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Hist, natur.
Oct. 4210
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t>e piellre camper.
rOiME SECOND.
-ocr page 6-t?
RIJKSUNIVERSITEIT TE UTRECHT
I
1904 8044
-ocr page 7-qui ont pour objet
chez h. j. iansen, rue des postes, n». 6,
près l\'estrapade.
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-ocr page 9-PUBLIÉE PAR M. A. G. CAMPER,
Membre de la Société des Cnrieux de la Nature
de Berlin, de la Société des Sciences delà Répu
blique Batave, et Correspondant de la Société
Philomatique de Paris.
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A
-ocr page 11-m
PRINCE D\'ORANGE ET DE NASSAU.
onseigneuh,
L\'OUVRAGE que je présente au public ré-
clame la protection de Votre Altesse sous plus
d\'un titre : il doit son origine à votre goût pour
s ^ p I T E. E
Vhistoire naturelle • car, en fournissant le su-
jet, vous n\'aviez pour hut que l\'avancement des
sciences. Un motif aussi nohle devoit redoubler
le zèle de mon père, exciter sa reconnoissance
pour une preuve si distinguée de votre considé-
ration ^ aussi désiroit-il vous offrir le fruit de
ses recherches ; mais , trop jaloux d\'étendre son
trai^qil, afin de le rendre plus utile et plus di-
gne dê paroitre sous vos auspices, il en retarda
l\'exécution jusqu\'à l\'époque fatale qui termina
set carrière.
Héritier de ses manuscrits, j\'offenserois sa
mémoire en perdant de vue la dette sacrée dont
il n\'a pu s\'acquitter ^ mais cette obligation ^
3I0NSEIGNEUR, n\'est pas la seule dont je suis
redevable y il en existe une autre et plus pres-
sante encore ! c\'est le souvenir des bontés par-
ticulières dont Votre Altesse a bien voulu m\'ho-
norer ; car ayant cédé au père , durant sa vie,
l\'objet précieux qui vient de m\'occuper , vous
daignâtes en gratifier le fils après sa mort. Vous
en avez privé votre musée, j ci,dis l\'admiration
B É D î c A T o I R E. 9
plus célèbres naturalistes, pour cju\'il fit Tor-
^^^ment principal du cabinet qui m\'est échu par
^liccession.
Ces engagemens héréditaires et perse?mels
étaient de puissantes raisons pour vous offrir
l\'hommage de ma gratitude j mais je sens,
Monseigneur , que c\'est un bien foible
tribut pour tous les bienfaits dont il vous a plu
de me combler, et que j\'ai d\'ailleurs besoin
de votre indulgence pour les imperfections d\'un
ouvrage que mes talens bornés ont affoibli de
moitié.
Un dernier motif cependant, plus fort que
tous les autres, m\'incitoità vous dédier ce livre;
je l\'embraèse avec enthousiasme : ce qu\'il me
fournit l\'avantage de témoigner publiquement
que les malheurs qui ont éloigné Fotre Altesse
son illustre famille d\'une patrie rachetée à la
liberté par le sang de Vos ancêtres , ne pourront
alterer les sentimens d\'estime et d\'affection dont
^""(IS pénélré, et que mes vœux pour la pros-
epi t ré dédicatoire.
périté de votre auguste maison ne cesseront qu\'a-
vec le terme de mon existence.
lo
J\'ai l\'honneur d\'être avec le plus profond
respect.
de Vot:re Altesse Sérénissime,
Le très-humhle et très-ohéissant
Serviteur,
Le 18 août 1802.
-ocr page 15-K
donnant la description d\'un éléphant dissé-
par mon père, il j a vingt-huit ans, je me
Crois obligé de rendre compte des particularités
<]ui l\'ont fait naître, des circonstances qui ont re-
gardé sa publication, ainsi que des matériaux qui
ont servi de base à mon travail. Le second de ces
articles tiendra lieu d\'apologie à l\'auteur défunt,
comme le dernier servira d\'excuse pour les omis-
sions dont je suis responsable.
»-■\'éléphant dont il est question fut transporté de
Ceiian dans la ménagerie de S. A. S. Mr. le prince
d Oi\'ange , qui, sachant combien l\'examen d\'un
quadrupède aussi rare importoit à l\'histoire natu-
relle, donna les ordres nécessaires pour qu\'en cas
de mort il fut envoyé sur-le-champ à M. Camper.
Ce procédé louable, qui annonce un prince ami
sciences, mérite d\'être consigné , pour servir
cl exemple à tous ceux qu\'une grande élévation met
» portée d\'encourager les lettres.
Ea dissection eut lieu pendant l\'hiver de 1774,
par un tems médiocrement froid j elle ne fut en-
tiavéepar aucun des obstacles qui, en de pareilles
occasions, s\'opposent quelquefois aux recherches
A V a n t - p r o p o s.
des naturalistes, et fut terminée en moins de trois
semaines. Pendant cet intervalle tout fut examiné
et décrit, et un grand nombre de dessins faits d\'a-
pres nature. Dès le printems suivant, l\'auteur fit
annoncer dans nos papiers publics (i), un exposé
succinct de ses principales découvertes; il promit
en même tems de publier le fruit de son travail ;
mais il falloit du tems pour\'rédiger l\'ouvrage et
pour faire graver les planches nécessaires à la des-
cription des parties. Le défaut d\'artistes et ies oc-
cupations nombreuses du seul graveur capable
d\'exécuter une telle entreprise, causèrent un pre-
mier délai; mais il résulta de ce retard un avan-
tage réel pour l\'histoire naturelle ; car il se pré-
senta à M. Camper, depuis cette époque, plusieurs
occasions d\'examiner des éléphans des deux sexes.
Il en vit non-seulement en Frise, mais en France
et en Allemagne. Son dernier voyage en Angle-
terre (2) lui fournit un riche complément d\'ob-
servations importantes sur ces étonnans quadru-
pèdes; de sorte que les douze années qui s\'écoulè-
(1) Sous le titre Kon berigt -van (h ontleding eens jongen
elephants, qui fut inséré dans les Vaderlandsche Letter^oejfe-
ningen de la même année. 11 en parut, en 1784, une version
fillemande dans la collection des ouvrages de l\'auteur, publiée
aousle nom de P. Campers Sammtliche kleinere schrifien , tra-
duits par M. Herbeli. Part-1, pag. 5,,
(3) En 1785,
a v a n t - p k o p o s. 1 5
jusqu\'en 1786, ajoutèrent singulièrement au
Wîérite de l\'ouvrage. C\'est alors qu\'il en refondit
le plan et qu\'il régla l\'ordre des matières. Il se se-
»■Oit infailliblement occupé du texte, si des cir-
^oustances impérieuses n\'eussent détourné son ac-
tivité sur des sujets moins agréables.
Les planches ne furent terminées qu\'en 178g,
l\'auteur, qui jouissoit alors du repos nécessaire,
alloit enfin achever la description si souvent re-
gardée , lorsqu\'une maladie violente l\'entraîna
tlans la tombe , malgré toutes les ressources de
^ art. U n\'eut que le tems de coucher par écrit une
explication des planches très-ample et fort détail-
lée , avec l\'énumération des chapitres qui auroient
composé le texte.
Les premières impressions de sa perte étant cal-
®aées , je cherchai à remphr , en quelque façon ,
la grande tâche qu\'il s\'étoit imposée 5 mais, trop
foible pour J suffire, je me suis borné au tableau
comparatif de l\'extérieur, à l\'indication du sol na-
*al des éléphans et à la différence qui distingue les
espèces vivantes et perdues. On trouvera de plus
^ne exposition succincte de là structure des parties
internes, de celie des organes de la nutrition et de
generation 3 enfin , une description générale du
squelette et quelques détails sur la dentition. L\'ex-
P ication des planches appartient donc purement
\'^îiteur. J\'ai tâché de n\'y rien changer dans k
1 4 a v a n t - p 11 o p o s.
traduction , et comme elle est fort étendue , il
m\'étoit permis d\'abréger mon discours.
Les matériaux qui m\'ont servi pour le compo-
ser sont tirés en partie du rapport inséré dans le
journal hollandois que je viens de citer, ainsi que
du contenu de trois lettres que l\'auteur adressa ,
sur le même sujet, à l\'Académie royale des scien-
ces de Paris (i) 5 quelques annotations particulières
et l\'explication des planches complétèrent le reste.
J\'ai tiré un grand service d\'un choix d\'extraits que
mon père avoit recueillis dans les anciens et les
modernes, dont plusieurs même étoient disposés
par ordre des chapitres auxquels ils devoient se
rapporter. Ma position éloignée d\'un grand foyer
de sciences, m\'ayant empêché de consulter plu-
sieurs descriptions et des voyages relatifs à l\'his-
toire des éléphans, publiés après la mort de l\'au-
teur, je demande l\'indulgence du public sur les
négligences qu\'on pourroit d\'ailleurs me reprocher.
Le plan de l\'auteur a toujours été de faire pa-
roître son grand ouvrage en latin, aussi avois-je
(1) Ces trois lettres, accombagnées de quelques dessins , ren-
fermoient le résultat df\'s observations conimumquées au public
dans le journal liollandois. Elles furent envoyées pendant Télé de
1774 à M. Portai,, qui les a piésentées à celte illustre «nciété;
mais il n\'en a pas été fait mention dans les mémoires, M. Tenon
eut la complaisance de me les remeuxe en 1786, pour les faire re-
passer à l\'auteur.
A V A N T - p R o i» o s,
^«in cet idiome pour le mémoire destiné à y servir
e rontispice j mais le libraire qui se charge de
impression, préférant de le publier dans la lan-
gwe Vivante la plus universellement répandue en
urope , je me suis occupé de la traduction du
texte et de Fexplication des planches; aimant mieux
sacrifier le style à la précision du sens, et plus ja-
loux de voir les idées de Fauteur fidèlement ren-
dues que travesties ou altérées par la beauté des
phrases et Félégance de la diction.
^ Si l\'on demande la cause du long intervalle qui
8 est écoulé depuis la mort de Fauteur jusqu\'à la
publication de cet ouvrage, il faudra la chercher
flans les suites désastreuses de la guerre, qui pen-
dant douze années a fait le malheur de Fhuma-
nite, et dans l\'épuisement des finances qui devoit
nécessairement en résulter.
Je me flatte qu\'on trouvera dans la description
anatomique, dont je suis Féditeur, un grand nom-
bre d observations neuves et très-curieuses , plu-
sieurs erreurs des anciens et des modernes réfu-
tées, ainsi que des points éclaircis qu\'on avoit né-
§ ^ge d\'approfondir; car on sait que depuis les ou-
vrages de Duvernoi, de Perrault, de Blair et d\'au-
be® (i), xl ne s\'est rien publié d\'intéressant sur Fa-
! Scrrao,
■ difisïcùargo-
^^ P" procurer louvr.-^ge de
^J-Naples dans un recueilimitulé Oposcoli di fisù
-ocr page 20-ï6 AVANT-PROPOS,
iiatoniie de réléphanî. Il resloit cependant bien
de choses à rectifier sur la structure de la trompe,
sur les organes de la génération, sur le réservoit
de la bile et sur le nombre des dents, dont M. Cam-
per s\'est principalement occupé. Ce n\'est pas que
les savans modernes n\'aient eu, et récemment en-
core , des occasions d\'examiner des éléphans ;
mais , soit qu\'ils aient négligé de communiquer
leurs recherches au public, soit qu\'ils en aient été
détournés par les circonstances, l\'histoire natu-
relle n\'en a point profité (i).
Après les recherches des grands hommes que je
viens de nomm.er, Cuvier seul, depuis près d\'un
siècle, a donné une nouvelle impulsion aux con-
noissances qui nous manquoient sur la classifica-
tion des éléphans. Le mémoire qu\'il a présenté sur
la diversité des espèces vivantes et perdues (2),
contient des observations brillantes qui avoient
échappé à l\'attention des naturahstes; il en con-
mento. Ce savant a donné dans ces mélanges la description anato-
ïuique d\'un éléphant mort dans cette ville vers l\'année jySo.
(i)Le célèbre Hunier de l^^ondres doit avoir disséqué deux élé-
phans en l\'jyS J une année api ès l\'auteur; et le professeur Soem-
mering en a dissétjué un autre en 1780. Ce dernier n"a pu conti-
^luer l\'examen des parties cause de ia corruption subite du ca-
davre. 11 îavoit d\'ailleurs que M. Camper devoit publier sa des-
cription , ce qui i\'a empêché de ne rien dosaner sur ce sujet.
(a) Ce mémoire a été lu à l\'Institut national ie premierpIuvio.se
aalV,
a V a n t ~ p 11 o p o s. 17
finale d\'autres que l\'auteur avoit le premier fait
connoître (1). Elles m\'ont été d\'un grand avan-
tage , ainsi que les annotations sur le squelette
«parses dans ses admirables leçons d\'anatomie com-
parée; mais j\'ai été informé trop tard du contenu
^ Line notice sur le mammouth , insérée dans le
Journ. de phys., et communiquée par L. Valen-
tm (2). Elle vient à l\'appui de mes preuves établies
sur le cours du nerf sphéno-palatin pour rappor-
ter la mâchoire fossile du grand mammifère de
i Ohio à une véritable espèce d\'éléphans, ainsi que
toes conjectures sur la taille de ces antiques qua-
«rupèdes (3). La grandeur énorme du crâne s\'v
trouve déterminée avec une précision sur laquelle
je ne pouvois hasarder que des approximations
res-mcertaines. Il conste désormais que le nom
éléphant à longue tête lui convient plus que
tout autre, puisque les proportions des extrémi-
(0 Celles qui regardent lasiructure des molaires et qui servent
^ *«,nguer les espèces d\'Afrique d\'avec celles de l\'Asie, ainsi qu\'à
«noure le sol natal des éléphans premièrement connus sous
de mammouth.
^^ ^^ , par J. C. De-
etherie, ventôse an X, pag. 200.
«\'Sri g»-andeur à dix ou onze pieds , d\'après la
ni humerus ; n\'ayant point de fe-
^^ l\'avant-bras je ne pouvois y mettra une grande
-ocr page 22-A V A N T - p r o p o s.
tés étant les mêmes que celles que nous observons
dans les éléphans de l\'Inde ou d\'Afrique , la lon-
gueur du crâne est double, c\'est-à-dire, comme
quatre pieds et demi à deux et un quart (;i).
Après l\'ouvrage que je présente actuellement il
nous reste encore un autre bien plus complet à at-
tendre; c\'est une description anatomique de l\'élé-
phant mort dernièrement à la ménagerie du Jar-
din des Plantes à Paris. L\'Institut national des
sciences en a chargé ie savant dont je viens de ci-
ter le mémoire. Le célèbre traducteur d\'Aristote
a dit avec raison (2), qu\'une histoire de l\'éléphant
n\'est plus à faire, après ce qu\'en a dit le Pline de
la France; nous observerons seulement que ce se-
roit en vain qu\'on tenteroit d\'ajouter par la suite
quelque chose à la description de Cuvier.
Je demande , en terminant ce discours Fin-
(1) Comme les débris de cette espèce éteinte d\'éléphans se trou-
vent répandus par toute l\'Europe et dans le nord de l\'Asie , il con-
•viendroit de changer Ta définition de Cuvier , à\'elepkas america-
tins, etc., en ceWe à"elepkas macrocepkalns , molaribiis mulli-
cuspidibus lamellis post detrîtlonem. qnadrilihntis. Son grand tra-
vail sur les débris des mammifères fossiles annoncé récemment, ne
peut manquer de nous donner des notions très-intéressantes sur
ce grand quadrupède et sur plusieurs autres nouvellement décou-
verts en Amérique-
(2) M. Camus , Hist, des anim, d\'Aristote, torn.. II, pag. 295
dans les notes.
avant-propos. m
J gence du public pour toutes les incorrections
pour toutes les fautes dont je n\'ai pu garantir
^reproduction littéraire : en attribuant à mon
Pe^e tout ce qu\'elle contient de bon, il rendra jus-
aux mânes du défum; les imperfections seu-
es tombent à ma charge, c\'est à moi seul qu\'il faut
^es imputer.
\'m
r
I
De la forme extérieure de Véléphant.
\\.
Aristote ( 1 ) a déjà remarqué que le tronc,
c\'est-à-dire, la colonne vertebrale, prise avec les
côtes, constitue la base fondamentale de la char-
pente de la plupart des animaux. Les extrémités
sont les organes du mouvement, toujours modi-
fies d\'après le but que la nature s\'est proposée lors
cle la création des êtres. La forme de la tête, celle
I^ejuvent. et sen., cap. 2.
-ocr page 26-22 de L\'éléphant.
des mâchoires avec tous les organes de la nutri-
tion , dépend du genre d\'alimens nécessaire ou des-
tiné à l\'entretien de l\'animal. Celle des pattes, dans
les animaux terrestres, dépend de la pesanteur du
corps et du mouvement qu\'ils doivent exercer pour
saisir leur nourriture, et pour éviter la poursuite
des ennemis avides de leur chair.
L\'éléphant, destiné à brouter des végétaux moins
tendres , se nourrissant de feuilles et de jeunes
branches, que la plupart des ruminans ne sauroient
digérer, n\'avoit besoin ni des griffes du lion,ni de
la légéreté du chevreuil , mais d\'un instrument
propre à atteindre à la hauteur des branches né-
cessaires au soutien de sa vie. Il ne pouvoit de mê-
me se passer de leviers capables de déraciner des
arbres, soit pour en manger les pousses, ou pour
frayer, à sa forme colossale, une route à travers
les forêts. Ainsi conformés pour se repaître d\'ali-
mens élevés à des hauteurs assez considérables du
sol, il avoit néanmoins besoin de pouvoir toucher
la terre pour étancher sa soif ; eî l\'on voit, d\'après
l\'exposé des fonctions que l\'éléphant doit remplir,
combien la nature avoit de difficultés à combattre
pour atteindre a son but. L\'extérieur, ainsi que
l\'ensemble de ses proportions, blâmé comme dif-
forme par plusieurs (ci), ne doit donc être envisagé
(î) Mémoires pour servir à l\'kiscoire nat. des animaux, par
-ocr page 27-DE L\' É L É P H A N T. Sa
que SOUS le rapport de Futilité qui en résulte , et
fournit des preuves répétées à chaque page du
grand livre de la nature , de cette intelligence su-
A ^ O
prenie qu\'on ne cesse d\'admirer dans toutes ses
P^\'oductions.
Ue vaste corps de l\'éléphant, porté sur des ex-
trémités proportionnées à sa pesanteur, ainsi qu\'à
son volume, soutient une tête munie d\'immenses
leviers, capables de renverser des obstacles qui
nous paroissent inébranlables. Ce sont ces dents
énormes , longues souvent de huit pieds , et qui
pèsent des quintaux ! Etant fixées à l\'extrémité des
mâchoires supérieures, elles chargent tellement le
crane qu\'il auroit été impossible à l\'animal de sou-
^ever sa tête, si elle eut été articulée sur des ver-
tebres cervicales d\'une grandeur ordinaire. En vain
la nature auroit-elle cherché dans ce cas des puis-
sances capables de régir cette lourde masse et de
vaincre la résistance des corps frappés par ces le-
viers à une si prodigieuse distance de leur point
«l\'appui ! Il a fallu d\'ailleurs, pour broyer des ali-
mens plus grossiers, des molaires d\'une structure
particulière, des espèces de meules d\'une grande
"wetéet d\'un poids considérable; enfin, des nius-
c es charnus et robustes pour le mouvement des
«P^iS-\' • ^^ ^"»rb., lib. II,
-ocr page 28-de l\' é l é p h a n t.
mâchoires. Qu\'est-il arrivé? Les vertèbres du cou
ont été tellement raccourcies qu\'à l\'extérieur il
n\'en paroît aucun indice; ainsi la tête chargée du
poids excessif de ces dents monstrueuses se trouve
presque immobile à l\'extrémité de la colonne dor-
sale , à peu près comme la tête des poissons a été
fixée sur leur thorax.
La tête de l\'éléphant soulevée de terre et por-
tée à la plus grande élévation de l\'épine avoit be-
soin d\'un organe particulier qui fût en état de sup-
pléer au défaut de ne pouvoir saisir les objets à
fleur de terre , ou d\'étancher îa soif sous les cli-
mats brûlans de la zone torride. Cet organe, que
le Pline de la France (i) a si heureusement com-
paré à un triple Sens, c\'est la trompe qui en rem-
plit les fonctions merveilleuses: elle sert non-seu-
lement de main pour prendre les aiimens de terre,
mais jouit d\'une force étonnante, en même tems
que d\'une flexibilité sans égale.
Tel se présente, en peu de mots, ce colosse de
matière animée, qui, pour différer si essentielle-
ment de la forme commune du plus grand nombre
des quadrupèdes , ne laisse pas que d\'être aussi
beau, aussi parfait dans son genre que tous les au-
tres animaux auxquels nous sommes accoutumés
de donner la préférence. La nature n\'ayant con-
ijjBuf/on, torn. Xï, p:Jg. Sa.
-ocr page 29-de iJ B 1. é p h a n t.
®ulte dans ses productions que l\'utile, il faut cher-
cher la beauté des formes dans le plus grand avan-
tage des membres relatif à leur destination réci-
proque(i),
, La proportion des extrémités n\'est pas constante
a différentes époques de la vie des éléphans. 11 en
Résulte que les écrivains, les peintres et lesstatuai-
J tant anciens que modernes , n\'ont pas été
^\'accord sur cet article. Aristote (2), Elien (3),
ppien (4), ont avancé quel\'avant-train étoit plus
élevé que celui de derrière. Wolfs (5) a observé la
nrerne chose pour les éléphans de Ceilan ; mais
racnan (6), au contraire, ainsi que Perrault(7)
®t d autres, se sont imaginés que cette conforma-
tion dépendoit d\'un caractère spécifique.
^^Les ligures qui se trouvent dansBuffon au tome
\' et dans les supplémens au tome VI, s\'accor-
dent avec les descriptions d\'Aristote , d\'Elien et
d\'Oppien , tandis qne celle donnée dans le tome
(0 L\'auteur en a développé les preuves dans un discours pro-
noncé à l\'Académie de dessin d\'Amsterdam en 1783, et traduiten
nçois par D. B. Quatremère d\'Isjonval en 1793.
\' , lib, IV, cap. 3t, pas, .04.
^ au
P^\'^\'^nt Inn^"^"^ ^^"^^ley, Essay Lowards ihe anaiomj of m eh-
-ocr page 30-26 » E l\' É L É p H A N T,
lîl des snpplémens est conforme à l\'avis des au-
tres. La figure publiée par Gesner(i), quoique
très-mauvaise, présente l\'avant-train plus élevé
que celui de derrière; celle de Johnston (2) ne dé-
cide pas la question , en présentant Fanimal de
profil, différemment de ce qu\'on voit en d\'autres
positions.
L\'éléphant modelé par l\'auteur défunt, en 1769,
avoit la tête moins élevée que le milieu du dos.
Les extrémités antérieures étoient de même lon-
gueur que les postérieures. Le sujet de la descrip-
tion qu\'il me reste à donner avoit les mêmes pro-
portions. Il ressembloit par conséquent à la figure
publiée par le comte de Buffon, au tome III des
snpplémens. Mais le contraire avoit lieu dans un
éléphant dessiné par l\'auteur à la ménagerie de
Versailles, en 1777. La tête avoit plus d\'élévation
que le dos, et ie train de devant excédoit celui de
derrière en hauteur ; aussi Féléphant modelé en
1769, dont il a été fait mention, ayant passé dans
(1) Hist. anim., tom. I, pag. 377.
(3) La planche VU donne plus d\'élévation au train de devant,
mais le profil, planche VIII, a la tête moins élevée que le dos.
Cette figure a sans doute été prise d\'après un sujet fort jeune, au-
<iuelle dessinateur a ajouté de longues défenses pour complétarla
ressemblance. La planche IX paroît représenter un éléphant plus
âgé, mais dont la téte n\'avoit pas encore atteint la hauteur du
dos. Johnston, Hist, nat. des qua dm p.
u e l\' é l é p h a n t. 27
^^^"agerie de Cassel, avoit changé de propor-
dans l\'espace de dix années , de sorte qu\'il
ressembloit alors h celai de Versailles. Il est aisé
^ conclure que le changement des formes doit
eîre attribué à la différence de l\'âge. La même
cûose a lieu dans l\'homme et dans un grand nom-
^e mammifères: le tronc et la tête sont pro-
Portionntllement plus grands dans les enfans que
^^ns les adultes ; les extrémités se développent plus
"\'arrivent au terme d\'accroissement que
ans 1 age de puberté. Les carnassiers,commetoua
es mammifères allaités dans des tannières ou dans
^es réduits cachés, sont dans le même cas; au lieu
qne le plus grand nombre des herbivores, qui sui-
vent les parens dès la naissance et n\'ont point d\'a-
n fixe, ont à cette époque les extrémhéstroplon-
gnes pour la taille du corps. Pour ces premiers, la
mère est obligée de se coucher pour les nourrir ,
au heu que dans ces derniers la mère et les petits
doivent se tenir debout pendant que les derniers
Mettent.
Le train de devant est naturellement plus élevé
qne celui de derrière dans tous les quadrupèdes
chargés d\'une grosse tête , dans ceux qui portent
des cornes, et qui ont d\'ailleurs le cou fort alongé.
attache des ligamens et des muscles nécessaires
^ soulever la tête , exigeoit pour eux de longues
^^Pophjaes sur les vertèbres du thorax qui consti-
de l\' é l é p h a n t.
tuent le garrot; ainsi Téléphant, qni de tous les qua-
drupèdes a la tête la plus pesante et dont le poids
augmente avec Fâge, à mesure que les dents s\'a-
longent, avoit le plus grand besoin d\'apophyses
épineuses très-alongées, afin que les hgamens et
les muscles cervicaux pussent la soutenir avec plus
d\'avantage. Sa colonne dorsale , exhaussée vers
l\'extrémité antérieure, contribue d\'ailleurs à re-
culer autant que possible le éentre de gravité de
la tête, et à le faire tomber dans la base des pieds
de devant.
La nécessité de ces mesures est des plus abso-
lues , lorsqu\'on considère que le crâne d\'un élé-
phant décharné, pris avec les mâchoires inférieu-
res , sans y comprendre les défenses, pèse au-delà
de deux cents livres ; que le poids des défenses peut
monter au-delà de quatre cents livres; que celui
de la trompe avec les muscles, toutes les parties
molles et hquides, doit aller au-delà de cent cin-
quante livres. Un fardeau aussi énorme, différem-
ment placé, auroit fait broncher l\'animal, sans
qu\'il eût pu jamais se relever (i).
La longueur du corps, comparée à sa hauteur
verticale, paroît aussi subir quelque changement,
suivant la diversité de l\'âge. Celui que l\'auteur a
disséqué, haut de quatre pieds un pouce, étoit
(I) Buffon, tom, XI, pag 87, dans les notes.
-ocr page 33-i> e l\'éléphant. 29
ioug de cinq pieds quatre pouces. Un autre, me-
suré en 1770, haut de quatre pieds cinq pouces et
demi, mesuroit quatre pieds huit pouces de Jon-
gueur. La femelle qu\'on faisoit voir à Harlingue,
en 1775, avoit cinq pieds neuf pouces d\'élévation
sur six pieds cinq pouces de longueur. Celui que
Perrault a décrit étoit moins alongé relativement à
sa hauteur, ayant sept pieds et demi de haut sur
huit pieds six pouces de long (1). Mais Aldrovande
a pris les mesures égales en hauteur com.me en lon-
gueur, d\'après le sentiment de Goropius (2). Stu-
keley semble du même avis (3). En supposant l\'o-
pion de ces deux auteurs fondée sur des mesures
înoins exactes, il paroît que le corps de l\'éléphant
adulte prend pl us d\'accroissement en hauteur qu\'en
longueur.
La taille des éléphans amenés en Europe , est,
en général, très-petite: quoique transportés fort
jeunes, à l\'âge de quatre à cinq ans, ils ne peu-
vent se développer dans cet état de contrainte et
de captivité comme dans celui de nature; le froid
et la différence d\'alimens contribuant d\'ailleurs à
les faire souJffrir constamment. Le plus grand que
nous ayons vu n\'atteignoit pas à six pieds. Celui
Mémoires, etc., pag. 5o3,
(2) De Quadrup., lib I, p^g.\'
(3) Essaj towards, etc., pag. ga.
-ocr page 34-d e
L ELEPHANT,
que Duvernoi a disséqué n\'en avoit pas sept (i).
L\'éléphant décrit par Perrault n\'en niesuroit que
sept et deniij et les exemples d\'individus parve-
nus à huit ou neuf pieds sont très-rares
Cet animal encore Jeune présente des formes
assez rondesj mais Je peu de graisse qu\'il semble
avoir dans les premières années de la vie, se per-
dant subitement, il lui reste dans la suite un air
sec et maigre. L\'individu modelé par M. Camper
en 176g, avoit alors une légère apparence d\'em-
bonpoint 3 mais depuis il avoit contracté, dans l\'es-
pace de dix ans, cet air de maigreur qui caracté-
risoit celui de Versailles en 1777. L\'éléphant dis-
séqué par Blair n\'avoit absolument aucune graisse.
Il n\'en existoit ni sur les intestins, ni autour des
reins, ni entre les muscles (a). Levaillant (5), qui
doit avoir tué ces animaux dans l\'état sauvape, a
remarqué qu\'ils n\'avoient de graisse que dans lés osj
,d\'où il résulte que la plupart des figures d\'éléphans
pèchent par trop de rondeur dans les contours, et
cela est d\'autant plus à blâmer que plusieurs au-
teurs, comme Perrault et Edwards, ont eu l\'oc-
casion d\'examiner avec attention ceux qu\'ils ont
décrits.
(4) Act. Petrop., torn- II, ann. 1727.
(1) Philos. Transact, abridged by Baddarn , vol. V, pag. 289.
(2) Premier voyage dans Vimirie.ur del\'Afrifjwa , edit, in \'6\'K
pag. i6S. \'
DO
b k l\'éléphant. 5l
La rareté du poil des éléphans est telle qu\'on
auroit dû les classer dans une division avec les pa-
chydermes, desquels ils se rapprochent d\'ailleurs
par plusieurs habitudes, également communes au
rhinocéros, à l\'hippopotame, au tapir et aux co-
chons (i). Aristote (2) dépeint l\'éléphant comme
le moins velu des quadrupèdes. Aretée, le Cappa-
docien (5), en fait une laine crasseuse, expression
très-juste, eu égard à l\'aspect mal-propre de la
peau et au tournoiement de ses poils. Ceux qu\'on
promène en captivité ont assez communément les
poils usés par le frottement contre les parois de
leurs loges, de sorte qu\'on ne peut les observer
<ine peu de tems après la mue. L\'auteur fut frappé
de cette vérité en remarquant qu\'une femelle qu\'on
faisoit voir à Harlingue , en 1775 , n\'olfroit au-
cune apparence de poil, lorsque le même indi-
vidu en avoit d\'assez longs et même en abondance
(1) Celle de préférer les lieux humides , de se vautrer datis la
fange et les eaux croupissantes peut servir d\'exemple. Je sais bien
<iue le célèbre Cuvier qualifie de pachydermes les mararaileres à
sabots qui en ont plus de deux à chaque pied ; mais il me semble
que les ongles du rhinocéros ont plus de rapport avec ceux de l\'é-
pnant qu on ne pense. L\'absence du scrotum est commune dans
tous, quoique les testicules ne soient pas placés au même endroit
«u corps.
(2) Hist. anîm., lib. Il, pag. 779C.
(3) ZJa MorbU diut., lib. II, cap. 13 , pag. 69.
-ocr page 36-Ba D E l\' É L B p It A N T.
à son retour , après trois années d\'absence. Cètté
observation s\'est confirmée par d\'autres éléphans
de la ménagerie du prince d\'Orange et de celle de
Versailles. Le sujet de cette description anatomi-
que en avoit si peu , qu\'il paroissoit en manquer
entièrement au premier aspect.
Pline (i), en disant que ces animaux ne peuvent
se défendre des mouches, parce qu\'ils sont entiè-
rement privés de poils, ne paroît en avoir vu que
dans le tems qui précède la mue , puisqu\'il ajoute
que même la queue en est entièrement dépourvue.
Perrault les a bien observés, ainsi que ceux qui
garnissent la trompe, et qui se trouvoient même
en assez grand nombre sur le nôtre. H les compare,
à juste titre , à des crins ou à des soies (2).
La peau de notre individu présentoit, en plu-
sieurs endroits, l\'apparence de petits ulcères , qui
ont laissé des empreintes visibles sur le cuir tanné.
Aretée (5), que nous venons de citer, en a donné
nne bonne description. Blair (4) prenoit cette dis-
position pour une maladie particulière de l\'indi-
vidu qu\'il a disséqué; mais il y a tout lieu de croire
qu\'elle est naturelle aux éléphans en général, et
(1) //isC. nat. , lib, VIIÎ , pag. 44°) edit. Hardouin.
(ï) Mémoires, etc., pag, 5ia.
(3> De Elephantiasi, lib. 11, cap. i3.
(4) Philos, Transact., abridged by Baddam , vol. V, pag. 2S6,
-ocr page 37-15 E l\' É L É p H A N T. 53
la lèpre, aussi appelée élépliantiasis, a tiré ce
nom de sa ressemblance avec la peau parsemée
d ulcères, raccornie ou calleuse des éléphans. Per-
lault a remarqué cette même indisposition de l\'é-
piderme dans le sujet qu\'il a décrit, et s\'est fort
étendu sur cet article (i).
L\'observation de Pline, que la peau des éléphans
est reticulée, et qu\'elle attire les mouches par
son odeur particulière, paroît mal fondée. îl veut
même que ces animaux ont la faculté d\'en ouvrir
les cellules pour y attirer les insectes, et peuvent,
lorsqu\'ils s\'y sont introduits, les écraser par une
violente contraction (2). Stukeïey (3) semble avoir
suivi le sentiment de ce grand naturaliste sans l\'a-
voir bien examiné; car l\'auteur n\'a rien remarqué
qui puisse confirmer cette assertion dans six élé-
phans qui se sont présentés à ses recherches. Bien
que leur peau soit fortement ridée en divers sens,
ces rides ne sont pas sillonnées assez profondément
pour l\'usage que Pline leur attribue; aussi la du-
reté de la peau n\'étoit pas extraordinaire. Elle n\'ad-
béroit pas fortement au corps, et l\'épaisseur même
n\'étoit pas considérable au bas-ventre. Sparrmann,
qui n\'avoit observé que le pied d\'un éléphant, en
(0 Mémoires , etc., pag. 516.
<.^)Hist. nat., ]ib. Vm, pag. 440.
(3) Essay towards , etc. , pag, g3,
II.
54 I> E l\' É L É p II A N T.
a trouvé la peau moins épaisse que celle du rhino-
céros et de Fhippopotame ( i ). C\'est bien au dos
qu\'elle est lapins épaisse. Cependant les traditions
de Cassiodore et d\'Oppien sont exagérées, à moins
qu\'on n\'adopte la conjecture très-sensée de Per-
rault , que leurs descriptions ont été faites d\'après
des peaux sèches et durcies par le retrait (2). Les
observations de ce grand homme sur la contexture
de la peau sont excellentes à tous égards, et rédi-
gées avec beaucoup de soin. Nous avons seulement
trouvé que la couleur noirâtre de l\'épiderme ne
s\'est pas perdue par le dessechement, comme dans
le sujet qu\'il a examiné ; au reste, le cuir de ces
grands animaux ne paroît pas susceptible d\'être
préparé avec le même avantage que celui d\'autres
quadrupèdes J car, exposée pendant trois années
dans une tannerie, la peau est restée lisse et per-
méable à l\'humidhé, comme celle des cochons.
La couleur des éléphans varie du blanc au noir,
par des nuances plus ou moins marquées. Ceux qui
habitent l\'Afrique semblentnéanmoinsd\'uneteinte
plus foncée que ceux d\'Asie. Aretée le Cappado-
cien, comparant leur noirceur à l\'obscurité de la
nuit, ajoute qu\'elle rappelle même les idées lugu-
(1 ) Reise nach dem Vorgebirge des Guten Hoffnung, publié par
G, Forster à Berlin en 1784, chap. 9, pag. 284^
(3) Mémoires, etc-, pag. 517.
u e l\' é l é p h a n t. 35
bres de la mort (i). Ceux qu\'on trouve aux Indes
sont moins foncés, d\'un gris noirâtre, bigarrés et
quelquefois blancs. Mais ces derniers sont extrê-
«iement rares, et tellement estimés qu\'il n\'y a que
des souverains du premier rang qui puissent en
laire l\'acquisition. On a vu même des éléphans
blancs divinisés après leur mort; et Su ply cite (2)
l\'exemple d\'un roi de Siam qui fit ériger une statue
et un mausolée à l\'honneur d\'un éléphant blanc,
auquel on faisoit des sacrifices et rendoit un culte
annuel.
La grandeur des éléphans n\'est pas plus cons-
tante que les teintes de leur peau. Les anciens pa-
î\'oissoient d\'opinion que ceux d\'Asie, et sur-tout
ceux de l\'île de Ceilan, étoient d\'une taille plus
avantageuse que ceux d\'Afrique; mais les obser-
vations des voyageurs modernes , recueilhes par
des écrivains dignes de foi , s\'accordent à donner
la même taille aux éléphans des deux continens.
Au moins ceux qui se trouvent.répandus dkns les
forêts de la partie orientale de l\'Afrique, incon-
nue aux anciens, ne le cèdent pas à ceux de l\'Asie
en grandeur.
(1)DeElepL, pag. 68 A.
(2) Remarque, anatomiques sur un éléphant ouvert au fort S-
""rge , adressées au premier cMrurgien da fort S.-David en
1715. \'
56 del\' é L k p II A N T.
Mais on ne s\'accorde guère sur les limites de
cette grandeur; l\'incertitude s\'étend même à plu-
sieurs pieds. Tandis que des auteurs ne donnent
que douze , quatorze ou quinze pieds aux élé-
phans, il y a des voyageurs qui prétendent en
avoir vu de dix-neuf pieds (i) ; cependant ces
cas doivent être , sinon uniques , du moins fort
rares. Bosman (2), Adanson (3), Stukeley (4), Le-
vaillant(5), se bornent à la mesure de douze à
treize pieds ; et Wolfs cite les plus grands éléphans
comme peu communs à Ceilan : le prix en aug-
mente à mesure de la longueur et de l\'égalité des
dents, ainsi que de leur rapport au volume de
l\'animal (6).
Il paroît d\'ailleurs que la taille des éléphans est
fort sujette à varier sur les deux continens, indé-
pendamment de l\'âge des individus. Marcellus
Bles dit en avoir vu à Ceilan dont la taille n\'ex-
(i) W. E. Tentzeliî, Epistola de sceleto eleph. Tonnac nuper
effosso , anno 1C96, pag. aS.
(3) Beschryving van de Ginnese Goudkust, deel II, pag, 24.
(3) Voyage au Sénégal, pag. 76.
(4) Essay towards , etc., pag. 92.
(5) Premier voyage dans l\'intérieur de VAfrique, in-V>.,
pag. 169.
(6) Un éléphant haut au-delà de six aunes , ayant de belles dé-
fenses , se vend quelquefois deux mille cinq cents thaler. Rsize
nach Zeilan , pag. 117-
DE L\' É L É P H A N T. 57
cédoit pas celle d\'une genisse ordinaire (i). Cette
expression peut être exagérée, mais ne laisse pas
de gagner quelque crédit, lorsqu\'on compare deux
mâchoires inférieures de très-petits éléphans, dé-
posées à Leide dans le musée du professeur Brug-
mans (2), avec celles d\'un éléphant presqu\'adulte:
on y remarque, en faisant attention aux progrès
fort avancés de la dentition, les signes non équi-
voques d\'un âge qui semble incompatible avec la
petitesse des formes. Mais ces exemples ne méri-
tent qu\'une légère attention, et pourroient bien
n\'être que des jeux de la nature, qui, dans toutes
les espèces, se plait à former des géans comme à
produire des nains.
I L
Des yeux et des oreilles.
Les auteurs ont assez généralement critiqué la
petitesse des yeux de l\'éléphant : Oppien (3) l\'avoit
déjà remarqué; Daubenton (4), en puisant ses ob-
("j Buffon , Hist. nat. des quad. , suppl,, tom. VI, pag. 28.
(2) Ce naturaliste célèbre m\'avoit promis une description avec
les mesures de ces mâchoires, mais il paroît en avoir été empê-
clie par les pressantes occupations de sa place.
(3) Cyneg., vers. Sao:
(4) Buffon , tom. XI, pag. 99.
-ocr page 42-58 r» E l\' É L É p H A N T.
servations dans Perrault, ajoute que le globe de
l\'œil n\'a pas un tiers du diamètre de cet organe
considéré dans le boeuf, lorsqu\'on a égard à la
grandeur relative du corps de chacun de ces ani-
maux. Vartoman, qui les a comparés à ceux d\'un
cochon pour la couleur et la grandeur, a été suivi
par Strachan (i).
Les yeux ne sont pas grands, relativement à la
tête des éléphans ; mais bien fendus et très-animés.
Bulfon (2) a parfaitement dépeint leur vivacité, le
brillant ainsi que l\'expression de leurs mouvemens :
on sait d\'ailleurs que les organes des sens ne sont
jamais proportionnés à la grandeur du corps. Dans
tous les grands mammifères, comme sont quel-
ques pachydermes et les cétacées, le globe de l\'oeil
ne sauroit être proportionné à la taille colossale de
ces animauxj et ce ne sont pas les organes destinés
à la vue seule, mais la masse entière du cerveau,
par conséquent la source commune de tous les sens,
dont le volume n\'accroît jamais au-delà de cer-
taines limites.
Aristote (3) s\'est trompé en disiint que l\'homme
seul avoit des cils à la paupière inférieure 5 car
l\'éléphant en a de très-visibles aux deux paupières;
(1) Stukelej, Essay towards , etc. , pag. go.
(2) Tom. XI, pag. 5o.
(3) Hist. anim., ]ib. II, cap. 8.
-ocr page 43-be l\' é l é p h a n t. sg
cependant ceux de la supérieure sont plus longs et
plus épais. Perrault (i) avoit déjà relevé cette er-
reur , en citant le singe, Féléphant, Fautruche et le
vauto ur comme une preuve du contraire; c\'est done
par quelque inadvertance, ou par quelque faute
d\'impression , que Daubenton (2) a interverti le
sens de Perrault, dont il rapporte les mesures
précises.
Les oreilles sont triangulaires et fort grandes ,
o O \'
ainsi que Perrault (5), Buffon (4) et d\'autres Font
remarqué. L\'auteur s\'en est convaincu par l\'inspec-
tion de plusieurs éléphans. Aretée le Cappado-
cien (5), dans son style hyperbolique, les compare
à des ailes qui descendent jusqu\'au bas de la poi-
trine. Elles masquent, dit-il, le cou et les bras, de
même qu\'un vaisseau paroît caché derrière l\'éten-
due de ses voiles. Petrone (6) en a été offensé de
même; mais le seul Oppien (7), plus complaisant
à cet égard que les autres, les a trouvé petites : on
a heu d\'en être surpris, lorsqu\'on fait attention à
(i) Mémoires, etc., pag, 5i2 et5i3.
(3) Buffon, tonsi. XI, pag. io3.
(3) Mémoires, etc., pag. 5o8.
(4) Tom. XI, pag. 5i.
(5) DeElepk., lib, II, cap. i3, pag. 68.
(6) P. Petiti, Comm. in soc, Arelaei Gapp. librum., de Morbis
^int. , pag. 318.
(7) Oe, lib. II, vers. 5ig.
-ocr page 44-^^^ l\'éléphant.
i\'observ-ation de Perrault, dans la description de
1 éléphant du Congo ; car leur ayant trouvé trois
pieds de long sur deux pieds de large, il s\'ensuit
qu elles sont comparativement deux fois plus gran-
dies que celles des ânes. Sparrmann (i) les trouve
encore plus disproportionnées, quoiqu\'il n\'en don-
ne pas les mesures. Blair ne s\'est pas arrêté aux
détails de la partie extérieure de cet organe. Gil-
lius (2), étonné de leur grande mobilité, les com-
pare à des éventails, elles n\'étoient pas fort gran-
des dans le sujet qu\'il a décrit.
- Quoiqu\'il en soit, on pourroit supposer que les
oreilles des éléphans d\'Afrique sont plus grandes
que celles de l\'espèce d\'Asie : peut-être l\'âge a-t-il
de l\'influence sur leur accroissement relatif? Aussi
a proportion ne sauroit être constame dans tous
les individus. On pourra recourir aux planches
qui accompagnent la description anatomique pour
vérifier les proportions de toutes les parties de no-
tre éléphant. Comme cet individu étoit extrême-
ment jeune , on n\'a pas jugé convenable de faire
i\'apphcation des mesures à l\'espèce en~général.
(ï) Reîse, etc. , pag. 284.
(3) Descr. nova eleph. , pag. jg,
de l e l e p h a n t.
IIL
De la trompe.
Il a été remarqué ci-devant que la nature, pour
subvenir à la briéveté du^ cou de l\'éléphant, l\'a,
doué d\'un organe particulier, capable de remé-
dier aux inconvéniens qui devoient résulter de
cette conformation. Il remplit en même tems le
double office d\'une pompe, pour aspirer les ali-
mens liquides, et celui d\'une main pour ramasser
de terre les objets auxquels sa bouche ne sauroit
atteindre, ainsi que pour en saisir d\'autres qui se-
roient d\'ailleurs au-dessus de sa portée. Cet ins-
trument lui sert de plus pour rapprocher vers sa
bouche les branches naturellement éparses des
buissons ou des jeunes arbres dont il fait sa nour-
riture ordinaire (i): c\'est ainsi que les ruminans se
servent de leur langue, prolongée à dessein, pour
rassembler les herbes en pelotte, et les couper avec
plus de facilité.
L\'organe en question, qu\'on a nommé la trom-
pe, prend naissance au bas du.front.,.recouvre les
cartilages du nez , forme une prolongation de la
(0 LevailJarjtrappbi-te, dans son Ptem. voyage dans Vint, de
l\'Afrique, pag. ,57, c|ue les éleplians rassemblent les branches
des tiuusons avec leur trompe de la gauche vers la droite..
4l
»el\'ÉLÉPHANT,
ièvre supérieure et du nez en même tems, qui s\'é-
tend jusqu\'à terre. Composée d\'un assemblage de
fibres musculaires très-nombreuses, qui se croisent
en plusieurs sens, comme celles de la langue, elle
est divisée, dans toute sa longueur, par une cloi-
son membraneuse, dont l\'extrémité se termine par
nne protubérance alongée sous la forme d\'un
doigt.
Les tegumens, qui recouvrent sa partie supé-
rieure, sont une prolongation de la peau ordinaire,
pareillement garnie de poils clair-semés; mais son
intérieur est lisse, sans poils, et paroît d\'un tissu
semblable à la partie spongieuse des lèvres. Les
bords présentent deux rangées de tubercules , sé-
parés les uns des autres par des plis assez profonds,
et donnent à la trompe cette structure annulaire
qui est cause de sa grande flexibilité 5 elles lui
donnent enmême tems quelque ressemblance avec
un lombric.
Les anciens, justes admirateurs de la perfection
de cet organe, l\'ont appelé 7rpot^ofj<.Hç ou 7rpo^o<rHiç ,
comme étant l\'instrument particulier à l\'aide du-
quel ces animaux sont obligés de paître. D\'autres
l\'ont comparé à une trompette. Aristote lui donne
le nom de f^v^ryip, comme qui diroit un nez
destiné à paître," et c\'est de ces" dénominations
différentes que les Romains ont dérivé les noms
de proboscis et de projnuscis.
del\'éléphant. 43
Aristote (i) dit, que l\'éléphant a le nez si long
et construit de façon qu\'il peut s\'en servir en guise
de main ; mais il se trompe en soutenant que l\'ex-^
trémité, qui fait l\'office d\'un doigt, est cartilagi-
neuse. Le même auteur compare la trompe au tube
d\'un plongeur, dont les éléphans se servent pour
passer des rivières (2). Cassiodore (3) distingue la
trompe sous le nom d\'une main qui remplit l\'office
de nez. Lucrèce ( 4 ) appelle ces animaux angui-
manes, comme si la trompe ressembloit à un ser-
pent. Aretée(5) s\'est rangé du même côté, à cause
de l\'apparence extérieure de cet organe.
Galien, ce grand anatomiste de l\'antiquité, n\'a
pas été moins exact à décrire la trompe, comme
une appendice placée à l\'endroit du nez et prolon-
gée jusqu\'à terre. Il s\'en sert, dit-il, comme d\'une
main, avec la subtilité et la souplesse nécessaires
pour ramasser jusqu\'aux plus petites pièces de mon-
noie , qu\'il donne à son conducteur (6). Gillius
d\'Albe(7), qui eut l\'occasion d\'observer un élé^
phaiit pendant son voyage de Perse en Syrie, re-
(1 ) Hist. anim., lib. II, cap. i.
(•2) lùid., cap. i6.
(3) In Descr. regni Congo, lib. X.
(4) De Rerum nat., lib. H, vers. 537.
(5) De Morbis diut., lib. II, cap, i3 , pag. 68.
(6) De lisu part., lib. XVII, pag. 231.
(7) Descr. nova eîeph. , pag. 6.
-ocr page 48-4-i be l\'éléphant.
gardoit les mouvemens contmueîs de la trompe
comme nécessaires, à cause de sa longueur, qui
sans ces flexions pourroit être foulée ou traîneroit
à terre. L\'auteur fut convaincu de la justesse de
cette observation, en 1777; car l\'éléphant de Ver-
sailles qu\'on promenoit tous les matins, pour le
faire baigner dans un étang du parc, agitoit con-
tinuellement sa trompe, et ne manquoit pas de
chercher et de fureter de tous côtés pour trouver
de quoi se nourrir. Elle n\'étoit jamais en repos, et
servoit même à chasser les mouches en aspirant de
3a poussière, qu\'il souffloit ensuite avec force vers
les endroits du corps où s\'arrêtoient ces insectes.
Perrault (1) a parfaitement décrit l\'usage de cet
organe, mais personne n\'a su dépeindre son utilité,
sous tous les rapports, avec plus de vérité que le
Pline de la France (2). Sa description, très-élo-
quente, mériteroit d\'être placée ici toute entière;
mais comme on ne sauroit l\'abréger sans en affoi-
bhr le mérite, et que son livre se trouve entre les
mains de tout le monde, nous renvoyons le lec-
teur à la source.
Un des usages très -essentiels de la trompe, c\'est
d\'étancher la soif. Après avoir attiré l\'eau pai suc-
cion dans sa cavité, l\'éléphant, recourbant Fex-
(0 Mémoires, etc., pag. 5o8.
(3; Buffon, tom. XI, pag. 5a et suiv.
l> e jj k l è p h a nt. 46
treimté dans sa bouche, lui laisse un libre cours,
pour Favaler à volonté. Cette trompe sert aussi à
déplacer des fardeaux , arracher des arbres et sou-
lever, cueillir et ramasser de terre tout ce que le
caprice ou la nécessité lui indique. Son extrémité,
terminée par un rebord, en forme d\'entonnoir,
est munie d\'un doigt membraneux placé à la par-
tie supérieure de la cloison qui sépare les narines.
C\'est la souplesse extrçme de ce doigt qui le rend
capable de saisir jusqu\'à des objets d\'une petitesse
incroyable.
Le nez et la lèvre supérieure confondus dans
une même appendice, ainsi que le rétrécissement
des mâchoires inférieures, terminées en pointe,
donnent moins d\'étendue à la bouche de l\'éléphant
qu\'à celle d\'autres animaux. Elle estmême fort pe-
tite en raison du corps, et parfaitement masquée,
lorsqu\'on considère la tête en face. Mais son ou-
verture n\'avoit pas besoin d\'être plus grande, puis-
que la trompe y porte les alimens avec toute la
précision dont nos mains seroient capables, pour
diriger la nourriture dans une bouche même très-
petite.
Les parties latérales des lèvres sont légèrement
relevées par les défenses, ce qui donne une certai-
ne irrégularité au contour de la bouche, qu\'on a
d\'ailleurs beaucoup de peine à bien examiner
dans les éléphans vivans, qui tiennent difficilement
» e l\' é l é p h a n t.
la trompe long-tems élevée, et n\'ouvrent pas vo-
lontiers les mâchoires. L\'auteur observa cependant
dans cette attitude les molaires supérieures plus
aisement que les inférieures, dont on ne distingue-
queles plaques antérieures, leur couronne étant
excavée en demi-lune pour le plus grand avantage
de la mastication.
La couleur du palais, ainsi que de l\'intérieur
des joues, étoit d\'un beau rouge clair. La langue
paroissoit fortement rabaissée vers le fond de la
bouche, mais se rapprochoit facilement du palais.
Elle sembloit composée de deux parties, l\'une an-
térieure , et l\'autre postérieure, divisées transver-
salement par une espèce d\'enfoncement. On trou-
vera une description plus détaillée de ces parties à
l\'article de leur structure intérieure.
De la forme des extrémités.
La pesanteur énorme de la tête et du corps de
l\'éléphant est cause que les os des extrémités posent
les uns sur les autres dans une direction presque ver-
ticale. Il en résulte moins d\'agihté pour la démarche
que dans les animaux différemment conformés. En
effet, les angles formés à la rencontre de l\'humérus
avec l\'omoplate, du femur avec le tibia, ainsi que
46
B E L\' É 1/ É p H A ISr T. k\'J
de l\'humérus avec le coude, et du tibia avec les
os du tarse, sont trop obtus pour donner aux jambes
une grande extension dans la course. Le calcaneum,
ainsi que les os du métatarse, sont trop courts pour
que Féléphant puisse sauter ou galopper, comme
font les solipèdes et la plupart des ruminans.
Cette direction verticale des extrémités et la gros-
seur uniforme qui les distingue, depuis Fendroit
où elles se détachent du corps jusqu\'au bout des
ongles, leur donnent l\'apparence de piliers, et ont
fait supposer, très-mal à propos, que Féléphant
ne pouvoit pas plier les jambes pour se coucher ou
pour se relever, comme les autres quadrupèdes.
On a lieu d\'être surpris qu\'une erreur aussi gros-
sière élit pu se soutenir quelque tems.
Les doigts sont si courts que Fempaumure n\'ex-
cède guère le diamètre du carpe, La palme, pres-
que circulaire et revêtue d\'une semelle très-épaisse,
présente cinq ongles, fixés aux extrémités des
doigts, et soudés par les tegumens de la peau dans
une masse commune, qui ne leur laisse aucun jeu.
Il faut donc rendre justice à la précision d\'Aristote,
qui nomme les cinq doigts réunis en masse indivi-
sos, et faire Fapplication des mots leviterque dis-
cretos à la position des ongles (i).
Il arrive cependant qu\'une partie des ongles se
il) Hist, anim.., lib. II, cap. i.
-ocr page 52-48 D B l\' É L É p H A N T.
perd; au moins Perrault n\'en observa que trois aux
palmes de l\'éléphant qu\'il a disséqué, quoique les
cinq doigts fussent d\'ailleurs parfaitement recon-
noissables à l\'intérieur. Un autre éléphant qu\'on
faisoit voir à Paris, presqu\'à la même époque, n\'en
avoit que quatre (i). Sparrmann (2) aussi ne fait
mention que de quatre ongles; mais ces particula-
rités n\'infirment pas l\'observation d\'Aristote sur le
nombre de doigts.
Les plantes sont composées de quatre doigts,
réunis par une semelle de forme ovale et sensible-
ment allongée ; mais on voit au squelette le rudi-
ment du pouce formé d\'un seul osselet, et pareil
à celui qui se trouve aux pieds d\'un grand nombre
de quadrupèdes.
Blair (3) a faussement donné six doigts aux pal-
mes, et cinq aux plantes. La raison de cette erreur
sera expliquée dans la description des parties inté-
rieures.
Les extrémités humérales étant plus grosses que
les extrémités fémorales, il s\'ensuit que le diamè-
tre des palmes excède celui des plantes. Adan-
son (4) et Sparrmann ont donné les dimensions des
{i) Mémoires .etc., Tpa^. 5o5.
(2) Voyage cité, pag. 284.
(3) Philos. Transact. , abridgedbj Baddam , vol V, pag. 373.
(4) ravage au Sénégal. Adanson leur donne un pied et demi de
diamètre ; Spanmann seulement un pied.
D E L É L É p H A N T.
palmes. Ils ont évalué leur diamètre de douze à
dix-huit pouces. Cette différence, qui varie dans
les quadrupèdes, devoit être fort sensible dans Fé-
léphant, à cause de Fexlrème pesanteur de la tête.
Elle caractérise d\'ailleurs tous les mammifères,
dont Favant-train est, en général, plus chargé
que celui de derrière, et se rapporte en même tems
aux fonctions particulières que les bras doivent
exercer dans quelques classes.
La queue médiocrement longue des éléphans,
est applatie vers son extrémité dans la direction
de Fépine. Les bords sont seuls garnis de crins très-
épais, fort durs et très-longs. Ils composent une
houppe en forme d\'éventail, qui remonte plus près
de l\'anus au bord inférieur qu\'au supérieur. L\'au-
teur, qui évalue cette différence au tiers de l\'éten-
due, remarqua le premier cette particularité au su-
jet empaillé du Jai-din des Plantes de Leide, Son
observation fut confirmée à l\'inspection d\'un élé-
phant de la ménagerie du prince d\'Orange en 1769,
et par l\'examen de la queue d\'un sujet adulte con-
servé dans son cabinet. On peut consulter à cet
égard la fig. 7 de la planche XXIII. Les crins du
bord inférieur, plus longs et plus épais que ceux
du bord supérieur, égalent la longueur d\'un pied
et ont la dureté d\'un fil d\'archal. Leurs extrémités
l\'eûmes en pinceau par une légère frisure viennent
rencontrer ceux du bord supérieur.
II. 4
-ocr page 54-\'^O w E l\' É L É p H A N T.
Perrault (i) a bien remarqué les crins dont nous
parlons 5 mais il n\'a pas fait attention à leur in-
sertion différemment prolongée. Hartenfels (2) a
recueilli l\'opinion de plusieurs écrivains sur cette
partie, ainsi que sur l\'usage qu\'on en fait comme
éventail à l\'île de Ceilan , ainsi qu\'en Afrique.
Sparrmann (3) s\'est particulièrement étendu sur le
nombre, la couleur et la qualité des crins , qu\'il
fait monter à cent quatre-vingt, parmi lesquels
s\'en trouvoient quelques-uns longs de quatorze à
quinze pouces 5 mais il n\'a pu faire attention à leur
position relative , parce que les habitans du Cap
avoient déjà jeté le corps. On voit, d\'après cela ,
que les crins en question prennent beaucoup d\'ac-
croissement ; mais le nombre assigné par Sparr-
mann est inférieur à celui que j\'observe dans le
sujet de la planche citée.
Le jeune éléphant disséqué par l\'auteur avoit la
queue presque pelée, mais les racines des crins s\'y
trouvoient dans le même ordre qui avoit été ob-
servé précédemment.
Il est probable que les Romains renfermoient
leurs éléphans dans des loges trop étroites,ou que
les crins de la queue se trouvoient perdus par suite
(1 ) Mémoires, etc., pag. 5x2.
(2) Elephant, curîosa, part. I, cap. 9, pag. 60.
(3) Voyage cité , pag. 5û5.
-ocr page 55-d k l\' É l É p h a n t. 5l
de dépérissement ou de mauvaise nourriture; de
sorte qu\'il n\'en restoit aucun vestige ; sans quoi
Pline n\'auroit pas dit que les éléphans n\'ont aucun
moyen de chasser les mouches, leur queue même
étant entièrement dégarnie de poils (i). Les gra-
veurs ont pareillement négligé cettehouppe, si né-
cessaire aux éléphans ; car on n\'en voit aucun in-
dice sur les médailles, d\'ailleurs assez nombreu-
ses , qui i-eprésentent ces animaux. Pour en être
convaincu , on n\'a qu\'à consulter la dissertation
de Guper (3) sur ce sujet, ainsi que les médailles
gravées dans l\'édition de Pline par Hardouin (3).
Des mamelles.
L\'on trouve des observations très-judicieuses
dans le traité d\'Aristote sur les mamelles (4). 11
discute avee soin tout ce qui a rapport à leur nom-
bre, ainsi qu\'à Fendroit du corps oîrelles sont pla-
cées dans les différentes classes d\'animaux. Celles
de l\'éléphant, dit-il, sont petites et nullement pro-
(t) Hist. nat.. lib. VIII, pag. 440.
(2) De Elepk. in nummis obfiis. Exerc. IL
(4) Lib. IV, cap. 10.
-ocr page 56-portionnees au volume de ce quadrupède. On les
trouve sous les bras (sub armis), de sorte qu\'on
ne peut les distinguer de profil. Le nombre en est
limitéà deux, l\'éléphant ne portant qu\'un seul petit
à la fois; et ce n\'est pas entre les cuisses qu\'il faut
les chercher, parce que ce grand quadrupède doit
être i-angé dans l\'ordre de ceux qui ont le pied di-
visé en véritables doigts, chez lesquels la nature
n\'a jamais placé les mamelles entre les extrémités
fémorales.
Phne (i), qui adopte le sentiment d\'Aristote, se
trouve d\'accord avec Elien (a) ; Moulins et Stuke-
ley (5) ont suivi cet exemple, sans y rien ajouter.
Les académiciens françois ont objecté, d\'après l\'a-
vis de Perrault (4), que les mamelles ne sont pas
aussi proches devS aisselles que les anciens l\'ont
avancé; non pas sous les bras, mais au même en-
droit du thorax ou les femmes portent le sein.
Il n\'est pas difficile de concilier l\'opinion de ces
grands hommes, lorsqu\'on considère qu\'ils ont rai-
son tous les deux ; tandis que Perrault a négligé
de faire attention à la différence qui résulte de la
position du corps de l\'éléphant comparée à celle
(i) Hist. nat., lib. XI, cap. gS..
(a) Hist- anim. , lib. IV, cap. 3i.
(3) Essay towards, etc., pag. 93.
(4) Mémoires , etc., pag. 5o8.
-ocr page 57-de l\' é l é p h a n t.
du corps humain. Le premier marchant sur les ex-
trémités antérieures, il s\'ensuit que les mammelles
doivent paroître plus voisines des aiselles, comme
souslesbras; tandis qu\'elles se trouvent réellement
à l\'endroit du thorax où elles sont chez l\'homme.
La même raison fait qu\'elles sont cachées de pro-
fil; au lieu que chez l\'homme la poitrine reste à
découvert dans la situation ordinaire des bras.
L\'auteur a remarqué d\'ailleurs une différence
sensible dans la grandeur de ces parties suivant
l\'Age et le sexe des individus qu\'il a été à même
d\'examiner. L\'éléphante, âgée de cinq ans, qu\'on
montroit à Harlingue, en fournit la preuve. C\'est
d\'après ce sujet que la fig. 5 de la planche Vlïl
a été dessinée.
On n\'a pas moins critiqué la petitesse du mam-
melon, comme si l\'éléphant nouveau-né ne pou-
voit pas en tirer du lait avec la bouche; mais il est
évident que cette difficulté apparente n\'étoit fon-
dée que sur des suppositions très-gratuites; car on
savoit d\'avance que les individus transportés en
Europe , vivant en captivité , souffrant d\'ailleurs
par l\'influence d\'un climat étranger et de plus mal
nourris, étoient trop jeunes et trop émaciés pour
en tirer un résultat si peu vraisemblable. On au-
roit dû , pour asseoir un jugement convenable ,
examiner préalablement la grandeur de ces par-
ties dans les éléphans adultes, bien nourris, et
D E l\' É L É r H A N T.
mieux encore dans des femelles mères. En n\'ayant
point égard aux circonstances indiquées , on de-
voit nécessairement se trpmper, de même que si
on vouloit inférer du sein d\'une lîlle de trois ans,
que les enfans ne sauroient être allaités par une
nourrice bien constituée.
Il est surprenant qu\'une conclusion aussi préci-
pitée ait entraîné plusieurs modernes; de sorte que
Perrault a critiqué l\'opinion des anciens avec ai-
greur (i); car enfin Aristote(2) etElien (5) avoient
dit d\'une manière expresse, que l\'éléphant nou-
veau-né se nourrit avec la bouche ; Buff"on , qui
étoit fort excusable de s\'être laissé éblouir par les
argumens spécieux de Perrault, n\'a pas manqué
d\'appuyer cette conjecture dans le XV. volume de
VHistoire naturelle des quadrupèdes (^ï)-, mais
détrompé par la suite, il s\'est rétracté dans lessup-
plémens, où l\'on trouve au tome VI la figure d\'un
jeune éléphant allaité par la bouche, que Marcel-
lus Bies lui a communiquée de l\'île de Ceîlan.
L\'auteur a prouvé, long-tems avant la publica-
tion de cea snpplémens, dans le prospectus (5) de
(i) Mémoires, etc., pag, 5)o.
(3) Hist, anim, , lib. VI, cap. 27.
(3) De Nat. anim., lib ■ XIV, cap. 5.
(/m Pag. 59-
(6) Kort bericht v^a de ontleding eens jongen elephants , doar
-ocr page 59-d e l\' É l É p h a n t. 55
Fouvrage que nous présentons et dans ses lettres
adressées à FAcadémie royale des sciences (i), sur
la dissection de Féléphant, que ces énormes ani-
ninux sont non-seulement en état de sucer avec la
bouche , ainsi qu\'Aristote et Elien Font avancé j
mais encore que la trompe ne sauroit remplir cet
office; puisqu\'enfin les difficultés, fondées sur la
petitesse du marnmelon sont également applica-
bles à celle de la trompe dans les sujets nouveaux-
nés. Pourquoi d\'ailleuTS les éléphans nouveaux-nés
ne pourroient-ils pas sucer avec la bouche aussir
bien que le reste des mammifères? puisqu\'ils nais-
sent sans défenses, qui ne poussent que fort tard.
Cette observation , dont Aristote s\'est prévalu à
juste titre (2), auroit du prévenir en sa faveur. Il
paroît même que les dents ne poussent qu\'à l\'âge
de quatre à cinq ans, lorsqu\'indubitablement Fé--
léphant n\'a plus besoin d\'être allaité, d\'autant plus
que les molaires percent peu après la naissance.
Mais peut-être l\'opinion contraire a-t-elle prévalu
P. Camper. Publié en hollandois , en i\']\']/^- Traduit en àllemand,
par M. Herbell, dans le premier volume des Kleinere Schriften,
pag. 51, année 1784.
(1) Ces lettres, que M. Campet avoit adressées à M. Portai ,
eh 1774, m\'ont été rendues par les membres de cette Académie
en 1786, sans que je sache s\'il en a été fait mention dans les
Mémoires.
(2) Hist-, anim-, lib. II, oap. S-
-ocr page 60-56 BE L\'éléphant.
chez les modernes par l\'abus constant de charger
indisdnctement les sujets empaillés ( même les
plus jeunes) de longues défenses, pour leur don-
ner plus d\'élégance , et s\'accommoder aux idées
du vulgaire? Les }>eintres et les dessinateurs sont
tombés dans la même faute, ainsi qu\'on peut s\'en
convaincre par les écrits d\'Edwards (i) et d\'autres
auteurs. jPeut-être aussi l\'amour du merveilleux
et la légéreté avec laquelle on adopte des relations
mal fondées ont-ils accrédité cette fable ? Témoin
Sparrmann qui n\'a pas hésité à perpétuer l\'erreur
en question , sur le rapport des colons voisins du
Cap de Bonne-Espérance; tandis qu\'il auroit dû
consuher les naturels qui habitent l\'intérieur des
terres (2). Mais son voyage n\'a pas été poussé jus-
que-là, et les membres dépecés de l\'éléphant qu\'il
a examinés, étoient sans doute d\'un individu égaré
fort loin du séjour ordinaire de ces animaux.
Enconsultantlafôrme desparties de la bouche,
on sera convaincu que la langue, en s\'alongeant
jiisqa\'à l\'^extrémhé de la mâchoire supérieure, peut
comprimer le mammellon sans difficulté , et que
la lèvre inférieure , assez étendue et assez souple
pour l\'envelopper , peut facilement exclure tout
accès à l\'air extérieur. l\'éléphant peut d\'ailleurs
(1) Glannres d\'hist. nat. , ch. ii, pl. sa,,
(a) Voyage cité , pag. 298.
boucher ses narines à volonté, ce qui lui donne,
dans Faction de teter, un avantage réel au-déssns
des enfans.
La position des mammelles , placées entre les
extrémités humerales, donne aux jeunes éléphans
nne plus grande facilité d\'approcher leur mère,
qu\'aux ruminans et aux solipèdes, dont les mam-
melles sont situées fort en arrière des cuisses, non-
seulement parce que les extrémités postérieures
ne peuvent les gêner, mais encore parce que Fa vaut-
train des éléphans adultes est plus élevé que le
de derrière. Peut-être enfin les modernes ont-ils
cru que le nouveau-né sé nourrissoit avec la trom-
pe, parce que les sujets plus âgés ou détenus en
captivité, hument les alimens liquides au moyen
de cet organe? Mais il est aféré que les éléphans
en se baignant boivent comme les autres animaux.
La conclusion, fondée sur l\'habitude des adultes,
ne pouvoit d\'ailleurs être appliquée aux besoins des
nouveaux-nés, et l\'exemple des herbivores, qui ne
ruminent pas tant qu\'ils sont allaités j peut nous
servir d\'exemple ici.
Des parties de la génération.
Les parties de la génération méritent mie atten-
tion particulière, puisque la plupart des moder-
nes se sont trompés sur le sexe et qu\'ils n\'ont bien
décrit que des sujets femelles. Moulins et Duver-
noi sont les seuls qui aient eu l\'occasion d\'exami-
ner des éléphans mâles 5 mais la description des
parties génitales qu\'ils nous ont laissée est défec-
tueuse à plusieurs égards.
Aristote (1) a trouvé beaucoup d\'analogie entre
la verge du cheval et celle de l\'éléphant, autant
pour la grosseur que pour la forme; car il ajoute
que la petitesse de cette partie ne répond guère au
volume du corps. Duvernoi réfute le sentiment de
ce grand naturaliste, pour avoir observé le con-
traire dans le sujet âgé de onze ans qu\'il a dissé-
qué : la verge de ce jeune individu avoit sept pieds
de long sur une circonférence de deux pieds et
demi, et son poids montoit à quatre-vingt livres (2).
Goropius, cité par Aldrovande (3), ayant com-
(1) Hist, anim-, lib. II, cap. i,
fa) Comm. Acad. Se. Petrop., tom. IV, anni 1729, pag. 373.
(3) De Qitadrup., îib. I, pag. 43».
paré la description d\'Aristote sur un éléphant plus
jeune qu\'on montroit de son tems à Anvers -, l\'a
trouvé conforme en tout aux relations de cet écri-
vain , à l\'exception de ce qui regarde les parties de
la génération, dont le volume, selon lui, répon-
doit très-bien à la taille de l\'animal, quoiqu\'il n\'eut
que huit ans. Cardan (1) s\'éloigne encore davan-
tage du sentiment de cet ancien : il dit expressé-
ment que la verge de l\'éléphant est desrplus gros-
ses , et que sa longueur s\'étend presqu\'à terre. Har-
tenfels (2), au contraire, s\'en rapporte , comme
témoin oculaire, au sentiment d\'Aristote.
Buffon a donné ia figure d\'une verge d\'éléphant
dans le troisième volume des supplémens ; mais
elle n\'est accompagnée d\'aucun détail ; de sorte
qu\'on ne peut juger ni des proportions, ni de l\'âge
du sujet qui lui a servi de modèle. Gillius n\'a pas
fait mention de la partie dont il est question ici.
En comparant ce qui vient d\'être allégué avec
les observations de l\'auteur faites sur l\'individu
qu\'il a disséqué, on ne sauroit douter cjue les Su-
jets décrits par Aristote et Hartenfels n\'aient été
de très-jeunes éléphans, puisque la verge du nôtre
étoit fort mince et point portionnée au volume du
corps.
il) De Sub!il., \\\\h.X, p-m.55o.
(a) Eleph. çur, , part. ï, cap. 9 , pag. 69.
-ocr page 64-l/élépbant, qui a les testicules cachés dans l\'in-
térieur du ventre, n\'a point de scrotum. L\'auteur
a vérifié cette observation des anciens, que les mo-
dernes avoient mal comprise dans Aristote, et dont
il sera parlé plus au long dans la description ana-
tomique de ces parties.
La vulve diiFère sensiblement pour la forme et
la situation de ce qui a heu chez la plupart des qua-
drupèdes. Elle se trouve, dit Aristote, entre les
cuisses au même endroit où les brebis ont leurs
mammelles, et doit se porter en arrière lors de
l\'accouplement (i). C\'est le grand éloignement de
son orifice, relativement à l\'anus, ainsi que le rap-
prochement du ventre , combinés avec l\'absence
du scrotum dans les mâles, qui ont trompé Per-
rault durant les treize années que l\'éléphant du
Congo a vécu dans la ménagerie de Versailles. Il
avoue qu\'il n\'a été désabusé que par la dissection "
du cadavre (2). La même chose eut lieu à Lon-
dres, suivant le témoignage de Stukeley (3) ; et
c\'est apparemment sur de pareilles illusions que
les anciens ont compté ces animaux parmi les re-
tromingentia, et comme s\'accouplant de même.
L\'auteur a représenté les parties génitales de la fe-
(1) Hist, anim., lib. II, cap. i.
{■î} Mémoires, etc., pag 5o8.
(5) Essaj towards f eEc., pag, 102.
inelle , qui a servi pour la figure des mamelles
sur la planche VIII. Il a remarqué de plus que
l\'extrémité inférieure de la vulve, légèrement re-
dressée , portoit les urines fort en arrière du
corps.
Une autre femelle, observée en 1777 à Ver-
sailles, ne diiféroit en rien de celle qu\'on vient de
décrire, quoiqu\'elle fut plus grande et plus âgée.
Pendant l\'action d\'uriner le clitoris débordoit l\'ou-
verture de la vulve, et descendoit presqu\'à terre.
La ressemblance que cette partie présentoit sur-
tout alors avec une verge , étoit bien capable de
dérouter ceux qui n\'avoient pas observé des mâ-
les 5 et l\'on ne sauroit trop blâmer les auteurs
de s\'être laissé tromper par des indications aussi
illusoires.
La manière de se joindre des éléphans étoit par-
faitement connue d\'Aristote (1), qui la compare
à celle des chevaux. Nous en trouvons la cohfir-
mation dans Diodore de Sicile (2). Les modernes,
et surtout le comte de Buffon (3), induits en er-
reur par de fausses apparences et les rapports de
gens mal instruits, ont imaginé que l\'éléphant s\'ac-
couploit différemment, et que la femelle étoit obli-
(t) Hist. anim., lib V, cap. a.
(a) Lib. II, parag. 42, pag. 154.
(3) Suppl. tom. III, pag. 296.
gée de plier les extrémités antérieures pour ad-
mettre le mâle. Sparrmann (1) a répété cette as-
sertion, fondée sur le récit des colons trop voi-
sins du Cap , qui ne pouvoient avqir observé la
nature.
CHAPITRE IL
Du caractère des différentes espèces d\'éléphans.
On peut compter parmi les grands avantages que
le siècle précédent a procuré à Phistoire naturelle,
cette union plus intime qu\'elle a contractée avec
la physique. Franchissant, à son aide, les bornes
qui en faisoient une science de nomenclature plu-
tôt que de raisonnement, elle a cherché l\'explica-
tion des phénomènes dans la comparaison des or-
ganes, et l\'étude qui en est résultée embrasse tous
les objets de la nature vivante. Aussi l\'anatomie
n\'est plus une espèce de géographie, seulement
iitile au médecin et au chirurgien ; de nombreuses
observations sur la structure des animaux l\'ont
(1) Voyage cit4, pag. a94.
Pi
portée à un degré de perfection dont on ne peut
que s\'étonner.
L\'histoire naturelle de l\'homme a profité de ces
lumières pour établir de bonnes distinctions entre
les nuances qui caractérisent sa nombreuse es-
pèce, et la classification des animaux de tous les
genres s\'appuie désormais sur des bases , dont la
solidité s\'accroît de jour en jour.
Mais l\'histoire des grands quadrupèdes étran-
gers à nos climats, avoit sur-tout besoin d\'une re-
vision particulière, et d\'une comparaison judi-
cieuse de toutes les observations des anciens ayec
celles des modernes. On n\'avoit proprement sur
ces colosses animés que des notions fort incom-
plètes; le mécanisme de leurs organes et la dis-
tinction des espèces restoient dans une profonde
obscurité.
L\'anatomie comparée pouvoit seule lever ce
voile; c\'est à elle qu\'il étoit réservé de présenter,
dans un cadre, le tableau des différences qui distin-
guent les espèces vivantes d\'un même genre, ainsi
que leur rapport avec les branches éteintes des
souches primitives, dont il ne reste plus que les
débris fossiles. Le défaut de connoissances faisoit
envisager les premières comme descendantes d\'une
famille identique. On avoit méconnu les autres
comme étrangères à tous égards. M. Camper est
le premier des anatomistes modernes qui observa
64 n E l/ É L É p h a îf t.
les différences caractéristiques dans le genre de l\'é-
léphant. Il en fit part à tous les savans avec lesquels
il se trouvoit en commerce de lettres, comme aux
curieux qui s\'intéressoient aux progrès de l\'histoire
naturelle ; le célèbre Cuvier (i) a ajouté aux décou-
vertes que nous allons indiquer, des observations
aussi neuves que brillantes dont il sera question
dans la suite.
Les anciens , en elFet, ne s\'arrêtèrent qu\'à la
comparaison de la taille, à la distinction de la cou-
leur, ainsi qu\'aux moeurs des éléphans; ceux mê-
me qui observèrent ces animaux sur les lieux man-
quoient de lumières pour tirer parti des avantages
de leur poshion ; aussi ne pouvoient-ils se douter
que du fruit de pareilles recherches résulteroit un
système de connoissances aussi important pour la
zoologie que pour l\'histoire physique de la terre.
Nous avons déjà remarqué ci-devant, que les
éléphans des deux parties du monde se ressem-
blent par la taille, et que les anciens, ayant fré-
quenté seulement la côte occidentale de l\'Afrique,
s\'etoient trompés en donnant la préférence à ceux
de l\'Inde et de Ceilan. La couleur ne sauroit non
plus être comptée pour un caractère spécifique ,
quoique celle des éléphans d\'Afrique semble cons-
(i) Mémoire sur les espèces d\'éléphans vivantes et fossiles, par
le Cuvier, iu à l\'Iiisutut national, îe i p\'iivipse an 4.
d e l\' É l É p h a n t. 65
tumaient plus foncée que celle des éléphans d\'A-
sie. On observe d\'ailleurs les mêmes habhudes, la-
même docilité dans les espèces des deux conti-
nens; et si l\'on a cru que ceux de l\'Inde sont moins
féroces , ou qu\'ils se laissent employer avec plus
de facilité k toutes sortes de travaux, il faut en
chercher la cause dans la civilisation des peuples
de l\'Orient, opposée à rignorance et à la barbarie
des habitans de l\'Afrique. Pendant que ces pre-^
miers, depuis une longue suhe de siècles, ont ré-
duit les éléphans a l\'état de domesticité, les autres
n\'en font la chasse que pour se nourrir de leur
chair ou pour en vendre les défenses.
Tous les éléphans cependant ne sont pas armés
de ces) longues dents , dont on fait depuis deux
mille ans un objet de luxe et de commerce. Il y
a des contrées où les voyageurs attestent que les
mâles seuls en sont doués ; d\'autres , sans faire
mention du sexe ; prétendent qu\'il n\'y a qu\'un
dixième auxquels ces dents poussent, au point
d\'en faire rechercher l\'acquishion à des prix ex- ;
cessifs. iif\':
Wolfs,,par exemple, dont.l\'autorité doit avoir
du poids , à cause de son long séjour dans l\'île de
^eilan, distingue les éléphans en trois classes pour
la qualité des dents. La première est celle des mâ-
les, dontles défenses sont, en général, très-con-
sidérables. La seconde , qu\'il nomme majanis ,
B
-ocr page 70-en terme du pays, quoique mâles, n\'en ont jamais
que de petites. Les femelles sont rangées d^ins la
dernière, pour n\'en pas avoir du tout (i). Cette
observation , n\'étant pas infirmée par le témoi-
gnage de M. Bles (2), qui a resté long-tems au mê-
me endroit, gagne en crédit à l\'inspection de deux
têtes d\'éléphans que je conserve dans ma collec-
tion. L\'une et l\'autre amenées de Ceilan , appar-
tenoient à des individus adultes, et néanmoins les
dents en sont si petites, qu\'elles ont à peine dû
être visiblesà l\'ext érieur de la bouche ; mais quand
on ignore leur sexe, il n\'est pas facile de détermi-
ner s\'il faut les ranger dans la seconde ou dans la
troisième classe de Wolfs.
La forme de la tête , ainsi que les proportions
de la mâchoire supérieure, doivent varier consi-
dérablement en longueur comme en largeur, à
mesure que les: éléphans sonB pourvus , ou bien
privés de ces énormes dents; puisque leur seul
poids exige , pour l\'insertion , dès alvéoles très-
profonds et d\'àn; grand diamètre ;--cette nécessité
redouble encore, quand on réfléchit à la résistance
que les alvéoles doivent oppose» lorsqwe ces dents,
longues de huiti ou neuf pieds j"servent de leviers
pour renverser des arbres ou d\'âutreâ obstacles
très-puissans.. ... ,
(i) Reisë nacJi Zeilan, pag. 106.
(a)Buffon, supp],, tQna. VI, pag. 28.
-ocr page 71-La difFérencè prodigieuse dans la longueur des
dents, constanmient observée dans les éléphans
de Ceilan, ne s\'étend pas aussi généralement à
l\'espèce d\'Afrique; au moins les auteurs n\'en par-
lent pas. Levaillant ( 1 ), au contraire, l\'un des
voyageurs qui s\'est occupé nouvellement de la
chasse de ces animaux près du Cap de Bonne-
Espérance, assure que les jeunes femelles portoient
des défenses du poids detreize à quinze livres. L\'é-
léphant du Congo , disséqué par le célèbre Per-
rault, avoit les dents longues de deux pieds (2). tl
paroît, d\'après cela, que les éléphans d\'Afrique ,
dans les deux sexes, sont indistinctement doués
de longues dents; et comme ce vaste pays fournit
au commerce depuis long-tems un nombre de
dents beaucoup plus considérable que FAsie , il
faudroit supposer, toutes choses d\'ailleurs égales,
un carnage bien plus grand et capable d\'anéantir
Fespèce.
On pourroit donc établir, comme premier ca-
ractère distinctif des éléphans d\'Afrique , la pro-
priété constante d\'avoir de grandes défenses dans
(i) Premier voyage dans Vintér. de l\'Jfri^m , pag. 167. Mais
est question d\'éléphans édentés, sous le nom àetpoeshop, comme
d «ne chose infiniment rare, dans son Second voyage en Jfriaue,
tom. II, pag,
Mémoires, etc., pag, 5 î i,
-ocr page 72-les deux sexes, pour le mettre en opposition avec
celui des éléphans d\'Asie, dont les femelles n\'ont
que de très-petites dents. Un second caractère est
fondé sur la structure des molaires; mais pour en
faire sentir le mérite, il est nécessaire de présen-
ter ici quelques observations sur la structure de
ces parties.
On sait depuis long-tems que les molaires des
éléphans difierent de celles des autres quadrupè-
des par la forme, la grosseur et le nombre ; mais
avant P. Camper personne n\'avoit observé cette
différence constante dans la composition de leurs
élémens, qui présente un caractère infaillible pour
la distinction des espèces.
Ils sont composés, dans les éléphans d\'Asie, de
deux lames parallèles et légèrement festonnées ,
qui, sur les côtés et vers le haut, se réunissent
sous la forme d\'un pli. Tant que la partie verticale
n\'est pas entamée par la mastication, elle présente
une rangée de tubercules inégaux ; mais les ex-
trémités inférieures, encore ouvertes dans le ger-
me, se prolongent dans la suite, pour former de
véritables racines. C\'est l\'assemblage collectif de
plusieurs de ces élémens , soudés ensemble dans
un ordre très-serré , qui constitue les mâcheliè-
res, dont les grandeurs et la forme varient suivant
le rang et la place qu\'ellee occupent dans les mâ-
choires,
La Structure des molaires des éléphans d\'Afri-
que diffère de celle que je viens de décrire , pre-
mièrement, en ce que les lames de leurs parties in-
tégrantes, au lieu de rester sensiblement parallèles
dans toute la longueur, s\'écartent ters le centre
pour former des rlmmboïdes, dont les bords sont
quelquefois très-irrégulièrement terminés. 2°.L\'ou-
verture des rhomboïdes, prise dansla direction de
l\'axe des mâchoires , leur fait occuper un plus
grand espace; de sorte qu\'ils ne peuvent se serrer
d\'aussi près que les parties analogues des molaires
de l\'espèce d\'Asie. Il s\'ensuit que, pour des dents
d\'égale grandeur,le nombre d\'élémensdiffère sen-
siblement dans les éléphans des deux continens,
et que le seul aspect des molaires suffit pour déci-
der de l\'endroit natal d\'où ils sont amenés.
L\'auteur a représenté les différences frappantes
dont il est ici question sur la planche XXVI, ainsi
qu\'on peut s\'en convaincre par la comparaison
des figures 7 et 8.
M. Blumenbach (1), qui tenoit cette particula-
rité de M. Camper , a défini, d\'après ces indica-
tions, l\'éléphant d\'Asie:
Elephas Asiaticus dentiiim molarium corona,
Uneis undulatis distincta.
Handbtick der Naturgeschîchle, aujlage , à l\'aiticle de
i\'élépb""» ^
naut.
-ocr page 74-Et de celui d\'Afrique : Elephas dentium mola-
rium corona, rhombis distincta.
A ces caractères on peut en ajouter d\'autres non
moins frappans,pour être pris dans l\'ensemble des
proportions de la tête. C\'est an célèbre Cuvier,
dont le génie fait honneur à la République Fran-
çoise , que le public est redevable de cette pré-
cieuse découverte. Il a prouvé, dans un mémoire
lu à FInstitut national dès l\'an 4, que la forme du
crâne des éléphans d\'Asie diffère de celle des élé-
phans d\'Afrique par un prolongement très-sensible
de l\'axe vertical, par la concavité du front, ainsi
que par la Structure des molaires; tandis que ces
derniers ont la tête plus courte, Faxe horisontal
plus alongé, le front convexe et les molaires mar-
quées de losanges transverses. Ces observations
très-récentes sur la différence relative des propor-
tions du crâne, et celles que l\'auteur a fondées
sur la structure des molaires , forment donc un
corps de preuves qui ne laisse subsister aucun doute
sur la diversité des deux espèces d\'éléphans ac-
tuellement répandues sur le globe. Il s\'ensuit qu\'el-
les doivent être considérées comme des rejettons
d\'une origine très-différente.
Comparons maintenant avec la description que
je viens de tracer, les débris d\'éléphans dont les
ossemens se trouvent épars à la surface de la terre
ou cachés à des profondeurs plus ou moins con si-
dérables du sol, et nous reeonnoîtrons les restes
de deux espèces, dont Fune, par la forme du crâne
et par la structure des molaires, a de grands rap-
ports avec les éléphans d\'Asie. L\'autre en diffère
à plusieurs égards , et ne s\'éloigne pas moins de
Fespèce d\'Afrique.
Blumenbach (i) a fait mention de la première
espèce, sous le nom à\'elephas primigenius, ter-
me général, qui rappelle cependant l\'ancienneté
de son origine, prouvée d\'ailleurs par les circons-
tances qui accompagnent le gisement de ses res-
tes. C\'est dans Pempire de Russie qu\'on a désigné
ces antiques éléphans sous le nom de mammouth,
qu\'on peut adopter avec raison, puisqu\'il est plus
concis que le premier.
Cuvier (2), qu\'on ne sauroit trop consulter sur
tout ce qui a rapport à Fanatomie comparée et à
Fhistoire des mammifères fossiles, est d\'avis que
le mammouth diffère à plusieurs égards de Félé-
phant d\'Asie , qu\'il appelle éléphant des Indes ,
pour avoir:
1°. Les élémens ou plaques qui composent les
molaires plus serrées les unes sur les autres, et
moins festonnées que dans Fespèce asiatique , de
sorte qu\'à longueurs égales, il se trouve pour les
(O Ilild., pag. 697.
<») Mémoire cité, art. 3, pag. 16.
-ocr page 76-molaires du mammouth un plus grand nombre
de ces plaques.
Il a trouvé, 2°. que Fangle formé par k ren-
contre des branches de la mâchoire inférieure, est
relativement plus ouvert;
Que le canal qui termine son extrémité an-
térieure est plus ample, ainsi cjue la courbure des
branches moins arrondie.
Le profil du crâne lui paroît encore plus élevé
que dans l\'espèce asiatique.\'
J\'espère qu\'on me permettra de présenter quel-
ques doutes sur I\'apphcation trop générale de ces
observations: ils sont fondés sur l\'étude d\'un grand
nombre de molaires et de mâchoires fossiles , que
feu mon père avoit recueillies dans le dessein de
les comparer avec les ossemens analogues d\'élé-
phans actuellement en vie, pour en tirer des con-
clusions relatives à l\'histoire physique de la terre.
J\'ai remarqué, en premier heu , que les plaques
des molaires ne sont pas toujours également serrées
les unes sur les autres dans les sujets vivans comme
dans les fossiles; celles de la molaire a. e. d., pl..
XXVI, fig. 2 , étant aussi nombreuses, aussi étroi-
tes et aussi légèrement ondoyantes que dans au-
cune molaire fossile que je possède. Les plaques
des figures 6 et 7 sont plus écartées, et conformes
aux dents de l\'adulte représenté fig. 3 , pl. XX ;
elles sont aussi })lu5 ondoyantes , et conviennent
parfaitement à la description de l\'élépliant des
Indes donnée par Cuvier. Je puis montrer néan-
moms les fi-agmens de trois molaires fossiles, dont
les plaques ne présentent pas moins d\'écartement,
et qui ne sont pas moins festonnées que celles de
la race asiatique.
Le nombre des plaques ou sillons varie dans les
sujets vivans comme dans les fossiles, même pour
les molaires postérieures. C\'est ainsi que la der-
nière molaire de la fig. 2, pl. XXVI, auroit été
composée de douze élémens, tandis que celle de
la fig. 6 en compte vingt-trois. Je pourrois allé-
guer une différence pareille dans le nombre des
élémens qui composent les molaires fossiles dit
mammouth.
L\'ouverture des branches de la mâchoire infé-
rieure n\'est pas moins sujette à varier dans les in-
dividus de la même espèce que le nombre des pla-
ques dont il a été question. J\'en puis confirmer la
réalité par les deux crânes d\'éléphans de Ceilan
que je possède. Les distances prises entre les ex-
trémités antérieures des molaires diffèrent dans les
deux sujets comme trois pouces et demi à un pouce
trois quarts, ce qui réduit, dans ce dernier, la dis-
tance des molaires supérieures à bien peu de chose.
La même distance prise entre les molaires d\'un
mammouth d\'égale grandeur, n\'excède pas trois
pouces. La capacité du canal qtii, dans chacun de
ces individus, a terminé les mâchoires, dilFère en
raison de ces dimensions ; d\'où il résulte que les
propriétés énoncées par l\'anatomiste françois , ne
sauroient être adoptées comme des caractères spé-
cifiques. La forte courbure des branches et le re-
lèvement du menton me paroissent cependantpar-
ticnlièrement propres à l\'espèce asiatique ; tandis
que les mâchoires du mammouth, étant moins
courbées , touchent la terre par une plus grande
surface , et s\'appuient même sur la pointe du
menton (i).
Ce que je viens d\'avancer n\'empêche néanmoins
pas de faire usage de la définition proposée par le
savant illustre que nous avons nommé, puisqu\'un
très-grand nombre de molaires fossiles ont les cou-
ronnes marquées de sillons plus étroits que celles
des éléphans connus de nos jours ; et le mam-
mouth, considéré sous ce rapport, mérite d\'être
rangé dans une espèce particulière , dont on ne
Gonnoît pas encore tous les détails : çe que nous
savons cependant sur les dimensions du squelette
(0 En comparant la forme des mâchoires inférieures de l\'élé-
phant d\'Afrique, dam les planches qui accompagnent le mémoire
du citoyen Cuvier. avec les ligures des mâchoires inférieures de
l\'éléphant d\'Afrique et du fossile d\'Amérique, dans le tome LVIII
des Transact, philos., on est surpris de rencontrer dans toutes
ees mêmes traits rectilignss.
tie ces antiques quadrupèdes , ainsi que sur le vo-
lume prodigieux de leurs défenses, souvent lon-
gues de dix pieds , confirme Fopinion qu\'ils ont
atteint la stature des plus grands éléphans.
Une quatrième espèce d\'éléphans se distingue
des races vivantes, ainsi que du mammouth, par
un plus grand nombre d\'anomalies, aumUieu des-
quelles cependant il est aisé de retrouver les carac-
tères d\'un genre commun. La structure générale
du squelette présente dans la forme des os beau-
coup d\'analogie avec celle des éléphans ordinaires.
La longueitr des extrémités annonce presque la
même taille; mais autant les parties qui le com-
posent se rapprochent en longueur, autant dilfè-
rent-elles en épaisseurs relatives; et cette observa-
tion, que Gmelin (i), Hunter (2) et Daubenton (o)
avoient faite précédemment, se trouve confirmée
par différens exemples que j\'en ai dans ma col-
lection. Plusieurs omoplates , deux humérus et
deux tibia, soigneusement comparés avec ceux de
l\'éléphant disséqué par Perrault, ne m\'ont donné
que dix à onze pieds pour la plus grande hauteur
des sujets auxquels ils ont appartenu ; tandis que
l\'épaisseur de ces os diffère de celle des parties
(t) Buffon, tom. Xl, pag 8S, dans la note b.
.(2) Philos. Tiansacc., vol. LVllI, ann. i 768.
(3) Buffon, tom. Xi, pag. 169 et snir.
lî E l\' É L É p H A N T.
correspondantes du squelette en question dans une
raison presque double.
La longueur des défenses et leur diamètre ne
s écartent pas des mesures communes dans les élé-
phans ordinaires ; de nombreux fragmens que j\'en
possède, dont plusieurs néanmoins doivent avoir
appartenu à de jeunes individus, confirment cette
vérité. On peut y réunir les observations de Col-
linson,quiavu des dents longues de sept pieds (i);
mais la structure des molaires est sur-tout remar-
quable par leur difference d\'avec^celle des éléphans
d\'Asie , que l\'on croyoit en tous points égaux à
ceux d\'Afrique. Cette grande diversité, accompa-
gnée de circonstances particulières, dérouta long-
tems les naturalistes sur la classification de ces
grands animaux.
Le chevalier Slôàne (2), qui le premier en fit men-
tion, dès l\'année 1727, n\'osa, au défaut de con-
noissances nécessaires, en déterminer l\'espèce. Col--
linson (3), plus éclairé sur les particularités de
leur gisement, hasarda des Conjectures très-sensées,
en attribuant ces molaires, pour avoir été trouvées
avec les défenses en question et d\'autres grands
{i) Philos. Transact., vol. LVII.
(2) Mémoires de VAcadémie des sciences, année 1737, in.S°.,
tom. II, pag. 429-
(5) PIulos. Transact., vol. LVII.
ossemens, à quelque espèce d\'éléphans. William
Hunter (i) communiqua postérieurement à son
collègue de nouvelles observations, appuyées de
Fautorité de son frère John; elles tendent à prou-
ver que ces machelières n\'a voient pas pu apparte-
nir à des éléphans, mais à quelque animal carni-
vore plus grand encore, et pareillement muni de
longues défenses. Une description détaillée de quel-
ques ossemens des extrémités, ainsi que celle d\'une
mâchoire inférieure, y sont accompagnées défigu-
res très-exactes, et par cette raison infiniment in-
téressantes. Il donne à ce monstre le nom de
pseud-elephant ou faux élé phant.
Bufîbn et Daubenton attribuèrent ces grandes
molaires à quelque espèce gigantesque d\'hippopo-
tame éteinte depuis long-tems (2).
Jefferson (5), dans son excellent Traité sur la
constitution physique de la Virginie,, rapporte
des circonstances précieuses sur le gisement et la
localité de pareils débris trouvés près des bords de
l\'Ohio.
Après avoir cherché inutilement à concilier le
sentiment des naturalistes françois avec tous les
il) Ibid,, voLLVm.
(2) Description du cabinet, Buffon, tom. XI, pag. 172 ; et
suppl,, tom, V, p8g. 5i3.
(3) Not€S on the state of F\'irginia, année 178a , p. 70 et suiv.
-ocr page 82-X) E l\' É L É p H A N T.
accessoires du phénomène, il finit par attribuer ces
ossemens fossiles, non à des hippopotames, mais
à quelque animal ressemblant à l\'éléphant par la
forme de ses défenses, quoique très-différent d\'ail-
leurs par le reste de la structure.
M. Camper, combinant le résultat des observa-
tions sur ce point essentiel de l\'histoire naturelle,
avança, dèsl\'année 1775 , que le quadrupède dont
il est ici question, pour être pourvu de ces longues
défenses, avoit eu besoin d\'une trompe semblable
à celle des éléphans; il réfwa dès-lors l\'opinion de
Buffon sur la ressemblance des molaires avec celles
de l\'hippopotame (1).
Le docteur Michaëlis (2), qui séjourna quelque
tems à Philadelphie, communiqua à ce sujet de
nouvelles recherches, dans une lettre adressée aux
savans Forster et Lichtenberg. L\'animal, qu\'il
nomme mal à propos mammouth gigantesque, n\'a-
voit eu, dans son hypothèse, ni trompe, ni défen-
ses, de sorte qu\'il auroit appartenu à la classe des
édentés. Ce n\'étoit donc pas plus un éléphant qu\'un
carnassier, mais une espèce toute particulière de
mammifère.
L\'erreur de Michaëlis, fondée sur des apparen-
(1) Comm. Acad. Petrop,, tom. I, année lyy/pubHée en 1780.
(2) GoUing. Magazin dçrWissenihi XfV.\'eA IV jahrg anges,
5 Stuck
ces trompeuses, réveilla singulièrement FattentLoir
des naturalistes. Celle de M. Camper fut sur-tout
excitée à la représentation de l\'objet principal ,
sur lequel il avoit basé son opinion. Brûlant du
désir de confirmer cette importante découverte ,
celui-ci ne tarda pas d\'en faire l\'acquisition; et
tel fut le pouvoir de l\'illusion communiquée par
Micbaëlis, qu\'il emporta de suite l\'aveu de notre
auteur. Il rétracta , dans un nouveau mémoire ,
les conjectures adressées antérieurement à l\'aca-
démie de Pétersbourg.
La description de ce morceau capital, accom-
pagnée de figures , se trouve dans le tome II des
nouveaux mémoires de cette illustre société (i).
C\'est un fragment très-eonsid\'érable de la mâchoire
supérieure , ayant trois molaires fixées dans les
alvéoles. L\'une des extrémités se termine par deux
fortes apophyses, que M. Camper, d\'après l\'indi-
cation de Micbaëlis, a pris pour les os intermaxil^
laires; et comme il ne paroît aux bords inférieurs
de ces parties , parfaitement conservées , aucune
apparence d\'alvéoles j que leur étendue est trop,
bornée pour avoit pu loger des dents quelconques,
l\'auteur s\'est imaginé, qu\'à l\'exemple du rhino-
céros d\'Afrique eî d\'autres quadrupèdes, celui de
i\'Ohio n\'avoit eu que des molaires.
<>) IVof. Mt. Acad. Petrop., tom. Il, tab. g.
-ocr page 84-En consultant l\'apparence extérieure de l\'objet
en question, on a bien de la peine à ne pas adop-
ter le sentiment de Micbaélis.
Le palais , rétréci vers les apophyses , imite si
parfaitement le contour de l\'extrémité antérieure
d\'rme mâchoire, tel qu\'on l\'observe dans un grand
nombre de quadrupèdes, qu\'il faut recourir à une
étude réfléchie des détails pour se garantir de l\'il-
lusion.
C\'est l\'invitation très-pressante de Cuvier qui
me détermina à faire un nouvel examen de cette
pièce importante (i). Les doutes que ce savant
anatomiste fit naître sur la position relative du frag-
ment, quoique appuyés d\'argumens très-plausibles,
eurent de la peine à ébranler ma conviction , et le
préjugé fondé sur l\'amorité de mon père. Après
une forte lutte, je fus enfin convaincu que les os ,
prétendus intermaxillaires, n\'étoient que les apo-
physes pterygoïdes du sphénoïdal; que les molai-
res, réputées antérieures, d\'après l\'ancienne opi-
nion de Michaëhs , étoient évidemment les posté-
(i) C\'est dans une lettre du 25 frimaire an 8 que ce savant m\'é-
crit: « J\'ai reçu , par un ami de Michaëlis , un dessin qui repré-
«c sente le même morceau qu\'il avoit envoyé à M. votre père, dé-
«crit dans les Nov. Act. Acad. Petrop,, tom. II; mais M. Mi-
« chaëbs l\'explique tout autrement. 11 noninie processus ptery-
« goîdes ce que M. votre père regarde comme os intermaxlllai-
K res, etc. M
-ocr page 85-neures. La partie antérieure des mâchoires étant
donc incomplète , on n\'en pouvoit rien conclure
contre l\'hypothèse de Collinson , de Hunier et
de Jefferson , qui, d\'un commun accord , ont
attribué ces grandes défenses à notre éléphant
fossile.
Mes recherches ne se bornèrent pas à l\'étude
des formes; les trous situés à la partie supérieure
des os, réputés intermaxillaires, m\'avoient tou-
jours paru en contradiction avec l\'ordre supposé.
On voit d\'autres trous à la surface interne du pa-
lais ; leurs orifices tournés en sens contraire des
apophyses, leur communication avec les trous de
la partie opposée, indiquoient le passage d\'un as-
sez grand nerf, ainsi que son origine, très-voisine
de l\'extrémité qualifiée d\'antérieure. Mais en pre-
nant, au contraire, ces os prétendus intermaxil-
laires pour les apophyses du sphénoïdai, et réta-
blissant ainsi l\'ordre naturel, il est facile d\'y re-
connoitre la route du nerf palatin : comparant en-
suite cette pièce fossile avec les parties analogues
des plus grands quadrupèdes, je découvrisses rap-
ports avec le palais de l\'éléphant."
En eflet, la .suture- médiane, qui réunit les os
du palais au fond jie la"bouQhe, est marquée dans
l\'un et l\'autre par des ourlets très-épais: les trous
pterygo-palatins manquent dans les deux espèces;
mais les nerfs pal|it;ns, qui traversent ici l\'inté-
lî. 6
rieur du nez en rameaux solitaires, composent dans
Féléphant d\'Asie plusieurs filets, dont la commu-
nication se fait avec la bouche par un plus grand
nombre d\'ouvertures : j\'en ai compté au-delà de
huit dans une tête d\'éléphant de Ceilan , et seule-
ment quatre dans le palais fossile. Elles sont très-
proches du pharynx dans la dernière, et très-éloi-
gnées dans le fossile. Indépendamment de cette
diâerence, on en remarque une autre dans les di-
mensions du palais , dont Finfluence doit avoir
singulièrement contribué à changer la forme exté-
rieure du crâne. Il en sera parlé dans la suite.
Nous avons déjà remarqué que la couronne ,
hérissée d\'une double rangée de tubercules, les ra-
cines fortes et crochues des plus grandes molaires,
avoient particulièrement tourmenté les natura-
listes dans la classification des animaux auxquels
ces débris appartiennent; mais en comparant, d\'un
côté, ces; éminences (seulement reconnoissables
lorsque la mastication n\'a pas entamé les pointes)
avec les tuberetiles correspondans des molaires
d\'unéléphantd\'Âfrique , avaiit qu\'elles aient servi
à broyer la nourriture : considérant ensuite la struc-
ture des parties élémentaires-dëA^s l\'espèce vivante
et dans la fossile j on sera frappé\'de l\'analogie qui
ies rapproche.^ ; -a
Car, en supposant les triangles qui composent
Içs rhomboïdes d\'une molaire de Féléphant d\'A-
de i/ é e é p h a n t. 83
fnque, augmentés dans le sens des bases , leurs
côtés , au lieu d\'être irrégulièrement ondoyans ,
formés par des courbes plus ouverles et quelque-
fois rentrantes , dès-lors les rhomboïdes se chan-
geront en doubles feuilles de trèfle, qui caracté-
risent la couronne des molaires fortement usées
de cette espèce détruite d\'éléphans. Si, dèsda dé-
couverte de ces ossemens, l\'on eut trouvé ensem-
ble les défenses avec les mâchelières d\'un très-
vieux individu, il est à présumer que le doute au-
roit été levé depuis long-tems; mais en lisant les
descriptions, en consultant les figures, en inspec-
tant les collections , on est surpris de rencontrer
les molaires d\'un si grand nombre de jeunes indi-
vidus , dont les tubercules sont ,à peine entamés
par la mastication (i).
Il est plus difficile de déterminer le nombre des
molaires que leur rapport avec celles d\'autres élé-
phans. Cependant le fragment du crâne d\'un indi-
vidu de pareille espèce que je conserve dans ma
collection , fournit des preuves certaines qu\'il y
en avoit au moins trois dans chacune des mâchoi-
res supérieures. Les dimensions en étoient fort
inégales ; car , tandis que les dernières ont cinq
(0 On n\'a qu\'à consulter la planclie IV «lu tome LVIII des
^\'\'-ansactions philos, de Londres , et les planches I, H, IH et IV
ûes suppl. de Buffon, tome V.
rangées de pointes, on en remarque seulement
trois à celles qui précèdent. La mâchoire infé-
rieure , représentée par Hunter dans le volume
cité des Transactions philosophiques, ne con-
tient plus qu\'une seule molaire; il est cependant
facile d\'y reconnoitre l\'alvéole d\'une seconde dent
plus avancée. Il en résulte que le nombre des mâ-
chelières a dû être plus grand dans les mâchoires
supérieures que dans les inférieures.
En mesurant collectivement trois molaires d\'une
taille médiocre, comme sont celles qui se trouvent
dans les deux pièces fossiles citées de ma collection,
il en revient pour la série entière, c\'est-à-dire, pour
la dimension du bord alvéolaire de la mâchoire
supérieure, une longueur de quinze pouces et demi,
qui est deux fois plus grande que la partie cor-
ïespondante d\'un éléphant de Ceilan. A cette très-
grande extension des os maxillaires, encore aug-
mentée par l\'étendue des apophyses pterygoïdes
du sphénoïdal, répond aussi la longueur des mâ-
choires inférieures, qui est plus grande d\'un tiers
que dans lès éléphans connus (i). Mais, par con-
(i) La mâchoire inférieure de leléphant d\'Amérique, décrite
par Hunter dans le tome LVllI des Transactions philos., avoit,
depuis l\'extrémité du irienton jusqu\'aux condyles, une longueur
de près de trois pieds ; tandis que cette mesure n\'atteint que deux
pieds dans la mâchoire du plus grand éléphant de Ceilan que je
possède.
tre , les alvéoles sont moins profonds ; ils en-
châssent les racines, différemment courbées, des
molaires dans des compartimens séparés, et non
dans une fosse commune très-légérement cloi-
sonnée.
Le palais plus ample et les molaires plus épais-
ses donnoient aux mâchoires une plus grande lar-
geur, qui ne diffère cependant que d\'un quart
entre les sujets fossiles et celles de l\'espèce asia-
tique.
En comparant, au reste, la solidité relative des
os dans les fragmens des deux mâchoires fossiles
que je possède, avec celle des os correspondans
du crâne de deux éléphans de Ceilan, on observe,
de part et d\'autre, la même diflTérence en épaisseur
qui caraclérise les os des extrémités (i).
Résumant en peu de mots les caractères spéci-
fiques de l\'espèce fossile nouvellement décrite, Fon
verra qu\'elle se distingue des trois autres :
1°. Par l\'extrême sohdité de la charpente du
squelette ;
Par des mâchoires plus longues d\'un tiers;
3°. Par des molaires plus nombreuses , d\'une
(i) Les apophyses zygomatiques des os maxillaires sont beau-
coup plus épaisses ; l\'intérieur est partagé en cellules amples es
nombreuses, La largeur de l\'os qui forme le trou sous-orbitaire
par le bas, est deux fois plus large que dans l\'éléphant de Ceilan.
Structure moins composée que celles d\'autres élé-
phans, et enchâssées séparément dans des alvéoles
réguhèrement cloisonnés ;
4°. Par une plus grande obliquité de la ligne
faciale, puisqu\'enfin il est prouvé qu\'avec des mâ-
choires si extraordinairement prolongées les mo-
laires ne pénètrent dans les os maxillaires que de
trois ou quatre pouces ; le front doit donc avoir
été moins élevé que dans l\'espèce d\'Asie, dont les
alvéoles ont jusqu\'à six ou sept pouces de profon-
deur, et dont les couronnes débordent d\'ailleurs
beaucoup davantage. L\'un et l\'autre ajoutant à la
hauteur de l\'axe vertical de la tête change les pro-
portions du profil.
Rangeant- ensuite ces quatre espèces dans une
série, d\'après l\'ordre des rapports qu\'on observe
dans la structure du squelette , il faudra com-
mencer:
1°. Par l\'espèce éteinte d\'éléphans, que Blu-
menbach appelle primigenius ou primordial, le
mammouth des Russes ; dont les molaires sont
marquées de nombreux sillons, souvent très-serrés
et moins festonnés que dans aucune autre. Cette
espèce , qui paroît avoir été vraiment colossale ,
avoit les défenses longues de dix pieds ; elles pa-
ïoissent avoir été communes dans les deux sexes,
au moins n\'a-t-on jamais, que je sache, décou-
vert de squelette ou crâne, sans trouver en même
tems des défenses plus ou moins considérables.
L\'axe vertical de la tête est fort élevé.
2°. \\Jéléphant des Indes, comme Cuvier l\'a
nommé. Cette espèce est répandue par troupeaux
dans quelques parties de l\'Asie; îa couronne des
molaires se distingue, en général, par des sillons
moins étroitement serrés et plus ondoyans. Les
grandes défenses ne semblent propres qu\'au plus
petit nombre des mâles. La taille varie prodigieu-
sement d\'un individu à l\'autre. Les proportions
de l\'axe liorisontal de la tête à l\'axe vertical dif-
fèrent peu dans cette espèce d\'avec la précédente.
5®. U éléphant d\'Afrique : ses molaires sont
composées de plaques plus épaisses et conséquem-
ment moins serrées ; leurs couronnes marquent
des rhomboïdes très-irréguliers. Les défenses, com-
munes aux deux sexes, parviennent à une gran-
deur prodigieuse. La mâchoire supérieure , un
peu plus alongée que dans Fespèce précédente ,
rend la ligne faciale plus oblique , et les propor-
tions de l\'axe horisontal au vertical moins diffé-
rentes.
4°. L\'éléphant à squelette considérablement plus
épais, à tête alongée et prodigieusement lourde ,
à longues défenses, que Pennant a qualifié à^amé-
ricain : ses molaires, plus nombreuses, sont com-
posées de trois ou cinq plaques , premièrement
hérissées de tubercules, ensuite marquées d\'un©
double feuille de trèfle. Le prolongement des mà-
cboii es , influant sur l\'obliquité du profil, doit
avoir singulièrement recliné la ligne faciale , en
diminuant la hauteur relative de l\'axe vertical de
la tête.
Cette espèce , éteinte comme la première, avoit
plus d\'analogie avec l\'éléphant d\'Afrique qu\'avec
celui des Indes (i).
(OOii pourroit compter, pour cinquième espèce, l\'èlépbant
dont ies dents se trouvent à Simore en Languedoc , près de Tré-
voux et au Pérou. Cuvier en a fait mention dans l\'extrait de son
ouvrage sur les espèces de quadrupèdes fossiles , imprimé par or-
dre de îa classe des sciences physiques de l\'institut national, du
36 brumaire an 9. Peut-être n\'est-ce qu\'une variété de l\'espèce de
rOhio? Le savant illustre que je viens de citer, la reconnoît pou?
en être très-voisine.
DEL\'ÉLÉPHANT. §9
Du sol natal des éléphans,
I
En parcourant des yeux la carte du globe , on
est surpris de voir le domaine des éléphans borné
à nne partie si peu considérable de son étendue-
Le climat rude et trop inconstant de l\'Europe né
pouvoit, en effet, convenir à ces colosses pachy-
dermes, que les hivers auroient fait périr d\'inani-
tion. Il en est de même pour les contrées boréales
de l\'Asie et de l\'Amérique; de sorte qu\'on cher-
cheroit en vain des éléphans au nord du tropique.
Ils habitent les parties plus voisines de l\'équateur,
telles que la côte de Malabar , les royaumes de
Bengale , de Carnate , d\'Arracan , de Pegu , de
Siam, quelques provinces méridionales de la Chine
et l\'île de Ceilan (i).
L\'Afrique, plus étendue des deux côtés de l\'é-
(O Zimmermann, Geogr. geschiclite des menschen imd d«f
vier/Hssigen chiers. II band, pag. 56,
-ocr page 94-mmm
quateur, offre une surface immense pour leur sé-
jour : à commencer par la côte occidentale, de-
puis le royaume d\'Oualle, situé au nord du Sé-
uégal, poussant vers le midi, jusqu\'au Cap de
Bopne-Espérance, et remontant par la côte orien-
tale jusqu\'en Abyssinie, elle fournit, par son ex-
trême fertilité et la chaleur du climat, toutes les
choses nécessaires à l\'entretien de ces énormes
animaux.
Elien (1) a donné plusieurs renseignemens sur
les éléphans d\'Asie, dans la description de Tapro-
bane, aujourd\'hui Ceilan. Strabon (2), Aretée(5),
Pline (4), Plutarque (5) etPhilostrate (6), ont traité
indistinctement de ceux de l\'Inde et de l\'Afrique,
dans l\'histoire naturelle de l\'Ethiopie et des con-
trées voisines, qui de leur tems fournissoient les
épiceries aux Romains. La ville anciennement ap-
pelée Ptolemaïs (Etti\'S-j!/)«?), située près de la mer
Rouge, étoit alors réputée par la chasse des élé-
phans et des bêtes féroces (7),
(i) De Nat. anim. , lib. XVI, cap. 18 et en d\'autres endroits.
(s) Geogr., lib. XV, pag io5i, pahMé in-Jblio en 1707, à Ams-
terdam.
(3) De Morùis cliut., lib. II, cap. i5.
(4) lîist. nat. , Hb, VIII, cap. 8.
{b) De Sollert. anim.
{fi) De Fita A poil. Tyanei, lib. II, cap. 5 et 6; lib. VI,
cap. la.
(7) Plin., Hisc. nat-, lib. VIII, cap. 34.
-ocr page 95-L\'Amérique , mais sur-tout sa partie méridio-
nale, seroit également propre au séjour des élé-
phans; mais il est prouvé, par les nombreuses re-
lations des voyageurs, que ce vaste continent est
peuplé d\'animaux très-dilFérens en même tems
que d\'une taille beaucoup inférieure à ceux de
l\'Asie et de l\'Afrique.
On voit, d\'après cela , que la zone destinée à
être la demeure de ces quadrupèdes , se borne ,
dans les deux continens, au trentième degré de
latitude boréale; mais qu\'elle s\'étend de plus en
Afrique jusqu\'à une pareille latitude méridionale.
Cette surface du globe paroît avoir été peuplée de
tout tems d\'un nombre prodigieux d\'éléphans; car
indépendamment d\'une chasse continuelle , qui
remonte à des tems immémoriaux , autant pour
en recueillir l\'ivoire que pour se nourrir de leur
chair, et non-obstant le développement si tardif
de leur volume et la très-lente multiplication de
l\'espèce, les forêts de l\'Inde et de Ceilan sont en-
core peuplées par des troupeaux immenses d\'élé-
phans , qui se trouvent bien plus nombreux en-
core dans l\'intérieur de l\'Afrique. Hartenfels (i) a
cité, sur cet article, le témoignage de Garzias ab
Horto, lequel assure que la partie du Zanguebar,
depuis Melinde jusqu\'à Sofala, produit annuelle-
(1) Elephant: air., part. IJI, pag- aSz.
-ocr page 96-ment environ six mille quintaux d\'ivoire ; et Bat-
tel avance que les domaines d\'un prince Manike-
sok avoient fourni vingt mille queues d\'éléphans
dans un seul mois (1). Quand même ces rapports
seroient exagérés, comme il J a tout lieu de le
croire , il n\'est pas moins prouvé , par le grand
commerce d\'ivoire qui s\'est fait depuis deux mille
ans et qui se continue encore de nos jours, que
ces quadrupèdes furent, de tous tems, répandus
en multitude prodigieuse dans les environs de l\'é-
quateur. Cependant le nombre doit en avoir di-
minué depuis que l\'espèce humaine, cultivant les
terres, a restreint l\'étendue des forêts. La destruc-
tion annuelle de ces grands animaux pourroit
même épuiser l\'espèce d\'Asie long-tems avant celle
d\'Afrique, à cause de la plus grande civilisation de
l\'Inde, et parce que la mer, en remontant beau-
coup au nord de l\'équateur, a mis des limites plus
étroites à leur domaine.
Les éléphans, si abondamment répandus depuis
les siècles les plus reculés, doivent avoir été dans
leur plus grande force à des époques de beaucoup
antérieures. Les traditions et les monumens des
hommes ne suffiroient pas pour s\'en convaincre ;
ce ne sont que les productions d\'un instant, en
comparaison des annales de la nature, auxquelles
(1) Zimmermann, Ceogr., pag. Sy.
-ocr page 97-il faut recourir pour avoir des indications sur ce
période; dont les preuves, écrites en caractères li-
sibles aux yeux même des nations les plus barba-
res, attestent que les élépbans, par leur nombre ,
ont toujours eu la prééminence dans l\'ordre de la
création.
En effet, les voyageurs qui ont parcouru d\'un
œil rapide les parties boréales de l\'Asie, assurent
que depuis le quarante-cinquième degré de lati-
tude jusqu\'aux bords de la mer Glaciale, la terre
fourmille en quelques endroits d\'ossemens des
quadrupèdes de l\'équateur, parmi lesquels se dis-
tinguent les débris de deux espèces d\'éléphans. La
chaîne des monts Ourales,qui sépare l\'Asie d\'avec
l\'Europe, n\'a pu mettre des bornes à la transla-
tion de ces dépouilles fossiles, car elles s\'étendent
sur le parallèle indiqué jusqu\'aux limites boréales
de l\'Occident: la Russie (i), la Pologne (2), l\'em-
pire d\'Allemagne (3), la Hollande (4), les îles Bri-
(1) On n\'a qu\'à consulter les voyages de Gmelin et de Pallas.
(2) Rzazynski, Hist, nat Poloniae, pag, a.
(3) Il seroit impossible de citer ici la moirié des auteurs qui ont
parlé d\'ossemens d\'éléphans trouvés fossiles par toute l\'Alle-
«lagne,
(4) 11 en est parlé dans les tomes XII et XXIII des Actes de la
Société de Harlem : les objets mêmes ont passé dans la collection
feu mon père.
-ocr page 98-IPS
tanniques (i), le Brabaot (2), la France (3), l\'Es-*
pagne (4), l\'Italie (5), la Suisse (6), la Hongrie (7)
et d\'autres pays, en offrent des exemples fréquens.
Mais ce qui sur-tout a lieu de surprendre , et
tourmentera toujours Fesprit des naturalistes, c\'est
de voir qu\'anciennement l\'Amérique septentrio-
nale et méridionale aient été peuplées de nom-
breux troupeaux d\'éléphans. Leurs squelettes s\'y
trouvent dispersés à des latitudes qui ne sauroient
convenir à des animaux de la zone torride , ert
même tems que dans les endroits voisins de Fé-
quateur.
C\'est à M. de Longeuil qu\'on doit peut-être les
(1) Les Transact, philos, abrégées par Baddam en prése tenties
preuves aux tomes V, VIII et en d\'autres endroits.
(2) Burtin en a parlé chap. I, parag. a. de la dissertation cou-
ronnée à Harlem en ,787, sur les révolutions qu\'a subi la surface
du globe , etc.
(3) r>aubenton , Cuvier et d\'autres en ont fait mention en plu-
sieurs endroits de leurs ouvrages.
(4) Torrubia , Hist. nat. Hispaniae.
{5)Targ. Tczzctti, Voyage en Toscane--^Fortis, Belle ossa
d\'elt/ami dei monti di Romagnano. — Atti di Sieniia, tom. III.
Le cabinets du grand-duc de Toscane , celui du docteur Tozzetti
à Florence, celui de Fapotliicaire V. Eozza à Vérone et d\'autres,
®n étoient abondamment pourvus en 1787.
(6) J\'en ai vu plusieurs dans les cabinets de Bale, entr« autres
chez M. Bernouilli, en 1788.
(7) Près Harasztos, -village de Wallachie, à Clauseraburg, etc.,
tiré des Coiling. Anzeige, 11 janvier 1798; pag. 5i.
d e l\' é l é p ii a n t.
premières indications sur le phénomène en ques-
tion. Les relations du géographe Crogham,accom-
pagnées d\'un riche envoi d\'ossemens fossiles, pas-
sèrent en Angleterre vers l\'année lyGô. Ces pièces
très-curieuses, décrites par Collinson et Hunter,
dans les Transactions philosophiques., en aug-
mentèrent la célébrité (i).
Les sources salées du comté de Washington en
Virginie , la Caroline septentrionale , le comté
d\'Yorck en Pensylvanie, celui d\'Ulsler dans les
états de New-Yorck, le royaume du Mexique et
d\'autres endroits en ont présenté des preuves nom-
breuses ; mais c\'est aux sources salées ( the great
saltlihs ) de la Virginie, distantes de trois milles
à l\'est de l\'Ohio , et situées à cinq cent quatre-
vingt-quatre milles au-dessus du fort de Pitt, que
ces squelettes se trouvent en plus grand nombre.
On diroit qu\'ici fut jadis un cimetière de ces vastes
quadrupèdes, ou le champ de bataille sur lequel
ils périrent par centaines. Le terrain y est jonché
d\'ossemens, de défenses et de molaires, au point
que les sauvages habitans de ces contrées en fu-
rent vivement saisis. Ils imaginèrent même une
explication de ce phénomène; et, quelque absurde
qu\'elle soit d\'ailleurs, il est facile d\'y reconnoitre
ces grandes impressions d\'éîonneœent que îes mer-
« OTom. LViletLVilL
-ocr page 100-veilles de la nature ont seules le droit d\'inspirer.
J^es nombreux squelettes dont vous admirez
l\'assemblage , dit un de leurs députés à JelFer-
son, sont les débris d\'un troupeau de fort gros
buffles qui s\'étoient rendus aux sources salées.
Ils commencèrent par détruire les ours , les
cerfs J les élans, les buffles et d\'autres bêtes j
créées à dessein pour l\'usage des Indiens ; lors-
que le grand Homme de là-haut ( c\'est ici qu\'ils
désignèrent le ciel par des gestes ), voyant ce
désordre , justement courroucé, descendit sur la
terre ; saisissant la foudre , il extermina ce trou-
peau dévastateur, à l\'exception d\'un gros tau-
reau , qui, seulement blessé, bondissant par-
dessus l\'Ohio , rOuabache , l\'Illinois et les
grands lacs voisins , se réfugia vers le pôle, oii
il vit encore (1).
Le Pérou et ses riches mines en ont fourni une
récolte nombreuse. Ces os, imprégnés de fer oxydé
et d\'argent natif, sont employés avec succès dans
les fontes.
La pointe méridionale de l\'Amérique en a don-
né de pareils : les preuves en furent transportées
par la flotte de Biron (2).
{0 Jefferson, Notes on the state of Virginia, 1782, pag. 70
etyi.
(2) Gotting, Magazin, etc» IV jahrg. 2 stuck.
"mm
be l\' é l é p h a n t.
^Ce que je viens d\'alléguer sur les restes fossiles
d\'éléphans, suffiroit pour donner une idée, même
imposante, du nombre par lequel ces quadrupèdes
ont figuré jadis parmi les productions de la na-
ture; mais si l\'on fait attention combien il s\'est
perdu de leurs ossemens depuis que l\'homme ,
pour défricher la terre , en a sillonné la surface ;
i2®. combien nos connoissances sur l\'intérieur des
continens et des îles, distribuées des deux côtés de
l\'equateur, sont bornées; que nous ne pouvons pas
par conséquent déterminer la centième partie des
dépouilles qui gisent encore à la surface du sol,
et que, si nous pouvions avoir une table exacte de
tous ces individus , scrupuleusement comptés , il
nousmanqueroitencorelecaîalogue du plus grand
nombre enfouis à diverses profondeurs du terrain,
ou engloutis par les eaux, qui couvrent une partie
si considérable du globe; en faisant ces réflexions,
dis-je, nous ne risquerons rien d\'avancer, que, de
tous les animaux qui aient jamais peuplé notre
planète, c\'est l\'éléphant qui a été le plus uni-
versellement répandu.
Mais jusqu\'ici nous avons seulement indiqué le
sol natal et les endroits renommés par le gisement
des os fossiles du genre de l\'éléphant; traçons
mamtenant en peu de mots, d\'après la classifica-
tion établie dans le chapitre précèdent, les parti-
cularités qui regardent les espèces. Ces détails sont
7
-ocr page 102-^mmmm.
gs d e l\' é l é p h a k t.
en double rapport avec la zoologie comme avec
l\'histoire physique de la terre.
Les observations qu\'un a recueillies sur cet ar-
ticle ne sauroient être exemptes d\'incertitude à
tous égards, à cause du défaut de recherches nér
O ^
cessaires pour décider une question aussi impor-
tante; on peut cependant admettre comme positifs
les faits suivans :
i°.Tous les ossemens d\'éléphans,répandus dans
les parties boréales de l\'Asie, ainsi que par toute
l\'Europe, appartiennent au mammouth, à l\'élé-
phant primordial {primigenius) de Blumenbach:
c\'est une espèce éteinte d\'animaux, comme celle
des rhinocéros à double corne non-édentés et d\'au-
tres , dont on peut consulter le catalogue dans
Gmelin , Forster, Pallas , Cuvier et autres écri-
vains. Il seroit à souhaiter que l\'oryctographie de
Finde se perfectionnât un jour au point qu\'on put,
en comparant les débris fossiles des quadrupèdes
de ce pays avec ceux 4es autres, déterminer avec
précision le berceau de ces antiques éléphans.
2°. Que les éléphans de l\'Inde, ceux que l\'on
rencontre en Asie , sur le continent et dans les
grandes iles voisines de Féquateur, ne se trouvent
dans aucune autre partie du globe.
5°. Que les éléphans d\'Afrique diffèrent despré-
cédens par les caractères indiqués à l\'article de la
diversité des espèces. C\'est la troisième division du
de é l é p h a n t. gg
genre de ces énormes quadrupèdes, confinée dans
ce vaste continent. L\'ignorance dans laquelle on
se trouve encore sur l\'histoire naturelle de cette
grande partie du monde , est d\'autant plus fâ-
cheuse qu\'il y a moins d\'espérance qu\'elle soit ja-
mais éclaircie.
La quatrième espèce d\'éléphans mérite une at-
tention particulière; ses restes sont plus univer-
sellement répandus sur le globe que ceux du véri-
table mammouth. Elle doit même avoir été plus
nombreuse que les races vivantes de l\'Afrique ou
de l\'Inde. Ses os ne couvrent pas seulement une
grande partie de l\'Amérique, mais toutes les con-
trées boréales de l\'Asie et de l\'Europe : la Sibérie,
la Russie, la France, l\'Angleterre et l\'Italie en
fournissent de fréquens exemples.
Il n^a été question jusqu\'ici que de l\'application
des faits à la zoologie; mais on s\'est apperçu de-
puis long-tems que plusieurs des observations que
je viens d\'indiquer regardoient immédiatement
Fhistoire physique de la terre et des changemens
qu\'elle a subi depuis sa premiere formation. L\'hom-
me, frappé des monumens d\'une catastrophe qu\'il
ne pouvoit concilier avec Fordre actuellement éta-
tourmenté d\'une curiosité dévorante pour en
rechercher les motifs, interrogea la nature sur la
cause de ces changemens et des grandes révolu-
^^^ns dont son espece heureusement n\'a pas été la
Comment imaginer, en effet, que des animaux
de la zone torride aient pu jadis séjourner dans les
zones froides voisines des poles? et si Finfluence
du soleil n\'est plus aujourd\'hui pour ces rudes cli-
mats aussi benigne comme elle auroit dit l\'être à
des époques antérieures, quels furent les agens ca-
pables de la détruire ? Supposant, d\'un autre côté,
que les animaux dont on voit les nombreuses dé-
pouilles dispersées j usqu\'aux poles, aient vécu dans
les environs de l\'équateur, quel moyen assez puis-
sant en a transporté les cadavres à des distances
aussi prodigieuses du sol natal?
Comment expliquer cette diversité constante qui
distingue les espèces fossiles d\'avec les races ana-
logues qui subsistent de nos jours? Dans quels
tems et par quelles révolutions ces antiques espè-
çes d\'animaux furent-elles exterminées, au point
qu\'il ne resta pas deux individus pour en perpé-
tuer la souche ? A ces questions on pourroit en
ajouter beaucoup d\'autres , également embarras-
santes, que les plus grands génies ont en vain tâ-
ché de résoudre, comme si les difficultés du pro-
blême surpassoient les bornes de notre entende-
ment,
La supposition d\'un printems perpétuel, dont
le monde auroit joui durant les premiers âges de
sa formation , hasardée par les anciens, adoptée
par quelques modernes , n\'a pu tenir contre les
objections des astronomes. Elle s\'appuyoit trop foi-
blement sur une prétendue coïncidence de l\'éclip-
tique avec l\'équateur qui, une fois établie , n\'au-
roit pu être altérée dans la suite par aucune rai-
son naturelle. Euler a démontré, en effet, que l\'é-
cliptique, en déclinant vers les poles, ne peut ja-
mais atteindre à neuf degrés; d\'autres astronomes,
qui ont soumis la théorie d\'Éuler à de nouveaux
calculs, ont prouvé que la différence dans l\'obli-
quité de Fédiptique , relativement à l\'équateur ,
ne pouvoit excéder les limites de trois degrés (i).
Le refroidissement du globe parla diminution suc-
cessive de sa chaleur centrale, proposé par Buf-
fon , n\'a pu obtenir l\'aveu des physiciens, parce
qu\'il n\'est basé sur aucune preuve solide.
L\'effet de la perturbation collective de toutes
les planètes , aussi insuffisant que l\'opinion d\'un
refroidissement successif de la terre, a fait recou-
rir à d\'autres agens pour rendre raison des grands
changemens survenusau globe. A ces causes lentes et
successives on a substitué l\'influence d\'autres corps
célestes, qui, se mouvant dans des courbes moins
réguhères , à cause de la grande excentricité de
leurs orbites, s\'approchent quelquefois de la tra-
jectoire des planètes. Le grand nombre des co-
Pauw, Recherches philos, sur Us Américains , tora. I, nac.
= Berlin , 768.
-ocr page 106-mètes, leur mouvement dirigé vers toutes les pla-
ges du ciel, leurs noeuds qui coupent l\'écliptique
dans tousles sens, ne pouvoient qu\'attirer l\'atten-
tion des physiciens. Whiston profita de cette idée,
pour attribuer la cause du déluge universel à la ren-
contre d\'une comète avec la planète que nous ha-
bitons (ï). Pingré réfuta ses argumens,quant à l\'é-
poque, mais il a cru cette rencontre physiquement
possible (2).
Les Gregori, les Maupertuis , les Lalande ne
doutoieot pas de la coïncidence des comètes avec
les planètes dans quelque point de leurs orbites.
M. du Séjour admettoit leur influence dans les pé-
rigées (5). Le célèbre Bode, en publiant une table
des élémens des soixante-douze comètes bien con-
nues, a remarqué que sur les cent quarante-quatre
noeuds, il y en a trente-deux qui passent entre
Mars et la Terre, dix-neuf entre celle-ci et Venus,
deux enfin dont les trajectoires coïncident presque
avec l\'orbite de notre planète (4). Il est à présumer
que les élémens de plusieurs comètes ne sont pas
connus, et que la perturbation, causée par l\'at-
traction des corps célestes d\'autres systèmes, doit
(1) Buffon, Hist, nat., tom. I, pag. i6S,
(2) Cométogr., tom. II, cliap. /,, pag. i65 et 166.
(3) Ibid., 177 et suiv.
(4) Gotting. Anzeige, du ai avril 1792,
-ocr page 107-siogulièrement influer à faire changer leurs di-
rections.
Quoiqu\'il en soit de la probabilité de ces diffé-
rentes hypothèses, on ne sauroit douter que notre
globe n\'ait souffert des convulsions terribles et ré-
pétées à diverses époques. Comparons, avec Förs-
ter (i), la forme et l\'étendue des continens vers
les poles opposés; considérons l\'empire des mers
beaucoup plus étendu vers le pole austral qu\'à ce-
lui de l\'Ourse; faisons attention à la forme époin-
tée des caps, à la direction des golfes, à la situa-
tion des grandes îles relativement aux continens
voisins ; mesurons la hauteur des montagnes qui
dominent sur les mers du pole antarctique, leurs
flancs escarpés, souvent inaccessibles, qui termi-
nent au Midi les vastes continens de l\'Asie , de
l\'Afrique et de l\'Amérique; mettons-leur en oppo-
sition les plaines immenses du nord de l\'Asie , la
douce obliquité du rivage de la mer Glaciale. Re-
marquons ensuite que ces déserts arides, d\'un sa-
ble toujours mouvant, s\'étendent au nord et au
nord-est des hautes chaînes qui traversent les con-
tinens ; que les flancs méridionaux et occidentaux
de ces montagnes sont déchirés, à demi-ruinés et
presque nus: alors on aura des preuves irrécusa^
bles que la cause étrangère qui a ravagé la surface
Beobachtungen und v/ahrheilen, etc. Leipsig 1798.
-ocr page 108-»e l\'éléphant.
du globe , a suiW la direction du sud-sud-ouest
vers les parties nord-nord-est du globe.
Ces vues générales ont été confirmées par les ob-
servations particulières des voyageurs sur les mon-
tagnes du Hartz, de la Saxe, les monts Carpbates,
l\'Altaï, le Caucase et l\'Imaus (i). Les plaines dis-
tribuées au nord de ces grandes chaînes sont d\'une
formation postérieure, et composées d\'un amas de
terres, mélangé de débris d\'une infinité de corps
organisés des deux règnes, tantôt confusément en-
tassés et quelquefois disposés par couches. On ne
sauroit donc douter que les eaux du pole austral,
agitées par de puissantes causes surnaturelles,
n\'aient rongé les côtes méridionales des continens;
qu\'amoncelées de proche en proche au niveau des
plus hautes cîmes de l\'équateur, elles n\'aient miné
la base et les flancs des montagnes opposées à leur
fureur; qu\'arrachant du sol les végétaux qui or-
noientla terre, détruisant les troupeaux immen-
ses d\'animaux qui muhiplioient sous ces heureux
climats, creusant le terreau à de vastes profon-
deurs , emportant le sable et des fragmens de ro-
chers , elles n\'aient charrié ces végétaux déraci-
nés, ces cadavres noyés , ces couches de limon
d\'argile et de sable, des hautes et fertiles contrées
du Midi vers les régions froides et basses du Sep-
tentrion.
(!) pag. 45.
-ocr page 109-de l\'éléphant. io5
En adoptant cette opinion , que Palias, dans ses
fameux voyages, a présentée comme la plus natu-
relie (i), que Renovantz ^aj a appuyée de nouvel-
les preuves, que les plus grands navigateurs, Cook
et Forster, ont mis en évidence, il sera facile d\'ex-
pliquer pourquoi nous trouvons ces immenses dé-
pôts de végétaux, et ce nombre si considérable de
squelettes d\'animaux de la zone torride, dispersés
sous des latitudes voisines du pole boréal. Les dé-
luges qui ont entraîné les lions, les ours, les tigres
et les ruminans de l\'Afrique , les éléphans , les
rhinocéros, les buffles et les crocodiles de l\'Inde,
déposèrent leurs cadavres en Espagne, en Alle-
magne , jusque vers les bords de la mer Glaciale
et le cercle polaire.
Cette catastrophe doit avoir été générale par tout
le globe,au point que les végétaux et les animaux
périrent tous à la même époque ; et s\'il subsiste au-
jourd\'hui quelques plantes et quelques espèces d\'a-
nimaux conformes en tout à celles dont nous trou-
vons les débris ^ il n\'est pas aisé à déterminer si
ce sont encore les rejetons d\'antiques races dont
les aïeux semblent avoir échappé à la ruine de leurs
É
(i) Voyez sur-tout ses Observations sur la formation des mon-
pag. ji et 72.
(a) Minerai, geogr. Nachrichieu ven den Altaïsschen sebûrgen.
pag. 77.
-ocr page 110-semblables, ou si la nature, occupée d\'une créa-
tion nouvelle, après le retour du repos, a repro-
duit ces mêmes espèces sous des formes identiques?
Car il est prouvé d\'ailleurs, par des comparaisons
exactes, que le plus grand nombre des corps or-
ganisés qu\'on observe de nos jours ne ressemble
pas aux productions analogues des âgesprécédens.
Et pour ce qui regarde l\'époque de ce funeste
événement, elle est de beaucoup postérieure à la
retraite des eaux , qui, pendant une longue suite
de siècles, et sans interruption, couvrirent jus-
qu\'aux plus hautes montagnes de la terre. Il n\'a
donc pas été le premier qui ait troublé l\'état pai-
sible de notre planète.
Des observations géologiques faites avec soin
nous apprennent même qu\'un plus grand nombre
de ces catastrophes a précédé le séjour de l\'hom-
me; et si l\'expérience des premiers âges nous a fait
connoître une série de ces terribles fléaux, sans
que nous puissions remonter aux causes qui les ont
produits, et sans que nous ayons de certitude con-
solante sur l\'impossibilité de leur retour, alors
nous ne pouvons guère compter sur la durée cons-
tante de l\'ordre actuellement établi.
De la structure des parties internes , et de la gé-
nération.
L
li\'ÉLÉPHANT dont il est question mourut le 16
janvier 1774, dans la ménagerie de S. A. S. Mê»". le
prince d\'Orange, et fut envoyé de suite à M. Cam-
per, pour en faire la dissection. Comme celui-ci
demeuroit alors à Franeker en Frise, il fallut dû
tems pour faire ce transport, que les glaces retar-
dèrent jusqu\'au 5 de février. Indépendamment de
ce délai,l\'auteur continua ses recherches pendant
trois semaines, sans être incommodé par Finfec-
tion du cadavre, dont la pourriture, à cette épo-
que , n\'étoit pas plus avancée que n\'auroit été cells
d\'autres animaux. On observa cependant vers la
^in une odeur de musc assez pénétrante et parti-
culière à ce quadrupède. Il en résulte par consé-
^^ent que si M. Camper s\'étoit trouvé à Fendroit.
108 DE L^ÉLÉPHANT.
OÙ rindividu mourut, il auroit pu employer trente-
six jours à l\'examen des parties. Des circonstances
aussi heureuses méritent d\'être rapportées, parce
que les voyageurs prétendent que le corps de l\'élé-
phant est plus sujet à la putréfaction que celui
d\'autres animaux. En Europe même les anatomis-
tes se sont plaints de l\'infection subite qui entrava
leurs recherches en pareilles occasions. L\'éléphant
mort\'à Cassel en 1780, et disséqué par Soemme-
ring, étoit dans ce cas, et Cuvier s\'est plaint d\'un
contretems pareil relativement au sujet mort nou-
vellement à Paris.
Je ne m\'arrêterai pas à la description des moyens
dont l\'auteur s\'est servi pour manier à son aise et
seul une masse aussi lourde, parce que ces détails
pourroient ne pas être applicables à des sujets plus
grands et sous d\'autres circonstances.
Notre jeune éléphant étoit un mâle : sa plus
grande hauteur, prise par le miheu du dos, égaloit
quatre pieds ; la croupe n\'avoit que trois pieds
huit pouces ; le sommet de la tête trois pieds cinq
pouces (1).
La longueur, mesurée depuis lé museau jusqu\'à
l\'origine de la queue, étoit de cinq pieds et demi;
la plus grande largeur du corps étoit de deux pieds
quatre pouces ; les longueurs de la trompe et de
(1) Il est ici question du pied de fihin.
m
a
la queue s\'étendoient à des mesures égaies de deux
pieds.
Après que le sujet écorché fut couclié sur le dos
les muscles steruomastoïdiens se présentèrent im-
médiatement à la vue. L\'origine en est différente
dans l\'éléphant, auquel manquent les apophyses
mastoïdes du temporal; ils prennent par consé-
quent leur origine des os jugaux et descendent
des côtés de la mâchoire jusqu\'au sternum. Il est
donc plus convenable d\'appeler ces muscles sterno-
zygomatiques ou siemo-maxillaires.
Les muscles peaussiers et ceux du bas-ventre
ressemblent aux parties analogues dans les autres
quadrupèdes : Perrault leur a trouvé de la ressem-
blance avec ceux du cheval; la membrane parti-
cuhèrcj qui, selon lui, recouvre les muscles du ven-
tre, n\'est qu\'une aponévrose ordinaire (1).
Au défaut de Unea alba (2), cette large aponé-
vrose d\'un blanc jaunâtre enveloppe tout l\'abdo-
men sous la forme d\'un bandeau; sa partie anté-
rieure s\'attache aux os pubis, mais les prolonge-
mens latéraux sont insérés aux os des îles.
Moulins n\'a pas négligé cette forte membrane,
dont il compare la dureté a celle d\'un fanon d\'é-
gale épaisseur. Il en a suivi l\'origine et l\'inser-
Mémoires, etc., pag. 553.
J\'ai conservé le mot latin au défaut d\'un nom françois.
-ocr page 114-no l\'éléphant.
tion depuis l\'épine jusqu\'au sternum et à la région
du ventre (i). La grosseur des glandes inguinales
leur donnoit beaucoup de saillie, ainsi qu\'on le
voit en x.y. , x.y. de la planche X, figure i.
P. Gillius fut certainement induit en erreur par
leur volume; car il s\'est imaginé que c\'étoient les
testicules cachés sous la peau et fixés contre l\'abdo-
men (2). Moulins en fut également la dupe. Il dit
que ces parties sont cachées des deux côtés de la
verge dans le périné; qu\'elles ne pesoient pas qua-
tre onces, etc. Nous passons sous silence les inep-
ties qu\'il a débitées à ce sujet (5).
Pour ne rien changer à la situation du membre
génital, le prépuce n\'a pas été enlevé. On voiE par
conséquent la courbure de la verge, ses muscles
accélérateurs et rétracteurs dans leur assiette natu-
relle. Planche X, figure 1.
Le défaut de bonnes descriptions anatomiques
d\'éléphans mâles engagea l\'auteur à s\'étendre sur
cet article, afin de relever les erreurs des écri-
vains. Il a déjà été remarqué que la description de
Moulins est au-dessous de la critique. Pour Duver-
noi, il s\'est contenté d\'examiner la seule partie
(0 Mem. ofihe royal Society abridged by Baddarn , vol. V.
pag. 2S9.
(2) Descr. nova eleph. , pag, la.
(5) Mem , etc, , vol. V, pag. agg.
-ocr page 115-tronquée à l\'union du pubis; ce qui Fa empêché
d\'étendre conrenablement ses recherches (i).
Le membre génital d\'un éléphant mâle ne diffère
pas sensiblement dans sa structure de celui d\'au-
tres quadrupèdes ; mais on observe deux muscles
particuliers qui prennent naissance des deux côtés
de la verge à la partie antérieure du pubis. Ils s\'unis-
sent ensuite à quelque distance de Forigine, et
glissent sous la forme d\'un tendon commun der-
rière le membre pour s\'attacher au gland. Ces mus-
cles sont destinés sans doute à retirer la verge dans
le fourreau après Férection, et lorsque Féléphant
a lâché ses urines; ce qu\'il fait exactement comme
les chevaux : des témoins oculaires ont constaté ce
fait, qui se trouve d\'accord avec l\'observation d\'A-
ristote.
La description que Duvernoi a faite des muscles
en question, mais beaucoup plus forts dans l\'indi-
vidu qu\'il a disséqué, s\'accorde très-bien avec les
observations de Fauteur; cependant il n\'a pu dé-
couvrir leur origine pour les raisons alléguées :
aussi s\'est-il trompé sur l\'usage de ces muscles,
qu\'il suppose abusivement être les érecteurs ou re-
leveurs du membre {attollentes), car ceux-ci ne
diffèrent aucunement des muscles analogues qu\'on
■observe dans d\'autres quadrupèdes. On peut s\'en
to Comm. Acad. Sc. Petrop., tom. IV, auni 172g, pag. S73.
-ocr page 116-convaincre par la ligure i de la planche XI t.
Le veru montanum, la glande de Cowper, les
pi\'ostates, les canaux deferens et les vésicules sé-
minales, ressemblent à celles des autres quadru-
pèdes. Duvernoi, qui doutoit de la présence de
quelques-unes de ces parties, a dû se tromper en
coupant le membre trop bas, ainsi qu\'il a été re-
marqué ci-dessus.
Les accélérateurs de Furine sont doubles de cha-
que côté. Une paire de muscles supérieurs plus
alongés que les autres, enveloppent le bulbe de
Furètre, et sont réunis aux inférieurs plus courts,
mais plus charnus, La description générale que
Gahen (i) a donnée de ces muscles, qu\'il appelle
jumeaux, connatos, s\'apphque parfaitement à la
structure de ces parties dans Féléphant, les singes
et les chiens. Les muscles"supérieurs sont, en
effet, bifourchus, et s\'étendent sur les parlies mol-
les, sans toucher aucun os, tandis que les seuls
muscles inférieurs sont attachés au pubis.
Les corps caverneux, séparés par une cloison
intermédiaire, ont encore à l\'intérieur de chaque
division des cloisons particulières. C\'est pour don-
ner une plus grande consistance aux parois de leur
cavité, très-ample dans les adultes, que la nature
avoit besoin de ces ressources; car il a déjà été
<i) De Muscul. dissect., cap. atj.
-ocr page 117-remarqué, à l\'article des parties de la génération,
que la verge de l\'éléphant est comparativement la
plus grosse qu\'on trouve chez aucun quadrupède»
Soemmering a fait la même observation, en dissé-
quant l\'éléphant de la ménagerie de Cassel (i).
Comme il est ici question des parties génitales,
j\'ai cru devoir compléter la description de ces or-
ganes par celle des testicules, quoique cachés dans
l\'intérieur du ventre. Aristote (2) en a très-bien
connu le siège : « Ils ne sont pas visibles à l\'exté-
«rieur, dit-il, mais profondément cachés dans
« l\'abdomen, et proche des reins. » Pline (3) s\'est
contenté de remarquer que ces parties sont ca-
chées dans l\'intérieur. Les modernes n\'en ont pas
fait mention, ou bien ils ont perpétué les erreurs
puisées dans d\'autres écrivains.
Les testicules sont elfectiv^ement couchés sur
les reins. La membrane extérieure qui les enve-
loppe formoit des deux côtés plusieurs franges ,
garnies de longues appendices en forme de petits
epiploons. Leur couleur d\'un rouge foncé dépend
delà muhitude de vaisseaux sanguins dont ils sont
pénétrés; les extrémités inférieures paroissent d\'une
(ODans les lettres que ce savant a écrites à M. Camper sur ce
sujet. ^
r.
lib.XI.cap. no.
1 r.
-ocr page 118-substance glanduleuse. La figure i de la planche
XI représente les testicules couchés à nu sur les
reins, desquels on a séparé les membranes exté-
rieures pour éviter la confusion. Les appendices
en question se voient à la figure 2 de la même
planche, et plus en grand à la figure 1 de la
planche XIL
Aristote (1) croyoit avoir trouvé la raison pour-
quoi l\'éléphant n\'a point les testicules à l\'extérieur
du corps, dans l\'extrême roideur de sa peau, qui
çe seroit difficilement prêtée à former un scrotum;
çt l\'exemple du rhinocéros, constitué de même,
sembleroit ajouter du poids à cette observation,
s\'il n\'existoit plusieurs espèces d\'animaux à peau
îrès-lâche, dont la conformation est à peu près la
même. Ne seroit-ce pas plutôt en vertu de l\'ana-
logie de l\'éléphant avec les pachydermes, auxquels
il ressemble d\'ailleurs à plusieurs égards, qu\'il n\'a
pas de scrotum ?
Duvernoi (2) est le seul qui dise avoir trouvé
de la graisse autour des parties de la génération.
Il est à supposer que ces cas sont bien rares, puis-
qu\'aucun des voyageurs ni des écrivains n\'en ont
fait mention : M. Camper aussi n\'en a pas trouvé
de vestiges.
(1) De Gener. anim., lib. I, cap. i a.
(3) Act. Petrop. , tom. II j ann. 1727 , pag. 572.
-ocr page 119-de l\'éléphant. ii5
Des intestins dans leur situation naturelle.
Les tuniques de l\'abdomen étoient fort minces,
de sorte que l\'aponévrose étant coupée, le péritoine
se présenta immédiatement, ainsi que les gros in-
testins dontle volumeétoit très-considérable; quoi-
que fortement gonflés d\'air ils n\'étoient pas gâtés;
la couleur et l\'odeur ressembloient à celles qu\'on
observe à l\'ouverture d\'un bœuf
L\'épiploon très-mince étoit cependant très-facile
à reconnoitre; plus petit que celui de l\'bomme,
il ne couvroit qu\'une partie des intestins. Stuke-
ïey (i) avoit raison de comparer la ténuité de son
tissu à celle d\'une toile d\'araignée, ou bien au rete
mirabile; \'\\\\ observa de même l\'étendue très-bor-
née de cette partie. Le docteur Suply a envoyé à
la Société royale de Londres l\'épiploon d\'un élé-
phant des Indes, qui a passé dans la collection de
M. Camper.
La description de Perrault (2) est excellente à
ce sujet. L\'épiploon de l\'éléphant surnage vérita-
blement aux intestins dans toute l\'étendue du sens
(0 Essay towards , etc. , pag. 94.
C\'-t) Mémoires ,, etc. , pag. 524.
x l 5 jy E 1/\' É L É F II A N T.
que les analomistes grecs ont attaché à sa dénomî-
nation. Il paroît divisé en deux parties, et ne pré-
sente aucune apparence de graisse. Blair n\'a pas
fait attention à l\'omentum; il prétend même que
cette partie manque tout-à-fait (i).
Le jejunum se trouvoit dans la région gauche
du ventre; l\'ileum. du côté droit ; le rectum au sor-
tir du colon se fléchit en avant par dessous le py-
lore , à l\'endroit même où le duodenum s\'attache
au foie, après quoi il se replie en arrière, passe en
longeant la colonne vertehrale pour aboutir à Fa-
nus. Tous les intestins sembloient en état de par-
faite santé; la cavité du ventre ne contenoit qu\'une
très-petite quantité de sérosité épaisse et jaunâtre.
La distribution des gros intestins présentoit à
l\'ouverture de l\'abdomen un eoup-d\'œilfort étran-
ge. Ils avoient l\'air d\'être divisés en trois grandes
poches séparées, dont le nombre se seroit aug-
menté d\'un quatrième, si le ventricule n\'eut pas
été entièrement vide. Aristote (a) semble avoir eu
cette distribution des entrailles en vue , lorsqu\'il
dit : « L\'intestin de Féléphant est divisé par des
« sinuosités, de façon qu\'il paroît avoir quatre po-
tt ches ou ventricules. » Il trouve d\'ailleurs pour
la forme beaucoup de ressemblance entre les in-
(1) Mem. of ihe royal Soc. ahr., etc., vol- V, pag. 289.
{■i)Hisi;. anim.,, lib. II, cap. 17.
tesîi\'ns de ce gros quadrupède et ceux du cochon ,
("|uoique ceux du premier soient infiniment plus
gros. Pline (i) avoit tort, en adoptant le sens d\'A-
ristote, d\'omettre le mo\\& joaroît avoir, de sorte
qu\'en avançant hardiment que l\'éléphant a quatre
ventricules, il a soutenu une fausseté qui ne s\'ac-
corde pas avec les paroles du père de l\'histoire na-
turelle.
Comme le texte d\'Aristote ne laisse pas que de
présenter quelques difl&cullés, nous pensons qu\'il
est à propos de l\'insérer ici, en offrant en même
temsles conjectures de l\'auteur qui sei-viront à l\'é-
claircir. \'O ès ixiçixç hripov £)(ßi crujM.$iucrjV , wç tb
TSTpa.pccç KOiXiaç s^siv. Et peu après : Ev rsTta
Ksà V rpoçv vyyti\'îlix.t, pj^wpt? övK ep^st a-yyeTov. Ce que
les traducteurs ont rendu de la manière suivante :
Elephanto intestinum ita est sinuosum, ut al-
vos habere quatuor videatur; in hoc etiam ci-
hus recipitur J nullum enim receptaculum eibi
aliud separatim adest. Par ces mots il faut en-
tendre que les alimens se trouvent distribués in-
distinctement par tout cet intervalle, comme s\'il
n\'y avoit pas de ventricule particulièrement des-
tiné à les recevoir. Cependant Aristote étoit bien
jiersuadé que l\'éléphant n\'a qu\'un seul estomac ,
puisqu\'il en parle à l\'article des animaux qui ont
llS de l\' E L È P h a N ï.
le ventricule simple et non divisé, comme l\'hom-
me, le hon, le cochon et d\'autres mammifères.
Une observation particulière faite par M. Camper,
explique merveilleusement ce qui peut avoir mo-
tivé l\'expression de ce grand anatomiste; c\'est que
les alimens du jeune éléphant dont nous parlons
conservoient jusque vers la fin du colon, la forme
d\'une bouillie de couleur jaunâtre et paroissoient
peu altérés; tandis que dans les ruminans et les
carnivores les alimens sont presque totalement di-
gérés avant de parvenir à cette partie du canal ali-
mentaire: on distinguoit le foin inégalement broyé
et des morceaux de pommes de terre qui se ras-
sembloient en crottes à la flexure du colon très-
près du rectum. La consistance en ressembloit aux
excrémens des chevanx.
La forme du ventricule est beaucoup plus alon-
gée que dans l\'homme. L\'extrémité voisine du car-
dia se termine par une poche très-considérable et
doublée à l\'intérieur de quatorze valvules orbicu-
laires, qui semblent en faire une espèce de divi-
sion particulière. Le reste du ventricule présente
une surface unie traversée à l\'intérieur d\'une mul-
titude de vaisseaux sanguins. La tunique muscu-
laire avoit beaucoup d\'épaisseur aux environs du
cardia et autour de la poche voisine. Celle-ci con-
tenoit en abondance du suc gastrique tres-consis-
tant, dont l\'odeur avoit une grande analogie avec
celui qui se trouve dans la caillette des ruminans.
Les intestins, ainsi que les excrémens, répan-
doient une odeur légérementacide et propre à tous
les herbivores. L\'eau dans laquelle ils furent trem-
pés contracta, par la qualité savoneuse de la bile,
une plus grande disposition à se charger d\'écume
qu\'on ne l\'observe généralement en pareilles cir-
constances,
Galien (i) a remarqué seulement la grosseur du
colon et sa ressemblance avec celui du cheval.
Perrault (2) a donné de très-bonnes descriptions
de la forme et de la grandeur de cet intestin , en
ajoutant que sa capacité surpasse même ce cju\'on
auroit pu attendre de la grosseur de l\'animal. Il
rend aussi justice à l\'observation d\'Aristote sur
l\'apparence des quatre poches, qu\'il a trouvé con-
forme à l\'ouverture du corps de son éléphant, et
relève en même tems l\'erreur de Pline sur cet ar-
ticle. Tout ce qu\'il a donné sur la position des in-
testins, leur structure et l\'insertion de l\'oesophage
vers la partie moyenne du ventricule, s\'accorde
avec les observations de M. Camper. Mais celui-ci
n\'a pas mesuré la longueur du canal alimentaire,
à cause de la jeunesse du sujet.
Stukeïey n\'a fait aucune mention de la forme
De Anat. adm, , lib. VI, çap. pag. 93.
etc., pag. 524.
ni delà structure du ventricule (i). La grosseur
énorme du colon lui parut égaler celle d\'un hom-
me; la ressemblance qu\'il trouve entre les valvules
internes du colon et des bouteilles n\'est pas très-
juste.
Blair (2) a trouvé quelque rapport entre les pan-
ses de l\'éléphant avec le feuillet et la caillette des
ruminans. On voit par conséquent qu\'il n\'a pas
bièn examiné ces parties. Gilhus n\'a rien laissé sur
ce sujet qui mérite d\'être rapporté.
La forme extérieure du ventricule se voit à la
figure 1 de la planche XV. La structure inté-
rieure et les plis de sa poche sont représentés à la
planche XVL
La figure 2 de la planche XV donne les con-
tours du colon , des boursouflures transversales et
de ses bandes tendineuses,
II L
Du foie, de la aie et de la rate.
L\'examen du foie étoit sur-tout digne de l\'at-
tention de l\'auteur, à cause de la contradiction des
écrivains, tant anciens que modernes, sur la pré-
sence de la vésicule du fiel,
(1) Essay towards, etc., pag. gS.
(2) Mem. of the royal Soc. ûbr., etc., vol. V, pag. 297.
-ocr page 125-Galien (i) a fait mention de cet organe en ter-
mes aucunement douteux. « L\'éléphant, dit-il, a
« la vésicule du fiel attachée au foie et d\'une gran-
de deur proportionnée au volume de ce viscère. )>
Il reprend en même tems le sentiment de Mnési-
thée, qui a nié l\'existence de ce réservoir.
Aristote (2) s\'est tiré d\'embarras avec beaucoup
de prudence. « L\'éléphant, dit-il, a le foie sans
« fiel (ce qui doit être expliqué sans vessie desti-
« née à le contenir); mais en ouvrant la partie
« communément chargée de cette humeur, il en
« sort une liqueur bilieuse. )) C\'est en cela qu\'il a
très-bien raisonné, puisque le conduit choledoque
est fort ample, et inséré juste à l\'endroit où la vé-
sicule du fiel s\'attache dans d\'autres quadrupèdes.
Il est à croire que Galien aura pris ce conduit,
plus ample qu\'à l\'ordinaire, pour la vésicvde mê-
me; cette conjecture est au moins beaucoup plus
vraisemblable que la supposition de Perrault, com-
me si l\'éléphant disséqué par Galien eût eu véri-
tablement une vessie pour recevoir la bile (3); car
la nature est trop constante dans la structure des
organes destinés aux fonctions particulières de l\'é-
coniDmie animale-, pour qu\'elle s\'éloigne sur des
(O De Anat. adm., lib VI, cap. 8, pag. 92.
(2) ffist. anim. , lib. II, cap. i4, pag. 783.
Mémaires ^ etc.-, pag- 527 et 52,8. \' V
-ocr page 126-12 2 C ii; l\' É L É r H A N T.
points aussi essentiels de l\'ordre une ibis établi.
Elien (i) avance que le fiel n\'est pas attaché au
foie, mais vpoçrw rspuu. Il est évident que ce doit
être une faute glissée dans les anciens manuscrits,
qu on pourroit corriger en mettant sj/Tfpw au lieu de
fipvià, comme si le fiel étoit attaché à l\'intestin et
non au foie. Quoiqu\'il en soit , npvM n\'a pas de sens.
On voit cependant qu\'Elien attribue aux éléphans
un réservoir pour la bile, et qu\'il savoit que sa
place étoit différente de celle qu\'il occupe dans
d\'autres animaux.
Moulins (2) a trouvé la bile rassemblée à l\'ex-
trémité du duodenum;ayant suivi le conduit com-
mun jusqu\'au foie, il observ^e qu\'il n\'y a point de
vésicule pour la bile. Gillius remarque avec raison
que la bile n\'adhère pas au foie (5). Mais il semble
(]ue la santé foible dont il jouissoit à l\'époque où
l\'éléphant mourut, et la férocité des Arabes qui
l\'obligèrent à jeter le cadavre avant qu\'il eut ter-
miné ses recherches, l\'ont empêché de s\'instruire
sur ce point.
Blair (4) confirme le sentiment des auteurs qui
nient la présence de la vésicule du fiel, mais il ob-
(i) De Nat. anim., lib. IV, cap. 3i.
(2 ) Mem. of the royal Soc. abr., etc., vol. V, pag. Soa.
(5) Descr. nova eleph., pag. 13. \\
(4) Mem. of the royal Soc, abr., etc., vol. V? pag. Soi.
-ocr page 127-serve avec raison que la bile se trouve placée vers
l\'extrémité du duodenum, à la distance de quatre
pouces et demi du pylore.
La grande capacité du conduit hépathique n\'a
pas échappé à Fatlention de Perrault (i), ni son
insertion dans le duodenum, qu\'il a trouvé dis-
tante de trois pieds du pylore. Il ajoute que la bile
hépatique, aussi-bien que la liqueur du pancréas,
communiquent dans l\'intestin par un conduit com-
mun , dont l\'extrémité s\'annonce par un mamme-
Ion très-saillant de la grandeur d\'une noix.
Stukeïey (3) est celui des modernes dont la des-
cr^lion mérite les plus grands éloges. Après avoir
affirmé que Féléphant n\'a point de véritable vé-
sicule pour le fiel, ainsi que les chevaux, le cerf
et d\'autres quadrupèdes, il assure que la bile passe
au duodenum par un double conduit , qui tra-
verse les tuniques decetinîesîin d\'une façon toute
particulière. C\'est ici, dit-il, que se trouve une
protubérance charnue, semblable par sa forme à
l\'anus des oiseaux, ou bien à l\'orifice de la ma-
trice dans les femmes, mais beaucoup plus grande.
La structure intérieure de l\'extrémité de ce con-
duit est remarquable par une multitude de filets
charnus, semblables à ceux qui joignent les parois
des oreillettes du coeur.
etc., pag. 528. \'
(2) ifjjojr foîswf/i, etc., pag. 96.
-ocr page 128-Î1 est donc confirmé par le témoignage des mo-
dernes, que l\'éléphant n\'a proprement point de
vésicule pour le fiel, à moins que ce réservoir nè
soit placé difi\'éremment de ce qu\'on observe dans
la plupart des quadrupèdes.
L\'auteur qui, long-tems après la dissection de
l\'éléphant, même à l\'époque qu\'il publioit l\'avant s
propos de l\'ouvrage dont je me suis chargé après
sa mort, n\'avoit aucune connoissance des obser-
vations de Stukelej, s\'exprime ainsi sur la décou-
verte de cet organe: cc J\'ai trouvé, dit-il, une as-
« sez grande poche qui termine le conduit hépa-
« tique. Cette poche est divisée en quatre compar-
(i timens séparés par des valvules ou cloisons trans-
« versales. Son fond et les parois présentent à l\'in-
« térieur une surface l\'idée et tapissée de grains
« gianduleux comme dans l\'homme, w La forme
de ce réservoir est un ovale dont le grand axe ,
perforé parle conduit biliaire, sert de communi-
cation entre les cellules et s\'épanche dans le duo-
denum à la distance de deux pieds et un tiers du
pylore. On en voit les preuves à la figure 4 de la
planche XIV, où le stilet Q. R. passe à travers ce
conduit jusque dans l\'intestin. La protubérance
mammilla ire, dont Perrault a fait mention et qu\'il
a négligé d\'ouvrir, se trouve représentée dans la
même figure , et plus particulièrement à la figure
1 et 2 de la même planche.
I) B l\' É Î- É P II A N T.
11 suit de ce qui vient d\'être allégué, qu\'à pro-
prement palier l\'élépliant a la vésicule du fiel non
pas attachée au foie, mais située à l\'extrémité du
conduit hépatique. Des exemples fréquens prou-
vent que la nature a différemment placé ce réser-
voir dans les diverses espèces d\'animaux, et que la
distance relative à l\'organe qui fait la sécrétion de
la bile ne change pas sa nature. Il n\'est, en effet ,
d\'aucune importance pour la digestion que la vé-
sicule du fiel se trouve adhérente à la substance
même du foie , comme nous l\'observons dans
l\'homme, le bœuf et d\'autres mammifères; qu\'elle
soit placée entre le foie et l\'intestin à distances
presqu\'égales, comme dans plusieurs oiseaux , et
notamment dans l\'aigle; ou bien située à l\'extré-
mité du conduit hépatique dans les tuniques mê-
mes du duodenum , comme c\'est le cas de l\'élé-
phant et de quelques poissons.
11 faut observer encore que c\'est dans la division
supérieure de la vésicule du fiel que se décharge
une partie de la liqueur pancréatique; en se mê-
lant à la bile hépatique, arrêtée par le moyen des
cloisons orbiculaires qui partagent le réservoir en
question , l\'une et l\'autre subissent une altération
qui les rendent plus propres à la digestion des ali-
mens. La couleur du mélange devient alors plus
rougeâtre, mais l\'épaisseur en est égale à celle qui
se trouve dans le foie.
lüß DE L\'
L K P H A N T,
Le pancréas n\'est pas grand; il consiste en un
Belle tissu de glandes assez distantes les unes desau-
tres, dont les tubes séparés communiquent avec un
ample conduit commun. Celui-ci se divise en deux
branches, Fune supérieure, dont il a été parlé ci-
dessus, Fantre inférieure , qui aboutit au duode-
num, à deux pouces plus bas que l\'ouverture de
îa vésicule du fiel. L\'endroit de son insertion se
distingue à l\'intérieur de l\'intestin par un mam-
melon fort épais, représenté en M. de la figure i
et 2 de la planche XIV. La liqueur qu\'elle fournit
est également onctueuse, mais d\'une couleur moins
jaune que la bile cystique du grand réservoir cloi-
sonné.
Les observations de Blair sur le pancréas se bor-
nent à quelques remarques sur la longueur de ce
viscère et la capacité du conduit. Cet auteur a trou-
vé sa liqueur d\'un vert obscur et tenace (i).
Les dimensions de la rate données par les mo-
dernes ne s\'écartent guère l\'une de l\'autre. L\'élé-
phant disséqué par Sîukeley (2) avoit cette partie
longue de quatre pieds; celle que Perrault (5) exa-
mina n\'en avoit que troisj Gillius (4) trouva ce corps
{,)Mem.oflh>: royal Soc. abr. , etc. , vol. V, pag. 5oa.
(2) Essay towards , pag. qt.
(3) Mémoires, etc., pag. 6a8.
(4) Descr. nsi\'a cleph , pag. ; 2.
-ocr page 131-long de quatre dans un sujet plus petit que les pré-
cédens, ce qui prouve que le volume n\'est pas dans
une raison directe de la grandeur de ces quadru-
pèdes. La description que Moulins (i) a donnée de
cet organe est excellente ; il n\'avoit que trois pieds
et demi de long. Perrault semble réfuter avec rai-
son le sentiment d\'Aristote et de Galien, qui ont
trouvé ce viscère fort petit en raison de la taille des
élépbans (2). L\'explication très-ample de la figure
1 planche XIII suffira pour donner une idée de la
connexion de la rate avec les parties voisines.
De la structure des reins et de la vessie.
Les reins se présentent dès que les intestins, le
foie et la rate sont séparés du corps. Le volume en
étoit assez considérable, comme on le voit par les
figures 1 et 2 de la planche XI. Les uretères com-
muniquoient avec la vessie entièrement vide et af-
faissée dans ce sujet. Toutes ces parties, ainsi que les
grands vaisseaux sanguins qui remontent au dia-
phragme, sont enveloppées d\'un péritoine.
Les reins succenturiaux, d\'une figure très-alon-
(O Mem. of ihc royalSoc. ahr., etc., vol. V, pag. 5o2.
Mémoires , etc. , pag. 628.
gée, sont conchéa des deux côtés de la veine cave,
à Fendroit de sa bifurcation où commencent les
veines iliaques. Les testicules adhèrent au milieu
des rognons; les canaux déférens, aussi couverts
d\'un péritoine épais, passent entre le rectum et les
uretères.
En dégageant les reins de leurs membranes par-
ticulières, ils se divisèrent en huit ou neuf lobes
distinctement séparés du côté intérieur, tandis que
leurs surfaces extérieures étoient presque réunies.
On observe une structure pareille aux reins des en-
fans, des boeufs, de Fours et d\'autres mammifè-
res : elle pourroit donc bien ne dépendre que de
la grande jeunesse de cet individu; et il est à pré-
sumer que dans Féléphant aduhe , comme dans
l\'homme formé, la substance des reins devient plus
homogène et lisse à l\'extérieur. Chacun des lobes
communiquoit par des conduits séparés avec le
bassinet, dont la forme se contractoit à Forigine
des uretères.
Les tubes de Bellini n\'aboutissent pas à des pa-
pilles rénales , comme chez nous , mais s\'appli-
quent à des surfaces planes correspondantes et ta-
pissées d\'une membrane cribriforme, autour des-
quelles ces tubes sont assujettis, pour évacuer les
urines dans le bassinet du rognon.
La substance des reins succenîuriaux ne diffère
pas sensiblement de celle des rognons. La corticale
DE L\' é L É P H A K T. 129
est im peu plus compacte. La substance tubuleuse
est plus lâche et remplie de vaisseaux.
Stukelej (1) compare cette partie aux reins suc-
centuriaux de l\'homme, Blair (2) n\'a pas ouvert
les rognons ; mais ayant trouvé leur tissu d\'une
substance continue et le dehors parfahement uni,
il n\'est presque pas douteux que cette conforma-
tion différente ne dépende d\'un âge plus avancé,
puisque le sujet qu\'il a disséqué avoit au moins dix
pieds de hauteur,
Perrault (5) ne s\'est pas étendu dans la descrip-
tion de ces parties : les glandes avec les tubes ,
dont il fait mention, n\'ont pas été observées par
M. Camper.
La vessie est attachée à la partie moyenne du
bas-ventre par un large ligament composé de la
doublure du péritoine. Il comprend , d\'un côté ,
Pouraque, et se fixe d\'un autre au pubis par ses
bords postérieurs. Le peu d\'épaisseur de ce hen
membraneux le rend transparent dans sa plus
grande étendue.
Essay towards, etc., pag. 97.
(a) Mem. of the royal Soc. abr. , etc., vol V, pag. 3o3,
(3) Mémoires, etc., pag. 528.
I I.
-ocr page 134-i5o be l\'éléphan t..
§• V.
De la cavité du thorax; des organes de la circula,lion
du sang, et du diaphragme.
Le rapprochement des extrémités humérales
rend la cavité du thorax moins ample. Les pre-
mières côtes sont effectivement réunies au ster-
num sous un angle très-aigu. Le diaphragme, sé-
paré du péritoine, a peu d\'épaisseur ; il adhéroit aux
poumons par une membrane extrêmement mince,
aussi la plèvre s\'y trouvoit attachée si fortement
qu\'on pouvoit croire que jamais ces parties n\'a-
voient été séparées.
Stukeley (i) a observé cette même particularité
dans le sujet qu\'il a décrit ; mais Blair (2) a trouvé
les poumons dégagés de tous côtés.
La capacité des poumons et la grande mobilité
^es côtes qui en facilite la dilatation, contribuent
à rendre la respiration très-aisée. Un lobe du pou-
mon gauche couvroit la base du cœur; comme le
côté droit, même les muscles du cou, regorgeoient
d\'une plus grande quantité de sang que le côté op-
posé , on en pourroit conclure que l\'éléphant s\'est
pag. 5o3.
(1 ) Essay townnîs, etc., pag. 97.
(aj Mem. of the raycd Soc. abr., et€>, vol. V,
-ocr page 135-i> e l\'éléphant, l5l
jeté sur îa droite avant de mourir, et qu\'il est resté
quelque tems dans cette position.
Les différentes opinions des anciens sur la forme
du cœur, ainsi que sur la présence d\'un os con-
tenu dans l\'intérieur de ce viscère, rendoient
l\'examen de cette partie extrêmement intéressant.
Du tems de Galien, on se disputoit pour sa-
voir si le cœur de Féléphant avoit une ou deux
pointes ? S\'il y avoit deux ou trois ventricules? Ce
grand anatomiste nous apprend combien il fut em-
pressé à vérifier ces doutes a la mort d\'un très-
grand éléphant. Il prétend avoir trouvé Fos du
cœur sans difficulté, au seul attouchement, et que
ses amis s\'en étoient convaincus de même; mais
que sa structure ne différoit d\'ailleurs en rien du
cœur des autres quadrupèdes. « Cet os , dit-il,
<c d\'une grandeur très-considérable se conserve en-
« core chez nous, et il faut s\'étonner que les mé-
« decins ne l\'aient pas connu (i). »
Stukeley (2) semble douter qu\'il y ait un os à
l\'origine de l\'aorte , comme dans le cerf, mais il
ne s\'en est pas assuré positivement.
Moulins (5) a nié qu\'il se trouve dans la cloison
du cœur, mais il auroit dû le chercher dans la base
M
0) De Anat. aibn., lib. VU, cap. lo.
<2) Kssay lowards, })ag, 99,
(5) £<.leph. cur., part. 1. cap, 8.
i52 » e l\' é l é p h a n t.
de l\'aorte. Blair (i) a seulement observé le polype
dans le cœur du sujel; qu\'il a disséqué; mais il a
négligé de rechercher Fos en question. Perrault (s)
affirme qu\'il ne se trouvoit pas dans le coeur, quoi-
que Féléphant eut déjà atteint l\'âge de treize ans.
Le doute encore subsistant sur l\'article que Ga-
lien avoi^ si positivement affirmé, engagea M. Cam-
per à examiner soigneusement les parties qui pou-
voient en contenir, et ses recherches ont prouvé
qu\'il n\'y avoit même aucun vestige de cartilage
au bas des valvules semi-lunaires de l\'aorte. Mais
comme on auroit pu objecter que l\'extrême jeu-
jiesse de notre individu étoit la cause que cet os
n\'étoit pas encore formé chez lui; Fauteur disséqua
les cœurs de jeunes veaux âgés seulement de six
semaines. Il s\'y trouva effectivement des cartilages
parfaitement analogues à ceux des boeufs adultes,
ce qui prouve suffisamment que Féléphant bien
constitué n\'a pas d\'os dans le cœur. Car les carti-
lages auroient dû se présenter dans le sujet que je
décris, et sur-tout des os déjà formés se seroient
trouvés dans Féléphant plus âgé de Perrault.
Il est, en vérité, surprenant que Galien ait pu^
se tromper à cet égard, à moins que, par un vice
de conformation, il n\'y ait eu une véritable ossi-
(i ) Mcm. of ihe royal Soc. abr,, etc., vol. V, pag, 5o4.
(2) Mémoires, etc., pag, 531.
iication dans le sujet qu\'il soumit à ses recherches ;
car il est démontré que les modernes n\'en ont ja-
mais rencontré. Le seul Aldrovande (i), qui a tiré
ses observations d\'autres auteurs, adopta la déci-
sion de Pline sans la mettre en doute.
Duvernoi(2),en niant la présence du péricarde,
semble s\'être trompé pour avoir défiguré cette par-
tie, en séparant le diaphragme avec imprudence;
car cette poche membraneuse n\'étoit pas seule-
ment assez épaisse dans notre individu; mais elle
contenoit de la sérosité en abondance. Aussi l\'au-
teur cité doit avoir lui-même douté de sa méprise,
puisqu\'il rapporte une observation contraire de
Moulins. Les dimensions du cœur qu\'il a fait sui-
vre, paroissent prises avec beaucoup d\'exactitude.
Au reste, les petites glandes qu\'il a observées à la
membrane intei\'ne des ventricules, ne se sont pas
trouvées dans le sujet disséqué par M. Camper.
Le péricarde de l\'éléphant examiné par Per-
rault (3) adhéroit au diaphragme; il étoit percé de
petits trous qui ne se ti\'ouvoient pas dans le nôtre;
mais ses observations sur la forme des poumons
sont conformes à celles de notre sujet.
Le coeur n\'avoit qu\'une seule artère coronaire,
É
(1) De Ouadrup., lîb I, pag. 45i.
(2) Acta Feirop., tom. II, pag, 288, ann, 17^7.
(0) Mé7noires, etc., pag. 53u
l\'éléphant.
mais elle se diyisoit en deux branches fort près de
l\'aorte. Le canal thorachique prenoit son origine
aux environs des vaisseaux céliaques et mesente-
Xiques. C\'est ici que plusieurs ramifications nais-
sent d\'une glande assez considérable. Il s\'élève en-
suite le long de l\'aorte , et se fléchit vers le côté
gauche pour se déboucher dans la veine de la patte
antérieure , ainsi que cela s\'observe dans tous les
quadrupèdes qui n\'ont point de clavicule.
Duvernoi prétend n\'avoir trouvé qu\'un très-
ample vaisseau lymphatique au heu du canal en
question. Son épaisseur, égale à celle de la veine
jugulaire de l\'homme, admettoit facilement le pe-
tit doigt; mais il assure qu\'il n\'y avoit aucune val-
vule dans toute l\'étendue de ce canal, qui abou-
tissoit d\'ailleurs à la rencontre de la veine jugu-
laire avec l\'axillaire du côté gauche. Il semble n\'a-
voir pas trouvé les vaisseaux lactés ni les glandes
du mesentère, et paroît même douter de leur exis-
tence (i).
Ul^cia Petrop., tom. II, pag. 349 et 35o.
-ocr page 139-DE l\' É L É P H A N T. l55
Des différentes parties de la tête.
Des trous des tempes , des yeux et des oreilles.
La tête du jeune éléphant mort a été représen-
tée figure 1 de la planche XVII, pour faire mieux
sentir les proportions relatives de Foreille, de la
trompe, de l\'œil, et pour désigner l\'ouverture qui
communique avec la glande temporale.
Strahon (i) a reconnu l\'usage de ce couloir dans
les éléphans des deux sexes. Il savoit qu\'il en suinte,
dans le tems du rut, une liqueur onctueuse et
grasse. Arien (2) en a parlé de même, et Camus (5)
(0 Geogr., lib. XV, pag. io3i.
{"i) Descr. des Indes, cliap. 14.
(5) Notes sarl\'hUt, des anim. d\'Arist,, pag. 5oo,
suppose que Strabon a puisé cette particularité
dans quelque auteur plus ancien que lui.
Il est extrêmement difficile d\'appercevoir ces
trous dans les très-jeunes individus. Ils sont alors
profondément cachés dans les rides de la peau ;
de sorte qu\'ils avoient échappé aux recherches de
M. Camper dans les sujets examinés antérieure-
ment. Il avoue même que ces petites ouvertures,
dont le diamètre excède à peine une ligne , ne se
serment pas fait remarquer si, en écorchant k \'
tete, ce conduit et la glande secretoire ne se fus-
sent pas tout de suite présentés à la vue 5 mais
après cette époque il lui fut très-facile de retrou-
ver ces petites ouvertures dans les plus jeunes élé-
phans.
Les auteurs ont néghgé d\'indiquer ces petits
trous dans les figures qui accompagnent leurs des-
criptions. Perrauh(i), qui d\'ailleurs a parfaite-
ment décrit cet organe, ne l\'a pas fait représen-
ter, non plus que Bufl^on ni Edwards; c\'est pour-
quoi M. Camper en a scrupuleusement marqué
lendroit sur les premières figures des planches
XVlIetXVIII. Quoique les femelles etles mâles
aient également cet orifice, il semble que les m\'a-
ies répandentplus fréquemment cette Hqueur onV
tueuse que les femelles. L\'on sait que l\'éléphant
etc., pag. 534.
-ocr page 141-nouvellement mort à Paris avoit cet écoulement
de deux en deux mois; qu\'à ces époques il étoit
fori inquiet, et répandoit en abondance la liqueur
prolifique, au lieu que les éléphans femelles sem-
blent moinssujets à cet épanchement et plus cons-
tamment en repos (i).
Il a été question de la forme extérieure de l\'œil
au chapitre I, II : nous remarquerons seule-
ment ici les particularités qui regardent la struc-
ture des parties inlérieures,
La troisième paupière très-épaisse et charnue se
meut obliquement vers l\'angle extérieur de l\'œil,
comme dans les ruminans. Le mouvement en est
dirigé par deux muscles assez forts, que notre au-
teur n\'a rencontrés dans aucun autre quadrupède.
Le premier, qui sert à tirer cette membrane sur la
convexité desyeux, s\'attache obliquement au bord
inférieur de l\'orbite à une distance assez considé-
rable du grand angle de l\'œil ; le second , qu\'on
peut regarder comme son antagoniste, retire cet
organe vers l\'angle interne. Perrault a bien décrit
cette troisième paupière, ainsi que les muscles dont
il est question (a).
Le muscle orbiculaire a sa plus grande forco
dans la partie inférieure, de sorte que l\'éléphant cli-
É
(1 ) Voigt, Magazin der Naturkunde , 111 baud , pag. ß 19.
(3) Mémoires, etc., pag, 554.
gnote naturellement davantage de la paupière in-
férieure. Ily a deux releveursdes sourcils,quoique
cette partie ne soit marquée d\'aucun poil.
La caroncule lacrymale forme une glande assez
considérable dans l\'angle interne des paupières ;
mais il n\'y a ni points lacrymaux, ni sac, ni ca-
naux pour le passage des larmes dans l\'intérieur
du nez, Perrault (i) a fait mention de glandes la-
crymales, que notre auteur n\'a pu trouver dans
le sujet en question.
L\'oreille très-mobile de l\'éléphant sert même à
chasser les insectes qui s\'attachent aux yeux 5 elle
est pourvue de muscles très-forts et charnus , qui
viennent principalement du sommet de la tête et
de l\'arcade zygomatique. Ceux-ci relèvent l\'oreille
et la rapprochent des yeux.
§• il-
De la structure de la trompe.
Galien (2) est le premier des anciens qui ait exa-
mmé la structure de la trompe. Ayant coupé cette
partie vers sa base, il y trouva deux conduits abou-
tissans en partie au cerveau et dans la bouche. Il
paroît vouloir indiquer que l\'un de ces conduits
(1) Mémoires y etc., pag. 535.
(2) De usu part., lib. XVII.
-ocr page 143-communique avec Fos elhmoïde et avec les sinus
frontaux, tandis que l\'autre se termine au pha-
rynx et à la trachée.
Seba (i), en décrivant un foetus d\'éléphant, n\'a
donné qu\'une seule ouverture à la trompe; ce qui
est faux, puisque la cloison membraneuse des na-
rines se prolonge jusqu\'à l\'extrémité de cet or-
gane; mais il est à croire que les bords et le doigt
de la trompe, plus épais que cette membrane , Se
seront le mieux conservés dans la liqueur ; tandis
que cette dernière se sera contractée au point de
ne plus être visible à l\'extérieur. Perrault (2) n\'a
pas réussi à donner une bonne description des mus-
cles , sur-tout pour ce qui regarde leur origine et
leur insertion. Daubenton (3) n\'a pu que suivre
Fauteur cité. Les lames cartilagineuses particu-
lières qui, suivant ce dernier, empêchent l\'eau de
pénétrer dans les cavités du nez, ne sont que les
cartilages ordinaires du nez propres à tous les qua-
drupèdes.
Blair (4) n\'a pas été plus heureux dans les dé-
tails. Il a cru que les muscles de la partie antérieure
prennent leur origine à la face postérieure de Foc-
(0 Thes. I ; tab. j n , pag. 176.
(2) Mémoires, etc. > pag. 638 et suiv.
(5) Buffon, tom. Xi, pag 97.
(4) Mem, of ihi royal Soc, abr., etc., voi. V, pag, sgi.
-ocr page 144-ciput, près de l\'insertion du gros ligament cervical,
et qu\'ils passent par-dessus le sommet du crâne
pour former les érecteurs de la trompe. Les mus-
clesflécliisseurs commencent, suivant lui, au ster-
num, et passent au-dessous des os jugaux pour for-
mer la partie intérieure ou postérieure de cet or-
gane. Ces deux paires de muscles forment le corps
de la trompe.
Stukeïey (i) dérive les muscles principaux de
l\'os du front. C\'est à leurs entrelacemens qu\'il faut
attribuer la grande souplesse de cette partie.
Pennant (s) a considéré la trompe comme un
assemblage d\'annelets cartilagineux. On voit qu\'il
s\'est trompé sur de faux rapports.
Les descriptions que nous venons de citer pè-
chent par beaucoup d\'inexactitude. Suivant M.
Camper, les muscles qui servent à relever la trompe,
prennent leur origine de l\'os du front, des os du
nez, amsi que des bords antérieurs des orbites.
Un gros tendon s\'attache aux os de la pommette ;
le faisceau des fibres inférieures, qui fait le lour-
des défenses , ne semble qu\'un prolongement du
muscle orbiculaire de la bouche.
Les muscles fléchisseurs, qui forment sa partie
inférieure et plane, prennent leur origine au bas
il) JEssaj towards, etc., pag. gg,
(2) HiJt, of quadntp,, pag. i5o.
■D E L\' É Î, t P H A îf % i41
(les os de la mâchoire supérieure. Nous rappele-
rons seulement ici que lesmuscles du sternum dé-
crits par Blair, s\'insèrent véritablement aux os ju-
gaux sans passer outre. Ce sont, ainsi qu\'il a été
d it ci-devant, les analogues des sterno-mastoïdiens ,
qui, au défaut d\'apophyses mastoïdes, sont atta-
chés à l\'arcade zygomatique.
Les nerfs distribuésparla subsîancedela trompe
viennent en partie du nerf maxillaire supérieur. La
branche principale qui, en traversant le canal sous-
orbitaire avoit dans ce jeune sujet l\'épaisseur du
nerf ischiatique d\'un homme , se divisoit en plu-
sieurs rameaux, dont les plus considérables sui-
voient la direction longitudinale des fibres; d\'au-
tres remontoient vers la partie supérieure, et les
plus minces étoient répartis vers le muscle orbi-
culaire de la bouche. Il se joint à ces nerfs un ra-
meau très-considérable du nerf facial ou de la sep-
tième paire. Celui-ci donne à son passage des filets
aux muscles masseters , ainsi qu\'au conduit de
Stenon ; mais la branche principale passe droit
avec le nerf maxillaire supérieur vers les muscles
qui relèvent et fléchissent la trompe. La remarque
de Blair ( i ) sur l\'usage des nerfs semble très-
fondée : il paroît, en effet, que les nerfs de la cin-
quième paire sont destinés en partie à l\'organe des
CO Mem. of the royal Soc, abr., etc., vol. V, pag. 397.
-ocr page 146-142 u E l\' É L É. p H A n t.
sens, tandis que ceux de la sepiième contribuent
plus efficacement aux organes du mouvement.
Le double conduit de la trompe se fléchit par-
dessous les cartilages et îes os du nez, pour abou-
au gosier, La grande surface que présente son
intérieur à l\'expansion des nerfs olfactifs contri-
bue singulièrement à la finesse de l\'odorat, dont
les éléphans jouissent par excellence. Ils peuvent
aussi boucher leurs narines avec beaucoup de fa-
cilité , non-seulement par le moyen des muscles
longhudinaux qui prennent leur origine aux bords
supérieurs des os nasaux, mais encore par les mus-
cles transversaux qui viennent de la cloison du nez.
Les narines s\'ouvrent par la grande élasticité de
leurs cartilages, et lorsque les muscles de la trompe
sont dans l\'inaction. Par ce très-simple mécanis-
me, l\'éléphant peut ù volonté prévenir que l\'eau,
fortement aspirée par la trompe , ne pénètre au
fond du nez, et qu\'elle ne passe droit au gosier
par la cavité nasale, sans qu\'il soit nécessaire d\'ad-
mettre les valvules particulières dont Daubenton
a parlé (i).
C\'est Perrault ( 2 ) qui , décrivant les cartilatres
du nez, leur attribua l\'usage de valvules formée«
à dessein pour s\'opposer au passage des liquides
(1) Buffon, tom, XI, pag. 37.
(a) Mémoires f etc,, pag. 555 et 536,
DE L\' B E Ê P H À "Îî
que les éléphans aspirent. Il a cru que les os na^
saux manquoient à ces quadrupèdes, parce qu\'il
n\'en voyoit pas les sutures; mais il est à présu-
mer que l\'âge de celui qu\'il a disséqué a donne
lieu à cette méprise , puisqu\'elles sont aisément re-
connoissables dans le jeune individu qui fait le
sujet de cette description ; elles sont,au contraire,
oblitérées dans les crânes des deux éléphans adul-
tes dont j\'ai parlé ci-dessus.
De la structure de la langue et du larynsh,
Aristote (i) paroît avoir bien connu cette par-
tie : il remarque avec raison qu\'elle est cachée plus
profondément dans la bouche de l\'éléphant que,
dans celle d\'autres quadrupèdes, de sorte qu\'on
peut à peine la voir. Elien (2) a rapporté la même
chose. Pline (5), au contraire, nomme la langue
latam, comme qui diroit large ; ce qui est d\'au-
tant plus extraordinaire que la plupart de ses ob-
servations sur l\'histoire naturelle sont puisées dans
(1) HisL anim., lib. II, cap. 6.
(2) Lib. IV, cap-5i.
(3) Hiit. jiat. , lib. XI, cap. 61.
-ocr page 148-NU
i44 DE l\'éléphant.
les ouvroges du premier. C\'est aussi ce qui a beau-
coup tourmenté les commentateurs de Pline ; de
manière qu\'ils ont changé ce mot de plusieurs fa-
çons différentes, ainsi qu\'on peut s\'en convaincre
dans Pinlianus.
M, Camper a trouvé la description d\'Aristote
parfaitement d\'accord avec la nature. Il n\'avoit pu
observer la pointe de cet organe dans aucun des
sujets vivans qu\'il avoit examinés exprès pour s\'en
instruire. Quoique ces éléphans tinssent souvent
et long-tems leur bouche ouverte, la lèvre infé-
rieure enveloppoit toujours la pointe de la lan-
gue, et la tenoit cachée comme dans un fourreau;
de sorte que l\'auteur a douté long-tems si la pointe
étoit effectivement dégagée, comme dans les rumi-
nans et d\'autres herbivores. Il lui sembloit même
que l\'éléphant portant, à l\'aide de sa trompe, les
ahmens très-profondément dans sa bouche , au-
roit , en quelque fa.çon , pu se passer d\'avoir la
langue conformée comme celle d\'autres quadru-
pèdes. Mais l\'éléphant mort a fourni des preuves
du contraire : sa langue très-pointue sortoit natu-
rellement de sa bouche.
Les commentateurs de Pline ont chanoé le mot
lata en per exigua; ce qui n\'est guère applicable
au sens de la phrase 3 mais si, d\'après la conjec-
ture de M, Camper, on lit au lieu du mot lata,
alta (quasi alte sita), située profondément, ce
qui s\'accorde avec interius posita, alors le sens-
n a rien de choquant, et ne diffère plus des ob-
servations d\'Aristote , que Pline a d\'ailleurs tou-
jours suivi. Des savans que l\'auteur a consulté sur
cette correction Pont approuvée , d\'autant plus
que Drakenborg et Oudendorp ont prouvé, par
de fréquens exemples, que les mots altus et latus
ont souvent été mis l\'un pour l\'autre dans les an-
ciens manuscrits. D\'autres ont préféré de lire la-
tens, ce qui s\'accorde également.
Seba (i), qui ne se connoissoit guère en histoire
naturelle , avoit cependant représenté la langue
avec sa pointe dans la description du foetus dont
il a déjà été question. Gillius (2) a de même re-
marqué la petitesse de cet organe, et dit qu\'on
peut à peine le voir pendant que l\'animal est en
vie. Perrault (3) aussi trouva la langue pointue.
Cette partie avoit dix-huit pouces dans le sujet
qu\'il a décrit. Blair (4) s\'accorde avec les auteurs
cités ; mais il a trouvé une différence légère entre
la langue de l\'éléphant et celle des ruminans.
Nous avons déjà remarqué , à l\'article de la
conformation extérieure de l\'éléphant, que le rap-
(i)Thes, I,tab. ,ix.
(\'2) Descr- nova eleph., pag. la.
(û) Mémoires , etc., pag. 534.
W) Mem. of the royal Soc. abr , elc , vol V, pag. 5o5.
-ocr page 150-^ ^ ^^ ^^ ® H A N T.
prochement des mâchoires, mais sur-tout la con-
traction de la mâchoire inférieure , donnoit aux
lèvres une forme pointue. Cette disposition du
squelette influe naturellement sur la configura-
tion de la langue resserrée entre ses branches etles
épaisses molaires qui occupent les mâchoires; d\'où
résulte sa forme pointue et son mouvement borné
en avant de la bouche. La langue de notre su jet,
mesurée depuis l\'extrémité antérieure jusqu\'à sa
racine , avoit quatorze pouces de long. Sa partie
renflée et très-convexe réponde it au fond du
palais.
La structure du gosier et du larynx ressemble à
celle des quadrupèdes herbivores en général. L\'é-
piglotte, quoiqu\'à proportion moins grande, bou-
che néanmoins exactement l\'ouverture de la glotte ;
mais le cartilage en est plus mince et par-là moins
ferme que dans le cheval. L\'auteur trouva cepen-
dant le muscle qui sert à le relever plus grand et
plus robuste que dans aucun des animaux qu\'il a
disséqués ; au reste, la déglutition se fait de la mê-
me manière.
Quoique la forme du gosier se rapproche de
celle du cheval, la distance de la racine de la lan-
g^ie à l\'épiglotte est plus grande: la description que
Perrault (i) en. a donnée est assez exacte ; Blair
(i) Mémoires y etc., pag. 554-
-ocr page 151-\\
I> E 1.\' ÉLÉPHANT. xk\']
n\'en a presque rien dit ; mais Moulins (i) est sin-
gulièrement défectueux sur cet objet : il nie la pré-
sence de l\'épiglotte , et s\'est imaginé que les ali-
mens, sans toucher au larynx, passoient au ven-
tricule par un canal différent de celui qu\'on ob-
serve dans les mammifères.
Les trous incisifs étoient fort petits; en les pres-
sant ils répandoient une humeur gluante : on ne
pouvoit y introduire unstilet, quelque mince qu\'il
fut , a cause de ia tortuosité de leur direction, q u\'on
remarque aisément dans les crânes décharnés.
De la structure du cerveau.
Le nombre des auteurs qui ont pu donner des
descriptions du cerveau de l\'éléphant est fort pe-
tit. Nous ne connoissons que celles de Blair, de
Stukeley, de Perrault et de Duvernoi.
Le premier ne s\'est pas étendu sur cet article: il
observe qu\'au volume près le cerveau de l\'éléphant
ressemble assez à celui de l\'homme, mais que sa
forme est plus sphérique; que les ventricules ont
beaucoup de rapport avec ceux d\'autres quadru-
(1) Mem. of the royal Soc. ahr., etc., vol. V, pag. 3o5.
-ocr page 152-pedes ; que sa base présen toit trois divisions prin-
cipales, dont l\'antérieure est destinée à l\'odorat j
et que les parties latérales descendent des deux
côtés de la fosse pituitaire (i).
Stukeley (2) a remarqué que la structure du cer-
veau de l\'éléphant ne le cède pas en perfection à
celie de l\'homme : l\'origine et le cours des nerfs
lui paroissent dignes d\'admiration. Il s\'est occupé
principalement des nerfs olfactifs et du spinal. Les
ramifications des artères sous la dure-mère , les
ventricules, les corps calleux, les corps cannelés
lui ont paru d\'une grande perfection; et c\'est à
leur conformation plus délicate, qu\'il attribue cette
supériorité d\'intelligence qui distingue si avanta-
geusement les éléphans au-dessus les autres qua-
drupèdes.
Perrault (3) a poussé ses recherches plus loin.
Le cerveau du sujet qu\'il a disséqué, n\'ayant que
huit pouces de long sur six de large, lui parut ex-
trêmement petit. Il trouva le cerveau couché sur
le cervelet, et îes sinuosités dont il est entrecoupé
comme dans celui de l\'homme. Le corps cannelés
et les couches optiques avoient une grosseur re-
marquable; les tubercules quadrijumaux étoient
<i) /W.,pas- 307.
(îs) Essay towards, etc. ? pag. i o i.
0) Mémoires, etc. , pag. 552.
DE L\'éléphant. I49
petits comme ceux de Fhomme; la glande pinéale
étoit grande et molasse; les nerfs olfactifs avoient
le diamètre d\'un pouce et des cavités considéra-
bles à l\'intérieur; ceux de la seconde paire n\'a-
voient que trois lignes d\'épaisseur; celui de la cin-
quième avoit aussi le diamètre d\'un pouce. Le rets
admirable manquoit, et la glande pituitaire étoit
cachée dans la duplicature de la dure-mère.
Pour ne pas endommager le cervelet, et pour
conserver en même tems à Focciput ce gros liga-
ment cervical que la nature a donné aux éléphans
pour soutenir le poids immense de leur tête, l\'au-
teur ouvrit le crâne de notre sujet par deux cou-
pes D. A. f A., planche XX, fig. i ; mais comme
ces deux sections se réunissoient un peu trop pro-
fondément, les nerfs optiques, les oculo-muscu-
laires, les pathétiques et les abducteurs furent lé-
gèrement blessés. Ceux qui dans la suite voudront
prévenir cet inconvénient, feront bien de diriger
la rencontre des coupes plus haut, au-dessus du
méat auditif.
La calotte du crâne ainsi séparée, le nombre in-
fini de cellules qui remplissent l\'interstice de ses
tables donne un beau spectacle; mais comme la
structure en a été décrite et représentée dans Per-
î\'ault (i), Blair (2), Stukeley et Daubenton, l\'au-
(2) Mem. of the royal Soc. aùr., vol. V, tab. VII, fig. 5 et 6.
-ocr page 154-i5o IJE e\'éléphant.
teur n\'a pas jugé convenable d\'en charger la plan-
che, afin d\'éviter la confusion dans la figure du
cerveau.
Les observations de M. Camper ne s\'accordent
pas tout-à-fait avec celles de l\'illustre académicien
françois, carie cerveau lui p.-rut d\'un volume pro-
portionnellement assez grand ; aussi le cervelet
îi\'est-il pas couché au-dessous du cerveau, comme
dans l\'homme; ils sont, au contraire, séparés l\'un
de l\'autre par une cloison verticale, qui divise la
cavité du crâne en deux chambres, l\'une anté-
rieure, l\'autre postérieure; de sorte que le poids
du cerveau ne peut comprimer le cervelet. La faux
ne sépare que les lobes antérieurs, au lieu que dans
l\'homme elle s\'élargit principalement en arrière.
Une coupe horisontale dirigée un peu au-dessus
du corps calleux, faisoit voiries piliers de la voûte,
les ventricules antérieurs très-spacieux, entre les-
quels se présenîoient les couches optiques, les
corps cannelés et des plexus choroïdes très-con-
sidérables. A la réunion des lobes postérieurs se
trouvoit la glande pinéale avec les tubercules qua-
drijumeaux et féminence vermiforme antérieure.
L\'auteur est d\'accord sur la ressemblance des
cavités du cerveau, du plexus choroïde, des pi-
liers de la voûte, du troisième et quatrième ven-
tricules, delà glande pinéale, des nates el testes
de l\'éléphant, avec les parties correspondantes du
cerveau de l\'homme. La glande pinéale n\'étoit pas
aussi grande ni d\'un tissu lâche comme Perrault en
a fait mention ; elle s\'est trouvée même plus grande
dans d\'autres mammifères. Les nerfs olfactifs ,
quoique gros en apparence, avoient les parois très-
minces, à cause de l\'ample cavité de l\'intérieur ;
ils contenoient beaucoup de lymphe rougeâtre.
Les nerfs de la quatrième paire, quoique endom-
magés par la coupe , ne présentoient, pour ce qui
regarde l\'origine, rien d\'extraordinaire. Les linéa-
mens médullaires du cervelet ou l\'arbre de vie
étoient semblables à ce qu\'on observe dans tous les
grands quadrupèdes.
Les nerfs spinaux, ainsi que leur réunion avec
ceux delà huitième paire sont très-faciles à distin-
guer. Les faisceaux de la septième paire, tant les
fibres de la portion molle que celles de la portion
dure , se distinguoient parfaitement.
L\'auteur a cité avec beaucoup d\'éloge la des-
cription du cerveau de l\'éléphant donnée par Du-
vernoi , dans le tome IV des Mémoires de l\'Aca-
démie de Pétersbourg, année 1729. Ses observa-^
tions doivent avoir un grand mérite, et sur-tout
les figures des sinus, de la corne d\'ammon ou des
pieds du cheval marin.
Des défenses,
O N a lieu de s\'étonner de la diversité d\'opinions
qui partage les anciens sur le nom et la qualité de
ces grandes dents qui caractérisent un grand nom-
bre d\'éléphans. Elle prouve qu\'ils n\'avoient pas
d\'aussi bonnes connoissances en ostéologie que les
modernes.
Oppien (i) a blâmé ceux qui ont nommé ces dé-
fenses des dents, disant que ce sont des cornes que
les éléphans portent aux joues. Pausanias (2) a sin-
gulièrement appuyé sur cette erreur, en ajoutant
que son opinion n\'étoit pas fondée sur des rap-
ports, mais sur le témoignage de ses yeux, ayant
examiné ie crâne d\'un éléphant conservé dans le
{y.)Cynes., ver«, 490.
<a)Lib, V, cap. 12, pag* 4o5.
BE I,\'É L É P H: A N T, I53
temple de Diane. Suivant lui, ces cornes percent
les os des tempes et sortent ensuite par la bouche.
Aretée de Cappadoce (i) est tombé dans la même
faute, quoiqu\'il ait bien connu Fendroit des mâ-
choires dont elles proviennent.
Elien (2) a renchéri sur les précédens, en cher-
chant des preuves aussi fausses que sa thèse même:
« C\'est dans la Mauritanie, dit-il, que les éléphans
(( changent tous les dix ans de cornes, ainsi que
(t cela arrive annuellement aux cerfs. » Dans un
autre endroit, il dit que Fivoire est d\'une subs-
tance semblable à la corne, puisqu\'il se tire d\'ani-
maux qui la renouvellent à des époques fixes.
« Ceci arrive, ajoute-t41, aux cerfs, aux chèvres
« et aux éléphans. ))
Bodin , qui a rechauffé cette erreur dans son
Théâtre de la Nature, se fonde sur ce que les
dents en question n\'ont pas les racines dans la mâ-
choire supérieure, mais dans la substance du crâne
et qu\'elles sont nourries par les veines céphali-
ques, de même que les véritables cornes. Gillius
ne s\'est pas moins trompé à cet égard. « Ce sont
« plutôt des cornes que des dents, dit-il (3), puis-
« qu\'elles s\'attachent dans les os du front , et
(.i)De Morbis diiu., lib. II, cap j5 , pag. 68.
(2) Lib. IV, cap. 3i, et lib. XIV. cap. 5.
(3) Descr. nova eleph, , pag. 14.
-ocr page 158-« qu\'elles ne sortent proprement pas de la bouche,
« mais de la peau qui se trouve au-dessus. « Blair
même (i) est d\'avis qu\'il faut les appeler des cor-
nes , et ne pas nommer os de la mâchoire ceux qui
enchâssent leurs racines. Hartenfels (2) incline
vers la même opinion ; il a soigneusement re-
cueilli les avis des anciens et des modernes pour
en convaincre ses lecteurs.
Hérodote , Diodore de Sicile , Solin , Philos-
trate, Aristote et Pline ont affirmé , avec raison ,
que les défenses de l\'éléphant sont de véritables
dents.
Quoique Perrault (3) ait très-bien vu que les
défenses occupent les os intermaxillaires, qu\'il
:îiomme les troisièmes os de la mâchoire, il a dé-
cidé fort mal à propos que ce sont des cornes ;
mais Daubenton a remarqué, avec raison, qu\'elles
sont attachées à Fer droit qu\'occupent toujours les
dents incisives, et que ce sont par conséquent, non
pas des cornes, mais des dents. Il ajoute qu\'il n\'y
a point de dents canines dans aucune des mâchoi-
res, comme il est facile de s\'en convaincre par
l\'inspection (4). Ce sont donc de véritables dents
(1) Mem. of ihs royal Soc. abr., etc., vol. V, pag. 3o8 et Sog.
(2) Elephant, curiosa, part. I, cap. 6.
(3) Mémoires, etc., pag. 5i i et 643.
(4) Buffon, Hist, nat.,xom, XI, pag. 128.
-ocr page 159-incisives, mais diiTéremment conformées de ce
qu\'on observe dans la plupart des quadrupèdes. Il
est d\'ailleurs inutile de réfuter l\'erreur de ceux
qui ont pris ces défenses pour des cornes , puisque
celles-ci se trouvent toujours implantées sur les os
du front, comme dans les ruminans, ou bien sur
les os du nez, comme dans le rhinocéros.
La forme et le grand prolongement de ces dents,
ainsi que l\'usage différent auquel elles sont desti-
nées , leur a fait donner le nom de défenses, La
courbure en varie dans les individus, mais s\'ap-
proche, en général, d\'ime courbe elliptique.Pline
peu soit que les défenses des mâles étoient moins
droites que celles des femelles (i). C\'est peut-être
la raison pourquoi Elien (2) croyoit ces dernières
plus précieuses, puisque la courbure nuit à l\'usaage
qu\'on est obligé d\'en faire ordinairement. On a re-
marqué quelquefois des dents contournées en spi-
rale, imitant la forme d\'une vis. L\'auteur en a vu
plusieurs dans le Muséum Britannique, dont deux
sont représentées lig. 4 et 5 de la planche XXIL
L\'une a été décrite par Grew, dans le catalogue
des curiosités du collège de Gresham, page ai, et
s\'y trouve gravée sur la planche I^V. Pallas (5} a
(1) HU(. nad. , Hb. XI , cap. 62.
(2) De Nat. anim., lib, XIV, cap. 5.
(3) Nov. Comm. Acad. scient. Petrop. , toai. XIII, lab. 473.
-ocr page 160-fait mention d\'une dent fossile semblable trouvée
en Sibérie; mais il n\'est pas douteux que cette for-
me, purement accidentelle, ne soit causée par nn
vice dans le développement du germe , et doit être
comptée parmi les difformités auxquelles les dents
de l\'homme et des animaux sont également su-
jettes. Je possède une autre dent fossile envoyée de
Sibérie, dont la courbure est presqu\'en demi cer-
cle ; sa longueur, en suivant le contour extérieur,
excède cinq pieds, tandis que la corde de cet arc
approche de trois pieds et demi.
La substance des dents de l\'éléphant diffère en-
core de celle d\'autres quadrupèdes, en ce qu\'elle
est plus homogène : elles n\'ont point d\'émail, et
l\'intérieur en est aussi dur que l\'extérieur. Dau-
benton s\'est fort étendu sur ce sujet, et mérite
beaucoup d\'éloges pour avoir traité cette matière
avec toute la précision qu\'elle exigeoit, sur-tout à
l\'époque où l\'on avoit moins de renseignemens sur
ce point de l\'histoire naturelle (i).
On observe quelquefois de petites cannelures
tout le long de la surface extérieure des défenses;
mais il est plus commun de les trouver totalement
lisses. J\'ai remarqué cette particularité à quelques
fragmens de défenses fossiles d\'éléphans de l\'Ohio;
mais comme les dents fraîches de mon cabinet n\'en
(i) Buffon, tom, XI, pag. 120.
-ocr page 161-DE L\' É L Ê P H A N T. iSj
présentent pa-s d\'exemple, il me paroît douteux si
ces cannelures ne sont pas un effet du retrait des
fibres et de la décomposition de l\'ivoire exposé pen-
dant des siècles à l\'humidité du sol?
Il est surprenant qu\'Aristote (i) ait été induit
en erreur sur la forme des défenses dans les deux
sexes, de sorte qu\'il dit positivement que les fe-
melles ont les dents courbées en sens contraire des
mâles. L\'observation de la diJîérence du. volume
dans ces derniers est confirmée par le témoignage
des modernes. Il en a été parlé au chapitre IL
La longueur des défenses varie suivant l\'âge ,
l\'espèce et le sexe. Pennant (2) , qui s\'est beau-
coup étendu sur l\'article des dents, rapporte que
les plus grandes défenses viennent de Mosambi-
que, et qu\'elles ont quelquefois dix pieds de longj
que la côte de Malabar n\'en donne que de trois ou
quatre pieds ; mais que celles de la Cochinchine
sont les plus grandes de l\'Inde. L\'île de Ceilan ,
toutes choses d\'ailleurs égales, n\'en fournit qu\'un
petit nombre , vu la rareté des sujets qui en sont
pourvus.
Les dents fossiles du mammouth étoient, en
général, très-grandes. L\'éléphant trouvé à Burg—
tonna, en 1696, avoit les défenses longues de huit
(1) Hist. anim., lib. II, cap. 5.
(2) JSist, of quad., pag. \\ 5a.
-ocr page 162-l58 DE L\'éléphakt.
pieds (i). Celui qu\'on a déterré presqu\'au même
endroit, en 1799(2) , en portoit de dix pieds de
long. On en trouva aussi de cette longueur, au
commencement du siècle précédent, près de Can-
stadt, au duché de Wirlemberg. On peut voir ,
dans la description citée de Fortis (5), qu\'il en fut
découvert au-delà de soixante dans un très-court
espace de Lems.
Le poids des défenses n\'est pas moins arbitraire
que la longueur. Celles qu\'on apporte aujourd\'hui
de la Guinée pèsent rarement au-delà de cent à
cent vingt livres. Un négociant d\'Amsterdam as-
sura qu\'il avoit vendu, en , une dent longue
d\'en^^iron huit pieds, qui pesoit deux cent huit li-
vres (4). Le docteur Klockner, grand amateur
d\'histoire naturelle, écrivit, en 1780, à feu mon
père, que Ryfsnyder, commerçant de Rotterdam,
en avoit possédé une du poids de deux cent cin-
quante livres, et qu\'il s\'en étoit vendu une autre
à Amsterdam du poids de trois cent cinquante
livres.
En comparant ce qui vient d\'être avancé avec
(1) Tenzelius, De scel. eleph. Tannae ejfosso, pag. 6.
(2) Monathl. Corresp. von F. Von Zachi 1800.1 band , p. 22,
(5)Delle ossad\'ele/am,
(4) L. WolfTerSj dans une lettre adressée à M. P. Camper, en
-ocr page 163-1) E t É L É P H A H T. 1
le témoignage de Varîoman, cité par Johnston (i),
qui dit en avoir vu à File de Sumatra qui pesosent
trois cent trente-six livres j et celui de J. C. Scali-
ger (2), qui fait mention de deux autres du poids
de trois cent vingt-cinq livres, ainsi qu\'avec ies
relations de dilférens voyageurs rapportées par
Hartenfels, il paroît hors de doute que ie poids
des défenses ne peut pas excéder deux à trois cents
livres ; et cela s\'accorde avec le poids de quelques
dents fossiles d\'éléphans qui pesoient jusqu\'à deux
cents livres, malgré l\'état de décomposition que le
séjour dans la terre leur avoit fait subir (5).
Les diamètres ne sont pas dans la raison directe
du poids et de la longueur: celle qui pesoit deux
cent huit livres, longue de près de huit pieds ,
avoit vingt-huit pouces et demi de circonférence ;
ce qui donne à peu près neuf pouces un tiers pour
le diamètre : une autre dent du poids de cent cinq
livres, longue de six pieds, avoit vingt pouces de
contour, ainsi qu\'une troisième dent de soixante
livres-
Les défenses des jeunes sujets sont creuses au-^
delà même de la partie enchâssée dans les alvéo-
les. Une dent longue de trois pieds et demi, du
U) Hist. nat , pag. i8.
(2) Excercit- 204 cité p?.r Hartenfels, part. I, cap, 6 , pag, 47.
(5) Mem. of the royal Soc, abr., etc., vol. Y, pag, 53g.
poids de dix-huit livres, que je conserve dans ma
collection , est creuse jusqu\'à la profondeur de
vingt-six pouces. La dent citée , d\'environ huit
pieds de longueur, étoit creuse jusqu\'à la profon-
deur de trois pieds, ce qui fait plus du tiers de la
mesure indiquée. Cette proportion est bien plus
considérable dans les dents petites et mal confor-
mées des éléphans de Ceilan, dont je conserve les
crânes j mais comme elles sont défectueuses à tous
égards, il seroit inutile d\'en présenter ici les me-
sures. En comparant donc l\'étendue de ces cavi-
tés dans les défenses bien constituées, on voit que
la proportion change avec l\'âge; mais qu\'au terme
de l\'accroissement elle occupe environ le tiers de
leur longueur.
Il est assez ordinaire de trouver des corps étran-
gers enclavés et comme soudés dans la substance
de l\'ivoire, sans qu\'il en paroisse des marques à
l\'extérieur. Le docteur Klockner (i) cite le cas
d\'un tourneur d\'Amsterdam qui trouva une balle
d\'or dans l\'intérieur d\'une dent d\'éléphant. Pen-
nant (2) rapporte des exemples de balles de cui-
vre. L\'auteur a vu des accidens semblables dans
la collection du prince d\'Orange, dont U a donné
les figures sur la planche XXII. Pen possède un
(1) Dans sa lettre à l\'auteur citée ci-dessus.
(2} Hki. of quad, p9g. i5a,
de l\'Éléphant, i6i
pareil, representees la figure ii de la planche
XXVII, où l\'on voit une balle de plomb enve-
loppée dans l\'extrémité creuse d\'une défense. Les
fibres longitudinales de l\'ivoire, interrompues dans
leur cours, entourent le métal et restent séparées
de la subssance saine par une gerçure concentri-
que, qui s\'étend à quelque distance de la balle,
La figure 12 de la même planche offre une balle
de fer très-irrégulièrement enduite d\'ivoire; les as-
pérités, terminées en longues appendices dont ce
morceau est hérissé , sont prises dans la direction
longitudinale des fibres. Le célèbre Ruisch en a
décrit de semblables dont les noyaux se trouvoient
être des balles\'de fer et de cuivre (1).
Les corpsmétaUiques , dont il est question , doi-
vent avoir pénétré à travers les alvéoles dans l\'ex-
trémité cave des défenses ; il faut qu\'ils aient sé-
journé long-tems dans cette espèce de chair géla-
tineuse qui les remplit, pour que la substance de
l\'ivoire fut en état de ies envelopper de tous côtés
et de les porter hors des alvéoles par Faccroisse-
ment successif de la dent. Les noeuds qui se for-
ment autour de ces balles et la réunion très-in-
complète de leurs fibres avec la partie saine de la
défense donnent un poids à cetie conjecture. Il en
résulte quelquefois une véritable carie ou d\'autres
(\') Thes. anat. X, tab, 11, fig. 7 et 8.
IX.
jgg DK L\'ÉLEPÏIANT.
défauts préjudiciables à la taille de l\'ivoire.
L\'époque du renouvellement des défenses pa-
joît avoir lieu dans un âge fort jeune ; quoique
nous n\'ayons que très-peu de renseignemens sur
ce qui arrive à ces animaux dans les premières an-
nées de la vie, il est à présumer qu\'elles tombent
avec les premières dents molaires avant la quatriè-
me année. L\'auteur ayant constaté ce fait à Lon-
dres en a donné la figure à la planche XX V. Le
crâne du sujet en question se trouve dans la col-
lection d\'histoire naturelle du célèbre anatomiste
Sheldon.
Du nombre et de la structure des molaires.
Les anciens et les modernes ne sont pas d\'ac-
cord sur le nombre des molaires. Aristote (i) ob-
serve que l\'éléphant en a quatre, Iwnptx. ; ce
qu\'on a traduit par utrinque ^ Camus (2) aussi a,
rendu d chaque mâchoire, comme si leur
nombre montoit naturellement à huit. Mais Phne,
qui cependant a puisé la majeure partie de ce qui
regarde la structure des animaux dans les ouvra-
(1) Hist, anim,, lib- h > ^ap. 5. ^
Pag. 71
-ocr page 167-L\'éljéphaîît. I63
ges du philosophe de Sfagire, s\'explique d\'une
manière dilFérente ; il àh : Elephanto intus ad
mandendum quatuor dentes{i). Il faut donc que
les traducteurs aient mal compris le sens d\'Aris-
tote ou que ces grands naturalistes aient danné
leurs descriptions d\'après des sujets d\'un âge dif-
férent,
Gillius (2) a compté deux molaires à chaque
mâchoire; Grew (3) de même, ainsi que Per-
rault (4),Pennant (5) et Stukeïey(6). Tenzelius (7),
par contre, observa quatre mâchelières dans l\'élé-
phant déterré à Burgtonna, dont les défenses
avoient atteint huit pieds de longueur; ce qui in-
diqueroit un âge fort avancé, si la séparation des
épiphyses du fémur n\'eut prouvé que le sujet en
question n\'étoit pas adulte. Il n\'y avoit aussi que
deux molaires dans la tête fossile d\'un très-grand
éléphant trouvé dans le Necker, près de Man-
heim , et décrit dans les voyages de Keysler (8).
___
(1) Lib. XI, cap. 62.
^3) Descr. nova eleph. , pag. i5.
(5) Mus. Reg, Sqc. , pag, 32.
(4) Mémoires , etc., pag. 544.
(5) Hist, ofqaadrup. , pag. ,31,
(6) Essay towards , etc., pag gS.
f7) De scel. eleph. Tonnae ejfisso , pag. 8.
( \') n en en aussi parié dans une lettr e de M. Merk à M d«
^--.-Iesosfossilesd\'éléphans,etc.Darn.stacft, .782. "
-ocr page 168-x64 t> e l\'éléphant.
Il reste trois molaires dans les deux mâchoires
supérieures du grand éléphant de Ceilan qui se
trouve dans ma collection , et dont il a été fait
mention plusieurs fois dans cet ouvrage ; mais aussi
la troisième du côté gauche n\'est plus qu\'un frag-
ment incomplet qui se seroit perda si cet individu
eut vécu plus long-tems. Dans l\'autre sujet, mort
de décrépitude , quoique plus petit, la troisième
molaire tient à la postérieure par une espèce d\'an-
kylose accidentelle dont l\'animal doit avoir beau-
coup souffert.
Cette incertitude sur le nombre des molaires de
l\'éléphant a dû embarrasser les naturalistes. On
doit au célèbre Daubenton (i) des remarques pré-
cieuses sur la forme et la grandeur de ces dents
qu\'il a examinées dans le sujet disséqué par Per-
rault. Il y trouva non-seulement quatre molaires,
mais encore le germe d\'une cinquième placée der-
rière la seconde grosse dent du côté gauche (2). On
voit aisément qu\'un germe semblable doit être ca-
ché du côté opposé de la mâchoire, de sorte que
le nombre des molaires monte pour le moins à six
dans les mâchoires supérieures.
Le jeune éléphant disséqué par l\'auteur ne pré-
sente que huit molaires visibles à l\'extérieur des
(i)Buffoii, tom. XI, pag.
(a)/ô/c/., pl. VL
-ocr page 169-mâchoires , dont les quatre premières seules ont
servi à la mastication. Les quatre suivantes per-
çoient à peine les gencives. L\'observation de Dau-
benton touchant la troisième molaire engagea M.
Camper à s\'instruire plus particuhèrement de la
dentition des éléphans, lors de son séjour à Lon-
dres en 1785. Le cabinet du docteur Sheldon lui
fournit dans l\'objet cité à la fin du paragraphe pré-
cédent, tous les éclaircissemens relatifs à cet arti-
cle. Le crâne représeniéàla planche XXV fait voir
une file de trois molaires d\'une grandeur très-dif-
férente mises entièrement à découvert pour en
montrer la structure. La première dent du côté
droit étoit déjà tombée ; les secondes seules ser-
voient à broyer la nourriture et quatre plaques des
troisièmes se montroient déjà au-dessus des bords
alvéolaires : ces dernières molaires avoient encore
le plus grand nombre de leurs plaques détachées,
le ciment osseux n\'ayant encore réuni que les six
premières.
La dentition sembîoit un peu plus avancée dans
les mâchoires inférieures 5 on y distinguoit à peine,
et du seul côté gauche , un reste de la première
dent. Les secondes occupoient déjà l\'extrémité an-
térieure de la fosse alvéolaire, mais les dents pos-~
térieures ne présentoient encore que six plaques.
Il est donc confirmé par ce nouvel exemple que
les éléphans naissent avec douze dents molaires
pour le moins, dont le nombre se réduit à quatre
dans 1 age adulte ou vers le terme de la vie
En considérant la dentition de la mâchoire in-
térieure d\'un autre sujet représenté à la figure 2
de la planche XXVI, on verra une dernière preuve
de ce qui vient d\'être avancé. Il y avoit ici de même
trois molaires , car le vide d. n. w. qu\'a laissé la
première dent est encore reconnoissable dans l\'ob-
jet en question. La molaire postérieure n\'a aussi
que six plaques soudées en masse, tandis queles
dernières sont entièrement détachées. Le chirur-
gien Brookes de Londres , anatomiste de mérite ,
eut la complaisance de céder cette pièce fort inté-
ressante à feu mon père; elle se trouve aujourd\'hui
dans ma collection.
Il reste néanmoins encore un doute à éclaircir
sur le nombre des molaires de la mâchoire supé-
rieure, que l\'auteur a cru s\'étendre à huit. Com-
parant, en effet, la taille de l\'éléphant décrit par
Perrault, où se trouvent, y compris les germes dé-
couverts par Daubenton,encore sixmolaires, avec
la grandeur de celui dont la tête est conservée dans
le cabinet de M. Sheldon , qui présente, au moins
du côté gauche, une suite de quatre mâchelières
et faisant attention que ce premier étoit beaucoup
plus âgé que l\'autre, il faut en conclure qu\'il de-
voit avoir perdu déjà deux molaires à une époque
beaucoup antérieure. On observe par contre que
deux molaires avec le reste d\'une troisième dans
les mâchoires inférieures des planches XXV et
XXVI (figure 2 ); de sorte qu\'il en résulteroit que
les éléphans naissent avec quatre molaires ran-
gées à la file dans chacune des mâchoires supé-
rieures , et avec trois autres dans les mâchoires in-
férieures.
On ne pourroit cependant sans inconséquence
attribuer quatorze molaires aux éléphans comme
si c\'étoit-là leur véritable nombre, puisqu\'il n\'ap-
partient qu\'à l\'âge le plus tendre , et l\'on comp-
teroit , avec le même droit, neuf molaires dans
chaque mâchoire des solipèdes, au lieu qu\'il ne s\'en
trouve réellement que six. La comparaison du vo-
lume des mâchelières avec la profondeur des man-
dibules dans ces deux dilférens genres de qua-
drupèdes prouve assez que l\'échange ne pouvoit
avoir lieu de la même façon; car dans les solipè-
des, l\'homme et d\'autres mammifères , les dents
sont renouvellées par des germes placés en-dessous
des premières et contenus dans les mêmes alvéolesj
au lieu que l\'éléphant a les mâchoires différem-
ment constituées et d\'une profondeur si peu con-
sidérable qu\'il a fallu d\'autres ressources pour at-
teindre au même but. Ici les germes se suivent à
la file dans la direction d\'un arc de grand cercle;
ds sont poussés, non pas en ligne perpendiculaire
àe haut en bas ou de bas en haut, mais presque
horisontalement dans une même fosse alvéolaire
commune à toutes, et n\'étant séparés que par des
cloisons fort minces. Pour concourir à cette fin ,
la nature a modifié la structure des molaires de
sorte que les anciennes dents fussent en état de
céder la place à mesure que l\'accroissement des
nouvelles exigeroit un plus grand espace pour les
contenir: elles furent composées , pour cet effet,
d\'élémens similaires dont chacun représente une
dent partielle toute complète et munie de sa subs-
tance émailleuse et osseuse, ayant des racines ou-
vertes pour le passage des vaisseaux et des nerfs (a).
C\'est du nombre de ces dents partielles soudées
collectivement en masse, que dépend la grandeur
relative d\'une molaire , différente suii^ant le rang
et la place qu\'elle occupe dans les mâchoires su-
périeures et inférieures; toutes, excepté les quatre
dernières, tombent par couches à mesure qu\'elles
débordent l\'extrémhé antérieure des alvéoles ; et
ce ne sont pas seulement les racines qui s\'évanouis-
sent à cette époque, mais le ciment osseux qui
réunit les plaques , perd sa consistance en même
tems; de sorte que, privées de l\'appui et de la co-
hésion nécessaires, elles se délitent pour être re-
(i) J\'ai suivi en partie lexcellente description du cit. Cuvier,
telle qu\'on k trouve à la page 11 de son Mémoire sur les espèces
d éléphans \'vivantes et Joisiles,
DE L\' É L É P II A N T. IGQ
jetées par la boiiclie. C\'est ainsi que le développe-
ment des germes opère la destruction des molaires
qui ont précédé ; et ce lent accroissement suffit,
durant la très-longue vie des éléphans, à réparer
la perte des organes usés dans la jeunesse.
Pallas (i) avoit décrit la dentition des éléphans
sans avoir observé le nombre précis des germes
destinés à remplacer les molaires de première ve-
nue ; mais il a parfahement connu le caractère
qui les distingue. Les racines plus crochues et dis-
tantes les unes des autres des premières dents dif-
fèrent essentiellement de la base solide et com-
pacte qu\'aiïectent les racines des dents posté-
rieures.
Daubenton (a) a reconnu que les premières mo-
laires de Téléphant du Congo avoient sept plaques
à la mâchoire supérieure et les secondes neuf. Le
germe de la troisième n\'en présentoit que six ou
sept. Il n\'étoit resté que trois plaques aux pre-
mières dents de la mâchoire inférieure , et les se-
condes en avoient neuf; mais aussi remarque-t-il,
avec raison , que le nombre de ces plaques n\'est
pas constant.
Notre jeune éléphant de Ceilan avoit de même
sept plaques aux molaires du premier rang dans
(O Voyez la page i o du mémoire cité à la note précédente.
W Buffon, tora=XI,pag. i3i.
170 DE Ë L È p H A N T.
les deux mâchoires ; elles ne peuvent cependant
passer pour entières, ayant déjà souffert quelque
déchet à leurs extrémités 5 mais on ne sauroit
compter le nombre des suivantes qui sortent à peine
de Falvéole.
La molaire antérieure de Féléphant représentée
à la figure 2 de la planche XXVI a quatorze pla-
ques, ainsi que le germe postérieur: cet individu
étoit un peu plus grand que celui que Fauteur a
disséqué. On voit par conséquent que le nombre
de ces plaques varie dans les sujets de la même es-
pèce , et qu\'il n\'augmente pas dans un ordre cons-
tant .suivant la place qu\'occupent les molaires.
La mâchoire d\'un vieil éléphant de Ceilan re-
présentée à la figure 6 de la même planche , ainsi
que celles d\'un autre, planche XX, figures 4 et 5,
sont garnies d\'immenses molaires qui en occupent
presque toute la longueur , et sont composées au
moins de vingt-deux à vingt-quatre plaques recon-
noissables à la couronne.
Le nombre de ces plaques ou lames n\'est pas
plus constant dans les molaires fossiles du vérita-
ble mammouth que dans celles de Féléphant des
In des j desorte que l\'opinion du célèbre Cuvier (1)
souffre des exceptions et ne sauroit éfablir une
règle constante. Je possède plusieurs dents fossiles
(0 JMémoire cite, pag. 16.
-ocr page 175-qui en font preuve ; mais la preuve la plus con-
vaincante a été prise sur la mâchoire inférieure ,
parfaitement conservée , d\'un mammouth dont
l\'Académie de Pétershourg a enrichi le cabinet de
M. Camper. Les molaires de cet individu , qui pa-
roît avoir été adulte, ne présentent des deux côtés
que dix à treize plaques, et se rapprochent par Con-
séquent de la structure des germes postérieurs dans
la mâchoire de la planche XX VI, figure 2. Les
molaires de la mâchoire fossile donnée par Cu-
vier (1), et celle qu\'a fait graver Fortis (2), res-
semblent, au contraire, à celle des éléphans de la
planche XX, figures 4 et 5 , et planche XXVI,
figure 6. Peut-être le nombre de ces dents par-
tielles est-il constamment de douze, treize, ou de
vingt-quatre et vingt-six pour les dernières dents
des mâchoires inférieures?
On voit, en comparant la couronne des mo-
laires de l\'éléphant des Indes ( figure 7 de la plan-
che XXVI) avec celle d\'un éléphant d\'Afrique
(figure 8 ), qu\'à longueurs égales, le nombre des
plaques de la première surpasse au moins deux
fois celui de la dernière ; la différence de leur struc-
ture énoncée dans le chapitre II se trouve ici clai-
rement exprimée. On j voit aussi la différence des
— I —... Il I I II F-JI..III ■ I ........ .y
(\') Mémoire cité, pl- V, fig. i.
(2) Délie oisad\'elefanti.
É
plaques prises à diverses distances du centre des
molaires. Tout ce qui a rapport à l\'espèce d\'Asie
fait le sujet de la planche citée; la suivante est par-
ticulièrement destinée pour celle d\'Afrique : nous
y renvoyons ie lecteur pour eviter une prolixité
inutile.
Le poids des molaires varie aussi-bien que la
grandeur. Pennant (j) cite de grosses dents fos-
siles , apportées d\'Amérique , du poids de vingt-
quatre livres ; mais on ne sauroit attribuer cette
pesanteur excessive qu\'aux substances minérales
dont ces dents sont quelquefois impregnées, puis-
que des molaires analogues que je conserve dans
ma collection ne pèsent pas la cinquième partie. Il
en est de même de celles que Buffon a fait repré-
senter dans le torae V des supplémens, puisque
leur grandeur n\'excède pas la taille ordinaire de
sept pouces en longueur. Le commerçant d\'ivoire
Wolffers, dont il a été question à l\'article des dé-
fenses , assure que les molaires des éléphans pèsent
ordinairement quatre à cinq livres; celles du poids
de treize livres sont excessivement rares.
La plupart des grosses dents que je possède ,
autant de l\'espèce des Indes que de celle d\'Afri-
que , n\'excèdent pas trois à quatre livres. La
grande molaire, figure 7, planche XXVI, en pèsç
<i) Hist, of quad., pag. i58.
-ocr page 177-DE L\' É L è P H A isr T. 175
cependant quinze et demie ; celle de la mâchoire
supérieure du même côté pèse vingt-trois livres
et demie.
L\'excessive dureté de l\'émail, qui émousse les
meilleurs outils, comparée à la substance plus ten-
dre de la partie osseuse, ainsi que du ciment par-
ticulier qui sert à souder les plaques, empêche de
tirer partie des molaires des éléphans. On s\'en sert
cependant quelquefois pour fabriquer des man-
ches de couteaux , mais ils se brisent au moindre
choc. C\'est donc comme curiosité et non comme
objet de commerce que ces dents nous sont ap-
portées.
î74 »e l\'éléphant.
Des os de la tête.
I^E crâne, considéré extérieurement, présente
beaucoup plus d\'étendue que le volume du cer-
veau n\'en demande ; mais la nature avoit besoin
de ces ressources pour augmenter la surface des os
nécessaires à l\'expansion des muscles. Il falloit, en
effet, que ceux de la mâchoire inférieure, ceux de
la trompe et du cou, pour être doués d\'une grande
force, fussent composés d\'une quantité prodigieuse
de fibres dont l\'attache exigeoit beaucoup d\'es-
pace, en même tems qu\'ils devoient être insérés
à des distances convenables du centre de mouve-
ment de chacun de ces organes. Une simple crête
osseuse, comme celle qui garnit la tête du pongo
et de quelques carnassiers n\'auroit pas suffi à ce
double usage.
Pour resserrer l\'encéphale dans de justes bornes,
ne pas surcharger la tête d\'un poids inutile de ma-
tière osseuse, et donner cependan t cette plus grande
étendue qu\'exigent les muscles, les tables du crâne
sont éloignées les unes des autres par un grand
nombre de cloisons osseuses prolongées à la dis-
tance de plusieurs pouces. Les intervalles remplis
d\'une infinité de cellules, plus ou moins spacieu-
ses , communiquent avec le gosier par le moyen,
des trompes d\'Eustache, et se chargent d\'air au
lieu du sang ou de la moelle qui se trouve ordi-
nairement dans le diploé des mammifères. Per-
rault (1), Blair (2) et Daubenton (5) avoient re-^
marqué cette construction dans l\'éléphant, dans
le sanglier et d\'autres quadrupèdes 5 mais M. Cam-
per a reconnu le premier son analogie avec la
structure du crâne des oiseaux. L\'autruche, l\'ai-
gle, mais sur-tout le genre des hiboux , et parti-
culièrement la chouette, ont les tables du crâne
séparées par de nombreuses cellules en tout con-
formes à celles qui distinguent l\'éléphant. L\'air
atmosphérique y entre de la même façon; et ce
mécanisme admirable, dont les oiseaux sur-tout
avoient besoin pour diminuer le poids des os, étoit
nécessaire à Féléphant pour alléger sa tête, dont
la masse est d\'ailleurs beaucoup plus lourde que
dans aucun autre c^uadrupède. Il est surprenant
(O Mémoires, etc., pag. 54"?.
Mem. ofthe royal Soc. abr., erc.f vol. V, pag. 334\'
(3) Buffon , tom. XI, pag. 114 et 115.
que Stukeley (i), avec la sagacité qui lui étoit
propre, ait attribué la cause de cette structure à
de seuls motifs d\'ornement ; comme si la nature
n\'eût eu en vue de rendre la tête de Féléphantplus
grosse que pour la faire paroître plus belle.
Le tissu cellulaire dont il est question ne s\'é-
tend pas à l\'occipital, qui est singulièrement mince.
Les sutures ne sont visibles qu\'en partie, même
dans les sujets extrêmement jeunes, tel que l\'in-
dividu disséqué par l\'auteur. On y remarque ce-
pendant assez distinctement la suture coronale ,
ainsi que celle des os nasaux, quoique leur forme
diffère ti\'ès - essentiellemeal de ce qu\'on observe
dans d\'autres mammifères. La suture lambdoi\'de,
au contraire , n\'est pas veconnoissable à l\'exté-
rieur, ni même à l\'intérieur du crâne.
Les os nasaux se terminent à leur jonction su-
pé ri eure pa rune apophyse t rès-sai Ua n ! e, q n i don ne
l\'attache à la cloison du nez, ainsi qu\'aux muscles
de la trompe. Les deux ouvertures très-amples qui
se trouvent au-dessous et des deux côtés de cette
apophyse communiquent avec les sinus frontaux.
L\'os unguis est muni d\'une forSe apophyse pour
l\'insertion du ligament ciliaire. Il n\'y a d\'ailleurs
ici, ni dans l\'os maxillaire, aucun indice de canal
nasal ; l\'éléphant n\'ayant ni points lacrymaux ni
{i) Essaj towards, etc.; pag. loi.
-ocr page 181-sac lacrymal, ainsi qu\'il a été observé à Farticle
des yeux.
Les os intermaxillaires se distinguent aisément
des os de la mâchoire proprement dits, et ne lais-
sent aucune ambiguité sur la dénomination des
défenses qui sont de véritables incisives d\'une for-
me particulière.
L\'os jugal paroît se souder dans l\'âge adulte
avec le reste de l\'arcade zygomatique; Tupophyse
masSoïde du temporal manque totalement, et c\'est
ia raison pourquoi le muscle sterno-masioïdien
s\'attache à Fos de la pommette, comme il a été re-
marqué dans la description des muscles.
L\'occipital présente , du côté postérieur , deux
grandes bosses séparées Fune de l\'autre par une
ligne d\'enfoncement verticale. C\'est vers le milieu
de sa hauteur que s^ittache le gros ligament de la
îête: la cavhé destinée à lui donner une insertion
convenable est divisée par une peiiie cloison os-
seuse et parsemée d\'aspérités, ainsi que de petits
trous. Ce ligament, infiniment robuste , que les
Anglois appellent ou taxwax, s\'unit à
d\'autres fibres tendineuses insérées aux six der-
nières vertèbres cervicales et se prolonge en ar-
rière à toutes les apophyses épineuses de la colonne
Vertébrale. Il est composé d\'un double faisceau de
fibres qui se laissent aisément séparer dans îe sens \'
de la longueur. La première figure de la pl. XX
^ \'
-ocr page 182-ïiinsi que le squelette représenté à la pl. XXIV en
donneront une juste idée.
Le grand trou occipital, en considérant la tête
dans sa position naturelle, tombe plus en arrière
du plan vertical de l\'occiput dans les fort jeunes
sujets que dans les adultes : ceux-ci ont la fausse
boîte du crâne plus élevée et le plan de l\'arrière-
lête moins incliné vers le devant; quelquefois mê-
me les condyles rentrent en dedans et paroissent
plus rapprochés du méat auditif.
L\'apophyse styloïde est douée d\'un crochet à
sa partie postérieure auquel s\'attache le muscle
destiné à retirer la langue. Il se trouve dans plu-
sieurs quadrupèdes, tels que le cheval, les rumi-
nans et la plupart des herbivores ; mais les carnas-
siers , auxquels ce crochet manque, paroissent n\'en
point avoir d\'analogue. La mobilité de l\'apophyse
styloïde est singulièrement augmentée par le moyen
d\'un cartilage , dont Blair (i) a fait mention. La
trompe d\'Eustache étoit cartilagineuse : elle se
trouve représentée de grandeur naturelle à la fig. 8
de la planche XX,
La mâchoire inférieure est pourvue d\'un liga-
ment capsulaire qui l\'attache fort étroitement à la
mâchoire supérieure: son poids, d\'ailleurs peu
considérable, est singulièrement augmenté par ce-
(i) Msvh of the royal Soc, aùr., etc., voî- V, pag. Z\\o.
-ocr page 183-iui des molaires, qui en remplissent toute la lon-
gueur: elle ne porte ni incisives, ni canines, mais
ses branches sont terminées, à leur jonction , en
pointe plus ou moins recourbée, suivant les espè-
ces. La forme de cette pointe et du canal, quel-
quefois très-ample, mais souvent réduit à la moi-
tié de son diamètre, détermine le contour de la
lèvre inférieure , toujours très-pointue , des élé-
phans. On peut observer, en général, que les mâ-
choires sont extrêmement réîrecies et plus que dans
d\'autres quadrupèdes, la largeur du palais excédant
à peine un pouce et un quart dans le très-vieux su-
jet de ma collection, et deux pouces el demi dans
l\'autre représenté aux figures 3 et 6 de la planche
XX. Le rapprochement des molaires qui en résulte
laisse peu d\'espace pour la langue et pour le canal
antérieur des mâchoires inférieures. J\'ai remarqué
les mêmes proportions dans les têtes et les mâchoi-
res fossiles du mammouth; mais l\'éléphant fossile
d\'Amérique avoit le palais beaucoup plus large et
plus ample. \'
La diversité que je viens d\'observer dans les me-
sures du palais, ont aussi lieu pour la grandeur
des molaires, sans qu\'on puisse déterminer si c\'est
à quelque légère variété dans les espèces du même
pays ou à des variétés accidentelles qu\'il fiiut s\'en
î\'îipporter? C\'est ainsi que les molaires de la mâ-
choire inférieure d\'un mammouth de Sibérie, quoi-
que adulte, ne remplissent que la moitié du canal
alvéolaire; et l\'on peut présumer , en comptant le
nombre des plaques des molaires postérieures du
jeune éléphant représenté à la figure 2 de la plan-
che XXVI, que cet accident arrive pareillement
aux éléphans de l\'Inde.
L\'os hyoïde est représenté à la figure 5 de la
planche XIX :il étoit presque entièrement cartila-
gineux à cause de la jeunesse de notre individu.
Blair (1) en a donné des figures assez imparfaites
dans les Transactions philosophiques.
(i) Mem, of the royal Soo. aùr., vol. V, pag. 3o5 , pl. X, fig.
6 et 7.
§• I.
Des vertèbres du cou.
Blair a présenté, dans la description ostéolo-
gique de l\'éléphant, des observations très-détail-
lées sur toutes les parties du squelette. Il s\'est fort
étendu sur les vertèbres cervicales, leurs cavités,\'
les apophyses et les trous destinés an passage des
nerfs et des artères. Ily a ajouté des mesures que
l\'auteur n\'a pu vérifier à cause de la jeunesse du
sujet, et qui peuvent même varier dans les adultes.
Il a été question de l\'étonnante brieveté du. cou
des éléphans à l\'article de la forme extérieure du
corps. On trouve, en examinant le squelette, que
la structure des vertèbres diffère essentiellement de
celle des herbivores en général, et sur-tout des
Carnassiers: elle se rapproche, en quelque façon,
de l\'homme, mais plus particulièrement de quel-
ques mammifères amphibies. Dans l\'éléphant,
comme dans ces derniers , le monvement du cou
est borné à de légères flexions, ainsi qu\'à une tor-
sion presqu\'impercepîible. Les vertèbres cervicales
du morse , qui, par la forme de ces longues dé-
fenses et par le contour des mâçhoires inférieures,
a quelque ressemblance avec l\'éléphant, ainsi que
celles du lamantin de Cayenne, ont beaucoup de
rapport avec les parties analogues du quadrupède
que nous décrivons. Tous ont les vertèbres déga-
gées et mobiles; mais différentes des mammifères
cétacés , dont les vertèbres n\'ont aucun mouve-
ment ; elles sont, au contraire, soudées en tout ou
en partie les unes aux autres.
La mobilité du cou de l\'éléphant paroît dimi-
nuer avec l\'âge ; j\'en possède la preuve dans les
vertèbres d\'un très-vieux sujet toutes ankylosées,
à l\'exception de l\'atlas. L\'apophyse odontoïde de
Faxis est plus petite que dans d\'autres animaux ;
ce que Perrault (i) avoit déjà remarqué; aussi
trouve-1-il de la ressemblance entre les vertè-
bres cervicales de notre quadrupède et celles de
l\'homme.
L\'apophj^se épineuse de l\'axis est fort épaisse et
bifourchue au sommet, tandis que celles des cinq
vertèbres suivantes sont plus minces et s\'alongent
à mesure qu\'elles approchent du thorax. C\'est dans
Mémoires y etc., pag.
-ocr page 187-be l\'éléphant. i85
les sommités de ces apophyses que sont insérées
les fibres de la partie inférieure du gros ligament
cervical, ainsi que l\'indiquent les premières figures
des planches XX et XXIV.
L\'âge tendre du sujet disséqué par M. Camper,
n\'ayant pas permis de bien représenter les parties
principales de l\'atlas, il a remédié à ce défaut pat
des figures copiées d\'après nature sur l\'atlas d\'un
éléphant adulte de Ceilan, qu\'on peut consulter à
la planche XXVII, ainsi que l\'explication fort dé-
taillée qui l\'accompagne.
Des vertèbres du thorax.
Nous comptons vingt vertèbres au thorax avec
un nombre égal de côtes. II y en a huit vraies tou-
tes attachées au sternum. Les fausses côtes dimi-
nuent très-rapidement en longueur à mesure qu\'el-
les approchent des lombes. Perrault (:i) et Dau-
benton (2) donnentaussi vingtvertèbres au thorax;
mais ils n\'ont compté que sept vraies côtes. Blair (3)
fait mention de huit vraies côtes, mais il borne le
<«) Mémoires, etc., pag. 546.
Buffon, tom. XI, pag. i32.
( j) Mem. of thc rojal Soc. ahr., etc. , vol. V, pag. 539.
nombre des vertèbres à dix-neuf; de sorte que la
nature paroît sujette à varier quelquefois sur cet ar-
ticle pour l\'éléphant comme pour l\'homme; car il
ii\'estpas vraisemblable qu\'une vertèbre entièixavec
deux cotes aient pu se perdre par la coction du
squelette.
Les apophyses épineuses sont extrêmement lon-
gues dans les éléphans et rendent le garrot fort
élevé, quoique Cela ne se distingue pas aussi faci-
lement que dans les solipèdes, à cause du prolon-
gement très-uniforme de ces apophyses sur toute
la longueur de l\'épine. Perrault (i) a remarqué
cette particularité sans remonter à la cause physi-
que. C\'est pour mieux soulever la tête des herbi-
vores, solipèdes et ruminans, mais particulière-
ment de ceux qui portent des cornes, que le gar-
rot s\'élève entre les omoplates; mais il falloit pour
la tête beaucoup plus lourde de l\'éléphant des apo-
physesépineuses prolongées sur toute l\'étendue de
la colonne dorsale.
Les éléphans sont, commeles chevaux, sujets à
avoir les apophyses épineuses, ainsi que les corps
des vertèbres soudées par ankylose. J\'en possède des
exemples dans plusieurs parties du squelette du
très-vieux sujet de Ceilan, dont il a été question
plusieurs fois dans cet ouvrage.
(i) Mémoires, etc. , pag. 5^5.
-ocr page 189-Le tlîorax est fort rétréci à sa partie antérieure
entre les extrémités liumerales, les côtes y forment
un angle droit avec Taxe horisontal du corps : elles
deviennent plus obliques ensuite ; mais ce sont les
douze dernières qui se courbent de plus en plus,
et augmentent singulièrement la capacité du tho-
rax , de sorte qu\'il devient plus ample que dans
aucun des autres grands quadrupèdes.
Perrault a remarqué des sinuosités en-dessus
X
comme au-dessous des côtes de Féléphant qu\'il a
disséqué. L\'auteur n\'en a pas trouvé aux côtes du
jeune sujet dont je donne la description, ni aux
côtes du vieil éléphant de Ceilan.
Le sternum est composé de quatre points ou élé-
mens osseux et d\'un cartilage xiphoïde. Il étoit
presque entièrement cartilagineux; ce qui n\'a pas
lieu de surprendre, puisque Perrault les a trouvés
de même dans un individu beaucoup plus âgé;
aussi ces trois os ne paroissent-ils passesouder dans
la suite, au moins le premier ne faisoit-ilpas masse
commune avec le second dans le squelette du vieux
sujet cité nouvellement. Blair (i) a trouvé de mê-
me quatre os au sternum, sans y comprendre le
cartilage xiphoïde ; mais Perrault (2) n\'en a compté
que trois.
(O Mem. 0/the royal Soc. abr., etc., vol, V, pag. 359.
(2) Mémoires, etc., pag, 546.
lS6 de l\'éléphant.
Daubenton (i) a remarqué que les premières
côtes seules sont attachées au premier os du ster-
num, comme dans l\'homme, les singes et la plu-
part des quadrupèdes 5 que les secondes sont atta-
chées entre le premier os et le suivant; les troisiè-
mes entre le second et troisième osselet,et que les
dernières sont articulées à la partie postérieure. Il
ajoute que les premières côtes sont plus larges que
ies suivantes. Ces observations sont confirmées\'par
la comparaison du squelette de notre sujet, à l\'ex-
ception de ce que la quatrième côte se trouvoit
articulée entre le troisième et quatrième os du
sternum.
Des vertèbres des lomhes et du pelvis.
li\'éléphant, qui se rapproche de la structure des
pachydermes par le grand nombre de vertèbres
dorsales, leur ressemble encore par le petit nom-
bre de vertèbres lombaires, par sa taille ramassée
et par sa disposition moins avantageuse à la course,
ïi n\'a, en effet, que trois vertèbres aux lombes ,
tandis que le chameau, le cerf et le cheval en ont
(1) BuFfon, Hist, nat., tom. XI, pag. iSa.
-ocr page 191-six ou même sept. Blair (i), Perrault (a) et Dau-
benton (5) n\'en ont aiassi trouvé que trois; elles ne
se distinguent guère de celles d\'autres grands qua-
drupèdes que parla forme moins applatie des apo-
physes, épineuses qui sont aussi comparativement
plus longues.
Le sacrum étoit composé de cinq os distincte-
ment séparés, que Blair a observés de même. Il est
étonnant que Perrault (4) et Daidienton (5) ne
lui en donnent que trois, d\'autant plus que le pre-
mier a été surpris de trouver ces os séparés par des
cartilages fort apparens ; peut-être aura-t-il con-
fondu les dernières avec les coccygiennes ? Du
moins le célèbre Guvier (6) en compte quatre au
sacrum du même sujet. Cette conjecture est assea
plausible, lorsqu\'on fait attention au nombre des
vertèbres de la queue rapporté par l\'académicien
françois : elle se trouve composée de trente dans
notre individu, au lieu que Perrault en décrit tren-
te-un ; Blair (7) n\'en a compté que vingt-neuf,
mais il peut s\'être trompé pour avoir perdu quel-
(i) Mam, of the royal Soc. abr. , etc. , vol. V, pag. 33o.
(?.) Mémoires, etc., pag. 546*
(3) ïoin. XI. pag. i35.
(4) Mémoires, etc. , pag. 54(>.
(5) Tom, XI, pag. 133.
(fi) Leçons d\'anat. comparée, tom. I, pag. i 5S.
(7) Mem. tf the royal Soc. aùr., etc., vo!. V, paj. S4a.
-ocr page 192-qu\'une des plus petites. Cet auteur a d\'ailleurs me-
suré et décrit ces parties avec beaucoup de pré-
cision.
ras
La structure du bassin diffère essentiellement de
celle des ruminans et des so^lipèdes. Perrault (1)
et Daubenton (2) lui ont trouvé, pour la forme des
hanches, du rapport avec le pelvis de l\'homme : il
est certain que les liions sont très-larges en pro-
portion de l\'ischion, et que leurs crêtes arrondies
ont beaucoup de ressemblance avec les nôtres.
Cette partie antérieure est naturellement plusgran-
de dans l\'éléphant et dans le rhinocéros , à cause
de l\'expansion des muscles fessiers qui devoient
avoir une force extraordinaire pour la marche
d\'un corps aussi lourd ; au reste , la partie posté-
rieure du bassin est beaucoup plus étroite; ce qui
étoit nécessaire pour ne pas faire vaciller ce gros
quadrupède.
il) Mémoires , etc., pag. 547.
(2) Tom. XI, pag. i55.
Des extrémités antérieures.
É
li\'oMOPLATE de Féléphant se distingue de ce-
lui des autres quadrupèdes par sa grandeur autant
que par sa conformation : c\'est un losange irrégu-
lier dont les angles aigus sont tronqués et divisé
par une forte épine. Cette épine est terminée vers
l\'angle humerai par une apophyse très-pointue qui
imitel\'acromion; une seconde apophyse plus forte
descend du milieu de l\'épine, passe par-dessus le
muscle sous-épineux et paroît destinée à contenir
ce muscle en relevant le bras. Perrault (i) et Dau-
benton (2) en ont fait mention 5 mais Cuvier (5) le
compare, avec raison, à l\'apophyse récurrente
qu\'on trouve sur l\'omoplate de quelques rongeurs
i\'^) Mémoires, etc. , pag. 546.
<2) Buffon, tom. XI, pag. i33.\'
(3) Levons d\'anat, comparée, tora. I, pag. 347.
-ocr page 194-et pç^tipiilièrement d u lièvre. J\'ai observé cette
lïxême apophyse dans l\'agouti et l\'hérisson d\'Eu-
rope ; mais elle y prend son origine plus bas et
semble attachée à l\'acromion. Le rhinocéros a cette
apophyse plus rapprochée du bord supérieur de
l\'omoplate et son extrémité est plate et arrondie;
elle sert néanmoins au même usage que celle de
l\'éléphant, La dilFérence de ces parties fournit
d\'excellente» indications pour reconnoitre les omo-
plates fossiles de ces deux espèces de mammifères,
lorsque l\'épine n\'a pas été fort endommagée , et
M. Camper en a fait mention dans un mémoire
adressé à l\'Académie des sciences de Pétersbourg,
en 1787.
Blair (1) s\'est trompé d\'une façon bien étrange
en prenant le bord supérieur de l\'omoplate pour
l\'inférieur; de sorte qu\'il s\'est imaginé que l\'apo-
physe en question tenoit le muscle sur-épineux en
respect ; aussi voit-on l\'épaule renversée à la plan-
che IX , figure 19 , ainsi qu\'au squelette à la
figure 1 de la planche VII,
La largeur des omoplates répond à celle des
liions. Il falloit nécessairement que les muscles
de l\'épaule fussent encore plus forts que ceux de
ia cuisse.
Les os du bras, toujours Içs plus gros dans les
(0 Mem. of the royal Soc. abr., etc., vol. V, pag. 34° et 34«-
-ocr page 195-animaux dont le centre de gravité tombe principa-
lement dans les extrémités antérieures,sont natu-
rellement très-épais dans l\'éléphant : ce sont des
piliers d\'un diamètre très-considérable en raison
de leur longueur et proportionnés au poids énorme
dont ils sont chargés. L\'humérus présente à son
articulation avec l\'omoplate une large tète fort ar-
rondie , et îe quart inférieur s\'élargit à mesure
beaucoup plus que dans l\'ours même : il est ter-
miné par deux tubercules peu saillans. Ces parties
très-cartilagineuses dans le squelette de notre
jeune sujet, se sont fort altérées par le dessèche-
ment. La gouttière bicipitale étoit recouverte d\'un
ligament tendineux comme dans l\'homme. Blair
s\'est expliqué plus au long sur cet article que Per-
rault et Daubenton (1); mais les figures du sque-
lette sont défectueuses dans ces trois auteurs.
La structure de l\'avant-bras mérite une atten-
tion particulière , à cause des moyens que la na-
ture a mis en oeuvre pour lui donner un maximum
de force; car, indépendamment de l\'épaisseur
étonnante du cubitus, le radius est placé en avant
comme dans les pachydermes, et passe en sautoir
par-dessus ce dernier , sous la forme d\'une croix
de Saint-André dont les charpentiers se servent
pour soutenir les parties ies plus lourdes d\'un édi-
É
(0 Buffon^ Xî, pag. î33.
-ocr page 196-fice. M, Suply (i), qui avoit; déjà fait cette remar-
que , semble avoir confoïKlu mal à propos ces par-
ties avec le tibia et le péroné. Perrault et Blair ont
observé cette conformation; mais ils n\'en ont pas
donné des figures exactes.
On voit à la figure 2 de la planche XXIII que le
radius et le cubhus, au lieu de passer en ligne
droite , se croisent de manière que la partie infé-
rieure du radius s\'articule avec l\'os lunaire : il est
d\'ailleurs maintenu dans cet état continuel de pro-
nation à l\'aide d\'un fort ligament attaché au con-
dyle interne de Phumerus. L\'os du coude est aussi
proportionnellement plus épais à l\'endroit de sa
liaison avec le carpe, qu\'il n\'est dans l\'homme ou
dans aucun des mammifères; et ces deux os, dont
les épiphyses sont fort cartilagineuses dans le sujet
de cette description, s\'unissent ensuite par anky-
lose , ainsi qu\'on peut s\'en convaincre en consul-
tant la figure 6 de la planche XXIV, où l\'auteur a
représenté l\'avant-bras d\\in vieil éléphant. Ils
étoient soudés de même dans les squelettes des
éléphans que j\'ai vus dans le cabinet du grand-duc
de Toscane et dans la collection du roi de Naples,
en 1787, La rotation n\'est donc jamais possible ,
même dans l\'âge le plus tendre. Perrault s\'est ex-
pliqué sur cet élat de phonation, et Cuvier a dé-
(0 StukêJoy, Sisaj tmards, eic.,
-ocr page 197-crit la structure de ces parties avec la clarté et la
concision qu\'on admire dans tous ses écrits, autant
que le savoir et la grandeur de ses vues (i).
Daubenton n\'a pu s\'étendre sur la conformation
de ces os, à cause des défauts qui défigurent le
squelette; aussi n\'a-t-on qu\'à jeter un coup-d\'oeil
sur les planches pour s\'assurer que les épiphyses
ont été perdues par la coction sans avoir été réta-
blies dans la suite.
L\'olécrâne est fort alongé et tres-épais; la sur-
face qui sert d\'insertion au triceps brachial est pro-
portionnée aux efforts que doit surmonter ce mus-
cle; tous les ligamens, capsulaires, interosseux et
autres qui unissent l\'humérus aux os de l\'avanl-
bras sont très-robustes.
La connoissance du carpe et du tarse a fait sou-
vent un objet assez difficile en anatomie compa-
rée, depuis qu\'on s\'est occupé de la dissection des
animaux; et parmi les anciens, qui ne pouvoient
étudier la structure du corps humain qu\'après des
singes morts ou les animaux qui se présentoient le
plus fréquemment à leurs recherches, il s\'est élevé
des disputes et des contradictions sur cet article.
Les mal-entendus naissoient de ce que les auteurs
n\'avoient pas nommé les espèces de mammifères
qu\'ils prenoientpour base de leurs descriptions. Ga-
(0 leçons d\'anat. comparée, tom. I, pag. 287.
I I.
i3
-ocr page 198-/\'lien, ce grand anatomiste de l\'antiquité, pour avoir
négligé de nous instruire sur ce point essentiel a lais-
sé beaucoup d\'embarras aux modernes, et l\'obscu-
rité qui en a été la suite engagea M. Camper à faire
une étude particulière du carpe et du tarse , dans
les différentes espèces d\'animaux, pour mieux en-
tendre les ouvrages de cet auteur célèbre et à cause
de l\'utilité qui en résulte pour la connoissance de
l\'histoire naturelle en général. C\'est, en effet, sur
la forme des extrémités que des naturalistes ont
établi des systèmes declassification; mais faute de
connoissances requisses ils n\'ont pu éviter des er-
reurs et ne savoient se rendre raison des différen-
ces que la cause première établit entre les genres
d\'un même ordre.
Parle défaut des connoissances dont il est ques-
tion , Blair a commis de grandes bévues dans la
description de ces parties. Les détails qu\'il nous
en a laissés sont aussi défectueux que les figures.
C\'est à tort qu\'il borne le nombre des os du carpe
à six, et qu\'il fait monter à six celui du métacarpe.
Aussi voit-on six doigts aux extrémités antérieures
du squelette, figure i , planche X. Il ne seroit
pas tombé dans ces erreurs s\'il eut mieux observé
la nature, ou bien s\'il eût fait dessiner ces parties
avant de les faire bouillir.
Perrault a mieux décrit le carpe et ses deux ran-
gées d\'osselets tout-à-faiî analogues à ceux de
l\'homme. Daubenton n\'a pu que répéter la des-
cription de son prédécesseur.
L\'auteur a représenté sur les planches XXIII
et XXIVles osselets du carpe dans leur connexion
naturelle avécle radius et le cobhus, ainsi que dé-
pourvus des ligamens qui en cachent le contour.
Le scaphoïde et le sémi-lunaire sont articulés avec
le radius; le cunéiforme tient au cubitus, et le pi-
silbrme occupe la place hors du rang. Le trapèze ,
le trapezoïde, le grand et Funciforme composent
la seconde rangée. La face extérieure de ces osse-
lets est extrêmement âpre et raboteuse dans les
vieux sujets pour facihter l\'insertion des fibres li-
gamenteuses qui les maintiennent.
Le métacarpe aussi ne présente que cinq os,
mais celui du pouce est muni d\'un osselet surnu-
méraire dont aucun auteur, avant M. Camper, n\'a
fait mention. Il tient au trapèze par des ligamens
et se trouvé indiqué en L, Z. figure i de la plan-
che XXllI. C\'est sans doute celui que Blair a pris
pour un sixième doigt ; mais il ne forme, au con-
traire , qu\'un support de plus qui aide à soutenir
le poids du corps de Féléphant, et semble unique
dans ce quadrupède.
Ily a plusieurs osselets sésamoîdes dans les ten-
dons des muscles fléchisseurs ou à l\'articulation des
phalanges: Perraultles a comparés à depetites rotu-
les qui servent aumême usage que celles du genou.
Ces osselets facilitent le mouvement des muscles et
peuvent être considérés comme de petites poulies.
Les os des doigts sont composés de trois arti-
cles, excepté ceux du pouce qui n\'en présente que
deux. Il s\'ensuit qu\'il doit y avoir cinq ongles aux
palmes; quoique les doigts paroissent extrêmement
courts, ils sont néanmoins parfaits, mais presque
entièrement cachés sous la peau épaisse qui les
enveloppe. La semelle très-dure qui les réunit en
dessous imite, en quelque façon, la forme d\'un
sabot et ressemble à celle du chameau. L\'intérieur
en est rempli d\'une pulpe élastique, ainsi qu\'on
l\'observe aux pieds de l\'homme et des quadrupè-
des en général.
La forme des plantes approche de la circulaire:
les doigts du milieu, un peu plus longs que l\'index
et l\'annulaire , occupent les extrémités du diamè-
tre antérieur.
Perrault (i) est tombé dans l\'erreur touchant
le nombre des phalanges, puisqu\'il n\'en a compté
^ué deux dans les doigts sans exception. Dauben-
ton (s) n\'en donne qu\'une seule au pouce et deux
aux autres doigts, ce qui n\'est pas d\'accord\'avec
îa nature : aussi le nombre des ongles varie chez
les auteurs. îl n\'y en avoit que trois dans l\'élé-
(i) Mémoires, etc., pag. 547.
(a.) Buffon J tom Xt, pag, 134 et iSS.
-ocr page 201-pliant du Congo, et seulement quatre dans un au-
tre sujet examiné par ces académiciens. Il paroît
que la callosité des semelles avoit tellement défi-
guré les palmes de celui de Versailles qu\'il n\'étoit
plus possible d\'y reconnoitre la forme des ongles,
et cette difformité ne caractérise pas moins les
plantes danslafigure de Perrault; de sorte que les
onglesysuiventune direction contraire ; aussi s\'est-
on trouvé obligé de remédier à cet inconvénient
douloureux en coupant ces excroissances calleuses
du vivant de l\'animal.
Aristote (i) avoit très-bien observé la forme des
doigts de l\'éléphant; mais il est surprenant qu\'il ne
lui attribue pas d\'ongles. Pline (2) , en copiant
presque mot à mot le sens d\'Aristote, ajoute que
les ongles de l\'éléphant ressemblent plutôt à des
griffes.
Gillius donne aussi cinq ongles aux palmes,
ainsi que Stukeley, Klein (3) a donné une très-
bonne description des extrémités; il a rangé l\'é-
léphant dans le nombre des animaux pourvus de
véritables ongles.
On voit en comparant les figures 3 et 4 avec les
figures 5 et 6 de la planche XXIII, que le diamè-
(ï) ITi\'sc. anim,, lib. III, cap. 9.
Ca) Ilise. nat. , lib. XI, cap. loi.
(3) Quadrup, dispos, y BtQ,, parag i3 , pag, 36.
-ocr page 202-tre et les proportions des palmes diffèrent essen-
tiellement de ceux des plantes; la largeur étant
plus considérable dansles premières, au lieu que la
longueur des dernières surpasse la mesure des pal-
mes. Adanson (i) fait approcher cette dernière à
un pied et demi pour les éléphans adultes. La pal-
me décrite par Sparmann n\'étoit pas aussi grande,
par cmiséquent c\'étoit celle d\'un sujet beaucoup
plus jeune.
Des extrémités postérieures.
L\'os du fémur est plus long dans l\'éléphant que
dans îa plupart des quadrupèdes, tels que le cha-
meau , les ruminans et le cheval. Sa briéveté dans
ees derniers est richement compensée par le pro-
longement du métatarse qui contribue si puissam-
ment à la vitesse de la course. Dans l\'éléphant, au
contraire, le métatarse ne pouvoh être alont^é à
(i) Voyage au Sénégal, pag. 76.
-ocr page 203-cause de la pesanteur du corps; de sorte qu\'il étoit
nécessaire de donner une étendue extraordinaire
aux os de la cuisse, qui égalent] usqu\'à dëux cinquiè-
mes de la hauteur totale de ces grands animaux. Par
suite de cette conformation particulière, le genou
se trouve presque au milieu de la jambe; et cette
disposition, qui en fait plus aisément remarquer îa
flexion, donna lieu aux anciens de dire que l\'élé-
phant fléchit cette partie comme l\'homme. Il n\'en
est pas moins vrai cependant que tous les quadru-
pèdes mammifères, plusieurs reptiles et les oiseaux
fléchissent le genou de la même manière , quoique
l\'articulation, et par conséquent ses mouvemens,
dans un grand nombre d\'espèces, soient masqués
par la grosseur du ventre, ipariiculièrement dans
ceux dont les extrémités sont alongées par l\'éten-
due du métatarse.
L\'éléphant a les extrémités dans une position
presque verticale, le genou même paroît ne se flé-
chirque légèrement dansla marche; ce qui fitnaî-
tre la fausse idée qu\'il ne pouvoit plier la cuisse.
La similitude des pattes avec les parties d\'une co-
lonne fondée sur l\'épaisseur uniforme des jambes
et des pieds, aida à propager cette erreur, déjà
combattue par le grand Aristote.
Les extrémités postérieures, qui sont plus lon-
gues dans l\'âge tendre, ainsi qu\'on peut s\'en con-
vaincre à la vue du squelette de notre jeune sujet.
prennent moins d\'accroissement dans la suite que
les extrémités antérieures, d\'où résulte la difFé-
rencè dans les proportions à diverses époques de
la vie dont il a été question ci-devant.
Le fémur ne tient pas dans la cavité cotyloïde
par le moyen d\'un ligament rond , comme celui
de l\'homme ; les enfoncemens n\'en sont visibles
dans la tête d\'aucune des espèces que nous avons
examinées. Peut-être ce ligament est-il particuliè-
rement nécessaire à l\'homme dans la position ver-
ticale du corps? du moins l\'orang-outang, le
pongo et d\'autres mammifères quadrumanes n\'en
ont pas d\'analogue.
La description du fémiïr dans Perrault (i) s\'ac-
corde en partie avec les observations de M. Cam-
per: il n\'y a de fait qu\'un seul trochanter, qui est
le grand. Le cou est à proportion moins long que
dans l\'homme, aussi la têtea-t-elle moins de sphé-
ricité; il faut que l\'académicien iVancois ait décrit
cet os après que les épiphyses s\'en furent séparées,
et tel qu\'il est représenté au squelette. Blair (a) a
été plus exact sur cet article , et n\'a pas manqué
de décrire ces deux parties si essentielles.
Comme le fémur de l\'éléphant disséqué par l\'au-
teur avoit ses apophyses et les extrémités encore
(i) Mémoires, etc., png. 546 et suiv.
(a) Mevi. of the royal Soe. aW., etc-, vol. Y, pag. 55o,
-ocr page 205-toutes cartilagineuses , il a ajouté la figure d\'un
fémur du sujet fort âgé dont l\'avant-bras se trouve
représenté à la même planche. On voit que les con-
dyles sont séparés par une large rainure destinée
au mouvement de la rotule. Cet os cependant n\'est
ni grand ni fort épais; ce qui ne doit pas étonner
puisque son volume se trouve , en général, dans
la raison inverse de l\'angle que forme le fémur
avec le tibia. L\'éléphant ayant cet angle fort ob-
tus, à cause de la situation perpendiculaire des ex-
trémités , n\'avoit besoin que d\'une petite rotule :
elle est plus grande dans l\'ours , quoique planti-
grade, plus forte dans le cochon , mais bien da-
vantage dans les ruminans et sur-tout dans le
renne.
Le tibia forme avec le péroné deux os très-ro-
bustes, Sa longueur est beaucoup moindre que celle
du fémur. Les cavités correspondantes aux con-
dyles de ce dernier sont assez enfoncées; son ex-
trémité fémorale est plus large qu\'elle ne l\'est aux
malléoles. La face triangulaire destinée à l\'inser-
tion du tendon des extenseurs, comme au liga-
ment de la rotule, est extrêmement grande et rude,
les bords en sont marqués par des arêtes fort sail-
lantes, et la partie moyenne n\'est pas ti-iangulaire,
mais à peu près carrée. La face articulaire de l\'es-
trémité inférieure est fort plate , le malléole in-
terne moins long que i\'eslerne; le péroné, quoi-
que très-rapproché du tibia, n\'étoit pas soudéavec
celui-ci, même dans le très-vieil éléphant de Cei-
lan, et ne l\'avoit pas été dans les sujets fossiles
rapportés de FOhio en Amérique, quoique ces os
aient aussi appartenus à des individus fort âgés.
L\'épaisseur de ces tibia fossiles m\'a semblé double
de celle du tibia de Ceilan , quoique les longueurs
ne diflérassent que d\'un sixième.
Perrault et Daubenton ne se sont pas fort éten-
dus sur ce sujet. Blair a trouvé la longueur du ti-
bia, comparée avec celle du fémur, comme vingt-
deux pouces à trente-six; ce qui fait un peu moins
du tiers : dans notre squelette ces longueurs sont
comme dix-huit et demi à treize et demi.
Le tarse est composé de sept os analogues à ceux
de l\'homme; la description de Blair (i) est défec-
tueuse; car il n\'en a compté que six, ayant né-
gligé le cuboïde. Perrault (2) aussi s\'est trompé
sur le nombre, n\'ayant trouvé que deux os cunéi-
iornies.
La base des pieds est fort petite dans l\'élé-
phant, lorsqu\'on la compare avec la grosseur du
corps. Le calcaneum est extrêmement court et
moins long que dans aucun des grands mammi-
leres. C\'est un levier que la nature a particulière-
(0 Mem. ofihe royal Soc. abr., etc.. voJ. V, pag. 55i.
Mémoires, etc. , pag. 54^,
m
ment alongé dans les animaux que nous admirons\'
à cause de leur vitesse, comme les solipèdes , les
ruminans et quelques carnassiers; tous ceux enfin
qui étoient destinés à galopper, à sauter ou à cou-
rir avec une grande vélocité en sont pourvus; mais
l\'éléphant, dont la course ne ressemble qu\'au trot,
et qui ne sauroit sauter, pouvoit s\'en passer; aussi
la pesanteur de sa masse auroit été mal soutenue,
à moins qu\'il ne fût devenu plantigrade.
Camus (i) prétend qu\'Aristote n\'a pas parlé de
l\'astragale, à moins que ce ne soit l\'astragale au-
quel il donne le nom de rrripuscj mais il paroît s\'ê-
tre trompé sur cet article, puisque Aristote qua-
lifie du seul nom d\'astragàle l\'os du talon confor-
mé de la manière qu\'il l\'est chez les ruminans , et
il appelle vertèbres les osselets plus petits. Ce cé-
lèbre traducteur auroit pu s\'en convaincre lui-
même, puisqu\'à l\'endroit cité le grand naturaliste
de Stagire ne qualifie même pas d\'astragale le cal-
caneum de l\'homme.
Le métatarse est composé de cinq osselets. Les
os des doigts contiennent trois phalanges, à l\'ex-
ception du pouce , qui n\'a qu\'un seul article et
ne sauroit par conséquent porter d\'ongle. Le pouce
donc est comme oblitéré et ne consiste qu\'en un seul
os que Galien appelle vTrcypx^n ( delineaiuenturn ,
(i) Notes sur l\'hist, des anim. d\'Arist,, pag. 58g.
-ocr page 208-comme qui diroit une ébauche ), nécessaire à l\'in-
sertion du muscle long péronier. Tous ces doigts
sont enveloppés dans la peau épaisse qui n\'en laisse
appercevoir que les ongles. La semelle est aussi
dure et aussi épaisse que celle des palmes j mais
sa forme moins circulaire s\'alonge en ovale , ainsi
que la représentent les figures 5 et 6 de la planche
XXIII.
Il est surprenant que Perrault (i), n\'ayant dé-
crit que quatre os du métatarse, parle cependant
du pouce; à moins qu\'il n\'ait désigné par ces mots
que les os articulés avec de véritables doigts.
(i) Mémoires , etc., pag. 547.
-ocr page 209-Elle contient quatre figures, dont la première
donBe le profil de l\'éléphant à deux époques de sa
vie. La seconde représente la tête d\'un jeune su-
jet dessinée d\'après la vie. La troisième fait voir
la forme et la position des mammelles. La qua-
trième donne le contour des parties sexuelles d\'une
femelle.
m
Le trait en partie ponctué d. a. h. s. R. C. Q. L,
N. P. 0. h, g. e. i-eprésente le profil du jeune élé-
phant mâle que j\'ai disséqué : c\'est le même dont
i> l\'éléphant.
on voit le squelette à la planche XXIV: sa hauteur
étoit de trois pieds huit pouces; le dos, plus élevé
que la tête, avoit son sommet en II.
Le trait D. A. B. S. H. C. Q. L. N. P. 0. H. G. E.
est le contour d\'un autre éléphant, qui fut trans-
porté des Indes avec le précédent, en 1770. Ils
avoient alors à peu près la même grandeur; mais
ce dernier prit beaucoup de croissance dans la
suite; de sorte que quandje le vis à Casse!, en 1779,
ses proportions avoient changé considérablement.
On voit, d\'après un dessin que j\'ai fait à cette épo-
que , que la tête et l\'avant-train s\'étoient princi-
palement exhaussés, de façon que le sommet du
crânes\'élevoit au-dessus de lahauteurdudosR.N.
J\'ai trouvé la tête relativement plus élevée encore
dans l\'éléphante de Versailles, en 1777. La même
diversité dans le développement des formes a lieu
dans deux jeunes éléphans, mâle el femelle , qui
se voient actuellement (1) dans la ménagerie du
prince d\'Orange en Gueldre. Il ne faut donc pas
être surpris de la différence qui distingue le profil
de l\'éléphant représenté à la planche I du tome XI
de VHistoire naturelle du comte de Buffon , d\'a-
vec celui du squelette de notre sujet plancheXXIV,
(1) L\'auteur ayant actievç celte explication ^^ ^ décrities
circonstances cotnwe elles se présentèrent à lui à cette époque.
JVate de l\'édileur.
puisqu\'il est démontré que Tàge seul en estla cause.
Les jambes de l\'homme croissent après la nais-
sance beaucoup plus que le corps ; dans le genre
des solipèdes et des ruminans, les extrémités s\'a-
longent relativement moins que le corps ; mais chez
l\'éléphant c\'est l\'avant-train ou toute la partie an-
térieure qui s\'élève plus que l\'autre ; et c\'est en
ce sens qu\'il faut expliquer les paroles d\'Aristote
lorsqu\'il assure que les extrémités humerales sont
plus longues que les extrémités fémorales.
T. t. représente l\'orifice du couloir de la glande
temporale dans les deux profils. Le reste n\'a pas
besoin d\'explication : seulement faut-il faire at-
tention que la queue paroit ici dégarnie de sa
houpe , ayant perdu ses soies par le frottement
contre le caisson. 11 faut consulter ensuite sur cela
la figure 4 de la même planche, mais sur-tout la
figure 7 de la planche XXlll.
F I G u K E 2.
C\'est le profil de la tête d\'un jeune éléphant des-
siné vivant en 1770, dans la ménagerie du prince
d\'Orange près de la Haie. Le couloir des tempes se
voit en A. La glande temporale a été représentée
à la figure 2 de la planche XVIIL
Ici l\'on voit les mammelles de Féléphanl e, dont
la vulve est représentée à la figure 4. L. le milieu
de la poitrine ou la pointe du sternum. ( Voyez F-
planche ÏX.) I. et K. les bras ou les extrémités an-
térieures; 1. M. F. la mammelle droite; P. N. K.
la mammelle gauche, Ces mammelles étoient flas-
ques dans ce jeune sujet.
M. N. les mammelons visibles dans les deux
sexes, mais plus grands dans les femelles : il est à
présumer que ces parties deviennent très-grandes
dans les éléphantes qui allahent.
Cette figure représente la croupe, pour donner
le contour de la vulve et de son conduit qui for-
me une espèce de poche légèrement ridée C. D.E.,
dont l\'ouverture E. F. laisse passer ie clitoris quand
Féléphante vient à pisser. Fai remarqué cette sorte
d\'érection du clitoris principalement dans Félé-
phante de Versailles : cette partie, plus Ou moins bi-
fourchue,s\'alongeoit alors presque jusqu\'à terre, en
imitant la forme d\'une verge; de sorte qu\'il ne faut
pas s\'étonner de ce qiie Féléphante disséquée par
Perrault ait passé pendant treize ans pour un su-
jet mâle; d\'autant plus que les testicules sont ca-
chés dans l\'intérieur du ventre.
B. G. H. la queue. Une partie des soies étoit cou-
pée par le frottement, ainsi que celles du mâle de
la planche IX, dont la houpe étoit parfaitement
conservée deux années auparavant, lorsque j\'en ai
modelé la figure. On peut en voir des copies exé-
cutées en plâtre dans plusieurs collections d\'his-
toire naturelle.
B. l\'anus, qui ressemble à celui du cheval.
Cette planche représente notre éléphant mâle
réduit au huhième de sa grandeur naturelle et ren-
versé sur le dos,
A. A. R. S. la trompe , dont Fextrémité R. est
garnie d\'un doigt S. (Voyez plus particulièrement
îes figures 2 et 5 de la planche XXII. ) A. A. la
partie postérieure applatie; sa partie antérieure ou
extérieure est parsemée de poils.
On voit en A. et A. les ouvertures qui, dans la
suite, auroient donné passage aux défenses, les-
quelles étoient encore profondément cachées dans
les alvéoles ; de sorte qu\'on peut à peine les re-
marquer au squelette. ( Voyez <r. t. figure 5 de la
planche XVII. )
i4
É
B. la pointe de la langue qui sortoit hors de la
bouche.
C. C. les paupières.
D. E. D. les oreilles.
F. la pointe du sternum. G. le nombril.
H. le prépuce, qui enveloppe et cache parfaite-
ment le gland.
H. I. la verge, reconnoissable au renflement de
la peau.
K. Fanus. K. M. la queue.
L. M. la partie garnie de soies, qui s\'étendent
plus loin au bord inférieur tourné contre le ventre
que sur le bord extérieur N. M. (Comparez la fig.
7 de la planche XXIII, D. C., B. C.)
il se trouve cinq doigts avec autant d\'ongles
aux extrémités antérieures, 1.2.5.4. 5. ; et quatre
seulement aux extrémités postéi-ieures, 1. 2. 3. 4.
( Voyez la planche XXIII, figures 5 et4, ainsi que
le squelette planche XXIV. )
C\'est le même contour que celui de la planche
précédente : il représente notre éléphant écorché
dans la même position.
a. a. les trous incisifs, a. b. la pointe de la
langue.
• A. E. C. la mâchoire inférieure,
B. D. l\'os sternum.
A. B. et C. D. les muscles sterno - maxillaires.
(Voyez plus particulièrement O. P. figure a, plan-
che XVIÏI. )
P. Q. R., P. Q. R. les muscles peaussiers de l\'ab-
domen analogues à ceux qu\'on trouve dans la plu-
part des quadrupèdes.
M. N. l\'ombilic et la partie du cordon qu\'on
distingue dessous la peau,
X. Y. les glandes ingUinaies,
A. B. G, K. la verge se réunissant avec les mus-
cles accélérateurs de l\'urme,
A. l\'orifice du prépuce. A. G. la verge. B. D,,
S. D. les muscles qui retirent la verge. K. les ac-
célérateurs de l\'urine, L. l\'anus.
F I Cx U E. E 12.
Représente la partie inférieure de la verge vue
obliquement de côté, et plus en grand que dans
ia ligure précédente.
A. D. F. G. le corps caverneux du côté gauche
avec le muscle érecteur E. F.
N. G. le corps caverneux du côté droit. P. G. le
bulbe de Furètre.
B. C. L. D, le muscle qui retire la verge du côté
gauche; il se trouve en réunion avec celui du côté
opposé , avec lequel il forme en B. un tendon
commun qui passe par-dessus la verge et s\'attache
au gland. Ces muscles, qui prennent leur origine
aux os pubis, sont représentés plus en détail sur
la planche XII.
E. G, H. I. Fun des muscles accélérateurs de
Furine ; il est en connexion avec Faccélérateur
plus charnu H. I. K., dont l\'analogue se trouve
particulièrement dans les singes et dans les chiens.
Représente l\'ouverture du corps pour la
démonstration des reins avec les testicules et la
vessie urinaire.
FIGURE 1,
Elle donne le simple trait des parties les plus
essentielles de la figure du milieu. Celle-ci plus
terminée n\'a pas été chargée de caractères, afin
d\'éviter la confusion.
A. l\'orifice commun des veines cave et hépati-
que qui traversent le diaphragme pour aboutir au
cœur.
B. C. le trou du diaphragme coupé profondé-
ment.
Il est à remarquer que le péritoine qui recouvre
le diaphragme, ainsi que les grands vaisseaux des
lombes, est d\'une substance tendineuse; tandis
que le diaphragme , au contraire, est fort mince.
B. D. l\'origine du mesentère coupé à cet en-
droit.
E. E. les reins succenturiaux. F, G.H., F. G.H.a
les reins situés sous le péritoine et dessinés dans
leurs justes proportions.
I. K., I. K. les uretères. L. l\'intestin rectum
coupé à cet endroit. K. K. Q. k vessie urinaire af-
faissée.
M. N. les bords internes de la crête des ilions.
O. le cartilage xiphoïde.
P. le pubis; k cavité du bassin ne s\'étend que
jusqu\'en Q.; mais celle de l\'abdomen continue de
Q. en P.
R. Q. P. le ligament de la vessie formé par la
duplicature du péritoine qui faisoit l\'ouraque. Ces
parties sont mieux représentées en A. D. C. fig. 2.
S. les artères cœliaque etmésentériqùe coupées;
elks sont plus évidentes dans la fis. 2.
T. les artères et les veines diaphragmatiques dis-
tribuées au-dessous du péritoine.
Les testicules sont, comme Aristote l\'avoit déjà
remarqué, attachés aux reins. On les a représentés
ici sans ces appendices qui imitent une sorte d\'o-
mentum, afin d\'éviter la confusion. Ils sont mieux
exprimés dans la figure suivante; mais particuliè-
rement en h. d. m. l n. o. de la fig. 1 planche XII.
a. b. c. les testicules avec les vaisseaux sjjerma-
tiques a. b. enveloppés d\'un péritoine fort épais.
b. c. d. l\'épididyme avec le canal déférent qui
passe des deux côtés, le long de l\'intérieur des
nreteres vers la partie postérieure de la vessie.
C\'est ici la même région dé l\'abdomen : la vessie
est gonflée d\'air, les autres parties dégagées du pé^
ritoine sont aussi plus évidentes.
B. A. B. la vessie. B. A., B. A. les artères ombi-
licales réunies à l\'ouraque A. D.
A. D. C. le grand ligament formé par la dupli-
cature du péritoine qui enveloppe l\'ouraque: il est
attaché à la symphise des os pubis.
E. K. les testicules, dont la membrane exté-
rieure se divise en plusieurs franges extrêmement
minces sous la forme d\'appendices F. G. du côté
gauche, et L. M. du côté droit. Ce sont des espèces
de petits épiploons d\'un rouge vif, à cause de la
multitude de vaisseaux sanguins.
H. I. K. les veines émulgentes: c\'est de leur tronc
H. que se détachent les veines spermatiques H. K.,
ainsi que les artères spermatiques se détachent de
l\'artère émulgente ; ce qui n\'a pu être représenté
ici, parce que ces parties sont cachées par les vei-
nes émulgentes.
N. la bifurcation de la veine cave en iliaques
très-amples.
O. P. I. le péritoine très-épais détaché de la veine
cave et des reins succenturiaux.
S. l\'artère coeliaque avec la mésenlérique supé-
rieure.
Q. R. les reins succenturiaux.
T. S. le îrau du diaphragme, au fond duquel on
voit la partie coupée de l\'oesophage.
Représente les parties sexuelles du mâle,
et le col de la vessie ouvert, réduits au quart de
leur grandeur naturelle.
f i g u e. e 1.
Estla vessie avec la partie inférieure de la veröde
vues par-dessous.
A. B. E. D. C. la vessie. B. C. les uretères , qui
descendent obliquement entre les membranes de
la vessie, comme dans l\'homme : ils se débouchent
par deux ouvertures a. h. de la fîg. 4.
D. W. E. la glande prostate. W. X. l\'urètre avec
les bords du sphincter coupés.
F. H. G. I. les accélérateurs de l\'urine : ce sont
les plus courts, tels qu\'on les observe dans les
chiens, les singes et d\'autres animaux; Galien (i)
(i) De Anat. adm., Hb, VI, cap. 14. Le muscle qui se trouve
a.u col delà vessie est décrie au cîiap. 28, de Musculorum dissec-
tione; il est appelé accélérateur bifourchu, au chap- ag^enajou-
les appelle sphinctères ou muscles constricteurs.
L. I. V., K. H. V. les muscles érecteurs avec les
transverses du périné L. I. et H. K.
U. T. les accélérateurs de l\'urine collés sur le
bulbe de l\'urètre.
N. O. P., M. Q. P. les muscles qui retirent la
verge, lesquels se confondent dans un tendon com-
mun P. S., passant dans une gaine tendineuse R.Z.
par-dessus le membre. ( Voyez D. H. E. fig. 3. )
T. Y. l\'urètre avec le bulbe. Z. Y. la verge cou-
pée transversalement : on a vu ces parties dans leur
assiette naturelle à la planche X.
a. h. le testicule droit séparé du rognon, c. Fé-
pididyme.
c. d. h. p. Fépididyme avec le canal déférent
fortement contourné et tortueux jusqu\'en i. : c\'est
d\'ici qu\'il passe en ligne droite aux vésicules sé-
minales p.
f. g. le canal déférent pampiniforme du côté
gauche. Ces canaux sont attachés l\'un à l\'autre par
le moyen d\'une membrane particulière g. h. qui
tant que les accélérateurs de l\'urine sont confondus ensemble ,
comme s\'ils n\'étoient composés que d\'un seul muscle bifourchu;
leurs têtes ne s\'attachent pas aux os, mais bien les tendons des
deux autres qui sont insérés aux os pubis. Cette description n\'est
»pplicable qu\'à l\'éléphant , aux chiens, etc. Aussi Vesale a-t-il
remarqué , avec raison, que Galien n\'avoit jamais examiné ces,
parties d^s iliomme.
2i8 i»e l\'éléphant.
fait la continuation de la portion interne du pé-
ritoine.
les vésicules séminales.
b. d. L m. n. o. le petit omentum du testicule
droit, dont l\'extrémité l. m. présente un tissu
glanduleux. (Voyez la figure 2 de la planche XI,
E. et K., où l\'on a montré ces parties dans leur si-
tuation naturelle.)
F I G u 11 E 2.
Elle représente la verge coupée du côté supé-
rieur.
A. B. C. la partie de la verge avec le gland A. E.
D. E. le tendon des muscles retirans la verge :
il glisse dans un fourreau ouvert exprès en H. pour
montrer son insertion au bord supérieur du gland
en E.
G. F. le prépuce ouvert.
a. b. les nerfs de la partie supérieure de la verge.
Représente le membre du côté inférieur.
A. B. C. D. F. comme dans la figure 2.
K. L A. Furètre , son passage dans le bulbe et
Forifice au-dessous de Fextrémité du gland.
C. B. les corps caverneux qui sont divisés, com-
-ocr page 223-BE l\' É L É P H A N ï. SIC)
me dans la plupart des naamrhifères, en deux par-
ties; mais ici chaque division est encore répartie
en trois autres , au moyen de deux cloisons qui
servent principalement à contenir les parois de cet
organe, à cause de sa grandeur extrême dans les
éléphans aduhes.
F i G u R E 4.
On voit ici le corps triangulaire de la vessie , le
caput gallinaginis , dans lequel se trouvent deux
ouvertures; j\'ai pu y introduire un tube d\'épais-
seur médiocre, au moyen duquel on pouvoit souf-
fler de l\'air dans les vésicules séminales. Je n\'ai pas
voulu charger cette figure d\'un plus grand nom-
bre de lettres poui- éviter la confusion : les con-
noisseurs pourront d\'ailleurs se faire une juste
idée de toutes les parties, vu leur analogie avec
celles qui caractérisent la vessie de tous les grands
mammifères.
m. n. c. d. la partie inférieure de la vessie cou-
pée en-dessous du golfe des prostates.
e.f. le golfe des prostates, c. d. l\'urètre coupée
transversalement et ouverte.
i. l\'extrémité du caput gallinaginis à son en-
trée dans l\'urètre.
On trouve entre g. et h, plusieurs orifices des
conduits excrétoires des prostates , ainsi qu\'entre
220 e l\' é l é p h a n t.
f. e. plusieurs orifices des conduits des vésicules
seminales.
et b. sont les orifices des uretères coupés en
Les trois figures suivantes montrent la con-
nexion du foie et de la rate avec le ventricule ,
amsi que sa communication avec le duodenum
par le moyen des vaisseaux et des pores hépatique
et pancréatique; le tout étant réduit au quart de
la grandeur naturelle.
W. V. A. li. X. Y. G. la face concave du foie.
A. B. le ligament rond. A. U. le ligament large.
B. C., B. E. les portes.
E. F, C. D. la capsule de Glisson avec son petit
©mentum Y.
H. L Q. K. le ventricule. H. Foesophage coupé.
G. K. le pylore.
G. K. L. M. N. D. O. N. le duodenum qui se flé-
chit à gauche de 0. vers K; il remonte ensuite
sous le petit omentum vers Y., et forme le je-
junum.
P. Q. R. S. la rate. Q. S. sa partie la plus large,
T. Q. les artères et les veines épiploïques dis-
tribuées dans la duplicature du péritoine qui don-
nent les branches T. R., etc., à la rate : il y avoit
des glandes conglobées en grand nombre ; mais
principalement entre T. et K.
Représente les mêmes parties à l\'exception de
îa rate et du petit omentum 3 la capsule de Ghs-
son est privée de son enveloppe.
Les lettres capitales indiquent les mêmes par-
ties depuis A, jusques Y.
B. C. D. le conduit hépatique fort ample abou-
tissant au duodenum en D.
r. ƒ sous Y. l\'artère cœliaque avec les rameaux
hépatiques F. A. S. X2. E. , et la pylorique c. b. ou
duodenale.
A. A. H. e. f. la veine-porte, sur laquelle le
pancréas est en partie situé; le conduit hépatique
avec ses pores passe entre les grands rameaux A.
A. H. et sous A.
Je n\'ai pu représenter des plexus de nerfs et plu-
sieurs glandes remarquables qui se trouvoient à
l\'intérieur de la capsule de Ghsson, pour ne pas
surcharger la figure; la seule glande Congiobéé g.
^^ été indiquée.
É
a. h. C. d. le pancréas : il n\'étoit pas grand et
présentoit un lâche tissu de glandes. Sa partie la
plus contractée se remarque en c. à Fendroit du
passage par-dessus la veine-porte ; le reste étoit
plus épais , comme on le voit en c. d. e. de la
figure 3.
a. l\'insertion du conduit pancréatique dans la
vésicule du fiel. ( Voyez H. S. figure 4 de la plan-
che XIV. )
a. h. la branche du même conduit ouverte dans
le duodenum. (Voyez M. figure i planche XIV.)
FIGURE 3.
Les lettres initiales grecques et romaines indi-
quent les mêmes parties que celles qu\'on voit re-
présentées dans la figure précédente. Les racines
du conduit hépatique sont mises au jour après
avoir enlevé une grande partie de la veine-porte.
a. b. c. d. e. le pancréas avec le conduit de Wir-
sung; celui-ci communique avec le conduit hépa-^
tique par son rameau principal b. D- : ils se dé-
chargent ensemble dans le réservoir du fiel. Le se-
cond rameau passe droit au duodenum en h.
Les intestins étant tous enlevés la forme du foie
U. X. Y. z. W. V. se montre à découvert,
y. n. le lobe de Spiegelius.
Les quatre figures de cette planche représen-
tent le siège et la structure très-remarquable de
la vessie du fiel, son insertion dans le duodenum
et celle du conduit pancréatique. Les trois pre-
mières figures sont réduites à la moitié de la gran-
deur de Fobjet; la quatrième est de grandeur na-
turelle , pour mieux faire sentir les détails.
A. B. C. D. E. le duodenum ouvert eî déployé,
de manière qu\'on puisse voir la protubérance du
réservoir de la bile. Il est formé par la dilatation
du conduit hépatique F. G. H. et H. K. L\'ouver-
ture K. en fait l\'embouchure.
I, le conduit de Wirsung coupé: sa branche su-
périeure ï. H. se décharge dans la cellule supé-
rieure de la vessie du fiel. (Voyez S. figure 4.) La
branche inférieure L L. M. se fléchit près de L. et
s\'évacue en M.
C\'est le profil de la partie du duodenum repré-
-ocr page 228-sentée à la figure i. N. O. le diamètre du réservoir
de la bile ; V, W. son épaisseur ; les mammelons
et leurs orifices K. et M. sont ici très-reconnois-
sables.
FIGURE
La même partie du duodenum vue par derrière:
les caractères sont les mêmes. La branche infé-
rieure du conduit pancréatique a été coupée.
C\'est ici la représentation de la vessie du fiel
grande comme nature, telle qu\'elle est cachée dans
les tuniques du duodenum et ouverte du côté pos-
térieur. Elle est divisée par trois valvules orbicu-
laires en quatre cellules qui communiquent entre
elles, avec le conduit hépatique et avec le duode-
num. Pour faire mieux sentir cette communica-
tion , j\'y ai introduit la sonde Q, R. On voit par
conséquent que la papille T, donne passage à la
bile hépatique et que la bile pancréatique se dé-
bouche en S. dans la même cellule,
T. K. montre la direction du passage de ia bile
hépatique dans le duodenum ; elle traverse le grand
axe du réservoir ovalaire en ligne droite, après
s\'être arrêtée quelque tems dans ses quatre cel-
o ë é l ê p h a n t. aas
iules, pour y subir une préparation ultérieure. Sa
couleur et son épaisseur, après avoir séjourné dans
ce réservoir cloisonné , ne différait guère de celle
qui couloit immédiatement du foie; à peine étoit-
elle un peu phus rouge,
La distance de Tinsertion du canal cholidoque
dans le duodenum, mesurée depuis le pylore ,
égaloit deux pieds quatre pouces.
Représente le ventricule et le cœcum lé-
gèrement gonflés d\'air et réduits au q-u\'art de leur
grandeur.
FIGURE l»
A. Foesophage coupé au-dessus du cardia à la
hauteur du diaphragme.
A, B. la partie du fond distante également de
Foesophage comme du pU C., de sorte que A. B.
= A. C.
C. F. la partie qui se fléchit vers le pylore, D,
D. E. une portion du duodenum.
G. H. le diamètre transversal.
II.
l5
-ocr page 230-Représente le coecum avec une partie du colon
et de l\'ileum.
H. 1. une portion de Fileum. I. son insertion
dansle colon, oùsetrouve une valvule à l\'intérieur.
N. I. P, M. Q. R. le cœcum. I. S. T. le colon
lié en T.
O. P. I etK. L. I. des ligamens formés parla du-
plicature du péritroine : ils étoient extrêmement
transparens à cause de leur grande ténuité.
ï. L. M. l\'un des trois ligamens longitudinaux.
Représente le ventricule ouvert dans toute
sa longueur, et le rein droit réduits au quart de
la grandeur.
f i G u pv e 1.
A. l\'œsophage coupé. B. B. le cardia B. C. D. le
fond du ventricule garni à l\'intérieur de quatorze
valvules, dont les cinq intermédiaires I. K., L. M.,
N. 0., F. Q., R. S., étoient les plus larges : elles
s\'élevoient à îa hauteur d\'un pouce; leur Iiauteur
diminupit pins que leur largeur en approchant de
l\'extréniité C; mais elles s\'évanouissoient à mesure
qu\'elles s\'en éloignoient vers B. Le reste de la
face interne qui s\'étendoit jusqu\'au pylore éîoit
unie, mais on appercevoit les vaisseaux distribués
dans la substance de ce viscère, à cause de la té-
nuité de sa membrane interne,
E. F, le pylore avec sa valvule analogue à celle
qui se trouve dans d\'autres mammifères.
E. R G. II. une portion du duodenum avec ses
valvules disposées en réseau, La tunique muscu-
ieuse du ventricule étoit principalement forte à la
partie du fond la plus voisine du point C.
F I G u E. E a.
On voit ici le rein droit par devant. Il sembloit
composé de huit à neuf lobes séparés qui se réu-
nissoientplus ou moins du côté postérieur, comme
dans le bœuf, l\'ours et d\'autres animaux. Appa-
remment que le rein est d\'une substance homo-
gène , uniforme dans les éléphans adultes? de sorte
qu\'il faut attribuer sa division dans notre sujet à
l\'âge tendre auquel il est mort.
A. H.,Q. G.,G. C. R., C. N. F., F. M. B., E. L. D.,
D. K. L , T. et S. sont autant de lobes ou divi-
sions, dont chacune donne un conduit particulier
Q- R. M. L. K., qui forment ensemble le,bassinet
très-ample du rognon Q. R. M, L. K. P. Celui-ci
donnePuretèreP. O. semblable à celui de l\'homme
et d\'autres mammifères.
Les faces des lobes qui se touchent sont prin-
cipalement applaties en L H. K. et Q. R. G., ce
qui est même visible du côté postérieur dans la
figure 5.
FIGURE 3.
Le rein droit du côté postérieur ; les lobes
G. C. U. P. S. F. T. sont ici réunis avec les autres..
De semblables caractères dénotent les mêmes par-
lies dont on a vu l\'explication à l\'article de la
figure 2,
U. V. est le conduit formant une branche du
bassinet, désigné par la lettre Q. de la figure pré-
cédente.
Les petites ouvertures disséminées à la surface
du rein indiquent les embouchures des vaisseaux
qui traversent sa substance.
F I G u ft E 4.
Est la croupe transversale du lobe D. L K.,
figure 3. La substance corticale se distingue aisé-
ment de la substance tubuleuse. On voit les deux
ouvertures des vaisseaux tronqués qui parcouroient
ce lobe au dessous de la première substance.
de l\'éléphant, 329
Les tubes de Bellini ne formoient pas de papille
comme dans l\'homme, mais présentoient une sur-
face plane cribriforme autour de laquelle s\'élevoit
un conduit membraneux K. qui portoit l\'urine
dans le bassinet.
Représente l\'un des reins succenturiaux coupé
dans sa longueur. La substance corticale ne diffère
pas sensiblement de celle du rognon; mais elle est
plus solide. L\'intérieur offre un tissu celluleux
rempli de vaisseaux sanguins.
Elle comprend six figures, dont la première
indique le profil de l\'éléphant mort réduit au quart
de sa grandeur. Toutes les parties de la tête, mais
principalement les yeux, la trompe, la langue, etc.
sont rendus avec beaucoup de soin. La seconde
représente l\'oeil de grandeur naturelle. La troi-
sième fait voir la seconde couche des muscles de
la face après qu\'on en a séparé les paupières. La
quatrième montre les cartilages du nez. La cin-
quième représente le crâne décharné, afin d\'expo-
ser à la vue le globe de l\'oeil, les cartilages du nez
en profil, et quelques nerfs. La sixième fait voir
la troisième paupière avec ses muscles de grandeur
naturelle.
A. l\'orifice du couloir de la glande temporale
représentée sur la planche XVill, qui est com-
mune aux éléphans des deux sexes.
B. C. B. E. G. la trompe : elle est marquée de
rides transversales à sa face extérieure, qui lui don-
nent quelque ressemblance avec un lombric. La
face interne D. H. E. F. L est plane , sans poils et
lisse : son extrémité, qui a la forme d\'un enton-
noir, est garnie d\'un doigt G. sur le bord antérieur.
Ces parties sont représentées de grandeur natu-
relle aux figures 2 et 5 de la planche XXIl.
La partie de la lèvre supérieure B. T. est relevée
en B. par le germe de îa défense, dont on voit
Fextrémité t. a-, à la figure 5.
B. T. P. la fente de la bouche. P. la lèvre infé-
rieure , qui dans tous les éléphans aboutit en pointe.
T. O. la langue terminée en pointe fort aiguë :
sa forme et sa structure sont décrites plus en détail
à Farticle de la planche XIX.
K. M. R. N. Q. Foreille. K. S. le méat auditif.
K. le tragus. K. S. Fantitragus. K. L. îe hélix. Les
bords étoient particulièrement minces en N, et Q.
La peau qui recouvroit la tête étoit parseînée de
poils et de soies plus aboudans que sur le reste du
corps.
L\'œil gauche de grandeur naturelle. La paupière
supérieure avoit de longs cils très-forts; ceux de
la paupière inférieure, au contraire, étoient plus
courts, minces et clairsemés.
a. b. c. la troisième paupière, qui se meut vers
l\'angle extérieur, comme dans tous les animaux.
d. b. la caroncule lacrymale. Il n\'y a pas de
points lacrymaux, par conséquent point desacla-
crymal ni de canal, ainsi qu\'il a été dit dans la
description.
e. f. la fente des paupières très-ouverte ; son an-
gle interne d. e. est plus aigu que l\'externe
Pour éviter la confusion , il est nécessaire de
prendre séparément les parties destinées à différens
organes, à commencer par les yeux.
Après avoir enlevé les paupières, on voit à nu le
releveur de la paupière supérieure; sa parîie déta-
chée est couchée sur le bord de l\'orbite en a.
b. c. le tendon de l\'oblique supérieur ou tro-
chléateur : c\'est un muscle trés-mince en coinpa-"
raison des au très ; il glisse sur la poulie tendineuse
et cartilagineuse en h.
c. le releveur de l\'oeil, e. d. Fabducteur. e.f,
Foblique inférieur, muscle assez fort.
g. h. lé releveur de la troisième paupière : c\'est
un muscle très-charnu, que je n\'ai pas trouvé dans
d\'autres mammifères, f le muscle qui retire cette
membrane : ces parties sont mieux exprimées dans
la figure 6.
i. le tubercule auquel s\'attache le grand angle
de l\'oeil. ^
h. l m. un fort ligament qui fait le complément
de l\'orbite ; il devient très-mince en approchant
du trou optique. (Voyez Q. S. T. figure i de la
planche XX.}
Les muscles des mâchoires et de la bouche,
A. B. C. D. le masseter extérieur. B. E. F. le
petit masseter. (Voyez planche XIX, figure i,
B. A. F. S.)
G. H. I. m. K. le muscle crotaphite représenté
tout entier sur la même planche.
R- S. T. le muscle orbiculaire de la bouche
V. Y. W. le buccinateur.^
Z/es muscles des oreilles.
H. 0. P. Q. le second releveur de l\'oreille ; il se
-ocr page 237-trouve au-dessous d\'un autre muscle plus fott
F. H. 3». indiqué à îa figure i de la planche XVIIL
K. L. , K. M. les muscles qui attirent Foreille :
ils prennent origine de Fapophyse zygomatique du
temporal et sont attachés en partie à Fantitragus
M. et en partie au bord du cartilage L.
N. P. le muscle du hélix : il commence plus haut
de Fapophyse zygomatique et s\'attache au hélix
enP,
La parotide.
E. X. C. la glande parotide , d\'où provient le
conduit de Stenon Y. Z.
Les nerfs.
La seconde branche du nerf de la cinquième
paire, ou maxillaire supérieur,sort du canal sous-
orbitaire 5. , passe vers la trompe et au muscle
orbiculaire de la bouche par les rameaux 5. 5.
7, 7. îe nerf facial de la septième paire dégage
en passant par dessus îe muscle masseter un ra-
meau qui desend de E. en 7. Il se joint en n. avec
le nerf de la cinquième paire pour se distribuer
avec ce dernier aux muscles de la trompe. L\'épais-
seur du nerf mixillaire, au sortir du canal sous-
orbitaire, égale la grosseur du nerf schiatique dans
Fhomme.
FIGURE 4.
M. 0. désigne la partie antérieure du frontal.
M. 0. la suture mediane qui, en se prolon-
geant, partage les os nasaux a. o. tt. Ô.
cc. y. la cloison du nez.
9. TT. V, y^. [M X. l\'os intermaxillaire gauche, v.
l\'ouverture du sinus frontal gauche bouché du côté
opposé par une forte membrane tendineuse <r.r. ç.
C\'est au-dessous d\'elle que se décharge la pituite
dans la voûte du nez.
|3. y. <î. et ç. T. £. les cartilages du nez avec leurs
appendices l et , plus reconnoissables dans la
figure 5 y. l Ces cartilages, pour jouir d\'une grande
mobihté, étoient marqués d\'une incision en (3. et
près de leur sommet.
V. une petite partie de îa trompe que j\'ai laissé
pour faire voir avec combien d\'aisance les narines se
ferment, puisque îes muscles longitudinaux de cet
organe , naissant du bord supérieur c. a. 6. p. ,
ainsi que les transversaux, venant de la cloison
y-,passent pat\'^dessus les cartilages en question
On
peut donc conclure que les narines s\'ouvrent
par l\'élasticité des cartilages toutes les fois que les
muscles de la trompe sont en diastole ou dans
l\'inaction.
A. lit C. la digastrique de la mâchoire-
K. G. H. le bord de la fosse temporale.
K. Fapophjse zygomatique du temporal-
F. la connexion de Fos jugal avec le précédent.
M. le sommet de la tête.
. i. l. le ligament orbitaire. i. Fapophyse ou tu-
bercule auquel s\'attache le tendon du muscle ci-
liaire dans le grand angle de Fœil.
V. l. le globe de Fœil avec le nerf optique.
5. 5. le nerf maxillaire supérieur sortant avec
Fartère et sa veine du canal sous-orbitaire. 5. au-
tre rameau sortant d\'un petit trou plus écarté sur
la gauche.
a. j3. la réunion des os nasaux. |3. y. S. le carti-
lage de la narine gauche. son appendice. y.
le cartilage du côté opposé.
S. p. -n. S-. y. une partie de la trompe avec les
muscles orbiculaires. tT. p. n. S", la cavité de la na-
rine gauche.
a. p. T. (T. p. la mâchoire supérieure, tr. p. la
tunique glandu.leuse du palais fort saillante.
t. la défense qui déborde à peine Fextrémité de
Fos intermaxillaire.
X- P- la première dent molaire, la seconde,
r. A. Ui. &. s. C. B. la mâchoire inférieure.
o ï: É L É p H A N T.
A. la dent molaire du premier rang. w. la se-
conde.
n. le méat auditif osseux est d\'une grandeur re-
marquable , mais il contient le véritable conduit
fort petit et un conduit cartilagineux très-ample.
F I & Ù R e 6.
C\'est ici la troisième paupière avec les muscles
et son cartilage de grandeur naturelle. Il est pris
du côté gauche : c\'est donc le même qui se trouve
décrit à l\'article des figures 2 et 5.
A. B. C. le cartilage dont l\'extrémité antérieure
A. est attachée non loin de la petite apophyse z
figure 5, à l\'aide du muscle E. F. La partie B. G.
est fixée du coté intérieur de l\'orbite près du mus-
cle adducteur b. Le muscle releveur C. D. pénètre
plus profondément dans l\'orbite par-dessous le
muscle oblique inférieur, pour s\'attacher près du
îrou qui donne passage au nerf optique.
Les deux figures que contient cette planche re-
présentent le même objet. La seconde au simple
trait porte les lettres de renvoi. L\'une et l\'autre
donnent à connoître les muscles de la première
couche de la face et de Foreille.
A. B. C. D. E. le muscle orbiculaire de Foeil qui
se termine en ciliaire.
A, G. et B. F. les levateurs des sourcils, quoi-
qu\'ils ne soient pas marqués de poils.
H. 1. C. K. G. N. M. L. le muscle releveur de
la trompe; il commence par un tendon remar-
quable H. 1. attaché à Fos jugal; une seconde par-
tie C. K. prend son origine du bord de l\'orbite, et
la partie supérieure G. N. dérive des os nasaux
comme de Fos frontal.
W, X. L. le muscle orbiculaire de labouche. Ses
fibres s\'entrelacent avec celles de la trompe à Fen-
droit où naissent les défenses.
aa, bb. est une partie des fibres du muscle flé-
chisseur delà trompe: il prend son origine du bord
des os intermaxillaires.
O. P. le muscle qui commence au sternum; son
tendon s\'attache des côtés de la mâchoire à Fos
jugal : il a déjà été représenté sur la planche X ,
D. C. Nous l\'avons désigné alors sous le nom de
muscle sterno-maxillaire. Il se réunit avec le mus-
cle peaussier en Y., et s\'attache à Fos jugal par-
dessous le muscle qui attire Foreille F. e. 7i. ù
O. P. Q. U. T. S. R. le muscle peaussier qui
s\'attache au grand angle de la bouche,ainsi qu\'aux
lûuscles voisins, par sa partie supérieure fort ten-
dineiise : elle est translucide et mérite le nom d\'a-
ponévrose.
W. Y, U, Y. le muscle qui retire Tangle de la
bouche et la lèvre inférieure {depressor).
U. Y. V. le buccinateur. Z. le masseter.
e. g, le muscle du tragus; ƒ celui du hélix.
(Voyez planche XVII, figure 5, K. L. M. et N. P.)
P. e. h. i. les muscles qui attirent l\'oreille.
F. H, le releveur externe de l\'oreille.
X2. le releveur interne. (Voyez planche XVII,
figure 3 , H. Q. 0.)
B. SI. f. e. le muscle temporal ou crotaphite.
E. b. c. d. la glande temporale, a. le couloir.
r. A. ia parotide. V. le conduit stenonien.
5. 5. X. les rameaux des nerfs de la cinquième
paire qui se rendent à ia lèvre supérieure.
7. 7, 7. la portion dure de la septième paire ou
le nerf facial.
Les muscles delà tête situés plus pvofondémçnt
et ceux du cou sont indiqués à la première figure.
Les figures 2 et 3 représentent la langue, le
pharynx avec le larynx réduits au quart delà gran-
deur naturelle.
La quatrième montrele Jarynx avec l\'épiglotte
et l\'os hyoïde.
La cinquième et la sixième font voir l\'os hyoïde
à la naoitié de sa grandeur.
figure 1.
L H. G. A. a. r. le muscle temporal. B. A. F. S.
le masseter interne.
A. B. S. Fos jugal. a. d. c. t. l\'apophyse styli-
forme avec son crochet t., auquel s\'attache le mus-
cle a. b. t., que j\'appelle le retrahens , à cause
de son usage : il se trouve dans plusieurs mammi-
fères, comme les solipèdes/et probablement dans
le rhinocéros et les ruminans. Un cartilage fixé en
a. donne une grande mobililéà l\'apophyse styloid e
de Féléphant.
d. c. e. une partie du muscle tylo-hyoïdien.
S. a. c. le ligament de la mâchoire inférieure.
Des muscles du cou.
u. 72. le coraco ou plutôt costo-hyoïdien,
l. m. u. une partie du mulo-hyoïdien.
q. o. le sterno-thyroïdien.
p. m. le thyro-hyoïdien.
r. s. l\'œsophage.
p. le constricteur du pharynx.
n. le gros ligament de la tête.
On a négligé les autres muscles comme n\'étant
d\'aucune importance.
FIGURE 2.
A. B. R. la langue : sa longueur, mesurée depuis
îa pointe jusqu\'à la racine, étoit de quatorze pou-
ce de Rhin; elle étoit courbée en forme d\'arc; sa
partie moyenne et concave 4. répondoit à la par-
tie molle du palais.
A. B. C. le genio-giosse; D. G. le basio-glosse ,
qui prend son origine en D. I. ou F. C. de la fig. 5.
E. le stylo-glosse coupé. F. H. le cerato-glosse
pareillement coupé.
G. H. l\'artère et la veine linguale passant par-
dessous le bavsio-glosse des côtés delà langue.
D. I. K. Fos hyoïde. K. sa corne.
K. L. M. N. 0. les muscles constricteurs du la-
rynx coupés.
T. P. Foesophage ouvert par-dessus et coupé,
afin de faire voir ses membranes , la musculaire et
3\'intérieure.
R. r. K. I. H. la partie molle du palais séparée
des os du palais.
K, r. S, Z. le voile du palais taillé en demi-lune
S. ©. Z. L\'air passç par-dessus pour se rendre dans
la trachée.
de b X é p h a isr t. 24i
K. y. U. L. le cartilage thyroïde. L. 0. "W. U.
îe cricoïde.
W. X. Y. la trachée, dont les anneaux ne sont
pas fort écartés, ainsi qu\'on le voit en Y.
0. Z, les cartilages arytenoïdes. (Voyez a. h. c.
figure 3,)
FIGUES 5,
Les mêmes parties, à Fexception que la tunique
du palais est enlevée et que l\'œsophage est entiè-
rement ouvert.
A. B, C. la langue. 5. la cavhé du milieu; t. sa
racine; g. h. les amygdales; m. les grandes glan-
des linguales, dont il y en avoit seulement trois ; n.
plusieurs glandes sébacées distribuées des deux cô-
tés de l\'ouverture du gossier.
On remarquoit entre w, et x., des deux côtés de
la langue,plusieursenfoncemensquiimitoient des
incisions verticales légèrement ondées.
Il y a un grand sinus t, u. v, n. derrière la ra-
cine de îa langue, qui peut être contracté et bou-
ché du côté supérieur par le palais et par derrière
au moyen de la valvule ƒ e.
i. C. p. o. l\'entrée de l\'œsophage ouverte.
C. r. le voile du palais ouvert,
r. q. le cartilage thyroïde.
b. c. d. la glotte, a. d. b. l\'épiglotte. b. c. a. les
ii. j^q
-ocr page 246-éminences des cartilages aryténoïdes. 1c. l. le car-
tilage cricoïde. Toutes ces parties sont couvertes
de la membrane interne de la bouche qui se con^
tinue dans l\'oesophage.
Représente la glotte avec l\'os hyoïde du côté
postérieur réduits à la moitié de la grandeur na-
turelle.
A. B. C. D. E. F. Fos hyoïde, dont A. N. N. B.
sont les cornes.
N. F. C. D. E. N. la base. D. E. , F. C. les poin-
tes recourbées qui, par des ligamens, se trouvent
çn connexion avec les apophyses styloïdes a. d. c.
figure 1. Il n\'y a pas d\'osselets graniformes.
G. H. K. K. le cartilage thyroïde. L. le cricoïde
avec les arytenoïdes et ses muscles dont on recon-
,Xïoît assez la structure. Mon but principal étoit
d\'indiquer le muscle qui relève Fépiglotte M. C\'est
I, K. C. D. qui prend son origine à la base inté-
rieure de Fos hyoïde et s\'attache au bord de Fé-
piglotte. Il paroît que la situation horisonlale de
l\'éléphant est cause de ce mécanisme; puisque le
cheval, le chien et d\'autres animaux ont un mus-
cle pareil pour relever Fépiglotte.
be l\' é l ê p h a n t.
L\'os hyoïde est ici représenté par dessus : la
grande jeunesse de notre individu fait que les ex-
trémités et sa partie moyenne sont cartilagineuses.
La base présente un noyau déjà ossilié : les cornes
sont d\'une substance osseuse depuis N. jusqu\'à P.
L\'os hyoïde vu de profil.
Les cinq premières figures de cette planche re-
gardent la structure du squelette; les trois autres
représentent le palais vu par derrière, ainsi que
245
les trompes d\'Eustache, Les figures.5, 4,5 et 6 sont
prises d\'après un sujet aduhe de Çeilan; la seconde
d\'après un très-vieil éléphant ; la première est faite
d\'après notre jeune sujet, dont le squelette entier
se trouve sur la planche AXIV.
Représente le profil du crâne et du cou, sans
avoir égard à la grandeur des proportions.
A. R B. C. le gros ligament de la tête réuni au
ligament cervical B. T>. E. C. Il prend son origine
des apophyses épineuses du thorax, et s\'attache
en partie à l\'occiput en A. F., et en partie aux
apophyses épineuses des six dernières vertèbres cer-
vicales. C\'est un ligament propre à tous les mam-
mifères dont le corps se trouve en direction hori-
sontale : les Anglois lui donnent le nom de pax
wax, les Hollandois celui de geel hair. Il est pro-
prement formé de deux parties qu\'on peut sépa-
rer par le milieu.
Le cou est composé de sept vertèbres, comme
dans tous les mammifères quadrupèdes.
L\'atlas est beaucoup plus petit que l\'axis; toutes
ses apophyses , pour être cartilagineuses , avoient
perdu leurs justes formes. J\'ai ajouté la figure au
simpletrait d\'un atlas d\'éléphant très-âgé, dont on
Verra l\'explication plus détaillée à l\'article de la
planche XXVII figure 5.
I. K. L. la première côte unie au sternum par le
ïûoyen d\'un cartilage fort court : elle fait, comme
dans tous les quadrupèdes (les seuls singes excep-
tés), un angle presque droit avec l\'axe horisontal
du corps. La seconde côte est déjà un peu plus obli-
que; la troisième encore plus. Ces trois côtes ont
été principalement représentées sur cette planche,
parce qu\'elles sont cachées par les omoplates dans
k figure du squelette planche XXIV,
M. N. O. l\'apophyse styloïde.
P. le ligament capsulaire de la mâchoire infé-
rieure.
P. Q. Fos jugal ou de la pommette : il passe de
Fos mixillaire droit en arrière vers Fapophyse de
Fos temporal, à laquelle il s\'unit par une suture
dentée r. P. qui se soude par ankylose dans ies
adultes.
R. Q. S. le ligament très - épais de Forbité :: il
forme une continuation membraneuse très-ihirice
Q. S. T. , laquelle s\'attache au sphénoïdal, et ter-
mine l\'orbite à l\'intérieur.
0. Fos unguis dont Fapophyse très-obtuse donne
l\'attache au ligament ciliaire. On peut ajouter à
cette occasion que ni dans cet os, ni dans le ma-
xillaire, qui lui est contigu , ne se trouve pas de
canal nasal, puisque les éléphans n\'ont ni points,
ni sac lacrymal.
V. W., W. X. les deux dents molaires du mi-
lieu : la première étoit déjà perdue etla quatrième
n\'étoit pas encore visible.
Z. et Y. les dents molaires de la mâchoire infé-
rieure.
U. la défense, qui fait une véritable dent inci-
sive, puisqu\'elle est placée dans Fos intermaxil-
laire H. n.
FIGURE 2.
C\'est le profil de l\'atlas d\'un éléphant adulte ,
aussi représenté à la figure 5 delà planche XXVIÏ.
a. d. h. et c. comme dans la figure i de cette
planche : du point d. vient le ligament antérieur de
la tête; de a. le ligament antérieur du cou ; h. Fa-
pO:phy;se transverseperforée pour le passage de Far-
tèr^.,vertehrale vers le grand trou occipital. Ce ca-
ml ouvert du côté gauche étoit complet du côté
opposé, ainsi que dans l\'atlas du jeune sujet de la
figure 1 en h. c.
Le crâne d\'un éléphant adulte de Ceilan vu de
face et réduit au huitième de sa grandeur. Sa hau-
teur /. r. est de deux pieds neuf pouces et demi;
la plus grande largeur v. w. deux pieds.
<2. k tubérosité formée par les deux os nasau.K
a. h. 0. g. : elle donne l\'attache à la cloison du nez
et aux muscles de la trompe.
a. b. Fendroit où s\'est trouvé la cloison cartila-
gineuse du dez.
b. e.f. d. c. g. u. Fos intermaxillaire : il est
réuni à Fos du front c. d. z,, avec Fos maxillaire
d. y. X. : sa partie supérieure b.y. d. présente à
l\'intérieur de nombreuses cellules : la partie infé-
rieure y.f. e. b. contient la défense; elle est creu-
sée en alvéole plus ou moins large et profond , à
mesure que l\'exigent les circonstances (i). ^
h. i. 1c. S. z. d. c. le frontal, d. z. R. s. x. y. l\'os
maxillaire.
Q. P. l\'os jugal. u. g. la double ouverture des
sinus frontaux.
s. p. r. t. m. n. la mâchoire inférieure ne con-
tenant qu\'une seule molaire i on remarquoit ce-
pendant encore les vestiges des pénultièmes.
q. m. n. la dent molaire du côté gauche.
FIGURE 4,
C\'est le profil du côté intérieur de la mâchoire
inférieure.
a. b. le condyle de la mâchoire, c. l\'apophyse
coronoïde. b. i. d. c. la surface rabotteuse pour
l\'insertion du muscle ptérygoïde.
e. f. la partie antérieureaboutissanten pointe/! :
elle donne attache au muscle genioglosse. ƒ. g. la
(i) C\'est-à-dire, à mesure que les éléphans sont pourvus.de
défenses. Dans les sujets fossiles , dont les défenses avoient huit à
dix pieds de long , les os interraaxiliaires se prolongent an-dessous
^es mâchoires inférieures , ainsi que dans les éléphans d\'Asie et
<i\'Afrique, armés de grandes dents ; su hew que cette partie est ici
fort Comte et les alvéoles fort petits. .
symphyse, qui étoit déjà soudée dans la mâchoire
de notre jeune sujet, de sorte qu\'il n\'en est pas
resté de marque visible.
e. i. la dent molaire unique : sa base ou racine
pénètre au fond de la fosse alvéolaire jusqu\'en p.
m. n. o. l\'ouverture du canal destiné pour le
passage du nerf de la cinquième paire, ainsi que
des vaisseaux sanguins qui l\'accompagnent. Gn voit
les trous mentonniers en Z. de la figure 5. /. un
trou oblongpar lequel ces vaisseaux passent à l\'in-
térieur.
FIGURE 5.
On voit ici la même mâchoire par dessus , les
caractères sont les mêmes que dans la fig. 4.
La structure et le nombre des lames indiquent,
au premier aspect, que cet éléphant étoit de l\'es-
pèce des Indes, sur-tout lorsqu\'on compare celte
figure avec la figure y de la planche. XXVI.
" La tête vue de face à la figure 5 est ici repré-
sentée par derrière. Il ne sera question que de sa
partie supérieure ; Rous remettons l\'exphcation des
parties inférieures à l\'article de la figure 7.
et. n. la hauteur du crâne. j3. y. une cavité pro-
fonde : la substance osseuse qui termine son fond
est extrêmement mince etpellucide; elle bouche
le réceptacle du cervelet et donne l\'insertion au
gros ligament A. F. B., figure i. On remarque une
cloison fort mince qui partage cet enfoncement
dans une direction verticale. Le fond et la partie
supérieure au-dessus de j3. est criblée d\'un grand
nombre de petits trous.
51. le grand trou occipital, n. s., n. ç. ies con-
dyles.
0. A. Fapophyse zygomatique.
FIGURE 7-
Représente la région inférieure de la tête.
A. B. C. les apophyses styloïdes en connexion
avec la tête par le moyen des cartilages dont il a
été question plusieurs fois.
D. E. F. le ligament capsulaire qui enveloppe
le condyle de la mâchoire inférieure.
F. G. le canal destiné au nerf maxillaire inférieur.
a. H. Fapophyse ptérygoïde du sphénoïdal.
L et K. les petits crochets de ces apophyses.
L. M. Fos vomer.
N. O. les faces postéileures des dents molaires.
P. le palais composé d\'une tunique épaisse, élas-
tique et collée sur le os du palais.
Q. et R. les trous pour les veines jugulaires et
pour le nerf de la huitième paire.
il
s5o de e\' é l é p h a n t.
S. l\'entrée de l\'artère carotide.
T. la rainure destinée au passage de la trompe
d\'Eustache.
U. une lame osseuse qui passe du palais aux apo-
physes ptérygoïdes.
La trompe d\'Eustache.
a. h. la trompe d\'Eustache encore cartilagineu-
se; c. sa partie extérieure formant le conduit a. h.,
dont l\'ouverture est en b.
La trompe est restée entière du côté droit ; elle
s\'y trouve envelopée de ses membranes. L\'ouver-
ture d. communique avec l\'intérieur du nez.
f i g u ll/e 8.
Représente la trompe d\'Eustache du côté gau-
che de grandeur naturelle.
T. L. U. M. I. comme dans la figure 7. ^
T. q. h. indique îa cavité ou le passage de la
trompe, que recouvre ensuite la partie cartilagi-
neuse et mince f. q. c.
On voit ioila partie principale du cerveau, qu\'il
étoit difficile de bien ménager. La scie étoit diri-
gée de façon que les incisions se rencontrassent à
la hauteur du méat auditif, en partant des points
X2. et Y. figure i, planche XX. J\'avois préféré cette
direction pour ne pas blesser le cervelet et con-
server le ligament de la tête.
Mais l\'expérience m\'apprit que les coupes se ren-
controient un peu trop bas; de sorte que les nerfs
optiques, ceux de la troisième, quatrième et sixiè-
me paire étoient endommagés; il auroit donc mieux
valu diriger la coupe Xî. A. au-dessus du méat au-
ditif; ce que j\'ai voulu annoncer afin que dans la
suite on pût en profiter; d\'autant mieux qu\'il ar-
rive très-rarement qu\'on puisse examiner ces par-
ties en Europe.
Les trois premières figures représentent le cer-
veau par devant, ainsi que la selle de l\'os sphé-
noïdal. La quatrième et la cinquième font voir le
quatrième ventricule par derrière. Ayant voulu
conserver, autant qu\'il m\'étoit possible, la tente
du cervelet, j\'ai détaché ces parlies pour les bien
examiner sans les endommager.
25-2 d e t\' é i, é p h a n t.
Ces trois premières figures ont la moitié de la
grandeur naturelle ; les dernières sont de la .ran-
deur de Fob]et même.
D. A. B. C. I. H. G. la coupe horisontale.
D. A. E. B. C. F. la coupe verticale. On n\'a pas
représenté les cellules très-nombreuses qui occu-
pent l\'interstice des tables du crâne,parce qu\'elles
ont été données par Perrault, Daubenton etBlair :
elles auroient d\'ailleurs porté de la confusion dans
la figure.
A. N. E. O. B. Q. P. la tente du cervelet : sa
position verticale a lieu d\'étonner,puisque la par-
tie postérieure , dans d\'autres animaux , est plus
inclinée à Fborison ; elle divise la cavité du crâne
en deux chambres, dont l\'antérieure comprend le
cerveau et la postérieure le cervelet. Il y avoit une
faux qui ne séparoit que les lobes antérieurs du
cerveau, et faisoit par conséquent l\'inverse de ce
que nous observons dans Fhomme.
Le sinus longitudinal se trouvoit pareillement
dans le sommet de lu faux : Fouverture de sa par-
tie coupée est indiquée en R.
Les hemispheres du cerveau ont été séparés par
une coupe horisontale au-dessus du corps calleux;
alors on voyoit les piliers de la voûte U. T. et U. V.,
et les grands ventricules antérieurs Z, U. T. V. (i),
les couches des nerfs optiques W. X., les corps
cannelés Y. Z., V. Z. et les plexus choroïdes très-
considérables U. V. distribués sur les jambes du
cerveau : ils sont plus reconnoissables dans la
figure 2.
La glande pinéale a. est située à Fendroit de
la rencontre des lobes postérieurs avec les nates
b. c.y et Fon voyoit à travers de l\'ouverture de la
tente du cervelet Féminence vermiculaire anté-
rieure S.
Les lobes postérieurs étant enlevés avec la voûte,
on voit les jambes médullaires du cerveau g. et
h. d. avec la fente intermédiaire a. d. ou le troi-
sième ventricule.
Je. w. les couches des nerfs optiques; l, x. les
corps cannelés dont j\'ai coupé le gauche , afin d\'ex-
poser à la vue les entrelacemens de la substance
médullaire et cendrée, entre n. x. tlm. x.
On voit à travers la fissure de la tente du cer-
velet les testes à nu <?. et ƒ
i. T. B. p. une partie restante du lobe gauche.
(«) Ils étoient, sur-tout celui du côté droit, remplis d\'une
meuiv visqueuse comme de la pimite.
Ayant enlevé la partie antérieure du cerveau
dans la direction q. r., j\'ai examiné le nerf olfac-
tif t, t. u.: ses parois sont fort minces, et la cavité
V. très-ample j elle étoit remplie d\'une humeur
aqueuse et rougeâtre.
FIGURE 3.
C\'est la selle de l\'os sphénoïdal A. B. C. D., avec
la glande pituitaire N. F., l\'entonnoir étant déta-
ché en F.
L. M. sont les extrémités coupées des nerfs op-
tiques.
G. FI., I. K. deux vastes esïifoncemens dont le
fond est formé par les lames cribriformes de Fos
ethmoïde; elles donnent passage aux nerfs de l\'o-
dorat.
f i g u pv e 4.
Offre une partie du cervelet qu\'il étoit difficile
de bien conserver. C\'est le quatrième ventricule vu
par derrière et de grandeur naturelle.
A. B. C. D. le quatrième ventricule.
C. G. Féminence vermiculaire postérietire du
cervelet.
E. F. C. la partie supérieure du cervelet qui con-
tient l\'arbre de vie.
255
La même partie, à l\'exception du cervelet et
de l\'éminence vermicidaire qui sont coupés.
A. B. C. D. le quatrième ventricule ouvert par
derrière.
C. l\'ouverture du troisième ventricule qui passe
au-dessous des tubercules quadrijumeaux, vers la
fente a. cZ. fîg. 2.
H. I. les testes; K. L. les nates ; M. la glande
pinéale.
Je n\'ai pas pu bien déteminer l\'origine de la qua-
trième paire de nerfs , parce qu\'elle étoit endom-
magée par la scie ; ce qui cependant en étoit con-
servé indiquoit assez qu\'elle ne différoit aucune-
ment de ce qui a lieu dans d\'autres animaux.
Ayant enlevé le cerveau et le cervelet, j\'ai ob-
servé les nerfs spinaux récurrens qui se joignent à
ceux de la huitième paire ; ainsi que la septième
paire divisée en portions dure et molle.
Cette planche comprend sept figures, dont
les trois premières ont été prises d\'après notre su-
jet , et présentent diverses parties de la trompe de
grandeur naturelle. La première donne la coupe
transversale fort près de la tête 5 la seconde et la
troisième font voir son extrémité inférieure avec
le doigt.
La quatrième et la cinquième sont des défenses
singulièrement contournées en spirale, tirées du
Muséum Britannique, La sixième et la septième
desaccidens causés à l\'ivoire par des coups de bal"
les dont les originaux existoient ci-devant dans le
muséum du prince d\'Orange,
F I G u u E 1.
La trompe coupée près de sa base r elle est tra-
versée vers le centre par les narines A. B., qui sont
mesurées avec précision. On voit à l\'endroit de sa
coupe le cours très-varié des fibres charnues ; il
ressemble , en quelque façon , à l\'entrelacement
des fibres de la langue des grands quadrupèdes,
tels que les bœufs; ce qui est plus sensible à l\'ins-
pection de la figure que par une longue descrip-
tion.
de l\'éléphant. «25-7
c, et D, les rameaux des nerfs de la cinquième
paire accompagnés d\'une grande artère et veine
en C.
E. les rameaux des nerfs de la cinquième et de
la septième paires réunies. (Voyez leurs origines
planche XVII, figures 3 et 5. )
G. 1\' artère qui accompagne ces derniers.
F. des faisceaux de nerfs et de vaisseaux san-
guins de moindre grandeur.
C\'est Fextrémité de la trompe avec son doigt.
F i G u R p 5.
La même partie vue obliquement de profil pour
indiquer l\'enfoncement de la cloison des narines
vers la base du doigt. Il em résulte une plus grande
aptitude à saisirles objets quelconques, ainsi qu\'une
plus grande facilité à les retenir.
FIGURE 4.
Offre la figure d\'une défense d\'éléphant con-
tournée en spirale que Fon conserve avec plusieurs
autres diversement recourbées dans le Museum Bri-
tannique. Celle-ci paroît être la même que Grew
II. 17
358 BE L\'Éléphant.
é: décriie dans le catologue du cabinet, de la So-
ciété Royale, page 3i, sous le titre d\'une défense
en spirale, et qu\'il a fait graver sur la planche IV;
Car dn Mt que toute cette collection a passé dans
le Museu\'m en question.
Le dessin que j\'en ai fait d\'après nature , le n
novembre 1785, est réduit au quart de la gran-
deur nàttVrelle: il exprime exactement la forme de
cette défense en A. B. C.
Une tache ou bande transversale de couleur fon-
cée D. E. fait voir jusqu\'où elle étoit enchâssée
dans l\'alvéole. Son bout concave pénètre jusqu\'en
F, : cette forme contournée paroît accidentelle et
nullement propre à quelque espèce.
FIGURE 5.
Aittte dent courbée en spirale, diimême museum.
Elle est aUséi réduite «u quart de sa grandeur et
içariée, du moins viciée , dans toute sa longueur.
Les marques en sont visibles dans la direction B.
G. C. D. E., même près de la pointe F.
C\'est le segment triangulaire d\'une défense À.i.
qui se trouvoit dans la collection du prince d\'O-
range. Il contient deux balles de fer a. c. d., c. d. h.j
elies sont déiachées de tous côtés et mobiles ; la
cavité médullaire finit en e. On n\'y apperçoit au-
cune trace de leur passage.
F I G u 11 E 7.
Représente un noyau d\'ivoire hérissé de pointes
différemment alongées. Il est à présumer que le
centre contient une balle de métal autour de la-
quelle la substance de l\'ivoire s\'est moulée sans se
réunir avec la partie saine de la défense. Cette
pièce faisoit partie de la collection que nous ve^
non s d\'indiquer.
La planche XXIII fait voir l\'avant-bras gauche
réduit au quart de sa grandeur; il se montre par
devant et par derrière aux figures 1 et 2.
Les figures 5 et 4 , 5 et 6 font connoître la forme
des palmes et des plantes.
La figure 7 représente la queue d\'un éléphant
adulte avec sa houppe, réduit au quart de sa gran-
deur.
FIGURE 1.
Le cubitus gauche vu par derrière.
A. B. C. W. F. R. Fos du coude. D. R. B. C. les
condyles de Fhumerus,
A. B. R. Folécrâne presque entièrement carti-
lagineux.
D. E. le radius. C. G. E. un ligament très-fort
qui réunit le radius avec Fhumerus en C.
F. E. W. les extrémités inférieures de ces deux
os qui sont en connexion avec les os du carpe: on
les trouve ici réunis par des ligamens très robustes.
H. 4. Fos hors du rang ou le quatrième os de la
première rangée du carpe.
H. L le hgament par lequel il s\'attache au cu-
néiforme.
K, 8. V. L. le trapèze. 8. L. le ligament par le-
quel il est réuni avec L., osselet particulièrement
propre à Féléphant, que Blair a pris mal à propos
pour îe sixième doigt. On trouve un osselet sem-
blable aux pieds de derrière près de l\'articulation
du premier os du métatarse avec le grand cunéi-
forme.
Ces osselets étoient encore cartilagineux dans
i)Otre jeune sujet ; mais ils servent à soutenir, con-
|ointement avec les autres doigts, l\'immense poids
de Féléphant. (Voyez ci-après îa description des
i) b l\'éléphant. 361
plantes à l\'article de la planche XXIV.)
M. N. l\'os métacarpien dn pouce.
N. O. les deux os des phalanges du pouce.
P. un os sésamoïde double; il empêche que le
muscle fléchisseur ne soit comprimé en formant
un canal pour son passage. On remarque de pareils
os aux autres doigts, par exemple en Q.
R. le doigt auriculaire. S. l\'annulaire. T. le
moyen. U. l\'index. Les ligamens transversaux, les
tendons des muscles fléchisseurs, les os sésamoï-
des des doigts intermédiaires, sont assez clairement
exprimés pour ne pas avoir besoin d\'explication.
FIGURE 2.
Le coude vu par devant : les caractères initiaux
sont les mêmes que dans la figure 1.
1. l\'os cunéiforme. 2. le semi-lunaire. 3. le sca-
phoïde. 5. l\'unciforme. 6. le grand os. 7. le trape-
zoïde. 8. le trapèze. Ces osselets seront expliqués
plus en détail à l\'article de la planche XXIV.
FIGURE 3.
La palme gauche vue par dessous. La semelle
est composée d\'une peau calleuse fort épaisse ,
semblable à celle du rhinocéros et du chameau.
Elle est fortement réunie aux doigts, par des fibres
sss D e é l é p h a n t.
ligamenteuses et pourvue de cette pulpe élastique
qu\'on observe aux pieds de Fhomme et des autres
mammifères. Dans l\'éléphant cette semelle s\'étend
jusqu\'aux ongles des doigts, qui paroissent comme
soudés dans sa substance.
A. le doigt auriculaire. B. l\'annulaire. C. le
doigt du milieu. D. l\'index. E. le pouce.
La palme vue par dessus avec les ongles qui sont
ici plus reconnoissables. Les caractères sont les
mêmes que ceux de la figure 5.
La plante du même. C\'est le pied gauche figuré
dans les mêmes proportions. Il n\'y a que quatre
ongles, parce que le pouce n\'en a pas.
G. l\'index. H. le doigt du milieu. ï. le doigt an-
nulaire. K. le petit doigt.
F I G Ù R E 6. \'
La plante vue par dessus; les ongles sont mar-
qués des mêmes caractères. On voit à la seule ins-
pection des figures que la palme est beaucoup plus
grande que la plante. C\'est aussi le cas chez le rhi-
j> e e\' é l é p h a n t. 265
«locéros, le dromadaire, le cheval et chez la plu-
part des grands quadrupèdes, parce que le centre
de gravité du corps et de la tête pose principale-
ment sur les bras. Les extrémités fémorales ne
soutiennent que la pesanteur du train de derrière,
mais elles donnent l\'impulsion au corps.
Représente la queue d\'un éléphant adulte ré-
duite au quart de sa grandeur : elle s\'applatit déjà
en A., et son extrémité D. C. B. s\'élargit en même
tems.
Les soies qui proviennent du bord inférieur D.
C. sont les plus longues et les plus épaisses : il j
en a qui sont longues d\'un pied ; elles naissent
quelquefois trois ou quatre d\'un même follicule :
leur longueur diminue à mesure qu\'elles remon-
tent en D. J mais elles ne s\'étendent au bord op-
posé de la houppe que jusqu\'en B. J\'ai fait cette
observation dans tous les sujets que j\'ai été à même
d\'examiner. Il en a été question plusieurs fois et
particulièrement dans l\'explication de la planche
VIII.
Donne la représentation très-exacte du sque-
lette de notre jeune éléphant réduit au sixième de
sa grandeur; celles du carpe et du tarse vus de
face : pour éviter la confusion j\'ai seulement indi-
qué par des caractères minuscules les parties prin-
cipales qu\'il auroit été inutile d\'exposer plus en
détail. On voit sur cette même planche les figures
du fémur et de Pavant-bras d\'un très-vieil élé-
phant : elles servent à completter la connoissance
du squelette qu\'on ne pouvoit acquérir par l\'étude
du jeune sujet de la figure i.
figure i.
Est le squelette du jeune éléphant vu de profil
et repsésenté de façon que l\'axe optique changeant
pour tous les points, aucune des parties ne se
trouve en raccourci. Cette méthode, que j\'ai tou-
jours suivi, est la seule qui puisse donner «ne
idée juste des objets; c\'est aussi la raison pourquoi
on ne sauroit voir que les membres d\'un seul
côté.
B. G. 20. 3. H. 5, le gros ligament cervical oii
de la tête réuni avec celui du cou I. F. 7. attaché
aux apophyses épineuses de toutes les vertèbres du
thorax, des lombes et du pelvis.
Le cou est composé de sept vertèbres, le tho-
rax en a vingt, les lombes trois, le pelvis cinq et
la queue trente.
K. I. P. L. N. M. l\'omoplate. P. K. l\'épine. Q.
Fapophyse pointue qui descend par dessus le mus-
cle sous-épineux. Le rhinocéros en a un pareil,
mais attaché plus haut et d\'une forme différente.
M. N, U. S. Phumerus. R. M. N. et S. T. ne for-
moient encore cjue des épiphyses en grande partie
cartilagineuses.
T. U. le grand creux qui reçoit Folécrâne.
X. U. V. r. Z. le coude avec ses épiphyses en
V. et W. Y. Z. r.
T. A. Fos sternum composé de quatre grands
points osseux et du cartilage xiphoïde.
11 y a huit vraies côtes attachées au sternum
marquées en «3". ; les autres sont des fausses cô-
tes qui décroissent en approchant des lombes.
a. h, g. d. e. c. Fos des hanches, a, b. g. f. c. Fi-
léon. f. e. d. l\'ischion, d. g. le pubis.
f r. la partie cartilagineuse qui divise Fos des
hanches en trois parties jusqu\'au centre de la ca-
vité cotyloïde, comme dans Fhomme el les autres
n^ammifères.
c.f. e. les ligamens sacro-iscliiatiques.
a. b. la crête de Tilion revêtue d\'un Lord car-
tilagineux.
d. e. la tubérosité de Fiscbion revêtue d\'un bord
Cartilagineux semblable au précédent.
g. r. h. h. l\'os du fémur, dont la tête cartilagi-
neuse se voit en g. p. Le grand trochanter p. q. est
tout-à-fait cartilagineux.
Ily a huit osselets au carpe, ainsi qu\'il a déjà
été expliqué à l\'article de la planche précédente.
On voit aussi l\'osselet jS. sur lequel s\'appuie le
carpe. ( Voyez L. figure i, planche XXIII. )
Le tarse en a sept ; le pouce n\'a qu\'une seule
phalange , c\'est pourquoi il n\'a point d\'ongle, y.
est l\'osselet qui sert de soutien au tarse.
F I G u a E 2.
Offre le carpe vu par devant : on ne sauroit donc
voir l\'os pisiforme, mais par contre i. le scaphoïde;
2. le semi-lunaire; 3. le cunéiforme; 5. le trapèze j
6. le trapezoïde; 7. le grand os; 8. l\'unciforme. Les
articles des premières phalanges n\'ont besoin d\'au-
cune indication.
FIGURE 3.
Le tarse vu par devant : il en résulte que la ma-
jeure partie du calcaneum est masquée.
DE L\' É L É P H A N T. 267
/. m. les malléoles du tibia et du yiéroné.
1. le calcaneum; 2. l\'astragale; 5. le scaphoide;
4, le cuboïde; 5. 6. 7. les trois cunéiformes.
I. Fos unique du pouce, comme dans plusieurs
quadrupèdes.
I. II. lit. les trois phalanges de l\'index.
FIGURE 4.
L\'os du fémur d\'un éléphant fort âgé.
a. b. c. la tête qui s\'articule dans la cavité coty-
loïde. On n\'y voit aucun indice de ligament rond
en c.
b. d. le cou. d. le grand trochanter; il n\'y a pas
de trocantiu.
f. i. le. e. les condyles du genou.
i. g. h. le. l\'enfoncement articulaire de la rotule
est bordée d\'une marge fort saillante et presque
quadrangulaire.
FIG U B. E 5.
La tête, le cou et le grand trochanter du fémur
vu par dessus et désignés par les mêmes carac-
tères. Cette figure sert à démonti\'er plus évidem-
ment le défaut du ligament rond.
o. d. l. h, m. i. l\'épaisseur du fémur, l. o. d. le
trochanter, l. m. les condyles, i. h. la rainure pour
la rotule.
L\'os du coude du même sujet, a. h. c. la cavité
sygmoïde. d. e. Tolécrâne vu par devant : il est
fort alongé , comme cela se voit au profil de la
figuré 1.
h. c. o. g.f. l. h. l\'os du coude.
i. m. /z. l\'os du rayon soudé par l\'extrémité
supérieure h. i. , et par son extrémité inférieure
h. m. ^ à l\'os du coude.
o. et g. des tubérosités qui servent à l\'insertion
des ligamens.
Représente le crâne avec la mâchoire in-
férieure d\'un très-jeune éléphant de Ceilan qui se
trouve dans la collection du célèbre anatomiste
Sheldon à Londres. Le dessin que j\'en ai fait de son
consentement m\'a paru d\'autant plus intéressant
que la dentition s\'y remarque plus complètement
que dans le sujet d\'Afrique représenté par Dau-
benton à la planche VI du tome XI de VHistoire
naturelle de BulFon.
Les lames osseuses qui forment les parois du
bord alvéolaire ont été enlevées du côté gauche
pour faire voiries molaires avec les germes jusqu\'au
fond de la mâchoire.
FIGURE 1.
A. B. le reste de la première molaire, qui man-
quoit déjà du côté opposé. A. C. D. E. la molaire
du second rang. D. E. G. H. la troisième ; enfin ,
G. H. I. K. la quatrième, dont les plaques ne sont
pas encore soudées. \'
A. L. M. F, la seconde molaire du côté droit.
F. M. N. une partie de la molaire du troisième
rang encore cachée pour la majeure partie dans la
mâchoire.
P. Q. la première défense du côté gauche: celle
du côté droit étoit déjà tombée, mais le germe
R. S. occupoit sa place au-dedans de Falvéole : ce-
lui-ci est représenté séparément en r. s.
G. D. C. B. T. d. y. n. ©. r. A. Fos maxillaire
gauche ouvert en G. D. C. B. pour mettre les mo-
laires à nu.
B. T. d, Y. X. U. Fos intermaxillaire. P, Q. sa
défense.
T. Z. U. W. e. Fos intermaxillaire droit. S. R.
est la figure du germe qui ne se renouvelle plus.
T. Z. U. V. Fintervalle qui sépare les os inter-
ïûaxillaires. Les trous incisifs suivent la direction
T- Z., et communiquent avec l\'intérieur du nez
par des ouvertures situées des deux côtés du vo-
mer : elles sont assez amples pour admettre une
sonde de moyenne épaisseur.
n. l\'os unguis.
TT, r. Y. n. Fos frontal, n. (3. Fos pariétal.
p. B, p. ê. n. K. le temporal, y. i. i^. le méat
auditif,
а. A, r. Fos jugal.
б. >t. j. I. A. Fapophyse ptérygoïde. x. et t. les
crochets de ces apophyses.
b. ç. v. u. (p. c. p. O. Foccipital. tf. O. p. les con-
dyles.
TT. le grand trou occipital.
Le côté gauche de la mâchoire inférieure vue
par dessus, afin de faire appercevoir les dents mo-
laires avec les germes dans Fassiette naturelle.
A. B. C. le condyle. D. Fapophyse coronoïde.
O. K, I. la mâchoire dans toute sa longueur.
L. H. L K. le canal de la partie antérieure: c\'est
ici que la langue est attachée.
G. L. la dent molaire antérieure.
L. F. M. la seconde molaire,
M. N. T. R. S. E, F, la troisième molaire , dont
une bonne partie N. T, R. S. E, est cachée dans la
mâchoire.
de l\'éléphant. 271
R. l\'ouverture du canal pour le nerf maxiilairé
inférieur delà cinquième paire avec les vaisseaux
sanguins qui l\'accompagnent.
G. les trous mentonniers.
Elle fait voir le renouvellement des dents mo-
laires de la mâchoire inférieure de l\'éléphant et
la différence du procédé que la nature suit pour
le renouvellement des molaires dans le genre des
solipèdes. Pour cet effet, la mâchoire inférieure
d\'un jeune zèbre a été représentée à la figure 1;
celle d\'un très-jeune éléphant à la figure 2; celle
d\'un très-vieux sujet à la figure 6. Ces deux figures
montrent les degrés extrêmes du changement à
diverses époques de la vie. Les figures 4 et 5 re-
présentent des plaques de molaires d\'éléphans d\'A-
sie et font connoître la diversité de leur forme.
Les figures 7 et 8 indiquent la différente struc-
ture des molaires dans les éléphans de l\'espèce
asiatique et dans ceux de l\'Afrique; de façon qu\'on
peut les distinguer au premier coup d\'œil. On a dû
renvoyer les détails ultérieurs à la planche XXVIL
C/est le profil de la mâchoire inférieure d\'un zè-
bre réduite à la moitié de sa grandeur naturelle,
La dent incisive du milieu manquoit déjà. 2. et 3.
sont les incisives de la première rangée; 4. la dent
canine. Les germes de la seconde poussée sont en-
core profondément cachés dans les alvéoles ; ils
sont marqués en c. d. e.f. g.
On voit que le germe f. de la dent incisiv^e du
milieu est le plus avancé et doit paroître le pre-
mier de tous, pour remplacer la dent perdue entre
2. et 1. ; ensuite le second e. ; puis le troisième d,
encore à peine reconnoissable. Aussi le germe du
crochet 4. étoit déjà assez avancé : on le voit en
c. d.
Le renouvellement des molaires est plus facile
à remarquer. On sait que le genre des solipèdes a
six mâchelières dans chacune des mâchoires, dont
les trois premières seules s\'échangent par la suite.
Quelquefois il se trouve encore de petites dents
avant les six que nous venons d\'indiquer , mais
elles tombent dans un âge fort tendre sans jamais
se renouveller (i).
(1 ) Le comte de Byffou semble avoir ignoré que les crochets et
les molaires se renouvellent dans les ch,evaux, li a reconnu seu-
On voit en L IL III. lY. V, VI. six dents molai-
res dont les trois premières seules devoient être
remplacées par des germes représentés au fond des
alvéoles :les racines s\'alongent progressivement de
ï. en IIL, et les germes sont distribués à des pro-
fondeurs différentes et en raison directe du pro-
longement de ces racines.
Les trois molaires IV. V. VI., que j\'appelle pri-
mordiales , ne sont jamais renouvellées; la lon-
gueur de leurs racines décroît à mesure qu\'elles
s\'éloignent des incisives, par conséquent en ordre
inverse des premières.
La mâchoire inférieure d\'un très-jeune éléphant
de Ceilan qui faisoit ci-devant partie de la col-
kction du chirurgien Brookes à Londres. Cet ha-
bile anatomiste eut la complaisance de me la cé-
lement l\'échange des incisives (tom. IV, pag. 2o3 ). Carlo Rubi
dit que les molaires du cheval se renouvellent à la troisième ou à
la quatrième année, comme celles de l\'horume (lib. l cao /,
pag. 54). , \'
Bour^t, mppiatrique, tom. I, pag. assure que les „,0-
la,res du cheval changent pas du tout ; il semble se fonder sur
^autorité d\'Aristote. Hùt. des anim. . Il, chap. ,. pa.
Cette erreur est excusable dans le grand naturaliste et phüosoph^
ticulLrr qui faisoit «ne étude par-
iicuiièie de la connoissance des chevaux. ^
as
■
der 5 elle est représentée ici au quart de sa gran-
deur et ouverte du côté intérieur.
a. b. c. d. la seconde dent molaire composée
d\'onze plaques, e.f. d. représente la couronne én-
tamée par la mastication,
d. n. w. indiquent le siège de la première , qui
étoit déjà tombée.
a. h. l. m. i. g. la troisième dent molaire com-
posée de treize plaques , dont les neuf dernières
étoient entièrement détachées les unes des autres.
Elles diminuent de longueur ei;i, approchant de
l. m. k., espèce d\'opercule osseux et mobile des-
tiné à boucher par la suite la fosse alvéolaire.
g. V. b. cloison osseuse qui sépare les racines de
la seconde dent d\'avec celles de la troisième.
q. ,?. r. h. l. m. le canal de la mâchoire qui re-
çoit le nerf et les vaisseaux, q. s. r. l\'entrée.
o. p. la réunion des mâchoires coupée par la
scie. Q. X. y. sa partie supérieure encore assez
tendre.
t. ie condyle de la mâchoire, u. l\'apophyse co-
ronoïde.
Il est démontré, par ce qui vient d\'être exposé,
q^ue l\'éléphant a proprement trois molaires dans
les mâchoires inférieures et non deux, comme
Daubenton l\'a remarqué , dans VUistoire natu-
relle de Buffon > tome XI, page i3i.
FIGURE Ô.
Représente la quatrième plaque à compter de
h. i. vers L
y\\. 6, ç. la face postérieure annonce la réunion de
plusieurs petits cylindres excavés jusqu\'en t. C\'est
par 7). 0. que la substance molle et les vaisseaux san-
guins entrent. % 9. la base vue par dessous, à côté
de la figure principale.
C\'est la dernière des plaques a. j3. <y. composée
de deux cylindres applaties vers la base a. y. : elle
est représentée de grandeur naturelle; la base ou-
verte est vue par dessous à côté a. y. (3.
FIGURE 5.
Est la huitième plaque de la dernière molaire
de grandeur naturelle, et représentée par sa face
postérieure. L\'extrémité supérieure est marquée
de six cylindres légèrement recourbée en avant.
La base A. est plus élargie et applatie; sa ca-
vité s\'étend jusqu\'en 0. tt. Daubenton en a repré-
senté une pareille, figure 3, planche VI de l\'ou-
vrage cité. La surface extérieure de cette plaque
et des suivantes commençoit déjà à s\'incruster
d\'une manière blancheâtre qui sert à les souder par
la suite à des distances convenables les unes des
autres.
FIGURE
C\'est le profil de la mâchoire d\'un très-vieil élé-
phant de Ceilan réduit au quart de sa grandeur,
pour démontrer que ce quadrupède n\'a plus qu\'une
seule molaire, étant aduhe, A. B. C. D. E. F.
La couronne est usée en croissant par Faction
des molaires supérieures dont les couronnes sont
arrondies. On compte vingt-trois à vingt-quatre
plaques, dont la figure est difl:erente , à mesure
qu\'elles sont plus ou moins profondément usées
par la mastication et d\'après le nombre de cylin-
dres dont elles paroissent composées : elles pré-
sentent tantôt des lignes continues festonnées, on-
dées , et quelquefois des chaînettes dont les an-
neaux même ne se touchent pas : les coupes <r. r.
et p. ç. de la figure 5 en donnent l\'explication ,
ainsi que la figure 7.
pigures 7 et 8,
Nous donnons ici la figure d\'une couronne de
ig[olaire d\'un éléphant d\'Asie et celle d\'un sujet
be l\'éléphant. 277
d\'Afrique pour uaontrer leurs différences spécifi-
ques, que j\'ai le premier fait connoître d\'après l\'é-
tude d\'un très-grand nombre de crânes. Elle con-
siste dans le plus grand nombre de plaques dans
l\'espèce d\'Asie ; dans leur forme plus régulière ,
leurs ondulations presque parallèles; au lieu que
celles de l\'espèce d\'Afrique sont plus irrégulières,
moins nombreuses et imitent en quelque façon des
rhomboïdes.
La couronne d\'une molaire d\'éléphant de Cei-
lan , figure 7, est composée d\'onze plaques, au
lieu que la partie A. C. , d\'égale grandeur , d\'un
éléphant d\'Afrique, figure 8, n\'en a que cinq. Ces
molaires étoient toutes deux de la seconde rangée.
C?
11 est à remarquer que la sommhé de ces pla-
ques ou lames jusqu\'en i. k, , f., 0. tt. des figures
3, 4 et 5, sont d\'une substance émailleuse , très-
dure, ainsi que les lignes C. D., Ë. F. de la figure
8 ; tandis que la substance intermédiaire est plus
tendre , niais plus dure cependant que le ciment
G. D. H., qui est plus facilement emporté par le
frottement de la mastication. C\'est cette même
^ substance qui est aussi la première à se décompo-
ser aux dents fossiles ; de sorte que leurs plaques
se déhtent et paroissent calcinées à leur jonction.
La comparaison de leur structure avec celle des
»lolaires d\'éléphans exisîans de nos jours , a fait
Recouvrir l\'analogie de celles qu\'on trouve en
Europe et dans le nord de FAsie avec les espèces
de FInde.
Les cinq premières figures représentent Fatlas
d\'un éléphant adulte réduit au quart de sa gran-
deur. Les cinq suivantes montrent la structure des
plaques d\'une molaire d\'éléphant d\'Afrique. J\'ai
ajouté encore deux accidens de carie survenue aux
défenses ])ar l\'intermède de balles à fusil. Il en est
représenté de semblables à la planche XXII.
figure 1.
Est l\'atlas représenté par le côté qui reçoit les
condyles de la tête. g. h. l. et d. h. u. les cavités
pour les condyles de Focciput. p. q. les tubérosi-
tés auxquelles sont attachés les muscles droits pos-
térieurs. n. apophyse qu\'on voit mieux en n. t. de
la figure 6. Elle donne naissance aux forts liga-
mens antérieurs qui unissent Fatlas avec l\'axis et
les vertèbres suivantes.
Le point |3. situé entre l. et u. est enduit de car-
tilage pour faciliter le mouvement de Fapophyse
©dontoïde de l\'axis.
Z: m. t. le canal de la moelle épi nié re.
-ocr page 283-I. U. (3. Fouverture destinée à Fapophyse odon-
toïde.
a. i. sont des trous qui percent les apophyses
transverses r. s. : ils donnent passage à l\'artère et
à la veine vertebrale, qui remontent par a., puis
se fléchissent le long de b. d. vers c. pour entrer
dans le crâne. Le canal i. h. g.f. est complet du
côté droit, mais ouvert du côté opposé. Cet acci-
dent arrive à l\'homme, aux singes et à d\'autres ani-
maux; ils étoient tous deux complets dans un atlas
que j\'ai dessiné en 178.5 dans le cabinet de feu
"William Hunter à Londres.
FIGURE 2.
La même vertèbre marquée des mêmes carac-
tères vue par en bas. Les cavités t. w. x. et m.y. u.
sont les faces articulaires qui se trouvent en con-
nexion avec l\'axis. Leurs surfaces sont obliques j
ainsi qu\'on peut s\'en convaincre aux figures 5 et 4.
figure 5.
Cette même vertèbre du côté antérieur.
FIGURE 4.
La même du côté postérieur.
y. il manque ici une épiphyse qui étoit fort
apparente à la vertèbre du célèbre Hunter.
m
aSo DE L\'ÈLÉPHAMT.
figure 5.
Est encore le profil de Fatlas: les caractères sont
les mêmes. Il en a été donné le simple trait à la
figure 2 de la planche XIX.
Dents partielles ou plaques qui se suivoient à la
file , et composoient la dent molaire d\'un jeune
éléphant d\'Afrique : ce sont les analogues de ces
mêmes parties dans l\'espèce asiatique représentées
aux figures 4 et 5 de la planche XXVI. Les tuyaux
cylindriques sont plus amples et pourv^us de deux
autres posés à angles droits contre les premiers, ce
qui leur donne la forme d\'une croix: ainsi G. H.,
I. K. coupent A. B. , D. E. , ce qu\'on voit mieux
encore dans les figures 8 et 9, où g. H. et i. K.
font une croix avec A. B., D. E.
La cavité intérieure pénètre jusqu\'à L. M. de la
figure 7.
FIGURES 8 ET g.
Elles représentent ces mêmes parties vues par la
base et le sommet: l\'on voit la forme croisée des
cylindres, ainsi que les proportions de leurs éten-
dues\'très-dilférent es.
figure 10.
Ce sont ies dernières plaques de la molaire d\'un
élépliant d\'Afrique représentée en F. E., D. C. et
N. P., figure 8 de la planche XXVI, pour mieux
faire sentir la forme de leur couronne dans les su-
jets adultes. Les cylindres distribués suivant l\'axe
de la mâchoire F. P. doivent nécessairement se croi-
ser , se toucher mutuellement et quelquefois se
confondre. On voit des exemples de lames ou pla-
ques fondues l\'une dans l\'autre en O. de la même
figure 8 de la planche précédente; tandis que les
points K. M. L. d\'un côté et G. FI. I, de l\'autre
restent fort éloignés.
FIGURE 11.
Une balle de plomb enchâssée dans l\'intérieur
d\'une défense : c\'est Fextrémité creuse qu\'un ta-
blettier avoit coupé à la scie ignorant cet accident,
dont il s\'apperçut ensuite. On y distingue facile-
ment la partie viciée de Fivoire qui ne fait pas
masse avec le reste de la dent.
figure 12.
C\'est un noyau d\'ivoire au centre duquel se
trouve une balle de fer presque entièrementjmas-
quée, si ce n\'est à rouyerture. Ce noyau hérissé de
pointes et d\'appendices se trouve enchâssé dans sa
longueur au milieu de l\'ivoire : il ressemble plus
ou moins à celui que nous avons représenté à la
figure 7 de la planche XXIL Le célèbre Ruisch en
a fiiit graver un pareil dans son Thes. anat, X,
planche XI, figure 7, et un autre qui contient une
balle de cuivre, ibid., figure 8.
RÉPONSE
A" LA QUESTION PROPOSÉE EN 1783
PAR
DE ROTTERDAM:
« Exposer les raisons physiques pourquoi l\'homme
« est sujet à plus de maladies que les autres animaux?
« Quels sont les moyens de rétablir sa santé, qu\'on
« peut emprunter des observations que fournit l\'ana-
« tomîe comparée? »
Simplex erat ex simplici causa valetudo,
multos morùos mulca Jercula fecerunt.
Seneca,
-ocr page 288-ESStïï«^.-
„cfi f\'
—\'ti .^Bffl^^C^^ \' tï iR
f.-
L A Société Batave de Rotterdam , au
lieu de juger, comme elle auroit dû le
faire, l\'ensemble du mémoire qu\'on va
lire, se contenta d\'en critiquer avec amer-
tume quelques passages isolés. Peu de
tems après, M. Camper en fit imprimer
à Amsterdam un petit nombre d\'exem-
plaires pour ses amis. Cependant il n\'en
changea point la dédicace pour des rai-
sons qu\'il est facile à concevoir. L\'auteur
communiqua ensuite à M. Herbell, pour
sa traduction allemande, plusieurs addi-
tions et éclaircissemens, qui ne se trou-
vent point dans l\'édition hollandoise, et
dont j\'ai profité pour la version que j\'en
offre ici au public.
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• f.
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> rt^f^^, , \'Firiiolir, nsLi\'j:.:.-^:! --
- . • f -cn. i f r p vj^ia ; rr^,^ro\' .\' ^ ; " :
.vu ;
■ ^^
«-•-J i. - - --v
it
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE,
sur un écrit ayant pour titre\'
Réponse à la question proposée par la Société
Bata ve : Exposer les raisons physicques pour-
quoi l\'homme est sujet à plus de maladies que
les autres animaux , etc. ?
Que, parmi les réponses parvenues à la Société
Batave, à la question; « Exposer les raisons plij-
(( siques, etc. )) ( qui ne méritent aucune considé-
ration), il s\'en trouve une avec cette épigraphe:
Simplex erat ex simplici causa valetudo mul-
tos morhos multa J^rcz^/a/ecera^^fy Seneca,
qui a fixé l\'attention de la Société, tant par le
grand nombre d\'observations utiles et curieuses
qu\'elle renferme, que par plusieurs expériences et
remarques de l\'auteur. Que cependant cette ré-
ponse ne satisfait pas entièrement aux vues et aux
intentions de la question; que par conséquent on
ne peut pas lui accorder le prix de la médaille d\'or;
et cela principalement pour les raisons suivantes :
1°. Parce que la Société pense que, malgré tout
ce que Fauteur a cherché a prouver, il y a cepen-
dant dans l\'organisation du corps humain certai-
nes causes qui font que Fhomme est sujet à plus
de maladies et d\'infirmités que les autres animaux.
2°. Parce que Fauteur, dans ses recherches sur
ces causes, s\'est restreint à la structure organique
du corps humain el à la vie sociale de Fhomme ;
tandis que l\'intention de la Société étoit de consi-
dérer ces causes dans Fhomme pris collectivement,
pour autant qu\'il est composé d\'une ame intelli-
gente et susceptible de passions, et d\'un corps or-
ganisé; par conséquent de ne point se borner uni-
quement à la structure organique de Fhomme et à
sa sociabilité ; mais de chercher également ces cau-
ses et dans sa partie physique et dans sa partie in-
tellectuelle.
3°. Parce que la Société juge que , par des re-
cherches sur ces causes et en considérant Fhomme
de la manière qu\'on vient de Fexposer, il seroit
possible de trouver des moyens plus e.fficaces de
perfectionner la médecine, pour la conservation ou
le rétablissement de la santé,queceuxquel\'auteur
de la sogi é t é batave. ss^
a indiqués; attendu que la Société avoit non-seule-
ment en vue dans sa question les ordonnances deS
médecins, mais également les règles qui ont rap-
port au régime Habituel de vivre.
4®. Parce que l\'auteur n\'a pas mis, suivant la
Société, une distinction assez exacte dans la no-
menclature des maladies dont il parie, et dans la
classilication et la division du genre humain , les-
quelles ne sont pas aussi satisfaisantes qu\'elles
pourroient l\'être , et qui auroient du offrir un plus
parfait ensemble dans tout l\'ouvrage , pour en éta-
blir la solidité; que d\'ailleurs, on y trouve plusieurs
propositions contradictoires entre elles (que la So-
ciété laisse cependant à l\'auteur à éclaircir); pour
ne point parler de quelques questions oiseuses, et
de quelques trop longues digressions sur l\'analogie
qu\'il y a entre l\'organisation du corps humain et
celle des animaux, qu\'on regarde dans la question
omme déjà recountie, ainsi que d\'une trop grande
généralisation de cette analogie aux poissons, aux
amphibies et aux oiseaux; tandis que dans le pro-
gramme, il n\'est question de cette analogie qu\'a-
vec les animaux les plus parfaits, c\'est à-dire,
avec les mamtuiferes. Toutes ces raisons ont dé-
terminé la Société à proposer une seconde fois
cette question , avec les éclaircissemens qu\'on vient
d\'exposer, pour le premier mars 1784. Elle espère
19
-ocr page 294-que le savant et profond auteur de ce mémoire ,
ainsi que d\'autres habiles naturalistes, médecins
et chirurgiens seront encouragés par-là et mis à
même de répondre d\'une manière plus satisfaisante
à cette utile et importante question.
a l\'illustre et honor.able
SOCIÉTÉ DE PtlILOSOPHIE EXPERIMENTALE
DE ROTTERDAM.
essieurs,
Comme je suis déterminé à ne point concou-
rir de nouveau au prix de la question que vous
■venez de proposer pour la seconde fois, je pense
que, malgré la rigueur avec laquelle vous avez
jugé, par votre programme du ii août 1785,
le mémoire que je vous avais adressé à ce sujet,
il est de mon devoir de vous le dédier avec toute
l\'estime et tout le respect qui vous sont dus.
Sans le programme par lequel vous avez pro-
posé cette cjuestion, je n\'auro is peut-être jamais
M
arrêté ma pensée sur cette importante matière ;
et jamais sans ce programme mon imparfait mé-
moire n\'auroit vu le jour. Personne donc n\'a
plus de droit à la dédicace de cet ouvrage que
la Société JBatave de Rotterdam.
La publication de cette répome , ciue j\'ai fait
imprimer à mes j)\'ais pour quelques amateurs
des sciences de mes amis, fournira certainement
d d\'autres l\'occasion de résoudre d\'une manière
plus satisfaisante la question que vous avez
proposée , et de remplir les lacunes que les borg-
nes de mes connoissances et de mes vues m\'ont
forcé d\'y laisser^ et c\'est moi sans doute qui en
recueillerai le plus grand fruit ^ mon unique but
étant de m\'instruire en puisant de nouvelles con-^
noissances dans les écrits des autres. Votre So-
ciété m\'a déjà été d\'une grande utilité à cet
égard, et le sera davantage sans doute lorscpœ
l\'année prochaine, je verrai la cjuestion par-
faitement résolue par des personnes à qui leur
perspicacité permettra d\'en bien saisir l\'en-
semble.
Lja question elle-même m\'a flatté beaucoup
au premier aspect, quoiqu\'elle me parut expo-
sée d\'une manière trop vague, trop obscure ,
pour qu\'on n\'eiUpas à craindre de se tromper
sur le but qu\'avoit la Société en la proposant.
C\'est d ce défaut dans l\'exposition qu\'il faut at-
tribuer le mauvais succès qu\'ont , en général,
de pareilles réponses.
Cette singulière question me fit penser que si
la Société avoit mûrement considéré toute sa la-
titude, elle n\'en auroit proposé qu\'un seul point;
ce qui, en faiscmt naître de nou velles idées et des
vues nouvelles , auroit donné occasion à de nou-
velles cjuestions ; et de cette manière on seroit
parvenu , par degrés , à satisfaire pleinement d
l\'intention de la Société.
Rempli de ces idées, et me flattant de pouvoir
répondre d\'une manière plus ou moins satisfai-
sante à cette question vraiment difficile , j\'en for-
med , dans le premier moment d\'enthousiasme ,
le plan , que je rédigeai ensuite cl ma manière ,
avec une véritable satisfaction, jusqu\'à ce que
j\'y eus donné, à ce qui me parut, la forme d\'un
mémoire propre à mériter votre judicieuse ap-
probation.
Comme , pendant le tems que je m\'occupois dé
la rédaction de ce mémoire , je me suis trans-
porté en clijféj^ens endroits , tant dans l\'intérieur
de la Républicjue que chez l\'étranger, son aug-
mentation et sa revision furent, pendant ces
voyages, une de mes plus agréables occupations.
Néanmoins,comme je me suis quelquefois tropjié
ma mémoire , il s\'y est glissé cpielques légères
erreurs , dont il est convenable que j\'intruise le
3gi é p i t r e
lecteur. De tems ci autre jy ai intercalé aussi
quelques observations relatives d Vhistoire na-
turelle, les cjuelle s , scms avoir un rctpport direct
avec la question que je traitois, se trouvoient
néanmoins naturellement liées avec les matiè-
res que j\'avois à discuter, et cju\'il me semble
que la Société a jugé ç,vec trop de rigueur.
L\'ardeur , ou plutôt le zèle, avec lequel je
m\'occupois de la rédaction de ce mémoire , fit
naître des idées , qui, malgré les contradictions
qu\'elles paroissent offrir , peuvent néanmoins
être d\'une certaine utilité à la Société. Comment
l\'esprit humain .seroit-il parvenu à de si admi-
rables connoissances , s\'il n \'eut pas été permis
de s\'écaHer quelquefois des principes reçus?
D\'ailleurs, un principe , quoicpie parfaitement
vrai en lui-même , peut paroitre un paradoxe ,
si celui qui en juge et été pendant long-tems im-
bu d\'un sentiment contraire , qui ne lui permet
pas de se dépouiller de toute prévention, pour la
considérer, avec une parfaite impartialité, sous
son véritable jour,\' et avant de prononcer sur cet
objet, il faudrait en demander l\'explication d
l\'auteur, lequel a, sans contredit, le même droit
cjue peut avoir la Société, de donner à sa ques-
tion une interprétation ou explication dont elle
n\'est point susceptible, ou qu\'il seroit difficile
d\'y trouver.
Mais je reviens à Vindication des erreurs qui
se sont glissées dans ce mémoire , soit faute de
pouvoir consulter mes livres et mes notes , soit
par le défaut d\'attention nécessaire de ma part.
Par exemple, au §. 6 de l\'introduction, je dis:
Quoique tous lespoissons à écailles,mêraeFanguille,
aient des canaux semi-circulaires, etc.; iZ/awi lire:
Quoiqxie tous les poissons à écailles, même l\'an-
guille, aient trois canaux semi-circulaires. L\'ad-
mirable Geoffroy est le premier qui en a décou-
vert deux. On en trouvera trois si l\'on se donne
la peine de disséquer l\'organe de Vouïe de ces
poissons.
Au 8 ibid., j\'attribue à Linnœus aussi bien
qu\'à Artecli l\'opinion ciue les narines de la bau-
droie ( rana piscatrix ) ne sont pas visibles
J\'aurois dû nommer û ce sujet TVillugliby ou
plutôt Ray au lieu de Linnœus.
Dans le chapitre premier il auroit fallu ajou-
ter aux maladies cjui sont communes à l\'homme
(i) Goiiati {Hist. des poissons , page 231 ) dit que ces narines
«ont petites et solitaires; ce qui est vrai. Dans la plupart cependant
elles sont doubles , mais dans aucun autant que dans l\'anguille-,
comme cela paroît par le dessin que j\'en ai fait îe 6 novembre
1777; ainsi que dans le cycloptère (Fascic. 17, pl. I, 4o ,
pag. 8) que M. Pallas a décrit. Quelquefois les ouvertures sont
\'■approchées comme dans la morue , le brochet, etc., et par fois
«^\'es sont solitaires.
et aux animaux, la carie des dents et des mo-
laires à laquelle ils sont également sujets, ainsi
qu\'aux maux de dents. Le changement de dénis
et de molaires se fait chez les animaux de la
Tnéme manière que chez l\'homme ^ ils se trou-
vent par conséquent aussi attaqués des mêmes
maladies cl cet égard. Les dents sont quelque-
fois placées de travers^ de sorte qu\'elles pénè-
irent dans l\'os voisin, ainsi que Cheselden l\'a
fait voirpa^ un beau dessin d\'après un sanglier,
et comme je pourrois le prouver moi-même par
plusieurs exemples d\'autres animaux.
J\'aurois dû parler également de la diarrhée
èt de la dissenterie, ainsi que de l\'avortement,
auquel sont sur-tout sujettes nos vaches atta-
quées de r épizootie (i). De plus la mort du fœ-
tus dans la matrice avant le tems de mettre bas,
occasionne chez les animaux, quoique sains
d\'ailleurs , les mêmes maux que chez la femme.
A cette occasion j\'aurois pu parler des écou-
A
,{l) Danp ] épizootieiss yacbesperdent ordinairement leurs veaux
avant k tems ; ce dpit être attribué à la grande inflammation
de la matrice. Ce malheureux accident rend Imoculation des
veaux d\'autant plus nécessaire; principalement parce que les va-
ches qui se rétablissent après l\'avortement ne sont généralement
plus propres à la génération; de manière qu\'elles deviennent in«,
tiles aux fermiers, et ne sont plus bonnes que pour la boucherie.
lemens périodiques, lesquelles ont lieu chez la
femme et chez les femelles de plusieurs animaux
pendant le tems cqu\'elles ne portent j^oint y mais
cela m\'a paru inutile.
Pour ce qui est de l\'examen des maladies de
l\'homme considère comme un etre cloué d/une
cime intelligente et susceptible de passions, dont
la Société parle dans les judicieuses observations
de son programme ^ je dois remurcjuer que toutes
ces maladies tiennent à l\'organisation physique.
Ce n\'est point notre cune qui est malade ; mais
notre corps. Car, quoique notre ame .surpasse
infiniment en perfection celle des bêtes , il faut
convenir cependant que la passihilité est exac-
tement la même dans l\'une et dans l\'autre. On
remarque aussi dans le corps de l\'homme et dans
celui des animaux des résultats analogues des
mêmes espèces de sensations.
Comme les bêtes sont privées de raison, elles
n\'ont aucune idée de l\'avenir ; elles sont par
conséquent sujettes à moins de maladies mora-
les que l\'homme. Mais je pense en avoir dit as-
sez sur celte matière pour des personnes d\'un es-
prit aussi pénétrant et d\'un jugement aussi
éclairé que le sont les membres cqui composent la
Société Batave; comme cela paroit par l\'endroit
f^à je dis d\'une manière expresse: Que Fame des
auinaaux n\'est pas tourmentée par les idées ter-
ribles des malheurs à venir (1). Par où j\'ai donné
d connaître cyu\'en admettant cette vérité , l\'hom-
me doit nécessairement être sujet à plus de maux
que les bêtes. Je pense avoir exposé, chap. I,
9, d\'une manière circoiistanciée , les malheurs
qui dépendent immédiatement d\'une ame intel-
ligenie et susceptible dépassions. Ensuite, à la
fin du 3 du chap. II; et on en trouve une
preuve convaincante au \'j du même chapitre.
Les (). 8 et 9 également du chapitre II, doivent
être considérés , pour la même raison , comme
aycmt en vue l\'ame intelligente et passible de
Ihs?mme: cepeizdant, mcdgré tous ces passages,
la Société a cru que j\'avois passé sous silence cet
intéressant objet.
Et le §. du chap. Ill ne doit-il pas y être
rapporté également? N\'est-il pas dit clairement
au §. jo: Que les bêtes ne sont pas sujettes à tous
ces ma ux ? Que signifierait sans cela tout le 3
du chap. IV, ainsi cpue le §. 2 du chap. V? En-
fin, le §. 5 chap. VIII ne fournit-il point
une preuve évidente que j\'ai parlé sciemment
des maladies qui ont leur principe dans l\'ame
intelligente et passible de l\'homme. Il est vrai
que je ne l\'ai pas j ait clans un ordre méthodicjiue
ni d\'une manière aussi étendue que si, comme
<0 Chap. 1, parag. 1,
-ocr page 303-Sauvage, j\'avois voulu donnei\' une nosologie
complette de ces maladies, à l\'usage des élèves.
En écrivant pour la Société je m\'imaginois
qu\'il sujfîsoit de dire une fois expressément ma
pensée , pour pouvoir m\'exprimer ensuite par
antithèse ou par périphrase.
J\'aurois pu dire que telles ou telles passions
nuisent à la respiration, empêchent l\'office du
foie , privent la bile de son activité , troublent
la coction des cdimens , et occasionnent ensuite
des maladies de nerfs , etc. J\'aurois jm parler
des somnifères , tels , par exemple, que l\'opium,
pour nous rendre insensibles aux maux qui af-
fectent notre ame , etc. Je ne pensois pas cepen-
dant, et je n\'osois pas même m\'imaginer que la
Société pouvoit demander l\'indication de pareils
remèdes , à cause de l\'excessive étendue que
cela auroit nécessairement donné à ce mémoire.
On attend généralement pour réponse à de sem-
blables questions des mémoires concis, avec des
pensées lumineuses ou totalement neuves , et rien
de plus^ ou bien on exige expressément le con-
traire, et alors il est d\'usage de l\'annoncer par
le programme.
Mais il reste une lacune au §. 5 , chap. V,
qu\'il m\'est impossible de remplir. Cependant,
^i ma mémoire n\'est pas lotalement en déjaut ,
ces observations ont déjà été faites ily et plus
300 é p i t r e
de cinquante ans, dans la paroisse de Saint-
Sulpice cl Paris. Quelques peines que j\'aie
prises , il m\'a été impossible jusqu\'à présent
de me rappeler le nom de l\'auteur de ces ex-
cellentes observations ( i ). Notre mémoire , ou
plutôt la faculté de nous rappeler telle ou telle
idée, est si fantasque que le lecteur, convaincu
par sa propre expérience de cette vérité, me
pardonnera facilement ce défaut.
Pour ce cpd concerne les vers qu\'on trouve
dans les poumons des veaux, etc., §. 5, chap. Ij
je dois ajouter ici que Nichols les a décrits fort
exactement et paroit cpoir conçu l\'espérance
(0 Je me suis ressouvenu depuis que j\'avois lu l\'ouvrage du cé-
lèbre Ueparcieux , intitulé: Essai sur les probabilités de la vie
humaine,
(2) Si l\'on compare ces vers avec les petites anguilles ou vers
filiformes qu\'on trouve dans le vinaigre, on verra qu\'ils v ressem-
blent beaucoup: voyez NaturJ., band XVIII, s. 38 , parag. 4 ,
im-n. S , 60 , kupf. 3 , fig. , bis ,9. Camper en a donné une
descnpnori détaillée dans les Mémoires des amis de la nature, etc.,
de Berlin, tome I, page 112, parag! 8; et que nous donnerons dans
ce recueil de ses OEuvres.
II paroît, par ce qoe dit M. Nicîiols, que ces vers ne sont pas
une suite de l\'épizootie, ni de l\'inoculatioa des bestiaux
Le moyen le plus sûr d en garantir les veaux est de le^ nourrir
avec du fo>n a ecur.e. Toutes les expériences qtte j\'ai faites de-
puis avec I eau des canaux , ainsi q„\'avec l\'herbe et le treffle des
prés ne m ont fourni aucun indice de la présence de pareils in-
êectes.
cVen délivrer ces bestiaux par le moyen de la
vapeur du mercure ou du tabac.
Vous paroissez croire que je me suis livré à
une ti\'op longue digression sur l\'analogie qu\'il y a
entre l\'organisa tion du corps humain et celle des
animaux , qu\'on regarde déjà comme reconnue
dans la question. J\'avoue que , par cette digres-
sion, je semble plus ou moins jeter ciuelque doute
sur l\'étendue de vos lumières, comme si vous
aviez besoin de recevoir des instructions sur
cet objet. Mais je déclare que je n\'ai eu par-
là d\'autre but que de donner plus de force à la
vérité de votre principe ; vu que tout le monde
n \'est pas également capab le de saisir pleinement
cette analogie par sa propre expérience , faute
de posséder les connoissances anatomiques né-
cessaires.
Les longues et oiseuses digressions qui parois-
sent avoir déplu à la Société, ont néanmoins pour
objet les admirables organes des animaux et des
découvertes nouvelles qui , je suis certain , ne
se trouvent nulle part ailleurs comme , par
exemple, ce que je 9, 10 et \\ \\ de l\'intro-
duction, de l\'analogie qu\'il y a entre les pieds
de devant des animaux et les mains de l\'hom-
me concernant la position de la matrice hors
du bassin dam la taupe. Tout cela pris ensem-
Ue, ces longues digressions ne remplissent pas
5o2 é p i t r e
dix pages, tandis que mon mémoire entier en
forme cent cjuctrante (i).
Mais quand même de pareilles digressions
seroient vraiment déplacées , je ne pense pas
qu\'en les considérant de plus près , elles pussent
vous paroitre offrir un assez grand obstacle pour
qu\'on dut refuser le prix cl mon mémoire , si
d\'ailleurs il avoit répondu parfaitement au but
de la question.
Quoiqu\'il en soit, la Société a pu y remar-
quer pourquoi l\'éléphant, l\'hippopotame et le
morse ne sont pas sujets cl la fistule lacrymale ;
et pourquoi la Jracture et la carie du péroné
peuvent avoir lieu chez l\'homme et non chez le
bœuf, le cerf, le chameau , la giraffe , la bre-
bis , etc.
Je possède dans ma collection l\'os jracturé et
\'ensuite parfcntement rétabli du membre viril
d\'un morse J ce qui rie peut également avoir lieu
cjue chez les singes , les chiens et autres pareils
animaux ; et certainement point chez l\'homme.
Le plus grand nombre de doigts qui termi-
nent nos extrémités , donnent de même lieu à
d\'autres accidens , etc.
Je doute également beaucoup si un grand nom-
(i) Cette indication des pages a rapport à l\'édition hollandoise
de ce mémoire.
hre de personnes pourroient dire avec une pareille
certitude, cjue les vcusseaux sanguins et lymplia-
ticjues et les nerfs mêmes sont conformés et rami-
fiés dans les animaux de la même manière qu\'ils
le sont dans l\'homme? Je me suis donné la peine
d\'examiner la disposition des neuf paires de
nerfs dans un grand nombre d\'animaux , dans
les jjoissons mêmes, et je l\' cil trouvée la même
dans tous , même celles des nerfs du cou du
médiastin , etc.
J\'ai trouvé les sept vertèbres cervicales non-
seulement dans les quadrupèdes, mais aussi
dans le gihbar , dans le. marsouin et dans
d\'autres poissons qui respirent par les pou-
mons y tandis que j\'ai remarqué que les pois-
sons à écailles n\'ont absolument point de vertè-
{O Tyson n\'en a reconnu que trois, l\'atlas avec une autre qui
y est soudée , formant ensemble un seul morceau , et deux autres
véritables vertèbres cervicales ( Anaiomy of a porpcss, pag. 45 ).
Dans tous ceux que j\'ai disséqués, les trois vertèbres d\'en haut ne
formoient qu\'une seule pièce, même dans les nouveaux-nés • les
quatre d\'en bas se trouvoient séparés, quoiqu\'à un certain âge
elles soient également soudées ensemble, Il est probable que Ga-
lien avoit cela en vue quand il dit que les poissons n\'ont point de
cou du tout, ou qu\'il n\'est formé que de deux vertèbres {De ustt
pan., lib. vm, cap. 1, pag. iCo, B.—C. edit. Erassavoii ). Quantî
•Aristote a remarqué que les poissons n\'ont point de cou, il faut
entendre par-là de cou visible à l\'extérieur. Dans ]e spri?igval<iiie
1 ai disséqué le j,6 juillet 1784, j\'ai trouvé sept vertèbres cervicale®, \'
•fort distinctes.
hres cervicales , et que les vertèbres lombaires
manquent chez les oiseaux ^ que les grenouilles,
quoiqu\'elles n\'aient point de côtes, respirent ce-
pendant- tandis que la tortue de terre, maUrréses
boucliers immobiles , a des côtes fort distinctes
et plusieurs autres choses semblables que j\'ai
omises comme inutiles et cpii m^auroient paru
mal placées ici.
Il est certain. Messieurs, cpie l\'analogie en-
tre l\'organisation de l\'homme et celle des ani-
maux est déjà reconnue • cependant cette science,
fort défectueuse encore , méritée bien , sans con-
tredit, que la Société s\'en occupe plus sérieuse-
ment. Il n\'y a qu\'une connoissance profonde de
cette analogie qui puis.se nous apprendre la vé-
ritable utilité des parties de notre propre corps ^
et rien ne peut nous inspirer une idée plus juste
et plus grande de la sagesse infinie de la Su-
prême Cause, que la connoissance de l\'analo-
gie qui existe entre tous- les êtres, quoicpie en
apparence si disparates entre eux , et qui tous
sont parfaits relativement à leur destination y
ainsi que de savoir que sa puissance est parve-
nue à remplir le même but dans différens ani-
maux par des voies différentes, et cela toujours
avec la plus grande perfection possible.
Toujours, ravi et comme transporté hors de
moi-même par ces contemplations , j\'ai péché
par inconsidération , contre votre plan y mais
je me flatte que les éclaircisseniens que je viens
de donner m\'obtiendront quelque indulgence à
SO
cet égard.
Recevez, en attendant, les sincères assuran-
ces de mon estime, et continuez à vous rendre
utiles aux savans et à votre patrie par des tra^
vaux multipliés et soutenus !
De mon caèînet, le 20 mût 1785.
ÏI.
-ocr page 310- -ocr page 311-A LA QUESTION PROPOSÉE EN lySS
p A R
I. Xi\'ÉcLAT dont jouit la Société Batave, le
nom illustre de son protecteur, et l\'impartialité ,
ainsi que les connoissances profondes de ses mem-
bres, ont réveillé en moi l\'amour de la gloire, et
m\'ont engagé à courir une carrière qui, si j\'ai le
bonheur d\'y réussir, doit me mériter la couronne
que l\'honorable Société destine à celui qui aura ré-
pondu de la manière la plus satisfaisante à la ques-
tion suivante:
« Exposer les raisons physiques pourquoi!\'hom-
« nie est sujet à plus de maladies que les autres
So8 RÉPONSE A LA QUESTION
tt animaux? Quels sont les moyens de rétablir sa
(C santé qu\'on peut emprunter des observations que
« fournit Fanatomie comparée? »
IL II paroît clairement que la Société ad-
met, comme une vérité reconnue, que l\'organisa-
tion du corps humain a une grande analogie avec
celle des animaux les plus parfaits, par lesquels
elle entend sans doute les quadrupèdes mammi-
fères; et cette présupposition porte, d\'après Fex-
périence que je me flatte d\'avoir acquise, sur un
fondement certain. Il existe du moins depuis Fhom-
me jusqu\'au marsouin une concatenation de mo-
difications qui forme une suite de chaînons , les-
quels , par leur grand nombre , n\'offrent que de
bien foibles nuances, et qui, là où ils se touchent,
sont tellement confondus, qu\'il est difficile, sou-
vent même impossible , de déterminer ce qui les
sépare les uns des autres.
IIL Excepté la glande pinéale, laquelle man-
que à plusieurs animaux, tels, par exemple, que
les chiens , les chats , les lièvres , etc. , il y a une
grande analogie entre le cerveau de tous; et cette
analogie s\'étend jusqu\'au cerveau de Fhomme. Une
pareille conformation se retrouve même dans les
poissons à écailles. On peut en dire autant de Fori-
gine,deFissue, de la disposition et de la conjugal-
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. Sog
son des nerfs dans Fliomme, dans les quadrupè-
des, dans les poissons qui respirent par les pou-
mons et dans les poissons à écailles, qui tous ont
entre eux de Fanalogie à cet égard. Je pense même
avoir découvert fort distinctement dans la tête de
k baleine, du cachalot, du marsouin, du dauphin
et du narval, l\'os ethmoïde, ou du moins les ou-
vertures destinées à l\'issue des nerfs olfactifs; quoi-
que d\'ailleurs il m\'ait été impossible , de même
qu\'à Tyson et à d\'autres, d\'appercevoir, à cause de
leur ténuité, les nerfs olfactifs eux-mêmes ; et, à
mon grand regret, je n\'ai plus trouvé dans la suite
d\'autre occasion de les examiner,
§. IV. C\'est dans la conformation des organes
qu\'on trouve la plus grande et la plus admirable
différence. Tous les oiseaux, et cela à l\'exclusion
des autres animaux, ont, dans l\'intérieur de l\'hu-
meur vitrée, la bourse noire {marsupiwnnigrum),
qui est formée par Timplantation du nerf optique,
avec une base large et plate; tandis que, d\'un au-
tre côté, les oiseaux n\'ont dans l\'organe deFouïe
ni enclume ni limaçon (i).
(i)Déjà en 1745 j\'avois examiné l\'organe entier de l\'ouïe de«
oiseaux dont je fis a|ors le dessin et la description ; mais sans avoir
rien publié à ce sujet. Dans le Journal encyclopédique de 1783,
je trouve cité Galvani Aloysii, de volatilium aure, des Comment.
Acad, Bononiensis 1782, que Je n\'ai pas encore pti me procufer.
§. Y. Le globe de l\'oeil des poissons cartilagi-
neux, tels que les requins, raies, etc., se meut sur
tin pivot; et il y en a qui couvrent le globe de l\'oeil
d\'une jolie membrane frangée. Les nerfs optiques
de plusieurs poissons se croisent d\'une manière
fort visible, ainsi qu\'on peut le voir, entr\'autres,
dans le brochet. Collins en a dessiné et décrit plu-
sieurs.
§. VI. Quoique les poissons à écailles, l\'anguille
même (i), aient trois conduits semi-circulaires ,
ces conduits manquent cependant aux poissons qui
respirent, lesquels ont un marteau immobile: ces
derniers néanmoins entendent aussi parfaitement
que l\'homme par le moyen de l\'air; et ies oiseaux
ont le sens de l\'ouïe si parfait que plusieurs ap-
prennent et répètent, comme on sait, les airs les
plus difficiles. Mais nous ne pouvons rien dire avec
certitude concernant l\'ouïe des poissons qui res-
pirent par les poumons, faute d\'avoir sur cela les
notions nécessaires.
VU. Les amphibies, depuis le crocodile jus-
qu\'à la tortue et la grenouille, n\'ont qu\'un étrier.
(i) Le célébré Geoffroy croyoit que l\'angiiille n\'avoit que deux,
conduits semi-circulaires. Le 6 novembre 1777 je lui marq;:ai par
lUne lettre que j\'ea av^is découvert fon distinctement trois.
DE LA SOCIÉTÉ BATAT E.- 5ll
dont le plus long manche reçoit le tympan. Le
caméléon a même un grand tympan, un fort long
étrier et des conduits d\'Eustache apparens dans la
bouche; quoique Perrault leur refuse absolument
le sens de l\'ouïe, ainsi que le fait également Lin-
nseus, d\'après l\'autorité de l\'anatomiste françois;
malgré que notre exact Swammerdam ait depuis
long-tems prouvé le contraire. Je puis montrer
évidemment cet organe de l\'ouïe à îa tête préparée
d\'un caméléon que je possède (i).
VIII, L\'organe de l\'odorat est parfaitement
le même dans l\'homme et dans les animaux, sans
en excepter les poissons à écailles, La seule diffé-
rence qu\'on y remarque, c\'est que la surface de la
membx\'ane pituitaire est plus grande ou plus pe-
tite , et plus ou moins plissée. C\'est l\'air qui intro-
duit les émanations odoriférantes dans l\'intérieur
du nez des animaux respirans terrestres, et l\'eau
remplit le meme oflFice dans le nez des poissons. La
baudroie {rana piscatrix) même à des nerfs ol-
factifs fort distincts et des narines fort apparentes,
quoique Artedi et Linnseus ne les aient pas recon-
nus. C\'est cependant toute la famille des squales
(i) Bellon pensoit que îes narines étoient aussi bien destinées au
sens de l\'ouïe qu\'à celui de l\'odorat; Parsons étoit du mêraeaen\'»
îiment. Philos. Transact,, vol LVIII.
Réponse a la question
et des raies qui, parmi les animaux nageans , a
1 organe de l\'odorat le plus remarquable. Cet or-
gane est de même fort reconnoissable dans le
spnngval et dans le marsouin ; mais il est, en mê-
me tems, si éloigné de la trachée artère que je ne
doute pas que c\'est par le moyen de l\'eau et non
par celui de l\'air que ces animaux sentent, quoi-
qu\'ils respirent véritablement par l\'air.
§. IX. Quoique le lion, le serval et le chien
n\'aient que quatre doigts aux pieds de derrière ;
quoique l\'agouti n\'en ait que trois , et la seconde
espèce de paresseux deux aux pieds de devant et
trois aux pieds de derrière; quoique le cheval en^
fin n\'en ah qu\'un seul, etc., l\'analogie des mus-
cles n\'en est et n\'en demeure cependant pas moins
la même; parce qu\'un doigt du moins est toujours
parfait, tandis que deux autres doigts tronqués ou
plutôt imparfaits se trouvent cachés dessous la
peau , ainsi que cela avoit déjà été remarqué par
Gahen (i), qui a donné à ces doigts tronqués des
chiens, des chats, etc., le nom d\'image ( apo-
graphe).
g. X. Les aîles des oiseaux se terminent en une
(1) Adm. anat., tom. VI, cap. i, edit. Brassav., class, i, pa^.
parag. F—G. Dissert, sur Vorang-mtang, ch. X, parag.
de la société BATAVE. 5lÙ
main imparfaite, avec deux doigts et un pouce,
lequel est souvent garni d\'un ongle, comme chez
l\'autruche, le casoar et le jacana (i). Quelquefois
les doigts de devant se trouvent également munis
d\'un ongle, comme chez l\'autruche et chez la se-
conde espèce de jacana, dont Buffon a donné une
si belle description. Daubenton dit quelque chose
sur ce sujet dans la description du cheval, mais
d\'une manière fort superficielle (s); et avec cette
différence qu\'il regarde l\'os du canon comme trois
os du métacarpe et du métatarse soudés ensemble;
tandis qu\'il y a de grandes raisons de penser que
ce n\'est qu\'un seul os qui appartient à l\'index.
XI. Dans le chameaux, le renne, le cerf, le
mouton , etc., il n\'est véritablement composé que
de deux morceaux, comme l\'a fait voir M, Fou-
geroy de Bondaroy (3) dans le foetus de veaux, de
cerfs, de daims et d\'agneaux. Mais neuf ou dix
(i) Ayant examiné, à dessein, l\'aîle dun jacana , le i6 octobre
3785, je trouvai le pouce sans ongle, et l\'éperon sortant de i\'os
viultangiilum majus. Buffon dit donc avec assez de raison, que
dans le kamichi ces éperons sont des apophyses de l\'os du méta-
carpe , et qu\'ilssortent de la partie antérieure des deux extrémités
de cet os. Tom. VII des oiseaux, pag. 338, pl. 18.
(•2) Hisc. nat. de Buffon, tom. IV, pag. 563 — 367.
Ki\') Mém, de l\'A Cad. royale des sciences , 1773, tom. II, part.
P®g\' 3o8 Le 8 septembre 17S3 j\'apperçus distinc-îe-
went ces deux petits os singuliers dans un veau mprt-né.
-ocr page 318-5l4 RÉPONSE A EA QUESTION
semaines après la naissance, quand l\'animal a\'
atteint toute sa grandeur, on ne trouve plus qu\'un
seul os , qui n\'a qu\'une seule cavité, quoiqu\'il y
en ait visiblement deux auparavant. Il faudroit
faire les mêmes observations sur le poulain avant
sa naissance, pour constater l\'opinion de Dauben-
ton sur ce sujet.
mm
XII. En général, il y a une grande analogie
entre les pieds de devant des quadrupèdes et les
mains de l\'homme , et même avec les ailes des oi-
seaux. Dans tous la nature a constamment formé
un pouce et un petit doigt, pour y insérer les mus-
cles , et facihter, par leur moyen, le mouvement
du carpe. Ce ne sont que les trois autres doigts qui
manquent chez quelques-uns ; et lors même que
le pouce et le petit doigt ne s\'apperçoivent pas à
l\'extérieur, comme chez le cheval, l\'âne et la plu-
part des ruminans, on ne trouve pas moins ce-
pendant le rudiment de ces os dans le carpe, pour
recevoir les tendons du muscle radial et de l\'ul-
naire; et au pied les tendons du péronier(i) et du
tibial. Delà on peut conclure à quel point Bour-
gelat et d\'autres ont été dans l\'erreur, en donnant
(i) Chez les ruramans, qui n\'ont point de tibia ou fibula, il
n\'y a , à cause du petit doigt, point à\'apographs, comme on peut
le voir dans la brebis.
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 3l5
à ce doigt, imparfait, à cet apographe^ le nom de
tibia.
§. XIÎI. On trouve de plus une différence re-
marquable dans la forme et la disposition de Fos
hyoïde, des côtes et du bassin. Dans îe porc-épic,
par exemple, les os pubis sont placés loin Fun de
l\'autre (i); et la même chose a lieu dans la chau-
ve-souris. Dans la taupe, le vagin passe en haut
par dessus Fos pubis, par conséquent tout-à-fait
hors du bassin ; desorte qu\'il doit non-seulement y
avoir une différence dans la manière de mettre bas
de cet animal, mais sa délivrance doit aussi être
plus facile.
§. XIV. L\'axe de la matrice est chez les qua-
drupèdes placé dans l\'axe du bassin, avec lequel
leur coccix court pai^allèlement; de façon que le
jeune suit en naissant une ligne droite ; ce qui fait
que la délivrance est chez eux beaucoup plus fa-
cile que chez la femme, dont les deux axes for-
ment un angle remarquable, et dont la courbure
de Fos sacrum rend l\'accouchement plus pénible.
XV. On trouve aussi une grande disparité
(0 Cela a de même lieu dans Tunau {bradypus didacXyliu ^
Linn. , gen. 7, sp. 2), dont Daubenton n\'a pas parlé.
5l6 REPONSE A LA QUESTION
Mativement au tibia. La plupart des ruminans
n\'en ont point, à l\'exception du seul cbevrolain
d\'Asie; qui diffère aussi beaucoup par là du cbe-
vrolain d\'Afrique, quoique Buffon, Linnœus et
Seba les confondent et paroissent n\'avoir connu
que le dernier, lequel cependant n\'a pas de tibia,
et seulement deux doigts au lieu de quatre : cette
espèce est donc totalement différente de l\'autre (i).
§. XVL Le membre viril du chien, du renard,
du singe, du phoque et du morse est garni d\'un
os; et il y en a pareillement un dans le clitoris de
la loutre et de quelques autres animaux; tandis
que la plus grande partie n\'en ont point. Je ne
finiroispassi jevoulois indiquer toutes les singula-
rités qu\'on rencontre dans les animaux; lesquelles
d\'ailleurs n\'ont, en général, pas plus de rapport
avec les maladies que les différences qu\'on remar-
que dans les intestins,
§. XVII. Les fonctions naturelles se font chez
l\'homme et chez les animaux, par un mécanisme
semblable. La conception, la gestation, la généra-
tion , la respiration, la circulation du sano-, la
coction des alimens, la nutrition , etc., s\'opèrent
visiblement de la même manière chez tous. Les
(i) Voyez Camper, Dissertation sur le renne, ch, VII, par. 5.
-ocr page 321-DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 017
vaisseaux sanguins et les nerfs sont conformés de
même chez les uns et chez les autres. Il n\'y a pas
jusqu\'aux vaisseaux lymphatiques qui ne soient
dans tous garnis de valvules. Ces vaisseaux lym-
phatiques se rassemblent dans les glandes voisines,
et se réunissent ensuite tous dans le canal torachi-
que, ainsi que Nuck l\'a démontré le premier, et
Hewson après lui. Ces vaisseaux sont supérieure-
ment beaux et faciles à reconnoitre dans le cheval
et dans le renne.
§. XVin. La secretion des humeurs superflues,
Févaporation de Fair et des humeurs viciés , l\'as-
piration de Fair déphlogistiqué et des fluides salu-
bres qui circulent dans l\'atmosphère sont parfai-
tement les mêmes dans l\'homme et dans les ani-
maux; et jusqu\'à là l\'assertion de la Société est sans
contredit vraie sous tous les rapports.
XIX. Il s\'agit donc maintenant de la seconde
partie de la question, laquelle y est, à la vérité ,
passée sous silence ; mais qui s\'y trouve néanmoins
indiquée tacitement d\'une manière indéterminée :
comme si Fhomme étoit sujet à plus de maladies
que les animaux parfaits, c\'est-à-dire, que les qua-
drupèdes mammifères. Il sembleroit par là que la
Société demande qu\'on fasse connoître:
1°. Les causes naturelles de ce grand nombre
de maladies j
Quand ces causes seront connues, faire un
examen exact de leur influence indispensable sur
la médecine; et
5°. Indiquer le perfectionnement des ordon-
nances ou médicamens.
XX. Comme la Société ne demande que la
vérité, et que son seul but est d\'être utile à l\'hu-
manité et principalement à mes compatriotes; je
vais tâcher de prouver, sans autre digression, que
l\'homme, considéré simplement comme un être
physique, n\'est sujet ni à plus ni à moins de ma-
ladies que les animaux; pour démontrer ensuite ,
que du moment que les hommes se sont formés en
société, c\'est-à-dire, du moment qu\'ils ont quitté
la vie agreste et sauvage, ils ont été exposés à une
infinité de maladies qui devoient nécessairement
résulter de ce changement dans leur régime de
vivre (i).
XXI. Le nombre des maladies qui affligent
l\'humanité a donc dû s\'élever par là au-dessus du
nombre des maladies qui sont naturelles aux ani-
(0 J. J. Rousseau est du même sentiment. Qu\'on lise son Dh-
cours sur l\'origine de l\'inégalité parmi les hommes, où il dit: « Que
« la plupart des maladies qui affligent i\'Iiumanité sont l\'ouvrage
K de l\'homme en société, «
-ocr page 323-DE 3L A SOCIÉTÉ BATAVE. 5lQ
maux : aussi la pharmacie ne fournit-elle point de
remèdes, de quelque espèce que ce puisse être,
par lesquels il soit possible de les guérir, bien loin
de les extirper , et moins encore de les prévenir.
XXIL La Société s\'apperçoit bien sans doute
que j\'ai en vue ici la distinction des rangs qui a
lieu chez toutes les nations civilisées, même chez
les peuples nomades; et que pour plus de facilité
on peut diviser en quatre classes principales.
XXin. La première classe est celle des pau-
vres, lesquels dès leur naissance , pour ainsi dire,
sont condamnés à de pénibles travaux et exposés
à plusieurs maladies qui en résultent; et cela de
manière que , par défaut de nourriture, la popu-
lation en souffre infiniment, ainsi que le respec-
table Franklin (i) Fa prouvé d\'une manière évi-
dente , de façon même que les Européens qui ha-
bitent l\'Amérique septentrionale, où ils trouvent
facilement leur existence ont doublé de popula-
tion dans l\'espace de vingt-cinq ans (2) ; car en
1761 il y avoit déjà au-delà d\'un million d\'ames
dans cette partie du nouveau monde, quoiqu\'il
{i)Observ- concerning the increase aj mankind, peopling of
countries, etc., n*\'. II, pag. i.
Ibid., Examen before the house of commons, pag. aSS.
-ocr page 324-»\'en eut passé que quatre-vingt mille , au - delà
des mers. La fertilité d\'Otaïti fait que la popula-
tion de cette île est à celle de la France comme
17 : 1 (1). Les observations du célèbre Forster,
qui servent à confirmer celles de Franklin, nous
apprennent en même tems qu\'à peine y a-t-il deux
mille liabitans à la Terre de Feu , quoique cette
île soit plus grande que la moitié de l\'Irlande (2).
Cependant liippocrate appelle les Scythes, « Une
race d\'hommes moins fécondé (5) non—seule-
ment à cause de leur misère, que parce qu\'ils se
tenoient trop à cheval; mais je parlerai de cela
plus au long dans la suite.
§. XXIV. La seconde classe est composée des
gens riches, qui, soit par leur fortune, soit par
(i) Voyage de Cook, pag- aoo.
(•2)lbid., pag. 2o5. Suivant Allerstain, missionnaire des tribu-
naux des mathématiques, k population de la Chine montoit à
198,314,624, c\'est-à-dire, à près de deux cents millions d\'ames. Elle
s\'y seroit donc accrue en une seule année de plus de 1,576,528
enfaiîs; ce qui feroit à peu près un quart de plus que cela n\'est
ordinaire, quand il naît par an un enfant par trente-cinq person-
nes. Mém. concernant les Chinois, tom. IX, pag. 440, par M
Çourgeois , donné à Peking, en 1777.
(3) De aère etlods , pag. 291, lin. 41, cap. 3 , De Fcesius: Mi-
nimefoscundum hominum genus. Qu\'on compare à ce passage les
Mem. Scyihiç, de Ih. Sig, Bayer. Comm. Acad. Petrop., torn,
m, pag. 55i.
ï) E LA SOCIÉTÉ BATAVE. 521
leur rang, sont portés à mener une vie irrégulière.
XXV. La troisième classe est celle des sa-
vans et des artistes, lesquels non-seulement vi-
vent fort sédentairement, mais exercent en même
tems beaucoup leurs facultés intellectuelles.
XXVI. Ce sont les ecclésiastiques qui com-
posent la quatrième et dernière classe; j\'entends
particulièrement par-là les personnes des deux
sexes, qui, vivant séparées les unes des autres, de-
meurent ainsi encloîtrées pendant toute leur vie.
XXVIL J\'ai préféré cette division à celle
que les Milésiens firent faire par Hippodamus ,
lequel, suivant le témoignage d\'Aristoste (i), ne
partagea l\'état qu\'en trois castes , dont les artistes
lormoient la première, les laboureurs la seconde
et les gens de guerre avec les citoyens armés la
troisième. D\'après ma disposition, les deux derniè-
res castes d\'Hippodamus se trouvent comprises
dans ma troisième.
g. XXVIII. Au reste , la dilFérence des climats
et des lieux, ainsi que les différentes manières de
vivre doivent influer sur toutes ces classes, et oc-
casionner ou prévenir différentes maladies.
M De IXepubîka ,\\ïh. IL
ïî.
XXIX. BulFon (i) pense, quoique à tort, que
les hommes doivent être sujets à plus de maladies
que les animaux , parce qu\'ils n\'ont pas , comme
eux, la faculté de distinguer ce qui leur convient
de ce qui leur est nuisible. Il est en cela d\'accord
avec Cicéron (2) qui a remarqué avec raison : » Que
« cette même nature cependant a donné aux ani-
« maux des sens et des appétits, pour les excher
a par les uns à prendre leur nourriture naturelle
« et les aider à distinguer par les autres celle qui
« leur est convenable , de celle qui pourroit leur
« nuire » ; mais cela ne peut avoir rapport qu\'à la
nourriture seule; et nos connoissances étendues et
notre raison nous instruisent promptement à dis-
tinguer tout ce que les alimens peuvent avoir de
dangereux pour nous ; desorte que nous le savons
aujourd\'hui aussi parfaitement que si nous en
étions instruits par l\'instinct seul comme les ani-
maux.
XXX. Une observation plus importante est
celle que faitBufiTon , touchant les excès auxquels
se livre l\'homme, et dont, selon lui, il résulte plus
(1) Discours sur la nature, des animaux,
(2) De Nat. Deor,, ]ib. II Dedi^ autem eadem natara beluis
et sensum et adpetitum , ut altero cognatum haberent ad naiura\'
les partus capessendos, altero secernerent pesiifera a salutaribus.
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE, SsS
de maux et de maladies que de tous les fléaux
auxquels.rhumanité est sans cesse exposée. Le fa-
meux médecin Percival, confirme cette idée d\'a-
près l\'autorité de Muret (i): il dit, que l\'iFrogne-
rie seule enlève tous les ans plus d\'hommes que
ne le font la fièvre , la phtisie et toutes les mala-
dies contagieuses. Senèque a fait une peinture si
vive et si vraie des suites fâcheuses de la débau-
che , qu\'il paroît impossible d\'y ajouter la moin-
dre chose.
§. XXXL Rien ne me semble donc plus natu-
rel que de suivre la division que je viens d\'indi-
quer, en y joignant un cinquième chapitre où il
sera traité des maladies qui résuhent des excès
auxquels se livrent les quatre ordres de la société;
pour parler ensuite, après que j\'aurai examiné la
différence qui résulte du régime de vivre, des
moyens de perfectionner la médecine , afin de sa-
tisfaire entièrement au but que la Société s\'est pro-
posée.
XXXIL Mais il faut avant tout que je com-
mence par faire l\'énumération des maladies qui
sont communes à l\'homme et aux animaux.
i\') Philos. Transit., vol. LXIV, part.I, pag. 66, parag. 5.
-ocr page 328-Des maladies qui sont communes aux hommes
et aux animaux.
I. C^uoiQUE les animaux jouissent par leur
nature d\'une parfaite samé, et ne mènent point
entr\'eux une ?ie sociale j bien qu\'il y en ait, tels
que les hamsters, qui pourvoient en commun à
leur subsistance, ou, tels que les boeufs d\'Asie
et les cochons, particulièrement le pécari d\'A-
mérique, qui résistent ensemble aux tigres , leurs
ennemis communs ; il y en a d\'autres , des espè-
ces les moins cruelles, que l\'homme asservit par
artifice, et contraint à remplir des travaux utiles
ou à contribuer à sa magnificence , aux besoins
de sa table , ou à d\'autres objets de sensua-
lité. Il y en a aussi dont il se rend maître par la
force, et qu\'il renferme comme indomptables,
pour satisfaire la curiosité du peuple et la vanité
du souverain. Gn peut donc considérer les ani-
maux dans leur état de nature et dans celui de
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 52.5
captivité. Il y a certainement plusieurs maladies
qui sont communes à ces deux états; mais il y en
a d\'autres dont les animaux ne sont affligés que dans
le seul état de captivité.
Voici les maladies auxquelles les animaux sont,
comme l\'homme, sujets dans leur état de liberté :
\'Inflammationslocales et générales.
iUlcères.
Premièrement .<Gangrène.
pphacèle ou mortification des
chairs.
Toutes sortes de tumeurs , telles
que le mélicéris,l\'atherome,les
loupes ou éponges aux coudes
Secondement. et aux genoux , comme chez
Fhomme,
^Hernies de toutes les espèces.
^Accidens au membre viril [para-
phymosis), au vagin, à la matrice, et rarement
ou, pour ainsi dire , jamais au rectum , quoique
C, Ruini en parle et en désapprouve même la gué-
rison par amputation (i). Les animaux sont moins
sujets à cet accident, parce qu\'ils portent leur corps
(j) Delh infirmit, dsicwalli, lib.IV, part. SU, pag. ï8o.
-ocr page 330-526 RÉPONSE A LÀ QUESTION
également éloigné de la terre, et laissent ainsi cou-
ler librement leurs excrémens, de manière que le
boyau rectum conserve par-là toute sa force.
^Luxation.
Entorse ou dislocation, qui, avec
le tems, se change en éparvins.
Déboîtement des membres.
Fracture des os.
Carie des os de toutes les espèces.
rp • -, JOzène.
IroisiemementC^., , . ,
tbribbosites.
Exostoses.
Tlydrarthe, apostèmes, nodus, etc.
Claudication , à laquelle cepen-
dant l\'homme est plus sujet,
parce qu^il marche dans une
position verticale.
"^Fièvres.
Toutes les maladies des nerfs.
Défaut de digestion.
Ictère.
Emphysème, après avoir mangé
Quatrièmem.. du trèfle, principalement pen-
j dant Fépizootie actuellement
I régnante,
f Hydropisie,
r Phtisies de toutes les espèces.
l^Maladies contagieuses, et une es-
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE.
pèce de petites pustules, comme en ont les brebis;
à laquelle les François donnent le nom de clave-
lée (i), et qui n\'a rien de commun avec la petite
verole, comme je m\'en suis convaincu par l\'ino-
culation de la matière variolique à des brebis, sur
lesquelles elle n\'a pas eu la moindre influence, et
n\'a même pas causé d\'inflammation locale.
* Le venin (2), maladie contagieuse parmi les bê-
tes à cornes, qui règne souvent dans la partie mé-
ridionale de la Frise. M. Van Plielsum en a donné
une bonne description (3), ainsi que des accidens
qui arrivent à ceux qui ouvrent ou manipulent
sans précaution les bestiaux qui en sont morts. M.
J. J. Lerche Fa de même fort bien décrite, comme
une maladie qui faisoit de grands ravages en Rus-
sie , en Livonie et dans la Finlande.
En septembre lySS, ce fléau étoit fort commun
en Frise. J\'en fis à cette occasion une étude parti-
culière , dans l\'intention de publier un jour mes
observations sur ce sujet. Cette maladie paroît avoir
(1) On l\'appelle aussi claveau. Voyez particulièrement sur cette
maladie Carlier, Traité des bêtes à laine , taxa. II, pag. 519.
(2) \' T fenyn en hollandois. M. Camper en parle plus au long
dans ses Leçons sur l\'épizootie , que nous donnerons.
(3) Verhandelingen over Genees- en Natuur-knnde.
Franeker 1776.
528 RÉPONSE A LA question
plus OU moins de rapport avec celle que les Fran-
çois appellent charbon (1).
Le mal d\'Alep , qui attaque non - seulement
l\'homme, mais aussi les chats et les chiens (2).
La rage ou hj^drophobie est commune à l\'es-
pèce humaine et aux animaux: elle se communi-
que même par le moyen de l\'air et sans con-
tact (3).
Le célèbre médecin A. Russel remarque, com-
me une chose singulière, que les chiens d\'Alep ,
quoiqu\'ils manquent souvent d\'eau pendant les
grandes chaleurs de l\'été, ne sont jamais attaqués
de la rage; tandis que les loups y paroissent sujets
à cette maladie (4).
Les poissons mêmes ne semblent pas être exempPs
de la peste ; du moins a-t-on observé, en 1722 ,
une grande mortalité parmi ces animaux dans le
lac de Constance (5); et en 1760 M. Adam remar-
qua une maladie épidemique parmi les poissons de
la rivière de Dives (6).
(1) M. Chabert, direoteur-géneral des écoles royales vétérinaires
de France. Paris 1783 , pag. 27.
(2) A, Rnssel, ISfatural hîsloTy of Aleppo , pag. 362,
(3) Rapport sur plusieurs questions proposées àla Société royale
de médecine, par le grand-maître de Malte, n\', 1, pag, 19, A
Malte 1781,
(4) Nat. hist., etc., pag. 60,
(5) Voyez Histoire de la Société royale de médecine., pag.
IMW
Nous voyons aussi en Hollande que lorsque, par
de basses eaux, la mer pénètre trop avant dans les
terres, tous les brochets et même les carpes y meu-
rent de cécité, par Fépaississement de la cornée (i).
Maladies des yeux.
Maladies des oreilles. Surdité de
naissance : elle paroît être plus
particulière à l\'homme ; du
moins est-ce chez lui qu\'elle est
la plus remarquable.
Vers dans toutes les parties du
corps , dessous la peau (2) et
Cinquièmem.. dans le parenchyme des viscè-
res (5).
(1) M. Samoilowitz , qui s\'est rendu célèbre par un mémoire
sur la peste et sur la manière de Tinoculer , observe que la peste
qui attaque les hommes ne se communique jamais aux animaux;
de même que celle des animaux ne passe jamais aux hommes. Ce-
pendant on trouve chez d\'autres écrivains des exemples du con-
traire. Voyez Lettre à Vacadémie de Dijon, avec réponse àce^ui
a paru douteux dans îe mémoire sur Vinoculation de la peste ,
pag. 51 ; dans îe Journal encyclopédique, septembre 1783 , pag.
337, où il est dit, que M. Samoilowitz a inoculé avec un heureux
succès la peste à plus de mille personnes, et qu\'il s\'est guéri lui-
même trois fois de cBtce maladie, en se frottant avec de la glace
des glaciers.
(2) Dans l\'Amérique méridionale, on trouve l\'œstre /zo-
minnm), suivant ies observations du jeune Linnœus- Voyez JVor~
dische Bytrage, tom. I, n®. S , pag. 137.
(S) Les trichures se trouvent non-seulement dans les animaux,
ïuais aussi dans l\'homme. Voyez,PaIlaS) De lacerta apoda, Comm,
55o Réponse A LA QUESTION
[Pierres dans les poumons , dans
le conduit biliaire, dans l\'esto-
mac , dans le ventre et les in-
testins, dans ies ventricules du
cerveau et dans la matrice.
— dans les leins et dans la vessie
des chiens, des rats et des chevaux; sur quoi on
peut consuher M. le baron Von Sind (i), qui dit,
à cette occasion , avoir opéré la taille suivant la
méthode alors en usage, sur des chevaux entiers
vivans, et cela même une fois avec succès (2). Je
ne puis me passer de demander ici, pourquoi l\'on
ne fait pas plutôt cette opération au-dessus de l\'os
pubis?
\'\'Constipation.
Diarrhée et dissenterie.
Ischurie et dysurie.
Pissement de sang, commun au
gros bétail et aux bêtes à laine.
Sixièmement. .«^Engorgement des larmes et fistules
lacrymales , auxquelles l\'élé-
phant, le lamantin et ie morse
ne sont pas svijets, parce qu\'ils
, n\'ont pas de points lacrymaux.
.Transpiration arrêtée, etc.
Petrop., tom. XIX. pag. 449. Hœderer . Wrisberg et Wagler"
De Morbo miu oso. \'
O) Von Nieren-und-Blasenstein,, pag. np,,.
(2) Tom II, pag. 635 et 6a6.
-Maladies endémiques , propres à
différens climats et lieux ; par
exemple :
iPerte des poils et de la queue.
iPerte des cornes (i).
Septièmement. ^Perte de la voix, comme les chiens
en Amérique.
Exubérance de cornes.
Exubérance de laine.
Altérations des couleurs de la ro-
be , comme dans le Nord.
\'Avortement.
[Délivrances pénibles.
iMonstruosités, auxquelles je rap-
porte l\'hydrocéphale , telle que
Huitièmement.< je l\'ai vue à la tête d\'un jeune
cheval; le bec de lièvre, et tels
autres semblables défauts, qui
ont lieu à la naissance de l\'hom-
me et des animaux.
(i) AElien, dans son Histoire des animaux, liv. II, ch. 20 et
53 ; Hv. XII , ch. 20 , cite plusieurs exemples de bœufs sans cor-
nes. Le célèbre M, Schneider observe dans son excellent Comm.
in j^Elianum, pag. 75, que non-seulement en Arabie et en Bul-
garie, mais aussi en Angleterre, on trouve, de même qu\'en Is-
lande, des bœufs sans cornes. Voyez Camper , Dissertation sur le
rhinocéros, parag. 5 ; et Pallas Nordische Êeytrage, tom. 1,
pag. 25.
On ne sauroit mieux se convaincre de tout cela
que par la lecture des ouvrages de Caton, de Var-
ron, dePalladius, de Vegèce, de Gargilius Mar-
tial, même d\'Aristote, de Virgile et de Xénophon,
qui tons ont plus on moins parlé des maladies gé-
nérales et particulières des animaux domestiques.
On peut joindre à ces auteurs ceux du siècle der-
nier et de celui où nous vivons , tels que Carlo
Ruini, Solleyszel, Gibson, Von Sind, Vitet, Dau-
benton , Carlier (i) , Vink , Camper et plusieurs
autres de nos compatriotes qui ont eu la généro-
sité d\'encourager, à leurs dépens, l\'agriculture et
l\'éducation des bestiaux, en formant des sociétés
pour la conservation des bêtes de charge et des
animaux domestiques.
Si je ne craignois pas d\'être accusé de vanité ,
j\'oserois dire que j\'ai examiné moi-même avec
beaucoup de soin plusieurs de ces maladies, par-
ticulièrement celles des bêtes à cornes, des bêtes
à laine, des porcs, des chevaux, des chiens , des
lièvres, des lapins , des singes , ainsi que de plu-
sieurs espèces de poissons, tant à branchies que res-
pirant par les poumons. J\'ai trouvé des pierres
dans la vessie des chiens, et j\'en possède une qui
vient delà vessie d\'un mouton.Le baron Von Sind
a trouvé des pierres dans la vessie de chevaux , et
(0 Traité des hêtes à laine, 3 vol in-/^\'^, 1770.
-ocr page 337-DÏ; LA SOCléTÉ BATAVE. 533
«n a même fait la taille, ainsi que je l\'ai déjà dit.
Le célèbre Neumann de Berlin est d\'opinion qu\'un
certain ambre gris de la Nouvelle-Angleterre pro-
vient de la vessie des baleines (i); ce que j\'ai ce-
pendant de la peine à croire.
Aristote se trompe quand il dit : (c D\'où vient,
«qu\'excepté l\'homme seul, aucun autre animal
« n\'est tourmenté de la pierre? Faudroit-il l\'altri-
« huer à ce qu\'ils ont les conduits urinaires plus
« spacieux que lui (2) ? ))
J\'ai souvent trouvé des pierres dans la vésicule
du fiel et dans le canal hépatique des bêles à cor-
nes; ainsi que des égagropiles dans une quantité
de vaches et de veaux (5). Dans les intestins des
chevaux, on rencontre quelquefois de très-grosses
pierres lisses à l\'extérieur, qui pèsent de cinq jus-
qu\'à seize et dix neuf livres \'\'4); et dans leurs pou-
mons de milliers de petites pierres, dont ils meu-
rent à la fin, ainsi que l\'homme.
(i) Med. Ess. of Edînb., tom. IV, p. 563 ; et Philos. Trans.,
n«\'. 433 et 454-
(3) Probl., sect. X, pag. 729, tom. II, G. — D,, parag. 42.
Car nullum animal, nisi homo, caîculosum fieri potest ? an quia
vesicae meatus oblincnt ampliores.
(3) Le savant professeur M- Sœmmering trouva, en 1783, à
Casse!, deux égagropiles d\'une grandeur extraordina re dans Tes-
tomac d\'un porc-épic.
(4> Philos. Transact, abr. by Baddam , vol. VIlI, pag. 20g e^
Philos, Transact,, VoL XLYIII, part. U, pag. 800—.802.
Les chevaux, les cochons, les singes, les lièvres,
les poulets et même les poissons m\'ont offert diffé-
rens vices de conformation ; et je possède dans ma
collection plusieurs exemplaires d\'os, ainsi que
d\'autres parties mal conformées, tant de l\'homme
que des animaux, à l\'exception du cheval seul.
Des hernies de toutes les espèces, telles que en-
terocèles, épiplocèles, hydrenterocèles, et même
hernies de vessie, se rencontrent chez les chiens,
et ont fait l\'objet de mes études (i). J\'ai observé
une descente de matrice parfaite dans une jeune
jument qui venoit de pouliner, ainsi que, depuis
peu , le commencement d\'une chute de vagin dans
une autre jument : chez celle-ci c\'étoit la suite
d\'une toux continuelle. On sait que les vaches sont
fort sujettes à ce mal quand elles vêlent, de même
que les brebis lorsqu\'elles mettent bas (2); moins
cependant que lesfemnies, parce que ces animaux,
qui marchent à quatre pattes, ont le corps dans
une position parallèle à la terre; desorte que la
pression des muscles de l\'abdomen sur le bassin
est moins considérable chez eux que chez l\'homme.
Les vaches , les jumens , les truies , les brebis ,
les chattes et les chiennes ont souvent tant de dif-
{1) Le premier septembre 1783 , j\'ai observé une enterocèle re-
marquable dans le côté gaucîie d\'une jument,
(2) Carlier, Traité des bétes à laine, pag. 157.
DE LA SOCIÉTÉ BATAVÏ2. 355
ficiilté à mettre bas que ces animaux ont alors be-
soin du secours de l\'homme, malgré lequel même
ils meurént quelquefois. Hartmann parle d\'une
chatte qui mourut sans pouvoir mettre bas (i).
Quelquefois aussi le foetus pourrit dans la ma-
trice, comme j\'en ai vu un exemple remarquable
dans une vache. D\'autres écrivains citent de pareils
exemples (2).
Cependant les animaux, sur-tout les herbivores,
mènent une vie fort régulière; leur nourriture est
constamment la même, et leurs besoins physiques
sont faciles à satisfaire. Leur ame , quelle qu\'elle
puisse être, n\'est pas tourmentée par les idées ter-
ribles des malheurs à venir; le sentiment du mo-
ment actuel les occupe uniquement, et ils parois-
sent ne conserver aucune idée du passé , qu\'au-
tant qu\'elle peut être réveillée en eux par quelque
sensation physique. Sans cette faculté, ils seroient
absolument incapables de se préserver des dangers
et d\'avoir cette docilité que nous admirons dans
plusieurs, tels que l\'éléphant, le cheval, le chien,
le faucon et même le serin de Canarie.
Quoique l\'imagination ne semble exercer au-
cune puissance sur les animaux , ils produisent
néanmoins journellement des monstruosités ; et
{^)Ephem. nat. ciirios. Dec. II, n". 7, pag. 76
(2) Philos, Transact, abr. by Baddam, vol. V, pag, 23^.
-ocr page 340-S36 II ÎC p ON SB A LA QUESTION
cela est non-seulement commun aux quadrupèdes,
mais aux oiseaux et aux animaux rampans même,
dont on trouve des exemples chez Aldrovande ?
Licetus, Bartholin, Valisneri, Haller, Seba, Ed-.
wards , Meyer et plusieurs autres écrivains ; et
comme je pourrois le confirmer par des veaux, des
agneaux, des chiens, des chats, des porcs, des ca-
nards, etc., monstrueux que je possède dans ma
collection.
La chèvre de Curaço à deux corps et une seule
tête (i), le chat conformé de même (a), et la ga-
zelle à deux têtes (5), dont Seba a donné les figu-
res, ne méritent pas moins notre attention à cet
égard (4). Mais la tortue et le serpent à deux têtes
dont parle Edvi^ards (5), et le lézard avec les deux
pieds de derrière seulement qu\'on trouve chez
Klein (6), sont bien plus curieux, parce que ce
sont des ovipares , qui par conséquent n\'avoient
rien de commun avec la mère. Les œufs d\'oiseaux
avec un jaune double et adhérent produisent tou-
(i ) Seija, tom. I, pag, 74, pl. 46, fig. i.
(2) liid.
(5) Ibid., pl. 45, pag. 73.
(4) Buffon, Hisc. nat. , tom. XIV, des chiens , des chats , des
porcs et des veaux-
(5) Hist. nat., tora. V, pl. 206 et 207, Arist., Hist. anim.,
lib. VI.
(6) H\'erpetoïogiae, pl mais il n\'en donne pas la description.
-ocr page 341-Î^E LA SOCIÉTÉ BATAVE. SSy
jours, suivant. Aristole (i), des monstruosités ; ce
qui est bien une preuve que ces erreurs de la na-
ture dépendent en effet originairement du fruit
primordial et non de l\'imagination de la mère.
Nous savons aussi, par les monstruosités qu\'of-
frent les feuilles , les branches , les fleurs et les
fruits des arbres, que c\'est quelque accident étran-
ger et absolument inconnu dans la structure orga-
nique du germe qui les produit, et non pas l\'ima-
gination de la mère. Il seroit d\'ailleurs absurde de
penser que le sage Créateur de l\'univers fasse dé-
])endre de l\'imagination déréglée des parens la
bonne ou vicieuse conformation des foetus de quel-
que espèce que ce puisse être.
§. il. Tous ces accidens, tous ces défauts, tou-\'
(I) msl. anim., lib. VI, cap. 5 , pag. 863 , A. ~ B. ; principa-
lement Z)e Geiier. anim., lib. IV, cap. 4, pag. 1 laS-Le double
jaune produit aussi des oiseaux doubles : les fruits tiennent l\'un à
l\'autre, parce que l\'un se trouve près de l\'autre dans l\'œuf. Quand
les deux jaunes sont confondus sans membrane qui les sépare il
en naît des oiseaux monstrueux , -avec un corps et une tête mais
avec quatre jambes et autant d\'aîles. Ifjid.,
Aristote remarque aussi qu\'il n\'y a point d\'animal qui naisse
sans cœur ; cependant je crois pouvoir assurer qu il y a beaucoup
d\'exemplos du contraire; du moins je conserve un veau mons-
trueux, né sans aucun os , sans cœur et sans intestins. Aristote
PSrle ensuite de scrotums fendus, de défajuts d\'urètre, d\'snusbou
eic. AEVien i De JVac. anim. lib Xl et XII > rapporte plu,
sieurs exemples d\'oiseaux et de quadrupèdes monstrueux.
tes ces maladies se manifestent chez les animaux
dans Fétat de nature. Nous devons maintenant les
considérer dans leur second état, celui de domes-
ticité , particulièrement comme bètes de charge;
c\'est-à-dire, pour autant qu\'on leur fait faire de
grands travaux, tels que les éléphans, les droma-
daires , les buffles , les boeufs , les chevaux , les
ânes, les mulets, les rennes et même les chiens ,
qui servent de messagers dans le Nord.
Cependant dans la servitude même les éléphans
paroissent conserver une certaine supériorité sur
leurs maîtres, et ne vouloir exécuter que ce qu\'ils
peuvent faire convenablement. Nous ne sommes
pas assez instruits en Europe de ce qui regarde les
chameaux, les dromadaires, les buffles et les ren-
nes , pour en parler avec quelque certit ude. M. Pal-
las a remarqué seulement (i),d\'après les journaux
des caravanes qui vont de Saint-Pétersbourg à Pe-
king, que la pluie et des terrains humides rendent
non-seulement les chameaux boiteux en août, mais
leur font perdre même totalement leurs soles.
Les boeufs, qvii généralement tirent avec la tête
et le cou , souffrent peu ; cependant ils sont plus
sujets que les chevaux à de grands éparvins, parce
que toute ia force dépend finalement chez eux des
(i) Nordische Beyira-gc, tom. II, pag. 166.
-ocr page 343-ligamens qui attachent les os du métacarpe à ceuX
du carpe des pieds de derrière.
En Angleterre et dans d\'autres pays les bœufs
ne peuvent pas être employés sans qu\'on les ferre,
et cela dans les terres les plus fertiles même , à
cause des pierres à fusil qui se cassent facilement
en éclats trawîhans; d\'où il résuhe plus de mal
pour ces animaux que pour les chevaux, à cause
que la corne de leurs sabots est trop mince et tropi
tendre.
Dans notre pays , les chevaux souffrent peu ;
mais ces animaux sont vraiment à plaindre en An-
gleterre, en Allemagne, dans la Mairie de Bois-
le-Duc,et sur-tout en France. Les lourds fardeaux
dont on les charge, joints aux harnois incommo-
des, principalement le joug, leur causent une in-
finité de maux qu\'on ne connoît pas chez nous.
L\'âne , qui n\'est pas si docile, souffre moins.
La manière de ferrer les pieds, l\'ignorance des
maréchaux sur la véritable conformation du sabot
de ces animaux, l\'habitude de laisser trop long-
tems les fers rouges sur la corne pour en bien pren-
dre la mesure, la mauvaise position qu\'on donne,
aux clous, les bouts trop élevés des fers, presque
inévitables dans les villes où l\'on charie les mar-
chandises sur des traîneaux, doivent occasion-
ner mille incommodités auxquelles ne sont pas
exposés les chevaux de nos fermiers, dont la
54p îiÊPOKSE A LA QUESTION
plupart n\'ont pas les pieds de derrière ferrés.
On trouve des chevaux , des chiens et des ours
avec des taies ou suffusions sur les yeux , qu\'on
traite chez les chevaux de la même manière que
chez l\'homme. C\'est à tort que le baron Von Sind
se vante d\'avoir été le premier, en lyyS, qui ait
levé le cataracte aux chevaux avec une éguille ,
comme cela se pratique pour l\'homme(i). 11 sem-
ble avoir ignoré tout ce que C. Ruini avoit dit à
ce sujet en 1618, par conséquent cent cinquante-
sept ans avant lui (2).
Aristote s\'est aussi trompé beaucoup en posant
ce problême : « D\'où vient que l\'homme seul est
(C exposé à la cécité, ou qu\'il le soit du moins plus
«que les autres animaux? Seroit-ce parce que
« l\'homme seul est sujet à l\'épilepsie dans son en-
te fance, ou qu\'il l\'est du moins plus que tout au-
« tre animal (5)? )) D\'abord, la cécité n\'est pas
une suite des spasmes; et, secondement, les che-
vaux et les chiens sont également attaqués du mal
caduc, sans qu\'ils en deviennent aveugles.
La vue des chevaux soulfre beaucoup en Alle-
(1) Vol. IV, liv. r, parag. 3, pag. 543.
(2) Delli infirmüadi dei cavalli, pag. 79.
(3) ProbL, sect. X, parag. 49, pag. 751. Cur animantiiim ho-
tnini -vel uni, vel maxime oculi depravantur? an quod homo
®e/ solus, nel maxime morbo comitiali capi in pnerili aetais
jro/ef?.
CE LA SOCIÉTÉ B A T A V E. 34l
magne, en Angleterre et en France, par les longs
fouets dont on fait usage dans ces pays, et par les
coups qu\'on leur en applique sur la tête ; ce qui
cause des inflammations d\'yeux, ainsi que la goutte
sereine; comme on le voit aux chevaux de poste et
des charretiers, qui le plus souvent sont borgnes ou
même totalement aveugles,
MWen rapporte (i) que les chèvres, quand elles
sont aveugles d\'un oeil, le percent avec une épine
de i-once, et qu\'ensuite elles en voient parfaite-
ment. Pline confirme ce fait (s).
La foiblesse des omoplates des chiens nous prou-
ve que ces animaux ne sont pas destinés à traîner
de grandes charges; cependant on les attèle de-
vant de lourdes charrettes de houille, dans le pays
de Liège, dans le Hainault, et dans le Brabant. La
Haie et Scheveningen offrent journellement des
exemples de la manière barbare avec laquelle on
traite ces animaux. Le peu de dépense que coûte
la nourriture d\'un chien , semble favoriser cette
coutume , à laquelle leur conformation est d\'ail-
leurs peu convenable.
III. Les animaux sauvages qu\'on tient ren-
fermés dans des loges étroites, tels que lions, ours,
loups, etc., perdent non-seulement leur vivacité
———————- ■
(i)Lib. VU, cap. 14, pag. 95.
(a) Lib. VIII, cap. 5o.
54s H É p o N s E A LA QUESTION
naturelle; mais le défaut de nourriture convena-
ble les rend malades. J\'ai vu en France un lion
qui, lorsque son maître lui donnoit un morceau
de viande d\'une livre, le rendoit peu de tems après,
par les selles , tel qu\'il Favoit avalé , par consé-
quent sans en avoir eu la moindre nourriture. Mais
quand on lui en présentoit un morceau de cinq li-
vres ou plus à la fois , il s\'en trouvoit fort bien.
La plupart des animaux encagés perdent la vue ;
ainsi que cela a de même lieu chez les chiens quand
on les nourrit trop délicatement.
Les animaux de proie , parmi lesquels il faut
compter le chien , le chat , le furet , ne font que
briser les os et les avalent ensuite par grands mor-
ceaux, comme ils le font avec la viande. J\'ai trouvé
dans l\'estomac d\'un renard, non-seulement une
souris pleine , mais même le nid entier; tant est
grande la voracité des animaux carnassiers.
La plupart des bêtes sauvages qu\'on tient ren-
fermées deviennent perdues de leur train de der-
rièrs. La ménagerie de Versailles a sur cela de
grands avantages, parce que les loges de ces ani-
maux sont spacieuses, et qu\'on en renouvelle con-
venablement l\'air. Aussi ne sont-ils nulle part si
beaux ni si propres.
Quoiqu\'il en soit, la captivité plonge tous ces
animaux dans un tel abattement qu\'ils perdent to-
talement le désir de se propager; ce qui, joint
aux efforts continuels qu\'ils font pour sortir de
leurs loges, doit nous convaincre que quelqu\'im-
parfaite que soit leur ame, ils ont néanmoins ua
sentiment trop vif de la liberté pour qu\'ils puissent
vivre contens dans une prison : tel est l\'effet de la
réclusion et de l\'esclavage sur les brutes mêmes !
§. IV. Il semble que les quadrupèdes sont sujets
à un plus grand nombre et à de plus graves ma-
ladies contagieuses et pestilentielles que l\'homme;
du moins cela a-t-il plus souvent lieu chez eux ;
quoique d\'ailleurs il faille l\'attribuer particulière-
ment à la négligence qu\'on met à cet égard. Il y a
cent vingt ans que, par les soins et les précautions
du gouvernement, nous n\'avons pas eu de peste
dans ce pays; et c\'est par ses sages mesures qu\'il a
su nous garantir de celle qui régna à Dantzig en
1709, et de celle qui en 1721 ravagea Marseille.
C\'est par de semblables précautions qu\'on auroit
pu écarter l\'épizootie, si l\'on avoit mis plus d\'é-
nergie à faire exécuter les loix, ou si l\'on avoit eu
soin de faire tuer ici sur-le-champ les bestiaux
malades, ou soupçonnées de l\'être, comme on l\'a
pratiqué en France, en Angleterre, en Espagne ,
en Italie et en Suisse, à Finstar de ce que prati-
quoientles anciens Romains (1).
(i) Gomme nous l\'apprend Sénêque ( De la Colère, liv. I, ch.
15 ) : « On égorge les brebis malades de peûr qu\'elles n\'infectent
Jusqu\'à présent les animaux ne connoissent pas
riiorrible maladie qui attaque si cruellement les
parties de la génération de l\'homme, et dont les
enfans sont infectés même avant qu\'ils aient reçu
le jour ! Maladie affreuse, que nous avons été
chercher en Amérique, et que, par une abomina-
ble lubricité, nous avons si impitoyablement com-
muniquée aux peuples de l\'Asie et de l\'Afrique ;
non-seulement à ces hommes simples, mais à leur
postérité même; et c\'est ainsi que, pour les récom-
penser de leurs bienfaits, nous avons laissé chez
eux im germe éternel de corruption.
Je n\'ignore pas que Sanchez prétend que la ma-
ladie vénérienne n\'a pas passé de l\'Amérique dans
l\'ancien monde, et que Forster (i) soutient la mê-
me hypothèse d\'après le sentiment de Sanchez.
Cependant, si l\'on compare les suites de la véri-
table maladie vénérienne, avec les maladies qui
régnoient chez les autres peuples avant la décou-
verte de l\'Amérique, on s\'appercevra que le virus
paroît en difiFérer totalement, et appartenir abso-
lument au nouveau monde. Le célébré Robertson,
qui est de ce sentiment, place également son ori-
gine dans cette partie du globe (2).
« k troupeau.... Ce n est pas k colère, mais la raison qui nous
«prescrit de retrancher delà société un membre dangereux. »
(1) Observations sur l\'espèce humaine,
(z) Hist, de l\'Amériijus, liv, lY et les remarques.
be la société bat ave. 545
Cette maladie seroit d\'autant plus terrible pour
les animaux qu\'ils ne pourroient y apporter au-
cun remède; car jusqu\'à présent nous ne connois-
sons pour sa guérison d\'autre véritable spécifique
que le mercure seul.
Il est vrai que les chiens paroissent susceptibles
d\'une espèce de gonorrhée (i) ; mais elle ne se com-
munique point. Buffon observe que les taureaux à
qui l\'on a fait subir la castration , font naître, par
l\'accouplement, et même par simple contact, des
espèces de carnosités ou verrues à la vulve de la
vache, qu\'on ne peut guérir que par l\'application
d\'un fer rouge (2). Comme je n\'ai jamais i-emarqué
rien de semblable aux vaches de nos contrées, j\'ai
beaucoup de peine à ajouter foi à cette assertion
du naturaliste françois.
V. Cependant les animaux qui ne boivent que
de l\'eau crue sont plus sujets que l\'homme à diffé-
rentes espèces de vers dans l\'estomac, dans les in-
testins, dans le foie, dans les reins, etc. Nos va-
ches, nos veaux, nos chevaux, nos porcs, meu-
rent souvent de vers filiformes vivipares, qui par
(1) M. Schwedjauer dit cela, non-seulement des cliiens , mais
aussi des étalons. Voyez Practical observations on vcneral com\'
plaints, pag. 3i , in 8". 1784.
(2) Tom.lV, du Bœuf , pag. 450 et 43i.
-ocr page 350-546 RÉPONSE A EA QUESTION
la bouche entrent dans le larynx, de là dans la
trachée-artère, et pénètrent dans les bronches des
poumons , qu\'ils obstruent à tel point que l\'ani-
mal dépérit insensiblement et meurt enfin faute de
pouvoir respirer (i).
Le laborieux naturaliste Th. Klein (2) a décrit
les vers qui se trouvent dans les reins des loups,
et dont j\'ai observé les analogues dans les reins des
chiens domestiques en Hollande. J\'ai dans ma col-
lection un grandver néphrétique qu\'un de mes amis
a rendu par les urines, il y a quelques années. Le
docteur Turner parle d\'un pareil ver sorti par la
verge d\'un enfant de seize mois.
Le tœnia ou ver solitaire ne tourmente pas
l\'homme seul: le cheval, le bœuf, et, pour ainsi
dire, tous les quadrupèdes, en sont affligés, sur-
tout les lièvres, les lapins, les souris, etc.; la plu-
part de nos poissons de rivière en ont, ainsi que
des vers filiformes, comme on peut le voir dans
(1) J\'ai donné una description circonstanciée de ces vers (voyez
le tome III de notre collection des OEuvres de Camper ). lis res-
semtlent assez aux vers filiformes (.filarîa) que M. Gotze a dé-
crits dans les Schriften, der Berlinischen Gesellschaft, etc. tom
XVIII, pag. 38, et principalement pag. 60, parag. 4, pl. 3, ßg.
12 — 19.
{2) Herpelolog., pag. 63, et les Philos, Transact., n\'>. ,
pag. 269.
HE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 347
l\'anguille et le brochet. MM. Muller(i)etGotze(2)
ont donné une description fort exacte de ces vers,
qu\'ils ont également trouvés dans les porcs. M.
Pallas (3) les appelle tœnia hœraca continua su-
hrugosa , i^ostro retractili, aculeis reclinatis,
ïnuricatis.
Le ver hépathique , qui occasionne si souvent
le tac chez les moutons, auquel nous donnons en
hollandois le nom de bot, et que les François ap-
pellent douve (4) , se tient dans les conduits bi-
liaires et dans la vésicule du fiel des moutons et
des bêtes à cornes , ainsi que des cochons et des
chevaux , quoique ceux-ci n\'aient pas , non plus
que les cerfs, de vésicule du fiel. Ces vers ont élé
décrits d\'abord par G. Bidlo, ensuite par Camper,
et depuis peu avec beaucoup d\'exactitude par M.
J. C. Schafiisr(.5),lequel a principalement surpassé
la description et la figure que Camper en a don-
nées, en ce qu\'il a observé que le petit crochet que
(1) Hist. Vermium, et le Naturforscher, tom. XII, parag. 14,
pag. 178, pl. 5, fig. 1 — 5.
(2) Natnrf. gesels. , tom. III, pag. 490.
(3) Elench. Zoophyt., 1766 , in-%°., pag. 4i5.
(4) Carlier fair, dériver ce mot de la douve inummularia), plante
aux feuilles de laquelle ces vers ressemblent non-seuiement beau-
coup, mais auxquelles ils doivent aussi leur origine. Page a^iS.
(5) Verhandeling over de Botien of Zuigslakken , Amsterdam
1782.
ce dernier a découvert et décrit le premier (i), est
le membre viril de cet insecte androgyne.
L\'œstre ou ver gastrique, qu\'on trouve chez tous
îes chevaux, est ovipare. C\'est une mouche qui en
dépose les œufs dans l\'anus du cheval. Du mo-
ment que ces œufs sont changés en vers ou larves,
ils montent le long des intestins, pour aller s\'at-
tacher par centaines dans le duodenum près du
pylore, où ils se tiennent jusqu\'à ce qu\'ils soient
devenus chrysalides: alors ils sont chassés avec les
excrémens hors du corps du cheval, pour redeve-
nir mouches et muhipher leur espèce.
Daubenton a trouvé dans l\'intérieur du ventre
d\'un coaita de longs vers filiformes, qui commen-
cent par faire languir l\'animal, et finissent par
le tuer. J\'ai observé moi-même de ces vers dans
cette espèce de smges , et une fois aussi dans un
renard.
Il y a quelques années que j\'ai trouvé dans un
marsouin de ces dragonneaux durs et noirâtres ,
mais remarquablement plus longs que ceux dont
Th. Klein a donné la description et la figure (2).
Ces vers, qui avoient six à huit pouces de long,
étoient non-seulement entrés par la trompe d\'Eus-
(1) Nieuwwyze -van Landbouw, 11«. deel, pag. 5,5 , fig. 4.
(2)I/ise. Pisc. missus l, addit, ad anat. Phocaenac , pag. 3i,
parag. 26, pi. 5, %. 5,
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 54g
tache dans le tambour de l\'oreille , de manière ,
qu\'ils en remplissoient, pour ainsi dire , toute la
capacité; mais ils se trouvoient égalementpar cen-
taines dans les bronches des poumons.
Je passerai sous silence les vers qu\'on trouve
contre l\'épine du dos des gades , des chabots et
d\'autres poissons , où ils grandissent.
Combien de fois ne trouve-t-on pas l\'hydatide
( tœnia hydatigena ) dans les bœufs , les cerfs ,
les porcs et les chevaux ? Je l\'ai observé même
dans les singes. Je conviens qu\'on les a souvent
rencontrés dans l\'homme, mais pas en aussi grande
quantité que dans les animaux et sur-tout dans
les bêtes à cornes (i). : :
01. Fabricius trouva une fois, suivant le témoi-
gnage de O. Fr. Muller (2), le cœur d\'un phoque
(i)Sur ces vers il faut principalement consulter Tyson, ensuite
Pallas et Bloch, Bey trag der naturgeschic.hie der bla .enwünner,
où il expliqué la maladie des brebis, quand elles tournent et meu-
rent. Voyez Berlin. Geselseh. Naturf. Freunde, band!, pag. 535,
1. 10 , et pag. 340 ; et Nath. Gottfr. Des-Leske, Vxm dem Drehen
der Schafen, und dem Blasenbnndwurm im gehirne derselbe.
Leipzig, zVi-S\'.; ainsi que Journal meJecirial de Londres. janvier,
février et mars 1783; enfin, les Observations of John Thorpe,
Baddam\'s abridgement of the Philos. Transact., volv IV, pag.
S83. Carlier, qui n\'a pas connu ces vers, attribue à ton cetie ma-
ladie à une bulle d\'eau qui se forme dans le cerveau. Ibid., pag,
544 et suiv,
(3) Zoolog. Danicae Prodr., pag, 214, n°. aSg.
-ocr page 354-{phoca foetida), presque entièrement rongé , da
vivant même de Fanimal, par des ascarides.
Je ne parlerai point des vers qui occasionnent
des douleurs terribles dans les narines des brebis,
du gros bétail et des chevaux, ou qui s\'introdui-
sent dans les oreilles, et dont Fhomme n\'est pas
non plus exempt. Ce seroit un pénible travail que
de vouloir les citer tous. Il faut lire sur cela Rhedi,
Zagar, Pallas,Bourgelat et Muller, pour voir avec
étonnement combien d\'animaux vivent dans d\'au-
tres animaux, s\'y nourrissent et propagent.
VI. Mais ce ne sont pas les vers seuls qui
s\'introduisent dans le corps des animaux avec leur
nourriture ou de quelqu\'autre manière. Plusieurs
espèces de mouches déposent leurs oeufs dessous
la peau^des bêtes à cornes, des chevaux, des cerfs,
des rennes et de l\'homme même, où ils prennent
toute leur croissance, pour se frayer un passage au
travers de la peau quand ils sont devenus chrysa-
lides, et s\'envoler ensuite. L\'oestre, qui tourmente
souvent d\'une manière si terrible les chevaux, les
cerfs et les bêtes k cornes, paroît attaquer aussi
d\'une manière particulière les habitans des îles Ku-
riles et de l\'Amérique méridionale.
La tique pénètre en partie dans la peau des che-
vaux, du gros bétail, des bêtes à laine et même de
Fhomme, pour se nourrir de leur sang. On trouve
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 35 i
d\'autres insectes malfaisans en Afrique et dans les
autres contrées chaudes , qui se nichent dessous
l\'épidernie des jambes des habitans, où ils acqnier-
rent hnit à dix pouces de longueur. Je veux parler
du dragonneau {venia medinensis), dont Plutar-
que (i) a déjà fait mention, et que j\'ai eu souvent
occasion d\'observer dans les hôpitaux en Angle-
terre et en Hollande chez les matelots qui reve-
noient de ces climats brûlans.
Que dirai-je de la gale et de la teigne, que les
plus habiles médecins regardent , avec raison ,
comme des amas de vers (2).
Dans les parties septentrionales de la Suède, de
la Russie et de la Sybérie, il y a, selon Pallas, des
{i) Symposîac.,Vi\\>. IV, pag. ySS, raconte, d\'après Agathar-
Cjue, « Que près delà mer Rouge les hommes sont tourmentés par
« de petits serpens. sj
(3) Le célèbre Bononis est le premier qui ait découvert des ani-
macules dans l\'ichor de la petite veroleet de la gale, Mem. of the
rojal Soc-abr. by Baddam, vol- IV, pag. 192 ; traité dans lequet
on trouve.aussi la meilleure méthode de guérir la gale , décrite de-
puis dans les Anmnît. acad , tom. 111, pag. 333, sous le nom
à\'acarus subcutaneus, et principalement par J. Uddmaan, De
Lepra, ibid., tom. \\1I, pag. 94 et 100, où il est djt d\'une ma-
nière expresse : «Mais aujourd\'hui personne n\'ignore qu\'il s\'y
« loge des mites dessous la peau , etc. Jam vero nemini noncons.\'
tat, oriri illam non nisi abacaris subcute nidulantibus est. Enfin ,
®n pem consulter Spallanzani, OEuvres de physique, par J. Sene-
tier, tom. I, introd. pag. 14.
552 RÉPONSE A LA QUESTION
insectes volans (i) , ou plutôt portés par le vent ,
connus sous le nom de furies, lesquels causent ,
par leur piqûre , un spliacèle suivi d\'une mort
prompte et douloureuse, tant à l\'homme qu\'aux
animaux, du moins aux bêtes à corues, aux chè-
vres et aux chevaux (2). Aux iles Moluques , on
trouve des vers que M. Forrest (3) nomme lima-
tics, dont la piqûre cause une hémorragie qui
dure pendant quelques heures. Je passerai-sous si-
lence la,sangsue , parce qu\'on se plait à la consi-
dérer plutôt comme un remède que comme un
animal malfaisant.
Les poux n\'incommodent pas moins les animaux
que Fespèce humaine. Le célèbre Gotze, qui a traité
fort amplement cette matière , dit, avec raison ,
que tous les animaux sans exception , même les
poissons, les amphibies, etc., sont tourmentés par
ces insectes, c\'est-à-dire , par des mites {acari).
Il,n\'en excepte qive l\'âne seul, ainsi que le fait
(1)\'iV. Nordische Beytrage, band I, pag. 11 S"; et Linnœus. pag.
i5a5, n". 353, band I, tb. a, Ausb. XH, Syst.-^fiat. H dit "en
avoir souffert lui-même en 1728. 11 faut sur-taut con.sulter le
traité de la furie dans les \'Naturforsch: , XI si , pag. 185, parag.
16, où l\'on trouve aiissi \'dè belles obiervbtions sur le dracuncU\'
lus , \\e gordîus medinensis Idnnaei, et le pulex irritans Linnaei,
pag. 1021, n". 2 , qui sont si incommodes aux esclaves de la Ca-
roline.
(2) N. Nordische Beytrage, band 1, pag, 121.
(3) T^oyage aux Moluques, pag. 3oi.
-ocr page 357-Buffon (i) , quoique Linnseus cite, d\'après Rhedi,
le pou de l\'âne (2).
VII. Les animaux, à mon grand étonne-
ment, ne paroissent pas sujets au cancer, c\'est-à-
dire, à des ulcères gangreneux; je ne me rappelle
pas du moins d\'avoir jamais vu aucun animal do-
mestique ou de charge attaqué de ce mal ; et Carlo
Ruini, Solleyssel, Gibson , Bourgelat et Von Sind
n\'en font aucune mention (5). Tous les connois-
seurs de bestiaux que j\'ai consultés sur cette ma-
tière, m\'ont unanimement assuré qu\'ils n\'ont ja-
mais remarqué ce mal chez aucun cheval ni chez
aucune bête à cornes. Il est vrai que le baron Von
Sind parle de squirres, qu\'il regarde comme des
cancers masqués ; mais il ajoute immédiatement
après, « que l\'endurcissement des glandes n\'est pas
« commun chez les chev^^aux. » Ensuite il fait men-
tion du sarcome et du fongus, qu\'il attribue à la
carrie , etc. ; d\'où l\'on ne peut certainement rien
conclure qui constate le cancer. Erxieben , qui a
composé son livre de ce qu\'il a pris dans les au-
(i) Tom. IV. pag. 394,
(3) B schofiigiingenderfierlinischen Geselsch. N. F. Freunde,
tandil, pag. 353, n^. 11.\'
(5) Carlier, qui a si bien traité de toutes les maladies des bêtes
à laine , parle seulement de petits abcès sur la langue , qu\'il ap-
pelle cAarecz-ei , pag. 517.
II. 25
-ocr page 358-très auteurs, n\'en fait nullement mention au cha-
pitre où il est parlé de tumeurs (i).
Cela est d\'autant plus singulier, que la confor-
mation des glandes, ainsi que je l\'ai déjà remar-
qué plus haut, et le cours des vaisseaux lympha-
tiques de ces animaux ressemblent parfaitement à
ceux de l\'homme. 11 se pourroit que le peu de du-
rée de la vie des animaux leur ait mérité ce privi-
lège. Il paroît du moins que chez l\'horame ce mal
a rarement lieu avant l\'âge de vingt ans, et le plus
souvent même après celui de quarante, particu-
lièrement chez les femmes; non à cause de la ces-
sation des règles , qui ne paroissent pas avoir la
moindre influence sur le cancer (2); ainsi que je
l\'ai observé du moins, même tout récemment, au
sein de plusieurs hommes; d\'autant plus qu\'une
tumeur dure ne change, en général, que fort len-
tement en cancer ou ulcere gangreneux.
(1) Practischer unterricht in der vieh-nrtzneyhunst.
(2) Deparcieux confirme cette véiité [ibid., additions, pag. 27)
en prouvant que l\'âge de quaranteà cinquante ans est moins mor-
tel pour les femmes i|ue pour les bommes , puisqu\'à cette époque
de la vie il meurt plus d\'hommes que de femmes , quoique îe nom-
bre des femmes soit plus considérable. La même chose résulte des
observations de M. Wargentin en Suède ( ibid.y^s.^, 25).
»00,000 personnes il meurt entre les quarante et cinquante ans ,
3,774 hommes et 3,479 femmes ; puis qu\'il restoit encore en vie
65,719 hommes et 67,823 femmes; par eonséquent 4,104 femmes
de plus que d\'hommes.
Ce qu\'on appelle chez les chevaux cancer aux
pieds est réellement un panaris, qui doit son ori-
gine à la carrie. Les Anglois donnentaussi à ce mal
le nom de cancer, comme nous l\'apprend Gibson ,
qui l\'a parfailement bien décrit. 11 semble que ce
mot doit son origine à Celse, qui a donné le nom
de cancer à une pareille tumeur maligne , qui at-
taque aussi quelquefois les os^ parce que , dit-il,
il n\'y a pas de mot latin qui exprime proprement
ce mal (i).
Cependant M. Vit et remarque que les chevaux
ont quelquefois des sarcocèles d\'une nature gan-
greneuse 5 et je pense aussi en avoir remarqué chez
les chiens; mais sans oser décider néanmoins s\'ils
dégénèrent, comme chez l\'homme, en un vérita-
ble cancer; et l\'on ne sauroit aussi le conclure d\'a-
près la description exacte qu\'en a donnée Carlo
Ruini.
Ils ne paroissent pas non plus sujets au chancre
aqueux(cz//cM5 noma)., espèce de spbacèle qui at-
taque les lèvres, les joues, la bouche, et quelque-
fois les parties sexuelles des enfans. D\'un autre
côté, les veaux sont souvent attaqués d\'un spba-
cèle ou mortification, qui , le plus généralement ,
leur vient sur ia cuisse ou sur l\'épaule, et dont ils
meurenr nromptement.
(\') l-ib. V, cap. 26 , parag. 5i.
-ocr page 360-556 réponse a la qeestion
§. VIII. L\'homme, qui marche dans une posi-
tion verticale, est beaucoup plus sujet que les ani-
maux à des hernies, à des descentes du fondement
et à la claudication ; cependant ces infirmités se
rencontrent aussi souvent chez les animaux. Quoi-
que ceci semble confirmer , en quelque sorte , le
sentiment de Moscati (i), il paroît cependant par
tout ce qui a été dit précédemment, combien il
seroit ridicule de vouloir prétendre que toutes les
maladies de l\'homme ne proviennent que de ce qu\'il
ne marche pas comme les animaux à quatre pattes.
M. Schrage ( 2 ) tache de nous persuader , à son
tour, cette étrange idée, dans un mémoire d\'ail-
leurs fort bien écrit.
La femme, quand elle est parvenue à l\'âge nu-
bile, est sujette tous les mois à des menstrues, les-
quelles sont suspendues pendant le tems delà gros-
sesse, et le plus souvent aussi durant celui qu\'elle
.allaite ses enfans. Elle est donc sujette à des
suppressions de règles et à des écoulemens trop
aboudans , qui demandent les secours de la méde-
cine, lesquels sont inutiles chez les animaux, qui
ne connoissent point ces évacuations périodiques,
à l\'exception de quelques espèces de singes (.5),
(1) Ga^Btte salutaire, n». XXX, 27 octobre J778.
(2) Geneeshundige Jaarboeken, I et II deel.
(3) Histoire du Papion dans VHist. nat. de Buffon, tom. XIV>
pag, i36.
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 357
nommément celles qui ont les fesses calleuses. Mais
il paroît, par les observations de Deparcieux et de
Wargentin , que j\'ai déjà cités plus haut, que la
femme court par-là moins de dangers qu\'on ne le
pense communément.
g. IX. L\'homme est exposé à un autre mal-
heur que les animaux n\'ont pas à redouter , celui
de perdre la raison, et de passer toute sa vie dans
l\'imbécilité, et quelquefois dans la frénésie. La plu-
part de ces funestes accidens dépendent d\'un dé-
sordre porté dans l\'organisation du cerveau , la-
quelle est souvent la suite d\'une longue mélanco,-
lie. L\'amour, une dévotion mal entendue con-
duisent quelques personnes au désespoir , qui se
change insensiblement en folie.
Le nombre de ces infortunés est bien plus con-
sidérable qu\'on ne l\'imagine. Comme on les tient
pour la plupart renfermés , on ne les voit qu\'aux
petites maisons auxquelles on fait servir chez
nous les lazarets et les hôpitaux.
De fréquens spasmes dans la première enfance
et le trop grand usage des narcotiques donnent
souvent occasion à cette terrible maladie. Chez
quelques-uns la structure organique du cerveau j
semble disposé par hérédité. Le plus grand mal-
lieur pour les parens est que ces infortunés par-
viennent ordinairement à un grand âge» Je dis ua
358 reponse a i, a question
malheur pour les parens, j^arce que le malade lui-
même pai\'oît absolument insensible à l\'état où il
se trouve.
Mais dans un âge avancé les hommes sont plus
sujets à tomber dans l\'enfance que les femmes. Je
me rappelle ici que le célèbre Hans Sloane , qui ,
pendant toute sa vie, avoit été doué d\'un si grand
esprh , tomba dans l\'enfance à l\'âge de quatre-
vingt-quatorze ans; de sorte qu\'il oublia non-seu-
lement toutes les langues étrangères qu\'il avoit
parlé, mais sa langue maternelle même ; et je
pourrois eiter plusieurs autres exemples pareils.
Qu\'on ajoute à cela les infirmités ordinaires de la
vieillesse, telles que perte de la vue, de l\'ouïe , le
diabètes , les descentes du boyau rectum et de Ja
matrice , les hernies de toutes les espèces: et l\'on
pourra se former une idée parfaite des maux aux-
quels l\'homme est exposé dans l\'âge de la décré -
pitude. ,
Les animaux éprouvent cependant aussi quel-
ques-unes des infirmités attachées au grand âge :
telles que prostration deforces, perte de dents,
comme on peut le voir, aux chevaux, aux bêtes à
cornes , aux cerfs. Ils meurent alors de • faim
comme il est facile de le comprendre; mais ils
meurent promptement; du moins ne connoissent-
ilspas ces longues et souvent douloureuses angois-
ses que l\'homme éprouve aux derniers instans de sa
DE LA société BATAVE. SSg
vie. Il n\'y a , je pense, dans la pharmarcie aucun
remède propre à guérir ces maux ou à les prévenir.
Nous avons, à la vérité, des lunettes pour la vue
affoiblie, des cornets pour la surdité; mais ces se-
cours ne no us servent que pendant un certain tems,
et il n\'y en a point contre les autres défauts de la
vieillesse.
Il paroît donc , par la grande analogie qu\'il y a
entre l\'économie animale de l\'homme et celle des
bêtes dans l\'état de nature, qu\'ils sont la plupart
sujets aux mêmes maladies. J\'aurois beaucoup de
choses à dire encore sur les fâcheux accidens aux-
quels les uns et les autres sont exposés par les mal-
heurs de la guerre , tant par terre que par mer ;
car les chevaux et les autres bêtes de somme ne
souffrent pas moins de ce fléau que l\'homme même.
Je pourrois m\'élever aussi contre l\'horrible cou-
tume de priver l\'homme, ainsi que les animaux ,
des organes de la génération , qu\'on extirpe quel-
quefois entièrement au premier. On châtre de mê-
me les animaux femelles , comme , par exemple ,
les truies, etc. Le rafinement de l\'esprit humain
est tel qu\'on ne s\'en tient point pour cela aux qua-
drupèdes et aux oiseaux ; on soumet également à
cette cruelle opération les poissons des deux sexes,
pour les rendre plus délicats et plus gras. C\'est
ainsi que le célèbre agriculteur Tull chàtroit, d\'a-
pvès la méthode de Watson, des poissons laites et
56o réponse a ea question
œuvés, quelques semaines après qu\'ils avoient
frayé ( i ). Mais une digression sur cette matière
m\'écarteroit trop de mon sujet; je vais doncm\'oc-
cuper maintenant de la classe indigente de la so-
ciété, qui formera l\'objet du chapitre suivant.
CHAPITRE IL
D&s maladies de la première classe de la so-
ciété, ou des pauvres.
I. C^ UAND on considère l\'homme et sa préé-
minence sur les autres animaux , par la faculté
dont il jouit seul d\'exprimer sa pensée à l\'aide de
la parole, il paroît de toute évidence qu\'il est des-
tiné à la vie sociale; car, du moment que les
hommes se sont multipliés, la chasse seule n\'a
pu suffire à leur nourriture, à moins qu\'ils n\'ha-
bitassent les bords de la mer, dont les poissons
et les coquillages pouvoient suppléer à leurs be-
soins. Ils furent donc naturellement portés à la vie
pastorale et à l\'agriculture , par conséquent à se
(I) Phîhs. Tranêaet,, yol, LXVIII, pan. II, pag. 870.
-ocr page 365-DE LA SOCIÉTÉ B A T A V E-
reunir en société, pour défendre leurs troupeaux
et leurs moissons contre des voisins ou des enne-
mis communs; et, pour plus de sûreté encore, ils
furent forcés enfin à se renfermer dans des villes.
Aussi voit-on même aujourd\'hui, principalement
en Allemagne et ailleurs , où , par l\'étendue des
limites, on ne peut veiller à la défense des habitans
de la campagne , que les fermiers demeurent dans
les villes , où ils viennent tous , sans exception ,
chercher le soir un asjle avec leurs troupeaux.
Mais à peine une société de cette espèce eut-elle
été formée, que les hommes se partagèrent entre
eux dans les quatre classes dont j\'ai parlé dans
mon introduction. Les peuples nomades mêmes
ont admis cette distinction de rangs , c\'est-à-dire,
que parmi eux il y a des pauvres et des riches ,
dont les premiers sont aux ordres des derniers ; de
manière qu\'ils forment tous ensemble une société
errante.
Les pauvres, condamnés à de pénibles travaux,
à de continuelles sollicitudes, ont plusieurs mala-
dies que les riches peuvent éviter; mais, d\'un autre
côté , ils sont plus robustes et plus propres à ia
multiplication de l\'espèce. « C\'est, dit J. J. Rous-
« seau (i), sous l\'habit rustique d\'un laboureur ,
(i) Discours sur la question: n Si le rétablissement des sciences
^ et de» arts a contribué à épurer les mœurs, m
« et non sous la dorurè d\'un courtisan qu\'on trou-
«tvera la force et la vigueur du corps. )>
Hippocrate avoit déjà remarqué cela des Scy-
thes (i), et c\'est à quoi il attribue aussi leur grande
vertu prolifique.
Buffon dit (2) que leur amour est purement phy-
sique, et pense, avec raison, que c\'est à cause de
cela même qu\'ils sont plus féconds et multiplient
si considérablement, quoique un grand nombre
de leurs enfans meurent d\'une manière effrayante,
tant par mal-propreté que faute de soins et de nour-
riture; perte qu\'on ne sauroit prévenir même dans
les enfans trouvés et les orphelins indigens , pen-
dant qu\'ils sont encore petits. Plusieurs périssent
par les mauvais alimens qu\'on leur donne durant
les premiers mois après leur naissance, et que leur
estomac ne sauroit digérer. Voilà ce que le célè-
bre H. Van der Haar a prouvé d\'une manière évi-
dente, et qu\'on trouve parfiiitement démontré dans
la question proposée il y a peu de tems par l\'Aca-
démie de Bordeaux.
Je sais sciemment, par les registres de l\'hospice
des En fans-Trouvés de Paris , que sur 5,989 enfans
qu\'on y a reçus dans une année, il en est mort pen-
(1) De aè\'re et lacis, sect. Ht, pag, 295, edit. Foësi.
(2) ïom. IV, pag. 80 et 8a.
-ocr page 367-dant le premier mois après lem\' naissance. 4,og5;
Pendant les autres onze mois de l\'année. 673.
Pendant la seconde année............187.
Pendant la troisième année. ..............gB.
Pendant ia quatrième année....................01.
Pen dant la cinquième année...........- 34.
5,98g.
Ainsi, depuis la naissance jusqu\'à la cinquième
année inclusivement , sur cent enfans , il en est
mort quatre-vingt-sept; c\'est-à-dire, que de cent il
n\'en est resté que treize, ou environ un buitième.
Et j\'ai vu, par un extrait de ce qu\'avoit annoté
à ce sujet. Je 4 mai 1781, M. le Clerc , commis-
saire chargé de l\'inspection-générale des hôpitaux
de France :
1°. Que dans toute la France on reçoit , année
commune , 18 à 19,000 enfans dans les hospices
destinés à cet effet. \'
2°. Que ces enfans sont mieux nourris et de-
viennent plus robustes à la campagne que dans les
grandes villes. . , ,, 1,
S\'"-\'. Que dans les trois premières années il meurt
-ocr page 368-364 réponse a la question
un sixième des premiers et un huitième de ceux
qu\'on élève dans les villes de province , tandis
qu\'à Paris à peine un dixième atteint l\'âge de six
mois. Il paroît même qu\'il n\'est pas rare que la
nourrisse à qui on confie deux nourrissons, meurre
en même tems qu\'eux (i).
M. Bland (2), qui est chargé de l\'inspection de
l\'hôpital des femmes en couche à Londres , ob-
serve que 1089 femmes indigentes ont donné le
jour à 5419 enfans, dont 2224 seulement sont
restés en vie ; que 3io femmes avoient perdu tous
leurs enfans , et que ce n\'étoit que l\'indigence
seule qui pouvoit en être la cause,puisque la plu-
part de ces enfans étoient, en naissant, d\'une
constitution robuste.
D\'après une liste fort exacte et fort authenti-
que , qui m\'a été communiquée par un des admi-
nistrateurs de la maison des pauvres d\'Amsterdam
{Aebnoeseniershuis ^, il paroît que sur 2o5 en-
fans trouvés qui j avoient été reçus depuis 1761
jusqu\'à 1770, il en restoit en vie 36 le dernier dé-
cembre 1780 ; il en étoit donc mort 169 , ou, si
(1) Deparcieux parle avec beaucoup d\'exactitude de la manière
d\'allaiter, et prouve évidemment que , pour la conservation de sa.
propre santé et le prolongement de ses jours, une mère doit nour-
rir ses enfans de son lait.
(a) Philos, Transact,^ vol. LXXI, pag. 566.
-ocr page 369-DE LA SOCIÉTÉ BATAVE, 56.5
l\'on veut, il en a été conservé 18 sur 100, par
conséquent à-peu-près un sixième.
Depuis 1771 jusqu\'à 1780 inclusivement, sur
85i enfans il en est mort 547 , et 284 sont restés
en vie ; donc sur 100 il en a été conservé 5o.
Ce nombre plus considérable d\'enfans conservés
en vie, ne doit être attribué qu\'aux soins extrêmes
qu\'on prend dans cette maison , relativement à
leur propreté et à leur nourriture. Ce n\'est pas le
seul défaut de linge propre qui est nuisible à ces
innocentes créatures ; c\'est sur-tout la coupable
négligence qu\'on a de les laisser, depuis le soir de
bonne heure jusqu\'à fort tard le lendemain malin,
dans leurs déjections dont l\'odeur fétide les fait
périr.
L\'inspection des enfans morts , que j\'ai ouverts
et disséqués, en fort grand nombre,m\'a convaincu
que la plupart n\'avoient perdu la vie que par le
défaut de nourriture ou par la privation d\'autres
soins convenables.
En France, on sauve donc à la campagne
sur.........................100 — 16
Dans les villes de province et à
Paris,sur....................100—12 à i5.
A Amsterdam, sur.........,100 —■ 18 à 5o.
Telles sont les funestes influences de la misère,
ou plutôt du besoin, sur ia population ! Cepen-
dant, malgré ces grandes pertes, les pauvres ont
encore, comme je l\'ai prouvé , plus d\'enfans que
les riches.
II, Il seroit difficile de dire de quelle manière
les homme se conduisent dans l\'état sauvage; mais
il paroît assez probable qu\'ils en agissent de la
même manière que les oiseaux de proie (i) , qui
chassent loin de leur domaine leurs jeunes quand
ils sont devenus grands , dans la crainte de man-
quer eux-mêmes de nourriture. Ils vont jus-
qu\'à les repousser et les expulser du nid aussitôt
que la chasse devient difficile. Les hommes se
comportent exactement de meme dans l\'éSat de
nature; et c\'est à quoi il faut attribuer aussi la
cruauté qu\'ils exercent envers leurs voisins, par-
tout où ils ne vivent que de la chasse , ainsi que le
célèbre Robertson l\'a prouvé par de judicieuses
observations ("s).
Ce goût décidé que tous les peuples montrent
pour la chasse , et qu\'on retrouve même dans les
Provinces- Cnies , où cependant il s\'accorde le
moins avec la constitution d\'un peuple libre , se-
roit-il une suite de notre destination primordiale?
(1) Buffon, Hist- nar. des oiseaux, tom. I, pas» 66 et 67.
(2) Hisr. de rAmenqne. liv. IV, t \'admirable Baiily a exposé
cetip vérité dfii;s un plu.s grand jour encore, dans ses LeUres sur
let sciences à Voltaire, pag. loo et soi.
DE LA société BATAVE. 567
Est-ce la crainte de manquer soi-même et sa fa-
mille\'du nécessaire,qui seroit la cause secreîte de
renvie et de la colère qui tourmentent notre cœur,
lorsqu\'un étranger, un voisin,que dis-je ! un ami
meme , vient à chasser sur nos terres? Ces passions
du moins ne paroissent pas dépendre de l\'éduca-
tion , mais sont, pour ainsi dire , nées avec nous;
et jusqu\'à présent l\'éducation n\'a pu prévenir les
suites désagréables, funestes même, de ce mouve-
ment de notre ame.
Quoiqu\'il en soit, il est certain que la popula-
tion des hordes sauvages ne sauroient être consi-
dérable , à cause des difficultés qu\'elles ont à pour-
voir à leurs premiers besoins , sur-tout vers les
pôles, c\'est-à-dire, dans la partie septentrionale
de l\'Europe, de l\'Amérique, de l\'Asie, et dans
les contrées méridionales au-delà du détroit de
Magellan , à la Terre de Feu, ainsi que dans quel-
ques îles de la mer du Sud, telles que la Nouvelle-
Zélande , etc.^ Du moins est-il certain que ces
contrées sont peu peujilées; ce qu\'il faut attribuer
au froid violent qui s\'y fait sentir ; et ces insulaires
multiplient, en général, foiblement, ainsi que je
l\'ai déjà prouvé dans mon introduction , d\'après
les observations de Franklin et de Förster.
_ $.111 L\'influence nécessaire du défaut denour-
ntùre,de vêtemens, de feu et d\'eau augmenle en-
368 RÉPONSE A LA QUESTION
core le malheur des pauvres dans les grandes vil-
les, où la mortalité est beaucoup plus considérable
qu\'à la campagne; car, à l\'exception de Manches-
ter, il meurt à la campagne une personne sur cin-
quante-six; tandis que dans les villes il en meurt
un sur vingt-huit (i); ce à quoi les excès contri-
buent beaucoup. Le docteur Price (2) et le doc-
teur Haigarth, ont prouvé que dans les grandes
villes il en meurt sur................ 21 — i
A la campagne, l\'un portant l\'autre, sur 49 —• 1
A la Jamaïque des Blancs sur....... 5 — 1
Qu\'on ajoute à cela l\'influence de l\'intemperie
des saisons, contre laquelle la misère ne permet
point aux pauvres de se garantir. Si l\'on veut se
former une idée des effets qui résultent , parmi
d\'autres privations , d\'un travail excessif, on n\'a
qu\'à examiner les habitans de la campagne en
France : à peine ont-ils atteint l\'âge de trente ans
que déjà ils traînent un corps noir, courbé et tota-
lement émacié, avec des yeux érailléspour la plu-
part ; de manière qu\'à peine leur reste-t-il quelque
apparence de figure humaine.
(i) Perc-ival, Philos. \'Transact., vol. LXV, pag. 523.
<2) Ibid., vol. XLII, pag. 424 et 445 ; et LXVXII, pag. i45 ,
sur les maladies de Chester, par Haigarth, de qui les observations
sont admirables.
15 E LA SOCIÉTÉ B A T A V E. SG.Q
Dans les villes la misère prodnit d\'autres effets.
Le peu de soin qu\'on y prend des petits enfans et
le défaut d\'air sâlubre(i) et d\'espace nécessaire,les
aifQiblitjlesrend raobitiques,fortus, bossus et con-
trefaits de toutes les manières ; coaime on peut le
voir principalement à HaBibourg, à Berlin , à Aix-
la-Chapelle à Leide, et i^ême à Rotterdam , sur-
îout dans les petites rues détournées.
,Dt\\ns cjette classe des pauvres, je comprends éga-
lenaent les personnes qui, pendant qu\'elles j\'ouls-
aent d\'une parfaite aanté, vivent contentes pour peu
qu\'elles puissent satisfaire par un travail soutenu
à leurs premiers besoins. Car les ma;ladies de cçttïc
classe du peuple, quoiqu\'elles ne soient d\'ailleurs
pas incurables , empirent néanmoins , non-seu-
lement faute deremèdes nécessaires et d\'une nourr
riture convenable; mais aussi par le^ manque de
feji, d\'eau rfraîche et potable, ,d\'air salubre, de
linge, de lit, de vêtemens, et finalement [des se-
cours que peu exiger leur état actuel.
Je ne parlerai point des angoisses de leur ame,
du. découragement on les j ette l\'alfreuse per.spec-
tiv^ d\'une misère prolongée jusqu\'à leur dernier
soupir, et qui doit être le s\'euîhéritage de leurs en-
fans. On en trduve un exemple bien frappant dans
J. . —
Philos. Transmet., vol. LXVIII, pag. iSg, sur la ville de
Clisster, parle docteur Haiganh.
^ 2é
-ocr page 374-S7O RÉPONSE A LA QUESTION
rhistoiresi supérieurement écrite par Voltaire(i),
des malheureux Richard et Bridget Smith , qui ,
dans la crainte de tomber dans l\'indigence, com-
mencèrent par tuer leurs enfans et se détruisirent
ensuite eux-mêmes. Robertson (2), a remarqué
aussi que les Américains, voyant que les Espagnols
vouloient les réduire en esclavage, poussèrent le
désespoir jusqu\'à s\'ôterla vie.
Les possesseurs des plantations de la Guiane
Hollandoise , m\'ont assuré que les esclaves qu\'on
leur amène d\'Afrique, ne pouvant supporter leur
captivité , se font ordinairement mourir eux-mê-
mes pendant les trois premières années de leur ar-
rivée dans ce pays.
L\'idée qu\'on se forme de la honte et du mépris
agissent souvent avec plus de force sur notre ame
que la crainte même de perdre la vie: aussi a-t-on
vu des milliers de Chinois préférer la mort à la
perte de leur chevelure (5).
Cependant il n\'est guère possible de compter sur
la sensibilité des hommes., et sur la puissance
qu\'ils peuvent exercer sur leurs passions : Socrate
(1) Mélange* philos,, liuér.^ hiscor., crit. de Vhomicide de soh
même.
{a.) Hisç. de VAinéritjue y \\iv. lY,
(3jM. Gueneau àeUoaim&xà, De la peine demon, Mém, de
tomv II, pag. 397.
de la sociétê batave. \'5^1
Se contenta de rire en se voyant joué sur le théâtre
d\'Athènes ; Poliagre joué de même s\'étrangla (i).
IV. Les personnes de cette première classe,
qui tient immédiatement à la bourgeoisie, éprou-
vent donc plus de privations, et souffrent plus de
maux que les brutes; car , quoique la compassion
et la bienfaisance apportent dans tous les pays ci-
vilisés , et particulièrement dansle nôtre , degrands
soulagemensausort de ces infortunés, ils sont loin
de voir tous leurs besoins satisfaits. On peut dire
avec vérité, que les riches sont dans l\'obligation
d\'exercer plus de générosité, puisqu\'ils consom-
ment inutilement une si grande quantité de vivres
pour satisfaire un luxe désordonné ; ce ,qui fait
hausser beaucoup le prix des alimens de première
nécessité pour les pauvres. 11 est du moins incon-
testable, que dans nos contrées, si riches d\'ailleurs
en lahage, lés gens de la campagne sont, en général,
contraints d\'employer l\'huile de navette au lieu de
beurre, et que jamais, ni un poulet, ni un pigeon
de leur basse-cour , ne paroît sur leur table.
La rareté d\'oeufs est même si grande dans ce
pays, qu\'on est obligé d\'en faire venir des milliers
des pays de Munster et de Cleves , ainsi que des
électorats de Cologne et de Bavière.
(i) AElien, Histoires diverses , liv. V, ch. 8.
-ocr page 376-Combien d\'hommes ne trouve-t-on pas en France
qiii jamais n\'ont goûté, ni viande, ni vin , ni bier-
re? et dans nos provinces même, il y en a des
milliers qui, pendant toute l\'année, mangent avec
leurs enfans pour toute nourriture, trois fois par
jour, des pommes de terre bouillies dans de l\'eau.
Il seroit difficile cependant de porter quelque
remède au malheur de ces victimes du sort, à
moins qu\'on ne les rende plus riches, ce qui seroit
contraire au maintien de l\'ordre social. On doit
donc considérer comme une impossibilité morale
de détruire ces conséquences nécessaires de la
constitution des états civilisés, quelque pernicieux,
quelque déplorables même qu\'elles puissent être.
Il ne reste par conséquent d\'autre moyen à cet
égard, que de donner plus de latitude aux secours
qu\'on doit aux pauvres; et voilà dé quoi Fon s\'oc-
cupe il y a long-tems en Angleterre. Depuis la
mort de Charles II, on aïdéjà-été obligé, suivant
les remarques de Franklin (1), d\'augmenter trois
fois la taxe des pauvres; qui est toujours restée au
même taux à-peu-près dans la principauté deGal-
Ifes. Cette taxe monte aujourd\'hui à i,556,8o5 li-
vres sterlings ; et ce n\'est que le luxe des gens ri-
qhes qui en est ia cause. Il en est de même de nos
provinces:les secours annueisaugmentent tous les
(i) On SmugUng^ pag> 63.
-ocr page 377-DE LA SOCIÉTÉ BATA V E. Sy^
jours; tandis que l\'indigence reste constamment,
la même. On se plaint des pauvres, en disant qu\'ils
sont plus dissolus; on se plaint également des ad-
ministrateurs des pauvres, en les accusant d\'injus-
tice dans la distribution des bienfaits; mais c\'est
des gens riches que vient tout le mal; c\'est à leurs
coupables excès qu\'il faut l\'attribuer. Mortimer (i)
confirme cette vérité par l\'exemple de l\'Angle-
terre et de la principauté de Galles , où le nombre
des maisons étoit diminué de cinq mille sept cent
quatre-vingt-dix depuis lySg jusqu\'en 1766, en y
comprenant même les nouvelles bâtisses de West-
minster et d\'autres quartiers; tandis que, d\'un
autre côté, les prix des loyers y étoient augmentés
de plus d\'un tiers en vingt ans ; au lieu qu\'à la cam-
pagne ils étoient diminués de plus de la moitié,
§. V. Cependant le peuple et les pauvres mê-
mes jouissent dans nos provinces de l\'avantage de
ne pas être obligés de manger de bleds avariés,
comme cela arrive en Allemagne et en France,
où Fon fait passer les grains au moulin immédia-
tement après qu\'ils ont ©té battu», et sans les avoir
mondés auparavant.
<i) Ehmenis o/eomtaerce, foKtics and finances, pag. 44
et45.
Le seigle cornu ou ergoté (1), est peu connn
cW nous, et je ne Fai jamais apperçu dans nos
campagnes, quoique je Faie souvent remarqué en
France et en Allemagne,
Le mémoire de l\'abbé Tessier sur ce sujet (2) ,
est pleinement satisfaisant et accompagné d\'une
bonne gravure ; mais ce que Cotte a lu sur la même
matière , ne signifie pas grand\'cbose (3). On doit
principalement compai-er avec ces écrits sur le bled
ergoté, ce queM. Saillant (4) a dit du feu de Saint-
Antoine et de la maladie convulsive épidémiq ue. M.
Noël, médecin d\'Orléans, a publié eniyio un mé-
moire fort circonstancié sur ce sujet. Cette gangrè-
nese déclaroit généralement aux extrémités et fai-
soit de si rapides progrès qu\'il étoit impossible de
sauverles malades même par amputation. Fagon as-
sure, aussi bien que Noël, que c\'est le seigle seul
qui ést sujel à cette maladie; et que le bled cornu
ou ergoté, comme ils l\'appellent, ne cause d\'ail-
leurs aucun mal à la volaille qu\'on en nourrit.
Nos grains sont trop bien mondés avant qu\'on
les fasse passer au moulin, pour qu\'il y ait lamoin-
(1) Frumentnm cornic.ulatum , en hollandois gespoorde korcn,
(3) Mém. de la Société royale de Médecine, tom. I, pag 417
et p], tom. IV, pag. 450; et Franks, Syst. ein Folks med. Pol. 5.
(3) Ibid., Hisi., pag. S45.
i6,) lbid., Mém., pag. 5o3. Mém. de MM. de Jussieu, Paule£,
Saillant et l\'abbé Tessier sur le feu de Saint-Antoina.
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. SyS
dre chose à cramdre pour notre santé, quand mê-
me il s\'y trouveroit mêlé de ce bled cornu.
VI. La chair du bétail mort de l\'épizootie ,
<3uirègne encore actuellement, ne cause heureuse-
Daent aucune incommodité à ceux qui en man-
gent, comme on le savoit déjà par les observa-
tions faites en 1741, et depuis cette époque jus-
qu\'en 176g. On sait aussi, d\'après les observa-
tions de M. Pallas (1), que les Calmoucs mangent
avec avidité la chair des bestiaux morts du moh-
mo (2), après qu\'ils en ont coupé la partie spha-
celée.
L\'expérience nous a d\'ailleurs appris que ce qui
est mortel en entrant par quelque plaie extérieure
dans notre sang, ne produit pas toujours le même
effet quand on le prend intérieurement. Le venin
de la vipère (5), suffit seul pour confirmer ce fait,
quoiqu\'on ait observé quelque chose de semblable
{2) La furie infernale.
(5) Il paroît parles observations de l\'ingénieux Fontana, que
îe poison du ticurias, quoiqu\'on ne le regarde pas comme nuisi-
ble pris intérieurement, devient cependant mortel quand la quan-
tité est trop grande. Il prétend aussi, avec beaucoup de vraisera-
Hance, la même chose du venin des vipères. Sur les poisons et
sur le corps animal, tom, ÎI , pag. 90 et 91. C\'est en 1784 que je
*\'eçus les nombreuses et admirables observations de cet homme
célèbre.
. -
-ocr page 380-à Marseille, relativement au virus pestilentiel sur
les chiens.
VIL II y a nn autre malheur déplorable qui
pèse principalement sur les pauvres; c\'est le crime
où les conduisent souvent le besoin et le défaut
d\'éducation. Desorte que la sûreté publique exige
alors qu\'on leur inflige des punitions corporelles,
du moins qu\'on les tienne incarcérés : les prisons
sont donc nn mal inévitable dans les états policés.
Le manque d\'espace nécessaire principalement
dans les grandes villes et le mauvais emplacement
des maisons de force au centre des cités, les rend
mal-saines par l\'air vicié qu\'on y respire tant en de-
dans qu\'au dehors. La fièvre des prisons qui en ré-
sulte souvent, se communique et se répand même
quelquefois dans toute une ville.
L\'immortel Bacon de Verulam a observé que,
de son tems, il est arrivé deux ou trois fois que les
juges et leurs greffiers, qui avoient passé quelques
heures avec des malfaiteurs, furent tellement at-
taqués de la. fièvre des prisons, que plusieurs en
moururent. Le chevalier Pringle (1) pense que
c\'est environ l\'an 1677, qu\'arriva cet événement;
et un semblable accident eut lieu à Londres en
mara 1760, avec les mêmes suites funestes, que
i\\) Pringle s Works, in-i^^,, pag. 33o.
-ocr page 381-sur six juges quatre moururent, ainsi que trente-
six des greffiers et des autres employés; sans par-
ler des gens du peuple, dont le nombre fut incal-
culable.
Cet air vicié étoit cause autrefois que la moitié
des détenus périssoient dans les prisons de Lon-
dres. Mais depuis qu\'on s\'y sert des ventilateurs
de Halès, il en meurt à peine un sur cent (i).
La maison de force de Rotterdam, étant placée
hors de la ville, est fort saine pour les détenus, qui
y respirent constamment un air frais et salubre.
La nouvelle prison d\'Amsterdam, quoique d\'ail-
leurs bien distribuée et bien bâtie, est, selon moi,
placée dans un endroit trop resserré, et auroit
joui au levant de la ville, du côté de l\'Y, d\'un air
plus salutaire pour les prisonniers.
Les mêmes mauvais effets se remarquent égale-
ment dans les hôpitaux situés au centre des villes.
A l\'Hôtel-Dieu de Paris, il meurt au moins un
cinquième, c\'est-à-dire, un sur cinq des malades
qui y entrent, dont le nombre monte, année com-
mune, à vingt-deux mille (2).
Dans l\'hôpital de Saint-Thomas et dans celui
de Saint-Bartholomé à Londres, sur treize ma-
lades il en meurt un (3). Dans les hôpitaux de
(1) Treadse.on J^emilators, vol. II, pag- 2g et 3o , parag. aG\';.
(2) Police de la France, pag. 83.
(3) D^. Price, On ihe expect, of lives, pag. 216.
-ocr page 382-RÉPONSE A I, A QUESTION
Northampton un sur dix-neuf, et seulement un
sur vingt-deux dans ceux de Manchester.
A l\'hôpital de Saint Pierre et au Lazaret d\'Ams-
terdam, on perd un cinquième des malades qui y
entrent. Ces deux hôpitaux, de même que l\'Hôtel-
Bieu de Paris, étoient fort bien placés autrefois,-
ïnais l\'agrandissement de ces deux villes ayant eu
lieu progressivement, ils se trouvent aujourd\'hui
trop resserrés et trop au centre de ces grandes
Cités.
Je ne saurois dire combien il meurt de mala-
des à l\'hôpital de la Compagnie des Indes orien-
tales à Batavia; je suis seulement instruit que la
mortalité y est fort grande et qu\'elle augmente
considérablement d\'année en année; car, d\'après
des listes fort exactes qui m\'ont été communiquées,
ily est mort 13,781 malades depuis 1714 jusqu\'en
1755 inclusivment; 5o,455 depuis 1754 jusqu\'en
17^3,- et depuis 17Ô4 jusqu\'en 1775, 35,725:par
conséquent en soixante ans 79,961, tant matelots
que soldats. L\'abbé Raynal (1) observe que depuis
1714 jusqu\'à 1776, il étoit mort à l\'hôpital de Ba-
tavia 87,000 personnes; par conséquent, pendant
iy)HiH. philos, et polit, des det^x Indes, tom. I, pag. 43o •
a-après la citat.oa qn\'o« vient d\'en faire dans un excelient ou-
vrage intitulé : Proeven over de middelen ter bescherming van de
Zeevaart en Koophandel. Awist., in-8\'*.
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. ^JÇ)
les trois dernières années de cette époque , 7,059;
desorte que la mortalité semble y être augmentée
encore dans ces derniers tems.
Les maladies des armées doivent être rangées
parmi celles qui sont contagieuses, et paroissent
d\'autant plus à redouter pour îe pays , que lea
gens de guerre qu\'on met, pendant l\'hiver, en gar-
nison de côté et d\'autre, répandent bientôt la con-
tagion au loin. Mais ces maladies ont été si supé-
rieurement décrites par Pringle, Van Swieten, de
Monchy et Van der Haar, que nous pouvons gar-
der le silence sur cette matière, ainsi que sur le
malheureux état des prisonniers, dont le Sensible
et infatigable Howard continue à nous faire une
peinture si vive et si touchante. Heureux ceux que
la loi retient dans les prisons de notre patrie , en
comparaison de ceux d\'autres pays; puisque, se-
lon le témoignage de M. Howard lui-même , si
louable par sa parfaite impartiahté,les maisons de
force de notre République sont les plus propres
et les mieux tenues de toute l\'Europe.
Je devrois naturellement parler ici de ces ma-
ladies contagieuses qui résultentd\'uneexhumation
trop précipitée , quand même ce seroit quelques
années après la mort des personnes décédées. Les
maladies qui en résuhent ont beaucoup d\'analo-
gie avec la fièvre des prisons; quelquefois même
l\'air imprégné de ces émanations dangereuses,
produit la petite vérole , etc. ; mais pour ne pas
être trop prolixe , je dois me contenter de ren-
voyer ici la Société au Rapport sur plusieurs
questions proposées à la Société royale de mé-
decine , par le grand-maître de Malte (i) , et à
la dissertation de M. Maret de Dijon.
Outre ces maladies auxquelles l\'homme est su-
jet , et que les animaux ne connoissent point, il
y en a encore d\'autres qui résultent de l\'exploita-
tion des mines, dont le plus grand nombre d\'ou-
vriers sont attaqués de phtisie , et ne vivent que
peu de tems , ou sont quelquefois jetés en l\'air
avec perte de la vie. (2).
VIII, Mais un bieii plus grand nombre en-
core éprouve un sort plus cruel par l\'orgueil et
l\'avarice de quelques individus. Je veux parler de
ces infortunés qui, par les malheurs de la guerre,
sont réduits en esclavage, ou que , par une soif
insatiable ded\'or , on cherche à surprendre par la
ruse , pour les vendre ensuite comme des bêtes de
somme. Hélas ! qu\'il sont tous à plaindre ! ceux
meme que les peuples civilisés et chrétiens vont
(1) A Malte, ïWi\'\'. 1787.
Le 18 août 1708, un pareil accident arriva à Newcastle, où
quatre-vingt-neuf personnes perdirent la vie. Baddam\'s Abridge-
ment of the Philos. Transact. , vol. V, pag. 148.
acheter en Afrique et ailleurs, et qu\'ils flétrissent
d\'un fer rouge comme on marque les chevaux,
pour les conduire ensuite en Amérique, où on les
contraint par mille cruautés aux plus vils et aux
plus rudes travaux ! J\'en ai vu qu\'on avoit forcés
de servir sur mer, courir à moitié nus , comme
dans leur pays, dans les ports de la mer du Nord;
desorte que quelques-uns moururent de froid;
tandis que d\'autres, à qui on avoit coupé les deux
jambes , souffroient davantage encore en voyant
ainsi leur malheureuse existence prolongée.
Les esclaves nègres sont excités au travail par
les chrétiens, comme les bêles de somme, à coups
de fouet; leurs moindres fautes sont,punies par
des chatimens barbares ; et, comme si leur soi t
n\'étoit pas assez malheureux, on les attache à des
chaînes , non pour îes tuer , mais pour les assas-
siner d\'une manière dont l\'idée seule fait fré
mir (i); tandis que dans leur patrie un léger tra
(i) Millar a confirmé ceci avec beaucoup d\'énergie dans son ad-
mirable ouvrage: Obseiyatiofis concerning ihe distinction of ranhs
in society. Juvenal nous a pareillement dépeint cette inliumanitô
avec ses véritables couleurs : « Déjà les barons volent en éclats ; et
« le sang coule dans la maison sous les fouets et les lanières. Quel.-
« ques uns gagent des bourreaux à l\'année. On frappe, plie
« peint le visage , elle donne audience à ses amies , ou considèie
® l\'or et le dessin d\'une robe liouveile. On continue de {tapper ,
« elle parcourt les articles d\'un long journal ; ou frappçroit tou-
vail suffise^, pour les nourrir elles rendre heureux
dans leur innocence; sans connoître les punitions
attachées aux crimes, et sans avoir a craindre
d\'autres maladies que celles qui sont naturelles à
leur climat, et communes à tous les habitans sans
distinction. « Il n\'y a pas de maladie si horrible ,
«dit Cicéron, qu\'un homme ne communique
« point à un autre homme (i). »
Quel est l\'art d\'Esculape, dites-moi,qui pourra
alléger les chaînes de ces infortunés , et les châti-
mens brutaux qu\'on leur inflige injustement, ou
leur faire obtenir l\'air salubre , la propreté , les
vêtemens , la nourriture , le feu qui leur man-
quent, aussi long-tems que l\'avarice et l\'orgueil
ne rougiront pas de faire un pareil abus de leur
pouvoir? Cependant toute l\'Asie, pour ainsi
dire,l\'Afrique entière et toute l\'Amérique gémis-
sent sous cette cruelle oppression, à un petit nom-
bre de peuplades près , qui, ça et là , jouissent ,
comme la plus grande partie de l\'Europe, de l\'in-
dépendance, et goûtent en paix le prix d\'une heu-
reuse liberté.
« jours , mais les forces venant à manquer aux exécuteurs , il suf-
« fit, sors d\'ici malheureux, s\'écrie-t-elle , d\'un ton qui fei\'t trem-
« bler; séjour non moins cruel que le palais das tyrans de la Si-
« cile. » Trad, de Dussaux.
{i)De Officiis, lib II. Nulla tarn detenabîlis perns est, quae
non hominîab homine nascatur.
de la société batave. 585
IX. A côté de l\'esclavage on peut placer
l\'exil ; non tel qu\'il existe en France , où il se
borne à s\'éloigner à une certaine distance de la
cour ou de sa demeure ordinaire , pour aller ha-
biter pendant quelque tems quelque autre provin-
ce ; mais tel qu\'il a lieu en Russie , où toutes les
privations et un climat rigoureux attendent les
malheureux proscrits en Sibérie ; pour ne point
parler de la douleur de se voir éloigné de sa pa-
trie , de ses parens , de ses amis ! Personne n\'a
mieux dépeint qu\'Ovide toute l\'horreur de ce dé-
plorable état, pour lequel la pharmacie offre aussi
peu de remède que pour l\'esclavage.
REPONSE AL A question
i
T>m maladies des riches.
S* I^AN s cette classe de la sopiété oja pourroit
comprendre im grand nombre de sous-divisions ;
mais chez tous les gens-riohfes, en général, on re-
marque principalement,
.Défaut d\'exercice du corps ;
Pris en général, ils donnent trop de tems
aux plaisirs de la table j
3°. Le long intervale qu\'on met entre le souper
et le coucher trouble ordinairement la digestion.
On prend non-seulement une trop grande quan-
thé de nourriture et de boisson, mais on boit et on
mange aussi trop long-tems de suite. De ces trois
extrêmes résultent foiblesse , embonpoint excessif
et mollesse. Sénèque , ainsi que je l\'ai déjà dit , a
trop bien décrit, dans sa quatre-vingt-quinzième
lettre , tous les maux qui sont les suites du luxe et
de la débauche , pour qu\'il soit nécessaire que je
m\'étende davantage sur cet article.
OE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 585
Les aiimens, quelque substantiels et nutritifs
qu\'ils puissent être, ne subissent pas dans l\'esto-
mac une assez bonne coction, et ne sont par con-
séquent pas assez puissans pour communiquer aux
riches la vertu prohfique qu\'on remarque chez les
gens de peine. La santé , ce stimulant naturel à
Pacte de la génération, manque donc chez eux dans
l\'un et dans l\'autre sexe.
Hippocrate a poussé cet argument bien plus
loin : il attribue ces défauts aux riches parmi les
Tartares ou Scythes, non-seulement à cause qu\'ils
se tenoient pendant toule la journée à cheval,
mais aussi parce qu\'ils portoient des hauts de
chausse (i).
11. La plupart des femmes que la fortune fa-
vorise , du moins dans les villes, et principalement
dans les capitales , sont fort sujettes d\'ailleurs aux
fleurs blanches , que les femmes de la Campagne,
quand meme elles sont aisées , ne connoissent
point , parce qu\'elles sont naturellement sobres ,
et ne mangent que des aiimens simples et salu-
taires.
o
vm
in. De leur côté , les hommes ont la goutte,
qu\'il ne faut pas tant attribuer aux excès du
(i) aëre et hcis, cap. 3, pag, 29a.
-ocr page 390-S86 RÉPONSE A EA question
qu\'à une nourriture trop substantielle , à l\'usage
immodéré des épices et au défaut de mouvement.
Cette maladie est incurable, non parce que la na-
ture du mal même se refuse à la guérison , mais
parce qu\'elle est la suite immanquable d\'une cons-
titution qu\'on ne sauroit corriger que par la fru-
galité et par l\'exercice.
Quelquefois les femmes sont attaquées aussi de
cette maladie, comme du tems de Sénèque: «Nous
« voyons, dit-il, dès femmes dépouillées de leur»
« cheveux, et malades de la goutte (i)j » et cela
en dépit d\'Hippocrate ( 52 ) , qui croyoit que les
femmes n\'étoient pas sujettes à ces deux maux.
Cependant Sénèque prend ensuite la défense d\'Hip.
pocrate , en ajoutant : «Ce n\'est pas la nature du
« sexe qui a èhtogé , mais sa manière de vivre.
«\'Ayant imité les hommes dans leurs excès, les
« femmes doivent participer à leurs maladies. »
Après qtioi , ayantTéproché aux femmes leurs vi-
ces , il litiit par cette exclamation : « Est-il donc
(( surprenéîîit que lé plus habile des médecins, ce-
<c lui-qui connoissoit le mieux la nature , se trouve\'
« en défaut, et qu\'il y ait tant de femmes chauves
« et goutteuses (5) ? »
»d. Lucil, qS, Ildc jam et capUlis destituuntHr, et
pedibus aegrae sunt,
(2) De agre et lacis, pag, 6,00. A. — B.
(3) ^lùd ergQ mlrandum es! f maximum mcdicoruvi ac natU\'
-ocr page 391-Or , comme il est de toute impossibilité morale
de porter les hommes de cette classe dépravée à la
frugalité et à un exercice convenable , il est inutile
de chercher des remèdes contre le flux muhèbre
et contre la goutte, à moins qu\'on ne parvienne à
changer totalement leur régime de vivre.
§. IV. Il meurt aussi plus de femmes riches en
couche que de pauvres, parce qu\'elles salFoiblis-
senttrop par de grands feux et des appartemens
trop peu aérés; à quoi il faut ajouter des alimens
trop succulens et trop sujets à se putrifier dans
l\'estomac. Le long séjour qu\'elles font au lit les
alfoiblit également , et leur cause des obstructions.
Les femmes du peuple, à qui ces moyens de nuire
à leur santé manquent, sont moins sujettes à des
accidens après leurs couches. Bland (i), que j\'ai
déjà cité quelquefois avec éloge , confirme tout ce
que je viens de dire par des observations qu\'on ne
sauroit combattre. Il est difficile de persuader a
nos femmes que celles qui sont en couche, et qui,
d\'ailleurs , jouissent d\'une bonne santé, n\'ont be-
soin d\'autre régime que celui auquel elles sont ac-
coutumées. Les animaux , abandonnés aux seuls
raeperitismnum in memiacio prekendi, cum toc feminae poda-
gricae calvaeqiie sim. Ibid.
( 1 ) Philos, Transact., vol. LXXI, pag. 36i.
-ocr page 392-588 11 Ép ON SE A LA QUESTION
soins de la nature, sont bien plus heureux sous ce
rapport, par les raisons que je viens d\'alléguer.
V. De même que les Chinois , les Taïtiens ,
ies habitans de là Côte-d\'Or (i), et quelques hor-
des de l\'Amérique(2), donnent à connoître leur
rang et leur indépendance en laissant cïoître leurs
ongles ; nos gens richesse distinguent par des vê-
temens\'incommodes et peu propres à se mouvoir
avec aisance ; ce qui, d\'ailleurs , leur cause des
maladies que les habitans de la campagne ne con-
noissent point. \'
\' Les corps de baleine , en déformant l\'épine du
dos , les côtes et les omoplates, occasionnent des
gibbositéSi^\'d\'Où résultent l\'asthme , le dépérisse-
ment, tête et visage de travers, ainsi que plusieurs
autres incommodités dont nous avons journelle-
ment des exemples devant les yeux.
L\'empereur actuellement régnant a fait pros-
crire, d\'une manière sévère et avec raison , l\'usage
des corps de baleine (5).
Je conviens que je possède dans ma collection
le squelette d\'un porc bossu , dont l\'épine du dos
est courbée en avant ( lordosis) 5 celui d\'un lièvre
(i) Förster, ibîd-, tom. V, pag. 474.
(a) Marcgrayiij Hîst. Mrasil,, cap. i3, pag. 282,
(5) Vojçz Joarml encjclopêdifne, uov. 1783, pag. 562>
-ocr page 393-avec Féchine de travers (^scoliosis), et celui
d\'un singe dont l\'épine du dos est visiblement
courbée; j\'en ai aussi de poulets qui présentent le
même défaut. Mais tout cela ne doit être attribué
qu à quelque violence extéi\'ieure , ou au séjour de
Fanimal dans un lieu trop resserré pour sa taille.
L\'échine d\'un lièvre ou d\'un poisson, mordu
ou blessé au dos , croît de travers; de sorte qu\'on
voit que la gibbosité est une suite de cette violen-
ce ; ainsi que cela a de même lieu chez l\'homme.
Les Grecs , comme il paroît par Hippocrate et
par Galien, qui ont fort bien décrit ces défauts,
et comme Aristote le confirme; les Grecs, dis-je ,
avoient déjà, du tems de ces écrivains, inventé
des machines propres à empêcher que la débilité
des enfans ne dégénérât en rachitis ou en gibbo-
sité (1),
Le bassin des femmes qui ont l\'épine du dos de
travers, est généralement, étroit et courbé, ce
qui rend l\'accouchement difficile ; et il est plus
que probable que le serrement de tête, si commun
aujourd\'hui dans les accouchemens , doit princi-
palement être attribué à ce défaut.
Le bassin prend aussi une mauvaise forme quand
les femmes s\'assoient constammentsur des chaises
trop hautes;parce que les dernières vertèbres lom-
(») De Republ., Kb. VIII, cap. 17.
-ocr page 394-baires qui tiennent h l\'os sacrum , s\'enfoncent da-
vantage , c\'est-à-dire, plus avant. C\'est par la
même raison que les grandes femmes ont généra-
lement des couches plus difficiles que les petites.
Les femmes de la campagne, celles des villes, qui
sont dans l\'indigence , et celles de l\'Orient, qui
Sont toujours assises sur des sièges , basses ou ac-
croupies sur leurs talons , ont, en général, des
couches heureuses.
Cependant je soupçonne, par le bassin d\'une
femme d\'Asie que j\'ai dans ma collection , que
l\'angle des ôs pubis,par conséquent l\'éloignement
des ischions, qui est beaucoup plus grand ici que
<;hez nos Européennes, est peut-être la cause de la
facilité avec laquelle accouchent les femmes orien-
tales.
Mais ce seul exemple ne suffit pas pour qu\'on
puisse en conclure quelque chose de certain. Il se-
roit nécessaire qu\'on eût aussi une connoissance
bien exacte de la tête des enfans deces contrées, que
la superstition des Indiens ne m\'a pas encore per-
mis d\'acquérir.
Camper, dans sa Dissertation sur la meilleure
forme dès souliers , a prouvé que les talons trop
hauts des femmes ont un terrible inconvénient
lorsqu\'elles accouchent. Elles sont obligées, pour
se tenir droites , de pencher le corps et la tête en
arrière; de sorte que l\'épine du dos se creuse aux
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 591
reins , et que le Isassin devient étroit, ce qui causç
des difficultés dans Faccoucliement.
Les talons , les boucles , les semelles et toutes
les autres parties des souliers occasionnent, à ^qs
élégans, des maux que le peuple connoit moins ,
et qui ne sauroient avoir lieu dans Fétat de nature
Je ne doute pas non plus que le cancer aux
seins et les ulcères, si communs chez nos femmes
riches, les mammelons comprimés, ainsi que Fim-
puissance de nourrir elles-mêmes leurs enfans,
ne soient des suites malheureuses de Fusage des
corps de baleine, qui compriment trop les seins
par-devant et sur les côtés.
VI. Mais je ne comprends pas d\'où vient que
les enfans des gens riches, aussi bien que ceux
des pauvres , sont si sujets à boiter, comme M.
Camper Favoit déjà observé dans sa lettre sur la
claudication adressée à M. Van Hussem , célèbre
chirurgien à Amsterdam; à moins qu\'on ne l\'attri-
bue à l\'habitude qu\'on a de porter les enfans sur
les bras; d\'où résulte souvent, quand ils tombent
en arrière, d\'abord une légère luxation, suivie d\'une
hydropisie articulaire, laquelle augmente insensi-
blement , et finit par pousser la tête du fémur hors
de son cotyle. On voit rarement boiter les animaux
par une dislocation de la hanche ; et lorsque cela
arrive J il faut l\'attribuer à quelque violence exté-
rieure , quelquefois de la fracture du col du fé-
mur , ainsi que je puis le prouver par Fos de la
hanche et celui de la cuisse d\'un agneau. Si je ne
me trompe , j\'ai vu , dans la salle du collège de
chirurgie à Amsterdam, Fos de la cuisse d\'une
brebis, lequel avoit non-seulement été pressé hors
de son articulation ,mais poussé même au travers
du trou ovalaire. On trouve l\'exemple d\'un pareil
accident décrit par Moreau dans les mémoires de
l\'Académie royale de chirurgie de Paris (i) ; Buf-
fon (2) en cite également un ; mais dont la des-
cription n\'est pas si satisfaisante.
Ce n\'est pas au pavé des rues qu\'on doit attri-
buer la claudication puisqu\'à Berlin , où il est si
inégal, si raboteux , on voit peu de boiteux; mais
en revanche on y rencontre beaucoup de person-
nes bossues par derrière.
Chez les adultes la claudication est occasionnée
par quelque violence étrangère; et dans ces cas il
n\'y a point de distinction de rang qui tienne. Cela
peut avoir lieu par une simple chute sur un ter-
rain uni, ou si, en tombant de cheval, on reste
accroché avec un pied à l\'étrier , etc. Les animaux
y sont naturellement moins exposés que l\'homme,
ri) Tom. II, pl. 13, pag. i58.
<a) Hùt, nat,, tom. IU, pag. 106, n*\'
parce que, marchant à quatre pattes , leur corps
se trouve sur une ligne horisontale.
VIL Le luxe produit encore nécessairement
le mauvais elFet que les enfans ont besoin d\'une
grande fortune pour vivre , quand ils se ma-
rient , sur le même pied que leurs parens. L\'oc-
casion de s\'établir dans le monde ne coïncide pas
avec l\'âge de puberté, lequel commence déjà à
dix-huit ans; tandis que les enfans des gens ri-
ches ne s\'établissent guère avant l\'âge de trente
ans. Voilà ce que le grand Franklin avoit observé
avant nous en Amérique (i) ; et c\'est aussi à cette
cause qu\'il faut attribuer l\'extinction rapide des
familles nobles qui a lieu dans tous les pays, mais
principalement dans les Provinces-Unies , où les
terres et sur-tout les charges publiques sont d\'un
si foible rapport.
Ceux qui suivent les impulsions de la nature ,
se marient aussi-tôt qu\'ils ont atteint l\'âge de pu-
berté; nos gens de peine de la campagne se sou-
mettent à cette loi du moment qu\'ils ont acquis
assez de force pour bêcher la terre.
VIII. D\'après ce que dit Aristote (2), il est
(0 On. peopling countries, pag. 3.
(a) De Republ, lib. VU, cap. i6, pag. 447.
-ocr page 398-évident que , dans les tems anciens on calculoit
les mariages d\'après des intérêts politiques , qu\'on
songeoit à la succession des enfans , et qu\'on les
exposoit publiquement quand il en naissoit un
plus grand nombre que ceux qu\'on croyoit pou-
voir élever convenablement (i).
Tacite (2) n\'auroit peut-être pas loué avec au-
tant d\'énergie la coutume des anciens Germains,
si opposée à celle dont parle Aristote , s\'il n\'avoit
pas eu en horreur les loix des Grecs et des Ro-
mains à ce sujet. Aristote du moins dit expressé-
ment : « Pour ce qui est de l\'éducation des enfans,
« voici la loi qui subsiste à cet égard: Qu\'on n\'é-
« lève point d\'enfant foible ou mal conformé;
« pour ce qui regarde le nombre des enfans, qu\'on
« ne conserve que celui qui est nécessaire. » Sé-
nèque lui-même, dont le coeur paroît avoir été
sensible, cite, avec une grande indifférence, et
comme une coutume généralament reçue, l\'usage
de noyer les enfans foibles et contrefaits. Il pense
en donner une excellente raison, en disant que cela
ne se faisoit pas tant par méchance té, que pour sé-
parer les enfans cacochymes de ceux qui étoient ro-
(1) léid., tom. II, pag. 545.
(2) Demoriè. German. , parag. ,9, pag. 554. Numerum libe-
rorum finira aiit <jucm ^uam ex adgnads necare fiagiùum ha-
keiiv. ,
bustes et bien conformés. « Ce n\'est pas la colère,
« mais la raison , qui nous prescrit de retrancher
(C de la société un membre dangereux (i). »
Pour ce qui est des monstruosités, nous savons
par expérience qu\'il naît journellement beaucoup
d\'enfans sans mains, sans bras, sans pieds. Selon
moi, ce seroit rendre un grand service à la société
que de renoncer à des dissections inutiles , pour
ne s\'occuper que des monstruosités; afin de ren-
dre le sort de ces malheureuses créatures suppor-
table; d\'autant plus qu\'il naît des enfans avec de
pareils défauts qui d\'ailleurs sont bien conformés.
Pour ce qui est du nombre d\'enfans, il paroît
que la plupart des Grecs, comme nous l\'avons déjà
observé, ne faisoient aucune difficulté de s\'en dé-
faire. Aristote dit (2) : « Si les institutions du peu-
« pie défendent d\'exposer les enfans, lorsque leur
« nombre surpasse celui qui convient, il faut les
(C faire avorter avant qu\'ils aient commencé à sen-
« tir et à vivre (3). » Mais il paroît qu\'Hippocrate
(1) Lib. I, De ira, cap. i5 , pag. 27, edit. Elzev. /w-S". Non
ira esc sed ratio â sanis mutilia secernere.
(2)/^o/zf/c., lib. VII, cap. i6- Sigentiuniinstîtutavetem pro-
creata exponi — Si plures liberi, <}uam definitum sit, nas-
cantur, priustjuam sensus etvita inseratur, abortus fœtus infe-
rendus.
(3) Les Thêbains avoient du moins, d\'après le témoignage
d\'AËlieu {Fariae Hist,, lib. II, cap, 7), une loi qui faisoit hon-
SQ6 RÉPONSE A LA QUESTION
condamnoit, et avec raison , cet usage, car il fai-
soit promettre solemnellement à ses disciples de
ne point donner aux femmes enceintes des dro-
gues propres à les faire avorter (i). Qui pourroit
donc s\'imaginer qu\'en Angleterre, ce pays si éclairé,
où il paroît tant d\'excellens ouvrages de morale ,
on ait osé annoncer , dans un papier public (2) ,
un Af/s sur la manière infaillible de faire avor-
ter les femmes enceintes; et croiroit-on que c\'est
le célèbre Forster qui nous instruit de ce fait sin-
gulier ?
Si les Grecs, si renommés pour leur philoso-
phie, si les Romains, dont ie goût étoit plus épuré
encore, laissoient de pareils faits impunis, faut-il
s\'étonner des arréoys de Taïti, ou des Chinois ,
qui, comme le remarque fort bien M. Pauw, jettent
k
neur à leur justice et à leur Èumanité. « II étoit défendu chez eux
" d\'exposer les enfans, on de les abandonner dans un désert pour
« s\'en défaire. Si le père étoit pauvre, il devoit prendre l\'enfant,
« sou garçon, soit fille, immédiatement après sa naissance, et le
« porter, enveloppé de ses langes, aux magistrats. Ceux -ci le re-
« ce voient de ses mains, et le donnoient, pour une somme modi.
« que , à quelque citoyen , qui se chargeoit de le aourrir par ua
«acte solemnel, dont la condition étoit que l\'enfant, devenu
« grand, le serviroit, afin que le service qu\'il lui rendroit devint
« le prix de la nourriture qu\'il en avoit reçue. »
(1)Hippoc., Jfiijurandum, Foés, tom. I, pag. , , 20.
(2) The Morning-Post, of the 1, jan. 1777, n». isaJ.
(5) Voyage de Cook , tom. H, pag. 400, note
mm
«E LA SOCIÉTÉ BATAVE. 307
leurs enfans sur le fumier quand ils sont dans Fim-
puissance de les nourrir; coutume exécrable, mais
dont cependant les missionnaires ont dû conve-
nir (i). Us cherchent à palier ce crime horrible ,
en disant que c\'est l\'indigence et le besoin qui les
y contraignent; ce qui prouve évidemment qu\'ils
le font avec impunité , et que le gouvernement
chinois, dont on vante tant la sagesse, ne prend
aucune mesure pour en détruire la cause. Les ar-
réoys de l\'île de Taïti y sont portés par la raison
pohtique qui leur défend de ne pas laisser trop ac-
croître la population ; tandis que les Chinois n\'ont
d\'autre cause qui les y détermine que celle de
n\'être pas surchargés d\'une trop grande famille.
Cependant on s\'apperçoit que M. Pauw a dit k
vérhé, quoiqu\'on pourroit alléguer peut-être à la
défense de la nation chinoise, en général, que
ce ne, sont que les gens les plus pauvres et de
la dernière classe du peuple qui se rendent cou-
pables de cette atrocité; que sans cela l\'amour des
{i) Remarques sur un écrit concernant les Chinois, tom. II
pag. 397 — 4oi. Le pèmNoël confirme ce fait, en disant dun^
manière expresse, que, dans la populeuse ville de Peking on ex-
pose tous les ans environ vingt à trente mille enfans, qui meurent
misérablement ou sont dévorés par les bêtes féroces. Extractfrom
a relation of father Noël, and traveh of the Jesuits, compiled
from their letters by LocTtman, vol. I, pag. 448; d\'après Millar\'s
Distinction of ranks in society, pag, 140, j^i.
enfans pour leurs parens ne pourroit pas être aussi
vif ni en aussi grand respect qu\'il l\'est parmi eux,
comme on le voit suffisamment par leurs admi-
rables principes de morale (i).
Cet usage étoit plus à condamner chez les Grecs,
parce que les citoyens riches ne s\'y livroient que
pour mieux satisfaire leur paresse et leur sensua-
lité. Les catholiques-romains ont trouvé un autre
moyen de se débarrasser des enfans qui leur sont
à charge; ils les renferment sans miséricorde pour
la vie dans quelque couvent ou monastère.
IX. Une vie effeminée, inactive, une ima-
gination ardente et corrompue par la lecture de
romans érotiques, concourent à séduire la jeunesse
des, deux sexes de la classe aisée ; tandis que les
fréquentes occasions et la liberté dont on laisse
jouir les jeunes gens, servent à épuiser de bonne
heure leur santé de toutes les manières; aussi lors-
que le tems de l\'union conjugale arrive, ont-ils
perdu déjà la faculté de prociéer une postérité
saine et nombreuse.
Par les»^mêmes raisons , les jeunes filles sont
moins recherchées, et languissent sous des mala-
dies qui doivent leur origine au défaut de trouver
U) Remarques sur un écrit concernant les Chinois. De la piété
filiale, tom IV.
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. Sgg
l\'occasion légitime de satisfaire aux besoins impé-
rieux de îa nature ; d\'où résulte souvent une pro-
fonde mélancolie, laquelle est ordinairement sui-
vie de la passion hystérique, que je n\'ai jamais re-
marquée que parmi les personnes de cette classe.
D\'ailleurs , les mariages sont plus rares et la po-
pulation diminue par la foiblesse du mari et de la
femme, et plus souvent encore par le défaut d\'a-
mour mutuel, qui est le meilleur stimulant à Facte
de la génération et le plus efficace, ainsi que la
véritable source d\'une heureuse union : u La pas-
« sion n\'est que le pressentiment de la volupté.
(( Voilà votre Vénus ; voilà Forigine du nom de
« l\'amour j voilà la source de cette douce rosée qui
« s\'insinue goutte à goutte dans nos coeurs (i). »
X. Les animaux, qui ne suivent à cet égard
que leur instinct naturel, ignorent tous ces maux.
D\'ailleurs, la nature a fixé le tems de leurs amours;
ce qui donne plus d\'énergie chez eux à l\'acte de
la génération. Il en est autrement chez l\'homme ;
le besoin toujours renaissant des deux sexes de sa-
tisfaire leur penchant naturel étoit nécessaire pour
(i) Nainejuc ■voluplatem praesagU multa Cupido,
Haec Kdntis esc nobis, hînc autem estnomen amorîs;
Hinc illa primum Veneris dulcedinis in cor
Scillavîtgulta.
Lucret., De Rerum Nat. , lib. lY, y, io5o.
-ocr page 404-4O0 RÉPONSE A EA QUESTION
donner plus de force au lien conjugal. Mille inci-
dens qu\'on ne sauroit prévoir troublent souvent
i\'ame du mari et de la femme, dont l\'amour seul,
quelque grand qu\'il puisse être, ne sauroit sur-
monter facilement les dégoûts. Un jour de trouble
et d\'inquiétude seroit d\'une éternelle durée, si un
attrait mutuel ne venoit dissiper tout-à-coup les
chagrins des deux époux et les effacer pour jamais
de leur esprit.
Les animaux ne cherchent une femelle que pour
la propagation de leur espèce. Du moment que ce
grand but de la nature est rempli, ils se quittent
et leur association n\'existe plus. Chacun va de son
côté, et le mâle, excepté chez un petit nombre de
singes et d\'oiseaux, laisse à la femelle le soin d\'é-
lever seule leurs petits. D\'autres, l\'autruche (i),
par exemple , la tortue , la grenouille, le lézard,
le serpent, etc., abandonnent leurs oeufs aux soins
de la prévoyante nature.
(i) Sparrmann, dans son V^yag^au Cap de Bonne-Espérance,
ctap. i3, dit: «Que l\'autruche mâle assiste la femelle daasl\'ia-
« cubation;« ce qui s\'accorde avec «n passage de Kolbe , cité par
Réaumur. Voyei Bomare, Dictionnairg des unimaux, article
Autruche.
Des maladies des artistes et des gens de lettres.
I. Il n\'y a point de vérité pins connue que
celle que les arts et les sciences sont les enfans du
luxe. C\'est la magnificence qui fait naître les ta-
lens ; et le désir d\'être loué a / depuis les plus an-
ciens tems, produit, chez la plupart des peuples,
le statuaire, le poëte et l\'orateur. C\'est plutôt à
l\'orgueil et à la vanité des princes qu\'à leur véri-
table sentiment du beau , qu\'il faut attribuer les
progrès des arts et des sciences qui ont illustré leur
règne.
Ce n\'est pas sans raison que J. J. Rousseau (i) a
dit que les sciences et les arts ont produit plus de
maux que de biens dans la société. Cependant ils
n\'en existent pas moins et sont même parvenus à
un degré de perfection qui ne peut que nous éton-
(0 Discours sur la question: « Si le rétablissement des Sciences
a et des arts a contribué à épurer les mœurs. »
II. ^fi
-ocr page 406-4O,3 réponse A LA QUESTION
lier, sur-tout quand on considère les bornes et la
foiblesse naturelles de l\'esprit humain.
Les artistes et les savans ont généralement cela
de commun , qu\'ils mènent une vie trop sédentaire
et sont trop livrés à leurs médhations; ce qui cause
chezeux non-seulement l\'orthopnée, mais nuit aussi
à la digestion : la bile et les autres humeurs font
moins bien leur sécrétion j le sang n\'est pas conve-
nablement élabouré, et toute l\'habitude du corps
n\'est pas assez dépourvue de son air phlogistique j
par conséquent pas suffisamment fournie d\'un air
frais et vital.
IL Outre une débilité générale, ce genre de vie
produit des obstructions au foie et toutes les ma-
ladies qui en sont les suites ordinaires, et sur les-
quelles on peut consulter Piamazzini, Tissot et les
autres médecins qui ont particuhèrement écrit sur
cette matière.
Les artistes ont aussi à craindre les influences
des matériaux qu\'ifs emploient. Combien le pein-
tre , le manufacturier de glaces et le faiseur de ba-
romètres, etc., ne soufirent-ils pas de l\'émanation
des couleurs et des vapeurs du mercure? le meu-
nier , le boulanger et le tailleur de pierre sotit su-
jets, eorome on. sait, à des oppressions de poitrine
et à la phthisie, par l\'inspiration delà fleur de fa-
rine et de la poussière des pierres qui pénètrent jus-
1>E LA SOCIÉTÉ B A T Â V E. 465
que dans les bronches du poumons (i). A quelles
fatigues à quelles gênes n\'est pas soumis le corps
de 1 astronome par la fraîcheur des nuits et d\'au—
très circonstances nuisibles ? Combien les médecins
et les chirurgiens n\'ont-ils pas à rédouter l\'air vi-
cié et souvent mortel qu\'ils respirent auprès des
malades, sur-tout dans les tems où il règne des
maladies contagieuses: ils deviennent alors les vic-
times de leur généreux dévouement et de leur no-
ble philantropie (2)..
§. III. Les sucs nerveux-, ou ^ pour mieux dire,
tout le système des nerfs, est principalement atta-
qué par une vie sédentaire et studieuse,\'dont les
suites sont un penchant à la mélancolie, qui va
quelquefois]usqu\'à la démence. Chez quelques-uns
il en résulte l\'irrascibilité, la colère et d\'autres pas-
Ci ) MM- Clozier et le Blanc ont fait des expériences singulières
et, pour ainsi dire , incroyables, sur la pénétration de cette pous-
sière dans les pores du verre. Voyez Mém. de Vj4cad. de Dijon,,
tom. II, Sur la maladie de Sainc-Roch, pag. acxviij, et princi-
palement pag. xxxj et Ix.
(ajFontana {Traité des poisons, t. II, pag. 158, Florence 1781,
in-^^. ) dit qu\'il s\'est empoisonné lui-même jusqu\'à trois fi3is, en
faisant des expériences sur le toxicodendron. Le célèbre et infati-
gable professeur Sceinmering mit tant d\'ardeur j pendant l\'été de
1785, à disséquer un éléphant mort à Cassel, qu\'il perdit teS
ongles de ses doigts par Ja grande déconiposition et les humeurs
corrosives de ce cadavre.
4o4 RÉPONSK A I<A QUESTION
sions violences de cette nature; tous au moins sont
tourmentés par l\'en vie qui produit cet air morose
qui défigure leurs traits , et que rien ne sauroit
vaincre chez; çux.
i • • • - • •
. IVi II faut convenir cependant que des phi-
losophes profonds onlatteintun grandâge. Socrate
auroit sans doute vécu plus long-lems, si on ne l\'eut
condamné à boire la cigde. La cruauté de Néron
mit des bornes à la vie de Sénèque ; Thaïes le Mi-
lésien parvint à soixante-dix-huit ans; Pythagore
passa les quatre-vingt, et Platon mourut après avoir
atteint sa quatre-vingt-unième année. Cicéron (i)
et Valère Maxime (2) nous fournissent d\'autres
exemples de philosophes; remarquables par leur
l,ongévité^ Dominique Cassini remplit une carrière
de quatre-vingt-^ept ans sans avoir été jamais ma-
lade ; Ruisch TCCut quatre-vingt-quatorze ans , et
Morgagni donnoit desleçons publiques d\'anatomie
dans sa quatre- vmgt-deuxième année. Ce petit
nombre d\'exemples suffit sans doute pour justifier
mon assertion.
Mais parmi les peintres célèbres il y en a fort peu
(1) iDe 5f«ecf.,,pag. .397, edit. GraBvii. II y a plusieurs beaux
exemples d\'une vieijleuse, heureuse. Cicéron lui-mèaie avoit qua-
îre-vingt-quatreans, lorsqu\'il écrivit son Traité de la Vieillesse,
(2) De Us, ijtii praeclaram senectutcm siint adepti.
-ocr page 409-DE E a S O C I É ï É B A T AVE. 4o5
qui aient atteint un grand âge. Cependant nous sa-
vons par un exemple rare q u\'ofFre la belle galerie
de Düsseldorf, que Carlo Cignani peignit à qua-
tre-vingt ans un tableau admirable, plein de vie
et d\'ejfpression , et qui n\'offre rien de la foiblesse
de cet âge (i). C\'est avec un plaisir inexprimable
que j\'ai vu ce chef-d\'oeuvre de l\'art.
La grande question est de savoir comment, et
avec quelle certitude on parviendroit à prévenir
ces maux ? Par quels moyens on pourroit écarter
les suites J ainsi que les maladies <jui ,Ksuîfènt-na-
turellement de cette ^manière de vivre ? Voilà ce
! •• i.\'-\'l
^ i ^ I - \' . £
que j\'avoue ne pouvoir pas décider, à moins qu\'on,
ne veuille faire un bouleversement total dans cette
CI!-).!!. XJ/ \' "if^r\'ijua
\' ::. un
classe ; et dans ce cas on ne satisferoit plus à la
question ; puisqu d s agit de trouver dans la phar-
macie des remèdes qui certainement n\'ont aucune
influence sur notre économie sociale et morale. .
réponse a la question
■ \' ï>eéyiatàâiès des ecclésiàstiques.
4o6
•w.
\'ï.\' \' Go itf M^\' c\'est au luxe que les arts et les scien-
yes doivenfléur origine et leur soutien , ainsi que
je l\'ai remarqué au p^^^ oh peut
assurer\' de "mê^ les gens d\'église doivent
» ® %\'norance et à la folie terreur
dés hommes , comme ïe dit fort bien\'ce fameux
feémistiche de\'hucrecQiPnmus in orbeDeos fhck
iimor.
Par gens d\'eglise, j\'entends icrnon-seuleme\'nt
iieux (jui cônsa^ireht leurs joüi;s a;un culte mélan -
colique et pénible; mais principalement ceux, de
quelque secte qu\'ils puissent être, qui mènent
une vie solitaire, q^^\'un zèjle mal entendu fait re-
noncer aux doux liens de l\'union conjugale, et
qui, pour ne pas satisfaire aux voeux de la natu\'re,
tombent dans ime profonde mélancohe, qui dé-
génère souvent en frénésie, comme Bulfon le
DE LA SOCIÉTÉ B A T A V É. 4of
prouve par un exemple remaixjuable (r)^] oti bien
ils se livrent au crime d\'Onan, tant lés Femiftëï
que les hommes; ce qui les énerve bientôt totale-
ment, et produit des mauxtérriblés, dont;-^êloh
moi,Tissot n\'a que trop amplement\'paMé.\'^ \'
§ II. En pensant au genre de\'Vie uiiiforuie ét
régulier que mènent les religieux, bn seroit\'tenté
de croire qu\'ils jouissent d\'une santé plus cons-
tante que les autres hommes ; ce qui n\'est cependant
pas (2). Les hommes comme lès femriies ,\'épr\'ôu-
vent, tous en général, les mêmes maïadieé qui\'
sont propres aux personnes studieuses ; à qubi i\'oïi
doit joindre encore le chagrin de se voir condamnés
à une réclusion perpétuelle ;\'à une surveillance
rigoureuse et aux festidieuses exhortations d\'un
supérieur ignorantes).
(1) Suppl., tom. iV,. pag. 585, . ic
(2) Deparcieux dit que c\'est un préjugé de croire que les reli-
gieux, de l\'un et de l\'autre sexe , vjveat plus long-tems que les
gens du monde. Essai sur les probabilités, de la durée de lavis
humaine. Paris ,-174^, pag. 83. Pàr fe tables 8, 9, 10 et r-i , î\'
P^arpît qua, depuis i685 jusqu\'en 1745 y en a eu pè« qui atêni:
atteint l\'âge de quatre-vingt ans.
(3) «Quand les religieux et les religieuses ont passé quinze ou
« vingt ans dans un couvent, leur santé qoiiimence à s\'altérer, par
«les abstinences , les jeûnes\' ibrçës i dés àustWités souvent ou-
«trées, etc.» Déparc\'iieuk/ï&mZ., "" " \' -
Il paroît de plus, par les observations de Buf-
fon, que de 1745 jusqu\'en 1766 inclusivement,
il est mort un nombre beaucoup plus grand de
religieuses que de religieux (1). La totalité des
derniers montoit à 5i8, tandis que celle des pre-
mières alloit à 2,2i2j de manière qu\'il est mort
plus de religieuses que de moines; tandis qu\'on
sait que c\'est une vérité de fait qu\'il meurt par-
tout plus d\'hommes que de femmes.
§. III. On sait aussi par les observations exactes
du curé de Saint-Sulpice (2), que les personnes
des deux sexes qui habitent les couvens , ne vi-
vent pas aussi long-tems que les ecclésiastiques
séculiers qui jouissent de leur liberté. Les admi-
rables tables mortuaires du médecin Haigarth (5),
nous apprennent également que, proportion gar-
meurt plus de célibataires, pendant les
mêmes années, que de gens mariés; et que ces der-
niers vivent aussi plus long - tems que les pre-
miers. ^
Deparcieux ajoute cette observation remarqua-
ble, que les célibataires vivent plus long-tems
que les religieux; mais que de tous les hommes ,
(î) Suppl-, tom. IV, pag. 267 — 277.
(a) Deparcieux» iiw«/, etc., pag. loj»
(5)PÀiVoJ. 2>onjûcf.,vol.LXVlll, pag. 147.
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 4o9
ce sont les gens mariés qui parviennent à la plus
grande vieillesse.
P. Clare (i), cependant assure, comme un fait
certain, mais sans en donner de preuves , que les
célibataires vivent plus long-tems que les per-
sonnes mariées. Il prétend même que les chevaux
hongres parviennent à un âge plus avancé que les
chevaux entiers, etc. La première de ces asser-
tions se trouve détruite par les observations du
Curé de Saint-Sulpice que je viens de citer. La se-
conde est contredite par ce que m\'ont assuré des
maquignons instruits, qu\'un cheval hongre de
trois ans n\'est propre à aucun travail , tandis
qu\'une jument l\'est déjà à cet âge ; et qu\'un hon-
gre de sept ans peut à peine faire le travail qu\'exé-
cute tous les jours une jument de quatre an§. Si
donc les jumens surpassent à tel point en force les
chevaux hongres , que n\'en sera-t-il pas des che-
vaux entiers ?
Mais, pour revenir à la question, on voit par
tout ce qui a été dit, et par ce que j\'ai observé
dans le précédent chapitre , que les personnes
d\'une condition moyenne sont, sous tous les rap-
ports, les plus heureuses; que par l\'union conju-
gale, on remplit non-seulement le grand voeu de
{i) Essay on ûie cure of abscesses, etc., vol. II, pag, ig3.
London 1779.
4lO RÉPONSE A LA QUESTION
la nature; mais qu\'on parvient aussi par là à une
vieillesse same et robuste; enfin , que l\'exercice
dun cuite pur et raisonable, avec des mœurs
smiples et honnêtes nous rendent les êtres les plus
heureux de la terre.
Des suites de la débauche.
§. I. On sait, par une observasion fort ancienne
et fort commune, que l\'ivresse coûte tous les ans
la vie à un nombre considérable d\'hommes ; ce-
pendant il n\'j a point de classe de la société où
les excès de la boisson, ou du moins l\'usage im-
modéré du vin et des liqueurs spiritueuses, n\'ait
journellement lieu.
Le vm , surtout celui d\'une mauvaise qualité ,
dont l\'usage est le plus commun, détruit l\'appétit,
dissipe promptement les forces vitales, et finit par
produire l\'hydropisie , dont il est aussMmpossibie
de guérir , que de l\'abus même qu\'on fait du
vm.
-ocr page 415-DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 4l 1
L\'eau-de-vie, qui paroît produire les mêmes
elFets que le vin , se fait également remarquer au
visage et au nez de ceux qui en boivent avec excès.
La bierre rend l\'homme lourd et stupide, et ses
excès produisent de grands maux de tête , éner-
vent insensiblement les fjcultés de l\'esprit, el fi-
nissent par le troubler entièrement (i).
L\'eau-de-vie de genièvre semble moins con-
traire à la santé, et n\'offusque pas l\'esprit quand
une fois les vapeurs sont dissipées par le sommeil 5
mais , comme iQutes les liqueurs spiritueuses , il
prépare le corps à une consomption insensible , et
à l\'hydropisie ; laquelle , suivant Aretée de Cap-
padoce, est le terme de toutes les maladies chro-
niques (2).
IL Les plaisirs de l\'amour, quand ils sont
modéré§ , et qu\'on n\'en jouit que lorsquede corps
a eu le temps de réparer parfaitement , chez les
deux sexes la faculté génératrice, sont salutaires
pour le physique , en même tems qu\'ils vivifient
(i) A la Chine, où l\'on fait principalement usage de boissons
composées avec du froment, de l\'orge, du bled sarrasin , etc., les
hommes d^eviennent d\'abord fort replets par les excès qu\'ils en
fjpnt, eDîuite ils perdent l\'appétit, dépérissent ét .nieurent maigres
comme des squelettes. Mémoires sur les Chinois , Yill\'^. pré-
cepte, tom, VII, pag. 35.
\\i.) Omnium àiuturnonim viiiùmt
4i2 réponse a la question
l ame. Mais comme les parties par les moyens
desquelles se fait la sécrétion de la matière proli-
fique sont extrêmement compliquées , elle ne se
répare que fort lentement. Par conséquent des
jouissances trop multipliées énervent entièrement
le corps ; et cela d\'autant plus rapidement qu\'on
emploie plus de moyens de renouveller ces plaisirs
fugitifs en dépit même de la nature.
Un affoiblissement de la vue, des étourdisse-
mens , des vertiges, sont les suites fâcheuses d\'un
système de nerfs fortement ébranlé par la trop
fréquente répétition de ces jouissances ; et à ces
maux succède généralement un marasme parfait.
Tels sont les dangers inévitables de la volupté ;
dangers qui deviennent beaucoup plus terribles
encore si, aux excès de l\'amour , on joint ceux
du vin et la fatigue des longues veilles. ^
Nos prétendus aphrodisiaques sont presque
tous sans vertu , et tous sont essentiellement nui-
sibles. Une vie paisible et réglée et des jouissances
modérées sont non-seulement favorables à cette
passion, mais contribuent en même temps à forti-
fier la santé.
Je sais d\'ailleurs, par expérience, que les em-
brassemensdu matin sont nuisibles à la vue,parce
qu\'on ne peut pas alors réparer, parle sommeil
de la nuit, les esprits vitaux qu\'on vient de dissi-
per. Je pense donc, que la première partie de la
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 4l5
nuit est la plus convenable aux plaisirs de l\'by-
men , quoique les anciens médecins aient prétendu
que c\'est la matinée qui y est le plus propre,
parce qu\'ils s\'imaginoient que c\'est alors que la
matière prolifique est la mieux élabourée.
Je jette un voile épais sur les suites affreuses de
l\'onanisme, du péché contre nature et des autres
coupables excès de cette espèce.
III. La maladie vénérienne , qui commence
par attaquer d\'abord de différentes manières, tou-
tes aussi cruelles les unes que les autres, les par-
ties de la génération, ensuite les humeurs de tout
le corps, et finalement les os mêmes; sans jamais
agir sur la substance du cerveau, ni sur les parties
essentielles à la vie, est toujours la suite d\'une vé-
ritable contagion, par conséquent d\'un contact
impur.
Il est absolument faux que deux personnes d\'un
sexe difierent puissent prendre d\'elles mêmes ,
dans notre patrie ou dans quelque autre contrée
de l\'Europe que ce soit, cette horrible maladie ,
malgré tous les excès auxquels elles pourroient
se livrer dans leurs embrassemens charnels.
Si le virus vénérien ne nuit pas directement à
la propagation de l\'espèce, il n\'est pas rare, du
moins qu\'il se communique aux enfans qui nais-
sent infectés de ce mal affreux, dont ils souffrent
cruellement 5 et qui souvent leur fait perdre la
vue; ainsi que je l\'ai observé moi-même dans
ce pays, à un enfant dont l\'humeur cristaline
des deux yeux avoit été détruite par suppu-
ration ; ou bien ces malheureuses victimes meu-
rent promptement des cruels accidens de cette ma-
ladie; ainsi que les grandes villes, telles qu\'Ams-
terdam , Londres et Paris n\'en oiTrent que trop
d\'exemples, surtout dans les hospices des enfans
trouvés.
Une nourrice attaquée de la maladie vénérien-
ne, la donne à son nourrisson , quelque sain qu\'il
soit né d\'ailleurs; et quelquefois aussi, un enfant né
d\'une mere impure, infecte la nourrice la mieux
portante. Un simple baiser a souvent communi-
qué le mal à l\'un et à l\'autre , parce que les vais-
seaux lymphatiques qui tapissent en grand nom-
bre les lèvres et la bouche, facilitent beaucoup ,
par leur absorption la communication du virus.
La matière contagieuse semble aussi être portée
fort rapidement dans la copulation charnelle, par
les vaisseaux lymphatiques, dans la masse du
sang. Cette communication peut se faire également
par une espèce d\'inoculation, lorsqu\'une partie
blessée de notre corps reçoit le virus. C\'est de
cette manière qu\'un accoucheur ou une sage-
femme prennent facilement cette maladie, lors-
qu\'ayant quelque blessure aux doigts ou aux
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 4l5
mains, ils prêtent leurs secours à des femmes qui
en sont infectées; ce qui arrive beaucoup plus sou-
vent qu\'on ne pourroit le croire.
Les enfans, quoique nés de parens fort sains,
tombent souvent en rachitis, tant dans nos pro-
vinces que dans tout le reste du monde, à ce que
je crois. Cette maladie consiste en une mauvaise
nutrition des os , ou plutôt des cartilages qui doi-
vent s\'ossifier. On lui a donné aussi le nom de
maladie angloise, à cause que le siècle passé, où
elle régnoit beaucoup en Angleterre, elle a été dé-
crite avec une grande clarté et beaucoup d\'exac-
titude par Glisson et Majou, deux célèbres méde-
cins de ce royaume.
Cependant le rachitis n\'est pas une suite de la
maladie vénérienne, comme beaucoup l\'ont sup-
posé , tel, entr\'autres, que notre Hippocrate hol-
landois (i), et le célèbre abbé Winckelmann (2).
L\'usage du thé, du café, etc., n\'est pas la
seule cause du rachitis : cette maladie est produite
par une qualité particulière de la matière osseuse ,
ou par un défaut de nutrition dans cette partie du
corps, ainsi que je puis le prouver par plusieurs
(i) Boeihave, De cogn. et cur. morbis, parag. 1482.
(3) Réflexions sur l\'imitation des artistes grecs dans la pein^
ture et la sculpture, pag. tj de la traduction françoise que j\'en ai
donnée. ( Note du trad. )
4l6 RÉPONSE A LA QUESTION
squelettes entiers d\'enfans qui étoient noués. Je
possède, entr\'autres, un squelette, dont la plu-
part des os sont arqués, et, pour ainsi dire, com-
primés par suite de leur foiblesse. La fontanelle
reste fort long-tems ouverte chez ces enfans, la
superficie des os n\'est jamais hsse, mais rude et
raboteuse, quelque soin qu\'on prenne de les né-
toyer 5 tandis que les os des enfans morts d\'autres
maladies, sont toujours unis et luissans.
La préiendue carie qui attaque le plus souvent
les articulations des enfans, qu\'Hippocrate et Ga-
lien ont connue, si je ne me trompe; que Rhases,
du moins, qui vivoit au neuvième siècle , a si bien
décrite; queles moines ignorans ont traduit par
spina ventosa , et que Séverin a nommé^ à tort,
paedarthrocace, parce qu\'elle attaque aussi bien
les bords des orbites des yeux, de la mâchoire in-
férieure, du sternum, des côtes, etc.,que les arti-
culations des mains, des pieds et des genoux; cette
prétendue carie, dis-je, n\'est pas une suite du
rachitis , et moins encore de la maladie véné-
rienne.
Car, si cela étoit plus ou moins vrai, le mercure
devroit, non-seulement être un remède salutaire
contre le rachitis et la carie des os, mais il de-
vroit aussi guérir immanquablement ces deux ma-
ladies, ce qui n\'est cependant pas. La carie même
ne se guérit jamais; tandis que la maladie angloise
DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 4l7
peut être guérie par des fortifians , par des mar-
tiaux, mais principalement par un air sec et pur.
Ces maladies ne paroissent pas non plus dépen~
dre de notre atmosphère humide et froide, ni du
scorbut; du moins , dans ce cas , on n\'auroh pas
dû les trouver en Arabie et dansla Grèce, qui sont
des pays sains et secs, et les climats les plus tem-
pérés de la terre.
V, Le grand usage de café occasionne chez
beaucoup de monde un tremblement de mains ;
il semble attaquer violemment le système nerveux,
lorsqu\'on le prend fortj tandis que le café foible
et le thé débilitent l\'estomac, et causent plusieurs
maladies chez nos jeunes filles et chez nos femmes
riches, qu\'on ignoroit autrefois (i). 11 y en a ce-
pendant qui, préférant leur santé au plaisir de sa^
tisfaire leur goût, boivent le matin un vèrre de
bierre froide avec un biscuit blanc, et parviennent
par-là , et en renonçant aux boissons chaudes , à
raffermir leur santé. Le thé et le café sont surtout
nuisibles, quand on les prend immédiatement
(i) M. Rostan {Acta Helvet., vol. V, pag. 4o3 ) , je l\'avoue,
attribue à ia décoction de café cru certaines vertus anodines
que ne possède point le café torrifié ; cependant cette boisson
doit également être nuisible au corps, parce qu\'on la boit chaude
comme l\'autre\'
II. 27
-ocr page 422-RÉBONSE a la question
avant ou après le dîner, entre les deux repas et
aprèst .souper.
§, VI. Quoique utile dans un très-petit nombre
de cas. singuliers ,, le tabac i a généralement des
suites fâclieuses , à, cause de sa vertu narcotique,
î\'umé il enlève la salive, si nécessaire à la pre-
mière coction des alimens; ce qui le rend sur-tout
fort nuisible immédiatement avant et après le re-
pas. Il y a des personnes qui s\'accoutument à ne
pas cracher en fumant; mais dans ce cas on avale,
avec la salive , l\'huile dont la fumée est impré-
gnée; ce qui est préjudiciable à la santé.
En voyant le teint pâle des garçons qui servent,
dans les cafés de^nos grandes villes, on peut se,
former une idée du mauvais elfet que produit la
fumée du tabac,même sur les personnes qui, sans,
fumer elles-mêmes, demeurent long-tems dans
un endroit où l\'on fume.
Mâché, le tabac détruit également la salive, et
il en résulte les mêmes suites fâcheuses.
Pris en poudre, il peut être utile dans certaines
maladies des yeux. Mais, comme c\'est, en général,
par habitude qu\'ion en fait usage, il desseche l\'in-
térieur du nez, nuit à l\'organe de l\'odorat, et oc-
casionne une secheresse dans la gorge, où la pou-
dre descend fort avant. Cependant l\'empire de la,
mode et la coutume ont un tel pouvoir sur l\'homme
qu\'il s\'habitue à prendre par le nez, au détriment
de sa santé, une drogue dont l\'usage lui paroît
d\'abord si dégoûtant (i).
VIT. Pour en revenir à la table des riches,
je remarquerai que leurs mets sont trop multi-r
pliésjtrop succulensjtrop substantiels et trop gras.
Les glaces, qu\'on mêle à une nourriture déjà in-
digeste par elle-même, achèvent de troubler l\'es-
tomac. Les maladies qui en résultent sont incal-
culables, et tout l\'art d\'Esculape ne sauroit les
guérir. Il n\'y auroit qu\'une extrême modération
dans le boire et le manger qui pourroit rétablir
l\'estomac de ces Apicius modernes ; modération
qu\'on ne doit attendre que des vrais philosophes;
mais l\'on sait combien le nombre en est petit
parmi eux , et combien même il y a d\'Aristippe
parmi nos prétendus sages. On ne sauroit donc
guère se flatter que les suites fâcheuses de la gour-
mandise puissent être guéries ou prévenues par les
conseils et les exhortations des médecins. S\'il a été
(i) D\'après les observations exactes de Fontana . l\'huile de ta-
bac introduite dans les plaies des animaux vivans leur occasionne
toujours des vomissemens, et quelquefois une paralysie dans les
extrémités inférieures du côté -où on l\'applique ; mais il n\'en ré-
sulte cependant jamais la mort. Traité des poisons, tom. II,
pag. 162.
420 RÉPONSiÉ A LA QUEST TO N
impossible à Sénèque, qui possédoit, à si juste ti-
tre , la considération de ses contemporains, d\'opé-
rer ce grand bien par ses admirables préceptes,
quelle espérance nous reste-t-il d\'y parvenir?
Z>es différentes espèces de régimes de vivre, et
de Vinfiuence des divers climats sur Vhomme
et sur les animaux.
L Chaque animal se nourrit ou viande de
la manière que la nature le lui prescrit, comme
cela se voit par les carnivores, les herbivores, les
ichthyophages èt les vermivores. Cependant ceux
qu\'on a réduits à l\'état de domesticité mangent al-
ternativement aussi d\'autres alimens , quoique ce
ne soit, en général,que par contrainte.En Islande
aux îles Orcades, ainsi que dans le nord du Da-
nemarck et de la Suède, on nourrit les chevaux et
le bétail de poisson sec; ce qui, chez ces derniers,
produit l\'effet remarquable de la perte de leurs
cornes (i), qui reprennent ensuite aussi peu que
les os mêmes (2).
Nous nourrissons nos animaux domestiques ,
tels que les chiens et les chats, de toutes sortes
d\'alimens , et nous leur refusons, faute de ré--
flexion, de la viande et des os; aussi sont-ils sujets
à l\'asthme , à l\'épilepsie et aux cataractes ; tandis
que les plus vieux chiens de chasse sont exempts
de ces maux, quoiqu\'ils ne mangent journellement
que des os et de la viande. ,
Il en est tout autrement de l\'homme, qui est
omnivore et se nourrit de tous les mets imagina-
bles , qui tous lui profitent également : la nourri-
ture, de quelque nature qu\'elle soit, ne cause au-r
cune altération dans ses facultés mentales ni dans
sa constitution , ni dans sa vertu projifique. Aussi
suis-je d\'opinion, qu\'excepté la raison et le don de
la parole, il faut regarder comme un des plus
grands et des principaux avantages dont la nature
(1) Voyez la Dissertatton de M. Camper sur le rhinocéros â
deux cornes, dans le tome premier.
(2) Sparrmann raconte {V"jyage au Cap de Bonne-Espérance)\',
et Hulphers le confirme ( Beschrifnîng om Norrland, Samml. 5
von Herjedalen , pag. 27 — 87), qu\'à Herjedaiea on nourrie en
partie les bestiaux avec du fumier de clieval. Sparrmann ajoute,
qu\'on donne aussi pendant l\'hiver , dan»^ l\'Upland ^ "P"""*,
riture aux bêtes à cornes au. défiant de fourrage, et que ce? be^
tiaux le mangent ensuite pat i«jtiact^
433 RÉPONSE A LA QUESTION
a doué l\'hottime au-dessus des autres créatures,
celui de pouvoir non-seulement se nourrir de
toutes sortes d\'alimens, et d\'habiter toutes les con-
trées du globe, mais encore de conserver par-tout
la faculté de multiplier son espèce.
g. H. Cependant l\'homme paroît jouir d\'unie
santé plus robuste quand il mange beaucoup de lé-\'
gUBies , de viande et de poisson frais. La viande
salée et fumée occasionnoit autrefois dans le Nord
de\'l\'iEurope une maladie générale connue sous le
nem de scorbut, qui nous attaque rarement au-
jourd\'hui, si ce" n\'est sur les vaisseaux qui navi-
gliënt sous les poles , où il est impossible de se
procurer des alimens frais, ainsi qu\'on peut le voir
par\'les relations du célèbre voyageur Cook (i).
\'\'Lechevaliter Pringle a observé que le plus grand
ùsàge qu\'on fait depuis quelque tems en Angleterre
de différentes espèces de légumes est une des prin-
cipales causes de la grande santé dont jouissent les
habitans de ce royaume. Je puis ajouter , d\'après
mes propres observations, que les champs où l\'on
cultive les légumes ont tellement augmenté dans
■-^i) Öii Tön tïôHve aussi une excellente description des moyens
de prévenir ies maladies des gens de mer. Forster a si parfai-
tement traité cette matière , qu\'il est impossible d\'en donner un
extraîfti .
DE L A S O C I É T É BATAVE. 425
les Provinces-Unies, et qu\'on y tue aujouvd%«î
une si grande quantité de boeufs et d\'autre bétail
que, depuis quarante ans, nous ne ressemblons
f>lus auxanciensbabitans de; ces contrées, rektive-
ment au régime de vivre. . i • >1
J\'ajouterai qu\'il faudroit maintenant ausà.i què
nous diminuassions proportionnellement nos mets
composés de farine. Ces ruets, qui fernientenî; beau-
coup dans l\'estomac y paroissent fort propres à^de-
truire la putréfaction qu\'occasionne l\'usage de là
viande et du poisson fumés et salés , et par cette
raison fort •convenables et même fort nécessaires à
la digestion de nos alimens. Aujourd\'hui nous man-
geons encore journellement, à la Vérité du pain de
seigle avec le lard et-la viande salée; mais il fafft
convenir que o\'est plutôt par gout que dans l\'id^ée
de faciliter par-là la coction de nos alimens^
« une liqueur faite avec du seigle ou du froment,
(C dont, par fermentation, ils composent une es-
« pëce de vin. ))
Anciennement les Hollandois buvoient généra-
lement des bierres vieilles et fortes , d\'où résul-
toient l\'ivresse, des maux de tête, des foiblesses
d\'esprit et le calcul.
-r- Maintenant nous remplaçons la bierî^epar le thé
elle café; ce qui nous préserve de la pierre dans
la Vessie ; du moins est-il certain que, depuis leur
■usage, ; cette cruell,e> maladie est fort rare dans ce
pays ^ ainsi-que che? nosvoisins j qui, comme nous,
-en boivent iournellement, et dont Hambourg,
ofonrnit , entr\'autres, un exemple remarquable; les
médecins rapportent la même chose du Brabant et
l^ays situés ^tor les rives du Rhin.
La pierre paroît faire encore de grands ravages
parmi les gens de la campagne en France, à qui la
litudinem^ yini corruptus. ( De moribus German. ) Cela paroît
«/gaiement par Straton qnî dit des Indiens : « Qu\'ils se servoient
« de riz au lieu de seigle pour faire du » ce qui éitoit certaine-
ment J\'arac de nos jours, lequel a beaucoup de rapport avec notre
,eau-deiVje de grains. { Geogr., lib XV.) Les Gxecs donnoient à la
bierre le nom de xythnm, et jamais celui d\'à««?. „ Les Indiens bu-
tt voieni eiJ faisant leurs offrandes seulement du vin fait\'avec du
_« ria , et non du seigle; » tandis qu\'il dit des Portugais: « Qu\'au
«déW de Tin ils buvoient delà {^zyihum).r, Ibid.
lib. III.
-ocr page 429-DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 425
misère ne permet de boire que de l\'eau crue, mê-
lée de beaucoup de particules terreuses; et c\'est par
la même raison que les eaux de l\'Issel, occassion-
nent cette maladie plus qu\'ailleurs dans nos provin-
ces aux habitans du plat pays, entre\'Rotterdam et
Gouda. A Rotterdam on est parvenu à corriger eii
grande partie cette mauvaise qualité de l\'eau de la
Meuse, en la faisant fihrer par des fontaines degrés.
Le feu purifie également l\'eau, comme on peut s\'en
convaincre par le tartre pierreux qui s\'attache
aux parois des chaudrons dans lesquels on la fait
bouillir.
Notre eau de pluie même contient de ces par-
ties terreuses, dont elle se dégage parla cuisson. Je
ne puis me passer de faire remarquer, à cette oc-
casion, la qualité malfaisante, qu\'acquiert notre
eau de pluie en coulant le long des plombs des
toits et des gouttières; sour-tout lorsque le faite et
les angles des maisons, au-lieu d\'être couverts en
o >
tuiles feutières, le sont en plomb, et qui plus est
en plomb peint avec du blanc de céruse. Le soleil
en calcine la superficie, et la pluie fait couler la cé-
ruse aussitôt que l\'huile en est évaporée. Ces ma-
tières sont alors entraînées avec l\'eau de pluie dans
-les citernes, et occasionnent souvent la colique
de Poitou , qui régna avec tant "dè violence dans
toute la Hollande, ilya une quarantaine d\'années.
Les vaisseaux de plomb dans lesquels les gens du
peuple d\'Amsterdametd\'amres villes, conservent
l\'eau de pluie dans leurs chambres sont, par les
mêmes raisons, également nuisibles à la santé.
En Suisse et en Savoye on est beaucoup moins
sujet aux goitres depuis l\'usage journalier du thé
et du café; ce qu\'il faut probablement attribuer à
ce que l\'eau est débarrassée par la cuisson de ses
parties terreuses. Cette différence est du moins fort
remarquable à Genève et dansles environs de cette
ville.
Ces goitres sont fort rares parmi nous. Les in-
sulaires de Sumatra en ont souvent de la grosseur
d\'un oeuf d\'autruche et même de la tête d\'un
homme; mais cela a principalement lieu chez les
femmes (i).
\' IV. Depuis l\'augmentation considérable des
fortunes et du luxe qui en est la suite , nous fai-
sons journellement usage des eaux minérales de
Spa, de Selz, de Pyrmont, de Nassau, de Bristol,
de Clèves, etc. Ces eaux pénètrent facilement à
(i) Millar\'s Account of the island of Sumatra. Philos. Trans.,
vol. LXVIII.pag. 164 , ainsi que Marsden, The history of Su-
matra, 1783. Voyez Journal encyclopédique., novembre 1785, le-
<]uel prétend que, corame il ne tombe point de neige dans les mon-
tagnes de cette île, on doit attribuer ces goîires aux vapeurs né-
buleuses des vallées.
t-ravers les vaisseaux les plus déliés de notre corps,
et paroissent nous être généralement salutaires.
S. V. L \'usage immodéré de thé et de café a
rendu le vin^ mais sur-tout les liqueurs spiritueu-
ses nécessaires à notre santé. Il est certain du moins
que des estomacs débilités par cette grande quantité
d\'eau chaude, demandent des stimulans et des to-
niques. Les riches satisfont ces besoins par des vins
généreux, et le peuple par de l\'eau-de-vie de ge-
nièvre,ic\'est-à-dire, de l\'eau-de-vie de grain ger-
mé dans laquelle on distille des baies de genièvre^
et qu\'on rectifie ensuite.
Nos urines contiennent par conséquent aujour-
d\'hui beaucoup moins de parties terreuses et oléa-
gineuses qu\'autrefois; ainsi qu\'on peut s\'en con-
vaincre surtout dans les manufactures de laine et
de draps; puisqu\'elles n\'ont plus, comme ancien-
nement, la qualité savoneuse si utile, si essentielle
même à la fabrication de ces étoffes.
t VI. Si nous sommes parvenus à détruire la
pierre de la vessie, par le changement que nous
avons apporté dans notre boisson journahère; nous
avons, d\'un autre côté, alfoibH par là tout le sys-
tème dé notre corpis, comme cela est fort visible
piHHcipalemenî chez le& femmes du peuple et chez
leurs enfans.
42S réponse a la question
Nous augmentons encore cette foiblesse, en con-
tinuant , sur-tout le peuple, à manger beaucoup
de mets composés de farine , dont la digestion est
iion-seulement difficile à cause du peu d\'activité
de nos intestins, mais encore parce que la bile et
les autres humeurs ne sont pas assez savoneusea
pour les décomposer et les triturer avec les autres
alimens, de manière à former une bonne nourri-
ture.
- Les.enfans nés de parens d\'une pareille consti-
tution, sont, dès leur naissance, sujets au rachi-
tis, dontj\'aidéjà parlé (i); c\'est-à-dire, à une foi-
blesse générale danstoutes les parties solides, dont
beaucoup meurent avant d\'avoir atteint l\'âge d\'un
an. Leur charpente osseuse en porte des marques
visibles. L\'ouverture de la fontanelle, les cartila-
ges gros et enflés des articulations, à l\'extrémité des
côtes, un front large et élevé, des mâchoires étroi-
tes , etc., confirment, sous tous les rapports, cette
observation. .
Quoique le haut prix du pain et du beurre force
aujourd\'hui le peuple; à se nourrir de pommes de
terre avec de la moutarde ; je crains cependant
beaucoup que cette nourriture ne lui soit fort nui-
sible , sur-tout aux petits enfans, lesquels ont tous,
en général, le ventre tendu, le teint pâle et le corps
(I) Chap. VI, parag. 4.
-ocr page 433-DE EA SOCIÉTÉ BATAVE. 4^9
débile; comme on peut s\'en convaincre principa-
lement par ceux qui pendant toute leur vie n\'ont
eu d\'autre aliment pour se substanter.
En travaillant fort, ce que ne font pas les en-
fans, sur-tout dans les villes , cette nourriture se
digère assez facilement; mais elle paroît être dou-
blement préjudiciable à ceux qui mènent une vi©
sédentaire.
VIÏ. Il est nécessaire que je revienne unese-
conde fois sur l\'influence que l\'usage du thé, da
café et du vin paroît avoir sur nos poumons; du
moins est-il certain qu\'on voit aujourd\'hui beau-
coup plus qu\'anciennement, dans ces provinces,
des pulmonics, précédées de crachemens de sang!
J\'ai trouvé aussi bien fondée l\'observation ou plutôt
la découverte de M. Camper, que M. Simmons
cite (i), et qu\'on a publiée dans la Gazette Salu-
ii) Pratical observations on the treatement of consumptions^
pag. i3. Or, c\'est en quoi M. Simmons s\'est trompé; car M. Cam-
per ne regarde pas ce signe comme certain dans tous ]es cas , ainsi
qu\'on peut le voir par son mémoire qui a été couronné par l\'Aca-
démie royale de Lyon en 3 775 , où il est dit, pag. 28, d\'une ma-
nière fort claire, qu\'il prévoit toujours avec certitude la disposi-
tion à la pulmonic, et la pulmonie elle-même, par la fraicheur et
la blancheur des dents ; mais non pas qu\'il pense que ce signe est
infaillible dans toutes les pulmonie».
La pulmonie peut se déclarer par d\'autres causes, après que le,
dents sont déjà cariées, et, dans ce cas, l\'observation n\'est pas
admissible ; quoiqu\'il soit d\'ailleurs vrai que les dents, tant celles
45O RÉPONSE A L A QUESTION
tçtire du ^ mars i \'jSo y que long-tems avant que
la pulmonic ne se déclare, on la reconnoît par la
béauté et la grande blancheur des dents des per-
sonnes qui en sont attaquées.
Nous avons donc changé Thémorragie et la
phthisie contre la pierre dans la vessie ; comme cela
paroît constaté par le second tableau des maladies
de Chester, publié par le médecin Haigarth (i).
Car en 1774 il mourut sur,. 344 personnes 54
de la phthisie el une seule de la
pierre; donc un 6^ de phthisie.
En 1773 (3) il en mourut sur 552.........7^
delà phthisie ; donc un 5®., et
une seule de la pierre. ^
En 1772(3) il en mourut sur 079.........62
delà phthisie; donc un 6®., et
une seule de la pierre.
Ainsi de............... 1,075........189
qui sont déjà cariées que celles qui sont encore parfaitement sai-
nes , deviennent également d\'un blanc de lait après que le malade
a été quelque tem5 attaqué de la pulmonie. Ce symptôme caracté-
ristique peut donc être d\'une grande utilité pour connoftrela dis-
position des enfans et des.jeunes gens à la pbtlaisie , dont j\'ai parlé
chap. Vin, parag. 8 Leurs molaires gâtées de bonne heure peu-
vent servir à ôter toute incertitude à cet égard.
(1) Philos. Transact. , vol. LXVIII , pag. 148.
(2) Ibii., vol. LXV, pag. 89.
(5) Ibid., vol. LXIV, pag. 77.
-ocr page 435-moururent de la phthisic et trois seulement de la
pierre.
En supposant qu\'il y ait danger égal à mourir de
l\'une et de l\'autre de ces deux maladies, nous
avons alors gagné, selon moi; car quel est l\'hom-
me qui ne préfère pas d\'avoir une maladie exempte
de douleur et qui n\'influe point sur son caractère,
telle que la phthisie, plutôt que la pierre , qui
est un des plus effroyables maux dont nous puis-
sions être affligés ?
§, VllI. La maladie vénérienne est aujourd\'hui
si commune qu\'on peut dire hardiment que sur
cent hommes (i), il y en a au moins quatre-vingt
quinze qui ont eu la gonorrhorée et un grand nom-
bre même l\'ont certainement eu plus d\'une fois ;
l\'on peut ajouter que la plupart ont été obligés,
pour se guérir, d\'avoir recours au grand remède.
Lamaladievénérienne doit nécessairement avoir
une grande influence sur notre constitution en gé-
néral, ainsi que sur toutes nos autres maladies;
surtout si on la traite d\'après les ordonnances de
Boerhave, de Sydenham et de Van Swieten, par
(i) Quelques personnes ont pensé que ce nombre étoit porté
trop haut; cependant, d\'après mes propres observations, je crois
pouvoir assurer qu\'il faudroit ie porter plus haut encore pour
toutes les grandes villes de l\'Europe.
-ocr page 436-lesquelles quoique le mal même soit parfaitement
détruit, notre constitution reçoit une si terrible
secousse, qu\'elle ne peut plus se rétablir parfaite-
ment dans la suite. Chez la plupart des patiens les
violens purgatifs qu\'ils emploient causent des re-
tentions d\'urine , dont ils souffrent horriblement
dans leur vieillesse.
ÎX. Le climat particulier de chaque pays cau-
se, outre les maladies dont j\'ai déjà parlé, des ma-
ladies endémiques, qu\'on ne connoît pas ail-
leurs (i). Clayton, par exemple (2), observe que
les vents d\'est et de sud sont nuisibles dans l\'île de
Falkland, non-seulement aux hommes et aux ani-
maux , mais également aux arbres , aux arbustes
et aux plantes; ces mêmes vents rendent les oi-
seaux perclus, et les porcs en deviennent furieux ;
cependant ils guérissent.
Par un programme de la Société Batave, (5) il
paroît que dans l\'île de Banda, un grand nombre
(1) André Oliver rapporte qu\'en 1763 les Indiens des île» Nan-
tukec et Martha\'s Vineyard furent seuls enlevés par une maladie
qui y régna, sans qu\'aucun Anglois en fut attaqué. Les mulâtres
la gagnèrent, à la vérité , mais en guérirent. Philos. Transact, ,
vol. LIV, pag. 386. La suette ( sudor anglicus ) n\'attaqua que les
Anglois ; ce qui est une preuve que le sang a aussi de l\'influence.
(2) Ibid., vol. LXVI, pag. 101 et 102.
(3) De l\'année 1782, parag. 5, pag. u.
-ocr page 437-J) E L A SOCIÉTÉ BATAVE. 45S
des gens du peuple et des esclaves qui cultivent et
soignent les muscadiers meurent prématurément.
La djssenterie y est plus difficile à guérir qu\'en
Europe. Les obstructions dans les intestins y sont
aussi fort communes : on leur donne le nom de
^oe^ (gâteau). -
Suivant les observations de Forster, la toux et
la legophtalmie sont très-communes dans toutes
les îles de la mer du Sud (i).
Le vent d\'est est insupportable en Angleterre
pendant le printems et l\'été; le vent de sud-sud-
ouest l\'est également en Hollande, surtout du-
rant l\'hiver; mais le vent d\'ouest purifie par-tout
Fair , ainsi que Favoit déjà observé le docteur
White (2).
Au Bengale, la fièvre putride, connue sous le
nom de pucher fever, est mortelle, lorsque les
terres, après avoir été inondées par les eaux, sont
ensuite dessechées par le soleil (3). L\'éléphantéa-
sis est commun à FAsie, à l\'Afrique et à l\'Améri-
que; le biriberi, les javvs et le serrement spasmo-
dique des mâchoires se trouvent en Amérique.
On peut consulter sur ces maladies Piso, Mark-
graaf, Forster, Pallas, Miller et d\'autres voyageurs
II.
(0 Philos. Tramact., vol. LXVI, pag. 476.
(a) Ibid., vol. LXVIII, pag. 198.
vol, LXV, pag. S06.
28
-ocr page 438-4:54 RÉPONSE A LA QUESTION
qui ont observé avec attention ces contrées loin-
taines. En Europe nous avons la plica polonica,
ks goitres , la colique de Poitou et le scorbut ;
maladies qu\'on peut cependant diminuer plus ou
moins en respirant un air salubre et en tenant un
régime convenable (i).
mm
(i) Les Hollandois, dit Gotze, dans son Traité sur les vers iw
ustins, pag. as, sont si sujets au tœnia, que sur deux il y en a
toujours un qui en est attaqué ; chez les Suisses il y en a un sur
dix. Suivant Bloch , les Juifs de Berlin ignorent cette maladie;
«n Egypte, ils en sont affectés, suivant Hasselquist, et cela même
souvent ; ma^is les Turcs ne l\'ont jamais, ibid., pag. aS.
I>Uperfectionnement de la médecine.
I. J\'ai déjà indiqué d\'une manière précise
quelles sont les maladies de l\'homme auxquelles
les animaux ne sont pas sujets ; ainsi que les cau-
ses immédiates et certaines de ces maladies. Je crois
avoir prouvé également qu\'il seroit inutile de
chercher des spécifiques ou des remèdes particu-
liers pour les guérir, de mêrne que l\'impossibilité
qu\'il y a de les prévenir; à moins qu\'on ne rélour-r
ndt à la vie sauvage , c\'est-à-dire, au premier état
de l\'homme; ce qui n\'entre pas dans les vues de
la question proposée par la Société.
II. Nous sommes donc obligés de veiller avec
soin , nùn-seulement à notre propre santé ; mais
aussi à celle de nos femmes, particulièrement pen-
dant leur grossesse, pour qu\'elles nous donnent
des enfans robustes; sur l\'éducation physique et
morale desquels nous devons ensuite porter toute
notre attention.
J\'ai déjà prouvé , d\'après les observations de
Deparcieux, que les mères qui nourrissent elles-
mêmes leurs enfans parviennent à un âge plus
avancé et jouissent d\'une meilleure santé. Il est
vrai qu\'elles sont moins fécondes; mais aussi est-il
certain qu\'elles conservent mieux les enfans à qui
elles donnent le jour (i).
Chez les sauvages et chez les gens du peuple l\'é-
ducation physique et l\'éducation morale se règlent
d\'elles-mêmes.
L\'ancienne fable si généralement répandue que,
chez les Nègres, les sages - femmes altèrent la
forme de la tête des enfans, et leur applatissent le
nez, a été si victorieusemen t combattue par M. Cam-
pet (2), qu\'on ne sauroit plus y donner la moindre
créance, malgré tout ce que Hérodote, Bulfon et
Forster ont pu dire à ce sujet.
Quoiqu\'il en soit, il ne faut pas trop serrer les
enfans dans leurs langes, ni les tenir trop chau-
dement; il suffit de garantir contre le froid leur
fontanelle encore tendre et molle.
Il est nécessaire de changer souvent les langes
des enfans; pour que leur déjections, générale-
etc.i pag..7a.
(3) Voyez Camper, Dissertation sur les variétés naturelles qui
caractérisent le wage des hommes des divers climats et des dij\'
Jétens âges, Passime* \'
DE EA S O C I É T É-B A T A V E, \'457
■ ment acres, n\'attaquent pas leur peau, et ne cor-
rompent point l\'air qu\'ils respirent en le phlogis-
tiquant.
On doit sur-le-champ porter des secours aux
hernies des enfans nouveaux-nés, parce qu\'il n\'est
plus possible d\'y remédier dans la suite j et qu\'el-
les accompagnent alors le malade au tombeau (i).
Il faut éviter soigneusement l\'usage des corps
de baleine, et ne point laisser courir les enfans à
la lisière; bien moins faut-il souffrir qu\'il y restent
suspendus , comme cela se pratique généralement
chez les bourgeois ; on doit, au contraire , per-
mettre qu\'ils se traînent à terre le plutôt possible;
car du moment qu\'ils auront acquis les forces né-
cessaires pour se tenir debout, ils marcheront d\'eux-
mêmes dans cette position.
Leur nourriture doit être reglée d\'après l\'état
de la dentition. Le lait seul, surtout celui de la
mère , est ce qui leur convient le mieux , jusqu\'à
ce que l\'apparition des dents et des molaires leur
permette de se nourrir d\'alimens solides.
Notre célèbre compatriote Van der Haar a ob-
servé, avec raison , qu\'il meurt infiniment plus
d\'enfans d\'une trop^randequantité de nourriture,
ou d\'alimens qui leur sont contraires, que de la
( 1 ) Voyez Camper, Traité sur les hernies des enfans nouveaux-
nés.
458 RÉPONSE A la question
petite vérole même. Il conseille de leur donner
de Feau panée avec du lait, lorsque le sein de la
mère vient à leur manquer.
Les dents prennent d\'elles -mêmes la situation
qui leur convient et demandent rarement les se-
cours de l\'art. Dans nos contrées elles sont plan-
tées inégalement chez tous les individus en gé-
néral; à cause que, par une singulière influence
du climat, nos mâchoires inférieure et supérieure
sont visiblement plus étroites que nôtre crâne; que
par conséquent elles ont trop peu d\'espace pour
pouvoir contenir régulièrement toutes les dents;
lesquelles cependant conservent la même largeur
que dans les pays chauds (i). Elles se placent donc
à la seconde dentition le mieux qu\'elles peuvent,
de travers, l\'une sur l\'autre, etc. En Asie et en
Afrique, les dents sont mieux rangées, parce que
les mâchoires sont beaucoup plus larges, et sor-
tent, dans un autre sens, de la règle générale.
Il faut inocculer les enfans dès qu\'ils ont atteint
(ï) Les femmes m\'ont paru avoir en Frise et principalement à
Bintlelopen, le visage plus long et plus étroit que par-toiitail-
leurs ; elles ont surtout le menton fort allongé. Le visage des an-
ciens Hollandois, des habitans des îles et du pays de Groningen,
dont la figure n\'avoit pas été altérée par aucun mélange avec des
étrangers, étoit également fort long, comme on peut s\'en con-
»aincre par de« tableaux de I héiel de ville d\'Amsterdam, qui ont
été peùits il y a deux siècles.
DE EA SOCIÉTÉ BATAVE. éSg
l\'âge de deux ans (i), ou plutôt même lorsque la
petite vérole règne généralement dans le pays. Nous
osons recommander avec confiance cette méthode ,
parce qu\'il n\'y a certainement personne dan? ce
siècle éclairé qui veuille s\'élever contre l\'utilité de
ce moyen.
On doit inoculer également la rougeole ; parce
qu\'il résulte de cette maladie beaucoup d\'yeux
chassieux et foibles, et même des phthisies.
§. IV. Du moment que les enfans ont atteint
l\'âge de cinq ans, on doit leur faire boire de la
bierre et de l\'eau froide, après qu\'on aura dé-
pouillée la dernière de ses parties terreuses par la
cuisson; mais il ne faut jamais leur donner ni thé,
ni café , et bien moins encore de chocalat, qui
est un corps trop gras et d\'une digestion trop dif-
ficile. Pour nourriture on peut leur offrir des lé-
gumes , de la viande bouillie et rôtie, ainsi que du
poisson apprêté d\'une manière simple et saine.
Ce n\'est que fort sobrement qu\'ils doivent user
de vin. Les vins rouges et de Rhin sont les plus
) Le célèbre Dimsdale a fixé cette époque pour l\'inocuiation,
Clare recommande aujourd\'hui de faire cette opération pendant
qu\'ils sont à la mammeile. A letter to doctor Duncan on the treat-
ment oj the varialus absces , with remarks on the modern prac-
tUte of inoeulation^ »7^7» pagç a3 et a5-
44o « RÉPONSE A LA QUESTION
nuisibles, à cause de eur verdeur et de leur acri-
monie. Les vins d\'Espagne, de Chypre, de Ma-
dère et de Cap sont les meilleurs pour la santé.
Peut-être que le précepte d\'Aristote (i), d\'ac-
coutumer les enfans, dès leur plus tendre enfance,
à l\'eau froide, seroit le plus convenable.
V. Ce grand philosophe veut qu\'on ne fasse
rien apprendre aux enfans avant l\'âge de cinq ans,
pas même un art mécanique (2). On ne sauroit dis-
convenir qu\'il est nuisible à leur santé de com-
mencer trop tôt à exercer leurs facultés mentales.
Cependant d\'autres pensent que le tems ne doit pas
être totalement perdu, pourvu qu\'on leur accorde
plusieurs heures de recréation pendant le jour,
et qu\'on leur permette de faire un exercice mo-
déré. On ne doit pas surtout trop fatiguer leur
mémoire.
Percival (3) s\'est fort étendu sur ce sujet, et a
prouvé par des raisons convaincantes, combien il
est préjudiciable àla santé des enfans de leur faire
apprendre de trop bonne heure un métier , ou de
les tenir assis aux écoles : c\'est avec raison qu\'il
ajoute : « Pe cette manière l\'âge du bonheur et
{0 De Repub., Wh. VHI, cap. 17, pag, p.
(2) pag. 448, A.—B.
(5) Phil. Tramact., yol, LXY, pag. 325 et 326.
-ocr page 445-« de la gaieté se passe dans les larmes, dans îes châ-
(( timens et dans l\'esclavage (i). )>
Il faut lire sur cette matière les traités de Bal-
laxerd , de Camper et d\'autres, qui ont écrit sur
l\'éducation physique des enfans, ainsi que ce que
Betsky et Clerc (2) ont observé sur l\'éducation de
la jeunesse russe.
VI. On ne doit pas renfermer le corps des
jeunes filles dans de roides corps de baleine jus-
qu\'au point de le gêner; mais consulter sur cette
partie de l\'habillement, les belles et utiles obser-
vations qu\'a publiées depuispeu notre célèbre com-
patriote Van der Haar (5). On aura soin de leur don-
ner des sièges fort bas et jamais de tabourets, parce
que cela les oblige à plier trop les reins en dedans
• pour s\'y tenir droites. Leurs occupations doivent
être convenables à leur âge et à leur sexe; on veil-
lera à ce qu\'elles changent souvent de linge, pour
{O Thus the age of gaiety is spent in the midst of tears , pu-
nishments and slavery, etc,
(3) Les plans et statuts des différens établissemens ordonnés
par S. M. l\'impératrice Catherine II, pour l\'éducation de la jeu-
nesse russe, par M. Betsky, traduits par M, Clerc, Amsterdam ,
1775,
(5) Over het schadelyk gebruik van kenrslyven, en over de hog-
gels. — Jlgemeene Vaderlandsch» Letteroejfeningen, IV deel,
Mengelwerken, pag, i4o.
443 RÉPONSE A LA QUESTION
faciliter la transpiration et donner par là une li-
bre sortie à l\'air phlogistiqué, lequel, sans ces pré-
cautions reste renfermé dans le corps.
Cependant il est impossible de prévenir toutes
les difformités du corps, telles que gibbosités et
autres; car, outre que parmi les Grecs il y avoit,
comme nous l\'apprend Hippocrate, beaucoup de
gens mal-faits, on sait aussi, par les observations
de Forster, que les habitans de la mer du Sudsont
sujets à plusieurs difformités du corps; du moins,
dit-il, qu\'à la Nouvelle-Zélande même il a vu des
insulaires bossus et contrefaits (i).
VII. Quelque tems qu\'il fasse, il faut que les
enfans de l\'un et de l\'autre sexe se promènent jour-
nellement; cet exercice est nécessaire à leur santé.
On doit prend© garde seulement que leurs habits
ne se mouillent pas; et, si cela arrive, leur en faire
changer sur-le-champ; car rien ne paroît plus nui-
sible à la santé que des vêtemens humides.
L\'exercice du cheval est particulièrement sain, en
ce qu\'il met tout le corps en mouvement. Il est dom-
mage seulement que cet exercice soit par-tout,
mais principalement dans notre pays, trop dispen-
dieux pour qu\'il puisse être d\'un usage général.
Voyagea du- capitaine Cook.
-ocr page 447-DE LA SOCIÉTÉ BATAVE. 443
VIIL On doit examiner, avec le plus grand
soin, si les enfans ont quelque disposition à la con-
somption 5 et si Fon s\'en apperçoit, il faut les faire
saigner de tems en tems, leur administrer du lait
et d\'autres remèdes balsamiques et corroboratifs ;
les faire monter souvent à cheval, ou respirer, par
de fréquentes promenades, l\'air frais de la cam-
pagne.
Quand la foiblesse du corps fait craindre une
disposition au rachitis , il est essentiellement né-r-
cessaire qu\'ils jouissent d\'un bon air sec et d\'une
chaleur tempérée; en leur faisant prendre des re-
mèdes fortifians, et particulièrement les mar-
tiaux. Chez tous il faut tenir le ventre chaud; car
cette maladie affecte toutes les glandes du me-
sentère.
Le lait et les aiimens farineux sont nuisibles
dans ce cas; il faut leur donner de la bierre com-
mune ou du vin blanc , dans lequel on aura fait
infuser des herbes fortifiantes, parmi lesquelles le
cochlearia , Faore, le raifort sauvage, doivent être
préférés. Les eaux ferrugineuses et alumineuses de
Pyrmont, de Spa, de Balfi et de Bristol sont ad-
mirablement bonnes dans celte maladie; les bains
froids et les exercices du corps sont d\'ailleurs fort
nécessaires.
s
IX, Les fièvres intermittentes, particulière-
-ocr page 448-444 réponse a la question
ment celles qui régnent au printems et en automne,
et qui dégénèrent souvent en fièvre putride, par
laquelle toute l\'économie animale se trouve dé-
rangée, doivent être arrêtées sur-le-champ par le
moyen du quinquina, ou de tels autres remèdes
pris dans le règne végétal, et qui possèdent la même
vertu ; car il est tems enfin que nous secouyons les
préjugés des anciens, relativement à la matière
morbifique, à son ferment et à ses crises et jours
critiques (i) ; il est tems que nous arrêtions sur-
le-champ le progrès des maladies quand elles sont
(j) La doctrine des crises et des jours critiques demanderoit une
trop longue discussion pour être traitée ici. Elle doit son origine à
Pythagore; Asclépiade l\'a combattue avec vigueur. Galien avoit
déjà reconnu qu\'on ne peut vouloir expliquer, sans se rendre ridi-
dule , les crises des maladies d\'après les nombres harmoniques.
Celse avoit également observé que les anciens médecins avoient
été induits en erreur par les nombres de Pythagore. Cœlius Au-
^ relianus est celui qui a le mieux expliqué la chose. Van Helmont,
dont on ne sauroit trop méditer les écrits , en a reconnu le ridi-
cule. Le célèbre Barbeyrac et Chirac ont suivi la sage doctrine
d\'Asclépiade et de Celse; et Fizes, qui a marché sur leurs traces ,
sa pratiqué avec gloire la médecine en France. Boerhave en a quel-
quefois fait usage ; mais danâ les maladies inflammatoirek il a to-
, talement rejeté cette doctrine , qui a beaucoup embarrassée Van
Swieten. Le précepte est fondé sur ce qu\'il y a une matière mor-
bifique qu\'il faut chasser du corps après qu\'elle a fertnenté ; et
que cette fermentation et cette extirpation doivent coïncider avec
un nombre harmonique déterminé par Pythagore : conditions dont
le principe est aussi faux que ridicule.
de la société batave. 445
les suites d\'im vice particulier de Fatmosphère et
non de la putréfaction de nos intestins.
X. Nous devons considérer le virus vénérien
comme une maladie locale; et il faut Farrêter,
de même que la gonorrhée, d\'après la méthode
recommandée par Clare. Le virus ne doit pas être
extirpé par la salivation, mais par des frictions
mercurielles, ou d\'après la méthode de Clare, la-
quelle a été approuvée par deux hommes célèbres,
Hunter et Cruikshank, et que j\'ai trouvé moi-
même excellente par expérience (i),
XI. Aussitôt que les enfans ont attçint l\'âge
de puberté, ilfautles marier; non-seulement pour
qu\'ils aient une progéniture saine et robuste , mais
principalement pour que les Jeunes garçons ne
soient pas infectés des maux vénériens, ou éner-
vés par des égaremens solitaires, avant qu\'ilsaient
douné des preuves de leur virilité.
Je ne suis nullement d\'accord sur cette matière
(i) Cette assertion demanderoit, comme celle des crises, une
plus longue discussion que ne le permet cette dissertation lUkuc
consulter sur cela le célèbre Mederer, Kern , Fordyce et particu-
lièrement le docteur Simmons. Les observations de Fontana peu-
vent servir aussi à jeter une grande lumière sur cette que\'^tion ;
mais pour cela il faut commencer par se défaire de tout préjugé k
cet égard.
446 REPONSE A LA QUESTION
avec Aristote (i). Ce philosophe veut, à la vérité ^
que les filles se marient à dix-huit ans, mais il
prétend, en même tems, que les garçons ne doi-
vent pas se marier avant l\'âge de trente-sept ans.
Cependant c\'est avec raison qu\'il observe que les
filles qui se marient avant l\'époque qu\'il prescrit ,
accouchent difficilement et perdent même souvent
la vie en devenant mères. Il est à croire qu\'il ne re-
cule ainsi le mariage des garçons que par des vues
politiques, et qu\'il veut qu\'il y ait une certaine dif-
férence entre l\'âge du père et celui des enfans.
mm
g. XII. Les remèdes propres aux personnes âgées
sont trop connus et ont été trop bien décrits par
notre célèbre Bikker, pour qu\'il soit nécessaire d\'y
rien ajouter ou d\'y rien changer. Je crois cepen-
dant qu\'il faut recommander à nos marins atta-
qués du scorbut, l\'usage journaher de la drêche
nouvelle,queMacbridea recommandé le premier,
et dont le célèbre Cook a confirmé l\'utihté. J\'ai mis
de la drêche entière et de la drêche moulue, cha-
cune dans un tonneau séparé, qu\'on a placée en-
suite pendant plus d\'un an dans une cave humide,
sans qu\'elle se soit gâtée. On peut donc l\'empor-
ter, même moulue,sur les vaisseaux pour être em-
ployée dans le besoin par les gens de mer.
(1) De Repub., lib. VÎII, cap.
-ocr page 451-Pour nourriture, on pourroit employer les chouX
salés à la manière allemande, qu\'on sert aujour-
d\'hui sur les meilleurestahles, non-seulement dans
notre République, mais eh France même (i).
On devroit donner aussi journellement aux ma-
rins du quinquina infusé dans du vin,puisque, se-
lon les observations de nos capitaines de vaisseaux,
et surtout de M. May, ce remède est un excellent
préservatif contre la fièvre putride et la dyssente-
rie, même dans les Indes Occidentales 5 maladies
qui enlèvent un très-grand nombre de matelots.
L\'air doit être renouvellé et purifié par des ven-
tilateurs , dans les vaisseaux , dans les hôpitaux ,
mais surtout dans les prisons. Le même préserva-
tif est également nécessaire dans les maisons des
orphelins.
II faudroit avoir soin dans les villes de faire
écouler les eaux immondes et de corriger l\'air vi-
cié autant qu\'il seroit possible ; mais ce sujet est
d\'une trop vaste étendue pour le traiter ici. Je re-
commande principalement sur cette matière les
admirables écrits que Sutton , Hales, Nahuis, Dei-
man,Troostwyk et Howard ont publiés sur la ma-
nière de purifier Fair dans les dilTérenîes circons-
tances où cela peut être nécessaire.
(1) Consultez , pour plus d instruction sur cet objet, Us Obser-
vations sur l\'espèce humaine, par Förster , dans les voyages de
Cook.
Je pense avoir répondu à tous les points de la
question proposée par la Société. Mon amour-
propre seroit infiniment flatté si, par ce foibl\'e tra-
vail, jepouvois obtenir son approbation et recevoir
le prix, dont la valeur intrinsèque me flatteroit
beaucoup moins que la satisfaction de l\'avoir mé-
rité d\'après le jugement des hommes célèbres par
leurs talens, dont est composée la Société Batave.
DE L\'ORIGINE
;
ET DE LA COULEUR
des NÈGRES.
-ocr page 454-\'A
...
Vjhaque science, de quelque espèce qu\'elle soit,
doit avoir un objet d\'intérêt général aussi bien que
d\'utilité particulière. L\'anatomie, qui comprend la
connoissance de la charpente du corps, ne seroit,
selon moi, qu\'une étude stérile, si elle se bor-
noit uniquement à ce qui tient à la médecine et à
la chirurgie, sans embrasser en même-tems d\'au-
tres sciences.
Elle forme, on le sait, la plus belle, la plus im-
portante partie de l\'histoire naturelle; et c\'est
celle dont l\'étude nous inspire les sentimens les
plus vifs d\'admiration et de reconnoissance pour la
Souveraine Cause.
(1) Ce discours a été prononcé dans nne séance publique àlara-
phithéâtre d\'anatomie de Groningen en ,764.
Il paroîtra étrange, peut-être, d\'entendre par-
ler sans cesse des lo uanges^que nous devons au Créa-
teur; mais, en faisant abstraction des écoles de
théologie , où trouvera-t-on des preuves plus ad-
mirables , plus convaincantes de la grandeur de
Dieu, que dans celte salle, où, en étudiant nous-
mêmes l\'admirable structure du corps humain,
nous en exposons, par l\'anatomie, la beauté et la
perfection à l\'œil curieux et surpris. Ce n\'est point
par le raisonnement seul, mais par la vue de ce
chef-d\'œuvre de la création, que nous pouvons
nous convaincre qu\'il n\'y a qu\'un être souveraine-
ment sage et bon qui puisse lui avoir donné l\'exis-
tence.
Après avoir parlé du corps, me seroit-il permis,
de vous entretenir de l\'âme, et défaire une digres-
sion sur les facultés étonnantes de cet être imma-
tériel? Non, elle seroit sans doute déplacée ici ; et
comment d\'ailleurs,me Hatter de traiter avec quel-
que satisfaction pour mes concitoyens cette ma-
tière , après qu\'un dé nos plus célèbres écrivains l\'a
déjà discutée avec tant de méthode , de précision
et de clarté. \'
C\'est aux philosophes ingénieux et subtils à rai-
sonner sur les faclutés de l\'ame ; mais nous devons
nous contenter de parier de la partie matérielle et
grossière de notre être, et de sa composition orga-
nique ; de la peau, des muscles, des viscères, qu\'il
est facile à Foeil de discerner, mais qni cépendant
méritent d\'ête étudiés avec soin; puisqu\'il n-y a
point de partie de notre corps, quelque petite
qu\'elle soit, qui n\'atteste la toute-puissance d\'un
Dieu.
Déjà Fannée dernière, j\'ai voulu vous parler de
la peau, relativement à sa couleur, pour avoir,
l\'occasion de vous entretenir de la couleur des
Nègres, laquelle, au premier coup-d\'œil, paroît si
différente de la nôtre, que plusieurs écrivains ont
pensé, quoique à tort sans doute, que les Nègres
forment une race particulière , qui ne doit point
son origine au premier homme créé.
J\'ai donc résolu de traiter aujourd\'hui cette ma-;
tière intéressante, pour jetter, s\'il étoit possible ,
quelque lumière sur cette vérité de la religion
chrétienne, qu\'au commencement du monde Dieu
n\'a créé qu\'un seul homme, qui étoit Adam ; à qui
nous devons notre origine, quels que soient les traits
du visage et la couleur de la peau qui nous distin-
guent. Ceux qui se bornent à douter des vérités les
mieux démontrées,ont fait beaucoup d\'objections
contre ce principe ; mais qui toutes se trouveront
détruites du moment que j\'aurai démontré qtie
tous les hommes ont la peau noire , c\'est-à-dire ,
plus ou moins; et que cette diiîërence de teinte ,
ne peut pas servir du moins à nier que nous des-
cendons tous d\'un père commun. ,
Il y a long-tems que cette question a été agitée
avec méthode, et les plus anciens écrivains ont té-
moigné leur surprise sur cet étrange phénomène;
ils ont jugé unanimement que les Blancs sont des
créatures plus spirituelles et d\'une nature plus re-
levée que les Noirs. Hérodote (i), commence par
admirer les Nègres, et s\'étonne de ce que lesiÏLthio-
piens étoient un peuple aussi ingénieux que les
trouva Cambyse, roi de Perse. Il ajoute ensuite
que les Macrobes ( ainsi appelés à cause de leur
longévité ), se mocquèrent des Ichtyophages, que
Cambyse leur avoit envoyés comme ambassadeurs,
et qu e c\'est à la mauvaise nourriture des Perses qu\'ils
attribuèrent la raison de ce que ceux-ci n\'attei-
gnoient que l\'âge de quatre-vingt ansjtandis qu\'eux-
mêmes, quisenourrissoient de chair bien cuite, et
quibuvoient le lait de leurs bestiaux, parvenoient
à celui de cent vingt ans.
Hérodote , que nous venons d\'entendre parler
avec tant d\'éloge des ^Ethiopiens, dit cependant
ensuite dans le même livre de Thalieen parlant
des Indiens: « Tous ces Indiens dont j\'ai parlé ,
« voyent leurs femmes publiquement comme les
« bêtes, et ont la couleur semblable à celle des
<( ^Ethiopiens. Leur semence n\'est pas blanche
« comme celle des autres hommes; mais noire
(i) Dans sa J\'A«//«.
-ocr page 459-« comme leur corps, et sembîabie au virus des
« ^Ethiopiens. »
Qui est-ce qui ne s\'apperçoit pas que ce sont îes
préjugés de son tems qui ont porté Hérodote à
ajouter foi à ces idées aussi fausses que révoltantes.
Aristote même n\'a pu s\'empêcher de blâmer
Hérodote à ce sujet, dans son Histoire naturelle
des animaux (i). Après avoir dit que la semence
de tous les animaux, en général, est blanche, il
ajoute qu\'il ne faut nullement s\'en rapporter à Hé-
rodote quand il assure que les Maures etlesiEthio-
piens ont la liqueur spermatique noire (a).
Cependant il attribue à ces mêmes ^Ethiopiens
et Indiens (qui, selon Hérodote, dans sa Polym-^
nie (3), ne diiféroient entr\'eux que par leur ac-
cent et par leur chevelure ), les mêmes vertus hé-
roïques, ainsi que la louable coutume et le goût
martial de se couvrir le corps de peaux de tigres et
de lions; ornemensqui, selon moi, siéent mieux
à des guerriers , que les plumes et les fourrures
d\'hermine, dont on fait peut-être un trop grand
usage de nos jours.
La critique que je fais ici d\'Hérodote, prouve
(1) Lib. II, cap. 22.
(2) Lib. I, pag. 812.
(3) Nam y^thiopes qui ab sole sunt, promissos. crines,
Jfrica , crispos maxima, inter omnes homines habent.
suffisamment, je pense, que j\'ai des idées plus avan-
tageuses des Nègres, et que je suis porté à les con-
sidérer comme des êtres de notre espèce.
Strabon pensoit plus raisonnablement des In-
diens (i), quoiqu\'il paroisse d\'ailleurs que les sa-
vans de son siècle n\'étoient déjà nullement d\'ac-
cord sur leur sujet 5 car Onésicrite prétendoit que
la couleur noire des Nègres devoit être attribuée à
l\'eau chaude qui tomboit du ciel; idée qu\'Aristo-
bule combattit ouvertement. C\'étoit l\'ardeur du
soleil qui, selon Théodecte, étoit la cause de cette
teinte désagréable. Onésicrite a nié ce fait, parce
que les enfans, disoit-il, sont déjà noirs dans le
seîn de leur mère; par conséquent avant que le
soleil ne les ait éclairé. Je ferai voir dans le mo-
ment la fausseté de cette assertion.
Strabon lui-même est porté à attribuer au so-
leil la couleur noire de la peau et des cheveux cré-
pus des Nègres ; et si les Indiens n\'olfrent .point ce
dernier caractère , c\'est, dit-il, qu\'ils habilejit un
climat humide.
Cependant il évite le véritable point de la ques-
tion , en disant qu\'ils sont déjà noirs dans le sein
de leur mère; parce que la semence a la vert u pro-
lifique de produire des enfans semblables à ceux
qui les engendrent. Or, on s\'apperçoit bien qu\'il
auroit dû dire, si l\'on veut donner la préférence
aux Blancs sur les Noirs, comment il a pu se faire
que le premier homme soit devenu noir de blanc
qu\'il étoit, et que ses cheveux se soient changés
en une laine crépue ?
Aristote (i)^ toujours admirable et plein de sens
dans ses questions, dit que la couleur noire des
Maures ne doit être attribuée qu\'à l\'ardeur du so-
leil; et Galien, le constant admirateur de ce grand
philosophe, soutient de même, dans son livre de
la nature de l\'homme, cette idée ingénieuse et vrai :
semblable.
Mais Pline, quoiqu\'il ne fasse la plupart du tems
que copier Aristote, rapporte, d\'après l\'autorité
d\'autres écrivains, qu\'il j avoit en Thessalie un
fleuve dont les eaux teignoit en noir la peau des
hommes et des animaux, et faisoit crêper les che-
veux. Mais ce sont là des fables qui ont déjà été suf-
fisamment réfutées.
On voit, par ce que je viens de dire, combien
les anciens étoient peu avancés dans l\'histoire na-
turelle, qui semble être parvenue aujourd\'hui à
son plus haut degré. Mais n\'est-il pas étonnant que
Meckel, connu avantageusement par son rare mé-
rite , pour qui j\'ai montré le plus grand respect
dans tous mes écrits ainsi que dans mes leçons pu-
(0 Sect. X , parag, 61.
-ocr page 462-bliques, et qui d\'ailleurs est un disciple de l\'im-
mortel Haller; n\'est-il pas étonnant, dis-je , que
cet homme célèbre ait osé écrire à Berlin en lyÔy,
que les Nègres paroissent être une toute autre race
d\'hommes, parce que leur cerveau et leur sang sont
noirs; et que c\'est de là que provient la couleur
de leur peau (i) ?
Le peu d\'habitude de voir des Nègres lui avoit
sans doute inspiré une espèce de répugnance et
d\'horreur même pour leur couleur. C\'étoit le se-
cond Nègre qu\'il disséquoit alors. Il en auroit eu
sans doute des idées moins révoltantes el plus rai-
sonnables , s\'il eut été à même, comme nous le
sommes dans notre patrie , de voir journellement
des Noirs, et de se convaincre par ses yeux que
les Blancs de l\'un et l\'autre sexe , quelque supé-
rieurs qu\'ils se croyent au-dessus des Nègres , ne
les regardent pas tout-à-fait indignes de leur amour
et de leur alliance même.
Santorin , célèbre anatomiste, s\'est amusé d\'une
toute autre idée_, savoir, que c\'est le foie qui
sépare cette matière noire dessous l\'épiderme,
ainsi qu\'il s\'exprime au commencement de son li-
vre (2).
Ayant eu, en 17.58, l\'occasion de disséquer à
(0 Mém. de VAcad. de Berlin, tom, XII, pag. 71.
(a) Gap. 1, parag. 2, pag. 4.
-ocr page 463-Amsterdam un jeune Nègre d\'Angola, j\'ai trouvé
que son sang avoit exactement la même couleur que
le nôtre, et que la partie médullaire de son cer-
veau étoit aussi blanche , pour ne pas dire plus
blanche même, que celui des Européens (i).
Comme ce fut en public que je disséquai ce ca-
davre, j\'en examinai avec impartialité toutes les
parties pour reconnoitre les dilférences qn\'il pour-
roit offrir , et les comparai avec celles de l\'orang-
outang de Tyson. Je dois avouer que je n\'y ai rien
trouvé qui eut plus de rapport avec cet animal
qu\'avec un homme blanc ; au contraire, tout s\'y
trouvoit de parité avec ce dernier.
Peut-être me demandera-t-on , et avec raison ,
pourquoi j\'ai comparé ce Nègre avec l\'orang-ou-
tang? C\'est qu\'il y a des philosophes qui, par des
raisonnemens brillans et captieux, cherchent à
(i) Le 16 avril 17661 j\'ai disséqué publiquement à Groningen
un INègre d\'un certain âge, et fait voir que îa substance médul-
laire du cerveau étoit plus blanche , et la cortical© plus pâle que
dan» l\'Européen. Pour rendre cela plus évident, je disséquai dans
le même tems le cerveau d\'un Blanc. Le 17 avril iy68, je fis voir
la même chose dans uu jeune Nègre; et je prouvai également que
son sang étoit pareil au nôtre, mais cependant mêlé d\'une teinte
de noir pourpré un peu foncé , semblable au suc des mûres noires.
Cette teinte se trouvoit également dans le premier sujet, ainsi que
dans un métis que je disséquai au mois de novembre de la même
année. Il faut cependant que j\'observe que j\'ai trouvé uue pareille
teinte dans le sang d\'hommes blancs.
46o DE L\'origine
prouver que les Nègres doivent leur origine au mé-
lange des Blancs avec les orangs-outangs ou singes
de la grande espèce, qui étoient connus des anciens
sous le nom de Satyres (i).
La description anatomique que Tyson a donnée
de l\'orang est très-imparfaite ; car ce n\'est que
fort superficiellement qu\'il parle des parties de la
génération , qui cependant doivent olfi-ir la plus
grande différence entre cet animal et l\'homme, si
l\'on peut s\'en rapporter à Galien, qui n\'a jamais
disséqué que des singes, ou des animaux du genre
des singes.
Cependant il flotte dans l\'incertitude , et de-
mande si l\'on ne pourroit pas attribuer la cou-
leur noire de la peau à une certaine matière noire,
à un certain vitriol ou à de la graisse havie? ainsi
que l\'a cru Brov^nins,qui n\'a jamais voulu admettre
la calcination de la peau comme une cause de cette
couleur, quelque vraisemblable que cela soit d\'ail-
leurs (2).
Il ne manque point de naturalistes aujourd\'hui
qui admettent que notre sang contient natui\'elle-
(1) Depuis ce tcnis, j\'ai eu occasion de disséquer deux orangs-
outangs , et de faire remarquer tout le ridicule de cette idée. Voyez
le mémoire sur l\'orang-outang au commencement du premier vo-
lume , oti il est prouvé que cet animal n\'est pas destiné â parler.
(2) Act.Erud., suppl., tom, I, sect. I, pag, 28a.
-ocr page 465-ment du soufre et du mercure, lesquels étant tri-
îui\'és ensemble dans notre corps, comme dans un
mortier , produisent une couleur noire , qui se
communique à la peau. Je n\'ose nommer l\'inven-
teur de cette étrange idée dans la crainte de nuire
à sa réputation, qu\'il a d\'ailleurs si justement mé-
rité.
Mais peut-être gouterez-vous davantage des con-
jectures qui reposent immédiatement sur l\'Ecri-
ture-Sainte ?
Labat, dans sa Description de VAfrique (i) ,
dit que le teint d\'Adam étoit d\'abord d\'un brun-
foncé ou rougeâtre , et celui d\'Eve blême , mais
qu\'il s\'est éclairci ensuite; ou plutôt que la Divi-
nité, irritée du meurtre d\'Abel, avoit imprimé sur
la peau deCaïn une teinte noire, afin que les hom-
mes pussent reconnoitre lui et sa race. Mais le dé-
luge univrrsel, et la famille de Noë, qui seule sur-
vécut à ce désastre général, et qui étoit toute de la
race de Seth, ne permettent point d\'adopter cette
supposition.
D\'autres prétendent que Cham, ayant été mau-
dit par son père, son teint s\'altéra et devint noir.
Quoiqu\'il en soit, il paroît assez probable que tous
les savans, qui attachoient sans doute une idée si-
nistre à la couleur noire , ont prétendu qu\'une
(OTom. II, part II, parag. 14.
-ocr page 466-malédiction ou réprobation bien méritée de la Pro-
vidence divine a été Forigine de cette couleur
désagréable.
Mais quelle idée ne durent pas se former les
malheureux habitans de l\'Amérique de la couleur
blanche des Européens, lorsqu\'ils se virent si bar-
barement traités par ces peuples? Ne durent-ils pas
s\'imaginer que le Créateur du ciel et de la terre avoit
teint de cette couleur sinistre pour eux la peau de
ces hommes cruels, pour qu\'ils servissent de signe
éternel de sa juste colère?
Mais retournons à notre objet, et cherchons à
mieux connoître les Nègres, en observant avec
Maupertuis (i) :
1°. Que depuis le tropique du Cancer jusqu\'au
tropique du Capricorne, l\'Afrique n\'a que des ha-
bitans noirs,-qui ont le nez large et plat, les lèvres
grosses, et de la laine au lieu de cheveux.
2°. Si Fon s\'éloigne de Féquateur vers le pole
antarctique, le hoir s\'éclaircit, mais la laideur de-
meure: on trouve ce vilain peuple qui habite la
pointe méridionale de l\'Afrique (a).
(1) Vénus physique, parr II, chap.
(2) J\'ai disséqué depuis la tête d\'um- Hottentote , dont la peau
étoit aussi noire que celle des habitans d\'Angola; ses cheveux
étoient courts et frisés.
5«. En remontant vers l\'Orient, on rencontre
des peuples dont les traits se radoucissent et de-
viennent plus réguliers, mais dont la couleur est
aussi noire que celle qu\'on trouve en Afrique.
4®. En allant vers le Sud, la couleur change et
devient basannée , jaunâtre , rougeâtre , etc. 3 les
yeux sont petits, étroits et placés obliquement,
mais les corps sont plus grands,
5°. Vers le pole arctique, au contraire, les hom-
mes deviennent plus petits -, en sorte que les Lap-
pons et les habitans du détroit de David sont les
plus petits qu\'on connoisse.
Il est remarquable que les hommes qui habitent
les chmats chauds, tant en Amérique qu\'en Asie
et en Afrique, soient tous noirs ou du moins ba-
sannés. Aussitôt qu\'on s\'éloigne de la ligne équi-
noxiale , ils deviennent plus blancs, jusqu\'à ce
qu\'on trouve en Danemarck les plus blancs de tous.
Le célèbre et pénétrant Buffon, le plus grand na-
turahste de notre siècle, a parfaitement développé
cette question dans le troisième volume de son
Histoire naturelle, pag. 371. Cependant on trou-
ve des Nègres blancs , c\'est-à-dire , des hommes
qui, procréés de parens noirs, sont blancs en
naissant, et qui conservent cette couleur, ainsi que
Labat dit en avoir vu, et comme Maupertius rap-
porte qu\'on en a amené un à Paris en 1744. C\'é-
toit un enfant de quatre à cinq ans, né de père et
mère Africains et très-noirs. La tête étoit couverte
d\'une laine blanche tirant sur le roux; ses yeux,
d\'un bleu clair, paroissoient blessés de Féclat du
jour, etc. On pourroit dire que cela provenoit
d\'une mauvaise qualité des humeurs, puisque quel-
que chose de semblable a de même lieu chez nous.
Je me rappelle d\'avoir vu deux garçons avec qui
j\'ai étudié, nés de parens fort blancs, dont l\'un
étoit aussi basanné qu\'un métis, tandis que l\'autre
avoit le teint d\'une jeune fille danoise.
Par tout ce que je viens de dire, il paroît que la
température du climat que l\'homme habite est
cause de la couleur de son teint ; mais il dût se pas-
ser plusieurs siècles avant qu\'une race d\'hommes
blancs, transportée sous la zone torride, devint
parfaitement noire, ainsiquel\'a fort bien remarqué
Bufîbn, z\'èz\'d\'., pag. 483. Ce n\'est donc rien prouver
que de dire que la peau des Européens ne prend
pas une teinte parfaitement noire, même en res-
tant pendant fort long-tems dans les Indes Orien-
tales ou Occidentales. Il y a trop peu de tems que
nos colonies dans les pays chauds existent, pour
qu\'on puisse juger de l\'effet que doit produire, à cet
égard, leur séjour dans ces contrées. Selon moi, il
est probable que nos neveux y deviendront parfai-
tement noirs, s\'ils continuent à y habiter consé-
cutivement pendant quelques siècles; comme il est
à croire que les Nègres d\'Angola deviendroient éga-
DES nègres. 465
lenient blancs s\'ils demeuroient sans interruption
en Europe pendant le même espace de tems.
Il n\'y a que de grands princes qui puissent
faire cette épreuve par une loi inviolable; mais
nous n\'en verrons jamais le résultat. Les cheveux
crépus ne forment pas une objection bien impor-
tante. Buffon rapporte qu\'on trouve en France des
hommes dont les cheveux sont aussi laineux, aussi
crépus que ceux des Nègres. Chez nous , dans les
Pro vm ces-Unies , cela est fort rare ; cependant je
crois me rappeler d\'en avoir vu des exemples.
Que dira-t-on de la couleur, qui n\'est produite
qne par la réflexion des rayons du soleil? Un hom-
me seroit-il d\'une race différente parce qu\'ayant
été brûlé par le soleil, pendant les chaleurs de
l\'été, son teint est devenu basané ou noir? Ne se-
roit-il plus le même individu, parce qu\'un Ion®
hiver ou une longue retraite auroit fait blanchir sa
peau ?
Il se pourroit qu\'une comparaison, quoique prise
parmi les animaux, nous aidât à éclaircir ce fait.
Pendant Fété, les lièvres sont gris en Suède et en
Russie, et d\'un blanc de neige pendant l\'hiver
ainsi que Linnaeus Fa remarqué (i). Ne sont-cepas
cependant toujours les mêmes animaux?
Quand on voit dilférens peuples qui sont moins
(i) Fauna Snecica, pag, 8.
II.
noirs que leurs voisins , c\'est nne preuve que ce
sont âes colonies venues de contrées septentrio-
nales j et lorsque nous trouvons parmi nous , qui
habitons plus au Nord, des hommes moins blancs
que nous le sommes nous-mêmes , c\'est égale-
ment une preuve qu\'ils sont venus des climats mé-
ridionaux habiter nos contrées.
Prenons pour exemple l\'ancienne nation juive :
la partie qui s\'en est établie en Espagne et en Por-
tugal, est certainement bien plus noire que celle
qui, depuis plusieurs siècles, habite la Bohême, ou
plus au Nord, en Silésie et en Pologne. A Amster-
dam , il est facile de distinguer parmi des milliers
de Juifs , par le teint, les yeux et la forme de la
bouclie 5 le pays qui les a vu naitre. Cependant
personne ne sera assez ridicule pour vouloir en
conclure qu\'ils ne descendent pas tous de la même
souche.
Nous allons maintenant examiner où réside vé-
ritablement la couleur des Nègres; mais je com-
mencerai d\'abord par dire quelque chose de leur
figure.
Les Nègres ont le nez large et épaté et de grosses
lèvres. Plusieurs voyageurs et la plupart des natu-
ralistes, qui s\'en sont tenus à ces apparences, ont
soutenu qu\'ils écrasent le nez de lems enfans ,
et que c\'est pax cette espèce de mutilation qu\'ils
leur communiquent la figure qu\'on leur connoît.
Mais cela est faux; car, outre qu\'ils sont déjà con-
formés ainsi dans le sein de leur mère, cette con-
formation ne dépend que de Falongement des mâ-
choires inférieure et supérieure; et c\'est-là ce qui
rend leur nez naturellement écrasé et petit et leurs
lèvres épaisses: comment pourroient-elles sans
cela couvnr les dents ?
Ne vôyons-nous pas les mêmes dijférences dans
la forme des têtes de tous les peuples blancs, sans
que nous soyons pour cela portés à douter un ins-
tant qu\'ils descendent du même homme , c\'est-à-
dire, d\'Adam? Pourquoi chercherions-nous donc
tine différence de race dans la couleur seule , qui
ne dépend que d\'une légère altération dans l\'épi-
dernie ?
La nourrhure seule suffit pour changerja figure
de l\'homme: on sait que les gens de la campagne
sont, en général, moins beaux , moins bienfaits,
que les habitans des villes. Maupertuis prétend
qu\'on ne trouve nulle part de plus belles femmes
qu\'à Paris; ce qu\'il attribue non-seulement à l\'é-
ducation , mais aussi aux aiimens dont elles se
nourrissent.
Un de mes amis, homme fort instruit et grand
observateur, a remarqué depuis plusieurs années,
que les domestiques qui nous viennent de West-
phalie, ont, quand ils arrivent en Hollande, une
figure ignoble, de vilains cheveux et un mauvais
teint; mais qu\'après qu\'ils ont demeuré pendant six
ans à x\'Vmsterdam, ils changent totalement à leur
avantage , et que , grâce à une meilleure nourri-
ture, leurs traits s\'embellissent, leur teint s\'éclair-
cit et s\'anime , et leurs cheveux commencent à
friser.
Si de pareils changemens peuvent s\'opérer en
peu d\'années ; si nos compatriotes qui ont habité
des climats brûlans, ne peuvent jamais, après leur
retour dans nos contrées, reprendre la blancheur
de leur teint; combien plus cette couleur ne doit-
elle donc pas être inaltérable, de génération en gé-
nération, quand le séjour dans un même climat a
duré pendant plusieurs siècles consécutifs. Mais,
comme le tems de cette séance^est borné, je dois
être concis ; sans quoi je pourrois prouver peut-
être d\'une manière convaincante que l\'Amérique
a été peuplée par des colonies sorties des parties
septentrionales de l\'Europe et de l\'Asie , qui s\'y
sont multipliées, et qui, comme Bulfon le remar-
que avec raison , se sont portées vers le Sud pour
éviter le froid, et que leur teint d\'un brun-clair
s\'est rembruni à mesure qu\'ils ont habité des con-
trées plus chaudes. Il est probable qu\'il y a déjà
plusieurs siècles que ces émigrations se sont faites.
On pourroit en tirer la preuve du petit nombre
d\'hommes qui peuploient l\'Amérique , ainsi que
des mœurs sauvages qui leur sont propres, à l\'ex-
ception de certaines hordes, qui peut-être doivent
leur origine à quelques peuples plus civilisés d\'Eu-
rope, lesquels y ont été jetés par des naufrages, et
dont les mœurs de leurs ancêtres se sont perdues
avec le tems.
Toutes les îles des mers lointaines ont été peu-
plées de même; et il n\'y a point de doute que tous
les peuples dispersés sur la terre ne doivent leur
origine aux mêmes parens, qui anciennement ont
habité le paradis terrestre.
levais passer maintenant, d\'après l\'ordre que
je me suis prescrit, au siège de la couleur noire
des Nègres, en commençant par vous montrer cet
enfant, quoique ce ne soitquelefruit avorté d\'une
Négresse d\'Angola , dont le mari est également
noir. Vous voyez qùe la peau du corps entier est
blanche; que Strabons\'est trompé par conséquent,
en disant que les enfans sont déjà noirs dans le sein
de leur mère. Vous voyez aussi que son nez , ses
lèvres et tous les traits de son visage ressemblent
parfaitement à ceux des Nègres adultes ; ce qui
prouve que les parens n\'écrasent pas le nez de leurs
enfans à leur naissance; mais que cet avorton avoit
déjà tous les traits qui caractérisent la race dont
il descend.
Buffon avoit raison de dire (i) qu\'à leur nais-
<0 Ibid, pag. 522. ■
sance les enfans des Nègres sont blancs ou plutôt
rouges , comme ceux des autres hommes ; mais
que deux ou trois jours après qu\'ils sont nés , la
couleur change; ils sont alors d\'un jaune basané
qui se ternit peu à peu , et au septième ou hui-
tième jour ils ont déjà tout le corps parfaitement
noir.
Cependant il est singulier que le bord de la
peau autour des ongles et les auréoles des seins
se trouvent noirs immédiatement après la nais-
sance; les parties sexuelles ne sont pas noires alors,
elles le deviennent seulement trois jours après ,
ainsi que j\'ai eu occasion de l\'observer à Amster-
dam. Une Négresse j accoucha d\'un garçon qui
devint ensuite fort noir; le troisième jour après la
naissance , les parties sexuelles furent d\'nn noir
d\'ébène, ainsi que la peau autour des ongles et les
auréoles des mamelons. Le cinquième et sixième
four,la couleur noire se répandit sur tout le corps,
excepté la plante des pieds et la paume delà main,
qui sont toujours d\'une teinte plus claire, et mê-
me blanchâtre, pour ainsi dire, chez les Nègres qui
travaillent. Cependant cet enfant n\'avoit pas été
exposé au soleil; il étoit né pendant l\'hiver dans
ime chambre bien close, et avoit été sur-le-champ
emmailloté, suivant l\'usage de notre pays.
Examinez la peau de ce Négrillon donî voici éga-
lement le crâne. Vous voyez que la peau est par
elle-même parfaitement blanche; qu\'ensuite vient
ime seconde membrane appelée tissu réticulaire,
et que c\'est cette membrane qui est proprement
noire , brune , rouge de cuivre ou jaune. Cette
membrane est couverte d\'une autre, qui est la sur-
peau, que îe célèbre Hunter (1) a comparé ingé-
nieusement à un émail ou à une espèce de vernis
légèrement étendu sur la membrane colorée, et des-
tiné à la conserver.
Cette membrane colorée est formée de l\'entre-
lacement des capillaires de la peau, et il est fa-
cile d\'en appercevoir distinctement les fibres dans
la main et au pied en,soulevant avec attention l\'é-
pidernie après une longue putréfaction de la peau,
ou après qu\'on l\'a fait bien tremper dans de l\'eau
chaude.
On n\'y a jamais découvert de vaisseaux sanguins
qu\'on puisse remplir par injection, quoiqu\'il y en
ait qui prétendent le contraire. Piuisch a nié ces
vaisseaux , et Hunter ne les y a jamais trouvés ;
quoiqu\'il ait vu les fibres dont l\'entrelacement
forme, en courant de la peau à l\'épiderme, un ré-
seau qui ressemble à une toile d\'araignée, dont il
a même donné la figure dans son ouvrage (2), et
que j\'ai souvent mis sous ies yeux de mes élèves.
(1) Med. obs. and Eng., torn. II, pag. 48.
(2) Ibid., I, fig. 1, pag. 52.
-ocr page 476-Jugez maintenant si cette peau blanche des Nè-
gres est une preuve de sang noir, de soufre ou de
graisse havie qui circule dans leurs veines? Vous
voyez que la surpeau peut être partagé en deux
membranes et même en plus, et que îa membrane
qui couvre immédiatement la peau est noire et fort
diaphane; mais de manière cependant qu\'elle a
une teinte plus ou moins foncée de cette même
couleur noire.
Considérez ce morceau de peau que j\'ai enlevé
à Amsterdam du bras d\'un matelot italien. Vous
voyez que le feu y a imprimé en bleu le nom et îa
tête de mort dans la vraie peau et non dans la cu-
ticula ou épiderme. Vous appercevez ici distincte-
ment la membrane brune , qui ne dilfère en rien
de la membrane noire du Nègre ; et puis cette mem-
brane extérieure tout-à-fait détacîiée, qui est trans-
parente et à peine colorée.
Voici maintenant un morceau de peau du sein
d\'une femme fort blanche. Vous y voyez au-dessus
de la vraie peau blanche une membrane d\'un brun
obscur, et par-dessus encore, mais isolée, une
membrane transparente. Ne reconnoît-on pas par-
là que nous avons, aussi bien que les Nègres et que
l\'Italien basané, une membrane colorée, qui se
trouve placée au-dessous de l\'épiderme, immédia-
tement sur la peau comme chez les Nègres?
Quand cette seconde membrane n\'est pas colo-
-ocr page 477-rée , rhomme est alors d\'une grande blancheur ;
c\'est-à-dire, que c\'est un Nègre blanc, ou plutôt
c\'est un homme en tout semblable aux Nègres, à
l\'exception que cette membrane inteirnédiaire est
d\'un brun moins obscur.
Cette peau noire ou seconde membrane, quand
elle a été offensée, ne reprend plusla couleur noire
qu\'elle avoit primordialement; mais demeure blan-
che, ainsi que je vais vous le prouver par un mor-
ceau de peau de l\'os de la jambe. Il en est de mê-
me chez nous: nos cicatrices demeurent blanches,
comme on le voit principalement par les marques
de la petite-vérole.
On remarque la même chose ( qu\'on me par-
donne la comparaison ) chez les animaux à robe
noire. Lorsque, par exemple, un cheval noir perd,
par quelque accident, son poil, il est constamment
remplacé, dans cet endroit, par un poil blanc.
Le peu de matière déliée qui donne cette cou-
leur noire à notre épiderme et à nos cheveux, sem-
ble se séparer de notre sang pendant la pi\'emière
jeunesse; voilà ce qui fait que nous grisonnons et
que nos cheveux acquierrent cette blancheur ai-
gentée qui fait le plus bel ornement de la vieil-
lesse.
Ce n\'est pas le soleil seul qui occasionne la cou-
leur noire de notre peau , quoiqu\'il y contribue
sans doute le plus. Les parties de la génération ,
que la pudeur nous oblige de cacher , sont assez
brunes chez la plupart des hommes.
Chez la plupart des femmes, le bas-ventre el les
auréoles des seins deviennent noirs toutes les fois
qu\'elles se trouvent enceintes (1).
Lorsque Fhomme tombe en chartre et dépérit,
sa peau devient assez noire pour qu\'on en ait fait
un proverbe : « Etre noir de maigreur. )> Et vérita-
blement cela arrive souvent; comme on voit, d\'un
autre côté , que notre peau blanchit lorsqu\'elle se
trouve tendue et lisse par la graisse.
Il me suffit d\'avoir prouvé par des observations
anatomiques sur notre corps, et particulièrement
sur notre peau , qu\'il n\'y a point de raison qui
puisse faire croire que la race des Nègres, ne des-
cend pas, aussi bien que la nôtre, d\'Adam, le père
commun de tous les hommes.
Qu\'Adam ait été créé brun, basané, noir ou
blanc, il faudra toujours admettre que ses descen-
dans , du moment cju\'ils se sont dispersés sur la
surface de la terre, ont dit voir nécessairement al-
térer leurs traits et leurteint suivant le climat qu\'ils
étoient allé habiter, les alimens dont ils se nourris-
(1 ) J"ai (lisséqué à Groningen le corps d\'une jeune femme morte
en couche dont le ventre et les auréoles des «seins étoient d\'un noir
d\'ébène. Le visage , les mains et les jambes étoient d\'un blanc de
neige. Voyez d\'autres pareils exemples dans Le Cat.
soient et les maladies dont ils se trouvoient atta-
qués. Des causes accidentelles doivent y avoir con-
tribué aussi par héritage, comme on le voit en-
core journellement. Le mélange de deux races fort
disparates entr\'elles en a nécessairement produit
une nouvelle , laquelle tenoit quelque chose de
Tune et de l\'autre, et dont le caractère n\'a pu s\'al-
térer qu\'au bout d\'un certain nombre de siècles.
Rappelez-vous aussi ce que nous dit l\'histoire
ancienne de ces peuples du Nord , qui inondè-
rent toute l\'Europe et pénétrèrent jusqu\'au fond du
Midi; de ces Asiatiques qui se répandirent dans le
Nord ; de ces Maures, de ces Africains qui se ren-
dirent maîtres d\'une partie de l\'Europe; de ma-
nière qu\'on en trouve encore de nos jours des tra-
ces remarquables en Espagne et en Portugal. Con-
sidérez, d\'un autre côté, que nous parcourons
nous-mêriiesactuellement, et peuplons d\'hommes
blancs, les côtes les plus éloignées de l\'Asie, de
l\'Afrique et de l\'Amérique. Quel mélange de ra-
ces ne doit-il pas résulter de ces émigrations? Et
quelle variété indiscernable de traits et de couleurs
ne devons nous pas rencontrer dans notre patrie,
où l\'on trouve à peine une famille dont le carac-
tère primitif n\'ait pas été altéré plus ou moins par
des mariages avec différens peuples étaingers.
Ceux qui voudront approfondir cette matière ,
et se rappeler ce que j\'ai dit au sujet de la peau
d\'un Nègre que je vous ai fait voir, peuvent con-
sulter l\'admirable ouvrage du grand Albinus, sur
la cause et le siège de la couleur des Nègres et des
autres hommes.
Qu\'on lise aussi ce que Littre , membre de l\'A-
cadémie royale des sciences de Paris, a consigné
dans les mémoires de cette société en 1702 , la
Vénus Physique de Maupertuis , que j\'ai citée
plus haut, mais surtout V Histoire naturellede
l\'homme de l\'immortel Buffon.
Joignez-y les observations du pénétrant Le Cat,
et vous ne ferez plus difficulté de tendre, avec
moi, une main fraternelle aux Nègres , et de les
reconnoitre pour les véritables descendans du pre-
mier homme, que nous regardons tous comme
notre père commun.
DU COMTE DE BUFFON
E T
DD CHEVALIER LINN^US.
-ocr page 482- -ocr page 483-Il y avoit long-tems que îa planche 56 du trei-
zième volume de VHistoire naturelle du comte
de BufFon , avoit fait une profonde impression sur
mon esprit, et m\'avoit porté à douter que la con-
formité que, non-seulement ce grand naturahste,
mais aussi M, Daubenton, prétendent exister en-
tre le Dugon et la première espèce de Morse (i)
de Linnaeus, fut bien fondée.
Je connoissois déjà parfaitem.ent le morse, parce
que je possédois, depuis plusieurs années, deux
têtes de cet animal, et que j\'en avois vu plusieurs ,
même un vivant à Amsterdam. Le morse est véri-
tablement un quadrupède, et appartient, pour ce
qui regarde la forme de son corps, à la famille des
phoques. J\'ignore donc pourquoi Linnaeus a cru
devoir faire une distinction entre ces animaux.
(i) Triahecus, XIL edit., pag.
-ocr page 484-Mais comme je ne venx parler ici qne du dugon
ou du doujoung seul, je vais passer sur-le-champ
à la comparaison de cet animal avec le morse.
Malgré ce que Linnaeus puisse dire, le morse
( trichecus^ a certainement quatre dents incisives
dans les os intermaxillaires (i), avec quatre mo-
laires dans la mâchoire supérieure, et cinq, mais
quelquefois quatre seulement aussi da ns la mâchoire
inférieure, qui toutes, comme elles se ressemblent
beaucoup, ont été, faute de connoissance, appelées
molaires.
C\'est M. Goetze, conseiller privé du prince de
Saxe-Weimar, qui le premier m\'a mis à portée de
connoître les os intermaxillaires, et les dents inci-
sives du morse, en m\'envoyant une excellente dis-
sertation avec de beaux dessins de ces os de diffé-
rens animaux.
Les défenses ou dents canines du morse ^ sont
certainement fort longues, et se trouvent réelle-
ment insérées dans la mâchoire supérieure; tan-
dis que les deux dents du dugon , qui ont une pa-
reille forme, sont implantées dans les os inter-
maxillaires. D\'ailleurs, le dugon n\'a de dents in-
y O
cisives ni par en haut ni par en bas, et seulement
trois ou quatre molaires de chaque côté dans l\'une
et dans l\'autre mâchoire.
(i) Voyez la Dissertation sur VOrang-Outang, ch. VII, parag.
3 , pag. 125 du tome I.
La forme singulière de la tête, la situation des
défenses, ainsi que de la mâchoire inférieure chez
Buffon (i), me parurent si étonnantes et si diffé-
rentes de ce qu\'elles sont dans le morse (2}, qu\'il
me fut impossible de croire que ces têtes pussent
appartenir à des animaux de cette espèce. Pen-
nant (5) ne me donna pas plus de lumière sur ce
sujet ; ce célèbre naturaliste anglois n\'ayant fait
que copier littérallement Buffon.
Artedi, a mis le morse à la place du laman-
tin (4). Peut-être est-ce la sirène (5). Dans le cin-
quième volume, il a de nouveau confondu ces ani-
maux (6;. Ce que Brisson en dit (7), ne signifie de
même pas grand\'chose. 11 a copié simplement d\'au-^
très écrivains, et particulièrement Steller, que je
citerai plus bas. Th. Klein s\'est pareillement trouvé
dans l\'impuissance de sortir de cette confusion
comme on peut s\'en convaincre par sa disserta-
tion (8); et le célèbre Zimmermann ne nous four-
pisciam, pag, 79
(2)Pl. 55, %. 1 et 2.
(5) Pag. 517.
(4) Dflus ]e troisième volume de Genera
gen. 71.
(5) Ibid., pag. 81.
<6) Ibid., pag. i 09
(7) Regn. anim. ,pag. 164.
(8) De Lapide Manati, parag. 43, pag. 33.
-ocr page 486-482 » u o it g o n.
ait également aucun secours , parce qu\'il a tout
pris chez d\'autres, qui n\'avoient eux-mêmes au-
cune connoissance certaine sur cette matière.
11 y a quelques jours que je reçus inopinément
d\'un de mes plus assidus et plus reconnoissans au-
diteurs, M. J. Vanderstege , non-seulement la tê-
te, maisde dessin entier d\'un poisson dontlui-
mêine ,ni lesautres habitans de Batavia, n\'avoient
pas la moindre connoissance, et dans lequel je
crus reconnoitre sur-le-champ le dugon. En com-
parant lafigure queBulFon a donnée de la tête de cet
animal avec celle que je venois de i-eCèvoir, je trou^
rai qu\'elle étoit parfaitement bien rendue. Je par-
courus sur-le-champ l\'ouvrage , d\'ailleurs fort
mauvais de Renard,publié chez Ottens, en 1764,
par ordré des précédens gouverneurs des grandes
indes, MM. Van-Gudshoorn, Van-Hoorn, Van-
Riedbeek et Van-Zwol, et j\'y trouvai (1) la repré-
sentation du mêm« jioissOn, quoique plus réduite
en petit, mais qui en rend néanmoins les princi-
pau,x caractères distinctifs ; au bas de cette figure on
voitlenom de doujoung et celui àe vache-marine.
Comme il me semble nécessaire qu\'on ait sous les
yeux les figures que MM. Vandersteege et Renard
ont données de ce poisson, je les joins ici sous les
figures 2, 3 et 4 de la planche VIL
(2)Pag,34, pl-n®-iSo»
-ocr page 487-On voit clairement par ces figures, que c\'est un
poisson qui respire par les poumons, avec une peau
liSse, c\'est-à-dire, sans poil, sans pattes de derrière ;
mais qu\'il est muni de deux bras ou nageoires pec-
torales. Les mamelles, qui n\'ont qu\'un seul ma-
melon , sont placées à la,poitrine et non au ventre
comme chez tous les phoques et morses. Enfin, la
gueule est garnie tout au tour de beaucoup de
poils.
Gesner, en parlant des sirènes (i), dit qu\'il y
en a qui portent leurs petits dans leurs bras, et qui
les nourrissent avec leurs seins, lesquels sont fort
grands et placés à leur poitrine. L\'auteur du Bic-
tionnaire raisomié des animaux , cite, d\'après
Merolia, un poisson sous la dénomination de
renico, qui, par ses seins, ses bras et ses mains
devoit ressembler à la femme; — que cependant
le corps se terminoit en une queue plate avec une
pointe de chaque\'côté; — qu\'il avoit une grande
gueule elfroyable; de gros yeux ronds; — les
Portugais le nomment ? Piexe Molhar (2); et,
suivant Rhedi, les Espagnols l\'appellent P^sce
Donna, etc. Quelques fables qu\'on ait imaginées,
à ce sujet, elles offrent cependant toutes un certain
fond de vérité.
(1) Z)e JCfuatilibiis, lib. IV; pag. 879.
(2) Tom. pag. 31 g.
-ocr page 488-. DoiVi^V Histoire générale des voyages Aç, l\'abbé
Prévost, où Fauteur donne la description des îles
Philippines, ce poisson est cité sous les noms de
Doujon et de Pesce niuger. Il J est dit que ses par-
ties sexuelles et ses seins garnis de mamelons ressem-
blent à ceux de la femme. Dans le même ouvrage,
il est parlé des Manati, sous les noms de vache-
marine et de lamantin, comme ayant des seins aux
nageoires. Il paroît singulierque, dansun autre en-
droit , on ait pris dans Renard le dessin de ce pois-
son sans y changer la moindre chose, et qu\'on lui
ait donné le nom de Blaauw-baard-mannetje.
Quoiqu\'il en soit, il paroît par toutes ces descrip-
tions qu\'il y a long-tems qu\'on a connu sous le
nom de Doujong, un certain poisson qui respire
par les poumons, avec des seins placés sur le de-
vant du thorax, c\'est-à-dire, près des nageoires,
avec une barbe, et qui ressemble parfaitement à
notre dugon. Mais ce poisson qui est fort rare,
mérite d\'autant plus d\'être mieux connu, que les
plus grands naturalistes de ce siècle , tels qu\'Ar-
tedi, Klein, Linnaeus, Buffon, Pennant, Brisson
et d\'autres nous ont, par leurs descriptions, mis
dans une parfaite incertitude à son sujet.
D U
Par ce que Buffon dit dulamanlin(i), et qui se
trouve confirmé par le.ténipignage de plusieurs
marins et autres personnes, il semble que ce pois-
son, ou plutôt cet animal mammifère nageant
(pour ne pas heurter de front les nouvelles no-
menclatures ), a, comme le dugon, les seins pla-
cés à la poitrine ou sous les bras. Cependant, par
la comparaison du crâne, que j\'ai faite , il paroît
évidemment que ce sont des animaux fort diffé-
rens, qui n\'ont aucun rapport avec le phoque,
comme le pensoit Clusius, ni même avec le
morse.
M. Vandersteege, dans ce tems fort occupé à
soigner le grand nombre de malades qu\'ilyavoità
Batavia , ne put me donner que peu de renseigne-
mens sur ce poisson, en m\'envoyant les dessins qui
le représentent vu du côté du dos, figure 2 de la
planche VII; et du côté du ventre, figure 5 de la
planche VII. Cependant ces dessins quoiqu\'ils n\'in-
diquent que les simples contours, et cela même
d\'une manière assez informe, nous font suffisam-
ment connoître la figure de cet animal. A, dit-il,
est la lèvre supérieure garnie de poils. B, morceau
carré de chair fort dure, saillant de là gueule,
qu\'on n\'a pu conserver; et qui dans l\'endroit où il
est tombé par îa putréfaction, laisse appercevoir
les deux défenses (Buffon, iôicL HH). C, de beaux
yeux bleus pareils à ceux de l\'homme, avec une
grosse prunelle ronde, qui se ferment par des
paupières, DD, de gros seins, avec leurs mame-
Ions, situés sur le thorax, sous chaque nageoire.
Les oi-eilles ou conduits auditifs , qui se trou
voient contractés à peu-près comme le fondement
d\'un jeune enfant, n\'ont pas été indiqués par la
négligence du dessinateur.
Les narines sont représentées trop grandes et
trop distantes l\'une de l\'autre, dans la figure
planche VII. Le dessinateur paroît avoir eu l\'in-
tention d\'en faire une espèce de tête de veau. Du
moment que l\'animal avoit respiré, ces narines se
fermoient comme par des valvules.
En comparant ces dessins avec la fig. 4, plan-
che VII, que j\'ai fait copier exactement d\'après la
gravure citée plus haut de Renard, on s\'apperce-
vra facilement que a , h , c et d, se rapportent
exactement avec les lettres indicatives de la fig. 5,
et que l\'oreille e, est certainement placée trop en
arrière; car elle doit à peine s\'être trouvée de la
moitié de c^ ^, en arrière en ƒ
Je suis fâché néanmoins qu\'on n\'ait fait aucune
observation, ni sur les parties de la génération, ni
sur l\'anus, ni sur la véritable longueur de l\'a-
nimal.
J\'ai déjà dit que cette tête est parfaitement bien
figurée dans le treizième volume de VHisîoire
naturelle de Buifon. J\'ajouterai ici que la descrip-
tion qu\'en a faite Daubenton est également si
exacte et si parfaite, qu\'il seroit in,utile de vouloir
ajouter la moindre chose à l\'une ou à l\'autre.
Comme les dimensions seules manquent, je vais
les donuer d\'après la tête de dugon que je possède,
en employant les initiales dont Buffon s\'est servi
pour la gravure qu\'il en a donnée. Figure i.F.E.
= M.£. i4 pouces; F. K. 8 pouces ; A. D. =:D.E.
== 7 pouces; M.P. = 8pouces;Q.N. 5 pouces;
O.N. 6 pouces; P.Q. 4 pouces; le tout mesure
rhinlandique. La partie postérieure de la tête, qui
manque chez Buffon, est d\'un pouce et demi : ainsi
la longueur totale de la tête est de pouces; et
tout sa hauteur A. 0. de 8 pouces.
Voyez maintenant la figure o. La largeur d\'un
des bords de l\'orbite des yeux jusqu\'à l\'autre est
de 8 pouces ; O. O. 7 pouces ; P. P. 5 pouces ; Q. Q.
pouces; N \\\\ pouce.
La mâchoire supérieure contient de chaque côté
trois dents molaires, lesquelles deviennent plus lar-
ges à mesure qu\'elles sont placées plus avant dans
la gueule. Celle qui est le plus au fond de la gueule
a I de pouce; la plus antérieure seulement | pou-
ce; celle du milieu est d\'une grandeur moyenne
entre les deux autres. La mâchoire inférieure en
contient également trois de la même grandeur que
celle d\'en haut. T. T. ~ pouces. Il faut que la
gorge soit fort étroite et la langue bien petite, vu
que la distance intérieure des molaires n\'est que
d\'un pouce et |. îl en est de même de Fos hyoïde^
lequel a une assez grande base écbanerée, arec
deux petites cornes de la longueur d\'un pouce, et
point d\'oiS sésamoïdes ; mais des apophyses styli-
formes larges, fortes et longues de 5| pouces. Les
osselets de l\'oreille sont fort grands etpesansjles os
pétreux fort petits 5 de sorte qu\'il est probable que
ce poisson n\'a pas de canaux semi-circulaires.
On voit cependant que les os connus sous les
noms de lapis manati et tiburonisj sont réelle-
ment les limaçons des oreilles, tel que je les ai
décritset représentés (1), et comme l\'a pensé aussi
M. Hans Sloane. Th. Klein (fa) les regarde, à tort,
comme de véritables os pétreux. Dumoins ne les
trouve-t-on pas dans les têtes du dugon et\' du la-
mantin , que j\'ai vu l\'un et l\'autre.
Les bords extérieurs des apophyses de l\'occiput
sont de pouces;— ceux de l\'intérieur de i|
pouce. L\'ouverture du derrière de la tête est donc
de la même largeur, mais elle a pouces de hau-
teur.
Les os palatins et les hamuli ou crochets de
l\'os sphénoïdai, autour desquels s\'enveloppent les
muscles circonflexes palatins sont à i| pouces de
distance les uns des autres ; ce qui prouve que le
(0 Mémoires de la Société de Harlem , tom. XYII, seconde
partie.
(a) De Lapis Manat., parag. 46, pag. 36»
-ocr page 493-1) u B u G o N. 489
pharinx de cet animal doit aussi être peu large.
Si donc la tête forme la cinquième partie de la
longueur du poisson, il faut qu\'il ait été = iô|
ou 16. X. 5 = 6 pieds 8 pouces et peut-être 7 pieds
de long.
Quelque défectueuse que soit cette description,
elle nous apprend du moins que le dugon n\'a rien
de commun arec le morse; mais que c\'est un pois-
son qu\'on pourroit regarder comme ne formant
qu\'un genre avec le lamantin, quand même sa tête
auroit plus d\'analogie avec celle du morse. Au ca-
binet d\'histoire naturelle du stadhouder à la Haye
on voit le crâne avec la mâchoire inférieure d\'un
lamantin où se trouvent les quatre incisives, (deux
en haut et deux en bas ) ainsi que les quatre ca-
nines, semblables à celles que j\'ai vues à une peau
empaillée, en fort mauvais état, au Muséum Bri-
tannique à Londres. J\'ai trouvé au même muséum
le crâne d\'un pareil animal, dont j\'ai fait un des-
sin fort exact.
Aucun de ces animaux, tels que le morse, le
phoque, le lamantin et autres de cette espèce qui
habitent la mer, n\'a de conduits lacrymaux.
L\'excellente description que M. G, W, Steller (1)
a donnée du lamantin que les Hollandois appellent
veau-marin {zee-half) , les Anglois vache-ma-
(j) A^oc. Comm. Acad. Scient, Peir,, 1749 , tom. Il, pag. a8g.
-ocr page 494-rine ( sea-cow ) et que tous les auteurs qui ont
écrit après lui ont cité, s\'accorde parfaitement, en
plusieurs points, avec le poisson dont il est question
ici. Mais comme il a vingt-quatre pieds dèlong, je
n\'ose assurer que ce soit le même animal. D\'ail-
leurs, les dents ne sont pas les mêmes. Steller veut
que le lamantin n\'ait point de dents et lui donne
deux gros os blancs, dont un dans la mâchoire su-
périeure et l\'autre dans l\'inférieure, qui sont re-
présentés dans la planche XIV et qui ne se trou-
vent pas du tout dans notre dugon. Cependant ce
lamantin avoit deux seins d\'un piedetdemi de dia-
mètre avec un mamelon , lequel a quatre pou-
ces de long chez les femelles quand elles allaitent,
mais qui n\'est pas plus grand qu^une verrue chez
celles qui n\'ont pas encore mis bas (i).
La tête avoit vingt-sept pouces de long sur treize
et demi de large : l\'animal entier, qui portoit 296
pouces de longueur, différoit par conséquent du
dugon par un dixième de sa longueur; et d\'après
cette proportion le dugon devroit avoir i4 pieds de
long au lieu de 7 qu\'il a seulement.
Steller (2) dont la description exacte mérite une
attention particulière, ne donne à cet animal que
six vertèbres cervicales; tandis que j\'en ai cons-
(i) Pag. 507.
(a) Pag. 39.
tamment trouvé sept dans plusieurs «larsouins,
dans le springval, ainsi que dans la baleine franche;
mais de manière cependant que les deux supérieu-
res étoient toujours réunies, même dans les jeunes
sujets, et paroissoient n\'en former qu\'une seule; de
sorte qu\'on auroit dit, en effet, qu\'il n\'y en avoit
que six.
Cependant j\'ai trouvé au Muséum Britannique
à Londres et au théâtre Ashmoléen à Oxford de
fort grands atlas ou premières vertèbres cervicales
d\'animaux marins qui nous sont encore entière-
ment inconnus à ce qu\'il paroît.
Steller(i) dorme la description des deux os pu-
bis, que j\'ai trouvé les mêmes dans plusieurs pho-
ques, morses et cachalots , et que M. de la Motte,
qui les a fort bien décrits dans Th. Klein (2), a re-
gardé également comme des os pubis.
11 est véritablement dommage que Sleller ne nous
ait pas donné le dessin du squelette du lamantin.
(1)Pag. 320.
(2) Anat. Phoc., parag. 32, pag. a6.
-ocr page 496-En faisant mes recherches sur le dugon, que j\'ai
trouvé constamment comparé à la sirène , l\'idée
me vint de joindre ici la description anatomique
de la soi-disante sirène, ou de l\'amphibie bipède
dont parle M. Ellis (i).
On a formé différentes conjectures sur cet ani-
mal, qui toutes aboutissent à faire croire, comme
Linnaeus l\'a soutenu (2) également, que c\'est le larve
d\'un lézard. Ce naturaliste a donné une dissertation
sur ce sujet en particulier (5) , où il prétend qu\'il
doit être placé dans le troisième ordre des Mean-
tes, qui tout à-la-fois ont des branchies et des
poumons, et deux pattes; qu\'on peut l\'appeler
(\\) Philos. Transact., voî.LVI, parag. 22, pag. 189, pl. n.
(2; Pag. 191.
{,o)Amcen. Acad., tom, VII, n*?. 14a, pag. Su.
-ocr page 497-DE LA SIRÈNE. 49$
L Siren. Branchiœ extra corpus. Corpus eau-
datum, pedes unguiculati, et que par conséquent
ce seroit une sirena lacertina.
Me trouvant à Londres au mois d\'octobre der-
nier, je priai M. Gray de me laisser disséquer une
des deux sirènes qu\'on conserve au Muséum. Je
trouvai que c\'étoit un véritable poisson qui a les
branchies fixes comme les anguilles , etc. ; mais
ayant trois ouvertures {spiracula). Les membra-
nes intermédiaires étoient garnies d\'assez longues
franges, que Linnseus a pris malheureusement
pour des branchies à l\'extérieur du corps ; étant
toujours occupé de la fausse idée que ce sont des
larves , quif, comme les têtards des grenouilles ,
sont soumis à une semblable métamorphose avant
que d\'être lézards. Les deux nageoires antérieures
avoient plus ou moins la forme de pattes , mais
sans doigts isolés. Ils avoient de véritables bran-
chies et même quatre , autant que je me le rap-
pelle ; car j\'ai égaré par malheur mes observations
à ce sujet. Je n\'ai découvert aucune trace de pou-
mons , mais seulement le cœur. Les intestins étoient
longs, spacieux; mais si dénaturés par l\'esprit de
vin dans lequel l\'animal avoit été long-tems con-
servé, qu\'il me fut impossible de les disséquer avec
succès.
Je ne trouvai dans ce poisson qu\'une matière
décomposée filamenteuse, avec beaucoup d\'écail-
les, priocipalemenl celles du ventre des serpens,
dont vraisemblablement cet animal fait sa nour-
riture.
Selon moi, ces sirènes doivent être rangées par-
mi les poissons bi\'anchiostèges avec trois ouvertu-
res , et dans le genre des murènes, qui se tiennent
dans ia vase, comme nos anguilles, pour y cher-
cher les serpens, etc., dont ils se nourrissent.
Si Fon s\'étoit occupé à examiner la génération
des lézards, on auroit trouvé qu\'ils sortent parfai-
tement formés de leurs oeufs , et qu\'ils ne sont
pas soumis à une métamorphose , comme les
grenouilles. Il paroît que M. Ellis a été induit en
erreur par la forme de ces animaux , particuliè-
rement des grands lézards qu\'on trouve en Amé-
rique; et Linnaeus, qui n\'aimoit point les observa-
tions anatomiques, a adopté cette opinion.
Si Fon considère les figures qu\'on nous a don-
nées de la sii\'ène, et dont une des plus ridicules
est celle de Renard (i), qu\'il a prise dans Valen-
tyn, suivant le témoignage de M. Vosmaer (2) ; si
l\'on considère , dis-je , ces figures , on peut con-
clure avec assez de probabilité , d\'après les pro-
priétés des corps solides, qui se meuvent dans un
fluide, qu\'il est impossible que des corps d\'une
(OPI-57.
(2) Préface, pag. 5.
-ocr page 499-DE LA SIUÈNE. 495
certaine longueur s\'élèvent avec leur partie anté-
rieure à angle droit hors de l\'eau. Voilà pourquoi
tous les poissons portent la tête , le corps et la
queue sur une ligne droite.
Les morses et les phoques, quoique ce soient de
véritables quadrupèdes , ont le cou fort court et
de courtes pattes, surtout celles de devant; de
sorte qu\'en nageant toutes les parties de leur
corps se meuvent sur une ligne droite.
Je suis charmé d\'avoir eu cette occasion de faire
connoître à mes compatriotes deux animaux, c\'est-
à-dire deux poissons, qu\'aucun naturaliste n\'avoit
encore jusqu\'à présent convenablement décrits.
Klein-Lankum, le 11 juin 1786.
FIN DU SECOND VOLUME.
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-ocr page 501-CONTENUES
I)\'UN ÉLÉPHANT MALE.
Epitre dédicatoire à S, S. Guillaume V,
prince d\'Orange et de Nassau, page 7
Avant-propos, ii
chapitre i.
De la forme extérieure de l\'éléphant, |
21 |
S. I. |
ibid. |
II. Des yeux et des oreilles , |
37 |
III. De la trompe , | |
IV. De la forme des extrémités , |
46 |
V. Des mamelles, |
5i |
VI. Des parties de la génération, |
53 |
11. 32 |
CHAPITRE II.
Du caractère des différentes espèces d\'élé-
phans ^ 62
CHAPITRE IIL
Du sol natal des éléphans,
De la structure des parties internes, et de la gé-
nération, 107
II. Des intestins dans leur situation naturelle, 115
m. Du foie, de la hile et de la rate, 120
IV. De la structure des reins et de la vessie, 127
V. De la cavité du thorax^ des organes de la circu-
lation du sang, et du diaphragme , i5o
CHAPITRE V.
Des différentes parties de la téte ,
i55
§. I. Des trous des tempes, des yeux et des oreilles ,
II. De la structure de la trompe,
II/. De ia structure de la langue et du larynx, 143
lY. De la structure du cerveau,
B9
chapitre vi.
I, Des défenses p iSa
II . Du nombre et de la structure des molaires, 163
chapitre vii.
chapitre viii.
§, I. Des vertèbres du cou, 181
II. Des vertèbres du thorax, i85
m. Des vertèbres des lomhes et du pelvis , 186
CHAPITREIX.
Des extrémités antérieures, 189
chapitre x.
Des extrémités postérieures, 19^
Explication des planches,
-ocr page 504-RÉPONSE A LA QUESTION PROPOSÉE
PAR LA SOCIÉTÉ BATAVE.
Avis du traducteur, 285
Jugement que la Société Batave a porté, par
son programme du \\x août 17.83, sur un écrit
intitulé : « Réponse à la question proposée
par la Société Batave : Exposer les raisons
physiques pourquoi Vhomme est sujet à plus
de maladies que les autres animaux , etc. ? »
287
Epitre dédicatoire de Vauteur à la Société Ba^
tave, 291
ha question exposée , ibid.
1°. Les pauvres, ibid.
5°. Les artistes et les savans, 321
4°. Les ecclésiastiques, ibid.
Des différentes espèces de nourriture et des di-
vers climats, ibid.
Suites des excès auxquels Vhomme se livre, 322
Du perfectionnement de la médecine , 323
chapitre l
Des maladies qui sont communes aux hommes
et aux animaux, 52^
chapitre il
Des maladies de lu première classe de la so-
ciété, ou des pauvres ^ 36çj
CHAPITRE IIL
Des maladies des riches, . 384
CHAPITRE IV.
Des maladies des artistes et des gens de lettres,
4oi
chapitre v.
Des maladies des ecclésiastiques, 4o6
chapitre vi.
Des suites de la débauche ^ 410
chapitre vil
-ocr page 506-CHAPITRE VIII.
Du, perfectionnement de la médecine _
435
479
493
DE L\'ORIGINE ET DE LA COULEUR DES NÈGRES, 440
DU DUGON PU COMTE DE BUFFON, ET DE LA
SIRENA LACERTINA DU CHEV. LINN^US.
Du dugon y
De la sirène de M. Ellis j,
FIN DB LA TABLE.
-ocr page 507-Page 22 ligne 18 conformés, lisez conformé.
59 denr. portionné,V/jes proportionné.
183 4 longues, lisez de ses longues.
249 antip. le os , lisez les os.
265 34 iléon, lisez ilion.
289 19 omme,/zjez comme.
471 6 comparé,//j« comparée.
473 4 partagé , lisez partagée.
m
i
ma