à deux cornes
d\'Afrique prouvent le contraire, suivant le témoi-
gnage respectable de MM. Gordon et Sparrmanc,
s48 D u R H I N o c É R o s
qui ont reconnu les deux cornes aux rhinocéros de
tout Age, de l\'un et de l\'autre sexe.
En se rappe]antqueM.PallasassureaYoirtrouvé
les deux cornes dans de très-petits individus et que
j\'en possède moi-même un exemplaire dans mon
cabinet, on sera convaincu que cette variété se ren-
contre dans des sujets de tout âge, et qu\'elle n\'est
pas un simple jeu de la nature,mais une propriété
caractéristique d\'une certaine espèce.
Il est vrai, sans doute , qu\'il peut y avoir des
cornes par exubérance, comme nous l\'avons vu par
les trois cornes dont j\'ai parlé plus haut, d\'après
M. Parsons; mais cela ne sauroit être appliqué ici,
puisqu\'on sait que tous les rhinocéros d\'Afrique,
sans exception, sont munis de deux cornes, et que
ceux d\'Asie n\'en ont jamais qu\'une seule.
Les beliers d\'Irlande, ceux du comté de Corn-
wallis (i) et de l\'île de Candie, l\'ancienne Crête
portent souvent au lieu de deux, trois, quatre et
quelquefois même jusqu\'à six cornes, sans former
cependant une race particulière. Le savant natu-
raliste Zimmermann (2) dit de plus que, dans la
partie septentrionale de l\'Islande, toutes les vaches
qu\'on nourrit avec du poisson séché, faute d\'her-
bages, manquent de cornes; tandis que celles de
<0 Pallas, Anim. Spicileg. Fascic. XI , pag. 20.
i"^) Specimen zoqI. geogr.6SQX-V<f, pag. in
la partie méridionale de cette île en ont comme les
nôtres. MM. Verdun, Pingré et le chevalier Bor-
da (i), qui ont été faire des observations astronomi-
ques dans le Nord, ont remarqué la même chose.
Mais une observation plus récente encore à ce su-
jet, est celle qui m\'a été communiquée à Ham-
bourg par M. Schubach, négociant fameux et fort
instruit de cette ville, touchant quelques boeufs
sans cornes de Jutlande qu\'on préfère à Hambourg
pour mettre à l\'engrais, et dont j\'ai vu moi-même
tme tête.
On m\'a assuré que dans les îles les plus septen-
trionales de l\'Ecosse les boeufs perdent de même
leurs cornes , et que ces bœufs passent en grand
nombre en Angleterre. J\'avoue cependant que je
n\'y en ai jamais vu de cette espèce
(ï) Voyctge fait par ordre du roi , en. 1771 ef 177s. Paris >778,
tom. I, pag. 253. «La prairie (en Islande) qui ne s\'étend pas
« fort loin , étoit assez riante. Toutes les brebis que nous y vîmes
« avoient deux cornes , et nous n\'en avons point remarqué qui en
« eussent davantage; la plupart des vaches en manquoient abso-
« lument. »
En me rendant, en automne de l\'année 1785 , pour la troi-
sième fois , par la voie d\'Harwich à Londres, je rencontrai sm
toute la route jusqu\'à lugatstoiie et plus loin encore, jusqu\'à Lou^
dres même, une grande quantité de vaches et de taureaux sans
Cornes, qu\'on appellepofl/coîv>î. Surpris de ce phénomène, je fis
•venir un tïiureaM et une vachc de cette espèce sur ma terre en
BU 11 H I N O C É R OS
La nature se plait également à ces jeux dans
d\'autres pays. M. Van der Steeg, médecin à Bata-
m\'a fait passer, avec plusieurs autres beaux
squelettes d\'animaux d\'Asie, k tête d\'un buffle de
cinq ans, à laquelle on nej-emarquoitpas le moin-
Fnse, pour servir à des essais, en les faisant apparier séparément
avec des vaches et des taureaux de notre pays.
Pendant cet intervalle, je reçus d\'Angleterre le crâne d\'un pa-
reil taureau , lequel, quoiqu\'il n\'y eut point de cornes, offroit ce-
pendant de chaque côté de l\'os coronai, à l\'endroit ordinaire,
l\'indice visible de la corne.
Le veau velé à terme par la vache ffoal, et qui mourut, n\'of-
froit pas la moindre apparence de cornes, quoique dans les fœtus
des veaux ordinaires on apperçoive déjà , quand ils ont la grosseur
d\'nn rat, le noyau blanc destiné à former la corne.
(M. Camper fds écrivit en 1790 à M-Herbell, traducteur al-
lemand de plusieurs ouvrages de M. Camper père , que la vache
poal avoit mis bas un autre veau sans cornes ; et que de même deux
vaches à cornes, qu\'il avoit lait saillir par le taureau /»o^z/ , avoient
velé également des veaux sans cornes, )
Tacite (Mœurs des Germains) dit, en parlant des Hongrois
( Panonniens) et des Bavarois (Woriques), que le bétail de ces
peuples étoit non-seulement petit et maigre , mais qu\'il lui man-
quoit aussi l\'ornement du front f/ze armenta tjuidem suushonor,
au tgloriafronds).
Colerus, qui f.robahlement n\'avoit jamais vu de pareil bétail,
prétend que ces paroles de \'l\'acite signifient que ses cornes étoient
petites (parva habuisse cornua) ; tandis qu\'il paroît plus que pro-
bable que Tacite a voulu indiquer la Bavière et la Hongrie, où ,
dans ces tems-Ià , les vaches sans cornes étoient aussi communes
qu\'elles le sont aujourd\'hui aux environs de Hambourg.
dre indice de cornes C^); tandis que M. Hoffmann
m\'en a envoyé une autre dont les cornes sont si
singulièrement longues que les pointes se trouvent
à huit pieds trois pouces rhynlandiques de distance
l\'une de l\'auti-e.
M. Pallas a dit depuis peu (i) qu\'il avoit vu chez
M. Von Bril, à Irkuzk, des buffles sans cornes, qui
avoient été conduits du Mongul en Chine, à Mos-
cou , où ils se propageoient aussi bien que dans
leur pays natal. Ces bœufs paroissent communs à
la Chine; il ne seroit donc pas étonnant que la tête
de buffle sans cornes que je tiens de M. Van der
Steeg vienne de cette espèce; à moins qu\'il ne soit
originaire de Madagascar; car dans cette île, ainsi
qu\'en Afrique, on trouve des bœufs sans cornes,
comme nous l\'apprend M. Bomare (2). Le passage
cité de M. Pallas m\'a engagé à consulter Julien,
lequel prouve clairement que les anciens , même
déjà du tems de Démocrite, ont connu parfaite-
ment des bœufs sans cornes (3).
Mais je reviens, après cette longue digresssion,
au rhinocéros, à qui Linnseus, dans la douzième
édition de son ouvrage, en i 766, donne l\'Asie et
FAfrique pour patrie, et dont le nombre de cornes
n\'est, selon lui, qu\'une variété accidentelle qu\'il
ne faut pas prendre pour le caractère spécifique
d\'une différence d\'espèces (i). Il mérite néanmoins
qu\'on l\'excuse à cet égard; vu que ce n\'est que
depms quatre ans, par conséquent après sa mort,
qu\'on a fait de nouvelles découvertes qui ont per-
mis de constater ce fait.
On ne doit cependant pas prendre pour une se-
conde ou troisième corne, les excroissances osseu-
ses qui poussent quelquefois entre la véritable corne
et l\'occiput, comme on Fa vu au rhinocéros de
Versailles. Cet animal en avoit deux semblables
dont il se défit par frottement lorsqu\'elles devin-
rent trop grandes.
L\'expérience , cependant, nous a appris qu\'il
peut y avoir, quoique fort rarement, à la vérité
trois cornes sur la même tête. M. Zimmermann
confirme ce fait (2) par le témoignage de M. Ha-
mihon , qui dit avoir vu une tête de rhinocéros
avec trois cornes pareilles placées l\'une au-dessus
de l\'autre. M. Pallas nous en donne un détail plus
exact (5), en observant que la première corne avoit
dix-huit pouces de longueur, la seconde douze et
la troisième huit seulement.
Je suis surpris néanmoins que M. Zimmermann
ait attribué (i) à M. Pallas Tidée que le nombre
de ces cornes indique l\'accroissement d\'âge de
l\'animal; tandis que, selon moi, M. Pallas s\'ex-
prime d\'une manière toute différente. En parlant
de la seconde corne il dit : « Laquelle, je pense,
(C doit se trouver dans la plupart des vieux rliino-
<( céros, mais qui certainement commence déjà à
(( pousser chez les jeunes individus d\'Afrique (2). »
Immédiatement après il ajoute dans une note:
« Qu\'il a vu une grande quantité de doubles cor-
« nés, qui, dès la plus grande jeunesse de l\'ani-
« mal, croissent, pour ainsi dire , simultané-
« ment (5). ))
§. VI. Les yeux du rhinocéros ne méritent pas
moins notre attention. Le docteur Parsons croyoit
qu\'ils.n\'avoient pas la moindre vivacité, et qu\'ils
ressembloient à ceux du cochon (4); ce qui ne m\'a
jamais paru tel ; au contraire, j\'ai trouvé que ces
animaux ont de grandes paupières rondes et que
du rhinocéros
leur regard est vif ; tandis que les cochons ont les
paupières étroites et fort chargées de cils; de sorte
que leurs yeux sont en apparence fort ternes. Le
dessin et le tableau que j\'ai faits, il y a plus de
trente ans, d\'un rhinocéros d\'Asie, indiquent par-
faitement l\'un et l\'autre que ces animaux ont le
regard vif et doux; ce que j\'ai remarqué de nou-
veau en 1777 au rhinocéros de la ménagerie de
Versailles.
Klein pensoit également (1) que leurs yeux sont
petits et qu\'ils ne peuvent appercevoir que les ob-
jets qui .ont placés exactement devant eux. La
planche V, fig. 1 A. B., nous feroit croire plutôt
qu\'ils ne peuvent absolument pas voir en devant
d\'eux, à cause du bord osseux de l\'orbite de l\'oeil
T. fig, 3 de la même planche qui saillit considéra-
blement en avant.
M. Pallas compare cet os à la saillie d\'un toît ou
à un auvent (2). Cependant cela ne s\'apperçoit pas
trop dans cette tête morte et desséchée. Je trouve
aussi que dans le dessin que j\'ai fait en 1748, du
rhinocéros virant vu en face, les yeux pouvoient
être apperçus quand on étoit placé devant l\'animal,
comme on le voit planche V, fig. 1 A. r.; et par
conséquent le rhinocéros peut appercevoir assez
facilement les objets situés devant lui, comme le
font tous les quadrupèdes dont les yeux se trou-
vent placés latéralement dans la tête; particularité
qui m\'a été confirmée par les observations que j\'ai
eu occasion de faire sur le rhinocéros de Ver-
sailles.
Bulfon (i) prétend que le rhinocéros n\'a pas les
yeux bons, à cause de leur petitesse extrême , de
leur position oblique et enfoncée, et du peu de
brillant et de mouvement qu\'on y remarque; rai-
sonnement qui ne me paroît pas admissible, puis-
qu\'avec nos yeux, qui sont beaucoup plus petits
que ceux de cet animal, nous pouvons embrasser
au-delà d\'un tiers du cercle de l\'horison. Ï1 paroî-
troit étrange de vouloir soutenir qu\'une souris voit
moins bien qu\'un cheval, à cause qu\'elle a l\'œil
plus petit : il peut y avoir une différence dans l\'é-
tendue du champ qu\'embrasse l\'œil, mais il ne sau-
roit y en avoir dans la netteté avec laquelle les ob-
jets viennent se peindre sur la rétine; et c\'est de
quoi il s\'agit principalement ici.
J\'ai déjà donné les dimensions de la tête entière
et indiqué exactement la place qu\'occupe l\'œil. Si
l\'on compare les figures qu\'en a publiées le doc-
teur Parsons avec la nôtre, on s\'appercevra qu\'il a
sôg du rhinocéros
placé les yeux trop en avant et trop haut. M. Alla-
mand est tombé dans îa même faute ; et Sparr-
mann n\'a pas été plus exact à cet égard. Il pré-
tend, comme les autres écrivains que j\'ai cités,
que le rhinocéros a la vue mauvaise ; cependant
je n\'ai pu découvrir dans sa description de cet ani-
mal sur quel fondement il établit cette assertion;
ïl sembleroit même qu\'il faudroit en inférer exac-
tement le contraire, puisqu\'il dit : « Que cet ani-
u mal se tient tranquille pendant le jour, à cause
« de la chaleur, et que c\'est vers ia soirée , pen-
te dant îa nuit et dans la matinée qu\'il prend sa
« nourriture. » Ce qui certainement ne s\'accorde
pas avec une vue terne et mauvaise.
Je me rappelois d\'avoir observé que les prunelles
du rhinocéros sont rondes, comme celles de l\'é-
léphant; et véritablement j\'ai trouvé ce fait con-
firmé dans l\'individu vivant que j\'ai vu à Versailles
et sur-tout par mon tableau et mes dessins de cet
animal que j\'ai rachetés à h venté du cabinet de
Gronovius.
g. VIL Comme on ne trouve nulle part de figu-
res de la tête décharnée du rhinocéros, je l\'ai re-
présentée de profil planche IV, fig. 2, et vue exac-
tement en face planche V, fig. 5.
A. B. C. D. représente la forme de la tête et le
renflement des os coronal, pariétaux et occipital,
jusqu\'en D. Les sutures, qui servent à distinguer
si bien ces os dans la tête du veau, étoient ici en-
tièrement oblitérées par l\'âge. Planche V, %. 1,
la tête est représentée telle que je l\'ai copiée d\'a-
près nature; et dans la fig. 2 j\'ai indiqué les su-
tures de la manière qu\'elles devoient être lorsque
l\'animal étoit jeune encore : pour cet effet, j\'ai
suivi les indices des sutures de la tête du jeune rhi-
nocéros d\'Asie. S. E. G. est le condyle de l\'occiput
lequel est reçu par la première vertèbre cervicale.
K. le conduit auditif. H. L. R. l\'apophyse de l\'os
temporal, qui, ^^eof.z.e.y.a.g.. Went le
zygome entier et l\'os zygomatique.
T. le grand condyle squammeux de l\'os tempo-
ral, formant le bord antérieur de l\'orbite de l\'œil.
U. l\'os lacrymal, dans lequel se trouvent les deux
cornets lacrymaux q, et p,, qui sont bien séparés
l\'un de l\'autre par un condyle osseux V., mais qui
se réunissent promptement en p.
X. k seconde paire de trous par laquelle pas-
sent les nerfs ophtalmiques. W. Y. le conduit par
lequel passe la seconde branche de la cinquième
paire de nerfs. Z. le trou sphéno-palatm, traver-
sant un os formé par les os sphénoida] et palatin
pour donner passage à quelques branches de la
cinquième paire de nerfs, qui se ramifie dans le
nez.
O. P. le complementum de Galien, Fqs anté-
-ocr page 366-rieur de la mâchoire supérieure appelé intermaxil-
laire^scc les anatomistes actuels, lequel ne con-
tient point de dents dans le rhinocéros du Cap de
Bonne-Espérance. Sparrmann a représenté cet os
sans dents, quoique d\'ailleurs d\'une manière assez
confuse.
Cet os intermaxillaire est, sans cela, semblable
à celui de l\'oràng-outang, ainsi qu\'on peut le voir
planche I, fig. 3 et 5 Q. R. S., de la dissertation
sur cet animal, où j\'en ai parlé fort au long cha-
pitre VU, 2 , pag. 123 de ce volume.
La mâchoire supérieure contient de chaque côté
sept dents mâchelières, comme cela se trouve con-
firmé par MM. Allamand et Sparrmann.
La mâchoire inférieure est , comme il paroit
planche IV, fig. 4, assez grande et articulée à la
mâchoire supérieure par ©. A., de manière qu\'elle
ne peut avoir qu\'un bien foible mouvement laté-
ral, que les molaires empêchent également, com-
me on peut s\'en convaincre par la fig. 2 de la plan-^
che IV et fig. 5 de la planche V, où l\'on voit que
les mâchelières supérieures dépassent des deux cô-
tés tellement les inférieures, qu\'elles empêchent
totalement le mouvement latéral de la mâchoire
inférieure; ce qui prouve évidemment que cet ani-
mal concasse ses alimens et ne les broie pas. Cette
conjecture a été confirmée par M. Sparrmann : il a
toujours trouvé dans l\'estomac du rhinocéros des
racines et des branches d\'arbres mâchées et réduites
à la grandeur d\'une phalange de doigt, et il y a
même reconnu la stapelia épineuse.
Le mouvement latéral est gêné aussi par une
cavité transverse de Fapophyse L. de Pos zygoma-
tique, lequel saillit vers en bas avec un grand con-
dyle jusqu\'en L
La mâchoire inférieure n\'a de même point de
dents par devant, comme on le voit par le profil
que j\'en donne planche IV, fig. 5 T., et sur-tout
par la représentation en face planche V, fig. 5.
Allamand et Sparrmann disent également que
le rhinocéros n\'a point de dents dans la partie an-
térieure de ses mâchoires.
§. VIII. Les dents du rhinocéros demandent
une description plus détaillée, car, jusqu\'à pré-
sent , on n\'avoit pas eu en Europe le moyen de
bien examiner le crâne de cet animal.
Linnaeus dit : (( Ils ont deux dents devant par
« en bas et par en haut, placées loin les unes des
« autres et obtuses (i). „ Daubenton, qui a exa-
mmé plus attentivement leur nombre, donne au
rhinocéros vingt-huit dents , quatre par devant,
(i) Denies prîmores ntrinque duo rsinotissimi obtusî. Sv.t
,gen.36,pag. 104,
c\'est-à-dire, une en haut et une en bas de chaque
côté, et ensuite six molaires disposées de la même
manière. Mais il ne les a comptées que dans un in-
dividu vivant, ce qui a dû lui offrir de grandes
difHcultés.
M. Pallas (i), qui n\'a vu que des têtes fossiles
de rhinocéros venues de Sibérie , observe avec
étonnement que dans quatre de ces têtes il n\'a pu
découvrir aucun vestige de dents incisives, ni mê-
me de leurs alvéoles ; qu\'il n\'a également pu ap-
percevoir de dents incisives dans la tête desséchée
de rhinocéros qui se trouve dans le cabinet du stad-
houder à la Haie. Il en conclut, avec raison , que
tous les écrivains qui en ont parlé, tels que Par-
sons, Linnseus, Buffon et Chardin, se sont trompés
à cet égard.
La vérité de cette observation paroît évidem-
ment par la tête que je donne ici, planche IV, où
l\'on voit en bas et en haut de chaque côté sept mo-
laires , par conséquent vingt-huit en tout, ainsi
que le dit Daubenton, et comme M. Pallas (2) l\'a
fort bien conjecturé d\'après les alvéoles; quoique
incertain d\'ailleurs s\'il devoit en placer six ou sept
de chaque côté.
Je les appelle toutes molaires, non-seulement
(1) Comm., Acad., torn. XIII, pag, 454.
(2) Ibid., pag. 453.
B
à cause des couronnes qui dans toutes sont plates
et visibles, mais aussi à cause des racines; caries
quatre de devant, que Linnseus a considérées com-
me des dents incisives, ont, tout comme les sui-
vantes, de doubles racines; particularité qui, au-
tant que je sache, ne se trouve dans aucun animal,
aux dents de devant.
Il paroît aussi par les os intermaxillaires de la
mâchoire supérieure , les complementa, O. P.
planche IV, fig. 3 et planche V, fig. 5, que le rhi-
nocéros n\'y a point de dents; on n\'y voit pas non
plus de dents canines, qui sans cela devroient se
trouver entre les incisives et les molaires.
M. Pallas n\'a pu trouver ces petits os de la mâ-
choire supérieure ou os intermaxillaires dans les
têtes fossiles du rhinocéros , qu\'elles ont dû per-
dre , plutôt même que les molaires , à cause de
leur petitesse et de leur peu de liaison avec la mâ-
choire supérieure. Ce n\'est aussi qu\'avec peine que
je les ai conservés. Il ne faut donc pas s\'étonner de
ce que M. Pallas dise (i) que le palais est fendu ,
tandis que dans les autres animaux on trouve les
alvéoles des dents incisives {^ foramina incisiva).
Qu\'on s\'imagine que les deux os cités O. P. se trou-
vent totalement enlevés, et l\'on en aura la même
idée.
(i) Comm. Acad. , tom. XHl, pag. 453.
-ocr page 370-» u rhinocéros
Lorsque j\'eus envoyé à l\'académie impériale de
Pétersbourg les dessins et la description de cette
tête, et de la mâchoire inférieure (i ), M. Pallas (2)
me répondit, d\'une manière honnête et modeste,
qu\'il étoit toujours dans l\'incertitude sur le nom-
bre des dents , s\'imaginant que les restes des al-
véoles étoient encore visibles, non-seulement dans
la mâchoire supérieure, mais aussi dans l\'inférieure
des têtes fossiles de rhinocéros. Je pris la liberté de
lui rappeler que les intermaxillaires de la mâchoire
supérieure O.P. qui, dans tous les animaux, con-
tiennent les dents incisives, se trouvoient ici n\'en
avoir pas du tout; tandis que le nombre vingt-huit
restoit cependant complet. Il approuva cette ob-
servation dans une de ses lettres suivantes (3) ^ en
insistant néanmoins toujours sur l\'apparence in-
contestable des alvéoles dans la partie antérieure
de la mâchoire inférieure.
Quelque persuadé que je fusse que les trous qui
se trouvent dans les têtes des adultes , ne con-
tiennent absolument pas de dents, ainsi que je le
marquai le 2§ novembre 1778 à cet infatigable na-
(1) Ils se trouvent dans les Nov. Comm. del\'ruineei 777, part. II,
pag. iç)5 et suiv. Je dois me plaindre seulement de ce que Jes gra-
vures qui l\'accompagnent répondent si pea aux dessins exacts que
j\'en avois envoyés.
(2) Le 2 mars i 777-
(3) Le i mai 1777-
-ocr page 371-tiiraliste ; je dois convenir cependant que nies idées
sur cet objet sont moins certaines, depuis.que j\'ai
reçu de M. Hoffmann de Batavia la tête d\'un jeune
rhinocéros unicorne, dont la longueur, par exem-
ple, de A. jusqu\'à E.,pl. IV, fig. 3, est à peine d\'un
pied. Les os intermaxillaires O. P. ont un pouce et^
demi de longueur, tandis que dans la grande tête
ils n\'ont qu\'un pouce de long. Dans ces os anté-
rieurs on voit distinctement deux alvéoles , dont
celui de devant est beaucoup plus grand que le sui-
vant. Il y a ensuite la distance d\'un, pouce avant
que ne vienne la troisième moiaii-e; après laquelle;
suivent encore quatre grandes et l\'alvéole de la
cinquième ; de sorte qu\'avec les deux alvéoles de
devant, il y a exactement sept dents de chaque
côté. , \' \'
Dans la mâchoire inférieure de cette même pe-
tite tête , il y a également une distante entre la
dent molaire antérieure et la seconde de plus,^
l\'alvéole de cette dent aîntémeure ^est fort grand de
chaque côté, ayant encore deux petits trous après
la réunion de deux os>4e la machoii^.inférieure,
lesquels semblent avoir servi à des d-ents de lait,,
qui avoient déjà été-changées : sans quoi il n\'y au-
roit pas sept, mais huit alvéoles. Le reste de la
tête s\'accorde aveO la fig. 3 de la planche XVI du
dix-huitième volume àe$.Nop> Comm. de ^aca-
démie de Pétersbourg.
Dans le cabinet d\'histoire naturelle de la ville
de Leide, on conserve le fragment de la mâchoire
inférieure d\'un grand rhinocéros, dont M. Alla-
mand me permit de prendre le dessin en 1779 :
dans la partie aniérieure de cette mâchoire il n\'y
a non-seulement point de dents, mais l\'extrémité
de la mâchoire s\'y trouve bien à deux pouces rhyn-
landiques de distance du commencement des mo-
laires. La chair des gencives s\'y voit dessechée des-
sus, et ony apperçoit deux fossettes exactement
au-dessus de l\'endroit où j\'ai dit que se trouvent
les cavités près de T. Quoiqu\'il en soit, les natu-
ralistes conviennent que les dents mâchelières de
devant sont dans le rhinocéros placées fort loin les
Tin es des autres.
Dans les têtes fossiles , ces os intermaxillaires
de la mâchoire supérieure se sont, en croissant,
fortement tournés en dehors, et se trouvent telle-
ment soudés ensemble et avec la cloison osseuse
du nez, qu\'il n\'est point possible de les distinguer
les uns des autres.
Les canaux iricisifs (cattiSs/^« incisivi) ne se
trouvent point dans notre tête dë rhinocéros , parce
que l\'os qui les contient y manque; mais ils sont
.fort apparens dans la tête féBsile dont l\'académie
impériale de Pétersbourg m\'a fait présent-; et ils
ont été parfaitement bien représentés par M. Pal-
las, planche IX, fig. tome XIII des mémoires
de cette académie. M. Muller (i) en a donné éga-
lement le dessin dans nne figure exacte de la mâ-
choire supérieure d\'une tête de rhinocéros bicorne
qu\'on a trouvée, en 1728, dans la terre près de
Quedlinbourg.
L\'os nasal forme avec le vomer, dans cette tête
et généralement dans toutes les têtes fossiles de
rhinocéros, une ligne courbe qui de A. court jus-
qu\'en O., planche IV, fig. 5.
Peut-être est-ce là une différence constante entre
le rhinocéros bicorne et le rhinocéros unicorne?
Il se pourroit aussi que la tête qu\'a décrite M. Pal-
las dans les Nop. Comment. Petrop., pag. 697,
tom. XVIl, et qu\'il a figurée planche XVI, ait ap-
partenu de même à un rhinocéros unicorne, ainsi
que toute sa configuration semble l\'indiquer? Il
seroit possible d\'ailleurs que les rhinocéros de l\'an-
cien monde eussent différé de ceux de nos jours.
Quoiqu\'il en soit, la prudence exige qu\'on exa-
mine encore par l\'anatomie d\'autres têtes de jeunes
individus de cette espèce avant de rien déterminer
définitivement sur cette question; mais il n\'y a
guère d\'espérance qu\'on parviendra de sitôt à rem-
plir ce but.
(i) Beschäftigungen der Berlinische Gesellschaft naturfor-
schender Freunde, II band, n". 17, pag. ôAo 1 tab. X, fig, 3 g. h.
Etant eu juillet 1780 à Berlin j\'y ai v» ces os, qui se troiivent ac-
tuellement dans le cabinet de cette Société.
BRHi
^^^ , » U R H I o C K R o s
Dans le rhinocéros vivant de Versailles, j\'ai re-
marqué distinctement, tant dans la mâchoire su-
périeure que dans l\'inférieure, nnegrande distance
entre les molaires de devant, ainsi que je les ap-
pelle. M. le professeur Sanders (i) , qui a donné
une assez bonne description de ce rhinocéros, lui
refuse également des dents incisives. Aussi suis-je
persuadé que les rhinocéros ne doivent pas avoir
de dénis dans la partie antérieure de la mâchoire
supérieure, parce que la lèvre de cette mâchoire
forme une espèce de doigt, qui leur sert, comme
a l\'éléphant, à saisirles petits objets et à les porter
à leur bouche; ce qui rendroit les dents de devant
de la mâchoire inférieure également inutiles et
même incommodes.
D\'ailleurs, le rhinocéros ne seroit pas le seul
animal dont les dents se trouveroient placées loin
les unes des autres, puisqu\'on voit la même chose
chez le porc-épic.
IX. La capacité du cerveau est petite , en
proportion de la tête et de la grandeur de l\'ani-
mal, comme on le voit planche IV, lig. 5, E. m.
n. o. G., n\'ayant que huit pouces de profondeur
sur six pouces de hauteur. Dans les têtes fossiles de
rhinocéros décrites par M. Pallas, la capacité du
(0 Naiurforscher, etc. , IIIstuck, pag. 3 et suiv.
-ocr page 375-cerveau étoit pins petite que dans Fliomme, quoi-
qu\'elles fussent plus longues de près d\'un demi
pied. Cette différence peut dépendre d\'autres cir-
constaoces. Les têtes fossiles sont toutes plus étroi-
tes, plus longues et moins hautes. La capacité du
cerveau est de même plus petite dans tous les qua-
drupèdes dont les mâchoires sailhssent beaucoup
en avant, tels que les bœufs, les chevaux, etc. Il
paroît que les mâchoires sont proportionnées à la
longueur du cou, pour que l\'animal puisse saisir
plus facilement sa nourriture par terre.
Dans la petite tête de rhinocéros unicorne qui
n\'avoh pas un pied de long, cette cavité étoit ce-
pendant de cinq pouces et demi de profondeur ou
comme 2:1; tandis que dans les têtes des adultes,
du moins dans les têtes fossiles , elle est comme
5 : 1. Il s\'ensuit aussi de la règle générale de la na-
ture, que, pendant la croissance des animaux, les
mâchoires prennent un peu plus de développe-
ment que le crâne. D\'ailleurs, la capacité du cer-
veau n\'est jamais proportionnée à la grandeur de
l\'animal quelqu\'il soit; mais ses mâchoires le sont
toujours à son cou, et à l\'espèce de nourriture
qu\'il prend; de même que les jambes se trouvent
relatives à son poids et à son agilité à la course.
Quand on compare la place qu\'occupe la corne
de devant B., planche IV, fig- o, avec le centre de
mouvement des condyles de l\'os occipital E., il pa-
ïoît évidemment que la tête n\'auroit pu être beau-
coup plus longue sans que Fanimal perdit sa force;
à moins que la tête ne s\'élevât davantage en D. ;
c\'est-à-dire, que D. E. ne devint un plus grand
levier, afin de pouvoir employer plus de puissance
avec les mêmes muscles du cou. C\'est vraisembla-
blement pour cette raison que le rhinocéros n\'a ni
dents incisives ni dents canines.
Pour ne pas augmenter inutilement les frais de
cet ouvrage, je n\'ai pas fait graver la figure du
crâne vu en dessous; et j\'ai pensé qu\'il ne falloit
pas fatiguer le lecteur par la description minu-
tieuse\' des trous destinés au passage des nerfs et
des muscles, d\'autant plus que peu de personnes
prennent intérêt à la connoissance de ces parties.
Pour donner une idée plus exacte des têtes fos-
siles trouvées en Sibérie , j\'en ai joint un dessin
exact à la dissertation que j\'ai envoyée à l\'acadé-
mie de Pétersbourg, que M. Pallas a eu soin de
faire placer dans le second volume des Comment.
de 1777, où les amateurs de cette partie de l\'his-
toire naturelle peuvent le consulter.
L\'os hyoïde ne paroît pas différer de celui du
cheval ; mais comme on l\'avoit enlevé avec la lan-
gue, il n\'en étoit resté que les longs morceaux at-
tachés à la tête. Cet os étoit également en fort mau-
vais état dans la petite tête.
Le vomer éloit fort, petit et fort mince, cousis-
-ocr page 377-tant en une double paroi fort écartée, pour rece-
voir la cloison cartilagineuse.
A Fenîrée de la cavité du nez, on voit fort dis-
tinctement, planche V, fig. 3, les deux os spon-
gieux A. et B. Quand je compare cette cavité et
ses os à ceux des lions, des chiens et autres ani-
maux semblables dont l\'odorat est très-fin , je ne
puis m\'étonner assez du sentiment de Sparrmann,
qui dit (( que cet animal a le flair si fin qu\'on doit
(( prendre garde lorsqu\'on le voit de loin de ne pas
(C rester au vent à lui pour ne pas en être as-
(C sailli. »
Je pense que les figures que je donne de la têta
et du crâne du rhinocéros s\'expliquent assez d\'el-
les-mêmes pour les autres parties, sans qu\'il soit
besoin d\'en donner la description. Je passe donc
aux autres particularités de cet animal, qui peu-
vent nous aider à comprendre les écrits des an-
ciens et à nous donner une plus parfaite connois-^
sance de ses habitudes.
X. Nous devons nous arrêter un moment sur
la copulation du rhinocéros, et particulièrement
sur la manière dont est placée sa verge , à cause
d\'un passage de Pline (i) qui porte : « L\'accou-
« plement des éléphans, des chameaux , du rlii-
(1) Lib, X, parflg. 83.
-ocr page 378-ayo du Rhikocéros
(C nocéros, se fait croupe à croupe, parce que les
« parties de la génération sont dirigées en ar-
« rière. » Solin (i) assure la même chose , parce
qu\'ils pissent en arrière. Parsons (2), qui est en-
tré dans de grands détails sur la verge , est du
même sentiment, qui paroît être aussi celui de
BuflTon (3).
MM. Sparrmann et Gordon assurent tous deux
que le rhinocéros pisse en arrière; mais M. Sparr-
mann ajoute que cet animal, quoique ami de la
fange , a aussi ses idées de propreté , en ce qu\'il
choisit pour pisser certaines places près des buis-
sons.
Lorsque j\'examine le chameau, l\'agouti et plu-
sieurs autres animaux semblables qui pissent en
arrière, je ne trouve point qu\'il y ait du rapport
entre pisser en arrière et s\'accoupler croupe à crou-
pe. La nature a pu, pour plusieurs raisons, con-
former la verge de manière que l\'animal ne se sa-
lisse point en lâchant ses urines, sans avoir eu pour
cela l\'intention que cette même partie, devant ser-
vir à la génération, ne puisse pas être ensuite tour-
née en devant. Dans l\'agouti, qui forme la seconde
espèce du genre mus de Linneeus, j\'ai découvert
(1) Cap. 27.
{2) Philos. Transact. , to»«- XLII, pag. 535.
(3) Pag. i85.
un petit muscle qui est réuni au prépuce , et qui
sert à tirer la verge en arrière, lorsqu\'elle est dans
un état d\'inaction; mais un autre muscle, beau-
coup plus fort, pareillement réuni au prépuce et
attaché aux muscles de l\'abdomen autour du nom-
bril, le fait sortir en avant lorsqu\'elle est enflée
pour la copulation. M. Sparrmann pense aussi qu\'à
la verge du rhinocéros il y a une espèce de muscle
érecteur, qui donne à l\'animal la faculté d\'en chan-
ger à son gré la direction; mais il n\'a pas examiné
ce fait. En lisant la description anatomique du Hon
et du chameau, on s\'appercevra qu\'on a oublié d\'y
parler des muscles externes, c\'est-à-dire, ceux que
j\'ai observés dans l\'agouti.
L\'éléphant ne pisse pas en arrière, mais toujours-
en avant, comme on a pu le voir journellement
par le mâle qui se trouvoit dans la ménagerie du
stadhouder, qui m\'a permis de disséquer cet ani-
mal après sa mort, et dont je me propose de don-
ner bientôt la description anatomique avec les
figures (x). Cet animal, qui pisse en avant, n\'a
donc pas besoin du muscle que j\'ai trouvé dans
l\'agouti.
Etant à Versailles, j\'ai eu l\'occasion d y obser-^
(OOn trouvera cftte description cinaîoniî(|Lie dans îe second
volume des OEuvres de feu M. Pierre Camper que nous publions
»ci. Not.e de l\'éditeur.
ver qup le rhinocéros voulant lâcher ses eaux, sa
verge sortit en partie du prépuce tourné vers la
terre, formant une espèce de en romaine renver-
sée, beaucoup plus mince à l\'extrémité d\'en bas et
dans la seconde partie que dans la première , et
garni d\'une petite tète applatie, laquelle pendoit
si bas au moment que l\'animal alloit pisser, qu\'elle
traînoit le plus souvent à terre. Il me parut que
Turme couloit de la verge pendante en ligne droite
vers la terre. La longueur de ce membre me sem-
bla d\'ailleurs ne point correspondre du tout avec
les parties qui l\'accompagnoient par derrière.
Edwards (i) a fort mal représenté la verge du
rhinocéros ; le dessin que Parsons (2) en a donné
est plus exact ; cependant il diffère beaucoup de
la verge du rhinocéros que j\'ai observé à Versail-
les, et dont j\'ai fait l\'esquisse pour mon usacre.
Mais que faudra-t-il dire de MM. Sparrma^\'nn et
Gordon, qui tous deux ont eu des rhinocéros vi-
vanssous les jeux? M, Sparrmann assure que la
verge de ces animaux ressemble à celle du cheval,
et qu\'elle difîère beaucoup de celle du rhinocéros
unicorne qu\'a décrit le docteur Parsons. Gordon ,
ou Allamand (5), prétend, au contraire, que le
(1) Clainures, pag. a5.
(2) Philos. Transact. , pag. 535.
(S) Hist. na-t. , pag, n ejc la.
membre génital est précisément tel que M. Parsons
Pa représenté et décrit.
Il n\'est point du tout impossible que la verge
du rbmocéros bicorne soit autrement conformée
que celle du rhinocéros à une corne li^urée par
mm. Parsons et Edwards, qui diffèrent néanmoins
entre eux sur cet objet, ainsi que du rhinocéros de
Versadles , dont j\'ai vu fort distinctement cette
partie que j\'ai même dessinée, ainsi que je viens
de le remarquer.
Il est cependant certain, d\'après ce que j\'ai dit
del agouti et du chameau, que l\'ancien proverbe,
retromingit, ergo retrocoit^ « l\'animal pisse eil
« arrière, donc il s\'accouple de même, )) est tota-
lement destitué de fondement.
Les testicules du rhinocéros semblent être ren-
fermés dans le corps de l\'animal, comme ceux de
l\'éléphant; du moins ne voit-on aucune apparence
de scrotum, ni chez le rhinocéros unicorne, com-
me je l\'ai remarqué à celui de Versailles, ni chez
celui à deux cornes, d\'après ce que MM. Sparr-
mann et Gordon assurent. M. Sparrmann ajoute
que les testicules sont placés dans l\'intérieur du
Ventre, près des aines; cet animal ressembleroit
\' donc en cela au porc-épic.
§. XI. Tous les anciens écrivains nous repré-
sentent le rhinocéros comme l\'ennemi de l\'élé-
I- iS
|).hanl. Strabon (i) assure ce fait, d\'après le témoi-
gnage d\'Artémidorej et qu\'il lui ouvre le ventre
«ivec sa oorne. Pline (2) rapporte cela plus en dé-
tail; il dit que le rhinocéros étant l\'ennemi né de
l\'éléphant, il aiguise sa corne contre une pierre
avant de l\'aller combattre ; et qu\'il cherche en l\'at-
taquant à lui porter ses coups dans le ventre, parce
qu\'il sait bien que c\'est l\'endroit de son corps qui
offre le moins de résistance.
Solin adopte ce sentiment de Pline (5) ; et Cos-
pias l\'Egyptien , séduit par ces autorités, assure
la même chose. Aujourd\'hui même il est difficile
de se défaire de ces préjugés, parce qu\'on cherche
à les propager de mille manières différentes, amsi
qu\'on le voit, entre autres, par la gravure, asses
bonne d\'ailleurs, de J. El. Ridinger, qui, dans un
pareil combat, a représenté le rhinocéros qui porte
ijn coup de corne dans le ventre de l\'éléphant.
C\'est avec raison que Buffon (4) observe que ce
oombat du rhinocéros avec l\'éléphant n\'est qu\'une
fable. M. Gordon m\'a fait dire par le professeur
Allamand , que jamais on n\'a entendu parler aij
Çap de Bonne-Espérance de pareilles luttes.
(1) Gtogr. , lib. XVI.
(2) Lib. VIII, cap. 39.
(3) Ibid , cap. 3o.
U) XI, pag\'
-ocr page 383-Ce sont sans doute les jeux du cirque chez les
Romains qui ont donné lieu à ce conte. On sait que
ce peuple faisoit souvent combattre Féléphant con-
tre le rhinocéros, lequel parvenoit quelquefois à
terrasser son anta|;oniste , qu\'on regardoit, pour
cette raison, comme son ennemi. D\'ailleurs, je ne
serois pas surpris de cette victoire du rhinocéros,
parce que cet animal est beaucoup plus agile dans
ses mouvemens que l\'éléphant, comme on peut le
conjecturer de son calcaneum, qui est fort loncr
en comparaison des talons courts de l\'éléphant. On
sait aussi que le rhinocéros est un animal beaucoup
plus petit que l\'éléphant, que par conséquent il lui
est plus facile de l\'éviter; et l\'arme dont il est muni
est très-favorablement placée pour le blesser au
ventre.
L\'éléphant triomphoit cependant aussi quelque-
fois du rhinocéros, comme Dion Cassius (i) nous
apprend que cela eut heu du tems de Germanicus
et de Néron, lorsque ces empereurs donnèrent à
Rome le spectacle de combats d\'animaux en l\'hon-
neur de Drusus leur pèi-e.
Cependant une grande agihté et du sang-froid,
ont, comme on sait, un avantage considérable
dans toute espèce de lutte; aussi a-t-on vu non-
seulement le peuple de Rome, mais même les
(i)Pag. Soo,,
-ocr page 384-empereurs Commode et Ant. Caracalla vaincre et
tuer des rhinocéros atîx jeux du cirque, ainsi que
le rapporte également Dion Cassius (i).
Après avoir considéré long-tems ces deux ani-
maux à Versailles, le 28 juillet 1777, je demandai
à celui qui étoit chargé de les garder, si jamais on
avoit fait l\'expérience de conduire l\'éléphant, qu\'on
laissoit souvent promener librement le matin , le
long des palissades qui i-enfermoient le rhinocéros?
Il me répondit qu\'il l\'avoit fait plus d\'une fois ,
sans s\'être apperçu jamais du moindre signe de
colère dans l\'un ou l\'autre de ces animaux.
J\'ai \' considéré avec une extrême attention un
Çrès-^grand nombre de cornes de rhinocéros , sans
avoir pu appercevoir jamais le moindre indice
c^u\'elles eussent été usées par frottement. D\'ail-
ieurs, on trouve des rhinocéros dans plusieurs en-
droits où il n\'y a point d\'éléphans; de sorte que,
d\'après la sage prévoyance de la nature, ils n\'ont
aucun besoin de vivre en inimitié; l\'on sait, au
reste, qu\'ils ne se nourrissent que d\'herbages et
sont naturellement doux. On n\'a qu\'à lire l\'épi-
gramme de Martial, pour savoir de combien de
manières les Romains tourmentoient ces ani-
ïnaux pour les rendre furieux et les exciter au
combat.
(ij Pag. tau, 129a.
-ocr page 385-Veut-on qu\'ils combattoient l\'un cotitre l\'autre
pour se rendre maîtres d\'une nourriture qui leur
étoit commune, je n\'aurai rien à répliquer ; mais
dans ce cas le rhinocéros, comme la plupart des
autres animaux, se disputeront également entre
eux leur subsistance.
XIl. Les rhinocéros se nourrissent d\'herbes, de
racines, de branches d\'arbre et d\'arbustes aroma-
tiques. Captifs, ils mangent, suivant Parsons (i),
toutes sortes de légumes; ils aiment beaucoup la
canne à sucre, et toutes sortes de grains, comme
le remarque Buifon (2).
Le rhinocéros que j\'ai vu souvent à Leide man-
geoit sans distinction toutes sortes de légumes;
mais il préféroit cependant les carottes; jaunes.
M. Sparrmann trouva, comme je l\'ai déjà dit, dans
l\'estomac d\'un de ces animaux qu\'i 1,ouvrit le^jour
après qu\'il l\'eut tué, des racines, de petites bran-
ches d\'arbres mastiquées, beaucoup deplantessuc-
culentes, telles que la stapeha , etc..Cette masse,
q uand elle fut développée, répandit une forte odeur
qui n\'étoit point désagréable, et qui couvrit même
en grande partie l\'odeur putride des viscères. Ce-
pendant, selon le témoignage de MM. Sparrmann
U) Philos. Transact,y tom. XUI,
(a) Tom, XI, pag. jg5.
et Gordon, le rhinocéros n\'a poiat de vésicule du
fiel.
XIII. Le rhinocéros ne paroît pas être mé-
chant. J\'ai souvent donné à manger avec la main à
fcelui de Leide, qui étoit une femelle, et lui ai fait
tenir la gueule ouverte en lui présentant une ca-
rotte; ce quimepermettoit de lui voir, à ma gran-
de satisfaction , alonger et contracter le doigt de
sa lèvre supérieure. Parsons dit aussi que le rhino-
céros dont il a donné la figure étoit fort apprivoisé,
€t ne se mettoit en colère que lorsqu\'il avoit faim.
Comment pourroit-on douter que le rhinocéros se
laisse apprivoiser, d\'après ce que nous voyons des
animaux les plus terribles, tels que les lions , les
tigres, les om-s, etc., qui perdent insensiblement
leur caractère féroce dans la captivité. Je pense
donc que le rhinocéros n\'est pas méchant, quand
on ne le tourmente point; car on n\'a jamais en-
tendu dire <}u\'il ait le premier assailli l\'homme.
31. Sparrmann prouve lui-iiiême , par plusieurs
exemples, que quand cela arrive, cet animal le
fait plutôt par crainte que par fureur; car à peine
s\'est-il jeté sur l\'homme, qu\'il s\'enfuit d\'un autre
côté sans le poursuivre.
M. Gordon rapporte un fait singulier du rhino-
céros, à qui la nature a donné de si grandes cornes
et une si prodigieuse force qu\'il est en état de tout
renverser ; ce qu\'il fait au moins autant de mal
avec ses pieds qu\'avec ses cornes.
§. XIV. Linnœus, d\'après Fautorité de Bon-
tius, parle de la prétendue faculté du rhinocéros
de tuer en léchant ( quod lambendo trucidet ) ,
c\'est-à-dire, qu\'ayec les papilles épin-euses de sa
langue il écorche la peau et enlève la chair jus-
qu\'aux os. La bouche de cet animal est si peu faite
pour le combat, et sa langue si, peu propre à lé-
cher, que rien ne me paroît plus ridicule que cette
assertion ; d\'autant plus que je crois savoir perti-
nemment que sa langue est douce, large, mince et
nullement rude. M. Sparrmann confirme ce que
je viens de dire, et combat également l\'idée que
cet animal tue en léchant.
§. XV. Quoique j\'aie terminé ma dissertàtioil
sur la tête du rhinocéros bicorne, je ne puis mè
passer de dire quelque chose de la figure extérieure
de cet animal, comme étant fort différente de cisîle
du rhinocéros unicorne d\'Asie; d\'autant plus qu\'é-
clairés aujourd\'hui par les observations de MM.
Sparrmann et Gordon, nous pouv-ons rendre hom-
mage à ce que les anciens en ont dit, et prouver
en même tems que le rhinocéros bicorne différé
considérablement de Funicôrhè, là for-
me extérieure de son corj>s.
-ocr page 388-M. Sparrmann se contente de dire que les rliino-
céros du Cap de Bonne - Espérance n\'ont sur la
peau aucuns de ces plis, qui_, dans les figures que
nous avons de cet animal, leur donnent l\'air d\'ê-
tre couverts de cuirasses, telles qu\'en ont les rhi-
nocéros d\'Asie; aussi a-t-il représenté cet animal
avec une peau lisse et sans le moindre pli.
M. Allamand (i) dit, d\'après l\'autorité de Gor-
don , que les rhinocéros d\'Afrique n\'ont, pour
ainsi dire, d\'autres plis que ceux que forment na-
turellement les mouvemens du corps; desorte que
les individus âgés de cette espèce auroient un pli
de la profondeur de trois doigls près des aines, un
derrière les épaules profond d\'un pouce, un der-
rière les oreilles, mais peu profond) quatre petits
plis à la poitrine, deux au-dessus de^ talons, et,
ce qui mérite une attention particulière , neuf la-
téralement sur les lianes d\'un pouce et demi de
profondeur. Il doit y en avoir, outre cela, plu-
sieurs autour des yeux, mais ceux-ci ne doivent
être considérés que comme des rides.
Cependant on ne peut pas douter que la figure
qu\'a donnée M. Allamand est bien peu exacte ,
comme l\'est également celle de M. Sparrmann,
qui même n\'a pas indiqué les neuf plis sur les
lianes, et les autres qui se trouvent sur d\'autres
(i)-^wi. K«/., pag. g et lo.
-ocr page 389-parties du corps de ranimai, qui auroient d\'autant
moins dû échapper à son attention , qu\'il a été à
portée de voir, ainsi que M. Gordon, un grand
nombre de rhinocéros au Cap de Bonne-Espérance.
Il est probable que ces naturalistes ont fait faire
leurs dessins d\'après quelque peau empaillée , et
les ont fait terminer ensuite par le graveur d\'après
leurs descriptions. Mais il suffira d\'observer que le
rhinocéros d\'Afrique n\'a pas les plis remarquables
et les espèces de cuirasses du rhinocéros d\'Asie,
que ParsoDs, Albinus, Edvv^ards et Buffon ont re-
présenté avec une grande vérité, comme on peut le
voir encore à celui de Versailles. Toutes ces fig-ures
se ressemblent en général, quoique d\'ailleurs les
unes soient plus exactes que les autres, et se trou-
vent même d\'accord avec le dessin que j\'ai fait de
cet animal en 1748. Celle d\'Albert Durer même
offre quelque vérité : il n\'y a que les contours forte-
ment prononcés et les cotes trop senties qui fas-
sent de cet animal un monstre dans le dessin de ce
graveui\', lequel, au reste, n\'a pas oublié les plis
indiqués par Parsons, etc.
La peau empaillée du jeune rhinocéros qui se
trouve dans le cabinet du stadhouder, et celle de
l\'académie de Leide, confirment les observations
faites par Sparrmann et Gordon. J\'ai été long-tems
surpris de ce que ces peaux pussent perdre leurs
phs épais au goinL de n\'en laisser aucun indice aa
con , derrière Jes épaules, etc. ; tandis que , d\'a-
près le témoignage de M. Grew (i), ils sont restés
-si visibles dans la peau empaillée du petit rhino-
ceros d\'Asie, long d\'environ quatre pieds , qui se
trouve au cabinet d\'histoire naturelle de la Société
Royale de Londres.
Quoiqu\'il\'en soit, ces nouvelles observations
serviront à écarter les difficultés qu\'on avoit rela-
tivement aux médailles et autres monumens de
l\'antiquité. Le rhinocéros en bronze qu\'on con-
serve à Cassel (2), a deux cornes et point de plis
lai de cuirassés sur le corps, non plus que celui
de la mosaïque de Palestrine ; mais il est pareille-
ment muni de deux cornes. Il en est de même des
médailles frappées sous le règne de Domitien, que
je donne ici planche V, fig. 4 et 5. Il est donc in-
contestablement prouvé que les anciens ont connu
deux espèces de rhinocéros :
i\'^. Une espèce propre à l\'Asie avec une seule
corne ronde, et avec des cuirasses et plis remar-
qujibles sur tout le corps , tels que Parsons , Al-
binus et Buffon l\'ont représentée.
2®. Une autre à deux cornes applaties, placées
l\'une derrière l\'autre , sans plis ni cuirasses sur le
corps, et qui ne se trouve qu\'en Afrique.
(i ) Mus. Reg. Soc., pag. ag.
(2) Voyez i\'introductian de cette dissertation, pag. 22a.
-ocr page 391-Ces observations, que je puis assurer être exac-
tes , pourront servir à corriger les erreurs qui,
faute d\'être à portée de faire les observations né-
cessaires , se sont glissées dans les ouvrages de
quelques naturalistes.
bu rhinoceros
PLANCHE IV.
Représente la tote du rliinocéros d\'Afrique
à deux cornes, vue de profil et réduite au quart
de sa grandeur naturelle,- mais telle qu\'elle étoit
arrivée du Cap de Bonne-Espérance desséchée et
ridée.
A. B. C. D. la corne antérieure. A. B. C. son côte
fibreux extérieur. C. D. la partie applatie et lisse.
E. F. G. H. la petite corne. E. G. F. la partie
fibreuse. G. H. la partie lisse, laquelle étoit fort
plate et n\'avoit pas plus d\'épaisseur que la corne
de devant, comme cela paroît planche V, fig. i
L M. L. l\'ouverture de la bouche, changée par
-ocr page 393-le dessechenient en une ligne jusqu\'en L.; sinon
elle forme en L. un angle oblus, comme chez les
chevaux.
I. K. le doigt de la lèvre supérieure.
K. M. la large lèvre inférieure.
N. crête de Focciput.
EnO. et ailleurs on voit de petites îoujBPea de poils
rares sur le bord de Foreille.
f i g u 11 e 2.
Représente la tête décharnée ombrée, avec les
mâchoires fermées; tandis que les figures 3 et 4
font voir les deux mâchoires séparées, afin qu\'on
puisse en distinguer plus facilement toutes les
parties.
Représente le contour du crâne avec les mo-
laires.
A. B. C. D. la forme des os nasal, coronal et pa-
riétaux, jusqu\'au bourrelet D. qui entoure Foc-
ciput.
A. B. r. u. base de la corne antérieure.
c. C. s. t. base de la corne de derrière.
E. le condyle de Focciput lequel s\'articule ave<?
la pi-emière vertèbre cervicale.
î. G. S. les apophyses mamilîaire et styliforme.
-ocr page 394-H. I, L. Forigine de Fapophyse de Fos temporal
ave.c ]a cavité dans laquelle s\'emboîte le condyle
©. A. de la mâchoire inférieure fig. 4.
K. le trou auditif.
L, M. N. l\'apophyse ptérigoïdal de Fos sphénoï-
dal. N. le crochet.
K. X. z, f. L. l\'apophyse zygomatique de Fos
temporal.
f. z. W. e.j. a. g. Fos jugal.
O. P. le complementum ou Fos intermaxillaire
de la mâchoire supérieure.
A. 0. la cavité du nez, dont la cloison car-
tilagineuse s\'ossifie avec le tems dans les rhinocé-
ros très-âgés, comme on peut le voir dans les têtes
fossiles qu\'on a apportées de Sibérie.
Q. l\'alvéole osseux de la dernière molaire.
R. l\'apophyse dans lequel s\'insèrent les longs
muscles droits et antérieurs du cou.
G. S. H, /. k, D. l\'os occipital: dans la tête du jeune
rhinocéros, on voit la suture lambdoïde entre l\'os
pariétal et Fos occipital, dans la ligne pointillée
h l
T. le bord raboteux de l\'orbite de l\'oeil, appar-
tenant à Fos coronal.
U, Fos lacrymal, dont le contour se voit en
d. q. b. V. Q^y^
V. le petit condyle osseux entre les deux cor-
nets lacrymaux.
W. ouverture postérieure du capal osseux dans
la mâchoire supérieure, par laquelle passe la se-
conde branche de la cinquième paire de nerfs.
Y. trou duquel sortent les branches de ces mê-
mes nerfs, pour aller se ramifier le long des na-
rjnes et de la lèvre supérieure.
Z. trou dans l\'os palatin qui se prolonge dans la.
fosse nasale, le sphéno-palatin.
■P. b. c. suture entre l\'os coronal et l\'os nasal.
a. b. T. d. e. y. suture qui entoure l\'os la-
çrymal.
h. i. h. l. endroit et bord où s\'attache le muscle
temporal.
l. m. n. o. ligne ponctuée qui indique la cavité
intérieure du cerveau.
y, p. q. sinuosités des deux cornets lacrjrmaux,
qui se réunissent en p., et forment ensuite un seul
cornet lacrymal, qui se décharge dans le nez ,
comme chez plusieurs autres animaux.
r. u. A. B. superficie raboteuse et cercle de îa
base de la corne de devant.
5. t. c. idem de la seconde corne, t. jmpressioii,
des vaisseaux sanguins.
w. V. ligne ponctuée qui indique la suture entre
la mâchoire supérieure et l\'os nasal, telle qu\'elle
se fait voir dans les têtes des jeunes sujets; inaia
qui est entièrement oblitérée ici.
p. y. ligne ponctuée qui indique la suture entre
-ocr page 396-l\'os coronal et l\'os pariétal, également d\'un jeune
sujet,
l suture qui sépare l\'os temporal du pa-
riétal.
/. h. la suture lambdoïde entre l\'os pariétal et
l\'occipital,
W. Z. X. suture de l\'os sphénol\'dal.
I. II. 01. IV. V. VI. VII. les sept molaires de la
mâchoire supérieure.
Il est essentiel de se rappeler que j\'ai indiqué
dans cette tête plusieurs sutures d\'après la tête
d\'un jeune sujet; mais que dans la grande tête de
rhinocéros on ne voyoit absolument d\'autres su-
tures que celles qui se trouvent indiquées dans la
fig. 2 de la planche IV.
f i g u r e 4.
Représente le profil de la mâchoire inférieure,
r, la partie antérieure sans dents. H. A. l\'apo-
physe épineuse,
€), A. tête de l\'articulation. IT. la partie la plus
saillante et la plus épaisse de la mâchoire in-
férieure. V, w\\ deux trous par lesquels passent les
branches du nerf submaxillaire pour aller joindre
la lèvre et le menton,
1. 2. 5. 4. 6. 6. 7- les sept molaires de la mâ-
choire inférieure.
La %. 1 représente la même tête que la %. i
de la plancheIV, mais vue exactement en face, ce
qui fait que la petite ou seconde corne se trouve
cachée parla première; de sorte qu\'elle n\'est pas
visible. La fîg. 2 indique principalement les bases
de la première et de la seconde corne. La fîg. 3,
la tête décharnée, également vue en face.Fig. 4 et
S, les médailles en bronze de Domitien avec leurs
revers.
f i g u r e 1.
Représente la tête de rhinocéros vue en face,
dessinée sur la même échelle que le profil de, la
planche ÏV.
A. B. la vraie distance des orbites des yeux.
A. r. ligne ponctuée qui indique la protubé-
rance des yeux dans l\'animal vivant.
figures.
La partie antérieure de la tête, vue par dessus.
A. B. distance des bords des orbites des yeux.
C. base de la première corne. D. base de la se-
conde corne, avec la matière mucilagineuse et son
élévation.
DU E. H I N o c É R o s , ETC.
Offre la tête décliarnée, rue exactement en face.
A. et B. les os spongieux.
T. le bord raboteux protubérant, ou , suivant
M. Pallas, Pauvent de l\'orbite de Poeil.
O. P. Pos intermaxillaire ou complementum de
la mâchoire supérieure.
■Représente la forme et la grandeur exacte de la
ftiédaille de bronze frappée par le sénat de Rome
en Phonneur de Domitien. Au revers on voit la
figure d\'un rhinocéros bicorne. La bosse placée
sur les reins est un trou corrodé dans la médaille.
Cette médaille est au cabinet du célèbre docteur
Hunter à Londres.
Autre médaille du même empereur, également
en bronze, du magnifique cabinet de M- Duane à
Londres. Les rhinocéros de ces deux médailles
n\'ont ni plis ni cuirasses.
ago
A
DU RENNE.
-ocr page 400-va it Ä
h
A MESSIEURS
PIERRE ET NICOLAS OVENS,
Négocians à Frédérikstad, dans le duché deSilésie.
essieurs,
C\'est avec la plus grande satisfaction cjue je
me rappelle l\'empressement avec lequel vous
avez cherché à soulager les malheureux habi~
tans de la campagne, lorsqu\'en Vépizoo-
tie fit derechef de si grands ravages parmi les
hétes à cornes. Vous ne négligeâtes rien alors de
ce qui pouvoit contribuer à vous convaincre du
succès que devoient avoir les remèdes que nous
avions employés contre ce terrible fléau, dans
les provinces de Groningen et de Fiùse, en of-
frant même de sacrifier un grand nombre de vos
propres bestiaux, d ce zèle louable, afin d\'être
par-là utiles, non-seulement à vous-mêmes, mais
d la société en général.
M
C\'est cl ce même principe généreux cpieje dois
le rènne vivant cjue vous avez bien voulu m\'en-
voyer sur ma demande. Je vous prie d\'agréer,
comme un témoignage public de ma reconnois-
sance, les observations que vous m\'avez mis d
portée de faire, en me procurant cet animal cu-
rieux. Je saisirai avec empressement les occa-
sions d\'employer d\'une manière utile les autres
animaux raj^es cjue vous m\'avez fait parvenir
dans la suite.
En attendant, daignez recevoir avec indul-
gence ce foible hommage littéraire, comme une
marque sincère du souvenir que je conserverai
toute ma vie des bontés cjue vous m\'avez témoi-
gnées , et de l\'estime particulière avec laciuelle
j\'ai l\'honneur d\'être , etc.
Pierre CAMPER.
^isin-Lankum. la iG ocLoùre 1781.
-ocr page 403-De la figure extérieure , et des dimensions de
quelques rennes.
I. E N parcourant toutes les descriptions et en
examinant toutes les figures que nous avons du
renne, il faudra convenir qu\'il est étonnant qu\'un
animal si connu dans le nord de l\'Europe par son
usage et son utilité générale, ait été jusqu\'à pré-
sent si mal observé.
La description que Bulfon a donnée du renne ,
q uoique fort belle sans doute, renferme néanmoins
quelques obscurités que ce grand naturaliste n\'a
pu éclaircir, à cause de la rareté de cet animal.
Le cabinet du roi à Paris ne possède point de tête
entière et moins encore de squelette du renne ;
aussi a-t~on été obligé de se servir d\'uii dessin en-
voyé par M. P. Collinson à Buffon (1), et, qu\'on a
donné planche XII du treizième volume d\'une ma-
nière si imparfaite qu\'elle ne ménle pas , selon
moi, de tenir place dans ce magnifique ouvrage.
M. Allamand, dans ses Additions à V Histoire
naturelle de Buffon, a donné planche IV, une
nouvelle figure du renne , copiée probablement
d\'après celle d\'Edwards, et qui n\'offre rien de par-
ticulier, sinon qu\'elle est plus mauvaise encore,
et fait même peu d\'honneur à notre pays, quoique
d\'ailleurs nos dessinateurs et nos graveurs n\'aient
o
certainement pas à redouter la rivalité des artistes
angloisi
M. Allamand me pria de lui communiquer mon
dessin du renne et les observations que j\'avois fai-
tes sur cet animal; que je lui fis passer, en per-
mettant de faire usage du dessin; mais comme la
gravure que le libï-aire s\'étoit chargé de faire exé-
cuter se trouvoit déjà terminée alors, on s\'en con-
tenta par économie, en y mettant néanmoins pour
signature P. C. advip. del. ^ de sorte qu\'il seroit
assez naturel de prendre ces capitales pour les let-
tres initiales de mon nom; d\'autant plus que M.
Allamand dit, pag. 62 , col. 2 , que je lui ai com-
muniqué mon dessin. Je saisis donc cette occasion
pour déclarer que je n\'ai pas eu la moindre part
(1) Tom. XII) pag. 10g.
-ocr page 405-à cette mauvaise caricature, qui ne ressemble nul-
lement à mon dessin, lequel représente le renne
mort et couché sur le côté. Cependant le libraire
Schneider a fait ôter de la plupart des exemplaires
suirans de cet ouvrage le P. C. ad pip. del.
En 1770, on faisoit voir à Groningen un animal
étranger, ayant le corps d\'un cerf, et la téte
d\'un peau; ce qui me fit soupçonner sur-le champ
que c\'étoit un renne. La tête de cet animal avoit,
à la vérité, une ressemblance éloignée à celle d\'un
veau , sur-tout aux jeux de la multitude, quoique
le daim de Groenland d\'Edwards (1), c\'est-à-
dire, le renne, ait plutôt l\'air d\'un veau que d\'un
daim. Jules-César, comme nous le verrons dans
la suite, a donné au renne le nom de boeuf; ce
qui sert à prouver que c\'est cette grossière analo-
gie qui a le plus frappé les yeux dans cet animal.
§. II. Le renne étant mort à Groningen le i5
février, je le dessinai le lendemain dans l\'espé-
rance que j\'avois d\'en faire l\'acquisition pour le
disséquer et en examiner avec soin les yeux et d\'au-
tres parties; mais cela me fut refusé. Cet obstacle
n\'ayant fait qu\'accroître mon désir de posséder
un de ces animaux pour le disséquer , et sur-
tout pour examiner ïoupej\'ture des paupières su-
(1) Hist. nat. des anim,, tom. I, pag. 5i.
-ocr page 406-périeures , dont parle l\'évêque Pontoppidan , et
sur laquelle j\'avois des doutes; je priai MM. P. et
N. Ovens, négocians à Frédérickstad, de nie faire
parvenir un renne de Laponie par la voie de Dront-
heim; ce qu\'ils voulurent bien exécuter le 21 juin
1771. L\'animal avoit à peine renouvelle son bois,
et avoit beaucoup souffert par les grandes chaleurs
sur mer; de sorte qu\'il me parvint fort foible et
mourut le lendemain de son arrivée chez moi ; ce
qui trompa l\'espérance que j\'avois formée d\'en
faire un bon dessin et de le soumettre à mes ob-
servations.
Ce n\'est donc que couché sur le côté que j\'ai pu
dessiner cet animal; et quoique ce dessin eut assez
bien réussi, il ne me suffit pas néanmoins entiè-
rement , parce qu\'il y manquoit la vie. Je pense
donc que cette figure ne peut guère être plus utile
que celles qu\'on en a publiées ailleurs.
Le caribou que M. Allamand a donné dans sa
planche ÏII, est passablement bien représenté; ce-
pendant le cou et la tête sont trop longs et les jam-
bes trop grêles. Les figures de renne dans les gra-
vures de Ridinger sont pittoresques sans doute;
mais comme elles manquent de vérité , elles ne
peuvent être d\'aucune utilité aux naturalistes.
Je possède encore le squelette de ce renne, le-
quel, quoique beau et rare, n\'est cependant pas
d\'un assez grand prix â mes yeux pour en faire un
dessin exact ; d\'ailleurs , mes planches sont trop
petites pour en donner d\'une manière bien satis-
faisante les différentes parties, et mal représentées
elles ne sauroient être d\'aucune utilité.
Mais comme, en général, les têtes des animaux
conservent, quoique morts, assez bien leurs for-
mes, je donne ici, pl. V, Bg. 6 et 7,celles de deux
rennes que j\'ai dessinées moi-même, afin de pou-
voir mieux concevoir la diiférence des formes et
des cornes. J\'ai pensé anssi que la fausse asserîion
de Pontoppidan exigeoit une exacte représenta-
tion des yeux, ainsi que des pieds, à cause de leur
singularité; mais qu\'il falloit sur-tout donner la
plus grande attention à l\'organe de la voix et à la
poche membraneuse, qui ont un assez grand rap-
port avec ce que j\'ai dit ailleurs de ce même or-
gane dans quelques singes.
J\'ai communiqué mes principales observations
a M, Allamand, qui les a jointes à sa nouvelle édi-
tion de VHistoire naturelle de Buifon, pag. 53,
lequel les a égalem.ent insérées dans le tom. Ill,
pag. et suiv. de son Supplément à VHistoire
naturelle, publié en 1776. Buffon avoit eu aussi,
depuis la publication du tom. XII àa VHistoire
naturelle, l\'occasion de voir à Chantilly un renne
femelle, que le roi de Suède avoit envoyé au prince
de Condé, M. Desève en a donné une figure fort
belle et fort exacte; et quoiqu\'on ait oublié d\'y in-
DU RENNE,
cliquer les poils qui couvrent le nez, elle doit être
considérée comme la meilleure de toutes celles
qui ont paru jusqu\'à présent de cet animal, ainsi
qu\'on peut le voir planche XVIII et pag. i52 du
tom. III des Supplémens.
M. le comte de Mellin (i) a donné une figure
coloriée du bouc, c\'est-à-dire, du renne mâle;
laquelle, quoique d\'un dessin peu correct et mal
gravée, a cependant un grand caractère de vérité,
et mérite d\'autant plus d\'éloges qu\'elle a été des-
sinée et gravée par M. Mellin lui-même. On trouve
aussi plusieurs observations curieuses dans sa des-
cription , quoiqu\'elle soit presque totalement co-
piée de celle de BulFon.
III. Le renne que j\'ai vu à Groningen étoit
de même que celui que M. Allamand a décrit,
pag. 01 et 52, un mâle d\'un poil fourni particu-
lièrement sur les flancs , sur les épaules , sur la
partie inférieure du cou et sur les cuisses. Le
poil du corps étoit doux comme celui de tous les
cerfs, mais celui des jambes étoit long, lisse et
épais. Le museau, c\'est-à-dire, le nez et le men-
ton étoient noirs. Le nez, que la plupart des ani-
maux qui ruminent ont sans poil, en étoit chargé;
(i) Mcmoircs de la Société des Curieux de la nature à Berlin ,
tom. 1. 1781.
de manière qu\'on n\'y appercevoit nulle part une
peau lisse. Le cou étoit court et épais, et les jam-
bes n\'étoient pas longues.
Longueur du corps prise depuis le bout du
museau jusqu\'à la naissance de la queue. 4 8
— depuis le cou jusqu\'à l\'origine de la
queue.......................... 5 x
— de la tête........................ i
— des cornes.. ,.. .................. i
—• du cou et de la tête................ i y
Hauteur du train de devant.......a 6
— de derrière...................... 5 2
Circonférence du corps............... 4 a
IV. Le renne envoyé deNorwège parDront-
heim étoit aussi un mâle, fort affoibli, comme je
i\'ai déjà dit; cependant il mangea avec appétit de
l\'herbe , du pain et quelques autres choses qu\'on
lui présenta, et but ensuite copieusement. Le chan-
gement de climat et la chaleur ne semblent pas
avoir, été les seules causes de sa mort; car je trou-
vai un ulcère considérable entre le bonnet ou
deuxième estomac et le diaphragme.
Sa mort fut lente et accompagnée de fortes con-
vulsions , qui étoient tantôt universelles, tantôt
uniquement visibles à la tête : les yeux sur-toùt en
souffrirent beaucoup. J\'ai remarqué de pareils spas-
mes chez d\'autres animaux, particulièrement chez
des phoques, dont j\'en ai eu plusieurs en vie. Sui-
vant MM. Ovens, qui m\'avoient envoyé ce renne,
il étoit âgé de quatre ans; cependant il n\'avoit pas
atteint toute sa croissance, car les os de son sque-
lette olfroient encore les épiphyses, qui sont des
marques certaines de jeunesse.
Le poil du corps étoit brun, mêlé de noir , de
jaune et de blanc ; celui du ventre et sur-tout des
flancs étoit blanc avec des taches brunes, comme
chez toutes les bêtes fauves. Les jambes étoient
d\'un jaune foncé; la tête tiroit sur le noir. Le poi-
trail et le cou avoient un poil fort épais et long.
Par la comparaison de la couleur, il paroît que ce
renne dilféroit beaucoup de celui qu\'a décrit Hoif-
berg(i), dont les museau étoit blanchâtre. La
description que cet écrivain a donnée du renne
est fort détaillée et digne d\'éloges. Le renne dont
je parle ici dilféroit aussi beaucoiip par le pélage
-de celui dont M. le comte de Mellin a donné un
dessin colorié.
pieds pouc.
Longueur de la tête depuis le bout du mu-
seau jusqu\'à la nuque du cou........ i »
(j)Linn., Amoen, Acad. y tom. III, pag, 14g. .
-ocr page 411-Hauteur verticale de la tête le long de l\'or-
bite de l\'œil......................» 8
Longueur des oreilles................ )) 5
Largeur du cou..................... » 8
Longueur depuis la pointe de l\'épaule jus-
qu\'au - dessus de la tête près de l\'orbite
de l\'œil. ........................ 1 4
— du corps depuis la pointe de l\'épaule
jusqu\'à l\'extrémité de l\'ischion....... 3 6
— de l\'omoplate.................... 1 »
— de l\'os du bras.................. , )> j j
— de l\'avant-brâs................... 1 ji
■— du canon........................ » g
— de l\'extrémité du sternum jusqu\'au
membre génital................... 2 j.
Hauteur du corps................... 1 6
— du train de devant................. 3 »
Distance depuis le condyle de l\'ischion jus-
qu\'à la rotule..................... i 4
Longueur depuis la pointe de l\'ilion jus-
qu\'au genou..................... 1 4
— de l\'os de la jambe . ......... .,,. 1 »
— du talon jusqu\'au pied.. 1 w
depuis le bout du museau jusqu\'à l\'anus. 5 »
Largeur de la poitrine de côte à côté.... 1 )>
Me trouvant alors à Groningen, je me servis de
-ocr page 412-la mesure de celle ville, qui est la même que celle
de Frise et d\'Overyssel, connue à Amsterdam sous
le nom de pied de Deventer : elle porte exactement
sur le pied un pouce de moins que le pied de Pa-
ris, c\'est-à-dire, que douze pouces de Groningen
sont égaux à onze pouces de Paris.
Les dimensions de ce renne s\'accordent assez
avec celles que d\'autres écrivains ont données de
cette espèce.
pieds pouc.
La tête du renne décrit par Daubenton (i)
avoit . . ......................... 1 ^
— de celui de Drontheim............. i 2
— du premier que j\'ai vu............. ^ ~
— qui m\'a été envoyée d\'Arendal....... 1 2
La hauteur du premier étoit suivant le
§.IU........................... o 2
— du dernier suivant le lY.......... 5 )>
— de celui qu\'Edwards a mesuré....... o )>
— de celui de Hoffberg, ehle........ 5 ))
Le corps I ehle, ou comme dans le nôtre. 1 6
Le même M. HolFberg dit que la longueur de
l\'animal étoit de deux ehlen, environ quatre pieds
quatre pouces, savoir, depuis les cornes jusqu\'à
l\'anus ; ce qui s\'accorde assez avec la longueur
(i)ïom.XII, pag. i32.
-ocr page 413-DU HENNE. 5o5
de mon renne. On peut par conséquent prendre
les mesures que j\'ai données pour les mesures gé-
nérales des rennes apprivoisés. Suivant Holfberg
les rennes sauvages sont plus grands (i). Cepen-
dant cette différence ne sera pas si considérable, si
Ton admet que le renne que j\'ai reçu de Dront-
heim, et dont je donne ici les dimensions, n\'avoit
pas encore atteint toute sa croissance.
§. V. Le poil qui couvroit le corps étoit si fra-
gile qu\'il se cassoit transversalement dès qu\'on le
tiroit un peu. Il étoit ondoyé, et vu au microscope
sa substance ressembloit assez à celle de la moelle
du jonc dont on fait des nattes. Mais le poil de la
tête, du bas du cou et des jambes , jusqtt\'aux on-
gles, n\'avoit point cette fragilité; il étoit, au con-
traire , comme celui des boucs , lisse , grossier et
pour le moins aussi fort,
La fragilité du poil du renne ne semble avoip
été remarquée que par M. Holfberg seul 12) : a Le
« poil, dit-il, ne se laisse pas arracher avec les ra-
te cines, mais se casse en laissant les bases dans la
« peau. »
Il paroît que le renne mue tous les ans, comme
la plupart des animaux; mais je n\'ose me hasarder
(1) Linn., Ainosn, Acad., tom. III, pag» i5o-
-ocr page 414-à en fixer le tems, parce qus la robe du dernier ,
mort en juin, étoit, pour ainsi dire, aussi fournie,
que celle du premier qui étoit mort en février.
g. VI. Je ne puis rien déterminer non plus sur
la longueur de k vie du renne , si ce n\'est qu\'il
doit parvenir à l\'âge de seize ans, parce qu\'il met
quatre ans à atteindre toute sa croissance, quoi-
que cependant les épiphyses restent encore quel-
que tems après. Ce calcul, que j\'ai pris de Bulfon,
s\'accorde parfaitement avec celui de M. Hoffberg
qui remarque (i) que le renne ne vit guère au-
delà de quinze à seize ans.
VIL Les intestins étoient exactement sem-
blables à ceux du daim. Il n\'y avoit point de vé-
sicule du fiel. Les reins étoient lisses et sans divi-
sion ; les poumons étoient grands ; la trachée-artère
■^foit extrêmement large.
" Le coeur , qui étoit d\'une grandeur médiocre ,
ne contenoit, comme celui du daim, qu\'un seul
osselet. Cet oSâfelet soutient la base de la valvule
sémi-lunaire de l\'aorte, au-dessus de laquelle les
artères coronaires du cœur prennent leur origine.
Ce même osselet donne également de ia fermeté à
ia cloison membraneuse qui est entre les deux^-
(i) Ibid., pag. i6o.
-ocr page 415-îîus du cœur, et à la base de la valvule triglochine
du ventricule droit. J\'aurai occasion de décrire ail-
leurs la véritable place de cet osselet ; j\'ai même
déjà rassemblé pour cela beaucoup d\'observation«
et de dessins.
Du climat sous lequel on trouve te renne y
d\'un passage difficile de la Guerre des Gaules
de Jules-César.
§. L Si l\'on consulte la description succinte que
Linnseus (i) a donnée du renne, on verra que les
climats les plus convenables à cet animal sont le
nord de l\'Europe, de l\'Asie et de l\'Amérique; mais
qu\'il préfère sur-tout les montagnes couvertes de
neiges éternelles. M. Hoffberg (2) adopte en cela
le sentiment de son maître, et c\'est en Laponie
qu\'il place principalement le renne; U ajoute que
(1) Syat. nat., edit. XII, Cervi. sp. 4, pag. gS^f,
(a) Linn., Amoen. Acad., tom. Ill, pag. 148,
5o8 DU R K M N Ê.
ceux qui vivent dans l\'état sauvage habitent pen-
dant l\'été les hautes montagnes et les vallées du-
rant l\'hiver.
L\'évêque Pontoppidan (i) se joint à ces deux au-
teurs, et prétend même qu\'ils ne propagent nulle
part ailleurs, comme il le prouve par un grand
nombre d\'exemples. Bufîbn (2) leur assigne égale-
ment les contrées septentrionales, sous le cercle
polaire et même au-delà en Europe, en Asie et
en Amérique; on les retrouve même, dit-il, dans
cette dernière partie du monde, à de moindres la-
^titudes, parce que le froid y est plus grand qu\'en
Europe. Zimmermann (3) pense que Buifon a don-
né une demeure trop circonscrite au renne, parce
que, suivant le célèbre professeur Pallas, on en
trouve en Tartaric, sous le 60^. degré de latitude
septentrionale. Gmelin en a rencontré dans le pays
des Tongouses, sous le 56®. degré ; et même au
Spitzbergen, sous le 80®. degré.
En Amérique, et particulièrement au Canada,
le renne est connu sous le nom de caribou; et on
l\'y trouve au 4o®. degré; voilà peut-être la raison
pourquoi le caribou a vécu neuf à dix mois dans
le parc du duc de Richmond, comme il paroît par
(1) Versuch einer nat. hist, von Norwegen, Iltheil, pag, ai.
(3) Pag. 89.
<3) Spec. xool. geogr., peg- »85.
-ocr page 417-la description de M. Allamand (i), qui y a joint
la figure de cet animal, d\'après le dessin qui lui
en avoit été envoyé par ce seigneur anglois. >
II. Ils périssent sans propager dans tous les
pays du monde à l\'exception de ceux du Nord ,
comme Buffon (2) 1-e prouve par le témoignage de
Stenon, qui dit expressément qu\'on ne peut les
conserver en vie dans le Holsteih. et dans le Bran-
debourg; Regnard assure la mèmè chose relative-
ment à la France; et ajoute que quatre-de ces ani-
maux qu\'on avoit transportés à Dantzig, en 1747,
y sont morts sans propager.
Cependant Buffon assure (5) qu\'on trouvoit des
rennes en France, du moins dans les hautes mon-
tagnes, telles que les Pyrénées, parce que Gaston
Phoebus, qui demeuroit dans leur voisinage, a dé-
crit la manière de chasser un animal chevillé qu\'il
appelle rangier ou ranglier, nom que Buffon fiiit
dériver de celui de rangifer, et qu\'il prétend être
le même que le renne. Gaston ajoute cependant:
« Il va en rut après les cerfs , comme font les
« daims; » ce que les rennes, qui sont d\'une autre
race, ne font jamais. D\'ailleurs, Ménage remar-
{\\)Hist. nat., tom. III, pag. 5o , pL III, Suppl.
(2) Pag. 97 et 98.
(3) Fag. 85.
-ocr page 418-que dans son Dictionnaire , que ce n\'est pas dans
les Pyrénées, mais bien dans la Mauritanie que
Gaston a vu des rennes. Les quatre-vingt cors que
Gaston donne à leurs cornes rendent son témoignage
ïtssez suspect. Cependant la dèseription de Gaston,
que le comte Mellin cite littéralement page 7, me
paroît prise de quelqu\'autre écrivain, et singuliè-
rement embellie. Mais pour donner néanmoins
quelque vraisemblance à ces conjectures , Buffon
et Mellin cherchent à les appuyer de l\'autorité de
Jules-César, dont je vais examiner le passage qu\'ils
citent à ce sujet.
III. Jules-César dit (expressément : « La forêt
« de Hercynie nourrit plusieurs bêtes sauvages in-
« connues. — Il y a des boeufs de la figure d\'un
« cerf, qui ont au milieu du front, entre les deux
« oreilles, une corne, plus grande et plus droite
C( que celle d\'aucun autreanimal qui nous soit con-
«nu, et dont le haut se ramifie au loin en plu-
« sieurs branches, de la même manière que nos
« doigts sortent de la piaume de la main. Les fe-
« melles sont de la même nature que les mâles ;
« elles ont la même figure que lui et des cornes
« également gcandes (iJ... ))
(0 Mullain ea genera ferarnm nasci\'—est bos cervi Jlg«-ra ,
iirjus a media fronte inter awrw Bnuhi cornu existit exccisius
Quoique César ne parle ici, à la vérité, que
d\'une seule corne, il paroît, par le tableau exact
qu\'il fait des femelles qu\'il ne peut avoir eu en vue
d\'autre animal que le renne. J. Vossius est cepen-
dant arrêté par les mots unum et pense que
César a par conséquent voulu parler d\'un animal
inconnu ; mais les copistes peuvent avoir altéré ce
passage, ou bien César, trompé par le rapproche-
ment des cornes, qui ne sont pas à une aussi gran^
de distance l\'une de l\'autre que dans le cerf, peut
dans l\'éloignement les avoir pris pour une seule et
même corne. Il est certain du moins que dans la
grande famille des cerfs, il n\'y a pas de biche qui
ait des cornes, excepté la biche ou femelle du
renne , qui, comme le mâle , jette son bois tous
les ans.
La plus grande dilHiculté que les naturalistes
aient trouvé dans ce passage a été de déterminer
dans quelle partie de l\'Europe il faut placer la fo-
rêt de Hercynie appelée le Hartz.
magîsque directum his, quae nobis nota sunt, cornibus, ab ejus
summo siciit palmae, rami quam late diffunduntur, Eadem est
feminae marisqt^e nàtura, eademforma, magnitudoque cornuum.
-De Bella gallico, lib. VI, pag. 235, ed. Grœv. 1713 ,
En relisant plus attentivement ce passage, il m\'a semblé que Cé-
sar doit avoir écrit, inter auresgeminum cornu., etc.; par cette
leçon on leveroit les difficultés qui embarrassent le fond de la
question, et ce qui regarde le nombre des eornes, dont je parlerai
dans !a suite.
Comme le renne ne peut vivre aujourd\'hui à
Dantzig, et que la forêt de Hercynie est située en-
core beaucoup plus au sud, on ne sauroit douter,
suivant quelques écrivains, que la partie méridio-
ïiale de l\'Europe n\'ait été, il y a plusieurs siècles ,
beaucoup plus froide et plus sauvage qu\'elle ne
l\'est aujourd\'hui; de sorte que les rennes ont quitté
ces contrées à mesure que la chaleur y est devenue
plus grande, et se sont retirés vers la Sibérie, vers
la Lapponie et ailleurs.
Buffon s\'arrête avec complaisance à cette idée,
que M. Zimmermann (i) adopte également d\'après
lui. Buffon va même plus loin : il prétend prouver
par-là que l\'intensité du froid n\'étoit pas moins
grande anciennement à Paris que ne l\'est celle qu\'on
éprouve aujourd\'hui au Canada.
Cette supposition paroît au premier coup-d\'oeil
ne point s\'accorder avec l\'hypothèse hardie de la
chaleur ardente de la terre, à laquelle il ne fallut
pas moins de soixante-seize mille ans pour se re-
froidir au degré d\'être habitable pour les hommes
et pour les animaux. La France devoit donc être
un climat infiniment plus chaud du tems de César,
et par conséquent moins convenable pour le renne
qu\'elle ne l\'est de nos jours. Mais un philosophe
doué d\'une imagination aussi féconde, d\'une scien-
<3) Spec, zool. geogr., pag. 283.
-ocr page 421-ce aussi étendue que BufFon, trouve facilement les
ressources nécessaires pour écarter les difficultés ,
comme on peut s\'en convaincre par ce passage des
Epoques de la Nature (i): « Le sol de la France
« étoit en lui-même beaucoup plus chaud qu\'il
« n\'est actuellement; mais sa superficie étoit, com-
« me celle de l\'Allemagne, couverte de bois , de
« marais; les rivières sortoient souvent de leurs
«lits, et la terre elle-même étoit sauvage et in-
(C culte. Aujourd\'hui, au contraire, les bois ont
« été abattus, les marais desséchés et la terre a été
(C cultivée et peuplée. Voilà donc les raisons pour-
« quoi la chaleur de ce pays est redevenue assez
« grande pour ne pas permettre aux rennes , aux
« élans, aux loups-cerviers, aux ours, d\'y séjour-
« ner, comme du tems de Jules-César. » Bulfon
cite, comme une preuve convaincante de cette
assertion, l\'exemple de Cayenne et particulière-
ment de la Pensylvanie (2). Voilà la manière dont
on raisonne quand on ne considère les choses que
d\'un seul côté.
g. IV. Le seul moyen de donner quelque soli-
dhé à ces conjtictures, éroit, selon moi, de con-
sulter les anciens géographes. Ph. Cluvier, qui
(1) Epoq VI , pag. 240.
(!?) Pag. 597.
BU HENNE,
a si parfaitement connu l\'ancien monde (i), peut
nous tirer sur-le-champ d\'embarras, en nous prou-
vant que par la forêt de Hercynie, César enten-
doit non-seulement le Hartz de nos jours , mais
tout le Brandenbourg, la Prusse, la Pologne , la
Liihuanie, la Russie et laMoscovie. Cela se trouve
confirmé par Pomponius Mêla (2), qui donne une
longueur de soixante jours de marche à la forêt
de Hercynie. Cluvier raisonne par conséquent juste
sur ce sujet (3); et il ajoute, qu\'on ne doit donc
pas s\'étonner qu\'il y ait eu du tems de César , de
Pline et de Solin , plusieurs bêtes sauvages dans
cette forêt qu\'on ne trouve plus de nos jours en
Allemagne, excepté les chevaux.
Tous les anciens écrivains ont placé le renne
dans la Scythie, dont ils n\'indiquoient point les
bornes, ainsi que nous l\'assure Saumaise d\'après
un passage de Théophraste (4). Pline donne égale-
ment le nom de Scythie à toute la partie septen-
trionale de l\'Europe, jusqu\'à la région où com-
mence le chaud Orient (5); et sous la forêt de Her-
cynie, il comprend toute l\'Allemagne, la Polo-
(1) Oermania antiquaL. B. anno 1616, lib. III, c. 47, p, 2,3.
(a) Lib. III, cap.5.
(,Z)lbid., pag. 316.
(4) Plin. exerc. in. Solin., pag. 276.
Lib> VI, cap. >4) pag- 5og.
gne, la Lkonie, eîc., depuis la Vîstule jusqu\'à la
Meuse (i). Il n\'est donc pas étonnant qu\'on trouve
encore de nos jours des rennes en Lapponie , en
Sibérie, en Moscovie, comme anciennement et du
tenîs de César; car, en effet, ces animauxïi\'on|
pas changé de climat. D\'ailleurs, les anciens fai-
soient alors ce que nous faisons aujourd\'hui, ils
donnoient à toute cette vaste contrée , qui leur
étoit entièrement inconnue, le nom de désert ou
forêt de Hercynie ou Scythie; de même que nous
donnons le nom d\'Indes Orientales à toute la par-^
tie inconnue du sud de l\'Asie , et celui d\'Indes
Occidentales à celle de l\'Amérique que nous ne
connoissons pas encore.
CependantCluvier s\'écarte, selon |ûoi, un peu
de la vraie route, quand il dit que ce n\'est pas le
renne que César a voulu désigner par l\'animal en
question, mais le bison de Pline et deSolin(2).
« Comment, dit-il,Césarpouvoit-il donner le nom
« de bœuf à cet animal, qui avoit la figure et les
« cornes du cerf? Voilà ce que je ne comprends
cf nullement. )) Cluvier Fauroit néanmoins com-
pris facilement, s\'il s\'étoit seulement rappelé que
Jes Grecs ainsi que les Romains donnoient le nom
de boeuf à tous les animaux qui leur étoient incon-
(i ) Lib. IV, cap. 38 , pag. 22»«
(2) Pag. a 17, lin, 4«?. E>.
nus , ponv peu qu\'ils eussent la grandeur de cet
animal. Ne connoissoient-ils pas le rhinocéros sous
la dénomination de bœuf d\'Ethiopie, et l\'éléphant
sous celle de boeuf de Lucanie? comme on peut
le voir chez Pausanias et Lucrèce. Nous appelons
bodufs marins, lions de mer, cheval marin , etc.,
certains animaux étrangers ou inconnus,sans qu\'ils
aient d\'autre analogie avec ceux auxquels nous les
comparons, que celle de leur grandeur réci-
proque.
. §. V. Ce n\'est que long-tems après Jules-César
qu\'on paroît avoir donné le nom de tarandus à ce
singulier animal. Pline l\'appelle ainsi (i) : « Le ta-
rand ou renne des Scythes change aussi de cou-
« leur; et il n\'y a point d\'autre animal à poil qui
(C ait cette propriété. ■— Le tarand est de la gran-
c( deur d\'un bœuf ; sa tète ressemble à celle du
« cerf, mais elle est plus forte; ses cornes ontbeau-
« coup de branches; ses pieds sont fourchus, et son
« poil a la longueur de celui de l\'ours. » En com-
parant à ce passage la remarque de Linnseus ou de
son disciple Holfberg, il sera facile de compren-
(i ) Mutât colores et Scjtharum tarandus, nec aliud ex ils, quae
pilo vestiuntur. — Tarando magnitudo, quae bovi; caput majus
cervino , nec ab simile : cornua romosa, ungitlae bejidae, villus
magnitudine ursorum. Plin., lib\' VIII, cap. 5a.
1) u HENNE. "ùxrj
dre Pline. M. Holfberg dit(i): « Immédialement
« après la mue, le pelage du renne est d\'un jaune
« foncé ; il blanchit vers la canicule, jusqu\'à ce
« qu\'il soit devenu à peu près entièrement blanc. )>
Le comte Mellin fait la même observation, avant
de passer à la description de son renne représenté
avec sa robe d\'été. Personne n\'ignore d\'ailleurs au-
jourd\'hui que les lièvres sont pendant l\'hiver en-
tièrement blancs en JNorwège, en Suède et dans la
partie septentrionale de la Russie.
H y avoit une ridicule tradition parmi les an-
ciens, que le renne pouvoit prendre , comme le
caméléon, toutes sortes de couleurs. (( Comme le
« tarand, dit Pline (2), est craintif, non content
« de se cacher, il contracte au besoin la couleur
« des arbres, des plantes, des fleurs et des dilîé-
« reus lieux où il se cache. » ^lien dit la même
chose (5) : « Le renne ( tarandus ) change conti-
<( tinuellement son pélage, et prend une infinité
« de couleurs, au grand étonnement de ceux qui
« le regardent. )>
Les remarques de Holfberg et du comte Mellin
sur la variation des couleurs du renne , peuvent
(1) Lian., Amoen. Acad., tom-III, pag. 149.
(2) Colorem omnium arborum , fnicticum , fhrum, locorumi
^ue reddit.
(3) Hist. anim., îib. II, cap. 2.
-ocr page 426-servir^ je pense, à nous faire connoître Torigine
<ie cette ancienne fable.
La comparaison du poil du renne avec celui de
Fours, que nous trouvons dans Pline, est assez
bonne; car il est incontestablement fort long , et
même plus long que celui d\'aucune espèce de cerf.
Mais il faut lire Solin pour avoir une description
plus pompeuse encore de cet animal. « L\'Ethiopie
« produit aussi le renne, de la grandeur d\'un bœuf.
a avec des pieds fourchus, des cornes branchues,
« la tête d\'un cerf et la couleur d\'un ours, dont il
« a aussi la longueur du poil. On assure que la
<c peur fait changer la couleur du renne , et que ,
« lorsqu\'il se cache, il prend celle des objets qui
« Pentourentr^ soit blanc comme le marbre , soit
a verdâtre comme un arbuste, soit de telle nature
« que ce puisse être. La même chose a lieu chez
« les seiches en mer et chez les caméléons sur la
« terre. Mais ce qu\'il y a d\'étrange et de singulier,
« c\'est qu\'un poil aussi rude puisse prendre ces dif-
« férentes couleurs (i). »
(i) Mittit (AEthi^pia) et larandum boum magnitudine , bi-
fulco ■vestigio ^ ramosis cornibus , capile cervino , ursino colore,
et pariter villo prof undo. Hune tarandum affirmant habiium me tu
vetere, et cum delàescit, fie/1 assimilem cuicumque reîproxima-
verit, siçe illa sUxo alba sil seu frutecto virens , sive qiiam aliam
praeferat qualitatem, Faciunt hoc idem in mari polypi ^ in terra
cameleontes.\'~ In hoc novum est, et singulare, hirsiitiam pili
f-oloriim vicesfacere. Cap. 3o, pag, ^i. D—E,
Saumaise avoit déjà remarqué que c\'étoit mal à
propos que Solin avoit placé Its renne en Ethio-
pie (1); tandis que tous les anciens écrivains ne lui
donnoient que la Scythie pour demeure.
A mesure qu\'on est parvenu à mieux connoître
les habitans du Nord, et que ces peuples sont de-
venus plus policés, on a peu à peu démembré de
la Scythie, la Norwège, la Suède et la Russie, pour
ne laisser ce nom qu\'à cette partie de la Tartaric
où l\'on ne trouve pluii de rennes aujourd\'hui, com-
me il n\'y en avoit également point autrefois, pour
les raisons que j\'ai alléguées au §. IV, d\'après l\'au-
torité des anciens et de Cluvier.
VI. Je conclus donc, qu\'anciennement le
renne et le caribou étoient, comme ils le sont en-
core de nos jours, des animaux destinés à habiter
des contrées froides , couvertes de neige et de
mousse ; et que , comme le caribou se trouve en
Amérique déjà au degré, et en Tartaric au
5o®. degré de latitude septentrionale, ces climats
doivent être , pour des raisons qui nous sont in-
connues, plus froides que les climats d\'Europe qui
se trouvent sous la même latitude; mais nullement
que la France et les pays circon voisin s soient au-
jourd\'hui beaucoup plus tempérés qu\'ils ne Fé-
<0 Exerc, Plin. in Solin., pag. 276. E—F.
-ocr page 428-toient du teois de César, ou qu\'il y régnoit alors
une intensité de froid assez grande pour qu\'ils pus-
sent servir de retraite au renne.
Je vais maintenant quitter ces recherches et m\'oc-
cuper de l\'animal même, auquel la nature a donné
pour se garantir du froid un nez couvert de poil,
et une peau forte et épaisse. Sa tête est garnie de
cornes, non-seulement pour servir à sa défense ,
mais pour fouiller aussi sous les neiges épaisses aiin
de déterrer cette mousse blanche qui croît abon-
damment en Lapponie et dans les autres climats
froids.
Le renne ne souffre de la faim que lorsque la
neige, arrosée par de fortes pluies, couvre la mousse
d\'une croûte épaisse de glace, que ne peut briser
ni ia force de ses pattes , ni celle de ses cornes ,
ainsi que l\'a fort bien remarqué Hoffberg (i) , et
comme je le dirai plus amplement au chapitre IV.
(i) Linn., Amoen. Acad., tom. UI, pag. i52.
-ocr page 429-Comparaison des deux têtes de renne, et de la
rumination de cet animal.
I. En comparant ensemble les deux têtes, fîg.
6 et 7 de la planche V, on s\'appercevra facilement
que le profil de Frne, fig. 6, est plus évasé depuis
les cornes jusqu\'au museau, que dans la fig. 7; et
que le museau du premier est aussi plus arrondi;
que les oreilles, au contraire, sont plus pointues
dans le second.
Les naseaux diffèrent également un peu; cepen-
dant ils sont tels que les a décrits M. Holfberg (1),
c\'est-à-dire, qu\'ils sont oblongs et placés oblique-
ment.
La différence du poiLen longueur et couleur dé-
pendoit de la saison de l\'année, ainsi que je l\'ai
remarqué.
(1) Ibîd,, pag, i5o.
I. 21
-ocr page 430-Afin de conserver une idée bien exacte de ce
rare animal, j\'ai fait un dessin grand comme na-
ture de la tête du dernier que j\'ai eu, pris exacte-
ment en face, lequ el permet d\'appercevoir distinc-
tement sa ressemblance avec la tête du boeuf ou
du veau; mais comme ce dessin ne peut être ici
d\'aucune utilité je n\'ai pas cru nécessaire d\'en
charger cet ouvrage.
g. II. Ainsi que tous les autres animaux rumi-
nans, le renne n\'a point de dents à la partie an-
térieure de la mâchoire supérieure; mais bien deux
dents canines, qui ont été remarquées par Dau-
benton (i). Dans la seconde tête, ces dents n\'a-
voient pas encore percé ; mais elles étoient fort ap-
parentes dans la troisième tête qui m\'avoit été en-
voyée d\'Arendal; cependant elles sont fort petites.
Linnseus et Hoffberg, malgré l\'importance qu\'ils
attacboient aux dents, au point même de vouloir
établir d\'après elles leur classification , n\'ont ce-
pendant rien dit de celle du renne.
Dans les deux têtes dont je donne ici les des-
sins , j\'ai compté six molaires à la mâchoire supé-
rieure , et autant à l\'inférieure ; par conséquent,
vingt-quatre è\'n tout, qui ressemblent parfaitement
k celles du cerf.
(i)Pag,
-ocr page 431-III. La mâchoire inférieure contient huit
dents incisives fort petites etisolées. Cette mâchoire
est, comme chez le cerf, chez le chameau et chez
les autres animaux qui ruminent, beaucoup plus
étroite que la mâchoire supérieure; et cela de la
largeur entière d\'une molaire.
Dans mes leçons sur l\'épizootie, j\'ai établi com-
me un véritable caractère distinctif des animaux
ruminans cette différence dans la largeur de la
mâchoire inférieure et des molaires. Mais comme
depuis ce tems-là je n\'ai rien négligé pour m\'ins-
truire sur tout ce qui tient à la conformation des"
animaux, j\'ai trouvé que la mâchoire inférieure du
cheval, de l\'âne et du zèbre est également plus
étroite que la supérieure; qu\'ils ont par conséquent
cela de commun avec les animaux qui ruminent.
Je crois donc, comnie ami de la vérité, devoir faire
connoître la fausseté de cette assertion, et déclare
qu\'il n\'y a que la disposition des quatre estomacs
dans les animaux qui ruminent, soit qu\'ils aient
les pieds fourchus ou non fourchus, comme le
chameau, qui puisse nous servir à reconnoitre cette
propriété, et que le peu de lai\'geur de la mâchoire
inférieure des chevaux, des vaches, des cerfs, des
moutons, eîc., ne paroît être destinée qu\'à mieux
broyer les alimens, par un mouvement moins la-
téralement en dehors.
Le cheval, l\'âne et le zèbre broyent beaucoup
-ocr page 432-leurs alimens avant de les avaler ; tandis que le
bœuf, le cerf, le chameau, le renne et autres
semblables animaux ne font que mâcher fort gros-
sièrement leur fourrage pour la déglutition , et
continuent de manger jusqu\'à ce qu\'ils aient suf-
fisamment viandé. Ensuite ils ruminent par parties
cette même nourriture ; et quand elle est bien
broyée entre les molaires, ils la portent immédia-
tement dans le feuillet ou troisième estomac, ainsi
que je l\'ai expliqué amplement dans mes leçons
sur l\'épizootie.
Quoique quelques personnes aient prétendu que
le renne ne rumine point, cela se trouve si bien
démontré aujourd\'hui par Linnseus, Pontoppidan
et autres écrivains, qui ont eu l\'occasion d\'obser-
ver journellement cet animal, que cette assertion,
ne mérite point d\'être réfutée.
Je n\'ai pu observer la rumination dans le renne
que MM. Ovens m\'avoient envoyé, parce qu\'il étoit
trop foible quand je l\'ai reçu, et mourut peu de
tems après. Mais je puis dire avec vérité que les
bêtes à cornes cessent de ruminer aussitôt qu\'elles
sont malades, de quelque espèce que puisse être leur
maladie ; de sorte que le bœuf peut cesser de ru-
miner sans que cela indique néanmoins qu\'il soit
attaqué de l\'épizootie qui règne actuellement.
Je conserve les quatre estomacs de mon renne
gonflés et bien vernis, afin de faire voir à ceux qui
le désirent la grande conformité qu\'ils ont avec
ceux des cerfs et autres animaux de cette espèce,
et de prouver en même tems par-là que cet ani-
mal rumine.
Des comes du renne.
g. I. J\'ai déjà remarqué que les rennes diffèrent
de tous les autres cerfs en ce que les femelles ont
des cornes comme les mâles et qu\'elles jettent éga-
lement leur bois tous les ans. Ceux qui ont eu oc-
casion d\'examiner de près ces animaux convien-
nent de ce fait; ils ajoutent seulement que les cor-
nes des femelles , ainsi que tout leur corps, sont
plus minces et plus déliées que celles du mâle. Les
mâles jettent leur bois immédiatement après la
saison du rut, c\'est-à-dire, à la fin de novembre,
suivant M. Holfberg (i); celui des femelles tombe
déjà au commencement du même mois, en le con-
(i) Linn., Amoen. Acad., p?îg. i5o.
-ocr page 434-servant néanmoins jusqu\'à ce qu\'elles aient misbas ;
mais lorsqu\'elles ne produisent pas elles perdent
leur bois en hiver; et cela est si constant parmi
ces animaux, que les Lappons jugent par-là si elles
portent ou non.
§•11. Ce ne sont pas seulement les femelles qui
jettent leur bois, comme les mâles; mais ceux m.ê-
me qui ont subi la castration, ainsi que nous l\'ap-
prend , entre autres, M. Hoffberg (i); mais ces
derniers perdent leur bois plus tard, et rarement
avant le mois de janvier ; quelquefois cependant
plutôt, suivant qu\'ils sont plus ou moins vigou-
reux. M. Holfberg contredit en cela Scheffer et
Hulden ; et il assure aussi qu\'il n\'est pas vrai que
le renne se cache quand il a perdu ses cornes.
Buffon (2) pense que les parties qui servent à sé-
parer le superflu de la matière nutritive ne sont
pas tout-à~fait détruites par cette castration, parce
que les Lappons n\'amputent pas les testicules au
renne, mais ne font que les bistourner, en com-
primant avec les dents les vaisseaux qui y abou-
tissent; de sorte qu\'ils sont bien incapables de pro-
duire, sans que cela nuise à la totale reproduction
des cornes.
(i) /biW., pag. i5oet 167.
10a.
Il est certain que les Lappons font cette opéra-
tion de la manière que le rapporte Buffon; et Hofï-
berg (1) le confirme par son témoignage; cepen-
dant il ne paroit pas vraisemblable que le renou-
vellement des cornes dépende d\'un foible reste de
matière prolifique. Buffon ne devoit pas citer ici
l\'exemple des cerfs; car on sait que ceux de ces
animaux qu\'on soumet à la castration pei\'dent leur
bois au tems ordinaire, et que celui qui le rem-
place est fort petit et difforme, et leur reste ensuite
jusqu\'à la mort. Chez les rennes cependant un fait
singulier doit avoir lieu, savoir, que les hongres
changent aussi bien leur bois que les mâles entiers
et que les femelles; ce que je puis bien admirer,
mais nullement comprendre, et moins encore ex-
pliquer.
Le comte Mellin, qui emploie la même objec-
tion que Buffon, met en doute les observations de
Linnaeus et de Hoffberg (2) , et appuie son idée sur
l\'autorité de Hulden , qui dit d\'une manière ex-
presse : « Les cornes des rennes hongres ne tom-
« bent point (3), » Je cite ce passage d\'après le
comte Mellin, parce que je n\'ai pas le livre de Hul-
den , et je ne décide rien d\'ailleurs.
(0 Linn., Amoen. Aead., pag. 160.
(2) Ibid. , pag. 26.
(5) Cornua castraiornm non deciduKt.
-ocr page 436-III. Le renne porte toujours deux cornes de
la manière que cela est représenté fîg. 6, planche
V, A. C. D. B. E. est la corne gauche ; F. H. I. G.
la droite. L\'extrémité des merrains, A.B. et F. G.,
poussent de fortes ramifications qui ressemblent â
la paume de la main garnie de ses doigts; c\'est de
même que croissent les extrémités des deux an-
douillers de devant C. et H. et D. également; mais
jamais E. et I.
\' On trouve une fort exacte représentation de ces
cornes dans l\'ouvrage de Buffon, planche X, fig.
^ et 3, et planche XI, %. i et 3. Mais pour mieux
appercevoir cette régularité, il faut confronter les
fîg. 2 et 5 de la planche X de Buffon, avec les cor-
nes de ma lig. 6. Les lettres indicatives des parties
correspondantes sont les mêmes dans ses planches
et dans la mienne.
Cependant il arrive quelquefois qu\'un andouil-
îer ne vient pas, comme cela se voit à la corne
droite de ma fîg. 6, où D. n\'a pas poussé. Dans U
tête que j\'ai reçue d\'Arendal, l\'andouiller D. ne
se trouve à aucune des deux cornes, et l\'andouil-
ler I. n\'est pas à k droite. La nature se plait à va-
rier ces petits détails; cependant les andouillers de
devant semblent ne manquer jamais.
Il en est des cornes du renne comme de celles
du cerf,pl us l\'animal devient vieux et plus elles se
chargent d\'andouiîlers ; elles paroissent n\'avoir
d^abord qu\'une seule branche, comme cela paroît
chez Buffon, planche X, fig. 1, et chez Klein (1).
Il est vraiment dommage que Linnseus ou Hoff-
berg, Th. Klein et Pontoppidan aient donné de si
détestables figures d\'un animal qu^ils pouvoient
considérer à leur aise et de si près.
IV. Les cornes sont toujours placées natu-
rellement de la manière que je les ai représentées,
c\'est-à-dire , avec deuxandouillers en avant, A. C.
et F. H. , lesquels même pointent quelquefois ,
sur-tout dans les vieux sujets, tellement en avant
qu\'ils atteignent le bout du museau , ainsi que
Hoffberg l\'a remarqué (2). Buffon (3) pense que le
renne ne sauroit brouter les plantes ou les herbes,
parce que ses andouillers de devant doivent Fen
empêcher; mais je n\'ai pas vu encore de figure de
cet animal, quelque mal qu\'elle fut laite d\'ail-
leurs, où ils pointassent en avant à ce degré.
Il n\'est pas invraisemblable que le renne se ser-
ve, comme Buffon le remarque, d\'après l\'autorité
d\'autres écrivains, de ces andouillers de devant ,
amsi que ses pieds, pour enlever la neige, encore
(1) Le comte Mellin a représenté de pareiHes différences (]<«!)s
la planche I ainsi que dans la planche II.
(2) Linn., Amoen. Amd., pag. 149,
(3j Pag. 917.
en poussière, de la mousse. Mauperluis (i) rap-
porte que a cet animal dans un moment avec ses
« pieds s\'y creuse une écurie; et balayant la neige
« de tous côtés, découvre la mousse qui est cachée
« au fond. Mais quand cette superficie a été frap-
({ pée d\'un soleil assez chaud pour en fondre et
« unir les parties, la gelée reprend aussitôt, la
« durcit et en forme une croûte qui porte les hom-
« mes, les rennes et même les chevaux; de sorte
« que les rennes ne peuvent plus la creuser pour
« aller chercher dessous leur nourriture; et il faut
a alors que les Lappons la leur brisent; seule ré-
a compense des services que ces animaux leur ren-
te dent. )) Cette observation ne vient pas à l\'appui
du sentiment d\'Olaiis Wormius (2), qui prétend
que c\'est avec les rameaux de devant de son bois
que le renne attire à lui les branches et les rejetons
des arbres et qu\'il brise la glace.
Pour donner une idée de la force des pieds du
renne et de l\'usage qu\'il en fait, je pourrois obser-
ver que cet animal se défend plus avec ses pieds
de devant et de derrière qu\'avec ses cornes contre
les loups et le&autres bêtes sauvages, ainsi que l\'as-
sure le comte Mellin (5). L\'absence des cornes au
(ï) OEuvres : Relation d\'un voyagefait dans la Lapponie sep-
tentrionale.
(3) Museum, pag. 337.
(3.) Pag. 14.
-ocr page 439-renouvellement du bois , et l\'état de molesse où
elles restent long-tems, semblent confirmer celte
remarque.
§. V. Dans le renne que MM. Ovens m\'avoient
envoyé, les cornes commençoient à peine à poin-
dre; de sorte que l\'une n\'avoit qu\'un pouce et l\'au-
tre un pouce et demi de long, comme on le voit
en A. fig. 75 mais elles étoient couvertes d\'un poil
gris tirant sur le noir, si joliment contourné qu\'en
les voyant à une certaine distance, on auroit pris
ces deux toufî\'es de poil pour deux souris placées
par hasard sur la tête de l\'animal. Le comte Mel-
lin confirme , non-seulement par ses propres ob-
servations, ce que je viens de dire de cestoulFes de
poil, maische aussi à cette occasion le témoignage
de M. Seligmann (i).
Ils paroissent conserver long-tems, comme les
daims et a utres cerfs, cette peau veloutée q ui en toure
le merrain et les andouillers. Hoffberg (2) nous ap-
prend qu\'au printems, lorsque les cornes naissent,
elles sont fort sensibles et restent de même tout le
tems qu\'elles sont garnies de cette peau, laquelle
se fend et tombe d\'elle-même en automne. Olaiis
Wormius dit la même chose, et critique Scaliger
(0 Pag. n et 12.
(2) Lfnn, , Amoen, Acad. , pag. 149.
-ocr page 440-qui paroît avoir été d\'opinion que les cornes du
renne ne se dépouillent jamais de cette mem-
brane (i).
De la forme de Fœil.
g. I. Les fictions ingénieuses de Févêque Pontop-
pidan ont rendu les yeux du renne un point si im-
portant d\'histoire naturelle, qu\'ils méritent bien
que nous les examinions avec attention.
A l\'extérieur, lesyeux du renne ressemblentbeau-
coupà ceux du daim; les prunelles de cet animal
sont oblongues et transversales comme celles du
chameau, du boeuf, du mouton, du cheval, du
cerf, de la chèvre, de la gazelle et de presque tous
les animaux herbivores , comme on peut le voir
par les figures 6 et 7 de la planche V, et je les ai
trouvées de même dans Fhippopotame.
II. Le larmier du renne a cela de particulier
(i) Museum , pag. 538-
-ocr page 441-qu\'il tombe en une ligne courbe dans l\'œil. Cepen-
dant presque tous les naturalistes ont négligé d\'ob-
server cette singularité, excepté M. Allamand(i),
qui l\'indique dans la figure du caribou qui lui a été
envoyée par le duc de Richmond; et Buffon (2),
qui l\'a observé dans la figure de la femelle du ren-
ne. Linnaeus n\'en dit pas un mot et le représente
moins encore.
J\'ai indiqué fort distinctement ce larmier A. B.
^g- 95 planche V. L\'intérieur en est parfaitement
lisse dans les daims, mais dans le renne il se trouve
garni de fort petits poils. Ces larmiers sont remplis
de petits grains d\'une matière transparente et ré-
sineuse, auxquels .Daubenton donne le nom de
larmes oubezoardducerf{^)^ a il représente
celles qu\'il a trouvées dans un grand cerf C4). En
1769 et 1771, j\'ai découvert moi-même dans un
daim et deux biches d\'assez grandes particules jau-
nes, résineuses et passablement dures.
Le larmier est placé dans l\'os lacrymal, lequel
étant fort grand dans ces animaux, a pour cet ef-
fet une profonde canelure, qui prend son ori<yine
par devant entre les deux conduhs lacrymaux os-
{0 Additions, pl. III.
(2) Supp]., tom. III, pl. XVIII bis.
(3) Ibid., pag. log.
(A) Ibid., pl. XV, fig. i et a.
-ocr page 442-seux. Il y a aussi une ouverture entre Fos lacry-
mal, l\'os coronal, l\'os nasal et ia mâchoire supé-
rieure, plus étroite et plus longue que dans les
cerfs, que Daubenton(i) a fort bien représentée,
et qui, se trouvant recouverte par un double pé-
rioste, forme la cavité du nez.
Celte cavité longitudinale , quoique nommée
point lacrymal ou larmier, n\'est cependant pas
destinée à recevoir les larmes; mais paroît séparer
intérieurement une matière grasse et visqueuse,
laquelle est jaunâtre chezle renne et le daim, mais
noirâtre chez la chèvre de Grimm, que MM. Pallas,
Vosmaer, Allamand et Buffon ont décrite.
On peut voir d\'ailleurs combien peu ces cavités
sont destinées à l\'écoulement des larmes , par les
deux points lacrymaux B., lig. 9 de la planche V,
et par les deux conduits osseux qui, de même que
dans le rhinocéros, se réunissent bientôt pour al-
ler se décharger par un conduit commun dans le
nez.
Si ces prétendus larmiers étoient véritablement
appropriés à recevoir les larmes, on devroit cer-
tainement les trouver dans l\'éléphant, dans l\'hip-
popotame et dans le narwal, qui n\'ont aucune-
ment de points lacrymaux et par conséquent point
de conduits lacrymaux, ainsi que je l\'ai déjà ob-
(0 Tbid., pl. XIV, fig- 1 N O,, pag. 129.
-ocr page 443-serve en 1774, dans un rapport succinct que j\'ai
fait de la dissection d\'un jeune éléphant, et com-
me je me propose de le démontrer plus au long
dans une dissertation complette sur ce sujet (1).
§. III. La paupière interne ou clignotante de
l\'oeil glisse, comme dans tous les autres quadru-
pèdes, du grand angle de l\'oeil B. vers le petit an-
gle E,, fig. 9, planche V. J\'ai représenté cette
membrane entièrement étendue depuis B. jusqu\'en
C., pour qu\'on puisse voir qu\'elle est intacte, sans
la moindre perforation.
IV. J\'ai représenté de même, dans la fig. 8,
planche V, la paupière supérieure entièrement
abaissée et fermée, pour montrer qu\'elle n\'est pas
percée, mais qu\'elle ressemble dans le rentie par-
faitement à celle des autres animaux de cette es-
pèce.
§. V. L\'évêque Pontoppidan a parlé de cette
singularité dans les notes marginales de son His-
toire naturelle de la Norwège, tom. II, pag. 23.
« Au-dessus des paupières, dit-il, le renne a une
« petite ouverture dans la peau, par laquelle il voit
(0 C\'est celle cjue je donne dans le tome II de cette colîecîioa
des OEnvres de Camper. Note du traducteur.
(( un peu quand une neige trop abondante Tem-
« pêche d\'ouvrir les yeux. )) Et il appelle cela une
sage prévoyance du Créateur î
Ce que j\'ai dit III et IV prouve suffisam-
ment , je pense , combien cet évêque a été dans
l\'erreur à cet égard; car il n\'y a aucune perfora-
tion ni dans la membrane interne de l\'oeil, ni dans
la paupière supérieure du renne; de sorte que son
observation se trouve entièrement dénuée de vé-
rité. Le grand Haller (i) parle , il est vrai, de la
perforation de la paupière supérieure, d\'après le
témoignage de Pontoppidan; mais il regarde le rai-
sonnement de cet écrivain comme une fiction im-
probable: improbabllem historiam.
On dit que les Lappons se servent de coques per-
forées qui afîbiblissent l\'éclat éblouissant des nei-
ges; et que le Créateur, sachant que les rennes ne
pourroient pas se procurer ce secours, leur a mé-
nagé une petite ouverture dans les paupières su-
périeures. Mais cesraisonnemens pitoyables tom-
bent d\'eux-mêmes, quand on considère quefes
ayant destinés à habiter des contrées couvertes de
neiges éternelles, sa sage prévoyance a dû leur don-
ner des yeux qui fussent propres à supporter cet
éclat si nuisible à l\'organe de la vue ; tandis que
l\'homme peut non - seulement habiter toutes les
(l) PhysioL, îom. V, pag. 3i5.
-ocr page 445-DU RENNE.
contrées de la terre, mais possède d\'ailleurs l\'es-
prit et l\'adresse nécessaires pour se préserver de
tout ce qui peut lui être nuisible. Cette ouverture
des paupières du renne feroit donc peu d\'honneur
à l\'Etre-Suprême; mais le bon évêque tombe sou-
vent dans de pareilles puérilités; par exemple , il
fait naître des vers sur le bois du renne pour en
détacher la peau veloutée.
Mais ce qui est bien plus surprenant, c\'est que
Buffon a non-seulement adopté ces grossières er-
reurs de Pontoppidan, mais qu\'il a cherché même
à les consolider (i) ; quoique cet illustre naturar^
liste auroit pu se désabuser sur ce point par mes
observations, que M. Allamand et moi-même nous
lui avions communiquées,^et qu\'il a insérées dans
le tom. III du Supplément d VHist. nat. (2), Je
vais quitter cette matière, pour passera un object
plus réel, plus intéi^essant, l\'organe de la voix du
renne, que j\'ai découvert le premier.
(OSuppl., tom. ill, pag\' »53.
(2)Pag. 14,.-
I.
ni- -.i
22
-ocr page 446-35S du il e at n e.
De VàVgdne de la voix du renne.
I. Comme je ne connoissois pas encore le renne,
et que la dissection peu raisonnëè que Stenon en
avoit faite en 1672, et dont Valentyn (1) rend
conipte, ne pouvoi fournir de grandes lu-
inièrès, je m de procéder avec beaucoup
de circonspection. J\'avois souvent reinarque avec
étonnement dans les daims que lorsque ces ani-
jnaux avalent ^ tout\'le larynx s\'élève et s\'abaisse
d\'une manière particulière et semble indiquer q uel-
que chose de singulier dans cette!"paatie, J\'enlevai
donc avec beaucoup d\'attention la peàù du cou ,
incertain de ce que j\'allois y trouver.
Les muscles ayant été enlevés de la même ma-
nière sur les côtés,"comme je l\'ai représenté plan-
(i) Amph. aoQtom.y p«g- T^-
-ocr page 447-eu RE N N E. 539
che V, fig. 13, je trouvai une poche membraneuse
IM.N.O., dont l\'origine éîoit placée entre l\'os
hyoïde C. F. G. et le cartilage thyroïdien K. O. L. Il
faut se figurer que A. B. indiquent le bord de la
mâchoire inférieure j F. D. la partie grauiforme de
Fos hyoïde; D. E. la partie de Fos hyoïde qui est
soudée à la tête; h. P. la trachée-artère; Q. R. Fœ-
sophage; S. T. les vertèbres cervicales couvertes
par les muscles droits de la tête; S. A. une partie
de la parotide; V. la glande du cartilage thyroïdien.
Ensuite je découvris deux muscles F. H. et C. I.,
qui tirent leur origine de la partie inférieure de Fos
hyoïde F. et C., précisément là où la base de Fos
graniforme et les cornes se réunissent. Ces muscles
étoient plats et minces à leur naissance , mais ils
s\'élargissoient en descendant vers H. et I. Ces deux
muscles servent certainement à relever et à soute-
nir cette poche , ainsi qu\'à en chasser Fair à la vo-
lonté de l\'animal.
§. II. Après que j\'eus ouvert Foesophage par
derrière, je trouvai sous la base de Fépiglotte un
large orifice qui admet toit mon doigt très-aisé-
ment. Cet orifice s\'élargissoit et formoit le canal
membraneux F.O.I., lequel se frayant un passage
entre les deux muscles F. H. et C.\'î. se\'ierminoit
en une espèce de poche membraneuse,!. M, N. 0,
Par conséquent. Fair, chassé des poumons par la
fente du larynx, tombe par cette ouverture dans
la poche et cause nécessairement une grosseur con-
sidérable à l\'endroit indiqué lig. i3 de la pl. V.
Dans cette circonstance, la gorge du renne doit
se gonfler considérableriient par en bas dans cet
endroit. Peut-être se trottve-t-il une pareille poche
dans l\'élan que Linnaeus appelle caroncule gut~
turale{\\)^ mais dont Buffon nie l\'existence et qu\'il
ne considère que comme une maladie acciden-
telle (2). Perrault n\'en dit également rien dans sa
description anatomique de l\'élan. Cette caroncule
mérite donc qu\'on l\'examine avec attention. Peut-
être n\'est-ce qu\'une distention du larynx, c\'est-a-
dire, du cartilage thyroïdien , comme dans l\'ànti-
lope goitreux ( antilope gutturosa), dont l\'infa-
tigable M. Pàllas (5) a donné une si belle descrip-
tion. Ce jabot singulier nous fait voir d\'une ma-
ni ère évident e combien la nat ure emploie d e moyens
diflerens pour produire obscurément une grande
variété. Dans l\'alouate ou hurleur c\'est l\'os hyoïde
lui-même qui est fortement évasé; ici c\'est le car-
tilage thyroïdien, tandis que la poche membra-
neuse produit le même effet dans le renne.
(i)Gep. 29,sp. j,^ag. 92.
(a) Tom. XII, pag. 112 et 113-
(3) Specîl, zootom. fascil. XII, pag. 46-
-ocr page 449-III. Il y a plus de vingt ans que j\'ai décou-
vert une semblable pocha dans plusieurs babouins
et guenons, et que j\'ai décrite amplement dans ma
Dissertation sur VOrang-Outang, chap. II, I,
pag. 67, et représenté planche II, fig. 5 et 4; car
dans aucun singe on ne trouve les deux muscles
F. H. et C. I., et ils n\'y paroissent pas nécessaires,
parce que la poche osseuse de ces animaux se
trouve couverte et pressée par les platysmamyoï-
des , qui paroissent destinés à cet office.
Comme le renne dont je parle étoit un mâle, je
ne puis dire autre chose sinon que cette poche mem-
braneuse se trouve indubitablement dans tous les
mâles. Avant d\'avoir découvert ce singulier organe
de la voix, j\'ai toujours négligé d\'y prêter atten-
tion en disséquant des daims mâles; mais j\'étois
certain que cette poche ne se trouve pas dans les
biches, lorsque j\'envoyai mes observations à M.
Allamand telles qu\'il les a pubhées (1). Depuis ce
tems j\'ai disséqué expressément un jeune daim
mâle, et n\'y ai rien trouvé de semblable. Il paroît
donc que cette poche singulière n\'est propre qu\'à
l\'organe de la voix de quelques singes et du renne;
deux genres d\'animaux si différens l\'un de l\'autre
qu\'on ne devoit certainement pas s\'attendre à trou-
ver une pareille analogie entre Forgane deleur voix.
(0 Additions, pag
-ocr page 450-Des pieds et des sabots du renne.
\'après le témoignage de tons les voya-
geurs qui ont visité les régions froides qu\'habite le
renne, cet animal fait entendre, dès qu\'il com-
mence à courir, un craquement singulier, de ma-
nière même qu\'on diroit que toutes les jointures
de ses jambjès se déboîtent, ainsi que s\'exprime
Buffon (i), et comme il le confirme par le témoi-
gnage de SchelFer et de Hulden , qui attribuent,
mal à propos, ce bruit aux os mêmes de l\'animal.
M. Hoffberg (2) paroît en avoir eu une plus juste
idée, en attribuant ce craquement aux sabots qui
battent les uns contre les autres quand l\'animal
court; il appelle ce bruit cliquetis^ eX le compare
à celui que feroient des noix qu\'on remueroit les
(i)Pag. 104.
(a) LiiiH.^ Amoen. Acad., torn. Ill, pag. 164,
-ocr page 451-unes contre les autres. Le comte Mellin (i) le nom-
me cragw^/raewi,, comme si des cailloux tomboient
les uns sur les autres. Quoiqu\'il en soit, comme je
n\'ai jamais vu courir de renne, je ne puis rien dé-
cider à cet égard. Cependant les pieds du premier
renne que j\'ai disséqué m\'ont paru, au premier
coup d\'oeil, expliquer, en quelque sorte, ce
mystère.
II. Les bouts des sabots de ce renne étoient
placés en sautoir les uns sur les autres, comme on
le voit planche V, fig. lo, qui représente le pied
droit de devant; de sorte que le sabot B. C. étoit
placé en haut et par dessus D. E. ; mais à peine
pressoit-on de la main le dessous du pied que les
deux sabots se désunissoient comme on le voit fig.
n, qui représente le dessous du pied.
Dans le renne que j\'avois reçu de Drontheim ,
et dans ceux que j\'ai eu depuis, les sabots étoient
placés l\'un à côté de l\'autre, comme d\'autres na-
turalistes les ont représentés; cependant ils étoient
un peu évasés sur les côtés qui sont tournés l\'un
vers l\'auîre; voyez fig. ii, qui représente le des-
sous du pied.
g. HT. Outre ces grands sabots qui sont fort éva-
(OPag. 13.
-ocr page 452-.DU R E N Ê.
ses , les rennes , comme la plupart des cerfs , ont
deux autres sabots plus petits, comme F. et G. fig.
11, lesquels, quoique représentés ici exactement
par dessous et en raccourci, sont néanmoins assez
longs. Aux pieds de devant ces ergots étoient beau-
coup plus longs qu\'à ceux de derrière; différence
qui-n\'a été remarquée ni par Buffon, ni par Mel-
lin. C\'est sur ces ergots qu\'ils portent quand ils se
tieiment debout. Olaiis Wormius, qui les appelle
ladtUœwen (i), assure que les pieds du renne n\'en-
foncent dans les neiges, en poussière même, que
jusqu\'à la hauteur de ces ergots de derrière.
Il y a enfin deux ergots queJDaubenton (a) a fort
bien décrits dans le cerf. Ils ont les trois osselets ,
comme les deux doigts du milieu , sur lesquels
marche le renne, comme tous les autres animaux
à pieds fourchus. Mais les ergots du renne mon-
tent, avec la première phalange, qui est assez lon-
gue, plus haut vers le métacarpe et le métatarse
que dans les cerfs, sans former néanmoins d\'arti-
culations avec les osdu métacarpe et du métatarse,
comme dans le cochon ou du moins dans le pécari.
Je dois remarquer ici qu\'il y a une grande diffé-
rence, relativement à ces ergots, chez les chevro-
(i) Museum., pag. 537.
(a) Chez Buffon , tom. VI, pag. 131, pl. XIX , dans les quatre
Sgures.
nu RE N NE. 545
tains, qui n\'en ont point du tout; du moinsjen\'en
ai pas trouvé chez celui que j\'ai disséqué, et je ne
sache pas que BulFon (i), Daubenton (2) ou Séba(5)
les aient décrits Ou figurés.
En cherchant ce joli animal dans la nomencla^
ture des animaux de Linnseus, on ne peut le re-
connoitre que dans le moschus pygmœus y auquel
il donnepour patrie l\'Asie, la Guinée ou l\'Afri-
que. M. Van der Steeg m\'a envoyé d\'Asie le sque-
lette d\'un pareil chevrotain qui avoit atteint toute
sa croissance. 11 avoit neuf pouces de hauteur, sur
dix-sept pouces de longueur, depuis le bout du
museau jusqu\'à la naissance de la qoeue, qui étoit
petite. Dans ce squelette, les ergots étoient non-
seulement fort distincts, mais assez grands même
à proportion des sabots. L\'animal avoit aussi des
dents canines qui étoient fort petites.
Buffon (4) donne la figure et une courte descrip-
tion du chevrotain de Ceylan, que je crois d\'au-
tant plus être le même que le chevrotain d\'Asie,
dont je viens de parler, que les ergots sont fort
distinctement indiqués aux pieds de derrière et
d\'une manière douteuse aux pieds de devant. 11 dit
(1) Tom. XII, pag. 3ï5 , pl. XLII.
(2) Ibid., pag. 341, pl. XLIII.
(3) Tom. I,tab. 43.
(4) Suppl., pag. 103, pl. XV.
-ocr page 454-pag. io5 : « En comparant celui-ci avec le chevro-
« tain que j\'ai donné planche XLII, du tome XII,
« on verra que ces deux petits animaux sont éga-
« lement sans cornes, et qu\'ils ne font tous deux
« qu\'une simple variété dans la même espèce. »
Cette assertion ne paroîtra pas sans doute con-
cluante aux naturalistes attentifs j^arce que le che-
vrotain d\'Asie a non-seulement des ergots auxqua-
tre pieds, mais que de plus ces ergots sont articu-
lés par les osselets du métacarpe et du métatarse ;
ergots et osselets dont on ne trouve pas la mow-
dre apparence dans le chevrotain de Guinée ou du
Sénégal. Ils diffèrent aussi parles dents canines :
celles du chevrotain de Guinée paroissent avoir le
plus d\'analogie avec celles du porte-musc ; elles
sont rondes par devant et fort aiguës par derrière.
Le chevrotain d\'xisie n\'est donc pas une simple
variété du chevrotain de Guinée, mais une espèce
totalement particulière, et doit être considérée
comme un genre entièrement nouveau; non-seu-
lement parce qu\'il a les dents incisives plus petites,
mais aussi à cause qu\'il a des ergots et des tibias;
t/ar de tous les animaux ruminans que je con-
jioisse, il n\'j a que le chevrotain d\'Asie seul qui
en ait, ainsi que je le dirai plus au long au V.
g. IV. Outre les particularités du renne dont je
viens de parler, j\'ai découvert encore quelque chose
de singulier aux pieds de derrière de cet animal;
savoir, une gaine profonde entre la peau à l\'en-
droit où les deux ergots sont joints ensemble , de
la largeur d\'un tuyau de plume à écrire, coUrant
profondément jusqu\'à l\'endroit où ces ergots s\'ar-
ticulent avec l\'os du métatarse. Ces gaines étoient
garnies intérieurement de longs poils, et il en sor-
tit une matière oléagineuse jaune , dont l\'odeur
n\'étoit pas trop agréable.
Je n\'ai pas trouvé ces gaines aux pieds de de-
vant. Il ne me fut pas possible d\'en découvrir l\'u-
sage; d\'autant plus que les chaleurs de l\'été m\'o-
bligèrent à décharner promptementle squelette. II
se pourroit que ce soit cette matière onctueuse qui
occasionne la forte odeur que le cOmte Mellin dit
que le renne mâle jette pendant le tems du rut.
Dans le renne qu\'on m\'envoya le 18 avril 1777,
mais dont je ne reçus qu\'un pied de devant et un
pied de derrière, il n\'y avoit point de gaine dans
le pied de derrière, mais une fort apparente, au
contraire, dans le pied de devant, laquelle rendit
une matièï-e oléagineuse d\'une odeur forte.
Dans un autre renne, mais déjà tué , qxi\'on me
fit passer d\'Arendal en 1778 , ces gaines étoient
fort apparentes aux pieds de derrière, mais nulle-
ment aux pieds de devant; de manière que je ne
puis rien déterminer de bien exact à ce sujet.
Si je ne me trompe, ces gaines ont un rapport
-ocr page 456-assez remarquabie, avec la petite sinuosité qwe
Da ub en ton ( i ) dit a voir trouvée prin ci pal emen t aux
pieds de derrière, entre les deux osselets des er-
gots du chevrotain, et elle est aussi représentée en
effet , quoique d\'une manière peu distincte , pl.
XLI U, fig. 6 et 8. Ces sinuosités se trouvent de
même , quoique extrêmement petites , dans les
pieds du chevrotain que je possède.
Jja peau des pieds de devant, ainsi que de ceux
de derrière, qui attache ensemble les deux ergots,
étoit parsemée de milliers de glandules, lesquelles
jettent vraisemblablement une matière oléagineuse
destinée à garantir les sabots contre la neige.
§. V. Il n\'y a point de tibia dans les jambes du
renne, ainsi qu\'il n\'y en a point dans celles de tous
les autres quadrupèdes ruminans d\'Europe, ni des
chameaux et cerfs d\'Asie. C\'étoit mal à propos que
je me flattois d\'avoir découvert le premier en 1774
que le tibia manquoit à tous les animaux rumi-
nans; car je trouvai dans la suite que Coiter (2) en
avoit déjà parlé. J\'avois donc pensé que cela de-
voit être considéré comme une vérité irrévocable ,
jusqu\'à ce que je reçus, en 1778, le squelette d\'un
chevrotain d\'Asie, dans lequel je trouvai des tibias
(i)Tom- XII, pag. 341.
(■}\') De quadmp. sceletis , cap- a.
-ocr page 457-DU II E N N E. 549
qui étoient même fort grands relativement à la
taille de l\'animal.
Lorsque je disséquai le chevrotain de Guinée,
mon seul but étoit d\'en examiner les estomacs et
les viscères; de sorte que je ne songeai point à cette
particularité. Cependant une jambe de derrière
que j\'en ai conservée me prouve évidemment qu\'il
n\'y a pas eu de tibia.
Ces variétés nous montrent clairement que les
classifications qui ne sont fondées que sur les dents
ou tel autre caractère extérieur, ne peuvent qu\'être
fort incertaines; sur-tout lorsqu\'il s\'agit de fixer
les genres et les véritables espèces distinctes qui les
composent.
Voilà ce que j\'ai principalement trouvé à obser-
ver dans le renne , et dont aucun autre écrivain
n\'avoit parlé avant moi d\'une manière satisfaisante ;
de sorte que je me flatte d\'avoir rendu quelque
service aux amateurs de l\'histoire naturelle, en leur
exposant ces observations qui pourront les con-
duire à de plus importantes découvertes.
FIGURE 6.
Profil de la tête du renne qu\'on faisoit voir à
Groningen en 1770, avec ses cornes, sans échelle
de ses dimensions.
A. C. D. E. B. la corne gauche. F. H. I. G. la
corne droite.
A. C. et F. H. les andouillers saillant en avant,
qu\'on trouve dans tous les individus. A. D. an-
douiller qui manque à ia corne droite.
E. et I. andouillers de derrière qui ne prennent
jamais d\'empaumure.
55o
Tête du reune que j\'ai disséquée, réduite au
quart de sa grandeur.
A. la corne couverte de poil du côté gauche,
derrière laquelle l\'autre corne se trouve cachée.
B. le nez couvert de poil.
C. le bord de la lèvre inférieure couvert d\'une
peau lisse.
L\'oeil gauche entièrement fermé.
A. B. le larmier ou fosse lacrymale.
B. C. la paupière avec ses cils.
D. le sourcil.
FIGURE g.
Le même oeil ouvert, mais couvert de la mem-
brane interne.
A. B. le larmier.
B. et D. les deux points lacrymaux.
C. le bord de la membrane interne ou cligno-
tante.
C. E. la prunelle ou cornée.
E. le petit angle de l\'oeil.
B. E. la paupière supérieure.
35i
figure lo.
La partie antérieure du pied droit de devant.
A. E. le pied.
B. C. le sabot intérieur placé sur la pointe du
sabot extérieur D. E.
B. et D. les longs poils.
figure 11.
Le même pied vu exactement par dessous, mais
avec les sabots séparés l\'un de l\'autre.
B. C. D. E. comme dans la figure lo.
F. G. les ergots.
B. D. le poil.
figure 12.
La gorge du renne vue de côté avec le larynx,
pour qu\'on puisse appercevoir mieux la poche
membraneuse et ses muscles.
A. B. le bord de la mâchoire inférieure.
C. D. Fos graniforme de Fhyoïde.
~ Ç. la base ou partie du milieu du mê-me os; vu
en raccourci.
D. E. la partie de l\'os hyoïde qui s\'articule par
un cartilage au crâne , ou plutôt à Fos pétreux.
G. F. la corne droite de l\'os hyoïde.
K. L, O. le cartilage thyroïdien.
L. P. la trachée-artère. \'
Q. R. l\'oesophage.
S. T. le cou couvert par les muscles droits de la
tête et les platysmamyoïdes.
U. la glande du cartilage thyroïdien.
S. A. une partie de la parotide.
F. I. M. N. O. la poche membraneuse commu-
niquant avec l\'intérieur du larynx.
F. H. et C. I. les deux muscles qui retiennent la
poche membraneuse et la compriment.
H, ramification des fibres de ces mêmes muscles.
i.
23
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sur les pétrifications trouvées
PRES DE MAESTRICHT.
-ocr page 464-2 Sil
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-ocr page 465-SUR UES PÉTRIFICATIONS TROUVÉES
DANS LA MONTAGNE DE S.-PÏERRE
PRÈS DE MAE STRICHT (i).
li A découverte que l\'on fit, vers l\'année 1770 ,
d\'un grand nombre d\'os fossiles, dans la monta-
gne de Saint-Pierre de Maestricht, et notamment
de grands os maxillaires avec leurs dents, suggéra
à feu M. Hoffmann, premier chirurgien de l\'hôpi-
tal de Maestricht, membre estimable de plusieurs
sociétés savantes et grand admirateur de l\'histoire
naturelle, l\'idée que ces mâchoires avoient appar-
tenu à des crocodiles; opinion qu\'il répanditbien-
(3) Ce morceau , tiré des Transactions philosophiques de Lon-
dres , année 1786, part. II, a été traduit par feu mon fils Henri-
François. Il m\'est doux de penser que par-là je pourrai peut-être
sauver, en quelque sorte, mémoire d\'nn total oubli. Note da
Védiieur.
-ocr page 466-tôt dans to ate l\'Europe à l\'aide de ses corres-
pondans. . .
M. Hoffman eut la complaisance de m\'en voyer,
non-seulement l\'histoire de ces pétrifications, mais
aussi plusieurs ligures des os maxillaires en ques-
tion et d\'autres os, qui tous m\'étoient absolument
inconnus, à l\'exception de quelques fragmens d\'os
de tortues. Je m\'apperçus cependant, au premier
aspect, des différences caractéristiques qui distin-
guoient ces os de ceux de crocodiles, dont j\'en
avois alors plusieurs dans ma collection.
Il se proposoit d\'écrire sur ce sujet, et d\'envoyer
à la Société Royale de Londres un essai contenant
les raisons qui le portoient à regarder ces os com-
me ayant appartenu à des crocodiles; mais je lui
conseillai, en ami, de renoncer à ce dessein, dans
la crainte d\'être obligé ensuite de se rétracter de
son opinion : je lui fis passer en même tems une
figure de la mâchoire inférieure d\'un crocodile que
j\'avois dessinée moi-même avec soin, et bientôt
après le crâne et la mâchoire inférieure d\'un autre
crocodile assez grand ; ce qui le persuada de re-
mettre son projet d\'écrire sur ces vestiges de l\'an-
cien monde jusqu\'à ce qu\'il eut acquis des notions
plus certaines à l\'égard des cétacées.
Le major Drouin, de Maestricht, qui, vers le
même tems, rassembloit une nombreuse collec-
tion de coraux, de madrépores, d\'alcyons, d\'échi-
nites, de bélemnites, de coquilles et de bois pétri-
fiés de cette montagne et de ses environs, se pro-
cura également un bel exemplaire de deux os maxil-
laires du même animal inconnu , dont cependant
•les côtés intérieurs étoient tournés en dehors; que
cet amateur supposoit également appartenir au
crocodile. Il s\'en trouve une esquisse dans les Dons
de la Nature , par M. Buchoz, pl. LXVIII ; mais
l\'exemplaire même est à présent dans le Muséum
Teylérien, à Harlem, avec toute la collection du
major Drouin.
Une autre pétrification plus précieuse et plus
parfaite encore, et dont M. Buchoz a pareillement
donné une grossière esquisse dans ses Dons de la
Nature, pl. LXVI, se voit chez le chanoine De-
chant Goddin. Les os maxillaires supérieur et in-
férieur de cette tête sont en grande partie intacts,
ainsi qu\'un os du palais garni de petits dents; d\'où
l\'on peut supposer que cet animal avoit non-seu-
lement des dents aux mâchoires, mais aussi dans
la gorge; singularité que l\'on remarque chez plu-
sieurs poissons, mais qu\'on ne trouve jamais dans
la gueule des crocodiles.
Malgré tous mes efforts pour convaincre mes
amis, ensuite M. Drouin, et particulièrement le
chanoine Dechant, dont je vis, en 1783, les beaux
et véritablement précieux morceaux , il me fut
impossible de les engager à adopter mon opinion ,
que ces os avoient appartenu à unphjseter ou ce-
tacée. M. Hoffman, qui s\'en tenoit strictement au
système linnéen, m\'objecta que les pbyseters n\'a-
voient de dents que dans la mâchoire inférieure,
tandis que ce monstre fossile en avoit dans l\'une
et dans l\'autre mâchoire. Il sembloit ne pas se rap-
peler que fua-T^rvifi signifie quelque chose qui respire
ou qui souffle, et que lorsqu\'on l\'applique auxpois-
sonsy ce mot veut direpoi^sow.ç souffleurs ; nique
les physeters, suivant le système de Linnaeus, ont
de petites dents dans la mâchoire supérieure, bien
que celles de la mâchoire inférieure soient plus
grosses, ainsi que l\'a remarqué le docteur Otlion
ïabricius dans sa Fauna Groenlandica, pag. 43,
où il fait mention du cachalot à grosse tête {phy~
seter macrocephalus), et pag. 45 où il parle du
cachalot à dents en faucilles [physeter inicrops).
En août 1782, j\'envoyai à M. Goddin, qui m\'a-
voit fait présent d\'une copie de ce précieux mor-
ceau , une démonstration évidente que cette tête
éîoit celle d\'un physeter ou poisson souffleur, soit
de l\'espèce du dauphin, de celle de l\'orque ou de
tout autre genre dans lequel les deux mâchoires
sont également garnies de grosses dents de même
grandeur. Mais ce fut en vain j il persista à l\'ap-
peler crocodile, comme si la valeur de cette téte
dépendoit de l\'espèce d\'animal auquel elle avoit
appartenu.
L\'analogie qui existe entre tous les autres corps
marins, semble prouver d\'une manière plus évi-
dente encore, que ces grands ossemens appartien-
nent à des animaux marins et non pas à ceux qui
habitent les rivières. Les grandes tortues, les in-
nombrables échinites, madrépores, coquilles , al-
cyons, bélemnites, ortbocératites, etc., sont tous
habitans de la mer; le crocodile seroit par consé-
quent le seul animal fluviatil qui se trouveroit mêlé
parmi eux.
Le prétendu crocodile trouvé près de "Whitby,
en Yorkshire [Philos. Transact., vol. L, part.II?
1768, 92, pag. 688, et ibid., $.108, pag. 786),
est incontestablement le squelette d\'une baleine.
§. IL Après la mort de M. HofFman, sa famille
ayant offert de vendre toute sa collection, je me
rendis à Maestricht en août 1782, dans l\'intention
de l\'examiner; et je ne pus qu\'en admirer infini-
ment la richesse et la beauté, principalement pour
ce qui regardoit les ossemens fossiles de la mon-
tagne de Saint-Pierre; mais les héritiers n\'ayant
aucun égard aux frais excessifs que devoit m\'oc-
casionner le transport de cette collection par la
Meuse (chaque souverain mettant d\'énormes droits
sur tout ce qui passe par son territoire), ni au
petit nombre d\'amateurs auxquels elle pouvoit
convenir, la portèrent à un prix si exorbitant:
qu\'il ne se présenta personne pour l\'acquérir.
La fille aînée de M. Hoffman, ayant eu, enfin,
la collection entière en sa possession , m\'en offrit
îes principaux morceaux à un prix que j\'acceptai-
Parmi ces derniers étoient les doubles que j\'ai déjà
envoyés au Muséum Britannique, et dont les ho-
norables directeurs ont été extrêmement satisfaits.
Ces morceaux peuvent également servir à démon-
trer ce que j\'avance ici, que ce sont de véritables
fragmens de physeters, de tortues et autres sem-
blables anim^aux, mais qu\'il n\'y en a pas un seul
qui ait appartenu à aucune espèce quelconque de
crocodile.
III. Les raisons qui servent à démontrer que
ce sont des mâchoires et des vertèbres de poissons
sont : pi-emièrement, le poli de ces os; seconde-
ment , les trous nombreux par lesquels les nerfs
sortent de côté et au - dessous de chaque dent,
comme on le distingue facilement dans le bel exem-
plaire qui est maintenant au Muséum Britannique,
et à l\'extérieur duquel il y a onze trous, comme
cela se trouve aussi dans le dauphin , et plus par-
ticulièrement dans la mâchoire inférieure du ca-
chalot à grosse tête, etc.; troisièmement, la forme
des dents, qui ont des racines solides, comme on
le voit dans la planche VI, fig. 6, B. C. E. F. , ^et
dans les six dents de la planche VU; quatrième-
uient, à cause des petites dents qui sont dans le
palais, comme dans l\'exemplaire du chanoine God-
dui; cinquièmement, parce que les vertèbres ont
la figure de véritables vertèbres de cétacées, com-
me on le voit par la fig. 5, planche VI, et par plu-
sieurs grands et beaux exemplaires qui se trouvent
maintenant au Muséum, Plusieurs de ces vertèbres
m\'étoient d\'ailleurs entièrement inconnues et n\'a-
voient aucune analogie avec les vertèbres du cro-
codile décrites et figurées par le docteur N.
Grew.
§, IV, Etant dans l\'intention d\'aller à Londres
en 1785, je me flattois d\'y retrouver le squelette
du grand crocodile qui étoit autrefois au collège
de Gresham, et de parvenir par ce moyen à décou-
vrir les difféi-ences caractéristiques qui pouvoient
être nécessaires pour décider la question. Le doc-
leur Gray eut la complaisance de me conduire dans
les galeries basses du Muséum Britannique , où
nous trouvâmes, non sans peine, le squelette en->
tièrement oublié, très-endommagé et privé deplu-^
sieursparties intéressantes. J\'en admirai néanmoins,
les débris, et fus sur-tout infiniment satisfait des
sutures transverses a. b. c.f. Ç., planche VI, fig,
1 et 2, qui divisent non-seulement les vertèbres
cervicales et dorsales, mais aussi celles des lom-^
bes; eî j\'en fis, le sooctobre 1795, un des^,in grand
comme nature dont les figures i et 2 sont des co-
pies très-exactes.
J\'avoue que je n\'avois pas remarqué cette divi-
sion ou suture particulière dans le squelette d\'un
petit crocodile de treize pouces préparé par mon
plus jeune fils; mais l\'ayant trouvée dans le grand
squelette du Muséum de douze pieds quatre pou-
ces de long, mesure de Paris, j\'examinai le mien,
lorsque je fus de retour chez moi, et les trouvai
absolument semblables; je vis également que ces
parties n\'étoient point des épiphyses, dont cepen-
dant les apophyses transverses du cou cl. e. q. o. n.p-
fig. 1, ont toute l\'apparence; quoiqu\'on ne remar-
que aucunes autres épiphyses dans le reste des os
de ce grand squelette.
Si l\'on compare la vertèbre fossile fig. 5 avec
celles qui sont maintenant au Muséum, on s\'ap-
percevra que les épiphyses A. B., C. D. sont ana-
logues à a. h. c. d. fig. 4, qui représente les véri-
tables épiphyses de la vertèbre d\'un jeune mar-
souin.
Je me procurai à Londres les plus grandes ver-
tèbres cervicales de tortue qu\'il me fut possible de
trouver, et j\'en préparai deux comme celles de la
fig. 3, Je trouvai dans ces vertèbres, ainsi que le
long du dos de ce singulier animal, les divisions
"transverses ci. c. d.f. desquelles je n\'ai pas ren-
contré Un seul exemple parmi les épines dorsales
de la montagne de Saint-Pierre, dont l\'une est com-
posée de sept, une autre de douze et une troisième
de quatorze vertèbres. Quelques vertèbres ont, il
est vrai, une apophyse inférieure, comme dans le
crocodile, l. m. fig. i ; j\'ai envoyé également deux
de ces dernières au Muséum. L\'autruche et la tor-
tue franche (testudo Mydas ) ont de semblables
apophyses; mais on ne les trouve point telles chez
aucun quadrupède, que je sache.
Les articulations des vertèbres les unes sur les
autres, par leurs propres surfaces, diffèrent entiè-
rement, non-seulement de celles du crocodile,
mais même de celles de tous les cétacées que j\'aie
jamais vus : et je puis affirmer cependant d\'en avoir
vu un grand nombre, sans compter celles de ma
collection. Les vertèbres de Maestricht sont plus
ou moins triangulaires et concaves à leur partie
antérieure C. D. L. , lig. 5. La partie postérieure
A. B. est convexe. Ces surfaces sont toutes deux
très-lisses, comme si elles eussent été couvertes
d\'un cartilage fort mince, et qu\'elles se fussent
mues l\'une sur l\'autre, sans être réunies par une
plaque élastique, comme dans tous les quadrupè-
des et cétacées; de qui les vertèbres ont, à chaque
surface, un rebord circulaire, a, h. i. b. fig. 4, par
lequel les ligamens sont réunis, et une surface con-
cave et unie, comme/z. i. lig. 4, qui contient la
pulpe élastique qui se trouve entr\'elles.
566 fossiles
§. V. La dentition est si singulière dans ces mâ-
choires fossiles , qu\'elle mérite une description
particulière. Dans tous les quadrupèdes, comme
dans l\'homme, les dents qui se montrent les pre-
mières, tombent toutes à un certain période de la
vie; et pendant cet intervalle, il s\'en forme d\'au-
tres au-dessus, au-dessous et à côté des dents pri-
mitives ou temporaires, mais dans des alvéoles dif-
férens. Les molaires ne se renouvellent pas toutes;
mais, en général, lorsqu\'il y en a six, il en tombe
trois, et deux lorsqu\'il y en a cinq. La nature n\'est
cependant pas toujours uniforme dans cette opé-
ration. M. John Hunter, membre estimable de
notre société, a donné une histoire naturelle com-
plette et fort intéressante des dents, dans laquelle
il a déterminé ces observations.
Les dents secondaires ou suivantes paroissent de
la même manière dans le crocodile , lorsque la
tête de cet animal n\'a encore que deux pieds de
long, c\'est-à-dire, quand elle a atteint le tiers de
sa grandeur ordinaire. Lorsqu\'elles croissent trop
vite, avant que les dents temporaires soient tom-
bées, elles percent le côté de l\'os à l\'endroit où
elles rencontrent le moins de résistance. La grande
tête de crocodile que j\'ai dans ma collection offre
des exem^ples de cette variété.
Des parties solides des dents, c\'est l\'émail qui
paroît la première chez tous les quadrupèdes; for-
inant une cavité dans laquelle l\'autre substance os-
seuse se dépose et s\'accroît par couches ou lames
placées les unes sur les autres, ainsi que l\'a observé
M. Hunter, pag. ga de l\'ouvrage dont je viens de
parler. A cela se joint la racine qui se remplit de la
même manière, jusqu\'à ce que la dent soit assez
longue pour percer à travers les gencives.
Mais dans les mâchoires fossiles de la monta-
gne de Saint-Pierre, une petite dent secondaire est
formée, toiit à-la-fois avec son émail et sa racine
solide, dans la substance osseuse de la dent de lait
ou temporaire elle-^ême, comme on le voit dans
le petit fragment qui est maintenant au Muséum
Britannique, et dans la planche VII, A. B. C. D. E.
Ces dents, en continuant à croître, semblent for-
mer par degrés des cavités suffisantes dans les ra-
cines osseuses des dents primitives; mais il m\'est
impossible de décider ce qu\'elles deviennent en-
suite , ni de quelle manière elles tombent. J\'en pos-
sède une dans laquelle la dent secondaire est en-
tièrement formée au centre et dans la substance
de la dent primitive. Dans la fig. 6, planche VI,
on voit une petite cavité ovale, qui a été occupée
par une dent secondaire ou nouvelle.
VI. La mâchoire inférieure de l\'animal in-
connu, que j\'ai envoyée au Muséum Britannique
€st en ce genre un des plus magnifiques morceaux
568 Ï\'OSSILES
connus, car il contient quatorze dents. J\'ai dans
ma collection un semblable exemplaire, quoiqu un
peu plus long (mesurant trois pieds et deux tiers),
où il y a également quatorze dents. Un autre frag-
ment, du côté gauche, long de deux pieds et large
de huit pouces, fait voir, de la manière la plus évi-
dente , les dents de lait et les dents secondaires.
L\'exemplaire dont j\'ai envoyé un dessin (plan-
che VU) à l\'illustre président de notre Société, sir
Joseph Banks, confirme ce mode de dentition d\'une
manière plus évidente encore qu\'aucun de ceux de
ma collection.
VIL Plusieurs côtes et les phalanges des or-
teils dû pied de devant, dont j\'ai envoyé un échan-
tillon dans un fragment du même roc, d\'environ
un pied de long sur huit pouces de large, peuvent
servir aussi à prouver la différence qui existe entre
ces orteils et ceux du crocodile, si ou le compare
avec le squelette précieux, quoique négligé , du
Muséum Britannique, dont je suis fâché de n\'a-
voir pu prendre le dessin, étant alors trop occupé
d\'autres objets.
Toutes ces différences caractéristiques ne peu-
vent manquer de convaincre la Société Royale, de
la vérité de ce que j\'ai avancé au sujet de 1 animal
auquel ces os ont appartenu; car, quoique Fon ne
puisse pas en déterminer exactement l\'espèce, je
me flatte néanmoins d\'avoir évidemment prouvé,
parles observations qu\'on vient de lire, qu\'ils ne
sont d\'aucun animal du genre des crocodiles.
V.IIÏ. J\'ai cru devoir ajouter à ces morceaux
un autre très-beau fragment d\'un\' pied et demi de
long sur dix pouces environ de large, parce qu\'il
contient la partie antérieure du bouclier d\'une
très-grande tortue. M. J. Hunter a, dans sa pré-
cieuse collection, un os analogue à celui-ci, tiré
de la même montagne, mais qui lui a été envoyé
sous un autre nom. Je suis convaincu qu\'il a ap-
partenu à une tortue : parce que je possède le
test entier d\'une tortue de cette montagne , long
de quatre pieds et large de seize pouces, un peu
endommagé sur les bords, ainsi qu\'un assez grand
fragment d\'une autre tortue ; 2®. parce que j\'en ai
un autre semblable, mais placé dans sa gangue,
de manière k laisser appercevoir l\'intérieur , qui
est absolument semblable à cette partie de celui
du test d\'une grande tortue que j\'ai acquis à Lon-
dres^ par les soins de M. Sheldon; 3°. parce que,
parmi ces os, j\'ai la mâchoire inférieure d\'une
très-grande tortue, dont les jambes , quoique pas
entières, ont sept pouces de long sur un pouce et
un quart d\'épaisseur, et sont distantes de six pou-
ces l\'une de l\'autre.
Tous ces fragmens prouvent combien les os de
k
tortues sont abondans parmi les autres ossemens
fossiles que l\'on trouve dans la montagne de Maes-
tricht.
Le docteur Michaëlis m\'écrivit, il y a quelque
tems, que le fragment de la collection de M. J-
Hunter, dont j\'ai parlé plus haut, appartenoit à
un oiseau ; ce que j\'eus beaucoup de peine à croire,
n\'ayant jamais vu, dans aucune collection quel-
conque, soit à Londres, soit à Paris, à Bruxelles,
à Gottingen, à Cassel, à Brunswick, à Hanovre, à
Berlin ou en Hollande, aucun os fossile qui eut
appartenu à un oiseau. Je sais qu\'il est parlé d\'un
petit os fossile d\'oiseau dans le Journal de Phy-
sique de l\'abbé Rozier, de mars 1782, et qui se
trouve à présent dans la collection de M. d\'Arcet,
à Paris; j\'attends aussi de Montmartre une petite
cuisse d\'oiseau pétrifiée : mais ce sont les seuls mor-
ceaux de ce genre dont j\'aie jamais entendu parler;
ceux de Stonefield, près de Woodstock, ayant in-
contestablement appartenu à quelque poisson. Une
circonstance que je crois digne de l\'attention des
curieux, c\'est que l\'on n\'a trouvé jusqu\'à présent,
dans un état de pétrification , aucun ossement hu-
main et seulement un petit nombre d\'os d\'oiseaux
.appartenans à l\'ancien monde.
figures 1 et 2.
Sont des vertèbres du squelette du crocodile dé
cnt par le docteur Neh. Grew, dans sou catalogue
des curiosités naturelles du collège de Gresham,
pag. 43 et 45.
h- c.f. l les corps des vertèbres; a. b. delà
quatrième; c.f de la première vertèbre cervicale;
z. t. et A?, y. les apophyses épineuses; y. jS.
et les apophyses ascendantes; t. et les apo-
physes descendantes; k. c. i. d. e. n.p. a. q. les
apophyses transverses, unies par des cartilages aux
corps des vertèbres. Grew les appelle mucro-
nata. Les apophyses transverses de la quatrième
vertèbre étant perdues, on distingue facilement,
en g. h. i. h., les racines des apophyses mucronées
ou pointues.
A la partie inférieure de ces vertèbres sont ( h
et m.) des apophyses qui ressemblent beaucoup à
celles qu\'on trouve dans les vertèbres cervicales
des tortues et des oiseaux. Non-seulement les six
vertèbres postérieures, mais aussi les cinq anté-
rieures du dos, sont pourvues de pareilles apo-
physes. Le docteur Grew n\'en fait cependant au-
cune mention.
F I G u K E a.
Représente la septième vertèbre dorsale : A. et
C. sont les apophyses ascendantes et descendantes
qui forment les articulalious avec les vertèbres ad-
jacentes; B. l\'apophyse transverse, à laquelle est
soudée en B. la cote F. B.; D. E. Fapophyse épi-
neuse ; H. H. I. le corps de la même vertèbre.
Ces figures sont de grandeur naturelle, et faites
d\'après le même squelette, qui est maintenant au
Muséum Britannique. La longueur totale de ce
squelette est de douze pieds et un tiers, mesure de
Paris. Latêtea deux pieds de long,le cou un pied,
le tronc trois pieds huit pouces, la queue cinq
pieds huit pouces. Les dimensions données par le
docteur Grew ne s\'accordent pas avec les miennes;
mais il ne paroît pas les avoir prises avec beaucoup
d\'attention (pag. 42); car il se sert des mots en-
viron, à peu près, çXç,.
Observation. Ce qui me frappa le plus fut
la suture transverse a. h. c. ƒ Ç qui divisoit
les corps de toutes les vertèbres cervicales, dorsales
et lombaires. Cette division se terminoit à l\'os sa-
crum, qui étoit entier, ainsi que l\'étoient les ver-
tèbres de la queue. Le docteur Grevi^ semble seu-
lement avoir remarqué les sutures qui appartien-
nent aux apophyses transverses.
J\'ai un petit squelette de crocodile,long detreize
pouces, dans lequel les sept vertèbres cervicales,
les douze dorsales et les cinq lombaires, sont di-
visées de la même manière que dans le grand sque-
lette du Muséum Britannique. Celles de l\'os sa-
crum et de la queue en sont privées et n\'offrent
aucun indice d\'épiphyses.
Conclusion. La division transverse des ver-
tèbres dont je viens de parler, est donc particu-
lière à cet animal; et l\'on n\'y trouve point d\'épi-
physes comme dans les autres animaux.
Pour m\'en assurer, je disséquai l\'iguane ( la-
certa iguana, Linn., sp. 96), qui a été parfaite-
ment bien décrit par Marcgraf, Hist. Bras., cap.
11, pag. 236 ; mais je n\'y trouvai point de sembla-
bles divisions, quoique l\'animal fut jeune et qu\'il
eut encore des epiphyses aux jambes,etc. Le cou con-
sistoit en quatre vertèbres, le dos en onze, les lom-
bes en neuf, et l\'os sacrum en deux, comme dans
le crocodile; la queue en avoit plus de soixante.
La dissection de tortues, ou du moins un exa-
men plus exact de leurs vertèbres, particulière-
ment de celles du cou, me parut très-importante;
des vertèbres étant, sous quelques rapports, ana-
logues à celles du crocodile, sur-tout dans la struc-
ture des apophyses inférieures D. et E. avec l. m. ^
fig. 1.
Représente, grandes comme nature, deux ver-
tèbres cervicales d\'une assez; grande tortue.
A. B., B. C. les corps des vertèbres ; L. et I. les
apophyses ascendantes; H. et T. les descendantes;
R.K. les apophyses épineuses; a. b. d. e. les trans-
verses, et D. E. les inférieures.
a. b. c. d. e.f. division transverse de ces vertè-
bres, semblable à celle qu\'on voit dans le croco-
dile.
Vertèbre de la queue d\'un jeune marsouin ou
d\'une tortue, dans laquelle a. b. est une lame ou pla-
que orbiculaire, attachée au moyen de cartilages au
corps de la vertèbre a. d., qui en est pourvue des
deux côtés a. b. et c. d.
Ces plaques ou lames osseuses sont les épiphyses
des vertèbres; elles soiit semblables dans tous les
quadrupèdes, à la classe desquelles appartiennent
les cétacées. Si l\'on considère la structure, en gé-
néral, de ces derniers, on s\'appercevra qu\'il leur
manque seulement les jambes de derrièî-e, et par
conséquent les os innominés; mais les os pubis sont
fort remarquables dans tous les animaux de celte
classe,
F I G u R E 5.
Est une vertèbre fossile de l\'animal inconnu ,
dont les os se rencontrent si souvent dans la mon-
tagne de Saint-Pierre de Maestricht. A. B. C, D. le
corps de la vertèbre ; C. I. K. E. F. les apophyses épi-
neuses ; C. K. L le canal médullaire, courant sous
K. E, F., dans une direction parallèle à I. F., et
sortant de nouveau en F. Les vestiges qui restent
des épiphyses lamelleuses I. D. et A. B. sont des
preuves évidentes de l\'analogie de ces vertèbres
avec celles des cétacées; aussi bien que du peu de
ressemblance qu\'elles ont avec celles du crocodile,
comme on s\'en convaincra en comparant les fig. j
et 2 avec la cinquième.
F i G U U E 6.
dessin très-exact de l\'une des dents fos-
sile? du même animal inconnu. A. B. C. est sa
pointe de figure lancéolée, dont les bords B. A. et
A. C. sont dentelés ; B. C. est sa racine , inégale ,
osseuse, fixée dans l\'alvéole par D. G. F. 5 — D. G.
B. C. est couvert par les gencives. H. I. est une si-
nuosité ovale, dans laquelle la dent secondaire est
généralement produite, comme on le voit en A.
B. C, D. E. de la planche Vïl, qui représente un
fragment de la mâchoire supérieure du même ani-
mal inconnu.
Tous les physeters et dauphins ont les racines
des dents solides, excepté lés jeunes, chez lesquels
elles ont souvent des cavités destinées à recevoir
les vàisseaux sanguins et les nerfs. Mais les dents
du crocodile sont absohiment creuses, comme on
le voit daps la fig. y.
F i g u R E 7.
Dans cette figure la cavité n. A. ©. offre la dif-
férence qui existe entre les dents du crocodile et
celles des cétacées et autres poissons. Celle-ci est
la dent antérieure d\'une grande tête de crocodile,
longue de deux pieds et de la même grandeur que
celle du Muséum Britannique.Une dent creuse peut
de maestricht, 577
néanmoins appartenir à nn pliyseter, ainsi que
l\'observe le docteur Otlion Fabricius dans sa Fau-
na Groenlandica du cachalot à grosse tête, lequel,
dit - il : Hahet in maxilla inferiori dentés 22 ,
utrinque 11 arcuatos, falciformes, intus au
APicEM vsqixE c^f-os; elles sont intérieurement
creuses jusqu\'au bout. \'
Fragment du côté droit de la mâchoire su-
périeure de la tête d\'un physeter inconnu de la
montagne de Saint-Pierre de Maestricht. On voit
distinctement dans cinq dents de cette mâchoire
que les dents secondaires ont leur origine dans la
racine solide des dents primitives. C\'est par un
semblable fragment, mais de la mâchoire infé-
rieure, représentée fîg. 2 , du 12 août 1784, qu\'on
peut se former une idée de la dentition singulière
de cet animal.
fin dit tremier volume.
-ocr page 486-lUkuu^^lIBPPPii
.\'.^v . . I
f -,, >.. . /
yL
CONTENUES
Avis de l\'éditeur, page p
Dédicace,
Notice de la vie^t des écrits de P. Camper, ix
Eloge de P. Camper, par Vicq-d\'Azir, Ixj
— par Condorcet, xcij
Vers qui sont au bas du portrait de P. Camper,
dans l\'amphithéâtre d\'anatomie d\'Amster-
dam ,
civ
et de quelques autres espèces de singes.
Introduction. %, I. Les anciens ont connu la par-
tie méridionale de l\'Asie et les îles Moluques , 5
II. Espèces de singes dont parlent les anciens, et
nommément Aristote ^ 8
HI. Espèces de singes dont parlent Galien et Pline,
i5
IV. Enumeration des espèces de singes que les an-
ciens ont connues, 18
\\. Si Galien a disséqué des cadavres humains, 22 \'
VI. Eustache réfuté à Voccasion de Galien , 25
VII. Du nombre des côtes, 37
Vin. De l\'os ischion et de la manière dont il est di-
visé dans les jeunes animaux , 5o
IX, Z^es os sésamoîdes dafis les têtes des gaatrocnè-
\' miens, 5i
X. De la voûte osseuse du crâne de quelques ani-
maux , 34
XL De Vos hyoïde , 55
XII. De l\'os sternum , 56
XIII. Des osselets de la main ,
XIV. De t\'attas ou première vertèbre cervicale, ib.
XV. De l\'os sacrum,
X VL Conclusion : Galien n\'a pas disséqué de cada-
vres humains, 45
CHAPITRE I.
Des noms , de la forme extérieure et des carac-
tères apparens de VOrang-Outang,
I. Des noms , \'44
II. Description du premier orang envoyé par M.
Hoffmann, 46
III. Description du second orang donné par M. Ho-
pe 5 et de quelques autres , 48
IV. Les grands orteils de Vorang n\'ont point d\'on-
gles, 55
V. En quoi Vorang diffère d\'autres singes défauts
dans la manière de l\'empailler ^ ainsi que de ses
yeux , de sa bouche et de son nez , ■ SQ
VI. L\'orang marche à quatre pattes, 60
VII. Exemplaire mal empaillé, 61
VIII. Des mamelles , 62
IX. Air qui se trouve dessous et autour du cou dans
les individus vivans , 65
X. Quel est le véritable orang, 64
CHAPITRE II,
De l\'organe de la voix des singes à queue,
de l\'Alouate, du Babouin et de l\'Orang-
Outang.
I. Ce qui a donné lieu à ces recherches, 67
II. Organe de la poix dans les singes à queue d\'A-
frique,
III. — dans le hurleur ou alouate et dans le bahouin,
76
IV. — dans l\'orang de M. Hoffmann, 82
V. —dans Vorang de M. Hope,, 85
VI. — dans le tronc de celui du Petit-Loo ,
VII. Conséquences de ce que cet organe se trouve
dans tous , g^
VIII. Classification de l\'orang, "
-ocr page 490-382 table
CHAPITRE IIL
Des viscères et des intestins de l\'Orang.
I. Des viscères du ventre et du foie en particulier,
95
II. De l\'estomac , g 7
III. De la rate, ibid.
IV. Des intestins, sur-tout du cœcum et de l\'appen-
dice vermiforme, gS
V. Des reins, 100
iVI. Des poumons, du cœur, etc., ou viscères de la
poitrine, ibid.
CHAPITRE IV.
Des parties sexuelles de V Orang femelle.
I. Des parties externes, 103
II. De lot matrice et des ovaires, io5
III. Des ligamens ronds et des gaines ou diverti-
cula péritoine, io4
IV. Du vagin , io5
V. De la vessie, et de la hauteur de l\'os pubis, 106
C H A P I T H E V,
Dés parties sexuelles de l\'Orang mâle.
§. I. Des parties externes , loS
II. DumesLivLS ou gaine dujjéritoine, 109
mm
DES PIÈCES. 583
ni. Des muscles cremastères, , no
IV. De l\'os de la verge des singes, m
V. Que l\'orang n\'est pas fait pour marcher debout,
113
CHAPITRE VI.
Du squelette de l\'Orang en général, et comparé
avec celui de Vhomme et d\'autres singes.
§. I. Le squelette de ; l\'orang cQmparé à celui de
l\'homme,
II. Dimensions du tronc de l\'orang du Petit-Loo,
114
III. De l\'épine du dos et de sa forme, ^jg
IV. Du fémur et du tibia de l\'homme, comparés à
ceux de Vorang,
V. Manière de préparer les peaux des animaux et
de conserver leurs formes j jg
CHAPITRE VII,
De la tête décharnée et des vertèbres du cou de
VOrang. ,
§. I. De la tête décharnée vue de profil, 13 ^
II. Delà mâchoire supérieure et de sa division sui-
vant Galien, lo5
m. Des molaires, , \' ^25
IV. Des vertèbres cervicales et de leurs apophyses
épineuses, ^^g
384 TABLE
chapitre VIIL
Du bassin, de ViscJiian, de Vos sacrum W du
- I
coccix.
.i ! M \' Î: r
I. Du bassin et des os iscliiojx ^ 128
IL De la crêtè\'èt dé la cavité du bassin , 129
III. De l\'cts sacrum, et du coccix, * ■ " \' \' \' x5i
Du fémur , du genou et du pied de liOmng.,
§.J. De la tête du fémur, — •
II. Du geuQU et des. os sésaMoïdeS dans les tendons
dupoplité, .
III. Des gastro.cnémiens ; \\ \' i i34
.I;V. Du pied et de ses os , • ibid.
"V. De l\'usage des os sésamoîdes, i5;>
1VI. Des orteils, \' \' ■ \' ; jj^ic},
C\'H\'A P 1 T\'R E X.\' " "
De la main de VOrang et d\'autres singes.
5.1. Différence di\'opinion sur le nombre des osselets
II. Galien a compté neuf osselets dans le .i38
IIL Eustache en compte dix dans celui des singes ,
-ocr page 493-IV. Daubenton en èompte onze, danttt\'oiiqu il ap-
pelle surnuméraires, i4o
V. Les trois osselets surnuméraires sont de diffé-
rentes espèces, i4l
VI. Le carpe de l\'orang de M. Hope contient neuf
osselets, , i42
VII. Du pouce ét de l\'os imparfait, le delineamen-
luxa de Gcdien dans le coaita, \' i45
SUPPLÉMENT.
De la main que M. Allamand a jointe à Vé~
diiiori d\'Amsterdam de î^Histoire ndtïirèlle
de Éiiffon.
I. Introduction. Raisons qui fo?it. douter de l\'au-
thenticité de cette prétendue mciin, i47
II. Description de cette main, i5o
III. Examen scrupideux de cette main, ,, i53
IV. Dans quel état je l\'ai irouyée ,
V. N\'est ni la main d\'ufz singe, ni d\'aucuç, animal
qui appartienne au genre des singes , 154
VI. Conformation des doigts, r ■ •
Nil. Ce-n est pas la main d\'un orang , , ,
VIII. C\'est la patte d\'un ours , j go
IX. On Ta dénaturée par l\'extirpation des os, -161
X . M\'ai« en supposant que ce soit la main d\'un ôrdhg-,
elle devroit toujours être plus petite quelle n\'est,
162
XI. Comment on pourroit examiner cette main sans
la dégrader, i63
Conclusion. Des objections faites à M. Alla-
mand., relativement\'d une prétendue main
d\'Orang-Outang, \' \' \' 166
Lettre de M. P. Camper d M. le comte de Buf-
fon, sur Vorgane des sapajous hurleurs, 171
Explication des planches , 180
Discours sur les agrérriens que présente, l\'his-
toire naturelle, et sur ses rapjiorts avec l\'é-
tude des belles-lettres et de l\'antiquité, 2o5
Introduction, §, I. Plutarque éclairci, 210
II. Epigramme de Martial expliqué, 214
ÏII. Médailles de Domitien avec un rhinocéros bi-
corne, 220
IV. Mosaïque de Palestrine cité, 23,5
V. jD« iem OM reem, 226
de la tête du rhinocéros bicorne , et de
\' quelques particularités de cet ANIMAL. ,
I. Forme extérimre de la téte du rhinocéros hi-
Qorne-, . , 229,
II. Dimensions de cette tête comparées à celles de la
tête du rhinocéros du Bengale et d\'autres indivi-
dus de cette espèce,
III. Place des cornes,
IV. Exemples de rhinocéros bicorne tirés d\'autres
écrivains,
V. Les doubles cornes ne sont pas un indice de race
ni d\'âge. Influence singulière de la nourriture de
poisson séché sur les vaches d\'Islande , 247
VI. Des yeux, 25g
VII. De la tête décharnée, 256
VIII. Des dents du rhinocéros-, examen des obser-
vations de M. Pallas , . ^Bg
IX. De la cavité du cerveau et de quelques autres
parties de la tête, . ^gg
X. De l\'accouplement du rhinocéros , og^
XI. Le rhinocéros n\'est pas l\'ennemi naturel de l\'é-
léphant, ^^^
XII. De la nourriture du rhinocéros,
XIII. Du caractère et de la douceur naturelle de cet
animal,
XIV. De l\'impossibilité du quod lambendo truci-
det,
XV. Des différences remarquables qu\'on observe
entre le rhinocéros d\'Asie et celui d\'Afrique , ib.
284
Explication des planches,
-ocr page 496-388 TABLE f
chapitre i.
De la figure extérieure et des dimensions de
quelques rennes.
Introduction. L Histoire du renne, agS
II. Du renne qu on a fait voir à Groningen, de ce-
lui de Drontheim, et de celui d\'Arendal, 297
lîl. Dimensions du renne de Groningen, 5oo
IV. —de celui de Drontheim, 5oi
V. DupoiL dès reimea, 3o5
VI. De U âge auquel parvient le renne, 5o6
Vil, Des viscères , et particulièrement du cœur, ib.
chapitre ii.
Du climat sous lequel on trouve le renne y et
d\'un passage difficile de la Guerre des Gaules
de Jules-César.
J. De la patrie naturelle de cet animal, -^07
II. S\'il a habité autrefois la France, 3o9
III. Observations sur un passage de Julçs-Cèsar,
3io
IV. Du désert ou forêt de Hercynie et deScythie, 5i5
V. Caractère du taraiidu«, d\'après Pline\' et Solin,
316
VI. Conclusion des recherches sur Les climats qu\'ha-
bite le renne,
CHAPITRE III.
Comparaison des deux têtes de renne, et de la
rumination de cet animah
§, I. Conformation de la tête, .
II. Wa jjomt de dents incisives dans lu mâchoire su~
périeure , mais bien des dents canines, S22
III. A huit dents incisives dans la mâchoire infé-
rieure. Désaveu de mon système touchant les ca-
ractères qui indiquent h, rumination des animaux,
525
Des cornes du renne.
I. Les deux sexes ont également des cornes , SaS
II. Même les mâles qu\'on a soumis à la castration,
326
III. Forme des cornes, SaS
IV. Leur usage, 529
V. Leur forme\', quand elles commencent à pointer,
35i
CHAPITRE V.
De la forme de Vœil.
I. T^eur forme eistérieure, 533
II. Du larmier , ibid.
III. De la membrane ou paupière interne, 555
IV. De la, paupière supérieure , ibid,
V. Erreur de Pontoppidan touchant les yeux du
renne, ibid.
c h a p i t r e vi.
De Forgane de la voix du renne.
S-I, De quelle manière je l\'ai découvert et décrit, .558
IL Del\'épiglotte et de La,poche membraneuse, 539
III. Corn,paré avec l\'organe de la voix de quelques
singes, 54 ^
chapitre vii.
Des pieds et des sabots du renne.
I. Bruit qué font les sabots quand V animal court,
543
II. Différence des sabots dans quelques rennes, 545
in. Des ergots , ibid.
IV. Des gaines qui se trouvent dans la peau entre
les ergots , 546
V. Tjbs rennes n ont point de tibia, 348
CONJECTURES
Sur les pétrifications trouvées dans la montagne
de Saint-Pierre, près de Maestricht.
I. Sentiment de MM, Hoffmann et Drouin sur
les grands os maxillaires avec leurs dents trouvés
dans la montagne de Saint-Pierre, 557
«ES PIECES,
II. L\'auteur acquiert les principaux objets du cabi-
net de feu M. Hçffmçmn, 56i
III. Raisons qui prouvent qûe ce sont des mâchoires
et des vertèbres de poissons, 563
IV. Des sutures de squelettes de crocodiles, et des
vertèbres trouvées dans la montangne de Sainte.
V. Dentition singulière des mâchoires fossiles, 566
VI. Dents de lait et dents secondaires de la mâchoira
inférieure de Vanimal inconnu du Muséum Bri-
tannique; et d\'une autre mâchoire que possède
l\'auteur, ^g^
VII. I^es côtes et les phalanges des orteils trouvés à
Mlestricht diffèrent de ceux du crocodile , 368
VIII. De la partie antérieure du bouclier d\'une
grande tortue de la montagne de Saint-Pierre ^ et
d\'une autre que possède M. Hunter, Des os hu~
569
mains et d\'oiseaux pétrifiés ,
Explication des planches,
371
FIN DE LA TABLE.
-ocr page 500-Page xix ligne la de géométrie, lisez la géométrie.
hiij 9 d\'Europe, lisez de l\'Europe.
57 iJ^ par, lises
74 24 descendoit,/wez descendant. \'
175 7(iopl. III),/«es( 9pl. UI).
wimmma
" I r
-ocr page 503- -ocr page 504-